Philippe Ridet (Rome, correspondant) La silhouette reste élancée, mince, sèche. L’habit noir comme il se doit. Le cheveu légèrement teint. Phil Manzanera, 64 ans, né Philip Geoffrey Targett-Adams à Londres, il y a 64 ans, a été pendant dix ans le guitariste du groupe de art rock (ou glamrock pour certains), Roxy Music, fondé par Brian Ferry et Brian Eno. Anglais par son père, colombien par sa mère, il n’en finit pas d’explorer le métissage de ses origines et de sa musique. Ayant vécu à Cuba, à Hawaï, au Venezuela, il sait faire jongler salsa, rock’n’roll et meringue.Comme si cela ne suffisait pas, il a appris récement qu’un de ses grands-pères, musicien à Londres au début du siècle dernier, était originaire de Naples. Une influence de plus. Qu’il va pouvoir développer à sa guise en devenant Maestro Concertatore, autrement dit directeur musical du 18e festival La nuit de la tarentelle, du 4 au 22 août, dans les Pouilles. Un événement dont le concert final, à Melpignano (2 000 habitants) attire chaque année 150 000 personnes ferventes, entre bougeotte et transe. La tarentelle est une danse censée imiter et/ou conjurer les effets de la morsure d’une tarentule.Orchestre de 90 musiciens« Je n’en avais jamais entendu parler, avoue le guitariste, de passage à Rome, vendredi 27 mars pour rencontrer la presse. J’ai commencé à écouter la pizzica [la musique très rythmée qui accompagne les danseurs]. Je suis tombé sous le charme. J’ai tout de suite donné mon accord aux organisateurs. » « Et puis, ajoute celui qui a produit aussi bien Steve Winwood, John Cale ou le Pink Floyd tardif, comment résister à l’honneur d’être appelé  Maestro ? » Un honneur qu’ont connu avant lui Stewart Copeland, le batteur de Police, le compositeur Goran Bregovic ou le pianiste Ludovico Einaudi.Le guitariste va devoir faire travailler l’orchestre de 90 musiciens à raison de quatre jours par mois jusqu’à l’ouverture du festival. Il dit vouloir, à cette occasion, lancer un pont entre la Pizzica, dont les origines se confondent avec celles de la Grèce antique, et les musiques d’Amérique latine qu’il connaît bien. « Mêler les cultures aide à savoir d’où l’on vient  ».Identité ouverteLe métissage est justement le credo de cette manifestation devenue une des plus populaires d’Europe, comme l’a rappelé le président du conseil régional des Pouilles, le charismatique et atypique Nichi Vendola (communiste, catholique, militant homosexuel et discoureur logorrhéique) qui achève son deuxième et dernier mandat. « Nous avons choisi notre programme comme un miroir. La tarentelle est la revendication d’une identité ouverte, curieuse. Une fête des différences. Le Maestro doit en tenir compte. »Mais tiendra-t-il la guitare, au moins au cours du concert final ? « J’espère bien, répond Phil Manzanera, je ne vois pas comment on pourrait m’en empêcher ». Après tout, il est le nouveau Maestro Concertatore !Philippe Ridet (Rome, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Nils C. Ahl Prix Nobel de littérature 2011, le poète suédois Tomas Tranströmer est mort le 26 mars, a annoncé sa maison d’édition suédoise, Bonnier. Il avait 83 ans et était diminué depuis un accident vasculaire cérébral qui, en 1990, l’avait laissé aphasique. C’est ainsi son épouse qui avait prononcé le discours de réception de son prix Nobel. Mais cette incapacité n’empêchait pas sa voix de porter loin. « A travers ses images condensées, translucides, il nous donne un accès neuf à la réalité », avait expliqué le comité Nobel pour expliquer son choix.Né en 1931 à Stockholm, Tomas Tranströmer a raconté sa jeunesse, sa passion pour l’entomologie et ses résultats scolaires plutôt moyens dans Les souvenirs m’observent (Le Castor astral, 2004). A l’âge de 15 ans, il découvre la littérature et la poésie, écrit des textes modernistes, est fasciné par les poètes classiques, notamment latins. Rapidement, sa voix et sa langue s’affinent, se précisent. Il n’a que 23 ans lorsque paraît son premier recueil, 17 poèmes, en 1954. Il n’est encore alors qu’un étudiant de l’université de Stockholm, dont il sortira diplômé de psychologie, deux ans plus tard.Vertige de l’évidenceSes textes brillent par leur sobriété, la délicatesse de leurs perceptions et de leurs impressions intimes, leur richesse métaphorique. Le premier vers du poème inaugural de 17 poèmes est saisissant à cet égard, déjà cohérent avec toute l’œuvre à venir : « L’éveil est un saut en parachute hors du rêve. » Il est immédiatement remarqué. Le vertige de l’évidence, la densité complexe d’une énonciation a priori banale, l’originalité de l’image : tout est déjà là.Dans sa postface aux Œuvres complètes (1954-1996) publiées par Le Castor astral en 1996, le poète Renaud Ego dit très bien cette fausse simplicité, presque narrative, de Tomas Tranströmer : il fait l’expérience du « caractère instable de la matière, cet état dont la physique moderne nous a appris qu’il était l’essence ». Apparemment, le poème constate le réel, s’inscrit dans un mouvement énumératif qui dénote et qui recense. Pas à pas, mot à mot, ce qu’il est donné de voir, au poète comme au lecteur. En vérité, le procédé révèle en quelques lignes ce qui nous échappe, les blancs et les failles de l’observation, les profondeurs sous la surface.Un homme de tous les tempsPoète de notre temps, qui prend le train et le métro, dort parfois dans des chambres d’hôtel, regarde par la fenêtre, visite des églises, écoute de la musique, contemple la nature et voyage beaucoup, l’écrivain suédois est cependant un homme de tous les temps, du permanent dans ce qu’il a de changeant et de mouvant. Un voyant à l’articulation du temps qui passe et de celui qui demeure. Du moment, de l’histoire et de la mythologie à la fois.Exemple parmi des dizaines, cet « Oiseaux du matin » (Accords et traces, 1966), qui commence presque mine de rien – « Je réveille la voiture/au pare-brise saupoudré de farine » – avant de changer de cap, à mi-chemin, mais sur le même ton : « Par une porte dérobée dans le paysage/la pie arrive/noire et blanche. Oiseau de Hel. »L’ordinaire devient extraordinaire dans la langue du poète. Le singulier devient universel. Car Tomas Tranströmer donne constamment à saisir des perceptions et des situations singulières, individuelles. Avant l’irruption de métaphores aux héritages surréalistes, de béances métaphysiques, de silences et de vides éclatants. L’une de ses plus belles pièces des années 1960, « Solitude » (également dans Accords et traces), prend ainsi le prétexte d’un accident de la circulation (« C’est ici que je faillis périr un soir de février./La voiture sur le verglas glissait/du mauvais côté de la route ») pour précipiter le texte dans une saisissante inquiétude (« J’ai longtemps parcouru/les campagnes glacées de l’Östergötland./Et n’y ai vu âme qui vive »). Une inquiétude définitive (« Tout le monde fait la queue chez tout le monde »).Une renommée mondialeDans les années 1970, la langue de Tomas Tranströmer s’épanouira encore, accueillant de plus en plus souvent la prose et le verset. A cette époque, son ami, le poète américain Robert Bly, le traduit pour la première fois en anglais. Sa renommée devient mondiale.A la suite de son accident vasculaire cérébral de 1990, Tomas Tranströmer ralentit sa production. Les silences s’agrandissent, la lumière devient plus intense, parfois grave. Des premiers haïkus apparaissent dès Funeste gondole (1996), avant d’envahir ses derniers travaux, fulgurants : Poèmes courts (2002) et La Grande Enigme (2004).Admiré par le Russe Joseph Brodsky, le Chinois Bai Dao et de nombreux autres poètes, notamment de langue anglaise, sans compter son rayonnement dans les pays scandinaves, Tomas Tranströmer avait obtenu, grâce à son prix Nobel, la consécration internationale qu’il méritait.Lire : 24 heures avec le poète Tomas Tranströmer, Prix Nobel de littérature 2011Extrait "La Galerie"(…) Ce ne sont plus des masques mais des visages qui traversent le mur blanc de l’oubli pour respirer, pour poser une question. Je reste éveillé et je les vois se battre et disparaître et reparaître. Certains prêtent leurs traits à d’autres, ils changent de visage au plus profond de moi, là où la mémoire et l’oubli font leur maquignonnage. Ils traversent les retouches de l’oubli, le mur blanc, ils disparaissent et reparaissent. Il y a un deuil ici qu’on ne nomme pas ainsi. Bienvenue dans les vraies galeries ! Bienvenue dans les vraies galères ! Les vraies grilles ! Le jeune karatéka qui paralysa un homme continue à rêver d’argent vite gagné. Et cette femme ne cesse d’acheter des choses pour les jeter dans la gueule des grands vides qui rôdent autour d’elle. Monsieur X n’ose plus quitter son appartement. Une sombre clôture de personnages équivoques se dresse entre lui et l’horizon qui se retire toujours. Elle qui un jour s’enfuit de Carélie elle qui savait rire… (…)La Barrière de vérité, 1978, traduit du suédois par Jacques Outin, dans Anthologie, Le Castor astral, ou Œuvres complètes, Gallimard.Nils C. AhlJournaliste au Monde Sylvain Siclier Co-fondateur avec le guitariste Bert Jansch (1943-2011) du groupe Pentangle, auquel il participa au plus fort de la créativité de la formation, de 1967 à 1973, personnalité réputée et appréciée du folk britannique, le guitariste et chanteur John Renbourn a été retrouvé mort, à la suite d’une crise cardiaque, jeudi 26 mars, à son domicile, dans la ville d’Hawick (Ecosse). Il devait participer à un concert dans la soirée de mercredi à Glasgow et ses musiciens, inquiets de son absence, avaient alerté la police. Il était âgé de 70 ans. Son manager, Dave Smith, interrogé par le quotidien The Guardian, a déclaré qu’au-delà de la participation de Renbourn à Pentangle, le musicien avait mené une prolifique carrière solo et avait été aussi un « grand enseignant (…) avec des étudiants partout en Europe. »Né à Londres le 8 août 1944, John Renbourn a d’abord étudié la guitare classique. Il en gardera un intérêt marqué et une connaissance du répertoire médiéval, de la Renaissance et de la musique baroque. A la fin des années 1950, en parallèle à ses études classiques, il découvre les différentes formes de musiques traditionnelles américaines, le folk, le bluegrass, le blues et le gospel. Il voyage un peu partout en Grande-Bretagne, en Espagne, en France. Il fait la connaissance du guitariste Mac MacLeod, avec qui il fait ses premières tournées entre 1961 et 1964 et ses premiers enregistrements.Il rencontre aussi, en 1963, le guitariste écossais Bert Jansch, avec qui il va jouer en particulier dans différents clubs londoniens (The Troubadour, Les Cousins), avec qui il enregistre aussi, peu après un premier abum en solo, l’album Bert and John (Transatlantic Records, septembre 1966), et la chanteuse américaine Dorris Henderson (1933-2005), avec laquelle il enregistrera deux albums There You Go (1965) et Watch The Stars (1967).« Lady Goes To Church », par le guitariste John Renbourn, extrait de l’album « Sir John Alot of Merrie Englandes Musyk Thyng and ye Grene Knyghte » (Transatlantic Records, 1968).Musiciens connus dans le milieu du folk britanniqueAlors que la Grande-Bretagne est en pleine période psyché, John Renbourn et Bert Jansch vont rassembler divers musiciens avec qui ils sont en contact pour former le groupe Pentangle : la chanteuse Jacqui McShee (Renbourn a enregistré avec elle l’album Another Day, début 1967), le contrebassiste Danny Thompson et le batteur Terry Cox. Le groupe, constitué de musiciens connus dans le milieu du folk britannique, se produit pour la première fois au prestigieux Royal Festival Hall le 27 mai 1967. Une tournée suit et l’enregistrement d’un premier album, The Pentangle (Transatlantic Records, juin 1968).La formation se veut la somme des diverses influences de ses membres. Et y réussit. On y entend des éléments folk, du jazz (venu par Thompson et Cox), du blues, la musique ancienne (Renbourn), l’alliance des deux styles des guitaristes et une attention de plus en plus marquée pour le travail des harmonies vocales qui se développera dans les albums suivants : Sweet Child (Transatlantic Records, décembre 1968) et Basket of Light (Transatlantic Records, octobre 1969), avec par endroits une virée psyché (sitar, glockenspiel…). Le succès de la chanson Light Flight (dont la ligne de basse au début et plusieurs éléments mélodiques sont proches d’un des airs les plus célèbres du jazz, Take Five, de Paul Desmond) qui en est extraite, est un succès.« Light Flight », par le groupe Pentangle, chanson extraite de l’album « Basket Of Light » (Transatlantic Records, 1969).Le groupe est alors au summum de sa reconnaissance critique et publique. Il joue dans de grandes salles, se retrouve à la même affiche que des groupes rock. Pourtant après un dernier enregistrement, Solomon’s Seal (Reprise Records, juin 1972), que McShee et Renbourn considèrent comme le plus abouti du groupe, et une dernière tournée, Pentangle se sépare au début de l’année 1973. Le groupe connaîtra quelques renaissances : au milieu des années 1980 avec Renbourn pour quelques concerts mais pas sur disques ; dans les années 1990, mené cette fois par McShee et Jansch ; sous sa forme originale, Pentangle reviendra brièvement en 2008-2011.Plusieurs albums en soloAprès Pentangle, John Renbourn va enregistrer plusieurs albums en solo ou en collaboration, notamment avec le guitariste américain Stefan Grossman (l’album en duo Under The Volcano, 1979). Il forme aussi avec le flûtiste Tony Roberts, The John Renbourn Group (A Maid in Bedlam, 1977, Enchanted Garden, 1980). Il publie plusieurs recueils de partitions et d’études sur la guitare. Son public, moins important que celui de Pentangle, est constitué autant de simples amateurs de folk que d’érudits et de spécialistes. Renbourn mêle ses compositions à des airs traditionnels, intensifie aussi son approche de la musique ancienne.Ce qui l’amène, en 1982, à « retourner à l’école » selon ses propres mots dans un article autobiographique. Au Dartington College of Arts, il obtient, après trois ans d’études, un diplôme en composition et orchestration. Dans le même temps, il perfectionne aussi sa pratique du sitar. De son passage à Darlington, il tire de nouvelles formes d’écriture « pour des ensembles d’instruments variés, pour les voix aussi, et pas spécialement en incluant la guitare ou en me cantonnant au folk ».« John Barleycorn Is Dead » par The John Renbourn Group, extrait de l’album « The John Renbourn Group Live in America » (Flying Fish, 1982).En 1987-1988, Renbourn forme un groupe éphémère, Ship of Fools avec Roberts, la chanteuse et multi-instrumentiste Maggie Boyle (1956-2014) et le guitariste Steve Tilston. A partir des années 1990, Renbourn intensifie son activité d’enseignant tout en continuant à l’occasion de jouer en solo sur le circuit folk. Il avait publié en 1995 une somme Complete Anthology of Medieval and Renaissance Music for the Guitar.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Le Théâtre sortieOuest, situé sur le canton 1 de Béziers, est au cœur d’un combat politique et culturel. Jean-Michel Du Plaa, candidat socialiste aux élections départementales dans ce canton, affrontera en duel, dimanche 29 mars, l’élu du Front national, Henri Bec. Au soir du premier tour, le 22 mars, le FN a totalisé plus de 44 % des voix sur ce canton, devant le PS (25 %) et l’UMP (19 %). Précisons, pour compléter le tableau, que Jean-Michel Du Plaa, vice-président du conseil général, est aussi le président de l’association qui gère le Théâtre sortieOuest – une scène conventionnée avec le département, l’Etat et la région, installée sur le domaine de Bayssan, au milieu d’un parc.Les phrases de l’entre deux-tours ont le mérite d’être claires, dans la ville dirigée par Robert Ménard depuis mars 2014, sous l’étiquette Rassemblement Bleu Marine. Voici ce qu’a déclaré, jeudi 26 mars, dans le quotidien La Marseillaise/L’Hérault du Jour, l’élu FN Henri Bec. Interrogé sur le devenir du Théâtre sortieOuest, fortement soutenu par le conseil général (PS), à hauteur d’un million d’euros, l’élu qui se dit monarchiste, tendance « orléaniste », a répondu avec détachement : « Cela ne me dérangerait pas que ce site ferme. On dépense trop pour la culture, on pourrait réduire les impôts en dépensant moins. » Dès avant le premier tour, la divers droite Fatima Allaoui, candidate sur le canton 3, ancienne de l’UMP évincée pour son appartenance au Siel, proche du FN, avait inscrit « la suppression » de sortieOuest dans ses promesses électorales – « un site qui coûte trop cher » – proposant son rapatriement dans le centre-ville avec une programmation comprenant « 50 % d’artistes locaux ». Depuis le 22 mars, elle a appelé à voter pour le candidat FN.« Eviter un désert culturel à Béziers »Pour Jean Varela, directeur de sortieOuest, ce sont les valeurs véhiculées par la scène contemporaine qui indisposent l’extrême-droite. « On nous attaque pour ce que nous sommes : un lieu de programmation exigeante, où la parole circule librement. Il y a d’autres scènes qui coûtent de l’argent sur le territoire, et qui font du divertissement. Elles ne sont pas du tout inquiétées », dit-il. Il rappelle l’histoire de ce théâtre, et l’enjeu pour le territoire. « C’est le conseil général qui a pris l’initiative de créer cette scène conventionnée, en 2006, pour éviter un désert culturel à Béziers, qui autrefois était un foyer artistique. Le président de notre association, Jean-Michel Du Plaa, est un homme de culture, très apprécié ici », poursuit Jean Varela, qui dirige par ailleurs le Printemps des Comédiens.Lors des précédentes élections, en 2011 (les anciennes cantonales), le combat avait été ardu : Jean-Michel Duplaa l’avait emporté avec 170 voix d’avance, face au frontiste Guillaume Vouzellaud. Le scrutin du 29 mars s’annonce serré. Sur les deux autres cantons de Béziers, l’avance du FN est encore plus nette, tout particulièrement dans le canton 3 où il a totalisé 46,86 % des voix. Pour la presse locale, l’affaire semble ici pliée.Une programmation « à caractère militant »Jean Varela tire la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas possible que Béziers soit représenté au conseil général uniquement par des élus Front national », s’inquiète-t-il. Il dit avoir reçu du soutien de certains élus de droite, mais d’autres à l’UMP ne cachent pas leur aversion pour la politique culturelle du département, sortieOuest compris. Ainsi, le député UMP Elie Aboud a abrité sur sa page d’accueil la lettre d’un auteur bitterrois, Jean-Pierre Pelaez, s’indignant de ne pas être programmé à sortieOuest, théâtre « grassement » financé par le département, écrit-il, et « engloutissant des budgets énormes » pour mener une programmation « à caractère militant ».Jean-Pierre Pelaez a déjà été reçu au cabinet du président du conseil général, le socialiste André Vézinhet. « Nous lui avons dit deux choses : un, Jean Varela a une liberté de programmation, selon ses choix esthétiques, et l’on ne peut en aucune sorte imposer une préférence nationale en direction d’artistes locaux. Deux, le conseil général n'est pas du tout indifférent au sort des artistes locaux, puisqu’il soutient entre soixante et quatre-vingts compagnies sur son territoire », indique-t-on dans l’entourage d’André Vézinhet.Une campagne sur les réseaux sociauxJean Varela défend sa programmation : « Les spectacles ont lieu sous un chapiteau, pour abolir la barrière symbolique entre la scène et le public. Nous menons une programmation hors-les-murs, appelée Le Grand Tour ; nous organisons une manifestation littéraire (Chapiteaux du livre), nous touchons un public de 35 000 personnes, dont 7 000 scolaires et étudiants. »La campagne s’organise à présent sur les réseaux sociaux. Alors que la ville de Béziers accueille depuis le 24 février, et jusqu’au 23 août, l’exposition intitulée Gaulois : une expo renversante, conçue par la Cité des sciences, les partisans du candidat PS, lequel fait alliance avec la communiste Roselyne Pesteil, ont réalisé une affiche dans l’esprit gaulois. Jean-Michel Du Plaa est dans la peau d’Obélix – il en a la corpulence –, et porte sur son dos un dolmen coiffé du visage de la candidate PCF. Avec ce slogan : « La République contre-attaque ». Dans le journal municipal, Robert Ménard, lui, communique à sa façon sur l’exposition dédiée aux Gaulois : « C’est l’éternel retour du grand blond », indique le titre de l’article, complété par ce bandeau : « Comment nos élites réécrivent le passé ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.03.2015 à 09h23 • Mis à jour le27.03.2015 à 10h43 La sixième saison de la série britannique à succès Downton Abbey, encore en cours de tournage, sera la dernière, a annoncé jeudi la chaîne de télévision ITV, qui la produit.Créée en 2010 et vendue depuis dans une centaine de pays, Downton Abbey met en scène la vie d'une famille d'aristocrates et de ses serviteurs, dans une magnifique demeure de la campagne anglaise, près de York au début du XXe siècle.Réalisée dans le plus pur style « drama » en costumes, classique à la télévision britannique, elle s'étend de la première guerre mondiale à l'élection d'un gouvernement travailliste, en évoquant aussi les évolutions du rôle de l'aristocratie et des femmes dans la société britannique.Au Royaume-Uni, Downton Abbey a attiré jusqu'à onze millions de téléspectateurs par épisode. Vendue notamment en France, en Australie et également en Chine depuis 2013, elle a été récompensée à de multiples reprises, aux Golden Globes américains comme aux Baftas, au Royaume-Uni.Lire aussi : « Downton Abbey », la vie de château à deux vitesses 27.03.2015 à 07h31 • Mis à jour le27.03.2015 à 12h13 | Fabienne Darge (Avignon, envoyée spéciale) Olivier Py n’avait pas chaussé ses escarpins rouges, avec lesquels il pose, photos pleine page, pour la publicité de la fondation d’une grande banque française. C’est sobrement vêtu que le directeur du Festival d’Avignon a annoncé, jeudi 26 mars à la Fabrica, dans le quartier avignonnais de Monclar, le programme de l’édition 2015, 69e du nom, du festival fondé par Jean Vilar.Une édition conçue dans un contexte budgétaire serré. Le festival, en 2014, suite au conflit des intermittents du spectacle et à des conditions météorologiques difficiles, avait accusé une perte de 240 000 euros. Puis la maire (PS) d’Avignon, Cécile Helle, a annoncé, lundi 16 mars, en conseil d’administration, qu’elle baissait de 5 % sa subvention au Festival, ce qui correspond à un manque à gagner de 49 000 euros.Olivier Py et son équipe se sont arrangés pour baisser les frais de fonctionnement de 4 %, et dégager ainsi 200 000 euros, pour un budget 2015 qui s’établit à 13,3 millions d’euros. Mais la première conséquence de ces restrictions budgétaires est que le festival est réduit de deux jours par rapport à ce qui était prévu au départ, et par rapport à 2014 : il aura lieu du 4 au 25 juillet.47 spectaclesPour cette deuxième édition sous sa direction, Olivier Py met à l’affiche 47 spectacles, et annonce avoir bâti son programme sur le thème « Je suis l’autre ». « Cela m’est apparu comme une évidence, dans une société qui semble ne plus avoir l’énergie de penser l’autre comme un salut », a-t-il déclaré. Et dans une région, peut-on ajouter, où les électeurs se tournent massivement vers le Front national.Le pape Py creuse les lignes qu’il avait tracées pour son premier festival : beaucoup d’auteurs vivants, Shakespeare en majesté du côté des classiques, une présence significative de la « méditerranée orientale et des pays arabes », la poursuite de la « décentralisation des trois kilomètres » et de l’offre destinée au jeune public, et la découverte d’artistes jamais programmés à Avignon.Le festival vivra, trois semaines durant, du premier au dernier jour, au rythme d’un projet au long cours, un « feuilleton philosophique » inédit : La République de Platon, traduite par Alain Badiou, sera lue en intégralité, sous la conduite de Valérie Dréville, Didier Galas et Grégoire Ingold, par des amateurs de tous âges, au jardin Ceccano. Un projet « imaginé bien avant les attentats de janvier, mais qui prend aujourd’hui un sens particulier », a précisé Olivier Py.Shakespeare dans les mursPuis, à tout seigneur tout honneur, et puisqu’ « il faut bien qu’ [il] fasse la Cour au moins une fois au cours de [son] mandat », Olivier Py ouvrira les festivités, le 4 juillet, avec Le Roi Lear, dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Philippe Girard jouera Lear, Jean-Damien Barbin le fou. Plusieurs autres spectacles sont programmés pour cette ouverture, à commencer par Des arbres à abattre, d’après Thomas Bernhard, signé par le maître polonais Krystian Lupa.Valère Novarina ouvrira le ban pour les auteurs vivants avec Le Vivier des noms, au Cloître des Carmes. Mais Eric Reinhardt, Kamel Daoud (avec son Meursaults monté par Philippe Berling), Botho Strauss (avec sa Trilogie du revoir par Benjamin Porée) ou Dimitris Dimitriadis seront également présents.Shakespeare, qui est chez lui à Avignon, sera également dans les murs avec son Richard III, mis en scène par Thomas Ostermeier avec sa troupe de la Schaubühne de Berlin. Quant au Portugais Tiago Rodrigues, il présentera une version resserrée et intime d’Antoine et Cléopâtre. Dans la série classique mais pas trop, Jonathan Châtel livrera Andreas, une création d’après Le Chemin de Damas, d’August Strindberg.Loin du compte côté paritéAprès le théâtre, c’est la danse qui entrera dans la Cour d’honneur, où Angelin Preljocaj présentera une création sur un texte de Laurent Mauvignier, Retour à Berratham. Autres chorégraphes programmés, Emmanuelle Vo-Dinh avec Tombouctou Déjà-vu, Hofesh Shechter, Eszter Salamon ou Fatou Cissé.Côté « découvertes » (à Avignon, du moins), le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov présentera une création d’après Les Idiots, de Lars von Trier. Samuel Achache, en solo, sans Jeanne Candel, un mix théâtre-musique, Fugue. Et puis des « indisciplinaires » comme Winter Family, Stereoptik, Pierre Meunier…On voit, à la suite de cette énumération, qu’Avignon est encore loin du compte en termes de parité artistique hommes-femmes, objectif fixé par la précédente ministre de la culture, Aurélie Filippetti. Du moins y aura-t-il à Avignon de grandes actrices : outre Valérie Dréville, Isabelle Huppert fera entendre Sade dans la Cour d’honneur, et Fanny Ardant portera la voix de Cassandre et de Christa Wolf. Mais à l’image de son affiche signée par le peintre Guillaume Bresson, qui montre deux hommes en un corps à corps dont on ne sait s’il est guerrier ou amoureux, cet Avignon est fort masculin. Dans le théâtre, les escarpins rouges ne sont pas vraiment au pouvoir.Fabienne Darge (Avignon, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Principale attraction touristique de Barcelone, la Sagrada Família est paradoxalement une basilique largement inachevée. L’édifice est pour ainsi dire en travaux depuis 133 ans, c’est à dire depuis la pose de sa première pierre, en 1882. Or, la BBC révélait il y a quelques jours que l’impression 3D de modèles structurels en plâtre devrait permettre d’enfin accélérer sa réalisation, prévue d’ici à 2026, soit un siècle après la mort de son architecte, Antoni Gaudi, renversé par un tramway en 1926.En réalité, cela fait quatorze ans que le processus de construction s’appuie sur des imprimantes en 3D, la technologie, qui existe depuis les années 1980, ayant été intégrée dès 2001 afin d’avancer plus rapidement dans la réalisation de prototypes pour les éléments souvent problématiques à concevoir.« Quasiment impossible à dessiner »« A cause de la complexité des surfaces et des formes, travailler sur les dessins de Gaudi en 2D n’a aucun sens d’un point de vue architectural, [d’autant] que la plupart de son travail était déjà conçu de façon tridimentionnelle », explique l’architecte en chef ,Jodi Coll, cité dans ArtNetNews.« Antoni Gaudí a réalisé peu de dessins de la Sagrada Família, qui est de toute manière tellement complexe qu’elle est quasiment impossible à dessiner, en tout cas avec des projections architecturales normales », détaille pour sa part Peter Sealy, chercheur à l’école de design de Harvard cité par ArchDaily, site spécialisé en architecture. « Ce qu’il a laissé derrière lui à sa mort est un système géométrique de surfaces réglées (...) et une méthode de travail pour traduire ces géométries en des modèles de plâtre. »Les imprimantes 3D stéréolithographiques utilisent de la poudre afin de créer, en quelques heures, des prototypes couche par couche, aboutissant à un matériau similaire à du plâtre, permettant aux artisans de retravailler facilement les modèles à la main pour une approche la plus fine possible.Béton coulé dans des moules imprimés en 3DLe chercheur rappelle que beaucoup des modèles de Gaudi ont été détruits par les insurgés lors de la guerre civile espagnole (1936-39), « mais les fragments qui ont survécu peuvent désormais être numérisés en utilisant les scanners en 3D », explique-t-il encore.Ainsi, « les intentions de Gaudi en termes de design peuvent être reproduites a posteriori à partir de ces modélisations, qui peuvent alors être utilisées pour redévelopper des modèles – la façon de travailler dans l’atelier de Gaudi continue, mais désormais avec des impressions en 3D des modèles en plâtre –, et pour la fabrication, avec des pierres découpées par des machines, et du béton coulé dans des moules réalisés à l’échelle 1:1 par des impressions en 3D. Ce n’est pas rien ! », déclare encore le chercheur.Une vidéo en trois dimensions (ci-dessus) réalisée par la fondation qui gère le projet à partir de dons privés, montrait il y a deux ans les étapes restant à parcourir, et dévoilait le visage de la basilique dans sa version finale. On y découvrait les douze tours dédiées aux apôtres et son point culminant, à 170 mètres de haut, avec la tour de Jésus qui doit être édifiée en son centre, et aussi l’impressionnante ultime façade, destinée à devenir l’entrée principale de l’édifice.La Sagrada Familia était à l’origine un projet de l'architecte Francisco de Paula, avant que Gaudi ne prenne les rênes du chantier, en 1883. A sa mort, seulement un quart de l’édifice était achevé. L’architecte catalan avait laissé des maquettes et des plans, dont la plus grande partie a disparu dans un incendie au cours de la guerre civile espagnole. C’est à cause de cet incendie, en plus des difficultés techniques et de financement, que le chantier a été retardé pendant des décennies .Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Yellow Submarine », un opus sous influenceCette semaine : autour de l’album Yellow Submarine (janvier 1969).« Yellow Submarine » (Lennon-McCartney), par Roots ManuvaProposer une deuxième reprise de Yellow Submarine, est-ce bien raisonnable ? La bande originale du dessin animé de George Dunning s’ouvre en effet par un air de déjà entendu pour l’acheteur de 1969 puisque la chanson-titre figurait déjà sur l’album Revolver, publié près de deux ans et demi plus tôt, en août 1966. En outre, cette farce aquatique, hymne des fanfares et des harmonies municipales, mais aussi de la fête de la bière munichoise, est sans conteste, avec Ob-la-di, Ob-la-da, l’une des chansons les plus exécrées par les beatlemaniaques. Qui plus est, elle est chantée par le batteur Ringo Starr…Difficile en outre de dénicher relecture plus originale que celle du trio canadien francophone Les Nouveaux Baronets, que nous avons présenté fin février dans le sujet sur les reprises de Revolver. Difficile surtout de s’éloigner du registre de la gaudriole, de la chanson pour enfants détournée en chanson à boire. C’est pourtant ce que tente le rappeur britannique Roots Manuva avec cette version proche de l’esprit du dub jamaïcain parue sur Badmeaningood, vol. 2, compilation du chanteur parue en 2002, sur le label Ultimate Dilemma. Ceux qui aiment la chanson Yellow Submarine détesteront. Il n’est pas sûr non plus que ceux qui la détestent aimeront. « Only a Northern Song » (Harrison), par Yonder Mountain String BandPremier des quatre inédits offerts par les Beatles dans Yellow Submarine, Only a Northern Song n’était pas plus une nouveauté de l’année, puisqu’elle fut écartée des séances d’enregistrement de Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band et porte les traces de cette expérience psychédélique du printemps 1967 – voix et rires sous acide, bruitages, orgue lugubre et trompette distordue. Après s’être plaint du percepteur dans la chanson Taxman, qui ouvrait l’album Revolver, le bougon George Harrison (1943-2001) écrivit cette chanson singulière pour dénoncer le mauvais sort qui lui avait été réservé par la maison d’édition Northern Songs Ltd, le contrat étant très favorable à John Lennon (1940-1980) et Paul McCartney, seuls compositeurs à sa signature. Loin des vapeurs d’encens de l’original, mais avec des guitares rustiques, une mandoline et un banjo, de braves gars du terroir, fédérés sous le nom de Yonder Mountain String Band, l’interprètent régulièrement lors de leurs concerts, comme ici en mai 2011. Originaires du Colorado, ils se présentent comme un ensemble de « bluegrass progressif » (!?) et semblent vouer une admiration particulière à Harrison puisqu’ils ont aussi repris Think For Yourself pour l’album hommage à Rubber Soul, This Bird Has Flown (Razor & Tie, 2005). « All Together Now » (Lennon-McCartney), par The MuppetsAll Together Now est le parent pauvre de Yellow Submarine. C’est dire. Sans doute la plus faible chanson jamais composée par Paul McCartney, qui pouvait s’égarer parfois en confondant aisance et facilité. Heureusement, les Muppets, les fascinants personnages (la grenouille Kermit, Miss Piggy, Fozzie, etc.) créés par le marionnettiste américain Jim Henson, en ont donné une version réjouissante et idoine en 1994 sur l’album Kermit Unpigged, une parodie hilarante de la série des Unplugged (« débranchés ») de la chaîne musicale MTV. Sacrilège, on la préfère même à l’original. « Hey Bulldog » (Lennon-McCartney), par The GodsLa chanson la plus tubesque de Yellow Submarine et la plus récente parmi les inédits de l’album puisqu’elle fut enregistrée en février 1968, en amont des sessions de l’« album blanc » publié en novembre. C’est sans surprise celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de reprises. Tout s’y prête : le riff énorme martelé au piano et repris par la guitare, la fabuleuse ligne de basse de McCartney, le solo saturé d’Harrison, la montée chromatique à la James Bond, les aboiements et hurlements finaux. Punk avant l’heure, Hey Bulldog, ce hit caché, aurait mérité d’être publié en single. Cette fois, aucune version n’égalera jamais celle des Beatles et certainement pas celle commise, en 2006, par Alice Cooper avec le renfort du superhéros de la guitare Steve Vai pour l’album Butchering the Beatles : A Headbashing Tribute, où le répertoire des Fab Four est équarri et tronçonné par des métalleux. Hey Bulldog avait été interprété dès 1969 par The Gods, un groupe anglais aujourd’hui oublié, pourtant signé chez Columbia. Ses membres devaient faire carrière par la suite puisqu’il comprenait le chanteur et bassiste John Glascock (futur Jethro Tull) ou l’organiste Ken Hesley et le batteur Lee Kerslake (futurs Uriah Heep). A la date de cet enregistrement, l’un des fondateurs de The Gods, le guitariste Mick Taylor, avait quitté ses camarades. Bien lui en prit puisqu’il rejoignit les Bluesbreakers de John Mayall puis les Rolling Stones. « It’s All Too Much » (Harrison), par Steve HillageYellow Submarine est le seul album des Beatles où Harrison a droit à la parité avec Lennon-McCartney pour les nouvelles chansons : deux chacun. Enregistré comme Only a Northern Song en 1967, mais cette fois en plein « Summer of Love », It’s All Too Much aurait pu trouver place sur Magical Mystery Tour. Ce raga électrique impressionne davantage encore dans son désir de capter le psychédélisme de l’époque et retranscrire l’expérience lysergique. C’est un monument d’acid-rock que devaient logiquement s’approprier les tenants californiens du sous-genre, le Grateful Dead, et d’autres allumés comme le guitariste Steve Hillage, issu de la fameuse école de Canterbury, d’où émergèrent les groupes Soft Machine, Caravan ou Gong fondé par l’Australien Daevid Allen (1938-2015). En 1976, Hillage venait de quitter cette dernière formation pour se lancer dans une carrière solo. Cette épatante version cosmique est présente sur le deuxième album de Steve Hillage, L (Virgin) produit par Todd Rundgren et joué par des membres de son groupe Utopia. « All You Need is Love » (Lennon-McCartney), par Nada SurfL’un des trois grands hymnes pacifistes de John Lennon avec Give Peace a Chance et Imagine, publié en single en juilet 1967 puis intégré dans l’édition américaine de l’album Magical Mystery Tour (novembre 1967). La version new wave enregistrée en 1982 par les Britanniques New Muzik avait été retenue dans notre sujet du 12 mars sur les reprises de cet album. En voici une plus récente, de 2006, par le groupe américain Nada Surf, auteur dix ans plus tôt d’un énorme tube avec Popular. Le message de Lennon a été bien compris puisque cette interprétation qui se devait d’être fidèle fut enregistrée pour le compte d’une publicité de la Chase Manhattan Bank… Ce que les Rutles, groupe fictif et parodique inventé par les Monty Python Eric Idle et Neil Innes avaient anticipé dès 1978 dans un téléfilm, All You Need Is Cash, réalisé avec la complicité de leur ami George Harrison et d’un conseiller réputé, Mick Jagger. La deuxième face de l’album Yellow Submarine contient des pièces orchestrales de George Martin, le producteur des Fab Four. Ce ne sont donc pas des chansons des Beatles et elles sont compliquées à reprendre, sauf en formation symphonique. Nous ne les avons pas retenues dans notre série sur les reprises des chansons des Beatles albums par albums.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, la bande originale d'un dessin animé psychédélique.Paru en janvier 1969, deux mois seulement après le monumental Album blanc, Yellow Submarine est le quatrième opus des Beatles lié à un film (après A Hard Day's Night, Help!, Magical Mystery Tour, et en attendant Let It Be). Et il est celui qui répond le mieux à l'appellation de « bande originale », accompagnant le dessin animé psychédélique de George Dunning sorti sur les écrans six mois plus tôt. A cela, une raison évidente : Yellow Submarine est autant, sinon davantage, l'œuvre de George Martin que celle des Fab Four.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Yellow Submarine »Les pièces orchestrales du producteur occupent en effet l'intégralité de la deuxième face et, à l'écoute de Pepperland, majestueux comme du Elgar, ou de l'indianisant Sea of Holes, on mesure mieux son importance dans les arrangements des créations du groupe.Adopté dans les stades de footCe partage explique en partie pourquoi Yellow Submarine fut le premier album des Beatles à ne pas atteindre le sommet des classements au Royaume-Uni. Leur contribution est en effet plutôt maigre : quatre « nouveautés » (en fait, pour trois d'entre elles, des chansons mises de côté), ajoutées à Yellow Submarine (la chanson) déjà paru sur Revolver et All You Need is Love sur Magical Mystery Tour. George Harrison s'illustre avec Only a Northern Song et It's All Too Much, écartés respectivement (et peut-être injustement) de Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band et Magical Mystery Tour. Paul McCartney commet, lui, avec la comptine All Together Now, le morceau sans doute le plus faible de l'ensemble de son répertoire – ce qui ne l'empêchera pas d'être adopté dans les stades de foot d'Albion.Reste une bombe, Hey Bulldog, confectionnée à la hâte par John Lennon autour d'un riff incendiaire de piano, relayé par un chant magistralement hargneux et une progression harmonique à la James Bond. McCartney ajoute une ligne de basse dantesque, Harrison un solo tout en agressivité saturée, et le tour est joué. Ces trois minutes protopunk auraient fait un malheur en single. Elles auraient aussi privé Yellow Submarine de son premier argument de vente.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Neuf candidats déclarés, sans parler des postulants restés dans l’ombre, comme la procédure le permet. Malgré la difficulté de la mission, la présidence de France Télévisions continue d’attirer les vocations. Jeudi 26 mars, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a réceptionné les derniers dossiers de candidatures et plusieurs personnalités se sont publiquement dévoilées.La première d’entre elles n’est pas une surprise. Dans un message adressé aux 10 000 salariés de France Télévisions, l’actuel président, Rémy Pflimlin, a confirmé sa candidature à sa propre succession. Nommé en 2010 par Nicolas Sarkozy, M. Pflimlin, 61 ans, compte défendre son bilan et le besoin de stabilité pour France Télévisions, confrontée à de lourdes réformes depuis plusieurs années.L’une de ses principales concurrentes est issue de l’audiovisuel public. Marie-Christine Saragosse, 55 ans, présidente de France Médias Monde (France 24, RFI…), a officialisé sa candidature, jeudi, dans un message interne. Diplômée de l’ENA, ancienne dirigeante de TV5 Monde, elle a été nommée par François Hollande en 2012 à la tête de l’audiovisuel extérieur de la France, qu’elle a apaisé après la bataille entre Christine Ockrent et Alain de Pouzilhac. « Si ma candidature n’est pas retenue (…), nous continuerons notre chemin ensemble », a-t-elle écrit à ses équipes, tout en esquissant l’idée de « nouveaux liens » entre France Médias Monde et France Télévisions… une idée qui pourrait faire mouche.Autre figure issue du secteur public, Eric Garandeau, ancien président du Centre national du cinéma français et de l’image animée (CNC) et conseiller culture auprès de Nicolas Sarkozy, de 2008 à 2010. « Même si mes chances sont réduites, je souhaite concourir, car je suis passionné par le service public et très mobilisé par les enjeux de la transformation numérique dans le secteur audiovisuel », a-t-il déclaré au Monde. Jeune énarque, il a déjà travaillé un an à France Télévisions, sous Marc Tessier, et a été administrateur de l’entreprise.Parcours variésDe son côté, Christophe Beaux, PDG de la Monnaie de Paris, a annoncé sa candidature dans un entretien aux Echos, jeudi. Il s’appuie sur son bilan au sein de l’établissement qu’il dirige depuis 2007 et qu’il a redressé, en appliquant des méthodes inspirées du secteur privé. Au conseil d’administration de France Télévisions, où il siège depuis 2011, M. Beaux s’est régulièrement positionné en opposition à la direction actuelle, refusant par exemple de voter le budget 2015.L’expérience est l’atout mis en avant par Didier Quillot, âgé de 55 ans, qui a été PDG d’Orange France, puis, à partir de 2006, président du directoire de Lagardère Active. M. Quillot met en avant son expérience de gestionnaire et de conduite du changement dans des entreprises de grande taille et souligne sa double casquette télécoms et médias.Alexandre Michelin, 50 ans, directeur général de Microsoft MSN pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique, s’est déclaré fin février. Il a été directeur des programmes ou directeur général à Paris Première, à Canal+ et France 5.Parmi les autres candidats déclarés, on recense Serge Cimino, 51 ans, délégué syndical SNJ de France Télévisions, Nacer Kettane, président et fondateur du réseau Beur FM, et Cyril Hanouna, animateur sur D8.Issue de l’univers des médias, Nathalie Collin, 50 ans, directrice générale adjointe de La Poste, chargée de la communication et du numérique, est également candidate, selon nos informations. Diplômée de l’Essec, elle est aussi ancienne présidente du directoire de Libération et directrice du Nouvel Observateur et s’est investie dans des organisations professionnelles. Autre surprise, Robin Leproux, ancien vice-président du directoire du groupe M6, ex-patron du Paris Saint-Germain et de RTL, est aussi sur les rangs. L’homme peut mettre en avant un parcours varié dans l’univers des médias, avec une spécialité dans la génération de recettes, une des problématiques de France Télévisions.Pascal Josèphe, 60 ans, qui a travaillé pour le cabinet de conseil IMCA et été dirigeant de TF1, La Cinq, France 2 ou France 3, postule également à la tête de France Télévisions. Tout comme Cyrille du Peloux, 61 ans, cadre dans le groupe de services collectifs Veolia depuis douze ans, qui a été dirigeant de TF1 ou Paris Première dans les années 1980 et 1990.Delphine Ernotte, directrice exécutive d’Orange France, ne s’est toujours pas exprimée. Mais son ombre continue de planer sur la campagne. Ingénieure de formation, elle a fait toute sa carrière chez l’opérateur. Pendant la précampagne, des échos de presse ont rappelé qu’elle y travaillait à l’époque de la mise en place du « plan Next », à laquelle on a attribué le suicide d’employés, mais son entourage rappelle que la longue instruction sur l’affaire n’a pas mis en cause Mme Ernotte. Souvent cité, Emmanuel Hoog, PDG de l’AFP, garde lui aussi le silence sur ses intentions.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Un patron pour présider aux destinées de l’un des plus gros établissements culturels de la Ville de Paris. Jeudi 26 mars, vers 13 heures, l’annonce a été confirmée, ainsi que Le Monde l’avait dévoilé dans son édition du 13 mars : Sébastien Bazin, PDG du groupe Accor, a été élu à l’unanimité président du Théâtre du Châtelet. Il succède à Jérôme Clément, énarque de gauche, personnalité du monde de la culture et des médias, lequel a démissionné de ses fonctions le 19 février, dans un climat houleux sur le devenir du théâtre. Celui-ci, fortement subventionné par la Ville de Paris (à hauteur de 17 millions d’euros), allait-il basculer dans le secteur privé, dans le but de réaliser des économies ? Il n’en est rien, a déclaré au Monde Bruno Julliard, adjoint à la culture de la maire de Paris, Anne Hidalgo : « Je l’ai dit lors du conseil d’administration : le Châtelet sera un théâtre public, avec un statut associatif. Sébastien Bazin va former un tandem efficace avec l’actuel directeur du Châtelet, Jean-Luc Choplin, ce qui n’était plus le cas avec Jérôme Clément ». Avec cette nomination, la Ville de Paris assume le projet de pousser plus loin encore le partenariat public-privé. « C’est l’une des raisons de notre enthousiasme. Sébastien Bazin et le groupe Accor, qui avait déjà mécéné Un Américain à Paris, va nous aider à développer les fonds privés », souligne Bruno Julliard.Financement des travauxLe contexte, bien particulier, et a nourri les inquiétudes. Le Théâtre du Châtelet va fermer ses portes au public, « de janvier 2017 à l’été 2019 », précise l’élu, en vue de réaliser d’importants travaux de rénovation. « La Ville va investir 26,5 millions d’euros pour les installations scéniques, électriques, ainsi que pour la façade, l’accessibilité des publics, et la mise aux normes de sécurité », indique Bruno Julliard. Mais il restera encore, dit-il, « quelques millions d’euros à trouver auprès de partenaires privés pour rénover les parties les plus visibles, comme les espaces de circulation et les salons ».Avis aux entreprises, donc. Sébastien Bazin aura également pour mission de « régler le phasage des travaux », et de veiller à la délicate question des personnels – environ140 permanents. Là encore, divers bruits couraient : qu’allaient devenir les agents pendant les dix-huit mois de fermeture ? La Ville de Paris a visiblement choisi la paix sociale, du moins à court terme : « La Ville de Paris va maintenir un niveau de subvention important pendant les travaux, afin de garantir l’emploi du personnel. Il n’y aura aucun licenciement économique. Des propositions de formation ou de mise à disposition dans d’autres théâtres seront faites, sur la base du volontariat », poursuit l’adjoint à la culture. « Dans l’immédiat, et en total accord le directeur du Châtelet, la Ville de Paris va réduire sa subvention de un million d’euros pour 2015. Et le Théâtre compensera en puisant dans son fond de roulement qui est de 1,5 million d’euros. Nous voulons éviter que de l’argent public dorme pendant les dix-huit mois de travaux », justifie Bruno Julliard.Par ailleurs, le Théâtre du Châtelet n’aura « pas de programmation hors-les-murs » pendant les travaux, ajoute-t-il, « aucune scène parisienne comparable ne pouvant accueillir les spectacles du Châtelet » - ce qui n’est pas le cas du Théâtre de la Ville, lequel sera également fermé durant la même période. Au moment de la réouverture, « le Théâtre restera un lieu de production, contrairement à ce que certains ont laissé entendre ».L’actuel directeur, Jean-Luc Choplin, se voit couronné de lauriers : Bruno Julliard vante sa programmation « populaire et exigeante » et sa gestion « vertueuse, génératrice de billetterie ». Jean-Luc Choplin restera en poste « au moins jusqu’à la fermeture du Châtelet. Car il ne souhaitera sans doute pas se tourner les pouces pendant les travaux. Mais nous ferons tout pour continuer à travailler avec lui ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : Les Beatles « Magical Mystery Tour », tubes de couleurCette semaine : autour de l’album Magical Mystery Tour (novembre et décembre 1967). « Magical Mystery Tour » (Lennon-McCartney), par Ska Ska ClubDiffusé le 26 décembre 1967 par la BBC, le film musical des Beatles, Magical Mystery Tour, a donné lieu à deux disques distincts. Les Etats-Unis ont d’abord découvert six chansons utilisées dans le film sur la face A d’un album vinyle 33-tours sorti le 27 novembre 1967. Avec en face B cinq chansons publiées en single entre février et novembre. Au Royaume Uni, Magical Mystery Tour sort le 8 décembre 1967 sous la forme d’un double 45-tours EP (pour extended play, chaque face pouvant accueillir deux chansons contrairement au single qui ne met qu’une chanson par face) avec les six titres utilisés dans le film. Lesquels, dans l’album américain, suivent à peu près l’ordre du film quand le EP met la chanson-titre et le final (Your Mother Should Know) en face A, I Am The Walrus en face B, réunit les deux thèmes les plus rêveurs en face C et se termine par Blue Jay Way, composition de George Harrison (1943-2001), en face D. Depuis 1976, c’est la construction américaine en onze chansons qui est choisie lors des rééditions, dont la présente diffusée en kiosques pour la collection The Beatles. Notre sélection de reprises en suit l’ordre.Album ou EP, l’entrée dans le voyage en bus des Beatles débute par la chanson du générique Magical Mystery Tour. Avec son accroche initiale « Roll Up ! Roll Up for The Mystery Tour… », invitation à double sens, roll up étant l’équivalent de notre « en route » mais aussi le fait de rouler un joint, dont les fumées accompagneront le parcours psychédélique. De cette chanson enjouée, la reprise la plus connue est probablement celle du guitariste suédois de heavy metal Yngwie Malmsteen, dans un album hommage par différents représentants du genre Butchering the Beatles-A Headbashing Tribute (Restless Records, 2006). Le voyage se transformant en un déluge de notes lors du solo virtuose, on lui a préféré celui, certes à vive allure, mais fort dansant et sans paroles, du groupe japonais Ska Ska Club, qui en fit l’ouverture de son premier album Twelve Ways To Go, en 2001. « The Fool on The Hill » (Lennon-McCartney), sous le titre « En la Colina » par Caterina Valente et Edmundo Ros Aux scènes de comédie, dont la trame scénaristique tiendrait sur une feuille de papier à cigarette, le film Magical Mystery Tour ajoute des séquences musicales illustrées, l’équivalent des vidéo-clips des chaînes musicales des années 1980. Dans les premières minutes du film, l’on découvre ainsi Paul McCartney qui chante The Fool on The Hill, seul dans divers paysages, dont une colline boisée (the hill du titre de la chanson), ou gambadant sur une plage. La ballade, avec son ensemble de flûtes, son ambiance rêveuse, a plus particulièrement inspiré les interprètes féminines (Gal Costa, Rita Lee, Shirley Bassey, Petula Clark, Sarah Vaughan…). Parmi elles, la chanteuse Caterina Valente, née à Paris, à la carrière internationale (Italie, Brésil, Allemagne…) et à la discographie imposante de plus d’une cinquantaine d’albums depuis le milieu des années 1950 – elle enregistrait encore au début des années 2000 – dont plusieurs avec de swingantes formations orchestrales, dont celle du percussionniste, chef d’orchestre et compositeur Edmundo Ros (1910-2011). Et parmi ces disques, Nothing But Aces, publié en 1968 par la compagnie Decca dans sa collection destinée à valoriser l’enregistrement stéréophonie « phase 4 stereo ». Un disque notamment constitué de reprises dont La Bamba, Dream A Little Dream Of Me, immortalisé par Doris Day ou Dean Martin (1917-1995) et devenu ici Sueno Que Estoy Junto A Ti ou donc The Fool On The Hill, transformé en un plaisant En La Colina. « Flying » (Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par The Residents Deuxième séquence musicale du film, constituée de vues de paysages montagneux tournées depuis les airs, avec des effets de couleurs solarisées ou transformées et d’envols dans les nuages destinés à nous faire comprendre où habitent de facétieux magiciens, Flying est l’un des quatre instrumentaux des Beatles à avoir connu une publication officielle (les trois autres, après la séparation des Beatles, dans la collection Anthology, en 1995). Tout aussi rare est le crédit de compositeurs partagé par les quatre Beatles (Starkey étant le vrai nom du batteur Ringo Starr). Une bizarrerie dont le très bizarre groupe américain The Residents, actif depuis la fin des années 1960 sans que ses membres n’aient révélé leur identité, a donné sa version. Elle relève de la déconstruction chère à The Residents mais serait presque d’un abord aisé dans leur discographie plutôt expérimentale. A dénicher en face B du 45-tours The Beatles Play The Residents and The Residents Play The Beatles (Ralph Records, 1977). « Blue Jay Way » (Harrison), par Lord SitarDans Blue Jay Way, George Harrison (1943-2001), son auteur-compositeur, est le héros de la séquence musicale qui, dans le film, venait après celle d’I Am The Walrus. Parfois dédoublé, voire quadruplé, par des trucages images, il est assis en position du lotus, veste et pantalon orange, couleur importante de la culture indienne dans laquelle il a commencé à s’immerger, dans des volutes de fumées avec pour éclairages les phares du bus du Magical Mystery Tour. Les autres Beatles apparaissent à l’occasion, jouant au ballon dans un jardin ou maniant l’archet sur un violoncelle blanc. Musicalement on plane tout autant. Une ambiance partiellement conservée dans la version qu’en donne Lord Sitar, avec chœurs, tabla et sitar. Derrière ce pseudonyme, il y a le guitariste et arrangeur britannique Big Jim Sullivan (1941-2012), musicien de studio réputé (Tom Jones, Shirley Bassey, Dusty Springfield, Donovan, Johnny Hallyday, David Bowie, Serge Gainsbourg…) qui fut l’un des premiers à utiliser des pédales d’effets. Ami de George Harrsion, il a appris au début des années 1960 à jouer du sitar avec l’un des maîtres de l’instrument, Vilayat Khan (1928-2004). Sous son nom, il enregistre un premier album de reprises jouées au sitar, Sitar Beat (Mercury, 1967), dont Sunshine Superman (Donovan) et A Whiter Shade Of Pale (Procol Harum), et sous le nom de Lord Sitar, un disque éponyme, publié par Capitol en 1968, où l’on trouve cette version de Blue Jay Way mais aussi d’I Am The Walrus et Eleanor Rigby des Beatles. « Your Mother Should Know » (Lennon-McCartney), par Les Haricots rougesEn final du film, les Beatles, en smoking blanc, descendent un grand escalier avant de se retrouver au milieu d’une foule d’élégants et d’élégantes et de jeunes femmes en uniformes de la Royal Air Force. Un hommage visuel, réalisé avec les faibles moyens du bord, aux comédies musicales des années 1930 et 1940 du cinéaste et chorégraphe Busby Berkeley (1895-1976). On est certes loin des tourbillons et géométries de Berkeley mais la séquence fait son petit effet. Et puisque les Beatles évoquaient là une lointaine période, quoi de mieux que la reprise par une formation spécialisée dans le jazz New Orleans et dixieland, Les Haricots rouges. Le groupe, dont le personnel a changé au cours des ans, fêtait en 2013 son cinquantenaire. Leur version, avec force banjo et cornet, figurait sur un 45-tours publié en 1968, sur lequel on trouvait aussi une reprise de The Ballad of Bonnie and Clyde que venait d’enregistrer le chanteur et claviériste Georgie Fame. « I Am The Walrus » (Lennon-McCartney), par The Swingle SingersFaute d’accord avec les ayants droit des Beatles, Frank Zappa n’a pu inclure aux disques témoignages de son ultime tournée en 1988 (avec une imposante section de vents) sa version d’I Am The Walrus, pas plus que celles aux paroles détournées de Norwegian Wood, Strawberry Fields Forever et Lucy In The Sky With Diamonds. Dommage. Reste que cette chanson éminemment psychédélique (dont le film renforce les visions avec les Beatles déguisés en animaux, et notamment le morse, walrus, du titre) a connu de nombreuses versions. Que cela soit par les groupes Oasis, The Flaming Lips, Die Toten Hausen (punk allemand), le comédien Jim Carrey qui l’enregistre avec l’aide du producteur des Beatles George Martin, le guitariste flamenco et jazz-rock Al di Meola… Nous vous proposons la version a cappella par The Swingle Singers, enregistrée en 1999 pour leur album hommage aux Beatles Ticket To Ride - A Beatles Tribute (chez Swing). Le groupe, formé en 1962 par Ward Swingle (1927-2015), a d’abord connu le succès en France avec ses adaptations façon jazz de compositions du répertoire classique. La formation vocale, qui a connu de nombreux et réguliers changements de personnel et a pris ses quartiers à Londres au milieu des années 1970, toujours active, a aujourd’hui le statut d’une institution musicale. « Hello Goodbye » (Lennon-McCartney), par I Bit-NikLa plus récente reprise d’Hello Goodbye, chanson qui ouvrait la face B de l’album américain de Magical Mystery Tour, a été enregistrée par le groupe The Cure et figure dans l’album The Art of McCartney (novembre 2014), double CD hommage d’une multitude de vedettes pop et rock à l’auteur-compositeur, bassiste, claviériste et chanteur, que cela soit au sein des Beatles, de son deuxième groupe Wings ou dans sa carière en solo. Un ensemble plutôt freiné par une prudence plus que respectueuse à l’égard de son sujet. La plus ancienne version, si elle est de fait respectueuse, a pour elle la fraîcheur et les maladresses de ses interprètes I Bit-Nik, formation italienne originaire de Gênes, dont la carrière a duré de 1964 et 1968 et dont il reste quelques enregistrements publiés en 45-tours. Ainsi cet Hello Goodbye, dont le texte constitue pour l’essentiel en des variations sur « You say yes/I say no (…) You say goodbye/And I say hello » soit « Tu dis oui/Je dis non (…) Tu dis au revoir/Je dis hello » dont la version italienne se garde bien de compliquer le propos. « Strawberry Fields Forever » (Lennon-McCartney), par Todd RundgrenVioloncelles, trompettes, percussions, couches de guitares acoustiques et électriques, claviers etc. Cinq semaines de travail et d’enregistrements de fin novembre à fin décembre 1966. Strawberry Fields Forever est l’une des mini symphonies beatlesiennes les plus réputées. Publiée en face A d’un 45-tours en février 1967, elle aurait pu figurer sur le futur album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (juin 1967), tout comme sa copine de face B, Penny Lane, autre monument de la phase orchestralo-psychédélique. Difficile pour les repreneurs de s’y attaquer sans s’en tenir à l’arrangement et l’ambiance initiale. Parmi d’autres, Candy Flip, XTC et son double Colin’s Hermit (Dave Gregory, Andy Partridge), Tater Totz, projet parodique mené par Steve et Jeff McDonald du groupe Red Kross ou même Stardrive dans une approche minimaliste s’y tiennent.Alors à tout seigneur tout honneur, c’est par ce traitement que Todd Rundgren sera notre choix. En avril 1976, la face A de son album Faithful (Bearsville Records) est constituée de six reprises de chansons dont le guitariste, claviériste, chanteur, auteur-compositeur et producteur américain dit qu’elles ont constitué une partie de ses bases de musicien. Good Vibrations des Beach Boys, If Six Was Nine de Jimi Hendrix (1942-1970), Bob Dylan, les Yardbirds et deux fois les Beatles avec Rain et Strawberry Fields Forever. Elles sont jouées notes pour notes, dans l’exactitude des originaux, Rundgren approchant vocalement ses divers interprètes et prenant en charge toutes les parties de chœurs. Avec lui, le claviériste Roger Powell, le bassiste John Siegler et le batteur John Wilcox. Ils ont passé des heures en studio à décortiquer chaque passage, à trouver à partir de leurs instruments comment en imiter d’autres et la production de Rundgren consiste à retrouver le son d’origine. Un exercice de style revendiqué. « Penny Lane » (Lennon-McCartney), par Peter Breiner and His Chamber OrchestraL’autre mini symphonie beatlesienne de 1967, Penny Lane, avec son orchestration foisonnante, est donc tout aussi à prendre avec des pincettes en cas de reprises. Les quelques prétendants ont plutôt fait donner la grosse cavalerie (James Last, Paul Mauriat) et même Count Basie dans son Basie on the Beatles (1969) a eu du mal à la faire swinger. Et si l’option du dénuement est prise, elle ne convainc pas (Kenny Rankin). En revanche, tout se tient dans la version enregistrée par l’orchestre de chambre dirigée par le pianiste, chef d’orchestre et compositeur Peter Breiner, à qui l’on doit aussi un Elvis Presley façon musique baroque. Dans l’album Beatles Go Baroque (Naxos, 1993) Breiner réunit plusieurs chansons des Beatles dans le style de Haendel (1685-1759), Vivaldi (1678-1741), Jean-Sébastien Bach (1685-1750) et Corelli (1653-1713). Penny Lane fait partie de l’ensemble Haendel, avec She Loves You, Lady Madonna, Fool on The Hill et Honey Pie. « Baby You’re A Rich Man » (Lennon-McCartney), par Brian SandsDu peu que l’on connaisse des enregistrements et de la personne du multi-instrumentiste et chanteur Brian Sands (guitare, basse, flûte, percussions, guitare, batterie…), proche de la scène art-punk américaine de la fin des années 1970, il y a cet album Reheated Chocolate Tangos. Sorti en 1979 chez Bizart Records (une petite dizaine de productions entre 1979 et 1982), il présente six compositions de Sands et une reprise de Baby You’re A Rich Man qui figurait sur la face B du single des Beatles All You Need Is Love, sorti en juillet 1967. « All You Need Is Love » (Lennon-McCartney), par New MusikLe 25 juin 1967, 400 millions de téléspectateurs (estimation à l’époque) dans quatorze pays (Etats-Unis, Canada, Mexique, Australie, Japon, Royaume uni, Italie, Allemagne (de l’Ouest), France, espagne…) regardent « Our World », la première émission télévisée de divertissement diffusée en direct par satellite. Un programme de deux heures trente auquel participent des personnalités de la culture – dont Franco Zeffirelli, Picasso (1881-1973), Maria Callas (1923-1977), Leonard Bernstein (1918-1990)… – des scientifiques, des sportifs etc.. Pas de séquences pré-enregistrées, des présentations dans la langue de chaque pays, traduites simultanément, et un passage d’un pays à l’autre au gré de l’enchaînement des sujets (répétés en amont et obéissant à un minutage précis). Un exploit technique à vocation rassembleuse pour lequel le Royaume Uni a choisi d’être représenté par les Beatles. Qui ont commencé quelques jours plus tôt à travailler sur une nouvelle chanson, All You Need Is Love, dont le message tombe on ne peut mieux. La séquence Beatles permet de voir (en noir et blanc) le groupe en train de répéter puis d’interpréter le titre (avec une bande orchestrale en renfort) entouré d’anonymes et de célébrités.Devenue hymne depuis, All You Need Is Love est régulièrement invitée en final de célébrations en l’honneur d’une personnalité ou à vocation humanitaire, avec des vedettes bien obligées d’en redouter dans le sourire fraternel. A cet égard, l’assemblée autour de Luciano Pavarotti (1935-2007), en 2000, est un modèle. Auquel nous préférons, en conclusion de ce voyage magique, la (relative) sobriété new wave de la version de New Musik, formation britannique qui œuvra de 1977 à 1982. A trouver sur le troisième et dernier album du groupe Warp (Epic, 1982).    Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, une tournée psychédélique dans la veine de « Sgt. Pepper's ». Dans la soirée du 26 décembre 1967, la BBC offre en cadeau de Noël à ses téléspectateurs Magical Mystery Tour, un film musical de et avec les Beatles. C'est un flop. Public et critique. Tout le monde se gratte la tête à propos de ce voyage en bus dans la campagne anglaise, avec des magiciens, des animaux sortis d'Alice au pays des merveilles (dont un morse, celui de la chanson I Am The Walrus), un strip-tease, des vues de paysages, des séquences, qui se veulent comiques, mal jouées, un scénario bricolé au fur et à mesure du tournage…Le film, tourné en couleurs, a été présenté sur le réseau en noir et blanc de la première chaîne de la BBC. Sans ce qui à l'image pourrait faire sa saveur. Peu après, la diffusion en couleurs par BBC2 – pour un parc de postes estimé à 200 000 – tempérera un peu cette appréciation négative. Les chansons, elles, ont été bien mieux accueillies, publiées quelques semaines plus tôt sur un double 45-tours, avec un livret montrant des images du film, une bande dessinée.En smoking blanc sur un escalier de music-hallL'enjoué Magical Mystery Tour, dans l'esprit de l'introduction de Sgt. Pepper's (juin 1967), la ballade The Fool on the Hill, avec son trio de flûtes, l'instrumental aérien Flying, tout en effets sonores, que prolonge Blue Jay Way, de George Harrison, Your Mother Should Know – dans le film, les Beatles en smoking blanc sur un escalier de music-hall – et le sommet psychédélique I Am the Walrus.Tout cela s'entend comme une suite au fantasque labyrinthe sonore de Sgt. Pepper's. Et plus nettement avec la publication aux Etats-Unis de Magical ­Mystery Tour en album 33-tours – qui correspond à la présente édition proposée par Le Monde. Les chansons du film en face A et cinq autres en face B, jusqu'alors disponibles en 45-tours, dont les mini-symphonies définitives Strawberry Fields Forever et Penny Lane ainsi que l'hymne All You Need Is Love. Tout ce dont tu as besoin, c'est d'amour. Une chanson-slogan encore entonnée lors des manifestations du 11 janvier, après la tuerie au siège de l'hebdomadaire Charlie Hebdo.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.03.2015 à 14h58 • Mis à jour le11.03.2015 à 15h24 | Martine Delahaye Le créateur de la minisérie Peaky Blinders, dont Arte diffuse le début de la première saison jeudi 12 mars, a eu une totale liberté de la part de la BBC pour ce projet passion.Alors que vous écrivez des longs-métrages pour Hollywood depuis votre Oscar du meilleur scénario original pour Dirty Pretty Things (2002) de Stephen Frears, comment en êtes-vous venu à créer « Peaky Blinders » pour la BBC ?« Peaky Blinders » est une récréation par rapport à mon travail aux Etats-Unis : ça relève du projet passion, pour le plaisir ! Je l’avais dans mes cartons depuis au moins vingt ans car originaire de Birmingham, j’ai entendu parler de l’histoire des Peaky Blinders depuis toujours par mes propres parents.Ma mère travaillait pour des bookmakers illégaux quand elle n’avait que 9 ans, les enfants n’étant pas mis en prison si on les attrapait en train de prendre les paris. Mon père, lui, m’a souvent raconté que, quand il n’avait encore que 7 ou 8 ans, son père lui avait remis une note pour mes oncles. Or ces derniers étaient des Peaky Blinders, des bookmakers illégaux : terrifié, il a couru tout au long du chemin, frappé à une porte, et a aperçu, autour d’une grande table couverte d’argent, des hommes impeccablement habillés buvant leur bière à même des cruches : ils ne dépensaient aucun argent hormis pour leur habillement et leur image.Ayant donc entendu plein d’histoires sur les Peaky Blinders tout au long de ma vie, j’ai toujours eu envie d’en parler. D’autant que cette période de gangstérisme entre Birmingham et Londres dans les années 1920 n’a jamais été traitée au cinéma. Un film de deux heures aurait été trop court pour déployer ce genre d’histoire, je l’ai donc proposé pour une série télévisée lorsqu’une productrice m’a demandé ce que j’avais dans mes cartons.La réalisation d’Otto Bathurst et les décors donnent souvent la sensation d’une violence stylisée, d’une minisérie enluminée d’un voile doré, en quelque sorte…Effectivement, cela correspond à la façon dont cela a été écrit et tourné. J’ai voulu que l’on approche ces Peaky Blinders comme s’ils appartenaient à la mythologie, comme s’ils étaient des héros aux yeux d’un gamin de dix ans. Ces hommes violents, les chevaux, les tenues impeccables, etc., tout cela ne pouvait qu’épater le gamin qui les côtoyait.Le Parrain est la seule référence à laquelle j’ai pensé pendant l’écriture de « Peaky Blinders »Nous avons donc essayé de tourner comme si la ville était bucolique, alors que l’époque et ces gens étaient très noirs, durs et fiers.Tout est filmé comme si on était au soleil couchant, avec une brillance qui doit donner l’impression que l’on est plus dans le souvenir que dans le récit réaliste. L’idéal, pour mieux s’en rendre compte, aurait été de le tourner en sépia mais on ne pouvait pas le faire. On a donc choisi la version éclat, embrasement.Avez-vous déterminé à l’avance ce que va devenir le personnage de Tommy Shelby, patron des Peaky Blinders ?Non, je suis d’un tempérament à me renseigner énormément avant d’écrire pour créer ce type de personnage, mais à le laisser vivre ensuite. La famille au centre de tout, des dissensions même très fortes qui n’en entament jamais l’unité, on pense parfois au Parrain…En fait, je ne regarde ni télévision ni cinéma, autant que je le peux, pour que ça n’influence pas mon écriture. Mais Le Parrain est la seule référence à laquelle j’ai pensé pendant l’écriture de « Peaky Blinders ».Mais une seule vraie question se pose à moi concernant Tommy Shelby : quelqu’un de ce milieu a-t-il une quelconque chance d’en sortir, de s’en sortir ?Sur quelle période de temps, aimeriez-vous mener cette saga ?L’idéal, ce serait d’embrasser la période qui va de la fin de la première guerre mondiale au début de la seconde, en sautant deux ans entre chaque saison, pour voir les personnages évoluer.La BBC donne-t-elle des indications sur ce qu’elle attend pour son public ?Non, tout est très facile avec la BBC : s’ils aiment, ils disent oui et vous laissent écrire tranquillement, sans rien demander à lire, sans rien vérifier. A peine si on vous demande s’il serait possible de changer un ou deux mots par-ci par-là, mais sinon, c’est la liberté totale.Avec la production, j’ai choisi les acteurs, le réalisateur, le décorateur, en toute liberté là aussi. Nous avons ensuite tourné dans la foulée, à Liverpool surtout, un peu à Manchester et à Birmingham. Tous les jours je recevais les rushes par voie numérique car j’aurais pu intervenir si je l’avais souhaité, à défaut d’aller sur le tournage. Mais en fait, quand on a confiance dans l’équipe et les acteurs, ça roule sans nécessité d’intervenir.Ce qui est super avec la BBC, c’est qu’il n’y a pas de protocole ou de canevas précis à suivre pour faire connaître et aboutir un projet. Même si j’avais travaillé pour la télé autrefois, c’était ma première expérience de fiction pour la BBC, et tout s’est déroulé très facilement. C’est absolument l’opposé de Hollywood où je travaille habituellement : ça a été comme des vacances pour moi !La BBC a-t-elle dégagé des moyens financiers particuliers pour la très belle mise en scène de cette mini-série ?Non, grâce aux images de synthèse en 3D, aujourd’hui, on peut créer des décors et disposer d’images auparavant inaccessibles ; on peut tourner ce genre de minisérie, très bien réalisée, sans dépasser le budget habituel qu’y met la BBC.De toute façon, je sais par expérience que la liberté suppose un petit budget. Dès que l’on passe à un budget important, que des gens risquent beaucoup d’argent sur votre projet, ils veulent en avoir le contrôle.Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?Je viens de finir l’écriture de World War Z 2, avec Brad Pitt et un film d’espionnage dont on m’a confié le scénario. Je vais maintenant me plonger dans l’écriture de la saison 3 de « Peaky Blinders ».Martine DelahayeJournaliste au Monde 10.03.2015 à 23h33 • Mis à jour le11.03.2015 à 10h33 L'architecte allemand de renommée mondiale Frei Otto est mort lundi 9 mars en Allemagne, a annoncé le comité Pritzker qui lui a décerné son prix 2015, le plus prestigieux de l'architecture mondiale.(édition abonnés) : « Le Pritzker Prize est comme l'élection du pape ! »Le comité a annoncé, mardi 10 mars, la « triste nouvelle » de la disparition, tout en révélant avec deux semaines d'avance que Frei Otto était le lauréat de ce prix, équivalent d'un prix Nobel.« Sans précédent dans l'histoire du prix »« La nouvelle de sa mort est très triste et sans précédent dans l'histoire du prix », a ajouté le comité dans un communiqué de presse. Néanmoins, « le jury lui a attribué le prix pendant qu'il était vivant » et des représentants du comité « ont pu aller chez lui et ont pu le rencontrer et partager la nouvelle », s'est réjoui le comité.Frei Otto a été récompensé pour ses « idées visionnaires, son esprit curieux, sa foi dans le partage de la connaissance et des inventions, son esprit de collaboration et son souci d'utiliser avec soin les ressources ».Il s'était rendu célèbre en réalisant notamment le toit du parc olympique de Munich pour les Jeux olympiques de 1972 et le pavillon du Japon à l'Expo 2000 d'Hanovre en Allemagne, avec Shigeru Ban, lauréat du prix Pritzker en 2014.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerrequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55000bdab5c78'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 3\r\n \r\n \r\nL'\u00e9glise \u00e0 Huchting, \u00e0 Br\u00eame (1971).\r\nCr\u00e9dits : Roland Kutzki\/C BY-SA 3.0\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'\u00e9glise \u00e0 Huchting, \u00e0 Br\u00eame (1971).","source":"Roland Kutzki\/C BY-SA 3.0","index":0,"position":1,"total_count":3,"item_lie":null,"link":"","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 3\r\n \r\n \r\nLe stade olympique de Munich (1968), inaugur\u00e9 \u00e0 l'occasion des Jeux d'\u00e9t\u00e9 de 1972.\r\nCr\u00e9dits : Henning Schlottmann\/CC BY 1.0\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Le stade olympique de Munich (1968), inaugur\u00e9 \u00e0 l'occasion des Jeux d'\u00e9t\u00e9 de 1972.","source":"Henning Schlottmann\/CC BY 1.0","index":1,"position":2,"total_count":3,"item_lie":null,"link":"","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 3\r\n \r\n \r\nLa \"Tanzbr\u00fcnnen\" de Cologne (1971).\r\nCr\u00e9dits : HOWI\/CC BY 3.0\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"La \"Tanzbr\u00fcnnen\" de Cologne (1971).","source":"HOWI\/CC BY 3.0","index":2,"position":3,"total_count":3,"item_lie":null,"link":"","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);}); 10.03.2015 à 17h10 • Mis à jour le10.03.2015 à 19h41 | Emmanuelle Jardonnet C’est l’histoire d’un tableau vendu moins de 5 000 euros en Grande-Bretagne, puis revendu quelques mois plus tard près de... 5 millions d’euros aux Etats-Unis. Comme le rapporte, samedi 7 mars, le New York Times, ce tableau appartenait à la vicomtesse Hambleden, qui avait souhaité s’en dessaisir, comme d’une multitude d’autres œuvres et meubles anciens hérités de la famille de son défunt mari, lorsqu’elle a décidé de déménager et de quitter leur manoir historique du village d’Hambleden, près de Londres. La vente s’est tenue chez Christie’s en 2013, et parmi les quelque 300 objets dispersés, se trouvait un croquis à l’huile copiant Salisbury Cathedral from the Meadows, tableau bien connu du peintre britannique John Constable (1776-1837), qui se trouve dans les collections de la Tate.La toile a été achetée 4 800 euros par un marchand d’art, mû par un pressentiment, attiré par cette toile très sombre. Il savait que des couches de peinture avaient été ajoutées à certains tableaux de Constable au XIXe siècle, quelques décennies après la mort du peintre, afin de les adapter au goût de l’époque, avec un rendu plus fini. Après avoir fait nettoyer la surface de la toile, l’acquéreur est ainsi allé la montrer à une spécialiste du peintre, Anne Lyles, ancienne curatrice à la Tate Britain, qui y a reconnu la patte de Constable – dans « la façon d’appliquer la peinture, la texture du ciel et l’expression de la lumière et des ombres », a-t-elle détaillé au New York Times. Authentifiée par l’experte, la toile a ensuite été revendue 4,8 millions d’euros chez Sotheby’s, à New York, en janvier.Une peinture « médiocre » et « grossière »Ce réexamen de l’œuvre, et la brusque réévaluation de sa valeur attire une nouvelle fois l’attention sur la question très épineuse de l’authentification tardive des œuvres d’art. La maison Christie’s avait-elle mal fait son travail lors de la vente Hambleden ? Elle a en tout cas depuis contacté un autre spécialiste de Constable, l’historien d’art Conal Shields, qui conteste l’analyse d’Anne Lyles: lui ne voit « aucun signe de la main de Constable dans l’œuvre ». Pire, la peinture est, selon lui, carrément « médiocre » et « grossière ».Le changement de statut de l’œuvre a par ailleurs quelque peu contrarié Lady Hambleden, 84 ans, qui a l’impression d’avoir été prise « pour une idiote ». La vicomtesse ne souhaite malgré tout pas engager de poursuites pour une œuvre qu’elle n’aimait pas – et que sa belle-mère avait conservée dans un placard pendant soixante ans –, même si elle n’exclut pas que ses enfants choisissent, eux, de le faire.Est-ce que ce genre d’attaque aurait des chances d’aboutir ? Le New York Times rappelle le cas de d’un tableau vendu en 2006 par Sotheby’s comme une copie du tableau Les Tricheurs du Caravage. La maison de ventes a été poursuivie par l’ancien propriétaire lorsqu’un expert a établi par la suite qu’il s’agissait en fait d’un tableau du peintre. Là encore, la réévaluation avait été faite après un nettoyage et une restauration de la peinture. Mais en janvier, la cour a tranché en faveur de Sotheby’s, estimant que la maison de vente n’avait pas commis de négligence lors de son examen de l’œuvre et sa mise à prix.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Chanteur, guitariste, graphiste, auteur-compositeur et âme du groupe Gong qu’il avait fondé en 1970, Daevid Allen avait annoncé, début février, qu’il ne souhaitait plus « subir d’interminables interventions », qui ne pourraient de toute manière pas enrayer le cancer qui avait envahi son corps. Parti un peu plus tôt qu’il ne l’avait souhaité – « je devrais mourir dans ma quatre-vingt-quatrième année, comme je l’ai choisi selon l’enseignement de la Tibetan Mystery School… mais cela ne fonctionne pas toujours », nous confiait-il souriant, le regard pétillant lors d’une rencontre en novembre 2009 – Daevid Allen est mort vendredi 13 mars, à son domicile de Byron Bay, en Australie, l’âge de 77 ans. L’annonce, au nom de sa famille, a été faite par l’un de ses enfants, Orlando Monday.Daevid Allen rejoint ainsi la planète Gong, Zero le héros, dont il pourrait être le double, les théières volantes, les lutins à têtes de pots, Selene, les Octave Doctors, la Magick Mother et autres personnages d’un univers mystico-fantaisiste construit au gré des envies et de l’imagination de son « inventeur ». Le tout trouvant une traduction musicale dans un mélange inventif de rock psychédélique, d’improvisations jazz, de motifs répétitifs planants, de folk, de musiques orientales et de télescopages funk et punk selon les moments.Vidéoclip de la chanson « How To Stay », conçu à partir de dessins de Daevid Allen. Extrait de l’album « 2032 » de Gong. Né à Melbourne (Australie), le 13 janvier 1938, dans une famille de commerçants, Daevid Allen a fait des études d’arts graphiques. Ses dessins et peintures, en rondeurs et volutes viendront souvent illustrer les pochettes de ses nombreux disques – plus d’une soixantaine avec Gong, d’autres groupes, ses enregistrements en solo… Au début des années 1960, Daevid Allen s’installe en Europe. Entre l’Angleterre, l’île de Majorque (Espagne) et la France il rencontre des écrivains dont Allen Ginsberg (1926-1997) et William Burroughs (1914-1997), des musiciens dont Terry Riley, le batteur Robert Wyatt et le bassiste et guitariste Kevin Ayers (1944-2013).« Camembert électrique »Avec ces deux derniers et le claviériste Mike Ratledge il fonde Soft Machine au milieu de l’année 1966. Le groupe devient l’un des plus prisés de la scène underground britannique avec Pink Floyd en train de naître. De cette première incarnation de Soft Machine, il reste un 45-tours et un premier album de compositions pas toutes abouties, publiés des années après. A la suite d’une tournée en France à l’été 1967, les papiers d’Allen n’étant pas en règle il est interdit de séjour au Royaume uni pour trois ans.« Je crois beaucoup au fait que ce qui doit arriver arrive. Au sein de Soft Machine cela devenait tendu. Cette interdiction tombait bien finalement. » A Deia, à Majorque et Paris, Daevid Allen commence une carrière solo. Il rencontre de futurs piliers de Gong, la chanteuse Gilli Smyth, qui sera longtemps sa compagne, le saxophoniste Didier Malherbe. Pour le label de free-jazz BYG Records, fondé en 1967 par Jean Georgakarakos, Jean-Luc Young et Fernand Boruso il enregistre Magyck Brother (mars 1970), qui annonce Gong, Banamoon (avril 1971, avec notamment Wyatt) et Camembert électrique (octobre 1971), où débutent les grandes lignes de l’univers et de la mythologie Gong. Avec le bassiste Christian Trisch et le batteur Pip Pyle (1950-2006), c’est un album plus rock et psychédélique.Gong vit alors en fonctionnement communautaire dans une grande maison de la région parisienne. Le groupe se met à tourner beaucoup, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie. Entre 1972 et 1975 et avec trois albums pour Virgin Records (Flying Teapot, mai 1973, Angel’s Egg, décembre 1973 et You, octobre 1974) le groupe évolue vers sa formation la plus célèbre. Allen, Smyth, Malherbe, le guitariste Steve Hillage, le claviériste Tim Blake, le bassiste Mike Howlett et le batteur Pierre Moerlen (1952-2005). La claviériste Miquette Giraudy et la percussionniste Mirelle Bauer seront aussi à l’occasion de la partie. Sur scène les musiciens, en tenues colorées et chapeaux pointus de magiciens, ont l’un des dispositifs lumière (light show) les plus sophistiqués du circuit. Les concerts peuvent dépasser les trois heures certains soirs. Allen, qui ne s’est jamais considéré comme un guitariste virtuose, tire de son instrument, de longs sons étirés, par le frottement de poignées de porte ou de matériel chirurgical sur les cordes. D’où l’un de ses surnoms, Glissando.Gong en 1973, qui interprète « I Never Glid Before », extrait de l’album « Angel’s Egg ». Au chant Daevid Allen. En avril 1975, il quitte le groupe. « Gong était et est toujours selon moi une histoire collective. A un moment, j’en ai eu assez et le groupe a continué d’exister. » Hillage en prend un temps la direction puis Pierre Moerlen, qui en présentera une version plus orientée jazz-rock de 1976 au milieu des années 1980, sous le nom de Pierre Moerlen’s Gong. Allen repart alors aux Baléares. Il joue et enregistre avec le groupe Euterpe Good Morning (Charly, 1976) et Now Is The Happiest Time of Your Life (Charly, 1977), plus rêveurs et acoustiques, menés par la voix caressante d’Allen. Pendant ce temps l’Angleterre est devenue punk. Allen, qui s’intéresse à tout ce qui peut nourrir son parcours artistique, monte l’éphémère Planet Gong avec le groupe Here & Now, tentative de faire du punk planant.Tibetan Mystery SchoolDe là c’est à New York qu’il va trouver de nouvelles inspirations. Il rencontre le bassiste et producteur Bill Laswell et le batteur Fred Maher pour former New York Gong (un disque en 1979, About Time, guère planant). Allen commence aussi à travailler seul, avec des rythmiques préenregistrées et part sur les routes des Etats-Unis, trouvant des engagements parfois au jour le jour. En 1981 il rentre en Australie, pour une « retraite » de plusieurs années. « J’ai étudié les enseignements de la Tibetan Mystery School. Je me suis éloigné de la musique, je jouais parfois en solo, ou selon les rencontres. Pour compléter je faisais de petits boulots à côté. » Dans les années 1990 Allen sortira plusieurs albums, enregistrés avec les moyens du bord, témoignages de cette période.A la fin des années 1980, le mouvement des rave parties a pour bande-son autant les boucles rythmiques de la techno que les envolées planantes. Tout comme Steve Hillage qui crée alors System 7, Allen y est considéré comme en adéquation musicale et « philosophique ». Allen remet alors Gong en route tout en continuant de collaborer avec une multitude de groupes (Invisible Opera Company of Oz, Brainville, Acid Mother Temple, Altered Walter Funk…) et de se frotter à de nombreux styles.Gong, en 2000, avec outre Daevid Allen et Gilli Smyth, le bassiste Mike Howlett et le saxophoniste Didier Malherbe (en gilet noir) interprète « Master Builder », extrait de l’album « You ».En 1992 paraît Shapeshifter avec Malherbe et Pyle. A partir du milieu des années 1990 Smyth et Howlett sont aussi de retour, Pierre Moerlen participera à une partie des tournées. En 2000 paraît l’album Zero to Infinity qui emmène ses personnages encore plus loin que la planète Gong. Zero est devenu Zeroid. Ce que cherche avec lui Allen c’est une vibration céleste. En 2009, la résonance entre la terre et l’invisible planète est annoncée dans l’album 2032, auquel participe Hillage et Giraudy. Dernière étape I See You paraît en novembre 2014, dont seuls Allen et Smyth constituent le lien avec l’âge d’or du groupe. « Mais Gong, c’est au-delà de moi. C’est hors des modes, hors du temps. Un état d’esprit, une énergie dont je ne suis que l’un des inspirateurs. »Dates13 janvier 1938 Naissance à Melbourne (Australie)1966 Co-fondateur du groupe Soft Machine1970 Fonde le groupe Gong.1973-1974 Succès avec la trilogie phonographique: « Flying Teapot », « Angel’s Egg » et « You ».1975 Quitte la formation la plus réputée de Gong.1976-1981 Monte plusieure groupes à Majorque (Espagne), Londres et New YorkFin des années 1980 Après une période de semi retraite en Australie, réactive Gong sous sa direction2009 Album « 2032 » de Gong13 mars 2015 Mort à Byron Bay (Australie) des suites d’un cancer Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.03.2015 à 17h09 • Mis à jour le12.03.2015 à 17h14 | Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : Les Beatles « Magical Mystery Tour », tubes de couleurCette semaine : autour de l’album Magical Mystery Tour (novembre et décembre 1967). « Magical Mystery Tour » (Lennon-McCartney), par Ska Ska ClubDiffusé le 26 décembre 1967 par la BBC, le film musical des Beatles, Magical Mystery Tour, a donné lieu à deux disques distincts. Les Etats-Unis ont d’abord découvert six chansons utilisées dans le film sur la face A d’un album vinyle 33-tours sorti le 27 novembre 1967. Avec en face B cinq chansons publiées en single entre février et novembre. Au Royaume Uni, Magical Mystery Tour sort le 8 décembre 1967 sous la forme d’un double 45-tours EP (pour extended play, chaque face pouvant accueillir deux chansons contrairement au single qui ne met qu’une chanson par face) avec les six titres utilisés dans le film. Lesquels, dans l’album américain, suivent à peu près l’ordre du film quand le EP met la chanson-titre et le final (Your Mother Should Know) en face A, I Am The Walrus en face B, réunit les deux thèmes les plus rêveurs en face C et se termine par Blue Jay Way, composition de George Harrison (1943-2001), en face D. Depuis 1976, c’est la construction américaine en onze chansons qui est choisie lors des rééditions, dont la présente diffusée en kiosques pour la collection The Beatles. Notre sélection de reprises en suit l’ordre.Album ou EP, l’entrée dans le voyage en bus des Beatles débute par la chanson du générique Magical Mystery Tour. Avec son accroche initiale « Roll Up ! Roll Up for The Mystery Tour… », invitation à double sens, roll up étant l’équivalent de notre « en route » mais aussi le fait de rouler un joint, dont les fumées accompagneront le parcours psychédélique. De cette chanson enjouée, la reprise la plus connue est probablement celle du guitariste suédois de heavy metal Yngwie Malmsteen, dans un album hommage par différents représentants du genre Butchering the Beatles-A Headbashing Tribute (Restless Records, 2006). Le voyage se transformant en un déluge de notes lors du solo virtuose, on lui a préféré celui, certes à vive allure, mais fort dansant et sans paroles, du groupe japonais Ska Ska Club, qui en fit l’ouverture de son premier album Twelve Ways To Go, en 2001. « The Fool on The Hill » (Lennon-McCartney), sous le titre « En la Colina » par Caterina Valente et Edmundo Ros Aux scènes de comédie, dont la trame scénaristique tiendrait sur une feuille de papier à cigarette, le film Magical Mystery Tour ajoute des séquences musicales illustrées, l’équivalent des vidéo-clips des chaînes musicales des années 1980. Dans les premières minutes du film, l’on découvre ainsi Paul McCartney qui chante The Fool on The Hill, seul dans divers paysages, dont une colline boisée (the hill du titre de la chanson), ou gambadant sur une plage. La ballade, avec son ensemble de flûtes, son ambiance rêveuse, a plus particulièrement inspiré les interprètes féminines (Gal Costa, Rita Lee, Shirley Bassey, Petula Clark, Sarah Vaughan…). Parmi elles, la chanteuse Caterina Valente, née à Paris, à la carrière internationale (Italie, Brésil, Allemagne…) et à la discographie imposante de plus d’une cinquantaine d’albums depuis le milieu des années 1950 – elle enregistrait encore au début des années 2000 – dont plusieurs avec de swingantes formations orchestrales, dont celle du percussionniste, chef d’orchestre et compositeur Edmundo Ros (1910-2011). Et parmi ces disques, Nothing But Aces, publié en 1968 par la compagnie Decca dans sa collection destinée à valoriser l’enregistrement stéréophonie « phase 4 stereo ». Un disque notamment constitué de reprises dont La Bamba, Dream A Little Dream Of Me, immortalisé par Doris Day ou Dean Martin (1917-1995) et devenu ici Sueno Que Estoy Junto A Ti ou donc The Fool On The Hill, transformé en un plaisant En La Colina. « Flying » (Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par The Residents Deuxième séquence musicale du film, constituée de vues de paysages montagneux tournées depuis les airs, avec des effets de couleurs solarisées ou transformées et d’envols dans les nuages destinés à nous faire comprendre où habitent de facétieux magiciens, Flying est l’un des quatre instrumentaux des Beatles à avoir connu une publication officielle (les trois autres, après la séparation des Beatles, dans la collection Anthology, en 1995). Tout aussi rare est le crédit de compositeurs partagé par les quatre Beatles (Starkey étant le vrai nom du batteur Ringo Starr). Une bizarrerie dont le très bizarre groupe américain The Residents, actif depuis la fin des années 1960 sans que ses membres n’aient révélé leur identité, a donné sa version. Elle relève de la déconstruction chère à The Residents mais serait presque d’un abord aisé dans leur discographie plutôt expérimentale. A dénicher en face B du 45-tours The Beatles Play The Residents and The Residents Play The Beatles (Ralph Records, 1977). « Blue Jay Way » (Harrison), par Lord SitarDans Blue Jay Way, George Harrison (1943-2001), son auteur-compositeur, est le héros de la séquence musicale qui, dans le film, venait après celle d’I Am The Walrus. Parfois dédoublé, voire quadruplé, par des trucages images, il est assis en position du lotus, veste et pantalon orange, couleur importante de la culture indienne dans laquelle il a commencé à s’immerger, dans des volutes de fumées avec pour éclairages les phares du bus du Magical Mystery Tour. Les autres Beatles apparaissent à l’occasion, jouant au ballon dans un jardin ou maniant l’archet sur un violoncelle blanc. Musicalement on plane tout autant. Une ambiance partiellement conservée dans la version qu’en donne Lord Sitar, avec chœurs, tabla et sitar. Derrière ce pseudonyme, il y a le guitariste et arrangeur britannique Big Jim Sullivan (1941-2012), musicien de studio réputé (Tom Jones, Shirley Bassey, Dusty Springfield, Donovan, Johnny Hallyday, David Bowie, Serge Gainsbourg…) qui fut l’un des premiers à utiliser des pédales d’effets. Ami de George Harrsion, il a appris au début des années 1960 à jouer du sitar avec l’un des maîtres de l’instrument, Vilayat Khan (1928-2004). Sous son nom, il enregistre un premier album de reprises jouées au sitar, Sitar Beat (Mercury, 1967), dont Sunshine Superman (Donovan) et A Whiter Shade Of Pale (Procol Harum), et sous le nom de Lord Sitar, un disque éponyme, publié par Capitol en 1968, où l’on trouve cette version de Blue Jay Way mais aussi d’I Am The Walrus et Eleanor Rigby des Beatles. « Your Mother Should Know » (Lennon-McCartney), par Les Haricots rougesEn final du film, les Beatles, en smoking blanc, descendent un grand escalier avant de se retrouver au milieu d’une foule d’élégants et d’élégantes et de jeunes femmes en uniformes de la Royal Air Force. Un hommage visuel, réalisé avec les faibles moyens du bord, aux comédies musicales des années 1930 et 1940 du cinéaste et chorégraphe Busby Berkeley (1895-1976). On est certes loin des tourbillons et géométries de Berkeley mais la séquence fait son petit effet. Et puisque les Beatles évoquaient là une lointaine période, quoi de mieux que la reprise par une formation spécialisée dans le jazz New Orleans et dixieland, Les Haricots rouges. Le groupe, dont le personnel a changé au cours des ans, fêtait en 2013 son cinquantenaire. Leur version, avec force banjo et cornet, figurait sur un 45-tours publié en 1968, sur lequel on trouvait aussi une reprise de The Ballad of Bonnie and Clyde que venait d’enregistrer le chanteur et claviériste Georgie Fame. « I Am The Walrus » (Lennon-McCartney), par The Swingle SingersFaute d’accord avec les ayants droit des Beatles, Frank Zappa n’a pu inclure aux disques témoignages de son ultime tournée en 1988 (avec une imposante section de vents) sa version d’I Am The Walrus, pas plus que celles aux paroles détournées de Norwegian Wood, Strawberry Fields Forever et Lucy In The Sky With Diamonds. Dommage. Reste que cette chanson éminemment psychédélique (dont le film renforce les visions avec les Beatles déguisés en animaux, et notamment le morse, walrus, du titre) a connu de nombreuses versions. Que cela soit par les groupes Oasis, The Flaming Lips, Die Toten Hausen (punk allemand), le comédien Jim Carrey qui l’enregistre avec l’aide du producteur des Beatles George Martin, le guitariste flamenco et jazz-rock Al di Meola… Nous vous proposons la version a cappella par The Swingle Singers, enregistrée en 1999 pour leur album hommage aux Beatles Ticket To Ride - A Beatles Tribute (chez Swing). Le groupe, formé en 1962 par Ward Swingle (1927-2015), a d’abord connu le succès en France avec ses adaptations façon jazz de compositions du répertoire classique. La formation vocale, qui a connu de nombreux et réguliers changements de personnel et a pris ses quartiers à Londres au milieu des années 1970, toujours active, a aujourd’hui le statut d’une institution musicale. « Hello Goodbye » (Lennon-McCartney), par I Bit-NikLa plus récente reprise d’Hello Goodbye, chanson qui ouvrait la face B de l’album américain de Magical Mystery Tour, a été enregistrée par le groupe The Cure et figure dans l’album The Art of McCartney (novembre 2014), double CD hommage d’une multitude de vedettes pop et rock à l’auteur-compositeur, bassiste, claviériste et chanteur, que cela soit au sein des Beatles, de son deuxième groupe Wings ou dans sa carière en solo. Un ensemble plutôt freiné par une prudence plus que respectueuse à l’égard de son sujet. La plus ancienne version, si elle est de fait respectueuse, a pour elle la fraîcheur et les maladresses de ses interprètes I Bit-Nik, formation italienne originaire de Gênes, dont la carrière a duré de 1964 et 1968 et dont il reste quelques enregistrements publiés en 45-tours. Ainsi cet Hello Goodbye, dont le texte constitue pour l’essentiel en des variations sur « You say yes/I say no (…) You say goodbye/And I say hello » soit « Tu dis oui/Je dis non (…) Tu dis au revoir/Je dis hello » dont la version italienne se garde bien de compliquer le propos. « Strawberry Fields Forever » (Lennon-McCartney), par Todd RundgrenVioloncelles, trompettes, percussions, couches de guitares acoustiques et électriques, claviers etc. Cinq semaines de travail et d’enregistrements de fin novembre à fin décembre 1966. Strawberry Fields Forever est l’une des mini symphonies beatlesiennes les plus réputées. Publiée en face A d’un 45-tours en février 1967, elle aurait pu figurer sur le futur album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (juin 1967), tout comme sa copine de face B, Penny Lane, autre monument de la phase orchestralo-psychédélique. Difficile pour les repreneurs de s’y attaquer sans s’en tenir à l’arrangement et l’ambiance initiale. Parmi d’autres, Candy Flip, XTC et son double Colin’s Hermit (Dave Gregory, Andy Partridge), Tater Totz, projet parodique mené par Steve et Jeff McDonald du groupe Red Kross ou même Stardrive dans une approche minimaliste s’y tiennent.Alors à tout seigneur tout honneur, c’est par ce traitement que Todd Rundgren sera notre choix. En avril 1976, la face A de son album Faithful (Bearsville Records) est constituée de six reprises de chansons dont le guitariste, claviériste, chanteur, auteur-compositeur et producteur américain dit qu’elles ont constitué une partie de ses bases de musicien. Good Vibrations des Beach Boys, If Six Was Nine de Jimi Hendrix (1942-1970), Bob Dylan, les Yardbirds et deux fois les Beatles avec Rain et Strawberry Fields Forever. Elles sont jouées notes pour notes, dans l’exactitude des originaux, Rundgren approchant vocalement ses divers interprètes et prenant en charge toutes les parties de chœurs. Avec lui, le claviériste Roger Powell, le bassiste John Siegler et le batteur John Wilcox. Ils ont passé des heures en studio à décortiquer chaque passage, à trouver à partir de leurs instruments comment en imiter d’autres et la production de Rundgren consiste à retrouver le son d’origine. Un exercice de style revendiqué. « Penny Lane » (Lennon-McCartney), par Peter Breiner and His Chamber OrchestraL’autre mini symphonie beatlesienne de 1967, Penny Lane, avec son orchestration foisonnante, est donc tout aussi à prendre avec des pincettes en cas de reprises. Les quelques prétendants ont plutôt fait donner la grosse cavalerie (James Last, Paul Mauriat) et même Count Basie dans son Basie on the Beatles (1969) a eu du mal à la faire swinger. Et si l’option du dénuement est prise, elle ne convainc pas (Kenny Rankin). En revanche, tout se tient dans la version enregistrée par l’orchestre de chambre dirigée par le pianiste, chef d’orchestre et compositeur Peter Breiner, à qui l’on doit aussi un Elvis Presley façon musique baroque. Dans l’album Beatles Go Baroque (Naxos, 1993) Breiner réunit plusieurs chansons des Beatles dans le style de Haendel (1685-1759), Vivaldi (1678-1741), Jean-Sébastien Bach (1685-1750) et Corelli (1653-1713). Penny Lane fait partie de l’ensemble Haendel, avec She Loves You, Lady Madonna, Fool on The Hill et Honey Pie. « Baby You’re A Rich Man » (Lennon-McCartney), par Brian SandsDu peu que l’on connaisse des enregistrements et de la personne du multi-instrumentiste et chanteur Brian Sands (guitare, basse, flûte, percussions, guitare, batterie…), proche de la scène art-punk américaine de la fin des années 1970, il y a cet album Reheated Chocolate Tangos. Sorti en 1979 chez Bizart Records (une petite dizaine de productions entre 1979 et 1982), il présente six compositions de Sands et une reprise de Baby You’re A Rich Man qui figurait sur la face B du single des Beatles All You Need Is Love, sorti en juillet 1967. « All You Need Is Love » (Lennon-McCartney), par New MusikLe 25 juin 1967, 400 millions de téléspectateurs (estimation à l’époque) dans quatorze pays (Etats-Unis, Canada, Mexique, Australie, Japon, Royaume uni, Italie, Allemagne (de l’Ouest), France, espagne…) regardent « Our World », la première émission télévisée de divertissement diffusée en direct par satellite. Un programme de deux heures trente auquel participent des personnalités de la culture – dont Franco Zeffirelli, Picasso (1881-1973), Maria Callas (1923-1977), Leonard Bernstein (1918-1990)… – des scientifiques, des sportifs etc.. Pas de séquences pré-enregistrées, des présentations dans la langue de chaque pays, traduites simultanément, et un passage d’un pays à l’autre au gré de l’enchaînement des sujets (répétés en amont et obéissant à un minutage précis). Un exploit technique à vocation rassembleuse pour lequel le Royaume Uni a choisi d’être représenté par les Beatles. Qui ont commencé quelques jours plus tôt à travailler sur une nouvelle chanson, All You Need Is Love, dont le message tombe on ne peut mieux. La séquence Beatles permet de voir (en noir et blanc) le groupe en train de répéter puis d’interpréter le titre (avec une bande orchestrale en renfort) entouré d’anonymes et de célébrités.Devenue hymne depuis, All You Need Is Love est régulièrement invitée en final de célébrations en l’honneur d’une personnalité ou à vocation humanitaire, avec des vedettes bien obligées d’en redouter dans le sourire fraternel. A cet égard, l’assemblée autour de Luciano Pavarotti (1935-2007), en 2000, est un modèle. Auquel nous préférons, en conclusion de ce voyage magique, la (relative) sobriété new wave de la version de New Musik, formation britannique qui œuvra de 1977 à 1982. A trouver sur le troisième et dernier album du groupe Warp (Epic, 1982).    Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, une tournée psychédélique dans la veine de « Sgt. Pepper's ». Dans la soirée du 26 décembre 1967, la BBC offre en cadeau de Noël à ses téléspectateurs Magical Mystery Tour, un film musical de et avec les Beatles. C'est un flop. Public et critique. Tout le monde se gratte la tête à propos de ce voyage en bus dans la campagne anglaise, avec des magiciens, des animaux sortis d'Alice au pays des merveilles (dont un morse, celui de la chanson I Am The Walrus), un strip-tease, des vues de paysages, des séquences, qui se veulent comiques, mal jouées, un scénario bricolé au fur et à mesure du tournage…Le film, tourné en couleurs, a été présenté sur le réseau en noir et blanc de la première chaîne de la BBC. Sans ce qui à l'image pourrait faire sa saveur. Peu après, la diffusion en couleurs par BBC2 – pour un parc de postes estimé à 200 000 – tempérera un peu cette appréciation négative. Les chansons, elles, ont été bien mieux accueillies, publiées quelques semaines plus tôt sur un double 45-tours, avec un livret montrant des images du film, une bande dessinée.En smoking blanc sur un escalier de music-hallL'enjoué Magical Mystery Tour, dans l'esprit de l'introduction de Sgt. Pepper's (juin 1967), la ballade The Fool on the Hill, avec son trio de flûtes, l'instrumental aérien Flying, tout en effets sonores, que prolonge Blue Jay Way, de George Harrison, Your Mother Should Know – dans le film, les Beatles en smoking blanc sur un escalier de music-hall – et le sommet psychédélique I Am the Walrus.Tout cela s'entend comme une suite au fantasque labyrinthe sonore de Sgt. Pepper's. Et plus nettement avec la publication aux Etats-Unis de Magical ­Mystery Tour en album 33-tours – qui correspond à la présente édition proposée par Le Monde. Les chansons du film en face A et cinq autres en face B, jusqu'alors disponibles en 45-tours, dont les mini-symphonies définitives Strawberry Fields Forever et Penny Lane ainsi que l'hymne All You Need Is Love. Tout ce dont tu as besoin, c'est d'amour. Une chanson-slogan encore entonnée lors des manifestations du 11 janvier, après la tuerie au siège de l'hebdomadaire Charlie Hebdo.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.03.2015 à 14h58 • Mis à jour le11.03.2015 à 15h24 | Martine Delahaye Le créateur de la minisérie Peaky Blinders, dont Arte diffuse le début de la première saison jeudi 12 mars, a eu une totale liberté de la part de la BBC pour ce projet passion.Alors que vous écrivez des longs-métrages pour Hollywood depuis votre Oscar du meilleur scénario original pour Dirty Pretty Things (2002) de Stephen Frears, comment en êtes-vous venu à créer « Peaky Blinders » pour la BBC ?« Peaky Blinders » est une récréation par rapport à mon travail aux Etats-Unis : ça relève du projet passion, pour le plaisir ! Je l’avais dans mes cartons depuis au moins vingt ans car originaire de Birmingham, j’ai entendu parler de l’histoire des Peaky Blinders depuis toujours par mes propres parents.Ma mère travaillait pour des bookmakers illégaux quand elle n’avait que 9 ans, les enfants n’étant pas mis en prison si on les attrapait en train de prendre les paris. Mon père, lui, m’a souvent raconté que, quand il n’avait encore que 7 ou 8 ans, son père lui avait remis une note pour mes oncles. Or ces derniers étaient des Peaky Blinders, des bookmakers illégaux : terrifié, il a couru tout au long du chemin, frappé à une porte, et a aperçu, autour d’une grande table couverte d’argent, des hommes impeccablement habillés buvant leur bière à même des cruches : ils ne dépensaient aucun argent hormis pour leur habillement et leur image.Ayant donc entendu plein d’histoires sur les Peaky Blinders tout au long de ma vie, j’ai toujours eu envie d’en parler. D’autant que cette période de gangstérisme entre Birmingham et Londres dans les années 1920 n’a jamais été traitée au cinéma. Un film de deux heures aurait été trop court pour déployer ce genre d’histoire, je l’ai donc proposé pour une série télévisée lorsqu’une productrice m’a demandé ce que j’avais dans mes cartons.La réalisation d’Otto Bathurst et les décors donnent souvent la sensation d’une violence stylisée, d’une minisérie enluminée d’un voile doré, en quelque sorte…Effectivement, cela correspond à la façon dont cela a été écrit et tourné. J’ai voulu que l’on approche ces Peaky Blinders comme s’ils appartenaient à la mythologie, comme s’ils étaient des héros aux yeux d’un gamin de dix ans. Ces hommes violents, les chevaux, les tenues impeccables, etc., tout cela ne pouvait qu’épater le gamin qui les côtoyait.Le Parrain est la seule référence à laquelle j’ai pensé pendant l’écriture de « Peaky Blinders »Nous avons donc essayé de tourner comme si la ville était bucolique, alors que l’époque et ces gens étaient très noirs, durs et fiers.Tout est filmé comme si on était au soleil couchant, avec une brillance qui doit donner l’impression que l’on est plus dans le souvenir que dans le récit réaliste. L’idéal, pour mieux s’en rendre compte, aurait été de le tourner en sépia mais on ne pouvait pas le faire. On a donc choisi la version éclat, embrasement.Avez-vous déterminé à l’avance ce que va devenir le personnage de Tommy Shelby, patron des Peaky Blinders ?Non, je suis d’un tempérament à me renseigner énormément avant d’écrire pour créer ce type de personnage, mais à le laisser vivre ensuite. La famille au centre de tout, des dissensions même très fortes qui n’en entament jamais l’unité, on pense parfois au Parrain…En fait, je ne regarde ni télévision ni cinéma, autant que je le peux, pour que ça n’influence pas mon écriture. Mais Le Parrain est la seule référence à laquelle j’ai pensé pendant l’écriture de « Peaky Blinders ».Mais une seule vraie question se pose à moi concernant Tommy Shelby : quelqu’un de ce milieu a-t-il une quelconque chance d’en sortir, de s’en sortir ?Sur quelle période de temps, aimeriez-vous mener cette saga ?L’idéal, ce serait d’embrasser la période qui va de la fin de la première guerre mondiale au début de la seconde, en sautant deux ans entre chaque saison, pour voir les personnages évoluer.La BBC donne-t-elle des indications sur ce qu’elle attend pour son public ?Non, tout est très facile avec la BBC : s’ils aiment, ils disent oui et vous laissent écrire tranquillement, sans rien demander à lire, sans rien vérifier. A peine si on vous demande s’il serait possible de changer un ou deux mots par-ci par-là, mais sinon, c’est la liberté totale.Avec la production, j’ai choisi les acteurs, le réalisateur, le décorateur, en toute liberté là aussi. Nous avons ensuite tourné dans la foulée, à Liverpool surtout, un peu à Manchester et à Birmingham. Tous les jours je recevais les rushes par voie numérique car j’aurais pu intervenir si je l’avais souhaité, à défaut d’aller sur le tournage. Mais en fait, quand on a confiance dans l’équipe et les acteurs, ça roule sans nécessité d’intervenir.Ce qui est super avec la BBC, c’est qu’il n’y a pas de protocole ou de canevas précis à suivre pour faire connaître et aboutir un projet. Même si j’avais travaillé pour la télé autrefois, c’était ma première expérience de fiction pour la BBC, et tout s’est déroulé très facilement. C’est absolument l’opposé de Hollywood où je travaille habituellement : ça a été comme des vacances pour moi !La BBC a-t-elle dégagé des moyens financiers particuliers pour la très belle mise en scène de cette mini-série ?Non, grâce aux images de synthèse en 3D, aujourd’hui, on peut créer des décors et disposer d’images auparavant inaccessibles ; on peut tourner ce genre de minisérie, très bien réalisée, sans dépasser le budget habituel qu’y met la BBC.De toute façon, je sais par expérience que la liberté suppose un petit budget. Dès que l’on passe à un budget important, que des gens risquent beaucoup d’argent sur votre projet, ils veulent en avoir le contrôle.Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?Je viens de finir l’écriture de World War Z 2, avec Brad Pitt et un film d’espionnage dont on m’a confié le scénario. Je vais maintenant me plonger dans l’écriture de la saison 3 de « Peaky Blinders ».Martine DelahayeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Après la polémique, le coup de théâtre : vendredi 20 mars en début de soirée, le directeur du Macba, le Musée d’art contemporain de Barcelone, Bartomeu Mari, a annoncé qu’il revenait sur sa décision de ne pas exposer une œuvre polémique mettant en scène le roi Juan Carlos, et donc autorisait finalement l’ouverture de l’exposition dans laquelle elle était incluse. La censure d’une sculpture montrant le roi dans une position olé olé avait, en effet, entraîné l’annulation de l’exposition collective « La bestia y el soberano » (« la bête et le souverain »), mardi 17 mars, déchaînant les passions bien au-delà de la seule Catalogne. Cette affaire surréaliste au Macba avait laissé le champ aux commentaires amusés, mais surtout à la consternation.Pour en savoir plus :Un Juan Carlos olé olé : l’œuvre qui fait annuler une exposition à BarceloneLe débat avait été intense après la décision de Bartomeu Mari de demander aux quatre commissaires de l’exposition – deux du musée catalan, deux du Württembergischer Kunstverein (WKV), musée de Stuttgart, en Allemagne, cooproducteur de l’événement – de retirer la sculpture en papier mâché de l’artiste autrichienne Ines Doujak et du Britannique John Barker intitulée Not Dressed for Conquering / Haute couture 04 Transport, qu’il jugeait « inadéquate et contraire à la ligne éditoriale du musée ». Leur refus de décrocher la sculpture mettant en scène l’ancien roi d’Espagne, avait amené le directeur à annuler officiellement l’exposition le jour même où elle devait ouvrir.« Sincères excuses »Dans une lettre ouverte, le directeur a finalement annoncé vendredi soir que « devant la quasi-unanimité des voix des associations professionnelles et du milieu, groupes comme personnes individuelles, ayant exigé l’ouverture de l’exposition “La bête et le souverain”, j’ai décidé qu’elle serait accessible au public à partir de demain, samedi 21 mars. »Il s’explique au passage sur sa prise de position, à l’origine de l’affaire : « J’ai pensé dans un premier temps que de ne pas inclure de l’œuvre d’Ines Doujak et de ne pas ouvrir l’exposition protégeait le Macba en tant qu’institution culturelle dédiée au service public, mais cela a eu pour conséquence l’effet inverse. La publicité donnée à l’œuvre et les opinions formulées par des secteurs très différents de la société, du monde de l’art et de la culture jusqu’aux cercles politiques et les médias, tout comme les professionnels internationaux de l’art, m’ont fait reconsidérer ma décision initiale de ne pas l’inaugurer. »Bartomeu Mari a présenté ses « sincères excuses » et proposé sa démission. On doit savoir en fin de journée, le lundi 23 mars, si celle-ci est acceptée, à l’issue d’une réunion extraordinaire entre les différentes composantes de son bureau : mairie, région, ministère de la culture et la Fondation Macba.Ces derniers jours, alors que le Macba était en crise ouverte, de nombreuses voix se sont élevées dans le sens d’une démission du directeur, notamment à travers une pétition lancée par les autres artistes à l’affiche de l’exposition. Il lui a été reproché d’avoir « cédé à des pressions capricieuses, en relation avec des intérêts privés ». Les signataires appelaient de leurs vœux une nouvelle direction « pouvant garantir le respect de la liberté d’expression et l’intégrité démocratique de l’institution ».L’exposition est visible au Macba jusqu’au 30 août, puis sera présentée, du 16 octobre jusqu’au 17 janvier 2016, au WKV de Stuttgart. Ce centre d’art, qui s’était engagé à la présenter suite à l’annulation, a donc maintenu sa proposition malgré cette issue heureuse pour l’exposition.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.03.2015 à 15h37 • Mis à jour le23.03.2015 à 17h31 Un jugement en référé a donné raison vendredi 20 mars à la direction de France Télévisions, qui a interdit à ses salariés de faire grève cinquante-neuf minutes.Depuis la fin de janvier, les syndicats du groupe audiovisuel public déposent des préavis de grève à répétition. Des grévistes, essentiellement des techniciens, font grève cinquante-neuf minutes à des moments clés de la journée, par exemple juste avant d'enregistrer un direct, avaient expliqué les syndicats. Un choix qui leur permet de ne perdre qu'une heure de salaire.Lire aussi : France Télévisions : les syndicats en campagneCette pratique gêne considérablement de nombreuses émissions depuis des semaines, sans que le téléspectateur s'en aperçoive vraiment : les journaux ou autres émissions en direct sont enregistrés non pas en plateau mais dans la salle de régie finale, ou – comme pour certaines antennes régionales de France 3 – sans présentateur, ou encore dans des studios privés loués pour l'occasion. Dimanche soir par exemple, la soirée électorale de France 3 a été tournée dans un studio de Saint-Cloud, selon des sources syndicales. Des délocalisations qui sont coûteuses pour le groupe, justifie la direction.Le 6 mars, le président du groupe, Rémy Pflimlin, avait publié une note interne exigeant que les grévistes se déclarent comme tel en début de journée, sous peine de sanction. Les syndicats avaient alors déposé un recours en référé contre cette demande et organisé une grève jeudi 19 mars pour défendre ce type d'actions.Lire aussi (édition abonnés) : Diriger France Télévisions serait-il « le pire job des médias » ?La direction souhaite l'« apaisement »Lundi, la direction s'est félicitée de la décision du juge en référé par la voix du directeur des ressources humaines, Patrice Papet :« C'est une décision très claire : non seulement le président de France Télévisions était en droit de rédiger cette note, mais il était aussi tenu de le faire car il doit prendre les mesures qui assurent l'exécution du service.« Les salariés doivent dire s'ils sont grévistes en arrivant à leur travail. Ils peuvent alors faire grève cinquante-neuf minutes, mais en début de journée, ou bien une demi-journée ou une journée. »Dès lundi, la direction a convoqué des employés qui ont mené ces grèves de cinquante-neuf minutes pour des entretiens préalables à des sanctions. « Nous sommes prêts à ne pas donner de suite aux procédures si tout le monde respecte la note », a assuré M. Papet. A partir du moment où les règles sont appliquées, on souhaite évidemment l'apaisement. » Selon la direction, quatre cents salariés seulement ont fait grève jeudi.Lire aussi : Le gouvernement encadre le futur de France Télévisions 23.03.2015 à 11h39 Les antennes de Radio France étaient très fortement perturbées, lundi 23 mars matin, par le mouvement de grève illimitée lancé jeudi par cinq syndicats, avec des émissions remplacées par une bande musicale. Pour la première fois depuis cinq jours, le 7-9 de France Inter, son émission phare, a été supprimé. France Info ne diffusait qu’un journal toutes les demi-heures tandis que France Culture et France Musique passaient également de la musique en continu. Cinq syndicats - mais pas le SNJ (Syndicat national des journalistes) - ont lancé jeudi un appel à la grève illimitée. Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde 21.03.2015 à 00h59 • Mis à jour le23.03.2015 à 13h27 | Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 17h52 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h11 | Emmanuelle Jardonnet Un chien-loup, une syndicaliste sud-américaine et un roi d’Espagne : les désaccords autour d’une sculpture assemblant sexuellement ces trois figures a eu la peau d’une exposition au Macba, le Musée d’art contemporain de Barcelone, avant même son ouverture.L’exposition, intitulée « La Bestia i el Sobira » (« la bête et le souverain », reprenant l’intitulé d’un séminaire de Jacques Derrida), devait rassembler les œuvres d’une trentaine d’artistes internationaux autour de la question de la souveraineté, dans ce qu’elle implique de rapports de force. Elle a été annulée dans la matinée du mercredi 18 mars, alors qu’elle devait ouvrir ses portes dans la soirée, à l’issue d’un blocage entre le directeur du musée et l’équipe des quatre commissaires d’exposition.Le responsable des lieux, Bartolomeu Mari, a, en effet, souhaité faire retirer de la présentation l’œuvre Not Dressed for Conquering / Haute couture 04 Transport, de l’artiste autrichienne Ines Doujak, qu’il a jugée « inadéquate et contraire à la ligne éditoriale du musée ». Les commissaires ont refusé ; le directeur a opté pour l’annulation.« Archétypes du pouvoir »L’œuvre en question évoque, par un assemblage outrancier, une combinaison de rapports de domination économiques et historiques. On y voit un chien-loup prendre par derrière la responsable syndicale féministe bolivienne Domitila Barrios de Chungara, coiffée d’un casque de mineur, elle-même chevauchant l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos en train de vomir un bouquet de bleuets, le tout sur un tas de casques de soldat rouillés, posés en équilibre instable sur un chariot de recyclage de cartons.Comme l’explique Valentin Roma, l’un des commissaires, dans El Pais, cette pièce s’insère dans une série d’œuvres d’Ines Doujak, associée à l’artiste britannique John Barker, intitulée « Loomshuttles / Warpaths » (« Métiers à tisser / Chemins de guerre »). « Doujak est une artiste reconnue, qui travaille sur les dynamiques du colonialisme, et le Macba l’a déjà exposée », détaille-t-il. Il rappelle que l’œuvre « fait partie d’un projet débuté en 2010, qui s’intéresse aux relations complexes et asymétriques entre l’Europe et l’Amérique latine », et « s’inscrit dans la grande tradition des relations entre art et pouvoir. Cela fait des siècles que l’art caricature les archétypes du pouvoir, et c’est ce que fait Doujak ».Cette œuvre avait déjà été présentée à la Biennale de Sao Paulo l’an dernier. « Ce projet aborde la relation entre les colonies et l’Europe à travers l’industrie du textile, précise, dans El Pais, Nuria Enguita, commissaire et éditrice indépendante qui faisait partie des organisateurs de la manifestation brésilienne. A partir d’une matrice historique, Doujak étudie et analyse les implications actuelles du colonialisme. »« Manque de démocratie »« Chacun sait que le Macba est sous le patronage de la reine Sophie », signale, dans le quotidien espagnol, Julia Montilla, une des artistes à l’affiche de l’exposition. Selon elle, « cela montre un manque de démocratie de la part de l’institution ». De son côté, le directeur rejette toute accusation d’avoir cédé à des pressions, affirmant avoir seulement dû prendre ses « responsabilités », et estimant « qu’il y a des messages qui ne doivent pas être transmis par un musée ».Ce qui étonne, c’est que la censure de l’œuvre se fasse à un stade si avancé, alors que l’exposition était déjà installée. Dans un communiqué publié le jour même, et rapporté par le blog Le Beau Vice, les commissaires affirment que « la direction du Macba était informée aussi bien du concept curatorial que du contenu concret des œuvres. Le directeur avait validé le projet, et aussi bien sa description que la liste des artistes étaient mises en ligne sur la page Internet du Macba depuis des semaines ».Toute l’équipe curatoriale y affirme qu’elle considère que « ce travail s’inscrit dans la tradition de parodie, des figures de carnaval et des caricatures iconoclastes », précisant que « l’œuvre n’était pas censée insulter une personne privée, mais reformuler de façon critique une représentation collective du pouvoir souverain ».Le malentendu ouvre une crise aiguë au Macba. Lancée sur Facebook, une manifestation de contestation de la censure s’est tenue devant le musée, à l’heure où l’exposition aurait dû commencer, attirant quelque 200 personnes. La Württembergischer Kunstverein (WKV) de Stuttgart , coproductrice de l’exposition, a apporté son soutien aux commissaires sur son site, et décidé d’accueillir l’exposition très prochainement.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Exercice difficile que celui auquel s’est livré le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, qui est allé répondre aux questions des salariés de l’entreprise réunis en assemblée générale, vendredi 20 mars.Le PDG de #RadioFrance seul face aux salariés en colère #grève pic.twitter.com/Hf93rTcfVd— LaGrue James (@Lagruejames) 20 Mars 2015Interrogé par une salariée sur la « faute morale » qu’aurait constituée la rénovation de son bureau pour un montant global de 105 000 euros, M. Gallet a répondu « comprendre cette colère », mais a ajouté que ces travaux avaient été votés avant son arrivée.Lire aussi :Radio France : Mathieu Gallet fragilisé par le coût des travaux de son bureauSur les mesures d’économies envisagées pour résorber le déficit de l’entreprise, le PDG a expliqué poursuivre les négociations avec l’Etat pour fixer les objectifs et moyens de Radio France pour les cinq prochaines années."L'Etat ne va pas lâcher Radio France. Les négociations vont aboutir" #Gallet #RadioFrance— Jean Leymarie (@Jean_Leymarie) 20 Mars 2015M. Gallet a notamment expliqué que le départ de l’Orchestre national de France était une option."@delfsim: #Radiofrance #Gallet L'une des hypothèses est que l'Orchestre national de France "prenne son autonomie" Tollé."— Marion L'Hour (@MarionLHour) 20 Mars 2015« Je me bats avec l’Etat pour qu’il n’y ait pas de départs contraints », a également déclaré le PDG, en réponse aux inquiétudes sur un possible plan de départs qui pourrait concerner 300 à 400 personnes.M. Gallet a mis en avant le poids du chantier de rénovation de Radio France, dont le coût a explosé et qui pèse aujourd’hui lourdement sur le budget. Ainsi, sur les 21 millions d’euros de déficit programmés pour 2015, 15 millions relèveraient d’amortissements liés au chantier.Lire aussi :L’interminable chantier de la Maison de la radioLes salariés ont aujourd’hui le sentiment de devoir payer un lourd tribut à ce chantier et estiment qu’on prépare des économies sur la production de contenus pour continuer à financer l’ouvrage.#Gallet:"Je suis toujours en négociation avec l'Etat pour pouvoir finir le chantier". Les salariés: "Mais arrêtez avec votre chantier!" #AG— Julie Gacon (@juliegacon) 20 Mars 2015À l’issue d’un échange qui aura duré une heure trente, le PDG a quitté la scène du Studio 104.Bon Ben M. #Gallet a posé son micro et est parti sous les huées. The end.— Margaux Duquesne (@MduqN) 20 Mars 2015« Les salariés ont eu des éléments de langage, mais aucun élément de réponse », a jugé l’intersyndicale (CGT, SNJ-CGT, SUD, UNSA, CFDT, FOSNRT) dans un communiqué, évoquant « une crise de confiance vis-à-vis du PDG ». « C’était un peu un dialogue de sourds », a estimé Lionel Thompson, journaliste et délégué CGT.Les salariés de Radio France ont voté, vendredi après-midi, la reconduction de leur mouvement de grève.Lire aussi :Radio France : les dépenses de la direction auscultéesAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Delphine Roucaute Alors que s'ouvre le Salon du livre, vendredi 20 mars, les difficultés s'amassent pour les librairies parisiennes. En témoigne le rapport publié le 13 mars par l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) à la demande de la ville de Paris qui pointe une baisse de 9,9 % du nombre de librairies dans la capitale entre 2011 et 2014. Au mois de février, la mythique librairie La Hune, sise dans le quartier Saint-Germain-des-Prés, a annoncé qu'elle mettrait définitivement la clé sous la porte dans le courant de l'année. Un choc pour ce haut lieu de la littérature, des sciences humaines et des beaux-arts.Lire (en édition abonnés) : La librairie La Hune baisse définitivement pavillonLes librairies sont-elles réellement en danger dans la capitale ? Petit tour d'horizon de la situation.Combien de librairies à Paris ?La question peut sembler simple, mais les chiffres sont en fait difficiles à établir. Plusieurs organismes et institutions recensent les librairies qui fleurissent ou disparaissent dans la capitale, mais tous n'englobent pas exactement le même type de commerce sous le terme de « librairie », et les comptes diffèrent selon la méthodologie appliquée.Selon les données de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) publiées en mars 2015, Paris comptait 756 librairies en 2014 – un chiffre qui comprend aussi bien les librairies généralistes et spécialisées que les librairies-papeteries et/ou presse (LPP) et les vendeurs de livres d'occasion. Il s'agit d'un recensement visuel des librairies, en tant que commerces en pied d'immeuble. La méthode a le mérite de mettre en avant les commerces physiques, et donne donc un aperçu fidèle de la librairie en dehors de l'activité qui se développe avec force sur Internet. Elle comporte toutefois ses failles, certains commerces étant difficiles à identifier, et la subjectivité des enquêteurs pouvant entrer en jeu.(source : Banque de données sur le commerce de l'APUR, 2015)Sur cette carte, on remarque une nette prédominance des 5e et 6e arrondissements parisiens, qui accueillent respectivement 129 et 110 locaux de librairie. A cela, on peut également ajouter les commerces de livres anciens et d'autographes, qu'on peut notamment rencontrer en nombre rue de l'Odéon, dans le 6e arrondissement.Mais à titre de comparaison, le Motif, observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France, recensait (PDF) 554 librairies à Paris en 2011 (dont seulement 374 commerces ne vendant que des livres neufs, et excluant donc les commerces de papeterie, de presse et les grandes surfaces), soit 285 de moins que l'étude de l'APUR à la même période.Quelle évolution ?Selon l'APUR, qui a établi un décompte des librairies et LPP par arrondissement, 28 % de ces commerces ont disparu dans l'ensemble de Paris entre 2000 et 2014. Le quartier connaissant le plus gros différentiel est le 16e arrondissement, dont plus de la moitié des points de vente de livres ont disparu depuis le début du millénaire, passant de 37 à 18 librairies. Il est suivi de près par un autre quartier ouest de la rive droite, le 8e arrondissement (- 46 %), puis par des quartiers plus centraux, comme le 1er et le 6e arrondissement (- 42 % pour les deux). Les deux seuls arrondissements à avoir gagné des librairies sur la période sont le 13e et le 20e arrondissement, ce dernier passant de 17 à 24 commerces . #container_1426778056905 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426778056905 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426778056905 .subtitre{ display:block; }Le nombre de librairies à Paris entre 2000 et 2014Ces données comprennent les commerces de vente directe de livres neufs, ainsi que les librairies papetries et/ou presse. Il s'agit d'un recensement visuel.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426778056905", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "area", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Atelier parisien d'urbanisme (2015)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:1100, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["2000","2003","2005","2007","2011","2014"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "nombre de librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1051 ], [ "", 969 ], [ "", 965 ], [ "", 909 ], [ "", 839 ], [ "", 756 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Ces chiffres alarmants sont pourtant à nuancer. S'il est indéniable que depuis quelques années le secteur de la librairie-papeterie et/ou presse connaît plus de fermetures de locaux que d'ouvertures, c'est d'abord à cause de la baisse des ventes de journaux. Le nombre global de librairies a lui aussi tendance à baisser, mais à un rythme moins frénétique. Dans un décompte actualisé au 28 avril 2014, le Motif souligne que la disparition nette de librairies (c'est-à-dire le différentiel entre les créations et les cessations d'activités) s'élève à seulement 20 depuis 2011 – contre 81 selon les décomptes de l'APUR sur la même période, qui prennent eux en compte les LPP.Du Quartier latin vers les arrondissements périphériquesLa prédominance du Quartier latin (dans l'actuel 5e arrondissement et au nord et à l'est du 6e arrondissement) dans le commerce du livre remonte aux XVIe et XVIIe siècles. Historiquement regroupées autour de la Sorbonne, librairies et maisons d'édition se sont disséminées aux angles des rues reliant les différentes antennes universitaires. Aujourd'hui encore, c'est là que l'on retrouve le plus de marchands de livres, dont certains très spécialisés dans certaines thématiques, ou dans la revente d'occasion, avec des enseignes comme Boulinier par exemple.C'est aujourd'hui ce quartier qui souffre le plus de la situation difficile que traversent les libraires. Les raisons sont à aller chercher dans les coûts élevés et croissants des charges fixes, les frais de personnel et le coût des loyers qui ne fait qu'augmenter. Depuis 2008, la mairie de Paris a bien confié à la société d'économie mixte de la ville de Paris (Semaest) le soin de racheter des locaux du Quartier latin, de les rénover et de les louer exclusivement à des libraires indépendants. Mais en l'absence d'aide aux loyers proprement dite, la concurrence des banques et des magasins de vêtements reste difficile à contrer dans ce quartier très touristique.Le phénomène est particulièrement criant à Saint-Germain-des-Prés – surnommé à l'occasion « Saint-Germain-des-Livres » – et a été récemment médiatisé avec la fermeture de la mythique librairie La Hune. « Le quartier a changé depuis les années 60. C'est l'endroit qui compte le plus de librairies au monde, mais l'immobilier y est très cher », regrette Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, qui insiste pourtant pour ne pas généraliser le cas regrettable de La Hune à l'ensemble des librairies parisiennes. Pour lui, la librairie s'est déplacée, suivant le mouvement de décentralisation opéré par la classe moyenne, vers les arrondissements périphériques.>> Lire aussi la tribune du fils du fondateur de La Hune : Quand la marchandise usurpe, avec l’enseigne d’une célèbre librairie, l’œuvre de toute une vieSelon les chiffres de l'APUR, ce sont en effet les quartiers du nord-est parisien, où les loyers sont les moins élevés, qui semblent avoir le vent en poupe, le 20e arrondissement largement en tête. Une carte établie par l'APUR recensant les créations et disparitions de librairies et LPP entre 2011 et 2014 résume assez bien le phénomène : une forte concentration dans les quartiers centraux, et un nombre de créations de commerces bien plus élevé sur la rive droite. La délicate situation des librairies indépendantesSi les chiffres divergent, un constat demeure : celui des difficultés financières des librairies. Au-delà de l'épineuse question des loyers, qui malgré les aides de la Semaest finit bien souvent en négociations au cas par cas avec les propriétaires, reste la question des frais de personnel. Ces derniers « sont élevés, en proportion du chiffre d'affaires car la valeur ajoutée de la librairie repose en large partie sur la présence et la compétence de libraires, ce qui permet aux librairies indépendantes de se positionner sur la notion forte de conseil par opposition aux grandes surfaces ou librairies en ligne », explique en 2011 le Centre régional d'observation du commerce, de l'industrie et des services.Malgré tout, les libraires sont bien obligés de rogner sur ces dépenses. Selon des chiffres de l'Insee, près de la moitié des librairies d'Ile-de-France n'avaient pas de salariés en 2009. Un chiffre qui a empiré, puisque, selon les comptes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), on est passé de 639 librairies ayant au moins un salarié en Ile-de-France en 2008 à seulement 620 en 2013. #container_1426777895144 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426777895144 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426777895144 .subtitre{ display:block; }Répartition des librairies d'Ile-de-France selon leurs effectifs45 % des librairies franciliennes n'avaient pas de salariés en 2009, un chiffre qui a augmenté depuis(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426777895144", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Insee, Sirène (2009)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:null, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["0","1 à 2","3 à 5","6 à 9","10 à 19","20 à 49","50 à 99","100 à 199"], title:{ text:"Nombre de salariés" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 490 ], [ "", 303 ], [ "", 143 ], [ "", 82 ], [ "", 43 ], [ "", 18 ], [ "", 5 ], [ "", 3 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Cette situation s'explique en partie par la montée en puissance des librairies en ligne. Si les librairies indépendantes continuent à être en tête des ventes totales de livres en valeur (40 %), devant les grandes surfaces culturelles (31 %) et la grande distribution (20 %), les sites de vente en ligne atteignent aujourd'hui quelque 9 % des achats. En tête de ce marché en poupe, Amazon et la Fnac qui occupent 70 % du marché. Des sites comme La Librairie.com essayent de concurrencer ces deux géants d'Internet. En 2014, l'extension Chrome Amazon-Killer proposait même de court-circuiter Amazon au bénéfice de libraires indépendants regroupés dans le réseau Place des libraires.Pour autant, « la librairie n'est pas en train de mourir, nuance William Elman, directeur adjoint du Motif. La situation critique que traversent beaucoup de librairies les pousse à repenser leur métier ». Depuis trois ans, des associations de libraires indépendants ont été créées afin de fédérer les coûts de la mise en place d'un système de vente en ligne. C'est le cas de Librest, un réseau de sept librairies de l'Est parisien qui s'est constitué en 2010. Dans une tribune au Monde, ils défendaient en 2012 « un commerce connecté, durable, personnifié (...) avec des librairies qui veulent plus que jamais apporter une réponse humaine, territoriale, sociale ».Lire : Il faut défendre la librairie indépendanteDelphine RoucauteJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journaliste Martine Delahaye Le créateur de la minisérie Peaky Blinders, dont Arte diffuse le début de la première saison jeudi 12 mars, a eu une totale liberté de la part de la BBC pour ce projet passion.Alors que vous écrivez des longs-métrages pour Hollywood depuis votre Oscar du meilleur scénario original pour Dirty Pretty Things (2002) de Stephen Frears, comment en êtes-vous venu à créer « Peaky Blinders » pour la BBC ?« Peaky Blinders » est une récréation par rapport à mon travail aux Etats-Unis : ça relève du projet passion, pour le plaisir ! Je l’avais dans mes cartons depuis au moins vingt ans car originaire de Birmingham, j’ai entendu parler de l’histoire des Peaky Blinders depuis toujours par mes propres parents.Ma mère travaillait pour des bookmakers illégaux quand elle n’avait que 9 ans, les enfants n’étant pas mis en prison si on les attrapait en train de prendre les paris. Mon père, lui, m’a souvent raconté que, quand il n’avait encore que 7 ou 8 ans, son père lui avait remis une note pour mes oncles. Or ces derniers étaient des Peaky Blinders, des bookmakers illégaux : terrifié, il a couru tout au long du chemin, frappé à une porte, et a aperçu, autour d’une grande table couverte d’argent, des hommes impeccablement habillés buvant leur bière à même des cruches : ils ne dépensaient aucun argent hormis pour leur habillement et leur image.Ayant donc entendu plein d’histoires sur les Peaky Blinders tout au long de ma vie, j’ai toujours eu envie d’en parler. D’autant que cette période de gangstérisme entre Birmingham et Londres dans les années 1920 n’a jamais été traitée au cinéma. Un film de deux heures aurait été trop court pour déployer ce genre d’histoire, je l’ai donc proposé pour une série télévisée lorsqu’une productrice m’a demandé ce que j’avais dans mes cartons.La réalisation d’Otto Bathurst et les décors donnent souvent la sensation d’une violence stylisée, d’une minisérie enluminée d’un voile doré, en quelque sorte…Effectivement, cela correspond à la façon dont cela a été écrit et tourné. J’ai voulu que l’on approche ces Peaky Blinders comme s’ils appartenaient à la mythologie, comme s’ils étaient des héros aux yeux d’un gamin de dix ans. Ces hommes violents, les chevaux, les tenues impeccables, etc., tout cela ne pouvait qu’épater le gamin qui les côtoyait.Le Parrain est la seule référence à laquelle j’ai pensé pendant l’écriture de « Peaky Blinders »Nous avons donc essayé de tourner comme si la ville était bucolique, alors que l’époque et ces gens étaient très noirs, durs et fiers.Tout est filmé comme si on était au soleil couchant, avec une brillance qui doit donner l’impression que l’on est plus dans le souvenir que dans le récit réaliste. L’idéal, pour mieux s’en rendre compte, aurait été de le tourner en sépia mais on ne pouvait pas le faire. On a donc choisi la version éclat, embrasement.Avez-vous déterminé à l’avance ce que va devenir le personnage de Tommy Shelby, patron des Peaky Blinders ?Non, je suis d’un tempérament à me renseigner énormément avant d’écrire pour créer ce type de personnage, mais à le laisser vivre ensuite. La famille au centre de tout, des dissensions même très fortes qui n’en entament jamais l’unité, on pense parfois au Parrain…En fait, je ne regarde ni télévision ni cinéma, autant que je le peux, pour que ça n’influence pas mon écriture. Mais Le Parrain est la seule référence à laquelle j’ai pensé pendant l’écriture de « Peaky Blinders ».Mais une seule vraie question se pose à moi concernant Tommy Shelby : quelqu’un de ce milieu a-t-il une quelconque chance d’en sortir, de s’en sortir ?Sur quelle période de temps, aimeriez-vous mener cette saga ?L’idéal, ce serait d’embrasser la période qui va de la fin de la première guerre mondiale au début de la seconde, en sautant deux ans entre chaque saison, pour voir les personnages évoluer.La BBC donne-t-elle des indications sur ce qu’elle attend pour son public ?Non, tout est très facile avec la BBC : s’ils aiment, ils disent oui et vous laissent écrire tranquillement, sans rien demander à lire, sans rien vérifier. A peine si on vous demande s’il serait possible de changer un ou deux mots par-ci par-là, mais sinon, c’est la liberté totale.Avec la production, j’ai choisi les acteurs, le réalisateur, le décorateur, en toute liberté là aussi. Nous avons ensuite tourné dans la foulée, à Liverpool surtout, un peu à Manchester et à Birmingham. Tous les jours je recevais les rushes par voie numérique car j’aurais pu intervenir si je l’avais souhaité, à défaut d’aller sur le tournage. Mais en fait, quand on a confiance dans l’équipe et les acteurs, ça roule sans nécessité d’intervenir.Ce qui est super avec la BBC, c’est qu’il n’y a pas de protocole ou de canevas précis à suivre pour faire connaître et aboutir un projet. Même si j’avais travaillé pour la télé autrefois, c’était ma première expérience de fiction pour la BBC, et tout s’est déroulé très facilement. C’est absolument l’opposé de Hollywood où je travaille habituellement : ça a été comme des vacances pour moi !La BBC a-t-elle dégagé des moyens financiers particuliers pour la très belle mise en scène de cette mini-série ?Non, grâce aux images de synthèse en 3D, aujourd’hui, on peut créer des décors et disposer d’images auparavant inaccessibles ; on peut tourner ce genre de minisérie, très bien réalisée, sans dépasser le budget habituel qu’y met la BBC.De toute façon, je sais par expérience que la liberté suppose un petit budget. Dès que l’on passe à un budget important, que des gens risquent beaucoup d’argent sur votre projet, ils veulent en avoir le contrôle.Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?Je viens de finir l’écriture de World War Z 2, avec Brad Pitt et un film d’espionnage dont on m’a confié le scénario. Je vais maintenant me plonger dans l’écriture de la saison 3 de « Peaky Blinders ».Martine DelahayeJournaliste au Monde 10.03.2015 à 23h33 • Mis à jour le11.03.2015 à 10h33 L'architecte allemand de renommée mondiale Frei Otto est mort lundi 9 mars en Allemagne, a annoncé le comité Pritzker qui lui a décerné son prix 2015, le plus prestigieux de l'architecture mondiale.(édition abonnés) : « Le Pritzker Prize est comme l'élection du pape ! »Le comité a annoncé, mardi 10 mars, la « triste nouvelle » de la disparition, tout en révélant avec deux semaines d'avance que Frei Otto était le lauréat de ce prix, équivalent d'un prix Nobel.« Sans précédent dans l'histoire du prix »« La nouvelle de sa mort est très triste et sans précédent dans l'histoire du prix », a ajouté le comité dans un communiqué de presse. Néanmoins, « le jury lui a attribué le prix pendant qu'il était vivant » et des représentants du comité « ont pu aller chez lui et ont pu le rencontrer et partager la nouvelle », s'est réjoui le comité.Frei Otto a été récompensé pour ses « idées visionnaires, son esprit curieux, sa foi dans le partage de la connaissance et des inventions, son esprit de collaboration et son souci d'utiliser avec soin les ressources ».Il s'était rendu célèbre en réalisant notamment le toit du parc olympique de Munich pour les Jeux olympiques de 1972 et le pavillon du Japon à l'Expo 2000 d'Hanovre en Allemagne, avec Shigeru Ban, lauréat du prix Pritzker en 2014.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerrequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55000bdab5c78'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 3\r\n \r\n \r\nL'\u00e9glise \u00e0 Huchting, \u00e0 Br\u00eame (1971).\r\nCr\u00e9dits : Roland Kutzki\/C BY-SA 3.0\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'\u00e9glise \u00e0 Huchting, \u00e0 Br\u00eame (1971).","source":"Roland Kutzki\/C BY-SA 3.0","index":0,"position":1,"total_count":3,"item_lie":null,"link":"","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 3\r\n \r\n \r\nLe stade olympique de Munich (1968), inaugur\u00e9 \u00e0 l'occasion des Jeux d'\u00e9t\u00e9 de 1972.\r\nCr\u00e9dits : Henning Schlottmann\/CC BY 1.0\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Le stade olympique de Munich (1968), inaugur\u00e9 \u00e0 l'occasion des Jeux d'\u00e9t\u00e9 de 1972.","source":"Henning Schlottmann\/CC BY 1.0","index":1,"position":2,"total_count":3,"item_lie":null,"link":"","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 3\r\n \r\n \r\nLa \"Tanzbr\u00fcnnen\" de Cologne (1971).\r\nCr\u00e9dits : HOWI\/CC BY 3.0\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"La \"Tanzbr\u00fcnnen\" de Cologne (1971).","source":"HOWI\/CC BY 3.0","index":2,"position":3,"total_count":3,"item_lie":null,"link":"","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);}); 10.03.2015 à 17h10 • Mis à jour le10.03.2015 à 19h41 | Emmanuelle Jardonnet C’est l’histoire d’un tableau vendu moins de 5 000 euros en Grande-Bretagne, puis revendu quelques mois plus tard près de... 5 millions d’euros aux Etats-Unis. Comme le rapporte, samedi 7 mars, le New York Times, ce tableau appartenait à la vicomtesse Hambleden, qui avait souhaité s’en dessaisir, comme d’une multitude d’autres œuvres et meubles anciens hérités de la famille de son défunt mari, lorsqu’elle a décidé de déménager et de quitter leur manoir historique du village d’Hambleden, près de Londres. La vente s’est tenue chez Christie’s en 2013, et parmi les quelque 300 objets dispersés, se trouvait un croquis à l’huile copiant Salisbury Cathedral from the Meadows, tableau bien connu du peintre britannique John Constable (1776-1837), qui se trouve dans les collections de la Tate.La toile a été achetée 4 800 euros par un marchand d’art, mû par un pressentiment, attiré par cette toile très sombre. Il savait que des couches de peinture avaient été ajoutées à certains tableaux de Constable au XIXe siècle, quelques décennies après la mort du peintre, afin de les adapter au goût de l’époque, avec un rendu plus fini. Après avoir fait nettoyer la surface de la toile, l’acquéreur est ainsi allé la montrer à une spécialiste du peintre, Anne Lyles, ancienne curatrice à la Tate Britain, qui y a reconnu la patte de Constable – dans « la façon d’appliquer la peinture, la texture du ciel et l’expression de la lumière et des ombres », a-t-elle détaillé au New York Times. Authentifiée par l’experte, la toile a ensuite été revendue 4,8 millions d’euros chez Sotheby’s, à New York, en janvier.Une peinture « médiocre » et « grossière »Ce réexamen de l’œuvre, et la brusque réévaluation de sa valeur attire une nouvelle fois l’attention sur la question très épineuse de l’authentification tardive des œuvres d’art. La maison Christie’s avait-elle mal fait son travail lors de la vente Hambleden ? Elle a en tout cas depuis contacté un autre spécialiste de Constable, l’historien d’art Conal Shields, qui conteste l’analyse d’Anne Lyles: lui ne voit « aucun signe de la main de Constable dans l’œuvre ». Pire, la peinture est, selon lui, carrément « médiocre » et « grossière ».Le changement de statut de l’œuvre a par ailleurs quelque peu contrarié Lady Hambleden, 84 ans, qui a l’impression d’avoir été prise « pour une idiote ». La vicomtesse ne souhaite malgré tout pas engager de poursuites pour une œuvre qu’elle n’aimait pas – et que sa belle-mère avait conservée dans un placard pendant soixante ans –, même si elle n’exclut pas que ses enfants choisissent, eux, de le faire.Est-ce que ce genre d’attaque aurait des chances d’aboutir ? Le New York Times rappelle le cas de d’un tableau vendu en 2006 par Sotheby’s comme une copie du tableau Les Tricheurs du Caravage. La maison de ventes a été poursuivie par l’ancien propriétaire lorsqu’un expert a établi par la suite qu’il s’agissait en fait d’un tableau du peintre. Là encore, la réévaluation avait été faite après un nettoyage et une restauration de la peinture. Mais en janvier, la cour a tranché en faveur de Sotheby’s, estimant que la maison de vente n’avait pas commis de négligence lors de son examen de l’œuvre et sa mise à prix.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel 09.03.2015 à 10h45 • Mis à jour le09.03.2015 à 17h43 | Florence Evin Samedi 7 mars, à l’aube, le groupe djihadiste Etat islamique s’est attaqué à Hatra, l’antique cité parthe en pierre de taille, dont les vestiges spectaculaires vieux de deux mille ans s’épanouissent sur trois cent vingt-quatre hectares. Selon le ministère irakien des antiquités et du tourisme, un habitant du secteur aurait entendu, venant du site, une puissante explosion. D’autres témoins parlent de destructions et de pillages.« Nous n’avons pas plus de détails, précise Fareed Yasseen, ambassadeur d’Irak en France. Il faudrait trouver un moyen de sécuriser le site dans l’immédiat. » Les remparts qui cernent cette ville sont-ils encore debout, comme les grands temples à fronton et colonnades ? La question reste sans réponse. La cité antique fut le premier site irakien à être inscrit, en 1985, sur la Liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, au titre des biens culturels à valeur universelle. « La destruction de Hatra marque un tournant dans l’effroyable stratégie de nettoyage culturel en cours en Irak », s’alarme Irina Bokova, directrice générale de l’organisation onusienne.Cette attaque survient après le saccage, jeudi 26 février, du Musée de Mossoul, deuxième ville d’Irak située à 110 kilomètres au nord de Hatra. Et après les attaques, jeudi 5 mars, contre le site assyrien de Nimroud, entre Mossoul et Hatra. Une escalade dans les destructions à laquelle s’attendait la communauté scientifique. « La lenteur du soutien international à l’Irak encourage les terroristes à commettre de nouveaux crimes, à détruire et à piller… », déclare Qaïs Hussein Rachid, ministre des antiquités et du tourisme irakien.Carrefour caravanier stratégique« Hatra est une cité magnifique des franges du désert, au carrefour des routes caravanières », témoigne Béatrice André-Salvini, conservatrice en chef du patrimoine, qui a dirigé pendant dix ans le département des antiquités orientales du Louvre. « Les vestiges d’Hatra [Ier siècle av. J.-C.- Ier siècle ap.J.-C.] en pierre de taille, sur des hauteurs considérables, sont uniques dans la région. Certains grands temples mesurent plus de quinze mètres de haut », précise la spécialiste qui a sillonné l’ancienne Mésopotamie, laquelle correspond aux frontières actuelles de l’Irak avec l’extrême sud de la Syrie.Les premières fouilles, entamée par l’Allemand Walter Andrae, avant la première guerre mondiale, ont été poursuivies, en 1951, par les deux grands archéologues irakiens, Fouad Safar et Ali Mustafa. « Le site restauré et entretenu par les Irakiens était en bon état », ajoute Mme André-Salvini.La cité arabe de l’Empire parthe avait été fondée par des tribus bédouines d’Arabaya, « le pays des Arabes ». Carrefour caravanier stratégique, Hatra contrôlait la route de la soie vers l’est, jusqu’en Inde et en Chine. S’y échangeaient soieries, porcelaines, parfums, pierres précieuses, bois rares, encens, etc. Remontant le Tigre en bateau, les marchands poursuivaient le périple à dos de chameau, jusqu’à Antioche (Turquie).Assiégée en 116 par l’empereur romain Trajan, Hatra résiste. « Les Parthes avaient un feu redoutable, une grenade à base de bitume et de sulfure, très efficace », note Mme André-Salvini. La ville fortifiée par deux ceintures de remparts et gardée par des tours est le symbole de la lutte entre les Parthes et les Romains qui se disputent les dépouilles de l’ancien empire d’Alexandre le Grand. Après un siège prolongé, elle tombera, vers 250, aux mains des Sassanides, vainqueurs des Parthes.Mutilée et pilléeParmi les sanctuaires, le plus imposant, Shamash Maran, dédié au Soleil, était jusqu’ici intact avec son fronton, sa volée de marches et sa double colonnade. Le monument dédié, lui, à la trilogie Martan (Notre Dame), Maran (le Père) et Bermarin (le fils), illustre le syncrétisme des croyances religieuses. Véronique Grandpierre, chercheuse associée au laboratoire Identité et territoires de l’université Paris-Diderot, s’inquiète pour les figures des rois qui ornent les grands arcs. « Ils sont reconnaissables à leurs cheveux courts aux grosses boucles serrées, à leur moustache et à leur petite barbe peignée. Ils portent des tiares coniques ou se ramassent les cheveux en boule sur le haut du crâne. » Ont-ils disparu ?La grande statuaire, qui pouvait être dissociée des murs, avait été mise à l’abri à Bagdad et au Musée de Mossoul – elle est tombée sous les coups de marteau des djihadistes, le 26 février, mutilée et sans doute pillée. Irina Bokova rappelait, le 27 février, que le trafic des œuvres d’art en Irak était évalué au total à sept milliards d’euros.Pour Hosham Dawod, ancien directeur de l’Institut français pour le Proche-Orient en Irak : « La deuxième rentrée financière des islamistes radicaux, après le pétrole, c’est le trafic archéologique. » Une manne qui sert leur idéologie : « L’archéologie rassemble les Irakiens au-delà de leur particularisme, local, régional, confessionnel, ajoute-t-il. Pour Daech, l’art est un blasphème. »Hosham Dawod regrette que la position des Etats-Unis soit « en deçà de la gravité des événements ». « Pourquoi ne sont-ils pas intervenus avant l’attaque du site de Nimroud ? De leur base d’Erbil, ils peuvent écouter Daech. Ils ont des forces spéciales, des dizaines d’avions. Pourquoi n’ont-ils pas arrêté à temps la destruction des vestiges ? » Des questions que pose toute la communauté scientifique.Les djihadistes saccagent NimroudFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Il y avait du surréalisme dans les photos du Belge Michel Vanden Eeckhoudt : dans ses images d’animaux à l’air étonnamment humain, comme dans ses photos d’humains qui semblaient débarquer d’une autre planète pour atterrir dans la rue à côté de nous. Le photographe est mort, samedi 28 mars, après une longue maladie.Né en 1947, d’une mère assistante sociale et d’un père docteur en sciences naturelles, Michel Vanden Eeckhoudt a collaboré régulièrement au journal Libération, et est devenu membre fondateur de l’agence Vu, dirigée par Christian Caujolle – il y est resté jusqu’à sa mort. Amoureux de l’argentique et du noir et blanc, Michel Vanden Eeckhoudt s’est fait une spécialité de faire surgir l’étrangeté et l’humour – très grinçant – dans tous les sujets traités.L’enfermement des hommes et des bêtesAprès un premier livre, Chroniques immi­grées, en col­la­bo­ra­tion avec Christian Carez (1978), il rencontre l’éditeur Robert Delpire en 1979, qui publiera un livre avec ses photos prises dans des zoos, Zoologies (1982), avec une préface de Claude Roy. Ni misérabiliste ni sentimental, le livre traite de front la question de l’enfermement, et met au même niveau les bêtes et les hommes, qui semblent malgré les clins d’œil pleins d’humour unis dans la même existence lugubre.Les cadrages lui permettent d’inattendus téléscopages, ses tirages très noirs, aux accents expressionnistes, font ressortir un œil, un bras, un pelage là où on ne l’attend pas. Il utilisera le même regard distancé et décalé pour traiter du monde du travail, jetant un œil critique sur l’aliénation des ouvriers face à leur outil de production – des images réunies dans le livre Les Travaux et les Jours, publié chez Actes Sud en 1996, et exposées à la Filature de Mulhouse en 1998.Michel Vanden Eeckhoudt s’est penché sur la Sicile, sur le fonctionnement de la justice en France ou sur la banlieue – il a fait partie de la commande collective Clichy sans clichés en 2006, sans cesser de s’intéresser aux animaux : un de ses livres (il en a publié douze) est même consacré uniquement aux canidés et à leur compagnonnage avec les humains (Chiens, Ed. Marval, 1997). Son travail, réuni dans un ouvrage de la collection Photopoche (numéro 110, 2006, Ed. Actes Sud), a aussi été exposé en majesté aux Rencontres d’Arles en 2013.Pour voir des images de Michel Vanden Eeckhoudt : la page de l’agence Vu qui rend hommage au photographe, ou celle de la galerie Camera Obscura qui le représente.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.03.2015 à 10h43 • Mis à jour le31.03.2015 à 11h43 | Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) Récit du long et implacable processus de reconquête de la « Judée-Samarie » (mardi 31 mars à 23 h 40 sur France 2). Voici un post-scriptum aux élections législatives israéliennes du 17 mars qui aurait mérité d’en être le prologue. Au nom du temple, le documentaire que France 2 diffuse ce soir dans « Infrarouge », constitue un éclairage inquiétant sur le sionisme messianique. Sa nature religieuse, géographique, politique et démographique en fait un véritable projet de civilisation, devant lequel la gauche israélienne a été incapable de formuler un discours alternatif convaincant. Sa montée en puissance depuis la guerre des Six-Jours, en 1967, est l’une des raisons majeures de l’impasse totale dans laquelle se trouve le conflit israélo-palestinien.La vieille ville de JérusalemL’auteur du documentaire est le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin. Grâce à son recul, à ses archives et sa connaissance des acteurs, il montre comment la victoire de 1967 et la conquête symboliquement inestimable de la vieille ville de Jérusalem ont ouvert la voie à l’idée d’une reconquête, d’une revanche millénaire. Dès lors, il n’y aura plus rien à négocier, pour les radicaux, puisque c’est Dieu qui a accordé les droits sur la terre au peuple juif.Les premiers colons se sont lancés à la conquête de la « Judée-Samarie », nom biblique de la Cisjordanie, en profitant d’une sorte de vacance d’autorité. La poignée d’extrémistes isolés est parvenue à créer un courant, s’enracinant dans les territoires occupés, grignotant les champs, les maisons et les villes des Palestiniens, empêchant toute continuité territoriale au fil des décennies. « Le gouvernement s’opposera à toute tentative d’implantation sans son autorisation », dit le premier ministre Yitzhak Rabin lors de son premier mandat (1974-1977). Mais, face à lui, se dresse le Bloc de la foi, le mouvement Gush Emunim, créé par les étudiants du rabbin Zvi Yehouda Kook.DouteuxLa première destination des colons a été Hébron, où se trouve le tombeau des Patriarches. Quelques dizaines d’étudiants religieux s’y installent pour la Pâque juive en 1968. Les autorités israéliennes ne les expulsent pas. Pour éviter les confrontations, elles vont créer des quartiers, des villes nouvelles, illégales, destinés à accueillir ces colons. La mécanique est enclenchée. La marche arrière est difficile. Lorsque la gauche tentera d’emprunter la voie des négociations avec les Palestiniens, elle rencontrera une opposition totale. Au prix d’un traumatisme national lorsque le 4 novembre 1995, après une manifestation, Yigal Amir, un militant religieux et nationaliste, a tué le premier ministre Yitzhak Rabin.Les colons étaient 20 000 en 1977, 70 000 dix ans plus tard. Aujourd’hui, on estime leur nombre en Cisjordanie à 380 000. Leurs voix ont pesé lourd dans la victoire surprise du Likoud aux élections du 17 mars. Dans un moment fort du documentaire, Benyamin Nétanyahou justifie sa décision d’évacuer l’armée d’une partie d’Hébron, début 1997, par un dessein plus large, ce qui montre bien à quel point son engagement de principe en faveur d’un Etat palestinien en 2009 est douteux. « Renoncer à du territoire est difficile ! Il s’agit d’une partie de ma terre, d’un lieu où mes ancêtres, les prophètes et les rois d’Israël ont vécu, et où tant de générations de juifs ont rêvé de retourner. J’allais donc appliquer l’accord conclu par Pérès mais dans l’intention de le faire avec l’idée fondamentale de donner la partie arabe de Hébron en échange de la totalité de la Judée-Samarie. Ou presque. »« Au nom du temple », de Charles Enderlin et Dan Setton (Fr., 2015, 55 min). Mardi 31 mars à 23 h 40 sur France 2.Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)ReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde Clarisse Fabre C’est la fin de la saison 1 du feuilleton grenoblois : Jean-Claude Gallotta va devoir quitter fin 2015 la direction du Centre chorégraphique national (CCN), un poste qu’il occupe depuis 1984. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, lui a fait part de sa décision, mardi 24 mars, lors d’un rendez-vous, rue de Valois. La saison 2 va pouvoir commencer : un appel à candidatures va être lancé pour recruter le (ou la) successeur(e) de Gallotta, qui entrera en fonction le 1er janvier 2016, à la tête de ce lieu historique.Symbole de la décentralisation culturelle, le CCN de Grenoble partage les mêmes locaux que la scène nationale, dite MC2, dirigée par Jean-Paul Angot – à l’origine une Maison de la culture inaugurée par André Malraux en 1968, puis rénovée en 2004. En 1979, Jean-Claude Gallotta avait fondé le groupe Emile Dubois, à Grenoble, avant d’intégrer la Maison de la culture en 1980. Sans doute cette stature de pionnier de la danse contemporaine lui a-t-elle valu un traitement à part.En effet, depuis les nouvelles règles de 2010, la durée du mandat d’un directeur de CCN est fixée théoriquement à dix ans – un mandat de quatre ans, renouvelable « dans la limite de deux périodes de trois ans ». Selon les cas, ou les circonstances, le mandat peut être prolongé de quelques années. Gallotta aura bénéficié d’une durée de trente ans. Mais l’infatigable chorégraphe, qui enregistre avec sa troupe « entre 80 et 100 dates par an », en voulait encore. Du 9 au 15 juin sera présentée à la MC2 sa dernière création, L’Etranger, d’après le roman d’Albert Camus.Un projet de fusion à l’étudeLes premiers soubresauts sont survenus il y a quelques mois : au ministère de la culture, un projet de fusion du CCN au sein de la MC2 de Grenoble était à l’étude. L’enjeu était de créer un pôle chorégraphique pour la danse, et de développer les projets artistiques, soutenus par le budget de production de la MC2 et ses deux studios de danse. Cela tombait bien : Gallotta se sentait « à l’étroit » dans le CCN et rêvait de créer un « outil de deuxième génération », une sorte de « hub » pour la danse contemporaine. Angot et Gallotta se sont attelés à la tâche.Mais leurs deux projets de fusion, successivement présentés au ministère de la culture, ont été refusés. Le second, en particulier, associait le chorégraphe Rachid Ouramdane, en vue d’incarner la relève de la nouvelle génération. L’affaire était observée en haut lieu, au ministère : en effet, le directeur général de la création artistique (DGCA) n’est autre que Michel Orier, lequel a dirigé la MC2 de Grenoble de 2002 à 2012. Et la déléguée danse de la DGCA, Irène Basilis, nommée par M. Orier, a été chargée de la programmation danse à la MC2.Lire aussi :A Grenoble, la mairie rêve d’un « hub » pour la danseGallotta pensait avoir « deux soutiens » à des postes-clés. Mais le ministère a considéré que les deux projets « ne garantissaient pas une meilleure place pour la danse », indique-t-on rue de Valois. Des raisons d’ordre budgétaire et politique - un contexte de baisse des subventions, à la veille d’élections départementales incertaines - sont également entrées en ligne de compte. L’association qui fédère les dix-neuf CCN du territoire s’était, par ailleurs, mobilisée contre la fusion, jugée comme un mauvais signal alors que l’année 2015 marque l’anniversaire des trente ans des CCN.« Un outil mieux partagé, durable et consolidé »Localement, les acteurs de la danse contemporaine, qui suivent le feuilleton depuis des mois, dans un contexte économique tendu, aspiraient tous à une chose : travailler ensemble dans un climat apaisé. Le maintien du CCN semble les satisfaire. « Nous accueillerons à bras ouverts la prochaine équipe du CCN », souligne Christiane Blaise, qui dirige le Centre de développement chorégraphique (CDC) de Grenoble, Le Pacifique, lieu de fabrique et d’accompagnement, pour les compagnies. « Ce que je souhaite, c'est que la nouvelle proposition affirme la volonté d’inventer un outil mieux partagé, durable et consolidé », dit-elle, en pesant ses mots.De son côté, le patron de la MC2 veut tourner la page. « Le ministère m’a dit : il faut intégrer le CCN. J’y ai travaillé, ma proposition a été écartée. J’ai un peu perdu du temps », constate Jean-Paul Angot, par ailleurs président de l’association des scènes nationales. Mais il a d’autres chats à fouetter, ajoute-t-il : « Avec ce qui se passe en ce moment, les baisses de subventions des collections locales, la mise en danger des lieux, l’intégration du CCN de Grenoble n’est pas la question la plus importante. Ce qui compte aujourd’hui, c’est de défendre les artistes ». Gallotta l’infatigable ne s’est pas démonté : le projet de fusion écarté, il a fait savoir au ministère qu’il souhaitait rester à la tête du CCN jusqu’en 2018, pour mener à bien tous ses projets et laisser le temps à son équipe de dix permanents (à l’administration) de se retourner. Le maire de Grenoble, Eric Piolle, élu d’Europe Ecologie-Les Verts, était prêt à le soutenir dans sa démarche, dit-il. « Il m’a même proposé de m’accompagner lors de mon rendez-vous avec la ministre. Mais le cabinet a décliné », raconte Jean-Claude Gallotta.Le chorégraphe a perdu cette deuxième manche, mais il obtient un lot de compensation : le ministère de la culture va l’accompagner financièrement à hauteur de 200 000 euros annuels, pendant trois ans, soit un niveau plus élevé que le montant en vigueur (150 000 euros annuels, pendant trois ans). Il sera, par ailleurs, artiste associé au sein de la MC2 jusqu’en 2018. Il faut tirer une leçon de cette histoire, estime Gallotta : « En France, on réfléchit beaucoup à l’émergence, mais on pense moins aux artistes qui arrivent dans leur maturité. Etre directeur d’un CCN, ça peut vous épuiser. Ou ça vous donne des ailes, et c’était mon cas », explique-t-il. Dans l’entourage de Fleur Pellerin, on répond que « la vie d’un chorégraphe continue après un CCN », en citant l’exemple de Maguy Marin, qui a dirigé plusieurs centres chorégraphiques et continue d’évoluer avec sa propre compagnie.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.03.2015 à 11h54 • Mis à jour le30.03.2015 à 12h08 Jean-Sébastien BachSuites anglaises n° 1, 3 et 5 Piotr Anderszewski (piano) Piotr Anderszewski ne fait jamais rien à moitié. Ces trois Suites de Bach (1685-1750), longuement mûries au concert, ont été livrées au disque dans toute leur plénitude. Une ivresse de jeu mêlée d’un sentiment d’urgence, une opulence sonore qui ne sacrifie jamais la clarté d’articulation. Contrepoint affirmé comme un dogme, structure dynamique précisant le squelette architectural, ornements posés comme les ponctuations d’un discours, l’inspiration du pianiste polonais nous entraîne sur des terres connues de lui seul. La multiplicité des plans sonores, de l’extrême fluidité au tranchant le plus net, le chassé-croisé des dynamiques, de l’imperceptible à la puissance d’une énergie pure, sont étourdissants. Ce Bach épuré et prolixe, lyrique et sévère, solaire et intimiste, témoigne de la fulgurante singularité d’un interprète hors du commun. Marie-Aude Roux1 CD Warner Classics.Marcus MillerAfrodeezia ! Pour son premier album publié par le prestigieux label Blue Note, Marcus Miller (basse électrique, clarinette basse, compositeur) donne toute sa mesure. Ses tournées planétaires sont autant de succès. Dès qu’il attaque un morceau par ce claquement « funky » qui l’a rendu célèbre, le slap, il faut voir la joie immédiate du jeune auditoire. Son groupe, parfaitement lié, plus que ça – Alex Han, très vibrant à l’alto, Louis Cato, le batteur, Lee Hogans, trompette, etc. –, est ici rejoint par des musiciens africains, brésiliens, et des invités de luxe : Ambrose Akinmuserie (trompette) ou Robert Glasper (piano). L’album est enregistré au fil des tournées. Au Brésil, à la fin d’un concert, ils dénichent un studio à minuit et continuent de jouer. Il y a dans Afrodeezia ! une joie, un groove et une perfection très libre. Marcus Miller prend son rôle d’ambassadeur de l’Unesco, « sur la route de l’esclavage », comme il fait toutes choses : avec autant d’allant que de sérieux. Cet album raconte une histoire (réminiscences de la première production de Marcus Miller pour Miles Davis (1926-1991), et exalte les qualités de Marcus Miller, « producteur », l’équivalent du rôle d’architecte ou de réalisateur. Francis Marmande1 CD Blue Note.OrlandoKing Kong Power Trio formé en 2004 par Christelle Boizanté, Aïda Sanchez et Frédéric Marchand, Orlando nous avait séduits par ses spectacles puis un premier disque. Publié en 2012, même s’il ne dégageait pas tout à fait le même intérêt que le trio à la scène, on y entendait un univers original. Avec ce deuxième enregistrement, King Kong Power, issu d’un spectacle créé en 2013, Orlando fait un grand pas en avant. Par la qualité des arrangements, sur une base voix et claviers (Marchand et Sanchez), rejoints ici par une guitare, une rythmique, des effets de cordes, des surgissements sonores. Par la capacité de chaque chanson, dans les textes, le phrasé, à devenir des récits, que cela soit de jolies dérives du quotidien (J’aime J’aimerais ou Dimanche), des fantaisies (Reste vivant), des sujets inquiétants (Perfect) et le nucléaire Je ne t’aime pas à propos de la maltraitance faite aux enfants. A savourer. Sylvain Siclier1 CD Lala Farcette sur Orlandoletrio.com.Laura PerrudinImpressions  Chanteuse et harpiste, Laura Perrudin propose un album très convaincant, produit à la mode en cours des soutiens et souscriptions sur Internet : Impressions. Tous les musiciens du monde ont commencé par la scène, puis, selon désirs ou engagements, finissent par entrer en studio. Monde à l’envers : Impressions est un album impatient. Sans remonter à Alice Coltrane (1937-2007), Laura Perrudin s’inscrit dans une imposante lignée de harpistes. Son instrument, mis au point par le luthier Philippe Volant, est une « harpe chromatique à cordes alignées ». Soit une harpe qui offre un jeu moins obligé que la harpe classique, plus rythmique et harmonique. Toute la culture musicale de Laura Perrudin s’y exprime. Tout son doigté. Sa voix est claire, les mélodies originales, le répertoire – la grande poésie de langue anglaise – construit un univers singulier. Elle, elle entretient une relation baudelairienne aux « correspondances ». Son jeu et sa diction lisibles, le travail de studio, la présence de son partenaire en scène, Edouard Ravelomantsoa (claviers), tout concourt : Laura Perrudin donne à entendre une pensée, un univers, un être. F. M.1 CD L’Autre Distribution. Daniel Psenny La chaîne franco-allemande diffuse chaque année plusieurs films du patrimoine mondial et participe à leur restauration.Sans faire de bruit, les chefs-d’œuvre du cinéma muet ont trouvé leur place et leur public sur Arte. Depuis 1994, la chaîne franco-allemande diffuse en effet, chaque année, plusieurs films muets du patrimoine mondial ainsi que des documentaires et des films d’animation qui ont marqué le cinéma avant l’apparition du parlant.« Le cinéma muet fait partie de nos petits plaisirs ! », sourit Alain Le Diberder, directeur des programmes d’Arte, qui, lundi 30 mars, accueillera le public au Théâtre du Châtelet, à Paris, où sera projetée, dans le cadre d’un ciné-concert exceptionnel, la version restaurée de L’Inhumaine (1924), de Marcel L’Herbier (1888-1979).Le film, qui sera diffusé le 4 mai sur Arte, est accompagné par une création musicale originale du percussionniste Aidje Tafial pour ensemble instrumental, en partie inspirée des partitions que Darius Milhaud avait composées pour deux séquences majeures du film.« On ne s’attend pas à l’audience de“The Voice”, mais nous avons un vrai public de passionnés fidèles », souligne Alain Le Diberder en insistant sur « la mission de service public » de cette programmation. En 2014, pour la commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, Arte a ainsi diffusé, le 11 novembre, le J’accuse d’Abel Gance, d’une durée de près de trois heures, datant de 1919 et entièrement restauré.  Selon les études d’audience, ces films muets ont été suivis, en moyenne, par près de 50 000 téléspectateurs en 2014, et réalisent le double d’audience lors de leurs diffusions en gratuit sur l’offre numérique Arte Cinéma grâce aux réseaux sociaux. Et, dans la foulée de L’Inhumaine, Arte diffusera, chaque lundi du mois de mai, trois films rares et inédits en version restaurée : La Peste à Florence, d’Otto Rippert (1919), Die Stadt der Millionen, d’Adolf Trotz (1925) et La Chronique de Grieshuus, d’Arthur von Gerlach (1924).« Reconstruire une modernité »Cette volonté de transmettre aux jeunes générations le patrimoine du cinéma mondial tient surtout, selon Alain Le Diberder, à la volonté d’une « internationale de passionnés », comme l’ancien producteur, Serge Bromberg, qui, depuis plusieurs années, propose des cinés-spectacles « Retour de flamme » où sont projetés des films rarissimes dénichés un peu partout.« Le défi est de reconstruire une modernité pour des œuvres qui n’ont jamais cessé d’être modernes », explique Serge Bromberg. Ainsi, chaque année, près de dix films sont restaurés avec l’aide des laboratoires Eclair, de la cinémathèque de Bologne (Italie) et de l’université de Californie à Los Angeles. Une initiative financée en grande partie par la chaîne allemande ZDF et Arte-GEIE, qui investissent entre 40 000 euros et 150 000 euros pour la restauration de ces œuvres.« Selon l’état de la copie ou des différentes versions, la restauration n’est pas la même et nécessite des travaux techniques plus ou moins importants, explique Alain Le Diberder. Pour certains, il s’agit d’un simple nettoyage et pour d’autres d’une véritable greffe d’organes tellement le film est en mauvais état ! »« Il existe une renaissance du muet auprès des jeunes qui, avec leurs ordinateurs, se sont habitués à voir toutes sortes d’images sans le son », note le directeur des programmes d’Arte, qui espère récupérer de nombreux films tombés désormais dans le domaine public.Dès le mois d’avril, le site proposera ainsi onze grands classiques muets du patrimoine mondial dont Intolérance, de D. W. Griffith (1916), Le Cuirassé Potemkine, de S. M. Einsenstein (1925), Le Dernier des hommes, de F. W. Murnau (1924) ou Les Nibelungen, de Fritz Lang (1924). Autant de raretés qui seront accompagnées de nombreux bonus.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.03.2015 à 22h36 • Mis à jour le30.03.2015 à 00h31 L'acteur britannique Roger Moore s'est défendu de tout racisme, samedi 28 mars, réagissant à la polémique provoquée par ses propos parus dans l'hebdomadaire Paris Match, sur le prochain interprète de James Bond qui pourrait être l'acteur anglais noir Idris Elba.Lire aussi le post de blog : Bientôt un James Bond noir ?An interview I gave to Paris Match implies I said something racist about Idris Elba. That is simply untrue. #Lost in translation.— Sir Roger Moore (@sirrogermoore)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Une interview que j'ai accordée à Paris Match laisse entendre que j'ai dit quelque chose de raciste sur Idris Elba. C'est simplement faux #Perdu dans la traduction. »)Lors de cet entretien, le comédien anobli de 87 ans s'exprimait sur les différents acteurs qui ont endossé, comme lui, le costume du célèbre agent de Sa Majesté et sur le fait qu'Idris Elba, révélé dans les séries The Wire et Luther,  puisse être le prochain.« Bien que James [Bond] ait été joué par un Ecossais, un Gallois, un Irlandais, je pense qu'il doit être Anglais-Anglais. C'est néanmoins une idée intéressante, mais irréaliste, réagissait-il alors. Il y a des années, j'ai dit que Cuba Gooding Jr [un acteur afro-américain] ferait un excellent Bond, mais c'était une plaisanterie ! »« Qu'est-ce qu'un Anglais ? »Ses propos ont enflammé instantanément les réseaux sociaux et les commentaires allaient bon train samedi :Also, Idris Elba was born in London, England, which sounds pretty English. I'm not even a Bond fan, but shut up Roger Moore.— April Hubbel (@apriljhk)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Bien qu'Idris Elba soit né à Londres, Angleterre, ce qui semble plutôt anglais. Je ne suis même pas un fan de Bond, mais taisez-vous Roger Moore »)Dear Roger Moore , What's an English English man?— Mena (@menamwale)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Cher Roger Moore. Qu'est-ce qu'un Anglais ? »)Appel à la mesureContacté par l'Agence France-Presse, le responsable des pages « Culture » de Paris Match, Benjamin Locoge, a assuré, « enregistrement de la conversation à l'appui, que les propos de Roger Moore avaient été fidèlement retranscrits ».Selon lui, « Roger Moore sous-entend que ce serait compliqué d'avoir un James Bond noir dans le sens où on ne peut imaginer un général De Gaulle joué par un acteur noir et James Brown par un blanc ». Et ce dernier d'appeler à la mesure les internautes.Roger Moore a incarné James Bond à sept reprises entre 1973 (Vivre et laisser mourir) et 1985 (Dangereusement vôtre). Le nom de l'acteur Idris Elba, 42 ans, est cité depuis plusieurs années pour incarner au cinéma 007. Il est pressenti pour succéder à Daniel Craig, actuel titulaire du rôle. Joël Morio Sur Europe 1 et sur France 5, la journaliste interroge politiques et experts avec une pugnacité qu’elle a appris à rendre, avec le temps, plus chaleureuse.Porte-t-elle ses fameux escarpins de douze centimètres de talon qui font partie de sa signature à la télévision ? Une chose est sûre : c’est un sprint que court chaque matin à 7 h 25 Caroline Roux sur Europe 1. En deux minutes trente, elle livre ses « secrets de la politique ». Trois histoires inédites qu’elle débite « un chrono dans une main, mon texte dans l’autre », raconte cette jeune femme pomponnée dès potron-minet. Il est vrai que les stations de radio sont désormais équipées de caméras.L’exercice peut paraître futile à certains : dévoiler les coulisses du microcosme politique. « C’est frustrant quand je vois quelques commentaires sur les réseaux sociaux », se désole Caroline Roux, revenue en 2012 à Europe 1 après sept ans passés à Canal+. « Les gens mesurent-ils les efforts qu’il faut pour remonter les infos à la source ? J’essaye de tenir la promesse de faire découvrir aux auditeurs des informations qu’ils n’ont pas entendues ailleurs. » Les Républicains, un des noms qui traînent pour le nouveau parti que Nicolas Sarkozy souhaite créer en remplacement de l’UMP, c’est elle qui fut la première à le lâcher. Les désaccords entre Ségolène Royal, Anne Hidalgo et Cécile Duflot sur la nécessité de déclencher la circulation alternée à Paris pour lutter contre la pollution, c’est encore elle qui les a mis en lumière. « Ces informations ne font pas trembler la République, mais je retourne aux bases de ce qu’est notre métier de journaliste, je vais chercher l’info à la source. Je ne suis pas dans l’analyse molle que j’ai faite pendant longtemps, ni dans l’interview », plaide cette diplômée de l’Institut d’études politiques de Grenoble et de l’Ecole de journalisme de Marseille, qui débuta à Europe 1.Travail de haute précisionTôt chaque matin, Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction de la station, lui demande régulièrement : « Qu’est-ce qu’il y a dans ton cabas ? » Une formule un peu ironique pour faire le tri des informations glanées la veille par Caroline Roux. La moindre anecdote exige parfois des heures de vérification. « Il ne faut pas se faire enfumer, mais faites-moi confiance », assure-t-elle avec un grand sourire. « Je sais que celui qui vous donne une information veut souvent nuire à quelqu’un ou parle à la place d’un autre. Chaque histoire doit passer à travers le filtre de l’expérience. Quand une information m’arrive sans l’avoir cherchée, elle est toujours suspecte, c’est ensuite que commence le vrai travail. »Chaque mot est pesé. « Ce travail, c’est de l’orfèvrerie. J’ai beaucoup de respect pour les politiques et la chose publique. Je suis malheureuse quand je me trompe », reconnaît la journaliste. Le résultat est sec, sans fioritures. Une partie de ping-pong sans aucun temps mort qu’elle joue chaque matin avec Thomas Sotto, l’anchorman d’Europe 1, qui la relance, un œil sur la pendule du studio. L’exercice pourrait, à la longue, devenir lassant, mais Caroline Roux a d’autres cordes à son arc.« Pour être crédible on doit être ferme et souriante, tenir sa ligne sans être cassante »Tous les dimanches à 18 heures, elle présente « C Politique » sur France 5 où, depuis 2012, pendant plus d’une heure, perchée sur un tabouret, elle passe sur le gril ses invités. Un peu figée et froide à ses débuts, Caroline Roux a su, depuis la rentrée, se montrer plus chaleureuse, plus souriante grâce à une nouvelle formule de l’émission. « Au début, je pensais qu’il fallait être brutale, je crois désormais que pour être crédible on doit être ferme et souriante, connaître son sujet sans se la raconter, tenir sa ligne sans être cassante, se montrer pugnace sans passer pour une peste. C’est difficile quand on est une intervieweuse, car on ne bénéficie pas de ce crédit d’autorité que l’on accorde volontiers aux hommes », regrette-t-elle. Après l’émission, plus de la moitié des commentaires sur les réseaux sociaux concernent ses tenues, sa coiffure et ses chaussures. « C’est ainsi, quand une femme passe à la télévision, on regarde d’abord la façon dont elle est habillée, maquillée. » Mais ne comptez pas sur elle pour « se travestir en homme pour faire crédible ». Sa féminité, elle l’assume et la revendique. « C’est un acte militant », dit-elle.Exercice sans filet ou presqueAujourd’hui, Caroline Roux peut asseoir sa crédibilité dans un nouveau rôle de chef d’orchestre d’une émission de débat, comme elle le fait dans « C dans l’air » (toujours sur France 5) où, depuis septembre 2014, elle est le joker d’Yves Calvi. Là, Caroline Roux se frotte à d’autres sujets que la politique. Un exercice parfois sans filet, ou presque, surtout lorsque le thème de l’émission est changé trois heures avant la prise d’antenne. « Je suis une besogneuse et je veux maîtriser mes sujets », avoue-t-elle.Et tandis qu’Yves Calvi n’a pas son pareil pour mettre du liant, de l’empathie ou manier l’ironie, Caroline Roux a trouvé, elle, un style différent. Elle reste la journaliste qui attend des réponses précises à ses questions, n’hésitant pas à montrer parfois des signes d’impatience quand celles-ci tardent à venir. Mais elle témoigne aussi une certaine gourmandise à traiter de sujets très éloignés du microcosme politique. « L’émission a une tellement bonne image qu’elle a contribué à corriger celle de la journaliste un peu dure et sèche que je pouvais avoir auprès des gens. »Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Le ministère de la culture italien a présenté, vendredi 27 mars lors d’une conférence de presse, trois œuvres exceptionnelles sur lesquelles les services de gendarmerie dédiés aux trafics de biens culturels ont récemment mis la main. Il s’agit d’un tableau cubiste de Pablo Picasso, d’une statue de marbre datant de l’antiquité romaine et d’une toile du peintre baroque italien Luca Carlevarijs.Dans chacun des cas, les œuvres étaient sur le point d’être illégalement exportées, comme l’explique le ministère dans un communiqué. « D’une extraordinaire valeur artistique », ces trois œuvres issues de trois périodes très différentes de l’histoire de l’art sont estimées de façon cumulative à 30 millions d’euros. Voici quelques informations sur leur itinéraire.Un Picasso « offert » en échange d’un petit service Le tableau, dont le ministère indique que l’on avait « perdu la trace », est intitulé Violon et Bouteille de Bass, et date de 1912, ce qui correspond à la période cubiste du peintre espagnol. Le parcours de ce tableau estimé à 15 millions d’euros est pour le moins surprenant.Ce sont les démarches effectuées par un retraité de Rome pour le mettre en vente chez Sotheby’s qui ont éveillé les soupçons des enquêteurs. La valeur annoncée de cette petite toile de 54 x 45 cm – 1,4 millions d’euros – leur a semblé étonnamment faible pour une œuvre de Picasso. Aussi les carabiniers ont décidé la saisir pour enquêter.Le propriétaire, un ancien encadreur, a expliqué avoir reçu ce tableau en cadeau en 1978 de la part d’un vieux monsieur qui souhaitait le remercier d’avoir réparé gratuitement le cadre brisé dans lequel il conservait la photo de son épouse décédée. Cette œuvre, « l'artisan l’a gardée pendant trente-six ans, sans précautions particulières, jusqu’à ce qu’il découvre par hasard » qu’elle pouvait être attribuée à Picasso, selon le communiqué.L’évaluation technique réalisée par le CNR, le Conseil national de la recherche italien, a établi qu’elle est effectivement attribuée à Picasso et qu’elle est répertoriée dans le catalogue Zervos, édition de 1961 , sans aucune information sur son propriétaire de l’époque. Une enquête plus approfondie doit déterminer avec certitude son origine.Une sculpture rarissime excarvée clandestinement La statue romaine remonterait au IIe ou au IIIe siècle, et sa valeur est estimée à quelque 8 millions d’euros, selon les médias italiens. Cette œuvre extrêmement rare dans sa forme et dans son état de conservation, représente le dieu Mithra sacrifiant le taureau primordial. Deux statues de la même époque et portant sur ce thème sont visibles au British Museum et au musée du Vatican.La statue a été découverte à bord d’une fourgonnette de location prise en filature par les carabiniers. L’intervention faisait suite à la surveillance et la reconstitution d’un réseau criminel dans les zones archéologiques de Rome et de l’Etrurie méridionale (le nord du Latium, le sud de la Toscane et l’Ombrie). Le fourgon a été repéré alors qu’il était escorté par une moto et une Smart. Les carabiniers l’ont arrêté et contrôlé à Fiumicino, connu pour être un carrefour de circulation de biens issus de fouilles clandestines. Dissimulée sous des plantes et une bâche a été découverte une sculpture de marbre représentant Mithra.L’opération a conduit à l’arrestation, pour recel, du conducteur. Les personnes à bord des autres véhicules ont réussi à s’échapper. L’enquête a permis d’établir que l’œuvre partait pour la Suisse afin d’être mise en vente sur des réseaux internationaux clandestins.La statue, recouverte de concrétions terreuses, avait été excavée lors de fouilles illégales dans une zone peuplée à l’origine par des Etrusques, à Tarquinia, à environ 90 km au nord-ouest de Rome, un site archéologique de la région du Latium. Dans une des zones de fouille ont été retrouvés deux éléments de marbre liés à l’iconographie mithriaque, un chien rampant et une tête de serpent, qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble. Le ministère se félicite de cette identification, qui a permis de recontextualiser le chef-d’œuvre, permettant ainsi d’effectuer des analyses scientifiques importantes. « La Surintendance pour le patrimoine archéologique de Rome a estimé que l’ensemble sculptural revêt un intérêt historique et archéologique extraordinaire », explique le ministère.Une peinture du XVIIe siècle volée en 1984 En septembre 2014, à Milan, lors d’une perquisition à la résidence d’un courtier en art soupçonné de recel et de l’exportation illégale d’un important tableau identifié aux Etats-Unis, ont été trouvées 190 photos de peintures. S’appuyant sur la base de données mondiales des œuvres d’art volées, les enquêteurs ont ainsi pu identifier une huile sur toile du XVIIe siècle représentant la vue Piazza San Marco à Venise, attribuée à l’artiste Luca Carlevarijs (1663-1730).Cette toile de 122 x 59 cm avait été volée en 1984 à Rome dans la maison d'un collectionneur privé. Les autorités ont révélé que le tableau avait été confié par un collectionneur au marchand pour qu’il en assure la vente.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Ridet (Rome, correspondant) La silhouette reste élancée, mince, sèche. L’habit noir comme il se doit. Le cheveu légèrement teint. Phil Manzanera, 64 ans, né Philip Geoffrey Targett-Adams à Londres, il y a 64 ans, a été pendant dix ans le guitariste du groupe de art rock (ou glamrock pour certains), Roxy Music, fondé par Brian Ferry et Brian Eno. Anglais par son père, colombien par sa mère, il n’en finit pas d’explorer le métissage de ses origines et de sa musique. Ayant vécu à Cuba, à Hawaï, au Venezuela, il sait faire jongler salsa, rock’n’roll et meringue.Comme si cela ne suffisait pas, il a appris récement qu’un de ses grands-pères, musicien à Londres au début du siècle dernier, était originaire de Naples. Une influence de plus. Qu’il va pouvoir développer à sa guise en devenant Maestro Concertatore, autrement dit directeur musical du 18e festival La nuit de la tarentelle, du 4 au 22 août, dans les Pouilles. Un événement dont le concert final, à Melpignano (2 000 habitants) attire chaque année 150 000 personnes ferventes, entre bougeotte et transe. La tarentelle est une danse censée imiter et/ou conjurer les effets de la morsure d’une tarentule.Orchestre de 90 musiciens« Je n’en avais jamais entendu parler, avoue le guitariste, de passage à Rome, vendredi 27 mars pour rencontrer la presse. J’ai commencé à écouter la pizzica [la musique très rythmée qui accompagne les danseurs]. Je suis tombé sous le charme. J’ai tout de suite donné mon accord aux organisateurs. » « Et puis, ajoute celui qui a produit aussi bien Steve Winwood, John Cale ou le Pink Floyd tardif, comment résister à l’honneur d’être appelé  Maestro ? » Un honneur qu’ont connu avant lui Stewart Copeland, le batteur de Police, le compositeur Goran Bregovic ou le pianiste Ludovico Einaudi.Le guitariste va devoir faire travailler l’orchestre de 90 musiciens à raison de quatre jours par mois jusqu’à l’ouverture du festival. Il dit vouloir, à cette occasion, lancer un pont entre la Pizzica, dont les origines se confondent avec celles de la Grèce antique, et les musiques d’Amérique latine qu’il connaît bien. « Mêler les cultures aide à savoir d’où l’on vient  ».Identité ouverteLe métissage est justement le credo de cette manifestation devenue une des plus populaires d’Europe, comme l’a rappelé le président du conseil régional des Pouilles, le charismatique et atypique Nichi Vendola (communiste, catholique, militant homosexuel et discoureur logorrhéique) qui achève son deuxième et dernier mandat. « Nous avons choisi notre programme comme un miroir. La tarentelle est la revendication d’une identité ouverte, curieuse. Une fête des différences. Le Maestro doit en tenir compte. »Mais tiendra-t-il la guitare, au moins au cours du concert final ? « J’espère bien, répond Phil Manzanera, je ne vois pas comment on pourrait m’en empêcher ». Après tout, il est le nouveau Maestro Concertatore !Philippe Ridet (Rome, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.03.2015 à 11h54 • Mis à jour le30.03.2015 à 12h08 Jean-Sébastien BachSuites anglaises n° 1, 3 et 5 Piotr Anderszewski (piano) Piotr Anderszewski ne fait jamais rien à moitié. Ces trois Suites de Bach (1685-1750), longuement mûries au concert, ont été livrées au disque dans toute leur plénitude. Une ivresse de jeu mêlée d’un sentiment d’urgence, une opulence sonore qui ne sacrifie jamais la clarté d’articulation. Contrepoint affirmé comme un dogme, structure dynamique précisant le squelette architectural, ornements posés comme les ponctuations d’un discours, l’inspiration du pianiste polonais nous entraîne sur des terres connues de lui seul. La multiplicité des plans sonores, de l’extrême fluidité au tranchant le plus net, le chassé-croisé des dynamiques, de l’imperceptible à la puissance d’une énergie pure, sont étourdissants. Ce Bach épuré et prolixe, lyrique et sévère, solaire et intimiste, témoigne de la fulgurante singularité d’un interprète hors du commun. Marie-Aude Roux1 CD Warner Classics.Marcus MillerAfrodeezia ! Pour son premier album publié par le prestigieux label Blue Note, Marcus Miller (basse électrique, clarinette basse, compositeur) donne toute sa mesure. Ses tournées planétaires sont autant de succès. Dès qu’il attaque un morceau par ce claquement « funky » qui l’a rendu célèbre, le slap, il faut voir la joie immédiate du jeune auditoire. Son groupe, parfaitement lié, plus que ça – Alex Han, très vibrant à l’alto, Louis Cato, le batteur, Lee Hogans, trompette, etc. –, est ici rejoint par des musiciens africains, brésiliens, et des invités de luxe : Ambrose Akinmuserie (trompette) ou Robert Glasper (piano). L’album est enregistré au fil des tournées. Au Brésil, à la fin d’un concert, ils dénichent un studio à minuit et continuent de jouer. Il y a dans Afrodeezia ! une joie, un groove et une perfection très libre. Marcus Miller prend son rôle d’ambassadeur de l’Unesco, « sur la route de l’esclavage », comme il fait toutes choses : avec autant d’allant que de sérieux. Cet album raconte une histoire (réminiscences de la première production de Marcus Miller pour Miles Davis (1926-1991), et exalte les qualités de Marcus Miller, « producteur », l’équivalent du rôle d’architecte ou de réalisateur. Francis Marmande1 CD Blue Note.OrlandoKing Kong Power Trio formé en 2004 par Christelle Boizanté, Aïda Sanchez et Frédéric Marchand, Orlando nous avait séduits par ses spectacles puis un premier disque. Publié en 2012, même s’il ne dégageait pas tout à fait le même intérêt que le trio à la scène, on y entendait un univers original. Avec ce deuxième enregistrement, King Kong Power, issu d’un spectacle créé en 2013, Orlando fait un grand pas en avant. Par la qualité des arrangements, sur une base voix et claviers (Marchand et Sanchez), rejoints ici par une guitare, une rythmique, des effets de cordes, des surgissements sonores. Par la capacité de chaque chanson, dans les textes, le phrasé, à devenir des récits, que cela soit de jolies dérives du quotidien (J’aime J’aimerais ou Dimanche), des fantaisies (Reste vivant), des sujets inquiétants (Perfect) et le nucléaire Je ne t’aime pas à propos de la maltraitance faite aux enfants. A savourer. Sylvain Siclier1 CD Lala Farcette sur Orlandoletrio.com.Laura PerrudinImpressions  Chanteuse et harpiste, Laura Perrudin propose un album très convaincant, produit à la mode en cours des soutiens et souscriptions sur Internet : Impressions. Tous les musiciens du monde ont commencé par la scène, puis, selon désirs ou engagements, finissent par entrer en studio. Monde à l’envers : Impressions est un album impatient. Sans remonter à Alice Coltrane (1937-2007), Laura Perrudin s’inscrit dans une imposante lignée de harpistes. Son instrument, mis au point par le luthier Philippe Volant, est une « harpe chromatique à cordes alignées ». Soit une harpe qui offre un jeu moins obligé que la harpe classique, plus rythmique et harmonique. Toute la culture musicale de Laura Perrudin s’y exprime. Tout son doigté. Sa voix est claire, les mélodies originales, le répertoire – la grande poésie de langue anglaise – construit un univers singulier. Elle, elle entretient une relation baudelairienne aux « correspondances ». Son jeu et sa diction lisibles, le travail de studio, la présence de son partenaire en scène, Edouard Ravelomantsoa (claviers), tout concourt : Laura Perrudin donne à entendre une pensée, un univers, un être. F. M.1 CD L’Autre Distribution. Daniel Psenny La chaîne franco-allemande diffuse chaque année plusieurs films du patrimoine mondial et participe à leur restauration.Sans faire de bruit, les chefs-d’œuvre du cinéma muet ont trouvé leur place et leur public sur Arte. Depuis 1994, la chaîne franco-allemande diffuse en effet, chaque année, plusieurs films muets du patrimoine mondial ainsi que des documentaires et des films d’animation qui ont marqué le cinéma avant l’apparition du parlant.« Le cinéma muet fait partie de nos petits plaisirs ! », sourit Alain Le Diberder, directeur des programmes d’Arte, qui, lundi 30 mars, accueillera le public au Théâtre du Châtelet, à Paris, où sera projetée, dans le cadre d’un ciné-concert exceptionnel, la version restaurée de L’Inhumaine (1924), de Marcel L’Herbier (1888-1979).Le film, qui sera diffusé le 4 mai sur Arte, est accompagné par une création musicale originale du percussionniste Aidje Tafial pour ensemble instrumental, en partie inspirée des partitions que Darius Milhaud avait composées pour deux séquences majeures du film.« On ne s’attend pas à l’audience de“The Voice”, mais nous avons un vrai public de passionnés fidèles », souligne Alain Le Diberder en insistant sur « la mission de service public » de cette programmation. En 2014, pour la commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, Arte a ainsi diffusé, le 11 novembre, le J’accuse d’Abel Gance, d’une durée de près de trois heures, datant de 1919 et entièrement restauré.  Selon les études d’audience, ces films muets ont été suivis, en moyenne, par près de 50 000 téléspectateurs en 2014, et réalisent le double d’audience lors de leurs diffusions en gratuit sur l’offre numérique Arte Cinéma grâce aux réseaux sociaux. Et, dans la foulée de L’Inhumaine, Arte diffusera, chaque lundi du mois de mai, trois films rares et inédits en version restaurée : La Peste à Florence, d’Otto Rippert (1919), Die Stadt der Millionen, d’Adolf Trotz (1925) et La Chronique de Grieshuus, d’Arthur von Gerlach (1924).« Reconstruire une modernité »Cette volonté de transmettre aux jeunes générations le patrimoine du cinéma mondial tient surtout, selon Alain Le Diberder, à la volonté d’une « internationale de passionnés », comme l’ancien producteur, Serge Bromberg, qui, depuis plusieurs années, propose des cinés-spectacles « Retour de flamme » où sont projetés des films rarissimes dénichés un peu partout.« Le défi est de reconstruire une modernité pour des œuvres qui n’ont jamais cessé d’être modernes », explique Serge Bromberg. Ainsi, chaque année, près de dix films sont restaurés avec l’aide des laboratoires Eclair, de la cinémathèque de Bologne (Italie) et de l’université de Californie à Los Angeles. Une initiative financée en grande partie par la chaîne allemande ZDF et Arte-GEIE, qui investissent entre 40 000 euros et 150 000 euros pour la restauration de ces œuvres.« Selon l’état de la copie ou des différentes versions, la restauration n’est pas la même et nécessite des travaux techniques plus ou moins importants, explique Alain Le Diberder. Pour certains, il s’agit d’un simple nettoyage et pour d’autres d’une véritable greffe d’organes tellement le film est en mauvais état ! »« Il existe une renaissance du muet auprès des jeunes qui, avec leurs ordinateurs, se sont habitués à voir toutes sortes d’images sans le son », note le directeur des programmes d’Arte, qui espère récupérer de nombreux films tombés désormais dans le domaine public.Dès le mois d’avril, le site proposera ainsi onze grands classiques muets du patrimoine mondial dont Intolérance, de D. W. Griffith (1916), Le Cuirassé Potemkine, de S. M. Einsenstein (1925), Le Dernier des hommes, de F. W. Murnau (1924) ou Les Nibelungen, de Fritz Lang (1924). Autant de raretés qui seront accompagnées de nombreux bonus.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.03.2015 à 22h36 • Mis à jour le30.03.2015 à 00h31 L'acteur britannique Roger Moore s'est défendu de tout racisme, samedi 28 mars, réagissant à la polémique provoquée par ses propos parus dans l'hebdomadaire Paris Match, sur le prochain interprète de James Bond qui pourrait être l'acteur anglais noir Idris Elba.Lire aussi le post de blog : Bientôt un James Bond noir ?An interview I gave to Paris Match implies I said something racist about Idris Elba. That is simply untrue. #Lost in translation.— Sir Roger Moore (@sirrogermoore)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Une interview que j'ai accordée à Paris Match laisse entendre que j'ai dit quelque chose de raciste sur Idris Elba. C'est simplement faux #Perdu dans la traduction. »)Lors de cet entretien, le comédien anobli de 87 ans s'exprimait sur les différents acteurs qui ont endossé, comme lui, le costume du célèbre agent de Sa Majesté et sur le fait qu'Idris Elba, révélé dans les séries The Wire et Luther,  puisse être le prochain.« Bien que James [Bond] ait été joué par un Ecossais, un Gallois, un Irlandais, je pense qu'il doit être Anglais-Anglais. C'est néanmoins une idée intéressante, mais irréaliste, réagissait-il alors. Il y a des années, j'ai dit que Cuba Gooding Jr [un acteur afro-américain] ferait un excellent Bond, mais c'était une plaisanterie ! »« Qu'est-ce qu'un Anglais ? »Ses propos ont enflammé instantanément les réseaux sociaux et les commentaires allaient bon train samedi :Also, Idris Elba was born in London, England, which sounds pretty English. I'm not even a Bond fan, but shut up Roger Moore.— April Hubbel (@apriljhk)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Bien qu'Idris Elba soit né à Londres, Angleterre, ce qui semble plutôt anglais. Je ne suis même pas un fan de Bond, mais taisez-vous Roger Moore »)Dear Roger Moore , What's an English English man?— Mena (@menamwale)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Cher Roger Moore. Qu'est-ce qu'un Anglais ? »)Appel à la mesureContacté par l'Agence France-Presse, le responsable des pages « Culture » de Paris Match, Benjamin Locoge, a assuré, « enregistrement de la conversation à l'appui, que les propos de Roger Moore avaient été fidèlement retranscrits ».Selon lui, « Roger Moore sous-entend que ce serait compliqué d'avoir un James Bond noir dans le sens où on ne peut imaginer un général De Gaulle joué par un acteur noir et James Brown par un blanc ». Et ce dernier d'appeler à la mesure les internautes.Roger Moore a incarné James Bond à sept reprises entre 1973 (Vivre et laisser mourir) et 1985 (Dangereusement vôtre). Le nom de l'acteur Idris Elba, 42 ans, est cité depuis plusieurs années pour incarner au cinéma 007. Il est pressenti pour succéder à Daniel Craig, actuel titulaire du rôle. Joël Morio Sur Europe 1 et sur France 5, la journaliste interroge politiques et experts avec une pugnacité qu’elle a appris à rendre, avec le temps, plus chaleureuse.Porte-t-elle ses fameux escarpins de douze centimètres de talon qui font partie de sa signature à la télévision ? Une chose est sûre : c’est un sprint que court chaque matin à 7 h 25 Caroline Roux sur Europe 1. En deux minutes trente, elle livre ses « secrets de la politique ». Trois histoires inédites qu’elle débite « un chrono dans une main, mon texte dans l’autre », raconte cette jeune femme pomponnée dès potron-minet. Il est vrai que les stations de radio sont désormais équipées de caméras.L’exercice peut paraître futile à certains : dévoiler les coulisses du microcosme politique. « C’est frustrant quand je vois quelques commentaires sur les réseaux sociaux », se désole Caroline Roux, revenue en 2012 à Europe 1 après sept ans passés à Canal+. « Les gens mesurent-ils les efforts qu’il faut pour remonter les infos à la source ? J’essaye de tenir la promesse de faire découvrir aux auditeurs des informations qu’ils n’ont pas entendues ailleurs. » Les Républicains, un des noms qui traînent pour le nouveau parti que Nicolas Sarkozy souhaite créer en remplacement de l’UMP, c’est elle qui fut la première à le lâcher. Les désaccords entre Ségolène Royal, Anne Hidalgo et Cécile Duflot sur la nécessité de déclencher la circulation alternée à Paris pour lutter contre la pollution, c’est encore elle qui les a mis en lumière. « Ces informations ne font pas trembler la République, mais je retourne aux bases de ce qu’est notre métier de journaliste, je vais chercher l’info à la source. Je ne suis pas dans l’analyse molle que j’ai faite pendant longtemps, ni dans l’interview », plaide cette diplômée de l’Institut d’études politiques de Grenoble et de l’Ecole de journalisme de Marseille, qui débuta à Europe 1.Travail de haute précisionTôt chaque matin, Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction de la station, lui demande régulièrement : « Qu’est-ce qu’il y a dans ton cabas ? » Une formule un peu ironique pour faire le tri des informations glanées la veille par Caroline Roux. La moindre anecdote exige parfois des heures de vérification. « Il ne faut pas se faire enfumer, mais faites-moi confiance », assure-t-elle avec un grand sourire. « Je sais que celui qui vous donne une information veut souvent nuire à quelqu’un ou parle à la place d’un autre. Chaque histoire doit passer à travers le filtre de l’expérience. Quand une information m’arrive sans l’avoir cherchée, elle est toujours suspecte, c’est ensuite que commence le vrai travail. »Chaque mot est pesé. « Ce travail, c’est de l’orfèvrerie. J’ai beaucoup de respect pour les politiques et la chose publique. Je suis malheureuse quand je me trompe », reconnaît la journaliste. Le résultat est sec, sans fioritures. Une partie de ping-pong sans aucun temps mort qu’elle joue chaque matin avec Thomas Sotto, l’anchorman d’Europe 1, qui la relance, un œil sur la pendule du studio. L’exercice pourrait, à la longue, devenir lassant, mais Caroline Roux a d’autres cordes à son arc.« Pour être crédible on doit être ferme et souriante, tenir sa ligne sans être cassante »Tous les dimanches à 18 heures, elle présente « C Politique » sur France 5 où, depuis 2012, pendant plus d’une heure, perchée sur un tabouret, elle passe sur le gril ses invités. Un peu figée et froide à ses débuts, Caroline Roux a su, depuis la rentrée, se montrer plus chaleureuse, plus souriante grâce à une nouvelle formule de l’émission. « Au début, je pensais qu’il fallait être brutale, je crois désormais que pour être crédible on doit être ferme et souriante, connaître son sujet sans se la raconter, tenir sa ligne sans être cassante, se montrer pugnace sans passer pour une peste. C’est difficile quand on est une intervieweuse, car on ne bénéficie pas de ce crédit d’autorité que l’on accorde volontiers aux hommes », regrette-t-elle. Après l’émission, plus de la moitié des commentaires sur les réseaux sociaux concernent ses tenues, sa coiffure et ses chaussures. « C’est ainsi, quand une femme passe à la télévision, on regarde d’abord la façon dont elle est habillée, maquillée. » Mais ne comptez pas sur elle pour « se travestir en homme pour faire crédible ». Sa féminité, elle l’assume et la revendique. « C’est un acte militant », dit-elle.Exercice sans filet ou presqueAujourd’hui, Caroline Roux peut asseoir sa crédibilité dans un nouveau rôle de chef d’orchestre d’une émission de débat, comme elle le fait dans « C dans l’air » (toujours sur France 5) où, depuis septembre 2014, elle est le joker d’Yves Calvi. Là, Caroline Roux se frotte à d’autres sujets que la politique. Un exercice parfois sans filet, ou presque, surtout lorsque le thème de l’émission est changé trois heures avant la prise d’antenne. « Je suis une besogneuse et je veux maîtriser mes sujets », avoue-t-elle.Et tandis qu’Yves Calvi n’a pas son pareil pour mettre du liant, de l’empathie ou manier l’ironie, Caroline Roux a trouvé, elle, un style différent. Elle reste la journaliste qui attend des réponses précises à ses questions, n’hésitant pas à montrer parfois des signes d’impatience quand celles-ci tardent à venir. Mais elle témoigne aussi une certaine gourmandise à traiter de sujets très éloignés du microcosme politique. « L’émission a une tellement bonne image qu’elle a contribué à corriger celle de la journaliste un peu dure et sèche que je pouvais avoir auprès des gens. »Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Le ministère de la culture italien a présenté, vendredi 27 mars lors d’une conférence de presse, trois œuvres exceptionnelles sur lesquelles les services de gendarmerie dédiés aux trafics de biens culturels ont récemment mis la main. Il s’agit d’un tableau cubiste de Pablo Picasso, d’une statue de marbre datant de l’antiquité romaine et d’une toile du peintre baroque italien Luca Carlevarijs.Dans chacun des cas, les œuvres étaient sur le point d’être illégalement exportées, comme l’explique le ministère dans un communiqué. « D’une extraordinaire valeur artistique », ces trois œuvres issues de trois périodes très différentes de l’histoire de l’art sont estimées de façon cumulative à 30 millions d’euros. Voici quelques informations sur leur itinéraire.Un Picasso « offert » en échange d’un petit service Le tableau, dont le ministère indique que l’on avait « perdu la trace », est intitulé Violon et Bouteille de Bass, et date de 1912, ce qui correspond à la période cubiste du peintre espagnol. Le parcours de ce tableau estimé à 15 millions d’euros est pour le moins surprenant.Ce sont les démarches effectuées par un retraité de Rome pour le mettre en vente chez Sotheby’s qui ont éveillé les soupçons des enquêteurs. La valeur annoncée de cette petite toile de 54 x 45 cm – 1,4 millions d’euros – leur a semblé étonnamment faible pour une œuvre de Picasso. Aussi les carabiniers ont décidé la saisir pour enquêter.Le propriétaire, un ancien encadreur, a expliqué avoir reçu ce tableau en cadeau en 1978 de la part d’un vieux monsieur qui souhaitait le remercier d’avoir réparé gratuitement le cadre brisé dans lequel il conservait la photo de son épouse décédée. Cette œuvre, « l'artisan l’a gardée pendant trente-six ans, sans précautions particulières, jusqu’à ce qu’il découvre par hasard » qu’elle pouvait être attribuée à Picasso, selon le communiqué.L’évaluation technique réalisée par le CNR, le Conseil national de la recherche italien, a établi qu’elle est effectivement attribuée à Picasso et qu’elle est répertoriée dans le catalogue Zervos, édition de 1961 , sans aucune information sur son propriétaire de l’époque. Une enquête plus approfondie doit déterminer avec certitude son origine.Une sculpture rarissime excarvée clandestinement La statue romaine remonterait au IIe ou au IIIe siècle, et sa valeur est estimée à quelque 8 millions d’euros, selon les médias italiens. Cette œuvre extrêmement rare dans sa forme et dans son état de conservation, représente le dieu Mithra sacrifiant le taureau primordial. Deux statues de la même époque et portant sur ce thème sont visibles au British Museum et au musée du Vatican.La statue a été découverte à bord d’une fourgonnette de location prise en filature par les carabiniers. L’intervention faisait suite à la surveillance et la reconstitution d’un réseau criminel dans les zones archéologiques de Rome et de l’Etrurie méridionale (le nord du Latium, le sud de la Toscane et l’Ombrie). Le fourgon a été repéré alors qu’il était escorté par une moto et une Smart. Les carabiniers l’ont arrêté et contrôlé à Fiumicino, connu pour être un carrefour de circulation de biens issus de fouilles clandestines. Dissimulée sous des plantes et une bâche a été découverte une sculpture de marbre représentant Mithra.L’opération a conduit à l’arrestation, pour recel, du conducteur. Les personnes à bord des autres véhicules ont réussi à s’échapper. L’enquête a permis d’établir que l’œuvre partait pour la Suisse afin d’être mise en vente sur des réseaux internationaux clandestins.La statue, recouverte de concrétions terreuses, avait été excavée lors de fouilles illégales dans une zone peuplée à l’origine par des Etrusques, à Tarquinia, à environ 90 km au nord-ouest de Rome, un site archéologique de la région du Latium. Dans une des zones de fouille ont été retrouvés deux éléments de marbre liés à l’iconographie mithriaque, un chien rampant et une tête de serpent, qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble. Le ministère se félicite de cette identification, qui a permis de recontextualiser le chef-d’œuvre, permettant ainsi d’effectuer des analyses scientifiques importantes. « La Surintendance pour le patrimoine archéologique de Rome a estimé que l’ensemble sculptural revêt un intérêt historique et archéologique extraordinaire », explique le ministère.Une peinture du XVIIe siècle volée en 1984 En septembre 2014, à Milan, lors d’une perquisition à la résidence d’un courtier en art soupçonné de recel et de l’exportation illégale d’un important tableau identifié aux Etats-Unis, ont été trouvées 190 photos de peintures. S’appuyant sur la base de données mondiales des œuvres d’art volées, les enquêteurs ont ainsi pu identifier une huile sur toile du XVIIe siècle représentant la vue Piazza San Marco à Venise, attribuée à l’artiste Luca Carlevarijs (1663-1730).Cette toile de 122 x 59 cm avait été volée en 1984 à Rome dans la maison d'un collectionneur privé. Les autorités ont révélé que le tableau avait été confié par un collectionneur au marchand pour qu’il en assure la vente.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Ridet (Rome, correspondant) La silhouette reste élancée, mince, sèche. L’habit noir comme il se doit. Le cheveu légèrement teint. Phil Manzanera, 64 ans, né Philip Geoffrey Targett-Adams à Londres, il y a 64 ans, a été pendant dix ans le guitariste du groupe de art rock (ou glamrock pour certains), Roxy Music, fondé par Brian Ferry et Brian Eno. Anglais par son père, colombien par sa mère, il n’en finit pas d’explorer le métissage de ses origines et de sa musique. Ayant vécu à Cuba, à Hawaï, au Venezuela, il sait faire jongler salsa, rock’n’roll et meringue.Comme si cela ne suffisait pas, il a appris récement qu’un de ses grands-pères, musicien à Londres au début du siècle dernier, était originaire de Naples. Une influence de plus. Qu’il va pouvoir développer à sa guise en devenant Maestro Concertatore, autrement dit directeur musical du 18e festival La nuit de la tarentelle, du 4 au 22 août, dans les Pouilles. Un événement dont le concert final, à Melpignano (2 000 habitants) attire chaque année 150 000 personnes ferventes, entre bougeotte et transe. La tarentelle est une danse censée imiter et/ou conjurer les effets de la morsure d’une tarentule.Orchestre de 90 musiciens« Je n’en avais jamais entendu parler, avoue le guitariste, de passage à Rome, vendredi 27 mars pour rencontrer la presse. J’ai commencé à écouter la pizzica [la musique très rythmée qui accompagne les danseurs]. Je suis tombé sous le charme. J’ai tout de suite donné mon accord aux organisateurs. » « Et puis, ajoute celui qui a produit aussi bien Steve Winwood, John Cale ou le Pink Floyd tardif, comment résister à l’honneur d’être appelé  Maestro ? » Un honneur qu’ont connu avant lui Stewart Copeland, le batteur de Police, le compositeur Goran Bregovic ou le pianiste Ludovico Einaudi.Le guitariste va devoir faire travailler l’orchestre de 90 musiciens à raison de quatre jours par mois jusqu’à l’ouverture du festival. Il dit vouloir, à cette occasion, lancer un pont entre la Pizzica, dont les origines se confondent avec celles de la Grèce antique, et les musiques d’Amérique latine qu’il connaît bien. « Mêler les cultures aide à savoir d’où l’on vient  ».Identité ouverteLe métissage est justement le credo de cette manifestation devenue une des plus populaires d’Europe, comme l’a rappelé le président du conseil régional des Pouilles, le charismatique et atypique Nichi Vendola (communiste, catholique, militant homosexuel et discoureur logorrhéique) qui achève son deuxième et dernier mandat. « Nous avons choisi notre programme comme un miroir. La tarentelle est la revendication d’une identité ouverte, curieuse. Une fête des différences. Le Maestro doit en tenir compte. »Mais tiendra-t-il la guitare, au moins au cours du concert final ? « J’espère bien, répond Phil Manzanera, je ne vois pas comment on pourrait m’en empêcher ». Après tout, il est le nouveau Maestro Concertatore !Philippe Ridet (Rome, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Nils C. Ahl Prix Nobel de littérature 2011, le poète suédois Tomas Tranströmer est mort le 26 mars, a annoncé sa maison d’édition suédoise, Bonnier. Il avait 83 ans et était diminué depuis un accident vasculaire cérébral qui, en 1990, l’avait laissé aphasique. C’est ainsi son épouse qui avait prononcé le discours de réception de son prix Nobel. Mais cette incapacité n’empêchait pas sa voix de porter loin. « A travers ses images condensées, translucides, il nous donne un accès neuf à la réalité », avait expliqué le comité Nobel pour expliquer son choix.Né en 1931 à Stockholm, Tomas Tranströmer a raconté sa jeunesse, sa passion pour l’entomologie et ses résultats scolaires plutôt moyens dans Les souvenirs m’observent (Le Castor astral, 2004). A l’âge de 15 ans, il découvre la littérature et la poésie, écrit des textes modernistes, est fasciné par les poètes classiques, notamment latins. Rapidement, sa voix et sa langue s’affinent, se précisent. Il n’a que 23 ans lorsque paraît son premier recueil, 17 poèmes, en 1954. Il n’est encore alors qu’un étudiant de l’université de Stockholm, dont il sortira diplômé de psychologie, deux ans plus tard.Vertige de l’évidenceSes textes brillent par leur sobriété, la délicatesse de leurs perceptions et de leurs impressions intimes, leur richesse métaphorique. Le premier vers du poème inaugural de 17 poèmes est saisissant à cet égard, déjà cohérent avec toute l’œuvre à venir : « L’éveil est un saut en parachute hors du rêve. » Il est immédiatement remarqué. Le vertige de l’évidence, la densité complexe d’une énonciation a priori banale, l’originalité de l’image : tout est déjà là.Dans sa postface aux Œuvres complètes (1954-1996) publiées par Le Castor astral en 1996, le poète Renaud Ego dit très bien cette fausse simplicité, presque narrative, de Tomas Tranströmer : il fait l’expérience du « caractère instable de la matière, cet état dont la physique moderne nous a appris qu’il était l’essence ». Apparemment, le poème constate le réel, s’inscrit dans un mouvement énumératif qui dénote et qui recense. Pas à pas, mot à mot, ce qu’il est donné de voir, au poète comme au lecteur. En vérité, le procédé révèle en quelques lignes ce qui nous échappe, les blancs et les failles de l’observation, les profondeurs sous la surface.Un homme de tous les tempsPoète de notre temps, qui prend le train et le métro, dort parfois dans des chambres d’hôtel, regarde par la fenêtre, visite des églises, écoute de la musique, contemple la nature et voyage beaucoup, l’écrivain suédois est cependant un homme de tous les temps, du permanent dans ce qu’il a de changeant et de mouvant. Un voyant à l’articulation du temps qui passe et de celui qui demeure. Du moment, de l’histoire et de la mythologie à la fois.Exemple parmi des dizaines, cet « Oiseaux du matin » (Accords et traces, 1966), qui commence presque mine de rien – « Je réveille la voiture/au pare-brise saupoudré de farine » – avant de changer de cap, à mi-chemin, mais sur le même ton : « Par une porte dérobée dans le paysage/la pie arrive/noire et blanche. Oiseau de Hel. »L’ordinaire devient extraordinaire dans la langue du poète. Le singulier devient universel. Car Tomas Tranströmer donne constamment à saisir des perceptions et des situations singulières, individuelles. Avant l’irruption de métaphores aux héritages surréalistes, de béances métaphysiques, de silences et de vides éclatants. L’une de ses plus belles pièces des années 1960, « Solitude » (également dans Accords et traces), prend ainsi le prétexte d’un accident de la circulation (« C’est ici que je faillis périr un soir de février./La voiture sur le verglas glissait/du mauvais côté de la route ») pour précipiter le texte dans une saisissante inquiétude (« J’ai longtemps parcouru/les campagnes glacées de l’Östergötland./Et n’y ai vu âme qui vive »). Une inquiétude définitive (« Tout le monde fait la queue chez tout le monde »).Une renommée mondialeDans les années 1970, la langue de Tomas Tranströmer s’épanouira encore, accueillant de plus en plus souvent la prose et le verset. A cette époque, son ami, le poète américain Robert Bly, le traduit pour la première fois en anglais. Sa renommée devient mondiale.A la suite de son accident vasculaire cérébral de 1990, Tomas Tranströmer ralentit sa production. Les silences s’agrandissent, la lumière devient plus intense, parfois grave. Des premiers haïkus apparaissent dès Funeste gondole (1996), avant d’envahir ses derniers travaux, fulgurants : Poèmes courts (2002) et La Grande Enigme (2004).Admiré par le Russe Joseph Brodsky, le Chinois Bai Dao et de nombreux autres poètes, notamment de langue anglaise, sans compter son rayonnement dans les pays scandinaves, Tomas Tranströmer avait obtenu, grâce à son prix Nobel, la consécration internationale qu’il méritait.Lire : 24 heures avec le poète Tomas Tranströmer, Prix Nobel de littérature 2011Extrait "La Galerie"(…) Ce ne sont plus des masques mais des visages qui traversent le mur blanc de l’oubli pour respirer, pour poser une question. Je reste éveillé et je les vois se battre et disparaître et reparaître. Certains prêtent leurs traits à d’autres, ils changent de visage au plus profond de moi, là où la mémoire et l’oubli font leur maquignonnage. Ils traversent les retouches de l’oubli, le mur blanc, ils disparaissent et reparaissent. Il y a un deuil ici qu’on ne nomme pas ainsi. Bienvenue dans les vraies galeries ! Bienvenue dans les vraies galères ! Les vraies grilles ! Le jeune karatéka qui paralysa un homme continue à rêver d’argent vite gagné. Et cette femme ne cesse d’acheter des choses pour les jeter dans la gueule des grands vides qui rôdent autour d’elle. Monsieur X n’ose plus quitter son appartement. Une sombre clôture de personnages équivoques se dresse entre lui et l’horizon qui se retire toujours. Elle qui un jour s’enfuit de Carélie elle qui savait rire… (…)La Barrière de vérité, 1978, traduit du suédois par Jacques Outin, dans Anthologie, Le Castor astral, ou Œuvres complètes, Gallimard.Nils C. AhlJournaliste au Monde Sylvain Siclier Co-fondateur avec le guitariste Bert Jansch (1943-2011) du groupe Pentangle, auquel il participa au plus fort de la créativité de la formation, de 1967 à 1973, personnalité réputée et appréciée du folk britannique, le guitariste et chanteur John Renbourn a été retrouvé mort, à la suite d’une crise cardiaque, jeudi 26 mars, à son domicile, dans la ville d’Hawick (Ecosse). Il devait participer à un concert dans la soirée de mercredi à Glasgow et ses musiciens, inquiets de son absence, avaient alerté la police. Il était âgé de 70 ans. Son manager, Dave Smith, interrogé par le quotidien The Guardian, a déclaré qu’au-delà de la participation de Renbourn à Pentangle, le musicien avait mené une prolifique carrière solo et avait été aussi un « grand enseignant (…) avec des étudiants partout en Europe. »Né à Londres le 8 août 1944, John Renbourn a d’abord étudié la guitare classique. Il en gardera un intérêt marqué et une connaissance du répertoire médiéval, de la Renaissance et de la musique baroque. A la fin des années 1950, en parallèle à ses études classiques, il découvre les différentes formes de musiques traditionnelles américaines, le folk, le bluegrass, le blues et le gospel. Il voyage un peu partout en Grande-Bretagne, en Espagne, en France. Il fait la connaissance du guitariste Mac MacLeod, avec qui il fait ses premières tournées entre 1961 et 1964 et ses premiers enregistrements.Il rencontre aussi, en 1963, le guitariste écossais Bert Jansch, avec qui il va jouer en particulier dans différents clubs londoniens (The Troubadour, Les Cousins), avec qui il enregistre aussi, peu après un premier abum en solo, l’album Bert and John (Transatlantic Records, septembre 1966), et la chanteuse américaine Dorris Henderson (1933-2005), avec laquelle il enregistrera deux albums There You Go (1965) et Watch The Stars (1967).« Lady Goes To Church », par le guitariste John Renbourn, extrait de l’album « Sir John Alot of Merrie Englandes Musyk Thyng and ye Grene Knyghte » (Transatlantic Records, 1968).Musiciens connus dans le milieu du folk britanniqueAlors que la Grande-Bretagne est en pleine période psyché, John Renbourn et Bert Jansch vont rassembler divers musiciens avec qui ils sont en contact pour former le groupe Pentangle : la chanteuse Jacqui McShee (Renbourn a enregistré avec elle l’album Another Day, début 1967), le contrebassiste Danny Thompson et le batteur Terry Cox. Le groupe, constitué de musiciens connus dans le milieu du folk britannique, se produit pour la première fois au prestigieux Royal Festival Hall le 27 mai 1967. Une tournée suit et l’enregistrement d’un premier album, The Pentangle (Transatlantic Records, juin 1968).La formation se veut la somme des diverses influences de ses membres. Et y réussit. On y entend des éléments folk, du jazz (venu par Thompson et Cox), du blues, la musique ancienne (Renbourn), l’alliance des deux styles des guitaristes et une attention de plus en plus marquée pour le travail des harmonies vocales qui se développera dans les albums suivants : Sweet Child (Transatlantic Records, décembre 1968) et Basket of Light (Transatlantic Records, octobre 1969), avec par endroits une virée psyché (sitar, glockenspiel…). Le succès de la chanson Light Flight (dont la ligne de basse au début et plusieurs éléments mélodiques sont proches d’un des airs les plus célèbres du jazz, Take Five, de Paul Desmond) qui en est extraite, est un succès.« Light Flight », par le groupe Pentangle, chanson extraite de l’album « Basket Of Light » (Transatlantic Records, 1969).Le groupe est alors au summum de sa reconnaissance critique et publique. Il joue dans de grandes salles, se retrouve à la même affiche que des groupes rock. Pourtant après un dernier enregistrement, Solomon’s Seal (Reprise Records, juin 1972), que McShee et Renbourn considèrent comme le plus abouti du groupe, et une dernière tournée, Pentangle se sépare au début de l’année 1973. Le groupe connaîtra quelques renaissances : au milieu des années 1980 avec Renbourn pour quelques concerts mais pas sur disques ; dans les années 1990, mené cette fois par McShee et Jansch ; sous sa forme originale, Pentangle reviendra brièvement en 2008-2011.Plusieurs albums en soloAprès Pentangle, John Renbourn va enregistrer plusieurs albums en solo ou en collaboration, notamment avec le guitariste américain Stefan Grossman (l’album en duo Under The Volcano, 1979). Il forme aussi avec le flûtiste Tony Roberts, The John Renbourn Group (A Maid in Bedlam, 1977, Enchanted Garden, 1980). Il publie plusieurs recueils de partitions et d’études sur la guitare. Son public, moins important que celui de Pentangle, est constitué autant de simples amateurs de folk que d’érudits et de spécialistes. Renbourn mêle ses compositions à des airs traditionnels, intensifie aussi son approche de la musique ancienne.Ce qui l’amène, en 1982, à « retourner à l’école » selon ses propres mots dans un article autobiographique. Au Dartington College of Arts, il obtient, après trois ans d’études, un diplôme en composition et orchestration. Dans le même temps, il perfectionne aussi sa pratique du sitar. De son passage à Darlington, il tire de nouvelles formes d’écriture « pour des ensembles d’instruments variés, pour les voix aussi, et pas spécialement en incluant la guitare ou en me cantonnant au folk ».« John Barleycorn Is Dead » par The John Renbourn Group, extrait de l’album « The John Renbourn Group Live in America » (Flying Fish, 1982).En 1987-1988, Renbourn forme un groupe éphémère, Ship of Fools avec Roberts, la chanteuse et multi-instrumentiste Maggie Boyle (1956-2014) et le guitariste Steve Tilston. A partir des années 1990, Renbourn intensifie son activité d’enseignant tout en continuant à l’occasion de jouer en solo sur le circuit folk. Il avait publié en 1995 une somme Complete Anthology of Medieval and Renaissance Music for the Guitar.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Le Théâtre sortieOuest, situé sur le canton 1 de Béziers, est au cœur d’un combat politique et culturel. Jean-Michel Du Plaa, candidat socialiste aux élections départementales dans ce canton, affrontera en duel, dimanche 29 mars, l’élu du Front national, Henri Bec. Au soir du premier tour, le 22 mars, le FN a totalisé plus de 44 % des voix sur ce canton, devant le PS (25 %) et l’UMP (19 %). Précisons, pour compléter le tableau, que Jean-Michel Du Plaa, vice-président du conseil général, est aussi le président de l’association qui gère le Théâtre sortieOuest – une scène conventionnée avec le département, l’Etat et la région, installée sur le domaine de Bayssan, au milieu d’un parc.Les phrases de l’entre deux-tours ont le mérite d’être claires, dans la ville dirigée par Robert Ménard depuis mars 2014, sous l’étiquette Rassemblement Bleu Marine. Voici ce qu’a déclaré, jeudi 26 mars, dans le quotidien La Marseillaise/L’Hérault du Jour, l’élu FN Henri Bec. Interrogé sur le devenir du Théâtre sortieOuest, fortement soutenu par le conseil général (PS), à hauteur d’un million d’euros, l’élu qui se dit monarchiste, tendance « orléaniste », a répondu avec détachement : « Cela ne me dérangerait pas que ce site ferme. On dépense trop pour la culture, on pourrait réduire les impôts en dépensant moins. » Dès avant le premier tour, la divers droite Fatima Allaoui, candidate sur le canton 3, ancienne de l’UMP évincée pour son appartenance au Siel, proche du FN, avait inscrit « la suppression » de sortieOuest dans ses promesses électorales – « un site qui coûte trop cher » – proposant son rapatriement dans le centre-ville avec une programmation comprenant « 50 % d’artistes locaux ». Depuis le 22 mars, elle a appelé à voter pour le candidat FN.« Eviter un désert culturel à Béziers »Pour Jean Varela, directeur de sortieOuest, ce sont les valeurs véhiculées par la scène contemporaine qui indisposent l’extrême-droite. « On nous attaque pour ce que nous sommes : un lieu de programmation exigeante, où la parole circule librement. Il y a d’autres scènes qui coûtent de l’argent sur le territoire, et qui font du divertissement. Elles ne sont pas du tout inquiétées », dit-il. Il rappelle l’histoire de ce théâtre, et l’enjeu pour le territoire. « C’est le conseil général qui a pris l’initiative de créer cette scène conventionnée, en 2006, pour éviter un désert culturel à Béziers, qui autrefois était un foyer artistique. Le président de notre association, Jean-Michel Du Plaa, est un homme de culture, très apprécié ici », poursuit Jean Varela, qui dirige par ailleurs le Printemps des Comédiens.Lors des précédentes élections, en 2011 (les anciennes cantonales), le combat avait été ardu : Jean-Michel Duplaa l’avait emporté avec 170 voix d’avance, face au frontiste Guillaume Vouzellaud. Le scrutin du 29 mars s’annonce serré. Sur les deux autres cantons de Béziers, l’avance du FN est encore plus nette, tout particulièrement dans le canton 3 où il a totalisé 46,86 % des voix. Pour la presse locale, l’affaire semble ici pliée.Une programmation « à caractère militant »Jean Varela tire la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas possible que Béziers soit représenté au conseil général uniquement par des élus Front national », s’inquiète-t-il. Il dit avoir reçu du soutien de certains élus de droite, mais d’autres à l’UMP ne cachent pas leur aversion pour la politique culturelle du département, sortieOuest compris. Ainsi, le député UMP Elie Aboud a abrité sur sa page d’accueil la lettre d’un auteur bitterrois, Jean-Pierre Pelaez, s’indignant de ne pas être programmé à sortieOuest, théâtre « grassement » financé par le département, écrit-il, et « engloutissant des budgets énormes » pour mener une programmation « à caractère militant ».Jean-Pierre Pelaez a déjà été reçu au cabinet du président du conseil général, le socialiste André Vézinhet. « Nous lui avons dit deux choses : un, Jean Varela a une liberté de programmation, selon ses choix esthétiques, et l’on ne peut en aucune sorte imposer une préférence nationale en direction d’artistes locaux. Deux, le conseil général n'est pas du tout indifférent au sort des artistes locaux, puisqu’il soutient entre soixante et quatre-vingts compagnies sur son territoire », indique-t-on dans l’entourage d’André Vézinhet.Une campagne sur les réseaux sociauxJean Varela défend sa programmation : « Les spectacles ont lieu sous un chapiteau, pour abolir la barrière symbolique entre la scène et le public. Nous menons une programmation hors-les-murs, appelée Le Grand Tour ; nous organisons une manifestation littéraire (Chapiteaux du livre), nous touchons un public de 35 000 personnes, dont 7 000 scolaires et étudiants. »La campagne s’organise à présent sur les réseaux sociaux. Alors que la ville de Béziers accueille depuis le 24 février, et jusqu’au 23 août, l’exposition intitulée Gaulois : une expo renversante, conçue par la Cité des sciences, les partisans du candidat PS, lequel fait alliance avec la communiste Roselyne Pesteil, ont réalisé une affiche dans l’esprit gaulois. Jean-Michel Du Plaa est dans la peau d’Obélix – il en a la corpulence –, et porte sur son dos un dolmen coiffé du visage de la candidate PCF. Avec ce slogan : « La République contre-attaque ». Dans le journal municipal, Robert Ménard, lui, communique à sa façon sur l’exposition dédiée aux Gaulois : « C’est l’éternel retour du grand blond », indique le titre de l’article, complété par ce bandeau : « Comment nos élites réécrivent le passé ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.03.2015 à 09h23 • Mis à jour le27.03.2015 à 10h43 La sixième saison de la série britannique à succès Downton Abbey, encore en cours de tournage, sera la dernière, a annoncé jeudi la chaîne de télévision ITV, qui la produit.Créée en 2010 et vendue depuis dans une centaine de pays, Downton Abbey met en scène la vie d'une famille d'aristocrates et de ses serviteurs, dans une magnifique demeure de la campagne anglaise, près de York au début du XXe siècle.Réalisée dans le plus pur style « drama » en costumes, classique à la télévision britannique, elle s'étend de la première guerre mondiale à l'élection d'un gouvernement travailliste, en évoquant aussi les évolutions du rôle de l'aristocratie et des femmes dans la société britannique.Au Royaume-Uni, Downton Abbey a attiré jusqu'à onze millions de téléspectateurs par épisode. Vendue notamment en France, en Australie et également en Chine depuis 2013, elle a été récompensée à de multiples reprises, aux Golden Globes américains comme aux Baftas, au Royaume-Uni.Lire aussi : « Downton Abbey », la vie de château à deux vitesses Emmanuelle Jardonnet Le ministère de la culture italien a présenté, vendredi 27 mars lors d’une conférence de presse, trois œuvres exceptionnelles sur lesquelles les services de gendarmerie dédiés aux trafics de biens culturels ont récemment mis la main. Il s’agit d’un tableau cubiste de Pablo Picasso, d’une statue de marbre datant de l’antiquité romaine et d’une toile du peintre baroque italien Luca Carlevarijs.Dans chacun des cas, les œuvres étaient sur le point d’être illégalement exportées, comme l’explique le ministère dans un communiqué. « D’une extraordinaire valeur artistique », ces trois œuvres issues de trois périodes très différentes de l’histoire de l’art sont estimées de façon cumulative à 30 millions d’euros. Voici quelques informations sur leur itinéraire.Un Picasso « offert » en échange d’un petit service Le tableau, dont le ministère indique que l’on avait « perdu la trace », est intitulé Violon et Bouteille de Bass, et date de 1912, ce qui correspond à la période cubiste du peintre espagnol. Le parcours de ce tableau estimé à 15 millions d’euros est pour le moins surprenant.Ce sont les démarches effectuées par un retraité de Rome pour le mettre en vente chez Sotheby’s qui ont éveillé les soupçons des enquêteurs. La valeur annoncée de cette petite toile de 54 x 45 cm – 1,4 millions d’euros – leur a semblé étonnamment faible pour une œuvre de Picasso. Aussi les carabiniers ont décidé la saisir pour enquêter.Le propriétaire, un ancien encadreur, a expliqué avoir reçu ce tableau en cadeau en 1978 de la part d’un vieux monsieur qui souhaitait le remercier d’avoir réparé gratuitement le cadre brisé dans lequel il conservait la photo de son épouse décédée. Cette œuvre, « l'artisan l’a gardée pendant trente-six ans, sans précautions particulières, jusqu’à ce qu’il découvre par hasard » qu’elle pouvait être attribuée à Picasso, selon le communiqué.L’évaluation technique réalisée par le CNR, le Conseil national de la recherche italien, a établi qu’elle est effectivement attribuée à Picasso et qu’elle est répertoriée dans le catalogue Zervos, édition de 1961 , sans aucune information sur son propriétaire de l’époque. Une enquête plus approfondie doit déterminer avec certitude son origine.Une sculpture rarissime excarvée clandestinement La statue romaine remonterait au IIe ou au IIIe siècle, et sa valeur est estimée à quelque 8 millions d’euros, selon les médias italiens. Cette œuvre extrêmement rare dans sa forme et dans son état de conservation, représente le dieu Mithra sacrifiant le taureau primordial. Deux statues de la même époque et portant sur ce thème sont visibles au British Museum et au musée du Vatican.La statue a été découverte à bord d’une fourgonnette de location prise en filature par les carabiniers. L’intervention faisait suite à la surveillance et la reconstitution d’un réseau criminel dans les zones archéologiques de Rome et de l’Etrurie méridionale (le nord du Latium, le sud de la Toscane et l’Ombrie). Le fourgon a été repéré alors qu’il était escorté par une moto et une Smart. Les carabiniers l’ont arrêté et contrôlé à Fiumicino, connu pour être un carrefour de circulation de biens issus de fouilles clandestines. Dissimulée sous des plantes et une bâche a été découverte une sculpture de marbre représentant Mithra.L’opération a conduit à l’arrestation, pour recel, du conducteur. Les personnes à bord des autres véhicules ont réussi à s’échapper. L’enquête a permis d’établir que l’œuvre partait pour la Suisse afin d’être mise en vente sur des réseaux internationaux clandestins.La statue, recouverte de concrétions terreuses, avait été excavée lors de fouilles illégales dans une zone peuplée à l’origine par des Etrusques, à Tarquinia, à environ 90 km au nord-ouest de Rome, un site archéologique de la région du Latium. Dans une des zones de fouille ont été retrouvés deux éléments de marbre liés à l’iconographie mithriaque, un chien rampant et une tête de serpent, qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble. Le ministère se félicite de cette identification, qui a permis de recontextualiser le chef-d’œuvre, permettant ainsi d’effectuer des analyses scientifiques importantes. « La Surintendance pour le patrimoine archéologique de Rome a estimé que l’ensemble sculptural revêt un intérêt historique et archéologique extraordinaire », explique le ministère.Une peinture du XVIIe siècle volée en 1984 En septembre 2014, à Milan, lors d’une perquisition à la résidence d’un courtier en art soupçonné de recel et de l’exportation illégale d’un important tableau identifié aux Etats-Unis, ont été trouvées 190 photos de peintures. S’appuyant sur la base de données mondiales des œuvres d’art volées, les enquêteurs ont ainsi pu identifier une huile sur toile du XVIIe siècle représentant la vue Piazza San Marco à Venise, attribuée à l’artiste Luca Carlevarijs (1663-1730).Cette toile de 122 x 59 cm avait été volée en 1984 à Rome dans la maison d'un collectionneur privé. Les autorités ont révélé que le tableau avait été confié par un collectionneur au marchand pour qu’il en assure la vente.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Ridet (Rome, correspondant) La silhouette reste élancée, mince, sèche. L’habit noir comme il se doit. Le cheveu légèrement teint. Phil Manzanera, 64 ans, né Philip Geoffrey Targett-Adams à Londres, il y a 64 ans, a été pendant dix ans le guitariste du groupe de art rock (ou glamrock pour certains), Roxy Music, fondé par Brian Ferry et Brian Eno. Anglais par son père, colombien par sa mère, il n’en finit pas d’explorer le métissage de ses origines et de sa musique. Ayant vécu à Cuba, à Hawaï, au Venezuela, il sait faire jongler salsa, rock’n’roll et meringue.Comme si cela ne suffisait pas, il a appris récement qu’un de ses grands-pères, musicien à Londres au début du siècle dernier, était originaire de Naples. Une influence de plus. Qu’il va pouvoir développer à sa guise en devenant Maestro Concertatore, autrement dit directeur musical du 18e festival La nuit de la tarentelle, du 4 au 22 août, dans les Pouilles. Un événement dont le concert final, à Melpignano (2 000 habitants) attire chaque année 150 000 personnes ferventes, entre bougeotte et transe. La tarentelle est une danse censée imiter et/ou conjurer les effets de la morsure d’une tarentule.Orchestre de 90 musiciens« Je n’en avais jamais entendu parler, avoue le guitariste, de passage à Rome, vendredi 27 mars pour rencontrer la presse. J’ai commencé à écouter la pizzica [la musique très rythmée qui accompagne les danseurs]. Je suis tombé sous le charme. J’ai tout de suite donné mon accord aux organisateurs. » « Et puis, ajoute celui qui a produit aussi bien Steve Winwood, John Cale ou le Pink Floyd tardif, comment résister à l’honneur d’être appelé  Maestro ? » Un honneur qu’ont connu avant lui Stewart Copeland, le batteur de Police, le compositeur Goran Bregovic ou le pianiste Ludovico Einaudi.Le guitariste va devoir faire travailler l’orchestre de 90 musiciens à raison de quatre jours par mois jusqu’à l’ouverture du festival. Il dit vouloir, à cette occasion, lancer un pont entre la Pizzica, dont les origines se confondent avec celles de la Grèce antique, et les musiques d’Amérique latine qu’il connaît bien. « Mêler les cultures aide à savoir d’où l’on vient  ».Identité ouverteLe métissage est justement le credo de cette manifestation devenue une des plus populaires d’Europe, comme l’a rappelé le président du conseil régional des Pouilles, le charismatique et atypique Nichi Vendola (communiste, catholique, militant homosexuel et discoureur logorrhéique) qui achève son deuxième et dernier mandat. « Nous avons choisi notre programme comme un miroir. La tarentelle est la revendication d’une identité ouverte, curieuse. Une fête des différences. Le Maestro doit en tenir compte. »Mais tiendra-t-il la guitare, au moins au cours du concert final ? « J’espère bien, répond Phil Manzanera, je ne vois pas comment on pourrait m’en empêcher ». Après tout, il est le nouveau Maestro Concertatore !Philippe Ridet (Rome, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Nils C. Ahl Prix Nobel de littérature 2011, le poète suédois Tomas Tranströmer est mort le 26 mars, a annoncé sa maison d’édition suédoise, Bonnier. Il avait 83 ans et était diminué depuis un accident vasculaire cérébral qui, en 1990, l’avait laissé aphasique. C’est ainsi son épouse qui avait prononcé le discours de réception de son prix Nobel. Mais cette incapacité n’empêchait pas sa voix de porter loin. « A travers ses images condensées, translucides, il nous donne un accès neuf à la réalité », avait expliqué le comité Nobel pour expliquer son choix.Né en 1931 à Stockholm, Tomas Tranströmer a raconté sa jeunesse, sa passion pour l’entomologie et ses résultats scolaires plutôt moyens dans Les souvenirs m’observent (Le Castor astral, 2004). A l’âge de 15 ans, il découvre la littérature et la poésie, écrit des textes modernistes, est fasciné par les poètes classiques, notamment latins. Rapidement, sa voix et sa langue s’affinent, se précisent. Il n’a que 23 ans lorsque paraît son premier recueil, 17 poèmes, en 1954. Il n’est encore alors qu’un étudiant de l’université de Stockholm, dont il sortira diplômé de psychologie, deux ans plus tard.Vertige de l’évidenceSes textes brillent par leur sobriété, la délicatesse de leurs perceptions et de leurs impressions intimes, leur richesse métaphorique. Le premier vers du poème inaugural de 17 poèmes est saisissant à cet égard, déjà cohérent avec toute l’œuvre à venir : « L’éveil est un saut en parachute hors du rêve. » Il est immédiatement remarqué. Le vertige de l’évidence, la densité complexe d’une énonciation a priori banale, l’originalité de l’image : tout est déjà là.Dans sa postface aux Œuvres complètes (1954-1996) publiées par Le Castor astral en 1996, le poète Renaud Ego dit très bien cette fausse simplicité, presque narrative, de Tomas Tranströmer : il fait l’expérience du « caractère instable de la matière, cet état dont la physique moderne nous a appris qu’il était l’essence ». Apparemment, le poème constate le réel, s’inscrit dans un mouvement énumératif qui dénote et qui recense. Pas à pas, mot à mot, ce qu’il est donné de voir, au poète comme au lecteur. En vérité, le procédé révèle en quelques lignes ce qui nous échappe, les blancs et les failles de l’observation, les profondeurs sous la surface.Un homme de tous les tempsPoète de notre temps, qui prend le train et le métro, dort parfois dans des chambres d’hôtel, regarde par la fenêtre, visite des églises, écoute de la musique, contemple la nature et voyage beaucoup, l’écrivain suédois est cependant un homme de tous les temps, du permanent dans ce qu’il a de changeant et de mouvant. Un voyant à l’articulation du temps qui passe et de celui qui demeure. Du moment, de l’histoire et de la mythologie à la fois.Exemple parmi des dizaines, cet « Oiseaux du matin » (Accords et traces, 1966), qui commence presque mine de rien – « Je réveille la voiture/au pare-brise saupoudré de farine » – avant de changer de cap, à mi-chemin, mais sur le même ton : « Par une porte dérobée dans le paysage/la pie arrive/noire et blanche. Oiseau de Hel. »L’ordinaire devient extraordinaire dans la langue du poète. Le singulier devient universel. Car Tomas Tranströmer donne constamment à saisir des perceptions et des situations singulières, individuelles. Avant l’irruption de métaphores aux héritages surréalistes, de béances métaphysiques, de silences et de vides éclatants. L’une de ses plus belles pièces des années 1960, « Solitude » (également dans Accords et traces), prend ainsi le prétexte d’un accident de la circulation (« C’est ici que je faillis périr un soir de février./La voiture sur le verglas glissait/du mauvais côté de la route ») pour précipiter le texte dans une saisissante inquiétude (« J’ai longtemps parcouru/les campagnes glacées de l’Östergötland./Et n’y ai vu âme qui vive »). Une inquiétude définitive (« Tout le monde fait la queue chez tout le monde »).Une renommée mondialeDans les années 1970, la langue de Tomas Tranströmer s’épanouira encore, accueillant de plus en plus souvent la prose et le verset. A cette époque, son ami, le poète américain Robert Bly, le traduit pour la première fois en anglais. Sa renommée devient mondiale.A la suite de son accident vasculaire cérébral de 1990, Tomas Tranströmer ralentit sa production. Les silences s’agrandissent, la lumière devient plus intense, parfois grave. Des premiers haïkus apparaissent dès Funeste gondole (1996), avant d’envahir ses derniers travaux, fulgurants : Poèmes courts (2002) et La Grande Enigme (2004).Admiré par le Russe Joseph Brodsky, le Chinois Bai Dao et de nombreux autres poètes, notamment de langue anglaise, sans compter son rayonnement dans les pays scandinaves, Tomas Tranströmer avait obtenu, grâce à son prix Nobel, la consécration internationale qu’il méritait.Lire : 24 heures avec le poète Tomas Tranströmer, Prix Nobel de littérature 2011Extrait "La Galerie"(…) Ce ne sont plus des masques mais des visages qui traversent le mur blanc de l’oubli pour respirer, pour poser une question. Je reste éveillé et je les vois se battre et disparaître et reparaître. Certains prêtent leurs traits à d’autres, ils changent de visage au plus profond de moi, là où la mémoire et l’oubli font leur maquignonnage. Ils traversent les retouches de l’oubli, le mur blanc, ils disparaissent et reparaissent. Il y a un deuil ici qu’on ne nomme pas ainsi. Bienvenue dans les vraies galeries ! Bienvenue dans les vraies galères ! Les vraies grilles ! Le jeune karatéka qui paralysa un homme continue à rêver d’argent vite gagné. Et cette femme ne cesse d’acheter des choses pour les jeter dans la gueule des grands vides qui rôdent autour d’elle. Monsieur X n’ose plus quitter son appartement. Une sombre clôture de personnages équivoques se dresse entre lui et l’horizon qui se retire toujours. Elle qui un jour s’enfuit de Carélie elle qui savait rire… (…)La Barrière de vérité, 1978, traduit du suédois par Jacques Outin, dans Anthologie, Le Castor astral, ou Œuvres complètes, Gallimard.Nils C. AhlJournaliste au Monde Sylvain Siclier Co-fondateur avec le guitariste Bert Jansch (1943-2011) du groupe Pentangle, auquel il participa au plus fort de la créativité de la formation, de 1967 à 1973, personnalité réputée et appréciée du folk britannique, le guitariste et chanteur John Renbourn a été retrouvé mort, à la suite d’une crise cardiaque, jeudi 26 mars, à son domicile, dans la ville d’Hawick (Ecosse). Il devait participer à un concert dans la soirée de mercredi à Glasgow et ses musiciens, inquiets de son absence, avaient alerté la police. Il était âgé de 70 ans. Son manager, Dave Smith, interrogé par le quotidien The Guardian, a déclaré qu’au-delà de la participation de Renbourn à Pentangle, le musicien avait mené une prolifique carrière solo et avait été aussi un « grand enseignant (…) avec des étudiants partout en Europe. »Né à Londres le 8 août 1944, John Renbourn a d’abord étudié la guitare classique. Il en gardera un intérêt marqué et une connaissance du répertoire médiéval, de la Renaissance et de la musique baroque. A la fin des années 1950, en parallèle à ses études classiques, il découvre les différentes formes de musiques traditionnelles américaines, le folk, le bluegrass, le blues et le gospel. Il voyage un peu partout en Grande-Bretagne, en Espagne, en France. Il fait la connaissance du guitariste Mac MacLeod, avec qui il fait ses premières tournées entre 1961 et 1964 et ses premiers enregistrements.Il rencontre aussi, en 1963, le guitariste écossais Bert Jansch, avec qui il va jouer en particulier dans différents clubs londoniens (The Troubadour, Les Cousins), avec qui il enregistre aussi, peu après un premier abum en solo, l’album Bert and John (Transatlantic Records, septembre 1966), et la chanteuse américaine Dorris Henderson (1933-2005), avec laquelle il enregistrera deux albums There You Go (1965) et Watch The Stars (1967).« Lady Goes To Church », par le guitariste John Renbourn, extrait de l’album « Sir John Alot of Merrie Englandes Musyk Thyng and ye Grene Knyghte » (Transatlantic Records, 1968).Musiciens connus dans le milieu du folk britanniqueAlors que la Grande-Bretagne est en pleine période psyché, John Renbourn et Bert Jansch vont rassembler divers musiciens avec qui ils sont en contact pour former le groupe Pentangle : la chanteuse Jacqui McShee (Renbourn a enregistré avec elle l’album Another Day, début 1967), le contrebassiste Danny Thompson et le batteur Terry Cox. Le groupe, constitué de musiciens connus dans le milieu du folk britannique, se produit pour la première fois au prestigieux Royal Festival Hall le 27 mai 1967. Une tournée suit et l’enregistrement d’un premier album, The Pentangle (Transatlantic Records, juin 1968).La formation se veut la somme des diverses influences de ses membres. Et y réussit. On y entend des éléments folk, du jazz (venu par Thompson et Cox), du blues, la musique ancienne (Renbourn), l’alliance des deux styles des guitaristes et une attention de plus en plus marquée pour le travail des harmonies vocales qui se développera dans les albums suivants : Sweet Child (Transatlantic Records, décembre 1968) et Basket of Light (Transatlantic Records, octobre 1969), avec par endroits une virée psyché (sitar, glockenspiel…). Le succès de la chanson Light Flight (dont la ligne de basse au début et plusieurs éléments mélodiques sont proches d’un des airs les plus célèbres du jazz, Take Five, de Paul Desmond) qui en est extraite, est un succès.« Light Flight », par le groupe Pentangle, chanson extraite de l’album « Basket Of Light » (Transatlantic Records, 1969).Le groupe est alors au summum de sa reconnaissance critique et publique. Il joue dans de grandes salles, se retrouve à la même affiche que des groupes rock. Pourtant après un dernier enregistrement, Solomon’s Seal (Reprise Records, juin 1972), que McShee et Renbourn considèrent comme le plus abouti du groupe, et une dernière tournée, Pentangle se sépare au début de l’année 1973. Le groupe connaîtra quelques renaissances : au milieu des années 1980 avec Renbourn pour quelques concerts mais pas sur disques ; dans les années 1990, mené cette fois par McShee et Jansch ; sous sa forme originale, Pentangle reviendra brièvement en 2008-2011.Plusieurs albums en soloAprès Pentangle, John Renbourn va enregistrer plusieurs albums en solo ou en collaboration, notamment avec le guitariste américain Stefan Grossman (l’album en duo Under The Volcano, 1979). Il forme aussi avec le flûtiste Tony Roberts, The John Renbourn Group (A Maid in Bedlam, 1977, Enchanted Garden, 1980). Il publie plusieurs recueils de partitions et d’études sur la guitare. Son public, moins important que celui de Pentangle, est constitué autant de simples amateurs de folk que d’érudits et de spécialistes. Renbourn mêle ses compositions à des airs traditionnels, intensifie aussi son approche de la musique ancienne.Ce qui l’amène, en 1982, à « retourner à l’école » selon ses propres mots dans un article autobiographique. Au Dartington College of Arts, il obtient, après trois ans d’études, un diplôme en composition et orchestration. Dans le même temps, il perfectionne aussi sa pratique du sitar. De son passage à Darlington, il tire de nouvelles formes d’écriture « pour des ensembles d’instruments variés, pour les voix aussi, et pas spécialement en incluant la guitare ou en me cantonnant au folk ».« John Barleycorn Is Dead » par The John Renbourn Group, extrait de l’album « The John Renbourn Group Live in America » (Flying Fish, 1982).En 1987-1988, Renbourn forme un groupe éphémère, Ship of Fools avec Roberts, la chanteuse et multi-instrumentiste Maggie Boyle (1956-2014) et le guitariste Steve Tilston. A partir des années 1990, Renbourn intensifie son activité d’enseignant tout en continuant à l’occasion de jouer en solo sur le circuit folk. Il avait publié en 1995 une somme Complete Anthology of Medieval and Renaissance Music for the Guitar.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Le Théâtre sortieOuest, situé sur le canton 1 de Béziers, est au cœur d’un combat politique et culturel. Jean-Michel Du Plaa, candidat socialiste aux élections départementales dans ce canton, affrontera en duel, dimanche 29 mars, l’élu du Front national, Henri Bec. Au soir du premier tour, le 22 mars, le FN a totalisé plus de 44 % des voix sur ce canton, devant le PS (25 %) et l’UMP (19 %). Précisons, pour compléter le tableau, que Jean-Michel Du Plaa, vice-président du conseil général, est aussi le président de l’association qui gère le Théâtre sortieOuest – une scène conventionnée avec le département, l’Etat et la région, installée sur le domaine de Bayssan, au milieu d’un parc.Les phrases de l’entre deux-tours ont le mérite d’être claires, dans la ville dirigée par Robert Ménard depuis mars 2014, sous l’étiquette Rassemblement Bleu Marine. Voici ce qu’a déclaré, jeudi 26 mars, dans le quotidien La Marseillaise/L’Hérault du Jour, l’élu FN Henri Bec. Interrogé sur le devenir du Théâtre sortieOuest, fortement soutenu par le conseil général (PS), à hauteur d’un million d’euros, l’élu qui se dit monarchiste, tendance « orléaniste », a répondu avec détachement : « Cela ne me dérangerait pas que ce site ferme. On dépense trop pour la culture, on pourrait réduire les impôts en dépensant moins. » Dès avant le premier tour, la divers droite Fatima Allaoui, candidate sur le canton 3, ancienne de l’UMP évincée pour son appartenance au Siel, proche du FN, avait inscrit « la suppression » de sortieOuest dans ses promesses électorales – « un site qui coûte trop cher » – proposant son rapatriement dans le centre-ville avec une programmation comprenant « 50 % d’artistes locaux ». Depuis le 22 mars, elle a appelé à voter pour le candidat FN.« Eviter un désert culturel à Béziers »Pour Jean Varela, directeur de sortieOuest, ce sont les valeurs véhiculées par la scène contemporaine qui indisposent l’extrême-droite. « On nous attaque pour ce que nous sommes : un lieu de programmation exigeante, où la parole circule librement. Il y a d’autres scènes qui coûtent de l’argent sur le territoire, et qui font du divertissement. Elles ne sont pas du tout inquiétées », dit-il. Il rappelle l’histoire de ce théâtre, et l’enjeu pour le territoire. « C’est le conseil général qui a pris l’initiative de créer cette scène conventionnée, en 2006, pour éviter un désert culturel à Béziers, qui autrefois était un foyer artistique. Le président de notre association, Jean-Michel Du Plaa, est un homme de culture, très apprécié ici », poursuit Jean Varela, qui dirige par ailleurs le Printemps des Comédiens.Lors des précédentes élections, en 2011 (les anciennes cantonales), le combat avait été ardu : Jean-Michel Duplaa l’avait emporté avec 170 voix d’avance, face au frontiste Guillaume Vouzellaud. Le scrutin du 29 mars s’annonce serré. Sur les deux autres cantons de Béziers, l’avance du FN est encore plus nette, tout particulièrement dans le canton 3 où il a totalisé 46,86 % des voix. Pour la presse locale, l’affaire semble ici pliée.Une programmation « à caractère militant »Jean Varela tire la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas possible que Béziers soit représenté au conseil général uniquement par des élus Front national », s’inquiète-t-il. Il dit avoir reçu du soutien de certains élus de droite, mais d’autres à l’UMP ne cachent pas leur aversion pour la politique culturelle du département, sortieOuest compris. Ainsi, le député UMP Elie Aboud a abrité sur sa page d’accueil la lettre d’un auteur bitterrois, Jean-Pierre Pelaez, s’indignant de ne pas être programmé à sortieOuest, théâtre « grassement » financé par le département, écrit-il, et « engloutissant des budgets énormes » pour mener une programmation « à caractère militant ».Jean-Pierre Pelaez a déjà été reçu au cabinet du président du conseil général, le socialiste André Vézinhet. « Nous lui avons dit deux choses : un, Jean Varela a une liberté de programmation, selon ses choix esthétiques, et l’on ne peut en aucune sorte imposer une préférence nationale en direction d’artistes locaux. Deux, le conseil général n'est pas du tout indifférent au sort des artistes locaux, puisqu’il soutient entre soixante et quatre-vingts compagnies sur son territoire », indique-t-on dans l’entourage d’André Vézinhet.Une campagne sur les réseaux sociauxJean Varela défend sa programmation : « Les spectacles ont lieu sous un chapiteau, pour abolir la barrière symbolique entre la scène et le public. Nous menons une programmation hors-les-murs, appelée Le Grand Tour ; nous organisons une manifestation littéraire (Chapiteaux du livre), nous touchons un public de 35 000 personnes, dont 7 000 scolaires et étudiants. »La campagne s’organise à présent sur les réseaux sociaux. Alors que la ville de Béziers accueille depuis le 24 février, et jusqu’au 23 août, l’exposition intitulée Gaulois : une expo renversante, conçue par la Cité des sciences, les partisans du candidat PS, lequel fait alliance avec la communiste Roselyne Pesteil, ont réalisé une affiche dans l’esprit gaulois. Jean-Michel Du Plaa est dans la peau d’Obélix – il en a la corpulence –, et porte sur son dos un dolmen coiffé du visage de la candidate PCF. Avec ce slogan : « La République contre-attaque ». Dans le journal municipal, Robert Ménard, lui, communique à sa façon sur l’exposition dédiée aux Gaulois : « C’est l’éternel retour du grand blond », indique le titre de l’article, complété par ce bandeau : « Comment nos élites réécrivent le passé ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.03.2015 à 09h23 • Mis à jour le27.03.2015 à 10h43 La sixième saison de la série britannique à succès Downton Abbey, encore en cours de tournage, sera la dernière, a annoncé jeudi la chaîne de télévision ITV, qui la produit.Créée en 2010 et vendue depuis dans une centaine de pays, Downton Abbey met en scène la vie d'une famille d'aristocrates et de ses serviteurs, dans une magnifique demeure de la campagne anglaise, près de York au début du XXe siècle.Réalisée dans le plus pur style « drama » en costumes, classique à la télévision britannique, elle s'étend de la première guerre mondiale à l'élection d'un gouvernement travailliste, en évoquant aussi les évolutions du rôle de l'aristocratie et des femmes dans la société britannique.Au Royaume-Uni, Downton Abbey a attiré jusqu'à onze millions de téléspectateurs par épisode. Vendue notamment en France, en Australie et également en Chine depuis 2013, elle a été récompensée à de multiples reprises, aux Golden Globes américains comme aux Baftas, au Royaume-Uni.Lire aussi : « Downton Abbey », la vie de château à deux vitesses 27.03.2015 à 07h31 • Mis à jour le27.03.2015 à 12h13 | Fabienne Darge (Avignon, envoyée spéciale) Olivier Py n’avait pas chaussé ses escarpins rouges, avec lesquels il pose, photos pleine page, pour la publicité de la fondation d’une grande banque française. C’est sobrement vêtu que le directeur du Festival d’Avignon a annoncé, jeudi 26 mars à la Fabrica, dans le quartier avignonnais de Monclar, le programme de l’édition 2015, 69e du nom, du festival fondé par Jean Vilar.Une édition conçue dans un contexte budgétaire serré. Le festival, en 2014, suite au conflit des intermittents du spectacle et à des conditions météorologiques difficiles, avait accusé une perte de 240 000 euros. Puis la maire (PS) d’Avignon, Cécile Helle, a annoncé, lundi 16 mars, en conseil d’administration, qu’elle baissait de 5 % sa subvention au Festival, ce qui correspond à un manque à gagner de 49 000 euros.Olivier Py et son équipe se sont arrangés pour baisser les frais de fonctionnement de 4 %, et dégager ainsi 200 000 euros, pour un budget 2015 qui s’établit à 13,3 millions d’euros. Mais la première conséquence de ces restrictions budgétaires est que le festival est réduit de deux jours par rapport à ce qui était prévu au départ, et par rapport à 2014 : il aura lieu du 4 au 25 juillet.47 spectaclesPour cette deuxième édition sous sa direction, Olivier Py met à l’affiche 47 spectacles, et annonce avoir bâti son programme sur le thème « Je suis l’autre ». « Cela m’est apparu comme une évidence, dans une société qui semble ne plus avoir l’énergie de penser l’autre comme un salut », a-t-il déclaré. Et dans une région, peut-on ajouter, où les électeurs se tournent massivement vers le Front national.Le pape Py creuse les lignes qu’il avait tracées pour son premier festival : beaucoup d’auteurs vivants, Shakespeare en majesté du côté des classiques, une présence significative de la « méditerranée orientale et des pays arabes », la poursuite de la « décentralisation des trois kilomètres » et de l’offre destinée au jeune public, et la découverte d’artistes jamais programmés à Avignon.Le festival vivra, trois semaines durant, du premier au dernier jour, au rythme d’un projet au long cours, un « feuilleton philosophique » inédit : La République de Platon, traduite par Alain Badiou, sera lue en intégralité, sous la conduite de Valérie Dréville, Didier Galas et Grégoire Ingold, par des amateurs de tous âges, au jardin Ceccano. Un projet « imaginé bien avant les attentats de janvier, mais qui prend aujourd’hui un sens particulier », a précisé Olivier Py.Shakespeare dans les mursPuis, à tout seigneur tout honneur, et puisqu’ « il faut bien qu’ [il] fasse la Cour au moins une fois au cours de [son] mandat », Olivier Py ouvrira les festivités, le 4 juillet, avec Le Roi Lear, dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Philippe Girard jouera Lear, Jean-Damien Barbin le fou. Plusieurs autres spectacles sont programmés pour cette ouverture, à commencer par Des arbres à abattre, d’après Thomas Bernhard, signé par le maître polonais Krystian Lupa.Valère Novarina ouvrira le ban pour les auteurs vivants avec Le Vivier des noms, au Cloître des Carmes. Mais Eric Reinhardt, Kamel Daoud (avec son Meursaults monté par Philippe Berling), Botho Strauss (avec sa Trilogie du revoir par Benjamin Porée) ou Dimitris Dimitriadis seront également présents.Shakespeare, qui est chez lui à Avignon, sera également dans les murs avec son Richard III, mis en scène par Thomas Ostermeier avec sa troupe de la Schaubühne de Berlin. Quant au Portugais Tiago Rodrigues, il présentera une version resserrée et intime d’Antoine et Cléopâtre. Dans la série classique mais pas trop, Jonathan Châtel livrera Andreas, une création d’après Le Chemin de Damas, d’August Strindberg.Loin du compte côté paritéAprès le théâtre, c’est la danse qui entrera dans la Cour d’honneur, où Angelin Preljocaj présentera une création sur un texte de Laurent Mauvignier, Retour à Berratham. Autres chorégraphes programmés, Emmanuelle Vo-Dinh avec Tombouctou Déjà-vu, Hofesh Shechter, Eszter Salamon ou Fatou Cissé.Côté « découvertes » (à Avignon, du moins), le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov présentera une création d’après Les Idiots, de Lars von Trier. Samuel Achache, en solo, sans Jeanne Candel, un mix théâtre-musique, Fugue. Et puis des « indisciplinaires » comme Winter Family, Stereoptik, Pierre Meunier…On voit, à la suite de cette énumération, qu’Avignon est encore loin du compte en termes de parité artistique hommes-femmes, objectif fixé par la précédente ministre de la culture, Aurélie Filippetti. Du moins y aura-t-il à Avignon de grandes actrices : outre Valérie Dréville, Isabelle Huppert fera entendre Sade dans la Cour d’honneur, et Fanny Ardant portera la voix de Cassandre et de Christa Wolf. Mais à l’image de son affiche signée par le peintre Guillaume Bresson, qui montre deux hommes en un corps à corps dont on ne sait s’il est guerrier ou amoureux, cet Avignon est fort masculin. Dans le théâtre, les escarpins rouges ne sont pas vraiment au pouvoir.Fabienne Darge (Avignon, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Principale attraction touristique de Barcelone, la Sagrada Família est paradoxalement une basilique largement inachevée. L’édifice est pour ainsi dire en travaux depuis 133 ans, c’est à dire depuis la pose de sa première pierre, en 1882. Or, la BBC révélait il y a quelques jours que l’impression 3D de modèles structurels en plâtre devrait permettre d’enfin accélérer sa réalisation, prévue d’ici à 2026, soit un siècle après la mort de son architecte, Antoni Gaudi, renversé par un tramway en 1926.En réalité, cela fait quatorze ans que le processus de construction s’appuie sur des imprimantes en 3D, la technologie, qui existe depuis les années 1980, ayant été intégrée dès 2001 afin d’avancer plus rapidement dans la réalisation de prototypes pour les éléments souvent problématiques à concevoir.« Quasiment impossible à dessiner »« A cause de la complexité des surfaces et des formes, travailler sur les dessins de Gaudi en 2D n’a aucun sens d’un point de vue architectural, [d’autant] que la plupart de son travail était déjà conçu de façon tridimentionnelle », explique l’architecte en chef ,Jodi Coll, cité dans ArtNetNews.« Antoni Gaudí a réalisé peu de dessins de la Sagrada Família, qui est de toute manière tellement complexe qu’elle est quasiment impossible à dessiner, en tout cas avec des projections architecturales normales », détaille pour sa part Peter Sealy, chercheur à l’école de design de Harvard cité par ArchDaily, site spécialisé en architecture. « Ce qu’il a laissé derrière lui à sa mort est un système géométrique de surfaces réglées (...) et une méthode de travail pour traduire ces géométries en des modèles de plâtre. »Les imprimantes 3D stéréolithographiques utilisent de la poudre afin de créer, en quelques heures, des prototypes couche par couche, aboutissant à un matériau similaire à du plâtre, permettant aux artisans de retravailler facilement les modèles à la main pour une approche la plus fine possible.Béton coulé dans des moules imprimés en 3DLe chercheur rappelle que beaucoup des modèles de Gaudi ont été détruits par les insurgés lors de la guerre civile espagnole (1936-39), « mais les fragments qui ont survécu peuvent désormais être numérisés en utilisant les scanners en 3D », explique-t-il encore.Ainsi, « les intentions de Gaudi en termes de design peuvent être reproduites a posteriori à partir de ces modélisations, qui peuvent alors être utilisées pour redévelopper des modèles – la façon de travailler dans l’atelier de Gaudi continue, mais désormais avec des impressions en 3D des modèles en plâtre –, et pour la fabrication, avec des pierres découpées par des machines, et du béton coulé dans des moules réalisés à l’échelle 1:1 par des impressions en 3D. Ce n’est pas rien ! », déclare encore le chercheur.Une vidéo en trois dimensions (ci-dessus) réalisée par la fondation qui gère le projet à partir de dons privés, montrait il y a deux ans les étapes restant à parcourir, et dévoilait le visage de la basilique dans sa version finale. On y découvrait les douze tours dédiées aux apôtres et son point culminant, à 170 mètres de haut, avec la tour de Jésus qui doit être édifiée en son centre, et aussi l’impressionnante ultime façade, destinée à devenir l’entrée principale de l’édifice.La Sagrada Familia était à l’origine un projet de l'architecte Francisco de Paula, avant que Gaudi ne prenne les rênes du chantier, en 1883. A sa mort, seulement un quart de l’édifice était achevé. L’architecte catalan avait laissé des maquettes et des plans, dont la plus grande partie a disparu dans un incendie au cours de la guerre civile espagnole. C’est à cause de cet incendie, en plus des difficultés techniques et de financement, que le chantier a été retardé pendant des décennies .Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Yellow Submarine », un opus sous influenceCette semaine : autour de l’album Yellow Submarine (janvier 1969).« Yellow Submarine » (Lennon-McCartney), par Roots ManuvaProposer une deuxième reprise de Yellow Submarine, est-ce bien raisonnable ? La bande originale du dessin animé de George Dunning s’ouvre en effet par un air de déjà entendu pour l’acheteur de 1969 puisque la chanson-titre figurait déjà sur l’album Revolver, publié près de deux ans et demi plus tôt, en août 1966. En outre, cette farce aquatique, hymne des fanfares et des harmonies municipales, mais aussi de la fête de la bière munichoise, est sans conteste, avec Ob-la-di, Ob-la-da, l’une des chansons les plus exécrées par les beatlemaniaques. Qui plus est, elle est chantée par le batteur Ringo Starr…Difficile en outre de dénicher relecture plus originale que celle du trio canadien francophone Les Nouveaux Baronets, que nous avons présenté fin février dans le sujet sur les reprises de Revolver. Difficile surtout de s’éloigner du registre de la gaudriole, de la chanson pour enfants détournée en chanson à boire. C’est pourtant ce que tente le rappeur britannique Roots Manuva avec cette version proche de l’esprit du dub jamaïcain parue sur Badmeaningood, vol. 2, compilation du chanteur parue en 2002, sur le label Ultimate Dilemma. Ceux qui aiment la chanson Yellow Submarine détesteront. Il n’est pas sûr non plus que ceux qui la détestent aimeront. « Only a Northern Song » (Harrison), par Yonder Mountain String BandPremier des quatre inédits offerts par les Beatles dans Yellow Submarine, Only a Northern Song n’était pas plus une nouveauté de l’année, puisqu’elle fut écartée des séances d’enregistrement de Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band et porte les traces de cette expérience psychédélique du printemps 1967 – voix et rires sous acide, bruitages, orgue lugubre et trompette distordue. Après s’être plaint du percepteur dans la chanson Taxman, qui ouvrait l’album Revolver, le bougon George Harrison (1943-2001) écrivit cette chanson singulière pour dénoncer le mauvais sort qui lui avait été réservé par la maison d’édition Northern Songs Ltd, le contrat étant très favorable à John Lennon (1940-1980) et Paul McCartney, seuls compositeurs à sa signature. Loin des vapeurs d’encens de l’original, mais avec des guitares rustiques, une mandoline et un banjo, de braves gars du terroir, fédérés sous le nom de Yonder Mountain String Band, l’interprètent régulièrement lors de leurs concerts, comme ici en mai 2011. Originaires du Colorado, ils se présentent comme un ensemble de « bluegrass progressif » (!?) et semblent vouer une admiration particulière à Harrison puisqu’ils ont aussi repris Think For Yourself pour l’album hommage à Rubber Soul, This Bird Has Flown (Razor & Tie, 2005). « All Together Now » (Lennon-McCartney), par The MuppetsAll Together Now est le parent pauvre de Yellow Submarine. C’est dire. Sans doute la plus faible chanson jamais composée par Paul McCartney, qui pouvait s’égarer parfois en confondant aisance et facilité. Heureusement, les Muppets, les fascinants personnages (la grenouille Kermit, Miss Piggy, Fozzie, etc.) créés par le marionnettiste américain Jim Henson, en ont donné une version réjouissante et idoine en 1994 sur l’album Kermit Unpigged, une parodie hilarante de la série des Unplugged (« débranchés ») de la chaîne musicale MTV. Sacrilège, on la préfère même à l’original. « Hey Bulldog » (Lennon-McCartney), par The GodsLa chanson la plus tubesque de Yellow Submarine et la plus récente parmi les inédits de l’album puisqu’elle fut enregistrée en février 1968, en amont des sessions de l’« album blanc » publié en novembre. C’est sans surprise celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de reprises. Tout s’y prête : le riff énorme martelé au piano et repris par la guitare, la fabuleuse ligne de basse de McCartney, le solo saturé d’Harrison, la montée chromatique à la James Bond, les aboiements et hurlements finaux. Punk avant l’heure, Hey Bulldog, ce hit caché, aurait mérité d’être publié en single. Cette fois, aucune version n’égalera jamais celle des Beatles et certainement pas celle commise, en 2006, par Alice Cooper avec le renfort du superhéros de la guitare Steve Vai pour l’album Butchering the Beatles : A Headbashing Tribute, où le répertoire des Fab Four est équarri et tronçonné par des métalleux. Hey Bulldog avait été interprété dès 1969 par The Gods, un groupe anglais aujourd’hui oublié, pourtant signé chez Columbia. Ses membres devaient faire carrière par la suite puisqu’il comprenait le chanteur et bassiste John Glascock (futur Jethro Tull) ou l’organiste Ken Hesley et le batteur Lee Kerslake (futurs Uriah Heep). A la date de cet enregistrement, l’un des fondateurs de The Gods, le guitariste Mick Taylor, avait quitté ses camarades. Bien lui en prit puisqu’il rejoignit les Bluesbreakers de John Mayall puis les Rolling Stones. « It’s All Too Much » (Harrison), par Steve HillageYellow Submarine est le seul album des Beatles où Harrison a droit à la parité avec Lennon-McCartney pour les nouvelles chansons : deux chacun. Enregistré comme Only a Northern Song en 1967, mais cette fois en plein « Summer of Love », It’s All Too Much aurait pu trouver place sur Magical Mystery Tour. Ce raga électrique impressionne davantage encore dans son désir de capter le psychédélisme de l’époque et retranscrire l’expérience lysergique. C’est un monument d’acid-rock que devaient logiquement s’approprier les tenants californiens du sous-genre, le Grateful Dead, et d’autres allumés comme le guitariste Steve Hillage, issu de la fameuse école de Canterbury, d’où émergèrent les groupes Soft Machine, Caravan ou Gong fondé par l’Australien Daevid Allen (1938-2015). En 1976, Hillage venait de quitter cette dernière formation pour se lancer dans une carrière solo. Cette épatante version cosmique est présente sur le deuxième album de Steve Hillage, L (Virgin) produit par Todd Rundgren et joué par des membres de son groupe Utopia. « All You Need is Love » (Lennon-McCartney), par Nada SurfL’un des trois grands hymnes pacifistes de John Lennon avec Give Peace a Chance et Imagine, publié en single en juilet 1967 puis intégré dans l’édition américaine de l’album Magical Mystery Tour (novembre 1967). La version new wave enregistrée en 1982 par les Britanniques New Muzik avait été retenue dans notre sujet du 12 mars sur les reprises de cet album. En voici une plus récente, de 2006, par le groupe américain Nada Surf, auteur dix ans plus tôt d’un énorme tube avec Popular. Le message de Lennon a été bien compris puisque cette interprétation qui se devait d’être fidèle fut enregistrée pour le compte d’une publicité de la Chase Manhattan Bank… Ce que les Rutles, groupe fictif et parodique inventé par les Monty Python Eric Idle et Neil Innes avaient anticipé dès 1978 dans un téléfilm, All You Need Is Cash, réalisé avec la complicité de leur ami George Harrison et d’un conseiller réputé, Mick Jagger. La deuxième face de l’album Yellow Submarine contient des pièces orchestrales de George Martin, le producteur des Fab Four. Ce ne sont donc pas des chansons des Beatles et elles sont compliquées à reprendre, sauf en formation symphonique. Nous ne les avons pas retenues dans notre série sur les reprises des chansons des Beatles albums par albums.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, la bande originale d'un dessin animé psychédélique.Paru en janvier 1969, deux mois seulement après le monumental Album blanc, Yellow Submarine est le quatrième opus des Beatles lié à un film (après A Hard Day's Night, Help!, Magical Mystery Tour, et en attendant Let It Be). Et il est celui qui répond le mieux à l'appellation de « bande originale », accompagnant le dessin animé psychédélique de George Dunning sorti sur les écrans six mois plus tôt. A cela, une raison évidente : Yellow Submarine est autant, sinon davantage, l'œuvre de George Martin que celle des Fab Four.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Yellow Submarine »Les pièces orchestrales du producteur occupent en effet l'intégralité de la deuxième face et, à l'écoute de Pepperland, majestueux comme du Elgar, ou de l'indianisant Sea of Holes, on mesure mieux son importance dans les arrangements des créations du groupe.Adopté dans les stades de footCe partage explique en partie pourquoi Yellow Submarine fut le premier album des Beatles à ne pas atteindre le sommet des classements au Royaume-Uni. Leur contribution est en effet plutôt maigre : quatre « nouveautés » (en fait, pour trois d'entre elles, des chansons mises de côté), ajoutées à Yellow Submarine (la chanson) déjà paru sur Revolver et All You Need is Love sur Magical Mystery Tour. George Harrison s'illustre avec Only a Northern Song et It's All Too Much, écartés respectivement (et peut-être injustement) de Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band et Magical Mystery Tour. Paul McCartney commet, lui, avec la comptine All Together Now, le morceau sans doute le plus faible de l'ensemble de son répertoire – ce qui ne l'empêchera pas d'être adopté dans les stades de foot d'Albion.Reste une bombe, Hey Bulldog, confectionnée à la hâte par John Lennon autour d'un riff incendiaire de piano, relayé par un chant magistralement hargneux et une progression harmonique à la James Bond. McCartney ajoute une ligne de basse dantesque, Harrison un solo tout en agressivité saturée, et le tour est joué. Ces trois minutes protopunk auraient fait un malheur en single. Elles auraient aussi privé Yellow Submarine de son premier argument de vente.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Samedi 7 mars, à l’aube, le groupe djihadiste Etat islamique s’est attaqué à Hatra, l’antique cité parthe en pierre de taille, dont les vestiges spectaculaires vieux de deux mille ans s’épanouissent sur trois cent vingt-quatre hectares. Selon le ministère irakien des antiquités et du tourisme, un habitant du secteur aurait entendu, venant du site, une puissante explosion. D’autres témoins parlent de destructions et de pillages.« Nous n’avons pas plus de détails, précise Fareed Yasseen, ambassadeur d’Irak en France. Il faudrait trouver un moyen de sécuriser le site dans l’immédiat. » Les remparts qui cernent cette ville sont-ils encore debout, comme les grands temples à fronton et colonnades ? La question reste sans réponse. La cité antique fut le premier site irakien à être inscrit, en 1985, sur la Liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, au titre des biens culturels à valeur universelle. « La destruction de Hatra marque un tournant dans l’effroyable stratégie de nettoyage culturel en cours en Irak », s’alarme Irina Bokova, directrice générale de l’organisation onusienne.Cette attaque survient après le saccage, jeudi 26 février, du Musée de Mossoul, deuxième ville d’Irak située à 110 kilomètres au nord de Hatra. Et après les attaques, jeudi 5 mars, contre le site assyrien de Nimroud, entre Mossoul et Hatra. Une escalade dans les destructions à laquelle s’attendait la communauté scientifique. « La lenteur du soutien international à l’Irak encourage les terroristes à commettre de nouveaux crimes, à détruire et à piller… », déclare Qaïs Hussein Rachid, ministre des antiquités et du tourisme irakien.Carrefour caravanier stratégique« Hatra est une cité magnifique des franges du désert, au carrefour des routes caravanières », témoigne Béatrice André-Salvini, conservatrice en chef du patrimoine, qui a dirigé pendant dix ans le département des antiquités orientales du Louvre. « Les vestiges d’Hatra [Ier siècle av. J.-C.- Ier siècle ap.J.-C.] en pierre de taille, sur des hauteurs considérables, sont uniques dans la région. Certains grands temples mesurent plus de quinze mètres de haut », précise la spécialiste qui a sillonné l’ancienne Mésopotamie, laquelle correspond aux frontières actuelles de l’Irak avec l’extrême sud de la Syrie.Les premières fouilles, entamée par l’Allemand Walter Andrae, avant la première guerre mondiale, ont été poursuivies, en 1951, par les deux grands archéologues irakiens, Fouad Safar et Ali Mustafa. « Le site restauré et entretenu par les Irakiens était en bon état », ajoute Mme André-Salvini.La cité arabe de l’Empire parthe avait été fondée par des tribus bédouines d’Arabaya, « le pays des Arabes ». Carrefour caravanier stratégique, Hatra contrôlait la route de la soie vers l’est, jusqu’en Inde et en Chine. S’y échangeaient soieries, porcelaines, parfums, pierres précieuses, bois rares, encens, etc. Remontant le Tigre en bateau, les marchands poursuivaient le périple à dos de chameau, jusqu’à Antioche (Turquie).Assiégée en 116 par l’empereur romain Trajan, Hatra résiste. « Les Parthes avaient un feu redoutable, une grenade à base de bitume et de sulfure, très efficace », note Mme André-Salvini. La ville fortifiée par deux ceintures de remparts et gardée par des tours est le symbole de la lutte entre les Parthes et les Romains qui se disputent les dépouilles de l’ancien empire d’Alexandre le Grand. Après un siège prolongé, elle tombera, vers 250, aux mains des Sassanides, vainqueurs des Parthes.Mutilée et pilléeParmi les sanctuaires, le plus imposant, Shamash Maran, dédié au Soleil, était jusqu’ici intact avec son fronton, sa volée de marches et sa double colonnade. Le monument dédié, lui, à la trilogie Martan (Notre Dame), Maran (le Père) et Bermarin (le fils), illustre le syncrétisme des croyances religieuses. Véronique Grandpierre, chercheuse associée au laboratoire Identité et territoires de l’université Paris-Diderot, s’inquiète pour les figures des rois qui ornent les grands arcs. « Ils sont reconnaissables à leurs cheveux courts aux grosses boucles serrées, à leur moustache et à leur petite barbe peignée. Ils portent des tiares coniques ou se ramassent les cheveux en boule sur le haut du crâne. » Ont-ils disparu ?La grande statuaire, qui pouvait être dissociée des murs, avait été mise à l’abri à Bagdad et au Musée de Mossoul – elle est tombée sous les coups de marteau des djihadistes, le 26 février, mutilée et sans doute pillée. Irina Bokova rappelait, le 27 février, que le trafic des œuvres d’art en Irak était évalué au total à sept milliards d’euros.Pour Hosham Dawod, ancien directeur de l’Institut français pour le Proche-Orient en Irak : « La deuxième rentrée financière des islamistes radicaux, après le pétrole, c’est le trafic archéologique. » Une manne qui sert leur idéologie : « L’archéologie rassemble les Irakiens au-delà de leur particularisme, local, régional, confessionnel, ajoute-t-il. Pour Daech, l’art est un blasphème. »Hosham Dawod regrette que la position des Etats-Unis soit « en deçà de la gravité des événements ». « Pourquoi ne sont-ils pas intervenus avant l’attaque du site de Nimroud ? De leur base d’Erbil, ils peuvent écouter Daech. Ils ont des forces spéciales, des dizaines d’avions. Pourquoi n’ont-ils pas arrêté à temps la destruction des vestiges ? » Des questions que pose toute la communauté scientifique.Les djihadistes saccagent NimroudFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 08.03.2015 à 17h52 • Mis à jour le08.03.2015 à 19h38 Le gouvernement irakien a demandé, dimanche 8 mars, à la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre l'Etat islamique (EI) de lancer des frappes aériennes pour empêcher la poursuite des destructions de sites archéologiques par les djihadistes. La coalition, qui a mené 2 800 frappes depuis le mois d'août en Irak et en Syrie, ne fait pas assez pour sauver le patrimoine historique de l'Irak, a estimé le ministre du tourisme et des antiquités, Adel Fahd Al-Cherchab.« Ce que je demande à la communauté internationale et à la coalition internationale c'est de frapper le terrorisme où qu'il soit », a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Bagdad. Après la diffusion, il y a une semaine, de vidéos de l'EI montrant la destruction d'oeuvres monumentales au musée de Mossoul, puis l'attaque, jeudi, du site archéologique assyrien de Nimroud, le ministère a annoncé samedi que les djihadistes s'en étaient pris aux vestiges du site de Hatra.L'Unesco et l'ONU ont condamné cette dernière campagne de destruction présumée, qui n'a cependant pas encore pu être confirmée de source indépendante. Le ministère n'a pu en obtenir d'images. Toutes ces destructions ont lieu, ou sont présumées, dans les zones contrôlées par l'EI dans la province de Ninive.« Il était possible de surveiller le secteur. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait ? »« Hatra est un site au milieu du désert où l'on peut voir [depuis les airs] n'importe quelle infiltration », a avancé le ministre irakien, pour qui les avions de la coalition auraient pu empêcher les djihadistes de rejoindre ce site. « Il était possible de surveiller le secteur. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait ? » demande-t-il.Le gouvernement irakien est incapable d'intervenir dans la région, faute de troupes suffisantes. D'autant que des dizaines de milliers d'hommes sont mobilisée autour de la ville de Tikrit, plus au sud, pour tenter de la reprendre aux djihadistes. Cibler les djihadistes pour préserver des sites archéologiques marquerait un changement pour la coalition, qui mène jusqu'à présent des frappes visant à affaiblir les capacités militaires de l'EI en Irak et en Syrie voisine.Lire aussi : A Mossoul, l’Etat islamique mène une guerre contre la culture Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.03.2015 à 11h53 • Mis à jour le07.03.2015 à 23h09 Cali« L’Age d’or » Cali est un homme de scène. Quand il conçoit ses chansons, il doit y penser, forcément. Et l’énergie dans l’écriture et les rythmes que cette appréhension physique du phénomène musical génère donne trois morceaux magnifiques pour commencer ce sixième album : Tout ce qui ne reviendra plus, Le Cœur chargé comme un fusil, La Vie quoi ! Le premier titre est une évocation de l’enfance, de sa mère décédée lorsqu’il était tout gosse ; le deuxième honore le grand-père Giuseppe Caliciuri, Italien engagé dans les Brigades internationales pendant le guerre d’Espagne ; le troisième est un hymne à la joie – l’amour fatal, le poids social, les tourments intérieurs sont les chicanes d’un parcours combatif. Mais Cali est fasciné par Léo Ferré. Le grand ancien le fixe comme un aimant sur un mur d’acier. Le Perpignanais se fige dans une posture qu’il avait déjà expérimentée depuis le grand succès, très mérité, de l’Espoir, en 2008. De Ferré, Cali, né au printemps 1968, reprend L’Age d’or. La chanson composée en 1966 met un point final à l’opus – « Nous aurons du pain/Doré comme les filles/Sous les soleils d’or/Nous aurons du vin/De celui qui pétille/Même quand il dort ». Entre-temps, Cali tente de s’approprier les envolées, la diction, le flot verbal de Léo Ferré, ce qui s’avère une mission impossible et devient tic quand la poésie imite. Véronique Mortaigne1 CD Sony Music. King CrimsonLive at The Orpheum Formé en 1968, à Londres, par le guitariste et compositeur Robert Fripp, King Crimson a connu régulièrement des périodes de retraite. La dernière en date remonte à 2009-2013. Avec pourtant en 2011 une publication phonographique, A Scarcity of Miracles, sous le nom de Fripp, du guitariste Jakko Jakszyk et du saxophoniste et flûtiste Mel Collins et la présence du bassiste Tony Levin et du batteur Gavin Harrison. Annonciateur de la formation actuelle complétée par les batteurs Pat Mastelotto et Bill Rieflin, partie en tournée à l’automne 2014. Des nombreux concerts de ce septette, Fripp a choisi une quarantaine de minutes enregistrées lors de deux soirées. Lien entre l’ancien (Mel Collins dans le groupe au début des années 1970) et le plus récent (Jakszyk et Rieflin), avec une part jazz, l’assise reconnaissable sur les boucles mélodiques de Fripp devenant de soudains éclats, la complémentarité des batteurs, la musique de ce King Crimson va vers de hauts points d’interprétation et d’expression. Qui fait regretter que Fripp n’ait pas choisi d’en proposer plus. Sylvain Siclier1 CD Discipline Global Mobile. Alexandre ScriabineŒuvres mystiques pour pianoJean-Pierre Armengaud (piano). Illustrée dans la production symphonique d’Alexandre Scriabine (1872-1915) par le célèbre Poème de l’Extase, la notion de « poème » musical constitue aussi le maître mot du parcours pianistique balisé par Jean-Pierre Armengaud avec autant de science que de goût. Languide (op. 51), Nocturne (op. 61) ou Fantastique (op. 71), le poème selon Scriabine s’apparente à une expérience dans laquelle, au fil du temps, le geste se fait plus insistant et la résonance plus étrange. Sans rien perdre du côté « allumé » qui caractérise le compositeur, comme le prouve le bien nommé Vers la flamme, écrit par Scriabine un an avant sa mort. Suit un inédit réalisé par le musicologue Manfred Kelkel à partir de quelques esquisses d’une œuvre inaboutie. Un Tombeau inspiré de L’Acte préalable… Quoi de plus mystique ? Pierre Gervasoni1 CD Bayard musique. Franz SchubertSonate « Fantaisie » – Mélodie hongroise – Fantaisie pour quatre mains – Lebensstürme pour quatre mainsDavid Fray et Jacques Rouvier (piano). Entre David Fray et Franz Schubert (1797-1828), c’est une histoire d’amour et d’ADN, comme le prouvait déjà un premier disque consacré au compositeur autrichien paru en 2009 (chez Virgin Classics). Le pianiste français est à nouveau au chevet d’un rêve de poésie, dont il possède à l’évidence la clef de lumineuse nostalgie. Un toucher à la fois précis et délicat, une palette sonore d’une grande finesse : écoutez grelotter le trio du « Menuetto » dans la Sonate en sol majeur D 894, s’envelopper de nuit la fameuse Mélodie hongroise D 817 tandis que son rythme obstiné semble battre des ailes, luttant et s’abandonnant tour à tour. David Fray a convoqué son professeur, Jacques Rouvier, dans les Fantaisie D 940 et Lebensstürme D 947 pour piano à quatre mains, un juste retour des choses, comme cela s’entend. Marie-Aude Roux1 CD Erato/Warner Classics. Clarisse Fabre Le metteur en scène Rodrigo Garcia, 49 ans, est-il heureux à Montpellier, où il dirige le Centre dramatique national de Montpellier (CDN), qu’il a rebaptisé Humain Trop Humain (hTh) ? Oui... et non, confie au Monde l’Argentin, vendredi 6 mars. Déçu, certes, que son « ardeur » à vouloir réformer le CDN, sa programmation, son public, n’intéresse personne en haut lieu, dit-il. Mais l’homme est posé, et prend le temps de préciser sa pensée. Il est loin de l’image trash que ses spectacles, et les polémiques qu’ils suscitent, renvoie. Réveillez-vous !, semble-t-il dire, comme dans sa pièce, Daisy, qui se joue au Théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au 8 mars.Comment se passe la « révolution », au CDN de Montpellier ?J’y travaille avec ardeur. J’ai un premier mandat de quatre ans et je m’y engage. Les propositions artistiques sont radicalement différentes. Il n’y a plus de répertoire, que du contemporain. Et l’on mixe les disciplines : du spectacle vivant au sens large, mais aussi de l’art contemporain, du cinéma. Le public peut voir une expo gratuitement, à 19 heures, avant de découvrir le spectacle. Puis rester au concert du DJ jusqu’à une heure du matin. On a donc augmenté les amplitudes horaires. On va aussi chercher de nouveaux publics, via les réseaux sociaux.Quels retours avez-vous de l’Etat, de la ville ?Aucun, ou presque. C’est timide... Je pensais que mon projet de révolutionner le CDN allait susciter l’enthousiasme, mais il n’y a pas de dialogue.Qu’est-ce qui ne va pas, concrètement ?Le CDN reste une petite chose oubliée. Qui connaît le CDN de Montpellier ? Il est éloigné du centre, mal relié par les transports en commun. Historiquement, personne n’a fait d’effort pour le mettre en valeur. Ce n’est pas comme à Rennes où le Théâtre national de Bretagne (TBN) est emblématique, ou comme à Grenoble avec la MC2.Est-ce qu’il manque de l’argent ?...Pfouf... Le budget est plus petit que dans d’autres villes. Il faut presque faire des tours de magie pour lancer des propositions artistiques. Heureusement je travaille avec le Fonds régional d’art contemporain, qui me prête des oeuvres, ou avec l’Ecole des Beaux-Arts. On ne m’avait rien promis, certes, en période de crise, et je le comprends. Et j’ai tout de même reçu une petite augmentation du budget du ministère, via la DRAC.Etes-vous déçu ?Absolumente. Il faut que le dialogue se noue. J’ai besoin de sentir que le travail que je mène est important pour la ville, pour les institutions.Passons au homard, qui est tué sur scène, puis mangé, et fait polémique dans votre spectacle Accidens : Matar para comer. Etes-vous soutenu par le maire de Montpellier, Philippe Saurel ?Je ne suis pas le feuilleton au jour le jour... Je sais que le maire a été interpellé, lors d’une conférence de presse. Il a répondu par une blague, en minimisant l’affaire. Pour l’instant, je n’ai pas reçu de coup de fil de la mairie. En gros, on me laisse tranquille.Partagez-vous l’inquiétude de certains artistes, au sujet de la politique culturelle de la ville ?Cela fait un an que je suis arrivé, et j’ai du mal à comprendre le fonctionnement politique. Je me considère comme une espèce de touriste... Non pas que je sois de passage, bien au contraire. Mais mon objectif, c’est de réformer le CDN, de créer des liens avec les structures de la ville, l’Opéra, le Printemps des Comédiens, mais aussi des lieux plus alternatifs. On va programmer la pièce Atlas, des auteurs portugais Ana Borralho et João Galante, sur proposition du festival Hybrides. J’ai aussi joué ma performance Flame à la Chapelle, dans le quartier gitan.Avez-vous encore le temps de créer ?Quand on écrit, on a besoin de temps perdu. Celui où l’on n’est pas au travail, mais durant lequel les idées peuvent naître. Je n’ai plus ce temps-là, le téléphone sonne tout le temps. Mais j’accepte cette contrainte avec plaisir. Je ne suis pas catho mais je lis en ce moment un livre de la Bible, l’Ecclésiastique. Pour moi, c’est comme de la littérature fantastique. Il y est écrit, en substance, qu’il y a un temps pour vivre, un temps pour mourir ; un temps pour semer, un temps pour récolter. Eh bien pour moi, en ce moment, c’est le temps de travailler comme directeur du CDN. Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Caroline Champetier retrace la vie de l’artiste peintre Berthe Morisot et les liens qui l’ont unie à Edouard Manet (samedi 7 mars, à 23 h sur France 3)Berthe (Marine Delterme) et sa sœur Edma (Alice Butaud) souhaitent ne jamais se marier afin de rester ensemble et de se consacrer à ce qu’elles aiment le plus au monde : la peinture. Elles ont acquis la technique et, bonnes copistes, vont au Louvre pour en reproduire les chefs-d’œuvre. Elles y font aussi des rencontres. La plus déterminante sera celle d’Edouard Manet (Malik Zidi), qui va bouleverser la pensée de Berthe, sa relation avec sa sœur, interroger son rapport à la peinture et au monde.La jeune fille devient, en effet, le modèle du peintre (Le Balcon, Le Repos, Berthe Morisot au bouquet de violettes, etc.), sans pour autant se résoudre à n’être que cela. Berthe Morisot s’acharne à s’émanciper des canons de la peinture, cherche de façon obsessionnelle à rendre l’air et la lumière, et finit par devenir une artiste à part entière, l’un des premiers peintres impressionnistes.Butée, opaqueLa réalisatrice Caroline Champetier et les scénaristes Sylvie Meyer et Philippe Lasry ont choisi d’accompagner Berthe Morisot de 1865 à 1872, années durant lesquelles la jeune femme passe d’une pratique amateur au statut de peintre professionnel. Ils ont placé au centre du récit les liens qui unissent Edouard Manet et Berthe, sans jamais en donner la clé, mais en demeurant sur le fil, entre attirance créatrice et amoureuse. Avec, d’un côté, Manet, jouisseur et obscur, séducteur et tourmenté, artiste injurié et homme blessé ; de l’autre, Berthe Morisot, butée, opaque, aspirée par la peinture au point d’en oublier le reste. L’alchimie entre les personnages apporte de la densité au téléfilm tout en ouvrant un accès à l’univers de la création et à ses questionnements.Pour un film sur la peinture, le parti pris esthétique qui consiste à construire chaque plan comme un tableau est délicat. Caroline Champetier, elle, évite l’écueil avec brio. En insufflant de la vie dans le cadre, en privilégiant les plans-séquences, elle donne au contraire du souffle à la peinture, une âme à la création, une profondeur au geste. Les acteurs se tiennent à une épure de jeu qui évolue par petites touches. A l’image de l’art défendu par leurs personnages : un trait franc et direct que modulent ensuite les pointes de couleur.Berthe Morisot, de Caroline Champetier. Avec Marine Delterme, Alice Butaud, Malik Zidi, Bérangère Bonvoisin (France, 2012, 100 minutes). Samedi 7 mars, à 23 h sur France 3.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Lequeux Depuis quarante ans, le sculpteur anglais Antony Gormley veut « comprendre ce que signifie vivre dans un corps ». Une quête physique et spirituelle qui prend la forme d'impressionnants mastodontes.On croirait qu'il danse. Pour nous accueillir dans son atelier londonien, Antony Gormley dévale les escaliers avec une grâce étrange, une démarche qui brinquebale joliment. Le sexagénaire remonte aussitôt du même pas, pantomime légère d'un grand dégingandé. Ne serait-ce que par sa silhouette, le sculpteur britannique rappelle qu'il a fait du corps humain l'objet de toutes ses attentions. Il jette un œil sur l'horizon de son quartier de hangars, à quelques encablures de la gare de Saint-Pancras et de l'immense chantier de gratte-ciel qui l'enserre, et s'amuse : « Ils sont en train de construire Manhattan dans mon jardin ! » Puis propose de partager une gigantesque plâtrée de nouilles avec la quinzaine d'assistants qui, chaque midi, déjeunent autour du maître dans la vaste cuisine.En attendant Manhattan-on-Thames, ce digne membre de l'Académie royale s'est offert un rêve d'atelier, construit sur mesure par Sir David Chipperfield. L'architecte star a imaginé pour Sir Antony, anobli par la reine en 2014, un havre de lumière et d'efficacité minimaliste. « Une architecture psychologique, qui te fait réfléchir à ton expérience de l'espace », s'enthousiasme le lauréat du Turner Prize 1994. Sous les hautes verrières se profile une forêt de ces silhouettes d'acier qui ont fait sa réputation internationale : digressions sur... Emmanuelle Lequeux Depuis quarante ans, le sculpteur anglais Antony Gormley veut « comprendre ce que signifie vivre dans un corps ». Une quête physique et spirituelle qui prend la forme d'impressionnants mastodontes.On croirait qu'il danse. Pour nous accueillir dans son atelier londonien, Antony Gormley dévale les escaliers avec une grâce étrange, une démarche qui brinquebale joliment. Le sexagénaire remonte aussitôt du même pas, pantomime légère d'un grand dégingandé. Ne serait-ce que par sa silhouette, le sculpteur britannique rappelle qu'il a fait du corps humain l'objet de toutes ses attentions. Il jette un œil sur l'horizon de son quartier de hangars, à quelques encablures de la gare de Saint-Pancras et de l'immense chantier de gratte-ciel qui l'enserre, et s'amuse : « Ils sont en train de construire Manhattan dans mon jardin ! » Puis propose de partager une gigantesque plâtrée de nouilles avec la quinzaine d'assistants qui, chaque midi, déjeunent autour du maître dans la vaste cuisine.En attendant Manhattan-on-Thames, ce digne membre de l'Académie royale s'est offert un rêve d'atelier, construit sur mesure par Sir David Chipperfield. L'architecte star a imaginé pour Sir Antony, anobli par la reine en 2014, un havre de lumière et d'efficacité minimaliste. « Une architecture psychologique, qui te fait réfléchir à ton expérience de l'espace », s'enthousiasme le lauréat du Turner Prize 1994. Sous les hautes verrières se profile une forêt de ces silhouettes d'acier qui ont fait sa réputation internationale : digressions sur... 06.03.2015 à 10h30 • Mis à jour le06.03.2015 à 15h20 | Emmanuelle Jardonnet Bien que l’information n’ait pas été communiquée officiellement, la consigne est bel et bien déjà entrée en vigueur au château de Versailles « depuis quelques jours » : les gardiens proscrivent désormais l’usage de la « perche à selfie » dans les espaces intérieurs du monument, a assuré au Monde.fr son service de communication.Une décision dans l’air du temps, alors que de plus en plus de musées choisissent de reprendre le contrôle de la situation face au succès envahissant de ce bras télescopique pour smartphones permettant de prendre des photos de groupe avec un angle plus large et spectaculaire grâce à une télécommande.Déjà, le mardi 3 mars, la Smithsonian, institution qui gère l’ensemble des musées nationaux de Washington – dix-neuf au total –, annonçait très officiellement sur son site comme sur les réseaux sociaux que l’accessoire y était désormais banni. Une interdiction qu’elle justifie comme une « mesure préventive pour protéger les visiteurs et les collections, notamment quand il y a un fort afflux de visiteurs ».La Smithsonian a ainsi ajouté la mention du selfie stick noir sur blanc dans sa réglementation, en considérant l’outil comme un type de trépied, sachant que les pieds pour appareils photos sont déjà interdits à l’intérieur comme dans les jardins de ces musées.Le Met, le MoMa, le Guggenheim, le Getty…Ces derniers mois, dans la capitale fédérale américaine, la National Gallery et le Hirshhorn Museum and Sculpture Garden avaient déjà pris les devants. A New York, le Metropolitan Museum of Art les a aussi bannis récemment, et avant lui le Dia:Beacon, le MoMA, le Guggenheim, ainsi que le Cooper-Hewitt, Smithsonian Design Museum. Le Musée des beaux-arts de Boston a fait de même. A Los Angeles, le J. Paul Getty Museum a, pour sa part, décidé de proscrire l’utilisation de ces perches dans le musée, tout en les autorisant dans ses jardins.Il n’existe pas de chiffres recensant le nombre de selfie sticks vendus dans le monde, mais le New York Times avance une fourchette de plusieurs centaines de milliers pour les seuls Etats-Unis depuis l’été dernier.A Paris, les deux musées les plus touchés par le phénomène sont le château de Versailles et le Louvre, très fréquentés par les touristes asiatiques. Car le selfie stick, dont l’invention remonte à 2005, avec un brevet déposé par un Canadien, a d’abord massivement séduit l’Asie, notamment la Corée du Sud, qui a été amenée en 2014 à en réglementer l’usage à l’échelle du pays.Le château de Versailles, qui accueille 80 % de visiteurs étrangers, explique avoir décidé à son tour d’interdire le selfie stick avant tout « en prévention de l’approche de la haute saison ». Mais comme au Getty, cette interdiction concerne seulement l’intérieur des bâtiments, le déferlement de ces bâtonnets restant toléré en extérieur.La charte « Tous photographes »Au Louvre, le phénomène s’est fait ressentir « surtout en extérieur, autour de la pyramide ». A l’intérieur, si les trépieds et les flashs sont interdits pour les visiteurs, les perches à selfie ne sont donc « pour l’instant » pas interdites. « Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas interdit qu’il n’existe pas de bonnes pratiques à respecter », précise le musée. Le Centre Pompidou explique être, pour sa part, en phase d’observation : « Le phénomène est pris en considération, mais il n’y a pas encore de décision prise dans le sens d’une interdiction. »Cas à part, le Musée d’Orsay n’est absolument pas touché par le phénomène. Et pour cause : les photos y sont interdites depuis plusieurs années déjà – c’est-à-dire avant même l’avènement du selfie. Avant 2009, la photographie sans flash était autorisée dans le musée, puis a été proscrite pour des raisons de sécurité et de fluidité des visites au cours des travaux, qui ont amputé d’un tiers l’espace du musée jusqu’en 2011. Puis l’interdiction est restée « par confort », même si le musée reconnaît qu’il existe une « tolérance tacite » dans les espaces offrant des points de vue sur son architecture (ou pendant la #MuseumWeek, dont la 2e édition est programmée du 23 au 29 mars).Une situation qui s’inscrit cependant en porte-à-faux avec la charte « Tous photographes », publiée par le ministère de la culture en juillet dernier. Réponse à l’appétit photographique des visiteurs, celle-ci vise à favoriser « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments, devenue un phénomène courant qui trouve souvent son prolongement sur les réseaux sociaux », tout en la conciliant avec le respect des institutions muséales.« Koons Is Great for Selfies ! »On remarquera que ce texte s’est accompagné d’un clip… centré sur le selfie davantage que sur toute idée de partage des œuvres – le message subliminal est que le pouvoir du selfie doit pouvoir attirer de nouveaux publics :La charte « Tous photographes » (qui n’a pas valeur de réglementation), édictée alors que le phénomène des perches n’existait pas encore en France, était le signe d’une prise de conscience de l’importance pour les musées des photographies circulant sur les réseaux sociaux. Car aux Etats-Unis comme en France, la prise de selfies est plus que tolérée, elle est encouragée, la pratique offrant évidemment une publicité mondiale gratuite via Instagram, Facebook ou Twitter.Le New York Times rappelait à la mi-février que lors de la grande rétrospective Jeff Koons au Whitney Museum of American Art, à New York, des cartons enjoignaient les visiteurs à se prendre en photo dans l’exposition et à poster leurs photos sur les réseaux sociaux, avec un message très incitatif : « Koons Is Great for Selfies ! »Dans les musées de Washington, l’interdiction se double d’ailleurs d’une invitation à surtout poursuivre les prises photographiques : « Nous encourageons les visiteurs à se prendre en photo et à partager leur visite », même s’« ils doivent laisser leur perche à selfie dans leurs sacs ».Cette limitation du champ de la pratique des selfies risque de porter un coup de frein à cet enthousiasme des visiteurs qui ravissait jusqu’ici les institutions culturelles. C’est bien cette contradiction qui a gêné le Met, qui a délibéré plusieurs mois avant de passer le cap un peu à contre-cœur, explique le New York Times.Au château de Versailles, pionnier français de la bataille anti-sticks, les premiers pictogrammes d’interdiction devraient faire leur apparition dans les prochaines semaines.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 06.03.2015 à 01h49 • Mis à jour le06.03.2015 à 15h55 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itk1w"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itk1w", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Quelques jours après la diffusion de vidéos montrant des membres de l'organisation Etat islamique (EI) détruisant des œuvres dans le Musée de Mossoul, le groupe djihadiste s'en est à nouveau pris au patrimoine culturel en Irak.Selon le ministère du tourisme irakien, des membres de l'EI ont attaqué dans l'après-midi de jeudi 5 mars les ruines de la cité historique assyrienne de Nimroud fondée au XIIIe siècle avant Jésus-Christ, située à 30 kilomètres au sud de Mossoul. L'EI a « pris d'assaut la cité historique de Nimroud et a commencé à la détruire avec des bulldozers », selon les officiels irakiens. Des camions, qui ont pu être utilisés pour dérober des pièces archéologiques, ont par ailleurs été aperçus sur le site, selon un responsable des antiquités. « Jusqu'à présent, nous ne pouvons pas mesurer l'ampleur des dégâts », a-t-il confié sous couvert d'anonymat.Cet acte a été qualifié de « crime de guerre » par l'Unesco, organisme des Nations unies chargé de défendre la culture dans le monde :« Nous ne pouvons pas rester silencieux. La destruction délibérée du patrimoine culturel constitue un crime de guerre, et j'en appelle à tous les responsables politiques et religieux de la région à se lever contre cette nouvelle barbarie. »« DÉTRUIRE LE PATRIMOINE IRAKIEN, SITE APRÈS SITE »Plusieurs archéologues avaient fait part de leur crainte de voir ce site attaqué à son tour par les djihadistes, après les destructions du Musée de Mossoul.  La cité de Hatra, inscrite au Patrimoine mondiale de l'humanité de l'Unesco « évidemment sera la prochaine cible. (…) C 'est seulement une question de temps », a estimé Abdelamir Hamdani, un archéologue irakien de l'université Stony Brook à New York, « bouleversé » par l'annonce des destructions à Nimroud. Lire : A Mossoul, l’Etat islamique mène une guerre contre la culture« Je suis désolé de le dire, mais tout le monde s'y attendait. Le dessein des djihadistes est de détruire le patrimoine irakien, site après site », rappelle-t-il, l'EI estimant que les statues ou les tombes favorisent l'idôlatrie, avis extrêmement marginal même chez les religieux les plus traditionnels.Le Metropolitan Museum of Art de New York avait réalisé cette reconstitution virtuelle du palais de Nimroud :Lire aussi (édition abonnés) : Destructions d’œuvres d’art à Mossoul : « C’est un djihad mené contre le passé » 05.03.2015 à 18h04 • Mis à jour le05.03.2015 à 18h10 | Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.The Beatles : « Rubber Soul », la fin de l’innocenceCette semaine : autour de l’album Rubber Soul (décembre 1965).« Drive My Car » (Lennon-McCartney), par Bobby McFerrinC’est par un rock enlevé et joyeux, doté d’un riff irrésistible, que s’ouvre l’album Rubber Soul. Cette création de Paul McCartney souffre à peine de ses paroles indigentes même si elles filent (discrètement) la métaphore sexuelle. Conscient de son potentiel entraînant et fédérateur, le bassiste a placé Drive My Car en ouverture des concerts de sa tournée de 1992-1993, et à nouveau en 2009. Le classique a inévitablement suscité bon nombre de reprises, immédiates ou tardives (jusqu’à Sylvie Vartan en 2007 !), généralement d’une fidélité scrupuleuse, donc d’un intérêt médiocre.Se distingue dans l’intention celle que propose en 1975 le groupe anglais Humble Pie – fondé par Steve Marriott (1947-1991) ancien chanteur des Small Faces – une métamorphose audacieuse en ballade country avec piano et pedal steel, à découvrir sur l’album Street Rats (1975) qui comprend deux autres reprises des Beatles, We Can Work It Out et Rain. Plus concluant est l’effort, la même année, de Black Heat, éphémère formation funk américaine signée par le prestigieux label Atlantic. Après avoir précédemment inscrit à son répertoire Blackbird et From Me To You, le New-Yorkais Bobby McFerrin emporte les suffrages avec cet étonnant Drive My Car a cappella, à mi-chemin du gospel et du doo-wop. On entend ici très clairement où la chanteuse parisienne Camille a puisé son inspiration. Cette relecture inventive de McFerrin, proposée en 1988 sur Simple Pleasures, sera néanmoins éclipsée par le tube phénoménal de l’album, Don’t Worry Be Happy. « Norwegian Wood (This Bird Has Flown) » (Lennon-McCartney), par CornershopUne mélodie irlandaise, des guitares en bois de Norvège et un sitar. Devenu l’élève du maître Ravi Shankar (1920-2012), George Harrison (1943-2001) se distingue en apportant les sonorités du grand luth indien aux oreilles du public rock, avant d’en enseigner les rudiments à son confrère Brian Jones (1942-1969) pour Paint It Black des Rolling Stones. Norwegian Wood est une des plus belles chansons de John Lennon (1940-1980), déjà las de la célébrité mais dans une éblouissante forme créative sur Rubber Soul. Attaque parfaite (« J’ai eu autrefois une fille, ou devrais-je dire, c’est elle qui m’a eu ») et chute pyromane (l’intérieur Ikea de la belle est incendié). La prime à la reprise va au groupe Cornershop (qui tire son nom de l’équivalent de l’épicerie arabe dans la communauté indo-pakistanaise en Grande-Bretagne) pour cette version avec sitar, chantée en pendjabi. Elle conclut en 1997 l’album When I Was Born For the 7th Time, qui révéla les frères Singh avec le tube Brimful of Asha. A noter que Norwegian Wood donnera encore son titre à un roman, publié en 1987 par l’écrivain japonais Haruki Murakami et comprenant des allusions à cette ballade. « You Won’t See Me » (Lennon-McCartney), par Anne MurrayAprès Yesterday, une (rare) chanson de désillusion amoureuse due à McCartney, personnage de nature plutôt optimiste. Mais au milieu des années 1960, il y a à l’évidence de l’eau dans le gaz avec Jane Asher, la fiancée de Paul, qui fait la grève du téléphone. You Won’t See Me a été sous-exposée par les Beatles, qui ne l’interprétèrent jamais en concert, puis par son auteur qui ne devait pas la rechanter en public avant 2005. Elle fit cependant le bonheur de la chanteuse canadienne de country-pop Anne Murray en 1974. Cette version destinée au marché « adulte » et disponible sur l’album Love Song entra dans le Top 10 américain des classements de single. Lennon aurait, en outre, affirmé à l’heureuse interprète qu’il s’agissait de sa reprise préférée d’une chanson des Beatles. « Nowhere Man » (Lennon-McCartney), par Gershon KingsleyDeuxième pièce magistrale de Lennon (alors nettement influencé par Bob Dylan) sur Rubber Soul, Nowhere Man prolonge la réflexion existentielle amorcée avec Help ! Avec sa descente chromatique conclue par une dissonance, ses harmonies vocales majestueuses, cette pépite tend des pièges dans lesquels tombe à pieds joints l’improbable association en 2008 des Smashing Pumpkins, artillerie lourde chicagoane, et du crooner néo-fifties Chris Isaak. Le sorcier allemand de l’électronique Gershon Kingsley les avait soigneusement évités en 1969 sur son premier album, Music To Moog By, œuvre à la gloire du monstrueux synthétiseur Moog. Les Beatles, pour une fois à la traîne, attendirent Abbey Road pour utiliser cette innovation, devancés par les Doors, les Rolling Stones, les Byrds et même Simon & Garfunkel.Le traitement qu’inflige Gershon Kingsley à Nowhere Man scandalisera les puristes, qui ne seront guère plus ravis d’apprendre que le laborantin s’est aussi attaqué à Paberback Writer sur Music To Moog By (mieux vaut taire aux fans du grand Ludwig que l’objet contient aussi une Lettre à Elise). C’est l’époque où le grand répertoire est avalé et recraché par les modulations du Moog, clavecin moderne popularisé en 1968 par le Switched-on-Bach de Walter Carlos – dont les transcriptions beethoveniennes seront utilisées en 1971 par Stanley Kubrick (1928-1999) pour Orange mécanique. Gershon Kingsley participe au mouvement mais il est aussi capable d’écrire pour Music To Moog By un énorme tube : Nowhere Man suit en effet Pop Corn, qui deviendra un hit planétaire en 1972 avec la reprise du groupe instrumental américain Hot Butter. « Think For Yourself » (Harrison), sous le titre « Les garcons sont fous », par François Fabrice Une chanson mineure d’Harrison, qui vaut surtout pour l’utilisation d’une pédale fuzz sur la basse de McCartney. Le jeunot des Beatles n’est pas encore au niveau des deux monstres, mais cela viendra. Les reprises de Think For Yourself sont donc rares. Heureusement, on peut toujours compter sur la valeureuse scène yé-yé hexagonale pour que la pèche soit fructueuse. Et l’ambassadeur François Fabrice est un sacré numéro. Pas seulement pour l’imagination de la transcription (Think For Yourself devient Les garçons sont fous) compensant un apport musical nul. Plutôt parce que l’interprète de cette reprise publiée en 45-tours en 1966 n’est pas voué à demeurer inconnu : il s’agit du futur célèbre animateur de RTL, un des rois de « La Valise » et des « Grosses Têtes ». Fabrice, quoi, la classe. « The Word » (Lennon-McCartney), par 13th Floor ElevatorsCollaboration entre Lennon et McCartney, The Word aurait été écrite par le tandem en partageant un joint, donc sous l’emprise de la marijuana, alors qu’ils s’interdisaient pourtant de mélanger travail et détente. Etonnamment dynamique vu les circonstances, la chanson tombe ensuite entre les mains de gobeurs d’acides, les Texans de 13th Floor Elevators (« les ascenseurs du treizième étage »), un groupe de garage rock mené par un aliéné obsédé par les vampires et les extraterrestres, le chanteur Roky Erickson. Furieuse et paniquée, cette version impeccable a été captée en concert à l’Avalon Ballroom de San Francisco, l’un des sanctuaires de la scène hippie de l’époque. Longtemps piratée, elle est apparue en 2002 sur le coffret The Psychedelic World of the 13th Floor Elevators puis sur la réédition augmentée du premier album, The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators, qui contient le classique You’re Gonna Miss Me. « Michelle » (Lennon-McCartney), par David & JonathanL’une des chansons des Beatles les plus célèbres au pays de Gérard Lenorman – qui livrera sa propre Michèle en 1976. Inspirée à McCartney par une virée à Saint-Germain-des-Prés, cette jolie ballade est connue aussi pour son français dans le texte (« … Sont des mots qui vont très bien ensemble… »), déclamé avec un charmant accent liverpuldien. Dans les années 1990, McCartney adjoindra en concert un accordéon pour accentuer le folklore, sans oser toutefois se munir d’un béret et d’une baguette, avant de l’interpréter à l’attention de la première dame Michelle Obama à la Maison blanche en 2010. Il n’est pas étonnant dans ce contexte que Michelle ait fait l’objet chez nous d’un nombre impressionnant de reprises par le gratin instrumental national : que ce soient Paul Meuriat, Franck Pourcel ou Richard Clayderman. Outre-Manche, le duo de Bristol David & Jonathan réalisa un beau travail vocal qui fut récompensé d’une 11e place dans les classements britanniques en 1966. Cette date induit que les deux hommes n’ont strictement rien à voir avec le tandem homonyme qui fit un malheur en France à la fin des années 1980 grâce à Est-ce que tu viens pour les vacances ? « What Goes On » (Lennon-McCartney-Starkey), par Sufjan StevensPauvre Ringo ! C’est généralement à lui qu’échoit vocalement la première chanson marquant une baisse de régime dans un album des Beatles (voir Act Naturally sur Help !). Country-rock paresseux qui date du temps des Quarrymen (le groupe de skiffle formé par Lennon, McCartney et Harrison avant les Beatles), What Goes On cosigné Lennon-McCartney et Starkey (le vrai nom de famille de Ringo Starr) atterrira miraculeusement en face B d’un 45-tours, au revers de Nowhere Man. Il n’a logiquement pas suscité d’envies de reprises. Mais, en 2005, le label new-yorkais Razor & Tie décide de célébrer les quarante ans de Rubber Soul avec un album, This Bird Has Flown, reprenant dans l’ordre l’intégralité des chansons. Il a donc bien fallu qu’un acteur du circuit indépendant se dévoue pour chanter What Goes On. Ce fut le multi-instrumentiste Sufjan Stevens. L’excentrique Américain a décidé de s’affranchir complètement de l’original pour n’en conserver que les paroles. Le résultat n’est pas plus excitant. « Girl » (Lennon-McCartney), sous le titre « Je l’aime », par Johnny Hallyday Encore une perle de Lennon, découvrant que les filles peuvent être ô combien cruelles. Roi de l’adaptation, le Jojo national s’en empare en 1966, après avoir fait un sort à I Saw Her Standing There (Quand je l’ai vue devant moi) et She’s a Woman (On a ses jours). Suivra Got To Get You Into My Life (Je veux te graver dans ma vie). La transcription libre de Girl en Je l’aime, signée Hugues Aufray et Vline Buggy, est placée en majesté d’un étonnant EP (super 45-tours) de Johnny Hallyday comprenant également le If You Gotta Go, Go Now de Bob Dylan (devenu Maintenant ou jamais). Les fans de Johnny affirment avec aplomb que cette version, dont nous présentons ici le playback en noir et blanc, pourrait être supérieure à l’original, ceux des Beatles refusent par principe toute discussion. Girl fut encore interprétée en italien (sous le titre Amo) par Dalida en 1967. Pauvre fille, on fait peu de cas de toi. « I’m Looking Through You » (Lennon-McCartney), par Steve EarleSympathique, à défaut d’être transcendante, tentative bluegrass par le desperado du country-rock Steve Earle. A retrouver sur l’album Train a Comin’, publié par le Texan en 1995. « In My Life » (Lennon-McCartney), par Judy CollinsIncontestablement, avec Michelle, la chanson la plus reprise de Rubber Soul, mais de façon plus durable et universelle – de la formation de R’n’B des années 1990 Boyz II Men à la chanteuse de jazz Diana Krall, de l’acteur écossais Sean Connery au chanteur de heavy metal Ozzy Osbourne… Son caractère introspectif et proustien, évocation par Lennon de son enfance à Liverpool, s’y prête. Avec son fameux pont au piano accéléré imitant un clavecin, dû au producteur George Martin, In My Life est l’une des plus belles réussites de Beatle John qui prouve, en outre, qu’il était un des plus grands vocalistes du monde rock (l’incroyable saut d’octave final). Bref, c’est un joyau de la Couronne, dont l’original des paroles a été acquis par le British Museum. Autant dire qu’il exige du tact.Dans ce registre, la version immédiate (dès 1966) de la folksinger américaine Judy Collins (la muse de Judy Blue Eyes Suite, de Crosby, Stills & Nash) est un modèle, chanson-titre d’un album connu pour une interprétation de Suzanne qui permit d’exposer l’art de Leonard Cohen à un large public. Le In My Life de Judy Collins a été préféré à ceux, tardifs, de Crosby, Stills & Nash en 1994 et de Johnny Cash (1932-2003) en 2002. Pour l’anecdote, il existe encore une tentative touchante, avec piano et chœurs envahissants, de Keith Moon (1946-1978) sur l’unique album solo du batteur des Who, Two Sides of the Moon (1975). Celui-ci fut réalisé avec la collaboration de Ringo Starr et comporte un inédit de Lennon, Move Over Ms L., gracieusement offert lors d’une soirée de beuverie à Los Angeles. « Wait » (Lennon-McCartney), par Bettye LaVetteCette chute de l’album Help ! paraît bien faiblarde en comparaison de ce qui a précédé. Elle a été pourtant récemment remise à l’honneur par la vibrante chanteuse de soul Bettye LaVette, signée par le prestigieux label Atlantic au début des années 1960 puis tombée dans l’oubli avant un come-back réussi au milieu des années 2000. Cette interprétation affranchie et ralentie a été enregistrée sur son dernier album en date, Worthy, paru en février. Bettye LaVette la présente ici lors de l’émission « The Late Show » de l’animateur David Letterman. Elle s’était déjà emparée d’une chanson de Rubber Soul en 2010 pour son recueil Interpretations : the British Rock Songbook. Il s’agissait de The Word, métamorphosé en funk suave.  « If I Needed Someone » (Harrison), par Roger McGuinnEn 1965, George Harrison n’est pas encore le compositeur accompli du double blanc ou d’Abbey Road. Pour preuve, ce If I Needed Someone, un pastiche avoué des Byrds, avec un thème à la guitare douze-cordes calqué sur The Bells of Rhymney des Californiens. Ce fut pourtant la première chanson d’Harrison à entrer dans les classements britanniques, mais via la version (exécrée par l’auteur) des Hollies, le groupe d’Allan Clarke et Graham Nash. Le plus étonnant est que If I Needed Someone finit par être interprété par son principal inspirateur, RogerMcGuinn, l’un des cinq membres fondateurs des Byrds (mais le seul stable), sur son album solo Limited Edition, en 2004. Un peu comme si Harrison avait repris du Electric Light Orchestra. « Run For Your Life » (Lennon-McCartney), par Nancy SinatraJohn Lennon affirmera plus tard avoir honte de cette chanson. Machiste, misogyne, Run For Your Life prend toutefois une saveur toute particulière avec la diction détachée et menaçante de Nancy Sinatra. Et la chanson trouve naturellement sa place en clôture de son album Boots (1966), produit par le pygmalion Lee Hazlewood (1929-2007). Le disque, qui contient également une version de Day Tripper, est, en effet, dominé par un tube magistral, These Boots Are Made For Walkin’ (écrit par Hazlewood), dans lequel la fille de Frank envisage sans ambages de piétiner son amant éconduit.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, « l’album de la maturité ».D’abord, ce savoureux jeu de mots : Rubber « Soul », et non « sole ». Ce ne sont pas les semelles, mais l’âme des ­Beatles qui est en caoutchouc à l’automne 1965. Emolliente et souple lorsqu’ils s’attellent, deux mois seulement après la sortie de Help !, à l’enregistrement de leur sixième album en studio.Les Beatles : les reprises de « Rubber Soul »Les Fab Four ne sont pas encore aussi célèbres que le Christ, mais suffisamment déjà pour que leur nom ne soit pas imprimé sur la pochette. Seuls apparaissent le titre de l’œuvre, un lettrage orange gonflé à l’hélium psychédélique, et ces visages certes familiers, mais changés, déformés et fatigués par une épuisante tournée américaine et la consommation de cannabis à laquelle Bob Dylan les a ­initiés. Les coupes au bol sont échevelées, l’enthousiasme innocent des débuts appartient au passé.Des histoires d’amour ambiguësSelon le cliché (toujours en vigueur dans la prose rock), Rubber Soul serait donc « l’album de la maturité », alors que McCartney n’a que 23 ans et Lennon deux de plus. C’est incontestablement un palier vertigineux qu’ils franchissent dans leur accomplissement artistique en même temps qu’un candidat sérieux au sommet de leur discographie. Stimulés par la fusion du rock et du folk opérée outre-­Atlantique par Dylan et ses disciples des Byrds, les quatre garçons font feu de tout bois avec quatorze chansons, toutes originales. Plus irrésistibles qu’hier, les harmonies vocales ne servent plus des bluettes, mais des histoires d’amour ambiguës qui finissent mal.Si McCartney s’illustre en ouverture par le tonique et sexuel Drive my Car, c’est Lennon qui impressionne le plus avec l’introspectif Nowhere Man, le cruel Girl, le nostalgique In my Life et le pyromane Norwegian Wood, qui permet à George Harrison, devenu l’élève de Ravi Shankar, d’introduire le sitar auprès du public rock. Dès sa sortie en décembre 1965, Rubber Soul élargit les consciences et, altruiste, tire la concurrence vers le haut, les Rolling Stones étant sommés de réagir avec Aftermath et les Beach Boys avec Pet Sounds.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.03.2015 à 16h01 • Mis à jour le05.03.2015 à 18h30 | Jean-Jacques Larrochelle Un frisson semble agiter la bordure sud-est de Paris Rive Gauche. Cosignées par les agences Hamonic et Masson et Comte et Vollenweider, deux hautes tours, revêtues de reflets mordorés, pointent depuis peu leur silhouette déhanchée au-dessus de l'inflexible rectitude de l'avenue de France dans le 13e arrondissement, axe majeur de la plus vaste opération d’aménagement de la capitale depuis les travaux du célèbre baron Haussmann durant la seconde moitié du XIXe siècle. Large de 40 mètres, longue de 1 750 mètres, mais prolongée au nord-ouest, côté gare d'Austerlitz, par l'avenue Pierre-Mendès-France, la nouvelle grande avenue, ouverte intégralement à la circulation depuis 2012, ne nous avait pas habitués à pareille fraîcheur.Les façades de cette longue faille urbaine parallèle au cours de la Seine, qui ouvre en son cœur sur la vaste esplanade de la Bibliothèque nationale de France (BNF), offre pour l'heure au piéton un alignement de façades glacées tiré au cordeau que ponctuent quelques mastodontes institutionnels : Réseau Ferré de France, Accenture, Banque Populaire Rives de Paris, Caisse nationale des caisses d'épargne, ministère chargé des sports… et des commerces du même gabarit. Peu d’originalité, donc, et autant de logements. Qu'un semblant de fantaisie vienne contrarier ce que les architectes Gaëlle Hamonic et Jean-Christophe Masson nomment la « rigidité formelle » de l'avenue de France était pour le moins bienvenu. « Superposer des maisons »Travaillé comme un bâtiment unique, le projet Home – c'est son nom – concilie un double univers d'habitation. Les deux tours, respectivement de 16 et 13 étages, qui constituent l'ensemble se partagent entre logements sociaux et en accession. D'un côté, une tour feuilletée dont le pourtour de chaque étage déploie des balcons filants aux dimensions variables, filtrés en partie par des écrans vitrés orangés ; de l'autre, une tour en gradins dont la torsion offre à chaque niveau une ouverture à la lumière et, accessoirement, limite avec bonheur le sentiment de vertige pour ceux des futurs résidents qui y sont sensibles. Ces particularités constructives servies par de généreux volumes habitables donnent, en outre, un réel caractère d'unicité à chacun des 188 logements du programme. Dans un même esprit, sur le site Villiot-Râpée, dans le 12e arrondissement, Hamonic et Masson avaient déjà voulu, disent-ils, « superposer des maisons ».La singularité de Home ne tient pas seulement à sa physionomie formelle. Plutôt que de dissocier l'accès à ces deux programmes de logements directement depuis la rue, avec le risque d'une distinction ségrégative, les architectes ont choisi d'implanter une double entrée commune, de part et d'autre de l'arrière du bâtiment, qui ensuite distribue séparément l'une et l'autre des cages d'ascenseurs. On déplorera seulement que les commerces qui seront implantés à terme au rez-de-chaussée soient, comme partout ailleurs dans le secteur Paris Rive Gauche, réservés aux seules grandes surfaces.Diversité socialeSitué place Farhat-Hached, une parcelle stratégique très ouverte sur le panorama urbain alentour, le projet Home est le premier immeuble d’habitation haut de 50 mètres construit à Paris depuis les années 1970. L'époque avait notamment vu naître le quartier des Olympiades tout proche, repérable grâce à ses longues barres et surtout à ses huit tours de 104 mètres et de 36 étages posées en surplomb d'anciennes emprises ferroviaires. N’en déplaise aux légitimes contempteurs des grands ensembles, la dalle, devenue le lieu de vie et d'activité d'une importante communauté d'origine asiatique, mais pas seulement, déploie une intense et plutôt heureuse diversité sociale. Le projet Home a pu voir le jour grâce à une décision du Conseil de Paris, en novembre 2011, permettant de réviser le règlement d’urbanisme pour le secteur Masséna-Bruneseau conçu par l’Atelier Lion Associés, à la jonction entre les limites de Paris et d'Ivry-sur-Seine. Ce « déplafonnement » (la hauteur maximale autorisée à Paris est généralement de 37 mètres) va permettre à la ville d’y construire non seulement des tours d’habitation de 50 mètres, mais aussi des immeubles de bureaux pouvant s'élever jusqu’à 180 mètres.Acceptation de la hauteur à ParisDans quelques mois, au même endroit, tout aussi haute que le projet Home, la tour M6B2, dite « tour de la biodiversité », réalisée par l'architecte Edouard François, va définitivement faire surgir de terre ses touffes végétales. En attendant qu’au printemps 2016, débutent les travaux de la tour Duo, signée par Jean Nouvel, dont le plus haut élément doit culminer à 180 mètres. L’enquête publique préalable à la délivrance de son permis de construire s’achève le 20 mars. Déjà, les opposants fourbissent leurs armes.Samedi 7 mars à l'école d'architecture Paris-Val de Seine, elle aussi voisine, l’association Monts14 organise une réunion publique concernant « ses impacts fâcheux sur le grand paysage ». Comme pour la tour Triangle dans le 15e arrondissement, l'acceptation de la hauteur à Paris risque d'encore connaître ses limites.La mairie de Paris invite les promoteurs de la tour Triangle à amender leur projetJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Un communiqué dimanche 1er mars, un contre-communiqué lundi, et enfin un tweet embarrassé mardi, à 17 heures. Le World Press Photo s’enfonce toujours plus dans la tourmente et les débats internes depuis la mise en cause du prix remporté par l’Italien Giovanni Troilo, accusé d’avoir eu recours à la mise en scène pour son sujet sur Charleroi, intitulé « le cœur noir de l’Europe ».Based on new information, we are reopening investigation of 1st prize Contemporary Issues story. We will update as soon as possible.— WorldPressPhoto (@World Press Photo)require(["twitter/widgets"]);« En raison de nouvelles informations, annonce le tweet, nous relançons l’enquête sur le premier prix de la catégorie Problématiques contemporaines. Nous vous tiendrons au courant dès que possible. »L’information en question vient du photoreporter belge Bruno Stevens qui, aidé par d’autres photographes, a réussi à prouver qu’une photographie de la série a été réalisée à Bruxelles et non à Charleroi. Il s’agit de la photo montrant un homme nu, sur une table de dîner, entouré par des hommes habillés et des femmes nues debout. La légende indique : « A Charleroi, le Belge Vadim, un peintre qui utilise des modèles vivants, crée une œuvre inspirée d’une peinture. » En réalité, affirme Bruno Stevens joint par téléphone, « le peintre a son atelier à Bruxelles, et c’est là qu’a été faite la photographie ».« Une erreur dans la légende »Le photographe Giovanni Troilo, joint par téléphone, ne conteste d’ailleurs pas les faits : « J’ai fait une erreur dans la légende, reconnaît-il. Et j’en suis vraiment désolé. Mais ce n’était pas dans le but de tromper qui que ce soit, sinon je n’aurais pas laissé le nom du peintre. C’est quelqu’un de connu, et il était facile de trouver cette information. » Mais n’est-il pas gênant qu’un travail traitant de Charleroi inclue une photo prise à Bruxelles ? « Mon propos part de Charleroi, dit-il, mais c’est surtout un point de départ pour évoquer l’identité européenne dans son entier. Vous pouvez lire sur mon site l’ensemble du texte du projet. Molenbeek, où a été prise la photo du peintre, est un quartier vraiment au cœur de l’Europe, pas loin des institutions de l’UE. Et un endroit où il y a plein de problèmes. » Le photographe voit son travail comme « une invitation à s’interroger sur l’Europe, ses difficultés d’intégration, ses problèmes économiques. Et à son idéal d’une identité commune auquel je veux continuer à croire ».Finalement, le World Press Photo n’autorise pas la mise en scènePour répondre aux polémiques sur les accusations de mise en scène, la participation de sa famille au projet, les erreurs ou approximations de légendes, Giovanni Troilo indique que ses photos « sont basées sur la réalité, mais elles ne sont pas la chronique locale des informations locales, elles disent une atmosphère, elles suggèrent. Et beaucoup de gens de Charleroi se sont reconnus dedans ». Mais est-ce du journalisme ? Il botte en touche : « Je suis photographe. Ce n’est pas à moi de répondre à cette question. Le World Press a accepté mon travail. »« Il faut être cohérent et exclure ! »Le World Press, qui s’est réuni mardi soir, n’a pas rendu de décision après cette nouvelle révélation. Excédé par ces tergiversations, tard dans la nuit, le directeur du festival de photojournalisme Visa pour l’image, Jean-François Leroy, a décidé d’annuler la traditionnelle exposition des photos du World Press à Perpignan. « Ça fait dix jours qu’ils réfléchissent. Maintenant qu’il est clair que c’est du bidon, qu’il utilise un flash, qu’il fait poser son cousin, et qu’une des photos n’est même pas prise à Charleroi, il faut arrêter de discuter, il faut décider ! »Le directeur précise qu’il ne pouvait pas, selon le règlement du World Press, exposer les prix en supprimant juste les images de Giovanni Troilo. « Quand je pense qu’ils se font fort au World Press d’avoir exclu 20% des sujets cette année à cause de manipulations sur Photoshop…  Là, la photo est mise en scène, une légende parle de psychotropes et d’asile alors que la photo d’à côté montre une femme dans une maison de retraite… Il faut être cohérent et exclure ! » Jean-François Leroy espère que sa décision aidera le World Press à prendre la sienne, tout en précisant, avec son franc-parler habituel : « Quand ils auront foutu ce mec dehors, on pourra rediscuter, et on verra si je reconsidère ma décision. » Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux « Back Home ! » La rumeur courait depuis des mois : le London Symphony Orchestra (LSO) a confirmé, mardi 3 mars, la nomination du chef d’orchestre britannique Sir Simon Rattle au poste de directeur musical pour un mandat de cinq ans renouvelable. L’actuel chef de la prestigieuse Philharmonie de Berlin (depuis 2002) succédera au Russe Valery Gergiev dès septembre 2017, lequel poursuivra sa route vers Munich.A 60 ans (il est né le 19 janvier 1955 à Liverpool), Simon Rattle – considéré comme l’une des meilleures baguettes mondiales – n’a jamais rien fait comme tout le monde, se démarquant notamment de ces chefs qui dirigent aux quatre coins de la planète « sans jamais voir le soleil se coucher ». Lui a toujours été fidèle : dix-huit ans avec l’Orchestre symphonique de la ville de Birmingham (le CBSO), vingt ans avec l’Orchestre de l’Age des Lumières (Orchestra of The Age of Enlightenment) et seize saisons à la Philharmonie de Berlin, où il a succédé à Claudio Abbado en 2002.Si son esthétique de la clarté a été vivement critiquée par des détracteurs l’accusant de pervertir les couleurs traditionnellement amples et sombres du grand orchestre allemand, beaucoup ont loué l’éclectisme de son répertoire. Avec Rattle, les Berliner Philharmoniker se sont notamment ouverts à la musique baroque et davantage orientés vers la création contemporaine. Sir Simon n’a jamais ignoré en prenant les rênes d’un des meilleurs orchestres du monde qu’il allait « danser sur un volcan », périodiquement réveillé par le noyau dur des musiciens conservateurs qui lui préféraient la candidature de Daniel Barenboim. Mais les Berliner Philharmoniker ont prolongé son mandat jusqu’en 2018 et c’est lui qui a annoncé, en janvier 2013, qu’il avait décidé d’y mettre un terme.Une salle digne de ce nom à LondresAvec le London Symphony Orchestra, les rapports de Simon Rattle ont commencé en octobre 1977. Le jeune prodige de la baguette a 22 ans et la sauce ne prend pas, au point qu’il aurait déclaré ne plus vouloir jouer avec eux. Les choses n’en sont heureusement pas restées là, comme l’a prouvé le concert de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques en juillet 2012 (où Simon Rattle et le LSO ont interprété la musique des Chariots de feu) et, tout récemment, les deux concerts magistraux donnés au Barbican Centre de Londres, en janvier, où la phalange britannique tient ses quartiers.C’est à cette occasion que le chef anglais a lancé un pavé dans la mare. Est-ce l’effet Philharmonie de Paris ? – le chef britannique, qui venait régulièrement Salle Pleyel avec ses Berliner Philharmoniker et s’y est produit le 18 février, en aurait apprécié tout particulièrement l’acoustique. Sir Simon a pointé du doigt l’absence d’une salle de concerts digne de ce nom dans la capitale britannique, provoquant un raz-de-marée médiatique et de nombreuses prises de position, les uns lui opposant une infrastructure existante déjà très riche (dont le Royal Festival Hall, le Barbican Centre, le Royal Albert Hall…), d’autres, les coûts d’un tel projet.Mais l’appel a été entendu par le maire de Londres, Boris Johnson, et le chancelier George Osborne a déclaré, le 20 février, vouloir lancer une « étude de faisabilité » afin de « comprendre pleinement le potentiel pour construire ce centre et contribuer à consolider notre position de ville mondiale pour la culture. » On se souvient qu’en poste à Birmingham, non content d’avoir fait de l’Orchestre de la ville provinciale un des meilleurs phalanstères symphoniques du Royaume-Uni, Rattle avait aussi doté la ville en 1991 d’un magnifique Symphony Hall.Un « dernier poste »« J’ai dit à l’orchestre que ce serait mon dernier poste » : Sir Simon pourra aussi exercer à Londres sa passion pour la pédagogie, dont il a toujours fait la pierre angulaire de son travail de musicien, champion de la défense de la musique et de l’éducation musicale auprès des jeunes des milieux populaires. Pour lui, « ce qui se passe dans une école primaire est aussi important que ce qui se passe dans une salle de concert. » C’est ainsi qu’en 2003, à Berlin, il avait imaginé un Sacre du printemps entre jeunes Berlinois de l’Est et de l’Ouest, afin que prenne la greffe de la réunification.Les membres de l’Orchestre philharmonique de Berlin désigneront le successeur de Simon Rattle le 11 mai. Parmi les noms qui circulent : Christian Thielemann, Riccardo Chailly, Andris Nelsons, Alan Gilbert, Kirill Petrenko, Semyon Bychkov… et celui de l’actuel et jeune patron de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, le Vénézuélien Gustavo Dudamel, 34 ans, qui semble faire figure de favori.Le Venezuela, fabrique de chefs d’orchestreMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 03.03.2015 à 19h24 • Mis à jour le04.03.2015 à 08h02 | Clarisse Fabre Il y aura la « salle des machines » pour produire les spectacles, la « fabrique des spectateurs » pour associer le public, le « pont » pour accueillir les scènes étrangères, etc. Et la capitaine se nomme Hortense Archambault : c’est officiel, à 44 ans, elle a été nommée directrice de la Maison de la culture de la Seine-Saint-Denis, à Bobigny, mardi 3 mars. L’ancienne codirectrice du Festival d’Avignon, avec Vincent Baudriller (de 2003 à 2013), entrera en fonction le 1er août à la tête de la scène nationale, dite « MC93 ». Elle succédera à Patrick Sommier, qui dirige le lieu depuis 2000, et lance la dixième édition du festival Le Standard Idéal, le 4 mars.« Hortense Archambault conduira le projet d’une grande maison de création habitée en permanence par des équipes artistiques, largement ouverte à l’international, tout en développant résolument une “fabrique des spectateurs” », indique le communiqué de la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin. Patrick Sommier, lui, « a profondément marqué l’institution et développé son rayonnement international », et va désormais mener « un projet d’échanges internationaux, principalement tourné vers la jeune création, avec la Chine et la Russie », lit-on encore dans ce communiqué.Un théâtre en pleine rénovationMardi 3 mars, en début d’après-midi, Louis Schweitzer, président de l’association de la Maison de la culture de la Seine-Saint-Denis, a proposé la nomination d’Hortense Archambault, en ouvrant le conseil d’administration, et les tutelles l’ont validée. La « MC93 » est soutenue par le conseil général, à hauteur de 2,9 millions d’euros, par l’Etat (2 millions d’euros) et par la ville de Bobigny (455 000 euros), dont le nouveau maire est l’UDI Stéphane de Paoli. « Aucun appel à candidatures n’a été lancé, car Hortense Archambault faisait l’unanimité », indique-t-on au cabinet de Fleur Pellerin. Ces derniers mois, Hortense Archambault a travaillé sur la refonte de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle – avec le député PS Jean-Patrick Gille et le président de la section sociale du Conseil d’Etat, Jean-Denis Combrexelle. Le rapport du « trio » a été rendu le 7 janvier, et validé par le premier ministre, Manuel Valls.Intermittents du spectacle : Manuel Valls veut sanctuariser le régime en l'inscrivant dans la loiC’est un théâtre en travaux, et en pleine rénovation, que la nouvelle directrice va investir. La saison 2014/2015 a déjà lieu « hors les murs », et la livraison du bâtiment est prévue pour la fin de 2016, au plus tôt. Hortense Archambault ne dévoile pas encore les noms des artistes qui seront associés. On connaît juste leur profil : ils passent « de l’émergence à la confirmation de leur talent ». « Tout est à faire. La Maison de la culture sera un lieu où des artistes répètent. Selon les années, entre cinq et huit créations seront élaborées », explique-t-elle au Monde. Dans le document qui fait office de projet pour la « MC93 », elle livre les « fondations » : il s’agit de « penser une fabrique à spectacles, associant étroitement création contemporaine et pratiques des spectateurs, réunissant les mouvements d’éducation populaire et les avant-gardes artistiques ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.03.2015 à 17h04 • Mis à jour le03.03.2015 à 17h13 | Emmanuelle Jardonnet Ces dernières semaines, une série de censures émanant de centres d’art ont pu mettre en lumière des tentatives d’évitement de sujets sensibles. Dans chacun des cas, des œuvres engagées et dérangeantes, tirant leur force plastique de leur capacité à questionner la société, ont été écartées avant même d’être présentées au public, car susceptibles de provoquer des tensions, alors même qu’elles avaient toutes préalablement été sélectionnées par ces mêmes structures. Retour sur trois exemples où les structures muséales ont préféré déprogrammer des œuvres plutôt que de risquer un éventuel débat.Le retrait de « Sleep (Al Naim) » de Mounir Fatmi à la Villa Tamaris : un cas de censure préventive pour parer à des « incompréhensions » Le Monde Afrique révélait, le 23 février, que la Villa Tamaris, centre d’art de La-Seyne-sur-Mer (Var), avait décidé de ne pas exposer une œuvre de l’artiste marocain Mounir Fatmi, qu’elle avait pourtant retenue pour son exposition « C’est la nuit ! », programmée pour le mois de juin.Entre novembre 2014, moment où la Villa Tamaris a contacté l’artiste, et le 10 février, jour où le centre d’art décide de renoncer à sa vidéo, il y avait eu la tuerie de Charlie Hebdo. Or, Sleep (Al Naim) (2005-2015), longue vidéo inspirée du film d’Andy Warhol Sleep, représente un dormeur modélisé d’après les traits de l’écrivain Salman Rushdie. Depuis qu’une fatwa de mort a été lancée contre lui, en 1989, l’auteur des Versets sataniques (1988), traqué et vivant sous haute protection, est devenu tant une cible des islamistes qu’un symbole de la lutte pour la liberté d’expression et contre l’extrémisme.« Dans le contexte actuel, [la présence de cette œuvre serait] susceptible de susciter des incompréhensions et des manipulations qui nous entraîneraient dans des polémiques stériles et dangereuses », a écrit le directeur du centre d’art à l’artiste, cité par Télérama, pour expliquer sa décision. Pour Robert Bonnacorsi, l’exposition se veut hors de tout débat : « C’est une dérive poétique autour de la nuit sans lien avec l’actualité. »« Je me demande aussi ce qu’on va finir par montrer dans les Centres d’art si l’on écarte les artistes qui travaillent sur le corps, sur la politique, sur la société ou sur la religion, privant ainsi le public de sujets essentiels à la compréhension de notre monde », a déclaré Mounir Farmi à l’hebdomadaire. A travers cette censure, l’artiste est troublé d’être, en tant que victime, celui que l’on pointe du doigt, le coupable : « J’ai eu le sentiment d'être poussé à me demander si je ne l'avais pas cherché. »A lire : L’artiste marocain Mounir Fatmi censuré sur la Côte d’AzurLe fiasco de l’exposition « Femina » à Clichy-La Garenne : l’autocensure face à des risques d’incidents Le 24 janvier, lors du vernissage de l’exposition « Femina ou la réappropriation des modèles », au Pavillon Vendôme, le centre d’art contemporain municipal de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), qui rassemblait des œuvres de dix-huit femmes artistes de tous horizons, une installation avait déjà été démontée : Silence, de Zoulikha Bouabdellah.Cette œuvre, l’une des plus souvent exposées de l’artiste franco-algérienne depuis sa création, en 2008, consiste en plusieurs rangées de tapis de prière tricolores, découpés en leur centre en forme de cercle, où est posée, à chaque fois, une paire d’escarpins. Comme le rapportait alors Le Monde, une pancarte indiquait que l’artiste et une des commissaires de l’exposition avaient « choisi » de retirer l’œuvre « afin d’éviter toute polémique et récupération ». Mais l’artiste Orlan, bientôt suivie par d’autres artistes et les commissaires, a révélé que la mairie (PS) de Clichy avait en réalité « cédé [aux] pressions ». A l’origine, des « mises en garde émanant de représentants d’une fédération de citoyens clichois de confession musulmane sur “d’éventuels incidents irresponsables” non maîtrisables ». Ainsi, comme l’a déclaré Orlan, « cet acte d’autocensure masqu[ait] une censure plus grave. »Dans une lettre ouverte au maire de la ville, les artistes ont demandé à celui-ci de choisir : « soit assumer la présentation de la pièce Silence, soit décider de la fermeture de l’exposition, privant de son accès les Clichois et l’ensemble du public ». En l’absence de réponses claires et de « soutien » de la part de la municipalité, artistes et organisatrices ont décidé de renoncer à sa tenue le 1er février, soit une semaine après son ouverture.« Silence n’est pas une œuvre provocante, et encore moins une œuvre “blasphématoire”. Silence ne tape pas sur l’islam, bien au contraire : elle montre que des femmes musulmanes peuvent aussi être féministes. Je suis de culture musulmane et je n’aime pas que l’on dénature cette religion dans un sens ou dans l’autre. C’est dans cette ignorance que réside le blasphème », s’était expliquée l’artiste auprès du Monde. Réagissant pas le biais d’un communiqué, le maire, Gilles Catoire, menaçait de porter plainte pour diffamation contre qui associerait son nom à l’affaire.A lire : A Clichy, l’œuvre « Silence » fait du bruit et A Clichy-la-Garenne, l’exposition « Femina » mise à nu par ses artistes mêmesAu musée Jumex, à Mexico, une autocensure radicale dans un contexte de violences sociales L’annulation d’une exposition entière par crainte de la controverse : un tel cas d’autocensure est rarissime au Mexique. L’artiste autrichien Hermann Nitsch vient d’en faire les frais, alors que le Musée Jumex (prononcer houmex) devait lui consacrer une exposition à Mexico à partir du 27 février, rapporte le New York Times.Ce tout jeune musée, qui avait ouvert ses portes en novembre 2013, explique en effet avoir anticipé la polémique que pouvait déclencher les œuvres dérangeantes de l’artiste dans un pays traumatisé par les bains de sang causés par les gangs et la corruption de la police. Evoquant « la situation politique et sociale du Mexique actuel », le directeur de la fondation Jumex, Patrick Charpenel, faisait en particulier allusion à la découverte des corps calcinés de 43 étudiants dans l’Etat de Guerrero, en octobre 2014, dont l’identification a bouleversé le pays. Disparus fin septembre 2014, ces contestataires avaient été livrés par la police à des tueurs à gage.Hermann Nitsch, qui utilise des viscères d’animaux et élabore des rituels lors desquels il « crucifie » des participants dans des happenings sanglants depuis plus de cinquante ans, a pour sa part l’habitude des controverses. Pourtant, à 76 ans, le cofondateur du mouvement des Actionnistes viennois, a été surpris d’être, pour la première fois de sa vie, déprogrammé par une institution.La fondation Jumex, qui a favorisé l’émergence de la scène artistique mexicaine, par des bourses, du mécénat et des workshops, présente dans son musée la plus grande collection d’art contemporain privée d’Amerique latine, avec 2 800 œuvres. Il s’agit de la collection d’Eugenio Lopez Martin, héritier du groupe Jumex, qui a fait fortune dans les jus de fruit. Alors même que le groupe s’efforce de s’intégrer dans le circuit international, son abrupte décision est jugée embarrassante dans le milieu artistique, qui estime qu’elle porte atteinte à la crédibilité du musée. « C’est une affaire sérieuse », a déclaré au quotidien américain Rina Carvajal, ancienne conservateur en chef du Miami Art Central, une autre institution privée : « Ils ont invité un artiste très important, ont préparé l’exposition, l’ont annoncée, puis l’ont annulée. Ce n’est pas professionnel. (…) Qui veut travailler avec un musée qui annule à la dernière minute ? » Le musée a pris sa décision trois semaines avant la date de l’inauguration, alors que les vidéos et peintures de l’artiste ralliaient le Mexique par bateau.Pour Patricia Martin, l’ancienne directrice de la collection Jumex, qui a participé à la création du musée, dire que les Mexicains ne sont pas prêts pour le travail de Nitsch, alors que chaque année, la violence fait des dizaines de milliers de morts dans le pays, est « ridicule », rapporte encore le New York Times. Au contraire, selon elle, l’exposition aurait pu permettre aux Mexicains d’aborder leur sanglante réalité en ouvrant « un débat très porteur ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.03.2015 à 12h36 • Mis à jour le03.03.2015 à 14h29 | Gabriel Coutagne C’est au tour du photographe de répliquer après la diffusion d’une photo prétendument non retouchée de Cindy Crawford sur les réseaux sociaux. Le site américain TMZ révélait dimanche 1er mars que l’avocat de l’auteur de la fameuse photographie, John Russo, demandait au Telegraph et au Sunday Telegraph de retirer l’image, sous peine de poursuites.Cindy crawford releases honest, un-photoshopped image http://t.co/ehbjfbyWrk #BeReal http://t.co/27tLSzOg1C— BeReal_Campaign (@Be Real)require(["twitter/widgets"]);Dans une lettre adressée au Telegraph et mise en ligne par TMZ, l’auteur du cliché, connu pour ses portraits de célébrités, explique que les photos de Cindy Crawford, réalisées pour l’édition mexicaine de Marie Claire en 2013, « [lui] ont été volées ». Il ajoute que l’image qui circule sur les réseaux sociaux « est une version frauduleuse de [sa] photographie, qui a été transformée et qui ne représente pas l’image originale ».En plus de reprocher aux médias une diffusion de l’image en dépit du droit d’auteur, le photographe souligne donc que ce cliché, prétendument non retouché, a été sciemment modifié. Dans un entretien au Monde, un professionnel de la retouche avait déjà suggéré que cette image avait sans doute été retouchée afin de faire ressortir les défauts de la top-modèle. Selon lui, pour cette image, « les contrastes ont très bien pu être renforcés pour accentuer l’effet naturel ».L’éternelle retouche des photos du corps fémininDu côté de la star, la réplique était venue par la voix de son époux, qui avait publié sur son compte Instagram une photo qui fonctionnait comme un démenti.Gabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Irina Bokova (Directrice générale de l’Unesco) Le saccage du Musée de Mossoul, en Irak, témoigne d’un niveau de barbarie culturelle rarement atteint depuis le dynamitage des bouddhas de Bamiyan (Afghanistan). De nombreuses statues et bas-reliefs assyriens ont été détruits ou défigurés, au marteau-piqueur, à la masse, dans une scène d’hystérie collective, largement diffusée dans les médias et sur les réseaux sociaux.La grande statue de taureau ailé, représentant le dieu assyrien Lamassu, gardien de la porte de Nergal de l’ancienne ville mésopotamienne de Nineveh, jadis la plus grande capitale du monde, a été défigurée. Cette disparition est irremplaçable pour toute l’humanité. De nombreuses autres statues ont été détruites.Faire table rase du passéCertaines sont des copies de plâtre dont les originaux avaient été placés en lieu sûr, d’autres sont authentiques. Elles témoignent de la beauté perdue des temples de la ville de Hatra, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, où l’architecture grecque et les drapés romains se sont mariés aux éléments de décor d’origine orientale, témoignant du dialogue des cultures dans cette région qui est le berceau de la civilisation humaine. C’est aussi ce dialogue que les extrémistes ont voulu effacer. Car le crime de Mossoul n’est pas seulement un « crime contre la culture ».C’est un enjeu de sécurité qui dépasse de très loin le périmètre des archéologues et des spécialistes du patrimoine qui se lamentent sur la « perte irréparable de trésors de l’humanité ». Il s’agit d’un crime contre l’idée même de dialogue et de diversité, qui est la marque du fanatisme le plus radical. Et l’on voit comment les terroristes utilisent la mise en scène de leur forfait comme une arme de guerre, pour déstabiliser les populations, semer la terreur et encourager la violence.Dans l’esprit des terroristes, la destruction de la culture est directement liée au meurtre physique des personnes et à la persécution des minorités. Elle s’inscrit dans une stratégie délibérée de faire table rase du passé pour instaurer le chaos. Ils interdisent aux filles d’aller à l’école, ils tuent des journalistes, ils saccagent les musées, embrigadent les professeurs. Ils utilisent les manuels scolaires et les outils modernes de la communication pour endoctriner les esprits.Crimes de guerreLes attaques contre le patrimoine sont ainsi un aspect d’un schéma d’ensemble visant la destruction de tout ce qui incarne la liberté de pensée et la diversité culturelle, comme nous l’avons vu par ailleurs en Afghanistan, au Mali, au Nigeria. Ce que nous montre le conflit en Irak et en Syrie, c’est l’explosion d’une nouvelle forme de conflits qui s’appuie sur plus d’une décennie d’attaques systématiques contre la culture.Il n’est pas facile d’y apporter une réponse adaptée, car il n’y a pas de solution purement militaire à ce type de crise. Les attaques contre la culture sont des crimes de guerre, et devront être punies comme tels. Nous devons enrayer le trafic illicite des biens culturels, qui participe directement au financement du terrorisme, comme l’a établi le Conseil de sécurité en interdisant tout commerce de bien culturel en provenance de Syrie, à l’image de ce qui existe pour l’Irak.L’Unesco va lancer une coalition mondiale contre le trafic illicite des biens culturels avec tous les partenaires-clés. Nous devons surtout prendre conscience de la centralité de la culture dans les réponses à apporter à l’extrémisme violent, et comprendre que la protection du patrimoine et la valorisation de la diversité culturelle font partie intégrante de toute stratégie de paix véritablement adaptée à ce cancer.Irina Bokova (Directrice générale de l’Unesco) Michel Guerrin Pour une surprise, c’est une surprise. Depuis plusieurs semaines, à l’approche de la date d’échéance de son mandat, le 2 avril, le monde de l’art se demande qui va succéder à Alain Seban à la présidence du Centre Pompidou. Le poste est un des plus convoités de la culture. Des noms ont circulé. Le sortant n’aurait pas dit non à une prolongation – il a déjà fait un mandat de cinq ans, un second de trois. Et voilà que celui qui devrait a été nommé pour cinq ans, mercredi 4 mars en conseil des ministres, s’appelle Serge Lasvignes.Lire aussi : Alain Seban, l'homme de fer à la tête du Centre PompidouCe nom est inconnu des circuits artistiques. Et même de la culture. Sa fiche Wikipédia compte cinq lignes. Cet énarque, qui aura 61 ans le 6 mars, est un as de la haute administration. Il est secrétaire général du gouvernement. Un homme de l’ombre mais à un poste-clé, qui prépare les conseils des ministres et y assiste. Un chef mécano qui connaît sur le bout des doigts la machine administrative, gère les aspects juridiques, planifie, résout les conflits entre ministres, met de l’huile dans les rouages. Il occupe ce poste depuis le 3 octobre 2006, remplaçant Jean-Marc Sauvé, promu vice-président du Conseil d’Etat. Il a vu défiler trois présidents de la République – Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.Serge Lasvignes est resté près de dix ans au secrétariat général du gouvernement parce qu’il est jugé solide, carré, discret. Courtois, inflexible, maniant l’humour à froid avec son accent toulousain, il aime ferrailler contre les lourdeurs administratives. Autant de qualités repérées durant ses premiers jobs. Sorti 3e de l’ENA, Serge Lasvignes opte pour le Conseil d’Etat, où il devient commissaire du gouvernement – il donne le cap sur nombre de dossiers sensibles. En 1995, il crée la Direction des affaires juridiques au ministère de l’Education nationale, alors piloté par François Bayrou. Ce dernier a « une très grande estime » pour son ancien conseiller : « Un homme aux remarquables compétences techniques et juridiques, estimé de tous, et d’une grande intégrité. »Avant l’ENA, Serge Lasvignes a eu une première vie. Il est un passionné de littérature, avec une prédilection pour Proust, Flaubert, Stendhal, ou encore les philosophes des Lumières, apprend-on dans Les Echos du 19 octobre 2006. De cette passion des lettres, il a fait un métier. Il passe l’agrégation en 1978 et enseigne le français, pendant sept ans, dans un collège de Malesherbes (Loiret).CritiquesProfil solide, mais qui cadre peu avec le Centre Pompidou. Serge Lasvignes n’a jamais dirigé une maison aussi importante (1 000 agents, 120 millions d’euros de budget), aussi visible (5,2 millions de visiteurs) et aussi sensible (le climat social y est complexe). Surtout, ses fonctions précédentes étaient fort éloignées de l’art et de la culture. Il n’en faut pas plus pour que cette nomination consterne une partie du monde de la création : « Il ne connaît rien à l’art ! »« Comment peut-on nommer un amateur à la tête d’un des trois plus gros musées d’art moderne et contemporain du monde ? » Et ainsi de suite.Pour comprendre les critiques, il faut revenir à ce qu’est le Centre Pompidou, à savoir un centre culturel qui abrite plusieurs entités : un musée, une bibliothèque (BPI) – la première bibliothèque de lecture d’Europe –, un Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam). Et qui propose aussi des spectacles, des débats, des projections de films… Sauf que le Musée national d’art moderne capte l’attention et attire la majeure partie du public. Le navire amiral, c’est lui, au point que Beaubourg est souvent identifié comme un musée. Logique, ses collections modernes et contemporaines sont parmi les plus prestigieuses au monde. A cela, il faut ajouter les expositions temporaires d’envergure. Sans oublier le Centre Pompidou-Metz, qui est d’abord un centre d’art. Et, fin mars, sera inauguré un Centre Pompidou à Malaga, en Espagne.Alain Seban avait compris l’enjeu : la bibliothèque est une parmi d’autres, l’Ircam vit sa vie, alors que le musée est unique au monde et crucial. De fait, il assumait les deux fonctions : président du Centre et directeur du musée. Du moins, il empiétait fortement sur les prérogatives du second poste – sans vouloir faire injure aux directeurs successifs, Alfred Pacquement d’abord, Bernard Blistène depuis novembre 2013. Alain Seban, qui intervenait sur le choix des expositions, et pas seulement, avait la réputation d’être autoritaire. Il était controversé, car il n’était pas conservateur ni diplômé en art, quoique bête à concours : polytechnicien, énarque, Ensae. Mais il pourrait rétorquer qu’avant de rejoindre Beaubourg il a multiplié les fonctions dans la culture, qui lui ont permis de se frotter avec le patrimoine, l’Opéra, la Comédie-Française, les musées… Il était conseiller culturel du président Jacques Chirac avant d’être nommé au Centre Pompidou.Alain Seban peut aussi mettre en avant ses excellents résultats chiffrés. Sous son règne, les entrées au musée et aux expositions sont passées de 2,5 à 3,5 millions par an. Sept expositions sont parmi les plus fréquentées de l’histoire du Centre. Le record est détenu par Dali avec 790 000 entrées en 2012-2013. L’exposition consacrée à Jeff Koons, que l’on peut voir jusqu’au 27 avril, affiche déjà plus de 440 000 visiteurs. Alain Seban a également créé un studio pour les adolescents, il a pensé le (controversé) Centre Pompidou Mobile…Une autre gouvernance ?Pourquoi, avec un tel bilan, n’a-t-il pas été reconduit ? La décision a été prise entre l’Elysée et Matignon, bien plus, semble-t-il, qu’au ministère de la culture. L’ancienne ministre, Aurélie Filippetti, a critiqué, dans le JDD du 1er mars, un processus de nomination jugé « d’une grande opacité ». Certains estiment que l’arrivée de Serge Lasvignes serait le résultat d’un jeu de chaises musicales – il fallait libérer la place de secrétaire général du gouvernement…D’autres arguments ont pu jouer contre Alain Seban, dont le départ lui a été signifié, lundi 2 mars, par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Il n’a que 50 ans, mais il a déjà fait deux mandats. Surtout son autoritarisme, sa volonté de vouloir tout régenter et encore de « prendre des libertés avec le dialogue social » n’auraient pas plu en haut lieu. Un conservateur ajoute : « Les chiffres ne sont pas les seuls indicateurs d’un musée qui remplit ses missions. » Un proche d’Alain Seban voit autrement : « Dans une telle maison, qui a perdu 12 millions d’euros de subventions en six ans, il faut un caractère fort à la tête. »Les tutelles ont tranché, et le profil de Serge Lasvignes signifie qu’on pourrait avoir une tout autre gouvernance. D’un côté le président, qui devrait prendre du recul pour devenir un « chef d’orchestre » gestionnaire, garant des équilibres, et qui veillera sur l’ensemble des départements du Centre Pompidou (musée, bibliothèque, Ircam). De l’autre, un directeur du musée, Bernard Blistène, qui aura plus de liberté et de responsabilité, et devra s’affirmer en interne comme sur la scène internationale.Ce nouveau partage des tâches marque un retour aux sources. Le Centre Pompidou a connu dix présidents depuis son ouverture en 1977. Certains avaient le profil du haut fonctionnaire plutôt étranger à la culture. A l’inverse, un seul a vraiment endossé présidence de l’établissement et direction du musée, Dominique Bozo, en 1991 et 1992, car il était légitime aux deux postes. Mais l’époque a changé, l’art est mondialisé, la concurrence entre musées est féroce. La voie est fragile entre développer un projet muséal exigeant et une logique marchande pour survivre. Pour cela, faut-il un tandem ou un seul chef ?Ce chef doit-il être un gestionnaire ou une figure de l’art, comme c’est le cas dans nombre de grands musées étrangers ? Et puis, est-il encore opportun d’associer le musée à la bibliothèque et à l’Ircam, dont les enjeux n’ont rien à voir ? Ces questions, les tutelles du Centre Pompidou ne les ont pas vraiment posées, préférant trancher entre le retrait d’Alain Seban et l’arrivée de Serge Lasvignes.Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.03.2015 à 11h53 • Mis à jour le07.03.2015 à 23h09 Cali« L’Age d’or » Cali est un homme de scène. Quand il conçoit ses chansons, il doit y penser, forcément. Et l’énergie dans l’écriture et les rythmes que cette appréhension physique du phénomène musical génère donne trois morceaux magnifiques pour commencer ce sixième album : Tout ce qui ne reviendra plus, Le Cœur chargé comme un fusil, La Vie quoi ! Le premier titre est une évocation de l’enfance, de sa mère décédée lorsqu’il était tout gosse ; le deuxième honore le grand-père Giuseppe Caliciuri, Italien engagé dans les Brigades internationales pendant le guerre d’Espagne ; le troisième est un hymne à la joie – l’amour fatal, le poids social, les tourments intérieurs sont les chicanes d’un parcours combatif. Mais Cali est fasciné par Léo Ferré. Le grand ancien le fixe comme un aimant sur un mur d’acier. Le Perpignanais se fige dans une posture qu’il avait déjà expérimentée depuis le grand succès, très mérité, de l’Espoir, en 2008. De Ferré, Cali, né au printemps 1968, reprend L’Age d’or. La chanson composée en 1966 met un point final à l’opus – « Nous aurons du pain/Doré comme les filles/Sous les soleils d’or/Nous aurons du vin/De celui qui pétille/Même quand il dort ». Entre-temps, Cali tente de s’approprier les envolées, la diction, le flot verbal de Léo Ferré, ce qui s’avère une mission impossible et devient tic quand la poésie imite. Véronique Mortaigne1 CD Sony Music. King CrimsonLive at The Orpheum Formé en 1968, à Londres, par le guitariste et compositeur Robert Fripp, King Crimson a connu régulièrement des périodes de retraite. La dernière en date remonte à 2009-2013. Avec pourtant en 2011 une publication phonographique, A Scarcity of Miracles, sous le nom de Fripp, du guitariste Jakko Jakszyk et du saxophoniste et flûtiste Mel Collins et la présence du bassiste Tony Levin et du batteur Gavin Harrison. Annonciateur de la formation actuelle complétée par les batteurs Pat Mastelotto et Bill Rieflin, partie en tournée à l’automne 2014. Des nombreux concerts de ce septette, Fripp a choisi une quarantaine de minutes enregistrées lors de deux soirées. Lien entre l’ancien (Mel Collins dans le groupe au début des années 1970) et le plus récent (Jakszyk et Rieflin), avec une part jazz, l’assise reconnaissable sur les boucles mélodiques de Fripp devenant de soudains éclats, la complémentarité des batteurs, la musique de ce King Crimson va vers de hauts points d’interprétation et d’expression. Qui fait regretter que Fripp n’ait pas choisi d’en proposer plus. Sylvain Siclier1 CD Discipline Global Mobile. Alexandre ScriabineŒuvres mystiques pour pianoJean-Pierre Armengaud (piano). Illustrée dans la production symphonique d’Alexandre Scriabine (1872-1915) par le célèbre Poème de l’Extase, la notion de « poème » musical constitue aussi le maître mot du parcours pianistique balisé par Jean-Pierre Armengaud avec autant de science que de goût. Languide (op. 51), Nocturne (op. 61) ou Fantastique (op. 71), le poème selon Scriabine s’apparente à une expérience dans laquelle, au fil du temps, le geste se fait plus insistant et la résonance plus étrange. Sans rien perdre du côté « allumé » qui caractérise le compositeur, comme le prouve le bien nommé Vers la flamme, écrit par Scriabine un an avant sa mort. Suit un inédit réalisé par le musicologue Manfred Kelkel à partir de quelques esquisses d’une œuvre inaboutie. Un Tombeau inspiré de L’Acte préalable… Quoi de plus mystique ? Pierre Gervasoni1 CD Bayard musique. Franz SchubertSonate « Fantaisie » – Mélodie hongroise – Fantaisie pour quatre mains – Lebensstürme pour quatre mainsDavid Fray et Jacques Rouvier (piano). Entre David Fray et Franz Schubert (1797-1828), c’est une histoire d’amour et d’ADN, comme le prouvait déjà un premier disque consacré au compositeur autrichien paru en 2009 (chez Virgin Classics). Le pianiste français est à nouveau au chevet d’un rêve de poésie, dont il possède à l’évidence la clef de lumineuse nostalgie. Un toucher à la fois précis et délicat, une palette sonore d’une grande finesse : écoutez grelotter le trio du « Menuetto » dans la Sonate en sol majeur D 894, s’envelopper de nuit la fameuse Mélodie hongroise D 817 tandis que son rythme obstiné semble battre des ailes, luttant et s’abandonnant tour à tour. David Fray a convoqué son professeur, Jacques Rouvier, dans les Fantaisie D 940 et Lebensstürme D 947 pour piano à quatre mains, un juste retour des choses, comme cela s’entend. Marie-Aude Roux1 CD Erato/Warner Classics. Clarisse Fabre Le metteur en scène Rodrigo Garcia, 49 ans, est-il heureux à Montpellier, où il dirige le Centre dramatique national de Montpellier (CDN), qu’il a rebaptisé Humain Trop Humain (hTh) ? Oui... et non, confie au Monde l’Argentin, vendredi 6 mars. Déçu, certes, que son « ardeur » à vouloir réformer le CDN, sa programmation, son public, n’intéresse personne en haut lieu, dit-il. Mais l’homme est posé, et prend le temps de préciser sa pensée. Il est loin de l’image trash que ses spectacles, et les polémiques qu’ils suscitent, renvoie. Réveillez-vous !, semble-t-il dire, comme dans sa pièce, Daisy, qui se joue au Théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au 8 mars.Comment se passe la « révolution », au CDN de Montpellier ?J’y travaille avec ardeur. J’ai un premier mandat de quatre ans et je m’y engage. Les propositions artistiques sont radicalement différentes. Il n’y a plus de répertoire, que du contemporain. Et l’on mixe les disciplines : du spectacle vivant au sens large, mais aussi de l’art contemporain, du cinéma. Le public peut voir une expo gratuitement, à 19 heures, avant de découvrir le spectacle. Puis rester au concert du DJ jusqu’à une heure du matin. On a donc augmenté les amplitudes horaires. On va aussi chercher de nouveaux publics, via les réseaux sociaux.Quels retours avez-vous de l’Etat, de la ville ?Aucun, ou presque. C’est timide... Je pensais que mon projet de révolutionner le CDN allait susciter l’enthousiasme, mais il n’y a pas de dialogue.Qu’est-ce qui ne va pas, concrètement ?Le CDN reste une petite chose oubliée. Qui connaît le CDN de Montpellier ? Il est éloigné du centre, mal relié par les transports en commun. Historiquement, personne n’a fait d’effort pour le mettre en valeur. Ce n’est pas comme à Rennes où le Théâtre national de Bretagne (TBN) est emblématique, ou comme à Grenoble avec la MC2.Est-ce qu’il manque de l’argent ?...Pfouf... Le budget est plus petit que dans d’autres villes. Il faut presque faire des tours de magie pour lancer des propositions artistiques. Heureusement je travaille avec le Fonds régional d’art contemporain, qui me prête des oeuvres, ou avec l’Ecole des Beaux-Arts. On ne m’avait rien promis, certes, en période de crise, et je le comprends. Et j’ai tout de même reçu une petite augmentation du budget du ministère, via la DRAC.Etes-vous déçu ?Absolumente. Il faut que le dialogue se noue. J’ai besoin de sentir que le travail que je mène est important pour la ville, pour les institutions.Passons au homard, qui est tué sur scène, puis mangé, et fait polémique dans votre spectacle Accidens : Matar para comer. Etes-vous soutenu par le maire de Montpellier, Philippe Saurel ?Je ne suis pas le feuilleton au jour le jour... Je sais que le maire a été interpellé, lors d’une conférence de presse. Il a répondu par une blague, en minimisant l’affaire. Pour l’instant, je n’ai pas reçu de coup de fil de la mairie. En gros, on me laisse tranquille.Partagez-vous l’inquiétude de certains artistes, au sujet de la politique culturelle de la ville ?Cela fait un an que je suis arrivé, et j’ai du mal à comprendre le fonctionnement politique. Je me considère comme une espèce de touriste... Non pas que je sois de passage, bien au contraire. Mais mon objectif, c’est de réformer le CDN, de créer des liens avec les structures de la ville, l’Opéra, le Printemps des Comédiens, mais aussi des lieux plus alternatifs. On va programmer la pièce Atlas, des auteurs portugais Ana Borralho et João Galante, sur proposition du festival Hybrides. J’ai aussi joué ma performance Flame à la Chapelle, dans le quartier gitan.Avez-vous encore le temps de créer ?Quand on écrit, on a besoin de temps perdu. Celui où l’on n’est pas au travail, mais durant lequel les idées peuvent naître. Je n’ai plus ce temps-là, le téléphone sonne tout le temps. Mais j’accepte cette contrainte avec plaisir. Je ne suis pas catho mais je lis en ce moment un livre de la Bible, l’Ecclésiastique. Pour moi, c’est comme de la littérature fantastique. Il y est écrit, en substance, qu’il y a un temps pour vivre, un temps pour mourir ; un temps pour semer, un temps pour récolter. Eh bien pour moi, en ce moment, c’est le temps de travailler comme directeur du CDN. Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Caroline Champetier retrace la vie de l’artiste peintre Berthe Morisot et les liens qui l’ont unie à Edouard Manet (samedi 7 mars, à 23 h sur France 3)Berthe (Marine Delterme) et sa sœur Edma (Alice Butaud) souhaitent ne jamais se marier afin de rester ensemble et de se consacrer à ce qu’elles aiment le plus au monde : la peinture. Elles ont acquis la technique et, bonnes copistes, vont au Louvre pour en reproduire les chefs-d’œuvre. Elles y font aussi des rencontres. La plus déterminante sera celle d’Edouard Manet (Malik Zidi), qui va bouleverser la pensée de Berthe, sa relation avec sa sœur, interroger son rapport à la peinture et au monde.La jeune fille devient, en effet, le modèle du peintre (Le Balcon, Le Repos, Berthe Morisot au bouquet de violettes, etc.), sans pour autant se résoudre à n’être que cela. Berthe Morisot s’acharne à s’émanciper des canons de la peinture, cherche de façon obsessionnelle à rendre l’air et la lumière, et finit par devenir une artiste à part entière, l’un des premiers peintres impressionnistes.Butée, opaqueLa réalisatrice Caroline Champetier et les scénaristes Sylvie Meyer et Philippe Lasry ont choisi d’accompagner Berthe Morisot de 1865 à 1872, années durant lesquelles la jeune femme passe d’une pratique amateur au statut de peintre professionnel. Ils ont placé au centre du récit les liens qui unissent Edouard Manet et Berthe, sans jamais en donner la clé, mais en demeurant sur le fil, entre attirance créatrice et amoureuse. Avec, d’un côté, Manet, jouisseur et obscur, séducteur et tourmenté, artiste injurié et homme blessé ; de l’autre, Berthe Morisot, butée, opaque, aspirée par la peinture au point d’en oublier le reste. L’alchimie entre les personnages apporte de la densité au téléfilm tout en ouvrant un accès à l’univers de la création et à ses questionnements.Pour un film sur la peinture, le parti pris esthétique qui consiste à construire chaque plan comme un tableau est délicat. Caroline Champetier, elle, évite l’écueil avec brio. En insufflant de la vie dans le cadre, en privilégiant les plans-séquences, elle donne au contraire du souffle à la peinture, une âme à la création, une profondeur au geste. Les acteurs se tiennent à une épure de jeu qui évolue par petites touches. A l’image de l’art défendu par leurs personnages : un trait franc et direct que modulent ensuite les pointes de couleur.Berthe Morisot, de Caroline Champetier. Avec Marine Delterme, Alice Butaud, Malik Zidi, Bérangère Bonvoisin (France, 2012, 100 minutes). Samedi 7 mars, à 23 h sur France 3.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Lequeux Depuis quarante ans, le sculpteur anglais Antony Gormley veut « comprendre ce que signifie vivre dans un corps ». Une quête physique et spirituelle qui prend la forme d'impressionnants mastodontes.On croirait qu'il danse. Pour nous accueillir dans son atelier londonien, Antony Gormley dévale les escaliers avec une grâce étrange, une démarche qui brinquebale joliment. Le sexagénaire remonte aussitôt du même pas, pantomime légère d'un grand dégingandé. Ne serait-ce que par sa silhouette, le sculpteur britannique rappelle qu'il a fait du corps humain l'objet de toutes ses attentions. Il jette un œil sur l'horizon de son quartier de hangars, à quelques encablures de la gare de Saint-Pancras et de l'immense chantier de gratte-ciel qui l'enserre, et s'amuse : « Ils sont en train de construire Manhattan dans mon jardin ! » Puis propose de partager une gigantesque plâtrée de nouilles avec la quinzaine d'assistants qui, chaque midi, déjeunent autour du maître dans la vaste cuisine.En attendant Manhattan-on-Thames, ce digne membre de l'Académie royale s'est offert un rêve d'atelier, construit sur mesure par Sir David Chipperfield. L'architecte star a imaginé pour Sir Antony, anobli par la reine en 2014, un havre de lumière et d'efficacité minimaliste. « Une architecture psychologique, qui te fait réfléchir à ton expérience de l'espace », s'enthousiasme le lauréat du Turner Prize 1994. Sous les hautes verrières se profile une forêt de ces silhouettes d'acier qui ont fait sa réputation internationale : digressions sur... 06.03.2015 à 10h30 • Mis à jour le06.03.2015 à 15h20 | Emmanuelle Jardonnet Bien que l’information n’ait pas été communiquée officiellement, la consigne est bel et bien déjà entrée en vigueur au château de Versailles « depuis quelques jours » : les gardiens proscrivent désormais l’usage de la « perche à selfie » dans les espaces intérieurs du monument, a assuré au Monde.fr son service de communication.Une décision dans l’air du temps, alors que de plus en plus de musées choisissent de reprendre le contrôle de la situation face au succès envahissant de ce bras télescopique pour smartphones permettant de prendre des photos de groupe avec un angle plus large et spectaculaire grâce à une télécommande.Déjà, le mardi 3 mars, la Smithsonian, institution qui gère l’ensemble des musées nationaux de Washington – dix-neuf au total –, annonçait très officiellement sur son site comme sur les réseaux sociaux que l’accessoire y était désormais banni. Une interdiction qu’elle justifie comme une « mesure préventive pour protéger les visiteurs et les collections, notamment quand il y a un fort afflux de visiteurs ».La Smithsonian a ainsi ajouté la mention du selfie stick noir sur blanc dans sa réglementation, en considérant l’outil comme un type de trépied, sachant que les pieds pour appareils photos sont déjà interdits à l’intérieur comme dans les jardins de ces musées.Le Met, le MoMa, le Guggenheim, le Getty…Ces derniers mois, dans la capitale fédérale américaine, la National Gallery et le Hirshhorn Museum and Sculpture Garden avaient déjà pris les devants. A New York, le Metropolitan Museum of Art les a aussi bannis récemment, et avant lui le Dia:Beacon, le MoMA, le Guggenheim, ainsi que le Cooper-Hewitt, Smithsonian Design Museum. Le Musée des beaux-arts de Boston a fait de même. A Los Angeles, le J. Paul Getty Museum a, pour sa part, décidé de proscrire l’utilisation de ces perches dans le musée, tout en les autorisant dans ses jardins.Il n’existe pas de chiffres recensant le nombre de selfie sticks vendus dans le monde, mais le New York Times avance une fourchette de plusieurs centaines de milliers pour les seuls Etats-Unis depuis l’été dernier.A Paris, les deux musées les plus touchés par le phénomène sont le château de Versailles et le Louvre, très fréquentés par les touristes asiatiques. Car le selfie stick, dont l’invention remonte à 2005, avec un brevet déposé par un Canadien, a d’abord massivement séduit l’Asie, notamment la Corée du Sud, qui a été amenée en 2014 à en réglementer l’usage à l’échelle du pays.Le château de Versailles, qui accueille 80 % de visiteurs étrangers, explique avoir décidé à son tour d’interdire le selfie stick avant tout « en prévention de l’approche de la haute saison ». Mais comme au Getty, cette interdiction concerne seulement l’intérieur des bâtiments, le déferlement de ces bâtonnets restant toléré en extérieur.La charte « Tous photographes »Au Louvre, le phénomène s’est fait ressentir « surtout en extérieur, autour de la pyramide ». A l’intérieur, si les trépieds et les flashs sont interdits pour les visiteurs, les perches à selfie ne sont donc « pour l’instant » pas interdites. « Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas interdit qu’il n’existe pas de bonnes pratiques à respecter », précise le musée. Le Centre Pompidou explique être, pour sa part, en phase d’observation : « Le phénomène est pris en considération, mais il n’y a pas encore de décision prise dans le sens d’une interdiction. »Cas à part, le Musée d’Orsay n’est absolument pas touché par le phénomène. Et pour cause : les photos y sont interdites depuis plusieurs années déjà – c’est-à-dire avant même l’avènement du selfie. Avant 2009, la photographie sans flash était autorisée dans le musée, puis a été proscrite pour des raisons de sécurité et de fluidité des visites au cours des travaux, qui ont amputé d’un tiers l’espace du musée jusqu’en 2011. Puis l’interdiction est restée « par confort », même si le musée reconnaît qu’il existe une « tolérance tacite » dans les espaces offrant des points de vue sur son architecture (ou pendant la #MuseumWeek, dont la 2e édition est programmée du 23 au 29 mars).Une situation qui s’inscrit cependant en porte-à-faux avec la charte « Tous photographes », publiée par le ministère de la culture en juillet dernier. Réponse à l’appétit photographique des visiteurs, celle-ci vise à favoriser « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments, devenue un phénomène courant qui trouve souvent son prolongement sur les réseaux sociaux », tout en la conciliant avec le respect des institutions muséales.« Koons Is Great for Selfies ! »On remarquera que ce texte s’est accompagné d’un clip… centré sur le selfie davantage que sur toute idée de partage des œuvres – le message subliminal est que le pouvoir du selfie doit pouvoir attirer de nouveaux publics :La charte « Tous photographes » (qui n’a pas valeur de réglementation), édictée alors que le phénomène des perches n’existait pas encore en France, était le signe d’une prise de conscience de l’importance pour les musées des photographies circulant sur les réseaux sociaux. Car aux Etats-Unis comme en France, la prise de selfies est plus que tolérée, elle est encouragée, la pratique offrant évidemment une publicité mondiale gratuite via Instagram, Facebook ou Twitter.Le New York Times rappelait à la mi-février que lors de la grande rétrospective Jeff Koons au Whitney Museum of American Art, à New York, des cartons enjoignaient les visiteurs à se prendre en photo dans l’exposition et à poster leurs photos sur les réseaux sociaux, avec un message très incitatif : « Koons Is Great for Selfies ! »Dans les musées de Washington, l’interdiction se double d’ailleurs d’une invitation à surtout poursuivre les prises photographiques : « Nous encourageons les visiteurs à se prendre en photo et à partager leur visite », même s’« ils doivent laisser leur perche à selfie dans leurs sacs ».Cette limitation du champ de la pratique des selfies risque de porter un coup de frein à cet enthousiasme des visiteurs qui ravissait jusqu’ici les institutions culturelles. C’est bien cette contradiction qui a gêné le Met, qui a délibéré plusieurs mois avant de passer le cap un peu à contre-cœur, explique le New York Times.Au château de Versailles, pionnier français de la bataille anti-sticks, les premiers pictogrammes d’interdiction devraient faire leur apparition dans les prochaines semaines.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe (IMA), réagit à la vidéo mise en scène par les djihadistes de Daech et diffusée sur Internet jeudi 26 février, montrant le saccage, au musée de Mossoul et sur le site de Ninive, en Irak, des statues et reliefs de pierre millénaires de l’empire assyrien. L’ancien ministre de la culture appelle au renforcement de la coalition internationale, notamment des pays arabes, contre les terroristes, qui utilisent la culture comme arme.En Irak, Daech frappe la culture en plein cœurAvec Daech, est-ce le retour de l’obscurantisme, d’une culture totalitaire apparentée au nazisme ?On a affaire à des fanatiques qui ont pour ambition d’instaurer un ordre dictatorial et totalitaire : un seul chef, une seule philosophie. Tout le reste est impie, doit être massacré, dilapidé, détruit. Ils se sont mis à l’écart de l’humain, en adoptant une idéologie de destruction de l’humain. Leurs méthodes sont les mêmes que celles des nazis, qui s’attaquaient autant à la pensée qu’aux êtres humains eux-mêmes, avec les autodafés, les camps de concentration. Les nazis, c’est la suppression de toute pensée, hormis celle d’Hitler.En remontant le temps, peut-on évoquer l’Inquisition ?Les terroristes fanatiques se drapent dans les oripeaux de l’islam, qu’ils trahissent. Cela rappelle l’Inquisition, lorsque Isabelle La Catholique, fanatique, chassa les juifs et les musulmans d’Espagne, ceux qui refusaient de se convertir. Tout signe religieux autre que chrétien fut détruit. Il y a probablement eu aussi des califats dans l’histoire de la conquête qui ont agi de la sorte. Chasser les idoles, ce n’est pas nouveau.Comment cerner les racines du mal ?Ça ne change rien de rechercher les racines du mal, quand les Occidentaux prennent de grands airs. On oublie que Monsieur Bush a enclenché la déstabilisation de l’Irak : la destruction a été suivie par l’installation d’un gouvernement intolérant, d’une grande cruauté, qui a mis à l’écart les sunnites. Daech est le fruit amer de George W. Bush et de Bachar el-Assad.A Mossoul, le nettoyage culturel s’étend des bibliothèques aux mausoléesAux yeux des terroristes, la culture est-elle l’arme la plus efficace pour toucher un large public ?Cette entreprise criminelle, totalitaire, lucrative, cynique, utilise le système terroriste qu’on a connu à différentes périodes de l’histoire – sous le régime stalinien, notamment –, pour mettre en scène, en ligne, les destructions d’œuvres d’art et les diffuser mondialement avec une véritable science médiatique. C’est un phénomène complètement nouveau. Elle cherche à terroriser le monde par des actes, des images, des comportements qui peuvent faire peur, jusqu’à la capitulation.La communauté internationale, notamment arabe, en fait-elle assez ?La situation est monstrueuse. Que faire ? Face à cela, il ne faut accepter aucune concession, d’aucune sorte. Tout signe de faiblesse fait leur jeu. Un demi doigt dans cet engrenage, accepter de battre en retraite, ne serait-ce que d’un millimètre, donneraient raison à des gens qui utilisent le terrorisme pour imposer un ordre totalitaire absolu. En France, il ne faut pas céder d’un pouce. La monstruosité est telle qu’elle finira par susciter, y compris chez certains naïfs qui se sont laissés abuser, une coalition. Celle de l’ensemble des pays arabes s’amplifie.Destructions d’œuvres d’art : « C’est un djihad mené contre le passé »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.02.2015 à 19h33 • Mis à jour le27.02.2015 à 23h34 Timbuktu sera bien en compétition au Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Burkina Faso. Après plusieurs jours d'atermoiements et de rumeurs annonçant comme quasi certain le retrait du film d'Abderrahmane Sissako du programme pour des raisons de sécurité, décision a été prise de faire concourir le long-métrage récemment plébiscité aux Césars.« Le gouvernement du Burkina Faso a décidé de la diffusion de Timbuktu », a déclaré, vendredi 27 février, à la radio nationale Jean-Claude Dioma, le ministre de la culture burkinabè, alors que le Fespaco s'ouvre samedi. « Mais pour accompagner cela, des mesures sécuritaires renforcées vont être prises », a-t-il poursuivi, faisant état de « risques » que les autorités avaient d'abord dû évaluer avant de trancher sur la projection du film.Lire aussi (édition abonnés) : Fespaco : « Timbuktu » n'est plus en Afrique« PAS MAL DE PROBLÈMES SÉCURITAIRES »« Il y a pas mal de problèmes sécuritaires qui se posent [autour de] Timbuktu », confiait, jeudi, M. Dioma. S'il affirmait « ne pas avoir eu vent de menaces sur le Burkina ou sur des quelconques intérêts », il y a, soulignait-il, « des menaces partout où les islamistes pensent qu'on est en train de toucher à des aspects de leur croyance ».Abderrahmane Sissako avait milité pour la programmation de son film au Fespaco. « D'abord, je n'ai rien entendu sur les menaces qui pèseraient sur moi », a-t-il expliqué au Monde. « Je peux rester moins longtemps que prévu et je ne traînerai pas dans les maquis [les restaurants populaires]. Ce serait dommage d'annuler, si une projection du film avait un sens, c'était bien celle de Ouagadougou. »Fondé en 1969, le Fespaco, un des principaux festivals de cinéma d'Afrique, se tient tous les deux ans au Burkina Faso. Au moins 12 000 festivaliers, dont 5 000 étrangers, sont attendus pour la 24e édition de cette manifestation populaire. Gabriel Coutagne Une polémique en a chassé une autre. Cette année encore, le World Press Photo avait soulevé la question de la retouche en photographie, en annonçant avoir rejeté près de 20 % des photographies présentées au jury du prestigieux prix. Mais c’était compter sans une autre affaire, révélée mercredi 25 février par le site Our Age Is 13, spécialiste de l’actualité photographique.Dans un courrier adressé à la présidence du jury du World Press Photo, et que Le Monde a pu consulter, la mairie de Charleroi « demande de retirer le prix qui a été accordé à M. [Giovanni] Troilo à la lumière de notre argumentation et de nos explications ». En cause, une série d’images, très sombre, qui montre des personnages, présentés comme des Carolorégiens, dans des situations décrivant une misère sociale et morale, ou s’adonnant à des pratiques sexuelles libertines. Une demande rejetée par l’institution dimanche 1er mars, après plusieurs jours d’enquête, confortant le prix remis à Giovanni Troilo. « Le World Press Photo n’a trouvé aucun fondement permettant de remettre en cause l’intégrité [journalistique] du projet du photographe. Aucun fait n’a été manipulé dans les légendes que le jury a pu consulter », précise l’institution dans un communiqué.Giovanni Troilo est un photographe italien travaillant habituellement dans les domaines de la mode et de la publicité. Il a été récompensé dans la catégorie « sujets contemporains », pour une série intitulée The Dark Heart of Europe. Le photographe présente son travail sur son site :« Aujourd’hui, le malaise social s’insère dans la vie des citoyens [de Charleroi]. Les routes, qui étaient à l’époque propres et fleuries, sont aujourd’hui abandonnées et en mauvais état. Les usines ferment et la végétation reprend ses droits dans les vieux quartiers industriels. Une sexualité perverse et malade, la haine raciale, une obésité névrotique, l’abus d’antidépresseurs semblent être les seuls remèdes pour surmonter ce malaise endémique. »« UNE ATTEINTE À LA PROFESSION DE PHOTOJOURNALISTE » Dans les jours qui ont suivi l’annonce du prix, faite le 12 février, « plusieurs personnes, dont des photographes, ont réagi sur les réseaux sociaux », raconte Molly Benn, rédactrice en chef du site Our Age Is 13.@lesoir WPressPhoto 2015.Le misérabiliste "Dark heart of Europe" sur #charleroi primé. http://t.co/kB9S3QJoDC http://t.co/Zuo3UR9XXz— Humbert_Tesla (@Umberto di Tesla)require(["twitter/widgets"]);Parmi eux, le photojournaliste belge Thomas Vanden Driessche s’était interrogé sur ce qu’il considère comme une dérive du photojournalisme.Triste... Ou peut-être un nouveau point de départ pour s'interroger sur les dérives d'un certain photojournalisme... http://t.co/DzCvURFeHd— thomasvdd (@T. Vanden Driessche)require(["twitter/widgets"]);« C’est en tant que photojournaliste que je me suis senti concerné par ce prix », explique au Monde Thomas Vanden Driessche. Sa question a alimenté le vif débat sur les réseaux sociaux, auquel ont pris part photographes et habitants de Charleroi. « Nous avons d’abord été contactés par plusieurs photographes », confirme la mairie de la ville. Si le souci principal de la municipalité est bien d’en défendre la réputation, l’argument pour convaincre le World Press Photo de retirer ce prix est journalistique.« Nous considérons le sujet du photographe, construit de toutes pièces, tant comme une atteinte à la ville et aux habitants de Charleroi que comme une atteinte à la profession de photojournaliste en tant que telle », dénonce dans sa lettre le bourgmestre de la ville, Paul Magnette (PS), en fonction depuis juillet 2014. « Le caractère falsifié et mensonger des légendes, la manipulation de la réalité, la construction d’images-chocs mises en scène par le photographe, malhonnêtes (…) trahissent les bases de l’éthique journalistique », poursuit l’élu.Le recours à la mise en scène est parfois légitime dans un sujet documentaire, notamment lorsque l’on fait un portrait, mais le World Press Photo, dans un document disponible en ligne, précise qu’une image ne doit pas faire l’objet d’une mise en scène ou d’une reconstitution. De plus, certaines imprécisions dans les légendes posent problème.UN RÉCIT PERSONNEL Le rendu de ce portrait et sa légende suggèrent que cette personne vit recluse chez elle pour fuir la violence de son quartier. Thomas Vanden Driessche souligne pourtant « qu’il s’agit de Philippe G., une personnalité bien connue à Charleroi (…). Il habite dans un quartier populaire, mais relativement paisible. Sa maison est également un bar à vin ». Sur son profil Facebook, le modèle raconte le moment de la prise de vue :« Le photographe m’a demandé de poser pour lui, dans mon intérieur, et a demandé à ce que je sois torse nu, ce qui ne m’a nullement dérangé, n’ayant aucun complexe par rapport à mon physique. Les deux artistes étaient sympathiques et ne cachaient pas qu’ils mettraient en scène leurs photos, disant clairement qu’ils ne faisaient pas un reportage, mais un travail photo. Par contre, je m’insurge contre le terme d’“obésité névrotique”, qui, s’il peut qualifier d’autres personnes que je ne connais pas, n’est absolument pas mon cas. »De son côté, Giovanni Troilo ne semble pour l’instant pas trop inquiet de la polémique, comme le rapporte un blog du quotidien italien La Repubblica : « Je m’attendais aux polémiques, et ils n’ont pas été tendres… Mais je n’imaginais pas des réactions de ce genre. Je comprends l’ambiance, ils cherchent à promouvoir une image neuve de la ville [Charleroi], et dire certaines choses dérange. »Le photographe se défend, présentant sa série comme un récit personnel plutôt que comme un reportage au sens strict. Pour lui, ce travail rend compte de choses « qu[’il a] vues, qu[’il] conna[ît], dont [il] sai[t] qu’elles existent », tout en concédant, en creux, que certaines images sont mises en scène : « Il y a aussi des photos où [les personnes] ne posent pas, la dame avec la tête inclinée sur la table est véritablement une personne dans un hospice, c’est une amie de ma tante. La police était vraiment en train de charger… »Giovanni Troilo avait reconnu en conclusion de l’interview accordée à La Repubblica devoir fournir des explications au World Press Photo quelques jours avant la décision de confirmer le prix remis au photographe.Gabriel CoutagneJournaliste au Monde Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... 27.02.2015 à 15h06 • Mis à jour le27.02.2015 à 15h59 | Francine Aizicovici Le Grand-Duché du Luxembourg manque à ses obligations en matière de prévention des abus du recours aux contrats à durée déterminée (CDD) pour les intermittents du spectacle. C’est ce que décide la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 26 février, indique l’Agence d’informations sociales AEF. La Cour avait été saisie d’un recours en manquement dirigé par la Commission européenne contre le Luxembourg.Le code du travail luxembourgeois prévoit que, comme en France, la durée maximale d’un CDD ne peut dépasser vingt-quatre mois, renouvellement compris. Il prévoit les cas de recours au CDD pour des « tâches précises et non durables » telles que le « remplacement d’un salarié temporairement absent », « l’emploi à caractère saisonnier », etc.« Il ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise », précise le code du travail du Grand-Duché. Toutefois, une dérogation est prévue « pour les intermittents du spectacle » : leurs CDD « peuvent être renouvelés plus de deux fois, même pour une durée totale dépassant vingt‑quatre mois, sans être considérés comme contrats de travail à durée indéterminée ».Ce qui, selon la CJUE, constitue un manquement aux obligations prévues par l’accord-cadre européen de 1999 annexé à la directive sur le travail à durée déterminée de la même année. En vue de la prévention des abus, l’accord-cadre dispose notamment que le renouvellement des CDD doit être justifié par une « raison objective » permettant de vérifier si ces contrats correspondent à un besoin véritable.La loi française pas très différenteOr, la Cour constate que la loi luxembourgeoise autorise les employeurs à conclure ces CDD avec les intermittents y compris pour des besoins permanents et durables. Le Luxembourg avait invoqué un arrêt antérieur qui, selon lui, considère que la situation des intermittents serait caractérisée par l’existence de « raisons objectives », au sens de l’accord-cadre et de la jurisprudence de la Cour.En particulier, ces travailleurs participeraient à des projets individuels et limités dans le temps et une certaine flexibilité ainsi que des avantages sociaux résulteraient de la possibilité, pour un employeur, de renouveler des contrats à durée déterminée avec ces mêmes travailleurs. Un argument balayé par la Cour européenne.La loi française n’est pas très différente de la loi luxembourgeoise. Elle prévoit une quinzaine de secteurs d’activités, dont celui des spectacles, « dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».Toutefois, le fait qu’un emploi pourvu en CDD successifs est conclu dans l’un de ces secteurs n’exclut pas, qu’en cas de litige, l’employeur devra démontrer au juge le caractère temporaire de ce poste. C’est qu’affirment depuis plusieurs années des arrêts de la Chambre sociale et la chambre criminelle de la Cour de cassation.Francine AizicoviciJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Ce n’est pas une divine surprise, ce sont plutôt de vraies raisons d’espérer. La Fnac, qui s’est fortement transformée depuis cinq ans, voit enfin les effets positifs de cette mutation et juge que son modèle économique est à terme viable. En 2014, le premier distributeur français de produits culturels et technologiques a enrayé la dégradation de ses ventes.Son chiffre d’affaires s’est stabilisé à 3,9 milliards d’euros, contre une baisse de 3,1 % en 2013. Sur le second semestre de 2014, son activité a même crû de 0,9 %. Sur l’exercice 2014, la Fnac a multiplié son bénéfice net par trois, qui est passé de 15 à 41 millions d’euros, après des pertes de 142 millions en 2012, selon les chiffres rendus publics, jeudi 27 février.Arrivé à la tête du groupe en 2011, Alexandre Bompard estime qu’« aujourd’hui, tous les indicateurs sont au vert ». Après une année 2013, marquée par la sortie du groupe Kering (ex-PPR) et l’entrée en Bourse de l’enseigne culturelle, qui a amorcé le redressement de l’entreprise, « 2014 vient consolider notre modèle », estime-t-il, avant une phase de développement prévue pour 2015.Le livre en tête des ventesLa France représente toujours 70 % des ventes du distributeur. Sur les marchés étrangers où il est présent, le groupe est plutôt à la peine, à l’exception de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) où les ventes ont progressé de 0,7 %, à 659 millions d’euros, tirées en partie par des ouvertures de magasins. Le Brésil a en revanche chuté (– 11,3 %) dans un contexte de consommation ralentie, de même la Suisse et la Belgique se sont repliées de 2,6 % sur l’année.La Fnac ne donne plus d’information concernant la répartition de ses ventes par familles de produits. Mais le livre reste, à ce jour, le premier produit culturel vendu par l’enseigne. En 2013, le chiffre d’affaires qu’elle réalisait en France dans ce secteur s’élevait à 452 millions d’euros. Depuis, la Fnac est passée de 108 à 112 points de vente dans l’Hexagone dont 27 franchisés avec aussi deux espaces « Culture et loisirs » du groupe Intermarché. Cette alliance stratégique avec Intermarché va se renforcer en 2015, avec l’ouverture d’un troisième espace de ce type, en mars.De fait, la santé recouvrée de la Fnac repose en partie sur la bonne résistance du marché du livre, en France, mais c’est plus par la mise en place de nouveaux produits et par l’«omnicanalité » (c’est-à-dire qui associe différents canaux de distribution) que la Fnac explique les raisons de son retour à la croissance. En 2014, les cinq nouvelles familles de produits (petit électroménager, art de la table, jeux et jouets, papeterie, téléphonie et objets connectés) ont représenté 11 % des ventes totales, contre 6 %, il y a cinq ans. Ainsi la Fnac a vendu près de 600 000 téléphones mobiles sans abonnement en 2014.Une dérogation pour ouvrir le dimancheAu moment où des géants du Net, comme Amazon et Google, amorcent un virage avec l’acquisition de magasins physiques, la Fnac considère que cette évolution valide sa stratégie élaborée en 2011 de devenir le principal distributeur culturel multicanal en France, avec à la fois une forte présence dans l’e-commerce, mais aussi le maintien de magasins physiques et la volonté de mettre l’accent sur les magasins de proximité.La Fnac souligne que ses ventes omnicales ont représenté, en 2014, plus de 35 % des ventes Internet du groupe en France, contre 29 % en 2013. Fnac.com occupe la deuxième place de site d’e-commerce, ex aequo avec Cdiscount, derrière Amazon. A noter qu’en 2014, la Fnac n’a fait aucun plan de restructuration, en France.Pour l’avenir, Alexandre Bompard se montre plutôt optimiste et mise sur la poursuite de ces axes de croissance. Dans un entretien accordé, vendredi 27 février, au Figaro, le PDG de la Fnac se fait l’avocat d’« une dérogation pour le secteur de la culture qui permettrait à la Fnac d’ouvrir tous les dimanches ». Un joli pavé dans la marre, alors que la loi Macron vient tout juste d’être adoptée au forceps, mais qui a sa logique économique : dès lors que 35 % des ventes culturelles se font en ligne, M. Bompard considère que cette décision serait salutaire pour renforcer les acteurs français de la distribution culturelle.>> Lire aussi : Plaidoyer du patron de la FNAC pour le travail dominicalAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Ce sera finalement en octobre. Les 5es Rencontres internationales du dessin de presse organisées par le Mémorial de Caen auront bel et bien lieu, mais à l’automne, et non les 10 et 11 avril comme initialement prévu. Après avoir annoncé, jeudi 26 février, que la manifestation était annulée au printemps pour des raisons de sécurité, le directeur du site, Stéphane Grimaldi, a confié, vendredi 27 février, au Monde, que ce rassemblement d’une quarantaine de caricaturistes du monde entier se tiendrait six mois plus tard, en octobre, donc : « Cela fait quarante-huit heures que nous cherchions une autre date. C’est fait. Cela va nous laisser le temps pour reconfigurer notre événement. »Un certain nombre d’indices avait incité la direction du Mémorial à repousser ces Rencontres. Tout d’abord, le piratage – à six reprises depuis l’attaque contre Charlie Hebdo – du site Internet du musée. Celui-ci s’est notamment trouvé hors service pendant deux jours en janvier après avoir été visé par des hackers se présentant comme des islamistes tunisiens. Ensuite, les fusillades de Copenhague, les 14 et 15 février, ont eu pour effet de diffuser un sentiment d’inquiétude parmi certains des dessinateurs invités, en particulier étrangers. Si un seul des 44 auteurs attendus avait annulé sa venue, M. Grimaldi dit avoir reçu plusieurs courriers faisant part d’une vive appréhension.400 000 visiteurs chaque annéeLe Mémorial s’est enfin rendu compte que la sécurisation de la manifestation tenait de la gageure. Plusieurs interventions de caricaturistes devaient, en effet, se tenir à l’« extérieur » du site, en particulier à l’université de Caen et dans des lycées. « Cela devenait ingérable », explique M. Grimaldi. Quant au site lui-même, qui accueille chaque année 400 000 visiteurs, sa configuration rend impossible un filtrage total des allées et venues, comme ont pu le constater certains observateurs en accueillant, fin janvier, le 18e Concours de plaidoiries des lycéens pour les droits de l’homme. Ce report des Rencontres internationales du dessin de presse fait écho à la décision des autorités belges, le 21 janvier, d’annuler une exposition consacrée à Charlie Hebdo au Musée Hergé de Louvain-la-Neuve. Le bourgmestre de la ville et les forces de police avaient alors estimé que sa tenue pouvait faire courir un risque au personnel du musée et à la population de la commune.En Belgique, le Musée Hergé renonce à rendre hommage à « Charlie Hebdo »Aucun incident à AngoulêmeAucune reculade, en revanche, n’a eu lieu au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, dont la 42e édition s’est déroulée fin janvier. Montées à la hâte, deux expositions ont rendu hommage au journal satirique : l’une à l’intérieur même de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image ; l’autre dans les rues de la cité charentaise où des affiches représentant des « unes » de Charlie Hebdo – assez osées pour certaines – avaient été collées sur les panneaux électoraux. Aucun incident n’a été signalé. Pendant le festival, les autorités locales ont également rebaptisé la place des Halles en « place Charlie pour la défense de la liberté d’expression ».Festival d’Angoulême : une année particulièreD’hommage aux caricaturistes disparus, il sera également question fin septembre à l’Humour vache, un festival consacré au dessin de presse organisé depuis trente-quatre ans à Saint-Just-le-Martel, un village de Haute-Vienne. Cabu, Wolinski, Charb et Tignous, tués dans les attentats des 7, 8 et 9 janvier, étaient des habitués de cette manifestation qui offre chaque année à son lauréat l’équivalent financier d’une vache en chair et en os. « Nous n’avons pas encore décidé de la forme que prendrait cet hommage, indique au Monde le responsable de la manifestation, Gérard Vandenbroucke. J’ai souhaité respecter une période de distanciation, au moins le temps que Charlie reparaisse, avant d’en parler aux familles des victimes. »Mines plombéesLe site Internet de l’Humour vache avait été piraté après l’affaire des caricatures danoises de 2005. Aucun signe, aucune menace, aucun message n’est arrivé au siège de l’association depuis la tuerie de Charlie Hebdo, sinon des « témoignages de sympathie ». « Il est vrai qu’on n’a encore rien annoncé de notre programme, c’est peut-être pour cela qu’on nous laisse tranquilles, ironise M. Vandenbroucke. Il va de soi que notre thématique, cette année, tournera autour de la liberté d’expression. »Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », la BD solidaireFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Revolver », pilule psychédéliqueCette semaine : autour de l’album Revolver (août 1966).« Taxman » (Harrison), par The Power StationSeule composition de George Harrison (1943-2001) à ouvrir un album des Beatles, Taxman a été écrite par le plus discret des Beatles en réaction à l’institution d’une supertaxe de 95 % pour les revenus les plus élevés (« Should five per cent appear too small/Be thankful I don’t take it all/Cos I’m the taxman/Yeah I’m the taxman », « Si 5 % te semble trop peu/Sois heureux que je ne prenne pas tout »). Cette « protest song » sur des problèmes de riches a généré une quarantaine de reprises. Dont celle d’un supergroupe du milieu des années 1980, The Power Station, constitué du chanteur Robert Palmer (1949-2003), du guitariste Andy Taylor et du bassiste John Taylor, membre du groupe Duran Duran, et du batteur de Chic, Tony Thompson (1954-2003), sous la houlette du bassiste et producteur de Chic, Bernard Edwards (1952-1996). The Power Station s’est reformé en 1996 le temps d’un album, Living In Fear, avec Edwards à la basse – Taylor avait travaillé sur les compositions et les arrangements mais avait quitté le groupe peu avant les séances d’enregistrement. Outre la reprise de Taxman, l’album proposait Let’s Get It On de Marvin Gaye (1939-1984). Edwards devait mourir, en avril, quelques mois avant la sortie du disque en septembre 1996. « Eleanor Rigby » (Lennon-McCartney), par The Four TopsAvec son double quatuor à cordes en soutien des harmonies vocales de Paul McCartney (qui assure le chant principal), John Lennon (1940-1980) et George Harrison, Eleanor Rigby a souvent donné lieu à des reprises qui en rajoutent dans le « symphonisme » (la plus grosse cavalerie dans le genre étant due au groupe américain de hard-rock progressif Kansas). Si le chanteur brésilien Caetano Veloso l’a abordé sobrement, c’est au groupe vocal soul The Four Tops, l’une des formations les plus en vue de Motown dans les années 1960 et le début des années 1970, que l’on doit cette superbe version. Produite par Norman Whitfield (1940-2008), qui travailla en particulier avec l’autre grande formation vocale masculine de Motown, The Temptations, elle figure dans l’album Now !, publié en 1969, qui se concluait par une reprise tout aussi inventive de The Fool On The Hill, l’une des chansons des Beatles de la fin 1967 présente sur Magical Mystery Tour. « I’m Only Sleeping » (Lennon-McCartney), par LoboNé Roland Kent LaVoie, en 1943, Lobo est connu des amateurs pour ses premiers albums country-folk-pop au début des années 1970 pour la compagnie phonographique Big Tree. Un ensemble de bonne facture (Introducing Lobo, en 1971, avec le tube Me and You and a Dog Named Boo, Calumet en 1973, A Cowboy Afraid Of Horses, en 1975…) parmi lesquels son quatrième album, Just A Singer, en 1974, dont est tiré I’m Only Sleeping, qui donna aussi lieu à un 45-tours. Aux effets de sons inversés sur les guitares et le traitement façon sitar de la guitare acoustique développé par les Beatles, Lobo a substitué un discret contre-chant aux claviers qui fait beaucoup dans la réussite de son adaptation. « Love You To » (Harrison), par BongwaterPremière chanson des Beatles à traduire clairement l’intérêt du groupe, plus exactement celui de George Harrison, pour la musique indienne, Love You To a donné lieu à une poignée de reprises. Du thème original joué par Harrison aux guitares et au sitar (instrument qu’il avait déjà utilisé dans la chanson Norwegian Wood (This Bird Has Flown) en octobre 1965), Ringo Starr au tambourin et par les musiciens indiens d’un ensemble traditionnel, le groupe de rock expérimental new-yorkais Bongwater a fait une éruption sonore. Elle se trouve sur Double Bummer (Shimmy Disc, 1989), le disque le plus intéressant de ce groupe actif du milieu des années 1980 à 1992. Un double album bourré de références, avec des chansons qui évoquent Frank Sinatra (1915-1998), David Bowie, le reggae, et des reprises dont You Did It Again de Kevin Ayers (1944-2013), Dazzed and Confused de Led Zeppelin chanté en cantonais et un doublé Beatles avec, outre ce Love You To, la chanson Rain. « Here, There and Everywhere » (Lennon-McCartney), par Claudine Longet et sous le titre « Se Mai Te Scantassi di Me » par Laura LucaCette douce ballade, dont Paul McCartney dira qu’elle devait beaucoup aux modulations vocales des Beach Boys, a plus particulièrement suscité des vocations chez les chanteuses, dont Céline Dion, Bobbie Gentry (créatrice du tube Ode to Billie Joe, qui mena l’album du même nom à détrôner à l’été 1967 des classements des meilleures ventes aux Etats-Unis le Sgt Pepper’s des Beatles), Emmylou Harris… Et puis il y a Claudine Longet et Laura Luca. Difficile de choisir entre les deux, d’où cette double présentation.Parisienne partie vivre aux Etats-Unis dans les années 1960, Claudine Longet a joué dans le film psychédélico-catastrophe The Party (1968), de Blake Edwards (1922-2010) avec Peter Sellers (1925-1980), et enregistré entre 1967 et 1972 plusieurs albums essentiellement pop constitués de reprises. Dont, parmi d’autres hommages aux Beatles, Here, There and Everywhere dans l’album Claudine (A & M Records, 1967). L’Italienne Laura Luca, chanteuse, pianiste et guitariste, a été révélée au grand public italien avec la chanson Domani Domani lors de la 28e édition du Festival de Sanremo. Une chanson que l’on trouve dans son premier album pour Dischi Riccordi, en 1979, Se Mai Ti Stancassi di Me, titre de son adaptation d’Here, There and Everywhere. De l’intimité pop de ses débuts, Laura Luca est passée, au début des années 1980, à une approche plus rock (elle reprendra notamment Get Back des Beatles) puis à une variété plus passe-partout.  « Yellow Submarine » (Lennon-McCartney), sous le titre « Un p’tit sous-marin jaune » par Les Nouveaux BaronetsEn plus de sa présence sur l’album Revolver, le sous-marin jaune des Beatles figurait en face B du single Eleanor Rigby. Chanté par Ringo Starr, Yellow Submarine se retrouvera aussi dans la bande-son du film d’animation du même nom en 1968 et dans l’album lié au film en 1969. Ce qui fait beaucoup pour une chanson que l’on peut considérer comme mineure dans le répertoire des Beatles. Elle donna généralement lieu à des reprises pas très sérieuses, dans l’esprit de l’original. En France, le sous-marin est devenu vert pour une question de rime, quelques semaines après la sortie de la chanson des Beatles, dans son adaptation par Jean Broussolle pour Les Compagnons de la chanson, dont il était le parolier. Maurice Chevalier (1888-1972) le chantera tout aussi vert dans sa reprise de la reprise ainsi que le duo Jean-Marie & Raoul, pour qui ce qui importe dans le sous-marin, ce sont les marins. C’est aux Canadiens francophones du trio Les Nouveaux Baronets (anciennement Les Baronets à leur formation en 1961) que l’on doit le respect de la couleur jaune du sous-marin dans une adaptation, en 1966, par René Angélil, futur agent artistique et mari de Céline Dion. Si la couleur reste, le sous-marin a perdu en taille devenant Un p’tit sous-marin jaune. « She Said She Said » (Lennon-McCartney), par The FeeliesLe duo malin de blues rock The Black Keys (Dan Auerbach, guitare et chant, Patrick Carney, batterie) avait mis au cœur de son premier album, The Big Come Up (Alive Records, 2002), une version sans fioritures et directe de She Said She Said, l’une des envolées psychédéliques de Revolver. Paul McCartney absent lors des séances d’enregistrement, c’est George Harrison qui tient la basse. Le groupe de blues rock et d’improvisations Gov’t Mule, copain de Grateful Dead et de l’Allman Brothers Band, l’a traité comme prétexte à des échanges solistes un peu vains. Le groupe post punk américain The Feelies en a lui enregistré une version plus classiquement proche de l’arrangement original, sans effets sonores et menant à un final dynamique, qui dans ce cas restait le meilleur moyen d’aborder cette chanson. A trouver sur le 45-tours No One Knows (Coyote/Twin/Tone, 1986) qui accompagnait The Good Earth, deuxième album du groupe, leur meilleur. « Good Day Sunshine » (Lennon-McCartney), par LuluClaudine Longet, déjà évoquée pour sa reprise d’Here, There and Everywhere, avait un autre extrait de Revolver à son répertoire, cette ritournelle joyeuse, très Eté de l’amour 1966 (« bonjour soleil »), qui ouvrait la face B de l’album des Beatles. Mais, de la dizaine de reprises notables, c’est celle de Lulu (née Marie McDonald McLaughlin Lawrie en 1948) qui domine. Par son traitement soul (avec la section de vents The Memphis Horns), le phrasé crâneur, un rien crapule de la chanteuse et actrice écossaise. Sa version venait au début de son album Melody Fair (Atco, 1970) produit et arrangé, comme le précédent New Routes, par Jerry Wexler (1917-2008), Tom Dowd (1925-2002) et Arif Mardin (1932-2006) qui, en matière de soul avaient, ensemble ou séparément, quelques lettres de noblesse, dont Aretha Franklin, Roberta Flack, Wilson Pickett (1941-2006), Ray Charles (1930-2004) ou une autre Britannique sublimement tombée dans le genre, Dusty Springfield (1939-1999). Rappelons que Lulu enregistra, en 1974, deux reprises d’une autre fierté de la pop britannique, David Bowie, The Man Who Sold The World et Watch That Man, collaboration sans suite qui avait été amorcée, fin 1973, par un duo encore officiellement inédit pour la chanson Dodo. « And Your Bird Can Sing » (Lennon-McCartney), par The JamDe la quarantaine de versions recensées, celle des Anglais de The Jam s’impose, d’un rien, devant celle des Californiens de The Flamin’Groovies (quand le groupe, en 1984, n’avait pourtant plus grand-chose à voir avec son formidable envol du début des années 1970). Dans leur moment de gloire, entre 1977 et 1982, The Jam mené par le guitariste et chanteur Paul Weller, avec le bassiste et chanteur Bruce Foxton et le batteur Rick Buckler, constitue avec The Clash l’une des formations de pointe du renouveau rock britannique – comme Oasis, Blur, Pulp ou Suede en seront les dépositaires dans les années 1990. Sous l’influence de The Who, de la soul de Motown et du psychédélisme, combinés à l’énergie punk. Leur reprise de And Your Bird Can Sing a été publiée sur Extras, compilation de raretés, de faces B de 45-tours et d’inédits publiée en 1992 par Polydor, où l’on trouvait aussi des hommages à Curtis Mayfield (1942-1999), The Who, The Small Faces, James Brown (1933-2006) ou The Chi-Lites. « For No One » (Lennon-McCartney), par Emmylou HarrisLa chanteuse de country et de folk américaine Emmylou Harris avait repris Here, There and Everywhere dans son album Elite Hotel, le troisième de sa carrière, publié en décembre 1975 par Reprise Records, dans un accompagnement délicat de cordes, avec un harmonica lointain. Avec For No One, elle avait déjà fêté les Beatles de Revolver dans son précédent disque, Pieces of The Sky, publié en février 1975 chez Reprise Records, dans une interprétation encore plus frémissante, là aussi dans un écrin de cordes brumeuses. « Doctor Robert » (Lennon-McCartney), par Luke TempleLe casse-tête du sujet Revolver ? Trouver une reprise de Doctor Robert. Le docteur en question, pourvoyeur de divers cocktails vitaminés bien relevés en amphétamines, a été délaissé dans le catalogue des reprises des Beatles et les quelques adaptations n’ont pas mené bien loin. Heureusement, le chanteur, guitariste américain et peintre Luke Temple, qui en dehors de sa carrière en solo, est membre du groupe Here We Go Magic, a été parmi les musiciens sélectionnés par le magazine musical britannique Mojo en juillet 2006 pour le disque Revolver Reloaded, recréation, à partir de reprises, de l’album Revolver. Luke Temple ralentit le tempo, insère des motifs rythmiques de percussions et quelques touches sonores pour transformer la chanson des Beatles en une inquiétante comptine. « I Want to Tell You » (Harisson), par Ted NugentC’est au très conservateur, défenseur du droit des citoyens américains de posséder une arme et cible régulière des activistes anti-chasse Ted Nugent, guitariste et chanteur, que l’on doit cette efficace reprise d’une chanson du pacifiste et végétarien George Harrison. Présente dans l’album State of Shock (Epic, mai 1979), elle renforce la rythmique énergique et basique de l’original, donne de l’espace aux guitares pour avancer vers une partie soliste typique de Nugent, déliée et saturée. « Got To Get You Into My Life » (Lennon-McCartney), par Blood Sweat and TearsDans un esprit soul évident, Got To Get You Into My Life est inséparable de ses riffs par un ensemble de vents (saxophones et trompettes). Suscitant une soixantaine de reprises, c’est surtout lorsque cette propulsion est conservée qu’il fonctionne. Ce dont ne se sont pas éloignés Cliff Bennett avec The Rebel Rousers, qui l’enregistre pour un 45-tours au moment même de la sortie de Revolver, en août 1966, la chanteuse de jazz Carmen McRae (1920-1994) en avril 1967, Johnny Hallyday, dans l’adaptation en décembre 1966 par Long Chris, Je veux te graver dans ma vie, Diana Ross & The Supremes avec The Temptations en 1968 (les violons sont traités comme des vents), The Four Tops en 1969, Ella Fitzgerald (1917-1996) en 1969 dans son disque Ella (Reprise Records) dans laquelle la « First Lady of Jazz » revenait aussi sur quelques classiques soul comme Get Ready, Ooo Baby Baby ou Knock On Wood… Dans le genre section de vents imposante, Earth Wind & Fire a réussi son coup en 1978. On lui préférera cependant le traitement par Blood Sweat & Tears en avril 1975 sur l’album New City (Columbia Records), non seulement pour l’arrangement des trompettes, saxophones et trombones, mais pour la voix du chanteur David Clayton-Thomas, qui revenait alors au sein de la formation après une absence de quatre ans. « Tomorrow Never Knows » (Lennon-McCartney), par 801Des interprètes aussi différents que Phil Collins, Dweezil Zappa, le pianiste de jazz Herbie Hancock, le bluesman Junior Parker (1932-1971), les groupes Living Colour, The Jaywalkers, Los Lobos ou les héros du rock allemand planant Tangerine Dream ont été emportés par les boucles rythmiques et mélodiques de l’hypnotisant Tomorrow Never Knows qui vient conclure l’album Revolver. Tout comme le groupe 801, éphémère réunion en 1976-1977 de Brian Eno (chant, claviers, effets sonores), Phil Manzanera (guitare, chant), tous deux passés par Roxy Music, le bassiste Bill McCormick (Matching Mole avec Robert Wyatt), le claviériste Francis Monkman (Curved Air), le guitariste Lloyd Watson – pour l’album 801 Live, chez Polydor, enregistré en public, dont est tirée cette reprise – et le batteur Simon Philips.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur le toxique album de 1966.« Si Rubber Soul était l'album de l'herbe, Revolver est celui de l'acide », reconnaissait John Lennon. Témoignages de l'évolution de leur consommation de drogues, ces disques affirmaient surtout un stupéfiant crescendo : les Beatles et la pop basculaient dans l'âge adulte et le monde de l'art.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Revolver »Rubber Soul, sorti en décembre 1965, avait étonné par sa diversité et ses expériences orchestrales. Publié en août 1966, Revolver accélérait radicalement ce processus, en embarquant dans un tournoiement psychédélique.Tomorrow Never Knows donne le ton de l'aventure. Premier titre enregistré, à partir d'avril 1966, dans les studios d'EMI, il fait figure de conclusion hallucinée de l'album. Sur un texte de John Lennon inspiré d'un livre coécrit par le gourou du LSD, Timothy Leary, le groupe se livre à une orgie d'innovations sonores. Le producteur George Martin, en traducteur de fantasmes, a déployé boucles de bandes magnétiques et effets de production. La voix de Lennon se transforme, disait-il, en un « dalaï-lama chantant du plus haut sommet du monde ». Le rire de McCartney se mue en cris de mouettes, les guitares sont inversées et torturées...Paul McCartney se surpasseSi d'autres morceaux ont poussé avec des psychotropes pour fertilisants (I'm Only Sleeping, Love You To, signé par un Harrison de plus en plus fasciné par l'Inde), Revolver resplendit aussi d'une efficacité préservée (le sarcastique Taxman, le radieux Good Day Sunshine, l'enfantin Yellow Submarine...) et d'une inspiration mélodique au sommet.Paul McCartney se surpasse, en particulier, en terme de délicatesse harmonique et de refrains brise-cœur avec Here, There and Everywhere, For No One ou Eleanor Rigby. Evocation émouvante des solitaires anonymes, cette dernière bouleverse aussi par la présence dramatique d'un quatuor à cordes.Une preuve du talent d'arrangeur de George Martin, mais également le résultat des initiatives d'un jeune ingénieur du son, Geoff Eymerick. En rapprochant les micros des violons, mais aussi en rendant plus percutants la basse de Paul, la batterie de Ringo ou la guitare de George, le garçon participait de manière décisive au tranchant caractéristique de Revolver. Un mélange d'imagination libérée et de classe électrique, parfaitement incarné par la mythique pochette noir et blanc dessinée par Klaus Voorman.Stéphane DavetJournaliste au Monde 26.02.2015 à 21h12 • Mis à jour le27.02.2015 à 17h43 | Alexandra Bogaert Un taureau ailé à cinq pattes attaqué à la masse. Des statues de l'époque hellénistique jetées à terre, brisées. Des bas-reliefs brisés au marteau-piqueur. L'Etat islamique a diffusé jeudi 26 février une nouvelle vidéo de propagande montrant, pour la première fois, des destructions d'œuvres d'art.Selon les djihadistes, la vidéo a été tournée dans le musée de Mossoul, le deuxième plus important d'Irak. Les cartels des sculptures, datées du VIIe siècle avant J.-C., y sont filmés en gros plan. Certaines statues sont des répliques en plâtre d'originaux. « Ce sont celles qui se brisent facilement, explique Cheikhmous Ali, docteur en archéologie du Proche-Orient ancien à l'université de Strasbourg et fondateur de l'Association pour la protection de l'archéologie syrienne (APSA). Celles qui sont attaquées au marteau-piqueur sont authentiques, et perdues à jamais. » Dans la vidéo, un homme non identifié, qui s'exprime en arabe classique, s'adresse ainsi aux musulmans :« Musulmans, ces reliques que vous voyez derrière moi sont les idoles qui étaient vénérées à la place d'Allah il y a des siècles. »Le film de cinq minutes s'achève sur des destructions dans un autre site archéologique, qui pourrait être celui de Ninive, ancienne capitale de l'empire chrétien d'Assyrie.Lire l'entretien avec l'historienne Véronique Grandpierre : « En Irak, le califat détruit le patrimoine de la Mésopotamie au nom d'un monde nouveau » UNE VIDÉO EN COURS D'AUTHENTIFICATIONJeudi en fin de journée, Axel Plathe, chef du bureau de l'Unesco pour l'Irak, installé à Amman, en Jordanie, s'est dit « révolté » par ce qu'il a vu. Il a chargé le directeur des musées d'Irak d'identifier les pièces endommagées, ce qui pourrait prendre « plusieurs heures ou plusieurs jours ».« Si ce que nous y voyons est vrai, cela constitue une attaque directe de l'identité irakienne, que l'on peut comparer à l'attaque les bouddhas de Bamiyan, en Afghanistan, par les talibans », a expliqué au Monde le spécialiste de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture.Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, a saisi le président du Conseil de sécurité des Nations unies afin qu'une réunion soit tenue prochainement au sujet de la protection de « l'héritage culturel » de l'Irak.The winged bulls featured on Iraq currency since the 1950's are gone forever. http://t.co/IOhn8loOdy— Ihsan (@Thawra_city)require(["twitter/widgets"]);« SOIF DE DESTRUCTION » « C'est un jour triste pour les archéologues », a réagi pour sa part Cheikhmous Ali. « Ces pièces font partie de la mémoire de l'humanité. La soif de destruction des islamistes n'a pas de limite », regrette-t-il.Samir Abdulac en a « les larmes aux yeux ». Pour le secrétaire général d'Icomos (Conseil international des monuments et des sites, International Council on Monuments and Sites), une organisation non gouvernementale œuvrant à la conservation des monuments et des sites historiques dans le monde, « c'est un moment à classer dans les pires de l'histoire de l'archéologie ».« Les islamistes sont allés au bout de l'horreur en montrant l'égorgement d'un homme, puis de deux, puis de dix, en diffusant des images de personnes mises en cage, brûlées. Ils doivent désormais changer de registre pour atteindre les esprits et faire réagir l'opinion publique. »Axel Plathe partage ce point de vue :« C'est une mise en scène choquante de destructions, comme ils ont mis en scène des assassinats. Que les œuvres aient vraiment été détruites ou pas, reste la force de ces images qui nous choquent, nous manipulent, et nous renvoient à notre impuissance. »Alexandra Bogaert 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.The Beatles : « Rubber Soul », la fin de l’innocenceCette semaine : autour de l’album Rubber Soul (décembre 1965).« Drive My Car » (Lennon-McCartney), par Bobby McFerrinC’est par un rock enlevé et joyeux, doté d’un riff irrésistible, que s’ouvre l’album Rubber Soul. Cette création de Paul McCartney souffre à peine de ses paroles indigentes même si elles filent (discrètement) la métaphore sexuelle. Conscient de son potentiel entraînant et fédérateur, le bassiste a placé Drive My Car en ouverture des concerts de sa tournée de 1992-1993, et à nouveau en 2009. Le classique a inévitablement suscité bon nombre de reprises, immédiates ou tardives (jusqu’à Sylvie Vartan en 2007 !), généralement d’une fidélité scrupuleuse, donc d’un intérêt médiocre.Se distingue dans l’intention celle que propose en 1975 le groupe anglais Humble Pie – fondé par Steve Marriott (1947-1991) ancien chanteur des Small Faces – une métamorphose audacieuse en ballade country avec piano et pedal steel, à découvrir sur l’album Street Rats (1975) qui comprend deux autres reprises des Beatles, We Can Work It Out et Rain. Plus concluant est l’effort, la même année, de Black Heat, éphémère formation funk américaine signée par le prestigieux label Atlantic. Après avoir précédemment inscrit à son répertoire Blackbird et From Me To You, le New-Yorkais Bobby McFerrin emporte les suffrages avec cet étonnant Drive My Car a cappella, à mi-chemin du gospel et du doo-wop. On entend ici très clairement où la chanteuse parisienne Camille a puisé son inspiration. Cette relecture inventive de McFerrin, proposée en 1988 sur Simple Pleasures, sera néanmoins éclipsée par le tube phénoménal de l’album, Don’t Worry Be Happy. « Norwegian Wood (This Bird Has Flown) » (Lennon-McCartney), par CornershopUne mélodie irlandaise, des guitares en bois de Norvège et un sitar. Devenu l’élève du maître Ravi Shankar (1920-2012), George Harrison (1943-2001) se distingue en apportant les sonorités du grand luth indien aux oreilles du public rock, avant d’en enseigner les rudiments à son confrère Brian Jones (1942-1969) pour Paint It Black des Rolling Stones. Norwegian Wood est une des plus belles chansons de John Lennon (1940-1980), déjà las de la célébrité mais dans une éblouissante forme créative sur Rubber Soul. Attaque parfaite (« J’ai eu autrefois une fille, ou devrais-je dire, c’est elle qui m’a eu ») et chute pyromane (l’intérieur Ikea de la belle est incendié). La prime à la reprise va au groupe Cornershop (qui tire son nom de l’équivalent de l’épicerie arabe dans la communauté indo-pakistanaise en Grande-Bretagne) pour cette version avec sitar, chantée en pendjabi. Elle conclut en 1997 l’album When I Was Born For the 7th Time, qui révéla les frères Singh avec le tube Brimful of Asha. A noter que Norwegian Wood donnera encore son titre à un roman, publié en 1987 par l’écrivain japonais Haruki Murakami et comprenant des allusions à cette ballade. « You Won’t See Me » (Lennon-McCartney), par Anne MurrayAprès Yesterday, une (rare) chanson de désillusion amoureuse due à McCartney, personnage de nature plutôt optimiste. Mais au milieu des années 1960, il y a à l’évidence de l’eau dans le gaz avec Jane Asher, la fiancée de Paul, qui fait la grève du téléphone. You Won’t See Me a été sous-exposée par les Beatles, qui ne l’interprétèrent jamais en concert, puis par son auteur qui ne devait pas la rechanter en public avant 2005. Elle fit cependant le bonheur de la chanteuse canadienne de country-pop Anne Murray en 1974. Cette version destinée au marché « adulte » et disponible sur l’album Love Song entra dans le Top 10 américain des classements de single. Lennon aurait, en outre, affirmé à l’heureuse interprète qu’il s’agissait de sa reprise préférée d’une chanson des Beatles. « Nowhere Man » (Lennon-McCartney), par Gershon KingsleyDeuxième pièce magistrale de Lennon (alors nettement influencé par Bob Dylan) sur Rubber Soul, Nowhere Man prolonge la réflexion existentielle amorcée avec Help ! Avec sa descente chromatique conclue par une dissonance, ses harmonies vocales majestueuses, cette pépite tend des pièges dans lesquels tombe à pieds joints l’improbable association en 2008 des Smashing Pumpkins, artillerie lourde chicagoane, et du crooner néo-fifties Chris Isaak. Le sorcier allemand de l’électronique Gershon Kingsley les avait soigneusement évités en 1969 sur son premier album, Music To Moog By, œuvre à la gloire du monstrueux synthétiseur Moog. Les Beatles, pour une fois à la traîne, attendirent Abbey Road pour utiliser cette innovation, devancés par les Doors, les Rolling Stones, les Byrds et même Simon & Garfunkel.Le traitement qu’inflige Gershon Kingsley à Nowhere Man scandalisera les puristes, qui ne seront guère plus ravis d’apprendre que le laborantin s’est aussi attaqué à Paberback Writer sur Music To Moog By (mieux vaut taire aux fans du grand Ludwig que l’objet contient aussi une Lettre à Elise). C’est l’époque où le grand répertoire est avalé et recraché par les modulations du Moog, clavecin moderne popularisé en 1968 par le Switched-on-Bach de Walter Carlos – dont les transcriptions beethoveniennes seront utilisées en 1971 par Stanley Kubrick (1928-1999) pour Orange mécanique. Gershon Kingsley participe au mouvement mais il est aussi capable d’écrire pour Music To Moog By un énorme tube : Nowhere Man suit en effet Pop Corn, qui deviendra un hit planétaire en 1972 avec la reprise du groupe instrumental américain Hot Butter. « Think For Yourself » (Harrison), sous le titre « Les garcons sont fous », par François Fabrice Une chanson mineure d’Harrison, qui vaut surtout pour l’utilisation d’une pédale fuzz sur la basse de McCartney. Le jeunot des Beatles n’est pas encore au niveau des deux monstres, mais cela viendra. Les reprises de Think For Yourself sont donc rares. Heureusement, on peut toujours compter sur la valeureuse scène yé-yé hexagonale pour que la pèche soit fructueuse. Et l’ambassadeur François Fabrice est un sacré numéro. Pas seulement pour l’imagination de la transcription (Think For Yourself devient Les garçons sont fous) compensant un apport musical nul. Plutôt parce que l’interprète de cette reprise publiée en 45-tours en 1966 n’est pas voué à demeurer inconnu : il s’agit du futur célèbre animateur de RTL, un des rois de « La Valise » et des « Grosses Têtes ». Fabrice, quoi, la classe. « The Word » (Lennon-McCartney), par 13th Floor ElevatorsCollaboration entre Lennon et McCartney, The Word aurait été écrite par le tandem en partageant un joint, donc sous l’emprise de la marijuana, alors qu’ils s’interdisaient pourtant de mélanger travail et détente. Etonnamment dynamique vu les circonstances, la chanson tombe ensuite entre les mains de gobeurs d’acides, les Texans de 13th Floor Elevators (« les ascenseurs du treizième étage »), un groupe de garage rock mené par un aliéné obsédé par les vampires et les extraterrestres, le chanteur Roky Erickson. Furieuse et paniquée, cette version impeccable a été captée en concert à l’Avalon Ballroom de San Francisco, l’un des sanctuaires de la scène hippie de l’époque. Longtemps piratée, elle est apparue en 2002 sur le coffret The Psychedelic World of the 13th Floor Elevators puis sur la réédition augmentée du premier album, The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators, qui contient le classique You’re Gonna Miss Me. « Michelle » (Lennon-McCartney), par David & JonathanL’une des chansons des Beatles les plus célèbres au pays de Gérard Lenorman – qui livrera sa propre Michèle en 1976. Inspirée à McCartney par une virée à Saint-Germain-des-Prés, cette jolie ballade est connue aussi pour son français dans le texte (« … Sont des mots qui vont très bien ensemble… »), déclamé avec un charmant accent liverpuldien. Dans les années 1990, McCartney adjoindra en concert un accordéon pour accentuer le folklore, sans oser toutefois se munir d’un béret et d’une baguette, avant de l’interpréter à l’attention de la première dame Michelle Obama à la Maison blanche en 2010. Il n’est pas étonnant dans ce contexte que Michelle ait fait l’objet chez nous d’un nombre impressionnant de reprises par le gratin instrumental national : que ce soient Paul Meuriat, Franck Pourcel ou Richard Clayderman. Outre-Manche, le duo de Bristol David & Jonathan réalisa un beau travail vocal qui fut récompensé d’une 11e place dans les classements britanniques en 1966. Cette date induit que les deux hommes n’ont strictement rien à voir avec le tandem homonyme qui fit un malheur en France à la fin des années 1980 grâce à Est-ce que tu viens pour les vacances ? « What Goes On » (Lennon-McCartney-Starkey), par Sufjan StevensPauvre Ringo ! C’est généralement à lui qu’échoit vocalement la première chanson marquant une baisse de régime dans un album des Beatles (voir Act Naturally sur Help !). Country-rock paresseux qui date du temps des Quarrymen (le groupe de skiffle formé par Lennon, McCartney et Harrison avant les Beatles), What Goes On cosigné Lennon-McCartney et Starkey (le vrai nom de famille de Ringo Starr) atterrira miraculeusement en face B d’un 45-tours, au revers de Nowhere Man. Il n’a logiquement pas suscité d’envies de reprises. Mais, en 2005, le label new-yorkais Razor & Tie décide de célébrer les quarante ans de Rubber Soul avec un album, This Bird Has Flown, reprenant dans l’ordre l’intégralité des chansons. Il a donc bien fallu qu’un acteur du circuit indépendant se dévoue pour chanter What Goes On. Ce fut le multi-instrumentiste Sufjan Stevens. L’excentrique Américain a décidé de s’affranchir complètement de l’original pour n’en conserver que les paroles. Le résultat n’est pas plus excitant. « Girl » (Lennon-McCartney), sous le titre « Je l’aime », par Johnny Hallyday Encore une perle de Lennon, découvrant que les filles peuvent être ô combien cruelles. Roi de l’adaptation, le Jojo national s’en empare en 1966, après avoir fait un sort à I Saw Her Standing There (Quand je l’ai vue devant moi) et She’s a Woman (On a ses jours). Suivra Got To Get You Into My Life (Je veux te graver dans ma vie). La transcription libre de Girl en Je l’aime, signée Hugues Aufray et Vline Buggy, est placée en majesté d’un étonnant EP (super 45-tours) de Johnny Hallyday comprenant également le If You Gotta Go, Go Now de Bob Dylan (devenu Maintenant ou jamais). Les fans de Johnny affirment avec aplomb que cette version, dont nous présentons ici le playback en noir et blanc, pourrait être supérieure à l’original, ceux des Beatles refusent par principe toute discussion. Girl fut encore interprétée en italien (sous le titre Amo) par Dalida en 1967. Pauvre fille, on fait peu de cas de toi. « I’m Looking Through You » (Lennon-McCartney), par Steve EarleSympathique, à défaut d’être transcendante, tentative bluegrass par le desperado du country-rock Steve Earle. A retrouver sur l’album Train a Comin’, publié par le Texan en 1995. « In My Life » (Lennon-McCartney), par Judy CollinsIncontestablement, avec Michelle, la chanson la plus reprise de Rubber Soul, mais de façon plus durable et universelle – de la formation de R’n’B des années 1990 Boyz II Men à la chanteuse de jazz Diana Krall, de l’acteur écossais Sean Connery au chanteur de heavy metal Ozzy Osbourne… Son caractère introspectif et proustien, évocation par Lennon de son enfance à Liverpool, s’y prête. Avec son fameux pont au piano accéléré imitant un clavecin, dû au producteur George Martin, In My Life est l’une des plus belles réussites de Beatle John qui prouve, en outre, qu’il était un des plus grands vocalistes du monde rock (l’incroyable saut d’octave final). Bref, c’est un joyau de la Couronne, dont l’original des paroles a été acquis par le British Museum. Autant dire qu’il exige du tact.Dans ce registre, la version immédiate (dès 1966) de la folksinger américaine Judy Collins (la muse de Judy Blue Eyes Suite, de Crosby, Stills & Nash) est un modèle, chanson-titre d’un album connu pour une interprétation de Suzanne qui permit d’exposer l’art de Leonard Cohen à un large public. Le In My Life de Judy Collins a été préféré à ceux, tardifs, de Crosby, Stills & Nash en 1994 et de Johnny Cash (1932-2003) en 2002. Pour l’anecdote, il existe encore une tentative touchante, avec piano et chœurs envahissants, de Keith Moon (1946-1978) sur l’unique album solo du batteur des Who, Two Sides of the Moon (1975). Celui-ci fut réalisé avec la collaboration de Ringo Starr et comporte un inédit de Lennon, Move Over Ms L., gracieusement offert lors d’une soirée de beuverie à Los Angeles. « Wait » (Lennon-McCartney), par Bettye LaVetteCette chute de l’album Help ! paraît bien faiblarde en comparaison de ce qui a précédé. Elle a été pourtant récemment remise à l’honneur par la vibrante chanteuse de soul Bettye LaVette, signée par le prestigieux label Atlantic au début des années 1960 puis tombée dans l’oubli avant un come-back réussi au milieu des années 2000. Cette interprétation affranchie et ralentie a été enregistrée sur son dernier album en date, Worthy, paru en février. Bettye LaVette la présente ici lors de l’émission « The Late Show » de l’animateur David Letterman. Elle s’était déjà emparée d’une chanson de Rubber Soul en 2010 pour son recueil Interpretations : the British Rock Songbook. Il s’agissait de The Word, métamorphosé en funk suave.  « If I Needed Someone » (Harrison), par Roger McGuinnEn 1965, George Harrison n’est pas encore le compositeur accompli du double blanc ou d’Abbey Road. Pour preuve, ce If I Needed Someone, un pastiche avoué des Byrds, avec un thème à la guitare douze-cordes calqué sur The Bells of Rhymney des Californiens. Ce fut pourtant la première chanson d’Harrison à entrer dans les classements britanniques, mais via la version (exécrée par l’auteur) des Hollies, le groupe d’Allan Clarke et Graham Nash. Le plus étonnant est que If I Needed Someone finit par être interprété par son principal inspirateur, RogerMcGuinn, l’un des cinq membres fondateurs des Byrds (mais le seul stable), sur son album solo Limited Edition, en 2004. Un peu comme si Harrison avait repris du Electric Light Orchestra. « Run For Your Life » (Lennon-McCartney), par Nancy SinatraJohn Lennon affirmera plus tard avoir honte de cette chanson. Machiste, misogyne, Run For Your Life prend toutefois une saveur toute particulière avec la diction détachée et menaçante de Nancy Sinatra. Et la chanson trouve naturellement sa place en clôture de son album Boots (1966), produit par le pygmalion Lee Hazlewood (1929-2007). Le disque, qui contient également une version de Day Tripper, est, en effet, dominé par un tube magistral, These Boots Are Made For Walkin’ (écrit par Hazlewood), dans lequel la fille de Frank envisage sans ambages de piétiner son amant éconduit.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, « l’album de la maturité ».D’abord, ce savoureux jeu de mots : Rubber « Soul », et non « sole ». Ce ne sont pas les semelles, mais l’âme des ­Beatles qui est en caoutchouc à l’automne 1965. Emolliente et souple lorsqu’ils s’attellent, deux mois seulement après la sortie de Help !, à l’enregistrement de leur sixième album en studio.Les Beatles : les reprises de « Rubber Soul »Les Fab Four ne sont pas encore aussi célèbres que le Christ, mais suffisamment déjà pour que leur nom ne soit pas imprimé sur la pochette. Seuls apparaissent le titre de l’œuvre, un lettrage orange gonflé à l’hélium psychédélique, et ces visages certes familiers, mais changés, déformés et fatigués par une épuisante tournée américaine et la consommation de cannabis à laquelle Bob Dylan les a ­initiés. Les coupes au bol sont échevelées, l’enthousiasme innocent des débuts appartient au passé.Des histoires d’amour ambiguësSelon le cliché (toujours en vigueur dans la prose rock), Rubber Soul serait donc « l’album de la maturité », alors que McCartney n’a que 23 ans et Lennon deux de plus. C’est incontestablement un palier vertigineux qu’ils franchissent dans leur accomplissement artistique en même temps qu’un candidat sérieux au sommet de leur discographie. Stimulés par la fusion du rock et du folk opérée outre-­Atlantique par Dylan et ses disciples des Byrds, les quatre garçons font feu de tout bois avec quatorze chansons, toutes originales. Plus irrésistibles qu’hier, les harmonies vocales ne servent plus des bluettes, mais des histoires d’amour ambiguës qui finissent mal.Si McCartney s’illustre en ouverture par le tonique et sexuel Drive my Car, c’est Lennon qui impressionne le plus avec l’introspectif Nowhere Man, le cruel Girl, le nostalgique In my Life et le pyromane Norwegian Wood, qui permet à George Harrison, devenu l’élève de Ravi Shankar, d’introduire le sitar auprès du public rock. Dès sa sortie en décembre 1965, Rubber Soul élargit les consciences et, altruiste, tire la concurrence vers le haut, les Rolling Stones étant sommés de réagir avec Aftermath et les Beach Boys avec Pet Sounds.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.03.2015 à 16h01 • Mis à jour le05.03.2015 à 18h30 | Jean-Jacques Larrochelle Un frisson semble agiter la bordure sud-est de Paris Rive Gauche. Cosignées par les agences Hamonic et Masson et Comte et Vollenweider, deux hautes tours, revêtues de reflets mordorés, pointent depuis peu leur silhouette déhanchée au-dessus de l'inflexible rectitude de l'avenue de France dans le 13e arrondissement, axe majeur de la plus vaste opération d’aménagement de la capitale depuis les travaux du célèbre baron Haussmann durant la seconde moitié du XIXe siècle. Large de 40 mètres, longue de 1 750 mètres, mais prolongée au nord-ouest, côté gare d'Austerlitz, par l'avenue Pierre-Mendès-France, la nouvelle grande avenue, ouverte intégralement à la circulation depuis 2012, ne nous avait pas habitués à pareille fraîcheur.Les façades de cette longue faille urbaine parallèle au cours de la Seine, qui ouvre en son cœur sur la vaste esplanade de la Bibliothèque nationale de France (BNF), offre pour l'heure au piéton un alignement de façades glacées tiré au cordeau que ponctuent quelques mastodontes institutionnels : Réseau Ferré de France, Accenture, Banque Populaire Rives de Paris, Caisse nationale des caisses d'épargne, ministère chargé des sports… et des commerces du même gabarit. Peu d’originalité, donc, et autant de logements. Qu'un semblant de fantaisie vienne contrarier ce que les architectes Gaëlle Hamonic et Jean-Christophe Masson nomment la « rigidité formelle » de l'avenue de France était pour le moins bienvenu. « Superposer des maisons »Travaillé comme un bâtiment unique, le projet Home – c'est son nom – concilie un double univers d'habitation. Les deux tours, respectivement de 16 et 13 étages, qui constituent l'ensemble se partagent entre logements sociaux et en accession. D'un côté, une tour feuilletée dont le pourtour de chaque étage déploie des balcons filants aux dimensions variables, filtrés en partie par des écrans vitrés orangés ; de l'autre, une tour en gradins dont la torsion offre à chaque niveau une ouverture à la lumière et, accessoirement, limite avec bonheur le sentiment de vertige pour ceux des futurs résidents qui y sont sensibles. Ces particularités constructives servies par de généreux volumes habitables donnent, en outre, un réel caractère d'unicité à chacun des 188 logements du programme. Dans un même esprit, sur le site Villiot-Râpée, dans le 12e arrondissement, Hamonic et Masson avaient déjà voulu, disent-ils, « superposer des maisons ».La singularité de Home ne tient pas seulement à sa physionomie formelle. Plutôt que de dissocier l'accès à ces deux programmes de logements directement depuis la rue, avec le risque d'une distinction ségrégative, les architectes ont choisi d'implanter une double entrée commune, de part et d'autre de l'arrière du bâtiment, qui ensuite distribue séparément l'une et l'autre des cages d'ascenseurs. On déplorera seulement que les commerces qui seront implantés à terme au rez-de-chaussée soient, comme partout ailleurs dans le secteur Paris Rive Gauche, réservés aux seules grandes surfaces.Diversité socialeSitué place Farhat-Hached, une parcelle stratégique très ouverte sur le panorama urbain alentour, le projet Home est le premier immeuble d’habitation haut de 50 mètres construit à Paris depuis les années 1970. L'époque avait notamment vu naître le quartier des Olympiades tout proche, repérable grâce à ses longues barres et surtout à ses huit tours de 104 mètres et de 36 étages posées en surplomb d'anciennes emprises ferroviaires. N’en déplaise aux légitimes contempteurs des grands ensembles, la dalle, devenue le lieu de vie et d'activité d'une importante communauté d'origine asiatique, mais pas seulement, déploie une intense et plutôt heureuse diversité sociale. Le projet Home a pu voir le jour grâce à une décision du Conseil de Paris, en novembre 2011, permettant de réviser le règlement d’urbanisme pour le secteur Masséna-Bruneseau conçu par l’Atelier Lion Associés, à la jonction entre les limites de Paris et d'Ivry-sur-Seine. Ce « déplafonnement » (la hauteur maximale autorisée à Paris est généralement de 37 mètres) va permettre à la ville d’y construire non seulement des tours d’habitation de 50 mètres, mais aussi des immeubles de bureaux pouvant s'élever jusqu’à 180 mètres.Acceptation de la hauteur à ParisDans quelques mois, au même endroit, tout aussi haute que le projet Home, la tour M6B2, dite « tour de la biodiversité », réalisée par l'architecte Edouard François, va définitivement faire surgir de terre ses touffes végétales. En attendant qu’au printemps 2016, débutent les travaux de la tour Duo, signée par Jean Nouvel, dont le plus haut élément doit culminer à 180 mètres. L’enquête publique préalable à la délivrance de son permis de construire s’achève le 20 mars. Déjà, les opposants fourbissent leurs armes.Samedi 7 mars à l'école d'architecture Paris-Val de Seine, elle aussi voisine, l’association Monts14 organise une réunion publique concernant « ses impacts fâcheux sur le grand paysage ». Comme pour la tour Triangle dans le 15e arrondissement, l'acceptation de la hauteur à Paris risque d'encore connaître ses limites.La mairie de Paris invite les promoteurs de la tour Triangle à amender leur projetJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry La France ne peut pas appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de livres électroniques contrairement aux livres papier, ce qu’elle fait depuis trois ans, en appliquant un taux réduit à 5,5 %, identique au taux dont bénéficie le livre imprimé. Cette querelle envenime les relations entre la Commission européenne et la filière du livre en France, soutenue à l’unisson par les pouvoirs publics de gauche, comme de droite. La réponse ne faisait pourtant guère de doute.La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché. Elle a rendu un arrêt, jeudi 5 mars, suite à une saisine de la Commission européenne estimant que la France et le Luxembourg contreviennent bien à la réglementation européenne, en appliquant un taux de TVA réduit sur le livre numérique, respectivement de 5,5 % pour la France et de 3 % pour le Luxembourg, où Amazon a son siège social en Europe.Campagne viralePour la Commission, le livre numérique est en effet considéré comme un service, dès lors selon son raisonnement, il doit être assujetti au taux classique de 20 % et ne doit pas bénéficier d’un régime dérogatoire. Pour les autorités françaises, au contraire, le livre quel que soit son support doit être considéré comme un bien de première nécessité et elles plaident en faveur d’un alignement des taux entre livres papiers et digitaux.Dans un passé récent, la Commission européenne a obtenu gain de cause, contre l’Espagne qui avait baissé son taux de TVA sur les livres numériques à 4 % et qui a été obligé de le remonter à 21 % actuellement. La surprise serait en effet que la Cour accepte le point de vue de la France et estime qu’une TVA réduite puisse s’appliquer aux livres numériques diffusés par téléchargement ou en streaming.Anticipant un arrêt européen qui contraindrait la France à repasser à un taux normal de TVA de 20 % sur le livre numérique, le Syndicat national de l’édition (SNE) française a décidé de prendre les devants et de lancer une campagne virale sur les réseaux sociaux, intitulé unlivreestunlivre.eu. Sur le site du même nom qui fonctionne en français et en anglais, les internautes sont invités à distinguer ce qui est livre de ce qui n’est pas un livre, sur le mode de « Ceci n’est pas une pipe » de Magritte. Le SNE a aussi créé le hashtag #ThatIsNotABook.Il s’agit de montrer qu’un livre est une œuvre qui ne change pas, quel que soit son support, et que dans ces conditions, il apparaît absurde de le taxer différemment », explique Christine de Mazières, secrétaire générale de SNE. Mais pour obtenir un changement des règles européennes en matière fiscale, il faut un accord de tous les membres de l’Union européenne. Or pour l’instant le Royaume-Uni et le Danemark s’opposent à ce que le livre numérique soit retiré de la liste des biens et services et puisse à partir de là, bénéficier d’un taux de TVA réduit.Pour les éditeurs, le retour à un taux de TVA normal entraînera immanquablement un enchérissement du prix du livre numérique, puisqu’ils ont l’intention de répercuter en tout ou partie, de cette hausse sur la valeur faciale des livres numériques.Reste qu’en France, même si les ventes de livres numériques ont progressé de 45 % en valeur, atteignant 63,8 millions d’euros et de 60 % en volume, avec 8,3 millions de livres téléchargés, selon les données de l’institut GfK, le livre numérique ne pèse que faiblement dans le chiffre d’affaires des éditeurs. Il représente aujourd’hui 1,6 % du chiffre d’affaires total des éditeurs et 2,4 % des volumes. Sébastien Rouault, chargé du panel Livre à l’institut GfK considère que la décision de Bruxelles va poser « une équation économique difficile » et il ne prévoit, dans ces conditions, une progression du livre numérique que de 40 % en France en 2015.L’offre illimitée de livres illégale en France, les éditeurs divisés Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 04.03.2015 à 17h56 • Mis à jour le04.03.2015 à 19h01 | Claire Guillot Un communiqué dimanche 1er mars, un contre-communiqué lundi, et enfin un tweet embarrassé mardi, à 17 heures. Le World Press Photo s’enfonce toujours plus dans la tourmente et les débats internes depuis la mise en cause du prix remporté par l’Italien Giovanni Troilo, accusé d’avoir eu recours à la mise en scène pour son sujet sur Charleroi, intitulé « le cœur noir de l’Europe ».Based on new information, we are reopening investigation of 1st prize Contemporary Issues story. We will update as soon as possible.— WorldPressPhoto (@World Press Photo)require(["twitter/widgets"]);« En raison de nouvelles informations, annonce le tweet, nous relançons l’enquête sur le premier prix de la catégorie Problématiques contemporaines. Nous vous tiendrons au courant dès que possible. »L’information en question vient du photoreporter belge Bruno Stevens qui, aidé par d’autres photographes, a réussi à prouver qu’une photographie de la série a été réalisée à Bruxelles et non à Charleroi. Il s’agit de la photo montrant un homme nu, sur une table de dîner, entouré par des hommes habillés et des femmes nues debout. La légende indique : « A Charleroi, le Belge Vadim, un peintre qui utilise des modèles vivants, crée une œuvre inspirée d’une peinture. » En réalité, affirme Bruno Stevens joint par téléphone, « le peintre a son atelier à Bruxelles, et c’est là qu’a été faite la photographie ».« Une erreur dans la légende »Le photographe Giovanni Troilo, joint par téléphone, ne conteste d’ailleurs pas les faits : « J’ai fait une erreur dans la légende, reconnaît-il. Et j’en suis vraiment désolé. Mais ce n’était pas dans le but de tromper qui que ce soit, sinon je n’aurais pas laissé le nom du peintre. C’est quelqu’un de connu, et il était facile de trouver cette information. » Mais n’est-il pas gênant qu’un travail traitant de Charleroi inclue une photo prise à Bruxelles ? « Mon propos part de Charleroi, dit-il, mais c’est surtout un point de départ pour évoquer l’identité européenne dans son entier. Vous pouvez lire sur mon site l’ensemble du texte du projet. Molenbeek, où a été prise la photo du peintre, est un quartier vraiment au cœur de l’Europe, pas loin des institutions de l’UE. Et un endroit où il y a plein de problèmes. » Le photographe voit son travail comme « une invitation à s’interroger sur l’Europe, ses difficultés d’intégration, ses problèmes économiques. Et à son idéal d’une identité commune auquel je veux continuer à croire ».Finalement, le World Press Photo n’autorise pas la mise en scènePour répondre aux polémiques sur les accusations de mise en scène, la participation de sa famille au projet, les erreurs ou approximations de légendes, Giovanni Troilo indique que ses photos « sont basées sur la réalité, mais elles ne sont pas la chronique locale des informations locales, elles disent une atmosphère, elles suggèrent. Et beaucoup de gens de Charleroi se sont reconnus dedans ». Mais est-ce du journalisme ? Il botte en touche : « Je suis photographe. Ce n’est pas à moi de répondre à cette question. Le World Press a accepté mon travail. »« Il faut être cohérent et exclure ! »Le World Press, qui s’est réuni mardi soir, n’a pas rendu de décision après cette nouvelle révélation. Excédé par ces tergiversations, tard dans la nuit, le directeur du festival de photojournalisme Visa pour l’image, Jean-François Leroy, a décidé d’annuler la traditionnelle exposition des photos du World Press à Perpignan. « Ça fait dix jours qu’ils réfléchissent. Maintenant qu’il est clair que c’est du bidon, qu’il utilise un flash, qu’il fait poser son cousin, et qu’une des photos n’est même pas prise à Charleroi, il faut arrêter de discuter, il faut décider ! »Le directeur précise qu’il ne pouvait pas, selon le règlement du World Press, exposer les prix en supprimant juste les images de Giovanni Troilo. « Quand je pense qu’ils se font fort au World Press d’avoir exclu 20% des sujets cette année à cause de manipulations sur Photoshop…  Là, la photo est mise en scène, une légende parle de psychotropes et d’asile alors que la photo d’à côté montre une femme dans une maison de retraite… Il faut être cohérent et exclure ! » Jean-François Leroy espère que sa décision aidera le World Press à prendre la sienne, tout en précisant, avec son franc-parler habituel : « Quand ils auront foutu ce mec dehors, on pourra rediscuter, et on verra si je reconsidère ma décision. » Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux « Back Home ! » La rumeur courait depuis des mois : le London Symphony Orchestra (LSO) a confirmé, mardi 3 mars, la nomination du chef d’orchestre britannique Sir Simon Rattle au poste de directeur musical pour un mandat de cinq ans renouvelable. L’actuel chef de la prestigieuse Philharmonie de Berlin (depuis 2002) succédera au Russe Valery Gergiev dès septembre 2017, lequel poursuivra sa route vers Munich.A 60 ans (il est né le 19 janvier 1955 à Liverpool), Simon Rattle – considéré comme l’une des meilleures baguettes mondiales – n’a jamais rien fait comme tout le monde, se démarquant notamment de ces chefs qui dirigent aux quatre coins de la planète « sans jamais voir le soleil se coucher ». Lui a toujours été fidèle : dix-huit ans avec l’Orchestre symphonique de la ville de Birmingham (le CBSO), vingt ans avec l’Orchestre de l’Age des Lumières (Orchestra of The Age of Enlightenment) et seize saisons à la Philharmonie de Berlin, où il a succédé à Claudio Abbado en 2002.Si son esthétique de la clarté a été vivement critiquée par des détracteurs l’accusant de pervertir les couleurs traditionnellement amples et sombres du grand orchestre allemand, beaucoup ont loué l’éclectisme de son répertoire. Avec Rattle, les Berliner Philharmoniker se sont notamment ouverts à la musique baroque et davantage orientés vers la création contemporaine. Sir Simon n’a jamais ignoré en prenant les rênes d’un des meilleurs orchestres du monde qu’il allait « danser sur un volcan », périodiquement réveillé par le noyau dur des musiciens conservateurs qui lui préféraient la candidature de Daniel Barenboim. Mais les Berliner Philharmoniker ont prolongé son mandat jusqu’en 2018 et c’est lui qui a annoncé, en janvier 2013, qu’il avait décidé d’y mettre un terme.Une salle digne de ce nom à LondresAvec le London Symphony Orchestra, les rapports de Simon Rattle ont commencé en octobre 1977. Le jeune prodige de la baguette a 22 ans et la sauce ne prend pas, au point qu’il aurait déclaré ne plus vouloir jouer avec eux. Les choses n’en sont heureusement pas restées là, comme l’a prouvé le concert de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques en juillet 2012 (où Simon Rattle et le LSO ont interprété la musique des Chariots de feu) et, tout récemment, les deux concerts magistraux donnés au Barbican Centre de Londres, en janvier, où la phalange britannique tient ses quartiers.C’est à cette occasion que le chef anglais a lancé un pavé dans la mare. Est-ce l’effet Philharmonie de Paris ? – le chef britannique, qui venait régulièrement Salle Pleyel avec ses Berliner Philharmoniker et s’y est produit le 18 février, en aurait apprécié tout particulièrement l’acoustique. Sir Simon a pointé du doigt l’absence d’une salle de concerts digne de ce nom dans la capitale britannique, provoquant un raz-de-marée médiatique et de nombreuses prises de position, les uns lui opposant une infrastructure existante déjà très riche (dont le Royal Festival Hall, le Barbican Centre, le Royal Albert Hall…), d’autres, les coûts d’un tel projet.Mais l’appel a été entendu par le maire de Londres, Boris Johnson, et le chancelier George Osborne a déclaré, le 20 février, vouloir lancer une « étude de faisabilité » afin de « comprendre pleinement le potentiel pour construire ce centre et contribuer à consolider notre position de ville mondiale pour la culture. » On se souvient qu’en poste à Birmingham, non content d’avoir fait de l’Orchestre de la ville provinciale un des meilleurs phalanstères symphoniques du Royaume-Uni, Rattle avait aussi doté la ville en 1991 d’un magnifique Symphony Hall.Un « dernier poste »« J’ai dit à l’orchestre que ce serait mon dernier poste » : Sir Simon pourra aussi exercer à Londres sa passion pour la pédagogie, dont il a toujours fait la pierre angulaire de son travail de musicien, champion de la défense de la musique et de l’éducation musicale auprès des jeunes des milieux populaires. Pour lui, « ce qui se passe dans une école primaire est aussi important que ce qui se passe dans une salle de concert. » C’est ainsi qu’en 2003, à Berlin, il avait imaginé un Sacre du printemps entre jeunes Berlinois de l’Est et de l’Ouest, afin que prenne la greffe de la réunification.Les membres de l’Orchestre philharmonique de Berlin désigneront le successeur de Simon Rattle le 11 mai. Parmi les noms qui circulent : Christian Thielemann, Riccardo Chailly, Andris Nelsons, Alan Gilbert, Kirill Petrenko, Semyon Bychkov… et celui de l’actuel et jeune patron de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, le Vénézuélien Gustavo Dudamel, 34 ans, qui semble faire figure de favori.Le Venezuela, fabrique de chefs d’orchestreMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Pauline Croquet Le charme du mantra six seasons and a movie (« six saisons puis un film »), à de nombreuses reprises répété dans la série, a bien failli être rompu. Mais la saison 6 de « Community » est bel et bien là, diffusée à compter du mardi 17 mars sur la plate-forme de streaming Yahoo! Screen, après avoir été déprogrammée par la chaîne américaine NBC.Le studio Sony Pictures Television, qui produit la série, avait annoncé courant juin que Yahoo! avait acheté un volet de 13 épisodes de vingt minutes, dévoilés à raison d'un épisode par semaine. Peu avant, c'est une autre plate-forme américaine, Hulu, qui avait manifesté son intérêt.« Community » relate les aventures d'étudiants à l'école de la deuxième chance dans une université publique de seconde zone (community en anglais) : le Greendale College. Des destins croisés à l'heure de constituer un groupe de révision. Il y a l'avocat beau-gosse déchu, la mère au foyer-grenouille de bénitier, l'ancienne première de la classe, l'activiste feignante, le retraité plein aux as et disciple d'une secte, le quaterback blessé avant d'avoir pu briller et Abed, un fan de cinéma atteint du syndrome d'Asperger.« Cool cool cool »A la fois régressive et jusqu'au-boutiste, la série repose sur des histoires loufoques et de très solides références à la culture geek comme à la pop culture anglo-saxonne : avec par exemple cet épisode entièrement réalisé à la façon du dessin animé GI Joe (saison 5) ou d'épiques batailles de paintball, tournées dans la tradition du film d'action.A l'instar du « cool cool cool », tic de langage d'Abed, mais aussi du « pop pop » d'un autre élève, Magnitude, « Community » instille de puissants runnings gags et des répliques ritournelles. Peut être plus que la normale. Les fans de la série – ils sont nombreux – parlent d'un véritable « sauvetage » de la part de Yahoo! qui, en se payant « Community », désormais boudée par la télé, étoffe toutefois son offre de contenus exclusifs à destination de ses abonnés. La série a pourtant failli disparaître des écrans à plusieurs reprises. Une menace qui a d'ailleurs nourri le scénario, l'université où se déroule l'intrigue étant souvent à deux doigts de la fermeture. La toute première bande-annonce de la nouvelle saison adresse d'ailleurs un clin d'œil : « Vous avez essayé de nous détruire, mais vous n'avez fait que nous rendre encore plus géniaux. »ManifestationC'est sans nul doute la persévérance des fans, comme celle des acteurs de la série, qui aura fini de convaincre. La longue liste de tweets répertoriée sous le hashtag #savecommunity, pour ne citer que lui, donne un aperçu de la mobilisation et de l'engouement autour de la série.« Nous savons qu'il y aura une saison 6 sinon vous allez probablement débarquer avec des fourches et des torches », avait plaisanté Joel Mc Hale, qui interprète Jeff, l'un des personnages principaux, lors du dernier festival de Paley en Californie.Le 9 mai dernier, NBC avait en effet décidé d'annuler la série, à l'occasion des « upfronts », la présentation aux annonceurs publicitaires de la grille des programmes pour l'année suivante. Malgré sa grande communauté de fans, très mobilisée sur le Net, la série n'arrivait pas à toucher un public assez large. Le tout premier épisode, diffusé aux Etats-Unis en septembre 2009, avait réuni près de 8 millions de téléspectateurs. Le « repilote » – c'est son titre – de la 5e saison en a réuni 3,5 millions en janvier 2014. Diffusé à la même heure sur une chaîne concurrente, un épisode de « The Big Bang Theory », lui, peut réunir jusqu'à 20 millions de téléspectateurs.Fin 2011, alors que la série était déjà menacée d'annulation, les défenseurs de « Community » avaient montré qu'ils étaient capables de se mobiliser, par exemple en allant manifester devant le siège de NBC, au Rockfeller Center à New York.Le casting lui aussi a pris la défense de la série. Donald Glover, qui mène par ailleurs une carrière de rap sous le pseudonyme Childish Gambino, s'était fendu d'un tendre appel à l'aide sur MTV, qui n'était pas sans rappeler le caractère de son personnage, Troy.Une nouvelle saison avait donc été confirmée, mais déplacée au vendredi soir, le placard des tranches horaires outre-Atlantique. Et la saison 4 se fera sans Dan Harmon, le créateur de la série. Ce génie – mais aussi grande gueule – entretenait des relations toxiques avec l'acteur Chevy Chase, qui incarne Pierce, et les responsables de Sony.Le scénariste, un « bébé égoïste »En 2013, The Hollywood Reporter consacre un grand article à Harmon, confirmant la personnalité décalée du scénariste, mais aussi son caractère ingérable. Lui-même se qualifie de « bébé égoïste ». « Avec ces 13 épisodes supplémentaires, “Community” va atteindre la barre des 80 épisodes, aujourd'hui suffisante pour la syndication, cette rediffusion sur les chaînes locales qui assure la rentabilité d'un programme », expliquait à l'époque le journaliste Pierre Langlais.Là encore, la pugnacité des spectateurs, qui considèrent que l'âme du show s'est perdue dans la saison précédente, mais aussi celle de Joel McHale, l'acteur principal, permettent à Harmon de revenir travailler sur la saison 5. McHale avait déclaré à l'époque : « La série est dans le cerveau de Dan et il est de loin la seule personne qui puisse la faire. » Cette avant-dernière saison essuie toutefois un revers avec le départ de Donald Glover.Une série blesséeC'est donc partiellement remise de ses blessures que « Community » se relance ce mardi aux Etats-Unis. Après Donald Glover et Chevy Chase, Yvette Nicole Brown (Shirley) n'apparaîtra plus dans la série. Paget Brewster (ancien agent dans « Esprits criminels ») et Keith David, tenteront de combler le vide laissé. Parmi les personnages secondaires, le retour de l'humoriste John Oliver en professeur alcoolique est envisagé. Ken Jeong, par ailleurs révélé dans la saga des Very Bad Trip, figure également au casting.Que les fans se rassurent : la saison 6 aura son épisode paintball comme de coutume. Harmon entend rester fidèle aux piliers narratifs de la série mais aussi remuscler son show.Avec toutefois un très grand défi à relever : atteindre le pallier de la sixième saison… et un film. Pour ce qui est de la diffusion en France, difficile encore de dire si la chaîne Numéro 23, qui propose la série sur sa grille depuis 2012, s'offrira également cette dernière saison.Pauline CroquetJournaliste au Monde 17.03.2015 à 13h59 • Mis à jour le17.03.2015 à 17h04 « Non à la calomnie sur le compositeur Henri Dutilleux ! » : c'est la réponse portée par une pétition lancée lundi 16 mars, et qui avait reçu mardi plus de deux mille signatures, à la décision de la Ville de Paris de surseoir à la pose d'une plaque commémorative sur l'immeuble où vécut le compositeur français sur l'île Saint-Louis. Henri Dutilleux, mort en 2013, était à 97 ans l'un des compositeurs les plus joués au monde. La pose d'une plaque, demandée par le maire du 4e arrondissement, Christophe Girard, en décembre 2013, n'a pas abouti à ce jour, la Ville de Paris jugeant le moment « inopportun ».Lire : Le compositeur Henri Dutilleux est mortLes pétitionnaires écrivent notamment qu'« acclamé dans le monde entier, [Henri Dutilleux] est pourtant inhumé en 2013 dans un quasi-anonymat en France, en l'absence de tout représentant officiel, et maintenant se voit sali par des accusations malhonnêtes, témoignant d'une lecture de l'histoire bien peu objective ».Christophe Girard a expliqué s'appuyer sur un avis du comité d'histoire de la Ville de Paris en date de juillet 2014 – sollicité pour toute pose de plaque –, et qui a rendu un avis positif mais « tient à noter des faits de collaboration avec le régime de Vichy ». « Henri Dutilleux, alors qu'il était chef de chant de l'Opéra de Paris, a composé la musique du film de propagande Forces sur le stade (1942) », écrit le comité dans sa note. Toutefois, le comité souligne que « l'implication de Henri Dutilleux dans une politique active de collaboration n'est pas autrement documentée » et conclut par un avis positif, suggérant un texte pour la plaque envisagée : « Ici habita Henri Dutilleux, compositeur de musique contemporaine, Grand Prix de Rome en 1938. »« On mettra la plaque, mais le temps n'est pas opportun »Henri Dutilleux est grand-croix de la Légion d'honneur, soit la plus haute distinction en France. Il a adhéré dès 1942 au Front national des musiciens, un organe de résistance auquel participèrent également des noms prestigieux tels que Francis Poulenc, Georges Auric, Manuel Rosenthal, et qui a soutenu des compositeurs persécutés par les nazis. Il a composé clandestinement en 1944 une œuvre, La Geôle, sur un sonnet du poète résistant Jean Cassou.La décision de surseoir à la pose s'explique, selon Christophe Girard, par le contexte « marqué par les attentats de janvier et la commémoration de l'anniversaire de la libération des camps de concentration d'Auschwitz et Birkenau ». « J'avais souhaité qu'on apaise tout et qu'on laisse passer un peu le temps dans l'émotion actuelle, et puis voilà que les réseaux sociaux se sont enflammés en disant que je ne respectais pas la mémoire d'Henri Dutilleux », proteste-t-il.« On mettra la plaque, mais le temps n'est pas opportun. [...] Dans le contexte actuel, entre les manifestations, le plan Vigipirate, le mémorial de la Shoah qui est sous surveillance dans l'arrondissement, il n'est pas question d'avoir des manifestations devant la rue d'Henri Dutilleux contre la pose d'une plaque, ce serait d'une violence inouïe, donc Anne Hidalgo et son cabinet m'ont réitéré que ça n'était pas opportun pour le moment lorsque j'ai posé la question », se défend-il. Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.03.2015 à 13h32 • Mis à jour le16.03.2015 à 14h45 Duo JatekokDanses Danses polovtsiennes, de Borodine. Rhapsodie espagnole, de Ravel. Valses-Caprices op. 37 et Danses norvégiennes op. 35, de Grieg. Souvenirs op. 28, de Barber Adelaïde Panaget et Naïri Badal (piano à quatre mains) Elles sont comme des gamines en goguette sur la pochette de ce premier disque, l’une en courte robe noire en lurex (Adelaïde Panaget), l’autre en pantalon rose shocking (Naïri Badal). Les deux filles du duo Jatekok (« jeu », en hongrois), créé en 2007, ont tout pour elles : rigueur dynamique et verve expressive, clavier prolixe et toucher polyglotte, et plus que tout, une manière d’osmose jubilatoire – deux âmes musiciennes et sororales. Que ce soit la fougue sensuelle de Borodine, les élégants vertiges ibériques de Ravel, la poésie sombre et populaire des légendes de Grieg ou l’humour nostalgique de Barber, leur duo charismatique emporte l’adhésion. Longue vie aux demoiselles Jatekok ! Marie-Aude Roux1 CD Mirare.Romain LeleuConcertos pour trompette Concertino, de Georges Delerue. Concerto, de Karol Beffa. Concertino, d’André Jolivet. Le Chant de l’âme, de Jean-Baptiste Robin. Trame XII, de Martin Matalon Romain Leleu (trompette), Orchestre d’Auvergne, Roberto Forès Veses (direction) A l’exception de celui de Georges Delerue, que l’on a l’impression d’avoir entendu un millier de fois sous d’autres signatures à tendance néoclassique, les concertos réunis ici sont plus expressifs que démonstratifs. Même celui destiné par André Jolivet au concours du Conservatoire en déployant un large éventail de situations concertantes. Si Romain Leleu, gloire montante de la trompette, manifeste une grande aisance technique, il séduit surtout par un son coulant comme du métal en fusion. Deux œuvres aux esthétiques éloignées, sinon contraires, en profitent tout particulièrement. Le Concerto de Karol Beffa, qui se répand avec habileté dans un jeu de circonvolutions resserrées jusqu’à l’oppression avant de revenir à la détente. Trame XII, de Martin Matalon, dont le parcours relève de l’enchaînement de loopings dans un ciel aux couleurs changeantes. Pierre Gervasoni1 CD Aparté.Dominique AEléor Après la profusion polychrome de Vers les lueurs (2012), qui valut à Dominique Ané un joli couronnement (50 000 exemplaires vendus, une Victoire de la musique), Eléor, son onzième album studio, marque un retour au dépouillement. Apprivoisées en douceur, guitare, basse et batterie, miroitent ici sur fonds de ciels et d’horizons, souvent marins. Voyages (Nouvelle Zélande, Canada, Groenland, Danemark, Espagne…) et éléments semblent lui inspirer une sérénité qui clarifie sa plume, plus directe et narrative, sans négliger un souffle romantique, parfois souligné d’arrangements de cordes (les frissonnants Cap Farvel et Au revoir mon amour). Autre trace, peut-être, de son humeur océane, le phrasé délié du Nantais tangue souvent comme entre deux roulis. Cela peut parfaitement coller au prenant Nouvelles Vagues, mais aussi témoigner d’un manque d’inspiration mélodique (Une autre vie, L’Océan, Celle qui ne me quittera jamais). D’autant que les violons d’Eléor n’ont pas la fantaisie harmonique de ceux de Vers les lueurs. Retrouvant une langue plus mystérieuse, la chanson-titre ne s’affirme pas moins comme l’un des sommets du répertoire du chanteur. Stéphane Davet1 CD Cinq 7/Wagram.Divers artistesBalkan Clarinet Summit Version phonographique d’un projet scénique monté à l’initiative du Goethe Institut d’Athènes, cet album réunit huit clarinettistes, originaires essentiellement des Balkans, hormis l’Italien Claudio Puntin et l’Allemand Steffen Schorn, codirecteurs musicaux de cette réunion confraternelle. Enregistrés en public, lors de concerts donnés en différentes villes des Balkans, les musiciens revitalisent des airs traditionnels, en les dopant de solos virtuoses, ou bien ils jouent leurs propres compositions. Une réjouissante confrontation de styles, d’humeurs et de sentiments de la clarinette balkanique. Mélancolique (Nostalgia et l’intro du soliste grec Stavros Pazarentsis), farfelue (l’improvisation, à la clarinette basse customisée, de Claudio Puntin sur Snake Lick Jab) ou affolée comme un colibri égaré en Serbie, le pays d’origine de Slobodan Trkulja, dont la vélocité éclairée stupéfie sur Pitagorino Oro. Patrick Labesse1 CD Piranha/Differ-Ant. Stéphane Lauer (New York, correspondant) Alors que le Museum of Modern Art (MoMA) de New York lui consacre jusqu’au 7 juin une rétrospective, Björk revient sur la genèse de son nouvel album, Vulnicura, dont le nom est tiré du latin vulnus, « blessure », et cura, « soin », chronique de rupture amoureuse d’avec l’artiste Matthew Barney. L’Islandaise nous reçoit à son agence américaine de relations publiques, Sacks & Co, dans un ancien entrepôt, en plein cœur de Chelsea. Elle prend avec une certaine sérénité le piratage de son album, qui l’a obligée à anticiper sa commercialisation, et explique comment elle a travaillé avec Klaus Biesenbach, le conservateur du MoMA, sur sa rétrospective.« Vulnicura » : Björk soigne ses blessures amoureuses« Vulnicura » est inspiré par votre rupture amoureuse. Jusqu’à présent, vous parliez très peu de votre vie privée. Pourquoi avoir choisi de lever le voile sur cette intimité ?J’ai commencé à travailler sur cet album quand j’ai fini la tournée de Biophilia. Je me suis enfermée et j’ai commencé à écrire des chansons, sans savoir à quoi cela allait me mener. Puis je me suis demandé comment les présenter musicalement, avec quels arrangements. Et ce n’est qu’à ce moment que je me suis dit : « OK, c’est ma propre histoire. » Pour moi, c’était comme dans les films en noir et blanc d’Ingmar Bergman, dans lesquels les personnages sont submergés de conversations psychologiques dans leur tête.La souffrance est-elle la meilleure source d’inspiration ?Non, je ne pense pas. La dernière fois que j’ai écrit sur le doute, c’était il y a une quinzaine d’années. Entre-temps, j’ai fait beaucoup d’albums, qui racontent le bonheur, la fête, l’humour, beaucoup d’autres choses positives. Je pense que c’est plutôt un bon rythme de ne parler de sa souffrance que tous les quinze ans.Quelle est la part de « cura », de guérison, dans cet album ? Est-ce que vous vous sentez plus forte aujourd’hui ?Toutes les chansons datent d’il y a deux ou trois ans. Beaucoup de gens vous disent que le temps permet de soigner les blessures. Sur le moment, on se dit : « Mon œil. » Mais en fait c’est vrai, ça marche. Je vais beaucoup mieux aujourd’hui.Votre album a été piraté en janvier, ce qui vous a obligé à anticiper sa sortie. Quelle a été votre réaction ?C’était difficile d’attendre deux ou trois mois : la seule chose que nous avions à faire, c’était de sortir l’album. D’une certaine façon, j’ai eu de la chance, parce que l’album était déjà mastérisé quand la fuite a eu lieu.Mais, désormais, avec Internet, nous devons être capables de nous adapter. Nous avons eu quinze ans pour nous y préparer. Pourtant, il y a encore parfois dans l’industrie du disque beaucoup de bureaucratie et des infrastructures préhistoriques. J’aimerais que le système soit plus réactif. Quand un musicien a terminé son album, il a juste envie de le partager et les gens veulent juste l’écouter.Piratée, Björk sort son album en toute hâteLa rétrospective que vous consacre actuellement le MoMA a été un projet de longue haleine. Il paraît que le conservateur du musée, Klaus Biesenbach, vous avait contactée dès 2000 à propos de cette idée.Je ne me souviens pas que cela remonte si loin. C’était peut-être une plaisanterie de sa part. Il a commencé à m’en parler concrètement il y a environ cinq ans. Puis, deux ans plus tard, j’ai évoqué le sujet avec mon ami Antony Hegarty, qui m’a encouragée. Le problème est que les musées ne s’intéressent pas beaucoup au son et, quand ils le font, c’est avec des enceintes de mauvaise qualité.A l’inverse, je vais dans des festivals où il y a des enceintes incroyables, les meilleures du monde, hautes comme des gratte-ciel et, en même temps, il y a des images en arrière-plan avec des définitions très imprécises. Le visuel passe au second plan, pour laisser la musique au premier plan. Mais très vite les choses ont été claires avec Klaus Biesenbach : si l’on se lançait dans ce projet, il fallait avant tout privilégier le son. La question était de savoir comment accrocher la musique aux murs.La rétrospective Björk au MoMA, un univers d’images et de sonsVous avez sorti votre premier album à 12 ans. Vous en avez aujourd’hui 49. Combien de Björk se sont succédé au cours de votre carrière ? Ou bien avez-vous le sentiment d’avoir toujours été la même ?[Sourire.] Je crois que les deux hypothèses sont exactes. Pour chacun de nous, plusieurs existences se succèdent comme enfant, comme amante ou comme mère. Et de nouveaux rôles m’attendent lorsque je serai vieille. Mais ce n’est pas parce que l’on change qu’on ment. Les personnages que je joue dans mon travail sont plus des outils pour incarner ces différentes phases du cours de la vie, mais il ne faut pas les prendre au pied de la lettre, il y a une continuité.  Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 14.03.2015 à 20h15 • Mis à jour le14.03.2015 à 21h12 Une planche originale de l'album d'Astérix Les Lauriers de César a été vendue 150 000 euros samedi 14 mars au profit des familles des victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo. Le dessinateur Albert Uderzo doit dédicacer spécialement cette planche extraite du 18e album des Aventures d'Astérix le Gaulois, édité en 1971, pour l'acquéreur. Christie's, la maison de vente, a promis de ne pas prélever de commission.Deux jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, le cocréateur d'Astérix avec René Goscinny avait repris son crayon et dédié un croquis de l'irréductible petit Gaulois aux morts de Charlie Hebdo. « Moi aussi je suis un Charlie », lançait le Gaulois au casque ailé en envoyant dans les airs, d'un coup de poing, non pas un soldat romain mais un personnage portant des babouches.« Charlie Hebdo et Astérix, ça n'a rien à voir évidemment. Je ne vais pas changer ma casaque d'épaule. Je veux simplement marquer mon amitié pour ces dessinateurs qui ont payé (leurs idées) de leur vie », avait-il ajouté.Des ventes recordsDurant la vente de samedi, entièrement consacrée à la bande dessinée, certaines planches originales ont trouvé preneur pour des montants inédits. Un « record mondial » a été établi pour une planche originale de La Marque jaune de la série Blake et Mortimer, du belge Edgar P. Jacobs (1904-1987), vendue 205 500 euros, selon Christie's. Un autre record a été atteint pour une planche de la La Foire aux immortels du dessinateur et scénariste Enki Bilal adjugée à 115.500 euros.Enfin une gouache réalisée par Jean Giraud pour la couverture de l'album Le Cheval de fer de la série Blueberry, a trouvé preneur à 109 500 euros, là aussi un record. Christies a réalisé un chiffre de ventes global de plus de 5 millions d'euros au cours de cette cession. 13.03.2015 à 18h38 • Mis à jour le13.03.2015 à 21h08 | Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet Grâce à de jeunes dessinateurs au style singulier, la bande-dessinée espagnole connaît un renouveau. Des romans graphiques à la fibre sociale, qui s'exportent avec succès. Connaissez-vous Nadar ? Non pas le célèbre photographe français de la fin du XIXe siècle, mais un auteur de bande dessinée espagnol ayant choisi le même pseudonyme. Il y a peu de chances, et pour cause : ce dessinateur, né en 1985, vient tout juste de publier son premier album, Papier froissé (Futuropolis). S'il vous reste 30 euros en poche ce mois-ci, n'hésitez pas à investir dans ce récit de 390 pages qui témoigne d'une étonnante maturité sur le plan de la narration.L'histoire met en scène, à distance, deux personnages que rien ne rapproche : Javi, un adolescent qui joue du coup de poing devant son lycée pour gagner de l'argent de poche ; Jorge, un homme seul et mélancolique venu travailler dans une menuiserie. Avant de finir par se croiser, leurs destins respectifs vont se confronter à la réalité d'une société espagnole secouée par la crise économique et l'évolution des mœurs. Déstructuration des familles, délinquance, violence conjugale, harcèlement à l'école, isolement... Les thématiques sociales ne manquent pas dans ce roman graphique, dont la force est de brosser, à travers le portrait de deux individus, celui d'un pays en plein questionnement.Un goût prononcé pour les sujets contemporainsPapier froissé n'est pas un ovni dans le paysage actuel de l'historieta, nom donné à la bande dessinée de la péninsule. Plusieurs autres romans graphiques s'inscrivant dans le réel ont marqué l'actualité des sorties étrangères. Ainsi Moi, assassin (Denoël Graphic), d'Antonio Altarriba et Keko, les « aventures » d'un tueur en série contées de son propre point de vue.Ou encore Voir des baleines (Rackham), de Javier de Isusi, le récit (authentique) de la relation qu'ont entretenue en prison un militant de l'ETA et un membre des commandos paramilitaires qui traquaient les indépendantistes basques. Plus tôt en 2014, Paco Roca avait, lui, raconté dans La Nueve (Delcourt) comment des républicains espagnols avaient participé à la Libération de Paris en 1944. Cette inclination pour des sujets contemporains n'est pas le fruit du hasard. Elle s'inscrit dans le cadre d'un marché de la bande dessinée modeste, où dominent deux maisons d'édition de taille moyenne, Norma Editorial et Astiberri Ediciones. « Le fait qu'il n'y ait pas d'industrie de la BD comme il peut en exister en France offre paradoxalement plus de liberté aux auteurs. Personne ne viendra en effet leur demander des histoires commerciales. Ils font donc ce qu'ils veulent », explique Javier de Isusi, le créateur de Voir des baleines, une très jolie réflexion sur le thème de la réconciliation dans un pays déchiré.Des séries à succès de pur « divertissement » ont pourtant existé dans le passé, comme Mortadel et Filemon, de Francisco Ibañez, ou Torpedo, d'Enrique Sanchez Abuli et Jordi Bernet. Mais c'était avant que la bande dessinée ibérique manque de disparaître, au milieu des années 1990, avec l'extinction des revues spécialisées.Le roman graphique — terme désignant des récits longs et relativement sérieux — a alors pris la relève. « Nous vivons dans un pays où l'histoire récente conserve de nombreuses zones d'ombre, qu'il s'agisse des périodes de la guerre civile, du franquisme ou de la transition démocratique. Les institutions actuelles n'ayant pas une réflexion historique suffisante, les artistes sont tout désignés pour la mener, qu'ils soient romanciers, cinéastes ou auteurs de BD », estime le scénariste et universitaire Antonio Altarriba, coauteur de Moi, assassin (Grand Prix de la critique 2014 en France).Une reprise de Corto MalteseBien avant qu'apparaisse le terme même de roman graphique, un pionnier avait montré la voie de manière remarquable : Carlos Gimenez (né en 1941). Publié quelques mois après la mort de Franco, son récit-culte, Paracuellos, dans lequel il décrit son enfance dans un orphelinat sous la dictature, a fait pleurer des centaines de milliers de lecteurs en Espagne et en France (où il fut publié dans les pages de Fluide glacial).Maître de l'autobiographie, Gimenez est le père d'une œuvre pétrie d'humanité qui a marqué les générations d'auteurs qui ont suivi. L'un de ses autres grands succès, Les Professionnels, décrit de l'intérieur un studio de bande dessinée, dans le Barcelone des années 1960, spécialisé dans les séries à bas coût et les copies de comics américains. Tous les dessinateurs qui y travaillent rêvent de développer leur propre style, et d'en vivre... Tel est finalement le cas, cinquante ans plus tard, d'un tout petit nombre d'auteurs. « Moins d'une dizaine », évalue Javier de Isusi. Mais les temps changent. « Le discours sur la bande dessinée espagnole évolue dans les médias, indique de son côté Nadar, le créateur de Papier froissé. Emergent aussi de nouveaux éditeurs, qui donnent leur chance à de jeunes auteurs nationaux sans exiger de ceux-ci qu'ils aient été publiés auparavant dans d'autres pays. Les librairies et les bibliothèques, enfin, accordent de plus en plus de place à la bande dessinée. »Il n'empêche : le nombre d'auteurs espagnols « à succès » travaillant prioritairement pour des maisons d'édition américaines ou françaises reste encore important. Miguelanxo Prado (Trait de craie, Ardalen), Ruben Pellejero (Les Aventures de Dieter Lumpen, Le Silence de Malka), Javier Martin (Les Chroniques de Légion), sans oublier Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido, les créateurs de la série policière « Blacksad », ont ainsi fait l'essentiel de leur carrière en France.Deux d'entre eux — Diaz Canales et Pellejero — se sont même vu confier récemment, par Casterman, la reprise d'un personnage star du neuvième art : Corto Maltese. Prévu pour octobre, vingt-cinq ans après la mort d'Hugo Pratt, leur album se déroulera dans le Grand Nord canadien. Loin, très loin de l'Espagne d'aujourd'hui et de ses questions sociales.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Chanteur, guitariste, graphiste, auteur-compositeur et âme du groupe Gong qu’il avait fondé en 1970, Daevid Allen avait annoncé, début février, qu’il ne souhaitait plus « subir d’interminables interventions », qui ne pourraient de toute manière pas enrayer le cancer qui avait envahi son corps. Parti un peu plus tôt qu’il ne l’avait souhaité – « je devrais mourir dans ma quatre-vingt-quatrième année, comme je l’ai choisi selon l’enseignement de la Tibetan Mystery School… mais cela ne fonctionne pas toujours », nous confiait-il souriant, le regard pétillant, lors d’une rencontre en novembre 2009 –, Daevid Allen est mort vendredi 13 mars, à son domicile de Byron Bay, en Australie, l’âge de 77 ans. L’annonce, au nom de sa famille, a été faite par l’un de ses enfants, Orlando Monday.Daevid Allen rejoint ainsi la planète Gong, Zero le héros, dont il pourrait être le double, les théières volantes, les lutins à têtes de pots, Selene, les Octave Doctors, la Magick Mother et autres personnages d’un univers mystico-fantaisiste construit au gré des envies et de l’imagination de son « inventeur ». Le tout trouvant une traduction musicale dans un mélange inventif de rock psychédélique, d’improvisations jazz, de motifs répétitifs planants, de folk, de musiques orientales et de télescopages funk et punk, selon les moments.Vidéoclip de la chanson « How To Stay », conçu à partir de dessins de Daevid Allen. Extrait de l’album « 2032 » de Gong. Né à Melbourne (Australie), le 13 janvier 1938, dans une famille de commerçants, Daevid Allen a fait des études d’arts graphiques. Ses dessins et peintures, en rondeurs et volutes, viendront souvent illustrer les pochettes de ses nombreux disques – plus d’une soixantaine avec Gong, d’autres groupes, ses enregistrements en solo… Au début des années 1960, Daevid Allen s’installe en Europe. Entre l’Angleterre, l’île de Majorque (Espagne) et la France, il rencontre des écrivains, dont Allen Ginsberg (1926-1997) et William Burroughs (1914-1997), des musiciens, dont Terry Riley, le batteur Robert Wyatt et le bassiste et guitariste Kevin Ayers (1944-2013).« Camembert électrique »Avec ces deux derniers et le claviériste Mike Ratledge, il fonde Soft Machine au milieu de l’année 1966. Le groupe devient l’un des plus prisés de la scène underground britannique, avec Pink Floyd, en train de naître. De cette première incarnation de Soft Machine, il reste un 45-tours et un premier album de compositions pas toutes abouties, publiés des années après. A la suite d’une tournée en France à l’été 1967, les papiers d’Allen n’étant pas en règle, il est interdit de séjour au Royaume-Uni pour trois ans.« Je crois beaucoup au fait que ce qui doit arriver arrive. Au sein de Soft Machine, cela devenait tendu. Cette interdiction tombait bien finalement. » A Deia, à Majorque et Paris, Daevid Allen commence une carrière solo. Il rencontre de futurs piliers de Gong, la chanteuse Gilli Smyth, qui sera longtemps sa compagne, le saxophoniste Didier Malherbe. Pour le label de free-jazz BYG Records, fondé en 1967 par Jean Georgakarakos, Jean-Luc Young et Fernand Boruso, il enregistre Magyck Brother (mars 1970), qui annonce Gong, Banamoon (avril 1971, avec notamment Wyatt) et Camembert électrique (octobre 1971), où débutent les grandes lignes de l’univers et de la mythologie Gong. Avec le bassiste Christian Trisch et le batteur Pip Pyle (1950-2006), c’est un album plus rock et psychédélique.Gong vit alors en fonctionnement communautaire dans une grande maison de la région parisienne. Le groupe se met à tourner beaucoup, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie. Entre 1972 et 1975 et avec trois albums pour Virgin Records (Flying Teapot, mai 1973, Angel’s Egg, décembre 1973, et You, octobre 1974), le groupe évolue vers sa formation la plus célèbre. Allen, Smyth, Malherbe, le guitariste Steve Hillage, le claviériste Tim Blake, le bassiste Mike Howlett et le batteur Pierre Moerlen (1952-2005). La claviériste Miquette Giraudy et la percussionniste Mirelle Bauer seront aussi à l’occasion de la partie. Sur scène, les musiciens, en tenues colorées et chapeaux pointus de magiciens, ont l’un des dispositifs lumière (light show) les plus sophistiqués du circuit. Certains soirs, les concerts peuvent dépasser les trois heures. Allen, qui ne s’est jamais considéré comme un guitariste virtuose, tire de son instrument de longs sons étirés, par le frottement de poignées de porte ou de matériel chirurgical sur les cordes. D’où l’un de ses surnoms, Glissando.Gong en 1973, qui interprète « I Never Glid Before », extrait de l’album « Angel’s Egg ». Au chant : Daevid Allen. En avril 1975, il quitte le groupe. « Gong était et est toujours selon moi une histoire collective. A un moment, j’en ai eu assez et le groupe a continué d’exister. » Hillage en prend un temps la direction, puis Pierre Moerlen, qui en présentera une version plus orientée jazz-rock de 1976 au milieu des années 1980, sous le nom de Pierre Moerlen’s Gong. Allen repart alors aux Baléares. Il joue et enregistre avec le groupe Euterpe Good Morning (Charly, 1976) et Now Is The Happiest Time of Your Life (Charly, 1977), plus rêveurs et acoustiques, menés par la voix caressante d’Allen. Pendant ce temps, l’Angleterre est devenue punk. Allen, qui s’intéresse à tout ce qui peut nourrir son parcours artistique, monte l’éphémère Planet Gong avec le groupe Here & Now, tentative de faire du punk planant.Tibetan Mystery SchoolDe là, c’est à New York qu’il va trouver de nouvelles inspirations. Il rencontre le bassiste et producteur Bill Laswell et le batteur Fred Maher pour former New York Gong (un disque en 1979, About Time, guère planant). Allen commence aussi à travailler seul, avec des rythmiques préenregistrées et part sur les routes des Etats-Unis, trouvant des engagements parfois au jour le jour. En 1981, il rentre en Australie, pour une « retraite » de plusieurs années. « J’ai étudié les enseignements de la Tibetan Mystery School. Je me suis éloigné de la musique, je jouais parfois en solo, ou selon les rencontres. Pour compléter, je faisais de petits boulots à côté. » Dans les années 1990, Allen sortira plusieurs albums, enregistrés avec les moyens du bord, témoignages de cette période.A la fin des années 1980, le mouvement des rave parties a pour bande-son autant les boucles rythmiques de la techno que les envolées planantes. Tout comme Steve Hillage qui crée alors System 7, Allen y est considéré comme en adéquation musicale et « philosophique ». Allen remet alors Gong en route tout en continuant de collaborer avec une multitude de groupes (Invisible Opera Company of Oz, Brainville, Acid Mother Temple, Altered Walter Funk…) et de se frotter à de nombreux styles.Gong, en 2000, avec, outre Daevid Allen et Gilli Smyth, le bassiste Mike Howlett et le saxophoniste Didier Malherbe (en gilet noir), interprète « Master Builder », extrait de l’album « You ».En 1992, paraît Shapeshifter avec Malherbe et Pyle. A partir du milieu des années 1990, Smyth et Howlett sont aussi de retour, Pierre Moerlen participera à une partie des tournées. En 2000, paraît l’album Zero to Infinity, qui emmène ses personnages encore plus loin que la planète Gong. Zero est devenu Zeroid. Ce que cherche avec lui Allen, c’est une vibration céleste. En 2009, la résonance entre la terre et l’invisible planète est annoncée dans l’album 2032, auquel participe Hillage et Giraudy. Dernière étape, I See You paraît en novembre 2014, dont seuls Allen et Smyth constituent le lien avec l’âge d’or du groupe. « Mais Gong, c’est au-delà de moi. C’est hors des modes, hors du temps. Un état d’esprit, une énergie dont je ne suis que l’un des inspirateurs. »Dates13 janvier 1938 Naissance à Melbourne (Australie)1966 Co-fondateur du groupe Soft Machine1970 Fonde le groupe Gong.1973-1974 Succès avec la trilogie phonographique: « Flying Teapot », « Angel’s Egg » et « You ».1975 Quitte la formation la plus réputée de Gong.1976-1981 Monte plusieure groupes à Majorque (Espagne), Londres et New YorkFin des années 1980 Après une période de semi retraite en Australie, réactive Gong sous sa direction2009 Album « 2032 » de Gong13 mars 2015 Mort à Byron Bay (Australie) des suites d’un cancerSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 21.03.2015 à 03h48 • Mis à jour le21.03.2015 à 11h58 La somme a de quoi donner le tournis. L'ex-magnat du rap Marion « Suge » Knight a de nouveau été hospitalisé, vendredi 20 mars, après s'être écroulé sur sa chaise dans un tribunal de Los Angeles, où un juge a fixé à 25 millions de dollars le montant de sa caution.Lire : Le producteur de rap Suge Knight arrêté pour homicideLe producteur de 49 ans comparait dans le cadre d'une affaire où il est poursuivi pour meurtre, tentative de meurtre et délit de fuite. « Il transpirait beaucoup et ses yeux battaient avant qu'il ne s'affaisse vers le sol, se cogne la tête sur une table puis perde conscience », a expliqué son avocat à l'issue de l'audience.Marion 'Suge' Knight collapses in court after judge sets bail at million. http://t.co/pb74mjQz52 http://t.co/EiK7Qj3Ci4— CNN Breaking News (@cnnbrk)require(["twitter/widgets"]);Le juge a estimé que la somme de 25 millions de dollars était « raisonnable », précisant que Knight pourrait être condamné à plusieurs peines de prison à perpétuité s'il était reconnu coupable.Déjà hospitalisé à deux reprisesLa procureure Cynthia Barnes, qui avait requis ce nouveau montant, initialement fixé à deux millions de dollars, a dit être effarée par son « considérable passé de violence, dans ce cas comme pendant les trente dernières années ». La somme initiale avait été révoquée début février à cause d'un risque de fuite et d'intimidation de témoins.L'avocat de Suge Knight a déclaré après l'audience que cette somme « absurde » était une « plaisanterie », ajoutant que son client était « probablement l'un des habitants les plus reconnaissables de Los Angeles » et qu'il ne présentait par conséquent aucun risque de fuite.Depuis son arrestation en janvier, Suge Knight a déjà été hospitalisé à deux reprises, les 3 et 19 février, et s'est plaint de problèmes médicaux. Lors de sa dernière comparution, il avait indiqué avoir perdu près de 16 kg ainsi que la vue d'un œil. Ce nouvel incident lui a en tout cas valu les railleries de nombreux internautes, rapporte le site Buzzfeed.Suge Knight avait cofondé avec Dr. Dre, au début des années 1990, le label de rap Death Row Records qui a lancé notamment Snoop Dogg et Tupac Shakur. Le label fit faillite en 1996 lorsque Knight fut emprisonné pour ne pas avoir respecté les conditions d'une remise en liberté anticipée. Une longue histoire avec la justiceSa réputation a été ternie par des rumeurs selon lesquelles il serait non seulement derrière le meurtre de Notorious B.I.G. – rappeur tué en 1997 et rival notoire de Shakur – mais aussi celui de Shakur lui-même en 1996 dans des conditions non élucidées. Depuis, il a eu de nombreux démêlés avec la justice, dont une incarcération de dix mois en 2003.Il a survécu à plusieurs fusillades notamment en 2005 et en août 2014 lorsqu'il a été touché par plusieurs balles lors d'une fête organisée par Chris Brown avant les MTV Awards. Il est désormais accusé d'avoir renversé deux hommes au volant de son pick-up fin janvier, tuant l'un d'entre eux, Terry Carter, 55 ans, et blessant l'autre, Cle Stone, 51 ans. Il a plaidé non coupable.Il est également accusé dans une autre affaire d'avoir volé l'automne dernier l'appareil photo d'une photographe de célébrités à Los Angeles. Il a plaidé non coupable mais risque dans cette affaire jusqu'à trente ans de prison en raison d'une précédente condamnation pour agression avec une arme. Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 17h52 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h11 | Emmanuelle Jardonnet Un chien-loup, une syndicaliste sud-américaine et un roi d’Espagne : les désaccords autour d’une sculpture assemblant sexuellement ces trois figures a eu la peau d’une exposition au Macba, le Musée d’art contemporain de Barcelone, avant même son ouverture.L’exposition, intitulée « La Bestia i el Sobira » (« la bête et le souverain », reprenant l’intitulé d’un séminaire de Jacques Derrida), devait rassembler les œuvres d’une trentaine d’artistes internationaux autour de la question de la souveraineté, dans ce qu’elle implique de rapports de force. Elle a été annulée dans la matinée du mercredi 18 mars, alors qu’elle devait ouvrir ses portes dans la soirée, à l’issue d’un blocage entre le directeur du musée et l’équipe des quatre commissaires d’exposition.Le responsable des lieux, Bartolomeu Mari, a, en effet, souhaité faire retirer de la présentation l’œuvre Not Dressed for Conquering / Haute couture 04 Transport, de l’artiste autrichienne Ines Doujak, qu’il a jugée « inadéquate et contraire à la ligne éditoriale du musée ». Les commissaires ont refusé ; le directeur a opté pour l’annulation.« Archétypes du pouvoir »L’œuvre en question évoque, par un assemblage outrancier, une combinaison de rapports de domination économiques et historiques. On y voit un chien-loup prendre par derrière la responsable syndicale féministe bolivienne Domitila Barrios de Chungara, coiffée d’un casque de mineur, elle-même chevauchant l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos en train de vomir un bouquet de bleuets, le tout sur un tas de casques de soldat rouillés, posés en équilibre instable sur un chariot de recyclage de cartons.Comme l’explique Valentin Roma, l’un des commissaires, dans El Pais, cette pièce s’insère dans une série d’œuvres d’Ines Doujak, associée à l’artiste britannique John Barker, intitulée « Loomshuttles / Warpaths » (« Métiers à tisser / Chemins de guerre »). « Doujak est une artiste reconnue, qui travaille sur les dynamiques du colonialisme, et le Macba l’a déjà exposée », détaille-t-il. Il rappelle que l’œuvre « fait partie d’un projet débuté en 2010, qui s’intéresse aux relations complexes et asymétriques entre l’Europe et l’Amérique latine », et « s’inscrit dans la grande tradition des relations entre art et pouvoir. Cela fait des siècles que l’art caricature les archétypes du pouvoir, et c’est ce que fait Doujak ».Cette œuvre avait déjà été présentée à la Biennale de Sao Paulo l’an dernier. « Ce projet aborde la relation entre les colonies et l’Europe à travers l’industrie du textile, précise, dans El Pais, Nuria Enguita, commissaire et éditrice indépendante qui faisait partie des organisateurs de la manifestation brésilienne. A partir d’une matrice historique, Doujak étudie et analyse les implications actuelles du colonialisme. »« Manque de démocratie »« Chacun sait que le Macba est sous le patronage de la reine Sophie », signale, dans le quotidien espagnol, Julia Montilla, une des artistes à l’affiche de l’exposition. Selon elle, « cela montre un manque de démocratie de la part de l’institution ». De son côté, le directeur rejette toute accusation d’avoir cédé à des pressions, affirmant avoir seulement dû prendre ses « responsabilités », et estimant « qu’il y a des messages qui ne doivent pas être transmis par un musée ».Ce qui étonne, c’est que la censure de l’œuvre se fasse à un stade si avancé, alors que l’exposition était déjà installée. Dans un communiqué publié le jour même, et rapporté par le blog Le Beau Vice, les commissaires affirment que « la direction du Macba était informée aussi bien du concept curatorial que du contenu concret des œuvres. Le directeur avait validé le projet, et aussi bien sa description que la liste des artistes étaient mises en ligne sur la page Internet du Macba depuis des semaines ».Toute l’équipe curatoriale y affirme qu’elle considère que « ce travail s’inscrit dans la tradition de parodie, des figures de carnaval et des caricatures iconoclastes », précisant que « l’œuvre n’était pas censée insulter une personne privée, mais reformuler de façon critique une représentation collective du pouvoir souverain ».Le malentendu ouvre une crise aiguë au Macba. Lancée sur Facebook, une manifestation de contestation de la censure s’est tenue devant le musée, à l’heure où l’exposition aurait dû commencer, attirant quelque 200 personnes. La Württembergischer Kunstverein (WKV) de Stuttgart , coproductrice de l’exposition, a apporté son soutien aux commissaires sur son site, et décidé d’accueillir l’exposition très prochainement.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Exercice difficile que celui auquel s’est livré le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, qui est allé répondre aux questions des salariés de l’entreprise réunis en assemblée générale, vendredi 20 mars.Le PDG de #RadioFrance seul face aux salariés en colère #grève pic.twitter.com/Hf93rTcfVd— LaGrue James (@Lagruejames) 20 Mars 2015Interrogé par une salariée sur la « faute morale » qu’aurait constituée la rénovation de son bureau pour un montant global de 105 000 euros, M. Gallet a répondu « comprendre cette colère », mais a ajouté que ces travaux avaient été votés avant son arrivée.Radio France : Mathieu Gallet fragilisé par le coût des travaux de son bureauSur les mesures d’économies envisagées pour résorber le déficit de l’entreprise, le PDG a expliqué poursuivre les négociations avec l’Etat pour fixer les objectifs et moyens de Radio France pour les cinq prochaines années."L'Etat ne va pas lâcher Radio France. Les négociations vont aboutir" #Gallet #RadioFrance— Jean Leymarie (@Jean_Leymarie) 20 Mars 2015M. Gallet a notamment expliqué que le départ de l’Orchestre national de France était une option."@delfsim: #Radiofrance #Gallet L'une des hypothèses est que l'Orchestre national de France "prenne son autonomie" Tollé."— Marion L'Hour (@MarionLHour) 20 Mars 2015« Je me bats avec l’Etat pour qu’il n’y ait pas de départs contraints », a également déclaré le PDG, en réponse aux inquiétudes sur un possible plan de départs qui pourrait concerner 300 à 400 personnes.M. Gallet a mis en avant le poids du chantier de rénovation de Radio France, dont le coût a explosé et qui pèse aujourd’hui lourdement sur le budget. Ainsi, sur les 21 millions d’euros de déficit programmés pour 2015, 15 millions relèveraient d’amortissements liés au chantier.L’interminable chantier de la Maison de la radioLes salariés ont aujourd’hui le sentiment de devoir payer un lourd tribut à ce chantier et estiment qu’on prépare des économies sur la production de contenus pour continuer à financer l’ouvrage.#Gallet:"Je suis toujours en négociation avec l'Etat pour pouvoir finir le chantier". Les salariés: "Mais arrêtez avec votre chantier!" #AG— Julie Gacon (@juliegacon) 20 Mars 2015À l’issue d’un échange qui aura duré une heure trente, le PDG a quitté la scène du Studio 104.Bon Ben M. #Gallet a posé son micro et est parti sous les huées. The end.— Margaux Duquesne (@MduqN) 20 Mars 2015« Les salariés ont eu des éléments de langage, mais aucun élément de réponse », a jugé l’intersyndicale (CGT, SNJ-CGT, SUD, UNSA, CFDT, FOSNRT) dans un communiqué, évoquant « une crise de confiance vis-à-vis du PDG ». « C’était un peu un dialogue de sourds », a estimé Lionel Thompson, journaliste et délégué CGT.Les salariés de Radio France ont voté, vendredi après-midi, la reconduction de leur mouvement de grève.Radio France : les dépenses de la direction auscultéesAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Delphine Roucaute Alors que s'ouvre le Salon du livre, vendredi 20 mars, les difficultés s'amassent pour les librairies parisiennes. En témoigne le rapport publié le 13 mars par l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) à la demande de la ville de Paris qui pointe une baisse de 9,9 % du nombre de librairies dans la capitale entre 2011 et 2014. Au mois de février, la mythique librairie La Hune, sise dans le quartier Saint-Germain-des-Prés, a annoncé qu'elle mettrait définitivement la clé sous la porte dans le courant de l'année. Un choc pour ce haut lieu de la littérature, des sciences humaines et des beaux-arts.Lire (en édition abonnés) : La librairie La Hune baisse définitivement pavillonLes librairies sont-elles réellement en danger dans la capitale ? Petit tour d'horizon de la situation.Combien de librairies à Paris ?La question peut sembler simple, mais les chiffres sont en fait difficiles à établir. Plusieurs organismes et institutions recensent les librairies qui fleurissent ou disparaissent dans la capitale, mais tous n'englobent pas exactement le même type de commerce sous le terme de « librairie », et les comptes diffèrent selon la méthodologie appliquée.Selon les données de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) publiées en mars 2015, Paris comptait 756 librairies en 2014 – un chiffre qui comprend aussi bien les librairies généralistes et spécialisées que les librairies-papeteries et/ou presse (LPP) et les vendeurs de livres d'occasion. Il s'agit d'un recensement visuel des librairies, en tant que commerces en pied d'immeuble. La méthode a le mérite de mettre en avant les commerces physiques, et donne donc un aperçu fidèle de la librairie en dehors de l'activité qui se développe avec force sur Internet. Elle comporte toutefois ses failles, certains commerces étant difficiles à identifier, et la subjectivité des enquêteurs pouvant entrer en jeu.(source : Banque de données sur le commerce de l'APUR, 2015)Sur cette carte, on remarque une nette prédominance des 5e et 6e arrondissements parisiens, qui accueillent respectivement 129 et 110 locaux de librairie. A cela, on peut également ajouter les commerces de livres anciens et d'autographes, qu'on peut notamment rencontrer en nombre rue de l'Odéon, dans le 6e arrondissement.Mais à titre de comparaison, le Motif, observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France, recensait (PDF) 554 librairies à Paris en 2011 (dont seulement 374 commerces ne vendant que des livres neufs, et excluant donc les commerces de papeterie, de presse et les grandes surfaces), soit 285 de moins que l'étude de l'APUR à la même période.Quelle évolution ?Selon l'APUR, qui a établi un décompte des librairies et LPP par arrondissement, 28 % de ces commerces ont disparu dans l'ensemble de Paris entre 2000 et 2014. Le quartier connaissant le plus gros différentiel est le 16e arrondissement, dont plus de la moitié des points de vente de livres ont disparu depuis le début du millénaire, passant de 37 à 18 librairies. Il est suivi de près par un autre quartier ouest de la rive droite, le 8e arrondissement (- 46 %), puis par des quartiers plus centraux, comme le 1er et le 6e arrondissement (- 42 % pour les deux). Les deux seuls arrondissements à avoir gagné des librairies sur la période sont le 13e et le 20e arrondissement, ce dernier passant de 17 à 24 commerces . #container_1426778056905 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426778056905 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426778056905 .subtitre{ display:block; }Le nombre de librairies à Paris entre 2000 et 2014Ces données comprennent les commerces de vente directe de livres neufs, ainsi que les librairies papetries et/ou presse. Il s'agit d'un recensement visuel.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426778056905", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "area", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Atelier parisien d'urbanisme (2015)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:1100, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["2000","2003","2005","2007","2011","2014"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "nombre de librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1051 ], [ "", 969 ], [ "", 965 ], [ "", 909 ], [ "", 839 ], [ "", 756 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Ces chiffres alarmants sont pourtant à nuancer. S'il est indéniable que depuis quelques années le secteur de la librairie-papeterie et/ou presse connaît plus de fermetures de locaux que d'ouvertures, c'est d'abord à cause de la baisse des ventes de journaux. Le nombre global de librairies a lui aussi tendance à baisser, mais à un rythme moins frénétique. Dans un décompte actualisé au 28 avril 2014, le Motif souligne que la disparition nette de librairies (c'est-à-dire le différentiel entre les créations et les cessations d'activités) s'élève à seulement 20 depuis 2011 – contre 81 selon les décomptes de l'APUR sur la même période, qui prennent eux en compte les LPP.Du Quartier latin vers les arrondissements périphériquesLa prédominance du Quartier latin (dans l'actuel 5e arrondissement et au nord et à l'est du 6e arrondissement) dans le commerce du livre remonte aux XVIe et XVIIe siècles. Historiquement regroupées autour de la Sorbonne, librairies et maisons d'édition se sont disséminées aux angles des rues reliant les différentes antennes universitaires. Aujourd'hui encore, c'est là que l'on retrouve le plus de marchands de livres, dont certains très spécialisés dans certaines thématiques, ou dans la revente d'occasion, avec des enseignes comme Boulinier par exemple.C'est aujourd'hui ce quartier qui souffre le plus de la situation difficile que traversent les libraires. Les raisons sont à aller chercher dans les coûts élevés et croissants des charges fixes, les frais de personnel et le coût des loyers qui ne fait qu'augmenter. Depuis 2008, la mairie de Paris a bien confié à la société d'économie mixte de la ville de Paris (Semaest) le soin de racheter des locaux du Quartier latin, de les rénover et de les louer exclusivement à des libraires indépendants. Mais en l'absence d'aide aux loyers proprement dite, la concurrence des banques et des magasins de vêtements reste difficile à contrer dans ce quartier très touristique.Le phénomène est particulièrement criant à Saint-Germain-des-Prés – surnommé à l'occasion « Saint-Germain-des-Livres » – et a été récemment médiatisé avec la fermeture de la mythique librairie La Hune. « Le quartier a changé depuis les années 60. C'est l'endroit qui compte le plus de librairies au monde, mais l'immobilier y est très cher », regrette Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, qui insiste pourtant pour ne pas généraliser le cas regrettable de La Hune à l'ensemble des librairies parisiennes. Pour lui, la librairie s'est déplacée, suivant le mouvement de décentralisation opéré par la classe moyenne, vers les arrondissements périphériques.>> Lire aussi la tribune du fils du fondateur de La Hune : Quand la marchandise usurpe, avec l’enseigne d’une célèbre librairie, l’œuvre de toute une vieSelon les chiffres de l'APUR, ce sont en effet les quartiers du nord-est parisien, où les loyers sont les moins élevés, qui semblent avoir le vent en poupe, le 20e arrondissement largement en tête. Une carte établie par l'APUR recensant les créations et disparitions de librairies et LPP entre 2011 et 2014 résume assez bien le phénomène : une forte concentration dans les quartiers centraux, et un nombre de créations de commerces bien plus élevé sur la rive droite. La délicate situation des librairies indépendantesSi les chiffres divergent, un constat demeure : celui des difficultés financières des librairies. Au-delà de l'épineuse question des loyers, qui malgré les aides de la Semaest finit bien souvent en négociations au cas par cas avec les propriétaires, reste la question des frais de personnel. Ces derniers « sont élevés, en proportion du chiffre d'affaires car la valeur ajoutée de la librairie repose en large partie sur la présence et la compétence de libraires, ce qui permet aux librairies indépendantes de se positionner sur la notion forte de conseil par opposition aux grandes surfaces ou librairies en ligne », explique en 2011 le Centre régional d'observation du commerce, de l'industrie et des services.Malgré tout, les libraires sont bien obligés de rogner sur ces dépenses. Selon des chiffres de l'Insee, près de la moitié des librairies d'Ile-de-France n'avaient pas de salariés en 2009. Un chiffre qui a empiré, puisque, selon les comptes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), on est passé de 639 librairies ayant au moins un salarié en Ile-de-France en 2008 à seulement 620 en 2013. #container_1426777895144 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426777895144 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426777895144 .subtitre{ display:block; }Répartition des librairies d'Ile-de-France selon leurs effectifs45 % des librairies franciliennes n'avaient pas de salariés en 2009, un chiffre qui a augmenté depuis(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426777895144", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Insee, Sirène (2009)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:null, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["0","1 à 2","3 à 5","6 à 9","10 à 19","20 à 49","50 à 99","100 à 199"], title:{ text:"Nombre de salariés" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 490 ], [ "", 303 ], [ "", 143 ], [ "", 82 ], [ "", 43 ], [ "", 18 ], [ "", 5 ], [ "", 3 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Cette situation s'explique en partie par la montée en puissance des librairies en ligne. Si les librairies indépendantes continuent à être en tête des ventes totales de livres en valeur (40 %), devant les grandes surfaces culturelles (31 %) et la grande distribution (20 %), les sites de vente en ligne atteignent aujourd'hui quelque 9 % des achats. En tête de ce marché en poupe, Amazon et la Fnac qui occupent 70 % du marché. Des sites comme La Librairie.com essayent de concurrencer ces deux géants d'Internet. En 2014, l'extension Chrome Amazon-Killer proposait même de court-circuiter Amazon au bénéfice de libraires indépendants regroupés dans le réseau Place des libraires.Pour autant, « la librairie n'est pas en train de mourir, nuance William Elman, directeur adjoint du Motif. La situation critique que traversent beaucoup de librairies les pousse à repenser leur métier ». Depuis trois ans, des associations de libraires indépendants ont été créées afin de fédérer les coûts de la mise en place d'un système de vente en ligne. C'est le cas de Librest, un réseau de sept librairies de l'Est parisien qui s'est constitué en 2010. Dans une tribune au Monde, ils défendaient en 2012 « un commerce connecté, durable, personnifié (...) avec des librairies qui veulent plus que jamais apporter une réponse humaine, territoriale, sociale ».Lire : Il faut défendre la librairie indépendanteDelphine RoucauteJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journaliste 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise 19.03.2015 à 20h22 • Mis à jour le20.03.2015 à 08h21 | Claire Guillot Malgré ses 341 lots, la vente aux enchères intitulée « Une histoire particulière de la photographie », organisée par la maison Pierre Bergé et associés à Drouot, à Paris, le 19 mars, n’a pas duré très longtemps : la collection de « M. et Mme X », couple de collectionneurs qui voulait garder l’anonymat, n’a pas séduit les acheteurs, la salle était atone, et on a assisté à peu de batailles de collectionneurs se disputant des pièces. Résultat, moins du tiers des lots a été vendu.Le premier portrait photo de l’histoire, en vente à DrouotLa pièce phare de la vente, le daguerréotype suspecté d’être le plus ancien portrait photo répertorié du monde et représentant « M. Huet », n’a pas trouvé preneur (estimation 600 000 à 800 000 euros). Quelques beaux prix ont quand même été atteints, permettant à la vente d’atteindre un total de 2,33 millions d’euros (avec les frais) : une belle œuvre signée Le Gray et Mestral, représentant le photographe Gustave le Gray sous un cloître a atteint la coquette somme de 400 000 euros (prix marteau, soit 505 500 euros avec les frais), et un portrait de la comtesse de Castiglione est parti pour 250 000 euros (prix marteau, sans les frais). Une photo de Camille Silvy a été achetée 104 000 euros (prix marteau), dépassant largement son estimation de départ. Mais nombre de photographies importantes n’ont pas récolté une seule enchère : certaines pièces de Le Gray, ou un autre portrait de la Castiglione, estimé 350 000 euros, ainsi que plusieurs photographies signées Eugène Atget n’ont pas trouvé preneur. Quant aux photos vendues, elles l’ont été dans leur très large majorité à des prix très inférieurs aux estimations.Pourquoi un tel insuccès ? Les goûts atypiques du collectionneur, Marc Pagneux, qui a cherché les images peu classiques, ont pu dérouter. La date choisie pour la vente, qui suivait de près la foire de Maastricht, ainsi que le refus de nommer un expert spécialiste de photographie, ou même les estimations de départ jugées trop élevées ont peut être aussi découragé les acheteurs. Chose notable, aucun certificat d’exportation, nécessaire avant de pouvoir emporter une pièce de valeur ancienne à l’étranger, n’avait été demandé avant la vente, alors même que le taux élevé du dollar favorisait les acheteurs américains.Plusieurs préemptionsLes institutions publiques françaises, du coup, ont pu acheter des pièces à des prix avantageux : en particulier le Musée du Quai Branly, qui a préempté deux pièces. La première est un daguerréotype montrant Un Tambo dans les Cordillières à la hauteur de 16000 pieds (65000 euros). « Nous avons une collection qui comprend beaucoup d’images anciennes de l’Amérique latine, explique Christine Barthe, chargée de la collection de photographie au Musée du quai Branly, et cette image magnifique va s’y insérer. Elle est à mi-chemin entre la photo d’archéologie et le paysage. On pense en général que les premières photos de la cordillère des Andes datent des années 1 860, cette image prouve qu’il y en a eu avant ». La deuxième photo qu’elle a acquise (8 000 euros, prix marteau), est un portrait d’un jeune noir de Tanger, est « attribuée à Gustave de Beaucorps » selon le catalogue de la vente. « Même si cette photo pose des problèmes d’identification, peu importe, elle complète notre collection qui s’intéresse à la représentation des Africains au XIXe siècle ». En tout, six images ont été achetées, ou préemptées par des institutions publiques : la Bibliothèque nationale de France a acquis quatre négatifs papier d’Alphonse de Brebisson et un portrait du photographe Edouard Delessert par Olympe Aguado, tandis que la Maison de Victor Hugo, mandatée par la Ville de Paris, a jeté son dévolu sur une lettre et une photographie d’Auguste Vacquerie. En revanche, le musée d’Orsay, célèbre pour sa riche collection de photos anciennes, n’a fait à notre connaissance aucun achat.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet et Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « A Hard Day's Night », ardeur rockCette semaine : autour de l’album A Hard Day’s Night (juillet 1964).« A Hard Day’s Night » (Lennon-McCartney), par Peter SellersIncarnation de l’humour anglais, en particulier à l’époque du « Swinging London », l’acteur Peter Sellers (1925-1980) avait enregistré deux albums avec George Martin à la fin des années 1950. Le producteur présenta plus tard le comédien aux Beatles. John Lennon (1940-1980) était spécialement fan de celui qui, en 1963, avait interprété le personnage de l’inspecteur Clouseau dans le premier épisode cinématographique de La Panthère rose, de Blake Edwards (1922-2010) et dont le film, La Souris qui rugissait (1959), de Jack Arnold (1916-1992), avait été produit par l’Américain Walter Shenson (1919-2000), producteur, en 1964, de Quatre garçons dans le vent.En 1965, à l’occasion de l’émission de télévision, « The Music of Lennon and McCartney » (voir ci-dessous la note sur la chanson Things We Said Today), Peter Sellers enregistra en costume une version de A Hard Day’s Night déclamée à la façon de Laurence Olivier (1907-1989) dans Richard III, de Shakespeare. Publiée en 45 tours, cette interprétation atteignit même la 14e place du hit parade britannique. « I Should Have Known Better » (Lennon-McCartney), par She & HimFormé par l’actrice Zooey Deschanel (Mumford, Elfe, Presque célèbre, la série télévisée « New Girl »…) et le guitariste Matthew Stephen Ward, dit M. Ward, le duo américain She & Him a publié, en 2008, Volume One, le premier de ses cinq albums communs, dans lequel figuraient dix chansons originales et deux reprises, I Should Have Known Better, des Beatles et You Really Got a Hold on Me, de Smokey Robinson (d’ailleurs repris, en 1963, par les Fab Four). Le morceau principalement écrit par John Lennon donne ici l’impression d’être joué dans un Tiki Bar californien, langoureusement taquiné par la voix de Zooey Deschanel et les glissendos hawaïens du subtil M. Ward. « If I Fell » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsFigure du son de Nashville, célèbre pour sa technique de picking, inspirée entre autres par Django Reinhardt, le guitariste Chet Atkins (1924-2001) enregistra, en 1966, avec l’harmoniciste Charlie McCoy, l’album Chet Atkins Picks On the Beatles (RCA Victor) contenant douze reprises instrumentales du groupe de Liverpool. Lui-même grand admirateur de cet élégant instrumentiste (aux quatorze Grammy Awards), George Harrison (1943-2001) accepta de signer les notes de pochette de ce disque mineur, mais agréable. « I’m Happy Just to Dance With You » (Lennon-McCartney), par Anne MurayRarement reprise, cette chanson incarnant l’excitation la plus juvénile a bizarrement été choisie par une des figures de ce que les Américains appellent « la musique adulte contemporaine » (adult contemporary music). Dans une lignée proche de ce que fera plus tard sa compatriote Céline Dion, la Canadienne Anne Muray s’est forgée une belle carrière (plus de 50 millions de disques vendus) à partir du début des années 1970, en usant d’une voix claire, puissante et ne mégotant pas sur l’émotion. Loin de la légèreté originelle du titre de Lennon-McCartney chanté par George Harrison, cette version, publiée en 1980 par Capitol Records, donne plus envie de danser un slow qu’un rock’n’roll. « And I Love Her » (Lennon-McCartney), par The WailersParmi la multitude de reprises suscitées par ce bijou délicatement ciselé par Paul McCartney, nous aurions pu choisir la version publiée, en 1972, par le soulman Bobby Womack (1944-2014), transposant magnifiquement cette ballade anglaise sous le ciel de Memphis. Mais découvrir que cette chanson a aussi été interprétée, en 1966, par Bob Marley (1945-1981) au sein des Wailers, est autant un plaisir qu’une surprise. Rodé aux reprises de doo wop et de soul américains, le trio vocal jamaïcain enregistra, entre 1964 et 1966, une centaine de morceaux en stakhanovistes du label Studio One. Parmi ces titres, les premiers originaux de ceux qui allaient révolutionner le reggae et la musique mondiale, des reprises de rhythm’n’blues mais aussi de tubes pop comme Like a Rolling Stone, de Bob Dylan ou ce And I Love Her, gémi par Marley, sur fond de cuivres languissants. « Tell Me Why » (Lennon-McCartney), par The PunklesParfois cloués au pilori par certains punks, les Beatles et leurs refrains instantanés ont été une source d’inspiration pour beaucoup d’autres. Pas aussi excitante que les reprises que firent des groupes comme The Damned (Help !) ou Hüsker Dü (Ticket To Ride), cette version de Tell Me Why est l’œuvre d’un groupe allemand, The Punkles, originaire de Hambourg (tiens donc !), qui, dans les années 2000, s’était fait une spécialité de rejouer les chansons des Beatles à la façon des Sex Pistols. Les pseudos des protagonistes ? Joey Lennon, Captain O’Harrison, Sid McCartney et Markey Starkey. « Can’t Buy Me Love » (Lennon-McCartney), par Ella FitzgeraldExtrait de l’album Hello, Dolly ! (Verve Records), produit par Norman Granz (1918-2001) et paru en 1964, l’année même de la sortie de A Hard Day’s Night, cette version cuivrée d’une des chansons les plus vitaminées des Beatles, montre que l’immense Ella Fitzgerald (1917-1996) n’avait rien à envier en termes d’énergie et de dynamique aux gamins de Liverpool. Il est intéressant de noter que ce morceau a été particulièrement apprécié des jazzmen, puisque le pianiste et chef d’orchestre Count Basie (1904-1984), le violoniste Stéphane Grappelli (1908-1997), le guitariste John Pizzarelli ou le chanteur canadien Michael Bublé en ont aussi gravé des adaptations. « Any Time at All » (Lennon-McCartney), par Ali CampbellJohn Lennon, dans un long entretien réalisé quelque temps avant son assassinat le 5 décembre 1980 et publié dans le numéro de janvier 1981 du mensuel Playboy, avait expliqué qu’Any Time At All, qui ouvre la face B de l’album A Hard Day’s Night, était un presque décalque de la chanson It Won’t Be Long, premier titre de la face A du deuxième album des Beatles, With The Beatles (novembre 1963). La grille harmonique similaire n’a d’ailleurs pas été remise en question par quelques-uns des musiciens qui ont mis Any Time At All à leur répertoire (le groupe Blue Ash, les guitaristes Nils Lofgren et Dweezil Zappa…). Pas plus qu’Ali Campbell, qui, en revanche, mène ce rock assez basique vers le territoires du ska et du reggae. Campbell a été l’un des fondateurs et le chanteur principal d’un des groupes britanniques les plus importants de cette scène dans les années 1980 et toujours actif de nos jours, même s’il reste peu de membres de la formation dans son âge d’or. Sa reprise d’Any Time At All figure dans son cinquième album solo, Silhouette, publié par Jacaranda Limited/Cooking Vinyl en 2014, dans lequel Ali Campbell, qui avait quitté UB40 en 2008, retrouvait deux de ses anciens camarades, le rappeur-chanteur Astro et le claviériste Mickey Virtue. « I’ll Cry Instead » (Lennon-McCartney), par Raul SeixasI’ll Cry Instead a été le premier enregistrement, publié par Decca – avec Jimmy Page, futur Led Zeppelin, à la guitare – de Joe Cocker (1944-2014), quelques semaines après la sortie de A Hard Days’Night. Un échec pour le chanteur qui se rattrapera en avril 1969 avec le succès de sa reprise de With A Little Help From My Friends en studio et surtout lors de son interprétation à Woodstock, le 17 août. Mais c’est la version de Raul Seixas (1945-1989) que nous vous proposons. Dans les années 1960 et 1970, il a été l’une des figures importantes de l’essor du rock au Brésil, vedette plus ou aussi connue que certains grands noms anglo-saxons. Sa reprise country-rock d’I’ll Cry Instead combine deux de ses influences, Elvis Presley (1935-1977) et Bob Dylan, et figure dans un album posthume d’enregistrements des années 1960, notamment avec son groupe The Panthers, O Baú do Raul, publié par la division brésilienne de la compagnie phonographique Philips en 1992. « Things We Said Today » (Lennon-McCartney), sous le titre « Ces mots qu’on oublie un jour », par Dick RiversUn document culte ! Le 16 décembre 1965, la chaîne régionale du Nord-Ouest de l’Angleterre Granada Television diffuse un programme intitulé « The Music Of Lennon & McCartney » – à noter que ce sont bien les auteurs-compositeurs des Beatles qui sont mis en avant dans ce titre. Parmi les invités du groupe durant l’émission d’une cinquantaine de minutes, enregistrée les 1er et 2 novembre, les chanteuses britanniques Cilla Black, Lulu et Marianne Faithfull, le compositeur américain Henry Mancini, des membres du Liverpool Philarmonic Orchestra, le groupe, lui aussi de Liverpool, Billy J Kramer and The Dakotas, le danseur espagnol Antonio Vargas, le producteur des Beatles George Martin avec son orchestre, l’acteur anglais Peter Sellers dans une version (1925-1980) que nous avons découvert plus haut dans son interprétation mémorable de A Hard Day’s Night…Et il y a Dick Rivers. Oui notre Dick national, que McCartney et Lennon présentent en anglo-français. A notre connaissance, aucune autre gloire hexagonale n’a eu droit à cet honneur. Du coup, nous ignorerons toute autre reprise de Things We Said Today (même celle craquante de Jackie De Shannon et la bien barrée psyché de The Flow). Celle de Dick Rivers est, en plus, une adaptation en français devenue Ces mots qu’on oublie un jour enregistrée peu après la sortie de A Hard Day’s Night pour le 45-tours Je ne suis plus rien sans toi, publié à la fin de l’été 1964 par Pathé.  « When I Get Home » (Lennon-McCartney), par Tony Visconti, Lara Visconti et Alejandro EscovedoPlusieurs chansons portent le titre When I Get Home, notamment par The Searchers, Charlie Rich (1932-1995), Herman Brood (1946-2001), mais n’ont rien à voir avec cette composition de Lennon et McCartney pour les Beatles. Elle est parmi les moins reprises du groupe, en dehors de quelques formations spécialisés (cover bands) qui en proposent des versions à la lettre. C’est donc au producteur Tony Visconti (T Rex, Gentle Giant, David Bowie, Badfinger, Sparks, Thin Lizzy, The Stranglers, Rita Mitsouko, Angélique Kidjo…), par ailleurs bassiste et arrangeur, que l’on doit la seule reprise de qualité de When I Get Home. Elle n’a pas donné lieu à une vidéo vers laquelle nous pourrions renvoyer et sera donc à écouter sur le site The Beatles Complete on Ukulele, qui comme son nom l’indique propose l’intégralité du répertoire des Beatles joué sur ce petit instrument à quatre cordes. Soit « les 185 compositions originales des Beatles entre 1962 et 1970 », à l’exclusion des reprises d’autres artistes enregistrées par le groupe à ses débuts. Un projet, mené entre le 20 janvier 2009 et 31 juillet 2012, auquel ont participé autant des professionnels peu connus que des réputations. Ce When I Get Home par Tony Visconti donc, au chant, percussions, basse, flûte et ukulélé avec l’une de ses filles, Lara, au chant et avec le chanteur Alejandro Escovedo, l’un des membres d’une famille musicienne de haute réputation (les percussionnistes Coke et Pete Escovedo, avec Santana, la batteuse, percussionniste et chanteuse Sheila E avec Prince…) se révélant un délice. « You Can’t Do That » (Lennon-McCartney), par Andy EllisonDans son deuxième album, Pandemonium Shadow Show (RCA Victor, décembre 1967), Harry Nilsson (1941-1994) avait proposé un arrangement savant de You Can’t Do That. A la structure mélodique et harmonique originale, Nilsson avait ajouté des citations musicales ou des textes d’une vingtaine d’autres chansons des Beatles. Ce qui lui valu à l’époque les félicitations de Lennon, première étape d’une longue amitié entre les deux musiciens. Deux formations vocales féminines ont repris la chanson, les célèbres The Supremes en 1964 et les plus confidentielles Les Fizz, trio français des années 1960. Le groupe psyché Vanilla Fudge en a enregistré une version ouvrant vers l’improvisation instrumentale…Nous avons retenu celle du chanteur Andy Ellison, publiée en 1968 en face A d’un 45-tours publié par SNB Records, éphémère label (treize singles entre 1968 et 1969) fondé par le manager Simon Napier-Bell (The Yardbirds, Japan, Boney M, Ultravox…). La carrière plutôt culte d’Andy Ellison est notamment liée à des groupes au même statut dont Clockwork Onions, The Silence, John’s Children (qui eut son heure de gloire durant la période psyché britannique 1966-1967), Jet (post glam-rock et pre punk, 1974-1976) ou Radio Stars (new wave, 1977-1982). A noter qu’Ellison comme Nilsson a opté pour un tempo ralenti par rapport à l’original des Beatles. « I’ll Be Back » (Lennon-McCartney), par Barbara Dickson et Midge UreIl existe une poignée de versions de cette chanson, qui venait à la fin de la face B de l’album A Hard Day’s Night. Parmi lesquelles celles du chanteur britannique Cliff Richard, qui, dans les années 1960, était un sérieux concurrent des Beatles, du groupe néerlandais Golden Earring, qui a fêté son cinquantième anniversaire en 2011, de la formation vocale jamaïcaine The Paragons et de la chanteuse écossaise Barbara Dickson avec son compatriote Midge Ure. C’est avec ce duo, extrait de l’album de Dickson, Nothing’s Gonna Change My World : The Songs Of Lennon, McCartney And Harrison (Universal Music, 2006), et un traitement de ballade avec piano et violons que notre « Autour de l’album A Hard Day’s Night » trouve sa conclusion.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteStéphane DavetJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Est-ce une action préméditée, un malin pied de nez improvisé ou un acte manqué ? Les photos publiées par la ministre de la culture sur ses comptes Instagram et Twitter dans la soirée de lundi 16 mars, lors de l’inauguration de l’exposition « Bonnard. Peindre l’Arcadie », au Musée d’Orsay, ont en tout cas fait voler en éclats une petite exception culturelle.Superbe exposition Bonnard au @MuseeOrsay (en avance sur la #MuseumWeek) http://t.co/vLQ2x298dO— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Bonnard vivant à OrsayLes visiteurs du musée parisien étaient, jusqu’ici, confrontés à deux injonctions contradictoires : il leur était formellement interdit d’y prendre des photos des œuvres, alors même que depuis l’été, la charte Tous photographes était censée être respectée par toutes les institutions muséales nationales.Ce texte, qui vise à favoriser, tout en l’encadrant, « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments », est une réponse du ministère aux utilisateurs des réseaux sociaux. En acceptant cet appétit pour le partage de photos, les musées sont en retour censés bénéficier d’une publicité mondiale et gratuite. Or, le Musée d’Orsay faisait jusqu’ici exception, étant la seule grande institution muséale à refuser d’appliquer la charte.« Aucun privilège ! »Les photographies y sont en effet proscrites depuis six ans. De 2009 à 2011, de grands travaux avaient conduit l’institution parisienne à prendre cette décision pour faciliter la circulation des visiteurs dans des espaces amputés d’un tiers. Puis, l’interdiction avait continué à être appliquée « par confort » avait récemment expliqué au Monde le musée.Ce soir d’inauguration, Fleur Pellerin a donc reproduit un geste qu’elle effectue chaque jour : poster des photos de ses activités ministérielles… mais en bravant les panneaux d’interdiction de photographier omniprésents dans le musée. Une liberté qui n’aura pas échappé aux plus observateurs de ses « followers » (quelque 220 000 internautes la suivent sur Twitter, près de 3 000 sur Instagram). Et notamment Bernard Hasquenoph, qui tient le blog Louvre pour tous, poil à gratter des institutions muséales, où il milite depuis longtemps pour la liberté de prendre des photos dans les musées.Prise en porte-à-faux, la ministre a répondu par tweets à l’accusation de « passe-droit » en rappelant l’existence de la charte Tous photographes, publiée par le ministère de la culture en juillet 2014, juste avant sa nomination (qui date de la fin d’août) :@louvrepourtous @MuseeOrsay aucun privilège ! Je ne fais qu'appliquer la charte "Tous photographes" du @MinistereCC http://t.co/y4k1h6J0xm— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);L’acte, calculé ou inopiné, et le choix de la ministre de placer la charte au-dessus de la réglementation du musée, auront en tout cas été décisifs. Dès mercredi matin, une note interne était diffusée « à la demande de la ministre de la culture et de la communication » : « Le président des Musées d'Orsay et de l'Orangerie [Guy Cogeval] a pris la décision de lever l’interdiction de photographier dans les espaces des deux musées. Cette décision est applicable immédiatement. »Celle-ci reste assortie de certaines conditions : « L’usage du flash, des “perches à selfie” et des trépieds reste cependant proscrit. Des restrictions peuvent aussi être prévues dans les expositions temporaires à la demande des prêteurs. Une modification du règlement de visite en ce sens sera présentée aux prochains comité technique et conseil d’administration. Des réunions d'information à l'intention des équipes postées seront organisées rapidement à ce sujet, pour une bonne application de la charte Tous photographes. »« On a gagné », lançait dans la foulée Bernard Hasquenoph sur son compte Facebook. « Merci à Instagram », répliquait également sur le réseau social André Gunthert, enseignant-chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et spécialiste de la photographie et de l’histoire visuelle.Lire également : La « perche à selfie » bannie du château de VersaillesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Principale attraction touristique de Barcelone, la Sagrada Família est paradoxalement une basilique largement inachevée. L’édifice est pour ainsi dire en travaux depuis 133 ans, c’est à dire depuis la pose de sa première pierre, en 1882. Or, la BBC révélait il y a quelques jours que l’impression 3D de modèles structurels en plâtre devrait permettre d’enfin accélérer sa réalisation, prévue d’ici à 2026, soit un siècle après la mort de son architecte, Antoni Gaudi, renversé par un tramway en 1926.En réalité, cela fait quatorze ans que le processus de construction s’appuie sur des imprimantes en 3D, la technologie, qui existe depuis les années 1980, ayant été intégrée dès 2001 afin d’avancer plus rapidement dans la réalisation de prototypes pour les éléments souvent problématiques à concevoir.« Quasiment impossible à dessiner »« A cause de la complexité des surfaces et des formes, travailler sur les dessins de Gaudi en 2D n’a aucun sens d’un point de vue architectural, [d’autant] que la plupart de son travail était déjà conçu de façon tridimentionnelle », explique l’architecte en chef ,Jodi Coll, cité dans ArtNetNews.« Antoni Gaudí a réalisé peu de dessins de la Sagrada Família, qui est de toute manière tellement complexe qu’elle est quasiment impossible à dessiner, en tout cas avec des projections architecturales normales », détaille pour sa part Peter Sealy, chercheur à l’école de design de Harvard cité par ArchDaily, site spécialisé en architecture. « Ce qu’il a laissé derrière lui à sa mort est un système géométrique de surfaces réglées (...) et une méthode de travail pour traduire ces géométries en des modèles de plâtre. »Les imprimantes 3D stéréolithographiques utilisent de la poudre afin de créer, en quelques heures, des prototypes couche par couche, aboutissant à un matériau similaire à du plâtre, permettant aux artisans de retravailler facilement les modèles à la main pour une approche la plus fine possible.Béton coulé dans des moules imprimés en 3DLe chercheur rappelle que beaucoup des modèles de Gaudi ont été détruits par les insurgés lors de la guerre civile espagnole (1936-39), « mais les fragments qui ont survécu peuvent désormais être numérisés en utilisant les scanners en 3D », explique-t-il encore.Ainsi, « les intentions de Gaudi en termes de design peuvent être reproduites a posteriori à partir de ces modélisations, qui peuvent alors être utilisées pour redévelopper des modèles – la façon de travailler dans l’atelier de Gaudi continue, mais désormais avec des impressions en 3D des modèles en plâtre –, et pour la fabrication, avec des pierres découpées par des machines, et du béton coulé dans des moules réalisés à l’échelle 1:1 par des impressions en 3D. Ce n’est pas rien ! », déclare encore le chercheur.Une vidéo en trois dimensions (ci-dessus) réalisée par la fondation qui gère le projet à partir de dons privés, montrait il y a deux ans les étapes restant à parcourir, et dévoilait le visage de la basilique dans sa version finale. On y découvrait les douze tours dédiées aux apôtres et son point culminant, à 170 mètres de haut, avec la tour de Jésus qui doit être édifiée en son centre, et aussi l’impressionnante ultime façade, destinée à devenir l’entrée principale de l’édifice.La Sagrada Familia était à l’origine un projet de l'architecte Francisco de Paula, avant que Gaudi ne prenne les rênes du chantier, en 1883. A sa mort, seulement un quart de l’édifice était achevé. L’architecte catalan avait laissé des maquettes et des plans, dont la plus grande partie a disparu dans un incendie au cours de la guerre civile espagnole. C’est à cause de cet incendie, en plus des difficultés techniques et de financement, que le chantier a été retardé pendant des décennies .Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. cette semaine, la bande originale d'un dessin animé psychédélique. Paru en janvier 1969, deux mois seulement après le monumental Album blanc, Yellow Submarine est le quatrième opus des Beatles lié à un film (après A Hard Day's Night, Help!, Magical Mystery Tour, et en attendant Let It Be). Et il est celui qui répond le mieux à l'appellation de « bande originale », accompagnant le dessin animé psychédélique de George Dunning sorti sur les écrans six mois plus tôt. A cela, une raison évidente : Yellow Submarine est autant, sinon davantage, l'œuvre de George Martin que celle des Fab Four.Les pièces orchestrales du producteur occupent en effet l'intégralité de la deuxième face et, à l'écoute de Pepperland, majestueux comme du Elgar, ou de l'indianisant Sea of Holes, on mesure mieux son importance dans les arrangements des créations du groupe.Adopté dans les stades de footCe partage explique en partie pourquoi Yellow Submarine fut le premier album des Beatles à ne pas atteindre le sommet des classements au Royaume-Uni. Leur contribution est en effet plutôt maigre : quatre « nouveautés » (en fait, pour trois d'entre elles, des chansons mises de côté), ajoutées à Yellow Submarine (la chanson) déjà paru sur Revolver et All You Need is Love sur Magical Mystery Tour. George Harrison s'illustre avec Only a Northern Song et It's All Too Much, écartés respectivement (et peut-être injustement) de Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band et Magical Mystery Tour. Paul McCartney commet, lui, avec la comptine All Together Now, le morceau sans doute le plus faible de l'ensemble de son répertoire — ce qui ne l'empêchera pas d'être adopté dans les stades de foot d'Albion.Reste une bombe, Hey Bulldog, confectionnée à la hâte par John Lennon autour d'un riff incendiaire de piano, relayé par un chant magistralement hargneux et une progression harmonique à la James Bond. McCartney ajoute une ligne de basse dantesque, Harrison un solo tout en agressivité saturée, et le tour est joué. Ces trois minutes protopunk auraient fait un malheur en single. Elles auraient aussi privé Yellow Submarine de son premier argument de vente.La semaine prochaine : Please Please meBruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Les candidat(e)s à la présidence de France Télévisions devaient remettre leur dossier au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avant 17 heures, jeudi 26 mars. La « campagne » a été jusqu’ici très feutrée, voire illisible, et l’incertitude subsiste sur le nombre et l’identité des postulants. Sept personnalités seulement se sont officiellement dévoilées. Il est vrai que le CSA a laissé aux candidat(e)s la liberté de ne pas se faire connaître, espérant ainsi attirer de grands cadres de l’audiovisuel privé.A ce stade, le CSA a réceptionné les dossiers sous enveloppe. L’autorité les ouvrira, mercredi 1er avril, mais ne communiquera que le nombre de plis reçus, pas les noms. Elle établira ensuite la liste des candidats retenus, qui seront auditionnés pour une nomination prévue entre le 22 avril et le 22 mai. Mais là encore, aucun nom ne sera rendu public si un seul candidat s’y oppose. Les déclarésChristophe Beaux, PDG de la Monnaie de Paris et administrateur de France Télévisions depuis 2011, a annoncé sa candidature dans un entretien aux Echos, jeudi. Il s’appuie sur son bilan à la Monnaie de Paris, qu’il a redressée.Serge Cimino, 51 ans, est journaliste au service politique intérieure de la rédaction nationale de France 3, chargé de suivre le premier ministre et les partis de gauche. Il dit s’être présenté au nom du Syndicat national des journalistes (SNJ). Il est lui-même délégué syndical SNJ.Nacer Kettane, président et fondateur du réseau Beur FM, a annoncé lui aussi sa candidature, jeudi.Alexandre Michelin, 50 ans, actuel directeur général de Microsoft MSN pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique, s’est déclaré candidat, fin février. Il a été directeur des programmes de Paris Première, avant d’en devenir le directeur général. Il a travaillé pour le groupe Canal + (directeur des contenus numériques, puis directeur des programmes et services) et dirigé France 5 durant trois ans sous la présidence de Marc Tessier. Il a rejoint Microsoft en 2007.Lire aussi :France Télévisions doit incarner la RépubliqueDidier Quillot a confirmé, jeudi 26 mars, avoir déposé sa candidature. Ingénieur de formation, âgé de 55 ans, il a démarré sa carrière chez Thalès avant de devenir directeur général de Tonna Electronique, filiale de Canal+, puis de rejoindre, en 1994, France Télécom où il est devenu directeur général de Telecom Mobiles Services, puis PDG d’Orange France. En 2006, il devient président du directoire de Lagardère Active (magazines et télévisions). Depuis 2012, il a rejoint le fonds d’investissement de la famille Benetton et présidé pendant deux ans la société Coyote System. M. Quillot met en avant son expérience de gestionnaire et de conduite du changement dans des entreprises de grande taille. Il souligne aussi sa double expérience dans les télécoms et les médias.Rémy Pflimlin a confirmé, jeudi, sa candidature à sa propre succession, dans un message interne à France Télévisions. M. Pflimlin, 61 ans, estime que ses chances ne sont pas nulles, car aucun nom ne sort du lot parmi les candidats évoqués dans la presse. Il compte défendre son bilan et le besoin de continuité pour France Télévisions.Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (France 24, RFI…), a elle aussi officialisé sa candidature jeudi dans un message interne. « Si ma candidature n’est pas retenue, nous continuerons notre chemin ensemble, écrit-elle à ses équipes. (...) Si elle est retenue, (...) nous tisserons de nouveaux liens. »France Televisions : Marie-Christine Saragosse (France medias monde) candidate, elle l'officialise dans un message interne— alexandre piquard (@apiquard) 26 Mars 2015Les probablesPlusieurs autres noms circulent, mais les intéressés ne commentent pas, comme ceux de Delphine Ernotte, directrice exécutive d’Orange France, Cyrille du Peloux, cadre chez Veolia et ancien de TF1 ou Paris Première, Pascal Josèphe, du cabinet de conseil IMCA et ancien de France Télévisions, Emmanuel Hoog, PDG de l’agence de presse AFP, Nathalie Collin, directrice générale adjointe de La Poste.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Un patron pour présider aux destinées de l’un des plus gros établissements culturels de la Ville de Paris. Jeudi 26 mars, vers 13 heures, l’annonce a été confirmée, ainsi que Le Monde l’avait dévoilé dans son édition du 13 mars : Sébastien Bazin, PDG du groupe Accor, a été élu à l’unanimité président du Théâtre du Châtelet. Il succède à Jérôme Clément, énarque de gauche, personnalité du monde de la culture et des médias, lequel a démissionné de ses fonctions le 19 février, dans un climat houleux sur le devenir du théâtre. Celui-ci, fortement subventionné par la Ville de Paris (à hauteur de 17 millions d’euros), allait-il basculer dans le secteur privé, dans le but de réaliser des économies ? Il n’en est rien, a déclaré au Monde Bruno Julliard, adjoint à la culture de la maire de Paris, Anne Hidalgo : « Je l’ai dit lors du conseil d’administration : le Châtelet sera un théâtre public, avec un statut associatif. Sébastien Bazin va former un tandem efficace avec l’actuel directeur du Châtelet, Jean-Luc Choplin, ce qui n’était plus le cas avec Jérôme Clément ». Avec cette nomination, la Ville de Paris assume le projet de pousser plus loin encore le partenariat public-privé. « C’est l’une des raisons de notre enthousiasme. Sébastien Bazin et le groupe Accor, qui avait déjà mécéné Un Américain à Paris, va nous aider à développer les fonds privés », souligne Bruno Julliard.Financement des travauxLe contexte, bien particulier, et a nourri les inquiétudes. Le Théâtre du Châtelet va fermer ses portes au public, « de janvier 2017 à l’été 2019 », précise l’élu, en vue de réaliser d’importants travaux de rénovation. « La Ville va investir 26,5 millions d’euros pour les installations scéniques, électriques, ainsi que pour la façade, l’accessibilité des publics, et la mise aux normes de sécurité », indique Bruno Julliard. Mais il restera encore, dit-il, « quelques millions d’euros à trouver auprès de partenaires privés pour rénover les parties les plus visibles, comme les espaces de circulation et les salons ».Avis aux entreprises, donc. Sébastien Bazin aura également pour mission de « régler le phasage des travaux », et de veiller à la délicate question des personnels – environ140 permanents. Là encore, divers bruits couraient : qu’allaient devenir les agents pendant les dix-huit mois de fermeture ? La Ville de Paris a visiblement choisi la paix sociale, du moins à court terme : « La Ville de Paris va maintenir un niveau de subvention important pendant les travaux, afin de garantir l’emploi du personnel. Il n’y aura aucun licenciement économique. Des propositions de formation ou de mise à disposition dans d’autres théâtres seront faites, sur la base du volontariat », poursuit l’adjoint à la culture. « Dans l’immédiat, et en total accord le directeur du Châtelet, la Ville de Paris va réduire sa subvention de un million d’euros pour 2015. Et le Théâtre compensera en puisant dans son fond de roulement qui est de 1,5 million d’euros. Nous voulons éviter que de l’argent public dorme pendant les dix-huit mois de travaux », justifie Bruno Julliard.Par ailleurs, le Théâtre du Châtelet n’aura « pas de programmation hors-les-murs » pendant les travaux, ajoute-t-il, « aucune scène parisienne comparable ne pouvant accueillir les spectacles du Châtelet » - ce qui n’est pas le cas du Théâtre de la Ville, lequel sera également fermé durant la même période. Au moment de la réouverture, « le Théâtre restera un lieu de production, contrairement à ce que certains ont laissé entendre ».L’actuel directeur, Jean-Luc Choplin, se voit couronné de lauriers : Bruno Julliard vante sa programmation « populaire et exigeante » et sa gestion « vertueuse, génératrice de billetterie ». Jean-Luc Choplin restera en poste « au moins jusqu’à la fermeture du Châtelet. Car il ne souhaitera sans doute pas se tourner les pouces pendant les travaux. Mais nous ferons tout pour continuer à travailler avec lui ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter François Burkard Voilà un mort sexagénaire qu’on ne pourra jamais imaginer qu’adolescent : compositeur, à 16 ans, de quelques-unes des plus belles chansons pop des années 1960 pour son groupe The Left Banke, Michael Brown est mort le 19 mars à Englewood (New Jersey). Il avait 65 ans.En 1965, il s’appelle encore Michael Lookofsky, comme son père Harry, violoniste, et traîne souvent dans le studio que celui-ci possède, à deux pas du Brill Building, à New York. C’est là qu’il rencontre quatre jeunes gens chevelus venus passer une audition : Tom Finn, Steve Martin, Warren David-Schierhorst et George Cameron. Ils ne sont pas très bons musiciens, mais ils ont l’air cool et partagent son goût pour la pop anglaise, Beatles et Hollies en tête. Agé de 15 ans, Michael est quant à lui un garçon sage et un pianiste à la solide formation classique. Bref, ils s’entendent pour former The Left Banke (« la rive gauche »), un nom dont les consonances européennes ne sont pas pour leur déplaire.Harry Lookofsky se fait producteur et imprésario du groupe. Quant à son fils, il choisit le pseudonyme le plus passe-partout qui soit, Michael Brown, pour écrire sa première composition, Walk Away Renée. Cette ode mélancolique à la copine de Tom Finn (le bassiste) pose les bases du style Left Banke : le clavecin de Michael Brown très en avant, un quatuor à cordes dirigé par papa et la voix gracile de Steve Martin rejointe au refrain par ses amis. Ni la (discrète) guitare qui double le clavecin, ni la basse et la batterie ne sont jouées par les membres du groupe, remplacés par des musiciens de studio, mais Walk Away Renée sort en juillet 1966 sous le nom de The Left Banke et monte quelques mois plus tard à la cinquième place du classement des ventes Billboard. En fin d’année, c’est au tour de la chanson Pretty Ballerina (n° 15). Cette ritournelle délicate, où piano et cordes sont complétés par un hautbois, attire même les éloges enthousiastes de Leonard Bernstein.Un premier album paraît en mars 1967 : Walk Away Renée/Pretty Ballerina. Malgré son titre, il ne s’agit pas d’un simple recueil de leurs singles, agrémenté de quelques morceaux de remplissage ; c’est même l’un des albums les plus aboutis et cohérents d’une période pourtant riche en réussites (The Who Sell Out, des Who, Something Else, des Kinks, et Forever Changes, de Love, sortent la même année). On y trouve de nouveaux sommets, comme Shadows Breaking Over My Head et She May Call You Up Tonight.Le problème, c’est que ces chansons à la grâce un peu surannée, enregistrées avec des musiciens de studio, passent mal l’épreuve de la scène, où le groupe se montre toujours aussi tâtonnant. À la manière de Brian Wilson, le compositeur des Beach Boys, Michael Brown décide donc d’arrêter les concerts, laissant les autres continuer sans lui. Puis, sur les conseils de son père, il essaie de se débarrasser de ces branquignols : il réalise un single entièrement sans eux, Ivy Ivy (qui souffre de l’absence d’un chanteur digne de Steve Martin). Evidemment, les branquignols se rebiffent et font donner leurs avocats. Résultat : Tom Finn, George Cameron et Steve Martin gardent l’exclusivité du nom Left Banke.Ce sont eux que l’on voit, en chemise à jabot et redingote très XVIIIe siècle, sur la pochette du deuxième album du groupe, The Left Banke Too (1968). Dans ce disque, loin d’être honteux, se détache une dernière composition de Michael Brown, Desirée, à l’ampleur digne des meilleures productions de Phil Spector. On retrouve cette même chanson, avec un autre arrangement, dans l’album sans titre que fait paraître l’année suivante le groupe Montage, un projet où Michael Brown joue discrètement le rôle de compositeur, de producteur et de claviériste. Si l’on y entend moins de clavecin, ce beau disque ressemble néanmoins comme un frère au premier Left Banke… À cette différence près qu’il n’aura pas le moindre succès, comme d’ailleurs tous les projets ultérieurs de Brown.Il faut dire que l’époque est alors plus propice au hard rock et aux piteuses tentatives symphoniques de Yes ou de Jethro Tull. Brown tente de se mettre au goût du jour, et y parvient plutôt bien en créant les Stories avec le chanteur Ian Lloyd, en 1971. Mais sa traditionnelle discrétion, ou peut-être un gros manque de bol, lui fait quitter le groupe en 1973, quelques semaines avant que les Stories n’obtiennent un n°1 aux Etats-Unis, avec la chanson Brother Louie. C’est ensuite la mode du disco, puis la vague punk… il faudra attendre les années 1990, et la compilation There’s Gonna Be a Storm, pour voir la jeune garde du rock britannique (Oasis, Belle & Sebastian…) découvrir The Left Banke et reconnaître sa dette envers le plus anglais des groupes américains.Les deux albums de The Left Banke sont réédités chez Sundazed, tout comme le disque de Montage. François BurkardJournaliste au Monde 25.03.2015 à 19h23 • Mis à jour le25.03.2015 à 19h24 | Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Pauline CroquetOn imagine derrière les histoires du mangaka Tetsuya Tsutsui un homme en colère, très remonté contre la société. C'est au contraire un auteur serein qui est venu enchaîner les interviews et les séances au Salon du livre de Paris, du 20 au 23 mars 2015. Serein et extrêmement discret. Comme une majorité de ses personnages, Tetsuya Tsutsui parle à voix basse et préfère garder une certaine forme d'anonymat qui l'oblige parfois à remettre sa fameuse casquette noire pour être reconnu en séance de dédicace.Le dessinateur ne laisse d'ailleurs pas beaucoup filtrer d'information sur lui : « Je ne suis ni sur Twitter, ni sur Facebook… Je connais les excès des petits dérapages et l'Internet japonais peut être très excessif », justifie-t-il. Pourtant, avec son nouveau manga Poison city sorti en France mi-mars, l'auteur mène une « rébellion » contre la censure des collectivités locales au Japon. « Pour cette histoire, je me suis centré sur la liberté d'expression. »Dans cette courte série toujours en cours d'écriture, Tetsuya Tsutsui s'appuie en effet sur une expérience personnelle : le premier tome de l'un de ses précédents mangas, Manhole, a été jugé « nocif pour la jeunesse » par la préfecture de Nagasaki. De fait, il n'est plus disponible dans cette région du Japon. Tsutsui n'apprendra cette décision que huit ans plus tard, en 2013, le comité chargé d'examiner les œuvres n'estimant pas utile de prévenir les auteurs.Lire notre grand format : Tetsuya Tsutsui règle ses comptesPlutôt que de prêter le flanc aux accusations de violence dans ses histoires et ses dessins, Tsutsui défend un certain réalisme sans brutalité gratuite. « Il est vrai que je montre très critique envers mon pays. Il est important de porter un regard critique là où on vit. Mais de la à en partir… Pour être honnête, en dehors de ce que je dénonce dans Poison city, rien ne m'indigne particulièrement, précise-t-il. Il y a beaucoup de styles différents dans le manga et chaque auteur répond à sa façon aux questions de représentations de la violence. Faut-il montrer un visage déformé par la douleur ? Des giclées de sang ? En ce qui me concerne, je suis plutôt quelqu'un de direct mais j'ai l'impression de me retenir. »Dystopies réalistesDans les thrillers de Tsutsui, la présentation de la société est poussée à son paroxysme : des personnages aux mauvaises intentions recourent à la technologie ou aux jeux vidéo pour mettre à exécution un projet personnel, des familles sont déchirées, des citoyens brimés par la société ou leur hiérarchie… « En fait j'ai pris conscience que les outils les plus pratiques peuvent blesser autrui. Pour autant, je suis contre le fait qu'on les limite ou les censure », raconte Tsutsui.Lui qui mène une vie très tranquille à Tokyo – « par chance je n'ai pas eu affaire aux malheurs que je décris dans les mangas », explique-t-il – cherche ses histoires à la télévision et dans les journaux : « Ma source d'inspiration ce sont les informations et le regard qu'elles portent sur la famille, comment elle arrive à surmonter ces drames. » Les bulletins télévisés regorgent de faits divers au Japon, mis en scène de façon très dramatique. Les médias japonais sont d'ailleurs omniprésents dans Prophecy, qui met l'accent sur la cybercriminalité.L'auteur est pourtant loin d'être un expert en informatique. « J'adore les jeux vidéo, j'y joue depuis très longtemps. Par contre, le monde de l'informatique et du hacking requiert des connaissances très pointues que je n'ai pas. Du coup je passe par mon éditeur pour trouver des spécialistes », avoue-t-il.L'histoire avant les personnagesTetsuya Tsutsui cultive aussi une façon particulière de rétablir la justice dans chacune de ses histoires, souvent courtes, rapides, comme ses séries qui n'excèdent jamais trois volumes. « Pour un format long, il devient primordial de créer un héros attachant pour fidéliser le lectorat. Or, pour moi, c'est l'histoire plus que le personnage qui est importante », expliquait-il lors d'un précédent passage en France.Poison city, qui passe pourtant pour la plus réaliste de ses histoires, « est plutôt un manga d'anticipation » selon Tsutsui, qui y dépeint un pays plongé dans le puritanisme et l'obscurantisme. « L'idée est de dire aux gens : “Regardez ce qu'il pourrait se passer, ce serait vraiment terrible !” »Ce dernier tome dresse également un panorama de l'industrie du manga au Japon et en livre les rouages. Si Tetsuya Tsutsui est un auteur indépendant – il ne travaille pas en atelier – il a goûté au système d'édition nippon. « La meilleure façon pour un jeune mangaka de se faire remarquer est de passer des concours pour des magazines de prépublication très connus. Au début de ma carrière, j'ai passé plusieurs concours mais je n'ai pas été retenu. J'étais très déçu. A l'époque, j'avais écrit Duds hunt, alors j'ai décidé de le publier sur Internet. » En 2002, Tsutsui a 28 ans et publie ses premières planches sur son site Web, PN221. Mikio Hibino, le mangaka qui fait figure de personnage central dans Poison city, emprunte beaucoup à Tsutsui. « Il ressemble du moins à celui que j'étais dans les premières années de ma carrière. Il y a aussi l'autre personnage, le mangaka plus âgé, Matsumoto : lui aussi représente une partie de moi, il connaît les limites du système, a été réprimandé… Je dirais que je me situe entre les deux caractères. Je veux garder mon innocence d'auteur mais je me pose des limites, je suis plus réfléchi. »Popularisé par deux FrançaisCe sont deux Français, Cécile Pournin et Ahmed Agne, fondateurs des éditions Ki-oon tout juste créées, qui découvrent sur le Net les planches de Tsutsui, au début des années 2000. Duds hunt, une histoire abordant un jeu de poursuite grandeur nature entre délinquants, quelque part « entre Fight club et Battle royale », attire leur attention. Ils lui donnent sa première chance. Le premier contrat d'édition de Tsutsui est établi en France en 2004. Cécile Pournin et Ahmed Agne se chargent eux-mêmes de traduire l'auteur – ils n'ont cessé de le faire que récemment. Dix ans plus tard, à la tête d'une entreprise désormais solide, Ahmed Agne continue d'accompagner Tetsuya Tsutsui dans ses déplacements en France.Rassurée par le succès français de Tsutsui, Square Enix, une grosse maison d'édition, le publiera par la suite au Japon. L'auteur se voit aussi proposer de publier sa série Reset dans un magazine de prépublication, rouage du système qui lui mettait des bâtons dans les roues au début de sa carrière. La licence de Poison City, créée à l'origine pour Ki-oon, a été achetée par la maison d'édition Shueisha. Nul ne sait encore quel accueil va recevoir cette dernière histoire dans les comités de censure au Japon. En revanche, le public attend fermement l'adaptation de Prophecy sur les écrans nippons. Elle devrait sortir en juin 2015. //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au Monde Matthieu Vaillant Le récent regain de médiatisation de L’Amour et les forêts (Gallimard, 2014), sixième ouvrage d’Eric Reinhardt, récompensé récemment par plusieurs prix et vendu à plus de 100 000 exemplaires, s’accompagne aussi d’une polémique, comme l’a révélé L’Express le 23 mars. Le problème vient des premiers chapitres du roman, dans lesquels l’auteur, en son nom propre, raconte une rencontre avec une femme, fan de Cendrillon (Stock, 2007), le quatrième livre de l’auteur, paru en 2008. L’écrivain et son admiratrice se rencontrent au café Nemours, à Paris, et la jeune femme confie ses malheurs : adultère, internement au sein d’une institution psychiatrique et tentative de suicide.Lire aussi :La nouvelle Cendrillon d’Eric ReinhardtProblème : cette histoire ne serait pas seulement fictionnelle. En 2007, après la parution de Cendrillon, une femme contacte réellement Eric Reinhardt pour lui communiquer son émotion à la lecture du roman. Après un échange de mails, l’écrivain et sa lectrice se rencontrent à Paris, au printemps 2008. Elle lui raconte sa vie et rédige La Jetée, un récit de 44 pages relatant ses problèmes personnels, qu’elle envoie à l’écrivain en avril 2009.Attaques d’« une grande violence »En juin 2014, le site Internet de Gallimard annonce la publication de L’Amour et les forêts. La jeune femme reconnaît des élements de sa vie personnelle dans le résumé de l’ouvrage évoquant le parcours de l’héroïne, Bénédicte Ombredanne. Elle s’en inquiète auprès d’Eric Reinhardt, qui concède s’être inspiré de ce qu’a vécu sa lectrice. Plusieurs passages de L’Amour et les forêts sont issus de La Jetée ou de courriels échangés entre l’écrivain et la jeune femme. En janvier, l’avocate de cette dernière adresse une mise en demeure à Gallimard, éditeur du roman. Elle estime que la reproduction à l’identique des mots de sa cliente constitue une atteinte à la vie privée autant que des actes de contrefaçon.Du côté de Gallimard, en revanche, on assure que le personnage du roman, Bénédicte Ombredanne, n'est que pure fiction. Contacté par Le Monde mercredi 25 mars, Eric Reinhardt n’a pas souhaité réagir à chaud à des attaques qu’il qualifie par texto « d’une grande violence ». « Je récuse catégoriquement les accusations calomnieuses de contrefaçon, et me défendrai le moment venu », ajoute le romancier.Matthieu Vaillant Marie-Aude Roux Parmi les 150 victimes du crash de l’Airbus A320 de la compagnie allemande Germanwings tombé dans les Alpes françaises le 24 mars, deux artistes lyriques de renom : la contralto allemande Maria Radner (34 ans), disparue avec son mari et son bébé, et le baryton-basse d’origine kazakhe, Oleg Bryjak (54 ans). Tous deux, attachés à Düsseldorf (Allemagne), rentraient de Barcelone, où ils se produisaient dans Siegfried, de Wagner, donné du 11 au 23 mars au Gran Theatre del Liceu dans la mise en scène de Robert Carsen sous la direction de Josep Pons. Oleg Bryjak y tenait le rôle du nain Alberich (en alternance avec Jochen Schmeckenbecher), Maria Radner celui de la déesse Erda (en alternance avec Eva Podles).Deux wagnériens donc. Maria Radner avait notamment incarné une des trois Nornes dans le très médiatique « Ring » haute technologie (le plus cher de l’histoire lyrique américaine) mis en scène par Robert Lepage au Metropolitan Opera de New York en 2012, dont témoigne un DVD paru chez Deutsche Grammophon. Le public du Festival d’Aix-en-Provence avait pu l’entendre trois ans auparavant : la blonde jeune femme aux yeux bleus interprétait la première Norne et Flosshilde dans Le Crépuscule des dieux, dernier volet de la Tétralogie montée par Stéphane Braunschweig avec Simon Rattle à la tête de la Philharmonie de Berlin, avant une reprise au Festival de Salzbourg en 2010.Une grande musicalitéLa dernière fois que nous l’avons vue sur scène remonte à 2013 : toujours Erda dans la production de L’Or du Rhin réalisée par Dieter Dorn à l’Opéra de Genève. Souvenir plus récent encore pour Oleg Bryzak qui avait incarné en 2014 un Alberich époustouflant dans la mise en scène du « Ring » très controversé de Frank Castorf au Festival de Bayreuth, où il avait fait ses débuts, imposé par le fabuleux chef d’orchestre Kirill Petrenko contre l’avis du metteur en scène.Née à Düsseldorf (Allemagne) le 1er janvier 1981, Maria Friderike Radner avait remporté en 2007 la deuxième place au Concours de chant international 2007 de Bayreuth, avant de devenir boursière de l’Association Richard Wagner. Encore étudiante, elle avait fait sa première apparition publique sous la direction de Zubin Mehta au Palau des Arts à Valence (Espagne) dans l’oratorio Philitaei un Jonatha disperse, du Padre Soler, avant d’interpréter en août 2008 le rôle-titre du Solomon, de Haendel au Festival de Bregenz. La presse avait loué le timbre chaud de sa voix profonde de contralto, son charisme et sa grande musicalité (Neue Vorarlberger Tageszeitung, 20 août 2008). Sa carrière wagnérienne, très prometteuse, avait débuté avec Parsifal dirigé par Lorin Maazel à Valencia (Espagne).Une voix sombre, riche et puissanteDès l’année suivante, Maria Radner faisait partie de la distribution choisie par Simon Rattle pour le « Ring » du Festival d’Aix-en-Provence, où elle interprétait la première Norne et Flosshilde dans Le Crépuscule des dieux, avant la reprise au Festival de Salzbourg en 2010, année charnière dans sa carrière. Elle participe également à deux opéras de Richard Strauss, Elektra (sous la direction de Daniele Gatti) et La Femme sans ombre (sous la direction de Christian Thielemann), fait la prise de rôle d’Erda dans un Or du Rhin programmé à l’Opernhaus de Leipzig, qui l’a ensuite invitée chaque année. Depuis cinq ans, Maria Radner était devenue une artiste incontournable sur toutes les grandes scènes lyriques, que ce soit à Milan, Rome, Salzbourg, Leipzig, New York, Londres, Genève. Maria Radner aurait dû faire ses débuts à Bayreuth cet été. Natif de Jezkazgan au Kazakhstan le 30 octobre 1960, dans l’ancienne Union soviétique, Oleg Bryjak – plus de trente opéras à son répertoire – avait déjà une très solide carrière derrière lui – Paris, Zurich, Londres, Los Angeles, Chicago, Vienne, Berlin, Munich, Sao Paolo et Tokyo. Il avait d’abord étudié l’accordéon puis le chant au Conservatoire d’Alma-Ata. Ses débuts se feront sur les scènes des maisons d’opéra de l’ex-URSS : Chelyabinsk, Lviv et Saint-Pétersbourg. En 1990, il remporte le Deuxième prix au Concours International Sylvia-Geszty à Stuttgart. De 1991 à 1996, il est engagé à la Badische Staatstheater de Karlsruhe, où il chante les grands rôles de basses italiens et russes – Bartolo (Le Barbier de Séville, de Rossini), Dulcamara (L’Elixir d’amour, de Donizetti), Varlaam (Boris Godounov, de Moussorgski), Galitzky et le rôle-titre du Prince Igor, de Borodine, Boris Ismailov dans Lady Macbeth du district de Mtsensk, de Chostakovitch et, bien sûr, Wagner.Membre de l’Opéra de Düsseldorf et de la Deutsche Oper de Berlin, Oleg Bryjak interprète les rôles majeurs de son répertoire, de Mozart (Leporello dans Don Giovanni) à Puccini (Scarpia dans Tosca, le rôle-titre de Gianni Schicchi) en passant par Verdi (Amonasro dans Aida, Iago dans Otello, le rôle-titre de Falstaff et de Rigoletto). Wagnérien grand teint, il chante Klingsor (Parsifal), Telramund (Lohengrin), Hans Sachs (Die Meistersinger)… La critique fait l’éloge de sa voix sombre, riche et puissante, de sa présence scénique. Le public parisien l’avait découvert au Palais Garnier en 2010, dans une reprise de la rare Fiancée vendue, de Smetana, entrée au répertoire de l’Opéra de Paris deux ans plus tôt.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde 25.03.2015 à 15h46 • Mis à jour le25.03.2015 à 16h20 | Alexandre Piquard « Le Conseil a demandé au président Mathieu Gallet, auquel il maintient sa confiance, de lui communiquer l’ensemble des orientations élaborées pour faire face aux déséquilibres financiers de Radio France en prenant en compte l’intérêt de ses personnels. » Le communiqué du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est intervenu après une discussion en séance plénière, mercredi 25 mars, à propos de l’entreprise publique, qui connaît son septième jour de grève et dont le président est critiqué pour ses dépenses.Pouvoir de révocationLe CSA, qui a nommé Mathieu Gallet début 2014, s’exprime quelques heures après que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a mis la pression sur le président de Radio France. La ministre de tutelle a jugé trop peu abouties les propositions d’économies formulées par son président, confronté à une crise financière. « Je dois pouvoir me prononcer sur un projet stratégique et financier stable, documenté et incarné », a-t-elle exigé, demandant des documents sous quinze jours.Lire aussi :Fleur Pellerin juge insuffisantes les propositions de Mathieu Gallet pour Radio FranceLe communiqué du CSA, présidé par Olivier Schrameck, utilise des mot pesés : il demande des éclaircissements à Mathieu Gallet qui estime, contrairement à ce que dit la ministre, avoir proposé des pistes précises. Pour le CSA, c’est une façon d’être présent dans un face-à-face tendu entre Radio France et le gouvernement. Face à l’aggravation de la crise, l’autorité a une démarche qui se veut suivre celle du gouvernement : à la fin de la semaine dernière, après les révélations du Canard enchaîné, l’institution estimait plutôt ne pas être directement concernée, notant que la tutelle, pour les affaires économiques, était assurée par le ministère.Mais le CSA, au passage, assure renouveler sa confiance à Mathieu Gallet, au moment où le mécontentement à Radio France croît. Et où le gouvernement ne semble pas chercher à aider particulièrement le président nommé il y a un an par l’autorité indépendante. Alors que certains dans le secteur posent en privé la question du maintien de Mathieu Gallet, le CSA assure ne pas vouloir user pour l’heure de son pouvoir de révocation.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard « Il faut rapidement renouer les fils du dialogue social et rétablir une forme de sérénité », déclare Fleur Pellerin au sujet de la crise à Radio France. Alors que le PDG de l’entreprise, Mathieu Gallet, appelle l’Etat à faire des choix, la ministre de la culture ne cache pas sa préoccupation face à ce conflit qui semble s’enliser.Mercredi 25 mars, l’entreprise vivait sa septième journée consécutive de grève – son plus long mouvement social depuis dix ans –, synonyme de lourdes perturbations sur les antennes. Le dialogue entre la direction et les syndicats est dans l’impasse. Et M. Gallet doit à nouveau faire face à des révélations sur ses dépenses. Dans son édition du 25 mars, Le Canard enchaîné met au jour un contrat de 90 000 euros conclu entre Radio France et un consultant en communication, Denis Pingaud.Plan de départs volontairesLe climat s’est durci mardi, lors d’un comité central d’entreprise (CCE), quand la direction a confirmé l’hypothèse d’un plan de départs volontaires destiné aux seniors, qui concernerait 200 à 300 salariés. Soit une économie de 17 à 24 millions d’euros, sur les 50 millions de réduction budgétaire que l’entreprise veut atteindre en 2019. Une information qui aurait dû rester confidentielle, mais qu’un syndicat a fait fuiter, nourrissant la colère des salariés.Au ministère de la culture, qui exerce la tutelle sur Radio France, Mme Pellerin rappelle son souci de « respecter les salariés et de tenir compte de leur inquiétude ». Ceux-ci attendent surtout l’issue des négociations entre Radio France et l’Etat, qui doivent aboutir à la signature du nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’entreprise. « Je veux conclure ce travail en avril, assure Mme Pellerin. Mais pour cela, je dois pouvoir me prononcer sur un projet stratégique et financier stable, documenté et incarné. A ce stade, les propositions qui m’ont été faites ne sont pas toutes fermes ou abouties. »Le message, teinté de reproche, est adressé au PDG de Radio France, Mathieu Gallet. Pourtant, depuis trois mois, celui-ci multiplie les propositions : élargissement du type d’annonceurs sur les antennes, fin des diffusions sur les ondes longues et moyennes, fusion des orchestres, fermeture de chaînes comme FIP ou France Musique… Mais cette série d’hypothèses semble avoir créé de la confusion, voire de l’agacement.L’Etat refuse d’apparaître comme le responsable des choix de l’entreprise, notamment s’il s’agit d’éventuelles suppressions de postes, auxquelles les syndicats restent fermement opposés. « C’est un dialogue, rappelle Mme Pellerin. Le rôle de l’Etat est d’arbitrer, celui de la direction de l’entreprise de proposer un projet concret : nous ne sommes plus en gestion directe. » Selon nos informations, la ministre a rencontré M. Gallet, mercredi matin, pour lui demander formellement de lui remettre un projet stratégique finalisé.Recours à l’empruntMais la direction de Radio France n’est-elle pas fondée à pointer les incertitudes financières qui pèsent sur ses choix, et de demander à l’Etat de mieux garantir ses ressources futures ? Le ministère est conscient du fait que le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, dont les prochaines phases ne sont aujourd’hui pas financées, empêche de stabiliser des scénarios. « Nous expertisons les solutions pour sortir de cette impasse financière due aux retards du chantier, qui cristallise tous les problèmes, pour que Radio France puisse passer à autre chose », annonce la ministre.Selon nos informations, la solution la plus probable est celle d’un recours à l’emprunt, pour un montant qui pourrait s’élever à 150 millions d’euros. Mais pour répondre aux besoins de financement du chantier, cet emprunt devrait être finalisé avant l’été. Cela implique que Radio France puisse proposer très vite aux banques un plan d’affaires jusqu’en 2019. Or ce télescopage entre calendrier financier, négociation du COM et négociations sociales est devenu très délicat à manier.Sans parler de l’impact des révélations sur les dépenses de M. Gallet, qu’il s’agisse de la rénovation de son bureau ou de son recours à un conseiller externe en communication. L’exécutif mesure combien ces informations stérilisent le dialogue avec les syndicats. « Nous avons immédiatement diligenté une enquête de l’inspection générale des finances concernant les dépenses de l’ensemble du comité exécutif, dont les résultats seront connus très rapidement », rappelle Mme Pellerin, soucieuse de « garantir un contexte de totale rigueur et de parfaite exemplarité des dirigeants dans les choix de dépenses qui les concernent directement ».« Le problème, c’est la méthode »M. Gallet, nommé en 2014, n’a-t-il pas hérité d’une situation financière dont la gravité n’avait pas été mesurée ? « Les racines du problème financier sont anciennes, estime Mme Pellerin. Elles datent du contrat d’objectifs et de moyens 2010-2014, dont la trajectoire financière n’était pas tenable. En 2012, nous avons demandé un effort à Radio France comme à tous les opérateurs publics. La contrepartie était que l’entreprise s’adapte à cette nouvelle donne, ce qui n’a pas été le cas. »Le contexte de la fin de mandat de Jean-Luc Hees, qui s’est présenté à sa succession avant d’être éconduit par le CSA, n’a probablement pas favorisé l’émergence d’un tel travail.Mais d’autres, au sein de l’exécutif, pointent la responsabilité directe du PDG actuel dans la détérioration du dialogue social à Radio France. « La situation de l’entreprise est loin d’être ingérable, juge une source gouvernementale. Le problème, c’est la méthode qu’a choisie Mathieu Gallet. Beaucoup communiquer sur la situation et la dramatiser a abouti à rompre le dialogue. On ne peut pas parler que d’économies, d’ondes courtes et d’orchestres, il faut un projet. » Comment sortir de l’impasse ? Est-il trop tard ? Le ministère devait aussi recevoir les responsables syndicaux, mercredi. La nomination d’un médiateur est une idée que certains évoquent.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Producteur de jazz, cofondateur ou fondateur des compagnies phonographiques Riverside, Milestone et Landmark, auteur de notes de pochettes de disques réputées pour leur écriture, dédicataire d’une composition du pianiste Bill Evans (1929-1980) Re: Person I Knew, anagramme de son nom, Orrin Keepnews est mort, dimanche 1er mars, à son domicile d’El Cerrito (Californie), près de San Francisco. Il était âgé de 91 ans. Son fils, Peter, journaliste au New York Times, a transmis la nouvelle à la presse sans précision sur les causes de la mort de son père.Né le 2 mars 1923, dans le quartier du Bronx, à New York, Orrin Keepnews, après avoir servi de 1943 à fin 1945 comme opérateur de radar dans l’armée de l’air, a fait ses débuts chez l’éditeur Simon & Schuster où il était chargé de lire les manuscrits. En 1948, il rejoint, en parallèle à cet emploi, son ami Bill Grauer (1923-1963) au sein de la petite équipe de The Record Changer, magazine spécialisé dans le jazz, fondé en 1942 et qui s’arrêta en 1957.Création de Riverside en 1953En 1952, Keepnews et Grauer sont chargés d’exploiter le fonds de catalogue d’un label spécialisé en blues et en jazz des années 1920 et 1930, Paramount Records. Cette expérience les mènera à créer leur propre marque, Riverside Records. D’abord dans la suite de ce travail de réédition, Riverside publie son premier album de jazz « contemporain » et le premier du pianiste Randy Weston, Cole Porter in a Modern Mood, enregistré en avril 1954.Au sein du label, Keepnews est plus particulièrement chargé de la direction artistique, de la production des séances et de la ligne éditoriale et Bill Grauer du suivi commercial et du fonctionnement financier de la société. Après Randy Weston, qui enregistre plusieurs albums pour Riverside, c’est un autre pianiste, Thelonious Monk (1917-1982) qui va rejoindre en 1955 le label pour l’album Plays Duke Ellington, thématique suggérée par Keepnews. Monk restera au sein de Riverside jusqu’à l’automne 1962, enregistrant une vingtaine d’albums, dont des rencontres avec les saxophonistes Sonny Rollins (dans Brilliant Corners, 1957), John Coltrane (1926-1967) et Gerry Mulligan (1927-1996).Fondation de Milestone en 1968Le troisième pianiste, emblème de Riverside, est Bill Evans, qui y signe son premier album en leader, New Jazz Conceptions, sorti fin 1956. Fidèle à la compagnie qui lui a permis de prendre son envol et à Keepnews avec qui il entretient des liens amicaux, Bill Evans enregistrera pour Riverside Records jusqu’à la fermeture du label, peu après la mort de Bill Grauer en 1963, et sera l’un des artistes phares de Milestone Records que Keepnews a fondé en 1968 avec le pianiste et arrangeur Dick Katz (1924-2009).« Re: Person I Knew », composée par Bill Evans en hommage à Orrin Keepnews, interprétée ici au Village Vanguard, à New York, en janvier 1974, avec le contrebassiste Eddie Gomez et le batteur Marty Morrell.Riverside Records, devenu une référence comme Blue Note, va produire près de 400 enregistrements, la plupart supervisés par Keepnews, dont plusieurs du trompettiste Chet Baker (1929-1988), des saxophonistes Sonny Rollins (Freedom Suite, 1958) et Cannonball Adderley (1928-1975), une quinzaine du guitariste Wes Montgomery (1923-1968) dont Fusion ! Wes Montgomery with Strings (1963). Outre Evans et Rollins, qui retrouvent alors Keepnews, Milestone Records va devenir la maison de disques régulière des saxophonistes Joe Henderson (1937-2001) et Lee Konitz ou du pianiste McCoy Tyner, qui y grave dans les années 1970 certains de ses meilleurs disques.Un Grammy Awards en 1999Si le label était toujours en activité jusqu’au début des années 2000, Orrin Keepnews y sera moins actif à partir du milieu des années 1970, chargé de la division jazz de Fantasy Records, grosse structure qui s’appuie sur le succès du groupe rock Creedence Clearwater Revival et construite au cours des ans par l’acquisition de plusieurs labels indépendants, dont l’un des joyaux de la soul, Stax Records.En 1985, Keepnews va fonder Landmark Records. Moins identifiée que Riverside et Milestone, la compagnie phonographique produit une cinquantaine d’albums sous la direction de Keepnews, notamment pour le saxophoniste Bobby Hutcherson et le pianiste Mulgrew Miller (1955-2013). Keepnews quittera sa dernière création en 1993, restant actif dans le milieu du jazz comme consultant ou concepteur pour des rééditions d’albums historiques. Il avait ainsi reçu en 1999 un Grammy Awards pour The Duke Ellington Centennial Edition : The Complete RCA Victor Recordings (1927-1973). En 2007, une collection de rééditions de ses productions les plus notables avait vu le jour sous le titre The Keepnews Collection.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Gabriel Coutagne et Claire Guillot La conséquence de débats internes ? Ou un plan com’ très mal maîtrisé ? Le World Press Photo donne l’impression d’un immense cafouillage depuis la remise d’un prix à un sujet du photographe italien Giovanni Troilo sur Charleroi. Après avoir mené l’enquête autour du sujet polémique, où certaines images ont été mises en scène, l’organisation a d’abord confirmé l’attribution de la récompense au photographe dans un communiqué, le 1er mars, avant d’en publier un autre le lendemain assurant que ses intentions avaient été comprises… à l’envers.Le World Press Photo répond à la ville de Charleroi« Une incompréhension a dominé les discussions sur Internet, donnant à croire que le concours du World Press Photo semblerait approuver la mise en scène des images. Nous aimerions clarifier les choses et préciser que le communiqué avait l’ambition de souligner exactement le contraire ». En effet, de nombreuses figures du photojournalisme s’étaient élevées contre une phrase du communiqué indiquant que les photographes concourant au World Press n’étaient pas autorisés à mettre en scène « des choses qui ne seraient pas arrivées autrement ».Le World Press Photo brise le tabou de la mise en scèneIl n’est pas sûr que le communiqué fasse taire les polémiques : l’organisation réitère son soutien au travail du photographe, qui n’a jamais caché que certaines images avaient été réalisées après l’événement décrit, ou avec l’aide d’un éclairage sophistiqué.Du côté de la mairie de Charleroi, la réaction du World Press Photo n’a suscité aucun étonnement. « Mais M. Paul Magnette [maire de Charleroi] s’estime heureux d’avoir soulevé ce débat. Ce qui importe maintenant, c’est que les professionnels s’emparent de la question », souligne-t-on cependant dans l’entourage du bourgmestre.Le World Press Photo en a profité pour préciser une nouvelle fois les conditions de réalisation d’une image, dans laquelle le photographe avait fait poser son cousin forniquant dans une voiture : « Le cousin avait donné la permission au photographe de le suivre cette nuit-là, de l’observer et de le photographier en train d’avoir des relations sexuelles avec une fille en public. Que le photographe ait été ou non présent, le cousin avait prévu de faire l’amour dans sa voiture ».En 2015, le World Press Photo en quête de « subtilité »Gabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Le Tavernier (Syndicat national de l'édition phonographique) et Bertrand Burgalat (Syndicat national de l'édition phonographique) En 2003, Libération titrait « Le CD bientôt DCD ». Les difficultés auxquelles a été confrontée la musique enregistrée en ont fait le laboratoire de tous les bouleversements qui ont fait vaciller les professions intellectuelles, les services, le commerce. Depuis 2002, elle a perdu plus de 65 % de son chiffre d’affaires, mais elle s’est battue avec ouverture d’esprit et une bonne dose de stoïcisme face aux poncifs et aux préjugés.En 2003, ce quotidien évoquait « une industrie qui n’a pas su s’adapter ». Une décennie et quelques plans sociaux plus tard, les salariés licenciés de la presse, de l’édition ou de l’audiovisuel apprécieront. Car la désindustrialisation culturelle a succédé à la désindustrialisation tout court. Il était normal que la musique ouvre le chemin : il n’y a rien de plus immatériel que les ondes sonores.Pourtant les producteurs sont toujours là. Les artistes savent qu’ils font ce que personne ne fait, surtout pas ceux qui les considèrent avec condescendance comme des « intermédiaires ».La création en studio ne doit pas se réduire à une photographie de la scène. Le théâtre filmé n’est pas le cinéma. La plupart des disques que nous aimons, y compris les moins commerciaux, n’auraient pu être conçus de cette manière, encore moins dans un système de licence globale où tous les moyens d’expression seraient attribués sur dossier. Quant au « Do it yourself », il peut engendrer des œuvres d’une grande singularité, mais aussi des impasses. On ne peut pas à la fois demander le respect des conventions collectives et prôner l’économie précaire, défendre le statut des intermittents et encourager la délocalisation des productions.Créer des richessesLes producteurs français, qui perçoivent 10 % des recettes réelles et assurent l’intégralité des dépenses d’investissement, sont les seuls au monde à ne pas partager leurs échecs. Les artistes perçoivent en effet un pourcentage des ventes dès le premier disque vendu, quand les « royalties » des contrats anglo-saxons ne s’appliquent qu’une fois les frais de production amortis.On a tendance à idéaliser ce qu’a été la musique avant Internet, mais il n’a jamais été facile d’en faire et d’en vivre. Le rôle des labels a toujours été de mettre les risques en commun pour permettre à des projets difficiles de se concrétiser grâce au succès des autres.Aujourd’hui, le problème est moins de partager des richesses qui s’amenuisent que d’en créer. Le numérique a permis un accès plus facile aux moyens de production et de diffusion, mais l’illusion du tout-gratuit a amplifié les inégalités et concentré le pouvoir entre les mains des bases de données géantes.Il faut beaucoup de courage aux politiques pour ne pas céder aux appels à la gratuité qui fait le jeu des marchands d’algorithmes au détriment des créateurs, ou à l’exaltation des chauffards du Net. Face aux images d’Epinal, il convient de souligner la complémentarité entre « gros » et « petits » labels, musiciens et mélomanes.Les cartes sont sur la table : l’offre légale s’est diversifiée, la musique et la chanson francophone s’exportent et bénéficient, à leur manière, de la dématérialisation des échanges. En 2014 le streaming, cette lecture par flux qui concilie droits des artistes et attentes des auditeurs, a progressé de 34 %. On ne peut pas en dire autant de la musique sur la bande FM ou la TNT, avec des diffuseurs qui trahissent délibérément les engagements qui fondent l’obtention de leurs concessions. « Les maisons de disques n’ont pas su anticiper les nouveaux enjeux technologiques », disait-on. Et vous ?Bertrand Burgalat est musicien, fondateur du label Tricatel. Stéphane Le Tavernier est président de Sony Music France. Ils sont respectivement vice-président et président du Syndicat national de l’édition phonographique.Stéphane Le Tavernier (Syndicat national de l'édition phonographique)Bertrand Burgalat (Syndicat national de l'édition phonographique) 01.03.2015 à 23h08 • Mis à jour le02.03.2015 à 07h26 | Florence Evin Le château de Fontainebleau (Seine-et-Marne), situé à soixante kilomètres de Paris, a été cambriolé, dimanche 1er mars, peu avant six heures du matin. Une quinzaine d’œuvres orientales, provenant de Thaïlande et de Chine, ont été dérobées dans le musée chinois situé au rez-de-chaussée, devant l’étang aux carpes. Les malfaiteurs sont entrés par effraction. L’opération a duré sept minutes, jusqu’à ce que l’alarme se déclenche dans ce lieu qui est l’un des plus sécurisés de l’ancienne résidence royale, doté d’alarmes et de caméras de surveillance. Le forfait a eu lieu dans les trois salons chinois aménagés en 1863 par l’impératrice Eugénie, qui en avait choisi la décoration, jusqu’à dessiner elle-même le mobilier. « Un espace souvent fermé au public, très intime et très atypique, avec ses grands paravents laqués d’or », précise, au Monde, Jean-François Hébert, le président de l’établissement public.Valeur inestimableTrois vitrines ont été fracturées. Ont disparu la réplique de la couronne du roi de Siam, émail sur ronde-bosse d’or filigranné, offerte en 1861 à Napoléon III par une ambassade du Siam en visite officielle ; un mandala tibétain en corail, or et turquoise ; une chimère chinoise en émail cloisonné du règne de Qianlong (1736-1795) ; des vases et un plat en argent, notamment. Des objets de grande qualité, d’une valeur inestimable. « Ce sont probablement des gens très professionnels qui connaissaient bien les lieux et le système de fermeture. En partant, ils ont tout aspergé avec un extincteur pour faire disparaître toutes traces. Ils ont calculé leur coup, ils savaient très bien quels objets ils convoitaient », indique Jean-François Hébert. L’Office central de lutte contre le trafic illicite des biens culturels a été alerté. La police judiciaire de Melun est chargée de l’enquête.« C’est un traumatisme terrible pour le château, on peut espérer qu’un jour ces pièces reviennent sur le marché », note M. Hébert. Le précédent vol au château date de 1995. Des quinze objets dérobés, neuf ont été retrouvés à ce jour. Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe (IMA), réagit à la vidéo mise en scène par les djihadistes de Daech et diffusée sur Internet jeudi 26 février, montrant le saccage, au musée de Mossoul et sur le site de Ninive, en Irak, des statues et reliefs de pierre millénaires de l’empire assyrien. L’ancien ministre de la culture appelle au renforcement de la coalition internationale, notamment des pays arabes, contre les terroristes, qui utilisent la culture comme arme.En Irak, Daech frappe la culture en plein cœurAvec Daech, est-ce le retour de l’obscurantisme, d’une culture totalitaire apparentée au nazisme ?On a affaire à des fanatiques qui ont pour ambition d’instaurer un ordre dictatorial et totalitaire : un seul chef, une seule philosophie. Tout le reste est impie, doit être massacré, dilapidé, détruit. Ils se sont mis à l’écart de l’humain, en adoptant une idéologie de destruction de l’humain. Leurs méthodes sont les mêmes que celles des nazis, qui s’attaquaient autant à la pensée qu’aux êtres humains eux-mêmes, avec les autodafés, les camps de concentration. Les nazis, c’est la suppression de toute pensée, hormis celle d’Hitler.En remontant le temps, peut-on évoquer l’Inquisition ?Les terroristes fanatiques se drapent dans les oripeaux de l’islam, qu’ils trahissent. Cela rappelle l’Inquisition, lorsque Isabelle La Catholique, fanatique, chassa les juifs et les musulmans d’Espagne, ceux qui refusaient de se convertir. Tout signe religieux autre que chrétien fut détruit. Il y a probablement eu aussi des califats dans l’histoire de la conquête qui ont agi de la sorte. Chasser les idoles, ce n’est pas nouveau.Comment cerner les racines du mal ?Ça ne change rien de rechercher les racines du mal, quand les Occidentaux prennent de grands airs. On oublie que Monsieur Bush a enclenché la déstabilisation de l’Irak : la destruction a été suivie par l’installation d’un gouvernement intolérant, d’une grande cruauté, qui a mis à l’écart les sunnites. Daech est le fruit amer de George W. Bush et de Bachar el-Assad.A Mossoul, le nettoyage culturel s’étend des bibliothèques aux mausoléesAux yeux des terroristes, la culture est-elle l’arme la plus efficace pour toucher un large public ?Cette entreprise criminelle, totalitaire, lucrative, cynique, utilise le système terroriste qu’on a connu à différentes périodes de l’histoire – sous le régime stalinien, notamment –, pour mettre en scène, en ligne, les destructions d’œuvres d’art et les diffuser mondialement avec une véritable science médiatique. C’est un phénomène complètement nouveau. Elle cherche à terroriser le monde par des actes, des images, des comportements qui peuvent faire peur, jusqu’à la capitulation.La communauté internationale, notamment arabe, en fait-elle assez ?La situation est monstrueuse. Que faire ? Face à cela, il ne faut accepter aucune concession, d’aucune sorte. Tout signe de faiblesse fait leur jeu. Un demi doigt dans cet engrenage, accepter de battre en retraite, ne serait-ce que d’un millimètre, donneraient raison à des gens qui utilisent le terrorisme pour imposer un ordre totalitaire absolu. En France, il ne faut pas céder d’un pouce. La monstruosité est telle qu’elle finira par susciter, y compris chez certains naïfs qui se sont laissés abuser, une coalition. Celle de l’ensemble des pays arabes s’amplifie.Destructions d’œuvres d’art : « C’est un djihad mené contre le passé »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.02.2015 à 19h33 • Mis à jour le27.02.2015 à 23h34 Timbuktu sera bien en compétition au Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Burkina Faso. Après plusieurs jours d'atermoiements et de rumeurs annonçant comme quasi certain le retrait du film d'Abderrahmane Sissako du programme pour des raisons de sécurité, décision a été prise de faire concourir le long-métrage récemment plébiscité aux Césars.« Le gouvernement du Burkina Faso a décidé de la diffusion de Timbuktu », a déclaré, vendredi 27 février, à la radio nationale Jean-Claude Dioma, le ministre de la culture burkinabè, alors que le Fespaco s'ouvre samedi. « Mais pour accompagner cela, des mesures sécuritaires renforcées vont être prises », a-t-il poursuivi, faisant état de « risques » que les autorités avaient d'abord dû évaluer avant de trancher sur la projection du film.Lire aussi (édition abonnés) : Fespaco : « Timbuktu » n'est plus en Afrique« PAS MAL DE PROBLÈMES SÉCURITAIRES »« Il y a pas mal de problèmes sécuritaires qui se posent [autour de] Timbuktu », confiait, jeudi, M. Dioma. S'il affirmait « ne pas avoir eu vent de menaces sur le Burkina ou sur des quelconques intérêts », il y a, soulignait-il, « des menaces partout où les islamistes pensent qu'on est en train de toucher à des aspects de leur croyance ».Abderrahmane Sissako avait milité pour la programmation de son film au Fespaco. « D'abord, je n'ai rien entendu sur les menaces qui pèseraient sur moi », a-t-il expliqué au Monde. « Je peux rester moins longtemps que prévu et je ne traînerai pas dans les maquis [les restaurants populaires]. Ce serait dommage d'annuler, si une projection du film avait un sens, c'était bien celle de Ouagadougou. »Fondé en 1969, le Fespaco, un des principaux festivals de cinéma d'Afrique, se tient tous les deux ans au Burkina Faso. Au moins 12 000 festivaliers, dont 5 000 étrangers, sont attendus pour la 24e édition de cette manifestation populaire. Gabriel Coutagne Une polémique en a chassé une autre. Cette année encore, le World Press Photo avait soulevé la question de la retouche en photographie, en annonçant avoir rejeté près de 20 % des photographies présentées au jury du prestigieux prix. Mais c’était compter sans une autre affaire, révélée mercredi 25 février par le site Our Age Is 13, spécialiste de l’actualité photographique.Dans un courrier adressé à la présidence du jury du World Press Photo, et que Le Monde a pu consulter, la mairie de Charleroi « demande de retirer le prix qui a été accordé à M. [Giovanni] Troilo à la lumière de notre argumentation et de nos explications ». En cause, une série d’images, très sombre, qui montre des personnages, présentés comme des Carolorégiens, dans des situations décrivant une misère sociale et morale, ou s’adonnant à des pratiques sexuelles libertines. Une demande rejetée par l’institution dimanche 1er mars, après plusieurs jours d’enquête, confortant le prix remis à Giovanni Troilo. « Le World Press Photo n’a trouvé aucun fondement permettant de remettre en cause l’intégrité [journalistique] du projet du photographe. Aucun fait n’a été manipulé dans les légendes que le jury a pu consulter », précise l’institution dans un communiqué.Le World Press Photo brise le tabou de la mise en scèneGiovanni Troilo est un photographe italien travaillant habituellement dans les domaines de la mode et de la publicité. Il a été récompensé dans la catégorie « problématiques contemporaines », pour une série intitulée The Dark Heart of Europe. Le photographe présente son travail sur son site :« Aujourd’hui, le malaise social s’insère dans la vie des citoyens [de Charleroi]. Les routes, qui étaient à l’époque propres et fleuries, sont aujourd’hui abandonnées et en mauvais état. Les usines ferment et la végétation reprend ses droits dans les vieux quartiers industriels. Une sexualité perverse et malade, la haine raciale, une obésité névrotique, l’abus d’antidépresseurs semblent être les seuls remèdes pour surmonter ce malaise endémique. »« UNE ATTEINTE À LA PROFESSION DE PHOTOJOURNALISTE » Dans les jours qui ont suivi l’annonce du prix, faite le 12 février, « plusieurs personnes, dont des photographes, ont réagi sur les réseaux sociaux », raconte Molly Benn, rédactrice en chef du site Our Age Is 13.@lesoir WPressPhoto 2015.Le misérabiliste "Dark heart of Europe" sur #charleroi primé. http://t.co/kB9S3QJoDC http://t.co/Zuo3UR9XXz— Humbert_Tesla (@Umberto di Tesla)require(["twitter/widgets"]);Parmi eux, le photojournaliste belge Thomas Vanden Driessche s’était interrogé sur ce qu’il considère comme une dérive du photojournalisme.Triste... Ou peut-être un nouveau point de départ pour s'interroger sur les dérives d'un certain photojournalisme... http://t.co/DzCvURFeHd— thomasvdd (@T. Vanden Driessche)require(["twitter/widgets"]);« C’est en tant que photojournaliste que je me suis senti concerné par ce prix », explique au Monde Thomas Vanden Driessche. Sa question a alimenté le vif débat sur les réseaux sociaux, auquel ont pris part photographes et habitants de Charleroi. « Nous avons d’abord été contactés par plusieurs photographes », confirme la mairie de la ville. Si le souci principal de la municipalité est bien d’en défendre la réputation, l’argument pour convaincre le World Press Photo de retirer ce prix est journalistique.« Nous considérons le sujet du photographe, construit de toutes pièces, tant comme une atteinte à la ville et aux habitants de Charleroi que comme une atteinte à la profession de photojournaliste en tant que telle », dénonce dans sa lettre le bourgmestre de la ville, Paul Magnette (PS), en fonction depuis juillet 2014. « Le caractère falsifié et mensonger des légendes, la manipulation de la réalité, la construction d’images-chocs mises en scène par le photographe, malhonnêtes (…) trahissent les bases de l’éthique journalistique », poursuit l’élu.Le recours à la mise en scène est parfois légitime dans un sujet documentaire, notamment lorsque l’on fait un portrait, mais le World Press Photo, dans un document disponible en ligne, précise qu’une image ne doit pas faire l’objet d’une mise en scène ou d’une reconstitution. De plus, certaines imprécisions dans les légendes posent problème.UN RÉCIT PERSONNEL Le rendu de ce portrait et sa légende suggèrent que cette personne vit recluse chez elle pour fuir la violence de son quartier. Thomas Vanden Driessche souligne pourtant « qu’il s’agit de Philippe Génion, une personnalité bien connue à Charleroi (…). Il habite dans un quartier populaire, mais relativement paisible. Sa maison est également un bar à vin ». Sur son profil Facebook, le modèle raconte le moment de la prise de vue :« Le photographe m’a demandé de poser pour lui, dans mon intérieur, et a demandé à ce que je sois torse nu, ce qui ne m’a nullement dérangé, n’ayant aucun complexe par rapport à mon physique. Les deux artistes étaient sympathiques et ne cachaient pas qu’ils mettraient en scène leurs photos, disant clairement qu’ils ne faisaient pas un reportage, mais un travail photo. Par contre, je m’insurge contre le terme d’“obésité névrotique”, qui, s’il peut qualifier d’autres personnes que je ne connais pas, n’est absolument pas mon cas. »De son côté, Giovanni Troilo ne semble pour l’instant pas trop inquiet de la polémique, comme le rapporte un blog du quotidien italien La Repubblica : « Je m’attendais aux polémiques, et ils n’ont pas été tendres… Mais je n’imaginais pas des réactions de ce genre. Je comprends l’ambiance, ils cherchent à promouvoir une image neuve de la ville [Charleroi], et dire certaines choses dérange. »Le photographe se défend, présentant sa série comme un récit personnel plutôt que comme un reportage au sens strict. Pour lui, ce travail rend compte de choses « qu[’il a] vues, qu[’il] conna[ît], dont [il] sai[t] qu’elles existent », tout en concédant, en creux, que certaines images sont mises en scène : « Il y a aussi des photos où [les personnes] ne posent pas, la dame avec la tête inclinée sur la table est véritablement une personne dans un hospice, c’est une amie de ma tante. La police était vraiment en train de charger… »Giovanni Troilo avait reconnu en conclusion de l’interview accordée à La Repubblica devoir fournir des explications au World Press Photo quelques jours avant la décision de confirmer le prix remis au photographe.Gabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... 27.02.2015 à 15h06 • Mis à jour le27.02.2015 à 15h59 | Francine Aizicovici Le Grand-Duché du Luxembourg manque à ses obligations en matière de prévention des abus du recours aux contrats à durée déterminée (CDD) pour les intermittents du spectacle. C’est ce que décide la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 26 février, indique l’Agence d’informations sociales AEF. La Cour avait été saisie d’un recours en manquement dirigé par la Commission européenne contre le Luxembourg.Le code du travail luxembourgeois prévoit que, comme en France, la durée maximale d’un CDD ne peut dépasser vingt-quatre mois, renouvellement compris. Il prévoit les cas de recours au CDD pour des « tâches précises et non durables » telles que le « remplacement d’un salarié temporairement absent », « l’emploi à caractère saisonnier », etc.« Il ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise », précise le code du travail du Grand-Duché. Toutefois, une dérogation est prévue « pour les intermittents du spectacle » : leurs CDD « peuvent être renouvelés plus de deux fois, même pour une durée totale dépassant vingt‑quatre mois, sans être considérés comme contrats de travail à durée indéterminée ».Ce qui, selon la CJUE, constitue un manquement aux obligations prévues par l’accord-cadre européen de 1999 annexé à la directive sur le travail à durée déterminée de la même année. En vue de la prévention des abus, l’accord-cadre dispose notamment que le renouvellement des CDD doit être justifié par une « raison objective » permettant de vérifier si ces contrats correspondent à un besoin véritable.La loi française pas très différenteOr, la Cour constate que la loi luxembourgeoise autorise les employeurs à conclure ces CDD avec les intermittents y compris pour des besoins permanents et durables. Le Luxembourg avait invoqué un arrêt antérieur qui, selon lui, considère que la situation des intermittents serait caractérisée par l’existence de « raisons objectives », au sens de l’accord-cadre et de la jurisprudence de la Cour.En particulier, ces travailleurs participeraient à des projets individuels et limités dans le temps et une certaine flexibilité ainsi que des avantages sociaux résulteraient de la possibilité, pour un employeur, de renouveler des contrats à durée déterminée avec ces mêmes travailleurs. Un argument balayé par la Cour européenne.La loi française n’est pas très différente de la loi luxembourgeoise. Elle prévoit une quinzaine de secteurs d’activités, dont celui des spectacles, « dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».Toutefois, le fait qu’un emploi pourvu en CDD successifs est conclu dans l’un de ces secteurs n’exclut pas, qu’en cas de litige, l’employeur devra démontrer au juge le caractère temporaire de ce poste. C’est qu’affirment depuis plusieurs années des arrêts de la Chambre sociale et la chambre criminelle de la Cour de cassation.Francine AizicoviciJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Ce n’est pas une divine surprise, ce sont plutôt de vraies raisons d’espérer. La Fnac, qui s’est fortement transformée depuis cinq ans, voit enfin les effets positifs de cette mutation et juge que son modèle économique est à terme viable. En 2014, le premier distributeur français de produits culturels et technologiques a enrayé la dégradation de ses ventes.Son chiffre d’affaires s’est stabilisé à 3,9 milliards d’euros, contre une baisse de 3,1 % en 2013. Sur le second semestre de 2014, son activité a même crû de 0,9 %. Sur l’exercice 2014, la Fnac a multiplié son bénéfice net par trois, qui est passé de 15 à 41 millions d’euros, après des pertes de 142 millions en 2012, selon les chiffres rendus publics, jeudi 27 février.Arrivé à la tête du groupe en 2011, Alexandre Bompard estime qu’« aujourd’hui, tous les indicateurs sont au vert ». Après une année 2013, marquée par la sortie du groupe Kering (ex-PPR) et l’entrée en Bourse de l’enseigne culturelle, qui a amorcé le redressement de l’entreprise, « 2014 vient consolider notre modèle », estime-t-il, avant une phase de développement prévue pour 2015.Le livre en tête des ventesLa France représente toujours 70 % des ventes du distributeur. Sur les marchés étrangers où il est présent, le groupe est plutôt à la peine, à l’exception de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) où les ventes ont progressé de 0,7 %, à 659 millions d’euros, tirées en partie par des ouvertures de magasins. Le Brésil a en revanche chuté (– 11,3 %) dans un contexte de consommation ralentie, de même la Suisse et la Belgique se sont repliées de 2,6 % sur l’année.La Fnac ne donne plus d’information concernant la répartition de ses ventes par familles de produits. Mais le livre reste, à ce jour, le premier produit culturel vendu par l’enseigne. En 2013, le chiffre d’affaires qu’elle réalisait en France dans ce secteur s’élevait à 452 millions d’euros. Depuis, la Fnac est passée de 108 à 112 points de vente dans l’Hexagone dont 27 franchisés avec aussi deux espaces « Culture et loisirs » du groupe Intermarché. Cette alliance stratégique avec Intermarché va se renforcer en 2015, avec l’ouverture d’un troisième espace de ce type, en mars.De fait, la santé recouvrée de la Fnac repose en partie sur la bonne résistance du marché du livre, en France, mais c’est plus par la mise en place de nouveaux produits et par l’«omnicanalité » (c’est-à-dire qui associe différents canaux de distribution) que la Fnac explique les raisons de son retour à la croissance. En 2014, les cinq nouvelles familles de produits (petit électroménager, art de la table, jeux et jouets, papeterie, téléphonie et objets connectés) ont représenté 11 % des ventes totales, contre 6 %, il y a cinq ans. Ainsi la Fnac a vendu près de 600 000 téléphones mobiles sans abonnement en 2014.Une dérogation pour ouvrir le dimancheAu moment où des géants du Net, comme Amazon et Google, amorcent un virage avec l’acquisition de magasins physiques, la Fnac considère que cette évolution valide sa stratégie élaborée en 2011 de devenir le principal distributeur culturel multicanal en France, avec à la fois une forte présence dans l’e-commerce, mais aussi le maintien de magasins physiques et la volonté de mettre l’accent sur les magasins de proximité.La Fnac souligne que ses ventes omnicales ont représenté, en 2014, plus de 35 % des ventes Internet du groupe en France, contre 29 % en 2013. Fnac.com occupe la deuxième place de site d’e-commerce, ex aequo avec Cdiscount, derrière Amazon. A noter qu’en 2014, la Fnac n’a fait aucun plan de restructuration, en France.Pour l’avenir, Alexandre Bompard se montre plutôt optimiste et mise sur la poursuite de ces axes de croissance. Dans un entretien accordé, vendredi 27 février, au Figaro, le PDG de la Fnac se fait l’avocat d’« une dérogation pour le secteur de la culture qui permettrait à la Fnac d’ouvrir tous les dimanches ». Un joli pavé dans la marre, alors que la loi Macron vient tout juste d’être adoptée au forceps, mais qui a sa logique économique : dès lors que 35 % des ventes culturelles se font en ligne, M. Bompard considère que cette décision serait salutaire pour renforcer les acteurs français de la distribution culturelle.>> Lire aussi : Plaidoyer du patron de la FNAC pour le travail dominicalAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Ce sera finalement en octobre. Les 5es Rencontres internationales du dessin de presse organisées par le Mémorial de Caen auront bel et bien lieu, mais à l’automne, et non les 10 et 11 avril comme initialement prévu. Après avoir annoncé, jeudi 26 février, que la manifestation était annulée au printemps pour des raisons de sécurité, le directeur du site, Stéphane Grimaldi, a confié, vendredi 27 février, au Monde, que ce rassemblement d’une quarantaine de caricaturistes du monde entier se tiendrait six mois plus tard, en octobre, donc : « Cela fait quarante-huit heures que nous cherchions une autre date. C’est fait. Cela va nous laisser le temps pour reconfigurer notre événement. »Un certain nombre d’indices avait incité la direction du Mémorial à repousser ces Rencontres. Tout d’abord, le piratage – à six reprises depuis l’attaque contre Charlie Hebdo – du site Internet du musée. Celui-ci s’est notamment trouvé hors service pendant deux jours en janvier après avoir été visé par des hackers se présentant comme des islamistes tunisiens. Ensuite, les fusillades de Copenhague, les 14 et 15 février, ont eu pour effet de diffuser un sentiment d’inquiétude parmi certains des dessinateurs invités, en particulier étrangers. Si un seul des 44 auteurs attendus avait annulé sa venue, M. Grimaldi dit avoir reçu plusieurs courriers faisant part d’une vive appréhension.400 000 visiteurs chaque annéeLe Mémorial s’est enfin rendu compte que la sécurisation de la manifestation tenait de la gageure. Plusieurs interventions de caricaturistes devaient, en effet, se tenir à l’« extérieur » du site, en particulier à l’université de Caen et dans des lycées. « Cela devenait ingérable », explique M. Grimaldi. Quant au site lui-même, qui accueille chaque année 400 000 visiteurs, sa configuration rend impossible un filtrage total des allées et venues, comme ont pu le constater certains observateurs en accueillant, fin janvier, le 18e Concours de plaidoiries des lycéens pour les droits de l’homme. Ce report des Rencontres internationales du dessin de presse fait écho à la décision des autorités belges, le 21 janvier, d’annuler une exposition consacrée à Charlie Hebdo au Musée Hergé de Louvain-la-Neuve. Le bourgmestre de la ville et les forces de police avaient alors estimé que sa tenue pouvait faire courir un risque au personnel du musée et à la population de la commune.En Belgique, le Musée Hergé renonce à rendre hommage à « Charlie Hebdo »Aucun incident à AngoulêmeAucune reculade, en revanche, n’a eu lieu au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, dont la 42e édition s’est déroulée fin janvier. Montées à la hâte, deux expositions ont rendu hommage au journal satirique : l’une à l’intérieur même de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image ; l’autre dans les rues de la cité charentaise où des affiches représentant des « unes » de Charlie Hebdo – assez osées pour certaines – avaient été collées sur les panneaux électoraux. Aucun incident n’a été signalé. Pendant le festival, les autorités locales ont également rebaptisé la place des Halles en « place Charlie pour la défense de la liberté d’expression ».Festival d’Angoulême : une année particulièreD’hommage aux caricaturistes disparus, il sera également question fin septembre à l’Humour vache, un festival consacré au dessin de presse organisé depuis trente-quatre ans à Saint-Just-le-Martel, un village de Haute-Vienne. Cabu, Wolinski, Charb et Tignous, tués dans les attentats des 7, 8 et 9 janvier, étaient des habitués de cette manifestation qui offre chaque année à son lauréat l’équivalent financier d’une vache en chair et en os. « Nous n’avons pas encore décidé de la forme que prendrait cet hommage, indique au Monde le responsable de la manifestation, Gérard Vandenbroucke. J’ai souhaité respecter une période de distanciation, au moins le temps que Charlie reparaisse, avant d’en parler aux familles des victimes. »Mines plombéesLe site Internet de l’Humour vache avait été piraté après l’affaire des caricatures danoises de 2005. Aucun signe, aucune menace, aucun message n’est arrivé au siège de l’association depuis la tuerie de Charlie Hebdo, sinon des « témoignages de sympathie ». « Il est vrai qu’on n’a encore rien annoncé de notre programme, c’est peut-être pour cela qu’on nous laisse tranquilles, ironise M. Vandenbroucke. Il va de soi que notre thématique, cette année, tournera autour de la liberté d’expression. »Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », la BD solidaireFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Revolver », pilule psychédéliqueCette semaine : autour de l’album Revolver (août 1966).« Taxman » (Harrison), par The Power StationSeule composition de George Harrison (1943-2001) à ouvrir un album des Beatles, Taxman a été écrite par le plus discret des Beatles en réaction à l’institution d’une supertaxe de 95 % pour les revenus les plus élevés (« Should five per cent appear too small/Be thankful I don’t take it all/Cos I’m the taxman/Yeah I’m the taxman », « Si 5 % te semble trop peu/Sois heureux que je ne prenne pas tout »). Cette « protest song » sur des problèmes de riches a généré une quarantaine de reprises. Dont celle d’un supergroupe du milieu des années 1980, The Power Station, constitué du chanteur Robert Palmer (1949-2003), du guitariste Andy Taylor et du bassiste John Taylor, membre du groupe Duran Duran, et du batteur de Chic, Tony Thompson (1954-2003), sous la houlette du bassiste et producteur de Chic, Bernard Edwards (1952-1996). The Power Station s’est reformé en 1996 le temps d’un album, Living In Fear, avec Edwards à la basse – Taylor avait travaillé sur les compositions et les arrangements mais avait quitté le groupe peu avant les séances d’enregistrement. Outre la reprise de Taxman, l’album proposait Let’s Get It On de Marvin Gaye (1939-1984). Edwards devait mourir, en avril, quelques mois avant la sortie du disque en septembre 1996. « Eleanor Rigby » (Lennon-McCartney), par The Four TopsAvec son double quatuor à cordes en soutien des harmonies vocales de Paul McCartney (qui assure le chant principal), John Lennon (1940-1980) et George Harrison, Eleanor Rigby a souvent donné lieu à des reprises qui en rajoutent dans le « symphonisme » (la plus grosse cavalerie dans le genre étant due au groupe américain de hard-rock progressif Kansas). Si le chanteur brésilien Caetano Veloso l’a abordé sobrement, c’est au groupe vocal soul The Four Tops, l’une des formations les plus en vue de Motown dans les années 1960 et le début des années 1970, que l’on doit cette superbe version. Produite par Norman Whitfield (1940-2008), qui travailla en particulier avec l’autre grande formation vocale masculine de Motown, The Temptations, elle figure dans l’album Now !, publié en 1969, qui se concluait par une reprise tout aussi inventive de The Fool On The Hill, l’une des chansons des Beatles de la fin 1967 présente sur Magical Mystery Tour. « I’m Only Sleeping » (Lennon-McCartney), par LoboNé Roland Kent LaVoie, en 1943, Lobo est connu des amateurs pour ses premiers albums country-folk-pop au début des années 1970 pour la compagnie phonographique Big Tree. Un ensemble de bonne facture (Introducing Lobo, en 1971, avec le tube Me and You and a Dog Named Boo, Calumet en 1973, A Cowboy Afraid Of Horses, en 1975…) parmi lesquels son quatrième album, Just A Singer, en 1974, dont est tiré I’m Only Sleeping, qui donna aussi lieu à un 45-tours. Aux effets de sons inversés sur les guitares et le traitement façon sitar de la guitare acoustique développé par les Beatles, Lobo a substitué un discret contre-chant aux claviers qui fait beaucoup dans la réussite de son adaptation. « Love You To » (Harrison), par BongwaterPremière chanson des Beatles à traduire clairement l’intérêt du groupe, plus exactement celui de George Harrison, pour la musique indienne, Love You To a donné lieu à une poignée de reprises. Du thème original joué par Harrison aux guitares et au sitar (instrument qu’il avait déjà utilisé dans la chanson Norwegian Wood (This Bird Has Flown) en octobre 1965), Ringo Starr au tambourin et par les musiciens indiens d’un ensemble traditionnel, le groupe de rock expérimental new-yorkais Bongwater a fait une éruption sonore. Elle se trouve sur Double Bummer (Shimmy Disc, 1989), le disque le plus intéressant de ce groupe actif du milieu des années 1980 à 1992. Un double album bourré de références, avec des chansons qui évoquent Frank Sinatra (1915-1998), David Bowie, le reggae, et des reprises dont You Did It Again de Kevin Ayers (1944-2013), Dazzed and Confused de Led Zeppelin chanté en cantonais et un doublé Beatles avec, outre ce Love You To, la chanson Rain. « Here, There and Everywhere » (Lennon-McCartney), par Claudine Longet et sous le titre « Se Mai Te Scantassi di Me » par Laura LucaCette douce ballade, dont Paul McCartney dira qu’elle devait beaucoup aux modulations vocales des Beach Boys, a plus particulièrement suscité des vocations chez les chanteuses, dont Céline Dion, Bobbie Gentry (créatrice du tube Ode to Billie Joe, qui mena l’album du même nom à détrôner à l’été 1967 des classements des meilleures ventes aux Etats-Unis le Sgt Pepper’s des Beatles), Emmylou Harris… Et puis il y a Claudine Longet et Laura Luca. Difficile de choisir entre les deux, d’où cette double présentation.Parisienne partie vivre aux Etats-Unis dans les années 1960, Claudine Longet a joué dans le film psychédélico-catastrophe The Party (1968), de Blake Edwards (1922-2010) avec Peter Sellers (1925-1980), et enregistré entre 1967 et 1972 plusieurs albums essentiellement pop constitués de reprises. Dont, parmi d’autres hommages aux Beatles, Here, There and Everywhere dans l’album Claudine (A & M Records, 1967). L’Italienne Laura Luca, chanteuse, pianiste et guitariste, a été révélée au grand public italien avec la chanson Domani Domani lors de la 28e édition du Festival de Sanremo. Une chanson que l’on trouve dans son premier album pour Dischi Riccordi, en 1979, Se Mai Ti Stancassi di Me, titre de son adaptation d’Here, There and Everywhere. De l’intimité pop de ses débuts, Laura Luca est passée, au début des années 1980, à une approche plus rock (elle reprendra notamment Get Back des Beatles) puis à une variété plus passe-partout.  « Yellow Submarine » (Lennon-McCartney), sous le titre « Un p’tit sous-marin jaune » par Les Nouveaux BaronetsEn plus de sa présence sur l’album Revolver, le sous-marin jaune des Beatles figurait en face B du single Eleanor Rigby. Chanté par Ringo Starr, Yellow Submarine se retrouvera aussi dans la bande-son du film d’animation du même nom en 1968 et dans l’album lié au film en 1969. Ce qui fait beaucoup pour une chanson que l’on peut considérer comme mineure dans le répertoire des Beatles. Elle donna généralement lieu à des reprises pas très sérieuses, dans l’esprit de l’original. En France, le sous-marin est devenu vert pour une question de rime, quelques semaines après la sortie de la chanson des Beatles, dans son adaptation par Jean Broussolle pour Les Compagnons de la chanson, dont il était le parolier. Maurice Chevalier (1888-1972) le chantera tout aussi vert dans sa reprise de la reprise ainsi que le duo Jean-Marie & Raoul, pour qui ce qui importe dans le sous-marin, ce sont les marins. C’est aux Canadiens francophones du trio Les Nouveaux Baronets (anciennement Les Baronets à leur formation en 1961) que l’on doit le respect de la couleur jaune du sous-marin dans une adaptation, en 1966, par René Angélil, futur agent artistique et mari de Céline Dion. Si la couleur reste, le sous-marin a perdu en taille devenant Un p’tit sous-marin jaune. « She Said She Said » (Lennon-McCartney), par The FeeliesLe duo malin de blues rock The Black Keys (Dan Auerbach, guitare et chant, Patrick Carney, batterie) avait mis au cœur de son premier album, The Big Come Up (Alive Records, 2002), une version sans fioritures et directe de She Said She Said, l’une des envolées psychédéliques de Revolver. Paul McCartney absent lors des séances d’enregistrement, c’est George Harrison qui tient la basse. Le groupe de blues rock et d’improvisations Gov’t Mule, copain de Grateful Dead et de l’Allman Brothers Band, l’a traité comme prétexte à des échanges solistes un peu vains. Le groupe post punk américain The Feelies en a lui enregistré une version plus classiquement proche de l’arrangement original, sans effets sonores et menant à un final dynamique, qui dans ce cas restait le meilleur moyen d’aborder cette chanson. A trouver sur le 45-tours No One Knows (Coyote/Twin/Tone, 1986) qui accompagnait The Good Earth, deuxième album du groupe, leur meilleur. « Good Day Sunshine » (Lennon-McCartney), par LuluClaudine Longet, déjà évoquée pour sa reprise d’Here, There and Everywhere, avait un autre extrait de Revolver à son répertoire, cette ritournelle joyeuse, très Eté de l’amour 1966 (« bonjour soleil »), qui ouvrait la face B de l’album des Beatles. Mais, de la dizaine de reprises notables, c’est celle de Lulu (née Marie McDonald McLaughlin Lawrie en 1948) qui domine. Par son traitement soul (avec la section de vents The Memphis Horns), le phrasé crâneur, un rien crapule de la chanteuse et actrice écossaise. Sa version venait au début de son album Melody Fair (Atco, 1970) produit et arrangé, comme le précédent New Routes, par Jerry Wexler (1917-2008), Tom Dowd (1925-2002) et Arif Mardin (1932-2006) qui, en matière de soul avaient, ensemble ou séparément, quelques lettres de noblesse, dont Aretha Franklin, Roberta Flack, Wilson Pickett (1941-2006), Ray Charles (1930-2004) ou une autre Britannique sublimement tombée dans le genre, Dusty Springfield (1939-1999). Rappelons que Lulu enregistra, en 1974, deux reprises d’une autre fierté de la pop britannique, David Bowie, The Man Who Sold The World et Watch That Man, collaboration sans suite qui avait été amorcée, fin 1973, par un duo encore officiellement inédit pour la chanson Dodo. « And Your Bird Can Sing » (Lennon-McCartney), par The JamDe la quarantaine de versions recensées, celle des Anglais de The Jam s’impose, d’un rien, devant celle des Californiens de The Flamin’Groovies (quand le groupe, en 1984, n’avait pourtant plus grand-chose à voir avec son formidable envol du début des années 1970). Dans leur moment de gloire, entre 1977 et 1982, The Jam mené par le guitariste et chanteur Paul Weller, avec le bassiste et chanteur Bruce Foxton et le batteur Rick Buckler, constitue avec The Clash l’une des formations de pointe du renouveau rock britannique – comme Oasis, Blur, Pulp ou Suede en seront les dépositaires dans les années 1990. Sous l’influence de The Who, de la soul de Motown et du psychédélisme, combinés à l’énergie punk. Leur reprise de And Your Bird Can Sing a été publiée sur Extras, compilation de raretés, de faces B de 45-tours et d’inédits publiée en 1992 par Polydor, où l’on trouvait aussi des hommages à Curtis Mayfield (1942-1999), The Who, The Small Faces, James Brown (1933-2006) ou The Chi-Lites. « For No One » (Lennon-McCartney), par Emmylou HarrisLa chanteuse de country et de folk américaine Emmylou Harris avait repris Here, There and Everywhere dans son album Elite Hotel, le troisième de sa carrière, publié en décembre 1975 par Reprise Records, dans un accompagnement délicat de cordes, avec un harmonica lointain. Avec For No One, elle avait déjà fêté les Beatles de Revolver dans son précédent disque, Pieces of The Sky, publié en février 1975 chez Reprise Records, dans une interprétation encore plus frémissante, là aussi dans un écrin de cordes brumeuses. « Doctor Robert » (Lennon-McCartney), par Luke TempleLe casse-tête du sujet Revolver ? Trouver une reprise de Doctor Robert. Le docteur en question, pourvoyeur de divers cocktails vitaminés bien relevés en amphétamines, a été délaissé dans le catalogue des reprises des Beatles et les quelques adaptations n’ont pas mené bien loin. Heureusement, le chanteur, guitariste américain et peintre Luke Temple, qui en dehors de sa carrière en solo, est membre du groupe Here We Go Magic, a été parmi les musiciens sélectionnés par le magazine musical britannique Mojo en juillet 2006 pour le disque Revolver Reloaded, recréation, à partir de reprises, de l’album Revolver. Luke Temple ralentit le tempo, insère des motifs rythmiques de percussions et quelques touches sonores pour transformer la chanson des Beatles en une inquiétante comptine. « I Want to Tell You » (Harisson), par Ted NugentC’est au très conservateur, défenseur du droit des citoyens américains de posséder une arme et cible régulière des activistes anti-chasse Ted Nugent, guitariste et chanteur, que l’on doit cette efficace reprise d’une chanson du pacifiste et végétarien George Harrison. Présente dans l’album State of Shock (Epic, mai 1979), elle renforce la rythmique énergique et basique de l’original, donne de l’espace aux guitares pour avancer vers une partie soliste typique de Nugent, déliée et saturée. « Got To Get You Into My Life » (Lennon-McCartney), par Blood Sweat and TearsDans un esprit soul évident, Got To Get You Into My Life est inséparable de ses riffs par un ensemble de vents (saxophones et trompettes). Suscitant une soixantaine de reprises, c’est surtout lorsque cette propulsion est conservée qu’il fonctionne. Ce dont ne se sont pas éloignés Cliff Bennett avec The Rebel Rousers, qui l’enregistre pour un 45-tours au moment même de la sortie de Revolver, en août 1966, la chanteuse de jazz Carmen McRae (1920-1994) en avril 1967, Johnny Hallyday, dans l’adaptation en décembre 1966 par Long Chris, Je veux te graver dans ma vie, Diana Ross & The Supremes avec The Temptations en 1968 (les violons sont traités comme des vents), The Four Tops en 1969, Ella Fitzgerald (1917-1996) en 1969 dans son disque Ella (Reprise Records) dans laquelle la « First Lady of Jazz » revenait aussi sur quelques classiques soul comme Get Ready, Ooo Baby Baby ou Knock On Wood… Dans le genre section de vents imposante, Earth Wind & Fire a réussi son coup en 1978. On lui préférera cependant le traitement par Blood Sweat & Tears en avril 1975 sur l’album New City (Columbia Records), non seulement pour l’arrangement des trompettes, saxophones et trombones, mais pour la voix du chanteur David Clayton-Thomas, qui revenait alors au sein de la formation après une absence de quatre ans. « Tomorrow Never Knows » (Lennon-McCartney), par 801Des interprètes aussi différents que Phil Collins, Dweezil Zappa, le pianiste de jazz Herbie Hancock, le bluesman Junior Parker (1932-1971), les groupes Living Colour, The Jaywalkers, Los Lobos ou les héros du rock allemand planant Tangerine Dream ont été emportés par les boucles rythmiques et mélodiques de l’hypnotisant Tomorrow Never Knows qui vient conclure l’album Revolver. Tout comme le groupe 801, éphémère réunion en 1976-1977 de Brian Eno (chant, claviers, effets sonores), Phil Manzanera (guitare, chant), tous deux passés par Roxy Music, le bassiste Bill McCormick (Matching Mole avec Robert Wyatt), le claviériste Francis Monkman (Curved Air), le guitariste Lloyd Watson – pour l’album 801 Live, chez Polydor, enregistré en public, dont est tirée cette reprise – et le batteur Simon Philips.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur le toxique album de 1966.« Si Rubber Soul était l'album de l'herbe, Revolver est celui de l'acide », reconnaissait John Lennon. Témoignages de l'évolution de leur consommation de drogues, ces disques affirmaient surtout un stupéfiant crescendo : les Beatles et la pop basculaient dans l'âge adulte et le monde de l'art.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Revolver »Rubber Soul, sorti en décembre 1965, avait étonné par sa diversité et ses expériences orchestrales. Publié en août 1966, Revolver accélérait radicalement ce processus, en embarquant dans un tournoiement psychédélique.Tomorrow Never Knows donne le ton de l'aventure. Premier titre enregistré, à partir d'avril 1966, dans les studios d'EMI, il fait figure de conclusion hallucinée de l'album. Sur un texte de John Lennon inspiré d'un livre coécrit par le gourou du LSD, Timothy Leary, le groupe se livre à une orgie d'innovations sonores. Le producteur George Martin, en traducteur de fantasmes, a déployé boucles de bandes magnétiques et effets de production. La voix de Lennon se transforme, disait-il, en un « dalaï-lama chantant du plus haut sommet du monde ». Le rire de McCartney se mue en cris de mouettes, les guitares sont inversées et torturées...Paul McCartney se surpasseSi d'autres morceaux ont poussé avec des psychotropes pour fertilisants (I'm Only Sleeping, Love You To, signé par un Harrison de plus en plus fasciné par l'Inde), Revolver resplendit aussi d'une efficacité préservée (le sarcastique Taxman, le radieux Good Day Sunshine, l'enfantin Yellow Submarine...) et d'une inspiration mélodique au sommet.Paul McCartney se surpasse, en particulier, en terme de délicatesse harmonique et de refrains brise-cœur avec Here, There and Everywhere, For No One ou Eleanor Rigby. Evocation émouvante des solitaires anonymes, cette dernière bouleverse aussi par la présence dramatique d'un quatuor à cordes.Une preuve du talent d'arrangeur de George Martin, mais également le résultat des initiatives d'un jeune ingénieur du son, Geoff Eymerick. En rapprochant les micros des violons, mais aussi en rendant plus percutants la basse de Paul, la batterie de Ringo ou la guitare de George, le garçon participait de manière décisive au tranchant caractéristique de Revolver. Un mélange d'imagination libérée et de classe électrique, parfaitement incarné par la mythique pochette noir et blanc dessinée par Klaus Voorman.Stéphane DavetJournaliste au Monde Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 23.03.2015 à 18h57 • Mis à jour le24.03.2015 à 07h10 La rédaction de France 3 Limousin menace de faire grève dimanche 29 et lundi 30 mars pour protester contre ses conditions de travail, ont annoncé des syndicats. Les rédactions de la région se sont mises en grève, lundi 23 mars à l'appel de la CGT, pour dénoncer les « risques professionnels » auxquels elles s'estiment exposées ainsi que « le mépris » que, disent-elles, leur direction leur oppose.En milieu de journée, 88 % du personnel était porté gréviste (66 % selon la direction, qui inclut dans ses calculs les cadres, les non titulaires et les absents pour maladie ou congés). En cause, le plan d'action proposé par la direction régionale à la suite d'une enquête interne sur « les risques psychosociaux » au sein des rédactions limousines.Selon Cécile Descubes, déléguée du syndicat SNJ, l'enquête relève « des conditions de travail dégradées qui peuvent être vécues sous l'angle du mépris » et « une logique économique lourde de conséquences sur l'éditorial et les moyens mis en œuvre ».Son confrère Karl Constable, délégué du SNJ-CGT et du SNRT-CGT, relève que l'enquête évoque de manière générale « un mal-être ambiant et des dysfonctionnements qui ne sont pas sans impact sur l'augmentation des arrêts de travail et les burn-out ».« On ne méprise aucun collaborateur »Du côté de la direction, Dominique Papon, délégué régional de France 3 Limousin, dit « ne pas comprendre » le mépris dont se sentent victimes les rédactions. « De notre point de vue, on ne méprise aucun collaborateur. Une enquête a été demandée par le CHSCT [comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail]. Et la direction a pris en compte les préconisations faites, notamment pour caler le fonctionnement de l'antenne régionale sur le même fonctionnement que toutes les autres antennes, en termes organisationnels. » Ces mesures seront mises en place « progressivement jusqu'en septembre », souligne-t-il.Si des discussions avec les représentants du personnel ne suffisaient pas à lever le préavis de grève des 29 et 30 mars, « nous ne pourrions que nous en attrister, et rappeler les journalistes à leurs responsabilités face à ce qui s'annonce comme le grand rendez-vous citoyen de l'année », dit-il.Dans la région Limousin, la Corrèze et la Haute-Vienne seront de forts enjeux du second tour des départementales. Le premier, département éminemment symbolique du chef de l'Etat, risque de basculer à droite. Le second, au contraire, pourrait symboliser la résistance de la gauche malgré ses divisions et une percée du FN notamment à Limoges. Emmanuelle Jardonnet Après la polémique, le coup de théâtre : vendredi 20 mars en début de soirée, le directeur du Macba, le Musée d’art contemporain de Barcelone, Bartomeu Mari, a annoncé qu’il revenait sur sa décision de ne pas exposer une œuvre polémique mettant en scène Juan Carlos, et donc autorisait finalement l’ouverture de l’exposition dans laquelle elle était incluse.La censure d’une sculpture montrant l’ancien roi d’Espagne dans une position sexuelle impliquant une syndicaliste bolivienne et un chien avait, en effet, entraîné l’annulation de l’exposition collective « La bestia y el soberano » (« la bête et le souverain »), mardi 17 mars, déchaînant les passions bien au-delà de la seule Catalogne. Cette affaire surréaliste avait laissé le champ aux commentaires amusés, mais surtout à la consternation.Pour en savoir plus :Un Juan Carlos olé olé : l’œuvre qui fait annuler une exposition à BarceloneA l’origine de l’annulation : la décision de Bartomeu Mari de demander aux quatre commissaires de l’exposition – deux du musée catalan, deux du Württembergischer Kunstverein (WKV), musée de Stuttgart, en Allemagne, cooproducteur de l’événement – de retirer la sculpture en papier mâché de l’artiste autrichienne Ines Doujak et du Britannique John Barker intitulée Not Dressed for Conquering / Haute couture 04 Transport, qu’il jugeait « inadéquate et contraire à la ligne éditoriale du musée ». Leur refus de décrocher la sculpture avait amené le directeur à annuler officiellement l’exposition le jour même où elle devait ouvrir.« Sincères excuses »Dans une lettre ouverte, le directeur a finalement annoncé vendredi soir que « devant la quasi-unanimité des voix des associations professionnelles et du milieu, groupes comme personnes individuelles, ayant exigé l’ouverture de l’exposition “La bête et le souverain”, j’ai décidé qu’elle serait accessible au public à partir de demain, samedi 21 mars. »Il s’explique au passage sur sa prise de position, à l’origine de l’affaire : « J’ai pensé dans un premier temps que de ne pas inclure de l’œuvre d’Ines Doujak et de ne pas ouvrir l’exposition protégeait le Macba en tant qu’institution culturelle dédiée au service public, mais cela a eu pour conséquence l’effet inverse. La publicité donnée à l’œuvre et les opinions formulées par des secteurs très différents de la société, du monde de l’art et de la culture jusqu’aux cercles politiques et les médias, tout comme les professionnels internationaux de l’art, m’ont fait reconsidérer ma décision initiale de ne pas l’inaugurer. »Bartomeu Mari a présenté ses « sincères excuses » et proposé sa démission. On doit savoir en fin de journée, le lundi 23 mars, si celle-ci est acceptée, à l’issue d’une réunion extraordinaire entre les différentes composantes de son bureau : mairie, région, ministère de la culture et la Fondation Macba.*Ces derniers jours, alors que le Macba était en crise ouverte, de nombreuses voix se sont élevées dans le sens d’une démission du directeur, notamment à travers une pétition lancée par les autres artistes à l’affiche de l’exposition. Il lui a été reproché d’avoir « cédé à des pressions capricieuses, en relation avec des intérêts privés ». Les signataires appelaient de leurs vœux une nouvelle direction « pouvant garantir le respect de la liberté d’expression et l’intégrité démocratique de l’institution ».L’exposition est visible au Macba jusqu’au 30 août, puis sera présentée, du 16 octobre jusqu’au 17 janvier 2016, au WKV de Stuttgart. Ce centre d’art, qui s’était engagé à la présenter suite à l’annulation, a donc maintenu sa proposition malgré cette issue heureuse pour l’exposition.* Actualisation : Après de longues heures de discussion, un porte-parole a finalement annoncé, lundi 23 mars dans la soirée, que le Macba acceptait la démission de Bartomeu Mari, et lancerait très rapidement un concours public international pour lui trouver un successeur. Les deux commissaires espagnols de l’exposition, le conservateur Valentí Roma et Paul Preciado, qui était par ailleurs le chef des programmes publics du musée, vont également quitter leurs fonctions. Les deux hommes avaient présenté leur démission après l’annulation de l’exposition.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.03.2015 à 15h37 • Mis à jour le23.03.2015 à 17h31 Un jugement en référé a donné raison vendredi 20 mars à la direction de France Télévisions, qui a interdit à ses salariés de faire grève cinquante-neuf minutes.Depuis la fin de janvier, les syndicats du groupe audiovisuel public déposent des préavis de grève à répétition. Des grévistes, essentiellement des techniciens, font grève cinquante-neuf minutes à des moments clés de la journée, par exemple juste avant d'enregistrer un direct, avaient expliqué les syndicats. Un choix qui leur permet de ne perdre qu'une heure de salaire.Lire aussi : France Télévisions : les syndicats en campagneCette pratique gêne considérablement de nombreuses émissions depuis des semaines, sans que le téléspectateur s'en aperçoive vraiment : les journaux ou autres émissions en direct sont enregistrés non pas en plateau mais dans la salle de régie finale, ou – comme pour certaines antennes régionales de France 3 – sans présentateur, ou encore dans des studios privés loués pour l'occasion. Dimanche soir par exemple, la soirée électorale de France 3 a été tournée dans un studio de Saint-Cloud, selon des sources syndicales. Des délocalisations qui sont coûteuses pour le groupe, justifie la direction.Le 6 mars, le président du groupe, Rémy Pflimlin, avait publié une note interne exigeant que les grévistes se déclarent comme tel en début de journée, sous peine de sanction. Les syndicats avaient alors déposé un recours en référé contre cette demande et organisé une grève jeudi 19 mars pour défendre ce type d'actions.Lire aussi (édition abonnés) : Diriger France Télévisions serait-il « le pire job des médias » ?La direction souhaite l'« apaisement »Lundi, la direction s'est félicitée de la décision du juge en référé par la voix du directeur des ressources humaines, Patrice Papet :« C'est une décision très claire : non seulement le président de France Télévisions était en droit de rédiger cette note, mais il était aussi tenu de le faire car il doit prendre les mesures qui assurent l'exécution du service.« Les salariés doivent dire s'ils sont grévistes en arrivant à leur travail. Ils peuvent alors faire grève cinquante-neuf minutes, mais en début de journée, ou bien une demi-journée ou une journée. »Dès lundi, la direction a convoqué des employés qui ont mené ces grèves de cinquante-neuf minutes pour des entretiens préalables à des sanctions. « Nous sommes prêts à ne pas donner de suite aux procédures si tout le monde respecte la note », a assuré M. Papet. A partir du moment où les règles sont appliquées, on souhaite évidemment l'apaisement. » Selon la direction, quatre cents salariés seulement ont fait grève jeudi.Lire aussi : Le gouvernement encadre le futur de France Télévisions 23.03.2015 à 11h39 Les antennes de Radio France étaient très fortement perturbées, lundi 23 mars matin, par le mouvement de grève illimitée lancé jeudi par cinq syndicats, avec des émissions remplacées par une bande musicale. Pour la première fois depuis cinq jours, le 7-9 de France Inter, son émission phare, a été supprimé. France Info ne diffusait qu’un journal toutes les demi-heures tandis que France Culture et France Musique passaient également de la musique en continu. Cinq syndicats - mais pas le SNJ (Syndicat national des journalistes) - ont lancé jeudi un appel à la grève illimitée. Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde 21.03.2015 à 00h59 • Mis à jour le23.03.2015 à 13h27 | Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet C’est l’histoire d’un tableau vendu moins de 5 000 euros en Grande-Bretagne, puis revendu quelques mois plus tard près de... 5 millions d’euros aux Etats-Unis. Comme le rapporte, samedi 7 mars, le New York Times, ce tableau appartenait à la vicomtesse Hambleden, qui avait souhaité s’en dessaisir, comme d’une multitude d’autres œuvres et meubles anciens hérités de la famille de son défunt mari, lorsqu’elle a décidé de déménager et de quitter leur manoir historique du village d’Hambleden, près de Londres. La vente s’est tenue chez Christie’s en 2013, et parmi les quelque 300 objets dispersés, se trouvait un croquis à l’huile copiant Salisbury Cathedral from the Meadows, tableau bien connu du peintre britannique John Constable (1776-1837), qui se trouve dans les collections de la Tate.La toile a été achetée 4 800 euros par un marchand d’art, mû par un pressentiment, attiré par cette toile très sombre. Il savait que des couches de peinture avaient été ajoutées à certains tableaux de Constable au XIXe siècle, quelques décennies après la mort du peintre, afin de les adapter au goût de l’époque, avec un rendu plus fini. Après avoir fait nettoyer la surface de la toile, l’acquéreur est ainsi allé la montrer à une spécialiste du peintre, Anne Lyles, ancienne curatrice à la Tate Britain, qui y a reconnu la patte de Constable – dans « la façon d’appliquer la peinture, la texture du ciel et l’expression de la lumière et des ombres », a-t-elle détaillé au New York Times. Authentifiée par l’experte, la toile a ensuite été revendue 4,8 millions d’euros chez Sotheby’s, à New York, en janvier.Une peinture « médiocre » et « grossière »Ce réexamen de l’œuvre, et la brusque réévaluation de sa valeur attire une nouvelle fois l’attention sur la question très épineuse de l’authentification tardive des œuvres d’art. La maison Christie’s avait-elle mal fait son travail lors de la vente Hambleden ? Elle a en tout cas depuis contacté un autre spécialiste de Constable, l’historien d’art Conal Shields, qui conteste l’analyse d’Anne Lyles: lui ne voit « aucun signe de la main de Constable dans l’œuvre ». Pire, la peinture est, selon lui, carrément « médiocre » et « grossière ».Le changement de statut de l’œuvre a par ailleurs quelque peu contrarié Lady Hambleden, 84 ans, qui a l’impression d’avoir été prise « pour une idiote ». La vicomtesse ne souhaite malgré tout pas engager de poursuites pour une œuvre qu’elle n’aimait pas – et que sa belle-mère avait conservée dans un placard pendant soixante ans –, même si elle n’exclut pas que ses enfants choisissent, eux, de le faire.Est-ce que ce genre d’attaque aurait des chances d’aboutir ? Le New York Times rappelle le cas de d’un tableau vendu en 2006 par Sotheby’s comme une copie du tableau Les Tricheurs du Caravage. La maison de ventes a été poursuivie par l’ancien propriétaire lorsqu’un expert a établi par la suite qu’il s’agissait en fait d’un tableau du peintre. Là encore, la réévaluation avait été faite après un nettoyage et une restauration de la peinture. Mais en janvier, la cour a tranché en faveur de Sotheby’s, estimant que la maison de vente n’avait pas commis de négligence lors de son examen de l’œuvre et sa mise à prix.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel 09.03.2015 à 10h45 • Mis à jour le09.03.2015 à 17h43 | Florence Evin Samedi 7 mars, à l’aube, le groupe djihadiste Etat islamique s’est attaqué à Hatra, l’antique cité parthe en pierre de taille, dont les vestiges spectaculaires vieux de deux mille ans s’épanouissent sur trois cent vingt-quatre hectares. Selon le ministère irakien des antiquités et du tourisme, un habitant du secteur aurait entendu, venant du site, une puissante explosion. D’autres témoins parlent de destructions et de pillages.« Nous n’avons pas plus de détails, précise Fareed Yasseen, ambassadeur d’Irak en France. Il faudrait trouver un moyen de sécuriser le site dans l’immédiat. » Les remparts qui cernent cette ville sont-ils encore debout, comme les grands temples à fronton et colonnades ? La question reste sans réponse. La cité antique fut le premier site irakien à être inscrit, en 1985, sur la Liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, au titre des biens culturels à valeur universelle. « La destruction de Hatra marque un tournant dans l’effroyable stratégie de nettoyage culturel en cours en Irak », s’alarme Irina Bokova, directrice générale de l’organisation onusienne.Cette attaque survient après le saccage, jeudi 26 février, du Musée de Mossoul, deuxième ville d’Irak située à 110 kilomètres au nord de Hatra. Et après les attaques, jeudi 5 mars, contre le site assyrien de Nimroud, entre Mossoul et Hatra. Une escalade dans les destructions à laquelle s’attendait la communauté scientifique. « La lenteur du soutien international à l’Irak encourage les terroristes à commettre de nouveaux crimes, à détruire et à piller… », déclare Qaïs Hussein Rachid, ministre des antiquités et du tourisme irakien.Carrefour caravanier stratégique« Hatra est une cité magnifique des franges du désert, au carrefour des routes caravanières », témoigne Béatrice André-Salvini, conservatrice en chef du patrimoine, qui a dirigé pendant dix ans le département des antiquités orientales du Louvre. « Les vestiges d’Hatra [Ier siècle av. J.-C.- Ier siècle ap.J.-C.] en pierre de taille, sur des hauteurs considérables, sont uniques dans la région. Certains grands temples mesurent plus de quinze mètres de haut », précise la spécialiste qui a sillonné l’ancienne Mésopotamie, laquelle correspond aux frontières actuelles de l’Irak avec l’extrême sud de la Syrie.Les premières fouilles, entamée par l’Allemand Walter Andrae, avant la première guerre mondiale, ont été poursuivies, en 1951, par les deux grands archéologues irakiens, Fouad Safar et Ali Mustafa. « Le site restauré et entretenu par les Irakiens était en bon état », ajoute Mme André-Salvini.La cité arabe de l’Empire parthe avait été fondée par des tribus bédouines d’Arabaya, « le pays des Arabes ». Carrefour caravanier stratégique, Hatra contrôlait la route de la soie vers l’est, jusqu’en Inde et en Chine. S’y échangeaient soieries, porcelaines, parfums, pierres précieuses, bois rares, encens, etc. Remontant le Tigre en bateau, les marchands poursuivaient le périple à dos de chameau, jusqu’à Antioche (Turquie).Assiégée en 116 par l’empereur romain Trajan, Hatra résiste. « Les Parthes avaient un feu redoutable, une grenade à base de bitume et de sulfure, très efficace », note Mme André-Salvini. La ville fortifiée par deux ceintures de remparts et gardée par des tours est le symbole de la lutte entre les Parthes et les Romains qui se disputent les dépouilles de l’ancien empire d’Alexandre le Grand. Après un siège prolongé, elle tombera, vers 250, aux mains des Sassanides, vainqueurs des Parthes.Mutilée et pilléeParmi les sanctuaires, le plus imposant, Shamash Maran, dédié au Soleil, était jusqu’ici intact avec son fronton, sa volée de marches et sa double colonnade. Le monument dédié, lui, à la trilogie Martan (Notre Dame), Maran (le Père) et Bermarin (le fils), illustre le syncrétisme des croyances religieuses. Véronique Grandpierre, chercheuse associée au laboratoire Identité et territoires de l’université Paris-Diderot, s’inquiète pour les figures des rois qui ornent les grands arcs. « Ils sont reconnaissables à leurs cheveux courts aux grosses boucles serrées, à leur moustache et à leur petite barbe peignée. Ils portent des tiares coniques ou se ramassent les cheveux en boule sur le haut du crâne. » Ont-ils disparu ?La grande statuaire, qui pouvait être dissociée des murs, avait été mise à l’abri à Bagdad et au Musée de Mossoul – elle est tombée sous les coups de marteau des djihadistes, le 26 février, mutilée et sans doute pillée. Irina Bokova rappelait, le 27 février, que le trafic des œuvres d’art en Irak était évalué au total à sept milliards d’euros.Pour Hosham Dawod, ancien directeur de l’Institut français pour le Proche-Orient en Irak : « La deuxième rentrée financière des islamistes radicaux, après le pétrole, c’est le trafic archéologique. » Une manne qui sert leur idéologie : « L’archéologie rassemble les Irakiens au-delà de leur particularisme, local, régional, confessionnel, ajoute-t-il. Pour Daech, l’art est un blasphème. »Hosham Dawod regrette que la position des Etats-Unis soit « en deçà de la gravité des événements ». « Pourquoi ne sont-ils pas intervenus avant l’attaque du site de Nimroud ? De leur base d’Erbil, ils peuvent écouter Daech. Ils ont des forces spéciales, des dizaines d’avions. Pourquoi n’ont-ils pas arrêté à temps la destruction des vestiges ? » Des questions que pose toute la communauté scientifique.Les djihadistes saccagent NimroudFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 08.03.2015 à 17h52 • Mis à jour le08.03.2015 à 19h38 Le gouvernement irakien a demandé, dimanche 8 mars, à la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre l'Etat islamique (EI) de lancer des frappes aériennes pour empêcher la poursuite des destructions de sites archéologiques par les djihadistes. La coalition, qui a mené 2 800 frappes depuis le mois d'août en Irak et en Syrie, ne fait pas assez pour sauver le patrimoine historique de l'Irak, a estimé le ministre du tourisme et des antiquités, Adel Fahd Al-Cherchab.« Ce que je demande à la communauté internationale et à la coalition internationale c'est de frapper le terrorisme où qu'il soit », a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Bagdad. Après la diffusion, il y a une semaine, de vidéos de l'EI montrant la destruction d'oeuvres monumentales au musée de Mossoul, puis l'attaque, jeudi, du site archéologique assyrien de Nimroud, le ministère a annoncé samedi que les djihadistes s'en étaient pris aux vestiges du site de Hatra.L'Unesco et l'ONU ont condamné cette dernière campagne de destruction présumée, qui n'a cependant pas encore pu être confirmée de source indépendante. Le ministère n'a pu en obtenir d'images. Toutes ces destructions ont lieu, ou sont présumées, dans les zones contrôlées par l'EI dans la province de Ninive.« Il était possible de surveiller le secteur. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait ? »« Hatra est un site au milieu du désert où l'on peut voir [depuis les airs] n'importe quelle infiltration », a avancé le ministre irakien, pour qui les avions de la coalition auraient pu empêcher les djihadistes de rejoindre ce site. « Il était possible de surveiller le secteur. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait ? » demande-t-il.Le gouvernement irakien est incapable d'intervenir dans la région, faute de troupes suffisantes. D'autant que des dizaines de milliers d'hommes sont mobilisée autour de la ville de Tikrit, plus au sud, pour tenter de la reprendre aux djihadistes. Cibler les djihadistes pour préserver des sites archéologiques marquerait un changement pour la coalition, qui mène jusqu'à présent des frappes visant à affaiblir les capacités militaires de l'EI en Irak et en Syrie voisine.Lire aussi : A Mossoul, l’Etat islamique mène une guerre contre la culture Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.03.2015 à 11h53 • Mis à jour le07.03.2015 à 23h09 Cali« L’Age d’or » Cali est un homme de scène. Quand il conçoit ses chansons, il doit y penser, forcément. Et l’énergie dans l’écriture et les rythmes que cette appréhension physique du phénomène musical génère donne trois morceaux magnifiques pour commencer ce sixième album : Tout ce qui ne reviendra plus, Le Cœur chargé comme un fusil, La Vie quoi ! Le premier titre est une évocation de l’enfance, de sa mère décédée lorsqu’il était tout gosse ; le deuxième honore le grand-père Giuseppe Caliciuri, Italien engagé dans les Brigades internationales pendant le guerre d’Espagne ; le troisième est un hymne à la joie – l’amour fatal, le poids social, les tourments intérieurs sont les chicanes d’un parcours combatif. Mais Cali est fasciné par Léo Ferré. Le grand ancien le fixe comme un aimant sur un mur d’acier. Le Perpignanais se fige dans une posture qu’il avait déjà expérimentée depuis le grand succès, très mérité, de l’Espoir, en 2008. De Ferré, Cali, né au printemps 1968, reprend L’Age d’or. La chanson composée en 1966 met un point final à l’opus – « Nous aurons du pain/Doré comme les filles/Sous les soleils d’or/Nous aurons du vin/De celui qui pétille/Même quand il dort ». Entre-temps, Cali tente de s’approprier les envolées, la diction, le flot verbal de Léo Ferré, ce qui s’avère une mission impossible et devient tic quand la poésie imite. Véronique Mortaigne1 CD Sony Music. King CrimsonLive at The Orpheum Formé en 1968, à Londres, par le guitariste et compositeur Robert Fripp, King Crimson a connu régulièrement des périodes de retraite. La dernière en date remonte à 2009-2013. Avec pourtant en 2011 une publication phonographique, A Scarcity of Miracles, sous le nom de Fripp, du guitariste Jakko Jakszyk et du saxophoniste et flûtiste Mel Collins et la présence du bassiste Tony Levin et du batteur Gavin Harrison. Annonciateur de la formation actuelle complétée par les batteurs Pat Mastelotto et Bill Rieflin, partie en tournée à l’automne 2014. Des nombreux concerts de ce septette, Fripp a choisi une quarantaine de minutes enregistrées lors de deux soirées. Lien entre l’ancien (Mel Collins dans le groupe au début des années 1970) et le plus récent (Jakszyk et Rieflin), avec une part jazz, l’assise reconnaissable sur les boucles mélodiques de Fripp devenant de soudains éclats, la complémentarité des batteurs, la musique de ce King Crimson va vers de hauts points d’interprétation et d’expression. Qui fait regretter que Fripp n’ait pas choisi d’en proposer plus. Sylvain Siclier1 CD Discipline Global Mobile. Alexandre ScriabineŒuvres mystiques pour pianoJean-Pierre Armengaud (piano). Illustrée dans la production symphonique d’Alexandre Scriabine (1872-1915) par le célèbre Poème de l’Extase, la notion de « poème » musical constitue aussi le maître mot du parcours pianistique balisé par Jean-Pierre Armengaud avec autant de science que de goût. Languide (op. 51), Nocturne (op. 61) ou Fantastique (op. 71), le poème selon Scriabine s’apparente à une expérience dans laquelle, au fil du temps, le geste se fait plus insistant et la résonance plus étrange. Sans rien perdre du côté « allumé » qui caractérise le compositeur, comme le prouve le bien nommé Vers la flamme, écrit par Scriabine un an avant sa mort. Suit un inédit réalisé par le musicologue Manfred Kelkel à partir de quelques esquisses d’une œuvre inaboutie. Un Tombeau inspiré de L’Acte préalable… Quoi de plus mystique ? Pierre Gervasoni1 CD Bayard musique. Franz SchubertSonate « Fantaisie » – Mélodie hongroise – Fantaisie pour quatre mains – Lebensstürme pour quatre mainsDavid Fray et Jacques Rouvier (piano). Entre David Fray et Franz Schubert (1797-1828), c’est une histoire d’amour et d’ADN, comme le prouvait déjà un premier disque consacré au compositeur autrichien paru en 2009 (chez Virgin Classics). Le pianiste français est à nouveau au chevet d’un rêve de poésie, dont il possède à l’évidence la clef de lumineuse nostalgie. Un toucher à la fois précis et délicat, une palette sonore d’une grande finesse : écoutez grelotter le trio du « Menuetto » dans la Sonate en sol majeur D 894, s’envelopper de nuit la fameuse Mélodie hongroise D 817 tandis que son rythme obstiné semble battre des ailes, luttant et s’abandonnant tour à tour. David Fray a convoqué son professeur, Jacques Rouvier, dans les Fantaisie D 940 et Lebensstürme D 947 pour piano à quatre mains, un juste retour des choses, comme cela s’entend. Marie-Aude Roux1 CD Erato/Warner Classics. Clarisse Fabre Le metteur en scène Rodrigo Garcia, 49 ans, est-il heureux à Montpellier, où il dirige le Centre dramatique national de Montpellier (CDN), qu’il a rebaptisé Humain Trop Humain (hTh) ? Oui... et non, confie au Monde l’Argentin, vendredi 6 mars. Déçu, certes, que son « ardeur » à vouloir réformer le CDN, sa programmation, son public, n’intéresse personne en haut lieu, dit-il. Mais l’homme est posé, et prend le temps de préciser sa pensée. Il est loin de l’image trash que ses spectacles, et les polémiques qu’ils suscitent, renvoie. Réveillez-vous !, semble-t-il dire, comme dans sa pièce, Daisy, qui se joue au Théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au 8 mars.Comment se passe la « révolution », au CDN de Montpellier ?J’y travaille avec ardeur. J’ai un premier mandat de quatre ans et je m’y engage. Les propositions artistiques sont radicalement différentes. Il n’y a plus de répertoire, que du contemporain. Et l’on mixe les disciplines : du spectacle vivant au sens large, mais aussi de l’art contemporain, du cinéma. Le public peut voir une expo gratuitement, à 19 heures, avant de découvrir le spectacle. Puis rester au concert du DJ jusqu’à une heure du matin. On a donc augmenté les amplitudes horaires. On va aussi chercher de nouveaux publics, via les réseaux sociaux.Quels retours avez-vous de l’Etat, de la ville ?Aucun, ou presque. C’est timide... Je pensais que mon projet de révolutionner le CDN allait susciter l’enthousiasme, mais il n’y a pas de dialogue.Qu’est-ce qui ne va pas, concrètement ?Le CDN reste une petite chose oubliée. Qui connaît le CDN de Montpellier ? Il est éloigné du centre, mal relié par les transports en commun. Historiquement, personne n’a fait d’effort pour le mettre en valeur. Ce n’est pas comme à Rennes où le Théâtre national de Bretagne (TBN) est emblématique, ou comme à Grenoble avec la MC2.Est-ce qu’il manque de l’argent ?...Pfouf... Le budget est plus petit que dans d’autres villes. Il faut presque faire des tours de magie pour lancer des propositions artistiques. Heureusement je travaille avec le Fonds régional d’art contemporain, qui me prête des oeuvres, ou avec l’Ecole des Beaux-Arts. On ne m’avait rien promis, certes, en période de crise, et je le comprends. Et j’ai tout de même reçu une petite augmentation du budget du ministère, via la DRAC.Etes-vous déçu ?Absolumente. Il faut que le dialogue se noue. J’ai besoin de sentir que le travail que je mène est important pour la ville, pour les institutions.Passons au homard, qui est tué sur scène, puis mangé, et fait polémique dans votre spectacle Accidens : Matar para comer. Etes-vous soutenu par le maire de Montpellier, Philippe Saurel ?Je ne suis pas le feuilleton au jour le jour... Je sais que le maire a été interpellé, lors d’une conférence de presse. Il a répondu par une blague, en minimisant l’affaire. Pour l’instant, je n’ai pas reçu de coup de fil de la mairie. En gros, on me laisse tranquille.Partagez-vous l’inquiétude de certains artistes, au sujet de la politique culturelle de la ville ?Cela fait un an que je suis arrivé, et j’ai du mal à comprendre le fonctionnement politique. Je me considère comme une espèce de touriste... Non pas que je sois de passage, bien au contraire. Mais mon objectif, c’est de réformer le CDN, de créer des liens avec les structures de la ville, l’Opéra, le Printemps des Comédiens, mais aussi des lieux plus alternatifs. On va programmer la pièce Atlas, des auteurs portugais Ana Borralho et João Galante, sur proposition du festival Hybrides. J’ai aussi joué ma performance Flame à la Chapelle, dans le quartier gitan.Avez-vous encore le temps de créer ?Quand on écrit, on a besoin de temps perdu. Celui où l’on n’est pas au travail, mais durant lequel les idées peuvent naître. Je n’ai plus ce temps-là, le téléphone sonne tout le temps. Mais j’accepte cette contrainte avec plaisir. Je ne suis pas catho mais je lis en ce moment un livre de la Bible, l’Ecclésiastique. Pour moi, c’est comme de la littérature fantastique. Il y est écrit, en substance, qu’il y a un temps pour vivre, un temps pour mourir ; un temps pour semer, un temps pour récolter. Eh bien pour moi, en ce moment, c’est le temps de travailler comme directeur du CDN. Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Caroline Champetier retrace la vie de l’artiste peintre Berthe Morisot et les liens qui l’ont unie à Edouard Manet (samedi 7 mars, à 23 h sur France 3)Berthe (Marine Delterme) et sa sœur Edma (Alice Butaud) souhaitent ne jamais se marier afin de rester ensemble et de se consacrer à ce qu’elles aiment le plus au monde : la peinture. Elles ont acquis la technique et, bonnes copistes, vont au Louvre pour en reproduire les chefs-d’œuvre. Elles y font aussi des rencontres. La plus déterminante sera celle d’Edouard Manet (Malik Zidi), qui va bouleverser la pensée de Berthe, sa relation avec sa sœur, interroger son rapport à la peinture et au monde.La jeune fille devient, en effet, le modèle du peintre (Le Balcon, Le Repos, Berthe Morisot au bouquet de violettes, etc.), sans pour autant se résoudre à n’être que cela. Berthe Morisot s’acharne à s’émanciper des canons de la peinture, cherche de façon obsessionnelle à rendre l’air et la lumière, et finit par devenir une artiste à part entière, l’un des premiers peintres impressionnistes.Butée, opaqueLa réalisatrice Caroline Champetier et les scénaristes Sylvie Meyer et Philippe Lasry ont choisi d’accompagner Berthe Morisot de 1865 à 1872, années durant lesquelles la jeune femme passe d’une pratique amateur au statut de peintre professionnel. Ils ont placé au centre du récit les liens qui unissent Edouard Manet et Berthe, sans jamais en donner la clé, mais en demeurant sur le fil, entre attirance créatrice et amoureuse. Avec, d’un côté, Manet, jouisseur et obscur, séducteur et tourmenté, artiste injurié et homme blessé ; de l’autre, Berthe Morisot, butée, opaque, aspirée par la peinture au point d’en oublier le reste. L’alchimie entre les personnages apporte de la densité au téléfilm tout en ouvrant un accès à l’univers de la création et à ses questionnements.Pour un film sur la peinture, le parti pris esthétique qui consiste à construire chaque plan comme un tableau est délicat. Caroline Champetier, elle, évite l’écueil avec brio. En insufflant de la vie dans le cadre, en privilégiant les plans-séquences, elle donne au contraire du souffle à la peinture, une âme à la création, une profondeur au geste. Les acteurs se tiennent à une épure de jeu qui évolue par petites touches. A l’image de l’art défendu par leurs personnages : un trait franc et direct que modulent ensuite les pointes de couleur.Berthe Morisot, de Caroline Champetier. Avec Marine Delterme, Alice Butaud, Malik Zidi, Bérangère Bonvoisin (France, 2012, 100 minutes). Samedi 7 mars, à 23 h sur France 3.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 21.03.2015 à 03h48 • Mis à jour le21.03.2015 à 11h58 La somme a de quoi donner le tournis. L'ex-magnat du rap Marion « Suge » Knight a de nouveau été hospitalisé, vendredi 20 mars, après s'être écroulé sur sa chaise dans un tribunal de Los Angeles, où un juge a fixé à 25 millions de dollars le montant de sa caution.Lire : Le producteur de rap Suge Knight arrêté pour homicideLe producteur de 49 ans comparait dans le cadre d'une affaire où il est poursuivi pour meurtre, tentative de meurtre et délit de fuite. « Il transpirait beaucoup et ses yeux battaient avant qu'il ne s'affaisse vers le sol, se cogne la tête sur une table puis perde conscience », a expliqué son avocat à l'issue de l'audience.Marion 'Suge' Knight collapses in court after judge sets bail at million. http://t.co/pb74mjQz52 http://t.co/EiK7Qj3Ci4— CNN Breaking News (@cnnbrk)require(["twitter/widgets"]);Le juge a estimé que la somme de 25 millions de dollars était « raisonnable », précisant que Knight pourrait être condamné à plusieurs peines de prison à perpétuité s'il était reconnu coupable.Déjà hospitalisé à deux reprisesLa procureure Cynthia Barnes, qui avait requis ce nouveau montant, initialement fixé à deux millions de dollars, a dit être effarée par son « considérable passé de violence, dans ce cas comme pendant les trente dernières années ». La somme initiale avait été révoquée début février à cause d'un risque de fuite et d'intimidation de témoins.L'avocat de Suge Knight a déclaré après l'audience que cette somme « absurde » était une « plaisanterie », ajoutant que son client était « probablement l'un des habitants les plus reconnaissables de Los Angeles » et qu'il ne présentait par conséquent aucun risque de fuite.Depuis son arrestation en janvier, Suge Knight a déjà été hospitalisé à deux reprises, les 3 et 19 février, et s'est plaint de problèmes médicaux. Lors de sa dernière comparution, il avait indiqué avoir perdu près de 16 kg ainsi que la vue d'un œil. Ce nouvel incident lui a en tout cas valu les railleries de nombreux internautes, rapporte le site Buzzfeed.Suge Knight avait cofondé avec Dr. Dre, au début des années 1990, le label de rap Death Row Records qui a lancé notamment Snoop Dogg et Tupac Shakur. Le label fit faillite en 1996 lorsque Knight fut emprisonné pour ne pas avoir respecté les conditions d'une remise en liberté anticipée. Une longue histoire avec la justiceSa réputation a été ternie par des rumeurs selon lesquelles il serait non seulement derrière le meurtre de Notorious B.I.G. – rappeur tué en 1997 et rival notoire de Shakur – mais aussi celui de Shakur lui-même en 1996 dans des conditions non élucidées. Depuis, il a eu de nombreux démêlés avec la justice, dont une incarcération de dix mois en 2003.Il a survécu à plusieurs fusillades notamment en 2005 et en août 2014 lorsqu'il a été touché par plusieurs balles lors d'une fête organisée par Chris Brown avant les MTV Awards. Il est désormais accusé d'avoir renversé deux hommes au volant de son pick-up fin janvier, tuant l'un d'entre eux, Terry Carter, 55 ans, et blessant l'autre, Cle Stone, 51 ans. Il a plaidé non coupable.Il est également accusé dans une autre affaire d'avoir volé l'automne dernier l'appareil photo d'une photographe de célébrités à Los Angeles. Il a plaidé non coupable mais risque dans cette affaire jusqu'à trente ans de prison en raison d'une précédente condamnation pour agression avec une arme. Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 17h52 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h11 | Emmanuelle Jardonnet Un chien-loup, une syndicaliste sud-américaine et un roi d’Espagne : les désaccords autour d’une sculpture assemblant sexuellement ces trois figures a eu la peau d’une exposition au Macba, le Musée d’art contemporain de Barcelone, avant même son ouverture.L’exposition, intitulée « La Bestia i el Sobira » (« la bête et le souverain », reprenant l’intitulé d’un séminaire de Jacques Derrida), devait rassembler les œuvres d’une trentaine d’artistes internationaux autour de la question de la souveraineté, dans ce qu’elle implique de rapports de force. Elle a été annulée dans la matinée du mercredi 18 mars, alors qu’elle devait ouvrir ses portes dans la soirée, à l’issue d’un blocage entre le directeur du musée et l’équipe des quatre commissaires d’exposition.Le responsable des lieux, Bartolomeu Mari, a, en effet, souhaité faire retirer de la présentation l’œuvre Not Dressed for Conquering / Haute couture 04 Transport, de l’artiste autrichienne Ines Doujak, qu’il a jugée « inadéquate et contraire à la ligne éditoriale du musée ». Les commissaires ont refusé ; le directeur a opté pour l’annulation.« Archétypes du pouvoir »L’œuvre en question évoque, par un assemblage outrancier, une combinaison de rapports de domination économiques et historiques. On y voit un chien-loup prendre par derrière la responsable syndicale féministe bolivienne Domitila Barrios de Chungara, coiffée d’un casque de mineur, elle-même chevauchant l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos en train de vomir un bouquet de bleuets, le tout sur un tas de casques de soldat rouillés, posés en équilibre instable sur un chariot de recyclage de cartons.Comme l’explique Valentin Roma, l’un des commissaires, dans El Pais, cette pièce s’insère dans une série d’œuvres d’Ines Doujak, associée à l’artiste britannique John Barker, intitulée « Loomshuttles / Warpaths » (« Métiers à tisser / Chemins de guerre »). « Doujak est une artiste reconnue, qui travaille sur les dynamiques du colonialisme, et le Macba l’a déjà exposée », détaille-t-il. Il rappelle que l’œuvre « fait partie d’un projet débuté en 2010, qui s’intéresse aux relations complexes et asymétriques entre l’Europe et l’Amérique latine », et « s’inscrit dans la grande tradition des relations entre art et pouvoir. Cela fait des siècles que l’art caricature les archétypes du pouvoir, et c’est ce que fait Doujak ».Cette œuvre avait déjà été présentée à la Biennale de Sao Paulo l’an dernier. « Ce projet aborde la relation entre les colonies et l’Europe à travers l’industrie du textile, précise, dans El Pais, Nuria Enguita, commissaire et éditrice indépendante qui faisait partie des organisateurs de la manifestation brésilienne. A partir d’une matrice historique, Doujak étudie et analyse les implications actuelles du colonialisme. »« Manque de démocratie »« Chacun sait que le Macba est sous le patronage de la reine Sophie », signale, dans le quotidien espagnol, Julia Montilla, une des artistes à l’affiche de l’exposition. Selon elle, « cela montre un manque de démocratie de la part de l’institution ». De son côté, le directeur rejette toute accusation d’avoir cédé à des pressions, affirmant avoir seulement dû prendre ses « responsabilités », et estimant « qu’il y a des messages qui ne doivent pas être transmis par un musée ».Ce qui étonne, c’est que la censure de l’œuvre se fasse à un stade si avancé, alors que l’exposition était déjà installée. Dans un communiqué publié le jour même, et rapporté par le blog Le Beau Vice, les commissaires affirment que « la direction du Macba était informée aussi bien du concept curatorial que du contenu concret des œuvres. Le directeur avait validé le projet, et aussi bien sa description que la liste des artistes étaient mises en ligne sur la page Internet du Macba depuis des semaines ».Toute l’équipe curatoriale y affirme qu’elle considère que « ce travail s’inscrit dans la tradition de parodie, des figures de carnaval et des caricatures iconoclastes », précisant que « l’œuvre n’était pas censée insulter une personne privée, mais reformuler de façon critique une représentation collective du pouvoir souverain ».Le malentendu ouvre une crise aiguë au Macba. Lancée sur Facebook, une manifestation de contestation de la censure s’est tenue devant le musée, à l’heure où l’exposition aurait dû commencer, attirant quelque 200 personnes. La Württembergischer Kunstverein (WKV) de Stuttgart , coproductrice de l’exposition, a apporté son soutien aux commissaires sur son site, et décidé d’accueillir l’exposition très prochainement.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Exercice difficile que celui auquel s’est livré le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, qui est allé répondre aux questions des salariés de l’entreprise réunis en assemblée générale, vendredi 20 mars.Le PDG de #RadioFrance seul face aux salariés en colère #grève pic.twitter.com/Hf93rTcfVd— LaGrue James (@Lagruejames) 20 Mars 2015Interrogé par une salariée sur la « faute morale » qu’aurait constituée la rénovation de son bureau pour un montant global de 105 000 euros, M. Gallet a répondu « comprendre cette colère », mais a ajouté que ces travaux avaient été votés avant son arrivée.Radio France : Mathieu Gallet fragilisé par le coût des travaux de son bureauSur les mesures d’économies envisagées pour résorber le déficit de l’entreprise, le PDG a expliqué poursuivre les négociations avec l’Etat pour fixer les objectifs et moyens de Radio France pour les cinq prochaines années."L'Etat ne va pas lâcher Radio France. Les négociations vont aboutir" #Gallet #RadioFrance— Jean Leymarie (@Jean_Leymarie) 20 Mars 2015M. Gallet a notamment expliqué que le départ de l’Orchestre national de France était une option."@delfsim: #Radiofrance #Gallet L'une des hypothèses est que l'Orchestre national de France "prenne son autonomie" Tollé."— Marion L'Hour (@MarionLHour) 20 Mars 2015« Je me bats avec l’Etat pour qu’il n’y ait pas de départs contraints », a également déclaré le PDG, en réponse aux inquiétudes sur un possible plan de départs qui pourrait concerner 300 à 400 personnes.M. Gallet a mis en avant le poids du chantier de rénovation de Radio France, dont le coût a explosé et qui pèse aujourd’hui lourdement sur le budget. Ainsi, sur les 21 millions d’euros de déficit programmés pour 2015, 15 millions relèveraient d’amortissements liés au chantier.L’interminable chantier de la Maison de la radioLes salariés ont aujourd’hui le sentiment de devoir payer un lourd tribut à ce chantier et estiment qu’on prépare des économies sur la production de contenus pour continuer à financer l’ouvrage.#Gallet:"Je suis toujours en négociation avec l'Etat pour pouvoir finir le chantier". Les salariés: "Mais arrêtez avec votre chantier!" #AG— Julie Gacon (@juliegacon) 20 Mars 2015À l’issue d’un échange qui aura duré une heure trente, le PDG a quitté la scène du Studio 104.Bon Ben M. #Gallet a posé son micro et est parti sous les huées. The end.— Margaux Duquesne (@MduqN) 20 Mars 2015« Les salariés ont eu des éléments de langage, mais aucun élément de réponse », a jugé l’intersyndicale (CGT, SNJ-CGT, SUD, UNSA, CFDT, FOSNRT) dans un communiqué, évoquant « une crise de confiance vis-à-vis du PDG ». « C’était un peu un dialogue de sourds », a estimé Lionel Thompson, journaliste et délégué CGT.Les salariés de Radio France ont voté, vendredi après-midi, la reconduction de leur mouvement de grève.Radio France : les dépenses de la direction auscultéesAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Delphine Roucaute Alors que s'ouvre le Salon du livre, vendredi 20 mars, les difficultés s'amassent pour les librairies parisiennes. En témoigne le rapport publié le 13 mars par l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) à la demande de la ville de Paris qui pointe une baisse de 9,9 % du nombre de librairies dans la capitale entre 2011 et 2014. Au mois de février, la mythique librairie La Hune, sise dans le quartier Saint-Germain-des-Prés, a annoncé qu'elle mettrait définitivement la clé sous la porte dans le courant de l'année. Un choc pour ce haut lieu de la littérature, des sciences humaines et des beaux-arts.Lire (en édition abonnés) : La librairie La Hune baisse définitivement pavillonLes librairies sont-elles réellement en danger dans la capitale ? Petit tour d'horizon de la situation.Combien de librairies à Paris ?La question peut sembler simple, mais les chiffres sont en fait difficiles à établir. Plusieurs organismes et institutions recensent les librairies qui fleurissent ou disparaissent dans la capitale, mais tous n'englobent pas exactement le même type de commerce sous le terme de « librairie », et les comptes diffèrent selon la méthodologie appliquée.Selon les données de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) publiées en mars 2015, Paris comptait 756 librairies en 2014 – un chiffre qui comprend aussi bien les librairies généralistes et spécialisées que les librairies-papeteries et/ou presse (LPP) et les vendeurs de livres d'occasion. Il s'agit d'un recensement visuel des librairies, en tant que commerces en pied d'immeuble. La méthode a le mérite de mettre en avant les commerces physiques, et donne donc un aperçu fidèle de la librairie en dehors de l'activité qui se développe avec force sur Internet. Elle comporte toutefois ses failles, certains commerces étant difficiles à identifier, et la subjectivité des enquêteurs pouvant entrer en jeu.(source : Banque de données sur le commerce de l'APUR, 2015)Sur cette carte, on remarque une nette prédominance des 5e et 6e arrondissements parisiens, qui accueillent respectivement 129 et 110 locaux de librairie. A cela, on peut également ajouter les commerces de livres anciens et d'autographes, qu'on peut notamment rencontrer en nombre rue de l'Odéon, dans le 6e arrondissement.Mais à titre de comparaison, le Motif, observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France, recensait (PDF) 554 librairies à Paris en 2011 (dont seulement 374 commerces ne vendant que des livres neufs, et excluant donc les commerces de papeterie, de presse et les grandes surfaces), soit 285 de moins que l'étude de l'APUR à la même période.Quelle évolution ?Selon l'APUR, qui a établi un décompte des librairies et LPP par arrondissement, 28 % de ces commerces ont disparu dans l'ensemble de Paris entre 2000 et 2014. Le quartier connaissant le plus gros différentiel est le 16e arrondissement, dont plus de la moitié des points de vente de livres ont disparu depuis le début du millénaire, passant de 37 à 18 librairies. Il est suivi de près par un autre quartier ouest de la rive droite, le 8e arrondissement (- 46 %), puis par des quartiers plus centraux, comme le 1er et le 6e arrondissement (- 42 % pour les deux). Les deux seuls arrondissements à avoir gagné des librairies sur la période sont le 13e et le 20e arrondissement, ce dernier passant de 17 à 24 commerces . #container_1426778056905 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426778056905 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426778056905 .subtitre{ display:block; }Le nombre de librairies à Paris entre 2000 et 2014Ces données comprennent les commerces de vente directe de livres neufs, ainsi que les librairies papetries et/ou presse. Il s'agit d'un recensement visuel.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426778056905", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "area", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Atelier parisien d'urbanisme (2015)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:1100, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["2000","2003","2005","2007","2011","2014"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "nombre de librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1051 ], [ "", 969 ], [ "", 965 ], [ "", 909 ], [ "", 839 ], [ "", 756 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Ces chiffres alarmants sont pourtant à nuancer. S'il est indéniable que depuis quelques années le secteur de la librairie-papeterie et/ou presse connaît plus de fermetures de locaux que d'ouvertures, c'est d'abord à cause de la baisse des ventes de journaux. Le nombre global de librairies a lui aussi tendance à baisser, mais à un rythme moins frénétique. Dans un décompte actualisé au 28 avril 2014, le Motif souligne que la disparition nette de librairies (c'est-à-dire le différentiel entre les créations et les cessations d'activités) s'élève à seulement 20 depuis 2011 – contre 81 selon les décomptes de l'APUR sur la même période, qui prennent eux en compte les LPP.Du Quartier latin vers les arrondissements périphériquesLa prédominance du Quartier latin (dans l'actuel 5e arrondissement et au nord et à l'est du 6e arrondissement) dans le commerce du livre remonte aux XVIe et XVIIe siècles. Historiquement regroupées autour de la Sorbonne, librairies et maisons d'édition se sont disséminées aux angles des rues reliant les différentes antennes universitaires. Aujourd'hui encore, c'est là que l'on retrouve le plus de marchands de livres, dont certains très spécialisés dans certaines thématiques, ou dans la revente d'occasion, avec des enseignes comme Boulinier par exemple.C'est aujourd'hui ce quartier qui souffre le plus de la situation difficile que traversent les libraires. Les raisons sont à aller chercher dans les coûts élevés et croissants des charges fixes, les frais de personnel et le coût des loyers qui ne fait qu'augmenter. Depuis 2008, la mairie de Paris a bien confié à la société d'économie mixte de la ville de Paris (Semaest) le soin de racheter des locaux du Quartier latin, de les rénover et de les louer exclusivement à des libraires indépendants. Mais en l'absence d'aide aux loyers proprement dite, la concurrence des banques et des magasins de vêtements reste difficile à contrer dans ce quartier très touristique.Le phénomène est particulièrement criant à Saint-Germain-des-Prés – surnommé à l'occasion « Saint-Germain-des-Livres » – et a été récemment médiatisé avec la fermeture de la mythique librairie La Hune. « Le quartier a changé depuis les années 60. C'est l'endroit qui compte le plus de librairies au monde, mais l'immobilier y est très cher », regrette Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, qui insiste pourtant pour ne pas généraliser le cas regrettable de La Hune à l'ensemble des librairies parisiennes. Pour lui, la librairie s'est déplacée, suivant le mouvement de décentralisation opéré par la classe moyenne, vers les arrondissements périphériques.>> Lire aussi la tribune du fils du fondateur de La Hune : Quand la marchandise usurpe, avec l’enseigne d’une célèbre librairie, l’œuvre de toute une vieSelon les chiffres de l'APUR, ce sont en effet les quartiers du nord-est parisien, où les loyers sont les moins élevés, qui semblent avoir le vent en poupe, le 20e arrondissement largement en tête. Une carte établie par l'APUR recensant les créations et disparitions de librairies et LPP entre 2011 et 2014 résume assez bien le phénomène : une forte concentration dans les quartiers centraux, et un nombre de créations de commerces bien plus élevé sur la rive droite. La délicate situation des librairies indépendantesSi les chiffres divergent, un constat demeure : celui des difficultés financières des librairies. Au-delà de l'épineuse question des loyers, qui malgré les aides de la Semaest finit bien souvent en négociations au cas par cas avec les propriétaires, reste la question des frais de personnel. Ces derniers « sont élevés, en proportion du chiffre d'affaires car la valeur ajoutée de la librairie repose en large partie sur la présence et la compétence de libraires, ce qui permet aux librairies indépendantes de se positionner sur la notion forte de conseil par opposition aux grandes surfaces ou librairies en ligne », explique en 2011 le Centre régional d'observation du commerce, de l'industrie et des services.Malgré tout, les libraires sont bien obligés de rogner sur ces dépenses. Selon des chiffres de l'Insee, près de la moitié des librairies d'Ile-de-France n'avaient pas de salariés en 2009. Un chiffre qui a empiré, puisque, selon les comptes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), on est passé de 639 librairies ayant au moins un salarié en Ile-de-France en 2008 à seulement 620 en 2013. #container_1426777895144 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426777895144 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426777895144 .subtitre{ display:block; }Répartition des librairies d'Ile-de-France selon leurs effectifs45 % des librairies franciliennes n'avaient pas de salariés en 2009, un chiffre qui a augmenté depuis(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426777895144", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Insee, Sirène (2009)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:null, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["0","1 à 2","3 à 5","6 à 9","10 à 19","20 à 49","50 à 99","100 à 199"], title:{ text:"Nombre de salariés" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 490 ], [ "", 303 ], [ "", 143 ], [ "", 82 ], [ "", 43 ], [ "", 18 ], [ "", 5 ], [ "", 3 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Cette situation s'explique en partie par la montée en puissance des librairies en ligne. Si les librairies indépendantes continuent à être en tête des ventes totales de livres en valeur (40 %), devant les grandes surfaces culturelles (31 %) et la grande distribution (20 %), les sites de vente en ligne atteignent aujourd'hui quelque 9 % des achats. En tête de ce marché en poupe, Amazon et la Fnac qui occupent 70 % du marché. Des sites comme La Librairie.com essayent de concurrencer ces deux géants d'Internet. En 2014, l'extension Chrome Amazon-Killer proposait même de court-circuiter Amazon au bénéfice de libraires indépendants regroupés dans le réseau Place des libraires.Pour autant, « la librairie n'est pas en train de mourir, nuance William Elman, directeur adjoint du Motif. La situation critique que traversent beaucoup de librairies les pousse à repenser leur métier ». Depuis trois ans, des associations de libraires indépendants ont été créées afin de fédérer les coûts de la mise en place d'un système de vente en ligne. C'est le cas de Librest, un réseau de sept librairies de l'Est parisien qui s'est constitué en 2010. Dans une tribune au Monde, ils défendaient en 2012 « un commerce connecté, durable, personnifié (...) avec des librairies qui veulent plus que jamais apporter une réponse humaine, territoriale, sociale ».Lire : Il faut défendre la librairie indépendanteDelphine RoucauteJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journaliste 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise 19.03.2015 à 20h22 • Mis à jour le20.03.2015 à 08h21 | Claire Guillot Malgré ses 341 lots, la vente aux enchères intitulée « Une histoire particulière de la photographie », organisée par la maison Pierre Bergé et associés à Drouot, à Paris, le 19 mars, n’a pas duré très longtemps : la collection de « M. et Mme X », couple de collectionneurs qui voulait garder l’anonymat, n’a pas séduit les acheteurs, la salle était atone, et on a assisté à peu de batailles de collectionneurs se disputant des pièces. Résultat, moins du tiers des lots a été vendu.Le premier portrait photo de l’histoire, en vente à DrouotLa pièce phare de la vente, le daguerréotype suspecté d’être le plus ancien portrait photo répertorié du monde et représentant « M. Huet », n’a pas trouvé preneur (estimation 600 000 à 800 000 euros). Quelques beaux prix ont quand même été atteints, permettant à la vente d’atteindre un total de 2,33 millions d’euros (avec les frais) : une belle œuvre signée Le Gray et Mestral, représentant le photographe Gustave le Gray sous un cloître a atteint la coquette somme de 400 000 euros (prix marteau, soit 505 500 euros avec les frais), et un portrait de la comtesse de Castiglione est parti pour 250 000 euros (prix marteau, sans les frais). Une photo de Camille Silvy a été achetée 104 000 euros (prix marteau), dépassant largement son estimation de départ. Mais nombre de photographies importantes n’ont pas récolté une seule enchère : certaines pièces de Le Gray, ou un autre portrait de la Castiglione, estimé 350 000 euros, ainsi que plusieurs photographies signées Eugène Atget n’ont pas trouvé preneur. Quant aux photos vendues, elles l’ont été dans leur très large majorité à des prix très inférieurs aux estimations.Pourquoi un tel insuccès ? Les goûts atypiques du collectionneur, Marc Pagneux, qui a cherché les images peu classiques, ont pu dérouter. La date choisie pour la vente, qui suivait de près la foire de Maastricht, ainsi que le refus de nommer un expert spécialiste de photographie, ou même les estimations de départ jugées trop élevées ont peut être aussi découragé les acheteurs. Chose notable, aucun certificat d’exportation, nécessaire avant de pouvoir emporter une pièce de valeur ancienne à l’étranger, n’avait été demandé avant la vente, alors même que le taux élevé du dollar favorisait les acheteurs américains.Plusieurs préemptionsLes institutions publiques françaises, du coup, ont pu acheter des pièces à des prix avantageux : en particulier le Musée du Quai Branly, qui a préempté deux pièces. La première est un daguerréotype montrant Un Tambo dans les Cordillières à la hauteur de 16000 pieds (65000 euros). « Nous avons une collection qui comprend beaucoup d’images anciennes de l’Amérique latine, explique Christine Barthe, chargée de la collection de photographie au Musée du quai Branly, et cette image magnifique va s’y insérer. Elle est à mi-chemin entre la photo d’archéologie et le paysage. On pense en général que les premières photos de la cordillère des Andes datent des années 1 860, cette image prouve qu’il y en a eu avant ». La deuxième photo qu’elle a acquise (8 000 euros, prix marteau), est un portrait d’un jeune noir de Tanger, est « attribuée à Gustave de Beaucorps » selon le catalogue de la vente. « Même si cette photo pose des problèmes d’identification, peu importe, elle complète notre collection qui s’intéresse à la représentation des Africains au XIXe siècle ». En tout, six images ont été achetées, ou préemptées par des institutions publiques : la Bibliothèque nationale de France a acquis quatre négatifs papier d’Alphonse de Brebisson et un portrait du photographe Edouard Delessert par Olympe Aguado, tandis que la Maison de Victor Hugo, mandatée par la Ville de Paris, a jeté son dévolu sur une lettre et une photographie d’Auguste Vacquerie. En revanche, le musée d’Orsay, célèbre pour sa riche collection de photos anciennes, n’a fait à notre connaissance aucun achat.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet et Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « A Hard Day's Night », ardeur rockCette semaine : autour de l’album A Hard Day’s Night (juillet 1964).« A Hard Day’s Night » (Lennon-McCartney), par Peter SellersIncarnation de l’humour anglais, en particulier à l’époque du « Swinging London », l’acteur Peter Sellers (1925-1980) avait enregistré deux albums avec George Martin à la fin des années 1950. Le producteur présenta plus tard le comédien aux Beatles. John Lennon (1940-1980) était spécialement fan de celui qui, en 1963, avait interprété le personnage de l’inspecteur Clouseau dans le premier épisode cinématographique de La Panthère rose, de Blake Edwards (1922-2010) et dont le film, La Souris qui rugissait (1959), de Jack Arnold (1916-1992), avait été produit par l’Américain Walter Shenson (1919-2000), producteur, en 1964, de Quatre garçons dans le vent.En 1965, à l’occasion de l’émission de télévision, « The Music of Lennon and McCartney » (voir ci-dessous la note sur la chanson Things We Said Today), Peter Sellers enregistra en costume une version de A Hard Day’s Night déclamée à la façon de Laurence Olivier (1907-1989) dans Richard III, de Shakespeare. Publiée en 45 tours, cette interprétation atteignit même la 14e place du hit parade britannique. « I Should Have Known Better » (Lennon-McCartney), par She & HimFormé par l’actrice Zooey Deschanel (Mumford, Elfe, Presque célèbre, la série télévisée « New Girl »…) et le guitariste Matthew Stephen Ward, dit M. Ward, le duo américain She & Him a publié, en 2008, Volume One, le premier de ses cinq albums communs, dans lequel figuraient dix chansons originales et deux reprises, I Should Have Known Better, des Beatles et You Really Got a Hold on Me, de Smokey Robinson (d’ailleurs repris, en 1963, par les Fab Four). Le morceau principalement écrit par John Lennon donne ici l’impression d’être joué dans un Tiki Bar californien, langoureusement taquiné par la voix de Zooey Deschanel et les glissendos hawaïens du subtil M. Ward. « If I Fell » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsFigure du son de Nashville, célèbre pour sa technique de picking, inspirée entre autres par Django Reinhardt, le guitariste Chet Atkins (1924-2001) enregistra, en 1966, avec l’harmoniciste Charlie McCoy, l’album Chet Atkins Picks On the Beatles (RCA Victor) contenant douze reprises instrumentales du groupe de Liverpool. Lui-même grand admirateur de cet élégant instrumentiste (aux quatorze Grammy Awards), George Harrison (1943-2001) accepta de signer les notes de pochette de ce disque mineur, mais agréable. « I’m Happy Just to Dance With You » (Lennon-McCartney), par Anne MurayRarement reprise, cette chanson incarnant l’excitation la plus juvénile a bizarrement été choisie par une des figures de ce que les Américains appellent « la musique adulte contemporaine » (adult contemporary music). Dans une lignée proche de ce que fera plus tard sa compatriote Céline Dion, la Canadienne Anne Muray s’est forgée une belle carrière (plus de 50 millions de disques vendus) à partir du début des années 1970, en usant d’une voix claire, puissante et ne mégotant pas sur l’émotion. Loin de la légèreté originelle du titre de Lennon-McCartney chanté par George Harrison, cette version, publiée en 1980 par Capitol Records, donne plus envie de danser un slow qu’un rock’n’roll. « And I Love Her » (Lennon-McCartney), par The WailersParmi la multitude de reprises suscitées par ce bijou délicatement ciselé par Paul McCartney, nous aurions pu choisir la version publiée, en 1972, par le soulman Bobby Womack (1944-2014), transposant magnifiquement cette ballade anglaise sous le ciel de Memphis. Mais découvrir que cette chanson a aussi été interprétée, en 1966, par Bob Marley (1945-1981) au sein des Wailers, est autant un plaisir qu’une surprise. Rodé aux reprises de doo wop et de soul américains, le trio vocal jamaïcain enregistra, entre 1964 et 1966, une centaine de morceaux en stakhanovistes du label Studio One. Parmi ces titres, les premiers originaux de ceux qui allaient révolutionner le reggae et la musique mondiale, des reprises de rhythm’n’blues mais aussi de tubes pop comme Like a Rolling Stone, de Bob Dylan ou ce And I Love Her, gémi par Marley, sur fond de cuivres languissants. « Tell Me Why » (Lennon-McCartney), par The PunklesParfois cloués au pilori par certains punks, les Beatles et leurs refrains instantanés ont été une source d’inspiration pour beaucoup d’autres. Pas aussi excitante que les reprises que firent des groupes comme The Damned (Help !) ou Hüsker Dü (Ticket To Ride), cette version de Tell Me Why est l’œuvre d’un groupe allemand, The Punkles, originaire de Hambourg (tiens donc !), qui, dans les années 2000, s’était fait une spécialité de rejouer les chansons des Beatles à la façon des Sex Pistols. Les pseudos des protagonistes ? Joey Lennon, Captain O’Harrison, Sid McCartney et Markey Starkey. « Can’t Buy Me Love » (Lennon-McCartney), par Ella FitzgeraldExtrait de l’album Hello, Dolly ! (Verve Records), produit par Norman Granz (1918-2001) et paru en 1964, l’année même de la sortie de A Hard Day’s Night, cette version cuivrée d’une des chansons les plus vitaminées des Beatles, montre que l’immense Ella Fitzgerald (1917-1996) n’avait rien à envier en termes d’énergie et de dynamique aux gamins de Liverpool. Il est intéressant de noter que ce morceau a été particulièrement apprécié des jazzmen, puisque le pianiste et chef d’orchestre Count Basie (1904-1984), le violoniste Stéphane Grappelli (1908-1997), le guitariste John Pizzarelli ou le chanteur canadien Michael Bublé en ont aussi gravé des adaptations. « Any Time at All » (Lennon-McCartney), par Ali CampbellJohn Lennon, dans un long entretien réalisé quelque temps avant son assassinat le 5 décembre 1980 et publié dans le numéro de janvier 1981 du mensuel Playboy, avait expliqué qu’Any Time At All, qui ouvre la face B de l’album A Hard Day’s Night, était un presque décalque de la chanson It Won’t Be Long, premier titre de la face A du deuxième album des Beatles, With The Beatles (novembre 1963). La grille harmonique similaire n’a d’ailleurs pas été remise en question par quelques-uns des musiciens qui ont mis Any Time At All à leur répertoire (le groupe Blue Ash, les guitaristes Nils Lofgren et Dweezil Zappa…). Pas plus qu’Ali Campbell, qui, en revanche, mène ce rock assez basique vers le territoires du ska et du reggae. Campbell a été l’un des fondateurs et le chanteur principal d’un des groupes britanniques les plus importants de cette scène dans les années 1980 et toujours actif de nos jours, même s’il reste peu de membres de la formation dans son âge d’or. Sa reprise d’Any Time At All figure dans son cinquième album solo, Silhouette, publié par Jacaranda Limited/Cooking Vinyl en 2014, dans lequel Ali Campbell, qui avait quitté UB40 en 2008, retrouvait deux de ses anciens camarades, le rappeur-chanteur Astro et le claviériste Mickey Virtue. « I’ll Cry Instead » (Lennon-McCartney), par Raul SeixasI’ll Cry Instead a été le premier enregistrement, publié par Decca – avec Jimmy Page, futur Led Zeppelin, à la guitare – de Joe Cocker (1944-2014), quelques semaines après la sortie de A Hard Days’Night. Un échec pour le chanteur qui se rattrapera en avril 1969 avec le succès de sa reprise de With A Little Help From My Friends en studio et surtout lors de son interprétation à Woodstock, le 17 août. Mais c’est la version de Raul Seixas (1945-1989) que nous vous proposons. Dans les années 1960 et 1970, il a été l’une des figures importantes de l’essor du rock au Brésil, vedette plus ou aussi connue que certains grands noms anglo-saxons. Sa reprise country-rock d’I’ll Cry Instead combine deux de ses influences, Elvis Presley (1935-1977) et Bob Dylan, et figure dans un album posthume d’enregistrements des années 1960, notamment avec son groupe The Panthers, O Baú do Raul, publié par la division brésilienne de la compagnie phonographique Philips en 1992. « Things We Said Today » (Lennon-McCartney), sous le titre « Ces mots qu’on oublie un jour », par Dick RiversUn document culte ! Le 16 décembre 1965, la chaîne régionale du Nord-Ouest de l’Angleterre Granada Television diffuse un programme intitulé « The Music Of Lennon & McCartney » – à noter que ce sont bien les auteurs-compositeurs des Beatles qui sont mis en avant dans ce titre. Parmi les invités du groupe durant l’émission d’une cinquantaine de minutes, enregistrée les 1er et 2 novembre, les chanteuses britanniques Cilla Black, Lulu et Marianne Faithfull, le compositeur américain Henry Mancini, des membres du Liverpool Philarmonic Orchestra, le groupe, lui aussi de Liverpool, Billy J Kramer and The Dakotas, le danseur espagnol Antonio Vargas, le producteur des Beatles George Martin avec son orchestre, l’acteur anglais Peter Sellers dans une version (1925-1980) que nous avons découvert plus haut dans son interprétation mémorable de A Hard Day’s Night…Et il y a Dick Rivers. Oui notre Dick national, que McCartney et Lennon présentent en anglo-français. A notre connaissance, aucune autre gloire hexagonale n’a eu droit à cet honneur. Du coup, nous ignorerons toute autre reprise de Things We Said Today (même celle craquante de Jackie De Shannon et la bien barrée psyché de The Flow). Celle de Dick Rivers est, en plus, une adaptation en français devenue Ces mots qu’on oublie un jour enregistrée peu après la sortie de A Hard Day’s Night pour le 45-tours Je ne suis plus rien sans toi, publié à la fin de l’été 1964 par Pathé.  « When I Get Home » (Lennon-McCartney), par Tony Visconti, Lara Visconti et Alejandro EscovedoPlusieurs chansons portent le titre When I Get Home, notamment par The Searchers, Charlie Rich (1932-1995), Herman Brood (1946-2001), mais n’ont rien à voir avec cette composition de Lennon et McCartney pour les Beatles. Elle est parmi les moins reprises du groupe, en dehors de quelques formations spécialisés (cover bands) qui en proposent des versions à la lettre. C’est donc au producteur Tony Visconti (T Rex, Gentle Giant, David Bowie, Badfinger, Sparks, Thin Lizzy, The Stranglers, Rita Mitsouko, Angélique Kidjo…), par ailleurs bassiste et arrangeur, que l’on doit la seule reprise de qualité de When I Get Home. Elle n’a pas donné lieu à une vidéo vers laquelle nous pourrions renvoyer et sera donc à écouter sur le site The Beatles Complete on Ukulele, qui comme son nom l’indique propose l’intégralité du répertoire des Beatles joué sur ce petit instrument à quatre cordes. Soit « les 185 compositions originales des Beatles entre 1962 et 1970 », à l’exclusion des reprises d’autres artistes enregistrées par le groupe à ses débuts. Un projet, mené entre le 20 janvier 2009 et 31 juillet 2012, auquel ont participé autant des professionnels peu connus que des réputations. Ce When I Get Home par Tony Visconti donc, au chant, percussions, basse, flûte et ukulélé avec l’une de ses filles, Lara, au chant et avec le chanteur Alejandro Escovedo, l’un des membres d’une famille musicienne de haute réputation (les percussionnistes Coke et Pete Escovedo, avec Santana, la batteuse, percussionniste et chanteuse Sheila E avec Prince…) se révélant un délice. « You Can’t Do That » (Lennon-McCartney), par Andy EllisonDans son deuxième album, Pandemonium Shadow Show (RCA Victor, décembre 1967), Harry Nilsson (1941-1994) avait proposé un arrangement savant de You Can’t Do That. A la structure mélodique et harmonique originale, Nilsson avait ajouté des citations musicales ou des textes d’une vingtaine d’autres chansons des Beatles. Ce qui lui valu à l’époque les félicitations de Lennon, première étape d’une longue amitié entre les deux musiciens. Deux formations vocales féminines ont repris la chanson, les célèbres The Supremes en 1964 et les plus confidentielles Les Fizz, trio français des années 1960. Le groupe psyché Vanilla Fudge en a enregistré une version ouvrant vers l’improvisation instrumentale…Nous avons retenu celle du chanteur Andy Ellison, publiée en 1968 en face A d’un 45-tours publié par SNB Records, éphémère label (treize singles entre 1968 et 1969) fondé par le manager Simon Napier-Bell (The Yardbirds, Japan, Boney M, Ultravox…). La carrière plutôt culte d’Andy Ellison est notamment liée à des groupes au même statut dont Clockwork Onions, The Silence, John’s Children (qui eut son heure de gloire durant la période psyché britannique 1966-1967), Jet (post glam-rock et pre punk, 1974-1976) ou Radio Stars (new wave, 1977-1982). A noter qu’Ellison comme Nilsson a opté pour un tempo ralenti par rapport à l’original des Beatles. « I’ll Be Back » (Lennon-McCartney), par Barbara Dickson et Midge UreIl existe une poignée de versions de cette chanson, qui venait à la fin de la face B de l’album A Hard Day’s Night. Parmi lesquelles celles du chanteur britannique Cliff Richard, qui, dans les années 1960, était un sérieux concurrent des Beatles, du groupe néerlandais Golden Earring, qui a fêté son cinquantième anniversaire en 2011, de la formation vocale jamaïcaine The Paragons et de la chanteuse écossaise Barbara Dickson avec son compatriote Midge Ure. C’est avec ce duo, extrait de l’album de Dickson, Nothing’s Gonna Change My World : The Songs Of Lennon, McCartney And Harrison (Universal Music, 2006), et un traitement de ballade avec piano et violons que notre « Autour de l’album A Hard Day’s Night » trouve sa conclusion.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteStéphane DavetJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Est-ce une action préméditée, un malin pied de nez improvisé ou un acte manqué ? Les photos publiées par la ministre de la culture sur ses comptes Instagram et Twitter dans la soirée de lundi 16 mars, lors de l’inauguration de l’exposition « Bonnard. Peindre l’Arcadie », au Musée d’Orsay, ont en tout cas fait voler en éclats une petite exception culturelle.Superbe exposition Bonnard au @MuseeOrsay (en avance sur la #MuseumWeek) http://t.co/vLQ2x298dO— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Bonnard vivant à OrsayLes visiteurs du musée parisien étaient, jusqu’ici, confrontés à deux injonctions contradictoires : il leur était formellement interdit d’y prendre des photos des œuvres, alors même que depuis l’été, la charte Tous photographes était censée être respectée par toutes les institutions muséales nationales.Ce texte, qui vise à favoriser, tout en l’encadrant, « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments », est une réponse du ministère aux utilisateurs des réseaux sociaux. En acceptant cet appétit pour le partage de photos, les musées sont en retour censés bénéficier d’une publicité mondiale et gratuite. Or, le Musée d’Orsay faisait jusqu’ici exception, étant la seule grande institution muséale à refuser d’appliquer la charte.« Aucun privilège ! »Les photographies y sont en effet proscrites depuis six ans. De 2009 à 2011, de grands travaux avaient conduit l’institution parisienne à prendre cette décision pour faciliter la circulation des visiteurs dans des espaces amputés d’un tiers. Puis, l’interdiction avait continué à être appliquée « par confort » avait récemment expliqué au Monde le musée.Ce soir d’inauguration, Fleur Pellerin a donc reproduit un geste qu’elle effectue chaque jour : poster des photos de ses activités ministérielles… mais en bravant les panneaux d’interdiction de photographier omniprésents dans le musée. Une liberté qui n’aura pas échappé aux plus observateurs de ses « followers » (quelque 220 000 internautes la suivent sur Twitter, près de 3 000 sur Instagram). Et notamment Bernard Hasquenoph, qui tient le blog Louvre pour tous, poil à gratter des institutions muséales, où il milite depuis longtemps pour la liberté de prendre des photos dans les musées.Prise en porte-à-faux, la ministre a répondu par tweets à l’accusation de « passe-droit » en rappelant l’existence de la charte Tous photographes, publiée par le ministère de la culture en juillet 2014, juste avant sa nomination (qui date de la fin d’août) :@louvrepourtous @MuseeOrsay aucun privilège ! Je ne fais qu'appliquer la charte "Tous photographes" du @MinistereCC http://t.co/y4k1h6J0xm— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);L’acte, calculé ou inopiné, et le choix de la ministre de placer la charte au-dessus de la réglementation du musée, auront en tout cas été décisifs. Dès mercredi matin, une note interne était diffusée « à la demande de la ministre de la culture et de la communication » : « Le président des Musées d'Orsay et de l'Orangerie [Guy Cogeval] a pris la décision de lever l’interdiction de photographier dans les espaces des deux musées. Cette décision est applicable immédiatement. »Celle-ci reste assortie de certaines conditions : « L’usage du flash, des “perches à selfie” et des trépieds reste cependant proscrit. Des restrictions peuvent aussi être prévues dans les expositions temporaires à la demande des prêteurs. Une modification du règlement de visite en ce sens sera présentée aux prochains comité technique et conseil d’administration. Des réunions d'information à l'intention des équipes postées seront organisées rapidement à ce sujet, pour une bonne application de la charte Tous photographes. »« On a gagné », lançait dans la foulée Bernard Hasquenoph sur son compte Facebook. « Merci à Instagram », répliquait également sur le réseau social André Gunthert, enseignant-chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et spécialiste de la photographie et de l’histoire visuelle.Lire également : La « perche à selfie » bannie du château de VersaillesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Matthieu Vaillant Gabriele Finaldi, actuel directeur adjoint du Musée du Prado à Madrid, a été nommé, mercredi 18 mars, directeur de la National Gallery de Londres. A 49 ans, il succède à Nicholas Penny, qui avait annoncé sa retraite durant l'été 2014. Gabriele Finaldi devrait, quant à lui, prendre ses fonctions le 17 août.Cet historien de l'art, né de parents anglo-italiens et lui-même citoyen britannique, a été choisi parmi cinq candidats internationaux, dont Axel Rüger, directeur du Musée Van Gogh d'Amsterdam, ou Luke Syson, conservateur de la sculpture européenne et des arts décoratifs au Metropolitan Museum of Art de New York.Gabriele Finaldi n'est pas étranger à la National Gallery : entre 1992 et 2002, il a travaillé en tant que conservateur des collections espagnole et italienne au sein du prestigieux musée londonien. En 2008, année de la nomination de Nicholas Penny, Gabriele Finaldi était déjà pressenti.Nouveau mouvement social de cinq joursDans un communiqué publié sur le site officiel de la National Gallery, Gabriele Finaldi s'est dit « profondément honoré » par sa nomination à la tête de la National Gallery, une « collection de classe mondiale » dans une « ville de classe mondiale ».L’institution est actuellement secouée par un conflit opposant la direction à ses employés, qui craignent une privatisation qui aurait pour conséquence le remplacement des deux tiers des salariés par des prestataires externes. Le personnel s’était mis en grève début février, et appelle la direction à reconsidérer sa position. Un nouveau mouvement social de cinq jours est prévu, du 24 au 28 mars.Grève à la National GalleryMatthieu Vaillant Laure Belot C'est une initiative culturelle spontanée, mondiale et fulgurante, à l'image du XXIe siècle numérique. Le « projet Mossoul » est un musée virtuel en construction pour réagir à la barbarie des destruction d’œuvres d’art assyrien du musée irakien de Mossoul. Ce projet en 3D, lancé en ligne le 8 mars, en appelle à la foule des internautes. Il s’agit d’obtenir tout autant des images des œuvres qui étaient exposées au musée que de l'aide en ligne provenant d'experts en patrimoine ou en programmation informatique. Depuis le lancement, l'audience et les contributions extérieures ne cessent de grimper sur le site grâce à un marketing viral planétaire. Retour avec Matthew Vincent et Chance Coughenour, les deux archéologues – bénévoles – à la manœuvre, sur les deux premières semaines de ce projet inédit.26 février. Sur la page Facebook du réseau européen de chercheurs en e-patrimoine Initial Training Network for Digital Cultural Heritage (ITN-DCH) apparaissent les terribles images des destructions dans le musée irakien. « Nous avons réagi en ligne et nous nous sommes dit qu'il fallait faire quelques chose », racontent de concert Matthew Vincent et Chance Coughenour, qui se trouvent alors, pour le premier, à l'université de Murcia (Espagne), pour le second, à l'université de Stuttgart (Allemagne). Le coordinateur du réseau ITN-DCH, Marinos Ioannides, alors face à son écran à Limassol depuis le département informatique de l’Institut de technologie de Chypre, les encourage. Il est alors décidé que le réseau ITN-DCH, financé sur fonds européens, hébergera le futur site.28 février. Les principales instances internationales, de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) au Conseil international des monuments et des sites (Icomos), sont contactées « pour vérifier qu'aucune de ces organisations ne s'opposent à la démarche », expliquent les chercheurs. Ces deux archéologues envoient également des messages à leurs communautés scientifiques respectives (Matthew Vincent travaille majoritairement sur la zone jordanienne, Chance Coughenour sur la zone mésoaméricaine). « De tous les côtés, les retours ont été excellents. Certains nous demandent d’ailleurs d'étendre le projet à d'autres zones de destruction », expliquent-ils.8 mars. Le lancement officiel du site se fait « après un week-end intense de travail », reconnaît Matthew Vincent. Dès la mise en ligne, « nous avons très rapidement reçu des photos qui ont été prises avant la fermeture du musée en 2003 », note Chance Coughenour. La surprise est encore plus forte lorsque ces chercheurs reçoivent des informations indirectes venant de la zone même de Mossoul. « Certaines personnes directement en contact avec d'anciens employés du musée nous ont fait confiance et nous ont contactés. Ce canal devrait être précieux pour pouvoir authentifier et trier les photos que nous recevons. » Quelques jours après le lancement, une première œuvre d'art en 3D – « assez sommaire », précisent les chercheurs – est mise en ligne, Le Lion de Mossoul.16 mars. Le projet de musée virtuel utilise le « viewer 3D » de la strat-up Sketchfab fondée par Alban Denoyel à New York. « Nous avons vu monter le trafic sur ce site et avons été séduits par ce projet », explique le dirigeant. Cette société, qui veut devenir le Youtube des images en 3D et qui est notamment utilisé par le British museum pour visualiser sa collection, anime une communauté de milliers de chercheurs utilisant ses services. Le dirigeant fait alors passer l'information à ses contacts, dont Le Monde, le 17 mars.17 mars. « Le retour est incroyable et inespéré, constatent les deux archéologues, qui continuent leur travail académique parallèlement à ce projet. Notre audience en ligne a doublé ces dernières 24 heures. » Un compte Twitter est créé dans la foulée.Attendent-ils un soutien matériel d'une institution ? « Nous avons surtout besoin de la communauté mondiale en ligne pour faire avancer ce projet, expliquent-ils. Nous avons notamment un besoin pressant de codeurs et d'experts en photogrammetrie [capables de reconstituer les œuvres en trois dimensions] pour nous aider à faire de ce musée une réalité. » Le message est passé.Laure BelotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pauline Croquet Le charme du mantra six seasons and a movie (« six saisons puis un film »), à de nombreuses reprises répété dans la série, a bien failli être rompu. Mais la saison 6 de « Community » est bel et bien là, diffusée à compter du mardi 17 mars sur la plate-forme de streaming Yahoo! Screen, après avoir été déprogrammée par la chaîne américaine NBC.Le studio Sony Pictures Television, qui produit la série, avait annoncé courant juin que Yahoo! avait acheté un volet de 13 épisodes de vingt minutes, dévoilés à raison d'un épisode par semaine. Peu avant, c'est une autre plate-forme américaine, Hulu, qui avait manifesté son intérêt.« Community » relate les aventures d'étudiants à l'école de la deuxième chance dans une université publique de seconde zone (community en anglais) : le Greendale College. Des destins croisés à l'heure de constituer un groupe de révision. Il y a l'avocat beau-gosse déchu, la mère au foyer-grenouille de bénitier, l'ancienne première de la classe, l'activiste feignante, le retraité plein aux as et disciple d'une secte, le quaterback blessé avant d'avoir pu briller et Abed, un fan de cinéma atteint du syndrome d'Asperger.« Cool cool cool »A la fois régressive et jusqu'au-boutiste, la série repose sur des histoires loufoques et de très solides références à la culture geek comme à la pop culture anglo-saxonne : avec par exemple cet épisode entièrement réalisé à la façon du dessin animé GI Joe (saison 5) ou d'épiques batailles de paintball, tournées dans la tradition du film d'action.A l'instar du « cool cool cool », tic de langage d'Abed, mais aussi du « pop pop » d'un autre élève, Magnitude, « Community » instille de puissants runnings gags et des répliques ritournelles. Peut être plus que la normale. Les fans de la série – ils sont nombreux – parlent d'un véritable « sauvetage » de la part de Yahoo! qui, en se payant « Community », désormais boudée par la télé, étoffe toutefois son offre de contenus exclusifs à destination de ses abonnés. La série a pourtant failli disparaître des écrans à plusieurs reprises. Une menace qui a d'ailleurs nourri le scénario, l'université où se déroule l'intrigue étant souvent à deux doigts de la fermeture. La toute première bande-annonce de la nouvelle saison adresse d'ailleurs un clin d'œil : « Vous avez essayé de nous détruire, mais vous n'avez fait que nous rendre encore plus géniaux. »ManifestationC'est sans nul doute la persévérance des fans, comme celle des acteurs de la série, qui aura fini de convaincre. La longue liste de tweets répertoriée sous le hashtag #savecommunity, pour ne citer que lui, donne un aperçu de la mobilisation et de l'engouement autour de la série.« Nous savons qu'il y aura une saison 6 sinon vous allez probablement débarquer avec des fourches et des torches », avait plaisanté Joel Mc Hale, qui interprète Jeff, l'un des personnages principaux, lors du dernier festival de Paley en Californie.Le 9 mai dernier, NBC avait en effet décidé d'annuler la série, à l'occasion des « upfronts », la présentation aux annonceurs publicitaires de la grille des programmes pour l'année suivante. Malgré sa grande communauté de fans, très mobilisée sur le Net, la série n'arrivait pas à toucher un public assez large. Le tout premier épisode, diffusé aux Etats-Unis en septembre 2009, avait réuni près de 8 millions de téléspectateurs. Le « repilote » – c'est son titre – de la 5e saison en a réuni 3,5 millions en janvier 2014. Diffusé à la même heure sur une chaîne concurrente, un épisode de « The Big Bang Theory », lui, peut réunir jusqu'à 20 millions de téléspectateurs.Fin 2011, alors que la série était déjà menacée d'annulation, les défenseurs de « Community » avaient montré qu'ils étaient capables de se mobiliser, par exemple en allant manifester devant le siège de NBC, au Rockfeller Center à New York.Le casting lui aussi a pris la défense de la série. Donald Glover, qui mène par ailleurs une carrière de rap sous le pseudonyme Childish Gambino, s'était fendu d'un tendre appel à l'aide sur MTV, qui n'était pas sans rappeler le caractère de son personnage, Troy.Une nouvelle saison avait donc été confirmée, mais déplacée au vendredi soir, le placard des tranches horaires outre-Atlantique. Et la saison 4 se fera sans Dan Harmon, le créateur de la série. Ce génie – mais aussi grande gueule – entretenait des relations toxiques avec l'acteur Chevy Chase, qui incarne Pierce, et les responsables de Sony.Le scénariste, un « bébé égoïste »En 2013, The Hollywood Reporter consacre un grand article à Harmon, confirmant la personnalité décalée du scénariste, mais aussi son caractère ingérable. Lui-même se qualifie de « bébé égoïste ». « Avec ces 13 épisodes supplémentaires, “Community” va atteindre la barre des 80 épisodes, aujourd'hui suffisante pour la syndication, cette rediffusion sur les chaînes locales qui assure la rentabilité d'un programme », expliquait à l'époque le journaliste Pierre Langlais.Là encore, la pugnacité des spectateurs, qui considèrent que l'âme du show s'est perdue dans la saison précédente, mais aussi celle de Joel McHale, l'acteur principal, permettent à Harmon de revenir travailler sur la saison 5. McHale avait déclaré à l'époque : « La série est dans le cerveau de Dan et il est de loin la seule personne qui puisse la faire. » Cette avant-dernière saison essuie toutefois un revers avec le départ de Donald Glover.Une série blesséeC'est donc partiellement remise de ses blessures que « Community » se relance ce mardi aux Etats-Unis. Après Donald Glover et Chevy Chase, Yvette Nicole Brown (Shirley) n'apparaîtra plus dans la série. Paget Brewster (ancien agent dans « Esprits criminels ») et Keith David, tenteront de combler le vide laissé. Parmi les personnages secondaires, le retour de l'humoriste John Oliver en professeur alcoolique est envisagé. Ken Jeong, par ailleurs révélé dans la saga des Very Bad Trip, figure également au casting.Que les fans se rassurent : la saison 6 aura son épisode paintball comme de coutume. Harmon entend rester fidèle aux piliers narratifs de la série mais aussi remuscler son show.Avec toutefois un très grand défi à relever : atteindre le pallier de la sixième saison… et un film. Pour ce qui est de la diffusion en France, difficile encore de dire si la chaîne Numéro 23, qui propose la série sur sa grille depuis 2012, s'offrira également cette dernière saison.Pauline CroquetJournaliste au Monde Asaf Avidan (Auteur-compositeur-interprète) Alors qu’il préparait sa tournée européenne, Asaf Avidan, rock star israélienne (35 ans), a été suivi à Tel-Aviv par la journaliste du Monde Stéphanie Binet. Au cours d’entretiens, dans le contexte de la campagne électorale pour le renouvellement du Parlement israélien, la Knesset, il a notamment déclaré : « Je ne me considère pas comme israélien » et « ce qui nous maintient ensemble [les Israéliens], c’est notre peur. C’est ça Israël : nous sommes le peuple traqué. Cela occupe toutes nos conversations. Voilà pourquoi je ne veux plus vivre ici ».  A propos de l’incitation du premier ministre de son pays, Benyamin Nétanyahou à ce que les juifs de France émigrent en Israël, Asaf Avidan a parlé d’« opportunisme électoral ». Ces propos ont été repris par la presse et les médias israéliens ainsi que sur Internet. L’artiste précise ici son point de vue.Asaf Avidan, rockeur traqué, de la crête aux pieds« Ces six dernières années, chaque fois que j’ai donné une interview à la presse étrangère, j’ai essayé d’être raisonnable et pondéré dans mes propos. Je n’apprécie pas les personnes qui utilisent l’appétit de la presse étrangère pour les déclarations percutantes contre Israël comme moyen d’attirer l’attention. Je n’ai aucun problème avec les opinions personnelles de chacun, mais je sais que la presse aime à les exagérer, à s’en saisir pour ensuite les déshabiller et les exhiber, et cela me paraît mesquin. Il me semble que cela dégrade l’important, qui est la création et l’art. Et c’est la seule chose que je tente de présenter.Par conséquent, dans chaque entretien que j’ai donné, depuis le début, j’ai toujours dit… Je ne suis pas « un artiste israélien »… je suis « un artiste d’Israël ». Je n’essaye pas de représenter Israël. Je ne suis pas un politicien. Je ne suis pas un diplomate. Et, en tant que fils de diplomates, je n’ai jamais souhaité en être un. « Je n’ai su faire le récit que de moi-même » (vers issu d’un poème de Rachel Blaustein [Poétesse de langue hébraïque, 1890-1931]).Et tout en sachant combien cela sonne narcissique, c’est la seule chose qui m’intéresse. Cette interminable introspection. Ces questionnements, qui suis-je, que suis-je, quels sont mes sentiments et émotions, quelles sont mes pensées… C’est l’essence de ma création.Frontières imaginairesDonc, quand quelqu’un me demande si je suis israélien… je dois être complètement honnête et dire que cela ne m’intéresse pas. Au fond, ce ne sont que des frontières imaginaires que nous avons dessinées. Ce n’est pas que je ne crois pas en un pays en tant qu’unité socio-politique qui a besoin d’exister. Je ne veux pas remonter le temps à l’ère des royaumes ou à l’époque des conflits perpétuels entre tribus. Le pays a une importance. Et je ne fuis pas les droits et les devoirs que le pays spécifique où je suis né m’a donnés.Simplement, je ne me définis pas comme israélien. Parce que c’est une déclaration sans substance. Il y a tellement de types de personnes, de couleurs, d’opinions, de personnalités, de cultures à l’intérieur de ce pays, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire que je ne sois pas israélien. Je suis un être humain. Homo sapiens. Je suis d’« Israël ». Et je n’ai jamais dissimulé ce fait. Je n’ai pas changé mon nom ou caché mon identité. Même dans les situations où ce n’était pas toujours plaisant. C’est là d’où je viens. Pour le meilleur et pour le pire.Mais le fait que je sois né là ne veut pas dire que je dois y mourir. Ne me force pas à y passer chaque instant de ma vie, ne me force pas à avoir chaque respiration que j’ai sur cette planète à l’intérieur d’une seule et même partie de la Terre aux frontières imaginaires. Je veux vivre un peu en Italie. Pourquoi ? En quoi cela vous concerne ? Parce qu’il y a là-bas de bons mets et de bons vins. Et d’immenses plaines qui coûtent le prix d’une boîte de chaussures à Tel Aviv. Et parce qu’il y a là-bas du calme.Me retrouver dans la natureJ’ai travaillé dur ces dernières années, j’ai économisé chaque shekel, dollar ou euro qu’il m’est resté après avoir payé mes impôts (impôts israéliens d’ailleurs) et, au bout du compte, j’en suis venu à pouvoir acheter une maison. J’aurais pu acheter un trois pièces à Jérusalem ou à Tel-Aviv, mais j’ai décidé de ne pas le faire. Certaines personnes auraient choisi d’acheter une propriété à Berlin, d’autres auraient emménagé à la campagne, j’ai décidé autrement.Je veux construire un studio d’enregistrement au milieu de nulle part et créer en paix. Attaquez-moi en justice ! En quoi cela vous concerne où je dors quand je ne suis pas en tournée ? De toute façon, les 80 % du temps je dors dans de mauvais hôtels sur différents continents. En quoi cela vous blesse ? Les quelques jours de vacances que j’ai dans l’année, j’ai envie de me retrouver dans la nature, avec arbres et ciel à perte de vue, avec de la bonne nourriture et de bons vins et une nouvelle langue à apprendre… c’est ce que je ressens… Je ne quitte pas le pays. Je ne change pas ma citoyenneté ou bien mon lieu de résidence, et je continue de payer mes impôts en Israël. Je continuerai de venir en Israël autant qu’avant. Rien n’a changé.Bref… Pour vous tous qui avez déjà jeté mon album par la fenêtre, vous êtes cabrés et avez pointé du doigt furieusement des cartes, vous n’avez pas à me reprendre dans votre cœur ou à me remettre sur votre étagère. Si cela suffit à vous faire passer de l’appréciation à la haine, alors peut-être qu’il en est mieux ainsi. »Asaf Avidan (Auteur-compositeur-interprète) 17.03.2015 à 12h35 • Mis à jour le18.03.2015 à 09h45 Des restes de l'auteur de Don Quichotte, Miguel de Cervantès, ont été découverts dans la crypte d'une église du centre de Madrid, un an après le démarrage de fouilles, a annoncé, mardi 17 mars, l'anthropologue Francisco Etxeberria, directeur de l'équipe scientifique chargée des recherches.Lire aussi : Restes de Cervantès : les Espagnols tombent sur un os« Après analyse de toute l'information (...), il est possible de considérer que parmi les fragments de la réduction découverte dans le sol de la crypte de l'actuelle église des Trinitaires se trouvent certains fragments appartenant à Miguel de Cervantès », a-t-il dit lors d'une conférence de presse. Depuis le mois d'avril 2014, les enquêteurs ont délimité la zone de fouille en ayant recours à des caméras infrarouges et des scanners en 3D, grâce auxquels ils ont localisé 33 cavités et quatre tombes.Les chercheurs sont parvenus à cette conclusion en analysant un faisceau d'indices d'ordre documentaire sur l'auteur de Don Quichotte, indices comparés à leurs recherches anthropologiques et archéologiques, bien que les restes n'aient pas été analysés encore à ce stade de manière « génétique ». « Il n'y a pas d'identification confirmée par la voie génétique » à ce stade, a déclaré de son côté l'archéologue Almudena Garcia-Rubio . « Nous sommes convaincus que nous avons entre ces fragments quelque chose de Cervantès », a aussi déclaré le docteur Etxeberria.Lieu de sépulture perduNé en 1547, dans la vieille ville universitaire d'Alcala de Henares, près de Madrid, Miguel de Cervantes est considéré par beaucoup comme le « père du roman moderne » pour son œuvre Don Quichotte, publiée en deux parties, en 1605 et 1615. Il est mort dans la pauvreté le 22 avril 1616, et a été enterré selon les écrits de l'époque, dans la crypte d'une église du centre historique de Madrid. Mais on ignorait le lieu exact de sa sépulture, perdu au fil de l'histoire et des travaux d'agrandissement de cette église et du couvent attenant, aux façades de brique rouge.L'équipe menée par Francisco Etxeberria avait concentré ses recherches dans une église du couvent de Saint Ildéfonse des mères trinitaires, dans un quartier du centre de la capitale espagnole, aujourd'hui rebaptisé « Barrio de las Letras », ou « Quartier des lettres », en hommage à ses célèbres habitants : Cervantès, mais aussi Lope de Vega, et les grands rivaux littéraires du Siècle d'or, Francisco de Quevedo et Luis de Gongora.Lire aussi : Le secret des dents de CervantèsDans ses recherches, l'équipe disposait d'indices précis pour identifier le grand homme du Siècle d'or. « Nous recherchons un squelette d'homme, d'environ 70 ans, qui avait six dents, ou moins, portant des [traces de] lésions à l'intérieur du bras et à la main gauche, ne relevant pas de l'amputation, mais interdisant l'usage normal du bras », expliquait Francisco Etxeberria, en janvier.C'est lors de la légendaire bataille navale de Lépante (au large de la Grèce), remportée en 1571 par la Sainte-Ligue, menée par l'Espagne, contre les Ottomans, que Cervantès reçut deux coups d'arquebuse, l'un au torse et l'autre qui lui paralysa la main gauche. Une blessure caractéristique qui lui valut le surnom de « Manchot de Lépante ». En se fondant sur ce passé militaire les chercheurs traquent aussi des « petits fragments de métal incrustés » dans les os, autres preuves matérielles qui pourraient servir à identifier l'illustre écrivain, a ajouté Etxeberria. Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.03.2015 à 13h32 • Mis à jour le16.03.2015 à 14h45 Duo JatekokDanses Danses polovtsiennes, de Borodine. Rhapsodie espagnole, de Ravel. Valses-Caprices op. 37 et Danses norvégiennes op. 35, de Grieg. Souvenirs op. 28, de Barber Adelaïde Panaget et Naïri Badal (piano à quatre mains) Elles sont comme des gamines en goguette sur la pochette de ce premier disque, l’une en courte robe noire en lurex (Adelaïde Panaget), l’autre en pantalon rose shocking (Naïri Badal). Les deux filles du duo Jatekok (« jeu », en hongrois), créé en 2007, ont tout pour elles : rigueur dynamique et verve expressive, clavier prolixe et toucher polyglotte, et plus que tout, une manière d’osmose jubilatoire – deux âmes musiciennes et sororales. Que ce soit la fougue sensuelle de Borodine, les élégants vertiges ibériques de Ravel, la poésie sombre et populaire des légendes de Grieg ou l’humour nostalgique de Barber, leur duo charismatique emporte l’adhésion. Longue vie aux demoiselles Jatekok ! Marie-Aude Roux1 CD Mirare.Romain LeleuConcertos pour trompette Concertino, de Georges Delerue. Concerto, de Karol Beffa. Concertino, d’André Jolivet. Le Chant de l’âme, de Jean-Baptiste Robin. Trame XII, de Martin Matalon Romain Leleu (trompette), Orchestre d’Auvergne, Roberto Forès Veses (direction) A l’exception de celui de Georges Delerue, que l’on a l’impression d’avoir entendu un millier de fois sous d’autres signatures à tendance néoclassique, les concertos réunis ici sont plus expressifs que démonstratifs. Même celui destiné par André Jolivet au concours du Conservatoire en déployant un large éventail de situations concertantes. Si Romain Leleu, gloire montante de la trompette, manifeste une grande aisance technique, il séduit surtout par un son coulant comme du métal en fusion. Deux œuvres aux esthétiques éloignées, sinon contraires, en profitent tout particulièrement. Le Concerto de Karol Beffa, qui se répand avec habileté dans un jeu de circonvolutions resserrées jusqu’à l’oppression avant de revenir à la détente. Trame XII, de Martin Matalon, dont le parcours relève de l’enchaînement de loopings dans un ciel aux couleurs changeantes. Pierre Gervasoni1 CD Aparté.Dominique AEléor Après la profusion polychrome de Vers les lueurs (2012), qui valut à Dominique Ané un joli couronnement (50 000 exemplaires vendus, une Victoire de la musique), Eléor, son onzième album studio, marque un retour au dépouillement. Apprivoisées en douceur, guitare, basse et batterie, miroitent ici sur fonds de ciels et d’horizons, souvent marins. Voyages (Nouvelle Zélande, Canada, Groenland, Danemark, Espagne…) et éléments semblent lui inspirer une sérénité qui clarifie sa plume, plus directe et narrative, sans négliger un souffle romantique, parfois souligné d’arrangements de cordes (les frissonnants Cap Farvel et Au revoir mon amour). Autre trace, peut-être, de son humeur océane, le phrasé délié du Nantais tangue souvent comme entre deux roulis. Cela peut parfaitement coller au prenant Nouvelles Vagues, mais aussi témoigner d’un manque d’inspiration mélodique (Une autre vie, L’Océan, Celle qui ne me quittera jamais). D’autant que les violons d’Eléor n’ont pas la fantaisie harmonique de ceux de Vers les lueurs. Retrouvant une langue plus mystérieuse, la chanson-titre ne s’affirme pas moins comme l’un des sommets du répertoire du chanteur. Stéphane Davet1 CD Cinq 7/Wagram.Divers artistesBalkan Clarinet Summit Version phonographique d’un projet scénique monté à l’initiative du Goethe Institut d’Athènes, cet album réunit huit clarinettistes, originaires essentiellement des Balkans, hormis l’Italien Claudio Puntin et l’Allemand Steffen Schorn, codirecteurs musicaux de cette réunion confraternelle. Enregistrés en public, lors de concerts donnés en différentes villes des Balkans, les musiciens revitalisent des airs traditionnels, en les dopant de solos virtuoses, ou bien ils jouent leurs propres compositions. Une réjouissante confrontation de styles, d’humeurs et de sentiments de la clarinette balkanique. Mélancolique (Nostalgia et l’intro du soliste grec Stavros Pazarentsis), farfelue (l’improvisation, à la clarinette basse customisée, de Claudio Puntin sur Snake Lick Jab) ou affolée comme un colibri égaré en Serbie, le pays d’origine de Slobodan Trkulja, dont la vélocité éclairée stupéfie sur Pitagorino Oro. Patrick Labesse1 CD Piranha/Differ-Ant. Stéphane Lauer (New York, correspondant) Alors que le Museum of Modern Art (MoMA) de New York lui consacre jusqu’au 7 juin une rétrospective, Björk revient sur la genèse de son nouvel album, Vulnicura, dont le nom est tiré du latin vulnus, « blessure », et cura, « soin », chronique de rupture amoureuse d’avec l’artiste Matthew Barney. L’Islandaise nous reçoit à son agence américaine de relations publiques, Sacks & Co, dans un ancien entrepôt, en plein cœur de Chelsea. Elle prend avec une certaine sérénité le piratage de son album, qui l’a obligée à anticiper sa commercialisation, et explique comment elle a travaillé avec Klaus Biesenbach, le conservateur du MoMA, sur sa rétrospective.« Vulnicura » : Björk soigne ses blessures amoureuses« Vulnicura » est inspiré par votre rupture amoureuse. Jusqu’à présent, vous parliez très peu de votre vie privée. Pourquoi avoir choisi de lever le voile sur cette intimité ?J’ai commencé à travailler sur cet album quand j’ai fini la tournée de Biophilia. Je me suis enfermée et j’ai commencé à écrire des chansons, sans savoir à quoi cela allait me mener. Puis je me suis demandé comment les présenter musicalement, avec quels arrangements. Et ce n’est qu’à ce moment que je me suis dit : « OK, c’est ma propre histoire. » Pour moi, c’était comme dans les films en noir et blanc d’Ingmar Bergman, dans lesquels les personnages sont submergés de conversations psychologiques dans leur tête.La souffrance est-elle la meilleure source d’inspiration ?Non, je ne pense pas. La dernière fois que j’ai écrit sur le doute, c’était il y a une quinzaine d’années. Entre-temps, j’ai fait beaucoup d’albums, qui racontent le bonheur, la fête, l’humour, beaucoup d’autres choses positives. Je pense que c’est plutôt un bon rythme de ne parler de sa souffrance que tous les quinze ans.Quelle est la part de « cura », de guérison, dans cet album ? Est-ce que vous vous sentez plus forte aujourd’hui ?Toutes les chansons datent d’il y a deux ou trois ans. Beaucoup de gens vous disent que le temps permet de soigner les blessures. Sur le moment, on se dit : « Mon œil. » Mais en fait c’est vrai, ça marche. Je vais beaucoup mieux aujourd’hui.Votre album a été piraté en janvier, ce qui vous a obligé à anticiper sa sortie. Quelle a été votre réaction ?C’était difficile d’attendre deux ou trois mois : la seule chose que nous avions à faire, c’était de sortir l’album. D’une certaine façon, j’ai eu de la chance, parce que l’album était déjà mastérisé quand la fuite a eu lieu.Mais, désormais, avec Internet, nous devons être capables de nous adapter. Nous avons eu quinze ans pour nous y préparer. Pourtant, il y a encore parfois dans l’industrie du disque beaucoup de bureaucratie et des infrastructures préhistoriques. J’aimerais que le système soit plus réactif. Quand un musicien a terminé son album, il a juste envie de le partager et les gens veulent juste l’écouter.Piratée, Björk sort son album en toute hâteLa rétrospective que vous consacre actuellement le MoMA a été un projet de longue haleine. Il paraît que le conservateur du musée, Klaus Biesenbach, vous avait contactée dès 2000 à propos de cette idée.Je ne me souviens pas que cela remonte si loin. C’était peut-être une plaisanterie de sa part. Il a commencé à m’en parler concrètement il y a environ cinq ans. Puis, deux ans plus tard, j’ai évoqué le sujet avec mon ami Antony Hegarty, qui m’a encouragée. Le problème est que les musées ne s’intéressent pas beaucoup au son et, quand ils le font, c’est avec des enceintes de mauvaise qualité.A l’inverse, je vais dans des festivals où il y a des enceintes incroyables, les meilleures du monde, hautes comme des gratte-ciel et, en même temps, il y a des images en arrière-plan avec des définitions très imprécises. Le visuel passe au second plan, pour laisser la musique au premier plan. Mais très vite les choses ont été claires avec Klaus Biesenbach : si l’on se lançait dans ce projet, il fallait avant tout privilégier le son. La question était de savoir comment accrocher la musique aux murs.La rétrospective Björk au MoMA, un univers d’images et de sonsVous avez sorti votre premier album à 12 ans. Vous en avez aujourd’hui 49. Combien de Björk se sont succédé au cours de votre carrière ? Ou bien avez-vous le sentiment d’avoir toujours été la même ?[Sourire.] Je crois que les deux hypothèses sont exactes. Pour chacun de nous, plusieurs existences se succèdent comme enfant, comme amante ou comme mère. Et de nouveaux rôles m’attendent lorsque je serai vieille. Mais ce n’est pas parce que l’on change qu’on ment. Les personnages que je joue dans mon travail sont plus des outils pour incarner ces différentes phases du cours de la vie, mais il ne faut pas les prendre au pied de la lettre, il y a une continuité.  Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 14.03.2015 à 20h15 • Mis à jour le14.03.2015 à 21h12 Une planche originale de l'album d'Astérix Les Lauriers de César a été vendue 150 000 euros samedi 14 mars au profit des familles des victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo. Le dessinateur Albert Uderzo doit dédicacer spécialement cette planche extraite du 18e album des Aventures d'Astérix le Gaulois, édité en 1971, pour l'acquéreur. Christie's, la maison de vente, a promis de ne pas prélever de commission.Deux jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, le cocréateur d'Astérix avec René Goscinny avait repris son crayon et dédié un croquis de l'irréductible petit Gaulois aux morts de Charlie Hebdo. « Moi aussi je suis un Charlie », lançait le Gaulois au casque ailé en envoyant dans les airs, d'un coup de poing, non pas un soldat romain mais un personnage portant des babouches.« Charlie Hebdo et Astérix, ça n'a rien à voir évidemment. Je ne vais pas changer ma casaque d'épaule. Je veux simplement marquer mon amitié pour ces dessinateurs qui ont payé (leurs idées) de leur vie », avait-il ajouté.Des ventes recordsDurant la vente de samedi, entièrement consacrée à la bande dessinée, certaines planches originales ont trouvé preneur pour des montants inédits. Un « record mondial » a été établi pour une planche originale de La Marque jaune de la série Blake et Mortimer, du belge Edgar P. Jacobs (1904-1987), vendue 205 500 euros, selon Christie's. Un autre record a été atteint pour une planche de la La Foire aux immortels du dessinateur et scénariste Enki Bilal adjugée à 115.500 euros.Enfin une gouache réalisée par Jean Giraud pour la couverture de l'album Le Cheval de fer de la série Blueberry, a trouvé preneur à 109 500 euros, là aussi un record. Christies a réalisé un chiffre de ventes global de plus de 5 millions d'euros au cours de cette cession. Emmanuelle Jardonnet Un chien-loup, une syndicaliste sud-américaine et un roi d’Espagne : les désaccords autour d’une sculpture assemblant sexuellement ces trois figures a eu la peau d’une exposition au Macba, le Musée d’art contemporain de Barcelone, avant même son ouverture.L’exposition, intitulée « La Bestia i el Sobira » (« la bête et le souverain », reprenant l’intitulé d’un séminaire de Jacques Derrida), devait rassembler les œuvres d’une trentaine d’artistes internationaux autour de la question de la souveraineté, dans ce qu’elle implique de rapports de force. Elle a été annulée dans la matinée du mercredi 18 mars, alors qu’elle devait ouvrir ses portes dans la soirée, à l’issue d’un blocage entre le directeur du musée et l’équipe des quatre commissaires d’exposition.Le responsable des lieux, Bartolomeu Mari, a, en effet, souhaité faire retirer de la présentation l’œuvre Not Dressed for Conquering / Haute couture 04 Transport, de l’artiste autrichienne Ines Doujak, qu’il a jugée « inadéquate et contraire à la ligne éditoriale du musée ». Les commissaires ont refusé ; le directeur a opté pour l’annulation.« Archétypes du pouvoir »L’œuvre en question évoque, par un assemblage outrancier, une combinaison de rapports de domination économiques et historiques. On y voit un chien-loup prendre par derrière la responsable syndicale féministe bolivienne Domitila Barrios de Chungara, coiffée d’un casque de mineur, elle-même chevauchant l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos en train de vomir un bouquet de bleuets, le tout sur un tas de casques de soldat rouillés, posés en équilibre instable sur un chariot de recyclage de cartons.Comme l’explique Valentin Roma, l’un des commissaires, dans El Pais, cette pièce s’insère dans une série d’œuvres d’Ines Doujak, associée à l’artiste britannique John Barker, intitulée « Loomshuttles / Warpaths » (« Métiers à tisser / Chemins de guerre »). « Doujak est une artiste reconnue, qui travaille sur les dynamiques du colonialisme, et le Macba l’a déjà exposée », détaille-t-il. Il rappelle que l’œuvre « fait partie d’un projet débuté en 2010, qui s’intéresse aux relations complexes et asymétriques entre l’Europe et l’Amérique latine », et « s’inscrit dans la grande tradition des relations entre art et pouvoir. Cela fait des siècles que l’art caricature les archétypes du pouvoir, et c’est ce que fait Doujak ».Cette œuvre avait déjà été présentée à la Biennale de Sao Paulo l’an dernier. « Ce projet aborde la relation entre les colonies et l’Europe à travers l’industrie du textile, précise, dans El Pais, Nuria Enguita, commissaire et éditrice indépendante qui faisait partie des organisateurs de la manifestation brésilienne. A partir d’une matrice historique, Doujak étudie et analyse les implications actuelles du colonialisme. »« Manque de démocratie »« Chacun sait que le Macba est sous le patronage de la reine Sophie », signale, dans le quotidien espagnol, Julia Montilla, une des artistes à l’affiche de l’exposition. Selon elle, « cela montre un manque de démocratie de la part de l’institution ». De son côté, le directeur rejette toute accusation d’avoir cédé à des pressions, affirmant avoir seulement dû prendre ses « responsabilités », et estimant « qu’il y a des messages qui ne doivent pas être transmis par un musée ».Ce qui étonne, c’est que la censure de l’œuvre se fasse à un stade si avancé, alors que l’exposition était déjà installée. Dans un communiqué publié le jour même, et rapporté par le blog Le Beau Vice, les commissaires affirment que « la direction du Macba était informée aussi bien du concept curatorial que du contenu concret des œuvres. Le directeur avait validé le projet, et aussi bien sa description que la liste des artistes étaient mises en ligne sur la page Internet du Macba depuis des semaines ».Toute l’équipe curatoriale y affirme qu’elle considère que « ce travail s’inscrit dans la tradition de parodie, des figures de carnaval et des caricatures iconoclastes », précisant que « l’œuvre n’était pas censée insulter une personne privée, mais reformuler de façon critique une représentation collective du pouvoir souverain ».Le malentendu ouvre une crise aiguë au Macba. Lancée sur Facebook, une manifestation de contestation de la censure s’est tenue devant le musée, à l’heure où l’exposition aurait dû commencer, attirant quelque 200 personnes. La Württembergischer Kunstverein (WKV) de Stuttgart , coproductrice de l’exposition, a apporté son soutien aux commissaires sur son site, et décidé d’accueillir l’exposition très prochainement.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Exercice difficile que celui auquel s’est livré le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, qui est allé répondre aux questions des salariés de l’entreprise réunis en assemblée générale, vendredi 20 mars.Le PDG de #RadioFrance seul face aux salariés en colère #grève pic.twitter.com/Hf93rTcfVd— LaGrue James (@Lagruejames) 20 Mars 2015Interrogé par une salariée sur la « faute morale » qu’aurait constituée la rénovation de son bureau pour un montant global de 105 000 euros, M. Gallet a répondu « comprendre cette colère », mais a ajouté que ces travaux avaient été votés avant son arrivée.Radio France : Mathieu Gallet fragilisé par le coût des travaux de son bureauSur les mesures d’économies envisagées pour résorber le déficit de l’entreprise, le PDG a expliqué poursuivre les négociations avec l’Etat pour fixer les objectifs et moyens de Radio France pour les cinq prochaines années."L'Etat ne va pas lâcher Radio France. Les négociations vont aboutir" #Gallet #RadioFrance— Jean Leymarie (@Jean_Leymarie) 20 Mars 2015M. Gallet a notamment expliqué que le départ de l’Orchestre national de France était une option."@delfsim: #Radiofrance #Gallet L'une des hypothèses est que l'Orchestre national de France "prenne son autonomie" Tollé."— Marion L'Hour (@MarionLHour) 20 Mars 2015« Je me bats avec l’Etat pour qu’il n’y ait pas de départs contraints », a également déclaré le PDG, en réponse aux inquiétudes sur un possible plan de départs qui pourrait concerner 300 à 400 personnes.M. Gallet a mis en avant le poids du chantier de rénovation de Radio France, dont le coût a explosé et qui pèse aujourd’hui lourdement sur le budget. Ainsi, sur les 21 millions d’euros de déficit programmés pour 2015, 15 millions relèveraient d’amortissements liés au chantier.L’interminable chantier de la Maison de la radioLes salariés ont aujourd’hui le sentiment de devoir payer un lourd tribut à ce chantier et estiment qu’on prépare des économies sur la production de contenus pour continuer à financer l’ouvrage.#Gallet:"Je suis toujours en négociation avec l'Etat pour pouvoir finir le chantier". Les salariés: "Mais arrêtez avec votre chantier!" #AG— Julie Gacon (@juliegacon) 20 Mars 2015À l’issue d’un échange qui aura duré une heure trente, le PDG a quitté la scène du Studio 104.Bon Ben M. #Gallet a posé son micro et est parti sous les huées. The end.— Margaux Duquesne (@MduqN) 20 Mars 2015« Les salariés ont eu des éléments de langage, mais aucun élément de réponse », a jugé l’intersyndicale (CGT, SNJ-CGT, SUD, UNSA, CFDT, FOSNRT) dans un communiqué, évoquant « une crise de confiance vis-à-vis du PDG ». « C’était un peu un dialogue de sourds », a estimé Lionel Thompson, journaliste et délégué CGT.Les salariés de Radio France ont voté, vendredi après-midi, la reconduction de leur mouvement de grève.Radio France : les dépenses de la direction auscultéesAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Delphine Roucaute Alors que s'ouvre le Salon du livre, vendredi 20 mars, les difficultés s'amassent pour les librairies parisiennes. En témoigne le rapport publié le 13 mars par l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) à la demande de la ville de Paris qui pointe une baisse de 9,9 % du nombre de librairies dans la capitale entre 2011 et 2014. Au mois de février, la mythique librairie La Hune, sise dans le quartier Saint-Germain-des-Prés, a annoncé qu'elle mettrait définitivement la clé sous la porte dans le courant de l'année. Un choc pour ce haut lieu de la littérature, des sciences humaines et des beaux-arts.Lire (en édition abonnés) : La librairie La Hune baisse définitivement pavillonLes librairies sont-elles réellement en danger dans la capitale ? Petit tour d'horizon de la situation.Combien de librairies à Paris ?La question peut sembler simple, mais les chiffres sont en fait difficiles à établir. Plusieurs organismes et institutions recensent les librairies qui fleurissent ou disparaissent dans la capitale, mais tous n'englobent pas exactement le même type de commerce sous le terme de « librairie », et les comptes diffèrent selon la méthodologie appliquée.Selon les données de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) publiées en mars 2015, Paris comptait 756 librairies en 2014 – un chiffre qui comprend aussi bien les librairies généralistes et spécialisées que les librairies-papeteries et/ou presse (LPP) et les vendeurs de livres d'occasion. Il s'agit d'un recensement visuel des librairies, en tant que commerces en pied d'immeuble. La méthode a le mérite de mettre en avant les commerces physiques, et donne donc un aperçu fidèle de la librairie en dehors de l'activité qui se développe avec force sur Internet. Elle comporte toutefois ses failles, certains commerces étant difficiles à identifier, et la subjectivité des enquêteurs pouvant entrer en jeu.(source : Banque de données sur le commerce de l'APUR, 2015)Sur cette carte, on remarque une nette prédominance des 5e et 6e arrondissements parisiens, qui accueillent respectivement 129 et 110 locaux de librairie. A cela, on peut également ajouter les commerces de livres anciens et d'autographes, qu'on peut notamment rencontrer en nombre rue de l'Odéon, dans le 6e arrondissement.Mais à titre de comparaison, le Motif, observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France, recensait (PDF) 554 librairies à Paris en 2011 (dont seulement 374 commerces ne vendant que des livres neufs, et excluant donc les commerces de papeterie, de presse et les grandes surfaces), soit 285 de moins que l'étude de l'APUR à la même période.Quelle évolution ?Selon l'APUR, qui a établi un décompte des librairies et LPP par arrondissement, 28 % de ces commerces ont disparu dans l'ensemble de Paris entre 2000 et 2014. Le quartier connaissant le plus gros différentiel est le 16e arrondissement, dont plus de la moitié des points de vente de livres ont disparu depuis le début du millénaire, passant de 37 à 18 librairies. Il est suivi de près par un autre quartier ouest de la rive droite, le 8e arrondissement (- 46 %), puis par des quartiers plus centraux, comme le 1er et le 6e arrondissement (- 42 % pour les deux). Les deux seuls arrondissements à avoir gagné des librairies sur la période sont le 13e et le 20e arrondissement, ce dernier passant de 17 à 24 commerces . #container_1426778056905 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426778056905 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426778056905 .subtitre{ display:block; }Le nombre de librairies à Paris entre 2000 et 2014Ces données comprennent les commerces de vente directe de livres neufs, ainsi que les librairies papetries et/ou presse. Il s'agit d'un recensement visuel.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426778056905", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "area", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Atelier parisien d'urbanisme (2015)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:1100, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["2000","2003","2005","2007","2011","2014"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "nombre de librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1051 ], [ "", 969 ], [ "", 965 ], [ "", 909 ], [ "", 839 ], [ "", 756 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Ces chiffres alarmants sont pourtant à nuancer. S'il est indéniable que depuis quelques années le secteur de la librairie-papeterie et/ou presse connaît plus de fermetures de locaux que d'ouvertures, c'est d'abord à cause de la baisse des ventes de journaux. Le nombre global de librairies a lui aussi tendance à baisser, mais à un rythme moins frénétique. Dans un décompte actualisé au 28 avril 2014, le Motif souligne que la disparition nette de librairies (c'est-à-dire le différentiel entre les créations et les cessations d'activités) s'élève à seulement 20 depuis 2011 – contre 81 selon les décomptes de l'APUR sur la même période, qui prennent eux en compte les LPP.Du Quartier latin vers les arrondissements périphériquesLa prédominance du Quartier latin (dans l'actuel 5e arrondissement et au nord et à l'est du 6e arrondissement) dans le commerce du livre remonte aux XVIe et XVIIe siècles. Historiquement regroupées autour de la Sorbonne, librairies et maisons d'édition se sont disséminées aux angles des rues reliant les différentes antennes universitaires. Aujourd'hui encore, c'est là que l'on retrouve le plus de marchands de livres, dont certains très spécialisés dans certaines thématiques, ou dans la revente d'occasion, avec des enseignes comme Boulinier par exemple.C'est aujourd'hui ce quartier qui souffre le plus de la situation difficile que traversent les libraires. Les raisons sont à aller chercher dans les coûts élevés et croissants des charges fixes, les frais de personnel et le coût des loyers qui ne fait qu'augmenter. Depuis 2008, la mairie de Paris a bien confié à la société d'économie mixte de la ville de Paris (Semaest) le soin de racheter des locaux du Quartier latin, de les rénover et de les louer exclusivement à des libraires indépendants. Mais en l'absence d'aide aux loyers proprement dite, la concurrence des banques et des magasins de vêtements reste difficile à contrer dans ce quartier très touristique.Le phénomène est particulièrement criant à Saint-Germain-des-Prés – surnommé à l'occasion « Saint-Germain-des-Livres » – et a été récemment médiatisé avec la fermeture de la mythique librairie La Hune. « Le quartier a changé depuis les années 60. C'est l'endroit qui compte le plus de librairies au monde, mais l'immobilier y est très cher », regrette Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, qui insiste pourtant pour ne pas généraliser le cas regrettable de La Hune à l'ensemble des librairies parisiennes. Pour lui, la librairie s'est déplacée, suivant le mouvement de décentralisation opéré par la classe moyenne, vers les arrondissements périphériques.>> Lire aussi la tribune du fils du fondateur de La Hune : Quand la marchandise usurpe, avec l’enseigne d’une célèbre librairie, l’œuvre de toute une vieSelon les chiffres de l'APUR, ce sont en effet les quartiers du nord-est parisien, où les loyers sont les moins élevés, qui semblent avoir le vent en poupe, le 20e arrondissement largement en tête. Une carte établie par l'APUR recensant les créations et disparitions de librairies et LPP entre 2011 et 2014 résume assez bien le phénomène : une forte concentration dans les quartiers centraux, et un nombre de créations de commerces bien plus élevé sur la rive droite. La délicate situation des librairies indépendantesSi les chiffres divergent, un constat demeure : celui des difficultés financières des librairies. Au-delà de l'épineuse question des loyers, qui malgré les aides de la Semaest finit bien souvent en négociations au cas par cas avec les propriétaires, reste la question des frais de personnel. Ces derniers « sont élevés, en proportion du chiffre d'affaires car la valeur ajoutée de la librairie repose en large partie sur la présence et la compétence de libraires, ce qui permet aux librairies indépendantes de se positionner sur la notion forte de conseil par opposition aux grandes surfaces ou librairies en ligne », explique en 2011 le Centre régional d'observation du commerce, de l'industrie et des services.Malgré tout, les libraires sont bien obligés de rogner sur ces dépenses. Selon des chiffres de l'Insee, près de la moitié des librairies d'Ile-de-France n'avaient pas de salariés en 2009. Un chiffre qui a empiré, puisque, selon les comptes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), on est passé de 639 librairies ayant au moins un salarié en Ile-de-France en 2008 à seulement 620 en 2013. #container_1426777895144 .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } #container_1426777895144 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1426777895144 .subtitre{ display:block; }Répartition des librairies d'Ile-de-France selon leurs effectifs45 % des librairies franciliennes n'avaient pas de salariés en 2009, un chiffre qui a augmenté depuis(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } });//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_1426777895144", backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = 'default' } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"], credits:{ enabled:true, text:"Insee, Sirène (2009)", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: ""}, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true } }, yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:null, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }] }, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' } }], xAxis:{ type:"linear", categories:["0","1 à 2","3 à 5","6 à 9","10 à 19","20 à 49","50 à 99","100 à 199"], title:{ text:"Nombre de salariés" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }] }, tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: "" }, legend:{ enabled:false, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Librairies", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 490 ], [ "", 303 ], [ "", 143 ], [ "", 82 ], [ "", 43 ], [ "", 18 ], [ "", 5 ], [ "", 3 ] ], "color": "#0386c3" }] }) }; if (!window.Highcharts) { async('http://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('http://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);Cette situation s'explique en partie par la montée en puissance des librairies en ligne. Si les librairies indépendantes continuent à être en tête des ventes totales de livres en valeur (40 %), devant les grandes surfaces culturelles (31 %) et la grande distribution (20 %), les sites de vente en ligne atteignent aujourd'hui quelque 9 % des achats. En tête de ce marché en poupe, Amazon et la Fnac qui occupent 70 % du marché. Des sites comme La Librairie.com essayent de concurrencer ces deux géants d'Internet. En 2014, l'extension Chrome Amazon-Killer proposait même de court-circuiter Amazon au bénéfice de libraires indépendants regroupés dans le réseau Place des libraires.Pour autant, « la librairie n'est pas en train de mourir, nuance William Elman, directeur adjoint du Motif. La situation critique que traversent beaucoup de librairies les pousse à repenser leur métier ». Depuis trois ans, des associations de libraires indépendants ont été créées afin de fédérer les coûts de la mise en place d'un système de vente en ligne. C'est le cas de Librest, un réseau de sept librairies de l'Est parisien qui s'est constitué en 2010. Dans une tribune au Monde, ils défendaient en 2012 « un commerce connecté, durable, personnifié (...) avec des librairies qui veulent plus que jamais apporter une réponse humaine, territoriale, sociale ».Lire : Il faut défendre la librairie indépendanteDelphine RoucauteJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journaliste 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 08h21 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise 19.03.2015 à 20h22 • Mis à jour le20.03.2015 à 08h21 | Claire Guillot Malgré ses 341 lots, la vente aux enchères intitulée « Une histoire particulière de la photographie », organisée par la maison Pierre Bergé et associés à Drouot, à Paris, le 19 mars, n’a pas duré très longtemps : la collection de « M. et Mme X », couple de collectionneurs qui voulait garder l’anonymat, n’a pas séduit les acheteurs, la salle était atone, et on a assisté à peu de batailles de collectionneurs se disputant des pièces. Résultat, moins du tiers des lots a été vendu.Le premier portrait photo de l’histoire, en vente à DrouotLa pièce phare de la vente, le daguerréotype suspecté d’être le plus ancien portrait photo répertorié du monde et représentant « M. Huet », n’a pas trouvé preneur (estimation 600 000 à 800 000 euros). Quelques beaux prix ont quand même été atteints, permettant à la vente d’atteindre un total de 2,33 millions d’euros (avec les frais) : une belle œuvre signée Le Gray et Mestral, représentant le photographe Gustave le Gray sous un cloître a atteint la coquette somme de 400 000 euros (prix marteau, soit 505 500 euros avec les frais), et un portrait de la comtesse de Castiglione est parti pour 250 000 euros (prix marteau, sans les frais). Une photo de Camille Silvy a été achetée 104 000 euros (prix marteau), dépassant largement son estimation de départ. Mais nombre de photographies importantes n’ont pas récolté une seule enchère : certaines pièces de Le Gray, ou un autre portrait de la Castiglione, estimé 350 000 euros, ainsi que plusieurs photographies signées Eugène Atget n’ont pas trouvé preneur. Quant aux photos vendues, elles l’ont été dans leur très large majorité à des prix très inférieurs aux estimations.Pourquoi un tel insuccès ? Les goûts atypiques du collectionneur, Marc Pagneux, qui a cherché les images peu classiques, ont pu dérouter. La date choisie pour la vente, qui suivait de près la foire de Maastricht, ainsi que le refus de nommer un expert spécialiste de photographie, ou même les estimations de départ jugées trop élevées ont peut être aussi découragé les acheteurs. Chose notable, aucun certificat d’exportation, nécessaire avant de pouvoir emporter une pièce de valeur ancienne à l’étranger, n’avait été demandé avant la vente, alors même que le taux élevé du dollar favorisait les acheteurs américains.Plusieurs préemptionsLes institutions publiques françaises, du coup, ont pu acheter des pièces à des prix avantageux : en particulier le Musée du Quai Branly, qui a préempté deux pièces. La première est un daguerréotype montrant Un Tambo dans les Cordillières à la hauteur de 16000 pieds (65000 euros). « Nous avons une collection qui comprend beaucoup d’images anciennes de l’Amérique latine, explique Christine Barthe, chargée de la collection de photographie au Musée du quai Branly, et cette image magnifique va s’y insérer. Elle est à mi-chemin entre la photo d’archéologie et le paysage. On pense en général que les premières photos de la cordillère des Andes datent des années 1 860, cette image prouve qu’il y en a eu avant ». La deuxième photo qu’elle a acquise (8 000 euros, prix marteau), est un portrait d’un jeune noir de Tanger, est « attribuée à Gustave de Beaucorps » selon le catalogue de la vente. « Même si cette photo pose des problèmes d’identification, peu importe, elle complète notre collection qui s’intéresse à la représentation des Africains au XIXe siècle ». En tout, six images ont été achetées, ou préemptées par des institutions publiques : la Bibliothèque nationale de France a acquis quatre négatifs papier d’Alphonse de Brebisson et un portrait du photographe Edouard Delessert par Olympe Aguado, tandis que la Maison de Victor Hugo, mandatée par la Ville de Paris, a jeté son dévolu sur une lettre et une photographie d’Auguste Vacquerie. En revanche, le musée d’Orsay, célèbre pour sa riche collection de photos anciennes, n’a fait à notre connaissance aucun achat.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet et Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « A Hard Day's Night », ardeur rockCette semaine : autour de l’album A Hard Day’s Night (juillet 1964).« A Hard Day’s Night » (Lennon-McCartney), par Peter SellersIncarnation de l’humour anglais, en particulier à l’époque du « Swinging London », l’acteur Peter Sellers (1925-1980) avait enregistré deux albums avec George Martin à la fin des années 1950. Le producteur présenta plus tard le comédien aux Beatles. John Lennon (1940-1980) était spécialement fan de celui qui, en 1963, avait interprété le personnage de l’inspecteur Clouseau dans le premier épisode cinématographique de La Panthère rose, de Blake Edwards (1922-2010) et dont le film, La Souris qui rugissait (1959), de Jack Arnold (1916-1992), avait été produit par l’Américain Walter Shenson (1919-2000), producteur, en 1964, de Quatre garçons dans le vent.En 1965, à l’occasion de l’émission de télévision, « The Music of Lennon and McCartney » (voir ci-dessous la note sur la chanson Things We Said Today), Peter Sellers enregistra en costume une version de A Hard Day’s Night déclamée à la façon de Laurence Olivier (1907-1989) dans Richard III, de Shakespeare. Publiée en 45 tours, cette interprétation atteignit même la 14e place du hit parade britannique. « I Should Have Known Better » (Lennon-McCartney), par She & HimFormé par l’actrice Zooey Deschanel (Mumford, Elfe, Presque célèbre, la série télévisée « New Girl »…) et le guitariste Matthew Stephen Ward, dit M. Ward, le duo américain She & Him a publié, en 2008, Volume One, le premier de ses cinq albums communs, dans lequel figuraient dix chansons originales et deux reprises, I Should Have Known Better, des Beatles et You Really Got a Hold on Me, de Smokey Robinson (d’ailleurs repris, en 1963, par les Fab Four). Le morceau principalement écrit par John Lennon donne ici l’impression d’être joué dans un Tiki Bar californien, langoureusement taquiné par la voix de Zooey Deschanel et les glissendos hawaïens du subtil M. Ward. « If I Fell » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsFigure du son de Nashville, célèbre pour sa technique de picking, inspirée entre autres par Django Reinhardt, le guitariste Chet Atkins (1924-2001) enregistra, en 1966, avec l’harmoniciste Charlie McCoy, l’album Chet Atkins Picks On the Beatles (RCA Victor) contenant douze reprises instrumentales du groupe de Liverpool. Lui-même grand admirateur de cet élégant instrumentiste (aux quatorze Grammy Awards), George Harrison (1943-2001) accepta de signer les notes de pochette de ce disque mineur, mais agréable. « I’m Happy Just to Dance With You » (Lennon-McCartney), par Anne MurayRarement reprise, cette chanson incarnant l’excitation la plus juvénile a bizarrement été choisie par une des figures de ce que les Américains appellent « la musique adulte contemporaine » (adult contemporary music). Dans une lignée proche de ce que fera plus tard sa compatriote Céline Dion, la Canadienne Anne Muray s’est forgée une belle carrière (plus de 50 millions de disques vendus) à partir du début des années 1970, en usant d’une voix claire, puissante et ne mégotant pas sur l’émotion. Loin de la légèreté originelle du titre de Lennon-McCartney chanté par George Harrison, cette version, publiée en 1980 par Capitol Records, donne plus envie de danser un slow qu’un rock’n’roll. « And I Love Her » (Lennon-McCartney), par The WailersParmi la multitude de reprises suscitées par ce bijou délicatement ciselé par Paul McCartney, nous aurions pu choisir la version publiée, en 1972, par le soulman Bobby Womack (1944-2014), transposant magnifiquement cette ballade anglaise sous le ciel de Memphis. Mais découvrir que cette chanson a aussi été interprétée, en 1966, par Bob Marley (1945-1981) au sein des Wailers, est autant un plaisir qu’une surprise. Rodé aux reprises de doo wop et de soul américains, le trio vocal jamaïcain enregistra, entre 1964 et 1966, une centaine de morceaux en stakhanovistes du label Studio One. Parmi ces titres, les premiers originaux de ceux qui allaient révolutionner le reggae et la musique mondiale, des reprises de rhythm’n’blues mais aussi de tubes pop comme Like a Rolling Stone, de Bob Dylan ou ce And I Love Her, gémi par Marley, sur fond de cuivres languissants. « Tell Me Why » (Lennon-McCartney), par The PunklesParfois cloués au pilori par certains punks, les Beatles et leurs refrains instantanés ont été une source d’inspiration pour beaucoup d’autres. Pas aussi excitante que les reprises que firent des groupes comme The Damned (Help !) ou Hüsker Dü (Ticket To Ride), cette version de Tell Me Why est l’œuvre d’un groupe allemand, The Punkles, originaire de Hambourg (tiens donc !), qui, dans les années 2000, s’était fait une spécialité de rejouer les chansons des Beatles à la façon des Sex Pistols. Les pseudos des protagonistes ? Joey Lennon, Captain O’Harrison, Sid McCartney et Markey Starkey. « Can’t Buy Me Love » (Lennon-McCartney), par Ella FitzgeraldExtrait de l’album Hello, Dolly ! (Verve Records), produit par Norman Granz (1918-2001) et paru en 1964, l’année même de la sortie de A Hard Day’s Night, cette version cuivrée d’une des chansons les plus vitaminées des Beatles, montre que l’immense Ella Fitzgerald (1917-1996) n’avait rien à envier en termes d’énergie et de dynamique aux gamins de Liverpool. Il est intéressant de noter que ce morceau a été particulièrement apprécié des jazzmen, puisque le pianiste et chef d’orchestre Count Basie (1904-1984), le violoniste Stéphane Grappelli (1908-1997), le guitariste John Pizzarelli ou le chanteur canadien Michael Bublé en ont aussi gravé des adaptations. « Any Time at All » (Lennon-McCartney), par Ali CampbellJohn Lennon, dans un long entretien réalisé quelque temps avant son assassinat le 5 décembre 1980 et publié dans le numéro de janvier 1981 du mensuel Playboy, avait expliqué qu’Any Time At All, qui ouvre la face B de l’album A Hard Day’s Night, était un presque décalque de la chanson It Won’t Be Long, premier titre de la face A du deuxième album des Beatles, With The Beatles (novembre 1963). La grille harmonique similaire n’a d’ailleurs pas été remise en question par quelques-uns des musiciens qui ont mis Any Time At All à leur répertoire (le groupe Blue Ash, les guitaristes Nils Lofgren et Dweezil Zappa…). Pas plus qu’Ali Campbell, qui, en revanche, mène ce rock assez basique vers le territoires du ska et du reggae. Campbell a été l’un des fondateurs et le chanteur principal d’un des groupes britanniques les plus importants de cette scène dans les années 1980 et toujours actif de nos jours, même s’il reste peu de membres de la formation dans son âge d’or. Sa reprise d’Any Time At All figure dans son cinquième album solo, Silhouette, publié par Jacaranda Limited/Cooking Vinyl en 2014, dans lequel Ali Campbell, qui avait quitté UB40 en 2008, retrouvait deux de ses anciens camarades, le rappeur-chanteur Astro et le claviériste Mickey Virtue. « I’ll Cry Instead » (Lennon-McCartney), par Raul SeixasI’ll Cry Instead a été le premier enregistrement, publié par Decca – avec Jimmy Page, futur Led Zeppelin, à la guitare – de Joe Cocker (1944-2014), quelques semaines après la sortie de A Hard Days’Night. Un échec pour le chanteur qui se rattrapera en avril 1969 avec le succès de sa reprise de With A Little Help From My Friends en studio et surtout lors de son interprétation à Woodstock, le 17 août. Mais c’est la version de Raul Seixas (1945-1989) que nous vous proposons. Dans les années 1960 et 1970, il a été l’une des figures importantes de l’essor du rock au Brésil, vedette plus ou aussi connue que certains grands noms anglo-saxons. Sa reprise country-rock d’I’ll Cry Instead combine deux de ses influences, Elvis Presley (1935-1977) et Bob Dylan, et figure dans un album posthume d’enregistrements des années 1960, notamment avec son groupe The Panthers, O Baú do Raul, publié par la division brésilienne de la compagnie phonographique Philips en 1992. « Things We Said Today » (Lennon-McCartney), sous le titre « Ces mots qu’on oublie un jour », par Dick RiversUn document culte ! Le 16 décembre 1965, la chaîne régionale du Nord-Ouest de l’Angleterre Granada Television diffuse un programme intitulé « The Music Of Lennon & McCartney » – à noter que ce sont bien les auteurs-compositeurs des Beatles qui sont mis en avant dans ce titre. Parmi les invités du groupe durant l’émission d’une cinquantaine de minutes, enregistrée les 1er et 2 novembre, les chanteuses britanniques Cilla Black, Lulu et Marianne Faithfull, le compositeur américain Henry Mancini, des membres du Liverpool Philarmonic Orchestra, le groupe, lui aussi de Liverpool, Billy J Kramer and The Dakotas, le danseur espagnol Antonio Vargas, le producteur des Beatles George Martin avec son orchestre, l’acteur anglais Peter Sellers dans une version (1925-1980) que nous avons découvert plus haut dans son interprétation mémorable de A Hard Day’s Night…Et il y a Dick Rivers. Oui notre Dick national, que McCartney et Lennon présentent en anglo-français. A notre connaissance, aucune autre gloire hexagonale n’a eu droit à cet honneur. Du coup, nous ignorerons toute autre reprise de Things We Said Today (même celle craquante de Jackie De Shannon et la bien barrée psyché de The Flow). Celle de Dick Rivers est, en plus, une adaptation en français devenue Ces mots qu’on oublie un jour enregistrée peu après la sortie de A Hard Day’s Night pour le 45-tours Je ne suis plus rien sans toi, publié à la fin de l’été 1964 par Pathé.  « When I Get Home » (Lennon-McCartney), par Tony Visconti, Lara Visconti et Alejandro EscovedoPlusieurs chansons portent le titre When I Get Home, notamment par The Searchers, Charlie Rich (1932-1995), Herman Brood (1946-2001), mais n’ont rien à voir avec cette composition de Lennon et McCartney pour les Beatles. Elle est parmi les moins reprises du groupe, en dehors de quelques formations spécialisés (cover bands) qui en proposent des versions à la lettre. C’est donc au producteur Tony Visconti (T Rex, Gentle Giant, David Bowie, Badfinger, Sparks, Thin Lizzy, The Stranglers, Rita Mitsouko, Angélique Kidjo…), par ailleurs bassiste et arrangeur, que l’on doit la seule reprise de qualité de When I Get Home. Elle n’a pas donné lieu à une vidéo vers laquelle nous pourrions renvoyer et sera donc à écouter sur le site The Beatles Complete on Ukulele, qui comme son nom l’indique propose l’intégralité du répertoire des Beatles joué sur ce petit instrument à quatre cordes. Soit « les 185 compositions originales des Beatles entre 1962 et 1970 », à l’exclusion des reprises d’autres artistes enregistrées par le groupe à ses débuts. Un projet, mené entre le 20 janvier 2009 et 31 juillet 2012, auquel ont participé autant des professionnels peu connus que des réputations. Ce When I Get Home par Tony Visconti donc, au chant, percussions, basse, flûte et ukulélé avec l’une de ses filles, Lara, au chant et avec le chanteur Alejandro Escovedo, l’un des membres d’une famille musicienne de haute réputation (les percussionnistes Coke et Pete Escovedo, avec Santana, la batteuse, percussionniste et chanteuse Sheila E avec Prince…) se révélant un délice. « You Can’t Do That » (Lennon-McCartney), par Andy EllisonDans son deuxième album, Pandemonium Shadow Show (RCA Victor, décembre 1967), Harry Nilsson (1941-1994) avait proposé un arrangement savant de You Can’t Do That. A la structure mélodique et harmonique originale, Nilsson avait ajouté des citations musicales ou des textes d’une vingtaine d’autres chansons des Beatles. Ce qui lui valu à l’époque les félicitations de Lennon, première étape d’une longue amitié entre les deux musiciens. Deux formations vocales féminines ont repris la chanson, les célèbres The Supremes en 1964 et les plus confidentielles Les Fizz, trio français des années 1960. Le groupe psyché Vanilla Fudge en a enregistré une version ouvrant vers l’improvisation instrumentale…Nous avons retenu celle du chanteur Andy Ellison, publiée en 1968 en face A d’un 45-tours publié par SNB Records, éphémère label (treize singles entre 1968 et 1969) fondé par le manager Simon Napier-Bell (The Yardbirds, Japan, Boney M, Ultravox…). La carrière plutôt culte d’Andy Ellison est notamment liée à des groupes au même statut dont Clockwork Onions, The Silence, John’s Children (qui eut son heure de gloire durant la période psyché britannique 1966-1967), Jet (post glam-rock et pre punk, 1974-1976) ou Radio Stars (new wave, 1977-1982). A noter qu’Ellison comme Nilsson a opté pour un tempo ralenti par rapport à l’original des Beatles. « I’ll Be Back » (Lennon-McCartney), par Barbara Dickson et Midge UreIl existe une poignée de versions de cette chanson, qui venait à la fin de la face B de l’album A Hard Day’s Night. Parmi lesquelles celles du chanteur britannique Cliff Richard, qui, dans les années 1960, était un sérieux concurrent des Beatles, du groupe néerlandais Golden Earring, qui a fêté son cinquantième anniversaire en 2011, de la formation vocale jamaïcaine The Paragons et de la chanteuse écossaise Barbara Dickson avec son compatriote Midge Ure. C’est avec ce duo, extrait de l’album de Dickson, Nothing’s Gonna Change My World : The Songs Of Lennon, McCartney And Harrison (Universal Music, 2006), et un traitement de ballade avec piano et violons que notre « Autour de l’album A Hard Day’s Night » trouve sa conclusion.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteStéphane DavetJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Est-ce une action préméditée, un malin pied de nez improvisé ou un acte manqué ? Les photos publiées par la ministre de la culture sur ses comptes Instagram et Twitter dans la soirée de lundi 16 mars, lors de l’inauguration de l’exposition « Bonnard. Peindre l’Arcadie », au Musée d’Orsay, ont en tout cas fait voler en éclats une petite exception culturelle.Superbe exposition Bonnard au @MuseeOrsay (en avance sur la #MuseumWeek) http://t.co/vLQ2x298dO— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Bonnard vivant à OrsayLes visiteurs du musée parisien étaient, jusqu’ici, confrontés à deux injonctions contradictoires : il leur était formellement interdit d’y prendre des photos des œuvres, alors même que depuis l’été, la charte Tous photographes était censée être respectée par toutes les institutions muséales nationales.Ce texte, qui vise à favoriser, tout en l’encadrant, « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments », est une réponse du ministère aux utilisateurs des réseaux sociaux. En acceptant cet appétit pour le partage de photos, les musées sont en retour censés bénéficier d’une publicité mondiale et gratuite. Or, le Musée d’Orsay faisait jusqu’ici exception, étant la seule grande institution muséale à refuser d’appliquer la charte.« Aucun privilège ! »Les photographies y sont en effet proscrites depuis six ans. De 2009 à 2011, de grands travaux avaient conduit l’institution parisienne à prendre cette décision pour faciliter la circulation des visiteurs dans des espaces amputés d’un tiers. Puis, l’interdiction avait continué à être appliquée « par confort » avait récemment expliqué au Monde le musée.Ce soir d’inauguration, Fleur Pellerin a donc reproduit un geste qu’elle effectue chaque jour : poster des photos de ses activités ministérielles… mais en bravant les panneaux d’interdiction de photographier omniprésents dans le musée. Une liberté qui n’aura pas échappé aux plus observateurs de ses « followers » (quelque 220 000 internautes la suivent sur Twitter, près de 3 000 sur Instagram). Et notamment Bernard Hasquenoph, qui tient le blog Louvre pour tous, poil à gratter des institutions muséales, où il milite depuis longtemps pour la liberté de prendre des photos dans les musées.Prise en porte-à-faux, la ministre a répondu par tweets à l’accusation de « passe-droit » en rappelant l’existence de la charte Tous photographes, publiée par le ministère de la culture en juillet 2014, juste avant sa nomination (qui date de la fin d’août) :@louvrepourtous @MuseeOrsay aucun privilège ! Je ne fais qu'appliquer la charte "Tous photographes" du @MinistereCC http://t.co/y4k1h6J0xm— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);L’acte, calculé ou inopiné, et le choix de la ministre de placer la charte au-dessus de la réglementation du musée, auront en tout cas été décisifs. Dès mercredi matin, une note interne était diffusée « à la demande de la ministre de la culture et de la communication » : « Le président des Musées d'Orsay et de l'Orangerie [Guy Cogeval] a pris la décision de lever l’interdiction de photographier dans les espaces des deux musées. Cette décision est applicable immédiatement. »Celle-ci reste assortie de certaines conditions : « L’usage du flash, des “perches à selfie” et des trépieds reste cependant proscrit. Des restrictions peuvent aussi être prévues dans les expositions temporaires à la demande des prêteurs. Une modification du règlement de visite en ce sens sera présentée aux prochains comité technique et conseil d’administration. Des réunions d'information à l'intention des équipes postées seront organisées rapidement à ce sujet, pour une bonne application de la charte Tous photographes. »« On a gagné », lançait dans la foulée Bernard Hasquenoph sur son compte Facebook. « Merci à Instagram », répliquait également sur le réseau social André Gunthert, enseignant-chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et spécialiste de la photographie et de l’histoire visuelle.Lire également : La « perche à selfie » bannie du château de VersaillesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.03.2015 à 11h53 • Mis à jour le19.03.2015 à 17h26 | Stéphanie Binet Kendrick Lamar avait minutieusement préparé son retour. Mais le jeune prodige du rap américain a dû publier son troisième album, To Pimp a Butterfly, une semaine plus tôt que prévu – la date de sortie initiale était fixée au lundi 23 mars. La version « propre » de l’album (c’est-à-dire expurgée des grossièretés), destinée aux radios, a été diffusée aux Etats-Unis sur les sites de téléchargement payants, dimanche 15 mars.Ce bousculement de calendrier a suscité une réaction énervée du représentant du rappeur, Anthony Tiffith, qui s’est emporté sur Twitter contre son distributeur, Interscope, à l’origine semble-t-il de la fuite : « Je remercie personnellement Interscope d’avoir saboté notre lancement, écrit-il. Quelqu’un doit payer pour cette erreur. » Que ce dernier en soit remercié, au contraire : l’album vient de battre le record d’écoutes sur Spotify en une journée – 9,6 millions de lectures sur le site de streaming lundi 16 mars.Ce troisième disque de Kendrick Lamar est une délivrance, un électrochoc, un éclairage honnête sur les centres urbains américains. A 27 ans, Kendrick Lamar, protégé de Dr. Dre, revient s’ancrer sur son territoire, Compton, après avoir enjambé les frontières géographiques et stylistiques avec son précédent, Good Kid, M.A.A.D City.De fait, To Pimp a Butterfly s’inscrit dans une double actualité. 2015 marque le cinquantième anniversaire des émeutes de Watts, à Los Angeles : en août 1965, ce quartier au nord de Compton s’était rebellé contre les violences policières. 2015 est aussi l’année qu’ont choisie les N.W.A. (Niggaz With Attitude), groupe fondateur du gangsta rap auquel appartient Dr. Dre, pour sortir Straight Outta Compton, le film retraçant leur histoire.Kendrick Lamar, qui a grandi à Compton, plus que jamais infesté par les gangs et plombé par un système éducatif en panne, est hanté par ces questions, évoquées au fil des seize morceaux de l’album : « Comment dans l’Amérique d’Obama, peut-on encore laisser des jeunes Noirs s’entretuer ? Comment se plaindre des violences policières et passer celles-là (des gangs, ndlr) sous silence ? » Contrairement à la majorité des rappeurs américains de ces dernières années, Kendrick Lamar ne veut plus se perdre dans des conflits d’ego. Il s’engage, quand la tendance est plutôt à l’hédonisme, et nomme les gangs – les Crips, les Pirus… – qui minent son quartier. Pochette signée Denis RouvreLa pochette de l’album est le premier choc. Réalisée par le photographe français Denis Rouvre, 3e prix du World Press 2012, elle place, sur la pelouse de la Maison Blanche, les copains de Kendrick Lamar, tatoués, alcoolisés, hilares, des billets de banque en mains, assis sur un juge : manière de pointer tous les magistrats qui détiennent des parts dans les prisons de Californie, premier état pénitentiaire en Amérique.Le deuxième choc est esthétique. Plutôt que de suivre les rythmes syncopés du rap américain, Lamar revisite le jazz, le funk, la soul, le spoken word. Le premier titre, Westley’s Theory, produit par Flying Lotus, pose la couleur musicale de l’album : jazz et p-funk, ce genre inventé à la fin des années 1970 par George Clinton, d’ailleurs invité sur le morceau. Les différents compositeurs du disque (Sounwave, Terrace Martin, Love Dragon, Pharrell Williams…) creusent cette veine rétro.For Free? s’inspire des orchestres de jazz qui jouaient le long de Central Avenue, à Los Angeles, où les proxénètes inventèrent cette fameuse tchatche qu’imitera par la suite Ice T. King Kunta, avec ses cloches, sa basse entêtante et ses chœurs féminins, est un clin d’œil aux rappeurs locaux, DJ Quik ou Suga Free. Les chanteurs Bilal, Thundercat et Ronald Isley, des Isley Brothers, restituent la soul californienne des années 1960 et 1970, qui tourne en boucle sur nombre d’autoradios du coin. Lamar traverse aussi l’histoire de la musique américaine, du blues au hip-hop : la rage des Last Poets, l’urgence cynique des N.W.A., la dextérité de Jurassic 5 ou de The Pharcyde.Fantômes de Nelson Mandela et de 2PacA partir de la moitié de l’album, le discours de Kendrick Lamar se densifie avec Hood Politics et How Much a Dollar Cost?, où il raconte son trouble face à un SDF. Il s’en prend à lui-même, à ses semblables et à tous ceux qui veulent mettre fin à sa culture dans The Blacker The Berry, rappelant ses propres contradictions : Lamar célèbre le mois de l’histoire afro-américaine en février, regarde les chaînes de télévision communautaires, mais accepte que des jeunes Noirs se fassent tuer dans des rivalités entre gangs à côté de chez lui.L’album se termine avec Mortal Man, où le chanteur invoque les fantômes de Nelson Mandela et de 2Pac. Tuée par balles en 1996, l’icône du gangsta rap, de son vrai nom Tupac Shakur, est ici ressuscitée. Kendrick Lamar a exhumé une de ses interviews et pose à ce fils d’une Black Panther les questions qui le taraudent depuis le début de l’album. La conversation est saisissante de réalisme.C’est là tout le mérite et la force de To Pimp a Butterfly : redonner vie à un rap engagé socialement et politiquement, reconnecter cette musique populaire avec le quotidien des gens qui l’ont vue naître et avec la tradition musicale de sa communauté, puis inscrire dans l’histoire de la révolte afro-américaine toute une génération qui avait perdu ses repères. 2015 sera aussi l’année Kendrick Lamar.To Pimp a Butterfly, 1 CD Interscope. www.kendricklamar.com et www.facebook.com/kendricklamarStéphanie BinetJournaliste au Monde Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, le premier disque des Beatles exclusivement composé de chansons originales.Contrairement à Elvis, les Beatles n'ont pas vécu leurs expériences cinématographiques comme un renoncement ou une régression artistique. Formidables chambres d'écho de leur popularité et supports de l'affirmation de leurs identités, collective et individuelles, leurs deux premiers films – A Hard Day's Night et Help !, réalisés par Richard Lester –, ont aussi témoigné, et peut-être motivé, de constants progrès musicaux. Tourné en noir et blanc, en mars et avril 1964, Quatre ­garçons dans le vent (le titre français de la production) ­rassemble, sur le mode d'un documentaire fantaisiste, une suite de vignettes inspirées des journées du groupe, rythmées par l'hystérie collective de la Beatlemania.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « A Hard Day’s Night »Servi par l'humour et la modernité de Lester, jeune Américain expatrié en Grande-Bretagne, le film – sorti le 6 juillet 1964, avec un immense succès – entre en parfaite résonance avec la joie de vivre et l'irrévérence des Fab Four. John Lennon traverse alors une période incroyablement prolifique. Auteur principal de dix des treize morceaux du premier disque des Beatles à ne contenir que des chansons ­originales, il se surpasse dans la chanson-titre. Et cela même si c'est à Ringo Starr que l'on doit l'expression « A hard day's night » (équivalant à un « vivement demain matin qu'on se couche »), qui donnera son nom au film.Premier vrai chef-d'œuvre des BeatlesAutre apport essentiel, un accord d'introduction joué à la douze-cordes par George Harrison dont l'éclat étrange promet l'excitation du film et de l'album, autant que le basculement d'une époque.Si Lennon s'affirme leader de ce premier vrai chef-d'œuvre des Beatles à l'ardeur très rock, ce sont les trois chansons de Paul McCartney qui sont toutes devenues des classiques. A la croisée des morceaux de Buddy Holly et des hits de Motown, l'euphorisant Can't Buy Me Love sera le cinquième 45-tours des Beatles à atteindre le sommet des meilleures ventes dès sa sortie. La déclaration amoureuse de And I Love Her prouvait déjà un don mélodique amplifié par le spleen, quand Things We Said Today jouait d'un contraste entre urgence et mélancolie, annonciateur de la période Rubber Soul.Stéphane DavetJournaliste au Monde Matthieu Vaillant Le récent regain de médiatisation de L’Amour et les forêts (Gallimard, 2014), sixième ouvrage d’Eric Reinhardt, récompensé récemment par plusieurs prix et vendu à plus de 100 000 exemplaires, s’accompagne aussi d’une polémique. Le problème vient des premiers chapitres du roman, dans lesquels l’auteur, en son nom propre, raconte une rencontre avec une femme, fan de Cendrillon (Stock, 2007), le quatrième livre de l’auteur, paru en 2008. L’écrivain et son admiratrice se rencontrent au café Nemours, à Paris, et la jeune femme confie ses malheurs : adultère, internement au sein d’une institution psychiatrique et tentative de suicide.Lire aussi :La nouvelle Cendrillon d’Eric ReinhardtProblème : cette histoire ne serait pas seulement fictionnelle. En 2007, après la parution de Cendrillon, une femme contacte réellement Eric Reinhardt pour lui communiquer son émotion à la lecture du roman. Après un échange de mails, l’écrivain et sa lectrice se rencontrent à Paris, au printemps 2008. Elle lui raconte sa vie et rédige La Jetée, un récit de 44 pages relatant ses problèmes personnels, qu’elle envoie à l’écrivain en avril 2009.Attaques d’« une grande violence »En juin 2014, le site Internet de Gallimard annonce la publication de L’Amour et les forêts. La jeune femme reconnaît des élements de sa vie personnelle dans le résumé de l’ouvrage évoquant le parcours de l’héroïne, Bénédicte Ombredanne. Elle s’en inquiète auprès d’Eric Reinhardt, qui concède s’être inspiré de ce qu’a vécu sa lectrice. Plusieurs passages de L’Amour et les forêts sont issus de La Jetée ou de courriels échangés entre l’écrivain et la jeune femme. En janvier, l’avocate de cette dernière adresse une mise en demeure à Gallimard, éditeur du roman. Elle estime que la reproduction à l’identique des mots de sa cliente constitue une atteinte à la vie privée autant que des actes de contrefaçon.Du côté de Gallimard, en revanche, on assure que le personnage du roman, Bénédicte Ombredanne, n'est que pure fiction. Contacté par Le Monde mercredi 25 mars, Eric Reinhardt n’a pas souhaité réagir à chaud à des attaques qu’il qualifie par texto « d’une grande violence ». « Je récuse catégoriquement les accusations calomnieuses de contrefaçon, et me défendrai le moment venu », ajoute le romancier.Matthieu Vaillant Marie-Aude Roux Parmi les 150 victimes du crash de l’Airbus A320 de la compagnie allemande Germanwings tombé dans les Alpes françaises le 24 mars, deux artistes lyriques de renom : la contralto allemande Maria Radner (34 ans), disparue avec son mari et son bébé, et le baryton-basse d’origine kazakhe, Oleg Bryjak (54 ans). Tous deux, attachés à Düsseldorf (Allemagne), rentraient de Barcelone, où ils se produisaient dans Siegfried, de Wagner, donné du 11 au 23 mars au Gran Theatre del Liceu dans la mise en scène de Robert Carsen sous la direction de Josep Pons. Oleg Bryjak y tenait le rôle du nain Alberich (en alternance avec Jochen Schmeckenbecher), Maria Radner celui de la déesse Erda (en alternance avec Eva Podles).Deux wagnériens donc. Maria Radner avait notamment incarné une des trois Nornes dans le très médiatique « Ring » haute technologie (le plus cher de l’histoire lyrique américaine) mis en scène par Robert Lepage au Metropolitan Opera de New York en 2012, dont témoigne un DVD paru chez Deutsche Grammophon. Le public du Festival d’Aix-en-Provence avait pu l’entendre trois ans auparavant : la blonde jeune femme aux yeux bleus interprétait la première Norne et Flosshilde dans Le Crépuscule des dieux, dernier volet de la Tétralogie montée par Stéphane Braunschweig avec Simon Rattle à la tête de la Philharmonie de Berlin, avant une reprise au Festival de Salzbourg en 2010.Une grande musicalitéLa dernière fois que nous l’avons vue sur scène remonte à 2013 : toujours Erda dans la production de L’Or du Rhin réalisée par Dieter Dorn à l’Opéra de Genève. Souvenir plus récent encore pour Oleg Bryzak qui avait incarné en 2014 un Alberich époustouflant dans la mise en scène du « Ring » très controversé de Frank Castorf au Festival de Bayreuth, où il avait fait ses débuts, imposé par le fabuleux chef d’orchestre Kirill Petrenko contre l’avis du metteur en scène.Née à Düsseldorf (Allemagne) le 1er janvier 1981, Maria Friderike Radner avait remporté en 2007 la deuxième place au Concours de chant international 2007 de Bayreuth, avant de devenir boursière de l’Association Richard Wagner. Encore étudiante, elle avait fait sa première apparition publique sous la direction de Zubin Mehta au Palau des Arts à Valence (Espagne) dans l’oratorio Philitaei un Jonatha disperse, du Padre Soler, avant d’interpréter en août 2008 le rôle-titre du Solomon, de Haendel au Festival de Bregenz. La presse avait loué le timbre chaud de sa voix profonde de contralto, son charisme et sa grande musicalité (Neue Vorarlberger Tageszeitung, 20 août 2008). Sa carrière wagnérienne, très prometteuse, avait débuté avec Parsifal dirigé par Lorin Maazel à Valencia (Espagne).Une voix sombre, riche et puissanteDès l’année suivante, Maria Radner faisait partie de la distribution choisie par Simon Rattle pour le « Ring » du Festival d’Aix-en-Provence, où elle interprétait la première Norne et Flosshilde dans Le Crépuscule des dieux, avant la reprise au Festival de Salzbourg en 2010, année charnière dans sa carrière. Elle participe également à deux opéras de Richard Strauss, Elektra (sous la direction de Daniele Gatti) et La Femme sans ombre (sous la direction de Christian Thielemann), fait la prise de rôle d’Erda dans un Or du Rhin programmé à l’Opernhaus de Leipzig, qui l’a ensuite invitée chaque année. Depuis cinq ans, Maria Radner était devenue une artiste incontournable sur toutes les grandes scènes lyriques, que ce soit à Milan, Rome, Salzbourg, Leipzig, New York, Londres, Genève. Maria Radner aurait dû faire ses débuts à Bayreuth cet été. Natif de Jezkazgan au Kazakhstan le 30 octobre 1960, dans l’ancienne Union soviétique, Oleg Bryjak – plus de trente opéras à son répertoire – avait déjà une très solide carrière derrière lui – Paris, Zurich, Londres, Los Angeles, Chicago, Vienne, Berlin, Munich, Sao Paolo et Tokyo. Il avait d’abord étudié l’accordéon puis le chant au Conservatoire d’Alma-Ata. Ses débuts se feront sur les scènes des maisons d’opéra de l’ex-URSS : Chelyabinsk, Lviv et Saint-Pétersbourg. En 1990, il remporte le Deuxième prix au Concours International Sylvia-Geszty à Stuttgart. De 1991 à 1996, il est engagé à la Badische Staatstheater de Karlsruhe, où il chante les grands rôles de basses italiens et russes – Bartolo (Le Barbier de Séville, de Rossini), Dulcamara (L’Elixir d’amour, de Donizetti), Varlaam (Boris Godounov, de Moussorgski), Galitzky et le rôle-titre du Prince Igor, de Borodine, Boris Ismailov dans Lady Macbeth du district de Mtsensk, de Chostakovitch et, bien sûr, Wagner.Membre de l’Opéra de Düsseldorf et de la Deutsche Oper de Berlin, Oleg Bryjak interprète les rôles majeurs de son répertoire, de Mozart (Leporello dans Don Giovanni) à Puccini (Scarpia dans Tosca, le rôle-titre de Gianni Schicchi) en passant par Verdi (Amonasro dans Aida, Iago dans Otello, le rôle-titre de Falstaff et de Rigoletto). Wagnérien grand teint, il chante Klingsor (Parsifal), Telramund (Lohengrin), Hans Sachs (Die Meistersinger)… La critique fait l’éloge de sa voix sombre, riche et puissante, de sa présence scénique. Le public parisien l’avait découvert au Palais Garnier en 2010, dans une reprise de la rare Fiancée vendue, de Smetana, entrée au répertoire de l’Opéra de Paris deux ans plus tôt.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde 25.03.2015 à 15h46 • Mis à jour le25.03.2015 à 16h20 | Alexandre Piquard « Le Conseil a demandé au président Mathieu Gallet, auquel il maintient sa confiance, de lui communiquer l’ensemble des orientations élaborées pour faire face aux déséquilibres financiers de Radio France en prenant en compte l’intérêt de ses personnels. » Le communiqué du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est intervenu après une discussion en séance plénière, mercredi 25 mars, à propos de l’entreprise publique, qui connaît son septième jour de grève et dont le président est critiqué pour ses dépenses.Pouvoir de révocationLe CSA, qui a nommé Mathieu Gallet début 2014, s’exprime quelques heures après que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a mis la pression sur le président de Radio France. La ministre de tutelle a jugé trop peu abouties les propositions d’économies formulées par son président, confronté à une crise financière. « Je dois pouvoir me prononcer sur un projet stratégique et financier stable, documenté et incarné », a-t-elle exigé, demandant des documents sous quinze jours.Lire aussi :Fleur Pellerin juge insuffisantes les propositions de Mathieu Gallet pour Radio FranceLe communiqué du CSA, présidé par Olivier Schrameck, utilise des mot pesés : il demande des éclaircissements à Mathieu Gallet qui estime, contrairement à ce que dit la ministre, avoir proposé des pistes précises. Pour le CSA, c’est une façon d’être présent dans un face-à-face tendu entre Radio France et le gouvernement. Face à l’aggravation de la crise, l’autorité a une démarche qui se veut suivre celle du gouvernement : à la fin de la semaine dernière, après les révélations du Canard enchaîné, l’institution estimait plutôt ne pas être directement concernée, notant que la tutelle, pour les affaires économiques, était assurée par le ministère.Mais le CSA, au passage, assure renouveler sa confiance à Mathieu Gallet, au moment où le mécontentement à Radio France croît. Et où le gouvernement ne semble pas chercher à aider particulièrement le président nommé il y a un an par l’autorité indépendante. Alors que certains dans le secteur posent en privé la question du maintien de Mathieu Gallet, le CSA assure ne pas vouloir user pour l’heure de son pouvoir de révocation.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard « Il faut rapidement renouer les fils du dialogue social et rétablir une forme de sérénité », déclare Fleur Pellerin au sujet de la crise à Radio France. Alors que le PDG de l’entreprise, Mathieu Gallet, appelle l’Etat à faire des choix, la ministre de la culture ne cache pas sa préoccupation face à ce conflit qui semble s’enliser.Mercredi 25 mars, l’entreprise vivait sa septième journée consécutive de grève – son plus long mouvement social depuis dix ans –, synonyme de lourdes perturbations sur les antennes. Le dialogue entre la direction et les syndicats est dans l’impasse. Et M. Gallet doit à nouveau faire face à des révélations sur ses dépenses. Dans son édition du 25 mars, Le Canard enchaîné met au jour un contrat de 90 000 euros conclu entre Radio France et un consultant en communication, Denis Pingaud.Plan de départs volontairesLe climat s’est durci mardi, lors d’un comité central d’entreprise (CCE), quand la direction a confirmé l’hypothèse d’un plan de départs volontaires destiné aux seniors, qui concernerait 200 à 300 salariés. Soit une économie de 17 à 24 millions d’euros, sur les 50 millions de réduction budgétaire que l’entreprise veut atteindre en 2019. Une information qui aurait dû rester confidentielle, mais qu’un syndicat a fait fuiter, nourrissant la colère des salariés.Au ministère de la culture, qui exerce la tutelle sur Radio France, Mme Pellerin rappelle son souci de « respecter les salariés et de tenir compte de leur inquiétude ». Ceux-ci attendent surtout l’issue des négociations entre Radio France et l’Etat, qui doivent aboutir à la signature du nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’entreprise. « Je veux conclure ce travail en avril, assure Mme Pellerin. Mais pour cela, je dois pouvoir me prononcer sur un projet stratégique et financier stable, documenté et incarné. A ce stade, les propositions qui m’ont été faites ne sont pas toutes fermes ou abouties. »Le message, teinté de reproche, est adressé au PDG de Radio France, Mathieu Gallet. Pourtant, depuis trois mois, celui-ci multiplie les propositions : élargissement du type d’annonceurs sur les antennes, fin des diffusions sur les ondes longues et moyennes, fusion des orchestres, fermeture de chaînes comme FIP ou France Musique… Mais cette série d’hypothèses semble avoir créé de la confusion, voire de l’agacement.L’Etat refuse d’apparaître comme le responsable des choix de l’entreprise, notamment s’il s’agit d’éventuelles suppressions de postes, auxquelles les syndicats restent fermement opposés. « C’est un dialogue, rappelle Mme Pellerin. Le rôle de l’Etat est d’arbitrer, celui de la direction de l’entreprise de proposer un projet concret : nous ne sommes plus en gestion directe. » Selon nos informations, la ministre a rencontré M. Gallet, mercredi matin, pour lui demander formellement de lui remettre un projet stratégique finalisé.Recours à l’empruntMais la direction de Radio France n’est-elle pas fondée à pointer les incertitudes financières qui pèsent sur ses choix, et de demander à l’Etat de mieux garantir ses ressources futures ? Le ministère est conscient du fait que le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, dont les prochaines phases ne sont aujourd’hui pas financées, empêche de stabiliser des scénarios. « Nous expertisons les solutions pour sortir de cette impasse financière due aux retards du chantier, qui cristallise tous les problèmes, pour que Radio France puisse passer à autre chose », annonce la ministre.Selon nos informations, la solution la plus probable est celle d’un recours à l’emprunt, pour un montant qui pourrait s’élever à 150 millions d’euros. Mais pour répondre aux besoins de financement du chantier, cet emprunt devrait être finalisé avant l’été. Cela implique que Radio France puisse proposer très vite aux banques un plan d’affaires jusqu’en 2019. Or ce télescopage entre calendrier financier, négociation du COM et négociations sociales est devenu très délicat à manier.Sans parler de l’impact des révélations sur les dépenses de M. Gallet, qu’il s’agisse de la rénovation de son bureau ou de son recours à un conseiller externe en communication. L’exécutif mesure combien ces informations stérilisent le dialogue avec les syndicats. « Nous avons immédiatement diligenté une enquête de l’inspection générale des finances concernant les dépenses de l’ensemble du comité exécutif, dont les résultats seront connus très rapidement », rappelle Mme Pellerin, soucieuse de « garantir un contexte de totale rigueur et de parfaite exemplarité des dirigeants dans les choix de dépenses qui les concernent directement ».« Le problème, c’est la méthode »M. Gallet, nommé en 2014, n’a-t-il pas hérité d’une situation financière dont la gravité n’avait pas été mesurée ? « Les racines du problème financier sont anciennes, estime Mme Pellerin. Elles datent du contrat d’objectifs et de moyens 2010-2014, dont la trajectoire financière n’était pas tenable. En 2012, nous avons demandé un effort à Radio France comme à tous les opérateurs publics. La contrepartie était que l’entreprise s’adapte à cette nouvelle donne, ce qui n’a pas été le cas. »Le contexte de la fin de mandat de Jean-Luc Hees, qui s’est présenté à sa succession avant d’être éconduit par le CSA, n’a probablement pas favorisé l’émergence d’un tel travail.Mais d’autres, au sein de l’exécutif, pointent la responsabilité directe du PDG actuel dans la détérioration du dialogue social à Radio France. « La situation de l’entreprise est loin d’être ingérable, juge une source gouvernementale. Le problème, c’est la méthode qu’a choisie Mathieu Gallet. Beaucoup communiquer sur la situation et la dramatiser a abouti à rompre le dialogue. On ne peut pas parler que d’économies, d’ondes courtes et d’orchestres, il faut un projet. » Comment sortir de l’impasse ? Est-il trop tard ? Le ministère devait aussi recevoir les responsables syndicaux, mercredi. La nomination d’un médiateur est une idée que certains évoquent.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau Alors, cela fait quoi ? A chaque nomination d’une nouvelle étoile du Ballet de l’Opéra national de Paris, un frisson circule. Cela fait quoi de décrocher le grade suprême ? Laura Hecquet, 31 ans, qui vient d’être couronnée étoile à l’issue de la représentation du Lac des Cygnes, lundi 23 mars, avoue « avoir été saisie ». « Il n’y a eu aucune fuite avant ma nomination comme cela arrive souvent, s’amuse-t-elle. Evidemment j’en rêvais, j’espérais… Je croyais que j’allais pleurer et en fait non. Il y a eu comme un blanc, tout s’est arrêté, je me suis sentie très calme, c’était énorme ! ».Lire aussi :Un « Lac des cygnes » gay friendlyEtre promue dans ce monument de l’art chorégraphique qu’est Le Lac des Cygnes, de Tchaïkovski, et qui plus est dans le personnage du cygne devenu emblématique de la ballerine classique, est prometteur. Surtout lorsqu’il s’agit d’une prise de rôle. « Le spectacle s’est très bien déroulé, raconte Laura Hecquet. Je l’ai savouré. J’ai plus de facilité dans le rôle d’Odette, le cygne blanc, mais quel régal que celui d’Odile, le cygne noir ! Il vous donne un regain d’énergie pour la suite ».Comme par hasard, Le Lac des Cygnes est le premier ballet que Laura Hecquet ait vu lorsqu’elle avait 10 ans. Originaire de Dunkerque où elle commence la danse à l’âge de 6 ans, elle arrive quatre ans plus tard au Conservatoire national régional (CNR) de Paris et intègre l’Ecole de danse de l’Opéra en 2000, à 16 ans. « Le fait d’être nommée étoile m’a replongée dans le passé, fait réaliser le chemin parcouru », glisse-t-elle, rêveuse. Un palmarès plus classique que contemporainElle énumère les étapes vite enjambées pour s’arrêter sur un palier un peu (trop) long. « J’ai été nommée sujet en 2005 et j’ai attendu neuf ans pour avoir le titre de première danseuse, en décembre 2014. » Entretemps, en 2009, elle se blesse gravement – une rupture des ligaments croisés du genou droit – et se retrouve sur la touche pendant un an. « Je ne savais pas si je pourrais danser comme avant. Autant dire que depuis, je suis tellement heureuse d’être sur scène que j’en profite pleinement ! » Son palmarès jusqu’à aujourd’hui se révèle plus classique que contemporain. Laura Hecquet a été distribuée dans quelques fameux ballets comme La Bayadère, de Rudolf Noureev, mais aussi La Dame aux Camélias et plus récemment Le Chant de la Terre, de John Neumeier. Elle « se sent comme un poisson dans l’eau » dans les pièces de George Balanchine et Jerome Robbins auxquelles sa plastique de fille longue (1,72 m) et extrèmement mince, colle impeccablement. Elle rêve d’interpréter du William Forsythe.Chacun de ses rôles, cette dévoreuse de romans les muscle de nombreuses lectures qui documentent le personnage. « C’est l’histoire qui conduit à la technique pas l’inverse, pour moi, précise-t-elle. J’aime avoir la sensation, après avoir interprété un ballet, d’avoir vécu émotionnellement la chose. Ensuite, comme je suis perfectionniste, je peaufine chaque détail le lendemain ».En ligne de mire des prochains mois, Paquita, chorégraphié par Pierre Lacotte, dont le talent de conteur-chercheur comble le besoin d’informations et de saveurs de Laura Hecquet. « Sans compter que ce spectacle est tellement vivant et joyeux que c’est un plaisir, ajoute-t-elle. Le personnage est mêlé au corps de ballet comme dans une famille et j’aime ça ». Laura Hecquet est la première étoile choisie par Benjamin Millepied, directeur de la danse, et nommée par Stéphane Lissner, directeur de l’Opéra national de Paris. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Alexandre Piquard Rémy Pflimlin est candidat à sa propre succession à la présidence de France Télévisions, selon nos informations qui confirment celles des Echos publiées mercredi 25 mars. Certes, la direction de l’entreprise ne confirme pas et il n’a pas encore déposé de dossier au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui doit procéder à la nomination, entre le 22 avril et le 22 mai. Mais l’affaire ne fait plus de doute.Le président de France Télévisions avait dit qu’il attendrait pour se décider la publication, début mars, du « rapport Schwartz », dont le gouvernement s’est inspiré afin d’écrire une feuille de route pour l’entreprise d’audiovisuel public. Dans la foulée de sa publication, les ministres ont affiché des priorités – renforcer l’information, soutenir la création, renouer avec la jeunesse – qui semblent compatibles avec les orientations de la direction actuelle de France Télévisions.Besoin de continuitéLe « rapport Schwartz » lui est en tout cas moins hostile que le pré-rapport rédigé par le CSA sur le bilan des quatre années de mandat de Rémy Pflimlin : fuité dans la presse, il avait été jugé trop à charge, obligeant le CSA à reporter sa publication du document final, plus équilibré.Le président Pflimlin estime que ses chances ne sont pas nulles, car aucun nom ne sort du lot parmi les candidats évoqués dans la presse. Il compte défendre son bilan et le besoin de continuité pour France Télévisions. Le choix de Mathieu Gallet comme président de Radio France, en 2014, avait été interprété par certains comme un pari sur la jeunesse et un profil de pur gestionnaire. Ses difficultés actuelles pourraient servir les intérêts de Rémy Pflimlin.Il reste un défi de taille pour Rémy Pflimlin : faire oublier qu’il a été nommé en 2010 par le président de la République Nicolas Sarkozy, une procédure de désignation avec laquelle François Hollande a voulu rompre, pour se démarquer de son prédécesseur. Le président socialiste a tenu à confier ce pouvoir à une autorité autonome, le CSA. Les deux procédures n’ont qu’un point commun : jamais aucun président de France Télévisions n’a été renouvelé. Le rappeler est pour Rémy Pflimlin une arme à double tranchant.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 24.03.2015 à 17h10 • Mis à jour le25.03.2015 à 12h45 Si le secteur audiovisuel français n’était pas dans une situation aussi fragilisée par la concurrence internationale qui envahit nos écrans et par la migration des téléspectateurs vers les plateformes numériques, nous pourrions nous amuser de la lecture d’une tribune qui, avec une dialectique d’un autre âge, établit un lien absolu entre petite taille et créativité et prône la perpétuation d’un système fatigué, devenu incapable de contribuer au rayonnement de l’excellence culturelle française (« Télévision : l’avenir n’appartient pas aux grands groupes », Le Monde du 17 mars 2015).Comment se satisfaire d’être le seul pays européen à systématiquement placer en tête des audiences en télévision des séries américaines, alors que tous nos voisins plébiscitent leurs fictions nationales ? Comment se contenter de la faible part de marché mondiale de la production audiovisuelle française, avec seulement 125 millions d’euros par an (inchangé depuis 15 ans), alors que la seule BBC Worldwide produit et commercialise dans le monde à elle seule plus d’1,3 milliard d’euros de formats originaux ? Comment ne pas s’alarmer de voir les audiences des chaînes de France Télévisions s’effondrer depuis 10 ans (- 41 % rien que pour France 3) et un auditoire vieillir dangereusement (bientôt 60 ans) ?L’urgence de la situation n’est plus à démontrer. L’ambition du rapport que nous avons publié est de permettre à l’audiovisuel français d’occuper dans le monde la place de référent qui lui revient et que tant d’autres secteurs de la création sont parvenus à conquérir, du luxe aux jeux vidéo, de l’animation à l’édition en passant par le cinéma.Multiplication de petits acteursLa réinvention de l’écosystème audiovisuel actuel, né avant l’ère digitale, avant l’internationalisation du secteur et avant la globalisation des usages, est un impératif. Il s’agit d’un enjeu d’excellence culturelle, de soft power mais aussi de création de richesses et d’emplois.L’audiovisuel français est aujourd’hui handicapé pour affronter la concurrence internationale par des singularités réglementaires et des hiérarchies culturelles qui ont conduit à la constitution de rentes et à la fragmentation de la filière en une multitude d’acteurs de petite taille peu enclins à collaborer. La France compte ainsi trois fois plus de sociétés de production pour trois fois moins d’œuvres et de programmes produits que l’Allemagne. Elle ne compte aucune société de production de taille mondiale et la concentration du secteur se fait en dehors de nos frontières.La multiplication de petits acteurs n’a pas permis l’émergence d’une télévision diversifiée et reconnue à l’international. Nous recommandons ainsi une consolidation du secteur de la production orchestrée par France Télévisions afin qu’émergent des acteurs à même d’affronter à armes égales la concurrence mondiale : la diversité des œuvres et leur excellence doivent primer sur le morcellement des producteurs.Nos propositions revisitent les aides publiques du CNC pour favoriser la diversité de l’offre en aidant les jeunes talents, l’innovation dans le numérique, et l’exportation des formats. Elles proposent de mettre fin, dans l’attribution des aides, à la hiérarchie des genres entre documentaires, fictions et programmes de flux.Privilégier l’amortissement des programmesCe dernier format, jugé comme un genre mineur en France parce que culturellement moins prestigieux, ne bénéficie d’aucune aide. Pourquoi dénigrer ces formats quand ils constituent plus d’un tiers des audiences en télévision, sinon pour révéler un incroyable mépris pour leurs publics ?A titre de comparaison, la chaîne publique britannique BBC produit « Danse avec les stars » qu’elle commercialise dans le monde entier, ce qui ne lui interdit pas, bien au contraire de réaliser des fictions et des documentaires de grande qualité. Le modèle économique des chaînes de télévision repose essentiellement en France sur les recettes publicitaires générées à la première diffusion, faute de partage des droits de commercialisation entre producteurs et diffuseurs.Nous souhaitons favoriser une collaboration bien plus étroite entre ces acteurs afin de privilégier l’amortissement des programmes sur la totalité des fenêtres de diffusion. Nous préconisons notamment d’appliquer la règle usuelle d’indépendance en droit commercial français à savoir que celle-ci commence à partir de la possession de 51 % des droits sociaux d’une entreprise.Nous ne touchons pas en revanche aux obligations de production indépendante. Notre objectif est clairement de favoriser la coopération et la démarche amont et aval de recherche de cofinancement et d’exportation des œuvres par des acteurs plus étroitement engagés les uns envers les autres.Les auteurs au cœur de la réflexionNous souhaitons enfin mettre les auteurs au cœur de la réflexion : c’est en effet eux qui créent la diversité et l’excellence de nos œuvres. C’est pourquoi nous proposons d’investir d’avantage dans leur formation, notamment à l’écriture collective qui s’est généralisée pour les séries afin d’accélérer la mise aux standards internationaux de l’élaboration des œuvres françaises.Par des aides à la formation en anglais, nous voulons également permettre aux auteurs et aux producteurs de mettre plus aisément leur talent au service de productions aux ambitions internationales afin de conquérir de nouveaux territoires. Les propositions réunies dans le rapport Rallumer la télévision ne servent aucun lobby de producteurs ni de diffuseurs.Nous appelons les acteurs de la filière à sortir du statu quo pour faire rayonner la télévision française. La France a la chance d’avoir des auteurs de talent et un patrimoine culturel d’une richesse considérable. Dans le secteur audiovisuel, ils sont largement sous exploités mais ce n’est en aucun cas une fatalité. Rallumons la télévision et faisons de la France une terre de création !Thierry Jadot (président, Dentsu Aegis Network), Xavier Couture (conseiller du président d’Orange), Natalie Rastoin (directrice générale, Ogilvy France), Michel Rasle (avocat associé, Carbonnier Lamaze Rasle et associés), auteurs du rapport « Rallumer la télévision. 10 propositions pour faire rayonner l’audiovisuel français », Institut Montaigne, février 2015. Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 23.03.2015 à 18h57 • Mis à jour le24.03.2015 à 07h10 La rédaction de France 3 Limousin menace de faire grève dimanche 29 et lundi 30 mars pour protester contre ses conditions de travail, ont annoncé des syndicats. Les rédactions de la région se sont mises en grève, lundi 23 mars à l'appel de la CGT, pour dénoncer les « risques professionnels » auxquels elles s'estiment exposées ainsi que « le mépris » que, disent-elles, leur direction leur oppose.En milieu de journée, 88 % du personnel était porté gréviste (66 % selon la direction, qui inclut dans ses calculs les cadres, les non titulaires et les absents pour maladie ou congés). En cause, le plan d'action proposé par la direction régionale à la suite d'une enquête interne sur « les risques psychosociaux » au sein des rédactions limousines.Selon Cécile Descubes, déléguée du syndicat SNJ, l'enquête relève « des conditions de travail dégradées qui peuvent être vécues sous l'angle du mépris » et « une logique économique lourde de conséquences sur l'éditorial et les moyens mis en œuvre ».Son confrère Karl Constable, délégué du SNJ-CGT et du SNRT-CGT, relève que l'enquête évoque de manière générale « un mal-être ambiant et des dysfonctionnements qui ne sont pas sans impact sur l'augmentation des arrêts de travail et les burn-out ».« On ne méprise aucun collaborateur »Du côté de la direction, Dominique Papon, délégué régional de France 3 Limousin, dit « ne pas comprendre » le mépris dont se sentent victimes les rédactions. « De notre point de vue, on ne méprise aucun collaborateur. Une enquête a été demandée par le CHSCT [comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail]. Et la direction a pris en compte les préconisations faites, notamment pour caler le fonctionnement de l'antenne régionale sur le même fonctionnement que toutes les autres antennes, en termes organisationnels. » Ces mesures seront mises en place « progressivement jusqu'en septembre », souligne-t-il.Si des discussions avec les représentants du personnel ne suffisaient pas à lever le préavis de grève des 29 et 30 mars, « nous ne pourrions que nous en attrister, et rappeler les journalistes à leurs responsabilités face à ce qui s'annonce comme le grand rendez-vous citoyen de l'année », dit-il.Dans la région Limousin, la Corrèze et la Haute-Vienne seront de forts enjeux du second tour des départementales. Le premier, département éminemment symbolique du chef de l'Etat, risque de basculer à droite. Le second, au contraire, pourrait symboliser la résistance de la gauche malgré ses divisions et une percée du FN notamment à Limoges. 14.03.2015 à 20h15 • Mis à jour le14.03.2015 à 21h12 Une planche originale de l'album d'Astérix Les Lauriers de César a été vendue 150 000 euros samedi 14 mars au profit des familles des victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo. Le dessinateur Albert Uderzo doit dédicacer spécialement cette planche extraite du 18e album des Aventures d'Astérix le Gaulois, édité en 1971, pour l'acquéreur. Christie's, la maison de vente, a promis de ne pas prélever de commission.Deux jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, le cocréateur d'Astérix avec René Goscinny avait repris son crayon et dédié un croquis de l'irréductible petit Gaulois aux morts de Charlie Hebdo. « Moi aussi je suis un Charlie », lançait le Gaulois au casque ailé en envoyant dans les airs, d'un coup de poing, non pas un soldat romain mais un personnage portant des babouches.« Charlie Hebdo et Astérix, ça n'a rien à voir évidemment. Je ne vais pas changer ma casaque d'épaule. Je veux simplement marquer mon amitié pour ces dessinateurs qui ont payé (leurs idées) de leur vie », avait-il ajouté.Des ventes recordsDurant la vente de samedi, entièrement consacrée à la bande dessinée, certaines planches originales ont trouvé preneur pour des montants inédits. Un « record mondial » a été établi pour une planche originale de La Marque jaune de la série Blake et Mortimer, du belge Edgar P. Jacobs (1904-1987), vendue 205 500 euros, selon Christie's. Un autre record a été atteint pour une planche de la La Foire aux immortels du dessinateur et scénariste Enki Bilal adjugée à 115.500 euros.Enfin une gouache réalisée par Jean Giraud pour la couverture de l'album Le Cheval de fer de la série Blueberry, a trouvé preneur à 109 500 euros, là aussi un record. Christies a réalisé un chiffre de ventes global de plus de 5 millions d'euros au cours de cette cession. 13.03.2015 à 18h38 • Mis à jour le13.03.2015 à 21h08 | Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie française, Éric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent: juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un Homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Chanteur, guitariste, graphiste, auteur-compositeur et âme du groupe Gong qu’il avait fondé en 1970, Daevid Allen avait annoncé, début février, qu’il ne souhaitait plus « subir d’interminables interventions », qui ne pourraient de toute manière pas enrayer le cancer qui avait envahi son corps. Parti un peu plus tôt qu’il ne l’avait souhaité – « je devrais mourir dans ma quatre-vingt-quatrième année, comme je l’ai choisi selon l’enseignement de la Tibetan Mystery School… mais cela ne fonctionne pas toujours », nous confiait-il souriant, le regard pétillant, lors d’une rencontre en novembre 2009 –, Daevid Allen est mort vendredi 13 mars, à son domicile de Byron Bay, en Australie, l’âge de 77 ans. L’annonce, au nom de sa famille, a été faite par l’un de ses enfants, Orlando Monday.Daevid Allen rejoint ainsi la planète Gong, Zero le héros, dont il pourrait être le double, les théières volantes, les lutins à têtes de pots, Selene, les Octave Doctors, la Magick Mother et autres personnages d’un univers mystico-fantaisiste construit au gré des envies et de l’imagination de son « inventeur ». Le tout trouvant une traduction musicale dans un mélange inventif de rock psychédélique, d’improvisations jazz, de motifs répétitifs planants, de folk, de musiques orientales et de télescopages funk et punk, selon les moments.Vidéoclip de la chanson « How To Stay », conçu à partir de dessins de Daevid Allen. Extrait de l’album « 2032 » de Gong. Né à Melbourne (Australie), le 13 janvier 1938, dans une famille de commerçants, Daevid Allen a fait des études d’arts graphiques. Ses dessins et peintures, en rondeurs et volutes, viendront souvent illustrer les pochettes de ses nombreux disques – plus d’une soixantaine avec Gong, d’autres groupes, ses enregistrements en solo… Au début des années 1960, Daevid Allen s’installe en Europe. Entre l’Angleterre, l’île de Majorque (Espagne) et la France, il rencontre des écrivains, dont Allen Ginsberg (1926-1997) et William Burroughs (1914-1997), des musiciens, dont Terry Riley, le batteur Robert Wyatt et le bassiste et guitariste Kevin Ayers (1944-2013).« Camembert électrique »Avec ces deux derniers et le claviériste Mike Ratledge, il fonde Soft Machine au milieu de l’année 1966. Le groupe devient l’un des plus prisés de la scène underground britannique, avec Pink Floyd, en train de naître. De cette première incarnation de Soft Machine, il reste un 45-tours et un premier album de compositions pas toutes abouties, publiés des années après. A la suite d’une tournée en France à l’été 1967, les papiers d’Allen n’étant pas en règle, il est interdit de séjour au Royaume-Uni pour trois ans.« Je crois beaucoup au fait que ce qui doit arriver arrive. Au sein de Soft Machine, cela devenait tendu. Cette interdiction tombait bien finalement. » A Deia, à Majorque et Paris, Daevid Allen commence une carrière solo. Il rencontre de futurs piliers de Gong, la chanteuse Gilli Smyth, qui sera longtemps sa compagne, le saxophoniste Didier Malherbe. Pour le label de free-jazz BYG Records, fondé en 1967 par Jean Georgakarakos, Jean-Luc Young et Fernand Boruso, il enregistre Magyck Brother (mars 1970), qui annonce Gong, Banamoon (avril 1971, avec notamment Wyatt) et Camembert électrique (octobre 1971), où débutent les grandes lignes de l’univers et de la mythologie Gong. Avec le bassiste Christian Trisch et le batteur Pip Pyle (1950-2006), c’est un album plus rock et psychédélique.Gong vit alors en fonctionnement communautaire dans une grande maison de la région parisienne. Le groupe se met à tourner beaucoup, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie. Entre 1972 et 1975 et avec trois albums pour Virgin Records (Flying Teapot, mai 1973, Angel’s Egg, décembre 1973, et You, octobre 1974), le groupe évolue vers sa formation la plus célèbre. Allen, Smyth, Malherbe, le guitariste Steve Hillage, le claviériste Tim Blake, le bassiste Mike Howlett et le batteur Pierre Moerlen (1952-2005). La claviériste Miquette Giraudy et la percussionniste Mirelle Bauer seront aussi à l’occasion de la partie. Sur scène, les musiciens, en tenues colorées et chapeaux pointus de magiciens, ont l’un des dispositifs lumière (light show) les plus sophistiqués du circuit. Certains soirs, les concerts peuvent dépasser les trois heures. Allen, qui ne s’est jamais considéré comme un guitariste virtuose, tire de son instrument de longs sons étirés, par le frottement de poignées de porte ou de matériel chirurgical sur les cordes. D’où l’un de ses surnoms, Glissando.Gong en 1973, qui interprète « I Never Glid Before », extrait de l’album « Angel’s Egg ». Au chant : Daevid Allen. En avril 1975, il quitte le groupe. « Gong était et est toujours selon moi une histoire collective. A un moment, j’en ai eu assez et le groupe a continué d’exister. » Hillage en prend un temps la direction, puis Pierre Moerlen, qui en présentera une version plus orientée jazz-rock de 1976 au milieu des années 1980, sous le nom de Pierre Moerlen’s Gong. Allen repart alors aux Baléares. Il joue et enregistre avec le groupe Euterpe Good Morning (Charly, 1976) et Now Is The Happiest Time of Your Life (Charly, 1977), plus rêveurs et acoustiques, menés par la voix caressante d’Allen. Pendant ce temps, l’Angleterre est devenue punk. Allen, qui s’intéresse à tout ce qui peut nourrir son parcours artistique, monte l’éphémère Planet Gong avec le groupe Here & Now, tentative de faire du punk planant.Tibetan Mystery SchoolDe là, c’est à New York qu’il va trouver de nouvelles inspirations. Il rencontre le bassiste et producteur Bill Laswell et le batteur Fred Maher pour former New York Gong (un disque en 1979, About Time, guère planant). Allen commence aussi à travailler seul, avec des rythmiques préenregistrées et part sur les routes des Etats-Unis, trouvant des engagements parfois au jour le jour. En 1981, il rentre en Australie, pour une « retraite » de plusieurs années. « J’ai étudié les enseignements de la Tibetan Mystery School. Je me suis éloigné de la musique, je jouais parfois en solo, ou selon les rencontres. Pour compléter, je faisais de petits boulots à côté. » Dans les années 1990, Allen sortira plusieurs albums, enregistrés avec les moyens du bord, témoignages de cette période.A la fin des années 1980, le mouvement des rave parties a pour bande-son autant les boucles rythmiques de la techno que les envolées planantes. Tout comme Steve Hillage qui crée alors System 7, Allen y est considéré comme en adéquation musicale et « philosophique ». Allen remet alors Gong en route tout en continuant de collaborer avec une multitude de groupes (Invisible Opera Company of Oz, Brainville, Acid Mother Temple, Altered Walter Funk…) et de se frotter à de nombreux styles.Gong, en 2000, avec, outre Daevid Allen et Gilli Smyth, le bassiste Mike Howlett et le saxophoniste Didier Malherbe (en gilet noir), interprète « Master Builder », extrait de l’album « You ».En 1992, paraît Shapeshifter avec Malherbe et Pyle. A partir du milieu des années 1990, Smyth et Howlett sont aussi de retour, Pierre Moerlen participera à une partie des tournées. En 2000, paraît l’album Zero to Infinity, qui emmène ses personnages encore plus loin que la planète Gong. Zero est devenu Zeroid. Ce que cherche avec lui Allen, c’est une vibration céleste. En 2009, la résonance entre la terre et l’invisible planète est annoncée dans l’album 2032, auquel participe Hillage et Giraudy. Dernière étape, I See You paraît en novembre 2014, dont seuls Allen et Smyth constituent le lien avec l’âge d’or du groupe. « Mais Gong, c’est au-delà de moi. C’est hors des modes, hors du temps. Un état d’esprit, une énergie dont je ne suis que l’un des inspirateurs. »Dates13 janvier 1938 Naissance à Melbourne (Australie)1966 Co-fondateur du groupe Soft Machine1970 Fonde le groupe Gong.1973-1974 Succès avec la trilogie phonographique: « Flying Teapot », « Angel’s Egg » et « You ».1975 Quitte la formation la plus réputée de Gong.1976-1981 Monte plusieure groupes à Majorque (Espagne), Londres et New YorkFin des années 1980 Après une période de semi retraite en Australie, réactive Gong sous sa direction2009 Album « 2032 » de Gong13 mars 2015 Mort à Byron Bay (Australie) des suites d’un cancerSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.03.2015 à 17h09 • Mis à jour le14.03.2015 à 08h56 | Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : Les Beatles « Magical Mystery Tour », tubes de couleurCette semaine : autour de l’album Magical Mystery Tour (novembre et décembre 1967). « Magical Mystery Tour » (Lennon-McCartney), par Ska Ska ClubDiffusé le 26 décembre 1967 par la BBC, le film musical des Beatles, Magical Mystery Tour, a donné lieu à deux disques distincts. Les Etats-Unis ont d’abord découvert six chansons utilisées dans le film sur la face A d’un album vinyle 33-tours sorti le 27 novembre 1967. Avec en face B cinq chansons publiées en single entre février et novembre. Au Royaume Uni, Magical Mystery Tour sort le 8 décembre 1967 sous la forme d’un double 45-tours EP (pour extended play, chaque face pouvant accueillir deux chansons contrairement au single qui ne met qu’une chanson par face) avec les six titres utilisés dans le film. Lesquels, dans l’album américain, suivent à peu près l’ordre du film quand le EP met la chanson-titre et le final (Your Mother Should Know) en face A, I Am The Walrus en face B, réunit les deux thèmes les plus rêveurs en face C et se termine par Blue Jay Way, composition de George Harrison (1943-2001), en face D. Depuis 1976, c’est la construction américaine en onze chansons qui est choisie lors des rééditions, dont la présente diffusée en kiosques pour la collection The Beatles. Notre sélection de reprises en suit l’ordre.Album ou EP, l’entrée dans le voyage en bus des Beatles débute par la chanson du générique Magical Mystery Tour. Avec son accroche initiale « Roll Up ! Roll Up for The Mystery Tour… », invitation à double sens, roll up étant l’équivalent de notre « en route » mais aussi le fait de rouler un joint, dont les fumées accompagneront le parcours psychédélique. De cette chanson enjouée, la reprise la plus connue est probablement celle du guitariste suédois de heavy metal Yngwie Malmsteen, dans un album hommage par différents représentants du genre Butchering the Beatles-A Headbashing Tribute (Restless Records, 2006). Le voyage se transformant en un déluge de notes lors du solo virtuose, on lui a préféré celui, certes à vive allure, mais fort dansant et sans paroles, du groupe japonais Ska Ska Club, qui en fit l’ouverture de son premier album Twelve Ways To Go, en 2001. « The Fool on The Hill » (Lennon-McCartney), sous le titre « En la Colina » par Caterina Valente et Edmundo Ros Aux scènes de comédie, dont la trame scénaristique tiendrait sur une feuille de papier à cigarette, le film Magical Mystery Tour ajoute des séquences musicales illustrées, l’équivalent des vidéo-clips des chaînes musicales des années 1980. Dans les premières minutes du film, l’on découvre ainsi Paul McCartney qui chante The Fool on The Hill, seul dans divers paysages, dont une colline boisée (the hill du titre de la chanson), ou gambadant sur une plage. La ballade, avec son ensemble de flûtes, son ambiance rêveuse, a plus particulièrement inspiré les interprètes féminines (Gal Costa, Rita Lee, Shirley Bassey, Petula Clark, Sarah Vaughan…). Parmi elles, la chanteuse Caterina Valente, née à Paris, à la carrière internationale (Italie, Brésil, Allemagne…) et à la discographie imposante de plus d’une cinquantaine d’albums depuis le milieu des années 1950 – elle enregistrait encore au début des années 2000 – dont plusieurs avec de swingantes formations orchestrales, dont celle du percussionniste, chef d’orchestre et compositeur Edmundo Ros (1910-2011). Et parmi ces disques, Nothing But Aces, publié en 1968 par la compagnie Decca dans sa collection destinée à valoriser l’enregistrement stéréophonie « phase 4 stereo ». Un disque notamment constitué de reprises dont La Bamba, Dream A Little Dream Of Me, immortalisé par Doris Day ou Dean Martin (1917-1995) et devenu ici Sueno Que Estoy Junto A Ti ou donc The Fool On The Hill, transformé en un plaisant En La Colina. « Flying » (Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par The Residents Deuxième séquence musicale du film, constituée de vues de paysages montagneux tournées depuis les airs, avec des effets de couleurs solarisées ou transformées et d’envols dans les nuages destinés à nous faire comprendre où habitent de facétieux magiciens, Flying est l’un des quatre instrumentaux des Beatles à avoir connu une publication officielle (les trois autres, après la séparation des Beatles, dans la collection Anthology, en 1995). Tout aussi rare est le crédit de compositeurs partagé par les quatre Beatles (Starkey étant le vrai nom du batteur Ringo Starr). Une bizarrerie dont le très bizarre groupe américain The Residents, actif depuis la fin des années 1960 sans que ses membres n’aient révélé leur identité, a donné sa version. Elle relève de la déconstruction chère à The Residents mais serait presque d’un abord aisé dans leur discographie plutôt expérimentale. A dénicher en face B du 45-tours The Beatles Play The Residents and The Residents Play The Beatles (Ralph Records, 1977). « Blue Jay Way » (Harrison), par Lord SitarDans Blue Jay Way, George Harrison (1943-2001), son auteur-compositeur, est le héros de la séquence musicale qui, dans le film, venait après celle d’I Am The Walrus. Parfois dédoublé, voire quadruplé, par des trucages images, il est assis en position du lotus, veste et pantalon orange, couleur importante de la culture indienne dans laquelle il a commencé à s’immerger, dans des volutes de fumées avec pour éclairages les phares du bus du Magical Mystery Tour. Les autres Beatles apparaissent à l’occasion, jouant au ballon dans un jardin ou maniant l’archet sur un violoncelle blanc. Musicalement on plane tout autant. Une ambiance partiellement conservée dans la version qu’en donne Lord Sitar, avec chœurs, tabla et sitar. Derrière ce pseudonyme, il y a le guitariste et arrangeur britannique Big Jim Sullivan (1941-2012), musicien de studio réputé (Tom Jones, Shirley Bassey, Dusty Springfield, Donovan, Johnny Hallyday, David Bowie, Serge Gainsbourg…) qui fut l’un des premiers à utiliser des pédales d’effets. Ami de George Harrsion, il a appris au début des années 1960 à jouer du sitar avec l’un des maîtres de l’instrument, Vilayat Khan (1928-2004). Sous son nom, il enregistre un premier album de reprises jouées au sitar, Sitar Beat (Mercury, 1967), dont Sunshine Superman (Donovan) et A Whiter Shade Of Pale (Procol Harum), et sous le nom de Lord Sitar, un disque éponyme, publié par Capitol en 1968, où l’on trouve cette version de Blue Jay Way mais aussi d’I Am The Walrus et Eleanor Rigby des Beatles. « Your Mother Should Know » (Lennon-McCartney), par Les Haricots rougesEn final du film, les Beatles, en smoking blanc, descendent un grand escalier avant de se retrouver au milieu d’une foule d’élégants et d’élégantes et de jeunes femmes en uniformes de la Royal Air Force. Un hommage visuel, réalisé avec les faibles moyens du bord, aux comédies musicales des années 1930 et 1940 du cinéaste et chorégraphe Busby Berkeley (1895-1976). On est certes loin des tourbillons et géométries de Berkeley mais la séquence fait son petit effet. Et puisque les Beatles évoquaient là une lointaine période, quoi de mieux que la reprise par une formation spécialisée dans le jazz New Orleans et dixieland, Les Haricots rouges. Le groupe, dont le personnel a changé au cours des ans, fêtait en 2013 son cinquantenaire. Leur version, avec force banjo et cornet, figurait sur un 45-tours publié en 1968, sur lequel on trouvait aussi une reprise de The Ballad of Bonnie and Clyde que venait d’enregistrer le chanteur et claviériste Georgie Fame. « I Am The Walrus » (Lennon-McCartney), par The Swingle SingersFaute d’accord avec les ayants droit des Beatles, Frank Zappa n’a pu inclure aux disques témoignages de son ultime tournée en 1988 (avec une imposante section de vents) sa version d’I Am The Walrus, pas plus que celles aux paroles détournées de Norwegian Wood, Strawberry Fields Forever et Lucy In The Sky With Diamonds. Dommage. Reste que cette chanson éminemment psychédélique (dont le film renforce les visions avec les Beatles déguisés en animaux, et notamment le morse, walrus, du titre) a connu de nombreuses versions. Que cela soit par les groupes Oasis, The Flaming Lips, Die Toten Hausen (punk allemand), le comédien Jim Carrey qui l’enregistre avec l’aide du producteur des Beatles George Martin, le guitariste flamenco et jazz-rock Al di Meola… Nous vous proposons la version a cappella par The Swingle Singers, enregistrée en 1999 pour leur album hommage aux Beatles Ticket To Ride - A Beatles Tribute (chez Swing). Le groupe, formé en 1962 par Ward Swingle (1927-2015), a d’abord connu le succès en France avec ses adaptations façon jazz de compositions du répertoire classique. La formation vocale, qui a connu de nombreux et réguliers changements de personnel et a pris ses quartiers à Londres au milieu des années 1970, toujours active, a aujourd’hui le statut d’une institution musicale. « Hello Goodbye » (Lennon-McCartney), par I Bit-NikLa plus récente reprise d’Hello Goodbye, chanson qui ouvrait la face B de l’album américain de Magical Mystery Tour, a été enregistrée par le groupe The Cure et figure dans l’album The Art of McCartney (novembre 2014), double CD hommage d’une multitude de vedettes pop et rock à l’auteur-compositeur, bassiste, claviériste et chanteur, que cela soit au sein des Beatles, de son deuxième groupe Wings ou dans sa carière en solo. Un ensemble plutôt freiné par une prudence plus que respectueuse à l’égard de son sujet. La plus ancienne version, si elle est de fait respectueuse, a pour elle la fraîcheur et les maladresses de ses interprètes I Bit-Nik, formation italienne originaire de Gênes, dont la carrière a duré de 1964 et 1968 et dont il reste quelques enregistrements publiés en 45-tours. Ainsi cet Hello Goodbye, dont le texte constitue pour l’essentiel en des variations sur « You say yes/I say no (…) You say goodbye/And I say hello » soit « Tu dis oui/Je dis non (…) Tu dis au revoir/Je dis hello » dont la version italienne se garde bien de compliquer le propos. « Strawberry Fields Forever » (Lennon-McCartney), par Todd RundgrenVioloncelles, trompettes, percussions, couches de guitares acoustiques et électriques, claviers etc. Cinq semaines de travail et d’enregistrements de fin novembre à fin décembre 1966. Strawberry Fields Forever est l’une des mini symphonies beatlesiennes les plus réputées. Publiée en face A d’un 45-tours en février 1967, elle aurait pu figurer sur le futur album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (juin 1967), tout comme sa copine de face B, Penny Lane, autre monument de la phase orchestralo-psychédélique. Difficile pour les repreneurs de s’y attaquer sans s’en tenir à l’arrangement et l’ambiance initiale. Parmi d’autres, Candy Flip, XTC et son double Colin’s Hermit (Dave Gregory, Andy Partridge), Tater Totz, projet parodique mené par Steve et Jeff McDonald du groupe Red Kross ou même Stardrive dans une approche minimaliste s’y tiennent.Alors à tout seigneur tout honneur, c’est par ce traitement que Todd Rundgren sera notre choix. En avril 1976, la face A de son album Faithful (Bearsville Records) est constituée de six reprises de chansons dont le guitariste, claviériste, chanteur, auteur-compositeur et producteur américain dit qu’elles ont constitué une partie de ses bases de musicien. Good Vibrations des Beach Boys, If Six Was Nine de Jimi Hendrix (1942-1970), Bob Dylan, les Yardbirds et deux fois les Beatles avec Rain et Strawberry Fields Forever. Elles sont jouées notes pour notes, dans l’exactitude des originaux, Rundgren approchant vocalement ses divers interprètes et prenant en charge toutes les parties de chœurs. Avec lui, le claviériste Roger Powell, le bassiste John Siegler et le batteur John Wilcox. Ils ont passé des heures en studio à décortiquer chaque passage, à trouver à partir de leurs instruments comment en imiter d’autres et la production de Rundgren consiste à retrouver le son d’origine. Un exercice de style revendiqué. « Penny Lane » (Lennon-McCartney), par Peter Breiner and His Chamber OrchestraL’autre mini symphonie beatlesienne de 1967, Penny Lane, avec son orchestration foisonnante, est donc tout aussi à prendre avec des pincettes en cas de reprises. Les quelques prétendants ont plutôt fait donner la grosse cavalerie (James Last, Paul Mauriat) et même Count Basie dans son Basie on the Beatles (1969) a eu du mal à la faire swinger. Et si l’option du dénuement est prise, elle ne convainc pas (Kenny Rankin). En revanche, tout se tient dans la version enregistrée par l’orchestre de chambre dirigée par le pianiste, chef d’orchestre et compositeur Peter Breiner, à qui l’on doit aussi un Elvis Presley façon musique baroque. Dans l’album Beatles Go Baroque (Naxos, 1993) Breiner réunit plusieurs chansons des Beatles dans le style de Haendel (1685-1759), Vivaldi (1678-1741), Jean-Sébastien Bach (1685-1750) et Corelli (1653-1713). Penny Lane fait partie de l’ensemble Haendel, avec She Loves You, Lady Madonna, Fool on The Hill et Honey Pie. « Baby You’re A Rich Man » (Lennon-McCartney), par Brian SandsDu peu que l’on connaisse des enregistrements et de la personne du multi-instrumentiste et chanteur Brian Sands (guitare, basse, flûte, percussions, guitare, batterie…), proche de la scène art-punk américaine de la fin des années 1970, il y a cet album Reheated Chocolate Tangos. Sorti en 1979 chez Bizart Records (une petite dizaine de productions entre 1979 et 1982), il présente six compositions de Sands et une reprise de Baby You’re A Rich Man qui figurait sur la face B du single des Beatles All You Need Is Love, sorti en juillet 1967. « All You Need Is Love » (Lennon-McCartney), par New MusikLe 25 juin 1967, 400 millions de téléspectateurs (estimation à l’époque) dans quatorze pays (Etats-Unis, Canada, Mexique, Australie, Japon, Royaume uni, Italie, Allemagne (de l’Ouest), France, espagne…) regardent « Our World », la première émission télévisée de divertissement diffusée en direct par satellite. Un programme de deux heures trente auquel participent des personnalités de la culture – dont Franco Zeffirelli, Picasso (1881-1973), Maria Callas (1923-1977), Leonard Bernstein (1918-1990)… – des scientifiques, des sportifs etc.. Pas de séquences pré-enregistrées, des présentations dans la langue de chaque pays, traduites simultanément, et un passage d’un pays à l’autre au gré de l’enchaînement des sujets (répétés en amont et obéissant à un minutage précis). Un exploit technique à vocation rassembleuse pour lequel le Royaume Uni a choisi d’être représenté par les Beatles. Qui ont commencé quelques jours plus tôt à travailler sur une nouvelle chanson, All You Need Is Love, dont le message tombe on ne peut mieux. La séquence Beatles permet de voir (en noir et blanc) le groupe en train de répéter puis d’interpréter le titre (avec une bande orchestrale en renfort) entouré d’anonymes et de célébrités.Devenue hymne depuis, All You Need Is Love est régulièrement invitée en final de célébrations en l’honneur d’une personnalité ou à vocation humanitaire, avec des vedettes bien obligées d’en redouter dans le sourire fraternel. A cet égard, l’assemblée autour de Luciano Pavarotti (1935-2007), en 2000, est un modèle. Auquel nous préférons, en conclusion de ce voyage magique, la (relative) sobriété new wave de la version de New Musik, formation britannique qui œuvra de 1977 à 1982. A trouver sur le troisième et dernier album du groupe Warp (Epic, 1982).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, une tournée psychédélique dans la veine de « Sgt. Pepper's ». Dans la soirée du 26 décembre 1967, la BBC offre en cadeau de Noël à ses téléspectateurs Magical Mystery Tour, un film musical de et avec les Beatles. C'est un flop. Public et critique. Tout le monde se gratte la tête à propos de ce voyage en bus dans la campagne anglaise, avec des magiciens, des animaux sortis d'Alice au pays des merveilles (dont un morse, celui de la chanson I Am The Walrus), un strip-tease, des vues de paysages, des séquences, qui se veulent comiques, mal jouées, un scénario bricolé au fur et à mesure du tournage…Le film, tourné en couleurs, a été présenté sur le réseau en noir et blanc de la première chaîne de la BBC. Sans ce qui à l'image pourrait faire sa saveur. Peu après, la diffusion en couleurs par BBC2 – pour un parc de postes estimé à 200 000 – tempérera un peu cette appréciation négative. Les chansons, elles, ont été bien mieux accueillies, publiées quelques semaines plus tôt sur un double 45-tours, avec un livret montrant des images du film, une bande dessinée.En smoking blanc sur un escalier de music-hallL'enjoué Magical Mystery Tour, dans l'esprit de l'introduction de Sgt. Pepper's (juin 1967), la ballade The Fool on the Hill, avec son trio de flûtes, l'instrumental aérien Flying, tout en effets sonores, que prolonge Blue Jay Way, de George Harrison, Your Mother Should Know – dans le film, les Beatles en smoking blanc sur un escalier de music-hall – et le sommet psychédélique I Am the Walrus.Tout cela s'entend comme une suite au fantasque labyrinthe sonore de Sgt. Pepper's. Et plus nettement avec la publication aux Etats-Unis de Magical ­Mystery Tour en album 33-tours – qui correspond à la présente édition proposée par Le Monde. Les chansons du film en face A et cinq autres en face B, jusqu'alors disponibles en 45-tours, dont les mini-symphonies définitives Strawberry Fields Forever et Penny Lane ainsi que l'hymne All You Need Is Love. Tout ce dont tu as besoin, c'est d'amour. Une chanson-slogan encore entonnée lors des manifestations du 11 janvier, après la tuerie au siège de l'hebdomadaire Charlie Hebdo.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 13.03.2015 à 18h38 • Mis à jour le13.03.2015 à 21h08 | Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvain Siclier Chanteur, guitariste, graphiste, auteur-compositeur et âme du groupe Gong qu’il avait fondé en 1970, Daevid Allen avait annoncé, début février, qu’il ne souhaitait plus « subir d’interminables interventions », qui ne pourraient de toute manière pas enrayer le cancer qui avait envahi son corps. Parti un peu plus tôt qu’il ne l’avait souhaité – « je devrais mourir dans ma quatre-vingt-quatrième année, comme je l’ai choisi selon l’enseignement de la Tibetan Mystery School… mais cela ne fonctionne pas toujours », nous confiait-il souriant, le regard pétillant, lors d’une rencontre en novembre 2009 –, Daevid Allen est mort vendredi 13 mars, à son domicile de Byron Bay, en Australie, l’âge de 77 ans. L’annonce, au nom de sa famille, a été faite par l’un de ses enfants, Orlando Monday.Daevid Allen rejoint ainsi la planète Gong, Zero le héros, dont il pourrait être le double, les théières volantes, les lutins à têtes de pots, Selene, les Octave Doctors, la Magick Mother et autres personnages d’un univers mystico-fantaisiste construit au gré des envies et de l’imagination de son « inventeur ». Le tout trouvant une traduction musicale dans un mélange inventif de rock psychédélique, d’improvisations jazz, de motifs répétitifs planants, de folk, de musiques orientales et de télescopages funk et punk, selon les moments.Vidéoclip de la chanson « How To Stay », conçu à partir de dessins de Daevid Allen. Extrait de l’album « 2032 » de Gong. Né à Melbourne (Australie), le 13 janvier 1938, dans une famille de commerçants, Daevid Allen a fait des études d’arts graphiques. Ses dessins et peintures, en rondeurs et volutes, viendront souvent illustrer les pochettes de ses nombreux disques – plus d’une soixantaine avec Gong, d’autres groupes, ses enregistrements en solo… Au début des années 1960, Daevid Allen s’installe en Europe. Entre l’Angleterre, l’île de Majorque (Espagne) et la France, il rencontre des écrivains, dont Allen Ginsberg (1926-1997) et William Burroughs (1914-1997), des musiciens, dont Terry Riley, le batteur Robert Wyatt et le bassiste et guitariste Kevin Ayers (1944-2013).« Camembert électrique »Avec ces deux derniers et le claviériste Mike Ratledge, il fonde Soft Machine au milieu de l’année 1966. Le groupe devient l’un des plus prisés de la scène underground britannique, avec Pink Floyd, en train de naître. De cette première incarnation de Soft Machine, il reste un 45-tours et un premier album de compositions pas toutes abouties, publiés des années après. A la suite d’une tournée en France à l’été 1967, les papiers d’Allen n’étant pas en règle, il est interdit de séjour au Royaume-Uni pour trois ans.« Je crois beaucoup au fait que ce qui doit arriver arrive. Au sein de Soft Machine, cela devenait tendu. Cette interdiction tombait bien finalement. » A Deia, à Majorque et Paris, Daevid Allen commence une carrière solo. Il rencontre de futurs piliers de Gong, la chanteuse Gilli Smyth, qui sera longtemps sa compagne, le saxophoniste Didier Malherbe. Pour le label de free-jazz BYG Records, fondé en 1967 par Jean Georgakarakos, Jean-Luc Young et Fernand Boruso, il enregistre Magyck Brother (mars 1970), qui annonce Gong, Banamoon (avril 1971, avec notamment Wyatt) et Camembert électrique (octobre 1971), où débutent les grandes lignes de l’univers et de la mythologie Gong. Avec le bassiste Christian Trisch et le batteur Pip Pyle (1950-2006), c’est un album plus rock et psychédélique.Gong vit alors en fonctionnement communautaire dans une grande maison de la région parisienne. Le groupe se met à tourner beaucoup, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie. Entre 1972 et 1975 et avec trois albums pour Virgin Records (Flying Teapot, mai 1973, Angel’s Egg, décembre 1973, et You, octobre 1974), le groupe évolue vers sa formation la plus célèbre. Allen, Smyth, Malherbe, le guitariste Steve Hillage, le claviériste Tim Blake, le bassiste Mike Howlett et le batteur Pierre Moerlen (1952-2005). La claviériste Miquette Giraudy et la percussionniste Mirelle Bauer seront aussi à l’occasion de la partie. Sur scène, les musiciens, en tenues colorées et chapeaux pointus de magiciens, ont l’un des dispositifs lumière (light show) les plus sophistiqués du circuit. Certains soirs, les concerts peuvent dépasser les trois heures. Allen, qui ne s’est jamais considéré comme un guitariste virtuose, tire de son instrument de longs sons étirés, par le frottement de poignées de porte ou de matériel chirurgical sur les cordes. D’où l’un de ses surnoms, Glissando.Gong en 1973, qui interprète « I Never Glid Before », extrait de l’album « Angel’s Egg ». Au chant : Daevid Allen. En avril 1975, il quitte le groupe. « Gong était et est toujours selon moi une histoire collective. A un moment, j’en ai eu assez et le groupe a continué d’exister. » Hillage en prend un temps la direction, puis Pierre Moerlen, qui en présentera une version plus orientée jazz-rock de 1976 au milieu des années 1980, sous le nom de Pierre Moerlen’s Gong. Allen repart alors aux Baléares. Il joue et enregistre avec le groupe Euterpe Good Morning (Charly, 1976) et Now Is The Happiest Time of Your Life (Charly, 1977), plus rêveurs et acoustiques, menés par la voix caressante d’Allen. Pendant ce temps, l’Angleterre est devenue punk. Allen, qui s’intéresse à tout ce qui peut nourrir son parcours artistique, monte l’éphémère Planet Gong avec le groupe Here & Now, tentative de faire du punk planant.Tibetan Mystery SchoolDe là, c’est à New York qu’il va trouver de nouvelles inspirations. Il rencontre le bassiste et producteur Bill Laswell et le batteur Fred Maher pour former New York Gong (un disque en 1979, About Time, guère planant). Allen commence aussi à travailler seul, avec des rythmiques préenregistrées et part sur les routes des Etats-Unis, trouvant des engagements parfois au jour le jour. En 1981, il rentre en Australie, pour une « retraite » de plusieurs années. « J’ai étudié les enseignements de la Tibetan Mystery School. Je me suis éloigné de la musique, je jouais parfois en solo, ou selon les rencontres. Pour compléter, je faisais de petits boulots à côté. » Dans les années 1990, Allen sortira plusieurs albums, enregistrés avec les moyens du bord, témoignages de cette période.A la fin des années 1980, le mouvement des rave parties a pour bande-son autant les boucles rythmiques de la techno que les envolées planantes. Tout comme Steve Hillage qui crée alors System 7, Allen y est considéré comme en adéquation musicale et « philosophique ». Allen remet alors Gong en route tout en continuant de collaborer avec une multitude de groupes (Invisible Opera Company of Oz, Brainville, Acid Mother Temple, Altered Walter Funk…) et de se frotter à de nombreux styles.Gong, en 2000, avec, outre Daevid Allen et Gilli Smyth, le bassiste Mike Howlett et le saxophoniste Didier Malherbe (en gilet noir), interprète « Master Builder », extrait de l’album « You ».En 1992, paraît Shapeshifter avec Malherbe et Pyle. A partir du milieu des années 1990, Smyth et Howlett sont aussi de retour, Pierre Moerlen participera à une partie des tournées. En 2000, paraît l’album Zero to Infinity, qui emmène ses personnages encore plus loin que la planète Gong. Zero est devenu Zeroid. Ce que cherche avec lui Allen, c’est une vibration céleste. En 2009, la résonance entre la terre et l’invisible planète est annoncée dans l’album 2032, auquel participe Hillage et Giraudy. Dernière étape, I See You paraît en novembre 2014, dont seuls Allen et Smyth constituent le lien avec l’âge d’or du groupe. « Mais Gong, c’est au-delà de moi. C’est hors des modes, hors du temps. Un état d’esprit, une énergie dont je ne suis que l’un des inspirateurs. »Dates13 janvier 1938 Naissance à Melbourne (Australie)1966 Co-fondateur du groupe Soft Machine1970 Fonde le groupe Gong.1973-1974 Succès avec la trilogie phonographique: « Flying Teapot », « Angel’s Egg » et « You ».1975 Quitte la formation la plus réputée de Gong.1976-1981 Monte plusieure groupes à Majorque (Espagne), Londres et New YorkFin des années 1980 Après une période de semi retraite en Australie, réactive Gong sous sa direction2009 Album « 2032 » de Gong13 mars 2015 Mort à Byron Bay (Australie) des suites d’un cancerSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.03.2015 à 17h09 • Mis à jour le14.03.2015 à 08h56 | Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : Les Beatles « Magical Mystery Tour », tubes de couleurCette semaine : autour de l’album Magical Mystery Tour (novembre et décembre 1967). « Magical Mystery Tour » (Lennon-McCartney), par Ska Ska ClubDiffusé le 26 décembre 1967 par la BBC, le film musical des Beatles, Magical Mystery Tour, a donné lieu à deux disques distincts. Les Etats-Unis ont d’abord découvert six chansons utilisées dans le film sur la face A d’un album vinyle 33-tours sorti le 27 novembre 1967. Avec en face B cinq chansons publiées en single entre février et novembre. Au Royaume Uni, Magical Mystery Tour sort le 8 décembre 1967 sous la forme d’un double 45-tours EP (pour extended play, chaque face pouvant accueillir deux chansons contrairement au single qui ne met qu’une chanson par face) avec les six titres utilisés dans le film. Lesquels, dans l’album américain, suivent à peu près l’ordre du film quand le EP met la chanson-titre et le final (Your Mother Should Know) en face A, I Am The Walrus en face B, réunit les deux thèmes les plus rêveurs en face C et se termine par Blue Jay Way, composition de George Harrison (1943-2001), en face D. Depuis 1976, c’est la construction américaine en onze chansons qui est choisie lors des rééditions, dont la présente diffusée en kiosques pour la collection The Beatles. Notre sélection de reprises en suit l’ordre.Album ou EP, l’entrée dans le voyage en bus des Beatles débute par la chanson du générique Magical Mystery Tour. Avec son accroche initiale « Roll Up ! Roll Up for The Mystery Tour… », invitation à double sens, roll up étant l’équivalent de notre « en route » mais aussi le fait de rouler un joint, dont les fumées accompagneront le parcours psychédélique. De cette chanson enjouée, la reprise la plus connue est probablement celle du guitariste suédois de heavy metal Yngwie Malmsteen, dans un album hommage par différents représentants du genre Butchering the Beatles-A Headbashing Tribute (Restless Records, 2006). Le voyage se transformant en un déluge de notes lors du solo virtuose, on lui a préféré celui, certes à vive allure, mais fort dansant et sans paroles, du groupe japonais Ska Ska Club, qui en fit l’ouverture de son premier album Twelve Ways To Go, en 2001. « The Fool on The Hill » (Lennon-McCartney), sous le titre « En la Colina » par Caterina Valente et Edmundo Ros Aux scènes de comédie, dont la trame scénaristique tiendrait sur une feuille de papier à cigarette, le film Magical Mystery Tour ajoute des séquences musicales illustrées, l’équivalent des vidéo-clips des chaînes musicales des années 1980. Dans les premières minutes du film, l’on découvre ainsi Paul McCartney qui chante The Fool on The Hill, seul dans divers paysages, dont une colline boisée (the hill du titre de la chanson), ou gambadant sur une plage. La ballade, avec son ensemble de flûtes, son ambiance rêveuse, a plus particulièrement inspiré les interprètes féminines (Gal Costa, Rita Lee, Shirley Bassey, Petula Clark, Sarah Vaughan…). Parmi elles, la chanteuse Caterina Valente, née à Paris, à la carrière internationale (Italie, Brésil, Allemagne…) et à la discographie imposante de plus d’une cinquantaine d’albums depuis le milieu des années 1950 – elle enregistrait encore au début des années 2000 – dont plusieurs avec de swingantes formations orchestrales, dont celle du percussionniste, chef d’orchestre et compositeur Edmundo Ros (1910-2011). Et parmi ces disques, Nothing But Aces, publié en 1968 par la compagnie Decca dans sa collection destinée à valoriser l’enregistrement stéréophonie « phase 4 stereo ». Un disque notamment constitué de reprises dont La Bamba, Dream A Little Dream Of Me, immortalisé par Doris Day ou Dean Martin (1917-1995) et devenu ici Sueno Que Estoy Junto A Ti ou donc The Fool On The Hill, transformé en un plaisant En La Colina. « Flying » (Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par The Residents Deuxième séquence musicale du film, constituée de vues de paysages montagneux tournées depuis les airs, avec des effets de couleurs solarisées ou transformées et d’envols dans les nuages destinés à nous faire comprendre où habitent de facétieux magiciens, Flying est l’un des quatre instrumentaux des Beatles à avoir connu une publication officielle (les trois autres, après la séparation des Beatles, dans la collection Anthology, en 1995). Tout aussi rare est le crédit de compositeurs partagé par les quatre Beatles (Starkey étant le vrai nom du batteur Ringo Starr). Une bizarrerie dont le très bizarre groupe américain The Residents, actif depuis la fin des années 1960 sans que ses membres n’aient révélé leur identité, a donné sa version. Elle relève de la déconstruction chère à The Residents mais serait presque d’un abord aisé dans leur discographie plutôt expérimentale. A dénicher en face B du 45-tours The Beatles Play The Residents and The Residents Play The Beatles (Ralph Records, 1977). « Blue Jay Way » (Harrison), par Lord SitarDans Blue Jay Way, George Harrison (1943-2001), son auteur-compositeur, est le héros de la séquence musicale qui, dans le film, venait après celle d’I Am The Walrus. Parfois dédoublé, voire quadruplé, par des trucages images, il est assis en position du lotus, veste et pantalon orange, couleur importante de la culture indienne dans laquelle il a commencé à s’immerger, dans des volutes de fumées avec pour éclairages les phares du bus du Magical Mystery Tour. Les autres Beatles apparaissent à l’occasion, jouant au ballon dans un jardin ou maniant l’archet sur un violoncelle blanc. Musicalement on plane tout autant. Une ambiance partiellement conservée dans la version qu’en donne Lord Sitar, avec chœurs, tabla et sitar. Derrière ce pseudonyme, il y a le guitariste et arrangeur britannique Big Jim Sullivan (1941-2012), musicien de studio réputé (Tom Jones, Shirley Bassey, Dusty Springfield, Donovan, Johnny Hallyday, David Bowie, Serge Gainsbourg…) qui fut l’un des premiers à utiliser des pédales d’effets. Ami de George Harrsion, il a appris au début des années 1960 à jouer du sitar avec l’un des maîtres de l’instrument, Vilayat Khan (1928-2004). Sous son nom, il enregistre un premier album de reprises jouées au sitar, Sitar Beat (Mercury, 1967), dont Sunshine Superman (Donovan) et A Whiter Shade Of Pale (Procol Harum), et sous le nom de Lord Sitar, un disque éponyme, publié par Capitol en 1968, où l’on trouve cette version de Blue Jay Way mais aussi d’I Am The Walrus et Eleanor Rigby des Beatles. « Your Mother Should Know » (Lennon-McCartney), par Les Haricots rougesEn final du film, les Beatles, en smoking blanc, descendent un grand escalier avant de se retrouver au milieu d’une foule d’élégants et d’élégantes et de jeunes femmes en uniformes de la Royal Air Force. Un hommage visuel, réalisé avec les faibles moyens du bord, aux comédies musicales des années 1930 et 1940 du cinéaste et chorégraphe Busby Berkeley (1895-1976). On est certes loin des tourbillons et géométries de Berkeley mais la séquence fait son petit effet. Et puisque les Beatles évoquaient là une lointaine période, quoi de mieux que la reprise par une formation spécialisée dans le jazz New Orleans et dixieland, Les Haricots rouges. Le groupe, dont le personnel a changé au cours des ans, fêtait en 2013 son cinquantenaire. Leur version, avec force banjo et cornet, figurait sur un 45-tours publié en 1968, sur lequel on trouvait aussi une reprise de The Ballad of Bonnie and Clyde que venait d’enregistrer le chanteur et claviériste Georgie Fame. « I Am The Walrus » (Lennon-McCartney), par The Swingle SingersFaute d’accord avec les ayants droit des Beatles, Frank Zappa n’a pu inclure aux disques témoignages de son ultime tournée en 1988 (avec une imposante section de vents) sa version d’I Am The Walrus, pas plus que celles aux paroles détournées de Norwegian Wood, Strawberry Fields Forever et Lucy In The Sky With Diamonds. Dommage. Reste que cette chanson éminemment psychédélique (dont le film renforce les visions avec les Beatles déguisés en animaux, et notamment le morse, walrus, du titre) a connu de nombreuses versions. Que cela soit par les groupes Oasis, The Flaming Lips, Die Toten Hausen (punk allemand), le comédien Jim Carrey qui l’enregistre avec l’aide du producteur des Beatles George Martin, le guitariste flamenco et jazz-rock Al di Meola… Nous vous proposons la version a cappella par The Swingle Singers, enregistrée en 1999 pour leur album hommage aux Beatles Ticket To Ride - A Beatles Tribute (chez Swing). Le groupe, formé en 1962 par Ward Swingle (1927-2015), a d’abord connu le succès en France avec ses adaptations façon jazz de compositions du répertoire classique. La formation vocale, qui a connu de nombreux et réguliers changements de personnel et a pris ses quartiers à Londres au milieu des années 1970, toujours active, a aujourd’hui le statut d’une institution musicale. « Hello Goodbye » (Lennon-McCartney), par I Bit-NikLa plus récente reprise d’Hello Goodbye, chanson qui ouvrait la face B de l’album américain de Magical Mystery Tour, a été enregistrée par le groupe The Cure et figure dans l’album The Art of McCartney (novembre 2014), double CD hommage d’une multitude de vedettes pop et rock à l’auteur-compositeur, bassiste, claviériste et chanteur, que cela soit au sein des Beatles, de son deuxième groupe Wings ou dans sa carière en solo. Un ensemble plutôt freiné par une prudence plus que respectueuse à l’égard de son sujet. La plus ancienne version, si elle est de fait respectueuse, a pour elle la fraîcheur et les maladresses de ses interprètes I Bit-Nik, formation italienne originaire de Gênes, dont la carrière a duré de 1964 et 1968 et dont il reste quelques enregistrements publiés en 45-tours. Ainsi cet Hello Goodbye, dont le texte constitue pour l’essentiel en des variations sur « You say yes/I say no (…) You say goodbye/And I say hello » soit « Tu dis oui/Je dis non (…) Tu dis au revoir/Je dis hello » dont la version italienne se garde bien de compliquer le propos. « Strawberry Fields Forever » (Lennon-McCartney), par Todd RundgrenVioloncelles, trompettes, percussions, couches de guitares acoustiques et électriques, claviers etc. Cinq semaines de travail et d’enregistrements de fin novembre à fin décembre 1966. Strawberry Fields Forever est l’une des mini symphonies beatlesiennes les plus réputées. Publiée en face A d’un 45-tours en février 1967, elle aurait pu figurer sur le futur album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (juin 1967), tout comme sa copine de face B, Penny Lane, autre monument de la phase orchestralo-psychédélique. Difficile pour les repreneurs de s’y attaquer sans s’en tenir à l’arrangement et l’ambiance initiale. Parmi d’autres, Candy Flip, XTC et son double Colin’s Hermit (Dave Gregory, Andy Partridge), Tater Totz, projet parodique mené par Steve et Jeff McDonald du groupe Red Kross ou même Stardrive dans une approche minimaliste s’y tiennent.Alors à tout seigneur tout honneur, c’est par ce traitement que Todd Rundgren sera notre choix. En avril 1976, la face A de son album Faithful (Bearsville Records) est constituée de six reprises de chansons dont le guitariste, claviériste, chanteur, auteur-compositeur et producteur américain dit qu’elles ont constitué une partie de ses bases de musicien. Good Vibrations des Beach Boys, If Six Was Nine de Jimi Hendrix (1942-1970), Bob Dylan, les Yardbirds et deux fois les Beatles avec Rain et Strawberry Fields Forever. Elles sont jouées notes pour notes, dans l’exactitude des originaux, Rundgren approchant vocalement ses divers interprètes et prenant en charge toutes les parties de chœurs. Avec lui, le claviériste Roger Powell, le bassiste John Siegler et le batteur John Wilcox. Ils ont passé des heures en studio à décortiquer chaque passage, à trouver à partir de leurs instruments comment en imiter d’autres et la production de Rundgren consiste à retrouver le son d’origine. Un exercice de style revendiqué. « Penny Lane » (Lennon-McCartney), par Peter Breiner and His Chamber OrchestraL’autre mini symphonie beatlesienne de 1967, Penny Lane, avec son orchestration foisonnante, est donc tout aussi à prendre avec des pincettes en cas de reprises. Les quelques prétendants ont plutôt fait donner la grosse cavalerie (James Last, Paul Mauriat) et même Count Basie dans son Basie on the Beatles (1969) a eu du mal à la faire swinger. Et si l’option du dénuement est prise, elle ne convainc pas (Kenny Rankin). En revanche, tout se tient dans la version enregistrée par l’orchestre de chambre dirigée par le pianiste, chef d’orchestre et compositeur Peter Breiner, à qui l’on doit aussi un Elvis Presley façon musique baroque. Dans l’album Beatles Go Baroque (Naxos, 1993) Breiner réunit plusieurs chansons des Beatles dans le style de Haendel (1685-1759), Vivaldi (1678-1741), Jean-Sébastien Bach (1685-1750) et Corelli (1653-1713). Penny Lane fait partie de l’ensemble Haendel, avec She Loves You, Lady Madonna, Fool on The Hill et Honey Pie. « Baby You’re A Rich Man » (Lennon-McCartney), par Brian SandsDu peu que l’on connaisse des enregistrements et de la personne du multi-instrumentiste et chanteur Brian Sands (guitare, basse, flûte, percussions, guitare, batterie…), proche de la scène art-punk américaine de la fin des années 1970, il y a cet album Reheated Chocolate Tangos. Sorti en 1979 chez Bizart Records (une petite dizaine de productions entre 1979 et 1982), il présente six compositions de Sands et une reprise de Baby You’re A Rich Man qui figurait sur la face B du single des Beatles All You Need Is Love, sorti en juillet 1967. « All You Need Is Love » (Lennon-McCartney), par New MusikLe 25 juin 1967, 400 millions de téléspectateurs (estimation à l’époque) dans quatorze pays (Etats-Unis, Canada, Mexique, Australie, Japon, Royaume uni, Italie, Allemagne (de l’Ouest), France, espagne…) regardent « Our World », la première émission télévisée de divertissement diffusée en direct par satellite. Un programme de deux heures trente auquel participent des personnalités de la culture – dont Franco Zeffirelli, Picasso (1881-1973), Maria Callas (1923-1977), Leonard Bernstein (1918-1990)… – des scientifiques, des sportifs etc.. Pas de séquences pré-enregistrées, des présentations dans la langue de chaque pays, traduites simultanément, et un passage d’un pays à l’autre au gré de l’enchaînement des sujets (répétés en amont et obéissant à un minutage précis). Un exploit technique à vocation rassembleuse pour lequel le Royaume Uni a choisi d’être représenté par les Beatles. Qui ont commencé quelques jours plus tôt à travailler sur une nouvelle chanson, All You Need Is Love, dont le message tombe on ne peut mieux. La séquence Beatles permet de voir (en noir et blanc) le groupe en train de répéter puis d’interpréter le titre (avec une bande orchestrale en renfort) entouré d’anonymes et de célébrités.Devenue hymne depuis, All You Need Is Love est régulièrement invitée en final de célébrations en l’honneur d’une personnalité ou à vocation humanitaire, avec des vedettes bien obligées d’en redouter dans le sourire fraternel. A cet égard, l’assemblée autour de Luciano Pavarotti (1935-2007), en 2000, est un modèle. Auquel nous préférons, en conclusion de ce voyage magique, la (relative) sobriété new wave de la version de New Musik, formation britannique qui œuvra de 1977 à 1982. A trouver sur le troisième et dernier album du groupe Warp (Epic, 1982).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, une tournée psychédélique dans la veine de « Sgt. Pepper's ». Dans la soirée du 26 décembre 1967, la BBC offre en cadeau de Noël à ses téléspectateurs Magical Mystery Tour, un film musical de et avec les Beatles. C'est un flop. Public et critique. Tout le monde se gratte la tête à propos de ce voyage en bus dans la campagne anglaise, avec des magiciens, des animaux sortis d'Alice au pays des merveilles (dont un morse, celui de la chanson I Am The Walrus), un strip-tease, des vues de paysages, des séquences, qui se veulent comiques, mal jouées, un scénario bricolé au fur et à mesure du tournage…Le film, tourné en couleurs, a été présenté sur le réseau en noir et blanc de la première chaîne de la BBC. Sans ce qui à l'image pourrait faire sa saveur. Peu après, la diffusion en couleurs par BBC2 – pour un parc de postes estimé à 200 000 – tempérera un peu cette appréciation négative. Les chansons, elles, ont été bien mieux accueillies, publiées quelques semaines plus tôt sur un double 45-tours, avec un livret montrant des images du film, une bande dessinée.En smoking blanc sur un escalier de music-hallL'enjoué Magical Mystery Tour, dans l'esprit de l'introduction de Sgt. Pepper's (juin 1967), la ballade The Fool on the Hill, avec son trio de flûtes, l'instrumental aérien Flying, tout en effets sonores, que prolonge Blue Jay Way, de George Harrison, Your Mother Should Know – dans le film, les Beatles en smoking blanc sur un escalier de music-hall – et le sommet psychédélique I Am the Walrus.Tout cela s'entend comme une suite au fantasque labyrinthe sonore de Sgt. Pepper's. Et plus nettement avec la publication aux Etats-Unis de Magical ­Mystery Tour en album 33-tours – qui correspond à la présente édition proposée par Le Monde. Les chansons du film en face A et cinq autres en face B, jusqu'alors disponibles en 45-tours, dont les mini-symphonies définitives Strawberry Fields Forever et Penny Lane ainsi que l'hymne All You Need Is Love. Tout ce dont tu as besoin, c'est d'amour. Une chanson-slogan encore entonnée lors des manifestations du 11 janvier, après la tuerie au siège de l'hebdomadaire Charlie Hebdo.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet et Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « A Hard Day's Night », ardeur rockCette semaine : autour de l’album A Hard Day’s Night (juillet 1964).« A Hard Day’s Night » (Lennon-McCartney), par Peter SellersIncarnation de l’humour anglais, en particulier à l’époque du « Swinging London », l’acteur Peter Sellers (1925-1980) avait enregistré deux albums avec George Martin à la fin des années 1950. Le producteur présenta plus tard le comédien aux Beatles. John Lennon (1940-1980) était spécialement fan de celui qui, en 1963, avait interprété le personnage de l’inspecteur Clouseau dans le premier épisode cinématographique de La Panthère rose, de Blake Edwards (1922-2010) et dont le film, La Souris qui rugissait (1959), de Jack Arnold (1916-1992), avait été produit par l’Américain Walter Shenson (1919-2000), producteur, en 1964, de Quatre garçons dans le vent.En 1965, à l’occasion de l’émission de télévision, « The Music of Lennon and McCartney » (voir ci-dessous la note sur la chanson Things We Said Today), Peter Sellers enregistra en costume une version de A Hard Day’s Night déclamée à la façon de Laurence Olivier (1907-1989) dans Richard III, de Shakespeare. Publiée en 45 tours, cette interprétation atteignit même la 14e place du hit parade britannique. « I Should Have Known Better » (Lennon-McCartney), par She & HimFormé par l’actrice Zooey Deschanel (Mumford, Elfe, Presque célèbre, la série télévisée « New Girl »…) et le guitariste Matthew Stephen Ward, dit M. Ward, le duo américain She & Him a publié, en 2008, Volume One, le premier de ses cinq albums communs, dans lequel figuraient dix chansons originales et deux reprises, I Should Have Known Better, des Beatles et You Really Got a Hold on Me, de Smokey Robinson (d’ailleurs repris, en 1963, par les Fab Four). Le morceau principalement écrit par John Lennon donne ici l’impression d’être joué dans un Tiki Bar californien, langoureusement taquiné par la voix de Zooey Deschanel et les glissendos hawaïens du subtil M. Ward. « If I Fell » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsFigure du son de Nashville, célèbre pour sa technique de picking, inspirée entre autres par Django Reinhardt, le guitariste Chet Atkins (1924-2001) enregistra, en 1966, avec l’harmoniciste Charlie McCoy, l’album Chet Atkins Picks On the Beatles (RCA Victor) contenant douze reprises instrumentales du groupe de Liverpool. Lui-même grand admirateur de cet élégant instrumentiste (aux quatorze Grammy Awards), George Harrison (1943-2001) accepta de signer les notes de pochette de ce disque mineur, mais agréable. « I’m Happy Just to Dance With You » (Lennon-McCartney), par Anne MurayRarement reprise, cette chanson incarnant l’excitation la plus juvénile a bizarrement été choisie par une des figures de ce que les Américains appellent « la musique adulte contemporaine » (adult contemporary music). Dans une lignée proche de ce que fera plus tard sa compatriote Céline Dion, la Canadienne Anne Muray s’est forgée une belle carrière (plus de 50 millions de disques vendus) à partir du début des années 1970, en usant d’une voix claire, puissante et ne mégotant pas sur l’émotion. Loin de la légèreté originelle du titre de Lennon-McCartney chanté par George Harrison, cette version, publiée en 1980 par Capitol Records, donne plus envie de danser un slow qu’un rock’n’roll. « And I Love Her » (Lennon-McCartney), par The WailersParmi la multitude de reprises suscitées par ce bijou délicatement ciselé par Paul McCartney, nous aurions pu choisir la version publiée, en 1972, par le soulman Bobby Womack (1944-2014), transposant magnifiquement cette ballade anglaise sous le ciel de Memphis. Mais découvrir que cette chanson a aussi été interprétée, en 1966, par Bob Marley (1945-1981) au sein des Wailers, est autant un plaisir qu’une surprise. Rodé aux reprises de doo wop et de soul américains, le trio vocal jamaïcain enregistra, entre 1964 et 1966, une centaine de morceaux en stakhanovistes du label Studio One. Parmi ces titres, les premiers originaux de ceux qui allaient révolutionner le reggae et la musique mondiale, des reprises de rhythm’n’blues mais aussi de tubes pop comme Like a Rolling Stone, de Bob Dylan ou ce And I Love Her, gémi par Marley, sur fond de cuivres languissants. « Tell Me Why » (Lennon-McCartney), par The PunklesParfois cloués au pilori par certains punks, les Beatles et leurs refrains instantanés ont été une source d’inspiration pour beaucoup d’autres. Pas aussi excitante que les reprises que firent des groupes comme The Damned (Help !) ou Hüsker Dü (Ticket To Ride), cette version de Tell Me Why est l’œuvre d’un groupe allemand, The Punkles, originaire de Hambourg (tiens donc !), qui, dans les années 2000, s’était fait une spécialité de rejouer les chansons des Beatles à la façon des Sex Pistols. Les pseudos des protagonistes ? Joey Lennon, Captain O’Harrison, Sid McCartney et Markey Starkey. « Can’t Buy Me Love » (Lennon-McCartney), par Ella FitzgeraldExtrait de l’album Hello, Dolly ! (Verve Records), produit par Norman Granz (1918-2001) et paru en 1964, l’année même de la sortie de A Hard Day’s Night, cette version cuivrée d’une des chansons les plus vitaminées des Beatles, montre que l’immense Ella Fitzgerald (1917-1996) n’avait rien à envier en termes d’énergie et de dynamique aux gamins de Liverpool. Il est intéressant de noter que ce morceau a été particulièrement apprécié des jazzmen, puisque le pianiste et chef d’orchestre Count Basie (1904-1984), le violoniste Stéphane Grappelli (1908-1997), le guitariste John Pizzarelli ou le chanteur canadien Michael Bublé en ont aussi gravé des adaptations. « Any Time at All » (Lennon-McCartney), par Ali CampbellJohn Lennon, dans un long entretien réalisé quelque temps avant son assassinat le 5 décembre 1980 et publié dans le numéro de janvier 1981 du mensuel Playboy, avait expliqué qu’Any Time At All, qui ouvre la face B de l’album A Hard Day’s Night, était un presque décalque de la chanson It Won’t Be Long, premier titre de la face A du deuxième album des Beatles, With The Beatles (novembre 1963). La grille harmonique similaire n’a d’ailleurs pas été remise en question par quelques-uns des musiciens qui ont mis Any Time At All à leur répertoire (le groupe Blue Ash, les guitaristes Nils Lofgren et Dweezil Zappa…). Pas plus qu’Ali Campbell, qui, en revanche, mène ce rock assez basique vers le territoires du ska et du reggae. Campbell a été l’un des fondateurs et le chanteur principal d’un des groupes britanniques les plus importants de cette scène dans les années 1980 et toujours actif de nos jours, même s’il reste peu de membres de la formation dans son âge d’or. Sa reprise d’Any Time At All figure dans son cinquième album solo, Silhouette, publié par Jacaranda Limited/Cooking Vinyl en 2014, dans lequel Ali Campbell, qui avait quitté UB40 en 2008, retrouvait deux de ses anciens camarades, le rappeur-chanteur Astro et le claviériste Mickey Virtue. « I’ll Cry Instead » (Lennon-McCartney), par Raul SeixasI’ll Cry Instead a été le premier enregistrement, publié par Decca – avec Jimmy Page, futur Led Zeppelin, à la guitare – de Joe Cocker (1944-2014), quelques semaines après la sortie de A Hard Days’Night. Un échec pour le chanteur qui se rattrapera en avril 1969 avec le succès de sa reprise de With A Little Help From My Friends en studio et surtout lors de son interprétation à Woodstock, le 17 août. Mais c’est la version de Raul Seixas (1945-1989) que nous vous proposons. Dans les années 1960 et 1970, il a été l’une des figures importantes de l’essor du rock au Brésil, vedette plus ou aussi connue que certains grands noms anglo-saxons. Sa reprise country-rock d’I’ll Cry Instead combine deux de ses influences, Elvis Presley (1935-1977) et Bob Dylan, et figure dans un album posthume d’enregistrements des années 1960, notamment avec son groupe The Panthers, O Baú do Raul, publié par la division brésilienne de la compagnie phonographique Philips en 1992. « Things We Said Today » (Lennon-McCartney), sous le titre « Ces mots qu’on oublie un jour », par Dick RiversUn document culte ! Le 16 décembre 1965, la chaîne régionale du Nord-Ouest de l’Angleterre Granada Television diffuse un programme intitulé « The Music Of Lennon & McCartney » – à noter que ce sont bien les auteurs-compositeurs des Beatles qui sont mis en avant dans ce titre. Parmi les invités du groupe durant l’émission d’une cinquantaine de minutes, enregistrée les 1er et 2 novembre, les chanteuses britanniques Cilla Black, Lulu et Marianne Faithfull, le compositeur américain Henry Mancini, des membres du Liverpool Philarmonic Orchestra, le groupe, lui aussi de Liverpool, Billy J Kramer and The Dakotas, le danseur espagnol Antonio Vargas, le producteur des Beatles George Martin avec son orchestre, l’acteur anglais Peter Sellers dans une version (1925-1980) que nous avons découvert plus haut dans son interprétation mémorable de A Hard Day’s Night…Et il y a Dick Rivers. Oui notre Dick national, que McCartney et Lennon présentent en anglo-français. A notre connaissance, aucune autre gloire hexagonale n’a eu droit à cet honneur. Du coup, nous ignorerons toute autre reprise de Things We Said Today (même celle craquante de Jackie De Shannon et la bien barrée psyché de The Flow). Celle de Dick Rivers est, en plus, une adaptation en français devenue Ces mots qu’on oublie un jour enregistrée peu après la sortie de A Hard Day’s Night pour le 45-tours Je ne suis plus rien sans toi, publié à la fin de l’été 1964 par Pathé.  « When I Get Home » (Lennon-McCartney), par Tony Visconti, Lara Visconti et Alejandro EscovedoPlusieurs chansons portent le titre When I Get Home, notamment par The Searchers, Charlie Rich (1932-1995), Herman Brood (1946-2001), mais n’ont rien à voir avec cette composition de Lennon et McCartney pour les Beatles. Elle est parmi les moins reprises du groupe, en dehors de quelques formations spécialisés (cover bands) qui en proposent des versions à la lettre. C’est donc au producteur Tony Visconti (T Rex, Gentle Giant, David Bowie, Badfinger, Sparks, Thin Lizzy, The Stranglers, Rita Mitsouko, Angélique Kidjo…), par ailleurs bassiste et arrangeur, que l’on doit la seule reprise de qualité de When I Get Home. Elle n’a pas donné lieu à une vidéo vers laquelle nous pourrions renvoyer et sera donc à écouter sur le site The Beatles Complete on Ukulele, qui comme son nom l’indique propose l’intégralité du répertoire des Beatles joué sur ce petit instrument à quatre cordes. Soit « les 185 compositions originales des Beatles entre 1962 et 1970 », à l’exclusion des reprises d’autres artistes enregistrées par le groupe à ses débuts. Un projet, mené entre le 20 janvier 2009 et 31 juillet 2012, auquel ont participé autant des professionnels peu connus que des réputations. Ce When I Get Home par Tony Visconti donc, au chant, percussions, basse, flûte et ukulélé avec l’une de ses filles, Lara, au chant et avec le chanteur Alejandro Escovedo, l’un des membres d’une famille musicienne de haute réputation (les percussionnistes Coke et Pete Escovedo, avec Santana, la batteuse, percussionniste et chanteuse Sheila E avec Prince…) se révélant un délice. « You Can’t Do That » (Lennon-McCartney), par Andy EllisonDans son deuxième album, Pandemonium Shadow Show (RCA Victor, décembre 1967), Harry Nilsson (1941-1994) avait proposé un arrangement savant de You Can’t Do That. A la structure mélodique et harmonique originale, Nilsson avait ajouté des citations musicales ou des textes d’une vingtaine d’autres chansons des Beatles. Ce qui lui valu à l’époque les félicitations de Lennon, première étape d’une longue amitié entre les deux musiciens. Deux formations vocales féminines ont repris la chanson, les célèbres The Supremes en 1964 et les plus confidentielles Les Fizz, trio français des années 1960. Le groupe psyché Vanilla Fudge en a enregistré une version ouvrant vers l’improvisation instrumentale…Nous avons retenu celle du chanteur Andy Ellison, publiée en 1968 en face A d’un 45-tours publié par SNB Records, éphémère label (treize singles entre 1968 et 1969) fondé par le manager Simon Napier-Bell (The Yardbirds, Japan, Boney M, Ultravox…). La carrière plutôt culte d’Andy Ellison est notamment liée à des groupes au même statut dont Clockwork Onions, The Silence, John’s Children (qui eut son heure de gloire durant la période psyché britannique 1966-1967), Jet (post glam-rock et pre punk, 1974-1976) ou Radio Stars (new wave, 1977-1982). A noter qu’Ellison comme Nilsson a opté pour un tempo ralenti par rapport à l’original des Beatles. « I’ll Be Back » (Lennon-McCartney), par Barbara Dickson et Midge UreIl existe une poignée de versions de cette chanson, qui venait à la fin de la face B de l’album A Hard Day’s Night. Parmi lesquelles celles du chanteur britannique Cliff Richard, qui, dans les années 1960, était un sérieux concurrent des Beatles, du groupe néerlandais Golden Earring, qui a fêté son cinquantième anniversaire en 2011, de la formation vocale jamaïcaine The Paragons et de la chanteuse écossaise Barbara Dickson avec son compatriote Midge Ure. C’est avec ce duo, extrait de l’album de Dickson, Nothing’s Gonna Change My World : The Songs Of Lennon, McCartney And Harrison (Universal Music, 2006), et un traitement de ballade avec piano et violons que notre « Autour de l’album A Hard Day’s Night » trouve sa conclusion.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteStéphane DavetJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Est-ce une action préméditée, un malin pied de nez improvisé ou un acte manqué ? Les photos publiées par la ministre de la culture sur ses comptes Instagram et Twitter dans la soirée du lundi 16 mars, lors de l’inauguration de l’exposition « Bonnard. Peindre l’Arcadie », au Musée d’Orsay, ont en tout cas fait voler en éclat une petite exception culturelle.Superbe exposition Bonnard au @MuseeOrsay (en avance sur la #MuseumWeek) http://t.co/vLQ2x298dO— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Bonnard vivant à OrsayLes visiteurs étaient, jusqu’ici, confrontés à deux injonctions contradictoires au Musée d’Orsay : il leur était formellement interdit d’y prendre des photos des œuvres, alors même que depuis l’été, la charte « Tous photographes » était censée être respectée par toutes les institutions muséales nationales.Ce texte, qui vise à favoriser, tout en l’encadrant, « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments », est une réponse du ministère face aux utilisateurs des réseaux sociaux. En acceptant cet appétit pour le partage de photos, les musées sont en retour censés bénéficier d’une publicité mondiale et gratuite. Or, le Musée d’Orsay faisait jusqu’ici exception, étant la seule grande institution muséale à refuser d’appliquer la charte.« Aucun privilège ! »Les photographies y sont en effet proscrites depuis six ans. De 2009 à 2011, de grands travaux avaient conduit l’institution parisienne à prendre cette décision pour faciliter la circulation des visiteurs dans des espaces amputés d’un tiers. Puis l’interdiction avait continué à être appliquée « par confort », avait récemment expliqué au Monde le musée .Ce soir d’inauguration, Fleur Pellerin a donc reproduit un geste qu’elle effectue chaque jour : poster des photos de ses activités ministérielles… mais en bravant les panneaux d’interdiction de photographier omniprésents dans le musée. Une liberté qui n’aura pas échappé aux plus observateurs de ses « followers » (quelque 220 000 internautes la suivent sur Twitter, près de 3 000 sur Instagram). Et notamment Bernard Hasquenoph, qui tient le blog « Louvre pour tous », poil à gratter des institutions muséales où il milite depuis longtemps pour la liberté de prendre des photos dans les musées.Prise en porte-à-faux, la ministre a répondu par tweets à l’accusation de « passe-droit » en rappelant l’existence de la charte « Tous photographes », publiée par le ministère de la culture en juillet 2014, juste avant sa nomination (qui date de la fin août) :@louvrepourtous @MuseeOrsay aucun privilège ! Je ne fais qu'appliquer la charte "Tous photographes" du @MinistereCC http://t.co/y4k1h6J0xm— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);L’initiative, calculée ou inopinée, et le choix de la ministre de placer la charte au-dessus de la réglementation du musée, auront en tout cas été décisifs. Dès mercredi matin, une note interne était diffusée « à la demande de la ministre de la culture et de la communication » : « Le président des musées d'Orsay et de l'Orangerie [Guy Cogeval] a pris la décision de lever l’interdiction de photographier dans les espaces des deux musées. Cette décision est applicable immédiatement. »Celle-ci reste assortie de certaines conditions : « L’usage du flash, des “perches à selfies” et des trépieds reste cependant proscrit. Des restrictions peuvent aussi être prévues dans les expositions temporaires à la demande des prêteurs. Une modification du règlement de visite en ce sens sera présentée aux prochains comité technique et conseil d’administration. Des réunions d'information à l'intention des équipes postées seront organisées rapidement à ce sujet, pour une bonne application de la charte “Tous photographes”. »« On a gagné », lançait dans la foulée Bernard Hasquenoph sur son compte Facebook. « Merci à Instagram », répliquait également sur le réseau social André Gunthert, enseignant-chercheur à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et spécialiste de la photographie et de l’histoire visuelle.Lire également : La « perche à selfie » bannie du château de VersaillesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.03.2015 à 11h53 • Mis à jour le19.03.2015 à 17h26 | Stéphanie Binet Kendrick Lamar avait minutieusement préparé son retour. Mais le jeune prodige du rap américain a dû publier son troisième album, To Pimp a Butterfly, une semaine plus tôt que prévu – la date de sortie initiale était fixée au lundi 23 mars. La version « propre » de l’album (c’est-à-dire expurgée des grossièretés), destinée aux radios, a été diffusée aux Etats-Unis sur les sites de téléchargement payants, dimanche 15 mars.Ce bousculement de calendrier a suscité une réaction énervée du représentant du rappeur, Anthony Tiffith, qui s’est emporté sur Twitter contre son distributeur, Interscope, à l’origine semble-t-il de la fuite : « Je remercie personnellement Interscope d’avoir saboté notre lancement, écrit-il. Quelqu’un doit payer pour cette erreur. » Que ce dernier en soit remercié, au contraire : l’album vient de battre le record d’écoutes sur Spotify en une journée – 9,6 millions de lectures sur le site de streaming lundi 16 mars.Ce troisième disque de Kendrick Lamar est une délivrance, un électrochoc, un éclairage honnête sur les centres urbains américains. A 27 ans, Kendrick Lamar, protégé de Dr. Dre, revient s’ancrer sur son territoire, Compton, après avoir enjambé les frontières géographiques et stylistiques avec son précédent, Good Kid, M.A.A.D City.De fait, To Pimp a Butterfly s’inscrit dans une double actualité. 2015 marque le cinquantième anniversaire des émeutes de Watts, à Los Angeles : en août 1965, ce quartier au nord de Compton s’était rebellé contre les violences policières. 2015 est aussi l’année qu’ont choisie les N.W.A. (Niggaz With Attitude), groupe fondateur du gangsta rap auquel appartient Dr. Dre, pour sortir Straight Outta Compton, le film retraçant leur histoire.Kendrick Lamar, qui a grandi à Compton, plus que jamais infesté par les gangs et plombé par un système éducatif en panne, est hanté par ces questions, évoquées au fil des seize morceaux de l’album : « Comment dans l’Amérique d’Obama, peut-on encore laisser des jeunes Noirs s’entretuer ? Comment se plaindre des violences policières et passer celles-là (des gangs, ndlr) sous silence ? » Contrairement à la majorité des rappeurs américains de ces dernières années, Kendrick Lamar ne veut plus se perdre dans des conflits d’ego. Il s’engage, quand la tendance est plutôt à l’hédonisme, et nomme les gangs – les Crips, les Pirus… – qui minent son quartier. Pochette signée Denis RouvreLa pochette de l’album est le premier choc. Réalisée par le photographe français Denis Rouvre, 3e prix du World Press 2012, elle place, sur la pelouse de la Maison Blanche, les copains de Kendrick Lamar, tatoués, alcoolisés, hilares, des billets de banque en mains, assis sur un juge : manière de pointer tous les magistrats qui détiennent des parts dans les prisons de Californie, premier état pénitentiaire en Amérique.Le deuxième choc est esthétique. Plutôt que de suivre les rythmes syncopés du rap américain, Lamar revisite le jazz, le funk, la soul, le spoken word. Le premier titre, Westley’s Theory, produit par Flying Lotus, pose la couleur musicale de l’album : jazz et p-funk, ce genre inventé à la fin des années 1970 par George Clinton, d’ailleurs invité sur le morceau. Les différents compositeurs du disque (Sounwave, Terrace Martin, Love Dragon, Pharrell Williams…) creusent cette veine rétro.For Free? s’inspire des orchestres de jazz qui jouaient le long de Central Avenue, à Los Angeles, où les proxénètes inventèrent cette fameuse tchatche qu’imitera par la suite Ice T. King Kunta, avec ses cloches, sa basse entêtante et ses chœurs féminins, est un clin d’œil aux rappeurs locaux, DJ Quik ou Suga Free. Les chanteurs Bilal, Thundercat et Ronald Isley, des Isley Brothers, restituent la soul californienne des années 1960 et 1970, qui tourne en boucle sur nombre d’autoradios du coin. Lamar traverse aussi l’histoire de la musique américaine, du blues au hip-hop : la rage des Last Poets, l’urgence cynique des N.W.A., la dextérité de Jurassic 5 ou de The Pharcyde.Fantômes de Nelson Mandela et de 2PacA partir de la moitié de l’album, le discours de Kendrick Lamar se densifie avec Hood Politics et How Much a Dollar Cost?, où il raconte son trouble face à un SDF. Il s’en prend à lui-même, à ses semblables et à tous ceux qui veulent mettre fin à sa culture dans The Blacker The Berry, rappelant ses propres contradictions : Lamar célèbre le mois de l’histoire afro-américaine en février, regarde les chaînes de télévision communautaires, mais accepte que des jeunes Noirs se fassent tuer dans des rivalités entre gangs à côté de chez lui.L’album se termine avec Mortal Man, où le chanteur invoque les fantômes de Nelson Mandela et de 2Pac. Tuée par balles en 1996, l’icône du gangsta rap, de son vrai nom Tupac Shakur, est ici ressuscitée. Kendrick Lamar a exhumé une de ses interviews et pose à ce fils d’une Black Panther les questions qui le taraudent depuis le début de l’album. La conversation est saisissante de réalisme.C’est là tout le mérite et la force de To Pimp a Butterfly : redonner vie à un rap engagé socialement et politiquement, reconnecter cette musique populaire avec le quotidien des gens qui l’ont vue naître et avec la tradition musicale de sa communauté, puis inscrire dans l’histoire de la révolte afro-américaine toute une génération qui avait perdu ses repères. 2015 sera aussi l’année Kendrick Lamar.To Pimp a Butterfly, 1 CD Interscope. www.kendricklamar.com et www.facebook.com/kendricklamarStéphanie BinetJournaliste au Monde Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, le premier disque des Beatles exclusivement composé de chansons originales.Contrairement à Elvis, les Beatles n'ont pas vécu leurs expériences cinématographiques comme un renoncement ou une régression artistique. Formidables chambres d'écho de leur popularité et supports de l'affirmation de leurs identités, collective et individuelles, leurs deux premiers films – A Hard Day's Night et Help !, réalisés par Richard Lester –, ont aussi témoigné, et peut-être motivé, de constants progrès musicaux. Tourné en noir et blanc, en mars et avril 1964, Quatre ­garçons dans le vent (le titre français de la production) ­rassemble, sur le mode d'un documentaire fantaisiste, une suite de vignettes inspirées des journées du groupe, rythmées par l'hystérie collective de la Beatlemania.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « A Hard Day’s Night »Servi par l'humour et la modernité de Lester, jeune Américain expatrié en Grande-Bretagne, le film – sorti le 6 juillet 1964, avec un immense succès – entre en parfaite résonance avec la joie de vivre et l'irrévérence des Fab Four. John Lennon traverse alors une période incroyablement prolifique. Auteur principal de dix des treize morceaux du premier disque des Beatles à ne contenir que des chansons ­originales, il se surpasse dans la chanson-titre. Et cela même si c'est à Ringo Starr que l'on doit l'expression « A hard day's night » (équivalant à un « vivement demain matin qu'on se couche »), qui donnera son nom au film.Premier vrai chef-d'œuvre des BeatlesAutre apport essentiel, un accord d'introduction joué à la douze-cordes par George Harrison dont l'éclat étrange promet l'excitation du film et de l'album, autant que le basculement d'une époque.Si Lennon s'affirme leader de ce premier vrai chef-d'œuvre des Beatles à l'ardeur très rock, ce sont les trois chansons de Paul McCartney qui sont toutes devenues des classiques. A la croisée des morceaux de Buddy Holly et des hits de Motown, l'euphorisant Can't Buy Me Love sera le cinquième 45-tours des Beatles à atteindre le sommet des meilleures ventes dès sa sortie. La déclaration amoureuse de And I Love Her prouvait déjà un don mélodique amplifié par le spleen, quand Things We Said Today jouait d'un contraste entre urgence et mélancolie, annonciateur de la période Rubber Soul.Stéphane DavetJournaliste au Monde Frédéric Potet Que ce soit dans ses livres publiés aux éditions Buchet-Chastel et aux Cahiers dessinés (Un Argentin à Paris, L’Air du temps) ou sur le blog qu’il a ouvert en juillet 2014 sur le site du Monde, Micaël n’a pas son pareil pour tourner en dérision les milieux culturels et bobos. Peintres maudits en quête de mouvement à créer, écrivains à l’ego trop grand pour tenir dans un format poche, visiteurs de musée se flattant à voix haute de leur snobisme… Nul n’échappe à l’humour faussement blasé de ce dessinateur argentin, né en 1982 à Paris, où il est revenu vivre voilà quelques années.Nourri aux mamelles de l’ironie distanciée façon Sempé ou Bretécher, ce fils de psychanalystes serait à ranger dans la catégorie des contempteurs féroces des mœurs de notre époque si son dessin, à la fois gracile et géométrique, ne diffusait une impression de profonde nostalgie.Chaque année, Micaël – de son vrai nom Micaël Queiroz – attend avec impatience le Salon du livre de Paris, moins pour sa programmation (le Brésil est le pays à l’honneur en 2015, et Cracovie et Wroclaw les villes invitées) que pour son casting renouvelé de romanciers, d’éditeurs, d’attachées de presse, d’agents littéraires…Il nous a spontanément envoyé une série de six dessins que nous vous offrons ici même. Un régal de détachement. Lire l’article d’Yves Frémion à propos de Micaël sur le blog BD du Monde, Les Petits Miquets.L’Air du temps, le blog de Micaël.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Matthieu Vaillant Gabriele Finaldi, actuel directeur adjoint du Musée du Prado à Madrid, a été nommé, mercredi 18 mars, directeur de la National Gallery de Londres. A 49 ans, il succède à Nicholas Penny, qui avait annoncé sa retraite durant l'été 2014. Gabriele Finaldi devrait, quant à lui, prendre ses fonctions le 17 août.Cet historien de l'art, né de parents anglo-italiens et lui-même citoyen britannique, a été choisi parmi cinq candidats internationaux, dont Axel Rüger, directeur du Musée Van Gogh d'Amsterdam, ou Luke Syson, conservateur de la sculpture européenne et des arts décoratifs au Metropolitan Museum of Art de New York.Gabriele Finaldi n'est pas étranger à la National Gallery : entre 1992 et 2002, il a travaillé en tant que conservateur des collections espagnole et italienne au sein du prestigieux musée londonien. En 2008, année de la nomination de Nicholas Penny, Gabriele Finaldi était déjà pressenti.Nouveau mouvement social de cinq joursDans un communiqué publié sur le site officiel de la National Gallery, Gabriele Finaldi s'est dit « profondément honoré » par sa nomination à la tête de la National Gallery, une « collection de classe mondiale » dans une « ville de classe mondiale ».L’institution est actuellement secouée par un conflit opposant la direction à ses employés, qui craignent une privatisation qui aurait pour conséquence le remplacement des deux tiers des salariés par des prestataires externes. Le personnel s’était mis en grève début février, et appelle la direction à reconsidérer sa position. Un nouveau mouvement social de cinq jours est prévu, du 24 au 28 mars.Grève à la National GalleryMatthieu Vaillant Laure Belot C'est une initiative culturelle spontanée, mondiale et fulgurante, à l'image du XXIe siècle numérique. Le « projet Mossoul » est un musée virtuel en construction pour réagir à la barbarie des destruction d’œuvres d’art assyrien du musée irakien de Mossoul. Ce projet en 3D, lancé en ligne le 8 mars, en appelle à la foule des internautes. Il s’agit d’obtenir tout autant des images des œuvres qui étaient exposées au musée que de l'aide en ligne provenant d'experts en patrimoine ou en programmation informatique. Depuis le lancement, l'audience et les contributions extérieures ne cessent de grimper sur le site grâce à un marketing viral planétaire. Retour avec Matthew Vincent et Chance Coughenour, les deux archéologues – bénévoles – à la manœuvre, sur les deux premières semaines de ce projet inédit.26 février. Sur la page Facebook du réseau européen de chercheurs en e-patrimoine Initial Training Network for Digital Cultural Heritage (ITN-DCH) apparaissent les terribles images des destructions dans le musée irakien. « Nous avons réagi en ligne et nous nous sommes dit qu'il fallait faire quelques chose », racontent de concert Matthew Vincent et Chance Coughenour, qui se trouvent alors, pour le premier, à l'université de Murcia (Espagne), pour le second, à l'université de Stuttgart (Allemagne). Le coordinateur du réseau ITN-DCH, Marinos Ioannides, alors face à son écran à Limassol depuis le département informatique de l’Institut de technologie de Chypre, les encourage. Il est alors décidé que le réseau ITN-DCH, financé sur fonds européens, hébergera le futur site.28 février. Les principales instances internationales, de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) au Conseil international des monuments et des sites (Icomos), sont contactées « pour vérifier qu'aucune de ces organisations ne s'opposent à la démarche », expliquent les chercheurs. Ces deux archéologues envoient également des messages à leurs communautés scientifiques respectives (Matthew Vincent travaille majoritairement sur la zone jordanienne, Chance Coughenour sur la zone mésoaméricaine). « De tous les côtés, les retours ont été excellents. Certains nous demandent d’ailleurs d'étendre le projet à d'autres zones de destruction », expliquent-ils.8 mars. Le lancement officiel du site se fait « après un week-end intense de travail », reconnaît Matthew Vincent. Dès la mise en ligne, « nous avons très rapidement reçu des photos qui ont été prises avant la fermeture du musée en 2003 », note Chance Coughenour. La surprise est encore plus forte lorsque ces chercheurs reçoivent des informations indirectes venant de la zone même de Mossoul. « Certaines personnes directement en contact avec d'anciens employés du musée nous ont fait confiance et nous ont contactés. Ce canal devrait être précieux pour pouvoir authentifier et trier les photos que nous recevons. » Quelques jours après le lancement, une première œuvre d'art en 3D – « assez sommaire », précisent les chercheurs – est mise en ligne, Le Lion de Mossoul.16 mars. Le projet de musée virtuel utilise le « viewer 3D » de la strat-up Sketchfab fondée par Alban Denoyel à New York. « Nous avons vu monter le trafic sur ce site et avons été séduits par ce projet », explique le dirigeant. Cette société, qui veut devenir le Youtube des images en 3D et qui est notamment utilisé par le British museum pour visualiser sa collection, anime une communauté de milliers de chercheurs utilisant ses services. Le dirigeant fait alors passer l'information à ses contacts, dont Le Monde, le 17 mars.17 mars. « Le retour est incroyable et inespéré, constatent les deux archéologues, qui continuent leur travail académique parallèlement à ce projet. Notre audience en ligne a doublé ces dernières 24 heures. » Un compte Twitter est créé dans la foulée.Attendent-ils un soutien matériel d'une institution ? « Nous avons surtout besoin de la communauté mondiale en ligne pour faire avancer ce projet, expliquent-ils. Nous avons notamment un besoin pressant de codeurs et d'experts en photogrammetrie [capables de reconstituer les œuvres en trois dimensions] pour nous aider à faire de ce musée une réalité. » Le message est passé.Laure BelotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pauline Croquet Le charme du mantra six seasons and a movie (« six saisons puis un film »), à de nombreuses reprises répété dans la série, a bien failli être rompu. Mais la saison 6 de « Community » est bel et bien là, diffusée à compter du mardi 17 mars sur la plate-forme de streaming Yahoo! Screen, après avoir été déprogrammée par la chaîne américaine NBC.Le studio Sony Pictures Television, qui produit la série, avait annoncé courant juin que Yahoo! avait acheté un volet de 13 épisodes de vingt minutes, dévoilés à raison d'un épisode par semaine. Peu avant, c'est une autre plate-forme américaine, Hulu, qui avait manifesté son intérêt.« Community » relate les aventures d'étudiants à l'école de la deuxième chance dans une université publique de seconde zone (community en anglais) : le Greendale College. Des destins croisés à l'heure de constituer un groupe de révision. Il y a l'avocat beau-gosse déchu, la mère au foyer-grenouille de bénitier, l'ancienne première de la classe, l'activiste feignante, le retraité plein aux as et disciple d'une secte, le quaterback blessé avant d'avoir pu briller et Abed, un fan de cinéma atteint du syndrome d'Asperger.« Cool cool cool »A la fois régressive et jusqu'au-boutiste, la série repose sur des histoires loufoques et de très solides références à la culture geek comme à la pop culture anglo-saxonne : avec par exemple cet épisode entièrement réalisé à la façon du dessin animé GI Joe (saison 5) ou d'épiques batailles de paintball, tournées dans la tradition du film d'action.A l'instar du « cool cool cool », tic de langage d'Abed, mais aussi du « pop pop » d'un autre élève, Magnitude, « Community » instille de puissants runnings gags et des répliques ritournelles. Peut être plus que la normale. Les fans de la série – ils sont nombreux – parlent d'un véritable « sauvetage » de la part de Yahoo! qui, en se payant « Community », désormais boudée par la télé, étoffe toutefois son offre de contenus exclusifs à destination de ses abonnés. La série a pourtant failli disparaître des écrans à plusieurs reprises. Une menace qui a d'ailleurs nourri le scénario, l'université où se déroule l'intrigue étant souvent à deux doigts de la fermeture. La toute première bande-annonce de la nouvelle saison adresse d'ailleurs un clin d'œil : « Vous avez essayé de nous détruire, mais vous n'avez fait que nous rendre encore plus géniaux. »ManifestationC'est sans nul doute la persévérance des fans, comme celle des acteurs de la série, qui aura fini de convaincre. La longue liste de tweets répertoriée sous le hashtag #savecommunity, pour ne citer que lui, donne un aperçu de la mobilisation et de l'engouement autour de la série.« Nous savons qu'il y aura une saison 6 sinon vous allez probablement débarquer avec des fourches et des torches », avait plaisanté Joel Mc Hale, qui interprète Jeff, l'un des personnages principaux, lors du dernier festival de Paley en Californie.Le 9 mai dernier, NBC avait en effet décidé d'annuler la série, à l'occasion des « upfronts », la présentation aux annonceurs publicitaires de la grille des programmes pour l'année suivante. Malgré sa grande communauté de fans, très mobilisée sur le Net, la série n'arrivait pas à toucher un public assez large. Le tout premier épisode, diffusé aux Etats-Unis en septembre 2009, avait réuni près de 8 millions de téléspectateurs. Le « repilote » – c'est son titre – de la 5e saison en a réuni 3,5 millions en janvier 2014. Diffusé à la même heure sur une chaîne concurrente, un épisode de « The Big Bang Theory », lui, peut réunir jusqu'à 20 millions de téléspectateurs.Fin 2011, alors que la série était déjà menacée d'annulation, les défenseurs de « Community » avaient montré qu'ils étaient capables de se mobiliser, par exemple en allant manifester devant le siège de NBC, au Rockfeller Center à New York.Le casting lui aussi a pris la défense de la série. Donald Glover, qui mène par ailleurs une carrière de rap sous le pseudonyme Childish Gambino, s'était fendu d'un tendre appel à l'aide sur MTV, qui n'était pas sans rappeler le caractère de son personnage, Troy.Une nouvelle saison avait donc été confirmée, mais déplacée au vendredi soir, le placard des tranches horaires outre-Atlantique. Et la saison 4 se fera sans Dan Harmon, le créateur de la série. Ce génie – mais aussi grande gueule – entretenait des relations toxiques avec l'acteur Chevy Chase, qui incarne Pierce, et les responsables de Sony.Le scénariste, un « bébé égoïste »En 2013, The Hollywood Reporter consacre un grand article à Harmon, confirmant la personnalité décalée du scénariste, mais aussi son caractère ingérable. Lui-même se qualifie de « bébé égoïste ». « Avec ces 13 épisodes supplémentaires, “Community” va atteindre la barre des 80 épisodes, aujourd'hui suffisante pour la syndication, cette rediffusion sur les chaînes locales qui assure la rentabilité d'un programme », expliquait à l'époque le journaliste Pierre Langlais.Là encore, la pugnacité des spectateurs, qui considèrent que l'âme du show s'est perdue dans la saison précédente, mais aussi celle de Joel McHale, l'acteur principal, permettent à Harmon de revenir travailler sur la saison 5. McHale avait déclaré à l'époque : « La série est dans le cerveau de Dan et il est de loin la seule personne qui puisse la faire. » Cette avant-dernière saison essuie toutefois un revers avec le départ de Donald Glover.Une série blesséeC'est donc partiellement remise de ses blessures que « Community » se relance ce mardi aux Etats-Unis. Après Donald Glover et Chevy Chase, Yvette Nicole Brown (Shirley) n'apparaîtra plus dans la série. Paget Brewster (ancien agent dans « Esprits criminels ») et Keith David, tenteront de combler le vide laissé. Parmi les personnages secondaires, le retour de l'humoriste John Oliver en professeur alcoolique est envisagé. Ken Jeong, par ailleurs révélé dans la saga des Very Bad Trip, figure également au casting.Que les fans se rassurent : la saison 6 aura son épisode paintball comme de coutume. Harmon entend rester fidèle aux piliers narratifs de la série mais aussi remuscler son show.Avec toutefois un très grand défi à relever : atteindre le pallier de la sixième saison… et un film. Pour ce qui est de la diffusion en France, difficile encore de dire si la chaîne Numéro 23, qui propose la série sur sa grille depuis 2012, s'offrira également cette dernière saison.Pauline CroquetJournaliste au Monde Asaf Avidan (Auteur-compositeur-interprète) Alors qu’il préparait sa tournée européenne, Asaf Avidan, rock star israélienne (35 ans), a été suivi à Tel-Aviv par la journaliste du Monde Stéphanie Binet. Au cours d’entretiens, dans le contexte de la campagne électorale pour le renouvellement du Parlement israélien, la Knesset, il a notamment déclaré : « Je ne me considère pas comme israélien » et « ce qui nous maintient ensemble [les Israéliens], c’est notre peur. C’est ça Israël : nous sommes le peuple traqué. Cela occupe toutes nos conversations. Voilà pourquoi je ne veux plus vivre ici ».  A propos de l’incitation du premier ministre de son pays, Benyamin Nétanyahou à ce que les juifs de France émigrent en Israël, Asaf Avidan a parlé d’« opportunisme électoral ». Ces propos ont été repris par la presse et les médias israéliens ainsi que sur Internet. L’artiste précise ici son point de vue.Asaf Avidan, rockeur traqué, de la crête aux pieds« Ces six dernières années, chaque fois que j’ai donné une interview à la presse étrangère, j’ai essayé d’être raisonnable et pondéré dans mes propos. Je n’apprécie pas les personnes qui utilisent l’appétit de la presse étrangère pour les déclarations percutantes contre Israël comme moyen d’attirer l’attention. Je n’ai aucun problème avec les opinions personnelles de chacun, mais je sais que la presse aime à les exagérer, à s’en saisir pour ensuite les déshabiller et les exhiber, et cela me paraît mesquin. Il me semble que cela dégrade l’important, qui est la création et l’art. Et c’est la seule chose que je tente de présenter.Par conséquent, dans chaque entretien que j’ai donné, depuis le début, j’ai toujours dit… Je ne suis pas « un artiste israélien »… je suis « un artiste d’Israël ». Je n’essaye pas de représenter Israël. Je ne suis pas un politicien. Je ne suis pas un diplomate. Et, en tant que fils de diplomates, je n’ai jamais souhaité en être un. « Je n’ai su faire le récit que de moi-même » (vers issu d’un poème de Rachel Blaustein [Poétesse de langue hébraïque, 1890-1931]).Et tout en sachant combien cela sonne narcissique, c’est la seule chose qui m’intéresse. Cette interminable introspection. Ces questionnements, qui suis-je, que suis-je, quels sont mes sentiments et émotions, quelles sont mes pensées… C’est l’essence de ma création.Frontières imaginairesDonc, quand quelqu’un me demande si je suis israélien… je dois être complètement honnête et dire que cela ne m’intéresse pas. Au fond, ce ne sont que des frontières imaginaires que nous avons dessinées. Ce n’est pas que je ne crois pas en un pays en tant qu’unité socio-politique qui a besoin d’exister. Je ne veux pas remonter le temps à l’ère des royaumes ou à l’époque des conflits perpétuels entre tribus. Le pays a une importance. Et je ne fuis pas les droits et les devoirs que le pays spécifique où je suis né m’a donnés.Simplement, je ne me définis pas comme israélien. Parce que c’est une déclaration sans substance. Il y a tellement de types de personnes, de couleurs, d’opinions, de personnalités, de cultures à l’intérieur de ce pays, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire que je ne sois pas israélien. Je suis un être humain. Homo sapiens. Je suis d’« Israël ». Et je n’ai jamais dissimulé ce fait. Je n’ai pas changé mon nom ou caché mon identité. Même dans les situations où ce n’était pas toujours plaisant. C’est là d’où je viens. Pour le meilleur et pour le pire.Mais le fait que je sois né là ne veut pas dire que je dois y mourir. Ne me force pas à y passer chaque instant de ma vie, ne me force pas à avoir chaque respiration que j’ai sur cette planète à l’intérieur d’une seule et même partie de la Terre aux frontières imaginaires. Je veux vivre un peu en Italie. Pourquoi ? En quoi cela vous concerne ? Parce qu’il y a là-bas de bons mets et de bons vins. Et d’immenses plaines qui coûtent le prix d’une boîte de chaussures à Tel Aviv. Et parce qu’il y a là-bas du calme.Me retrouver dans la natureJ’ai travaillé dur ces dernières années, j’ai économisé chaque shekel, dollar ou euro qu’il m’est resté après avoir payé mes impôts (impôts israéliens d’ailleurs) et, au bout du compte, j’en suis venu à pouvoir acheter une maison. J’aurais pu acheter un trois pièces à Jérusalem ou à Tel-Aviv, mais j’ai décidé de ne pas le faire. Certaines personnes auraient choisi d’acheter une propriété à Berlin, d’autres auraient emménagé à la campagne, j’ai décidé autrement.Je veux construire un studio d’enregistrement au milieu de nulle part et créer en paix. Attaquez-moi en justice ! En quoi cela vous concerne où je dors quand je ne suis pas en tournée ? De toute façon, les 80 % du temps je dors dans de mauvais hôtels sur différents continents. En quoi cela vous blesse ? Les quelques jours de vacances que j’ai dans l’année, j’ai envie de me retrouver dans la nature, avec arbres et ciel à perte de vue, avec de la bonne nourriture et de bons vins et une nouvelle langue à apprendre… c’est ce que je ressens… Je ne quitte pas le pays. Je ne change pas ma citoyenneté ou bien mon lieu de résidence, et je continue de payer mes impôts en Israël. Je continuerai de venir en Israël autant qu’avant. Rien n’a changé.Bref… Pour vous tous qui avez déjà jeté mon album par la fenêtre, vous êtes cabrés et avez pointé du doigt furieusement des cartes, vous n’avez pas à me reprendre dans votre cœur ou à me remettre sur votre étagère. Si cela suffit à vous faire passer de l’appréciation à la haine, alors peut-être qu’il en est mieux ainsi. »Asaf Avidan (Auteur-compositeur-interprète) 27.03.2015 à 18h46 • Mis à jour le27.03.2015 à 22h13 | Emmanuelle Jardonnet Le ministère de la culture italien a présenté, vendredi 27 mars lors d’une conférence de presse, trois œuvres exceptionnelles sur lesquelles les services de gendarmerie dédiés aux trafics de biens culturels ont récemment mis la main. Il s’agit d’un tableau cubiste de Pablo Picasso, d’une statue de marbre datant de l’antiquité romaine et d’une toile du peintre baroque italien Luca Carlevarijs.Dans chacun des cas, les œuvres étaient sur le point d’être illégalement exportées, comme l’explique le ministère dans un communiqué. « D’une extraordinaire valeur artistique », ces trois œuvres issues de trois périodes très différentes de l’histoire de l’art sont estimées de façon cumulative à 30 millions d’euros. Voici quelques informations sur leur itinéraire.Un Picasso « offert » en échange d’un petit service Le tableau, dont le ministère indique que l’on avait « perdu la trace », est intitulé Violon et Bouteille de Bass, et date de 1912, ce qui correspond à la période cubiste du peintre espagnol. Le parcours de ce tableau estimé à 15 millions d’euros est pour le moins surprenant.Ce sont les démarches effectuées par un retraité de Rome pour le mettre en vente chez Sotheby’s qui ont éveillé les soupçons des enquêteurs. La valeur annoncée de cette petite toile de 54 x 45 cm – 1,4 millions d’euros – leur a semblé étonnamment faible pour une œuvre de Picasso. Aussi les carabiniers ont décidé la saisir pour enquêter.Le propriétaire, un ancien encadreur, a expliqué avoir reçu ce tableau en cadeau en 1978 de la part d’un vieux monsieur qui souhaitait le remercier d’avoir réparé gratuitement le cadre brisé dans lequel il conservait la photo de son épouse décédée. Cette œuvre, « l'artisan l’a gardée pendant trente-six ans, sans précautions particulières, jusqu’à ce qu’il découvre par hasard » qu’elle pouvait être attribuée à Picasso, selon le communiqué.L’évaluation technique réalisée par le CNR, le Conseil national de la recherche italien, a établi qu’elle est effectivement attribuée à Picasso et qu’elle est répertoriée dans le catalogue Zervos, édition de 1961 , sans aucune information sur son propriétaire de l’époque. Une enquête plus approfondie doit déterminer avec certitude son origine.Une sculpture rarissime excarvée clandestinement La statue romaine remonterait au IIe ou au IIIe siècle, et sa valeur est estimée à quelque 8 millions d’euros, selon les médias italiens. Cette œuvre extrêmement rare dans sa forme et dans son état de conservation, représente le dieu Mithra sacrifiant le taureau primordial. Deux statues de la même époque et portant sur ce thème sont visibles au British Museum et au musée du Vatican.La statue a été découverte à bord d’une fourgonnette de location prise en filature par les carabiniers. L’intervention faisait suite à la surveillance et la reconstitution d’un réseau criminel dans les zones archéologiques de Rome et de l’Etrurie méridionale (le nord du Latium, le sud de la Toscane et l’Ombrie). Le fourgon a été repéré alors qu’il était escorté par une moto et une Smart. Les carabiniers l’ont arrêté et contrôlé à Fiumicino, connu pour être un carrefour de circulation de biens issus de fouilles clandestines. Dissimulée sous des plantes et une bâche a été découverte une sculpture de marbre représentant Mithra.L’opération a conduit à l’arrestation, pour recel, du conducteur. Les personnes à bord des autres véhicules ont réussi à s’échapper. L’enquête a permis d’établir que l’œuvre partait pour la Suisse afin d’être mise en vente sur des réseaux internationaux clandestins.La statue, recouverte de concrétions terreuses, avait été excavée lors de fouilles illégales dans une zone peuplée à l’origine par des Etrusques, à Tarquinia, à environ 90 km au nord-ouest de Rome, un site archéologique de la région du Latium. Dans une des zones de fouille ont été retrouvés deux éléments de marbre liés à l’iconographie mithriaque, un chien rampant et une tête de serpent, qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble. Le ministère se félicite de cette identification, qui a permis de recontextualiser le chef-d’œuvre, permettant ainsi d’effectuer des analyses scientifiques importantes. « La Surintendance pour le patrimoine archéologique de Rome a estimé que l’ensemble sculptural revêt un intérêt historique et archéologique extraordinaire », explique le ministère.Une peinture du XVIIe siècle volée en 1984 En septembre 2014, à Milan, lors d’une perquisition à la résidence d’un courtier en art soupçonné de recel et de l’exportation illégale d’un important tableau identifié aux Etats-Unis, ont été trouvées 190 photos de peintures. S’appuyant sur la base de données mondiales des œuvres d’art volées, les enquêteurs ont ainsi pu identifier une huile sur toile du XVIIe siècle représentant la vue Piazza San Marco à Venise, attribuée à l’artiste Luca Carlevarijs (1663-1730).Cette toile de 122 x 59 cm avait été volée en 1984 à Rome dans la maison d'un collectionneur privé. Les autorités ont révélé que le tableau avait été confié par un collectionneur au marchand pour qu’il en assure la vente.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Ridet (Rome, correspondant) La silhouette reste élancée, mince, sèche. L’habit noir comme il se doit. Le cheveu légèrement teint. Phil Manzanera, 64 ans, né Philip Geoffrey Targett-Adams à Londres, il y a 64 ans, a été pendant dix ans le guitariste du groupe de art rock (ou glamrock pour certains), Roxy Music, fondé par Brian Ferry et Brian Eno. Anglais par son père, colombien par sa mère, il n’en finit pas d’explorer le métissage de ses origines et de sa musique. Ayant vécu à Cuba, à Hawaï, au Venezuela, il sait faire jongler salsa, rock’n’roll et meringue.Comme si cela ne suffisait pas, il a appris récement qu’un de ses grands-pères, musicien à Londres au début du siècle dernier, était originaire de Naples. Une influence de plus. Qu’il va pouvoir développer à sa guise en devenant Maestro Concertatore, autrement dit directeur musical du 18e festival La nuit de la tarentelle, du 4 au 22 août, dans les Pouilles. Un événement dont le concert final, à Melpignano (2 000 habitants) attire chaque année 150 000 personnes ferventes, entre bougeotte et transe. La tarentelle est une danse censée imiter et/ou conjurer les effets de la morsure d’une tarentule.Orchestre de 90 musiciens« Je n’en avais jamais entendu parler, avoue le guitariste, de passage à Rome, vendredi 27 mars pour rencontrer la presse. J’ai commencé à écouter la pizzica [la musique très rythmée qui accompagne les danseurs]. Je suis tombé sous le charme. J’ai tout de suite donné mon accord aux organisateurs. » « Et puis, ajoute celui qui a produit aussi bien Steve Winwood, John Cale ou le Pink Floyd tardif, comment résister à l’honneur d’être appelé  Maestro ? » Un honneur qu’ont connu avant lui Stewart Copeland, le batteur de Police, le compositeur Goran Bregovic ou le pianiste Ludovico Einaudi.Le guitariste va devoir faire travailler l’orchestre de 90 musiciens à raison de quatre jours par mois jusqu’à l’ouverture du festival. Il dit vouloir, à cette occasion, lancer un pont entre la Pizzica, dont les origines se confondent avec celles de la Grèce antique, et les musiques d’Amérique latine qu’il connaît bien. « Mêler les cultures aide à savoir d’où l’on vient  ».Identité ouverteLe métissage est justement le credo de cette manifestation devenue une des plus populaires d’Europe, comme l’a rappelé le président du conseil régional des Pouilles, le charismatique et atypique Nichi Vendola (communiste, catholique, militant homosexuel et discoureur logorrhéique) qui achève son deuxième et dernier mandat. « Nous avons choisi notre programme comme un miroir. La tarentelle est la revendication d’une identité ouverte, curieuse. Une fête des différences. Le Maestro doit en tenir compte. »Mais tiendra-t-il la guitare, au moins au cours du concert final ? « J’espère bien, répond Phil Manzanera, je ne vois pas comment on pourrait m’en empêcher ». Après tout, il est le nouveau Maestro Concertatore !Philippe Ridet (Rome, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Nils C. Ahl Prix Nobel de littérature 2011, le poète suédois Tomas Tranströmer est mort le 26 mars, a annoncé sa maison d’édition suédoise, Bonnier. Il avait 83 ans et était diminué depuis un accident vasculaire cérébral qui, en 1990, l’avait laissé aphasique. C’est ainsi son épouse qui avait prononcé le discours de réception de son prix Nobel. Mais cette incapacité n’empêchait pas sa voix de porter loin. « A travers ses images condensées, translucides, il nous donne un accès neuf à la réalité », avait expliqué le comité Nobel pour expliquer son choix.Né en 1931 à Stockholm, Tomas Tranströmer a raconté sa jeunesse, sa passion pour l’entomologie et ses résultats scolaires plutôt moyens dans Les souvenirs m’observent (Le Castor astral, 2004). A l’âge de 15 ans, il découvre la littérature et la poésie, écrit des textes modernistes, est fasciné par les poètes classiques, notamment latins. Rapidement, sa voix et sa langue s’affinent, se précisent. Il n’a que 23 ans lorsque paraît son premier recueil, 17 poèmes, en 1954. Il n’est encore alors qu’un étudiant de l’université de Stockholm, dont il sortira diplômé de psychologie, deux ans plus tard.Vertige de l’évidenceSes textes brillent par leur sobriété, la délicatesse de leurs perceptions et de leurs impressions intimes, leur richesse métaphorique. Le premier vers du poème inaugural de 17 poèmes est saisissant à cet égard, déjà cohérent avec toute l’œuvre à venir : « L’éveil est un saut en parachute hors du rêve. » Il est immédiatement remarqué. Le vertige de l’évidence, la densité complexe d’une énonciation a priori banale, l’originalité de l’image : tout est déjà là.Dans sa postface aux Œuvres complètes (1954-1996) publiées par Le Castor astral en 1996, le poète Renaud Ego dit très bien cette fausse simplicité, presque narrative, de Tomas Tranströmer : il fait l’expérience du « caractère instable de la matière, cet état dont la physique moderne nous a appris qu’il était l’essence ». Apparemment, le poème constate le réel, s’inscrit dans un mouvement énumératif qui dénote et qui recense. Pas à pas, mot à mot, ce qu’il est donné de voir, au poète comme au lecteur. En vérité, le procédé révèle en quelques lignes ce qui nous échappe, les blancs et les failles de l’observation, les profondeurs sous la surface.Un homme de tous les tempsPoète de notre temps, qui prend le train et le métro, dort parfois dans des chambres d’hôtel, regarde par la fenêtre, visite des églises, écoute de la musique, contemple la nature et voyage beaucoup, l’écrivain suédois est cependant un homme de tous les temps, du permanent dans ce qu’il a de changeant et de mouvant. Un voyant à l’articulation du temps qui passe et de celui qui demeure. Du moment, de l’histoire et de la mythologie à la fois.Exemple parmi des dizaines, cet « Oiseaux du matin » (Accords et traces, 1966), qui commence presque mine de rien – « Je réveille la voiture/au pare-brise saupoudré de farine » – avant de changer de cap, à mi-chemin, mais sur le même ton : « Par une porte dérobée dans le paysage/la pie arrive/noire et blanche. Oiseau de Hel. »L’ordinaire devient extraordinaire dans la langue du poète. Le singulier devient universel. Car Tomas Tranströmer donne constamment à saisir des perceptions et des situations singulières, individuelles. Avant l’irruption de métaphores aux héritages surréalistes, de béances métaphysiques, de silences et de vides éclatants. L’une de ses plus belles pièces des années 1960, « Solitude » (également dans Accords et traces), prend ainsi le prétexte d’un accident de la circulation (« C’est ici que je faillis périr un soir de février./La voiture sur le verglas glissait/du mauvais côté de la route ») pour précipiter le texte dans une saisissante inquiétude (« J’ai longtemps parcouru/les campagnes glacées de l’Östergötland./Et n’y ai vu âme qui vive »). Une inquiétude définitive (« Tout le monde fait la queue chez tout le monde »).Une renommée mondialeDans les années 1970, la langue de Tomas Tranströmer s’épanouira encore, accueillant de plus en plus souvent la prose et le verset. A cette époque, son ami, le poète américain Robert Bly, le traduit pour la première fois en anglais. Sa renommée devient mondiale.A la suite de son accident vasculaire cérébral de 1990, Tomas Tranströmer ralentit sa production. Les silences s’agrandissent, la lumière devient plus intense, parfois grave. Des premiers haïkus apparaissent dès Funeste gondole (1996), avant d’envahir ses derniers travaux, fulgurants : Poèmes courts (2002) et La Grande Enigme (2004).Admiré par le Russe Joseph Brodsky, le Chinois Bai Dao et de nombreux autres poètes, notamment de langue anglaise, sans compter son rayonnement dans les pays scandinaves, Tomas Tranströmer avait obtenu, grâce à son prix Nobel, la consécration internationale qu’il méritait.Lire : 24 heures avec le poète Tomas Tranströmer, Prix Nobel de littérature 2011Extrait "La Galerie"(…) Ce ne sont plus des masques mais des visages qui traversent le mur blanc de l’oubli pour respirer, pour poser une question. Je reste éveillé et je les vois se battre et disparaître et reparaître. Certains prêtent leurs traits à d’autres, ils changent de visage au plus profond de moi, là où la mémoire et l’oubli font leur maquignonnage. Ils traversent les retouches de l’oubli, le mur blanc, ils disparaissent et reparaissent. Il y a un deuil ici qu’on ne nomme pas ainsi. Bienvenue dans les vraies galeries ! Bienvenue dans les vraies galères ! Les vraies grilles ! Le jeune karatéka qui paralysa un homme continue à rêver d’argent vite gagné. Et cette femme ne cesse d’acheter des choses pour les jeter dans la gueule des grands vides qui rôdent autour d’elle. Monsieur X n’ose plus quitter son appartement. Une sombre clôture de personnages équivoques se dresse entre lui et l’horizon qui se retire toujours. Elle qui un jour s’enfuit de Carélie elle qui savait rire… (…)La Barrière de vérité, 1978, traduit du suédois par Jacques Outin, dans Anthologie, Le Castor astral, ou Œuvres complètes, Gallimard.Nils C. AhlJournaliste au Monde Sylvain Siclier Co-fondateur avec le guitariste Bert Jansch (1943-2011) du groupe Pentangle, auquel il participa au plus fort de la créativité de la formation, de 1967 à 1973, personnalité réputée et appréciée du folk britannique, le guitariste et chanteur John Renbourn a été retrouvé mort, à la suite d’une crise cardiaque, jeudi 26 mars, à son domicile, dans la ville d’Hawick (Ecosse). Il devait participer à un concert dans la soirée de mercredi à Glasgow et ses musiciens, inquiets de son absence, avaient alerté la police. Il était âgé de 70 ans. Son manager, Dave Smith, interrogé par le quotidien The Guardian, a déclaré qu’au-delà de la participation de Renbourn à Pentangle, le musicien avait mené une prolifique carrière solo et avait été aussi un « grand enseignant (…) avec des étudiants partout en Europe. »Né à Londres le 8 août 1944, John Renbourn a d’abord étudié la guitare classique. Il en gardera un intérêt marqué et une connaissance du répertoire médiéval, de la Renaissance et de la musique baroque. A la fin des années 1950, en parallèle à ses études classiques, il découvre les différentes formes de musiques traditionnelles américaines, le folk, le bluegrass, le blues et le gospel. Il voyage un peu partout en Grande-Bretagne, en Espagne, en France. Il fait la connaissance du guitariste Mac MacLeod, avec qui il fait ses premières tournées entre 1961 et 1964 et ses premiers enregistrements.Il rencontre aussi, en 1963, le guitariste écossais Bert Jansch, avec qui il va jouer en particulier dans différents clubs londoniens (The Troubadour, Les Cousins), avec qui il enregistre aussi, peu après un premier abum en solo, l’album Bert and John (Transatlantic Records, septembre 1966), et la chanteuse américaine Dorris Henderson (1933-2005), avec laquelle il enregistrera deux albums There You Go (1965) et Watch The Stars (1967).« Lady Goes To Church », par le guitariste John Renbourn, extrait de l’album « Sir John Alot of Merrie Englandes Musyk Thyng and ye Grene Knyghte » (Transatlantic Records, 1968).Musiciens connus dans le milieu du folk britanniqueAlors que la Grande-Bretagne est en pleine période psyché, John Renbourn et Bert Jansch vont rassembler divers musiciens avec qui ils sont en contact pour former le groupe Pentangle : la chanteuse Jacqui McShee (Renbourn a enregistré avec elle l’album Another Day, début 1967), le contrebassiste Danny Thompson et le batteur Terry Cox. Le groupe, constitué de musiciens connus dans le milieu du folk britannique, se produit pour la première fois au prestigieux Royal Festival Hall le 27 mai 1967. Une tournée suit et l’enregistrement d’un premier album, The Pentangle (Transatlantic Records, juin 1968).La formation se veut la somme des diverses influences de ses membres. Et y réussit. On y entend des éléments folk, du jazz (venu par Thompson et Cox), du blues, la musique ancienne (Renbourn), l’alliance des deux styles des guitaristes et une attention de plus en plus marquée pour le travail des harmonies vocales qui se développera dans les albums suivants : Sweet Child (Transatlantic Records, décembre 1968) et Basket of Light (Transatlantic Records, octobre 1969), avec par endroits une virée psyché (sitar, glockenspiel…). Le succès de la chanson Light Flight (dont la ligne de basse au début et plusieurs éléments mélodiques sont proches d’un des airs les plus célèbres du jazz, Take Five, de Paul Desmond) qui en est extraite, est un succès.« Light Flight », par le groupe Pentangle, chanson extraite de l’album « Basket Of Light » (Transatlantic Records, 1969).Le groupe est alors au summum de sa reconnaissance critique et publique. Il joue dans de grandes salles, se retrouve à la même affiche que des groupes rock. Pourtant après un dernier enregistrement, Solomon’s Seal (Reprise Records, juin 1972), que McShee et Renbourn considèrent comme le plus abouti du groupe, et une dernière tournée, Pentangle se sépare au début de l’année 1973. Le groupe connaîtra quelques renaissances : au milieu des années 1980 avec Renbourn pour quelques concerts mais pas sur disques ; dans les années 1990, mené cette fois par McShee et Jansch ; sous sa forme originale, Pentangle reviendra brièvement en 2008-2011.Plusieurs albums en soloAprès Pentangle, John Renbourn va enregistrer plusieurs albums en solo ou en collaboration, notamment avec le guitariste américain Stefan Grossman (l’album en duo Under The Volcano, 1979). Il forme aussi avec le flûtiste Tony Roberts, The John Renbourn Group (A Maid in Bedlam, 1977, Enchanted Garden, 1980). Il publie plusieurs recueils de partitions et d’études sur la guitare. Son public, moins important que celui de Pentangle, est constitué autant de simples amateurs de folk que d’érudits et de spécialistes. Renbourn mêle ses compositions à des airs traditionnels, intensifie aussi son approche de la musique ancienne.Ce qui l’amène, en 1982, à « retourner à l’école » selon ses propres mots dans un article autobiographique. Au Dartington College of Arts, il obtient, après trois ans d’études, un diplôme en composition et orchestration. Dans le même temps, il perfectionne aussi sa pratique du sitar. De son passage à Darlington, il tire de nouvelles formes d’écriture « pour des ensembles d’instruments variés, pour les voix aussi, et pas spécialement en incluant la guitare ou en me cantonnant au folk ».« John Barleycorn Is Dead » par The John Renbourn Group, extrait de l’album « The John Renbourn Group Live in America » (Flying Fish, 1982).En 1987-1988, Renbourn forme un groupe éphémère, Ship of Fools avec Roberts, la chanteuse et multi-instrumentiste Maggie Boyle (1956-2014) et le guitariste Steve Tilston. A partir des années 1990, Renbourn intensifie son activité d’enseignant tout en continuant à l’occasion de jouer en solo sur le circuit folk. Il avait publié en 1995 une somme Complete Anthology of Medieval and Renaissance Music for the Guitar.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Le Théâtre sortieOuest, situé sur le canton 1 de Béziers, est au cœur d’un combat politique et culturel. Jean-Michel Du Plaa, candidat socialiste aux élections départementales dans ce canton, affrontera en duel, dimanche 29 mars, l’élu du Front national, Henri Bec. Au soir du premier tour, le 22 mars, le FN a totalisé plus de 44 % des voix sur ce canton, devant le PS (25 %) et l’UMP (19 %). Précisons, pour compléter le tableau, que Jean-Michel Du Plaa, vice-président du conseil général, est aussi le président de l’association qui gère le Théâtre sortieOuest – une scène conventionnée avec le département, l’Etat et la région, installée sur le domaine de Bayssan, au milieu d’un parc.Les phrases de l’entre deux-tours ont le mérite d’être claires, dans la ville dirigée par Robert Ménard depuis mars 2014, sous l’étiquette Rassemblement Bleu Marine. Voici ce qu’a déclaré, jeudi 26 mars, dans le quotidien La Marseillaise/L’Hérault du Jour, l’élu FN Henri Bec. Interrogé sur le devenir du Théâtre sortieOuest, fortement soutenu par le conseil général (PS), à hauteur d’un million d’euros, l’élu qui se dit monarchiste, tendance « orléaniste », a répondu avec détachement : « Cela ne me dérangerait pas que ce site ferme. On dépense trop pour la culture, on pourrait réduire les impôts en dépensant moins. » Dès avant le premier tour, la divers droite Fatima Allaoui, candidate sur le canton 3, ancienne de l’UMP évincée pour son appartenance au Siel, proche du FN, avait inscrit « la suppression » de sortieOuest dans ses promesses électorales – « un site qui coûte trop cher » – proposant son rapatriement dans le centre-ville avec une programmation comprenant « 50 % d’artistes locaux ». Depuis le 22 mars, elle a appelé à voter pour le candidat FN.« Eviter un désert culturel à Béziers »Pour Jean Varela, directeur de sortieOuest, ce sont les valeurs véhiculées par la scène contemporaine qui indisposent l’extrême-droite. « On nous attaque pour ce que nous sommes : un lieu de programmation exigeante, où la parole circule librement. Il y a d’autres scènes qui coûtent de l’argent sur le territoire, et qui font du divertissement. Elles ne sont pas du tout inquiétées », dit-il. Il rappelle l’histoire de ce théâtre, et l’enjeu pour le territoire. « C’est le conseil général qui a pris l’initiative de créer cette scène conventionnée, en 2006, pour éviter un désert culturel à Béziers, qui autrefois était un foyer artistique. Le président de notre association, Jean-Michel Du Plaa, est un homme de culture, très apprécié ici », poursuit Jean Varela, qui dirige par ailleurs le Printemps des Comédiens.Lors des précédentes élections, en 2011 (les anciennes cantonales), le combat avait été ardu : Jean-Michel Duplaa l’avait emporté avec 170 voix d’avance, face au frontiste Guillaume Vouzellaud. Le scrutin du 29 mars s’annonce serré. Sur les deux autres cantons de Béziers, l’avance du FN est encore plus nette, tout particulièrement dans le canton 3 où il a totalisé 46,86 % des voix. Pour la presse locale, l’affaire semble ici pliée.Une programmation « à caractère militant »Jean Varela tire la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas possible que Béziers soit représenté au conseil général uniquement par des élus Front national », s’inquiète-t-il. Il dit avoir reçu du soutien de certains élus de droite, mais d’autres à l’UMP ne cachent pas leur aversion pour la politique culturelle du département, sortieOuest compris. Ainsi, le député UMP Elie Aboud a abrité sur sa page d’accueil la lettre d’un auteur bitterrois, Jean-Pierre Pelaez, s’indignant de ne pas être programmé à sortieOuest, théâtre « grassement » financé par le département, écrit-il, et « engloutissant des budgets énormes » pour mener une programmation « à caractère militant ».Jean-Pierre Pelaez a déjà été reçu au cabinet du président du conseil général, le socialiste André Vézinhet. « Nous lui avons dit deux choses : un, Jean Varela a une liberté de programmation, selon ses choix esthétiques, et l’on ne peut en aucune sorte imposer une préférence nationale en direction d’artistes locaux. Deux, le conseil général n'est pas du tout indifférent au sort des artistes locaux, puisqu’il soutient entre soixante et quatre-vingts compagnies sur son territoire », indique-t-on dans l’entourage d’André Vézinhet.Une campagne sur les réseaux sociauxJean Varela défend sa programmation : « Les spectacles ont lieu sous un chapiteau, pour abolir la barrière symbolique entre la scène et le public. Nous menons une programmation hors-les-murs, appelée Le Grand Tour ; nous organisons une manifestation littéraire (Chapiteaux du livre), nous touchons un public de 35 000 personnes, dont 7 000 scolaires et étudiants. »La campagne s’organise à présent sur les réseaux sociaux. Alors que la ville de Béziers accueille depuis le 24 février, et jusqu’au 23 août, l’exposition intitulée Gaulois : une expo renversante, conçue par la Cité des sciences, les partisans du candidat PS, lequel fait alliance avec la communiste Roselyne Pesteil, ont réalisé une affiche dans l’esprit gaulois. Jean-Michel Du Plaa est dans la peau d’Obélix – il en a la corpulence –, et porte sur son dos un dolmen coiffé du visage de la candidate PCF. Avec ce slogan : « La République contre-attaque ». Dans le journal municipal, Robert Ménard, lui, communique à sa façon sur l’exposition dédiée aux Gaulois : « C’est l’éternel retour du grand blond », indique le titre de l’article, complété par ce bandeau : « Comment nos élites réécrivent le passé ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.03.2015 à 09h23 • Mis à jour le27.03.2015 à 10h43 La sixième saison de la série britannique à succès Downton Abbey, encore en cours de tournage, sera la dernière, a annoncé jeudi la chaîne de télévision ITV, qui la produit.Créée en 2010 et vendue depuis dans une centaine de pays, Downton Abbey met en scène la vie d'une famille d'aristocrates et de ses serviteurs, dans une magnifique demeure de la campagne anglaise, près de York au début du XXe siècle.Réalisée dans le plus pur style « drama » en costumes, classique à la télévision britannique, elle s'étend de la première guerre mondiale à l'élection d'un gouvernement travailliste, en évoquant aussi les évolutions du rôle de l'aristocratie et des femmes dans la société britannique.Au Royaume-Uni, Downton Abbey a attiré jusqu'à onze millions de téléspectateurs par épisode. Vendue notamment en France, en Australie et également en Chine depuis 2013, elle a été récompensée à de multiples reprises, aux Golden Globes américains comme aux Baftas, au Royaume-Uni.Lire aussi : « Downton Abbey », la vie de château à deux vitesses 27.03.2015 à 07h31 • Mis à jour le27.03.2015 à 12h13 | Fabienne Darge (Avignon, envoyée spéciale) Olivier Py n’avait pas chaussé ses escarpins rouges, avec lesquels il pose, photos pleine page, pour la publicité de la fondation d’une grande banque française. C’est sobrement vêtu que le directeur du Festival d’Avignon a annoncé, jeudi 26 mars à la Fabrica, dans le quartier avignonnais de Monclar, le programme de l’édition 2015, 69e du nom, du festival fondé par Jean Vilar.Une édition conçue dans un contexte budgétaire serré. Le festival, en 2014, suite au conflit des intermittents du spectacle et à des conditions météorologiques difficiles, avait accusé une perte de 240 000 euros. Puis la maire (PS) d’Avignon, Cécile Helle, a annoncé, lundi 16 mars, en conseil d’administration, qu’elle baissait de 5 % sa subvention au Festival, ce qui correspond à un manque à gagner de 49 000 euros.Olivier Py et son équipe se sont arrangés pour baisser les frais de fonctionnement de 4 %, et dégager ainsi 200 000 euros, pour un budget 2015 qui s’établit à 13,3 millions d’euros. Mais la première conséquence de ces restrictions budgétaires est que le festival est réduit de deux jours par rapport à ce qui était prévu au départ, et par rapport à 2014 : il aura lieu du 4 au 25 juillet.47 spectaclesPour cette deuxième édition sous sa direction, Olivier Py met à l’affiche 47 spectacles, et annonce avoir bâti son programme sur le thème « Je suis l’autre ». « Cela m’est apparu comme une évidence, dans une société qui semble ne plus avoir l’énergie de penser l’autre comme un salut », a-t-il déclaré. Et dans une région, peut-on ajouter, où les électeurs se tournent massivement vers le Front national.Le pape Py creuse les lignes qu’il avait tracées pour son premier festival : beaucoup d’auteurs vivants, Shakespeare en majesté du côté des classiques, une présence significative de la « méditerranée orientale et des pays arabes », la poursuite de la « décentralisation des trois kilomètres » et de l’offre destinée au jeune public, et la découverte d’artistes jamais programmés à Avignon.Le festival vivra, trois semaines durant, du premier au dernier jour, au rythme d’un projet au long cours, un « feuilleton philosophique » inédit : La République de Platon, traduite par Alain Badiou, sera lue en intégralité, sous la conduite de Valérie Dréville, Didier Galas et Grégoire Ingold, par des amateurs de tous âges, au jardin Ceccano. Un projet « imaginé bien avant les attentats de janvier, mais qui prend aujourd’hui un sens particulier », a précisé Olivier Py.Shakespeare dans les mursPuis, à tout seigneur tout honneur, et puisqu’ « il faut bien qu’ [il] fasse la Cour au moins une fois au cours de [son] mandat », Olivier Py ouvrira les festivités, le 4 juillet, avec Le Roi Lear, dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Philippe Girard jouera Lear, Jean-Damien Barbin le fou. Plusieurs autres spectacles sont programmés pour cette ouverture, à commencer par Des arbres à abattre, d’après Thomas Bernhard, signé par le maître polonais Krystian Lupa.Valère Novarina ouvrira le ban pour les auteurs vivants avec Le Vivier des noms, au Cloître des Carmes. Mais Eric Reinhardt, Kamel Daoud (avec son Meursaults monté par Philippe Berling), Botho Strauss (avec sa Trilogie du revoir par Benjamin Porée) ou Dimitris Dimitriadis seront également présents.Shakespeare, qui est chez lui à Avignon, sera également dans les murs avec son Richard III, mis en scène par Thomas Ostermeier avec sa troupe de la Schaubühne de Berlin. Quant au Portugais Tiago Rodrigues, il présentera une version resserrée et intime d’Antoine et Cléopâtre. Dans la série classique mais pas trop, Jonathan Châtel livrera Andreas, une création d’après Le Chemin de Damas, d’August Strindberg.Loin du compte côté paritéAprès le théâtre, c’est la danse qui entrera dans la Cour d’honneur, où Angelin Preljocaj présentera une création sur un texte de Laurent Mauvignier, Retour à Berratham. Autres chorégraphes programmés, Emmanuelle Vo-Dinh avec Tombouctou Déjà-vu, Hofesh Shechter, Eszter Salamon ou Fatou Cissé.Côté « découvertes » (à Avignon, du moins), le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov présentera une création d’après Les Idiots, de Lars von Trier. Samuel Achache, en solo, sans Jeanne Candel, un mix théâtre-musique, Fugue. Et puis des « indisciplinaires » comme Winter Family, Stereoptik, Pierre Meunier…On voit, à la suite de cette énumération, qu’Avignon est encore loin du compte en termes de parité artistique hommes-femmes, objectif fixé par la précédente ministre de la culture, Aurélie Filippetti. Du moins y aura-t-il à Avignon de grandes actrices : outre Valérie Dréville, Isabelle Huppert fera entendre Sade dans la Cour d’honneur, et Fanny Ardant portera la voix de Cassandre et de Christa Wolf. Mais à l’image de son affiche signée par le peintre Guillaume Bresson, qui montre deux hommes en un corps à corps dont on ne sait s’il est guerrier ou amoureux, cet Avignon est fort masculin. Dans le théâtre, les escarpins rouges ne sont pas vraiment au pouvoir.Fabienne Darge (Avignon, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Principale attraction touristique de Barcelone, la Sagrada Família est paradoxalement une basilique largement inachevée. L’édifice est pour ainsi dire en travaux depuis cent-trente-trois ans, c’est-à-dire depuis la pose de sa première pierre, en 1882. Or, la BBC révélait il y a quelques jours que l’impression 3D de modèles structurels en plâtre devrait permettre d’enfin accélérer sa réalisation, prévue d’ici à 2026, soit un siècle après la mort de son architecte, Antoni Gaudi, renversé par un tramway en 1926.En réalité, cela fait quatorze ans que le processus de construction s’appuie sur des imprimantes en 3D, la technologie, qui existe depuis les années 1980, ayant été intégrée dès 2001 afin d’avancer plus rapidement dans la réalisation de prototypes pour les éléments souvent problématiques à concevoir.« Quasiment impossible à dessiner »« A cause de la complexité des surfaces et des formes, travailler sur les dessins de Gaudi en 2D n’a aucun sens d’un point de vue architectural, [d’autant] que la plupart de son travail était déjà conçu de façon tridimentionnelle », explique l’architecte en chef ,Jodi Coll, cité dans ArtNetNews.« Antoni Gaudí a réalisé peu de dessins de la Sagrada Família, qui est de toute manière tellement complexe qu’elle est quasiment impossible à dessiner, en tout cas avec des projections architecturales normales », détaille pour sa part Peter Sealy, chercheur à l’école de design de Harvard cité par ArchDaily, site spécialisé en architecture. « Ce qu’il a laissé derrière lui à sa mort est un système géométrique de surfaces réglées (...) et une méthode de travail pour traduire ces géométries en des modèles de plâtre. »Les imprimantes 3D stéréolithographiques utilisent de la poudre afin de créer, en quelques heures, des prototypes couche par couche, aboutissant à un matériau similaire à du plâtre, permettant aux artisans de retravailler facilement les modèles à la main pour une approche la plus fine possible.Béton coulé dans des moules imprimés en 3DLe chercheur rappelle que beaucoup des modèles de Gaudi ont été détruits par les insurgés lors de la guerre civile espagnole (1936-39), « mais les fragments qui ont survécu peuvent désormais être numérisés en utilisant les scanners en 3D », explique-t-il encore.Ainsi, « les intentions de Gaudi en termes de design peuvent être reproduites a posteriori à partir de ces modélisations, qui peuvent alors être utilisées pour redévelopper des modèles – la façon de travailler dans l’atelier de Gaudi continue, mais désormais avec des impressions en 3D des modèles en plâtre –, et pour la fabrication, avec des pierres découpées par des machines, et du béton coulé dans des moules réalisés à l’échelle 1:1 par des impressions en 3D. Ce n’est pas rien ! », déclare encore le chercheur.Une vidéo en trois dimensions (ci-dessus) réalisée par la fondation qui gère le projet à partir de dons privés, montrait il y a deux ans les étapes restant à parcourir, et dévoilait le visage de la basilique dans sa version finale. On y découvrait les douze tours dédiées aux apôtres et son point culminant, à 170 mètres de haut, avec la tour de Jésus qui doit être édifiée en son centre, et aussi l’impressionnante ultime façade, destinée à devenir l’entrée principale de l’édifice.La Sagrada Familia était à l’origine un projet de l'architecte Francisco de Paula, avant que Gaudi ne prenne les rênes du chantier, en 1883. A sa mort, seulement un quart de l’édifice était achevé. L’architecte catalan avait laissé des maquettes et des plans, dont la plus grande partie a disparu dans un incendie au cours de la guerre civile espagnole. C’est à cause de cet incendie, en plus des difficultés techniques et de financement, que le chantier a été retardé pendant des décennies .Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Yellow Submarine », un opus sous influenceCette semaine : autour de l’album Yellow Submarine (janvier 1969).« Yellow Submarine » (Lennon-McCartney), par Roots ManuvaProposer une deuxième reprise de Yellow Submarine, est-ce bien raisonnable ? La bande originale du dessin animé de George Dunning s’ouvre en effet par un air de déjà entendu pour l’acheteur de 1969 puisque la chanson-titre figurait déjà sur l’album Revolver, publié près de deux ans et demi plus tôt, en août 1966. En outre, cette farce aquatique, hymne des fanfares et des harmonies municipales, mais aussi de la fête de la bière munichoise, est sans conteste, avec Ob-la-di, Ob-la-da, l’une des chansons les plus exécrées par les beatlemaniaques. Qui plus est, elle est chantée par le batteur Ringo Starr…Difficile en outre de dénicher relecture plus originale que celle du trio canadien francophone Les Nouveaux Baronets, que nous avons présenté fin février dans le sujet sur les reprises de Revolver. Difficile surtout de s’éloigner du registre de la gaudriole, de la chanson pour enfants détournée en chanson à boire. C’est pourtant ce que tente le rappeur britannique Roots Manuva avec cette version proche de l’esprit du dub jamaïcain parue sur Badmeaningood, vol. 2, compilation du chanteur parue en 2002, sur le label Ultimate Dilemma. Ceux qui aiment la chanson Yellow Submarine détesteront. Il n’est pas sûr non plus que ceux qui la détestent aimeront. « Only a Northern Song » (Harrison), par Yonder Mountain String BandPremier des quatre inédits offerts par les Beatles dans Yellow Submarine, Only a Northern Song n’était pas plus une nouveauté de l’année, puisqu’elle fut écartée des séances d’enregistrement de Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band et porte les traces de cette expérience psychédélique du printemps 1967 – voix et rires sous acide, bruitages, orgue lugubre et trompette distordue. Après s’être plaint du percepteur dans la chanson Taxman, qui ouvrait l’album Revolver, le bougon George Harrison (1943-2001) écrivit cette chanson singulière pour dénoncer le mauvais sort qui lui avait été réservé par la maison d’édition Northern Songs Ltd, le contrat étant très favorable à John Lennon (1940-1980) et Paul McCartney, seuls compositeurs à sa signature. Loin des vapeurs d’encens de l’original, mais avec des guitares rustiques, une mandoline et un banjo, de braves gars du terroir, fédérés sous le nom de Yonder Mountain String Band, l’interprètent régulièrement lors de leurs concerts, comme ici en mai 2011. Originaires du Colorado, ils se présentent comme un ensemble de « bluegrass progressif » (!?) et semblent vouer une admiration particulière à Harrison puisqu’ils ont aussi repris Think For Yourself pour l’album hommage à Rubber Soul, This Bird Has Flown (Razor & Tie, 2005). « All Together Now » (Lennon-McCartney), par The MuppetsAll Together Now est le parent pauvre de Yellow Submarine. C’est dire. Sans doute la plus faible chanson jamais composée par Paul McCartney, qui pouvait s’égarer parfois en confondant aisance et facilité. Heureusement, les Muppets, les fascinants personnages (la grenouille Kermit, Miss Piggy, Fozzie, etc.) créés par le marionnettiste américain Jim Henson, en ont donné une version réjouissante et idoine en 1994 sur l’album Kermit Unpigged, une parodie hilarante de la série des Unplugged (« débranchés ») de la chaîne musicale MTV. Sacrilège, on la préfère même à l’original. « Hey Bulldog » (Lennon-McCartney), par The GodsLa chanson la plus tubesque de Yellow Submarine et la plus récente parmi les inédits de l’album puisqu’elle fut enregistrée en février 1968, en amont des sessions de l’« album blanc » publié en novembre. C’est sans surprise celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de reprises. Tout s’y prête : le riff énorme martelé au piano et repris par la guitare, la fabuleuse ligne de basse de McCartney, le solo saturé d’Harrison, la montée chromatique à la James Bond, les aboiements et hurlements finaux. Punk avant l’heure, Hey Bulldog, ce hit caché, aurait mérité d’être publié en single. Cette fois, aucune version n’égalera jamais celle des Beatles et certainement pas celle commise, en 2006, par Alice Cooper avec le renfort du superhéros de la guitare Steve Vai pour l’album Butchering the Beatles : A Headbashing Tribute, où le répertoire des Fab Four est équarri et tronçonné par des métalleux. Hey Bulldog avait été interprété dès 1969 par The Gods, un groupe anglais aujourd’hui oublié, pourtant signé chez Columbia. Ses membres devaient faire carrière par la suite puisqu’il comprenait le chanteur et bassiste John Glascock (futur Jethro Tull) ou l’organiste Ken Hesley et le batteur Lee Kerslake (futurs Uriah Heep). A la date de cet enregistrement, l’un des fondateurs de The Gods, le guitariste Mick Taylor, avait quitté ses camarades. Bien lui en prit puisqu’il rejoignit les Bluesbreakers de John Mayall puis les Rolling Stones. « It’s All Too Much » (Harrison), par Steve HillageYellow Submarine est le seul album des Beatles où Harrison a droit à la parité avec Lennon-McCartney pour les nouvelles chansons : deux chacun. Enregistré comme Only a Northern Song en 1967, mais cette fois en plein « Summer of Love », It’s All Too Much aurait pu trouver place sur Magical Mystery Tour. Ce raga électrique impressionne davantage encore dans son désir de capter le psychédélisme de l’époque et retranscrire l’expérience lysergique. C’est un monument d’acid-rock que devaient logiquement s’approprier les tenants californiens du sous-genre, le Grateful Dead, et d’autres allumés comme le guitariste Steve Hillage, issu de la fameuse école de Canterbury, d’où émergèrent les groupes Soft Machine, Caravan ou Gong fondé par l’Australien Daevid Allen (1938-2015). En 1976, Hillage venait de quitter cette dernière formation pour se lancer dans une carrière solo. Cette épatante version cosmique est présente sur le deuxième album de Steve Hillage, L (Virgin) produit par Todd Rundgren et joué par des membres de son groupe Utopia. « All You Need is Love » (Lennon-McCartney), par Nada SurfL’un des trois grands hymnes pacifistes de John Lennon avec Give Peace a Chance et Imagine, publié en single en juilet 1967 puis intégré dans l’édition américaine de l’album Magical Mystery Tour (novembre 1967). La version new wave enregistrée en 1982 par les Britanniques New Muzik avait été retenue dans notre sujet du 12 mars sur les reprises de cet album. En voici une plus récente, de 2006, par le groupe américain Nada Surf, auteur dix ans plus tôt d’un énorme tube avec Popular. Le message de Lennon a été bien compris puisque cette interprétation qui se devait d’être fidèle fut enregistrée pour le compte d’une publicité de la Chase Manhattan Bank… Ce que les Rutles, groupe fictif et parodique inventé par les Monty Python Eric Idle et Neil Innes avaient anticipé dès 1978 dans un téléfilm, All You Need Is Cash, réalisé avec la complicité de leur ami George Harrison et d’un conseiller réputé, Mick Jagger. La deuxième face de l’album Yellow Submarine contient des pièces orchestrales de George Martin, le producteur des Fab Four. Ce ne sont donc pas des chansons des Beatles et elles sont compliquées à reprendre, sauf en formation symphonique. Nous ne les avons pas retenues dans notre série sur les reprises des chansons des Beatles albums par albums.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.03.2015 à 13h32 • Mis à jour le16.03.2015 à 14h45 Duo JatekokDanses Danses polovtsiennes, de Borodine. Rhapsodie espagnole, de Ravel. Valses-Caprices op. 37 et Danses norvégiennes op. 35, de Grieg. Souvenirs op. 28, de Barber Adelaïde Panaget et Naïri Badal (piano à quatre mains) Elles sont comme des gamines en goguette sur la pochette de ce premier disque, l’une en courte robe noire en lurex (Adelaïde Panaget), l’autre en pantalon rose shocking (Naïri Badal). Les deux filles du duo Jatekok (« jeu », en hongrois), créé en 2007, ont tout pour elles : rigueur dynamique et verve expressive, clavier prolixe et toucher polyglotte, et plus que tout, une manière d’osmose jubilatoire – deux âmes musiciennes et sororales. Que ce soit la fougue sensuelle de Borodine, les élégants vertiges ibériques de Ravel, la poésie sombre et populaire des légendes de Grieg ou l’humour nostalgique de Barber, leur duo charismatique emporte l’adhésion. Longue vie aux demoiselles Jatekok ! Marie-Aude Roux1 CD Mirare.Romain LeleuConcertos pour trompette Concertino, de Georges Delerue. Concerto, de Karol Beffa. Concertino, d’André Jolivet. Le Chant de l’âme, de Jean-Baptiste Robin. Trame XII, de Martin Matalon Romain Leleu (trompette), Orchestre d’Auvergne, Roberto Forès Veses (direction) A l’exception de celui de Georges Delerue, que l’on a l’impression d’avoir entendu un millier de fois sous d’autres signatures à tendance néoclassique, les concertos réunis ici sont plus expressifs que démonstratifs. Même celui destiné par André Jolivet au concours du Conservatoire en déployant un large éventail de situations concertantes. Si Romain Leleu, gloire montante de la trompette, manifeste une grande aisance technique, il séduit surtout par un son coulant comme du métal en fusion. Deux œuvres aux esthétiques éloignées, sinon contraires, en profitent tout particulièrement. Le Concerto de Karol Beffa, qui se répand avec habileté dans un jeu de circonvolutions resserrées jusqu’à l’oppression avant de revenir à la détente. Trame XII, de Martin Matalon, dont le parcours relève de l’enchaînement de loopings dans un ciel aux couleurs changeantes. Pierre Gervasoni1 CD Aparté.Dominique AEléor Après la profusion polychrome de Vers les lueurs (2012), qui valut à Dominique Ané un joli couronnement (50 000 exemplaires vendus, une Victoire de la musique), Eléor, son onzième album studio, marque un retour au dépouillement. Apprivoisées en douceur, guitare, basse et batterie, miroitent ici sur fonds de ciels et d’horizons, souvent marins. Voyages (Nouvelle Zélande, Canada, Groenland, Danemark, Espagne…) et éléments semblent lui inspirer une sérénité qui clarifie sa plume, plus directe et narrative, sans négliger un souffle romantique, parfois souligné d’arrangements de cordes (les frissonnants Cap Farvel et Au revoir mon amour). Autre trace, peut-être, de son humeur océane, le phrasé délié du Nantais tangue souvent comme entre deux roulis. Cela peut parfaitement coller au prenant Nouvelles Vagues, mais aussi témoigner d’un manque d’inspiration mélodique (Une autre vie, L’Océan, Celle qui ne me quittera jamais). D’autant que les violons d’Eléor n’ont pas la fantaisie harmonique de ceux de Vers les lueurs. Retrouvant une langue plus mystérieuse, la chanson-titre ne s’affirme pas moins comme l’un des sommets du répertoire du chanteur. Stéphane Davet1 CD Cinq 7/Wagram.Divers artistesBalkan Clarinet Summit Version phonographique d’un projet scénique monté à l’initiative du Goethe Institut d’Athènes, cet album réunit huit clarinettistes, originaires essentiellement des Balkans, hormis l’Italien Claudio Puntin et l’Allemand Steffen Schorn, codirecteurs musicaux de cette réunion confraternelle. Enregistrés en public, lors de concerts donnés en différentes villes des Balkans, les musiciens revitalisent des airs traditionnels, en les dopant de solos virtuoses, ou bien ils jouent leurs propres compositions. Une réjouissante confrontation de styles, d’humeurs et de sentiments de la clarinette balkanique. Mélancolique (Nostalgia et l’intro du soliste grec Stavros Pazarentsis), farfelue (l’improvisation, à la clarinette basse customisée, de Claudio Puntin sur Snake Lick Jab) ou affolée comme un colibri égaré en Serbie, le pays d’origine de Slobodan Trkulja, dont la vélocité éclairée stupéfie sur Pitagorino Oro. Patrick Labesse1 CD Piranha/Differ-Ant. 14.03.2015 à 20h15 • Mis à jour le14.03.2015 à 21h12 Une planche originale de l'album d'Astérix Les Lauriers de César a été vendue 150 000 euros samedi 14 mars au profit des familles des victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo. Le dessinateur Albert Uderzo doit dédicacer spécialement cette planche extraite du 18e album des Aventures d'Astérix le Gaulois, édité en 1971, pour l'acquéreur. Christie's, la maison de vente, a promis de ne pas prélever de commission.Deux jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, le cocréateur d'Astérix avec René Goscinny avait repris son crayon et dédié un croquis de l'irréductible petit Gaulois aux morts de Charlie Hebdo. « Moi aussi je suis un Charlie », lançait le Gaulois au casque ailé en envoyant dans les airs, d'un coup de poing, non pas un soldat romain mais un personnage portant des babouches.« Charlie Hebdo et Astérix, ça n'a rien à voir évidemment. Je ne vais pas changer ma casaque d'épaule. Je veux simplement marquer mon amitié pour ces dessinateurs qui ont payé (leurs idées) de leur vie », avait-il ajouté.Des ventes recordsDurant la vente de samedi, entièrement consacrée à la bande dessinée, certaines planches originales ont trouvé preneur pour des montants inédits. Un « record mondial » a été établi pour une planche originale de La Marque jaune de la série Blake et Mortimer, du belge Edgar P. Jacobs (1904-1987), vendue 205 500 euros, selon Christie's. Un autre record a été atteint pour une planche de la La Foire aux immortels du dessinateur et scénariste Enki Bilal adjugée à 115.500 euros.Enfin une gouache réalisée par Jean Giraud pour la couverture de l'album Le Cheval de fer de la série Blueberry, a trouvé preneur à 109 500 euros, là aussi un record. Christies a réalisé un chiffre de ventes global de plus de 5 millions d'euros au cours de cette cession. 13.03.2015 à 18h38 • Mis à jour le13.03.2015 à 21h08 | Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Chanteur, guitariste, graphiste, auteur-compositeur et âme du groupe Gong qu’il avait fondé en 1970, Daevid Allen avait annoncé, début février, qu’il ne souhaitait plus « subir d’interminables interventions », qui ne pourraient de toute manière pas enrayer le cancer qui avait envahi son corps. Parti un peu plus tôt qu’il ne l’avait souhaité – « je devrais mourir dans ma quatre-vingt-quatrième année, comme je l’ai choisi selon l’enseignement de la Tibetan Mystery School… mais cela ne fonctionne pas toujours », nous confiait-il souriant, le regard pétillant, lors d’une rencontre en novembre 2009 –, Daevid Allen est mort vendredi 13 mars, à son domicile de Byron Bay, en Australie, l’âge de 77 ans. L’annonce, au nom de sa famille, a été faite par l’un de ses enfants, Orlando Monday.Daevid Allen rejoint ainsi la planète Gong, Zero le héros, dont il pourrait être le double, les théières volantes, les lutins à têtes de pots, Selene, les Octave Doctors, la Magick Mother et autres personnages d’un univers mystico-fantaisiste construit au gré des envies et de l’imagination de son « inventeur ». Le tout trouvant une traduction musicale dans un mélange inventif de rock psychédélique, d’improvisations jazz, de motifs répétitifs planants, de folk, de musiques orientales et de télescopages funk et punk, selon les moments.Vidéoclip de la chanson « How To Stay », conçu à partir de dessins de Daevid Allen. Extrait de l’album « 2032 » de Gong. Né à Melbourne (Australie), le 13 janvier 1938, dans une famille de commerçants, Daevid Allen a fait des études d’arts graphiques. Ses dessins et peintures, en rondeurs et volutes, viendront souvent illustrer les pochettes de ses nombreux disques – plus d’une soixantaine avec Gong, d’autres groupes, ses enregistrements en solo… Au début des années 1960, Daevid Allen s’installe en Europe. Entre l’Angleterre, l’île de Majorque (Espagne) et la France, il rencontre des écrivains, dont Allen Ginsberg (1926-1997) et William Burroughs (1914-1997), des musiciens, dont Terry Riley, le batteur Robert Wyatt et le bassiste et guitariste Kevin Ayers (1944-2013).« Camembert électrique »Avec ces deux derniers et le claviériste Mike Ratledge, il fonde Soft Machine au milieu de l’année 1966. Le groupe devient l’un des plus prisés de la scène underground britannique, avec Pink Floyd, en train de naître. De cette première incarnation de Soft Machine, il reste un 45-tours et un premier album de compositions pas toutes abouties, publiés des années après. A la suite d’une tournée en France à l’été 1967, les papiers d’Allen n’étant pas en règle, il est interdit de séjour au Royaume-Uni pour trois ans.« Je crois beaucoup au fait que ce qui doit arriver arrive. Au sein de Soft Machine, cela devenait tendu. Cette interdiction tombait bien finalement. » A Deia, à Majorque et Paris, Daevid Allen commence une carrière solo. Il rencontre de futurs piliers de Gong, la chanteuse Gilli Smyth, qui sera longtemps sa compagne, le saxophoniste Didier Malherbe. Pour le label de free-jazz BYG Records, fondé en 1967 par Jean Georgakarakos, Jean-Luc Young et Fernand Boruso, il enregistre Magyck Brother (mars 1970), qui annonce Gong, Banamoon (avril 1971, avec notamment Wyatt) et Camembert électrique (octobre 1971), où débutent les grandes lignes de l’univers et de la mythologie Gong. Avec le bassiste Christian Trisch et le batteur Pip Pyle (1950-2006), c’est un album plus rock et psychédélique.Gong vit alors en fonctionnement communautaire dans une grande maison de la région parisienne. Le groupe se met à tourner beaucoup, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie. Entre 1972 et 1975 et avec trois albums pour Virgin Records (Flying Teapot, mai 1973, Angel’s Egg, décembre 1973, et You, octobre 1974), le groupe évolue vers sa formation la plus célèbre. Allen, Smyth, Malherbe, le guitariste Steve Hillage, le claviériste Tim Blake, le bassiste Mike Howlett et le batteur Pierre Moerlen (1952-2005). La claviériste Miquette Giraudy et la percussionniste Mirelle Bauer seront aussi à l’occasion de la partie. Sur scène, les musiciens, en tenues colorées et chapeaux pointus de magiciens, ont l’un des dispositifs lumière (light show) les plus sophistiqués du circuit. Certains soirs, les concerts peuvent dépasser les trois heures. Allen, qui ne s’est jamais considéré comme un guitariste virtuose, tire de son instrument de longs sons étirés, par le frottement de poignées de porte ou de matériel chirurgical sur les cordes. D’où l’un de ses surnoms, Glissando.Gong en 1973, qui interprète « I Never Glid Before », extrait de l’album « Angel’s Egg ». Au chant : Daevid Allen. En avril 1975, il quitte le groupe. « Gong était et est toujours selon moi une histoire collective. A un moment, j’en ai eu assez et le groupe a continué d’exister. » Hillage en prend un temps la direction, puis Pierre Moerlen, qui en présentera une version plus orientée jazz-rock de 1976 au milieu des années 1980, sous le nom de Pierre Moerlen’s Gong. Allen repart alors aux Baléares. Il joue et enregistre avec le groupe Euterpe Good Morning (Charly, 1976) et Now Is The Happiest Time of Your Life (Charly, 1977), plus rêveurs et acoustiques, menés par la voix caressante d’Allen. Pendant ce temps, l’Angleterre est devenue punk. Allen, qui s’intéresse à tout ce qui peut nourrir son parcours artistique, monte l’éphémère Planet Gong avec le groupe Here & Now, tentative de faire du punk planant.Tibetan Mystery SchoolDe là, c’est à New York qu’il va trouver de nouvelles inspirations. Il rencontre le bassiste et producteur Bill Laswell et le batteur Fred Maher pour former New York Gong (un disque en 1979, About Time, guère planant). Allen commence aussi à travailler seul, avec des rythmiques préenregistrées et part sur les routes des Etats-Unis, trouvant des engagements parfois au jour le jour. En 1981, il rentre en Australie, pour une « retraite » de plusieurs années. « J’ai étudié les enseignements de la Tibetan Mystery School. Je me suis éloigné de la musique, je jouais parfois en solo, ou selon les rencontres. Pour compléter, je faisais de petits boulots à côté. » Dans les années 1990, Allen sortira plusieurs albums, enregistrés avec les moyens du bord, témoignages de cette période.A la fin des années 1980, le mouvement des rave parties a pour bande-son autant les boucles rythmiques de la techno que les envolées planantes. Tout comme Steve Hillage qui crée alors System 7, Allen y est considéré comme en adéquation musicale et « philosophique ». Allen remet alors Gong en route tout en continuant de collaborer avec une multitude de groupes (Invisible Opera Company of Oz, Brainville, Acid Mother Temple, Altered Walter Funk…) et de se frotter à de nombreux styles.Gong, en 2000, avec, outre Daevid Allen et Gilli Smyth, le bassiste Mike Howlett et le saxophoniste Didier Malherbe (en gilet noir), interprète « Master Builder », extrait de l’album « You ».En 1992, paraît Shapeshifter avec Malherbe et Pyle. A partir du milieu des années 1990, Smyth et Howlett sont aussi de retour, Pierre Moerlen participera à une partie des tournées. En 2000, paraît l’album Zero to Infinity, qui emmène ses personnages encore plus loin que la planète Gong. Zero est devenu Zeroid. Ce que cherche avec lui Allen, c’est une vibration céleste. En 2009, la résonance entre la terre et l’invisible planète est annoncée dans l’album 2032, auquel participe Hillage et Giraudy. Dernière étape, I See You paraît en novembre 2014, dont seuls Allen et Smyth constituent le lien avec l’âge d’or du groupe. « Mais Gong, c’est au-delà de moi. C’est hors des modes, hors du temps. Un état d’esprit, une énergie dont je ne suis que l’un des inspirateurs. »Dates13 janvier 1938 Naissance à Melbourne (Australie)1966 Co-fondateur du groupe Soft Machine1970 Fonde le groupe Gong.1973-1974 Succès avec la trilogie phonographique: « Flying Teapot », « Angel’s Egg » et « You ».1975 Quitte la formation la plus réputée de Gong.1976-1981 Monte plusieure groupes à Majorque (Espagne), Londres et New YorkFin des années 1980 Après une période de semi retraite en Australie, réactive Gong sous sa direction2009 Album « 2032 » de Gong13 mars 2015 Mort à Byron Bay (Australie) des suites d’un cancerSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.03.2015 à 17h09 • Mis à jour le16.03.2015 à 17h09 | Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Magical Mystery Tour », tubes de couleurCette semaine : autour de l’album Magical Mystery Tour (novembre et décembre 1967). « Magical Mystery Tour » (Lennon-McCartney), par Ska Ska ClubDiffusé le 26 décembre 1967 par la BBC, le film musical des Beatles, Magical Mystery Tour, a donné lieu à deux disques distincts. Les Etats-Unis ont d’abord découvert six chansons utilisées dans le film sur la face A d’un album vinyle 33-tours sorti le 27 novembre 1967. Avec en face B cinq chansons publiées en single entre février et novembre. Au Royaume Uni, Magical Mystery Tour sort le 8 décembre 1967 sous la forme d’un double 45-tours EP (pour extended play, chaque face pouvant accueillir deux chansons contrairement au single qui ne met qu’une chanson par face) avec les six titres utilisés dans le film. Lesquels, dans l’album américain, suivent à peu près l’ordre du film quand le EP met la chanson-titre et le final (Your Mother Should Know) en face A, I Am The Walrus en face B, réunit les deux thèmes les plus rêveurs en face C et se termine par Blue Jay Way, composition de George Harrison (1943-2001), en face D. Depuis 1976, c’est la construction américaine en onze chansons qui est choisie lors des rééditions, dont la présente diffusée en kiosques pour la collection The Beatles. Notre sélection de reprises en suit l’ordre.Album ou EP, l’entrée dans le voyage en bus des Beatles débute par la chanson du générique Magical Mystery Tour. Avec son accroche initiale « Roll Up ! Roll Up for The Mystery Tour… », invitation à double sens, roll up étant l’équivalent de notre « en route » mais aussi le fait de rouler un joint, dont les fumées accompagneront le parcours psychédélique. De cette chanson enjouée, la reprise la plus connue est probablement celle du guitariste suédois de heavy metal Yngwie Malmsteen, dans un album hommage par différents représentants du genre Butchering the Beatles-A Headbashing Tribute (Restless Records, 2006). Le voyage se transformant en un déluge de notes lors du solo virtuose, on lui a préféré celui, certes à vive allure, mais fort dansant et sans paroles, du groupe japonais Ska Ska Club, qui en fit l’ouverture de son premier album Twelve Ways To Go, en 2001. « The Fool on The Hill » (Lennon-McCartney), sous le titre « En la Colina » par Caterina Valente et Edmundo Ros Aux scènes de comédie, dont la trame scénaristique tiendrait sur une feuille de papier à cigarette, le film Magical Mystery Tour ajoute des séquences musicales illustrées, l’équivalent des vidéo-clips des chaînes musicales des années 1980. Dans les premières minutes du film, l’on découvre ainsi Paul McCartney qui chante The Fool on The Hill, seul dans divers paysages, dont une colline boisée (the hill du titre de la chanson), ou gambadant sur une plage. La ballade, avec son ensemble de flûtes, son ambiance rêveuse, a plus particulièrement inspiré les interprètes féminines (Gal Costa, Rita Lee, Shirley Bassey, Petula Clark, Sarah Vaughan…). Parmi elles, la chanteuse Caterina Valente, née à Paris, à la carrière internationale (Italie, Brésil, Allemagne…) et à la discographie imposante de plus d’une cinquantaine d’albums depuis le milieu des années 1950 – elle enregistrait encore au début des années 2000 – dont plusieurs avec de swingantes formations orchestrales, dont celle du percussionniste, chef d’orchestre et compositeur Edmundo Ros (1910-2011). Et parmi ces disques, Nothing But Aces, publié en 1968 par la compagnie Decca dans sa collection destinée à valoriser l’enregistrement stéréophonie « phase 4 stereo ». Un disque notamment constitué de reprises dont La Bamba, Dream A Little Dream Of Me, immortalisé par Doris Day ou Dean Martin (1917-1995) et devenu ici Sueno Que Estoy Junto A Ti ou donc The Fool On The Hill, transformé en un plaisant En La Colina. « Flying » (Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par The Residents Deuxième séquence musicale du film, constituée de vues de paysages montagneux tournées depuis les airs, avec des effets de couleurs solarisées ou transformées et d’envols dans les nuages destinés à nous faire comprendre où habitent de facétieux magiciens, Flying est l’un des quatre instrumentaux des Beatles à avoir connu une publication officielle (les trois autres, après la séparation des Beatles, dans la collection Anthology, en 1995). Tout aussi rare est le crédit de compositeurs partagé par les quatre Beatles (Starkey étant le vrai nom du batteur Ringo Starr). Une bizarrerie dont le très bizarre groupe américain The Residents, actif depuis la fin des années 1960 sans que ses membres n’aient révélé leur identité, a donné sa version. Elle relève de la déconstruction chère à The Residents mais serait presque d’un abord aisé dans leur discographie plutôt expérimentale. A dénicher en face B du 45-tours The Beatles Play The Residents and The Residents Play The Beatles (Ralph Records, 1977). « Blue Jay Way » (Harrison), par Lord SitarDans Blue Jay Way, George Harrison (1943-2001), son auteur-compositeur, est le héros de la séquence musicale qui, dans le film, venait après celle d’I Am The Walrus. Parfois dédoublé, voire quadruplé, par des trucages images, il est assis en position du lotus, veste et pantalon orange, couleur importante de la culture indienne dans laquelle il a commencé à s’immerger, dans des volutes de fumées avec pour éclairages les phares du bus du Magical Mystery Tour. Les autres Beatles apparaissent à l’occasion, jouant au ballon dans un jardin ou maniant l’archet sur un violoncelle blanc. Musicalement on plane tout autant. Une ambiance partiellement conservée dans la version qu’en donne Lord Sitar, avec chœurs, tabla et sitar. Derrière ce pseudonyme, il y a le guitariste et arrangeur britannique Big Jim Sullivan (1941-2012), musicien de studio réputé (Tom Jones, Shirley Bassey, Dusty Springfield, Donovan, Johnny Hallyday, David Bowie, Serge Gainsbourg…) qui fut l’un des premiers à utiliser des pédales d’effets. Ami de George Harrsion, il a appris au début des années 1960 à jouer du sitar avec l’un des maîtres de l’instrument, Vilayat Khan (1928-2004). Sous son nom, il enregistre un premier album de reprises jouées au sitar, Sitar Beat (Mercury, 1967), dont Sunshine Superman (Donovan) et A Whiter Shade Of Pale (Procol Harum), et sous le nom de Lord Sitar, un disque éponyme, publié par Capitol en 1968, où l’on trouve cette version de Blue Jay Way mais aussi d’I Am The Walrus et Eleanor Rigby des Beatles. « Your Mother Should Know » (Lennon-McCartney), par Les Haricots rougesEn final du film, les Beatles, en smoking blanc, descendent un grand escalier avant de se retrouver au milieu d’une foule d’élégants et d’élégantes et de jeunes femmes en uniformes de la Royal Air Force. Un hommage visuel, réalisé avec les faibles moyens du bord, aux comédies musicales des années 1930 et 1940 du cinéaste et chorégraphe Busby Berkeley (1895-1976). On est certes loin des tourbillons et géométries de Berkeley mais la séquence fait son petit effet. Et puisque les Beatles évoquaient là une lointaine période, quoi de mieux que la reprise par une formation spécialisée dans le jazz New Orleans et dixieland, Les Haricots rouges. Le groupe, dont le personnel a changé au cours des ans, fêtait en 2013 son cinquantenaire. Leur version, avec force banjo et cornet, figurait sur un 45-tours publié en 1968, sur lequel on trouvait aussi une reprise de The Ballad of Bonnie and Clyde que venait d’enregistrer le chanteur et claviériste Georgie Fame. « I Am The Walrus » (Lennon-McCartney), par The Swingle SingersFaute d’accord avec les ayants droit des Beatles, Frank Zappa n’a pu inclure aux disques témoignages de son ultime tournée en 1988 (avec une imposante section de vents) sa version d’I Am The Walrus, pas plus que celles aux paroles détournées de Norwegian Wood, Strawberry Fields Forever et Lucy In The Sky With Diamonds. Dommage. Reste que cette chanson éminemment psychédélique (dont le film renforce les visions avec les Beatles déguisés en animaux, et notamment le morse, walrus, du titre) a connu de nombreuses versions. Que cela soit par les groupes Oasis, The Flaming Lips, Die Toten Hausen (punk allemand), le comédien Jim Carrey qui l’enregistre avec l’aide du producteur des Beatles George Martin, le guitariste flamenco et jazz-rock Al di Meola… Nous vous proposons la version a cappella par The Swingle Singers, enregistrée en 1999 pour leur album hommage aux Beatles Ticket To Ride - A Beatles Tribute (chez Swing). Le groupe, formé en 1962 par Ward Swingle (1927-2015), a d’abord connu le succès en France avec ses adaptations façon jazz de compositions du répertoire classique. La formation vocale, qui a connu de nombreux et réguliers changements de personnel et a pris ses quartiers à Londres au milieu des années 1970, toujours active, a aujourd’hui le statut d’une institution musicale. « Hello Goodbye » (Lennon-McCartney), par I Bit-NikLa plus récente reprise d’Hello Goodbye, chanson qui ouvrait la face B de l’album américain de Magical Mystery Tour, a été enregistrée par le groupe The Cure et figure dans l’album The Art of McCartney (novembre 2014), double CD hommage d’une multitude de vedettes pop et rock à l’auteur-compositeur, bassiste, claviériste et chanteur, que cela soit au sein des Beatles, de son deuxième groupe Wings ou dans sa carière en solo. Un ensemble plutôt freiné par une prudence plus que respectueuse à l’égard de son sujet. La plus ancienne version, si elle est de fait respectueuse, a pour elle la fraîcheur et les maladresses de ses interprètes I Bit-Nik, formation italienne originaire de Gênes, dont la carrière a duré de 1964 et 1968 et dont il reste quelques enregistrements publiés en 45-tours. Ainsi cet Hello Goodbye, dont le texte constitue pour l’essentiel en des variations sur « You say yes/I say no (…) You say goodbye/And I say hello » soit « Tu dis oui/Je dis non (…) Tu dis au revoir/Je dis hello » dont la version italienne se garde bien de compliquer le propos. « Strawberry Fields Forever » (Lennon-McCartney), par Todd RundgrenVioloncelles, trompettes, percussions, couches de guitares acoustiques et électriques, claviers etc. Cinq semaines de travail et d’enregistrements de fin novembre à fin décembre 1966. Strawberry Fields Forever est l’une des mini symphonies beatlesiennes les plus réputées. Publiée en face A d’un 45-tours en février 1967, elle aurait pu figurer sur le futur album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (juin 1967), tout comme sa copine de face B, Penny Lane, autre monument de la phase orchestralo-psychédélique. Difficile pour les repreneurs de s’y attaquer sans s’en tenir à l’arrangement et l’ambiance initiale. Parmi d’autres, Candy Flip, XTC et son double Colin’s Hermit (Dave Gregory, Andy Partridge), Tater Totz, projet parodique mené par Steve et Jeff McDonald du groupe Red Kross ou même Stardrive dans une approche minimaliste s’y tiennent.Alors à tout seigneur tout honneur, c’est par ce traitement que Todd Rundgren sera notre choix. En avril 1976, la face A de son album Faithful (Bearsville Records) est constituée de six reprises de chansons dont le guitariste, claviériste, chanteur, auteur-compositeur et producteur américain dit qu’elles ont constitué une partie de ses bases de musicien. Good Vibrations des Beach Boys, If Six Was Nine de Jimi Hendrix (1942-1970), Bob Dylan, les Yardbirds et deux fois les Beatles avec Rain et Strawberry Fields Forever. Elles sont jouées notes pour notes, dans l’exactitude des originaux, Rundgren approchant vocalement ses divers interprètes et prenant en charge toutes les parties de chœurs. Avec lui, le claviériste Roger Powell, le bassiste John Siegler et le batteur John Wilcox. Ils ont passé des heures en studio à décortiquer chaque passage, à trouver à partir de leurs instruments comment en imiter d’autres et la production de Rundgren consiste à retrouver le son d’origine. Un exercice de style revendiqué. « Penny Lane » (Lennon-McCartney), par Peter Breiner and His Chamber OrchestraL’autre mini symphonie beatlesienne de 1967, Penny Lane, avec son orchestration foisonnante, est donc tout aussi à prendre avec des pincettes en cas de reprises. Les quelques prétendants ont plutôt fait donner la grosse cavalerie (James Last, Paul Mauriat) et même Count Basie dans son Basie on the Beatles (1969) a eu du mal à la faire swinger. Et si l’option du dénuement est prise, elle ne convainc pas (Kenny Rankin). En revanche, tout se tient dans la version enregistrée par l’orchestre de chambre dirigée par le pianiste, chef d’orchestre et compositeur Peter Breiner, à qui l’on doit aussi un Elvis Presley façon musique baroque. Dans l’album Beatles Go Baroque (Naxos, 1993) Breiner réunit plusieurs chansons des Beatles dans le style de Haendel (1685-1759), Vivaldi (1678-1741), Jean-Sébastien Bach (1685-1750) et Corelli (1653-1713). Penny Lane fait partie de l’ensemble Haendel, avec She Loves You, Lady Madonna, Fool on The Hill et Honey Pie. « Baby You’re A Rich Man » (Lennon-McCartney), par Brian SandsDu peu que l’on connaisse des enregistrements et de la personne du multi-instrumentiste et chanteur Brian Sands (guitare, basse, flûte, percussions, guitare, batterie…), proche de la scène art-punk américaine de la fin des années 1970, il y a cet album Reheated Chocolate Tangos. Sorti en 1979 chez Bizart Records (une petite dizaine de productions entre 1979 et 1982), il présente six compositions de Sands et une reprise de Baby You’re A Rich Man qui figurait sur la face B du single des Beatles All You Need Is Love, sorti en juillet 1967. « All You Need Is Love » (Lennon-McCartney), par New MusikLe 25 juin 1967, 400 millions de téléspectateurs (estimation à l’époque) dans quatorze pays (Etats-Unis, Canada, Mexique, Australie, Japon, Royaume uni, Italie, Allemagne (de l’Ouest), France, espagne…) regardent « Our World », la première émission télévisée de divertissement diffusée en direct par satellite. Un programme de deux heures trente auquel participent des personnalités de la culture – dont Franco Zeffirelli, Picasso (1881-1973), Maria Callas (1923-1977), Leonard Bernstein (1918-1990)… – des scientifiques, des sportifs etc.. Pas de séquences pré-enregistrées, des présentations dans la langue de chaque pays, traduites simultanément, et un passage d’un pays à l’autre au gré de l’enchaînement des sujets (répétés en amont et obéissant à un minutage précis). Un exploit technique à vocation rassembleuse pour lequel le Royaume Uni a choisi d’être représenté par les Beatles. Qui ont commencé quelques jours plus tôt à travailler sur une nouvelle chanson, All You Need Is Love, dont le message tombe on ne peut mieux. La séquence Beatles permet de voir (en noir et blanc) le groupe en train de répéter puis d’interpréter le titre (avec une bande orchestrale en renfort) entouré d’anonymes et de célébrités.Devenue hymne depuis, All You Need Is Love est régulièrement invitée en final de célébrations en l’honneur d’une personnalité ou à vocation humanitaire, avec des vedettes bien obligées d’en redouter dans le sourire fraternel. A cet égard, l’assemblée autour de Luciano Pavarotti (1935-2007), en 2000, est un modèle. Auquel nous préférons, en conclusion de ce voyage magique, la (relative) sobriété new wave de la version de New Musik, formation britannique qui œuvra de 1977 à 1982. A trouver sur le troisième et dernier album du groupe Warp (Epic, 1982).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, une tournée psychédélique dans la veine de Sgt. Pepper's. Dans la soirée du 26 décembre 1967, la BBC offre en cadeau de Noël à ses téléspectateurs Magical Mystery Tour, un film musical de et avec les Beatles. C'est un flop. Public et critique. Tout le monde se gratte la tête à propos de ce voyage en bus dans la campagne anglaise, avec des magiciens, des animaux sortis d'Alice au pays des merveilles (dont un morse, celui de la chanson I Am The Walrus), un strip-tease, des vues de paysages, des séquences, qui se veulent comiques, mal jouées, un scénario bricolé au fur et à mesure du tournage…Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Magical Mystery Tour »Le film, tourné en couleurs, a été présenté sur le réseau en noir et blanc de la première chaîne de la BBC. Sans ce qui à l'image pourrait faire sa saveur. Peu après, la diffusion en couleurs par BBC2 – pour un parc de postes estimé à 200 000 – tempérera un peu cette appréciation négative. Les chansons, elles, ont été bien mieux accueillies, publiées quelques semaines plus tôt sur un double 45-tours, avec un livret montrant des images du film, une bande dessinée.En smoking blanc sur un escalier de music-hallL'enjoué Magical Mystery Tour, dans l'esprit de l'introduction de Sgt. Pepper's (juin 1967), la ballade The Fool on the Hill, avec son trio de flûtes, l'instrumental aérien Flying, tout en effets sonores, que prolonge Blue Jay Way, de George Harrison, Your Mother Should Know – dans le film, les Beatles en smoking blanc sur un escalier de music-hall – et le sommet psychédélique I Am the Walrus.Tout cela s'entend comme une suite au fantasque labyrinthe sonore de Sgt. Pepper's. Et plus nettement avec la publication aux Etats-Unis de Magical ­Mystery Tour en album 33-tours – qui correspond à la présente édition proposée par Le Monde. Les chansons du film en face A et cinq autres en face B, jusqu'alors disponibles en 45-tours, dont les mini-symphonies définitives Strawberry Fields Forever et Penny Lane ainsi que l'hymne All You Need Is Love. Tout ce dont tu as besoin, c'est d'amour. Une chanson-slogan encore entonnée lors des manifestations du 11 janvier, après la tuerie au siège de l'hebdomadaire Charlie Hebdo.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Ces dernières semaines, une série de censures émanant de centres d’art ont pu mettre en lumière des tentatives d’évitement de sujets sensibles. Dans chacun des cas, des œuvres engagées et dérangeantes, tirant leur force plastique de leur capacité à questionner la société, ont été écartées avant même d’être présentées au public, car susceptibles de provoquer des tensions, alors même qu’elles avaient toutes préalablement été sélectionnées par ces mêmes structures. Retour sur trois exemples où les structures muséales ont préféré déprogrammer des œuvres plutôt que de risquer un éventuel débat.Le retrait de « Sleep (Al Naim) » de Mounir Fatmi à la Villa Tamaris : un cas de censure préventive pour parer à des « incompréhensions » Le Monde Afrique révélait, le 23 février, que la Villa Tamaris, centre d’art de La-Seyne-sur-Mer (Var), avait décidé de ne pas exposer une œuvre de l’artiste marocain Mounir Fatmi, qu’elle avait pourtant retenue pour son exposition « C’est la nuit ! », programmée pour le mois de juin.Entre novembre 2014, moment où la Villa Tamaris a contacté l’artiste, et le 10 février, jour où le centre d’art décide de renoncer à sa vidéo, il y avait eu la tuerie de Charlie Hebdo. Or, Sleep (Al Naim) (2005-2015), longue vidéo inspirée du film d’Andy Warhol Sleep, représente un dormeur modélisé d’après les traits de l’écrivain Salman Rushdie. Depuis qu’une fatwa de mort a été lancée contre lui, en 1989, l’auteur des Versets sataniques (1988), traqué et vivant sous haute protection, est devenu tant une cible des islamistes qu’un symbole de la lutte pour la liberté d’expression et contre l’extrémisme.« Dans le contexte actuel, [la présence de cette œuvre serait] susceptible de susciter des incompréhensions et des manipulations qui nous entraîneraient dans des polémiques stériles et dangereuses », a écrit le directeur du centre d’art à l’artiste, cité par Télérama, pour expliquer sa décision. Pour Robert Bonnacorsi, l’exposition se veut hors de tout débat : « C’est une dérive poétique autour de la nuit sans lien avec l’actualité. »« Je me demande aussi ce qu’on va finir par montrer dans les Centres d’art si l’on écarte les artistes qui travaillent sur le corps, sur la politique, sur la société ou sur la religion, privant ainsi le public de sujets essentiels à la compréhension de notre monde », a déclaré Mounir Farmi à l’hebdomadaire. A travers cette censure, l’artiste est troublé d’être, en tant que victime, celui que l’on pointe du doigt, le coupable : « J’ai eu le sentiment d'être poussé à me demander si je ne l'avais pas cherché. »A lire : L’artiste marocain Mounir Fatmi censuré sur la Côte d’AzurLe fiasco de l’exposition « Femina » à Clichy-La Garenne : l’autocensure face à des risques d’incidents Le 24 janvier, lors du vernissage de l’exposition « Femina ou la réappropriation des modèles », au Pavillon Vendôme, le centre d’art contemporain municipal de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), qui rassemblait des œuvres de dix-huit femmes artistes de tous horizons, une installation avait déjà été démontée : Silence, de Zoulikha Bouabdellah.Cette œuvre, l’une des plus souvent exposées de l’artiste franco-algérienne depuis sa création, en 2008, consiste en plusieurs rangées de tapis de prière tricolores, découpés en leur centre en forme de cercle, où est posée, à chaque fois, une paire d’escarpins. Comme le rapportait alors Le Monde, une pancarte indiquait que l’artiste et une des commissaires de l’exposition avaient « choisi » de retirer l’œuvre « afin d’éviter toute polémique et récupération ». Mais l’artiste Orlan, bientôt suivie par d’autres artistes et les commissaires, a révélé que la mairie (PS) de Clichy avait en réalité « cédé [aux] pressions ». A l’origine, des « mises en garde émanant de représentants d’une fédération de citoyens clichois de confession musulmane sur “d’éventuels incidents irresponsables” non maîtrisables ». Ainsi, comme l’a déclaré Orlan, « cet acte d’autocensure masqu[ait] une censure plus grave. »Dans une lettre ouverte au maire de la ville, les artistes ont demandé à celui-ci de choisir : « soit assumer la présentation de la pièce Silence, soit décider de la fermeture de l’exposition, privant de son accès les Clichois et l’ensemble du public ». En l’absence de réponses claires et de « soutien » de la part de la municipalité, artistes et organisatrices ont décidé de renoncer à sa tenue le 1er février, soit une semaine après son ouverture.« Silence n’est pas une œuvre provocante, et encore moins une œuvre “blasphématoire”. Silence ne tape pas sur l’islam, bien au contraire : elle montre que des femmes musulmanes peuvent aussi être féministes. Je suis de culture musulmane et je n’aime pas que l’on dénature cette religion dans un sens ou dans l’autre. C’est dans cette ignorance que réside le blasphème », s’était expliquée l’artiste auprès du Monde. Réagissant pas le biais d’un communiqué, le maire, Gilles Catoire, menaçait de porter plainte pour diffamation contre qui associerait son nom à l’affaire.A lire : A Clichy, l’œuvre « Silence » fait du bruit et A Clichy-la-Garenne, l’exposition « Femina » mise à nu par ses artistes mêmesAu musée Jumex, à Mexico, une autocensure radicale dans un contexte de violences sociales L’annulation d’une exposition entière par crainte de la controverse : un tel cas d’autocensure est rarissime au Mexique. L’artiste autrichien Hermann Nitsch vient d’en faire les frais, alors que le Musée Jumex (prononcer houmex) devait lui consacrer une exposition à Mexico à partir du 27 février, rapporte le New York Times.Ce tout jeune musée, qui avait ouvert ses portes en novembre 2013, explique en effet avoir anticipé la polémique que pouvait déclencher les œuvres dérangeantes de l’artiste dans un pays traumatisé par les bains de sang causés par les gangs et la corruption de la police. Evoquant « la situation politique et sociale du Mexique actuel », le directeur de la fondation Jumex, Patrick Charpenel, faisait en particulier allusion à la découverte des corps calcinés de 43 étudiants dans l’Etat de Guerrero, en octobre 2014, dont l’identification a bouleversé le pays. Disparus fin septembre 2014, ces contestataires avaient été livrés par la police à des tueurs à gage.Hermann Nitsch, qui utilise des viscères d’animaux et élabore des rituels lors desquels il « crucifie » des participants dans des happenings sanglants depuis plus de cinquante ans, a pour sa part l’habitude des controverses. Pourtant, à 76 ans, le cofondateur du mouvement des Actionnistes viennois, a été surpris d’être, pour la première fois de sa vie, déprogrammé par une institution.La fondation Jumex, qui a favorisé l’émergence de la scène artistique mexicaine, par des bourses, du mécénat et des workshops, présente dans son musée la plus grande collection d’art contemporain privée d’Amerique latine, avec 2 800 œuvres. Il s’agit de la collection d’Eugenio Lopez Martin, héritier du groupe Jumex, qui a fait fortune dans les jus de fruit. Alors même que le groupe s’efforce de s’intégrer dans le circuit international, son abrupte décision est jugée embarrassante dans le milieu artistique, qui estime qu’elle porte atteinte à la crédibilité du musée. « C’est une affaire sérieuse », a déclaré au quotidien américain Rina Carvajal, ancienne conservateur en chef du Miami Art Central, une autre institution privée : « Ils ont invité un artiste très important, ont préparé l’exposition, l’ont annoncée, puis l’ont annulée. Ce n’est pas professionnel. (…) Qui veut travailler avec un musée qui annule à la dernière minute ? » Le musée a pris sa décision trois semaines avant la date de l’inauguration, alors que les vidéos et peintures de l’artiste ralliaient le Mexique par bateau.Pour Patricia Martin, l’ancienne directrice de la collection Jumex, qui a participé à la création du musée, dire que les Mexicains ne sont pas prêts pour le travail de Nitsch, alors que chaque année, la violence fait des dizaines de milliers de morts dans le pays, est « ridicule », rapporte encore le New York Times. Au contraire, selon elle, l’exposition aurait pu permettre aux Mexicains d’aborder leur sanglante réalité en ouvrant « un débat très porteur ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.03.2015 à 12h36 • Mis à jour le03.03.2015 à 14h29 | Gabriel Coutagne C’est au tour du photographe de répliquer après la diffusion d’une photo prétendument non retouchée de Cindy Crawford sur les réseaux sociaux. Le site américain TMZ révélait dimanche 1er mars que l’avocat de l’auteur de la fameuse photographie, John Russo, demandait au Telegraph et au Sunday Telegraph de retirer l’image, sous peine de poursuites.Cindy crawford releases honest, un-photoshopped image http://t.co/ehbjfbyWrk #BeReal http://t.co/27tLSzOg1C— BeReal_Campaign (@Be Real)require(["twitter/widgets"]);Dans une lettre adressée au Telegraph et mise en ligne par TMZ, l’auteur du cliché, connu pour ses portraits de célébrités, explique que les photos de Cindy Crawford, réalisées pour l’édition mexicaine de Marie Claire en 2013, « [lui] ont été volées ». Il ajoute que l’image qui circule sur les réseaux sociaux « est une version frauduleuse de [sa] photographie, qui a été transformée et qui ne représente pas l’image originale ».En plus de reprocher aux médias une diffusion de l’image en dépit du droit d’auteur, le photographe souligne donc que ce cliché, prétendument non retouché, a été sciemment modifié. Dans un entretien au Monde, un professionnel de la retouche avait déjà suggéré que cette image avait sans doute été retouchée afin de faire ressortir les défauts de la top-modèle. Selon lui, pour cette image, « les contrastes ont très bien pu être renforcés pour accentuer l’effet naturel ».L’éternelle retouche des photos du corps fémininDu côté de la star, la réplique était venue par la voix de son époux, qui avait publié sur son compte Instagram une photo qui fonctionnait comme un démenti.Gabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Le marché mondial de l’art « Fine Art » - c’est-à-dire hors antiquités, biens culturels anonymes et mobilier - a connu en 2014 « une nouvelle année record », selon le 13e rapport annuel réalisé par Artprice et son partenaire chinois AMMA (Art Market Monitor of Artron), rendu public mardi 3 mars. Les ventes ont atteint « le résultat historique de 15,2 milliards de dollars (13,5 milliards d’euros) aux enchères publiques, soit une croissance de 26 % par rapport à 2013 (12,5 milliards de dollars). »En revanche, le nombre d’œuvres vendues dans le monde reste relativement stable par rapport à 2013 : 505 000 adjudications. Quant au taux d’invendus, il est parfaitement stable depuis quatre ans, à 37 % en Occident et à 54 % en Chine. « Ce qui démontre l’absence de spéculation », selon Thierry Ehrmann, président d’Artprice.L’année 2014 a aussi été marquée par un record de 1 679 enchères supérieures à 1 million de dollars, soit quatre fois plus qu’il y a dix ans. 125 œuvres ont été vendues 10 millions de dollars ou plus (hors frais), contre seulement 18 en 2005. En une décennie, la progression est de 300 %, selon Artprice.Les résultats des principaux acteurs du secteur témoignent de cette année record. Lundi 2 mars, à New York, Sotheby’s a annoncé avoir atteint en 2014 un nouveau record historique de ventes, à 6, 1 milliards de dollars (5,4 milliards d’euros), en hausse de 19 % sur 2013.L’entreprise américaine occupe la deuxième place des maisons aux enchères, derrière Christie’s. Fin janvier, sa rivale britannique avait annoncé avoir engrangé des ventes pour un montant historique de 8,4 milliards de dollars en 2014, en hausse de 12 % sur un an.Les maisons d’enchères ne connaissent pas la criseLA CHINE, PREMIER MARCHÉ MONDIALEn termes de zone géographique, la Chine confirme sa place de première puissance mondiale devant les États-Unis, avec un produit de ventes de 5,66 milliards de dollars, en baisse toutefois de 5 % par rapport à 2013.En retrait de 14 %, l’art contemporain montre quelques signes d’essoufflement en Asie. L’année a été en revanche exceptionnelle aux États-Unis avec une envolée de 41 % des ventes, à 4,8 milliards de dollars.En progression de 35 %, le Royaume-Uni conforte sa troisième place, avec 2,8 milliards de dollars. La France arrive en 4e position, loin derrière, avec 496 millions de dollars, en baisse de 10 % sur 2013.Pour M. Ehrmann, ce dynamisme mondial est aussi porté par l’économie muséale. « Il s’est créé plus de musées entre 2000 et 2005 que durant tout le XIXe et le XXe siècle et il s’ouvre dans la Grande Asie un musée par jour ».Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Manon Loizeau a filmé quasi clandestinement dans ce pays qu’elle connaît bien. Un documentaire bouleversant (Mardi 3 mars à 22 h 35 sur Arte)L’ordre règne à Grozny. Vingt ans après la première guerre de Tchétchénie, qui a fait plus de 150 000 morts, la journaliste Manon Loizeau, spécialiste de la Russie, est retournée dans ce petit pays qui vit désormais sous la férule de Ramzan Kadyrov (38 ans), marionnette politique entre les mains du président russe Vladimir Poutine.Dans son documentaire Tchétchénie, une guerre sans traces, Manon Loizeau, qui a filmé en quasi-clandestinité, raconte le quotidien de ces Tchétchènes qui vivent dans la terreur. Outre les rapts, tortures, assassinats et la cor­ruption, la population s’est vue imposer l’ordre moral islamique qui oblige les femmes à se voiler. Et, pour installer son ordre nouveau, le dictateur a décidé d’effacer la mémoire de ce peuple meurtri. A l’école, l’histoire de la Tchétchénie commence désormais avec Kadyrov et Poutine ! Toute évocation du conflit, tout rappel des exactions de l’armée russe sont proscrits. Depuis février 2014, la commémoration de la déportation massive des Tchétchènes par Staline est interdite.« J’avais beau être prévenue, j’ai été médusée en découvrant la nouvelle Tchétchénie et sa capitale, Grozny City, aux faux airs de Dubaï, avec ses avenues flambant neuves rebaptisées du nom des bourreaux d’hier, ses centres commerciaux rutilants et vides, ses énormes mosquées et, partout, les portraits géants des présidents Kadyrov et Poutine. Tout était irréel », raconte Manon Loizeau dans le magazine d’Arte.Rusant avec son statut de journaliste accréditée en Russie, elle a pu déjouer la surveillance de cet Etat policier. Pour réaliser ce documentaire, huit courts voyages ont été nécessaires avec, à chaque fois, des cadreurs travaillant pour différents médias.« On s’attend toujours au pire »A eux tous, ils ont réalisé un remarquable travail sur l’image. Manon Loizeau avait aussi laissé sur place des petites caméras à ses interlocuteurs pour qu’ils filment eux-mêmes leur quotidien. « Le jour, la vie semble belle, mais la nuit, c’est la terreur. On s’attend toujours au pire », confie une femme, harcelée par les miliciens du pouvoir et qui a choisi de garder l’anonymat.De rares voix dissidentes ont pourtant le courage de dénoncer cette terreur d’Etat. C’est le cas du Comité des mères de Tchétchénie, fondé lors de la première guerre, qui, en vingt ans, n’a retrouvé que deux personnes vivantes sur les 18 000 portées disparues. « La Tchétchénie est un long tunnel noir où l’on ne voit pas la lumière », dit sa présidente, Madina. Il y a aussi le Comité contre la torture, un collectif de jeunes juristes russes qui enquête sur les disparitions et les conditions de détention. « La loi n’a aucune valeur face à Kadyrov », explique l’un d’eux. « Ici, la terreur règne au nom de la lutte contre la terreur », poursuit-il. Peu après Noël, leurs locaux ont été incendiés lors d’un mystérieux attentat où toutes les archives sont parties en fumée.Il y a, enfin, la terrible machine judiciaire, sorte de jouet, dans les mains de Kadyrov, qui veut étouffer tout esprit de résistance. Ainsi Manon Loizeau suit le procès de Rouslan Koutaiev, un politicien dissident qui a été condamné à quatre ans de prison ferme pour avoir bravé l’interdiction de commémorer la déportation des Tchétchènes. Il avait été arrêté, torturé et accusé de détention d’héroïne. « Ce n’est que le début du combat », dit-il après la sentence.Dans le silence international qui entoure la tragédie tchétchène, ce document de Manon Loizeau est précieux, bouleversant et accablant.Tchétchénie, une guerre sans traces, de Manon Loizeau (Fr., 2015, 52 min). Mardi 3 mars à 22 h 35 sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Producteur de jazz, cofondateur ou fondateur des compagnies phonographiques Riverside, Milestone et Landmark, auteur de notes de pochettes de disques réputées pour leur écriture, dédicataire d’une composition du pianiste Bill Evans (1929-1980) Re: Person I Knew, anagramme de son nom, Orrin Keepnews est mort, dimanche 1er mars, à son domicile d’El Cerrito (Californie), près de San Francisco. Il était âgé de 91 ans. Son fils, Peter, journaliste au New York Times, a transmis la nouvelle à la presse sans précision sur les causes de la mort de son père.Né le 2 mars 1923, dans le quartier du Bronx, à New York, Orrin Keepnews, après avoir servi de 1943 à fin 1945 comme opérateur de radar dans l’armée de l’air, a fait ses débuts chez l’éditeur Simon & Schuster où il était chargé de lire les manuscrits. En 1948, il rejoint, en parallèle à cet emploi, son ami Bill Grauer (1923-1963) au sein de la petite équipe de The Record Changer, magazine spécialisé dans le jazz, fondé en 1942 et qui s’arrêta en 1957.Création de Riverside en 1953En 1952, Keepnews et Grauer sont chargés d’exploiter le fonds de catalogue d’un label spécialisé en blues et en jazz des années 1920 et 1930, Paramount Records. Cette expérience les mènera à créer leur propre marque, Riverside Records. D’abord dans la suite de ce travail de réédition, Riverside publie son premier album de jazz « contemporain » et le premier du pianiste Randy Weston, Cole Porter in a Modern Mood, enregistré en avril 1954.Au sein du label, Keepnews est plus particulièrement chargé de la direction artistique, de la production des séances et de la ligne éditoriale et Bill Grauer du suivi commercial et du fonctionnement financier de la société. Après Randy Weston, qui enregistre plusieurs albums pour Riverside, c’est un autre pianiste, Thelonious Monk (1917-1982) qui va rejoindre en 1955 le label pour l’album Plays Duke Ellington, thématique suggérée par Keepnews. Monk restera au sein de Riverside jusqu’à l’automne 1962, enregistrant une vingtaine d’albums, dont des rencontres avec les saxophonistes Sonny Rollins (dans Brilliant Corners, 1957), John Coltrane (1926-1967) et Gerry Mulligan (1927-1996).Fondation de Milestone en 1968Le troisième pianiste, emblème de Riverside, est Bill Evans, qui y signe son premier album en leader, New Jazz Conceptions, sorti fin 1956. Fidèle à la compagnie qui lui a permis de prendre son envol et à Keepnews avec qui il entretient des liens amicaux, Bill Evans enregistrera pour Riverside Records jusqu’à la fermeture du label, peu après la mort de Bill Grauer en 1963, et sera l’un des artistes phares de Milestone Records que Keepnews a fondé en 1968 avec le pianiste et arrangeur Dick Katz (1924-2009).« Re: Person I Knew », composée par Bill Evans en hommage à Orrin Keepnews, interprétée ici au Village Vanguard, à New York, en janvier 1974, avec le contrebassiste Eddie Gomez et le batteur Marty Morrell.Riverside Records, devenu une référence comme Blue Note, va produire près de 400 enregistrements, la plupart supervisés par Keepnews, dont plusieurs du trompettiste Chet Baker (1929-1988), des saxophonistes Sonny Rollins (Freedom Suite, 1958) et Cannonball Adderley (1928-1975), une quinzaine du guitariste Wes Montgomery (1923-1968) dont Fusion ! Wes Montgomery with Strings (1963). Outre Evans et Rollins, qui retrouvent alors Keepnews, Milestone Records va devenir la maison de disques régulière des saxophonistes Joe Henderson (1937-2001) et Lee Konitz ou du pianiste McCoy Tyner, qui y grave dans les années 1970 certains de ses meilleurs disques.Un Grammy Awards en 1999Si le label était toujours en activité jusqu’au début des années 2000, Orrin Keepnews y sera moins actif à partir du milieu des années 1970, chargé de la division jazz de Fantasy Records, grosse structure qui s’appuie sur le succès du groupe rock Creedence Clearwater Revival et construite au cours des ans par l’acquisition de plusieurs labels indépendants, dont l’un des joyaux de la soul, Stax Records.En 1985, Keepnews va fonder Landmark Records. Moins identifiée que Riverside et Milestone, la compagnie phonographique produit une cinquantaine d’albums sous la direction de Keepnews, notamment pour le saxophoniste Bobby Hutcherson et le pianiste Mulgrew Miller (1955-2013). Keepnews quittera sa dernière création en 1993, restant actif dans le milieu du jazz comme consultant ou concepteur pour des rééditions d’albums historiques. Il avait ainsi reçu en 1999 un Grammy Awards pour The Duke Ellington Centennial Edition : The Complete RCA Victor Recordings (1927-1973). En 2007, une collection de rééditions de ses productions les plus notables avait vu le jour sous le titre The Keepnews Collection.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Gabriel Coutagne et Claire Guillot La conséquence de débats internes ? Ou un plan com’ très mal maîtrisé ? Le World Press Photo donne l’impression d’un immense cafouillage depuis la remise d’un prix à un sujet du photographe italien Giovanni Troilo sur Charleroi. Après avoir mené l’enquête autour du sujet polémique, où certaines images ont été mises en scène, l’organisation a d’abord confirmé l’attribution de la récompense au photographe dans un communiqué, le 1er mars, avant d’en publier un autre le lendemain assurant que ses intentions avaient été comprises… à l’envers.Le World Press Photo répond à la ville de Charleroi« Une incompréhension a dominé les discussions sur Internet, donnant à croire que le concours du World Press Photo semblerait approuver la mise en scène des images. Nous aimerions clarifier les choses et préciser que le communiqué avait l’ambition de souligner exactement le contraire ». En effet, de nombreuses figures du photojournalisme s’étaient élevées contre une phrase du communiqué indiquant que les photographes concourant au World Press n’étaient pas autorisés à mettre en scène « des choses qui ne seraient pas arrivées autrement ».Le World Press Photo brise le tabou de la mise en scèneIl n’est pas sûr que le communiqué fasse taire les polémiques : l’organisation réitère son soutien au travail du photographe, qui n’a jamais caché que certaines images avaient été réalisées après l’événement décrit, ou avec l’aide d’un éclairage sophistiqué.Du côté de la mairie de Charleroi, la réaction du World Press Photo n’a suscité aucun étonnement. « Mais M. Paul Magnette [maire de Charleroi] s’estime heureux d’avoir soulevé ce débat. Ce qui importe maintenant, c’est que les professionnels s’emparent de la question », souligne-t-on cependant dans l’entourage du bourgmestre.Le World Press Photo en a profité pour préciser une nouvelle fois les conditions de réalisation d’une image, dans laquelle le photographe avait fait poser son cousin forniquant dans une voiture : « Le cousin avait donné la permission au photographe de le suivre cette nuit-là, de l’observer et de le photographier en train d’avoir des relations sexuelles avec une fille en public. Que le photographe ait été ou non présent, le cousin avait prévu de faire l’amour dans sa voiture ».En 2015, le World Press Photo en quête de « subtilité »Gabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Le Tavernier (Syndicat national de l'édition phonographique) et Bertrand Burgalat (Syndicat national de l'édition phonographique) En 2003, Libération titrait « Le CD bientôt DCD ». Les difficultés auxquelles a été confrontée la musique enregistrée en ont fait le laboratoire de tous les bouleversements qui ont fait vaciller les professions intellectuelles, les services, le commerce. Depuis 2002, elle a perdu plus de 65 % de son chiffre d’affaires, mais elle s’est battue avec ouverture d’esprit et une bonne dose de stoïcisme face aux poncifs et aux préjugés.En 2003, ce quotidien évoquait « une industrie qui n’a pas su s’adapter ». Une décennie et quelques plans sociaux plus tard, les salariés licenciés de la presse, de l’édition ou de l’audiovisuel apprécieront. Car la désindustrialisation culturelle a succédé à la désindustrialisation tout court. Il était normal que la musique ouvre le chemin : il n’y a rien de plus immatériel que les ondes sonores.Pourtant les producteurs sont toujours là. Les artistes savent qu’ils font ce que personne ne fait, surtout pas ceux qui les considèrent avec condescendance comme des « intermédiaires ».La création en studio ne doit pas se réduire à une photographie de la scène. Le théâtre filmé n’est pas le cinéma. La plupart des disques que nous aimons, y compris les moins commerciaux, n’auraient pu être conçus de cette manière, encore moins dans un système de licence globale où tous les moyens d’expression seraient attribués sur dossier. Quant au « Do it yourself », il peut engendrer des œuvres d’une grande singularité, mais aussi des impasses. On ne peut pas à la fois demander le respect des conventions collectives et prôner l’économie précaire, défendre le statut des intermittents et encourager la délocalisation des productions.Créer des richessesLes producteurs français, qui perçoivent 10 % des recettes réelles et assurent l’intégralité des dépenses d’investissement, sont les seuls au monde à ne pas partager leurs échecs. Les artistes perçoivent en effet un pourcentage des ventes dès le premier disque vendu, quand les « royalties » des contrats anglo-saxons ne s’appliquent qu’une fois les frais de production amortis.On a tendance à idéaliser ce qu’a été la musique avant Internet, mais il n’a jamais été facile d’en faire et d’en vivre. Le rôle des labels a toujours été de mettre les risques en commun pour permettre à des projets difficiles de se concrétiser grâce au succès des autres.Aujourd’hui, le problème est moins de partager des richesses qui s’amenuisent que d’en créer. Le numérique a permis un accès plus facile aux moyens de production et de diffusion, mais l’illusion du tout-gratuit a amplifié les inégalités et concentré le pouvoir entre les mains des bases de données géantes.Il faut beaucoup de courage aux politiques pour ne pas céder aux appels à la gratuité qui fait le jeu des marchands d’algorithmes au détriment des créateurs, ou à l’exaltation des chauffards du Net. Face aux images d’Epinal, il convient de souligner la complémentarité entre « gros » et « petits » labels, musiciens et mélomanes.Les cartes sont sur la table : l’offre légale s’est diversifiée, la musique et la chanson francophone s’exportent et bénéficient, à leur manière, de la dématérialisation des échanges. En 2014 le streaming, cette lecture par flux qui concilie droits des artistes et attentes des auditeurs, a progressé de 34 %. On ne peut pas en dire autant de la musique sur la bande FM ou la TNT, avec des diffuseurs qui trahissent délibérément les engagements qui fondent l’obtention de leurs concessions. « Les maisons de disques n’ont pas su anticiper les nouveaux enjeux technologiques », disait-on. Et vous ?Bertrand Burgalat est musicien, fondateur du label Tricatel. Stéphane Le Tavernier est président de Sony Music France. Ils sont respectivement vice-président et président du Syndicat national de l’édition phonographique.Stéphane Le Tavernier (Syndicat national de l'édition phonographique)Bertrand Burgalat (Syndicat national de l'édition phonographique) 01.03.2015 à 23h08 • Mis à jour le02.03.2015 à 07h26 | Florence Evin Le château de Fontainebleau (Seine-et-Marne), situé à soixante kilomètres de Paris, a été cambriolé, dimanche 1er mars, peu avant six heures du matin. Une quinzaine d’œuvres orientales, provenant de Thaïlande et de Chine, ont été dérobées dans le musée chinois situé au rez-de-chaussée, devant l’étang aux carpes. Les malfaiteurs sont entrés par effraction. L’opération a duré sept minutes, jusqu’à ce que l’alarme se déclenche dans ce lieu qui est l’un des plus sécurisés de l’ancienne résidence royale, doté d’alarmes et de caméras de surveillance. Le forfait a eu lieu dans les trois salons chinois aménagés en 1863 par l’impératrice Eugénie, qui en avait choisi la décoration, jusqu’à dessiner elle-même le mobilier. « Un espace souvent fermé au public, très intime et très atypique, avec ses grands paravents laqués d’or », précise, au Monde, Jean-François Hébert, le président de l’établissement public.Valeur inestimableTrois vitrines ont été fracturées. Ont disparu la réplique de la couronne du roi de Siam, émail sur ronde-bosse d’or filigranné, offerte en 1861 à Napoléon III par une ambassade du Siam en visite officielle ; un mandala tibétain en corail, or et turquoise ; une chimère chinoise en émail cloisonné du règne de Qianlong (1736-1795) ; des vases et un plat en argent, notamment. Des objets de grande qualité, d’une valeur inestimable. « Ce sont probablement des gens très professionnels qui connaissaient bien les lieux et le système de fermeture. En partant, ils ont tout aspergé avec un extincteur pour faire disparaître toutes traces. Ils ont calculé leur coup, ils savaient très bien quels objets ils convoitaient », indique Jean-François Hébert. L’Office central de lutte contre le trafic illicite des biens culturels a été alerté. La police judiciaire de Melun est chargée de l’enquête.« C’est un traumatisme terrible pour le château, on peut espérer qu’un jour ces pièces reviennent sur le marché », note M. Hébert. Le précédent vol au château date de 1995. Des quinze objets dérobés, neuf ont été retrouvés à ce jour. Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe (IMA), réagit à la vidéo mise en scène par les djihadistes de Daech et diffusée sur Internet jeudi 26 février, montrant le saccage, au musée de Mossoul et sur le site de Ninive, en Irak, des statues et reliefs de pierre millénaires de l’empire assyrien. L’ancien ministre de la culture appelle au renforcement de la coalition internationale, notamment des pays arabes, contre les terroristes, qui utilisent la culture comme arme.En Irak, Daech frappe la culture en plein cœurAvec Daech, est-ce le retour de l’obscurantisme, d’une culture totalitaire apparentée au nazisme ?On a affaire à des fanatiques qui ont pour ambition d’instaurer un ordre dictatorial et totalitaire : un seul chef, une seule philosophie. Tout le reste est impie, doit être massacré, dilapidé, détruit. Ils se sont mis à l’écart de l’humain, en adoptant une idéologie de destruction de l’humain. Leurs méthodes sont les mêmes que celles des nazis, qui s’attaquaient autant à la pensée qu’aux êtres humains eux-mêmes, avec les autodafés, les camps de concentration. Les nazis, c’est la suppression de toute pensée, hormis celle d’Hitler.En remontant le temps, peut-on évoquer l’Inquisition ?Les terroristes fanatiques se drapent dans les oripeaux de l’islam, qu’ils trahissent. Cela rappelle l’Inquisition, lorsque Isabelle La Catholique, fanatique, chassa les juifs et les musulmans d’Espagne, ceux qui refusaient de se convertir. Tout signe religieux autre que chrétien fut détruit. Il y a probablement eu aussi des califats dans l’histoire de la conquête qui ont agi de la sorte. Chasser les idoles, ce n’est pas nouveau.Comment cerner les racines du mal ?Ça ne change rien de rechercher les racines du mal, quand les Occidentaux prennent de grands airs. On oublie que Monsieur Bush a enclenché la déstabilisation de l’Irak : la destruction a été suivie par l’installation d’un gouvernement intolérant, d’une grande cruauté, qui a mis à l’écart les sunnites. Daech est le fruit amer de George W. Bush et de Bachar el-Assad.A Mossoul, le nettoyage culturel s’étend des bibliothèques aux mausoléesAux yeux des terroristes, la culture est-elle l’arme la plus efficace pour toucher un large public ?Cette entreprise criminelle, totalitaire, lucrative, cynique, utilise le système terroriste qu’on a connu à différentes périodes de l’histoire – sous le régime stalinien, notamment –, pour mettre en scène, en ligne, les destructions d’œuvres d’art et les diffuser mondialement avec une véritable science médiatique. C’est un phénomène complètement nouveau. Elle cherche à terroriser le monde par des actes, des images, des comportements qui peuvent faire peur, jusqu’à la capitulation.La communauté internationale, notamment arabe, en fait-elle assez ?La situation est monstrueuse. Que faire ? Face à cela, il ne faut accepter aucune concession, d’aucune sorte. Tout signe de faiblesse fait leur jeu. Un demi doigt dans cet engrenage, accepter de battre en retraite, ne serait-ce que d’un millimètre, donneraient raison à des gens qui utilisent le terrorisme pour imposer un ordre totalitaire absolu. En France, il ne faut pas céder d’un pouce. La monstruosité est telle qu’elle finira par susciter, y compris chez certains naïfs qui se sont laissés abuser, une coalition. Celle de l’ensemble des pays arabes s’amplifie.Destructions d’œuvres d’art : « C’est un djihad mené contre le passé »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.02.2015 à 19h33 • Mis à jour le27.02.2015 à 23h34 Timbuktu sera bien en compétition au Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Burkina Faso. Après plusieurs jours d'atermoiements et de rumeurs annonçant comme quasi certain le retrait du film d'Abderrahmane Sissako du programme pour des raisons de sécurité, décision a été prise de faire concourir le long-métrage récemment plébiscité aux Césars.« Le gouvernement du Burkina Faso a décidé de la diffusion de Timbuktu », a déclaré, vendredi 27 février, à la radio nationale Jean-Claude Dioma, le ministre de la culture burkinabè, alors que le Fespaco s'ouvre samedi. « Mais pour accompagner cela, des mesures sécuritaires renforcées vont être prises », a-t-il poursuivi, faisant état de « risques » que les autorités avaient d'abord dû évaluer avant de trancher sur la projection du film.Lire aussi (édition abonnés) : Fespaco : « Timbuktu » n'est plus en Afrique« PAS MAL DE PROBLÈMES SÉCURITAIRES »« Il y a pas mal de problèmes sécuritaires qui se posent [autour de] Timbuktu », confiait, jeudi, M. Dioma. S'il affirmait « ne pas avoir eu vent de menaces sur le Burkina ou sur des quelconques intérêts », il y a, soulignait-il, « des menaces partout où les islamistes pensent qu'on est en train de toucher à des aspects de leur croyance ».Abderrahmane Sissako avait milité pour la programmation de son film au Fespaco. « D'abord, je n'ai rien entendu sur les menaces qui pèseraient sur moi », a-t-il expliqué au Monde. « Je peux rester moins longtemps que prévu et je ne traînerai pas dans les maquis [les restaurants populaires]. Ce serait dommage d'annuler, si une projection du film avait un sens, c'était bien celle de Ouagadougou. »Fondé en 1969, le Fespaco, un des principaux festivals de cinéma d'Afrique, se tient tous les deux ans au Burkina Faso. Au moins 12 000 festivaliers, dont 5 000 étrangers, sont attendus pour la 24e édition de cette manifestation populaire. Gabriel Coutagne Une polémique en a chassé une autre. Cette année encore, le World Press Photo avait soulevé la question de la retouche en photographie, en annonçant avoir rejeté près de 20 % des photographies présentées au jury du prestigieux prix. Mais c’était compter sans une autre affaire, révélée mercredi 25 février par le site Our Age Is 13, spécialiste de l’actualité photographique.Dans un courrier adressé à la présidence du jury du World Press Photo, et que Le Monde a pu consulter, la mairie de Charleroi « demande de retirer le prix qui a été accordé à M. [Giovanni] Troilo à la lumière de notre argumentation et de nos explications ». En cause, une série d’images, très sombre, qui montre des personnages, présentés comme des Carolorégiens, dans des situations décrivant une misère sociale et morale, ou s’adonnant à des pratiques sexuelles libertines. Une demande rejetée par l’institution dimanche 1er mars, après plusieurs jours d’enquête, confortant le prix remis à Giovanni Troilo. « Le World Press Photo n’a trouvé aucun fondement permettant de remettre en cause l’intégrité [journalistique] du projet du photographe. Aucun fait n’a été manipulé dans les légendes que le jury a pu consulter », précise l’institution dans un communiqué.Le World Press Photo brise le tabou de la mise en scèneGiovanni Troilo est un photographe italien travaillant habituellement dans les domaines de la mode et de la publicité. Il a été récompensé dans la catégorie « problématiques contemporaines », pour une série intitulée The Dark Heart of Europe. Le photographe présente son travail sur son site :« Aujourd’hui, le malaise social s’insère dans la vie des citoyens [de Charleroi]. Les routes, qui étaient à l’époque propres et fleuries, sont aujourd’hui abandonnées et en mauvais état. Les usines ferment et la végétation reprend ses droits dans les vieux quartiers industriels. Une sexualité perverse et malade, la haine raciale, une obésité névrotique, l’abus d’antidépresseurs semblent être les seuls remèdes pour surmonter ce malaise endémique. »« UNE ATTEINTE À LA PROFESSION DE PHOTOJOURNALISTE » Dans les jours qui ont suivi l’annonce du prix, faite le 12 février, « plusieurs personnes, dont des photographes, ont réagi sur les réseaux sociaux », raconte Molly Benn, rédactrice en chef du site Our Age Is 13.@lesoir WPressPhoto 2015.Le misérabiliste "Dark heart of Europe" sur #charleroi primé. http://t.co/kB9S3QJoDC http://t.co/Zuo3UR9XXz— Humbert_Tesla (@Umberto di Tesla)require(["twitter/widgets"]);Parmi eux, le photojournaliste belge Thomas Vanden Driessche s’était interrogé sur ce qu’il considère comme une dérive du photojournalisme.Triste... Ou peut-être un nouveau point de départ pour s'interroger sur les dérives d'un certain photojournalisme... http://t.co/DzCvURFeHd— thomasvdd (@T. Vanden Driessche)require(["twitter/widgets"]);« C’est en tant que photojournaliste que je me suis senti concerné par ce prix », explique au Monde Thomas Vanden Driessche. Sa question a alimenté le vif débat sur les réseaux sociaux, auquel ont pris part photographes et habitants de Charleroi. « Nous avons d’abord été contactés par plusieurs photographes », confirme la mairie de la ville. Si le souci principal de la municipalité est bien d’en défendre la réputation, l’argument pour convaincre le World Press Photo de retirer ce prix est journalistique.« Nous considérons le sujet du photographe, construit de toutes pièces, tant comme une atteinte à la ville et aux habitants de Charleroi que comme une atteinte à la profession de photojournaliste en tant que telle », dénonce dans sa lettre le bourgmestre de la ville, Paul Magnette (PS), en fonction depuis juillet 2014. « Le caractère falsifié et mensonger des légendes, la manipulation de la réalité, la construction d’images-chocs mises en scène par le photographe, malhonnêtes (…) trahissent les bases de l’éthique journalistique », poursuit l’élu.Le recours à la mise en scène est parfois légitime dans un sujet documentaire, notamment lorsque l’on fait un portrait, mais le World Press Photo, dans un document disponible en ligne, précise qu’une image ne doit pas faire l’objet d’une mise en scène ou d’une reconstitution. De plus, certaines imprécisions dans les légendes posent problème.UN RÉCIT PERSONNEL Le rendu de ce portrait et sa légende suggèrent que cette personne vit recluse chez elle pour fuir la violence de son quartier. Thomas Vanden Driessche souligne pourtant « qu’il s’agit de Philippe Génion, une personnalité bien connue à Charleroi (…). Il habite dans un quartier populaire, mais relativement paisible. Sa maison est également un bar à vin ». Sur son profil Facebook, le modèle raconte le moment de la prise de vue :« Le photographe m’a demandé de poser pour lui, dans mon intérieur, et a demandé à ce que je sois torse nu, ce qui ne m’a nullement dérangé, n’ayant aucun complexe par rapport à mon physique. Les deux artistes étaient sympathiques et ne cachaient pas qu’ils mettraient en scène leurs photos, disant clairement qu’ils ne faisaient pas un reportage, mais un travail photo. Par contre, je m’insurge contre le terme d’“obésité névrotique”, qui, s’il peut qualifier d’autres personnes que je ne connais pas, n’est absolument pas mon cas. »De son côté, Giovanni Troilo ne semble pour l’instant pas trop inquiet de la polémique, comme le rapporte un blog du quotidien italien La Repubblica : « Je m’attendais aux polémiques, et ils n’ont pas été tendres… Mais je n’imaginais pas des réactions de ce genre. Je comprends l’ambiance, ils cherchent à promouvoir une image neuve de la ville [Charleroi], et dire certaines choses dérange. »Le photographe se défend, présentant sa série comme un récit personnel plutôt que comme un reportage au sens strict. Pour lui, ce travail rend compte de choses « qu[’il a] vues, qu[’il] conna[ît], dont [il] sai[t] qu’elles existent », tout en concédant, en creux, que certaines images sont mises en scène : « Il y a aussi des photos où [les personnes] ne posent pas, la dame avec la tête inclinée sur la table est véritablement une personne dans un hospice, c’est une amie de ma tante. La police était vraiment en train de charger… »Giovanni Troilo avait reconnu en conclusion de l’interview accordée à La Repubblica devoir fournir des explications au World Press Photo quelques jours avant la décision de confirmer le prix remis au photographe.Gabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.03.2015 à 11h08 • Mis à jour le07.03.2015 à 17h00 | Clarisse Fabre Le metteur en scène Rodrigo Garcia, 49 ans, est-il heureux à Montpellier, où il dirige le Centre dramatique national de Montpellier (CDN), qu’il a rebaptisé Humain Trop Humain (hTh) ? Oui... et non, confie au Monde l’Argentin, vendredi 6 mars. Déçu, certes, que son « ardeur » à vouloir réformer le CDN, sa programmation, son public, n’intéresse personne en haut lieu, dit-il. Mais l’homme est posé, et prend le temps de préciser sa pensée. Il est loin de l’image trash que ses spectacles, et les polémiques qu’ils suscitent, renvoie. Réveillez-vous !, semble-t-il dire, comme dans sa pièce, Daisy, qui se joue au Théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au 8 mars.Comment se passe la « révolution », au CDN de Montpellier ?J’y travaille avec ardeur. J’ai un premier mandat de quatre ans et je m’y engage. Les propositions artistiques sont radicalement différentes. Il n’y a plus de répertoire, que du contemporain. Et l’on mixe les disciplines : du spectacle vivant au sens large, mais aussi de l’art contemporain, du cinéma. Le public peut voir une expo gratuitement, à 19 heures, avant de découvrir le spectacle. Puis rester au concert du DJ jusqu’à une heure du matin. On a donc augmenté les amplitudes horaires. On va aussi chercher de nouveaux publics, via les réseaux sociaux.Quels retours avez-vous de l’Etat, de la ville ?Aucun, ou presque. C’est timide... Je pensais que mon projet de révolutionner le CDN allait susciter l’enthousiasme, mais il n’y a pas de dialogue.Qu’est-ce qui ne va pas, concrètement ?Le CDN reste une petite chose oubliée. Qui connaît le CDN de Montpellier ? Il est éloigné du centre, mal relié par les transports en commun. Historiquement, personne n’a fait d’effort pour le mettre en valeur. Ce n’est pas comme à Rennes où le Théâtre national de Bretagne (TBN) est emblématique, ou comme à Grenoble avec la MC2.Est-ce qu’il manque de l’argent ?...Pfouf... Le budget est plus petit que dans d’autres villes. Il faut presque faire des tours de magie pour lancer des propositions artistiques. Heureusement je travaille avec le Fonds régional d’art contemporain, qui me prête des oeuvres, ou avec l’Ecole des Beaux-Arts. On ne m’avait rien promis, certes, en période de crise, et je le comprends. Et j’ai tout de même reçu une petite augmentation du budget du ministère, via la DRAC.Etes-vous déçu ?Absolumente. Il faut que le dialogue se noue. J’ai besoin de sentir que le travail que je mène est important pour la ville, pour les institutions.Passons au homard, qui est tué sur scène, puis mangé, et fait polémique dans votre spectacle Accidens : Matar para comer. Etes-vous soutenu par le maire de Montpellier, Philippe Saurel ?Je ne suis pas le feuilleton au jour le jour... Je sais que le maire a été interpellé, lors d’une conférence de presse. Il a répondu par une blague, en minimisant l’affaire. Pour l’instant, je n’ai pas reçu de coup de fil de la mairie. En gros, on me laisse tranquille.Partagez-vous l’inquiétude de certains artistes, au sujet de la politique culturelle de la ville ?Cela fait un an que je suis arrivé, et j’ai du mal à comprendre le fonctionnement politique. Je me considère comme une espèce de touriste... Non pas que je sois de passage, bien au contraire. Mais mon objectif, c’est de réformer le CDN, de créer des liens avec les structures de la ville, l’Opéra, le Printemps des Comédiens, mais aussi des lieux plus alternatifs. On va programmer la pièce Atlas, des auteurs portugais Ana Borralho et João Galante, sur proposition du festival Hybrides. J’ai aussi joué ma performance Flame à la Chapelle, dans le quartier gitan.Avez-vous encore le temps de créer ?Quand on écrit, on a besoin de temps perdu. Celui où l’on n’est pas au travail, mais durant lequel les idées peuvent naître. Je n’ai plus ce temps-là, le téléphone sonne tout le temps. Mais j’accepte cette contrainte avec plaisir. Je ne suis pas catho mais je lis en ce moment un livre de la Bible, l’Ecclésiastique. Pour moi, c’est comme de la littérature fantastique. Il y est écrit, en substance, qu’il y a un temps pour vivre, un temps pour mourir ; un temps pour semer, un temps pour récolter. Eh bien pour moi, en ce moment, c’est le temps de travailler comme directeur du CDN. Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Caroline Champetier retrace la vie de l’artiste peintre Berthe Morisot et les liens qui l’ont unie à Edouard Manet (samedi 7 mars, à 23 h sur France 3)Berthe (Marine Delterme) et sa sœur Edma (Alice Butaud) souhaitent ne jamais se marier afin de rester ensemble et de se consacrer à ce qu’elles aiment le plus au monde : la peinture. Elles ont acquis la technique et, bonnes copistes, vont au Louvre pour en reproduire les chefs-d’œuvre. Elles y font aussi des rencontres. La plus déterminante sera celle d’Edouard Manet (Malik Zidi), qui va bouleverser la pensée de Berthe, sa relation avec sa sœur, interroger son rapport à la peinture et au monde.La jeune fille devient, en effet, le modèle du peintre (Le Balcon, Le Repos, Berthe Morisot au bouquet de violettes, etc.), sans pour autant se résoudre à n’être que cela. Berthe Morisot s’acharne à s’émanciper des canons de la peinture, cherche de façon obsessionnelle à rendre l’air et la lumière, et finit par devenir une artiste à part entière, l’un des premiers peintres impressionnistes.Butée, opaqueLa réalisatrice Caroline Champetier et les scénaristes Sylvie Meyer et Philippe Lasry ont choisi d’accompagner Berthe Morisot de 1865 à 1872, années durant lesquelles la jeune femme passe d’une pratique amateur au statut de peintre professionnel. Ils ont placé au centre du récit les liens qui unissent Edouard Manet et Berthe, sans jamais en donner la clé, mais en demeurant sur le fil, entre attirance créatrice et amoureuse. Avec, d’un côté, Manet, jouisseur et obscur, séducteur et tourmenté, artiste injurié et homme blessé ; de l’autre, Berthe Morisot, butée, opaque, aspirée par la peinture au point d’en oublier le reste. L’alchimie entre les personnages apporte de la densité au téléfilm tout en ouvrant un accès à l’univers de la création et à ses questionnements.Pour un film sur la peinture, le parti pris esthétique qui consiste à construire chaque plan comme un tableau est délicat. Caroline Champetier, elle, évite l’écueil avec brio. En insufflant de la vie dans le cadre, en privilégiant les plans-séquences, elle donne au contraire du souffle à la peinture, une âme à la création, une profondeur au geste. Les acteurs se tiennent à une épure de jeu qui évolue par petites touches. A l’image de l’art défendu par leurs personnages : un trait franc et direct que modulent ensuite les pointes de couleur.Berthe Morisot, de Caroline Champetier. Avec Marine Delterme, Alice Butaud, Malik Zidi, Bérangère Bonvoisin (France, 2012, 100 minutes). Samedi 7 mars, à 23 h sur France 3.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Lequeux Depuis quarante ans, le sculpteur anglais Antony Gormley veut « comprendre ce que signifie vivre dans un corps ». Une quête physique et spirituelle qui prend la forme d'impressionnants mastodontes.On croirait qu'il danse. Pour nous accueillir dans son atelier londonien, Antony Gormley dévale les escaliers avec une grâce étrange, une démarche qui brinquebale joliment. Le sexagénaire remonte aussitôt du même pas, pantomime légère d'un grand dégingandé. Ne serait-ce que par sa silhouette, le sculpteur britannique rappelle qu'il a fait du corps humain l'objet de toutes ses attentions. Il jette un œil sur l'horizon de son quartier de hangars, à quelques encablures de la gare de Saint-Pancras et de l'immense chantier de gratte-ciel qui l'enserre, et s'amuse : « Ils sont en train de construire Manhattan dans mon jardin ! » Puis propose de partager une gigantesque plâtrée de nouilles avec la quinzaine d'assistants qui, chaque midi, déjeunent autour du maître dans la vaste cuisine.En attendant Manhattan-on-Thames, ce digne membre de l'Académie royale s'est offert un rêve d'atelier, construit sur mesure par Sir David Chipperfield. L'architecte star a imaginé pour Sir Antony, anobli par la reine en 2014, un havre de lumière et d'efficacité minimaliste. « Une architecture psychologique, qui te fait réfléchir à ton expérience de l'espace », s'enthousiasme le lauréat du Turner Prize 1994. Sous les hautes verrières se profile une forêt de ces silhouettes d'acier qui ont fait sa réputation internationale : digressions sur... 06.03.2015 à 10h30 • Mis à jour le06.03.2015 à 15h20 | Emmanuelle Jardonnet Bien que l’information n’ait pas été communiquée officiellement, la consigne est bel et bien déjà entrée en vigueur au château de Versailles « depuis quelques jours » : les gardiens proscrivent désormais l’usage de la « perche à selfie » dans les espaces intérieurs du monument, a assuré au Monde.fr son service de communication.Une décision dans l’air du temps, alors que de plus en plus de musées choisissent de reprendre le contrôle de la situation face au succès envahissant de ce bras télescopique pour smartphones permettant de prendre des photos de groupe avec un angle plus large et spectaculaire grâce à une télécommande.Déjà, le mardi 3 mars, la Smithsonian, institution qui gère l’ensemble des musées nationaux de Washington – dix-neuf au total –, annonçait très officiellement sur son site comme sur les réseaux sociaux que l’accessoire y était désormais banni. Une interdiction qu’elle justifie comme une « mesure préventive pour protéger les visiteurs et les collections, notamment quand il y a un fort afflux de visiteurs ».La Smithsonian a ainsi ajouté la mention du selfie stick noir sur blanc dans sa réglementation, en considérant l’outil comme un type de trépied, sachant que les pieds pour appareils photos sont déjà interdits à l’intérieur comme dans les jardins de ces musées.Le Met, le MoMa, le Guggenheim, le Getty…Ces derniers mois, dans la capitale fédérale américaine, la National Gallery et le Hirshhorn Museum and Sculpture Garden avaient déjà pris les devants. A New York, le Metropolitan Museum of Art les a aussi bannis récemment, et avant lui le Dia:Beacon, le MoMA, le Guggenheim, ainsi que le Cooper-Hewitt, Smithsonian Design Museum. Le Musée des beaux-arts de Boston a fait de même. A Los Angeles, le J. Paul Getty Museum a, pour sa part, décidé de proscrire l’utilisation de ces perches dans le musée, tout en les autorisant dans ses jardins.Il n’existe pas de chiffres recensant le nombre de selfie sticks vendus dans le monde, mais le New York Times avance une fourchette de plusieurs centaines de milliers pour les seuls Etats-Unis depuis l’été dernier.A Paris, les deux musées les plus touchés par le phénomène sont le château de Versailles et le Louvre, très fréquentés par les touristes asiatiques. Car le selfie stick, dont l’invention remonte à 2005, avec un brevet déposé par un Canadien, a d’abord massivement séduit l’Asie, notamment la Corée du Sud, qui a été amenée en 2014 à en réglementer l’usage à l’échelle du pays.Le château de Versailles, qui accueille 80 % de visiteurs étrangers, explique avoir décidé à son tour d’interdire le selfie stick avant tout « en prévention de l’approche de la haute saison ». Mais comme au Getty, cette interdiction concerne seulement l’intérieur des bâtiments, le déferlement de ces bâtonnets restant toléré en extérieur.La charte « Tous photographes »Au Louvre, le phénomène s’est fait ressentir « surtout en extérieur, autour de la pyramide ». A l’intérieur, si les trépieds et les flashs sont interdits pour les visiteurs, les perches à selfie ne sont donc « pour l’instant » pas interdites. « Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas interdit qu’il n’existe pas de bonnes pratiques à respecter », précise le musée. Le Centre Pompidou explique être, pour sa part, en phase d’observation : « Le phénomène est pris en considération, mais il n’y a pas encore de décision prise dans le sens d’une interdiction. »Cas à part, le Musée d’Orsay n’est absolument pas touché par le phénomène. Et pour cause : les photos y sont interdites depuis plusieurs années déjà – c’est-à-dire avant même l’avènement du selfie. Avant 2009, la photographie sans flash était autorisée dans le musée, puis a été proscrite pour des raisons de sécurité et de fluidité des visites au cours des travaux, qui ont amputé d’un tiers l’espace du musée jusqu’en 2011. Puis l’interdiction est restée « par confort », même si le musée reconnaît qu’il existe une « tolérance tacite » dans les espaces offrant des points de vue sur son architecture (ou pendant la #MuseumWeek, dont la 2e édition est programmée du 23 au 29 mars).Une situation qui s’inscrit cependant en porte-à-faux avec la charte « Tous photographes », publiée par le ministère de la culture en juillet dernier. Réponse à l’appétit photographique des visiteurs, celle-ci vise à favoriser « la pratique photographique et filmique dans les musées et les monuments, devenue un phénomène courant qui trouve souvent son prolongement sur les réseaux sociaux », tout en la conciliant avec le respect des institutions muséales.« Koons Is Great for Selfies ! »On remarquera que ce texte s’est accompagné d’un clip… centré sur le selfie davantage que sur toute idée de partage des œuvres – le message subliminal est que le pouvoir du selfie doit pouvoir attirer de nouveaux publics :La charte « Tous photographes » (qui n’a pas valeur de réglementation), édictée alors que le phénomène des perches n’existait pas encore en France, était le signe d’une prise de conscience de l’importance pour les musées des photographies circulant sur les réseaux sociaux. Car aux Etats-Unis comme en France, la prise de selfies est plus que tolérée, elle est encouragée, la pratique offrant évidemment une publicité mondiale gratuite via Instagram, Facebook ou Twitter.Le New York Times rappelait à la mi-février que lors de la grande rétrospective Jeff Koons au Whitney Museum of American Art, à New York, des cartons enjoignaient les visiteurs à se prendre en photo dans l’exposition et à poster leurs photos sur les réseaux sociaux, avec un message très incitatif : « Koons Is Great for Selfies ! »Dans les musées de Washington, l’interdiction se double d’ailleurs d’une invitation à surtout poursuivre les prises photographiques : « Nous encourageons les visiteurs à se prendre en photo et à partager leur visite », même s’« ils doivent laisser leur perche à selfie dans leurs sacs ».Cette limitation du champ de la pratique des selfies risque de porter un coup de frein à cet enthousiasme des visiteurs qui ravissait jusqu’ici les institutions culturelles. C’est bien cette contradiction qui a gêné le Met, qui a délibéré plusieurs mois avant de passer le cap un peu à contre-cœur, explique le New York Times.Au château de Versailles, pionnier français de la bataille anti-sticks, les premiers pictogrammes d’interdiction devraient faire leur apparition dans les prochaines semaines.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 06.03.2015 à 01h49 • Mis à jour le07.03.2015 à 12h19 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itk1w"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itk1w", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Quelques jours après la diffusion de vidéos montrant des membres de l'organisation Etat islamique (EI) détruisant des œuvres dans le Musée de Mossoul, le groupe djihadiste s'en est à nouveau pris au patrimoine culturel en Irak.Selon le ministère du tourisme irakien, des membres de l'EI ont attaqué dans l'après-midi de jeudi 5 mars les ruines de la cité historique assyrienne de Nimroud fondée au XIIIe siècle avant Jésus-Christ, située à 30 kilomètres au sud de Mossoul. L'EI a « pris d'assaut la cité historique de Nimroud et a commencé à la détruire avec des bulldozers », selon les officiels irakiens. Des camions, qui ont pu être utilisés pour dérober des pièces archéologiques, ont par ailleurs été aperçus sur le site, selon un responsable des antiquités. « Jusqu'à présent, nous ne pouvons pas mesurer l'ampleur des dégâts », a-t-il confié sous couvert d'anonymat.Cet acte a été qualifié de « crime de guerre » par l'Unesco, organisme des Nations unies chargé de défendre la culture dans le monde :« Nous ne pouvons pas rester silencieux. La destruction délibérée du patrimoine culturel constitue un crime de guerre, et j'en appelle à tous les responsables politiques et religieux de la région à se lever contre cette nouvelle barbarie. »« DÉTRUIRE LE PATRIMOINE IRAKIEN, SITE APRÈS SITE »Plusieurs archéologues avaient fait part de leur crainte de voir ce site attaqué à son tour par les djihadistes, après les destructions du Musée de Mossoul.  La cité de Hatra, inscrite au Patrimoine mondiale de l'humanité de l'Unesco « évidemment sera la prochaine cible. (…) C 'est seulement une question de temps », a estimé Abdelamir Hamdani, un archéologue irakien de l'université Stony Brook à New York, « bouleversé » par l'annonce des destructions à Nimroud. Lire : A Mossoul, l’Etat islamique mène une guerre contre la culture« Je suis désolé de le dire, mais tout le monde s'y attendait. Le dessein des djihadistes est de détruire le patrimoine irakien, site après site », rappelle-t-il, l'EI estimant que les statues ou les tombes favorisent l'idôlatrie, avis extrêmement marginal même chez les religieux les plus traditionnels.Le Metropolitan Museum of Art de New York avait réalisé cette reconstitution virtuelle du palais de Nimroud :Lire aussi (édition abonnés) : Destructions d’œuvres d’art à Mossoul : « C’est un djihad mené contre le passé » Renaud Machart Le comédien britannique Patrick Macnee, qui vient de mourir à l’âge de 93 ans à Rancho Mirage (Californie), aux Etas-Unis, où il résidait, restera comme l’image parfaite du gentleman British : le melon posé selon le bon angle sur le crâne, la cravate au nœud parfait, le costume de coupe impeccable des meilleurs faiseurs de Savile Row. Et un parapluie à la main.C’est ainsi qu’à l’écran Macnee se présentait dans la série télévisée « The Avengers » (« Chapeau melon et bottes de cuir » en v. f.), qui fit sa gloire mondiale et, grâce aux multiples rediffusions de ses épisodes, fait toujours de lui l’un des visages familiers des téléspectateurs. Tel James Bond (dont il est la version collet monté), John Steed tombait les filles, mais avec une ironique distance, une sorte de noble dédain qui rendait son charme un rien banal d’autant plus irrésistible.Il était d’ailleurs fidèlement entouré d’une partenaire aussi sexy que bagarreuse, à qui il laissait le plus souvent l’initiative de répondre la première aux hostilités dans les multiples combats qui les opposaient aux méchants dont le chemin croisait celui de leurs aventures. John Steed n’était pas armé : trop vulgaire (il consentira à une canne-épée mais préférait le combat à mains nues). Macnee dira d’ailleurs à propos de son personnage fétiche, un soir, sur le plateau du talk-show de Conan O’Brien, aux Etats-Unis : « Ne porter comme arme qu’un parapluie exige un cerveau supérieur. » Une certaine excentricitéAlourdi par quelques kilos et soutenu par une canne dans ses dernières apparitions publiques, Patrick Macnee semblait pourtant toujours ressembler, par son flegme excentrique et son insolence un peu leste, à John Steed. Evoquant les tenues de cuir de Cathy Gale, la première de ses partenaires dans « Chapeau melon et bottes de cuir », il disait : « Ce qu’il y a de bien avec les tenues de cuir, c’est que cela colle au corps comme une seconde peau. Cela va très bien aux femmes et cela évite de devoir les déshabiller. » Conan O’Brien lui rétorque : « Je vois que vous et moi partageons la même déviance… » Macnee : « Il est toujours bon de partager une déviance solitaire avec quelqu’un. »Patrick Macnee devait ses excellentes manières à sa naissance, à Londres, le 6 février 1922, dans une famille aristocratique anglaise mais dominée par une certaine excentricité. Le jeune homme fait des études dans l’établissement huppé d’Eton College où, selon les lignes biographiques publiées sur son propre site Internet, www.patrickmacnee.com, il se distingue comme « le plus grand dévoreur de livres et pornographe du campus ». Ce qui conduit à son renvoi. Après ses premières expériences théâtrales à Eton, Macnee poursuit son apprentissage à la Webber Douglas Academy of Dramatic Art et, en 1941, débute en incarnant un petit rôle dans une adaptation théâtrale des Quatre filles du docteur March, de Louisa May Alcott.D’intrépides et séduisantes partenairesSa jeune carrière est interrompue par la guerre, pendant laquelle il sert dans la marine britannique. Il la reprend en se produisant sur les planches en Angleterre, au Canada et aux Etats-unis. Macnee joue beaucoup au théâtre, tourne quelques films pour Hollywood, participe à de nombreuses dramatiques télévisuelles, dont la fameuse émission « Alfred Hitchcock Presents ». Mais ce n’est qu’en 1960 que la série « Chapeau melon et bottes de cuir » le rend célèbre (à partir de la deuxième saison, où John Steed devient le personnage principal), et ce au cours de quelque 150 épisodes qui l’associent à diverses intrépides et séduisantes partenaires (Cathy Gale, Emma Peel et Tara King).En 1976, la série, interrompue en 1969 en raison de problèmes de financement, reprend sous le titre « The New Avengers ». Cette fois, John Steed est flanqué de Purdey, incarnée par Joanna Lumley, qui fera un comeback étonnant dans le rôle de foldingue au gosier pentu d’« Absolutely Fabulous », 1992-2003). Steed reste Steed, mais la bizarrerie lunaire de la série originale manque un peu à cette suite.Patrick Macnee continuera jusqu’en 2001 sa carrière au petit écran. Il aurait sûrement adoré ce petit éloge funèbre publié par Gilles Jacob sur son compte Twitter : « Patrick Macnee est mort. Il avait le chapeau mais pas le melon. La star des   « Avengers »  ne proposera plus la botte à Diana Rigg, alias Emma Peel. »Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 11h06 • Mis à jour le26.06.2015 à 18h19 | Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Nice veut décrocher pour sa Promenade des Anglais le label « Patrimoine de l’humanité », décerné par l’Unesco aux sites d’une valeur universelle. Et elle s’en donne les moyens. Durant tout l’été, quatorze expositions soutiennent la candidature municipale. La Promenade, épousant sur six kilomètres la baie à partir de laquelle la cité a grandi, y est mise en scène avec les figures phares qui ont fait son succès. Trois musées exposent, chacun, cette « baie des Anges » vue par Chagall, Dufy, ou Matisse, lequel avoue : « Ce qui m’a fixé, ce sont les grands reflets colorés de janvier, la luminosité du jour. » Si « l’invention » de Nice, station balnéaire, capitale d’hiver, revient aux Anglais qui, les premiers, vers 1750, se sont entichés de la fameuse baie, c’est le dynamisme artistique de la ville et son goût du spectacle qui fidélisent les adeptes des villégiatures d’hiver, puis séduisent et retiennent, dans les années 1920, les premiers inconditionnels du soleil d’été.En 1763, les Lettres de Nice du médecin écossais Tobias Smollet, dont l’écho est considérable auprès de l’aristocratie britannique, sonnent le coup d’envoi de la fortune de Nice. Un siècle plus tard, l’Europe suit ; la Russie en tête, après la venue, en 1857, de l’impératrice Alexandra Feodorova.Grand manitou de l’opération, le commissaire général Jean-Jacques Aillagon est à son affaire. L’ancien ministre de la culture a conçu le « poisson-pilote » de l’événement, l’exposition « Promenade(s) des Anglais », au Musée Masséna, qui conte par le menu toute l’histoire. A la veille de l’inauguration, l’œil au moindre détail, l’ancien ministre de la culture avoue que cette aventure le ramène à son « premier métier, l’histoire et la géographie ».Un relevé panoramique« C’est la première fois qu’on fait un bilan complet patrimonial, architectural de la Promenade des Anglais, un état des lieux et sa transformation dans le temps », précise Jean-Jacques Aillagon. Sept cents documents – plans urbains, aquarelles, gravures, peintures, lettres, photos, cartes postales, romans, guides… – animent le parcours muséographique, enrichi par les témoignages des écrivains, musiciens, cinéastes, politiques, artistes… qui ont construit la notoriété de la cité des Anges.Un relevé panoramique, qui court le long des murs du Musée Masséna, sert de fil conducteur aux photos, écrits, peintures, gravures, films… qui accompagnent le récit. Les travellings et plans fixes des frères Lumière montrant la sortie en barques de silhouettes chapeautées sont un grand moment. Comme les photos de Charles Nègre, tirages argentiques sur papier albuminé qui font le point des constructions : l’Hôtel des Anglais, livré en 1862, compte Louis II de Bavière parmi ses premiers clients. En 1883, le casino de la Jetée-Promenade, réplique très kitsch d’une mosquée, part une première fois en fumée.En 1887, Nietzsche est à Nice. La même année, la police prévient, par une affiche, qu’il est « interdit aux baigneurs de s’avancer sur la plage en état de nudité ». En 1899, comme en témoigne la photo de Jean Gilletta, la reine Victoria assiste en calèche à une revue sur la promenade. Les années filent dans le succès. Le modeste « Camin dei Angles », agrandi une première fois en 1844, est devenu la spacieuse Promenade des Anglais à partir de laquelle la ville nouvelle s’épanouit. Le « New Borough » de Nice se réinvente à chaque époque sans faire table rase du passé. La cohabitation des folies néoclassiques et Art déco témoigne.La fête bat son pleinSur les pas de lady Penelope Rivers, marraine de la communauté anglaise – dont la villa date de 1787 –, les lords investissent les vergers prolongeant la baie pour bâtir à leur tour de somptueux hôtels particuliers au milieu des orangers. En 1902, 180 hôtels et 28 palaces sont ouverts. Les plus luxueux, comme le Negresco, occupent le devant de la scène face au rivage. La façade du Palais de la Méditerranée, pur Art déco, où descend Matisse avant de s’installer place Charles-Félix, sera sauvée de justesse, en 1989, par Jack Lang, alors ministre de la culture, qui l’a fait classer.Durant les années 1920-1930, la fête bat son plein. Dans une venelle du vieux Nice, au palais Lascaris – charmant hôtel particulier à l’italienne, où sont exposés de très rares instruments de musique –, sont reconstitués les décors des Fêtes d’art, soirées mondaines costumées, imaginées par Gisèle et Paul Tissier à l’Hôtel Ruhl.C’est au photographe britannique Martin Parr qu’il revient de livrer sa vision acérée de la fortune contemporaine de Nice, qui compte 75 % d’étrangers parmi ses visiteurs, les Anglais toujours en tête. Du 8 au 12 juillet, le fin limier des portraits de société installera son studio éphémère au Théâtre de la photographie et de l’image. La saga de la cité balnéaire inventée par ses touristes sera écrite. Et la première étape de la course au label onusien, lancée au moment où la ville de Cannes elle-même a porté sa candidature pour la Croisette et ses îles de Lérins.« Nice 2015, Promenades(s) des Anglais », 14 expositions, jusqu’au 4 octobre. 10 € ou 20 € pour 7 jours avec accès à tous les musées. nice.fr/culture.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 06h38 • Mis à jour le26.06.2015 à 15h24 | Sylvain Siclier Quelle qu’en soit la qualité artistique, toute alliance des musiques dites populaires à une initiative à but humanitaire ou caritatif se doit d’obéir à un principe constant : à grande cause nécessitant grand retentissement, grande affiche. Yael Naïm, Izia, The Dø, IAM, Zebda, Asaf Avidan, Die Antwoord, Moriarty… Voici quelques-unes des vedettes qui participeront du vendredi 26 au dimanche 28 juin à l’Hippodrome de Longchamp à Solidays, important festival et l’un des événements les plus connus de l’association Solidarité sida, fondée en 1992 par Luc Barruet et Eric Elzière pour sensibiliser le public au sida et récolter des fonds pour la lutte contre la maladie. Sur place, entre deux concerts, des dizaines de stands d’associations sont visités par les festivaliers. Le sentiment que le prix du billet d’entrée servira à quelque chose domine.Le 1er août 1971, le guitariste et chanteur George Harrison avait été à l’origine de ce qui est généralement considéré comme la première manifestation pop-rock humanitaire. Régulièrement, plus tard, il rappellera que c’est bien parce qu’auprès de lui et Ravi Shankar se trouvaient ses amis Eric Clapton, Bob Dylan ou Ringo Starr lors des deux concerts au Madison Square Garden que l’impact sur la campagne de dons et le relais par la presse qui suivirent avaient été notables. Mêmes effets avec USA For Africa (la chanson We Are The World) et le défilé de stars lors des concerts Live Aid en 1985 pour collecter des fonds pour lutter contre la famine en Afrique, et en particulier en Ethiopie. Un message simple : donner de l’argent pour venir en aide. Et un résultat chiffrable, plus de 10 millions de dollars quatre mois après la mise en vente du disque de USA For Africa et près de 50 millions de livres sterling de dons à l’issue des concerts de Live Aid.Les limites des concerts gratuitsEn revanche, en juillet 2005, les concerts gratuits du Live 8, avec des dizaines de vedettes (Elton John, Madonna, le produit d’appel Pink Floyd reformé pour cinq chansons, Sting, Placebo, Stevie Wonder, Björk…) ont montré certaines limites. Si leur but était louable –exiger des dirigeants des pays les plus riches de la planète (le G8) qu’ils effacent la dette publique des pays les plus pauvres –, ils auront laissé une impression de flou, faute pour le public de mettre du concret sur sa participation. Tout comme lors du premier Live Earth, en 2007, initiative de l’ancien vice-président (1993-2001) américain Al Gore, sur le même modèle des concerts simultanés dans plusieurs pays, pour sensibiliser la population sur le réchauffement climatique.Dernier en date des rendez-vous citoyens, un Live Earth 2015. Annoncé en janvier pour le mois de juin, avec pour directeur musical le chanteur Pharrell Williams, (auteur du tube Happy) mais pas d’autres noms de vedettes de la musique, il a été repoussé depuis, selon un communiqué en mai, à une date « indéfinie à l’automne à la Tour Eiffel ». Et, pour l’heure, toujours le seul Pharrell Williams. Avec un objectif, faire pression auprès des participants à la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 30 novembre au 11 décembre à Paris, pour qu’ils parviennent à un accord ambitieux. D’ici là, les dons à Solidarité sida sont quand même plus efficaces.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 02h18 • Mis à jour le26.06.2015 à 09h12 Le Blue Note, l’un des clubs de jazz les plus célèbres au monde, a annoncé jeudi 25 juin qu’il allait s’installer en Chine, où il compte sur l’appétence des consommateurs aisés pour les concerts.Le club américain ouvrira une salle à Pékin en mars 2016, dans un bâtiment qui a abrité la première ambassade américaine en 1903, près de la place Tiananmen. Au cours des trois années suivantes, des établissements devraient également ouvrir à Shanghaï et dans l’autre république de Chine – Taïwan – à Taipei. Une implantation est par ailleurs prévue l’an prochain sur la plage Waikiki à Honolulu, dans l’Etat américain d’Hawaï, particulièrement apprécié par les touristes asiatiques.Déjà présent au Japon« Est-ce que je pense qu’il y a une forte demande pour le jazz en ce moment en Chine ? Non, pas nécessairement. Mais je pense que nous pouvons participer au développement de la musique et du marché », a déclaré Steven Bensusan, président du groupe Blue Note Entertainment, qui n’écarte pas une exportation vers la Corée du Sud ensuite.Le groupe avait déjà posé un pied en Asie en ouvrant un club à Tokyo en 1988, puis à Nagoya un peu plus tard. Le Japon disposait déjà d’une scène destinée au jazz avant que le Blue Note n’arrive, et les touristes japonais constituent une part significative du public du club historique à New York.Le jazz a été présent dans des clubs en Chine dans les années 1920 et 1930, où le trompettiste légendaire Buck Clayton a lancé sa carrière avant de revenir aux Etats-Unis. Le premier club Blue Note en Europe a ouvert à Milan en 2003. Paris et Londres sont désormais envisagés. Alexis Delcambre L’Etat va mettre la main à la poche pour aider Radio France à sortir de l’ornière. Selon nos informations, l’entreprise publique va recevoir 80 millions d’euros de financement exceptionnel, afin de faire face aux besoins de trésorerie engendrés par l’interminable chantier de réhabilitation de la Maison de la radio.Lire aussi :L’interminable chantier de la Maison de la radioCette somme, dont le montant a été annoncé, mardi 23 juin, en conseil d’administration, sera versée sous deux formes différentes. Cinquante-cinq millions d’euros seront apportés aux fonds propres de l’entreprise sous forme d’une dotation en capital, sous l’égide de l’Agence des participations de l’Etat (APE). Répartis sur trois exercices budgétaires (de 2016 à 2018), 25 autres millions d’euros seront issus de la contribution à l’audiovisuel public (la « redevance »), au titre de l’investissement.Un geste de l’Etat était attendu et avait été promis par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, lors de la longue grève qui a paralysé Radio France, en avril. « J’ai proposé une intervention au capital de l’entreprise, pour l’accompagner dans cette période difficile », avait-elle déclaré dans un entretien au Monde. Son montant et ses modalités restaient à définir, dans un contexte où chaque euro d’argent public compte et où il est par ailleurs demandé à l’entreprise de se réformer.Lire aussi :Fleur Pellerin : « Il faut renouer les fils du dialogue » à Radio FranceUn chantier à plus de 100 millions d’eurosAu ministère, on explique que les formes d’intervention retenues – une dotation en capital et un budget d’investissement – permettent de bien distinguer cet apport exceptionnel de ce qui relève du fonctionnement courant de l’entreprise. Cet apport ne sera par ailleurs pas le seul : Radio France a soumis une demande de prêt à trois banques et recherche 90 millions d’euros pour subvenir à ses besoins de trésorerie. Mais pour obtenir l’accord des banques, elle doit d’abord finaliser son contrat d’objectif et de moyens (COM), dont la conclusion n’est pas attendue avant septembre.L’apport de l’Etat, ainsi que cet emprunt, sont censés permettre à l’entreprise de répondre aux besoins de financement supplémentaires liés au chantier, évalués à ce stade entre 100 et 110 millions d’euros. Mais cette estimation laisse un angle mort : le sort d’une partie des studios, dits « studios moyens ». Des études doivent être menées pour déterminer comment mener leur réhabilitation.L’aide apportée par l’Etat lève une partie des incertitudes financières pesant sur Radio France. Mais elle ne résout pas la « question stratégique » qui doit être au cœur du COM, pointe-t-on au ministère. Ni la question des 44 millions d’euros d’économies, dont 24 sur la masse salariale, que l’entreprise doit dégager dans le cadre du COM.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.06.2015 à 06h51 • Mis à jour le25.06.2015 à 11h40 | Philippe Dagen Mona Hatoum se méfie des simplifications et des discours tout prêts. Elle s’en méfie d’autant plus qu’elle en a souvent subi la brutalité. Parce qu’elle est née à Beyrouth, en 1952, de parents d’origine palestinienne, l’artiste britannique a trop souvent vu ses travaux – en fait une partie de son œuvre, toujours la même – interprétés immédiatement d’après sa naissance. Non qu’elle nie que son œuvre soit souvent politique. Mais elle est loin de l’être systématiquement et, quand elle l’est, ce n’est pas seulement et exclusivement à la situation au Proche-Orient qu’elle fait référence. Elle prévient d’entrée : « Chacun est libre de comprendre ce que je fais en fonction de ce qu’il est, du lieu où il se trouve. Je peux raconter la genèse de mes œuvres, mais pas plus. Je ne veux pas assigner à chacune un sens et un seul. » L’enfermer dans un ton unique, qui serait celui du tragique de l’exil et des guerres, ce serait même manquer ce qui rend son œuvre remarquable : la tension qu’elle crée entre des polarités opposées, le banal et l’onirique, l’inquiétude et la légèreté, la gravité et le jeu.Ainsi s’explique-t-elle parmi les œuvres qu’elle a disposées pour la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou. Sur un écran passe la vidéo de l’une de ses premières performances, qui est aussi l’une des plus souvent montrées, Roadworks (1985). On l’y voit, vêtue de noir, dans un marché et sur des trottoirs de Brixton, quartier de Londres où avaient eu lieu les années précédentes des émeutes raciales, entre population noire et police blanche. Elle est pieds... 24.06.2015 à 18h09 • Mis à jour le25.06.2015 à 12h50 | Emmanuelle Jardonnet Mercredi 24 juin dans la soirée, Sotheby’s mettait en vente à Londres une première œuvre issue de la « collection » Gurlitt, du nom de Cornelius Gurlitt, l’octogénaire allemand qui avait caché jusqu’en 2012 plus de 1 600 œuvres amassées par son père sous le IIIe Reich.Ce tableau, Deux cavaliers à la plage, peint en 1901 par l’Allemand Max Liebermann, qui était inclus dans une vente d’une cinquantaine d’œuvres impressionnistes et d’art moderne, a été adjugé 1,865 million de livres (2,61 millions d’euros), soit bien au-delà de l’estimation faite par la maison d’enchères, qui avançait une fourchette de 350 000 à 550 000 livres (entre 493 000 et 775 000 euros).La « collection » Gurlitt, des centaines d’œuvres saisies par les nazisLe tableau est l’une des quelque 1 406 œuvres d’art (peintures, dessins et gravures) découvertes à Munich dans l’appartement de Cornelius Gurlitt en 2012 à l’occasion d’une simple enquête pour fraude fiscale. Parmi celles-ci, des Picasso, Matisse, Renoir, Delacroix, Chagall, Otto Dix, Chagall, Klee, Kokoschka, Beckmann, Canaletto, Courbet, Pissarro ou Toulouse-Lautrec.Une nouvelle perquisition dans une maison lui appartenant à Salzbourg (Autriche) avait conduit à la découverte de 238 œuvres supplémentaires, dont 39 toiles. Parmi les signataires, là encore, Renoir, Picasso ou Chagall.Cornelius Gurlitt tenait ce trésor de son père, le marchand d’art Hildebrand Gurlitt (1895-1956), qui fut l’un des galeristes chargés par Goebbels de vendre les œuvres d’art dit « dégénéré » saisies par les nazis dans les collections des musées allemands et dans les collections privées de familles juives.Un accord sur 590 œuvresEn avril 2014, Cornelius Gurlitt avait accepté de coopérer avec les autorités allemandes pour déterminer si une partie des tableaux qu’il possédait provenait de vols et de pillages commis par les nazis, afin que ces œuvres soient rendues aux ayants droit des propriétaires spoliés.L’accord, qui ne concernait que les pièces saisies en Allemagne, pas celles retrouvées en Autriche, portait sur quelque 590 œuvres, pour lesquelles les descendants des anciens propriétaires spoliés avaient un an pour se faire connaître et valoir leurs droits. La Femme assise de Matisse avait ainsi été restituée en mai 2014 aux héritiers du collectionneur d’art juif français Paul Rosenberg.Cornelius Gurlitt est mort en mai à l’âge de 81 ans, désignant pour le reste des œuvres le Musée des beaux-arts de Berne, en Suisse, comme son légataire universel.La trajectoire de « Deux cavaliers à la plage »On sait que ce tableau de Max Liebermann fut cédé en 1942 par les autorités nazies à Hildebrand Gurlitt. En mars, il avait fait l’objet d’une querelle juridique, lorsqu’un des héritiers légitimes, l’Américain David Toren, âgé de 90 ans aujourd’hui, avait porté plainte à Washington contre l’Allemagne et la Bavière pour demander la restitution immédiate du tableau ayant appartenu à son grand-oncle, David Friedmann, jusqu’à ce que ce dernier doive renoncer à ses biens en faveur des nazis.David Toren avait 13 ans en 1938 lorsqu’il a vu le tableau pour la dernière fois, dans la maison de Breslau de son riche grand-oncle, avant que ses parents ne le mettent dans un train pour la Suède. Alors que presque toute sa famille a été exterminée par les nazis, David Toren avait émigré en 1956 aux Etats-Unis.L’homme, désormais aveugle, a pu récupérer le tableau, recouvert de poussière, au mois de mai. Le mettre en vente a été, selon lui, une « décision douloureuse », mais « inévitable », pour qu’il soit « partagé » entre tous les héritiers.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie Jégo (Istanbul, correspondante) Il fut le premier photographe à se rendre sur les lieux de l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986. L’Ukrainien Igor Kostin est mort le 9 juin 2015 dans un accident de voiture à Kiev, à l’âge de 78 ans. L'annonce a été faite par son épouse, Alla, le 24 juin.A l’occasion de sa mort, nous republions ici le portrait paru en 2006 dans « Le Monde ». De son séjour à Tchernobyl, Igor Kostin a gardé des problèmes de santé, de fréquents accès de déprime et « un goût de plomb entre les dents » dont il ne parvient pas à se débarrasser. Premier photographe à se rendre sur les lieux de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire, le 26 avril 1986, il a ensuite passé deux mois aux côtés des « liquidateurs », ces hommes envoyés de toute l'URSS pour nettoyer le périmètre irradié. Des années après, le reporter, dont les clichés ont été publiés dans le monde entier, ne s'est jamais remis de ce qu'il a vu. Sa colère est intacte. Tout y passe : le cynisme des autorités, leur indifférence, l'amnésie de l'opinion.Le 26 avril 1986 à l'aube, Igor est réveillé par le téléphone. Un ami lui propose de l'emmener en hélicoptère à la centrale nucléaire de Tchernobyl où, selon la rumeur, un incendie s'est déclaré. Sur place, rien ne laisse supposer la gravité de l'accident. Collé au hublot, Igor, alors photographe pour l'agence Novosti, traque l'image.La photo, c'est sa passion, une toquade venue sur le tard, une sorte de deuxième vie pour ce gamin né en Moldavie avant la seconde guerre mondiale et qui connut la faim sous l'occupation. Sa survie, il la doit au fait d'avoir mâché le cuir des bottes allemandes, enduit de graisse de poisson. Sa mère en faisait de la soupe, un brouet « abominable ». « Nous serions morts sans cela », dit-il. Après la guerre, il n'a pour horizon que le foot, la rapine et les bagarres de rue. Mais, bientôt, à force de volonté, il se hisse au rang de « constructeur en chef ». Son salaire est garanti, ses vacances le sont aussi, mais il s'ennuie. Il va tout lâcher pour une idée fixe : devenir photographe.Lueur rougeâtre Le voilà, donc, dans cet hélicoptère qui survole la centrale, et la photo qu'il doit faire s'impose. Le toit du réacteur n° 4 - une dalle de béton armé de 3 000 tonnes - « a été retourné comme une crêpe ». Au fond du trou béant, brille une lueur rougeâtre : le coeur du réacteur en fusion. En bon professionnel soucieux d'« éviter les reflets », Igor ouvre le hublot et prend des photos. « Une bouffée d'air chaud remplit la cabine de l'hélicoptère. Aussitôt, j'ai envie de racler le fond de ma gorge. » Très vite, son appareil s'enraye. Au développement, un seul cliché sera utilisable. Les autres, attaqués par la radioactivité, seront noirs, comme si la pellicule avait été exposée en pleine lumière.Transmise à l'agence Novosti, l'unique photo de la centrale dévastée ne sera pas publiée. On est en URSS et, officiellement, il ne s'est rien passé à Tchernobyl. Les autorités vont mettre trois jours à reconnaître « un accident », dix jours à donner l'ordre d'évacuation des civils. C'est par La Voix de l'Amérique, radio honnie du pouvoir soviétique, qu'Igor apprend qu'« une catastrophe nucléaire majeure » vient de se produire.Aux premières heures du drame, 800 000 « liquidateurs » - ouvriers, paysans, soldats, pompiers - sont réquisitionnés à travers toute l'URSS pour décontaminer. Savent-ils ce qui les attend ? Munis de protections dérisoires, ils se mettent à l'ouvrage, enhardis par les promesses de primes, d'appartements ou de démobilisation anticipée. Mineurs chargés de creuser un tunnel sous le réacteur, soldats qui déblaient les poussières radioactives, ouvriers invités à plonger dans la réserve d'eau lourde de la centrale pour tenter de la vidanger : Igor les a, pour la plupart, côtoyés. « Grâce à eux, le pire a été évité, ils se sont sacrifiés », dit-il, la voix brouillée. Il raconte comment, occupés à ramasser le graphite sur le toit du réacteur n° 3, au plus près du feu nucléaire, ils trichaient régulièrement sur les doses absorbées par leurs organismes.Il se remémore leurs conversations d'alors, « pleines des voitures et des maisons » qu'ils pensaient pouvoir acheter. Neuf mois plus tard, le photographe et les liquidateurs irradiés se retrouvent côte à côte à l'hôpital n° 6 de Moscou, un établissement militaire « fermé ». « La radioactivité les rongeait de l'intérieur. Ils souffraient tant qu'ils se cramponnaient aux barreaux métalliques. La chair de leurs mains y restait collée. Parler de tout cela me rend malade », raconte Igor. Longtemps après, une chose est sûre : l'indifférence envers ces « robots biologiques », comme Igor les appelle, est totale. « Qui a jamais téléphoné à Vania, Piétia ou Volodia pour leur demander comment ils allaient ? Au contraire, on les a laissés tomber. Leurs pensions ont été réduites et le peu qu'ils perçoivent suffit à peine à couvrir leurs besoins en médicaments », déplore Igor. Combien sont morts ? Combien sont malades ? Nul ne le sait précisément, aucune étude épidémiologique sérieuse n'a été menée. Après l'explosion de Tchernobyl, celle de l'URSS, survenue cinq ans plus tard, les a éparpillés de l'Ukraine au Kazakhstan en passant par la Russie. Le contact a été rompu.A Kiev, où vit Igor, Tchernobyl est rarement évoqué. « Aucun journaliste ukrainien n'a cherché à me rencontrer », constate le photographe, sanglé dans un costume impeccable. Il avait tenté de publier un livre de ses photos, mais la censure s'en était mêlée. La récente publication de son ouvrage en Europe lui met du baume au coeur. Des entretiens sur le sujet, ce géant de 1,98 mètre ressort épuisé.Bien que malade de Tchernobyl, il ne perd pas une occasion d'y retourner. Située à une centaine de kilomètres de son domicile de Kiev, la « zone », comme on dit ici, l'attire. Depuis l'évacuation de ses habitants (environ 120 000 personnes), le périmètre interdit a été envahi par les herbes folles et les animaux sauvages. Ces dernières années, des centaines de « samosiolki » (littéralement « ceux qui se sont installés ») sont revenus y habiter, coupés de tout, subsistant des produits de la chasse et de leurs potagers. Igor aime leur rendre visite. Il ne manque pas une occasion de saluer son copain Serioja, un ancien liquidateur devenu responsable du périmètre irradié. Dans la « zone », Igor se sent chez lui : « Là-bas, tout le monde me connaît, même les chiens. »Marie Jégo (Istanbul, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Laure Belot //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/360741', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Antoine Gallimard, seul maître à bord du troisième groupe d’édition français La France, l’autre pays du mangaSortie de « kalash »sur le Vieux-Porttous les articles de la thématique Votre roman d’anticipation « Silo », auto publié en ligne en 2011, a connu un succès mondial. Vous percevez-vous comme un pionnier ?Je me considère plutôt comme quelqu’un de chanceux d’écrire à l’époque actuelle. Je fais partie de cette douzaine d’initiative d’auto-édition en ligne qui sont devenues des « succès ». C’est une sacrée chance. Ces changements étaient annoncés et auraient eu lieu, quels que soient les acteurs y participant. Cinq ans auparavant, j’aurais vendu mes droits à un éditeur pour des broutilles et n’aurai pas eu le même succès. Puis cinq années plus tard, j’aurai regardé quelqu’un d’autre être un « pionnier ». La vérité est que nous étions tout simplement en train de marcher lorsque cette voie s’est ouverte. Personne n’a eu à se frayer de passage avec une machette.Comment percevez-vous l’évolution de la lecture ?Mon premier roman est sorti en 2009, à la fois sur papier et en ligne. Je me suis toujours occupé moi-même des versions imprimées. Au fil du temps, de plus en plus de mes lecteurs ont lu en ligne, une tendance qui s’accroît encore actuellement. Cela est directement lié à la façon dont nous consommons l’information, sur plus de sites et moins de magazines, à la façon dont nous écrivons des mails plutôt que des lettres. A la façon dont nous écoutons de la musique par des canaux numériques, sans acheter d’album ou de CD.La lecture se déplace en ligne. Certaines personnes ne sont pas satisfaites de cette évolution, mais il me semble stupide de s’en irriter. Nous devons juste espérer que les personnes continuent à lire, quel que soit le support utilisé pour le faire. Pour des lecteurs qui habitent dans des zones rurales, sans librairie près de chez eux, les livres numériques sont une bénédiction. Je trouve fascinant que certaines personnes restent accrochées sur la forme sous laquelle une histoire est livrée plutôt que sur la beauté des mots eux-mêmes.Vous interagissez beaucoup avec vos lecteurs, par votre site et sur les réseaux sociaux. Que vous apporte cette activité ?Un bonheur personnel. Je suis très proche de mes lecteurs. J’ai récemment nettoyé une unité de stockage (informatique) pleine de livres et des souvenirs, certains étaient vraiment de valeur. J’ai expédié tout cela en ligne à des lecteurs qui l’ont eux-mêmes partagé avec ce qu’ils avaient sur leur propre page Facebook. Nous nous sommes tous bien amusés. Certains courriers électroniques de remerciement m’ont ému aux larmes. Cela me motive pour écrire plus, et mieux.Cela vous inspire-t-il dans votre travail ?Absolument. La « muse » de l’écriture n’est pas, selon moi, quelqu’un qui inspire une œuvre avant qu’elle ne soit écrite. la muse est quelqu’un qui apprécie l’art après sa création. J’ai écrit mon premier roman pour mon dernier ami, qui a lu chaque chapitre à sa sortie de l’imprimante et cela a alimenté ma passion pour ce métier. Entendre le retour d’un auditoire me donne envie de me replonger dans une histoire.Pendant des dizaines de milliers d’années, la tradition du conte a été orale et non écrite. Les conteurs, tels des bardes, racontaient des histoires face à un public. Cette interaction était clé. Pour de nombreux romanciers, elle a disparu, et je vois cela comme une immense perte. Nous avons bien sûr besoin de nous retirer et d’être seul pour penser et améliorer nos œuvres, mais nous devons également célébrer des aspects plus vivants, tels le partage de ces travaux, et l’écoute de ce qui vient en retour, comment ces travaux touchent les lecteurs.Breat Easton Ellis a suggéré à certains fans d’écrire la suite d’« American Psycho ». Vous avez également tenté une sorte de co-création avec votre communauté. Qu’en avez-vous tiré ?J’ai aimé ouvrir mon monde à mes fans pour qu’il puisse l’explorer. Ce n’est pas vraiment de la co-création dans le sens où nous ne travaillons pas sur la même partie, mais c’est de la co-création tout de même car il s’agit de peindre sur la même toile, avec de mêmes pinceaux. Les fans créent leur propre version de mon univers, faisant vivre de nouvelles aventures à mes personnages, et amenant l’histoire dans des directions liées à leur propre imagination. Cela a été une expérience très agréable d’observer tant d’enthousiasme et d’implication. Une fois qu’une œuvre est publiée, elle ne nous appartient plus vraiment.Lire aussi :Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainsVous avez testé la publication par épisodes. Est-ce devenue une nécessité pour une nouvelle génération de lecteurs ?Je le pense, en effet. Regardez comment les séries télé ont jailli et sont devenues des vecteurs bien supérieurs aux films pour raconter des histoires. Cette temporalité donne plus d’espace à l’histoire pour respirer : les lecteurs ont le temps de l’examiner avant que le prochain épisode ne soit publié. Une conversation peut grandir. Cela est une excellente façon d’écrire un récit, comme Charles Dickens nous l’a montré d’ailleurs.Vous avez conclu en 2012, un accord avec une maison d’édition. Est-il vrai que vous avez gardé vos droits d’auteur pour les versions numériques ?Oui. Mon contrat aux Etats-Unis avec Simon & Schuster ne concerne que les éditions dites cartonnées [« hardcover »] et brochées [« paperback »]. J’ai gardé les autres droits. Cela me donne un contrôle créatif et me permet également d’avoir des revenus bien plus importants.Pour vous adapter au téléchargement-piratage de fichiers, vous avez créé sur votre site un bouton explicite : « Vous avez téléchargé le livre et voulez payer, c’est ici ». Cela fonctionne-t-il ?Oui. Il n’y a pas un jour où quelqu’un ne me paye pas en ligne après-coup. Juste cette semaine, deux lecteurs m’ont très largement surpayé pour l’entière série « Silo ». Un autre s’est platement excusé en me disant m’avoir volé. Je lui ai dit qu’il n’en était rien. Je vois dans cette activité en ligne et ces partages quelque chose de similaire à l’emprunt à un ami, ou lorsque l’on récupère un livre d’occasion chez un bouquiniste. Tout cela nous revient d’une manière ou d’une autre. Nous devrions, me semble-t-il aborder la lecture, ces changements et ces nouvelles questions avec plus de confiance et moins de peur.Lire aussi :Roxane Gay : « Sur Internet, j’ai gagné une communauté »Lire aussi :Margaret Atwood : « Etre sur Twitter, c’est comme posséder sa petite station de radio »Silo est publié en France par Actes Sud (trois volumes parus). Un film tiré de ce roman, produit par Ridley Scott et Steve Zaillian, est en préparation.Laure Belot Laure Belot //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/360741', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Antoine Gallimard, seul maître à bord du troisième groupe d’édition français La France, l’autre pays du mangaSortie de « kalash »sur le Vieux-Porttous les articles de la thématique Vous êtes très active sur Twitter (@MargaretAtwood), où vous avez plus de 800 000 « followers ». Que vous apporte ce réseau ?C’est un peu comme posséder sa propre petite station de radio : je peux suggérer en ligne des lectures que j’ai aimées, des films ou encore des séries télévisées. Je peux échanger des informations, inviter des personnes et diffuser certaines actualités. J’y passe en général 10 à 15 minutes par jour.Comment décrire cette communauté avec laquelle vous communiquez en ligne ?Ce sont des personnes extrêmement diverses, en âge, genre et nationalité. On y trouve tout autant des lecteurs que des scientifiques ou des écologistes. Certains aussi sont intéressés par la politique. En revanche, je ne suis, pas sur Facebook, tout simplement car je ne sais pas comment m’en servir. Mon éditeur l’a configuré pour moi et il faudrait que j’apprenne, je suppose.Cela vous inspire-t-il dans votre travail ?J’y trouve en effet des réponses à des questions précises.Lire aussi :Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainsComment voyez-vous l’évolution des interactions entre auteurs et lecteurs ?Je suis écrivain depuis 1956: j’ai vu l’écriture et l’édition changer profondément au fil des années. Je suis inscrite sur Wattpad depuis trois ans, pour explorer la façon dont cette plate-forme relie les personnes à la lecture et à l’écriture. Et aussi donne confiance aux écrivains à travers les réactions des lecteurs.Que pensez-vous de la co-création numérique, notamment avec des lecteurs ?J’ai déjà eu une expérience de co-création sur Wattpad [en 2012 avec Naomi Alderman, la co-création des chapitres de The happy Zombie Sunrise Home] Et cette année, nous venons de lancer un concours sur Wattpad, en lien avec le projet Bibliothèque du futur (une initiative de l’artiste Katie Paterson pour la ville d’Oslo, en Norvège). Dans ce cadre, il s’agit pour des « wattpadders » d’écrire des histoires en incorporant le titre de mon livre, Cher 2114, qui ne sera pas lu avant 100 ans. Il y a déjà eu 6 millions de téléchargements du règlement de ce concours. Pour chaque participant, il y a plusieurs directions possible, par exemple, écrire une histoire sur le conseil à donner au monde en 2114. Ou encore, comment sera le monde quand la future bibliothèque s’ouvrira en 2114 ? Par l’intermédiaire de la plate-forme, des lecteurs de 32 pays sont déjà entrés dans la compétition.Vous considérez-vous comme une pionnière ?Non, je ne me considère pas comme une pionnière, à l’exception de mon invention, « The Longpen », qui permet de signer à distance un document (le signataire écrit sur une palette graphique, un mouvement reproduit par un bras articulé sur n’importe quel document papier, n’importe où sur la planète). Il est utilisé actuellement par le site Fanado.fr (qui met numériquement en lien artistes et fans), mais aussi par l’entreprise Syngrafii.com dans les affaires, pour le gouvernement, les banques… Nous avons d’ailleurs utilisé cette technique pour le lancement de la bibliothèque du futur en dédicaçant à distance une édition limitée de 50 couvertures numériques pour 50 personnes.Pourquoi participer à ce projet de bibliothèque du futur ?J’envoie, avec ce projet, un manuscrit dans le temps. Y aura-t-il des humains qui l’attendront ? Y aura-t-il toujours la Norvège ? des forêts ? des bibliothèques ? On peut l’espérer, malgré le changement climatique, l’augmentation du niveau des mers, les pandémies mondiales et toutes les autres menaces.Enfant, j’étais de ceux qui enterrait des trésors dans des bocaux, avec l’idée que quelqu’un, un jour, puisse les déterrer. C’est l’idée de cette bibliothèque du futur, qui contiendra des fragments de vies, vécues un jour, et qui sont maintenant du passé. Tout ce qui est écrit est une façon de préserver et de transmettre la voix humaine.La marque de l’écriture, faite par l’encre, l’encre de l’imprimante, la brosse, le stylet, le burin, va rester là, inerte, jusqu’à ce qu’un lecteur arrive et la ramène à la vie.Lire aussi :Roxane Gay : « Sur Internet, j’ai gagné une communauté »Lire aussi :Hugh Howey : « Interagir avec les lecteurs m’inspire »Laure Belot Margherita Nasi En quelques années de pratique professionnelle, Anton Hansen quitte le rez-de-chaussée de sa banlieue pour un bureau lumineux en cime de tour à La Défense. Une ascension fulgurante accompagnée par « l’évanouissement progressif d’abord, plus expéditif ensuite, de toute conscience morale ». À 35 ans, avec ses lunettes Ray-Ban, sa cravate impeccable et ses chaussures croco, Anton Hansen s’est transformé en « caricature du manager sans vergogne ».C’est sur cette métamorphose que se penche le nouveau roman de Dominique Julien : Consulting Underground. À travers le parcours d’Anton, l’ouvrage décrit l’extravagante réalité du milieu du consulting, un monde où on arrive « tendre et naïf » avant que le capitalisme « vous tanne la peau ».C’est en tout cas ce qui arrive au jeune Anton, fraîchement diplômé d’un master d’informatique appliqué à l’économie en milieu rural. Armé de sa confiance et de son diplôme, le jeune accumule les mois de stages intensifs, avant de ravaler ses illusions et d’intégrer la sphère des actifs précaires. Pour garder son HLM à Fleury-Mérogis et rembourser son prêt étudiant, il enchaîne les petits boulots : manutentionnaire, postier, livreur de pizza.C’est alors qu’il s’occupe du rechargement des distributeurs de friandises dans le métro que sa vie prend un nouveau tournant. À Gare du Nord, il tombe sur un ancien ami de la fac. Celui avec qui il a partagé ses folies de jeunesse arbore maintenant un costume et travaille en tant que manager dans le conseil en entreprise.Le cynisme en premier atoutMuni des conseils cyniques de son ami - « le mépris assure le rôle de pierre angulaire de toutes les relations sociales dans le consulting », ou encore « le tout, c’est de fourrer le nez de l’interlocuteur dans le piment. Comme ça, il est incapable de sentir les merdes qu’on lui fourgue » -, le jeune précaire postule auprès d’une société de services.Le voilà propulsé dans le conseil, où il passe sa journée au téléphone, à identifier les besoins potentiels de clients potentiels. « Le truc, c’est d’inventer des désirs qu’ils n’ont pas et de leur faire acheter un consultant qui restera au grenier entre le vibromixeur et le presse-agrumes ». À travers les yeux du nouveau consultant, l’auteur, qui est aussi professeur de philosophie, plonge le lecteur dans un monde très sombre, fait de harcèlement, d’« escorts » et d’ambitions démesurées.Anton, ancien banlieusard désargenté, se transforme vite en star du consulting. Impitoyable, il multiplie les coups bas pour grimper les échelons. Une stratégie gagnante : à coup d’humiliations, menaces et mensonges, il est promu manager. Loin de se satisfaire de sa promotion, il redouble de cynisme et n’hésite pas à trafiquer des curriculum vitae, ou encore faire signer aux consultants de fausses attestations de formation.Pris dans la spirale du succès, il pense toujours à l’étape suivanteSa détermination et son absence de scrupules attirent les chasseurs de tête : « pour lever ces types, il n’y a pas de secret, il faut atteindre un objectif business ambitieux. Par exemple, faire un peu de bruit en virant du personnel. Il suffit souvent de mettre du monde à la porte pour que les chasseurs se présentent à la vôtre ».Le jeune loup se fait débaucher pour devenir « responsable affaires confirmé » dans une grande boîte de Consulting de la Défense, à 7 000 euros par mois. Le cynisme atteint alors son comble, dans un milieu qui utilise le burn-out comme « arme de dégagement massif » et où tous les coups sont permis.À travers les assertions et le parcours d’un Anton qui dit ne rien regretter de ses actions car « suivre son gentil bonhomme de chemin dans le consulting suppose de neutraliser toute notion de moralité », Dominique Julien porte un regard particulièrement sévère sur le monde du consulting, dont personne ne ressort indemne. Même Anton, victime des mensonges et des trahisons qui l’ont hissé au sommet de l’échelle, avant de le faire retomber tout en bas. Peut-être une bonne nouvelle, finalement.C’est presque avec soulagement que le protagoniste du sixième roman de Dominique Julien reconnaît sa défaite« J’étais content d’avoir rompu la spirale infernale. A force d’aller de succès en succès, je ne savais plus quelle guerre j’essayais de gagner en réduisant en cendres tous mes concurrents. Sauf qu’un jour, vous êtes le marteau et le jour d’après, c’est vous le clou. Voilà tout ! »Consulting Underground, de Dominique Julien (Les Editions Ipanema, 400 pages, 18 euros).Margherita NasiJournaliste au Monde 12.06.2015 à 09h43 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h47 | Jean-Jacques Larrochelle Soucieux de promouvoir la profession d’architecte auprès du grand public, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) présidé depuis novembre 2013 par Catherine Jacquot, organise, pour la deuxième année consécutive, les 12 et 13 juin, une opération « Portes ouvertes ». L’initiative est menée conjointement avec les Conseil régionaux de l’Ordre et les Maisons de l’architecture locales.Plus de 3 000 agences ont répondu présent, dont plus de 300 en Île-de-France. L’occasion de découvrir les coulisses de l’architecture, mais aussi « l’opportunité, pour chaque professionnel mobilisé, de faire connaître son métier, de transmettre sa passion, de montrer son savoir-faire, d’écouter le public et de rencontrer ses confrères », indique le Conseil national. Chaque architecte a carte blanche pour imaginer sa manière d’accueillir le public : présentation de projets ou de réalisations, visites de chantiers, expositions, ateliers pour enfants, soirée festive, etc.500 maisons à découvrirEt pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Mené en partenariat entre le CNOA et les éditions d’architecture « A Vivre », cet événement propose à chacun(e) la visite payante (2 euros par personne) de créations souvent originales. La découverte des lieux se faisant en présence, le plus souvent, de son architecte et de ses occupants. Un conseil : ne pas oublier de réserver.Le CNOA est engagé, au mois de juin, dans un grand nombre d’opérations. L’institution organise en effet les 25 et 26 juin à Lyon, sa deuxième Université d’été. Deux thèmes d’actualité y sont au programme : « L’architecte au service du territoire » et « L’architecture, un investissement d’avenir ».Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.06.2015 à 06h55 • Mis à jour le12.06.2015 à 07h27 | Sylvain Siclier Sa pochette, commandée à Andy Warhol, est l’une des plus célèbres. La photographie d’un haut de jeans, avec une vraie fermeture à glissière, qui une fois baissée permettait d’apercevoir le relief d’un phallus en bonne forme dans un slip blanc. Son contenu, dix chansons, portant la marque rock, blues et soul des Rolling Stones.Succès mondial à sa sortie, en avril 1971, le disque Sticky Fingers est depuis devenu un classique des classiques. Un statut qui lui vaut début juin une réédition en plusieurs présentations CD et vinyle, dont un coffret avec inédits, photographies, reproductions d’objets du culte, dont cette fameuse pochette. Un traitement sophistiqué qui sera accordé, ce 15 juin, à la BO de Virgin Suicides par le duo Air, dans une édition du quinzième anniversaire, et d’ici le 31 juillet aux trois derniers albums du groupe Led Zeppelin, étape finale d’une campagne sur l’ensemble de la discographie du groupe débutée en juin 2014. Ces rééditions à grand spectacle d’albums considérés comme majeurs dans l’histoire du rock, de la pop, de la chanson, voire du jazz (Miles Davis) ne sont pas vraiment une nouveauté, mais leur production s’est intensifiée depuis le début des années 2010. Et elles ne sont plus réservées à la période de Noël, propice à l’achat de coffrets, qui ont longtemps été dominés par des anthologies, des thématiques ou des intégrales.Quasiment chaque mois, au moins un album réputé se retrouve ainsi décortiqué en une pléthore de prises de travail, inédits, remixes, souvenirs de concerts, etc. Et si entre la parution originelle un minimum de trente ou quarante ans a d’abord été de mise – le poids de l’histoire –, de plus en plus souvent quinze ou vingt ans suffisent (Air, donc, le Jagged Little Pill de la Canadienne Alanis Morissette, gros succès de 1995, devrait y avoir bientôt droit).Le public visé, des fans purs et durs, qui traquent les moindres notes, des collectionneurs, qui jugent l’exactitude des reproductions, des sources sonores, la remasterisation. Exigeants, avec un pouvoir d’achat suffisant pour dépenser entre 150 et 300 euros, selon les éditions, pour un objet de fière allure, à l’opposé des fichiers impersonnels de la musique dématérialisée.L’industrie de la musique enregistrée l’a bien compris, qui survalorise ainsi l’aspect œuvre d’art de ces enregistrements, dans des tirages de quelques dizaines de milliers d’exemplaires, quand la moindre chanson à succès diffusée sur le site YouTube récolte des centaines de milliers, voire des millions d’écoutes. Et d’une certaine manière dit ainsi à ce public de niche, qu’elle peut encore se distinguer par rapport au flot de musique ininterrompue, partout dans le monde au même moment qui provient des géants internationaux Spotify, Google, YouTube ou Apple.siclier@lemonde.frSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux On se souvient encore de la stupeur générale : Daniel Harding, « baby chef » de 22 ans, haut comme trois pommes ouvrant le Festival d’Aix-en-Provence avec le Don Giovanni, de Mozart en 1998. Une direction pressée, démoniaque, et presque comminatoire du chef-d’œuvre mozartien alors mis en scène par Peter Brook. Le jeune homme partageait l’affiche avec son mentor, le grand Claudio Abbado, alors patron de la Philharmonie de Berlin, lequel avait offert avec élégance la première à celui qui était encore son assistant.Le chef d’orchestre britannique, né à Oxford le 31 août 1975, a aujourd’hui 39 ans. Il vient d’être nommé, jeudi 11 juin, pour trois ans à la tête de l’Orchestre de Paris, deuxième Britannique à assumer ce poste de directeur musical après Sir Georg Solti (de 1972 à 1975). Il succédera à l’Estonien Paavo Järvi à l’automne 2016. Celui-ci, en poste à Paris depuis 2010, avait annoncé son départ pour l’Orchestre de la NHK à Tokyo (Japon), au terme d’un mandat parisien de seize ans, dès août 2014. Deux mois plus tôt, le 7 mai, les retrouvailles de Daniel Harding avec l’Orchestre de Paris après quinze ans de divorce (sa première expérience en 1997 reste, selon lui, l’une des plus pires de sa carrière), avait été très d’autant plus remarquée que les spéculations allaient bon train quant à la succession de Paavo Järvi.Expériences précocesBlondinet mince et fluet, Daniel Harding a toujours été un jeune homme pressé, qui a multiplié les expériences au berceau – Le Pierrot lunaire, de Schoenberg, dirigé à 13 ans avec un ensemble de fortune. Il a aussi, jeune assistant à l’Orchestre de Birmingham, remplacé au pied levé le chef titulaire, Simon Rattle, dans la Deuxième Symphonie, de Brahms, en décembre 1995 au Théâtre du Châtelet. Avant de devenir en 1996 le plus jeune chef de l’histoire des BBC Proms. Nommé à l’Orchestre symphonique de Trondheim (1997 à 2000), puis à la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême (1999 à 2003), il décroche, en 2003, le Mahler Chamber Orchestra fondé par Claudio Abbado (jusqu’en 2008). Depuis 2006, il occupait le poste de chef principal de l’Orchestre symphonique de la Radio suédoise et celui de premier chef invité à l’Orchestre symphonique de Londres (LSO) depuis 2007. L’Orchestre de Paris devrait être un nouveau tournant dans sa carrière.Francophone et amoureux de la France, Daniel Harding, outre le Don Giovanni qui fit en deux ans le tour du monde en 80 représentations et lui valut un contrat chez Virgin Classics (aujourd’hui Erato), a également dirigé à Aix des productions aussi différentes que Le Tour d’écrou, de Britten (2001), Eugène Onéguine, de Tchaïkovski (2002), et la reprise, en 2004, de La Traviata, avant d’enchaîner coup sur coup trois Mozart – le Cosi fan tutte, de Patrice Chéreau (2005), La Flûte enchantée (2006) et Les Noces de Figaro (2007), avec des fortunes diverses. C’est au violoniste et chef d’orchestre baroqueux allemand Thomas Hengelbrock (57 ans), qu’a été confié le poste de chef associé. Ce récipiendaire du prix Herbert von Karajan en mars 2015 est le chef principal de l’Orchestre symphonique de la NDR à Hambourg, et le fondateur du chœur et de l’ensemble baroque Balthasar-Neumann. Une orientation importante pour la phalange parisienne installée depuis le début de l’année comme résident principal de la Philharmonie de Paris : « ces deux grands chefs, aux programmes innovants, conjugueront leurs talents pour écrire une nouvelle page de l’histoire de l’Orchestre de Paris », souligne à ce propos le directeur général de l’Orchestre de Paris, Bruno Hamard. Daniel Harding, quant à lui, se félicite de la situation géographique de la nouvelle salle symphonique parisienne, « une chance de montrer que la musique classique appartient à tout le monde », a-t-il confié dans un entretien, paru le 10 juin dans le Times.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Francis Marmande Nous republions ici un portrait du musicien et compositeur américain Ornette Coleman, diffusé en 1997. La légende du free jazz est morte jeudi 11 juin à New York, à l'âge de 85 ans. Une de ses premières compositions est nommée La Voix de l'Ange (Angel Voice). Il l'a enregistrée le 22 février 1958. Ornette Coleman est né à Fort Worth (Texas) le 19 mars 1930. Saxophoniste (ténor, puis alto), violoniste, trompettiste, il est un des compositeurs-clés du siècle. Celui qui revient de plus loin. Comme les artistes qui ouvrent la voie de la vie et de la pensée, il a disparu aussi souvent qu'il fit scandale, à son corps défendant, le plus souvent.De lui, on pourrait dire qu'il est ignoré en même temps que reconnu. Le Festival de La Villette le présente en presque tous ses états : en quartet pour le concert d'ouverture (le 28 juin 1997) ; en duo avec Joachim Kühn (le 1er juillet) et à la tête de Prime Time, son groupe free-funk-rock (le 2). Le quartet est ce qui résume sa différence en jazz. Il y a bientôt quarante ans, il intitulait une œuvre Something Else (« Quelque chose autre »). Aujourd'hui, Charnett Moffett, le fils d'un de ses batteurs, est à la basse ; Denardo, son propre fils, qu'il a installé aux tambours à l'âge de douze ans, à la batterie. Une femme, Geri Allen, au piano. Sitôt cette consécration de Paris, qui l'a toujours aimé (autant que l'Italie) depuis son premier concert à la Mutualité, le 4 novembre 1965, deux concerts l'attentent au Lincoln Center de New York (les 11 et 12 juillet), dont une exécution de son ambitieuse pièce symphonique, Skies of America.Avec Joachim Kühn, de quinze ans plus jeune que lui, il vient d'enregistrer un duo, Colors, qui sort de la route ordinaire et console de trop de CD (Le Monde du 7 juin). L'illustration de couverture est une de ses peintures. Il peint depuis longtemps. Ses premiers grands disques, en 1959, étaient illustrés par Pollock. Colors est l'enchaînement le plus libre, le plus frais, d'airs poignants, gais, déroutants. On songe avec tristesse à tout ce que le « jazz » (il n'aime par le mot, évidemment) charrie aujourd'hui de vaches affolées comme en un torrent normand. On n'est même plus surpris que celui qui passe pour son éternel avant-gardiste, son révolté fixe, son théoricien paradoxal, soit l'inventeur prolixe de mélodies chantantes, dansantes, mobiles comme une flamme, plusieurs centaines en cinquante ans, souvent reprises (Lonely Woman).L'harmolodie, une allégorie secrèteSa théorie, l'harmolodie, reste une allégorie secrète pour quelques-uns ; une énigme à beaucoup ; et risible pour les autres le plus grand nombre , qui n'y voient que du feu. L'homme le plus délicat de la planète se sera attiré plus de haines, d'insultes et de coups que quiconque. On ne lui a jamais connu ni colère ni vanité. Depuis soixante-sept ans, il s'exprime avec une extrême douceur ; il dit des choses belles, étranges ; fait jouer les musiciens qu'il ne dirige jamais ; se met à l'envers du savoir, du pouvoir pour laisser libre ; semble ne pas habiter la même planète que nous : ou alors y être si humainement ancré, avec une telle force d'enracinement poétique qu'il voit tout ce que nous ne voyons pas.Parfois, il semble revenir d'ailleurs : « J'avais déjà écrit un peu de musique flamenca. On m'a conduit dans la campagne de Séville. On voulait me faire rencontrer un guitariste. Je ne voulais pas donner l'impression de savoir jouer ce qu'il faisait. Je sais un peu de guitare, mais je ne voulais pas jouer comme je joue d'habitude. Je ne voulais pas montrer que je sais jouer. Je voulais juste lui montrer que je connaissais les formes, le style, l'idée générale. Alors il a dit : "Je chante et toi tu joues." Il s'est senti bien, à fond dans le truc, je sais que le son peut venir de n'importe où dans le monde. Du coup, j'ai joué comme vraiment je joue. C'était très ample, très profond. J'ai compris où l'on était. On est vraiment tombé amis. » Buddy Bolden (1877-1931), trompettiste mythique du Mississippi, figure l'origine absente du jazz. Peu à l'avoir entendu, personne à l'avoir enregistré. On dit qu'il jouait plus vite et plus fort que King Oliver et Louis Armstrong réunis. Armstrong (1901-1971) reste le fondateur. Il quitte le folklore et s'envole. Charlie Parker (1920-1955) est celui qui maintient le message en le renversant. Ornette Coleman vient après, troisième acte de l'idée, tellement saisi par le passage de Parker qu'il en force l'insoumission pour qu'elle ne finisse pas en routine. Ce geste de libération, il l'a payé au prix fort. Quand il lance Free Jazz, en 1960, il faut l'entendre comme un impératif, un appel, un manifeste : Libérez le jazz ! Au mieux, on a retenu une petite effusion libertaire (double quartet avec Eric Dolphy et l'alter ego, Don Cherry, Scott LaFaro et Charlie Haden aux contrebasses). Au pire, les gens ont demandé à rentrer gratuitement. Free, cela signifie aussi : entrée libre...La ségrégation touche le répertoireCe qui définit le mieux Ornette, c'est ce qui lui ressemble le moins. La scène se passe à Bâton-Rouge, à l'automne 1949. Cette scène est incompréhensible, ou alors trop vive, surexposée. Elle ne dit rien du compositeur, dont elle raconte tout. En 1949, Ornette a dix-neuf ans. Il est végétarien. Il porte une barbe et des cheveux longs. Il est en tournée dans des bleds du Sud avec un orchestre de blues. Il vient d'une famille non pas pauvre, mais « a po'family » plus pauvre que les pauvres. Il a mal connu son père qui était de grande taille, très noir, comme sa mère. Sa sœur est chanteuse, une tante est mariée à New York avec le trompettiste Doc Cheatham. Il rappelle discrètement que le Sud, en 1949, n'est pas bien loin de l'esclavage : « Vous n'aviez pas à penser à qui vous étiez et à ce que vous vouliez. Vous aviez juste à vous préoccuper de survivre. »En 1949, Ornette joue du ténor. Il a déjà participé à des spectacles de minstrels noirs. Jamais il ne s'est senti si humilié, si minable. Là, il tourne avec Clarence Samuels, chanteur de blues. Quand il explique ses conceptions aux types de l'orchestre, il se fait rembarrer. Même en scène, la ségrégation touche le répertoire. Les Blancs aiment Stardust, les Noirs Flying Home. On appelle les disques pour la communauté noire des « race records ». A Bâton-Rouge, Louisiane, Ornette prend son chorus de blues. En plein milieu, il lui vient de jouer selon ses idées. A la fin l'orchestre continue, un type se pointe, demande au chef l'autorisation de sortir avec lui, le précipite sur le trottoir où six malabars de couleur lui cassent le bec de saxophone dans les dents avant d'écraser l'instrument au milieu de la rue. Tout du long, ils le traitent de « nigger ». Eux sont noirs. Au commissariat, les flics le traitent à nouveau de « nigger ». C'est une histoire simple. Ornette est battu par des Africains-Américains pour avoir joué le blues à sa façon. « Afro-Américain ? Ça n'a aucune importance. Si dire Afro-Américain, ça peut aider un Noir à se sentir plus heureux, alors d'accord. Mais je ne veux pas penser en termes de races. Je ne veux pas, en m'opposant, rabaisser qui que ce soit. Je ne veux être ni au-dessus ni meilleur. Evidemment, ça n'a pas facilité ma vie de dire cela. Mais je ne veux pas changer. »Il parle à Harlem, 125e rue, dans ses studios Harmolodic. Il parle d'une voix douce, posée, avec un léger chuintement. Personne ne se souvient d'avoir souffert, en paroles ou en actes, par Ornette Coleman, ni dans la vie ni dans la musique. S'il rencontre un musicien, pour qui il est une légende vivante, il l'incite à se rejoindre, à rester lui-même, à ne pas imiter, à chercher ensemble, sans se copier, le point de créativité : « Le meilleur rempart contre la routine, c'est la démocratie à tous les niveaux. La démocratie absolue dans l'orchestre. » Il insiste : « J'aime l'idée que quelqu'un peut jouer une chose à laquelle je n'avais même pas pensé et qui soit équivalente à ce que je tente de faire. Le bonheur ultime, c'est ce partage. Quand on joue à deux, ce qui fait la différence, c'est la personne : ce n'est pas une histoire de style, d'interprétation, de jazz. » Le mot « jazz » lui fait mal, mais même contre ce mal, il ne se drape pas : « Personne n'est tranquille avec cette étiquette de 'jazz'. Moi non plus, mais je ne suis pas contre ce qui peut aider les êtres humains à penser, à faire ce qu'ils aiment. » Là, il devine que le respect qu'il inspire peut se retourner contre lui. Pas mal de gens pensent qu'il est un peu simple, il le sait : « Personne n'a besoin de catégories, notamment pour mourir. On ne doit jouer que si chacun se sent dans l'égalité du jeu. La démocratie totale est ce qui règle la musique. La démocratie et l'amour. Je sais que lorsque je dis ça, ça sonne un peu mystique. Les gens du ``bizness`` ne comprennent pas trop. Ce n'est pas qu'ils soient en désaccord : ils ne comprennent pas bien, mais ça s'arrangera. »Généreux, imprévisibleRien dans la vie d'Ornette Coleman ne ressemble à autre chose qu'au destin qu'il semble s'être donné. Il est de ces irréguliers à qui l'on casse les dents, mais qui n'ont pas raté un disque, une pochette, un titre ou un concert. Il parle de tout avec un sourire d'évidence : « A l'école, j'ai appris très vite que tout ce qu'il fallait savoir, ce sont les réponses... » En 1959, deux héros des débuts de La Nouvelle-Orléans, Sidney Bechet et Baby Dodds, disparaissent. Le couple magique de l'après-guerre new-yorkaise, Billie Holiday et Lester Young, également. Miles Davis grave son chef-d'œuvre modal, Kind of Blue. Coltrane, un mois plus tard, Giant Steps. Le jeune homme de Fort Worth, Texas, fait chez Atlantic une entrée dont on parle encore : son disque s'appelle The Shape of Jazz To Come (« La forme du jazz à venir »). On a du mal à mesurer, quarante ans après, l'effet produit.Il enchaîne avec To-Morrow Is the Question ! (« Demain ! Voilà la question ! »), Something Else !, Change of Century, et, pour qui n'aurait pas pigé : This Is Our Music ! (« Telle est notre musique ! »). Personne au monde n'avait encore entendu, ou alors dans une autre vie, ces airs légers, acides, la bizarre gaieté de ces unissons décalés, la voix de Don Cherry à celle de Coleman tressée, ce bruissement rythmique dont on croit qu'il bafouille (Charlie Haden et Billy Higgins), les roulements louisianais d'Ed Blackwell, la précision de Red Mitchell qui est allé les chercher, ou l'assurance tranquille de Paul Bley, pianiste canadien qui servit le premier de passeur. C'est étrange, un commencement.Si l'on veut comprendre, c'est du côté de la générosité qu'il faut aller. La condition de leur musique est leur communauté. C'est difficile à avancer, tant on préfère le plus souvent s'arrimer au malheur et à la difficulté d'être. Mais eux, c'est comme s'ils avaient traversé la détresse comme un rideau de fer : « Si je jouais comme j'écris ma musique, je serais très loin de là où je suis, je serais ailleurs. Mais j'essaie de jouer avec les musiciens du groupe, là où ils sont, eux. Ce qui m'a changé, c'est la rencontre avec Lester Young et les novateurs de l'époque bien avant l'orchestre de Clarence Samuels. Ces types jouaient des choses que je ne savais pas faire. Ils ne voulaient pas que je me joigne à eux. » Charlie Parker, ainsi, fut rejeté des orchestres à Kansas City, et Albert Ayler, plus tard, un peu partout. « J'ai analysé point par point leur style. J'ai appris par coeur tous les solos de Parker. Récemment, dans un village du Mexique, un saxophoniste de rue m'a prêté son saxophone. J'ai fait peur. On m'a pris pour un fantôme. J'avais un son auquel les gens n'étaient pas habitués. Leur peur m'a rendu triste. Ils sont habitués à ce qu'ils ont déjà entendu. Vous pouvez savoir l'amour sans l'avoir connu. C'est ce que j'ai ressenti au Maroc, en Andalousie ou avec des bergers de Sardaigne. Mais ordinairement, les gens n'aiment que ce qu'ils connaissent déjà. Comme à l'école. »Au début des années 1980, c'est le jeune Pat Metheny qui l'a remis en course. Les maisons de disques l'avaient oublié. On le dit imprévisible. Sa notoriété n'est pas de l'ordre de l'engouement. Elle vient de zones très diverses, excède le monde du jazz, qu'elle ne comble pas, intéresse les jeunes rockers ou les compositeurs contemporains, répond au fond à son idée, sans qu'il le sache, de la musique comme lien et de l'éventualité d'un monde meilleur (« Je veux tomber amoureux de plusieurs choses à la fois. Car ça, c'est ce que la vie peut offrir »), semble concerner demain plus qu'aujourd'hui. Elle est ce qui change de siècle.Lire : Sélection albums : Alain Chamfort, Ornette Coleman, Emilio de Cavalieri…Francis MarmandeJournaliste au Monde 11.06.2015 à 15h07 • Mis à jour le12.06.2015 à 15h14 | Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 13h11 • Mis à jour le11.06.2015 à 13h42 « Jouer toute une journée sans pause, même pour manger, ça vous semble faisable ? » Un silence un brin interloqué se fait tandis que Xavier Gallais, professeur et metteur en scène, observe d’un œil amusé les élèves de deuxième année du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD). « C’est faisable », finit par lâcher un grand brun échevelé tandis que fusent aussitôt les chuchotis enthousiastes de ses comparses, qui échafaudent de minutieuses stratégies pour grignoter des barres énergisantes dans les coulisses.A l’occasion des journées de juin, traditionnelle présentation du travail des étudiants, les dix-huit élèves comédiens s’apprêtent à jouer L’Orestexcerptsie. Derrière ce nom baroque – entremêlant Orestie et exerpt, traduction de « extraits » en anglais –, une performance-déambulatoire où l’ensemble du Conservatoire (sa bibliothèque, son hall et même sa rue éponyme) sert de réceptacle à la tragédie des Atrides.Vêtus de jeans délavés ou couverts de bijoux clinquants, les jeunes artistes s’emparent avec fougue des textes de Sophocle, Euripide ou Eschyle. A l’issue de l’ultime répétition, mardi 9 juin, c’est la surprise générale. Le spectacle dure trois heures, soit trente minutes de plus qu’initialement prévu. Avec trois représentations programmées le lendemain, les élèves devront donc se livrer à un véritable marathon théâtral.Une sélection draconienne« Tâchez de rester vivants ! », s’exclame le régisseur. « Les journées de juin, c’est un peu sport mais c’est intense », commente Julie Julien, une brune tout feu tout flamme qui interprète le Coryphée. « Nous répétons pendant un mois, sans interruption, de dix à vingt-trois heures ». Du haut de ses 27 ans, Julie est la doyenne d’une promotion dont les plus jeunes sortent tout juste du lycée.Et pour fouler les planches du théâtre à l’italienne du Conservatoire, la sélection est draconienne. Seuls quinze garçons et quinze filles ont été admis au prestigieux concours pour 1 119 candidats en 2015. Durant trois ans, les classes travaillent ensuite en vase clos afin d’acquérir les armes nécessaires au métier d’acteur.Les journées de juin représentent donc une occasion rare pour les élèves de se produire en public. « On sait qu’il y aura des directeurs de casting ou des agents dans la salle mais on essaie de ne pas trop y penser », sourit Julie. « Ce qui compte pour nous, c’est surtout de jouer ensemble. »« Accéder aux origines du désir de théâtre »Le collectif est une notion primordiale pour leur professeur – et également ancien élève de la maison – Xavier Gallais. Alors que les journées de juin ont longtemps été l’occasion d’une démonstration de force des futurs acteurs, se soldant par un implacable concours de sortie, les présentations des classes de deuxième année sont conçues comme des terrains d’expérimentation. « En tant qu’enseignant, mon but n’est pas de compiler une succession de scènes du répertoire mais bien de faire exister un groupe. Tout en respectant les personnalités de chacun », explique Xavier Gallais.Le comédien et metteur en scène précise avoir choisi les tragédies grecques, fondements du théâtre occidental, afin « d’aider les élèves à accéder aux origines de leur désir de théâtre ». Un nécessaire retour aux sources qui permet de révéler les individualités des élèves.« Pour les spectateurs des journées de juin, il y a quelque chose de jubilatoire à découvrir avant tout le monde les jeunes gens qui vont changer le théâtre », ajoute Xavier Gallais. « C’est un vrai travail pour le public, l’occasion de faire des paris sur des personnalités artistiques ».« Le luxe de repartir de zéro »Préparer les élèves à la rencontre avec les spectateurs tout en respectant leur recherches personnelles, allier les singularités à l’esprit de troupe, c’est là tout le défi de Claire Lasne- Darcueil, nommée fin 2013 à la tête de la vénérable institution. Privilégiant « le luxe de repartir de zéro, de repasser par le rien », elle a choisi de fermer les journées de juin aux classes de première année. Ces derniers vivent le début de l’été loin des feux de la rampe, dans le calme d’un « stage en milieu rural ».Pour la directrice du CNSAD, si le temps de la recherche est nécessaire, il est aussi de sa responsabilité de « mettre en valeur les élèves sortants » du Conservatoire. L’enjeu est clairement de favoriser leur entrée dans le marché du travail, d’anticiper la sortie - parfois brutale - du cocon que constitue une école. Les troisièmes années présentent ainsi des travaux d’ateliers tout au long de la saison et font des journées de juin le point d’orgue de leur scolarité. « Mon intention, explique Claire Lasne-Darcueil, est qu’ils ne passent pas à côté de ce qu’ils rêvaient de jouer en entrant au Conservatoire ».Mais pour l’heure, place à l’expérimentation. Et Xavier Gallais est visiblement ravi de voir ses élèves se produire du petit matin à la tombée du jour. « C’est ce que j’appelle une mise au travail. Nos élèves sont des gens brillants, qui arrivent au Conservatoire avec beaucoup de technique. Avec la fatigue, ils ne vont plus chercher à bien faire mais seront obligés de se laisser faire ! »Journées de juin du CNSAD, du 11 au 27 juin. 2 bis, rue du Conservatoire, Paris 9e. Tél. : 01-42-46-12-91. cnsad.frAgathe Charnet Clément Martel « Souvenez-vous de ce nom, […] il va devenir une star. » Loren Kramar a vécu, lundi 8 juin, le rêve de tout artiste inconnu : son quart d’heure de célébrité. Son nom a été mis en lumière lors de la conférence annuelle d’Apple consacrée aux développeurs, à San Francisco : au cours de la présentation d’Apple Music, le service de streaming musical de la marque à la pomme, Loren Kramar a été choisi pour illustrer l’outil de recherche de nouveaux contenus, « Connect ».Lire aussi :Apple débarque sur un marché du streaming très fragmentéLe choix de mettre cet « artiste non-signé » au cours d’une présentation ayant vu le rappeur Drake monter sur scène a intrigué les observateurs, qui se sont empressés de retracer son parcours. Dans un article fouillé, The Next Web, le site d’information sur les nouvelles technologies, l’économie et les médias résume ce que l’on sait de cet homme, dont même Internet ne savait rien, ou presque.Whoever Loren Kramer is, he just won.— plofficial (@P.L. #WLVRNS)require(["twitter/widgets"]);Un artiste ayant fondé un magazine d’artCrée en 2012 avec deux camarades de l’université Cooper Union, Megazine est un journal en ligne consacré à l’art contemporain. Loren Kramar avait alors 24 ans, selon un portrait dressé par Capital New York à l’occasion de la soirée de lancement du magazine. On y apprend que Kramar n’est « pas encore un artiste établi », mais qu’il est devenu « l’enfant chéri du New York artistique ». Une photo publiée par @thelorenkramar le 17 Août 2014 à 16h42 PDTUn réseau d’amis influentsFils d’un magnat de l’industrie californienne, toujours selon Capital New York, Loren Kramar a grandi dans la vallée de San Fernando (Californie), et a fait ses classes à Campbell Hall, où se retrouvent les enfants des stars d’Hollywood. Il a ainsi joué aux côtés de l’actrice Elizabeth Olsen, sœur des jumelles Olsen (stars de la série La fête à la maison dans les années 1990) dans une comédie musicale.A New York, le jeune homme a étudié l’art à l’université Cooper Union, et a été admis au sein d’un collectif artistique de Brooklyn célébré par la critique, la Bruce High Quality Foundation.Un chanteur fameux mais introuvable« Il a interprété la meilleure version de I’ll Stand By You de Chrissie Hynde que j’ai jamais entendue. » Ces mots, rapportés en 2012 par Capital New York, ont été prononcés par l’artiste et réalisateur Julian Schnabel à propos de l’inconnu d’Apple Music. Interviewé en 2008 par le site Time Out en raison de son look de « Chaplin des temps modernes », Loren Kramar confiait « chanter dans un piano-bar nommé Ella », essentiellement des reprises, allant des Bee Gees à Céline Dion. Et avouait un faible pour le classique du blues « Hit the Road, Jack ».Mais nulle trace en ligne d’un quelconque titre interprété par Loren Kramar avant la conférence d’Apple et les quelques secondes du titre My life entendues par des millions de gens. Il n’est pas présent sur Spotify, Deezer ou iTunes. Aucun signe non plus sur les sites vidéos comme YouTube, et son Myspace est une coquille vide – un peu comme ses comptes Twitter et Instagram.Honored to have had my single #mylife get a debut sneak at #WWDC! full song coming soon! #loren #lorenkramar— thelorenkramar (@LOREN)require(["twitter/widgets"]);Un « artiste non-signé » mis en avant par un producteur« Vous êtes un nouvel artiste, et voyez le nombre de gens que vous pouvez toucher grâce à Connect. » Introduit comme un artiste indépendant par Eddy Cue, l’un des dirigeants d’Apple, lors de la présentation du nouveau service, Loren Kramar a aussi été révélé sur les réseaux sociaux par un compte Twitter se présentant comme celui de Joe Weinberger : un producteur qui a travaillé un temps pour la maison de disque Interscope Records.proud of @thelorenkramar amazing intro of his new single "my life".... we will release the song officially very soon.... x thanks apple— JoeJoe3H (@Joe Weinberger)require(["twitter/widgets"]);Or, lnterscope Records a été fondée par Jimmy Iovine, et a servi, dès la fin des années 1990, à distribuer les albums de Dr. Dre. Le même Iovine, qui a ensuite créé Beats by Dre aux côtés du rappeur et producteur, est devenu chef de Apple Music quand la firme de Cupertino a racheté Beats en 2014.Lire : Apple confirme le rachat de Beats et embauche Dr DreAutant d’éléments qui laissent penser que Loren Kramar n’a pas été choisi au hasard parmi la foule d’artistes indépendants, contrairement à ce que pouvait laisser penser la conférence d’Apple. Reste à savoir si le quart d’heure de gloire de Loren Kramar perdurera une fois que sa musique sera (enfin) disponible.Clément MartelJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Alors que tous les regards sont tournés vers l’Irak et la Syrie, portés sur les destructions barbares, par l’organisation Etat Islamique (EI), du patrimoine millénaire mésopotamien – Nimroud, Hatra, le Musée de Mossoul – et sur le danger qu’elle fait peser sur la cité antique de Palmyre, les récents bombardements saoudiens des sites historiques yéménites sont passés inaperçus.Alors que l’Arabie saoudite bombarde depuis fin mars les positions des rebelles houthis chiites, présentés par Riyad comme des soutiens de l’Iran, la valeur des sites historiques qui servent d’abri à ces milices n’entre pas en jeu. Un communiqué de l’Unesco, daté du 3 mai, a condamné ces frappes aériennes détruisant un patrimoine millénaire. La communauté scientifique s’est mobilisée ; les spécialistes de la péninsule Arabique, les archéologues notamment, ont sonné l’alarme.A Marib, capitale de la légendaire reine de Saba – qui aurait, dit la Bible, rendu visite au roi Salomon à Jérusalem –, le grand barrage, datant du premier millénaire avant notre ère, a été touché. Les photos d’Hussain Albukhaiti, postées sur le Web, le 31 mai, montrent la paroi de pierre monumentale éventrée. Information confirmée par Iris Gerlach, directrice de l’Institut archéologique allemand, à Sanaa, la capitale du Yémen. Destruction condamnée par la direction yéménite des antiquités et des musées.« C’est le plus grand barrage de l’antiquité, avec une levée de terre de 600 mètres, s’alarme Jérémie Schiettecatte, archéologue au CNRS. Les vannes sont des constructions monumentales en forme de tours, de vingt mètres de haut sur cent de large, qui fortifiaient la levée de terre. » Le scientifique a travaillé au Yémen jusqu’en 2010, date d’arrêt des fouilles françaises, après les attentats terroristes visant des étrangers. Depuis les années 1970, le Centre français archéologique de Sanaa était très actif. Il continue de fonctionner depuis l’Arabie saoudite.Deux autres sites visés« Selon une sourate du Coran, la rupture du barrage serait une punition obligeant les populations à quitter la région. Plusieurs épisodes de rupture auraient eu lieu, jusqu’à la dernière restauration, au milieu du VIe siècle, soixante ans avant la prédication de Mahomet », précise M. Schiettecatte. Ce barrage, construit au VIIIe siècle avant J.-C., irriguait toute cette région désertique sur dix mille hectares. Marib était la grande cité antique du sud de l’Arabie, plaque tournante du commerce de l’encens avec la Mésopotamie et la Méditerranée, dont l’économie reposait sur un système d’irrigation très sophistiqué, merveille d’ingénierie saluée par le Coran. Elle est en attente d’inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.La frappe aérienne sur Marib a suivi celle, le 23 mai, du Musée de Dhamar, une des capitales des gouvernorats située au sud de Sanaa. 12 500 objets archéologiques ont été anéantis dans l’explosion, « des centaines d’inscriptions en sabatéen – langue du royaume de Saba [800 av. J.-C. – 300 ap.J.-C.]– sur des stèles, des brûle-encens, des éléments d’architecture… », indique l’archéologue français, qui précise que les pièces avaient été documentées par les scientifiques de l’université de Pise ; un travail d’archives réalisé par les Italiens sur l’ensemble des musées yéménites.Deux autres sites ont été visés. Le 5 juin, la forteresse médiévale d’Al-Qahira qui, sur une colline, domine Taez ; un site stratégique surplombant la troisième ville du Yémen. Et le palais Wadi Dhar, résidence d’été de l’imam Yahya, construit dans les années 1920 en nid d’aigle, au sommet d’un piton rocheux de cinquante mètres. Parfait exemple de l’architecture yéménite, maison-tour de brique crue, dont les façades sont animées de frises géométriques en blanc de chaux.Trois archéologues, l’Italienne Sabina Antonini, l’Allemande Iris Gerlach et le Français Jérémie Schiettecatte, avaient pris soin de fournir à l’Unesco la liste des cinquante sites archéologiques historiques et patrimoniaux prioritaires pour alerter les Saoudiens. Un patrimoine que les Yéménites défendent et revendiquent, jusqu’à le figurer sur leurs billets de banque.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Epique et romanesque, la série « 1864 » d’Ole Bornedal revient sur une date-clé de l’histoire du royaume scandinave (jeudi 11 juin, à 20 h 50, sur Arte).Depuis Shakespeare et Hamlet, on savait qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Ce que l’on sait moins, c’est qu’au milieu du XIXe siècle, le Danemark était une nation belliqueuse, prête à mener des guerres pour prétendre au statut de grande puissance européenne. Si 1864 évoque peu de chose pour le public français, cette date marque la fin du rêve danois de puissance, après la déroute subie face aux troupes prussiennes lors de la guerre des Duchés.En perdant la deuxième guerre prusso-danoise (la première eut lieu entre 1848 et 1850), le Danemark se voyait humilié aux yeux de l’Europe et amputé d’un tiers de son territoire. « Le nationalisme a été un poison psychologique qui a intoxiqué le grand corps malade du Danemark et sa virulence a été renforcée par une vague de fanatisme religieux. Absurde et sans racines profondes, en dépit d’un vernis d’euphorie nationaliste, cette guerre a pourtant défini ce qu’est le Danemark contemporain », estime le réalisateur Ole Bornedal.Une dramaturgie simplePartant de cet épisode historique crucial, les responsables de la télévision danoise ont donné le feu vert à la plus grosse (co)-production dont le budget conséquent (23 millions d’euros), les 6 000 figurants et les 160 comédiens (dont Sidse Babett Knudsen, célèbre pour son rôle de premier ministre dans la série Borgen) ont donné naissance à une longue fresque (8 × 53 min) coproduite avec l’Allemagne et le Royaume-Uni et destinée à un public international.En brodant autour de la guerre une grande histoire d’amour à la dramaturgie simple (les deux frères Jensen partageant l’amour de la même femme, la belle Inge, s’engagent dans l’armée danoise), les scénaristes ont tenté de prolonger le suspense.Au fil des épisodes, on en apprendra donc un peu plus sur la haine entre Danois et Prussiens, on verra Bismarck jouer aux petits soldats ou la reine Victoria s’interroger sur la vaillance des soldats danois. Et l’on assistera à des scènes de bataille assez impressionnantes avec bombardements intensifs, combats au corps à corps et charges de hussards prussiens à tête de mort. Un programme ambitieux aux images léchées, diffusé tous les jeudis du 11 au 25 juin, qui aurait tout de même gagné à être moins long.1864, créée par Ole Bornedal. Avec Jacob Oftebro, Jens Frederik (Dan. - All. - G.-B., 2014, 8 × 58 min). Jeudi 11 juin, à 20 h 50, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) et Harry Bellet Le peintre français Bernard Rancillac, 83 ans, cofondateur en 1964 avec Hervé Télémaque et quelques autres du mouvement de la figuration narrative, a été arrêté par la police belge mardi 9 juin à Bruxelles, et a passé six heures en garde à vue. Il est accusé d’avoir dégradé un tableau exposé dans la galerie récemment ouverte par Valérie Bach, à La Patinoire royale, qui figure dans une exposition organisée par l’ancien ministre de la culture français Jean-Jacques Aillagon, jusqu’au 31 décembre. L’artiste conteste la paternité de cette toile qui lui est attribuée, intitulée Hommage à Picasso. Il y a inscrit au feutre : « Ceci est un faux, B. R. »Dès le 18 mai, soit deux semaines après l’ouverture de l’exposition, l’artiste avait publié sur son compte Facebook la photographie de deux œuvres exposées sous son nom. L’une, datée de 2007, est intitulée Mes chéries, je ne vous oublie pas. A côté de la reproduction, le peintre a écrit :« Jamais fait, jamais vu. C’est un faux Rancillac. Non répertorié dans le catalogue raisonné. Jamais exposé, vendu ou offert. Découvert dans le catalogue de La Patinoire royale de Bruxelles que le commissaire a pris soin de ne pas m’expédier. »La reproduction de l’autre, celle qu’il a graffitée le 9 juin, est commentée ainsi :« Cet “hommage à Picasso” n’a pas été peint par moi. (…) Je ne l’avais jamais vu avant de le découvrir dans le catalogue de La Patinoire royale à Bruxelles. C’est un faux. »Querelle conjugaleAlerté, le directeur de la galerie, Constantin Chariot, dit être « tombé des nues. J’étais d’autant plus surpris que j’avais des photos, prises par l’ex-compagne de M. Rancillac et montrant ce dernier en train de peindre le tableau concerné ». Jean-Jacques Aillagon confirme avoir pu consulter, à propos de ces tableaux, « une documentation formidable ». Des photographies, que nous avons pu visionner, montrent bien l’artiste en train de peindre le tableau incriminé. M. Chariot affirme avoir acquis les œuvres « par le biais d’un intermédiaire », qui a travaillé près de vingt ans avec Bernard Rancillac, et les avait lui-même achetées à l’ancienne compagne du peintre.Il s’agit du marchand parisien Thierry Salvador, désormais installé à Bruxelles. « J’ai des vidéos qui montrent Bernard Rancillac en train de peindre ces toiles », dit-il. Nous avons pu en voir une. Elle montre les deux tableaux posés dans une pièce où, autour du peintre et de sa compagne d’alors, s’agite une ribambelle d’enfants. Les photos documentaires accréditant l’authenticité des tableaux auraient été prises par l’ancienne compagne de M. Rancillac. Le peintre, contacté par Le Monde, affirme qu’elle serait le véritable auteur des présumés faux. Selon Thierry Salvador, il s’agit du triste résultat d’une querelle conjugale, qui n’aurait jamais dû dépasser le cadre privé.Expérience peu banaleQuoi qu’il en soit, la démarche est surprenante : un artiste qui s’estime victime d’un faussaire peut en avertir la police, laquelle saisit l’œuvre litigieuse, qui est généralement détruite ensuite. Bernard Rancillac a préféré se faire justice lui-même. « Un acte un peu héroïque, commente le commissaire de l’exposition, Jean-Jacques Aillagon, romantique, une part de bravade. Je ne peux pas l’absoudre, mais ça me fait de la peine. » Pour sa part, Constantin Chariot juge le cas clinique : « Je ne l’ai pas trouvé dans son état normal, il me semblait atteint de sénilité. »Joint par téléphone à son atelier d’Arcueil, dans la région parisienne, où il est retourné après sa garde à vue, Bernard Rancillac, s’il semble secoué par l’expérience, peu banale pour un octogénaire, réplique apparemment très lucidement : « Il n’y a que moi qui peux savoir si c’est un faux ou pas. C’est ce que j’ai dit au directeur de la galerie qui m’a rétorqué que j’étais coutumier du fait [selon Thierry Salvador, l’artiste aurait contesté l’authenticité d’une trentaine de toiles de la même provenance, plaintes classées sans suite]. Bien sûr, je l’ai traité de tous les noms, il m’a demandé de sortir, et j’ai refusé. Il a appelé la police. Les agents m’ont prévenu : “Si vous résistez, on vous met les menottes.” J’ai eu droit aux photos judiciaires, de face et de profil, à la prise d’empreintes digitales, et à une fouille au corps. Quand je leur ai dit que j’avais l’impression de tourner un film, ils m’ont répondu qu’on n’était pas au cinéma, et que j’étais considéré comme un délinquant. »De fait, le parquet de Bruxelles disait mercredi ne pouvoir fournir plus de détails sur le dossier mais que le peintre risquait une mise en examen pour dégradation avérée d’une propriété d’autrui. Commentaire d’un policier lors de l’arrestation : « On n’est plus en mai 1968. » L’artiste a demandé à ses vieux compagnons de route de retirer leurs œuvres, en signe de solidarité. Il n’est pas certain qu’il soit entendu, vu le succès de la manifestation depuis son ouverture. L’exposition de La Patinoire royale est pourtant intitulée « La résistance des images ».Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteHarry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Vendredi 12 juin, à deux heures du matin, la vieille ville de Sana’a, capitale du Yémen, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1986, a été touchée par un bombardement. «Plusieurs habitations et bâtiments historiques ont été détruits», indique l’Unesco. Le complexe de maisons traditionnelles du quartier d’Al-Qasimi, qui jouxte un jardin urbain (Miqshama), près du canal de Sailah, figure parmi les destructions. Selon Saba, l’agence de presse yéménite, ce raid aérien saoudien a fait six morts et de nombreux blessés.« Je suis profondément affectée par les pertes en vies humaines et les dommages causés à l’un des plus anciens joyaux du paysage urbain islamique, indique Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco. Je suis choquée par les images de ces magnifiques maisons-tours aux nombreux étages et aux jardins paisibles en ruine. Cette destruction va encore détériorer la situation humanitaire. Aussi, j’appelle une nouvelle fois toutes les parties à respecter et protéger le patrimoine culturel au Yémen. Ce patrimoine porte en lui l’âme du peuple yéménite. C’est un symbole de son histoire millénaire en matière de connaissance, qui appartient à l’humanité toute entière », a-t-elle ajouté. Depuis la fin mars, l’Arabie saoudite bombarde les rebelles houthis chiites présentés par Riyad comme des soutiens de l’Iran, où qu’ils soient. Sans se soucier de la valeur historique, patrimoniale et millénaire des sites visés. Début juin, c’est le barrage de Marib, l’ancienne capitale de la légendaire reine de Saba, datant du premier millénaire avant notre ère -le plus grand barrage de l’antiquité déployé sur 600 mètres, dont les vannes sont fortifiées sur 100 mètres de long et 20 mètres de haut, qui était bombardé; une destruction qui faisait suite à celle du musée de Dhamar et ses quelque 12000 pièces archéologiques. La forteresse médiévale d’Al-Qahira surplombant Taez, la troisème ville du pays, a été bombardée comme le palais de Wadhi Dhar, situé au sud de Sanaa.Maisons-tours exceptionnellesLa capitale Sana’a n’est pas épargnée. Depuis le début du conflit, plusieurs habitations se sont effondrées dans les explosions. Selon l’Unesco, mardi 9 juin, le complexe historique d’Al-Owrdhi, datant de l’ère ottomane, situé à l’extérieur des murs de la vieille ville, a été sérieusement endommagé. « Les bâtiments résidentiels historiques, les monuments, musées, sites archéologiques et lieux de culte n’ont pas été épargnés. La valeur historique de ces sites a subi des dégâts irréparables quand elle n’a pas été totalement détruite » , précise l’organisation onusienne.Lire aussi :Au Yémen, les frappes aériennes saoudiennes endommagent un patrimoine millénaireSana’a, qui est habitée depuis plus de 2500 ans, témoigne de la richesse et de la beauté de la civilisation islamique : les maisons-tours, souvent d’une dizaine d’étages, en pisé ou en briques cuites, décorées de frises géométriques en blanc de chaux sont typiques au Yémen. Serrés les uns aux autres, ces gratte-ciel de terre, propriétés d’une seule famille - le dernier étage étant le lieu de réunion des hommes- sont époustouflants.Aux premiers siècles de notre ère, Sana’a est le carrefour des routes du commerce terrestre vers la Mésopotamie et la Méditerranée, notamment celui de l’encens, très prisé à Rome, qui fait sa fortune. Durant les premières années de l’Hégire, aux VIIe et VIIIe siècles, dans le sillage de la prédication de Mahomet, la cité est un centre important de la propagation de l’islam. Sa grande mosquée, avec celles de Médine et de La Mecque en Arabie saoudite, seraient les tout premiers lieux de culte islamique édifiés. Avec ses 106 mosquées, ses 11 hamams et ses 6500 maisons datant d’avant le onzième siècle, Sanaa demeure un témoignage unique, par son ampleur et son homogénéité, remarquablement conservé de cette architecture monumentale de brique, souvent cuite au soleil. D’autant que les reconstructions du seizième siècle sous les Ottomans ont respecté les traditions médiévales.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Follorou « Capital » diffuse un documentaire qui s’efforce de décrire les sources de financement de l’organisation terroriste (dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6).Pour combattre un ennemi, il faut d’abord le voir tel qu’il est. C’est une règle de base des combattants du monde entier. Le respect scrupuleux de cet adage aurait évité au documentaire Daesh, Etat islamique (EI) : d’où proviennent les milliards des nouveaux barbares ? de nous faire attendre près de trente minutes pour avoir une réponse dépouillée de propos et d’images à sensation inutiles.Mais cette attente sert à quelque chose. Comme le montre le sujet et contrairement à son intitulé, l’Etat islamique n’est pas composé de « barbares » mais fonctionne comme un véritable Etat doté d’une administration. Cette organisation s’appuie sur un budget annuel estimé à deux milliards de dollars alimenté par diverses sources de financement que les auteurs du documentaire s’efforcent, avec pédagogie, de décrire avant de conclure que cela ne suffit pourtant pas à rendre viable cet « Etat ».Ces derniers rappellent justement que l’EI n’a pas à porter seul toutes les charges de fonctionnement. Les fonctionnaires des grandes villes sous son contrôle en Irak, comme à Mossoul, sont encore payés par les autorités de Bagdad qui ne veulent pas accentuer les mouvements d’exode massif de population en coupant brutalement les vivres. Près de dix millions de personnes vivent, en Syrie et en Irak, sous la férule de l’Etat islamique et ­doivent être nourries. Les approvisionnements en biens et en nourriture ne sont pas frappés par les embargos. L’EI en profite et prélève sa taxe sur ces ­échanges.Impôts et pénuriesSi l’Etat islamique importe des marchandises, il en exporte également. La guerre n’arrête pas le commerce. Grâce aux filières de contrebande, il parvient à écouler sa production de coton et de pétrole, en grande partie via la Turquie voisine. Il aurait été utile de mentionner que ces réseaux sont anciens. Ils datent des premiers blocus décidés par la communauté internationale contre le régime de Saddam Hussein. Comme à cette époque, les prix des produits sont bradés pour être vendus. Ils se fondent ensuite dans le flot des échanges internationaux.Les populations des territoires occupés par l’EI sont également mises à contribution pour nourrir le budget de cet « Etat » dont une grande partie est allouée aux dépenses militaires et aux frais de propagande. Des impôts sont versés par les habitants comme dans tout pays et souvent l’Etat islamique joue sur les pénuries pour vendre, lui-même, les moyens de pallier celles-ci. Face aux coupures d’électricité, l’EI vend des groupes électrogènes et l’essence pour les alimenter.Ces éléments suffisaient à justifier ce travail assez utile pour démystifier l’image d’un Etat islamique souvent simpliste. C’est pourquoi, il n’était nul besoin de livrer des informations approximatives sur le nombre de Français partis rejoindre l’Etat islamique. Ils ne sont pas mille à s’être rendus en Syrie. Le 2 juin, devant le Sénat, le premier ministre, Manuel Valls, a indiqué que 860 individus avaient séjourné en Syrie, 471 y étaient actuellement et 110 y sont recensés comme morts.De même, l’hawala n’est pas un moyen de paiement inventé par les terroristes. C’est un mécanisme de transfert, sous forme de compensation, utilisé dans tous les pays musulmans.Daesh, Etat islamique : d’où viennent les milliards des nouveaux barbares  ?, d’Eric Declémy et Emmanuel Creutzer (Fr., 2015, 125 min), dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6.Jacques FollorouJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio En deux volets, Alexander Abela explore le satellite de la Terre (dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +).La Lune et la Terre, un couple uni depuis toujours, souvent pour le meilleur et parfois pour le pire. Cela fait des milliards d’années que le destin de notre planète est lié à celui de son satellite. Que serait la Terre sans sa compagne ? Elle n’aurait probablement pas la même physionomie. Les deux documentaires d’Alexander Abela retracent cette relation intime qu’entretiennent les deux astres.Le premier volet, Sous la lumière de la Lune, se consacre plus particulièrement à notre satellite comme objet cultuel et culturel qui va devenir, au fil du temps, sujet d’étude pour la science. La Lune est l’astre le plus visible dans la nuit et d’un fonctionnement plus complexe que le Soleil. Avec ses quartiers qui croissent et décroissent, sa disparition pendant quelques nuits, elle permet de mesurer le temps. Dès l’époque de la grotte de Lascaux, elle est devenue pour l’homme un repère, puis ensuite le support de nombreux mythes et contes.La fascination qu’elle exerce sur les hommes a été propice à toutes sortes de croyances mêlant peurs et fantasmes. D’ailleurs, avec son cycle de 28 jours, elle fut vite associée à la femme et à la fécondité.Le second volet, De la Terre à la Lune, débute lorsque l’homme découvre que la Terre n’est plus au centre du monde. Un nouvel horizon s’ouvre alors à lui. Les découvertes scientifiques nourrissent l’imaginaire et inversement.Terrain d’entraînementJules Verne imagine un voyage sur la Lune qui aura lieu moins d’un siècle plus tard. Cette conquête lunaire va changer complètement le regard de l’humanité sur sa planète bleue. De l’espace, elle paraît petite, fragile. L’atmosphère qui la recouvre et qui a permis le développement de la vie semble avoir l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. En arrivant sur la Lune, nous avons découvert la Terre.Depuis les missions américaines et soviétiques, notre satellite semble délaissé. Mais d’autres s’y intéressent désormais, comme les Chinois, qui espèrent y poser un module capable de rapporter de nouveaux échantillons d’ici à 2018. Dans le futur, l’astre pourrait être notre terrain d’entraînement pour une conquête beaucoup plus ambitieuse, celle de l’espace. Le documentaire d’Alexander Abela explore, dans un rythme parfois un peu lent, la relation riche et complexe que l’homme entretient avec la Lune, depuis l’aube de l’humanité jusqu’à aujourd’hui, à travers des témoignages de spécialistes du monde entier.Ces intervenants prestigieux mettent en lumière les différents aspects de la Lune. Qu’il s’agisse de Claudie Haigneré, la première femme française astronaute à avoir embarqué à bord de la station spatiale internationale, de Jacques Arnold, docteur en théologie et en histoire des sciences, chargé de mission sur la dimension éthique, sociale et culturelle des activités spatiales au CNES, ou encore de Bernard Foing, astrophysicien à l’Agence spatiale européenne et directeur exécutif du Groupe international pour l’exploration lunaire et chercheur principal de la mission Smart-1, la première mission européenne sur la Lune. Mais d’autres se profilent déjà.Sous la lumière de la Lune et De la Terre à la Lune, d’Alexander Abela (Fr., 2014, 2 x 52 min), dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Joël Morio Le réalisateur Loïc Prigent présente un grand clip sur les excès vestimentaires d’une décennie foisonnante (samedi 13 juin, à 22 h 10, sur Arte).Avec ses yeux bleu acier que des lunettes de myope rendent presque extraterrestres, Loïc Prigent porte, depuis une quinzaine d’années, un regard perçant, acide et drôle sur la planète mode. Le réalisateur propose, ici, un remontage de six clips de huit minutes sur les années 1990 qui furent diffusés dans le cadre du « Summer of the 90’s », en fil rouge du programme estival de la chaîne culturelle franco-allemande en 2014.En moins d’une heure donc, Loïc Prigent parcourt au pas de course la décennie autour de six thèmes, histoire de mettre un peu d’ordre dans ce documentaire virevoltant. Les années 1990 auront été souvent celles des excès dans chacune des voies qu’auront empruntées les créateurs. En pleine épidémie de sida, ils offrent une mode hypersexy, n’hésitant pas à montrer seins, creux des reins et même fesses sur les podiums, tandis que « le latex devient le nouveau coton ». La mode n’a plus de limites et le mauvais goût est à la mode. Et quand elle n’a plus rien à dire, elle se tourne vers la rue, qui devient la source de toutes ses inspirations. Elle se convertit au sportswear pour convaincre des jeunes qui font des griffes de sport les marques tendance. Elle tombe dans le « crade » et le laisser-aller lorsque le mouvement grunge s’impose.Minimalisme et « bling-bling »Lors de ces années 1990, les couturiers se partagent entre le minimalisme d’un Helmut Lang et le « bling-bling » d’un Versace qui fait passer « le tapis rouge des Oscars pour un champ de patates ». On sombre dans une débauche d’ors, de crinolines géantes, de fourrures décomplexées. C’est la décennie où les grands groupes de mode se constituent pour former des empires, prêts à se livrer des batailles sans merci. Une époque où les grandes maisons commencent à organiser des défilés de plus en plus grandioses. Les chiffres d’affaires s’envolent et tout ce qui est griffé, des sacs jusqu’aux bouillottes, se vend presque comme des petits pains, crise ou pas. C’est le moment aussi où les top-modèles de plus en plus filiformes deviennent plus célèbres que les stars de cinéma et éclipsent progressivement les créateurs qui avaient dominé les années 1980.Ce condensé survitaminé de mode donne le tournis. Loïc Prigent force le trait, il emprunte parfois des raccourcis qui ne laissent guère de place à la nuance. Il égratigne, sans le dénoncer, le système infernal (pipolisation, médiatisation…) qui se met alors en place au détriment – un comble ! – du vêtement, et qui étouffera, plus tard, presque toute création artistique. Mais le journaliste a le sens de la formule qui fait mouche, aussi bien auprès des fashionistas que de ceux qui savent à peine faire la différence entre la soie et le synthétique. Avec lui, un documentaire devient un grand clip que l’on a plaisir à voir ou à revoir.La Mode des années 1990, de Loïc Prigent (Fr., 2014, 55 min), samedi 13 juin, à 22 h 10, sur ArteJoël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.06.2015 à 17h24 • Mis à jour le12.06.2015 à 19h11Avec « Y Olé ! », à Chaillot, le chorégraphe mélange les genres, hip-hop et flamenco, musique classique et chansons populaires.Par Rosita Boisseau La vie bouscule le chorégraphe José Montalvo. Difficile pour ce gars du Sud, né en Espagne, de séparer son œuvre des multiples événements, banals ou tragiques, qui font le sel de l’existence. Non pas qu’il soit impudique. Plutôt spontané, en prise directe avec ses émotions profondes. Pour expliquer l’origine de son nouveau spectacle, Y Olé !, il évoque d’emblée la mort de son père, le jour même de la première de sa précédente pièce Don Quichotte, le 13 janvier 2013. « J’avais énormément travaillé sur l’épopée du roi Gilgamesh qui a complètement disparu du nouveau spectacle, explique-t-il. J’ai ressenti le besoin de répondre à une nécessité plus forte, liée à cette disparition. Je suis convaincu que cette nouvelle pièce sera ma plus belle, car elle est traversée par le dialogue intime qui me lie à mon père, Andalou de Jaén, et à ma mère, danseuse flamenca. » Retour aux racines, à l’enfance. Est-ce le fait, après vingt ans de complicité artistique avec la danseuse Dominique Hervieu, aujourd’hui directrice de la Maison de la danse, à Lyon, de se retrouver seul en tête d’affiche depuis 2011 ? Sans doute. Déjà, dans Don Quichotte, Montalvo convoquait le souvenir de sa grand-mère en train de lui raconter des fables et des récits en catalan. « Je ne suis pas très original, commente-t-il. J’ai d’abord fait des études d’architecture et d’arts plastiques comme mon père, pour devenir danseur et chorégraphe comme ma mère. » Avec une verve de conteur qui doit tout à son aïeule.Composé de deux parties, l’une sur Le Sacre du printemps de Stravinsky, l’autre sur des musiques populaires espagnoles – « un Picasso et une toile d’un peintre du dimanche côte à côte », résume Montalvo –, Y Olé ! plonge dans la malle aux souvenirs. Le chorégraphe y réincarne sur scène les grandes fêtes qui rassemblaient dans les années 1950, dans les camps de réfugiés d’Arzens, près de Carcassonne, les Espagnols, les Marocains, qui venaient faire les vendanges.Une passion née avec les fêtes familialesLes parents de José avaient fui le franquisme. « Ils avaient quitté dans une extrême urgence un pays qu’ils aimaient et ils devaient apprendre à en aimer un autre. Mon père, architecte, devait attendre la reconnaissance de ses diplômes. Mais, malgré la pauvreté, tous les prétextes étaient bons pour organiser des fêtes flamencas amicales. » C’est là que le petit José contemplait sa mère en train de danser, s’enivrait de la liberté des corps délivrés par la musique. « C’étaient des moments intenses de pure gratuité, de pur bonheur, se souvient-il. Ce sont peut-être mes scènes primitives, mes nuits originelles, celles où est née ma passion pour la danse. Evidemment, tout est transformé sur scène, mais les chansons sont réelles et, lorsque je les ai réécoutées, j’ai eu du mal à retenir mes larmes. C’était un méli-mélo musical avec un peu de Beatles par-ci par-là, et je crois que mon goût pour le métissage vient aussi de là. » As des mélanges, marqueur de son esthétique depuis les années 1990, il se risque à appliquer du flamenco à grands coups de pinceaux sur l’ensemble de Y Olé !, Sacre du printemps compris. Il a invité cinq danseurs-chanteurs de Cordoue et de Séville – dont quatre femmes –, à partager le plateau avec les danseurs contemporains, hip-hop et les interprètes africains qui constituent comme toujours sa « dream team » artistique. « Je suis convaincu que la danse, comme l’existence, est faite de multiples réalités et qu’elle doit s’enrichir de la vertigineuse diversité qui la constitue, affirme-t-il. Le philosophe Edgar Morin affirme que le cloisonnement des savoirs nous place dans une préhistoire de l’esprit. J’aime imaginer que celui des pratiques corporelles nous place dans une préhistoire de la danse. Je souhaite aussi restituer une dimension de trouble, d’érotisme, que la danse contemporaine risque d’oublier et que le flamenco nous rappelle. »Au strict principe en vogue chez les conceptuels du « less is more » contre lequel il s’énerve encore et toujours, Montalvo brandit le « less is a bore » (moins, c’est tellement ennuyeux) et préfère en rajouter. Et, comme le veut ce cri d’encouragement qu’est Y Olé !, quand y en a plus, y en a encore sur le plateau. La volonté, voire l’obstination, l’énergie, le plaisir confortent plus que jamais l’œuvre de José Montalvo. « Quitte, une fois de plus, à faire une pièce inactuelle, je veux célébrer la jouissance de danser et de chanter », insiste-t-il avec fougue. Il nuance : « La vie ne doit pas obligatoirement être toujours joyeuse, précise-t-il. Mais je crois que l’on peut avoir le sens du tragique sans avoir le goût du désastre et de la catastrophe. » Ainsi, dans sa version du Sacre du printemps, l’Elue qui doit être sacrifiée par de vieux sages devient une « femme heureuse qui dit “encore, encore, encore, à son élu” ». De quoi retourner le sang de Stravinsky et de toutes les élues mortes dans la douleur. Lire aussi : José Montalvo, chorégrapheY Olé !, de José Montalvo, au Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Du 17 juin au 3 juillet. theatre-chaillot.fr //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/361904', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); }); Margherita Nasi En quelques années de pratique professionnelle, Anton Hansen quitte le rez-de-chaussée de sa banlieue pour un bureau lumineux en cime de tour à La Défense. Une ascension fulgurante accompagnée par « l’évanouissement progressif d’abord, plus expéditif ensuite, de toute conscience morale ». À 35 ans, avec ses lunettes Ray-Ban, sa cravate impeccable et ses chaussures croco, Anton Hansen s’est transformé en « caricature du manager sans vergogne ».C’est sur cette métamorphose que se penche le nouveau roman de Dominique Julien : Consulting Underground. À travers le parcours d’Anton, l’ouvrage décrit l’extravagante réalité du milieu du consulting, un monde où on arrive « tendre et naïf » avant que le capitalisme « vous tanne la peau ».C’est en tout cas ce qui arrive au jeune Anton, fraîchement diplômé d’un master d’informatique appliqué à l’économie en milieu rural. Armé de sa confiance et de son diplôme, le jeune accumule les mois de stages intensifs, avant de ravaler ses illusions et d’intégrer la sphère des actifs précaires. Pour garder son HLM à Fleury-Mérogis et rembourser son prêt étudiant, il enchaîne les petits boulots : manutentionnaire, postier, livreur de pizza.C’est alors qu’il s’occupe du rechargement des distributeurs de friandises dans le métro que sa vie prend un nouveau tournant. À Gare du Nord, il tombe sur un ancien ami de la fac. Celui avec qui il a partagé ses folies de jeunesse arbore maintenant un costume et travaille en tant que manager dans le conseil en entreprise.Le cynisme en premier atoutMuni des conseils cyniques de son ami - « le mépris assure le rôle de pierre angulaire de toutes les relations sociales dans le consulting », ou encore « le tout, c’est de fourrer le nez de l’interlocuteur dans le piment. Comme ça, il est incapable de sentir les merdes qu’on lui fourgue » -, le jeune précaire postule auprès d’une société de services.Le voilà propulsé dans le conseil, où il passe sa journée au téléphone, à identifier les besoins potentiels de clients potentiels. « Le truc, c’est d’inventer des désirs qu’ils n’ont pas et de leur faire acheter un consultant qui restera au grenier entre le vibromixeur et le presse-agrumes ». À travers les yeux du nouveau consultant, l’auteur, qui est aussi professeur de philosophie, plonge le lecteur dans un monde très sombre, fait de harcèlement, d’« escorts » et d’ambitions démesurées.Anton, ancien banlieusard désargenté, se transforme vite en star du consulting. Impitoyable, il multiplie les coups bas pour grimper les échelons. Une stratégie gagnante : à coup d’humiliations, menaces et mensonges, il est promu manager. Loin de se satisfaire de sa promotion, il redouble de cynisme et n’hésite pas à trafiquer des curriculum vitae, ou encore faire signer aux consultants de fausses attestations de formation.Pris dans la spirale du succès, il pense toujours à l’étape suivanteSa détermination et son absence de scrupules attirent les chasseurs de tête : « pour lever ces types, il n’y a pas de secret, il faut atteindre un objectif business ambitieux. Par exemple, faire un peu de bruit en virant du personnel. Il suffit souvent de mettre du monde à la porte pour que les chasseurs se présentent à la vôtre ».Le jeune loup se fait débaucher pour devenir « responsable affaires confirmé » dans une grande boîte de Consulting de la Défense, à 7 000 euros par mois. Le cynisme atteint alors son comble, dans un milieu qui utilise le burn-out comme « arme de dégagement massif » et où tous les coups sont permis.À travers les assertions et le parcours d’un Anton qui dit ne rien regretter de ses actions car « suivre son gentil bonhomme de chemin dans le consulting suppose de neutraliser toute notion de moralité », Dominique Julien porte un regard particulièrement sévère sur le monde du consulting, dont personne ne ressort indemne. Même Anton, victime des mensonges et des trahisons qui l’ont hissé au sommet de l’échelle, avant de le faire retomber tout en bas. Peut-être une bonne nouvelle, finalement.C’est presque avec soulagement que le protagoniste du sixième roman de Dominique Julien reconnaît sa défaite« J’étais content d’avoir rompu la spirale infernale. A force d’aller de succès en succès, je ne savais plus quelle guerre j’essayais de gagner en réduisant en cendres tous mes concurrents. Sauf qu’un jour, vous êtes le marteau et le jour d’après, c’est vous le clou. Voilà tout ! »Consulting Underground, de Dominique Julien (Les Editions Ipanema, 400 pages, 18 euros).Margherita NasiJournaliste au Monde 12.06.2015 à 11h08 • Mis à jour le12.06.2015 à 18h53 | Renaud Machart « Girls » et « Looking » mettent en scène des personnages plus ou moins délurés, à la sexualité bien de leur temps (à la demande, sur Canal+ Séries).A ma gauche, une bande de filles, new-yorkaises, la vingtaine, hétérosexuelles, bobos en diable, pittoresquement névrosées et joliment indépendantes, mais qui s’échinent à trouver l’âme sœur et à mordre à l’hameçon de l’amour : c’est « Girls », série inventée par Lena Dunham (qui joue l’un des rôles) ; à ma droite, « Looking », une bande de garçons de San Francisco, la trentaine et plus, homosexuels, bobos itou, créatifs, moins enclins à la monogamie, ou du moins passablement égarés dans les méandres du désordre amoureux : c’est « Looking », série de Michael Lannan.Les deux ont été lancées aux Etats-Unis par la chaîne câblée HBO et proposées en France par OCS City. Depuis fin mai, Canal+ Séries rediffuse la première saison de « Looking » et la troisième de « Girls » (et en propose l’intégralité sur son site de visionnage à la demande). Revoir la saison 3 de « Girls » fait du bien, après une quatrième palanquée d’épisodes un peu ennuyeux, et avant le lancement de la cinquième, prévue en 2016, et qui devrait être, au mieux, l’avant-dernière du cycle.métro- ou polysexuelsQuant à « Looking », arrêtée après la saison 2, décevante, éparpillée et incapable de développer de manière satisfaisante le portrait de ses attachants protagonistes, sa disparition laisse un goût amer tant son potentiel était grand, notamment par le fait que le propos échappait au genre à destination strictement communautaire, grâce à des personnages annexes. Au fond, « Girls » et « Looking » sont bien de leur temps, métro- ou polysexuels, celui des écrans connectés et des réseaux sociaux.Evidemment, « Girls » comme « Looking » sont les enfants naturels de « Sex and the City » et de « Queer as Folk », avec leurs personnages plus ou moins délurés, leurs gros mots et des situations que les âmes puritaines jugeront scabreuses. Mais les quatre girls de « Girls » ont des mœurs plus lestes que celles du quatuor féminin princeps, et l’on y nomme les choses selon un lexique épicé et explicite ; « Looking » est, pour sa part, typique des années postsida, avec l’évocation par un personnage séropositif de la saison 2 des nouveaux cocktails médicamenteux et même de la pilule curative du lendemain (dont beaucoup font, est-il rappelé, un inquiétant ersatz aux rapports protégés).Bonus à venir pour « Looking »L’échec de la saison 2 de « Looking » et le succès de « Girls » s’expliquent par la capacité du scénario et de la réalisation à s’exprimer dans une minisérie de douze épisodes de moins de trente minutes. Sans se disperser, « Girls » y parvient, en créant des sous-groupes ou des « focus » particuliers sur certains personnages (dont les amants et partenaires de ces jeunes femmes au bord de la crise de nerfs) ; de son côté, « Looking », avec les mêmes recettes, ne réussit pas à approfondir la psychologie des siens et l’on regrette que l’intéressant rôle de Doris n’ait pas été mieux développé. Mais les fans de « Looking » auront droit à un bonus de taille : un film de deux heures devrait être tourné par HBO en septembre et fournir une conclusion à ce propos laissé en un désagréable et frustrant suspense.Girls, créée par Lena Dunham. Avec Lena Dunham, Allison Williams, Jemima Kirke, Zosia Mamet (EU, 2013, 12 × 26 min). Saison 3, diffusion dimanche 14 juin, à 20 h 50.Looking, créée par Michael Lannan. Avec Jonathan Groff, Franki Alvarez, Murray Bartlett (EU, 2014, 18 × 30 min). Saison 1, dimanche 14 juin, à 22 h 10.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Baptiste de Montvalon William Karel dresse un bilan sans concession du premier mandat du président américain (vendredi 12 juin, à 20 h 35, sur LCP).Ce documentaire en deux parties réalisé par William Karel – dont est diffusé ce soir le premier volet – est un bilan du premier mandat de Barack Obama (2008-2012), dressé par ceux qui furent parmi les plus proches conseillers du président. La plupart ont quitté leurs fonctions. Ce qui frappe d’emblée, c’est leur liberté de parole et de ton. Si les tensions à l’intérieur de la Maison Blanche sont décrites par des journalistes américains accrédités, les anciens conseillers de Barack Obama ne manient pas la langue de bois aussi bien que leurs homologues français.Entre autres exemples, on retient la façon dont George Mitchell, ancien envoyé spécial des Etats-Unis au Moyen-Orient, salue lm’efficacité… de George Bush pour contenir la construction des colonies israéliennes, préalable posé par les Palestiniens pour une reprise des négociations. « En réduisant l’aide financière versée à Israël (…), en ne se contentant pas uniquement de mots, le président Bush, explique George Mitchell, s’est opposé aux colonies avec bien plus de fermeté que le président Obama. »Le « désastre » d’un voyageBruce Riedel, l’ancien conseiller pour l’Afghanistan, évoque sans ambages le « désastre » d’un voyage dans ce pays du vice-président Biden, ainsi que le « violent affrontement » qu’a suscité la gestion du dossier afghan au sein du gouvernement… Deuxième enseignement (ou confirmation) : le président de la première puissance mondiale est très loin d’avoir les mains libres. Il « n’a pratiquement aucun pouvoir », estime William Karel. Certains obstacles sont de nature institutionnelle, d’autres, politique, la crise économique tenant le haut du pavé dans cette litanie qui défile à l’écran. L’ensemble incite à relativiser le bilan personnel qui nous est ici livré de la présidence Obama.A ne pas manquer, enfin, les images du dîner des correspondants de la Maison Blanche du 1er mai 2011. Alors qu’il venait de donner son feu vert à une opération commando contre Ben Laden, Barack Obama, très détendu, se pliait à la tradition en faisant rire aux éclats son auditoire. « Beaucoup de gens à la Maison Blanche ne croient pas qu’il a du sang dans les veines », commente Richard Wolffe, journaliste à NBC.Au cœur de la Maison Blanche, Barack Obama, de William Karel (France, 2012, 2 × 55 min). Le second volet sera diffusé vendredi 19 juin, à 20 h 35. Vendredi 12 juin, à 20 h 35, sur LCP.Jean-Baptiste de MontvalonJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle Soucieux de promouvoir la profession d’architecte auprès du grand public, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) présidé depuis novembre 2013 par Catherine Jacquot, organise, pour la deuxième année consécutive, les 12 et 13 juin, une opération « Portes ouvertes ». L’initiative est menée conjointement avec les Conseil régionaux de l’Ordre et les Maisons de l’architecture locales.Plus de 3 000 agences ont répondu présent, dont plus de 300 en Île-de-France. L’occasion de découvrir les coulisses de l’architecture, mais aussi « l’opportunité, pour chaque professionnel mobilisé, de faire connaître son métier, de transmettre sa passion, de montrer son savoir-faire, d’écouter le public et de rencontrer ses confrères », indique le Conseil national. Chaque architecte a carte blanche pour imaginer sa manière d’accueillir le public : présentation de projets ou de réalisations, visites de chantiers, expositions, ateliers pour enfants, soirée festive, etc.500 maisons à découvrirEt pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Mené en partenariat entre le CNOA et les éditions d’architecture « A Vivre », cet événement propose à chacun(e) la visite payante (2 euros par personne) de créations souvent originales. La découverte des lieux se faisant en présence, le plus souvent, de son architecte et de ses occupants. Un conseil : ne pas oublier de réserver.Le CNOA est engagé, au mois de juin, dans un grand nombre d’opérations. L’institution organise en effet les 25 et 26 juin à Lyon, sa deuxième Université d’été. Deux thèmes d’actualité y sont au programme : « L’architecte au service du territoire » et « L’architecture, un investissement d’avenir ».Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.06.2015 à 06h55 • Mis à jour le12.06.2015 à 07h27 | Sylvain Siclier Sa pochette, commandée à Andy Warhol, est l’une des plus célèbres. La photographie d’un haut de jeans, avec une vraie fermeture à glissière, qui une fois baissée permettait d’apercevoir le relief d’un phallus en bonne forme dans un slip blanc. Son contenu, dix chansons, portant la marque rock, blues et soul des Rolling Stones.Succès mondial à sa sortie, en avril 1971, le disque Sticky Fingers est depuis devenu un classique des classiques. Un statut qui lui vaut début juin une réédition en plusieurs présentations CD et vinyle, dont un coffret avec inédits, photographies, reproductions d’objets du culte, dont cette fameuse pochette. Un traitement sophistiqué qui sera accordé, ce 15 juin, à la BO de Virgin Suicides par le duo Air, dans une édition du quinzième anniversaire, et d’ici le 31 juillet aux trois derniers albums du groupe Led Zeppelin, étape finale d’une campagne sur l’ensemble de la discographie du groupe débutée en juin 2014. Ces rééditions à grand spectacle d’albums considérés comme majeurs dans l’histoire du rock, de la pop, de la chanson, voire du jazz (Miles Davis) ne sont pas vraiment une nouveauté, mais leur production s’est intensifiée depuis le début des années 2010. Et elles ne sont plus réservées à la période de Noël, propice à l’achat de coffrets, qui ont longtemps été dominés par des anthologies, des thématiques ou des intégrales.Quasiment chaque mois, au moins un album réputé se retrouve ainsi décortiqué en une pléthore de prises de travail, inédits, remixes, souvenirs de concerts, etc. Et si entre la parution originelle un minimum de trente ou quarante ans a d’abord été de mise – le poids de l’histoire –, de plus en plus souvent quinze ou vingt ans suffisent (Air, donc, le Jagged Little Pill de la Canadienne Alanis Morissette, gros succès de 1995, devrait y avoir bientôt droit).Le public visé, des fans purs et durs, qui traquent les moindres notes, des collectionneurs, qui jugent l’exactitude des reproductions, des sources sonores, la remasterisation. Exigeants, avec un pouvoir d’achat suffisant pour dépenser entre 150 et 300 euros, selon les éditions, pour un objet de fière allure, à l’opposé des fichiers impersonnels de la musique dématérialisée.L’industrie de la musique enregistrée l’a bien compris, qui survalorise ainsi l’aspect œuvre d’art de ces enregistrements, dans des tirages de quelques dizaines de milliers d’exemplaires, quand la moindre chanson à succès diffusée sur le site YouTube récolte des centaines de milliers, voire des millions d’écoutes. Et d’une certaine manière dit ainsi à ce public de niche, qu’elle peut encore se distinguer par rapport au flot de musique ininterrompue, partout dans le monde au même moment qui provient des géants internationaux Spotify, Google, YouTube ou Apple.siclier@lemonde.frSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux On se souvient encore de la stupeur générale : Daniel Harding, « baby chef » de 22 ans, haut comme trois pommes ouvrant le Festival d’Aix-en-Provence avec le Don Giovanni, de Mozart en 1998. Une direction pressée, démoniaque, et presque comminatoire du chef-d’œuvre mozartien alors mis en scène par Peter Brook. Le jeune homme partageait l’affiche avec son mentor, le grand Claudio Abbado, alors patron de la Philharmonie de Berlin, lequel avait offert avec élégance la première à celui qui était encore son assistant.Le chef d’orchestre britannique, né à Oxford le 31 août 1975, a aujourd’hui 39 ans. Il vient d’être nommé, jeudi 11 juin, pour trois ans à la tête de l’Orchestre de Paris, deuxième Britannique à assumer ce poste de directeur musical après Sir Georg Solti (de 1972 à 1975). Il succédera à l’Estonien Paavo Järvi à l’automne 2016. Celui-ci, en poste à Paris depuis 2010, avait annoncé son départ pour l’Orchestre de la NHK à Tokyo (Japon), au terme d’un mandat parisien de seize ans, dès août 2014. Deux mois plus tôt, le 7 mai, les retrouvailles de Daniel Harding avec l’Orchestre de Paris après quinze ans de divorce (sa première expérience en 1997 reste, selon lui, l’une des plus pires de sa carrière), avait été très d’autant plus remarquée que les spéculations allaient bon train quant à la succession de Paavo Järvi.Expériences précocesBlondinet mince et fluet, Daniel Harding a toujours été un jeune homme pressé, qui a multiplié les expériences au berceau – Le Pierrot lunaire, de Schoenberg, dirigé à 13 ans avec un ensemble de fortune. Il a aussi, jeune assistant à l’Orchestre de Birmingham, remplacé au pied levé le chef titulaire, Simon Rattle, dans la Deuxième Symphonie, de Brahms, en décembre 1995 au Théâtre du Châtelet. Avant de devenir en 1996 le plus jeune chef de l’histoire des BBC Proms. Nommé à l’Orchestre symphonique de Trondheim (1997 à 2000), puis à la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême (1999 à 2003), il décroche, en 2003, le Mahler Chamber Orchestra fondé par Claudio Abbado (jusqu’en 2008). Depuis 2006, il occupait le poste de chef principal de l’Orchestre symphonique de la Radio suédoise et celui de premier chef invité à l’Orchestre symphonique de Londres (LSO) depuis 2007. L’Orchestre de Paris devrait être un nouveau tournant dans sa carrière.Francophone et amoureux de la France, Daniel Harding, outre le Don Giovanni qui fit en deux ans le tour du monde en 80 représentations et lui valut un contrat chez Virgin Classics (aujourd’hui Erato), a également dirigé à Aix des productions aussi différentes que Le Tour d’écrou, de Britten (2001), Eugène Onéguine, de Tchaïkovski (2002), et la reprise, en 2004, de La Traviata, avant d’enchaîner coup sur coup trois Mozart – le Cosi fan tutte, de Patrice Chéreau (2005), La Flûte enchantée (2006) et Les Noces de Figaro (2007), avec des fortunes diverses. C’est au violoniste et chef d’orchestre baroqueux allemand Thomas Hengelbrock (57 ans), qu’a été confié le poste de chef associé. Ce récipiendaire du prix Herbert von Karajan en mars 2015 est le chef principal de l’Orchestre symphonique de la NDR à Hambourg, et le fondateur du chœur et de l’ensemble baroque Balthasar-Neumann. Une orientation importante pour la phalange parisienne installée depuis le début de l’année comme résident principal de la Philharmonie de Paris : « ces deux grands chefs, aux programmes innovants, conjugueront leurs talents pour écrire une nouvelle page de l’histoire de l’Orchestre de Paris », souligne à ce propos le directeur général de l’Orchestre de Paris, Bruno Hamard. Daniel Harding, quant à lui, se félicite de la situation géographique de la nouvelle salle symphonique parisienne, « une chance de montrer que la musique classique appartient à tout le monde », a-t-il confié dans un entretien, paru le 10 juin dans le Times.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Florian Reynaud Amazon continue d’innover dans l’industrie littéraire et risque de faire à nouveau grincer des dents. Le géant du commerce a récemment annoncé que certains auteurs seraient payés… à la page lue. Cette nouvelle politique entrera en vigueur le 1er juillet et ne concernera que les auteurs autoédités exclusivement sur Amazon avec le programme Kindle Direct Publishing.Ce nouveau mode de rémunération sera également circonscrit aux droits d’auteur issus des programmes Kindle Unlimited ; l’abonnement à 9,99 euros par mois permettant d’emprunter autant d’e-books que l’on souhaite, et du Kindle Owners Lending Library (KOLL), qui propose aux abonnés « premium » d’Amazon d’emprunter un certain nombre de livres électroniques gratuitement. Jusqu’ici, les auteurs étaient rémunérés à l’emprunt et seulement si l’abonné lisait au moins 10 % de l’ouvrage — ce qui pouvait donner lieu à des dérives ; les auteurs étant incités à publier des livres très courts.Amazon explique que la longueur d’une page sera calculée différemment selon l’outil de lecture utilisé. Par exemple, une page sur smartphone est forcément plus courte que sur liseuse électronique. Ainsi, l’entreprise va alors analyser la longueur des lignes, l’espacement des lettres, et d’autres facteurs, pour mesurer le nombre de pages que chaque lecteur parcourt.Le programme d’autoédition d’Amazon a été lancé en 2007 et est un véritable succès ; l’entreprise ne cesse de mettre en avant les auteurs devenus riches et célèbres grâce à lui. Les statistiques compilées chaque trimestre par l’auteur à succès autopublié Hugh Howley montrent que les auteurs indépendants dépassent les cinq plus gros éditeurs (aussi appelés Big Five) en ventes d’e-books sur Amazon.Florian ReynaudJournaliste au Monde 23.06.2015 à 08h47 • Mis à jour le23.06.2015 à 12h37 Derrière les échos patriotiques du William Wallace incarné par Mel Gibson dans Braveheart ou les scènes mythiques entre Jack et Rose à la proue du Titanic, il y avait ses notes. Le compositeur de musiques de film James Horner, qui avait réalisé une centaine de bandes originales pour le cinéma, est mort lundi 22 juin à l’âge de 61 ans, dans l’accident de son avion. Son S-312 Tucano MK1 Turbo biplace s’est écrasé lundi matin à 9 h 30 à 150 kilomètres au nord-ouest de Los Angeles, près de Santa Barbara, a précisé l'administration américaine.#DEVELOPING: Plane registered to film composer James Horner crashes north of Santa Barbara: http://t.co/76UNAWjUK9 http://t.co/knkogSt5RJ— CBSLA (@CBS Los Angeles)require(["twitter/widgets"]);James Horner avait été consacré par la profession en 1998 en recevant deux oscars pour son travail sur Titanic : meilleure bande originale et meilleure chanson, pour My Heart Will Go On, chanté par Céline Dion. A la clé, 27 millions d’albums vendus et seize semaines à la première place du top 200 des albums de Billboard tout de même. Auparavant, il avait déjà collaboré avec le réalisateur James Cameron pour le légendaire Aliens, et bien qu’il avait qualifié, à l’époque, la collaboration de « cauchemardesque », avait réitéré l’expérience. Des années plus tard, il avait également signé la bande originale d’Avatar, pour laquelle il avait travaillé de manière exclusive durant deux ans et qui lui avait valu sa dixième nomination aux Oscars.« Danger motif »La carrière de James Horner fut marquée par une grande diversité, l’entraînant de l’univers fantasy du Willow de Ron Howard au dessin animé Fievel et le Nouveau Monde, en passant par les complexités schizophréniques d’Un homme d’exception ou les meurtres énigmatiques du Nom de la rose, de Jean-Jacques Annaud. Il gardait toutefois une prédilection pour l’univers fantastique et enfantin, en témoigne son travail sur Jumanji, Casper ou Le Grinch.Très influencé par la musique classique – il avait commencé le piano à 5 ans et avait fait ses gammes au Royal College of Music de Londres –, il avait incorporé dans ses compositions certains extraits du travail de compositeurs comme Serge Prokofiev ou Dmitri Chostakovitch. Dans la bande originale Glory, il utilisait ainsi des extraits de Richard Wagner et de Carl Orff. Il avait également développé des signatures caractéristiques, notamment le « Danger motif », quatre notes récurrentes dans son œuvre. 22.06.2015 à 18h12 • Mis à jour le22.06.2015 à 18h29 Jordi SavallGuerre & Paix (1614-1714) Il y a sans doute du Don Quichotte chez le violiste et chef d’orchestre Jordi Savall, qui poursuit sans dérouter les desseins d’une conviction profonde, celle que la musique est porteuse de mémoire, laquelle est au cœur de notre compréhension du monde. Le musicien penseur catalan a choisi de relater cette fois l’histoire tourmentée de l’Europe entre 1614 et 1714, cent ans de conflits dont, entre autres, la guerre de Trente Ans (1618-1648), les batailles entre l’Empire ottoman et la Hongrie, Venise et la Russie, la guerre de succession en Espagne (1701-1714)… Les trois ensembles fondés et dirigés par le maître de musique défendent des positions où se côtoient sans guerroyer musiques savantes et populaires, inspirations religieuses et profanes, Orient et Occident. La chronologie aidant, se succèdent prières juives, makam et taksim ottomans, romances ou battaglias espagnoles, gavottes françaises ou marches funèbres allemandes. Et quand la guerre est au bout de ses peines, c’est à la paix (hymnes, motets, Te Deum ou extraits de messes) qu’il convient alors de sacrifier – Lope de Vega, Rosenmüller, Jenkins, Blow, Lully, Charpentier, Biber, Cabanilles ou Haendel… Un somptueux livret richement documenté et illustré (traduit en six langues) accompagne cette déclaration de paix à la guerre. Marie-Aude RouxHespèrion XXI, le Concert des Nations, La Capella Reial de Catalunya, Jordi Savall (direction). 1 livre-disque de 2 CD Alia Vox. The Bad Plus – Joshua Redman Pas d’autre titre que les noms du trio The Bad Plus et du saxophoniste Joshua Redman sur la pochette de ce premier album d’une formation qui n’aurait pu être qu’éphémère, le temps de ses premiers pas durant une semaine au club Blue Note de New York en 2011. Depuis, il y a eu des concerts, de plus en plus, dans des festivals, en salles, en clubs, qui ont donné cohérence et propos collectif à ce que l’on peut entendre avec cet enregistrement en studio comme dorénavant un groupe à part entière. Ethan Iverson au piano, Reid Anderson à la basse et David King à la batterie ne sont pas les accompagnateurs de Redman, pas plus qu’il n’est qu’un invité. Il y a là un vrai répertoire à quatre, plutôt tourné sur l’improvisation, à partir d’un impact mélodique accrocheur (As This Moment Slips Away, en ouverture, donne le ton), allant aux frontières du free jazz par endroits (County Seat, Faith Through Error). Imaginatif, aéré dans ses intentions et expressif. Sylvain Siclier1 CD Nonesuch/Warner Music. Franck NicolasTrio Soleil – Gammes guadeloupéennes Trompettiste (et joueur de coquillages), le Guadeloupéen Franck Nicolas creuse depuis des années un même sillon dont la fertilité ne se dément pas au fil de ses albums. Celui-ci est le neuvième, toujours basé sur la connexion entre jazz et gwoka, la musique traditionnelle de la Guadeloupe, propulsée par les rythmes du tambour Ka, l’un des fondamentaux de l’identité guadeloupéenne. Pour cette nouvelle proposition de swing caribéen éminemment requinquant, il a fait appel au parfait guitariste brésilien Nelson Veras et, pour la rythmique, à l’une des paires de mains les plus expertes de la Guadeloupe, Sonny Troupé (batterie, tambour Ka et… casseroles). Les trompettistes en herbe apprécieront la seconde partie du CD, treize plages à vocation pédagogique : en coupant la trompette, sur le canal gauche, ils pourront improviser sur la rythmique et la guitare. Parallèlement au disque, Franck Nicolas sort en version papier une méthode sur les gammes guadeloupéennes et les transcriptions des titres du CD. Patrick Labesse1 CD Jazz Ka (disponible sur Francknicolas.com). 22.06.2015 à 06h44 • Mis à jour le22.06.2015 à 14h31 | Marie-Aude Roux et Sylvain Siclier Instruments traditionnels, clips dérangeants ou pop française sous influence psychédélique, La Matinale vous présente sa sélection musicale.UN ALBUM : Les bizarreries de la chanson pop française avec « Wizzz ! French psychorama 1966-1970, volume 3 »Troisième rendez-vous avec Wizzz !, compilation fantasque (et fantastique) de raretés et de bizarreries de la pop française, généralement sous influence psyché, à la fin des années 1960. Jean-Baptiste Guillot et ses camarades de Born Bad Records ont à nouveau déniché des perles aux textes et musiques bien allumées (avec ici des cris, là des flûtes, des claviers étranges, des chœurs, des effets divers, des emplois de pédales fuzz ou wah-wah, et des trémolos pour les guitares…). Dix-sept chansons, dont « Une plage bordée de cocotiers », par le futur journaliste Bernard Chabert, le « Hold-up inusité » de la mystérieuse Joanna, « Névralgie particulière » par Long Chris (de son vrai nom Christian Blondieau, qui écrira nombre de succès de Johnny Hallyday), Papy (François Papi) dans « Toi le Shazam » ou « Notre homme à moi » par Jane et Julie.1 CD et 1 LP Born Bad RecordsUN CONCERT : « The Fairy Queen » de Purcell en work in progress au château d’Hardelot dans le Pas-de-Calais, les 25 et 26 juin S’il est un lieu singulier, c’est bien celui du Midsummer Festival, théâtre de bois et de toiles niché à l’abri des remparts du château d’Hardelot, non loin de la mer et des dunes boisées où s’affrontèrent Français et Britanniques avant que ne soit décrétée l’Entente cordiale des deux nations. Le songe d’une nuit d’été shakespearien est donc à portée de rêve, comme en témoigneront les deux représentations de The Fairy Queen (La Reine des fées), semi-opéra composé en 1692 par Henry Purcell sur des musiques savantes et populaires. Données les jeudi 25 et vendredi 26 juin par l’Ensemble Contraste et la Compagnie Deracinemoa, les représentations mêleront au subtil univers lyrique anglais le jazz et l’improvisation mais aussi le spectacle de rue. Une façon de jouer avec le maître mot de Shakespeare : « Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit tenir son rôle. »Midsummer Festival au Château d’Hardelot, à Condette (Pas-de-Calais). Les 25 et 26 juin à 20 h 30. Tél. : 03 21 21 73 65. 15 euros, gratuit pour les moins de 18 ans, bénéficiaires RSA et demandeurs d’emploi.UN DVD : « Play », recueil des vidéos musicales de Peter GabrielPublié en 2004, ce recueil de vingt-six vidéos musicales est aujourd’hui réédité comme nous l’annonce Jérôme Soligny dans le mensuel Rock & Folk. Play rassemble des films réalisés entre 1977 et 2003, parfait équivalent visuel à l’univers musical de Peter Gabriel, dont la carrière solo a débuté en 1975, après avoir quitté le groupe de rock progressif Genesis. Novateur par son travail sur les textures, les rythmes, par son souci de se nourrir des musiques du monde et par son attention aux évolutions technologiques (le clavier Fairlight, les machines musicales, l’électronique, les ordinateurs…), Peter Gabriel l’est tout autant dans la mise en image de ses chansons qu’il confie à Stephen R. Johnson, Michel Coulson, Matt Mahurin, York Tillyer, Kevin Godley et Lol Creme, Brett Leonard, Brian Grant, Glenn Marshall, Sean Penn… Dans un ordre non chronologique on retrouvera ici des moments sombres, dérangeants (« Games Without Frontiers », « Digging In The Dirt »), d’invraisemblables animations (« Sledgehammer », « Big Time »), des clairs-obscurs (l’émotion de « Red Rain », « Mercy Street » ou de « Don’t Give Up », en duo avec Kate Bush) sans que le passage du temps ne se fasse sentir.1 DVD Eagle Rock EntertainmentDEUX FESTIVALS : Archéo Jazz et Barrière Enghien Jazz FestivalAvec pour décor proche les ruines médiévales réhabilitées et protégées d’un château, des « grands noms du jazz et musiques proches », comme l’indiquent les organisateurs du festival Archeo Jazz, à Blainville-Crevon (Seine-Maritime). Ainsi pour sa 38e édition, du 24 au 27 juin, sont attendus les chanteuses Melody Gardot et FM Laeti, le groupe des frères Orlando Maraca (flûte) et Ramon (piano) Valle, les chanteurs Ben l’oncle soul, Tiken Jah Fakoly et Sino, les guitaristes Mike Stern et Nguyên Lê et le violoniste Didier Lockwood.Archéo Jazz à Blainville-Crevon (Seine-Maritime), du 24 au 27 juin. 27 euros, sauf concert du 24 juin (Melody Gardot) 40 euros.Collaboration phonographique, publiée en avril, entre la chanteuse Dee Dee Bridgewater et le trompettiste Irvin Mayfield, Dee Dee’s Feathers (Okeh Records) est une évocation de la Nouvelle Orléans, avec des standards de ses musiques et des compositions originales. Un répertoire et ses interprètes à retrouver sur scène dans le bel écrin du Théâtre-casino d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), lors de la soirée d’ouverture du festival de jazz organisé dans la ville du 25 au 28 juin. À l’affiche du festival, par ailleurs, la chanteuse Hindi Zahra, le chanteur Tiken Jah Fakoly et le bassiste Marcus Miller. Ces deux derniers pour des concerts gratuits sur la scène flottante du lac d’Enghien-les-Bains. Barrière Enghien Jazz Festival, à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), du 25 au 28 juin. De 20 euros à 66 euros pour les concerts au Théâtre-casino ; accès libre pour les concerts sur la scène flottante.RÉSERVEZ VITE : une création de Susheela Raman et Sam Mills au Théâtre de l’Atelier, à Paris, le 29 juin Après une première mondiale, le 26 juin, au Kings Place, à Londres et avant de se rendre à Berlin, le 1er juin, au Babylon, le spectacle Sacred Imaginations sera présenté sous le titre Evocations sacrées au Théâtre de l’Atelier, lundi 29 juin. Cette création de la chanteuse anglo-indienne Susheela Raman et de son mari le guitariste Sam Mills, mettra en relation les musiques anciennes et contemporaines de l’Orient chrétien. Avec l’ensemble vocal moscovite Doros, le pianiste éthiopien Samuel Yirga, la chanteuse libanaise Abeer Nehme, le clarinettiste grec Manos Achalinotopoulos, des joueurs d’oud (luth à manche court), de harpe du roi David, de qanûn (famille des cithares), des percussionnistes dont Pirashanna Thevarajah. Les qualités musiciennes des unes et des autres ainsi que leurs propos artistiques annoncent une soirée exceptionnelle.Théâtre de l’Atelier, place Charles-Dullin, Paris 18e. Tél. : 01 46 06 49 24. Lundi 29 juin, à 20 h 30. 20 euros.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 21.06.2015 à 11h58 • Mis à jour le22.06.2015 à 15h17 Renaud l’annonce en une du Parisien, samedi : « J’arrive. » Le chanteur, qui n’a plus publié d’album depuis Molly Malone en 2009, a écrit quatorze nouvelles chansons et compte très prochainement enregistrer un nouveau disque, selon ses propos rapportés le 20 juin par le quotidien. « J’ai écrit quatorze chansons, je veux les enregistrer vite », assure l’auteur de Mistral gagnant, que le quotidien a très brièvement rencontré à L’Isle-sur-la-Sorgue, la commune du Vaucluse où il est désormais installé.D’une voix rauque et un peu chevrotante, le chanteur a confirmé à la mi-journée sur RTL s’être « remis à écrire » depuis « quinze jours ». Renaud annonce un retour « bien avant l’année prochaine, en septembre ».Thierry Séchan, le frère de Renaud, confirme dans les colonnes du Parisien qu’il a écrit « douze, quatorze chansons » qu’il compte enregistrer à Bruxelles très prochainement. Le frère précise : « Il a fait toutes les paroles. Et les musiques ont été composées par son bassiste Michaël Ohayon et son gendre, le chanteur Renan Luce, qui a fait quatre musiques. L’album est presque terminé. » Renaud, ex-chroniqueur à Charlie Hebdo, a notamment écrit un titre intitulé J’ai embrassé un flic, en « référence à la manifestation du 11 janvier, à ses amis de Charlie et aux deux policiers tués pendant les attentats », ajoute le frère du chanteur. « Pour l’instant, il ne peut pas chanter »« Pour l’instant, il ne peut pas chanter », souligne néanmoins Thierry Séchan : « Trop de cigarettes, trop de Ricard. Il faut d’abord qu’il trouve un ORL. C’est indispensable. » Pour autant, le chanteur, qui a connu de nombreuses périodes de dépression et vient de fêter ses 63 ans, « va bien », selon son frère. Le slameur Grand Corps Malade, l’un de ceux qui ont repris ses chansons dans les deux albums hommage La Bande à Renaud parus l’an dernier, fait partie de ceux qui lui ont redonné envie d’écrire, indique Renaud.Fin mai, un sondage a désigné Mistral gagnant, sa ballade de 1985, comme la « chanson française préférée de tous les temps », devant Ne me quitte pas, de Brel, et L’Aigle noir, de Barbara. L’activité discographique du « chanteur énervant » s’est sérieusement ralentie depuis vingt ans. Son dernier album de chansons inédites – Rouge sang – remonte à 2006, Renaud n’ayant depuis publié qu’un album d’adaptations de chansons irlandaises baptisé Molly Malone.Absent des studios et de la scène depuis de longues années, celui qui avait signé en 1985 les paroles de SOS Ethiopie a simplement participé en novembre dernier à l’enregistrement d’un titre collectif caritatif contre l’épidémie Ebola. Marie-Aude Roux On se souvient encore de la stupeur générale : Daniel Harding, « baby chef » de 22 ans, haut comme trois pommes ouvrant le Festival d’Aix-en-Provence avec le Don Giovanni, de Mozart en 1998. Une direction pressée, démoniaque, et presque comminatoire du chef-d’œuvre mozartien alors mis en scène par Peter Brook. Le jeune homme partageait l’affiche avec son mentor, le grand Claudio Abbado, alors patron de la Philharmonie de Berlin, lequel avait offert avec élégance la première à celui qui était encore son assistant.Le chef d’orchestre britannique, né à Oxford le 31 août 1975, a aujourd’hui 39 ans. Il vient d’être nommé, jeudi 11 juin, pour trois ans à la tête de l’Orchestre de Paris, deuxième Britannique à assumer ce poste de directeur musical après Sir Georg Solti (de 1972 à 1975). Il succédera à l’Estonien Paavo Järvi à l’automne 2016. Celui-ci, en poste à Paris depuis 2010, avait annoncé son départ pour l’Orchestre de la NHK à Tokyo (Japon), au terme d’un mandat parisien de seize ans, dès août 2014. Deux mois plus tôt, le 7 mai, les retrouvailles de Daniel Harding avec l’Orchestre de Paris après quinze ans de divorce (sa première expérience en 1997 reste, selon lui, l’une des plus pires de sa carrière), avait été très d’autant plus remarquée que les spéculations allaient bon train quant à la succession de Paavo Järvi.Expériences précocesBlondinet mince et fluet, Daniel Harding a toujours été un jeune homme pressé, qui a multiplié les expériences au berceau – Le Pierrot lunaire, de Schoenberg, dirigé à 13 ans avec un ensemble de fortune. Il a aussi, jeune assistant à l’Orchestre de Birmingham, remplacé au pied levé le chef titulaire, Simon Rattle, dans la Deuxième Symphonie, de Brahms, en décembre 1995 au Théâtre du Châtelet. Avant de devenir en 1996 le plus jeune chef de l’histoire des BBC Proms. Nommé à l’Orchestre symphonique de Trondheim (1997 à 2000), puis à la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême (1999 à 2003), il décroche, en 2003, le Mahler Chamber Orchestra fondé par Claudio Abbado (jusqu’en 2008). Depuis 2006, il occupait le poste de chef principal de l’Orchestre symphonique de la Radio suédoise et celui de premier chef invité à l’Orchestre symphonique de Londres (LSO) depuis 2007. L’Orchestre de Paris devrait être un nouveau tournant dans sa carrière.Francophone et amoureux de la France, Daniel Harding, outre le Don Giovanni qui fit en deux ans le tour du monde en 80 représentations et lui valut un contrat chez Virgin Classics (aujourd’hui Erato), a également dirigé à Aix des productions aussi différentes que Le Tour d’écrou, de Britten (2001), Eugène Onéguine, de Tchaïkovski (2002), et la reprise, en 2004, de La Traviata, avant d’enchaîner coup sur coup trois Mozart – le Cosi fan tutte, de Patrice Chéreau (2005), La Flûte enchantée (2006) et Les Noces de Figaro (2007), avec des fortunes diverses. C’est au violoniste et chef d’orchestre baroqueux allemand Thomas Engelbrock (57 ans), qu’a été confié le poste d’assistant. Ce récipiendaire du prix Herbert von Karajan en mars 2015 est le chef principal de l’Orchestre symphonique de la NDR à Hambourg, et le fondateur du chœur et de l’ensemble baroque Balthasar-Neumann. Une orientation importante pour la phalange parisienne installée depuis le début de l’année comme résident principal de la Philharmonie de Paris : « ces deux grands chefs, aux programmes innovants, conjugueront leurs talents pour écrire une nouvelle page de l’histoire de l’Orchestre de Paris », souligne à ce propos le directeur général de l’Orchestre de Paris, Bruno Hamard. Daniel Harding, quant à lui, se félicite de la situation géographique de la nouvelle salle symphonique parisienne, « une chance de montrer que la musique classique appartient à tout le monde », a-t-il confié dans un entretien, paru le 10 juin dans le Times.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Francis Marmande Nous republions ici un portrait du musicien et compositeur américain Ornette Coleman, diffusé en 1997. La légende du free jazz est morte jeudi 11 juin à New York, à l'âge de 85 ans. Une de ses premières compositions est nommée La Voix de l'Ange (Angel Voice). Il l'a enregistrée le 22 février 1958. Ornette Coleman est né à Fort Worth (Texas) le 19 mars 1930. Saxophoniste (ténor, puis alto), violoniste, trompettiste, il est un des compositeurs-clés du siècle. Celui qui revient de plus loin. Comme les artistes qui ouvrent la voie de la vie et de la pensée, il a disparu aussi souvent qu'il fit scandale, à son corps défendant, le plus souvent.De lui, on pourrait dire qu'il est ignoré en même temps que reconnu. Le Festival de La Villette le présente en presque tous ses états : en quartet pour le concert d'ouverture (le 28 juin 1997) ; en duo avec Joachim Kühn (le 1er juillet) et à la tête de Prime Time, son groupe free-funk-rock (le 2). Le quartet est ce qui résume sa différence en jazz. Il y a bientôt quarante ans, il intitulait une œuvre Something Else (« Quelque chose autre »). Aujourd'hui, Charnett Moffett, le fils d'un de ses batteurs, est à la basse ; Denardo, son propre fils, qu'il a installé aux tambours à l'âge de douze ans, à la batterie. Une femme, Geri Allen, au piano. Sitôt cette consécration de Paris, qui l'a toujours aimé (autant que l'Italie) depuis son premier concert à la Mutualité, le 4 novembre 1965, deux concerts l'attentent au Lincoln Center de New York (les 11 et 12 juillet), dont une exécution de son ambitieuse pièce symphonique, Skies of America.Avec Joachim Kühn, de quinze ans plus jeune que lui, il vient d'enregistrer un duo, Colors, qui sort de la route ordinaire et console de trop de CD (Le Monde du 7 juin). L'illustration de couverture est une de ses peintures. Il peint depuis longtemps. Ses premiers grands disques, en 1959, étaient illustrés par Pollock. Colors est l'enchaînement le plus libre, le plus frais, d'airs poignants, gais, déroutants. On songe avec tristesse à tout ce que le « jazz » (il n'aime par le mot, évidemment) charrie aujourd'hui de vaches affolées comme en un torrent normand. On n'est même plus surpris que celui qui passe pour son éternel avant-gardiste, son révolté fixe, son théoricien paradoxal, soit l'inventeur prolixe de mélodies chantantes, dansantes, mobiles comme une flamme, plusieurs centaines en cinquante ans, souvent reprises (Lonely Woman).L'harmolodie, une allégorie secrèteSa théorie, l'harmolodie, reste une allégorie secrète pour quelques-uns ; une énigme à beaucoup ; et risible pour les autres le plus grand nombre , qui n'y voient que du feu. L'homme le plus délicat de la planète se sera attiré plus de haines, d'insultes et de coups que quiconque. On ne lui a jamais connu ni colère ni vanité. Depuis soixante-sept ans, il s'exprime avec une extrême douceur ; il dit des choses belles, étranges ; fait jouer les musiciens qu'il ne dirige jamais ; se met à l'envers du savoir, du pouvoir pour laisser libre ; semble ne pas habiter la même planète que nous : ou alors y être si humainement ancré, avec une telle force d'enracinement poétique qu'il voit tout ce que nous ne voyons pas.Parfois, il semble revenir d'ailleurs : « J'avais déjà écrit un peu de musique flamenca. On m'a conduit dans la campagne de Séville. On voulait me faire rencontrer un guitariste. Je ne voulais pas donner l'impression de savoir jouer ce qu'il faisait. Je sais un peu de guitare, mais je ne voulais pas jouer comme je joue d'habitude. Je ne voulais pas montrer que je sais jouer. Je voulais juste lui montrer que je connaissais les formes, le style, l'idée générale. Alors il a dit : "Je chante et toi tu joues." Il s'est senti bien, à fond dans le truc, je sais que le son peut venir de n'importe où dans le monde. Du coup, j'ai joué comme vraiment je joue. C'était très ample, très profond. J'ai compris où l'on était. On est vraiment tombé amis. » Buddy Bolden (1877-1931), trompettiste mythique du Mississippi, figure l'origine absente du jazz. Peu à l'avoir entendu, personne à l'avoir enregistré. On dit qu'il jouait plus vite et plus fort que King Oliver et Louis Armstrong réunis. Armstrong (1901-1971) reste le fondateur. Il quitte le folklore et s'envole. Charlie Parker (1920-1955) est celui qui maintient le message en le renversant. Ornette Coleman vient après, troisième acte de l'idée, tellement saisi par le passage de Parker qu'il en force l'insoumission pour qu'elle ne finisse pas en routine. Ce geste de libération, il l'a payé au prix fort. Quand il lance Free Jazz, en 1960, il faut l'entendre comme un impératif, un appel, un manifeste : Libérez le jazz ! Au mieux, on a retenu une petite effusion libertaire (double quartet avec Eric Dolphy et l'alter ego, Don Cherry, Scott LaFaro et Charlie Haden aux contrebasses). Au pire, les gens ont demandé à rentrer gratuitement. Free, cela signifie aussi : entrée libre...La ségrégation touche le répertoireCe qui définit le mieux Ornette, c'est ce qui lui ressemble le moins. La scène se passe à Bâton-Rouge, à l'automne 1949. Cette scène est incompréhensible, ou alors trop vive, surexposée. Elle ne dit rien du compositeur, dont elle raconte tout. En 1949, Ornette a dix-neuf ans. Il est végétarien. Il porte une barbe et des cheveux longs. Il est en tournée dans des bleds du Sud avec un orchestre de blues. Il vient d'une famille non pas pauvre, mais « a po'family » plus pauvre que les pauvres. Il a mal connu son père qui était de grande taille, très noir, comme sa mère. Sa sœur est chanteuse, une tante est mariée à New York avec le trompettiste Doc Cheatham. Il rappelle discrètement que le Sud, en 1949, n'est pas bien loin de l'esclavage : « Vous n'aviez pas à penser à qui vous étiez et à ce que vous vouliez. Vous aviez juste à vous préoccuper de survivre. »En 1949, Ornette joue du ténor. Il a déjà participé à des spectacles de minstrels noirs. Jamais il ne s'est senti si humilié, si minable. Là, il tourne avec Clarence Samuels, chanteur de blues. Quand il explique ses conceptions aux types de l'orchestre, il se fait rembarrer. Même en scène, la ségrégation touche le répertoire. Les Blancs aiment Stardust, les Noirs Flying Home. On appelle les disques pour la communauté noire des « race records ». A Bâton-Rouge, Louisiane, Ornette prend son chorus de blues. En plein milieu, il lui vient de jouer selon ses idées. A la fin l'orchestre continue, un type se pointe, demande au chef l'autorisation de sortir avec lui, le précipite sur le trottoir où six malabars de couleur lui cassent le bec de saxophone dans les dents avant d'écraser l'instrument au milieu de la rue. Tout du long, ils le traitent de « nigger ». Eux sont noirs. Au commissariat, les flics le traitent à nouveau de « nigger ». C'est une histoire simple. Ornette est battu par des Africains-Américains pour avoir joué le blues à sa façon. « Afro-Américain ? Ça n'a aucune importance. Si dire Afro-Américain, ça peut aider un Noir à se sentir plus heureux, alors d'accord. Mais je ne veux pas penser en termes de races. Je ne veux pas, en m'opposant, rabaisser qui que ce soit. Je ne veux être ni au-dessus ni meilleur. Evidemment, ça n'a pas facilité ma vie de dire cela. Mais je ne veux pas changer. »Il parle à Harlem, 125e rue, dans ses studios Harmolodic. Il parle d'une voix douce, posée, avec un léger chuintement. Personne ne se souvient d'avoir souffert, en paroles ou en actes, par Ornette Coleman, ni dans la vie ni dans la musique. S'il rencontre un musicien, pour qui il est une légende vivante, il l'incite à se rejoindre, à rester lui-même, à ne pas imiter, à chercher ensemble, sans se copier, le point de créativité : « Le meilleur rempart contre la routine, c'est la démocratie à tous les niveaux. La démocratie absolue dans l'orchestre. » Il insiste : « J'aime l'idée que quelqu'un peut jouer une chose à laquelle je n'avais même pas pensé et qui soit équivalente à ce que je tente de faire. Le bonheur ultime, c'est ce partage. Quand on joue à deux, ce qui fait la différence, c'est la personne : ce n'est pas une histoire de style, d'interprétation, de jazz. » Le mot « jazz » lui fait mal, mais même contre ce mal, il ne se drape pas : « Personne n'est tranquille avec cette étiquette de 'jazz'. Moi non plus, mais je ne suis pas contre ce qui peut aider les êtres humains à penser, à faire ce qu'ils aiment. » Là, il devine que le respect qu'il inspire peut se retourner contre lui. Pas mal de gens pensent qu'il est un peu simple, il le sait : « Personne n'a besoin de catégories, notamment pour mourir. On ne doit jouer que si chacun se sent dans l'égalité du jeu. La démocratie totale est ce qui règle la musique. La démocratie et l'amour. Je sais que lorsque je dis ça, ça sonne un peu mystique. Les gens du ``bizness`` ne comprennent pas trop. Ce n'est pas qu'ils soient en désaccord : ils ne comprennent pas bien, mais ça s'arrangera. »Généreux, imprévisibleRien dans la vie d'Ornette Coleman ne ressemble à autre chose qu'au destin qu'il semble s'être donné. Il est de ces irréguliers à qui l'on casse les dents, mais qui n'ont pas raté un disque, une pochette, un titre ou un concert. Il parle de tout avec un sourire d'évidence : « A l'école, j'ai appris très vite que tout ce qu'il fallait savoir, ce sont les réponses... » En 1959, deux héros des débuts de La Nouvelle-Orléans, Sidney Bechet et Baby Dodds, disparaissent. Le couple magique de l'après-guerre new-yorkaise, Billie Holiday et Lester Young, également. Miles Davis grave son chef-d'œuvre modal, Kind of Blue. Coltrane, un mois plus tard, Giant Steps. Le jeune homme de Fort Worth, Texas, fait chez Atlantic une entrée dont on parle encore : son disque s'appelle The Shape of Jazz To Come (« La forme du jazz à venir »). On a du mal à mesurer, quarante ans après, l'effet produit.Il enchaîne avec To-Morrow Is the Question ! (« Demain ! Voilà la question ! »), Something Else !, Change of Century, et, pour qui n'aurait pas pigé : This Is Our Music ! (« Telle est notre musique ! »). Personne au monde n'avait encore entendu, ou alors dans une autre vie, ces airs légers, acides, la bizarre gaieté de ces unissons décalés, la voix de Don Cherry à celle de Coleman tressée, ce bruissement rythmique dont on croit qu'il bafouille (Charlie Haden et Billy Higgins), les roulements louisianais d'Ed Blackwell, la précision de Red Mitchell qui est allé les chercher, ou l'assurance tranquille de Paul Bley, pianiste canadien qui servit le premier de passeur. C'est étrange, un commencement.Si l'on veut comprendre, c'est du côté de la générosité qu'il faut aller. La condition de leur musique est leur communauté. C'est difficile à avancer, tant on préfère le plus souvent s'arrimer au malheur et à la difficulté d'être. Mais eux, c'est comme s'ils avaient traversé la détresse comme un rideau de fer : « Si je jouais comme j'écris ma musique, je serais très loin de là où je suis, je serais ailleurs. Mais j'essaie de jouer avec les musiciens du groupe, là où ils sont, eux. Ce qui m'a changé, c'est la rencontre avec Lester Young et les novateurs de l'époque bien avant l'orchestre de Clarence Samuels. Ces types jouaient des choses que je ne savais pas faire. Ils ne voulaient pas que je me joigne à eux. » Charlie Parker, ainsi, fut rejeté des orchestres à Kansas City, et Albert Ayler, plus tard, un peu partout. « J'ai analysé point par point leur style. J'ai appris par coeur tous les solos de Parker. Récemment, dans un village du Mexique, un saxophoniste de rue m'a prêté son saxophone. J'ai fait peur. On m'a pris pour un fantôme. J'avais un son auquel les gens n'étaient pas habitués. Leur peur m'a rendu triste. Ils sont habitués à ce qu'ils ont déjà entendu. Vous pouvez savoir l'amour sans l'avoir connu. C'est ce que j'ai ressenti au Maroc, en Andalousie ou avec des bergers de Sardaigne. Mais ordinairement, les gens n'aiment que ce qu'ils connaissent déjà. Comme à l'école. »Au début des années 1980, c'est le jeune Pat Metheny qui l'a remis en course. Les maisons de disques l'avaient oublié. On le dit imprévisible. Sa notoriété n'est pas de l'ordre de l'engouement. Elle vient de zones très diverses, excède le monde du jazz, qu'elle ne comble pas, intéresse les jeunes rockers ou les compositeurs contemporains, répond au fond à son idée, sans qu'il le sache, de la musique comme lien et de l'éventualité d'un monde meilleur (« Je veux tomber amoureux de plusieurs choses à la fois. Car ça, c'est ce que la vie peut offrir »), semble concerner demain plus qu'aujourd'hui. Elle est ce qui change de siècle.Lire : Sélection albums : Alain Chamfort, Ornette Coleman, Emilio de Cavalieri…Francis MarmandeJournaliste au Monde 11.06.2015 à 15h07 • Mis à jour le11.06.2015 à 15h53 | Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 13h11 • Mis à jour le11.06.2015 à 13h42 « Jouer toute une journée sans pause, même pour manger, ça vous semble faisable ? » Un silence un brin interloqué se fait tandis que Xavier Gallais, professeur et metteur en scène, observe d’un œil amusé les élèves de deuxième année du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD). « C’est faisable », finit par lâcher un grand brun échevelé tandis que fusent aussitôt les chuchotis enthousiastes de ses comparses, qui échafaudent de minutieuses stratégies pour grignoter des barres énergisantes dans les coulisses.A l’occasion des journées de juin, traditionnelle présentation du travail des étudiants, les dix-huit élèves comédiens s’apprêtent à jouer L’Orestexcerptsie. Derrière ce nom baroque – entremêlant Orestie et exerpt, traduction de « extraits » en anglais –, une performance-déambulatoire où l’ensemble du Conservatoire (sa bibliothèque, son hall et même sa rue éponyme) sert de réceptacle à la tragédie des Atrides.Vêtus de jeans délavés ou couverts de bijoux clinquants, les jeunes artistes s’emparent avec fougue des textes de Sophocle, Euripide ou Eschyle. A l’issue de l’ultime répétition, mardi 9 juin, c’est la surprise générale. Le spectacle dure trois heures, soit trente minutes de plus qu’initialement prévu. Avec trois représentations programmées le lendemain, les élèves devront donc se livrer à un véritable marathon théâtral.Une sélection draconienne« Tâchez de rester vivants ! », s’exclame le régisseur. « Les journées de juin, c’est un peu sport mais c’est intense », commente Julie Julien, une brune tout feu tout flamme qui interprète le Coryphée. « Nous répétons pendant un mois, sans interruption, de dix à vingt-trois heures ». Du haut de ses 27 ans, Julie est la doyenne d’une promotion dont les plus jeunes sortent tout juste du lycée.Et pour fouler les planches du théâtre à l’italienne du Conservatoire, la sélection est draconienne. Seuls quinze garçons et quinze filles ont été admis au prestigieux concours pour 1 119 candidats en 2015. Durant trois ans, les classes travaillent ensuite en vase clos afin d’acquérir les armes nécessaires au métier d’acteur.Les journées de juin représentent donc une occasion rare pour les élèves de se produire en public. « On sait qu’il y aura des directeurs de casting ou des agents dans la salle mais on essaie de ne pas trop y penser », sourit Julie. « Ce qui compte pour nous, c’est surtout de jouer ensemble. »« Accéder aux origines du désir de théâtre »Le collectif est une notion primordiale pour leur professeur – et également ancien élève de la maison – Xavier Gallais. Alors que les journées de juin ont longtemps été l’occasion d’une démonstration de force des futurs acteurs, se soldant par un implacable concours de sortie, les présentations des classes de deuxième année sont conçues comme des terrains d’expérimentation. « En tant qu’enseignant, mon but n’est pas de compiler une succession de scènes du répertoire mais bien de faire exister un groupe. Tout en respectant les personnalités de chacun », explique Xavier Gallais.Le comédien et metteur en scène précise avoir choisi les tragédies grecques, fondements du théâtre occidental, afin « d’aider les élèves à accéder aux origines de leur désir de théâtre ». Un nécessaire retour aux sources qui permet de révéler les individualités des élèves.« Pour les spectateurs des journées de juin, il y a quelque chose de jubilatoire à découvrir avant tout le monde les jeunes gens qui vont changer le théâtre », ajoute Xavier Gallais. « C’est un vrai travail pour le public, l’occasion de faire des paris sur des personnalités artistiques ».« Le luxe de repartir de zéro »Préparer les élèves à la rencontre avec les spectateurs tout en respectant leur recherches personnelles, allier les singularités à l’esprit de troupe, c’est là tout le défi de Claire Lasne- Darcueil, nommée fin 2013 à la tête de la vénérable institution. Privilégiant « le luxe de repartir de zéro, de repasser par le rien », elle a choisi de fermer les journées de juin aux classes de première année. Ces derniers vivent le début de l’été loin des feux de la rampe, dans le calme d’un « stage en milieu rural ».Pour la directrice du CNSAD, si le temps de la recherche est nécessaire, il est aussi de sa responsabilité de « mettre en valeur les élèves sortants » du Conservatoire. L’enjeu est clairement de favoriser leur entrée dans le marché du travail, d’anticiper la sortie - parfois brutale - du cocon que constitue une école. Les troisièmes années présentent ainsi des travaux d’ateliers tout au long de la saison et font des journées de juin le point d’orgue de leur scolarité. « Mon intention, explique Claire Lasne-Darcueil, est qu’ils ne passent pas à côté de ce qu’ils rêvaient de jouer en entrant au Conservatoire ».Mais pour l’heure, place à l’expérimentation. Et Xavier Gallais est visiblement ravi de voir ses élèves se produire du petit matin à la tombée du jour. « C’est ce que j’appelle une mise au travail. Nos élèves sont des gens brillants, qui arrivent au Conservatoire avec beaucoup de technique. Avec la fatigue, ils ne vont plus chercher à bien faire mais seront obligés de se laisser faire ! »Journées de juin du CNSAD, du 11 au 27 juin. 2 bis, rue du Conservatoire, Paris 9e. Tél. : 01-42-46-12-91. cnsad.frAgathe Charnet Clément Martel « Souvenez-vous de ce nom, […] il va devenir une star. » Loren Kramar a vécu, lundi 8 juin, le rêve de tout artiste inconnu : son quart d’heure de célébrité. Son nom a été mis en lumière lors de la conférence annuelle d’Apple consacrée aux développeurs, à San Francisco : au cours de la présentation d’Apple Music, le service de streaming musical de la marque à la pomme, Loren Kramar a été choisi pour illustrer l’outil de recherche de nouveaux contenus, « Connect ».Lire aussi :Apple débarque sur un marché du streaming très fragmentéLe choix de mettre cet « artiste non-signé » au cours d’une présentation ayant vu le rappeur Drake monter sur scène a intrigué les observateurs, qui se sont empressés de retracer son parcours. Dans un article fouillé, The Next Web, le site d’information sur les nouvelles technologies, l’économie et les médias résume ce que l’on sait de cet homme, dont même Internet ne savait rien, ou presque.Whoever Loren Kramer is, he just won.— plofficial (@P.L. #WLVRNS)require(["twitter/widgets"]);Un artiste ayant fondé un magazine d’artCrée en 2012 avec deux camarades de l’université Cooper Union, Megazine est un journal en ligne consacré à l’art contemporain. Loren Kramar avait alors 24 ans, selon un portrait dressé par Capital New York à l’occasion de la soirée de lancement du magazine. On y apprend que Kramar n’est « pas encore un artiste établi », mais qu’il est devenu « l’enfant chéri du New York artistique ». Une photo publiée par @thelorenkramar le 17 Août 2014 à 16h42 PDTUn réseau d’amis influentsFils d’un magnat de l’industrie californienne, toujours selon Capital New York, Loren Kramar a grandi dans la vallée de San Fernando (Californie), et a fait ses classes à Campbell Hall, où se retrouvent les enfants des stars d’Hollywood. Il a ainsi joué aux côtés de l’actrice Elizabeth Olsen, sœur des jumelles Olsen (stars de la série La fête à la maison dans les années 1990) dans une comédie musicale.A New York, le jeune homme a étudié l’art à l’université Cooper Union, et a été admis au sein d’un collectif artistique de Brooklyn célébré par la critique, la Bruce High Quality Foundation.Un chanteur fameux mais introuvable« Il a interprété la meilleure version de I’ll Stand By You de Chrissie Hynde que j’ai jamais entendue. » Ces mots, rapportés en 2012 par Capital New York, ont été prononcés par l’artiste et réalisateur Julian Schnabel à propos de l’inconnu d’Apple Music. Interviewé en 2008 par le site Time Out en raison de son look de « Chaplin des temps modernes », Loren Kramar confiait « chanter dans un piano-bar nommé Ella », essentiellement des reprises, allant des Bee Gees à Céline Dion. Et avouait un faible pour le classique du blues « Hit the Road, Jack ».Mais nulle trace en ligne d’un quelconque titre interprété par Loren Kramar avant la conférence d’Apple et les quelques secondes du titre My life entendues par des millions de gens. Il n’est pas présent sur Spotify, Deezer ou iTunes. Aucun signe non plus sur les sites vidéos comme YouTube, et son Myspace est une coquille vide – un peu comme ses comptes Twitter et Instagram.Honored to have had my single #mylife get a debut sneak at #WWDC! full song coming soon! #loren #lorenkramar— thelorenkramar (@LOREN)require(["twitter/widgets"]);Un « artiste non-signé » mis en avant par un producteur« Vous êtes un nouvel artiste, et voyez le nombre de gens que vous pouvez toucher grâce à Connect. » Introduit comme un artiste indépendant par Eddy Cue, l’un des dirigeants d’Apple, lors de la présentation du nouveau service, Loren Kramar a aussi été révélé sur les réseaux sociaux par un compte Twitter se présentant comme celui de Joe Weinberger : un producteur qui a travaillé un temps pour la maison de disque Interscope Records.proud of @thelorenkramar amazing intro of his new single "my life".... we will release the song officially very soon.... x thanks apple— JoeJoe3H (@Joe Weinberger)require(["twitter/widgets"]);Or, lnterscope Records a été fondée par Jimmy Iovine, et a servi, dès la fin des années 1990, à distribuer les albums de Dr. Dre. Le même Iovine, qui a ensuite créé Beats by Dre aux côtés du rappeur et producteur, est devenu chef de Apple Music quand la firme de Cupertino a racheté Beats en 2014.Lire : Apple confirme le rachat de Beats et embauche Dr DreAutant d’éléments qui laissent penser que Loren Kramar n’a pas été choisi au hasard parmi la foule d’artistes indépendants, contrairement à ce que pouvait laisser penser la conférence d’Apple. Reste à savoir si le quart d’heure de gloire de Loren Kramar perdurera une fois que sa musique sera (enfin) disponible.Clément MartelJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Alors que tous les regards sont tournés vers l’Irak et la Syrie, portés sur les destructions barbares, par l’organisation Etat Islamique (EI), du patrimoine millénaire mésopotamien – Nimroud, Hatra, le Musée de Mossoul – et sur le danger qu’elle fait peser sur la cité antique de Palmyre, les récents bombardements saoudiens des sites historiques yéménites sont passés inaperçus.Alors que l’Arabie saoudite bombarde depuis fin mars les positions des rebelles houthis chiites, présentés par Riyad comme des soutiens de l’Iran, la valeur des sites historiques qui servent d’abri à ces milices n’entre pas en jeu. Un communiqué de l’Unesco, daté du 3 mai, a condamné ces frappes aériennes détruisant un patrimoine millénaire. La communauté scientifique s’est mobilisée ; les spécialistes de la péninsule Arabique, les archéologues notamment, ont sonné l’alarme.A Marib, capitale de la légendaire reine de Saba – qui aurait, dit la Bible, rendu visite au roi Salomon à Jérusalem –, le grand barrage, datant du premier millénaire avant notre ère, a été touché. Les photos d’Hussain Albukhaiti, postées sur le Web, le 31 mai, montrent la paroi de pierre monumentale éventrée. Information confirmée par Iris Gerlach, directrice de l’Institut archéologique allemand, à Sanaa, la capitale du Yémen. Destruction condamnée par la direction yéménite des antiquités et des musées.« C’est le plus grand barrage de l’antiquité, avec une levée de terre de 600 mètres, s’alarme Jérémie Schiettecatte, archéologue au CNRS. Les vannes sont des constructions monumentales en forme de tours, de vingt mètres de haut sur cent de large, qui fortifiaient la levée de terre. » Le scientifique a travaillé au Yémen jusqu’en 2010, date d’arrêt des fouilles françaises, après les attentats terroristes visant des étrangers. Depuis les années 1970, le Centre français archéologique de Sanaa était très actif. Il continue de fonctionner depuis l’Arabie saoudite.Deux autres sites visés« Selon une sourate du Coran, la rupture du barrage serait une punition obligeant les populations à quitter la région. Plusieurs épisodes de rupture auraient eu lieu, jusqu’à la dernière restauration, au milieu du VIe siècle, soixante ans avant la prédication de Mahomet », précise M. Schiettecatte. Ce barrage, construit au VIIIe siècle avant J.-C., irriguait toute cette région désertique sur dix mille hectares. Marib était la grande cité antique du sud de l’Arabie, plaque tournante du commerce de l’encens avec la Mésopotamie et la Méditerranée, dont l’économie reposait sur un système d’irrigation très sophistiqué, merveille d’ingénierie saluée par le Coran. Elle est en attente d’inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.La frappe aérienne sur Marib a suivi celle, le 23 mai, du Musée de Dhamar, une des capitales des gouvernorats située au sud de Sanaa. 12 500 objets archéologiques ont été anéantis dans l’explosion, « des centaines d’inscriptions en sabatéen – langue du royaume de Saba [800 av. J.-C. – 300 ap.J.-C.]– sur des stèles, des brûle-encens, des éléments d’architecture… », indique l’archéologue français, qui précise que les pièces avaient été documentées par les scientifiques de l’université de Pise ; un travail d’archives réalisé par les Italiens sur l’ensemble des musées yéménites.Deux autres sites ont été visés. Le 5 juin, la forteresse médiévale d’Al-Qahira qui, sur une colline, domine Taez ; un site stratégique surplombant la troisième ville du Yémen. Et le palais Wadi Dhar, résidence d’été de l’imam Yahya, construit dans les années 1920 en nid d’aigle, au sommet d’un piton rocheux de cinquante mètres. Parfait exemple de l’architecture yéménite, maison-tour de brique crue, dont les façades sont animées de frises géométriques en blanc de chaux.Trois archéologues, l’Italienne Sabina Antonini, l’Allemande Iris Gerlach et le Français Jérémie Schiettecatte, avaient pris soin de fournir à l’Unesco la liste des cinquante sites archéologiques historiques et patrimoniaux prioritaires pour alerter les Saoudiens. Un patrimoine que les Yéménites défendent et revendiquent, jusqu’à le figurer sur leurs billets de banque.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Epique et romanesque, la série « 1864 » d’Ole Bornedal revient sur une date-clé de l’histoire du royaume scandinave (jeudi 11 juin, à 20 h 50, sur Arte).Depuis Shakespeare et Hamlet, on savait qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Ce que l’on sait moins, c’est qu’au milieu du XIXe siècle, le Danemark était une nation belliqueuse, prête à mener des guerres pour prétendre au statut de grande puissance européenne. Si 1864 évoque peu de chose pour le public français, cette date marque la fin du rêve danois de puissance, après la déroute subie face aux troupes prussiennes lors de la guerre des Duchés.En perdant la deuxième guerre prusso-danoise (la première eut lieu entre 1848 et 1850), le Danemark se voyait humilié aux yeux de l’Europe et amputé d’un tiers de son territoire. « Le nationalisme a été un poison psychologique qui a intoxiqué le grand corps malade du Danemark et sa virulence a été renforcée par une vague de fanatisme religieux. Absurde et sans racines profondes, en dépit d’un vernis d’euphorie nationaliste, cette guerre a pourtant défini ce qu’est le Danemark contemporain », estime le réalisateur Ole Bornedal.Une dramaturgie simplePartant de cet épisode historique crucial, les responsables de la télévision danoise ont donné le feu vert à la plus grosse (co)-production dont le budget conséquent (23 millions d’euros), les 6 000 figurants et les 160 comédiens (dont Sidse Babett Knudsen, célèbre pour son rôle de premier ministre dans la série Borgen) ont donné naissance à une longue fresque (8 × 53 min) coproduite avec l’Allemagne et le Royaume-Uni et destinée à un public international.En brodant autour de la guerre une grande histoire d’amour à la dramaturgie simple (les deux frères Jensen partageant l’amour de la même femme, la belle Inge, s’engagent dans l’armée danoise), les scénaristes ont tenté de prolonger le suspense.Au fil des épisodes, on en apprendra donc un peu plus sur la haine entre Danois et Prussiens, on verra Bismarck jouer aux petits soldats ou la reine Victoria s’interroger sur la vaillance des soldats danois. Et l’on assistera à des scènes de bataille assez impressionnantes avec bombardements intensifs, combats au corps à corps et charges de hussards prussiens à tête de mort. Un programme ambitieux aux images léchées, diffusé tous les jeudis du 11 au 25 juin, qui aurait tout de même gagné à être moins long.1864, créée par Ole Bornedal. Avec Jacob Oftebro, Jens Frederik (Dan. - All. - G.-B., 2014, 8 × 58 min). Jeudi 11 juin, à 20 h 50, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) et Harry Bellet Le peintre français Bernard Rancillac, 83 ans, cofondateur en 1964 avec Hervé Télémaque et quelques autres du mouvement de la figuration narrative, a été arrêté par la police belge mardi 9 juin à Bruxelles, et a passé six heures en garde à vue. Il est accusé d’avoir dégradé un tableau exposé dans la galerie récemment ouverte par Valérie Bach, à La Patinoire royale, qui figure dans une exposition organisée par l’ancien ministre de la culture français Jean-Jacques Aillagon, jusqu’au 31 décembre. L’artiste conteste la paternité de cette toile qui lui est attribuée, intitulée Hommage à Picasso. Il y a inscrit au feutre : « Ceci est un faux, B. R. »Dès le 18 mai, soit deux semaines après l’ouverture de l’exposition, l’artiste avait publié sur son compte Facebook la photographie de deux œuvres exposées sous son nom. L’une, datée de 2007, est intitulée Mes chéries, je ne vous oublie pas. A côté de la reproduction, le peintre a écrit :« Jamais fait, jamais vu. C’est un faux Rancillac. Non répertorié dans le catalogue raisonné. Jamais exposé, vendu ou offert. Découvert dans le catalogue de La Patinoire royale de Bruxelles que le commissaire a pris soin de ne pas m’expédier. »La reproduction de l’autre, celle qu’il a graffitée le 9 juin, est commentée ainsi :« Cet “hommage à Picasso” n’a pas été peint par moi. (…) Je ne l’avais jamais vu avant de le découvrir dans le catalogue de La Patinoire royale à Bruxelles. C’est un faux. »Querelle conjugaleAlerté, le directeur de la galerie, Constantin Chariot, dit être « tombé des nues. J’étais d’autant plus surpris que j’avais des photos, prises par l’ex-compagne de M. Rancillac et montrant ce dernier en train de peindre le tableau concerné ». Jean-Jacques Aillagon confirme avoir pu consulter, à propos de ces tableaux, « une documentation formidable ». Des photographies, que nous avons pu visionner, montrent bien l’artiste en train de peindre le tableau incriminé. M. Chariot affirme avoir acquis les œuvres « par le biais d’un intermédiaire », qui a travaillé près de vingt ans avec Bernard Rancillac, et les avait lui-même achetées à l’ancienne compagne du peintre.Il s’agit du marchand parisien Thierry Salvador, désormais installé à Bruxelles. « J’ai des vidéos qui montrent Bernard Rancillac en train de peindre ces toiles », dit-il. Nous avons pu en voir une. Elle montre les deux tableaux posés dans une pièce où, autour du peintre et de sa compagne d’alors, s’agite une ribambelle d’enfants. Les photos documentaires accréditant l’authenticité des tableaux auraient été prises par l’ancienne compagne de M. Rancillac. Le peintre, contacté par Le Monde, affirme qu’elle serait le véritable auteur des présumés faux. Selon Thierry Salvador, il s’agit du triste résultat d’une querelle conjugale, qui n’aurait jamais dû dépasser le cadre privé.Expérience peu banaleQuoi qu’il en soit, la démarche est surprenante : un artiste qui s’estime victime d’un faussaire peut en avertir la police, laquelle saisit l’œuvre litigieuse, qui est généralement détruite ensuite. Bernard Rancillac a préféré se faire justice lui-même. « Un acte un peu héroïque, commente le commissaire de l’exposition, Jean-Jacques Aillagon, romantique, une part de bravade. Je ne peux pas l’absoudre, mais ça me fait de la peine. » Pour sa part, Constantin Chariot juge le cas clinique : « Je ne l’ai pas trouvé dans son état normal, il me semblait atteint de sénilité. »Joint par téléphone à son atelier d’Arcueil, dans la région parisienne, où il est retourné après sa garde à vue, Bernard Rancillac, s’il semble secoué par l’expérience, peu banale pour un octogénaire, réplique apparemment très lucidement : « Il n’y a que moi qui peux savoir si c’est un faux ou pas. C’est ce que j’ai dit au directeur de la galerie qui m’a rétorqué que j’étais coutumier du fait [selon Thierry Salvador, l’artiste aurait contesté l’authenticité d’une trentaine de toiles de la même provenance, plaintes classées sans suite]. Bien sûr, je l’ai traité de tous les noms, il m’a demandé de sortir, et j’ai refusé. Il a appelé la police. Les agents m’ont prévenu : “Si vous résistez, on vous met les menottes.” J’ai eu droit aux photos judiciaires, de face et de profil, à la prise d’empreintes digitales, et à une fouille au corps. Quand je leur ai dit que j’avais l’impression de tourner un film, ils m’ont répondu qu’on n’était pas au cinéma, et que j’étais considéré comme un délinquant. »De fait, le parquet de Bruxelles disait mercredi ne pouvoir fournir plus de détails sur le dossier mais que le peintre risquait une mise en examen pour dégradation avérée d’une propriété d’autrui. Commentaire d’un policier lors de l’arrestation : « On n’est plus en mai 1968. » L’artiste a demandé à ses vieux compagnons de route de retirer leurs œuvres, en signe de solidarité. Il n’est pas certain qu’il soit entendu, vu le succès de la manifestation depuis son ouverture. L’exposition de La Patinoire royale est pourtant intitulée « La résistance des images ».Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteHarry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Eric Chevillard Alors attention, car la démonstration qui suit est une acrobatie périlleuse, merci de ne pas perturber ma concentration par des hourras intempestifs : la littérature s’écrit quelquefois au mépris de la littérature, non pas contre elle mais sans se soucier aucunement d’en être. Nous connaissons mieux celle qui, à l’inverse, étale son jeu avec ostentation, qui s’épuise dans les travaux de façade et n’a plus un sou d’invention pour meubler son petit intérieur minable et lézardé. Mais celle qui ne se propose rien, qui n’obéit à aucune injonction, sur quoi donc se fonderait sa valeur ? J’évoquais pourtant dans ce feuilleton, il y a quelques semaines, Le Cerveau à sornettes (Wombat), de Roger Price. Un autre humoriste américain, Jack Handey, signe aujour­d’hui un roman délirant, Mésaventures à Honolulu, qui va aussi loin sans le non-sens – or il faut n’avoir vraiment ni queue ni tête pour aller loin dans le non-sens – et atteint une forme de perfection dans l’absurde. C’est alors qu’il devient nécessaire.Car l’idiot, mieux que le bouffon, introduit le doute dans les têtes et le ver xylophage dans la charpente de nos constructions mentales les plus solides. Le non-sens, écrit en préface Thierry Beauchamp, allègre traducteur du livre, peut « servir à sidérer l’esprit, à le stupéfier et à le rendre perméable au sentiment de l’impermanence du monde ». Et il y a chez Jack Handey, nous dit-il encore, une « recherche du gag verbal pur [qui] s’apparente à une ascèse poétique ». L’intrigue relève du roman d’aventures, mais un western... Agnès Desarthe « Comment fait-on pour traduire un poème ? Le ­traduire sans le détruire ?– Comme on attrape un oiseau : en plein vol et sans arme.– En plein vol ?– Oui, en plein vol et à mains nues.– Faut-il de la force ?– Suffisamment pour ne pas le laisser échapper. Mais si on serre trop, son ­squelette fragile s’effrite dans la paume.– Et ensuite, que se passe-t-il ? Une fois qu’on l’a attrapé ?– Eh bien, il vole.– A l’intérieur de la main ?– Non, la main a disparu. Ce n’est plus le problème. Il vole comme il volait avant d’être saisi. »Ce dialogue naît dans mon esprit au moment où je lis les poèmes de Zbigniew Herbert (1924-1998), réunis sous le titre Etude de ­l’objet, dans l’édition bilingue que ­propose Le Bruit du temps.Face à un bon poète je suis ébahie et tranquille, comme face à une belle femme, sûre de mon fait. Parfois, la beauté a quelque chose d’objectif, elle s’adosse à l’évidence. Le piège des goûts, la ruse des couleurs n’opèrent pas. Et puisqu’on parle de femme, de beauté et de poésie, voici un fragment de La Joconde :« avec un sourire assidunoiraude muette et rebondie Comme faite de verre bombéSur fond de paysage en creux(…)ses yeux rêvent d’éternitémais dans son regard dorment des limaces »La précision du trait, l’angle adopté, l’humour sont dignes de la toile qui les a inspirés.Brigitte Gautier, qui écrit dans notre langue ce recueil paru en Pologne en 1961, prouve ce que Marina Tsvetaeva avançait en évoquant Pouchkine : « On dit Pouchkine intraduisible. Pourquoi ? Chaque poème est la traduction du spirituel en matériel, de sentiments et de pensées en paroles. Si on a pu le faire une fois en traduisant le monde intérieur en ­signes extérieurs (ce qui frise le miracle !) pourquoi ne pas pouvoir rendre (…) la parole par la parole ? »Confiance et limpidité, voilà ce que nous offre cette traduction miraculeusement réussie. On goûte sa perfection aussi sûrement qu’on connaît, dès les premiers vers, la valeur du poète. S’ajoute à cela le plaisir si particulier que procurent les éditions bilingues. J’aime, dans ces volumes polyphoniques, contempler les poèmes couchés côte à côte sur la page comme deux faux jumeaux, à la fois parfaitement semblables et impossibles à confondre, inséparables et autonomes. Je ne comprends pourtant pas le polonais, mais l’alphabet latin que nous partageons me permet d’identifier certains mots, de reconnaître les racines slaves, de m’étonner. Ce n’est pas une coquetterie de bibliophile.On peut se demander ce qui guide ce choix d’éditeur, de lecteur. Pourquoi ce bilinguisme exhibé ? Devrait-on généra­liser l’usage ? On imagine en souriant l’énormité de Guerre et Paix… On se dit que le poème, par sa brièveté, invite à cette pratique. Je crois plutôt que c’est à cause de la fascination qu’exerce l’objet poétique sur l’œil et sur l’oreille : un monde clos, régi par une règle implacable autant qu’insaisissable, et je pense aux trapézistes que le Monsieur Loyal annonce en clamant qu’ils s’élancent sans filet. Le danger ajoute au spectacle. La traduction bilingue c’est le grand frisson.Etude de l’objet (Studium przedmiotu), de Zbigniew Herbert, traduit du polonais par Brigitte Gautier, préface d’Eric Chevillard, édition bilingue, Le Bruit du temps, 160 p., 8 €.Agnès Desarthe Frédéric Potet C’est un épisode sanglant, et peu connu en Occident, de ­l’immédiat après-guerre en Asie. En 1948, un soulèvement populaire enflamme l’île de Jeju, située au sud de la péninsule coréenne. Attachée à un mode de gestion collective qui lui est propre, la population est vue par Séoul comme un foyer communiste qu’il est urgent d’affaiblir. Les forces du gouvernement mis en place par les Etats-Unis ont la gâchette facile  : la répression va entraîner la mort de plusieurs dizaines de personnes dans cette île de 300 000 habitants. En 2012, le cinéaste coréen O Muel a raconté la résistance d’un groupe de 120 villageois ayant préféré se cacher dans une grotte ­pendant deux mois plutôt que de s’exiler dans des zones contrôlées. ­Arrêtés, ils furent massacrés sans pitié. Primé au festival de Sundance en 2013, son film, Jiseul, est aujourd’hui adapté en bande dessinée par sa compatriote Keum Suk Gendry-Kim.C’est une réussite que la publication de ce récit en sous-sol qui ­décline le thème de la révolte paysanne à travers la symbolique de la pomme de terre (jiseul, dans le dialecte de Jeju). Gendry-Kim a opté pour un dessin faussement maladroit. Sa variété de lavis, taches et autres grattages fait pénétrer dans les entrailles d’une tragédie dont l’humanité sort littéralement vaincue. Frédéric PotetJiseul, de Keum Suk Gendry-Kim, traduit du coréen par Mélissa David, Sarbacane, 264 p., 24,95 €.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Elisabeth Roudinesco Averroès l’inquiétant, de Jean-Baptiste Brenet, Les Belles Lettres, 144 p., 19 €.Qu’y a-t-il de commun entre Thomas d’Aquin, Aristote, Sigmund Freud, E. T. A. Hoffmann et Averroès, alias Abu al-Walid Muhammad ibn Ahmad Ibn Rusd (1126-1198), philosophe arabo-andalou considéré comme le prototype du penseur rebelle, véritable incarnation, depuis des siècles, d’un combat des Lumières contre le ­fanatisme religieux, qu’il soit chrétien ou musulman ?Dans Averroès l’inquiétant, petit essai fort bien écrit et d’une parfaite érudition, Jean-Baptiste Brenet, historien de la philosophie arabe, répond en treize chapitres à cette question. Le nom d’Averroès, dit-il, est celui d’un scandale. Voilà en effet un exégète d’Aristote et du Coran qui soutient une thèse selon laquelle la pensée serait séparée des individus, au point d’être unique pour toute l’espèce humaine : « Ça pense en moi. » Selon Averroès, ce n’est donc pas l’homme qui pense mais la présence universelle d’une altérité en lui.Implantée dans tout l’Occident chrétien – du Moyen Age latin à la Renaissance –, la doctrine ­ d’Aver­roès devient donc une réalité familière... 30.06.2015 à 16h29 | Agathe Charnet A Lectoure (Gers), Nancy Hushion, présidente de l’association Arrêt sur images, a refusé de signer le document. Une simple feuille de papier, datée du 11 juin, sans en tête ni signature, remise par le maire. Cette « proposition de négociation d’un accord » lui imposait purement et simplement de renoncer à la gestion du Centre d’art et de photographie de la ville de Lectoure ainsi qu’à l’organisation de sa manifestation-phare, le festival L’Eté photographique. Deux institutions que l’association pilote depuis 25 ans.Conjointement financé par la DRAC, la région, le département et la ville à une hauteur de 276 000 euros par an, le centre d’art de Lectoure est un des acteurs principaux du rayonnement culturel in et hors les remparts moyenâgeux de la ville. Il organise l’été un festival de photographie reconnu, qui draine chaque année près de 4 000 spectateurs, soit l’équivalent de la population.Or la mairie voudrait maintenant transformer le centre d’art en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), réduisant les soixante-dix membres de l’association à des « amis du centre d’art » ayant la possibilité de siéger au conseil de direction « sans disposer de la majorité ». La suite d’un « bras de fer » qui, selon des membres de l’association, oppose depuis des mois Arrêt sur images à certains de ses partenaires publics. A un mois du lancement de L’Eté photographique (du 18 juillet au 23 août), l’association n’a d’ailleurs toujours pas de directeur. « On est épuisés, confie Nancy Hushion. Nous sommes pour la plupart bénévoles et même si nous sommes prêts à travailler dur, cette situation est très fatigante moralement ». L’administratrice du centre d’art a d’ailleurs remis sa démission, ne supportant pas « de rester dans l’incertitude ». Centre d’art cherche directeurTout a commencé en mars 2014, à la suite du départ à la retraite du fondateur, François Saint Pierre. La commissaire d’exposition Karine Vonna Zürcher est désignée pour prendre la suite. Mais rapidement, des tensions naissent entre les membres d’Arrêt sur images et la nouvelle gestionnaire – en octobre 2014, le conseil d’administration de l’association ne donne pas suite à sa période d’essai. Cette décision irrite la DRAC Midi-Pyrénées, dont la dotation financière annuelle représente 40 % du budget du centre d’art. Laurent Roturier, directeur de la DRAC, fait alors appel à un « accompagnateur » chargé d’épauler pour une période de six mois les cinq salariés et les bénévoles d’Arrêt sur images. Selon Nancy Hushion, celui-ci ne venait à Lectoure que « quelques jours par mois ». En mai 2015, une procédure d’alerte financière est lancée auprès du commissaire aux comptes. En cause, une mauvaise gestion de l’association – ce que réfute formellement son secrétaire, Frédéric Delpech : « C’est absolument faux. La DRAC elle-même reconnaît la bonne santé financière du centre. »Une reprise en main étatique ?« Le centre d’art est indispensable à Lectoure mais il doit être géré de manière non contestable », explique, de son côté, le maire de Lectoure, Gérard Duclos, élu socialiste depuis vingt-quatre ans, pour qui « la solution proposée est loin d’être un diktat ». Il souhaiterait voir muter le centre d’art en Epic ou en « vigie dotée d’une personnalité morale et d’une autonomie financière ».Un point de vue partagé par le directeur régional de la DRAC, Laurent Roturier : « Je m’interroge légitimement sur la capacité de l’association à porter un centre d’art », dit-il. Il souligne que le Centre d’art et de photographie de Lectoure, qui fait partie des six centres d’art implantés en Midi-Pyrénées, représente « un projet très important pour l’Etat », tout en éludant la question de la structure la mieux adaptée pour le gérer. Le « support juridique du centre est une autre question », concède-t-il. Le Gers, terre de festivals associatifsLe président du Conseil départemental du Gers, Philippe Martin (PS), conteste pourtant cette possible perte d’autonomie du centre d’art. « Dans le Gers, la culture est consubstantielle à la citoyenneté. L’éducation populaire fait partie de son ADN ». Et de citer Jazz in Marciac, Tempo Latino à Vic-Fezensac ou Ciné 32 à Auch, qui tous sont administrés par des associations loi 1901. « Les membres de l’association sont des passionnés de photographie, explique-t-il, ils n’ont peut-être pas toujours été au fait de la façon dont il faut se comporter avec des partenaires financiers. Mais je ne veux pas que les événements culturels soient pris en otage par les élus. Le département ne subventionne que les associations. »Afin de calmer la polémique, l’association a demandé la mise en place d’une médiation auprès de l’association française de développement des centres d’art (DCA) et de la Fédération des professionnels de l’art contemporain (Cipac). Erick Gudimard, président du réseau photographique Diagonal, réseau de production et de diffusion de photographie, apporte également son soutien à Lectoure : « Il y a des réformes à faire en terme de fonctionnement, et en 25 ans, c’est normal. Mais la finance et la trésorerie ont toujours été saines à Lectoure », souligne t-il. Un espoir pour les membres d’Arrêt sur images qui viennent d’apprendre le renouvellement du soutien financier de la DRAC jusqu’à la fin de l’année 2015, permettant ainsi le maintien du festival cet été et la levée de la procédure d’alerte financière. « Je sais que nous allons trouver une solution, veut croire Nancy Hushion, je reste positive ».Agathe CharnetJournaliste au Monde 30.06.2015 à 10h58 • Mis à jour le30.06.2015 à 11h16 | Christine Rousseau Après le milieu médical, puis politique, Shonda Rhimes décline son savoir-faire sur le terrain judiciaire (mardi 30 juin, sur M6, à 20 h 50). Omniprésente sur la chaîne américaine ABC, Shonda Rhimes est en passe de le devenir également sur les médias français. Après la diffusion, il y a peu, sur TF1, de « Grey’s Anatomy » et le lancement de la quatrième saison de « Scandal », sur Canal+ (tous les jeudis à 21 heures), voici qu’arrive, sur M6, « Murder », la nouvelle série de cette talentueuse auteure-productrice dont une des qualités – au-delà d’avoir su faire bouger les lignes en termes de représentation de la diversité à la télévision américaine – est son art consommé du recyclage. Ou, si l’on est moins sévère, de la déclinaison de recettes narratives à succès.Ainsi de « How to Get Away with Murder », qui regroupe tous les ingrédients d’une série estampillée Shonda Rhimes : une partition chorale dominée par un personnage phare gravitant dans un même lieu plus ou moins clos et marqueur d’une profession. Ici, un groupe d’étudiants de Philadelphie prêts à en découdre pour intégrer le cabinet de leur professeure de droit pénal, la redoutable et redoutée et non moins charismatique Annalise Keating (Viola Davis). L’épaulant dans les différentes affaires dont elle a la charge, ces derniers vont être pris dans une sombre affaire de meurtre qui touche le campus, comprend-on à coups de flash-back épileptiques.SurrégimeSi l’on avait pu se plaindre quelque peu du pilote de « Scandal », au rythme survitaminé et aux répliques à la mitraillette, que dire, alors, de celui de « Murder », qui part en surrégime. Ne laissant rien s’installer : ni les personnages dont on désespère de s’attacher lors des trois premiers épisodes qu’il nous a été de voir ; ni l’intrigue principale engloutie sous un déferlement de rebondissements, parfois peu crédibles.Au point qu’on en oublierait presque qu’il en existe une, lors du deuxième épisode, hormis les fameux flash-back redondants.Si l’héroïne principale bénéficie d’un peu plus d’égards de la part des scénaristes, ces derniers manquent pour le moins de finesse en révélant – un peu trop vite – ses blessures secrètes, faisant perdre en crédibilité le jeu de Viola Davis pourtant excellent.A l’instar de « Scandal », qui avait mis quelques épisodes à s’installer, gageons que « Murder » trouve sa vitesse de croisière pour s’éloigner des rives de la superficialité et de l’artifice, et faire enfin rimer efficacité et addiction.Murder, série créée par Peter Nowalk et produite par Shonda Rhimes. Avec Viola Davis, Alfred Enoch, Billy Brown (EU, 2014, 15 x 42 min). Mardi 30 juin sur M6 à 20 h 50.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Le temps d’une « colo », les jeunes se confient sur leurs préoccupations et leurs rêves (mardi 30 juin, sur France 2, à 23 h 30). En cette période de crise, à quoi rêvent les adolescents ? Quels regards portent-ils sur la société ? Ces questions ont été maintes fois posées dans de nombreux documentaires avec plus ou moins de bonheur, mais elles restent toujours d’actualité.Elles sont une nouvelle fois au cœur de cette série documentaire « 21 jours… » ; menée depuis quelque temps par la journaliste Alexandra Alévêque qui, après s’être infiltrée dans un couvent, au camping ou sur le tournage d’un film X, s’est fait, cette fois-ci, embaucher comme animatrice de colonie de vacances pour essayer de mieux comprendre ce que les ados avaient dans la tête.Candeur, confiance et espièglerieMi-animatrice, mi-journaliste, elle a accompagné deux groupes originaires de Marseille partis faire du surf à Anglet (Pyrénées-Atlantiques). Le premier était constitué d’élèves « méritants » entre 10 et 15 ans et le second de jeunes plus turbulents, issus des quartiers. Chaque groupe était encadré par de jeunes animateurs qui font ce métier par passion. Parmi eux, Chloé, 25 ans, avec qui la journaliste a partagé sa chambre, et qui anime des colos depuis qu’elle a 18 ans pour 250 euros par semaine. Et Quentin, 33 ans, directeur de la colo et professeur de sport dans un collège, qui l’a coachée pour lui apprendre son nouveau métier d’animatrice.Suivie en permanence par un cameraman et munie elle-même d’une petite caméra à qui elle se confie parfois, Alexandra Alévêque a vécu pendant vingt et un jours dans la peau d’une animatrice de colonie de vacances qui fait respecter les horaires et la discipline, organise les chambrées, prépare les veillées, participe aux animations, mange à la cantine et sert, si besoin, de confidente à ces jeunes garçons et filles.Eveil des sensEt ils sont nombreux à venir se confier à la journaliste qui est en totale empathie avec eux. Grande sœur et complice en raison de son statut de journaliste que les adolescents n’ignorent pas, Alexandra Alévêque réussit à leur faire dire beaucoup de choses. Amour, sexualité, politique, famille, école, religion, rêves, fringues : ils se lâchent tous avec candeur, confiance et parfois espièglerie.C’est l’éveil des sens qui reste le plus souvent (surtout chez les garçons) au centre de leurs préoccupations. Quel est le plus beau mec (ou la plus belle nana) de la colo ? Qui sort avec qui ? Comment se fringuer pour aller à la boum ? Ils parlent aussi de télé-réalité et de chansons. On reste surpris en entendant cette jeune fille de 10 ans confier à la journaliste qu’elle voudrait devenir chanteuse, mais n’ose pas le révéler à son entourage. Il faut dire que sa référence est Georges Brassens, alors que ses copines la bassinent à longueur de journée avec Rihanna et Maître Gims !« On est le futur »On sourit en voyant les airs éberlués des jeunes filles qui ne savent pas ce que sont les « cassettes VHS » dont parle Alexandra Alévêque. Et puis, d’une manière plus grave, on écoute avec attention lorsque certaines jeunes filles déplorent leur manque de liberté par rapport aux garçons. On s’amuse beaucoup avec Nassim, qui aime bien se mettre en avant, mais s’interroge sur sa double culture franco-algérienne.Les retours à la maison sont toujours déchirants après une semaine loin du carcan familial. Les pleurs se mélangent aux rires. Et lorsque la journaliste leur demande s’ils comprennent pourquoi elle s’intéresse à eux, ils répondent : « Parce qu’on est le futur ! » Rafraîchissant et revigorant !21 jours… d’Alexandra Alévêque et Richard Puech (Fr,, 2015, 60 min). Mardi 30 juin sur France 2 à 23 h 30Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Camille Bordenet Assises bien droites sur le bord de leurs chaises, mentons posés sur les violons et archers en suspens, Hana Halouane, Amel Akacha et Marie-Lisa Senani, 13 ans, ne lâchent pas des yeux leur chef d’orchestre. Dans le public, parents et grands-parents retiennent leur souffle, accrochés au signal de départ que donnera la baguette. Alors, les archers frôlent les cordes et les premières notes du Rondeau pour la gloire s’élèvent. Difficile d’imaginer que les 800 jeunes musiciens des orchestres Démos (acronyme pour Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale) qui font vibrer les murs flambants neufs de la Grande salle de la Philharmonie de Paris, ce samedi 27 juin, n’avaient jamais touché d’instrument il y a quelques années.Pas plus qu’ils n’avaient, pour la plupart, entendu parler d’Hector Berlioz, Camille Saint-Saëns ou Gustav Holst, ces grands maîtres du répertoire qu’ils interprètent ce soir au milieu de musiciens professionnels et d’élèves de conservatoire plus âgés. Les « gosses » de Démos ont de 7 à 14 ans. Ils viennent de Clichy-sous-Bois, la Courneuve (Seine-Saint-Denis), la Villeneuve (à Grenoble) ou Chevreux (à Soissons) – pour ne citer que quelques exemples –, des quartiers relevant de la « politique de la ville » ou des territoires ruraux éloignés ne disposant pas toujours des ressources économiques, sociales ou culturelles pour découvrir la musique classique. C’est à eux que le dispositif propose, depuis 2010, un apprentissage gratuit de la musique par la pratique orchestrale, sur plusieurs années.Ce projet de démocratisation culturelle à dimension nationale s’inspire d’initiatives similaires à travers le monde comme Gouri, au Brésil, ou El Sistema, au Venezuela, précurseur en la matière (créé en 1975, il concerne aujourd’hui quelque 250 000 enfants issus des barrios). D’abord expérimenté trois ans en Ile-de-France, le dispositif – coordonné à l’échelle nationale par la Cité de la musique (désormais appelée Philharmonie) et mis en œuvre en partenariat avec les collectivités territoriales – s’est élargi, au cours d’une seconde phase, à l’Isère et à l’Aisne.Grandir avec DémosHana, Amel et Marie-Lisa font aujourd’hui partie de l’orchestre dit « avancé », celui des plus anciens élèves. Les trois amies n’avaient que 8 ans quand elles se sont présentées au centre socio-culturel de leur quartier, Les Grésillons, à Asnières (Hauts-de-Seine), pour candidater à Démos. Leurs parents avaient entendu parler du projet dans le journal : « une opportunité unique ! », se souvient la maman d’Hana, les yeux brillants. Sa fille allait être la première de la famille, « depuis des générations », à faire de la musique. Et quel émerveillement quand Hana a découvert le violon qui allait lui être prêté durant tout son parcours !Pendant cinq ans, dans un groupe de quinze enfants et au sein de leur quartier, Hana, Amel et Marie-Lisa ont ainsi suivi quatre heures de cours collectif par semaine, hors temps scolaire, encadrées par deux musiciens professionnels et une « référente sociale ». Tous les groupes Démos – 56 en tout, formant huit orchestres – sont organisés de cette façon. Une pratique collective immédiateCe qui a plu aux jeunes filles, c’est la mise en situation immédiate, le fait de pouvoir goûter aux plus grandes pièces dès les premiers ateliers, « sans même savoir déchiffrer les notes ». Cette démarche est au cœur de Démos, explique Gilles Delebarre, responsable éducatif et pédagogique du projet à la Philharmonie de Paris :« On veut permettre aux enfants de s’approprier un patrimoine qui leur appartient, mais auquel ils n’auraient pas forcément eu accès et qui est encore souvent considéré comme l’apanage d’une élite »Un objectif rendu possible par une pédagogie innovante, centrée sur la pratique collective immédiate, à contre-courant du modèle de cours individuel qui prévaut encore dans de nombreux établissements spécialisés. « Se retrouver face à quinze gamins quand tu es habitué aux cours individuels peut être déstabilisant au début, mais c’est très enrichissant, se souvient Florent Renard-Payen, musicien-enseignant de Démos et professeur de violoncelle en conservatoire. Nous avons dû repenser nos méthodes, alterner les moments d’apprentissage technique de l’instrument et de solfège avec des séquences plus ludiques de chant, de percussions corporelles ou de sound-painting [langage de signes interdisciplinaire] ».Musiciens et travailleurs sociauxAutre clé de voûte du projet, inspirée du dispositif brésilien Gouri : le partage des compétences entre musiciens et travailleurs du champs social (éducateurs, assistantes sociales, animateurs socio-culturels…). Cette idée est née d’un constat, explique Gilles Delebarre :« Si les catégories de populations ayant accès à la musique sont restées quasiment les mêmes en quarante ans de politiques de démocratisation culturelle, c’est peut-être parce que ces dernières ont été portées seulement par les professionnels de la culture. Avec Démos, nous voulions associer le champ social pour espérer produire plus d’inclusion »Tandis que les musiciens se concentrent sur la pratique artistique, les travailleurs sociaux font le lien avec l’environnement des enfants, servent de relais dans les quartiers, auprès des familles, et veillent au respect des principes de citoyenneté : le comportement, le soin apporté aux instruments, l’assiduité.« Au fil des ans, on a vu les enfants s’épanouir, prendre de l’assurance, gagner en maturité. Ils se sont appropriés Démos », s’émerveille Debora Waldman, l’une des cinq chefs d’orchestre du projet. « Pour beaucoup, Démos a même eu un impact positif sur leurs difficultés scolaires ou sur leur attitude dans leur quartier. Ils ont gagné en concentration mais aussi en capacité d’attention aux autres », abonde Andrea Taurus, « référente-sociale ». L’orchestre comme apprentissage du vivre ensemble et des responsabilités. Un lieu où l’harmonie dépend de l’écoute qu’on a des autres. Mais surtout, un groupe dans lequel on a une place, auquel on se sent appartenir.Hana, Amel et Marie-Lisa n’ont pas vu les cinq ans passer. Elles ont pris plusieurs centimètres, leurs violons aussi, passés du demi à l’entier. « Le premier jour, on ne savait même pas tenir l’archer ; aujourd’hui, on joue Gustav Holst », plastronnent les adolescentes, qui assurent ne pas à avoir le moindre trac à l’idée de jouer devant plus de 2 000 personnes. Leurs mères, elles, ne peuvent pas en dire autant : pour accompagner leurs filles, elles ont accepté de monter sur scène et de chanter dans le chœur avec d’autres familles ; de quoi être impressionnées. Une passerelle vers les conservatoiresD’autant que l’émotion, ce soir, est forte : c’est le dernier concert Démos des trois filles. Mais pas leur dernière représentation ! Car celles qui n’aspirent désormais plus qu’à devenir « des professionnelles » franchiront, à la rentrée, la porte du conservatoire d’Asnières. Comme les jeunes filles, la moitié des enfants ayant participé au projet ont exprimé le souhait de poursuivre la musique dans une école ou un conservatoire − à l’issue de la première phase, 50 % des enfants ont effectivement continué. Une réussite dont se félicite Gilles Delebarre :« On s’attendait à 20 %, ça a été 50 %. Cela veut dire que 400 enfants qui ne se seraient a priori jamais dirigés vers un conservatoire vont passer le pas. Cela va créer des choses tout à fait nouvelles à l’intérieur des écoles »Mais l’envie de continuer ne suffira pas, à elle seule, à assurer l’inscription : « il n’est pas sûr que tous les parents pourront assumer les frais, quelquefois élevés », regrette Andrea Taurus. Travailleurs sociaux et acteurs de la culture travaillent donc de concert pour dégager des aides. Démos, de son côté, fait don de leur instrument aux enfants qui continuent. « S’il avait fallu acheter un violon en plus de l’inscription, ça n’aurait pas été possible pour nous », reconnait la mère d’Hana.Certains enfants ont lâché le wagon en cours de route, souvent dès la première année — le taux d’abandon se situe autour de 30 %. Dans leur groupe, Amel, Hana et Marie-Lisa en ont vu partir cinq. « Aller vers le conservatoire n’est pas le seul critère de réussite de Démos, souligne toutefois Gilles Delebarre. Le simple fait que les enfants aient participé à un projet de cette nature à un moment donné est déjà positif en terme de construction de la personnalité et d’intégration, et produira des effets à long-terme ».Un dispositif « arrivé d’en haut »Pour son troisième opus, qui démarrera en septembre, le dispositif espère accueillir progressivement jusqu’à 3 000 enfants et ambitionne de s’étendre à plusieurs autres régions. « Nous souhaitons que Démos soit identifié dans de nombreux territoires, pour insuffler une dynamique », explique Gilles Delebarre. Pour y parvenir, la coordination avec l’ensemble des acteurs culturels de terrain est essentielle. Or, du côté des établissements artistiques spécialisés, l’arrivée de Démos dans le paysage culturel local a été diversement accueillie.En Isère, par exemple, le démarrage n’a pas été facile : « Le dispositif nous est arrivé d’en haut, sans prévenir et sans concertation avec les professionnels de la culture locaux, qui plus est avec un budget qui dépasse de très loin ce qu’on a dans les écoles de musique [le budget annuel de Démos est de deux millions d’euros], déplore Georges Pin, directeur du conservatoire intercommunal d’Echirolles et de Pont de Claix et vice-président du Collectif des responsables d’établissements d’enseignement artistique de l’Isère (CREEAI). Quant à la pédagogie collective innovante mise en avant par Démos, beaucoup d’entre nous la pratiquons déjà depuis longtemps, mais nos initiatives locales sont moins visibles ».Après quelques mises au point, la plupart des acteurs culturels locaux ont toutefois pris le parti de faire une place au projet parisien, prêtant volontiers instruments et salles de répétition. « A l’arrivée, c’est un projet positif pour les enfants, c’est le plus important », assure Georges Pin, qui accueillera une vingtaine d’entre eux dans les murs de son école à la rentrée. De son côté, Gilles Delebarre regrette que Démos puisse être parfois vu comme « concurrent de l’enseignement spécialisé » alors que « le projet, au contraire, contribue à la même réflexion sur l’enseignement musical que celle qu’ont engagée les conservatoires. Le fait d’avoir un dispositif aussi visible ne peut que rejaillir de manière positive sur les établissements et mettre en lumière toutes les innovations en cours ».Dynamique territoriale, intégration sociale, éducation artistique, accès à la culture, pédagogie de l’enseignement musical : « les multiples enjeux qui traversent Démos doivent continuer à être questionnés », reconnaît Gilles Delebarre. Depuis son lancement, ce « laboratoire » unique en son genre n’a d’ailleurs cessé d’être évalué. Pour Hana, Amel et Marie-Lisa une chose est sûre : « cette expérience nous accompagnera toute notre vie ». Elles auraient souhaité que l’aventure se poursuive « indéfiniment », mais il faut savoir laisser la place à d’autres enfants.Démos, un projet soutenu par de nombreux partenairesLe projet Démos a été lancé en janvier 2010 sous la houlette du Conseil de la création artistique – une instance créée par Nicolas Sarkozy en 2009, pilotée par Marin Karmitz et dissoute deux ans plus tard. Sa première phase (janvier 2010-juin 2012), coordonnée par l’Association de prévention du site de la Villette (APSV), s’est adressée à 450 enfants en Ile-de-France. La seconde (septembre 2012-juin 2015), portée par la Cité de la musique, a concerné 800 enfants d’Ile-de-France, d’Isère et de l’Aisne.Le projet est financé à 45 % par l’Etat, 45 % par les collectivités territoriales (conseils généraux et villes) et 10 % par le mécénat. Il bénéficie ainsi du soutien du ministère de la culture, du ministère de la ville (ACSE), des caisses d’allocations familiales et des mécènes. Le projet, mené en partenariat avec l’Orchestre de Paris et l’Orchestre Symphonique Divertimento, est parrainé par Lilian Thuram et sa fondation « Education contre le racisme ».Camille BordenetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Rejeté une première fois au mois de novembre 2014 pour quelques voix d’écart, le projet de tour Triangle, a été finalement approuvé, mardi 30 juin, par le Conseil de Paris. Au total, 87 conseillers de Paris ont voté en faveur de ce projet d’édifice de 180 mètres de haut, qui doit être implanté au cœur du Parc des expositions de la porte de Versailles dans le 15e arrondissement, et seulement 74 contre.Le projet a finalement réussi à rallier à sa cause d’anciens opposants issus des rangs de la droite. Un revirement qui révèle l’imbroglio politique autour d’un dossier défendu bec et ongles par la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui s’est félicitée sur son compte Twitter de l’issue du vote.Fière et heureuse que Triangle puisse voir le jour à Paris. pic.twitter.com/BcjYV13BUk— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 30 Juin 2015La #TourTriangle est symbole fort de l'attractivité de #Paris et de la Métropole. pic.twitter.com/bDweaDTu40— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 30 Juin 2015Officiellement présentée le 28 septembre 2008, la tour Triangle, conçue par l’agence d’architecture suisse Herzog et de Meuron, est devenue le projet architectural phare de la mandature de l’élue socialiste. Financée et exploitée par la société immobilière Unibail-Rodamco, elle est issue d’un processus plus général portant sur l’évolution du paysage urbain parisien sur sa couronne, une sorte d’antichambre du Grand Paris. Anne Hidalgo a rappelé, toujours sur Twitter, que la Tour Triangle créera 5 000 emplois pendant son chantier et 5 000 autres une fois construite.Lire aussi :Le promoteur de la tour Triangle dit avoir « bon espoir »Longtemps favorable à la tour Triangle, la droite parisienne avait accepté bon an mal an de se ranger derrière l’UMP Nathalie Kosciusko-Morizet, opposante farouche au projet, qui en avait fait son principal cheval de campagne pour l’élection municipale de mars 2014. À l’issue de l’élection, le PS et ses alliés du PCF, favorables à l’édifice, ont perdu la majorité absolue au Conseil de Paris. Face à eux, un singulier attelage composé d’élus d’EELV, de l’UMP, de l’UDI, du Modem et du Parti de gauche, désormais majoritaire sur ce dossier.Réamégements consentisLors de la délibération de novembre 2014, Anne Hidalgo avait opté pour un vote à bulletin secret, espérant que puissent s’exprimer des sensibilités hors de toute consigne partisane. Le vote, finalement hostile au projet, ayant été entaché d’irrégularités, la maire de Paris avait introduit un recours auprès du tribunal administratif. Dans le même temps, Nathalie Kosciusko-Morizet contestait le mode de scrutin en déposant une question prioritaire de constitutionnalité qui sera finalement rejetée.La délibération du 30 juin portait sur une nouvelle mouture du projet. La tour Triangle a réduit sa surface de bureaux à 70 000 m2 et comprend notamment un hôtel 4 étoiles et un espace de coworking. Ces réaménagements consentis par Unibail-Rodamco ont facilité les revirements politiques.Dans une tribune, publiée le 24 juin sur le site Figaro Vox, sept élus UDI justifient leur prochain vote en raison des « opportunités qu’offrira cet édifice en matière de dynamisme économique ». Jérôme Dubus, conseiller de Paris Les Républicains [ex-UMP] du 17e arrondissement, enfonçait le clou, reconnaissant peu après dans le Journal du dimanche que « la tour Triangle est devenue le symbole de la future attractivité parisienne. »La droite, revenue à la « raison », ne devrait donc pas être trop affectée par ce vote favorable. A l’exception peut-être de Nathalie Kosciusko-Morizet dont l’obstination à s’opposer à un projet qui serait désormais plus consensuel risque de lui être longtemps reproché.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Le bassiste, compositeur et chanteur britannique Chris Squire, membre fondateur du groupe de rock progressif Yes, est mort dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 juin, à Phoenix (Arizona). Agé de 67 ans, il était traité pour une forme rare de leucémie, ce qu’il avait annoncé à la mi-mai. La nouvelle de la mort de Chris Squire a été confirmée sur le site officiel du groupe. Chris Squire est le deuxième des membres de la formation originelle de Yes à mourir, après le guitariste Peter Banks, en 2013.De nombreux musiciens, dont le claviériste Rick Wakeman, qui fit partie de Yes, en particulier dans les années 1970, et le guitariste Steve Hackett (Genesis) ont témoigné du talent de musicien de Chris Squire. Signe que sa réputation auprès des musiciens dépassait les genres, les bassistes Geezer Butler (Black Sabbath) et Flea (Red Hot Chili Peppers) ou le guitariste Tom Morello (Rage Against The Machine) ont aussi souligné les qualités de Chris Squire. Tous trois connus dans un domaine rock nettement plus direct, assez éloigné du rock progressif auquel le nom de Yes est attaché, avec ses emprunts à la musique classique, ses constructions sophistiquées, ses compositions en forme de suites, etc.Né à Londres, le 4 mars 1948, Chris Squire apprend la musique au sein d’un chœur qu’il rejoint vers l’âge de 6 ans. Il y perfectionnera sa pratique vocale et son intérêt pour les harmonies que l’on retrouvera dans une partie de la musique de Yes. Comme beaucoup, il découvre le rock et la pop lors de l’avènement des Beatles. Il dira plus tard avoir beaucoup écouté Paul McCartney, qui lui a donné envie de se mettre à la basse, mais aussi, comme beaucoup de Britanniques, la soul music de Tamla Motow. Ce que l’on retrouvera aussi dans son apport à Yes.Premier album de Yes en 1969Après avoir participé à plusieurs groupes vers 1966-1967, en plein essor du psychédélisme, il rejoint, début 1968, le guitariste Peter Banks puis le chanteur Jon Anderson. Les trois seront à l’origine de Yes. Pour compléter le groupe, le claviériste Tony Kaye, avec un sérieux bagage classique mais aussi la pratique du rock et le batteur Bill Bruford, qui vient plutôt du jazz, et rejoindra le King Crimson de Robert Fripp à l’été 1972. Le premier album du groupe, intitulé Yes, paraît en août 1969 sur le label Atlantic. Sans grand succès commercial, pas plus que le suivant Time and A Word (juillet 1970), avec sur certains thèmes une grande formation orchestrale.C’est avec le remplacement de Banks par le guitariste Steve Howe, qui apporte virtuosité et connaissance en matière de folk, de country et de jazz, que le groupe va connaître le vrai démarrage de sa carrière. D’abord avec The Yes Album (février 1971) puis Fragile (novembre 1971), dans lequel Rick Wakeman a remplacé Tony Kaye. Dans les deux cas, Squire co-signe des compositions qui vont devenir des classiques du groupe (dont la dernière tournée avec Squire remonte à l’automne 2014) : Yours Is No Disgrace, Starship Trooper, I’ve Seen All Good People, Perpetual Change, Heart of The Sunrise et le solo The Fish (Schindleria Praematurus), qui sera la base d’un des tours de force du bassiste lors des concerts.« I’ve Seen All Good People », par Yes, filmé au Rainbow Theatre, à Londres, les 15 et 16 décembre 1972, extrait du film « YesSongs », de Peter Neal, publié en DVD en 1997 :Du rock progressif à la popAvec ces deux albums puis la parution, en septembre 1972, de Close To The Edge, Yes est devenu l’un des groupes les plus célèbres de la scène du rock progressif. Les compositions, de plus en plus complexes, dans des durées qui s’allongent, sont jouées notes pour notes lors des concerts. Bruford en a assez et quitte le groupe après une tournée mondiale. Il est remplacé par Alan White, qui formera avec Squire la plus complice et stable des paires rythmiques du groupe. Le double album Tales From Topographic Oceans pousse au plus loin, en 1973, le recours aux longues compositions. Wakeman part à son tour (retour dans les années 1980, 1990 et 2000) et est remplacé par Patrick Moraz, qui enregistre Relayer, qui reste, avec des éléments de funk, une approche violente, le disque le plus intéressant et surprenant du groupe.Peu à peu, à partir de la fin des années 1970, Yes s’éloigne en partie de sa couleur prog-rock, pour aller vers une démarche plus pop (le tube Owner of A Lonely Heart, 1983). Mais c’est surtout avec ses classiques des années 1970 que le groupe continue de remplir les salles depuis une vingtaine d’années. Chris Squire, présent dans toutes les incarnations de Yes, avait publié, en novembre 1974, un ambitieux disque sous son nom, Fish Out of Water, somme des ses diverses approches musicales.« Hold Out Your Hand, You By My Side », de Chris Squire, extrait de l’album « Fish Out Of Water ». Film promotionnel avec Patrick Moraz (orgue, synthétiseurs), Jimmy Hastings (flûte), Bill Bruford (batterie) et une formation de cordes et de vents : Chris Squire en quelques dates4 mars 1948 Naissance à Londres.Début 1968 Fonde le groupe Yes avec Peter Banks, Jon Anderson, Tony Kaye et Bill Bruford.1972 Succès mondial de l’album « Close To the Edge » de Yes, tournée internationale.Novembre 1974 Album solo « Fish Out of Water ».27 juin Mort à Phoenix (Arizona), à l’âge de 67 ans.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi L’artiste danois prend possession des sous-sols du Palais de Tokyo à Paris avec l’installation « Servitudes », composée de neuf films autour des thèmes de la beauté et du handicap. Pourquoi avez-vous choisi de vous ancrer dans les sous-sols du Palais de Tokyo, un espace particulièrement compliqué ?J'ai choisi le sous-sol parce que c'est un défi. C'est un peu comme une grotte, avec des hauteurs de plafond différentes selon les endroits. J'ai commencé à me renseigner sur l'histoire du bâtiment, et j'ai découvert que, pendant la guerre, des biens spoliés aux juifs y avaient été entreposés. J'ai appris qu'il y avait eu une salle de cinéma, mal construite. J'aimais cette idée d'imperfection, d'un espace conçu avec difficulté.Vous avez choisi le One World Trade Center, l'un des gratte-ciel controversés construits sur les ruines des tours jumelles, pour servir de cadre à vos films. Pourquoi ?Ce One World Trade Center est comme une prothèse, qui a mis quatorze ans à voir le jour. Beaucoup de New-Yorkais n'ont pas encore voulu y aller. Pour moi, l'architecture est très importante, c'est ce qui relie les gens entre eux. C'est ce qui nous dit comment nous mouvoir et nous comporter. Je suis intéressé par les conventions qu'induisent les espaces. Vous voyez un certain type de lieu, et vous vous dites : « Voilà comment il faut s'y comporter. » De la même façon, vous voyez un certain type de personnage et vous avez une idée de ce qui va lui arriver. Tout semble confus au départ et tout se dénoue à la fin. Je joue avec ces codes en proposant autre chose de plus ambigu et ouvert. Vos deux personnages, une enfant handicapée et une belle jeune fille, sont-ils des stéréotypes ou des archétypes ?La jeune fille est un archétype, une projection du désir. Mais on ne peut pas dire non plus qu'il ne s'agisse que d'une projection, que ce n'est qu'une image.La question du handicap, vous l'aviez déjà évoquée dans This Nameless Spectacle (2011), présenté au MAC/VAL, à Vitry-sur-Seine...La question des minorités est toujours présentée au cinéma sous un angle négatif. Le regard est empreint de pitié. On ne le dit jamais, mais tout dans la société est bâti pour les valides, ce qui fait sentir aux gens handicapés que quelque chose cloche chez eux, qu'il y a une erreur. En construisant un parcours sous forme de rampe et en fermant les escaliers, vouliez-vous mettre les visiteurs dans une situation d'inconfort, presque de handicap ?C'est un peu ça. J'ai visité des grottes préhistoriques dans le Kentucky et j'ai été sidéré de voir que tout le parcours était bâti pour des personnes sans handicap. Pour les invalides, aller au Palais de Tokyo n'est jamais simple, bien qu'il y ait une porte spéciale et un ascenseur. J'ai voulu que, lorsqu'ils se rendent à l'exposition, les gens empruntent une rampe entourée d'échafaudages qui fait beaucoup de bruit quand on marche dessus. J'ai fait en sorte que les valides ne soient pas privilégiés. Tout le monde doit prendre le même chemin. Et il n'y a pas un seul banc pour s'asseoir.Depuis la Biennale de Venise de 2013, où vous représentiez le Danemark avec une suite de cinq vidéos, vos installations sont de plus en plus complexes. Souhaitez-vous rendre le visiteur encore plus concentré et actif ?Avant, mes films étaient comme des scènes tirées d'un plus long-métrage. On ne savait pas d'où sortaient les séquences, ni quelles étaient leur finalité. Ici, vous devez être un spectateur actif, marcher d'une vidéo à une autre avec ce sentiment étrange : plus on descend dans les sous-sols du Palais de Tokyo, plus les films montrent les étages supérieurs du One World Trade Center. Une institution d'art permet ce que le cinéma n'autorise pas : déambuler, s'arrêter, faire du bruit, avoir le vertige.Roxana AzimiJournaliste au Monde 29.06.2015 à 10h31 • Mis à jour le29.06.2015 à 12h17 | Martine Delahaye Vengeances personnelles, conflit israélo-palestinien et intrusion des services secrets sont entremêlés avec brio (lundi 29 juin sur Canal+ à 20 h 55) Nessa Stein, Anglo-Israélienne qui vit au Proche-Orient, se retrouve à la tête d’une fortune et de la fondation L’Epée d’Israël que créa son père, marchand d’armes britannique et sioniste. Or, avec son frère Ephra, Nessa entend réorienter vers la philanthropie les fonds reçus en héritage, et œuvrer à la recherche d’une réconciliation entre Israéliens et Palestiniens.C’est ainsi qu’au début de la série on la découvre attelée à l’immense projet de câbler toute la Cisjordanie en fibre optique. Avant qu’un homme d’affaires palestinien, avec lequel elle devait passer un accord pour une première étape de ce gros marché, soit retrouvé assassiné. Ce qui va amener les services secrets israéliens, aussi bien qu’américains et anglais, à entrer petit à petit dans la danse, sans que l’on comprenne pourquoi avant longtemps… Certains personnages de son proche entourage épaississant encore le trouble induit par ce thriller où chacun semble jouer un double jeu. Auquel s’ajoute le passé de cette région, qui pèse de tout son poids mort sur le présent.Un casting de premier planCe magnifique rôle de femme passant de l’innocence à la détermination de faire « le bien et le juste » est superbement interprété par Maggie Gyllenhaal. Mais est-elle, en tant que personnage principal, « la femme honorable » qui donne son titre à la série ? A chacun d’en décider, au terme des deux derniers et brillants épisodes. Car sur cette scène israélo-palestinienne, la série fait aussi la part belle à d’autres très beaux rôles féminins, dont celui de l’alter ego de Maggie Gyllenhaal qu’interprète Lubna Azabal. Remarquons, d’ailleurs, que, au contraire de ce qui se passe trop souvent en France, tout le casting, jusqu’aux rôles en apparence mineurs, a été confié à des acteurs de premier plan. Ce qui fait qu’on les retrouve avec autant de plaisir qu’eux en prennent à déguster leur thé.Si Hugo Blick, scénariste, réalisateur et producteur de cette très belle mini-série (coproduite avec la chaîne américaine Sundance), frappe fort, c’est que nombre de questions que se posent ses personnages valent aussi pour chacun d’entre nous, hors du contexte israélo-palestinien : face à un enjeu d’importance, n’est-il pas mieux d’accepter un peu de corruption pour arriver à ses fins, plutôt que d’opposer une rigueur morale qui s’apparente à un mur-frontière ? Jusqu’où la vengeance est-elle acceptable ou « honorable » lorsqu’elle permet d’éliminer quelqu’un de rédhibitoirement dangereux pour le plus grand nombre ? Quelle importance accorder à l’éducation d’un enfant quand la politique ou les intérêts supérieurs du pays vous requièrent à jet continu ?Echanger et comprendre avant toutSi la lenteur du début de « The Honourable Woman » vous déplaît, on ne peut que vous conseiller de la suivre au moins jusqu’à la fin de l’épisode 4, avant de décider de l’abandonner ou non. Sans attendre un point de vue engagé d’auteur sur le conflit israélo-palestinien : autant le scénario se révèle retors jusqu’au final, aussi bien concernant la trame des drames personnels que celle du jeu d’échecs mené par les services secrets américains, autant Hugo Blick, à l’image de son héroïne Nessa Stein, prône, ici, la détermination à « parler, échanger et se comprendre ».The Honourable Woman, mini-série de Hugo Blick. Avec Maggie Gyllenhaal, Lubna Azabal, Andrew Buchan, Stephen Rea, Eve Best (GB-EU, 2014, 9 × 52 min). Trois épisodes, puis deux par soirée. Lundi 29 juin sur Canal+ à 20 h 55.Martine DelahayeJournaliste au Monde Daniel Psenny Une enquête édifiante sur l’agriculture mondialisée (lundi 29 juin sur France 3 à 20 h 50). Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans le monde agroalimentaire ? C’est la question posée par les journalistes Linda Bendali et Sophie Le Gall qui, à travers leur enquête très fouillée et édifiante, montrent que, dans l’agriculture mondialisée, les nouveaux maîtres de la terre préfèrent la rentabilité financière à court terme à la pérennité du savoir-faire paysan. Au fil de séquences, tant en France qu’à l’étranger, paysans, sociologues, agronomes et économistes expliquent de manière limpide pourquoi et comment la grande industrie a manipulé à son profit les règles de la nature et détérioré la qualité des aliments comme le lait, la viande ou les légumes.De petites exploitations françaises jusqu’à la Bourse de Chicago, où se fixe le prix mondial du soja, en passant par les labos qui fabriquent des semences pour des cultures hors-sol, les deux journalistes nous entraînent dans un monde en totale mutation, dépressif, et, malheureusement, en voie de disparition. A l’exemple de la Bretagne où, après avoir profité pendant de très nombreuses années des subventions gouvernementales pour l’industrialisation de l’agriculture et la production intensive à destination d’un marché unique, les paysans bretons et toutes les filières qui les accompagnaient se retrouvent sans avenir. Un modèle productiviste à bout de souffle et sans défense face aux géants de l’industrie agroalimentaire qui dictent leurs lois, en matière de production et de prix. « Nous n’avons plus aucune perspective », s’indigne une des responsables des « bonnets rouges ».Solidarité territorialeEn trente ans, sous l’effet de la crise et des politiques contradictoires, un tiers des exploitations agricoles ont disparu en France. « Il se dessine, petit à petit, une agriculture sans agriculteurs », souligne la sociologue Dominique Jacques-Jouvenot. La filière du lait a été la plus touchée en raison des prix imposés par les industriels qui sont désormais en situation de monopole. Etonnamment, c’est celui qui achète qui fixe le prix et peut se permettre, comme le montre bien l’enquête, de pénaliser financièrement le paysan à sa guise sans avoir à se justifier. « Si on se révolte, ils nous disent qu’ils trouveront moins cher en Roumanie », dit un paysan au bord de la faillite.Pourtant, le choix de la qualité peut payer et même être rentable. C’est le cas en Franche-Comté où les paysans se sont organisés en coopératives et font de la résistance. Grâce à une solidarité territoriale qui leur permet d’échapper aux diktats financiers des industriels, leur lait est mieux payé. Les producteurs de Franche-Comté peuvent même se partager les bénéfices et maintenir l’emploi. « Nous n’avons pas d’actionnaires à rétribuer », plaisante un paysan, fier de la qualité de son fromage.Quand les traders font la loiMais, à l’autre bout de la planète, peu importe la qualité. Aux Etats-Unis, ce sont les traders qui font la loi. Les analystes financiers ont remplacé les paysans et étudient pour eux, en temps réel, les fluctuations du marché. Le moindre incident concernant la météo ou une grève dans les transports a une répercussion sur les prix des matières premières. « Spéculer est désormais la règle d’or. C’est le libéralisme, c’est ce qui mène le monde », dit un trader.Un autre monde alimentaire est-il alors possible ? Cela paraît compliqué. « Ce sont les agronomes de labo qui ont pris le pouvoir », dit Jean-Pierre Berlan, agronome et économiste. « Celui qui contrôle les semences contrôle toute la chaîne alimentaire et c’est pourquoi il est grand temps de se réconcilier avec la nature car c’est elle qui aura le dernier mot », dit-il.Que mangeons-nous vraiment ? De la terre à l’assiette, de Linda Bendali et Sophie Le Gall (France, 2015, 95 min). Lundi 29 juin sur France 3 à 20 h 50.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant La plus grande île italienne est menacée sur 90% de sa surface par les volcans tsunamis (lundi 29 juin, sur France 5, à 20 h 40).Les paysages paradisiaques de la plus grande île méditerranéenne ne doivent pas masquer une réalité plus sombre : la Sicile est sous la menace de ses célèbres volcans, Etna et Stromboli en tête. Cet épisode de la série « Sale temps pour la planète »analyse avec méticulosité et pédagogie les dangers de l’Etna, qui culmine à 3 300 mètres et dont la redoutable activité est permanente depuis deux mille sept cents ans.Les scientifiques, qui travaillent sur ses pentes cendreuses, surveillent la grande bouche fumante. Car l’énorme potentiel explosif de « Mamma Etna » a souvent fait des ravages, et l’on rappelle comment le village de Randazzo a été en partie détruit par les coulées de lave en 1981. Malgré les risques, les villages poussent au pied du volcan et environ un million d’habitants vivent dans des zones à risque, près de l’Etna. Le célèbre volcan est, certes, un danger avec ses retombées de lave, de cendres et de pierres volcaniques, mais c’est aussi une bénédiction car le sol volcanique est une terre riche en minéraux, idéale pour les vignes, les champs d’oliviers ou les citronniers.De fait, plus de 90 % du territoire sicilien se situe en zone dangereuse et cinq millions de personnes pourraient être touchées.Zone de stress tectoniqueCar, outre l’Etna, d’autres volcans, comme le Stromboli (924 mètres de hauteur), situé sur l’une des sept îles Eoliennes, font peser une menace très concrète, à savoir celle d’un tsunami. Non seulement sur la côte sicilienne, mais aussi sur celle de Calabre, située juste en face. En 2002, à la suite d’un réveil brutal du Stromboli, vingt milliards de mètres cubes ont été rejetés dans la mer, provoquant un tsunami. Le détroit qui sépare la Sicile de la Calabre est une zone de stress tectonique et le documentaire rappelle le drame survenu en 1908, avec un séisme de magnitude 7, des vagues de douze mètres et près de 80 000 victimes à Messine et en Calabre. En dépit de cela, un complexe pétrochimique couvrant 212 hectares est installé dans la baie de Milazzo, en pleine zone estampillée Seveso. Toutes proches de la mer, ces usines constituent un danger mortel en cas de nouveau tsunami.Sicile, de Charybde en Scylla, de Morad Aït-Habbouche (France, 2013, 50 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.06.2015 à 06h51 • Mis à jour le29.06.2015 à 08h02 | Marie-Aude Roux et Sylvain Siclier A écouter dans les jardins, à l’opéra ou en festival, découvrez la sélection musicale que vous a concoctée la Matinale.UNE TOURNÉE : les pianistes de jazz Herbie Hancock et Chick Corea, de Lyon à Lisbonne en passant par ParisL’un, Herbie Hancock, et l’autre Chick Corera, ont été des compagnons de musique de Miles Davis (1926-1991) mais aussi des stars du jazz-rock des années 1970 avec leurs groupes respectifs, The Headhunters pour Hancock et Return To Forever pour Corea. Leur amitié, et complicité musicale, a mené à une tournée en duo en 1978, puis à des retrouvailles sous cette forme le temps d’un concert événementiel. Cette fois c’est à nouveau une tournée que proposent les deux musiciens de jazz. Avec notamment une quinzaine de dates en Europe en juillet, dont trois en France. Et cela dès le 3 juillet au festival des Nuits de Fourvière, à Lyon, au Grand Théâtre du site archéologique (21 h 30, 49 euros). Puis à L’Olympia, à Paris, le 4 juillet (20 heures, restent des places de 100,50 euros à 177,50 euros). Après des étapes à Bruxelles, Londres, Rotterdam… ils seront sur la scène de la Pinède Gould de Juan-les-Pins, le 12 juillet (21 heures, de 18 euros à 85 euros), pour le festival Jazz à Juan. Fin du périple à Lisbonne, le 19 juillet.Toutes les dates de la tournée sur les sites Internet de Chick Corea et Herbie Hancock.Chick Corea et Herbie Hancock improvisent à partir de la composition « Liza (All the Clouds’ll Roll Away) » de George et Ira Gershwin, lors d’un concert en 1989 au Mount Fuji Jazz Festival au Japon.DEUX FESTIVALS PARISIENS : du rock psyché en salles et de la chanson dans les jardinsUn jeune festival parisien – c’est sa deuxième édition – entend faire le point sur la créativité et les différents états du rock psychédélique. Courant majeur du milieu des années 1960, le genre connaît depuis de réguliers retours, dont le plus récent au début des années 2010. Le Paris International Festival of Psychedelic Music, du 1er au 5 juillet, débutera par la projection à la Gaîté lyrique du film Feast of Friends, avec le groupe The Doors, puis consacrera une soirée aux groupes du label Born Bad Records, dont Dorian Pimpernel (La Maroquinerie, 2 juillet), et recevra parmi d’autres King Gizzard & The Lizard Wizard, Camera, Clinic ou The Horrors.Paris International Festival of Psychedelic Music, au Trianon, Machine du Moulin rouge, la Gaîté lyrique, La Maroquinerie, Le Point éphémère et le Huit. Du 1er au 5 juillet. De 6 euros à 33 euros selon les soirées.« Cellophane », par King Gizzard & The Lizard Wizard. Réalisé par Jason Galea. Léger effet 3D visible avec des lunettes ayant un verre bleu et un verre rouge.Plus âgé – il a été fondé en 2002 – le festival Rhizomes occupe durant trois week-ends consécutifs divers jardins, squares et espaces en plein air du 18e arrondissement parisien avec un programme consacré à la chanson, dans son acception la plus large. Après Dick Annegarn et Yom, il recevra par exemple Abou Diarra, joueur de n’goni (harpe guitare malienne), Djé Balèti pour un programme de chanson « afroccitane », le groupe Padam, une fanfare aux multiples influences musicales Fanfaraï, le quartette Global Gnawa… La plupart des concerts sont en accès libre, à l’exception des « croisières fluviales en musique » délocalisées au bassin de La Villette (samedi 4 juillet) et à la station fluviale de Bobigny (dimanche 12 juillet).Programme complet, horaires, lieux et tarifs sur le site Internet du festival Rhizomes. UN OPÉRA : « Adriana Lecouvreur », de Francesco Cilèa avec la soprano Angela Gheorghiu Comparer les mérites vocaux des deux femmes du ténor vedette Roberto Alagna, qui vient de triompher à l’Opéra Bastille dans Le Roi Arthus d’Ernest Chausson, a été le sport favori des lyricomanes en ce mois de juin à Paris. Sa nouvelle compagne, Aleksandra Kurzak, a dégainé la première dans le rôle-titre de Maria Stuarda, de Gaetano Donizetti, au Théâtre des Champs-Elysées. La jeune soprano polonaise incarnait avec dignité et sensibilité la reine d’Ecosse décapitée sur ordre de la terrible Reine Elisabeth. Quant à son ex, la soprano roumaine Angela Gheorghiu avec qui Alagna a été marié de 1996 à 2009, elle incarne à l’Opéra Bastille l’héroïne tragique du chef-d’œuvre de Francesco Cilèa, Adriana Lecouvreur, l’histoire d’une célèbre actrice de la Comédie française empoisonnée par sa rivale, la princesse de Bouillon. Deux rôles de femmes amoureuses d’un homme convoité par une autre, deux héroïnes ayant appartenu à l’Histoire, sacrifiées sur l’autel du destin.« Adriana Lecouvreur », de Francesco Cilèa, à l’Opéra Bastille, place de La Bastille, Paris 11e. Tél. : 08-92-89-90-90. Jusqu’au 7 juillet. De 5 euros à 168 euros.RÉSERVEZ VITE : le forfait 3 jours du Pitchfork Music Festival Paris Déclinaison parisienne du festival du magazine en ligne américain Pitchfork, le Pitchfork Music Festival Paris aura lieu du 29 au 31 octobre à la Grande Halle de La Villette. Avec en tête d’affiche de cette cinquième édition Björk et nombre de formations en vue sur le circuit indie-rock, dont Beach House, Run The Jewels, Deerhunter, Spiritualized, Unknown Mortal Orchestra, Rhye, Destroyer… Pas le temps de dire ouf et les forfaits 3 jours à tarif préférentiel sont déjà tous vendus. Il reste toutefois des forfaits 3 jours à prix normal à 120 euros mais la manifestation étant de plus en plus « tendance » au-delà des connaisseurs, dépêchez-vous.Pitchfork Music Festival Paris, Grande Halle de la Villette. Du 29 au 31 octobre 2015.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde La Matinale (avec AFP) Neil Young, loin d’être assagi à bientôt 70 ans, part en guerre contre Monsanto et les OGM. Dans un nouvel album, disponible lundi 29 juin, le rockeur canadien renoue avec ses éclats militants et les guitares électriques.« Quand ces graines germent, elles sont prêtes pour les pesticides/Et le Roundup vient et apporte la vague de poison de Monsanto », dénonce Neil Young dans la chanson qui porte le nom de l’album, The Monsanto Years. Ce disque se veut une attaque en règle contre le semencier américain, fabricant de cultures génétiquement modifiées et de l’herbicide Roundup.Au fil de neuf chansons, le chanteur canadien dénonce les pratiques du groupe de Saint-Louis (Missouri) pour imposer ses produits aux agriculteurs. Mais il cible aussi la grande distribution ou même l’industrie pétrolière en égrenant les marques comme Starbucks, Chevron, Walmart ou Safeway.« Je veux une tasse de café mais je ne veux pas d’OGM/J’aime démarrer ma journée sans aider Monsanto », chante-t-il sur un titre à la rythmique très rock visant Starbucks (« A Rock Star Bucks A Coffee Shop »).Neil Young avait appelé en novembre 2014 à boycotter la célèbre chaîne de café en raison de son implication supposée dans une procédure judiciaire collective lancée contre la labellisation des produits utilisant des OGM dans l’Etat du Vermont (nord-est).Des accusations qualifiées de « complètement fausses » par la chaîne. Starbucks, contacté vendredi 26 juin, renvoyait vers un communiqué affirmant que la société « n’est pas associée avec Monsanto pour bloquer la labellisation » dans cet Etat. Monsanto a également réagi aux attaques du Canadien : « Beaucoup d’entre nous, chez Monsanto, ont été et sont fans de Neil Young. Pour certains d’entre nous, malheureusement, son nouvel album ne reflète pas notre engagement fort au quotidien pour contribuer à une agriculture plus durable », a souligné une porte-parole dans un courriel.Regrettant de retrouver certains « mythes » dans les textes de Neil Young, le semencier se dit toutefois prêt à discuter avec lui « s’il est intéressé ».Le disque de Neil Young s’inscrit dans les critiques de longue date des ONG sur l’impact des pesticides sur l’environnement et la santé. En France, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal a décidé d’interdire dès le 1er janvier prochain la vente en libre service aux particuliers des herbicides contenant du glyphosate, dont le Roundup.À bientôt 70 ans (il les aura en novembre), Neil Young retrouve ses éclats électriques avec un nouveau groupe californien, Promise of the Real, composé notamment de Lukas et Micah Nelson, deux fils du chanteur de country américain Willie Nelson.Ce qui n’empêche pas le créateur de Harvest de se laisser aller à des textes plus contemplatifs comme « A New Day For Love » (« C’est un mauvais jour pour ne rien faire/Avec tant de gens qui ont besoin d’aide ») ou la ballade « Wolf Moon » et son harmonica en intro.Neil Young a toujours affiché ses convictions écologiques et politiques de gauche dans ses chansons, comme dans son célèbre titre « Ohio » (1970) où il fustigeait le président Nixon après la mort d’étudiants tués pendant une manifestation pacifique contre la guerre du Vietnam.Il y a une dizaine de jours, il est monté au créneau pour accuser le milliardaire conservateur américain et candidat à la présidence Donald Trump d’avoir utilisé sans permission l’une ses chansons lors d’un meeting. L’occasion pour Neil Young de rappeler qu’il soutient le démocrate Bernie Sanders dans la course à la présidence.La Matinale (avec AFP)Journaliste au Monde Renaud Machart Le comédien britannique Patrick Macnee, qui vient de mourir à l’âge de 93 ans à Rancho Mirage (Californie), aux Etas-Unis, où il résidait, restera comme l’image parfaite du gentleman British : le melon posé selon le bon angle sur le crâne, la cravate au nœud parfait, le costume de coupe impeccable des meilleurs faiseurs de Savile Row. Et un parapluie à la main.C’est ainsi qu’à l’écran Macnee se présentait dans la série télévisée « The Avengers » (« Chapeau melon et bottes de cuir » en v. f.), qui fit sa gloire mondiale et, grâce aux multiples rediffusions de ses épisodes, fait toujours de lui l’un des visages familiers des téléspectateurs. Tel James Bond (dont il est la version collet monté), John Steed tombait les filles, mais avec une ironique distance, une sorte de noble dédain qui rendait son charme un rien banal d’autant plus irrésistible.Il était d’ailleurs fidèlement entouré d’une partenaire aussi sexy que bagarreuse, à qui il laissait le plus souvent l’initiative de répondre la première aux hostilités dans les multiples combats qui les opposaient aux méchants dont le chemin croisait celui de leurs aventures. John Steed n’était pas armé : trop vulgaire (il consentira à une canne-épée mais préférait le combat à mains nues). Macnee dira d’ailleurs à propos de son personnage fétiche, un soir, sur le plateau du talk-show de Conan O’Brien, aux Etats-Unis : « Ne porter comme arme qu’un parapluie exige un cerveau supérieur. » Une certaine excentricitéAlourdi par quelques kilos et soutenu par une canne dans ses dernières apparitions publiques, Patrick Macnee semblait pourtant toujours ressembler, par son flegme excentrique et son insolence un peu leste, à John Steed. Evoquant les tenues de cuir de Cathy Gale, la première de ses partenaires dans « Chapeau melon et bottes de cuir », il disait : « Ce qu’il y a de bien avec les tenues de cuir, c’est que cela colle au corps comme une seconde peau. Cela va très bien aux femmes et cela évite de devoir les déshabiller. » Conan O’Brien lui rétorque : « Je vois que vous et moi partageons la même déviance… » Macnee : « Il est toujours bon de partager une déviance solitaire avec quelqu’un. »Patrick Macnee devait ses excellentes manières à sa naissance, à Londres, le 6 février 1922, dans une famille aristocratique anglaise mais dominée par une certaine excentricité. Le jeune homme fait des études dans l’établissement huppé d’Eton College où, selon les lignes biographiques publiées sur son propre site Internet, www.patrickmacnee.com, il se distingue comme « le plus grand dévoreur de livres et pornographe du campus ». Ce qui conduit à son renvoi. Après ses premières expériences théâtrales à Eton, Macnee poursuit son apprentissage à la Webber Douglas Academy of Dramatic Art et, en 1941, débute en incarnant un petit rôle dans une adaptation théâtrale des Quatre filles du docteur March, de Louisa May Alcott.D’intrépides et séduisantes partenairesSa jeune carrière est interrompue par la guerre, pendant laquelle il sert dans la marine britannique. Il la reprend en se produisant sur les planches en Angleterre, au Canada et aux Etats-unis. Macnee joue beaucoup au théâtre, tourne quelques films pour Hollywood, participe à de nombreuses dramatiques télévisuelles, dont la fameuse émission « Alfred Hitchcock Presents ». Mais ce n’est qu’en 1960 que la série « Chapeau melon et bottes de cuir » le rend célèbre (à partir de la deuxième saison, où John Steed devient le personnage principal), et ce au cours de quelque 150 épisodes qui l’associent à diverses intrépides et séduisantes partenaires (Cathy Gale, Emma Peel et Tara King).En 1976, la série, interrompue en 1969 en raison de problèmes de financement, reprend sous le titre « The New Avengers ». Cette fois, John Steed est flanqué de Purdey, incarnée par Joanna Lumley, qui fera un comeback étonnant dans le rôle de foldingue au gosier pentu d’« Absolutely Fabulous », 1992-2003). Steed reste Steed, mais la bizarrerie lunaire de la série originale manque un peu à cette suite.Patrick Macnee continuera jusqu’en 2001 sa carrière au petit écran. Il aurait sûrement adoré ce petit éloge funèbre publié par Gilles Jacob sur son compte Twitter : « Patrick Macnee est mort. Il avait le chapeau mais pas le melon. La star des   « Avengers »  ne proposera plus la botte à Diana Rigg, alias Emma Peel. »Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 11h06 • Mis à jour le26.06.2015 à 18h19 | Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Nice veut décrocher pour sa Promenade des Anglais le label « Patrimoine de l’humanité », décerné par l’Unesco aux sites d’une valeur universelle. Et elle s’en donne les moyens. Durant tout l’été, quatorze expositions soutiennent la candidature municipale. La Promenade, épousant sur six kilomètres la baie à partir de laquelle la cité a grandi, y est mise en scène avec les figures phares qui ont fait son succès. Trois musées exposent, chacun, cette « baie des Anges » vue par Chagall, Dufy, ou Matisse, lequel avoue : « Ce qui m’a fixé, ce sont les grands reflets colorés de janvier, la luminosité du jour. » Si « l’invention » de Nice, station balnéaire, capitale d’hiver, revient aux Anglais qui, les premiers, vers 1750, se sont entichés de la fameuse baie, c’est le dynamisme artistique de la ville et son goût du spectacle qui fidélisent les adeptes des villégiatures d’hiver, puis séduisent et retiennent, dans les années 1920, les premiers inconditionnels du soleil d’été.En 1763, les Lettres de Nice du médecin écossais Tobias Smollet, dont l’écho est considérable auprès de l’aristocratie britannique, sonnent le coup d’envoi de la fortune de Nice. Un siècle plus tard, l’Europe suit ; la Russie en tête, après la venue, en 1857, de l’impératrice Alexandra Feodorova.Grand manitou de l’opération, le commissaire général Jean-Jacques Aillagon est à son affaire. L’ancien ministre de la culture a conçu le « poisson-pilote » de l’événement, l’exposition « Promenade(s) des Anglais », au Musée Masséna, qui conte par le menu toute l’histoire. A la veille de l’inauguration, l’œil au moindre détail, l’ancien ministre de la culture avoue que cette aventure le ramène à son « premier métier, l’histoire et la géographie ».Un relevé panoramique« C’est la première fois qu’on fait un bilan complet patrimonial, architectural de la Promenade des Anglais, un état des lieux et sa transformation dans le temps », précise Jean-Jacques Aillagon. Sept cents documents – plans urbains, aquarelles, gravures, peintures, lettres, photos, cartes postales, romans, guides… – animent le parcours muséographique, enrichi par les témoignages des écrivains, musiciens, cinéastes, politiques, artistes… qui ont construit la notoriété de la cité des Anges.Un relevé panoramique, qui court le long des murs du Musée Masséna, sert de fil conducteur aux photos, écrits, peintures, gravures, films… qui accompagnent le récit. Les travellings et plans fixes des frères Lumière montrant la sortie en barques de silhouettes chapeautées sont un grand moment. Comme les photos de Charles Nègre, tirages argentiques sur papier albuminé qui font le point des constructions : l’Hôtel des Anglais, livré en 1862, compte Louis II de Bavière parmi ses premiers clients. En 1883, le casino de la Jetée-Promenade, réplique très kitsch d’une mosquée, part une première fois en fumée.En 1887, Nietzsche est à Nice. La même année, la police prévient, par une affiche, qu’il est « interdit aux baigneurs de s’avancer sur la plage en état de nudité ». En 1899, comme en témoigne la photo de Jean Gilletta, la reine Victoria assiste en calèche à une revue sur la promenade. Les années filent dans le succès. Le modeste « Camin dei Angles », agrandi une première fois en 1844, est devenu la spacieuse Promenade des Anglais à partir de laquelle la ville nouvelle s’épanouit. Le « New Borough » de Nice se réinvente à chaque époque sans faire table rase du passé. La cohabitation des folies néoclassiques et Art déco témoigne.La fête bat son pleinSur les pas de lady Penelope Rivers, marraine de la communauté anglaise – dont la villa date de 1787 –, les lords investissent les vergers prolongeant la baie pour bâtir à leur tour de somptueux hôtels particuliers au milieu des orangers. En 1902, 180 hôtels et 28 palaces sont ouverts. Les plus luxueux, comme le Negresco, occupent le devant de la scène face au rivage. La façade du Palais de la Méditerranée, pur Art déco, où descend Matisse avant de s’installer place Charles-Félix, sera sauvée de justesse, en 1989, par Jack Lang, alors ministre de la culture, qui l’a fait classer.Durant les années 1920-1930, la fête bat son plein. Dans une venelle du vieux Nice, au palais Lascaris – charmant hôtel particulier à l’italienne, où sont exposés de très rares instruments de musique –, sont reconstitués les décors des Fêtes d’art, soirées mondaines costumées, imaginées par Gisèle et Paul Tissier à l’Hôtel Ruhl.C’est au photographe britannique Martin Parr qu’il revient de livrer sa vision acérée de la fortune contemporaine de Nice, qui compte 75 % d’étrangers parmi ses visiteurs, les Anglais toujours en tête. Du 8 au 12 juillet, le fin limier des portraits de société installera son studio éphémère au Théâtre de la photographie et de l’image. La saga de la cité balnéaire inventée par ses touristes sera écrite. Et la première étape de la course au label onusien, lancée au moment où la ville de Cannes elle-même a porté sa candidature pour la Croisette et ses îles de Lérins.« Nice 2015, Promenades(s) des Anglais », 14 expositions, jusqu’au 4 octobre. 10 € ou 20 € pour 7 jours avec accès à tous les musées. nice.fr/culture.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 06h38 • Mis à jour le26.06.2015 à 15h24 | Sylvain Siclier Quelle qu’en soit la qualité artistique, toute alliance des musiques dites populaires à une initiative à but humanitaire ou caritatif se doit d’obéir à un principe constant : à grande cause nécessitant grand retentissement, grande affiche. Yael Naïm, Izia, The Dø, IAM, Zebda, Asaf Avidan, Die Antwoord, Moriarty… Voici quelques-unes des vedettes qui participeront du vendredi 26 au dimanche 28 juin à l’Hippodrome de Longchamp à Solidays, important festival et l’un des événements les plus connus de l’association Solidarité sida, fondée en 1992 par Luc Barruet et Eric Elzière pour sensibiliser le public au sida et récolter des fonds pour la lutte contre la maladie. Sur place, entre deux concerts, des dizaines de stands d’associations sont visités par les festivaliers. Le sentiment que le prix du billet d’entrée servira à quelque chose domine.Le 1er août 1971, le guitariste et chanteur George Harrison avait été à l’origine de ce qui est généralement considéré comme la première manifestation pop-rock humanitaire. Régulièrement, plus tard, il rappellera que c’est bien parce qu’auprès de lui et Ravi Shankar se trouvaient ses amis Eric Clapton, Bob Dylan ou Ringo Starr lors des deux concerts au Madison Square Garden que l’impact sur la campagne de dons et le relais par la presse qui suivirent avaient été notables. Mêmes effets avec USA For Africa (la chanson We Are The World) et le défilé de stars lors des concerts Live Aid en 1985 pour collecter des fonds pour lutter contre la famine en Afrique, et en particulier en Ethiopie. Un message simple : donner de l’argent pour venir en aide. Et un résultat chiffrable, plus de 10 millions de dollars quatre mois après la mise en vente du disque de USA For Africa et près de 50 millions de livres sterling de dons à l’issue des concerts de Live Aid.Les limites des concerts gratuitsEn revanche, en juillet 2005, les concerts gratuits du Live 8, avec des dizaines de vedettes (Elton John, Madonna, le produit d’appel Pink Floyd reformé pour cinq chansons, Sting, Placebo, Stevie Wonder, Björk…) ont montré certaines limites. Si leur but était louable –exiger des dirigeants des pays les plus riches de la planète (le G8) qu’ils effacent la dette publique des pays les plus pauvres –, ils auront laissé une impression de flou, faute pour le public de mettre du concret sur sa participation. Tout comme lors du premier Live Earth, en 2007, initiative de l’ancien vice-président (1993-2001) américain Al Gore, sur le même modèle des concerts simultanés dans plusieurs pays, pour sensibiliser la population sur le réchauffement climatique.Dernier en date des rendez-vous citoyens, un Live Earth 2015. Annoncé en janvier pour le mois de juin, avec pour directeur musical le chanteur Pharrell Williams, (auteur du tube Happy) mais pas d’autres noms de vedettes de la musique, il a été repoussé depuis, selon un communiqué en mai, à une date « indéfinie à l’automne à la Tour Eiffel ». Et, pour l’heure, toujours le seul Pharrell Williams. Avec un objectif, faire pression auprès des participants à la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 30 novembre au 11 décembre à Paris, pour qu’ils parviennent à un accord ambitieux. D’ici là, les dons à Solidarité sida sont quand même plus efficaces.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 02h18 • Mis à jour le26.06.2015 à 09h12 Le Blue Note, l’un des clubs de jazz les plus célèbres au monde, a annoncé jeudi 25 juin qu’il allait s’installer en Chine, où il compte sur l’appétence des consommateurs aisés pour les concerts.Le club américain ouvrira une salle à Pékin en mars 2016, dans un bâtiment qui a abrité la première ambassade américaine en 1903, près de la place Tiananmen. Au cours des trois années suivantes, des établissements devraient également ouvrir à Shanghaï et dans l’autre république de Chine – Taïwan – à Taipei. Une implantation est par ailleurs prévue l’an prochain sur la plage Waikiki à Honolulu, dans l’Etat américain d’Hawaï, particulièrement apprécié par les touristes asiatiques.Déjà présent au Japon« Est-ce que je pense qu’il y a une forte demande pour le jazz en ce moment en Chine ? Non, pas nécessairement. Mais je pense que nous pouvons participer au développement de la musique et du marché », a déclaré Steven Bensusan, président du groupe Blue Note Entertainment, qui n’écarte pas une exportation vers la Corée du Sud ensuite.Le groupe avait déjà posé un pied en Asie en ouvrant un club à Tokyo en 1988, puis à Nagoya un peu plus tard. Le Japon disposait déjà d’une scène destinée au jazz avant que le Blue Note n’arrive, et les touristes japonais constituent une part significative du public du club historique à New York.Le jazz a été présent dans des clubs en Chine dans les années 1920 et 1930, où le trompettiste légendaire Buck Clayton a lancé sa carrière avant de revenir aux Etats-Unis. Le premier club Blue Note en Europe a ouvert à Milan en 2003. Paris et Londres sont désormais envisagés. Alexis Delcambre L’Etat va mettre la main à la poche pour aider Radio France à sortir de l’ornière. Selon nos informations, l’entreprise publique va recevoir 80 millions d’euros de financement exceptionnel, afin de faire face aux besoins de trésorerie engendrés par l’interminable chantier de réhabilitation de la Maison de la radio.Lire aussi :L’interminable chantier de la Maison de la radioCette somme, dont le montant a été annoncé, mardi 23 juin, en conseil d’administration, sera versée sous deux formes différentes. Cinquante-cinq millions d’euros seront apportés aux fonds propres de l’entreprise sous forme d’une dotation en capital, sous l’égide de l’Agence des participations de l’Etat (APE). Répartis sur trois exercices budgétaires (de 2016 à 2018), 25 autres millions d’euros seront issus de la contribution à l’audiovisuel public (la « redevance »), au titre de l’investissement.Un geste de l’Etat était attendu et avait été promis par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, lors de la longue grève qui a paralysé Radio France, en avril. « J’ai proposé une intervention au capital de l’entreprise, pour l’accompagner dans cette période difficile », avait-elle déclaré dans un entretien au Monde. Son montant et ses modalités restaient à définir, dans un contexte où chaque euro d’argent public compte et où il est par ailleurs demandé à l’entreprise de se réformer.Lire aussi :Fleur Pellerin : « Il faut renouer les fils du dialogue » à Radio FranceUn chantier à plus de 100 millions d’eurosAu ministère, on explique que les formes d’intervention retenues – une dotation en capital et un budget d’investissement – permettent de bien distinguer cet apport exceptionnel de ce qui relève du fonctionnement courant de l’entreprise. Cet apport ne sera par ailleurs pas le seul : Radio France a soumis une demande de prêt à trois banques et recherche 90 millions d’euros pour subvenir à ses besoins de trésorerie. Mais pour obtenir l’accord des banques, elle doit d’abord finaliser son contrat d’objectif et de moyens (COM), dont la conclusion n’est pas attendue avant septembre.L’apport de l’Etat, ainsi que cet emprunt, sont censés permettre à l’entreprise de répondre aux besoins de financement supplémentaires liés au chantier, évalués à ce stade entre 100 et 110 millions d’euros. Mais cette estimation laisse un angle mort : le sort d’une partie des studios, dits « studios moyens ». Des études doivent être menées pour déterminer comment mener leur réhabilitation.L’aide apportée par l’Etat lève une partie des incertitudes financières pesant sur Radio France. Mais elle ne résout pas la « question stratégique » qui doit être au cœur du COM, pointe-t-on au ministère. Ni la question des 44 millions d’euros d’économies, dont 24 sur la masse salariale, que l’entreprise doit dégager dans le cadre du COM.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.06.2015 à 06h51 • Mis à jour le25.06.2015 à 11h40 | Philippe Dagen Mona Hatoum se méfie des simplifications et des discours tout prêts. Elle s’en méfie d’autant plus qu’elle en a souvent subi la brutalité. Parce qu’elle est née à Beyrouth, en 1952, de parents d’origine palestinienne, l’artiste britannique a trop souvent vu ses travaux – en fait une partie de son œuvre, toujours la même – interprétés immédiatement d’après sa naissance. Non qu’elle nie que son œuvre soit souvent politique. Mais elle est loin de l’être systématiquement et, quand elle l’est, ce n’est pas seulement et exclusivement à la situation au Proche-Orient qu’elle fait référence. Elle prévient d’entrée : « Chacun est libre de comprendre ce que je fais en fonction de ce qu’il est, du lieu où il se trouve. Je peux raconter la genèse de mes œuvres, mais pas plus. Je ne veux pas assigner à chacune un sens et un seul. » L’enfermer dans un ton unique, qui serait celui du tragique de l’exil et des guerres, ce serait même manquer ce qui rend son œuvre remarquable : la tension qu’elle crée entre des polarités opposées, le banal et l’onirique, l’inquiétude et la légèreté, la gravité et le jeu.Ainsi s’explique-t-elle parmi les œuvres qu’elle a disposées pour la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou. Sur un écran passe la vidéo de l’une de ses premières performances, qui est aussi l’une des plus souvent montrées, Roadworks (1985). On l’y voit, vêtue de noir, dans un marché et sur des trottoirs de Brixton, quartier de Londres où avaient eu lieu les années précédentes des émeutes raciales, entre population noire et police blanche. Elle est pieds... 24.06.2015 à 18h09 • Mis à jour le25.06.2015 à 12h50 | Emmanuelle Jardonnet Mercredi 24 juin dans la soirée, Sotheby’s mettait en vente à Londres une première œuvre issue de la « collection » Gurlitt, du nom de Cornelius Gurlitt, l’octogénaire allemand qui avait caché jusqu’en 2012 plus de 1 600 œuvres amassées par son père sous le IIIe Reich.Ce tableau, Deux cavaliers à la plage, peint en 1901 par l’Allemand Max Liebermann, qui était inclus dans une vente d’une cinquantaine d’œuvres impressionnistes et d’art moderne, a été adjugé 1,865 million de livres (2,61 millions d’euros), soit bien au-delà de l’estimation faite par la maison d’enchères, qui avançait une fourchette de 350 000 à 550 000 livres (entre 493 000 et 775 000 euros).La « collection » Gurlitt, des centaines d’œuvres saisies par les nazisLe tableau est l’une des quelque 1 406 œuvres d’art (peintures, dessins et gravures) découvertes à Munich dans l’appartement de Cornelius Gurlitt en 2012 à l’occasion d’une simple enquête pour fraude fiscale. Parmi celles-ci, des Picasso, Matisse, Renoir, Delacroix, Chagall, Otto Dix, Chagall, Klee, Kokoschka, Beckmann, Canaletto, Courbet, Pissarro ou Toulouse-Lautrec.Une nouvelle perquisition dans une maison lui appartenant à Salzbourg (Autriche) avait conduit à la découverte de 238 œuvres supplémentaires, dont 39 toiles. Parmi les signataires, là encore, Renoir, Picasso ou Chagall.Cornelius Gurlitt tenait ce trésor de son père, le marchand d’art Hildebrand Gurlitt (1895-1956), qui fut l’un des galeristes chargés par Goebbels de vendre les œuvres d’art dit « dégénéré » saisies par les nazis dans les collections des musées allemands et dans les collections privées de familles juives.Un accord sur 590 œuvresEn avril 2014, Cornelius Gurlitt avait accepté de coopérer avec les autorités allemandes pour déterminer si une partie des tableaux qu’il possédait provenait de vols et de pillages commis par les nazis, afin que ces œuvres soient rendues aux ayants droit des propriétaires spoliés.L’accord, qui ne concernait que les pièces saisies en Allemagne, pas celles retrouvées en Autriche, portait sur quelque 590 œuvres, pour lesquelles les descendants des anciens propriétaires spoliés avaient un an pour se faire connaître et valoir leurs droits. La Femme assise de Matisse avait ainsi été restituée en mai 2014 aux héritiers du collectionneur d’art juif français Paul Rosenberg.Cornelius Gurlitt est mort en mai à l’âge de 81 ans, désignant pour le reste des œuvres le Musée des beaux-arts de Berne, en Suisse, comme son légataire universel.La trajectoire de « Deux cavaliers à la plage »On sait que ce tableau de Max Liebermann fut cédé en 1942 par les autorités nazies à Hildebrand Gurlitt. En mars, il avait fait l’objet d’une querelle juridique, lorsqu’un des héritiers légitimes, l’Américain David Toren, âgé de 90 ans aujourd’hui, avait porté plainte à Washington contre l’Allemagne et la Bavière pour demander la restitution immédiate du tableau ayant appartenu à son grand-oncle, David Friedmann, jusqu’à ce que ce dernier doive renoncer à ses biens en faveur des nazis.David Toren avait 13 ans en 1938 lorsqu’il a vu le tableau pour la dernière fois, dans la maison de Breslau de son riche grand-oncle, avant que ses parents ne le mettent dans un train pour la Suède. Alors que presque toute sa famille a été exterminée par les nazis, David Toren avait émigré en 1956 aux Etats-Unis.L’homme, désormais aveugle, a pu récupérer le tableau, recouvert de poussière, au mois de mai. Le mettre en vente a été, selon lui, une « décision douloureuse », mais « inévitable », pour qu’il soit « partagé » entre tous les héritiers.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie Jégo (Istanbul, correspondante) Il fut le premier photographe à se rendre sur les lieux de l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986. L’Ukrainien Igor Kostin est mort le 9 juin 2015 dans un accident de voiture à Kiev, à l’âge de 78 ans. L'annonce a été faite par son épouse, Alla, le 24 juin.A l’occasion de sa mort, nous republions ici le portrait paru en 2006 dans « Le Monde ». De son séjour à Tchernobyl, Igor Kostin a gardé des problèmes de santé, de fréquents accès de déprime et « un goût de plomb entre les dents » dont il ne parvient pas à se débarrasser. Premier photographe à se rendre sur les lieux de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire, le 26 avril 1986, il a ensuite passé deux mois aux côtés des « liquidateurs », ces hommes envoyés de toute l'URSS pour nettoyer le périmètre irradié. Des années après, le reporter, dont les clichés ont été publiés dans le monde entier, ne s'est jamais remis de ce qu'il a vu. Sa colère est intacte. Tout y passe : le cynisme des autorités, leur indifférence, l'amnésie de l'opinion.Le 26 avril 1986 à l'aube, Igor est réveillé par le téléphone. Un ami lui propose de l'emmener en hélicoptère à la centrale nucléaire de Tchernobyl où, selon la rumeur, un incendie s'est déclaré. Sur place, rien ne laisse supposer la gravité de l'accident. Collé au hublot, Igor, alors photographe pour l'agence Novosti, traque l'image.La photo, c'est sa passion, une toquade venue sur le tard, une sorte de deuxième vie pour ce gamin né en Moldavie avant la seconde guerre mondiale et qui connut la faim sous l'occupation. Sa survie, il la doit au fait d'avoir mâché le cuir des bottes allemandes, enduit de graisse de poisson. Sa mère en faisait de la soupe, un brouet « abominable ». « Nous serions morts sans cela », dit-il. Après la guerre, il n'a pour horizon que le foot, la rapine et les bagarres de rue. Mais, bientôt, à force de volonté, il se hisse au rang de « constructeur en chef ». Son salaire est garanti, ses vacances le sont aussi, mais il s'ennuie. Il va tout lâcher pour une idée fixe : devenir photographe.Lueur rougeâtre Le voilà, donc, dans cet hélicoptère qui survole la centrale, et la photo qu'il doit faire s'impose. Le toit du réacteur n° 4 - une dalle de béton armé de 3 000 tonnes - « a été retourné comme une crêpe ». Au fond du trou béant, brille une lueur rougeâtre : le coeur du réacteur en fusion. En bon professionnel soucieux d'« éviter les reflets », Igor ouvre le hublot et prend des photos. « Une bouffée d'air chaud remplit la cabine de l'hélicoptère. Aussitôt, j'ai envie de racler le fond de ma gorge. » Très vite, son appareil s'enraye. Au développement, un seul cliché sera utilisable. Les autres, attaqués par la radioactivité, seront noirs, comme si la pellicule avait été exposée en pleine lumière.Transmise à l'agence Novosti, l'unique photo de la centrale dévastée ne sera pas publiée. On est en URSS et, officiellement, il ne s'est rien passé à Tchernobyl. Les autorités vont mettre trois jours à reconnaître « un accident », dix jours à donner l'ordre d'évacuation des civils. C'est par La Voix de l'Amérique, radio honnie du pouvoir soviétique, qu'Igor apprend qu'« une catastrophe nucléaire majeure » vient de se produire.Aux premières heures du drame, 800 000 « liquidateurs » - ouvriers, paysans, soldats, pompiers - sont réquisitionnés à travers toute l'URSS pour décontaminer. Savent-ils ce qui les attend ? Munis de protections dérisoires, ils se mettent à l'ouvrage, enhardis par les promesses de primes, d'appartements ou de démobilisation anticipée. Mineurs chargés de creuser un tunnel sous le réacteur, soldats qui déblaient les poussières radioactives, ouvriers invités à plonger dans la réserve d'eau lourde de la centrale pour tenter de la vidanger : Igor les a, pour la plupart, côtoyés. « Grâce à eux, le pire a été évité, ils se sont sacrifiés », dit-il, la voix brouillée. Il raconte comment, occupés à ramasser le graphite sur le toit du réacteur n° 3, au plus près du feu nucléaire, ils trichaient régulièrement sur les doses absorbées par leurs organismes.Il se remémore leurs conversations d'alors, « pleines des voitures et des maisons » qu'ils pensaient pouvoir acheter. Neuf mois plus tard, le photographe et les liquidateurs irradiés se retrouvent côte à côte à l'hôpital n° 6 de Moscou, un établissement militaire « fermé ». « La radioactivité les rongeait de l'intérieur. Ils souffraient tant qu'ils se cramponnaient aux barreaux métalliques. La chair de leurs mains y restait collée. Parler de tout cela me rend malade », raconte Igor. Longtemps après, une chose est sûre : l'indifférence envers ces « robots biologiques », comme Igor les appelle, est totale. « Qui a jamais téléphoné à Vania, Piétia ou Volodia pour leur demander comment ils allaient ? Au contraire, on les a laissés tomber. Leurs pensions ont été réduites et le peu qu'ils perçoivent suffit à peine à couvrir leurs besoins en médicaments », déplore Igor. Combien sont morts ? Combien sont malades ? Nul ne le sait précisément, aucune étude épidémiologique sérieuse n'a été menée. Après l'explosion de Tchernobyl, celle de l'URSS, survenue cinq ans plus tard, les a éparpillés de l'Ukraine au Kazakhstan en passant par la Russie. Le contact a été rompu.A Kiev, où vit Igor, Tchernobyl est rarement évoqué. « Aucun journaliste ukrainien n'a cherché à me rencontrer », constate le photographe, sanglé dans un costume impeccable. Il avait tenté de publier un livre de ses photos, mais la censure s'en était mêlée. La récente publication de son ouvrage en Europe lui met du baume au coeur. Des entretiens sur le sujet, ce géant de 1,98 mètre ressort épuisé.Bien que malade de Tchernobyl, il ne perd pas une occasion d'y retourner. Située à une centaine de kilomètres de son domicile de Kiev, la « zone », comme on dit ici, l'attire. Depuis l'évacuation de ses habitants (environ 120 000 personnes), le périmètre interdit a été envahi par les herbes folles et les animaux sauvages. Ces dernières années, des centaines de « samosiolki » (littéralement « ceux qui se sont installés ») sont revenus y habiter, coupés de tout, subsistant des produits de la chasse et de leurs potagers. Igor aime leur rendre visite. Il ne manque pas une occasion de saluer son copain Serioja, un ancien liquidateur devenu responsable du périmètre irradié. Dans la « zone », Igor se sent chez lui : « Là-bas, tout le monde me connaît, même les chiens. »Marie Jégo (Istanbul, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Laure Belot //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/360741', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Antoine Gallimard, seul maître à bord du troisième groupe d’édition français La France, l’autre pays du mangaSortie de « kalash »sur le Vieux-Porttous les articles de la thématique Votre roman d’anticipation « Silo », auto publié en ligne en 2011, a connu un succès mondial. Vous percevez-vous comme un pionnier ?Je me considère plutôt comme quelqu’un de chanceux d’écrire à l’époque actuelle. Je fais partie de cette douzaine d’initiative d’auto-édition en ligne qui sont devenues des « succès ». C’est une sacrée chance. Ces changements étaient annoncés et auraient eu lieu, quels que soient les acteurs y participant. Cinq ans auparavant, j’aurais vendu mes droits à un éditeur pour des broutilles et n’aurai pas eu le même succès. Puis cinq années plus tard, j’aurai regardé quelqu’un d’autre être un « pionnier ». La vérité est que nous étions tout simplement en train de marcher lorsque cette voie s’est ouverte. Personne n’a eu à se frayer de passage avec une machette.Comment percevez-vous l’évolution de la lecture ?Mon premier roman est sorti en 2009, à la fois sur papier et en ligne. Je me suis toujours occupé moi-même des versions imprimées. Au fil du temps, de plus en plus de mes lecteurs ont lu en ligne, une tendance qui s’accroît encore actuellement. Cela est directement lié à la façon dont nous consommons l’information, sur plus de sites et moins de magazines, à la façon dont nous écrivons des mails plutôt que des lettres. A la façon dont nous écoutons de la musique par des canaux numériques, sans acheter d’album ou de CD.La lecture se déplace en ligne. Certaines personnes ne sont pas satisfaites de cette évolution, mais il me semble stupide de s’en irriter. Nous devons juste espérer que les personnes continuent à lire, quel que soit le support utilisé pour le faire. Pour des lecteurs qui habitent dans des zones rurales, sans librairie près de chez eux, les livres numériques sont une bénédiction. Je trouve fascinant que certaines personnes restent accrochées sur la forme sous laquelle une histoire est livrée plutôt que sur la beauté des mots eux-mêmes.Vous interagissez beaucoup avec vos lecteurs, par votre site et sur les réseaux sociaux. Que vous apporte cette activité ?Un bonheur personnel. Je suis très proche de mes lecteurs. J’ai récemment nettoyé une unité de stockage (informatique) pleine de livres et des souvenirs, certains étaient vraiment de valeur. J’ai expédié tout cela en ligne à des lecteurs qui l’ont eux-mêmes partagé avec ce qu’ils avaient sur leur propre page Facebook. Nous nous sommes tous bien amusés. Certains courriers électroniques de remerciement m’ont ému aux larmes. Cela me motive pour écrire plus, et mieux.Cela vous inspire-t-il dans votre travail ?Absolument. La « muse » de l’écriture n’est pas, selon moi, quelqu’un qui inspire une œuvre avant qu’elle ne soit écrite. la muse est quelqu’un qui apprécie l’art après sa création. J’ai écrit mon premier roman pour mon dernier ami, qui a lu chaque chapitre à sa sortie de l’imprimante et cela a alimenté ma passion pour ce métier. Entendre le retour d’un auditoire me donne envie de me replonger dans une histoire.Pendant des dizaines de milliers d’années, la tradition du conte a été orale et non écrite. Les conteurs, tels des bardes, racontaient des histoires face à un public. Cette interaction était clé. Pour de nombreux romanciers, elle a disparu, et je vois cela comme une immense perte. Nous avons bien sûr besoin de nous retirer et d’être seul pour penser et améliorer nos œuvres, mais nous devons également célébrer des aspects plus vivants, tels le partage de ces travaux, et l’écoute de ce qui vient en retour, comment ces travaux touchent les lecteurs.Breat Easton Ellis a suggéré à certains fans d’écrire la suite d’« American Psycho ». Vous avez également tenté une sorte de co-création avec votre communauté. Qu’en avez-vous tiré ?J’ai aimé ouvrir mon monde à mes fans pour qu’il puisse l’explorer. Ce n’est pas vraiment de la co-création dans le sens où nous ne travaillons pas sur la même partie, mais c’est de la co-création tout de même car il s’agit de peindre sur la même toile, avec de mêmes pinceaux. Les fans créent leur propre version de mon univers, faisant vivre de nouvelles aventures à mes personnages, et amenant l’histoire dans des directions liées à leur propre imagination. Cela a été une expérience très agréable d’observer tant d’enthousiasme et d’implication. Une fois qu’une œuvre est publiée, elle ne nous appartient plus vraiment.Lire aussi :Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainsVous avez testé la publication par épisodes. Est-ce devenue une nécessité pour une nouvelle génération de lecteurs ?Je le pense, en effet. Regardez comment les séries télé ont jailli et sont devenues des vecteurs bien supérieurs aux films pour raconter des histoires. Cette temporalité donne plus d’espace à l’histoire pour respirer : les lecteurs ont le temps de l’examiner avant que le prochain épisode ne soit publié. Une conversation peut grandir. Cela est une excellente façon d’écrire un récit, comme Charles Dickens nous l’a montré d’ailleurs.Vous avez conclu en 2012, un accord avec une maison d’édition. Est-il vrai que vous avez gardé vos droits d’auteur pour les versions numériques ?Oui. Mon contrat aux Etats-Unis avec Simon & Schuster ne concerne que les éditions dites cartonnées [« hardcover »] et brochées [« paperback »]. J’ai gardé les autres droits. Cela me donne un contrôle créatif et me permet également d’avoir des revenus bien plus importants.Pour vous adapter au téléchargement-piratage de fichiers, vous avez créé sur votre site un bouton explicite : « Vous avez téléchargé le livre et voulez payer, c’est ici ». Cela fonctionne-t-il ?Oui. Il n’y a pas un jour où quelqu’un ne me paye pas en ligne après-coup. Juste cette semaine, deux lecteurs m’ont très largement surpayé pour l’entière série « Silo ». Un autre s’est platement excusé en me disant m’avoir volé. Je lui ai dit qu’il n’en était rien. Je vois dans cette activité en ligne et ces partages quelque chose de similaire à l’emprunt à un ami, ou lorsque l’on récupère un livre d’occasion chez un bouquiniste. Tout cela nous revient d’une manière ou d’une autre. Nous devrions, me semble-t-il aborder la lecture, ces changements et ces nouvelles questions avec plus de confiance et moins de peur.Lire aussi :Roxane Gay : « Sur Internet, j’ai gagné une communauté »Lire aussi :Margaret Atwood : « Etre sur Twitter, c’est comme posséder sa petite station de radio »Silo est publié en France par Actes Sud (trois volumes parus). Un film tiré de ce roman, produit par Ridley Scott et Steve Zaillian, est en préparation.Laure Belot Laure Belot //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/360741', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Antoine Gallimard, seul maître à bord du troisième groupe d’édition français La France, l’autre pays du mangaSortie de « kalash »sur le Vieux-Porttous les articles de la thématique Vous êtes très active sur Twitter (@MargaretAtwood), où vous avez plus de 800 000 « followers ». Que vous apporte ce réseau ?C’est un peu comme posséder sa propre petite station de radio : je peux suggérer en ligne des lectures que j’ai aimées, des films ou encore des séries télévisées. Je peux échanger des informations, inviter des personnes et diffuser certaines actualités. J’y passe en général 10 à 15 minutes par jour.Comment décrire cette communauté avec laquelle vous communiquez en ligne ?Ce sont des personnes extrêmement diverses, en âge, genre et nationalité. On y trouve tout autant des lecteurs que des scientifiques ou des écologistes. Certains aussi sont intéressés par la politique. En revanche, je ne suis, pas sur Facebook, tout simplement car je ne sais pas comment m’en servir. Mon éditeur l’a configuré pour moi et il faudrait que j’apprenne, je suppose.Cela vous inspire-t-il dans votre travail ?J’y trouve en effet des réponses à des questions précises.Lire aussi :Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainsComment voyez-vous l’évolution des interactions entre auteurs et lecteurs ?Je suis écrivain depuis 1956: j’ai vu l’écriture et l’édition changer profondément au fil des années. Je suis inscrite sur Wattpad depuis trois ans, pour explorer la façon dont cette plate-forme relie les personnes à la lecture et à l’écriture. Et aussi donne confiance aux écrivains à travers les réactions des lecteurs.Que pensez-vous de la co-création numérique, notamment avec des lecteurs ?J’ai déjà eu une expérience de co-création sur Wattpad [en 2012 avec Naomi Alderman, la co-création des chapitres de The happy Zombie Sunrise Home] Et cette année, nous venons de lancer un concours sur Wattpad, en lien avec le projet Bibliothèque du futur (une initiative de l’artiste Katie Paterson pour la ville d’Oslo, en Norvège). Dans ce cadre, il s’agit pour des « wattpadders » d’écrire des histoires en incorporant le titre de mon livre, Cher 2114, qui ne sera pas lu avant 100 ans. Il y a déjà eu 6 millions de téléchargements du règlement de ce concours. Pour chaque participant, il y a plusieurs directions possible, par exemple, écrire une histoire sur le conseil à donner au monde en 2114. Ou encore, comment sera le monde quand la future bibliothèque s’ouvrira en 2114 ? Par l’intermédiaire de la plate-forme, des lecteurs de 32 pays sont déjà entrés dans la compétition.Vous considérez-vous comme une pionnière ?Non, je ne me considère pas comme une pionnière, à l’exception de mon invention, « The Longpen », qui permet de signer à distance un document (le signataire écrit sur une palette graphique, un mouvement reproduit par un bras articulé sur n’importe quel document papier, n’importe où sur la planète). Il est utilisé actuellement par le site Fanado.fr (qui met numériquement en lien artistes et fans), mais aussi par l’entreprise Syngrafii.com dans les affaires, pour le gouvernement, les banques… Nous avons d’ailleurs utilisé cette technique pour le lancement de la bibliothèque du futur en dédicaçant à distance une édition limitée de 50 couvertures numériques pour 50 personnes.Pourquoi participer à ce projet de bibliothèque du futur ?J’envoie, avec ce projet, un manuscrit dans le temps. Y aura-t-il des humains qui l’attendront ? Y aura-t-il toujours la Norvège ? des forêts ? des bibliothèques ? On peut l’espérer, malgré le changement climatique, l’augmentation du niveau des mers, les pandémies mondiales et toutes les autres menaces.Enfant, j’étais de ceux qui enterrait des trésors dans des bocaux, avec l’idée que quelqu’un, un jour, puisse les déterrer. C’est l’idée de cette bibliothèque du futur, qui contiendra des fragments de vies, vécues un jour, et qui sont maintenant du passé. Tout ce qui est écrit est une façon de préserver et de transmettre la voix humaine.La marque de l’écriture, faite par l’encre, l’encre de l’imprimante, la brosse, le stylet, le burin, va rester là, inerte, jusqu’à ce qu’un lecteur arrive et la ramène à la vie.Lire aussi :Roxane Gay : « Sur Internet, j’ai gagné une communauté »Lire aussi :Hugh Howey : « Interagir avec les lecteurs m’inspire »Laure Belot Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Cédric Pietralunga La nouvelle agite depuis deux jours le milieu des tintinophiles. Poursuivie en justice par les héritiers de Hergé pour avoir reproduit sans autorisation des vignettes tirées des albums de Tintin, l’association néerlandaise Herge Genootschap, un club de 680 Bataves passionnés par les aventures du reporter à la houppette, a été relaxée fin mai par la Cour d’appel de La Haye, a révélé dimanche 6 juin le quotidien NRC Handelsblad.La justice néerlandaise estime que Moulinsart SA, la société chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre de Hergé, ne peut pas réclamer de droits pour l’utilisation d’extraits d’albums de Tintin… parce qu’elle n’est pas autorisée à le faire.Selon un contrat signé par Hergé en 1942, présenté à l’audience par l’association de tintinophiles, c’est en effet l’éditeur français Casterman qui possède les droits sur les albums signés par le plus célèbre des Belges.La politique de Moulinsart SA remise en cause« Il est apparu d’un document de 1942 (…) que Moulinsart n’est pas celui qui peut décider de qui peut publier des images tirées des albums et ne dispose donc pas des droits d’auteurs pertinents dans cette affaire », ont indiqué les juges de la Cour d’appel de La Haye dans leur décision, citée par l’AFP. Dirigée par Nick Rodwell, le second mari de Fanny Vlamynck, la veuve de Hergé, Moulinsart SA réclamait 35 000 euros par publication à l’association Hergé Genootschap, qui édite trois fois par an un magazine intitulé Duizend Bommen, uniquement destiné à ses membres.Pour spectaculaire qu’il soit, difficile d’estimer la portée de ce jugement. Selon certains, c’est toute la politique de Moulinsart SA qui pourrait être remise en cause. Depuis le milieu des années 1990, M. Rodwell surveille de manière très scrupuleuse l’utilisation de l’œuvre de Hergé, estimant que le personnage de Tintin risquait d’être galvaudé à force d’être reproduit un peu partout.Moulinsart SA n’octroie ainsi plus aucune licence depuis 1999 et gère en direct avec des entreprises partenaires la fabrication de produits dérivés (figurines, vêtements, jouets, vaisselle, etc.). De même, M. Rodwell exige que toute reproduction d’un dessin de Hergé, dans un livre ou dans la presse, soit au préalable autorisée par ses équipes, situées à Bruxelles.Distinction entre droit de publication et droit de reproductionNéanmoins, la décision de la Cour de La Haye ne devrait pas rompre les digues érigées par les ayants droit du célèbre auteur : si ce n’est pas Moulinsart qui détient les droits, c’est en effet Casterman. Or, l’éditeur historique n’a aucune raison de se fâcher avec Nick Rodwell et sa femme, aujourd’hui âgée de 80 ans, même si leurs relations ont pu être parfois tendues : Tintin reste l’un des best-sellers de Casterman et assure encore 15 % de son chiffre d’affaires. C’est également une vitrine prestigieuse pour la filiale de Gallimard, dirigée depuis 2013 par Benoît Mouchart, l’ancien directeur artistique du Festival d’Angoulême.Tout juste, espèrent les tintinophiles, l’éditeur sera-t-il plus conciliant à autoriser des reproductions dans des publications rendant hommage à l’œuvre phare de Hergé, dont l’aura ne faiblit pas alors que le dernier album paru, Tintin et les Picaros, date de 1976 et que l’auteur est décédé en 1983 !Lire aussi :Une couverture de Tintin vendue 2,5 millions d’eurosPar ailleurs, rien ne dit que le jugement néerlandais puisse être transposé dans d’autres pays. Selon le contrat signé par Georges Rémi, alias Hergé, le 9 avril 1942, qui a été publié par le site spécialisé Actua BD, seul le « droit de publication » a été concédé à Casterman, moyennant une « redevance de 10 % du prix de vente » sur chaque album écoulé.« Or, certaines législations distinguent droit de publication et droit de reproduction, explique un bon connaisseur du dossier. Publier des vignettes de Tintin sans demander l’autorisation à ses ayants droit reste donc risqué. »« Il faut être très prudent avec cette décision de justice, abonde Benoît Peeters, conseiller éditorial chez Casterman et spécialiste reconnu de l’oeuvre de Hergé. D’abord elle ne concerne que les Pays-Bas et ne fera pas nécessairement jurisprudence ailleurs. Ensuite, elle s’appuie sur un contrat de 1942 qui a très certainement connu de nombreux avenants ensuite, signés entre Casterman et Hergé, et que l’on ne connaît pas. »Interrogé par Le Monde, Nick Rodwell s’est pour l’instant refusé à tout commentaire, indiquant simplement que le dossier est « dans les mains des avocats ».Cédric PietralungaJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Un montage saisissant d’images d’archives qui explore les réalités de l’immigration des années 1950 à nos jours (mardi 9 juin, à 20 h 50, sur Arte).Durant toute la durée du film, les images sont dérangeantes. Sans aucun commentaire, ni analyses ou contextualisation, elles montrent à partir de très nombreuses et rares archives audiovisuelles extraites de documentaires, journaux télévisés ou émissions de radio la façon dont ont été (et sont) traités les immigrés des années 1950 à nos jours.Ainsi découvre-t-on les Marocains, Tunisiens, Algériens, Espagnols, Italiens, Portugais, Turcs et Yougoslaves quittant leurs pays pour aller travailler en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Suède ou en Angleterre. Les Espagnols chantent leur joie (ou leur désespoir ?) dans un train bondé, les Italiens trimbalent leurs valises en carton remplies de victuailles, les Turcs aménagent comme ils peuvent leurs lieux de prières.Un long voyage émouvantGrâce à de petits films en couleur, on voit aussi de jeunes manifestants mettre le feu à un foyer de travailleurs immigrés à Rotterdam et un officiel hollandais venu au Maroc recruter des ouvriers pour des entreprises des Pays-Bas en mal de main-d’œuvre bon marché. La voix du speaker de l’époque commente toutes ces images où ces hommes sont traités et triés comme du bétail. Ceux qui sont un tant soit peu diplômés sont écartés de la sélection. Des images qui font froid dans le dos. Ce film présenté lors d’une soirée consacrée à l’immigration est un montage brut – et saisissant – de soixante ans d’immigrations à travers l’Europe.Sans aucun ordre chronologique, le réalisateur René Roelofs et l’écrivain Paul Scheffer nous entraînent dans un long voyage émouvant. Qu’ils soient maghrébins, italiens ou turcs, les visages saisis par les caméras montrent l’angoisse de l’exil, la peur, le racisme. A travers des lieux différents, le film nous fait découvrir une réalité restée longtemps cachée où le racisme, la xénophobie et le repli nationaliste s’expriment sans honte ni scrupules. Que ce soit en Allemagne, aux Pays-Bas ou en France, on n’hésite pas à dire, face à la caméra, que les étrangers « doivent rentrer chez eux » parce qu’ils « viennent prendre le travail » des autochtones.Intensification des tensionsAu fil des images, le discours change avec l’époque. Dans les années 1970 et 1980, avec l’augmentation du chômage et la crise économique, les tensions s’intensifient. L’islamisme devient un refuge pour de nombreux immigrés. Et à travers l’Europe, montent les partis nationalistes qui s’attaquent, parfois violemment, à l’immigration.Pour compléter ce film, Arte diffuse dans la foulée « Les Nouvelles Migrations », un documentaire consacré à l’ouverture de l’espace Schengen, trente ans après la signature de cet accord favorisant une plus grande liberté de circulation à travers l’Europe. Mais l’arrivée de migrants clandestins fuyant les guerres a exacerbé les crispations. Cette soirée sera conclue par un débat animé par Andrea Fies avec des spécialistes de la politique européenne et, sur le Web, Arte Info (Info.arte.tv) prolongera le dossier avec une « timeline », des portraits d’immigrants, des articles, des interviews et de nombreux reportages.Histoires d’immigration, de René Roelofs et Paul Scheffer (Pays-Bas, 2013, 108 min). Mardi 9 juin, à 20 h 50, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sarah Belouezzane et Anne Eveno Artistes, maisons de disques, services de téléchargement et de musique : tous attendent, avec impatience, l’annonce d’Apple, prévue lundi 8 juin en fin de journée (heure de Paris). La firme à la pomme, qui tient sa conférence annuelle de développeurs, doit y dévoiler son tout nouveau service de streaming musical (écoute de musique en direct sans téléchargement).Le bulldozer de Cupertino arrive sur un marché aujourd’hui très fragmenté, où il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, comme en témoignent les disparitions de Grooveshark ou de Sony Music Unlimited ou encore la relance difficile de Tidal. Même les géants du secteur, comme Spotify et Deezer peinent à trouver la voie de la rentabilité.Devenu aujourd’hui un mode incontournable de consommation de la musique, le streaming ne rémunère pas suffisamment bien les artistes et les plateformes. Du moins, pas quand il repose uniquement sur la publicité.Avec les centaines de millions de numéros de cartes bleues associées à ses iPhone déjà vendus, Apple dispose d’un avantage certain. Il aura probablement moins de difficultés à convaincre les consommateurs de payer et devrait se tailler une belle part de ce marché estimé à 1,6 milliard de dollars (1,43 milliard d’euros).Inventaire, non exhaustif, des services de streaming existantsLes « pure players », stars du marchéSpotifyLeader mondial des « jukebox célestes », le suédois Spotify a été créé en 2006 par Daniel Ek, avec Martin Lorentzon. Aujourd’hui, le site de streaming compte 60 millions d’utilisateurs, dont 15 millions d’abonnés payants, qui acceptent d’acquitter mensuellement 4,99 euros ou 9,99 euros. Le catalogue de Spotify, qui est présent dans 58 pays, contient plus de 30 millions de titres.Financée par la publicité (qui s’intercale entre les morceaux sur le service gratuit) et par les abonnements, la start-up, qui a dégagé en 2013 un chiffre d’affaires de 747 millions d’euros, n’est toujours pas rentable.Spotify, valorisée 8,4 milliards de dollars, déclare reverser aux ayants droit entre 0,006 et 0,0084 dollar par titre écouté. Soit deux milliards de dollars depuis sa création.DeezerLe champion français du streaming a été créé en 2007. Il revendique désormais 16 millions d’utilisateurs actifs, dont 6 millions d’abonnés à une offre payante pour 9,99 euros mensuels. Son catalogue comporte 35 millions de titres.Deezer, plus que ses concurrents, a choisi pour se développer de conclure des partenariats de distribution, dans une trentaine de pays, avec des opérateurs de télécommunication. En France, son développement a notamment été stimulé par un accord avec Orange qui était aussi l’un de ses actionnaires.Aux Etats-Unis, Deezer a racheté Muve Music, filiale de l’opérateur Cricket Wireless, lui-même filiale du géant AT&T. Avec à la clé un petit matelas d’utilisateurs, puisque 2,3 millions de clients de cet opérateur sont abonnés à Muve.Tout comme Spotify, Deezer a négocié des accords avec les maisons de disques et les labels pour rémunérer les ayants droit. L’entreprise, dont le chiffre d’affaires avoisine les 60 millions d’euros, ne dégage pas de bénéfice.TidalLancé par le rappeur Jay-Z le 30 mars, avec l’appui de nombreuses vedettes, dont son épouse Beyoncé, Madonna, les Daft Punk ou encore Kanye West, Tidal est un service entièrement payant, proposant 25 millions de morceaux.Plus cher (19,99 dollars) que ses concurrents Spotify et Deezer, Tidal se présente comme un service plus protecteur pour les artistes et affirme également proposer des fichiers musicaux de meilleure qualité.Un mois après le lancement, Jay-Z indiquait sur son compte Twitter que Tidal comptait 770 000 abonnés. Loin, très loin des 15 millions d’abonnés de Spotify.Les géants de l’InternetYouTubeDepuis le mois d’avril, YouTube propose, pour 9,99 dollars, un service payant de streaming musical. Sans publicité. Ce service n’est, à l’heure actuelle, accessible que depuis les Etats-Unis. L’ouverture du service en France devrait intervenir à la mi-septembre.YouTube Music Key propose en plus de l’écoute en streaming le téléchargement des clips, afin de pouvoir les visionner hors ligne. Les utilisateurs auront accès au catalogue de YouTube mais aussi à celui de Google Play.MicrosoftXbox Music, l’offre de streaming musical de Microsoft, incarne une partie de l’évolution à l’œuvre sur ce marché. Initialement gratuite avec de la publicité, cette offre est devenue totalement payante à compter de décembre 2014.Pendant un moment avaient coexisté deux offres : l’une qui permettait aux utilisateurs d’écouter de la musique en illimité pendant les six premiers mois, après quoi ils étaient limités à 10 heures de streaming par mois, avec des publicités à intervalles réguliers, l’autre qui proposait du streaming illimité et sans pub pour 10 dollars.Les alternatifsQobuzFondée en 2007, la start-up française a fait de la qualité d’écoute son cheval de bataille et son principal argument commercial. Les morceaux sont ainsi mis à disposition dans un format 24 bits moins compressé, supposé rendre une qualité sonore supérieure.La petite entreprise, cofondée par Yves Riesel, se spécialise notamment dans le classique, qui représente 30 % de son chiffre d’affaires. Pour assurer à ses clients le même confort d’usage qu’un CD, elle associe des livrets aux albums.Mais, comme le reconnaissent les fondateurs, la qualité a un prix : l’abonnement se situe en moyenne autour de 19,99 euros par mois. Les utilisateurs peuvent aussi opter pour l’offre Sublime, à 219 euros payable en une fois.PandoraCréée en 2000, Pandora diffère des autres services : il ne s’agit pas d’une plateforme de streaming où l’utilisateur choisit ses chansons mais plutôt d’une radio intelligente. Capable, en fonction des goûts de l’auditeur de s’adapter, mais aussi de lui suggérer, grâce à un algorithme spécifique, des musiques susceptibles de lui plaire. On peut ainsi créer jusqu’à une centaine de radios thématiques.Très populaire au Etats-Unis, le service, qui fait partie des applications les plus téléchargées outre-Atlantique, compte 79 millions d’utilisateurs. Au départ complètement gratuit, Pandora propose aujourd’hui un système d’abonnement sans publicité, à 4,99 dollars.HitsterCibler ceux qui ne veulent pas pirater mais n’ont pas les moyens de dépenser près de 120 euros par an pour écouter de la musique sur leurs smartphones. Tel est le business model de Hitster. Lancée en avril 2014, l’application, qui fonctionne aussi bien sous Android que sous l’iOS d’Apple, propose un service low cost de streaming à 1,99 euro par mois.Sans publicité, l’offre consiste en une play-list de 100 titres, du genre de celle que l’on peut écouter sur NRJ avec les hits du moment. A la version de base s’ajoutent des options à 99 centimes chacune, comme le mode hors connexion, la possibilité de créer sa propre compilation parmi les titres disponibles et la location pour un mois d’un album complet.Anne EvenoJournaliste au MondeSarah BelouezzaneJournaliste High Tech-Telecoms au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Le Lasco Project offre, depuis trois ans, les méandres architecturaux du Palais de Tokyo à l’exploration d’artistes urbains. « Nous avons voulu faire quelque chose d’un peu expérimental, où la pratique de l’urbex [exploration urbaine] faisait sens. L’idée est que le Palais de Tokyo, lieu si vaste et toujours en chantier, soit traité comme un espace public par les graffeurs », résume Hugo Vitrani, l’instigateur de ce projet évolutif et inédit dans un centre d’art.Une nouvelle session, la quatrième depuis 2012, vient d’ouvrir les portes dérobées du lieu à une figure du graffiti new-yorkais, Craig Costello, alias KR. L’occasion de se replonger dans les espaces labyrinthiques du projet et de déboucher sur une clairière mi-végétale mi-picturale. Parmi les multiples interventions, voici quelques recoins à ne pas rater.Craig Costello ou l’épure du graffiti En contrebas de l’entrée du Palais de Tokyo, comme dans une douve, c’est l’un des plus beaux lieux du centre d’art, et il est désormais accessible au public. Craig Costello a, en effet, choisi d’intervenir sous les arches Wilson, séduit par la configuration du lieu, aménagé il y a quelques années en jardin sauvage par Piet Oudolf, l’un des paysagistes de la High Line de Manhattan, ancienne voie de chemin de fer muée en promenade où KR avait beaucoup graffé à l’époque où elle était à l’abandon.L’espace, tout en longueur, offre 50 mètres de cheminement pour découvrir, un à un, chacun des « tableaux » que Craig Costello a réalisés. Sous les immenses arches de près de 10 mètres de haut et de large qu’il a repeintes en noir, l’artiste a décliné ses projections et coulures en blanc et gris comme autant de « comètes, lumières baroques, illuminations célestes ou cosmiques, images de foudre, de pluie, de brouillard ou de cascades », décrit Hugo Vitrani, conseiller artistique sur chaque volet du Lasco Project.La coulure est la signature de Craig Costello. S’il ne l’a pas inventée, il l’a poussée à son paroxysme en mettant au point une encre particulièrement coulante et intense – si appréciée qu’il a fini par la commercialiser (la KRink). Au fil des ans, le graffeur a, par ailleurs, évolué vers l’épure. L’artiste, qui signait KR, a peu à peu enlevé les lettres pour ne garder que les coulures, tirant, à la fin des années 1990, le vandalisme vers l’abstraction.C’est paradoxalement en peignant à l’extincteur qu’il pousse l’épure encore plus loin. « Il met aujourd’hui au second plan l’élément central de son travail pour se réapproprier les projections de peinture, qui n’étaient avant qu’une conséquence de sa pratique », analyse le commissaire. « Ce qui lui plaît avec l’extincteur, c’est la violence des projections et la délicatesse de ce qu’il en fait. Il aime dompter cet outil difficile » Malgré les apparences, chaque projection a ainsi été faite presque individuellement.Les architectures miniatures d’Evol Ses colonnes de fenêtres et balcons miniatures (dotés ou non d’antennes paraboliques), toutes réalisées au pochoir, sont reconnaissables au premier coup d’œil. Ces motifs, qu’il répète et décline à l’envi, Evol (né en 1972), passé par le graffiti, les tire de l’architecture communiste de Berlin, et principalement d’un ancien bâtiment de la Stasi où il avait pointé au chômage en 2003.L’artiste, qui a exposé au pavillon allemand de l’Exposition universelle de Shanghaï, en 2010, est intervenu au Palais de Tokyo en 2014 sur des murs entiers comme sur des piliers ou excroissances du bâtiment. « Nous avons eu envie de le faire jouer avec l’architecture du lieu, dans des espaces publics ou cachés, même dans un espace d’exposition. L’idée est que les visiteurs découvrent ses œuvres au hasard. Des surgissements qui vont étonner, poser question, comme dans la rue », explique Hugo Vitrani.Sur l’une de ses interventions apparaît un titre : il s’agit de l’expression « Home sweet home » en allemand, à laquelle quelques lettres manquantes donnent le sens inverse d’une mauvaise fortune. « Il a une approche ludique des espaces, jouant avec les échelles, mais son propos est sombre et politique, car ces petits HLM sont dédiés aux invisibles », précise le commissaire. Ils se font l’écho d’une faillite tant architecturale que politique et sociale de l’utopie socialiste.Cleon Peterson, à l’école de la rue Cleon Peterson (né en 1973) ne vient pas du graff ou du street art, mais la rue a été son école. L’artiste de Los Angeles a évolué dans le milieu du skateboard, avant une descente aux enfers dans les années 1990 (héroïne, prison, hôpital psychiatrique, SDF à New York). Devenu l’assistant de Shepard Fairey, il a repris le chemin du dessin.Depuis dix ans, l’artiste peint des fresques en atelier, qu’il a commencé à décliner dans la rue très récemment. « Ce qui l’intéresse, c’est de réinjecter la violence de la rue dans l’espace public », résume Hugo Vitrani. Au Palais de Tokyo, il est intervenu dans un long couloir souterrain de près de 50 mètres, que l’on pourrait qualifier de coupe-gorge, au regard de l’immense fresque qu’il y a peinte, et que l’on ne peut découvrir qu’en avançant, l’espace offrant très peu de recul. Les formes en noir et blanc des corps, massives, peuvent laisser croire qu’il s’agit d’une sorte de chorégraphie, mais c’est une danse macabre qui se révèle : des corps à corps d’hommes enchevêtrés se battant à l’arme blanche, concentré graphique, en noir et blanc, de violences urbaines, part d’ombre de l’humanité. Saisissant.Vhils, le portraitiste graveur Alexandre Farto (né en 1987), dit Vhils, ancien graffeur sur train et diplômé de l’école d’art Saint Martins de Londres, sculpte des visages à fleur de mur en retirant de fines couches de matière. Une pratique liée à son histoire et à celle de son pays, le Portugal. « Si Vhils grave les murs, à l’origine, c’est qu’à Lisbonne, où il a grandi, il a vu au fil des décennies les murs de propagande de la dictature être recouverts de publicités avec l’entrée du Portugal dans l’Europe, puis les publicités de graffitis, avec la crise. Spectateur de ces trois couches d’histoire du pays, il a commencé à creuser dedans, en en faisant surgir des portraits d’anonymes », détaille Hugo Vitrani.La double casquette de Ken Sortais et Horfée Plus loin dans le bâtiment, un duo d’artistes parisiens, Ken Sortais et Horfée (nés en 1983), a également créé en retirant de la matière. Reconnus pour leur travail en atelier comme dans la rue, deux champs distincts dans leur création, ces deux anciens des Beaux-Arts de Paris se sont inspirés de Violence Jack, manga post-apocalyptique des années 1970 créé par Go Nagaï dans lequel la violence de la culture japonaise explose dans les rues de Tokyo après une catastrophe.« Ils ont créé une frise comme un travelling où ils remixent des captures d’écran du film en les tirant vers l’abstraction », précise Hugo Vitrani. Abstraction qui renvoie aux contraintes de temps dans la rue et à une esthétique de l’urgence dans la création illégale. Face à cette fresque colorée, ils ont gravé un mur noir à la ponceuse – un accessoire important du film –, créant en écho comme des cicatrices, autour desquelles les projections de placo ressemblent à des projections de spray.La « trappe » : la face cachée de LascoIntervenir dans une institution, oui, mais à certaines conditions, clandestines. Le duo de graffeurs Lek et Sowat avait été associé au lancement du Lasco Project pour convier la scène de l’« urbex » (exploration urbaine), forts de leur expérience de « Mausolée », une résidence artistique clandestine qu’ils avaient organisée dans un supermarché abandonné dans le nord de Paris.Le centre d’art leur avait alors offert un premier espace – une vaste sortie de secours, devenue depuis l’entrée de la salle de concert le Yoyo. Mais avec leur complice Hugo Vitrani, ils ont également travaillé en secret dans des espaces découverts en explorant le bâtiment. « Pour nous, la partie visible fonctionnait comme un cheval de Troie », explique ce dernier. L’œuvre principale de Lek et Sowat se situe ainsi dans un espace inaccessible au public : un immense conduit d’aération au cœur du bâtiment, surnommé la « trappe ».Lorsque Futura 2000, figure historique du milieu, a été conviée à Lasco, en 2014, il a clandestinement été convié dans cet espace secret. « Nous lui avons dédié un grand mur, qui nous a servi d’alibi pour son intervention dans la grande trappe. Lui est venu pour la trappe, confie Hugo Vitrani. Dans les années 1970, il a développé un style de graffiti abstrait, et les gens attendent toujours la même chose de lui, or il fait aussi autre chose. » Le mur présente ainsi du Futura 2000 contemporain, combinant rayures et points, tandis que le « vrai » Futura, au sens de classique, n’est pas à voir. « Ça nous amuse de recréer de la légende urbaine dans l’espace du Palais de Tokyo. C’est un milieu très oral, qui fonctionne beaucoup par le bouche à oreille ». Le Britannique Mode2, autre figure historique du graffiti, est lui aussi intervenu dans cet espace caché.Lek et Sowat ont imaginé une autre intervention surprise, en invitant une vingtaine de graffeurs ou d’artistes d’art urbain à dessiner à la craie sur le tableau noir utilisé par le personnel du Palais de Tokyo. Ces mini-performances, qui ont été filmées en « time-lapse » (en accéléré), montrent la magie irruptive du dessin urbain comme la fragilité de sa trace en une sorte de clip réjouissant, intitulé Tracés directs.Lek et Sowat seront en résidence à Rome à la Villa Médicis à la rentrée.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 08.06.2015 à 07h44 Steve ReichMusic for 18 Musicians Ensemble Signal, Brad Lubman (direction) Monument de la musique répétitive, Music for 18 Musicians (1976) est à Steve Reich (né en 1936) ce que le Boléro est à Maurice Ravel. Un chef-d’œuvre de variation permanente sur un canevas à l’apparence immuable. Derrière l’écriture millimétrée du Français, l’intonation libre du jazz. Sous le contrepoint hyperpulsé de l’Américain, l’accentuation festive de l’Afrique. Brad Lubman, créateur de plusieurs pièces de Steve Reich, se livre ici à une interprétation personnelle… dans les limites de l’expression minimaliste. D’une précision ravélienne dans l’entretien de la mécanique, il obtient de l’Ensemble Signal d’étonnants jeux de timbre dans une mouvance à la fois trouble et détaillée. Plus proche du nuage informatique d’aujourd’hui que de la nébuleuse planante des années 1970. Pierre Gervasoni1 CD Harmonia Mundi.Anthony StrongOn a Clear Day Déjà remarqué avec son album précédent, Stepping Out (Naïve, 2013), son deuxième, le chanteur et pianiste britannique Anthony Strong fait un large pas en avant avec On a Clear Day. Le répertoire est fort bien mené en big band, qui ravive quelques classiques du jazz comme As Time Goes By, Unforgettatble, The More I See You ou What Is This Thing Called Love ? et explore les tubes pop Higher Ground (Stevie Wonder) ou Don’t Stop’Til You Get Enough (Michael Jackson), ce dernier en promenade samba salsa très bien conçue. Son placement vocal est de haute tenue, tant sur tempo rapide (Nothing Like You) que pour les quelques ballades de l’album (dont Baby Plays Around, d’Elvis Costello), le détachement des mots éminemment swing. Dans la ligne du « vétéran » du renouveau du jazz vocal au masculin, Harry Connick Jr., et du plus récent Michael Bublé. Avec, dans le cas d’Anthony Strong, par ailleurs ici pianiste dans une approche à la Count Basie, un léger degré de fantaisie en plus, en particulier dans son écriture pour les arrangements. Sylvain Siclier1 CD Naïve.SmadjSpleen Le spleen peut être particulièrement fertilisant. Bien des poètes, des peintres et des musiciens l’ont prouvé avec panache. Smadj puise dans ce sentiment de mélancolie diffuse une inspiration évidente. Particulièrement riche, dense et musical, cet album du joueur d’oud, le luth arabe dont il tonifie le propos de sonorités rock et électro, est l’une de ses propositions les plus passionnantes. Fruit d’une singulièrement longue maturation (les enregistrements ont été réalisés entre 2010 et févier 2015), il bénéficie de la présence éclairante de quelques talents sûrs, amis et complices tels que le pianiste Bojan Z, le trompettiste Ibrahim Maalouf, Ballaké Sissoko, maestro de la kora, Arash Sarkechik et Sofiane Saidi, aux voix, et William Sabatier au bandonéon. Si la mélancolie lui donne à ce point des ailes, tout ce que l’on peut souhaiter à Smadj, c’est qu’elle reste sa compagne encore longtemps. Patrick Labesse1 CD Jazz Village/Harmonia Mundi.DisizRap Machine Quinze ans après son premier succès, le single J’pète les plombs, en 2000, Disiz revient avec un dixième album qui ne renie pas à la fois l’humour de ses premiers raps et sa passion exigeante pour cette expression. Rap Machine est une ode au hip-hop contemporain par le choix de ses productions, mais rappelle aussi les principes de sa carrière. « Mon gang, c’est ma famille », dit-il dans Basic Instinct. Il pose d’ailleurs avec ses deux fils adolescents sur la pochette de l’album, se moquant de l’attitude et de l’esthétisme de ses collègues. Sur une des compositions, il met en scène un apprenti délinquant pris de remords dans Arrête la voiture. Avec DJ Pone, membre, entre autres, des Birdy Nam Nam, il rend hommage aux vandales du graffiti et au breakbeat du rap new-yorkais avec Un jour, j’ai fait un tag. Disiz prend aussi un malin plaisir à égrener tous les thèmes du gansta rap en prenant le point de vue d’un père de famille, ce qui donne l’hilarant, Bitchiz, ou revisite les pièges du rap dans 10 commandements de l’icône du genre, Biggie Smalls. Il ne s’interdit pas pour autant quelques morceaux tendres comme Souveraine. Et oui, on peut être rappeur et romantique. Après la trilogie Lucide, Disiz continue sur sa lancée. Stéphanie Binet1 CD Lucidream/Musicast. Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De FatBoy Slim aux Foo Fighters en passant par Muse, découvrez notre sélection musicale, un rien nostalgique des années 1990.UN ALBUM : la réédition d’Halfway Between the Gutter and the Stars, de FatBoy Slim Avec les albums Better Living Through Chemistry, en 1996 et surtout You’ve Come A Long Way, Baby, en 1998, Norman Cook, dit FatBoy Slim, est devenu l’un des DJ et producteurs les plus connus des musiques électroniques dansantes, et en particulier du courant dit « Big Beat », à tendance rock. Son album suivant, Halfway Between the Gutter and the Stars, publié en novembre 2000, apaisait par endroits cette approche, se révélait plus travaillé, avec encore une bonne dose de « gros son ». La réédition de l’album, accompagné d’une douzaine de remix dont certains inédits, permet de redécouvrir ce désormais classique avec en particulier les compositions « Talkin’Bout My Baby », « Sunset (Bird of Prey) », « Ya Mama » (et son accroche « Push the Tempo »), « Weapon of Choice » avec l’acteur Christopher Walken dans une chorégraphie devenue légendaire ou le gospel « Demons » avec Macy Gray.Halfway Between the Gutter and the Stars – 15th Anniversary edition, de FatBoy Slim, 1 double CD Skint Records.« Weapon of Choice », chanson extraite de l’album Halfway Between the Gutter and the Stars, de FatBoy Slim. Vidéoclip réalisé par Spike Jonze.UN VIDÉOCLIP : JFK/Defector par MuseHistoire de bien annoncer la sortie, le 8 juin, de son nouvel album, Drones (Warner Music), le groupe Muse a diffusé plusieurs vidéoclips de ses chansons depuis mi-mars. Dernier en date, le doublé « JFK/Defector » réalisé par Tom Kirk. JFK est une introduction d’une cinquantaine de secondes constituée d’extraits d’un discours du président américain John Fitzgerald Kennedy et d’images d’actualités (chute du mur de Berlin, visage d’Edward Snowden, premier homme sur la Lune, envoi de missile…). Puis débute la chanson « Defector ». Plan fixe sur un écran de télévision, d’autres images d’actualité, le trio britannique peu à peu en surimpression… Une ambiance sombre, avec des élans lyriques et des parties solistes façon rock progressif, qui constitue l’un des chapitres d’une sorte d’opéra rock ayant pour sujet un monde dominé par la surveillance de drones.UN CONCERT : Au Théâtre des nouveautés, la musique classique se mobilise pour le Népal Après des musiciens de jazz qui, dimanche 7 juin, ont participé à un concert au New Morning, c’est au tour du monde de la musique classique de se mobiliser en faveur des victimes du récent séisme au Népal. Ce sera vendredi 12 juin, au Théâtre des nouveautés à Paris, en faveur de l’association Live To Love France. Une initiative de la pianiste Marie-Josèphe Jude qui a réuni une vingtaine de musiciens, dont les pianistes Fanny Azzuro, Michel Béroff, Jean-François Heisser, Vanessa Wagner, Manuel Rocheman, Jean-Marc Phillips-Varjabédian, Claire Desert, Elena Rozanova… ; les violoncellistes Emmanuelle Bertrand et Xavier Phillips, la violoniste Stéphanie-Marie Degand, la flûtiste Sophie Cherrier. Avec au programme des compositions de Mozart, de Schubert, de Saint-Saëns, de Ravel, de Brahms, de Debussy…Concert « Solidarité pour le Népal » au Théâtre des nouveautés, 24 bd Poissonnière, Paris 9e. Vendredi 12 juin, à 20 h 30. De 20 € à 60 €.UN FESTIVAL : Quand je pense à Fernande, à Sète Depuis sa création, en 2002, le festival Quand je pense à Fernande, à Sète (Hérault), ne pouvait que s’intéresser prioritairement à la chanson française : son nom évoque une chanson de Georges Brassens, natif de la ville. Et cela dans l’un des sites les plus appréciés des musiciens de tous styles, le Théâtre de la mer, un amphithéâtre de pierre entouré d’épais remparts, avec l’horizon maritime pour décor. Pour sa quatorzième édition, prévue du 9 au 13 juin, le festival recevra notamment Arthur H, Bénabar, Thomas Fersen, Joseph d’Anvers, et ne s’interdit pas quelques pratiquants de l’anglais comme Jeanne Added ou Gaspard Royant.Festival « Quand je pense à Fernande » au Théâtre de la mer de Sète, promenade Maréchal-Leclerc, route de La Corniche. De 15 € à 38 € selon les soirées.RÉSERVEZ VITE : The Foo Fighters à la Bercy Arena, le 16 novembreLe Palais omnisports de Paris-Bercy rouvrira ses portes à la mi-octobre, sous son nouveau nom « Bercy Arena », après des mois de travaux extérieurs et intérieurs. Pour les concerts c’est en novembre et décembre que les choses sérieuses auront lieu : U2, pour cinq soirées du 10 au 15 novembre, déjà complètes, The Scorpions, le 24, Johnny Hallyday, du 27 au 29, Supertramp, le 4 décembre, Madonna, le 9 et 10, complets… et dimanche 16 novembre The Foo Fighters, dont la puissance rock et l’énergie s’épanouissent au mieux dans ces lieux de bonne taille – grand souvenir en 1999. Le groupe, mené par le guitariste, batteur et chanteur Dave Grohl, y défendra quelques titres de son récent album Sonic Highways (novembre 2014). Et les toujours efficaces hymnes, comme Everlong, The Pretender, My Hero, Best of You…Bercy Arena, dimanche 16 novembre, à 19 h 30. De 59,80 € à 66,40 €.« In The Clear », chanson extraite de l’album Sonic Highways (2014), par The Foo Fighters.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale) Si la date du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), grand messe de la filière installée à Cannes depuis 1967, a changé, passant du traditionnel mois de janvier à juin, certains rituels sont gravés dans le marbre. Par exemple, la conférence de presse de la Sacem, la société civile française qui gère les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. La « vieille dame » (pionnière en son genre, elle fut créée en 1851) a dévoilé samedi 5 juin les chiffres de son activité pour 2014.La Sacem a collecté au cours de cette année 1, 273 milliard d’euros, pour le compte de ses membres (153 000 dont 18 350 étrangers de 164 nationalités différentes, dont un fort contingent africain et européen) et pour celui des sociétés qu’elle représente. Sans surprise, la diffusion sur les médias audio et télévisuels est le plus gros pourvoyeur de recettes (320,4 millions d’euros) suivie par les diffusions publiques (concerts, night-clubs, fonds sonores…) pour 280,7 millions d’euros. Le CD et le DVD chutent (56,7 millions d’euros) derrière les droits pour la copie privée (64, 8 millions), mais toujours largement devant l’internet (30,6 millions), malgré le traitement en 2014 de 251,6 milliards d’actes de téléchargement et de streaming. La Sacem a redistribué 1, 095 milliard à 276 000 créateurs du monde entier, pour deux millions d’œuvres, et attribué 52,6 millions d’euros à l’action culturelle et socialeTop 20 des exportationsLa publication de la liste des œuvres les plus exportées pendant l’année écoulée reste un moment parfait pour le cancanage. On pourra toujours se moquer, ou se réjouir, de la présence des incunables de la représentation française, à commencer par Comme d’habitude, de Claude François, Jacques Revaux et Gilles Thibaut, porté par les interprétations de Paul Anka et Franck Sinatra. La chanson figure en deuxième place du Top 20 des exportations, derrière un hybride de musique angolaise, Danza Kuduro, interprété par Don Omar, avec Lucenzo. Autre bizarrerie, Mr Saxobeat, d’Alexandra Stan, se glisse avant Les Feuilles mortes (Prévert, Kosna et Enoch, 4 è). Dans la catégorie des anciens, on trouve La Vie en rose (Piaf/Louigy, 7 è ), La Mer (Trenet/Lasry, 10 è ). La génération disco n’est pas en reste avec YMCA (de Henri Belolo, français, mis en lumière par Village People, 8 è ) et Born To Be Alive (de l’hexagonal Patrick Hernandez, 11 è). A cela, on ajoutera une touche de classique, le Boléro de Ravel en tête (14 è ) suivi de près par Pierre et le Loup de Serge Prokofieff (17 è) .À perdre son latinLe rayon nouveauté est quasiment assuré dans son intégralité par les DJ, champions d’une musique électronique dansante, avec en tête Hello de Martin Solveig et Dragonette (6 è ), puis une belle liste de titres de David Guetta, tous largement cosignés, de I Gotta Feeling (avec les Black Eyed Peas, 9 è ), à Titanium (avec Sia, 20 è ).La liste des titres les plus rémunérateurs sur le territoire français laisse dubitatif. La palme revient logiquement à Get Lucky des Daft Punk, longtemps ennemis jurés de la Sacem française et inscrits à la PRS britannique. Ni Prévert, ni Kosma, ni Piaf ni Montand, mais du Rihanna, du Psi (Ganga Style, 5 è ), du Bruno Mars, de l’Avicii (Wake Me Up, avec Aloe Blacc, 3 è ) et du David Guetta encore. Dans cet océan anglophone, traîne un zouc antillais (Maldon, de Tropical Family et Zouk Machine, 12 è). La langue française est sauvée par Stromae (Papaoutai, 4 è), et en queue de peloton, par les rappeurs populaires Maître Gimm’s (J’me tire, 14 è) et Youssoupha (On se connaît, avec Ayna, 15 è ). On en perdrait presque son latin.Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) L’Etat a fait peu et mal pour soutenir l’industrie du disque depuis 15 ans mais l’a assommée de missions, d’études, de tables rondes, de médiations. Il y a fort à parier que les vraies causes de la faiblesse des revenus du streaming ne seront ni décrites ni résolues par la mission de médiation confiée par la ministre de la culture Fleur Pellerin au conseiller de la Cour des Comptes Marc Schwartz.Le streaming musical illimité est une nouvelle forme de commercialisation du disque, magique et empoisonnée. Magique sur le plan de l’usage. Empoisonnée sur le plan des revenus pour beaucoup.L’arrivée prochaine d’Apple Music va montrer immédiatement que pour favoriser un modèle vertueux il faut seulement admettre que le streaming gratuit ou sans consentement à payer est une sottise ; et l’argument selon lequel il lutterait contre le piratage, un attrape-nigaud.Que le site Mediapart double ses abonnés, Mediapart ne doublera pas le coût de ses achats de marchandises. Mais en musique (ou en vidéo) le financement des périodes de gratuité appelé « freemium » déclenche l’acquisition de droits coûteux des tiers à payer, ce qui est parfaitement normal : le boulanger qui déciderait de donner son pain aurait quand même à payer la farine.Faire cesser la gratuitéLe métier des plateformes à ce jour n’a pas été la musique, mais la création de barrières financières à l’entrée du marché, pour financer la gratuité et d’interminables périodes d’essai et éliminer les gueux du métier. En France, cela a été réalisé, c’est un comble, avec le soutien du gouvernement de l’époque à l’occasion du vote de Hadopi, par distorsion de concurrence en 2010 lors de l’introduction du « bundle » [offre groupée] Orange-Deezer, sous l’égide de Christine Albanel, ministre de la culture qui pantoufle, depuis, chez Orange.Les plateformes dominantes, attachées au plus petit commun dénominateur, sont et seront toujours un obstacle dangereux à l’expression des singularités artistiques.Pour faire croître les revenus des ayants droit du streaming, les leviers d’action sont au nombre de cinq :- Faire cesser la gratuité, développer le consentement à payer. Voici la solution de bon sens pour disposer de plus d’argent à redistribuer. Le principal problème vient aujourd’hui que chaque utilisateur ne rapporte rien ou pas assez en moyenne. Rappelez-vous qu’en France, derrière les millions d’utilisateurs affichés par les services de streaming, il y a un mixte d’adresses email captées, ou d’offres reçues d’un « Telco » [compagnie de téléphone] en cadeau et non payées. La proportion de vrais abonnés au prix fort est minoritaire.Segmenter les offres- Réformer les modes de reporting et encourager une plus fine répartition de l’argent récolté. Un abonné payant 9,99 par mois qui passe ses journées à écouter exclusivement le saxophoniste Paul Dupont imagine que 100 % de sa contribution financière (après déduction des taxes, droits d’auteurs et du bénéfice de la plateforme) ira aux ayants droit et à Paul Dupont. Mais non : la contribution de notre mélomane minoritaire se trouvera noyée dans le chaudron des auditeurs bien plus innombrables des répertoires dominants, et l’argent ensuite distribué au prorata.Au siècle du Big Data, pour reconstruire le contrat moral et financier qui a toujours lié le « fan » à l’artiste, il est facile de revoir cela. Onne ne peut pas obliger l’artisan bottier à adopter le modèle économique et le mode de diffusion des chaussures André. Ayants droit : vos revenus dépendent du succès des autres !- Segmenter les offres, spécialiser, singulariser. Aucun consommateur n’est plus subtil qu’un mélomane, mais les plateformes actuelles affichent une similitude navrante. En favorisant la diversité elles créeront une pyramide de consentements à payer et augmenteront l’ARPU [Average Revenu Per User ou revenu moyen par abonné]. Cette pyramide sera actionnée par exemple par des offres basées sur la qualité de son, par les tranches de répertoires ou par des offres à options (voir plus bas).La véritable segmentation se fera par l’animation et les recommandations des services, par leur style, par leur capacité à être excellents sur tel ou tel genre musical, donc rapporter davantage aux ayants droit de telle ou telle catégorie de musique - par la relation caractéristique, enfin, qu’ils sauront créer avec leurs abonnés et leurs fournisseurs.« Téléchargement à l’acte »- Labels, ayants droit doivent oser la distribution sélective. Les contenus musicaux mis à la disposition des plateformes ont des logiques économiques différentes. Un ayant droit disposant d’un large fond de catalogue bénéficiera d’une planche à billets, légitime soit dit en passant. Ce n’est pas le cas d’un indépendant débutant.Il convient de rompre avec la religion suiviste du « tout partout » et oser la distribution sélective, ignorer l’arnaque du « gratuit qui aide la promotion », cesser de donner gratuitement sur certains ce qu’on vend ailleurs. La distribution sélective aux temps du streaming, ce n’est pas refuser le streaming mais collaborer avec les plateformes adaptées aux produits qu’on veut valoriser et à en priver les autres.Comparons avec l’audiovisuel : en aucun cas vous ne trouvez tous les nouveaux films sur Netflix ou CanalPlay. Pas davantage vous ne pouvez vous permettre, producteur de musique ou artiste, de dilapider pour des revenus minuscules vos nouveautés musicales sur une plateforme de streaming, à moins qu’elle ne vous propose une solution supplémentaire de monétisation adaptée à votre répertoire ou votre produit.- Se diriger vers des abonnements à options. Au service des répertoires en développement ou des répertoires de création, il faut, finalement, actionner le modèle de l’abonnement « incrémental » qui consiste à combiner l’abonnement généralisé à un système d’achats additionnels, qu’on appelait dans le vieux monde de iTunes « téléchargement à l’acte » et qu’il faudrait renommer « acquisition de droits définitifs », par opposition aux « droits temporaires » liés à l’abonnement.Solidarité détruiteLe modèle de demain est là : l’acquisition de « suppléments » à son abonnement, pour bénéficier de telle ou telle production, label, qualité, exclusivité, avant-première qui n’est pas incluse dans l’abonnement souscrit – et créer de la valeur supplémentaire pour les ayants droit.À considérer le potentiel du marché de la musique en ligne, la passion de ses utilisateurs, rien ne semble difficile à mettre en œuvre de ces solutions afin que le marché devienne adulte c’est-à-dire responsable vis-à-vis des ayants droit.Le streaming à ce jour a détruit le rapport économique de solidarité qui dans la musique enregistrée a toujours lié l’auditeur et le répertoire écouté. Les groupes de passionnés de musique avaient inventé bien avant l’heure le fameux crowdfounding : ils ont toujours soutenu et financé leur passion par leurs achats - en respectant un contrat implicite qui liait le producteur à son public de fans.Le producteur évaluait avant de produire le public potentiel d’un projet, et calibrait ses dépenses de production en fonction. Il y avait un rapport clair et facilement évaluable entre les moyens investis et l’espérance commerciale, qui pouvait s’évaluer au moyen d’une simple calculette sur une table de bistro. Les aléas des échecs ou des succès inattendus venaient trahir le plus souvent les prévisions, on se rattrapait de neuf échecs sur un succès.Le streaming tel qu’on le connaît aujourd’hui rend cela impossible.Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) Luc Vinogradoff (@Sonsperdus) On entend depuis quelques années le terme « retour de flamme » pour parler du renouveau de la scène électronique française, et parisienne en particulier. Comme si Paris était redevenue hype sans qu’on s’en aperçoive, en réaction à la baisse de forme d’autres épicentres. C’est le travail quotidien, méticuleux et persévérant d’une multitude d’acteurs (associations, salles, bénévoles et même collectivités locales) qui a permis à Paris de se hisser au niveau d’autres capitales de la techno, de la deep house, de la minimale, de l’électro et de tous les sous-genres qu’on peut imaginer. Plus une semaine ne passe sans qu’il y ait une soirée attirante, une pointure internationale qui soit de passage.En tête de proue, le collectif Surprize, qui organise la 3e édition du Weather Festival à partir du jeudi 4 juin. A son lancement, le festival avait attiré 35 000 personnes et un début de bonne réputation (même si côté pratique, tout n’était pas parfaitement carré, comme les points d’eau). Un an plus tard, il a pris une nouvelle dimension, avec une line-up mélangeant les sons de Berlin et Detroit, les pointures et les espoirs (dont beaucoup de Français), les sets collaboratifs et quelques surprises. Ce n’est pas pour rien que le site spécialié Beatport a classé le Weather en haut de sa liste des pèlerinages électroniques à accomplir en 2015, à côté des géants comme Sonar en Espagne ou Awakenings et Dekmantel aux Pays-Bas.Des hangars du Bourget en 2014, on passe à la nature et à un espace de 100 000 m2 dans le bois de Vincennes. En trois jours, plus de 70 artistes passeront sur cinq scènes aux couleurs des saisons. Afin que que vous ne passiez pas votre temps à regarder le programme pour savoir qui joue en ce moment et où aller, on vous a préparé notre parcours-type pour la nuit de vendredi.18 heures. Si vous pouvez, arrivez tôt et profitez de l’espace et des 30 °C qui s’annoncent avant que la foule ne déferle. On attend quand même 50 000 personnes. La programmation démarre lentement, le temps que le public sorte des cours et des bureaux. Allez jeter une oreille du côté de l’Allemand Matthew Herbert (scène Hiver), un DJ expérimental qui peut vous surprendre comme vous faire fuir, ou de le Français Neue Grafik (scène Printemps), qui, pour le coup, vous fera toujours danser.23 heures/Scène Automne. L’ouverture du festival, jeudi, a été marquée par la performance d’une légende électronique de Detroit, Derrick May. Logique donc qu’on enchaîne le vendredi avec un autre DJ du même calibre et du même espace-temps, Juan Atkins. Les organisateurs ont voulu additionner dès le début les poids lourds, puisque le Berlinois Moritz Von Oswald sera avec Atkins sur scène : une entrée en matière lourde en dub, pour se dégourdir les jambes.Minuit/Scène Eté. Une des spécialités de cette édition tiendra dans les collaborations en live, un exercice compliqué, dont le résultat peut être soit forcé, soit sublime. Plutôt que les expérimentations sombres de Vatican Shadow, Ron Morelli et Low Jack, mieux vaut tenter l’ambiance plus funky et chaleureuse du back2back de Marcellus Pittman et du jeune Allemand Danilo Plessow, alias Motor City Drum Ensemble. Encore une bonne dose de Detroit, l’éclectisme en prime.1 heure/Scène Automne et Hiver. Les choses sérieuses commencent, si ce que vous cherchiez est un tunnel de quatre heures de techno pure et dure, avec à peine quelques éclaircissements. On vous conseille de faire vos lacets et de protéger vos tympans : Ben Klock et Len Faki, deux géants Berlinois proches du label Ostgut Ton et de la scène du Berghain font dans les basses qui anéantissent, le minimal qui fait bouger mais reste glacial.Chacun a un set de trois heures, assez pour qu’ils trouvent un rythme et assez pour qu’on puisse profiter des deux.3 heures/Scène Eté. Si les décibels allemands finissent par saturer, l’Anglais Kieran Hebden, alias Four Tet, offrira un registre beaucoup plus ensoleillé et dansant avec son ami Floating Points. Chaque passage de Four Tet à Paris est une petite fête qui ne se rate pas ; il y a peu de DJ qui arrivent à passer aussi subtilement du funk à l’électro et à capter en un coup d’œil l’envie de public. Regardez le passage entre 23:00 et 27:50 sur la vidéo ci-dessous et essayer de ne pas, au minimum, hocher la tête.4 heures/Scène Hiver. Ça vous laisse une petite heure pour être témoin de ce qui sera peut-être le meilleur set de la nuit. Blawan et Pariah sont deux DJ qui ont fait leurs classes à Londres, mais plutôt que de se noyer dans la vague dupstep, ils prennent des chemins détournés qui aboutissent à Karenn, un duo qui ressuscite la techno sale et saturée, presque violente.Un live entièrement en analogique, des centaines de fils colorés et des clignotants à l’infini, plus adapté à une cave de club avec le moins de lumière possible, mais qui devrait aussi fonctionner en plein air. Un set (trop court) qui soit vous enverra dormir dans le coin hamac, soit vous donnera l’énergie nécessaire pour voir un dernier grand nom de, vous l’avez deviné, Detroit, « le Magicien » Jeff Mills, qui accueillera le lever du soleil.Luc Vinogradoff (@Sonsperdus)Journaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale) Si la date du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), grand messe de la filière installée à Cannes depuis 1967, a changé, passant du traditionnel mois de janvier à juin, certains rituels sont gravés dans le marbre. Par exemple, la conférence de presse de la Sacem, la société civile française qui gère les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. La « vieille dame » (pionnière en son genre, elle fut créée en 1851) a dévoilé samedi 5 juin les chiffres de son activité pour 2014.La Sacem a collecté au cours de cette année 1, 273 milliard d’euros, pour le compte de ses membres (153 000 dont 18 350 étrangers de 164 nationalités différentes, dont un fort contingent africain et européen) et pour celui des sociétés qu’elle représente. Sans surprise, la diffusion sur les médias audio et télévisuels est le plus gros pourvoyeur de recettes (320,4 millions d’euros) suivie par les diffusions publiques (concerts, night-clubs, fonds sonores…) pour 280,7 millions d’euros. Le CD et le DVD chutent (56,7 millions d’euros) derrière les droits pour la copie privée (64, 8 millions), mais toujours largement devant l’internet (30,6 millions), malgré le traitement en 2014 de 251,6 milliards d’actes de téléchargement et de streaming. La Sacem a redistribué 1, 095 milliard à 276 000 créateurs du monde entier, pour deux millions d’œuvres, et attribué 52,6 millions d’euros à l’action culturelle et socialeTop 20 des exportationsLa publication de la liste des œuvres les plus exportées pendant l’année écoulée reste un moment parfait pour le cancanage. On pourra toujours se moquer, ou se réjouir, de la présence des incunables de la représentation française, à commencer par Comme d’habitude, de Claude François, Jacques Revaux et Gilles Thibaut, porté par les interprétations de Paul Anka et Franck Sinatra. La chanson figure en deuxième place du Top 20 des exportations, derrière un hybride de musique angolaise, Danza Kuduro, interprété par Don Omar, avec Lucenzo. Autre bizarrerie, Mr Saxobeat, d’Alexandra Stan, se glisse avant Les Feuilles mortes (Prévert, Kosna et Enoch, 4 è). Dans la catégorie des anciens, on trouve La Vie en rose (Piaf/Louigy, 7 è ), La Mer (Trenet/Lasry, 10 è ). La génération disco n’est pas en reste avec YMCA (de Henri Belolo, français, mis en lumière par Village People, 8 è ) et Born To Be Alive (de l’hexagonal Patrick Hernandez, 11 è). A cela, on ajoutera une touche de classique, le Boléro de Ravel en tête (14 è ) suivi de près par Pierre et le Loup de Serge Prokofieff (17 è) .À perdre son latinLe rayon nouveauté est quasiment assuré dans son intégralité par les DJ, champions d’une musique électronique dansante, avec en tête Hello de Martin Solveig et Dragonette (6 è ), puis une belle liste de titres de David Guetta, tous largement cosignés, de I Gotta Feeling (avec les Black Eyed Peas, 9 è ), à Titanium (avec Sia, 20 è ).La liste des titres les plus rémunérateurs sur le territoire français laisse dubitatif. La palme revient logiquement à Get Lucky des Daft Punk, longtemps ennemis jurés de la Sacem française et inscrits à la PRS britannique. Ni Prévert, ni Kosma, ni Piaf ni Montand, mais du Rihanna, du Psi (Ganga Style, 5 è ), du Bruno Mars, de l’Avicii (Wake Me Up, avec Aloe Blacc, 3 è ) et du David Guetta encore. Dans cet océan anglophone, traîne un zouc antillais (Maldon, de Tropical Family et Zouk Machine, 12 è). La langue française est sauvée par Stromae (Papaoutai, 4 è), et en queue de peloton, par les rappeurs populaires Maître Gimm’s (J’me tire, 14 è) et Youssoupha (On se connaît, avec Ayna, 15 è ). On en perdrait presque son latin.Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) L’Etat a fait peu et mal pour soutenir l’industrie du disque depuis 15 ans mais l’a assommée de missions, d’études, de tables rondes, de médiations. Il y a fort à parier que les vraies causes de la faiblesse des revenus du streaming ne seront ni décrites ni résolues par la mission de médiation confiée par la ministre de la culture Fleur Pellerin au conseiller de la Cour des Comptes Marc Schwartz.Le streaming musical illimité est une nouvelle forme de commercialisation du disque, magique et empoisonnée. Magique sur le plan de l’usage. Empoisonnée sur le plan des revenus pour beaucoup.L’arrivée prochaine d’Apple Music va montrer immédiatement que pour favoriser un modèle vertueux il faut seulement admettre que le streaming gratuit ou sans consentement à payer est une sottise ; et l’argument selon lequel il lutterait contre le piratage, un attrape-nigaud.Que le site Mediapart double ses abonnés, Mediapart ne doublera pas le coût de ses achats de marchandises. Mais en musique (ou en vidéo) le financement des périodes de gratuité appelé « freemium » déclenche l’acquisition de droits coûteux des tiers à payer, ce qui est parfaitement normal : le boulanger qui déciderait de donner son pain aurait quand même à payer la farine.Faire cesser la gratuitéLe métier des plateformes à ce jour n’a pas été la musique, mais la création de barrières financières à l’entrée du marché, pour financer la gratuité et d’interminables périodes d’essai et éliminer les gueux du métier. En France, cela a été réalisé, c’est un comble, avec le soutien du gouvernement de l’époque à l’occasion du vote de Hadopi, par distorsion de concurrence en 2010 lors de l’introduction du « bundle » [offre groupée] Orange-Deezer, sous l’égide de Christine Albanel, ministre de la culture qui pantoufle, depuis, chez Orange.Les plateformes dominantes, attachées au plus petit commun dénominateur, sont et seront toujours un obstacle dangereux à l’expression des singularités artistiques.Pour faire croître les revenus des ayants droit du streaming, les leviers d’action sont au nombre de cinq :- Faire cesser la gratuité, développer le consentement à payer. Voici la solution de bon sens pour disposer de plus d’argent à redistribuer. Le principal problème vient aujourd’hui que chaque utilisateur ne rapporte rien ou pas assez en moyenne. Rappelez-vous qu’en France, derrière les millions d’utilisateurs affichés par les services de streaming, il y a un mixte d’adresses email captées, ou d’offres reçues d’un « Telco » [compagnie de téléphone] en cadeau et non payées. La proportion de vrais abonnés au prix fort est minoritaire.Segmenter les offres- Réformer les modes de reporting et encourager une plus fine répartition de l’argent récolté. Un abonné payant 9,99 par mois qui passe ses journées à écouter exclusivement le saxophoniste Paul Dupont imagine que 100 % de sa contribution financière (après déduction des taxes, droits d’auteurs et du bénéfice de la plateforme) ira aux ayants droit et à Paul Dupont. Mais non : la contribution de notre mélomane minoritaire se trouvera noyée dans le chaudron des auditeurs bien plus innombrables des répertoires dominants, et l’argent ensuite distribué au prorata.Au siècle du Big Data, pour reconstruire le contrat moral et financier qui a toujours lié le « fan » à l’artiste, il est facile de revoir cela. Onne ne peut pas obliger l’artisan bottier à adopter le modèle économique et le mode de diffusion des chaussures André. Ayants droit : vos revenus dépendent du succès des autres !- Segmenter les offres, spécialiser, singulariser. Aucun consommateur n’est plus subtil qu’un mélomane, mais les plateformes actuelles affichent une similitude navrante. En favorisant la diversité elles créeront une pyramide de consentements à payer et augmenteront l’ARPU [Average Revenu Per User ou revenu moyen par abonné]. Cette pyramide sera actionnée par exemple par des offres basées sur la qualité de son, par les tranches de répertoires ou par des offres à options (voir plus bas).La véritable segmentation se fera par l’animation et les recommandations des services, par leur style, par leur capacité à être excellents sur tel ou tel genre musical, donc rapporter davantage aux ayants droit de telle ou telle catégorie de musique - par la relation caractéristique, enfin, qu’ils sauront créer avec leurs abonnés et leurs fournisseurs.« Téléchargement à l’acte »- Labels, ayants droit doivent oser la distribution sélective. Les contenus musicaux mis à la disposition des plateformes ont des logiques économiques différentes. Un ayant droit disposant d’un large fond de catalogue bénéficiera d’une planche à billets, légitime soit dit en passant. Ce n’est pas le cas d’un indépendant débutant.Il convient de rompre avec la religion suiviste du « tout partout » et oser la distribution sélective, ignorer l’arnaque du « gratuit qui aide la promotion », cesser de donner gratuitement sur certains ce qu’on vend ailleurs. La distribution sélective aux temps du streaming, ce n’est pas refuser le streaming mais collaborer avec les plateformes adaptées aux produits qu’on veut valoriser et à en priver les autres.Comparons avec l’audiovisuel : en aucun cas vous ne trouvez tous les nouveaux films sur Netflix ou CanalPlay. Pas davantage vous ne pouvez vous permettre, producteur de musique ou artiste, de dilapider pour des revenus minuscules vos nouveautés musicales sur une plateforme de streaming, à moins qu’elle ne vous propose une solution supplémentaire de monétisation adaptée à votre répertoire ou votre produit.- Se diriger vers des abonnements à options. Au service des répertoires en développement ou des répertoires de création, il faut, finalement, actionner le modèle de l’abonnement « incrémental » qui consiste à combiner l’abonnement généralisé à un système d’achats additionnels, qu’on appelait dans le vieux monde de iTunes « téléchargement à l’acte » et qu’il faudrait renommer « acquisition de droits définitifs », par opposition aux « droits temporaires » liés à l’abonnement.Solidarité détruiteLe modèle de demain est là : l’acquisition de « suppléments » à son abonnement, pour bénéficier de telle ou telle production, label, qualité, exclusivité, avant-première qui n’est pas incluse dans l’abonnement souscrit – et créer de la valeur supplémentaire pour les ayants droit.À considérer le potentiel du marché de la musique en ligne, la passion de ses utilisateurs, rien ne semble difficile à mettre en œuvre de ces solutions afin que le marché devienne adulte c’est-à-dire responsable vis-à-vis des ayants droit.Le streaming à ce jour a détruit le rapport économique de solidarité qui dans la musique enregistrée a toujours lié l’auditeur et le répertoire écouté. Les groupes de passionnés de musique avaient inventé bien avant l’heure le fameux crowdfounding : ils ont toujours soutenu et financé leur passion par leurs achats - en respectant un contrat implicite qui liait le producteur à son public de fans.Le producteur évaluait avant de produire le public potentiel d’un projet, et calibrait ses dépenses de production en fonction. Il y avait un rapport clair et facilement évaluable entre les moyens investis et l’espérance commerciale, qui pouvait s’évaluer au moyen d’une simple calculette sur une table de bistro. Les aléas des échecs ou des succès inattendus venaient trahir le plus souvent les prévisions, on se rattrapait de neuf échecs sur un succès.Le streaming tel qu’on le connaît aujourd’hui rend cela impossible.Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) Luc Vinogradoff (@Sonsperdus) On entend depuis quelques années le terme « retour de flamme » pour parler du renouveau de la scène électronique française, et parisienne en particulier. Comme si Paris était redevenue hype sans qu’on s’en aperçoive, en réaction à la baisse de forme d’autres épicentres. C’est le travail quotidien, méticuleux et persévérant d’une multitude d’acteurs (associations, salles, bénévoles et même collectivités locales) qui a permis à Paris de se hisser au niveau d’autres capitales de la techno, de la deep house, de la minimale, de l’électro et de tous les sous-genres qu’on peut imaginer. Plus une semaine ne passe sans qu’il y ait une soirée attirante, une pointure internationale qui soit de passage.En tête de proue, le collectif Surprize, qui organise la 3e édition du Weather Festival à partir du jeudi 4 juin. A son lancement, le festival avait attiré 35 000 personnes et un début de bonne réputation (même si côté pratique, tout n’était pas parfaitement carré, comme les points d’eau). Un an plus tard, il a pris une nouvelle dimension, avec une line-up mélangeant les sons de Berlin et Detroit, les pointures et les espoirs (dont beaucoup de Français), les sets collaboratifs et quelques surprises. Ce n’est pas pour rien que le site spécialié Beatport a classé le Weather en haut de sa liste des pèlerinages électroniques à accomplir en 2015, à côté des géants comme Sonar en Espagne ou Awakenings et Dekmantel aux Pays-Bas.Des hangars du Bourget en 2014, on passe à la nature et à un espace de 100 000 m2 dans le bois de Vincennes. En trois jours, plus de 70 artistes passeront sur cinq scènes aux couleurs des saisons. Afin que que vous ne passiez pas votre temps à regarder le programme pour savoir qui joue en ce moment et où aller, on vous a préparé notre parcours-type pour la nuit de vendredi.18 heures. Si vous pouvez, arrivez tôt et profitez de l’espace et des 30 °C qui s’annoncent avant que la foule ne déferle. On attend quand même 50 000 personnes. La programmation démarre lentement, le temps que le public sorte des cours et des bureaux. Allez jeter une oreille du côté de l’Allemand Matthew Herbert (scène Hiver), un DJ expérimental qui peut vous surprendre comme vous faire fuir, ou de le Français Neue Grafik (scène Printemps), qui, pour le coup, vous fera toujours danser.23 heures/Scène Automne. L’ouverture du festival, jeudi, a été marquée par la performance d’une légende électronique de Detroit, Derrick May. Logique donc qu’on enchaîne le vendredi avec un autre DJ du même calibre et du même espace-temps, Juan Atkins. Les organisateurs ont voulu additionner dès le début les poids lourds, puisque le Berlinois Moritz Von Oswald sera avec Atkins sur scène : une entrée en matière lourde en dub, pour se dégourdir les jambes.Minuit/Scène Eté. Une des spécialités de cette édition tiendra dans les collaborations en live, un exercice compliqué, dont le résultat peut être soit forcé, soit sublime. Plutôt que les expérimentations sombres de Vatican Shadow, Ron Morelli et Low Jack, mieux vaut tenter l’ambiance plus funky et chaleureuse du back2back de Marcellus Pittman et du jeune Allemand Danilo Plessow, alias Motor City Drum Ensemble. Encore une bonne dose de Detroit, l’éclectisme en prime.1 heure/Scène Automne et Hiver. Les choses sérieuses commencent, si ce que vous cherchiez est un tunnel de quatre heures de techno pure et dure, avec à peine quelques éclaircissements. On vous conseille de faire vos lacets et de protéger vos tympans : Ben Klock et Len Faki, deux géants Berlinois proches du label Ostgut Ton et de la scène du Berghain font dans les basses qui anéantissent, le minimal qui fait bouger mais reste glacial.Chacun a un set de trois heures, assez pour qu’ils trouvent un rythme et assez pour qu’on puisse profiter des deux.3 heures/Scène Eté. Si les décibels allemands finissent par saturer, l’Anglais Kieran Hebden, alias Four Tet, offrira un registre beaucoup plus ensoleillé et dansant avec son ami Floating Points. Chaque passage de Four Tet à Paris est une petite fête qui ne se rate pas ; il y a peu de DJ qui arrivent à passer aussi subtilement du funk à l’électro et à capter en un coup d’œil l’envie de public. Regardez le passage entre 23:00 et 27:50 sur la vidéo ci-dessous et essayer de ne pas, au minimum, hocher la tête.4 heures/Scène Hiver. Ça vous laisse une petite heure pour être témoin de ce qui sera peut-être le meilleur set de la nuit. Blawan et Pariah sont deux DJ qui ont fait leurs classes à Londres, mais plutôt que de se noyer dans la vague dupstep, ils prennent des chemins détournés qui aboutissent à Karenn, un duo qui ressuscite la techno sale et saturée, presque violente.Un live entièrement en analogique, des centaines de fils colorés et des clignotants à l’infini, plus adapté à une cave de club avec le moins de lumière possible, mais qui devrait aussi fonctionner en plein air. Un set (trop court) qui soit vous enverra dormir dans le coin hamac, soit vous donnera l’énergie nécessaire pour voir un dernier grand nom de, vous l’avez deviné, Detroit, « le Magicien » Jeff Mills, qui accueillera le lever du soleil.Luc Vinogradoff (@Sonsperdus)Journaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Gilles Rof (Marseille, correspondance) Premier grain de sable dans la gestion de Jean-François Chougnet, le nouveau président du Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM). La CFDT-Culture a adressé, le 3 juin, un « billet d’humeur » cinglant aux salariés du musée national implanté à l’entrée du port de Marseille. Cause de sa colère, le projet MuCEM Plage : un espace de plusieurs milliers de mètres carrés qui s’installera du 25 juillet au 21 août sur l’esplanade du J4, bâtiment de l’architecte Rudy Ricciotti. Des parasols sur 640 tonnes de sable, un « brumisateur géant », des terrains de sport, des cours de yoga, un boulodrome et un bar-terrasse. « Pour le public, cette esplanade fait partie du MuCEM, dit son président. Nous avions besoin d’y avoir une cohérence d’occupation et un choix d’événements qualitatifs. »« De qui se moque-t-on ? », s’enflamme la... Florence Evin La ville arabe, son passé, son présent, son avenir, tel est le thème de la première édition parisienne des Rendez-vous de l’Histoire du monde arabe, rencontres thématiques lancées à Blois par Jack Lang, il y a vingt ans. Le président de l’Institut du monde arabe (IMA), qui a été aussi maire de Blois, a importé dans la capitale cette manifestation annuelle, sorte d’université populaire, ouverte à tous, gratuitement, du vendredi 5 au dimanche 7 juin.C’est l'histoire du monde arabe décryptée dans l’actualité de la déferlante barbare et sans limites de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) qui saccage les sites archéologiques pour éradiquer toutes traces des anciennes civilisations et prôner un retour au temps de Mahomet, au tout début du VIIe siècle, aux sources littérales. L’occasion de « montrer aussi un autre aspect de la notion même de cité dans cette ancienne géographie complètement déstructurée et qui a besoin de sens », indique Francis Chevrier, commissaire général de ce rendez-vous parisien.Lire aussi :Péril mortel sur la Mésopotamie antique« La mémoire est révolutionnaire »« L’IMA a pour mission de faire avancer les connaissances, les sciences, souligne Jack Lang. J’ai la conviction que le savoir, la culture, sont des armes pour lutter contre les préjugés, la violence, les extrémismes. La mémoire permet de comprendre le passé pour inventer l’avenir. François Mitterrand disait : “La mémoire est révolutionnaire” ». Sujet brûlant, tant les villes de Syrie et d’Irak sont, avec leurs habitants, les premières victimes de la guerre qui fait aujourd’hui des ravages dans ce Moyen Orient, l’ancienne Mésopotamie où furent inventées l’écriture, la cité, l’architecture, il y a 5 000 ans – l’actuel Irak avec une frange syrienne. Avec l’écriture sont nées la mémoire et l’Histoire.Actualité aussi des cités rebelles, théâtres des soulèvements populaires depuis 2011, Tunis, Sanaa, Le Caire, Homs, etc., qui ont fait leurs Printemps arabes. Que sont-elles devenues ? Ou encore Jérusalem où les communautés se disputent la vieille ville, sanctuaire des trois religions du Livre, cernée de remparts. A Dubaï, Doha, Abou Dhabi, dans la péninsule arabique, les « malls », centres commerciaux géants et leurs gratte-ciel, remplacent les vieux souks, annonçant un changement de société.Palmyre, « perle du désert » syrienL’antique Palmyre, « perle du désert » syrien, monumentale et opulente cité caravanière des deux premiers siècles de notre ère, aujourd’hui occupée par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), est concernée ; comme Alep, ville martyre, dont les venelles et maisons en pierre de taille du Moyen Age sont détruites ; ou encore Babylone, sur les ruines de laquelle les troupes américaines puis polonaises avaient installé leurs camps militaires.Lire aussi :Les ruines grandioses d’une opulente cité caravanièreIl s’agit aussi d’Hatra la parthe, Nimroud l’assyrienne, en Irak, ou Mari et Apamée en Syrie, pillées et détruites par les islamistes fanatiques. « Il ne faut pas que Daesh [acronyme arabe de l’EI] nous fasse oublier toute la richesse de ces civilisations arabes dans la grande épopée humaine », souligne Maati Kabbal, responsable des jeudis de l’IMA et coordinateur de l’événement. « Une université populaire très didactique »Pas de conférences ennuyeuses, promet Francis Chevrier, « ce n’est pas un colloque où les savants parlent aux savants, mais une université populaire très didactique pour parler au plus grand nombre sans vulgariser, en donnant les résultats de la recherche la plus exigeante ».Cent cinquante intervenants, dont quarante étrangers, animeront cinquante deux tables rondes, à l’Institut, où il sera question de « l’urbanicide » perpétré par l’EI, pour reprendre la formule de l’historien Henry Laurens, mais pas seulement. « Dans un moment où les discours réducteurs répondent aux pratiques les plus nihilistes, il est d’une urgence civique au plus haut niveau de reprendre avec des historiens et des chercheurs professionnels les mille et un foisonnements de l’histoire du monde arabe », précise le professeur au Collège de France qui lancera les débats. En rappelant que l’idée d’un monde arabe était une invention du XIXe siècle.Un programme très riche et dense qui s’inscrit dans toutes les périodes de l’Histoire, pour comprendre les villes arabes, hier, aujourd’hui, et construire demain. Et se rappeler, comme en témoigne l’ancien ambassadeur en Egypte, Gilles Gauthier, ces trois semaines de solidarité, place Tahrir, au Caire, où toutes les classes sociales de toutes confessions et tous âges, étaient réunies dans un même espoir. Première édition des Rendez-vous de l’Histoire à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, du vendredi 5 au dimanche 7 juin. 52 tables rondes animées par 150 chercheurs et spécialistes. Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles. www.imarabe.orgFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.06.2015 à 16h05 • Mis à jour le04.06.2015 à 16h14 | Jean-Jacques Larrochelle L’architecte Françoise-Hélène Jourda, une des premières à militer en France pour la prise en compte de l’écologie dans la construction, est décédée à Paris, dimanche 31 mai, des suites d’un cancer. Elle avait 59 ans.Née à Lyon le 26 novembre 1955, la jeune femme, à laquelle on prêtait des origines germaniques qu’elle précisait ne pas avoir, obtient en 1979 son diplôme dans l’école d’architecture de la ville. Elle y enseigne jusqu’en 1983. Quatre ans plus tard, au côté de son associé d’alors, Gilles Perraudin, elle remporte le concours international de ce qui devient l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon. Le bâtiment décroche la même année une mention spéciale au prix de l’Equerre d’argent, notamment pour sa conception fondée sur des principes bioclimatiques dont une double façade alors inédite.Une architecte de référence internationaleCette approche pionnière la rapproche des pays nordiques et germaniques déjà convaincus des vertus de l’architecture écologique. Françoise-Hélène Jourda obtient le Holzbaupreis pour le Centre de formation de Herne Sodingen, qu’elle réalise en Allemagne en 1999 après huit années de recherches et d’études. Selon un mode constructif simple, les éléments du programme sont intégrés dans une immense serre de 13 000 m2, un dispositif permettant de réduire considérablement les déperditions d’énergie. Ce projet l’impose comme une architecte de référence internationale dans ce que l’on commence à nommer la haute qualité environnementale (HQE).En France, on lui doit notamment l’université de Marne-la-Vallée (1992), le palais de justice de Melun (1994), les serres du Jardin botanique de Bordeaux (1999), le Musée botanique de Bordeaux (2007), l’aménagement des berges du Rhône à Lyon (2007), l’hôpital privé Jean Mermoz, à Lyon (2008), et, en 2013, deux programmes à énergie positive (qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment) : la résidence « Green Park » à Versailles ainsi que la réhabilitation à Paris de la Halle Pajol, un ancien entrepôt ferroviaire proche de la gare de l’Est devenue une auberge de jeunesse.« Le développement durable, s’il était véritablement pris en compte dans l’ensemble de notre cadre de vie, à toutes les échelles de l’aménagement, c’est-à-dire du territoire jusqu’à l’objet, serait susceptible de transformer profondément la ville, le paysage, l’habitat, les lieux de vie en général. Une telle démarche engendrerait des métamorphoses considérables et permanentes de nos espaces d’évolution », écrivait-elle en préambule de l’exposition « Métamorphoses durables : vivre et habiter autrement » lors de la 9e biennale d’architecture de Venise en 2004 où elle avait assuré le commissariat du pavillon français.« Responsabilité citoyenne »Pour Françoise-Hélène Jourda, l’architecte est un acteur du développement à part entière. Elle était convaincue qu’il portait « une véritable responsabilité citoyenne », soulignait la ministre de la culture, Fleur Pellerin, dans l’hommage qu’elle lui a rendu au lendemain de sa disparition. En septembre 2007, en préambule au Grenelle de l’environnement, dont elle avait été la seule représentante du monde de l’architecture, elle avait remis un rapport sur la prise en compte de l’écologie dans la construction.Après avoir enseigné à Lyon (1979-1983), Saint-Etienne (1985-1989), Oslo (1990), à l’université du Minnesota et à l’Ecole polytechnique de Londres (1992), à l’université technique de Kassel (1998), Françoise-Hélène Jourda a occupé, à partir de 1999, la chaire d’écologie architecturale à la Technische Universität de Vienne. Son souci de transmission s’est également traduit sous la forme de nombreux textes et publications dont rend compte le site de son agence d’architecture (jourda-architectes.com).Françoise-Hélène Jourda a obtenu de nombreuses distinctions. Elle a été membre d’honneur de la BDA (Académie d’architecture d’Allemagne), chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du Mérite, chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, membre de l’Académie allemande des Beaux-Arts (Akademie der Künste) et membre de l’Académie d'architecture. En 2007, elle avait été lauréate du Global Award for Sustainable Architecture (Prix international d’architecture durable).Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle L’architecte Françoise-Hélène Jourda, une des premières à militer en France pour la prise en compte de l’écologie dans la construction, est décédée à Paris, dimanche 31 mai, des suites d’un cancer. Elle avait 59 ans.Née à Lyon le 26 novembre 1955, la jeune femme, à laquelle on prêtait des origines germaniques qu’elle précisait ne pas avoir, obtient en 1979 son diplôme dans l’école d’architecture de la ville. Elle y enseigne jusqu’en 1983. Quatre ans plus tard, au côté de son associé d’alors, Gilles Perraudin, elle remporte le concours international de ce qui devient l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon. Le bâtiment décroche la même année une mention spéciale au prix de l’Equerre d’argent, notamment pour sa conception fondée sur des principes bioclimatiques dont une double façade alors inédite.Une architecte de référence internationaleCette approche pionnière la rapproche des pays nordiques et germaniques déjà convaincus des vertus de l’architecture écologique. Françoise-Hélène Jourda obtient le Holzbaupreis pour le Centre de formation de Herne Sodingen, qu’elle réalise en Allemagne en 1999 après huit années de recherches et d’études. Selon un mode constructif simple, les éléments du programme sont intégrés dans une immense serre de 13 000 m2, un dispositif permettant de réduire considérablement les déperditions d’énergie. Ce projet l’impose comme une architecte de référence internationale dans ce que l’on commence à nommer la haute qualité environnementale (HQE).En France, on lui doit notamment l’université de Marne-la-Vallée (1992), le palais de justice de Melun (1994), les serres du Jardin botanique de Bordeaux (1999), le Musée botanique de Bordeaux (2007), l’aménagement des berges du Rhône à Lyon (2007), l’hôpital privé Jean Mermoz, à Lyon (2008), et, en 2013, deux programmes à énergie positive (qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment) : la résidence « Green Park » à Versailles ainsi que la réhabilitation à Paris de la Halle Pajol, un ancien entrepôt ferroviaire proche de la gare de l’Est devenue une auberge de jeunesse.« Le développement durable, s’il était véritablement pris en compte dans l’ensemble de notre cadre de vie, à toutes les échelles de l’aménagement, c’est-à-dire du territoire jusqu’à l’objet, serait susceptible de transformer profondément la ville, le paysage, l’habitat, les lieux de vie en général. Une telle démarche engendrerait des métamorphoses considérables et permanentes de nos espaces d’évolution », écrivait-elle en préambule de l’exposition « Métamorphoses durables : vivre et habiter autrement » lors de la 9e biennale d’architecture de Venise en 2004 où elle avait assuré le commissariat du pavillon français.« Responsabilité citoyenne »Pour Françoise-Hélène Jourda, l’architecte est un acteur du développement à part entière. Elle était convaincue qu’il portait « une véritable responsabilité citoyenne », soulignait la ministre de la culture, Fleur Pellerin, dans l’hommage qu’elle lui a rendu au lendemain de sa disparition. En septembre 2007, en préambule au Grenelle de l’environnement, dont elle avait été la seule représentante du monde de l’architecture, elle avait remis un rapport sur la prise en compte de l’écologie dans la construction.Après avoir enseigné à Lyon (1979-1983), Saint-Etienne (1985-1989), Oslo (1990), à l’université du Minnesota et à l’Ecole polytechnique de Londres (1992), à l’université technique de Kassel (1998), Françoise-Hélène Jourda a occupé, à partir de 1999, la chaire d’écologie architecturale à la Technische Universität de Vienne. Son souci de transmission s’est également traduit sous la forme de nombreux textes et publications dont rend compte le site de son agence d’architecture (jourda-architectes.com).Françoise-Hélène Jourda a obtenu de nombreuses distinctions. Elle a été membre d’honneur de la BDA (Académie d’architecture d’Allemagne), chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du Mérite, chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, membre de l’Académie allemande des Beaux-Arts (Akademie der Künste) et membre de l’Académie d'architecture. En 2007, elle avait été lauréate du Global Award for Sustainable Architecture (Prix international d’architecture durable).Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 04.06.2015 à 06h45 • Mis à jour le04.06.2015 à 07h12 Tous les jeudis, « Le Monde des livres » vous propose ses choix dans La Matinale.JournalC’était l’un des secrets les mieux gardés de la littérature française : le Journal de l’avocat Maurice Garçon (1889-1967), soigneusement conservé par sa famille. La parution du tome couvrant les années 1939 à 1945 est l’un des événements de ce printemps.Maurice Garçon, à savoir ? Un mélange détonant de donquichottisme moral, de noctambulisme mondain et de funambulisme érudit, qui fit de ce ténor du barreau, académicien français et châtelain, un ami de Léautaud, un auteur pour le Grand-Guignol, un défenseur de Pauvert et d’Hara-Kiri mensuel. C’est l’envers de son dandysme que révèle ce Journal, où il se fait au jour le jour le chroniqueur impitoyable du naufrage de la IIIe République, faillite que parachève la sanglante pitrerie de l’Etat français. Gant de crin et paille de fer, rien ne résiste à sa mémoire exacte et à l’acuité de son regard. Ce journal est un témoignage capital, celui d’un humaniste désenchanté, trompant sa honte avec son dégoût, mais tenant bon. François Angelier Journal (1939-1945), de Maurice Garçon, édité par Pascal Fouché et Pascale Froment, Les Belles Lettres-Fayard, 704 p., 29 €.RomanC’est peu de dire que, pour la deuxième « saison » de la saga Vernon Subutex, Virginie Despentes fait le choix de surprendre. A l’infinie noirceur du premier tome, paru en janvier, succède la lumière. Ancien disquaire que la mort de la star Alex Bleach avait laissé sans personne pour payer son loyer, Vernon Subutex avait passé le premier tome à aller d’un canapé à l’autre, avant de se retrouver à la rue pour de bon. C’est là qu’on le retrouve au début du deuxième. Tous les anciens amis rencontrés dans la première partie, en le découvrant SDF, sont pris de culpabilité. Si Vernon refuse les propositions d’hébergement, ces hommes et ces femmes perclus de solitude, renfermés sur eux-mêmes, remâchant leurs échecs et leurs désillusions, se mettent à constituer un groupe autour de lui. Si l’on est surpris par la douceur qui se dégage de ce tome II, celle-ci gagne le lecteur. Parce qu’elle n’a rien de lénifiant ; parce qu’elle n’amollit pas le sens de l’observation de l’auteure, on referme ce deuxième tome impatient de lire le troisième, pour découvrir où tout ça va mener Vernon et les autres. Il est annoncé pour l’automne. Raphaëlle Leyris Vernon Subutex 2, de Virginie Despentes, Grasset, 400 p., 19,90 €. En librairie le 9 juin.RomanC’était le temps où les papes avaient des enfants presque au grand jour. Lorsque, en 1492, Alexandre VI (Rodrigue Borgia) est élu à la sainte chaire de Rome, il convoque sa progéniture : Juan, 18 ans, César, 16, Lucrèce, 12, et Jofré, 10, auxquels on a toujours fait croire qu’il était leur oncle. Après Dumas, Hugo et bien d’autres, voici Dario Fo inspiré à son tour, pour son premier roman, par Lucrèce Borgia. Parcourant avec vivacité et humour les trente-neuf ans de son existence (1480-1519), le Prix Nobel de littérature 1997 la fait revivre au gré des alliances et des intrigues de la Renaissance. Son tableau est celui, passionnant, d’un être instrumentalisé par son père et son frère César, mais qui réussit pourtant à devenir une grande dame éprise de culture et d’humanité. Florence Noiville La Fille du pape (La figlia del papa), de Dario Fo, traduit de l’italien par Camille Paul, Grasset, 288 p., 19 €.DictionnaireLa présence de l’anarchisme dans les rayons des libraires est aujourd’hui loin d’être négligeable ; petits et grands éditeurs se lancent à l’envi dans les rééditions des textes phares du mouvement. Le dictionnaire biographique du mouvement libertaire, qui vient de paraître en poche sous le titre Les Anarchistes, permet de remettre de l’ordre dans ces parutions, de ressaisir le fil historique d’un mouvement extrêmement divers dans ses aspirations et le profil de ses militants. Plus de 500 notices biographiques, de Bakoukine à Daniel Cohn-Bendit, en passant par l’écrivain Octave Mirbeau et le peintre Paul Signac, éclairent sur les choix et les itinéraires de ces libertaires, des plus sages et inflexibles aux plus rocambolesques. Julie Clarini Les Anarchistes. Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone, collectif, Editions de l’Atelier, « L’Atelier en poche », 862 p., 15 €. Joël Morio « En quête d’actualité » a filmé le quotidien d’une maison d’arrêt quelques jours après les événements de janvier (mercredi 3 juin, à 20 h 55, sur D8).Rien que pour ses quinze premières minutes, ce reportage sur la montée du communautarisme et de l’islam radical mérite d’être regardé. On y suit l’arrivée en prison d’un jeune de 18 ans dont c’est la première condamnation. Il pensait que sa sentence se limiterait à une peine de liberté conditionnelle, mais le voilà enfermé. Le garçon semble perdu, fragile. Le surveillant qui le prend en charge tente d’apaiser sa détresse. En quelques instants, on comprend le traumatisme que peut vivre celui qui est incarcéré pour la première fois.Le monde de la prison est dur, même dans un établissement moderne. Une équipe d’« En quête d’actualité » a été exceptionnellement autorisée à tourner dans la maison d’arrêt de Lyon-Corbas (Rhône). Construit en 2009, cet établissement est déjà surpeuplé, avec 830 détenus pour 690 places. La tension y est d’autant plus palpable que les journalistes ont filmé juste après les attentats contre Charlie Hebdo et le supermarché casher.Contrer l’islamisme radicalLes dérapages verbaux sont difficilement contrôlables. Le personnel pénitentiaire doit faire preuve de patience et de vigilance pour éviter qu’une étincelle ne provoque une explosion.Pendant plusieurs jours, nous suivons le quotidien de cette prison. Les détenus fragiles qu’il faut surveiller pour qu’ils ne se suicident pas ; les fouilles qu’il faut réaliser pour récupérer les téléphones portables, la drogue et même des armes ; l’identification et l’isolement de quelques individus liés au mouvement terroriste, pour empêcher qu’ils ne propagent un islamisme radical.Le commentaire laisse parfois échapper quelques mots malheureux, ou abuse du conditionnel sans étayer ce qu’il suggère, mais, dans l’ensemble, ce film cherche à montrer la complexité de l’univers carcéral en évitant la caricature. On comprend comment des condamnés de droit commun peuvent être aspirés par la mouvance terroriste. La prison « ça rend les gens fous, c’est normal qu’ils partent en couilles », lâche un détenu. Corbas n’est pourtant pas l’établissement le moins bien loti en France. On n’ose imaginer ce qui se passe ailleurs. A la suite de ce reportage, Guy Lagache s’entretiendra avec la garde des sceaux sur la situation des prisons en France.Menace terroriste : plongée au cœur de nos prisons, de Marina Ladous (Fr., 2015, 90 min). Mercredi 3 juin, à 20 h 55, sur D8.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre François Hollande n’a pas encore paraphé le décret présidentiel, et il n’y a pas trace de communiqué de Fleur Pellerin. Mais c’est une affaire de quelques jours, indique-t-on dans l’entourage de la ministre de la culture et de la communication. Didier Fusillier, lui, n’a pas attendu pour annoncer, dès le lundi 1er juin, sa nomination à la présidence de l’Etablissement public du parc et de la Grande Halle de la Villette, dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. Il a été élu à ce poste, vendredi 29 mai, pour un premier mandat de cinq ans, lors du conseil d’administration de l’EPPGHV, après avoir été intégré au CA en tant que « personnalité qualifiée ». C’est la fin du cumul des postes pour cet homme-orchestre qui dirige deux scènes nationales - le centre culturel transfrontalier « le Manège » à Maubeuge, depuis 1990, la Maison des arts de Créteil depuis 1993 - et pilote les festivités de Lille 3000 en tant que directeur général. Bientôt, probablement aux alentours du 10 juin, il ne sera plus « que » le patron de la Villette, tout en restant conseiller artistique de Lille 3000 : à la Villette, il succèdera à Jacques Martial, nommé en 2006 par Jacques Chirac, et dont le deuxième mandat s’achève.La Villette, c’est d’abord le plus grand parc urbain de la capitale, doté d’une surface de 55 hectares, avec des espaces de jeux, de sports, des jardins thématiques, à la lisière du nord-est parisien et des communes périphériques de Seine-Saint-Denis. C’est aussi l’écrin de lieux artistiques et culturels très divers et emblématiques : outre la Philharmonie, ouverte en janvier, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, la Cité des sciences, le théâtre Paris-Villette, le Zénith, etc. Le site a été conçu en 1993, sur le site des anciens abattoirs, par l’architecte Bernard Tschumi, avec ses promenades, ses trames, et ses « Folies », du nom des anciennes salles de bal.Homme-orchestreVoilà un vaste territoire à administrer pour Didier Fusillier, personnalité du monde de la culture depuis vingt-cinq ans. Après ses débuts à Maubeuge et à Créteil, il a été nommé en 1998 commissaire général du Printemps du Québec. Puis commença l’aventure lilloise, auprès de Martine Aubry, maire de Lille depuis 2001 : Didier Fusillier fut directeur général de Lille 2004, puis directeur artistique de Lille 3000. Parallèlement, il a organisé diverses grandes expositions (au Tripostal, à Lille, au Centre national des arts plastiques, etc.). Enfin, depuis 2013, il est le directeur artistique des Berges de Paris.« La décentralisation à l’envers »« La Villette, c’est la petite ville. Je ne suis pas là seulement pour programmer la Grande Halle et gérer le parc », précise d’emblée Didier Fusillier, joint mardi 2 juin par téléphone. Avant son rattachement à la ville de Paris, en 1859, la Villette se dénommait « Petite Ville Saint-Ladre » ou « Saint-Lazare ». Aujourd’hui, dans la perspective du « Grand Paris », Didier Fusillier ambitionne, dit-il, d’étendre le rayonnement de la Villette au-delà du périphérique : « J’aimerais prolonger les trames et les tracés imaginés par l’architecte Bernard Tschumi. Il y a une sensation de jungle, à la Villette, et il n’y a rien de plus beau que de se perdre dans les chemins que l’on connaît le plus », dit-il, en citant les Carnets du grand chemin, de Julien Gracq (Corti, 1992). Il ajoute : « On pourrait créer des micro-folies dans les communes environnantes, permettre à des artistes locaux de s’exprimer. Ce serait la décentralisation à l’envers : on créé à l’extérieur de Paris tout en étant relié au centre ».Il envisage, aussi, d’installer un lieu de production dans l’un des espaces de la Halle aux Cuirs – du nom de l’ancien lieu de stockage des peaux du temps des abattoirs. « J’ai un exemple en tête, la ville de Eindhoven, aux Pays-Bas, qui a beaucoup souffert du départ de l’entreprise Philips. Cette région vient de créer 47 000 emplois en investissant le secteur du design », explique-t-il. Une autre idée, cette fois-ci en vue du championnat d’Europe de football, en 2016 : Didier Fusillier est l’une des onze personnalités – désignées par le président de la République – qui seront les ambassadeurs de l’Euro 2016. Il imagine déjà tous les événements fédérateurs qu’il pourrait organiser à la Villette : « C’est le lieu idéal », dit-il, avant de conclure : « Je préfère voir grand au début, quitte à devoir réduire la voilure ensuite ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Ce Banksy-là, garé devant l’hôtel Drouot, à Paris (9e), était atypique en tous points : par son âge, sa taille, son style et son histoire. La maison Digard proposait aux enchères, lundi 1er juin, une fresque monumentale de près de 10 x 2,5 mètres, réalisée sur un semi-remorque par l’artiste phare de l’art urbain, en 1998. Une époque où l’on ne parlait pas encore de street art, et où le Britannique était un graffeur de Bristol connu des seuls initiés. Nulle trace ici de pochoir, hormis pour son logo de signature : Banksy, qui allait se convertir à cette technique dans la foulée, peignait alors encore à la bombe aérosol.« Mieux vaut ne pas trop compter sur le silence des majorités… Le silence est une chose fragile… Il suffit d’un son et c’est parti. » Cette inscription, en anglais et en capitales, encadre la fresque en haut et en bas. L’ensemble dépeint l’esprit des rave parties, ces fêtes sauvages qui étaient alors à leur apogée, comme une opération militaire. Les personnages, habillés en soldats, prennent d’assaut un site depuis la mer, de nuit, sur des canots gonflables remplis de sound systems. La moitié droite est occupée par le mot stealth (discrétion), graffé par Inkie, autre figure du graffiti à Bristol. La composition se termine par un personnage accroupi, tenant un mégaphone. Sans reconnaître le style graphique de Banksy, on retrouve ici son sens de l’humour, du détournement contestataire et de la mise en scène.Performance en public« Chaque année, nous réalisions des décors pour le festival de Glastonbury sous forme de performances », explique Inkie, venu à Paris pour revoir l’œuvre et assister à la vente. Cette année-là, Banksy avait recherché un camion pour support, lors de ce grand festival de musique et d’arts du spectacle. L’édition 1998 a pour têtes d’affiche Pulp et Blur et a aussi été particulièrement pluvieuse. C’est devant des festivaliers les pieds dans la boue que les deux amis ont œuvré. Le mystérieux Banksy, l’homme qui a réussi à garder son identité secrète au fil des années, s’était donc produit en public trois jours durant ? « Il préférait se cacher le visage pour travailler », nuance Nathan Welland, le propriétaire du camion, qui a lui aussi fait le déplacement à Paris.Ce grand gaillard blond est alors une connaissance de Banksy, et il a accepté que son camion serve de toile contre un dédommagement de l’équivalent de 300 euros. Le véhicule lui sert à l’époque autant de domicile que d’outil de travail : le circassien s’est reconverti en loueur de chapiteau, sillonnant le pays de fêtes en festivals.Mobile homeL’année suivante, Banksy réitère l’expérience sur l’autre face du camion à l’occasion d’un autre festival. La nouvelle fresque, Fungle Junk, a aujourd’hui disparu. Lorsque Nathan Welland a arrêté la vie itinérante, en 2004, sa remorque s’est muée en mobile home, posé dans la campagne du Norfolk. En 2008, la peinture s’abîme, or Banksy est devenu une star dont les œuvres s’arrachent. Décision est prise de découper les parois pour les vendre. Sans certificat d’authentification. Cet épisode, personne n’est très enclin à l’évoquer aujourd’hui. Visiblement en mauvais état de conservation, Fungle Junk a été scindé en plusieurs morceaux, dont deux ont alors été vendus par une galerie pour près de 140 000 euros. En parallèle, une vente aux enchères a été organisée pour la première fresque, présentée sous le nom de Fragile Silence. Mais sans certificat, la vente a tourné court.Sept années plus tard, et après une reprise du dialogue, Banksy a accepté de délivrer le précieux certificat Pest Control – son service d’authentification officiel. Et pour cette vente sous de meilleurs auspices, à Paris, l’œuvre a pris un nouveau nom : « Silent Majority ». « Il a choisi de nous le délivrer, car il aime cette pièce. Et il a considéré qu’il s’agissait d’une commande du festival », et non pas d’une œuvre réalisée pour la rue, confie Nathan Welland.Happy endAvant la vente, le doute s’insinue : cette œuvre est-elle réellement « vendable » ? Les grandes pièces ont en effet tendance à partir moins facilement que les petites ; or celle-ci est hors norme. Un galeriste présent à la vente est resté pour le moins dubitatif quant à l’intérêt et à la qualité de l’œuvre, se demandant qui pourrait être intéressé.La fresque est finalement adjugée à 500 000 euros, ce qui devrait permettre à Nathan Welland de réaliser son rêve : « Acheter une vraie maison. » A l’issue de la vente, le quarantenaire est attendu avec sa femme et leurs quatre enfants par les caméras de la télévision britannique pour commenter ce happy end.L’opération est également un succès pour la commissaire-priseuse, Marielle Digard : « 500 000 euros, c’est le prix intermédiaire entre l’estimation basse, 400 000, et la haute, 600 000. Deux collectionneurs représentés par téléphone se sont battus pour l’obtenir. » Banksy et Inkie doivent toucher environ 1 % de la vente au titre du droit de suite. L’acquéreur devra pour sa part débourser 625 400 euros au total, avec les frais.Lundi soir, après avoir stationné pendant trois jours devant Drouot, le semi-remorque a pris le chemin d’un entrepôt, en attendant de livrer son œuvre monumentale. Alors que certains se demandent si Banksy n’aurait pas lui-même orchestré cet achat, Marielle Digard a précisé que le camion prendrait la direction du « nord de l’Europe ». L’acquéreur est un collectionneur d’art contemporain et d’art urbain, qui destine son achat à un usage privé, assure la commissaire-priseuse.Quelques moments forts de la vente d’art urbainHormis Silent Majority, grande curiosité de la vente de la maison Digard, à Drouot, quelques œuvres sont sorties du lot, lundi 1er juin.Banksy encore : Une autre œuvre signée Banksy s’est particulièrement bien vendue. Flying Copper (flic volant), parti à 145 000 au marteau (185 020 € avec les frais), a en effet réalisé la deuxième meilleure vente de l’après-midi. Il s’agit d’une peinture double face sur carton représentant un policier en arme, ailé, et le visage remplacé par un smiley. L’œuvre certifiée, qui faisait partie d’une installation de l’artiste à Londres en 2003, était à l’origine suspendue. Elle aurait été acquise par un collectionneur américain. Quatre sérigraphies de l’artiste : Radar Rat, Stop and Search, Very Little Helps et Flag on Formica – Silver ont respectivement été adjugées à 37 000 (le double de l’estimation basse), 17 500, 14 000 et 13 500 euros.Un record pour un Futura 2000 : Us Map (1984), de l’Américain Futura 2000, figure historique du graffiti new-yorkais, a été adjugé à 42 000 euros (plus de 53 500 avec frais) : « C’est un record en France, et peut-être même à l’étranger », a confié Marielle Digard, la commissaire-priseuse, à l’issue de la vente, précisant qu’elle a été acquise par un collectionneur étranger.Un carnet de notes très convoité : Un insolite petit lot, « Book #1 », a créé la surprise. Présenté avec une estimation de 1 500-2 000 euros, ce carnet du graffeur new-yorkais REVZ remontant à 1993 et rassemblant notes, poèmes et croquis, est parti à 8 200 euros au marteau (plus de 10 400 euros au final, avec frais). « Cela montre que les collectionneurs s’intéressent de plus en plus à ce type de documents », analyse Marielle Digard.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.06.2015 à 05h48 • Mis à jour le02.06.2015 à 13h45 Une enquête préliminaire a été ouverte, mardi 20 mai, pour « détournement de fonds publics aggravé » concernant les frais de taxi de l’ex-directrice de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) Agnès Saal. Cette enquête fait suite à « une note du commissaire aux comptes de l’INA, dans le cadre de son obligation de révélation de faits délictueux », a expliqué le parquet de Créteil.L’ouverture de cette enquête survient après que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé, lundi 1er juin dans un entretien au Parisien, avoir transmis le dossier à la justice.« J’ai décidé de saisir la justice. J’ai en effet saisi ce matin [lundi matin] le procureur de la République de Créteil, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale, en vertu duquel tout agent public ayant eu connaissance d’un délit doit le signaler à la justice, précise la ministre. Notre lettre de transmission comporte des éléments sur les frais de déplacement. »Trois jours après AnticorCette décision ministérielle a été prise trois jours après l’annonce par l’association Anticor du dépôt de plaintes visant les dépenses de taxi de l’ex-présidente-directrice générale de l’INA Agnès Saal, et des contrats passés par Mathieu Gallet, actuel patron de Radio France, à l’époque où il présidait l’Institut.Lire :Deux ex-PDG de l’INA visés par une plainte d’AnticorRegrettant que la ministre de la culture n’ait pas saisi la justice, alors qu’Agnès Saal a été réintégrée au sein du ministère, Anticor a porté plainte contre X au parquet de Créteil pour « favoritisme » pour les faits concernant Mathieu Gallet et pour « détournement de fonds publics » relativement à Mme Saal.« On voit bien qu’il y a une certaine acceptation des institutions pour dire que la gabegie financière est tolérable. On porte plainte pour alerter les services publics de leur responsabilité », avait estimé vendredi Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor.Une enquête administrative également en cours« Je veux agir avec sérénité », répond la ministre. « Tout cela peut paraître long à l’aune du temps médiatique, mais il nous fallait regrouper les pièces nécessaires avant de décider. Mon seul souci, c’est l’exemplarité, ajoute-t-elle. De tels comportements ne sont pas acceptables. » Mme Pellerin souligne qu’une enquête administrative est également en cours concernant Agnès Saal, « l’échelle des sanctions, dans ce cas, varie du blâme ou de l’avertissement, jusqu’à la radiation de la fonction publique ».Nommée à la tête de l’INA en 2014, Agnès Saal a été poussée à la démission à la fin d’avril après avoir été épinglée pour avoir dépensé plus de 40 000 euros de taxis en dix mois, dont 6 700 euros par son fils, qui disposait de son code de réservation auprès de la compagnie G7.Elle avait été nommée en remplacement de Mathieu Gallet, placé à la tête de Radio France, et également visé par Anticor pour des contrats passés sous son mandat à la présidence de l’Institut national de l’audiovisuel, entre 2010 et 2014.Les avocats de Mme Saal font notamment valoir qu’elle a remboursé 15 940 euros de frais de déplacement, dont 6 700 euros de « dépenses imputables à son fils » et 5 840 euros de « déplacements de nature privée ». Denis Cosnard Patrick Modiano commence à exceller dans l’exercice qui semblait le moins fait pour lui : le discours officiel. Six mois après son texte très marquant de réception du prix Nobel à Stockholm, l’écrivain a de nouveau fait surgir l’émotion, lundi 1er juin, lors de l’inauguration de la promenade Dora Bruder, dans le 18e arrondissement de Paris.Lire aussi :Modiano, jour de gloire à StockholmDevant une petite assemblée d’élus parisiens, de membres de la famille de Dora Bruder, de représentants du monde juif et d’écoliers, Modiano a trouvé les mots simples et justes pour faire revivre l’espace d’un instant cette jeune fille déportée à Auschwitz en septembre 1942.Cette fugueuse de seize ans, qu’il a arrachée à l’oubli et à l’anonymat dans le plus poignant de ses livres, intitulé sobrement Dora Bruder (Gallimard, 1997), était une fille du quartier, a-t-il rappelé. « Ses parents se sont mariés à la mairie du 18e, elle est allée à l’école dont nous pouvons voir la façade, elle a fréquenté une autre école un peu plus haut sur la butte, elle a vécu avec ses parents rue Lamarck, boulevard Ornano », a souligné le romancier. Ses grands-parents habitaient « à quelques mètres de nous ». Lire aussi :A Paris, une promenade Dora-Bruder en mémoire des victimes du nazismeDéportée parce que juiveUne adolescente comme tant d’autres, en somme. En quelques phrases, le Prix Nobel a campé le décor. « Là où nous sommes, elle jouait avec un de ses cousins, et là aussi sans doute vers quinze ans elle donnait des rendez-vous », a-t-il dit de sa voix douce.« Les soirs d’été où les jeunes gens restaient tard sous les platanes du terre-plein à prendre le frais sur les bancs, elle a écouté les airs de guitare de ceux qu’on appelait les Gitans et dont plusieurs familles vivaient ici, parmi lesquelles la famille du musicien Django Reinhardt. Pour Dora et pour les enfants du quartier, ce terre-plein était un terrain de jeux qu’ils appelaient le talus. »A Paris, devant une école du 18e, Patrick Modiano et Anne Hidalgo dévoilent la plaque "Promenade Dora Bruder" http://t.co/7iZTk3YSqR— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);La suite de l’histoire est beaucoup moins joyeuse. A la suite d’une fugue, Dora Bruder est arrêtée, et envoyée à Auschwitz. Déportée parce que juive. Son père et sa mère connaîtront le même sort.« Elle représente la mémoire de milliers d’enfant »Aujourd’hui, « Dora Bruder devient un symbole, a déclaré Modiano. Elle représente désormais dans la mémoire de la ville les milliers d’enfants et d’adolescents qui sont partis de France pour être assassinés à Auschwitz, celles et ceux dont Serge Klarsfeld, dans son livre  Memorial [Le mémorial des enfants juifs déportés de France, FFDJF, 1994] a rassemblé inlassablement les photos pour qu’on puisse connaître leurs visages. »L’inauguration d’un lieu à son nom est une façon de faire pièce aux souhaits des nazis, qui voulaient faire disparaître Dora Bruder et ses semblables, et effacer jusqu’à leurs noms. « Je crois que c’est la première fois qu’une adolescente qui était une anonyme est inscrite pour toujours dans la géographie parisienne », a noté Patrick Modiano.Évoquant Dora Bruder, Anne Hidalgo évoque les attentats de janvier : "70 ans après, on a entendu Mort aux juifs !" http://t.co/GW5KN0RGpZ— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);Après l’écrivain, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est chargée de donner un sens plus politique à cette inauguration. En janvier 2015, soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, des juifs ont de nouveau été assassinés à Paris pour ce qu’ils étaient, a-t-elle rappelé, en évoquant la tuerie de l’Hyper-Casher.« Soixante-dix ans après, on a de nouveau entendu “Mort aux juifs !” » D’où l’importance à ses yeux de comprendre le passé et de « conjurer l’oubli », comme l’a si bien fait Modiano.Denis CosnardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sarah Belouezzane et Anne Eveno Artistes, maisons de disques, services de téléchargement et de musique : tous attendent, avec impatience, l’annonce d’Apple, prévue lundi 8 juin en fin de journée (heure de Paris). La firme à la pomme, qui tient sa conférence annuelle de développeurs, doit y dévoiler son tout nouveau service de streaming musical (écoute de musique en direct sans téléchargement).Le bulldozer de Cupertino arrive sur un marché aujourd’hui très fragmenté, où il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, comme en témoignent les disparitions de Grooveshark ou de Sony Music Unlimited ou encore la relance difficile de Tidal. Même les géants du secteur, comme Spotify et Deezer peinent à trouver la voie de la rentabilité.Devenu aujourd’hui un mode incontournable de consommation de la musique, le streaming ne rémunère pas suffisamment bien les artistes et les plateformes. Du moins, pas quand il repose uniquement sur la publicité.Avec les centaines de millions de numéros de cartes bleues associées à ses iPhone déjà vendus, Apple dispose d’un avantage certain. Il aura probablement moins de difficultés à convaincre les consommateurs de payer et devrait se tailler une belle part de ce marché estimé à 1,6 milliard de dollars (1,43 milliard d’euros).Inventaire, non exhaustif, des services de streaming existantsLes « pure players », stars du marchéSpotifyLeader mondial des « jukebox célestes », le suédois Spotify a été créé en 2006 par Daniel Ek, avec Martin Lorentzon. Aujourd’hui, le site de streaming compte 60 millions d’utilisateurs, dont 15 millions d’abonnés payants, qui acceptent d’acquitter mensuellement 4,99 euros ou 9,99 euros. Le catalogue de Spotify, qui est présent dans 58 pays, contient plus de 30 millions de titres.Financée par la publicité (qui s’intercale entre les morceaux sur le service gratuit) et par les abonnements, la start-up, qui a dégagé en 2013 un chiffre d’affaires de 747 millions d’euros, n’est toujours pas rentable.Spotify, valorisée 8,4 milliards de dollars, déclare reverser aux ayants droit entre 0,006 et 0,0084 dollar par titre écouté. Soit deux milliards de dollars depuis sa création.DeezerLe champion français du streaming a été créé en 2007. Il revendique désormais 16 millions d’utilisateurs actifs, dont 6 millions d’abonnés à une offre payante pour 9,99 euros mensuels. Son catalogue comporte 35 millions de titres.Deezer, plus que ses concurrents, a choisi pour se développer de conclure des partenariats de distribution, dans une trentaine de pays, avec des opérateurs de télécommunication. En France, son développement a notamment été stimulé par un accord avec Orange qui était aussi l’un de ses actionnaires.Aux Etats-Unis, Deezer a racheté Muve Music, filiale de l’opérateur Cricket Wireless, lui-même filiale du géant AT&T. Avec à la clé un petit matelas d’utilisateurs, puisque 2,3 millions de clients de cet opérateur sont abonnés à Muve.Tout comme Spotify, Deezer a négocié des accords avec les maisons de disques et les labels pour rémunérer les ayants droit. L’entreprise, dont le chiffre d’affaires avoisine les 60 millions d’euros, ne dégage pas de bénéfice.TidalLancé par le rappeur Jay-Z le 30 mars, avec l’appui de nombreuses vedettes, dont son épouse Beyoncé, Madonna, les Daft Punk ou encore Kanye West, Tidal est un service entièrement payant, proposant 25 millions de morceaux.Plus cher (19,99 dollars) que ses concurrents Spotify et Deezer, Tidal se présente comme un service plus protecteur pour les artistes et affirme également proposer des fichiers musicaux de meilleure qualité.Un mois après le lancement, Jay-Z indiquait sur son compte Twitter que Tidal comptait 770 000 abonnés. Loin, très loin des 15 millions d’abonnés de Spotify.Les géants de l’InternetYouTubeDepuis le mois d’avril, YouTube propose, pour 9,99 dollars, un service payant de streaming musical. Sans publicité. Ce service n’est, à l’heure actuelle, accessible que depuis les Etats-Unis. L’ouverture du service en France devrait intervenir à la mi-septembre.YouTube Music Key propose en plus de l’écoute en streaming le téléchargement des clips, afin de pouvoir les visionner hors ligne. Les utilisateurs auront accès au catalogue de YouTube mais aussi à celui de Google Play.MicrosoftXbox Music, l’offre de streaming musical de Microsoft, incarne une partie de l’évolution à l’œuvre sur ce marché. Initialement gratuite avec de la publicité, cette offre est devenue totalement payante à compter de décembre 2014.Pendant un moment avaient coexisté deux offres : l’une qui permettait aux utilisateurs d’écouter de la musique en illimité pendant les six premiers mois, après quoi ils étaient limités à 10 heures de streaming par mois, avec des publicités à intervalles réguliers, l’autre qui proposait du streaming illimité et sans pub pour 10 dollars.Les alternatifsQobuzFondée en 2007, la start-up française a fait de la qualité d’écoute son cheval de bataille et son principal argument commercial. Les morceaux sont ainsi mis à disposition dans un format 24 bits moins compressé, supposé rendre une qualité sonore supérieure.La petite entreprise, cofondée par Yves Riesel, se spécialise notamment dans le classique, qui représente 30 % de son chiffre d’affaires. Pour assurer à ses clients le même confort d’usage qu’un CD, elle associe des livrets aux albums.Mais, comme le reconnaissent les fondateurs, la qualité a un prix : l’abonnement se situe en moyenne autour de 19,99 euros par mois. Les utilisateurs peuvent aussi opter pour l’offre Sublime, à 219 euros payable en une fois.PandoraCréée en 2000, Pandora diffère des autres services : il ne s’agit pas d’une plateforme de streaming où l’utilisateur choisit ses chansons mais plutôt d’une radio intelligente. Capable, en fonction des goûts de l’auditeur de s’adapter, mais aussi de lui suggérer, grâce à un algorithme spécifique, des musiques susceptibles de lui plaire. On peut ainsi créer jusqu’à une centaine de radios thématiques.Très populaire au Etats-Unis, le service, qui fait partie des applications les plus téléchargées outre-Atlantique, compte 79 millions d’utilisateurs. Au départ complètement gratuit, Pandora propose aujourd’hui un système d’abonnement sans publicité, à 4,99 dollars.HitsterCibler ceux qui ne veulent pas pirater mais n’ont pas les moyens de dépenser près de 120 euros par an pour écouter de la musique sur leurs smartphones. Tel est le business model de Hitster. Lancée en avril 2014, l’application, qui fonctionne aussi bien sous Android que sous l’iOS d’Apple, propose un service low cost de streaming à 1,99 euro par mois.Sans publicité, l’offre consiste en une play-list de 100 titres, du genre de celle que l’on peut écouter sur NRJ avec les hits du moment. A la version de base s’ajoutent des options à 99 centimes chacune, comme le mode hors connexion, la possibilité de créer sa propre compilation parmi les titres disponibles et la location pour un mois d’un album complet.Anne EvenoJournaliste au MondeSarah BelouezzaneJournaliste High Tech-Telecoms au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Le Lasco Project offre, depuis trois ans, les méandres architecturaux du Palais de Tokyo à l’exploration d’artistes urbains. « Nous avons voulu faire quelque chose d’un peu expérimental, où la pratique de l’urbex [exploration urbaine] faisait sens. L’idée est que le Palais de Tokyo, lieu si vaste et toujours en chantier, soit traité comme un espace public par les graffeurs », résume Hugo Vitrani, l’instigateur de ce projet évolutif et inédit dans un centre d’art.Une nouvelle session, la quatrième depuis 2012, vient d’ouvrir les portes dérobées du lieu à une figure du graffiti new-yorkais, Craig Costello, alias KR. L’occasion de se replonger dans les espaces labyrinthiques du projet et de déboucher sur une clairière mi-végétale mi-picturale. Parmi les multiples interventions, voici quelques recoins à ne pas rater.Craig Costello ou l’épure du graffiti En contrebas de l’entrée du Palais de Tokyo, comme dans une douve, c’est l’un des plus beaux lieux du centre d’art, et il est désormais accessible au public. Craig Costello a, en effet, choisi d’intervenir sous les arches Wilson, séduit par la configuration du lieu, aménagé il y a quelques années en jardin sauvage par Piet Oudolf, l’un des paysagistes de la High Line de Manhattan, ancienne voie de chemin de fer muée en promenade où KR avait beaucoup graffé à l’époque où elle était à l’abandon.L’espace, tout en longueur, offre 50 mètres de cheminement pour découvrir, un à un, chacun des « tableaux » que Craig Costello a réalisés. Sous les immenses arches de près de 10 mètres de haut et de large qu’il a repeintes en noir, l’artiste a décliné ses projections et coulures en blanc et gris comme autant de « comètes, lumières baroques, illuminations célestes ou cosmiques, images de foudre, de pluie, de brouillard ou de cascades », décrit Hugo Vitrani, conseiller artistique sur chaque volet du Lasco Project.La coulure est la signature de Craig Costello. S’il ne l’a pas inventée, il l’a poussée à son paroxysme en mettant au point une encre particulièrement coulante et intense – si appréciée qu’il a fini par la commercialiser (la KRink). Au fil des ans, le graffeur a, par ailleurs, évolué vers l’épure. L’artiste, qui signait KR, a peu à peu enlevé les lettres pour ne garder que les coulures, tirant, à la fin des années 1990, le vandalisme vers l’abstraction.C’est paradoxalement en peignant à l’extincteur qu’il pousse l’épure encore plus loin. « Il met aujourd’hui au second plan l’élément central de son travail pour se réapproprier les projections de peinture, qui n’étaient avant qu’une conséquence de sa pratique », analyse le commissaire. « Ce qui lui plaît avec l’extincteur, c’est la violence des projections et la délicatesse de ce qu’il en fait. Il aime dompter cet outil difficile » Malgré les apparences, chaque projection a ainsi été faite presque individuellement.Les architectures miniatures d’Evol Ses colonnes de fenêtres et balcons miniatures (dotés ou non d’antennes paraboliques), toutes réalisées au pochoir, sont reconnaissables au premier coup d’œil. Ces motifs, qu’il répète et décline à l’envi, Evol (né en 1972), passé par le graffiti, les tire de l’architecture communiste de Berlin, et principalement d’un ancien bâtiment de la Stasi où il avait pointé au chômage en 2003.L’artiste, qui a exposé au pavillon allemand de l’Exposition universelle de Shanghaï, en 2010, est intervenu au Palais de Tokyo en 2014 sur des murs entiers comme sur des piliers ou excroissances du bâtiment. « Nous avons eu envie de le faire jouer avec l’architecture du lieu, dans des espaces publics ou cachés, même dans un espace d’exposition. L’idée est que les visiteurs découvrent ses œuvres au hasard. Des surgissements qui vont étonner, poser question, comme dans la rue », explique Hugo Vitrani.Sur l’une de ses interventions apparaît un titre : il s’agit de l’expression « Home sweet home » en allemand, à laquelle quelques lettres manquantes donnent le sens inverse d’une mauvaise fortune. « Il a une approche ludique des espaces, jouant avec les échelles, mais son propos est sombre et politique, car ces petits HLM sont dédiés aux invisibles », précise le commissaire. Ils se font l’écho d’une faillite tant architecturale que politique et sociale de l’utopie socialiste.Cleon Peterson, à l’école de la rue Cleon Peterson (né en 1973) ne vient pas du graff ou du street art, mais la rue a été son école. L’artiste de Los Angeles a évolué dans le milieu du skateboard, avant une descente aux enfers dans les années 1990 (héroïne, prison, hôpital psychiatrique, SDF à New York). Devenu l’assistant de Shepard Fairey, il a repris le chemin du dessin.Depuis dix ans, l’artiste peint des fresques en atelier, qu’il a commencé à décliner dans la rue très récemment. « Ce qui l’intéresse, c’est de réinjecter la violence de la rue dans l’espace public », résume Hugo Vitrani. Au Palais de Tokyo, il est intervenu dans un long couloir souterrain de près de 50 mètres, que l’on pourrait qualifier de coupe-gorge, au regard de l’immense fresque qu’il y a peinte, et que l’on ne peut découvrir qu’en avançant, l’espace offrant très peu de recul. Les formes en noir et blanc des corps, massives, peuvent laisser croire qu’il s’agit d’une sorte de chorégraphie, mais c’est une danse macabre qui se révèle : des corps à corps d’hommes enchevêtrés se battant à l’arme blanche, concentré graphique, en noir et blanc, de violences urbaines, part d’ombre de l’humanité. Saisissant.Vhils, le portraitiste graveur Alexandre Farto (né en 1987), dit Vhils, ancien graffeur sur train et diplômé de l’école d’art Saint Martins de Londres, sculpte des visages à fleur de mur en retirant de fines couches de matière. Une pratique liée à son histoire et à celle de son pays, le Portugal. « Si Vhils grave les murs, à l’origine, c’est qu’à Lisbonne, où il a grandi, il a vu au fil des décennies les murs de propagande de la dictature être recouverts de publicités avec l’entrée du Portugal dans l’Europe, puis les publicités de graffitis, avec la crise. Spectateur de ces trois couches d’histoire du pays, il a commencé à creuser dedans, en en faisant surgir des portraits d’anonymes », détaille Hugo Vitrani.La double casquette de Ken Sortais et Horfée Plus loin dans le bâtiment, un duo d’artistes parisiens, Ken Sortais et Horfée (nés en 1983), a également créé en retirant de la matière. Reconnus pour leur travail en atelier comme dans la rue, deux champs distincts dans leur création, ces deux anciens des Beaux-Arts de Paris se sont inspirés de Violence Jack, manga post-apocalyptique des années 1970 créé par Go Nagaï dans lequel la violence de la culture japonaise explose dans les rues de Tokyo après une catastrophe.« Ils ont créé une frise comme un travelling où ils remixent des captures d’écran du film en les tirant vers l’abstraction », précise Hugo Vitrani. Abstraction qui renvoie aux contraintes de temps dans la rue et à une esthétique de l’urgence dans la création illégale. Face à cette fresque colorée, ils ont gravé un mur noir à la ponceuse – un accessoire important du film –, créant en écho comme des cicatrices, autour desquelles les projections de placo ressemblent à des projections de spray.La « trappe » de Lek, Sowat et Futura 2000 : la face cachée de LascoIntervenir dans une institution, oui, mais à certaines conditions, clandestines. Le duo de graffeurs Lek et Sowat avait été associé au lancement du Lasco Project pour convier la scène de l’« urbex » (exploration urbaine), forts de leur expérience de « Mausolée », une résidence artistique clandestine qu’ils avaient organisée dans un supermarché abandonné dans le nord de Paris.Le centre d’art leur avait alors offert un premier espace – une vaste sortie de secours, devenue depuis l’entrée de la salle de concert le Yoyo. Mais avec leur complice Hugo Vitrani, ils ont également travaillé en secret dans des espaces découverts en explorant le bâtiment. « Pour nous, la partie visible fonctionnait comme un cheval de Troie », explique ce dernier. L’œuvre principale de Lek et Sowat se situe ainsi dans un espace inaccessible au public : un immense conduit d’aération au cœur du bâtiment, surnommé la « trappe ».Lorsque Futura 2000, figure historique du milieu, a été conviée à Lasco, en 2014, il a clandestinement été convié dans cet espace secret. « Nous lui avons dédié un grand mur, qui nous a servi d’alibi pour son intervention dans la grande trappe. Lui est venu pour la trappe, confie Hugo Vitrani. Dans les années 1970, il a développé un style de graffiti abstrait, et les gens attendent toujours la même chose de lui, or il fait aussi autre chose. » Le mur présente ainsi du Futura 2000 contemporain, combinant rayures et points, tandis que le « vrai » Futura, au sens de classique, n’est pas à voir. « Ça nous amuse de recréer de la légende urbaine dans l’espace du Palais de Tokyo. C’est un milieu très oral, qui fonctionne beaucoup par le bouche à oreille ».Lek et Sowat ont imaginé une autre intervention surprise, en invitant une vingtaine de graffeurs ou d’artistes d’art urbain à dessiner à la craie sur le tableau noir utilisé par le personnel du Palais de Tokyo. Ces mini-performances, qui ont été filmées en « time-lapse » (en accéléré), montrent la magie irruptive du dessin urbain comme la fragilité de sa trace en une sorte de clip réjouissant, intitulé Tracés directs.Lek et Sowat seront en résidence à Rome à la Villa Médicis à la rentrée.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 08.06.2015 à 07h44 Steve ReichMusic for 18 Musicians Ensemble Signal, Brad Lubman (direction) Monument de la musique répétitive, Music for 18 Musicians (1976) est à Steve Reich (né en 1936) ce que le Boléro est à Maurice Ravel. Un chef-d’œuvre de variation permanente sur un canevas à l’apparence immuable. Derrière l’écriture millimétrée du Français, l’intonation libre du jazz. Sous le contrepoint hyperpulsé de l’Américain, l’accentuation festive de l’Afrique. Brad Lubman, créateur de plusieurs pièces de Steve Reich, se livre ici à une interprétation personnelle… dans les limites de l’expression minimaliste. D’une précision ravélienne dans l’entretien de la mécanique, il obtient de l’Ensemble Signal d’étonnants jeux de timbre dans une mouvance à la fois trouble et détaillée. Plus proche du nuage informatique d’aujourd’hui que de la nébuleuse planante des années 1970. Pierre Gervasoni1 CD Harmonia Mundi.Anthony StrongOn a Clear Day Déjà remarqué avec son album précédent, Stepping Out (Naïve, 2013), son deuxième, le chanteur et pianiste britannique Anthony Strong fait un large pas en avant avec On a Clear Day. Le répertoire est fort bien mené en big band, qui ravive quelques classiques du jazz comme As Time Goes By, Unforgettatble, The More I See You ou What Is This Thing Called Love ? et explore les tubes pop Higher Ground (Stevie Wonder) ou Don’t Stop’Til You Get Enough (Michael Jackson), ce dernier en promenade samba salsa très bien conçue. Son placement vocal est de haute tenue, tant sur tempo rapide (Nothing Like You) que pour les quelques ballades de l’album (dont Baby Plays Around, d’Elvis Costello), le détachement des mots éminemment swing. Dans la ligne du « vétéran » du renouveau du jazz vocal au masculin, Harry Connick Jr., et du plus récent Michael Bublé. Avec, dans le cas d’Anthony Strong, par ailleurs ici pianiste dans une approche à la Count Basie, un léger degré de fantaisie en plus, en particulier dans son écriture pour les arrangements. Sylvain Siclier1 CD Naïve.SmadjSpleen Le spleen peut être particulièrement fertilisant. Bien des poètes, des peintres et des musiciens l’ont prouvé avec panache. Smadj puise dans ce sentiment de mélancolie diffuse une inspiration évidente. Particulièrement riche, dense et musical, cet album du joueur d’oud, le luth arabe dont il tonifie le propos de sonorités rock et électro, est l’une de ses propositions les plus passionnantes. Fruit d’une singulièrement longue maturation (les enregistrements ont été réalisés entre 2010 et févier 2015), il bénéficie de la présence éclairante de quelques talents sûrs, amis et complices tels que le pianiste Bojan Z, le trompettiste Ibrahim Maalouf, Ballaké Sissoko, maestro de la kora, Arash Sarkechik et Sofiane Saidi, aux voix, et William Sabatier au bandonéon. Si la mélancolie lui donne à ce point des ailes, tout ce que l’on peut souhaiter à Smadj, c’est qu’elle reste sa compagne encore longtemps. Patrick Labesse1 CD Jazz Village/Harmonia Mundi.DisizRap Machine Quinze ans après son premier succès, le single J’pète les plombs, en 2000, Disiz revient avec un dixième album qui ne renie pas à la fois l’humour de ses premiers raps et sa passion exigeante pour cette expression. Rap Machine est une ode au hip-hop contemporain par le choix de ses productions, mais rappelle aussi les principes de sa carrière. « Mon gang, c’est ma famille », dit-il dans Basic Instinct. Il pose d’ailleurs avec ses deux fils adolescents sur la pochette de l’album, se moquant de l’attitude et de l’esthétisme de ses collègues. Sur une des compositions, il met en scène un apprenti délinquant pris de remords dans Arrête la voiture. Avec DJ Pone, membre, entre autres, des Birdy Nam Nam, il rend hommage aux vandales du graffiti et au breakbeat du rap new-yorkais avec Un jour, j’ai fait un tag. Disiz prend aussi un malin plaisir à égrener tous les thèmes du gansta rap en prenant le point de vue d’un père de famille, ce qui donne l’hilarant, Bitchiz, ou revisite les pièges du rap dans 10 commandements de l’icône du genre, Biggie Smalls. Il ne s’interdit pas pour autant quelques morceaux tendres comme Souveraine. Et oui, on peut être rappeur et romantique. Après la trilogie Lucide, Disiz continue sur sa lancée. Stéphanie Binet1 CD Lucidream/Musicast. Stéphane Lauer (New York, correspondant)  On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De FatBoy Slim aux Foo Fighters en passant par Muse, découvrez notre sélection musicale, un rien nostalgique des années 1990.UN ALBUM : la réédition d’Halfway Between the Gutter and the Stars, de FatBoy Slim Avec les albums Better Living Through Chemistry, en 1996 et surtout You’ve Come A Long Way, Baby, en 1998, Norman Cook, dit FatBoy Slim, est devenu l’un des DJ et producteurs les plus connus des musiques électroniques dansantes, et en particulier du courant dit « Big Beat », à tendance rock. Son album suivant, Halfway Between the Gutter and the Stars, publié en novembre 2000, apaisait par endroits cette approche, se révélait plus travaillé, avec encore une bonne dose de « gros son ». La réédition de l’album, accompagné d’une douzaine de remix dont certains inédits, permet de redécouvrir ce désormais classique avec en particulier les compositions « Talkin’Bout My Baby », « Sunset (Bird of Prey) », « Ya Mama » (et son accroche « Push the Tempo »), « Weapon of Choice » avec l’acteur Christopher Walken dans une chorégraphie devenue légendaire ou le gospel « Demons » avec Macy Gray.Halfway Between the Gutter and the Stars – 15th Anniversary edition, de FatBoy Slim, 1 double CD Skint Records.« Weapon of Choice », chanson extraite de l’album Halfway Between the Gutter and the Stars, de FatBoy Slim. Vidéoclip réalisé par Spike Jonze.UN VIDÉOCLIP : JFK/Defector par MuseHistoire de bien annoncer la sortie, le 8 juin, de son nouvel album, Drones (Warner Music), le groupe Muse a diffusé plusieurs vidéoclips de ses chansons depuis mi-mars. Dernier en date, le doublé « JFK/Defector » réalisé par Tom Kirk. JFK est une introduction d’une cinquantaine de secondes constituée d’extraits d’un discours du président américain John Fitzgerald Kennedy et d’images d’actualités (chute du mur de Berlin, visage d’Edward Snowden, premier homme sur la Lune, envoi de missile…). Puis débute la chanson « Defector ». Plan fixe sur un écran de télévision, d’autres images d’actualité, le trio britannique peu à peu en surimpression… Une ambiance sombre, avec des élans lyriques et des parties solistes façon rock progressif, qui constitue l’un des chapitres d’une sorte d’opéra rock ayant pour sujet un monde dominé par la surveillance de drones.UN CONCERT : Au Théâtre des nouveautés, la musique classique se mobilise pour le Népal Après des musiciens de jazz qui, dimanche 7 juin, ont participé à un concert au New Morning, c’est au tour du monde de la musique classique de se mobiliser en faveur des victimes du récent séisme au Népal. Ce sera vendredi 12 juin, au Théâtre des nouveautés à Paris, en faveur de l’association Live To Love France. Une initiative de la pianiste Marie-Josèphe Jude qui a réuni une vingtaine de musiciens, dont les pianistes Fanny Azzuro, Michel Béroff, Jean-François Heisser, Vanessa Wagner, Manuel Rocheman, Jean-Marc Phillips-Varjabédian, Claire Desert, Elena Rozanova… ; les violoncellistes Emmanuelle Bertrand et Xavier Phillips, la violoniste Stéphanie-Marie Degand, la flûtiste Sophie Cherrier. Avec au programme des compositions de Mozart, de Schubert, de Saint-Saëns, de Ravel, de Brahms, de Debussy…Concert « Solidarité pour le Népal » au Théâtre des nouveautés, 24 bd Poissonnière, Paris 9e. Vendredi 12 juin, à 20 h 30. De 20 € à 60 €.UN FESTIVAL : Quand je pense à Fernande, à Sète Depuis sa création, en 2002, le festival Quand je pense à Fernande, à Sète (Hérault), ne pouvait que s’intéresser prioritairement à la chanson française : son nom évoque une chanson de Georges Brassens, natif de la ville. Et cela dans l’un des sites les plus appréciés des musiciens de tous styles, le Théâtre de la mer, un amphithéâtre de pierre entouré d’épais remparts, avec l’horizon maritime pour décor. Pour sa quatorzième édition, prévue du 9 au 13 juin, le festival recevra notamment Arthur H, Bénabar, Thomas Fersen, Joseph d’Anvers, et ne s’interdit pas quelques pratiquants de l’anglais comme Jeanne Added ou Gaspard Royant.Festival « Quand je pense à Fernande » au Théâtre de la mer de Sète, promenade Maréchal-Leclerc, route de La Corniche. De 15 € à 38 € selon les soirées.RÉSERVEZ VITE : The Foo Fighters à la Bercy Arena, le 16 novembreLe Palais omnisports de Paris-Bercy rouvrira ses portes à la mi-octobre, sous son nouveau nom « Bercy Arena », après des mois de travaux extérieurs et intérieurs. Pour les concerts c’est en novembre et décembre que les choses sérieuses auront lieu : U2, pour cinq soirées du 10 au 15 novembre, déjà complètes, The Scorpions, le 24, Johnny Hallyday, du 27 au 29, Supertramp, le 4 décembre, Madonna, le 9 et 10, complets… et dimanche 16 novembre The Foo Fighters, dont la puissance rock et l’énergie s’épanouissent au mieux dans ces lieux de bonne taille – grand souvenir en 1999. Le groupe, mené par le guitariste, batteur et chanteur Dave Grohl, y défendra quelques titres de son récent album Sonic Highways (novembre 2014). Et les toujours efficaces hymnes, comme Everlong, The Pretender, My Hero, Best of You…Bercy Arena, dimanche 16 novembre, à 19 h 30. De 59,80 € à 66,40 €.« In The Clear », chanson extraite de l’album Sonic Highways (2014), par The Foo Fighters.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale) Si la date du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), grand messe de la filière installée à Cannes depuis 1967, a changé, passant du traditionnel mois de janvier à juin, certains rituels sont gravés dans le marbre. Par exemple, la conférence de presse de la Sacem, la société civile française qui gère les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. La « vieille dame » (pionnière en son genre, elle fut créée en 1851) a dévoilé samedi 5 juin les chiffres de son activité pour 2014.La Sacem a collecté au cours de cette année 1, 273 milliard d’euros, pour le compte de ses membres (153 000 dont 18 350 étrangers de 164 nationalités différentes, dont un fort contingent africain et européen) et pour celui des sociétés qu’elle représente. Sans surprise, la diffusion sur les médias audio et télévisuels est le plus gros pourvoyeur de recettes (320,4 millions d’euros) suivie par les diffusions publiques (concerts, night-clubs, fonds sonores…) pour 280,7 millions d’euros. Le CD et le DVD chutent (56,7 millions d’euros) derrière les droits pour la copie privée (64, 8 millions), mais toujours largement devant l’internet (30,6 millions), malgré le traitement en 2014 de 251,6 milliards d’actes de téléchargement et de streaming. La Sacem a redistribué 1, 095 milliard à 276 000 créateurs du monde entier, pour deux millions d’œuvres, et attribué 52,6 millions d’euros à l’action culturelle et socialeTop 20 des exportationsLa publication de la liste des œuvres les plus exportées pendant l’année écoulée reste un moment parfait pour le cancanage. On pourra toujours se moquer, ou se réjouir, de la présence des incunables de la représentation française, à commencer par Comme d’habitude, de Claude François, Jacques Revaux et Gilles Thibaut, porté par les interprétations de Paul Anka et Franck Sinatra. La chanson figure en deuxième place du Top 20 des exportations, derrière un hybride de musique angolaise, Danza Kuduro, interprété par Don Omar, avec Lucenzo. Autre bizarrerie, Mr Saxobeat, d’Alexandra Stan, se glisse avant Les Feuilles mortes (Prévert, Kosna et Enoch, 4 è). Dans la catégorie des anciens, on trouve La Vie en rose (Piaf/Louigy, 7 è ), La Mer (Trenet/Lasry, 10 è ). La génération disco n’est pas en reste avec YMCA (de Henri Belolo, français, mis en lumière par Village People, 8 è ) et Born To Be Alive (de l’hexagonal Patrick Hernandez, 11 è). A cela, on ajoutera une touche de classique, le Boléro de Ravel en tête (14 è ) suivi de près par Pierre et le Loup de Serge Prokofieff (17 è) .À perdre son latinLe rayon nouveauté est quasiment assuré dans son intégralité par les DJ, champions d’une musique électronique dansante, avec en tête Hello de Martin Solveig et Dragonette (6 è ), puis une belle liste de titres de David Guetta, tous largement cosignés, de I Gotta Feeling (avec les Black Eyed Peas, 9 è ), à Titanium (avec Sia, 20 è ).La liste des titres les plus rémunérateurs sur le territoire français laisse dubitatif. La palme revient logiquement à Get Lucky des Daft Punk, longtemps ennemis jurés de la Sacem française et inscrits à la PRS britannique. Ni Prévert, ni Kosma, ni Piaf ni Montand, mais du Rihanna, du Psi (Ganga Style, 5 è ), du Bruno Mars, de l’Avicii (Wake Me Up, avec Aloe Blacc, 3 è ) et du David Guetta encore. Dans cet océan anglophone, traîne un zouc antillais (Maldon, de Tropical Family et Zouk Machine, 12 è). La langue française est sauvée par Stromae (Papaoutai, 4 è), et en queue de peloton, par les rappeurs populaires Maître Gimm’s (J’me tire, 14 è) et Youssoupha (On se connaît, avec Ayna, 15 è ). On en perdrait presque son latin.Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) L’Etat a fait peu et mal pour soutenir l’industrie du disque depuis 15 ans mais l’a assommée de missions, d’études, de tables rondes, de médiations. Il y a fort à parier que les vraies causes de la faiblesse des revenus du streaming ne seront ni décrites ni résolues par la mission de médiation confiée par la ministre de la culture Fleur Pellerin au conseiller de la Cour des Comptes Marc Schwartz.Le streaming musical illimité est une nouvelle forme de commercialisation du disque, magique et empoisonnée. Magique sur le plan de l’usage. Empoisonnée sur le plan des revenus pour beaucoup.L’arrivée prochaine d’Apple Music va montrer immédiatement que pour favoriser un modèle vertueux il faut seulement admettre que le streaming gratuit ou sans consentement à payer est une sottise ; et l’argument selon lequel il lutterait contre le piratage, un attrape-nigaud.Que le site Mediapart double ses abonnés, Mediapart ne doublera pas le coût de ses achats de marchandises. Mais en musique (ou en vidéo) le financement des périodes de gratuité appelé « freemium » déclenche l’acquisition de droits coûteux des tiers à payer, ce qui est parfaitement normal : le boulanger qui déciderait de donner son pain aurait quand même à payer la farine.Faire cesser la gratuitéLe métier des plateformes à ce jour n’a pas été la musique, mais la création de barrières financières à l’entrée du marché, pour financer la gratuité et d’interminables périodes d’essai et éliminer les gueux du métier. En France, cela a été réalisé, c’est un comble, avec le soutien du gouvernement de l’époque à l’occasion du vote de Hadopi, par distorsion de concurrence en 2010 lors de l’introduction du « bundle » [offre groupée] Orange-Deezer, sous l’égide de Christine Albanel, ministre de la culture qui pantoufle, depuis, chez Orange.Les plateformes dominantes, attachées au plus petit commun dénominateur, sont et seront toujours un obstacle dangereux à l’expression des singularités artistiques.Pour faire croître les revenus des ayants droit du streaming, les leviers d’action sont au nombre de cinq :- Faire cesser la gratuité, développer le consentement à payer. Voici la solution de bon sens pour disposer de plus d’argent à redistribuer. Le principal problème vient aujourd’hui que chaque utilisateur ne rapporte rien ou pas assez en moyenne. Rappelez-vous qu’en France, derrière les millions d’utilisateurs affichés par les services de streaming, il y a un mixte d’adresses email captées, ou d’offres reçues d’un « Telco » [compagnie de téléphone] en cadeau et non payées. La proportion de vrais abonnés au prix fort est minoritaire.Segmenter les offres- Réformer les modes de reporting et encourager une plus fine répartition de l’argent récolté. Un abonné payant 9,99 par mois qui passe ses journées à écouter exclusivement le saxophoniste Paul Dupont imagine que 100 % de sa contribution financière (après déduction des taxes, droits d’auteurs et du bénéfice de la plateforme) ira aux ayants droit et à Paul Dupont. Mais non : la contribution de notre mélomane minoritaire se trouvera noyée dans le chaudron des auditeurs bien plus innombrables des répertoires dominants, et l’argent ensuite distribué au prorata.Au siècle du Big Data, pour reconstruire le contrat moral et financier qui a toujours lié le « fan » à l’artiste, il est facile de revoir cela. Onne ne peut pas obliger l’artisan bottier à adopter le modèle économique et le mode de diffusion des chaussures André. Ayants droit : vos revenus dépendent du succès des autres !- Segmenter les offres, spécialiser, singulariser. Aucun consommateur n’est plus subtil qu’un mélomane, mais les plateformes actuelles affichent une similitude navrante. En favorisant la diversité elles créeront une pyramide de consentements à payer et augmenteront l’ARPU [Average Revenu Per User ou revenu moyen par abonné]. Cette pyramide sera actionnée par exemple par des offres basées sur la qualité de son, par les tranches de répertoires ou par des offres à options (voir plus bas).La véritable segmentation se fera par l’animation et les recommandations des services, par leur style, par leur capacité à être excellents sur tel ou tel genre musical, donc rapporter davantage aux ayants droit de telle ou telle catégorie de musique - par la relation caractéristique, enfin, qu’ils sauront créer avec leurs abonnés et leurs fournisseurs.« Téléchargement à l’acte »- Labels, ayants droit doivent oser la distribution sélective. Les contenus musicaux mis à la disposition des plateformes ont des logiques économiques différentes. Un ayant droit disposant d’un large fond de catalogue bénéficiera d’une planche à billets, légitime soit dit en passant. Ce n’est pas le cas d’un indépendant débutant.Il convient de rompre avec la religion suiviste du « tout partout » et oser la distribution sélective, ignorer l’arnaque du « gratuit qui aide la promotion », cesser de donner gratuitement sur certains ce qu’on vend ailleurs. La distribution sélective aux temps du streaming, ce n’est pas refuser le streaming mais collaborer avec les plateformes adaptées aux produits qu’on veut valoriser et à en priver les autres.Comparons avec l’audiovisuel : en aucun cas vous ne trouvez tous les nouveaux films sur Netflix ou CanalPlay. Pas davantage vous ne pouvez vous permettre, producteur de musique ou artiste, de dilapider pour des revenus minuscules vos nouveautés musicales sur une plateforme de streaming, à moins qu’elle ne vous propose une solution supplémentaire de monétisation adaptée à votre répertoire ou votre produit.- Se diriger vers des abonnements à options. Au service des répertoires en développement ou des répertoires de création, il faut, finalement, actionner le modèle de l’abonnement « incrémental » qui consiste à combiner l’abonnement généralisé à un système d’achats additionnels, qu’on appelait dans le vieux monde de iTunes « téléchargement à l’acte » et qu’il faudrait renommer « acquisition de droits définitifs », par opposition aux « droits temporaires » liés à l’abonnement.Solidarité détruiteLe modèle de demain est là : l’acquisition de « suppléments » à son abonnement, pour bénéficier de telle ou telle production, label, qualité, exclusivité, avant-première qui n’est pas incluse dans l’abonnement souscrit – et créer de la valeur supplémentaire pour les ayants droit.À considérer le potentiel du marché de la musique en ligne, la passion de ses utilisateurs, rien ne semble difficile à mettre en œuvre de ces solutions afin que le marché devienne adulte c’est-à-dire responsable vis-à-vis des ayants droit.Le streaming à ce jour a détruit le rapport économique de solidarité qui dans la musique enregistrée a toujours lié l’auditeur et le répertoire écouté. Les groupes de passionnés de musique avaient inventé bien avant l’heure le fameux crowdfounding : ils ont toujours soutenu et financé leur passion par leurs achats - en respectant un contrat implicite qui liait le producteur à son public de fans.Le producteur évaluait avant de produire le public potentiel d’un projet, et calibrait ses dépenses de production en fonction. Il y avait un rapport clair et facilement évaluable entre les moyens investis et l’espérance commerciale, qui pouvait s’évaluer au moyen d’une simple calculette sur une table de bistro. Les aléas des échecs ou des succès inattendus venaient trahir le plus souvent les prévisions, on se rattrapait de neuf échecs sur un succès.Le streaming tel qu’on le connaît aujourd’hui rend cela impossible.Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) Luc Vinogradoff (@Sonsperdus) On entend depuis quelques années le terme « retour de flamme » pour parler du renouveau de la scène électronique française, et parisienne en particulier. Comme si Paris était redevenue hype sans qu’on s’en aperçoive, en réaction à la baisse de forme d’autres épicentres. C’est le travail quotidien, méticuleux et persévérant d’une multitude d’acteurs (associations, salles, bénévoles et même collectivités locales) qui a permis à Paris de se hisser au niveau d’autres capitales de la techno, de la deep house, de la minimale, de l’électro et de tous les sous-genres qu’on peut imaginer. Plus une semaine ne passe sans qu’il y ait une soirée attirante, une pointure internationale qui soit de passage.En tête de proue, le collectif Surprize, qui organise la 3e édition du Weather Festival à partir du jeudi 4 juin. A son lancement, le festival avait attiré 35 000 personnes et un début de bonne réputation (même si côté pratique, tout n’était pas parfaitement carré, comme les points d’eau). Un an plus tard, il a pris une nouvelle dimension, avec une line-up mélangeant les sons de Berlin et Detroit, les pointures et les espoirs (dont beaucoup de Français), les sets collaboratifs et quelques surprises. Ce n’est pas pour rien que le site spécialié Beatport a classé le Weather en haut de sa liste des pèlerinages électroniques à accomplir en 2015, à côté des géants comme Sonar en Espagne ou Awakenings et Dekmantel aux Pays-Bas.Des hangars du Bourget en 2014, on passe à la nature et à un espace de 100 000 m2 dans le bois de Vincennes. En trois jours, plus de 70 artistes passeront sur cinq scènes aux couleurs des saisons. Afin que que vous ne passiez pas votre temps à regarder le programme pour savoir qui joue en ce moment et où aller, on vous a préparé notre parcours-type pour la nuit de vendredi.18 heures. Si vous pouvez, arrivez tôt et profitez de l’espace et des 30 °C qui s’annoncent avant que la foule ne déferle. On attend quand même 50 000 personnes. La programmation démarre lentement, le temps que le public sorte des cours et des bureaux. Allez jeter une oreille du côté de l’Allemand Matthew Herbert (scène Hiver), un DJ expérimental qui peut vous surprendre comme vous faire fuir, ou de le Français Neue Grafik (scène Printemps), qui, pour le coup, vous fera toujours danser.23 heures/Scène Automne. L’ouverture du festival, jeudi, a été marquée par la performance d’une légende électronique de Detroit, Derrick May. Logique donc qu’on enchaîne le vendredi avec un autre DJ du même calibre et du même espace-temps, Juan Atkins. Les organisateurs ont voulu additionner dès le début les poids lourds, puisque le Berlinois Moritz Von Oswald sera avec Atkins sur scène : une entrée en matière lourde en dub, pour se dégourdir les jambes.Minuit/Scène Eté. Une des spécialités de cette édition tiendra dans les collaborations en live, un exercice compliqué, dont le résultat peut être soit forcé, soit sublime. Plutôt que les expérimentations sombres de Vatican Shadow, Ron Morelli et Low Jack, mieux vaut tenter l’ambiance plus funky et chaleureuse du back2back de Marcellus Pittman et du jeune Allemand Danilo Plessow, alias Motor City Drum Ensemble. Encore une bonne dose de Detroit, l’éclectisme en prime.1 heure/Scène Automne et Hiver. Les choses sérieuses commencent, si ce que vous cherchiez est un tunnel de quatre heures de techno pure et dure, avec à peine quelques éclaircissements. On vous conseille de faire vos lacets et de protéger vos tympans : Ben Klock et Len Faki, deux géants Berlinois proches du label Ostgut Ton et de la scène du Berghain font dans les basses qui anéantissent, le minimal qui fait bouger mais reste glacial.Chacun a un set de trois heures, assez pour qu’ils trouvent un rythme et assez pour qu’on puisse profiter des deux.3 heures/Scène Eté. Si les décibels allemands finissent par saturer, l’Anglais Kieran Hebden, alias Four Tet, offrira un registre beaucoup plus ensoleillé et dansant avec son ami Floating Points. Chaque passage de Four Tet à Paris est une petite fête qui ne se rate pas ; il y a peu de DJ qui arrivent à passer aussi subtilement du funk à l’électro et à capter en un coup d’œil l’envie de public. Regardez le passage entre 23:00 et 27:50 sur la vidéo ci-dessous et essayer de ne pas, au minimum, hocher la tête.4 heures/Scène Hiver. Ça vous laisse une petite heure pour être témoin de ce qui sera peut-être le meilleur set de la nuit. Blawan et Pariah sont deux DJ qui ont fait leurs classes à Londres, mais plutôt que de se noyer dans la vague dupstep, ils prennent des chemins détournés qui aboutissent à Karenn, un duo qui ressuscite la techno sale et saturée, presque violente.Un live entièrement en analogique, des centaines de fils colorés et des clignotants à l’infini, plus adapté à une cave de club avec le moins de lumière possible, mais qui devrait aussi fonctionner en plein air. Un set (trop court) qui soit vous enverra dormir dans le coin hamac, soit vous donnera l’énergie nécessaire pour voir un dernier grand nom de, vous l’avez deviné, Detroit, « le Magicien » Jeff Mills, qui accueillera le lever du soleil.Luc Vinogradoff (@Sonsperdus)Journaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Gilles Rof (Marseille, correspondance) Premier grain de sable dans la gestion de Jean-François Chougnet, le nouveau président du Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM). La CFDT-Culture a adressé, le 3 juin, un « billet d’humeur » cinglant aux salariés du musée national implanté à l’entrée du port de Marseille. Cause de sa colère, le projet MuCEM Plage : un espace de plusieurs milliers de mètres carrés qui s’installera du 25 juillet au 21 août sur l’esplanade du J4, bâtiment de l’architecte Rudy Ricciotti. Des parasols sur 640 tonnes de sable, un « brumisateur géant », des terrains de sport, des cours de yoga, un boulodrome et un bar-terrasse. « Pour le public, cette esplanade fait partie du MuCEM, dit son président. Nous avions besoin d’y avoir une cohérence d’occupation et un choix d’événements qualitatifs. »« De qui se moque-t-on ? », s’enflamme la... Florence Evin La ville arabe, son passé, son présent, son avenir, tel est le thème de la première édition parisienne des Rendez-vous de l’Histoire du monde arabe, rencontres thématiques lancées à Blois par Jack Lang, il y a vingt ans. Le président de l’Institut du monde arabe (IMA), qui a été aussi maire de Blois, a importé dans la capitale cette manifestation annuelle, sorte d’université populaire, ouverte à tous, gratuitement, du vendredi 5 au dimanche 7 juin.C’est l'histoire du monde arabe décryptée dans l’actualité de la déferlante barbare et sans limites de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) qui saccage les sites archéologiques pour éradiquer toutes traces des anciennes civilisations et prôner un retour au temps de Mahomet, au tout début du VIIe siècle, aux sources littérales. L’occasion de « montrer aussi un autre aspect de la notion même de cité dans cette ancienne géographie complètement déstructurée et qui a besoin de sens », indique Francis Chevrier, commissaire général de ce rendez-vous parisien.Lire aussi :Péril mortel sur la Mésopotamie antique« La mémoire est révolutionnaire »« L’IMA a pour mission de faire avancer les connaissances, les sciences, souligne Jack Lang. J’ai la conviction que le savoir, la culture, sont des armes pour lutter contre les préjugés, la violence, les extrémismes. La mémoire permet de comprendre le passé pour inventer l’avenir. François Mitterrand disait : “La mémoire est révolutionnaire” ». Sujet brûlant, tant les villes de Syrie et d’Irak sont, avec leurs habitants, les premières victimes de la guerre qui fait aujourd’hui des ravages dans ce Moyen Orient, l’ancienne Mésopotamie où furent inventées l’écriture, la cité, l’architecture, il y a 5 000 ans – l’actuel Irak avec une frange syrienne. Avec l’écriture sont nées la mémoire et l’Histoire.Actualité aussi des cités rebelles, théâtres des soulèvements populaires depuis 2011, Tunis, Sanaa, Le Caire, Homs, etc., qui ont fait leurs Printemps arabes. Que sont-elles devenues ? Ou encore Jérusalem où les communautés se disputent la vieille ville, sanctuaire des trois religions du Livre, cernée de remparts. A Dubaï, Doha, Abou Dhabi, dans la péninsule arabique, les « malls », centres commerciaux géants et leurs gratte-ciel, remplacent les vieux souks, annonçant un changement de société.Palmyre, « perle du désert » syrienL’antique Palmyre, « perle du désert » syrien, monumentale et opulente cité caravanière des deux premiers siècles de notre ère, aujourd’hui occupée par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), est concernée ; comme Alep, ville martyre, dont les venelles et maisons en pierre de taille du Moyen Age sont détruites ; ou encore Babylone, sur les ruines de laquelle les troupes américaines puis polonaises avaient installé leurs camps militaires.Lire aussi :Les ruines grandioses d’une opulente cité caravanièreIl s’agit aussi d’Hatra la parthe, Nimroud l’assyrienne, en Irak, ou Mari et Apamée en Syrie, pillées et détruites par les islamistes fanatiques. « Il ne faut pas que Daesh [acronyme arabe de l’EI] nous fasse oublier toute la richesse de ces civilisations arabes dans la grande épopée humaine », souligne Maati Kabbal, responsable des jeudis de l’IMA et coordinateur de l’événement. « Une université populaire très didactique »Pas de conférences ennuyeuses, promet Francis Chevrier, « ce n’est pas un colloque où les savants parlent aux savants, mais une université populaire très didactique pour parler au plus grand nombre sans vulgariser, en donnant les résultats de la recherche la plus exigeante ».Cent cinquante intervenants, dont quarante étrangers, animeront cinquante deux tables rondes, à l’Institut, où il sera question de « l’urbanicide » perpétré par l’EI, pour reprendre la formule de l’historien Henry Laurens, mais pas seulement. « Dans un moment où les discours réducteurs répondent aux pratiques les plus nihilistes, il est d’une urgence civique au plus haut niveau de reprendre avec des historiens et des chercheurs professionnels les mille et un foisonnements de l’histoire du monde arabe », précise le professeur au Collège de France qui lancera les débats. En rappelant que l’idée d’un monde arabe était une invention du XIXe siècle.Un programme très riche et dense qui s’inscrit dans toutes les périodes de l’Histoire, pour comprendre les villes arabes, hier, aujourd’hui, et construire demain. Et se rappeler, comme en témoigne l’ancien ambassadeur en Egypte, Gilles Gauthier, ces trois semaines de solidarité, place Tahrir, au Caire, où toutes les classes sociales de toutes confessions et tous âges, étaient réunies dans un même espoir. Première édition des Rendez-vous de l’Histoire à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, du vendredi 5 au dimanche 7 juin. 52 tables rondes animées par 150 chercheurs et spécialistes. Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles. www.imarabe.orgFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Denis Cosnard Patrick Modiano commence à exceller dans l’exercice qui semblait le moins fait pour lui : le discours officiel. Six mois après son texte très marquant de réception du prix Nobel à Stockholm, l’écrivain a de nouveau fait surgir l’émotion, lundi 1er juin, lors de l’inauguration de la promenade Dora Bruder, dans le 18e arrondissement de Paris.Lire aussi :Modiano, jour de gloire à StockholmDevant une petite assemblée d’élus parisiens, de membres de la famille de Dora Bruder, de représentants du monde juif et d’écoliers, Modiano a trouvé les mots simples et justes pour faire revivre l’espace d’un instant cette jeune fille déportée à Auschwitz en septembre 1942.Cette fugueuse de seize ans, qu’il a arrachée à l’oubli et à l’anonymat dans le plus poignant de ses livres, intitulé sobrement Dora Bruder (Gallimard, 1997), était une fille du quartier, a-t-il rappelé. « Ses parents se sont mariés à la mairie du 18e, elle est allée à l’école dont nous pouvons voir la façade, elle a fréquenté une autre école un peu plus haut sur la butte, elle a vécu avec ses parents rue Lamarck, boulevard Ornano », a souligné le romancier. Ses grands-parents habitaient « à quelques mètres de nous ». Lire aussi :A Paris, une promenade Dora-Bruder en mémoire des victimes du nazismeDéportée parce que juiveUne adolescente comme tant d’autres, en somme. En quelques phrases, le Prix Nobel a campé le décor. « Là où nous sommes, elle jouait avec un de ses cousins, et là aussi sans doute vers quinze ans elle donnait des rendez-vous », a-t-il dit de sa voix douce.« Les soirs d’été où les jeunes gens restaient tard sous les platanes du terre-plein à prendre le frais sur les bancs, elle a écouté les airs de guitare de ceux qu’on appelait les Gitans et dont plusieurs familles vivaient ici, parmi lesquelles la famille du musicien Django Reinhardt. Pour Dora et pour les enfants du quartier, ce terre-plein était un terrain de jeux qu’ils appelaient le talus. »A Paris, devant une école du 18e, Patrick Modiano et Anne Hidalgo dévoilent la plaque "Promenade Dora Bruder" http://t.co/7iZTk3YSqR— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);La suite de l’histoire est beaucoup moins joyeuse. A la suite d’une fugue, Dora Bruder est arrêtée, et envoyée à Auschwitz. Déportée parce que juive. Son père et sa mère connaîtront le même sort.« Elle représente la mémoire de milliers d’enfant »Aujourd’hui, « Dora Bruder devient un symbole, a déclaré Modiano. Elle représente désormais dans la mémoire de la ville les milliers d’enfants et d’adolescents qui sont partis de France pour être assassinés à Auschwitz, celles et ceux dont Serge Klarsfeld, dans son livre  Memorial [Le mémorial des enfants juifs déportés de France, FFDJF, 1994] a rassemblé inlassablement les photos pour qu’on puisse connaître leurs visages. »L’inauguration d’un lieu à son nom est une façon de faire pièce aux souhaits des nazis, qui voulaient faire disparaître Dora Bruder et ses semblables, et effacer jusqu’à leurs noms. « Je crois que c’est la première fois qu’une adolescente qui était une anonyme est inscrite pour toujours dans la géographie parisienne », a noté Patrick Modiano.Évoquant Dora Bruder, Anne Hidalgo évoque les attentats de janvier : "70 ans après, on a entendu Mort aux juifs !" http://t.co/GW5KN0RGpZ— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);Après l’écrivain, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est chargée de donner un sens plus politique à cette inauguration. En janvier 2015, soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, des juifs ont de nouveau été assassinés à Paris pour ce qu’ils étaient, a-t-elle rappelé, en évoquant la tuerie de l’Hyper-Casher.« Soixante-dix ans après, on a de nouveau entendu “Mort aux juifs !” » D’où l’importance à ses yeux de comprendre le passé et de « conjurer l’oubli », comme l’a si bien fait Modiano.Denis CosnardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexandre Piquard Thierry Thuillier, le directeur de l’information de France Télévisions et directeur de France 2, a confirmé lundi 1er juin qu’il quitte le groupe public pour rejoindre Canal+. Il y prendra en main les sports, un secteur stratégique mais aussi une passion personnelle. Il ne gérera pas les programmes de flux et le « clair », comme un temps évoqué.Dans les spéculations autour de l’équipe de Mme Ernotte, M. Thuillier était le cas le plus médiatique car l’information est un des points forts du bilan de Rémy Pflimlin, prédécesseur de Delphine Ernotte, et parce que c’est un domaine sensible. Plusieurs échos de presse ont soutenu que Thierry Thuillier - nommé comme l’équipe de M. Pflimlin sous Nicolas Sarkozy - était classé à droite par certains dans l’exécutif et qu’il pourrait perdre sa place de ce fait, à deux ans de la présidentielle.Interrogé, celui-ci a toujours dit que ses relations professionnelles avec le pouvoir en place étaient bonnes et que les accrochages sur des contenus concernaient tant la majorité que l’opposition. Il s’est toujours voulu à distance du milieu politique et a défendu une information parfois « abrasive », par exemple dans le magazine Cash Investigation. Dans l’entourage de Delphine Ernotte, on fait remarquer qu’elle n’a pas décidé de ne pas travailler avec M. Thuillier et que c’est lui qui a choisi de partir en négociant depuis plusieurs mois avec Canal+.M. Thuillier parti, on se pose la question de la suite à France Télévisions. Pour lui succéder circulent en interne quelques noms : Etienne Leenhardt, rédacteur en chef service enquêtes et reportages de France 2, Yannick Letranchant, directeur de France 3 Nord-Ouest ou Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de France 2, qui précise ne pas avoir rencontré Mme Ernotte. Hervé Béroud, directeur de la rédaction de la chaîne d’information BFM-TV a été cité par Le Figaro. Par ailleurs, le présentateur du 20 heures de France 2, David Pujadas, a déclaré qu’en cas de départ de M. Thuillier il se « poserait la question » de son avenir.Consciente que les salariés attendent d’être rassurés sur le casting de la nouvelle direction, l’équipe de Delphine Ernotte ne pourra pourtant a priori pas donner de précisions rapidement : n’étant pas mandataire social, elle ne peut en principe pas négocier d’embauches ou de départs. C’est plutôt à la faveur de départs choisis, comme celui de M. Thuillier, qu’elle pourra donner le nom de remplaçants. Elle consulte largement, en interne et en externe.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Puissance des images, pouvoir du langageLe mot clé Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->Filippo d'AngeloVandaleEnfant, j’étais un vandale : je me plaisais à détruire sans raison les objets qui m’entouraient. Cette vocation prit fin au seuil de la puberté, le jour où je fus emmené au commissariat pour avoir démoli à coups de pierres les vitraux d’une église. J’en avais assez fait. À l’âge adulte, ce vandalisme a ressurgi dans mon écriture : les mots comme des coups de pierres, mais des coups de pierres dont la cible de prédilection ne serait autre que le lanceur. Des coups de pierres boomerang. S’il fallait représenter l’acte d’écrire par un mythe, ce serait l’histoire d’un auteur qui, en écrivant, sacrifie à chaque mot employé une parcelle de son corps, jusqu’à en tomber malade et à dépérir. L’acte d’écrire comme une peau de chagrin, qui rétrécit de manière inexorable, en vue de l’accouchement douloureux d’un être d’encre et de papier. Pourtant j’aimerais de tout mon cœur, de tout mon corps, pratiquer une écriture sereine, une écriture de la joie, qui soit une promesse de bonheur. Qu’est-ce qui m’empêche d’y parvenir, mis à part les carences de mon inspiration, les failles de mon talent, les tares de l’enfant que j’étais ? Parfois je m’absous en me disant que c’est le vandalisme du monde lui-même, un monde qui ressemble de plus en plus à « un oasis d’horreur dans un désert d’ennui ». Un autre mythe, celui-là, bien enraciné dans notre imaginaire, raconte que Jacob lutta pendant toute une nuit avec un ange, jusqu’à ce qu’il reçoive de lui la bénédiction souhaitée. J’aime à penser que ma situation d’écrivain n’est au fond pas dissemblable à celle de Jacob, et que, dans un monde qui aurait arrêté d’être un oasis d’horreur, je pourrais porter mes coups pour obtenir la bénédiction nécessaire à l’écriture d’un livre de la joie. En attendant que ce monde advienne, je poursuis ma lutte avec les mots, toujours comme un vandale, mais peut-être la bénédiction arrivera-t-elle avant la fin de la nuit. Le mot cléGeorges Didi-HubermanAperçuesAperçues, du verbe apercevoir. C’est un peu moins que voir. C’est voir un peu moins bien, moins bien que lorsque la chose à voir est devenue objet d’observation, cette chose désormais immobilisée ou posée sur quelque planche d’étude, comme le cadavre sous l’œil de l’anatomiste ou le papillon épinglé dans sa vitrine. Apercevoir, donc : voir juste avant que ne disparaisse l’être à voir, l’être à peine vu, entrevu, déjà perdu. Mais déjà aimé, ou porteur de questionnement, c’est-à-dire d’une sorte d’appel. Le genre littéraire des « aperçues » serait une forme possible pour écrire ce genre de regards passagers. Aperçues, au pluriel évidemment. Singularités multiples, cruciales pour une écriture littéraire comme pour une pensée philosophique. Alors je me contente d’attraper au vol et de relâcher aussitôt ma proie (qui n’en est donc pas une) sans décider de l’importance que revêt cet oiseau-là qui passait à cet instant-là. Laisser être l’occasion, l’écrire à l’occasion. Esquisser. Ne pas relire pendant un long temps. Un jour, remonter tout cela comme on remonte les rushes de mille et un films brefs et voir se dessiner les motifs inconsciemment formés de regards en regards, les inquiétudes persistantes, les sollicitations à penser. Aperçues, au féminin nécessairement. Je n’aime pas que l’« aperçu » soit au masculin, il évoque alors quelque chose comme un résumé, une table des matières, un programme. Une « aperçue » sera plus belle et plus étrange. Elle me renvoie à la féminité en tant qu’elle passe et m’abandonne, en tant que je l’appelle et qu’elle me revient. 01.06.2015 à 06h55 • Mis à jour le01.06.2015 à 07h14 | Sylvain Siclier Concert, festival, album… tous les lundis, Le Monde vous propose ses choix dans La Matinale.UN ALBUM : « Currency of Man », de Melody Gardot Oubliée l’étiquette « jazzy » de ses débuts et sa manière assez banale d’aborder la bossa, dominante d’un précédent disque. Melody Gardot affirme dans Currency of Man l’imprégnation soul (elle a vécu à Philadelphie, la ville du Philly Sound, une soul sophistiquée des années 1970). Le genre, avec des touches blues, une part parfois rock, lui va fort bien. Et plus particulièrement dans les thèmes riches en arrangements de vents et de cordes. Vocalement, elle est moins dans le recours à un voile qui se veut mystérieux, et plus dans l’énergie. Ce qui lui convient parfaitement.Currency of Man, de Melody Gardot, 1 CD Decca Records-Verve/Universal Music.La chanson « Same To You », extraite de « Currency of Man ». QUATRE CONCERTS : un hommage aux grandes voix de la soul, du jazz, du blues et du gospel avec l’orchestre de la Black Rock Coalition Fondée en 1985 par la productrice Konda Mason, le guitariste Vernon Reid et le journaliste Greg Tate, dans l’esprit des collectifs artistico-politiques des années 1960, la Black Rock Coalition réunit plusieurs centaines d’artistes, des musiciens en majorité. L’association organise, à l’année des conférences, lectures, concerts, agit en matière d’éducation culturelle et de transmission. Son orchestre, au personnel variable, propose aussi différents programmes thématiques. Dont depuis plusieurs années, un hommage aux grandes voix du jazz, de la soul et du blues dorénavant intitulé Sisters, Songwriters & Sirens par une configuration de l’orchestre constituée de musiciennes, instrumentistes et chanteuses, dirigées par la chanteuse Tamar-kali. Au programme des chansons de Big Mama Thornton, Nina Simone, Abbey Lincoln, Tina Turner, Betty Davis, Grace Jones, Aretha Franklin… A voir et entendre vivre sur scène.Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) du mercredi 3 au vendredi 5 juin (de 6 € à 22 €) et à Lyon, au Théâtre Odéon du parc archéologique de Fourvière lors du festival des Nuits du même nom, samedi 6 juin (23 €). UN FESTIVAL : Jazz musette des Puces, à Saint-Ouen du 5 au 8 juin Le swing manouche et le musette joué dans les rues et cafés du labyrinthique site des Puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), à quelques mètres de Paris, est valorisé depuis 2004 par le festival Jazz musette des Puces. De quoi chiner et faire une pause musique dans une quinzaine de lieux, dont La Chope des Puces, le Marché Biron, Le Carré des Biffins, Le Relais des Broc’s… où sont attendus du 5 au 8 juin, guitaristes, violonistes, accordéonistes, chanteuses, fanfares etc. dans l’après-midi. Et délocalisée au Stade Bertrand-Bauvin, dans le 18e arrondissement proche, le samedi 6 juin, une soirée de vedettes dont Arno, Didier Lockwood, Sylvain Luc, Les Rapetous, union de talents de la guitare, Lionel Suarez, Yvan Le Bolloch… Accès libre à l’ensemble de la manifestation.Lieux, horaires et programmation à consulter sur le site Internet du festival Jazz musette des Puces. Mo Porte-de Clignancourt ou Porte-de-Saint-Ouen. UN VIDÉO CLIP : la chanson « Malibu », par LuceDeuxième extrait de son album Chaud (Tôt ou tard) paru en février, la chanson Malibu, de Luce, donne lieu à un savoureux vidéo-clip à l’aspect bricolo. Conçu par Benoît Forgeard, dans des teintes pastel, avec parfois une touche colorée plus marquée, il rappelle les livres pour enfants aux bandes découpées qui permettent de réaliser d’étranges personnages dont la tête, le corps et les jambes empruntent à divers éléments. Luce, voix mutine, dans cette fantaisie pop écrite et composée par Mathieu Boogaerts, se retrouve par exemple avec une plume d’indien dans les cheveux, une robe rouge qui se termine par un pantalon jaune, ou parée d’un ornement fleuri, un haut panthère tachetée et un bas manifestement masculin avec petit bidon apparent. Frais et joyeusement allumé. RÉSERVEZ VITE : cinq possibilités de participer à la « tournée sans fin » de Bob Dylan Cet été, la « tournée sans fin » de Bob Dylan va s’arrêter dans deux festivals français, qui ne sont pas des géants du circuit. D’abord à Pause guitare à Albi (Tarn) prévu du 6 au 12 juillet. Dylan y est programmé le 12 juillet, avec sur la même scène Hindi Zahra et Cali (de 29 € à 47 €). Puis le lendemain 13 juillet, seul à l’affiche (79 €) du Festival de Poupet, à Saint-Malo-du-Bois (Vendée) organisé du 2 au 24 juillet. Puis ce sera le retour aux Etats-Unis peu après avant une nouvelle virée européenne à l’automne et trois dans l’Hexagone, au Dôme de Paris, le nouveau nom du Palais des sports, les 18 et 19 octobre (de 67,50 € à 111,50 €) et au Zénith de Rouen (Seine-Maritime), le 3 novembre (de 56,50 € à 80,70 €).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Au cœur des émotionsZeruya Shalev © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Les familles : liaisons et déliaisons »Zeruya ShalevSur les liens familiauxDans presque toutes les familles, là où je vis, il manque quelqu’un. Parfois, c’est un grand-père exterminé pendant la Shoah ; parfois une mère, une tante, un frère assassiné au cours d’un attentat, parfois un père, un gendre ou – le pire du pire – un fils tombé à la guerre. Il arrive donc que cette réalité engendre des situations absurdes. Par exemple, dans notre famille, l’absent, en l’occurrence, c’est le premier mari de ma mère, mort pendant la guerre d’Indépendance et qui l’a laissée veuve à vingt-trois ans. Bien que je sois née plus de dix ans après ce drame, je l’ai trouvée encore éplorée et j’ai partagé son deuil pendant toute mon enfance. Elle me parlait volontiers de cet homme, de leur amour, de sa tragédie aussi. Je l’écoutais, douloureuse, mais je savais aussi, en mon for intérieur, que sans cette perte, notre famille n’aurait jamais existé. Que je n’aurais, moi, jamais vu le jour. Ma mère aurait-elle préféré la fille issue de ce premier lit ? Voilà comment, dans mon pays, les familles se font et se défont, se construisent sur les ruines de familles antérieures, se nourrissent de souvenirs et d’angoisses, de culpabilité et d’espoir. Cela induit des liens plus intenses et plus étroits que dans les familles européennes que je rencontre. Pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire, car nous n’arrivons pas à laisser partir nos enfants vers la vie qui les attend, de même que nos propres parents n’ont pas réussi à nous laisser partir vers la vie qui nous attendait. La menace existentielle, oscillant entre conscient et inconscient, réactive à chaque fois le mécanisme qui nous cloue les uns aux autres, de génération en génération. Dans mon dernier livre, Ce qui reste de nos vies, je me suis efforcée de mettre à nu ce mécanisme. J’ai même osé essayer de transformer cette malédiction en bénédiction. Le roman s’articule autour d’une vieille femme à l’agonie et de ses deux enfants qui se trouvent à un tournant de leur vie. Ils tentent de s’offrir mutuellement un ultime cadeau d’adieu, de réparer ce qui n’avait pu l’être auparavant. Les thèmes comme la jalousie fraternelle, la rivalité pour l’amour des parents, le désir d’enfant, sont très anciens et apparaissent de manière récurrente dans l’œuvre en langue hébraïque écrite il y a plus de deux mille ans. Les récits bibliques sur lesquels j’ai grandi regorgent d’histoires de famille et de liens familiaux – preuve sans cesse renouvelée que les sentiments premiers, l’amour premier que nous éprouvons envers nos parents et notre fratrie, nous accompagnent, nous et l’humanité entière, d’une génération à l’autre, tout au long de l’Histoire. Les sciences et la technologie ont beau s’être extraordinairement développées, tout comme le monde qui nous entoure, il n’en reste pas moins que le monde affectif, lui, n’a quasiment pas bougé et que, en dépit, ou peut-être justement à cause, de cet immobilisme, il captive toujours les lecteurs autant que les auteurs, et continuera de captiver lecteurs et auteurs bien après que nous et nos enfants, nous aurons disparu. Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz Le mot cléManu JosephCinématographiqueNote à moi adolescent… Jeune homme solitaire passablement délaissé par le monde et transparent aux yeux des splendides créatures que tu vénères, ne devrais-tu pas écrire des poèmes mélancoliques ou recourir à la prose vaine d’un intense repli sur soi ? Mais non, c’est le cinéma qui t’attire, les films t’apportent tant… et tu sembles avoir été infecté par l’altruisme méconnu du cinéma commercial, la tâche qui lui échoit : divertir. Est-ce parce que tu crois savoir divertir ? Est-ce là ta grande idée ? Ou est-ce par humilité que tu tiens à divertir ? N’est-il pas vrai que tu éprouves le besoin de passer un contrat avec ton public : « J’ai quelque chose à dire et j’ai peur que ça ne t’intéresse pas, mais je sollicite le droit de le dire en te donnant quelque chose en retour. » N’est-ce pas ça, l’humilité du cinéma ? Ou bien est-ce simplement que tu appartiens à une nation théâtrale dans laquelle toutes les émotions sont exposées aux yeux de tous, dans laquelle les conversations et la gestuelle de la vie quotidienne imitent le cinéma ? On ne peut saisir l’éminente république sans une forme narrative d’inspiration dramatique. Ou est-ce seulement que tu es intimidé par l’infinie liberté que procure la fiction ? Recherches-tu des barrières susceptibles de te brider parce que, sinon, tu deviendras fou ? Si tu peux tout écrire, que dois-tu écrire et que dois-tu omettre ? Alors que, si ta fiction est un film, les limites sont toutes tracées. Tu ne peux écrire que ce que tu peux montrer, ce que tu peux transmettre sous la forme d’une image. Certes, tu intègres des notions abstraites mais, grosso modo, tu écris ce que l’œil est capable de voir. Et puis, tu aimes l’opprimé. Tu es du côté de l’opprimé. Dans les histoires que tu as envie de raconter, les opprimés s’évertuent à triompher. Une histoire a besoin de mouvement, or le parcours de l’opprimé est le mouvement même. Et comme c’est le cinéma qui a le mieux réussi dans ce domaine, c’est de lui que tu t’es inspiré en priorité. Traduit de l’anglais (Inde) par Bernard Turle © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'Autriche des écrivainsArno Geiger © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Ce qui importe, peut-être… »Arno GeigerCe qui importe, peut-être, à mon sens : que le cheminement de mes pensées, bien loin d’aller en se simplifiant, comme pouvait l’écrire Peter Altenberg, se complexifie tout au contraire, et que j’atteigne cependant de plus en plus à une économie de moyens parfaitement adaptée à mon sujet, à un équilibre, à une harmonie de la langue, de la forme et du contenu – ce qui n’est pas une mince affaire pour un être aussi incorrigiblement espiègle que moi, et qui n’aime rien tant que d’emberlificoter les choses. Et : que les matières traitées tendent à une banalité grandissante, car enfin rien n’est vraiment banal, je m’en avise peu à peu. L’éventail de mes perspectives s’en élargira d’autant. Et : que je fasse preuve de ténacité, et sache attendre patiemment, à ma table de travail, qu’un certain consensus s’instaure entre les intentions qui sont miennes et le texte en train de s’écrire, même si l’union qui règne entre moi-même et mon entourage doit s’en ressentir bien souvent, par contrecoup. Que mes écrits ne soient pas guidés par l’amertume ni la rage, mais avant tout par l’imagination, par une révolte contre bon nombre de choses, et aussi bien contre ce que je ressens comme mes propres insuffisances. Que je m’efforce de comprendre et ne comprenne cependant pas. Que je croie de moins en moins en ces hommes qui croient en eux-mêmes, et privilégie dès lors des personnages qui sont pris dans des engrenages qui les dépassent. Alors1 ! Traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay 1 Ce dernier mot en français dans le texte. Le mot cléJosef WinklerPénicillineLe père raconta que son frère, l’oncle Franz, âgé désormais de quatre-vingts ans passés, qui était dans la SS pendant la Deuxième Guerre mondiale et reste fier aujourd’hui d’avoir été dans la SS, avait eu à l’âge de cinq mois une pneumonie avec forte fièvre et que le médecin de famille, ne pouvant plus rien pour l’enfant, avait présenté aux parents un unique et ultime recours, fracasser à la hache la surface glacée du ruisseau du village, plonger un drap dans l’eau glaciale et envelopper l’enfant dans le linge humide. « Ou bien il survit, ou bien il mourrait de toute façon ! », aurait dit le docteur. Désespérée, ma grand-mère, la mémé Enz, suivit le conseil du docteur, plongea un drap grossier dans le ruisseau qui charriait la glace et enveloppa l’enfant de cinq mois dans le tissu essoré et tout fumant de froid. Au bout de quelques heures, elle retira du linge humide l’enfant nu et constata bientôt que la fièvre avait baissé, l’enfant survécut effectivement à cette grave pneumonie dont l’issue était fatale en général – à l’époque, il n’y avait pas encore la pénicilline – et plusieurs décennies après, lorsque cet enfant sauvé des eaux glacées fut devenu un quadragénaire fier d’avoir été dans la SS pendant la Deuxième Guerre mondiale et quand, lui qui désormais est plus qu’octogénaire et vient à Kamering pour la Toussaint et le Jour des Morts dans sa voiture anglaise blanche vieille de plusieurs décennies mais paraissant neuve, parfaitement astiquée qu’elle est, quand il se tient devant la tombe de ses parents morts depuis maintenant trois décennies, dans une odeur de chrysanthèmes jaunes et blanches, près des innombrables bougies de toutes les couleurs dont les flammes vacillent dans le cimetière et répandent un parfum d’encens, et qu’ensuite, après cette visite aux tombes, il rentre déjeuner dans ce qui fut jadis sa maison familiale pour y retrouver mon père et l’oncle Hermann, chaque année au Jour des Morts la Deuxième Guerre mondiale est de nouveau invoquée par ces trois hommes qui participèrent à la guerre, les expériences de guerre sont décrites, l’existence des camps de concentration remise en question, tandis que leurs costumes, dans lesquels ils se sont tenus le Jour des Morts devant les tombes de leurs parents, sentent encore l’odeur des fleurs de la Toussaint et la cire des bougies : « Le Hitler, il leur aurait réglé leur compte ! », « Moi j’ai rien fait ! », répétait l’oncle Franz plusieurs fois en ma présence. « Moi je travaillais à Nuremberg dans un bureau de la SS. J’ai fait de mal à personne ! ». (traduit de l’allemand par Bernard Banoun Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il s’agit d’un mariage entre distributeurs indépendants. Le belge PIAS va reprendre les activités musicales du célèbre label français de musique classique Harmonia Mundi, afin de constituer le premier label indépendant européen dans l’édition et la diffusion de musique classique, pop, jazz…PIAS, acronyme de « Play it again Sam », la réplique mythique du film Casablanca a été fondé en 1983 par Kenny Gates et Michel Lambot. Le label est déjà l’un des plus gros indépendants européens – présent notamment au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne et aux États-Unis – et est en passe de devenir une mini-major.En 2012, PIAS, dont le chiffre d’affaires est évalué à 80 millions d’euros et qui emploie environ 200 personnes, avait racheté Coop à Universal Music Group. Coop, aujourd’hui en plein essor, appartenait auparavant à EMI. Universal avait été obligé de s’en détacher, quelques mois seulement après l’avoir acheté, afin de répondre aux injonctions de la Commission européenne sur les seuils de concentration.Accord sur la partie musicaleL’accord conclu entre PIAS et Harmonia Mundi, conseillé par la banque belge de Degroof, devrait être finalisé au plus tard au 1er octobre 2015. Il ne concerne que la partie musicale des activités d’Harmonia Mundi. Il prévoit la prise de contrôle par le label d’origine belge, des marques de musique créées par la société arlésienne (Le Chant du monde, Discograph, Jazz Village…).Fondée à Paris en 1958 par Bernard Coutaz, installé d’abord à, Saint-Michel de Provence (Alpes-de-Haute-Provence), puis à partir de 1986 à Arles (Bouches-du-Rhône), Harmonia Mundi a gagné un rayonnement international grâce à son répertoire classique et romantique. Mais l’entreprise a été fragilisée par la révolution numérique. Depuis le décès de M. Coutaz en 2010, l’entreprise est dirigée par son épouse Eva qui va rester conseillère artistique au sein du nouveau groupe.Le montant de la transaction n’a pas été divulgué. Harmonia Mundi en 2010 disposait encore 350 collaborateurs et dégageait 60 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais le label et distributeur indépendant s’est résolument lancé dans la conservation d’un marché physique de la musique, en poursuivant une politique d’ouverture de boutiques, au moment même où la dématérialisation du secteur s’accélérait.Depuis Harmonia Mundi connaît de vraies difficultés financières et la reprise par PIAS, « un groupe indépendant qui partage les valeurs et la vision de Bernard Coutaz », comme le notent sa veuve et son fils, devrait permettre de préserver l’essentiel de l’héritage. Outre les activités musicales, PIAS reprend les filiales étrangères et le personnel de ces filiales.Des restructurations devront forcément voir le jour entre les deux distributeurs pour permettre l’harmonisation entre leurs réseaux. Mais pour la filière musicale, il est déjà heureux que Harmonia Mundi soit repris par un label indépendant, alors que le paysage se tend dangereusement en France et en Europe.Dans l’Hexagone, le label Atmosphériques, fondé par Marc Thonon est toujours en grande difficulté. Seuls résistent un quarteron d’indépendants emmenés par Because, Wagram, Tôt ou tard et Naïve, avec dans leur sillage des entreprises beaucoup plus petites.Pour les dirigeants de PIAS, « leur connaissance du marché digital, la gestion des différents droits, pays par pays et leur réseau international devraient permettre au nouvel ensemble de gagner rapidement en exposition et en revenus »De son côté, le fils du fondateur Benoît Coutaz va poursuivre l’activité dans le domaine des livres, sous la raison sociale Harmonia Mundi Livre SA. Celle-ci sera toujours basée à Arles. Cette branche livre est notamment le distributeur et le diffuseur des éditions Allia, Bleu autour, Champ Vallon, l’Eclat, Finitude, La Fosse aux Ours, Galaade, les Moutons électriques, Philippe Picquier, Monsieur Toussaint Louverture. Des maisons de littérature et de sciences humaines qui reflètent la diversité de l’édition française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter © Philippe MATSAS | © Jessica Marx Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / « Générations, révolutions »Dana Spiotta © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Générations, révolutions »Dana SpiottaUne des questions posées pour cette table ronde est la suivante : « Comment peut-on évoquer les lendemains de la révolution quand le rêve a cédé la place à la désillusion ? » Le sujet de l’« après », ou disons du « retour à la réalité », est très intéressant à mes yeux. Pour moi, ce n’est pas seulement une question politique ou sociale ; cela touche au plus profond de l’humain. Nous sommes faits pour être idéalistes et désenchantés. Je ne pense pas que cette idée soit désespérante : elle est au contraire essentielle et fascinante. Résister à l’inévitable désillusion, voilà ce qui m’émeut le plus. Dans mon livre, par exemple, je me suis attachée à dépeindre un être comme Nik, l’artiste, qui semble incarner l’échec selon les critères traditionnels mais qui refuse de renoncer à faire ce qu’il aime. Il crée un univers où son art prend tout son sens. Il refuse l’identité que veut lui coller la société. Il résiste. J’ai aussi essayé de faire vivre quelqu’un comme Nash, un autre de mes personnages. Nash est un révolutionnaire pacifiste qui a « perdu », mais qui poursuit sa quête du parfait acte de résistance. Il cherche quelque chose de libérateur en soit, peu importe le résultat. Les êtres qui proposent une nouvelle définition du succès au cœur d’un monde indifférent me passionnent. Je ne les considère pas comme des échecs ; je vois en eux des innocents désabusés. Les tentatives de rébellion protègent l’âme, même si l’on pressent qu’elles sont vaines. Et quand on sait justement que l’on va échouer, cela devient peut-être encore plus fondamental. Nous agissons sachant que la révolution accouchera d’une souris, nous tombons amoureux sachant que l’amour prend souvent plus qu’il ne donne, nous créons sachant que la plupart des œuvres ne trouvent pas leur public, de même que nous vivons conscients de notre mort inéluctable. Malgré tout, nous continuons, nous aimons, nous créons, nous combattons sans jamais déposer les armes. Voilà ce sur quoi j’aime écrire, le quotidien d’une vie face à ces vérités implacables. Et je crois qu’il est essentiel de ne pas schématiser les personnages, de résister au cliché et d’en faire des êtres vrais, pétris de défauts. Mes personnages ont tendance à commettre de graves erreurs au nom d’un rêve ; ensuite, ils n’ont d’autre choix que de persévérer, jour après jour, de préparer le petit déjeuner, de faire des enfants, de regarder la télévision – de vivre en d’autres termes. Cette vie « d’après » est très riche pour un écrivain. C’est là que les personnages sensibles se confrontent à l’ironie de l’existence. Ce moment peut être drôle ou triste, et même si l’on n’y découvre pas forcément de vérités fondamentales, on peut en tirer une certaine consolation. En tant qu’écrivain, les réponses ne m’intéressent pas. Je préfère m’interroger sur ce que signifie être vivant aujourd’hui. Je me concentre sur les forces qui nous façonnent (argent, histoire, nationalité, sexe, environnement de vie, langue, accès aux technologies), et j’envisage l’humain dans ces contextes particuliers. De quoi est capable la fiction ? Je m’efforce de décrire la complexité d’une époque et d’un lieu ; je cherche à saisir le moment où les gens agissent et à retracer les conséquences de leurs actes. D’habitude, je commence par la langue du personnage. Je m’attache à sonder les idées reçues, les habitudes de langage et les schémas de réflexions qui nous oppriment et nous musellent. J’explore en particulier la manière dont les technologies (anciennes ou nouvelles) influent sur notre façon de penser, d’agir et de sentir. Montrer la vie dans sa complexité est crucial. Pour moi, cette quête est subversive ; c’est un acte de rébellion. Le roman peut contrecarrer la fugacité de l’instant : les jugements à l’emporte-pièce et la marchandisation à tout-va. Il peut aussi nous prémunir contre la tendance qui veut tout réduire à une chose unique. Le roman est polyvalent, multiple et contradictoire. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson Le mot cléAurélien BélangerStructuralismeJe vois les mauvais jours le roman comme un petit skate-board, le plus inutile et le plus énergivore des moyens de transport, la plus petite des portions de l’espace qui puisse nous être attribuée et dont il n’y a à peu près rien à faire, sinon tenir debout, et venir de temps en temps taper contre le sol. Les bons jours je le vois comme le hamac d’un anthropologue perdu en Amazonie et suffisamment éloigné de ses notes pour improviser une cosmologie complète. L’anthropologue traditionnel a besoin du balancement souple des sociétés primitives, le romancier préférera placer ses intrigues au milieu des fractures, des multiples plans et des lignes de fuite incertaines des sociétés industrielles – idéalement, le paysage urbain lui-même lui servira d’intrigue. Anthropologues et romanciers font de l’ontologie : ils déterminent les forces en présence et définissent l’ameublement du monde. Rien d’héroïque, c’est là la tâche de fond de l’esprit humain. L’essentiel est de la séparer du bruit qui vient s’y ajouter – l’ontologie est extrêmement adhésive. La technique de l’anthropologue consiste à partir le plus loin possible pour étudier, si elles existent, des ontologies encore un peu natives, pas encore hybridées. La technique du romancier consiste à soigner son écriture, pour jouer sur sa plasticité mentale et sa faculté à redécouper librement le réel. L’anthropologue structuraliste Philippe Descola est ainsi revenu du pays des Achuar avec un catalogue complet d’ontologies qui correspondent chacune à une manière justement instinctive de découper le réel pour le rendre lisible. Elles regardent notre manière d’articuler l’intériorité de notre esprit avec le monde sensible. Au dualisme nature-culture, que les romanciers n’ont jamais réussi à prendre au sérieux, il oppose quatre grands types d’ontologies définissant tout le spectre des découpages possibles – spectre que les romanciers pourraient avoir toujours parcouru, faisant ainsi de l’anthropologie structurelle sans le savoir, et échappant, parfois, quand ils écrivent, aux déterminations sociales dominantes. Pour le naturaliste, les êtres ont des intériorités distinctes, tous ne sont pas conscients, mais ils sont sous-tendus par la même physique, ils sont profondément les mêmes. C’est le charme béhavoriste des vieux polars ou du nouveau roman. Pour l’animiste, les intériorités sont les mêmes, les choses et les hommes, si leurs apparences physiques diffèrent, ont des intentions égales. Le discours indirect libre, généralisé, entendu presque comme un naturalisme ironique, est d’essence animique. En régime totémique, les intériorités et les physicalités sont les mêmes, l’humain et le non-humain s’entremêlent, les choses basculent dans un fantastique inexplicable, celui de La Métamorphose de Kafka, où la transformation de Gregor est trop évidente pour être allégorique. À l’inverse, en régime analogique, tout est singulier : c’est le règne, par défaut, de la métaphore, seul outil cognitif valide. Emmanuelle Jardonnet CHOICES, lancé l’an dernier à Paris, est la mouture parisienne de ces week-ends concoctés sur mesure pour les collectionneurs internationaux. Ces dernières années, ils ont émergé dans de nombreuses grandes villes (Londres, Copenhague, Varsovie, Chicago…) sur le modèle du Galleries Weekend de Berlin, créé il y a dix ans. La deuxième édition de l’événement se tiendra du vendredi 29 au dimanche 31 mai, avec un programme encore un peu plus dense que l’an dernier.Lire aussi :Profil du collectionneur français : un homme âgé… et pas si fortunéCe sont cette fois quarante galeries – soit cinq de plus qu’en 2014 – qui participent à un parcours un peu atypique, puisqu’il s’articule autour d’une exposition collective aux Beaux-Arts. « A l’étranger, les galeries s’appuient souvent sur des institutions », afin que les collectionneurs profitent du voyage pour voir de grandes expositions en avant-première, souligne Marion Papillon, à l’origine du projet. « A Paris, si l’on ajoutait encore des expositions à la visite des galeries, ce serait trop », estime la galeriste, pour qui la formule est d’ailleurs déjà à son maximum : « Quarante galeries est un bon format, nous avons atteint notre objectif. Au-delà, il faudrait sûrement en changer, car on ne peut pas demander aux gens de visiter 70 galeries en trois jours. » « Réinviter au parcours » des galeriesCHOICES inclut néanmoins quelques visites privées pour les quarante collectionneurs VIP invités pour le week-end (un par galerie) : à la Fondation d’entreprise Ricard, partenaire officiel de l’opération, et au Jeu de Paume, qui se situe idéalement devant l’hôtel Meurice – autre partenaire officiel, qui logera les convives. Enfin, une soirée de clôture sera organisée dimanche soir au Musée Bourdelle, qui vient de rouvrir après huit mois de travaux.L’objectif reste bien sûr de « réinviter au parcours » des galeries. « Ce type d’événement est devenu fréquent parce que les foires ont pris beaucoup de poids, au dépend de ce “parcours” dans les galeries. Or, faire des expositions et montrer les artistes dans nos espaces est le cœur du métier de galeriste, c’est important de remettre ça en avant », insiste Marion Papillon, pour qui CHOICES doit donner « un prétexte supplémentaire pour venir à Paris ». A l’origine, une telle association n’allait pas de soi, et plusieurs tentatives en ce sens n’avaient pas abouti avant CHOICES. Pour convaincre les galeristes, Marion Papillon leur a d’emblée proposé un projet très « ficelé » en termes d’organisation comme de partenaires. De grandes galeries, qui n’ont pas forcément besoin de ce type d’événement, se sont également laissées tenter, comme les Vallois, Art : Concept, Almine Rech ou encore l’antenne parisienne de la galerie berlinoise Max Hetzler. Cette année, un grand nom de plus s’est adjoint au projet : la galerie Thaddaeus Ropac, avec ses deux espaces, celui du Marais et celui de Pantin.« Moments de rencontre »Après Nicolas Bourriaud, l’actuel directeur de l’Ecole des Beaux-Arts, aux manettes l’an dernier, c’est un ancien directeur, Alfred Pacquement, qui est cette année chargé du commissariat de l’exposition collective, pour laquelle chaque galerie a proposé plusieurs œuvres afin de laisser au commissaire le soin de construire cette exposition de quarante œuvres (une par galerie).L’an dernier, 3 000 visiteurs ont visité l’exposition collective en un week-end. « Nous avons été presque surpris », concède Marion Papillon. Cette fois, l’événement n’est pas organisé dans le Palais des Beaux-Arts, mais sous la grande verrière du Palais des études des Beaux-Arts. Une hauteur et une luminosité qui ne sont pas sans incidence sur l’accrochage : il y aura ainsi davantage de sculptures et de vidéos – pour lesquelles ont été aménagées des boîtes-cabines noires.Hormis les quarante collectionneurs « happy few » et tous les collectionneurs conviés plus largement à participer au parcours, CHOICES est accessible au grand public. L’entrée est libre, dans l’exposition comme dans les galeries. « Nous avons conscience que franchir les portes des galeries peut être intimidant, mais ce week-end encourage une disponibilité des galeristes, et des moments de rencontre », indique Marion Papillon.Julien Prévieux, Alain Fleischer, Isabelle Le Minh…Si l’exposition collective est certainement la meilleure porte d’entrée dans l’événement, l’artiste présenté n’est pas forcément celui qui est exposé dans la galerie. C’est seulement le cas d’une dizaine de galeries. Parmi eux, Christophe Gaillard, avec le travail autour du concept de photographie de la Française Isabelle Le Minh ; la galerie Bernard Jordan, avec les intrigantes sculptures aussi architecturales que sexuelles de l’Autrichien Elmar Trenkwalder ; Jousse Entreprise, qui présente le travail de Julien Prévieux, Prix Marcel-Duchamp 2014, questionnant avec humour les logiques sociales de notre société ; ou encore la galerie Françoise Paviot, qui expose les œuvres d’Alain Fleischer, dont la vidéo Hitchcock recadré montre le film Fenêtre sur cour lui-même filmé à travers le viseur d’une petite caméra numérique, au plus près des détails.« Le travail de tous les artistes n’est pas forcément adapté à un espace où quarante galeries présentent des œuvres », explique Marion Papillon, qui n’exclue pas à l’avenir des règles du jeu plus contraignantes. Les liens exposition-galerie se font ici de multiples manières : plutôt que de faire une monographie, certaines galeries voient dans le dispositif la possibilité de présenter le travail de deux artistes, certains font appel à un commissaire pour proposer une exposition en lien avec l’œuvre présentée (comme Art : Concept ou Almine Rech), d’autres choisissent enfin simplement une œuvre représentative de la ligne de la galerie. La galerie Anne Barrault a opté pour une autre formule encore : l’artiste présentée aux Beaux-Arts, Sarah Tritz, a eu carte blanche pour l’exposition en galerie, où elle a choisi de mettre en regard le travail de deux artistes face à face : Anne Bourse et Emilie Perotto, « comme un portrait en creux » de sa propre pratique.Les 29, 30 et 31 mai, ouverture des galeries participantes de 12 heures à 19 heures. Ouverture publique de l’exposition collective le 30 et le 31 aux mêmes horaires. Palais des Études, Beaux-Arts de Paris, accès 14, rue Bonaparte, Paris 6e. Liste des galeries participantes : www.choices.frEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.05.2015 à 16h13 • Mis à jour le28.05.2015 à 16h37 | William Audureau et Maxime Vaudano En décidant d’ouvrir le système public de subventions aux jeux vidéo catégorisés comme « violents », le gouvernement français n’a pas manqué d’étonner et de susciter la polémique. Vu de l’extérieur, le décret de la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire semble alimenter le cliché d’une industrie très largement portée vers les productions violentes – un procès qui lui est régulièrement intenté, alors même que rien n’empêche l’Etat de subventionner les films violents. Le Monde s’est penché sur la question, en comparant les systèmes de classification de ces deux médias.Beaucoup plus de jeux violents que de films ?Un premier coup d’œil sur les statistiques suggère que le jeu vidéo peut heurter bien plus souvent la sensibilité des joueurs que les films avec leurs spectateurs. Près de la moitié des jeux qui sortent chaque année sont au moins déconseillés aux enfants de moins de 12 ans par le système européen PEGI (Pan European Game Information), qui fait référence dans le domaine. A l’inverse, plus de 90 % des films qui sortent dans les salles de cinéma françaises bénéficient du visa « tous publics » du Centre national du Cinéma (CNC). #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313524292 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313524292 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des films en France (CNC)Source : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; 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margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Avant 2010, les chiffres absolus sont des extrapolations à partir des pourcentages fournis par le PEGI. Elles peuvent donc varier de quelques unités par rapport au chiffre réel, non communiqué par PEGI.Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 1309 ], [ "", 1460 ], [ "", 1114 ], [ "", 828 ], [ "", 613 ], [ "", 471 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 350 ], [ "", 393 ], [ "", 549 ], [ "", 362 ], [ "", 388 ], [ "", 371 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 444 ], [ "", 503 ], [ "", 551 ], [ "", 515 ], [ "", 418 ], [ "", 326 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 253 ], [ "", 247.5 ], [ "", 249 ], [ "", 284 ], [ "", 224 ], [ "", 225 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 126 ], [ "", 140 ], [ "", 155 ], [ "", 218 ], [ "", 170 ], [ "", 149 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; 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La classification du film est délivrée par le CNC, et celle du jeu par PEGI. Quand plusieurs versions d’un même jeu – sur différentes consoles, par exemple – ou plusieurs épisodes d’un même film – une trilogie – existaient, nous avons tenu compte du classement le plus sévère. Objectif ? A univers commun, tenter d’évaluer les différences de traitement des œuvres selon leur support. La datavisualisation présente la classification respective du jeu (de PEGI 3, pour le « tous publics », au PEGI 18, pour les jeux déconseillés aux moins de 18 ans) et du film (du « tous publics » au « - 18 ») :Lire aussi :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéoDeux classifications radicalement différentes…La raison est simple : les deux instances de régulation qui font référence en France fonctionnent de manière radicalement différente…Dans leur structure…C’est le Centre national du cinéma (CNC) qui accorde leurs visas d’exploitation aux films diffusés dans les cinémas français. Il s’agit d’un établissement public, dont la commission de classification est composée de personnalités d’horizons divers (professionnels, associatifs, fonctionnaires, étudiants…) nommés par le ministère de la culture. C’est un modèle de régulation publique.Les jeux vidéo sont au contraire “autorégulés” par l’industrie. La classification européenne PEGI est la propriété privée du lobby européen du “logiciel interactif”, l’IFSE. La classification des jeux est toutefois confiée à deux organismes publics : l’Institut néerlandais de classification des médias audiovisuels (NICAM) et le Video Standards Council (VSC) britannique, qui accordent une place aux représentants de l’industrie, aux autorités de régulation nationales (comme le CSA), à des experts indépendants et aux consommateurs, qui peuvent adresser des plaintes.… dans leurs méthodes…Le CNC ne s’appuie pas sur une grille précise, et admet la « subjectivité » de ses classifications de films. La seule contrainte légale pour l’institution est d’interdire aux moins de 18 ans les œuvres comportant « des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence », et d’empêcher purement et simplement la sortie en salles des films pornographiques ou d’incitation à la violence, classés X (une censure très rare, appliquée deux fois ces vingt dernières années).A l’inverse, le système PEGI s’appuie sur une grille très précise de critères, matérialisée par un questionnaire de 50 éléments renseigné par l’éditeur du jeu lui-même, avant d’être vérifié par les administrateurs. Les jeux peuvent être assortis d’un avertissement pour toute une série de motifs : violence, grossièreté, sexe, peur, incitation aux jeux de hasard, à l’utilisation de la drogue, à la discrimination, et même présence d’un mode de jeu en ligne… #container_14314203791{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14314203791{ height:500px; } #container_14314203791 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14314203791 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14314203791 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14314203791 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }La violence, premier motif de classification des jeux en 2013Lecture : 59 % des jeux sont accompagnés d'une classification "violence".Source : Rapport annuel du PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ainsi, un jeu où un personnage « gagne un avantage en utilisant le tabac ou l’alcool » ou prononce une seule fois le juron « fuck » ou l’injure « cocksucker » se voit automatiquement étiqueté « moins de 16 ans ».A l’inverse, Le Discours d’un Roi de Tom Hooper (2010) est étiquetté « tous publics » malgré les bordées d’injures prononcées par Colin Firth. Contrairement au système PEGI, le CNC a la possibilité de tenir compte du contexte narratif, et a dû considérer les insultes du comédien comme partie intégrante de la thérapie anti-bégaiement de son personnage, ce qui échappe au PEGI dans son système actuel.… et dans leurs effetsTout sévère qu’il soit, le système PEGI ne semble pas vraiment embêter les éditeurs de jeux vidéo. En remplissant le questionnaire de classification, rares sont ceux qui cherchent à tromper la vigilance du PEGI en minorant la violence de leurs jeux, alors que les administrateurs du système admettent ouvertement ne pas pouvoir jouer à l’ensemble du jeu.La raison de cette abnégation est simple : PEGI est un simple label, qui n’a aucune implication légale dans la plupart des pays qui l’ont adopté. Ainsi, aucune loi n’empêche aujourd’hui une boutique française de vendre un jeu PEGI 18 à un mineur. Au contraire, une classification 16 ou 18 constitue même souvent un argument commercial à destination des joueurs.En France, la très récente loi sur la simplification du droit (« http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0467.asp »>article 22) a pour la première fois officiellement reconnu le système PEGI. « http://www.bbc.co.uk/newsround/19047948 »>Le Royaume-Uni a décidé de rendre la classification PEGI contraignante depuis 2012.Si un décret prévu pour le 1er octobre 2015 devrait rendre obligatoire l’étiquetage des jeux en vente dans la distribution physique, alors que la certification PEGI est aujourd’hui facultative, il s’agit d’une manœuvre « symbolique », explique-t-on au syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), dont la principale ambition est d’officialiser la pratique du PEGI. Il n’est pas question de rendre la classification juridiquement contraignante, comme l’a fait le Royaume-Uni en 2012. « La priorité, c’est l’information et la sensibilisation des parents et des joueurs, pas la répression. » Au contraire, les responsables des cinémas qui ne font pas respecter les interdictions - 12, - 16 + ou - 18 sont passibles d’une amende de 1 500 à 3 000 euros.William AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il sera le deuxième Noir à siéger à l’Académie française, 32 ans après Léopold Sédar Senghor (1906-2001), élu en 1983. A sa manière, Dany Laferrière, écrivain et journaliste, est aussi un des illustres chantres de la francophonie. Elu au premier tour de scrutin, en décembre 2013, pour succéder à l’écrivain d’origine argentine Hector Bianciotti, dont il est chargé de faire l’éloge, il est reçu, jeudi 28 mai, par l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf.A travers tous ces auteurs, tous nés sur des continents différents, c’est bien la langue française, pierre angulaire de l’Académie française qui est mise à l’honneur. « A un Franco-argentin d’origine italienne va succéder un Québécois de Haïti, qui sera reçu par un Libanais. Voilà ce que c’est, l’Académie française », a tenu a rappeler l’académicien Jean d’Ormesson, lors de la cérémonie de remise de l’épée qui s’est tenue, mardi 26 mai, à l’Hôtel de ville de Paris.Ecrivains voyageursDepuis trois décennies, l’Académie française s’est ouverte aux vents de la francophonie et aux écrivains voyageurs, venus du monde entier. Né à Port-au-Prince, il y a 62 ans, Dany Laferrière est le fils de l’ancien maire de la capitale haïtienne, contraint à l’exil lorsque le dictateur Jean-Claude Duvalier prend le pouvoir. Comme beaucoup d’Haïtiens, il trouve alors refuge au Québec s’installant à Montréal où longtemps, il a vécu « comme un clochard », travaillant au noir dans des tanneries, avant de connaître un succès fulgurant avec son premier livre, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, publié en 1985. Jeudi, Dany Laferrière sera, en effet, le premier écrivain québécois à être reçu sous la coupole. Il occupera le fauteuil n° 2. Parmi ses illustres prédécesseurs, figurent notamment Montesquieu, l’auteur de De l’Esprit des lois et des Lettres persanes, mais aussi Alexandre Dumas, le romancier le plus prolifique du XIXe siècle, entré depuis au Panthéon et dont une grand-mère était une esclave mulâtre de Saint-Domingue. Pourtant, pour l’auteur de Je suis un écrivain japonais (Grasset, 2008), cela serait une grave erreur de réduire un écrivain à son origine. Dany Laferrière ne s’est jamais enfermé dans l’étiquette de « l’écrivain noir ».Un remarquable antidote à l’ennuiAuteur d’une vingtaine d’ouvrages, Dany Laferrière est surtout un remarquable antidote à l’ennui. Plusieurs de ses livres sont consacrés à sa terre natale. Dans L’Odeur du café (1991), il rend un hommage vibrant à sa grand-mère, une femme cultivée qui lui a inculqué l’amour de la littérature et de la poésie. Présent sur place, le 12 janvier 2010, lors du terrible tremblement de terre qui a frappé Haïti, il raconte dans Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011) le silence qui suit la catastrophe humaine.De lui, son éditeur chez Grasset, Charles Dantzig, dit que ce qui le caractérise, c’est « sa grande élégance de forme ». Son humour, sa distance et sa poésie sont effet au cœur de sa manière d’écrire. Il a reçu le prix Médicis 2009 pour L’Enigme du retour (Grasset), qui raconte son retour en Haïti après la mort de son père. Ecrit en alternance en prose et en vers libres – d’où une très grande musicalité –, c’est un roman à la fois sur la famille, l’exil, l’identité et le temps qui passe.Les discours de Dany Laferrière et Amin Maalouf seront consultables sur le site de l’Académie française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot « Il n'y a rien de plus extraordinaire que la réalité », avait l’habitude de dire Mary Ellen Mark. Cette figure charismatique de la photographie de reportage d’après-guerre, qui a toujours tourné sa caméra vers les exclus et les marginaux, est morte, lundi 25 mai à New York, à l’âge de 75 ans.Née près de Philadelphie, elle s’est d'abord tournée vers des études de peinture et d’histoire de l’art, avant de trouver sa voie en suivant des cours de photographie. « Dès ce moment où j’ai su ce qu’était la photo, je suis devenue obsédée », écrivait-elle dans son livre sorti à l’occasion de ses vingt-cinq ans de photographie.Pour son premier reportage marquant, au début des années 1960, elle suit la vie de drogués à Londres, et trouve son style : du noir et blanc, un mélange de spectaculaire et de compassion, une proximité forte avec ses sujets. Admirative d’Eugene Smith ou de Dorothea Lange, elle cherche les regards forts, le moment suspendu, l’instant dramatique. Cette série marque le début d’une longue collaboration avec les grands magazines américains – Life, Vogue, Vanity Fair… Au cours de ces années, la photographe connue pour son caractère vif et son charisme rejoint l’agence Magnum, de 1977 à 1981, avant de finir par créer sa propre agence.Pour Mary Ellen Mark, impossible de ne pas être amie avec ses modèles. A chaque fois, elle prend du temps pour vivre avec eux, et revient souvent sur les lieux pour avoir des nouvelles ou les photographier à nouveau. En 1979, elle passe plusieurs mois dans un hôpital psychiatrique, pour photographier le quartier sécurisé destiné aux femmes : elle en tire une série forte aux cadrages mouvementés, réunie dans un livre, Ward 81 (1979).Brutalité de la vie quotidienneEn Inde, elle mettra plusieurs années à gagner la confiance des prostituées de la rue chaude de Bombay, Falkland Road : au début, les femmes l’insultent, lui jettent des ordures à la figure, lui crachent dessus. Elle s’installe alors dans le café où les prostituées font leur pause, et en vient à partager leur vie. Pour une fois, les images de Mary Ellen Mark sont en couleurs, dans des tons criards qui disent sans fard la brutalité de la vie quotidienne. « Mary Ellen Mark a l’air de suggérer à ses modèles qu’il n'y a pas de honte, que la honte n’est que la gêne ou la délectation des mauvaises consciences, qu’il n’y a que la réalité, et que toute réalité est digne d’être dite », écrivait le critique Hervé Guibert sur ce travail dans Le Monde en 1981.Son travail le plus marquant naît d’une commande en 1983 pour le magazine Life : à Seattle, ville réputée la plus agréable des Etats-Unis, elle photographie les enfants des rues, oubliés par les services sociaux et délaissés par leurs parents, livrés à la drogue et à la prostitution. Elle en tire un livre, Streetwise, ainsi qu'un documentaire du même nom tourné avec son mari, Martin Bell, qui sera nommé aux Academy Awards en 1984. Elle y suit une enfant de 13 ans, Tiny Blackwell, qu’elle retrouvera vingt ans plus tard pour un nouveau travail photographique.Esthétique de l’emphatieTout au long de sa carrière, sa passion va d’abord aux marginaux de la société : aveugles, fugueurs, prostituées, sans-abri, malades mentaux, drogués, paumés, gens du cirque, gitans, mères adolescentes… En 1987, pour le magazine Life, elle a longuement suivi une famille américaine à l’existence précaire : les parents et les enfants Damm passaient de motels en ranchs abandonnés dans le désert près de Los Angeles. Elle est retournée les voir en 1994, pour constater que leur situation s’était aggravée, les parents sombrant toujours plus dans la drogue malgré les dons générés par la première publication. Elle a aussi consacré un long sujet à Mère Teresa et à son action en Inde.Contrairement à Diane Arbus, qui s’appliquait à faire ressortir l’étrangeté de ses sujets, rassemblant marginaux et gens normaux dans la même fragilité, Mary Ellen Mark, en héritière de l’humanisme des années 1950, cherchait toujours ce qui rapproche les gens : « Je veux atteindre et toucher quelque chose que je sens être au plus profond des hommes », écrivait-elle dans un de ses livres. Une esthétique de l’empathie qui a été largement imitée, jusqu’à la caricature, dans le photojournalisme des années 1980 et 1990.Même si ce travail est moins connu, la photographe a aussi beaucoup travaillé sur les plateaux de cinéma : elle a suivi le tournage d’Apocalypse Now (1979), de Francis Ford Coppola, celui de nombreux films de Baz Lhurmann (Moulin Rouge, 2001). On lui doit une très belle photo brumeuse de Fellini, le porte-voix en bouche, sur le tournage du Satyricon, en 1969. Dans les années 1990, elle est aussi devenue portraitiste de célébrités, photographiant de nombreux acteurs pour Rolling Stone ou le New York Times Magazine.Dates20 mars 1940 Naissance à Elkins Park près de Philadelphie.1981 Livre « Falkland Road », sur le quartier chaud à Bombay.1983 Livre et film « Streetwise », sur une enfant des rues de Seattle.25 mai 2015 Mort à New York.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste © Mathieu Bourgois Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'obsessionAvec Lionel Shriver, Pierre Patrolin et Alan Pauls. Pascal, Ma et Andréi © JF PAGA | © Claude Gassian | © Philippe MATSAS sTexte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Le post-communisme : laboratoire de folie libérale à l'état pur ? Avec Pascal Bruckner, Ma Jian et Andréi Kourkov. Alan Pauls DRLe texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« L’obsession »Alan PaulsJe lis qu’obsession vient d’obsido, un ancien verbe latin qui signifie « prendre une forteresse », et une fois de plus je me réjouis de la discrétion avec laquelle l’étymologie secoue régulièrement l’amnésie du langage. L’idée de siège (et de forteresse assiégée) restitue à l’obsession une valeur militaire qu’elle avait perdue. Lorsque la mauvaise presse qui poursuit les émotions drastiques (et probablement aussi la crainte de devenir le sujet de celles-ci) tentait de nous persuader du caractère renfermé de l’obsessionnel, l’étymologie vient nous rappeler deux choses capitales : que les obsessionnels (qu’ils s’appellent Gustave Flaubert, Adèle Hugo, Brian Sweeney Fitzgerald – alias Fitzcarraldo – ou Travis Bickle) sont des personnes fondamentalement actives, qu’on peut définir moins par une introspection narcissique et une hyperactivité mentale stérile que par un rapport préhensile au monde. Des forteresses, il y en a des milliers : celle de Flaubert était le mot juste, miracle de pertinence stylistique pour lequel il était capable de sacrifier (autrement dit : prendre du plaisir) des semaines entières ; celle d’Adèle H., l’extraordinaire fille de Victor Hugo, était le lieutenant Pinson, l’amour impossible pour lequel elle abandonne sa maison et sa famille, traverse toute seule les mers hostiles du dix-neuvième siècle, repère les détachements militaires et finit folle dans un asile ; celle du mélomane Fitzcarraldo (et sans doute celle de Werner Herzog, qui l’a immortalisé dans un film débridé) était de monter un théâtre lyrique en pleine forêt amazonienne, ce pourquoi il trimballa un transatlantique de trois cent vingt tonnes grâce à un cruel système d’esclaves et de poulies ; celle de Travis Bickle, le chauffeur de taxi de Martin Scorsese, était deux femmes : la distinguée et inaccessible Betsy, assistante de campagne d’un candidat politique, et Iris, l’adolescente prostituée qu’il arrache, à feu et à sang, d’un bordel de New York. L’important en matière d’obsession est que cette place forte, perchée comme elle l’est, ne soit jamais disponible et qu’elle ne se rende pas facilement. Voilà pourquoi elle doit être repérée, assiégée et, dans le meilleur des cas – c’est l’ultime phase de l’obsession, son coup de grâce –, prise. Ainsi, donc, le modèle de l’obsessionnel est aussi bien psychopathologique que stratégico-belliqueux : toute démarche obsessionnelle suppose la nécessité, le plan, la frénésie de la traque, l’infraction et l’annexion finale. Peut-être l’obsession n’est-elle qu’un dialecte de la conquête. Les « psychopathologistes » rétorqueront que l’obsessionnel ne déploie pas le siège, qu’il le subit. C’est la version passive, « victimiste », du syndrome, qui dépeint son héros comme une créature traquée par des idées et des désirs incontrôlables, tellement insistants que pour les conjurer il s’enroule dans une toile d’araignée de rituels laborieux et sophistiqués : cérémonies pour traverser la rue, mystérieuses séances d’hygiène, priorités, protocoles insensés. Les Anglais, si prompts à percevoir du style là où les médecins voient des maux, nomment ces créatures fragiles et idiosyncrasiques des excentriques. Flaubert, Adèle H., Travis Bickle, Fitzcarraldo (plus modestement, moi-même, qui ne me couche jamais sans avoir un verre de quelque chose sur ma table de nuit) sont des excentriques. Chacun possède ses protocoles, mais tous poursuivent comme des somnambules une idée fixe, une mission, une énigme, sans lesquels tout – non seulement la santé de l’obsessionnel, mais aussi le monde – court le risque de s’effondrer. Le problème – le facteur dinguerie – est que cette chose qu’ils poursuivent se trouve en général en dehors de tout horizon possible. Comme certains jeunes rebelles, les obsessionnels sont réalistes et réclament l’impossible. Mais comme personne ne le leur donne, ils n’ont d’autre choix que l’action. Alors, convaincus que la foi fait bouger les montagnes, ils sortent et assiègent la forteresse, mais ils se font presque toujours brûler dans leur tentative, misérables et splendides, comme les grands artistes de l’échec qu’ils sont. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Serge MestreLe mot cléLionel ShriverBelliqueuxBelliqueux : adjectif qualifiant tout à la fois l’œuvre et l’attitude de certains romanciers, au premier rang desquels la revêche Lionel Shriver. Auteur présentant une forte propension à faire cavalier seul. S’obstine à inventer des personnages désagréables, voire détestables, taxés par les lecteurs « d’antipathiques ». Prend un malin plaisir à choisir des thèmes qu’aucun individu sain d’esprit n’a la moindre envie de lire pour se distraire, notamment la démographie (pitié), l’échec (on cherche des modèles !), l’économie (soporifique) ou encore le système de santé américain (on croit rêver !). Individu de sexe féminin, l’auteure, à l’âge de quinze ans, opte pour le prénom Lionel, et affirme pourtant avoir « zéro intérêt » pour le projet Fifty Shades of Gender Identity actuellement accessible pour autoclassification sur Facebook. Par tendance autodestructrice, cette même romancière refuse d’intervenir sur les réseaux sociaux « bouffeurs de temps » et n’a entendu parler de Facebook que par certains journaux ringards. Peut se montrer très critique à l’égard des festivals littéraires, qu’elle qualifie de « masturbation intellectuelle », mais continue pourtant d’y assister, ne serait-ce que pour le plaisir de les trouver « gonflants ». Les auteurs belliqueux ont tendance à mal réagir lorsqu’on les sollicite afin qu’ils définissent un « mot-clé » résumant la globalité de leur œuuuuvre, et, consternés, trouvent l’exercice prétentieux et artificiel. L’auteur belliqueux se montre parfois dangereux et doit être abordé avec prudence. Synonymes : querelleur, récalcitrant, agressif, difficile, ingrat, pugnace, désagréable, grincheux, misanthrope, « pas méchant pour deux sous en vrai », « aboie mais ne mord pas ». Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Richard Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) L’Etat a fait peu et mal pour soutenir l’industrie du disque depuis 15 ans mais l’a assommée de missions, d’études, de tables rondes, de médiations. Il y a fort à parier que les vraies causes de la faiblesse des revenus du streaming ne seront ni décrites ni résolues par la mission de médiation confiée par la ministre de la culture Fleur Pellerin au conseiller de la Cour des Comptes Marc Schwartz.Le streaming musical illimité est une nouvelle forme de commercialisation du disque, magique et empoisonnée. Magique sur le plan de l’usage. Empoisonnée sur le plan des revenus pour beaucoup.L’arrivée prochaine d’Apple Music va montrer immédiatement que pour favoriser un modèle vertueux il faut seulement admettre que le streaming gratuit ou sans consentement à payer est une sottise ; et l’argument selon lequel il lutterait contre le piratage, un attrape-nigaud.Que le site Mediapart double ses abonnés, Mediapart ne doublera pas le coût de ses achats de marchandises. Mais en musique (ou en vidéo) le financement des périodes de gratuité appelé « freemium » déclenche l’acquisition de droits coûteux des tiers à payer, ce qui est parfaitement normal : le boulanger qui déciderait de donner son pain aurait quand même à payer la farine.Faire cesser la gratuitéLe métier des plateformes à ce jour n’a pas été la musique, mais la création de barrières financières à l’entrée du marché, pour financer la gratuité et d’interminables périodes d’essai et éliminer les gueux du métier. En France, cela a été réalisé, c’est un comble, avec le soutien du gouvernement de l’époque à l’occasion du vote de Hadopi, par distorsion de concurrence en 2010 lors de l’introduction du « bundle » [offre groupée] Orange-Deezer, sous l’égide de Christine Albanel, ministre de la culture qui pantoufle, depuis, chez Orange.Les plateformes dominantes, attachées au plus petit commun dénominateur, sont et seront toujours un obstacle dangereux à l’expression des singularités artistiques.Pour faire croître les revenus des ayants droit du streaming, les leviers d’action sont au nombre de cinq :- Faire cesser la gratuité, développer le consentement à payer. Voici la solution de bon sens pour disposer de plus d’argent à redistribuer. Le principal problème vient aujourd’hui que chaque utilisateur ne rapporte rien ou pas assez en moyenne. Rappelez-vous qu’en France, derrière les millions d’utilisateurs affichés par les services de streaming, il y a un mixte d’adresses email captées, ou d’offres reçues d’un « Telco » [compagnie de téléphone] en cadeau et non payées. La proportion de vrais abonnés au prix fort est minoritaire.Segmenter les offres- Réformer les modes de reporting et encourager une plus fine répartition de l’argent récolté. Un abonné payant 9,99 par mois qui passe ses journées à écouter exclusivement le saxophoniste Paul Dupont imagine que 100 % de sa contribution financière (après déduction des taxes, droits d’auteurs et du bénéfice de la plateforme) ira aux ayants droit et à Paul Dupont. Mais non : la contribution de notre mélomane minoritaire se trouvera noyée dans le chaudron des auditeurs bien plus innombrables des répertoires dominants, et l’argent ensuite distribué au prorata.Au siècle du Big Data, pour reconstruire le contrat moral et financier qui a toujours lié le « fan » à l’artiste, il est facile de revoir cela. Onne ne peut pas obliger l’artisan bottier à adopter le modèle économique et le mode de diffusion des chaussures André. Ayants droit : vos revenus dépendent du succès des autres !- Segmenter les offres, spécialiser, singulariser. Aucun consommateur n’est plus subtil qu’un mélomane, mais les plateformes actuelles affichent une similitude navrante. En favorisant la diversité elles créeront une pyramide de consentements à payer et augmenteront l’ARPU [Average Revenu Per User ou revenu moyen par abonné]. Cette pyramide sera actionnée par exemple par des offres basées sur la qualité de son, par les tranches de répertoires ou par des offres à options (voir plus bas).La véritable segmentation se fera par l’animation et les recommandations des services, par leur style, par leur capacité à être excellents sur tel ou tel genre musical, donc rapporter davantage aux ayants droit de telle ou telle catégorie de musique - par la relation caractéristique, enfin, qu’ils sauront créer avec leurs abonnés et leurs fournisseurs.« Téléchargement à l’acte »- Labels, ayants droit doivent oser la distribution sélective. Les contenus musicaux mis à la disposition des plateformes ont des logiques économiques différentes. Un ayant droit disposant d’un large fond de catalogue bénéficiera d’une planche à billets, légitime soit dit en passant. Ce n’est pas le cas d’un indépendant débutant.Il convient de rompre avec la religion suiviste du « tout partout » et oser la distribution sélective, ignorer l’arnaque du « gratuit qui aide la promotion », cesser de donner gratuitement sur certains ce qu’on vend ailleurs. La distribution sélective aux temps du streaming, ce n’est pas refuser le streaming mais collaborer avec les plateformes adaptées aux produits qu’on veut valoriser et à en priver les autres.Comparons avec l’audiovisuel : en aucun cas vous ne trouvez tous les nouveaux films sur Netflix ou CanalPlay. Pas davantage vous ne pouvez vous permettre, producteur de musique ou artiste, de dilapider pour des revenus minuscules vos nouveautés musicales sur une plateforme de streaming, à moins qu’elle ne vous propose une solution supplémentaire de monétisation adaptée à votre répertoire ou votre produit.- Se diriger vers des abonnements à options. Au service des répertoires en développement ou des répertoires de création, il faut, finalement, actionner le modèle de l’abonnement « incrémental » qui consiste à combiner l’abonnement généralisé à un système d’achats additionnels, qu’on appelait dans le vieux monde de iTunes « téléchargement à l’acte » et qu’il faudrait renommer « acquisition de droits définitifs », par opposition aux « droits temporaires » liés à l’abonnement.Solidarité détruiteLe modèle de demain est là : l’acquisition de « suppléments » à son abonnement, pour bénéficier de telle ou telle production, label, qualité, exclusivité, avant-première qui n’est pas incluse dans l’abonnement souscrit – et créer de la valeur supplémentaire pour les ayants droit.À considérer le potentiel du marché de la musique en ligne, la passion de ses utilisateurs, rien ne semble difficile à mettre en œuvre de ces solutions afin que le marché devienne adulte c’est-à-dire responsable vis-à-vis des ayants droit.Le streaming à ce jour a détruit le rapport économique de solidarité qui dans la musique enregistrée a toujours lié l’auditeur et le répertoire écouté. Les groupes de passionnés de musique avaient inventé bien avant l’heure le fameux crowdfounding : ils ont toujours soutenu et financé leur passion par leurs achats - en respectant un contrat implicite qui liait le producteur à son public de fans.Le producteur évaluait avant de produire le public potentiel d’un projet, et calibrait ses dépenses de production en fonction. Il y avait un rapport clair et facilement évaluable entre les moyens investis et l’espérance commerciale, qui pouvait s’évaluer au moyen d’une simple calculette sur une table de bistro. Les aléas des échecs ou des succès inattendus venaient trahir le plus souvent les prévisions, on se rattrapait de neuf échecs sur un succès.Le streaming tel qu’on le connaît aujourd’hui rend cela impossible.Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) Luc Vinogradoff (@Sonsperdus) On entend depuis quelques années le terme « retour de flamme » pour parler du renouveau de la scène électronique française, et parisienne en particulier. Comme si Paris était redevenue hype sans qu’on s’en aperçoive, en réaction à la baisse de forme d’autres épicentres. C’est le travail quotidien, méticuleux et persévérant d’une multitude d’acteurs (associations, salles, bénévoles et même collectivités locales) qui a permis à Paris de se hisser au niveau d’autres capitales de la techno, de la deep house, de la minimale, de l’électro et de tous les sous-genres qu’on peut imaginer. Plus une semaine ne passe sans qu’il y ait une soirée attirante, une pointure internationale qui soit de passage.En tête de proue, le collectif Surprize, qui organise la 3e édition du Weather Festival à partir du jeudi 4 juin. A son lancement, le festival avait attiré 35 000 personnes et un début de bonne réputation (même si côté pratique, tout n’était pas parfaitement carré, comme les points d’eau). Un an plus tard, il a pris une nouvelle dimension, avec une line-up mélangeant les sons de Berlin et Detroit, les pointures et les espoirs (dont beaucoup de Français), les sets collaboratifs et quelques surprises. Ce n’est pas pour rien que le site spécialié Beatport a classé le Weather en haut de sa liste des pèlerinages électroniques à accomplir en 2015, à côté des géants comme Sonar en Espagne ou Awakenings et Dekmantel aux Pays-Bas.Des hangars du Bourget en 2014, on passe à la nature et à un espace de 100 000 m2 dans le bois de Vincennes. En trois jours, plus de 70 artistes passeront sur cinq scènes aux couleurs des saisons. Afin que que vous ne passiez pas votre temps à regarder le programme pour savoir qui joue en ce moment et où aller, on vous a préparé notre parcours-type pour la nuit de vendredi.18 heures. Si vous pouvez, arrivez tôt et profitez de l’espace et des 30 °C qui s’annoncent avant que la foule ne déferle. On attend quand même 50 000 personnes. La programmation démarre lentement, le temps que le public sorte des cours et des bureaux. Allez jeter une oreille du côté de l’Allemand Matthew Herbert (scène Hiver), un DJ expérimental qui peut vous surprendre comme vous faire fuir, ou de le Français Neue Grafik (scène Printemps), qui, pour le coup, vous fera toujours danser.23 heures/Scène Automne. L’ouverture du festival, jeudi, a été marquée par la performance d’une légende électronique de Detroit, Derrick May. Logique donc qu’on enchaîne le vendredi avec un autre DJ du même calibre et du même espace-temps, Juan Atkins. Les organisateurs ont voulu additionner dès le début les poids lourds, puisque le Berlinois Moritz Von Oswald sera avec Atkins sur scène : une entrée en matière lourde en dub, pour se dégourdir les jambes.Minuit/Scène Eté. Une des spécialités de cette édition tiendra dans les collaborations en live, un exercice compliqué, dont le résultat peut être soit forcé, soit sublime. Plutôt que les expérimentations sombres de Vatican Shadow, Ron Morelli et Low Jack, mieux vaut tenter l’ambiance plus funky et chaleureuse du back2back de Marcellus Pittman et du jeune Allemand Danilo Plessow, alias Motor City Drum Ensemble. Encore une bonne dose de Detroit, l’éclectisme en prime.1 heure/Scène Automne et Hiver. Les choses sérieuses commencent, si ce que vous cherchiez est un tunnel de quatre heures de techno pure et dure, avec à peine quelques éclaircissements. On vous conseille de faire vos lacets et de protéger vos tympans : Ben Klock et Len Faki, deux géants Berlinois proches du label Ostgut Ton et de la scène du Berghain font dans les basses qui anéantissent, le minimal qui fait bouger mais reste glacial.Chacun a un set de trois heures, assez pour qu’ils trouvent un rythme et assez pour qu’on puisse profiter des deux.3 heures/Scène Eté. Si les décibels allemands finissent par saturer, l’Anglais Kieran Hebden, alias Four Tet, offrira un registre beaucoup plus ensoleillé et dansant avec son ami Floating Points. Chaque passage de Four Tet à Paris est une petite fête qui ne se rate pas ; il y a peu de DJ qui arrivent à passer aussi subtilement du funk à l’électro et à capter en un coup d’œil l’envie de public. Regardez le passage entre 23:00 et 27:50 sur la vidéo ci-dessous et essayer de ne pas, au minimum, hocher la tête.4 heures/Scène Hiver. Ça vous laisse une petite heure pour être témoin de ce qui sera peut-être le meilleur set de la nuit. Blawan et Pariah sont deux DJ qui ont fait leurs classes à Londres, mais plutôt que de se noyer dans la vague dupstep, ils prennent des chemins détournés qui aboutissent à Karenn, un duo qui ressuscite la techno sale et saturée, presque violente.Un live entièrement en analogique, des centaines de fils colorés et des clignotants à l’infini, plus adapté à une cave de club avec le moins de lumière possible, mais qui devrait aussi fonctionner en plein air. Un set (trop court) qui soit vous enverra dormir dans le coin hamac, soit vous donnera l’énergie nécessaire pour voir un dernier grand nom de, vous l’avez deviné, Detroit, « le Magicien » Jeff Mills, qui accueillera le lever du soleil.Luc Vinogradoff (@Sonsperdus)Journaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Gilles Rof (Marseille, correspondance) Premier grain de sable dans la gestion de Jean-François Chougnet, le nouveau président du Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM). La CFDT-Culture a adressé, le 3 juin, un « billet d’humeur » cinglant aux salariés du musée national implanté à l’entrée du port de Marseille. Cause de sa colère, le projet MuCEM Plage : un espace de plusieurs milliers de mètres carrés qui s’installera du 25 juillet au 21 août sur l’esplanade du J4, bâtiment de l’architecte Rudy Ricciotti. Des parasols sur 640 tonnes de sable, un « brumisateur géant », des terrains de sport, des cours de yoga, un boulodrome et un bar-terrasse. « Pour le public, cette esplanade fait partie du MuCEM, dit son président. Nous avions besoin d’y avoir une cohérence d’occupation et un choix d’événements qualitatifs. »« De qui se moque-t-on ? », s’enflamme la... Florence Evin La ville arabe, son passé, son présent, son avenir, tel est le thème de la première édition parisienne des Rendez-vous de l’Histoire du monde arabe, rencontres thématiques lancées à Blois par Jack Lang, il y a vingt ans. Le président de l’Institut du monde arabe (IMA), qui a été aussi maire de Blois, a importé dans la capitale cette manifestation annuelle, sorte d’université populaire, ouverte à tous, gratuitement, du vendredi 5 au dimanche 7 juin.C’est l'histoire du monde arabe décryptée dans l’actualité de la déferlante barbare et sans limites de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) qui saccage les sites archéologiques pour éradiquer toutes traces des anciennes civilisations et prôner un retour au temps de Mahomet, au tout début du VIIe siècle, aux sources littérales. L’occasion de « montrer aussi un autre aspect de la notion même de cité dans cette ancienne géographie complètement déstructurée et qui a besoin de sens », indique Francis Chevrier, commissaire général de ce rendez-vous parisien.Lire aussi :Péril mortel sur la Mésopotamie antique« La mémoire est révolutionnaire »« L’IMA a pour mission de faire avancer les connaissances, les sciences, souligne Jack Lang. J’ai la conviction que le savoir, la culture, sont des armes pour lutter contre les préjugés, la violence, les extrémismes. La mémoire permet de comprendre le passé pour inventer l’avenir. François Mitterrand disait : “La mémoire est révolutionnaire” ». Sujet brûlant, tant les villes de Syrie et d’Irak sont, avec leurs habitants, les premières victimes de la guerre qui fait aujourd’hui des ravages dans ce Moyen Orient, l’ancienne Mésopotamie où furent inventées l’écriture, la cité, l’architecture, il y a 5 000 ans – l’actuel Irak avec une frange syrienne. Avec l’écriture sont nées la mémoire et l’Histoire.Actualité aussi des cités rebelles, théâtres des soulèvements populaires depuis 2011, Tunis, Sanaa, Le Caire, Homs, etc., qui ont fait leurs Printemps arabes. Que sont-elles devenues ? Ou encore Jérusalem où les communautés se disputent la vieille ville, sanctuaire des trois religions du Livre, cernée de remparts. A Dubaï, Doha, Abou Dhabi, dans la péninsule arabique, les « malls », centres commerciaux géants et leurs gratte-ciel, remplacent les vieux souks, annonçant un changement de société.Palmyre, « perle du désert » syrienL’antique Palmyre, « perle du désert » syrien, monumentale et opulente cité caravanière des deux premiers siècles de notre ère, aujourd’hui occupée par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), est concernée ; comme Alep, ville martyre, dont les venelles et maisons en pierre de taille du Moyen Age sont détruites ; ou encore Babylone, sur les ruines de laquelle les troupes américaines puis polonaises avaient installé leurs camps militaires.Lire aussi :Les ruines grandioses d’une opulente cité caravanièreIl s’agit aussi d’Hatra la parthe, Nimroud l’assyrienne, en Irak, ou Mari et Apamée en Syrie, pillées et détruites par les islamistes fanatiques. « Il ne faut pas que Daesh [acronyme arabe de l’EI] nous fasse oublier toute la richesse de ces civilisations arabes dans la grande épopée humaine », souligne Maati Kabbal, responsable des jeudis de l’IMA et coordinateur de l’événement. « Une université populaire très didactique »Pas de conférences ennuyeuses, promet Francis Chevrier, « ce n’est pas un colloque où les savants parlent aux savants, mais une université populaire très didactique pour parler au plus grand nombre sans vulgariser, en donnant les résultats de la recherche la plus exigeante ».Cent cinquante intervenants, dont quarante étrangers, animeront cinquante deux tables rondes, à l’Institut, où il sera question de « l’urbanicide » perpétré par l’EI, pour reprendre la formule de l’historien Henry Laurens, mais pas seulement. « Dans un moment où les discours réducteurs répondent aux pratiques les plus nihilistes, il est d’une urgence civique au plus haut niveau de reprendre avec des historiens et des chercheurs professionnels les mille et un foisonnements de l’histoire du monde arabe », précise le professeur au Collège de France qui lancera les débats. En rappelant que l’idée d’un monde arabe était une invention du XIXe siècle.Un programme très riche et dense qui s’inscrit dans toutes les périodes de l’Histoire, pour comprendre les villes arabes, hier, aujourd’hui, et construire demain. Et se rappeler, comme en témoigne l’ancien ambassadeur en Egypte, Gilles Gauthier, ces trois semaines de solidarité, place Tahrir, au Caire, où toutes les classes sociales de toutes confessions et tous âges, étaient réunies dans un même espoir. Première édition des Rendez-vous de l’Histoire à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, du vendredi 5 au dimanche 7 juin. 52 tables rondes animées par 150 chercheurs et spécialistes. Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles. www.imarabe.orgFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.06.2015 à 16h05 • Mis à jour le04.06.2015 à 16h14 | Jean-Jacques Larrochelle L’architecte Françoise-Hélène Jourda, une des premières à militer en France pour la prise en compte de l’écologie dans la construction, est décédée à Paris, dimanche 31 mai, des suites d’un cancer. Elle avait 59 ans.Née à Lyon le 26 novembre 1955, la jeune femme, à laquelle on prêtait des origines germaniques qu’elle précisait ne pas avoir, obtient en 1979 son diplôme dans l’école d’architecture de la ville. Elle y enseigne jusqu’en 1983. Quatre ans plus tard, au côté de son associé d’alors, Gilles Perraudin, elle remporte le concours international de ce qui devient l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon. Le bâtiment décroche la même année une mention spéciale au prix de l’Equerre d’argent, notamment pour sa conception fondée sur des principes bioclimatiques dont une double façade alors inédite.Une architecte de référence internationaleCette approche pionnière la rapproche des pays nordiques et germaniques déjà convaincus des vertus de l’architecture écologique. Françoise-Hélène Jourda obtient le Holzbaupreis pour le Centre de formation de Herne Sodingen, qu’elle réalise en Allemagne en 1999 après huit années de recherches et d’études. Selon un mode constructif simple, les éléments du programme sont intégrés dans une immense serre de 13 000 m2, un dispositif permettant de réduire considérablement les déperditions d’énergie. Ce projet l’impose comme une architecte de référence internationale dans ce que l’on commence à nommer la haute qualité environnementale (HQE).En France, on lui doit notamment l’université de Marne-la-Vallée (1992), le palais de justice de Melun (1994), les serres du Jardin botanique de Bordeaux (1999), le Musée botanique de Bordeaux (2007), l’aménagement des berges du Rhône à Lyon (2007), l’hôpital privé Jean Mermoz, à Lyon (2008), et, en 2013, deux programmes à énergie positive (qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment) : la résidence « Green Park » à Versailles ainsi que la réhabilitation à Paris de la Halle Pajol, un ancien entrepôt ferroviaire proche de la gare de l’Est devenue une auberge de jeunesse.« Le développement durable, s’il était véritablement pris en compte dans l’ensemble de notre cadre de vie, à toutes les échelles de l’aménagement, c’est-à-dire du territoire jusqu’à l’objet, serait susceptible de transformer profondément la ville, le paysage, l’habitat, les lieux de vie en général. Une telle démarche engendrerait des métamorphoses considérables et permanentes de nos espaces d’évolution », écrivait-elle en préambule de l’exposition « Métamorphoses durables : vivre et habiter autrement » lors de la 9e biennale d’architecture de Venise en 2004 où elle avait assuré le commissariat du pavillon français.« Responsabilité citoyenne »Pour Françoise-Hélène Jourda, l’architecte est un acteur du développement à part entière. Elle était convaincue qu’il portait « une véritable responsabilité citoyenne », soulignait la ministre de la culture, Fleur Pellerin, dans l’hommage qu’elle lui a rendu au lendemain de sa disparition. En septembre 2007, en préambule au Grenelle de l’environnement, dont elle avait été la seule représentante du monde de l’architecture, elle avait remis un rapport sur la prise en compte de l’écologie dans la construction.Après avoir enseigné à Lyon (1979-1983), Saint-Etienne (1985-1989), Oslo (1990), à l’université du Minnesota et à l’Ecole polytechnique de Londres (1992), à l’université technique de Kassel (1998), Françoise-Hélène Jourda a occupé, à partir de 1999, la chaire d’écologie architecturale à la Technische Universität de Vienne. Son souci de transmission s’est également traduit sous la forme de nombreux textes et publications dont rend compte le site de son agence d’architecture (jourda-architectes.com).Françoise-Hélène Jourda a obtenu de nombreuses distinctions. Elle a été membre d’honneur de la BDA (Académie d’architecture d’Allemagne), chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du Mérite, chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, membre de l’Académie allemande des Beaux-Arts (Akademie der Künste) et membre de l’Académie d'architecture. En 2007, elle avait été lauréate du Global Award for Sustainable Architecture (Prix international d’architecture durable).Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 04.06.2015 à 06h45 • Mis à jour le04.06.2015 à 07h12 Tous les jeudis, « Le Monde des livres » vous propose ses choix dans La Matinale.JournalC’était l’un des secrets les mieux gardés de la littérature française : le Journal de l’avocat Maurice Garçon (1889-1967), soigneusement conservé par sa famille. La parution du tome couvrant les années 1939 à 1945 est l’un des événements de ce printemps.Maurice Garçon, à savoir ? Un mélange détonant de donquichottisme moral, de noctambulisme mondain et de funambulisme érudit, qui fit de ce ténor du barreau, académicien français et châtelain, un ami de Léautaud, un auteur pour le Grand-Guignol, un défenseur de Pauvert et d’Hara-Kiri mensuel. C’est l’envers de son dandysme que révèle ce Journal, où il se fait au jour le jour le chroniqueur impitoyable du naufrage de la IIIe République, faillite que parachève la sanglante pitrerie de l’Etat français. Gant de crin et paille de fer, rien ne résiste à sa mémoire exacte et à l’acuité de son regard. Ce journal est un témoignage capital, celui d’un humaniste désenchanté, trompant sa honte avec son dégoût, mais tenant bon. François Angelier Journal (1939-1945), de Maurice Garçon, édité par Pascal Fouché et Pascale Froment, Les Belles Lettres-Fayard, 704 p., 29 €.RomanC’est peu de dire que, pour la deuxième « saison » de la saga Vernon Subutex, Virginie Despentes fait le choix de surprendre. A l’infinie noirceur du premier tome, paru en janvier, succède la lumière. Ancien disquaire que la mort de la star Alex Bleach avait laissé sans personne pour payer son loyer, Vernon Subutex avait passé le premier tome à aller d’un canapé à l’autre, avant de se retrouver à la rue pour de bon. C’est là qu’on le retrouve au début du deuxième. Tous les anciens amis rencontrés dans la première partie, en le découvrant SDF, sont pris de culpabilité. Si Vernon refuse les propositions d’hébergement, ces hommes et ces femmes perclus de solitude, renfermés sur eux-mêmes, remâchant leurs échecs et leurs désillusions, se mettent à constituer un groupe autour de lui. Si l’on est surpris par la douceur qui se dégage de ce tome II, celle-ci gagne le lecteur. Parce qu’elle n’a rien de lénifiant ; parce qu’elle n’amollit pas le sens de l’observation de l’auteure, on referme ce deuxième tome impatient de lire le troisième, pour découvrir où tout ça va mener Vernon et les autres. Il est annoncé pour l’automne. Raphaëlle Leyris Vernon Subutex 2, de Virginie Despentes, Grasset, 400 p., 19,90 €. En librairie le 9 juin.RomanC’était le temps où les papes avaient des enfants presque au grand jour. Lorsque, en 1492, Alexandre VI (Rodrigue Borgia) est élu à la sainte chaire de Rome, il convoque sa progéniture : Juan, 18 ans, César, 16, Lucrèce, 12, et Jofré, 10, auxquels on a toujours fait croire qu’il était leur oncle. Après Dumas, Hugo et bien d’autres, voici Dario Fo inspiré à son tour, pour son premier roman, par Lucrèce Borgia. Parcourant avec vivacité et humour les trente-neuf ans de son existence (1480-1519), le Prix Nobel de littérature 1997 la fait revivre au gré des alliances et des intrigues de la Renaissance. Son tableau est celui, passionnant, d’un être instrumentalisé par son père et son frère César, mais qui réussit pourtant à devenir une grande dame éprise de culture et d’humanité. Florence Noiville La Fille du pape (La figlia del papa), de Dario Fo, traduit de l’italien par Camille Paul, Grasset, 288 p., 19 €.DictionnaireLa présence de l’anarchisme dans les rayons des libraires est aujourd’hui loin d’être négligeable ; petits et grands éditeurs se lancent à l’envi dans les rééditions des textes phares du mouvement. Le dictionnaire biographique du mouvement libertaire, qui vient de paraître en poche sous le titre Les Anarchistes, permet de remettre de l’ordre dans ces parutions, de ressaisir le fil historique d’un mouvement extrêmement divers dans ses aspirations et le profil de ses militants. Plus de 500 notices biographiques, de Bakoukine à Daniel Cohn-Bendit, en passant par l’écrivain Octave Mirbeau et le peintre Paul Signac, éclairent sur les choix et les itinéraires de ces libertaires, des plus sages et inflexibles aux plus rocambolesques. Julie Clarini Les Anarchistes. Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone, collectif, Editions de l’Atelier, « L’Atelier en poche », 862 p., 15 €. Joël Morio « En quête d’actualité » a filmé le quotidien d’une maison d’arrêt quelques jours après les événements de janvier (mercredi 3 juin, à 20 h 55, sur D8).Rien que pour ses quinze premières minutes, ce reportage sur la montée du communautarisme et de l’islam radical mérite d’être regardé. On y suit l’arrivée en prison d’un jeune de 18 ans dont c’est la première condamnation. Il pensait que sa sentence se limiterait à une peine de liberté conditionnelle, mais le voilà enfermé. Le garçon semble perdu, fragile. Le surveillant qui le prend en charge tente d’apaiser sa détresse. En quelques instants, on comprend le traumatisme que peut vivre celui qui est incarcéré pour la première fois.Le monde de la prison est dur, même dans un établissement moderne. Une équipe d’« En quête d’actualité » a été exceptionnellement autorisée à tourner dans la maison d’arrêt de Lyon-Corbas (Rhône). Construit en 2009, cet établissement est déjà surpeuplé, avec 830 détenus pour 690 places. La tension y est d’autant plus palpable que les journalistes ont filmé juste après les attentats contre Charlie Hebdo et le supermarché casher.Contrer l’islamisme radicalLes dérapages verbaux sont difficilement contrôlables. Le personnel pénitentiaire doit faire preuve de patience et de vigilance pour éviter qu’une étincelle ne provoque une explosion.Pendant plusieurs jours, nous suivons le quotidien de cette prison. Les détenus fragiles qu’il faut surveiller pour qu’ils ne se suicident pas ; les fouilles qu’il faut réaliser pour récupérer les téléphones portables, la drogue et même des armes ; l’identification et l’isolement de quelques individus liés au mouvement terroriste, pour empêcher qu’ils ne propagent un islamisme radical.Le commentaire laisse parfois échapper quelques mots malheureux, ou abuse du conditionnel sans étayer ce qu’il suggère, mais, dans l’ensemble, ce film cherche à montrer la complexité de l’univers carcéral en évitant la caricature. On comprend comment des condamnés de droit commun peuvent être aspirés par la mouvance terroriste. La prison « ça rend les gens fous, c’est normal qu’ils partent en couilles », lâche un détenu. Corbas n’est pourtant pas l’établissement le moins bien loti en France. On n’ose imaginer ce qui se passe ailleurs. A la suite de ce reportage, Guy Lagache s’entretiendra avec la garde des sceaux sur la situation des prisons en France.Menace terroriste : plongée au cœur de nos prisons, de Marina Ladous (Fr., 2015, 90 min). Mercredi 3 juin, à 20 h 55, sur D8.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 22.06.2015 à 17h22 • Mis à jour le22.06.2015 à 17h32 Plusieurs livres soulignent le « fascisme » de l’architecte Le Corbusier, auquel le Centre Pompidou consacre une rétrospective jusqu’à la fin août, accusé – avec la fondation Le Corbusier - par Marc Perelman de le dissimuler. Ce dernier décrit l’architecture de Le Corbusier et son urbanisme comme « une organisation carcérale qui crée un corps unique saisi par la technologie du bâtiment moderne, vaste « machine à habiter », une pâte malléable entre les mains de l’architecte-démiurge et fasciste ».Cinquante ans après sa mort, il suscite la polémique sur son engagement politique auprès du régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale. « Les architectes français furent vichystes dans leur majorité », explique M. Chemetov en insistant sur le contexte de l’époque. Pour Jean-Louis Cohen, « l’opportunisme est la première loi de tous les architectes. C’est le fameux "Get the Job !", lancé par l’architecte américain Henry Hobson Richardson. » Et puis « une posture de séduction teintée de naïveté qui lui fait intérioriser les discours des pouvoirs en place ».- Le Corbusier fut-il fasciste ou démiurge ?, par Paul Chemetov, architecte et urbaniste. Plusieurs ouvrages soulignent le « fascisme » de l’architecte Le Corbusier, auquel le Centre Pompidou consacre une rétrospective. Ils font souvent fi du contexte et des relations complexes entre sa discipline et le pouvoir.- Le Corbusier, derrière la façade. Trois livres polémiques dénoncent le fascisme et l’antisémitisme de l’architecte, par Frédéric Edelmann. « Un Corbusier », celui de François Chaslin, se veut plus équilibré, mais n’est pas tendre pour autant. - Du béton et des plumes, par Michel Guerrin. Cinquante ans après la mort de Le Corbusier, trois livres dépeignent l’architecte de la Cité radieuse comme un démiurge fasciste, provoquant la discorde entre pro et anti- « Corbu »- Le fascisme architectural de Le Corbusier, Par Marc Perelman, professeur d’esthétique à l’université de Nanterre. Bien loin d’avoir régénéré l’humanisme dans l’architecture, contrairement à ce qu’affirment ses défenseurs, l’architecte, inspiré par des doctrines fascisantes, l’a enchaîné dans la gangue carcérale de son modèle théorique, le « Modulor ».- Le Corbusier, fasciste ou séducteur ?, par Jean-Louis Cohen, professeur d’histoire de l’architecture à l’Institut des Beaux-Arts de l’Université de New York. Les méandres politiques du Corbusier s’expliquent par une nécessité séductrice plutôt que par de véritables convictions.- Le Corbusier en quête de l’homme standard, par Jean-Jacques Larochelle. Au Centre Pompidou, une exposition montre les tentatives de l’architecte pour rationaliser le corps humain.- Le Corbusier s’expose au Centre Pompidou (une rétrospective des œuvres de l’architecte (1887-1965) ouvre ses portes à Paris jusqu’au 3 août,). Portefolio.- Arrêtons de diffamer Le Corbusier, icône audacieuse qui mérite notre salut. L’architecte est commémoré comme opportuniste, cupide et calculateur par les médias. Pourtant, Le Corbusier était « un architecte à idées », écrit l’architecte urbaniste Jacques Sbriglio.- Les lumières noires des années 1930 au Palais de Chaillot, par Frédéric Edelmann (4 février 1997). Marie-Aude Roux et Sylvain Siclier Instruments traditionnels, clips dérangeants ou pop française sous influence psychédélique, La Matinale vous présente sa sélection musicale.UN ALBUM : Les bizarreries de la chanson pop française avec « Wizzz ! French psychorama 1966-1970, volume 3 »Troisième rendez-vous avec Wizzz !, compilation fantasque (et fantastique) de raretés et de bizarreries de la pop française, généralement sous influence psyché, à la fin des années 1960. Jean-Baptiste Guillot et ses camarades de Born Bad Records ont à nouveau déniché des perles aux textes et musiques bien allumées (avec ici des cris, là des flûtes, des claviers étranges, des chœurs, des effets divers, des emplois de pédales fuzz ou wah-wah, et des trémolos pour les guitares…). Dix-sept chansons, dont « Une plage bordée de cocotiers », par le futur journaliste Bernard Chabert, le « Hold-up inusité » de la mystérieuse Joanna, « Névralgie particulière » par Long Chris (de son vrai nom Christian Blondieau, qui écrira nombre de succès de Johnny Hallyday), Papy (François Papi) dans « Toi le Shazam » ou « Notre homme à moi » par Jane et Julie.1 CD et 1 LP Born Bad RecordsUN CONCERT : « The Fairy Queen » de Purcell en work in progress au château d’Hardelot dans le Pas-de-Calais, les 25 et 26 juin S’il est un lieu singulier, c’est bien celui du Midsummer Festival, théâtre de bois et de toiles niché à l’abri des remparts du château d’Hardelot, non loin de la mer et des dunes boisées où s’affrontèrent Français et Britanniques avant que ne soit décrétée l’Entente cordiale des deux nations. Le songe d’une nuit d’été shakespearien est donc à portée de rêve, comme en témoigneront les deux représentations de The Fairy Queen (La Reine des fées), semi-opéra composé en 1692 par Henry Purcell sur des musiques savantes et populaires. Données les jeudi 25 et vendredi 26 juin par l’Ensemble Contraste et la Compagnie Deracinemoa, les représentations mêleront au subtil univers lyrique anglais le jazz et l’improvisation mais aussi le spectacle de rue. Une façon de jouer avec le maître mot de Shakespeare : « Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit tenir son rôle. »Midsummer Festival au Château d’Hardelot, à Condette (Pas-de-Calais). Les 25 et 26 juin à 20 h 30. Tél. : 03 21 21 73 65. 15 euros, gratuit pour les moins de 18 ans, bénéficiaires RSA et demandeurs d’emploi.UN DVD : « Play », recueil des vidéos musicales de Peter GabrielPublié en 2004, ce recueil de vingt-six vidéos musicales est aujourd’hui réédité comme nous l’annonce Jérôme Soligny dans le mensuel Rock & Folk. Play rassemble des films réalisés entre 1977 et 2003, parfait équivalent visuel à l’univers musical de Peter Gabriel, dont la carrière solo a débuté en 1975, après avoir quitté le groupe de rock progressif Genesis. Novateur par son travail sur les textures, les rythmes, par son souci de se nourrir des musiques du monde et par son attention aux évolutions technologiques (le clavier Fairlight, les machines musicales, l’électronique, les ordinateurs…), Peter Gabriel l’est tout autant dans la mise en image de ses chansons qu’il confie à Stephen R. Johnson, Michel Coulson, Matt Mahurin, York Tillyer, Kevin Godley et Lol Creme, Brett Leonard, Brian Grant, Glenn Marshall, Sean Penn… Dans un ordre non chronologique on retrouvera ici des moments sombres, dérangeants (« Games Without Frontiers », « Digging In The Dirt »), d’invraisemblables animations (« Sledgehammer », « Big Time »), des clairs-obscurs (l’émotion de « Red Rain », « Mercy Street » ou de « Don’t Give Up », en duo avec Kate Bush) sans que le passage du temps ne se fasse sentir.1 DVD Eagle Rock EntertainmentDEUX FESTIVALS : Archéo Jazz et Barrière Enghien Jazz FestivalAvec pour décor proche les ruines médiévales réhabilitées et protégées d’un château, des « grands noms du jazz et musiques proches », comme l’indiquent les organisateurs du festival Archeo Jazz, à Blainville-Crevon (Seine-Maritime). Ainsi pour sa 38e édition, du 24 au 27 juin, sont attendus les chanteuses Melody Gardot et FM Laeti, le groupe des frères Orlando Maraca (flûte) et Ramon (piano) Valle, les chanteurs Ben l’oncle soul, Tiken Jah Fakoly et Sino, les guitaristes Mike Stern et Nguyên Lê et le violoniste Didier Lockwood.Archéo Jazz à Blainville-Crevon (Seine-Maritime), du 24 au 27 juin. 27 euros, sauf concert du 24 juin (Melody Gardot) 40 euros.Collaboration phonographique, publiée en avril, entre la chanteuse Dee Dee Bridgewater et le trompettiste Irvin Mayfield, Dee Dee’s Feathers (Okeh Records) est une évocation de la Nouvelle Orléans, avec des standards de ses musiques et des compositions originales. Un répertoire et ses interprètes à retrouver sur scène dans le bel écrin du Théâtre-casino d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), lors de la soirée d’ouverture du festival de jazz organisé dans la ville du 25 au 28 juin. À l’affiche du festival, par ailleurs, la chanteuse Hindi Zahra, le chanteur Tiken Jah Fakoly et le bassiste Marcus Miller. Ces deux derniers pour des concerts gratuits sur la scène flottante du lac d’Enghien-les-Bains. Barrière Enghien Jazz Festival, à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), du 25 au 28 juin. De 20 euros à 66 euros pour les concerts au Théâtre-casino ; accès libre pour les concerts sur la scène flottante.RÉSERVEZ VITE : une création de Susheela Raman et Sam Mills au Théâtre de l’Atelier, à Paris, le 29 juin Après une première mondiale, le 26 juin, au Kings Place, à Londres et avant de se rendre à Berlin, le 1er juin, au Babylon, le spectacle Sacred Imaginations sera présenté sous le titre Evocations sacrées au Théâtre de l’Atelier, lundi 29 juin. Cette création de la chanteuse anglo-indienne Susheela Raman et de son mari le guitariste Sam Mills, mettra en relation les musiques anciennes et contemporaines de l’Orient chrétien. Avec l’ensemble vocal moscovite Doros, le pianiste éthiopien Samuel Yirga, la chanteuse libanaise Abeer Nehme, le clarinettiste grec Manos Achalinotopoulos, des joueurs d’oud (luth à manche court), de harpe du roi David, de qanûn (famille des cithares), des percussionnistes dont Pirashanna Thevarajah. Les qualités musiciennes des unes et des autres ainsi que leurs propos artistiques annoncent une soirée exceptionnelle.Théâtre de l’Atelier, place Charles-Dullin, Paris 18e. Tél. : 01 46 06 49 24. Lundi 29 juin, à 20 h 30. 20 euros.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 21.06.2015 à 11h58 • Mis à jour le22.06.2015 à 15h17 Renaud l’annonce en une du Parisien, samedi : « J’arrive. » Le chanteur, qui n’a plus publié d’album depuis Molly Malone en 2009, a écrit quatorze nouvelles chansons et compte très prochainement enregistrer un nouveau disque, selon ses propos rapportés le 20 juin par le quotidien. « J’ai écrit quatorze chansons, je veux les enregistrer vite », assure l’auteur de Mistral gagnant, que le quotidien a très brièvement rencontré à L’Isle-sur-la-Sorgue, la commune du Vaucluse où il est désormais installé.D’une voix rauque et un peu chevrotante, le chanteur a confirmé à la mi-journée sur RTL s’être « remis à écrire » depuis « quinze jours ». Renaud annonce un retour « bien avant l’année prochaine, en septembre ».Thierry Séchan, le frère de Renaud, confirme dans les colonnes du Parisien qu’il a écrit « douze, quatorze chansons » qu’il compte enregistrer à Bruxelles très prochainement. Le frère précise : « Il a fait toutes les paroles. Et les musiques ont été composées par son bassiste Michaël Ohayon et son gendre, le chanteur Renan Luce, qui a fait quatre musiques. L’album est presque terminé. » Renaud, ex-chroniqueur à Charlie Hebdo, a notamment écrit un titre intitulé J’ai embrassé un flic, en « référence à la manifestation du 11 janvier, à ses amis de Charlie et aux deux policiers tués pendant les attentats », ajoute le frère du chanteur. « Pour l’instant, il ne peut pas chanter »« Pour l’instant, il ne peut pas chanter », souligne néanmoins Thierry Séchan : « Trop de cigarettes, trop de Ricard. Il faut d’abord qu’il trouve un ORL. C’est indispensable. » Pour autant, le chanteur, qui a connu de nombreuses périodes de dépression et vient de fêter ses 63 ans, « va bien », selon son frère. Le slameur Grand Corps Malade, l’un de ceux qui ont repris ses chansons dans les deux albums hommage La Bande à Renaud parus l’an dernier, fait partie de ceux qui lui ont redonné envie d’écrire, indique Renaud.Fin mai, un sondage a désigné Mistral gagnant, sa ballade de 1985, comme la « chanson française préférée de tous les temps », devant Ne me quitte pas, de Brel, et L’Aigle noir, de Barbara. L’activité discographique du « chanteur énervant » s’est sérieusement ralentie depuis vingt ans. Son dernier album de chansons inédites – Rouge sang – remonte à 2006, Renaud n’ayant depuis publié qu’un album d’adaptations de chansons irlandaises baptisé Molly Malone.Absent des studios et de la scène depuis de longues années, celui qui avait signé en 1985 les paroles de SOS Ethiopie a simplement participé en novembre dernier à l’enregistrement d’un titre collectif caritatif contre l’épidémie Ebola. 19.06.2015 à 16h42 • Mis à jour le20.06.2015 à 11h28 | Ghazal Golshiri (Herat, Afghanistan, envoyée spéciale) Pour comprendre le poids des traditions et du conservatisme religieux dans Herat, la plus grande ville de l’ouest de l’Afghanistan, il suffit de se balader dans la grande avenue Khaja-Ali-Movafaq, au centre de la ville, où restaurants et cafés sont fréquentés presque exclusivement par les hommes. Dans cette ville de presque 3 millions d’habitants, les femmes sont très rares dans les rues. Et celles qui sortent portent soit la burqa bleue traditionnelle, soit le « tchadori », ce grand tissu en couleur claire, parfois à motifs, qui couvre tout le corps mais qui peut laisser paraître le visage et les mains.Alors qu’à Kaboul, les Afghanes sont plus nombreuses dans les espaces publics et sortent avec des tenues plus osées (foulard, plus manteau et pantalon moulants colorés, et robes longues ou tailleur pour les plus courageuses), à Herat, aucune ne sort des rangs.Ville conservatriceC’est dans cette ville conservatrice que vivent et chantent les groupes de rap Pascal et Motlaq & Leto, constitués l’un comme l’autre de deux jeunes Afghans, issus non pas de la classe aisée, mais des couches défavorisées. Ils chantent en dari, la langue officielle en Afghanistan avec le pachtou. Leur démarche artistique est d’autant plus audacieuse que les deux groupes s’en prennent, dans une société profondément traditionnelle, à l’emprise de la religion et à la domination que le clergé cherche à exercer sur la jeunesse afghane. Ils se rebellent à travers leurs textes contre l’autoritarisme et le conservatisme de leurs parents, contre la corruption des dirigeants afghans, contre la discrimination que subissent les minorités ethniques dans une société qu’ils jugent arriérée.Si les télévisions privées, nées grâce à l’aide des fonds des pays occidentaux, diffusent à foison des morceaux pop ou traditionnels, le rap est toujours considéré par la majorité de la population comme étant « contre les valeurs traditionnelles et les mœurs », voire même « satanique ». Pourtant, à écouter Reza (Leto de son nom artistique) et Muhammad (Motlaq de son nom de scène), ce genre musical est en train de prendre son envol dans cette ville traditionnelle. C’est d’ailleurs dans un café du centre-ville, à quelques mètres de la mosquée Sang-Sefid, que ces jeunes Afghans avaient organisé, début 2015, une soirée rap. « La salle était pleine et beaucoup de gens n’ont pas pu entrer », se souvient Reza, 23 ans, rencontré dans le même café, assis sur un lit en bois, décoré de coussins traditionnels. Quelques mètres plus loin, des jeunes hommes jouent au billard.Les gens qui fréquentent la mosquée et les « barbes blanches » de la ville n’apprécient guère les activités dans ce café. Surtout depuis que le groupe a chanté une chanson pour Farkhunda, l’Afghane battue à mort par une foule enragée en plein centre de Kaboul. L’Afghane de 27 ans avait été accusée, à tort, d’avoir brûlé un exemplaire du Coran. La vidéo de son lynchage a fait le tour du monde et affecté les Afghans, même dans les villages les plus reculés du pays.« Farkhunda ! Que ta douleur soit la mienneFarkhunda ! Ma sœur ! Pardonne aux gens qui t’ont maltraitéeAux ceux qui t’ont accusée à tortNous sommes sortis de l’islamNous poursuivons [en apparence] le Prophète Mais en réalité, nous sommes avec SatanJ’ai honteAprès ton départ, je souffre moi aussiIls (les agresseurs) ont aussi mis feu à mon cœur Dors bien !Tu appartiens au paradisTu es vivante même après ta mort. » « J’ai été profondément choqué lorsque j’ai vu la vidéo de son meurtre », se souvient Muhammad, 25 ans, le visage assombri. « Nous avons écrit à toute vitesse la chanson pour Farkhunda, poursuit Reza. Nous continuons à faire l’objet de menaces à cause de ce morceau. Je disais dans la chanson que les gens sont descendus tellement bas qu’à cause d’un livre, ils tuent les autres. Bien sûr que le Coran est le livre qui nous guide mais, comme je le dis dans la chanson : “Faut-il tuer les gens pour un livre ?” » Pour enregistrer ce morceau, Muhammad et Reza ont rencontré beaucoup de réticences de la part des studios qui refusaient de collaborer avec eux. « Les directeurs du studio qui a finalement accepté d’enregistrer le morceau ne voulaient pas nous le donner. Ils disaient que nous avions insulté la religion », dit Muhammad. Une fois leur chanson publiée sur YouTube et sur certaines pages de musique afghane, ils ont été accusés, par certains des habitants d’Herat, d’être des « apostats ». Une accusation qui peut leur coûter la vie…Bien sûr que le Coran est le livre qui nous guide mais, comme je le dis dans la chanson : “Faut-il tuer les gens pour un livre ?” », s’interroge MuhammadOnt-ils peur des représailles ? Se sentent-ils en danger ? Comptent-ils renoncer à leurs engagements sociaux ? « Nous voulions faire connaître cette histoire auprès des gens pour que cela ne se reproduise plus et nous sommes prêts à payer le prix, répond Reza entre deux bouffées de narguilé. Les gens ici ne réfléchissent pas et ne comprennent pas. Cela a été exactement comme ce qui est arrivé à Farkhunda. Ils ont d’abord agi. Ensuite, ils l’ont regretté. »Chanter pour Farkhunda n’est pas sans conséquences sur des activités encore plus anodines, comme le constate tous les jours Reza, par ailleurs propriétaire du café où nous l’avons rencontré : « Avec la mosquée, on a eu des problèmes. Ils nous embêtent parce que dans le café, on avait une “loge”, où nous accueillions aussi des femmes. Nous avons enfin été obligés de changer la décoration et le café est désormais réservé aux hommes. »Les membres du groupe Pascal, Mahdi et Mohsen, tous les deux âgés de 21 ans, ont eu également leur dose d’ennuis à cause de l’emprise des religieux sur la société afghane. Vivant dans le faubourg de Jebrail, majoritairement chiite, en lisière d’Herat, ils avaient organisé, en mars, un concert dans la grande salle de leur quartier. « La date coïncidait avec une cérémonie de deuil chiite », se souvient Mahdi. « Les mollahs l’ont su et pendant leurs discours dans les mosquées, ils ont demandé aux habitants de ne pas assister à notre concert », se désole Mohsen qui porte une casquette, un jean coupe baggy et un sweat-shirt à capuche. le concert a été un succès car Mahdi et Mohsen se sont produits à trois reprises sur scène et chaque fois, la salle était pleine à craquer.Si ces « égarements » échappent parfois aux institutions religieuses dans la société profondément patriarcale afghane, le père, autoritaire, est toujours présent pour rappeler à l’ordre sa progéniture désorientée. « Mon père ne cesse de m’ordonner d’aller à la mosquée, explique Mahdi. Je lui réponds “non” et je dis que si je veux prier, je préfère rester à la maison. Mon père me dit que je suis devenu apostat. » Et lorsque cet étudiant en comptabilité à l’université d’Herat fait écouter à son père l’une de ses chansons, où il dénonce l’obligation de faire la prière, il lui empêche de la publier. « Mais il ne sait pas que pour écrire les paroles de chaque morceau, je passe une nuit blanche. »Les Hazaras, minorité ethnique discriminéeComme la majorité des habitants de Jebrail, Mahdi et Mohsen sont Hazaras, la minorité ethnique la plus discriminée en Afghanistan, reconnaissable à ses yeux bridés. Dans ce pays sunnite, les Hazaras, presque 15 % de la population et le troisième groupe ethnique derrière les Pachtounes et les Tadjiks, sont majoritairement chiites. Les cicatrices de cette minorité, provoquées notamment par le règne des talibans (1996-2001), des sunnites extrémistes, sont toujours ouvertes. Le peu de budget consacré à la reconstruction des régions hazaras et le nombre très faible des Hazaras nommés aux postes gouvernementaux reflètent les discriminations subies par cette minorité. « Il y a quatre mois, j’ai terminé mes études en compatibilité à l’université d’Herat, explique Mohsen. Depuis, j’ai apporté mon CV à vingt différentes sociétés, mais je n’ai eu aucune réponse. Les patrons voient ma tête et ne me rappellent jamais. Ici les discriminations sont très présentes. »À la fin de leur clip Ezdeham (« surpeuplement » en dari), dans lequel ils disent avoir travaillé pendant cinq mois, l’un des jeunes s’interroge :« Pourquoi les rues puent le sang ? Quiconque ici a le pouvoir s’en sert de manière injusteIci, cela est la loi et nous y sommes habituésJ’ai bien comprisIci, il ne faut pas être humain. » Une situation déplorable qui n’échappe pas à leurs confrères du groupe Motlaq & Leto. « Ici, à Herat, les gens favorisent certaines minorités et les Hazaras sont les plus discriminés, se désole Reza. Ils ne peuvent rien faire. Ils font l’objet de beaucoup de pressions. » Motlaq & Leto essaie, à sa manière, de lutter contre ces discriminations. « Nous organisons des événements avec les Hazaras pour leur faire comprendre que nous voulons que les discriminations disparaissent », explique Muhammad.Bien que d’origines très différentes, ces quatre Afghans partagent tous le même rêve : le retour de la paix en Afghanistan. « Tant d’années de guerre et de conflits entre les Pachtounes, les Tadjiks et les Hazaras… Il n’y a eu que des morts et des réfugiés, constate Muhammad. Cela n’a pas suffi ? »Ghazal Golshiri (Herat, Afghanistan, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Le 18 juin a été choisi, cette année, par Jean Nouvel pour dire haut et fort sa vérité sur la Philharmonie, le plus coûteux des derniers chantiers de la République. « Je suis un homme traumatisé. C’est pour moi un grand jour, explique visiblement ému l’architecte, lauréat du concours en 2007. J’ai été muselé pour ne rien dire de ce qu’il se passe à la Philharmonie. Je peux enfin parler. » Lire aussi :A la Philharmonie, le feuilleton continueFinancée pour l’essentiel par l’Etat et la ville de Paris, la construction du monumental complexe musical et de sa salle de concert de 2 400 places à l’acoustique inédite, implantée dans le 19e arrondissement, était estimée au moment du concours à 118 millions d’euros. L’équipement aura coûté, officiellement, 386,5 millions d’euros en 2015 ; une dérive dont il est d’usage de rendre responsable l’architecte. De surcroît, le travail réalisé par les entreprises, pressées par la nécessité que le lieu soit rapidement ouvert, contre l’avis de Jean Nouvel, est, en de nombreux endroits, indigne d’un équipement de cette ampleur.Lire aussi :Jean Nouvel traîne son bébé en justiceUne responsabilité que se refuse à porter l’architecte qui avait publiquement séché l’inauguration de la Philharmonie le 14 janvier. Jean Nouvel a saisi le Tribunal de grande instance (TGI) afin d’obtenir la réalisation de travaux corrigeant les 26 points de non-conformités à son projet. Le 15 avril, le tribunal, ne pouvant « appréhender l’œuvre telle que revendiquée dans son état définitif », l’a débouté de sa demande. Il s’est pourvu en appel.Lire aussi :Jean Nouvel : « Pourquoi je n’étais pas à l’inauguration de la Philharmonie »Plan de communication minutieuxEn ce 18 juin, le plan de communication de Jean Nouvel a été minutieux. Le matin, sur France Inter ; à 11h, une conférence de presse organisée à son agence, dans le 11e arrondissement, en accord avec ses avocats ; à midi, un passage à Canal+ ; le soir, au Pavillon de l’Arsenal, « conversation publique » avec son homologue et ami Patrick Bouchain.« Il y a, estime Jean Nouvel, une volonté de considérer que l’architecte n’est plus si utile que ça, de l’affaiblir. Il fallait dire que tout ça, l’explosion des prix, ce soit de la faute de l’architecte. » Ce processus de marginalisation, de mise à l’écart, affirme le Prix Pritzker 2008, a été particulièrement à l’œuvre à la Philharmonie.« Le prix du bâtiment n’est pas défini par l’architecte, a-t-il rappelé, mais par le programme. » Selon lui, ses options architecturales vivement critiquées (accès public de la toiture, le vaste panneau signal visible depuis le périphérique, la façade en tourbillon et l’habillage en bois de la salle de concert) ne représentent que 6 % du coût total de la construction.« On a commencé avec une fausse estimation, explique Jean Nouvel. Une maladie française qui consiste à sous évaluer les grands projets publics pour les faire passer par Bercy. » Si l’architecte veut construire ce type de programme, il est, dit-il, « obligé d’accepter ». Dans les études d’avant-projet, sommaire et définitif, permettant d’affiner les coûts, les Ateliers Jean Nouvel avaient réévalué à 208 millions d’euros (fin 2007), puis à 247 millions d’euros (fin 2008), le montant de la construction.Coût global de 386 millions d’eurosCes propositions ont été majoritairement rejetées par le maître d’ouvrage, l’Association de préfiguration de la Philharmonie, qui a soumis in fine à ses tutelles (Etat et ville) un projet à 149 millions d’euros. A l’issue d’une procédure d’appel d’offres restreint, la société Bouygues emporte finalement le marché de travaux en janvier 2011 pour 253 millions d’euros. En 2012, la Philharmonie réclame 50 millions supplémentaires et annonce un coût global de 386 millions d’euros.La maîtrise d’ouvrage va être la cible principale de la colère de Nouvel. « Le vrai problème a été l’organisation mise en place », souligne-t-il. L’architecte, soumis à un système contentieux particulièrement contraignant, finit par être mis à l’écart de toute coordination de l’ensemble du chantier, qu'un bureau d'étude contrôlé par l'entreprise prend en charge.Jean Nouvel s’émeut de cette intrusion auprès des ministères, et affirme être étranger aux retards et surcoûts que le chantier ne cesse d’accumuler. On lui rétorque, dit-il : « “Respectez les coûts et les délais…” Moi qui ne les contrôlais plus, depuis longtemps, les coûts et les délais. » A l’automne 2013, l’architecte dénonce une immixtion que conteste la partie adverse. Selon Jean Nouvel, c’est alors que commence le « sabotage » de la Philharmonie.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin et Jean-Jacques Larrochelle Après dix ans de fermeture pour vétusté et plus de trois ans de bagarre juridique, le chantier de rénovation des « Grands magasins de la Samaritaine », propriété du groupe de luxe LVMH, va pouvoir reprendre. Ce programme mixte de 70 000 m2 doit abriter un palace derrière la façade Art Déco, classée monument historique, donnant sur la Seine, un centre commercial, des bureaux, des logements sociaux et une crèche. Vendredi 19 juin, le Conseil d’Etat, saisi par le groupe de Bernard Arnault et par la mairie de Paris qui soutient le projet, a prononcé la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 5 janvier 2015, estimant qu’elle « s’était fondée sur une interprétation inexacte du plan local d’urbanisme (PLU)… et ce faisant [avait] commis une erreur de droit » en confirmant l’annulation du permis de construire. Cette annulation avait été décidée, le 13 mai 2014, par le tribunal administratif de Paris.Lire aussi :On arrête tout à la Samaritaine« Rideau de douche »Plusieurs associations de défense du patrimoine, SOS Paris, la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) et des requérants du voisinage, avaient, en effet, déposé plusieurs recours auprès du tribunal administratif de Paris. Elles contestaient, notamment, la façade ondulée en verre sérigraphié blanc, de 73 mètres de long sur 25 mètres de haut, dessinée par Ryue Nishizawa et Kazuyo Sejima de l’agence japonaise SANAA. Selon ces associations, cette nouvelle façade ouvrant sur la rue de Rivoli ne s’intégrait pas dans le contexte urbain et historique de ce cœur du vieux Paris et dans la perspective de la rue de Rivoli. Ses détracteurs avaient d’emblée qualifié cet habillage de « rideau de douche ».Estimant, elles, que le projet LVMH méconnaissait les obligations du PLU relatif à l’insertion des constructions nouvelles dans le tissu urbain, ces associations avaient demandé l’annulation du permis de construire de « l’îlot Rivoli » délivré, le 17 décembre 2012, par la mairie de Paris.« A la manière des passages anciens de Paris »Le geste incriminé n’était pourtant pas né au hasard. Relevé détaillé à l’appui, le tracé des lignes verticales, définissant la succession des courbes de cette nouvelle peau, s’appuie strictement sur celui que créaient, de manière irrégulière, les anciennes ouvertures des façades composites du XIXe siècle aujourd’hui détruites. « Nous avons senti combien le rythme de cette façade était donné par celui de ses fenêtres, avait indiqué Ryue Nishizawa. Nous voulons donner une résonance actuelle à ce rythme. »Conscients du caractère patrimonial du site où il est implanté, les architectes, lauréats en 2010 du Pritzker Prize, le « Nobel » de l’architecture, et auteurs du Louvre-Lens, avaient défendu un parti architectural en phase avec l’histoire de la capitale. « A la manière des passages anciens de Paris, nous voulons créer un passage public qui permettra à chacun de rejoindre la Seine depuis la rue de Rivoli », décrivent-ils.Ce nouvel axe de déambulation, que SANAA a prévu de ponctuer et d’éclairer à l’aide d’amples dômes en verre insérés dans des puits de lumière, reliera directement la rue de Rivoli à la Seine. Il traversera les bâtiments « Jourdain-verrière » et « Jourdain-plateaux », construits entre 1905 et 1910 dans un style art nouveau affirmé. L’agence tenait à conserver, dit-elle, « ce témoignage de l’excellence technique de l’époque ». Un trou béant rue de RivoliLa décision définitive du Conseil d’Etat met fin à une saga à maints rebondissements juridiques. La première salve des associations du patrimoine, contre ce qu’elles estimaient être « un énorme cadeau offert à LVMH », date de janvier 2012. Accomplir, SOS Paris et Ensemble rue Baillet avaient demandé au Tribunal administratif d’annuler la révision simplifiée du Plan local d’urbanisme (PLU) décidée en juillet 2010 par le Conseil de Paris. Cette modification autorisait le Groupe LVMH à surélever le bâtiment de plusieurs mètres, côté rue de Rivoli, ce qui privait de lumière les habitants de l’étroite rue Baillet.En février 2013, deux requêtes étaient déposées par SOS Paris, la SPPEF et les riverains contre les démolitions effectuées entre la rue Baillet et la rue de Rivoli, estimant que celles-ci faisaient disparaître un témoignage du Vieux Paris. Ces requêtes avaient été rejetées par le juge des référés qui avait classé l’affaire, en juillet 2013, pour vice de forme, en raison d’un courrier « incomplet ». Une décision cassée à son tour par le Conseil d’Etat, qui a considéré que le juge avait « fait une erreur de droit manifeste ». L’affaire fut renvoyée devant le tribunal administratif et un nouveau permis déposé.On connaît la suite. Le Conseil d’Etat, qui vient à son tour de casser la décision d’annulation du permis de construire de la Cour d’Appel de Paris, rejette en bloc les arguments des associations. En décortiquant les dispositions du PLU (article UG11), le Conseil d’Etat rappelle que cet article permet « à l’autorité administrative de délivrer des autorisations pour la construction de projets d’architecture contemporaine pouvant déroger aux registres dominants de l’architecture parisienne et pouvant retenir des matériaux ou des teintes innovants ». Une décision qui fera date dans le paysage parisien.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journalisteFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.06.2015 à 13h37 • Mis à jour le21.06.2015 à 17h15 | Marie-Aude Roux et Sylvain Siclier De Vitrolles à Rennes, en passant par Creil et Paris, nos suggestions pour une soirée du 21 juin hors des sentiers – sonores – battus. Hommage à Guy Longnon à VitrollesL’occasion de découvrir, pour qui ne connaîtrait pas, le plus qu’agréable Domaine de Fontblanche, à Vitrolles (Bouches-du-Rhône), bel espace arboré où la musique trouve régulièrement de quoi s’épanouir. Et notamment lors du festival Charlie Jazz qui y est organisé (du 3 au 5 juillet cette année). En première partie, les musiciens des ateliers jazz de l’association Charlie Free, menés par le guitariste Christian Bon. Puis le programme, « D6 : Kind of Guy », un hommage au trompettiste, violoncelliste et arrangeur Guy Longnon, mort en février 2014, qui créa, en 1964, la première classe de jazz dans un conservatoire régional en France, celui de Marseille. Concert qui permettra d’entendre, en nonette, les arrangements de ce musicien de grande valeur pour des compositions de Jimmy Heath, Mc Coy Tyner, Herbie Hancock, Clifford Brown, Charlie Mingus, Miles Davis ou Thelonious Monk.A partir de 19 h 30, Domaine de Fontblanche. Sanseverino à Saint-Chamond Guitariste et chanteur, Sanseverino mêle avec talent les traditions de la chanson française, du jazz manouche avec un apport rock par endroits. Il sera le point d’orgue de la journée musicale à Saint-Chamond (Loire), où se tient dans le même temps le festival Rue des artistes, avec son spectacle actuel, un parcours dans les chansons populaires des années 1930 à 1970 (Les Roses blanches, En sortant de l’école, Ce petit chemin…) agrémenté de ses succès (La Cigarette, Les Embouteillages…).A 21 h 30, place de La Liberté. Israel Vibration et Les Ambassadeurs à CreilDepuis trois ans, le rendez-vous de la Fête de la musique à Creil (Oise), prend pour sous-titre Creil Colors ! avec une programmation musiques du monde. L’occasion de réunir cette année HK & Les Saltimbanks, qui mêle à la chanson des éléments de chaâbi algérien, du reggae et du hip hop, le groupe Israel Vibration, mené par les chanteurs Lascelle « Wiss » Bulgin et Cecil « Skeleton » Spence – Albert « Apple » Craig, troisième fondateur du groupe de reggae, formé au milieu des années 1970, a quitté la formation en 1996 – et enfin le légendaire orchestre Les Ambassadeurs. Formé à Bamako au début des années 1970, dirigé par le guitariste guinéen Manfila Kanté, mort en 2011, l’orchestre mêle l’instrumentation électrique aux balafon, cuivres et claviers et sera le vivier de nombreux musiciens en Afrique de l’Ouest (ses musiciens viennent du Mali, Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire…). Il revit depuis 2014 avec le chanteur malien Salif Keita, le claviériste malien Cheick Tidiane Seck et le guitariste et chanteur malien Amadou Bagayoko.A partir de 14 h 30, programme Creil Colors ! à partir de 17 heures, parc municipal de La Faïencerie. PhilhiP, Ifa et Apes O’Clock à RennesDans la ville des hivernales Transmusicales et d’une scène rock qui, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, se révéla fort influente (Etienne Daho, Marquis de Sade, puis Octobre, Niagara, Complot Brunswick…), la preuve qu’une grande place et une grande scène ne signifient pas nécessairement : s’en tenir à des vedettes pour faire se déplacer les foules. Le concert de Rennes sera au plus près de la diversité des genres (classique excepté) inscrite dans les origines de La Fête de la musique. Du jazz, option fusion avec Marion Thomas Quartet, en virées funk avec PhilhiP, des polyphonies vocales avec le trio Ifa, les musiques bretonnes alliées à celles de Cuba par le Bagad de Cesson-Sévigné, des musiciens colombiens et cubains, du reggae jamaïcain… Final avec le septette Apes O’Clock, alliance de punk, hip-hop et de poussées cuivrées.A partir de 16 heures, place du Parlement. Parcours nougaresque à Toulouse La ville de Toulouse fête celui qui l’a si bien chantée, Claude Nougaro, avec un programme intitulé « C’est une Garonne ». Particularité, il s’agira d’un parcours instrumental dans les mélodies dont Nougaro fut la voix. Avec en maître d’œuvre l’accordéoniste Lionel Suarez qui a réuni pour cet hommage deux confrères, Régis Gizavo et Etienne Grandjean, le multi-instrumentiste René Lacaille (accordéon, ukulélé, guitare, percussions…), le guitariste Kevin Seddiki et le batteur (et violoncelliste) Pierre-François Dufour.A 12 h 30, quai de La Daurade. L’Amazing Key Stone Big Band au jardin du Palais-Royal (Paris 1er)Pour commencer la soirée au jardin du Palais-Royal, l’un des meilleurs orchestres de jazz français, l’Amazing Key Stone Big Band, réunion d’une vingtaine de solistes de haut vol, a adapté un classique des classiques, Pierre et le Loup, de Serge Prokofiev (qui en a écrit la musique et le texte en 1936). L’histoire a permis à des millions d’enfants de découvrir certains des instruments de l’orchestre (flûte, clarinette, tambours, basson…). L’Amazing Key Stone Big Band en propose aujourd’hui l’une des meilleures versions parmi les dizaines qui ont été réalisées (dont une version rock en 1975 avec Eno, Gary Moore, Phil Collins…). Suivront, à partir de 18 heures, Chloé et Ibrahim Maalouf.A 14 h 30. La cantate « Médée » au Musée national Eugène-Delacroix (Paris 6e) C’est à la figure mythique de la terrible Médée que le Musée national Eugène-Delacroix (6, rue de Furstenberg) consacre cette année ses promenades picturo-musicales. L’Odyssée, d’Homère a inspiré le tableau de la Médée furieuse, de Chassériau, qui représente la magicienne en train de venger la trahison de son époux Jason, vainqueur de la Toison d’or, en tuant leurs deux enfants. Lui répondront les accents de la cantate de Clérambault, Médée, joués sur instruments anciens par les musiciens de l’ensemble baroque Les Contre-Sujets, fondé en 2011 par Samuel Rotsztejn.A 19 heures. Une « Flûte enchantée » aux Jardins des Amandiers (Paris 20e)A l’amphithéâtre de verdure des Jardins des Amandiers (entre les rues Duris et des Amandiers), avec orchestre symphonique, chanteurs lyriques, marionnettes géantes et comédiens, masques et décors, la compagnie les Planches à Musique présentera son nouveau spectacle adapté de la Flûte enchantée, de Mozart et Schikaneder. Le prince Tamino saura-t-il affronter la mort pour sauver Pamina, la fille de la Reine de la Nuit ? Ou bien finira-t-il par se rallier au pouvoir du sage Sarastro afin de conquérir celle qu’il aime ? Seule la musique de Mozart l’enchanteur vous le dira.A 16 heures. Georgio, ALB et Isaac Delusion place de la République (Paris 11e) et place Denfert-Rochereau (Paris 14e)Les deux gros plateaux pop rock de la Fête de la musique à Paris ne se marchent presque pas sur les pieds. Le premier, place de la République, débutera dans l’après-midi et propose Georgio, Jeanne Added, Josef Salvat, Marina Kaye, Zara Larsson, ALB, Tha Trickaz, Kwabs, Skip the Use… Le second, place Denfert-Rochereau, entrera dans la soirée avec Smokey Joe & The Kid, Bigflo et Oli, Isaac Delusion et Fuzeta.A partir de 14 h 30, place de la République ; à partir de 19 heures, place Denfert-Rochereau. Tahiti Boy, Koudlam et Husbands à l’église Saint-Eustache (Paris 1er)En marge de la Fête de la musique, le Festival 36h propose, comme son nom l’indique, trente-six heures de musique (presque) sans interruption, sous la voûte de l’église Saint-Eustache. Avec la bénédiction du curé de la paroisse, qui a lancé l’idée il y a dix ans, les festivités mêlent musiques sacrées et actuelles. Elles commenceront samedi 20 juin, à 17h, pour finir le lendemain, aux alentours de minuit, après une nuit quasi blanche. Au programme : la pop tonique de Tahiti Boy & the Palmtree Family, celle, tout aussi vitaminée, de Husbands et Kid Francescoli, ou encore un duo entre le musicien électro Koudlam et le chanteur de Poni Hoax Arnaud Roulin. Le tout entrecoupé de messes, comme il se doit.A partir de 17 heures (samedi 20 juin). Adresses, horaires, programmes complets sur la page dédiée du site Internet du ministère de la culture et de la communication.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Renaud Machart Le comédien britannique Patrick Macnee, qui vient de mourir à l’âge de 93 ans à Rancho Mirage (Californie), aux Etas-Unis, où il résidait, restera comme l’image parfaite du gentleman British : le melon posé selon le bon angle sur le crâne, la cravate au nœud parfait, le costume de coupe impeccable des meilleurs faiseurs de Savile Row. Et un parapluie à la main.C’est ainsi qu’à l’écran Macnee se présentait dans la série télévisée « The Avengers » (« Chapeau melon et bottes de cuir » en v. f.), qui fit sa gloire mondiale et, grâce aux multiples rediffusions de ses épisodes, fait toujours de lui l’un des visages familiers des téléspectateurs. Tel James Bond (dont il est la version collet monté), John Steed tombait les filles, mais avec une ironique distance, une sorte de noble dédain qui rendait son charme un rien banal d’autant plus irrésistible.Il était d’ailleurs fidèlement entouré d’une partenaire aussi sexy que bagarreuse, à qui il laissait le plus souvent l’initiative de répondre la première aux hostilités dans les multiples combats qui les opposaient aux méchants dont le chemin croisait celui de leurs aventures. John Steed n’était pas armé : trop vulgaire (il consentira à une canne-épée mais préférait le combat à mains nues). Macnee dira d’ailleurs à propos de son personnage fétiche, un soir, sur le plateau du talk-show de Conan O’Brien, aux Etats-Unis : « Ne porter comme arme qu’un parapluie exige un cerveau supérieur. » Une certaine excentricitéAlourdi par quelques kilos et soutenu par une canne dans ses dernières apparitions publiques, Patrick Macnee semblait pourtant toujours ressembler, par son flegme excentrique et son insolence un peu leste, à John Steed. Evoquant les tenues de cuir de Cathy Gale, la première de ses partenaires dans « Chapeau melon et bottes de cuir », il disait : « Ce qu’il y a de bien avec les tenues de cuir, c’est que cela colle au corps comme une seconde peau. Cela va très bien aux femmes et cela évite de devoir les déshabiller. » Conan O’Brien lui rétorque : « Je vois que vous et moi partageons la même déviance… » Macnee : « Il est toujours bon de partager une déviance solitaire avec quelqu’un. »Patrick Macnee devait ses excellentes manières à sa naissance, à Londres, le 6 février 1922, dans une famille aristocratique anglaise mais dominée par une certaine excentricité. Le jeune homme fait des études dans l’établissement huppé d’Eton College où, selon les lignes biographiques publiées sur son propre site Internet, www.patrickmacnee.com, il se distingue comme « le plus grand dévoreur de livres et pornographe du campus ». Ce qui conduit à son renvoi. Après ses premières expériences théâtrales à Eton, Macnee poursuit son apprentissage à la Webber Douglas Academy of Dramatic Art et, en 1941, débute en incarnant un petit rôle dans une adaptation théâtrale des Quatre filles du docteur March, de Louisa May Alcott.D’intrépides et séduisantes partenairesSa jeune carrière est interrompue par la guerre, pendant laquelle il sert dans la marine britannique. Il la reprend en se produisant sur les planches en Angleterre, au Canada et aux Etats-unis. Macnee joue beaucoup au théâtre, tourne quelques films pour Hollywood, participe à de nombreuses dramatiques télévisuelles, dont la fameuse émission « Alfred Hitchcock Presents ». Mais ce n’est qu’en 1960 que la série « Chapeau melon et bottes de cuir » le rend célèbre (à partir de la deuxième saison, où John Steed devient le personnage principal), et ce au cours de quelque 150 épisodes qui l’associent à diverses intrépides et séduisantes partenaires (Cathy Gale, Emma Peel et Tara King).En 1976, la série, interrompue en 1969 en raison de problèmes de financement, reprend sous le titre « The New Avengers ». Cette fois, John Steed est flanqué de Purdey, incarnée par Joanna Lumley, qui fera un comeback étonnant dans le rôle de foldingue au gosier pentu d’« Absolutely Fabulous », 1992-2003). Steed reste Steed, mais la bizarrerie lunaire de la série originale manque un peu à cette suite.Patrick Macnee continuera jusqu’en 2001 sa carrière au petit écran. Il aurait sûrement adoré ce petit éloge funèbre publié par Gilles Jacob sur son compte Twitter : « Patrick Macnee est mort. Il avait le chapeau mais pas le melon. La star des   « Avengers »  ne proposera plus la botte à Diana Rigg, alias Emma Peel. »Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 11h06 • Mis à jour le26.06.2015 à 18h19 | Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Nice veut décrocher pour sa Promenade des Anglais le label « Patrimoine de l’humanité », décerné par l’Unesco aux sites d’une valeur universelle. Et elle s’en donne les moyens. Durant tout l’été, quatorze expositions soutiennent la candidature municipale. La Promenade, épousant sur six kilomètres la baie à partir de laquelle la cité a grandi, y est mise en scène avec les figures phares qui ont fait son succès. Trois musées exposent, chacun, cette « baie des Anges » vue par Chagall, Dufy, ou Matisse, lequel avoue : « Ce qui m’a fixé, ce sont les grands reflets colorés de janvier, la luminosité du jour. » Si « l’invention » de Nice, station balnéaire, capitale d’hiver, revient aux Anglais qui, les premiers, vers 1750, se sont entichés de la fameuse baie, c’est le dynamisme artistique de la ville et son goût du spectacle qui fidélisent les adeptes des villégiatures d’hiver, puis séduisent et retiennent, dans les années 1920, les premiers inconditionnels du soleil d’été.En 1763, les Lettres de Nice du médecin écossais Tobias Smollet, dont l’écho est considérable auprès de l’aristocratie britannique, sonnent le coup d’envoi de la fortune de Nice. Un siècle plus tard, l’Europe suit ; la Russie en tête, après la venue, en 1857, de l’impératrice Alexandra Feodorova.Grand manitou de l’opération, le commissaire général Jean-Jacques Aillagon est à son affaire. L’ancien ministre de la culture a conçu le « poisson-pilote » de l’événement, l’exposition « Promenade(s) des Anglais », au Musée Masséna, qui conte par le menu toute l’histoire. A la veille de l’inauguration, l’œil au moindre détail, l’ancien ministre de la culture avoue que cette aventure le ramène à son « premier métier, l’histoire et la géographie ».Un relevé panoramique« C’est la première fois qu’on fait un bilan complet patrimonial, architectural de la Promenade des Anglais, un état des lieux et sa transformation dans le temps », précise Jean-Jacques Aillagon. Sept cents documents – plans urbains, aquarelles, gravures, peintures, lettres, photos, cartes postales, romans, guides… – animent le parcours muséographique, enrichi par les témoignages des écrivains, musiciens, cinéastes, politiques, artistes… qui ont construit la notoriété de la cité des Anges.Un relevé panoramique, qui court le long des murs du Musée Masséna, sert de fil conducteur aux photos, écrits, peintures, gravures, films… qui accompagnent le récit. Les travellings et plans fixes des frères Lumière montrant la sortie en barques de silhouettes chapeautées sont un grand moment. Comme les photos de Charles Nègre, tirages argentiques sur papier albuminé qui font le point des constructions : l’Hôtel des Anglais, livré en 1862, compte Louis II de Bavière parmi ses premiers clients. En 1883, le casino de la Jetée-Promenade, réplique très kitsch d’une mosquée, part une première fois en fumée.En 1887, Nietzsche est à Nice. La même année, la police prévient, par une affiche, qu’il est « interdit aux baigneurs de s’avancer sur la plage en état de nudité ». En 1899, comme en témoigne la photo de Jean Gilletta, la reine Victoria assiste en calèche à une revue sur la promenade. Les années filent dans le succès. Le modeste « Camin dei Angles », agrandi une première fois en 1844, est devenu la spacieuse Promenade des Anglais à partir de laquelle la ville nouvelle s’épanouit. Le « New Borough » de Nice se réinvente à chaque époque sans faire table rase du passé. La cohabitation des folies néoclassiques et Art déco témoigne.La fête bat son pleinSur les pas de lady Penelope Rivers, marraine de la communauté anglaise – dont la villa date de 1787 –, les lords investissent les vergers prolongeant la baie pour bâtir à leur tour de somptueux hôtels particuliers au milieu des orangers. En 1902, 180 hôtels et 28 palaces sont ouverts. Les plus luxueux, comme le Negresco, occupent le devant de la scène face au rivage. La façade du Palais de la Méditerranée, pur Art déco, où descend Matisse avant de s’installer place Charles-Félix, sera sauvée de justesse, en 1989, par Jack Lang, alors ministre de la culture, qui l’a fait classer.Durant les années 1920-1930, la fête bat son plein. Dans une venelle du vieux Nice, au palais Lascaris – charmant hôtel particulier à l’italienne, où sont exposés de très rares instruments de musique –, sont reconstitués les décors des Fêtes d’art, soirées mondaines costumées, imaginées par Gisèle et Paul Tissier à l’Hôtel Ruhl.C’est au photographe britannique Martin Parr qu’il revient de livrer sa vision acérée de la fortune contemporaine de Nice, qui compte 75 % d’étrangers parmi ses visiteurs, les Anglais toujours en tête. Du 8 au 12 juillet, le fin limier des portraits de société installera son studio éphémère au Théâtre de la photographie et de l’image. La saga de la cité balnéaire inventée par ses touristes sera écrite. Et la première étape de la course au label onusien, lancée au moment où la ville de Cannes elle-même a porté sa candidature pour la Croisette et ses îles de Lérins.« Nice 2015, Promenades(s) des Anglais », 14 expositions, jusqu’au 4 octobre. 10 € ou 20 € pour 7 jours avec accès à tous les musées. nice.fr/culture.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 06h38 • Mis à jour le26.06.2015 à 15h24 | Sylvain Siclier Quelle qu’en soit la qualité artistique, toute alliance des musiques dites populaires à une initiative à but humanitaire ou caritatif se doit d’obéir à un principe constant : à grande cause nécessitant grand retentissement, grande affiche. Yael Naïm, Izia, The Dø, IAM, Zebda, Asaf Avidan, Die Antwoord, Moriarty… Voici quelques-unes des vedettes qui participeront du vendredi 26 au dimanche 28 juin à l’Hippodrome de Longchamp à Solidays, important festival et l’un des événements les plus connus de l’association Solidarité sida, fondée en 1992 par Luc Barruet et Eric Elzière pour sensibiliser le public au sida et récolter des fonds pour la lutte contre la maladie. Sur place, entre deux concerts, des dizaines de stands d’associations sont visités par les festivaliers. Le sentiment que le prix du billet d’entrée servira à quelque chose domine.Le 1er août 1971, le guitariste et chanteur George Harrison avait été à l’origine de ce qui est généralement considéré comme la première manifestation pop-rock humanitaire. Régulièrement, plus tard, il rappellera que c’est bien parce qu’auprès de lui et Ravi Shankar se trouvaient ses amis Eric Clapton, Bob Dylan ou Ringo Starr lors des deux concerts au Madison Square Garden que l’impact sur la campagne de dons et le relais par la presse qui suivirent avaient été notables. Mêmes effets avec USA For Africa (la chanson We Are The World) et le défilé de stars lors des concerts Live Aid en 1985 pour collecter des fonds pour lutter contre la famine en Afrique, et en particulier en Ethiopie. Un message simple : donner de l’argent pour venir en aide. Et un résultat chiffrable, plus de 10 millions de dollars quatre mois après la mise en vente du disque de USA For Africa et près de 50 millions de livres sterling de dons à l’issue des concerts de Live Aid.Les limites des concerts gratuitsEn revanche, en juillet 2005, les concerts gratuits du Live 8, avec des dizaines de vedettes (Elton John, Madonna, le produit d’appel Pink Floyd reformé pour cinq chansons, Sting, Placebo, Stevie Wonder, Björk…) ont montré certaines limites. Si leur but était louable –exiger des dirigeants des pays les plus riches de la planète (le G8) qu’ils effacent la dette publique des pays les plus pauvres –, ils auront laissé une impression de flou, faute pour le public de mettre du concret sur sa participation. Tout comme lors du premier Live Earth, en 2007, initiative de l’ancien vice-président (1993-2001) américain Al Gore, sur le même modèle des concerts simultanés dans plusieurs pays, pour sensibiliser la population sur le réchauffement climatique.Dernier en date des rendez-vous citoyens, un Live Earth 2015. Annoncé en janvier pour le mois de juin, avec pour directeur musical le chanteur Pharrell Williams, (auteur du tube Happy) mais pas d’autres noms de vedettes de la musique, il a été repoussé depuis, selon un communiqué en mai, à une date « indéfinie à l’automne à la Tour Eiffel ». Et, pour l’heure, toujours le seul Pharrell Williams. Avec un objectif, faire pression auprès des participants à la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 30 novembre au 11 décembre à Paris, pour qu’ils parviennent à un accord ambitieux. D’ici là, les dons à Solidarité sida sont quand même plus efficaces.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 02h18 • Mis à jour le26.06.2015 à 09h12 Le Blue Note, l’un des clubs de jazz les plus célèbres au monde, a annoncé jeudi 25 juin qu’il allait s’installer en Chine, où il compte sur l’appétence des consommateurs aisés pour les concerts.Le club américain ouvrira une salle à Pékin en mars 2016, dans un bâtiment qui a abrité la première ambassade américaine en 1903, près de la place Tiananmen. Au cours des trois années suivantes, des établissements devraient également ouvrir à Shanghaï et dans l’autre république de Chine – Taïwan – à Taipei. Une implantation est par ailleurs prévue l’an prochain sur la plage Waikiki à Honolulu, dans l’Etat américain d’Hawaï, particulièrement apprécié par les touristes asiatiques.Déjà présent au Japon« Est-ce que je pense qu’il y a une forte demande pour le jazz en ce moment en Chine ? Non, pas nécessairement. Mais je pense que nous pouvons participer au développement de la musique et du marché », a déclaré Steven Bensusan, président du groupe Blue Note Entertainment, qui n’écarte pas une exportation vers la Corée du Sud ensuite.Le groupe avait déjà posé un pied en Asie en ouvrant un club à Tokyo en 1988, puis à Nagoya un peu plus tard. Le Japon disposait déjà d’une scène destinée au jazz avant que le Blue Note n’arrive, et les touristes japonais constituent une part significative du public du club historique à New York.Le jazz a été présent dans des clubs en Chine dans les années 1920 et 1930, où le trompettiste légendaire Buck Clayton a lancé sa carrière avant de revenir aux Etats-Unis. Le premier club Blue Note en Europe a ouvert à Milan en 2003. Paris et Londres sont désormais envisagés. Alexis Delcambre L’Etat va mettre la main à la poche pour aider Radio France à sortir de l’ornière. Selon nos informations, l’entreprise publique va recevoir 80 millions d’euros de financement exceptionnel, afin de faire face aux besoins de trésorerie engendrés par l’interminable chantier de réhabilitation de la Maison de la radio.Lire aussi :L’interminable chantier de la Maison de la radioCette somme, dont le montant a été annoncé, mardi 23 juin, en conseil d’administration, sera versée sous deux formes différentes. Cinquante-cinq millions d’euros seront apportés aux fonds propres de l’entreprise sous forme d’une dotation en capital, sous l’égide de l’Agence des participations de l’Etat (APE). Répartis sur trois exercices budgétaires (de 2016 à 2018), 25 autres millions d’euros seront issus de la contribution à l’audiovisuel public (la « redevance »), au titre de l’investissement.Un geste de l’Etat était attendu et avait été promis par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, lors de la longue grève qui a paralysé Radio France, en avril. « J’ai proposé une intervention au capital de l’entreprise, pour l’accompagner dans cette période difficile », avait-elle déclaré dans un entretien au Monde. Son montant et ses modalités restaient à définir, dans un contexte où chaque euro d’argent public compte et où il est par ailleurs demandé à l’entreprise de se réformer.Lire aussi :Fleur Pellerin : « Il faut renouer les fils du dialogue » à Radio FranceUn chantier à plus de 100 millions d’eurosAu ministère, on explique que les formes d’intervention retenues – une dotation en capital et un budget d’investissement – permettent de bien distinguer cet apport exceptionnel de ce qui relève du fonctionnement courant de l’entreprise. Cet apport ne sera par ailleurs pas le seul : Radio France a soumis une demande de prêt à trois banques et recherche 90 millions d’euros pour subvenir à ses besoins de trésorerie. Mais pour obtenir l’accord des banques, elle doit d’abord finaliser son contrat d’objectif et de moyens (COM), dont la conclusion n’est pas attendue avant septembre.L’apport de l’Etat, ainsi que cet emprunt, sont censés permettre à l’entreprise de répondre aux besoins de financement supplémentaires liés au chantier, évalués à ce stade entre 100 et 110 millions d’euros. Mais cette estimation laisse un angle mort : le sort d’une partie des studios, dits « studios moyens ». Des études doivent être menées pour déterminer comment mener leur réhabilitation.L’aide apportée par l’Etat lève une partie des incertitudes financières pesant sur Radio France. Mais elle ne résout pas la « question stratégique » qui doit être au cœur du COM, pointe-t-on au ministère. Ni la question des 44 millions d’euros d’économies, dont 24 sur la masse salariale, que l’entreprise doit dégager dans le cadre du COM.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.06.2015 à 06h51 • Mis à jour le25.06.2015 à 11h40 | Philippe Dagen Mona Hatoum se méfie des simplifications et des discours tout prêts. Elle s’en méfie d’autant plus qu’elle en a souvent subi la brutalité. Parce qu’elle est née à Beyrouth, en 1952, de parents d’origine palestinienne, l’artiste britannique a trop souvent vu ses travaux – en fait une partie de son œuvre, toujours la même – interprétés immédiatement d’après sa naissance. Non qu’elle nie que son œuvre soit souvent politique. Mais elle est loin de l’être systématiquement et, quand elle l’est, ce n’est pas seulement et exclusivement à la situation au Proche-Orient qu’elle fait référence. Elle prévient d’entrée : « Chacun est libre de comprendre ce que je fais en fonction de ce qu’il est, du lieu où il se trouve. Je peux raconter la genèse de mes œuvres, mais pas plus. Je ne veux pas assigner à chacune un sens et un seul. » L’enfermer dans un ton unique, qui serait celui du tragique de l’exil et des guerres, ce serait même manquer ce qui rend son œuvre remarquable : la tension qu’elle crée entre des polarités opposées, le banal et l’onirique, l’inquiétude et la légèreté, la gravité et le jeu.Ainsi s’explique-t-elle parmi les œuvres qu’elle a disposées pour la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou. Sur un écran passe la vidéo de l’une de ses premières performances, qui est aussi l’une des plus souvent montrées, Roadworks (1985). On l’y voit, vêtue de noir, dans un marché et sur des trottoirs de Brixton, quartier de Londres où avaient eu lieu les années précédentes des émeutes raciales, entre population noire et police blanche. Elle est pieds... 24.06.2015 à 18h09 • Mis à jour le25.06.2015 à 12h50 | Emmanuelle Jardonnet Mercredi 24 juin dans la soirée, Sotheby’s mettait en vente à Londres une première œuvre issue de la « collection » Gurlitt, du nom de Cornelius Gurlitt, l’octogénaire allemand qui avait caché jusqu’en 2012 plus de 1 600 œuvres amassées par son père sous le IIIe Reich.Ce tableau, Deux cavaliers à la plage, peint en 1901 par l’Allemand Max Liebermann, qui était inclus dans une vente d’une cinquantaine d’œuvres impressionnistes et d’art moderne, a été adjugé 1,865 million de livres (2,61 millions d’euros), soit bien au-delà de l’estimation faite par la maison d’enchères, qui avançait une fourchette de 350 000 à 550 000 livres (entre 493 000 et 775 000 euros).La « collection » Gurlitt, des centaines d’œuvres saisies par les nazisLe tableau est l’une des quelque 1 406 œuvres d’art (peintures, dessins et gravures) découvertes à Munich dans l’appartement de Cornelius Gurlitt en 2012 à l’occasion d’une simple enquête pour fraude fiscale. Parmi celles-ci, des Picasso, Matisse, Renoir, Delacroix, Chagall, Otto Dix, Chagall, Klee, Kokoschka, Beckmann, Canaletto, Courbet, Pissarro ou Toulouse-Lautrec.Une nouvelle perquisition dans une maison lui appartenant à Salzbourg (Autriche) avait conduit à la découverte de 238 œuvres supplémentaires, dont 39 toiles. Parmi les signataires, là encore, Renoir, Picasso ou Chagall.Cornelius Gurlitt tenait ce trésor de son père, le marchand d’art Hildebrand Gurlitt (1895-1956), qui fut l’un des galeristes chargés par Goebbels de vendre les œuvres d’art dit « dégénéré » saisies par les nazis dans les collections des musées allemands et dans les collections privées de familles juives.Un accord sur 590 œuvresEn avril 2014, Cornelius Gurlitt avait accepté de coopérer avec les autorités allemandes pour déterminer si une partie des tableaux qu’il possédait provenait de vols et de pillages commis par les nazis, afin que ces œuvres soient rendues aux ayants droit des propriétaires spoliés.L’accord, qui ne concernait que les pièces saisies en Allemagne, pas celles retrouvées en Autriche, portait sur quelque 590 œuvres, pour lesquelles les descendants des anciens propriétaires spoliés avaient un an pour se faire connaître et valoir leurs droits. La Femme assise de Matisse avait ainsi été restituée en mai 2014 aux héritiers du collectionneur d’art juif français Paul Rosenberg.Cornelius Gurlitt est mort en mai à l’âge de 81 ans, désignant pour le reste des œuvres le Musée des beaux-arts de Berne, en Suisse, comme son légataire universel.La trajectoire de « Deux cavaliers à la plage »On sait que ce tableau de Max Liebermann fut cédé en 1942 par les autorités nazies à Hildebrand Gurlitt. En mars, il avait fait l’objet d’une querelle juridique, lorsqu’un des héritiers légitimes, l’Américain David Toren, âgé de 90 ans aujourd’hui, avait porté plainte à Washington contre l’Allemagne et la Bavière pour demander la restitution immédiate du tableau ayant appartenu à son grand-oncle, David Friedmann, jusqu’à ce que ce dernier doive renoncer à ses biens en faveur des nazis.David Toren avait 13 ans en 1938 lorsqu’il a vu le tableau pour la dernière fois, dans la maison de Breslau de son riche grand-oncle, avant que ses parents ne le mettent dans un train pour la Suède. Alors que presque toute sa famille a été exterminée par les nazis, David Toren avait émigré en 1956 aux Etats-Unis.L’homme, désormais aveugle, a pu récupérer le tableau, recouvert de poussière, au mois de mai. Le mettre en vente a été, selon lui, une « décision douloureuse », mais « inévitable », pour qu’il soit « partagé » entre tous les héritiers.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie Jégo (Istanbul, correspondante) Il fut le premier photographe à se rendre sur les lieux de l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986. L’Ukrainien Igor Kostin est mort le 9 juin 2015 dans un accident de voiture à Kiev, à l’âge de 78 ans. L'annonce a été faite par son épouse, Alla, le 24 juin.A l’occasion de sa mort, nous republions ici le portrait paru en 2006 dans « Le Monde ». De son séjour à Tchernobyl, Igor Kostin a gardé des problèmes de santé, de fréquents accès de déprime et « un goût de plomb entre les dents » dont il ne parvient pas à se débarrasser. Premier photographe à se rendre sur les lieux de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire, le 26 avril 1986, il a ensuite passé deux mois aux côtés des « liquidateurs », ces hommes envoyés de toute l'URSS pour nettoyer le périmètre irradié. Des années après, le reporter, dont les clichés ont été publiés dans le monde entier, ne s'est jamais remis de ce qu'il a vu. Sa colère est intacte. Tout y passe : le cynisme des autorités, leur indifférence, l'amnésie de l'opinion.Le 26 avril 1986 à l'aube, Igor est réveillé par le téléphone. Un ami lui propose de l'emmener en hélicoptère à la centrale nucléaire de Tchernobyl où, selon la rumeur, un incendie s'est déclaré. Sur place, rien ne laisse supposer la gravité de l'accident. Collé au hublot, Igor, alors photographe pour l'agence Novosti, traque l'image.La photo, c'est sa passion, une toquade venue sur le tard, une sorte de deuxième vie pour ce gamin né en Moldavie avant la seconde guerre mondiale et qui connut la faim sous l'occupation. Sa survie, il la doit au fait d'avoir mâché le cuir des bottes allemandes, enduit de graisse de poisson. Sa mère en faisait de la soupe, un brouet « abominable ». « Nous serions morts sans cela », dit-il. Après la guerre, il n'a pour horizon que le foot, la rapine et les bagarres de rue. Mais, bientôt, à force de volonté, il se hisse au rang de « constructeur en chef ». Son salaire est garanti, ses vacances le sont aussi, mais il s'ennuie. Il va tout lâcher pour une idée fixe : devenir photographe.Lueur rougeâtre Le voilà, donc, dans cet hélicoptère qui survole la centrale, et la photo qu'il doit faire s'impose. Le toit du réacteur n° 4 - une dalle de béton armé de 3 000 tonnes - « a été retourné comme une crêpe ». Au fond du trou béant, brille une lueur rougeâtre : le coeur du réacteur en fusion. En bon professionnel soucieux d'« éviter les reflets », Igor ouvre le hublot et prend des photos. « Une bouffée d'air chaud remplit la cabine de l'hélicoptère. Aussitôt, j'ai envie de racler le fond de ma gorge. » Très vite, son appareil s'enraye. Au développement, un seul cliché sera utilisable. Les autres, attaqués par la radioactivité, seront noirs, comme si la pellicule avait été exposée en pleine lumière.Transmise à l'agence Novosti, l'unique photo de la centrale dévastée ne sera pas publiée. On est en URSS et, officiellement, il ne s'est rien passé à Tchernobyl. Les autorités vont mettre trois jours à reconnaître « un accident », dix jours à donner l'ordre d'évacuation des civils. C'est par La Voix de l'Amérique, radio honnie du pouvoir soviétique, qu'Igor apprend qu'« une catastrophe nucléaire majeure » vient de se produire.Aux premières heures du drame, 800 000 « liquidateurs » - ouvriers, paysans, soldats, pompiers - sont réquisitionnés à travers toute l'URSS pour décontaminer. Savent-ils ce qui les attend ? Munis de protections dérisoires, ils se mettent à l'ouvrage, enhardis par les promesses de primes, d'appartements ou de démobilisation anticipée. Mineurs chargés de creuser un tunnel sous le réacteur, soldats qui déblaient les poussières radioactives, ouvriers invités à plonger dans la réserve d'eau lourde de la centrale pour tenter de la vidanger : Igor les a, pour la plupart, côtoyés. « Grâce à eux, le pire a été évité, ils se sont sacrifiés », dit-il, la voix brouillée. Il raconte comment, occupés à ramasser le graphite sur le toit du réacteur n° 3, au plus près du feu nucléaire, ils trichaient régulièrement sur les doses absorbées par leurs organismes.Il se remémore leurs conversations d'alors, « pleines des voitures et des maisons » qu'ils pensaient pouvoir acheter. Neuf mois plus tard, le photographe et les liquidateurs irradiés se retrouvent côte à côte à l'hôpital n° 6 de Moscou, un établissement militaire « fermé ». « La radioactivité les rongeait de l'intérieur. Ils souffraient tant qu'ils se cramponnaient aux barreaux métalliques. La chair de leurs mains y restait collée. Parler de tout cela me rend malade », raconte Igor. Longtemps après, une chose est sûre : l'indifférence envers ces « robots biologiques », comme Igor les appelle, est totale. « Qui a jamais téléphoné à Vania, Piétia ou Volodia pour leur demander comment ils allaient ? Au contraire, on les a laissés tomber. Leurs pensions ont été réduites et le peu qu'ils perçoivent suffit à peine à couvrir leurs besoins en médicaments », déplore Igor. Combien sont morts ? Combien sont malades ? Nul ne le sait précisément, aucune étude épidémiologique sérieuse n'a été menée. Après l'explosion de Tchernobyl, celle de l'URSS, survenue cinq ans plus tard, les a éparpillés de l'Ukraine au Kazakhstan en passant par la Russie. Le contact a été rompu.A Kiev, où vit Igor, Tchernobyl est rarement évoqué. « Aucun journaliste ukrainien n'a cherché à me rencontrer », constate le photographe, sanglé dans un costume impeccable. Il avait tenté de publier un livre de ses photos, mais la censure s'en était mêlée. La récente publication de son ouvrage en Europe lui met du baume au coeur. Des entretiens sur le sujet, ce géant de 1,98 mètre ressort épuisé.Bien que malade de Tchernobyl, il ne perd pas une occasion d'y retourner. Située à une centaine de kilomètres de son domicile de Kiev, la « zone », comme on dit ici, l'attire. Depuis l'évacuation de ses habitants (environ 120 000 personnes), le périmètre interdit a été envahi par les herbes folles et les animaux sauvages. Ces dernières années, des centaines de « samosiolki » (littéralement « ceux qui se sont installés ») sont revenus y habiter, coupés de tout, subsistant des produits de la chasse et de leurs potagers. Igor aime leur rendre visite. Il ne manque pas une occasion de saluer son copain Serioja, un ancien liquidateur devenu responsable du périmètre irradié. Dans la « zone », Igor se sent chez lui : « Là-bas, tout le monde me connaît, même les chiens. »Marie Jégo (Istanbul, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Laure Belot //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/360741', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Antoine Gallimard, seul maître à bord du troisième groupe d’édition français La France, l’autre pays du mangaSortie de « kalash »sur le Vieux-Porttous les articles de la thématique Votre roman d’anticipation « Silo », auto publié en ligne en 2011, a connu un succès mondial. Vous percevez-vous comme un pionnier ?Je me considère plutôt comme quelqu’un de chanceux d’écrire à l’époque actuelle. Je fais partie de cette douzaine d’initiative d’auto-édition en ligne qui sont devenues des « succès ». C’est une sacrée chance. Ces changements étaient annoncés et auraient eu lieu, quels que soient les acteurs y participant. Cinq ans auparavant, j’aurais vendu mes droits à un éditeur pour des broutilles et n’aurai pas eu le même succès. Puis cinq années plus tard, j’aurai regardé quelqu’un d’autre être un « pionnier ». La vérité est que nous étions tout simplement en train de marcher lorsque cette voie s’est ouverte. Personne n’a eu à se frayer de passage avec une machette.Comment percevez-vous l’évolution de la lecture ?Mon premier roman est sorti en 2009, à la fois sur papier et en ligne. Je me suis toujours occupé moi-même des versions imprimées. Au fil du temps, de plus en plus de mes lecteurs ont lu en ligne, une tendance qui s’accroît encore actuellement. Cela est directement lié à la façon dont nous consommons l’information, sur plus de sites et moins de magazines, à la façon dont nous écrivons des mails plutôt que des lettres. A la façon dont nous écoutons de la musique par des canaux numériques, sans acheter d’album ou de CD.La lecture se déplace en ligne. Certaines personnes ne sont pas satisfaites de cette évolution, mais il me semble stupide de s’en irriter. Nous devons juste espérer que les personnes continuent à lire, quel que soit le support utilisé pour le faire. Pour des lecteurs qui habitent dans des zones rurales, sans librairie près de chez eux, les livres numériques sont une bénédiction. Je trouve fascinant que certaines personnes restent accrochées sur la forme sous laquelle une histoire est livrée plutôt que sur la beauté des mots eux-mêmes.Vous interagissez beaucoup avec vos lecteurs, par votre site et sur les réseaux sociaux. Que vous apporte cette activité ?Un bonheur personnel. Je suis très proche de mes lecteurs. J’ai récemment nettoyé une unité de stockage (informatique) pleine de livres et des souvenirs, certains étaient vraiment de valeur. J’ai expédié tout cela en ligne à des lecteurs qui l’ont eux-mêmes partagé avec ce qu’ils avaient sur leur propre page Facebook. Nous nous sommes tous bien amusés. Certains courriers électroniques de remerciement m’ont ému aux larmes. Cela me motive pour écrire plus, et mieux.Cela vous inspire-t-il dans votre travail ?Absolument. La « muse » de l’écriture n’est pas, selon moi, quelqu’un qui inspire une œuvre avant qu’elle ne soit écrite. la muse est quelqu’un qui apprécie l’art après sa création. J’ai écrit mon premier roman pour mon dernier ami, qui a lu chaque chapitre à sa sortie de l’imprimante et cela a alimenté ma passion pour ce métier. Entendre le retour d’un auditoire me donne envie de me replonger dans une histoire.Pendant des dizaines de milliers d’années, la tradition du conte a été orale et non écrite. Les conteurs, tels des bardes, racontaient des histoires face à un public. Cette interaction était clé. Pour de nombreux romanciers, elle a disparu, et je vois cela comme une immense perte. Nous avons bien sûr besoin de nous retirer et d’être seul pour penser et améliorer nos œuvres, mais nous devons également célébrer des aspects plus vivants, tels le partage de ces travaux, et l’écoute de ce qui vient en retour, comment ces travaux touchent les lecteurs.Breat Easton Ellis a suggéré à certains fans d’écrire la suite d’« American Psycho ». Vous avez également tenté une sorte de co-création avec votre communauté. Qu’en avez-vous tiré ?J’ai aimé ouvrir mon monde à mes fans pour qu’il puisse l’explorer. Ce n’est pas vraiment de la co-création dans le sens où nous ne travaillons pas sur la même partie, mais c’est de la co-création tout de même car il s’agit de peindre sur la même toile, avec de mêmes pinceaux. Les fans créent leur propre version de mon univers, faisant vivre de nouvelles aventures à mes personnages, et amenant l’histoire dans des directions liées à leur propre imagination. Cela a été une expérience très agréable d’observer tant d’enthousiasme et d’implication. Une fois qu’une œuvre est publiée, elle ne nous appartient plus vraiment.Lire aussi :Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainsVous avez testé la publication par épisodes. Est-ce devenue une nécessité pour une nouvelle génération de lecteurs ?Je le pense, en effet. Regardez comment les séries télé ont jailli et sont devenues des vecteurs bien supérieurs aux films pour raconter des histoires. Cette temporalité donne plus d’espace à l’histoire pour respirer : les lecteurs ont le temps de l’examiner avant que le prochain épisode ne soit publié. Une conversation peut grandir. Cela est une excellente façon d’écrire un récit, comme Charles Dickens nous l’a montré d’ailleurs.Vous avez conclu en 2012, un accord avec une maison d’édition. Est-il vrai que vous avez gardé vos droits d’auteur pour les versions numériques ?Oui. Mon contrat aux Etats-Unis avec Simon & Schuster ne concerne que les éditions dites cartonnées [« hardcover »] et brochées [« paperback »]. J’ai gardé les autres droits. Cela me donne un contrôle créatif et me permet également d’avoir des revenus bien plus importants.Pour vous adapter au téléchargement-piratage de fichiers, vous avez créé sur votre site un bouton explicite : « Vous avez téléchargé le livre et voulez payer, c’est ici ». Cela fonctionne-t-il ?Oui. Il n’y a pas un jour où quelqu’un ne me paye pas en ligne après-coup. Juste cette semaine, deux lecteurs m’ont très largement surpayé pour l’entière série « Silo ». Un autre s’est platement excusé en me disant m’avoir volé. Je lui ai dit qu’il n’en était rien. Je vois dans cette activité en ligne et ces partages quelque chose de similaire à l’emprunt à un ami, ou lorsque l’on récupère un livre d’occasion chez un bouquiniste. Tout cela nous revient d’une manière ou d’une autre. Nous devrions, me semble-t-il aborder la lecture, ces changements et ces nouvelles questions avec plus de confiance et moins de peur.Lire aussi :Roxane Gay : « Sur Internet, j’ai gagné une communauté »Lire aussi :Margaret Atwood : « Etre sur Twitter, c’est comme posséder sa petite station de radio »Silo est publié en France par Actes Sud (trois volumes parus). Un film tiré de ce roman, produit par Ridley Scott et Steve Zaillian, est en préparation.Laure Belot Laure Belot //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/360741', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Antoine Gallimard, seul maître à bord du troisième groupe d’édition français La France, l’autre pays du mangaSortie de « kalash »sur le Vieux-Porttous les articles de la thématique Vous êtes très active sur Twitter (@MargaretAtwood), où vous avez plus de 800 000 « followers ». Que vous apporte ce réseau ?C’est un peu comme posséder sa propre petite station de radio : je peux suggérer en ligne des lectures que j’ai aimées, des films ou encore des séries télévisées. Je peux échanger des informations, inviter des personnes et diffuser certaines actualités. J’y passe en général 10 à 15 minutes par jour.Comment décrire cette communauté avec laquelle vous communiquez en ligne ?Ce sont des personnes extrêmement diverses, en âge, genre et nationalité. On y trouve tout autant des lecteurs que des scientifiques ou des écologistes. Certains aussi sont intéressés par la politique. En revanche, je ne suis, pas sur Facebook, tout simplement car je ne sais pas comment m’en servir. Mon éditeur l’a configuré pour moi et il faudrait que j’apprenne, je suppose.Cela vous inspire-t-il dans votre travail ?J’y trouve en effet des réponses à des questions précises.Lire aussi :Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainsComment voyez-vous l’évolution des interactions entre auteurs et lecteurs ?Je suis écrivain depuis 1956: j’ai vu l’écriture et l’édition changer profondément au fil des années. Je suis inscrite sur Wattpad depuis trois ans, pour explorer la façon dont cette plate-forme relie les personnes à la lecture et à l’écriture. Et aussi donne confiance aux écrivains à travers les réactions des lecteurs.Que pensez-vous de la co-création numérique, notamment avec des lecteurs ?J’ai déjà eu une expérience de co-création sur Wattpad [en 2012 avec Naomi Alderman, la co-création des chapitres de The happy Zombie Sunrise Home] Et cette année, nous venons de lancer un concours sur Wattpad, en lien avec le projet Bibliothèque du futur (une initiative de l’artiste Katie Paterson pour la ville d’Oslo, en Norvège). Dans ce cadre, il s’agit pour des « wattpadders » d’écrire des histoires en incorporant le titre de mon livre, Cher 2114, qui ne sera pas lu avant 100 ans. Il y a déjà eu 6 millions de téléchargements du règlement de ce concours. Pour chaque participant, il y a plusieurs directions possible, par exemple, écrire une histoire sur le conseil à donner au monde en 2114. Ou encore, comment sera le monde quand la future bibliothèque s’ouvrira en 2114 ? Par l’intermédiaire de la plate-forme, des lecteurs de 32 pays sont déjà entrés dans la compétition.Vous considérez-vous comme une pionnière ?Non, je ne me considère pas comme une pionnière, à l’exception de mon invention, « The Longpen », qui permet de signer à distance un document (le signataire écrit sur une palette graphique, un mouvement reproduit par un bras articulé sur n’importe quel document papier, n’importe où sur la planète). Il est utilisé actuellement par le site Fanado.fr (qui met numériquement en lien artistes et fans), mais aussi par l’entreprise Syngrafii.com dans les affaires, pour le gouvernement, les banques… Nous avons d’ailleurs utilisé cette technique pour le lancement de la bibliothèque du futur en dédicaçant à distance une édition limitée de 50 couvertures numériques pour 50 personnes.Pourquoi participer à ce projet de bibliothèque du futur ?J’envoie, avec ce projet, un manuscrit dans le temps. Y aura-t-il des humains qui l’attendront ? Y aura-t-il toujours la Norvège ? des forêts ? des bibliothèques ? On peut l’espérer, malgré le changement climatique, l’augmentation du niveau des mers, les pandémies mondiales et toutes les autres menaces.Enfant, j’étais de ceux qui enterrait des trésors dans des bocaux, avec l’idée que quelqu’un, un jour, puisse les déterrer. C’est l’idée de cette bibliothèque du futur, qui contiendra des fragments de vies, vécues un jour, et qui sont maintenant du passé. Tout ce qui est écrit est une façon de préserver et de transmettre la voix humaine.La marque de l’écriture, faite par l’encre, l’encre de l’imprimante, la brosse, le stylet, le burin, va rester là, inerte, jusqu’à ce qu’un lecteur arrive et la ramène à la vie.Lire aussi :Roxane Gay : « Sur Internet, j’ai gagné une communauté »Lire aussi :Hugh Howey : « Interagir avec les lecteurs m’inspire »Laure Belot Laure Belot //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/360741', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Antoine Gallimard, seul maître à bord du troisième groupe d’édition français La France, l’autre pays du mangaSortie de « kalash »sur le Vieux-Porttous les articles de la thématique Un grand nombre d’auteurs de science-fiction, d’« heroic fantasy », de romans policiers sont très actifs en ligne. C’est un peu moins commun pour des auteurs d’essais. Vous considérez-vous comme une exception ?Non. La plupart des écrivains de fictions et d’essais que je connais sont assez actifs en ligne. Certaines personnes ne veulent pas l’être, ce qui est leur droit. Cela dépend vraiment de la personnalité et de l’intérêt de chacun. J’ai trouvé qu’Internet et Twitter, en particulier, sont très utiles pour ma carrière et m’apporte beaucoup de plaisir, tout simplement parce que je veux être là. Le réseautage social ne fonctionne que lorsque vous voulez le faire.Lire aussi :Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainsVous êtes justement sur Twitter depuis juin 2007 et interagissez quotidiennement. Comment décririez-vous votre présence ?Ma présence sur Internet est une version plus extravertie et confiante de moi-même. Hors connexion, je suis la même, en plus calme et plus timide.Que représente la communauté des lecteurs que vous avez découverte ?J’ai trouvé une communauté qui se soucie vraiment du féminisme, de la justice sociale, mais aussi de la culture pop et m’autorise à être humaine et imparfaite.J’ai appris à engager des discussions avec des personnes qui peuvent avoir des points de vue extrêmement différents mais un intérêt commun, celui d’avoir des discussions constructives.Utilisez-vous parfois ces échanges numériques comme des capteurs, source d’idées ou d’inspiration ?Je le fais parfois. Lors de certaines discussions en ligne, je me dis que cela peut être le point de départ de quelque chose. Je commence à y penser et me retrouve à écrire un essai en entier. J’adore quand cela arrive. La nuit, par exemple, où la sénatrice Wendy Davis fit son obstruction au sénat (une procédure qui a duré 11 heures, le 25 Juin 2013, pour bloquer un projet de loi très restrictif sur le recours à l'avortement au Texas). J'ai appris cette nouvelle sur Twitter et ai alors réalisé l'importance de ces conversations en ligne. Cela a débouché sur un essai sur la puissance de Twitter pour sensibiliser les consciences.Vous êtes vous fixé des limites dans votre implication en ligne ? Planifiez-vous des périodes d’écriture off-line ?Je ne suis pas devenue un toxicomane de la connexion. Je tente d’être engagée de la façon la plus ouverte et enthousiaste possible, tout en maintenant des limites nécessaires autour de ma vie privée. Je prends beaucoup de plaisir à être connectée mais je ne peux pas et ne veux pas mettre toute ma vie en ligne. Je dois garder certaines choses pour moi.J’aime aussi être déconnectée, dans le monde avec d’autres personnes, face à face, chair à chair. Je ne me fixe aucune règle. Quand je veux écrire, j’écris.Au fond, qu’avez-vous gagné avec cette activité en ligne ?J’ai gagné une communauté.Lire aussi :Margaret Atwood : « Etre sur Twitter, c’est comme posséder sa petite station de radio »Lire aussi :Hugh Howey : « Interagir avec les lecteurs m’inspire »Le prochain livre de Roxane Gay, Hunger, est annoncé chez Harper en 2016.Laure Belot Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie ». Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre François Hollande n’a pas encore paraphé le décret présidentiel, et il n’y a pas trace de communiqué de Fleur Pellerin. Mais c’est une affaire de quelques jours, indique-t-on dans l’entourage de la ministre de la culture et de la communication. Didier Fusillier, directeur de la Maison des arts de Créteil, n’a pas attendu pour annoncer, dès le lundi 1er juin, sa nomination à la présidence de l’Etablissement public du parc et de la Grande Halle de la Villette, dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. Il a été élu à ce poste, vendredi 29 mai, pour un premier mandat de cinq ans, lors du conseil d’administration de l’EPPGHV, après avoir été intégré au CA en tant que « personnalité qualifiée ». On ne connaît pas exactement la date de sa prise de fonction, mais celle-ci pourrait avoir lieu aux alentours du 10 juin.La Villette, c’est d’abord le plus grand parc urbain de la capitale, doté d’une surface de 55 hectares, avec des espaces de jeux, de sports, des jardins thématiques, à la lisière du nord-est parisien et des communes périphériques de Seine-Saint-Denis. C’est aussi l’écrin de lieux artistiques et culturels très divers et emblématiques : outre la Philharmonie, ouverte en janvier, la Cité de la musique, la Cité des sciences, le théâtre Paris-Villette, le Zénith, etc.Homme-orchestreVoilà un vaste territoire à administrer pour cet homme-orchestre, personnalité du monde de la culture depuis vingt-cinq ans. Didier Fusillier, 56 ans, succèdera à Jacques Martial, nommé en 2006 par Jacques Chirac, et dont le deuxième mandat s’achève aux alentours du 10 juin. Didier Fusillier dirige la Maison des arts de Créteil depuis 1993, l’année où fut créé, sur le site des anciens abattoirs, le parc de la Villette, conçu par l’architecte Bernard Tschumi avec ses promenades, ses trames, et ses « Folies », du nom des anciennes salles de bal.En 1990, Didier Fusillier a d’abord piloté le centre culturel transfrontalier « Le Manège », scène nationale à Maubeuge. En 1998, il fut le commissaire général du Printemps du Québec. Puis commença l’aventure lilloise, auprès de Martine Aubry, maire de Lille depuis 2001 : Didier Fusillier fut directeur général de Lille 2004, puis directeur artistique de Lille 3000. Parallèlement, il a organisé diverses grandes expositions (au Tripostal, à Lille, au Centre national des arts plastiques, etc.). Enfin, depuis 2013, il est le directeur artistique des Berges de Paris.« La décentralisation à l’envers »« La Villette, c’est la petite ville. Je ne suis pas là seulement pour programmer la Grande Halle et gérer le parc », précise d’emblée Didier Fusillier, joint mardi 2 juin par téléphone. Avant son rattachement à la ville de Paris, en 1859, la Villette se dénommait « Petite Ville Saint-Ladre » ou « Saint-Lazare ». Aujourd’hui, dans la perspective du « Grand Paris », Didier Fusillier ambitionne, dit-il, d’étendre le rayonnement de la Villette au-delà du périphérique : « J’aimerais prolonger les trames et les tracés imaginés par l’architecte Bernard Tschumi. Il y a une sensation de jungle, à la Villette, et il n’y a rien de plus beau que de se perdre dans les chemins que l’on connaît le plus », dit-il, en citant les Carnets du grand chemin, de Julien Gracq (Corti, 1992). Il ajoute : « On pourrait créer des micro-folies dans les communes environnantes, permettre à des artistes locaux de s’exprimer. Ce serait la décentralisation à l’envers : on créé à l’extérieur de Paris tout en étant relié au centre ».Il envisage, aussi, d’installer un lieu de production dans l’un des espaces de la Halle aux Cuirs – du nom de l’ancien lieu de stockage des peaux du temps des abattoirs. « J’ai un exemple en tête, la ville de Eindhoven, aux Pays-Bas, qui a beaucoup souffert du départ de l’entreprise Philips. Cette région vient de créer 47 000 emplois en investissant le secteur du design », explique-t-il. Une autre idée, cette fois-ci en vue du championnat d’Europe de football, en 2016 : Didier Fusillier est l’une des onze personnalités – désignées par le président de la République – qui seront les ambassadeurs de l’Euro 2016. Il imagine déjà tous les événements fédérateurs qu’il pourrait organiser à la Villette : « C’est le lieu idéal », dit-il, avant de conclure : « Je préfère voir grand au début, quitte à devoir réduire la voilure ensuite ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Ce Banksy-là, garé devant l’hôtel Drouot, à Paris (9e), était atypique en tous points : par son âge, sa taille, son style et son histoire. La maison Digard proposait aux enchères, lundi 1er juin, une fresque monumentale de près de 10 x 2,5 mètres, réalisée sur un semi-remorque par l’artiste phare de l’art urbain, en 1998. Une époque où l’on ne parlait pas encore de street art, et où le Britannique était un graffeur de Bristol connu des seuls initiés. Nulle trace ici de pochoir, hormis pour son logo de signature : Banksy, qui allait se convertir à cette technique dans la foulée, peignait alors encore à la bombe aérosol.« Mieux vaut ne pas trop compter sur le silence des majorités… Le silence est une chose fragile… Il suffit d’un son et c’est parti. » Cette inscription, en anglais et en capitales, encadre la fresque en haut et en bas. L’ensemble dépeint l’esprit des rave parties, ces fêtes sauvages qui étaient alors à leur apogée, comme une opération militaire. Les personnages, habillés en soldats, prennent d’assaut un site depuis la mer, de nuit, sur des canots gonflables remplis de sound systems. La moitié droite est occupée par le mot stealth (discrétion), graffé par Inkie, autre figure du graffiti à Bristol. La composition se termine par un personnage accroupi, tenant un mégaphone. Sans reconnaître le style graphique de Banksy, on retrouve ici son sens de l’humour, du détournement contestataire et de la mise en scène.Performance en public« Chaque année, nous réalisions des décors pour le festival de Glastonbury sous forme de performances », explique Inkie, venu à Paris pour revoir l’œuvre et assister à la vente. Cette année-là, Banksy avait recherché un camion pour support, lors de ce grand festival de musique et d’arts du spectacle. L’édition 1998 a pour têtes d’affiche Pulp et Blur et a aussi été particulièrement pluvieuse. C’est devant des festivaliers les pieds dans la boue que les deux amis ont œuvré. Le mystérieux Banksy, l’homme qui a réussi à garder son identité secrète au fil des années, s’était donc produit en public trois jours durant ? « Il préférait se cacher le visage pour travailler », nuance Nathan Welland, le propriétaire du camion, qui a lui aussi fait le déplacement à Paris.Ce grand gaillard blond est alors une connaissance de Banksy, et il a accepté que son camion serve de toile contre un dédommagement de l’équivalent de 300 euros. Le véhicule lui sert à l’époque autant de domicile que d’outil de travail : le circassien s’est reconverti en loueur de chapiteau, sillonnant le pays de fêtes en festivals.Mobile homeL’année suivante, Banksy réitère l’expérience sur l’autre face du camion à l’occasion d’un autre festival. La nouvelle fresque, Fungle Junk, a aujourd’hui disparu. Lorsque Nathan Welland a arrêté la vie itinérante, en 2004, sa remorque s’est muée en mobile home, posé dans la campagne du Norfolk. En 2008, la peinture s’abîme, or Banksy est devenu une star dont les œuvres s’arrachent. Décision est prise de découper les parois pour les vendre. Sans certificat d’authentification. Cet épisode, personne n’est très enclin à l’évoquer aujourd’hui. Visiblement en mauvais état de conservation, Fungle Junk a été scindé en plusieurs morceaux, dont deux ont alors été vendus par une galerie pour près de 140 000 euros. En parallèle, une vente aux enchères a été organisée pour la première fresque, présentée sous le nom de Fragile Silence. Mais sans certificat, la vente a tourné court.Sept années plus tard, et après une reprise du dialogue, Banksy a accepté de délivrer le précieux certificat Pest Control – son service d’authentification officiel. Et pour cette vente sous de meilleurs auspices, à Paris, l’œuvre a pris un nouveau nom : « Silent Majority ». « Il a choisi de nous le délivrer, car il aime cette pièce. Et il a considéré qu’il s’agissait d’une commande du festival », et non pas d’une œuvre réalisée pour la rue, confie Nathan Welland.Happy endAvant la vente, le doute s’insinue : cette œuvre est-elle réellement « vendable » ? Les grandes pièces ont en effet tendance à partir moins facilement que les petites ; or celle-ci est hors norme. Un galeriste présent à la vente est resté pour le moins dubitatif quant à l’intérêt et à la qualité de l’œuvre, se demandant qui pourrait être intéressé.La fresque est finalement adjugée à 500 000 euros, ce qui devrait permettre à Nathan Welland de réaliser son rêve : « Acheter une vraie maison. » A l’issue de la vente, le quarantenaire est attendu avec sa femme et leurs quatre enfants par les caméras de la télévision britannique pour commenter ce happy end.L’opération est également un succès pour la commissaire-priseuse, Marielle Digard : « 500 000 euros, c’est le prix intermédiaire entre l’estimation basse, 400 000, et la haute, 600 000. Deux collectionneurs représentés par téléphone se sont battus pour l’obtenir. » Banksy et Inkie doivent toucher environ 1 % de la vente au titre du droit de suite. L’acquéreur devra pour sa part débourser 625 400 euros au total, avec les frais.Lundi soir, après avoir stationné pendant trois jours devant Drouot, le semi-remorque a pris le chemin d’un entrepôt, en attendant de livrer son œuvre monumentale. Alors que certains se demandent si Banksy n’aurait pas lui-même orchestré cet achat, Marielle Digard a précisé que le camion prendrait la direction du « nord de l’Europe ». L’acquéreur est un collectionneur d’art contemporain et d’art urbain, qui destine son achat à un usage privé, assure la commissaire-priseuse.Quelques moments forts de la vente d’art urbainHormis Silent Majority, grande curiosité de la vente de la maison Digard, à Drouot, quelques œuvres sont sorties du lot, lundi 1er juin.Banksy encore : Une autre œuvre signée Banksy s’est particulièrement bien vendue. Flying Copper (flic volant), parti à 145 000 au marteau (185 020 € avec les frais), a en effet réalisé la deuxième meilleure vente de l’après-midi. Il s’agit d’une peinture double face sur carton représentant un policier en arme, ailé, et le visage remplacé par un smiley. L’œuvre certifiée, qui faisait partie d’une installation de l’artiste à Londres en 2003, était à l’origine suspendue. Elle aurait été acquise par un collectionneur américain. Quatre sérigraphies de l’artiste : Radar Rat, Stop and Search, Very Little Helps et Flag on Formica – Silver ont respectivement été adjugées à 37 000 (le double de l’estimation basse), 17 500, 14 000 et 13 500 euros.Un record pour un Futura 2000 : Us Map (1984), de l’Américain Futura 2000, figure historique du graffiti new-yorkais, a été adjugé à 42 000 euros (plus de 53 500 avec frais) : « C’est un record en France, et peut-être même à l’étranger », a confié Marielle Digard, la commissaire-priseuse, à l’issue de la vente, précisant qu’elle a été acquise par un collectionneur étranger.Un carnet de notes très convoité : Un insolite petit lot, « Book #1 », a créé la surprise. Présenté avec une estimation de 1 500-2 000 euros, ce carnet du graffeur new-yorkais REVZ remontant à 1993 et rassemblant notes, poèmes et croquis, est parti à 8 200 euros au marteau (plus de 10 400 euros au final, avec frais). « Cela montre que les collectionneurs s’intéressent de plus en plus à ce type de documents », analyse Marielle Digard.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.06.2015 à 05h48 • Mis à jour le02.06.2015 à 13h45 Une enquête préliminaire a été ouverte, mardi 20 mai, pour « détournement de fonds publics aggravé » concernant les frais de taxi de l’ex-directrice de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) Agnès Saal. Cette enquête fait suite à « une note du commissaire aux comptes de l’INA, dans le cadre de son obligation de révélation de faits délictueux », a expliqué le parquet de Créteil.L’ouverture de cette enquête survient après que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé, lundi 1er juin dans un entretien au Parisien, avoir transmis le dossier à la justice.« J’ai décidé de saisir la justice. J’ai en effet saisi ce matin [lundi matin] le procureur de la République de Créteil, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale, en vertu duquel tout agent public ayant eu connaissance d’un délit doit le signaler à la justice, précise la ministre. Notre lettre de transmission comporte des éléments sur les frais de déplacement. »Trois jours après AnticorCette décision ministérielle a été prise trois jours après l’annonce par l’association Anticor du dépôt de plaintes visant les dépenses de taxi de l’ex-présidente-directrice générale de l’INA Agnès Saal, et des contrats passés par Mathieu Gallet, actuel patron de Radio France, à l’époque où il présidait l’Institut.Lire :Deux ex-PDG de l’INA visés par une plainte d’AnticorRegrettant que la ministre de la culture n’ait pas saisi la justice, alors qu’Agnès Saal a été réintégrée au sein du ministère, Anticor a porté plainte contre X au parquet de Créteil pour « favoritisme » pour les faits concernant Mathieu Gallet et pour « détournement de fonds publics » relativement à Mme Saal.« On voit bien qu’il y a une certaine acceptation des institutions pour dire que la gabegie financière est tolérable. On porte plainte pour alerter les services publics de leur responsabilité », avait estimé vendredi Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor.Une enquête administrative également en cours« Je veux agir avec sérénité », répond la ministre. « Tout cela peut paraître long à l’aune du temps médiatique, mais il nous fallait regrouper les pièces nécessaires avant de décider. Mon seul souci, c’est l’exemplarité, ajoute-t-elle. De tels comportements ne sont pas acceptables. » Mme Pellerin souligne qu’une enquête administrative est également en cours concernant Agnès Saal, « l’échelle des sanctions, dans ce cas, varie du blâme ou de l’avertissement, jusqu’à la radiation de la fonction publique ».Nommée à la tête de l’INA en 2014, Agnès Saal a été poussée à la démission à la fin d’avril après avoir été épinglée pour avoir dépensé plus de 40 000 euros de taxis en dix mois, dont 6 700 euros par son fils, qui disposait de son code de réservation auprès de la compagnie G7.Elle avait été nommée en remplacement de Mathieu Gallet, placé à la tête de Radio France, et également visé par Anticor pour des contrats passés sous son mandat à la présidence de l’Institut national de l’audiovisuel, entre 2010 et 2014.Les avocats de Mme Saal font notamment valoir qu’elle a remboursé 15 940 euros de frais de déplacement, dont 6 700 euros de « dépenses imputables à son fils » et 5 840 euros de « déplacements de nature privée ». Denis Cosnard Patrick Modiano commence à exceller dans l’exercice qui semblait le moins fait pour lui : le discours officiel. Six mois après son texte très marquant de réception du prix Nobel à Stockholm, l’écrivain a de nouveau fait surgir l’émotion, lundi 1er juin, lors de l’inauguration de la promenade Dora Bruder, dans le 18e arrondissement de Paris.Lire aussi :Modiano, jour de gloire à StockholmDevant une petite assemblée d’élus parisiens, de membres de la famille de Dora Bruder, de représentants du monde juif et d’écoliers, Modiano a trouvé les mots simples et justes pour faire revivre l’espace d’un instant cette jeune fille déportée à Auschwitz en septembre 1942.Cette fugueuse de seize ans, qu’il a arrachée à l’oubli et à l’anonymat dans le plus poignant de ses livres, intitulé sobrement Dora Bruder (Gallimard, 1997), était une fille du quartier, a-t-il rappelé. « Ses parents se sont mariés à la mairie du 18e, elle est allée à l’école dont nous pouvons voir la façade, elle a fréquenté une autre école un peu plus haut sur la butte, elle a vécu avec ses parents rue Lamarck, boulevard Ornano », a souligné le romancier. Ses grands-parents habitaient « à quelques mètres de nous ». Lire aussi :A Paris, une promenade Dora-Bruder en mémoire des victimes du nazismeDéportée parce que juiveUne adolescente comme tant d’autres, en somme. En quelques phrases, le Prix Nobel a campé le décor. « Là où nous sommes, elle jouait avec un de ses cousins, et là aussi sans doute vers quinze ans elle donnait des rendez-vous », a-t-il dit de sa voix douce.« Les soirs d’été où les jeunes gens restaient tard sous les platanes du terre-plein à prendre le frais sur les bancs, elle a écouté les airs de guitare de ceux qu’on appelait les Gitans et dont plusieurs familles vivaient ici, parmi lesquelles la famille du musicien Django Reinhardt. Pour Dora et pour les enfants du quartier, ce terre-plein était un terrain de jeux qu’ils appelaient le talus. »A Paris, devant une école du 18e, Patrick Modiano et Anne Hidalgo dévoilent la plaque "Promenade Dora Bruder" http://t.co/7iZTk3YSqR— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);La suite de l’histoire est beaucoup moins joyeuse. A la suite d’une fugue, Dora Bruder est arrêtée, et envoyée à Auschwitz. Déportée parce que juive. Son père et sa mère connaîtront le même sort.« Elle représente la mémoire de milliers d’enfant »Aujourd’hui, « Dora Bruder devient un symbole, a déclaré Modiano. Elle représente désormais dans la mémoire de la ville les milliers d’enfants et d’adolescents qui sont partis de France pour être assassinés à Auschwitz, celles et ceux dont Serge Klarsfeld, dans son livre  Memorial [Le mémorial des enfants juifs déportés de France, FFDJF, 1994] a rassemblé inlassablement les photos pour qu’on puisse connaître leurs visages. »L’inauguration d’un lieu à son nom est une façon de faire pièce aux souhaits des nazis, qui voulaient faire disparaître Dora Bruder et ses semblables, et effacer jusqu’à leurs noms. « Je crois que c’est la première fois qu’une adolescente qui était une anonyme est inscrite pour toujours dans la géographie parisienne », a noté Patrick Modiano.Évoquant Dora Bruder, Anne Hidalgo évoque les attentats de janvier : "70 ans après, on a entendu Mort aux juifs !" http://t.co/GW5KN0RGpZ— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);Après l’écrivain, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est chargée de donner un sens plus politique à cette inauguration. En janvier 2015, soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, des juifs ont de nouveau été assassinés à Paris pour ce qu’ils étaient, a-t-elle rappelé, en évoquant la tuerie de l’Hyper-Casher.« Soixante-dix ans après, on a de nouveau entendu “Mort aux juifs !” » D’où l’importance à ses yeux de comprendre le passé et de « conjurer l’oubli », comme l’a si bien fait Modiano.Denis CosnardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Laurent Carpentier Samedi 30 mai, dans l’après-midi, Bruno Latour a pris peur. Le grand sociologue (1,92 m), philosophe des sciences, appuyé contre le mur immense du Théâtre des Amandiers, à Nanterre, s’est demandé si tout ça n’était pas en train de « virer en sucette », comme dit une étudiante, à laquelle on pardonnera l’écart de langage dû à un stress inaccoutumé. « Ils ne veulent plus de commission, ils ne veulent plus de négociation… On risque l’échec complet… » Aujourd’hui, il peut souffler : les 200 étudiants qui étaient réunis là depuis une semaine pour simuler la COP21, qui doit se tenir au Bourget à la fin de l’année, se sont repris, réussissant à sortir un texte consensuel au bout d’une négociation-marathon.COP21, alias vingt et unième Conference of Parties. Ainsi appelle-t-on depuis le sommet de Rio en 1992 les négociations internationales sur le climat, où 195 pays cherchent au fil des ans et des capitales (Kyoto, Copenhague, Cancun…) à définir par consensus – et non au vote majoritaire, ce serait trop simple – une politique globale pour lutter contre le réchauffement. Cette année, c’est Paris. Laurent Fabius à la manœuvre, et François Hollande en héraut anti-CO2. Un sujet en or pour les élèves de Sciences Po.Des artistes par nature dynamiteursDirecteur adjoint de l’école de la rue Saint-Guillaume, à Paris, Bruno Latour y a créé en 2010 un programme expérimental qui réunit chaque année une vingtaine d’artistes et de chercheurs en sciences sociales : le Speap, pour « Sciences Po, école des arts politiques ». Prenez un chaudron, en l’occurrence un théâtre, mettez-y deux cents étudiants, de France et d’ailleurs, du genre bons élèves, motivés et se destinant peu ou prou à devenir l’élite des nations. Ajoutez-y des artistes par nature dynamiteurs, qui pensent que c’est dans les bouillonnements qu’on fait les meilleures soupes, et vous obtenez Le Théâtre des négociations, jeu de rôle étonnant, à mi-chemin entre performance et laboratoire.Depuis la passerelle qui surplombe la grande salle réaménagée des Amandiers, le public (par petites grappes, comme s’il visitait un lieu hautement stratégique où se joue l’avenir du monde) peut observer ces étudiants, sérieux comme des papes, cherchant à réinventer une façon de décider collectivement. Travail des groupes de contact, assemblées plénières… Cela ferraille, négocie, divorce sous la férule de la présidente Jennifer et de l’inflexible vice-président Rémy. « Moi, je suis Fabius, lui, c’est Ségolène », dit l’étudiante de Hongkong. « Ce que je veux faire plus tard ? Sauver le monde », confie le Français sans ironie.Lire aussi :Entre Fabius et Royal, le climat se dégradeDifficulté supplémentaireBruno Latour a posé une difficulté supplémentaire : faire entrer des entités non étatiques (forêts, peuples indigènes, réserves pétrolières non exploitées…) dans la négociation. Les nuits blanches sont propices aux voyages collectifs. Mille trois cents personnes ont visité le site ce week-end, mais, ce samedi, il n’y avait personne sur la passerelle quand, à 2 heures du matin, une délégation a envahi la tribune, montant sur les tables malgré leur cravate, pour demander qu’il n’y ait pas une seule motion mais quinze. Pourquoi pense-t-on à l’Odéon en Mai 68 ?« Proposer de nouveaux mondes possibles, c’est le sujet même du théâtre, s’enthousiasme Philippe Quesne, qui a repris la saison dernière la direction des Amandiers. Sciences Po leur apportait un bureau, ici on les fait baigner dans la fiction. Symbolique des lieux : on est à quelques centaines de mètres de la faculté où des étudiants ont décidé un jour de repenser le monde… »Avant d’être metteur en scène, Philippe Quesne est scénographe. Dans l’atelier, où d’ordinaire on fabrique les décors, il a installé un vaste bassin, 15 cm de profondeur, plongé dans le noir et dans la brume artificielle. L’étendue d’eau est entourée de chaises longues. « Hier, le jeune délégué de l’UE y errait seul dans un bateau gonflable. Il avait subitement compris qu’il faisait une école de sciences politiques et que sa vie serait pleine de compromis…  », raconte-t-il.ParadoxesCe n’est pas un hasard si Bruno Latour, son Speap et ses laborantins ont trouvé refuge ici. « C’était inscrit dans le projet de départ pour la reprise du lieu », explique Philippe Quesne. Avant les Arts déco, le metteur en scène a fait sa scolarité à Decroly, une école-collège de la banlieue est de Paris à la pédagogie alternative. « On a d’abord appelé ce genre d’établissement des “écoles pilotes”, puis “expérimentales”, quand on a jugé que ce qu’elles enseignaient devenait dangereux… Après, on a voulu les privatiser. Lorsque l’école s’est trouvée menacée, on recevait pratiquement des cours de manifestation », rit-il. Tout cela, il le retrouve ici. « Le théâtre comme académie expérimentale. » Dire au genre humain comme hier à l’enfant qu’il était : « Compose ton programme toi-même. »Prendre son destin en main ? Shen Shudong, 23 ans, s’amuse beaucoup. Il est venu de Pékin, où il étudie les sciences de l’environnement : « Chez nous, quelqu’un aurait établi un texte et à la fin on voterait. Ici vous votez le moindre adjectif. Vous pourriez même voter pour savoir ce qu’on va manger ce soir… » Le Chinois s’est lié d’amitié avec Krishan Bishnoi, l’Indien, qui hausse les épaules : « Bah, nous sommes les pays qui comptent. »Bruno Latour est satisfait de son bon coup. L’homme est joueur et aime les paradoxes : « On a extrait Sciences Po – et moi-même – du 7e arrondissement pour lui faire passer le périphérique, et on a évité la dérive gauchiste, c’est-à-dire anti-institutionnelle. Je suis absolument sûr que ce qu’on a fait là sera réutilisé dans la COP. Peut-être pas la 21, mais, disons, la 25… »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexandre Piquard Thierry Thuillier, le directeur de l’information de France Télévisions et directeur de France 2, a confirmé lundi 1er juin qu’il quitte le groupe public pour rejoindre Canal+. Il y prendra en main les sports, un secteur stratégique mais aussi une passion personnelle. Il ne gérera pas les programmes de flux et le « clair », comme un temps évoqué.Dans les spéculations autour de l’équipe de Mme Ernotte, M. Thuillier était le cas le plus médiatique car l’information est un des points forts du bilan de Rémy Pflimlin, prédécesseur de Delphine Ernotte, et parce que c’est un domaine sensible. Plusieurs échos de presse ont soutenu que Thierry Thuillier - nommé comme l’équipe de M. Pflimlin sous Nicolas Sarkozy - était classé à droite par certains dans l’exécutif et qu’il pourrait perdre sa place de ce fait, à deux ans de la présidentielle.Interrogé, celui-ci a toujours dit que ses relations professionnelles avec le pouvoir en place étaient bonnes et que les accrochages sur des contenus concernaient tant la majorité que l’opposition. Il s’est toujours voulu à distance du milieu politique et a défendu une information parfois « abrasive », par exemple dans le magazine Cash Investigation. Dans l’entourage de Delphine Ernotte, on fait remarquer qu’elle n’a pas décidé de ne pas travailler avec M. Thuillier et que c’est lui qui a choisi de partir en négociant depuis plusieurs mois avec Canal+.M. Thuillier parti, on se pose la question de la suite à France Télévisions. Pour lui succéder circulent en interne quelques noms : Etienne Leenhardt, rédacteur en chef service enquêtes et reportages de France 2, Yannick Letranchant, directeur de France 3 Nord-Ouest ou Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de France 2, qui précise ne pas avoir rencontré Mme Ernotte. Hervé Béroud, directeur de la rédaction de la chaîne d’information BFM-TV a été cité par Le Figaro. Par ailleurs, le présentateur du 20 heures de France 2, David Pujadas, a déclaré qu’en cas de départ de M. Thuillier il se « poserait la question » de son avenir.Consciente que les salariés attendent d’être rassurés sur le casting de la nouvelle direction, l’équipe de Delphine Ernotte ne pourra pourtant a priori pas donner de précisions rapidement : n’étant pas mandataire social, elle ne peut en principe pas négocier d’embauches ou de départs. C’est plutôt à la faveur de départs choisis, comme celui de M. Thuillier, qu’elle pourra donner le nom de remplaçants. Elle consulte largement, en interne et en externe.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Puissance des images, pouvoir du langageLe mot clé Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->Filippo d'AngeloVandaleEnfant, j’étais un vandale : je me plaisais à détruire sans raison les objets qui m’entouraient. Cette vocation prit fin au seuil de la puberté, le jour où je fus emmené au commissariat pour avoir démoli à coups de pierres les vitraux d’une église. J’en avais assez fait. À l’âge adulte, ce vandalisme a ressurgi dans mon écriture : les mots comme des coups de pierres, mais des coups de pierres dont la cible de prédilection ne serait autre que le lanceur. Des coups de pierres boomerang. S’il fallait représenter l’acte d’écrire par un mythe, ce serait l’histoire d’un auteur qui, en écrivant, sacrifie à chaque mot employé une parcelle de son corps, jusqu’à en tomber malade et à dépérir. L’acte d’écrire comme une peau de chagrin, qui rétrécit de manière inexorable, en vue de l’accouchement douloureux d’un être d’encre et de papier. Pourtant j’aimerais de tout mon cœur, de tout mon corps, pratiquer une écriture sereine, une écriture de la joie, qui soit une promesse de bonheur. Qu’est-ce qui m’empêche d’y parvenir, mis à part les carences de mon inspiration, les failles de mon talent, les tares de l’enfant que j’étais ? Parfois je m’absous en me disant que c’est le vandalisme du monde lui-même, un monde qui ressemble de plus en plus à « un oasis d’horreur dans un désert d’ennui ». Un autre mythe, celui-là, bien enraciné dans notre imaginaire, raconte que Jacob lutta pendant toute une nuit avec un ange, jusqu’à ce qu’il reçoive de lui la bénédiction souhaitée. J’aime à penser que ma situation d’écrivain n’est au fond pas dissemblable à celle de Jacob, et que, dans un monde qui aurait arrêté d’être un oasis d’horreur, je pourrais porter mes coups pour obtenir la bénédiction nécessaire à l’écriture d’un livre de la joie. En attendant que ce monde advienne, je poursuis ma lutte avec les mots, toujours comme un vandale, mais peut-être la bénédiction arrivera-t-elle avant la fin de la nuit. Le mot cléGeorges Didi-HubermanAperçuesAperçues, du verbe apercevoir. C’est un peu moins que voir. C’est voir un peu moins bien, moins bien que lorsque la chose à voir est devenue objet d’observation, cette chose désormais immobilisée ou posée sur quelque planche d’étude, comme le cadavre sous l’œil de l’anatomiste ou le papillon épinglé dans sa vitrine. Apercevoir, donc : voir juste avant que ne disparaisse l’être à voir, l’être à peine vu, entrevu, déjà perdu. Mais déjà aimé, ou porteur de questionnement, c’est-à-dire d’une sorte d’appel. Le genre littéraire des « aperçues » serait une forme possible pour écrire ce genre de regards passagers. Aperçues, au pluriel évidemment. Singularités multiples, cruciales pour une écriture littéraire comme pour une pensée philosophique. Alors je me contente d’attraper au vol et de relâcher aussitôt ma proie (qui n’en est donc pas une) sans décider de l’importance que revêt cet oiseau-là qui passait à cet instant-là. Laisser être l’occasion, l’écrire à l’occasion. Esquisser. Ne pas relire pendant un long temps. Un jour, remonter tout cela comme on remonte les rushes de mille et un films brefs et voir se dessiner les motifs inconsciemment formés de regards en regards, les inquiétudes persistantes, les sollicitations à penser. Aperçues, au féminin nécessairement. Je n’aime pas que l’« aperçu » soit au masculin, il évoque alors quelque chose comme un résumé, une table des matières, un programme. Une « aperçue » sera plus belle et plus étrange. Elle me renvoie à la féminité en tant qu’elle passe et m’abandonne, en tant que je l’appelle et qu’elle me revient. 01.06.2015 à 06h55 • Mis à jour le01.06.2015 à 07h14 | Sylvain Siclier Concert, festival, album… tous les lundis, Le Monde vous propose ses choix dans La Matinale.UN ALBUM : « Currency of Man », de Melody Gardot Oubliée l’étiquette « jazzy » de ses débuts et sa manière assez banale d’aborder la bossa, dominante d’un précédent disque. Melody Gardot affirme dans Currency of Man l’imprégnation soul (elle a vécu à Philadelphie, la ville du Philly Sound, une soul sophistiquée des années 1970). Le genre, avec des touches blues, une part parfois rock, lui va fort bien. Et plus particulièrement dans les thèmes riches en arrangements de vents et de cordes. Vocalement, elle est moins dans le recours à un voile qui se veut mystérieux, et plus dans l’énergie. Ce qui lui convient parfaitement.Currency of Man, de Melody Gardot, 1 CD Decca Records-Verve/Universal Music.La chanson « Same To You », extraite de « Currency of Man ». QUATRE CONCERTS : un hommage aux grandes voix de la soul, du jazz, du blues et du gospel avec l’orchestre de la Black Rock Coalition Fondée en 1985 par la productrice Konda Mason, le guitariste Vernon Reid et le journaliste Greg Tate, dans l’esprit des collectifs artistico-politiques des années 1960, la Black Rock Coalition réunit plusieurs centaines d’artistes, des musiciens en majorité. L’association organise, à l’année des conférences, lectures, concerts, agit en matière d’éducation culturelle et de transmission. Son orchestre, au personnel variable, propose aussi différents programmes thématiques. Dont depuis plusieurs années, un hommage aux grandes voix du jazz, de la soul et du blues dorénavant intitulé Sisters, Songwriters & Sirens par une configuration de l’orchestre constituée de musiciennes, instrumentistes et chanteuses, dirigées par la chanteuse Tamar-kali. Au programme des chansons de Big Mama Thornton, Nina Simone, Abbey Lincoln, Tina Turner, Betty Davis, Grace Jones, Aretha Franklin… A voir et entendre vivre sur scène.Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) du mercredi 3 au vendredi 5 juin (de 6 € à 22 €) et à Lyon, au Théâtre Odéon du parc archéologique de Fourvière lors du festival des Nuits du même nom, samedi 6 juin (23 €). UN FESTIVAL : Jazz musette des Puces, à Saint-Ouen du 5 au 8 juin Le swing manouche et le musette joué dans les rues et cafés du labyrinthique site des Puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), à quelques mètres de Paris, est valorisé depuis 2004 par le festival Jazz musette des Puces. De quoi chiner et faire une pause musique dans une quinzaine de lieux, dont La Chope des Puces, le Marché Biron, Le Carré des Biffins, Le Relais des Broc’s… où sont attendus du 5 au 8 juin, guitaristes, violonistes, accordéonistes, chanteuses, fanfares etc. dans l’après-midi. Et délocalisée au Stade Bertrand-Bauvin, dans le 18e arrondissement proche, le samedi 6 juin, une soirée de vedettes dont Arno, Didier Lockwood, Sylvain Luc, Les Rapetous, union de talents de la guitare, Lionel Suarez, Yvan Le Bolloch… Accès libre à l’ensemble de la manifestation.Lieux, horaires et programmation à consulter sur le site Internet du festival Jazz musette des Puces. Mo Porte-de Clignancourt ou Porte-de-Saint-Ouen. UN VIDÉO CLIP : la chanson « Malibu », par LuceDeuxième extrait de son album Chaud (Tôt ou tard) paru en février, la chanson Malibu, de Luce, donne lieu à un savoureux vidéo-clip à l’aspect bricolo. Conçu par Benoît Forgeard, dans des teintes pastel, avec parfois une touche colorée plus marquée, il rappelle les livres pour enfants aux bandes découpées qui permettent de réaliser d’étranges personnages dont la tête, le corps et les jambes empruntent à divers éléments. Luce, voix mutine, dans cette fantaisie pop écrite et composée par Mathieu Boogaerts, se retrouve par exemple avec une plume d’indien dans les cheveux, une robe rouge qui se termine par un pantalon jaune, ou parée d’un ornement fleuri, un haut panthère tachetée et un bas manifestement masculin avec petit bidon apparent. Frais et joyeusement allumé. RÉSERVEZ VITE : cinq possibilités de participer à la « tournée sans fin » de Bob Dylan Cet été, la « tournée sans fin » de Bob Dylan va s’arrêter dans deux festivals français, qui ne sont pas des géants du circuit. D’abord à Pause guitare à Albi (Tarn) prévu du 6 au 12 juillet. Dylan y est programmé le 12 juillet, avec sur la même scène Hindi Zahra et Cali (de 29 € à 47 €). Puis le lendemain 13 juillet, seul à l’affiche (79 €) du Festival de Poupet, à Saint-Malo-du-Bois (Vendée) organisé du 2 au 24 juillet. Puis ce sera le retour aux Etats-Unis peu après avant une nouvelle virée européenne à l’automne et trois dans l’Hexagone, au Dôme de Paris, le nouveau nom du Palais des sports, les 18 et 19 octobre (de 67,50 € à 111,50 €) et au Zénith de Rouen (Seine-Maritime), le 3 novembre (de 56,50 € à 80,70 €).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Au cœur des émotionsZeruya Shalev © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Les familles : liaisons et déliaisons »Zeruya ShalevSur les liens familiauxDans presque toutes les familles, là où je vis, il manque quelqu’un. Parfois, c’est un grand-père exterminé pendant la Shoah ; parfois une mère, une tante, un frère assassiné au cours d’un attentat, parfois un père, un gendre ou – le pire du pire – un fils tombé à la guerre. Il arrive donc que cette réalité engendre des situations absurdes. Par exemple, dans notre famille, l’absent, en l’occurrence, c’est le premier mari de ma mère, mort pendant la guerre d’Indépendance et qui l’a laissée veuve à vingt-trois ans. Bien que je sois née plus de dix ans après ce drame, je l’ai trouvée encore éplorée et j’ai partagé son deuil pendant toute mon enfance. Elle me parlait volontiers de cet homme, de leur amour, de sa tragédie aussi. Je l’écoutais, douloureuse, mais je savais aussi, en mon for intérieur, que sans cette perte, notre famille n’aurait jamais existé. Que je n’aurais, moi, jamais vu le jour. Ma mère aurait-elle préféré la fille issue de ce premier lit ? Voilà comment, dans mon pays, les familles se font et se défont, se construisent sur les ruines de familles antérieures, se nourrissent de souvenirs et d’angoisses, de culpabilité et d’espoir. Cela induit des liens plus intenses et plus étroits que dans les familles européennes que je rencontre. Pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire, car nous n’arrivons pas à laisser partir nos enfants vers la vie qui les attend, de même que nos propres parents n’ont pas réussi à nous laisser partir vers la vie qui nous attendait. La menace existentielle, oscillant entre conscient et inconscient, réactive à chaque fois le mécanisme qui nous cloue les uns aux autres, de génération en génération. Dans mon dernier livre, Ce qui reste de nos vies, je me suis efforcée de mettre à nu ce mécanisme. J’ai même osé essayer de transformer cette malédiction en bénédiction. Le roman s’articule autour d’une vieille femme à l’agonie et de ses deux enfants qui se trouvent à un tournant de leur vie. Ils tentent de s’offrir mutuellement un ultime cadeau d’adieu, de réparer ce qui n’avait pu l’être auparavant. Les thèmes comme la jalousie fraternelle, la rivalité pour l’amour des parents, le désir d’enfant, sont très anciens et apparaissent de manière récurrente dans l’œuvre en langue hébraïque écrite il y a plus de deux mille ans. Les récits bibliques sur lesquels j’ai grandi regorgent d’histoires de famille et de liens familiaux – preuve sans cesse renouvelée que les sentiments premiers, l’amour premier que nous éprouvons envers nos parents et notre fratrie, nous accompagnent, nous et l’humanité entière, d’une génération à l’autre, tout au long de l’Histoire. Les sciences et la technologie ont beau s’être extraordinairement développées, tout comme le monde qui nous entoure, il n’en reste pas moins que le monde affectif, lui, n’a quasiment pas bougé et que, en dépit, ou peut-être justement à cause, de cet immobilisme, il captive toujours les lecteurs autant que les auteurs, et continuera de captiver lecteurs et auteurs bien après que nous et nos enfants, nous aurons disparu. Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz Le mot cléManu JosephCinématographiqueNote à moi adolescent… Jeune homme solitaire passablement délaissé par le monde et transparent aux yeux des splendides créatures que tu vénères, ne devrais-tu pas écrire des poèmes mélancoliques ou recourir à la prose vaine d’un intense repli sur soi ? Mais non, c’est le cinéma qui t’attire, les films t’apportent tant… et tu sembles avoir été infecté par l’altruisme méconnu du cinéma commercial, la tâche qui lui échoit : divertir. Est-ce parce que tu crois savoir divertir ? Est-ce là ta grande idée ? Ou est-ce par humilité que tu tiens à divertir ? N’est-il pas vrai que tu éprouves le besoin de passer un contrat avec ton public : « J’ai quelque chose à dire et j’ai peur que ça ne t’intéresse pas, mais je sollicite le droit de le dire en te donnant quelque chose en retour. » N’est-ce pas ça, l’humilité du cinéma ? Ou bien est-ce simplement que tu appartiens à une nation théâtrale dans laquelle toutes les émotions sont exposées aux yeux de tous, dans laquelle les conversations et la gestuelle de la vie quotidienne imitent le cinéma ? On ne peut saisir l’éminente république sans une forme narrative d’inspiration dramatique. Ou est-ce seulement que tu es intimidé par l’infinie liberté que procure la fiction ? Recherches-tu des barrières susceptibles de te brider parce que, sinon, tu deviendras fou ? Si tu peux tout écrire, que dois-tu écrire et que dois-tu omettre ? Alors que, si ta fiction est un film, les limites sont toutes tracées. Tu ne peux écrire que ce que tu peux montrer, ce que tu peux transmettre sous la forme d’une image. Certes, tu intègres des notions abstraites mais, grosso modo, tu écris ce que l’œil est capable de voir. Et puis, tu aimes l’opprimé. Tu es du côté de l’opprimé. Dans les histoires que tu as envie de raconter, les opprimés s’évertuent à triompher. Une histoire a besoin de mouvement, or le parcours de l’opprimé est le mouvement même. Et comme c’est le cinéma qui a le mieux réussi dans ce domaine, c’est de lui que tu t’es inspiré en priorité. Traduit de l’anglais (Inde) par Bernard Turle © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'Autriche des écrivainsArno Geiger © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Ce qui importe, peut-être… »Arno GeigerCe qui importe, peut-être, à mon sens : que le cheminement de mes pensées, bien loin d’aller en se simplifiant, comme pouvait l’écrire Peter Altenberg, se complexifie tout au contraire, et que j’atteigne cependant de plus en plus à une économie de moyens parfaitement adaptée à mon sujet, à un équilibre, à une harmonie de la langue, de la forme et du contenu – ce qui n’est pas une mince affaire pour un être aussi incorrigiblement espiègle que moi, et qui n’aime rien tant que d’emberlificoter les choses. Et : que les matières traitées tendent à une banalité grandissante, car enfin rien n’est vraiment banal, je m’en avise peu à peu. L’éventail de mes perspectives s’en élargira d’autant. Et : que je fasse preuve de ténacité, et sache attendre patiemment, à ma table de travail, qu’un certain consensus s’instaure entre les intentions qui sont miennes et le texte en train de s’écrire, même si l’union qui règne entre moi-même et mon entourage doit s’en ressentir bien souvent, par contrecoup. Que mes écrits ne soient pas guidés par l’amertume ni la rage, mais avant tout par l’imagination, par une révolte contre bon nombre de choses, et aussi bien contre ce que je ressens comme mes propres insuffisances. Que je m’efforce de comprendre et ne comprenne cependant pas. Que je croie de moins en moins en ces hommes qui croient en eux-mêmes, et privilégie dès lors des personnages qui sont pris dans des engrenages qui les dépassent. Alors1 ! Traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay 1 Ce dernier mot en français dans le texte. Le mot cléJosef WinklerPénicillineLe père raconta que son frère, l’oncle Franz, âgé désormais de quatre-vingts ans passés, qui était dans la SS pendant la Deuxième Guerre mondiale et reste fier aujourd’hui d’avoir été dans la SS, avait eu à l’âge de cinq mois une pneumonie avec forte fièvre et que le médecin de famille, ne pouvant plus rien pour l’enfant, avait présenté aux parents un unique et ultime recours, fracasser à la hache la surface glacée du ruisseau du village, plonger un drap dans l’eau glaciale et envelopper l’enfant dans le linge humide. « Ou bien il survit, ou bien il mourrait de toute façon ! », aurait dit le docteur. Désespérée, ma grand-mère, la mémé Enz, suivit le conseil du docteur, plongea un drap grossier dans le ruisseau qui charriait la glace et enveloppa l’enfant de cinq mois dans le tissu essoré et tout fumant de froid. Au bout de quelques heures, elle retira du linge humide l’enfant nu et constata bientôt que la fièvre avait baissé, l’enfant survécut effectivement à cette grave pneumonie dont l’issue était fatale en général – à l’époque, il n’y avait pas encore la pénicilline – et plusieurs décennies après, lorsque cet enfant sauvé des eaux glacées fut devenu un quadragénaire fier d’avoir été dans la SS pendant la Deuxième Guerre mondiale et quand, lui qui désormais est plus qu’octogénaire et vient à Kamering pour la Toussaint et le Jour des Morts dans sa voiture anglaise blanche vieille de plusieurs décennies mais paraissant neuve, parfaitement astiquée qu’elle est, quand il se tient devant la tombe de ses parents morts depuis maintenant trois décennies, dans une odeur de chrysanthèmes jaunes et blanches, près des innombrables bougies de toutes les couleurs dont les flammes vacillent dans le cimetière et répandent un parfum d’encens, et qu’ensuite, après cette visite aux tombes, il rentre déjeuner dans ce qui fut jadis sa maison familiale pour y retrouver mon père et l’oncle Hermann, chaque année au Jour des Morts la Deuxième Guerre mondiale est de nouveau invoquée par ces trois hommes qui participèrent à la guerre, les expériences de guerre sont décrites, l’existence des camps de concentration remise en question, tandis que leurs costumes, dans lesquels ils se sont tenus le Jour des Morts devant les tombes de leurs parents, sentent encore l’odeur des fleurs de la Toussaint et la cire des bougies : « Le Hitler, il leur aurait réglé leur compte ! », « Moi j’ai rien fait ! », répétait l’oncle Franz plusieurs fois en ma présence. « Moi je travaillais à Nuremberg dans un bureau de la SS. J’ai fait de mal à personne ! ». (traduit de l’allemand par Bernard Banoun Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images à Paris, qui programme des films de la Quinzaine des réalisateurs, il a suscité un fort intérêt, 800 places ayant été vendues en deux heures, se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il s’agit d’un mariage entre distributeurs indépendants. Le belge PIAS va reprendre les activités musicales du célèbre label français de musique classique Harmonia Mundi, afin de constituer le premier label indépendant européen dans l’édition et la diffusion de musique classique, pop, jazz…PIAS, acronyme de « Play it again Sam », la réplique mythique du film Casablanca a été fondé en 1983 par Kenny Gates et Michel Lambot. Le label est déjà l’un des plus gros indépendants européens – présent notamment au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne et aux États-Unis – et est en passe de devenir une mini-major.En 2012, PIAS, dont le chiffre d’affaires est évalué à 80 millions d’euros et qui emploie environ 200 personnes, avait racheté Coop à Universal Music Group. Coop, aujourd’hui en plein essor, appartenait auparavant à EMI. Universal avait été obligé de s’en détacher, quelques mois seulement après l’avoir acheté, afin de répondre aux injonctions de la Commission européenne sur les seuils de concentration.Accord sur la partie musicaleL’accord conclu entre PIAS et Harmonia Mundi, conseillé par la banque belge de Degroof, devrait être finalisé au plus tard au 1er octobre 2015. Il ne concerne que la partie musicale des activités d’Harmonia Mundi. Il prévoit la prise de contrôle par le label d’origine belge, des marques de musique créées par la société arlésienne (Le Chant du monde, Discograph, Jazz Village…).Fondée à Paris en 1958 par Bernard Coutaz, installé d’abord à, Saint-Michel de Provence (Alpes-de-Haute-Provence), puis à partir de 1986 à Arles (Bouches-du-Rhône), Harmonia Mundi a gagné un rayonnement international grâce à son répertoire classique et romantique. Mais l’entreprise a été fragilisée par la révolution numérique. Depuis le décès de M. Coutaz en 2010, l’entreprise est dirigée par son épouse Eva qui va rester conseillère artistique au sein du nouveau groupe.Le montant de la transaction n’a pas été divulgué. Harmonia Mundi en 2010 disposait encore 350 collaborateurs et dégageait 60 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais le label et distributeur indépendant s’est résolument lancé dans la conservation d’un marché physique de la musique, en poursuivant une politique d’ouverture de boutiques, au moment même où la dématérialisation du secteur s’accélérait.Depuis Harmonia Mundi connaît de vraies difficultés financières et la reprise par PIAS, « un groupe indépendant qui partage les valeurs et la vision de Bernard Coutaz », comme le notent sa veuve et son fils, devrait permettre de préserver l’essentiel de l’héritage. Outre les activités musicales, PIAS reprend les filiales étrangères et le personnel de ces filiales.Des restructurations devront forcément voir le jour entre les deux distributeurs pour permettre l’harmonisation entre leurs réseaux. Mais pour la filière musicale, il est déjà heureux que Harmonia Mundi soit repris par un label indépendant, alors que le paysage se tend dangereusement en France et en Europe.Dans l’Hexagone, le label Atmosphériques, fondé par Marc Thonon est toujours en grande difficulté. Seuls résistent un quarteron d’indépendants emmenés par Because, Wagram, Tôt ou tard et Naïve, avec dans leur sillage des entreprises beaucoup plus petites.Pour les dirigeants de PIAS, « leur connaissance du marché digital, la gestion des différents droits, pays par pays et leur réseau international devraient permettre au nouvel ensemble de gagner rapidement en exposition et en revenus »De son côté, le fils du fondateur Benoît Coutaz va poursuivre l’activité dans le domaine des livres, sous la raison sociale Harmonia Mundi Livre SA. Celle-ci sera toujours basée à Arles. Cette branche livre est notamment le distributeur et le diffuseur des éditions Allia, Bleu autour, Champ Vallon, l’Eclat, Finitude, La Fosse aux Ours, Galaade, les Moutons électriques, Philippe Picquier, Monsieur Toussaint Louverture. Des maisons de littérature et de sciences humaines qui reflètent la diversité de l’édition française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Mercredi 24 juin dans la soirée, Sotheby’s mettra en vente à Londres une première œuvre issue de la « collection » Gurlitt, du nom de Cornelius Gurlitt, l’octogénaire allemand qui avait caché jusqu’en 2012 plus de 1 600 œuvres amassées par son père sous le IIIe Reich.Ce tableau, « Deux cavaliers à la plage », peint en 1901 par l’Allemand Max Liebermann, est inclus dans une vente d’une cinquantaine d’œuvres impressionnistes et d’art moderne. Explications.La « collection » Gurlitt, des centaines d’œuvres saisies par les nazisLe tableau est l’une des quelque 1 406 œuvres d’art (peintures, dessins et gravures) découvertes à Munich dans l’appartement de Cornelius Gurlitt en 2012 à l’occasion d'une simple enquête pour fraude fiscale. Parmi celles-ci, des Picasso, Matisse, Renoir, Delacroix, Chagall, Otto Dix, Chagall, Klee, Kokoschka, Beckmann, Canaletto, Courbet, Pissarro ou Toulouse-Lautrec.Une nouvelle perquisition dans une maison lui appartenant à Salzbourg (Autriche) avait conduit à la découverte de 238 œuvres supplémentaires, dont 39 toiles. Parmi les signataires, là encore, Renoir, Picasso ou Chagall.Cornelius Gurlitt tenait ce trésor de son père, le marchand d’art Hildebrand Gurlitt (1895-1956), qui fut l’un des galeristes chargés par Goebbels de vendre les œuvres d’art dit « dégénéré » saisies par les nazis dans les collections des musées allemands et dans les collections privées de familles juives.Un accord sur 590 œuvresEn avril 2014, Cornelius Gurlitt avait accepté de coopérer avec les autorités allemandes pour déterminer si une partie des tableaux qu’il possédait provenait de vols et de pillages commis par les nazis, afin que ces œuvres soient rendues aux ayants droit des propriétaires spoliés.L’accord, qui ne concernait que les pièces saisies en Allemagne, pas celles retrouvées en Autriche, portait sur quelque 590 œuvres, pour lesquelles les descendants des anciens propriétaires spoliés avaient un an pour se faire connaître et valoir leurs droits. La Femme assise de Matisse avait ainsi été restituée en mai 2014 aux héritiers du collectionneur d’art juif français Paul Rosenberg.Cornelius Gurlitt est mort en mai à l'âge de 81 ans, désignant pour le reste des œuvres le Musée des beaux-arts de Berne, en Suisse, comme son légataire universel.La trajectoire de « Deux cavaliers à la plage »On sait que ce tableau de Max Liebermann fut cédé en 1942 par les autorités nazies à Hildebrand Gurlitt. En mars, il avait fait l’objet d’une querelle juridique, lorsqu’un des héritiers légitimes, l’Américain David Toren, âgé de 90 ans aujourd’hui, avait porté plainte à Washington contre l’Allemagne et la Bavière pour demander la restitution immédiate du tableau ayant appartenu à son grand-oncle, David Friedmann, jusqu’à ce que ce dernier doive renoncer à ses biens en faveur des nazis.David Toren avait 13 ans en 1938 lorsqu’il a vu le tableau pour la dernière fois, dans la maison de Breslau de son riche grand-oncle, avant que ses parents ne le mettent dans un train pour la Suède. Alors que presque toute sa famille a été exterminée par les nazis, David Toren avait émigré en 1956 aux Etats-Unis.L’homme, désormais aveugle, a pu récupérer le tableau, recouvert de poussière, au mois de mai. Le mettre en vente a été, selon lui, une « décision douloureuse », mais « inévitable », pour qu’il soit « partagé » entre tous les héritiers. La maison d’enchères en propose une estimation allant de 350 000 à 550 000 livres (soit entre 493 000 et 775 000 euros).Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie Jégo (Istanbul, correspondante) Il fut le premier photographe à se rendre sur les lieux de l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986. L’Ukrainien Igor Kostin est mort le 9 juin 2015 dans un accident de voiture à Kiev, à l’âge de 78 ans. L'annonce a été faite par son épouse, Alla, le 24 juin.A l’occasion de sa mort, nous republions ici le portrait paru en 2006 dans « Le Monde ». De son séjour à Tchernobyl, Igor Kostin a gardé des problèmes de santé, de fréquents accès de déprime et « un goût de plomb entre les dents » dont il ne parvient pas à se débarrasser. Premier photographe à se rendre sur les lieux de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire, le 26 avril 1986, il a ensuite passé deux mois aux côtés des « liquidateurs », ces hommes envoyés de toute l'URSS pour nettoyer le périmètre irradié. Des années après, le reporter, dont les clichés ont été publiés dans le monde entier, ne s'est jamais remis de ce qu'il a vu. Sa colère est intacte. Tout y passe : le cynisme des autorités, leur indifférence, l'amnésie de l'opinion.Le 26 avril 1986 à l'aube, Igor est réveillé par le téléphone. Un ami lui propose de l'emmener en hélicoptère à la centrale nucléaire de Tchernobyl où, selon la rumeur, un incendie s'est déclaré. Sur place, rien ne laisse supposer la gravité de l'accident. Collé au hublot, Igor, alors photographe pour l'agence Novosti, traque l'image.La photo, c'est sa passion, une toquade venue sur le tard, une sorte de deuxième vie pour ce gamin né en Moldavie avant la seconde guerre mondiale et qui connut la faim sous l'occupation. Sa survie, il la doit au fait d'avoir mâché le cuir des bottes allemandes, enduit de graisse de poisson. Sa mère en faisait de la soupe, un brouet « abominable ». « Nous serions morts sans cela », dit-il. Après la guerre, il n'a pour horizon que le foot, la rapine et les bagarres de rue. Mais, bientôt, à force de volonté, il se hisse au rang de « constructeur en chef ». Son salaire est garanti, ses vacances le sont aussi, mais il s'ennuie. Il va tout lâcher pour une idée fixe : devenir photographe.Lueur rougeâtre Le voilà, donc, dans cet hélicoptère qui survole la centrale, et la photo qu'il doit faire s'impose. Le toit du réacteur n° 4 - une dalle de béton armé de 3 000 tonnes - « a été retourné comme une crêpe ». Au fond du trou béant, brille une lueur rougeâtre : le coeur du réacteur en fusion. En bon professionnel soucieux d'« éviter les reflets », Igor ouvre le hublot et prend des photos. « Une bouffée d'air chaud remplit la cabine de l'hélicoptère. Aussitôt, j'ai envie de racler le fond de ma gorge. » Très vite, son appareil s'enraye. Au développement, un seul cliché sera utilisable. Les autres, attaqués par la radioactivité, seront noirs, comme si la pellicule avait été exposée en pleine lumière.Transmise à l'agence Novosti, l'unique photo de la centrale dévastée ne sera pas publiée. On est en URSS et, officiellement, il ne s'est rien passé à Tchernobyl. Les autorités vont mettre trois jours à reconnaître « un accident », dix jours à donner l'ordre d'évacuation des civils. C'est par La Voix de l'Amérique, radio honnie du pouvoir soviétique, qu'Igor apprend qu'« une catastrophe nucléaire majeure » vient de se produire.Aux premières heures du drame, 800 000 « liquidateurs » - ouvriers, paysans, soldats, pompiers - sont réquisitionnés à travers toute l'URSS pour décontaminer. Savent-ils ce qui les attend ? Munis de protections dérisoires, ils se mettent à l'ouvrage, enhardis par les promesses de primes, d'appartements ou de démobilisation anticipée. Mineurs chargés de creuser un tunnel sous le réacteur, soldats qui déblaient les poussières radioactives, ouvriers invités à plonger dans la réserve d'eau lourde de la centrale pour tenter de la vidanger : Igor les a, pour la plupart, côtoyés. « Grâce à eux, le pire a été évité, ils se sont sacrifiés », dit-il, la voix brouillée. Il raconte comment, occupés à ramasser le graphite sur le toit du réacteur n° 3, au plus près du feu nucléaire, ils trichaient régulièrement sur les doses absorbées par leurs organismes.Il se remémore leurs conversations d'alors, « pleines des voitures et des maisons » qu'ils pensaient pouvoir acheter. Neuf mois plus tard, le photographe et les liquidateurs irradiés se retrouvent côte à côte à l'hôpital n° 6 de Moscou, un établissement militaire « fermé ». « La radioactivité les rongeait de l'intérieur. Ils souffraient tant qu'ils se cramponnaient aux barreaux métalliques. La chair de leurs mains y restait collée. Parler de tout cela me rend malade », raconte Igor. Longtemps après, une chose est sûre : l'indifférence envers ces « robots biologiques », comme Igor les appelle, est totale. « Qui a jamais téléphoné à Vania, Piétia ou Volodia pour leur demander comment ils allaient ? Au contraire, on les a laissés tomber. Leurs pensions ont été réduites et le peu qu'ils perçoivent suffit à peine à couvrir leurs besoins en médicaments », déplore Igor. Combien sont morts ? Combien sont malades ? Nul ne le sait précisément, aucune étude épidémiologique sérieuse n'a été menée. Après l'explosion de Tchernobyl, celle de l'URSS, survenue cinq ans plus tard, les a éparpillés de l'Ukraine au Kazakhstan en passant par la Russie. Le contact a été rompu.A Kiev, où vit Igor, Tchernobyl est rarement évoqué. « Aucun journaliste ukrainien n'a cherché à me rencontrer », constate le photographe, sanglé dans un costume impeccable. Il avait tenté de publier un livre de ses photos, mais la censure s'en était mêlée. La récente publication de son ouvrage en Europe lui met du baume au coeur. Des entretiens sur le sujet, ce géant de 1,98 mètre ressort épuisé.Bien que malade de Tchernobyl, il ne perd pas une occasion d'y retourner. Située à une centaine de kilomètres de son domicile de Kiev, la « zone », comme on dit ici, l'attire. Depuis l'évacuation de ses habitants (environ 120 000 personnes), le périmètre interdit a été envahi par les herbes folles et les animaux sauvages. Ces dernières années, des centaines de « samosiolki » (littéralement « ceux qui se sont installés ») sont revenus y habiter, coupés de tout, subsistant des produits de la chasse et de leurs potagers. Igor aime leur rendre visite. Il ne manque pas une occasion de saluer son copain Serioja, un ancien liquidateur devenu responsable du périmètre irradié. Dans la « zone », Igor se sent chez lui : « Là-bas, tout le monde me connaît, même les chiens. »Marie Jégo (Istanbul, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Les affaires Mathieu Gallet et Agnès Saal ont convaincu le ministère de la culture d’agir pour éviter toute nouvelle révélation concernant les dépenses des dirigeants d’établissements publics, potentiellement désastreuse dans l’opinion. Mercredi 24 avril, une « instruction pour la maîtrise et la transparence » de ces dépenses a été transmise aux 75 établissements culturels et audiovisuels publics.Cette instruction est le fruit d’un travail engagé dès le mois de mars et confié à l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). Celle-ci a adressé un questionnaire aux établissements pour leur demander d’exposer leurs règles en matière de dépenses et les procédures de contrôles dont elles font l’objet.Après cet état des lieux, l’IGAC a rédigé un document dont l’objet est de rappeler et de rassembler les règles existantes, et parfois de les harmoniser. La circulaire ne se substitue pas aux décisions des conseils d’administration, à qui il appartient de fixer éventuellement les montants de dépenses autorisées. Mais elle fixe un cadre. Ainsi, en matière de taxis, pour l’utilisation excessive desquels Agnès Saal a dû démissionner de l’INA, le texte préconise qu’un plafond annuel soit établi.90 000 euros de taxis au total pour Agnès Saal à BeaubourgActuellement visée par une enquête préliminaire ainsi qu’une procédure disciplinaire, Mme Saal va également voir épluchées ses notes de taxis au Centre Pompidou, dont elle était directrice générale, de 2007 à 2014. Le ministère a précisé qu’elle y avait généré 38 000 euros de facture entre janvier 2013 et avril 2014. Et pour l’heure, les enquêteurs ne sont saisis que sur ce montant, précise-t-on de source judiciaire.Selon nos informations, comme l’a écrit Le Figaro, le total s’élève sur sept ans à près de 90 000 euros. Précision importante : ce montant inclut les courses légitimes à but professionnel, la TVA et les frais de gestion. Et correspond, entre 2007 et 2013, à une moyenne de 15 000 euros par an, ce qui est inférieur aux montants ultérieurs, dont les 40 000 euros dépensés en dix mois à l’INA.Mathieu Gallet s’est lui vu blanchi par l’inspection générale des finances sur ses dépenses à Radio France, où on lui a reproché les frais de rénovation de son bureau. Mais une enquête préliminaire été ouverte pour favoritisme sur les prestations de conseils extérieurs à l’INA.Lire aussi :Le souhait d’« exemplarité » du gouvernement a eu raison d’Agnès SaalIsoler les dépenses des dirigeantsPour prévenir les dérapages, le ministère propose que les dépenses des dirigeants soient précisément isolées dans la comptabilité générale. Il est fréquent que les frais des dirigeants soient intégrés dans des analytiques financiers plus larges, qui ne permettent pas de les contrôler précisément. Ces dépenses seront désormais isolées, plus facilement contrôlables et publiées dans le rapport d’activité de chaque établissement, argue le ministère.Outre les frais de déplacements, de réception, de logement etc., l’instruction concerne également des dépenses comme les frais d’études et de conseils, ceux pour lesquels une enquête relative à la présidence de Mathieu Gallet à l’INA est en cours.Lire aussi :Le CSA dans le piège de l’affaire GalletAu ministère de la culture, on insiste sur les principes d’« exemplarité » et de « transparence » désormais attendus des dirigeants publics, dont l’image a été entamée par les affaires récentes. En parallèle, l’IGAC travaille à un état des lieux qui devrait aboutir prochainement, afin de ne laisser perdurer aucune situation problématique.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 24.06.2015 à 07h43 | Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexandre Piquard Les sanctions infligées aux médias par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour le traitement des attentats de janvier ne passent toujours pas. Selon nos informations, la plupart des chaînes et radios qui avaient contesté leurs mises en demeure et mises en garde ne désarment pas, malgré le rejet de leur recours gracieux par l’autorité, le 1er juin. La semaine dernière, France Télévisions, BFM-TV et RMC, France 24 et RFI, RTL et Europe 1 ont déposé chacun un recours au Conseil d’Etat contre les décisions du CSA. Selon ce dernier, des personnes avaient été mises en danger et le travail des forces de l’ordre gêné.« C’est un enjeu majeur pour la liberté de travail des journalistes de service public, dont l’information est une des missions centrales », explique-t-on à France Télévisions, résumant le sentiment d’autres médias concernés. « La volonté est d’avoir un éclairage juridique sur le fond, pour l’avenir, et d’avoir un cadre légal précisé au regard de l’évolution des médias et de l’information en continu », ajoute-t-on à France Médias Monde (France 24, RFI…). Les chaînes et radios se défendent de toute action procédurière ou corporatiste.Le cas particulier de l’assaut à Dammartin-en-GoëleLe 11 février, l’institution dirigée par Olivier Schrameck avait sanctionné pas moins de 36 « manquements » divers. Certains étaient des défauts de « respect de la dignité humaine », comme dans le cas de la diffusion d’extraits de la vidéo amateur d’un policier abattu par les frères Kouachi.D’autres ont été considérés comme des atteintes à « l’ordre public » : par exemple « la diffusion d’images ou d’informations concernant le déroulement des opérations en cours, alors que les terroristes étaient encore retranchés à Dammartin-en-Goële et à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes », ou « la diffusion d’informations concernant la présence de personnes cachées dans les lieux de retranchement des terroristes, alors que les assauts n’avaient pas encore été menés par les forces de l’ordre et qu’un risque pesait donc toujours sur leur vie ».Dans leurs recours auprès du Conseil d’Etat, les médias concentrent leur argumentation sur une sanction particulière : celle visant « l’annonce que des affrontements contre les terroristes avaient lieu à Dammartin-en-Goële alors qu’Amedy Coulibaly était encore retranché à la porte de Vincennes ». « La divulgation de cette information aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour les otages de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, dans la mesure où Amedy Coulibaly avait déclaré lier leur sort à celui de ses complices de Dammartin-en-Goële », avait écrit le CSA.L’ordre public, une notion trop vague ?Il ne s’agit pas de faits avérés mais d’un risque potentiel. Le CSA considère a priori qu’il aurait pu y avoir un trouble à l’ordre public, arguent les médias concernés. A BFM-TV et RMC, ainsi qu’à France Télévisions, notamment, le recours repose sur le raisonnement suivant : la liberté d’expression définie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ne peut être restreinte que par des références à des infractions pénales précises (par exemple la provocation à la haine raciale, le négationnisme…). Et donc pas par une interprétation par le CSA du concept, vague, d’ordre public, cité à l’article 1er de la loi sur l’audiovisuel de 1986.« Le risque est de nous contraindre à demander au ministère de l’intérieur si une information peut porter atteinte à l’ordre public. Est-ce légitime ? C’est un problème de fond », estime-t-on à RTL. Lors du début de l’assaut à Dammartin-en-Goële, les journalistes étaient témoins directs, comme d’autres riverains, ajoute-t-on. Aucune consigne n’avait été donnée sur cette information aux médias par les forces de police, ajoute-t-on à France Télévisions.« On ne veut pas que la liberté de la presse soit réduite a priori. Il y a en France des lois pour que le juge tranche a posteriori », renchérit RTL. Plusieurs médias s’inquiètent d’une « insécurité juridique » qui pourrait mener à de « l’autocensure » et réclament un cadre au Conseil d’Etat.« Distorsion de concurrence » avec les réseaux sociaux et les sites de médiasContacté, le CSA ne souhaite pour l’instant pas réagir, ne disposant pas du contenu des recours déposés. « Nous ne sommes pas donneurs de leçons », s’était défendu Olivier Schrameck dans Le Figaro. « Il ne s’agit pas de distribuer des sanctions pour l’exemple. L’hommage que j’ai rendu aux médias pour leur rôle dans la prise de conscience collective, je le réitère », avait-il ajouté, tout en reconnaissant la « portée préventive » des sanctions.Enfin est pointée une « distorsion de concurrence » défavorable aux chaînes de télévisions et aux radios, soumises au CSA. Les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, mais aussi les sites internet de médias, qui ont pour la plupart couvert les événements en direct, ne dépendent eux pas de cette autorité. « Si une information est diffusée ailleurs mais que nous devons la taire, il risque de s’installer une défiance de nos spectateurs, qui seront tentés de s’informer à d’autres sources. Alors que nous sommes justement garants d’un professionnalisme de l’information », estime-t-on à France Télévisions, rappelant que l’entreprise a un code de déontologie.M. Schrameck avait reconnu le « problème » : « Nous avons d’un côté un champ médiatique qui est très précisément régulé et de l’autre un champ numérique qui ne l’est pas ou très peu », avait-il dit au Figaro, renvoyant la question au législateur.« Prise de conscience commune » et prudenceCes débats et ces recours interviennent dans un contexte particulier : le CSA voit son action contestée sur plusieurs points et le Conseil d’Etat a notamment cassé sa décision contre le passage en gratuit de LCI et Paris Première. Les médias concernés, eux, restent prudents dans leur expression, car ils dépendent tous de l’autorité pour diverses décisions, à l’image d’une BFM-TV qui espère ne pas voir arriver une troisième chaîne d’information en continu sur la TNT.« Il y a eu une prise de conscience commune aux médias d’information qui ont été sanctionnés, explique pourtant l’un d’eux. Ce CSA-là a pris une tournure inattendue, alors qu’Olivier Schrameck avait dit à son arrivée qu’il voulait être davantage régulateur que censeur. »Mais les médias en continu savent aussi que la bataille de l’opinion n’est pas forcément gagnée et que la couverture des attentats, dont la plupart sont fiers, a suscité des critiques. « Le climat d’insécurité et d’attaques terroristes nous fait accepter des choses qu’on aurait refusées autrement », regrette un dirigeant. Après avoir invité les médias à un débriefing ouvert, le CSA a pris en compte dans ses sanctions l’émotion du « public » : « Dans un premier temps, il veut tout savoir, mais très curieusement, très vite, il a lui-même réagi, ayant le sentiment que tout ne peut pas être dit ou montré », avait dit Nicolas About, membre du CSA, sur Europe 1.Fleur Pellerin avait, elle, apporté son soutien aux décisions : « Le CSA est dans son rôle, il doit réguler l’audiovisuel », avait déclaré la ministre de la communication. Tout en promettant un cadre « plus clair » à l’avenir.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Amazon continue d’innover dans l’industrie littéraire et risque de faire à nouveau grincer des dents. Le géant du commerce a récemment annoncé que certains auteurs seraient payés… à la page lue. Cette nouvelle politique entrera en vigueur le 1er juillet et ne concernera que les auteurs autoédités exclusivement sur Amazon avec le programme Kindle Direct Publishing.Ce nouveau mode de rémunération sera également circonscrit aux droits d’auteur issus des programmes Kindle Unlimited ; l’abonnement à 9,99 euros par mois permettant d’emprunter autant d’e-books que l’on souhaite, et du Kindle Owners Lending Library (KOLL), qui propose aux abonnés « premium » d’Amazon d’emprunter un certain nombre de livres électroniques gratuitement. Jusqu’ici, les auteurs étaient rémunérés à l’emprunt et seulement si l’abonné lisait au moins 10 % de l’ouvrage — ce qui pouvait donner lieu à des dérives ; les auteurs étant incités à publier des livres très courts.Amazon explique que la longueur d’une page sera calculée différemment selon l’outil de lecture utilisé. Par exemple, une page sur smartphone est forcément plus courte que sur liseuse électronique. Ainsi, l’entreprise va alors analyser la longueur des lignes, l’espacement des lettres, et d’autres facteurs, pour mesurer le nombre de pages que chaque lecteur parcourt.Le programme d’autoédition d’Amazon a été lancé en 2007 et est un véritable succès ; l’entreprise ne cesse de mettre en avant les auteurs devenus riches et célèbres grâce à lui. Les statistiques compilées chaque trimestre par l’auteur à succès autopublié Hugh Howley montrent que les auteurs indépendants dépassent les cinq plus gros éditeurs (aussi appelés Big Five) en ventes d’e-books sur Amazon.Florian ReynaudJournaliste au Monde 23.06.2015 à 08h47 • Mis à jour le23.06.2015 à 12h37 Derrière les échos patriotiques du William Wallace incarné par Mel Gibson dans Braveheart ou les scènes mythiques entre Jack et Rose à la proue du Titanic, il y avait ses notes. Le compositeur de musiques de film James Horner, qui avait réalisé une centaine de bandes originales pour le cinéma, est mort lundi 22 juin à l’âge de 61 ans, dans l’accident de son avion. Son S-312 Tucano MK1 Turbo biplace s’est écrasé lundi matin à 9 h 30 à 150 kilomètres au nord-ouest de Los Angeles, près de Santa Barbara, a précisé l'administration américaine.#DEVELOPING: Plane registered to film composer James Horner crashes north of Santa Barbara: http://t.co/76UNAWjUK9 http://t.co/knkogSt5RJ— CBSLA (@CBS Los Angeles)require(["twitter/widgets"]);James Horner avait été consacré par la profession en 1998 en recevant deux oscars pour son travail sur Titanic : meilleure bande originale et meilleure chanson, pour My Heart Will Go On, chanté par Céline Dion. A la clé, 27 millions d’albums vendus et seize semaines à la première place du top 200 des albums de Billboard tout de même. Auparavant, il avait déjà collaboré avec le réalisateur James Cameron pour le légendaire Aliens, et bien qu’il avait qualifié, à l’époque, la collaboration de « cauchemardesque », avait réitéré l’expérience. Des années plus tard, il avait également signé la bande originale d’Avatar, pour laquelle il avait travaillé de manière exclusive durant deux ans et qui lui avait valu sa dixième nomination aux Oscars.« Danger motif »La carrière de James Horner fut marquée par une grande diversité, l’entraînant de l’univers fantasy du Willow de Ron Howard au dessin animé Fievel et le Nouveau Monde, en passant par les complexités schizophréniques d’Un homme d’exception ou les meurtres énigmatiques du Nom de la rose, de Jean-Jacques Annaud. Il gardait toutefois une prédilection pour l’univers fantastique et enfantin, en témoigne son travail sur Jumanji, Casper ou Le Grinch.Très influencé par la musique classique – il avait commencé le piano à 5 ans et avait fait ses gammes au Royal College of Music de Londres –, il avait incorporé dans ses compositions certains extraits du travail de compositeurs comme Serge Prokofiev ou Dmitri Chostakovitch. Dans la bande originale Glory, il utilisait ainsi des extraits de Richard Wagner et de Carl Orff. Il avait également développé des signatures caractéristiques, notamment le « Danger motif », quatre notes récurrentes dans son œuvre. 10.06.2015 à 17h07 • Mis à jour le10.06.2015 à 17h29 | Jean Birnbaum Quand la presse traverse une crise, elle doit se tourner vers ses lecteurs. La tradition d’un journal, son identité, bref, son avenir, ce sont eux qui en parlent le mieux, tout simplement parce qu’ils en sont les vrais dépositaires. Etre à la hauteur de cette tradition, pour un collectif de plumes, ce n’est donc pas seulement respecter des principes hérités, c’est d’abord se montrer à la hauteur des exigences, anciennes et nouvelles, que les lecteurs adressent à leur journal. Voilà pourquoi, au Monde, le courrier des lecteurs a toujours fait l’objet d’un soin particulier. Bien avant l’apparition du dialogue sur Internet et sur les réseaux sociaux, la lecture de ce courrier a imposé une évidence : la vocation d’un quotidien n’est pas figée, elle se bâtit au jour le jour dans l’échange et le partage.Après les attentats de janvier, cette évidence est devenue urgence. Les gens du Monde, toutes les femmes et les hommes qui suivent ce journal comme on s’inscrit dans une communauté, ont ressenti la ­nécessité de prendre la parole. Ils l’ont fait avec beaucoup de force et de sensibilité. On le vérifiera en lisant le volume qui paraît sous le titre Qui est vraiment Charlie ? (François Bourin-Le Monde, 176 p., 19 €). Réunies par nos collègues Pascal Galinier (médiateur du Monde) et Dominique ­Buffier, ces missives relèvent tour à tour du témoignage et de l’analyse, de l’indignation et de l’espérance. S’y déploie une diversité de points de vue et, notamment, très tôt, des doutes concernant l’unanimisme propre aux manifestations du 11 janvier. De belles confidences, aussi, de la part de Français musulmans qui se trouvent soudain sommés de prendre ­position : « C’est ce que me demande le ­regard de tous sans l’exprimer », note ainsi Walid Bekhti. Et, enfin, partout, un appel lancé au Monde, une manière de dire : mettez des mots sur ce que nous vivons, donnez du sens à cette époque débous­solée, tenez-vous bien pour nous aider à tenir bon. Essayez de « comprendre un peu plus fort, débattre un peu plus fort », comme y invite Julie Desrousseaux. ­Mobilisez-vous pour dissiper la confusion et opposer les Lumières à l’obscurantisme, « la pensée droite à la pensée tordue », ­selon la formule d’Edouard Reichenbach. Bref, travaillez à lever ce que Jean-Charles Vegliante nomme superbement un « couvre-feu mental ».Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cédric Pietralunga Après des jours d’agitation médiatique, les héritiers de Hergé sortent enfin de leur silence. Déboutée le 26 mai par la cour d’appel de La Haye (Pays-Bas) dans l’affaire qui l’oppose à l’association néerlandaise Herge Genootschap, accusée d’avoir reproduit sans autorisation des vignettes des albums de Tintin, la société Moulinsart SA a annoncé qu’elle allait « exercer tous les recours que la loi hollandaise lui ouvre », selon un communiqué publié mercredi après-midi.La société chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre de Hergé, dirigée par Nick Rodwell – le second mari de Fanny Vlamynck, veuve du célèbre auteur de BD – estime que « la Cour semble avoir fait une totale confusion entre les droits sur Tintin détenus respectivement par Moulinsart SA et les éditions Casterman », qui publient depuis les années 1930 les albums du reporter à la houppette.La cour d’appel de La Haye a estimé que Moulinsart SA ne pouvait pas réclamer de droits pour l’utilisation d’extraits d’albums de Tintin… parce qu’elle n’était tout simplement pas autorisée à le faire. Selon un contrat signé par Hergé en 1942, présenté à l’audience par l’association de tintinophiles, c’est l’éditeur français Casterman (propriété de Flammarion) qui possède « le droit de publication » sur les albums signés par le plus célèbre des Belges.« Il est apparu d’un document de 1942 (…) que Moulinsart n’est pas celui qui peut décider de qui peut publier des images tirées des albums et ne dispose donc pas des droits d’auteurs pertinents dans cette affaire », ont indiqué les juges néerlandais dans leur décision.Lire aussi :Le jugement qui agite les tintinophilesPoursuites depuis 2012« En vertu des relations contractuelles entre les parties, Hergé a concédé à Casterman les droits d’édition en toutes langues et pour le monde entier des albums papier [de] Tintin », reconnaît Moulinsart. Mais « tous les autres droits sont restés propriété de Hergé y compris les vignettes et autres dessins des albums exploités séparément », assure le communiqué, cosigné par l’éditeur français.Comprenez : c’est M. Rodwell qui autorise ou non la reproduction des dessins de Hergé ailleurs que dans les albums édités par Casterman. « Seule Moulinsart SA peut exploiter ou autoriser la reproduction des dessins et vignettes représentant Tintin et tous les personnages issus de l’univers de Hergé », assène le communiqué.Depuis 2012, Moulinsart SA poursuit Herge Genootschap, une association de quelques centaines de Bataves passionnés de Tintin, pour avoir reproduit sans autorisation des dessins du héros de papier dans leur revue Duizend Bommen, éditée trois fois par an et uniquement destinée à ses membres.Cédric PietralungaJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Julie (Aïssa Maïga) est bien trop belle et vivante pour se satisfaire de l’ennui qui pèse sur le village de Neupart-sur-Rhône. Elle décide donc de quitter son mari, Simon (Bruno Solo), et sa station-service, pour partir pour le Chili avec Louis, l’un de ses amants. Mais voilà qu’à l’heure du départ personne ne vient chercher Julie. Louis s’est évaporé. Premier fait étrange de ce début d’été que vont marquer plusieurs morts brutales.Tandis que la police enquête, les soupçons s’accumulent sur la jeune femme dont la présence sur les lieux du crime, peu de temps avant chaque meurtre, finit par la placer au rang des principaux suspects. Peu lui importe d’ailleurs. Julie continue de rêver d’un ailleurs et de l’homme qui l’y conduira tandis que son mari ne cesse de l’aimer et de veiller sur elle.Elégance et maîtriseMortel été est un téléfilm qui déroute. Et ce, dès les premiers plans qui plantent le décor d’une station-service perdue au milieu de nulle part. Le soleil brûlant, pas un souffle d’air. Nous pourrions nous trouver dans les années 1950, au fin fond du Midwest. L’esprit se plaisant à réveiller un imaginaire nourri aux films américains, le trouble subsiste un moment. Jusqu’à ce que les signes nous détrompent : nous sommes aujourd’hui en Camargue.Le réalisateur, Denis Malleval, excelle dans ces atmosphères lourdes, en attente d’un drame dont le dénouement surgit là où on l’attend le moins. Il sait aussi maintenir les acteurs à juste distance du pathos ou de la redondance explicative. Ainsi Aïssa Maïga réussit-elle à camper une séductrice qui a gardé sa fraîcheur d’enfant, touchante plus que réellement agaçante.Bruno Solo retrouve pour la deuxième fois le réalisateur, pour un rôle dramatique dans lequel il continue de surprendre et de nous émouvoir. Mari amoureux, taiseux mais attentif, prêt à tout pour garder une femme dont il n’attend rien en retour, l’acteur tient son personnage en tension. A la fois présent et distant, observateur en retrait dont on ne sait jamais s’il va exploser ou pas. A ces rôles principaux s’ajoutent ceux dont on dit qu’ils sont secondaires mais qui, ici, apportent leur pierre à l’édifice qu’a su construire, avec élégance et maîtrise, la scénariste Johanne Rigoulot. Une vraie réussite.Mortel été, de Denis Malleval. Avec Aïssa Maïga, Bruno Solo (France, 2013, 93 min). Mercredi 10 juin à 20 h 57 sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Josyane Savigneau Pour réaliser leur film sur Paul Celan (1920-1970), Ulrich H. Kasten et Hans-Dieter Schütt disposaient de peu de documents d’archives. Seulement quelques images en noir et blanc de Celan lisant. Beau visage, intense, voix harmonieuse : des moments très émouvants, ponctuant le récit. Les auteurs ont choisi une trame biographique, montrant les divers lieux de la vie de Celan. Et ils ont convoqué deux témoins : son fils, Eric (né en 1955), et Bertrand Badiou, l’éditeur, en allemand et en français, de l’œuvre de Celan et de sa correspondance (Seuil, « La Librairie du XXIe siècle »).C’est à Czernowitz, en Bucovine (désormais en Ukraine), que naît, le 23 novembre 1920, Paul Antschel, qui deviendra Celan après la guerre. Son père est un juif religieux, sa mère l’initie à la musique et à la littérature. Il étudie d’abord dans une école germanophone, puis dans une école hébraïque. L’allemand restera sa langue d’écriture – quand il ira en Israël, à la fin de sa vie, on lui reprochera de s’exprimer dans la langue des bourreaux. Mais il ne trouve de réconfort dans aucune langue pour « mettre en mots les extrémités de l’expérience humaine ».Descente aux enfersLe bel adolescent rêveur qui part pour la France en 1938 va très vite commencer une descente aux enfers que rien ne pourra arrêter. Rentré à Czernowitz à l’été 1938, pour les vacances, il ne peut repartir et doit porter l’étoile jaune. Pendant la guerre, ses parents sont déportés en Transnitrie et y meurent. Lui-même passe dix-huit mois dans un camp de travail.Quand les Russes arrivent à Czernowitz, Celan fuit. D’abord à Bucarest, puis à Vienne. Il participe à une revue littéraire et publie son premier recueil de poèmes. Il se lie à Ingeborg Bachmann (1926-1973), poète et membre du Groupe 47, qui rassemble, après la guerre, de jeunes écrivains allemands.Le 12 juillet 1948, Celan choisit la France. A Paris, il vit à l’hôtel, il est apatride, sans le sou. Pour survivre, il fait quelques traductions. Il a quelques amours éphémères, avant de rencontrer Gisèle de Lestrange, qu’il épouse en 1952. Leur fils décrit sa mère comme une « femme engagée, révoltée, une grande amoureuse », qui a tenté de rendre à Paul Celan le goût de la vie. C’est pour l’année 1952 qu’on a les images les plus bouleversantes, en Allemagne, devant les écrivains du Groupe 47. Celan lit un poème en mémoire de sa mère, et l’assistance rit aux éclats. C’est une scène épouvantable. Avant de rentrer en France, il se rend sur la tombe d’Hölderlin, avec lequel, souligne Bertrand Badiou, « il entretient un rapport très particulier ».Malgré la naissance de son fils, la visite, en 1960, de la grande poète Nelly Sachs (1891-1970), qui voudrait le libérer de ses angoisses de persécution, malgré le prix Georg-Büchner, Celan s’enfonce, dit son fils, « dans la maladie mentale », aggravée par l’accusation de plagiat portée contre lui par la veuve du poète Yvan Goll. Il fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique.Il continue pourtant de se rendre en Allemagne, sa « terre d’angoisse ». En 1967, il rencontre Heidegger et lit devant lui ses poèmes sur la Shoah. « Je voulais qu’il me parle, je voulais lui pardonner », a dit Celan. Son dernier voyage sera à Stuttgart, en mars 1970, pour le bicentenaire d’Hölderlin. Là encore, « ses poèmes se refusent au public ». Dans la nuit du 19 au 20 avril 1970, Paul Celan met fin à son calvaire. Il se jette dans la Seine depuis le pont Mirabeau.Paul Celan, écrire pour rester humain, d’Ulrich H. Kasten et Hans-Dieter Schütt (All., 2014, 55 min). Mercredi 10 juin à 22h25 sur Arte.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Patrick Razon (Ethnologue, Survival International France), Patrick Perez (Ethnologue, enseignant-chercheur à l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT)) et Gilles Colin (Doctorant en ethnologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)) Par Gilles Colin, Patrick Perez et Jean-Patrick RazonCertes, le sort des hommes se partage le plus souvent entre dérisoire et tragique et notre monde disparaîtra un jour sans laisser de traces. Pour autant, la récente destruction de monuments en Mésopotamie, par le dernier nihilisme en date, a paru détestable, parce qu’en ces vestiges et l’intérêt qu’ils continuaient de susciter, c’est l’idée d’une humanité réconciliée par la curiosité et la diversité qui demeurait, comme un défi adressé au destin par nos émotions et notre intelligence. Mais il est une barbarie plus insidieuse à laquelle de simples lois ou des accords entre gouvernements pourraient aisément remédier. La France en ce domaine, par sa définition minimale de l’inaliénabilité des biens culturels, fait preuve d’une indifférence incompréhensible aux destructions possibles ou réelles de patrimoines vivants. Sans égard pour ceux dont ils sont parfois l’unique richesse.Ainsi la vente d’une centaine de katsinam des Indiens Hopi d’Arizona, à Drouot en avril 2013, juin et décembre 2014 et ce mercredi 10 juin a naturellement été un choc pour tous ceux qui connaissent cette tribu et sa culture vivante. Les protestations de tout un peuple à travers son chairman, l’appel répété de l’ambassadeur des Etats-Unis en France, les explications des ethnologues ou encore le référé déposé par Survival International et son avocat, Me Pierre Servan-Schreiber, en avril 2013, auront été vains. Vain également le déplacement à Paris, en décembre 2014 de Mme Humetewa, première juge fédérale d’origine hopi, qui s’est entretenue à ce sujet avec Mme Taubira, ministre de la justice.La culture des Hopi, petit peuple de 18 000 âmes vivant en Arizona, est encore remarquablement vive même si leur cycle cérémoniel, jadis d’une grande richesse ne demeure complet qu’en un seul village. Un culte pourtant résiste, il a toujours été essentiel à leurs croyances et à leurs pratiques. Il se confond maintenant avec leur existence et constitue ce qu’ils ont de plus « précieux ». Ce sont les katsinam : des danseurs portant des « masques ».Rites humblesUne visite dans la réserve en période de danses convaincra quiconque du caractère central et très protégé de leur culte. Rien de touristique là-dedans, mais des rites humbles et d’une grande beauté. Ces katsinam président à l’initiation des jeunes et doivent absolument demeurer cachés le reste du temps. Ils ne peuvent bien sûr être photographiés, ni dessinés sur place ni, a fortiori, cédés ou vendus. Ils accompagneront chaque individu tout au long de sa vie tissant à travers le temps et l’espace un lien entre les générations. Car les katsinam ont plusieurs dimensions : ce sont les âmes des morts qui reviennent danser avec leurs descendants aux villages à la saison des cultures ; ce sont les nuages qui portent la pluie, la vie, en ces contrées désertiques et, par extension, ce sont les figures diverses de la réalité : animaux, plantes, astres, etc.Ils permettent, selon les Hopi, le renouveau annuel, malgré la précarité de leur condition. Enfant, un Hopi reçoit des katsinam eux-mêmes des poupées les représentant. Il saura ainsi les reconnaître puis apprendra, à terme, que ces personnages généreux sont en fait ses oncles et pères mais que, lors des danses, les katsinam les revêtent d’une identité ambiguë, essentielle et intime. A sa mort, le visage recouvert d’un masque de coton, il deviendra à son tour nuage…Nos traditions monothéistes permettent difficilement de se représenter ce que sont les katsinam. Le saint et le laïc se sont en effet redéfinis tout au long de nos histoires, les rapports entre l’argent et la vertu ont motivé des réformes ou se sont servis réciproquement.Pour les Hopi, en revanche, point d’échange, sinon entre soi et avec les morts, mais un effort pour perpétuer des mouvements et des apparences qui leur permettent d’exister, rend honneur à la beauté du monde et soude une communauté par-delà ses dissensions. Une tradition ancestrale à la doctrine invariable et liée aux objets qui la servent. Plusieurs lois aux Etats-Unis interdisent le commerce, le troc et, par suite, l’exportation de ce genre d’objets. Traitement inéquitableDepuis une vingtaine d’années, les Hopi ont pris conscience du nombre d’objets cultuels dérobés jadis par des visiteurs (missionnaires, premiers ethnographes) ou vendus par des congénères indélicats, abusant de biens communs. Ils tentent donc de les récupérer, souvent avec succès, dans les musées, les universités… Seules les poupées évoquées plus haut peuvent depuis toujours faire l’objet de cadeaux et de ventes, au même titre que les mocassins, les ceintures, les bijoux.La dissimulation de katsinam chez un collectionneur ou dans une réserve de musée, si longue soit-elle, n’enlève donc rien à leur valeur inestimable et à leur caractère incessible. Qu’ils ne soient pas inscrits sur la liste internationale des objets d’art et patrimoniaux volés, on le comprendra par ce qui précède. Lors du procès visant à suspendre la première vente aux enchères, la justice française a statué a minima, ne tenant aucun compte du contexte culturel.Or, rappelons que la France a signé la Convention européenne des droits de l’homme qui stipule en deux de ses articles, la liberté de culte et l’égal respect dû aux diverses pratiques (articles 9 et 14). Nous sommes donc, en présence d’un traitement inéquitable que seule l’ignorance peut expliquer.Une injustice qui peut être prévenue si les mesures législatives adéquates sont prises. Soit par la signature d’un accord bilatéral avec les Etats-Unis, ce que refuse la France. Soit de façon plus générale, par l’inscription définitive dans le droit français des termes de la convention Unidroit ratifiée depuis 1995 par vingt-deux pays et qui prohibe la vente dans un pays étranger d’objets interdits à la vente dans leur pays d’origine. Processus législatif qui devait aboutir en France en mars 2002, après ratification par l’Assemblée nationale et le Sénat d’un texte déposé par Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, mais qui a été « oublié » en seconde lecture, sans doute victime d’intérêts inavoués. Les récentes catastrophes en Mésopotamie et au Népal laissant présager de nouveaux afflux d’objets, il serait très à propos que ce travail législatif reprenne et aille enfin à son terme.Patrick Perez (Ethnologue, enseignant-chercheur à l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT))Gilles Colin (Doctorant en ethnologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS))Jean-Patrick Razon (Ethnologue, Survival International France) Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.06.2015 à 15h47 • Mis à jour le09.06.2015 à 16h08 | Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Cédric Pietralunga La nouvelle agite depuis deux jours le milieu des tintinophiles. Poursuivie en justice par les héritiers de Hergé pour avoir reproduit sans autorisation des vignettes tirées des albums de Tintin, l’association néerlandaise Herge Genootschap, un club de 680 Bataves passionnés par les aventures du reporter à la houppette, a été relaxée fin mai par la Cour d’appel de La Haye, a révélé dimanche 6 juin le quotidien NRC Handelsblad.La justice néerlandaise estime que Moulinsart SA, la société chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre de Hergé, ne peut pas réclamer de droits pour l’utilisation d’extraits d’albums de Tintin… parce qu’elle n’est pas autorisée à le faire.Selon un contrat signé par Hergé en 1942, présenté à l’audience par l’association de tintinophiles, c’est en effet l’éditeur français Casterman qui possède les droits sur les albums signés par le plus célèbre des Belges.La politique de Moulinsart SA remise en cause« Il est apparu d’un document de 1942 (…) que Moulinsart n’est pas celui qui peut décider de qui peut publier des images tirées des albums et ne dispose donc pas des droits d’auteurs pertinents dans cette affaire », ont indiqué les juges de la Cour d’appel de La Haye dans leur décision, citée par l’AFP. Dirigée par Nick Rodwell, le second mari de Fanny Vlamynck, la veuve de Hergé, Moulinsart SA réclamait 35 000 euros par publication à l’association Hergé Genootschap, qui édite trois fois par an un magazine intitulé Duizend Bommen, uniquement destiné à ses membres.Pour spectaculaire qu’il soit, difficile d’estimer la portée de ce jugement. Selon certains, c’est toute la politique de Moulinsart SA qui pourrait être remise en cause. Depuis le milieu des années 1990, M. Rodwell surveille de manière très scrupuleuse l’utilisation de l’œuvre de Hergé, estimant que le personnage de Tintin risquait d’être galvaudé à force d’être reproduit un peu partout.Moulinsart SA n’octroie ainsi plus aucune licence depuis 1999 et gère en direct avec des entreprises partenaires la fabrication de produits dérivés (figurines, vêtements, jouets, vaisselle, etc.). De même, M. Rodwell exige que toute reproduction d’un dessin de Hergé, dans un livre ou dans la presse, soit au préalable autorisée par ses équipes, situées à Bruxelles.Distinction entre droit de publication et droit de reproductionNéanmoins, la décision de la Cour de La Haye ne devrait pas rompre les digues érigées par les ayants droit du célèbre auteur : si ce n’est pas Moulinsart qui détient les droits, c’est en effet Casterman. Or, l’éditeur historique n’a aucune raison de se fâcher avec Nick Rodwell et sa femme, aujourd’hui âgée de 80 ans, même si leurs relations ont pu être parfois tendues : Tintin reste l’un des best-sellers de Casterman et assure encore 15 % de son chiffre d’affaires. C’est également une vitrine prestigieuse pour la filiale de Gallimard, dirigée par Charlotte Gallimard, la propre fille d’Antoine Gallimard.Tout juste, espèrent les tintinophiles, l’éditeur sera-t-il plus conciliant à autoriser des reproductions dans des publications rendant hommage à l’œuvre phare de Hergé, dont l’aura ne faiblit pas alors que le dernier album paru, Tintin et les Picaros, date de 1976 et que l’auteur est décédé en 1983 !Lire aussi :Une couverture de Tintin vendue 2,5 millions d’eurosPar ailleurs, rien ne dit que le jugement néerlandais puisse être transposé dans d’autres pays. Selon le contrat signé par Georges Rémi, alias Hergé, le 9 avril 1942, qui a été publié par le site spécialisé Actua BD, seul le « droit de publication » a été concédé à Casterman, moyennant une « redevance de 10 % du prix de vente » sur chaque album écoulé.« Or, certaines législations distinguent droit de publication et droit de reproduction, explique un bon connaisseur du dossier. Publier des vignettes de Tintin sans demander l’autorisation à ses ayants droit reste donc risqué. »« Il faut être très prudent avec cette décision de justice, abonde Benoît Peeters, conseiller éditorial chez Casterman et spécialiste reconnu de l’oeuvre de Hergé. D’abord elle ne concerne que les Pays-Bas et ne fera pas nécessairement jurisprudence ailleurs. Ensuite, elle s’appuie sur un contrat de 1942 qui a très certainement connu de nombreux avenants ensuite, signés entre Casterman et Hergé, et que l’on ne connaît pas. »Interrogé par Le Monde, Nick Rodwell s’est pour l’instant refusé à tout commentaire, indiquant simplement que le dossier est « dans les mains des avocats ».Cédric PietralungaJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Un montage saisissant d’images d’archives qui explore les réalités de l’immigration des années 1950 à nos jours (mardi 9 juin, à 20 h 50, sur Arte).Durant toute la durée du film, les images sont dérangeantes. Sans aucun commentaire, ni analyses ou contextualisation, elles montrent à partir de très nombreuses et rares archives audiovisuelles extraites de documentaires, journaux télévisés ou émissions de radio la façon dont ont été (et sont) traités les immigrés des années 1950 à nos jours.Ainsi découvre-t-on les Marocains, Tunisiens, Algériens, Espagnols, Italiens, Portugais, Turcs et Yougoslaves quittant leurs pays pour aller travailler en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Suède ou en Angleterre. Les Espagnols chantent leur joie (ou leur désespoir ?) dans un train bondé, les Italiens trimbalent leurs valises en carton remplies de victuailles, les Turcs aménagent comme ils peuvent leurs lieux de prières.Un long voyage émouvantGrâce à de petits films en couleur, on voit aussi de jeunes manifestants mettre le feu à un foyer de travailleurs immigrés à Rotterdam et un officiel hollandais venu au Maroc recruter des ouvriers pour des entreprises des Pays-Bas en mal de main-d’œuvre bon marché. La voix du speaker de l’époque commente toutes ces images où ces hommes sont traités et triés comme du bétail. Ceux qui sont un tant soit peu diplômés sont écartés de la sélection. Des images qui font froid dans le dos. Ce film présenté lors d’une soirée consacrée à l’immigration est un montage brut – et saisissant – de soixante ans d’immigrations à travers l’Europe.Sans aucun ordre chronologique, le réalisateur René Roelofs et l’écrivain Paul Scheffer nous entraînent dans un long voyage émouvant. Qu’ils soient maghrébins, italiens ou turcs, les visages saisis par les caméras montrent l’angoisse de l’exil, la peur, le racisme. A travers des lieux différents, le film nous fait découvrir une réalité restée longtemps cachée où le racisme, la xénophobie et le repli nationaliste s’expriment sans honte ni scrupules. Que ce soit en Allemagne, aux Pays-Bas ou en France, on n’hésite pas à dire, face à la caméra, que les étrangers « doivent rentrer chez eux » parce qu’ils « viennent prendre le travail » des autochtones.Intensification des tensionsAu fil des images, le discours change avec l’époque. Dans les années 1970 et 1980, avec l’augmentation du chômage et la crise économique, les tensions s’intensifient. L’islamisme devient un refuge pour de nombreux immigrés. Et à travers l’Europe, montent les partis nationalistes qui s’attaquent, parfois violemment, à l’immigration.Pour compléter ce film, Arte diffuse dans la foulée « Les Nouvelles Migrations », un documentaire consacré à l’ouverture de l’espace Schengen, trente ans après la signature de cet accord favorisant une plus grande liberté de circulation à travers l’Europe. Mais l’arrivée de migrants clandestins fuyant les guerres a exacerbé les crispations. Cette soirée sera conclue par un débat animé par Andrea Fies avec des spécialistes de la politique européenne et, sur le Web, Arte Info (Info.arte.tv) prolongera le dossier avec une « timeline », des portraits d’immigrants, des articles, des interviews et de nombreux reportages.Histoires d’immigration, de René Roelofs et Paul Scheffer (Pays-Bas, 2013, 108 min). Mardi 9 juin, à 20 h 50, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 20.06.2015 à 11h57 • Mis à jour le20.06.2015 à 14h16 Le romancier américain James Salter — né James Horowitz, en 1925, à New York — est mort vendredi 19 juin à Sag Harbor, New York, à l’âge de 90 ans, en faisant « une séance de gymnastique », a précisé son éditeur français, Olivier Cohen. L’ancien pilote de chasse était l’un des grands écrivains de la fiction américaine moderne.James Salter avait eu une autre vie avant la littérature. Après être passé par l’école des cadets de West Point dans les années 1940, il s’engage dans l’US Air Force. En 1945, il s’écrase avec son avion, mais réchappe de la mort. Il prend part en 1952 à la guerre de Corée. En 1957, il décide d’abandonner la carrière militaire pour la littérature. « L'idée d'être écrivain, est de faire du grand amoncellement des jours quelque chose qui durerait », dit-il à cette époque.Il se consacre dès lors à l’écriture et signe plusieurs chefs-d’œuvre, dont Un sport et un passe-temps (1967) et Un bonheur parfait (1975), tous deux traduits aux Editions de l’Olivier en 1996 et en 1997. Son dernier roman, Et rien d’autre, a paru l’an dernier.Lire aussi :James Salter : le mouvement de la vieLes éditions de L'Olivier viennent de publier la traduction française de son tout premier roman, Pour la gloire, paru sous le titre The Hunters en 1956 aux Etats-Unis. Dans ce livre, fortement autobiographique, Salter raconte le quotidien des pilotes de chasse pendant la guerre de Corée. Distingué pour l'ensemble de son œuvre par l'Académie américaine des Arts et des Lettres, il a publié son autobiographie, Une vie à brûler, en 1998. Au total, cet écrivain rare aura publié seulement six romans.Salués par les critiques et les écrivains, ses romans n’ont cependant jamais connu de grands succès commerciaux. James Salter a aussi écrit des scénarios, a collaboré avec plusieurs publications (dont le New York Times et People), et a vendu des piscines.Dans une interview parue en 1993 dans la revue The Paris Review, il expliquait son écriture :« Je suis un frotteur [en français dans le texte], quelqu’un qui aime frotter chaque mot dans sa main, pour le faire tourner et le sentir, pour comprendre si c’est vraiment le meilleur mot possible. Est-ce que ce mot dans cette phrase a un potentiel électrique ? Est-ce qu’il est utile ? Trop d’électricité va faire dresser les cheveux du lecteur sur sa tête. C’est une question de rythme. » Ghazal Golshiri (Herat, Afghanistan, envoyée spéciale) Pour comprendre le poids des traditions et du conservatisme religieux dans Herat, la plus grande ville de l’ouest de l’Afghanistan, il suffit de se balader dans la grande avenue Khaja-Ali-Movafaq, au centre de la ville, où restaurants et cafés sont fréquentés presque exclusivement par les hommes. Dans cette ville de presque 3 millions d’habitants, les femmes sont très rares dans les rues. Et celles qui sortent portent soit la burqa bleue traditionnelle, soit le « tchadori », ce grand tissu en couleur claire, parfois à motifs, qui couvre tout le corps mais qui peut laisser paraître le visage et les mains.Alors qu’à Kaboul, les Afghanes sont plus nombreuses dans les espaces publics et sortent avec des tenues plus osées (foulard, plus manteau et pantalon moulants colorés, et robes longues ou tailleur pour les plus courageuses), à Herat, aucune ne sort des rangs.Ville conservatriceC’est dans cette ville conservatrice que vivent et chantent les groupes de rap Pascal et Motlaq & Leto, constitués l’un comme l’autre de deux jeunes Afghans, issus non pas de la classe aisée, mais des couches défavorisées. Ils chantent en dari, la langue officielle en Afghanistan avec le pachtou. Leur démarche artistique est d’autant plus audacieuse que les deux groupes s’en prennent, dans une société profondément traditionnelle, à l’emprise de la religion et à la domination que le clergé cherche à exercer sur la jeunesse afghane. Ils se rebellent à travers leurs textes contre l’autoritarisme et le conservatisme de leurs parents, contre la corruption des dirigeants afghans, contre la discrimination que subissent les minorités ethniques dans une société qu’ils jugent arriérée.Si les télévisions privées, nées grâce à l’aide des fonds des pays occidentaux, diffusent à foison des morceaux pop ou traditionnels, le rap est toujours considéré par la majorité de la population comme étant « contre les valeurs traditionnelles et les mœurs », voire même « satanique ». Pourtant, à écouter Reza (Leto de son nom artistique) et Muhammad (Motlaq de son nom de scène), ce genre musical est en train de prendre son envol dans cette ville traditionnelle. C’est d’ailleurs dans un café du centre-ville, à quelques mètres de la mosquée Sang-Sefid, que ces jeunes Afghans avaient organisé, début 2015, une soirée rap. « La salle était pleine et beaucoup de gens n’ont pas pu entrer », se souvient Reza, 23 ans, rencontré dans le même café, assis sur un lit en bois, décoré de coussins traditionnels. Quelques mètres plus loin, des jeunes hommes jouent au billard.Les gens qui fréquentent la mosquée et les « barbes blanches » de la ville n’apprécient guère les activités dans ce café. Surtout depuis que le groupe a chanté une chanson pour Farkhunda, l’Afghane battue à mort par une foule enragée en plein centre de Kaboul. L’Afghane de 27 ans avait été accusée, à tort, d’avoir brûlé un exemplaire du Coran. La vidéo de son lynchage a fait le tour du monde et affecté les Afghans, même dans les villages les plus reculés du pays.« Farkhunda ! Que ta douleur soit la mienneFarkhunda ! Ma sœur ! Pardonne aux gens qui t’ont maltraitéeAux ceux qui t’ont accusée à tortNous sommes sortis de l’islamNous poursuivons [en apparence] le Prophète Mais en réalité, nous sommes avec SatanJ’ai honteAprès ton départ, je souffre moi aussiIls (les agresseurs) ont aussi mis feu à mon cœur Dors bien !Tu appartiens au paradisTu es vivante même après ta mort. » « J’ai été profondément choqué lorsque j’ai vu la vidéo de son meurtre », se souvient Muhammad, 25 ans, le visage assombri. « Nous avons écrit à toute vitesse la chanson pour Farkhunda, poursuit Reza. Nous continuons à faire l’objet de menaces à cause de ce morceau. Je disais dans la chanson que les gens sont descendus tellement bas qu’à cause d’un livre, ils tuent les autres. Bien sûr que le Coran est le livre qui nous guide mais, comme je le dis dans la chanson : “Faut-il tuer les gens pour un livre ?” » Pour enregistrer ce morceau, Muhammad et Reza ont rencontré beaucoup de réticences de la part des studios qui refusaient de collaborer avec eux. « Les directeurs du studio qui a finalement accepté d’enregistrer le morceau ne voulaient pas nous le donner. Ils disaient que nous avions insulté la religion », dit Muhammad. Une fois leur chanson publiée sur YouTube et sur certaines pages de musique afghane, ils ont été accusés, par certains des habitants d’Herat, d’être des « apostats ». Une accusation qui peut leur coûter la vie…Bien sûr que le Coran est le livre qui nous guide mais, comme je le dis dans la chanson : “Faut-il tuer les gens pour un livre ?” », s’interroge MuhammadOnt-ils peur des représailles ? Se sentent-ils en danger ? Comptent-ils renoncer à leurs engagements sociaux ? « Nous voulions faire connaître cette histoire auprès des gens pour que cela ne se reproduise plus et nous sommes prêts à payer le prix, répond Reza entre deux bouffées de narguilé. Les gens ici ne réfléchissent pas et ne comprennent pas. Cela a été exactement comme ce qui est arrivé à Farkhunda. Ils ont d’abord agi. Ensuite, ils l’ont regretté. »Chanter pour Farkhunda n’est pas sans conséquences sur des activités encore plus anodines, comme le constate tous les jours Reza, par ailleurs propriétaire du café où nous l’avons rencontré : « Avec la mosquée, on a eu des problèmes. Ils nous embêtent parce que dans le café, on avait une “loge”, où nous accueillions aussi des femmes. Nous avons enfin été obligés de changer la décoration et le café est désormais réservé aux hommes. »Les membres du groupe Pascal, Mahdi et Mohsen, tous les deux âgés de 21 ans, ont eu également leur dose d’ennuis à cause de l’emprise des religieux sur la société afghane. Vivant dans le faubourg de Jebrail, majoritairement chiite, en lisière d’Herat, ils avaient organisé, en mars, un concert dans la grande salle de leur quartier. « La date coïncidait avec une cérémonie de deuil chiite », se souvient Mahdi. « Les mollahs l’ont su et pendant leurs discours dans les mosquées, ils ont demandé aux habitants de ne pas assister à notre concert », se désole Mohsen qui porte une casquette, un jean coupe baggy et un sweat-shirt à capuche. le concert a été un succès car Mahdi et Mohsen se sont produits à trois reprises sur scène et chaque fois, la salle était pleine à craquer.Si ces « égarements » échappent parfois aux institutions religieuses dans la société profondément patriarcale afghane, le père, autoritaire, est toujours présent pour rappeler à l’ordre sa progéniture désorientée. « Mon père ne cesse de m’ordonner d’aller à la mosquée, explique Mahdi. Je lui réponds “non” et je dis que si je veux prier, je préfère rester à la maison. Mon père me dit que je suis devenu apostat. » Et lorsque cet étudiant en comptabilité à l’université d’Herat fait écouter à son père l’une de ses chansons, où il dénonce l’obligation de faire la prière, il lui empêche de la publier. « Mais il ne sait pas que pour écrire les paroles de chaque morceau, je passe une nuit blanche. »Les Hazaras, minorité ethnique discriminéeComme la majorité des habitants de Jebrail, Mahdi et Mohsen sont Hazaras, la minorité ethnique la plus discriminée en Afghanistan, reconnaissable à ses yeux bridés. Dans ce pays sunnite, les Hazaras, presque 15 % de la population et le troisième groupe ethnique derrière les Pachtounes et les Tadjiks, sont majoritairement chiites. Les cicatrices de cette minorité, provoquées notamment par le règne des talibans (1996-2001), des sunnites extrémistes, sont toujours ouvertes. Le peu de budget consacré à la reconstruction des régions hazaras et le nombre très faible des Hazaras nommés aux postes gouvernementaux reflètent les discriminations subies par cette minorité. « Il y a quatre mois, j’ai terminé mes études en compatibilité à l’université d’Herat, explique Mohsen. Depuis, j’ai apporté mon CV à vingt différentes sociétés, mais je n’ai eu aucune réponse. Les patrons voient ma tête et ne me rappellent jamais. Ici les discriminations sont très présentes. »À la fin de leur clip Ezdeham (« surpeuplement » en dari), dans lequel ils disent avoir travaillé pendant cinq mois, l’un des jeunes s’interroge :« Pourquoi les rues puent le sang ? Quiconque ici a le pouvoir s’en sert de manière injusteIci, cela est la loi et nous y sommes habituésJ’ai bien comprisIci, il ne faut pas être humain. » Une situation déplorable qui n’échappe pas à leurs confrères du groupe Motlaq & Leto. « Ici, à Herat, les gens favorisent certaines minorités et les Hazaras sont les plus discriminés, se désole Reza. Ils ne peuvent rien faire. Ils font l’objet de beaucoup de pressions. » Motlaq & Leto essaie, à sa manière, de lutter contre ces discriminations. « Nous organisons des événements avec les Hazaras pour leur faire comprendre que nous voulons que les discriminations disparaissent », explique Muhammad.Bien que d’origines très différentes, ces quatre Afghans partagent tous le même rêve : le retour de la paix en Afghanistan. « Tant d’années de guerre et de conflits entre les Pachtounes, les Tadjiks et les Hazaras… Il n’y a eu que des morts et des réfugiés, constate Muhammad. Cela n’a pas suffi ? »Ghazal Golshiri (Herat, Afghanistan, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Le 18 juin a été choisi, cette année, par Jean Nouvel pour dire haut et fort sa vérité sur la Philharmonie, le plus coûteux des derniers chantiers de la République. « Je suis un homme traumatisé. C’est pour moi un grand jour, explique visiblement ému l’architecte, lauréat du concours en 2007. J’ai été muselé pour ne rien dire de ce qu’il se passe à la Philharmonie. Je peux enfin parler. » Lire aussi :A la Philharmonie, le feuilleton continueFinancée pour l’essentiel par l’Etat et la ville de Paris, la construction du monumental complexe musical et de sa salle de concert de 2 400 places à l’acoustique inédite, implantée dans le 19e arrondissement, était estimée au moment du concours à 118 millions d’euros. L’équipement aura coûté, officiellement, 386,5 millions d’euros en 2015 ; une dérive dont il est d’usage de rendre responsable l’architecte. De surcroît, le travail réalisé par les entreprises, pressées par la nécessité que le lieu soit rapidement ouvert, contre l’avis de Jean Nouvel, est, en de nombreux endroits, indigne d’un équipement de cette ampleur.Lire aussi :Jean Nouvel traîne son bébé en justiceUne responsabilité que se refuse à porter l’architecte qui avait publiquement séché l’inauguration de la Philharmonie le 14 janvier. Jean Nouvel a saisi le Tribunal de grande instance (TGI) afin d’obtenir la réalisation de travaux corrigeant les 26 points de non-conformités à son projet. Le 15 avril, le tribunal, ne pouvant « appréhender l’œuvre telle que revendiquée dans son état définitif », l’a débouté de sa demande. Il s’est pourvu en appel.Lire aussi :Jean Nouvel : « Pourquoi je n’étais pas à l’inauguration de la Philharmonie »Plan de communication minutieuxEn ce 18 juin, le plan de communication de Jean Nouvel a été minutieux. Le matin, sur France Inter ; à 11h, une conférence de presse organisée à son agence, dans le 11e arrondissement, en accord avec ses avocats ; à midi, un passage à Canal+ ; le soir, au Pavillon de l’Arsenal, « conversation publique » avec son homologue et ami Patrick Bouchain.« Il y a, estime Jean Nouvel, une volonté de considérer que l’architecte n’est plus si utile que ça, de l’affaiblir. Il fallait dire que tout ça, l’explosion des prix, ce soit de la faute de l’architecte. » Ce processus de marginalisation, de mise à l’écart, affirme le Prix Pritzker 2008, a été particulièrement à l’œuvre à la Philharmonie.« Le prix du bâtiment n’est pas défini par l’architecte, a-t-il rappelé, mais par le programme. » Selon lui, ses options architecturales vivement critiquées (accès public de la toiture, le vaste panneau signal visible depuis le périphérique, la façade en tourbillon et l’habillage en bois de la salle de concert) ne représentent que 6 % du coût total de la construction.« On a commencé avec une fausse estimation, explique Jean Nouvel. Une maladie française qui consiste à sous évaluer les grands projets publics pour les faire passer par Bercy. » Si l’architecte veut construire ce type de programme, il est, dit-il, « obligé d’accepter ». Dans les études d’avant-projet, sommaire et définitif, permettant d’affiner les coûts, les Ateliers Jean Nouvel avaient réévalué à 208 millions d’euros (fin 2007), puis à 247 millions d’euros (fin 2008), le montant de la construction.Coût global de 386 millions d’eurosCes propositions ont été majoritairement rejetées par le maître d’ouvrage, l’Association de préfiguration de la Philharmonie, qui a soumis in fine à ses tutelles (Etat et ville) un projet à 149 millions d’euros. A l’issue d’une procédure d’appel d’offres restreint, la société Bouygues emporte finalement le marché de travaux en janvier 2011 pour 253 millions d’euros. En 2012, la Philharmonie réclame 50 millions supplémentaires et annonce un coût global de 386 millions d’euros.La maîtrise d’ouvrage va être la cible principale de la colère de Nouvel. « Le vrai problème a été l’organisation mise en place », souligne-t-il. L’architecte, soumis à un système contentieux particulièrement contraignant, finit par être mis à l’écart de toute coordination de l’ensemble du chantier, qu'un bureau d'étude contrôlé par l'entreprise prend en charge.Jean Nouvel s’émeut de cette intrusion auprès des ministères, et affirme être étranger aux retards et surcoûts que le chantier ne cesse d’accumuler. On lui rétorque, dit-il : « “Respectez les coûts et les délais…” Moi qui ne les contrôlais plus, depuis longtemps, les coûts et les délais. » A l’automne 2013, l’architecte dénonce une immixtion que conteste la partie adverse. Selon Jean Nouvel, c’est alors que commence le « sabotage » de la Philharmonie.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin et Jean-Jacques Larrochelle Après dix ans de fermeture pour vétusté et plus de trois ans de bagarre juridique, le chantier de rénovation des « Grands magasins de la Samaritaine », propriété du groupe de luxe LVMH, va pouvoir reprendre. Ce programme mixte de 70 000 m2 doit abriter un palace derrière la façade Art Déco, classée monument historique, donnant sur la Seine, un centre commercial, des bureaux, des logements sociaux et une crèche. Vendredi 19 juin, le Conseil d’Etat, saisi par le groupe de Bernard Arnault et par la mairie de Paris qui soutient le projet, a prononcé la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 5 janvier 2015, estimant qu’elle « s’était fondée sur une interprétation inexacte du plan local d’urbanisme (PLU)… et ce faisant [avait] commis une erreur de droit » en confirmant l’annulation du permis de construire. Cette annulation avait été décidée, le 13 mai 2014, par le tribunal administratif de Paris.Lire aussi :On arrête tout à la Samaritaine« Rideau de douche »Plusieurs associations de défense du patrimoine, SOS Paris, la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) et des requérants du voisinage, avaient, en effet, déposé plusieurs recours auprès du tribunal administratif de Paris. Elles contestaient, notamment, la façade ondulée en verre sérigraphié blanc, de 73 mètres de long sur 25 mètres de haut, dessinée par Ryue Nishizawa et Kazuyo Sejima de l’agence japonaise SANAA. Selon ces associations, cette nouvelle façade ouvrant sur la rue de Rivoli ne s’intégrait pas dans le contexte urbain et historique de ce cœur du vieux Paris et dans la perspective de la rue de Rivoli. Ses détracteurs avaient d’emblée qualifié cet habillage de « rideau de douche ».Estimant, elles, que le projet LVMH méconnaissait les obligations du PLU relatif à l’insertion des constructions nouvelles dans le tissu urbain, ces associations avaient demandé l’annulation du permis de construire de « l’îlot Rivoli » délivré, le 17 décembre 2012, par la mairie de Paris.« A la manière des passages anciens de Paris »Le geste incriminé n’était pourtant pas né au hasard. Relevé détaillé à l’appui, le tracé des lignes verticales, définissant la succession des courbes de cette nouvelle peau, s’appuie strictement sur celui que créaient, de manière irrégulière, les anciennes ouvertures des façades composites du XIXe siècle aujourd’hui détruites. « Nous avons senti combien le rythme de cette façade était donné par celui de ses fenêtres, avait indiqué Ryue Nishizawa. Nous voulons donner une résonance actuelle à ce rythme. »Conscients du caractère patrimonial du site où il est implanté, les architectes, lauréats en 2010 du Pritzker Prize, le « Nobel » de l’architecture, et auteurs du Louvre-Lens, avaient défendu un parti architectural en phase avec l’histoire de la capitale. « A la manière des passages anciens de Paris, nous voulons créer un passage public qui permettra à chacun de rejoindre la Seine depuis la rue de Rivoli », décrivent-ils.Ce nouvel axe de déambulation, que SANAA a prévu de ponctuer et d’éclairer à l’aide d’amples dômes en verre insérés dans des puits de lumière, reliera directement la rue de Rivoli à la Seine. Il traversera les bâtiments « Jourdain-verrière » et « Jourdain-plateaux », construits entre 1905 et 1910 dans un style art nouveau affirmé. L’agence tenait à conserver, dit-elle, « ce témoignage de l’excellence technique de l’époque ». Un trou béant rue de RivoliLa décision définitive du Conseil d’Etat met fin à une saga à maints rebondissements juridiques. La première salve des associations du patrimoine, contre ce qu’elles estimaient être « un énorme cadeau offert à LVMH », date de janvier 2012. Accomplir, SOS Paris et Ensemble rue Baillet avaient demandé au Tribunal administratif d’annuler la révision simplifiée du Plan local d’urbanisme (PLU) décidée en juillet 2010 par le Conseil de Paris. Cette modification autorisait le Groupe LVMH à surélever le bâtiment de plusieurs mètres, côté rue de Rivoli, ce qui privait de lumière les habitants de l’étroite rue Baillet.En février 2013, deux requêtes étaient déposées par SOS Paris, la SPPEF et les riverains contre les démolitions effectuées entre la rue Baillet et la rue de Rivoli, estimant que celles-ci faisaient disparaître un témoignage du Vieux Paris. Ces requêtes avaient été rejetées par le juge des référés qui avait classé l’affaire, en juillet 2013, pour vice de forme, en raison d’un courrier « incomplet ». Une décision cassée à son tour par le Conseil d’Etat, qui a considéré que le juge avait « fait une erreur de droit manifeste ». L’affaire fut renvoyée devant le tribunal administratif et un nouveau permis déposé.On connaît la suite. Le Conseil d’Etat, qui vient à son tour de casser la décision d’annulation du permis de construire de la Cour d’Appel de Paris, rejette en bloc les arguments des associations. En décortiquant les dispositions du PLU (article UG11), le Conseil d’Etat rappelle que cet article permet « à l’autorité administrative de délivrer des autorisations pour la construction de projets d’architecture contemporaine pouvant déroger aux registres dominants de l’architecture parisienne et pouvant retenir des matériaux ou des teintes innovants ». Une décision qui fera date dans le paysage parisien.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journalisteFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.06.2015 à 13h37 • Mis à jour le21.06.2015 à 17h15 | Marie-Aude Roux et Sylvain Siclier De Vitrolles à Rennes, en passant par Creil et Paris, nos suggestions pour une soirée du 21 juin hors des sentiers – sonores – battus. Hommage à Guy Longnon à VitrollesL’occasion de découvrir, pour qui ne connaîtrait pas, le plus qu’agréable Domaine de Fontblanche, à Vitrolles (Bouches-du-Rhône), bel espace arboré où la musique trouve régulièrement de quoi s’épanouir. Et notamment lors du festival Charlie Jazz qui y est organisé (du 3 au 5 juillet cette année). En première partie, les musiciens des ateliers jazz de l’association Charlie Free, menés par le guitariste Christian Bon. Puis le programme, « D6 : Kind of Guy », un hommage au trompettiste, violoncelliste et arrangeur Guy Longnon, mort en février 2014, qui créa, en 1964, la première classe de jazz dans un conservatoire régional en France, celui de Marseille. Concert qui permettra d’entendre, en nonette, les arrangements de ce musicien de grande valeur pour des compositions de Jimmy Heath, Mc Coy Tyner, Herbie Hancock, Clifford Brown, Charlie Mingus, Miles Davis ou Thelonious Monk.A partir de 19 h 30, Domaine de Fontblanche. Sanseverino à Saint-Chamond Guitariste et chanteur, Sanseverino mêle avec talent les traditions de la chanson française, du jazz manouche avec un apport rock par endroits. Il sera le point d’orgue de la journée musicale à Saint-Chamond (Loire), où se tient dans le même temps le festival Rue des artistes, avec son spectacle actuel, un parcours dans les chansons populaires des années 1930 à 1970 (Les Roses blanches, En sortant de l’école, Ce petit chemin…) agrémenté de ses succès (La Cigarette, Les Embouteillages…).A 21 h 30, place de La Liberté. Israel Vibration et Les Ambassadeurs à CreilDepuis trois ans, le rendez-vous de la Fête de la musique à Creil (Oise), prend pour sous-titre Creil Colors ! avec une programmation musiques du monde. L’occasion de réunir cette année HK & Les Saltimbanks, qui mêle à la chanson des éléments de chaâbi algérien, du reggae et du hip hop, le groupe Israel Vibration, mené par les chanteurs Lascelle « Wiss » Bulgin et Cecil « Skeleton » Spence – Albert « Apple » Craig, troisième fondateur du groupe de reggae, formé au milieu des années 1970, a quitté la formation en 1996 – et enfin le légendaire orchestre Les Ambassadeurs. Formé à Bamako au début des années 1970, dirigé par le guitariste guinéen Manfila Kanté, mort en 2011, l’orchestre mêle l’instrumentation électrique aux balafon, cuivres et claviers et sera le vivier de nombreux musiciens en Afrique de l’Ouest (ses musiciens viennent du Mali, Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire…). Il revit depuis 2014 avec le chanteur malien Salif Keita, le claviériste malien Cheick Tidiane Seck et le guitariste et chanteur malien Amadou Bagayoko.A partir de 14 h 30, programme Creil Colors ! à partir de 17 heures, parc municipal de La Faïencerie. PhilhiP, Ifa et Apes O’Clock à RennesDans la ville des hivernales Transmusicales et d’une scène rock qui, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, se révéla fort influente (Etienne Daho, Marquis de Sade, puis Octobre, Niagara, Complot Brunswick…), la preuve qu’une grande place et une grande scène ne signifient pas nécessairement : s’en tenir à des vedettes pour faire se déplacer les foules. Le concert de Rennes sera au plus près de la diversité des genres (classique excepté) inscrite dans les origines de La Fête de la musique. Du jazz, option fusion avec Marion Thomas Quartet, en virées funk avec PhilhiP, des polyphonies vocales avec le trio Ifa, les musiques bretonnes alliées à celles de Cuba par le Bagad de Cesson-Sévigné, des musiciens colombiens et cubains, du reggae jamaïcain… Final avec le septette Apes O’Clock, alliance de punk, hip-hop et de poussées cuivrées.A partir de 16 heures, place du Parlement. Parcours nougaresque à Toulouse La ville de Toulouse fête celui qui l’a si bien chantée, Claude Nougaro, avec un programme intitulé « C’est une Garonne ». Particularité, il s’agira d’un parcours instrumental dans les mélodies dont Nougaro fut la voix. Avec en maître d’œuvre l’accordéoniste Lionel Suarez qui a réuni pour cet hommage deux confrères, Régis Gizavo et Etienne Grandjean, le multi-instrumentiste René Lacaille (accordéon, ukulélé, guitare, percussions…), le guitariste Kevin Seddiki et le batteur (et violoncelliste) Pierre-François Dufour.A 12 h 30, quai de La Daurade. L’Amazing Key Stone Big Band au jardin du Palais-Royal (Paris 1er)Pour commencer la soirée au jardin du Palais-Royal, l’un des meilleurs orchestres de jazz français, l’Amazing Key Stone Big Band, réunion d’une vingtaine de solistes de haut vol, a adapté un classique des classiques, Pierre et le Loup, de Serge Prokofiev (qui en a écrit la musique et le texte en 1936). L’histoire a permis à des millions d’enfants de découvrir certains des instruments de l’orchestre (flûte, clarinette, tambours, basson…). L’Amazing Key Stone Big Band en propose aujourd’hui l’une des meilleures versions parmi les dizaines qui ont été réalisées (dont une version rock en 1975 avec Eno, Gary Moore, Phil Collins…). Suivront, à partir de 18 heures, Chloé et Ibrahim Maalouf.A 14 h 30. La cantate « Médée » au Musée national Eugène-Delacroix (Paris 6e) C’est à la figure mythique de la terrible Médée que le Musée national Eugène-Delacroix (6, rue de Furstenberg) consacre cette année ses promenades picturo-musicales. L’Odyssée, d’Homère a inspiré le tableau de la Médée furieuse, de Chassériau, qui représente la magicienne en train de venger la trahison de son époux Jason, vainqueur de la Toison d’or, en tuant leurs deux enfants. Lui répondront les accents de la cantate de Clérambault, Médée, joués sur instruments anciens par les musiciens de l’ensemble baroque Les Contre-Sujets, fondé en 2011 par Samuel Rotsztejn.A 19 heures. Une « Flûte enchantée » aux Jardins des Amandiers (Paris 20e)A l’amphithéâtre de verdure des Jardins des Amandiers (entre les rues Duris et des Amandiers), avec orchestre symphonique, chanteurs lyriques, marionnettes géantes et comédiens, masques et décors, la compagnie les Planches à Musique présentera son nouveau spectacle adapté de la Flûte enchantée, de Mozart et Schikaneder. Le prince Tamino saura-t-il affronter la mort pour sauver Pamina, la fille de la Reine de la Nuit ? Ou bien finira-t-il par se rallier au pouvoir du sage Sarastro afin de conquérir celle qu’il aime ? Seule la musique de Mozart l’enchanteur vous le dira.A 16 heures. Georgio, ALB et Isaac Delusion place de la République (Paris 11e) et place Denfert-Rochereau (Paris 14e)Les deux gros plateaux pop rock de la Fête de la musique à Paris ne se marchent presque pas sur les pieds. Le premier, place de la République, débutera dans l’après-midi et propose Georgio, Jeanne Added, Josef Salvat, Marina Kaye, Zara Larsson, ALB, Tha Trickaz, Kwabs, Skip the Use… Le second, place Denfert-Rochereau, entrera dans la soirée avec Smokey Joe & The Kid, Bigflo et Oli, Isaac Delusion et Fuzeta.A partir de 14 h 30, place de la République ; à partir de 19 heures, place Denfert-Rochereau. Tahiti Boy, Koudlam et Husbands à l’église Saint-Eustache (Paris 1er)En marge de la Fête de la musique, le Festival 36h propose, comme son nom l’indique, trente-six heures de musique (presque) sans interruption, sous la voûte de l’église Saint-Eustache. Avec la bénédiction du curé de la paroisse, qui a lancé l’idée il y a dix ans, les festivités mêlent musiques sacrées et actuelles. Elles commenceront samedi 20 juin, à 17h, pour finir le lendemain, aux alentours de minuit, après une nuit quasi blanche. Au programme : la pop tonique de Tahiti Boy & the Palmtree Family, celle, tout aussi vitaminée, de Husbands et Kid Francescoli, ou encore un duo entre le musicien électro Koudlam et le chanteur de Poni Hoax Arnaud Roulin. Le tout entrecoupé de messes, comme il se doit.A partir de 17 heures (samedi 20 juin). Adresses, horaires, programmes complets sur la page dédiée du site Internet du ministère de la culture et de la communication.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Michaël Szadkowski Il y a dix ans, le Hellfest rassemblait quelques milliers de passionnés, qui s’ébrouaient joyeusement au creux des vignes du Val de Loire de la petite ville de Clisson (44). C’est aujourd’hui un festival de métal d’ampleur européenne. L’édition qui s’ouvre vendredi 19 juin affiche complet depuis des mois, et devrait sans problème battre le record de participation des 150 000 personnes atteint en 2014. C’est un peu plus que les Francofolies de La Rochelle − 130 000 festivaliers −, mais encore loin des Vieilles Charrues de Carhaix − 225 000 fêtards.Sans vouloir mettre trop d’eau dans la bière, on ne peut que constater que le menu de la plus grande kermesse française du hard-rock sent le réchauffé. Un coup d’œil sur les têtes d’affiche pourrait surprendre les non avertis, qui ne savaient pas que ces groupes jouaient encore. En 3 jours, se croiseront sur scène d’illustres gloires chevelues des hard-rock des années 70 et 80 (Scorpions, ZZ Top, Slash, Alice Cooper, Motörhead...), du punk, du black métal et du hardcore qui hurle − depuis longtemps déjà − son refus de la société (The Exploited, Mayhem, Dead Kennedys, NOFX, Madball...), ou encore des membres éminents de la nouvelle scène des années 90, aujourd’hui sur le retour (KoRn, Slipknot, Faith No More, Limp Bizkit...).Pas d’avant-gardeAutant de valeurs sûres de nature à délecter chaque fan dans chaque sous-genre de la grande famille du métal. Mais si de nombreuses têtes d’affiche ont déjà joué (une ou plusieurs fois) au Hellfest les années précédentes, l’avant-garde et d’éventuels représentants de nouveaux genres hybrides brillent à nouveau par leur absence.L’intention est néanmoins louable pour les nostalgiques des gros riffs de leur jeunesse, et explique la montée en puissance du festival ces dernières années. Les programmateurs du Hellfest parviennent à chaque fois à combler les attentes d’un spectre très large, du grand-père fan d’AC/DC à la tata plutôt portée sur Metallica, jusqu’aux cousins fans des dérivés de Slayer ou du death scandinave.La nouveauté sera plutôt à chercher du côté des infrastructures (une réplique du marché londonien de Camden) ou des événements annexes (un grand feu d’artifice qui durera un quart d’heure). Dans les dix prochaines années, le défi musical du Hellfest sera de proposer du neuf aux adolescents d’aujourd’hui. Reste à savoir si la scène métal actuelle sera à même de lui fournir.@szadkowski_mszadkowski@lemonde.frMichaël SzadkowskiRédacteur en chef adjoint au numériqueSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.06.2015 à 18h49 • Mis à jour le18.06.2015 à 18h54 | Marie-Aude Roux En mars 2014, le baryton Franck Ferrari n’avait pas pu honorer le rôle-titre du Roi Arthus, d’Ernest Chausson programmé à l’Opéra national du Rhin : il luttait déjà contre le cancer du pancréas qui a fini par l’emporter à l’âge de 52 ans. C’est auprès de sa femme et de ses trois enfants que le chanteur français s’est éteint, jeudi 18 juin, dans sa maison familiale de Nice. Doté d’une faconde toute méridionale, d’une haute stature, Franck Ferrari possédait une présence solaire et une voix puissante. Il était très apprécié de ses camarades de scène pour son sérieux dans le travail et sa fantaisie communicative dans la vie.Ce familier du répertoire d’opéra français du XIXe siècle était également à l’aise dans le répertoire italien. En témoigne l’impressionnant Scarpia qu’il avait imposé dans La Tosca, de Puccini sur la scène de l’Opéra Bastille (2007 et 2011) et plus encore ses fracassantes apparitions en toréro Escamillo dans Carmen, de Bizet, un rôle fétiche qu’il interprétera notamment en France sous la direction de Jean-Claude Casadesus et Michel Plasson, mais aussi au Hollywood Bowl de Los Angeles et au Teatro Regio de Turin.C’est dans sa ville de Nice, où il était né le 12 janvier 1963 dans une famille modeste, que le chanteur français avait fait ses études au Conservatoire avant de débuter à l’Opéra municipal en tant que figurant. A 18 ans, Franck Ferrari s’était engagé dans les parachutistes jusqu’au Liban, avant de revenir à la musique. Sa rencontre avec le pianiste Dalton Baldwin aura été déterminante : avec lui, le baryton amoureux de la mélodie française enregistrera, en 2013, l’intégrale des mélodies de Jacques Ibert, dont les fameuses Chansons de Don Quichotte, pour le label Maguelone Music.Une trentaine de rôlesLe chemin parcouru par ce travailleur humble et acharné, pour atteindre les grandes scènes lyriques de La Scala de Milan ou du Metropolitan Opera de New York, mérite un coup de chapeau. Pendant vingt ans, Franck Ferrari a nourri pas moins d’une trentaine de rôles à l’Opéra national de Paris – au Palais Garnier et à l’Opéra Bastille –, où il a chanté pour la dernière fois, en 2013, le rôle d’Hercule dans Alceste, de Gluck. On a aussi pu l’entendre en Golaud dans Pelléas et Mélisande, de Debussy (2004), en Marcello dans La Bohème, de Puccini (2005), en Paolo dans Simon Boccanegra, de Verdi (2006) et dans les quatre rôles de basse des Contes d’Hoffmann, d’Offenbach (2007) – des incarnations diaboliques et délicieusement distanciées, voix bien timbrée et prestance scénique.On se souvient aussi en octobre 2010 du rare chef-d’œuvre lyrique d’Enescu, Œdipe, monté au Théâtre du Capitole de Toulouse alors sous la direction artistique de Nicolas Joel. Franck Ferrari incarnait le rôle-titre du réprouvé des dieux, auquel il avait su donner une véritable dimension épique. Mais c’est celui d’Hercule que le baryton français devait reprendre, mardi 16 juin, dans l’Alceste, de Gluck mis en scène par Olivier Py sous la direction de Marc Minkowski. L’Opéra de Paris lui dédiera, jeudi soir, la première représentation après avoir observé une minute de silence.Quelques dates12 janvier 1963 Naissance à Nice.Octobre 2010 Œdipe, d’Enescu au Théâtre du Capitole de Toulouse sous la direction artistique de Nicolas Joel.2013 Rôle d’Hercule dans Alceste, de Gluck à l’Opéra de Paris.18 juin 2015 Mort à Nice.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre L’Etat va mettre la main à la poche pour aider Radio France à sortir de l’ornière. Selon nos informations, l’entreprise publique va recevoir 80 millions d’euros de financement exceptionnel, afin de faire face aux besoins de trésorerie engendrés par l’interminable chantier de réhabilitation de la Maison de la radio.Lire aussi :L’interminable chantier de la Maison de la radioCette somme, dont le montant a été annoncé, mardi 23 juin, en conseil d’administration, sera versée sous deux formes différentes. Cinquante-cinq millions d’euros seront apportés aux fonds propres de l’entreprise sous forme d’une dotation en capital, sous l’égide de l’Agence des participations de l’Etat (APE). Répartis sur trois exercices budgétaires (de 2016 à 2018), 25 autres millions d’euros seront issus de la contribution à l’audiovisuel public (la « redevance »), au titre de l’investissement.Un geste de l’Etat était attendu et avait été promis par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, lors de la longue grève qui a paralysé Radio France, en avril. « J’ai proposé une intervention au capital de l’entreprise, pour l’accompagner dans cette période difficile », avait-elle déclaré dans un entretien au Monde. Son montant et ses modalités restaient à définir, dans un contexte où chaque euro d’argent public compte et où il est par ailleurs demandé à l’entreprise de se réformer.Lire aussi :Fleur Pellerin : « Il faut renouer les fils du dialogue » à Radio FranceUn chantier à plus de 100 millions d’eurosAu ministère, on explique que les formes d’intervention retenues – une dotation en capital et un budget d’investissement – permettent de bien distinguer cet apport exceptionnel de ce qui relève du fonctionnement courant de l’entreprise. Cet apport ne sera par ailleurs pas le seul : Radio France a soumis une demande de prêt à trois banques et recherche 90 millions d’euros pour subvenir à ses besoins de trésorerie. Mais pour obtenir l’accord des banques, elle doit d’abord finaliser son contrat d’objectif et de moyens (COM), dont la conclusion n’est pas attendue avant septembre.L’apport de l’Etat, ainsi que cet emprunt, sont censés permettre à l’entreprise de répondre aux besoins de financement supplémentaires liés au chantier, évalués à ce stade entre 100 et 110 millions d’euros. Mais cette estimation laisse un angle mort : le sort d’une partie des studios, dits « studios moyens ». Des études doivent être menées pour déterminer comment mener leur réhabilitation.L’aide apportée par l’Etat lève une partie des incertitudes financières pesant sur Radio France. Mais elle ne résout pas la « question stratégique » qui doit être au cœur du COM, pointe-t-on au ministère. Ni la question des 44 millions d’euros d’économies, dont 24 sur la masse salariale, que l’entreprise doit dégager dans le cadre du COM.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.06.2015 à 06h51 • Mis à jour le25.06.2015 à 11h40 | Philippe Dagen Mona Hatoum se méfie des simplifications et des discours tout prêts. Elle s’en méfie d’autant plus qu’elle en a souvent subi la brutalité. Parce qu’elle est née à Beyrouth, en 1952, de parents d’origine palestinienne, l’artiste britannique a trop souvent vu ses travaux – en fait une partie de son œuvre, toujours la même – interprétés immédiatement d’après sa naissance. Non qu’elle nie que son œuvre soit souvent politique. Mais elle est loin de l’être systématiquement et, quand elle l’est, ce n’est pas seulement et exclusivement à la situation au Proche-Orient qu’elle fait référence. Elle prévient d’entrée : « Chacun est libre de comprendre ce que je fais en fonction de ce qu’il est, du lieu où il se trouve. Je peux raconter la genèse de mes œuvres, mais pas plus. Je ne veux pas assigner à chacune un sens et un seul. » L’enfermer dans un ton unique, qui serait celui du tragique de l’exil et des guerres, ce serait même manquer ce qui rend son œuvre remarquable : la tension qu’elle crée entre des polarités opposées, le banal et l’onirique, l’inquiétude et la légèreté, la gravité et le jeu.Ainsi s’explique-t-elle parmi les œuvres qu’elle a disposées pour la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou. Sur un écran passe la vidéo de l’une de ses premières performances, qui est aussi l’une des plus souvent montrées, Roadworks (1985). On l’y voit, vêtue de noir, dans un marché et sur des trottoirs de Brixton, quartier de Londres où avaient eu lieu les années précédentes des émeutes raciales, entre population noire et police blanche. Elle est pieds... 24.06.2015 à 18h09 • Mis à jour le25.06.2015 à 12h50 | Emmanuelle Jardonnet Mercredi 24 juin dans la soirée, Sotheby’s mettait en vente à Londres une première œuvre issue de la « collection » Gurlitt, du nom de Cornelius Gurlitt, l’octogénaire allemand qui avait caché jusqu’en 2012 plus de 1 600 œuvres amassées par son père sous le IIIe Reich.Ce tableau, Deux cavaliers à la plage, peint en 1901 par l’Allemand Max Liebermann, qui était inclus dans une vente d’une cinquantaine d’œuvres impressionnistes et d’art moderne, a été adjugé 1,865 million de livres (2,61 millions d’euros), soit bien au-delà de l’estimation faite par la maison d’enchères, qui avançait une fourchette de 350 000 à 550 000 livres (entre 493 000 et 775 000 euros).La « collection » Gurlitt, des centaines d’œuvres saisies par les nazisLe tableau est l’une des quelque 1 406 œuvres d’art (peintures, dessins et gravures) découvertes à Munich dans l’appartement de Cornelius Gurlitt en 2012 à l’occasion d’une simple enquête pour fraude fiscale. Parmi celles-ci, des Picasso, Matisse, Renoir, Delacroix, Chagall, Otto Dix, Chagall, Klee, Kokoschka, Beckmann, Canaletto, Courbet, Pissarro ou Toulouse-Lautrec.Une nouvelle perquisition dans une maison lui appartenant à Salzbourg (Autriche) avait conduit à la découverte de 238 œuvres supplémentaires, dont 39 toiles. Parmi les signataires, là encore, Renoir, Picasso ou Chagall.Cornelius Gurlitt tenait ce trésor de son père, le marchand d’art Hildebrand Gurlitt (1895-1956), qui fut l’un des galeristes chargés par Goebbels de vendre les œuvres d’art dit « dégénéré » saisies par les nazis dans les collections des musées allemands et dans les collections privées de familles juives.Un accord sur 590 œuvresEn avril 2014, Cornelius Gurlitt avait accepté de coopérer avec les autorités allemandes pour déterminer si une partie des tableaux qu’il possédait provenait de vols et de pillages commis par les nazis, afin que ces œuvres soient rendues aux ayants droit des propriétaires spoliés.L’accord, qui ne concernait que les pièces saisies en Allemagne, pas celles retrouvées en Autriche, portait sur quelque 590 œuvres, pour lesquelles les descendants des anciens propriétaires spoliés avaient un an pour se faire connaître et valoir leurs droits. La Femme assise de Matisse avait ainsi été restituée en mai 2014 aux héritiers du collectionneur d’art juif français Paul Rosenberg.Cornelius Gurlitt est mort en mai à l’âge de 81 ans, désignant pour le reste des œuvres le Musée des beaux-arts de Berne, en Suisse, comme son légataire universel.La trajectoire de « Deux cavaliers à la plage »On sait que ce tableau de Max Liebermann fut cédé en 1942 par les autorités nazies à Hildebrand Gurlitt. En mars, il avait fait l’objet d’une querelle juridique, lorsqu’un des héritiers légitimes, l’Américain David Toren, âgé de 90 ans aujourd’hui, avait porté plainte à Washington contre l’Allemagne et la Bavière pour demander la restitution immédiate du tableau ayant appartenu à son grand-oncle, David Friedmann, jusqu’à ce que ce dernier doive renoncer à ses biens en faveur des nazis.David Toren avait 13 ans en 1938 lorsqu’il a vu le tableau pour la dernière fois, dans la maison de Breslau de son riche grand-oncle, avant que ses parents ne le mettent dans un train pour la Suède. Alors que presque toute sa famille a été exterminée par les nazis, David Toren avait émigré en 1956 aux Etats-Unis.L’homme, désormais aveugle, a pu récupérer le tableau, recouvert de poussière, au mois de mai. Le mettre en vente a été, selon lui, une « décision douloureuse », mais « inévitable », pour qu’il soit « partagé » entre tous les héritiers.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie Jégo (Istanbul, correspondante) Il fut le premier photographe à se rendre sur les lieux de l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986. L’Ukrainien Igor Kostin est mort le 9 juin 2015 dans un accident de voiture à Kiev, à l’âge de 78 ans. L'annonce a été faite par son épouse, Alla, le 24 juin.A l’occasion de sa mort, nous republions ici le portrait paru en 2006 dans « Le Monde ». De son séjour à Tchernobyl, Igor Kostin a gardé des problèmes de santé, de fréquents accès de déprime et « un goût de plomb entre les dents » dont il ne parvient pas à se débarrasser. Premier photographe à se rendre sur les lieux de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire, le 26 avril 1986, il a ensuite passé deux mois aux côtés des « liquidateurs », ces hommes envoyés de toute l'URSS pour nettoyer le périmètre irradié. Des années après, le reporter, dont les clichés ont été publiés dans le monde entier, ne s'est jamais remis de ce qu'il a vu. Sa colère est intacte. Tout y passe : le cynisme des autorités, leur indifférence, l'amnésie de l'opinion.Le 26 avril 1986 à l'aube, Igor est réveillé par le téléphone. Un ami lui propose de l'emmener en hélicoptère à la centrale nucléaire de Tchernobyl où, selon la rumeur, un incendie s'est déclaré. Sur place, rien ne laisse supposer la gravité de l'accident. Collé au hublot, Igor, alors photographe pour l'agence Novosti, traque l'image.La photo, c'est sa passion, une toquade venue sur le tard, une sorte de deuxième vie pour ce gamin né en Moldavie avant la seconde guerre mondiale et qui connut la faim sous l'occupation. Sa survie, il la doit au fait d'avoir mâché le cuir des bottes allemandes, enduit de graisse de poisson. Sa mère en faisait de la soupe, un brouet « abominable ». « Nous serions morts sans cela », dit-il. Après la guerre, il n'a pour horizon que le foot, la rapine et les bagarres de rue. Mais, bientôt, à force de volonté, il se hisse au rang de « constructeur en chef ». Son salaire est garanti, ses vacances le sont aussi, mais il s'ennuie. Il va tout lâcher pour une idée fixe : devenir photographe.Lueur rougeâtre Le voilà, donc, dans cet hélicoptère qui survole la centrale, et la photo qu'il doit faire s'impose. Le toit du réacteur n° 4 - une dalle de béton armé de 3 000 tonnes - « a été retourné comme une crêpe ». Au fond du trou béant, brille une lueur rougeâtre : le coeur du réacteur en fusion. En bon professionnel soucieux d'« éviter les reflets », Igor ouvre le hublot et prend des photos. « Une bouffée d'air chaud remplit la cabine de l'hélicoptère. Aussitôt, j'ai envie de racler le fond de ma gorge. » Très vite, son appareil s'enraye. Au développement, un seul cliché sera utilisable. Les autres, attaqués par la radioactivité, seront noirs, comme si la pellicule avait été exposée en pleine lumière.Transmise à l'agence Novosti, l'unique photo de la centrale dévastée ne sera pas publiée. On est en URSS et, officiellement, il ne s'est rien passé à Tchernobyl. Les autorités vont mettre trois jours à reconnaître « un accident », dix jours à donner l'ordre d'évacuation des civils. C'est par La Voix de l'Amérique, radio honnie du pouvoir soviétique, qu'Igor apprend qu'« une catastrophe nucléaire majeure » vient de se produire.Aux premières heures du drame, 800 000 « liquidateurs » - ouvriers, paysans, soldats, pompiers - sont réquisitionnés à travers toute l'URSS pour décontaminer. Savent-ils ce qui les attend ? Munis de protections dérisoires, ils se mettent à l'ouvrage, enhardis par les promesses de primes, d'appartements ou de démobilisation anticipée. Mineurs chargés de creuser un tunnel sous le réacteur, soldats qui déblaient les poussières radioactives, ouvriers invités à plonger dans la réserve d'eau lourde de la centrale pour tenter de la vidanger : Igor les a, pour la plupart, côtoyés. « Grâce à eux, le pire a été évité, ils se sont sacrifiés », dit-il, la voix brouillée. Il raconte comment, occupés à ramasser le graphite sur le toit du réacteur n° 3, au plus près du feu nucléaire, ils trichaient régulièrement sur les doses absorbées par leurs organismes.Il se remémore leurs conversations d'alors, « pleines des voitures et des maisons » qu'ils pensaient pouvoir acheter. Neuf mois plus tard, le photographe et les liquidateurs irradiés se retrouvent côte à côte à l'hôpital n° 6 de Moscou, un établissement militaire « fermé ». « La radioactivité les rongeait de l'intérieur. Ils souffraient tant qu'ils se cramponnaient aux barreaux métalliques. La chair de leurs mains y restait collée. Parler de tout cela me rend malade », raconte Igor. Longtemps après, une chose est sûre : l'indifférence envers ces « robots biologiques », comme Igor les appelle, est totale. « Qui a jamais téléphoné à Vania, Piétia ou Volodia pour leur demander comment ils allaient ? Au contraire, on les a laissés tomber. Leurs pensions ont été réduites et le peu qu'ils perçoivent suffit à peine à couvrir leurs besoins en médicaments », déplore Igor. Combien sont morts ? Combien sont malades ? Nul ne le sait précisément, aucune étude épidémiologique sérieuse n'a été menée. Après l'explosion de Tchernobyl, celle de l'URSS, survenue cinq ans plus tard, les a éparpillés de l'Ukraine au Kazakhstan en passant par la Russie. Le contact a été rompu.A Kiev, où vit Igor, Tchernobyl est rarement évoqué. « Aucun journaliste ukrainien n'a cherché à me rencontrer », constate le photographe, sanglé dans un costume impeccable. Il avait tenté de publier un livre de ses photos, mais la censure s'en était mêlée. La récente publication de son ouvrage en Europe lui met du baume au coeur. Des entretiens sur le sujet, ce géant de 1,98 mètre ressort épuisé.Bien que malade de Tchernobyl, il ne perd pas une occasion d'y retourner. Située à une centaine de kilomètres de son domicile de Kiev, la « zone », comme on dit ici, l'attire. Depuis l'évacuation de ses habitants (environ 120 000 personnes), le périmètre interdit a été envahi par les herbes folles et les animaux sauvages. Ces dernières années, des centaines de « samosiolki » (littéralement « ceux qui se sont installés ») sont revenus y habiter, coupés de tout, subsistant des produits de la chasse et de leurs potagers. Igor aime leur rendre visite. Il ne manque pas une occasion de saluer son copain Serioja, un ancien liquidateur devenu responsable du périmètre irradié. Dans la « zone », Igor se sent chez lui : « Là-bas, tout le monde me connaît, même les chiens. »Marie Jégo (Istanbul, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre et Alexandre Piquard « Nous avons la volonté de réaffirmer l’exigence d’exemplarité dans les établissements publics. » Telle est l’ambition du ministère de la culture alors que Fleur Pellerin a adressé aux dirigeants des 75 établissements culturels et audiovisuels, mercredi 24 juin, une « instruction pour la maîtrise et la transparence » des dépenses. Un travail de fond pour harmoniser et renforcer les règles en vigueur. Mais aussi un affichage politique volontariste sur un thème très sensible dans l’opinion, comme l’ont démontré plusieurs affaires, touchant jusqu’au premier ministre Manuel Valls, qui avait emmené ses enfants en avion voir la finale de la Ligue des Champions.Une réaction à « l’affaire » du bureau de Mathieu GalletL’initiative de Mme Pellerin a été lancée en mars, en réaction à l’affaire Mathieu Gallet : à l’époque, le nouveau PDG de Radio France se voit reprocher les frais de rénovation de son bureau. Il sera blanchi par l’inspection générale des finances sur ses dépenses dans le groupe audiovisuel. Mais une enquête préliminaire a, depuis, été ouverte pour favoritisme sur les prestations de conseils extérieurs à l’Institut national de l’audiovisuel (INA) sous sa présidence (2010-2014).Lire : Mathieu Gallet visé par une enquête préliminaire pour « favoritisme »  Dans le sillage de ce feuilleton est née l’affaire des taxis d’Agnès Saal, poussée à la démission de la présidence de l’INA. La circulaire envoyée mercredi par le... Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 24.06.2015 à 07h43 | Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexandre Piquard Les sanctions infligées aux médias par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour le traitement des attentats de janvier ne passent toujours pas. Selon nos informations, la plupart des chaînes et radios qui avaient contesté leurs mises en demeure et mises en garde ne désarment pas, malgré le rejet de leur recours gracieux par l’autorité, le 1er juin. La semaine dernière, France Télévisions, BFM-TV et RMC, France 24 et RFI, RTL et Europe 1 ont déposé chacun un recours au Conseil d’Etat contre les décisions du CSA. Selon ce dernier, des personnes avaient été mises en danger et le travail des forces de l’ordre gêné.« C’est un enjeu majeur pour la liberté de travail des journalistes de service public, dont l’information est une des missions centrales », explique-t-on à France Télévisions, résumant le sentiment d’autres médias concernés. « La volonté est d’avoir un éclairage juridique sur le fond, pour l’avenir, et d’avoir un cadre légal précisé au regard de l’évolution des médias et de l’information en continu », ajoute-t-on à France Médias Monde (France 24, RFI…). Les chaînes et radios se défendent de toute action procédurière ou corporatiste.Le cas particulier de l’assaut à Dammartin-en-GoëleLe 11 février, l’institution dirigée par Olivier Schrameck avait sanctionné pas moins de 36 « manquements » divers. Certains étaient des défauts de « respect de la dignité humaine », comme dans le cas de la diffusion d’extraits de la vidéo amateur d’un policier abattu par les frères Kouachi.D’autres ont été considérés comme des atteintes à « l’ordre public » : par exemple « la diffusion d’images ou d’informations concernant le déroulement des opérations en cours, alors que les terroristes étaient encore retranchés à Dammartin-en-Goële et à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes », ou « la diffusion d’informations concernant la présence de personnes cachées dans les lieux de retranchement des terroristes, alors que les assauts n’avaient pas encore été menés par les forces de l’ordre et qu’un risque pesait donc toujours sur leur vie ».Dans leurs recours auprès du Conseil d’Etat, les médias concentrent leur argumentation sur une sanction particulière : celle visant « l’annonce que des affrontements contre les terroristes avaient lieu à Dammartin-en-Goële alors qu’Amedy Coulibaly était encore retranché à la porte de Vincennes ». « La divulgation de cette information aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour les otages de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, dans la mesure où Amedy Coulibaly avait déclaré lier leur sort à celui de ses complices de Dammartin-en-Goële », avait écrit le CSA.L’ordre public, une notion trop vague ?Il ne s’agit pas de faits avérés mais d’un risque potentiel. Le CSA considère a priori qu’il aurait pu y avoir un trouble à l’ordre public, arguent les médias concernés. A BFM-TV et RMC, ainsi qu’à France Télévisions, notamment, le recours repose sur le raisonnement suivant : la liberté d’expression définie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ne peut être restreinte que par des références à des infractions pénales précises (par exemple la provocation à la haine raciale, le négationnisme…). Et donc pas par une interprétation par le CSA du concept, vague, d’ordre public, cité à l’article 1er de la loi sur l’audiovisuel de 1986.« Le risque est de nous contraindre à demander au ministère de l’intérieur si une information peut porter atteinte à l’ordre public. Est-ce légitime ? C’est un problème de fond », estime-t-on à RTL. Lors du début de l’assaut à Dammartin-en-Goële, les journalistes étaient témoins directs, comme d’autres riverains, ajoute-t-on. Aucune consigne n’avait été donnée sur cette information aux médias par les forces de police, ajoute-t-on à France Télévisions.« On ne veut pas que la liberté de la presse soit réduite a priori. Il y a en France des lois pour que le juge tranche a posteriori », renchérit RTL. Plusieurs médias s’inquiètent d’une « insécurité juridique » qui pourrait mener à de « l’autocensure » et réclament un cadre au Conseil d’Etat.« Distorsion de concurrence » avec les réseaux sociaux et les sites de médiasContacté, le CSA ne souhaite pour l’instant pas réagir, ne disposant pas du contenu des recours déposés. « Nous ne sommes pas donneurs de leçons », s’était défendu Olivier Schrameck dans Le Figaro. « Il ne s’agit pas de distribuer des sanctions pour l’exemple. L’hommage que j’ai rendu aux médias pour leur rôle dans la prise de conscience collective, je le réitère », avait-il ajouté, tout en reconnaissant la « portée préventive » des sanctions.Enfin est pointée une « distorsion de concurrence » défavorable aux chaînes de télévisions et aux radios, soumises au CSA. Les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, mais aussi les sites internet de médias, qui ont pour la plupart couvert les événements en direct, ne dépendent eux pas de cette autorité. « Si une information est diffusée ailleurs mais que nous devons la taire, il risque de s’installer une défiance de nos spectateurs, qui seront tentés de s’informer à d’autres sources. Alors que nous sommes justement garants d’un professionnalisme de l’information », estime-t-on à France Télévisions, rappelant que l’entreprise a un code de déontologie.M. Schrameck avait reconnu le « problème » : « Nous avons d’un côté un champ médiatique qui est très précisément régulé et de l’autre un champ numérique qui ne l’est pas ou très peu », avait-il dit au Figaro, renvoyant la question au législateur.« Prise de conscience commune » et prudenceCes débats et ces recours interviennent dans un contexte particulier : le CSA voit son action contestée sur plusieurs points et le Conseil d’Etat a notamment cassé sa décision contre le passage en gratuit de LCI et Paris Première. Les médias concernés, eux, restent prudents dans leur expression, car ils dépendent tous de l’autorité pour diverses décisions, à l’image d’une BFM-TV qui espère ne pas voir arriver une troisième chaîne d’information en continu sur la TNT.« Il y a eu une prise de conscience commune aux médias d’information qui ont été sanctionnés, explique pourtant l’un d’eux. Ce CSA-là a pris une tournure inattendue, alors qu’Olivier Schrameck avait dit à son arrivée qu’il voulait être davantage régulateur que censeur. »Mais les médias en continu savent aussi que la bataille de l’opinion n’est pas forcément gagnée et que la couverture des attentats, dont la plupart sont fiers, a suscité des critiques. « Le climat d’insécurité et d’attaques terroristes nous fait accepter des choses qu’on aurait refusées autrement », regrette un dirigeant. Après avoir invité les médias à un débriefing ouvert, le CSA a pris en compte dans ses sanctions l’émotion du « public » : « Dans un premier temps, il veut tout savoir, mais très curieusement, très vite, il a lui-même réagi, ayant le sentiment que tout ne peut pas être dit ou montré », avait dit Nicolas About, membre du CSA, sur Europe 1.Fleur Pellerin avait, elle, apporté son soutien aux décisions : « Le CSA est dans son rôle, il doit réguler l’audiovisuel », avait déclaré la ministre de la communication. Tout en promettant un cadre « plus clair » à l’avenir.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Amazon continue d’innover dans l’industrie littéraire et risque de faire à nouveau grincer des dents. Le géant du commerce a récemment annoncé que certains auteurs seraient payés… à la page lue. Cette nouvelle politique entrera en vigueur le 1er juillet et ne concernera que les auteurs autoédités exclusivement sur Amazon avec le programme Kindle Direct Publishing.Ce nouveau mode de rémunération sera également circonscrit aux droits d’auteur issus des programmes Kindle Unlimited ; l’abonnement à 9,99 euros par mois permettant d’emprunter autant d’e-books que l’on souhaite, et du Kindle Owners Lending Library (KOLL), qui propose aux abonnés « premium » d’Amazon d’emprunter un certain nombre de livres électroniques gratuitement. Jusqu’ici, les auteurs étaient rémunérés à l’emprunt et seulement si l’abonné lisait au moins 10 % de l’ouvrage — ce qui pouvait donner lieu à des dérives ; les auteurs étant incités à publier des livres très courts.Amazon explique que la longueur d’une page sera calculée différemment selon l’outil de lecture utilisé. Par exemple, une page sur smartphone est forcément plus courte que sur liseuse électronique. Ainsi, l’entreprise va alors analyser la longueur des lignes, l’espacement des lettres, et d’autres facteurs, pour mesurer le nombre de pages que chaque lecteur parcourt.Le programme d’autoédition d’Amazon a été lancé en 2007 et est un véritable succès ; l’entreprise ne cesse de mettre en avant les auteurs devenus riches et célèbres grâce à lui. Les statistiques compilées chaque trimestre par l’auteur à succès autopublié Hugh Howley montrent que les auteurs indépendants dépassent les cinq plus gros éditeurs (aussi appelés Big Five) en ventes d’e-books sur Amazon.Florian ReynaudJournaliste au Monde Véronique Mortaigne Comme il l’avait annoncé à l’issue de la 39e édition du Printemps de Bourges fin avril, Daniel Colling, 69 ans, quitte la direction du festival qu’il avait cofondé en 1977. Le nom de son remplaçant, Boris Vedel, annoncé lundi 15 juin par la société C2G, propriétaire du Printemps depuis 2013, n’était pas attendu. Cet homme discret, venu de l’industrie du disque et de l’événementiel, prendra ses fonctions le 1er juillet. Daniel Colling, par ailleurs patron charismatique des Zénith de Paris et de Nantes, restera toutefois dans l’équipe d’organisation jusqu’à la prochaine édition, qui se tiendra du mardi 12 au dimanche 17 avril 2016, en charge plus particulièrement des festivités relatives au 40e anniversaire du Printemps de Bourges.Lire aussi :Au menu du dernier Printemps de l’ère CollingDaniel Colling avait cédé ses parts du Printemps de Bourges en 2013. Un an après, il avait vendu la société PSE, responsable de la production technique du festival, à C2G, filiale du groupe Télégramme et de la société d’audiovisuel Morgane Production, qui possède également les Francofolies de La Rochelle. Gérard Pont et Gérard Lacroix (les 2 G de C2G, patrons de Morgane) avaient souhaité que Daniel Colling garde une participation minoritaire au sein de C2G, lui permettant d’acquérir un siège au conseil d’administration et au conseil de surveillance du groupe.En familleEn choisissant, Boris Vedel, 37 ans, C2G est resté en famille, puisque ce dernier dirigeait, depuis 2012, Morgane Events, une « structure spécialisée dans la conception et la production d’événements culturels » comme les Grands Prix Sacem, le festival Fnac Live, les concerts Deezer pour la Fête de la musique 2015, Les Nuits Claires au Palais de Tokyo pour le groupe de presse Marie-Claire ou les événements du Disquaire Day.M. Vedel a auparavant mené sa carrière au sein de plusieurs maisons de disques. Tout d’abord chez Virgin France dans les années 2000, puis chez Naïve, où il devint directeur du marketing, et enfin directeur général jusqu’en 2012, le temps de veiller à la carrière de Benjamin Biolay, Carla Bruni ou Pink Martini.Voir un entretien vidéo sur le site de « La Montagne » : Changement de direction pour le Printemps de BourgesVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.06.2015 à 08h09 • Mis à jour le15.06.2015 à 08h19 Robert GlasperCovered Plutôt connu hors du champ du jazz pour ses collaborations avec le nec plus ultra de la scène soul et funk (Erykah Badu, Jill Scott, Macy Gray, Bilal, Maxwell, Musiq Soulchild…) et pour ses explorations au groove électrisant avec son groupe Experiment, le pianiste Robert Glasper est aussi un talentueux pratiquant du jeu acoustique, en connaissance du jazz classique. Son premier album, Mood, en 2004, le laissait déjà entendre. Covered y revient avec des compositions de certains de ses « employeurs » déjà cités, mais aussi Radiohead, Joni Mitchell et le standard Stellar by Starlight, de Victor Young. En trio avec le bassiste Vicente Archer et le batteur Damion Reid, Glasper fait entendre ici une belle manière, en partie dans l’héritage d’Herbie Hancock – autre explorateur des styles et des formes. Mélodiste subtil, Glasper, insère, discrètement, des éléments rythmiques hip-hop, qui viennent nourrir ses sources post-bop. Sylvain Siclier1 CD Blue Note/Universal Music.NovalimaPlanetario Groovy, funky, haletant et lancinant, le son de ce collectif est immédiatement identifiable. Depuis leur premier album, paru en 2002, ses musiciens et chanteurs se sont imposés comme fer de lance de l’urbain afro-péruvien, croisant percussions (dont le cajon, inventé au Pérou au XVIIIe siècle, adopté ensuite par le flamenco) et sonorités électro, engagement et mémoire. Ils mettent en valeur ce que doit la culture péruvienne à l’Afrique, un legs dont l’origine remonte à la colonisation du pays par les conquistadors, qui y amenèrent leurs esclaves. Beaucoup d’invités ont rejoint Novalima au cours des différentes sessions d’enregistrement, dont Pablo Watusi, du groupe de salsa colombien La 33, le rappeur cubain Kumar, et l’Espagnol Panko (ex-Ojos de Brujo). Comme pour les précédents, l’album a inspiré des remixes à certains fans éclairés (Bomba Estereo, Quantic, Nickodemus), qui paraîtront à la suite de Planetario. Patrick Labesse1 CD Wonderwheel Recordings/La Baleine.Van HuntThe Fun Rises, The Fun Sets. Comme D’Angelo, Raphael Saadiq, Erykah Badu et quelques autres, le chanteur Van Hunt s’est un moment retrouvé affublé de l’étiquette un rien fourre-tout de « néo-soul », apparue à la fin des années 1990. En particulier avec un premier album, à son nom, en 2004. Son deuxième, On the Jungle Floor, en 2006, qui a constitué pour un public plus large une révélation, s’épanouit dans un virage plus rock. Dont son troisième, What Were You Hoping For, en 2011 – en fait le vrai troisième album de Van Hunt, Popular, prévu en 2008 est resté à ce jour officiellement inédit –, a été comme un prolongement minimaliste. Avec The Fun Rises, The Fun Sets, on retrouve en partie l’univers des débuts, avec cette part rock et funk, un rien plus planante par moments, voguant vers les dérives psyché de George Clinton (Vega) ou l’électro-funk de Prince au début des années 1980 (…Puddin’, les sons de claviers de She Stays With Me). Tendu, urbain dans sa première partie, l’album va peu à peu vers une vibration des sens, une forme d’apaisement (Emotional Criminal, If I Wanna Dance With You, A Woman Never Changes…), jusqu’à son final proche de la soul soyeuse de Philadelphie dans les années 1970. Avec un art sophistiqué du travail sur la matière sonore, qui en renforce l’intérêt. Sylvain Siclier1 CD Godless-hotspot/Modulor. Sylvain Siclier UN COFFRET : En l’honneur d’Ornette Coleman Le saxophoniste américain Ornette Coleman est mort jeudi 11 juin, à l’âge de 85 ans, dans un hôpital de New York. La réédition, fin mars, à petit prix, entre 35 et 40 €, d’un coffret de ses débuts pour la compagnie phonographique Atlantic entre mai 1959 et mars 1961, Beauty Is a Rare Thing : The Complete Atlantic Recordings, constitue le point d’entrée idéal pour découvrir sa musique. Il y a bien entendu cette séance d’improvisation collective qui donnera la matière d’un album Free Jazz : A Collective Improvisation, auquel son nom a souvent été associé. Il y a surtout, d’un abord c’est vrai plus aisé, évident, plein d’autres compositions, mélodies étranges et belles, souvent douces, dont beaucoup trouvent leurs racines dans le blues. Ornette Coleman posait là les grandes lignes de son œuvre.Beauty Is a Rare Thing : The Complete Atlantic Recordings, d’Ornette Coleman, 1 coffret de 6 CD Atlantic Records-Rhino/Warner Music.CONCERTS : Eric Serra et son groupe de jazz fusion au Triton Le grand public le connaît pour sa collaboration, au début des années 1980, avec le chanteur Jacques Higelin et des musiques pour le cinéma, en particulier pour de nombreux films de Luc Besson (celles de Subway, Le Grand Bleu, Nikita et Léon parmi les plus réussies). Le bassiste Eric Serra est aussi le leader d’une formation de fusion jazz-rock de bonne allure avec lequel il combine évocations cinématographiques, improvisations funky, élans progressifs. Le tout joué, en complicité avec Serra, par le claviériste Thierry Eliez, le guitariste Jim Grandcamp, le saxophoniste Christophe Panzani, le percussionniste Pierre Marcault et le batteur Jon Grandcamp.Le Triton, 11 bis, rue du Coq-Français, Les Lilas (Seine-Saint-Denis). Du jeudi 18 au samedi 20 juin, à 21 heures. De 15 € à 20 €.UN VIDÉO CLIP : « Ong Ong », de BlurPour consoler ceux qui ne pourront pas assister au seul concert en France de Blur cet été, ce lundi soir 15 juin, au Zénith de Paris, complet depuis des semaines, bien avant la création de la liste musiques de La Matinale du Monde, voici le nouveau vidéoclip du groupe britannique, en accompagnement de leur récent album The Magic Whip (Parlophone/Warner Music). Réalisé par Tony Hung, il évoque dans sa partie animation l’imagerie des jeux vidéo des années 1980. Avec, en prime, les quatre membres du groupe déguisés : le chanteur, guitariste et claviériste Damon Albarn sous le nom de Mr. Cream en cornet de glace, comme pour le visuel du disque ; le guitariste Graham Coxon en cafard, sous le nom de Mr. Brown, brun ; le bassiste Alex James en ce qui semble être une tomate, sous le nom de Mr. Red, rouge ; et le batteur Dave Rowntree, en mouche sous le nom de Mr. Black, noir. Le clin d’œil aux pseudonymes des personnages du film Reservoir Dogs (1992), de Quentin Tarentino, ne saurait être fortuit. Le concert de Blur sera retransmis en direct sur la plate-forme musicale de la chaîne Arte.RENCONTRES : Tout savoir sur la Sacem En prologue à la Fête de la musique, prévue dimanche 21 juin, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) propose, à l’occasion d’une journée dite « portes ouvertes », vendredi 19 juin, dans 70 villes, de rencontrer ses membres, dont de nombreux musiciens (classique, jazz, chanson, pop, rock…). Ils expliqueront le fonctionnement de cette structure fondée le 28 février 1851, en matière de collecte et de répartition des droits, de soutien à la création, etc., qu’il s’agisse d’œuvres enregistrées, de concerts, de diffusion dans des lieux publics ou privés, d’utilisation dans la publicité, au cinéma…La Sacem, portes ouvertes, le 19 juin, liste des villes, lieux, horaires et des intervenants sur le site Internet. RÉSERVEZ VITE : Le batteur Ginger Baker au New Morning, à Paris, le 30 juinEn presque ouverture du festival All Stars du New Morning (du 29 juin au 1er août avec notamment Robben Ford, Mike Stern, Didier Lockwood, Roy Hargrove, Robert Glasper, Branford Marsalis, Dave Holland, Bilal…), un musicien légendaire, le batteur Ginger Baker, qui fut, avec le guitariste Eric Clapton et le bassiste Jack Bruce, membre du célèbre groupe rock Cream, à la fin des années 1960. Parti vivre en Afrique, Baker rencontra Fela, se réinventa dans les polyrythmies, les métriques impaires, reprit par la suite contact avec le jazz de ses débuts. Sa venue dans le club parisien, le 30 juin, est une première. Il y jouera avec son groupe Jazz Confusion, soit le saxophoniste Pee Wee Ellis, le bassiste Alec Dankworth et le percussionniste Abass Dodoo.New Morning, Paris, le 30 juin, à 21 heures. De 27 € à 29,70 €.La composition « Why ? », par Ginger Baker, extraite de l’album « Why ? » (Motéma Music, 2014)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 13.06.2015 à 11h31 • Mis à jour le14.06.2015 à 22h06 | Florence Evin Vendredi 12 juin, à deux heures du matin, la vieille ville de Sana’a, capitale du Yémen, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1986, a été touchée par un bombardement. «Plusieurs habitations et bâtiments historiques ont été détruits», indique l’Unesco. Le complexe de maisons traditionnelles du quartier d’Al-Qasimi, qui jouxte un jardin urbain (Miqshama), près du canal de Sailah, figure parmi les destructions. Selon Saba, l’agence de presse yéménite, ce raid aérien saoudien a fait six morts et de nombreux blessés.« Je suis profondément affectée par les pertes en vies humaines et les dommages causés à l’un des plus anciens joyaux du paysage urbain islamique, indique Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco. Je suis choquée par les images de ces magnifiques maisons-tours aux nombreux étages et aux jardins paisibles en ruine. Cette destruction va encore détériorer la situation humanitaire. Aussi, j’appelle une nouvelle fois toutes les parties à respecter et protéger le patrimoine culturel au Yémen. Ce patrimoine porte en lui l’âme du peuple yéménite. C’est un symbole de son histoire millénaire en matière de connaissance, qui appartient à l’humanité toute entière », a-t-elle ajouté. Depuis la fin mars, l’Arabie saoudite bombarde les rebelles houthis chiites présentés par Riyad comme des soutiens de l’Iran, où qu’ils soient. Sans se soucier de la valeur historique, patrimoniale et millénaire des sites visés. Début juin, c’est le barrage de Marib, l’ancienne capitale de la légendaire reine de Saba, datant du premier millénaire avant notre ère -le plus grand barrage de l’antiquité déployé sur 600 mètres, dont les vannes sont fortifiées sur 100 mètres de long et 20 mètres de haut, qui était bombardé; une destruction qui faisait suite à celle du musée de Dhamar et ses quelque 12000 pièces archéologiques. La forteresse médiévale d’Al-Qahira surplombant Taez, la troisème ville du pays, a été bombardée comme le palais de Wadhi Dhar, situé au sud de Sanaa.Maisons-tours exceptionnellesLa capitale Sana’a n’est pas épargnée. Depuis le début du conflit, plusieurs habitations se sont effondrées dans les explosions. Selon l’Unesco, mardi 9 juin, le complexe historique d’Al-Owrdhi, datant de l’ère ottomane, situé à l’extérieur des murs de la vieille ville, a été sérieusement endommagé. « Les bâtiments résidentiels historiques, les monuments, musées, sites archéologiques et lieux de culte n’ont pas été épargnés. La valeur historique de ces sites a subi des dégâts irréparables quand elle n’a pas été totalement détruite » , précise l’organisation onusienne.Lire aussi :Au Yémen, les frappes aériennes saoudiennes endommagent un patrimoine millénaireSana’a, qui est habitée depuis plus de 2500 ans, témoigne de la richesse et de la beauté de la civilisation islamique : les maisons-tours, souvent d’une dizaine d’étages, en pisé ou en briques cuites, décorées de frises géométriques en blanc de chaux sont typiques au Yémen. Serrés les uns aux autres, ces gratte-ciel de terre, propriétés d’une seule famille - le dernier étage étant le lieu de réunion des hommes- sont époustouflants.Aux premiers siècles de notre ère, Sana’a est le carrefour des routes du commerce terrestre vers la Mésopotamie et la Méditerranée, notamment celui de l’encens, très prisé à Rome, qui fait sa fortune. Durant les premières années de l’Hégire, aux VIIe et VIIIe siècles, dans le sillage de la prédication de Mahomet, la cité est un centre important de la propagation de l’islam. Sa grande mosquée, avec celles de Médine et de La Mecque en Arabie saoudite, seraient les tout premiers lieux de culte islamique édifiés. Avec ses 106 mosquées, ses 11 hamams et ses 6500 maisons datant d’avant le onzième siècle, Sanaa demeure un témoignage unique, par son ampleur et son homogénéité, remarquablement conservé de cette architecture monumentale de brique, souvent cuite au soleil. D’autant que les reconstructions du seizième siècle sous les Ottomans ont respecté les traditions médiévales.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Quoi de plus naturel que RFI rende hommage à Sony Labou Tansi, mort il y a vingt ans, le 14 juin 1995. En effet, c’est grâce à la station que l’une des grandes voix de la littérature africaine a pu se faire connaître à la fin des années 1970, à travers un concours de théâtre, peu avant que ne retentisse cette déflagration littéraire et visionnaire que constitue La Vie et demie (Seuil, 1979, réédition en 1998), son premier roman. Malgré ces liens étroits, rien d’hagiographique dans les propos de Théo Ananissoh, invité à évoquer l’écrivain et dramaturge, ce dimanche dans « Littérature sans frontières », l’émission animée par Catherine Fruchon-Toussaint.Inauguré en 2013, avec Nancy Huston, ce rendez-vous littéraire de vingt minutes fait, avec bonheur, la part belle à la « littérature monde », chère à Michel Le Bris et Alain Mabanckou, auteurs du manifeste éponyme avec, nuance la journaliste, « tout ce que cela comporte de chemins de traverse ». Entendez qu’aux côtés d’écrivains étrangers et francophones, Mme Fruchon-Toussaint ouvre largement son micro aux auteurs « franco-français ». De même, à l’exception des essais traités dans l’émission « Idées », elle ne s’interdit aucun genre comme on a pu le constater récemment lors de son bel échange avec l’écrivain et poète sud-africain Breiten Breitenbach.« Regard visionnaire »Et des chemins de traverse – voire peut-être de controverses –, Catherine Fruchon-Toussaint en emprunte dans cette évocation subjective de Sony Labou Tansi par Théo Ananissoh, auteur du Soleil sans se brûler (Elyzad, 112 pages, 14,90 euros), un roman autobiographique sur lequel plane la figure tutélaire de ce grand aîné. Si l’écrivain togolais reconnaît sa dette à celui qui a « renouvelé le roman africain par les thèmes abordés », par son « regard visionnaire », comme en porte trace La Vie et demie, annonciatrice des horreurs à venir sur le continent africain, et, surtout, par une écriture de « rébellion » qui a bousculé les codes, il émet aussi quelques réserves sur son engagement politique et/ou encore sur les pièces de théâtre qu’il s’est efforcé de produire, chaque année, pour le théâtre de Limoges, en « les bâclant ».Pour autant, ces vingt minutes ponctuées d’archives sonores permettront de remettre en lumière un écrivain pour qui être poète était « vouloir de toutes ses forces, de toute son âme, de toute sa chair (…) qu’aucun visage de la réalité humaine ne soit poussé sous le silence de l’Histoire ».Littérature sans frontières, le dimanche à 11 h 30 et 17 h 40 vers le monde et Paris (sauf Afrique), 13 h 10 et 19 h 40 vers l’Afrique.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Alors que l’été s’annonce maritime et musical, la grille de rentrée de France Culture laisse entrevoir quelques réaménagements donnant à entendre de nouvelles voix.Le capitaine du navire France Culture, Olivier Poivre d’Arvor, l’annonce : cet été, le cap sera mis sur le grand large lors d’un voyage de huit semaines – du 6 juillet au 26 août. Seront proposées aux auditeurs, du lundi au vendredi, deux séries au long cours : « Les Grandes Traversées » (de 9 h 10 à 11 heures) qui permettra de sillonner la Méditerranée, notamment au côté de Fernand Braudel (6 au 13 juillet) ; la Manche avec Winston Churchill (du 20 au 24 juillet) ; l’Atlantique en compagnie de Woody Allen (13 au 17 juillet) ou Simone de Beauvoir (17 au 21 août). Et, préfigurant l’une des nouveautés de la rentrée, « Continent musiques d’été » (de 15 heures à 16 heures) qui marque « le retour d’un de nos fondamentaux », précise le directeur de la station. Au programme de cette partition aux sonorités multiples :baroque, chanson française, jazz, musiques latino et électronique.Tout l’été, se croiseront à la barre de la station des personnalités comme Michel Pastoureau avec « Les Animaux ont aussi une histoire » (dimanche de 12 heures à 12 h 30) ou Adrien Goetz qui, chaque matin, à 7 h 55, proposera une étonnante visite du Louvre ; mais aussi de « vieux loups de mer », tels Raphaël Enthoven avec « Le Pouvoir imaginaire » (le dimanche, de 16 à 17 heures), Michel Onfray qui clôt sa « Contre-histoire de la philosophie » (du lundi 27 juillet au 28 août, de 11 heures à 12 heures) ou Sandrine Treiner dont « Les Bonnes feuilles » (14 heures à 14 h 20) donnera un avant-goût de la rentrée littéraire.Ainsi que de jeunes moussaillons, à la tête des trois rendez-vous habituels de la station : « Les Matins », animé de 7 heures à 9 heures par Nicolas Martin ; « La Grande Table » où se succéderont Maylis Besserie (juillet) et Martin Quenehen (12 h 45 à 14 heures) et « Du grain à moudre », présenté par Emilie Chaudet et Thomas Baumgartner (18 h 15 à 19 heures).Grille de rentrée « plus lisible »Une manière pour Olivier Poivre d’Arvor de faire entendre plus largement une nouvelle génération de producteurs et de journalistes « promis, dit-il, à un avenir sur la chaîne ». A l’instar de Marie Richeux dont « Les Nouvelles Vagues », consacrée aux jeunes créateurs, est reconduite à l’automne. Car, le programme de navigation estival étant bouclé, le directeur de France Culture s’affaire à mettre la dernière touche à la grille de rentrée afin de la rendre « plus fluide, plus lisible, avec en semaine des repères plus marqués ». Notamment pour la tranche 15-16 heures, où est annoncé un nouveau rendez-vous consacré à la lecture ou à la musique. L’accent sera mis aussi sur les documentaires, avec « Du grain à moudre » qui bénéficie d’une diffusion toute la semaine, et la création, en janvier 2016, d’un portail consacré à ce format.Le souci de clarté touche aussi les week-ends où un lien plus étroit sera établi entre actualité et programmes, avec l’insertion d’une page « Culture/idées » de 8 h 30 à 9 heures. Mais ces réaménagements ne sont pas sans conséquences puisque disparaît « Les Carnets nomades » de Colette Fellous à l’antenne depuis 1999. « C’est une voix importante de France Culture. Pour autant, cette émission avait fait son temps, explique Olivier Poivre d’Arvor. Colette Fellous a parfaitement sa place dans le cadre de nos grandes séries d’été. » Quant à la poésie, traitée jusqu’ici par Sophie Naulleau dont « Ça rime à quoi » est supprimée, elle fera l’objet d’un traitement plus large avec Jacques Bonnaffé qui, chaque jour, lira « à une heure de grande écoute » un poète contemporain. Une façon, selon le directeur de « Culture », de l’extraire de « son pré carré ».Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Follorou « Capital » diffuse un documentaire qui s’efforce de décrire les sources de financement de l’organisation terroriste (dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6).Pour combattre un ennemi, il faut d’abord le voir tel qu’il est. C’est une règle de base des combattants du monde entier. Le respect scrupuleux de cet adage aurait évité au documentaire Daesh, Etat islamique (EI) : d’où proviennent les milliards des nouveaux barbares ? de nous faire attendre près de trente minutes pour avoir une réponse dépouillée de propos et d’images à sensation inutiles.Mais cette attente sert à quelque chose. Comme le montre le sujet et contrairement à son intitulé, l’Etat islamique n’est pas composé de « barbares » mais fonctionne comme un véritable Etat doté d’une administration. Cette organisation s’appuie sur un budget annuel estimé à deux milliards de dollars alimenté par diverses sources de financement que les auteurs du documentaire s’efforcent, avec pédagogie, de décrire avant de conclure que cela ne suffit pourtant pas à rendre viable cet « Etat ».Ces derniers rappellent justement que l’EI n’a pas à porter seul toutes les charges de fonctionnement. Les fonctionnaires des grandes villes sous son contrôle en Irak, comme à Mossoul, sont encore payés par les autorités de Bagdad qui ne veulent pas accentuer les mouvements d’exode massif de population en coupant brutalement les vivres. Près de dix millions de personnes vivent, en Syrie et en Irak, sous la férule de l’Etat islamique et ­doivent être nourries. Les approvisionnements en biens et en nourriture ne sont pas frappés par les embargos. L’EI en profite et prélève sa taxe sur ces ­échanges.Impôts et pénuriesSi l’Etat islamique importe des marchandises, il en exporte également. La guerre n’arrête pas le commerce. Grâce aux filières de contrebande, il parvient à écouler sa production de coton et de pétrole, en grande partie via la Turquie voisine. Il aurait été utile de mentionner que ces réseaux sont anciens. Ils datent des premiers blocus décidés par la communauté internationale contre le régime de Saddam Hussein. Comme à cette époque, les prix des produits sont bradés pour être vendus. Ils se fondent ensuite dans le flot des échanges internationaux.Les populations des territoires occupés par l’EI sont également mises à contribution pour nourrir le budget de cet « Etat » dont une grande partie est allouée aux dépenses militaires et aux frais de propagande. Des impôts sont versés par les habitants comme dans tout pays et souvent l’Etat islamique joue sur les pénuries pour vendre, lui-même, les moyens de pallier celles-ci. Face aux coupures d’électricité, l’EI vend des groupes électrogènes et l’essence pour les alimenter.Ces éléments suffisaient à justifier ce travail assez utile pour démystifier l’image d’un Etat islamique souvent simpliste. C’est pourquoi, il n’était nul besoin de livrer des informations approximatives sur le nombre de Français partis rejoindre l’Etat islamique. Ils ne sont pas mille à s’être rendus en Syrie. Le 2 juin, devant le Sénat, le premier ministre, Manuel Valls, a indiqué que 860 individus avaient séjourné en Syrie, 471 y étaient actuellement et 110 y sont recensés comme morts.De même, l’hawala n’est pas un moyen de paiement inventé par les terroristes. C’est un mécanisme de transfert, sous forme de compensation, utilisé dans tous les pays musulmans.Daesh, Etat islamique : d’où viennent les milliards des nouveaux barbares  ?, d’Eric Declémy et Emmanuel Creutzer (Fr., 2015, 125 min), dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6.Jacques FollorouJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio En deux volets, Alexander Abela explore le satellite de la Terre (dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +).La Lune et la Terre, un couple uni depuis toujours, souvent pour le meilleur et parfois pour le pire. Cela fait des milliards d’années que le destin de notre planète est lié à celui de son satellite. Que serait la Terre sans sa compagne ? Elle n’aurait probablement pas la même physionomie. Les deux documentaires d’Alexander Abela retracent cette relation intime qu’entretiennent les deux astres.Le premier volet, Sous la lumière de la Lune, se consacre plus particulièrement à notre satellite comme objet cultuel et culturel qui va devenir, au fil du temps, sujet d’étude pour la science. La Lune est l’astre le plus visible dans la nuit et d’un fonctionnement plus complexe que le Soleil. Avec ses quartiers qui croissent et décroissent, sa disparition pendant quelques nuits, elle permet de mesurer le temps. Dès l’époque de la grotte de Lascaux, elle est devenue pour l’homme un repère, puis ensuite le support de nombreux mythes et contes.La fascination qu’elle exerce sur les hommes a été propice à toutes sortes de croyances mêlant peurs et fantasmes. D’ailleurs, avec son cycle de 28 jours, elle fut vite associée à la femme et à la fécondité.Le second volet, De la Terre à la Lune, débute lorsque l’homme découvre que la Terre n’est plus au centre du monde. Un nouvel horizon s’ouvre alors à lui. Les découvertes scientifiques nourrissent l’imaginaire et inversement.Terrain d’entraînementJules Verne imagine un voyage sur la Lune qui aura lieu moins d’un siècle plus tard. Cette conquête lunaire va changer complètement le regard de l’humanité sur sa planète bleue. De l’espace, elle paraît petite, fragile. L’atmosphère qui la recouvre et qui a permis le développement de la vie semble avoir l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. En arrivant sur la Lune, nous avons découvert la Terre.Depuis les missions américaines et soviétiques, notre satellite semble délaissé. Mais d’autres s’y intéressent désormais, comme les Chinois, qui espèrent y poser un module capable de rapporter de nouveaux échantillons d’ici à 2018. Dans le futur, l’astre pourrait être notre terrain d’entraînement pour une conquête beaucoup plus ambitieuse, celle de l’espace. Le documentaire d’Alexander Abela explore, dans un rythme parfois un peu lent, la relation riche et complexe que l’homme entretient avec la Lune, depuis l’aube de l’humanité jusqu’à aujourd’hui, à travers des témoignages de spécialistes du monde entier.Ces intervenants prestigieux mettent en lumière les différents aspects de la Lune. Qu’il s’agisse de Claudie Haigneré, la première femme française astronaute à avoir embarqué à bord de la station spatiale internationale, de Jacques Arnold, docteur en théologie et en histoire des sciences, chargé de mission sur la dimension éthique, sociale et culturelle des activités spatiales au CNES, ou encore de Bernard Foing, astrophysicien à l’Agence spatiale européenne et directeur exécutif du Groupe international pour l’exploration lunaire et chercheur principal de la mission Smart-1, la première mission européenne sur la Lune. Mais d’autres se profilent déjà.Sous la lumière de la Lune et De la Terre à la Lune, d’Alexander Abela (Fr., 2014, 2 x 52 min), dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Joël Morio Le réalisateur Loïc Prigent présente un grand clip sur les excès vestimentaires d’une décennie foisonnante (samedi 13 juin, à 22 h 10, sur Arte).Avec ses yeux bleu acier que des lunettes de myope rendent presque extraterrestres, Loïc Prigent porte, depuis une quinzaine d’années, un regard perçant, acide et drôle sur la planète mode. Le réalisateur propose, ici, un remontage de six clips de huit minutes sur les années 1990 qui furent diffusés dans le cadre du « Summer of the 90’s », en fil rouge du programme estival de la chaîne culturelle franco-allemande en 2014.En moins d’une heure donc, Loïc Prigent parcourt au pas de course la décennie autour de six thèmes, histoire de mettre un peu d’ordre dans ce documentaire virevoltant. Les années 1990 auront été souvent celles des excès dans chacune des voies qu’auront empruntées les créateurs. En pleine épidémie de sida, ils offrent une mode hypersexy, n’hésitant pas à montrer seins, creux des reins et même fesses sur les podiums, tandis que « le latex devient le nouveau coton ». La mode n’a plus de limites et le mauvais goût est à la mode. Et quand elle n’a plus rien à dire, elle se tourne vers la rue, qui devient la source de toutes ses inspirations. Elle se convertit au sportswear pour convaincre des jeunes qui font des griffes de sport les marques tendance. Elle tombe dans le « crade » et le laisser-aller lorsque le mouvement grunge s’impose.Minimalisme et « bling-bling »Lors de ces années 1990, les couturiers se partagent entre le minimalisme d’un Helmut Lang et le « bling-bling » d’un Versace qui fait passer « le tapis rouge des Oscars pour un champ de patates ». On sombre dans une débauche d’ors, de crinolines géantes, de fourrures décomplexées. C’est la décennie où les grands groupes de mode se constituent pour former des empires, prêts à se livrer des batailles sans merci. Une époque où les grandes maisons commencent à organiser des défilés de plus en plus grandioses. Les chiffres d’affaires s’envolent et tout ce qui est griffé, des sacs jusqu’aux bouillottes, se vend presque comme des petits pains, crise ou pas. C’est le moment aussi où les top-modèles de plus en plus filiformes deviennent plus célèbres que les stars de cinéma et éclipsent progressivement les créateurs qui avaient dominé les années 1980.Ce condensé survitaminé de mode donne le tournis. Loïc Prigent force le trait, il emprunte parfois des raccourcis qui ne laissent guère de place à la nuance. Il égratigne, sans le dénoncer, le système infernal (pipolisation, médiatisation…) qui se met alors en place au détriment – un comble ! – du vêtement, et qui étouffera, plus tard, presque toute création artistique. Mais le journaliste a le sens de la formule qui fait mouche, aussi bien auprès des fashionistas que de ceux qui savent à peine faire la différence entre la soie et le synthétique. Avec lui, un documentaire devient un grand clip que l’on a plaisir à voir ou à revoir.La Mode des années 1990, de Loïc Prigent (Fr., 2014, 55 min), samedi 13 juin, à 22 h 10, sur ArteJoël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe-Jean Catinchi Auteur d’une monumentale biographie de Napoléon (Gallimard), l’historien Patrice Gueniffey analyse la commémoration médiatique et le rapport des Français à l’HistoireDeux siècles après Waterloo, l’Etat s’abstient de commémorer la fin de la geste napoléonienne. Pourquoi ?Effectivement, la France ne participe pas aux célébrations de Waterloo, pas plus qu’elle n’a fêté Austerlitz ou les acquis du Consulat. Cette continuité transcende le clivage gauche-droite, puisque l’attitude fut la même sous Jospin, Chirac, Sarkozy ou Hollande. C’est éclairant sur le rapport de l’Etat vis-à-vis de l’Histoire, qui s’est à ses yeux rétrécie aux seules guerres mondiales, dans une perspective du reste moins politique ou historique qu’affective et mémorielle.Lire aussi :Waterloo, une campagne médiatiqueCependant, les médias assurent l’évocation du souvenir de 1815…L’engouement actuel pour Waterloo tient moins à la défaite nationale qu’à la perspective européenne qu’elle offre. C’est la fin de la crise collective ouverte par la Révolution française. Et sans doute est-ce pour cela que, à travers la littérature, les mémorialistes, Waterloo a bénéficié d’une mise en scène et d’une production narrative exceptionnelles.Comme une figure de la tragédie. C’est la première fois qu’on assiste à un vrai face-à-face entre Anglais et Français, les combats en Espagne n’ayant pas l’envergure de cette confrontation frontale. Au terme de vingt-cinq ans de combats, deux armées jouent l’issue à quitte ou double.Et cette option théâtrale est favorisée par les conditions de la bataille.Le champ de bataille est minuscule, le combat bref et très violent, la boucherie exceptionnellement meurtrière. Cela contribue à sa résonance particulière. D’autant que Waterloo marque le terme de l’aventure de Napoléon, la fin de la Révolution française et le vrai tournant d’un siècle à l’autre, la carte redessinée au congrès de Vienne et le triomphe de la Sainte-Alliance instaurant pour un siècle la paix en Europe, qui n’avait pas connu d’accalmie depuis le début de la guerre de Trente Ans (1618-1648), les quelques conflits ponctuels (Crimée, guerre franco-prussienne) n’embrasant pas le continent.C’est donc un vrai tournant européen, ce que le moment Austerlitz ne peut revendiquer, puisque la victoire de 1805 ne marque ni avancée ni inflexion dans le cours du conflit continental. Waterloo, elle, a « fait l’Europe ». Et avec quelle intensité, puisqu’il s’agit d’une lutte sans merci où il s’agit d’exterminer l’adversaire. On n’est pas sur le terrain pour espérer l’après, mais juste vaincre dans l’instant. Hormis la bataille de Borodino (1812), cette force dramatique est unique et aurait pu inspirer Curzio Malaparte.Les Français n’y seraient pas sensibles ?Les Français ont un problème avec leur histoire. Un malaise permanent qui rejoue à propos de tout et de rien. Et, si les commémorations se font si discrètes, c’est qu’aucune conviction collective n’est assez nette pour ne pas craindre d’être mise en cause ou attaquée si l’événement à célébrer suscite la polémique. Il n’y a pas de consensus social autour du passé national et la tradition historiographique manque de cohésion. Trop prudent ? Trop timoré ? Trop lâche ? Les Français échouent à regarder leur passé en face, ce que les Anglais n’ont aucun mal à faire.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Philippe-Jean Catinchi A Prague, le 22 décembre 1815, l’ambiance est électrique. L’Europe souffle enfin au terme d’une année bouleversée par le retour de Napoléon et l’ultime coalition qui a mis fin aux Cent-Jours. La Sainte-Alliance qui unit désormais la Russie, la Prusse et l’Autriche garantit une nouvelle carte, conservatrice, de l’Europe.Sur un poème de Johann Gottfried Wohlbrück (1770-1822), le jeune compositeur Carl Maria von Weber livre la première exécution de sa cantate Kampf und Sieg (« Bataille et victoire »), célébrant la victoire des troupes alliées sur Napoléon à Waterloo, six mois plus tôt. Un hymne pour solistes et chœur qui dit la menace infernale et le triomphe d’une lumière qui tourne résolument le dos aux Lumières, aux accents d’un martial Ça ira bientôt inaudible. C’est par cette œuvre rare que Laurence Equilbey, à la tête des ensembles Accentus et Insula Orchestra, a clos le programme qu’elle a donné à la Cité de la musique, le 11 octobre 2014, et que diffuse France 2, dans « Au clair de la lune ».Lire aussi :« Les Français ont un problème avec leur histoire »Ce sont les Anglais et les Prussiens, derrière Wellington et Blücher, qui sont venus à bout de l’empereur des Français au terme de sa plus désastreuse campagne. Dans un impressionnant docu-fiction, le réalisateur belge Hugues Lanneau découpe en cinq actes, dramaturgie oblige, le drame de Waterloo : du lundi 12 juin, quand Napoléon quitte Paris pour rejoindre la Grande Armée, au lendemain de la bataille où périrent 11 000 hommes, sans compter quelque 35 000 blessés et plus de 10 000 chevaux abattus. Avec un soin minutieux apporté aux conditions de l’affrontement (pluie diluvienne et terrain détrempé) comme aux fragilités stratégiques de l’engagement – si les erreurs du commandement français sont épinglées sans réserve, l’issue incertaine des combats souligne le poids du sort dans la faillite impériale –, ce travail de reconstitution saisissant immerge le spectateur dans un drame proprement tragique.L’autoflagellation des politiquesEn contrepoint d’une demi-douzaine de destins individuels, pris au sein des deux camps, comme pour mieux souligner la gémellité des adversaires, puisque des citoyens belges se retrouvent aussi bien dans les rangs français que coalisés, des spécialistes apportent sobrement les informations qui éclairent la bataille, de ses enjeux politiques à ses spécificités matérielles.Parmi ces experts, on retrouve naturellement l’historien Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon et également conseiller du documentaire de Thierry Boeuf, Quand Napoléon déchaînait l’Europe, diffusé sur la chaîne Toute l’Histoire, jeudi 18 juin, jour même du bicentenaire de la bataille. Successeur de Jean Tulard dans le périlleux exercice de spécialiste médiatique de la geste napoléonienne, Thierry Lentz sacrifie avec patience et clarté à la mission pédagogique qui lui échoie.Ce sont les Anglais et les Prussiens, derrière Wellington et Blücher, qui sont venus à bout de l’empereur des Français au terme de sa plus désastreuse campagne.Tandis que l’Etat brille par son absence à l’heure des commémorations des bicentenaires du Consulat, puis de l’Empire – un retrait qui est une ligne de conduite surprenante lorsque Jean-Louis Debré, alors président de l’Assemblée nationale, parvint à célébrer les 200 ans du code civil sans en créditer Bonaparte –, Lentz, lui, répond présent, offrant des perspectives synthétiques tant aux réalisateurs français qu’étrangers qui le sollicitent. Pas de prudence polie ni de retenue stratégique pour éviter les polémiques possibles. Au point que c’est vers lui qu’Eric Zemmour s’est tourné pour étayer son pamphlet Le Suicide français (Albin Michel, 2014) lorsqu’il a voulu stigmatiser le goût pour l’autoflagellation des responsables politiques face au souvenir impérial et au legs napoléonien.Lentz n’en a cure et se contente de délivrer des clés pour le grand public, rigoureux et sûr, ce qui lui garantit l’intérêt des médias, assurés d’une contribution de référence. Pourtant le terrain reste délicat et l’historien s’enquiert des autres participants sollicités. Ainsi, présent dans le programme de Stéphane Bern, « Secrets d’histoire », diffusé sur France 2 le mardi 2 juin et intitulé « Comment on devient Napoléon ? », il avoue avoir refusé de répondre à certaines questions scabreuses qui lui paraissaient hors de propos. Il est vrai que cette émission, trop cantonnée à la kyrielle des batailles et la vie amoureuse de Napoléon Bonaparte, livrait bien peu d’éléments pour répondre sérieusement à la question initiale.Mais les pièges d’une expertise tronquée ne le découragent pas. Et on pourra recommander, avec lui, « Napoléon » : une série en dix volets réalisée en 2012 par Jean-Louis Molho, et judicieusement rediffusée sur Toute l’Histoire du 18 juin au 16 juillet, dont la facture didactique est exemplaire. Optant pour la complicité d’un ministre et d’un grognard, Talleyrand et Jean-Roch Coignet, pour rendre l’évocation-fleuve plus attrayante, ce documentaire solide mêle habilement illustrations classiques et évocations en 3D, pour les combats notamment, interviews d’experts et astuces pédagogiques, comme ces fiches de police de Fouché qui résument l’identité des protagonistes. Même la patine de l’image et les options acoustiques sont astucieuses. Une réalisation exemplaire et salutaire que l’anniversaire de Waterloo permet de retrouver.Battle & Victory (Mozart, Beethoven, Weber), concert filmé par Jean-Pierre Loisil et diffusé sur France 2 dans « Au clair de la lune », jeudi 18 juin, à 0 h 30.Waterloo, l’ultime bataille, documentaire-fiction d’Hugues Lanneau, sur Arte, samedi 13 juin, à 20 h 50.Quand Napoléon déchaînait l’Europe, documentaire de Thierry Boeuf, sur Toute l’Histoire, jeudi 18 juin, à 20 h 45.Napoléon, série documentaire en dix épisodes réalisée par Jean-Louis Molho, sur Toute l’Histoire, le 18 juin à 21 h 40 et 22 h 35, puis le 25 juin et les 2, 9 et 16 juillet à 20 h 45 et 21 h 40.Napoléon, ascension et chute d’un héros, documentaire d’Yvan Demeulandre, sur Paris Première, mercredi 17 juin, à 22 h 25.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Florence Evin Vendredi 12 juin, à deux heures du matin, la vieille ville de Sana’a, capitale du Yémen, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1986, a été touchée par un bombardement. «Plusieurs habitations et bâtiments historiques ont été détruits», indique l’Unesco. Le complexe de maisons traditionnelles du quartier d’Al-Qasimi, qui jouxte un jardin urbain (Miqshama), près du canal de Sailah, figure parmi les destructions. Selon Saba, l’agence de presse yéménite, ce raid aérien saoudien a fait six morts et de nombreux blessés.« Je suis profondément affectée par les pertes en vies humaines et les dommages causés à l’un des plus anciens joyaux du paysage urbain islamique, indique Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco. Je suis choquée par les images de ces magnifiques maisons-tours aux nombreux étages et aux jardins paisibles en ruine. Cette destruction va encore détériorer la situation humanitaire. Aussi, j’appelle une nouvelle fois toutes les parties à respecter et protéger le patrimoine culturel au Yémen. Ce patrimoine porte en lui l’âme du peuple yéménite. C’est un symbole de son histoire millénaire en matière de connaissance, qui appartient à l’humanité toute entière », a-t-elle ajouté. Depuis la fin mars, l’Arabie saoudite bombarde les rebelles houthis chiites présentés par Riyad comme des soutiens de l’Iran, où qu’ils soient. Sans se soucier de la valeur historique, patrimoniale et millénaire des sites visés. Début juin, c’est le barrage de Marib, l’ancienne capitale de la légendaire reine de Saba, datant du premier millénaire avant notre ère -le plus grand barrage de l’antiquité déployé sur 600 mètres, dont les vannes sont fortifiées sur 100 mètres de long et 20 mètres de haut, qui était bombardé; une destruction qui faisait suite à celle du musée de Dhamar et ses quelque 12000 pièces archéologiques. La forteresse médiévale d’Al-Qahira surplombant Taez, la troisème ville du pays, a été bombardée comme le palais de Wadhi Dhar, situé au sud de Sanaa.Maisons-tours exceptionnellesLa capitale Sana’a n’est pas épargnée. Depuis le début du conflit, plusieurs habitations se sont effondrées dans les explosions. Selon l’Unesco, mardi 9 juin, le complexe historique d’Al-Owrdhi, datant de l’ère ottomane, situé à l’extérieur des murs de la vieille ville, a été sérieusement endommagé. « Les bâtiments résidentiels historiques, les monuments, musées, sites archéologiques et lieux de culte n’ont pas été épargnés. La valeur historique de ces sites a subi des dégâts irréparables quand elle n’a pas été totalement détruite » , précise l’organisation onusienne.Lire aussi :Au Yémen, les frappes aériennes saoudiennes endommagent un patrimoine millénaireSana’a, qui est habitée depuis plus de 2500 ans, témoigne de la richesse et de la beauté de la civilisation islamique : les maisons-tours, souvent d’une dizaine d’étages, en pisé ou en briques cuites, décorées de frises géométriques en blanc de chaux sont typiques au Yémen. Serrés les uns aux autres, ces gratte-ciel de terre, propriétés d’une seule famille - le dernier étage étant le lieu de réunion des hommes- sont époustouflants.Aux premiers siècles de notre ère, Sana’a est le carrefour des routes du commerce terrestre vers la Mésopotamie et la Méditerranée, notamment celui de l’encens, très prisé à Rome, qui fait sa fortune. Durant les premières années de l’Hégire, aux VIIe et VIIIe siècles, dans le sillage de la prédication de Mahomet, la cité est un centre important de la propagation de l’islam. Sa grande mosquée, avec celles de Médine et de La Mecque en Arabie saoudite, seraient les tout premiers lieux de culte islamique édifiés. Avec ses 106 mosquées, ses 11 hamams et ses 6500 maisons datant d’avant le onzième siècle, Sanaa demeure un témoignage unique, par son ampleur et son homogénéité, remarquablement conservé de cette architecture monumentale de brique, souvent cuite au soleil. D’autant que les reconstructions du seizième siècle sous les Ottomans ont respecté les traditions médiévales.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Follorou « Capital » diffuse un documentaire qui s’efforce de décrire les sources de financement de l’organisation terroriste (dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6).Pour combattre un ennemi, il faut d’abord le voir tel qu’il est. C’est une règle de base des combattants du monde entier. Le respect scrupuleux de cet adage aurait évité au documentaire Daesh, Etat islamique (EI) : d’où proviennent les milliards des nouveaux barbares ? de nous faire attendre près de trente minutes pour avoir une réponse dépouillée de propos et d’images à sensation inutiles.Mais cette attente sert à quelque chose. Comme le montre le sujet et contrairement à son intitulé, l’Etat islamique n’est pas composé de « barbares » mais fonctionne comme un véritable Etat doté d’une administration. Cette organisation s’appuie sur un budget annuel estimé à deux milliards de dollars alimenté par diverses sources de financement que les auteurs du documentaire s’efforcent, avec pédagogie, de décrire avant de conclure que cela ne suffit pourtant pas à rendre viable cet « Etat ».Ces derniers rappellent justement que l’EI n’a pas à porter seul toutes les charges de fonctionnement. Les fonctionnaires des grandes villes sous son contrôle en Irak, comme à Mossoul, sont encore payés par les autorités de Bagdad qui ne veulent pas accentuer les mouvements d’exode massif de population en coupant brutalement les vivres. Près de dix millions de personnes vivent, en Syrie et en Irak, sous la férule de l’Etat islamique et ­doivent être nourries. Les approvisionnements en biens et en nourriture ne sont pas frappés par les embargos. L’EI en profite et prélève sa taxe sur ces ­échanges.Impôts et pénuriesSi l’Etat islamique importe des marchandises, il en exporte également. La guerre n’arrête pas le commerce. Grâce aux filières de contrebande, il parvient à écouler sa production de coton et de pétrole, en grande partie via la Turquie voisine. Il aurait été utile de mentionner que ces réseaux sont anciens. Ils datent des premiers blocus décidés par la communauté internationale contre le régime de Saddam Hussein. Comme à cette époque, les prix des produits sont bradés pour être vendus. Ils se fondent ensuite dans le flot des échanges internationaux.Les populations des territoires occupés par l’EI sont également mises à contribution pour nourrir le budget de cet « Etat » dont une grande partie est allouée aux dépenses militaires et aux frais de propagande. Des impôts sont versés par les habitants comme dans tout pays et souvent l’Etat islamique joue sur les pénuries pour vendre, lui-même, les moyens de pallier celles-ci. Face aux coupures d’électricité, l’EI vend des groupes électrogènes et l’essence pour les alimenter.Ces éléments suffisaient à justifier ce travail assez utile pour démystifier l’image d’un Etat islamique souvent simpliste. C’est pourquoi, il n’était nul besoin de livrer des informations approximatives sur le nombre de Français partis rejoindre l’Etat islamique. Ils ne sont pas mille à s’être rendus en Syrie. Le 2 juin, devant le Sénat, le premier ministre, Manuel Valls, a indiqué que 860 individus avaient séjourné en Syrie, 471 y étaient actuellement et 110 y sont recensés comme morts.De même, l’hawala n’est pas un moyen de paiement inventé par les terroristes. C’est un mécanisme de transfert, sous forme de compensation, utilisé dans tous les pays musulmans.Daesh, Etat islamique : d’où viennent les milliards des nouveaux barbares  ?, d’Eric Declémy et Emmanuel Creutzer (Fr., 2015, 125 min), dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6.Jacques FollorouJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio En deux volets, Alexander Abela explore le satellite de la Terre (dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +).La Lune et la Terre, un couple uni depuis toujours, souvent pour le meilleur et parfois pour le pire. Cela fait des milliards d’années que le destin de notre planète est lié à celui de son satellite. Que serait la Terre sans sa compagne ? Elle n’aurait probablement pas la même physionomie. Les deux documentaires d’Alexander Abela retracent cette relation intime qu’entretiennent les deux astres.Le premier volet, Sous la lumière de la Lune, se consacre plus particulièrement à notre satellite comme objet cultuel et culturel qui va devenir, au fil du temps, sujet d’étude pour la science. La Lune est l’astre le plus visible dans la nuit et d’un fonctionnement plus complexe que le Soleil. Avec ses quartiers qui croissent et décroissent, sa disparition pendant quelques nuits, elle permet de mesurer le temps. Dès l’époque de la grotte de Lascaux, elle est devenue pour l’homme un repère, puis ensuite le support de nombreux mythes et contes.La fascination qu’elle exerce sur les hommes a été propice à toutes sortes de croyances mêlant peurs et fantasmes. D’ailleurs, avec son cycle de 28 jours, elle fut vite associée à la femme et à la fécondité.Le second volet, De la Terre à la Lune, débute lorsque l’homme découvre que la Terre n’est plus au centre du monde. Un nouvel horizon s’ouvre alors à lui. Les découvertes scientifiques nourrissent l’imaginaire et inversement.Terrain d’entraînementJules Verne imagine un voyage sur la Lune qui aura lieu moins d’un siècle plus tard. Cette conquête lunaire va changer complètement le regard de l’humanité sur sa planète bleue. De l’espace, elle paraît petite, fragile. L’atmosphère qui la recouvre et qui a permis le développement de la vie semble avoir l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. En arrivant sur la Lune, nous avons découvert la Terre.Depuis les missions américaines et soviétiques, notre satellite semble délaissé. Mais d’autres s’y intéressent désormais, comme les Chinois, qui espèrent y poser un module capable de rapporter de nouveaux échantillons d’ici à 2018. Dans le futur, l’astre pourrait être notre terrain d’entraînement pour une conquête beaucoup plus ambitieuse, celle de l’espace. Le documentaire d’Alexander Abela explore, dans un rythme parfois un peu lent, la relation riche et complexe que l’homme entretient avec la Lune, depuis l’aube de l’humanité jusqu’à aujourd’hui, à travers des témoignages de spécialistes du monde entier.Ces intervenants prestigieux mettent en lumière les différents aspects de la Lune. Qu’il s’agisse de Claudie Haigneré, la première femme française astronaute à avoir embarqué à bord de la station spatiale internationale, de Jacques Arnold, docteur en théologie et en histoire des sciences, chargé de mission sur la dimension éthique, sociale et culturelle des activités spatiales au CNES, ou encore de Bernard Foing, astrophysicien à l’Agence spatiale européenne et directeur exécutif du Groupe international pour l’exploration lunaire et chercheur principal de la mission Smart-1, la première mission européenne sur la Lune. Mais d’autres se profilent déjà.Sous la lumière de la Lune et De la Terre à la Lune, d’Alexander Abela (Fr., 2014, 2 x 52 min), dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Joël Morio Le réalisateur Loïc Prigent présente un grand clip sur les excès vestimentaires d’une décennie foisonnante (samedi 13 juin, à 22 h 10, sur Arte).Avec ses yeux bleu acier que des lunettes de myope rendent presque extraterrestres, Loïc Prigent porte, depuis une quinzaine d’années, un regard perçant, acide et drôle sur la planète mode. Le réalisateur propose, ici, un remontage de six clips de huit minutes sur les années 1990 qui furent diffusés dans le cadre du « Summer of the 90’s », en fil rouge du programme estival de la chaîne culturelle franco-allemande en 2014.En moins d’une heure donc, Loïc Prigent parcourt au pas de course la décennie autour de six thèmes, histoire de mettre un peu d’ordre dans ce documentaire virevoltant. Les années 1990 auront été souvent celles des excès dans chacune des voies qu’auront empruntées les créateurs. En pleine épidémie de sida, ils offrent une mode hypersexy, n’hésitant pas à montrer seins, creux des reins et même fesses sur les podiums, tandis que « le latex devient le nouveau coton ». La mode n’a plus de limites et le mauvais goût est à la mode. Et quand elle n’a plus rien à dire, elle se tourne vers la rue, qui devient la source de toutes ses inspirations. Elle se convertit au sportswear pour convaincre des jeunes qui font des griffes de sport les marques tendance. Elle tombe dans le « crade » et le laisser-aller lorsque le mouvement grunge s’impose.Minimalisme et « bling-bling »Lors de ces années 1990, les couturiers se partagent entre le minimalisme d’un Helmut Lang et le « bling-bling » d’un Versace qui fait passer « le tapis rouge des Oscars pour un champ de patates ». On sombre dans une débauche d’ors, de crinolines géantes, de fourrures décomplexées. C’est la décennie où les grands groupes de mode se constituent pour former des empires, prêts à se livrer des batailles sans merci. Une époque où les grandes maisons commencent à organiser des défilés de plus en plus grandioses. Les chiffres d’affaires s’envolent et tout ce qui est griffé, des sacs jusqu’aux bouillottes, se vend presque comme des petits pains, crise ou pas. C’est le moment aussi où les top-modèles de plus en plus filiformes deviennent plus célèbres que les stars de cinéma et éclipsent progressivement les créateurs qui avaient dominé les années 1980.Ce condensé survitaminé de mode donne le tournis. Loïc Prigent force le trait, il emprunte parfois des raccourcis qui ne laissent guère de place à la nuance. Il égratigne, sans le dénoncer, le système infernal (pipolisation, médiatisation…) qui se met alors en place au détriment – un comble ! – du vêtement, et qui étouffera, plus tard, presque toute création artistique. Mais le journaliste a le sens de la formule qui fait mouche, aussi bien auprès des fashionistas que de ceux qui savent à peine faire la différence entre la soie et le synthétique. Avec lui, un documentaire devient un grand clip que l’on a plaisir à voir ou à revoir.La Mode des années 1990, de Loïc Prigent (Fr., 2014, 55 min), samedi 13 juin, à 22 h 10, sur ArteJoël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.06.2015 à 17h24 • Mis à jour le12.06.2015 à 19h11Avec « Y Olé ! », à Chaillot, le chorégraphe mélange les genres, hip-hop et flamenco, musique classique et chansons populaires.Par Rosita Boisseau La vie bouscule le chorégraphe José Montalvo. Difficile pour ce gars du Sud, né en Espagne, de séparer son œuvre des multiples événements, banals ou tragiques, qui font le sel de l’existence. Non pas qu’il soit impudique. Plutôt spontané, en prise directe avec ses émotions profondes. Pour expliquer l’origine de son nouveau spectacle, Y Olé !, il évoque d’emblée la mort de son père, le jour même de la première de sa précédente pièce Don Quichotte, le 13 janvier 2013. « J’avais énormément travaillé sur l’épopée du roi Gilgamesh qui a complètement disparu du nouveau spectacle, explique-t-il. J’ai ressenti le besoin de répondre à une nécessité plus forte, liée à cette disparition. Je suis convaincu que cette nouvelle pièce sera ma plus belle, car elle est traversée par le dialogue intime qui me lie à mon père, Andalou de Jaén, et à ma mère, danseuse flamenca. » Retour aux racines, à l’enfance. Est-ce le fait, après vingt ans de complicité artistique avec la danseuse Dominique Hervieu, aujourd’hui directrice de la Maison de la danse, à Lyon, de se retrouver seul en tête d’affiche depuis 2011 ? Sans doute. Déjà, dans Don Quichotte, Montalvo convoquait le souvenir de sa grand-mère en train de lui raconter des fables et des récits en catalan. « Je ne suis pas très original, commente-t-il. J’ai d’abord fait des études d’architecture et d’arts plastiques comme mon père, pour devenir danseur et chorégraphe comme ma mère. » Avec une verve de conteur qui doit tout à son aïeule.Composé de deux parties, l’une sur Le Sacre du printemps de Stravinsky, l’autre sur des musiques populaires espagnoles – « un Picasso et une toile d’un peintre du dimanche côte à côte », résume Montalvo –, Y Olé ! plonge dans la malle aux souvenirs. Le chorégraphe y réincarne sur scène les grandes fêtes qui rassemblaient dans les années 1950, dans les camps de réfugiés d’Arzens, près de Carcassonne, les Espagnols, les Marocains, qui venaient faire les vendanges.Une passion née avec les fêtes familialesLes parents de José avaient fui le franquisme. « Ils avaient quitté dans une extrême urgence un pays qu’ils aimaient et ils devaient apprendre à en aimer un autre. Mon père, architecte, devait attendre la reconnaissance de ses diplômes. Mais, malgré la pauvreté, tous les prétextes étaient bons pour organiser des fêtes flamencas amicales. » C’est là que le petit José contemplait sa mère en train de danser, s’enivrait de la liberté des corps délivrés par la musique. « C’étaient des moments intenses de pure gratuité, de pur bonheur, se souvient-il. Ce sont peut-être mes scènes primitives, mes nuits originelles, celles où est née ma passion pour la danse. Evidemment, tout est transformé sur scène, mais les chansons sont réelles et, lorsque je les ai réécoutées, j’ai eu du mal à retenir mes larmes. C’était un méli-mélo musical avec un peu de Beatles par-ci par-là, et je crois que mon goût pour le métissage vient aussi de là. » As des mélanges, marqueur de son esthétique depuis les années 1990, il se risque à appliquer du flamenco à grands coups de pinceaux sur l’ensemble de Y Olé !, Sacre du printemps compris. Il a invité cinq danseurs-chanteurs de Cordoue et de Séville – dont quatre femmes –, à partager le plateau avec les danseurs contemporains, hip-hop et les interprètes africains qui constituent comme toujours sa « dream team » artistique. « Je suis convaincu que la danse, comme l’existence, est faite de multiples réalités et qu’elle doit s’enrichir de la vertigineuse diversité qui la constitue, affirme-t-il. Le philosophe Edgar Morin affirme que le cloisonnement des savoirs nous place dans une préhistoire de l’esprit. J’aime imaginer que celui des pratiques corporelles nous place dans une préhistoire de la danse. Je souhaite aussi restituer une dimension de trouble, d’érotisme, que la danse contemporaine risque d’oublier et que le flamenco nous rappelle. »Au strict principe en vogue chez les conceptuels du « less is more » contre lequel il s’énerve encore et toujours, Montalvo brandit le « less is a bore » (moins, c’est tellement ennuyeux) et préfère en rajouter. Et, comme le veut ce cri d’encouragement qu’est Y Olé !, quand y en a plus, y en a encore sur le plateau. La volonté, voire l’obstination, l’énergie, le plaisir confortent plus que jamais l’œuvre de José Montalvo. « Quitte, une fois de plus, à faire une pièce inactuelle, je veux célébrer la jouissance de danser et de chanter », insiste-t-il avec fougue. Il nuance : « La vie ne doit pas obligatoirement être toujours joyeuse, précise-t-il. Mais je crois que l’on peut avoir le sens du tragique sans avoir le goût du désastre et de la catastrophe. » Ainsi, dans sa version du Sacre du printemps, l’Elue qui doit être sacrifiée par de vieux sages devient une « femme heureuse qui dit “encore, encore, encore, à son élu” ». De quoi retourner le sang de Stravinsky et de toutes les élues mortes dans la douleur. Lire aussi : José Montalvo, chorégrapheY Olé !, de José Montalvo, au Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Du 17 juin au 3 juillet. theatre-chaillot.fr //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/361904', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); }); Margherita Nasi En quelques années de pratique professionnelle, Anton Hansen quitte le rez-de-chaussée de sa banlieue pour un bureau lumineux en cime de tour à La Défense. Une ascension fulgurante accompagnée par « l’évanouissement progressif d’abord, plus expéditif ensuite, de toute conscience morale ». À 35 ans, avec ses lunettes Ray-Ban, sa cravate impeccable et ses chaussures croco, Anton Hansen s’est transformé en « caricature du manager sans vergogne ».C’est sur cette métamorphose que se penche le nouveau roman de Dominique Julien : Consulting Underground. À travers le parcours d’Anton, l’ouvrage décrit l’extravagante réalité du milieu du consulting, un monde où on arrive « tendre et naïf » avant que le capitalisme « vous tanne la peau ».C’est en tout cas ce qui arrive au jeune Anton, fraîchement diplômé d’un master d’informatique appliqué à l’économie en milieu rural. Armé de sa confiance et de son diplôme, le jeune accumule les mois de stages intensifs, avant de ravaler ses illusions et d’intégrer la sphère des actifs précaires. Pour garder son HLM à Fleury-Mérogis et rembourser son prêt étudiant, il enchaîne les petits boulots : manutentionnaire, postier, livreur de pizza.C’est alors qu’il s’occupe du rechargement des distributeurs de friandises dans le métro que sa vie prend un nouveau tournant. À Gare du Nord, il tombe sur un ancien ami de la fac. Celui avec qui il a partagé ses folies de jeunesse arbore maintenant un costume et travaille en tant que manager dans le conseil en entreprise.Le cynisme en premier atoutMuni des conseils cyniques de son ami - « le mépris assure le rôle de pierre angulaire de toutes les relations sociales dans le consulting », ou encore « le tout, c’est de fourrer le nez de l’interlocuteur dans le piment. Comme ça, il est incapable de sentir les merdes qu’on lui fourgue » -, le jeune précaire postule auprès d’une société de services.Le voilà propulsé dans le conseil, où il passe sa journée au téléphone, à identifier les besoins potentiels de clients potentiels. « Le truc, c’est d’inventer des désirs qu’ils n’ont pas et de leur faire acheter un consultant qui restera au grenier entre le vibromixeur et le presse-agrumes ». À travers les yeux du nouveau consultant, l’auteur, qui est aussi professeur de philosophie, plonge le lecteur dans un monde très sombre, fait de harcèlement, d’« escorts » et d’ambitions démesurées.Anton, ancien banlieusard désargenté, se transforme vite en star du consulting. Impitoyable, il multiplie les coups bas pour grimper les échelons. Une stratégie gagnante : à coup d’humiliations, menaces et mensonges, il est promu manager. Loin de se satisfaire de sa promotion, il redouble de cynisme et n’hésite pas à trafiquer des curriculum vitae, ou encore faire signer aux consultants de fausses attestations de formation.Pris dans la spirale du succès, il pense toujours à l’étape suivanteSa détermination et son absence de scrupules attirent les chasseurs de tête : « pour lever ces types, il n’y a pas de secret, il faut atteindre un objectif business ambitieux. Par exemple, faire un peu de bruit en virant du personnel. Il suffit souvent de mettre du monde à la porte pour que les chasseurs se présentent à la vôtre ».Le jeune loup se fait débaucher pour devenir « responsable affaires confirmé » dans une grande boîte de Consulting de la Défense, à 7 000 euros par mois. Le cynisme atteint alors son comble, dans un milieu qui utilise le burn-out comme « arme de dégagement massif » et où tous les coups sont permis.À travers les assertions et le parcours d’un Anton qui dit ne rien regretter de ses actions car « suivre son gentil bonhomme de chemin dans le consulting suppose de neutraliser toute notion de moralité », Dominique Julien porte un regard particulièrement sévère sur le monde du consulting, dont personne ne ressort indemne. Même Anton, victime des mensonges et des trahisons qui l’ont hissé au sommet de l’échelle, avant de le faire retomber tout en bas. Peut-être une bonne nouvelle, finalement.C’est presque avec soulagement que le protagoniste du sixième roman de Dominique Julien reconnaît sa défaite« J’étais content d’avoir rompu la spirale infernale. A force d’aller de succès en succès, je ne savais plus quelle guerre j’essayais de gagner en réduisant en cendres tous mes concurrents. Sauf qu’un jour, vous êtes le marteau et le jour d’après, c’est vous le clou. Voilà tout ! »Consulting Underground, de Dominique Julien (Les Editions Ipanema, 400 pages, 18 euros).Margherita NasiJournaliste au Monde 12.06.2015 à 11h08 • Mis à jour le12.06.2015 à 18h53 | Renaud Machart « Girls » et « Looking » mettent en scène des personnages plus ou moins délurés, à la sexualité bien de leur temps (à la demande, sur Canal+ Séries).A ma gauche, une bande de filles, new-yorkaises, la vingtaine, hétérosexuelles, bobos en diable, pittoresquement névrosées et joliment indépendantes, mais qui s’échinent à trouver l’âme sœur et à mordre à l’hameçon de l’amour : c’est « Girls », série inventée par Lena Dunham (qui joue l’un des rôles) ; à ma droite, « Looking », une bande de garçons de San Francisco, la trentaine et plus, homosexuels, bobos itou, créatifs, moins enclins à la monogamie, ou du moins passablement égarés dans les méandres du désordre amoureux : c’est « Looking », série de Michael Lannan.Les deux ont été lancées aux Etats-Unis par la chaîne câblée HBO et proposées en France par OCS City. Depuis fin mai, Canal+ Séries rediffuse la première saison de « Looking » et la troisième de « Girls » (et en propose l’intégralité sur son site de visionnage à la demande). Revoir la saison 3 de « Girls » fait du bien, après une quatrième palanquée d’épisodes un peu ennuyeux, et avant le lancement de la cinquième, prévue en 2016, et qui devrait être, au mieux, l’avant-dernière du cycle.métro- ou polysexuelsQuant à « Looking », arrêtée après la saison 2, décevante, éparpillée et incapable de développer de manière satisfaisante le portrait de ses attachants protagonistes, sa disparition laisse un goût amer tant son potentiel était grand, notamment par le fait que le propos échappait au genre à destination strictement communautaire, grâce à des personnages annexes. Au fond, « Girls » et « Looking » sont bien de leur temps, métro- ou polysexuels, celui des écrans connectés et des réseaux sociaux.Evidemment, « Girls » comme « Looking » sont les enfants naturels de « Sex and the City » et de « Queer as Folk », avec leurs personnages plus ou moins délurés, leurs gros mots et des situations que les âmes puritaines jugeront scabreuses. Mais les quatre girls de « Girls » ont des mœurs plus lestes que celles du quatuor féminin princeps, et l’on y nomme les choses selon un lexique épicé et explicite ; « Looking » est, pour sa part, typique des années postsida, avec l’évocation par un personnage séropositif de la saison 2 des nouveaux cocktails médicamenteux et même de la pilule curative du lendemain (dont beaucoup font, est-il rappelé, un inquiétant ersatz aux rapports protégés).Bonus à venir pour « Looking »L’échec de la saison 2 de « Looking » et le succès de « Girls » s’expliquent par la capacité du scénario et de la réalisation à s’exprimer dans une minisérie de douze épisodes de moins de trente minutes. Sans se disperser, « Girls » y parvient, en créant des sous-groupes ou des « focus » particuliers sur certains personnages (dont les amants et partenaires de ces jeunes femmes au bord de la crise de nerfs) ; de son côté, « Looking », avec les mêmes recettes, ne réussit pas à approfondir la psychologie des siens et l’on regrette que l’intéressant rôle de Doris n’ait pas été mieux développé. Mais les fans de « Looking » auront droit à un bonus de taille : un film de deux heures devrait être tourné par HBO en septembre et fournir une conclusion à ce propos laissé en un désagréable et frustrant suspense.Girls, créée par Lena Dunham. Avec Lena Dunham, Allison Williams, Jemima Kirke, Zosia Mamet (EU, 2013, 12 × 26 min). Saison 3, diffusion dimanche 14 juin, à 20 h 50.Looking, créée par Michael Lannan. Avec Jonathan Groff, Franki Alvarez, Murray Bartlett (EU, 2014, 18 × 30 min). Saison 1, dimanche 14 juin, à 22 h 10.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Baptiste de Montvalon William Karel dresse un bilan sans concession du premier mandat du président américain (vendredi 12 juin, à 20 h 35, sur LCP).Ce documentaire en deux parties réalisé par William Karel – dont est diffusé ce soir le premier volet – est un bilan du premier mandat de Barack Obama (2008-2012), dressé par ceux qui furent parmi les plus proches conseillers du président. La plupart ont quitté leurs fonctions. Ce qui frappe d’emblée, c’est leur liberté de parole et de ton. Si les tensions à l’intérieur de la Maison Blanche sont décrites par des journalistes américains accrédités, les anciens conseillers de Barack Obama ne manient pas la langue de bois aussi bien que leurs homologues français.Entre autres exemples, on retient la façon dont George Mitchell, ancien envoyé spécial des Etats-Unis au Moyen-Orient, salue lm’efficacité… de George Bush pour contenir la construction des colonies israéliennes, préalable posé par les Palestiniens pour une reprise des négociations. « En réduisant l’aide financière versée à Israël (…), en ne se contentant pas uniquement de mots, le président Bush, explique George Mitchell, s’est opposé aux colonies avec bien plus de fermeté que le président Obama. »Le « désastre » d’un voyageBruce Riedel, l’ancien conseiller pour l’Afghanistan, évoque sans ambages le « désastre » d’un voyage dans ce pays du vice-président Biden, ainsi que le « violent affrontement » qu’a suscité la gestion du dossier afghan au sein du gouvernement… Deuxième enseignement (ou confirmation) : le président de la première puissance mondiale est très loin d’avoir les mains libres. Il « n’a pratiquement aucun pouvoir », estime William Karel. Certains obstacles sont de nature institutionnelle, d’autres, politique, la crise économique tenant le haut du pavé dans cette litanie qui défile à l’écran. L’ensemble incite à relativiser le bilan personnel qui nous est ici livré de la présidence Obama.A ne pas manquer, enfin, les images du dîner des correspondants de la Maison Blanche du 1er mai 2011. Alors qu’il venait de donner son feu vert à une opération commando contre Ben Laden, Barack Obama, très détendu, se pliait à la tradition en faisant rire aux éclats son auditoire. « Beaucoup de gens à la Maison Blanche ne croient pas qu’il a du sang dans les veines », commente Richard Wolffe, journaliste à NBC.Au cœur de la Maison Blanche, Barack Obama, de William Karel (France, 2012, 2 × 55 min). Le second volet sera diffusé vendredi 19 juin, à 20 h 35. Vendredi 12 juin, à 20 h 35, sur LCP.Jean-Baptiste de MontvalonJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle Soucieux de promouvoir la profession d’architecte auprès du grand public, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) présidé depuis novembre 2013 par Catherine Jacquot, organise, pour la deuxième année consécutive, les 12 et 13 juin, une opération « Portes ouvertes ». L’initiative est menée conjointement avec les Conseil régionaux de l’Ordre et les Maisons de l’architecture locales.Plus de 3 000 agences ont répondu présent, dont plus de 300 en Île-de-France. L’occasion de découvrir les coulisses de l’architecture, mais aussi « l’opportunité, pour chaque professionnel mobilisé, de faire connaître son métier, de transmettre sa passion, de montrer son savoir-faire, d’écouter le public et de rencontrer ses confrères », indique le Conseil national. Chaque architecte a carte blanche pour imaginer sa manière d’accueillir le public : présentation de projets ou de réalisations, visites de chantiers, expositions, ateliers pour enfants, soirée festive, etc.500 maisons à découvrirEt pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Mené en partenariat entre le CNOA et les éditions d’architecture « A Vivre », cet événement propose à chacun(e) la visite payante (2 euros par personne) de créations souvent originales. La découverte des lieux se faisant en présence, le plus souvent, de son architecte et de ses occupants. Un conseil : ne pas oublier de réserver.Le CNOA est engagé, au mois de juin, dans un grand nombre d’opérations. L’institution organise en effet les 25 et 26 juin à Lyon, sa deuxième Université d’été. Deux thèmes d’actualité y sont au programme : « L’architecte au service du territoire » et « L’architecture, un investissement d’avenir ».Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.06.2015 à 06h55 • Mis à jour le12.06.2015 à 07h27 | Sylvain Siclier Sa pochette, commandée à Andy Warhol, est l’une des plus célèbres. La photographie d’un haut de jeans, avec une vraie fermeture à glissière, qui une fois baissée permettait d’apercevoir le relief d’un phallus en bonne forme dans un slip blanc. Son contenu, dix chansons, portant la marque rock, blues et soul des Rolling Stones.Succès mondial à sa sortie, en avril 1971, le disque Sticky Fingers est depuis devenu un classique des classiques. Un statut qui lui vaut début juin une réédition en plusieurs présentations CD et vinyle, dont un coffret avec inédits, photographies, reproductions d’objets du culte, dont cette fameuse pochette. Un traitement sophistiqué qui sera accordé, ce 15 juin, à la BO de Virgin Suicides par le duo Air, dans une édition du quinzième anniversaire, et d’ici le 31 juillet aux trois derniers albums du groupe Led Zeppelin, étape finale d’une campagne sur l’ensemble de la discographie du groupe débutée en juin 2014. Ces rééditions à grand spectacle d’albums considérés comme majeurs dans l’histoire du rock, de la pop, de la chanson, voire du jazz (Miles Davis) ne sont pas vraiment une nouveauté, mais leur production s’est intensifiée depuis le début des années 2010. Et elles ne sont plus réservées à la période de Noël, propice à l’achat de coffrets, qui ont longtemps été dominés par des anthologies, des thématiques ou des intégrales.Quasiment chaque mois, au moins un album réputé se retrouve ainsi décortiqué en une pléthore de prises de travail, inédits, remixes, souvenirs de concerts, etc. Et si entre la parution originelle un minimum de trente ou quarante ans a d’abord été de mise – le poids de l’histoire –, de plus en plus souvent quinze ou vingt ans suffisent (Air, donc, le Jagged Little Pill de la Canadienne Alanis Morissette, gros succès de 1995, devrait y avoir bientôt droit).Le public visé, des fans purs et durs, qui traquent les moindres notes, des collectionneurs, qui jugent l’exactitude des reproductions, des sources sonores, la remasterisation. Exigeants, avec un pouvoir d’achat suffisant pour dépenser entre 150 et 300 euros, selon les éditions, pour un objet de fière allure, à l’opposé des fichiers impersonnels de la musique dématérialisée.L’industrie de la musique enregistrée l’a bien compris, qui survalorise ainsi l’aspect œuvre d’art de ces enregistrements, dans des tirages de quelques dizaines de milliers d’exemplaires, quand la moindre chanson à succès diffusée sur le site YouTube récolte des centaines de milliers, voire des millions d’écoutes. Et d’une certaine manière dit ainsi à ce public de niche, qu’elle peut encore se distinguer par rapport au flot de musique ininterrompue, partout dans le monde au même moment qui provient des géants internationaux Spotify, Google, YouTube ou Apple.siclier@lemonde.frSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux On se souvient encore de la stupeur générale : Daniel Harding, « baby chef » de 22 ans, haut comme trois pommes ouvrant le Festival d’Aix-en-Provence avec le Don Giovanni, de Mozart en 1998. Une direction pressée, démoniaque, et presque comminatoire du chef-d’œuvre mozartien alors mis en scène par Peter Brook. Le jeune homme partageait l’affiche avec son mentor, le grand Claudio Abbado, alors patron de la Philharmonie de Berlin, lequel avait offert avec élégance la première à celui qui était encore son assistant.Le chef d’orchestre britannique, né à Oxford le 31 août 1975, a aujourd’hui 39 ans. Il vient d’être nommé, jeudi 11 juin, pour trois ans à la tête de l’Orchestre de Paris, deuxième Britannique à assumer ce poste de directeur musical après Sir Georg Solti (de 1972 à 1975). Il succédera à l’Estonien Paavo Järvi à l’automne 2016. Celui-ci, en poste à Paris depuis 2010, avait annoncé son départ pour l’Orchestre de la NHK à Tokyo (Japon), au terme d’un mandat parisien de seize ans, dès août 2014. Deux mois plus tôt, le 7 mai, les retrouvailles de Daniel Harding avec l’Orchestre de Paris après quinze ans de divorce (sa première expérience en 1997 reste, selon lui, l’une des plus pires de sa carrière), avait été très d’autant plus remarquée que les spéculations allaient bon train quant à la succession de Paavo Järvi.Expériences précocesBlondinet mince et fluet, Daniel Harding a toujours été un jeune homme pressé, qui a multiplié les expériences au berceau – Le Pierrot lunaire, de Schoenberg, dirigé à 13 ans avec un ensemble de fortune. Il a aussi, jeune assistant à l’Orchestre de Birmingham, remplacé au pied levé le chef titulaire, Simon Rattle, dans la Deuxième Symphonie, de Brahms, en décembre 1995 au Théâtre du Châtelet. Avant de devenir en 1996 le plus jeune chef de l’histoire des BBC Proms. Nommé à l’Orchestre symphonique de Trondheim (1997 à 2000), puis à la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême (1999 à 2003), il décroche, en 2003, le Mahler Chamber Orchestra fondé par Claudio Abbado (jusqu’en 2008). Depuis 2006, il occupait le poste de chef principal de l’Orchestre symphonique de la Radio suédoise et celui de premier chef invité à l’Orchestre symphonique de Londres (LSO) depuis 2007. L’Orchestre de Paris devrait être un nouveau tournant dans sa carrière.Francophone et amoureux de la France, Daniel Harding, outre le Don Giovanni qui fit en deux ans le tour du monde en 80 représentations et lui valut un contrat chez Virgin Classics (aujourd’hui Erato), a également dirigé à Aix des productions aussi différentes que Le Tour d’écrou, de Britten (2001), Eugène Onéguine, de Tchaïkovski (2002), et la reprise, en 2004, de La Traviata, avant d’enchaîner coup sur coup trois Mozart – le Cosi fan tutte, de Patrice Chéreau (2005), La Flûte enchantée (2006) et Les Noces de Figaro (2007), avec des fortunes diverses. C’est au violoniste et chef d’orchestre baroqueux allemand Thomas Hengelbrock (57 ans), qu’a été confié le poste de chef associé. Ce récipiendaire du prix Herbert von Karajan en mars 2015 est le chef principal de l’Orchestre symphonique de la NDR à Hambourg, et le fondateur du chœur et de l’ensemble baroque Balthasar-Neumann. Une orientation importante pour la phalange parisienne installée depuis le début de l’année comme résident principal de la Philharmonie de Paris : « ces deux grands chefs, aux programmes innovants, conjugueront leurs talents pour écrire une nouvelle page de l’histoire de l’Orchestre de Paris », souligne à ce propos le directeur général de l’Orchestre de Paris, Bruno Hamard. Daniel Harding, quant à lui, se félicite de la situation géographique de la nouvelle salle symphonique parisienne, « une chance de montrer que la musique classique appartient à tout le monde », a-t-il confié dans un entretien, paru le 10 juin dans le Times.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Sylvain Siclier Le bassiste, compositeur et chanteur britannique Chris Squire, membre fondateur du groupe de rock progressif Yes, est mort dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 juin, à Phoenix (Arizona). Agé de 67 ans, il était traité pour une forme rare de leucémie, ce qu’il avait annoncé à la mi-mai. La nouvelle de la mort de Chris Squire a été confirmée sur le site officiel du groupe. Chris Squire est le deuxième des membres de la formation originelle de Yes à mourir, après le guitariste Peter Banks, en 2013.De nombreux musiciens, dont le claviériste Rick Wakeman, qui fit partie de Yes, en particulier dans les années 1970, et le guitariste Steve Hackett (Genesis) ont témoigné du talent de musicien de Chris Squire. Signe que sa réputation auprès des musiciens dépassait les genres, les bassistes Geezer Butler (Black Sabbath) et Flea (Red Hot Chili Peppers) ou le guitariste Tom Morello (Rage Against The Machine) ont aussi souligné les qualités de Chris Squire. Tous trois connus dans un domaine rock nettement plus direct, assez éloigné du rock progressif auquel le nom de Yes est attaché, avec ses emprunts à la musique classique, ses constructions sophistiquées, ses compositions en forme de suites, etc.Né à Londres, le 4 mars 1948, Chris Squire apprend la musique au sein d’un chœur qu’il rejoint vers l’âge de 6 ans. Il y perfectionnera sa pratique vocale et son intérêt pour les harmonies que l’on retrouvera dans une partie de la musique de Yes. Comme beaucoup, il découvre le rock et la pop lors de l’avènement des Beatles. Il dira plus tard avoir beaucoup écouté Paul McCartney, qui lui a donné envie de se mettre à la basse, mais aussi, comme beaucoup de Britanniques, la soul music de Tamla Motow. Ce que l’on retrouvera aussi dans son apport à Yes.Premier album de Yes en 1969Après avoir participé à plusieurs groupes vers 1966-1967, en plein essor du psychédélisme, il rejoint, début 1968, le guitariste Peter Banks puis le chanteur Jon Anderson. Les trois seront à l’origine de Yes. Pour compléter le groupe, le claviériste Tony Kaye, avec un sérieux bagage classique mais aussi la pratique du rock et le batteur Bill Bruford, qui vient plutôt du jazz, et rejoindra le King Crimson de Robert Fripp à l’été 1972. Le premier album du groupe, intitulé Yes, paraît en août 1969 sur le label Atlantic. Sans grand succès commercial, pas plus que le suivant Time and A Word (juillet 1970), avec sur certains thèmes une grande formation orchestrale.C’est avec le remplacement de Banks par le guitariste Steve Howe, qui apporte virtuosité et connaissance en matière de folk, de country et de jazz, que le groupe va connaître le vrai démarrage de sa carrière. D’abord avec The Yes Album (février 1971) puis Fragile (novembre 1971), dans lequel Rick Wakeman a remplacé Tony Kaye. Dans les deux cas, Squire co-signe des compositions qui vont devenir des classiques du groupe (dont la dernière tournée avec Squire remonte à l’automne 2014) : Yours Is No Disgrace, Starship Trooper, I’ve Seen All Good People, Perpetual Change, Heart of The Sunrise et le solo The Fish (Schindleria Praematurus), qui sera la base d’un des tours de force du bassiste lors des concerts.« I’ve Seen All Good People », par Yes, filmé au Rainbow Theatre, à Londres, les 15 et 16 décembre 1972, extrait du film « YesSongs », de Peter Neal, publié en DVD en 1997 :Du rock progressif à la popAvec ces deux albums puis la parution, en septembre 1972, de Close To The Edge, Yes est devenu l’un des groupes les plus célèbres de la scène du rock progressif. Les compositions, de plus en plus complexes, dans des durées qui s’allongent, sont jouées notes pour notes lors des concerts. Bruford en a assez et quitte le groupe après une tournée mondiale. Il est remplacé par Alan White, qui formera avec Squire la plus complice et stable des paires rythmiques du groupe. Le double album Tales From Topographic Oceans pousse au plus loin, en 1973, le recours aux longues compositions. Wakeman part à son tour (retour dans les années 1980, 1990 et 2000) et est remplacé par Patrick Moraz, qui enregistre Relayer, qui reste, avec des éléments de funk, une approche violente, le disque le plus intéressant et surprenant du groupe.Peu à peu, à partir de la fin des années 1970, Yes s’éloigne en partie de sa couleur prog-rock, pour aller vers une démarche plus pop (le tube Owner of A Lonely Heart, 1983). Mais c’est surtout avec ses classiques des années 1970 que le groupe continue de remplir les salles depuis une vingtaine d’années. Chris Squire, présent dans toutes les incarnations de Yes, avait publié, en novembre 1974, un ambitieux disque sous son nom, Fish Out of Water, somme des ses diverses approches musicales.« Hold Out Your Hand, You By My Side », de Chris Squire, extrait de l’album « Fish Out Of Water ». Film promotionnel avec Patrick Moraz (orgue, synthétiseurs), Jimmy Hastings (flûte), Bill Bruford (batterie) et une formation de cordes et de vents : Chris Squire en quelques dates4 mars 1948 Naissance à Londres.Début 1968 Fonde le groupe Yes avec Peter Banks, Jon Anderson, Tony Kaye et Bill Bruford.1972 Succès mondial de l’album « Close To the Edge » de Yes, tournée internationale.Novembre 1974 Album solo « Fish Out of Water ».27 juin Mort à Phoenix (Arizona), à l’âge de 67 ans.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi L'artiste danois prend possession des sous-sols du Palais de Tokyo à Paris avec l'installation “Servitudes”, composée de neuf films autour des thèmes de la beauté et du handicap. Pourquoi avez-vous choisi de vous ancrer dans les sous-sols du Palais de Tokyo, un espace particulièrement compliqué ?J'ai choisi le sous-sol parce que c'est un défi. C'est un peu comme une grotte, avec des hauteurs de plafond différentes selon les endroits. J'ai commencé à me renseigner sur l'histoire du bâtiment, et j'ai découvert que, pendant la guerre, des biens spoliés aux juifs y avaient été entreposés. J'ai appris qu'il y avait eu une salle de cinéma, mal construite. J'aimais cette idée d'imperfection, d'un espace conçu avec difficulté.Vous avez choisi le One World Trade center, l'un des gratte-ciel controversés construits sur les ruines des tours jumelles, pour servir de cadre à vos films. Pourquoi ?Ce One World Trade Center est comme une prothèse, qui a mis quatorze ans à voir le jour. Beaucoup de New-Yorkais n'ont pas encore voulu y aller. Pour moi, l'architecture est très importante, c'est ce qui relie les gens entre eux. C'est ce qui nous dit comment nous mouvoir et nous comporter. Je suis intéressé par les conventions qu'induisent les espaces. Vous voyez un certain type de lieu, et vous vous dites : « Voilà comment il faut s'y comporter. » De la même façon, vous voyez un certain type de personnage et vous avez une idée de ce qui va lui arriver. Tout semble confus au départ et tout se dénoue à la fin. Je joue avec ces codes en proposant autre chose de plus ambigu et ouvert. Vos deux personnages, une enfant handicapée et une belle jeune fille, sont-ils des stéréotypes ou des archétypes ?La jeune fille est un archétype, une projection du désir. Mais on ne peut pas dire non plus qu'il ne s'agisse que d'une projection, que ce n'est qu'une image.La question du handicap, vous l'aviez déjà évoquée dans This Nameless Spectacle (2011), présenté au MAC/VAL, à Vitry-sur-Seine...La question des minorités est toujours présentée au cinéma sous un angle négatif. Le regard est empreint de pitié. On ne le dit jamais, mais tout dans la société est bâti pour les valides, ce qui fait sentir aux gens handicapés que quelque chose cloche chez eux, qu'il y a une erreur. En construisant un parcours sous forme de rampe et en fermant les escaliers, vouliez-vous mettre les visiteurs dans une situation d'inconfort, presque de handicap ?C'est un peu ça. J'ai visité des grottes préhistoriques dans le Kentucky et j'ai été sidéré de voir que tout le parcours était bâti pour des personnes sans handicap. Pour les invalides, aller au Palais de Tokyo n'est jamais simple, bien qu'il y ait une porte spéciale et un ascenseur. J'ai voulu que, lorsqu'ils se rendent à l'exposition, les gens empruntent une rampe entourée d'échafaudages qui fait beaucoup de bruit quand on marche dessus. J'ai fait en sorte que les valides ne soient pas privilégiés. Tout le monde doit prendre le même chemin. Et il n'y a pas un seul banc pour s'asseoir.Depuis la Biennale de Venise de 2013, où vous représentiez le Danemark avec une suite de cinq vidéos, vos installations sont de plus en plus complexes. Souhaitez-vous rendre le visiteur encore plus concentré et actif ?Avant, mes films étaient comme des scènes tirées d'un plus long-métrage. On ne savait pas d'où sortaient les séquences, ni quelles étaient leur finalité. Ici, vous devez être un spectateur actif, marcher d'une vidéo à une autre avec ce sentiment étrange : plus on descend dans les sous-sols du Palais de Tokyo, plus les films montrent les étages supérieurs du One World Trade Center. Une institution d'art permet ce que le cinéma n'autorise pas : déambuler, s'arrêter, faire du bruit, avoir le vertige.Roxana AzimiJournaliste au Monde 29.06.2015 à 10h31 • Mis à jour le29.06.2015 à 12h17 | Martine Delahaye Vengeances personnelles, conflit israélo-palestinien et intrusion des services secrets sont entremêlés avec brio (lundi 29 juin sur Canal+ à 20 h 55) Nessa Stein, Anglo-Israélienne qui vit au Proche-Orient, se retrouve à la tête d’une fortune et de la fondation L’Epée d’Israël que créa son père, marchand d’armes britannique et sioniste. Or, avec son frère Ephra, Nessa entend réorienter vers la philanthropie les fonds reçus en héritage, et œuvrer à la recherche d’une réconciliation entre Israéliens et Palestiniens.C’est ainsi qu’au début de la série on la découvre attelée à l’immense projet de câbler toute la Cisjordanie en fibre optique. Avant qu’un homme d’affaires palestinien, avec lequel elle devait passer un accord pour une première étape de ce gros marché, soit retrouvé assassiné. Ce qui va amener les services secrets israéliens, aussi bien qu’américains et anglais, à entrer petit à petit dans la danse, sans que l’on comprenne pourquoi avant longtemps… Certains personnages de son proche entourage épaississant encore le trouble induit par ce thriller où chacun semble jouer un double jeu. Auquel s’ajoute le passé de cette région, qui pèse de tout son poids mort sur le présent.Un casting de premier planCe magnifique rôle de femme passant de l’innocence à la détermination de faire « le bien et le juste » est superbement interprété par Maggie Gyllenhaal. Mais est-elle, en tant que personnage principal, « la femme honorable » qui donne son titre à la série ? A chacun d’en décider, au terme des deux derniers et brillants épisodes. Car sur cette scène israélo-palestinienne, la série fait aussi la part belle à d’autres très beaux rôles féminins, dont celui de l’alter ego de Maggie Gyllenhaal qu’interprète Lubna Azabal. Remarquons, d’ailleurs, que, au contraire de ce qui se passe trop souvent en France, tout le casting, jusqu’aux rôles en apparence mineurs, a été confié à des acteurs de premier plan. Ce qui fait qu’on les retrouve avec autant de plaisir qu’eux en prennent à déguster leur thé.Si Hugo Blick, scénariste, réalisateur et producteur de cette très belle mini-série (coproduite avec la chaîne américaine Sundance), frappe fort, c’est que nombre de questions que se posent ses personnages valent aussi pour chacun d’entre nous, hors du contexte israélo-palestinien : face à un enjeu d’importance, n’est-il pas mieux d’accepter un peu de corruption pour arriver à ses fins, plutôt que d’opposer une rigueur morale qui s’apparente à un mur-frontière ? Jusqu’où la vengeance est-elle acceptable ou « honorable » lorsqu’elle permet d’éliminer quelqu’un de rédhibitoirement dangereux pour le plus grand nombre ? Quelle importance accorder à l’éducation d’un enfant quand la politique ou les intérêts supérieurs du pays vous requièrent à jet continu ?Echanger et comprendre avant toutSi la lenteur du début de « The Honourable Woman » vous déplaît, on ne peut que vous conseiller de la suivre au moins jusqu’à la fin de l’épisode 4, avant de décider de l’abandonner ou non. Sans attendre un point de vue engagé d’auteur sur le conflit israélo-palestinien : autant le scénario se révèle retors jusqu’au final, aussi bien concernant la trame des drames personnels que celle du jeu d’échecs mené par les services secrets américains, autant Hugo Blick, à l’image de son héroïne Nessa Stein, prône, ici, la détermination à « parler, échanger et se comprendre ».The Honourable Woman, mini-série de Hugo Blick. Avec Maggie Gyllenhaal, Lubna Azabal, Andrew Buchan, Stephen Rea, Eve Best (GB-EU, 2014, 9 × 52 min). Trois épisodes, puis deux par soirée. Lundi 29 juin sur Canal+ à 20 h 55.Martine DelahayeJournaliste au Monde Daniel Psenny Une enquête édifiante sur l’agriculture mondialisée (lundi 29 juin sur France 3 à 20 h 50). Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans le monde agroalimentaire ? C’est la question posée par les journalistes Linda Bendali et Sophie Le Gall qui, à travers leur enquête très fouillée et édifiante, montrent que, dans l’agriculture mondialisée, les nouveaux maîtres de la terre préfèrent la rentabilité financière à court terme à la pérennité du savoir-faire paysan. Au fil de séquences, tant en France qu’à l’étranger, paysans, sociologues, agronomes et économistes expliquent de manière limpide pourquoi et comment la grande industrie a manipulé à son profit les règles de la nature et détérioré la qualité des aliments comme le lait, la viande ou les légumes.De petites exploitations françaises jusqu’à la Bourse de Chicago, où se fixe le prix mondial du soja, en passant par les labos qui fabriquent des semences pour des cultures hors-sol, les deux journalistes nous entraînent dans un monde en totale mutation, dépressif, et, malheureusement, en voie de disparition. A l’exemple de la Bretagne où, après avoir profité pendant de très nombreuses années des subventions gouvernementales pour l’industrialisation de l’agriculture et la production intensive à destination d’un marché unique, les paysans bretons et toutes les filières qui les accompagnaient se retrouvent sans avenir. Un modèle productiviste à bout de souffle et sans défense face aux géants de l’industrie agroalimentaire qui dictent leurs lois, en matière de production et de prix. « Nous n’avons plus aucune perspective », s’indigne une des responsables des « bonnets rouges ».Solidarité territorialeEn trente ans, sous l’effet de la crise et des politiques contradictoires, un tiers des exploitations agricoles ont disparu en France. « Il se dessine, petit à petit, une agriculture sans agriculteurs », souligne la sociologue Dominique Jacques-Jouvenot. La filière du lait a été la plus touchée en raison des prix imposés par les industriels qui sont désormais en situation de monopole. Etonnamment, c’est celui qui achète qui fixe le prix et peut se permettre, comme le montre bien l’enquête, de pénaliser financièrement le paysan à sa guise sans avoir à se justifier. « Si on se révolte, ils nous disent qu’ils trouveront moins cher en Roumanie », dit un paysan au bord de la faillite.Pourtant, le choix de la qualité peut payer et même être rentable. C’est le cas en Franche-Comté où les paysans se sont organisés en coopératives et font de la résistance. Grâce à une solidarité territoriale qui leur permet d’échapper aux diktats financiers des industriels, leur lait est mieux payé. Les producteurs de Franche-Comté peuvent même se partager les bénéfices et maintenir l’emploi. « Nous n’avons pas d’actionnaires à rétribuer », plaisante un paysan, fier de la qualité de son fromage.Quand les traders font la loiMais, à l’autre bout de la planète, peu importe la qualité. Aux Etats-Unis, ce sont les traders qui font la loi. Les analystes financiers ont remplacé les paysans et étudient pour eux, en temps réel, les fluctuations du marché. Le moindre incident concernant la météo ou une grève dans les transports a une répercussion sur les prix des matières premières. « Spéculer est désormais la règle d’or. C’est le libéralisme, c’est ce qui mène le monde », dit un trader.Un autre monde alimentaire est-il alors possible ? Cela paraît compliqué. « Ce sont les agronomes de labo qui ont pris le pouvoir », dit Jean-Pierre Berlan, agronome et économiste. « Celui qui contrôle les semences contrôle toute la chaîne alimentaire et c’est pourquoi il est grand temps de se réconcilier avec la nature car c’est elle qui aura le dernier mot », dit-il.Que mangeons-nous vraiment ? De la terre à l’assiette, de Linda Bendali et Sophie Le Gall (France, 2015, 95 min). Lundi 29 juin sur France 3 à 20 h 50.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant La plus grande île italienne est menacée sur 90% de sa surface par les volcans tsunamis (lundi 29 juin, sur France 5, à 20 h 40).Les paysages paradisiaques de la plus grande île méditerranéenne ne doivent pas masquer une réalité plus sombre : la Sicile est sous la menace de ses célèbres volcans, Etna et Stromboli en tête. Cet épisode de la série « Sale temps pour la planète »analyse avec méticulosité et pédagogie les dangers de l’Etna, qui culmine à 3 300 mètres et dont la redoutable activité est permanente depuis deux mille sept cents ans.Les scientifiques, qui travaillent sur ses pentes cendreuses, surveillent la grande bouche fumante. Car l’énorme potentiel explosif de « Mamma Etna » a souvent fait des ravages, et l’on rappelle comment le village de Randazzo a été en partie détruit par les coulées de lave en 1981. Malgré les risques, les villages poussent au pied du volcan et environ un million d’habitants vivent dans des zones à risque, près de l’Etna. Le célèbre volcan est, certes, un danger avec ses retombées de lave, de cendres et de pierres volcaniques, mais c’est aussi une bénédiction car le sol volcanique est une terre riche en minéraux, idéale pour les vignes, les champs d’oliviers ou les citronniers.De fait, plus de 90 % du territoire sicilien se situe en zone dangereuse et cinq millions de personnes pourraient être touchées.Zone de stress tectoniqueCar, outre l’Etna, d’autres volcans, comme le Stromboli (924 mètres de hauteur), situé sur l’une des sept îles Eoliennes, font peser une menace très concrète, à savoir celle d’un tsunami. Non seulement sur la côte sicilienne, mais aussi sur celle de Calabre, située juste en face. En 2002, à la suite d’un réveil brutal du Stromboli, vingt milliards de mètres cubes ont été rejetés dans la mer, provoquant un tsunami. Le détroit qui sépare la Sicile de la Calabre est une zone de stress tectonique et le documentaire rappelle le drame survenu en 1908, avec un séisme de magnitude 7, des vagues de douze mètres et près de 80 000 victimes à Messine et en Calabre. En dépit de cela, un complexe pétrochimique couvrant 212 hectares est installé dans la baie de Milazzo, en pleine zone estampillée Seveso. Toutes proches de la mer, ces usines constituent un danger mortel en cas de nouveau tsunami.Sicile, de Charybde en Scylla, de Morad Aït-Habbouche (France, 2013, 50 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.06.2015 à 06h51 • Mis à jour le29.06.2015 à 08h02 | Marie-Aude Roux et Sylvain Siclier A écouter dans les jardins, à l’opéra ou en festival, découvrez la sélection musicale que vous a concoctée la Matinale.UNE TOURNÉE : les pianistes de jazz Herbie Hancock et Chick Corea, de Lyon à Lisbonne en passant par ParisL’un, Herbie Hancock, et l’autre Chick Corera, ont été des compagnons de musique de Miles Davis (1926-1991) mais aussi des stars du jazz-rock des années 1970 avec leurs groupes respectifs, The Headhunters pour Hancock et Return To Forever pour Corea. Leur amitié, et complicité musicale, a mené à une tournée en duo en 1978, puis à des retrouvailles sous cette forme le temps d’un concert événementiel. Cette fois c’est à nouveau une tournée que proposent les deux musiciens de jazz. Avec notamment une quinzaine de dates en Europe en juillet, dont trois en France. Et cela dès le 3 juillet au festival des Nuits de Fourvière, à Lyon, au Grand Théâtre du site archéologique (21 h 30, 49 euros). Puis à L’Olympia, à Paris, le 4 juillet (20 heures, restent des places de 100,50 euros à 177,50 euros). Après des étapes à Bruxelles, Londres, Rotterdam… ils seront sur la scène de la Pinède Gould de Juan-les-Pins, le 12 juillet (21 heures, de 18 euros à 85 euros), pour le festival Jazz à Juan. Fin du périple à Lisbonne, le 19 juillet.Toutes les dates de la tournée sur les sites Internet de Chick Corea et Herbie Hancock.Chick Corea et Herbie Hancock improvisent à partir de la composition « Liza (All the Clouds’ll Roll Away) » de George et Ira Gershwin, lors d’un concert en 1989 au Mount Fuji Jazz Festival au Japon.DEUX FESTIVALS PARISIENS : du rock psyché en salles et de la chanson dans les jardinsUn jeune festival parisien – c’est sa deuxième édition – entend faire le point sur la créativité et les différents états du rock psychédélique. Courant majeur du milieu des années 1960, le genre connaît depuis de réguliers retours, dont le plus récent au début des années 2010. Le Paris International Festival of Psychedelic Music, du 1er au 5 juillet, débutera par la projection à la Gaîté lyrique du film Feast of Friends, avec le groupe The Doors, puis consacrera une soirée aux groupes du label Born Bad Records, dont Dorian Pimpernel (La Maroquinerie, 2 juillet), et recevra parmi d’autres King Gizzard & The Lizard Wizard, Camera, Clinic ou The Horrors.Paris International Festival of Psychedelic Music, au Trianon, Machine du Moulin rouge, la Gaîté lyrique, La Maroquinerie, Le Point éphémère et le Huit. Du 1er au 5 juillet. De 6 euros à 33 euros selon les soirées.« Cellophane », par King Gizzard & The Lizard Wizard. Réalisé par Jason Galea. Léger effet 3D visible avec des lunettes ayant un verre bleu et un verre rouge.Plus âgé – il a été fondé en 2002 – le festival Rhizomes occupe durant trois week-ends consécutifs divers jardins, squares et espaces en plein air du 18e arrondissement parisien avec un programme consacré à la chanson, dans son acception la plus large. Après Dick Annegarn et Yom, il recevra par exemple Abou Diarra, joueur de n’goni (harpe guitare malienne), Djé Balèti pour un programme de chanson « afroccitane », le groupe Padam, une fanfare aux multiples influences musicales Fanfaraï, le quartette Global Gnawa… La plupart des concerts sont en accès libre, à l’exception des « croisières fluviales en musique » délocalisées au bassin de La Villette (samedi 4 juillet) et à la station fluviale de Bobigny (dimanche 12 juillet).Programme complet, horaires, lieux et tarifs sur le site Internet du festival Rhizomes. UN OPÉRA : « Adriana Lecouvreur », de Francesco Cilèa avec la soprano Angela Gheorghiu Comparer les mérites vocaux des deux femmes du ténor vedette Roberto Alagna, qui vient de triompher à l’Opéra Bastille dans Le Roi Arthus d’Ernest Chausson, a été le sport favori des lyricomanes en ce mois de juin à Paris. Sa nouvelle compagne, Aleksandra Kurzak, a dégainé la première dans le rôle-titre de Maria Stuarda, de Gaetano Donizetti, au Théâtre des Champs-Elysées. La jeune soprano polonaise incarnait avec dignité et sensibilité la reine d’Ecosse décapitée sur ordre de la terrible Reine Elisabeth. Quant à son ex, la soprano roumaine Angela Gheorghiu avec qui Alagna a été marié de 1996 à 2009, elle incarne à l’Opéra Bastille l’héroïne tragique du chef-d’œuvre de Francesco Cilèa, Adriana Lecouvreur, l’histoire d’une célèbre actrice de la Comédie française empoisonnée par sa rivale, la princesse de Bouillon. Deux rôles de femmes amoureuses d’un homme convoité par une autre, deux héroïnes ayant appartenu à l’Histoire, sacrifiées sur l’autel du destin.« Adriana Lecouvreur », de Francesco Cilèa, à l’Opéra Bastille, place de La Bastille, Paris 11e. Tél. : 08-92-89-90-90. Jusqu’au 7 juillet. De 5 euros à 168 euros.RÉSERVEZ VITE : le forfait 3 jours du Pitchfork Music Festival Paris Déclinaison parisienne du festival du magazine en ligne américain Pitchfork, le Pitchfork Music Festival Paris aura lieu du 29 au 31 octobre à la Grande Halle de La Villette. Avec en tête d’affiche de cette cinquième édition Björk et nombre de formations en vue sur le circuit indie-rock, dont Beach House, Run The Jewels, Deerhunter, Spiritualized, Unknown Mortal Orchestra, Rhye, Destroyer… Pas le temps de dire ouf et les forfaits 3 jours à tarif préférentiel sont déjà tous vendus. Il reste toutefois des forfaits 3 jours à prix normal à 120 euros mais la manifestation étant de plus en plus « tendance » au-delà des connaisseurs, dépêchez-vous.Pitchfork Music Festival Paris, Grande Halle de la Villette. Du 29 au 31 octobre 2015.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde La Matinale (avec AFP) Neil Young, loin d’être assagi à bientôt 70 ans, part en guerre contre Monsanto et les OGM. Dans un nouvel album, disponible lundi 29 juin, le rockeur canadien renoue avec ses éclats militants et les guitares électriques.« Quand ces graines germent, elles sont prêtes pour les pesticides/Et le Roundup vient et apporte la vague de poison de Monsanto », dénonce Neil Young dans la chanson qui porte le nom de l’album, The Monsanto Years. Ce disque se veut une attaque en règle contre le semencier américain, fabricant de cultures génétiquement modifiées et de l’herbicide Roundup.Au fil de neuf chansons, le chanteur canadien dénonce les pratiques du groupe de Saint-Louis (Missouri) pour imposer ses produits aux agriculteurs. Mais il cible aussi la grande distribution ou même l’industrie pétrolière en égrenant les marques comme Starbucks, Chevron, Walmart ou Safeway.« Je veux une tasse de café mais je ne veux pas d’OGM/J’aime démarrer ma journée sans aider Monsanto », chante-t-il sur un titre à la rythmique très rock visant Starbucks (« A Rock Star Bucks A Coffee Shop »).Neil Young avait appelé en novembre 2014 à boycotter la célèbre chaîne de café en raison de son implication supposée dans une procédure judiciaire collective lancée contre la labellisation des produits utilisant des OGM dans l’Etat du Vermont (nord-est).Des accusations qualifiées de « complètement fausses » par la chaîne. Starbucks, contacté vendredi 26 juin, renvoyait vers un communiqué affirmant que la société « n’est pas associée avec Monsanto pour bloquer la labellisation » dans cet Etat. Monsanto a également réagi aux attaques du Canadien : « Beaucoup d’entre nous, chez Monsanto, ont été et sont fans de Neil Young. Pour certains d’entre nous, malheureusement, son nouvel album ne reflète pas notre engagement fort au quotidien pour contribuer à une agriculture plus durable », a souligné une porte-parole dans un courriel.Regrettant de retrouver certains « mythes » dans les textes de Neil Young, le semencier se dit toutefois prêt à discuter avec lui « s’il est intéressé ».Le disque de Neil Young s’inscrit dans les critiques de longue date des ONG sur l’impact des pesticides sur l’environnement et la santé. En France, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal a décidé d’interdire dès le 1er janvier prochain la vente en libre service aux particuliers des herbicides contenant du glyphosate, dont le Roundup.À bientôt 70 ans (il les aura en novembre), Neil Young retrouve ses éclats électriques avec un nouveau groupe californien, Promise of the Real, composé notamment de Lukas et Micah Nelson, deux fils du chanteur de country américain Willie Nelson.Ce qui n’empêche pas le créateur de Harvest de se laisser aller à des textes plus contemplatifs comme « A New Day For Love » (« C’est un mauvais jour pour ne rien faire/Avec tant de gens qui ont besoin d’aide ») ou la ballade « Wolf Moon » et son harmonica en intro.Neil Young a toujours affiché ses convictions écologiques et politiques de gauche dans ses chansons, comme dans son célèbre titre « Ohio » (1970) où il fustigeait le président Nixon après la mort d’étudiants tués pendant une manifestation pacifique contre la guerre du Vietnam.Il y a une dizaine de jours, il est monté au créneau pour accuser le milliardaire conservateur américain et candidat à la présidence Donald Trump d’avoir utilisé sans permission l’une ses chansons lors d’un meeting. L’occasion pour Neil Young de rappeler qu’il soutient le démocrate Bernie Sanders dans la course à la présidence.La Matinale (avec AFP)Journaliste au Monde Renaud Machart Le comédien britannique Patrick Macnee, qui vient de mourir à l’âge de 93 ans à Rancho Mirage (Californie), aux Etas-Unis, où il résidait, restera comme l’image parfaite du gentleman British : le melon posé selon le bon angle sur le crâne, la cravate au nœud parfait, le costume de coupe impeccable des meilleurs faiseurs de Savile Row. Et un parapluie à la main.C’est ainsi qu’à l’écran Macnee se présentait dans la série télévisée « The Avengers » (« Chapeau melon et bottes de cuir » en v. f.), qui fit sa gloire mondiale et, grâce aux multiples rediffusions de ses épisodes, fait toujours de lui l’un des visages familiers des téléspectateurs. Tel James Bond (dont il est la version collet monté), John Steed tombait les filles, mais avec une ironique distance, une sorte de noble dédain qui rendait son charme un rien banal d’autant plus irrésistible.Il était d’ailleurs fidèlement entouré d’une partenaire aussi sexy que bagarreuse, à qui il laissait le plus souvent l’initiative de répondre la première aux hostilités dans les multiples combats qui les opposaient aux méchants dont le chemin croisait celui de leurs aventures. John Steed n’était pas armé : trop vulgaire (il consentira à une canne-épée mais préférait le combat à mains nues). Macnee dira d’ailleurs à propos de son personnage fétiche, un soir, sur le plateau du talk-show de Conan O’Brien, aux Etats-Unis : « Ne porter comme arme qu’un parapluie exige un cerveau supérieur. » Une certaine excentricitéAlourdi par quelques kilos et soutenu par une canne dans ses dernières apparitions publiques, Patrick Macnee semblait pourtant toujours ressembler, par son flegme excentrique et son insolence un peu leste, à John Steed. Evoquant les tenues de cuir de Cathy Gale, la première de ses partenaires dans « Chapeau melon et bottes de cuir », il disait : « Ce qu’il y a de bien avec les tenues de cuir, c’est que cela colle au corps comme une seconde peau. Cela va très bien aux femmes et cela évite de devoir les déshabiller. » Conan O’Brien lui rétorque : « Je vois que vous et moi partageons la même déviance… » Macnee : « Il est toujours bon de partager une déviance solitaire avec quelqu’un. »Patrick Macnee devait ses excellentes manières à sa naissance, à Londres, le 6 février 1922, dans une famille aristocratique anglaise mais dominée par une certaine excentricité. Le jeune homme fait des études dans l’établissement huppé d’Eton College où, selon les lignes biographiques publiées sur son propre site Internet, www.patrickmacnee.com, il se distingue comme « le plus grand dévoreur de livres et pornographe du campus ». Ce qui conduit à son renvoi. Après ses premières expériences théâtrales à Eton, Macnee poursuit son apprentissage à la Webber Douglas Academy of Dramatic Art et, en 1941, débute en incarnant un petit rôle dans une adaptation théâtrale des Quatre filles du docteur March, de Louisa May Alcott.D’intrépides et séduisantes partenairesSa jeune carrière est interrompue par la guerre, pendant laquelle il sert dans la marine britannique. Il la reprend en se produisant sur les planches en Angleterre, au Canada et aux Etats-unis. Macnee joue beaucoup au théâtre, tourne quelques films pour Hollywood, participe à de nombreuses dramatiques télévisuelles, dont la fameuse émission « Alfred Hitchcock Presents ». Mais ce n’est qu’en 1960 que la série « Chapeau melon et bottes de cuir » le rend célèbre (à partir de la deuxième saison, où John Steed devient le personnage principal), et ce au cours de quelque 150 épisodes qui l’associent à diverses intrépides et séduisantes partenaires (Cathy Gale, Emma Peel et Tara King).En 1976, la série, interrompue en 1969 en raison de problèmes de financement, reprend sous le titre « The New Avengers ». Cette fois, John Steed est flanqué de Purdey, incarnée par Joanna Lumley, qui fera un comeback étonnant dans le rôle de foldingue au gosier pentu d’« Absolutely Fabulous », 1992-2003). Steed reste Steed, mais la bizarrerie lunaire de la série originale manque un peu à cette suite.Patrick Macnee continuera jusqu’en 2001 sa carrière au petit écran. Il aurait sûrement adoré ce petit éloge funèbre publié par Gilles Jacob sur son compte Twitter : « Patrick Macnee est mort. Il avait le chapeau mais pas le melon. La star des   « Avengers »  ne proposera plus la botte à Diana Rigg, alias Emma Peel. »Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 11h06 • Mis à jour le29.06.2015 à 07h57 | Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Nice veut décrocher pour sa Promenade des Anglais le label « Patrimoine de l’humanité », décerné par l’Unesco aux sites d’une valeur universelle. Et elle s’en donne les moyens. Durant tout l’été, quatorze expositions soutiennent la candidature municipale. La Promenade, épousant sur six kilomètres la baie à partir de laquelle la cité a grandi, y est mise en scène avec les figures phares qui ont fait son succès. Trois musées exposent, chacun, cette « baie des Anges » vue par Chagall, Dufy, ou Matisse, lequel avoue : « Ce qui m’a fixé, ce sont les grands reflets colorés de janvier, la luminosité du jour. » Si « l’invention » de Nice, station balnéaire, capitale d’hiver, revient aux Anglais qui, les premiers, vers 1750, se sont entichés de la fameuse baie, c’est le dynamisme artistique de la ville et son goût du spectacle qui fidélisent les adeptes des villégiatures d’hiver, puis séduisent et retiennent, dans les années 1920, les premiers inconditionnels du soleil d’été.En 1763, les Lettres de Nice du médecin écossais Tobias Smollet, dont l’écho est considérable auprès de l’aristocratie britannique, sonnent le coup d’envoi de la fortune de Nice. Un siècle plus tard, l’Europe suit ; la Russie en tête, après la venue, en 1857, de l’impératrice Alexandra Feodorova.Grand manitou de l’opération, le commissaire général Jean-Jacques Aillagon est à son affaire. L’ancien ministre de la culture a conçu le « poisson-pilote » de l’événement, l’exposition « Promenade(s) des Anglais », au Musée Masséna, qui conte par le menu toute l’histoire. A la veille de l’inauguration, l’œil au moindre détail, l’ancien ministre de la culture avoue que cette aventure le ramène à son « premier métier, l’histoire et la géographie ».Un relevé panoramique« C’est la première fois qu’on fait un bilan complet patrimonial, architectural de la Promenade des Anglais, un état des lieux et sa transformation dans le temps », précise Jean-Jacques Aillagon. Sept cents documents – plans urbains, aquarelles, gravures, peintures, lettres, photos, cartes postales, romans, guides… – animent le parcours muséographique, enrichi par les témoignages des écrivains, musiciens, cinéastes, politiques, artistes… qui ont construit la notoriété de la cité des Anges.Un relevé panoramique, qui court le long des murs du Musée Masséna, sert de fil conducteur aux photos, écrits, peintures, gravures, films… qui accompagnent le récit. Les travellings et plans fixes des frères Lumière montrant la sortie en barques de silhouettes chapeautées sont un grand moment. Comme les photos de Charles Nègre, tirages argentiques sur papier albuminé qui font le point des constructions : l’Hôtel des Anglais, livré en 1862, compte Louis II de Bavière parmi ses premiers clients. En 1883, le casino de la Jetée-Promenade, réplique très kitsch d’une mosquée, part une première fois en fumée.En 1887, Nietzsche est à Nice. La même année, la police prévient, par une affiche, qu’il est « interdit aux baigneurs de s’avancer sur la plage en état de nudité ». En 1899, comme en témoigne la photo de Jean Gilletta, la reine Victoria assiste en calèche à une revue sur la promenade. Les années filent dans le succès. Le modeste « Camin dei Angles », agrandi une première fois en 1844, est devenu la spacieuse Promenade des Anglais à partir de laquelle la ville nouvelle s’épanouit. Le « New Borough » de Nice se réinvente à chaque époque sans faire table rase du passé. La cohabitation des folies néoclassiques et Art déco témoigne.La fête bat son pleinSur les pas de lady Penelope Rivers, marraine de la communauté anglaise – dont la villa date de 1787 –, les lords investissent les vergers prolongeant la baie pour bâtir à leur tour de somptueux hôtels particuliers au milieu des orangers. En 1902, 180 hôtels et 28 palaces sont ouverts. Les plus luxueux, comme le Negresco, occupent le devant de la scène face au rivage. La façade du Palais de la Méditerranée, pur Art déco, où descend Matisse avant de s’installer place Charles-Félix, sera sauvée de justesse, en 1989, par Jack Lang, alors ministre de la culture, qui l’a fait classer.Durant les années 1920-1930, la fête bat son plein. Dans une venelle du vieux Nice, au palais Lascaris – charmant hôtel particulier à l’italienne, où sont exposés de très rares instruments de musique –, sont reconstitués les décors des Fêtes d’art, soirées mondaines costumées, imaginées par Gisèle et Paul Tissier à l’Hôtel Ruhl.C’est au photographe britannique Martin Parr qu’il revient de livrer sa vision acérée de la fortune contemporaine de Nice, qui compte 75 % d’étrangers parmi ses visiteurs, les Anglais toujours en tête. Du 8 au 12 juillet, le fin limier des portraits de société installera son studio éphémère au Théâtre de la photographie et de l’image. La saga de la cité balnéaire inventée par ses touristes sera écrite. Et la première étape de la course au label onusien, lancée au moment où la ville de Cannes elle-même a porté sa candidature pour la Croisette et ses îles de Lérins.« Nice 2015, Promenades(s) des Anglais », 14 expositions, jusqu’au 4 octobre. 10 € ou 20 € pour 7 jours avec accès à tous les musées. nice.fr/culture.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.06.2015 à 06h38 • Mis à jour le29.06.2015 à 10h38 | Sylvain Siclier Quelle qu’en soit la qualité artistique, toute alliance des musiques dites populaires à une initiative à but humanitaire ou caritatif se doit d’obéir à un principe constant : à grande cause nécessitant grand retentissement, grande affiche. Yael Naïm, Izia, The Dø, IAM, Zebda, Asaf Avidan, Die Antwoord, Moriarty… Voici quelques-unes des vedettes qui participeront du vendredi 26 au dimanche 28 juin à l’Hippodrome de Longchamp à Solidays, important festival et l’un des événements les plus connus de l’association Solidarité sida, fondée en 1992 par Luc Barruet et Eric Elzière pour sensibiliser le public au sida et récolter des fonds pour la lutte contre la maladie. Sur place, entre deux concerts, des dizaines de stands d’associations sont visités par les festivaliers. Le sentiment que le prix du billet d’entrée servira à quelque chose domine.Le 1er août 1971, le guitariste et chanteur George Harrison avait été à l’origine de ce qui est généralement considéré comme la première manifestation pop-rock humanitaire. Régulièrement, plus tard, il rappellera que c’est bien parce qu’auprès de lui et Ravi Shankar se trouvaient ses amis Eric Clapton, Bob Dylan ou Ringo Starr lors des deux concerts au Madison Square Garden que l’impact sur la campagne de dons et le relais par la presse qui suivirent avaient été notables. Mêmes effets avec USA For Africa (la chanson We Are The World) et le défilé de stars lors des concerts Live Aid en 1985 pour collecter des fonds pour lutter contre la famine en Afrique, et en particulier en Ethiopie. Un message simple : donner de l’argent pour venir en aide. Et un résultat chiffrable, plus de 10 millions de dollars quatre mois après la mise en vente du disque de USA For Africa et près de 50 millions de livres sterling de dons à l’issue des concerts de Live Aid.Les limites des concerts gratuitsEn revanche, en juillet 2005, les concerts gratuits du Live 8, avec des dizaines de vedettes (Elton John, Madonna, le produit d’appel Pink Floyd reformé pour cinq chansons, Sting, Placebo, Stevie Wonder, Björk…) ont montré certaines limites. Si leur but était louable –exiger des dirigeants des pays les plus riches de la planète (le G8) qu’ils effacent la dette publique des pays les plus pauvres –, ils auront laissé une impression de flou, faute pour le public de mettre du concret sur sa participation. Tout comme lors du premier Live Earth, en 2007, initiative de l’ancien vice-président (1993-2001) américain Al Gore, sur le même modèle des concerts simultanés dans plusieurs pays, pour sensibiliser la population sur le réchauffement climatique.Dernier en date des rendez-vous citoyens, un Live Earth 2015. Annoncé en janvier pour le mois de juin, avec pour directeur musical le chanteur Pharrell Williams, (auteur du tube Happy) mais pas d’autres noms de vedettes de la musique, il a été repoussé depuis, selon un communiqué en mai, à une date « indéfinie à l’automne à la Tour Eiffel ». Et, pour l’heure, toujours le seul Pharrell Williams. Avec un objectif, faire pression auprès des participants à la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 30 novembre au 11 décembre à Paris, pour qu’ils parviennent à un accord ambitieux. D’ici là, les dons à Solidarité sida sont quand même plus efficaces.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne Comme il l’avait annoncé à l’issue de la 39e édition du Printemps de Bourges fin avril, Daniel Colling, 69 ans, quitte la direction du festival qu’il avait cofondé en 1977. Le nom de son remplaçant, Boris Vedel, annoncé lundi 15 juin par la société C2G, propriétaire du Printemps depuis 2013, n’était pas attendu. Cet homme discret, venu de l’industrie du disque et de l’événementiel, prendra ses fonctions le 1er juillet. Daniel Colling, par ailleurs patron charismatique des Zénith de Paris et de Nantes, restera toutefois dans l’équipe d’organisation jusqu’à la prochaine édition, qui se tiendra du mardi 12 au dimanche 17 avril 2016, en charge plus particulièrement des festivités relatives au 40e anniversaire du Printemps de Bourges.Lire aussi :Au menu du dernier Printemps de l’ère CollingDaniel Colling avait cédé ses parts du Printemps de Bourges en 2013. Un an après, il avait vendu la société PSE, responsable de la production technique du festival, à C2G, filiale du groupe Télégramme et de la société d’audiovisuel Morgane Production, qui possède également les Francofolies de La Rochelle. Gérard Pont et Gérard Lacroix (les 2 G de C2G, patrons de Morgane) avaient souhaité que Daniel Colling garde une participation minoritaire au sein de C2G, lui permettant d’acquérir un siège au conseil d’administration et au conseil de surveillance du groupe.En familleEn choisissant, Boris Vedel, 37 ans, C2G est resté en famille, puisque ce dernier dirigeait, depuis 2012, Morgane Events, une « structure spécialisée dans la conception et la production d’événements culturels » comme les Grands Prix Sacem, le festival Fnac Live, les concerts Deezer pour la Fête de la musique 2015, Les Nuits Claires au Palais de Tokyo pour le groupe de presse Marie-Claire ou les événements du Disquaire Day.M. Vedel a auparavant mené sa carrière au sein de plusieurs maisons de disques. Tout d’abord chez Virgin France dans les années 2000, puis chez Naïve, où il devint directeur du marketing, et enfin directeur général jusqu’en 2012, le temps de veiller à la carrière de Benjamin Biolay, Carla Bruni ou Pink Martini.Voir un entretien vidéo sur le site de « La Montagne » : Changement de direction pour le Printemps de BourgesVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.06.2015 à 08h09 • Mis à jour le15.06.2015 à 08h19 Robert GlasperCovered Plutôt connu hors du champ du jazz pour ses collaborations avec le nec plus ultra de la scène soul et funk (Erykah Badu, Jill Scott, Macy Gray, Bilal, Maxwell, Musiq Soulchild…) et pour ses explorations au groove électrisant avec son groupe Experiment, le pianiste Robert Glasper est aussi un talentueux pratiquant du jeu acoustique, en connaissance du jazz classique. Son premier album, Mood, en 2004, le laissait déjà entendre. Covered y revient avec des compositions de certains de ses « employeurs » déjà cités, mais aussi Radiohead, Joni Mitchell et le standard Stellar by Starlight, de Victor Young. En trio avec le bassiste Vicente Archer et le batteur Damion Reid, Glasper fait entendre ici une belle manière, en partie dans l’héritage d’Herbie Hancock – autre explorateur des styles et des formes. Mélodiste subtil, Glasper, insère, discrètement, des éléments rythmiques hip-hop, qui viennent nourrir ses sources post-bop. Sylvain Siclier1 CD Blue Note/Universal Music.NovalimaPlanetario Groovy, funky, haletant et lancinant, le son de ce collectif est immédiatement identifiable. Depuis leur premier album, paru en 2002, ses musiciens et chanteurs se sont imposés comme fer de lance de l’urbain afro-péruvien, croisant percussions (dont le cajon, inventé au Pérou au XVIIIe siècle, adopté ensuite par le flamenco) et sonorités électro, engagement et mémoire. Ils mettent en valeur ce que doit la culture péruvienne à l’Afrique, un legs dont l’origine remonte à la colonisation du pays par les conquistadors, qui y amenèrent leurs esclaves. Beaucoup d’invités ont rejoint Novalima au cours des différentes sessions d’enregistrement, dont Pablo Watusi, du groupe de salsa colombien La 33, le rappeur cubain Kumar, et l’Espagnol Panko (ex-Ojos de Brujo). Comme pour les précédents, l’album a inspiré des remixes à certains fans éclairés (Bomba Estereo, Quantic, Nickodemus), qui paraîtront à la suite de Planetario. Patrick Labesse1 CD Wonderwheel Recordings/La Baleine.Van HuntThe Fun Rises, The Fun Sets. Comme D’Angelo, Raphael Saadiq, Erykah Badu et quelques autres, le chanteur Van Hunt s’est un moment retrouvé affublé de l’étiquette un rien fourre-tout de « néo-soul », apparue à la fin des années 1990. En particulier avec un premier album, à son nom, en 2004. Son deuxième, On the Jungle Floor, en 2006, qui a constitué pour un public plus large une révélation, s’épanouit dans un virage plus rock. Dont son troisième, What Were You Hoping For, en 2011 – en fait le vrai troisième album de Van Hunt, Popular, prévu en 2008 est resté à ce jour officiellement inédit –, a été comme un prolongement minimaliste. Avec The Fun Rises, The Fun Sets, on retrouve en partie l’univers des débuts, avec cette part rock et funk, un rien plus planante par moments, voguant vers les dérives psyché de George Clinton (Vega) ou l’électro-funk de Prince au début des années 1980 (…Puddin’, les sons de claviers de She Stays With Me). Tendu, urbain dans sa première partie, l’album va peu à peu vers une vibration des sens, une forme d’apaisement (Emotional Criminal, If I Wanna Dance With You, A Woman Never Changes…), jusqu’à son final proche de la soul soyeuse de Philadelphie dans les années 1970. Avec un art sophistiqué du travail sur la matière sonore, qui en renforce l’intérêt. Sylvain Siclier1 CD Godless-hotspot/Modulor. Sylvain Siclier UN COFFRET : En l’honneur d’Ornette Coleman Le saxophoniste américain Ornette Coleman est mort jeudi 11 juin, à l’âge de 85 ans, dans un hôpital de New York. La réédition, fin mars, à petit prix, entre 35 et 40 €, d’un coffret de ses débuts pour la compagnie phonographique Atlantic entre mai 1959 et mars 1961, Beauty Is a Rare Thing : The Complete Atlantic Recordings, constitue le point d’entrée idéal pour découvrir sa musique. Il y a bien entendu cette séance d’improvisation collective qui donnera la matière d’un album Free Jazz : A Collective Improvisation, auquel son nom a souvent été associé. Il y a surtout, d’un abord c’est vrai plus aisé, évident, plein d’autres compositions, mélodies étranges et belles, souvent douces, dont beaucoup trouvent leurs racines dans le blues. Ornette Coleman posait là les grandes lignes de son œuvre.Beauty Is a Rare Thing : The Complete Atlantic Recordings, d’Ornette Coleman, 1 coffret de 6 CD Atlantic Records-Rhino/Warner Music.CONCERTS : Eric Serra et son groupe de jazz fusion au Triton Le grand public le connaît pour sa collaboration, au début des années 1980, avec le chanteur Jacques Higelin et des musiques pour le cinéma, en particulier pour de nombreux films de Luc Besson (celles de Subway, Le Grand Bleu, Nikita et Léon parmi les plus réussies). Le bassiste Eric Serra est aussi le leader d’une formation de fusion jazz-rock de bonne allure avec lequel il combine évocations cinématographiques, improvisations funky, élans progressifs. Le tout joué, en complicité avec Serra, par le claviériste Thierry Eliez, le guitariste Jim Grandcamp, le saxophoniste Christophe Panzani, le percussionniste Pierre Marcault et le batteur Jon Grandcamp.Le Triton, 11 bis, rue du Coq-Français, Les Lilas (Seine-Saint-Denis). Du jeudi 18 au samedi 20 juin, à 21 heures. De 15 € à 20 €.UN VIDÉO CLIP : « Ong Ong », de BlurPour consoler ceux qui ne pourront pas assister au seul concert en France de Blur cet été, ce lundi soir 15 juin, au Zénith de Paris, complet depuis des semaines, bien avant la création de la liste musiques de La Matinale du Monde, voici le nouveau vidéoclip du groupe britannique, en accompagnement de leur récent album The Magic Whip (Parlophone/Warner Music). Réalisé par Tony Hung, il évoque dans sa partie animation l’imagerie des jeux vidéo des années 1980. Avec, en prime, les quatre membres du groupe déguisés : le chanteur, guitariste et claviériste Damon Albarn sous le nom de Mr. Cream en cornet de glace, comme pour le visuel du disque ; le guitariste Graham Coxon en cafard, sous le nom de Mr. Brown, brun ; le bassiste Alex James en ce qui semble être une tomate, sous le nom de Mr. Red, rouge ; et le batteur Dave Rowntree, en mouche sous le nom de Mr. Black, noir. Le clin d’œil aux pseudonymes des personnages du film Reservoir Dogs (1992), de Quentin Tarentino, ne saurait être fortuit. Le concert de Blur sera retransmis en direct sur la plate-forme musicale de la chaîne Arte.RENCONTRES : Tout savoir sur la Sacem En prologue à la Fête de la musique, prévue dimanche 21 juin, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) propose, à l’occasion d’une journée dite « portes ouvertes », vendredi 19 juin, dans 70 villes, de rencontrer ses membres, dont de nombreux musiciens (classique, jazz, chanson, pop, rock…). Ils expliqueront le fonctionnement de cette structure fondée le 28 février 1851, en matière de collecte et de répartition des droits, de soutien à la création, etc., qu’il s’agisse d’œuvres enregistrées, de concerts, de diffusion dans des lieux publics ou privés, d’utilisation dans la publicité, au cinéma…La Sacem, portes ouvertes, le 19 juin, liste des villes, lieux, horaires et des intervenants sur le site Internet. RÉSERVEZ VITE : Le batteur Ginger Baker au New Morning, à Paris, le 30 juinEn presque ouverture du festival All Stars du New Morning (du 29 juin au 1er août avec notamment Robben Ford, Mike Stern, Didier Lockwood, Roy Hargrove, Robert Glasper, Branford Marsalis, Dave Holland, Bilal…), un musicien légendaire, le batteur Ginger Baker, qui fut, avec le guitariste Eric Clapton et le bassiste Jack Bruce, membre du célèbre groupe rock Cream, à la fin des années 1960. Parti vivre en Afrique, Baker rencontra Fela, se réinventa dans les polyrythmies, les métriques impaires, reprit par la suite contact avec le jazz de ses débuts. Sa venue dans le club parisien, le 30 juin, est une première. Il y jouera avec son groupe Jazz Confusion, soit le saxophoniste Pee Wee Ellis, le bassiste Alec Dankworth et le percussionniste Abass Dodoo.New Morning, Paris, le 30 juin, à 21 heures. De 27 € à 29,70 €.La composition « Why ? », par Ginger Baker, extraite de l’album « Why ? » (Motéma Music, 2014)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 13.06.2015 à 11h31 • Mis à jour le14.06.2015 à 22h06 | Florence Evin Vendredi 12 juin, à deux heures du matin, la vieille ville de Sana’a, capitale du Yémen, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1986, a été touchée par un bombardement. «Plusieurs habitations et bâtiments historiques ont été détruits», indique l’Unesco. Le complexe de maisons traditionnelles du quartier d’Al-Qasimi, qui jouxte un jardin urbain (Miqshama), près du canal de Sailah, figure parmi les destructions. Selon Saba, l’agence de presse yéménite, ce raid aérien saoudien a fait six morts et de nombreux blessés.« Je suis profondément affectée par les pertes en vies humaines et les dommages causés à l’un des plus anciens joyaux du paysage urbain islamique, indique Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco. Je suis choquée par les images de ces magnifiques maisons-tours aux nombreux étages et aux jardins paisibles en ruine. Cette destruction va encore détériorer la situation humanitaire. Aussi, j’appelle une nouvelle fois toutes les parties à respecter et protéger le patrimoine culturel au Yémen. Ce patrimoine porte en lui l’âme du peuple yéménite. C’est un symbole de son histoire millénaire en matière de connaissance, qui appartient à l’humanité toute entière », a-t-elle ajouté. Depuis la fin mars, l’Arabie saoudite bombarde les rebelles houthis chiites présentés par Riyad comme des soutiens de l’Iran, où qu’ils soient. Sans se soucier de la valeur historique, patrimoniale et millénaire des sites visés. Début juin, c’est le barrage de Marib, l’ancienne capitale de la légendaire reine de Saba, datant du premier millénaire avant notre ère -le plus grand barrage de l’antiquité déployé sur 600 mètres, dont les vannes sont fortifiées sur 100 mètres de long et 20 mètres de haut, qui était bombardé; une destruction qui faisait suite à celle du musée de Dhamar et ses quelque 12000 pièces archéologiques. La forteresse médiévale d’Al-Qahira surplombant Taez, la troisème ville du pays, a été bombardée comme le palais de Wadhi Dhar, situé au sud de Sanaa.Maisons-tours exceptionnellesLa capitale Sana’a n’est pas épargnée. Depuis le début du conflit, plusieurs habitations se sont effondrées dans les explosions. Selon l’Unesco, mardi 9 juin, le complexe historique d’Al-Owrdhi, datant de l’ère ottomane, situé à l’extérieur des murs de la vieille ville, a été sérieusement endommagé. « Les bâtiments résidentiels historiques, les monuments, musées, sites archéologiques et lieux de culte n’ont pas été épargnés. La valeur historique de ces sites a subi des dégâts irréparables quand elle n’a pas été totalement détruite » , précise l’organisation onusienne.Lire aussi :Au Yémen, les frappes aériennes saoudiennes endommagent un patrimoine millénaireSana’a, qui est habitée depuis plus de 2500 ans, témoigne de la richesse et de la beauté de la civilisation islamique : les maisons-tours, souvent d’une dizaine d’étages, en pisé ou en briques cuites, décorées de frises géométriques en blanc de chaux sont typiques au Yémen. Serrés les uns aux autres, ces gratte-ciel de terre, propriétés d’une seule famille - le dernier étage étant le lieu de réunion des hommes- sont époustouflants.Aux premiers siècles de notre ère, Sana’a est le carrefour des routes du commerce terrestre vers la Mésopotamie et la Méditerranée, notamment celui de l’encens, très prisé à Rome, qui fait sa fortune. Durant les premières années de l’Hégire, aux VIIe et VIIIe siècles, dans le sillage de la prédication de Mahomet, la cité est un centre important de la propagation de l’islam. Sa grande mosquée, avec celles de Médine et de La Mecque en Arabie saoudite, seraient les tout premiers lieux de culte islamique édifiés. Avec ses 106 mosquées, ses 11 hamams et ses 6500 maisons datant d’avant le onzième siècle, Sanaa demeure un témoignage unique, par son ampleur et son homogénéité, remarquablement conservé de cette architecture monumentale de brique, souvent cuite au soleil. D’autant que les reconstructions du seizième siècle sous les Ottomans ont respecté les traditions médiévales.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Quoi de plus naturel que RFI rende hommage à Sony Labou Tansi, mort il y a vingt ans, le 14 juin 1995. En effet, c’est grâce à la station que l’une des grandes voix de la littérature africaine a pu se faire connaître à la fin des années 1970, à travers un concours de théâtre, peu avant que ne retentisse cette déflagration littéraire et visionnaire que constitue La Vie et demie (Seuil, 1979, réédition en 1998), son premier roman. Malgré ces liens étroits, rien d’hagiographique dans les propos de Théo Ananissoh, invité à évoquer l’écrivain et dramaturge, ce dimanche dans « Littérature sans frontières », l’émission animée par Catherine Fruchon-Toussaint.Inauguré en 2013, avec Nancy Huston, ce rendez-vous littéraire de vingt minutes fait, avec bonheur, la part belle à la « littérature monde », chère à Michel Le Bris et Alain Mabanckou, auteurs du manifeste éponyme avec, nuance la journaliste, « tout ce que cela comporte de chemins de traverse ». Entendez qu’aux côtés d’écrivains étrangers et francophones, Mme Fruchon-Toussaint ouvre largement son micro aux auteurs « franco-français ». De même, à l’exception des essais traités dans l’émission « Idées », elle ne s’interdit aucun genre comme on a pu le constater récemment lors de son bel échange avec l’écrivain et poète sud-africain Breiten Breitenbach.« Regard visionnaire »Et des chemins de traverse – voire peut-être de controverses –, Catherine Fruchon-Toussaint en emprunte dans cette évocation subjective de Sony Labou Tansi par Théo Ananissoh, auteur du Soleil sans se brûler (Elyzad, 112 pages, 14,90 euros), un roman autobiographique sur lequel plane la figure tutélaire de ce grand aîné. Si l’écrivain togolais reconnaît sa dette à celui qui a « renouvelé le roman africain par les thèmes abordés », par son « regard visionnaire », comme en porte trace La Vie et demie, annonciatrice des horreurs à venir sur le continent africain, et, surtout, par une écriture de « rébellion » qui a bousculé les codes, il émet aussi quelques réserves sur son engagement politique et/ou encore sur les pièces de théâtre qu’il s’est efforcé de produire, chaque année, pour le théâtre de Limoges, en « les bâclant ».Pour autant, ces vingt minutes ponctuées d’archives sonores permettront de remettre en lumière un écrivain pour qui être poète était « vouloir de toutes ses forces, de toute son âme, de toute sa chair (…) qu’aucun visage de la réalité humaine ne soit poussé sous le silence de l’Histoire ».Littérature sans frontières, le dimanche à 11 h 30 et 17 h 40 vers le monde et Paris (sauf Afrique), 13 h 10 et 19 h 40 vers l’Afrique.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Alors que l’été s’annonce maritime et musical, la grille de rentrée de France Culture laisse entrevoir quelques réaménagements donnant à entendre de nouvelles voix.Le capitaine du navire France Culture, Olivier Poivre d’Arvor, l’annonce : cet été, le cap sera mis sur le grand large lors d’un voyage de huit semaines – du 6 juillet au 26 août. Seront proposées aux auditeurs, du lundi au vendredi, deux séries au long cours : « Les Grandes Traversées » (de 9 h 10 à 11 heures) qui permettra de sillonner la Méditerranée, notamment au côté de Fernand Braudel (6 au 13 juillet) ; la Manche avec Winston Churchill (du 20 au 24 juillet) ; l’Atlantique en compagnie de Woody Allen (13 au 17 juillet) ou Simone de Beauvoir (17 au 21 août). Et, préfigurant l’une des nouveautés de la rentrée, « Continent musiques d’été » (de 15 heures à 16 heures) qui marque « le retour d’un de nos fondamentaux », précise le directeur de la station. Au programme de cette partition aux sonorités multiples :baroque, chanson française, jazz, musiques latino et électronique.Tout l’été, se croiseront à la barre de la station des personnalités comme Michel Pastoureau avec « Les Animaux ont aussi une histoire » (dimanche de 12 heures à 12 h 30) ou Adrien Goetz qui, chaque matin, à 7 h 55, proposera une étonnante visite du Louvre ; mais aussi de « vieux loups de mer », tels Raphaël Enthoven avec « Le Pouvoir imaginaire » (le dimanche, de 16 à 17 heures), Michel Onfray qui clôt sa « Contre-histoire de la philosophie » (du lundi 27 juillet au 28 août, de 11 heures à 12 heures) ou Sandrine Treiner dont « Les Bonnes feuilles » (14 heures à 14 h 20) donnera un avant-goût de la rentrée littéraire.Ainsi que de jeunes moussaillons, à la tête des trois rendez-vous habituels de la station : « Les Matins », animé de 7 heures à 9 heures par Nicolas Martin ; « La Grande Table » où se succéderont Maylis Besserie (juillet) et Martin Quenehen (12 h 45 à 14 heures) et « Du grain à moudre », présenté par Emilie Chaudet et Thomas Baumgartner (18 h 15 à 19 heures).Grille de rentrée « plus lisible »Une manière pour Olivier Poivre d’Arvor de faire entendre plus largement une nouvelle génération de producteurs et de journalistes « promis, dit-il, à un avenir sur la chaîne ». A l’instar de Marie Richeux dont « Les Nouvelles Vagues », consacrée aux jeunes créateurs, est reconduite à l’automne. Car, le programme de navigation estival étant bouclé, le directeur de France Culture s’affaire à mettre la dernière touche à la grille de rentrée afin de la rendre « plus fluide, plus lisible, avec en semaine des repères plus marqués ». Notamment pour la tranche 15-16 heures, où est annoncé un nouveau rendez-vous consacré à la lecture ou à la musique. L’accent sera mis aussi sur les documentaires, avec « Du grain à moudre » qui bénéficie d’une diffusion toute la semaine, et la création, en janvier 2016, d’un portail consacré à ce format.Le souci de clarté touche aussi les week-ends où un lien plus étroit sera établi entre actualité et programmes, avec l’insertion d’une page « Culture/idées » de 8 h 30 à 9 heures. Mais ces réaménagements ne sont pas sans conséquences puisque disparaît « Les Carnets nomades » de Colette Fellous à l’antenne depuis 1999. « C’est une voix importante de France Culture. Pour autant, cette émission avait fait son temps, explique Olivier Poivre d’Arvor. Colette Fellous a parfaitement sa place dans le cadre de nos grandes séries d’été. » Quant à la poésie, traitée jusqu’ici par Sophie Naulleau dont « Ça rime à quoi » est supprimée, elle fera l’objet d’un traitement plus large avec Jacques Bonnaffé qui, chaque jour, lira « à une heure de grande écoute » un poète contemporain. Une façon, selon le directeur de « Culture », de l’extraire de « son pré carré ».Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Follorou « Capital » diffuse un documentaire qui s’efforce de décrire les sources de financement de l’organisation terroriste (dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6).Pour combattre un ennemi, il faut d’abord le voir tel qu’il est. C’est une règle de base des combattants du monde entier. Le respect scrupuleux de cet adage aurait évité au documentaire Daesh, Etat islamique (EI) : d’où proviennent les milliards des nouveaux barbares ? de nous faire attendre près de trente minutes pour avoir une réponse dépouillée de propos et d’images à sensation inutiles.Mais cette attente sert à quelque chose. Comme le montre le sujet et contrairement à son intitulé, l’Etat islamique n’est pas composé de « barbares » mais fonctionne comme un véritable Etat doté d’une administration. Cette organisation s’appuie sur un budget annuel estimé à deux milliards de dollars alimenté par diverses sources de financement que les auteurs du documentaire s’efforcent, avec pédagogie, de décrire avant de conclure que cela ne suffit pourtant pas à rendre viable cet « Etat ».Ces derniers rappellent justement que l’EI n’a pas à porter seul toutes les charges de fonctionnement. Les fonctionnaires des grandes villes sous son contrôle en Irak, comme à Mossoul, sont encore payés par les autorités de Bagdad qui ne veulent pas accentuer les mouvements d’exode massif de population en coupant brutalement les vivres. Près de dix millions de personnes vivent, en Syrie et en Irak, sous la férule de l’Etat islamique et ­doivent être nourries. Les approvisionnements en biens et en nourriture ne sont pas frappés par les embargos. L’EI en profite et prélève sa taxe sur ces ­échanges.Impôts et pénuriesSi l’Etat islamique importe des marchandises, il en exporte également. La guerre n’arrête pas le commerce. Grâce aux filières de contrebande, il parvient à écouler sa production de coton et de pétrole, en grande partie via la Turquie voisine. Il aurait été utile de mentionner que ces réseaux sont anciens. Ils datent des premiers blocus décidés par la communauté internationale contre le régime de Saddam Hussein. Comme à cette époque, les prix des produits sont bradés pour être vendus. Ils se fondent ensuite dans le flot des échanges internationaux.Les populations des territoires occupés par l’EI sont également mises à contribution pour nourrir le budget de cet « Etat » dont une grande partie est allouée aux dépenses militaires et aux frais de propagande. Des impôts sont versés par les habitants comme dans tout pays et souvent l’Etat islamique joue sur les pénuries pour vendre, lui-même, les moyens de pallier celles-ci. Face aux coupures d’électricité, l’EI vend des groupes électrogènes et l’essence pour les alimenter.Ces éléments suffisaient à justifier ce travail assez utile pour démystifier l’image d’un Etat islamique souvent simpliste. C’est pourquoi, il n’était nul besoin de livrer des informations approximatives sur le nombre de Français partis rejoindre l’Etat islamique. Ils ne sont pas mille à s’être rendus en Syrie. Le 2 juin, devant le Sénat, le premier ministre, Manuel Valls, a indiqué que 860 individus avaient séjourné en Syrie, 471 y étaient actuellement et 110 y sont recensés comme morts.De même, l’hawala n’est pas un moyen de paiement inventé par les terroristes. C’est un mécanisme de transfert, sous forme de compensation, utilisé dans tous les pays musulmans.Daesh, Etat islamique : d’où viennent les milliards des nouveaux barbares  ?, d’Eric Declémy et Emmanuel Creutzer (Fr., 2015, 125 min), dimanche 14 juin, à 20 h 55, sur M6.Jacques FollorouJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio En deux volets, Alexander Abela explore le satellite de la Terre (dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +).La Lune et la Terre, un couple uni depuis toujours, souvent pour le meilleur et parfois pour le pire. Cela fait des milliards d’années que le destin de notre planète est lié à celui de son satellite. Que serait la Terre sans sa compagne ? Elle n’aurait probablement pas la même physionomie. Les deux documentaires d’Alexander Abela retracent cette relation intime qu’entretiennent les deux astres.Le premier volet, Sous la lumière de la Lune, se consacre plus particulièrement à notre satellite comme objet cultuel et culturel qui va devenir, au fil du temps, sujet d’étude pour la science. La Lune est l’astre le plus visible dans la nuit et d’un fonctionnement plus complexe que le Soleil. Avec ses quartiers qui croissent et décroissent, sa disparition pendant quelques nuits, elle permet de mesurer le temps. Dès l’époque de la grotte de Lascaux, elle est devenue pour l’homme un repère, puis ensuite le support de nombreux mythes et contes.La fascination qu’elle exerce sur les hommes a été propice à toutes sortes de croyances mêlant peurs et fantasmes. D’ailleurs, avec son cycle de 28 jours, elle fut vite associée à la femme et à la fécondité.Le second volet, De la Terre à la Lune, débute lorsque l’homme découvre que la Terre n’est plus au centre du monde. Un nouvel horizon s’ouvre alors à lui. Les découvertes scientifiques nourrissent l’imaginaire et inversement.Terrain d’entraînementJules Verne imagine un voyage sur la Lune qui aura lieu moins d’un siècle plus tard. Cette conquête lunaire va changer complètement le regard de l’humanité sur sa planète bleue. De l’espace, elle paraît petite, fragile. L’atmosphère qui la recouvre et qui a permis le développement de la vie semble avoir l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. En arrivant sur la Lune, nous avons découvert la Terre.Depuis les missions américaines et soviétiques, notre satellite semble délaissé. Mais d’autres s’y intéressent désormais, comme les Chinois, qui espèrent y poser un module capable de rapporter de nouveaux échantillons d’ici à 2018. Dans le futur, l’astre pourrait être notre terrain d’entraînement pour une conquête beaucoup plus ambitieuse, celle de l’espace. Le documentaire d’Alexander Abela explore, dans un rythme parfois un peu lent, la relation riche et complexe que l’homme entretient avec la Lune, depuis l’aube de l’humanité jusqu’à aujourd’hui, à travers des témoignages de spécialistes du monde entier.Ces intervenants prestigieux mettent en lumière les différents aspects de la Lune. Qu’il s’agisse de Claudie Haigneré, la première femme française astronaute à avoir embarqué à bord de la station spatiale internationale, de Jacques Arnold, docteur en théologie et en histoire des sciences, chargé de mission sur la dimension éthique, sociale et culturelle des activités spatiales au CNES, ou encore de Bernard Foing, astrophysicien à l’Agence spatiale européenne et directeur exécutif du Groupe international pour l’exploration lunaire et chercheur principal de la mission Smart-1, la première mission européenne sur la Lune. Mais d’autres se profilent déjà.Sous la lumière de la Lune et De la Terre à la Lune, d’Alexander Abela (Fr., 2014, 2 x 52 min), dimanche 14 avril, à 20 h 45, sur Planète +.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Joël Morio Le réalisateur Loïc Prigent présente un grand clip sur les excès vestimentaires d’une décennie foisonnante (samedi 13 juin, à 22 h 10, sur Arte).Avec ses yeux bleu acier que des lunettes de myope rendent presque extraterrestres, Loïc Prigent porte, depuis une quinzaine d’années, un regard perçant, acide et drôle sur la planète mode. Le réalisateur propose, ici, un remontage de six clips de huit minutes sur les années 1990 qui furent diffusés dans le cadre du « Summer of the 90’s », en fil rouge du programme estival de la chaîne culturelle franco-allemande en 2014.En moins d’une heure donc, Loïc Prigent parcourt au pas de course la décennie autour de six thèmes, histoire de mettre un peu d’ordre dans ce documentaire virevoltant. Les années 1990 auront été souvent celles des excès dans chacune des voies qu’auront empruntées les créateurs. En pleine épidémie de sida, ils offrent une mode hypersexy, n’hésitant pas à montrer seins, creux des reins et même fesses sur les podiums, tandis que « le latex devient le nouveau coton ». La mode n’a plus de limites et le mauvais goût est à la mode. Et quand elle n’a plus rien à dire, elle se tourne vers la rue, qui devient la source de toutes ses inspirations. Elle se convertit au sportswear pour convaincre des jeunes qui font des griffes de sport les marques tendance. Elle tombe dans le « crade » et le laisser-aller lorsque le mouvement grunge s’impose.Minimalisme et « bling-bling »Lors de ces années 1990, les couturiers se partagent entre le minimalisme d’un Helmut Lang et le « bling-bling » d’un Versace qui fait passer « le tapis rouge des Oscars pour un champ de patates ». On sombre dans une débauche d’ors, de crinolines géantes, de fourrures décomplexées. C’est la décennie où les grands groupes de mode se constituent pour former des empires, prêts à se livrer des batailles sans merci. Une époque où les grandes maisons commencent à organiser des défilés de plus en plus grandioses. Les chiffres d’affaires s’envolent et tout ce qui est griffé, des sacs jusqu’aux bouillottes, se vend presque comme des petits pains, crise ou pas. C’est le moment aussi où les top-modèles de plus en plus filiformes deviennent plus célèbres que les stars de cinéma et éclipsent progressivement les créateurs qui avaient dominé les années 1980.Ce condensé survitaminé de mode donne le tournis. Loïc Prigent force le trait, il emprunte parfois des raccourcis qui ne laissent guère de place à la nuance. Il égratigne, sans le dénoncer, le système infernal (pipolisation, médiatisation…) qui se met alors en place au détriment – un comble ! – du vêtement, et qui étouffera, plus tard, presque toute création artistique. Mais le journaliste a le sens de la formule qui fait mouche, aussi bien auprès des fashionistas que de ceux qui savent à peine faire la différence entre la soie et le synthétique. Avec lui, un documentaire devient un grand clip que l’on a plaisir à voir ou à revoir.La Mode des années 1990, de Loïc Prigent (Fr., 2014, 55 min), samedi 13 juin, à 22 h 10, sur ArteJoël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe-Jean Catinchi Auteur d’une monumentale biographie de Napoléon (Gallimard), l’historien Patrice Gueniffey analyse la commémoration médiatique et le rapport des Français à l’HistoireDeux siècles après Waterloo, l’Etat s’abstient de commémorer la fin de la geste napoléonienne. Pourquoi ?Effectivement, la France ne participe pas aux célébrations de Waterloo, pas plus qu’elle n’a fêté Austerlitz ou les acquis du Consulat. Cette continuité transcende le clivage gauche-droite, puisque l’attitude fut la même sous Jospin, Chirac, Sarkozy ou Hollande. C’est éclairant sur le rapport de l’Etat vis-à-vis de l’Histoire, qui s’est à ses yeux rétrécie aux seules guerres mondiales, dans une perspective du reste moins politique ou historique qu’affective et mémorielle.Lire aussi :Waterloo, une campagne médiatiqueCependant, les médias assurent l’évocation du souvenir de 1815…L’engouement actuel pour Waterloo tient moins à la défaite nationale qu’à la perspective européenne qu’elle offre. C’est la fin de la crise collective ouverte par la Révolution française. Et sans doute est-ce pour cela que, à travers la littérature, les mémorialistes, Waterloo a bénéficié d’une mise en scène et d’une production narrative exceptionnelles.Comme une figure de la tragédie. C’est la première fois qu’on assiste à un vrai face-à-face entre Anglais et Français, les combats en Espagne n’ayant pas l’envergure de cette confrontation frontale. Au terme de vingt-cinq ans de combats, deux armées jouent l’issue à quitte ou double.Et cette option théâtrale est favorisée par les conditions de la bataille.Le champ de bataille est minuscule, le combat bref et très violent, la boucherie exceptionnellement meurtrière. Cela contribue à sa résonance particulière. D’autant que Waterloo marque le terme de l’aventure de Napoléon, la fin de la Révolution française et le vrai tournant d’un siècle à l’autre, la carte redessinée au congrès de Vienne et le triomphe de la Sainte-Alliance instaurant pour un siècle la paix en Europe, qui n’avait pas connu d’accalmie depuis le début de la guerre de Trente Ans (1618-1648), les quelques conflits ponctuels (Crimée, guerre franco-prussienne) n’embrasant pas le continent.C’est donc un vrai tournant européen, ce que le moment Austerlitz ne peut revendiquer, puisque la victoire de 1805 ne marque ni avancée ni inflexion dans le cours du conflit continental. Waterloo, elle, a « fait l’Europe ». Et avec quelle intensité, puisqu’il s’agit d’une lutte sans merci où il s’agit d’exterminer l’adversaire. On n’est pas sur le terrain pour espérer l’après, mais juste vaincre dans l’instant. Hormis la bataille de Borodino (1812), cette force dramatique est unique et aurait pu inspirer Curzio Malaparte.Les Français n’y seraient pas sensibles ?Les Français ont un problème avec leur histoire. Un malaise permanent qui rejoue à propos de tout et de rien. Et, si les commémorations se font si discrètes, c’est qu’aucune conviction collective n’est assez nette pour ne pas craindre d’être mise en cause ou attaquée si l’événement à célébrer suscite la polémique. Il n’y a pas de consensus social autour du passé national et la tradition historiographique manque de cohésion. Trop prudent ? Trop timoré ? Trop lâche ? Les Français échouent à regarder leur passé en face, ce que les Anglais n’ont aucun mal à faire.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Philippe-Jean Catinchi A Prague, le 22 décembre 1815, l’ambiance est électrique. L’Europe souffle enfin au terme d’une année bouleversée par le retour de Napoléon et l’ultime coalition qui a mis fin aux Cent-Jours. La Sainte-Alliance qui unit désormais la Russie, la Prusse et l’Autriche garantit une nouvelle carte, conservatrice, de l’Europe.Sur un poème de Johann Gottfried Wohlbrück (1770-1822), le jeune compositeur Carl Maria von Weber livre la première exécution de sa cantate Kampf und Sieg (« Bataille et victoire »), célébrant la victoire des troupes alliées sur Napoléon à Waterloo, six mois plus tôt. Un hymne pour solistes et chœur qui dit la menace infernale et le triomphe d’une lumière qui tourne résolument le dos aux Lumières, aux accents d’un martial Ça ira bientôt inaudible. C’est par cette œuvre rare que Laurence Equilbey, à la tête des ensembles Accentus et Insula Orchestra, a clos le programme qu’elle a donné à la Cité de la musique, le 11 octobre 2014, et que diffuse France 2, dans « Au clair de la lune ».Lire aussi :« Les Français ont un problème avec leur histoire »Ce sont les Anglais et les Prussiens, derrière Wellington et Blücher, qui sont venus à bout de l’empereur des Français au terme de sa plus désastreuse campagne. Dans un impressionnant docu-fiction, le réalisateur belge Hugues Lanneau découpe en cinq actes, dramaturgie oblige, le drame de Waterloo : du lundi 12 juin, quand Napoléon quitte Paris pour rejoindre la Grande Armée, au lendemain de la bataille où périrent 11 000 hommes, sans compter quelque 35 000 blessés et plus de 10 000 chevaux abattus. Avec un soin minutieux apporté aux conditions de l’affrontement (pluie diluvienne et terrain détrempé) comme aux fragilités stratégiques de l’engagement – si les erreurs du commandement français sont épinglées sans réserve, l’issue incertaine des combats souligne le poids du sort dans la faillite impériale –, ce travail de reconstitution saisissant immerge le spectateur dans un drame proprement tragique.L’autoflagellation des politiquesEn contrepoint d’une demi-douzaine de destins individuels, pris au sein des deux camps, comme pour mieux souligner la gémellité des adversaires, puisque des citoyens belges se retrouvent aussi bien dans les rangs français que coalisés, des spécialistes apportent sobrement les informations qui éclairent la bataille, de ses enjeux politiques à ses spécificités matérielles.Parmi ces experts, on retrouve naturellement l’historien Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon et également conseiller du documentaire de Thierry Boeuf, Quand Napoléon déchaînait l’Europe, diffusé sur la chaîne Toute l’Histoire, jeudi 18 juin, jour même du bicentenaire de la bataille. Successeur de Jean Tulard dans le périlleux exercice de spécialiste médiatique de la geste napoléonienne, Thierry Lentz sacrifie avec patience et clarté à la mission pédagogique qui lui échoie.Ce sont les Anglais et les Prussiens, derrière Wellington et Blücher, qui sont venus à bout de l’empereur des Français au terme de sa plus désastreuse campagne.Tandis que l’Etat brille par son absence à l’heure des commémorations des bicentenaires du Consulat, puis de l’Empire – un retrait qui est une ligne de conduite surprenante lorsque Jean-Louis Debré, alors président de l’Assemblée nationale, parvint à célébrer les 200 ans du code civil sans en créditer Bonaparte –, Lentz, lui, répond présent, offrant des perspectives synthétiques tant aux réalisateurs français qu’étrangers qui le sollicitent. Pas de prudence polie ni de retenue stratégique pour éviter les polémiques possibles. Au point que c’est vers lui qu’Eric Zemmour s’est tourné pour étayer son pamphlet Le Suicide français (Albin Michel, 2014) lorsqu’il a voulu stigmatiser le goût pour l’autoflagellation des responsables politiques face au souvenir impérial et au legs napoléonien.Lentz n’en a cure et se contente de délivrer des clés pour le grand public, rigoureux et sûr, ce qui lui garantit l’intérêt des médias, assurés d’une contribution de référence. Pourtant le terrain reste délicat et l’historien s’enquiert des autres participants sollicités. Ainsi, présent dans le programme de Stéphane Bern, « Secrets d’histoire », diffusé sur France 2 le mardi 2 juin et intitulé « Comment on devient Napoléon ? », il avoue avoir refusé de répondre à certaines questions scabreuses qui lui paraissaient hors de propos. Il est vrai que cette émission, trop cantonnée à la kyrielle des batailles et la vie amoureuse de Napoléon Bonaparte, livrait bien peu d’éléments pour répondre sérieusement à la question initiale.Mais les pièges d’une expertise tronquée ne le découragent pas. Et on pourra recommander, avec lui, « Napoléon » : une série en dix volets réalisée en 2012 par Jean-Louis Molho, et judicieusement rediffusée sur Toute l’Histoire du 18 juin au 16 juillet, dont la facture didactique est exemplaire. Optant pour la complicité d’un ministre et d’un grognard, Talleyrand et Jean-Roch Coignet, pour rendre l’évocation-fleuve plus attrayante, ce documentaire solide mêle habilement illustrations classiques et évocations en 3D, pour les combats notamment, interviews d’experts et astuces pédagogiques, comme ces fiches de police de Fouché qui résument l’identité des protagonistes. Même la patine de l’image et les options acoustiques sont astucieuses. Une réalisation exemplaire et salutaire que l’anniversaire de Waterloo permet de retrouver.Battle & Victory (Mozart, Beethoven, Weber), concert filmé par Jean-Pierre Loisil et diffusé sur France 2 dans « Au clair de la lune », jeudi 18 juin, à 0 h 30.Waterloo, l’ultime bataille, documentaire-fiction d’Hugues Lanneau, sur Arte, samedi 13 juin, à 20 h 50.Quand Napoléon déchaînait l’Europe, documentaire de Thierry Boeuf, sur Toute l’Histoire, jeudi 18 juin, à 20 h 45.Napoléon, série documentaire en dix épisodes réalisée par Jean-Louis Molho, sur Toute l’Histoire, le 18 juin à 21 h 40 et 22 h 35, puis le 25 juin et les 2, 9 et 16 juillet à 20 h 45 et 21 h 40.Napoléon, ascension et chute d’un héros, documentaire d’Yvan Demeulandre, sur Paris Première, mercredi 17 juin, à 22 h 25.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Joël Morio « En quête d’actualité » a filmé le quotidien d’une maison d’arrêt quelques jours après les événements de janvier (mercredi 3 juin, à 20 h 55, sur D8).Rien que pour ses quinze premières minutes, ce reportage sur la montée du communautarisme et de l’islam radical mérite d’être regardé. On y suit l’arrivée en prison d’un jeune de 18 ans dont c’est la première condamnation. Il pensait que sa sentence se limiterait à une peine de liberté conditionnelle, mais le voilà enfermé. Le garçon semble perdu, fragile. Le surveillant qui le prend en charge tente d’apaiser sa détresse. En quelques instants, on comprend le traumatisme que peut vivre celui qui est incarcéré pour la première fois.Le monde de la prison est dur, même dans un établissement moderne. Une équipe d’« En quête d’actualité » a été exceptionnellement autorisée à tourner dans la maison d’arrêt de Lyon-Corbas (Rhône). Construit en 2009, cet établissement est déjà surpeuplé, avec 830 détenus pour 690 places. La tension y est d’autant plus palpable que les journalistes ont filmé juste après les attentats contre Charlie Hebdo et le supermarché casher.Contrer l’islamisme radicalLes dérapages verbaux sont difficilement contrôlables. Le personnel pénitentiaire doit faire preuve de patience et de vigilance pour éviter qu’une étincelle ne provoque une explosion.Pendant plusieurs jours, nous suivons le quotidien de cette prison. Les détenus fragiles qu’il faut surveiller pour qu’ils ne se suicident pas ; les fouilles qu’il faut réaliser pour récupérer les téléphones portables, la drogue et même des armes ; l’identification et l’isolement de quelques individus liés au mouvement terroriste, pour empêcher qu’ils ne propagent un islamisme radical.Le commentaire laisse parfois échapper quelques mots malheureux, ou abuse du conditionnel sans étayer ce qu’il suggère, mais, dans l’ensemble, ce film cherche à montrer la complexité de l’univers carcéral en évitant la caricature. On comprend comment des condamnés de droit commun peuvent être aspirés par la mouvance terroriste. La prison « ça rend les gens fous, c’est normal qu’ils partent en couilles », lâche un détenu. Corbas n’est pourtant pas l’établissement le moins bien loti en France. On n’ose imaginer ce qui se passe ailleurs. A la suite de ce reportage, Guy Lagache s’entretiendra avec la garde des sceaux sur la situation des prisons en France.Menace terroriste : plongée au cœur de nos prisons, de Marina Ladous (Fr., 2015, 90 min). Mercredi 3 juin, à 20 h 55, sur D8.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre François Hollande n’a pas encore paraphé le décret présidentiel, et il n’y a pas trace de communiqué de Fleur Pellerin. Mais c’est une affaire de quelques jours, indique-t-on dans l’entourage de la ministre de la culture et de la communication. Didier Fusillier, lui, n’a pas attendu pour annoncer, dès le lundi 1er juin, sa nomination à la présidence de l’Etablissement public du parc et de la Grande Halle de la Villette, dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. Il a été élu à ce poste, vendredi 29 mai, pour un premier mandat de cinq ans, lors du conseil d’administration de l’EPPGHV, après avoir été intégré au CA en tant que « personnalité qualifiée ». C’est la fin du cumul des postes pour cet homme-orchestre qui dirige deux scènes nationales - le centre culturel transfrontalier « le Manège » à Maubeuge, depuis 1990, la Maison des arts de Créteil depuis 1993 - et pilote les festivités de Lille 3000 en tant que directeur général. Bientôt, probablement aux alentours du 10 juin, il ne sera plus « que » le patron de la Villette, tout en restant conseiller artistique de Lille 3000 : à la Villette, il succèdera à Jacques Martial, nommé en 2006 par Jacques Chirac, et dont le deuxième mandat s’achève.La Villette, c’est d’abord le plus grand parc urbain de la capitale, doté d’une surface de 55 hectares, avec des espaces de jeux, de sports, des jardins thématiques, à la lisière du nord-est parisien et des communes périphériques de Seine-Saint-Denis. C’est aussi l’écrin de lieux artistiques et culturels très divers et emblématiques : outre la Philharmonie, ouverte en janvier, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, la Cité des sciences, le théâtre Paris-Villette, le Zénith, etc. Le site a été conçu en 1993, sur le site des anciens abattoirs, par l’architecte Bernard Tschumi, avec ses promenades, ses trames, et ses « Folies », du nom des anciennes salles de bal.Homme-orchestreVoilà un vaste territoire à administrer pour Didier Fusillier, personnalité du monde de la culture depuis vingt-cinq ans. Après ses débuts à Maubeuge et à Créteil, il a été nommé en 1998 commissaire général du Printemps du Québec. Puis commença l’aventure lilloise, auprès de Martine Aubry, maire de Lille depuis 2001 : Didier Fusillier fut directeur général de Lille 2004, puis directeur artistique de Lille 3000. Parallèlement, il a organisé diverses grandes expositions (au Tripostal, à Lille, au Centre national des arts plastiques, etc.). Enfin, depuis 2013, il est le directeur artistique des Berges de Paris.« La décentralisation à l’envers »« La Villette, c’est la petite ville. Je ne suis pas là seulement pour programmer la Grande Halle et gérer le parc », précise d’emblée Didier Fusillier, joint mardi 2 juin par téléphone. Avant son rattachement à la ville de Paris, en 1859, la Villette se dénommait « Petite Ville Saint-Ladre » ou « Saint-Lazare ». Aujourd’hui, dans la perspective du « Grand Paris », Didier Fusillier ambitionne, dit-il, d’étendre le rayonnement de la Villette au-delà du périphérique : « J’aimerais prolonger les trames et les tracés imaginés par l’architecte Bernard Tschumi. Il y a une sensation de jungle, à la Villette, et il n’y a rien de plus beau que de se perdre dans les chemins que l’on connaît le plus », dit-il, en citant les Carnets du grand chemin, de Julien Gracq (Corti, 1992). Il ajoute : « On pourrait créer des micro-folies dans les communes environnantes, permettre à des artistes locaux de s’exprimer. Ce serait la décentralisation à l’envers : on créé à l’extérieur de Paris tout en étant relié au centre ».Il envisage, aussi, d’installer un lieu de production dans l’un des espaces de la Halle aux Cuirs – du nom de l’ancien lieu de stockage des peaux du temps des abattoirs. « J’ai un exemple en tête, la ville de Eindhoven, aux Pays-Bas, qui a beaucoup souffert du départ de l’entreprise Philips. Cette région vient de créer 47 000 emplois en investissant le secteur du design », explique-t-il. Une autre idée, cette fois-ci en vue du championnat d’Europe de football, en 2016 : Didier Fusillier est l’une des onze personnalités – désignées par le président de la République – qui seront les ambassadeurs de l’Euro 2016. Il imagine déjà tous les événements fédérateurs qu’il pourrait organiser à la Villette : « C’est le lieu idéal », dit-il, avant de conclure : « Je préfère voir grand au début, quitte à devoir réduire la voilure ensuite ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Ce Banksy-là, garé devant l’hôtel Drouot, à Paris (9e), était atypique en tous points : par son âge, sa taille, son style et son histoire. La maison Digard proposait aux enchères, lundi 1er juin, une fresque monumentale de près de 10 x 2,5 mètres, réalisée sur un semi-remorque par l’artiste phare de l’art urbain, en 1998. Une époque où l’on ne parlait pas encore de street art, et où le Britannique était un graffeur de Bristol connu des seuls initiés. Nulle trace ici de pochoir, hormis pour son logo de signature : Banksy, qui allait se convertir à cette technique dans la foulée, peignait alors encore à la bombe aérosol.« Mieux vaut ne pas trop compter sur le silence des majorités… Le silence est une chose fragile… Il suffit d’un son et c’est parti. » Cette inscription, en anglais et en capitales, encadre la fresque en haut et en bas. L’ensemble dépeint l’esprit des rave parties, ces fêtes sauvages qui étaient alors à leur apogée, comme une opération militaire. Les personnages, habillés en soldats, prennent d’assaut un site depuis la mer, de nuit, sur des canots gonflables remplis de sound systems. La moitié droite est occupée par le mot stealth (discrétion), graffé par Inkie, autre figure du graffiti à Bristol. La composition se termine par un personnage accroupi, tenant un mégaphone. Sans reconnaître le style graphique de Banksy, on retrouve ici son sens de l’humour, du détournement contestataire et de la mise en scène.Performance en public« Chaque année, nous réalisions des décors pour le festival de Glastonbury sous forme de performances », explique Inkie, venu à Paris pour revoir l’œuvre et assister à la vente. Cette année-là, Banksy avait recherché un camion pour support, lors de ce grand festival de musique et d’arts du spectacle. L’édition 1998 a pour têtes d’affiche Pulp et Blur et a aussi été particulièrement pluvieuse. C’est devant des festivaliers les pieds dans la boue que les deux amis ont œuvré. Le mystérieux Banksy, l’homme qui a réussi à garder son identité secrète au fil des années, s’était donc produit en public trois jours durant ? « Il préférait se cacher le visage pour travailler », nuance Nathan Welland, le propriétaire du camion, qui a lui aussi fait le déplacement à Paris.Ce grand gaillard blond est alors une connaissance de Banksy, et il a accepté que son camion serve de toile contre un dédommagement de l’équivalent de 300 euros. Le véhicule lui sert à l’époque autant de domicile que d’outil de travail : le circassien s’est reconverti en loueur de chapiteau, sillonnant le pays de fêtes en festivals.Mobile homeL’année suivante, Banksy réitère l’expérience sur l’autre face du camion à l’occasion d’un autre festival. La nouvelle fresque, Fungle Junk, a aujourd’hui disparu. Lorsque Nathan Welland a arrêté la vie itinérante, en 2004, sa remorque s’est muée en mobile home, posé dans la campagne du Norfolk. En 2008, la peinture s’abîme, or Banksy est devenu une star dont les œuvres s’arrachent. Décision est prise de découper les parois pour les vendre. Sans certificat d’authentification. Cet épisode, personne n’est très enclin à l’évoquer aujourd’hui. Visiblement en mauvais état de conservation, Fungle Junk a été scindé en plusieurs morceaux, dont deux ont alors été vendus par une galerie pour près de 140 000 euros. En parallèle, une vente aux enchères a été organisée pour la première fresque, présentée sous le nom de Fragile Silence. Mais sans certificat, la vente a tourné court.Sept années plus tard, et après une reprise du dialogue, Banksy a accepté de délivrer le précieux certificat Pest Control – son service d’authentification officiel. Et pour cette vente sous de meilleurs auspices, à Paris, l’œuvre a pris un nouveau nom : « Silent Majority ». « Il a choisi de nous le délivrer, car il aime cette pièce. Et il a considéré qu’il s’agissait d’une commande du festival », et non pas d’une œuvre réalisée pour la rue, confie Nathan Welland.Happy endAvant la vente, le doute s’insinue : cette œuvre est-elle réellement « vendable » ? Les grandes pièces ont en effet tendance à partir moins facilement que les petites ; or celle-ci est hors norme. Un galeriste présent à la vente est resté pour le moins dubitatif quant à l’intérêt et à la qualité de l’œuvre, se demandant qui pourrait être intéressé.La fresque est finalement adjugée à 500 000 euros, ce qui devrait permettre à Nathan Welland de réaliser son rêve : « Acheter une vraie maison. » A l’issue de la vente, le quarantenaire est attendu avec sa femme et leurs quatre enfants par les caméras de la télévision britannique pour commenter ce happy end.L’opération est également un succès pour la commissaire-priseuse, Marielle Digard : « 500 000 euros, c’est le prix intermédiaire entre l’estimation basse, 400 000, et la haute, 600 000. Deux collectionneurs représentés par téléphone se sont battus pour l’obtenir. » Banksy et Inkie doivent toucher environ 1 % de la vente au titre du droit de suite. L’acquéreur devra pour sa part débourser 625 400 euros au total, avec les frais.Lundi soir, après avoir stationné pendant trois jours devant Drouot, le semi-remorque a pris le chemin d’un entrepôt, en attendant de livrer son œuvre monumentale. Alors que certains se demandent si Banksy n’aurait pas lui-même orchestré cet achat, Marielle Digard a précisé que le camion prendrait la direction du « nord de l’Europe ». L’acquéreur est un collectionneur d’art contemporain et d’art urbain, qui destine son achat à un usage privé, assure la commissaire-priseuse.Quelques moments forts de la vente d’art urbainHormis Silent Majority, grande curiosité de la vente de la maison Digard, à Drouot, quelques œuvres sont sorties du lot, lundi 1er juin.Banksy encore : Une autre œuvre signée Banksy s’est particulièrement bien vendue. Flying Copper (flic volant), parti à 145 000 au marteau (185 020 € avec les frais), a en effet réalisé la deuxième meilleure vente de l’après-midi. Il s’agit d’une peinture double face sur carton représentant un policier en arme, ailé, et le visage remplacé par un smiley. L’œuvre certifiée, qui faisait partie d’une installation de l’artiste à Londres en 2003, était à l’origine suspendue. Elle aurait été acquise par un collectionneur américain. Quatre sérigraphies de l’artiste : Radar Rat, Stop and Search, Very Little Helps et Flag on Formica – Silver ont respectivement été adjugées à 37 000 (le double de l’estimation basse), 17 500, 14 000 et 13 500 euros.Un record pour un Futura 2000 : Us Map (1984), de l’Américain Futura 2000, figure historique du graffiti new-yorkais, a été adjugé à 42 000 euros (plus de 53 500 avec frais) : « C’est un record en France, et peut-être même à l’étranger », a confié Marielle Digard, la commissaire-priseuse, à l’issue de la vente, précisant qu’elle a été acquise par un collectionneur étranger.Un carnet de notes très convoité : Un insolite petit lot, « Book #1 », a créé la surprise. Présenté avec une estimation de 1 500-2 000 euros, ce carnet du graffeur new-yorkais REVZ remontant à 1993 et rassemblant notes, poèmes et croquis, est parti à 8 200 euros au marteau (plus de 10 400 euros au final, avec frais). « Cela montre que les collectionneurs s’intéressent de plus en plus à ce type de documents », analyse Marielle Digard.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.06.2015 à 05h48 • Mis à jour le02.06.2015 à 13h45 Une enquête préliminaire a été ouverte, mardi 20 mai, pour « détournement de fonds publics aggravé » concernant les frais de taxi de l’ex-directrice de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) Agnès Saal. Cette enquête fait suite à « une note du commissaire aux comptes de l’INA, dans le cadre de son obligation de révélation de faits délictueux », a expliqué le parquet de Créteil.L’ouverture de cette enquête survient après que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé, lundi 1er juin dans un entretien au Parisien, avoir transmis le dossier à la justice.« J’ai décidé de saisir la justice. J’ai en effet saisi ce matin [lundi matin] le procureur de la République de Créteil, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale, en vertu duquel tout agent public ayant eu connaissance d’un délit doit le signaler à la justice, précise la ministre. Notre lettre de transmission comporte des éléments sur les frais de déplacement. »Trois jours après AnticorCette décision ministérielle a été prise trois jours après l’annonce par l’association Anticor du dépôt de plaintes visant les dépenses de taxi de l’ex-présidente-directrice générale de l’INA Agnès Saal, et des contrats passés par Mathieu Gallet, actuel patron de Radio France, à l’époque où il présidait l’Institut.Lire :Deux ex-PDG de l’INA visés par une plainte d’AnticorRegrettant que la ministre de la culture n’ait pas saisi la justice, alors qu’Agnès Saal a été réintégrée au sein du ministère, Anticor a porté plainte contre X au parquet de Créteil pour « favoritisme » pour les faits concernant Mathieu Gallet et pour « détournement de fonds publics » relativement à Mme Saal.« On voit bien qu’il y a une certaine acceptation des institutions pour dire que la gabegie financière est tolérable. On porte plainte pour alerter les services publics de leur responsabilité », avait estimé vendredi Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor.Une enquête administrative également en cours« Je veux agir avec sérénité », répond la ministre. « Tout cela peut paraître long à l’aune du temps médiatique, mais il nous fallait regrouper les pièces nécessaires avant de décider. Mon seul souci, c’est l’exemplarité, ajoute-t-elle. De tels comportements ne sont pas acceptables. » Mme Pellerin souligne qu’une enquête administrative est également en cours concernant Agnès Saal, « l’échelle des sanctions, dans ce cas, varie du blâme ou de l’avertissement, jusqu’à la radiation de la fonction publique ».Nommée à la tête de l’INA en 2014, Agnès Saal a été poussée à la démission à la fin d’avril après avoir été épinglée pour avoir dépensé plus de 40 000 euros de taxis en dix mois, dont 6 700 euros par son fils, qui disposait de son code de réservation auprès de la compagnie G7.Elle avait été nommée en remplacement de Mathieu Gallet, placé à la tête de Radio France, et également visé par Anticor pour des contrats passés sous son mandat à la présidence de l’Institut national de l’audiovisuel, entre 2010 et 2014.Les avocats de Mme Saal font notamment valoir qu’elle a remboursé 15 940 euros de frais de déplacement, dont 6 700 euros de « dépenses imputables à son fils » et 5 840 euros de « déplacements de nature privée ». Denis Cosnard Patrick Modiano commence à exceller dans l’exercice qui semblait le moins fait pour lui : le discours officiel. Six mois après son texte très marquant de réception du prix Nobel à Stockholm, l’écrivain a de nouveau fait surgir l’émotion, lundi 1er juin, lors de l’inauguration de la promenade Dora Bruder, dans le 18e arrondissement de Paris.Lire aussi :Modiano, jour de gloire à StockholmDevant une petite assemblée d’élus parisiens, de membres de la famille de Dora Bruder, de représentants du monde juif et d’écoliers, Modiano a trouvé les mots simples et justes pour faire revivre l’espace d’un instant cette jeune fille déportée à Auschwitz en septembre 1942.Cette fugueuse de seize ans, qu’il a arrachée à l’oubli et à l’anonymat dans le plus poignant de ses livres, intitulé sobrement Dora Bruder (Gallimard, 1997), était une fille du quartier, a-t-il rappelé. « Ses parents se sont mariés à la mairie du 18e, elle est allée à l’école dont nous pouvons voir la façade, elle a fréquenté une autre école un peu plus haut sur la butte, elle a vécu avec ses parents rue Lamarck, boulevard Ornano », a souligné le romancier. Ses grands-parents habitaient « à quelques mètres de nous ». Lire aussi :A Paris, une promenade Dora-Bruder en mémoire des victimes du nazismeDéportée parce que juiveUne adolescente comme tant d’autres, en somme. En quelques phrases, le Prix Nobel a campé le décor. « Là où nous sommes, elle jouait avec un de ses cousins, et là aussi sans doute vers quinze ans elle donnait des rendez-vous », a-t-il dit de sa voix douce.« Les soirs d’été où les jeunes gens restaient tard sous les platanes du terre-plein à prendre le frais sur les bancs, elle a écouté les airs de guitare de ceux qu’on appelait les Gitans et dont plusieurs familles vivaient ici, parmi lesquelles la famille du musicien Django Reinhardt. Pour Dora et pour les enfants du quartier, ce terre-plein était un terrain de jeux qu’ils appelaient le talus. »A Paris, devant une école du 18e, Patrick Modiano et Anne Hidalgo dévoilent la plaque "Promenade Dora Bruder" http://t.co/7iZTk3YSqR— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);La suite de l’histoire est beaucoup moins joyeuse. A la suite d’une fugue, Dora Bruder est arrêtée, et envoyée à Auschwitz. Déportée parce que juive. Son père et sa mère connaîtront le même sort.« Elle représente la mémoire de milliers d’enfant »Aujourd’hui, « Dora Bruder devient un symbole, a déclaré Modiano. Elle représente désormais dans la mémoire de la ville les milliers d’enfants et d’adolescents qui sont partis de France pour être assassinés à Auschwitz, celles et ceux dont Serge Klarsfeld, dans son livre  Memorial [Le mémorial des enfants juifs déportés de France, FFDJF, 1994] a rassemblé inlassablement les photos pour qu’on puisse connaître leurs visages. »L’inauguration d’un lieu à son nom est une façon de faire pièce aux souhaits des nazis, qui voulaient faire disparaître Dora Bruder et ses semblables, et effacer jusqu’à leurs noms. « Je crois que c’est la première fois qu’une adolescente qui était une anonyme est inscrite pour toujours dans la géographie parisienne », a noté Patrick Modiano.Évoquant Dora Bruder, Anne Hidalgo évoque les attentats de janvier : "70 ans après, on a entendu Mort aux juifs !" http://t.co/GW5KN0RGpZ— DenisCosnard (@Denis Cosnard)require(["twitter/widgets"]);Après l’écrivain, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est chargée de donner un sens plus politique à cette inauguration. En janvier 2015, soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, des juifs ont de nouveau été assassinés à Paris pour ce qu’ils étaient, a-t-elle rappelé, en évoquant la tuerie de l’Hyper-Casher.« Soixante-dix ans après, on a de nouveau entendu “Mort aux juifs !” » D’où l’importance à ses yeux de comprendre le passé et de « conjurer l’oubli », comme l’a si bien fait Modiano.Denis CosnardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Laurent Carpentier Samedi 30 mai, dans l’après-midi, Bruno Latour a pris peur. Le grand sociologue (1,92 m), philosophe des sciences, appuyé contre le mur immense du Théâtre des Amandiers, à Nanterre, s’est demandé si tout ça n’était pas en train de « virer en sucette », comme dit une étudiante, à laquelle on pardonnera l’écart de langage dû à un stress inaccoutumé. « Ils ne veulent plus de commission, ils ne veulent plus de négociation… On risque l’échec complet… » Aujourd’hui, il peut souffler : les 200 étudiants qui étaient réunis là depuis une semaine pour simuler la COP21, qui doit se tenir au Bourget à la fin de l’année, se sont repris, réussissant à sortir un texte consensuel au bout d’une négociation-marathon.COP21, alias vingt et unième Conference of Parties. Ainsi appelle-t-on depuis le sommet de Rio en 1992 les négociations internationales sur le climat, où 195 pays cherchent au fil des ans et des capitales (Kyoto, Copenhague, Cancun…) à définir par consensus – et non au vote majoritaire, ce serait trop simple – une politique globale pour lutter contre le réchauffement. Cette année, c’est Paris. Laurent Fabius à la manœuvre, et François Hollande en héraut anti-CO2. Un sujet en or pour les élèves de Sciences Po.Des artistes par nature dynamiteursDirecteur adjoint de l’école de la rue Saint-Guillaume, à Paris, Bruno Latour y a créé en 2010 un programme expérimental qui réunit chaque année une vingtaine d’artistes et de chercheurs en sciences sociales : le Speap, pour « Sciences Po, école des arts politiques ». Prenez un chaudron, en l’occurrence un théâtre, mettez-y deux cents étudiants, de France et d’ailleurs, du genre bons élèves, motivés et se destinant peu ou prou à devenir l’élite des nations. Ajoutez-y des artistes par nature dynamiteurs, qui pensent que c’est dans les bouillonnements qu’on fait les meilleures soupes, et vous obtenez Le Théâtre des négociations, jeu de rôle étonnant, à mi-chemin entre performance et laboratoire.Depuis la passerelle qui surplombe la grande salle réaménagée des Amandiers, le public (par petites grappes, comme s’il visitait un lieu hautement stratégique où se joue l’avenir du monde) peut observer ces étudiants, sérieux comme des papes, cherchant à réinventer une façon de décider collectivement. Travail des groupes de contact, assemblées plénières… Cela ferraille, négocie, divorce sous la férule de la présidente Jennifer et de l’inflexible vice-président Rémy. « Moi, je suis Fabius, lui, c’est Ségolène », dit l’étudiante de Hongkong. « Ce que je veux faire plus tard ? Sauver le monde », confie le Français sans ironie.Lire aussi :Entre Fabius et Royal, le climat se dégradeDifficulté supplémentaireBruno Latour a posé une difficulté supplémentaire : faire entrer des entités non étatiques (forêts, peuples indigènes, réserves pétrolières non exploitées…) dans la négociation. Les nuits blanches sont propices aux voyages collectifs. Mille trois cents personnes ont visité le site ce week-end, mais, ce samedi, il n’y avait personne sur la passerelle quand, à 2 heures du matin, une délégation a envahi la tribune, montant sur les tables malgré leur cravate, pour demander qu’il n’y ait pas une seule motion mais quinze. Pourquoi pense-t-on à l’Odéon en Mai 68 ?« Proposer de nouveaux mondes possibles, c’est le sujet même du théâtre, s’enthousiasme Philippe Quesne, qui a repris la saison dernière la direction des Amandiers. Sciences Po leur apportait un bureau, ici on les fait baigner dans la fiction. Symbolique des lieux : on est à quelques centaines de mètres de la faculté où des étudiants ont décidé un jour de repenser le monde… »Avant d’être metteur en scène, Philippe Quesne est scénographe. Dans l’atelier, où d’ordinaire on fabrique les décors, il a installé un vaste bassin, 15 cm de profondeur, plongé dans le noir et dans la brume artificielle. L’étendue d’eau est entourée de chaises longues. « Hier, le jeune délégué de l’UE y errait seul dans un bateau gonflable. Il avait subitement compris qu’il faisait une école de sciences politiques et que sa vie serait pleine de compromis…  », raconte-t-il.ParadoxesCe n’est pas un hasard si Bruno Latour, son Speap et ses laborantins ont trouvé refuge ici. « C’était inscrit dans le projet de départ pour la reprise du lieu », explique Philippe Quesne. Avant les Arts déco, le metteur en scène a fait sa scolarité à Decroly, une école-collège de la banlieue est de Paris à la pédagogie alternative. « On a d’abord appelé ce genre d’établissement des “écoles pilotes”, puis “expérimentales”, quand on a jugé que ce qu’elles enseignaient devenait dangereux… Après, on a voulu les privatiser. Lorsque l’école s’est trouvée menacée, on recevait pratiquement des cours de manifestation », rit-il. Tout cela, il le retrouve ici. « Le théâtre comme académie expérimentale. » Dire au genre humain comme hier à l’enfant qu’il était : « Compose ton programme toi-même. »Prendre son destin en main ? Shen Shudong, 23 ans, s’amuse beaucoup. Il est venu de Pékin, où il étudie les sciences de l’environnement : « Chez nous, quelqu’un aurait établi un texte et à la fin on voterait. Ici vous votez le moindre adjectif. Vous pourriez même voter pour savoir ce qu’on va manger ce soir… » Le Chinois s’est lié d’amitié avec Krishan Bishnoi, l’Indien, qui hausse les épaules : « Bah, nous sommes les pays qui comptent. »Bruno Latour est satisfait de son bon coup. L’homme est joueur et aime les paradoxes : « On a extrait Sciences Po – et moi-même – du 7e arrondissement pour lui faire passer le périphérique, et on a évité la dérive gauchiste, c’est-à-dire anti-institutionnelle. Je suis absolument sûr que ce qu’on a fait là sera réutilisé dans la COP. Peut-être pas la 21, mais, disons, la 25… »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexandre Piquard Thierry Thuillier, le directeur de l’information de France Télévisions et directeur de France 2, a confirmé lundi 1er juin qu’il quitte le groupe public pour rejoindre Canal+. Il y prendra en main les sports, un secteur stratégique mais aussi une passion personnelle. Il ne gérera pas les programmes de flux et le « clair », comme un temps évoqué.Dans les spéculations autour de l’équipe de Mme Ernotte, M. Thuillier était le cas le plus médiatique car l’information est un des points forts du bilan de Rémy Pflimlin, prédécesseur de Delphine Ernotte, et parce que c’est un domaine sensible. Plusieurs échos de presse ont soutenu que Thierry Thuillier - nommé comme l’équipe de M. Pflimlin sous Nicolas Sarkozy - était classé à droite par certains dans l’exécutif et qu’il pourrait perdre sa place de ce fait, à deux ans de la présidentielle.Interrogé, celui-ci a toujours dit que ses relations professionnelles avec le pouvoir en place étaient bonnes et que les accrochages sur des contenus concernaient tant la majorité que l’opposition. Il s’est toujours voulu à distance du milieu politique et a défendu une information parfois « abrasive », par exemple dans le magazine Cash Investigation. Dans l’entourage de Delphine Ernotte, on fait remarquer qu’elle n’a pas décidé de ne pas travailler avec M. Thuillier et que c’est lui qui a choisi de partir en négociant depuis plusieurs mois avec Canal+.M. Thuillier parti, on se pose la question de la suite à France Télévisions. Pour lui succéder circulent en interne quelques noms : Etienne Leenhardt, rédacteur en chef service enquêtes et reportages de France 2, Yannick Letranchant, directeur de France 3 Nord-Ouest ou Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de France 2, qui précise ne pas avoir rencontré Mme Ernotte. Hervé Béroud, directeur de la rédaction de la chaîne d’information BFM-TV a été cité par Le Figaro. Par ailleurs, le présentateur du 20 heures de France 2, David Pujadas, a déclaré qu’en cas de départ de M. Thuillier il se « poserait la question » de son avenir.Consciente que les salariés attendent d’être rassurés sur le casting de la nouvelle direction, l’équipe de Delphine Ernotte ne pourra pourtant a priori pas donner de précisions rapidement : n’étant pas mandataire social, elle ne peut en principe pas négocier d’embauches ou de départs. C’est plutôt à la faveur de départs choisis, comme celui de M. Thuillier, qu’elle pourra donner le nom de remplaçants. Elle consulte largement, en interne et en externe.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Puissance des images, pouvoir du langageLe mot clé Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->Filippo d'AngeloVandaleEnfant, j’étais un vandale : je me plaisais à détruire sans raison les objets qui m’entouraient. Cette vocation prit fin au seuil de la puberté, le jour où je fus emmené au commissariat pour avoir démoli à coups de pierres les vitraux d’une église. J’en avais assez fait. À l’âge adulte, ce vandalisme a ressurgi dans mon écriture : les mots comme des coups de pierres, mais des coups de pierres dont la cible de prédilection ne serait autre que le lanceur. Des coups de pierres boomerang. S’il fallait représenter l’acte d’écrire par un mythe, ce serait l’histoire d’un auteur qui, en écrivant, sacrifie à chaque mot employé une parcelle de son corps, jusqu’à en tomber malade et à dépérir. L’acte d’écrire comme une peau de chagrin, qui rétrécit de manière inexorable, en vue de l’accouchement douloureux d’un être d’encre et de papier. Pourtant j’aimerais de tout mon cœur, de tout mon corps, pratiquer une écriture sereine, une écriture de la joie, qui soit une promesse de bonheur. Qu’est-ce qui m’empêche d’y parvenir, mis à part les carences de mon inspiration, les failles de mon talent, les tares de l’enfant que j’étais ? Parfois je m’absous en me disant que c’est le vandalisme du monde lui-même, un monde qui ressemble de plus en plus à « un oasis d’horreur dans un désert d’ennui ». Un autre mythe, celui-là, bien enraciné dans notre imaginaire, raconte que Jacob lutta pendant toute une nuit avec un ange, jusqu’à ce qu’il reçoive de lui la bénédiction souhaitée. J’aime à penser que ma situation d’écrivain n’est au fond pas dissemblable à celle de Jacob, et que, dans un monde qui aurait arrêté d’être un oasis d’horreur, je pourrais porter mes coups pour obtenir la bénédiction nécessaire à l’écriture d’un livre de la joie. En attendant que ce monde advienne, je poursuis ma lutte avec les mots, toujours comme un vandale, mais peut-être la bénédiction arrivera-t-elle avant la fin de la nuit. Le mot cléGeorges Didi-HubermanAperçuesAperçues, du verbe apercevoir. C’est un peu moins que voir. C’est voir un peu moins bien, moins bien que lorsque la chose à voir est devenue objet d’observation, cette chose désormais immobilisée ou posée sur quelque planche d’étude, comme le cadavre sous l’œil de l’anatomiste ou le papillon épinglé dans sa vitrine. Apercevoir, donc : voir juste avant que ne disparaisse l’être à voir, l’être à peine vu, entrevu, déjà perdu. Mais déjà aimé, ou porteur de questionnement, c’est-à-dire d’une sorte d’appel. Le genre littéraire des « aperçues » serait une forme possible pour écrire ce genre de regards passagers. Aperçues, au pluriel évidemment. Singularités multiples, cruciales pour une écriture littéraire comme pour une pensée philosophique. Alors je me contente d’attraper au vol et de relâcher aussitôt ma proie (qui n’en est donc pas une) sans décider de l’importance que revêt cet oiseau-là qui passait à cet instant-là. Laisser être l’occasion, l’écrire à l’occasion. Esquisser. Ne pas relire pendant un long temps. Un jour, remonter tout cela comme on remonte les rushes de mille et un films brefs et voir se dessiner les motifs inconsciemment formés de regards en regards, les inquiétudes persistantes, les sollicitations à penser. Aperçues, au féminin nécessairement. Je n’aime pas que l’« aperçu » soit au masculin, il évoque alors quelque chose comme un résumé, une table des matières, un programme. Une « aperçue » sera plus belle et plus étrange. Elle me renvoie à la féminité en tant qu’elle passe et m’abandonne, en tant que je l’appelle et qu’elle me revient. 01.06.2015 à 06h55 • Mis à jour le01.06.2015 à 07h14 | Sylvain Siclier Concert, festival, album… tous les lundis, Le Monde vous propose ses choix dans La Matinale.UN ALBUM : « Currency of Man », de Melody Gardot Oubliée l’étiquette « jazzy » de ses débuts et sa manière assez banale d’aborder la bossa, dominante d’un précédent disque. Melody Gardot affirme dans Currency of Man l’imprégnation soul (elle a vécu à Philadelphie, la ville du Philly Sound, une soul sophistiquée des années 1970). Le genre, avec des touches blues, une part parfois rock, lui va fort bien. Et plus particulièrement dans les thèmes riches en arrangements de vents et de cordes. Vocalement, elle est moins dans le recours à un voile qui se veut mystérieux, et plus dans l’énergie. Ce qui lui convient parfaitement.Currency of Man, de Melody Gardot, 1 CD Decca Records-Verve/Universal Music.La chanson « Same To You », extraite de « Currency of Man ». QUATRE CONCERTS : un hommage aux grandes voix de la soul, du jazz, du blues et du gospel avec l’orchestre de la Black Rock Coalition Fondée en 1985 par la productrice Konda Mason, le guitariste Vernon Reid et le journaliste Greg Tate, dans l’esprit des collectifs artistico-politiques des années 1960, la Black Rock Coalition réunit plusieurs centaines d’artistes, des musiciens en majorité. L’association organise, à l’année des conférences, lectures, concerts, agit en matière d’éducation culturelle et de transmission. Son orchestre, au personnel variable, propose aussi différents programmes thématiques. Dont depuis plusieurs années, un hommage aux grandes voix du jazz, de la soul et du blues dorénavant intitulé Sisters, Songwriters & Sirens par une configuration de l’orchestre constituée de musiciennes, instrumentistes et chanteuses, dirigées par la chanteuse Tamar-kali. Au programme des chansons de Big Mama Thornton, Nina Simone, Abbey Lincoln, Tina Turner, Betty Davis, Grace Jones, Aretha Franklin… A voir et entendre vivre sur scène.Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) du mercredi 3 au vendredi 5 juin (de 6 € à 22 €) et à Lyon, au Théâtre Odéon du parc archéologique de Fourvière lors du festival des Nuits du même nom, samedi 6 juin (23 €). UN FESTIVAL : Jazz musette des Puces, à Saint-Ouen du 5 au 8 juin Le swing manouche et le musette joué dans les rues et cafés du labyrinthique site des Puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), à quelques mètres de Paris, est valorisé depuis 2004 par le festival Jazz musette des Puces. De quoi chiner et faire une pause musique dans une quinzaine de lieux, dont La Chope des Puces, le Marché Biron, Le Carré des Biffins, Le Relais des Broc’s… où sont attendus du 5 au 8 juin, guitaristes, violonistes, accordéonistes, chanteuses, fanfares etc. dans l’après-midi. Et délocalisée au Stade Bertrand-Bauvin, dans le 18e arrondissement proche, le samedi 6 juin, une soirée de vedettes dont Arno, Didier Lockwood, Sylvain Luc, Les Rapetous, union de talents de la guitare, Lionel Suarez, Yvan Le Bolloch… Accès libre à l’ensemble de la manifestation.Lieux, horaires et programmation à consulter sur le site Internet du festival Jazz musette des Puces. Mo Porte-de Clignancourt ou Porte-de-Saint-Ouen. UN VIDÉO CLIP : la chanson « Malibu », par LuceDeuxième extrait de son album Chaud (Tôt ou tard) paru en février, la chanson Malibu, de Luce, donne lieu à un savoureux vidéo-clip à l’aspect bricolo. Conçu par Benoît Forgeard, dans des teintes pastel, avec parfois une touche colorée plus marquée, il rappelle les livres pour enfants aux bandes découpées qui permettent de réaliser d’étranges personnages dont la tête, le corps et les jambes empruntent à divers éléments. Luce, voix mutine, dans cette fantaisie pop écrite et composée par Mathieu Boogaerts, se retrouve par exemple avec une plume d’indien dans les cheveux, une robe rouge qui se termine par un pantalon jaune, ou parée d’un ornement fleuri, un haut panthère tachetée et un bas manifestement masculin avec petit bidon apparent. Frais et joyeusement allumé. RÉSERVEZ VITE : cinq possibilités de participer à la « tournée sans fin » de Bob Dylan Cet été, la « tournée sans fin » de Bob Dylan va s’arrêter dans deux festivals français, qui ne sont pas des géants du circuit. D’abord à Pause guitare à Albi (Tarn) prévu du 6 au 12 juillet. Dylan y est programmé le 12 juillet, avec sur la même scène Hindi Zahra et Cali (de 29 € à 47 €). Puis le lendemain 13 juillet, seul à l’affiche (79 €) du Festival de Poupet, à Saint-Malo-du-Bois (Vendée) organisé du 2 au 24 juillet. Puis ce sera le retour aux Etats-Unis peu après avant une nouvelle virée européenne à l’automne et trois dans l’Hexagone, au Dôme de Paris, le nouveau nom du Palais des sports, les 18 et 19 octobre (de 67,50 € à 111,50 €) et au Zénith de Rouen (Seine-Maritime), le 3 novembre (de 56,50 € à 80,70 €).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Au cœur des émotionsZeruya Shalev © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Les familles : liaisons et déliaisons »Zeruya ShalevSur les liens familiauxDans presque toutes les familles, là où je vis, il manque quelqu’un. Parfois, c’est un grand-père exterminé pendant la Shoah ; parfois une mère, une tante, un frère assassiné au cours d’un attentat, parfois un père, un gendre ou – le pire du pire – un fils tombé à la guerre. Il arrive donc que cette réalité engendre des situations absurdes. Par exemple, dans notre famille, l’absent, en l’occurrence, c’est le premier mari de ma mère, mort pendant la guerre d’Indépendance et qui l’a laissée veuve à vingt-trois ans. Bien que je sois née plus de dix ans après ce drame, je l’ai trouvée encore éplorée et j’ai partagé son deuil pendant toute mon enfance. Elle me parlait volontiers de cet homme, de leur amour, de sa tragédie aussi. Je l’écoutais, douloureuse, mais je savais aussi, en mon for intérieur, que sans cette perte, notre famille n’aurait jamais existé. Que je n’aurais, moi, jamais vu le jour. Ma mère aurait-elle préféré la fille issue de ce premier lit ? Voilà comment, dans mon pays, les familles se font et se défont, se construisent sur les ruines de familles antérieures, se nourrissent de souvenirs et d’angoisses, de culpabilité et d’espoir. Cela induit des liens plus intenses et plus étroits que dans les familles européennes que je rencontre. Pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire, car nous n’arrivons pas à laisser partir nos enfants vers la vie qui les attend, de même que nos propres parents n’ont pas réussi à nous laisser partir vers la vie qui nous attendait. La menace existentielle, oscillant entre conscient et inconscient, réactive à chaque fois le mécanisme qui nous cloue les uns aux autres, de génération en génération. Dans mon dernier livre, Ce qui reste de nos vies, je me suis efforcée de mettre à nu ce mécanisme. J’ai même osé essayer de transformer cette malédiction en bénédiction. Le roman s’articule autour d’une vieille femme à l’agonie et de ses deux enfants qui se trouvent à un tournant de leur vie. Ils tentent de s’offrir mutuellement un ultime cadeau d’adieu, de réparer ce qui n’avait pu l’être auparavant. Les thèmes comme la jalousie fraternelle, la rivalité pour l’amour des parents, le désir d’enfant, sont très anciens et apparaissent de manière récurrente dans l’œuvre en langue hébraïque écrite il y a plus de deux mille ans. Les récits bibliques sur lesquels j’ai grandi regorgent d’histoires de famille et de liens familiaux – preuve sans cesse renouvelée que les sentiments premiers, l’amour premier que nous éprouvons envers nos parents et notre fratrie, nous accompagnent, nous et l’humanité entière, d’une génération à l’autre, tout au long de l’Histoire. Les sciences et la technologie ont beau s’être extraordinairement développées, tout comme le monde qui nous entoure, il n’en reste pas moins que le monde affectif, lui, n’a quasiment pas bougé et que, en dépit, ou peut-être justement à cause, de cet immobilisme, il captive toujours les lecteurs autant que les auteurs, et continuera de captiver lecteurs et auteurs bien après que nous et nos enfants, nous aurons disparu. Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz Le mot cléManu JosephCinématographiqueNote à moi adolescent… Jeune homme solitaire passablement délaissé par le monde et transparent aux yeux des splendides créatures que tu vénères, ne devrais-tu pas écrire des poèmes mélancoliques ou recourir à la prose vaine d’un intense repli sur soi ? Mais non, c’est le cinéma qui t’attire, les films t’apportent tant… et tu sembles avoir été infecté par l’altruisme méconnu du cinéma commercial, la tâche qui lui échoit : divertir. Est-ce parce que tu crois savoir divertir ? Est-ce là ta grande idée ? Ou est-ce par humilité que tu tiens à divertir ? N’est-il pas vrai que tu éprouves le besoin de passer un contrat avec ton public : « J’ai quelque chose à dire et j’ai peur que ça ne t’intéresse pas, mais je sollicite le droit de le dire en te donnant quelque chose en retour. » N’est-ce pas ça, l’humilité du cinéma ? Ou bien est-ce simplement que tu appartiens à une nation théâtrale dans laquelle toutes les émotions sont exposées aux yeux de tous, dans laquelle les conversations et la gestuelle de la vie quotidienne imitent le cinéma ? On ne peut saisir l’éminente république sans une forme narrative d’inspiration dramatique. Ou est-ce seulement que tu es intimidé par l’infinie liberté que procure la fiction ? Recherches-tu des barrières susceptibles de te brider parce que, sinon, tu deviendras fou ? Si tu peux tout écrire, que dois-tu écrire et que dois-tu omettre ? Alors que, si ta fiction est un film, les limites sont toutes tracées. Tu ne peux écrire que ce que tu peux montrer, ce que tu peux transmettre sous la forme d’une image. Certes, tu intègres des notions abstraites mais, grosso modo, tu écris ce que l’œil est capable de voir. Et puis, tu aimes l’opprimé. Tu es du côté de l’opprimé. Dans les histoires que tu as envie de raconter, les opprimés s’évertuent à triompher. Une histoire a besoin de mouvement, or le parcours de l’opprimé est le mouvement même. Et comme c’est le cinéma qui a le mieux réussi dans ce domaine, c’est de lui que tu t’es inspiré en priorité. Traduit de l’anglais (Inde) par Bernard Turle Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale) Si la date du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), grand messe de la filière installée à Cannes depuis 1967, a changé, passant du traditionnel mois de janvier à juin, certains rituels sont gravés dans le marbre. Par exemple, la conférence de presse de la Sacem, la société civile française qui gère les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. La « vieille dame » (pionnière en son genre, elle fut créée en 1851) a dévoilé samedi 5 juin les chiffres de son activité pour 2014.La Sacem a collecté au cours de cette année 1, 273 milliard d’euros, pour le compte de ses membres (153 000 dont 18 350 étrangers de 164 nationalités différentes, dont un fort contingent africain et européen) et pour celui des sociétés qu’elle représente. Sans surprise, la diffusion sur les médias audio et télévisuels est le plus gros pourvoyeur de recettes (320,4 millions d’euros) suivie par les diffusions publiques (concerts, night-clubs, fonds sonores…) pour 280,7 millions d’euros. Le CD et le DVD chutent (56,7 millions d’euros) derrière les droits pour la copie privée (64, 8 millions), mais toujours largement devant l’internet (30,6 millions), malgré le traitement en 2014 de 251,6 milliards d’actes de téléchargement et de streaming. La Sacem a redistribué 1, 095 milliard à 276 000 créateurs du monde entier, pour deux millions d’œuvres, et attribué 52,6 millions d’euros à l’action culturelle et socialeTop 20 des exportationsLa publication de la liste des œuvres les plus exportées pendant l’année écoulée reste un moment parfait pour le cancanage. On pourra toujours se moquer, ou se réjouir, de la présence des incunables de la représentation française, à commencer par Comme d’habitude, de Claude François, Jacques Revaux et Gilles Thibaut, porté par les interprétations de Paul Anka et Franck Sinatra. La chanson figure en deuxième place du Top 20 des exportations, derrière un hybride de musique angolaise, Danza Kuduro, interprété par Don Omar, avec Lucenzo. Autre bizarrerie, Mr Saxobeat, d’Alexandra Stan, se glisse avant Les Feuilles mortes (Prévert, Kosna et Enoch, 4 è). Dans la catégorie des anciens, on trouve La Vie en rose (Piaf/Louigy, 7 è ), La Mer (Trenet/Lasry, 10 è ). La génération disco n’est pas en reste avec YMCA (de Henri Belolo, français, mis en lumière par Village People, 8 è ) et Born To Be Alive (de l’hexagonal Patrick Hernandez, 11 è). A cela, on ajoutera une touche de classique, le Boléro de Ravel en tête (14 è ) suivi de près par Pierre et le Loup de Serge Prokofieff (17 è) .À perdre son latinLe rayon nouveauté est quasiment assuré dans son intégralité par les DJ, champions d’une musique électronique dansante, avec en tête Hello de Martin Solveig et Dragonette (6 è ), puis une belle liste de titres de David Guetta, tous largement cosignés, de I Gotta Feeling (avec les Black Eyed Peas, 9 è ), à Titanium (avec Sia, 20 è ).La liste des titres les plus rémunérateurs sur le territoire français laisse dubitatif. La palme revient logiquement à Get Lucky des Daft Punk, longtemps ennemis jurés de la Sacem française et inscrits à la PRS britannique. Ni Prévert, ni Kosma, ni Piaf ni Montand, mais du Rihanna, du Psi (Ganga Style, 5 è ), du Bruno Mars, de l’Avicii (Wake Me Up, avec Aloe Blacc, 3 è ) et du David Guetta encore. Dans cet océan anglophone, traîne un zouc antillais (Maldon, de Tropical Family et Zouk Machine, 12 è). La langue française est sauvée par Stromae (Papaoutai, 4 è), et en queue de peloton, par les rappeurs populaires Maître Gimm’s (J’me tire, 14 è) et Youssoupha (On se connaît, avec Ayna, 15 è ). On en perdrait presque son latin.Véronique Mortaigne (Cannes, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) L’Etat a fait peu et mal pour soutenir l’industrie du disque depuis 15 ans mais l’a assommée de missions, d’études, de tables rondes, de médiations. Il y a fort à parier que les vraies causes de la faiblesse des revenus du streaming ne seront ni décrites ni résolues par la mission de médiation confiée par la ministre de la culture Fleur Pellerin au conseiller de la Cour des Comptes Marc Schwartz.Le streaming musical illimité est une nouvelle forme de commercialisation du disque, magique et empoisonnée. Magique sur le plan de l’usage. Empoisonnée sur le plan des revenus pour beaucoup.L’arrivée prochaine d’Apple Music va montrer immédiatement que pour favoriser un modèle vertueux il faut seulement admettre que le streaming gratuit ou sans consentement à payer est une sottise ; et l’argument selon lequel il lutterait contre le piratage, un attrape-nigaud.Que le site Mediapart double ses abonnés, Mediapart ne doublera pas le coût de ses achats de marchandises. Mais en musique (ou en vidéo) le financement des périodes de gratuité appelé « freemium » déclenche l’acquisition de droits coûteux des tiers à payer, ce qui est parfaitement normal : le boulanger qui déciderait de donner son pain aurait quand même à payer la farine.Faire cesser la gratuitéLe métier des plateformes à ce jour n’a pas été la musique, mais la création de barrières financières à l’entrée du marché, pour financer la gratuité et d’interminables périodes d’essai et éliminer les gueux du métier. En France, cela a été réalisé, c’est un comble, avec le soutien du gouvernement de l’époque à l’occasion du vote de Hadopi, par distorsion de concurrence en 2010 lors de l’introduction du « bundle » [offre groupée] Orange-Deezer, sous l’égide de Christine Albanel, ministre de la culture qui pantoufle, depuis, chez Orange.Les plateformes dominantes, attachées au plus petit commun dénominateur, sont et seront toujours un obstacle dangereux à l’expression des singularités artistiques.Pour faire croître les revenus des ayants droit du streaming, les leviers d’action sont au nombre de cinq :- Faire cesser la gratuité, développer le consentement à payer. Voici la solution de bon sens pour disposer de plus d’argent à redistribuer. Le principal problème vient aujourd’hui que chaque utilisateur ne rapporte rien ou pas assez en moyenne. Rappelez-vous qu’en France, derrière les millions d’utilisateurs affichés par les services de streaming, il y a un mixte d’adresses email captées, ou d’offres reçues d’un « Telco » [compagnie de téléphone] en cadeau et non payées. La proportion de vrais abonnés au prix fort est minoritaire.Segmenter les offres- Réformer les modes de reporting et encourager une plus fine répartition de l’argent récolté. Un abonné payant 9,99 par mois qui passe ses journées à écouter exclusivement le saxophoniste Paul Dupont imagine que 100 % de sa contribution financière (après déduction des taxes, droits d’auteurs et du bénéfice de la plateforme) ira aux ayants droit et à Paul Dupont. Mais non : la contribution de notre mélomane minoritaire se trouvera noyée dans le chaudron des auditeurs bien plus innombrables des répertoires dominants, et l’argent ensuite distribué au prorata.Au siècle du Big Data, pour reconstruire le contrat moral et financier qui a toujours lié le « fan » à l’artiste, il est facile de revoir cela. Onne ne peut pas obliger l’artisan bottier à adopter le modèle économique et le mode de diffusion des chaussures André. Ayants droit : vos revenus dépendent du succès des autres !- Segmenter les offres, spécialiser, singulariser. Aucun consommateur n’est plus subtil qu’un mélomane, mais les plateformes actuelles affichent une similitude navrante. En favorisant la diversité elles créeront une pyramide de consentements à payer et augmenteront l’ARPU [Average Revenu Per User ou revenu moyen par abonné]. Cette pyramide sera actionnée par exemple par des offres basées sur la qualité de son, par les tranches de répertoires ou par des offres à options (voir plus bas).La véritable segmentation se fera par l’animation et les recommandations des services, par leur style, par leur capacité à être excellents sur tel ou tel genre musical, donc rapporter davantage aux ayants droit de telle ou telle catégorie de musique - par la relation caractéristique, enfin, qu’ils sauront créer avec leurs abonnés et leurs fournisseurs.« Téléchargement à l’acte »- Labels, ayants droit doivent oser la distribution sélective. Les contenus musicaux mis à la disposition des plateformes ont des logiques économiques différentes. Un ayant droit disposant d’un large fond de catalogue bénéficiera d’une planche à billets, légitime soit dit en passant. Ce n’est pas le cas d’un indépendant débutant.Il convient de rompre avec la religion suiviste du « tout partout » et oser la distribution sélective, ignorer l’arnaque du « gratuit qui aide la promotion », cesser de donner gratuitement sur certains ce qu’on vend ailleurs. La distribution sélective aux temps du streaming, ce n’est pas refuser le streaming mais collaborer avec les plateformes adaptées aux produits qu’on veut valoriser et à en priver les autres.Comparons avec l’audiovisuel : en aucun cas vous ne trouvez tous les nouveaux films sur Netflix ou CanalPlay. Pas davantage vous ne pouvez vous permettre, producteur de musique ou artiste, de dilapider pour des revenus minuscules vos nouveautés musicales sur une plateforme de streaming, à moins qu’elle ne vous propose une solution supplémentaire de monétisation adaptée à votre répertoire ou votre produit.- Se diriger vers des abonnements à options. Au service des répertoires en développement ou des répertoires de création, il faut, finalement, actionner le modèle de l’abonnement « incrémental » qui consiste à combiner l’abonnement généralisé à un système d’achats additionnels, qu’on appelait dans le vieux monde de iTunes « téléchargement à l’acte » et qu’il faudrait renommer « acquisition de droits définitifs », par opposition aux « droits temporaires » liés à l’abonnement.Solidarité détruiteLe modèle de demain est là : l’acquisition de « suppléments » à son abonnement, pour bénéficier de telle ou telle production, label, qualité, exclusivité, avant-première qui n’est pas incluse dans l’abonnement souscrit – et créer de la valeur supplémentaire pour les ayants droit.À considérer le potentiel du marché de la musique en ligne, la passion de ses utilisateurs, rien ne semble difficile à mettre en œuvre de ces solutions afin que le marché devienne adulte c’est-à-dire responsable vis-à-vis des ayants droit.Le streaming à ce jour a détruit le rapport économique de solidarité qui dans la musique enregistrée a toujours lié l’auditeur et le répertoire écouté. Les groupes de passionnés de musique avaient inventé bien avant l’heure le fameux crowdfounding : ils ont toujours soutenu et financé leur passion par leurs achats - en respectant un contrat implicite qui liait le producteur à son public de fans.Le producteur évaluait avant de produire le public potentiel d’un projet, et calibrait ses dépenses de production en fonction. Il y avait un rapport clair et facilement évaluable entre les moyens investis et l’espérance commerciale, qui pouvait s’évaluer au moyen d’une simple calculette sur une table de bistro. Les aléas des échecs ou des succès inattendus venaient trahir le plus souvent les prévisions, on se rattrapait de neuf échecs sur un succès.Le streaming tel qu’on le connaît aujourd’hui rend cela impossible.Yves Riesel (Cofondateur du service de musique en ligne Qobuz) Luc Vinogradoff (@Sonsperdus) On entend depuis quelques années le terme « retour de flamme » pour parler du renouveau de la scène électronique française, et parisienne en particulier. Comme si Paris était redevenue hype sans qu’on s’en aperçoive, en réaction à la baisse de forme d’autres épicentres. C’est le travail quotidien, méticuleux et persévérant d’une multitude d’acteurs (associations, salles, bénévoles et même collectivités locales) qui a permis à Paris de se hisser au niveau d’autres capitales de la techno, de la deep house, de la minimale, de l’électro et de tous les sous-genres qu’on peut imaginer. Plus une semaine ne passe sans qu’il y ait une soirée attirante, une pointure internationale qui soit de passage.En tête de proue, le collectif Surprize, qui organise la 3e édition du Weather Festival à partir du jeudi 4 juin. A son lancement, le festival avait attiré 35 000 personnes et un début de bonne réputation (même si côté pratique, tout n’était pas parfaitement carré, comme les points d’eau). Un an plus tard, il a pris une nouvelle dimension, avec une line-up mélangeant les sons de Berlin et Detroit, les pointures et les espoirs (dont beaucoup de Français), les sets collaboratifs et quelques surprises. Ce n’est pas pour rien que le site spécialié Beatport a classé le Weather en haut de sa liste des pèlerinages électroniques à accomplir en 2015, à côté des géants comme Sonar en Espagne ou Awakenings et Dekmantel aux Pays-Bas.Des hangars du Bourget en 2014, on passe à la nature et à un espace de 100 000 m2 dans le bois de Vincennes. En trois jours, plus de 70 artistes passeront sur cinq scènes aux couleurs des saisons. Afin que que vous ne passiez pas votre temps à regarder le programme pour savoir qui joue en ce moment et où aller, on vous a préparé notre parcours-type pour la nuit de vendredi.18 heures. Si vous pouvez, arrivez tôt et profitez de l’espace et des 30 °C qui s’annoncent avant que la foule ne déferle. On attend quand même 50 000 personnes. La programmation démarre lentement, le temps que le public sorte des cours et des bureaux. Allez jeter une oreille du côté de l’Allemand Matthew Herbert (scène Hiver), un DJ expérimental qui peut vous surprendre comme vous faire fuir, ou de le Français Neue Grafik (scène Printemps), qui, pour le coup, vous fera toujours danser.23 heures/Scène Automne. L’ouverture du festival, jeudi, a été marquée par la performance d’une légende électronique de Detroit, Derrick May. Logique donc qu’on enchaîne le vendredi avec un autre DJ du même calibre et du même espace-temps, Juan Atkins. Les organisateurs ont voulu additionner dès le début les poids lourds, puisque le Berlinois Moritz Von Oswald sera avec Atkins sur scène : une entrée en matière lourde en dub, pour se dégourdir les jambes.Minuit/Scène Eté. Une des spécialités de cette édition tiendra dans les collaborations en live, un exercice compliqué, dont le résultat peut être soit forcé, soit sublime. Plutôt que les expérimentations sombres de Vatican Shadow, Ron Morelli et Low Jack, mieux vaut tenter l’ambiance plus funky et chaleureuse du back2back de Marcellus Pittman et du jeune Allemand Danilo Plessow, alias Motor City Drum Ensemble. Encore une bonne dose de Detroit, l’éclectisme en prime.1 heure/Scène Automne et Hiver. Les choses sérieuses commencent, si ce que vous cherchiez est un tunnel de quatre heures de techno pure et dure, avec à peine quelques éclaircissements. On vous conseille de faire vos lacets et de protéger vos tympans : Ben Klock et Len Faki, deux géants Berlinois proches du label Ostgut Ton et de la scène du Berghain font dans les basses qui anéantissent, le minimal qui fait bouger mais reste glacial.Chacun a un set de trois heures, assez pour qu’ils trouvent un rythme et assez pour qu’on puisse profiter des deux.3 heures/Scène Eté. Si les décibels allemands finissent par saturer, l’Anglais Kieran Hebden, alias Four Tet, offrira un registre beaucoup plus ensoleillé et dansant avec son ami Floating Points. Chaque passage de Four Tet à Paris est une petite fête qui ne se rate pas ; il y a peu de DJ qui arrivent à passer aussi subtilement du funk à l’électro et à capter en un coup d’œil l’envie de public. Regardez le passage entre 23:00 et 27:50 sur la vidéo ci-dessous et essayer de ne pas, au minimum, hocher la tête.4 heures/Scène Hiver. Ça vous laisse une petite heure pour être témoin de ce qui sera peut-être le meilleur set de la nuit. Blawan et Pariah sont deux DJ qui ont fait leurs classes à Londres, mais plutôt que de se noyer dans la vague dupstep, ils prennent des chemins détournés qui aboutissent à Karenn, un duo qui ressuscite la techno sale et saturée, presque violente.Un live entièrement en analogique, des centaines de fils colorés et des clignotants à l’infini, plus adapté à une cave de club avec le moins de lumière possible, mais qui devrait aussi fonctionner en plein air. Un set (trop court) qui soit vous enverra dormir dans le coin hamac, soit vous donnera l’énergie nécessaire pour voir un dernier grand nom de, vous l’avez deviné, Detroit, « le Magicien » Jeff Mills, qui accueillera le lever du soleil.Luc Vinogradoff (@Sonsperdus)Journaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Gilles Rof (Marseille, correspondance) Premier grain de sable dans la gestion de Jean-François Chougnet, le nouveau président du Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM). La CFDT-Culture a adressé, le 3 juin, un « billet d’humeur » cinglant aux salariés du musée national implanté à l’entrée du port de Marseille. Cause de sa colère, le projet MuCEM Plage : un espace de plusieurs milliers de mètres carrés qui s’installera du 25 juillet au 21 août sur l’esplanade du J4, bâtiment de l’architecte Rudy Ricciotti. Des parasols sur 640 tonnes de sable, un « brumisateur géant », des terrains de sport, des cours de yoga, un boulodrome et un bar-terrasse. « Pour le public, cette esplanade fait partie du MuCEM, dit son président. Nous avions besoin d’y avoir une cohérence d’occupation et un choix d’événements qualitatifs. »« De qui se moque-t-on ? », s’enflamme la... Florence Evin La ville arabe, son passé, son présent, son avenir, tel est le thème de la première édition parisienne des Rendez-vous de l’Histoire du monde arabe, rencontres thématiques lancées à Blois par Jack Lang, il y a vingt ans. Le président de l’Institut du monde arabe (IMA), qui a été aussi maire de Blois, a importé dans la capitale cette manifestation annuelle, sorte d’université populaire, ouverte à tous, gratuitement, du vendredi 5 au dimanche 7 juin.C’est l'histoire du monde arabe décryptée dans l’actualité de la déferlante barbare et sans limites de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) qui saccage les sites archéologiques pour éradiquer toutes traces des anciennes civilisations et prôner un retour au temps de Mahomet, au tout début du VIIe siècle, aux sources littérales. L’occasion de « montrer aussi un autre aspect de la notion même de cité dans cette ancienne géographie complètement déstructurée et qui a besoin de sens », indique Francis Chevrier, commissaire général de ce rendez-vous parisien.Lire aussi :Péril mortel sur la Mésopotamie antique« La mémoire est révolutionnaire »« L’IMA a pour mission de faire avancer les connaissances, les sciences, souligne Jack Lang. J’ai la conviction que le savoir, la culture, sont des armes pour lutter contre les préjugés, la violence, les extrémismes. La mémoire permet de comprendre le passé pour inventer l’avenir. François Mitterrand disait : “La mémoire est révolutionnaire” ». Sujet brûlant, tant les villes de Syrie et d’Irak sont, avec leurs habitants, les premières victimes de la guerre qui fait aujourd’hui des ravages dans ce Moyen Orient, l’ancienne Mésopotamie où furent inventées l’écriture, la cité, l’architecture, il y a 5 000 ans – l’actuel Irak avec une frange syrienne. Avec l’écriture sont nées la mémoire et l’Histoire.Actualité aussi des cités rebelles, théâtres des soulèvements populaires depuis 2011, Tunis, Sanaa, Le Caire, Homs, etc., qui ont fait leurs Printemps arabes. Que sont-elles devenues ? Ou encore Jérusalem où les communautés se disputent la vieille ville, sanctuaire des trois religions du Livre, cernée de remparts. A Dubaï, Doha, Abou Dhabi, dans la péninsule arabique, les « malls », centres commerciaux géants et leurs gratte-ciel, remplacent les vieux souks, annonçant un changement de société.Palmyre, « perle du désert » syrienL’antique Palmyre, « perle du désert » syrien, monumentale et opulente cité caravanière des deux premiers siècles de notre ère, aujourd’hui occupée par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), est concernée ; comme Alep, ville martyre, dont les venelles et maisons en pierre de taille du Moyen Age sont détruites ; ou encore Babylone, sur les ruines de laquelle les troupes américaines puis polonaises avaient installé leurs camps militaires.Lire aussi :Les ruines grandioses d’une opulente cité caravanièreIl s’agit aussi d’Hatra la parthe, Nimroud l’assyrienne, en Irak, ou Mari et Apamée en Syrie, pillées et détruites par les islamistes fanatiques. « Il ne faut pas que Daesh [acronyme arabe de l’EI] nous fasse oublier toute la richesse de ces civilisations arabes dans la grande épopée humaine », souligne Maati Kabbal, responsable des jeudis de l’IMA et coordinateur de l’événement. « Une université populaire très didactique »Pas de conférences ennuyeuses, promet Francis Chevrier, « ce n’est pas un colloque où les savants parlent aux savants, mais une université populaire très didactique pour parler au plus grand nombre sans vulgariser, en donnant les résultats de la recherche la plus exigeante ».Cent cinquante intervenants, dont quarante étrangers, animeront cinquante deux tables rondes, à l’Institut, où il sera question de « l’urbanicide » perpétré par l’EI, pour reprendre la formule de l’historien Henry Laurens, mais pas seulement. « Dans un moment où les discours réducteurs répondent aux pratiques les plus nihilistes, il est d’une urgence civique au plus haut niveau de reprendre avec des historiens et des chercheurs professionnels les mille et un foisonnements de l’histoire du monde arabe », précise le professeur au Collège de France qui lancera les débats. En rappelant que l’idée d’un monde arabe était une invention du XIXe siècle.Un programme très riche et dense qui s’inscrit dans toutes les périodes de l’Histoire, pour comprendre les villes arabes, hier, aujourd’hui, et construire demain. Et se rappeler, comme en témoigne l’ancien ambassadeur en Egypte, Gilles Gauthier, ces trois semaines de solidarité, place Tahrir, au Caire, où toutes les classes sociales de toutes confessions et tous âges, étaient réunies dans un même espoir. Première édition des Rendez-vous de l’Histoire à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, du vendredi 5 au dimanche 7 juin. 52 tables rondes animées par 150 chercheurs et spécialistes. Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles. www.imarabe.orgFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.06.2015 à 16h05 • Mis à jour le04.06.2015 à 16h14 | Jean-Jacques Larrochelle L’architecte Françoise-Hélène Jourda, une des premières à militer en France pour la prise en compte de l’écologie dans la construction, est décédée à Paris, dimanche 31 mai, des suites d’un cancer. Elle avait 59 ans.Née à Lyon le 26 novembre 1955, la jeune femme, à laquelle on prêtait des origines germaniques qu’elle précisait ne pas avoir, obtient en 1979 son diplôme dans l’école d’architecture de la ville. Elle y enseigne jusqu’en 1983. Quatre ans plus tard, au côté de son associé d’alors, Gilles Perraudin, elle remporte le concours international de ce qui devient l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon. Le bâtiment décroche la même année une mention spéciale au prix de l’Equerre d’argent, notamment pour sa conception fondée sur des principes bioclimatiques dont une double façade alors inédite.Une architecte de référence internationaleCette approche pionnière la rapproche des pays nordiques et germaniques déjà convaincus des vertus de l’architecture écologique. Françoise-Hélène Jourda obtient le Holzbaupreis pour le Centre de formation de Herne Sodingen, qu’elle réalise en Allemagne en 1999 après huit années de recherches et d’études. Selon un mode constructif simple, les éléments du programme sont intégrés dans une immense serre de 13 000 m2, un dispositif permettant de réduire considérablement les déperditions d’énergie. Ce projet l’impose comme une architecte de référence internationale dans ce que l’on commence à nommer la haute qualité environnementale (HQE).En France, on lui doit notamment l’université de Marne-la-Vallée (1992), le palais de justice de Melun (1994), les serres du Jardin botanique de Bordeaux (1999), le Musée botanique de Bordeaux (2007), l’aménagement des berges du Rhône à Lyon (2007), l’hôpital privé Jean Mermoz, à Lyon (2008), et, en 2013, deux programmes à énergie positive (qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment) : la résidence « Green Park » à Versailles ainsi que la réhabilitation à Paris de la Halle Pajol, un ancien entrepôt ferroviaire proche de la gare de l’Est devenue une auberge de jeunesse.« Le développement durable, s’il était véritablement pris en compte dans l’ensemble de notre cadre de vie, à toutes les échelles de l’aménagement, c’est-à-dire du territoire jusqu’à l’objet, serait susceptible de transformer profondément la ville, le paysage, l’habitat, les lieux de vie en général. Une telle démarche engendrerait des métamorphoses considérables et permanentes de nos espaces d’évolution », écrivait-elle en préambule de l’exposition « Métamorphoses durables : vivre et habiter autrement » lors de la 9e biennale d’architecture de Venise en 2004 où elle avait assuré le commissariat du pavillon français.« Responsabilité citoyenne »Pour Françoise-Hélène Jourda, l’architecte est un acteur du développement à part entière. Elle était convaincue qu’il portait « une véritable responsabilité citoyenne », soulignait la ministre de la culture, Fleur Pellerin, dans l’hommage qu’elle lui a rendu au lendemain de sa disparition. En septembre 2007, en préambule au Grenelle de l’environnement, dont elle avait été la seule représentante du monde de l’architecture, elle avait remis un rapport sur la prise en compte de l’écologie dans la construction.Après avoir enseigné à Lyon (1979-1983), Saint-Etienne (1985-1989), Oslo (1990), à l’université du Minnesota et à l’Ecole polytechnique de Londres (1992), à l’université technique de Kassel (1998), Françoise-Hélène Jourda a occupé, à partir de 1999, la chaire d’écologie architecturale à la Technische Universität de Vienne. Son souci de transmission s’est également traduit sous la forme de nombreux textes et publications dont rend compte le site de son agence d’architecture (jourda-architectes.com).Françoise-Hélène Jourda a obtenu de nombreuses distinctions. Elle a été membre d’honneur de la BDA (Académie d’architecture d’Allemagne), chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du Mérite, chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, membre de l’Académie allemande des Beaux-Arts (Akademie der Künste) et membre de l’Académie d'architecture. En 2007, elle avait été lauréate du Global Award for Sustainable Architecture (Prix international d’architecture durable).Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harry Bellet Créé en 2000 par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (l’Adiaf), une association de collectionneurs désireux de promouvoir l’art contemporain français, le prix Marcel Duchamp a été remis, samedi 24 octobre, à Melik Ohanian par Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Le lauréat recevra 35 000 euros et bénéficiera d’une exposition de trois mois au Centre Pompidou à Paris.Né en 1969 à Lyon, Melik Ohanian est représenté par la galerie parisienne Chantal Crousel. Selon Jean-Christophe Royoux, conseiller pour les arts plastiques au ministère de la culture, et qui défendait son travail devant le jury, ses sujets de prédilection sont « les zones désertiques, le monde ouvrier, la fin des utopies révolutionnaires, les faits scientifiques ou historiques, l’identité arménienne ».Lire aussi : Melik Ohanian en quatre datesCohérence d’une œuvreIl participe ainsi à l’actuelle Biennale de Venise, dans le cadre de l’exposition accueillie par le pavillon arménien – lequel a reçu le Lion d’Or –, avec une sculpture dénonçant autant le génocide de 1915 que la difficulté de le commémorer.Il réalise aussi des vidéos. L’une d’entre elles, Seven Minutes Before, représentait la France à la Biennale de Sao Paulo en 2004. Un autre film, DAYS, I See What I Saw and What I Will See, évoquant le sort des travailleurs émigrés dans les Emirats Arabes Unis, est tellement réussi qu’il a été refusé à la Biennale de Sharjah en 2011, qui l’avait pourtant commissionné.Dans son discours au récipiendiaire, Bernard Blistène a souligné que le jury avait voulu récompenser la cohérence d’une œuvre développée depuis vingt ans.Lire aussi :Irak, Arménie : la mémoire des désastres à Venise Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien LeloupFrank Miller, l'auteur de bandes dessinées, scénariste de films et réalisateur américain était l'invité du Comic-Con de Paris. Le mythique – et controversé – auteur de The Dark Knight Returns – est revenu pour Le Monde sur l'évolution de sa vision du chevalier noir.La troisième partie de votre saga Dark Knight sera publiée quatorze ans après le deuxième épisode. Pourquoi y revenez-vous aujourd'hui ?C'est très simple : j'ai eu une nouvelle idée. J'attendais avec impatience de retourner vers Batman pour revisiter à nouveau le personnage. C'est l'un des avantages des héros classiques : on peut toujours y revenir, leur rendre visite et les transformer.L'idée de départ, c'est que Batman sera toujours un protagoniste majeur, mais que Superman jouera un plus grand rôle. L'intrigue tournera autour de la libération de la ville de Kandor, la capitale de la planète Krypton où est né Superman. Dans l'histoire, Batman libère un million de supermans en puissance. Le héros masqué et Superman doivent alors se rejoindre pour empêcher la conquête de la Terre. Vos dernières œuvres ont fait l'objet de vives critiques, on vous accuse d'avoir fait preuve de racisme dans 300 et Holy Terror!, de misogynie dans Sin City, et vous avez même été qualifié de « cryptofasciste ». Titrer ce prochain album The Master Race (« la race supérieure »), c'est une provocation ?Je ne ferais pas bien mon travail si je n'étais pas provoquant. Mon rôle est de faire réagir les gens. Je veux des réactions de colère ; plus les critiques seront furieux, et plus je serai content. Cela me donne le sentiment que je suis parvenu à réaliser quelque chose.Vous avez déclaré que dans ce troisième volet, Batman sera encore plus « dur »...Ce qui définit Batman, ce n'est pas sa force physique, ni sa capacité à encaisser les coups, mais c'est le fait qu'il soit l'homme le plus intelligent au monde. Par le passé, lorsqu'il a affronté Superman, il a gagné. Dans The Master Race, il devra affronter des millions de personnes aussi fortes que Superman… mais s'il fallait parier, je parierais sur Batman.Mais pour battre Superman, Batman a eu besoin de l'aide d'autres superhéros…Batman ne peut pas vaincre seul. Heureusement, DC Comics dispose d'un vaste panthéon de héros, une véritable armée qui sera à ses côtés. Mais son intelligence reste la clef de sa force : souvenez-vous, dans The Dark Knight Strikes Again, il s'était procuré de la kryptonite [un matériau qui affaiblit Superman] de synthèse, qu'il a ensuite donnée à Green Arrow…Au cœur de Dark Knight se trouve la question des choix moraux. Batman ne tue jamais ; avez-vous des règles, des principes moraux auxquels vous croyez et que vous appliquez ?[Silence] Suivre des règles de conduite, appliquer un code d'honneur, c'est facile. Ce qui est difficile, c'est d'élaborer ces règles, de se construire son code. C'est la partie vraiment difficile, et c'est le travail de toute une vie – pour moi comme pour mes héros.En 2011, vous avez cessé de publier des messages sur Twitter, votre blog n'est plus accessible, et vous n'avez recommencé à publier des messages sur Internet que pour annoncer le retour de The Dark Knight. Pourquoi ce silence de quatre ans ?Je travaillais tout simplement sur plusieurs projets différents, dans le calme. The Master Race est l'un d'entre eux. Mais il y a aussi une suite de Sin City, Home Front, qui est une histoire d'amour entre un agent fédéral américain et la cheffe d'un réseau de la résistance française durant la seconde guerre mondiale.Je me suis toujours intéressé à la seconde guerre mondiale – aussi loin que je me souvienne, cette période m'a fasciné. Je suis aussi amoureux des vêtements, des voitures de cette époque. Le fait que j'aie choisi de placer l'action de Sin City à ce moment de l'histoire me permet de dessiner ce que j'aime. Vous n'étiez pas lassé des rapports directs avec vos lecteurs, qui se sont montrés pour certains très critiques sur vos dernières œuvres ?Pas du tout, j'adore le fait d'avoir une relation directe avec mes fans. Je trouve cela excellent, et j'ai toujours aimé les bonnes bagarres générales. Qu'ils viennent me chercher !The Dark Knight Returns a été écrit avant l'arrivée du Web. Mais vous y décrivez une télévision omniprésente et décérébrée… Vous pensez toujours que les médias de masse sont dangereux ?Non. Si c'était à refaire, je traiterais cet aspect d'une manière très différente aujourd'hui. La manière dont je décris le fonctionnement et le rôle de la télévision dans The Dark Knight Returns est immature. La télévision, comme toutes les autres formes de communication, peut être une bonne chose – elle ne fait que soumettre au public des images, qui sont ouvertes à l'interprétation.Vous avez expliqué avoir eu l'idée de créer un Batman cinquantenaire lorsque vous-mêmes avez atteint trente ans, l'âge de Bruce Wayne. Aujourd'hui, vous avez 58 ans, et vous avez donc dépassé votre Dark Knight. Est-ce qu'avec le recul, vous changeriez des choses sur la manière dont vous aviez imaginé la « vieillesse » de Batman ?Je ne changerais rien dans The Dark Knight Returns. Je changerais probablement des choses dans The Dark Knight Strikes Again. Et dans The Master Race, j'aborderai cette question de l'âge d'une manière très différente. Lorsque j'ai commencé à travailler sur cette série, j'étais obsédé par l'idée de savoir à quel point le physique des personnages serait, avec le temps, affecté par tous ces combats.Maintenant, avec le regard d'un cinquantenaire, je me rends compte que l'impact de l'âge sur le physique d'un personnage est loin d'être la chose la plus importante qui se produise lorsqu'on vieillit. Avoir cinquante ans, c'est loin d'être aussi vieux que ce que j'imaginais lorsque j'en avais trente ! Et il y a beaucoup d'autres choses qui viennent avec l'âge : la maturité, l'expérience, qui sont autant de choses qui changent ce qu'est devenu Batman avec le temps. Dans The Master Race, par exemple, personne ne pourra plus le tromper.Le temps a aussi eu un effet sur votre vision du rôle de Batman...Dans mon rapport à Batman, il y a eu plusieurs phases. Lorsque je l'ai découvert enfant, à cinq ans, c'était un père sévère, une figure résolument paternelle. Il l'est resté par la suite, mais j'ai commencé à le voir sous des aspects plus politiques, plus philosophiques.« Batman était un justicier autoproclamé et sauvage, il est devenu une figure d'autorité, avec un badge de policier »En parallèle, le contenu des comics Batman évoluait aussi : nous sommes passés d'un justicier autoproclamé et sauvage à une figure d'autorité, avec un badge de policier. Sous ma plume, il est devenu un anarchiste – et dans The Master Race, il deviendra une figure authentiquement révolutionnaire.Un anarchiste ? Dans les deux premiers épisodes de The Dark Knight, votre Batman se bat pourtant pour restaurer l'ordre à tout prix, allant jusqu'à enrôler des gangs des rues pour imposer la loi martiale dans Gotham City…Si vous êtes un anarchiste, vous considérez que l'ordre existant est corrompu, et le détruire est la première chose que vous souhaitez faire – et pour cela, tous les moyens sont bons. La lutte des Irlandais pour l'indépendance, comme la résistance française, nous a montré qu'il pouvait être nécessaire de descendre dans la rue pour se lever contre la tyrannie. Parfois la seule manière de faire en sorte que le monde fasse sens est de détruire l'ordre existant.Vous dites souvent que toutes les œuvres naissent dans un contexte. Vous pensez que nous sommes à la veille d'une révolution ?Non. The Master Race est une fiction. Mais je vous promets que ça sera une bonne lecture. //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film, sur Ciné+ Club à 20 h 45 Xavier Dolan met en scène une relation trouble entre deux hommes.Tom à la ferme, le quatrième long-métrage de Xavier Dolan, a été, d’emblée, conçu pour être tourné vite et bien. Adapté, avec sa collaboration, d’une pièce de théâtre éponyme du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, ce film introduit, de fait, une inflexion, dans le ton, la couleur et le genre du kaléidoscope dolanien.Cela veut dire un tournage de dix-sept jours, un décor homogène (la campagne, une ferme, sa cuisine, son étable, un café), un chromatisme éteint (brun, marron vert), une atmosphère sourde comme une messe basse, une action tendue, épurée, sans fioritures. L’idéal, en somme, pour mettre en scène un thriller psychologique confrontant deux personnages principaux dans un face-à-face sadomasochiste, où la frontière entre dominant et dominé a tendance à devenir floue.L’intrigue, à défaut des mécanismes psychologiques qui la permettent, est assez simple. En deuil de son amant, Tom (Xavier Dolan), un jeune publiciste de la métropole en permanente blonde et blouson de cuir, vient assister à son enterrement dans une ferme familiale dont on va rapidement comprendre pourquoi il l’a quittée.Pervers homophobeLà, il fait la connaissance de la mère éplorée, à laquelle la liaison de Tom avec son fils était demeurée cachée. Tom y rencontre aussi le frère de son amant, Francis (Pierre-Yves Cardinal), une brute épaisse très au fait, lui, de la situation. Célibataire et solitaire, devenu le dernier homme de la famille et le seul garant de la pérennité de la ferme, Francis est une armoire à glace à l’esprit obtus doublé d’un pervers puissamment homophobe. Il tombe logiquement sur le râble de Tom pour lui imposer, au besoin par la terreur, un silence destiné à épargner à sa mère la connaissance des turpitudes de son fils défunt.Cet argument de départ lance une relation trouble, poisseuse et, pis, communément admise entre les deux hommes, que troublera à peine l’arrivée de la fausse fiancée du défunt, une collègue de bureau appelée à la rescousse par Tom.On s’accommodera d’autant plus facilement de l’aspect peu vraisemblable de cette histoire qu’elle révèle sa justesse sur un tout autre plan que celui de l’intrigue apparente, dans le repli des âmes et des comportements, dans les fantômes qui surgissent du passé au premier bar venu, dans la logique inconsciente qui guide profondément les êtres à travers la nuit.Car, si l’attitude de Francis pose à l’évidence problème, celle de Tom, incapable de s’extraire de ce bourbier, n’en est pas moins étrange. C’est évidemment dans les interstices de ce qui rend possible une situation aussi intolérable que résident tout l’intérêt, toute la finesse, toute la beauté du film. Dans la tendresse et le désir inconscients de la brute luttant à corps perdu contre l’objet de sa haine. Dans l’opiniâtreté de la victime à rester, justement, au plus près de son bourreau, pour mieux l’aguicher et le torturer, pour mieux le confronter à une passion qui lui aura déjà fait commettre le pire, mais aussi bien pour mieux célébrer, avec et contre lui, le souvenir, délectable et infamant, de l’amour interdit (Ciné+ Club, 20 h 45).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aline Leclerc Il a le visage fatigué, un gros bonnet mange son regard. Il marche dans Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, et décrit son quotidien d’homme de ménage : « J’ai jeté des seaux d’eau et passé la raclette. C’était super-propre, ils étaient contents. » Il répond aux questions de son fils, Mehdi, qui le suit caméra au poing. Un instant plus tard, magie du montage, le même Mehdi interroge avec autant de simplicité le créateur Jean-Charles de Castelbajac dans les studios de France Inter : « T’en es où avec Instagram ? »Ces deux instantanés saisissants forment un seul et même épisode de « Vie rapide », web-série diffusée sur Arte interactive, où Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, 23 ans chacun, parviennent à brosser, en deux minutes à peine, le portrait de notre époque.Dans « Vie rapide » depuis le printemps, dans leurs chroniques pendant six ans sur France Inter, dans leurs articles depuis huit ans sur le « Bondy Blog », ils ont inventé un récit à deux voix au ton unique, à la fois poétique et collé au réel, tantôt caresse, tantôt flamme, d’où monte depuis toujours une rage sourde. Cet automne, elle éclate dans leur premier roman Burn Out (Seuil, 192 pages, 16 euros), dont ils disent qu’il est leur « cri ». Un récit polyphonique imaginé autour de l’histoire vraie d’un chômeur qui s’est immolé par le feu devant une agence Pôle emploi à Nantes, en février 2013. Portrait acide d’un pays qui broie les rêves et les gens, se saoule de coups de com’et de télévision.En cette soirée d’octobre, c’est cet ouvrage qu’ils sont venus présenter au Silencio, club littéraire et artistique de la capitale. Pour entrer, il faut être membre ou se faire inviter. Descendre un escalier dans la pénombre, longer les photos de corps de femmes nues jusqu’à une cave voûtée tapissée à la feuille d’or. Le décor est signé du cinéaste américain David Lynch. Sur la petite scène, Mehdi, blouson noir zippé jusqu’au col, casquette éternellement vissée sur la tête et Badrou, pull de laine et chemise, répondent aux questions d’un jeune critique du club. Et soudain, dans l’ambiance feutrée, les mots claquent. « Même en France, on n’entend plus les morts », assène Mehdi. « Cet homme est mort pour rien, renchérit Badrou. En Tunisie, en Iran, au Tibet, les immolations provoquent des choses. Ici, ça n’a rien déclenché. » En quelques mots, ils ont effacé les sourires des curieux venus voir ce que les petits gamins de banlieue, qu’on surnomme encore « les Kids », avaient dans le ventre. « Ils sont denses », entend-on dans le public. « Est-ce un livre engagé ? », demande le critique. « Ce livre est politique comme le sont chacun de nos reportages, répond Mehdi. Il porte un message. Mais l’engagement ce n’est pas quelque chose qu’on fait une fois, ça se construit dans le long terme. » Voilà huit ans déjà qu’ils construisent et se construisent. A deux. Depuis leur rencontre en 2007. Ou peut-être faut-il remonter encore deux années en arrière. Pour comprendre comment ces deux voix ont réussi à percer parmi toutes celles qui hurlent dans les quartiers populaires.Sortir d’un monde « exigu »Automne 2005. Une fois n’est pas coutume, la banlieue occupe les écrans. Depuis la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, les cités se soulèvent, les voitures brûlent, des écoles et des gymnases aussi. Mehdi et Badrou ne se connaissent pas encore. Ils observent à distance la colère qui s’exprime. Mehdi est en 4e à Saint-Ouen. On le remarque lors d’un atelier d’écriture dans une classe atone. Il est le seul à manifester un véritable intérêt pour l’information. Vif, cultivé, il n’a que 13 ans mais veut déjà devenir journaliste. A 5 km de là, Badrou est en 4e à La Courneuve. Dans une classe où « il y avait de l’ambiance », ses professeurs l’observent « stoïque » dévorer le manuel, ses camarades s’amusent de le voir toujours un livre en poche. Comme cet exemplaire du chef-d’œuvre de Stendhal, Le Rouge et le Noir prêté par un professeur. « J’avais été marqué par la façon dont Julien Sorel réussit à sortir de son milieu social », confiait Badrou récemment sur Arteradio.com. Les jeunes auteurs n’ont jamais quitté leur quartier. Mehdi a beau avoir dans sa chambre un portrait de lui et Badrou croqués par Castelbajac, il vit toujours dans un HLM à Saint-Ouen avec sa mère, ex-opératrice téléphonique, au RSA. Badrou partage encore sa chambre de la cité des 4000 avec deux de ses sept frères et sœurs et voit chaque année son père comorien, agent d’entretien, faire d’humiliantes démarches pour renouveler son titre de séjour. Lui-même, arrivé en France à 18 mois, n’oubliera jamais que sa demande de nationalité a mis quatre ans à aboutir. « Tu peux réussir quoi que ce soit, passer ta journée avec des vedettes ou dans des soirées mondaines, le soir, tu rentres chez toi, rappelle Mehdi. Et tu te confrontes à la précarité et à ses gens qui ont peu d’espoir. » C’est ce qu’il nomme la « schizophrénie » des gens de banlieue « qui émergent ». Badrou enchaîne : « On sera jamais totalement dans le système. Y’a une insouciance qu’on n’a pas. » L’école et la lecture leur ont donné l’envie de sortir d’un monde « exigu » où ils s’attristent de voir que « d’autres se sentent à l’aise ». Paradoxalement, les émeutes leur offrent la chance qu’ils attendent : le 11 novembre 2005, des journalistes suisses créent le « Bondy Blog », ouvert aux collaborations des habitants. Chacun de leur côté, Mehdi et Badrou s’enthousiasment pour les articles postés par des reporters qui leur ressemblent et décrivent leur quotidien de l’intérieur.Mais il faut encore une étincelle. A la rentrée 2007, le destin les réunit en 2de au lycée Auguste-Blanqui de Saint-Ouen. « On était les mêmes sans se connaître, raconte Mehdi aujourd’hui. On avait les mêmes lectures, les mêmes passions, on aimait la politique et on suivait la campagne d’Obama. Notre rencontre est centrale dans nos vies. » A l’âge où l’on se laisse si vite absorber par le conformisme et les goûts des autres, les deux complices aux centres d’intérêt atypiques se rassurent mutuellement. Ils cultiveront dès lors, le même jardin.« Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. »Trois mois plus tard, c’est ensemble qu’ils osent pousser la porte du « Bondy Blog » et proposent d’emblée d’écrire à quatre mains. « On aurait dit qu’ils se connaissaient depuis toujours », se souvient Serge Michel, aujourd’hui au Monde et l’un des fondateurs du blog, vite séduit par leur style « abrasif » qui « passe le réel au côté vert de l’éponge ». Ils excellent dans l’art de croquer les visites des politiques en banlieue. Lorsque les médias retiennent la petite phrase, eux préfèrent décrire ce qu’ils voient : un essaim de caméras entouré de policiers pour une visite-éclair, coupée du réel. « Ils n’étaient pas les seuls blogueurs à avoir de bonnes idées. Mais la différence c’est que Mehdi et Badrou, eux, rendaient la copie. »Un jour, gloire, la journaliste Pascale Clark les cite dans sa revue de presse sur RTL. Quelques semaines plus tard, elle leur propose une chronique dans sa nouvelle émission sur France Inter, les installant, pour de bon, dans la lumière. Ils inventent un récit radiophonique où leurs voix s’entrecroisent. Poussés par la journaliste, ils étendent aussi leur terrain de jeu, hors de la banlieue. « Je ne voulais surtout pas les cantonner à ça alors qu’ils s’intéressent à tout et sont férus d’actu. » Ils vont avoir la chance de rencontrer des gens qu’ils admirent. En face, « tout le monde craque » devant leur talent et leur jeune âge. « Ils ne m’ont jamais déçue. Ils captent l’époque et le pays comme peu de gens savent le faire, sans préjugés et dans tous les milieux », note la journaliste. Aussi simples avec les habitants des quartiers populaires qu’avec des stars ou des syndicalistes, dans des villages perdus ou aux 80 ans de leur vénérable maison d’édition.« On est à l’aise partout car on a trouvé notre place : on est spectateurs, explique Mehdi, le plus prolixe, mais qui se tourne vers Badrou quand il cherche ses mots. Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. » Ce talent rare, de pouvoir raconter une société dans ses extrêmes, a bien sûr alléché éditeurs, producteurs de films ou d’émissions de télé qui ont multiplié les appels du pied. Ceux qui les entourent se réjouissent de les avoir vus jusqu’ici « éviter tous les pièges ». « Ils auraient pu céder à la facilité et être ce que beaucoup voudraient qu’on soit : le cliché du jeune de banlieue, le rigolo de service », résume Mouloud Achour, producteur et coréalisateur de « Vie rapide ». Contrairement à ceux, nombreux, de leur génération qui veulent être avant de faire, Mehdi et Badrou veulent « faire quitte à ne pas être », souligne ce dernier. « Certains pourraient dire qu’on est “bankable”, mais on ne donne pas suite, insiste Badrou. Exister pour exister, ça ne nous ressemble pas. On préfère rester libres. » Piqûres de rappelLibres de choisir leurs sujets, libres de leurs paroles, libres de jouer avec leur image. Si doux et poli à la ville, Mehdi s’est inventé sur Twitter un double diabolique, qui insulte à tout-va. « Tout est trop convenu, on n’ose plus s’énerver. L’idée de casser ça en étant méchant gratuitement me plaît », confie-t-il amusé. Et tant pis pour les vedettes sensibles qui inondent ses proches d’appels indignés. Cet hiver, c’est aussi sur Twitter qu’il va assumer sans détour ne pas se reconnaître dans les « Je suis Charlie ». « Ce slogan a tué la réflexion, on a marché comme des moutons. Et dire ça, aujourd’hui, c’est subversif ? C’est terrible. » Ils auraient voulu que la société s’interroge davantage sur la trajectoire des terroristes, enfants de nos banlieues, comme eux. Tellement proches de bon nombre de ces Français perdus, ces « cœurs paumés » marchant sans but, croisés en reportages. « La France a su créer ses propres ombres, écrivent-ils dans Burn Out. Mais, il est encore temps de te rebeller, par le travail, par les mots… »En juin, ils s’affichent en « une » des Inrockuptibles avec l’anthropologue Emmanuel Todd pour un entretien croisé et contradictoire autour de son livre polémique Qui est Charlie ? (Seuil, 252 pages, 18 euros) qui réduisait la marche du 11 janvier à un défilé de « catholiques zombies » inconsciemment islamophobes. Moins d’un mois plus tard, après six ans de chroniques, France Inter mettait fin à leur collaboration. Officiellement, le service de communication de la radio assure qu’il n’y a eu « aucun souci », simple conséquence d’un rafraîchissement de la grille des programmes. « C’est plutôt qu’ils n’apparaissaient plus comme les banlieusards sympas, acceptables », pense Mouloud Achour. « On n’est pas des gens légers », aime répéter Mehdi.Leur documentaire sur la barre Balzac de la cité des 4000 à La Courneuve, diffusé le 16 octobre sur Arte, n’est pas léger non plus. Il interroge la vie dans les grands ensembles, en mêlant images d’archives et paroles d’habitants. Ce samedi soir, on les découvre fébriles avant la projection prévue dans le cinéma de la ville. Un peu inquiets qu’on trouve ici que les petites stars ont « trahi leur combat ». Soulagement, la salle quasi pleine ne leur dira que des « merci ». Monte Laster, artiste américain installé à La Courneuve qui a travaillé sur le film, prend la parole. « Je les ai vus devenir la voix de ceux qui n’ont pas de voix. C’est une lourde responsabilité. »Leur ami Ilyass Malki, étudiant en journalisme et fils d’immigré comme eux, se réjouit de voir désormais interviewés partout dans la presse, « un Noir et un Arabe qui ne sont ni rappeur, ni sportif, ni imam, qui ont une voix légitime et crédible, et qui représentent enfin ce qu’on est ». Présents dans la salle, ceux qui raillaient Badrou au collège s’enthousiasment aussi de cette incroyable ascension « motivante pour tout le monde ». « On rêvait des mêmes choses. Pourquoi on ne l’a pas fait ? », s’interroge, songeur, Séréné Coulibaly. « Et malgré tout ça, on le croise toujours au quartier. Il est resté le même », insiste Félix Mvoulana.Et s’ils oubliaient d’où ils viennent, le quotidien leur réserve des piqûres de rappel. Le 5 octobre, ils sortent d’un cinéma des Champs-Elysées quand des policiers les encerclent, les invectivent, demandent à les fouiller sans explication. Mehdi et Badrou dénoncent un « contrôle au faciès ». Ils s’entendent répondre : « Ce n’est quand même pas de notre faute si vous faites plus de conneries que les nôtres. » Il y aura donc toujours « eux et nous » ? De rage, ils publieront un texte qui inondera les réseaux sociaux, pour « tout ceux qui subissent sans pouvoir le dire ». Ils porteront plainte aussi, pour faire parler le droit.Dans leur dernière chronique à la radio, Mehdi et Badrou disent « avoir rendu leur micro comme on rend une arme ». Ils en trouveront d’autres : leur premier livre a tout d’une flèche décochée en plein cœur. Déjà, ils en préparent un autre, sur la présidentielle de 2017. Encore plus politique.Aline LeclercJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.10.2015 à 22h03 • Mis à jour le26.10.2015 à 20h36 | Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale) Sonder les mystères des pyramides d’Egypte en les « scannant ». La décision a été annoncée, dimanche 25 octobre, au Caire par Mamdouh el Damaty, ministre égyptien des antiquités, pour comprendre « comment les pyramides ont été construites et ce qu’elles que cachent ». « Y a-t-il une rampe circulaire intérieure pour faciliter l’acheminement des blocs de pierre ? Existe-t-il des chambres restées secrètes ? », résume le ministre égyptien.Une association française à but non lucratif, HIP Institut (Héritage, Innovation, Préservation), a été chargée de piloter la mission scientifique « Scan Pyramids » qu’elle a initiée, conçue et coordonnée en collaboration avec la Faculté des ingénieurs de l’Université du Caire, représentée par l’ingénieur égyptien Hany Helal, cofondateur de HIP Institut avec le Français Mehdi Tayoubi et le Belge François Schuiten, auteur de BD.Les réponses à ces énigmes pourraient être révélées par les technologies les plus innovantes, non invasives, utilisées par Scan Pyramids, pour sonder, sans y percer le moindre orifice, le cœur des plus hautes pyramides d’Egypte et les mieux conservées, monuments funéraires des pharaons, datant de 4 500 ans. Hany Helal, professeur qui représente la Faculté des ingénieurs du Caire, précise que « l’objectif est d’utiliser des techniques qui donnent des résultats concrets. Ensuite, ajoute l’ingénieur, ce sera aux égyptologues de les interpréter ». Des techniques inspirées de l’industrie aérospatialeLa mission internationale commencera début novembre pour se terminer fin 2016. Elle portera sur quatre chefs d’œuvre de la IVe dynastie pharaonique ayant régné entre 2575 et 2465 avant J.-C. Celles du pharaon Snefrou, le père, de Khéops, le fils, et de Knéfren, le petit-fils. L’opération commencera à 60 kilomètres au sud du Caire, sur le site de Dahchour, dans le désert bordant la vallée du Nil, par les deux pyramides bâties par Snefrou (2575 – 2551 av. J.-C.).Sera scannée la pyramide dite rhomboïdale, du pharaon Snefrou, au fin parement de calcaire en partie conservé, et dont l’angle de pente a été modifié à mi hauteur. La pyramide rouge du même Snefrou suivra ; haute de 104 m, contre 146 à l’origine, elle mesure 220 m de côté. Puis la mission, qui compte vingt-cinq personnes, étudiera ensuite les deux plus hautes pyramides du plateau désertique de Guizeh, dominant le Caire : la monumentale Khéops, 137 m aujourd’hui, contre 146 à l’origine et 230 m de côté, avant d’étudier sa jumelle Khéphren, 138 m sur 215 m de côté.Plusieurs technologies d’exploration se succéderont, sans toucher aux édifices eux-mêmes. Deux missions de thermographie infrarouge - technique utilisée dans l’industrie aérospatiale -, l’une de courte durée menée par le spécialiste Jean-Claude Barré de LedLiquid, l’autre, d’une année au moins, conduite par l’université Laval de Québec, permettront d’établir une carte thermique des quatre monuments pour analyser la « peau » de la pyramide et détecter les vides intérieurs proches de la surface de calcaire. Drones, scanners et reproduction 3DSuivra la radiographie par détecteur de muons, les particules élémentaires. Une technique développée au Japon par les équipes du KEK (High Energy Accelerator research Organization) et l’université de Nagoya. Elle pourra vérifier et visualiser avec précision la présence de structures inconnues au cœur même des pyramides. Enfin, une campagne, menée par la société Iconem, à l’aide de drones et de scanners au laser, produira la reconstitution en 3D du plateau de Guizeh. La photogramétrie laser fournira une précision centimétrique jamais atteinte de l’intérieur et de l’extérieur des pyramides de Guizeh et de celles du site de Dahchour, ainsi que de tous les monuments qui y sont érigés. « L’essentiel est d’avancer en mettant en œuvre de nouvelles approches, souligne Mehdi Tayoubi, président de HIP Institut. Beaucoup de missions précédentes ont tenté de percer les mystères des pyramides et si elles n’y sont pas parvenues, elles ont chacune fait progresser la connaissance comme ce fut le cas, par exemple, il y a tout juste trente ans, de la mission de la Fondation EDF, qui a décelé une anomalie de sous-densité en forme spiralée dans Kheops. Notre objectif est d’apporter notre pierre à l’édifice et de préparer, en toute humilité, le chemin pour de futures missions de recherche scientifiques. »C’est cette fameuse rampe intérieure en spirale qui pourrait être révélée par les images produites. Et apporter un début de réponse à l’énigme de la construction de ces monstres comme la pyramide de Khéfren, composée de 2,3 millions de blocs de pierre montés en gradins, d’un poids moyen de 2,5 tonnes chacun et pouvant atteindre les 200 tonnes pour les plus massifs. L’archéologue Jean Philippe Lauer avait déjà imaginé, lui, qu’une rampe de briques et de terre, renforcée par des poutres, et montée au fur et à mesure de l’avancée du chantier sur l’un des côtés de la pyramide, était une solution.Relancer la fréquentation touristiqueL’opération Scan Pyramids, d’un million d’euros, financés par des mécénats de compétence et financiers, accompagne les grands chantiers culturels lancés par l’Egypte. Deux musées colossaux sont annoncés à Guizeh, au pied des pyramides. Le Musée national égyptien des civilisations (NMEC) – de la préhistoire à aujourd’hui –, doté d’un centre culturel avec cinéma et commerces, ouvrira début 2016. Le Grand musée égyptien (GEM), qui devrait être terminé en 2018, présentera tous les vestiges et l’histoire du jeune Toutankhamon. Tandis que le musée national du Caire, place Tahrir, recélant les trésors de l’ancienne Egypte sera entièrement restauré dans son jus, comme s’il venait d’ouvrir en 1902. Des annonces prometteuses qui devraient raviver l’intérêt international pour la terre des pharaons. La fréquentation touristique est en berne. Les 14,8 millions de visiteurs de 2010 seront moins de 9 millions en 2015. La manne du tourisme représente le tiers du PNB. La Haute Egypte souffre. Les sites y sont quasi déserts.Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Dans le monde industriel de la musique enregistrée, le mois de novembre et l’approche des fêtes de fin d’année sont généralement choisis pour la parution de nouveaux albums des gros vendeurs de la chanson, du rock ou du r’n’b. L’espérance de ventes importantes y est à son plus haut. Le 6 novembre, ce sera donc Mylène Farmer qui ouvrira le bal avec Interstellaires, trois ans après Monkey Me. Le 13 novembre, voici venir De l’amour, de Johnny Hallyday, un an presque pile après Rester vivant. Le chanteur avait annoncé cette parution le 9 octobre, lors du premier concert, à Lille, de sa tournée. Le 20 novembre, ce sera le « nouveau » Adèle, tandis que des annonces de parution imminente sur cette période de Kanye West, Rihanna, David Bowie ou Louise Attaque se sont multipliées ces derniers temps.Lire aussi :Johnny Hallyday adopte la voix de la sagesseEn ce qui concerne Adèle, les choses sont bien calées. Dans un petit texte diffusé le 22 octobre, en même temps qu’un vidéo-clip de la chanson Hello, réalisé par Xavier Dolan, la chanteuse britannique pop, âgée de 27 ans, explique que 25 sera « un disque de réconciliation. Je me réconcilie avec moi-même. Je me réconcilie avec le temps perdu. Je me réconcilie avec toutes les choses que j’ai pu faire et celles que je n’ai pas faites. » Après le raz-de-marée de 21, sorti en janvier 2011, et ses 30 millions d’exemplaires écoulés depuis, 25 devrait proposer onze chansons, dont certaines, au vu de quelques-uns des titres révélés, pourraient aborder le thème de l’amour par sa part sombre : Send My Love (To Your New Lover) (« toute mon affection à ton nouvel amour »), I Miss You (« tu me manques »), Love In The Dark (« l’amour dans le noir »)…Emballement des réseaux sociauxDu côté de la grosse artillerie du rap et du r’n’b aux Etats-Unis, c’est un peu plus flou. Le 2 janvier 2015, Kanye West avait fait mettre en ligne une nouvelle chanson, Only One, en collaboration avec Paul McCartney et un vidéo-clip réalisé par Spike Jonze, première étape de l’annonce du successeur de Yeezus, paru en juin 2013. Depuis, d’autres titres d’un album qui devrait s’appeler SWISH ont été proposés par le rappeur américain (All Day, Wolves), jusqu’à une écoute de l’intégralité de ce disque pour une poignée d’auditeurs lors d’une soirée fin juillet dans un club de Toronto. Une parution en novembre aurait alors été envisagée.Lire aussi :Rihanna, Paul McCartney et Kanye West en trioMais, dans un entretien publié fin septembre par le magazine américain Vanity Fair, le rappeur, essentiellement interrogé sur la mode et sa ligne de vêtements, a finalement indiqué que SWISH était loin d’être prêt (« Il pourrait nécessiter encore un an de travail »). Quitte à ce que le disque bénéficie dans quelques jours ou semaines d’une sortie surprise, y compris pour sa maison de disques, comme cela avait été le cas avec Beyoncé en décembre 2013, ou en février puis en septembre avec les mixtapes de Drake.Même topo avec la chanteuse de r’n’b Rihanna, originaire de La Barbade, qui a proposé quelques nouvelles chansons en mars (Bitch Better Have My Money) et en avril (American Oxygen), censées figurer sur un huitième album. Dont le nom ANTI et la pochette ont été présentés lors de l’ouverture par Rihanna, le 7 octobre, d’une galerie d’art à Los Angeles. Sortie imminente, le 6 novembre, se sont emballés les réseaux sociaux, sans sources officielles. Jusqu’à ce qu’une « source proche de la chanteuse », selon le magazine professionnel Billboard, n’annonce, dans l’édition du 14 octobre, qu’il ne s’agissait pas de la bonne date.Un quatrième album pour Louise AttaquePlus traditionnellement, c’est par l’intermédiaire de l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, dans son édition du 21 octobre, que le groupe Louise Attaque est venu confirmer ce que ses fans espéraient depuis quelques mois, un quatrième album, dix ans après A plus tard crocodile. Là aussi, lorsque, à la mi-août, le groupe avait annoncé sur les réseaux sociaux qu’il enregistrait à Londres et à Berlin, la perspective d’une sortie fin novembre avait un temps circulé. Ce sera « début 2016 », précise le papier d’introduction à l’entretien avec Gaëtan Roussel, Arnaud Samuel et Robin Feix. En attendant, Anomalie, vidéo-clip d’une première chanson tirée de ce futur album, a été mis en ligne.Le début de l’année prochaine marquerait également le retour sur disque de David Bowie, a annoncé samedi 24 octobre le quotidien anglais The Times. Intitulé Blackstar, composé de sept chansons enregistrées à New York avec des musiciens de jazz locaux, l’album serait censé paraître le 8 janvier, jour du soixante-neuvième anniversaire du musicien anglais. Le single Blackstar, également inclus dans la bande-son de la comédie musicale Lazarus, co-écrite par David Bowie, serait diffusé le 19 novembre. Selon les premiers échos recueillis par The Times, l’album renouerait avec la veine cosmique et expérimentale, marquée par le rhythm n’ blues et le krautrock, que l’Anglais avait commencé à explorer dans les années 1960 et 1970. Nulle confirmation pour l’heure de la maison de disque de Bowie, Columbia.Quelques arlésiennesOn pourra enfin ajouter à ces sorties attendues par les amateurs des unes, des uns et des autres, quelques arlésiennes. Retranché depuis près d’un an avec son producteur historique Nigel Godrich dans un studio du sud de la France, le groupe anglais Radiohead planche toujours sur le successeur de The King in Limbs (2011), sans que son label, XL Recordings, ne se risque à évoquer une date de sortie. Même topo pour leurs compatriotes de Portishead, qui continuent de fignoler leur quatrième album, sept ans après Third.A l’échelle hexagonale, d’aucuns persistent à espérer un nouvel album de Renaud, dont nos confrères du Parisien avaient annoncé fin juin qu’il était en bonne voie. Quant à l’éternel retour de Michel Polnareff, qui n’a pas publié d’album depuis 1989, déjà évoqué lorsque le chanteur était remonté sur scène en 2007, sa présence au pied du sapin, cet hiver, relèverait du miracle.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 23.10.2015 à 08h02  Pierre de Bethmann Trio Essais/volume 1 « Il y avait tellement d’options possibles pour revenir au trio… », indique, dans la première phrase d’un court texte qui figure sur le livret d’Essais/volume 1, le pianiste Pierre de Bethmann. Et d’ajouter « … ne pas vraiment le chercher… » ; ainsi, la formation est née au hasard, en 2012, d’un concert de « dernière minute ». Avec le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson. Des concerts ont suivi et donc aujourd’hui ce disque qui rassemble neuf interprétations pleines d’envies et d’idées musiciennes de compositions, d’Herbie Hancock (Promise of The Sun), l’un des maîtres du clavier d’inspiration de Bethmann, de Gabriel Fauré (Sicilienne), Serge Gainsbourg (Pull marine), des standards du jazz (Beautiful Love, l’allègre Without A Song, La Mer, de Trénet)… Des sources variées étroitement reliées par la cohérence de ce jeu à trois, dans son intention comme son résultat. Que cela soit dans une approche toute en douceurs, émotions (Le Chant des marais, créé en juillet-août 1933, au camp de concentration de Bögermoor) ou en vertiges et emballements. Sylvain Siclier1 CD Aléa/Socadisc.Catherine Ribeiro + Alpes Intégrale des albums originaux 1969-1980 Les camarades, le rouge et le noir, le Chili, la Palestine ; l’homme et « son vol en suspens » : Catherine Ribeiro n’a jamais eu de Dieu ni de maître, mais s’est toujours conservé le droit hautain de vie et de mort sur elle-même, jusqu’à se cribler la gorge de plombs. La chanteuse Colette Magny disait d’elle, avec un soin presque maternel, que « dans la famille coup de poing, Ferré était le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils ». Apparue au début des années 1960 en chanteuse yéyé, la jeune Lyonnaise d’origine portugaise attrape au vol le folk américain. Devenue comédienne (notamment pour Les Carabiniers, de Godard), elle s’absente de la chanson une première fois, pour y revenir avec le musicien Patrick Moullet en 1969. Avec sa poésie ardente, sa rage de vivre posée sur un rock incantatoire, le groupe s’appelle d’abord Catherine Ribeiro +2 bis, puis Catherine Ribeiro + Alpes, parce qu’il faut viser les sommets. Les concerts sont une messe, elle a la frange en ordre de bataille, entonne le Chant des Partisans, publie sans souci de conformité Libertés ? en 1975, et fait succès malgré l’oppostion farouche de la mode et du show-biz. Alpes se défait en 1982, et la chanteuse à la voix de coureur de fond se livre à de magnifiques exercices d’interprète des grands de la chanson française (Ferré, Brel, Manset, Piaf…). Ce coffret de 9 CD présente les albums studio du groupe, et remet en lumière une époque où la passivité n’avait aucun cours. Véronique MortaigneUn coffret de 9 CD Mercury/Universal.Jean-Michel Jarre Electronica 1 : The Time Machine Difficile de nier la légitimité de pionnier et la popularité de Jean-Michel Jarre. Il n’en va pas de même pour une crédibilité artistique, longtemps contestée, que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter. Son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes des machines. Cette « machine à remonter le temps », ne réécrirait-elle pourtant pas l’histoire ? Avant, pendant et après ses débuts discographiques, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui : l’onirisme spatial de Tangerine Dream, le minimalisme ironique de Kraftwerk, la magie de Brian Eno, la verve synth-pop de Depeche Mode ou New Order, les défoulements charnels de la génération house et techno… Ce décalage est à nouveau perceptible dans ces collaborations censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Et les meilleurs morceaux d’Electronica portent la patte des invités – le romantisme exacerbé de M83 (Glory), l’élégance de Air (Close Your Eyes), la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone) – plus que celle de leur hôte. Le reste oscille entre pop anodine (If..! avec Little Boots) et ratage (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend), complétés d’une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien de Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin van Buuren). Stéphane DavetLire aussi :Jean-Michel Jarre : histoire d’une imposture1 CD Columbia/Sony Music.Jr. Thomas & The Volcanos Beware Des musiciens américains qui sonnent comme des Jamaïcains, c’est assez rare pour ne pas le signaler. Junior Thomas a grandi dans le nord de Minneapolis, ville qui a vu les premières heures glorieuses de Prince ou de Bob Dylan. Or ce ne sont pas ces deux illustres compatriotes qui fascinent le jeune musicien mais les chanteurs jamaïcains, Alton Ellis ou Phyllis Dillon. En s’associant avec l’ingénieur du son californien, Brian Dixon, qui voue la même passion au rock steady, Jr. Thomas a trouvé dans son studio d’enregistrement, à Los Angeles, l’espace pour exprimer son amour inconditionnel pour le reggae d’antan. Entouré des Volcanos, musiciens qui accompagnent régulièrement les stars jamaïcaines de passage en Californie, Jimmy Cliff ou les Skatalites, le guitariste, doté également d’un joli brin de voix, ne se contente pas de copier ses idoles mais écrit de nouvelles chansons puissantes comme la passionnée Embraceable ou les tendres Beware et Burning Fire. Repéré par le label Truth & Soul qui a également lancé le chanteur néo soul, Aloe Blacc, Jr Thomas est bien parti pour connaître la même destinée sous les couleurs du reggae. Stéphanie Binet1 CD Thruth & Soul/Differ-Ant.David Krakauer The Big Picture Coup de chapeau d’un clarinettiste Klezmer au cinéma dont le contenu a plus ou moins un lien avec le judaïsme. Cabaret, La vie est belle, Minuit à Paris, Radio Days, Funny Girl, Le Choix de Sophie… David Krakauer a arpenté sa mémoire de cinéphile et choisi douze thèmes musicaux tirés de classiques. Il les réinvente avec maestria et une réjouissante liberté. Le répertoire n’a que peu à voir avec le champ de création habituel du musicien – un seul thème se rattache réellement au klezmer (Moving to the Ghetto, tiré de la bande originale du film de Roman Polanski, Le Pianiste (2002) – mais c’est bien « le son Krakauer » que l’on reconnaît : ce vibrato palpitant, ces nuances combinant mélancolie, poésie et petite folie, ce sens de l’aigu épanoui qui décolle vers le ciel sans prévenir. Le musicien présentera The Big Picture sur scène avec la projection de visuels originaux, le 21 novembre à la Cigale, à Paris, lors du festival Jazz’n Klezmer. Patrick Labesse1 CD Label bleu/L’Autre Distribution.Eugène Ysaÿe Six sonates pour violon seul op. 27 Alina Ibragimova (violon) Œuvre de la fulgurance, les six sonates d’Eugene Ysaÿe (1858-1931) pour violon seul ont été ébauchées en vingt-quatre heures à l’été 1923 après que le compositeur belge eut entendu Joseph Szigeti dans les fameuses Sonates et partitas, de Bach. Sont-elles pour autant une réponse à l’absence de postérité, durant plus de deux siècles, du chef-d’œuvre allemand ? Oui et non. Chacune de ses pièces exigeantes convoque en effet un grand nom du violon – Kreisler, Thibaud, Enescu, Szigeti –, dont Ysaÿe s’essaie à rendre la technique de jeu spécifique. La jeune violoniste russe, Alina Ibragimova, a déjà livré un enregistrement remarqué des Sonates, de Bach. Celles d’Ysaÿe sont ici d’une liberté de ton plus éblouissante que jamais, d’un naturel renversant, la parfaite quadrature entre maîtrise, sensibilité et improvisation. Marie-Aude Roux1 CD Hyperion. 22.10.2015 à 11h26 • Mis à jour le22.10.2015 à 12h14 | Philippe Escande Vous avez aimé les aventures du petit Uber au pays des taxis ? Vous adorerez la saison 2, intitulée « YouTube et ses amis au pays des télés ». Attention, certaines scènes pourront choquer les âmes sensibles. Il y aura du sang et des larmes, sûrement un peu de sexe, mais aussi de la tendresse. Winnie l’Ourson et Blanche-Neige s’en chargeront.Coup sur coup, YouTube et Disney ont annoncé, mercredi 21 octobre, le lancement de services de vidéo à la demande illimitée par abonnement sur Internet. On connaissait Netflix, le robinet à films et séries déjà présent en France, les Américains ont expérimenté ceux de la chaîne HBO, le créateur de Game of Thrones, mais aussi de CBS, Nickelodeon ou NBCUniversal. Mais l’arrivée simultanée, sur ce marché, du géant de l’Internet mondial et du plus célèbre groupe de médias au monde apporte une nouvelle dimension au phénomène. Le tsunami Internet est désormais en vue des côtes du paysage audiovisuel. Avec deux conséquences majeures.Lire aussi :YouTube cherche un relais de croissance en lançant un abonnement payantLa première est que cette vague va redessiner en profondeur le monde de la télévision. Déjà, en août, les résultats d’audience mitigés des grands réseaux télévisés américains au premier semestre 2015 avaient provoqué un crack du secteur en Bourse. En cause, les usagers américains, de plus en plus nombreux à « couper le cordon ». Autrement dit, se désabonner du câble pour ne garder que l’Internet et se reporter sur des abonnements de type Netflix.Le risque pour les chaînes de télévision va bien au-delà de la simple perte d’abonnés. Ils touchent le nerf de la guerre, la publicité. Face à la chute d’audience, les tarifs baissent et les annonceurs, eux aussi, se replient sur le numérique. La télévision traditionnelle, celle du 20 heures de TF1 ou de France 2 et des jeux de M6, est déjà en train de s’affranchir du temps, avec la télévision de rattrapage. Elle est maintenant en train de s’atomiser en myriades de services, à l’image du Web, ou plutôt des applications de son smartphone.La fin d’une époqueD’ailleurs, Apple, l’inventeur des applications mobiles, va annoncer la semaine prochaine sa nouvelle « Apple TV box » avec l’espoir, enfin, de percer dans ce domaine. Cette fois pourrait être la bonne et représenter le futur grand relais de croissance à ses iPhone. « The next big thing », comme aurait dit Steve Jobs.La seconde conséquence de cette nouvelle vague est la validation d’un modèle économique pérenne pour financer le contenu sur Internet. Les succès mondiaux de Netflix et Spotify ont démontré que les clients étaient partout prêts à payer 10 dollars – ou 10 euros – par mois pour l’accès illimité à un contenu de qualité et une ergonomie séduisante. Désormais, les poids lourds, Apple et Google en tête, s’engouffrent dans la brèche. Nous sommes en train de vivre en direct, comme on dit sur TF1, la fin d’une époque, celle du tout-gratuit sur Internet.Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 12.10.2015 à 13h29 • Mis à jour le12.10.2015 à 17h45 | Frédéric Potet On en sait un peu plus du 36e épisode des aventures d’Astérix, Le Papyrus de César, dont la sortie est prévue le 22 octobre. Les deux nouveaux auteurs de la série, Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin), ont dévoilé une petite partie de son contenu, lundi 12 octobre, à l’occasion d’une conférence de presse matinale donnée dans un salon de la tour Eiffel et à laquelle participaient également le cocréateur du célèbre Gaulois Albert Uderzo, 88 ans, et Anne Goscinny, la fille de René Goscinny (mort en 1977).Tiré à 2 millions d’exemplaires en France (4 millions en tout dans le monde entier), l’album traitera d’un sujet très contemporain : le traitement de l’information et le rôle joué par les outils de communication. Le point de départ est la publication, à Rome, de La Guerre des Gaules (De bello Gallico), l’ouvrage en sept livres dans lequel Jules César relate les opérations militaires de sa campagne d’assujettissement des peuples gaulois ayant eu lieu entre 58 et 51-50 av. J.-C. On savait déjà que le rôle du « méchant » était campé par un conseiller occulte de César, également éditeur, du nom de Bonus Promoplus, dont les traits rappellent ceux du publicitaire Jacques Séguéla. On sait désormais qu’un « colporteur sans frontières » fait également partie du casting : il s’appelle Doublepolémix, exerce le métier de correspondant au Matin de Lutèce et ressemble, lui, à Julian Assange.Un autre journaliste apparaît également dans l’album, a-t-on appris par ailleurs. Il n’a pas de nom et travaille pour un organe de presse appelé… Le Mundus, cousin (très) éloigné du quotidien du soir fondé par Hubert Beuve-Méry en 1944. Ce personnage secondaire de l’histoire n’est présent que dans quelques cases, dont celle que nous publions ici en exclusivité.Ne pas voir d’hommage particulier au Monde dans ce détournement : Le Mundus a été baptisé ainsi « simplement parce que c’est un titre dont la sonorité en latin fonctionne, explique Jean-Yves Ferri. L’Expressus ou Le Novum Observatoris, ça marche moins bien. On devine aussi que c’est la référence à Rome en matière de journal. »Ce confrère des temps anciens se révèle être, à l’évidence, un homme de réseaux : « Il fallait un personnage bien en vue des médias romains et en cheville avec Bonus Promoplus, l’éditeur de César, poursuit le scénariste. On apprend au passage que ce journaliste a encensé La Guerre des Gaules dans son article du Mundus – ce que Le Monde, nettement plus impartial, ne ferait pas pour l’œuvre d’un Hollande ou d’un Sarkozy, hein ? » Le dessinateur Didier Conrad lui a donné les traits de Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur des rédactions du Nouvel Observateur, du Figaro et du Point. « Giesbert est un de ces journalistes de la presse écrite dont la tête est connue. Jean d’Ormesson ou Christophe Barbier auraient aussi pu faire l’affaire », explique Jean-Yves Ferri.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Patrick Labesse « Regardez-moi, est-ce que j’ai l’air d’une femme voilée ? » Dans un café parisien, verre de bière en main, une femme s’amuse des clichés, dit-elle, qui traînent et polluent l’esprit des Occidentaux. « Cela arrange tout le monde de dire que nous sommes opprimées en portant le voile, que c’est difficile d’être chanteuse chez nous. » Elégante, solaire, Oum parle comme elle chante, avec un mélange de grâce et de malice enfantine.Soul of Morocco, l’album qui l’a révélée en France, en 2013, avait été réalisé par Sir Ali Alizadeh, un cosmopolite dénicheur de swing, ancien collaborateur du magazine Actuel et de Radio Nova. Le 13 octobre, au Café de la Danse, à Paris, elle présentera son successeur, Zarabi, une rivière de chansons acoustiques écrites en darija, l’arabe dialectal marocain, tressant avec délicatesse soul-jazz et Orient, joies, rêverie et mélancolie. Ce quatrième album a été enregistré aux portes du Sahara, à l’oasis de M’hamid El-Ghizlane. Commune rurale de la province de Zagora, au sud-est de la région du Souss-Massa-Drâa, au Maroc, l’endroit accueille depuis six ans le festival Taragalte, consacré à l’art et à la culture du désert, dont elle est la marraine.« Oum est une femme formidable, une sacrée nana, avec du caractère et du talent. Pour moi, c’est la seule Marocaine à être parfaitement ancrée dans ce que l’on appelle la world music. Un bel arbre, les racines sans sa terre et les branches libres », nous déclare depuis le Maroc, où les radios passent le disque en boucle, une observatrice de la scène culturelle locale. Oum n’y a sans doute pas la notoriété de son compatriote Saad Lamjarred, l’un des champions du moment de la variété orientale (avec notamment son titre Lm3allem), mais elle est appréciée par les trentenaires citadins. Elle se produira prochainement à Visa for Music, Salon international des musiques d’Afrique et du Moyen-Orient, qui se tient à Rabat du 11 au 14 novembre. Ce tremplin devrait lui permettre de développer encore sa carrière à l’international et, par ricochet, d’étendre son audience au Maroc.Origines sahraouiesNée en 1978 à Casablanca, Oum El-Ghait Benessahraoui porte les origines sahraouies de son père dans son nom (qui veut dire « le fils du Sahraoui »). « Ses ancêtres sont de Chinguetti, en Mauritanie. J’ai plus de plaisir et de confort à me sentir rattachée à ces origines-là, à une culture nomade commune à plusieurs pays », plutôt qu’au peuple sahraoui vivant au Sahara occidental, explique la chanteuse. « Je ne me reconnais absolument pas dans ces revendications d’indépendance. Pour moi le peuple sahraoui vivant au Maroc est marocain. » Sujet sensible. On passe. Oum raconte avoir vécu son enfance et son adolescence à Marrakech, « une ville où les sens sont en éveil facilement ». « Je suis issue d’une famille assez modeste, des fonctionnaires, riches de musique, d’idées, de principes. J’ai su très tôt et qu’il fallait que je fasse des études pour travailler. »Après son bac, elle entre à l’école d’architecture de Rabat et travaille sur la restauration de la kasbah de Télouet, située derrière la barrière du Haut-Atlas, entre Marrakech et Ouarzazate. « Un bâtiment curieux, très original, car construit sur plusieurs époques [entre les XVIIIe et XIXe siècles]. Je faisais des relevés – car il n’y avait pas de plans – tout en commençant à gagner un peu d’argent en chantant, de la soul, du jazz, pour de l’événementiel, dans des restaurants… » Sans penser à devenir chanteuse, assure-t-elle. « Il n’y avait pas de documents graphiques de la kasbah. Je les ai faits. J’ai rempli ma mission », lance-t-elle en riant. Elle n’ira pas, néanmoins, soutenir son mémoire ; continuant de plus en plus à chanter, elle rejoint la jeune mouvance musicale alternative émergeant à Casablanca.« Des gens qui avaient mon âge, chantaient en arabe dialectal marocain sur des musiques pas exactement marocaines ou traditionnelles. Je ne voulais pas chanter du rock ou du reggae, ce qu’ils appelaient “fusion”. Je n’aime pas ce mot. Pour moi, c’est un concept, pas un genre de musique. » Ces rappeurs et rockeurs étaient « très énervés », se souvient-elle. Elle ne l’était pas hier, et ne l’est pas plus aujourd’hui : « J’aime ce qui nous dépasse et nous rend fort : la nuit, le ciel du désert, l’absence, le souvenir. »Zarabi. 1 CD LOF Music – MDC-Harmonia Mundi. En concert le 13 octobre à 20 heures au Café de la Danse, 5, passage Louis-Philippe, 75011 Paris.Patrick LabesseJournaliste au Monde Stéphane Davet (Sainte-Marie-aux-Mines, envoyé spécial) Dès l’inauguration de sa 12e édition, vendredi 9 octobre, à Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin), le festival C’est dans la vallée entraîne vers d’autres territoires que les sentiers rebattus des rassemblements rock. Après des collaborations avec des chanteurs (Alain Bashung, Jacques Higelin), des écrivains (Olivier Cadiot, Pierre Alféri), une actrice (Jeanne Balibar), des auteurs de bandes dessinées (Dupuy et Berbérian), le chanteur guitariste Rodolphe Burger, créateur et maître de cérémonie de cet événement alsacien, prête aujourd’hui sa voix ténébreuse et son blues languide à six comédiens professionnels, handicapés, de la compagnie Catalyse.Au théâtre municipal, un ballet fragile et habité se déploie, comme si d’étranges personnages de conte venaient enlacer un shaman du delta. Une complicité émouvante et poétique qui devrait se prolonger autour d’un spectacle consacré à Louis II de Bavière. Tout ce petit monde se retrouve ensuite au pot de lancement où on peut mesurer l’ambiance familiale du festival. Au sens propre – au vu des nombreux représentants de la généalogie Burger –, mais aussi en termes de fraternité artistique constituée au fil des ans et des rencontres.Aventures atypiquesEn 2000, Rololphe Burger s’était rapproché de Sainte-Marie et de cette vallée où il avait grandi, découvert l’activisme rock, avant de s’en éloigner pour poursuivre un cursus universitaire (philo) et une ambition musicale. En 1986, il cofonde le groupe Kat Onoma, resté jusqu’à sa séparation, en 2004, l’une des formations les plus racées de la scène française.Rodolphe Burger était d’abord revenu à Sainte-Marie-aux-Mines en enfant prodigue, donnant des concerts avec son groupe, installant un studio dans la ferme de sa tante. En 2001, il prolongeait l’expérience sous la forme d’un « festival », palliant le manque de moyens par un surplus d’idées et de convivialité. « Le but était de proposer des formes particulières dans des lieux particuliers, sans faire la course au box office » avec un budget limité à 200 000 euros. En se servant d’un réseau de connaissances nourri par la pluridisciplinarité de ses mille projets. Chaque édition de C’est dans la vallée – biennale depuis 2013 – se construit grâce à ces connexions et ces aventures atypiques.Cette année, on a rejoint, par exemple, la contrebassiste Sarah Murcia et le danseur chanteur américain Mark Tompkins dans les couloirs humides de l’ancienne mine d’argent de Tellure. Devant 80 spectateurs dont les lampes de casque de mineur les font ressembler à une colonie de lucioles, ces complices réguliers de Burger se réchauffent en reprenant des chansons des Sex Pistols (également thèmes du prochain album de Sarah Murcia, Never Mind the Future) sur un mode jazz cabaret, décalant la violence des textes.De purs moments de rock’n’rollDécouverte par Burger lors de l’une de ses balades dans la vallée, une ancienne église récemment réhabilitée en savonnerie bio accueillait une création, J’entends plus le pinceau, où le percussionniste Mahut (fidèle de Jacques Higelin) tentait de dialoguer avec le dessinateur Charles Berbérian.Le lieu atteindra-t-il le statut mythique de la petite église de Saint-Pierre sur l’Hâte, dont l’intimisme boisé et l’éclairage aux chandelles a produit quelques-uns des souvenirs les plus marquants du festival (Kat Onoma, Alain Bashung, Jean-Louis Murat…) ? Une ambiance qui profita ce week-end au trompettiste Erik Truffaz et à quatre allumés de la guitare improvisée (Seb Martel, Noël Akchoté, Gilles Coronado, Jean-François Pauvros).Installations, expositions, projections de films (dont l’esquisse d’un documentaire consacré à Daniel Darc) rythment aussi un événement qui n’oublie pas d’insuffler de purs moments de rock’n’roll dans des bars de Sainte-Marie (le set furieusement « seventies » de The Hook).Le théâtre municipal accueille des live plus traditionnels – magnifique Mansfield TYA et Jeanne Added… Tout en se ménageant des moments uniques comme le concert « Play Kat Onoma »donné par Rodolphe Burger et un ancien membre du groupe, Philippe Poirier. Parallèlement à un album du même nom, il s’agit de revisiter plusieurs des chansons du groupe, accompagné du batteur Arnaud Dieterlen, du clavier Julien Perraudeau, et quantité d’invités du festival (Winter Family, Olivier Mellano, Sarah Murcia…). Un festin dont le panache sombre doit finalement autant aux fantasmes américains qu’à la beauté un peu inquiétante de cette vallée.Stéphane Davet (Sainte-Marie-aux-Mines, envoyé spécial)Journaliste au Monde 10.10.2015 à 08h12 | Alain Constant Documentaire, à 22 h 20, sur Arte A travers un portrait sensible et émouvant, Arte rend hommage au dialoguiste disparu il y a trente ans.Voilà ce qui s’appelle du beau travail. Un documentaire à la fois riche et sensible, bien balancé et surprenant, qui rend hommage avec tact à un homme qui n’aimait pas les cons, ce qui fait du monde. On croit connaître le jongleur de mots hors pair, dialoguiste de 111 films, mais ce documentaire va plus loin que l’habituel portrait du prolo-anar, symbole d’une France à son aise entre bouffe qui tient au corps, potes qui se la jouent et bagatelle avec de jolies blondes.Né en 1920, gosse abandonné du 14e arrondissement, vrai prolo ayant passé une partie de son adolescence à dévorer des livres (« Entre 12 et 22 ans, j’en lisais quatre par jour »), Michel Audiard se livre face caméra. Mais comme le type est élégant, donc pudique, ce sont les autres qui en parlent le mieux. Et les autres, ce sont les Jean Gabin, Pierre Brasseur, Bernard Blier, Mireille Darc, Lino Ventura, Jean Carmet, ou son fils, Jacques Audiard, dont les témoignages sont souvent bouleversants.Tour à tour livreur de journaux, critique de cinéma, auteur de polars, Michel Audiard rêvait d’être coureur cycliste professionnel. Il obtiendra un diplôme de soudeur avant de plonger dans les dialogues qui firent sa légende.Le mépris de Truffaut« Dans la vie, il vaut mieux avoir trente copains et se méfier des autres ! », résumait-il. « Au sortir de la guerre, le cinéma français a été un formidable ascenseur social », rappelle Jacques Audiard, qui porte sur son père un regard aussi tendre que lucide.n 1955, la rencontre entre Audiard et Gabin est déterminante. Les deux hommes feront dix-sept films ensemble. « Il donnait des choses absolument délicieuses à manger aux comédiens ! », résume le journaliste Alain Riou.D’inévitables extraits des Tontons flingueurs viennent rappeler quelques mémorables envolées, mais le documentaire a le mérite d’aller aussi vers des zones plus turbulentes, plus intimes. De souligner, par exemple, le mépris des cinéastes de la Nouvelle Vague, Truffaut en tête, pour ses dialogues. Ou de rappeler comment, après le décès accidentel de l’un de ses deux fils, Audiard se remit au travail, publiant notamment un roman (La Nuit, le Jour et toutes les Autres Nuits) et écrivant avec son fils Jacques Mortelle randonnée, unfilm dans lequel le deuil tient une place centrale et dont le premier rôle est tenu par Michel Serrault, qui connut, lui aussi, la douleur de perdre un enfant.J’parle pas aux cons, ça les instruit, d’Yves Riou et Philippe Pouchain (France, 2015, 55 min). Dimanche 11 octobre, à 22 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Josyane Savigneau C’était une encyclopédie vivante du mouvement Dada, un homme charmant, de grande culture, curieux de tout, qui aimait la vie et les longs débats entre amis, autour d’un verre. Marc Dachy est mort d’un cancer, jeudi 8 octobre à Paris, à l’âge de 62 ans.Il avait publié son dernier livre au printemps, Il y a des journalistes partout. De quelques coupures de presse relatives à Tristan Tzara et André Breton (Gallimard, « L’Infini »). C’était une étude, à la fois érudite et pleine d’humour, à partir d’articles de presse – certains assez récents – sur le dadaïsme et sur Breton.Dachy avait parfois la dent dure avec des contributeurs – le poète Alain Bosquet par exemple – mais savait toujours admirer – les textes d’Aragon en particulier.Son humour était aussi dans le choix du titre de ce livre dont il ne savait pas qu’il serait le dernier. Car Il y a des journaliste partout est tiré d’une lettre de 1917 de Tristan Tzara à Francis Picabia. L’intégralité de la phrase est : « Je m’imagine que l’idiotie est partout la même puisqu’il y a partout des journalistes. »Tout savoir sur DadaLa passion de Marc Dachy pour Dada a commencé très tôt, en Belgique où il est né en 1952. Il avait à peine 18 ans quand il a découvert Clément Pansaers (1885-1922) – il a publié en 1986 une sélection de textes de celui-ci (Ed. Gérard Lebovici/Champ libre). A partir de là, il a voulu tout savoir de Dada. Pas seulement de Tristan Tzara (1896-1963), fondateur du mouvement à Zurich avec Hugo Ball en 1916 et arrivé à Paris en 1920. « Breton attendait Tzara impatiemment, comme en témoigne la correspondance passionnée et intelligente qu’ils entretenaient entre Zurich et Paris, précisait Marc Dachy dans un entretien au Monde en 2010. Aragon a écrit, dans son Projet d’histoire littéraire contemporaine et dans d’autres récits, qu’ils attendaient Tzara comme un nouveau Rimbaud, ce qui n’est pas peu dire. »On ne peut pas citer tous les travaux de Marc Dachy sur Dada, mais on relira ou découvrira avec bonheur Tristan Tzara, dompteur des acrobates (L’Echoppe, 1992) et son Journal du mouvement Dada, qui lui valut le Grand prix du livre d’art en 1990 (Skira). Ou, pour un rappel ou une initiation Dada, la révolte de l’art dans la collection « Découvertes » de Gallimard.Une « chronique-collage »Pour les plus curieux, il faut aller du côté des dadaïstes moins célèbres auxquels s’est aussi intéressé Marc Dachy. Kurt Schwitters (1887-1948) notamment, dont il a édité et traduit plusieurs textes et à propos duquel il a publié cette année La Cathédrale de la misère érotique, une réflexion sur le Merzbau, œuvre-phare de Schwitters à l’architecture stupéfiante, unique dans l’histoire de l’art « qui invite à entrer dans l’intelligence des conceptions singulières du génie enjoué de l’artiste » (Ed. Sens & Tonka).En 2005, à propos de la publication d’Archives Dada. Chronique de Marc Dachy (Ed. Hazan), Philippe Dagen écrivait dans Le Monde : « Marc Dachy a inventé une solution qui a deux mérites immenses : elle donne sans cesse la parole aux protagonistes et les introduit avec la plus grande précision. Les Archives Dada sont, comme l’indique le sous-titre, une chronique, plus exactement une chronique-collage. En recherchant des textes oubliés, des témoignages contemporains ou postérieurs, en les traduisant souvent, Dachy rend à Dada et aux dadaïstes leurs propres paroles, leurs timbres singuliers, leurs parti-pris. (...) Chacun de ces montages est composé de sorte que ce qui est de l’ordre de l’unité n’y recouvre pas les oppositions et n’enferme pas Dada dans une cohérence factice. »Dans ces Archives Dada comme dans son ultime livre, on voit combien Marc Dachy avait de l’archive un usage jamais ennuyeux. Il savait, à partir de ses recherches, composer une narration, une « chronique » en effet.Il était aussi directeur de collection et animateur de la revue lunapark, qu’il avait fondée à Bruxelles en 1975 et pour laquelle il a reçu le Prix des créateurs des mains d’Eugène Ionesco. lunapark a interrompu sa parution en 1985 avant de renaître en 2003. Marc Dachy n’en avait pas fini avec ses désirs d’édition, de traduction, et malgré tout ce qu’il a fait pour Dada, pour Gertrude Stein, pour d’autres, son travail demeure inachevé.Marc Dachy en quelques dates5 novembre 1952 Naissance a Anvers (Belgique).1975 Création de la revue lunapark.1990 Journal du mouvement Dada (Skira).2015 Il y a des journalistes partout (Gallimard, « L’Infini »).8 octobre 2015 Mort à Paris.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pierre Rubenach Vous avez été très nombreux, voilà deux semaines, à vous prendre au jeu de notre quiz d'orthographe. Mots étranges, grammaire retorse, culture générale, l'Atelier diktée vous propose en dix questions (parfois tordues) de tester votre connaissance du français.Pierre RubenachRaaaaah !SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde 09.10.2015 à 11h47 • Mis à jour le09.10.2015 à 19h03 | Emmanuelle Jardonnet La situation est des plus ironiques pour la National Gallery. Alors que le musée londonien a choisi de consacrer sa grande exposition de la rentrée aux talents de portraitiste de Francisco de Goya (1746-1828), rassemblant pour l’occasion quelque 70 toiles du peintre espagnol, l’attribution même de l’un des deux portraits de sa propre collection est remise en cause.Jusqu’ici, la pâle Doña Isabel de Porcel, posant avec la mantille noire typique des tenues de l’aristocratie espagnole de la fin du XVIIIe siècle, était pourtant considérée comme l’un des fleurons du musée, exposé au sein de ses galeries permanentes. Or, depuis l’ouverture de l’exposition, mercredi 7 octobre, le carton placé à côté de l’œuvre évoque, pour la première fois, des doutes sur sa provenance.Ces réserves ont surgi lors de la préparation de l’exposition, comme le révélait Culture24, site britannique spécialisé dans l’actualité artistique, le 5 septembre. C’est la confrontation entre des tableaux, des dessins et des miniatures peu ou jamais réunis auparavant, en provenance de collections publiques et privées du monde entier, qui a amené certains spécialistes à remettre en cause l’attribution, forçant l’institution à aborder ouvertement la question.« Une opportunité unique »« L’attribution d’une peinture repose largement sur des perceptions de sa qualité et sur sa proximité avec des œuvres qui sont indiscutablement du peintre », rappelle Letizia Treves, conservatrice des peintures italiennes et espagnoles de 1600 à 1800 à la National Gallery, pour qui l’accrochage constitue une « opportunité unique ». Or, comparée aux autres portraits, la technique du tableau semblerait moins subtile, en particulier dans les transparences et les textures. Une autre caractéristique du peintre, dans sa façon inconventionelle d’aborder les portraits en montrant l’état psychologique de ses modèles, serait également moins saillante. « Les études techniques et les informations sur la provenance [du tableau] ne sont pas concluantes pour une attribution à Goya », admet-elle.Le musée accompagne ainsi l’œuvre de toutes les informations dont il dispose. Le modèle a été identifié comme étant Doña Isabel de Porcel sur la foi d’une inscription à l’arrière de la toile. Il est avéré que le peintre avait exposé un portrait de cette aristocrate à Madrid en 1805, et le lien a été fait avec cette peinture. Elle avait épousé Antonio Porcel, secrétaire d’Etat pour les colonies espagnoles en Amérique trois ans auparavant, en 1802. En 1806, le peintre avait également réalisé le portrait de son mari, allié politique de son propre ami et mécène, Gaspar Melchor de Jovellanos, dont le portrait fait partie de l’accrochage londonien.Celui d’Antonio Porcel est parti en fumée lors de l’incendie du Jockey Club de Buenos Aires en 1953. La National Gallery s’est portée acquéreuse du tableau en 1896, la même année que ses deux premiers achats de toiles du maître (une scène de pique-nique et une autre de conte fantastique). Il n’était alors déjà plus la propriété des descendants du modèle. Selon les informations recueillies, ces derniers l’avaient, en effet, vendu vers 1887 à une autre famille espagnole, à laquelle le musée l’a racheté.Portrait cachéEn 1981, le tableau avait déjà créé la surprise, des images aux rayons X révélant alors un autre portrait, celui d’un homme à costume rayé, sous les couches de peinture. Bien que les traits du modèle masculin soient parfaitement nets (l’image au rayon X accompagne le tableau dans l’exposition), le musée n’avait pu faire de rapprochement physique avec aucun autre portrait connu de Goya.Le recyclage des toiles à la fin du XIXe siècle en Espagne, alors que le pays était secoué par une profonde crise politique, était assez courant, certains mécènes ayant notamment pu tomber en disgrâce politique. Ce n’était en tout cas pas une exception dans l’œuvre du peintre. Selon des analyses du musée, c’est d’ailleurs le cas pour l’autre portrait dont il est en possession : celui du duc de Wellington. A la différence près qu’une couche d’apprêt recouvrait là le premier tableau, le rendant presque inaccessible aux rayons X, tandis que Doña Isabel a été peinte directement sur le premier tableau sans couche intermédiaire – l’absence de poussière entre les deux couches semble d’ailleurs indiquer que son portrait a été peint rapidement après le premier.« Goya est l’un des peintres les plus admirés et copiés de l’histoire de l’art. Les pastiches de ses œuvres et les faux ont proliféré sur le marché de l’art européen et américain dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, rappelle Letizia Treves. Si c’est un pastiche, il a été réalisé avec un talent si remarquable que sa longue attribution à Goya a convaincu plusieurs générations de spécialistes et de visiteurs du musée. »« Goya: The Portraits », à la National Gallery de Londres, jusqu’au 10 janvier 2016.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) Le milieu littéraire belge est en émoi suite à la publication par Patrick Roegiers de « L’Autre Simenon ». Peu de gens s’en préoccupaient jusqu’à aujourd’hui, mais Georges Simenon avait un frère cadet, Christian. Ce dernier s’engagea dans le mouvement pro-nazi Rex, fondé par le tribun belge Léon Degrelle, et participa, en août 1944, à l’exécution de 26 civils, près de Charleroi. Dans quelle mesure cet être sans consistance, condamné à mort par contumace, fut-il influencé, voire manipulé, par l’écrivain belge le plus lu dans le monde ?L’engagement du cadet dans un parti qui prônait la « germanité » des Wallons d’un côté, l’opportunisme de l’aîné, qui passa la guerre dans une demeure vendéenne en s’arrangeant au mieux de ses intérêts avec l’occupation allemande de l’autre, n’étaient-ils, en réalité, que « les deux faces d’une même médaille », celle de la collaboration la plus hideuse ?C’est Patrick Roegiers, auteur de L’Autre Simenon (Grasset), qui pose la question. Son livre, un roman qui mêle réalité historique et fiction, crée une belle pagaille dans le petit monde des lettres belges. Né en Belgique, vivant près de Paris depuis trente-trois ans, cet écrivain a rompu les ponts avec son pays mais continue à puiser de la matière romanesque dans ce royaume qui, avoue-t-il, le hante et le fascine.“Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa”, Patrick Roegiers, auteur de L’Autre SimenonRoegiers ne s’est pas limité à l’exhumation du petit frère oublié : il a inventé un autre destin à Christian en l’engageant dans la Légion Wallonie, partie se battre aux côtés de l’armée d’Hitler sur le front de l’Est avec 5 000 volontaires. Dans le livre, Christian Simenon y décède dans une solitude totale, un « enfer réfrigéré » pour les salauds de son espèce. En réalité, le frère est mort en Indochine en 1947, où il combattait dans la Légion étrangère. Quel lien ce faible rallié à la loi du plus fort entretenait-il avec l’écrivain ? C’est évidemment cette question qui intéresse l’auteur, convaincu que « Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa ».Le père de Maigret a continué de publier sous l’Occupation ; il a travaillé avec la société de production Continental-films, fondée par Joseph Goebbels ; il a appris l’allemand et reçu chez lui des officiers du Reich. A-t-il vraiment collaboré ? Non, plutôt profité de la situation, comme tant d’autres à l’époque. A-t-il influencé son frère ? La correspondance entre les deux hommes aurait pu le révéler… mais elle a disparu. Il semblerait en tout cas que Mme Simenon mère ait été toute dévouée au parti Rex. Geneviève Simenon, petite-nièce de Georges et petite-fille de Christian, affirmera devant le tribunal d’assises qui la juge pour le meurtre de son mari, en 2000, que l’écrivain a « influencé » son cadet. Elle soutient, à l’époque, posséder des documents prouvant ses dires, documents que personne ne lui a, par la suite, jamais demandés de produire.Une violente polémiqueLa polémique fait rage en Belgique : non seulement l’affaire touche à l’une des faces sombres de son histoire, mais elle pourrait endommager la statue de l’homme aux 193 romans (en plus des 176 qu’il rédigea sous 27 pseudonymes) décédé en 1989. Les membres de l’association Les Amis de Simenon, emmenés par l’écrivain Jean-Baptiste Baronian, sont vent debout, reprochant à Patrick Roegiers de semer le doute, de livrer volontairement des contre-vérités et de dire « n’importe quoi » sur un ton de procureur. Quant à John Simenon, fils et ayant droit de l’écrivain, il évoque des « mensonges calomnieux ».Fin septembre, dans un droit de réponse accordé par le quotidien Le Soir, Roegiers a qualifié « [d’] imbécile et de mauvaise foi » l’article de Baronian sur son travail. Un ton assez inhabituel dans des médias belges. Roegiers maintient que « la mise en lumière de Christian, le personnage inconnu, révèle la part d’ombre de Georges Simenon, l’écrivain très connu ». Le commissaire Maigret aurait adoré cette intrigue.Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry La direction de Sony a affirmé, jeudi 8 octobre, être en négociation pour céder la part détenue par le géant japonais de l’électronique et des médias dans le capital de Sony ATV (Associated Television), le premier éditeur mondial de musique, confirmant une information du Wall Street Journal. Dans une note interne, le directeur général de Sony, Michael Lynton, estime qu’il est temps de revoir « notre statut de propriétaire ». La valeur de Sony ATV est estimée autour de 2 milliards de dollars (1,77 milliard d’euros).Sony ATV possède notamment les droits sur la plupart des chansons des Beatles mais aussi de Michael Jackson, et, plus récemment, de Kanye West ou de Taylor Swift. Le capital de Sony ATV est aujourd’hui partagé à parité entre Sony Music et la société qui gère les droits de Michael Jackson.L’histoire de ce catalogue a déjà défrayé la chronique, puisque c’est sur les conseils de Paul McCartney que Michael Jackson avait fait l’acquisition des droits des Beatles, pour 47,5 millions de dollars, en 1985, au grand dam de l’artiste anglais, qui n’avait pas à l’époque les moyens de mener cette opération. Dix ans plus tard, le « King of Pop » avait décidé de former un catalogue commun avec Sony, un accord qui lui avait rapporté 100 millions de dollars.Lire aussi (édition abonnés) : Comment les Beatles ont cédé la majeure partie de leurs chansonsSi la gestion des droits revient aujourd’hui sur le devant de la scène économique, c’est en raison de l’essor du streaming, l’écoute en ligne sans téléchargement de la musique, qui permet de faire remonter à la surface les fonds musicaux et de les mettre en valeur. Or, on ne trouve actuellement les titres des Beatles sur aucune plate-forme de streaming, que ce soit sur Spotify, Deezer ou Apple. L’Américaine Taylor Swift a également émis des réserves sur le streaming, pointant l’absence de retombées financières de ce nouveau mode de consommation musicale.Lire aussi :Le streaming donne un coup de fouet au marché de la musiqueDécouplageEn 2012, Sony avait également acheté EMI Music Publishing qui détient le catalogue de la Motown ou bien encore Police et Queen, moyennant 2,2 milliards de dollars. Pour l’instant, on ignore les intentions du groupe japonais concernant cet actif, complémentaire de Sony ATV. Seule certitude : le géant tokyoïte détient un catalogue de plus de 2 millions de chansons, dont 750 000 dans Sony ATV. Sa part de marché est évaluée à 30 %.Les acheteurs potentiels des 50 % de Sony ATV détenus par le groupe d’électronique sont nombreux. Le plus évident est Universal Music Group, le numéro un mondial de la musique, propriété de Vivendi, qui s’est renforcé sur ce terrain depuis dix ans. Mais Warner Music, l’autre grande major, pourrait aussi être intéressée.Ces négociations ne concernent pas en revanche le label Sony Music Entertainment, qui continue de développer des artistes et de vendre de la musique, sous forme physique (CD, vinyle) ou numérique. Le découplage entre les deux activités s’est accéléré dans les années 2000. Il n’est aujourd’hui pas rare qu’un artiste soit en contrat chez une major ou un label indépendant et que les droits de ses chansons anciennes soit détenus par son précédent éditeur. Jusqu’à présent, l’édition musicale était plutôt la partie cachée des grands deals musicaux. Les enjeux du streaming lui donnent une plus grande acuité.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Samuel Blumenfeld La première de son nouveau spectacle, “On ne peut pas rire de tout”, a eu lieu au lendemain des attentats contre “Charlie”. Sa reprise à la Gaîté-Montparnasse est l'occasion d'évoquer avec le comédien les limites du rire. Vous reprenez votre spectacle, inauguré peu après les attentats de janvier. Dans quel état d'esprit était le public ? Et qu'est-ce que cela a changé pour vous ? L'actualité s'est emparée de mon spectacle, ce qui a changé beaucoup de choses. Car les phrases dites la veille peuvent prendre un sens très différent le lendemain. Mais il y a un avantage à construire ses textes en amont : ils résistent plus facilement au temps, à l'actualité. Je voulais absolument éviter l'écueil du spectacle citoyen, et c'était le plus grand danger après l'attentat contre Charlie Hebdo. Tous les spectateurs ne sont peut-être pas sensibles à ce qu'écrit et dessine le journal. Lire aussi : L’affiche de Patrick Timsit refusée par JCDecauxCombien de temps a pris l'écriture de votre spectacle ? Un an, avec mes deux collaborateurs, Bruno Gaccio et Jean-François Halin. On est minimum, sur un an, à cinq rendez-vous par semaine, de quatre heures par jour. Au départ, j'expose les sujets car c'est moi qui serai sur scène. Il faut assumer ce qu'on va dire. Il y a plein de choses a priori drôles qui seront éliminées pour cette raison. Cet été, j'ai revu quatre fois par semaine Jean-François Halin, puis Ahmed Hamidi, mon metteur en scène, même s'il s'agit en principe d'un spectacle qui a été rodé au Rond-Point. La construction d'un spectacle se fait toujours avec le public, avec des choses à déplacer, à dire différemment, voire à supprimer. C'est un très long travail d'écriture, mes collaborateurs n'en peuvent plus ! Et puis, c'est très injuste, il y a parfois des inspirations : on écrit en cinq minutes, mais c'est justement parce qu'on y a passé toutes ces heures qu'on obtient des fulgurances.“Mon souci n'est pas de savoir si l'on peut rire des musulmans ou des juifs. La question est autre : que veut-on dire sur eux ?”La question de rire de tout - à commencer par les minorités - est au cœur de votre spectacle. Tout comme celle des limites du rire... Bien avant Charlie, j'avais un sketch intitulé Ils sont partout, qui ciblait juifs, catholiques et musulmans. Je n'ai jamais eu de retombées négatives ou de menaces. Sur les sujets que l'on aborde, il faut cerner ceux qui peuvent vous mettre en danger. Quand je dis en danger, je ne parle pas de me faire tirer dessus. Le premier danger, pour moi, est celui de ne pas être drôle. Si un sujet est mal interprété, il sera pris comme une offense. Mon souci n'est pas de savoir si l'on peut rire des musulmans ou des juifs. La question est autre : que veut-on dire sur eux ?A la fin des années 1990, on vous avait reproché un sketch sur les handicapés. Que vous évoque cet épisode aujourd'hui ? En fait, à l'époque, j'ai eu des problèmes avec les valides au sujet des handicapés, jamais avec les handicapés eux-mêmes. Lors de mon procès, qui avait eu lieu alors que l'interdiction du lancer de nain venait d'être prononcée au nom de la maltraitance, j'avais expliqué la chose suivante : de mon point de vue, il y a deux possibilités, sur scène, pour relater cette décision. Je peux dire : « Le lancer de nains est désormais interdit, il était temps » - ce qui n'est pas drôle. Ou alors, plus audacieux : « On vient d'interdire le lancer de nain, dire que j'ai passé trente-trois ans sans lancer un nain alors que j'avais le droit de lancer tous les nains que je voulais ! » Et là, j'obtiens un rire. C'est mon métier. Après cette réflexion, le président du tribunal a décidé d'en rester là. Je ne fais rien pour faire souffrir, ce n'est pas ma mission.« On ne peut pas rire de tout », au théâtre de la Gaîté-Montparnasse. 26, Rue de la Gaîté, Paris 14e. Tél. : 01-43-22-16-18. Jusqu'au 3 janvier 2016. www.gaite.frSamuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.10.2015 à 04h22 • Mis à jour le13.10.2015 à 07h40 Le saxophoniste des Stooges, l’Américain Steve MacKay, est mort des suites d’une infection à l’âge de 66 ans, a annoncé dimanche 11 octobre son camarade Iggy Pop, qui l’avait repéré dans les années 1970. Il combattait une infection générale et grave de l’organisme.MacKay était surtout connu pour son rôle dans le deuxième album du groupe américain, Fun House, sorti en 1970, dans lequel son saxophone tonitruant et libre affirmait une présence rare dans le rock de l’époque, qui se méfiait de cet instrument estampillé jazz et musique savante, adulte. Malgré son influence, Steve MacKay est renvoyé après seulement six mois au sein du groupe, dont les premiers concerts étaient connus pour leur irrégularité, alimentée par la consommation d’héroïne.Le groupe est reformé en 2003 par Iggy Pop, qui décide après une longue carrière solo de rappeler Steve MacKay. Dans l’intervalle de plusieurs décennies qui sépare ces deux périodes Stooges, le saxophoniste joue pour plusieurs groupes, dont The Violent Femmes, groupe punk de Milwaukee (Wisconsin, nord).« Steve était un Américain typique des années 1960, plein de générosité et d’amour pour tous ceux qu’il rencontrait », a affirmé Iggy Pop dimanche 11 octobre. « A chaque fois qu’il portait son saxo à ses lèvres et jouait, il illuminait mon chemin et égayait le monde entier. » Après s’être exilé un temps à Amsterdam pour jouer avec des groupes en Europe, Steve MacKay était revenu dans le Michigan, dans le nord des Etats-Unis, où il avait un petit groupe, Carnal Kitchen. Iggy Pop demeure le seul membre vivant de la formation originale des Stooges, avant la formation avec le guitariste James Williamson.  12.10.2015 à 13h29 • Mis à jour le12.10.2015 à 17h45 | Frédéric Potet On en sait un peu plus du 36e épisode des aventures d’Astérix, Le Papyrus de César, dont la sortie est prévue le 22 octobre. Les deux nouveaux auteurs de la série, Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin), ont dévoilé une petite partie de son contenu, lundi 12 octobre, à l’occasion d’une conférence de presse matinale donnée dans un salon de la tour Eiffel et à laquelle participaient également le cocréateur du célèbre Gaulois Albert Uderzo, 88 ans, et Anne Goscinny, la fille de René Goscinny (mort en 1977).Tiré à 2 millions d’exemplaires en France (4 millions en tout dans le monde entier), l’album traitera d’un sujet très contemporain : le traitement de l’information et le rôle joué par les outils de communication. Le point de départ est la publication, à Rome, de La Guerre des Gaules (De bello Gallico), l’ouvrage en sept livres dans lequel Jules César relate les opérations militaires de sa campagne d’assujettissement des peuples gaulois ayant eu lieu entre 58 et 51-50 av. J.-C. On savait déjà que le rôle du « méchant » était campé par un conseiller occulte de César, également éditeur, du nom de Bonus Promoplus, dont les traits rappellent ceux du publicitaire Jacques Séguéla. On sait désormais qu’un « colporteur sans frontières » fait également partie du casting : il s’appelle Doublepolémix, exerce le métier de correspondant au Matin de Lutèce et ressemble, lui, à Julian Assange.Un autre journaliste apparaît également dans l’album, a-t-on appris par ailleurs. Il n’a pas de nom et travaille pour un organe de presse appelé… Le Mundus, cousin (très) éloigné du quotidien du soir fondé par Hubert Beuve-Méry en 1944. Ce personnage secondaire de l’histoire n’est présent que dans quelques cases, dont celle que nous publions ici en exclusivité.Ne pas voir d’hommage particulier au Monde dans ce détournement : Le Mundus a été baptisé ainsi « simplement parce que c’est un titre dont la sonorité en latin fonctionne, explique Jean-Yves Ferri. L’Expressus ou Le Novum Observatoris, ça marche moins bien. On devine aussi que c’est la référence à Rome en matière de journal. »Ce confrère des temps anciens se révèle être, à l’évidence, un homme de réseaux : « Il fallait un personnage bien en vue des médias romains et en cheville avec Bonus Promoplus, l’éditeur de César, poursuit le scénariste. On apprend au passage que ce journaliste a encensé La Guerre des Gaules dans son article du Mundus – ce que Le Monde, nettement plus impartial, ne ferait pas pour l’œuvre d’un Hollande ou d’un Sarkozy, hein ? » Le dessinateur Didier Conrad lui a donné les traits de Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur des rédactions du Nouvel Observateur, du Figaro et du Point. « Giesbert est un de ces journalistes de la presse écrite dont la tête est connue. Jean d’Ormesson ou Christophe Barbier auraient aussi pu faire l’affaire », explique Jean-Yves Ferri.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Patrick Labesse « Regardez-moi, est-ce que j’ai l’air d’une femme voilée ? » Dans un café parisien, verre de bière en main, une femme s’amuse des clichés, dit-elle, qui traînent et polluent l’esprit des Occidentaux. « Cela arrange tout le monde de dire que nous sommes opprimées en portant le voile, que c’est difficile d’être chanteuse chez nous. » Elégante, solaire, Oum parle comme elle chante, avec un mélange de grâce et de malice enfantine.Soul of Morocco, l’album qui l’a révélée en France, en 2013, avait été réalisé par Sir Ali Alizadeh, un cosmopolite dénicheur de swing, ancien collaborateur du magazine Actuel et de Radio Nova. Le 13 octobre, au Café de la Danse, à Paris, elle présentera son successeur, Zarabi, une rivière de chansons acoustiques écrites en darija, l’arabe dialectal marocain, tressant avec délicatesse soul-jazz et Orient, joies, rêverie et mélancolie. Ce quatrième album a été enregistré aux portes du Sahara, à l’oasis de M’hamid El-Ghizlane. Commune rurale de la province de Zagora, au sud-est de la région du Souss-Massa-Drâa, au Maroc, l’endroit accueille depuis six ans le festival Taragalte, consacré à l’art et à la culture du désert, dont elle est la marraine.« Oum est une femme formidable, une sacrée nana, avec du caractère et du talent. Pour moi, c’est la seule Marocaine à être parfaitement ancrée dans ce que l’on appelle la world music. Un bel arbre, les racines sans sa terre et les branches libres », nous déclare depuis le Maroc, où les radios passent le disque en boucle, une observatrice de la scène culturelle locale. Oum n’y a sans doute pas la notoriété de son compatriote Saad Lamjarred, l’un des champions du moment de la variété orientale (avec notamment son titre Lm3allem), mais elle est appréciée par les trentenaires citadins. Elle se produira prochainement à Visa for Music, Salon international des musiques d’Afrique et du Moyen-Orient, qui se tient à Rabat du 11 au 14 novembre. Ce tremplin devrait lui permettre de développer encore sa carrière à l’international et, par ricochet, d’étendre son audience au Maroc.Origines sahraouiesNée en 1978 à Casablanca, Oum El-Ghait Benessahraoui porte les origines sahraouies de son père dans son nom (qui veut dire « le fils du Sahraoui »). « Ses ancêtres sont de Chinguetti, en Mauritanie. J’ai plus de plaisir et de confort à me sentir rattachée à ces origines-là, à une culture nomade commune à plusieurs pays », plutôt qu’au peuple sahraoui vivant au Sahara occidental, explique la chanteuse. « Je ne me reconnais absolument pas dans ces revendications d’indépendance. Pour moi le peuple sahraoui vivant au Maroc est marocain. » Sujet sensible. On passe. Oum raconte avoir vécu son enfance et son adolescence à Marrakech, « une ville où les sens sont en éveil facilement ». « Je suis issue d’une famille assez modeste, des fonctionnaires, riches de musique, d’idées, de principes. J’ai su très tôt et qu’il fallait que je fasse des études pour travailler. »Après son bac, elle entre à l’école d’architecture de Rabat et travaille sur la restauration de la kasbah de Télouet, située derrière la barrière du Haut-Atlas, entre Marrakech et Ouarzazate. « Un bâtiment curieux, très original, car construit sur plusieurs époques [entre les XVIIIe et XIXe siècles]. Je faisais des relevés – car il n’y avait pas de plans – tout en commençant à gagner un peu d’argent en chantant, de la soul, du jazz, pour de l’événementiel, dans des restaurants… » Sans penser à devenir chanteuse, assure-t-elle. « Il n’y avait pas de documents graphiques de la kasbah. Je les ai faits. J’ai rempli ma mission », lance-t-elle en riant. Elle n’ira pas, néanmoins, soutenir son mémoire ; continuant de plus en plus à chanter, elle rejoint la jeune mouvance musicale alternative émergeant à Casablanca.« Des gens qui avaient mon âge, chantaient en arabe dialectal marocain sur des musiques pas exactement marocaines ou traditionnelles. Je ne voulais pas chanter du rock ou du reggae, ce qu’ils appelaient “fusion”. Je n’aime pas ce mot. Pour moi, c’est un concept, pas un genre de musique. » Ces rappeurs et rockeurs étaient « très énervés », se souvient-elle. Elle ne l’était pas hier, et ne l’est pas plus aujourd’hui : « J’aime ce qui nous dépasse et nous rend fort : la nuit, le ciel du désert, l’absence, le souvenir. »Zarabi. 1 CD LOF Music – MDC-Harmonia Mundi. En concert le 13 octobre à 20 heures au Café de la Danse, 5, passage Louis-Philippe, 75011 Paris.Patrick LabesseJournaliste au Monde Stéphane Davet (Sainte-Marie-aux-Mines, envoyé spécial) Dès l’inauguration de sa 12e édition, vendredi 9 octobre, à Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin), le festival C’est dans la vallée entraîne vers d’autres territoires que les sentiers rebattus des rassemblements rock. Après des collaborations avec des chanteurs (Alain Bashung, Jacques Higelin), des écrivains (Olivier Cadiot, Pierre Alféri), une actrice (Jeanne Balibar), des auteurs de bandes dessinées (Dupuy et Berbérian), le chanteur guitariste Rodolphe Burger, créateur et maître de cérémonie de cet événement alsacien, prête aujourd’hui sa voix ténébreuse et son blues languide à six comédiens professionnels, handicapés, de la compagnie Catalyse.Au théâtre municipal, un ballet fragile et habité se déploie, comme si d’étranges personnages de conte venaient enlacer un shaman du delta. Une complicité émouvante et poétique qui devrait se prolonger autour d’un spectacle consacré à Louis II de Bavière. Tout ce petit monde se retrouve ensuite au pot de lancement où on peut mesurer l’ambiance familiale du festival. Au sens propre – au vu des nombreux représentants de la généalogie Burger –, mais aussi en termes de fraternité artistique constituée au fil des ans et des rencontres.Aventures atypiquesEn 2000, Rololphe Burger s’était rapproché de Sainte-Marie et de cette vallée où il avait grandi, découvert l’activisme rock, avant de s’en éloigner pour poursuivre un cursus universitaire (philo) et une ambition musicale. En 1986, il cofonde le groupe Kat Onoma, resté jusqu’à sa séparation, en 2004, l’une des formations les plus racées de la scène française.Rodolphe Burger était d’abord revenu à Sainte-Marie-aux-Mines en enfant prodigue, donnant des concerts avec son groupe, installant un studio dans la ferme de sa tante. En 2001, il prolongeait l’expérience sous la forme d’un « festival », palliant le manque de moyens par un surplus d’idées et de convivialité. « Le but était de proposer des formes particulières dans des lieux particuliers, sans faire la course au box office » avec un budget limité à 200 000 euros. En se servant d’un réseau de connaissances nourri par la pluridisciplinarité de ses mille projets. Chaque édition de C’est dans la vallée – biennale depuis 2013 – se construit grâce à ces connexions et ces aventures atypiques.Cette année, on a rejoint, par exemple, la contrebassiste Sarah Murcia et le danseur chanteur américain Mark Tompkins dans les couloirs humides de l’ancienne mine d’argent de Tellure. Devant 80 spectateurs dont les lampes de casque de mineur les font ressembler à une colonie de lucioles, ces complices réguliers de Burger se réchauffent en reprenant des chansons des Sex Pistols (également thèmes du prochain album de Sarah Murcia, Never Mind the Future) sur un mode jazz cabaret, décalant la violence des textes.De purs moments de rock’n’rollDécouverte par Burger lors de l’une de ses balades dans la vallée, une ancienne église récemment réhabilitée en savonnerie bio accueillait une création, J’entends plus le pinceau, où le percussionniste Mahut (fidèle de Jacques Higelin) tentait de dialoguer avec le dessinateur Charles Berbérian.Le lieu atteindra-t-il le statut mythique de la petite église de Saint-Pierre sur l’Hâte, dont l’intimisme boisé et l’éclairage aux chandelles a produit quelques-uns des souvenirs les plus marquants du festival (Kat Onoma, Alain Bashung, Jean-Louis Murat…) ? Une ambiance qui profita ce week-end au trompettiste Erik Truffaz et à quatre allumés de la guitare improvisée (Seb Martel, Noël Akchoté, Gilles Coronado, Jean-François Pauvros).Installations, expositions, projections de films (dont l’esquisse d’un documentaire consacré à Daniel Darc) rythment aussi un événement qui n’oublie pas d’insuffler de purs moments de rock’n’roll dans des bars de Sainte-Marie (le set furieusement « seventies » de The Hook).Le théâtre municipal accueille des live plus traditionnels – magnifique Mansfield TYA et Jeanne Added… Tout en se ménageant des moments uniques comme le concert « Play Kat Onoma »donné par Rodolphe Burger et un ancien membre du groupe, Philippe Poirier. Parallèlement à un album du même nom, il s’agit de revisiter plusieurs des chansons du groupe, accompagné du batteur Arnaud Dieterlen, du clavier Julien Perraudeau, et quantité d’invités du festival (Winter Family, Olivier Mellano, Sarah Murcia…). Un festin dont le panache sombre doit finalement autant aux fantasmes américains qu’à la beauté un peu inquiétante de cette vallée.Stéphane Davet (Sainte-Marie-aux-Mines, envoyé spécial)Journaliste au Monde 10.10.2015 à 08h12 | Alain Constant Documentaire, à 22 h 20, sur Arte A travers un portrait sensible et émouvant, Arte rend hommage au dialoguiste disparu il y a trente ans.Voilà ce qui s’appelle du beau travail. Un documentaire à la fois riche et sensible, bien balancé et surprenant, qui rend hommage avec tact à un homme qui n’aimait pas les cons, ce qui fait du monde. On croit connaître le jongleur de mots hors pair, dialoguiste de 111 films, mais ce documentaire va plus loin que l’habituel portrait du prolo-anar, symbole d’une France à son aise entre bouffe qui tient au corps, potes qui se la jouent et bagatelle avec de jolies blondes.Né en 1920, gosse abandonné du 14e arrondissement, vrai prolo ayant passé une partie de son adolescence à dévorer des livres (« Entre 12 et 22 ans, j’en lisais quatre par jour »), Michel Audiard se livre face caméra. Mais comme le type est élégant, donc pudique, ce sont les autres qui en parlent le mieux. Et les autres, ce sont les Jean Gabin, Pierre Brasseur, Bernard Blier, Mireille Darc, Lino Ventura, Jean Carmet, ou son fils, Jacques Audiard, dont les témoignages sont souvent bouleversants.Tour à tour livreur de journaux, critique de cinéma, auteur de polars, Michel Audiard rêvait d’être coureur cycliste professionnel. Il obtiendra un diplôme de soudeur avant de plonger dans les dialogues qui firent sa légende.Le mépris de Truffaut« Dans la vie, il vaut mieux avoir trente copains et se méfier des autres ! », résumait-il. « Au sortir de la guerre, le cinéma français a été un formidable ascenseur social », rappelle Jacques Audiard, qui porte sur son père un regard aussi tendre que lucide.n 1955, la rencontre entre Audiard et Gabin est déterminante. Les deux hommes feront dix-sept films ensemble. « Il donnait des choses absolument délicieuses à manger aux comédiens ! », résume le journaliste Alain Riou.D’inévitables extraits des Tontons flingueurs viennent rappeler quelques mémorables envolées, mais le documentaire a le mérite d’aller aussi vers des zones plus turbulentes, plus intimes. De souligner, par exemple, le mépris des cinéastes de la Nouvelle Vague, Truffaut en tête, pour ses dialogues. Ou de rappeler comment, après le décès accidentel de l’un de ses deux fils, Audiard se remit au travail, publiant notamment un roman (La Nuit, le Jour et toutes les Autres Nuits) et écrivant avec son fils Jacques Mortelle randonnée, unfilm dans lequel le deuil tient une place centrale et dont le premier rôle est tenu par Michel Serrault, qui connut, lui aussi, la douleur de perdre un enfant.J’parle pas aux cons, ça les instruit, d’Yves Riou et Philippe Pouchain (France, 2015, 55 min). Dimanche 11 octobre, à 22 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Josyane Savigneau C’était une encyclopédie vivante du mouvement Dada, un homme charmant, de grande culture, curieux de tout, qui aimait la vie et les longs débats entre amis, autour d’un verre. Marc Dachy est mort d’un cancer, jeudi 8 octobre à Paris, à l’âge de 62 ans.Il avait publié son dernier livre au printemps, Il y a des journalistes partout. De quelques coupures de presse relatives à Tristan Tzara et André Breton (Gallimard, « L’Infini »). C’était une étude, à la fois érudite et pleine d’humour, à partir d’articles de presse – certains assez récents – sur le dadaïsme et sur Breton.Dachy avait parfois la dent dure avec des contributeurs – le poète Alain Bosquet par exemple – mais savait toujours admirer – les textes d’Aragon en particulier.Son humour était aussi dans le choix du titre de ce livre dont il ne savait pas qu’il serait le dernier. Car Il y a des journaliste partout est tiré d’une lettre de 1917 de Tristan Tzara à Francis Picabia. L’intégralité de la phrase est : « Je m’imagine que l’idiotie est partout la même puisqu’il y a partout des journalistes. »Tout savoir sur DadaLa passion de Marc Dachy pour Dada a commencé très tôt, en Belgique où il est né en 1952. Il avait à peine 18 ans quand il a découvert Clément Pansaers (1885-1922) – il a publié en 1986 une sélection de textes de celui-ci (Ed. Gérard Lebovici/Champ libre). A partir de là, il a voulu tout savoir de Dada. Pas seulement de Tristan Tzara (1896-1963), fondateur du mouvement à Zurich avec Hugo Ball en 1916 et arrivé à Paris en 1920. « Breton attendait Tzara impatiemment, comme en témoigne la correspondance passionnée et intelligente qu’ils entretenaient entre Zurich et Paris, précisait Marc Dachy dans un entretien au Monde en 2010. Aragon a écrit, dans son Projet d’histoire littéraire contemporaine et dans d’autres récits, qu’ils attendaient Tzara comme un nouveau Rimbaud, ce qui n’est pas peu dire. »On ne peut pas citer tous les travaux de Marc Dachy sur Dada, mais on relira ou découvrira avec bonheur Tristan Tzara, dompteur des acrobates (L’Echoppe, 1992) et son Journal du mouvement Dada, qui lui valut le Grand prix du livre d’art en 1990 (Skira). Ou, pour un rappel ou une initiation Dada, la révolte de l’art dans la collection « Découvertes » de Gallimard.Une « chronique-collage »Pour les plus curieux, il faut aller du côté des dadaïstes moins célèbres auxquels s’est aussi intéressé Marc Dachy. Kurt Schwitters (1887-1948) notamment, dont il a édité et traduit plusieurs textes et à propos duquel il a publié cette année La Cathédrale de la misère érotique, une réflexion sur le Merzbau, œuvre-phare de Schwitters à l’architecture stupéfiante, unique dans l’histoire de l’art « qui invite à entrer dans l’intelligence des conceptions singulières du génie enjoué de l’artiste » (Ed. Sens & Tonka).En 2005, à propos de la publication d’Archives Dada. Chronique de Marc Dachy (Ed. Hazan), Philippe Dagen écrivait dans Le Monde : « Marc Dachy a inventé une solution qui a deux mérites immenses : elle donne sans cesse la parole aux protagonistes et les introduit avec la plus grande précision. Les Archives Dada sont, comme l’indique le sous-titre, une chronique, plus exactement une chronique-collage. En recherchant des textes oubliés, des témoignages contemporains ou postérieurs, en les traduisant souvent, Dachy rend à Dada et aux dadaïstes leurs propres paroles, leurs timbres singuliers, leurs parti-pris. (...) Chacun de ces montages est composé de sorte que ce qui est de l’ordre de l’unité n’y recouvre pas les oppositions et n’enferme pas Dada dans une cohérence factice. »Dans ces Archives Dada comme dans son ultime livre, on voit combien Marc Dachy avait de l’archive un usage jamais ennuyeux. Il savait, à partir de ses recherches, composer une narration, une « chronique » en effet.Il était aussi directeur de collection et animateur de la revue lunapark, qu’il avait fondée à Bruxelles en 1975 et pour laquelle il a reçu le Prix des créateurs des mains d’Eugène Ionesco. lunapark a interrompu sa parution en 1985 avant de renaître en 2003. Marc Dachy n’en avait pas fini avec ses désirs d’édition, de traduction, et malgré tout ce qu’il a fait pour Dada, pour Gertrude Stein, pour d’autres, son travail demeure inachevé.Marc Dachy en quelques dates5 novembre 1952 Naissance a Anvers (Belgique).1975 Création de la revue lunapark.1990 Journal du mouvement Dada (Skira).2015 Il y a des journalistes partout (Gallimard, « L’Infini »).8 octobre 2015 Mort à Paris.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pierre Rubenach Vous avez été très nombreux, voilà deux semaines, à vous prendre au jeu de notre quiz d'orthographe. Mots étranges, grammaire retorse, culture générale, l'Atelier diktée vous propose en dix questions (parfois tordues) de tester votre connaissance du français.Pierre RubenachRaaaaah !SuivreAller sur la page de ce journaliste 23.10.2015 à 06h33 • Mis à jour le23.10.2015 à 07h18 ARTS. La FIAC, un long fleuve d’art le long de la Seine Visiter la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) se paie cher : 40 euros pour accéder aux deux principaux sites, le Grand Palais et les Docks du quai d’Austerlitz, 35 euros pour le seul Grand Palais. Mais ce peut être aussi, pour partie, totalement gratuit : le programme « hors les murs » (dit « HLM ») se déploie avec une ampleur inédite tout au long de la Seine, du quartier de Beaugrenelle, où un centre commercial accueille un projet inédit, à la Bibliothèque nationale de France, avec deux points forts et ouverts au public, le jardin des Tuileries et le Jardin des plantes. A voir par exemple, ces trois immenses doigts de marbre blanc de Jonathan Monk couchés au milieu de l’allée centrale des Tuileries. Ou bien, place Vendôme, les deux pavillons de verre et d’acier de Dan Graham, dont les vitres joueuses font se confondre la réalité et son reflet, superposent les images de ceux qui regardent et celles de ceux qui sont regardés. Au Jardin des plantes, des sculptures de science-fiction ou des concerts de cactus. Bref, c’est plutôt chic, pour un HLM. Service ArtsLa FIAC, du 22 au 25 octobre, au Grand Palais, sur les Docks du quai d’Austerlitz et parcours « hors les murs ». DANSE ET CHEVAUX. Bartabas prend son envolDes anges et des bouchers. Des ailes et des chapelets de saucisses. De l’azur et du sang. Bartabas touille un élixir de sorcier dans sa nouvelle pièce, On achève bien les anges, pour dix cavaliers, six musiciens et trente-cinq chevaux. Un spectacle stupéfiant où Bartabas s’offre la place de la vedette en solo du danseur étoile, valorisé par son corps de ballet d’écuyers et de chevaux. Dans les méandres rocailleux et dépressifs des chansons de Tom Waits, Bartabas s’est faufilé et a rêvé d’antihéros défaits et misérables jusqu’à sombrer dans le caniveau. « Ce sont véritablement les textes de Tom Waits que j’écoute depuis plus de trente ans qui ont amené les personnages », précise-t-il. Avec toujours l’ami cheval en guide et couverture. Et des jets d’humour acide, une envie irrépressible de s’amuser et de se moquer de soi, un sourire en coin lové dans ses favoris. Rosita BoisseauA partir du vendredi 23 octobre, au Fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Le mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20 h 30, le dimanche à 17 h 30. Bartabas.fr MUSIQUE. Carla Bley au Rhino Jazz Festival Compositrice, chef d’orchestre, pianiste et arrangeuse américaine, Carla Bley a dirigé de grands ensembles comme elle a mené des formes plus intimes, tel son trio actuel avec son compatriote et compagnon le bassiste Steve Swallow et le saxophoniste britannique Andy Sheppard. Après le concert du mercredi 21 octobre, au New Morning, à Paris, la petite troupe se rend à Roanne (Loire) au Théâtre municipal, pour le concert final de la 37e édition du Rhino Jazz Festival, organisé dans plusieurs villes et communes de la Loire, du Rhône et de l’Isère. Avec ce trio, chaque soir est une surprise, un renouvellement, une avancée dans l’art de l’improvisation à partir de thèmes qui trouvent leur source dans le jazz, des musiques populaires européennes ou l’écriture classique. Sylvain SiclierThéâtre municipal de Roanne, samedi 24 octobre, à 20 h 30. Tél. : 04-77-71-05-68. 25 €. OPERA. Pénélope tisse et détisse son ouvrage à Strasbourg Anna Caterina Antonacci avait appris le rôle de Pénélope, le rare et unique de Gabriel Fauré, pour un concert en juin 2013 dans le cadre des célébrations du centenaire données au Théâtre des Champs-Elysées. La mezzo italienne, abonnée aux grands rôles tragiques de l’opéra français, n’aura pas eu plus de deux ans à attendre pour que l’Opéra du Rhin lui offre enfin l’occasion d’une incarnation scénique de la fidèle épouse d’Ulysse, sous la baguette de Patrick Davin. Elle succédera à trois monstres sacrés - la créatrice du rôle en 1913, Lucienne Bréval, Germaine Lubin à Paris en 1919 puis en 1943, Régine Crespin dans les années 1960 et Jessye Norman en 1980… Côté mise en scène, le bouillonnant Olivier Py clôturera le diptyque entamé l’année dernière avec Ariane et Barbe-Bleue de Dukas. Marie-Aude RouxOpéra du Rhin, à Strasbourg (69). Du 23 octobre au 3 novembre, à 20 heures. Tél. : 08-25-84-14-84. De 12 € à 85 €. PHOTOGRAPHIE. Les jeux de rôle délirants d’Olivier Culmann à Chalon-sur-Saône Hop un cartable, hop une perruque, hop des moustaches, hop un gros bide… Dans son exposition au Musée Nicéphore-Niépce, à Chalon-sur-Saône, Olivier Culmann ressemble à ces petits personnages de papier que les enfants habillent et déshabillent en un tournemain, pour les faire incarner des rôles différents. Pour son projet « The Others » (les autres), il s’est approprié les pratiques populaires de la photographie en Inde, où les studios ont le vent en poupe, mais où les gens ont aussi un rapport distancé avec les notions de ressemblance et de vraisemblance. Il en tire des jeux de rôle à mourir de rire, qui interrogent sur la nature et les limites de l’exercice du portrait. Claire Guillot« The Others », exposition au Musée Nicéphore-Niépce, Chalon-sur-Saône. Tél. : 03-85-48-41-98. Tous les jours sauf mardi, de 9 h 30 à 11 h 45 et de 14 heures à 17 h 45. Entrée gratuite. Philippe Escande Vous avez aimé les aventures du petit Uber au pays des taxis ? Vous adorerez la saison 2, intitulée « YouTube et ses amis au pays des télés ». Attention, certaines scènes pourront choquer les âmes sensibles. Il y aura du sang et des larmes, sûrement un peu de sexe, mais aussi de la tendresse. Winnie l’Ourson et Blanche-Neige s’en chargeront.Coup sur coup, YouTube et Disney ont annoncé, mercredi 21 octobre, le lancement de services de vidéo à la demande illimitée par abonnement sur Internet. On connaissait Netflix, le robinet à films et séries déjà présent en France, les Américains ont expérimenté ceux de la chaîne HBO, le créateur de Game of Thrones, mais aussi de CBS, Nickelodeon ou NBCUniversal. Mais l’arrivée simultanée, sur ce marché, du géant de l’Internet mondial et du plus célèbre groupe de médias au monde apporte une nouvelle dimension au phénomène. Le tsunami Internet est désormais en vue des côtes du paysage audiovisuel. Avec deux conséquences majeures.Lire aussi :YouTube cherche un relais de croissance en lançant un abonnement payantLa première est que cette vague va redessiner en profondeur le monde de la télévision. Déjà, en août, les résultats d’audience mitigés des grands réseaux télévisés américains au premier semestre 2015 avaient provoqué un crack du secteur en Bourse. En cause, les usagers américains, de plus en plus nombreux à « couper le cordon ». Autrement dit, se désabonner du câble pour ne garder que l’Internet et se reporter sur des abonnements de type Netflix.Le risque pour les chaînes de télévision va bien au-delà de la simple perte d’abonnés. Ils touchent le nerf de la guerre, la publicité. Face à la chute d’audience, les tarifs baissent et les annonceurs, eux aussi, se replient sur le numérique. La télévision traditionnelle, celle du 20 heures de TF1 ou de France 2 et des jeux de M6, est déjà en train de s’affranchir du temps, avec la télévision de rattrapage. Elle est maintenant en train de s’atomiser en myriades de services, à l’image du Web, ou plutôt des applications de son smartphone.La fin d’une époqueD’ailleurs, Apple, l’inventeur des applications mobiles, va annoncer la semaine prochaine sa nouvelle « Apple TV box » avec l’espoir, enfin, de percer dans ce domaine. Cette fois pourrait être la bonne et représenter le futur grand relais de croissance à ses iPhone. « The next big thing », comme aurait dit Steve Jobs.La seconde conséquence de cette nouvelle vague est la validation d’un modèle économique pérenne pour financer le contenu sur Internet. Les succès mondiaux de Netflix et Spotify ont démontré que les clients étaient partout prêts à payer 10 dollars – ou 10 euros – par mois pour l’accès illimité à un contenu de qualité et une ergonomie séduisante. Désormais, les poids lourds, Apple et Google en tête, s’engouffrent dans la brèche. Nous sommes en train de vivre en direct, comme on dit sur TF1, la fin d’une époque, celle du tout-gratuit sur Internet.Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Difficile de nier la légitimité de pionnier de Jean-Michel Jarre, son habileté médiatique, son efficacité d’entrepreneur, aux spectacles grandioses et aux millions de disques vendus, son intelligence politique aussi – il préside, depuis 2013, la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs). Il n’en va pas de même pour sa crédibilité artistique, longtemps contestée, mais que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter.Charité bien ordonnée commençant par soi-même, son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques, qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes « electro », apparaissant comme autant d’adoubements ou de signes d’allégeance.Cette « machine à remonter le temps » ne réécrirait-elle pas quelque peu l’histoire ? Car loin de figurer comme exemples d’innovations inspirantes, les ritournelles synthétiques du Monsieur ont souvent suscité des moues circonspectes, dans les années 1980 et 1990, devant leur lyrisme pour générique télé, leur mégalomanie et leur futurisme d’images d’Epinal.Au fil des interviews livrées lors de son marathon promotionnel, Jarre cite à l’envi sa collaboration, de 1968 à 1972, avec le Groupe de recherches musicales de Pierre Schaeffer. Cependant, c’est sa rouerie de producteur, parolier et compositeur de la variété française du début des années 1970 (au sein de laquelle il sut se montrer parfois brillant, avec Christophe ou Patrick Juvet), plus que sa radicalité expérimentale, qui semble avoir dessiné son répertoire robotique.Une collection de mièvreriesAvant, pendant et après les débuts phonographiques de Jean-Michel Jarre, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui. De l’onirisme spatial de Tangerine Dream (Alpha Centauri, en 1971) au minimalisme ironique de Kraftwerk (opérationnel dès 1974), de la magie de Brian Eno à la verve synth-pop de Depeche Mode, Human League ou New Order, sans oublier les défoulements physiques et charnels des générations house et techno.Ce décalage est à nouveau perceptible sur les collaborations qui ponctuent Electronica, censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Les meilleurs morceaux du disque portent la patte des invités plus que de leur hôte, qu’il s’agisse du romantisme exacerbé de M83 (Glory), de l’élégance de Air (Close Your Eyes), voire de la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone).Le reste oscille entre pop anodine (If..!, avec Little Boots) et ratage intégral (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend – pourtant auteur en 1971 d’une intro synthétique d’anthologie dans Baba O’Riley). En complément, une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin Van Buuren), capables même de ringardiser Massive Attack (Watching You) ou Laurie Anderson (Rely on Me), ne dissipent pas le sentiment général : l’histoire qui nous est ici contée est moins celle d’un genre musical que d’une imposture.Electronica, 1 CD Columbia/Sony Music. jeanmicheljarre.com et www.sonymusic.frStéphane DavetJournaliste au Monde Frédéric Potet A 79 ans, cette Britannique vient de finir de traduire « Le Papyrus de César », sa 36e adaptation en anglais des aventures du Gaulois. Un exploit, tant la BD fourmille de jeux de mots. Anthea Bell l’a fait. Elle est même la seule traductrice à avoir adapté la totalité des 36 albums d’Astérix dans une même langue. Le dernier, Le Papyrus de César, de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad (les nouveaux auteurs de la série), n’a pas échappé à son examen : « C’est un album qui n’a pas été facile à traduire, dit-elle, ce qui est plutôt bon signe » quant à sa qualité.On ne s’attaque pas à un monument aussi complexe linguistiquement qu’Astérix sans se rappeler la nature même de son métier. « Si on préfère l’esprit à la lettre, traduire Astérix n’est pas impossible, affirme Anthea Bell. Même pour les jeux de mots, il y a toujours moyen de trouver quelque chose de semblable, à défaut d’être exact. »De Panoramix à GetafixUn calembour n’en est plus un dès lors qu’il est traduit littéralement : l’ancienne élève du Somerville College d’Oxford (où passèrent Indira Gandhi et Margaret Thatcher) s’est adossée à cette conviction pendant plus de quatre décennies afin de s’autoriser une liberté littéraire qui pourrait presque lui conférer le statut de coauteure de la série dans sa version anglaise.Son apport le plus notable concerne probablement les noms des personnages. Si Obélix et Astérix ont gardé le leur (asterisk et obelisk existent en anglais), Anthea Bell a dû rebaptiser quelque 400 protagonistes. Le barde Assurancetourix est ainsi devenu Cacofonix – l’équivalent anglais d’assurance tous risques (all risk insurance) n’offrant aucun potentiel humoristique. Pour les mêmes raisons, le chien Idéfix a été baptisé Dogmatix outre-Manche, et le chef Abraracourcix à l’embonpoint généreux s’appelle, lui, Vitalstatistix (vital statistics signifiant notamment mensurations).La trouvaille la plus osée d’Anthea Bell reste toutefois Getafix, le nom anglais donné au druide Panoramix. Dans le langage des consommateurs de drogue, « to get a fix » signifie « avoir sa dose » – de là à considérer les Gaulois « camés » à la potion magique, le pas est un peu rapide… « J’aurais pu garder Panoramix vu que l’adjectif panoramic existe aussi en anglais, mais je n’ai pas pu résister à faire ce jeu de mots. » Astérix à la sauce mentheImaginait-elle arriver un jour à ce niveau de créativité quand, à la fin des années 1960, un éditeur spécialisé dans la littérature de jeunesse, Brockhampton Press, lui a proposé de traduire Astérix ? C’était dix ans après le lancement en France de la série. « Personne n’avait osé publier ce personnage trop français pour amuser les anglophones », se souvient-elle.Conscient de la difficulté, Brockhampton Press l’avait alors associée à un professeur de français, Derek Hockridge, dont la mission était d’identifier les références à la culture et à l’actualité françaises dans les albums originaux. Les premiers problèmes ne tarderont pas à surgir.Après Astérix le Gaulois (Asterix the Gaul) et Astérix en Hispanie (Asterix in Spain), le duo part à l’assaut d’Astérix chez les Bretons (Asterix in Britain) dont l’action se déroule… en Grande-Bretagne. Une mise en abyme vertigineuse attend les deux experts. Dans la version originale, les Bretons s’expriment dans un français truffé d’idiotismes anglais : « Il est, n’est-il pas ? », « Je suis très reconnaissant à vous », « Une tasse d’eau chaude avec un nuage de lait, s’il vous plaît »... Inverser le point de vue tout en gardant l’effet comique est impossible. Bell et Hockridge se rendront à Paris pour proposer à Goscinny (qui parlait couramment anglais) leur solution : « L’utilisation d’un anglais précieux et désuet que personne n’a jamais vraiment parlé. »Contourner l’obstacle, trouver ses propres astuces, tout refaire à sa sauce (à la menthe)… Les deux spécialistes vont s’en donner à cœur joie. Comment traduire le titre du quinzième album de la série, La Zizanie, dans lequel Tullius Detritus, un émissaire de César, sème la discorde au village ? Simple : Asterix and the Roman Agent, en référence à James Bond.Shakespeare à la rescousseComment angliciser Ocatarinetabellatchitchix, le prisonnier corse d’Astérix en Corse dont le nom est tiré d’une chanson de Tino Rossi ? Anthea Bell s’est souvenue d’une rengaine de marins peu aimable envers Napoléon (natif de l’île de Beauté), Boney was a warrior, Way-ah-ah. Le personnage s’appellera Boneywasawarriorwayayix – qui dit mieux ?Souvent, comme ici, la traductrice va devoir puiser dans le folklore et la culture britanniques pour se sortir de casse-tête insolubles. Dans Le Cadeau de César, alors qu’Astérix se bat en duel, elle remplace dans sa bouche la célèbre « tirade du nez » de Cyrano de Bergerac par une réplique d’Hamlet croisant le fer avec Laërte.Shakespeare est à nouveau appelé à la rescousse pour modifier le nom du chef breton Zebigbos, qui devient Mykingdomforanos – contraction du « My kingdom for a horse » de Richard III. Même l’hymne national britannique sera détourné afin de renommer deux légionnaires romains en Sendervictorius (Send her victorious) et Appianglorious (Happy and glorious…). Pas de royalties sur les ventesCe goût pour les mots et les jeux qui vont avec, Anthea Bell dit l’avoir hérité de son père, Adrian Bell, un fermier du Suffolk devenu romancier, dont le passe-temps était d’écrire des mots croisés pour le Times. « Il était tout le temps en train de chercher des astuces. Ce qui est un peu mon cas, finalement. Un jeu de mots doit rester un jeu, même quand il s’agit de le traduire », confie cette mère de deux grands enfants (l’un est journaliste, l’autre universitaire).Astérix n’est qu’une petite partie de son activité. Egalement germanophone, c’est par « centaines » qu’elle a traduit des romans, des essais et des livres pour enfants. Le petit Gaulois reste toutefois sa vitrine. Le job est « assez bien payé », reconnaît-elle, mais sans royalties sur les ventes, ce qui est fort dommage : 23 millions d’albums d’Astérix en langue anglaise se sont vendus dans le monde depuis la première traduction.Son alter ego Derek Hockridge est mort il y a deux ans, mais Anthea Bell ne compte pas en rester là, à bientôt 80 ans. « J’aime travailler. Je continuerai jusqu’à ce que les maisons d’édition ne veuillent plus de moi », dit-elle dans le salon de son cottage, entourée de ses chats sacrés de Birmanie. L’un porte le nom d’un personnage du Conte d’hiver de Shakespeare, Mopsa. Un autre s’appelle Violetta, comme l’héroïne de La Traviata. Aucun n’a été baptisé en référence à Astérix. « Les chats se prennent trop au sérieux », assure la vieille dame.Lire aussi :Nous avons lu (et plutôt aimé) le nouvel AstérixCet article est un extrait de celui paru dans le hors-série du Monde « Un héros, une œuvre » intitulé Astérix, l’irréductible, actuellement dans les kiosques, 124 p., 7,90 €.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.10.2015 à 06h23 • Mis à jour le22.10.2015 à 10h34 Frédéric Potet Inutile de chercher. Il s’agit, et de loin, du plus gros tirage de l’édition française cette année, tous genres confondus. Deux millions d’exemplaires du Papyrus de César, le nouvel ­album d’Astérix, sont mis en place ce jeudi 22 octobre. C’est plus du double, par exemple, des ventes cumulées de Millennium 4 (Actes Sud) et de Grey (JC Lattès), les deux best-sellers de la rentrée. « Irréductible », le petit Gaulois ? Invincible, oui. Ses 365 millions de copies écoulées depuis sa création, en 1959, font également d’Astérix la série de bande dessinée la plus vendue au monde.Ce rappel permet de mieux comprendre l’attention qui entoure la sortie de ce nouvel album. Les enjeux sont énormes pour Hachette, propriétaire des éditions Albert-René. Et ce, d’autant plus que la série ne bénéficie plus de l’aura de ses créateurs – René Goscinny (mort en 1977) et Albert Uderzo (88 ans), qui avait repris seul les commandes, du Grand fossé (1980) à Le ciel lui tombe sur la tête (2005) – depuis qu’elle a été confiée à d’autres auteurs. Le Papyrus de César est le deuxième album signé Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin). Si le premier, Astérix chez les Pictes (2013, vendu à 1,9 million d’exemplaires), avait tiré parti d’une certaine indulgence de la part des lecteurs, en tant que curiosité, ce nouveau titre – le 36e de la série – doit être l’album de la ­confirmation. L’assurance que le passage de témoin s’est bien produit.Mécanique éditoriale compliquéeComme pour Astérix chez les Pictes, les auteurs ont dû travailler « sous contrôle », c’est-à-dire sous le triple regard d’Albert Uderzo, d’Anne Goscinny (la fille de René Goscinny) et d’Hachette. « Il ne faut pas exagérer la portée de ce contrôle, coupe Isabelle Magnac, la directrice d’Hachette Illustré. Nous ne sommes présents qu’en filigrane, comme l’est n’importe quel éditeur dans une relation classique avec des auteurs. Le but n’est pas de se subs­tituer à eux, mais de sortir, ensemble, un album de qualité. »Une année d’allers-retours a néanmoins été nécessaire à Jean-Yves Ferri pour finaliser un scénario qu’il mit d’ailleurs longtemps à amorcer, au point de tarder à signer son contrat  : « Je voulais être sûr d’avoir une bonne histoire », dit-il. L’inspiration a fini par surgir, à travers une thématique très actuelle  : le traitement de l’information. Ferri est parti d’un fait historique  : la publication, à Rome, de La Guerre des Gaules, de Jules César. Anne Goscinny ne pouvait qu’approuver l’idée  : « La Guerre des Gaules était le livre de chevet de mon père, qui adorait César, car il le trouvait plus “menteur” que lui. »Le scénario validé, quel « traitement » allait attendre Didier Conrad ? La réalisation d’Astérix chez les Pictes avait été un ­ « enfer » pour le dessinateur, enrôlé au dernier moment, en remplacement d’un salarié du studio Albert-René n’ayant pas fait l’affaire. En seulement huit mois, Conrad avait dû à la fois analyser le style d’Uderzo, apprendre à croquer Astérix, créer de nouveaux personnages et dessiner 44 planches. Redoutant qu’il ne tienne pas les échéances, Hachette avait pensé envoyer aux Etats-Unis – où il vit – une équipe de « petites mains » pour ­réaliser les décors et le lettrage. Avant d’y renoncer.La supervision d’Albert UderzoSoumis à des délais « plus raisonnables », le dessinateur n’a pas eu le sentiment de souffler pour autant. Il lui a d’abord fallu composer avec la supervision d’Albert Uderzo, même si celle-ci s’est révélée limitée. Il y a deux ans, le vieux maître lui avait demandé de retoucher le regard d’Astérix (où manquait une petite lueur blanche) et le pantalon d’Obélix (qui comptait une rayure de trop). Il s’est, là, contenté de faire rectifier le visage d’un personnage secondaire, un Romain, que Conrad avait affublé d’un « gros nez » – or, seuls les Gaulois sont dotés d’appendices arrondis dans Astérix.Il a aussi fallu à Didier Conrad se couler dans le rythme d’une mécanique éditoriale compliquée, en raison de l’envoi ­régulier de ses travaux à Paris pour validation. Un véritable casse-pattes pour le dessinateur  : « Quand vous pensez tenir une bonne expression ou une bonne attitude, une certaine excitation s’empare de vous – excitation qui vous permet alors de travailler plus vite. Le problème est qu’il fallait que mes planches soient lues, relues et approuvées par plusieurs personnes  : j’étais donc obligé d’interrompre le processus au niveau du crayonné, avant de les reprendre deux ou trois mois plus tard. »Un dernier obstacle, comparable au rocher de Sisyphe, s’est mis en travers de sa table à dessin  : « A force de travailler dans un style qui n’est pas le vôtre, votre œil se fait plus précis et mesure mieux la distance qu’il reste à parcourir. Bref, plus vous avancez et plus l’objectif s’éloigne, poursuit Didier Conrad. Comme je ne suis pas Uderzo, je ne pense pas comme lui. Il m’a fallu trouver une façon de faire qui puisse correspondre à son style en sachant que lui-même aurait fait différemment pour dessiner telle scène. »Jean-Yves Ferri a traversé les mêmes affres, lui dont le scénario a continué d’évoluer au fil de la mise en images. « N’étant pas Goscinny, je n’ai pas eu d’autre choix que d’écrire une histoire comme je l’aurais fait pour un album personnel, et me demander, ensuite, si ce que je racontais était raccord avec son style. C’est là que les ennuis ont commencé », s’amuse-t-il. Le succès d’Astérix est fondé, selon lui, sur « une recette perdue », qui n’existe plus en bande dessinée  : « Un mélange d’aventure et d’humour, un thème assez bien documenté, un certain rythme… Tout coule de source, ça a l’air facile mais ce n’est pas évident. »Une seule certitude habite finalement le scénariste et le dessinateur  : « On ne s’approprie pas l’univers d’Astérix en deux albums », disent-ils en écho, sans savoir s’ils seront reconduits pour un troisième épisode. « On se sent maintenant une ­certaine responsabilité vis-à-vis d’Astérix », plaide Jean-Yves Ferri. « On verra ce que les auteurs nous proposent », élude ­Isabelle Magnac. On verra, surtout, si les lecteurs seront au rendez-vous de ce Papyrus au tirage astronomique.Lire aussi :Nous avons lu (et plutôt aimé) le nouvel AstérixFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire, à 22 h 20, sur Arte A travers un portrait sensible et émouvant, Arte rend hommage au dialoguiste disparu il y a trente ans.Voilà ce qui s’appelle du beau travail. Un documentaire à la fois riche et sensible, bien balancé et surprenant, qui rend hommage avec tact à un homme qui n’aimait pas les cons, ce qui fait du monde. On croit connaître le jongleur de mots hors pair, dialoguiste de 111 films, mais ce documentaire va plus loin que l’habituel portrait du prolo-anar, symbole d’une France à son aise entre bouffe qui tient au corps, potes qui se la jouent et bagatelle avec de jolies blondes.Né en 1920, gosse abandonné du 14e arrondissement, vrai prolo ayant passé une partie de son adolescence à dévorer des livres (« Entre 12 et 22 ans, j’en lisais quatre par jour »), Michel Audiard se livre face caméra. Mais comme le type est élégant, donc pudique, ce sont les autres qui en parlent le mieux. Et les autres, ce sont les Jean Gabin, Pierre Brasseur, Bernard Blier, Mireille Darc, Lino Ventura, Jean Carmet, ou son fils, Jacques Audiard, dont les témoignages sont souvent bouleversants.Tour à tour livreur de journaux, critique de cinéma, auteur de polars, Michel Audiard rêvait d’être coureur cycliste professionnel. Il obtiendra un diplôme de soudeur avant de plonger dans les dialogues qui firent sa légende.Le mépris de Truffaut« Dans la vie, il vaut mieux avoir trente copains et se méfier des autres ! », résumait-il. « Au sortir de la guerre, le cinéma français a été un formidable ascenseur social », rappelle Jacques Audiard, qui porte sur son père un regard aussi tendre que lucide.n 1955, la rencontre entre Audiard et Gabin est déterminante. Les deux hommes feront dix-sept films ensemble. « Il donnait des choses absolument délicieuses à manger aux comédiens ! », résume le journaliste Alain Riou.D’inévitables extraits des Tontons flingueurs viennent rappeler quelques mémorables envolées, mais le documentaire a le mérite d’aller aussi vers des zones plus turbulentes, plus intimes. De souligner, par exemple, le mépris des cinéastes de la Nouvelle Vague, Truffaut en tête, pour ses dialogues. Ou de rappeler comment, après le décès accidentel de l’un de ses deux fils, Audiard se remit au travail, publiant notamment un roman (La Nuit, le Jour et toutes les Autres Nuits) et écrivant avec son fils Jacques Mortelle randonnée, unfilm dans lequel le deuil tient une place centrale et dont le premier rôle est tenu par Michel Serrault, qui connut, lui aussi, la douleur de perdre un enfant.J’parle pas aux cons, ça les instruit, d’Yves Riou et Philippe Pouchain (France, 2015, 55 min). Dimanche 11 octobre, à 22 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Josyane Savigneau C’était une encyclopédie vivante du mouvement Dada, un homme charmant, de grande culture, curieux de tout, qui aimait la vie et les longs débats entre amis, autour d’un verre. Marc Dachy est mort d’un cancer, jeudi 8 octobre à Paris, à l’âge de 62 ans.Il avait publié son dernier livre au printemps, Il y a des journalistes partout. De quelques coupures de presse relatives à Tristan Tzara et André Breton (Gallimard, « L’Infini »). C’était une étude, à la fois érudite et pleine d’humour, à partir d’articles de presse – certains assez récents – sur le dadaïsme et sur Breton.Dachy avait parfois la dent dure avec des contributeurs – le poète Alain Bosquet par exemple – mais savait toujours admirer – les textes d’Aragon en particulier.Son humour était aussi dans le choix du titre de ce livre dont il ne savait pas qu’il serait le dernier. Car Il y a des journaliste partout est tiré d’une lettre de 1917 de Tristan Tzara à Francis Picabia. L’intégralité de la phrase est : « Je m’imagine que l’idiotie est partout la même puisqu’il y a partout des journalistes. »Tout savoir sur DadaLa passion de Marc Dachy pour Dada a commencé très tôt, en Belgique où il est né en 1952. Il avait à peine 18 ans quand il a découvert Clément Pansaers (1885-1922) – il a publié en 1986 une sélection de textes de celui-ci (Ed. Gérard Lebovici/Champ libre). A partir de là, il a voulu tout savoir de Dada. Pas seulement de Tristan Tzara (1896-1963), fondateur du mouvement à Zurich avec Hugo Ball en 1916 et arrivé à Paris en 1920. « Breton attendait Tzara impatiemment, comme en témoigne la correspondance passionnée et intelligente qu’ils entretenaient entre Zurich et Paris, précisait Marc Dachy dans un entretien au Monde en 2010. Aragon a écrit, dans son Projet d’histoire littéraire contemporaine et dans d’autres récits, qu’ils attendaient Tzara comme un nouveau Rimbaud, ce qui n’est pas peu dire. »On ne peut pas citer tous les travaux de Marc Dachy sur Dada, mais on relira ou découvrira avec bonheur Tristan Tzara, dompteur des acrobates (L’Echoppe, 1992) et son Journal du mouvement Dada, qui lui valut le Grand prix du livre d’art en 1990 (Skira). Ou, pour un rappel ou une initiation Dada, la révolte de l’art dans la collection « Découvertes » de Gallimard.Une « chronique-collage »Pour les plus curieux, il faut aller du côté des dadaïstes moins célèbres auxquels s’est aussi intéressé Marc Dachy. Kurt Schwitters (1887-1948) notamment, dont il a édité et traduit plusieurs textes et à propos duquel il a publié cette année La Cathédrale de la misère érotique, une réflexion sur le Merzbau, œuvre-phare de Schwitters à l’architecture stupéfiante, unique dans l’histoire de l’art « qui invite à entrer dans l’intelligence des conceptions singulières du génie enjoué de l’artiste » (Ed. Sens & Tonka).En 2005, à propos de la publication d’Archives Dada. Chronique de Marc Dachy (Ed. Hazan), Philippe Dagen écrivait dans Le Monde : « Marc Dachy a inventé une solution qui a deux mérites immenses : elle donne sans cesse la parole aux protagonistes et les introduit avec la plus grande précision. Les Archives Dada sont, comme l’indique le sous-titre, une chronique, plus exactement une chronique-collage. En recherchant des textes oubliés, des témoignages contemporains ou postérieurs, en les traduisant souvent, Dachy rend à Dada et aux dadaïstes leurs propres paroles, leurs timbres singuliers, leurs parti-pris. (...) Chacun de ces montages est composé de sorte que ce qui est de l’ordre de l’unité n’y recouvre pas les oppositions et n’enferme pas Dada dans une cohérence factice. »Dans ces Archives Dada comme dans son ultime livre, on voit combien Marc Dachy avait de l’archive un usage jamais ennuyeux. Il savait, à partir de ses recherches, composer une narration, une « chronique » en effet.Il était aussi directeur de collection et animateur de la revue lunapark, qu’il avait fondée à Bruxelles en 1975 et pour laquelle il a reçu le Prix des créateurs des mains d’Eugène Ionesco. lunapark a interrompu sa parution en 1985 avant de renaître en 2003. Marc Dachy n’en avait pas fini avec ses désirs d’édition, de traduction, et malgré tout ce qu’il a fait pour Dada, pour Gertrude Stein, pour d’autres, son travail demeure inachevé.Marc Dachy en quelques dates5 novembre 1952 Naissance a Anvers (Belgique).1975 Création de la revue lunapark.1990 Journal du mouvement Dada (Skira).2015 Il y a des journalistes partout (Gallimard, « L’Infini »).8 octobre 2015 Mort à Paris.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pierre Rubenach Vous avez été très nombreux, voilà deux semaines, à vous prendre au jeu de notre quiz d'orthographe. Mots étranges, grammaire retorse, culture générale, l'Atelier diktée vous propose en dix questions (parfois tordues) de tester votre connaissance du français.Pierre RubenachRaaaaah !SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde 09.10.2015 à 11h47 • Mis à jour le09.10.2015 à 19h03 | Emmanuelle Jardonnet La situation est des plus ironiques pour la National Gallery. Alors que le musée londonien a choisi de consacrer sa grande exposition de la rentrée aux talents de portraitiste de Francisco de Goya (1746-1828), rassemblant pour l’occasion quelque 70 toiles du peintre espagnol, l’attribution même de l’un des deux portraits de sa propre collection est remise en cause.Jusqu’ici, la pâle Doña Isabel de Porcel, posant avec la mantille noire typique des tenues de l’aristocratie espagnole de la fin du XVIIIe siècle, était pourtant considérée comme l’un des fleurons du musée, exposé au sein de ses galeries permanentes. Or, depuis l’ouverture de l’exposition, mercredi 7 octobre, le carton placé à côté de l’œuvre évoque, pour la première fois, des doutes sur sa provenance.Ces réserves ont surgi lors de la préparation de l’exposition, comme le révélait Culture24, site britannique spécialisé dans l’actualité artistique, le 5 septembre. C’est la confrontation entre des tableaux, des dessins et des miniatures peu ou jamais réunis auparavant, en provenance de collections publiques et privées du monde entier, qui a amené certains spécialistes à remettre en cause l’attribution, forçant l’institution à aborder ouvertement la question.« Une opportunité unique »« L’attribution d’une peinture repose largement sur des perceptions de sa qualité et sur sa proximité avec des œuvres qui sont indiscutablement du peintre », rappelle Letizia Treves, conservatrice des peintures italiennes et espagnoles de 1600 à 1800 à la National Gallery, pour qui l’accrochage constitue une « opportunité unique ». Or, comparée aux autres portraits, la technique du tableau semblerait moins subtile, en particulier dans les transparences et les textures. Une autre caractéristique du peintre, dans sa façon inconventionelle d’aborder les portraits en montrant l’état psychologique de ses modèles, serait également moins saillante. « Les études techniques et les informations sur la provenance [du tableau] ne sont pas concluantes pour une attribution à Goya », admet-elle.Le musée accompagne ainsi l’œuvre de toutes les informations dont il dispose. Le modèle a été identifié comme étant Doña Isabel de Porcel sur la foi d’une inscription à l’arrière de la toile. Il est avéré que le peintre avait exposé un portrait de cette aristocrate à Madrid en 1805, et le lien a été fait avec cette peinture. Elle avait épousé Antonio Porcel, secrétaire d’Etat pour les colonies espagnoles en Amérique trois ans auparavant, en 1802. En 1806, le peintre avait également réalisé le portrait de son mari, allié politique de son propre ami et mécène, Gaspar Melchor de Jovellanos, dont le portrait fait partie de l’accrochage londonien.Celui d’Antonio Porcel est parti en fumée lors de l’incendie du Jockey Club de Buenos Aires en 1953. La National Gallery s’est portée acquéreuse du tableau en 1896, la même année que ses deux premiers achats de toiles du maître (une scène de pique-nique et une autre de conte fantastique). Il n’était alors déjà plus la propriété des descendants du modèle. Selon les informations recueillies, ces derniers l’avaient, en effet, vendu vers 1887 à une autre famille espagnole, à laquelle le musée l’a racheté.Portrait cachéEn 1981, le tableau avait déjà créé la surprise, des images aux rayons X révélant alors un autre portrait, celui d’un homme à costume rayé, sous les couches de peinture. Bien que les traits du modèle masculin soient parfaitement nets (l’image au rayon X accompagne le tableau dans l’exposition), le musée n’avait pu faire de rapprochement physique avec aucun autre portrait connu de Goya.Le recyclage des toiles à la fin du XIXe siècle en Espagne, alors que le pays était secoué par une profonde crise politique, était assez courant, certains mécènes ayant notamment pu tomber en disgrâce politique. Ce n’était en tout cas pas une exception dans l’œuvre du peintre. Selon des analyses du musée, c’est d’ailleurs le cas pour l’autre portrait dont il est en possession : celui du duc de Wellington. A la différence près qu’une couche d’apprêt recouvrait là le premier tableau, le rendant presque inaccessible aux rayons X, tandis que Doña Isabel a été peinte directement sur le premier tableau sans couche intermédiaire – l’absence de poussière entre les deux couches semble d’ailleurs indiquer que son portrait a été peint rapidement après le premier.« Goya est l’un des peintres les plus admirés et copiés de l’histoire de l’art. Les pastiches de ses œuvres et les faux ont proliféré sur le marché de l’art européen et américain dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, rappelle Letizia Treves. Si c’est un pastiche, il a été réalisé avec un talent si remarquable que sa longue attribution à Goya a convaincu plusieurs générations de spécialistes et de visiteurs du musée. »« Goya: The Portraits », à la National Gallery de Londres, jusqu’au 10 janvier 2016.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) Le milieu littéraire belge est en émoi suite à la publication par Patrick Roegiers de « L’Autre Simenon ». Peu de gens s’en préoccupaient jusqu’à aujourd’hui, mais Georges Simenon avait un frère cadet, Christian. Ce dernier s’engagea dans le mouvement pro-nazi Rex, fondé par le tribun belge Léon Degrelle, et participa, en août 1944, à l’exécution de 26 civils, près de Charleroi. Dans quelle mesure cet être sans consistance, condamné à mort par contumace, fut-il influencé, voire manipulé, par l’écrivain belge le plus lu dans le monde ?L’engagement du cadet dans un parti qui prônait la « germanité » des Wallons d’un côté, l’opportunisme de l’aîné, qui passa la guerre dans une demeure vendéenne en s’arrangeant au mieux de ses intérêts avec l’occupation allemande de l’autre, n’étaient-ils, en réalité, que « les deux faces d’une même médaille », celle de la collaboration la plus hideuse ?C’est Patrick Roegiers, auteur de L’Autre Simenon (Grasset), qui pose la question. Son livre, un roman qui mêle réalité historique et fiction, crée une belle pagaille dans le petit monde des lettres belges. Né en Belgique, vivant près de Paris depuis trente-trois ans, cet écrivain a rompu les ponts avec son pays mais continue à puiser de la matière romanesque dans ce royaume qui, avoue-t-il, le hante et le fascine.“Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa”, Patrick Roegiers, auteur de L’Autre SimenonRoegiers ne s’est pas limité à l’exhumation du petit frère oublié : il a inventé un autre destin à Christian en l’engageant dans la Légion Wallonie, partie se battre aux côtés de l’armée d’Hitler sur le front de l’Est avec 5 000 volontaires. Dans le livre, Christian Simenon y décède dans une solitude totale, un « enfer réfrigéré » pour les salauds de son espèce. En réalité, le frère est mort en Indochine en 1947, où il combattait dans la Légion étrangère. Quel lien ce faible rallié à la loi du plus fort entretenait-il avec l’écrivain ? C’est évidemment cette question qui intéresse l’auteur, convaincu que « Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa ».Le père de Maigret a continué de publier sous l’Occupation ; il a travaillé avec la société de production Continental-films, fondée par Joseph Goebbels ; il a appris l’allemand et reçu chez lui des officiers du Reich. A-t-il vraiment collaboré ? Non, plutôt profité de la situation, comme tant d’autres à l’époque. A-t-il influencé son frère ? La correspondance entre les deux hommes aurait pu le révéler… mais elle a disparu. Il semblerait en tout cas que Mme Simenon mère ait été toute dévouée au parti Rex. Geneviève Simenon, petite-nièce de Georges et petite-fille de Christian, affirmera devant le tribunal d’assises qui la juge pour le meurtre de son mari, en 2000, que l’écrivain a « influencé » son cadet. Elle soutient, à l’époque, posséder des documents prouvant ses dires, documents que personne ne lui a, par la suite, jamais demandés de produire.Une violente polémiqueLa polémique fait rage en Belgique : non seulement l’affaire touche à l’une des faces sombres de son histoire, mais elle pourrait endommager la statue de l’homme aux 193 romans (en plus des 176 qu’il rédigea sous 27 pseudonymes) décédé en 1989. Les membres de l’association Les Amis de Simenon, emmenés par l’écrivain Jean-Baptiste Baronian, sont vent debout, reprochant à Patrick Roegiers de semer le doute, de livrer volontairement des contre-vérités et de dire « n’importe quoi » sur un ton de procureur. Quant à John Simenon, fils et ayant droit de l’écrivain, il évoque des « mensonges calomnieux ».Fin septembre, dans un droit de réponse accordé par le quotidien Le Soir, Roegiers a qualifié « [d’] imbécile et de mauvaise foi » l’article de Baronian sur son travail. Un ton assez inhabituel dans des médias belges. Roegiers maintient que « la mise en lumière de Christian, le personnage inconnu, révèle la part d’ombre de Georges Simenon, l’écrivain très connu ». Le commissaire Maigret aurait adoré cette intrigue.Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry La direction de Sony a affirmé, jeudi 8 octobre, être en négociation pour céder la part détenue par le géant japonais de l’électronique et des médias dans le capital de Sony ATV (Associated Television), le premier éditeur mondial de musique, confirmant une information du Wall Street Journal. Dans une note interne, le directeur général de Sony, Michael Lynton, estime qu’il est temps de revoir « notre statut de propriétaire ». La valeur de Sony ATV est estimée autour de 2 milliards de dollars (1,77 milliard d’euros).Sony ATV possède notamment les droits sur la plupart des chansons des Beatles mais aussi de Michael Jackson, et, plus récemment, de Kanye West ou de Taylor Swift. Le capital de Sony ATV est aujourd’hui partagé à parité entre Sony Music et la société qui gère les droits de Michael Jackson.L’histoire de ce catalogue a déjà défrayé la chronique, puisque c’est sur les conseils de Paul McCartney que Michael Jackson avait fait l’acquisition des droits des Beatles, pour 47,5 millions de dollars, en 1985, au grand dam de l’artiste anglais, qui n’avait pas à l’époque les moyens de mener cette opération. Dix ans plus tard, le « King of Pop » avait décidé de former un catalogue commun avec Sony, un accord qui lui avait rapporté 100 millions de dollars.Lire aussi (édition abonnés) : Comment les Beatles ont cédé la majeure partie de leurs chansonsSi la gestion des droits revient aujourd’hui sur le devant de la scène économique, c’est en raison de l’essor du streaming, l’écoute en ligne sans téléchargement de la musique, qui permet de faire remonter à la surface les fonds musicaux et de les mettre en valeur. Or, on ne trouve actuellement les titres des Beatles sur aucune plate-forme de streaming, que ce soit sur Spotify, Deezer ou Apple. L’Américaine Taylor Swift a également émis des réserves sur le streaming, pointant l’absence de retombées financières de ce nouveau mode de consommation musicale.Lire aussi :Le streaming donne un coup de fouet au marché de la musiqueDécouplageEn 2012, Sony avait également acheté EMI Music Publishing qui détient le catalogue de la Motown ou bien encore Police et Queen, moyennant 2,2 milliards de dollars. Pour l’instant, on ignore les intentions du groupe japonais concernant cet actif, complémentaire de Sony ATV. Seule certitude : le géant tokyoïte détient un catalogue de plus de 2 millions de chansons, dont 750 000 dans Sony ATV. Sa part de marché est évaluée à 30 %.Les acheteurs potentiels des 50 % de Sony ATV détenus par le groupe d’électronique sont nombreux. Le plus évident est Universal Music Group, le numéro un mondial de la musique, propriété de Vivendi, qui s’est renforcé sur ce terrain depuis dix ans. Mais Warner Music, l’autre grande major, pourrait aussi être intéressée.Ces négociations ne concernent pas en revanche le label Sony Music Entertainment, qui continue de développer des artistes et de vendre de la musique, sous forme physique (CD, vinyle) ou numérique. Le découplage entre les deux activités s’est accéléré dans les années 2000. Il n’est aujourd’hui pas rare qu’un artiste soit en contrat chez une major ou un label indépendant et que les droits de ses chansons anciennes soit détenus par son précédent éditeur. Jusqu’à présent, l’édition musicale était plutôt la partie cachée des grands deals musicaux. Les enjeux du streaming lui donnent une plus grande acuité.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Film, à 21 heures, sur France 2 Tiré d’un roman de Patricia MacDonald, le téléfilm manque un peu de perversion pour être un véritable thriller.Le jour de son mariage avec David (Philippe Bas), Emma (Déborah François), psychiatre, est retardée par un patient. C’est heureuse, essoufflée, échevelée et pieds nus qu’elle arrive à la cérémonie. Les signes sont là, pour qui veut bien les saisir : tout ne va pas tourner rond dans ce téléfilm et surtout dans ce couple pourtant promis à un bel avenir.Le téléspectateur n’a d’ailleurs pas longtemps à attendre. La comédie sentimentale est en effet à peine installée que les événements déraillent. Dès le voyage de noces, en réalité, quand Emma se fait agresser par un homme cagoulé dans la maison isolée où les jeunes mariés ont décidé de passer quelques jours. Pour la police, David apparaît comme le suspect numéro un. Son refus de coopérer, son absence au moment des faits, la fortune de la jeune femme dont il hériterait si elle venait à mourir… n’aident pas à contredire les soupçons qui pèsent contre lui. Au point que même Emma commence à douter de son mari.Doute et frissonD’autres menaces surgissent dans la vie de la jeune femme, d’autres indices accusent David dont le passé cache quelques secrets. L’intrigue s’épaissit jusqu’au coup de théâtre final dont on ne dévoilera évidemment rien qui puisse mettre le téléspectateur sur la piste.Sur un scénario écrit par Elsa Marpeau, d’après le roman de Patricia MacDonald, le réalisateur Serge Meynard (La Nuit du meurtre ; Passés troubles ; La Nuit du réveillon) signe un téléfilm qui ne ménage pas ses effets pour installer le doute et créer le frisson.En matière de thriller, le réalisateur sait faire et maîtrise le genre, se référant à l’un de ses maîtres, Alfred Hitchcock, auquel Serge Meynard emprunte certaines mécaniques de suspense. Ce qui nous vaut dans J’ai épousé un inconnu quelques beaux clins d’œil, tant à l’image que sur la bande-son.En revanche, quelque chose cloche dans ce téléfilm dont le ressort principal repose sur la culpabilité ou pas du mari, et, du coup, le malaise et l’inquiétude que cette incertitude devrait faire naître. Or, c’est là que le bât blesse : il est rare que l’on soupçonne réellement le mari de vouloir tuer sa jeune épouse, rare qu’on lui trouve un caractère suffisamment trouble pour douter de sa sincérité. Une faiblesse qui nous laisse, hélas, sur le bord de la route.J’ai épousé un inconnu, de Serge Meynard. Avec Déborah François, Philippe Bas (Fr., 2015, 90 min). Vendredi 9 octobre, à 21 heures, sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde 09.10.2015 à 06h40 • Mis à jour le09.10.2015 à 10h06 A la Gaîté-Lyrique, à Paris, les Danois de Den Sorte Skole ; à Aix-en-Provence, un hommage à Henning Mankell ; au Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, un conte délicat de Jonathan Châtel : ce sont les choix du « Monde ».MUSIQUE. L’imagination foisonnante d’Unsuk Chin, à la Maison de la Radio La compositrice coréenne, Unsuk Chin, figure incontournable de la musique contemporaine depuis plus de vingt ans, est à l’honneur cette année au Festival d’automne dans le cadre de l’Année France-Corée. Sa musique singulière, colorée et raffinée, impose, malgré sa complexité, un impact très direct sur l’auditeur, ne serait-ce que par son sens de l’humour parfois décapant. Trois concerts donnés simultanément les 9 et 10 octobre dans le nouvel auditorium de Radio France permettront de cerner davantage cette personnalité à l’imagination foisonnante pour qui le rêve reste la voie royale de notre exploration du monde. Marie-Aude RouxUnsuk Chin. Maison de la Radio, Paris 16e. Le 9 octobre à 20 heures. Le 10 octobre à 16 heures et 20 heures. Tél. : 01-56-40-15-16. De 10 € à 25 €. maisondelaradio.frTHÉÂTRE. Mohamed El Khatib parle de sa mère, à la Cité internationale Mohamed El Khatib souhaitait à sa mère de « Finir en beauté ». Quand elle s’est retrouvée en soins palliatifs pour un cancer du foie, dans un hôpital près d’Orléans, il l’a filmée. Avec son accord, bien sûr. Mais on ne les voit pas, ces images, dans le spectacle que Mohamed El Khatib consacre à sa mère. Seul en scène, et habité de plein d’histoires qui nous font voyager entre le Maroc et la France, il raconte avec humour, tendresse et délicatesse ce que peut être le chagrin quand la mort est là. Ses mots sont si justes qu’ils ouvrent des portes sur la vie. C’est très beau. Brigitte SalinoFinir en beauté, de et par Mohamed El Khatib, Théâtre de la Cité internationale, 17, boulevard Jourdan Paris-14e. RER : Cité-internationale. Tél. : 01-43-13-50-50. Jusqu’au 23 octobre. Voir les horaires sur Theatredelacite.com. De 7 € à 22 €. Durée : 1 h 10.THÉÂTRE. « Andreas », sur les rivages de la vie, au Théâtre de la Commune Inspiré par la première partie du Chemin de Damas, la trilogie d’August Strindberg, Andreas suit le chemin vers la réconciliation d’un homme qui n’arrive pas à dire « Je veux vivre ». Un long chemin, comme celui de Paul vers la conversion. Le jeune metteur en scène Jonathan Châtel en a tiré un spectacle qui prend la forme d’un conte, et nous mène loin, sur les rivages de la vie. Simple et troublante, cruelle et délicate, cette soirée est illuminée par la présence et le jeu de Nathalie Richard, une comédienne magnifique. B. Sa.Andreas, d’après Strindberg. Mise en scène : Jonathan Châtel. Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Mo : Aubervilliers-Pantin-Quatre-chemins. Tél. : 01-48-33-16-16. Jusqu’au 15 octobre. Voir les horaires sur Lacommune-aubervilliers.fr. De 6 € à 23 €. Durée : 1 h 20.HUMOUR. Christophe Alévêque plus engagé que jamais, au Rond-Point Huit mois après les attentats de Charlie Hebdo, Christophe Alévêque ne lâche rien. « Ça ira mieux demain », chante l’humoriste sur la scène du Théâtre du Rond-Point, à Paris, en réponse à « la sinistrose ambiante qui met de l’engrais sur le pire ». Lui veut faire du rire une arme de réflexion politique massive. Sans abandonner la part d’improvisation qu’il affectionne, il signe, avec Ça ira mieux demain, l’un de ses spectacles les plus aboutis et les plus personnels. Bouleversé par une période où des dessins caricaturaux et une photo d’enfant mort sont capables de changer le cours de l’histoire, il en veut aux philosophes et aux intellectuels « qui, en dénonçant l’émotion, n’ont pas compris la société dans laquelle on vit ». Engagé et à fleur de peau, Christophe Alévêque ne rêve pas du grand soir, mais presque. Sandrine BlanchardÇa ira mieux demain, jusqu’au 7 novembre au Théâtre du Rond-Point (à 18 h 30 jusqu’au 11 octobre puis à 21 heures), 2 bis, avenue Franklin-Roosevelt, Paris 8e. Durée : 1 h 30. De 14 € à 40 €. Theatredurondpoint.frMUSIQUE. Lionel Bringuier rencontre l’Orchestre de Paris, à la Philharmonie. Visage rond et baguette effilée, le chef d’orchestre Lionel Bringuier, fera ses premiers pas avec l’Orchestre de Paris les 14 et 15 octobre. Le Niçois de 29 ans n’est pas un débutant. En 2006, il est devenu le plus jeune chef assistant (et le premier Français) de l’histoire du prestigieux Orchestre philharmonique de Los Angeles, a gravi les échelons de chef associé, assistant puis résident, avant de prendre en septembre 2014 la tête de l’excellent Orchestre de la Tonhalle de Zurich. Sur ses terres, le charismatique Français dirigera un programme plein de charme et d’énergie, du Con Brio de Widmann au folklore hongrois des Danses de Galanta de Kodaly, en passant par les tourments romantiques du Roméo et Juliette de Tchaïkovski et le fameux Concerto pour piano que Schumann écrivit pour sa femme, Clara (au piano, Martin Helmchen). Un programme en forme de déclaration d’amour. Marie-Aude RouxPhilharmonie de Paris, Paris-19e. Salle Philharmonie 1. Les 14 et 15 octobre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 40 €. Philharmoniedeparis.frMUSIQUE. Tribu Festival, à Dijon, premiers jours Pour sa seizième édition, organisée du 10 au 18 octobre, dans plusieurs lieux de Dijon (Côte-d’Or), le Tribu Festival annonce des musiciens venus d’Argentine, du Togo, des Etats-Unis, du Portugal, de Finlande, d’Israël, du Royaume-Uni, du Yemen… Dans des expressions musicales qui puisent dans le jazz, le funk, les musiques du monde, la soul, l’électro etc. Le premier week-end du festival, samedi 10 et dimanche 11, constitue une bonne entrée en matière à ce propos multiple. On pourra assister à une projection d’un film consacré au saxophoniste David Murray (par ailleurs programmé le 13 octobre), découvrir le nouveau répertoire de Ze Tribu Brass Band, fanfare d’une trentaine de musiciens dirigée par Maciek Lasserre, passer une fin d’après-midi avec les sélections du platiniste Riddimdim, prendre une bonne dose de soul avec la chanteuse Nicole Willis… Sylvain SiclierTribu Festival, à Dijon, samedi 10 et dimanche 11 octobre, puis jusqu’au 18 octobre. De 5 € à 27 € selon les lieux et concerts, accès libre à plusieurs spectacles.MUSIQUE. « Percujam », artistes et autistes en concert au Théâtre des Variétés C’est un orchestre un peu particulier, qui réunit de jeunes musiciens autistes et leurs éducateurs. Composée de seize personnes, avec chanteuses, chanteurs et instrumentistes (guitare, basses, claviers, batteries…), la formation, qui s’est donné pour nom « Percujam », a été créée à l’initiative de l’association Futur composé avec Trampoline caméra et la Fondation J. M. Bajen, pour permettre à des jeunes en souffrance de sortir de leur isolement grâce à la maîtrise d’un instrument et au jeu collectif. Au-delà de la musique, chaque concert est une expérience et un moment de partage. Le groupe s’est produit déjà au Cabaret sauvage, à La Villette, à Paris, aux Zénith de Nantes et d’Amiens, etc. Pour accompagner la sortie de leur troisième album, plusieurs concerts sont organisés, dont une soirée au Théâtre des Variétés, à Paris, lundi 12 octobre à 20 heures. En première partie, le collectif Astéréotypie, qui réunit de jeunes autistes autour d’un projet éducatif et artistique, sera sur scène pour présenter des textes, écrits individuellement ou collectivement, qui traduisent leur univers, sur fond de musique pop-rock. Sylvie KervielPercujam, lundi 12 octobre, à 20 heures au Théâtre des Variétés, 7, bd Montmartre, Paris-2e. De 10 € à 30 €. Theatre-des-varietes.frMUSIQUE. Den Sorte Skole, magiciens du sampling, à la Gaîté-LyriqueMené par les DJ danois Martin Hojland et Simon Dokkedal, Den Sorte Skole (« l’école noire ») compose de fascinants puzzles musicaux à partir des univers infinis de leur discothèque. Magiciens du sampling, piochant en poètes ethnomusicologues dans toutes les époques et tous les continents, ils produisent des disques qu’il ne peuvent diffuser sur les circuits commerciaux habituels, leurs compositions aux collages multiples se révélant impossibles à « légaliser » en termes de droits d’auteur. Accessibles par téléchargement gratuit (Densorteskole.net), leurs odyssées musicales se doublent sur scène d’un show visuel envoûtant qui devrait être cette fois projeté sur l’écran à 360 degrés de la salle de la Gaîté-Lyrique. Stéphane DavetDen Sorte Skolle, Vaudou Game et Osunlade, dans le cadre du Festival d’Ile-de-France, le 9 octobre à la Gaîté-Lyrique, 3 bis, rue Papin, Paris-3e. Tél. : 01-53-01-52-00. A 20 heures, 28,60 €.ART. La puissance créatrice de Wifredo Lam, à Beaubourg La rétrospective que consacre le Centre Pompidou à Wifredo Lam (1902-1982) est la première qui soit consacrée au peintre cubain dans un musée parisien depuis celle qui avait eu lieu au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1983, un an après sa mort. L’occasion de vérifier, au fil d’une exposition organisée de manière chronologique, que l’artiste, né de père chinois et de mère mulâtre, était beaucoup plus que « le métis du surréalisme » comme il est trop souvent caricaturé. Catherine David, son auteure, a composé des ensembles qui révéleront à beaucoup la puissance créatrice du peintre. Le mur où sont réunis Les Noces et Nativité de 1947 à Bélial, empereur des mouches de 1948 en est une démonstration remarquable. Philippe DagenWifredo Lam. Centre Pompidou, Paris-4e. Centrepompidou.fr. Du mercredi au lundi de 11 heures à 21 heures, le jeudi jusqu’à 23 heures. Entrée : de 11 € à 14 €.LITTÉRATURE. La Fête du livre rend hommage à Henning Mankell, à Aix-en-Provence L’écrivain suédois Henning Mankell aurait dû être à Aix-en-Provence les 9, 10 et 11 octobre, pour la Fête du livre, qui avait organisé sa trente-deuxième édition, intitulée « Henning Mankell, de la neige au sable », autour de l’œuvre de cette figure du polar nordique. Sa mort, dimanche 4 octobre, a conduit les organisateurs à transformer ce rendez-vous en hommage. Les invités, qui devaient dialoguer avec le « père » de Kurt Wallander – l’auteur chinois Qiu Xiaolong, la scénariste et réalisatrice italienne Francesca Melandri, l’écrivaine et journaliste suédoise Katarina Mazetti, le journaliste et traducteur Gérard Meudal, le comédien Frédéric Pierrot, etc. – seront présents néanmoins pour des débats, rencontres, lectures, projections et séances de signature. S. Ke.Fête du livre, Cité du livre, 8, rue des Allumettes, Aix-en-Provence. Du 9 au 11 octobre. Entrée libre. iutmdl.over-blog.com Francis Marmande Mardi 6 octobre, Eric Bibb & JJ Milteau (il tient à cette orthographe, à prononcer JayJay), guitariste chanteur et harmoniciste historique, étaient à L’Alhambra (Paris 10e). Petite salle en surchauffe, quartet réglé comme un moteur de Stampe, le célèbre biplan inventé pour la voltige aérienne : Eric Bibb, JJ Milteau, Gilles Michel à la basse, Larry Crockett aux drums. Ponctuation parisienne d’une énorme tournée d’été qui aura culminé au festival Jazz à Vienne en juillet, devant un amphithéâtre en lévitation.Lire aussi :Jazz à Vienne : six mille petits éblouis par le big bandA L’Alhambra, décollage en grâce avec Pick a Bale of Cotton, un traditionnel qui relève du country blues et que l’on ne décline pas toujours avec cette fraîcheur. Suivront seize titres, dont trois au rappel, ils figurent sur l’album Lead Belly’s Gold (Dixiefrog/Harmonia Mundi) : Needed Time, Linin’Track, I Heard the Angels Singing. Nuit sous le signe du blues le plus dense, les fantaisies country les plus olé-olé, la joie de jouer et d’aller au plus profond sans le montrer.Nuit zébrée des éclairs d’harmonica (diatonique, of course), du grand Milteau aux airs dandy de western mâtiné hip de banlieue. Eric Bibb, costar très ample, silhouette de tap-dancer (ce qu’on ose encore appeler les claquettes), sombrero de cinéma, est infatigable. On se fiche un peu de l’âge, mais personne au monde ne croirait à ses 65 ans sous ce sourire ado. Milteau, suractif, tant au minuscule et déchirant harmo, qu’en président militant de l’Adami (administration des droits des artistes et musiciens interprètes) qui a fort à faire par les temps qui courent. Un album précieuxCe qui est bien avec le blues, c’est que sous forme très raffinée et combinatoire hyper-sophistiquée, il dit les joies, il dit les peines, et tout le monde s’en fout. Poésie analogue aux plus grandes créations de l’humanité, on le prend encore pour un bricolage archaïque de Nègres assez simplets. C’est très bien ainsi. On n’imagine pas que les troubadours en leur ère aient embêté les braves gens. Nadine Morano peut dormir sur ses oreilles d’âne.La rencontre d’Eric Bibb et JJ Milteau, coutumier des invitations, fait l’objet d’un album précieux : iconographie, maquette, son, textes, traductions des chansons, tout est signé du plus savant des érudits plaisants, Sebastian Danchin et consorts : « Lorsqu’il fut découvert en 1933 dans la tristement célèbre ferme pénitentiaire d’Angola, en Louisiane, Lead Belly ne se doutait pas que sa musique allait bouleverser le cours de son destin tout en faisant entrer dans l’histoire les artisans de son succès, les ethnomusicologues John et Alan Lomax. » Dans ses rêves les plus osés, imaginerait-il jamais que ses chansons, les plus évidentes des chefs-d’œuvre, seraient reprises par Sinatra, Nirvana, Tom Waits ou Bob Dylan ?Le samedi 10 octobre, Eric Bibb et JJ Milteau sont au Nancy Jazz Pulsations, l’énorme rendez-vous de l’automne, avec un programme – une dizaine de groupes par soir ou alors Brad Mehldau en solo (complet) –, dont personne n’a jamais su, dès le premier millésime (1973), sur quel pied le faire danser, jazz, techno, chanson, électro, funk, java, tendances, mais un programme qui ne s’est jamais passé d’une grosse soirée blues : version 2015, donc, Otis Taylor, les très délurés Snarky Puppy et Eric Bibb & JJ Milteau.Lead Belly’s Gold, 1 CD Dixiefrog/Harmonia Mundi. www.jjmilteau.net et eboutique.harmoniamundi.comNancy Jazz Pulsations (NJP), divers lieux, jusqu’au 17 octobre. Samedi 10 octobre : Blick Bassy, Faada Freddy (salle Poirel) ; Marco Barotti / Paradis DJ (L’Autre canal) ; Rubin DJ Set (Magic Mirrors) ; Eric Bibb & JJ Milteau, Otis Taylor, Snarky Puppy (Chapiteau). Jean-Louis Murat (13), Jeanne Added (15), Maceo Parker (16), Yuri Buenaventura, Marcus Miller (17). www.nancyjazzpulsations.comFrancis MarmandeJournaliste au Monde Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Harry Bellet Série documentaire, sur Arte, à 12 h 05 Voyage didactique et ludique dans « Le Peseur d’or et sa femme », allégorie morale de Quentin Metsys.Depuis plus de cinq cents ans, ils comptent leurs sous, ou plutôt les pèsent, mais c’est bien la première fois qu’on voit pencher leur balance : Le Peseur d’or et sa femme, un tableau peint par Quentin Metsys, à Anvers, en 1514, et aujourd’hui conservé au Musée du Louvre, inaugure une nouvelle série diffusée par Arte et coproduite par la Réunion des musées nationaux (RMN) intitulée Les Petits Secrets des grands tableaux.Son originalité ? Son réalisateur, Carlos Franklin, utilise des procédés d’animation – sans toutefois en abuser – pour raconter l’histoire de l’œuvre et le contexte dans lequel elle a vu le jour, mettant en mouvement la ville d’Anvers au XVIe siècle grâce à d’autres images, contemporaines, ou qui, parfois – hélas –, le sont moins. S’il peut faire tiquer les historiens, le résultat est ludique et devrait plaire aux enfants.Imaginé par la journaliste Elisabeth Couturier, qui s’appuie sur l’historienne d’art Cécile Maisonneuve, le texte dit par Clémentine Célarié est clair, didactique, même s’il n’évite pas quelques anachronismes : ainsi, dans ce cas, l’évocation de la Révolte des gueux. Certes, l’iconoclasme calviniste et la guerre que mena Philippe II d’Espagne en Flandres ont leur importance, mais les faits se déroulèrent un demi-siècle après et n’ont rien à voir avec ce tableau-là.En revanche, le commentaire explique très justement l’importance du change – et le développement de la lettre du même nom, ancêtre du chéquier et astucieux moyen de percevoir des intérêts, pratique condamnée par l’Eglise – à l’époque où Anvers est une plaque tournante du commerce international, et où les monnaies peuvent avoir été frappées à Londres comme en Sicile – n’avoir donc ni le même poids ni la même valeur –, mais aussi ses ambiguïtés dans une société alors catholique où la banque est un métier qui sent le soufre.Modération chrétienneMetsys (1466-1530), un des grands artistes de son temps, ami et portraitiste d’Erasme, en rend compte de la manière la plus subtile qui soit : la lumière du tableau laisse l’or dans la pénombre, mais éclaire la Vierge à l’Enfant qui enlumine le bréviaire de l’épouse du changeur. On pourrait croire que l’artiste dénonce la cupidité : ce n’est pas faux, même si c’est mal connaître la profession (saint Antonin de Florence dénonçait déjà l’avidité des peintres au siècle précédent). Metsys le fera d’ailleurs bien plus clairement six ans plus tard dans un autre tableau aux personnages grotesques, intitulé Les Usuriers…Mais là, il s’agit d’abord de rappeler les hommes d’argent à la loi divine : la balance, qui évoque aussi la pesée des âmes, le miroir convexe posé sur la table, qui reflète le beffroi de la cathédrale, la bougie éteinte, qui est un memento mori, bon nombre d’éléments concourent à faire de cette œuvre moins une représentation exacte de la profession de changeur qu’une allégorie voulant inciter les banquiers à une modération chrétienne, voire erasmienne, dans la pratique de leurs affaires. Le regard de la femme, qui se détourne de son bréviaire pour se poser sur le tas de monnaies, est à cet égard éloquent. Un tableau moral, donc, dont on devrait afficher la reproduction dans toutes les salles de marché.Les Petits Secrets des grands tableaux, série écritepar Elisabeth Couturier et Thomas Cheysson et réalisée par Clément Cogitore et Carlos Franklin (Fr., 2015, 10 x 26 min). Dimanche 1er novembre, à 12 h 05, sur Arte.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.10.2015 à 07h27 • Mis à jour le30.10.2015 à 14h23 Christoph Willibald Gluck Orfeo ed Euridice Version originale de Vienne et temps forts de la version de Paris La première version de l’opéra Orfeo ed Euridice, le chef-d’œuvre de Gluck, à Vienne, en 1762, comme si vous y étiez ! Plus qu’aux cornets à bouquin et autres instruments d’époque adoptés par l’Insula Orchestra, la sensation de remonter le temps est surtout liée à la prestation de Franco Fagioli, contre-ténor à même de faire revivre les castrats. « Euridice ! » (en italien), son premier cri… d’Orphée, a quelque chose de surnaturel pour des oreilles du XXIe siècle. Quel timbre ! Des graves de bronze pour une virilité de statue antique, des aigus du troisième type, à mi-chemin entre l’ange et la bête, et un phrasé apte à gommer toute impression de « curiosité ». Sans minimiser les mérites d’Emmanuelle de Negri (fringant Amour), de Malin Hartelius (déchirante Eurydice), et du chœur Accentus (d’une grande noblesse), le chant de Franco Fagioli invite à parler d’un Orfeo retrouvé, au même titre que la direction de Laurence Equilbey qui fouette les sens autant qu’elle les flatte. Pierre Gervasoni3 CD Archiv Produktion.Raury All We Need Raury est ce jeune artiste d’Atlanta, rappeur et chanteur, qui devait être l’une des révélations des Transmusicales de Rennes de 2014. Seulement, à 18 ans, trop de pressions sur ses épaules, l’auteur des très réussis God’s Whisper et Cigarette Song s’était enfermé dans des pauses de rocker, et avait raté son passage devant le public français. Un an plus tard, son premier album, All We Need, confirme en revanche son talent en studio. Aussi inspiré qu’un Frank Ocean dans le texte, Raury enrichit ses compositions à la guitare de trouvailles électro. Epaulé à la production par Malay sur la majorité des titres et notamment sur les remarquables Forbidden Knowledge et CPU, le rap de Raury ne détonne pas face à des seniors comme Big K.R.I.T. ou le maître du Wu Tang Clan, RZA. Il va jusqu’à se mesurer au guitariste de Rage Against The Machine, Tom Morello pour Friends, où Raury raconte comment il se sert de ses amis sur Twitter ou Facebook pour faire le tour des Etats-Unis à moindre coût. A la guitare, à la basse et aux claviers pour Mama, le jeune chanteur prend des intonations pop à la Queen. Sa mère peut être fière. Stéphanie Binet1 CD Columbia/Sony Music.Francesco Cavalli Héroïnes du baroque vénitien Mariana Flores (soprano), Anna Reinhold (mezzo-soprano), Cappella Mediterranea, Clematis, Leonardo Garcia Alarcon (direction) Tel un Midas musicien, Leonardo Garcia Alarcon transforme tout ce qu’il touche en or. Ainsi ce double album, précieux en découvertes, consacré à l’un des maîtres de l’opéra baroque vénitien, Francesco Cavalli (1602-1676). Une quarantaine de scènes et d’airs, extraits de vingt-sept opéras, parcourent, de 1639 à 1667, la vaste production de l’héritier du grand Monteverdi. A la tête de sa brillante Cappella Mediterranea et du bel et ductile ensemble Clematis, la direction électrisante du chef argentin sert magistralement cette musique riche et contrastée, étonnamment théâtrale, subtile et sensuelle. Le plateau soliste est dominé par l’engagement radieux de la soprano argentine Mariana Flores, dont le timbre chaud épouse avec la même aisance l’élégance raffinée et dansante de Didone dans le Re de Getuli altero ou la poignante déploration d’Adelante dans Serse. Inutile de préciser qu’on attend avec impatience les débuts d’Alarcon à l’Opéra de Paris en 2016 dans le dernier chef-d’œuvre de Cavalli, Eliogabalo. Marie-Aude Roux2 CD Ricercar.The Zombies Still Got That Hunger Devenu un groupe culte bien après sa première période d’activité dans les années 1960 (souvent résumée au succès des chansons She’s Not There et Time of The Season et l’album pop-psyché Odessey and Oracle, publié en avril 1968), le groupe britannique The Zombies a plus ou moins repris une activité à partir des années 1990 avec séparations et retrouvailles et la formation originale réduite depuis 1999 au chanteur Colin Blunstone et au claviériste Rod Argent. Leur sixième album, Still Got That Hunger, a pour l’essentiel été écrit et composé par Rod Argent. La pochette réalisée par Terry Quirk, qui avait fait celle d’Odessey and Oracle, constitue un évident clin d’œil. On évolue ici du rock classique dans son imprégnation blues (Moving On, Edge of The Rainbow) à la pop de plaisante facture (Chasing The Past, New York, Now I Know I’ll Never Get Over You en ambiance californienne, le baroque Beyond The Borderline) avec teintes jazzy (I Want You Back Again, When We Were Young Again). De belles mélodies et harmonies vocales, le savoir-faire de Blunstone et Argent constituent un petit plus par rapport à des dizaines de groupes sous inspiration Zombies. Avec un effet nostalgie qui incite à une appréciation bienveillante. Sylvain Siclier1 CD Cherry Red Records/Socadisc.Caravan Palace Bien malin celui qui pourra nommer le nouvel album de Caravan Palace, le troisième depuis la formation du groupe en 2008, qui avait créé la surprise avec son swing électro déluré et rigolo. Le symbole graphique ornant la pochette garde son mystère. On a affaire à des musiciens joueurs. Leur univers cultive la légèreté. C’est gai, ça sautille, ça tricote et caracole sans se soucier de profondeur, de replis secrets, d’intériorité. Caravan Palace revendique le plaisir simple et sans apprêts. En apparence, car de la voix aux instruments (basse, guitare, violon, trombone, piano), rien n’est naturel, tout est repensé, rhabillé, trafiqué, bidouillé au son électro. Synthés et programmations se paient la part du lion, dans cette relecture d’une certaine idée du swing d’antan (Django, foxtrot, charleston, scat…) à laquelle s’ajoute une pincée de boogie-woogie énervé. A l’écoute, cela donne une étrange impression de musique hors du temps, comme sortie d’un vieux transistor au son brouillé d’interférences contemporaines. Très plaisant et idéal pour danser ou gigoter. Patrick Labesse1 CD Café de la danse/Wagram.Dave Gahan & Soulsavers Angels & Ghosts En s’absentant de Depeche Mode pour enregistrer un deuxième album sous son nom avec les Soulsavers (un duo de producteur anglais, Rich Machin et Ian Glover, amoureux de chœurs gospel et d’orgue vintage), Dave Gahan n’abandonne pas les influences blues qui imprègnent son chant depuis le début des années 1990. Mais plutôt que de surenchérir dans la grandiloquence qui plombait Delta Machine (2013), le dernier opus des icônes de l’electro-pop, le baryton enfiévré de l’Anglais tente d’insuffler un peu de délicatesse à ses suppliques. Les mélodies d’Angels & Ghosts ne brillent pas toutes par leur subtilité (l’imploration balourde de Shine), mais ces ballades, entourées de la chaleur d’une vraie instrumentation, peuvent s’épanouir avec mélancolie (All of This and Nothing) et retenue (One Thing), entre dépression et confiance retrouvée. Finement décoré de cordes et de cuivres mordorés, un titre comme The Last Time, pourrait même figurer au répertoire des Tindersticks. Stéphane Davet1 CD Columbia/Sony Music.Divers Artistes Vol pour Sidney (aller) Au moment où a été fêté par son fils et sur les lieux de l’événement le souvenir (Le Monde du 24 octobre) du « Soir où… l’on cassa l’Olympia », le 19 octobre 1955 lors d’un concert de Sidney Bechet (1897-1959), est réédité Vol pour Sidney (aller). Cet hommage au saxophoniste et clarinettiste, publié à l’origine en mai 1992, rassemblait des interprétations de compositions de Bechet par des musiciens qui, pour la plupart d’entre eux, pouvaient sembler avoir peu de rapport avec le musicien identifié au style New Orleans des origines du jazz et à quelques « fantaisies » à succès dont Les Oignons. Dont les saxophonistes Lol Coxhill, Michel Doneda et Evan Parker, généralement perçus comme tenants du free européen, le bluesman Taj Mahal, le pianiste Steve Beresford, les batteurs Elvin Jones (du quartette historique de John Coltrane) et Charlie Watts (des Rolling Stones), le supergroupe The Lonely Bears (avec Tony Hymas et Terry Bozzio), le saxophoniste Lee Konitz… Les rencontres souvent inattendues des uns avec les autres, le respect musicien à l’égard du sujet et les promenades stylistiques jusqu’à la pop de cette évocation de Bechet, constituent une savoureuse réussite, pochette et livret compris. Sylvain Siclier1 CD Nato/L’Autre Distribution. 30.10.2015 à 05h49 • Mis à jour le30.10.2015 à 19h36 Le tribunal de Cracovie a refusé vendredi 30 octobre l’extradition vers les Etats-Unis du cinéaste Roman Polanski, accusé de viol sur mineure. Elle était réclamée par la droite polonaise conservatrice, tout juste victorieuse aux élections législatives.« Le tribunal a conclu à l’inadmissibilité d’extradition aux Etats-Unis du citoyen polonais et français Roman Polanski », a déclaré devant la presse le juge Dariusz Mazur. Le parquet polonais qui représente la requête américaine peut toutefois aller devant la cour d’appel.« Je n’avais pas de doute »« Je suis évidemment très heureux que cette procédure touche à sa fin. Cela m’a coûté beaucoup d’efforts, de problèmes pour ma santé et aussi pour ma famille, a réagi le cinéaste lors d’une conférence de presse. Je suis content d’avoir fait confiance à la justice polonaise. Je n’avais pas de doute que cette affaire allait bien se terminer. Je retourne à ma famille. »La veille de la décision, un ex-ministre de la justice et ténor de la droite conservatrice s’est déclaré en faveur de cette extradition, marchant dans les pas du chef de son parti conservateur catholique et populiste Droit et justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski.Début octobre, M. Kaczynski disait « rejeter l’idée de gracier quelqu’un, du simple fait qu’il soit un réalisateur éminent, mondialement connu ». Jeudi, Zbigniew Ziobro, élu député sur les listes du PiS, affirmait à son tour : « On ne peut protéger personne contre sa responsabilité pour un acte aussi odieux que celui d’avoir abusé d’une mineure », insistant que « la pédophilie est un mal qu’il faut poursuivre ». Demande d’extradition américaine depuis janvierEn janvier, les Etats-Unis avaient adressé à la Pologne une demande d’extradition de Roman Polanski, 82 ans, après une apparition publique à Varsovie du réalisateur du Bal des Vampires et de Rosemary’s Baby.Lire le portrait : Polanski : les films et la vie En 1977, en Californie, Roman Polanski, alors âgé de 43 ans, avait été poursuivi pour avoir violé la jeune Samantha Geimer, 13 ans. Après 42 jours de prison, puis sa libération sous caution, le cinéaste qui avait plaidé coupable de « rapports sexuels illégaux » avec une mineure s’était enfui des Etats-Unis avant la lecture du verdict, craignant d’être lourdement condamné.Aucune mesure préventive prise en PologneLa ligne de défense de ses avocats polonais consiste à démontrer que la demande d’extradition n’est pas fondée, compte tenu de l’accord passé à l’époque entre le cinéaste et la justice américaine. Aux termes de cet accord, accepté selon eux par le procureur et les avocats de la victime, la peine prévue a été purgée par leur client.Le 22 septembre, en présence du cinéaste, ses avocats avaient présenté au tribunal de nouveaux documents, analyses d’experts et témoignages réunis lors des procès précédents aux Etats-Unis et en Suisse. A la sortie du tribunal, M. Polanski avait déclaré :« Je voulais savoir quels documents seront présentés et reconnus (valables) par le tribunal. Je suis content que presque tous aient été acceptés. »Le 25 février, lors de la première audience, le cinéaste avait fourni pendant neuf heures des explications, à huis clos. Aucune mesure préventive n’a été prise en Pologne contre Roman Polanski, citoyen polonais et français, qui reste entièrement libre de se déplacer. Service culture Le Grand Prix du roman de l’Académie française a été attribué, jeudi 29 octobre, ex-aequo à Hédi Kaddour pour Les Prépondérants et à Boualem Sansal pour 2084 (publiés tous deux chez Gallimard). C’est la troisième fois de son histoire que le Grand Prix, qui fête son centenaire, vient récompenser simultanément deux ouvrages. Le troisième roman en lice était Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier, prix littéraire du Monde).Lire aussi :Boualem Sansal : « L’islam s’est mondialisé, il a un coup d’avance »Boualem Sansal était présenté depuis des semaines comme archi-favori pour le prix Goncourt ; son éviction du carré des finalistes, mardi 27 octobre, avait semblé le transformer en récipiendaire annoncé du prix de l’Académie. Hédi Kaddour, pour sa part, est encore dans la course pour le Goncourt. Goût du romanesqueS’ils partagent la même couverture crème de Gallimard, ces deux romans n’ont pas grand chose en commun, si ce n’est le goût du romanesque. 2084 est une dystopie, manière de suite au 1984, de George Orwell. Elle a pour décor l’Abistan, immense empire dévoué à Abi, messager de Yölah sur terre, qui maintient sa population dans la soumission et l’amnésie.Avec 2084, l’un des grands succès de librairie de cette rentrée, l’écrivain algérien Boualem Sansal, en délicatesse de longue date avec son pays (dans lequel il vit toujours), livre une parabole cauchemardesque sur l’instrumentalisation politique de l’islam.Les Prépondérants est un grand roman-monde sur les années 1920, situé essentiellement dans un protectorat du Maghreb, qui encapsule les enjeux d’une époque (prémices de la décolonisation, montée des périls en Europe…) tout en brassant les genres littéraires – roman d’aventures, d’amour, de formation, comédie de mœurs…L’obtention du Grand Prix de l’Académie, même partagé, sera-t-il un obstacle à l’obtention du Goncourt par Hédi Kaddour ? Le cas d’un doublé s’est déjà présenté, ainsi avec Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (Gallimard, 2006). Et comme les jurys des grands prix semblent décidés à surprendre leur monde, rien ne semble exclu.Service cultureJournaliste au Monde Stéphanie Le Bars Des décennies de tergiversations, un concept paradoxal et, désormais, une course contre la montre : si tout va bien, le dernier-né des musées nationaux américains, qui sera consacré à l’histoire des Afro-Américains, sera inauguré en septembre 2016 à Washington par Barack Obama. Les concepteurs du musée s’en sont fait la promesse : le premier président noir des Etats-Unis coupera le ruban du National Museum of African American History and Culture (NMAAHC). Quoi de mieux que la force symbolique de cette image pour lancer sous les meilleurs auspices ce projet maintes fois avorté ?L’ouverture du NMAAHC sur le National Mall verdoyant de la capitale fédérale, bordé par la quinzaine de musées nationaux gérés par la très officielle Smithsonian Institution, constitue en effet un événement politique autant qu’une gageure scientifique. Aujour­d’hui, l’imposant bâtiment de six étages, figurant une couronne africaine composée de centaines de plaques de fer forgé – hommage au travail des esclaves dans les Etats américains du Sud aux XVIIIe et XIXe siècles –, trône en bonne place sur l’esplanade de la capitale, au pied de l’obélisque du Washington Monument. Cet emplacement, au cœur des mémoriaux et musées qui fondent l’identité nationale américaine, n’est pas anodin : avant même la pose de la première pierre, en 2012, il a constitué une victoire symbolique pour les promoteurs du projet – au fil des ans, les ­désaccords sur la localisation du musée, que certains souhaitaient hors du Mall, ont nourri les atermoiements sur sa construction.Histoire ancienneTout cela est désormais de l’histoire ancienne. A quelques centaines de mètres du ­bâtiment encore en chantier, le Musée national de l’histoire américaine héberge, jusqu’à l’ouverture, une exposition préfigurant le ­futur musée. Y sont présentés 140 des 33 000 objets collectés à ce jour par le NMAAHC autour des grands thèmes retenus par le musée : l’esclavage, la ségrégation, la vie des communautés, la culture et le sport. Un tableau figurant des esclaves en fuite ouvre l’exposition, qui se poursuit avec les photos d’une famille éduquée ayant obtenu sa liberté. La collerette d’Harriet Tubman, une esclave du Maryland qui a facilité l’évasion de nombre de ses compagnons, y côtoie le barda de soldats noirs durant la guerre civile, la nappe sur laquelle fut rédigé l’argumentaire demandant la déségrégation scolaire dans les années 1950, la combinaison du premier ­astronaute noir ou des costumes de scène d’artistes… La plus grande pièce du futur musée, un wagon datant de la ségrégation avec des sièges réservés aux gens de couleur, ne sera visible que lors de l’inauguration.La nécessité de donner à voir la vie des Américains d’origine africaine et leur présence dans la grande épopée des Etats-Unis a mis des années à s’imposer. L’idée d’honorer la mémoire des Afro-Américains remonte à 1915 : des anciens combattants noirs de la guerre civile (1861-1865) demandent alors – en vain – l’érection d’un mémorial. En 1929, le Congrès donne son accord à la création d’un musée mais, alors que le pays plonge dans la crise, lui refuse toute subvention. A la fin des années 1960, dans la foulée des victoires liées aux droits civiques, l’idée est relancée, mais là encore, ni le monde universitaire ni le monde politique ne pousse en ce sens. « Longtemps, le groupe dominant, l’homme blanc d’origine européenne, a choisi de ne pas inclure cette ­histoire dans le récit national », analyse Rhea L. Combs, la conservatrice du nouveau musée.Le Congrès donne son feu vert en 2003Les efforts sont relancés à la fin des années 1980 par des élus comme John Lewis, un compagnon de route de Martin Luther King. Il se heurte cependant à une frange ultraconservatrice de parlementaires qui ne veulent pas mettre un dollar dans un tel projet. Les opposants au musée afro-américain, à l’instar du sénateur de Caroline du Nord Jesse Helms mettent en avant le risque d’être confrontés à « des demandes communautaires » sans fin. A cette époque, le Congrès vote pourtant les fonds pour la création du Musée des Indiens d’Amérique, qui verra le jour en 2004.Des raisons moins avouables expliquent ces réticences, estime Julieanna Richardson, fondatrice, à Chicago, de l’institution The History Makers, consacrée à la préservation et à la collecte de milliers de témoignages audiovisuels d’Afro-Américains.« N’oublions pas qu’un groupe social a considéré pendant des décennies qu’un autre groupe n’avait pas de valeur », souligne cette ancienne avocate. Difficile dans ces conditions de lui accorder une place dans le récit national sans stigmatiser la partie de la population qui l’avait humilié. Au-delà des réels problèmes financiers, « le projet s’est en outre heurté durant des années à un manque d’éducation, un manque d’appréciation et un manque de documentation », estime-t-elle. Il aurait aussi pâti de la volonté de valoriser principalement « une histoire heureuse » de l’Amérique, estime de son côté l’historien John W. Franklin, aujourd’hui conseiller auprès du directeur du NMAAHC.Il faudra donc attendre 2003 pour que le Congrès accorde son feu vert à la construction du musée afro-américain, après l’avis favorable d’une commission mise en place par le président George W. Bush et le soutien des responsables de la Smithsonian Institution. La moitié du budget, qui atteint 500 millions de dollars, est pris en charge par les finances publiques, à charge pour les promoteurs de le compléter par des dons privés. Parmi ces donateurs, l’animatrice et actrice Oprah Winfrey a apporté à elle seule 13 millions. Douze ans plus tard, et à moins d’un an de l’ouverture programmée, quelque 60 millions de dollars manquent encore à l’appel, selon M. Franklin.Contribuer à « la réconciliation entre les races »Ces difficultés matérielles n’ont pas remis en cause le consensus qui semble désormais acquis en faveur du projet. En revanche, une question de fond demeure : si le but consiste à (ré) introduire la population d’origine africaine dans l’histoire, sombre ou joyeuse, de l’Amérique, faut-il lui consacrer un lieu spécifique ? « Les femmes, les juifs ou les Indiens d’Amérique ont leur musée ; consacrer un musée à l’histoire des Afro-Américains n’est pas plus paradoxal », explique Mme Richardson. « Il fallait créer ce lieu, car il n’existait pas d’autres endroits où était racontée une histoire collaborative, soutient Jacquelyn Serwer, commissaire en chef du musée. Nous allons nous efforcer de montrer que pas un grand événement ne s’est produit aux Etats-Unis sans que les Noirs y soient impliqués. L’objectif est de créer des interconnexions, de démanteler les séparations. » « Le musée ne sera pas un musée sur les Afro-Américains mais pour les Afro-Américains », affirme son directeur, Lonnie Bunch.Conçu par la commission mise en place par M. Bush comme un lieu de « guérison » susceptible de contribuer à « la réconciliation entre les races », le musée saura-t-il tenir ses promesses ? Les promoteurs du projet assurent qu’il ne s’agit « ni de victimiser les Noirs ni de culpabiliser les Blancs ».« L’idée est que ce musée contribue à une meilleure compréhension réciproque, explique la conservatrice du musée. On veut montrer que, comme dans les familles blanches, les origines et les histoires des familles noires sont multiples. Que l’énergie de la culture afro-américaine a irrigué la ­culture en général ou que les sportifs noirs sont des diplomates de l’Amérique à travers le monde. »Trouvaille archéologique rareEn dépit des difficultés à rassembler des objets ayant appartenu aux esclaves, le musée entend pallier le manque de connaissances de la société américaine sur la période de l’esclavage, « le péché originel dont l’Amérique ne s’est toujours pas remise », ainsi que l’a récemment qualifiée Hillary Clinton, candidate à l’investiture démocrate. « La plupart des Américains pensent encore que l’esclavage était limité aux Etats “ignares” du Sud alors que les nordistes aussi furent esclavagistes », explique M. Franklin. Le musée exposera ainsi une trouvaille archéologique rare : des objets recueillis dans l’épave d’un navire négrier ­portugais, qui a sombré en 1794 au large de l’Afrique du Sud. Mais il a aussi l’ambition de s’attaquer à la persistance des discriminations à l’encontre des Afro-Américains. « On collecte actuellement des tracts et des objets liés aux manifestations de Ferguson [ville du Missouri en proie à des émeutes après la mort d’un jeune Noir tué par un policier blanc en 2014] ou aux actions du mouvement ­Blacklivesmatter [les vies noires comptent] », indique Rhea L. Combs.L’« histoire heureuse » des populations d’origine africaine cohabitera donc avec la violence institutionnelle de l’Amérique blanche durant la période coloniale ou les années de ségrégation, et ses séquelles actuelles. Ses promoteurs le savent : l’enjeu sera de trouver un équilibre entre la mise en scène des connais­sances académiques et le risque de tomber dans une forme de militantisme. « On espère aussi en faire un lieu de débats sur les thèmes difficiles que sont l’esclavage, la ségrégation et les discriminations, alors que des institutions “blanches” auraient peut-être peur d’être entraînées sur de tels terrains », assure Jacquelyn Serwer. Les responsables du musée espèrent attirer 3 millions à 3,5 millions de visiteurs par an et placer ainsi le NMAAHC dans le tiercé de tête des musées nationaux. Juste derrière le Musée de l’espace, et au coude-à-coude avec celui consacré à… l’histoire américaine.Stéphanie Le BarsJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.10.2015 à 17h49 • Mis à jour le28.10.2015 à 18h20 Le successeur de Nonce Paolini à la tête du groupe audiovisuel français, Gilles Pélisson, choisi mercredi 28 octobre par le conseil d’administration de Bouygues, arrive dans un contexte difficile, marqué par le déclin des audiences et des bénéfices.Lire aussi :Gilles Pélisson succédera à Nonce Paolini à la tête de TF1 21,4 %C’est la part d’audience de TF1 en septembre, pour 14,4 % pour France 2 et 10,1 % pour M6. En août, l’audience était tombée à 20,1 %, un niveau historiquement bas pour la chaîne qui connaît un déclin quasi continu depuis des années. TF1 enregistrait 44,8 % d’audience en 1988, 35,3 % en 1998, et 27,2 % en 2008. Depuis dix ans, les parts de la chaîne sont aussi grignotées par celles de la TNT.Face à cette érosion, TF1 rappelle qu’elle déploie une stratégie pour l’ensemble de son groupe qui vise à faire progresser l’audience de ses chaînes secondaires (HD1, NT1 et TMC). Elle insiste sur l’audience agrégée de ses quatre chaînes (27,4 % de part en moyenne en 2015, selon des chiffres de fin août), voire sur son audience numérique, où sa plate-forme MyTF1 progresse, avec environ 15 millions de vidéos vues par mois. Lire aussi (édition abonnés) :TF1 tente de contrer l’érosion de son audience413 millions d’eurosC’est le montant du résultat net part du groupe pour 2014. Il était en forte hausse par rapport à 2013 (137 millions d’euros). Mais ce résultat est en trompe-l’œil car il intègre la plus-value liée à la cession du contrôle d’Eurosport à Discovery Communications, en mai 2014, pour 299,5 millions d’euros.En réalité, la baisse des bénéfices est continue : 250,3 millions d’euros en 2000, 228 millions d’euros en 2007 et, donc, 137 millions d’euros en 2013. Du coup, l’actionnaire principal de la chaîne, le groupe de BTP Bouygues – qui détient 43,5 % des parts de l’entreprise –, a exigé, en 2008, un plan d’économies. Nonce Paolini a joué le tueur de coût, imposant un régime minceur inédit qui s’élève aujourd’hui à quelque 24 millions d’euros. Son successeur s’inscrira dans la continuité de cette stratégie.Lire aussi :TF1, toujours seule en tête 700 millions d’eurosC’est le trésor de guerre, considérable, de TF1. La chaîne a vu sa trésorerie augmenter de 491 millions d’euros grâce à la vente de ses 49 % restants dans la chaîne sportive Eurosport à l’américain Discovery, en juillet. Fin 2014, les réserves du groupe audiovisuel s’élevaient déjà à 497 millions d’euros. Après versement des dividendes, la trésorerie devrait se situer à 700 millions d’euros. De quoi relativiser les pertes occasionnées par le quotidien gratuit Metro, qui a cessé en juillet de faire paraître son édition papier, ou de la chaîne d’info en continu LCI.Avec l’arrivée de M. Pélisson, les annonceurs attendent que TF1, assez prudent jusqu’ici, s’engage sur des investissements. Le groupe pourrait choisir de faire des acquisitions dans le numérique ou dans la production de contenus.Lire aussi :TF1 gonfle sa trésorerie en se désengageant totalement d’Eurosport 8,5 millions d’eurosC’est la perte enregistrée par LCI en 2014. L’avenir de la chaîne d’information est suspendu à une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur son passage en gratuit, qui doit intervenir d’ici à la fin de l’année. Sa précédente demande avait été rejetée par le CSA, mais le Conseil d’Etat a annulé cette décision, pour des raisons de procédure.TF1 considère que LCI n’a pas d’avenir sur la TNT payante, dont l’usage est en déclin (200 000 abonnés environ). Si le CSA ne lui accorde pas le passage en gratuit, TF1 a affirmé envisager l’arrêt de l’exploitation de sa chaîne après le 31 décembre.Lire aussi (édition abonnés) :Pour passer en gratuit, LCI se présente en anti BFM Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Macha Séry A ses lecteurs, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, il n’avait rien caché de son cancer depuis quelques mois. L’écrivain Ayerdhal s’est éteint à Bruxelles, en Belgique, mardi 27 octobre, à l’âge de 56 ans. Il fut, avec Pierre Bordage, Serge Lehman et Jean-Marc Ligny, l’un des artisans les plus flamboyant du renouveau de la science-fiction française. En près de vingt-cinq ans et presque autant de livres, il a donné à lire quelques chefs-d’œuvre visionnaires, tels que Demain, une oasis (Fleuve noir, 1992), Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé (J’ai lu, 1997 ; rééd. 2009, Au Diable Vauvert, son éditeur depuis 2004, qui procède depuis à la réédition de son œuvre) ou Etoiles mourantes (avec Jean-Claude Dunyach, J’ai lu, 1999).Né le 26 janvier 1959, Ayerdhal, de son vrai nom Yal Soulier, a grandi dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, la banlieue rouge de Lyon. Son père est l’un des plus grands collectionneurs de SF d’Europe. Il possède, par exemple, l’intégralité des titres parus dans la collection « Anticipation » du Fleuve noir. Ils ont aiguisé son goût pour les sciences. Car pour Ayerdhal, la science-fiction exige de la crédibilité. Un écrivain « ne peut pas se contenter de répandre des poncifs ou des approches obsolètes pour décrire ce qu’il perçoit du monde et permettre au lecteur d’envisager ses devenirs potentiels. Loin d’être un privilège de la littérature d’anticipation, qui, par essence, se doit d’inclure les découvertes scientifiques et les progrès technologiques dans les hypothèses qu’elle met en scène », écrivait-il dans « Le Monde des livres » du 25 mai 2007.Dystopies et space operasTout en exerçant mille et un métiers (moniteur de ski, footballeur professionnel, éducateur, commercial chez L’Oréal, chef d’entreprise), Ayerdhal a toujours écrit. A 28 ans, il se décide enfin à envoyer un manuscrit à un éditeur. La Bohème et l’Ivraie (Fleuve noir, 1990) met en scène un artiste qui se révolte contre un régime politique. Admirateur des Américains Ray Bradbury, Frank Herbert et Norman Spinrad, il signera par la suite d’autres dystopies ainsi que des space operas. Ayerdhal se voyait un peu comme un éclaireur, répétant cette phrase de Sartre : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent. » Même ancrée sur des planètes improbables, sa fiction est éminemment réaliste et toujours politique. Elle exalte la rebellion libertaire. Ayerdhal tenait, en effet, la science-fiction pour l’héritière de la philosophie et la dernière instance où l’on délibère encore sur l’humanité et son devenir.Depuis Transparences (Au Diable Vauvert, 2004), Ayerdhal avait migré de la science-fiction au polar. Plutôt, il était parvenu à mixer les deux. Témoin, Bastards (Au Diable Vauvert, 2014), qui débute tel un policier classique avant de basculer dans le surnaturel. Cependant, le romancier venait de renouer avec ses premiers amours, prévoyant d’ajouter un cinquième tome aux aventures d’Eylia, l’héroïne de son cycle « Cybione », employée pour des opérations suicides puisqu’elle ressuscite chaque fois, la mémoire amputée de sa dernière vie. Il n’aura pas eu le temps de l’achever.Tolérance, écologie et partage des richessesD’un genre à l’autre, ses préoccupations liées à la tolérance, à l’écologie et au partage des richesses sont demeurées intactes. Vingt ans après avoir reçu le Grand Prix de l’imaginaire pour Demain, une oasis, en 1993, roman futuriste où des commandos humanitaires enlèvent un médecin à Genève puis l’abandonnent dans un village subsaharien afin qu’il exerce son métier dans des camps de réfugiés, Ayerdhal retrouvait l’Afrique et la dénonciation du pillage de ses ressources naturelles dans le thriller Rainbow Warriors (Au Diable Vauvert, 2013). Une œuvre d’anticipation que l’on peut lire au choix comme une fiction politique, une utopie sociale, un roman d’aventures ou d’espionnage en terre africaine, un ouvrage de vulgarisation sur les barbouzeries dont se rendent coupables les Etats occidentaux afin de protéger leurs intérêts. L’argument ? Une armée de 5 000 LGBT (lesbiennes, gays, bis, transsexuels) originaires des cinq continents se forme pour renverser une dictature homophobe qui brade ses cultures et son sous-sol à des multinationales.Militant de la cause des auteurs, Ayerdhal avait fondé en octobre 2000 le collectif Le droit du Serf pour faire respecter leur droit à jouir décemment de leurs œuvres.Macha SéryJournaliste au Monde Harry Bellet Créé en 2000 par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (l’Adiaf), une association de collectionneurs désireux de promouvoir l’art contemporain français, le prix Marcel Duchamp a été remis, samedi 24 octobre, à Melik Ohanian par Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Le lauréat recevra 35 000 euros et bénéficiera d’une exposition de trois mois au Centre Pompidou à Paris.Né en 1969 à Lyon, Melik Ohanian est représenté par la galerie parisienne Chantal Crousel. Selon Jean-Christophe Royoux, conseiller pour les arts plastiques au ministère de la culture, et qui défendait son travail devant le jury, ses sujets de prédilection sont « les zones désertiques, le monde ouvrier, la fin des utopies révolutionnaires, les faits scientifiques ou historiques, l’identité arménienne ».Lire aussi : Melik Ohanian en quatre datesCohérence d’une œuvreIl participe ainsi à l’actuelle Biennale de Venise, dans le cadre de l’exposition accueillie par le pavillon arménien – lequel a reçu le Lion d’Or –, avec une sculpture dénonçant autant le génocide de 1915 que la difficulté de le commémorer.Il réalise aussi des vidéos. L’une d’entre elles, Seven Minutes Before, représentait la France à la Biennale de Sao Paulo en 2004. Un autre film, DAYS, I See What I Saw and What I Will See, évoquant le sort des travailleurs émigrés dans les Emirats Arabes Unis, est tellement réussi qu’il a été refusé à la Biennale de Sharjah en 2011, qui l’avait pourtant commissionné.Dans son discours au récipiendiaire, Bernard Blistène a souligné que le jury avait voulu récompenser la cohérence d’une œuvre développée depuis vingt ans.Lire aussi :Irak, Arménie : la mémoire des désastres à Venise Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien LeloupFrank Miller, l'auteur de bandes dessinées, scénariste de films et réalisateur américain était l'invité du Comic-Con de Paris. Le mythique – et controversé – auteur de The Dark Knight Returns – est revenu pour Le Monde sur l'évolution de sa vision du chevalier noir.La troisième partie de votre saga Dark Knight sera publiée quatorze ans après le deuxième épisode. Pourquoi y revenez-vous aujourd'hui ?C'est très simple : j'ai eu une nouvelle idée. J'attendais avec impatience de retourner vers Batman pour revisiter à nouveau le personnage. C'est l'un des avantages des héros classiques : on peut toujours y revenir, leur rendre visite et les transformer.L'idée de départ, c'est que Batman sera toujours un protagoniste majeur, mais que Superman jouera un plus grand rôle. L'intrigue tournera autour de la libération de la ville de Kandor, la capitale de la planète Krypton où est né Superman. Dans l'histoire, Batman libère un million de supermans en puissance. Le héros masqué et Superman doivent alors se rejoindre pour empêcher la conquête de la Terre. Vos dernières œuvres ont fait l'objet de vives critiques, on vous accuse d'avoir fait preuve de racisme dans 300 et Holy Terror!, de misogynie dans Sin City, et vous avez même été qualifié de « cryptofasciste ». Titrer ce prochain album The Master Race (« la race supérieure »), c'est une provocation ?Je ne ferais pas bien mon travail si je n'étais pas provoquant. Mon rôle est de faire réagir les gens. Je veux des réactions de colère ; plus les critiques seront furieux, et plus je serai content. Cela me donne le sentiment que je suis parvenu à réaliser quelque chose.Vous avez déclaré que dans ce troisième volet, Batman sera encore plus « dur »...Ce qui définit Batman, ce n'est pas sa force physique, ni sa capacité à encaisser les coups, mais c'est le fait qu'il soit l'homme le plus intelligent au monde. Par le passé, lorsqu'il a affronté Superman, il a gagné. Dans The Master Race, il devra affronter des millions de personnes aussi fortes que Superman… mais s'il fallait parier, je parierais sur Batman.Mais pour battre Superman, Batman a eu besoin de l'aide d'autres superhéros…Batman ne peut pas vaincre seul. Heureusement, DC Comics dispose d'un vaste panthéon de héros, une véritable armée qui sera à ses côtés. Mais son intelligence reste la clef de sa force : souvenez-vous, dans The Dark Knight Strikes Again, il s'était procuré de la kryptonite [un matériau qui affaiblit Superman] de synthèse, qu'il a ensuite donnée à Green Arrow…Au cœur de Dark Knight se trouve la question des choix moraux. Batman ne tue jamais ; avez-vous des règles, des principes moraux auxquels vous croyez et que vous appliquez ?[Silence] Suivre des règles de conduite, appliquer un code d'honneur, c'est facile. Ce qui est difficile, c'est d'élaborer ces règles, de se construire son code. C'est la partie vraiment difficile, et c'est le travail de toute une vie – pour moi comme pour mes héros.En 2011, vous avez cessé de publier des messages sur Twitter, votre blog n'est plus accessible, et vous n'avez recommencé à publier des messages sur Internet que pour annoncer le retour de The Dark Knight. Pourquoi ce silence de quatre ans ?Je travaillais tout simplement sur plusieurs projets différents, dans le calme. The Master Race est l'un d'entre eux. Mais il y a aussi une suite de Sin City, Home Front, qui est une histoire d'amour entre un agent fédéral américain et la cheffe d'un réseau de la résistance française durant la seconde guerre mondiale.Je me suis toujours intéressé à la seconde guerre mondiale – aussi loin que je me souvienne, cette période m'a fasciné. Je suis aussi amoureux des vêtements, des voitures de cette époque. Le fait que j'aie choisi de placer l'action de Sin City à ce moment de l'histoire me permet de dessiner ce que j'aime. Vous n'étiez pas lassé des rapports directs avec vos lecteurs, qui se sont montrés pour certains très critiques sur vos dernières œuvres ?Pas du tout, j'adore le fait d'avoir une relation directe avec mes fans. Je trouve cela excellent, et j'ai toujours aimé les bonnes bagarres générales. Qu'ils viennent me chercher !The Dark Knight Returns a été écrit avant l'arrivée du Web. Mais vous y décrivez une télévision omniprésente et décérébrée… Vous pensez toujours que les médias de masse sont dangereux ?Non. Si c'était à refaire, je traiterais cet aspect d'une manière très différente aujourd'hui. La manière dont je décris le fonctionnement et le rôle de la télévision dans The Dark Knight Returns est immature. La télévision, comme toutes les autres formes de communication, peut être une bonne chose – elle ne fait que soumettre au public des images, qui sont ouvertes à l'interprétation.Vous avez expliqué avoir eu l'idée de créer un Batman cinquantenaire lorsque vous-mêmes avez atteint trente ans, l'âge de Bruce Wayne. Aujourd'hui, vous avez 58 ans, et vous avez donc dépassé votre Dark Knight. Est-ce qu'avec le recul, vous changeriez des choses sur la manière dont vous aviez imaginé la « vieillesse » de Batman ?Je ne changerais rien dans The Dark Knight Returns. Je changerais probablement des choses dans The Dark Knight Strikes Again. Et dans The Master Race, j'aborderai cette question de l'âge d'une manière très différente. Lorsque j'ai commencé à travailler sur cette série, j'étais obsédé par l'idée de savoir à quel point le physique des personnages serait, avec le temps, affecté par tous ces combats.Maintenant, avec le regard d'un cinquantenaire, je me rends compte que l'impact de l'âge sur le physique d'un personnage est loin d'être la chose la plus importante qui se produise lorsqu'on vieillit. Avoir cinquante ans, c'est loin d'être aussi vieux que ce que j'imaginais lorsque j'en avais trente ! Et il y a beaucoup d'autres choses qui viennent avec l'âge : la maturité, l'expérience, qui sont autant de choses qui changent ce qu'est devenu Batman avec le temps. Dans The Master Race, par exemple, personne ne pourra plus le tromper.Le temps a aussi eu un effet sur votre vision du rôle de Batman...Dans mon rapport à Batman, il y a eu plusieurs phases. Lorsque je l'ai découvert enfant, à cinq ans, c'était un père sévère, une figure résolument paternelle. Il l'est resté par la suite, mais j'ai commencé à le voir sous des aspects plus politiques, plus philosophiques.« Batman était un justicier autoproclamé et sauvage, il est devenu une figure d'autorité, avec un badge de policier »En parallèle, le contenu des comics Batman évoluait aussi : nous sommes passés d'un justicier autoproclamé et sauvage à une figure d'autorité, avec un badge de policier. Sous ma plume, il est devenu un anarchiste – et dans The Master Race, il deviendra une figure authentiquement révolutionnaire.Un anarchiste ? Dans les deux premiers épisodes de The Dark Knight, votre Batman se bat pourtant pour restaurer l'ordre à tout prix, allant jusqu'à enrôler des gangs des rues pour imposer la loi martiale dans Gotham City…Si vous êtes un anarchiste, vous considérez que l'ordre existant est corrompu, et le détruire est la première chose que vous souhaitez faire – et pour cela, tous les moyens sont bons. La lutte des Irlandais pour l'indépendance, comme la résistance française, nous a montré qu'il pouvait être nécessaire de descendre dans la rue pour se lever contre la tyrannie. Parfois la seule manière de faire en sorte que le monde fasse sens est de détruire l'ordre existant.Vous dites souvent que toutes les œuvres naissent dans un contexte. Vous pensez que nous sommes à la veille d'une révolution ?Non. The Master Race est une fiction. Mais je vous promets que ça sera une bonne lecture. //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.10.2015 à 07h27 • Mis à jour le30.10.2015 à 14h23 Christoph Willibald Gluck Orfeo ed Euridice Version originale de Vienne et temps forts de la version de Paris La première version de l’opéra Orfeo ed Euridice, le chef-d’œuvre de Gluck, à Vienne, en 1762, comme si vous y étiez ! Plus qu’aux cornets à bouquin et autres instruments d’époque adoptés par l’Insula Orchestra, la sensation de remonter le temps est surtout liée à la prestation de Franco Fagioli, contre-ténor à même de faire revivre les castrats. « Euridice ! » (en italien), son premier cri… d’Orphée, a quelque chose de surnaturel pour des oreilles du XXIe siècle. Quel timbre ! Des graves de bronze pour une virilité de statue antique, des aigus du troisième type, à mi-chemin entre l’ange et la bête, et un phrasé apte à gommer toute impression de « curiosité ». Sans minimiser les mérites d’Emmanuelle de Negri (fringant Amour), de Malin Hartelius (déchirante Eurydice), et du chœur Accentus (d’une grande noblesse), le chant de Franco Fagioli invite à parler d’un Orfeo retrouvé, au même titre que la direction de Laurence Equilbey qui fouette les sens autant qu’elle les flatte. Pierre Gervasoni3 CD Archiv Produktion.Raury All We Need Raury est ce jeune artiste d’Atlanta, rappeur et chanteur, qui devait être l’une des révélations des Transmusicales de Rennes de 2014. Seulement, à 18 ans, trop de pressions sur ses épaules, l’auteur des très réussis God’s Whisper et Cigarette Song s’était enfermé dans des pauses de rocker, et avait raté son passage devant le public français. Un an plus tard, son premier album, All We Need, confirme en revanche son talent en studio. Aussi inspiré qu’un Frank Ocean dans le texte, Raury enrichit ses compositions à la guitare de trouvailles électro. Epaulé à la production par Malay sur la majorité des titres et notamment sur les remarquables Forbidden Knowledge et CPU, le rap de Raury ne détonne pas face à des seniors comme Big K.R.I.T. ou le maître du Wu Tang Clan, RZA. Il va jusqu’à se mesurer au guitariste de Rage Against The Machine, Tom Morello pour Friends, où Raury raconte comment il se sert de ses amis sur Twitter ou Facebook pour faire le tour des Etats-Unis à moindre coût. A la guitare, à la basse et aux claviers pour Mama, le jeune chanteur prend des intonations pop à la Queen. Sa mère peut être fière. Stéphanie Binet1 CD Columbia/Sony Music.Francesco Cavalli Héroïnes du baroque vénitien Mariana Flores (soprano), Anna Reinhold (mezzo-soprano), Cappella Mediterranea, Clematis, Leonardo Garcia Alarcon (direction) Tel un Midas musicien, Leonardo Garcia Alarcon transforme tout ce qu’il touche en or. Ainsi ce double album, précieux en découvertes, consacré à l’un des maîtres de l’opéra baroque vénitien, Francesco Cavalli (1602-1676). Une quarantaine de scènes et d’airs, extraits de vingt-sept opéras, parcourent, de 1639 à 1667, la vaste production de l’héritier du grand Monteverdi. A la tête de sa brillante Cappella Mediterranea et du bel et ductile ensemble Clematis, la direction électrisante du chef argentin sert magistralement cette musique riche et contrastée, étonnamment théâtrale, subtile et sensuelle. Le plateau soliste est dominé par l’engagement radieux de la soprano argentine Mariana Flores, dont le timbre chaud épouse avec la même aisance l’élégance raffinée et dansante de Didone dans le Re de Getuli altero ou la poignante déploration d’Adelante dans Serse. Inutile de préciser qu’on attend avec impatience les débuts d’Alarcon à l’Opéra de Paris en 2016 dans le dernier chef-d’œuvre de Cavalli, Eliogabalo. Marie-Aude Roux2 CD Ricercar.The Zombies Still Got That Hunger Devenu un groupe culte bien après sa première période d’activité dans les années 1960 (souvent résumée au succès des chansons She’s Not There et Time of The Season et l’album pop-psyché Odessey and Oracle, publié en avril 1968), le groupe britannique The Zombies a plus ou moins repris une activité à partir des années 1990 avec séparations et retrouvailles et la formation originale réduite depuis 1999 au chanteur Colin Blunstone et au claviériste Rod Argent. Leur sixième album, Still Got That Hunger, a pour l’essentiel été écrit et composé par Rod Argent. La pochette réalisée par Terry Quirk, qui avait fait celle d’Odessey and Oracle, constitue un évident clin d’œil. On évolue ici du rock classique dans son imprégnation blues (Moving On, Edge of The Rainbow) à la pop de plaisante facture (Chasing The Past, New York, Now I Know I’ll Never Get Over You en ambiance californienne, le baroque Beyond The Borderline) avec teintes jazzy (I Want You Back Again, When We Were Young Again). De belles mélodies et harmonies vocales, le savoir-faire de Blunstone et Argent constituent un petit plus par rapport à des dizaines de groupes sous inspiration Zombies. Avec un effet nostalgie qui incite à une appréciation bienveillante. Sylvain Siclier1 CD Cherry Red Records/Socadisc.Caravan Palace Bien malin celui qui pourra nommer le nouvel album de Caravan Palace, le troisième depuis la formation du groupe en 2008, qui avait créé la surprise avec son swing électro déluré et rigolo. Le symbole graphique ornant la pochette garde son mystère. On a affaire à des musiciens joueurs. Leur univers cultive la légèreté. C’est gai, ça sautille, ça tricote et caracole sans se soucier de profondeur, de replis secrets, d’intériorité. Caravan Palace revendique le plaisir simple et sans apprêts. En apparence, car de la voix aux instruments (basse, guitare, violon, trombone, piano), rien n’est naturel, tout est repensé, rhabillé, trafiqué, bidouillé au son électro. Synthés et programmations se paient la part du lion, dans cette relecture d’une certaine idée du swing d’antan (Django, foxtrot, charleston, scat…) à laquelle s’ajoute une pincée de boogie-woogie énervé. A l’écoute, cela donne une étrange impression de musique hors du temps, comme sortie d’un vieux transistor au son brouillé d’interférences contemporaines. Très plaisant et idéal pour danser ou gigoter. Patrick Labesse1 CD Café de la danse/Wagram.Dave Gahan & Soulsavers Angels & Ghosts En s’absentant de Depeche Mode pour enregistrer un deuxième album sous son nom avec les Soulsavers (un duo de producteur anglais, Rich Machin et Ian Glover, amoureux de chœurs gospel et d’orgue vintage), Dave Gahan n’abandonne pas les influences blues qui imprègnent son chant depuis le début des années 1990. Mais plutôt que de surenchérir dans la grandiloquence qui plombait Delta Machine (2013), le dernier opus des icônes de l’electro-pop, le baryton enfiévré de l’Anglais tente d’insuffler un peu de délicatesse à ses suppliques. Les mélodies d’Angels & Ghosts ne brillent pas toutes par leur subtilité (l’imploration balourde de Shine), mais ces ballades, entourées de la chaleur d’une vraie instrumentation, peuvent s’épanouir avec mélancolie (All of This and Nothing) et retenue (One Thing), entre dépression et confiance retrouvée. Finement décoré de cordes et de cuivres mordorés, un titre comme The Last Time, pourrait même figurer au répertoire des Tindersticks. Stéphane Davet1 CD Columbia/Sony Music.Divers Artistes Vol pour Sidney (aller) Au moment où a été fêté par son fils et sur les lieux de l’événement le souvenir (Le Monde du 24 octobre) du « Soir où… l’on cassa l’Olympia », le 19 octobre 1955 lors d’un concert de Sidney Bechet (1897-1959), est réédité Vol pour Sidney (aller). Cet hommage au saxophoniste et clarinettiste, publié à l’origine en mai 1992, rassemblait des interprétations de compositions de Bechet par des musiciens qui, pour la plupart d’entre eux, pouvaient sembler avoir peu de rapport avec le musicien identifié au style New Orleans des origines du jazz et à quelques « fantaisies » à succès dont Les Oignons. Dont les saxophonistes Lol Coxhill, Michel Doneda et Evan Parker, généralement perçus comme tenants du free européen, le bluesman Taj Mahal, le pianiste Steve Beresford, les batteurs Elvin Jones (du quartette historique de John Coltrane) et Charlie Watts (des Rolling Stones), le supergroupe The Lonely Bears (avec Tony Hymas et Terry Bozzio), le saxophoniste Lee Konitz… Les rencontres souvent inattendues des uns avec les autres, le respect musicien à l’égard du sujet et les promenades stylistiques jusqu’à la pop de cette évocation de Bechet, constituent une savoureuse réussite, pochette et livret compris. Sylvain Siclier1 CD Nato/L’Autre Distribution. 30.10.2015 à 05h49 • Mis à jour le30.10.2015 à 15h13 Le tribunal de Cracovie a refusé vendredi 30 octobre l’extradition vers les Etats-Unis du cinéaste Roman Polanski, accusé de viol sur mineure. Elle était réclamée par la droite polonaise conservatrice, tout juste victorieuse aux élections législatives.« Le tribunal a conclu à l’inadmissibilité d’extradition aux Etats-Unis du citoyen polonais et français Roman Polanski », a déclaré devant la presse le juge Dariusz Mazur. Le parquet polonais qui représente la requête américaine peut toutefois aller devant la cour d’appel.La veille de la décision, un ex-ministre de la justice et ténor de la droite conservatrice s’est déclaré en faveur de cette extradition, marchant dans les pas du chef de son parti conservateur catholique et populiste Droit et justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski.Début octobre, M. Kaczynski disait « rejeter l’idée de gracier quelqu’un, du simple fait qu’il soit un réalisateur éminent, mondialement connu ». Jeudi, Zbigniew Ziobro, élu député sur les listes du PiS, affirmait à son tour : « On ne peut protéger personne contre sa responsabilité pour un acte aussi odieux que celui d’avoir abusé d’une mineure », insistant que « la pédophilie est un mal qu’il faut poursuivre ». Demande d’extradition américaine depuis janvierEn janvier, les Etats-Unis avaient adressé à la Pologne une demande d’extradition de Roman Polanski, 82 ans, après une apparition publique à Varsovie du réalisateur du Bal des Vampires et de Rosemary’s Baby.Lire le portrait : Polanski : les films et la vie En 1977, en Californie, Roman Polanski, alors âgé de 43 ans, avait été poursuivi pour avoir violé la jeune Samantha Geimer, 13 ans. Après 42 jours de prison, puis sa libération sous caution, le cinéaste qui avait plaidé coupable de « rapports sexuels illégaux » avec une mineure s’était enfui des Etats-Unis avant la lecture du verdict, craignant d’être lourdement condamné.Aucune mesure préventive prise en PologneLa ligne de défense de ses avocats polonais consiste à démontrer que la demande d’extradition n’est pas fondée, compte tenu de l’accord passé à l’époque entre le cinéaste et la justice américaine. Aux termes de cet accord, accepté selon eux par le procureur et les avocats de la victime, la peine prévue a été purgée par leur client.Le 22 septembre, en présence du cinéaste, ses avocats avaient présenté au tribunal de nouveaux documents, analyses d’experts et témoignages réunis lors des procès précédents aux Etats-Unis et en Suisse. A la sortie du tribunal, M. Polanski avait déclaré :« Je voulais savoir quels documents seront présentés et reconnus (valables) par le tribunal. Je suis content que presque tous aient été acceptés. »Le 25 février, lors de la première audience, le cinéaste avait fourni pendant neuf heures des explications, à huis clos. Aucune mesure préventive n’a été prise en Pologne contre Roman Polanski, citoyen polonais et français, qui reste entièrement libre de se déplacer. Service culture Le Grand Prix du roman de l’Académie française a été attribué, jeudi 29 octobre, ex-aequo à Hédi Kaddour pour Les Prépondérants et à Boualem Sansal pour 2084 (publiés tous deux chez Gallimard). C’est la troisième fois de son histoire que le Grand Prix, qui fête son centenaire, vient récompenser simultanément deux ouvrages. Le troisième roman en lice était Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier, prix littéraire du Monde).Lire aussi :Boualem Sansal : « L’islam s’est mondialisé, il a un coup d’avance »Boualem Sansal était présenté depuis des semaines comme archi-favori pour le prix Goncourt ; son éviction du carré des finalistes, mardi 27 octobre, avait semblé le transformer en récipiendaire annoncé du prix de l’Académie. Hédi Kaddour, pour sa part, est encore dans la course pour le Goncourt. Goût du romanesqueS’ils partagent la même couverture crème de Gallimard, ces deux romans n’ont pas grand chose en commun, si ce n’est le goût du romanesque. 2084 est une dystopie, manière de suite au 1984, de George Orwell. Elle a pour décor l’Abistan, immense empire dévoué à Abi, messager de Yölah sur terre, qui maintient sa population dans la soumission et l’amnésie.Avec 2084, l’un des grands succès de librairie de cette rentrée, l’écrivain algérien Boualem Sansal, en délicatesse de longue date avec son pays (dans lequel il vit toujours), livre une parabole cauchemardesque sur l’instrumentalisation politique de l’islam.Les Prépondérants est un grand roman-monde sur les années 1920, situé essentiellement dans un protectorat du Maghreb, qui encapsule les enjeux d’une époque (prémices de la décolonisation, montée des périls en Europe…) tout en brassant les genres littéraires – roman d’aventures, d’amour, de formation, comédie de mœurs…L’obtention du Grand Prix de l’Académie, même partagé, sera-t-il un obstacle à l’obtention du Goncourt par Hédi Kaddour ? Le cas d’un doublé s’est déjà présenté, ainsi avec Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (Gallimard, 2006). Et comme les jurys des grands prix semblent décidés à surprendre leur monde, rien ne semble exclu.Service cultureJournaliste au Monde Stéphanie Le Bars Des décennies de tergiversations, un concept paradoxal et, désormais, une course contre la montre : si tout va bien, le dernier-né des musées nationaux américains, qui sera consacré à l’histoire des Afro-Américains, sera inauguré en septembre 2016 à Washington par Barack Obama. Les concepteurs du musée s’en sont fait la promesse : le premier président noir des Etats-Unis coupera le ruban du National Museum of African American History and Culture (NMAAHC). Quoi de mieux que la force symbolique de cette image pour lancer sous les meilleurs auspices ce projet maintes fois avorté ?L’ouverture du NMAAHC sur le National Mall verdoyant de la capitale fédérale, bordé par la quinzaine de musées nationaux gérés par la très officielle Smithsonian Institution, constitue en effet un événement politique autant qu’une gageure scientifique. Aujour­d’hui, l’imposant bâtiment de six étages, figurant une couronne africaine composée de centaines de plaques de fer forgé – hommage au travail des esclaves dans les Etats américains du Sud aux XVIIIe et XIXe siècles –, trône en bonne place sur l’esplanade de la capitale, au pied de l’obélisque du Washington Monument. Cet emplacement, au cœur des mémoriaux et musées qui fondent l’identité nationale américaine, n’est pas anodin : avant même la pose de la première pierre, en 2012, il a constitué une victoire symbolique pour les promoteurs du projet – au fil des ans, les ­désaccords sur la localisation du musée, que certains souhaitaient hors du Mall, ont nourri les atermoiements sur sa construction.Histoire ancienneTout cela est désormais de l’histoire ancienne. A quelques centaines de mètres du ­bâtiment encore en chantier, le Musée national de l’histoire américaine héberge, jusqu’à l’ouverture, une exposition préfigurant le ­futur musée. Y sont présentés 140 des 33 000 objets collectés à ce jour par le NMAAHC autour des grands thèmes retenus par le musée : l’esclavage, la ségrégation, la vie des communautés, la culture et le sport. Un tableau figurant des esclaves en fuite ouvre l’exposition, qui se poursuit avec les photos d’une famille éduquée ayant obtenu sa liberté. La collerette d’Harriet Tubman, une esclave du Maryland qui a facilité l’évasion de nombre de ses compagnons, y côtoie le barda de soldats noirs durant la guerre civile, la nappe sur laquelle fut rédigé l’argumentaire demandant la déségrégation scolaire dans les années 1950, la combinaison du premier ­astronaute noir ou des costumes de scène d’artistes… La plus grande pièce du futur musée, un wagon datant de la ségrégation avec des sièges réservés aux gens de couleur, ne sera visible que lors de l’inauguration.La nécessité de donner à voir la vie des Américains d’origine africaine et leur présence dans la grande épopée des Etats-Unis a mis des années à s’imposer. L’idée d’honorer la mémoire des Afro-Américains remonte à 1915 : des anciens combattants noirs de la guerre civile (1861-1865) demandent alors – en vain – l’érection d’un mémorial. En 1929, le Congrès donne son accord à la création d’un musée mais, alors que le pays plonge dans la crise, lui refuse toute subvention. A la fin des années 1960, dans la foulée des victoires liées aux droits civiques, l’idée est relancée, mais là encore, ni le monde universitaire ni le monde politique ne pousse en ce sens. « Longtemps, le groupe dominant, l’homme blanc d’origine européenne, a choisi de ne pas inclure cette ­histoire dans le récit national », analyse Rhea L. Combs, la conservatrice du nouveau musée.Le Congrès donne son feu vert en 2003Les efforts sont relancés à la fin des années 1980 par des élus comme John Lewis, un compagnon de route de Martin Luther King. Il se heurte cependant à une frange ultraconservatrice de parlementaires qui ne veulent pas mettre un dollar dans un tel projet. Les opposants au musée afro-américain, à l’instar du sénateur de Caroline du Nord Jesse Helms mettent en avant le risque d’être confrontés à « des demandes communautaires » sans fin. A cette époque, le Congrès vote pourtant les fonds pour la création du Musée des Indiens d’Amérique, qui verra le jour en 2004.Des raisons moins avouables expliquent ces réticences, estime Julieanna Richardson, fondatrice, à Chicago, de l’institution The History Makers, consacrée à la préservation et à la collecte de milliers de témoignages audiovisuels d’Afro-Américains.« N’oublions pas qu’un groupe social a considéré pendant des décennies qu’un autre groupe n’avait pas de valeur », souligne cette ancienne avocate. Difficile dans ces conditions de lui accorder une place dans le récit national sans stigmatiser la partie de la population qui l’avait humilié. Au-delà des réels problèmes financiers, « le projet s’est en outre heurté durant des années à un manque d’éducation, un manque d’appréciation et un manque de documentation », estime-t-elle. Il aurait aussi pâti de la volonté de valoriser principalement « une histoire heureuse » de l’Amérique, estime de son côté l’historien John W. Franklin, aujourd’hui conseiller auprès du directeur du NMAAHC.Il faudra donc attendre 2003 pour que le Congrès accorde son feu vert à la construction du musée afro-américain, après l’avis favorable d’une commission mise en place par le président George W. Bush et le soutien des responsables de la Smithsonian Institution. La moitié du budget, qui atteint 500 millions de dollars, est pris en charge par les finances publiques, à charge pour les promoteurs de le compléter par des dons privés. Parmi ces donateurs, l’animatrice et actrice Oprah Winfrey a apporté à elle seule 13 millions. Douze ans plus tard, et à moins d’un an de l’ouverture programmée, quelque 60 millions de dollars manquent encore à l’appel, selon M. Franklin.Contribuer à « la réconciliation entre les races »Ces difficultés matérielles n’ont pas remis en cause le consensus qui semble désormais acquis en faveur du projet. En revanche, une question de fond demeure : si le but consiste à (ré) introduire la population d’origine africaine dans l’histoire, sombre ou joyeuse, de l’Amérique, faut-il lui consacrer un lieu spécifique ? « Les femmes, les juifs ou les Indiens d’Amérique ont leur musée ; consacrer un musée à l’histoire des Afro-Américains n’est pas plus paradoxal », explique Mme Richardson. « Il fallait créer ce lieu, car il n’existait pas d’autres endroits où était racontée une histoire collaborative, soutient Jacquelyn Serwer, commissaire en chef du musée. Nous allons nous efforcer de montrer que pas un grand événement ne s’est produit aux Etats-Unis sans que les Noirs y soient impliqués. L’objectif est de créer des interconnexions, de démanteler les séparations. » « Le musée ne sera pas un musée sur les Afro-Américains mais pour les Afro-Américains », affirme son directeur, Lonnie Bunch.Conçu par la commission mise en place par M. Bush comme un lieu de « guérison » susceptible de contribuer à « la réconciliation entre les races », le musée saura-t-il tenir ses promesses ? Les promoteurs du projet assurent qu’il ne s’agit « ni de victimiser les Noirs ni de culpabiliser les Blancs ».« L’idée est que ce musée contribue à une meilleure compréhension réciproque, explique la conservatrice du musée. On veut montrer que, comme dans les familles blanches, les origines et les histoires des familles noires sont multiples. Que l’énergie de la culture afro-américaine a irrigué la ­culture en général ou que les sportifs noirs sont des diplomates de l’Amérique à travers le monde. »Trouvaille archéologique rareEn dépit des difficultés à rassembler des objets ayant appartenu aux esclaves, le musée entend pallier le manque de connaissances de la société américaine sur la période de l’esclavage, « le péché originel dont l’Amérique ne s’est toujours pas remise », ainsi que l’a récemment qualifiée Hillary Clinton, candidate à l’investiture démocrate. « La plupart des Américains pensent encore que l’esclavage était limité aux Etats “ignares” du Sud alors que les nordistes aussi furent esclavagistes », explique M. Franklin. Le musée exposera ainsi une trouvaille archéologique rare : des objets recueillis dans l’épave d’un navire négrier ­portugais, qui a sombré en 1794 au large de l’Afrique du Sud. Mais il a aussi l’ambition de s’attaquer à la persistance des discriminations à l’encontre des Afro-Américains. « On collecte actuellement des tracts et des objets liés aux manifestations de Ferguson [ville du Missouri en proie à des émeutes après la mort d’un jeune Noir tué par un policier blanc en 2014] ou aux actions du mouvement ­Blacklivesmatter [les vies noires comptent] », indique Rhea L. Combs.L’« histoire heureuse » des populations d’origine africaine cohabitera donc avec la violence institutionnelle de l’Amérique blanche durant la période coloniale ou les années de ségrégation, et ses séquelles actuelles. Ses promoteurs le savent : l’enjeu sera de trouver un équilibre entre la mise en scène des connais­sances académiques et le risque de tomber dans une forme de militantisme. « On espère aussi en faire un lieu de débats sur les thèmes difficiles que sont l’esclavage, la ségrégation et les discriminations, alors que des institutions “blanches” auraient peut-être peur d’être entraînées sur de tels terrains », assure Jacquelyn Serwer. Les responsables du musée espèrent attirer 3 millions à 3,5 millions de visiteurs par an et placer ainsi le NMAAHC dans le tiercé de tête des musées nationaux. Juste derrière le Musée de l’espace, et au coude-à-coude avec celui consacré à… l’histoire américaine.Stéphanie Le BarsJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.10.2015 à 17h49 • Mis à jour le28.10.2015 à 18h20 Le successeur de Nonce Paolini à la tête du groupe audiovisuel français, Gilles Pélisson, choisi mercredi 28 octobre par le conseil d’administration de Bouygues, arrive dans un contexte difficile, marqué par le déclin des audiences et des bénéfices.Lire aussi :Gilles Pélisson succédera à Nonce Paolini à la tête de TF1 21,4 %C’est la part d’audience de TF1 en septembre, pour 14,4 % pour France 2 et 10,1 % pour M6. En août, l’audience était tombée à 20,1 %, un niveau historiquement bas pour la chaîne qui connaît un déclin quasi continu depuis des années. TF1 enregistrait 44,8 % d’audience en 1988, 35,3 % en 1998, et 27,2 % en 2008. Depuis dix ans, les parts de la chaîne sont aussi grignotées par celles de la TNT.Face à cette érosion, TF1 rappelle qu’elle déploie une stratégie pour l’ensemble de son groupe qui vise à faire progresser l’audience de ses chaînes secondaires (HD1, NT1 et TMC). Elle insiste sur l’audience agrégée de ses quatre chaînes (27,4 % de part en moyenne en 2015, selon des chiffres de fin août), voire sur son audience numérique, où sa plate-forme MyTF1 progresse, avec environ 15 millions de vidéos vues par mois. Lire aussi (édition abonnés) :TF1 tente de contrer l’érosion de son audience413 millions d’eurosC’est le montant du résultat net part du groupe pour 2014. Il était en forte hausse par rapport à 2013 (137 millions d’euros). Mais ce résultat est en trompe-l’œil car il intègre la plus-value liée à la cession du contrôle d’Eurosport à Discovery Communications, en mai 2014, pour 299,5 millions d’euros.En réalité, la baisse des bénéfices est continue : 250,3 millions d’euros en 2000, 228 millions d’euros en 2007 et, donc, 137 millions d’euros en 2013. Du coup, l’actionnaire principal de la chaîne, le groupe de BTP Bouygues – qui détient 43,5 % des parts de l’entreprise –, a exigé, en 2008, un plan d’économies. Nonce Paolini a joué le tueur de coût, imposant un régime minceur inédit qui s’élève aujourd’hui à quelque 24 millions d’euros. Son successeur s’inscrira dans la continuité de cette stratégie.Lire aussi :TF1, toujours seule en tête 700 millions d’eurosC’est le trésor de guerre, considérable, de TF1. La chaîne a vu sa trésorerie augmenter de 491 millions d’euros grâce à la vente de ses 49 % restants dans la chaîne sportive Eurosport à l’américain Discovery, en juillet. Fin 2014, les réserves du groupe audiovisuel s’élevaient déjà à 497 millions d’euros. Après versement des dividendes, la trésorerie devrait se situer à 700 millions d’euros. De quoi relativiser les pertes occasionnées par le quotidien gratuit Metro, qui a cessé en juillet de faire paraître son édition papier, ou de la chaîne d’info en continu LCI.Avec l’arrivée de M. Pélisson, les annonceurs attendent que TF1, assez prudent jusqu’ici, s’engage sur des investissements. Le groupe pourrait choisir de faire des acquisitions dans le numérique ou dans la production de contenus.Lire aussi :TF1 gonfle sa trésorerie en se désengageant totalement d’Eurosport 8,5 millions d’eurosC’est la perte enregistrée par LCI en 2014. L’avenir de la chaîne d’information est suspendu à une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur son passage en gratuit, qui doit intervenir d’ici à la fin de l’année. Sa précédente demande avait été rejetée par le CSA, mais le Conseil d’Etat a annulé cette décision, pour des raisons de procédure.TF1 considère que LCI n’a pas d’avenir sur la TNT payante, dont l’usage est en déclin (200 000 abonnés environ). Si le CSA ne lui accorde pas le passage en gratuit, TF1 a affirmé envisager l’arrêt de l’exploitation de sa chaîne après le 31 décembre.Lire aussi (édition abonnés) :Pour passer en gratuit, LCI se présente en anti BFM Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Macha Séry A ses lecteurs, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, il n’avait rien caché de son cancer depuis quelques mois. L’écrivain Ayerdhal s’est éteint à Bruxelles, en Belgique, mardi 27 octobre, à l’âge de 56 ans. Il fut, avec Pierre Bordage, Serge Lehman et Jean-Marc Ligny, l’un des artisans les plus flamboyant du renouveau de la science-fiction française. En près de vingt-cinq ans et presque autant de livres, il a donné à lire quelques chefs-d’œuvre visionnaires, tels que Demain, une oasis (Fleuve noir, 1992), Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé (J’ai lu, 1997 ; rééd. 2009, Au Diable Vauvert, son éditeur depuis 2004, qui procède depuis à la réédition de son œuvre) ou Etoiles mourantes (avec Jean-Claude Dunyach, J’ai lu, 1999).Né le 26 janvier 1959, Ayerdhal, de son vrai nom Yal Soulier, a grandi dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, la banlieue rouge de Lyon. Son père est l’un des plus grands collectionneurs de SF d’Europe. Il possède, par exemple, l’intégralité des titres parus dans la collection « Anticipation » du Fleuve noir. Ils ont aiguisé son goût pour les sciences. Car pour Ayerdhal, la science-fiction exige de la crédibilité. Un écrivain « ne peut pas se contenter de répandre des poncifs ou des approches obsolètes pour décrire ce qu’il perçoit du monde et permettre au lecteur d’envisager ses devenirs potentiels. Loin d’être un privilège de la littérature d’anticipation, qui, par essence, se doit d’inclure les découvertes scientifiques et les progrès technologiques dans les hypothèses qu’elle met en scène », écrivait-il dans « Le Monde des livres » du 25 mai 2007.Dystopies et space operasTout en exerçant mille et un métiers (moniteur de ski, footballeur professionnel, éducateur, commercial chez L’Oréal, chef d’entreprise), Ayerdhal a toujours écrit. A 28 ans, il se décide enfin à envoyer un manuscrit à un éditeur. La Bohème et l’Ivraie (Fleuve noir, 1990) met en scène un artiste qui se révolte contre un régime politique. Admirateur des Américains Ray Bradbury, Frank Herbert et Norman Spinrad, il signera par la suite d’autres dystopies ainsi que des space operas. Ayerdhal se voyait un peu comme un éclaireur, répétant cette phrase de Sartre : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent. » Même ancrée sur des planètes improbables, sa fiction est éminemment réaliste et toujours politique. Elle exalte la rebellion libertaire. Ayerdhal tenait, en effet, la science-fiction pour l’héritière de la philosophie et la dernière instance où l’on délibère encore sur l’humanité et son devenir.Depuis Transparences (Au Diable Vauvert, 2004), Ayerdhal avait migré de la science-fiction au polar. Plutôt, il était parvenu à mixer les deux. Témoin, Bastards (Au Diable Vauvert, 2014), qui débute tel un policier classique avant de basculer dans le surnaturel. Cependant, le romancier venait de renouer avec ses premiers amours, prévoyant d’ajouter un cinquième tome aux aventures d’Eylia, l’héroïne de son cycle « Cybione », employée pour des opérations suicides puisqu’elle ressuscite chaque fois, la mémoire amputée de sa dernière vie. Il n’aura pas eu le temps de l’achever.Tolérance, écologie et partage des richessesD’un genre à l’autre, ses préoccupations liées à la tolérance, à l’écologie et au partage des richesses sont demeurées intactes. Vingt ans après avoir reçu le Grand Prix de l’imaginaire pour Demain, une oasis, en 1993, roman futuriste où des commandos humanitaires enlèvent un médecin à Genève puis l’abandonnent dans un village subsaharien afin qu’il exerce son métier dans des camps de réfugiés, Ayerdhal retrouvait l’Afrique et la dénonciation du pillage de ses ressources naturelles dans le thriller Rainbow Warriors (Au Diable Vauvert, 2013). Une œuvre d’anticipation que l’on peut lire au choix comme une fiction politique, une utopie sociale, un roman d’aventures ou d’espionnage en terre africaine, un ouvrage de vulgarisation sur les barbouzeries dont se rendent coupables les Etats occidentaux afin de protéger leurs intérêts. L’argument ? Une armée de 5 000 LGBT (lesbiennes, gays, bis, transsexuels) originaires des cinq continents se forme pour renverser une dictature homophobe qui brade ses cultures et son sous-sol à des multinationales.Militant de la cause des auteurs, Ayerdhal avait fondé en octobre 2000 le collectif Le droit du Serf pour faire respecter leur droit à jouir décemment de leurs œuvres.Macha SéryJournaliste au Monde Harry Bellet Créé en 2000 par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (l’Adiaf), une association de collectionneurs désireux de promouvoir l’art contemporain français, le prix Marcel Duchamp a été remis, samedi 24 octobre, à Melik Ohanian par Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Le lauréat recevra 35 000 euros et bénéficiera d’une exposition de trois mois au Centre Pompidou à Paris.Né en 1969 à Lyon, Melik Ohanian est représenté par la galerie parisienne Chantal Crousel. Selon Jean-Christophe Royoux, conseiller pour les arts plastiques au ministère de la culture, et qui défendait son travail devant le jury, ses sujets de prédilection sont « les zones désertiques, le monde ouvrier, la fin des utopies révolutionnaires, les faits scientifiques ou historiques, l’identité arménienne ».Lire aussi : Melik Ohanian en quatre datesCohérence d’une œuvreIl participe ainsi à l’actuelle Biennale de Venise, dans le cadre de l’exposition accueillie par le pavillon arménien – lequel a reçu le Lion d’Or –, avec une sculpture dénonçant autant le génocide de 1915 que la difficulté de le commémorer.Il réalise aussi des vidéos. L’une d’entre elles, Seven Minutes Before, représentait la France à la Biennale de Sao Paulo en 2004. Un autre film, DAYS, I See What I Saw and What I Will See, évoquant le sort des travailleurs émigrés dans les Emirats Arabes Unis, est tellement réussi qu’il a été refusé à la Biennale de Sharjah en 2011, qui l’avait pourtant commissionné.Dans son discours au récipiendiaire, Bernard Blistène a souligné que le jury avait voulu récompenser la cohérence d’une œuvre développée depuis vingt ans.Lire aussi :Irak, Arménie : la mémoire des désastres à Venise Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien LeloupFrank Miller, l'auteur de bandes dessinées, scénariste de films et réalisateur américain était l'invité du Comic-Con de Paris. Le mythique – et controversé – auteur de The Dark Knight Returns – est revenu pour Le Monde sur l'évolution de sa vision du chevalier noir.La troisième partie de votre saga Dark Knight sera publiée quatorze ans après le deuxième épisode. Pourquoi y revenez-vous aujourd'hui ?C'est très simple : j'ai eu une nouvelle idée. J'attendais avec impatience de retourner vers Batman pour revisiter à nouveau le personnage. C'est l'un des avantages des héros classiques : on peut toujours y revenir, leur rendre visite et les transformer.L'idée de départ, c'est que Batman sera toujours un protagoniste majeur, mais que Superman jouera un plus grand rôle. L'intrigue tournera autour de la libération de la ville de Kandor, la capitale de la planète Krypton où est né Superman. Dans l'histoire, Batman libère un million de supermans en puissance. Le héros masqué et Superman doivent alors se rejoindre pour empêcher la conquête de la Terre. Vos dernières œuvres ont fait l'objet de vives critiques, on vous accuse d'avoir fait preuve de racisme dans 300 et Holy Terror!, de misogynie dans Sin City, et vous avez même été qualifié de « cryptofasciste ». Titrer ce prochain album The Master Race (« la race supérieure »), c'est une provocation ?Je ne ferais pas bien mon travail si je n'étais pas provoquant. Mon rôle est de faire réagir les gens. Je veux des réactions de colère ; plus les critiques seront furieux, et plus je serai content. Cela me donne le sentiment que je suis parvenu à réaliser quelque chose.Vous avez déclaré que dans ce troisième volet, Batman sera encore plus « dur »...Ce qui définit Batman, ce n'est pas sa force physique, ni sa capacité à encaisser les coups, mais c'est le fait qu'il soit l'homme le plus intelligent au monde. Par le passé, lorsqu'il a affronté Superman, il a gagné. Dans The Master Race, il devra affronter des millions de personnes aussi fortes que Superman… mais s'il fallait parier, je parierais sur Batman.Mais pour battre Superman, Batman a eu besoin de l'aide d'autres superhéros…Batman ne peut pas vaincre seul. Heureusement, DC Comics dispose d'un vaste panthéon de héros, une véritable armée qui sera à ses côtés. Mais son intelligence reste la clef de sa force : souvenez-vous, dans The Dark Knight Strikes Again, il s'était procuré de la kryptonite [un matériau qui affaiblit Superman] de synthèse, qu'il a ensuite donnée à Green Arrow…Au cœur de Dark Knight se trouve la question des choix moraux. Batman ne tue jamais ; avez-vous des règles, des principes moraux auxquels vous croyez et que vous appliquez ?[Silence] Suivre des règles de conduite, appliquer un code d'honneur, c'est facile. Ce qui est difficile, c'est d'élaborer ces règles, de se construire son code. C'est la partie vraiment difficile, et c'est le travail de toute une vie – pour moi comme pour mes héros.En 2011, vous avez cessé de publier des messages sur Twitter, votre blog n'est plus accessible, et vous n'avez recommencé à publier des messages sur Internet que pour annoncer le retour de The Dark Knight. Pourquoi ce silence de quatre ans ?Je travaillais tout simplement sur plusieurs projets différents, dans le calme. The Master Race est l'un d'entre eux. Mais il y a aussi une suite de Sin City, Home Front, qui est une histoire d'amour entre un agent fédéral américain et la cheffe d'un réseau de la résistance française durant la seconde guerre mondiale.Je me suis toujours intéressé à la seconde guerre mondiale – aussi loin que je me souvienne, cette période m'a fasciné. Je suis aussi amoureux des vêtements, des voitures de cette époque. Le fait que j'aie choisi de placer l'action de Sin City à ce moment de l'histoire me permet de dessiner ce que j'aime. Vous n'étiez pas lassé des rapports directs avec vos lecteurs, qui se sont montrés pour certains très critiques sur vos dernières œuvres ?Pas du tout, j'adore le fait d'avoir une relation directe avec mes fans. Je trouve cela excellent, et j'ai toujours aimé les bonnes bagarres générales. Qu'ils viennent me chercher !The Dark Knight Returns a été écrit avant l'arrivée du Web. Mais vous y décrivez une télévision omniprésente et décérébrée… Vous pensez toujours que les médias de masse sont dangereux ?Non. Si c'était à refaire, je traiterais cet aspect d'une manière très différente aujourd'hui. La manière dont je décris le fonctionnement et le rôle de la télévision dans The Dark Knight Returns est immature. La télévision, comme toutes les autres formes de communication, peut être une bonne chose – elle ne fait que soumettre au public des images, qui sont ouvertes à l'interprétation.Vous avez expliqué avoir eu l'idée de créer un Batman cinquantenaire lorsque vous-mêmes avez atteint trente ans, l'âge de Bruce Wayne. Aujourd'hui, vous avez 58 ans, et vous avez donc dépassé votre Dark Knight. Est-ce qu'avec le recul, vous changeriez des choses sur la manière dont vous aviez imaginé la « vieillesse » de Batman ?Je ne changerais rien dans The Dark Knight Returns. Je changerais probablement des choses dans The Dark Knight Strikes Again. Et dans The Master Race, j'aborderai cette question de l'âge d'une manière très différente. Lorsque j'ai commencé à travailler sur cette série, j'étais obsédé par l'idée de savoir à quel point le physique des personnages serait, avec le temps, affecté par tous ces combats.Maintenant, avec le regard d'un cinquantenaire, je me rends compte que l'impact de l'âge sur le physique d'un personnage est loin d'être la chose la plus importante qui se produise lorsqu'on vieillit. Avoir cinquante ans, c'est loin d'être aussi vieux que ce que j'imaginais lorsque j'en avais trente ! Et il y a beaucoup d'autres choses qui viennent avec l'âge : la maturité, l'expérience, qui sont autant de choses qui changent ce qu'est devenu Batman avec le temps. Dans The Master Race, par exemple, personne ne pourra plus le tromper.Le temps a aussi eu un effet sur votre vision du rôle de Batman...Dans mon rapport à Batman, il y a eu plusieurs phases. Lorsque je l'ai découvert enfant, à cinq ans, c'était un père sévère, une figure résolument paternelle. Il l'est resté par la suite, mais j'ai commencé à le voir sous des aspects plus politiques, plus philosophiques.« Batman était un justicier autoproclamé et sauvage, il est devenu une figure d'autorité, avec un badge de policier »En parallèle, le contenu des comics Batman évoluait aussi : nous sommes passés d'un justicier autoproclamé et sauvage à une figure d'autorité, avec un badge de policier. Sous ma plume, il est devenu un anarchiste – et dans The Master Race, il deviendra une figure authentiquement révolutionnaire.Un anarchiste ? Dans les deux premiers épisodes de The Dark Knight, votre Batman se bat pourtant pour restaurer l'ordre à tout prix, allant jusqu'à enrôler des gangs des rues pour imposer la loi martiale dans Gotham City…Si vous êtes un anarchiste, vous considérez que l'ordre existant est corrompu, et le détruire est la première chose que vous souhaitez faire – et pour cela, tous les moyens sont bons. La lutte des Irlandais pour l'indépendance, comme la résistance française, nous a montré qu'il pouvait être nécessaire de descendre dans la rue pour se lever contre la tyrannie. Parfois la seule manière de faire en sorte que le monde fasse sens est de détruire l'ordre existant.Vous dites souvent que toutes les œuvres naissent dans un contexte. Vous pensez que nous sommes à la veille d'une révolution ?Non. The Master Race est une fiction. Mais je vous promets que ça sera une bonne lecture. //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry En Tunisie depuis dimanche, les académiciens ont dévoilé à 13 heures à Tunis, mardi 27 octobre, leur troisième et dernière sélection en vue du prix Goncourt 2015, qui sera décerné le 3 novembre chez Drouant.La liste passe de huit à quatre titres concourant pour la plus prestigieuse récompense littéraire de la saison : grosse surprise, 2084, de Boualem Sansal, pourtant parmi les favoris, n’a pas été gardé dans cette ultime sélection établie par les dix membres de l’académie présidée par Bernard Pivot.Les quatre finalistesNathalie Azoulai pour Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L)Mathias Enard pour Boussole (Actes Sud)Hédi Kaddour pour Les Prépondérants (Gallimard)Tobie Nathan pour Ce pays qui te ressemble (Stock)Le 15 septembre, les académiciens avaient annoncé leur volonté de se rendre en Tunisie pour leur troisième délibération. Symboliquement, c’est le Musée du Bardo de Tunis, frappé en mars par un attentat qui a fait 22 morts, qui a été choisi par les Goncourt pour dévoiler leur liste finale.« Aujourd’hui, à Tunis, dans un pays qui a été la victime de deux attentats abominables [Bardo et Sousse en juin] en début d’année, nous sommes venus dire : “Tenez-bon, on est avec vous”», a expliqué le président du jury, Bernard Pivot. « Nous allons dans une salle du musée pour voter — c’est un acte démocratique, le vote — et nous annonçons les quatre derniers candidats. (...) Je crois que c’est important, même si c’est symbolique », a-t-il ajouté.Lire aussi :Angot, Enard et Liberati sur la liste du prix GoncourtAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Film, sur Ciné+ Club à 20 h 45 Xavier Dolan met en scène une relation trouble entre deux hommes.Tom à la ferme, le quatrième long-métrage de Xavier Dolan, a été, d’emblée, conçu pour être tourné vite et bien. Adapté, avec sa collaboration, d’une pièce de théâtre éponyme du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, ce film introduit, de fait, une inflexion, dans le ton, la couleur et le genre du kaléidoscope dolanien.Cela veut dire un tournage de dix-sept jours, un décor homogène (la campagne, une ferme, sa cuisine, son étable, un café), un chromatisme éteint (brun, marron vert), une atmosphère sourde comme une messe basse, une action tendue, épurée, sans fioritures. L’idéal, en somme, pour mettre en scène un thriller psychologique confrontant deux personnages principaux dans un face-à-face sadomasochiste, où la frontière entre dominant et dominé a tendance à devenir floue.L’intrigue, à défaut des mécanismes psychologiques qui la permettent, est assez simple. En deuil de son amant, Tom (Xavier Dolan), un jeune publiciste de la métropole en permanente blonde et blouson de cuir, vient assister à son enterrement dans une ferme familiale dont on va rapidement comprendre pourquoi il l’a quittée.Pervers homophobeLà, il fait la connaissance de la mère éplorée, à laquelle la liaison de Tom avec son fils était demeurée cachée. Tom y rencontre aussi le frère de son amant, Francis (Pierre-Yves Cardinal), une brute épaisse très au fait, lui, de la situation. Célibataire et solitaire, devenu le dernier homme de la famille et le seul garant de la pérennité de la ferme, Francis est une armoire à glace à l’esprit obtus doublé d’un pervers puissamment homophobe. Il tombe logiquement sur le râble de Tom pour lui imposer, au besoin par la terreur, un silence destiné à épargner à sa mère la connaissance des turpitudes de son fils défunt.Cet argument de départ lance une relation trouble, poisseuse et, pis, communément admise entre les deux hommes, que troublera à peine l’arrivée de la fausse fiancée du défunt, une collègue de bureau appelée à la rescousse par Tom.On s’accommodera d’autant plus facilement de l’aspect peu vraisemblable de cette histoire qu’elle révèle sa justesse sur un tout autre plan que celui de l’intrigue apparente, dans le repli des âmes et des comportements, dans les fantômes qui surgissent du passé au premier bar venu, dans la logique inconsciente qui guide profondément les êtres à travers la nuit.Car, si l’attitude de Francis pose à l’évidence problème, celle de Tom, incapable de s’extraire de ce bourbier, n’en est pas moins étrange. C’est évidemment dans les interstices de ce qui rend possible une situation aussi intolérable que résident tout l’intérêt, toute la finesse, toute la beauté du film. Dans la tendresse et le désir inconscients de la brute luttant à corps perdu contre l’objet de sa haine. Dans l’opiniâtreté de la victime à rester, justement, au plus près de son bourreau, pour mieux l’aguicher et le torturer, pour mieux le confronter à une passion qui lui aura déjà fait commettre le pire, mais aussi bien pour mieux célébrer, avec et contre lui, le souvenir, délectable et infamant, de l’amour interdit (Ciné+ Club, 20 h 45).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aline Leclerc Il a le visage fatigué, un gros bonnet mange son regard. Il marche dans Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, et décrit son quotidien d’homme de ménage : « J’ai jeté des seaux d’eau et passé la raclette. C’était super-propre, ils étaient contents. » Il répond aux questions de son fils, Mehdi, qui le suit caméra au poing. Un instant plus tard, magie du montage, le même Mehdi interroge avec autant de simplicité le créateur Jean-Charles de Castelbajac dans les studios de France Inter : « T’en es où avec Instagram ? »Ces deux instantanés saisissants forment un seul et même épisode de « Vie rapide », web-série diffusée sur Arte interactive, où Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, 23 ans chacun, parviennent à brosser, en deux minutes à peine, le portrait de notre époque.Dans « Vie rapide » depuis le printemps, dans leurs chroniques pendant six ans sur France Inter, dans leurs articles depuis huit ans sur le « Bondy Blog », ils ont inventé un récit à deux voix au ton unique, à la fois poétique et collé au réel, tantôt caresse, tantôt flamme, d’où monte depuis toujours une rage sourde. Cet automne, elle éclate dans leur premier roman Burn Out (Seuil, 192 pages, 16 euros), dont ils disent qu’il est leur « cri ». Un récit polyphonique imaginé autour de l’histoire vraie d’un chômeur qui s’est immolé par le feu devant une agence Pôle emploi à Nantes, en février 2013. Portrait acide d’un pays qui broie les rêves et les gens, se saoule de coups de com’et de télévision.En cette soirée d’octobre, c’est cet ouvrage qu’ils sont venus présenter au Silencio, club littéraire et artistique de la capitale. Pour entrer, il faut être membre ou se faire inviter. Descendre un escalier dans la pénombre, longer les photos de corps de femmes nues jusqu’à une cave voûtée tapissée à la feuille d’or. Le décor est signé du cinéaste américain David Lynch. Sur la petite scène, Mehdi, blouson noir zippé jusqu’au col, casquette éternellement vissée sur la tête et Badrou, pull de laine et chemise, répondent aux questions d’un jeune critique du club. Et soudain, dans l’ambiance feutrée, les mots claquent. « Même en France, on n’entend plus les morts », assène Mehdi. « Cet homme est mort pour rien, renchérit Badrou. En Tunisie, en Iran, au Tibet, les immolations provoquent des choses. Ici, ça n’a rien déclenché. » En quelques mots, ils ont effacé les sourires des curieux venus voir ce que les petits gamins de banlieue, qu’on surnomme encore « les Kids », avaient dans le ventre. « Ils sont denses », entend-on dans le public. « Est-ce un livre engagé ? », demande le critique. « Ce livre est politique comme le sont chacun de nos reportages, répond Mehdi. Il porte un message. Mais l’engagement ce n’est pas quelque chose qu’on fait une fois, ça se construit dans le long terme. » Voilà huit ans déjà qu’ils construisent et se construisent. A deux. Depuis leur rencontre en 2007. Ou peut-être faut-il remonter encore deux années en arrière. Pour comprendre comment ces deux voix ont réussi à percer parmi toutes celles qui hurlent dans les quartiers populaires.Sortir d’un monde « exigu »Automne 2005. Une fois n’est pas coutume, la banlieue occupe les écrans. Depuis la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, les cités se soulèvent, les voitures brûlent, des écoles et des gymnases aussi. Mehdi et Badrou ne se connaissent pas encore. Ils observent à distance la colère qui s’exprime. Mehdi est en 4e à Saint-Ouen. On le remarque lors d’un atelier d’écriture dans une classe atone. Il est le seul à manifester un véritable intérêt pour l’information. Vif, cultivé, il n’a que 13 ans mais veut déjà devenir journaliste. A 5 km de là, Badrou est en 4e à La Courneuve. Dans une classe où « il y avait de l’ambiance », ses professeurs l’observent « stoïque » dévorer le manuel, ses camarades s’amusent de le voir toujours un livre en poche. Comme cet exemplaire du chef-d’œuvre de Stendhal, Le Rouge et le Noir prêté par un professeur. « J’avais été marqué par la façon dont Julien Sorel réussit à sortir de son milieu social », confiait Badrou récemment sur Arteradio.com. Les jeunes auteurs n’ont jamais quitté leur quartier. Mehdi a beau avoir dans sa chambre un portrait de lui et Badrou croqués par Castelbajac, il vit toujours dans un HLM à Saint-Ouen avec sa mère, ex-opératrice téléphonique, au RSA. Badrou partage encore sa chambre de la cité des 4000 avec deux de ses sept frères et sœurs et voit chaque année son père comorien, agent d’entretien, faire d’humiliantes démarches pour renouveler son titre de séjour. Lui-même, arrivé en France à 18 mois, n’oubliera jamais que sa demande de nationalité a mis quatre ans à aboutir. « Tu peux réussir quoi que ce soit, passer ta journée avec des vedettes ou dans des soirées mondaines, le soir, tu rentres chez toi, rappelle Mehdi. Et tu te confrontes à la précarité et à ses gens qui ont peu d’espoir. » C’est ce qu’il nomme la « schizophrénie » des gens de banlieue « qui émergent ». Badrou enchaîne : « On sera jamais totalement dans le système. Y’a une insouciance qu’on n’a pas. » L’école et la lecture leur ont donné l’envie de sortir d’un monde « exigu » où ils s’attristent de voir que « d’autres se sentent à l’aise ». Paradoxalement, les émeutes leur offrent la chance qu’ils attendent : le 11 novembre 2005, des journalistes suisses créent le « Bondy Blog », ouvert aux collaborations des habitants. Chacun de leur côté, Mehdi et Badrou s’enthousiasment pour les articles postés par des reporters qui leur ressemblent et décrivent leur quotidien de l’intérieur.Mais il faut encore une étincelle. A la rentrée 2007, le destin les réunit en 2de au lycée Auguste-Blanqui de Saint-Ouen. « On était les mêmes sans se connaître, raconte Mehdi aujourd’hui. On avait les mêmes lectures, les mêmes passions, on aimait la politique et on suivait la campagne d’Obama. Notre rencontre est centrale dans nos vies. » A l’âge où l’on se laisse si vite absorber par le conformisme et les goûts des autres, les deux complices aux centres d’intérêt atypiques se rassurent mutuellement. Ils cultiveront dès lors, le même jardin.« Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. »Trois mois plus tard, c’est ensemble qu’ils osent pousser la porte du « Bondy Blog » et proposent d’emblée d’écrire à quatre mains. « On aurait dit qu’ils se connaissaient depuis toujours », se souvient Serge Michel, aujourd’hui au Monde et l’un des fondateurs du blog, vite séduit par leur style « abrasif » qui « passe le réel au côté vert de l’éponge ». Ils excellent dans l’art de croquer les visites des politiques en banlieue. Lorsque les médias retiennent la petite phrase, eux préfèrent décrire ce qu’ils voient : un essaim de caméras entouré de policiers pour une visite-éclair, coupée du réel. « Ils n’étaient pas les seuls blogueurs à avoir de bonnes idées. Mais la différence c’est que Mehdi et Badrou, eux, rendaient la copie. »Un jour, gloire, la journaliste Pascale Clark les cite dans sa revue de presse sur RTL. Quelques semaines plus tard, elle leur propose une chronique dans sa nouvelle émission sur France Inter, les installant, pour de bon, dans la lumière. Ils inventent un récit radiophonique où leurs voix s’entrecroisent. Poussés par la journaliste, ils étendent aussi leur terrain de jeu, hors de la banlieue. « Je ne voulais surtout pas les cantonner à ça alors qu’ils s’intéressent à tout et sont férus d’actu. » Ils vont avoir la chance de rencontrer des gens qu’ils admirent. En face, « tout le monde craque » devant leur talent et leur jeune âge. « Ils ne m’ont jamais déçue. Ils captent l’époque et le pays comme peu de gens savent le faire, sans préjugés et dans tous les milieux », note la journaliste. Aussi simples avec les habitants des quartiers populaires qu’avec des stars ou des syndicalistes, dans des villages perdus ou aux 80 ans de leur vénérable maison d’édition.« On est à l’aise partout car on a trouvé notre place : on est spectateurs, explique Mehdi, le plus prolixe, mais qui se tourne vers Badrou quand il cherche ses mots. Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. » Ce talent rare, de pouvoir raconter une société dans ses extrêmes, a bien sûr alléché éditeurs, producteurs de films ou d’émissions de télé qui ont multiplié les appels du pied. Ceux qui les entourent se réjouissent de les avoir vus jusqu’ici « éviter tous les pièges ». « Ils auraient pu céder à la facilité et être ce que beaucoup voudraient qu’on soit : le cliché du jeune de banlieue, le rigolo de service », résume Mouloud Achour, producteur et coréalisateur de « Vie rapide ». Contrairement à ceux, nombreux, de leur génération qui veulent être avant de faire, Mehdi et Badrou veulent « faire quitte à ne pas être », souligne ce dernier. « Certains pourraient dire qu’on est “bankable”, mais on ne donne pas suite, insiste Badrou. Exister pour exister, ça ne nous ressemble pas. On préfère rester libres. » Piqûres de rappelLibres de choisir leurs sujets, libres de leurs paroles, libres de jouer avec leur image. Si doux et poli à la ville, Mehdi s’est inventé sur Twitter un double diabolique, qui insulte à tout-va. « Tout est trop convenu, on n’ose plus s’énerver. L’idée de casser ça en étant méchant gratuitement me plaît », confie-t-il amusé. Et tant pis pour les vedettes sensibles qui inondent ses proches d’appels indignés. Cet hiver, c’est aussi sur Twitter qu’il va assumer sans détour ne pas se reconnaître dans les « Je suis Charlie ». « Ce slogan a tué la réflexion, on a marché comme des moutons. Et dire ça, aujourd’hui, c’est subversif ? C’est terrible. » Ils auraient voulu que la société s’interroge davantage sur la trajectoire des terroristes, enfants de nos banlieues, comme eux. Tellement proches de bon nombre de ces Français perdus, ces « cœurs paumés » marchant sans but, croisés en reportages. « La France a su créer ses propres ombres, écrivent-ils dans Burn Out. Mais, il est encore temps de te rebeller, par le travail, par les mots… »En juin, ils s’affichent en « une » des Inrockuptibles avec l’anthropologue Emmanuel Todd pour un entretien croisé et contradictoire autour de son livre polémique Qui est Charlie ? (Seuil, 252 pages, 18 euros) qui réduisait la marche du 11 janvier à un défilé de « catholiques zombies » inconsciemment islamophobes. Moins d’un mois plus tard, après six ans de chroniques, France Inter mettait fin à leur collaboration. Officiellement, le service de communication de la radio assure qu’il n’y a eu « aucun souci », simple conséquence d’un rafraîchissement de la grille des programmes. « C’est plutôt qu’ils n’apparaissaient plus comme les banlieusards sympas, acceptables », pense Mouloud Achour. « On n’est pas des gens légers », aime répéter Mehdi.Leur documentaire sur la barre Balzac de la cité des 4000 à La Courneuve, diffusé le 16 octobre sur Arte, n’est pas léger non plus. Il interroge la vie dans les grands ensembles, en mêlant images d’archives et paroles d’habitants. Ce samedi soir, on les découvre fébriles avant la projection prévue dans le cinéma de la ville. Un peu inquiets qu’on trouve ici que les petites stars ont « trahi leur combat ». Soulagement, la salle quasi pleine ne leur dira que des « merci ». Monte Laster, artiste américain installé à La Courneuve qui a travaillé sur le film, prend la parole. « Je les ai vus devenir la voix de ceux qui n’ont pas de voix. C’est une lourde responsabilité. »Leur ami Ilyass Malki, étudiant en journalisme et fils d’immigré comme eux, se réjouit de voir désormais interviewés partout dans la presse, « un Noir et un Arabe qui ne sont ni rappeur, ni sportif, ni imam, qui ont une voix légitime et crédible, et qui représentent enfin ce qu’on est ». Présents dans la salle, ceux qui raillaient Badrou au collège s’enthousiasment aussi de cette incroyable ascension « motivante pour tout le monde ». « On rêvait des mêmes choses. Pourquoi on ne l’a pas fait ? », s’interroge, songeur, Séréné Coulibaly. « Et malgré tout ça, on le croise toujours au quartier. Il est resté le même », insiste Félix Mvoulana.Et s’ils oubliaient d’où ils viennent, le quotidien leur réserve des piqûres de rappel. Le 5 octobre, ils sortent d’un cinéma des Champs-Elysées quand des policiers les encerclent, les invectivent, demandent à les fouiller sans explication. Mehdi et Badrou dénoncent un « contrôle au faciès ». Ils s’entendent répondre : « Ce n’est quand même pas de notre faute si vous faites plus de conneries que les nôtres. » Il y aura donc toujours « eux et nous » ? De rage, ils publieront un texte qui inondera les réseaux sociaux, pour « tout ceux qui subissent sans pouvoir le dire ». Ils porteront plainte aussi, pour faire parler le droit.Dans leur dernière chronique à la radio, Mehdi et Badrou disent « avoir rendu leur micro comme on rend une arme ». Ils en trouveront d’autres : leur premier livre a tout d’une flèche décochée en plein cœur. Déjà, ils en préparent un autre, sur la présidentielle de 2017. Encore plus politique.Aline LeclercJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Macha Séry A ses lecteurs, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, il n’avait rien caché de son cancer depuis quelques mois. L’écrivain Ayerdhal s’est éteint à Bruxelles, en Belgique, mardi 27 octobre, à l’âge de 56 ans. Il fut, avec Pierre Bordage, Serge Lehman et Jean-Marc Ligny, l’un des artisans les plus flamboyant du renouveau de la science-fiction française. En près de vingt-cinq ans et presque autant de livres, il a donné à lire quelques chefs-d’œuvre visionnaires, tels que Demain, une oasis (Fleuve noir, 1992), Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé (J’ai lu, 1997 ; rééd. 2009, Au Diable Vauvert, son éditeur depuis 2004, qui procède depuis à la réédition de son œuvre) ou Etoiles mourantes (avec Jean-Claude Dunyach, J’ai lu, 1999).Né le 26 janvier 1959, Ayerdhal, de son vrai nom Yal Soulier, a grandi dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, la banlieue rouge de Lyon. Son père est l’un des plus grands collectionneurs de SF d’Europe. Il possède, par exemple, l’intégralité des titres parus dans la collection « Anticipation » du Fleuve noir. Ils ont aiguisé son goût pour les sciences. Car pour Ayerdhal, la science-fiction exige de la crédibilité. Un écrivain « ne peut pas se contenter de répandre des poncifs ou des approches obsolètes pour décrire ce qu’il perçoit du monde et permettre au lecteur d’envisager ses devenirs potentiels. Loin d’être un privilège de la littérature d’anticipation, qui, par essence, se doit d’inclure les découvertes scientifiques et les progrès technologiques dans les hypothèses qu’elle met en scène », écrivait-il dans « Le Monde des livres » du 25 mai 2007.Dystopies et space operasTout en exerçant mille et un métiers (moniteur de ski, footballeur professionnel, éducateur, commercial chez L’Oréal, chef d’entreprise), Ayerdhal a toujours écrit. A 28 ans, il se décide enfin à envoyer un manuscrit à un éditeur. La Bohème et l’Ivraie (Fleuve noir, 1990) met en scène un artiste qui se révolte contre un régime politique. Admirateur des Américains Ray Bradbury, Frank Herbert et Norman Spinrad, il signera par la suite d’autres dystopies ainsi que des space operas. Ayerdhal se voyait un peu comme un éclaireur, répétant cette phrase de Sartre : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent. » Même ancrée sur des planètes improbables, sa fiction est éminemment réaliste et toujours politique. Elle exalte la rebellion libertaire. Ayerdhal tenait, en effet, la science-fiction pour l’héritière de la philosophie et la dernière instance où l’on délibère encore sur l’humanité et son devenir.Depuis Transparences (Au Diable Vauvert, 2004), Ayerdhal avait migré de la science-fiction au polar. Plutôt, il était parvenu à mixer les deux. Témoin, Bastards (Au Diable Vauvert, 2014), qui débute tel un policier classique avant de basculer dans le surnaturel. Cependant, le romancier venait de renouer avec ses premiers amours, prévoyant d’ajouter un cinquième tome aux aventures d’Eylia, l’héroïne de son cycle « Cybione », employée pour des opérations suicides puisqu’elle ressuscite chaque fois, la mémoire amputée de sa dernière vie. Il n’aura pas eu le temps de l’achever.Tolérance, écologie et partage des richessesD’un genre à l’autre, ses préoccupations liées à la tolérance, à l’écologie et au partage des richesses sont demeurées intactes. Vingt ans après avoir reçu le Grand Prix de l’imaginaire pour Demain, une oasis, en 1993, roman futuriste où des commandos humanitaires enlèvent un médecin à Genève puis l’abandonnent dans un village subsaharien afin qu’il exerce son métier dans des camps de réfugiés, Ayerdhal retrouvait l’Afrique et la dénonciation du pillage de ses ressources naturelles dans le thriller Rainbow Warriors (Au Diable Vauvert, 2013). Une œuvre d’anticipation que l’on peut lire au choix comme une fiction politique, une utopie sociale, un roman d’aventures ou d’espionnage en terre africaine, un ouvrage de vulgarisation sur les barbouzeries dont se rendent coupables les Etats occidentaux afin de protéger leurs intérêts. L’argument ? Une armée de 5 000 LGBT (lesbiennes, gays, bis, transsexuels) originaires des cinq continents se forme pour renverser une dictature homophobe qui brade ses cultures et son sous-sol à des multinationales.Militant de la cause des auteurs, Ayerdhal avait fondé en octobre 2000 le collectif Le droit du Serf pour faire respecter leur droit à jouir décemment de leurs œuvres.Macha SéryJournaliste au Monde Harry Bellet Créé en 2000 par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (l’Adiaf), une association de collectionneurs désireux de promouvoir l’art contemporain français, le prix Marcel Duchamp a été remis, samedi 24 octobre, à Melik Ohanian par Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Le lauréat recevra 35 000 euros et bénéficiera d’une exposition de trois mois au Centre Pompidou à Paris.Né en 1969 à Lyon, Melik Ohanian est représenté par la galerie parisienne Chantal Crousel. Selon Jean-Christophe Royoux, conseiller pour les arts plastiques au ministère de la culture, et qui défendait son travail devant le jury, ses sujets de prédilection sont « les zones désertiques, le monde ouvrier, la fin des utopies révolutionnaires, les faits scientifiques ou historiques, l’identité arménienne ».Lire aussi : Melik Ohanian en quatre datesCohérence d’une œuvreIl participe ainsi à l’actuelle Biennale de Venise, dans le cadre de l’exposition accueillie par le pavillon arménien – lequel a reçu le Lion d’Or –, avec une sculpture dénonçant autant le génocide de 1915 que la difficulté de le commémorer.Il réalise aussi des vidéos. L’une d’entre elles, Seven Minutes Before, représentait la France à la Biennale de Sao Paulo en 2004. Un autre film, DAYS, I See What I Saw and What I Will See, évoquant le sort des travailleurs émigrés dans les Emirats Arabes Unis, est tellement réussi qu’il a été refusé à la Biennale de Sharjah en 2011, qui l’avait pourtant commissionné.Dans son discours au récipiendiaire, Bernard Blistène a souligné que le jury avait voulu récompenser la cohérence d’une œuvre développée depuis vingt ans.Lire aussi :Irak, Arménie : la mémoire des désastres à Venise Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien LeloupFrank Miller, l'auteur de bandes dessinées, scénariste de films et réalisateur américain était l'invité du Comic-Con de Paris. Le mythique – et controversé – auteur de The Dark Knight Returns – est revenu pour Le Monde sur l'évolution de sa vision du chevalier noir.La troisième partie de votre saga Dark Knight sera publiée quatorze ans après le deuxième épisode. Pourquoi y revenez-vous aujourd'hui ?C'est très simple : j'ai eu une nouvelle idée. J'attendais avec impatience de retourner vers Batman pour revisiter à nouveau le personnage. C'est l'un des avantages des héros classiques : on peut toujours y revenir, leur rendre visite et les transformer.L'idée de départ, c'est que Batman sera toujours un protagoniste majeur, mais que Superman jouera un plus grand rôle. L'intrigue tournera autour de la libération de la ville de Kandor, la capitale de la planète Krypton où est né Superman. Dans l'histoire, Batman libère un million de supermans en puissance. Le héros masqué et Superman doivent alors se rejoindre pour empêcher la conquête de la Terre. Vos dernières œuvres ont fait l'objet de vives critiques, on vous accuse d'avoir fait preuve de racisme dans 300 et Holy Terror!, de misogynie dans Sin City, et vous avez même été qualifié de « cryptofasciste ». Titrer ce prochain album The Master Race (« la race supérieure »), c'est une provocation ?Je ne ferais pas bien mon travail si je n'étais pas provoquant. Mon rôle est de faire réagir les gens. Je veux des réactions de colère ; plus les critiques seront furieux, et plus je serai content. Cela me donne le sentiment que je suis parvenu à réaliser quelque chose.Vous avez déclaré que dans ce troisième volet, Batman sera encore plus « dur »...Ce qui définit Batman, ce n'est pas sa force physique, ni sa capacité à encaisser les coups, mais c'est le fait qu'il soit l'homme le plus intelligent au monde. Par le passé, lorsqu'il a affronté Superman, il a gagné. Dans The Master Race, il devra affronter des millions de personnes aussi fortes que Superman… mais s'il fallait parier, je parierais sur Batman.Mais pour battre Superman, Batman a eu besoin de l'aide d'autres superhéros…Batman ne peut pas vaincre seul. Heureusement, DC Comics dispose d'un vaste panthéon de héros, une véritable armée qui sera à ses côtés. Mais son intelligence reste la clef de sa force : souvenez-vous, dans The Dark Knight Strikes Again, il s'était procuré de la kryptonite [un matériau qui affaiblit Superman] de synthèse, qu'il a ensuite donnée à Green Arrow…Au cœur de Dark Knight se trouve la question des choix moraux. Batman ne tue jamais ; avez-vous des règles, des principes moraux auxquels vous croyez et que vous appliquez ?[Silence] Suivre des règles de conduite, appliquer un code d'honneur, c'est facile. Ce qui est difficile, c'est d'élaborer ces règles, de se construire son code. C'est la partie vraiment difficile, et c'est le travail de toute une vie – pour moi comme pour mes héros.En 2011, vous avez cessé de publier des messages sur Twitter, votre blog n'est plus accessible, et vous n'avez recommencé à publier des messages sur Internet que pour annoncer le retour de The Dark Knight. Pourquoi ce silence de quatre ans ?Je travaillais tout simplement sur plusieurs projets différents, dans le calme. The Master Race est l'un d'entre eux. Mais il y a aussi une suite de Sin City, Home Front, qui est une histoire d'amour entre un agent fédéral américain et la cheffe d'un réseau de la résistance française durant la seconde guerre mondiale.Je me suis toujours intéressé à la seconde guerre mondiale – aussi loin que je me souvienne, cette période m'a fasciné. Je suis aussi amoureux des vêtements, des voitures de cette époque. Le fait que j'aie choisi de placer l'action de Sin City à ce moment de l'histoire me permet de dessiner ce que j'aime. Vous n'étiez pas lassé des rapports directs avec vos lecteurs, qui se sont montrés pour certains très critiques sur vos dernières œuvres ?Pas du tout, j'adore le fait d'avoir une relation directe avec mes fans. Je trouve cela excellent, et j'ai toujours aimé les bonnes bagarres générales. Qu'ils viennent me chercher !The Dark Knight Returns a été écrit avant l'arrivée du Web. Mais vous y décrivez une télévision omniprésente et décérébrée… Vous pensez toujours que les médias de masse sont dangereux ?Non. Si c'était à refaire, je traiterais cet aspect d'une manière très différente aujourd'hui. La manière dont je décris le fonctionnement et le rôle de la télévision dans The Dark Knight Returns est immature. La télévision, comme toutes les autres formes de communication, peut être une bonne chose – elle ne fait que soumettre au public des images, qui sont ouvertes à l'interprétation.Vous avez expliqué avoir eu l'idée de créer un Batman cinquantenaire lorsque vous-mêmes avez atteint trente ans, l'âge de Bruce Wayne. Aujourd'hui, vous avez 58 ans, et vous avez donc dépassé votre Dark Knight. Est-ce qu'avec le recul, vous changeriez des choses sur la manière dont vous aviez imaginé la « vieillesse » de Batman ?Je ne changerais rien dans The Dark Knight Returns. Je changerais probablement des choses dans The Dark Knight Strikes Again. Et dans The Master Race, j'aborderai cette question de l'âge d'une manière très différente. Lorsque j'ai commencé à travailler sur cette série, j'étais obsédé par l'idée de savoir à quel point le physique des personnages serait, avec le temps, affecté par tous ces combats.Maintenant, avec le regard d'un cinquantenaire, je me rends compte que l'impact de l'âge sur le physique d'un personnage est loin d'être la chose la plus importante qui se produise lorsqu'on vieillit. Avoir cinquante ans, c'est loin d'être aussi vieux que ce que j'imaginais lorsque j'en avais trente ! Et il y a beaucoup d'autres choses qui viennent avec l'âge : la maturité, l'expérience, qui sont autant de choses qui changent ce qu'est devenu Batman avec le temps. Dans The Master Race, par exemple, personne ne pourra plus le tromper.Le temps a aussi eu un effet sur votre vision du rôle de Batman...Dans mon rapport à Batman, il y a eu plusieurs phases. Lorsque je l'ai découvert enfant, à cinq ans, c'était un père sévère, une figure résolument paternelle. Il l'est resté par la suite, mais j'ai commencé à le voir sous des aspects plus politiques, plus philosophiques.« Batman était un justicier autoproclamé et sauvage, il est devenu une figure d'autorité, avec un badge de policier »En parallèle, le contenu des comics Batman évoluait aussi : nous sommes passés d'un justicier autoproclamé et sauvage à une figure d'autorité, avec un badge de policier. Sous ma plume, il est devenu un anarchiste – et dans The Master Race, il deviendra une figure authentiquement révolutionnaire.Un anarchiste ? Dans les deux premiers épisodes de The Dark Knight, votre Batman se bat pourtant pour restaurer l'ordre à tout prix, allant jusqu'à enrôler des gangs des rues pour imposer la loi martiale dans Gotham City…Si vous êtes un anarchiste, vous considérez que l'ordre existant est corrompu, et le détruire est la première chose que vous souhaitez faire – et pour cela, tous les moyens sont bons. La lutte des Irlandais pour l'indépendance, comme la résistance française, nous a montré qu'il pouvait être nécessaire de descendre dans la rue pour se lever contre la tyrannie. Parfois la seule manière de faire en sorte que le monde fasse sens est de détruire l'ordre existant.Vous dites souvent que toutes les œuvres naissent dans un contexte. Vous pensez que nous sommes à la veille d'une révolution ?Non. The Master Race est une fiction. Mais je vous promets que ça sera une bonne lecture. //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry En Tunisie depuis dimanche, les académiciens ont dévoilé à 13 heures à Tunis, mardi 27 octobre, leur troisième et dernière sélection en vue du prix Goncourt 2015, qui sera décerné le 3 novembre chez Drouant.La liste passe de huit à quatre titres concourant pour la plus prestigieuse récompense littéraire de la saison : grosse surprise, 2084, de Boualem Sansal, pourtant parmi les favoris, n’a pas été gardé dans cette ultime sélection établie par les dix membres de l’académie présidée par Bernard Pivot.Les quatre finalistesNathalie Azoulai pour Titus n’aimait pas Bérénice (POL)Mathias Enard pour Boussole (Actes Sud)Hédi Kaddour pour Les Prépondérants (Gallimard)Tobie Nathan pour Ce pays qui te ressemble (Stock)Le 15 septembre, les académiciens avaient annoncé leur volonté de se rendre en Tunisie pour leur troisième délibération. Symboliquement, c’est le musée du Bardo de Tunis, frappé en mars par un attentat qui a fait 22 morts, qui a été choisi par les Goncourt pour dévoiler leur liste finale.« Aujourd’hui, à Tunis, dans un pays qui a été la victime de deux attentats abominables [Bardo et Sousse en juin] en début d’année, nous sommes venus dire : “Tenez-bon, on est avec vous”», a expliqué le président du jury, Bernard Pivot. « Nous allons dans une salle du musée pour voter — c’est un acte démocratique, le vote — et nous annonçons les quatre derniers candidats. (...) Je crois que c’est important, même si c’est symbolique », a-t-il ajouté.Lire aussi :Angot, Enard et Liberati sur la liste du prix GoncourtAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Film, sur Ciné+ Club à 20 h 45 Xavier Dolan met en scène une relation trouble entre deux hommes.Tom à la ferme, le quatrième long-métrage de Xavier Dolan, a été, d’emblée, conçu pour être tourné vite et bien. Adapté, avec sa collaboration, d’une pièce de théâtre éponyme du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, ce film introduit, de fait, une inflexion, dans le ton, la couleur et le genre du kaléidoscope dolanien.Cela veut dire un tournage de dix-sept jours, un décor homogène (la campagne, une ferme, sa cuisine, son étable, un café), un chromatisme éteint (brun, marron vert), une atmosphère sourde comme une messe basse, une action tendue, épurée, sans fioritures. L’idéal, en somme, pour mettre en scène un thriller psychologique confrontant deux personnages principaux dans un face-à-face sadomasochiste, où la frontière entre dominant et dominé a tendance à devenir floue.L’intrigue, à défaut des mécanismes psychologiques qui la permettent, est assez simple. En deuil de son amant, Tom (Xavier Dolan), un jeune publiciste de la métropole en permanente blonde et blouson de cuir, vient assister à son enterrement dans une ferme familiale dont on va rapidement comprendre pourquoi il l’a quittée.Pervers homophobeLà, il fait la connaissance de la mère éplorée, à laquelle la liaison de Tom avec son fils était demeurée cachée. Tom y rencontre aussi le frère de son amant, Francis (Pierre-Yves Cardinal), une brute épaisse très au fait, lui, de la situation. Célibataire et solitaire, devenu le dernier homme de la famille et le seul garant de la pérennité de la ferme, Francis est une armoire à glace à l’esprit obtus doublé d’un pervers puissamment homophobe. Il tombe logiquement sur le râble de Tom pour lui imposer, au besoin par la terreur, un silence destiné à épargner à sa mère la connaissance des turpitudes de son fils défunt.Cet argument de départ lance une relation trouble, poisseuse et, pis, communément admise entre les deux hommes, que troublera à peine l’arrivée de la fausse fiancée du défunt, une collègue de bureau appelée à la rescousse par Tom.On s’accommodera d’autant plus facilement de l’aspect peu vraisemblable de cette histoire qu’elle révèle sa justesse sur un tout autre plan que celui de l’intrigue apparente, dans le repli des âmes et des comportements, dans les fantômes qui surgissent du passé au premier bar venu, dans la logique inconsciente qui guide profondément les êtres à travers la nuit.Car, si l’attitude de Francis pose à l’évidence problème, celle de Tom, incapable de s’extraire de ce bourbier, n’en est pas moins étrange. C’est évidemment dans les interstices de ce qui rend possible une situation aussi intolérable que résident tout l’intérêt, toute la finesse, toute la beauté du film. Dans la tendresse et le désir inconscients de la brute luttant à corps perdu contre l’objet de sa haine. Dans l’opiniâtreté de la victime à rester, justement, au plus près de son bourreau, pour mieux l’aguicher et le torturer, pour mieux le confronter à une passion qui lui aura déjà fait commettre le pire, mais aussi bien pour mieux célébrer, avec et contre lui, le souvenir, délectable et infamant, de l’amour interdit (Ciné+ Club, 20 h 45).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aline Leclerc Il a le visage fatigué, un gros bonnet mange son regard. Il marche dans Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, et décrit son quotidien d’homme de ménage : « J’ai jeté des seaux d’eau et passé la raclette. C’était super-propre, ils étaient contents. » Il répond aux questions de son fils, Mehdi, qui le suit caméra au poing. Un instant plus tard, magie du montage, le même Mehdi interroge avec autant de simplicité le créateur Jean-Charles de Castelbajac dans les studios de France Inter : « T’en es où avec Instagram ? »Ces deux instantanés saisissants forment un seul et même épisode de « Vie rapide », web-série diffusée sur Arte interactive, où Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, 23 ans chacun, parviennent à brosser, en deux minutes à peine, le portrait de notre époque.Dans « Vie rapide » depuis le printemps, dans leurs chroniques pendant six ans sur France Inter, dans leurs articles depuis huit ans sur le « Bondy Blog », ils ont inventé un récit à deux voix au ton unique, à la fois poétique et collé au réel, tantôt caresse, tantôt flamme, d’où monte depuis toujours une rage sourde. Cet automne, elle éclate dans leur premier roman Burn Out (Seuil, 192 pages, 16 euros), dont ils disent qu’il est leur « cri ». Un récit polyphonique imaginé autour de l’histoire vraie d’un chômeur qui s’est immolé par le feu devant une agence Pôle emploi à Nantes, en février 2013. Portrait acide d’un pays qui broie les rêves et les gens, se saoule de coups de com’et de télévision.En cette soirée d’octobre, c’est cet ouvrage qu’ils sont venus présenter au Silencio, club littéraire et artistique de la capitale. Pour entrer, il faut être membre ou se faire inviter. Descendre un escalier dans la pénombre, longer les photos de corps de femmes nues jusqu’à une cave voûtée tapissée à la feuille d’or. Le décor est signé du cinéaste américain David Lynch. Sur la petite scène, Mehdi, blouson noir zippé jusqu’au col, casquette éternellement vissée sur la tête et Badrou, pull de laine et chemise, répondent aux questions d’un jeune critique du club. Et soudain, dans l’ambiance feutrée, les mots claquent. « Même en France, on n’entend plus les morts », assène Mehdi. « Cet homme est mort pour rien, renchérit Badrou. En Tunisie, en Iran, au Tibet, les immolations provoquent des choses. Ici, ça n’a rien déclenché. » En quelques mots, ils ont effacé les sourires des curieux venus voir ce que les petits gamins de banlieue, qu’on surnomme encore « les Kids », avaient dans le ventre. « Ils sont denses », entend-on dans le public. « Est-ce un livre engagé ? », demande le critique. « Ce livre est politique comme le sont chacun de nos reportages, répond Mehdi. Il porte un message. Mais l’engagement ce n’est pas quelque chose qu’on fait une fois, ça se construit dans le long terme. » Voilà huit ans déjà qu’ils construisent et se construisent. A deux. Depuis leur rencontre en 2007. Ou peut-être faut-il remonter encore deux années en arrière. Pour comprendre comment ces deux voix ont réussi à percer parmi toutes celles qui hurlent dans les quartiers populaires.Sortir d’un monde « exigu »Automne 2005. Une fois n’est pas coutume, la banlieue occupe les écrans. Depuis la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, les cités se soulèvent, les voitures brûlent, des écoles et des gymnases aussi. Mehdi et Badrou ne se connaissent pas encore. Ils observent à distance la colère qui s’exprime. Mehdi est en 4e à Saint-Ouen. On le remarque lors d’un atelier d’écriture dans une classe atone. Il est le seul à manifester un véritable intérêt pour l’information. Vif, cultivé, il n’a que 13 ans mais veut déjà devenir journaliste. A 5 km de là, Badrou est en 4e à La Courneuve. Dans une classe où « il y avait de l’ambiance », ses professeurs l’observent « stoïque » dévorer le manuel, ses camarades s’amusent de le voir toujours un livre en poche. Comme cet exemplaire du chef-d’œuvre de Stendhal, Le Rouge et le Noir prêté par un professeur. « J’avais été marqué par la façon dont Julien Sorel réussit à sortir de son milieu social », confiait Badrou récemment sur Arteradio.com. Les jeunes auteurs n’ont jamais quitté leur quartier. Mehdi a beau avoir dans sa chambre un portrait de lui et Badrou croqués par Castelbajac, il vit toujours dans un HLM à Saint-Ouen avec sa mère, ex-opératrice téléphonique, au RSA. Badrou partage encore sa chambre de la cité des 4000 avec deux de ses sept frères et sœurs et voit chaque année son père comorien, agent d’entretien, faire d’humiliantes démarches pour renouveler son titre de séjour. Lui-même, arrivé en France à 18 mois, n’oubliera jamais que sa demande de nationalité a mis quatre ans à aboutir. « Tu peux réussir quoi que ce soit, passer ta journée avec des vedettes ou dans des soirées mondaines, le soir, tu rentres chez toi, rappelle Mehdi. Et tu te confrontes à la précarité et à ses gens qui ont peu d’espoir. » C’est ce qu’il nomme la « schizophrénie » des gens de banlieue « qui émergent ». Badrou enchaîne : « On sera jamais totalement dans le système. Y’a une insouciance qu’on n’a pas. » L’école et la lecture leur ont donné l’envie de sortir d’un monde « exigu » où ils s’attristent de voir que « d’autres se sentent à l’aise ». Paradoxalement, les émeutes leur offrent la chance qu’ils attendent : le 11 novembre 2005, des journalistes suisses créent le « Bondy Blog », ouvert aux collaborations des habitants. Chacun de leur côté, Mehdi et Badrou s’enthousiasment pour les articles postés par des reporters qui leur ressemblent et décrivent leur quotidien de l’intérieur.Mais il faut encore une étincelle. A la rentrée 2007, le destin les réunit en 2de au lycée Auguste-Blanqui de Saint-Ouen. « On était les mêmes sans se connaître, raconte Mehdi aujourd’hui. On avait les mêmes lectures, les mêmes passions, on aimait la politique et on suivait la campagne d’Obama. Notre rencontre est centrale dans nos vies. » A l’âge où l’on se laisse si vite absorber par le conformisme et les goûts des autres, les deux complices aux centres d’intérêt atypiques se rassurent mutuellement. Ils cultiveront dès lors, le même jardin.« Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. »Trois mois plus tard, c’est ensemble qu’ils osent pousser la porte du « Bondy Blog » et proposent d’emblée d’écrire à quatre mains. « On aurait dit qu’ils se connaissaient depuis toujours », se souvient Serge Michel, aujourd’hui au Monde et l’un des fondateurs du blog, vite séduit par leur style « abrasif » qui « passe le réel au côté vert de l’éponge ». Ils excellent dans l’art de croquer les visites des politiques en banlieue. Lorsque les médias retiennent la petite phrase, eux préfèrent décrire ce qu’ils voient : un essaim de caméras entouré de policiers pour une visite-éclair, coupée du réel. « Ils n’étaient pas les seuls blogueurs à avoir de bonnes idées. Mais la différence c’est que Mehdi et Badrou, eux, rendaient la copie. »Un jour, gloire, la journaliste Pascale Clark les cite dans sa revue de presse sur RTL. Quelques semaines plus tard, elle leur propose une chronique dans sa nouvelle émission sur France Inter, les installant, pour de bon, dans la lumière. Ils inventent un récit radiophonique où leurs voix s’entrecroisent. Poussés par la journaliste, ils étendent aussi leur terrain de jeu, hors de la banlieue. « Je ne voulais surtout pas les cantonner à ça alors qu’ils s’intéressent à tout et sont férus d’actu. » Ils vont avoir la chance de rencontrer des gens qu’ils admirent. En face, « tout le monde craque » devant leur talent et leur jeune âge. « Ils ne m’ont jamais déçue. Ils captent l’époque et le pays comme peu de gens savent le faire, sans préjugés et dans tous les milieux », note la journaliste. Aussi simples avec les habitants des quartiers populaires qu’avec des stars ou des syndicalistes, dans des villages perdus ou aux 80 ans de leur vénérable maison d’édition.« On est à l’aise partout car on a trouvé notre place : on est spectateurs, explique Mehdi, le plus prolixe, mais qui se tourne vers Badrou quand il cherche ses mots. Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. » Ce talent rare, de pouvoir raconter une société dans ses extrêmes, a bien sûr alléché éditeurs, producteurs de films ou d’émissions de télé qui ont multiplié les appels du pied. Ceux qui les entourent se réjouissent de les avoir vus jusqu’ici « éviter tous les pièges ». « Ils auraient pu céder à la facilité et être ce que beaucoup voudraient qu’on soit : le cliché du jeune de banlieue, le rigolo de service », résume Mouloud Achour, producteur et coréalisateur de « Vie rapide ». Contrairement à ceux, nombreux, de leur génération qui veulent être avant de faire, Mehdi et Badrou veulent « faire quitte à ne pas être », souligne ce dernier. « Certains pourraient dire qu’on est “bankable”, mais on ne donne pas suite, insiste Badrou. Exister pour exister, ça ne nous ressemble pas. On préfère rester libres. » Piqûres de rappelLibres de choisir leurs sujets, libres de leurs paroles, libres de jouer avec leur image. Si doux et poli à la ville, Mehdi s’est inventé sur Twitter un double diabolique, qui insulte à tout-va. « Tout est trop convenu, on n’ose plus s’énerver. L’idée de casser ça en étant méchant gratuitement me plaît », confie-t-il amusé. Et tant pis pour les vedettes sensibles qui inondent ses proches d’appels indignés. Cet hiver, c’est aussi sur Twitter qu’il va assumer sans détour ne pas se reconnaître dans les « Je suis Charlie ». « Ce slogan a tué la réflexion, on a marché comme des moutons. Et dire ça, aujourd’hui, c’est subversif ? C’est terrible. » Ils auraient voulu que la société s’interroge davantage sur la trajectoire des terroristes, enfants de nos banlieues, comme eux. Tellement proches de bon nombre de ces Français perdus, ces « cœurs paumés » marchant sans but, croisés en reportages. « La France a su créer ses propres ombres, écrivent-ils dans Burn Out. Mais, il est encore temps de te rebeller, par le travail, par les mots… »En juin, ils s’affichent en « une » des Inrockuptibles avec l’anthropologue Emmanuel Todd pour un entretien croisé et contradictoire autour de son livre polémique Qui est Charlie ? (Seuil, 252 pages, 18 euros) qui réduisait la marche du 11 janvier à un défilé de « catholiques zombies » inconsciemment islamophobes. Moins d’un mois plus tard, après six ans de chroniques, France Inter mettait fin à leur collaboration. Officiellement, le service de communication de la radio assure qu’il n’y a eu « aucun souci », simple conséquence d’un rafraîchissement de la grille des programmes. « C’est plutôt qu’ils n’apparaissaient plus comme les banlieusards sympas, acceptables », pense Mouloud Achour. « On n’est pas des gens légers », aime répéter Mehdi.Leur documentaire sur la barre Balzac de la cité des 4000 à La Courneuve, diffusé le 16 octobre sur Arte, n’est pas léger non plus. Il interroge la vie dans les grands ensembles, en mêlant images d’archives et paroles d’habitants. Ce samedi soir, on les découvre fébriles avant la projection prévue dans le cinéma de la ville. Un peu inquiets qu’on trouve ici que les petites stars ont « trahi leur combat ». Soulagement, la salle quasi pleine ne leur dira que des « merci ». Monte Laster, artiste américain installé à La Courneuve qui a travaillé sur le film, prend la parole. « Je les ai vus devenir la voix de ceux qui n’ont pas de voix. C’est une lourde responsabilité. »Leur ami Ilyass Malki, étudiant en journalisme et fils d’immigré comme eux, se réjouit de voir désormais interviewés partout dans la presse, « un Noir et un Arabe qui ne sont ni rappeur, ni sportif, ni imam, qui ont une voix légitime et crédible, et qui représentent enfin ce qu’on est ». Présents dans la salle, ceux qui raillaient Badrou au collège s’enthousiasment aussi de cette incroyable ascension « motivante pour tout le monde ». « On rêvait des mêmes choses. Pourquoi on ne l’a pas fait ? », s’interroge, songeur, Séréné Coulibaly. « Et malgré tout ça, on le croise toujours au quartier. Il est resté le même », insiste Félix Mvoulana.Et s’ils oubliaient d’où ils viennent, le quotidien leur réserve des piqûres de rappel. Le 5 octobre, ils sortent d’un cinéma des Champs-Elysées quand des policiers les encerclent, les invectivent, demandent à les fouiller sans explication. Mehdi et Badrou dénoncent un « contrôle au faciès ». Ils s’entendent répondre : « Ce n’est quand même pas de notre faute si vous faites plus de conneries que les nôtres. » Il y aura donc toujours « eux et nous » ? De rage, ils publieront un texte qui inondera les réseaux sociaux, pour « tout ceux qui subissent sans pouvoir le dire ». Ils porteront plainte aussi, pour faire parler le droit.Dans leur dernière chronique à la radio, Mehdi et Badrou disent « avoir rendu leur micro comme on rend une arme ». Ils en trouveront d’autres : leur premier livre a tout d’une flèche décochée en plein cœur. Déjà, ils en préparent un autre, sur la présidentielle de 2017. Encore plus politique.Aline LeclercJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.10.2015 à 22h03 • Mis à jour le26.10.2015 à 20h36 | Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale) Sonder les mystères des pyramides d’Egypte en les « scannant ». La décision a été annoncée, dimanche 25 octobre, au Caire par Mamdouh el Damaty, ministre égyptien des antiquités, pour comprendre « comment les pyramides ont été construites et ce qu’elles que cachent ». « Y a-t-il une rampe circulaire intérieure pour faciliter l’acheminement des blocs de pierre ? Existe-t-il des chambres restées secrètes ? », résume le ministre égyptien.Une association française à but non lucratif, HIP Institut (Héritage, Innovation, Préservation), a été chargée de piloter la mission scientifique « Scan Pyramids » qu’elle a initiée, conçue et coordonnée en collaboration avec la Faculté des ingénieurs de l’Université du Caire, représentée par l’ingénieur égyptien Hany Helal, cofondateur de HIP Institut avec le Français Mehdi Tayoubi et le Belge François Schuiten, auteur de BD.Les réponses à ces énigmes pourraient être révélées par les technologies les plus innovantes, non invasives, utilisées par Scan Pyramids, pour sonder, sans y percer le moindre orifice, le cœur des plus hautes pyramides d’Egypte et les mieux conservées, monuments funéraires des pharaons, datant de 4 500 ans. Hany Helal, professeur qui représente la Faculté des ingénieurs du Caire, précise que « l’objectif est d’utiliser des techniques qui donnent des résultats concrets. Ensuite, ajoute l’ingénieur, ce sera aux égyptologues de les interpréter ». Des techniques inspirées de l’industrie aérospatialeLa mission internationale commencera début novembre pour se terminer fin 2016. Elle portera sur quatre chefs d’œuvre de la IVe dynastie pharaonique ayant régné entre 2575 et 2465 avant J.-C. Celles du pharaon Snefrou, le père, de Khéops, le fils, et de Knéfren, le petit-fils. L’opération commencera à 60 kilomètres au sud du Caire, sur le site de Dahchour, dans le désert bordant la vallée du Nil, par les deux pyramides bâties par Snefrou (2575 – 2551 av. J.-C.).Sera scannée la pyramide dite rhomboïdale, du pharaon Snefrou, au fin parement de calcaire en partie conservé, et dont l’angle de pente a été modifié à mi hauteur. La pyramide rouge du même Snefrou suivra ; haute de 104 m, contre 146 à l’origine, elle mesure 220 m de côté. Puis la mission, qui compte vingt-cinq personnes, étudiera ensuite les deux plus hautes pyramides du plateau désertique de Guizeh, dominant le Caire : la monumentale Khéops, 137 m aujourd’hui, contre 146 à l’origine et 230 m de côté, avant d’étudier sa jumelle Khéphren, 138 m sur 215 m de côté.Plusieurs technologies d’exploration se succéderont, sans toucher aux édifices eux-mêmes. Deux missions de thermographie infrarouge - technique utilisée dans l’industrie aérospatiale -, l’une de courte durée menée par le spécialiste Jean-Claude Barré de LedLiquid, l’autre, d’une année au moins, conduite par l’université Laval de Québec, permettront d’établir une carte thermique des quatre monuments pour analyser la « peau » de la pyramide et détecter les vides intérieurs proches de la surface de calcaire. Drones, scanners et reproduction 3DSuivra la radiographie par détecteur de muons, les particules élémentaires. Une technique développée au Japon par les équipes du KEK (High Energy Accelerator research Organization) et l’université de Nagoya. Elle pourra vérifier et visualiser avec précision la présence de structures inconnues au cœur même des pyramides. Enfin, une campagne, menée par la société Iconem, à l’aide de drones et de scanners au laser, produira la reconstitution en 3D du plateau de Guizeh. La photogramétrie laser fournira une précision centimétrique jamais atteinte de l’intérieur et de l’extérieur des pyramides de Guizeh et de celles du site de Dahchour, ainsi que de tous les monuments qui y sont érigés. « L’essentiel est d’avancer en mettant en œuvre de nouvelles approches, souligne Mehdi Tayoubi, président de HIP Institut. Beaucoup de missions précédentes ont tenté de percer les mystères des pyramides et si elles n’y sont pas parvenues, elles ont chacune fait progresser la connaissance comme ce fut le cas, par exemple, il y a tout juste trente ans, de la mission de la Fondation EDF, qui a décelé une anomalie de sous-densité en forme spiralée dans Kheops. Notre objectif est d’apporter notre pierre à l’édifice et de préparer, en toute humilité, le chemin pour de futures missions de recherche scientifiques. »C’est cette fameuse rampe intérieure en spirale qui pourrait être révélée par les images produites. Et apporter un début de réponse à l’énigme de la construction de ces monstres comme la pyramide de Khéfren, composée de 2,3 millions de blocs de pierre montés en gradins, d’un poids moyen de 2,5 tonnes chacun et pouvant atteindre les 200 tonnes pour les plus massifs. L’archéologue Jean Philippe Lauer avait déjà imaginé, lui, qu’une rampe de briques et de terre, renforcée par des poutres, et montée au fur et à mesure de l’avancée du chantier sur l’un des côtés de la pyramide, était une solution.Relancer la fréquentation touristiqueL’opération Scan Pyramids, d’un million d’euros, financés par des mécénats de compétence et financiers, accompagne les grands chantiers culturels lancés par l’Egypte. Deux musées colossaux sont annoncés à Guizeh, au pied des pyramides. Le Musée national égyptien des civilisations (NMEC) – de la préhistoire à aujourd’hui –, doté d’un centre culturel avec cinéma et commerces, ouvrira début 2016. Le Grand musée égyptien (GEM), qui devrait être terminé en 2018, présentera tous les vestiges et l’histoire du jeune Toutankhamon. Tandis que le musée national du Caire, place Tahrir, recélant les trésors de l’ancienne Egypte sera entièrement restauré dans son jus, comme s’il venait d’ouvrir en 1902. Des annonces prometteuses qui devraient raviver l’intérêt international pour la terre des pharaons. La fréquentation touristique est en berne. Les 14,8 millions de visiteurs de 2010 seront moins de 9 millions en 2015. La manne du tourisme représente le tiers du PNB. La Haute Egypte souffre. Les sites y sont quasi déserts.Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Dans le monde industriel de la musique enregistrée, le mois de novembre et l’approche des fêtes de fin d’année sont généralement choisis pour la parution de nouveaux albums des gros vendeurs de la chanson, du rock ou du r’n’b. L’espérance de ventes importantes y est à son plus haut. Le 6 novembre, ce sera donc Mylène Farmer qui ouvrira le bal avec Interstellaires, trois ans après Monkey Me. Le 13 novembre, voici venir De l’amour, de Johnny Hallyday, un an presque pile après Rester vivant. Le chanteur avait annoncé cette parution le 9 octobre, lors du premier concert, à Lille, de sa tournée. Le 20 novembre, ce sera le « nouveau » Adèle, tandis que des annonces de parution imminente sur cette période de Kanye West, Rihanna, David Bowie ou Louise Attaque se sont multipliées ces derniers temps.Lire aussi :Johnny Hallyday adopte la voix de la sagesseEn ce qui concerne Adèle, les choses sont bien calées. Dans un petit texte diffusé le 22 octobre, en même temps qu’un vidéo-clip de la chanson Hello, réalisé par Xavier Dolan, la chanteuse britannique pop, âgée de 27 ans, explique que 25 sera « un disque de réconciliation. Je me réconcilie avec moi-même. Je me réconcilie avec le temps perdu. Je me réconcilie avec toutes les choses que j’ai pu faire et celles que je n’ai pas faites. » Après le raz-de-marée de 21, sorti en janvier 2011, et ses 30 millions d’exemplaires écoulés depuis, 25 devrait proposer onze chansons, dont certaines, au vu de quelques-uns des titres révélés, pourraient aborder le thème de l’amour par sa part sombre : Send My Love (To Your New Lover) (« toute mon affection à ton nouvel amour »), I Miss You (« tu me manques »), Love In The Dark (« l’amour dans le noir »)…Emballement des réseaux sociauxDu côté de la grosse artillerie du rap et du r’n’b aux Etats-Unis, c’est un peu plus flou. Le 2 janvier 2015, Kanye West avait fait mettre en ligne une nouvelle chanson, Only One, en collaboration avec Paul McCartney et un vidéo-clip réalisé par Spike Jonze, première étape de l’annonce du successeur de Yeezus, paru en juin 2013. Depuis, d’autres titres d’un album qui devrait s’appeler SWISH ont été proposés par le rappeur américain (All Day, Wolves), jusqu’à une écoute de l’intégralité de ce disque pour une poignée d’auditeurs lors d’une soirée fin juillet dans un club de Toronto. Une parution en novembre aurait alors été envisagée.Lire aussi :Rihanna, Paul McCartney et Kanye West en trioMais, dans un entretien publié fin septembre par le magazine américain Vanity Fair, le rappeur, essentiellement interrogé sur la mode et sa ligne de vêtements, a finalement indiqué que SWISH était loin d’être prêt (« Il pourrait nécessiter encore un an de travail »). Quitte à ce que le disque bénéficie dans quelques jours ou semaines d’une sortie surprise, y compris pour sa maison de disques, comme cela avait été le cas avec Beyoncé en décembre 2013, ou en février puis en septembre avec les mixtapes de Drake.Même topo avec la chanteuse de r’n’b Rihanna, originaire de La Barbade, qui a proposé quelques nouvelles chansons en mars (Bitch Better Have My Money) et en avril (American Oxygen), censées figurer sur un huitième album. Dont le nom ANTI et la pochette ont été présentés lors de l’ouverture par Rihanna, le 7 octobre, d’une galerie d’art à Los Angeles. Sortie imminente, le 6 novembre, se sont emballés les réseaux sociaux, sans sources officielles. Jusqu’à ce qu’une « source proche de la chanteuse », selon le magazine professionnel Billboard, n’annonce, dans l’édition du 14 octobre, qu’il ne s’agissait pas de la bonne date.Un quatrième album pour Louise AttaquePlus traditionnellement, c’est par l’intermédiaire de l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, dans son édition du 21 octobre, que le groupe Louise Attaque est venu confirmer ce que ses fans espéraient depuis quelques mois, un quatrième album, dix ans après A plus tard crocodile. Là aussi, lorsque, à la mi-août, le groupe avait annoncé sur les réseaux sociaux qu’il enregistrait à Londres et à Berlin, la perspective d’une sortie fin novembre avait un temps circulé. Ce sera « début 2016 », précise le papier d’introduction à l’entretien avec Gaëtan Roussel, Arnaud Samuel et Robin Feix. En attendant, Anomalie, vidéo-clip d’une première chanson tirée de ce futur album, a été mis en ligne.Le début de l’année prochaine marquerait également le retour sur disque de David Bowie, a annoncé samedi 24 octobre le quotidien anglais The Times. Intitulé Blackstar, composé de sept chansons enregistrées à New York avec des musiciens de jazz locaux, l’album serait censé paraître le 8 janvier, jour du soixante-neuvième anniversaire du musicien anglais. Le single Blackstar, également inclus dans la bande-son de la comédie musicale Lazarus, co-écrite par David Bowie, serait diffusé le 19 novembre. Selon les premiers échos recueillis par The Times, l’album renouerait avec la veine cosmique et expérimentale, marquée par le rhythm n’ blues et le krautrock, que l’Anglais avait commencé à explorer dans les années 1960 et 1970. Nulle confirmation pour l’heure de la maison de disque de Bowie, Columbia.Quelques arlésiennesOn pourra enfin ajouter à ces sorties attendues par les amateurs des unes, des uns et des autres, quelques arlésiennes. Retranché depuis près d’un an avec son producteur historique Nigel Godrich dans un studio du sud de la France, le groupe anglais Radiohead planche toujours sur le successeur de The King in Limbs (2011), sans que son label, XL Recordings, ne se risque à évoquer une date de sortie. Même topo pour leurs compatriotes de Portishead, qui continuent de fignoler leur quatrième album, sept ans après Third.A l’échelle hexagonale, d’aucuns persistent à espérer un nouvel album de Renaud, dont nos confrères du Parisien avaient annoncé fin juin qu’il était en bonne voie. Quant à l’éternel retour de Michel Polnareff, qui n’a pas publié d’album depuis 1989, déjà évoqué lorsque le chanteur était remonté sur scène en 2007, sa présence au pied du sapin, cet hiver, relèverait du miracle.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 23.10.2015 à 08h02  Pierre de Bethmann Trio Essais/volume 1 « Il y avait tellement d’options possibles pour revenir au trio… », indique, dans la première phrase d’un court texte qui figure sur le livret d’Essais/volume 1, le pianiste Pierre de Bethmann. Et d’ajouter « … ne pas vraiment le chercher… » ; ainsi, la formation est née au hasard, en 2012, d’un concert de « dernière minute ». Avec le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson. Des concerts ont suivi et donc aujourd’hui ce disque qui rassemble neuf interprétations pleines d’envies et d’idées musiciennes de compositions, d’Herbie Hancock (Promise of The Sun), l’un des maîtres du clavier d’inspiration de Bethmann, de Gabriel Fauré (Sicilienne), Serge Gainsbourg (Pull marine), des standards du jazz (Beautiful Love, l’allègre Without A Song, La Mer, de Trénet)… Des sources variées étroitement reliées par la cohérence de ce jeu à trois, dans son intention comme son résultat. Que cela soit dans une approche toute en douceurs, émotions (Le Chant des marais, créé en juillet-août 1933, au camp de concentration de Bögermoor) ou en vertiges et emballements. Sylvain Siclier1 CD Aléa/Socadisc.Catherine Ribeiro + Alpes Intégrale des albums originaux 1969-1980 Les camarades, le rouge et le noir, le Chili, la Palestine ; l’homme et « son vol en suspens » : Catherine Ribeiro n’a jamais eu de Dieu ni de maître, mais s’est toujours conservé le droit hautain de vie et de mort sur elle-même, jusqu’à se cribler la gorge de plombs. La chanteuse Colette Magny disait d’elle, avec un soin presque maternel, que « dans la famille coup de poing, Ferré était le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils ». Apparue au début des années 1960 en chanteuse yéyé, la jeune Lyonnaise d’origine portugaise attrape au vol le folk américain. Devenue comédienne (notamment pour Les Carabiniers, de Godard), elle s’absente de la chanson une première fois, pour y revenir avec le musicien Patrick Moullet en 1969. Avec sa poésie ardente, sa rage de vivre posée sur un rock incantatoire, le groupe s’appelle d’abord Catherine Ribeiro +2 bis, puis Catherine Ribeiro + Alpes, parce qu’il faut viser les sommets. Les concerts sont une messe, elle a la frange en ordre de bataille, entonne le Chant des Partisans, publie sans souci de conformité Libertés ? en 1975, et fait succès malgré l’oppostion farouche de la mode et du show-biz. Alpes se défait en 1982, et la chanteuse à la voix de coureur de fond se livre à de magnifiques exercices d’interprète des grands de la chanson française (Ferré, Brel, Manset, Piaf…). Ce coffret de 9 CD présente les albums studio du groupe, et remet en lumière une époque où la passivité n’avait aucun cours. Véronique MortaigneUn coffret de 9 CD Mercury/Universal.Jean-Michel Jarre Electronica 1 : The Time Machine Difficile de nier la légitimité de pionnier et la popularité de Jean-Michel Jarre. Il n’en va pas de même pour une crédibilité artistique, longtemps contestée, que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter. Son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes des machines. Cette « machine à remonter le temps », ne réécrirait-elle pourtant pas l’histoire ? Avant, pendant et après ses débuts discographiques, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui : l’onirisme spatial de Tangerine Dream, le minimalisme ironique de Kraftwerk, la magie de Brian Eno, la verve synth-pop de Depeche Mode ou New Order, les défoulements charnels de la génération house et techno… Ce décalage est à nouveau perceptible dans ces collaborations censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Et les meilleurs morceaux d’Electronica portent la patte des invités – le romantisme exacerbé de M83 (Glory), l’élégance de Air (Close Your Eyes), la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone) – plus que celle de leur hôte. Le reste oscille entre pop anodine (If..! avec Little Boots) et ratage (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend), complétés d’une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien de Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin van Buuren). Stéphane DavetLire aussi :Jean-Michel Jarre : histoire d’une imposture1 CD Columbia/Sony Music.Jr. Thomas & The Volcanos Beware Des musiciens américains qui sonnent comme des Jamaïcains, c’est assez rare pour ne pas le signaler. Junior Thomas a grandi dans le nord de Minneapolis, ville qui a vu les premières heures glorieuses de Prince ou de Bob Dylan. Or ce ne sont pas ces deux illustres compatriotes qui fascinent le jeune musicien mais les chanteurs jamaïcains, Alton Ellis ou Phyllis Dillon. En s’associant avec l’ingénieur du son californien, Brian Dixon, qui voue la même passion au rock steady, Jr. Thomas a trouvé dans son studio d’enregistrement, à Los Angeles, l’espace pour exprimer son amour inconditionnel pour le reggae d’antan. Entouré des Volcanos, musiciens qui accompagnent régulièrement les stars jamaïcaines de passage en Californie, Jimmy Cliff ou les Skatalites, le guitariste, doté également d’un joli brin de voix, ne se contente pas de copier ses idoles mais écrit de nouvelles chansons puissantes comme la passionnée Embraceable ou les tendres Beware et Burning Fire. Repéré par le label Truth & Soul qui a également lancé le chanteur néo soul, Aloe Blacc, Jr Thomas est bien parti pour connaître la même destinée sous les couleurs du reggae. Stéphanie Binet1 CD Thruth & Soul/Differ-Ant.David Krakauer The Big Picture Coup de chapeau d’un clarinettiste Klezmer au cinéma dont le contenu a plus ou moins un lien avec le judaïsme. Cabaret, La vie est belle, Minuit à Paris, Radio Days, Funny Girl, Le Choix de Sophie… David Krakauer a arpenté sa mémoire de cinéphile et choisi douze thèmes musicaux tirés de classiques. Il les réinvente avec maestria et une réjouissante liberté. Le répertoire n’a que peu à voir avec le champ de création habituel du musicien – un seul thème se rattache réellement au klezmer (Moving to the Ghetto, tiré de la bande originale du film de Roman Polanski, Le Pianiste (2002) – mais c’est bien « le son Krakauer » que l’on reconnaît : ce vibrato palpitant, ces nuances combinant mélancolie, poésie et petite folie, ce sens de l’aigu épanoui qui décolle vers le ciel sans prévenir. Le musicien présentera The Big Picture sur scène avec la projection de visuels originaux, le 21 novembre à la Cigale, à Paris, lors du festival Jazz’n Klezmer. Patrick Labesse1 CD Label bleu/L’Autre Distribution.Eugène Ysaÿe Six sonates pour violon seul op. 27 Alina Ibragimova (violon) Œuvre de la fulgurance, les six sonates d’Eugene Ysaÿe (1858-1931) pour violon seul ont été ébauchées en vingt-quatre heures à l’été 1923 après que le compositeur belge eut entendu Joseph Szigeti dans les fameuses Sonates et partitas, de Bach. Sont-elles pour autant une réponse à l’absence de postérité, durant plus de deux siècles, du chef-d’œuvre allemand ? Oui et non. Chacune de ses pièces exigeantes convoque en effet un grand nom du violon – Kreisler, Thibaud, Enescu, Szigeti –, dont Ysaÿe s’essaie à rendre la technique de jeu spécifique. La jeune violoniste russe, Alina Ibragimova, a déjà livré un enregistrement remarqué des Sonates, de Bach. Celles d’Ysaÿe sont ici d’une liberté de ton plus éblouissante que jamais, d’un naturel renversant, la parfaite quadrature entre maîtrise, sensibilité et improvisation. Marie-Aude Roux1 CD Hyperion. Pierre Rubenach Vous avez été très nombreux, voilà deux semaines, à vous prendre au jeu de notre quiz d'orthographe. Mots étranges, grammaire retorse, culture générale, l'Atelier diktée vous propose en dix questions (parfois tordues) de tester votre connaissance du français.Pierre RubenachRaaaaah !SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde 09.10.2015 à 11h47 • Mis à jour le09.10.2015 à 18h19 | Emmanuelle Jardonnet La situation est des plus ironiques pour la National Gallery. Alors que le musée londonien a choisi de consacrer sa grande exposition de la rentrée aux talents de portraitiste de Francisco de Goya (1746-1828), rassemblant pour l’occasion quelque 70 toiles du peintre espagnol, l’attribution même de l’un des deux portraits de sa propre collection est remise en cause.Jusqu’ici, la pâle Doña Isabel de Porcel, posant avec la mantille noire typique des tenues de l’aristocratie espagnole de la fin du XVIIIe siècle, était pourtant considérée comme l’un des fleurons du musée, exposé au sein de ses galeries permanentes. Or, depuis l’ouverture de l’exposition, mercredi 7 octobre, le carton placé à côté de l’œuvre évoque, pour la première fois, des doutes sur sa provenance.Ces réserves ont surgi lors de la préparation de l’exposition, comme le révélait Culture24, site britannique spécialisé dans l’actualité artistique, le 5 septembre. C’est la confrontation entre des tableaux, des dessins et des miniatures peu ou jamais réunis auparavant, en provenance de collections publiques et privées du monde entier, qui a amené certains spécialistes à remettre en cause l’attribution, forçant l’institution à aborder ouvertement la question.« Une opportunité unique »« L’attribution d’une peinture repose largement sur des perceptions de sa qualité et sur sa proximité avec des œuvres qui sont indiscutablement du peintre », rappelle Letizia Treves, conservatrice des peintures italiennes et espagnoles de 1600 à 1800 à la National Gallery, pour qui l’accrochage constitue une « opportunité unique ». Or, comparée aux autres portraits, la technique du tableau semblerait moins subtile, en particulier dans les transparences et les textures. Une autre caractéristique du peintre, dans sa façon inconventionelle d’aborder les portraits en montrant l’état psychologique de ses modèles, serait également moins saillante. « Les études techniques et les informations sur la provenance [du tableau] ne sont pas concluantes pour une attribution à Goya », admet-elle.Le musée accompagne ainsi l’œuvre de toutes les informations dont il dispose. Le modèle a été identifié comme étant Doña Isabel de Porcel sur la foi d’une inscription à l’arrière de la toile. Il est avéré que le peintre avait exposé un portrait de cette aristocrate à Madrid en 1805, et le lien a été fait avec cette peinture. Elle avait épousé Antonio Porcel, secrétaire d’Etat pour les colonies espagnoles en Amérique trois ans auparavant, en 1802. En 1806, le peintre avait également réalisé le portrait de son mari, allié politique de son propre ami et mécène, Gaspar Melchor de Jovellanos, dont le portrait fait partie de l’accrochage londonien.Celui d’Antonio Porcel est parti en fumée lors de l’incendie du Jockey Club de Buenos Aires en 1953. La National Gallery s’est portée acquéreuse du tableau en 1896, la même année que ses deux premiers achats de toiles du maître (une scène de pique-nique et une autre de conte fantastique). Il n’était alors déjà plus la propriété des descendants du modèle. Selon les informations recueillies, ces derniers l’avaient, en effet, vendu vers 1887 à une autre famille espagnole, à laquelle le musée l’a racheté.Portrait cachéEn 1981, le tableau avait déjà créé la surprise, des images aux rayons X révélant alors un autre portrait, celui d’un homme à costume rayé, sous les couches de peinture. Bien que les traits du modèle masculin soient parfaitement nets (l’image au rayon X accompagne le tableau dans l’exposition), le musée n’avait pu faire de rapprochement physique avec aucun autre portrait connu de Goya.Le recyclage des toiles à la fin du XIXe siècle en Espagne, alors que le pays était secoué par une profonde crise politique, était assez courant, certains mécènes ayant notamment pu tomber en disgrâce politique. Ce n’était en tout cas pas une exception dans l’œuvre du peintre. Selon des analyses du musée, c’est d’ailleurs le cas pour l’autre portrait dont il est en possession : celui du duc de Wellington. A la différence près qu’une couche d’apprêt recouvrait là le premier tableau, le rendant presque inaccessible aux rayons X, tandis que Doña Isabel a été peinte directement sur le premier tableau sans couche intermédiaire – l’absence de poussière entre les deux couches semble d’ailleurs indiquer que son portrait a été peint rapidement après le premier.« Goya est l’un des peintres les plus admirés et copiés de l’histoire de l’art. Les pastiches de ses œuvres et les faux ont proliféré sur le marché de l’art européen et américain dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, rappelle Letizia Treves. Si c’est un pastiche, il a été réalisé avec un talent si remarquable que sa longue attribution à Goya a convaincu plusieurs générations de spécialistes et de visiteurs du musée. »« Goya: The Portraits », à la National Gallery de Londres, jusqu’au 10 janvier 2016.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) Le milieu littéraire belge est en émoi suite à la publication par Patrick Roegiers de « L’Autre Simenon ». Peu de gens s’en préoccupaient jusqu’à aujourd’hui, mais Georges Simenon avait un frère cadet, Christian. Ce dernier s’engagea dans le mouvement pro-nazi Rex, fondé par le tribun belge Léon Degrelle, et participa, en août 1944, à l’exécution de 26 civils, près de Charleroi. Dans quelle mesure cet être sans consistance, condamné à mort par contumace, fut-il influencé, voire manipulé, par l’écrivain belge le plus lu dans le monde ?L’engagement du cadet dans un parti qui prônait la « germanité » des Wallons d’un côté, l’opportunisme de l’aîné, qui passa la guerre dans une demeure vendéenne en s’arrangeant au mieux de ses intérêts avec l’occupation allemande de l’autre, n’étaient-ils, en réalité, que « les deux faces d’une même médaille », celle de la collaboration la plus hideuse ?C’est Patrick Roegiers, auteur de L’Autre Simenon (Grasset), qui pose la question. Son livre, un roman qui mêle réalité historique et fiction, crée une belle pagaille dans le petit monde des lettres belges. Né en Belgique, vivant près de Paris depuis trente-trois ans, cet écrivain a rompu les ponts avec son pays mais continue à puiser de la matière romanesque dans ce royaume qui, avoue-t-il, le hante et le fascine.“Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa”, Patrick Roegiers, auteur de L’Autre SimenonRoegiers ne s’est pas limité à l’exhumation du petit frère oublié : il a inventé un autre destin à Christian en l’engageant dans la Légion Wallonie, partie se battre aux côtés de l’armée d’Hitler sur le front de l’Est avec 5 000 volontaires. Dans le livre, Christian Simenon y décède dans une solitude totale, un « enfer réfrigéré » pour les salauds de son espèce. En réalité, le frère est mort en Indochine en 1947, où il combattait dans la Légion étrangère. Quel lien ce faible rallié à la loi du plus fort entretenait-il avec l’écrivain ? C’est évidemment cette question qui intéresse l’auteur, convaincu que « Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa ».Le père de Maigret a continué de publier sous l’Occupation ; il a travaillé avec la société de production Continental-films, fondée par Joseph Goebbels ; il a appris l’allemand et reçu chez lui des officiers du Reich. A-t-il vraiment collaboré ? Non, plutôt profité de la situation, comme tant d’autres à l’époque. A-t-il influencé son frère ? La correspondance entre les deux hommes aurait pu le révéler… mais elle a disparu. Il semblerait en tout cas que Mme Simenon mère ait été toute dévouée au parti Rex. Geneviève Simenon, petite-nièce de Georges et petite-fille de Christian, affirmera devant le tribunal d’assises qui la juge pour le meurtre de son mari, en 2000, que l’écrivain a « influencé » son cadet. Elle soutient, à l’époque, posséder des documents prouvant ses dires, documents que personne ne lui a, par la suite, jamais demandés de produire.Une violente polémiqueLa polémique fait rage en Belgique : non seulement l’affaire touche à l’une des faces sombres de son histoire, mais elle pourrait endommager la statue de l’homme aux 193 romans (en plus des 176 qu’il rédigea sous 27 pseudonymes) décédé en 1989. Les membres de l’association Les Amis de Simenon, emmenés par l’écrivain Jean-Baptiste Baronian, sont vent debout, reprochant à Patrick Roegiers de semer le doute, de livrer volontairement des contre-vérités et de dire « n’importe quoi » sur un ton de procureur. Quant à John Simenon, fils et ayant droit de l’écrivain, il évoque des « mensonges calomnieux ».Fin septembre, dans un droit de réponse accordé par le quotidien Le Soir, Roegiers a qualifié « [d’] imbécile et de mauvaise foi » l’article de Baronian sur son travail. Un ton assez inhabituel dans des médias belges. Roegiers maintient que « la mise en lumière de Christian, le personnage inconnu, révèle la part d’ombre de Georges Simenon, l’écrivain très connu ». Le commissaire Maigret aurait adoré cette intrigue.Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry La direction de Sony a affirmé, jeudi 8 octobre, être en négociation pour céder la part détenue par le géant japonais de l’électronique et des médias dans le capital de Sony ATV (Associated Television), le premier éditeur mondial de musique, confirmant une information du Wall Street Journal. Dans une note interne, le directeur général de Sony, Michael Lynton, estime qu’il est temps de revoir « notre statut de propriétaire ». La valeur de Sony ATV est estimée autour de 2 milliards de dollars (1,77 milliard d’euros).Sony ATV possède notamment les droits sur la plupart des chansons des Beatles mais aussi de Michael Jackson, et, plus récemment, de Kanye West ou de Taylor Swift. Le capital de Sony ATV est aujourd’hui partagé à parité entre Sony Music et la société qui gère les droits de Michael Jackson.L’histoire de ce catalogue a déjà défrayé la chronique, puisque c’est sur les conseils de Paul McCartney que Michael Jackson avait fait l’acquisition des droits des Beatles, pour 47,5 millions de dollars, en 1985, au grand dam de l’artiste anglais, qui n’avait pas à l’époque les moyens de mener cette opération. Dix ans plus tard, le « King of Pop » avait décidé de former un catalogue commun avec Sony, un accord qui lui avait rapporté 100 millions de dollars.Lire aussi (édition abonnés) : Comment les Beatles ont cédé la majeure partie de leurs chansonsSi la gestion des droits revient aujourd’hui sur le devant de la scène économique, c’est en raison de l’essor du streaming, l’écoute en ligne sans téléchargement de la musique, qui permet de faire remonter à la surface les fonds musicaux et de les mettre en valeur. Or, on ne trouve actuellement les titres des Beatles sur aucune plate-forme de streaming, que ce soit sur Spotify, Deezer ou Apple. L’Américaine Taylor Swift a également émis des réserves sur le streaming, pointant l’absence de retombées financières de ce nouveau mode de consommation musicale.Lire aussi :Le streaming donne un coup de fouet au marché de la musiqueDécouplageEn 2012, Sony avait également acheté EMI Music Publishing qui détient le catalogue de la Motown ou bien encore Police et Queen, moyennant 2,2 milliards de dollars. Pour l’instant, on ignore les intentions du groupe japonais concernant cet actif, complémentaire de Sony ATV. Seule certitude : le géant tokyoïte détient un catalogue de plus de 2 millions de chansons, dont 750 000 dans Sony ATV. Sa part de marché est évaluée à 30 %.Les acheteurs potentiels des 50 % de Sony ATV détenus par le groupe d’électronique sont nombreux. Le plus évident est Universal Music Group, le numéro un mondial de la musique, propriété de Vivendi, qui s’est renforcé sur ce terrain depuis dix ans. Mais Warner Music, l’autre grande major, pourrait aussi être intéressée.Ces négociations ne concernent pas en revanche le label Sony Music Entertainment, qui continue de développer des artistes et de vendre de la musique, sous forme physique (CD, vinyle) ou numérique. Le découplage entre les deux activités s’est accéléré dans les années 2000. Il n’est aujourd’hui pas rare qu’un artiste soit en contrat chez une major ou un label indépendant et que les droits de ses chansons anciennes soit détenus par son précédent éditeur. Jusqu’à présent, l’édition musicale était plutôt la partie cachée des grands deals musicaux. Les enjeux du streaming lui donnent une plus grande acuité.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Film, à 21 heures, sur France 2 Tiré d’un roman de Patricia MacDonald, le téléfilm manque un peu de perversion pour être un véritable thriller.Le jour de son mariage avec David (Philippe Bas), Emma (Déborah François), psychiatre, est retardée par un patient. C’est heureuse, essoufflée, échevelée et pieds nus qu’elle arrive à la cérémonie. Les signes sont là, pour qui veut bien les saisir : tout ne va pas tourner rond dans ce téléfilm et surtout dans ce couple pourtant promis à un bel avenir.Le téléspectateur n’a d’ailleurs pas longtemps à attendre. La comédie sentimentale est en effet à peine installée que les événements déraillent. Dès le voyage de noces, en réalité, quand Emma se fait agresser par un homme cagoulé dans la maison isolée où les jeunes mariés ont décidé de passer quelques jours. Pour la police, David apparaît comme le suspect numéro un. Son refus de coopérer, son absence au moment des faits, la fortune de la jeune femme dont il hériterait si elle venait à mourir… n’aident pas à contredire les soupçons qui pèsent contre lui. Au point que même Emma commence à douter de son mari.Doute et frissonD’autres menaces surgissent dans la vie de la jeune femme, d’autres indices accusent David dont le passé cache quelques secrets. L’intrigue s’épaissit jusqu’au coup de théâtre final dont on ne dévoilera évidemment rien qui puisse mettre le téléspectateur sur la piste.Sur un scénario écrit par Elsa Marpeau, d’après le roman de Patricia MacDonald, le réalisateur Serge Meynard (La Nuit du meurtre ; Passés troubles ; La Nuit du réveillon) signe un téléfilm qui ne ménage pas ses effets pour installer le doute et créer le frisson.En matière de thriller, le réalisateur sait faire et maîtrise le genre, se référant à l’un de ses maîtres, Alfred Hitchcock, auquel Serge Meynard emprunte certaines mécaniques de suspense. Ce qui nous vaut dans J’ai épousé un inconnu quelques beaux clins d’œil, tant à l’image que sur la bande-son.En revanche, quelque chose cloche dans ce téléfilm dont le ressort principal repose sur la culpabilité ou pas du mari, et, du coup, le malaise et l’inquiétude que cette incertitude devrait faire naître. Or, c’est là que le bât blesse : il est rare que l’on soupçonne réellement le mari de vouloir tuer sa jeune épouse, rare qu’on lui trouve un caractère suffisamment trouble pour douter de sa sincérité. Une faiblesse qui nous laisse, hélas, sur le bord de la route.J’ai épousé un inconnu, de Serge Meynard. Avec Déborah François, Philippe Bas (Fr., 2015, 90 min). Vendredi 9 octobre, à 21 heures, sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde 09.10.2015 à 06h40 • Mis à jour le09.10.2015 à 10h06 A la Gaîté-Lyrique, à Paris, les Danois de Den Sorte Skole ; à Aix-en-Provence, un hommage à Henning Mankell ; au Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, un conte délicat de Jonathan Châtel : ce sont les choix du « Monde ».MUSIQUE. L’imagination foisonnante d’Unsuk Chin, à la Maison de la Radio La compositrice coréenne, Unsuk Chin, figure incontournable de la musique contemporaine depuis plus de vingt ans, est à l’honneur cette année au Festival d’automne dans le cadre de l’Année France-Corée. Sa musique singulière, colorée et raffinée, impose, malgré sa complexité, un impact très direct sur l’auditeur, ne serait-ce que par son sens de l’humour parfois décapant. Trois concerts donnés simultanément les 9 et 10 octobre dans le nouvel auditorium de Radio France permettront de cerner davantage cette personnalité à l’imagination foisonnante pour qui le rêve reste la voie royale de notre exploration du monde. Marie-Aude RouxUnsuk Chin. Maison de la Radio, Paris 16e. Le 9 octobre à 20 heures. Le 10 octobre à 16 heures et 20 heures. Tél. : 01-56-40-15-16. De 10 € à 25 €. maisondelaradio.frTHÉÂTRE. Mohamed El Khatib parle de sa mère, à la Cité internationale Mohamed El Khatib souhaitait à sa mère de « Finir en beauté ». Quand elle s’est retrouvée en soins palliatifs pour un cancer du foie, dans un hôpital près d’Orléans, il l’a filmée. Avec son accord, bien sûr. Mais on ne les voit pas, ces images, dans le spectacle que Mohamed El Khatib consacre à sa mère. Seul en scène, et habité de plein d’histoires qui nous font voyager entre le Maroc et la France, il raconte avec humour, tendresse et délicatesse ce que peut être le chagrin quand la mort est là. Ses mots sont si justes qu’ils ouvrent des portes sur la vie. C’est très beau. Brigitte SalinoFinir en beauté, de et par Mohamed El Khatib, Théâtre de la Cité internationale, 17, boulevard Jourdan Paris-14e. RER : Cité-internationale. Tél. : 01-43-13-50-50. Jusqu’au 23 octobre. Voir les horaires sur Theatredelacite.com. De 7 € à 22 €. Durée : 1 h 10.THÉÂTRE. « Andreas », sur les rivages de la vie, au Théâtre de la Commune Inspiré par la première partie du Chemin de Damas, la trilogie d’August Strindberg, Andreas suit le chemin vers la réconciliation d’un homme qui n’arrive pas à dire « Je veux vivre ». Un long chemin, comme celui de Paul vers la conversion. Le jeune metteur en scène Jonathan Châtel en a tiré un spectacle qui prend la forme d’un conte, et nous mène loin, sur les rivages de la vie. Simple et troublante, cruelle et délicate, cette soirée est illuminée par la présence et le jeu de Nathalie Richard, une comédienne magnifique. B. Sa.Andreas, d’après Strindberg. Mise en scène : Jonathan Châtel. Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Mo : Aubervilliers-Pantin-Quatre-chemins. Tél. : 01-48-33-16-16. Jusqu’au 15 octobre. Voir les horaires sur Lacommune-aubervilliers.fr. De 6 € à 23 €. Durée : 1 h 20.HUMOUR. Christophe Alévêque plus engagé que jamais, au Rond-Point Huit mois après les attentats de Charlie Hebdo, Christophe Alévêque ne lâche rien. « Ça ira mieux demain », chante l’humoriste sur la scène du Théâtre du Rond-Point, à Paris, en réponse à « la sinistrose ambiante qui met de l’engrais sur le pire ». Lui veut faire du rire une arme de réflexion politique massive. Sans abandonner la part d’improvisation qu’il affectionne, il signe, avec Ça ira mieux demain, l’un de ses spectacles les plus aboutis et les plus personnels. Bouleversé par une période où des dessins caricaturaux et une photo d’enfant mort sont capables de changer le cours de l’histoire, il en veut aux philosophes et aux intellectuels « qui, en dénonçant l’émotion, n’ont pas compris la société dans laquelle on vit ». Engagé et à fleur de peau, Christophe Alévêque ne rêve pas du grand soir, mais presque. Sandrine BlanchardÇa ira mieux demain, jusqu’au 7 novembre au Théâtre du Rond-Point (à 18 h 30 jusqu’au 11 octobre puis à 21 heures), 2 bis, avenue Franklin-Roosevelt, Paris 8e. Durée : 1 h 30. De 14 € à 40 €. Theatredurondpoint.frMUSIQUE. Lionel Bringuier rencontre l’Orchestre de Paris, à la Philharmonie. Visage rond et baguette effilée, le chef d’orchestre Lionel Bringuier, fera ses premiers pas avec l’Orchestre de Paris les 14 et 15 octobre. Le Niçois de 29 ans n’est pas un débutant. En 2006, il est devenu le plus jeune chef assistant (et le premier Français) de l’histoire du prestigieux Orchestre philharmonique de Los Angeles, a gravi les échelons de chef associé, assistant puis résident, avant de prendre en septembre 2014 la tête de l’excellent Orchestre de la Tonhalle de Zurich. Sur ses terres, le charismatique Français dirigera un programme plein de charme et d’énergie, du Con Brio de Widmann au folklore hongrois des Danses de Galanta de Kodaly, en passant par les tourments romantiques du Roméo et Juliette de Tchaïkovski et le fameux Concerto pour piano que Schumann écrivit pour sa femme, Clara (au piano, Martin Helmchen). Un programme en forme de déclaration d’amour. Marie-Aude RouxPhilharmonie de Paris, Paris-19e. Salle Philharmonie 1. Les 14 et 15 octobre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 40 €. Philharmoniedeparis.frMUSIQUE. Tribu Festival, à Dijon, premiers jours Pour sa seizième édition, organisée du 10 au 18 octobre, dans plusieurs lieux de Dijon (Côte-d’Or), le Tribu Festival annonce des musiciens venus d’Argentine, du Togo, des Etats-Unis, du Portugal, de Finlande, d’Israël, du Royaume-Uni, du Yemen… Dans des expressions musicales qui puisent dans le jazz, le funk, les musiques du monde, la soul, l’électro etc. Le premier week-end du festival, samedi 10 et dimanche 11, constitue une bonne entrée en matière à ce propos multiple. On pourra assister à une projection d’un film consacré au saxophoniste David Murray (par ailleurs programmé le 13 octobre), découvrir le nouveau répertoire de Ze Tribu Brass Band, fanfare d’une trentaine de musiciens dirigée par Maciek Lasserre, passer une fin d’après-midi avec les sélections du platiniste Riddimdim, prendre une bonne dose de soul avec la chanteuse Nicole Willis… Sylvain SiclierTribu Festival, à Dijon, samedi 10 et dimanche 11 octobre, puis jusqu’au 18 octobre. De 5 € à 27 € selon les lieux et concerts, accès libre à plusieurs spectacles.MUSIQUE. « Percujam », artistes et autistes en concert au Théâtre des Variétés C’est un orchestre un peu particulier, qui réunit de jeunes musiciens autistes et leurs éducateurs. Composée de seize personnes, avec chanteuses, chanteurs et instrumentistes (guitare, basses, claviers, batteries…), la formation, qui s’est donné pour nom « Percujam », a été créée à l’initiative de l’association Futur composé avec Trampoline caméra et la Fondation J. M. Bajen, pour permettre à des jeunes en souffrance de sortir de leur isolement grâce à la maîtrise d’un instrument et au jeu collectif. Au-delà de la musique, chaque concert est une expérience et un moment de partage. Le groupe s’est produit déjà au Cabaret sauvage, à La Villette, à Paris, aux Zénith de Nantes et d’Amiens, etc. Pour accompagner la sortie de leur troisième album, plusieurs concerts sont organisés, dont une soirée au Théâtre des Variétés, à Paris, lundi 12 octobre à 20 heures. En première partie, le collectif Astéréotypie, qui réunit de jeunes autistes autour d’un projet éducatif et artistique, sera sur scène pour présenter des textes, écrits individuellement ou collectivement, qui traduisent leur univers, sur fond de musique pop-rock. Sylvie KervielPercujam, lundi 12 octobre, à 20 heures au Théâtre des Variétés, 7, bd Montmartre, Paris-2e. De 10 € à 30 €. Theatre-des-varietes.frMUSIQUE. Den Sorte Skole, magiciens du sampling, à la Gaîté-LyriqueMené par les DJ danois Martin Hojland et Simon Dokkedal, Den Sorte Skole (« l’école noire ») compose de fascinants puzzles musicaux à partir des univers infinis de leur discothèque. Magiciens du sampling, piochant en poètes ethnomusicologues dans toutes les époques et tous les continents, ils produisent des disques qu’il ne peuvent diffuser sur les circuits commerciaux habituels, leurs compositions aux collages multiples se révélant impossibles à « légaliser » en termes de droits d’auteur. Accessibles par téléchargement gratuit (Densorteskole.net), leurs odyssées musicales se doublent sur scène d’un show visuel envoûtant qui devrait être cette fois projeté sur l’écran à 360 degrés de la salle de la Gaîté-Lyrique. Stéphane DavetDen Sorte Skolle, Vaudou Game et Osunlade, dans le cadre du Festival d’Ile-de-France, le 9 octobre à la Gaîté-Lyrique, 3 bis, rue Papin, Paris-3e. Tél. : 01-53-01-52-00. A 20 heures, 28,60 €.ART. La puissance créatrice de Wifredo Lam, à Beaubourg La rétrospective que consacre le Centre Pompidou à Wifredo Lam (1902-1982) est la première qui soit consacrée au peintre cubain dans un musée parisien depuis celle qui avait eu lieu au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1983, un an après sa mort. L’occasion de vérifier, au fil d’une exposition organisée de manière chronologique, que l’artiste, né de père chinois et de mère mulâtre, était beaucoup plus que « le métis du surréalisme » comme il est trop souvent caricaturé. Catherine David, son auteure, a composé des ensembles qui révéleront à beaucoup la puissance créatrice du peintre. Le mur où sont réunis Les Noces et Nativité de 1947 à Bélial, empereur des mouches de 1948 en est une démonstration remarquable. Philippe DagenWifredo Lam. Centre Pompidou, Paris-4e. Centrepompidou.fr. Du mercredi au lundi de 11 heures à 21 heures, le jeudi jusqu’à 23 heures. Entrée : de 11 € à 14 €.LITTÉRATURE. La Fête du livre rend hommage à Henning Mankell, à Aix-en-Provence L’écrivain suédois Henning Mankell aurait dû être à Aix-en-Provence les 9, 10 et 11 octobre, pour la Fête du livre, qui avait organisé sa trente-deuxième édition, intitulée « Henning Mankell, de la neige au sable », autour de l’œuvre de cette figure du polar nordique. Sa mort, dimanche 4 octobre, a conduit les organisateurs à transformer ce rendez-vous en hommage. Les invités, qui devaient dialoguer avec le « père » de Kurt Wallander – l’auteur chinois Qiu Xiaolong, la scénariste et réalisatrice italienne Francesca Melandri, l’écrivaine et journaliste suédoise Katarina Mazetti, le journaliste et traducteur Gérard Meudal, le comédien Frédéric Pierrot, etc. – seront présents néanmoins pour des débats, rencontres, lectures, projections et séances de signature. S. Ke.Fête du livre, Cité du livre, 8, rue des Allumettes, Aix-en-Provence. Du 9 au 11 octobre. Entrée libre. iutmdl.over-blog.com Francis Marmande Mardi 6 octobre, Eric Bibb & JJ Milteau (il tient à cette orthographe, à prononcer JayJay), guitariste chanteur et harmoniciste historique, étaient à L’Alhambra (Paris 10e). Petite salle en surchauffe, quartet réglé comme un moteur de Stampe, le célèbre biplan inventé pour la voltige aérienne : Eric Bibb, JJ Milteau, Gilles Michel à la basse, Larry Crockett aux drums. Ponctuation parisienne d’une énorme tournée d’été qui aura culminé au festival Jazz à Vienne en juillet, devant un amphithéâtre en lévitation.Lire aussi :Jazz à Vienne : six mille petits éblouis par le big bandA L’Alhambra, décollage en grâce avec Pick a Bale of Cotton, un traditionnel qui relève du country blues et que l’on ne décline pas toujours avec cette fraîcheur. Suivront seize titres, dont trois au rappel, ils figurent sur l’album Lead Belly’s Gold (Dixiefrog/Harmonia Mundi) : Needed Time, Linin’Track, I Heard the Angels Singing. Nuit sous le signe du blues le plus dense, les fantaisies country les plus olé-olé, la joie de jouer et d’aller au plus profond sans le montrer.Nuit zébrée des éclairs d’harmonica (diatonique, of course), du grand Milteau aux airs dandy de western mâtiné hip de banlieue. Eric Bibb, costar très ample, silhouette de tap-dancer (ce qu’on ose encore appeler les claquettes), sombrero de cinéma, est infatigable. On se fiche un peu de l’âge, mais personne au monde ne croirait à ses 65 ans sous ce sourire ado. Milteau, suractif, tant au minuscule et déchirant harmo, qu’en président militant de l’Adami (administration des droits des artistes et musiciens interprètes) qui a fort à faire par les temps qui courent. Un album précieuxCe qui est bien avec le blues, c’est que sous forme très raffinée et combinatoire hyper-sophistiquée, il dit les joies, il dit les peines, et tout le monde s’en fout. Poésie analogue aux plus grandes créations de l’humanité, on le prend encore pour un bricolage archaïque de Nègres assez simplets. C’est très bien ainsi. On n’imagine pas que les troubadours en leur ère aient embêté les braves gens. Nadine Morano peut dormir sur ses oreilles d’âne.La rencontre d’Eric Bibb et JJ Milteau, coutumier des invitations, fait l’objet d’un album précieux : iconographie, maquette, son, textes, traductions des chansons, tout est signé du plus savant des érudits plaisants, Sebastian Danchin et consorts : « Lorsqu’il fut découvert en 1933 dans la tristement célèbre ferme pénitentiaire d’Angola, en Louisiane, Lead Belly ne se doutait pas que sa musique allait bouleverser le cours de son destin tout en faisant entrer dans l’histoire les artisans de son succès, les ethnomusicologues John et Alan Lomax. » Dans ses rêves les plus osés, imaginerait-il jamais que ses chansons, les plus évidentes des chefs-d’œuvre, seraient reprises par Sinatra, Nirvana, Tom Waits ou Bob Dylan ?Le samedi 10 octobre, Eric Bibb et JJ Milteau sont au Nancy Jazz Pulsations, l’énorme rendez-vous de l’automne, avec un programme – une dizaine de groupes par soir ou alors Brad Mehldau en solo (complet) –, dont personne n’a jamais su, dès le premier millésime (1973), sur quel pied le faire danser, jazz, techno, chanson, électro, funk, java, tendances, mais un programme qui ne s’est jamais passé d’une grosse soirée blues : version 2015, donc, Otis Taylor, les très délurés Snarky Puppy et Eric Bibb & JJ Milteau.Lead Belly’s Gold, 1 CD Dixiefrog/Harmonia Mundi. www.jjmilteau.net et eboutique.harmoniamundi.comNancy Jazz Pulsations (NJP), divers lieux, jusqu’au 17 octobre. Samedi 10 octobre : Blick Bassy, Faada Freddy (salle Poirel) ; Marco Barotti / Paradis DJ (L’Autre canal) ; Rubin DJ Set (Magic Mirrors) ; Eric Bibb & JJ Milteau, Otis Taylor, Snarky Puppy (Chapiteau). Jean-Louis Murat (13), Jeanne Added (15), Maceo Parker (16), Yuri Buenaventura, Marcus Miller (17). www.nancyjazzpulsations.comFrancis MarmandeJournaliste au Monde Mustapha Kessous C’était l’événement du Marché international des professionnels de l’audiovisuel (MipCom) qui s’est tenu à Cannes du 5 au 8 octobre. Des centaines d’anonymes venus patienter des heures dans les escaliers du Palais des Festivals pour obtenir les meilleurs fauteuils, des agents de sécurité ayant troqué leur habituel costume noir contre un imperméable bleu floqué de l’écusson du FBI et des lunettes noires de type aviateur… Mardi 6, à 18 h 30, dans un auditorium bondé, la chaîne américaine Fox présentait le premier épisode de la saison 10 de la série culte X-Files. Une folie ! Un grand jour pour les fans qui retrouvaient les agents spéciaux Fox Mulder et Dana Scully, disparus des petits écrans depuis 2002 (entre-temps, 2 films sont sortis au cinéma).Une projection aux allures de meeting politiqueCe soir-là, dans l’auditorium, la voix de Mulder s’élève, qui raconte son histoire, celle de sa sœur enlevée par des extraterrestres et celle de ses enquêtes au sein du FBI concentrant des affaires mystérieuses voire paranormales non élucidées. Puis les premières notes du générique – l’authentique – retentissent. Le public – composé de beaucoup d’Anglo-saxons – crie, applaudit. On se croirait à un meeting politique… Enfin apparaissent sur l’écran géant les agents Dana Scully, la scientifique, incarnée par Gillian Anderson qui n’a pas pris une ride (au point d’être inexpressive) ; puis Fox Mulder, l’hurluberlu, interprété par David Duchovny, en quinqua resplendissant. Et d’autres encore : Walter Skinner et « l’Homme à la cigarette » interprété par un William B. Davis qui flirte avec les 80 ans. L’intrigue se met en place et pendant près d’une heure, des sentinelles en costume noir au service de la production surveillent la salle pour empêcher ceux qui seraient tentés de prendre des photos ou réaliser des vidéos. Aucune image non officielle ne doit filtrer.Le Monde – qui n’a pas l’intention de « spoiler » – se contentera de dire que l’épisode n’a rien révélé de surprenant ni de bien nouveau. Excepté que Mulder et Scully ne font plus partie du FBI, le département des affaires non classées étant fermé depuis plus d’une décennie. Dana travaille désormais dans un hôpital, Fox est toujours parano. Mais le duo va se reformer le temps d’une mission où il va s’agir de combattre une mystérieuse puissance qui veut « prendre le contrôle des Etats-Unis ». La conspiration reste le cœur d’une intrigue très ancrée dans l’époque contemporaine. D’ailleurs, Mulder et Scully ont troqué leurs gros téléphones aux allures de fers à repasser contre des smartphones.A l’issue de la projection, Chris Carter, 57 ans, le créateur de la série lancée en 1993, après avoir été longuement et chaleureusement acclamé, a tenu à saluer le compositeur Mark Snow – à qui l’on doit le thème de X-Files et la musique des 6 épisodes de cette « brève » saison 10 (quatre fois moins que les anciennes) – ainsi que les scénaristes qui les ont écrits. Ces derniers avaient d’ailleurs déjà travaillé sur les précédents opus. Chris Carter aime travailler entre amis.La diffusion française se fera sur M6Diffusé aux Etats-Unis dès le 24 janvier 2016, X-Files arrivera « très vite sur M6 » a assuré Nicolas de Tavernost, le patron de la chaîne, sans pouvoir donner de date précise. Tout au plus « le temps du doublage avec les voix originales françaises » précise-t-il. La Six qui a diffusé les 9 saisons de la série de juin 1994 à janvier 2003, ne cache ni son impatience ni son enthousiasme. « Nous avions acheté la série en mai 1993 et tout de suite nous avons cru en son potentiel, se rappelle Thomas Valentin, le numéro 2 du groupe M6. X-Files ne ressemblait à aucune autre série américaine de son temps comme Beverly Hills ou Deux flics à Miami. Il n’y avait pas de paranormal, la théorie du complot n’existait pas. » Pour se démarquer des autres chaînes, M6 avait programmé cette série le samedi soir. « C’était la première fois que nous diffusions trois épisodes à la suite, se souvient Thomas Valentin. Cela nous avait permis d’avoir un million de téléspectateurs en plus. » L’arrivée d’une dixième saison sera forcément un événement pour la chaîne.Quant à espérer d’autres saisons encore, il faudra attendre. Chris Carter ne ferme cependant aucune porte, soulignant, entre autres, que l’avenir de la série dépendra aussi de son « audience ». Voilà où doit se trouver « la vérité »…Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Elle n’en revenait pas elle-même, Lou Doillon, du succès critique et commercial de son premier album, Places, grosse surprise de 2012, qui la vit même consacrée, quelques mois plus tard, artiste féminine de l’année aux Victoires de la musique. Un choix qui fit grincer quelques dents. Une telle récompense pour un coup d’essai chanté en anglais, pour une « fille de » plus people que populaire ? Ces premières chansons aux teintes folk mélancoliques devaient aussi une part de leur réussite à Etienne Daho, ami de la famille et réalisateur artistique, respectant cette noirceur première tout en y insufflant les touches discrètement soyeuses d’arrangements pop-soul.L’accoucheur de Lay Low, deuxième opus de la dame, s’appelle cette fois Taylor Kirk, pianiste, chanteur et guitariste canadien, membre du duo Timber Timbre, connu pour ses stylisations dénudées – mais quasi gothiques – du blues-rock américain. Un choix de producteur, qui est aussi celui d’une esthétique plus rêche et dépouillée, tirant vers le crépusculaire. Comme si Lou Doillon avait déménagé son spleen de la luminosité de l’école de Laurel Canyon (Joni Mitchell, Crosby, Stills & Nash…) vers l’aridité de celle de Tucson (Calexico, Giant Sand…).Verra-t-on dans ce parti pris le péché d’orgueil d’une chanteuse soucieuse de sa crédibilité naissante, fuyant la joliesse de peur de trop s’approcher de la variété ? Ou, plus profondément, l’écho musical de mois douloureux, marqués par la mort de sa demi-sœur Kate Barry (1967-2013) et les problèmes de santé de sa maman, Jane Birkin ?Rock du désertToujours est-il que, privé des doux éclats de la production de Daho, Lay Low se révèle d’approche plus difficile que Places. Enregistré en grande partie à l’Hotel2Tango, studio culte de la scène indépendante de Montréal, ce disque d’apparence austère laisse d’abord voir ses défauts. Accentué par l’ascétisme des distorsions, l’anglais éraillé de la sauvageonne parisienne resserre ainsi jusqu’au maniérisme un registre déjà étroit. Comme asséchées par ce rock du désert, les mélodies peinent d’abord à respirer.Plusieurs réécoutes (l’album ne durant que 33 minutes, l’effort n’est pas insurmontable) finissent pourtant par délivrer quantité de jolis secrets, sous la rocaille de cette voix et le rude décor de cette « americana ». Amateur de grands espaces désolés, Taylor Kirk parsème les chansons de gimmicks parcimonieux mais finalement accrocheurs. L’orgue hanté de Nothing Left, l’arpège « fifties » de Let Me Go, le clavier et les chœurs inquiets de Worth Saying, la guitare serpentant autour de la batterie pète-sec de Good Man… Autant de balises au pouvoir évocateur qui permettent aussi de mieux appréhender les variations émotives – de la colère à la tendresse, de l’amertume à la compassion – d’un chant plus attachant que prévu.Lay Low, 1 CD Barclay/Universal Music. www.universalmusic.frStéphane DavetJournaliste au Monde Julie Clarini En attribuant le prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Alexievitch, qui faisait figure de grande favorite, l’académie suédoise récompense une auteure qui a la passion du réel. De livre en livre, cette écrivaine engagée, née en Ukraine en 1948, dénonce la guerre, la violence, le mensonge dont fut tissée l’histoire de l’ancien empire soviétique. Première femme de langue russe à recevoir cette récompense, elle prend la suite de Pasternak (1958), Soljenitsyne (1970) et Brodsky (1987).Interview with Permanent Secretary Sara Danius #NobelPrize http://t.co/hV3If3pzX4— NobelPrize (@The Nobel Prize)require(["twitter/widgets"]);Son œuvre forte et cohérente chemine à la lisière du documentaire. Les livres de Svetlana Alexievitch – six à ce jour – sont bâtis à partir de récits, tous patiemment collectés, dans un souci de vérité et de justesse. « Je vais vers l’homme pour rencontrer son mystère », dit-elle, « d’âme à âme, parce que tout se passe là ». Svetlana Alexievitch n’a jamais recours à la fiction : seul le récit lui paraît être véritablement à la hauteur de ce qui arrive. Elle en donne la preuve dès son premier ouvrage, La guerre n’a pas un visage de femme, publié en 1985, rassemblant les souvenirs des combattantes de la seconde guerre mondiale. Rompant avec la geste héroïque, l’ouvrage fait entendre la vérité de cette « inhumaine besogne humaine » qu’est la guerre. Il est jugé « antipatriotique, naturaliste, dégradant » par les pouvoirs en place. Mikhaïl Gorbatchev, malgré la polémique, n’interdit pas le livre. Il se vend en URSS à plusieurs millions d’exemplaires.Lire le portrait : Svetlana Alexievitch, en lettres rouges« Sculpter une époque »Mais c’est Les Cercueils de zinc (1989), consacré au retour d’Afghanistan, qui la mène devant la justice en même temps qu’il la fait connaître en Europe. Sept ans plus tard, La Supplication, Tchernobyl, chronique du monde après l’Apocalypse, traduit en dix-sept langues, – et à ce jour encore interdit en Biélorussie –, donne la pleine mesure de son talent : un chœur d’hommes et de femmes y raconte le calvaire subi après l’accident nucléaire. Magistrale polyphonie que l’on retrouve dans son dernier ouvrage en date, La Fin de l’homme rouge (2013, prix Médicis essai), consacré à cet « homo sovieticus » qu’il s’agit de sauver du mensonge et de l’oubli en en racontant les rêves, les épreuves et surtout le tragique destin. « Sculpter une époque », voilà ce qui importe à l’écrivaine, rendre ses spasmes et ses tremblements. Non pas l’histoire, telle que consignée dans les archives et les chroniques autorisées, mais « l’histoire des émotions, de l’esprit, de l’expérience humaine ».Lire la tribune de Svetlana Alexievitch publiée en 2014 : Poutine et les bas instinctsFille d’instituteurs qui l’ont inscrit aux Komsomols (les Jeunesses communistes), élevée dans une petite ville, Svetlana Alexievicth a fait des études de journalisme en Biélorussie. Très critique du régime d’Alexandre Loukachenko qui préside aux destinées de son pays depuis plus de vingt ans, elle vit aujourd’hui à Minsk, après un long séjour à Berlin.Lire aussi :Une Nobel de littérature contre les mythes soviétiquesGlad we had to update the image with all the Nobel Literature Women! #NobelPrize 2015 http://t.co/LWftGLMvjV— NobelPrize (@The Nobel Prize)require(["twitter/widgets"]);« Ne pas faire de concessions devant un pouvoir totalitaire »La Biélorusse Svetlana Alexievitch a déclaré éprouver une « grande joie » après être devenue prix Nobel de littérature et a appelé à « ne pas faire de concessions devant un pouvoir totalitaire ». « C’est une récompense non seulement pour moi, mais aussi pour notre culture, pour notre petit pays qui a toujours vécu comme entre des pressoirs », a-t-elle déclaré au cours d’une conférence de presse à Minsk organisée dans les locaux d’un journal d’opposition. « J’aime le monde russe, bon et humaniste, devant lequel tout le monde s’incline, celui du ballet et de la musique […] « Mais je n’aime pas celui de Béria, Staline, Poutine et Choïgou, cette Russie qui en arrive à 86 % à se réjouir quand des gens meurent dans le Donbass, à rire des Ukrainiens et à croire qu’on peut tout régler par la force ». Devenir un prix Nobel de la littérature « est une grande joie personnelle », a-t-elle conclu.Julie ClariniJournaliste au Monde Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Le coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5613ee34c9e35'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Le 29 janvier 2014, le romancier et dramaturge annonçait publiquement sa maladie – une tumeur à la nuque, une autre au poumon gauche. Au fil des mois, il en avait tenu la chronique dans le quotidien Göteborgs-Posten. « J’ai tout de suite décidé d’écrire à propos de cette maladie, parce que c’est finalement une douleur et une souffrance qui affectent beaucoup de gens. Mais je vais écrire avec la perspective de la vie, pas de la mort. »La même intention gouverne son autobiographie, Sables mouvants. Fragments d’une vie (357 p., 21, 50 €), parue en France le 17 septembre au Seuil. Il ne s’agit pas d’un livre crépusculaire, prévient-il, mais d’« une réflexion sur ce que c’est que vivre » et un survol, sous forme d’instantanés, d’une carrière féconde, qu’il consacra aussi bien au polar qu’au théâtre et à la littérature jeunesse.Né le 3 février 1948, Henning Mankell a grandi à Sveg et à Borås, deux localités du comté de Jämtland. Il n’a qu’un an lorsque ses parents divorcent. Il est élevé par son père, juge d’instance. A seize ans, alors qu’il sait déjà qu’il sera écrivain, il quitte le lycée sur un coup de tête et, sans argent ni passeport, part pour Paris, où il demeure plusieurs mois. Une période formatrice à plus d’un titre, dira-t-il, décrochant un boulot dans un atelier de réparation de clarinettes et de saxophones. Il intègre ensuite la marine marchande, s’installe en Norvège.Teatro Avenida, « l’aventure la plus exaltante de sa vie »En 1972, il découvre l’Afrique, d’abord en Guinée-Bissau puis en Zambie. Jusqu’à l’apparition de son cancer, Henning Mankell – « un pied dans la neige, l’autre dans le sable » – partagera sa vie entre la Suède et le Mozambique où, il crée en 1986 la compagnie d’art dramatique Teatro Avenida, seul théâtre professionnel de Maputo, la capitale. Ce fut « l’aventure la plus exaltante de sa vie », selon la journaliste Kirsten Jacobsen (Mankell (par) Mankell : Un portrait, Le Seuil, 2013) et qu’il finance avec ses droits d’auteur. Dès 1990, il se lance dans l’écriture de livres pour enfants et entreprend l’année suivante la série Wallander, qui le rendra célèbre.Au même titre que son compatriote Stieg Larsson, l’auteur de la saga Millénium, Henning Mankell, dont les livres ont été traduits en 35 langues et écoulés à 40 millions d’exemplaires, a contribué à l’engouement pour le polar nordique, caractérisé par une vive critique politique et une dénonciation des inégalités, contrastant avec le modèle scandinave tant vanté. En 2009, le père du commissaire Wallander se classait à la neuvième place des écrivains de fiction les plus vendus en Europe.Henning Mankell se souvenait très bien de ce jour de mai 1989 où Kurt Wallander est né. « Je peux même retrouver, dans mon journal, la date exacte. Je voulais écrire sur les émigrants, la xénophobie, confiait-il au Monde des livres en 2010. Je me suis dit que le racisme était un peu comme une attitude criminelle, et que le roman policier était le décor idéal pour en parler. Mais pour cela, j’avais besoin d’un détective. » Sa première apparition a lieu dans Meurtriers sans visage (1991, paru en France chez Bourgois en 1994), distingué par les prix du meilleur roman policier suédois et scandinave.L’assassinat d’un réfugié politique Avec cette enquête déclenchée par l’assassinat d’un réfugié politique tué par un policier proche des mouvements néonazis, la littérature gagne un nouveau loup solitaire, 42 ans, divorcé, passablement désabusé, et un grand maître du polar venu du froid. Henning Mankell fait de Wallander un policier taciturne, qui ne cesse de douter, un homme de plus en plus dépressif et désenchanté au fil des ans.Il assiste impuissant à la hausse de la xénophobie et de la criminalité, ainsi qu’à l’emprise grandissante des mafias et au mal-être de la jeunesse suédoise. « Il avait vécu près de cinquante ans. Pendant toutes ces années, il avait vu la société changer autour de lui et il avait fait partie de ce changement. Mais c’est simplement à ce moment qu’il se rend compte qu’une partie de ce changement dramatique avait été visible, lit-on dans Le Guerrier solitaire (Seuil, 1999). Quelque chose s’était donc déroulé sans crier gare. (…) Lorsqu’il n’était encore qu’un jeune policier, il était évident que tous les problèmes pouvaient être résolus sans avoir recours à la violence sauf en cas d’extrême urgence. »« Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir » : cette formule de conjuration, Kurt Wallander la répétera tout au long de sa carrière. Au terme de dix aventures, Mankell lui donne son congé. « Kurt Wallander est couché dans son lit et il pense à la mort », lit-on dans L’Homme inquiet, paru en France en 2010. Jumeau de son héros à trois semaines près, Henning Mankell lui offre un repos mérité.Lire la critique de « L’Homme inquiet », de Henning Mankell, roman de la peurLui aussi est fatigué de ce double qui a tant bataillé et n’entend pas en faire une rente de situation, au grand dam de ses innombrables lecteurs à travers le monde. A l’écran, Kenneth Branagh avait prêté à Wallander ses traits dans une série télévisée (2008-2010). Ils l’avaient suivi dans toute la Scanie en Lettonie (Les chiens de Riga, Seuil 2003) et même en Afrique du Sud (La Lionne blanche, Seuil, 2004).Wallander a 21 ans, écoute de l’opéra et fume des John SilverPour Henning Mankell, il est hors de question de sortir Wallander de sa retraite – au reste, sa fille Linda lui a succédé au commissariat d’Ystad. C’est donc sa jeunesse que l’écrivain lui rend, en guise d’épilogue dans La Faille souterraine et autres enquêtes (Seuil, « Policier », 2012). Sa jeunesse et ses doutes. Wallander a 21 ans, écoute de l’opéra et fume des John Silver. Affecté au maintien de l’ordre, il est censé patrouiller dans les rues de Malmö.Le novice en passe d’être muté à la brigade criminelle s’interroge : « Mais peut-on être à la fois sentimental et un bon flic ? » L’avenir lui apprendra que non. La notoriété du commissaire d’Ystad a singulièrement éclipsé le reste, pourtant majoritaire, de la production littéraire d’Henning Mankell : pièces de théâtre, livres pour enfants, polars sans Wallander tel Le Cerveau de Kennedy (Points Seuil, 2014), qui conduit une archéologue à découvrir le continent africain, rongé par le sida. « Seule notre incapacité à comprendre faisait que nous savons tout de la façon de mourir des Africains, et presque rien de leur façon de vivre », y écrit-il. Aussi les lecteurs français ont-ils dû attendre le mois d’avril de cette année pour découvrir Daisy sisters (Le Seuil), son premier roman, histoire d’une mère et de sa fille entre 1941 et 1981.Comme son antihéros qui cherchait à rendre justice aux victimes, Mankell le citoyen, engagé à gauche, défend en Suède comme en Afrique les plus faibles et promeut autant qu’il le peut ses deux idéaux : démocratie et solidarité. A plusieurs reprises, il n’hésite pas à prendre position dans le débat public, signant par exemple un manifeste contre la deuxième guerre du Golfe ou achetant un journal norvégien de gauche afin de le sauver de la faillite. En 2010, il participe à l’expédition « Ship to Gaza », organisée par des groupes activistes en faveur des Palestiniens, qui donne lieu à un abordage israélien. Il tire de cette campagne un récit publié dans plusieurs journaux européens, dont Libération en France. Après trois divorces, Henning Mankell s’était remarié avec Eva Bergman, la fille du cinéaste Ingmar Bergman. « Je suis venu au monde pour raconter des histoires. Je mourrai le jour où je ne peux plus le faire. La vie et l’écriture ne font qu’un », déclarait-il le 2 mars 2003 au quotidien britannique The Guardian.Henning Mankell se qualifiait de raconteur d’histoires. Il estimait que c’était sa façon de représenter sa vision du monde dans ses livres qui offrait peut-être la meilleure image de lui. Depuis que sa maladie s’était déclarée, en dépit des séances de chimiothérapie, Mankell se savait en sursis. Il vivait toutefois, disait-il, dans l’attente de nouveaux instants de grâce.Lire l’entretien publié sur Télérama.fr en 2010 : « Jamais je n’aurais imaginé vivre si longtemps avec ce vieux Kurt Wallander »Macha SéryJournaliste au Monde 05.10.2015 à 04h38 • Mis à jour le05.10.2015 à 04h38 Le rachat de la filiale livres du groupe italien RCS Mediagroup par l’éditeur Mondadori, propriété de la famille de Silvio Berlusconi, a été signé dimanche 4 août. L’opération d’achat s’élève à 99,99 % du capital, précisent les deux groupes, pour un montant (« equity value ») de 127,50 millions d’euros. « L’acquisition sera financée par l’utilisation de lignes de crédit », précise Mondadori, présidé par Marina Berlusconi, fille de l’ancien président du conseil italien.Le groupe milanais, plus que centenaire, est connu surtout en tant qu’éditeur des grands quotidiens Il Corriere della Sera et la Gazzetta dello Sport, ainsi que de l’espagnol El Mundo. Il rassemble une douzaine de maisons d’édition, dont Rizzoli (du nom du fondateur du groupe Angelo Rizzoli) et Bompiani, éditeur en Italie d’Umberto Eco et de Michel Houellebecq, dont les derniers livres figurent actuellement parmi les meilleures ventes dans le pays.Lire aussi :Silvio Berlusconi, de retour aux affairesArnoldo Mondadori Editore et RCS Mediagroup sont respectivement premier et deuxième acteurs du secteur en Italie avec 27 % et 11,7 % de parts de marché. Leur union crée donc un colosse doté d’une force de frappe sans égal en Europe : près de 40 % du marché de l’édition national, dont près de 70 % pour le livre de poche, selon les spécialistes.Dans son communiqué, RCS précise que l’accord préserve « pour tous les titres du groupe la possibilité de continuer à exercer une activité éditoriale propre telle qu’actuellement proposée à ses lecteurs ». L’annonce de ce rapprochement avait semé l’émoi dans le monde italien de l’édition et au-delà, compte tenu du rôle politique encore joué par Silvio Berlusconi, qui devient de facto nouveau patron de ce géant de l’édition. Au premier semestre 2015, Mondadori avait annoncé une perte nette de 12,20 millions d’euros, légèrement supérieure à celle de l’année précédente (-11 millions d’euros).Lire aussi :Silvio Berlusconi et la justice jouent les prolongations 03.10.2015 à 11h33 • Mis à jour le04.10.2015 à 22h38 | Emmanuelle Jardonnet Fonte des glaces, changement climatique, extinction… Cette année, la Nuit blanche se veut la caisse de résonance artistique de la Conférence mondiale sur le climat (COP21), qui se tiendra à la fin de l’année à Paris.Après une édition 2014 axée sur le sud de Paris, qui offrait la part belle au street art et au cirque, la Nuit Blanche 2015, dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 octobre, met le cap au nord, débordant même sur le futur « Grand Paris » du côté d’Aubervilliers.Une trentaine d’artistes contemporains internationaux ont été conviés par José-Manuel Gonçalvès, le directeur du centre d’art le CentQuatre (19e arr.), qui pilote la manifestation pour la seconde fois. En marge de cette programmation officielle, découpée en quatre « parcours », les projets « off » fourmilleront dans toute la ville, présentés à l’initiative de mairies d’arrondissement, musées, galeries, lieux associatifs ou particuliers.PARCOURS NORD-OUEST : Du parc Monceau à la Petite CeintureCôté IN, neuf propositions orientées sur la nature jalonneront le parcours de 19 h à 7 h :L’installation sonore d’Erik Smakh au Parc Monceau, La nuit des abeilles invitera à « écouter » les conséquences du réchauffement climatique en révélant et en amplifiant les sons de la nature : insectes, oiseaux et batraciens.Une araignée et une sauterelle géantes feront, elles, leur apparition dans un autre parc, celui de Clichy-Batignolles, dans une installation lumineuse de Friedrich van Schoor et Tarek Mawad intitulée « Spider Projection V.2 » (à partir de 20h).Waterlicht, une installation de l’artiste néerlandais Daan Roosegaarde déploiera un paysage onirique grâce à une grande vague bleue flottant à près de 3 mètres du sol, symbole des risques de la montée des eaux (à partir de 20h).Rêve d’enfant de Stéphane Ricordel devenu réalité : c’est un Nuage qui flottera à 10 mètres au-dessus de l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture, sur lequel se succéderont des acrobates. Avec Appartus (Tunnel Edit), Dominique Blais invitera à écouter le son brut et intime d’un paysage polaire et astral, réel et imagé, puis son interprétation par quatre musiciens.Parsec, une installation cinétique et hypnotique imaginée par Joris Strijbos et Daan Johan illuminera la pénombre d’un site urbain interdit.Michel Blazy a imaginé pour la pénombre d’un tunnel de chemin de fer désaffecté d’étranges peintures pariétales : immenses formes organiques envahissant lentement les parois, formant des halos de couleurs.Un cinéma, forcément en plein-air, présentera six courts et moyens-métrages abordant la question du climat et de l’environnement (à partir de 20h).Un spectacle de Massimo Furlan dans la cour du musée Nissim de Camondo (Après la fin, le congrès, une création pour la Nuit blanche), de 19 h à 5 h.Côté OFF : Parmi les neuf propositions, retenons celle du Hasard ludique. Attendu pour la fin 2016 dans l’ancienne gare de Saint-Ouen, ce futur lieu culturel donnera un avant-goût de son univers le temps d’une nuit avec des mini-concerts de pop psychédélique de Cyclops (Julien Ribot), dont les illustrations seront projetées sur la façade.TANGENTE : De la Recyclerie à la Halle PajolLa « Tangente », axe reliant les deux grands parcours, se veut une parenthèse enchantée, entre cirque et magie contemporains.Avec Projet Fantôme, le magicien Etienne Saglio invite à découvrir une chorégraphie onirique, bercée par le son de la trompette d’Érik Truffaz.Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel proposeront tout au long de la nuit une « Grande Revue incomplète » de cirque et de music-hall dans l’enceinte de Ground Control, lieu festif installé sur une ancienne friche de la SNCF.PARCOURS NORD-EST : De la gare du Nord à AubervilliersCôté IN, l’accent est donné aux installations atmosphériques :Le Brésilien Nelé Azevedo invitera le public à construire Minimum Monument en déposant des hommes de glace miniatures sur les marches d’un escalier.Une fonte plus inattendue, celle d’un immeuble parisien, a été imaginée par l’artiste argentin Leandro Erlich pour une œuvre perenne sur le parvis de la gare du Nord : Maison Fond (entendre « mes enfants »).Plus loin, l’Allemand Julius Pop a conçu un écran cascade, BIT.FALL, où défileront d’éphémères mots liquides.Une sculpture sonore de l’artiste suisse Zimoun emplira la caserne désaffectée de Louis-Blanc. Suspendues au plafond et animées par de petits moteurs électriques, une centaine de lattes de bois frapperont le sol, rebondiront, glisseront et s’entrechoqueront à l’envi (à partir de 21h).L’artiste belge Ann Veronica Janssens présentera l’une de ses délicates installations lumineuses : une étoile en 3D apparaissant dans un brouillard artificiel.Dans sa performance-installation sonore et lumineuse, l’artiste et chercheur canadien Chris Salter proposera sous la halle Pajol une expérience de perception sensorielle combinant éclairage de pointe, lasers et son.Des chevaux suppliciés gisant sur une échelle, une colonne de fumée blanche s’élevant vers le ciel : avec l’association de ces deux installations de Berlinde de Bruyckere et Anish Kapoor, l’atmosphère du CentQuatre prendra un tour mystique.Le tunnel piétonnier de la gare Rosa-Parks accueillera Spectrum offrira une plongée dans un climat de synthèse : une orchestration lumineuse et immersive proposée par Chikara Ohno et Yusuke Kinoshita, architectes et plasticiens japonais.La prise de conscience étant urgente, l’installation Extinction donne l’alerte sur ce danger qui nous guette avec plus d’une centaine de gyrophares formant une enseigne lumineuse animée.La Nuit blanche propose de traverser une forêt urbaine en création : la Forêt linéaire, plantée en 2014 et qui arrivera à maturité dans quinze ans. S’inscrivant dans le cadre du Grand projet de renouvellement urbain du nord-est de Paris, cet axe reliant le canal Saint-Denis aux espaces verts de la Porte d’Aubervilliers, accompagnera la naissance du nouvel éco-quartier de la ZAC Claude Bernard.La balade permettra d’accéder à l’esplanade du Millénaire, à Aubervilliers, pour une plongée numérique dans le ciel. Avec Exo, la plasticienne Félicie d’Estienne d’Orves et la musicienne Julie Rousse inviteront à regarder et à « écouter » les étoiles : des faisceaux laser pointeront des objets célestes, dont les données cartographiques se traduiront en son. Une œuvre présentée dans le cadre de Némo, Biennale internationale des arts numériques.Côté OFF, la programmation est dense. On pourra notamment faire un saut à l’hôtel des ventes Drouot (ouvert jusqu’à minuit) pour découvrir une étonnante collection de météorites, ou aller découvrir, aux abords du canal de l’Ourcq et du canal Saint-Martin, un parcours de fresques de street art (Da Cruz, Koralie, Stoul, FKDL...) sur le thème des impacts sociaux du changement climatique.HÔTEL DE VILLE : A l’Hôtel de Ville et ses alentoursCôté IN, une seule installation, aussi monumentale que fragile, est au programme : Ice Monument, de Zhenchen Liu. L’artiste chinois érigera sur le parvis de l’Hôtel de ville 270 stèles de glace colorées, de taille humaine et réparties en cinq « continents ». Les blocs fondront au cours de la nuit jusqu’à former un immense tableau liquide et abstrait aux couleurs des drapeaux du monde.Côté OFF, parmi la quarantaine de manifestations proposées (dans une notion très large des « alentours »), à ne pas manquer : la performance pyrotechnique d’Elisa Pône devant le Centre Pompidou de 22 h à 22 h 30 (l’accès aux collections permanentes du musée sera par ailleurs gratuit de 20 h à 2 h du matin) ; l’installation post-apocalyptique de Djeff et Monsieu Moo à l’intérieur l’église Saint-Merry (de 20h à 4 h) ; la soirée alliant concerts, projections, lectures et performances organisée par le duo musical Winter Family au Musée d’Art et d’histoire du judaïsme (de 21 h à minuit) ; l’avant-première de l’exposition collective « Climats artificiels », qui s’annonce très poétique, à la Fondation EDF, avec des œuvres de Marina Abramovic, Ange Leccia, Hicham Berrada ou encore Yoko Ono (de 19 h à 2 h). Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.10.2015 à 09h41 • Mis à jour le04.10.2015 à 21h39 | Joël Morio Jean-Michel Aphatie à midi, sur Europe 1, la nouvelle avait surpris lorsqu’elle avait été annoncée en mai. C’est une réalité depuis plus d’un mois. Entre 12 heures et 14 heures, l’ancien intervieweur politique de RTL et du « Grand Journal » revêt les habits d’anchorman (« présentateur-vedette »). Enfin presque. Il les partage avec Maxime Switek qui présentait, la saison précédente, les matinales de la station. Entre les deux hommes, qui se sont découverts cet été, les rôles sont bien répartis.Au cours des trois premiers quarts d’heure, tandis que Maxime Switek déroule les titres d’un journal d’une durée inédite à la radio à ce moment de la journée, Jean-Michel Aphatie retrouve son rôle d’intervieweur. Plusieurs invités défilent devant le micro pour réagir à l’actualité. Ils sont interrogés par des questions brèves et directes que Jean-Michel Aphatie n’hésite pas à reposer jusqu’à ce qu’il obtienne une réponse. Les sujets s’enchaînent et certains finissent par passer à la trappe, faute de temps.Levé à 5 heures du matin pour lire la presse, Jean-Michel Aphatie est un boulimique, désireux de traiter un maximum de choses. « Il est comme un môme, nous devons le canaliser », s’amuse Fabien Namias, le patron de la station. « On s’est tout de suite mis d’accord pour faire passer beaucoup de gens dans le studio, traiter beaucoup de sujets, faire des sons courts », explique Jean-Michel Aphatie. Pas question pour autant de survoler les choses : « C’est un journal où l’on prend notre temps, deux tiers de nos auditeurs ont déjà écouté la matinale, on a besoin de creuser l’info », se justifie Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction d’Europe 1.L’échange avec les auditeursChacun est dans son rôle. Jean-Michel Aphatie et Maxime Switek interagissent assez peu entre eux, mais le duo fonctionne bien. « On se parlait beaucoup lors des quinze premiers jours, ce qui n’était pas forcément bon signe, car nous avons gagné en automatismes, en fluidité. Aujourd’hui, on peut donner l’impression de ne pas se parler à l’antenne parce qu’on s’est parlé beaucoup avant », précise Jean-Michel Aphatie. Après la conférence de rédaction du matin, les deux hommes s’enferment pour écrire le journal et se répartissent les lancements. « Ce qui m’intéresse désormais, c’est de personnaliser et d’éditorialiser la tranche, d’y apporter quelque chose », insiste le journaliste.Après une rediffusion de « La revue de presque » de Nicolas Canteloup et un journal plus bref, c’est à un nouvel exercice – l’échange avec les auditeurs – que se plie Jean-Michel Aphatie, plus à l’aise pour questionner une avocate sur les retards de la justice que pour amener une octogénaire à s’exprimer sur la fin de vie. « Ce n’est pas faux, répond-il avec honnêteté lorsqu’on lui en fait la remarque. Mais c’est de la pudeur, pas une difficulté. »Passer de la politique à la vie quotidienne des Français ne relève pas pour Jean-Michel Aphatie du grand écart. « On croise tous ces sujets quand on fait les interviews politiques », se rassure-t-il. Une chose est sûre, pas question de traiter les auditeurs comme des hommes politiques. « On demande des comptes aux acteurs de la société, pas au public. Nous cherchons à faire témoigner les gens plutôt qu’à les faire réagir. »Plus légère, la dernière demi-heure accueille des chroniqueurs qui viennent parler gastronomie, tourisme… Elle est ponctuée par un débrief de Matthieu Noël, comme dans « C à vous » sur France 5. « C’est rigolo qu’il se foute de nous », assure le journaliste, heureux de pouvoir se détendre un peu après une heure et demie de marathon.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Documentaire sur France Ô à 20 h 45 Développement et protection de la nature au Sénégal, en compagnie de Laurent Bignolas.Depuis avril, globe-trotteur engagé, Laurent Bignolas a repris la route, non pas seulement pour observer mais aussi pour contribuer à la préservation de l’environnement. A cet effet, son magazine « Ô bout du monde » a été remodelé en une série documentaire au long cours (100 minutes) « impliquée » et « participative », dont l’objectif est de mettre en lumière des initiatives locales, qui allient développement et protection de la nature, pour lesquels Man & Nature, son association, apporte son aide.Le charbon de pailleAprès Madagascar, c’est au Sénégal que le journaliste nous conduit. Plus précisément, au sud du pays, à Toubacouta, où réside le siège de Nebeday. Fondée en 2011 par Jean Goepp, cette association – dont le nom fait référence au moringa, « arbre de vie » aux vertus nutritives – travaille auprès des populations à une gestion participative et raisonnée des ressources. Comme on le voit dans le delta du Saloum, où Nebeday mène une double action de préservation de la mangrove, en y replantant des palétuviers, mais aussi de sensibilisation auprès des pêcheurs et des femmes qui font commerce des huîtres, afin de protéger cet écosystème.Un travail de sensibilisation, créateur d’emplois, au cœur duquel ont été placées les femmes et les plus jeunes. A cet égard, l’action de Nebeday la plus significative en matière d’aide au développement et de préservation de l’environnement est sans doute celle menée sur le charbon de paille. Ce nouveau combustible permet de sauver la forêt à la fois des coupes et de la paille propagatrice des incendies. Et économiquement, d’améliorer l’ordinaire des collectifs de femmes qui travaillent à sa fabrication et à sa commercialisation.Tourné comme un joyeux carnet de route – très incarné autour de la personnalité de Laurent Bignolias, observateur et acteur, même s’il prend soin de montrer son équipe de tournage –, ce périple « Ô bout du monde » a le mérite de faire découvrir le travail accompli par des associations et des ONG pour lesquelles environnement et développement social et durable ont partie liée.« Ô bout du monde » - Mission Sénégal, écrit par Laurent Bignolas et Christine Lenief, réalisé par Malick Tiaiba.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Josyane Savigneau Documentaire sur France 2 à 23 h 15 Retour sur le parcours journalistique et politique d’une femme aussi insatiable qu’insaisissable.Peut-être est-ce le titre donné au documentaire, Les Mystères d’une femme libre, qui a incité Laurent Delahousse et son équipe à s’attarder sur la part d’ombre de l’extraordinaire parcours de Françoise Giroud (1916-2003) dans le journalisme et le monde politique du XXe siècle.Après un portrait express en quelques phrases pas toujours élogieuses – « Elle a des arrangements avec la vérité dans sa vie », dit Christiane Collange, qui a travaillé avec elle – arrive un long développement sur « une énigme », le déni de sa judéité. En 1982, son petit-fils Nicolas lui demande si elle est juive, donc lui aussi. Elle nie. Il enquête et découvre que « toute la famille est juive ». En 1988, Françoise Giroud lui écrit : « Ta grand-mère est née juive. Pour te dire cela, je dois rompre un serment fait à ma mère sur son lit de mort. » Les explications avancées – la peur de l’antisémitisme, le choc de la déportation de sa sœur – ne sont pas vraiment convaincantes.Une folle passionDans ce film, comme cela arrive désormais souvent, on entend trop peu Françoise Giroud elle-même. Toutefois, les témoins qui interviennent sont pertinents. De Catherine Nay – « la patronne, c’était elle » – à Micheline Pelletier, son amie photographe, en passant par Laure Adler, sa biographe, Caroline Eliacheff, sa fille, Marin Karmitz, son gendre, Madeleine Chapsal, la première épouse de Jean-Jacques Servan-Schreiber, le journaliste Ivan Levaï et beaucoup d’autres.Le film relate une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis à L’Express, à partir de 1953Ivan Levaï insiste sur « la femme libre » qu’était Françoise Giroud. Une assertion que le film lui-même permet de nuancer. Une ambition inflexible appuyée sur un autoritarisme de fer, une manière – très peu féministe – de se comporter comme les plus durs des hommes, et une misogynie que souligne Christiane Collange ne sont pas le signe absolu de la liberté. Quoi qu’il en soit, on voit une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis, après la rencontre avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, à L’Express, à partir de 1953. Françoise Giroud est la première femme à diriger un grand journal d’information. Mais leur duo n’est pas seulement professionnel, c’est une folle passion. Une histoire qui se termine très mal quand Jean-Jacques Servan-Schreiber décide d’épouser une jeune femme. Son épouse, lui-même et leurs parents reçoivent alors des lettres anonymes très injurieuses et antisémites. Quand on découvre qu’elles viennent de Françoise Giroud, Servan-Schreiber lui demande de quitter L’Express (il la rappellera l’année suivante, en 1961).Après sa tentative de suicide, Françoise Giroud « a recours à la psychanalyse ». Mais on ne mentionne même pas le nom de Jacques Lacan, dont elle disait qu’il lui avait sauvé la vie. Ensuite, le film va trop vite : la mort de son fils, ses postes politiques pendant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, l’affaire de la médaille de la Résistance qu’elle prétendait avoir alors que c’était sa sœur qui l’avait reçue, et sa détestation de la vieillesse qui l’a conduite à se filmer défigurée par une chute dans un escalier. Les livres ? Elle en a écrit beaucoup, dont, après son expérience politique, une cruelle Comédie du pouvoir. Il n’est question, trop longuement, que d’un seul, Le Bon Plaisir, qui a déplu à François Mitterrand, alors président, car il contait l’histoire d’un chef d’Etat ayant un fils caché.Ce « Un jour un destin » n’est pas très bien construit ; pourtant on le regarde avec passion, car Françoise Giroud peut susciter à la fois une étrange antipathie et une intense admiration pour son destin « inégalé », comme le dit Catherine Nay.Un jour un destin, proposé par Laurent Delahousse (Fr., 2015, 90 min).Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Même si les producteurs indiquent que « toute ressemblance avec des faits ou des personnages existants est fortuite », personne ne sera dupe. La nouvelle série « Baron noir » (8 x 52 minutes), que tourne actuellement le réalisateur Ziad Doueiri pour Canal+, est une plongée sans concessions dans les coulisses de la politique française, inspirée par de nombreuses affaires pas très ragoûtantes qui, depuis des années, secouent les grands partis de droite et de gauche. Chacun y reconnaîtra, ici ou là, les hommes et femmes politiques qui, au lieu d’alimenter le débat d’idées, défraient à rythme régulier la chronique judiciaire.En matière de scandales, corruption, rivalités personnelles et trahisons, on aurait pu s’attendre à ce que les auteurs de la série puisent leur inspiration du côté des Hauts-de-Seine ou de la Côte d’Azur. Mais c’est dans le Nord, terre militante et de tradition socialiste qui glisse doucement dans les bras du Front national, qu’ils ont choisi d’installer leur intrigue et leurs personnages.Une histoire qui raconte de manière ultraréaliste l’épopée politique du député et maire de Dunkerque, Philippe Rickwaert (Kad Merad), un ancien ouvrier ayant saisi l’ascenseur social à travers la politique, qui, lors de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, est sacrifié par son mentor Francis Laugier (Niels Arestrup), le candidat victorieux de la gauche.Porté par une soif de vengeance implacable, Rickwaert va s’allier avec Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis), porte-parole et conseillère de son ennemi. Comme toujours en politique, la fin justifiera les moyens, même s’il faut aller braconner sur les routes du grand banditisme et se rendre dans les arrière-cours de quelques flics ripoux.Ne pas surfer sur le populismeTournée à Paris et dans la région Nord, cette histoire a été puisée aux meilleures sources par les deux auteurs, Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, qui se sont rencontrés en 2007 sur un projet de série politique pour Canal+, « La Présidentielle », finalement abandonnée par la chaîne. Ils se sont retrouvés ensuite pour travailler ensemble sur des séries ou des projets à dimension politique comme le film 16 ans ou presque, une satire de la gauche morale, ou « Les Lascars ».Ex-militant du Parti socialiste dans l’Essonne, fief politique de Julien Dray et de Malek Boutih qui y ont fondé la Gauche socialiste avec Jean-Luc Mélenchon dans les années 1980, Eric Benzekri a participé à de nombreuses campagnes électorales avant d’être la « plume politique » de quelques députés. Pendant des années, il a vu de près les ambitions, les trahisons, le cynisme, le machiavélisme des baronnies pour « tuer » un rival et les magouilles qui permettent de financer les courants politiques. Pourtant, pas question pour les auteurs, qui disent « aimer passionnément la politique », de surfer sur le populisme ambiant.La série, qui arrive après « Les Hommes de l’ombre », racontant comment les communicants fabriquent une candidate à l’élection présidentielle (diffusée en 2012 sur France 2), a été imaginée comme un contrechamp au cynisme de « House of Cards » et à l’idéalisme de « The West Wing » (« A la Maison Blanche »), les deux séries à succès sur la vie politique américaine. « Même si “Baron noir” décortique la déliquescence du système, nous avons glissé beaucoup de notes optimistes en montrant que si le mal se nichait dans le bien, l’inverse était aussi possible », avance Jean-Baptiste Delafon. « “Baron noir” se confronte surtout au réel », insiste Eric Benzekri, qui confie avoir pris comme modèle « Les Soprano », la très réaliste série américaine qui raconte par le menu la vie d’un clan mafieux à New York… « Au cours de mes nombreuses années de militantisme, j’ai pu observer de près que les courants politiques se structurent quasiment comme des gangs », pointe-t-il.« Le rôle m’a tout de suite excité », assure Kad Merad qui se déclare pourtant « apolitique ». « Dans la vie, je me laisse séduire plus par les personnes que par les idées », poursuit-il en citant François Hollande – « un homme proche, simple et normal » –, qui l’avait invité lors d’un voyage officiel en Algérie en 2012. « Bien sûr, les affaires ne servent pas la politique mais, aujourd’hui, c’est surtout la menace du Front national qui me fait flipper », dit-il, en souhaitant que cette série fasse « réfléchir » les Français.L’acteur devrait le vérifier au cours de l’année 2016 lorsque Canal+ diffusera la série, juste quelques mois avant la véritable élection présidentielle.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Mustapha Kessous Il est 5 h 30. Le soleil sort à peine de son sommeil. Catherine Van Roy aussi, qui, tout juste levée, se regarde dans un miroir, se dévisage, observe sa poitrine dénudée. Son reflet laisse paraître une solitude et une infinie détresse. Au même moment, dans une autre maison, Willy Blain se prépare un café. Il ne le sait pas encore, mais dans quelques minutes, il sera arrêté et placé en garde à vue parl’inspection générale de la police nationale pour association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants, vol en réunion et détournement de scellés.Willy Blain (Bruno Wolkowitch) est le patron de la brigade de répression du banditisme (BRB). Ce superflic réputé et respecté est soupçonné d’être un peu trop proche de ses indics, de les rincer en cocaïne saisie, de couvrir leurs sanglantes magouilles en échange de bons tuyaux qui conduiront à l’arrestation de grands voyous. Pendant de longues heures, il va devoir répondre aux questions froides de Catherine Van Roy (Catherine Marchal), inspectrice à « la police des polices ».Lire aussi :Les flics infiltrent les sériesMême s’ils éprouvent de la considération l’un pour l’autre, le flic à l’ancienne et la bureaucrate incarnent deux visions diamétralement opposées du rôle du policier : Blain n’hésite pas à « mettre les mains dans la merde » pour avoir des résultats, tandis que Van Roy plaide pour une exemplarité non négociable. Le réalisme contre la morale. Qui a raison ? Et où se situent les limites ? Le téléfilm Borderline suit un commissaire piégé par ses propres pratiques qui ont été très longtemps couvertes par la hiérarchie, mais qui, désormais, ne sont plus de norme. « On veut une police propre dans un pays qui se veut propre. »RéquisitoireCe téléfilm écrit et réalisé par Olivier Marchal est « librement » inspiré de l’histoire de l’ancien chef de la police judiciaire de Grenoble, le commissaire Christophe Gavat, mis en examen dans l’affaire de corruption autour de Michel Neyret, l’ex-numéro deux de la PJ lyonnaise. « Mais ce n’est pas un film sur l’affaire Neyret, assure Olivier Marchal. Ce film rend hommage au travail des policiers, à un certain type de policiers. Quand tu vois Claude Guéant [ministre de l’intérieur à l’époque de l’affaire], plongé dans cette mélasse, et qui n’a pas fait un jour de prison, alors que Neyret, qui a risqué sa vie durant sa carrière, en a fait huit mois, je dis où est la justice ? Je pose juste la question. »Si l’ancien inspecteur de police n’a pas souhaité faire une fiction « polémique », il est en revanche incontestable qu’elle est extrêmement politique : Borderline est un réquisitoire contre un système qui broie ses flics et qui cherche à moraliser la police. « Tu la tues, c’est ce qui est en train d’arriver », avance-t-il.Olivier Marchal sait être efficace dans les films à petit budget (2,4 millions d’euros pour cet unitaire) : « Ça t’oblige à aller à l’évidence », dit-il. Sombre et sobre huis clos, sans violence ni effets tape-à-l’œil, Borderline s’appuie essentiellement sur l’intensité des dialogues, des regards et des face-à-face qu’il met en scène. Dans ce registre, le duo Bruno Wolkowitch-Catherine Marchal est impeccable, et leur jeu subtil. Le dernier téléfilm d’Olivier Marchal est probablement l’une de ses meilleures fictions.Borderline, d’Olivier Marchal (France, 2014, 100 min). Diffusé mercredi 7 octobre, à 20 h 55, sur France 2. Suivi, à 22 h 35, d’un débat animé par Julian Bugier.Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.10.2015 à 11h33 • Mis à jour le04.10.2015 à 16h15 | Emmanuelle Jardonnet Fonte des glaces, changement climatique, extinction… Cette année, la Nuit blanche se veut la caisse de résonance artistique de la Conférence mondiale sur le climat (COP21), qui se tiendra à la fin de l’année à Paris.Après une édition 2014 axée sur le sud de Paris, qui offrait la part belle au street art et au cirque, la Nuit Blanche 2015, dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 octobre, met le cap au nord, débordant même sur le futur « Grand Paris » du côté d’Aubervilliers.Une trentaine d’artistes contemporains internationaux ont été conviés par José-Manuel Gonçalvès, le directeur du centre d’art le CentQuatre (19e arr.), qui pilote la manifestation pour la seconde fois. En marge de cette programmation officielle, découpée en quatre « parcours », les projets « off » fourmilleront dans toute la ville, présentés à l’initiative de mairies d’arrondissement, musées, galeries, lieux associatifs ou particuliers.PARCOURS NORD-OUEST : Du parc Monceau à la Petite CeintureCôté IN, neuf propositions orientées sur la nature jalonneront le parcours de 19 h à 7 h :L’installation sonore d’Erik Smakh au Parc Monceau, La nuit des abeilles invitera à « écouter » les conséquences du réchauffement climatique en révélant et en amplifiant les sons de la nature : insectes, oiseaux et batraciens.Une araignée et une sauterelle géantes feront, elles, leur apparition dans un autre parc, celui de Clichy-Batignolles, dans une installation lumineuse de Friedrich van Schoor et Tarek Mawad intitulée « Spider Projection V.2 » (à partir de 20h).Waterlicht, une installation de l’artiste néerlandais Daan Roosegaarde déploiera un paysage onirique grâce à une grande vague bleue flottant à près de 3 mètres du sol, symbole des risques de la montée des eaux (à partir de 20h).Rêve d’enfant de Stéphane Ricordel devenu réalité : c’est un Nuage qui flottera à 10 mètres au-dessus de l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture, sur lequel se succéderont des acrobates. Avec Appartus (Tunnel Edit), Dominique Blais invitera à écouter le son brut et intime d’un paysage polaire et astral, réel et imagé, puis son interprétation par quatre musiciens.Parsec, une installation cinétique et hypnotique imaginée par Joris Strijbos et Daan Johan illuminera la pénombre d’un site urbain interdit.Michel Blazy a imaginé pour la pénombre d’un tunnel de chemin de fer désaffecté d’étranges peintures pariétales : immenses formes organiques envahissant lentement les parois, formant des halos de couleurs.Un cinéma, forcément en plein-air, présentera six courts et moyens-métrages abordant la question du climat et de l’environnement (à partir de 20h).Un spectacle de Massimo Furlan dans la cour du musée Nissim de Camondo (Après la fin, le congrès, une création pour la Nuit blanche), de 19 h à 5 h.Côté OFF : Parmi les neuf propositions, retenons celle du Hasard ludique. Attendu pour la fin 2016 dans l’ancienne gare de Saint-Ouen, ce futur lieu culturel donnera un avant-goût de son univers le temps d’une nuit avec des mini-concerts de pop psychédélique de Cyclops (Julien Ribot), dont les illustrations seront projetées sur la façade.TANGENTE : De la Recyclerie à la Halle PajolLa « Tangente », axe reliant les deux grands parcours, se veut une parenthèse enchantée, entre cirque et magie contemporains.Avec Projet Fantôme, le magicien Etienne Saglio invite à découvrir une chorégraphie onirique, bercée par le son de la trompette d’Érik Truffaz.Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel proposeront tout au long de la nuit une « Grande Revue incomplète » de cirque et de music-hall dans l’enceinte de Ground Control, lieu festif installé sur une ancienne friche de la SNCF.PARCOURS NORD-EST : De la gare du Nord à AubervilliersCôté IN, l’accent est donné aux installations atmosphériques :Le Brésilien Nelé Azevedo invitera le public à construire Minimum Monument en déposant des hommes de glace miniatures sur les marches d’un escalier.Une fonte plus inattendue, celle d’un immeuble parisien, a été imaginée par l’artiste argentin Leandro Erlich pour une œuvre perenne sur le parvis de la gare du Nord : Maison Fond (entendre « mes enfants »).Plus loin, l’Allemand Julius Pop a conçu un écran cascade, BIT.FALL, où défileront d’éphémères mots liquides.Une sculpture sonore de l’artiste suisse Zimoun emplira la caserne désaffectée de Louis-Blanc. Suspendues au plafond et animées par de petits moteurs électriques, une centaine de lattes de bois frapperont le sol, rebondiront, glisseront et s’entrechoqueront à l’envi (à partir de 21h).L’artiste belge Ann Veronica Janssens présentera l’une de ses délicates installations lumineuses : une étoile en 3D apparaissant dans un brouillard artificiel.Dans sa performance-installation sonore et lumineuse, l’artiste et chercheur canadien Chris Salter proposera sous la halle Pajol une expérience de perception sensorielle combinant éclairage de pointe, lasers et son.Des chevaux suppliciés gisant sur une échelle, une colonne de fumée blanche s’élevant vers le ciel : avec l’association de ces deux installations de Berlinde de Bruyckere et Anish Kapoor, l’atmosphère du CentQuatre prendra un tour mystique.Le tunnel piétonnier de la gare Rosa-Parks accueillera Spectrum offrira une plongée dans un climat de synthèse : une orchestration lumineuse et immersive proposée par Chikara Ohno et Yusuke Kinoshita, architectes et plasticiens japonais.La prise de conscience étant urgente, l’installation Extinction donne l’alerte sur ce danger qui nous guette avec plus d’une centaine de gyrophares formant une enseigne lumineuse animée.La Nuit blanche propose de traverser une forêt urbaine en création : la Forêt linéaire, plantée en 2014 et qui arrivera à maturité dans quinze ans. S’inscrivant dans le cadre du Grand projet de renouvellement urbain du nord-est de Paris, cet axe reliant le canal Saint-Denis aux espaces verts de la Porte d’Aubervilliers, accompagnera la naissance du nouvel éco-quartier de la ZAC Claude Bernard.La balade permettra d’accéder à l’esplanade du Millénaire, à Aubervilliers, pour une plongée numérique dans le ciel. Avec Exo, la plasticienne Félicie d’Estienne d’Orves et la musicienne Julie Rousse inviteront à regarder et à « écouter » les étoiles : des faisceaux laser pointeront des objets célestes, dont les données cartographiques se traduiront en son. Une œuvre présentée dans le cadre de Némo, Biennale internationale des arts numériques.Côté OFF, la programmation est dense. On pourra notamment faire un saut à l’hôtel des ventes Drouot (ouvert jusqu’à minuit) pour découvrir une étonnante collection de météorites, ou aller découvrir, aux abords du canal de l’Ourcq et du canal Saint-Martin, un parcours de fresques de street art (Da Cruz, Koralie, Stoul, FKDL...) sur le thème des impacts sociaux du changement climatique.HÔTEL DE VILLE : A l’Hôtel de Ville et ses alentoursCôté IN, une seule installation, aussi monumentale que fragile, est au programme : Ice Monument, de Zhenchen Liu. L’artiste chinois érigera sur le parvis de l’Hôtel de ville 270 stèles de glace colorées, de taille humaine et réparties en cinq « continents ». Les blocs fondront au cours de la nuit jusqu’à former un immense tableau liquide et abstrait aux couleurs des drapeaux du monde.Côté OFF, parmi la quarantaine de manifestations proposées (dans une notion très large des « alentours »), à ne pas manquer : la performance pyrotechnique d’Elisa Pône devant le Centre Pompidou de 22 h à 22 h 30 (l’accès aux collections permanentes du musée sera par ailleurs gratuit de 20 h à 2 h du matin) ; l’installation post-apocalyptique de Djeff et Monsieu Moo à l’intérieur l’église Saint-Merry (de 20h à 4 h) ; la soirée alliant concerts, projections, lectures et performances organisée par le duo musical Winter Family au Musée d’Art et d’histoire du judaïsme (de 21 h à minuit) ; l’avant-première de l’exposition collective « Climats artificiels », qui s’annonce très poétique, à la Fondation EDF, avec des œuvres de Marina Abramovic, Ange Leccia, Hicham Berrada ou encore Yoko Ono (de 19 h à 2 h). Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Jean-Michel Aphatie à midi, sur Europe 1, la nouvelle avait surpris lorsqu’elle avait été annoncée en mai. C’est une réalité depuis plus d’un mois. Entre 12 heures et 14 heures, l’ancien intervieweur politique de RTL et du « Grand Journal » revêt les habits d’anchorman (« présentateur-vedette »). Enfin presque. Il les partage avec Maxime Switek qui présentait, la saison précédente, les matinales de la station. Entre les deux hommes, qui se sont découverts cet été, les rôles sont bien répartis.Au cours des trois premiers quarts d’heure, tandis que Maxime Switek déroule les titres d’un journal d’une durée inédite à la radio à ce moment de la journée, Jean-Michel Aphatie retrouve son rôle d’intervieweur. Plusieurs invités défilent devant le micro pour réagir à l’actualité. Ils sont interrogés par des questions brèves et directes que Jean-Michel Aphatie n’hésite pas à reposer jusqu’à ce qu’il obtienne une réponse. Les sujets s’enchaînent et certains finissent par passer à la trappe, faute de temps.Levé à 5 heures du matin pour lire la presse, Jean-Michel Aphatie est un boulimique, désireux de traiter un maximum de choses. « Il est comme un môme, nous devons le canaliser », s’amuse Fabien Namias, le patron de la station. « On s’est tout de suite mis d’accord pour faire passer beaucoup de gens dans le studio, traiter beaucoup de sujets, faire des sons courts », explique Jean-Michel Aphatie. Pas question pour autant de survoler les choses : « C’est un journal où l’on prend notre temps, deux tiers de nos auditeurs ont déjà écouté la matinale, on a besoin de creuser l’info », se justifie Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction d’Europe 1.L’échange avec les auditeursChacun est dans son rôle. Jean-Michel Aphatie et Maxime Switek interagissent assez peu entre eux, mais le duo fonctionne bien. « On se parlait beaucoup lors des quinze premiers jours, ce qui n’était pas forcément bon signe, car nous avons gagné en automatismes, en fluidité. Aujourd’hui, on peut donner l’impression de ne pas se parler à l’antenne parce qu’on s’est parlé beaucoup avant », précise Jean-Michel Aphatie. Après la conférence de rédaction du matin, les deux hommes s’enferment pour écrire le journal et se répartissent les lancements. « Ce qui m’intéresse désormais, c’est de personnaliser et d’éditorialiser la tranche, d’y apporter quelque chose », insiste le journaliste.Après une rediffusion de « La revue de presque » de Nicolas Canteloup et un journal plus bref, c’est à un nouvel exercice – l’échange avec les auditeurs – que se plie Jean-Michel Aphatie, plus à l’aise pour questionner une avocate sur les retards de la justice que pour amener une octogénaire à s’exprimer sur la fin de vie. « Ce n’est pas faux, répond-il avec honnêteté lorsqu’on lui en fait la remarque. Mais c’est de la pudeur, pas une difficulté. »Passer de la politique à la vie quotidienne des Français ne relève pas pour Jean-Michel Aphatie du grand écart. « On croise tous ces sujets quand on fait les interviews politiques », se rassure-t-il. Une chose est sûre, pas question de traiter les auditeurs comme des hommes politiques. « On demande des comptes aux acteurs de la société, pas au public. Nous cherchons à faire témoigner les gens plutôt qu’à les faire réagir. »Plus légère, la dernière demi-heure accueille des chroniqueurs qui viennent parler gastronomie, tourisme… Elle est ponctuée par un débrief de Matthieu Noël, comme dans « C à vous » sur France 5. « C’est rigolo qu’il se foute de nous », assure le journaliste, heureux de pouvoir se détendre un peu après une heure et demie de marathon.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Documentaire sur France Ô à 20 h 45 Développement et protection de la nature au Sénégal, en compagnie de Laurent Bignolas.Depuis avril, globe-trotteur engagé, Laurent Bignolas a repris la route, non pas seulement pour observer mais aussi pour contribuer à la préservation de l’environnement. A cet effet, son magazine « Ô bout du monde » a été remodelé en une série documentaire au long cours (100 minutes) « impliquée » et « participative », dont l’objectif est de mettre en lumière des initiatives locales, qui allient développement et protection de la nature, pour lesquels Man & Nature, son association, apporte son aide.Le charbon de pailleAprès Madagascar, c’est au Sénégal que le journaliste nous conduit. Plus précisément, au sud du pays, à Toubacouta, où réside le siège de Nebeday. Fondée en 2011 par Jean Goepp, cette association – dont le nom fait référence au moringa, « arbre de vie » aux vertus nutritives – travaille auprès des populations à une gestion participative et raisonnée des ressources. Comme on le voit dans le delta du Saloum, où Nebeday mène une double action de préservation de la mangrove, en y replantant des palétuviers, mais aussi de sensibilisation auprès des pêcheurs et des femmes qui font commerce des huîtres, afin de protéger cet écosystème.Un travail de sensibilisation, créateur d’emplois, au cœur duquel ont été placées les femmes et les plus jeunes. A cet égard, l’action de Nebeday la plus significative en matière d’aide au développement et de préservation de l’environnement est sans doute celle menée sur le charbon de paille. Ce nouveau combustible permet de sauver la forêt à la fois des coupes et de la paille propagatrice des incendies. Et économiquement, d’améliorer l’ordinaire des collectifs de femmes qui travaillent à sa fabrication et à sa commercialisation.Tourné comme un joyeux carnet de route – très incarné autour de la personnalité de Laurent Bignolias, observateur et acteur, même s’il prend soin de montrer son équipe de tournage –, ce périple « Ô bout du monde » a le mérite de faire découvrir le travail accompli par des associations et des ONG pour lesquelles environnement et développement social et durable ont partie liée.« Ô bout du monde » - Mission Sénégal, écrit par Laurent Bignolas et Christine Lenief, réalisé par Malick Tiaiba.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Josyane Savigneau Documentaire sur France 2 à 23 H 15 Retour sur le parcours journalistique et politique d’une femme aussi insatiable qu’insaisissable.Peut-être est-ce le titre donné au documentaire, Les Mystères d’une femme libre, qui a incité Laurent Delahousse et son équipe à s’attarder sur la part d’ombre de l’extraordinaire parcours de Françoise Giroud (1916-2003) dans le journalisme et le monde politique du XXe siècle.Après un portrait express en quelques phrases pas toujours élogieuses – « Elle a des arrangements avec la vérité dans sa vie », dit Christiane Collange, qui a travaillé avec elle – arrive un long développement sur « une énigme », le déni de sa judéité. En 1982, son petit-fils Nicolas lui demande si elle est juive, donc lui aussi. Elle nie. Il enquête et découvre que « toute la famille est juive ». En 1988, Françoise Giroud lui écrit : « Ta grand-mère est née juive. Pour te dire cela, je dois rompre un serment fait à ma mère sur son lit de mort. » Les explications avancées – la peur de l’antisémitisme, le choc de la déportation de sa sœur – ne sont pas vraiment convaincantes.Une folle passionDans ce film, comme cela arrive désormais souvent, on entend trop peu Françoise Giroud elle-même. Toutefois, les témoins qui interviennent sont pertinents. De Catherine Nay – « la patronne, c’était elle » – à Micheline Pelletier, son amie photographe, en passant par Laure Adler, sa biographe, Caroline Eliacheff, sa fille, Marin Karmitz, son gendre, Madeleine Chapsal, la première épouse de Jean-Jacques Servan-Schreiber, le journaliste Ivan Levaï et beaucoup d’autres.Le film relate une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis à L’Express, à partir de 1953Ivan Levaï insiste sur « la femme libre » qu’était Françoise Giroud. Une assertion que le film lui-même permet de nuancer. Une ambition inflexible appuyée sur un autoritarisme de fer, une manière – très peu féministe – de se comporter comme les plus durs des hommes, et une misogynie que souligne Christiane Collange ne sont pas le signe absolu de la liberté. Quoi qu’il en soit, on voit une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis, après la rencontre avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, à L’Express, à partir de 1953. Françoise Giroud est la première femme à diriger un grand journal d’information. Mais leur duo n’est pas seulement professionnel, c’est une folle passion. Une histoire qui se termine très mal quand Jean-Jacques Servan-Schreiber décide d’épouser une jeune femme. Son épouse, lui-même et leurs parents reçoivent alors des lettres anonymes très injurieuses et antisémites. Quand on découvre qu’elles viennent de Françoise Giroud, Servan-Schreiber lui demande de quitter L’Express (il la rappellera l’année suivante, en 1961).Après sa tentative de suicide, Françoise Giroud « a recours à la psychanalyse ». Mais on ne mentionne même pas le nom de Jacques Lacan, dont elle disait qu’il lui avait sauvé la vie. Ensuite, le film va trop vite : la mort de son fils, ses postes politiques pendant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, l’affaire de la médaille de la Résistance qu’elle prétendait avoir alors que c’était sa sœur qui l’avait reçue, et sa détestation de la vieillesse qui l’a conduite à se filmer défigurée par une chute dans un escalier. Les livres ? Elle en a écrit beaucoup, dont, après son expérience politique, une cruelle Comédie du pouvoir. Il n’est question, trop longuement, que d’un seul, Le Bon Plaisir, qui a déplu à François Mitterrand, alors président, car il contait l’histoire d’un chef d’Etat ayant un fils caché.Ce « Un jour un destin » n’est pas très bien construit ; pourtant on le regarde avec passion, car Françoise Giroud peut susciter à la fois une étrange antipathie et une intense admiration pour son destin « inégalé », comme le dit Catherine Nay.Un jour un destin, proposé par Laurent Delahousse (Fr., 2015, 90 min).Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ Cinéma à 20 H 50Adapté d’un best-seller de Gillian Flynn, le film de David Fincher est un thriller sombrement ironique.Bon, une fille qui s’en va, ça arrive, en gros, tous les jours à une part non négligeable de l’humanité. On gère comme on peut, mal ou bien, et puis ça finit par passer. Comme on pouvait s’y attendre, dans Gone Girl, de David Fincher, les tenants et les aboutissants d’une telle affaire sont lourds de conséquences.Tout part ici d’un best-seller machiavélique de 2012, Les Apparences (Sonatine), de Gillian Flynn, vendu à six millions d’exemplaires à partir duquel Fincher va signer quelque chose qu’on a du mal à définir : vaudeville au tranchoir ? Thriller conjugal à l’heure de la société du spectacle ? Critique guignolesque de la dictature des apparences dans la société américaine ?Amy (Rosamund Pike), une romancière à succès pour la jeunesse, et Nick (Ben Affleck), un journaliste, lovés à Manhattan, se retrouvent dans la petite ville natale de ce dernier, dans le Missouri, après qu’il a perdu son travail.Tandis que leur mariage semble se déliter, Nick ouvre un bar avec sa sœur Margo et se confie à elle. C’est ici que le film commence. Car, à peine rentré chez lui, Nick constate la disparition de sa femme. Disparition non dénuée de traces accusatrices. Des meubles renversés, du sang mal nettoyé sur le sol, un carnet intime qui ne tardera pas à être retrouvé.Un jeu de piste bien orchestréAutant d’éléments qui accusent Nick du possible assassinat de sa femme. Sont ainsi lancés une course contre la montre visant à éclaircir tant les raisons de la disparition d’Amy que la culpabilité présumée de Nick, ainsi qu’un double récit hélicoïdal qui confronte les versions contradictoires de l’homme et de la femme.Ici, mobilisation de Nick, grand dadais peu sympathique englué dans la nasse des présomptions de sa culpabilité et victime d’un déchaînement de haine publique. Là, les confessions accablantes laissées dans son carnet par Amy.Reste à évoquer la constellation de personnages qui accompagnent ce désastre – la sœur fidèle, l’officier de police intègre, la maîtresse plastiquement et mentalement brûlante de Nick, l’ex-petit ami d’Amy, l’animatrice d’une émission d’enquête télévisée, l’avocat en gestion d’images. Et, bien sûr, selon un jeu de piste savamment orchestré, les retournements de situation que le scénario réserve à foison aux spectateurs.Gone Girl, de David Fincher. Avec Rosamund Pike, Ben Affleck (EU, 2014, 149 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Arte à 20 H 50 La vie d’Elisabeth Vigée Le Brun, femme des Lumières et peintre célèbre.Entre Artemisia Gentileschi et Berthe Morisot, il n’est guère qu’Elisabeth Vigée Le Brun (1755­-1842) à incarner la peinture au féminin pour le grand public. Sans doute le doit-elle plus au modèle qui l’a rendue célèbre – la reine Marie-Antoinette – qu’à la facture de ses toiles, pourtant très personnelle et d’une infinie délicatesse. A l’heure où le Grand Palais à Paris consacre une exposition à la fameuse portraitiste (jusqu’au 11 janvier 2016) et où paraît une version amendée de l’édition de ses Souvenirs (éd. Champion, 896 p., 25 €), établie en 2008 par Geneviève Haroche­-Bouzinac, avant que l’historienne ne livre son exemplaire biographie (Flammarion, 2011), Jean-­Frédéric Thibault invite à découvrir une femme des Lumières à l’audace sereine. Avec la complicité d’Arnaud Xainte, cosignataire de ses documentaires sur Jean Cocteau (2013) et Rita Hayworth (2014).Autodidacte, même si son père, le pastelliste Louis Vigée, l’encourage, Elisabeth devient, orpheline, peintre professionnelle à 14 ans. Pour éviter les sollicitations de ses modèles masculins, elle ruse, exigeant qu’ils détournent les yeux, « à regard perdu », préfigurant la pose romantique de l’homme inspiré qui voit « ailleurs ». Un stratagème aussi efficace que fécond.Malgré les protections que son talent et sa fraîcheur lui valent – la duchesse de Chartres, avant la reine, croisée lors d’une promenade à Marly – et qui établissent sa cote, d’emblée exceptionnelle, elle doit inscrire sa pratique dans un cadre professionnel. Elle se présente donc à l’Académie de Saint-Luc, corporation des peintres et sculpteurs, et bientôt épouse le restaurateur de tableaux et marchand d’art Jean-­Baptiste Le Brun, qui partage sa sensibilité artistique et son ambition sociale. Elle ouvre ainsi un atelier et voyage pour parfaire sa science.Découverte de RubensRien ne peut la freiner et sa découverte de Rubens dont elle va s’inspirer confirme son aptitude à digérer la technique des grands maîtres. Comme la vivacité et l’empathie, la culture et la conversation de l’artiste séduisent ses modèles, la reine, que les séances de pose désespèrent, succombe aisément. Et de 1778 à 1789 se tisse une relation familière entre les deux femmes. En 1783, Vigée Le Brun parvient ainsi à entrouvrir la porte de l’Académie royale de peinture qui permet d’exposer au Salon officiel, où les femmes sont presque absentes. Mais si la protection de la reine lui permet de viser le genre le plus noble – la peinture d’histoire –, réservé aux hommes, la détestable réputation de la reine rejaillit sur sa portraitiste et il est logique qu’aux premières heures de la Révolution elle choisisse l’exil.D’octobre 1789 à janvier 1802, errance à Chambéry, Bologne, Rome, Naples, Venise, puis Vienne, Saint-Pétersbourg et Moscou, où il faut se refaire à chaque fois une clientèle de cour, sans céder sur ses exigences tarifaires. De retour en France, elle s’accommode mal de l’ère napoléonienne, tente sa chance à Londres, s’y ennuie… et part pour la Suisse où elle partage avec Mme de Staël la nostalgie de l’Ancien Régime. C’est pour retrouver ces temps pour elle heureux qu’elle mettra par écrit ses Souvenirs achevés en 1837. Témoin d’un art de vivre et d’un monde où les femmes pouvaient forcer le destin, Elisabeth Vigée Le Brun méritait ce portrait.Le Fabuleux Destin d’Elisabeth Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, d’Arnaud Xainte, écrit par Jean-Frédéric Thibault (Fr., 2015, 95 min). Version intégrale (2 x 52 min), en DVD (coédité par Arte et RMN Grand Palais), disponible dès le 6 octobre.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Dans un hémicycle très clairsemé, trente petites minutes ont suffi, jeudi 1er octobre autour de minuit, pour que soit discuté, en première lecture, l’article 26 du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Pour la première fois depuis 1977, on débattait d’architecture au Palais Bourbon. Dix jours plus tôt, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, présidée par le député PS Patrick Bloche, rapporteur du projet de loi, avait, il est vrai, fourni l’essentiel des amendements. Déjà, au premier semestre 2014, la commission avait mené une « Mission d’information sur la création architecturale ». 36 propositions, issues d’une soixantaine d’auditions d’acteurs du secteur de la construction, avaient été formulées, destinées à « susciter un désir d’architecture ».Lire aussi :La liberté des artistes vaut bien une loiLes amendements qui ont été jusqu’alors votés sont-ils vraiment de nature à susciter ce désir face à un implacable constat ? Soit, d’un côté, ladite « France moche », ses entrées de villes, son mitage urbain, ses projets standardisés et la pesanteur de ses normes ; de l’autre, une profession hautement qualifiée dont, pour résumer, le revenu moyen annuel n’excède pas 25 000 euros et où les bénéficiaires du RSA sont de moins en moins rares.Tandis que l’on n’entendait plus parler de la mission Bloche, la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, sitôt arrivée rue de Valois à la fin du mois d’août 2014, lançait sa « Stratégie nationale pour l’architecture » qu’elle a souhaité forger à partir de trois groupes de réflexion : sensibiliser et mobiliser, innover, développer. Objectif : « Réussir l’excellence ordinaire dans les espaces du quotidien ». C’est à partir des travaux de la mission parlementaire et de la stratégie de la ministre qu’ont été formulés les principaux amendements.Abaissement du seuil de recours à un architectePremier d’entre eux : l’abaissement à 150 m2 du seuil de recours à un architecte. Une dérogation à la loi du 3 janvier 1977 avait fixé à 170 m2 la surface au-delà de laquelle l’intervention d’un architecte devenait obligatoire. Depuis que cette dérogation a été mise en place, a fleuri en France – où 70 % des constructions échappent aux architectes – une myriade de pavillons clés en main dont la surface maximale se calait sur… 169 m2. Pour Marc Barani, Grand prix national de l’architecture et principal animateur du groupe de réflexion « Innover », cet abaissement du seuil « dit qu’il n’y a pas de petit projet et que l’architecture est utile et nécessaire partout pour façonner un quotidien sur-mesure ». En revanche, pour Julien Choppin, associé de Nicola Delon dans la jeune agence parisienne Encore Heureux, il est « symbolique et insuffisant ». Ce dernier rappelant que la surface moyenne d’une maison individuelle est comprise entre 120 et 130 m2.Pour inciter les particuliers à se tourner vers les architectes, une procédure simplifiée du permis de construire et des délais réduits de moitié pour tout recours à un architecte en deçà du seuil, a été soutenue par Patrick Bloche. Cet amendement, adopté en première lecture, a toutefois reçu un avis défavorable du gouvernement. Il devrait, à titre expérimental, faire l’objet d’une étude d’impact à laquelle seraient associées des collectivités territoriales candidates.Autre mesure sensible: les députés souhaitent imposer l’intervention d’un architecte, soit un « permis d’aménager », pour tout projet urbain et paysager de lotissement. Cette proposition « suscitera des oppositions, à n’en pas douter, prévient Frédéric Bonnet, Grand prix national de l’urbanisme, impliqué dans le groupe de réflexion « Sensibilier et innover ». Mais il faut savoir ce que l’on veut : se lamenter de la mauvaise qualité des territoires, et donner quitus à des opérateurs qui n’ont rien fait depuis trente ans pour relever le niveau de leurs interventions, ou bien changer d’époque. »Des élus mieux formés et informésEvoquant le manque de qualification de certains élus, le jeune architecte Paul-Eric Schirr-Bonnans, installé à Rennes, s’interroge : « L’autorisation de construire une architecture médiocre n’est-elle pas donnée par absence totale de formation et de compétence des personnes sollicitées pour l’autoriser et responsables de son autorisation ? » Des élus mieux formés et informés, les députés y ont aussi pensé mais n’ont pas souhaité donner pour l’heure à cette mesure un caractère législatif.L’amendement prévoyant la mention obligatoire du nom des architectes sur chacun des bâtiments qu’ils ont construit soulève, quant à lui, des réactions partagées. « C’est anecdotique. On n’impose pas une envie d’architecture », indique Nicola Delon. Sauf à faire figurer, dit-il, « l’ensemble des personnes qui ont construit l’édifice ». Une hypothèse peu probable. Si Marc Barani en reconnaît le caractère « symbolique », l’initiative constitue selon lui « une reconnaissance de leur travail et de leur métier, mais aussi une façon d’afficher la responsabilité qu’ils ont endossée en l’exerçant ».« La liberté de faire »Reste l’innovation, question porteuse, qui suscite, tout autant, une divergence de réactions encore une fois marquées par ce qui semble être un clivage générationnel. « Dans des cadres bien précis, entourés de conditions rigoureuses et d’un suivi garanti par la puissance publique, explique Frédéric Bonnet, on pourra se dégager de certaines règles pour expérimenter, inventer à nouveau. » Jean Larnaudie, de l’agence Scalène architect(e)s à Toulouse, est beaucoup plus dubitatif. « On parle pour l’instant de dérogations aux règles et servitudes d’urbanisme relatives “au gabarit et à l’aspect extérieur des bâtiments”, avec un dépassement du volume constructible autorisé limité à 5 %, constate-t-il. Dit comme cela, c’est tout de suite moins spectaculaire. »Dans cette histoire de débats, Patrick Bouchain fait bande à part et déplore que ces mesures finissent toujours par « défendre une corpo » dans laquelle il dit ne pas se reconnaître. Pour l’ancien architecte, aujourd’hui retraité, « ça n’est pas une nouvelle loi qu’il faut, mais une reconstruction de l’esprit public permettant de retrouver de manière inédite le sens des choses. Ca n’est pas une loi, mais la liberté de faire ! »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emilie Grangeray Dans « Comme une pierre qui… », le pensionnaire de la Comédie-Française s’est glissé dans la peau du jeune Bob Dylan. Après « André » et « Vers Wanda », vous collaborez de nouveau avec Marie Rémond, issue comme vous de la promotion 2007 du Théâtre National de Strasbourg. Comment travaillez-vous ensemble ?C’est vraiment Marie qui arrive avec des idées incroyables. Elle a ce don d’avoir des idées de théâtre et de mise en scène uniquement en lisant un texte : une bio d’Agassi pour André ; ici, Like a Rolling Stone, le livre de Greil Marcus. La troupe s’est ensuite constituée. Le soir, Marie et moi disséquions nos improvisations communes afin de les faire tendre vers notre dramaturgie. Saviez-vous d’emblée que vous incarneriez Bob Dylan ?Oui, presque par la force des choses : je suis fan de Dylan et je joue de la guitare depuis longtemps. Mais le spectacle porte moins sur Dylan que sur le processus de création ainsi que sur le décalage entre le succès planétaire de cette chanson mythique et l’anarchie de sa genèse. Je dois avouer que ça retire un peu du poids de devoir incarner Dylan.Dans la pièce « Nouveau Roman », de Christophe Honoré, vous jouiez Claude Simon, Prix Nobel de littérature, et ici, Bob Dylan. Pourtant, vous n’êtes jamais dans l’imitation…Les biopics à l’américaine ne me touchent pas : je n’arrive pas à y voir les gens dans ce qu’ils ont de singulier et donc d’intéressant. Quand Marie Rémond jouait André Agassi, il était évident que c’était André Agassi, et ça ne tenait pas à une perruque blonde mais au fait qu’elle ait trouvé en elle ce qui la reliait à lui. Cela rejoint quelque chose qui me tient énormément à cœur : le théâtre est encore un bastion où l’on peut faire appel à la force de suggestion des mots. C’est le lieu où l’on peut dire : « Je suis un Prix Nobel de la paix », et tout le monde y croit. Ou encore : « Je suis dans une forêt » et le spectateur voit la forêt. Magie, chacun peut même voir une forêt différente. Comme un livre aux lecteurs, le théâtre laisse de la place aux spectateurs. Dans quel état d’esprit Bob Dylan était-il lorsqu’il a enregistré « Like a Rolling Stone » ?A cette période, il est à la croisée des chemins. C’est quelqu’un sur lequel on a collé une étiquette et qui, avec un courage héroïque, a pris le risque de déplaire. Très peu de gens sont capables de ça. A ce moment-là, Dylan entre dans une autre dimension : la poésie, ce qui est passionnant à jouer, à vivre...A vivre ?C’est-à-dire donner à voir des choses. Il fallait tendre vers, aller vers, rappeler Dylan. Ce qui m’inspire, c’est l’homme. Suze Rotolo, l’une de ses premières compagnes, dit qu’à l’époque de l’enregistrement (Dylan avait alors 24 ans), il avait l’obsession d’être vrai, d’être juste. Souvent, pour les rôles, j’essaie de voir ce qui résonne en moi. La question de la vérité est importante pour un acteur : faire en sorte que ce que tu dis soit vrai, c’est cette cuisine-là qui est intéressante. Pour écrire une chanson, Dylan donnait ce conseil : « Dis ce que tu penses, penses ce que tu dis et mets-y un rythme. » Dylan, c’est avant tout un rythme. Un rythme propre, et c’est cela que j’ai voulu ancrer en moi.Vidéo : Bob Dylan interprète « Like a Rolling Stone » en concertLa notion de travail collectif traverse la pièce. Vous-même faites partie d’une troupe, la Comédie-Française, et travaillez souvent avec les mêmes personnes (Marie Rémond, Christophe Honoré...). C’est pour vous une dimension importante ?Essentielle. Quand j’enseigne au Cours Florent, j’aime répéter : « Il faut que tu fasses jouer l’autre. » Il faut donner à l’autre des impulsions, presque au sens musical. Ce qui fait la qualité de notre travail, c’est que l’on joue bien ensemble. Pour Sanford Meisner [acteur et professeur de théâtre américain mort en 1997, NDLR], l’acteur est surtout quelqu’un qui réagit. La technique qu’il a élaborée oblige le comédien à se rendre disponible à ce qui se passe. L’acteur est souvent tellement empêtré dans des questions d’ego ! A mon avis, c’est lorsque nous sommes obligés d’éloigner l’ego que nous sommes le plus disponibles et donnons le meilleur. La technique Meisner est aussi un pilier de la méthode du directeur de la Schaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier. L’a-t-il utilisée pour la mise en scène de « La Mouette », de Tchekhov, dans laquelle vous jouerez à partir de mai 2016 au Théâtre de l’Europe-Odéon ?En effet, je viens de passer plusieurs semaines avec lui, et l’on a beaucoup travaillé là-dessus. Ostermeier est à mes yeux l’un des plus grands metteurs en scène : dans les cinq spectacles qui ont pour l’heure compté pour moi, il y en a trois d’Ostermeier et je pense que cela tient beaucoup à sa capacité incroyable à faire jouer tous les gens ensemble.Lire aussi : Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-FrançaiseComme une pierre qui…, de Greil Marcus. Adaptation et mise en scène Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, avec la troupe de la Comédie-Française. Au Studio-Théâtre, 99, rue de Rivoli, Paris 1er. 20 €. Tél. : 01-44-58-15-15. Jusqu’au 25 octobre. www.comedie-francaise.frSébastien Pouderoux joue également dans Le Misanthrope, de Molière, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Comédie-Française, salle Richelieu, jusqu’au 8 décembre ; et dans La Mouette de Tchekhov, au Théâtre de l'Europe Odéon, place de l'Odéon, Paris 6e, de 6 à 40 €. Du 20 mai au 25 juin 2016. www.theatre-odeon.euLire aussi, dans les archives du Monde, la critique de Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus : Deux documents exceptionnels et une hagiographieEmilie GrangerayJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle A Tours, le futur Centre de création contemporaine Olivier Debré (CCCOD), qui devrait être achevé à l’automne 2016 sur le site de l’ancienne école des Beaux-Arts, au cœur de la ville historique, a toutes les qualités requises pour devenir un exceptionnel lieu de contemplation. Pour concevoir le bâtiment, les architectes portugais Francisco et Manuel Aires Mateus, sélectionnés en décembre 2012 par la communauté d’agglomérations Tour(s) plus, ont appliqué les principes fondamentaux de leur architecture, pétrie de rigueur et pourtant sans froideur : pureté et simplicité du dessin, géométrie d’ensemble soumise à une prise en compte scrupuleuse des volumes intérieurs, jeu entre les pleins et les vides où vient parfois se glisser la lumière, artificielle ou naturelle.Jusqu’au 1er novembre, le travail appliqué et patient des deux frères lisboètes est exposé dans les actuels espaces du CCC. C’est une première en France. Créée en 1984 par Alain Julien-Laferrière, la jeune institution a été l’un des premiers centres d’art contemporain conventionnés de l’Hexagone et le seul du genre dans la région Centre. Espace d’expérimentations et de diffusion, plutôt que destiné à devenir un musée abritant une collection, de nombreuses expositions monographiques y ont égrainé trente années de l’histoire de l’art actuel (Roman Opalka, Daniel Buren, Claude Rutault, Olivier Debré, François Morellet, Tania Mouraud, Chen Zhen, etc.). Les soixante maquettes d’architecture au 1/200e qui y sont exposées aujourd’hui témoignent de cette logique d’accrochage d’une cohérence plastique affirmée.Proximité immédiate avec les visiteursA la manière de ce que fit l’architecte tokyoïte Junya Ishigami au centre Arc en rêve de Bordeaux il y a un an et demi, Francisco et Manuel Aires Mateus ont déployé sur de longues et simples tables à tréteaux en bois brut la quasi-totalité de leurs projets et réalisations. Ces objets à portée de main uniformément blancs entretiennent une proximité immédiate avec les visiteurs. Afin d’en comprendre la logique, la tentation est grande de les manipuler, d’en découvrir les revers, voire les dessous. D’autant que, présentées parfois sous forme de simples emboîtements, les maquettes semblent y inviter le visiteur – ce à quoi leurs auteurs disent d’ailleurs ne voir aucun inconvénient. Cette sommaire mécanique d’assemblage aux vertus pédagogique et ludique, que les jeunes publics appréhendent avec une certaine aisance, offre de précieuses clefs de compréhension du mode constructif qu’ont adopté les architectes. Soumis à un principe de soustraction, d’excavation, les volumes intérieurs révèlent des formes dont il semble ne subsister que l’empreinte, tels des moules débarrassés de l’objet qu’ils enserrent. Une logique du vide qui malmène notre sens commun dont la perception des espaces naît généralement de la somme d’une addition de matière. « L’espace est un vide, une poche d’air, qui doit être contenue pour définir une limite », précisent les architectes.Minimalisme expressifOn s’interroge sur la viabilité de cet exercice silencieux de rhétorique architecturale que Francisco et Manuel Aires Mateus formulent jusqu’à l’extrême. Jusqu’à l’extrême, mais sans jamais oublier que leurs projets seront un jour ou l’autre habités, qu’il s’agisse de clients privés ou de commanditaires institutionnels. La demeure immaculée aux lignes élémentaires qu’ils ont réalisée à Leiria ou la résidence « troglodyte » pour personnes âgées à Alcácer do Sal, toutes deux réalisées au Portugal en 2010, déploient une organisation spatiale à laquelle, dit-on, leurs usagers s’accommodent sans peine.Depuis que Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura ont acquis une réputation planétaire, une fois obtenu le prix Pritzker, respectivement en 1992 et 2011, l’architecture portugaise a imposé son vocabulaire et sa syntaxe où le minimalisme expressif tient lieu d’identité. Les frères Aires Mateus en poursuivent le propos. Et l’on a du mal à croire, en dépit de ce qu’ils affirment, que le contexte où s’inscrivent leurs projets leur serait indifférent, eux qui n’en conçoivent pas les contours avant d’en avoir modélisé les abords.A Tours, le monolithe que les architectes ont adjoint à la nef de style art déco dessinée par Pierre Patout qu’ils ont conservée et réhabilitée, va établir un dialogue direct avec le jardin François 1er, quadrilatère bordé de bâtiments sans fard dans lequel il s’insère. Reste à savoir comment seront aménagés les alentours du futur CCCOD, davantage ouvert sur la cité et promis, espèrent les élus du crû, à devenir le futur centre de gravité de la ville.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet JR sort simultanément en France deux étonnants courts-métrages inspirés du réel : Les Bosquets, qui revient sur les émeutes en banlieue de 2005, et Ellis, film hommage aux migrants. Parallèlement, la galerie Perrotin à Paris lui consacre une exposition et une monographie, L’art peut-il changer le monde ?, paraît aux éditions Phaidon. Quatre raisons de rencontrer l’artiste français, désormais installé à New York, lors de son passage à Paris.Il y a tout juste dix ans éclataient en France les émeutes en banlieue, qui correspondent avec le début de votre travail artistique. La sortie du film « Les Bosquets », ainsi que de votre première monographie, marque-t-elle le moment d’un bilan ?Mes images ont été découvertes sous les feux des voitures qui brûlaient. Je les avais collées un an avant, mais elles ont été vues à travers les médias parce qu’elles étaient dans ce même quartier de Clichy-Montfermeil où les émeutes ont commencé. J’ai eu envie de marquer ces dix ans par un film qui montre mes différentes interventions sur place – à chaque fois des étapes marquantes pour moi. Par ailleurs, cela faisait longtemps que je rêvais de faire un livre qui reprenne l’ensemble des projets, pour montrer les liens entre chacun, mais les bilans se font souvent quand, comme avec ce film, je suis obligé de me dire : j’ai toutes ces images, qu’est-ce que j’ai envie de dire, comment je le dis ?Lire aussi :Entre ombres et lumières, le paradoxe JRJe faisais partie du collectif Kourtrajmé [société de production de court-métrages et collectif d’artistes lancé en 1994], avec Ladj Ly, qui habitait aux Bosquets. On faisait des petits films ensemble, moi je faisais souvent des photos, et il me filmait en train de coller mes affiches dans Paris. Un jour, il m’a proposé de venir le faire dans son quartier. C’était des photos de communautés : des taggeurs, des danseurs de hip-hop sur les toits de Paris, des surfeurs... Les jeunes m’ont dit : pourquoi tu nous prends pas nous en photo ? C’est ce jour-là que j’ai fait la photo de Ladj braquant sa caméra comme une arme. Ce portrait était presque prémonitoire...Oui, ni lui ni moi ne pouvions imaginer qu’un an plus tard, cette photo allait définir ce qu’on allait devenir. Ladj a filmé les émeutes de l’intérieur, et a révélé beaucoup de bavures de police : il s’est servi de sa caméra comme d’une arme. Lors des émeutes, les médias ont retransmis dans le monde entier ce qu’il se passait, et on a eu des propositions pour travailler pour la presse, qui n’était vraiment pas la bienvenue auprès des jeunes. C’est la première fois qu’on nous proposait un job payé, mais on a refusé. Ça a été un moment charnière, puisqu’on a dû se décider à réellement devenir artistes, et à continuer à construire notre projet, avec les habitants. Les jeunes avaient pris des téléobjectifs à ceux qui tentaient de les prendre en photo, et ils me les ont apportés. Au 28 millimètres, avec mon petit appareil, pour faire un portrait, il fallait que je sois très près : ces photos étaient le contraire de photos volées. Puis on a collé ces portraits à Paris avec le nom, l’âge et l’adresse de chaque jeune. Eux qui créaient une sorte de peur générale dans les médias, devenaient tout à coup acteurs de leur image.L’an dernier, vous avez créé un ballet sur les émeutes à New York. Comment en êtes-vous arrivé à ce projet ?Le New York City Ballet m’avait contacté pour penser à une installation dans son bâtiment. J’ai demandé au directeur, Peter Martin, si je pouvais chorégraphier quelque chose de 30 secondes ou une minute sur la scène. Il m’a regardé comme si j’étais fou… Puis on m’a proposé deux choses : de maintenir la commande initiale, et de faire un ballet de 8-9 minutes, en m’insérant dans un programme de ballets courts.Vous aviez déjà en tête que vous vouliez parler des émeutes ? Et comment s’improvise-t-on chorégraphe ?J’avais envie de raconter l’histoire des émeutes et de Ladj. A partir de là, j’avais deux-trois mois devant moi pour monter l’écriture et la musique. Je n’ai pas voulu avoir de chorégraphe avec moi car je voulais faire mes erreurs, parler avec les danseurs et trouver un langage, même si Peter Martin m’a accompagné. Quand je disais « quelqu’un doit lancer un cocktail Molotov », je leur montrais de vraies images des émeutes, et chacun faisait une proposition. J’aime bien la création participative. On a construit tout le ballet comme ça.En passant d’un genre à vocation documentaire à de la stylisation, ou de la fiction, comme dans Les Bosquets et Ellis, vous prenez une nouvelle direction...En fait, je ne m’éloigne pas du tout des sujets sur lequels je travaille, mais je les travaille avec d’autres formes, d’autres médiums. Le ballet, c’en était une, le film de fiction, en l’occurrence une sorte de poème visuel, c’en est une autre. Le film part de l’histoire d’Ellis Island, et finit sur les migrants d’aujourd’hui. Mais dans ce film comme dans Les Bosquets, mes collages sont très présents. C’est la manière de les mettre en lumière et de raconter l’histoire autour de ces images qui change radicalement. C’est un tournant, mais je garde le même ancrage. Raconter les mêmes choses autrement, ça me permet de créer de nouveaux ponts entre des mondes. Quand j’ai montré Les Bosquets à des jeunes de Chicago, ils n’avaient jamais entendu parler de ces émeutes, mais ils ont fait le lien avec d’autres révoltes, qui ont une même base : l’envie d’exister, l’envie de reconnaissance. Elle est finalement universelle, cette envie de dignité.Avez-vous peur, parfois, de vous tromper dans vos choix ?Oui, tout le temps. La part de doute est toujours là. Ramener des danseurs et des ballerines en tutu au milieu de Montfermeil n’était pas un pari simple, par exemple. Mais à chaque fois, je me dis que je suis prêt à prendre le risque parce que si ça marche, on aura un autre regard sur cet endroit. Et j’ai aussi une vraie envie d’aventure. Malgré les doutes, je vais pleinement là où je veux intervenir, et ce sont souvent des communautés qui me rassurent sur place, qui me disent oui, bien sûr, on le fait. Et là, je me sens en confiance.Avez-vous le sentiment que votre démarche est parfois mal comprise ?Je peux donner un exemple : une fois, j’étais intervenu dans la plus grosse prison de New York, Rikers. Et j’avais collé une photo montrant le regard très dur d’un détenu à l’extérieur. Auparavant, javais demandé aux détenus ce qu’ils voulaient que j’affiche. Ils m’avaient dit : on veut se rappeler de cet endroit comme d’un endroit terrible, violent, alors il faut mettre quelqu’un d’entre nous, mais sans que l’on puisse reconnaître qui c’est, et que ce soit un regard dur. Quand le collage s’est diffusé sur Internet, j’ai lu plein de commentaires en ligne : « Mais comment osez-vous faire ça, ces personnes sont dans une situation terrible là-bas, et vous, vous en rajoutez ! » Les gens extrapolaient. J’ai fait lire les commentaires aux détenus, et ça les a fait rire. Ils disaient : « Mais c’est qui, lui, pour nous dire ça ? »Vous aimez travailler sur la déconnexion entre des mondes qui ne se comprennent pas. Vous n’hésitez pas à vous placer au milieu… Quel est votre moteur ?La curiosité, l’envie de confronter les regards, de changer les images, et moi-même de me nourrir d’images, de comprendre. Souvent, quand je pars quelque part pour un projet, j’y vais de manière très naïve, et je demande aux gens de m’expliquer. Mon éducation ne s’est faite que comme ça. Dans ces voyages, dans ces endroits. C’est aussi dû à l’arrivée des vols low cost, qui m’ont permis de voyager pour pas cher. Pareil avec le digital. Je suis arrivé à un moment où la photo s’est démocratisée. Puis le partage sur les réseaux sociaux a eu un impact énorme sur mon travail, tout est lié. Vous travaillez toujours sur des questions sociétales. Diriez-vous que votre art est engagé ?J’aime bien « engageant », mais pas engagé. J’estime que dans l’art, on soulève des questions, mais on n’apporte pas de réponses. Je ne prends pas parole pour les gens, les communautés, je reste dans l’engageant, mon travail ne fait que leur donner une voix. À eux de la prendre, ou pas.Tous vos projets témoignent d’un sens de la mise en scène. Comment analysez-vous cette dimension spectaculaire dans votre travail ?Je me suis toujours nourri des images qui m’entouraient, et il faut pouvoir exister au milieu de ce monde de publicités, de grands écrans, etc. Je suis inspiré par ces codes, pour justement les contrer, puisque je vais utiliser tous les endroits que la publicité ne peut pas utiliser pour m’insérer dans la ville.En avril, à Manhattan, vous avez réalisé votre plus grand collage : la photo de 60 mètres d’un immigrant en train de marcher, posée au sol, n’était visible que du ciel...A New York, il faut faire quelque chose de spectaculaire pour impressionner les gens. Cette image, tout le monde a marché dessus, et personne ne l’a vue avant qu’elle fasse la couverture du New York Times Magazine. Quand je crée une image, cela fait partie de mon travail de penser la ville, l’architecture. Le choc visuel doit s’adapter en fonction des villes et des cadres de référence dans lesquels je me retrouve. Au Liberia, je pouvais coller une affiche de la taille d’une fenêtre, toute la rue s’arrêtait, il y avait un choc direct.Quel est le statut de l’image dans votre travail ?Pour moi, l’image, ce n’est qu’une trace des discussions, des rencontres, de l’impact que cela a eu. C’est pour cela qu’il y a souvent des textes, des films, pour comprendre ce processus. Tant mieux si l’image est forte, mais je ne dis pas que les photos sont belles ou pas belles, ce n’est pas mon propos. Quand on a lancé [le projet participatif] Inside out, c’était la révolution en Tunisie, et les gens avaient déchiré des portraits du dictateur pour mettre leur photo. Les gens eux-mêmes donnent un sens au projet. C’est intéressant de voir comment ils perçoivent les images en fonction des contextes. A Cuba, où ils n’ont jamais vu une image dans la rue autre que le Che ou Fidel, et tout à coup, lorsqu’ils se retrouvent devant des portraits d’eux-mêmes en énorme, ça bouscule leur regard et leurs codes. « L’art peut-il changer le monde ? » : pourquoi ce titre pour votre monographie ?Parce que la première question qu’on me pose quand je vais dans toutes ces communautés, c’est : quel est le but de ce projet ? C’est très difficile d’y répondre. Je pars en tant qu’artiste faire des œuvres, je ne pars pas faire du social ou de l’humanitaire. Je vais juste coller du papier, ça ne va rien changer à la face du monde, et pourtant, en cassant les codes et les images, on peut amener à repenser la manière dont on voit l’autre. Donc quelque part, c’est un début pour changer le monde.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal+ Cinéma à 22 h 50 Le film de Nuri Bilge Ceylan fascine par sa justesse de regard et son intense beauté.Pourquoi se mettre déjà en hiver ? Pourquoi choisir de s’enfermer pendant trois heures et quinze minutes dans l’enfer d’un couple ? Parce que Winter Sleep a obtenu la Palme d’or ? C’est un argument. Parce que le film de Nuri Bilge Ceylan est celui d’un artiste en pleine possession de ses moyens ? Celui-là est plus convaincant. La vraie raison tient plutôt à la puissance des émotions que ce long-métrage fait naître, quand bien même elles ne sont pas toutes exaltantes. Ce sommeil d’hiver n’a rien d’une hibernation, il est traversé de rêves brisés et de frissons de fièvre, strié d’éclairs de beauté sidérants, qui viennent illuminer de longs moments de souffrance.On reconnaîtra dans Winter Sleep bien des éléments du cinéma de Nuri Bilge Ceylan – sa faculté presque surhumaine à toujours trouver le cadrage juste ; son attirance pour la neige et son pouvoir révélateur, qui force les êtres à se détacher sur un monde auquel elle confère une beauté uniforme.Mais Winter Sleep ne vient pas seulement enrichir la filmographie de Ceylan d’une nouvelle variation. Cette fois, la parole y tient un rôle prépondérant. Le scénario qu’ont écrit le cinéaste et Ebru Ceylan, son épouse, est inspiré par trois nouvelles de Tchekhov. Et que ce soit par osmose avec l’auteur de La Cerisaie ou le fruit d’une décision délibérée, le texte des époux Ceylan ressemble étonnamment à une pièce de théâtre. Il en a la durée, le découpage et les morceaux de bravoure, de longs dialogues qui opposent les personnages.On découvre Aydin (Haluk Bilginer) cheminant entre deux portes d’une structure qui rappellera aux plus futiles la maison de Frodon Sacquet dans Le Seigneur desanneaux, en plus minéral. Aydin, quasi vieillard au port altier, est propriétaire et gérant d’un hôtel troglodyte en Cappadoce. Dans les anfractuosités de la roche, il a installé des chambres pour touristes aventureux. Il y vit avec sa jeune et belle épouse Nihal (Melisa Sözen) et sa sœur Necla (Demet Akbag) venue se réfugier chez eux après un divorce calamiteux.Aydin n’est pas seulement un commerçant, c’est un intellectuel, un acteur de théâtre retiré des scènes stambouliotes, un contributeur régulier de la presse locale dans laquelle il publie des éditoriaux qui prennent à partie les imams conservateurs ou les fonctionnaires corrompus.Une première séquence définit rapidement les limites de la posture d’Aydin. Alors qu’il se rend au village pour approvisionner l’hôtel, la vitre de la voiture est brisée par une pierre qu’a lancée le fils de l’un de ses locataires menacé d’expulsion. Il se trouve que l’oncle de l’enfant est l’imam de la ville, qui fera tout pour obtenir le pardon du seigneur des lieux, allant jusqu’à exiger de son neveu, un enfant d’une dizaine d’années, qu’il s’humilie publiquement.Magnifique querelle conjugaleOn le voit, la Turquie que décrivent les Ceylan ressemble furieusement à la Russie tsariste (une scène saisissante, à la fin du film, est d’ailleurs empruntée à Dostoïevski). C’est que cet ordre en apparence civilisé, qui donne aux mâles de l’espèce humaine, à condition qu’ils soient fortunés, l’illusion de pouvoir faire régner l’ordre et la justice, est un bouillon de culture idéal pour faire jaillir les passions, les sentiments et ressentiments de ces maîtres et de leurs féaux, épouses, subalternes.Ce sont eux qui intéressent Ceylan. Il se sert de son talent d’observateur de la vie en société pour mieux cerner ce qu’il y a de plus intime dans l’être humain. L’action que mène Nihal en faveur des écoles primaires de la région donne sûrement une idée de la situation dans les campagnes turques.Elle est surtout le détonateur d’une magnifique querelle conjugale, interminable, filmée avec une sobriété exemplaire, qui oppose une femme jeune et belle à un homme qui approche de la mort. Les éditoriaux d’Aydin pourraient sans doute servir à moquer les positions de certains intellectuels laïques, mais ils sont d’abord le point de départ d’une querelle féroce entre le frère et la sœur.Ces morceaux de bravoure sont agencés selon une progression dramatique qui, bien sûr, mène le couple au bord de la rupture. Nihal veut échapper à l’emprise de cet homme veule, aveuglé par le contentement de soi ; Aydin ne veut pas laisser partir son dernier lien avec la vie. Cette douleur met longtemps à éclater, d’autant que Haluk Bilginer se refuse à défendre de quelque manière son personnage, mettant en avant sa lâcheté et son hypocrisie, laissant à peine deviner sa tristesse et – surtout – l’amour violent qu’il porte à Nihal.L’ambition du projet, la sûreté de la manière, la beauté saisissante des paysages de Cappadoce, la justesse du regard, voilà toutes les raisons de se mettre déjà en hiver. Mais on ne serait pas tout à fait honnête sans évoquer la gêne qui surgit à certains moments, face à l’espèce de morgue dont témoigne Nuri Bilge Ceylan envers ses personnages. Comme le dit Nihal à son mari : « Personne ne trouve grâce à tes yeux. »Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan. Avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbag (Turquie, 2014, 195 min).Thomas SotinelJournaliste au Monde 02.10.2015 à 06h40 • Mis à jour le02.10.2015 à 10h46 Un « Godot » signé Jean-Pierre Vincent à Lyon, un flash-back nostalgique avec François Morel, une exposition JR à Lille ou un concert de Bach aux accents indiens à Paris : ce sont les choix du « Monde » pour ce début octobre.THÉÂTRE. Un Godot idéal, au Théâtre des Célestins, à Lyon Avec ce Godot pétri d’humanité, Jean-Pierre Vincent signe, à 72 ans, la mise en scène idéale pour découvrir ou redécouvrir le chef-d’œuvre de Samuel Beckett. Vivant, électrique, drôle, féroce et profond, le spectacle est porté par cinq acteurs formidables, au premier rang desquels le couple irrésistible que forment Charlie Nelson (Vladimir) et Abbes Zahmani (Estragon). Fabienne DargeEn attendant Godot, de Samuel Beckett, mis en scène par Jean-Pierre Vincent. Théâtre des Célestins, 4, rue Charles-Dullin, Lyon 2e, vendredi 2 et samedi 3 octobre à 20 heures Durée : 2 h 15. De 17 à 36 €. EXPOSITION. JR entre Paris, Clichy et Lille L’actualité française de JR est dense, en cette rentrée, avec la sortie de sa monographie (L’Art peut-il changer le monde ?, éd. Phaidon), une exposition à la galerie Perrotin et la présentation de ses deux premiers films de fiction, deux courts-métrages que lui ont inspirés ses interventions à Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis) et à Ellis Island (New York). Les Bosquets revient sur les émeutes de 2005 en banlieue et mêle aux images d’archives le ballet classique hommage qu’il avait créé l’an dernier au New York City Ballet. Le film est visible à la fois dans la salle de projection de la galerie et au Centre culturel de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Le second court-métrage, Ellis, est présenté dans le cadre de l’exposition « Tu dois changer ta vie ! », au Tri postal, à Lille. Il offre un écho aux drames actuels des migrants, Robert De Niro y incarnant le fantôme des millions d’immigrants passés par ce qui fut le point d’entrée obligé pour les Etats-Unis, Ellis Island. Emmanuelle Jardonnet« DECADE. Portrait d’une génération », à la galerie Perrotin, 76, rue de Turenne, Paris 3e, jusqu’au 17 octobre. THÉÂTRE. François Morel se souvient des belles choses, au Théâtre de l’Atelier, à Paris Accompagné, sur la scène du Théâtre de l’Atelier, à Paris, d’Antoine Sahler pour la mise en musique, François Morel nous plonge avec délicatesse dans nos souvenirs d’enfance et nous fait rire en nous contant l’histoire de Hyacinthe le coco et Rose la catho, mariés depuis quarante-cinq ans, qui ne s’entendent sur rien sauf sur l’amour des fleurs. Avec tendresse et drôlerie, il ouvre le livre de la jeunesse d’un petit garçon de la ville venu passer ses vacances aux champs chez des grands-parents qui pourraient être les nôtres. Une parenthèse enchantée. Sandrine BlanchardHyacinthe et Rose, texte et mise en scène de François Morel, avec François Morel et Antoine Sahler, du mardi au samedi à 19 heures (et samedi 17 h) jusqu’au 11 décembre au Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin, Paris 18e. Durée : 1 h 15. Réservations : 01 46 06 49 24. Puis en tournée. MUSIQUE. Correspondances indiennes de Bach, à la Philharmonie de Paris Bach, un musicien transgenre ? On n’en doutait pas, tant sa musique nourrit de musiciens, venus parfois d’autres civilisations. C’est le cas du violoniste et compositeur indien, Dr Lakshminarayana Subramaniam, qui a joué avec les plus grands représentants des traditions indiennes et occidentales, de Ravi Shankar à Yehudi Menuhin. Ses œuvres – Carnatic Classical, Tribute to Bach ou le Paris Concerto pour violon indien et orchestre (une création) – s’inspirent librement des modèles polyphoniques hérités du Cantor de Leipzig. Il sera dimanche à la Philharmonie de Paris pour un concert intitulé Bach in India. La violoniste française Amandine Beyer, qui s’est illustrée en gravant sur instrument d’époque des Sonates et Partitas de Bach unanimement saluées en 2011, est de la partie (elle dirigera notamment du violon l’Orchestre de chambre de Paris dans le Concerto BWV 1052). Cerise sur le gâteau, une récréation musicale (avec goûter) est prévue à 16 heures pour les enfants (de 3 à 10 ans) dont les parents sont au concert (8 € par enfant). Quant aux parents, ils pourront goûter à la conversation des interprètes après le concert. Marie-Aude RouxBach in India, Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Le 4 octobre à 16 h 30 à la Cité de la musique-Philharmonie 2. Tél. : 01 44 84 44 84. De 20 € à 25 €. MUSIQUE. Emily Loizeau chante Lou Reed, au Centquatre-ParisEn 2008, Lou Reed était venu lire plusieurs de ses textes au Centquatre-Paris, à l’occasion de la parution du recueil Traverser le feu (Seuil), traduction en français de l’intégrale de ses chansons. Sept ans après, la pianiste et chanteuse Emily Loizeau se réapproprie à son tour, dans l’ancien service municipal des pompes funèbres de Paris, quelques-uns des plus beaux titres de l’ancien leader du Velvet Underground, mort en 2013. Accompagnée par le guitariste hongrois Csaba Palotaï et les lectures de la comédienne Julie-Anne Roth, la délicate intensité de la Franco-Britannique se confronte dans l’épure aux mots de celui qu’Andy Warhol qualifiait de « prince de la nuit et des angoisses ». Stéphane DavetEmily Loizeau : Run, Run, Run, « Hommage à Lou Reed », les 2, 6, 7, 9 et 10 octobre, à 21 heures, au Centquatre-Paris, 104, rue d’Aubervilliers, Paris 19e. De 15 à 20 €. Alain Beuve-Méry La commission du Grand Prix du roman de l’Académie française a dévoilé, jeudi 1er octobre, sa première sélection de huit titres, en lice pour cette récompense, qui sera décernée le jeudi 29 octobre, ouvrant traditionnellement le bal des grands prix littéraires d’automne.Elle a retenu les titres suivants, présentés selon l’ordre alphabétique des auteurs :- Vladimir Vladimirovitch, de Bernard Chambaz (Flammarion)- Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig (Grasset)- Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier)- Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard)- La Brigade du rire, de Gérard Mordillat (Albin Michel)- Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton (Bourgois)- Victor Hugo vient de mourir, de Judith Perrignon (L’Iconoclaste)- 2084, de Boualem Sansal (Gallimard)L’incontournable Boualem SansalParmi les titres en lice, figure l’incontournable 2084, de Boualem Sansal qui fait le grand chelem, en étant présent sur toutes les listes des prix d’automne, à l’exception du prix Décembre, mais aussi Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour, qui est présent sur la liste du prix Goncourt.Lire aussi :Boualem Sansal plébiscité par les jurés littérairesDe même, on retrouve Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe qui a reçu le 9 septembre, le prix littéraire du Monde. Le roman de Mme Desarthe a aussi été sélectionné par le jury Renaudot, tout comme Charles Dantzig, pour Histoire de l’amour et de la haine, et Judith Perrignon, avec Victor Hugo vient de mourir, dans la catégorie essai. Les académiciens ont aussi distingué un premier roman, Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton, paru aux éditions Bourgois.Centenaire du Grand PrixL’Académie française célèbre cet automne le centenaire de son Grand Prix du roman, créé en 1914 et décerné pour la première fois en 1915 à l’écrivain alsacien de langue française Paul Théodore Acker (1874-1915), auteur de romans populaires. Le prix est attribué par une commission formée de douze académiciens. En plus de son prix, le lauréat reçoit un chèque de 5 000 euros.Parmi les premiers lauréats du Grand Prix, figurent François Mauriac, pour Le Désert de l’amour en 1926, Joseph Kessel, pour Les Captifs en 1927, Georges Bernanos, avec Journal d’un curé de campagne en 1936 et Antoine de Saint-Exupéry, avec Terre des hommes en 1939.Pendant la seconde guerre mondiale, l’Académie française a continué de remettre son grand prix du roman et son seul fait de résistance a été de récompenser L’Orage du matin, de Jean Blanzat en 1942. Ce dernier a été un des animateurs du groupe du Musée de l’Homme, un des premiers mouvements de résistance et fut membre du Comité national des écrivains, au côté de Jean Paulhan.88 hommes et 14 femmes récompensésDe 1945 à nos jours, le Grand Prix du roman de l’Académie française a notamment distingué François Nourissier, pour Une histoire française en 1966, suivi de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique en 1967 et Albert Cohen, Belle du seigneur en 1968. Les académiciens ont aussi honoré Patrick Modiano, pour Les Boulevards du crépuscule en 1972, Pascal Jardin, pour Le Nain jaune en 1978, Patrick Rambaud, avec La Bataille en 1997 et Amélie Nothomb, pour Stupeur et tremblements en 1999.Sur la dernière décennie, les académiciens ont primé Les Bienveillantes (Gallimard), de Jonathan Littell en 2006, Les Onze (Verdier), de Pierre Michon en 2009, Retour à Killybegs (Grasset), de Sorj Challandon en 2011 et La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (L’Age d’Homme et de Fallois), de Joël Dicker en 2012.Les plus jeunes lauréats ont été Patrick Modiano et Joël Dicker, 27 ans, la plus âgée Henriette Jelinek (1923-2007), 82 ans, distinguée pour Le Destin de Iouri Voronine (de Fallois) en 2005. L’Académie française a récompensé 88 hommes et 14 femmes, avec son Grand Prix du roman.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Née à New York, Elizabeth Grant a exilé son entité artistique – Lana Del Rey – à Los Angeles où la jeune femme incarne une vamp imprégnée jusqu’à l’addiction de fantasmes hollywoodiens. Après le succès international de l’album Born to Die, où elle alternait provocations d’allumeuse et complaintes d’amoureuse, surcharge R’n’B et sombre élégance, la chanteuse avait pris le risque du dépouillement avec Ultraviolence, disque souvent hanté par les réverbérations blues de son producteur de l’époque, le guitariste des Black Keys, Dan Auerbach. Misant encore plus radicalement sur une majestueuse lenteur et un déshabillé de cordes cinématographiques et de claviers ténébreux, Lana Del Rey parfait, dans Honeymoon, son troisième opus, son rôle de starlette désenchantée.Sirène boudeuseSous l’omniprésence d’un soleil californien (on entend même le chant des cigales dans certaines chansons), synonyme de torpeur comme de vacuité, la sirène boudeuse s’alanguit jusqu’à la dépression, victime de l’amour mais aussi, sans doute, des impasses que son personnage lui a imposées. Souvent soupçonnée de n’être qu’une poupée télécommandée par une équipe de businessmen, cette reine de la stylisation et des artifices parie sur un jusqu’au-boutisme esthétique pas forcément compatible avec son aura pop (même si le disque est coécrit avec Rick Nowels, vieux routier des tubes à l’américaine).Rarement paré de gimmicks aguicheurs (le single High By The Beach), cet album au ralenti demande, en effet, plusieurs écoutes pour que son apparente monotonie révèle ses meilleurs moments de frustrations érotiques (Music To Watch Boys To) et l’éclat de rêves nuptiaux transformés en marches funéraires (Honeymoon, 24, I’m Gone), puisant dans les génériques de James Bond et le romantisme cher aux « torch songs » d’Henry Mancini et Johnny Mercer.Honeymoon. 1 CD Polydor/Interscope/Universal Music. lanadelrey.comStéphane DavetJournaliste au Monde Florence Evin Avec des records mondiaux et des préemptions publiques, dont quatre pour le château de Versailles et le Musée du Louvre, la vente aux enchères, organisée par Sotheby’s, les 29 et 30 septembre, à la galerie Charpentier à Paris, a été un franc succès. Etait dispersée, par leurs descendants, la collection royale du Comte de Paris (1908-1999) et de la Comtesse de Paris (1911-2003). Avec un résultat de 6,2 millions d’euros, 94 % des 232 lots – peintures, dessins, manuscrits, meubles, vaisselle, divers objets et souvenirs –, mis aux enchères par les descendants de Louis-Philippe (1773-1850), dernier représentant des Bourbons, ont été attribués, la quasi-totalité au-dessus des estimations de la maison de ventes.Les Gentilshommes du duc d’Orléans dans l’habit de Saint-Cloud, un tableau de Carmontelle, est parti à 531 000 euros – Sotheby’s estimait l’œuvre de 250 000 à 350 000 euros.
 Le service en porcelaine de Sèvres dit des Chasses Diverses, livré à la reine Marie-Amélie, épouse du roi Louis-Philippe, s’est envolé à 495 000 euros (estimation : 100 000 à 150 000 euros).
 
Une table de jeu réalisée par l’ébéniste Roentgen pour le jeune Louis-Philippe a atteint 285 000 euros. La Chambre de la reine Marie-Amélie, de Joseph Nash, a été vendue 75 000 euros, deux fois l’estimation. 
 Collectionneurs et grands muséesDans une salle bondée, les collectionneurs de vingt-deux pays et les grands musées français se disputaient les lots. « Versailles était déterminé à compléter ses collections d’histoire, souligne Béatrix Saule, directrice des musées du château. La galerie historique de Louis-Philippe est à redéployer dans les années à venir le long de l’aile du midi. Louis-Philippe est le fondateur du Musée d’Histoire de France. La cohérence voulait que l’on puisse acquérir des moments de sa vie. »« Le joli tableau de Nicolas-Bernard Lépicié, Louis-Philippe, au berceau, montrant le jeune roi nouveau-né, est un moment clé de l’Histoire. Le père de Louis-Philippe, Philippe Egalité, avait voté, à la Révolution, la mort de Louis XVI, son propre cousin », souligne la conservatrice générale du patrimoine qui œuvre depuis trente ans au château. Versailles l’a emporté pour 231 000 euros, avant de se porter acquéreur du tableau mettant en scène Louis-Philippe jouant au cerceau dans la cour du lycée Henri IV, « témoignant de la volonté royale d’éduquer ses enfants dans l’enseignement public, un signe d’ouverture », note-t-elle. Tandis que Le roi Louis-Philippe entouré de sa famille, une huile sur toile de l’Ecole française du XIXe, a été acquise pour 47 500 euros, trois fois plus que l’estimation. « Beaucoup de concurrence française et étrangère »« Je pensais que les enchères seraient plus hautes encore, tempère Béatrix Saule. Cette vente est très prestigieuse, les prix sont élevés, nous le savions. Il y a beaucoup de concurrence française et étrangère, ce qui prouve la qualité historique et artistique indéniable des œuvres mises aux enchères. »Pour sa part, le Musée du Louvre a acquis une aquarelle, avec rehauts de gouache sur papier, d’Eugène-Louis Lami (1800-1890), Une soirée chez le duc d’Orléans, pour 57 500 euros, contre une estimation de 15 000 à 25 000 euros. Le peintre officiel de Louis-Philippe est alors au sommet de sa carrière au service des Orléans dont il fut le chroniqueur attitré en dépit de ses opinions libérales. Familier des salons mondains, il était considéré comme l’un des meilleurs illustrateurs des mœurs de la vie moderne. Il avait été introduit aux Tuileries par Horace Vernet. Le duc d’Orléans, mécène et collectionneur des artistes de son temps, y est représenté dans ses appartements. Cette aquarelle complète ainsi la collection des vingt-sept dessins conservés au Louvre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur France 5 à 21 h 40 Une visite complète des Archives nationales, à la fois temple républicain et maison commune.Temple voué à la mémoire des Français, les Archives nationales sont à la fois un lieu de transparence et un outil de démocratie mais aussi le conservatoire des secrets d’Etat. Instituées dès le règne de Philippe Auguste, à la fin du XIIe siècle, pour assurer la préservation des pièces essentielles à la légitimité du pouvoir royal – le donjon du palais de la Cité fut leur première adresse –, les Archives, par-delà les changements de régime, incarnent la nation.De l’hôtel de Soubise (Paris 3e), que Napoléon Ier choisit en 1808 pour accueillir le legs de l’Ancien Régime et ses propres archives impériales, gonflées de celles des pays européens soumis, doublé bientôt par l’hôtel de Rohan (Paris 3e), à la nouvelle adresse de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), inaugurée en février 2013, en passant par les anciens bâtiments de Fontainebleau, libérés par le retrait de la France de l’OTAN en 1966 et dévolus dès lors aux documents de la Ve République (images et son inclus), c’est à un parcours impeccable des lieux où se conserve la mémoire nationale que nous invite ce riche documentaire.Si, au fil de la présentation des documents les plus précieux ou les plus émouvants de ce fonds gigantesque qui dévore toujours plus d’espace, les figures médiatiques de Marie-Antoinette, du dernier grand maître du Temple ou du président Giscard d’Estaing s’invitant à la table des Français rassureront un public inquiet de l’aridité supposée du sujet, la force de l’évocation du combat pour l’abolition de la peine de mort en 1981 ou le décryptage du discours du président Chirac stigmatisant la rafle du Vél’ d’Hiv en 1995 donnent la vraie dimension de ce conservatoire capital pour établir l’Histoire.Réservoir d’aventuresAu hasard de l’exploration des trésors référencés – pour les besoins du déménagement des archives de l’ère républicaine (de 1790 à nos jours), qui a pris quinze mois, il a fallu généraliser l’usage du code-barres –, on mesurera le poids de l’appel aux souscripteurs pour préserver dans le giron public des fonds inédits, l’engagement de l’homme d’Etat pour établir cap et priorités (François Mitterrand) ou les passionnantes révélations de la sigillographie (étude des sceaux) sur les usages politico-juridiques des rois mérovingiens… Ce temple républicain est cependant aussi une maison commune, puisque le monde de l’archive est un réservoir d’aventures où chacun peut s’engager – c’était déjà le souhait des Conventionnels de 1794 – pour retrouver son inscription comme celle des siens dans la geste nationale. Le témoignage de Charles Aznavour, évoquant ses démarches pour la naturalisation de ses parents, Arméniens apatrides, est aussi fort que sobre.Si on reste fasciné par la monumentale « armoire de fer », chef-d’œuvre de coffre-fort, porte de bois, caissons de fer forgé avec quatre serrures et trois clés, où dorment, à l’hôtel de Soubise, les pièces les plus précieuses (actes constitutionnels et textes fondamentaux – serment du Jeu de paume ou déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lois mémorables, parchemins et correspondances mythiques), la révélation de ce documentaire reste la présentation du bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine, signé de l’architecte Massimiliano Fuksas où, sur onze niveaux et 60 000 m2, avec ses 220 magasins et ses 360 km de linéaire de rayonnages, est désormais archivée la mémoire de l’ère contemporaine. La vraie maison de l’histoire de France.Les Trésors des Archives nationales, de Françoise Cros de Fabrique et Stéphane Bion (Fr., 2013, 95 min).Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Claire Guillot Lèvres rouge vif et coiffure aérodynamique, manteau qui mêle sur l’endroit des motifs géométriques et sur l’envers du tissu africain, baskets bleues et lunettes de soleil rondes rétro : la photographe Joana Choumali a l’allure branchée et cosmopolite. Mais elle a surtout un look à son image, au carrefour de nombreuses cultures, enraciné en Afrique. Cette photographe née à Abidjan, fille d’un Ivoirien et d’une mère hispano-équato-guinéenne, a appris depuis longtemps à embrasser les questions qui tournent autour de l’identité. Le travail qu’elle présente sur les rives de la Seine à Paris, pour le festival Photoquai, « Hââbré, la Dernière Génération », n’est pas étranger à ce thème. Elle a réuni une série de portraits frappants, ceux d’habitants qu’elle a rencontrés dans sa ville, et qui ont en commun d’avoir le visage marqué par des scarifications. Ces cicatrices étroites ou larges, écartées ou serrées, qui affichent à même la chair, et jusqu’à la mort, l’origine et l’histoire de celui ou celle qui les porte.« On m’a beaucoup demandé, à Abidjan, pourquoi je m’intéressais à ça… On m’a dit que c’était une pratique barbare, que ce n’était pas un sujet moderne. Mais ça fait longtemps que je suis fascinée par les scarifications. On en voyait beaucoup quand j’étais enfant à Abidjan, nettement moins maintenant. Je trouve que les pratiques controversées ne sont pas toutes négatives. Et que quoi qu’on en pense, ça fait partie de l’identité africaine. » « Les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs »Pour trouver ses sujets, la photographe a abordé les gens dans la rue. Ce sont pour la plupart des immigrés du Burkina Faso ou du Nigeria, issus de catégories populaires – « une nounou, un chauffeur de taxi, un peintre, un gardien, un charpentier… », liste-t-elle. Tous se sont fait scarifier au village, quand ils étaient enfants. « Les scarifications étaient un signe de reconnaissance, une carte d’identité visuelle. Elles disaient la famille dont on vient, le village, la région. Des femmes, qui étaient reconnues comme artistes, passaient dans les villages et scarifiaient les enfants. Elles incisaient la peau et appliquaient une poudre cicatrisante. » La plupart en gardent un souvenir vif, et douloureux. « L’une des femmes qu’on voit ici est toujours en colère contre ce qu’on lui a fait. A l’autre extrême, Christine a demandé à être scarifiée à 10 ans, elle en est fière. »Mais l’évolution sociale, l’augmentation des déplacements et des échanges, le recul de l’identité locale ont peu à peu fait tomber en désuétude la pratique. Les cicatrices sont de plus en plus difficiles à porter en ville, où elles ne sont plus comprises, et deviennent les marques d’un autre temps. « Un des mes sujets m’a dit qu’il avait la sensation d’être ringard. Les gens considèrent de plus en plus les scarifiés comme des analphabètes, des pauvres. Le chauffeur de taxi que j’ai photographié m’a confié qu’à cause de ça il n’arrivait pas à avoir de rencard. » Les scarifiés se font insulter dans la rue, traiter de « balafrés ». « Avec la crise ivoirienne, explique Joana Choumali, il y a eu une séparation des communautés, une méfiance grandissante. Et les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs. » Aujourd’hui, aucun des modèles ne veut faire scarifier ses enfants.  « Il faut intégrer le passé »La photographe elle-même a dû apprivoiser ses modèles pour gagner leur confiance. « Le fait que je sois africaine m’a aidée… Même si on me prend souvent pour une Américaine, car je ne suis pas “typique”. J’ai pris beaucoup de temps pour expliquer ma démarche, et je leur ai donné un tirage. Ensuite, le bouche à oreilles a fonctionné. » La photographe les a fait poser sur un fond neutre, « comme des gens normaux, sans jugement implicite, sans dénoncer ni glorifier ». Elle revendique aussi une approche contemporaine, loin des études ethnologiques ou des photographies exotiques d’antan : « C’est une pratique qui meurt, mais ces gens-là sont bien vivants.C’est la dernière génération à être scarifiée. J’ai fait ces photographies pour ne pas oublier. » La photographe, qui a eu d’abord une carrière dans la publicité à Abidjan, a ouvert son propre studio de photographie et mène en parallèle une carrière d’artiste visuelle – « un métier qui est encore surtout considéré comme masculin », regrette-t-elle. Elle qui a beaucoup voyagé tourne à présent son appareil sur l’Afrique. « Les Africains sont souvent les plus virulents envers les spécificités de leur culture… Ils n’arrêtent pas de se comparer, moi je pense qu’il faut intégrer le passé, l’accepter, et aller de l’avant », déclare Joana Choumali, à l’aise dans ses baskets bleues.Lire aussi :Le Quai Branly cultive la photographieFestival Photoquai, 40 photographes non européens exposés sur le quai Branly, 24 h/24, tous les jours, du mardi 22 septembre au dimanche 22 novembre. www.photoquai.fr et www.quaibranly.frClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Mardi 6 octobre, Eric Bibb & JJ Milteau (il tient à cette orthographe, à prononcer JayJay), guitariste chanteur et harmoniciste historique, étaient à L’Alhambra (Paris 10e). Petite salle en surchauffe, quartet réglé comme un moteur de Stampe, le célèbre biplan inventé pour la voltige aérienne : Eric Bibb, JJ Milteau, Gilles Michel à la basse, Larry Crockett aux drums. Ponctuation parisienne d’une énorme tournée d’été qui aura culminé au festival Jazz à Vienne en juillet, devant un amphithéâtre en lévitation.Lire aussi :Jazz à Vienne : six mille petits éblouis par le big bandA L’Alhambra, décollage en grâce avec Pick a Bale of Cotton, un traditionnel qui relève du country blues et que l’on ne décline pas toujours avec cette fraîcheur. Suivront seize titres, dont trois au rappel, ils figurent sur l’album Lead Belly’s Gold (Dixiefrog/Harmonia Mundi) : Needed Time, Linin’Track, I Heard the Angels Singing. Nuit sous le signe du blues le plus dense, les fantaisies country les plus olé-olé, la joie de jouer et d’aller au plus profond sans le montrer.Nuit zébrée des éclairs d’harmonica (diatonique, of course), du grand Milteau aux airs dandy de western mâtiné hip de banlieue. Eric Bibb, costar très ample, silhouette de tap-dancer (ce qu’on ose encore appeler les claquettes), sombrero de cinéma, est infatigable. On se fiche un peu de l’âge, mais personne au monde ne croirait à ses 65 ans sous ce sourire ado. Milteau, suractif, tant au minuscule et déchirant harmo, qu’en président militant de l’Adami (administration des droits des artistes et musiciens interprètes) qui a fort à faire par les temps qui courent. Un album précieuxCe qui est bien avec le blues, c’est que sous forme très raffinée et combinatoire hyper-sophistiquée, il dit les joies, il dit les peines, et tout le monde s’en fout. Poésie analogue aux plus grandes créations de l’humanité, on le prend encore pour un bricolage archaïque de Nègres assez simplets. C’est très bien ainsi. On n’imagine pas que les troubadours en leur ère aient embêté les braves gens. Nadine Morano peut dormir sur ses oreilles d’âne.La rencontre d’Eric Bibb et JJ Milteau, coutumier des invitations, fait l’objet d’un album précieux : iconographie, maquette, son, textes, traductions des chansons, tout est signé du plus savant des érudits plaisants, Sebastian Danchin et consorts : « Lorsqu’il fut découvert en 1933 dans la tristement célèbre ferme pénitentiaire d’Angola, en Louisiane, Lead Belly ne se doutait pas que sa musique allait bouleverser le cours de son destin tout en faisant entrer dans l’histoire les artisans de son succès, les ethnomusicologues John et Alan Lomax. » Dans ses rêves les plus osés, imaginerait-il jamais que ses chansons, les plus évidentes des chefs-d’œuvre, seraient reprises par Sinatra, Nirvana, Tom Waits ou Bob Dylan ?Le samedi 10 octobre, Eric Bibb et JJ Milteau sont au Nancy Jazz Pulsations, l’énorme rendez-vous de l’automne, avec un programme – une dizaine de groupes par soir ou alors Brad Mehldau en solo (complet) –, dont personne n’a jamais su, dès le premier millésime (1973), sur quel pied le faire danser, jazz, techno, chanson, électro, funk, java, tendances, mais un programme qui ne s’est jamais passé d’une grosse soirée blues : version 2015, donc, Otis Taylor, les très délurés Snarky Puppy et Eric Bibb & JJ Milteau.Lead Belly’s Gold, 1 CD Dixiefrog/Harmonia Mundi. www.jjmilteau.net et eboutique.harmoniamundi.comNancy Jazz Pulsations (NJP), divers lieux, jusqu’au 17 octobre. Samedi 10 octobre : Blick Bassy, Faada Freddy (salle Poirel) ; Marco Barotti / Paradis DJ (L’Autre canal) ; Rubin DJ Set (Magic Mirrors) ; Eric Bibb & JJ Milteau, Otis Taylor, Snarky Puppy (Chapiteau). Jean-Louis Murat (13), Jeanne Added (15), Maceo Parker (16), Yuri Buenaventura, Marcus Miller (17). www.nancyjazzpulsations.comFrancis MarmandeJournaliste au Monde Mustapha Kessous C’était l’événement du Marché international des professionnels de l’audiovisuel (MipCom) qui s’est tenu à Cannes du 5 au 8 octobre. Des centaines d’anonymes venus patienter des heures dans les escaliers du Palais des Festivals pour obtenir les meilleurs fauteuils, des agents de sécurité ayant troqué leur habituel costume noir contre un imperméable bleu floqué de l’écusson du FBI et des lunettes noires de type aviateur… Mardi 6, à 18 h 30, dans un auditorium bondé, la chaîne américaine Fox présentait le premier épisode de la saison 10 de la série culte X-Files. Une folie ! Un grand jour pour les fans qui retrouvaient les agents spéciaux Fox Mulder et Dana Scully, disparus des petits écrans depuis 2002 (entre-temps, 2 films sont sortis au cinéma).Une projection aux allures de meeting politiqueCe soir-là, dans l’auditorium, la voix de Mulder s’élève, qui raconte son histoire, celle de sa sœur enlevée par des extraterrestres et celle de ses enquêtes au sein du FBI concentrant des affaires mystérieuses voire paranormales non élucidées. Puis les premières notes du générique – l’authentique – retentissent. Le public – composé de beaucoup d’Anglo-saxons – crie, applaudit. On se croirait à un meeting politique… Enfin apparaissent sur l’écran géant les agents Dana Scully, la scientifique, incarnée par Gillian Anderson qui n’a pas pris une ride (au point d’être inexpressive) ; puis Fox Mulder, l’hurluberlu, interprété par David Duchovny, en quinqua resplendissant. Et d’autres encore : Walter Skinner et « l’Homme à la cigarette » interprété par un William B. Davis qui flirte avec les 80 ans. L’intrigue se met en place et pendant près d’une heure, des sentinelles en costume noir au service de la production surveillent la salle pour empêcher ceux qui seraient tentés de prendre des photos ou réaliser des vidéos. Aucune image non officielle ne doit filtrer.Le Monde – qui n’a pas l’intention de « spoiler » – se contentera de dire que l’épisode n’a rien révélé de surprenant ni de bien nouveau. Excepté que Mulder et Scully ne font plus partie du FBI, le département des affaires non classées étant fermé depuis plus d’une décennie. Dana travaille désormais dans un hôpital, Fox est toujours parano. Mais le duo va se reformer le temps d’une mission où il va s’agir de combattre une mystérieuse puissance qui veut « prendre le contrôle des Etats-Unis ». La conspiration reste le cœur d’une intrigue très ancrée dans l’époque contemporaine. D’ailleurs, Mulder et Scully ont troqué leurs gros téléphones aux allures de fers à repasser contre des smartphones.A l’issue de la projection, Chris Carter, 57 ans, le créateur de la série lancée en 1993, après avoir été longuement et chaleureusement acclamé, a tenu à saluer le compositeur Mark Snow – à qui l’on doit le thème de X-Files et la musique des 6 épisodes de cette « brève » saison 10 (quatre fois moins que les anciennes) – ainsi que les scénaristes qui les ont écrits. Ces derniers avaient d’ailleurs déjà travaillé sur les précédents opus. Chris Carter aime travailler entre amis.La diffusion française se fera sur M6Diffusé aux Etats-Unis dès le 24 janvier 2016, X-Files arrivera « très vite sur M6 » a assuré Nicolas de Tavernost, le patron de la chaîne, sans pouvoir donner de date précise. Tout au plus « le temps du doublage avec les voix originales françaises » précise-t-il. La Six qui a diffusé les 9 saisons de la série de juin 1994 à janvier 2003, ne cache ni son impatience ni son enthousiasme. « Nous avions acheté la série en mai 1993 et tout de suite nous avons cru en son potentiel, se rappelle Thomas Valentin, le numéro 2 du groupe M6. X-Files ne ressemblait à aucune autre série américaine de son temps comme Beverly Hills ou Deux flics à Miami. Il n’y avait pas de paranormal, la théorie du complot n’existait pas. » Pour se démarquer des autres chaînes, M6 avait programmé cette série le samedi soir. « C’était la première fois que nous diffusions trois épisodes à la suite, se souvient Thomas Valentin. Cela nous avait permis d’avoir un million de téléspectateurs en plus. » L’arrivée d’une dixième saison sera forcément un événement pour la chaîne.Quant à espérer d’autres saisons encore, il faudra attendre. Chris Carter ne ferme cependant aucune porte, soulignant, entre autres, que l’avenir de la série dépendra aussi de son « audience ». Voilà où doit se trouver « la vérité »…Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Elle n’en revenait pas elle-même, Lou Doillon, du succès critique et commercial de son premier album, Places, grosse surprise de 2012, qui la vit même consacrée, quelques mois plus tard, artiste féminine de l’année aux Victoires de la musique. Un choix qui fit grincer quelques dents. Une telle récompense pour un coup d’essai chanté en anglais, pour une « fille de » plus people que populaire ? Ces premières chansons aux teintes folk mélancoliques devaient aussi une part de leur réussite à Etienne Daho, ami de la famille et réalisateur artistique, respectant cette noirceur première tout en y insufflant les touches discrètement soyeuses d’arrangements pop-soul.L’accoucheur de Lay Low, deuxième opus de la dame, s’appelle cette fois Taylor Kirk, pianiste, chanteur et guitariste canadien, membre du duo Timber Timbre, connu pour ses stylisations dénudées – mais quasi gothiques – du blues-rock américain. Un choix de producteur, qui est aussi celui d’une esthétique plus rêche et dépouillée, tirant vers le crépusculaire. Comme si Lou Doillon avait déménagé son spleen de la luminosité de l’école de Laurel Canyon (Joni Mitchell, Crosby, Stills & Nash…) vers l’aridité de celle de Tucson (Calexico, Giant Sand…).Verra-t-on dans ce parti pris le péché d’orgueil d’une chanteuse soucieuse de sa crédibilité naissante, fuyant la joliesse de peur de trop s’approcher de la variété ? Ou, plus profondément, l’écho musical de mois douloureux, marqués par la mort de sa demi-sœur Kate Barry (1967-2013) et les problèmes de santé de sa maman, Jane Birkin ?Rock du désertToujours est-il que, privé des doux éclats de la production de Daho, Lay Low se révèle d’approche plus difficile que Places. Enregistré en grande partie à l’Hotel2Tango, studio culte de la scène indépendante de Montréal, ce disque d’apparence austère laisse d’abord voir ses défauts. Accentué par l’ascétisme des distorsions, l’anglais éraillé de la sauvageonne parisienne resserre ainsi jusqu’au maniérisme un registre déjà étroit. Comme asséchées par ce rock du désert, les mélodies peinent d’abord à respirer.Plusieurs réécoutes (l’album ne durant que 33 minutes, l’effort n’est pas insurmontable) finissent pourtant par délivrer quantité de jolis secrets, sous la rocaille de cette voix et le rude décor de cette « americana ». Amateur de grands espaces désolés, Taylor Kirk parsème les chansons de gimmicks parcimonieux mais finalement accrocheurs. L’orgue hanté de Nothing Left, l’arpège « fifties » de Let Me Go, le clavier et les chœurs inquiets de Worth Saying, la guitare serpentant autour de la batterie pète-sec de Good Man… Autant de balises au pouvoir évocateur qui permettent aussi de mieux appréhender les variations émotives – de la colère à la tendresse, de l’amertume à la compassion – d’un chant plus attachant que prévu.Lay Low, 1 CD Barclay/Universal Music. www.universalmusic.frStéphane DavetJournaliste au Monde Julie Clarini En attribuant le prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Alexievitch, qui faisait figure de grande favorite, l’académie suédoise récompense une auteure qui a la passion du réel. De livre en livre, cette écrivaine engagée, née en Ukraine en 1948, dénonce la guerre, la violence, le mensonge dont fut tissée l’histoire de l’ancien empire soviétique. Première femme de langue russe à recevoir cette récompense, elle prend la suite de Pasternak (1958), Soljenitsyne (1970) et Brodsky (1987).Interview with Permanent Secretary Sara Danius #NobelPrize http://t.co/hV3If3pzX4— NobelPrize (@The Nobel Prize)require(["twitter/widgets"]);Son œuvre forte et cohérente chemine à la lisière du documentaire. Les livres de Svetlana Alexievitch – six à ce jour – sont bâtis à partir de récits, tous patiemment collectés, dans un souci de vérité et de justesse. « Je vais vers l’homme pour rencontrer son mystère », dit-elle, « d’âme à âme, parce que tout se passe là ». Svetlana Alexievitch n’a jamais recours à la fiction : seul le récit lui paraît être véritablement à la hauteur de ce qui arrive. Elle en donne la preuve dès son premier ouvrage, La guerre n’a pas un visage de femme, publié en 1985, rassemblant les souvenirs des combattantes de la seconde guerre mondiale. Rompant avec la geste héroïque, l’ouvrage fait entendre la vérité de cette « inhumaine besogne humaine » qu’est la guerre. Il est jugé « antipatriotique, naturaliste, dégradant » par les pouvoirs en place. Mikhaïl Gorbatchev, malgré la polémique, n’interdit pas le livre. Il se vend en URSS à plusieurs millions d’exemplaires.Lire le portrait : Svetlana Alexievitch, en lettres rouges« Sculpter une époque »Mais c’est Les Cercueils de zinc (1989), consacré au retour d’Afghanistan, qui la mène devant la justice en même temps qu’il la fait connaître en Europe. Sept ans plus tard, La Supplication, Tchernobyl, chronique du monde après l’Apocalypse, traduit en dix-sept langues, – et à ce jour encore interdit en Biélorussie –, donne la pleine mesure de son talent : un chœur d’hommes et de femmes y raconte le calvaire subi après l’accident nucléaire. Magistrale polyphonie que l’on retrouve dans son dernier ouvrage en date, La Fin de l’homme rouge (2013, prix Médicis essai), consacré à cet « homo sovieticus » qu’il s’agit de sauver du mensonge et de l’oubli en en racontant les rêves, les épreuves et surtout le tragique destin. « Sculpter une époque », voilà ce qui importe à l’écrivaine, rendre ses spasmes et ses tremblements. Non pas l’histoire, telle que consignée dans les archives et les chroniques autorisées, mais « l’histoire des émotions, de l’esprit, de l’expérience humaine ».Lire la tribune de Svetlana Alexievitch publiée en 2014 : Poutine et les bas instinctsFille d’instituteurs qui l’ont inscrit aux Komsomols (les Jeunesses communistes), élevée dans une petite ville, Svetlana Alexievicth a fait des études de journalisme en Biélorussie. Très critique du régime d’Alexandre Loukachenko qui préside aux destinées de son pays depuis plus de vingt ans, elle vit aujourd’hui à Minsk, après un long séjour à Berlin.Glad we had to update the image with all the Nobel Literature Women! #NobelPrize 2015 http://t.co/LWftGLMvjV— NobelPrize (@The Nobel Prize)require(["twitter/widgets"]);« Ne pas faire de concessions devant un pouvoir totalitaire »La Biélorusse Svetlana Alexievitch a déclaré éprouver une « grande joie » après être devenue prix Nobel de littérature et a appelé à « ne pas faire de concessions devant un pouvoir totalitaire ». « C’est une récompense non seulement pour moi, mais aussi pour notre culture, pour notre petit pays qui a toujours vécu comme entre des pressoirs », a-t-elle déclaré au cours d’une conférence de presse à Minsk organisée dans les locaux d’un journal d’opposition. « J’aime le monde russe, bon et humaniste, devant lequel tout le monde s’incline, celui du ballet et de la musique […] « Mais je n’aime pas celui de Béria, Staline, Poutine et Choïgou, cette Russie qui en arrive à 86 % à se réjouir quand des gens meurent dans le Donbass, à rire des Ukrainiens et à croire qu’on peut tout régler par la force ». Devenir un prix Nobel de la littérature « est une grande joie personnelle », a-t-elle conclu.Julie ClariniJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Pour sa première vente en Asie, qui s’est tenue les 5 et 6 octobre à Hongkong, la maison de vente aux enchères Artcurial a récolté 63 millions de dollars hongkongais, soit 7,25 millions d’euros. Ce montant est inférieur à la fourchette escomptée, qui se situait entre 8 millions et 12 millions d’euros. La raison principale en revient à un tableau de Picasso, Buste de femme (1967), qui n’a pas trouvé acquéreur. Il était évalué entre 2,5 millions et 3 millions d’euros, mais n’a pas atteint son prix de réserve.Lire aussi :Tintin et Picasso aux enchères d’Artcurial en ChineMalgré cette contre-performance, la direction d’Artcurial se montre très satisfaite de ses premiers pas sur le marché chinois. « Le résultat obtenu est à la hauteur de nos espérances. Il salue brillamment notre vente à Hongkong », estime Isabelle Bresset, directrice associée d’Artcurial. L’un des buts de la vente était de déployer le savoir-faire de la maison parisienne auprès de la clientèle asiatique. Dans les secteurs de la bande dessinée et des voitures de collection, qui comptent parmi ses points forts, Artcurial a même décroché deux records de vente.1,1 million pour un dessin du « Lotus bleu »Tous les lots de bandes dessinées ont trouvé acquéreurs, pour un montant total de 3,8 millions d’euros. Le clou de la vente, un dessin tiré de l’album Le Lotus bleu, a été remporté pour 1,1 million d’euros par un collectionneur asiatique. La deuxième meilleure vente en BD revient à des planches d’Enki Bilal, extraits de La Femme Piège, le deuxième tome de La Trilogie Nikopol, qui ont atteint 361 000 euros. De même, Le Garage hermétique de Moebius, de son vrai nom Jean Giraud (1938-2012), s’est vendu à 280 000 euros.Lire aussi :Le 9e art, nouvelle marotte des collectionneurs internationauxLa Mercedes 300 SL Roadster Hard Top qu’Artcurial avait spécialement convoyée d’Europe en Chine a, elle, atteint 1,135 million d’euros, confirmant l’engouement des Chinois pour les voitures de collection européennes.Parmi les œuvres d’art, les toiles des peintres chinois ont suscité l’intérêt des collectionneurs. Ainsi, la grande toile de Yan Pei-ming, intitulée Timonier, datant de 2000, représentant Mao sur fond rouge, a été adjugée 292 000 euros. Quatre peintures de Bernard Buffet, dont Le Cri du clown – qui a fait trois fois son estimation –, ont atteint la somme de 924 430 euros. En revanche, la toile représentant Edmond Renoir junior, peinte par son oncle, Pierre Renoir, n’a pas trouvé acquéreur.Du côté du mobilier et des objets d’art, un autre domaine dans lequel Artcurial se défend bien, les résultats ont été très satisfaisants. Soixante-dix-sept pour cent des lots d’une importante collection d’objets, en provenance d’une famille aristocratique européenne, ont été vendus. Une pendulette cage de l’horloger londonien James Cox, datant des années 1770, a ainsi rapporté 170 000 euros. Ce département a rapporté 529 000 euros.Lire aussi :Les maisons d’enchères ne connaissent pas la criseAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Série, à 23 h 25, sur Arte Après Canal+, Arte diffuse la saison 1 de la série ultra-réaliste sur la Mafia adaptée du roman de Roberto Saviano.A ceux qui auraient raté la première saison de « Gomorra », diffusée en janvier, sur Canal+, Arte donne une seconde chance. Une excellente idée quelques mois avant qu’arrive sur la chaîne cryptée la deuxième saison (prévue en 2016) de cette série au succès international.Adaptée du roman du journaliste écrivain italien Roberto Saviano, Gomorra, dans l’empire de la Camorra (Gallimard, « Folio », 2007), et précédée, en 2008, du film de Matteo Garrone (Grand Prix du jury au Festival de Cannes), la série se distingue par un ultraréalisme qui oblige parfois à s’accrocher à son siège, tant certaines descriptions sont crues, notamment celle de la préparation et de l’exécution d’un meurtre.Contraction de « Gomorrhe », la cité des mauvaises mœurs, et de « Camorra » (nom de la Mafia napolitaine), « Gomorra » nous entraîne dans les méandres de l’univers sans pitié et extrêmement violent de « la Pieuvre », comme on la surnomme en Italie. Dans la banlieue de Naples, deux clans rivaux se disputent le territoire, une zone de non-droit que les habitants appellent O sistema (« le système », en napolitain).C’est aussi l’histoire classique d’une âpre lutte de pouvoir, au sein d’une des « familles », entre Ciro Di Marzio (interprété par l’excellent Mario D’Amore), petit soldat ambitieux, belle gueule et tueur d’un sang-froid redoutable, et le chef de clan de l’ancienne école dont le règne s’achève, mais qui, de sa prison, continue, tant que faire se peut, à diriger les hommes, à gérer des trafics de drogue et à organiser des marchés truqués.Grandeur et décadence d’un clan influent qui, progressivement, perd de sa suprématie, se fragilise et disparaît sous les coups mortels de ses rivaux. « C’est une construction classique en trois actes, qui caractérise l’ensemble de la série », explique un des scénaristes, Stefano Bises, dans sa note d’intention. Soit « trois phases narratives, qui correspondent à la transmission du pouvoir clanique, du boss à son épouse, et de cette dernière à son fils. Les conflits et la destinée du clan en sont le fil rouge ».Hystérie collectiveTournée à Scampia, un des lieux les plus « en odeur de Mafia » de la périphérie de Naples, où de nombreux habitants recommandés par les boss de l’organisation ont été choisis pour faire de la figuration, « Gomorra » analyse le quotidien de chaque protagoniste luttant pour sa survie. Entre trahisons, rivalités, violences et intrigues sordides, personne ne sait plus où se situent le bien et le mal. Plongés dans une hystérie collective dominée par une paranoïa aiguë, tous tuent, torturent ou brûlent les corps de leurs victimes sans émotion visible. « Imaginer une histoire, c’est l’inventer. Mais, avec “Gomorra”, nous avons dû modifier des scènes, car, des fois, la réalité était plus forte que la fiction », dit Stefano Sollima.Déjà auteur de l’excellente série télévisée « Romanzo Criminale », Stefano Sollima (dont le père Sergio fut un des grands maîtres du western spaghetti) a partagé la réalisation de « Gomorra » avec Francesca Comencini et Claudio Cupellini. Pour l’écriture du scénario, on retrouve Roberto Saviano, qui, avec six autres scénaristes, a pu introduire de nombreuses intrigues qu’il avait écartées de son livre et du film de Matteo Garrone, faute de place. Résultat : la série a été vendue dans plus de quarante pays et a permis l’écriture d’une seconde saison.Gomorra, de Stefano Sollima, Claudio Cupellini, Francesca Comencini. Avec Fortunato Cerlino, Salvatore Esposito (Italie, 2014, 12 × 60 min). Jeudi 8 octobre, à 23 h 25, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Série, à 20 h 50, sur Arte La dernière saison de la série d’Arte suit les séminaristes dans leurs paroisses respectives.La messe est finie pour les séminaristes d’« Ainsi soient-ils ». Quatre ans après la vente des Capucins qui les a longtemps protégés, les voilà confrontés au monde extérieur, loin de leurs certitudes et de tout ce qu’on leur a enseigné. Au contact des paroissiens, la vocation se révèle douloureuse. Comment, désormais, mettre en pratique le sacrifice de soi et son engagement ?Yann Le Megueur (Julien Bouanich), empli d’espoir, est de retour sur ses terres bretonnes. Il ignore qu’il va devoir gérer et affronter les terribles accusations de pédophilie formulées par plusieurs enfants à l’encontre du père Valliers (Jean-François Stévenin).A Toulouse, José del Sarte (Samuel Jouy) est confronté au conseil paroissial qui, occupé à des futilités, n’a que faire de sa présence. José va alors s’intéresser à un adolescent en difficulté dont il voit en lui ce qu’il a été, et tenter de lui donner une seconde chance. Quant à Guillaume Morvan (Clément Manuel), il ne parvient toujours pas à trouver sa place dans sa nouvelle paroisse de la banlieue parisienne. Son homosexualité et sa relation cachée avec son ancien condisciple Emmanuel ne lui facilitent pas la tâche.Impeccable Jean-Luc BideauDans les coulisses, le Père Fromenger (impeccable Jean-Luc Bideau), de retour de Chine, continue de comploter pour installer Monseigneur Poileaux (Jacques Bonnaffé), sur le départ de la Conférence des évêques de France, dans l’entourage du pape au Vatican…Pour tourner la page de cette dernière saison, les scénaristes ont dispersé géographiquement le noyau dur des séminaristes, mais ils ne cessent d’explorer, avec pudeur et subtilité, les tourments intimes de leurs personnages. « Certes, nous rebattons les cartes mais ils sont toujours habités par leurs conflits intérieurs, les mêmes depuis le début de la série. Car la réalité extérieure qu’ils devront affronter au cours de cette ultime saison va les y renvoyer à nouveau », explique Vincent Poymiro, un des scénaristes de la série, dans Arte Magazine.Après le visionnage de ces huit derniers épisodes, c’est avec regret que l’on quitte tous ces personnages qui ont grandi et évolué sous nos yeux tout au long de ces années. Dans ces moments de grands troubles planétaires, on se rassure en se disant que montrer la tolérance, le sacrifice de soi, l’humanité et la liberté dans une série télé relève du petit miracle…« Ainsi soient-ils », série créée par David Elkaïm et Vincent Poymiro, avec Jean-Luc Bideau, Jacques Bonnafé (France, 2015, 3 × 50 min). Jeudi 8 octobre, à 20 h 50, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Les jurés des prix Goncourt, Renaudot et Femina ont fait connaître les deuxièmes sélections de leurs prix littéraires qui seront remis les 3 et 4 novembre. Il ne reste plus que huit romans en compétition sur les quatorze de la première liste pour le Goncourt. Les Renaudot ont, mardi 7 octobre, divisé par deux leur sélection, en passant de dix-huit à neuf titres. Les dames du Femina ont, quant à elles, retenu dix romans français et dix romans étrangers sur des listes initiales qui comprenaient respectivement quinze et dix-sept titres. Le juré Femina a accueilli un nouveau titre dans sa sélection française : Hizya, de Maïssa Bey (L’Aube).Boualem Sansal,qui faisait l’unanimité avec son roman 2084, la fin du monde (Gallimard) est certes toujours en lice pour les prix Goncourt et Femina. En revanche, les jurés du Renaudot l’ont éliminé. Nathalie Azoulai, avec Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) et Hédi Kaddour, avec Les Prépondérants (Gallimard) ont aussi passé le deuxième tour des listes Goncourt et Femina.Lire aussi :Boualem Sansal plébiscité par les jurés littérairesDeux autres auteurs restent nommés deux fois. Il s’agit de Christophe Boltanski, avec La Cache (Stock), en lice pour le Femina et le Renaudot et Judith Perrignon, avec Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste) présente sur les listes du Femina et du Renaudot essai.Angot et Dantzig, grands perdantsParmi les grands perdants des deuxièmes sélections, figurent Christine Angot et Charles Dantzig. L’auteure d’Un amour impossible (Flammarion) a été éliminée des listes Goncourt et Femina, tandis que celui d’Histoire de l’amour et de la haine (Grasset) est sorti du Renaudot et du Femina.Delphine de Vigan, avec D’après une histoire vraie (JC Lattès) a été sortie du Goncourt, mais conservée au Renaudot. Il est arrivé le sort inverse à Simon Liberati, avec Eva (Flammarion). Laurent Binet, avec La Septième Fonction du langage (Grasset) a été éliminé du Femina, mais maintenu au Renaudot. Le contraire de ce qui arrive à Villa des femmes, de Cherif Madjalani (Seuil).Les jurés Goncourt ont aussi conservé Mathias Enard, avec Boussole (Actes Sud), Alain Mabanckou, Tobie Nathan et Thomas B. Reverdy. La troisième et dernière sélection du Goncourt sera annoncée, mardi 27 octobre, depuis le Musée du Bardo à Tunis, cible d’un attentat meurtrier le 18 mars.Pour établir sa troisième sélection, le jury Renaudot se réunira, aussi le 27 octobre, mais à l’hôtel de Massa, le siège de la Société des gens de lettres. Pour son prix essai, le jury Renaudot est passé de huit à six titres.Outre ses sélections de romans français et étrangers, le jury Femina a fait connaître sa première sélection d’essais qui comprend neuf titres dont Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil) et la biographie de Claude Levi-Strauss, par Emmanuel Loyer (Flammarion). Le jury se réunira une nouvelle fois, mercredi 21 octobre, pour déterminer une deuxième liste d’essais et une troisième liste de romans français et étrangers.Deuxième sélection du prix Goncourt- Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) - Mathias Enard, Boussole (Actes Sud) - Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard) - Simon Liberati, Eva (Stock) - Alain Mabanckou, Petit piment (Seuil) - Tobie Nathan, Ce pays qui te ressemble (Stock) - Thomas B. Reverdy, Il était une ville (Flammarion) - Boualem Sansal, 2084 (Gallimard)Deuxième sélection du prix RenaudotRomans : - Yves Bichet, L’Eté contraire (Mercure de France) - Laurent Binet, La Septième Fonction du langage (Grasset) - Christophe Boltanski, La Cache (Stock) - Agnès Desarthe, Ce cœur changeant (L’Olivier) - Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (JC Lattès) - Fabrice Guénier, Ann (Gallimard) - Philippe Jaenada, La Petite Femelle (Julliard) - Arnaud Leguern, Adieu aux espadrilles (Le Rocher) - Alice Zeniter, Juste avant l’oubli (Flammarion)Essais : - Pierre Adrian, La Piste Pasolini (Les Equateurs) - Didier Blonde, Leila Mali (Gallimard) - Philippe Forest, Aragon (Gallimard) - Sony Labou Tansi, Encre, sueur, salive et sang (Le Seuil) - Judith Perrignon, Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste) - Jean-Michel Ribes, 1001 morceaux (L’Iconoclaste)Deuxième sélection du prix FeminaRomans français : - Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L) - Maïssa Bey, Hizya (L’Aube) - Christophe Boltanski, La Cache (Stock) - Brigitte Giraud, Nous serons des héros (Stock) - Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard) - Hélène Lenoir, Tilleul (Grasset) - Cherif Madjalani, Villa des femmes (Seuil) - Judith Perrignon, Victor Hugo vient de mourir (L’Iconoclaste) - Boualem Sansal, 2084 (Gallimard) - Alexandre Seurat, La Maladroite (Le Rouergue)Romans étrangers : - Martin Amis, La Zone d’intérêt (Calmann-Lévy) - Oya Baydar, Et ne reste que des cendres (Phébus) - Jane Gardam, Le Maître des apparences (JC Lattès) - Kerry Hudson, La Couleur de l’eau (Philippe Rey) - Laird Hunt, Neverhome (Actes Sud) - Alice McDermott, Someone (La Table ronde) - Dinaw Mengestu, Tous nos noms (Albin Michel) - Owen Sheers, J’ai vu un homme (Rivages) - Sasa Stanisic, Avant la fête (Stock) - Agata Tuszynska, La Fiancée de Bruno Schulz (Grasset)Essais (première sélection) : - Frédéric Brun, Novalis et l’âme poétique du monde (Poesis) - Joël Cornette, La Mort de Louis XIV, apogée et crépuscule de la royauté : 1er septembre 1715 (Gallimard) - Benoît Duteurtre, La Nostalgie des buffets de gare (Payot) - Cynthia Fleury, Les Irremplaçables (Gallimard) - Philippe Forest, Aragon (Gallimard) - Alain Jaubert, Casanova l’aventure : récits (Gallimard) - Nicole Lapierre, Sauve qui peut la vie (Seuil) - Emmanuelle Loyer, Claude Levi-Strauss (Flammarion) - Benjamin Stora, Les Clés retrouvées : une enfance juive à Constantine (Stock)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le vote en première lecture, par 297 voix contre 195, mardi 6 octobre à l’Assemblée nationale, du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » porté par la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, a été approuvé par la plupart des instances représentatives des architectes en France. Dans un communiqué commun, publié le même jour, l’Ordre des architectes, l’Académie d’architecture, la Société française des architectes, le Syndicat de l’architecture, l’Union nationale des syndicats français d’architectes et l’association Mouvement « saluent d’ores et déjà les premières mesures du texte ».Parmi celles-là, « le permis de faire » qui, selon des conditions précises, pourra déroger aux règles d’urbanisme et permettre de « favoriser des solutions innovantes » proposées par les architectes. Les instances de la profession se félicitent également, pour les maisons individuelles, de l’abaissement du seuil de recours à un architecte à 150m² de surface de plancher (elle était jusqu’alors de 170m²) et du « permis d’aménagement » qui suppose l’implication obligatoire d’un architecte dans la réalisation de lotissements.Lire aussi :L’architecture fait sa loi brique par brique« Médiocrité architecturale »Cette dernière disposition permettrait, selon elles, de mettre un frein à « la médiocrité architecturale et urbaine de nombreux quartiers périurbains et les graves conséquences de l’étalement urbain sur l’aménagement de nos territoires ». Egalement saluée par les signataires, l’apposition du nom de l’architecte et de la date d’achèvement des travaux sur la façade du bâtiment qu’il ou elle a réalisé.« Mais les architectes souhaitent aller encore plus loin, souligne le communiqué, unis par le même désir de promouvoir la qualité architecturale au bénéfice de tous. » Ils proposent, notamment, d’étendre le recours à l’architecte à toute construction dans le périmètre d’une cité historique et aux immeubles protégés au titre des abords. S’agissant de la procédure du concours, par laquelle, pour tout projet public, un architecte est sélectionné, ils souhaitent qu’elle s’applique aussi « aux opérations privées d’initiative publique ou engageant des fonds publics ».Le texte du projet de loi doit désormais être débattu au Sénat lors de séances prévues au début du mois de janvier 2016. Les propositions des signataires du communiqué pourront donc y être prises en compte, ou, ensuite, lors de l’examen en deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Son premier livre, J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir (Fayard, 1955), où elle relatait son enfance à Budapest et la fuite d’un pays occupé par les Soviétiques, avait valu à Christine Arnothy de connaître un succès immédiat, le livre devenant presque instantanément un « classique » des ouvrages sur la guerre à hauteur d’enfant. Auteure d’une quarantaine de livres (romans, récits, nouvelles), mais aussi journaliste et critique littéraire, la romancière est morte, mardi 6 octobre, a annoncé sa fille. Elle était âgée de 84 ans.Née à Budapest le 20 novembre 1930 dans une famille d’intellectuels – son père, propriétaire terrien, est professeur de latin –, Irène Kovach de Szendrö (de son vrai nom) vit ses premières années entourée de livres. Dès l’âge de 8 ans, la fillette à qui sa mère inculque l’amour du français, dont elle fera sa langue « maternelle », compose sa première nouvelle. Surgit la seconde guerre mondiale. En 1944, le soir de Noël, alors que Budapest est encerclée par les Allemands, son père met les siens à l’abri dans la cave. Là, jour après jour, l’adolescente retranscrit sur un cahier, à la lumière d’une bougie, son quotidien et celui de la ville.Ce journal lui donnera la matière de l’émouvant J’ai quinze et je ne veux pas mourir, dans lequel elle raconte aussi le départ clandestin de la famille, quittant la Hongrie en 1948, puis le camp de réfugiés en Autriche où elle accepte un mariage blanc afin d’émigrer en France. Avant de se remarier et de rejoindre, avec son époux et sa fille, les siens en Belgique.Coup de foudre avec Claude BellangerEn 1954, la jeune apatride envoie J’ai quinze ans… au jury du Prix Vérité, qu’elle remporte. Lors de la remise du prix par Claude Bellanger, c’est le coup de foudre entre la lauréate et le PDG du Parisien libéré. L’un et l’autre étant déjà mariés, ils devront surmonter, ainsi qu’elle le racontera dans Embrasser la vie (Fayard, 2001) d’innombrables obstacles juridiques avant de pouvoir célébrer leurs noces en 1964.Avant de donner une « petite suite » à son journal (Il n’est pas si facile de vivre, Fayard 1957), Christine Arnothy compose Dieu est en retard (Gallimard, 1956), son premier roman, alerte qui dépeint le quotidien d’une jeune femme futile derrière le rideau de fer. Dès cet ouvrage, éclate son amour inconditionnel pour la fiction (« Sans la guerre, je n’aurais pas commencé ma vie d’écrivain par une autobiographie, confiait-elle au Monde, en 2001), qui va se déployer, à raison de presque un livre par an. Comme l’atteste une riche bibliographie comprenant des romans et des nouvelles parmi lesquels Le Cardinal prisonnier (Julliard, 1962), Le Cavalier Mongol (Flammarion, 1976, Grand prix de la Nouvelle de l’Académie française) ou encore Toutes les chances plus une (Grasset) pour lequel elle décroche le prix Interallié en 1980, deux ans après la mort de son « unique amour », Claude Bellanger.Auteur d ’une trilogie sous le pseudonyme de William DickinsonCette perte et l’écriture la conduisent alors à parcourir le monde. Elle s’installe dans une ville pour s’imprégner du lieu, de l’atmosphère, et camper décor et personnages d’une plume vive, colorée, souvent ourlée d’humour. Dans sa cartographie littéraire, qui l’emmène en Australie ou au Kenya, les Etats-Unis tiennent une place à part, en particulier New York. Encore affectée par le deuil de son époux, elle trouve refuge dans un petit hôtel proche de Central Park où, sous le pseudonyme de William Dickinson, elle compose une trilogie policière, diablement efficace, publiée entre 1985 et 1987, dans la collection « Suspense » d’Albin Michel.Puis viendra pour elle, la nécessité de mettre fin aux non-dits. Avec Les Années cannibales (Fayard, 2008), Christine Arnothy se livre à une entreprise d’« auto vivisection » ; elle n’y tait rien de son passé, de ses choix de vie qui l’ont conduite dans une « cage d’amour » illuminée de bonheurs fulgurants, mais aussi assombrie de blessures, notamment ses liens avec ses deux premiers enfants, dont Pierre Bellanger, fondateur de Skyrock.Libérée grâce à ce récit sans concession – à son propre égard –, cette femme à l’esprit aiguisé peut revenir à sa passion première, la fiction, avec Une Valse à Vienne (Fayard, 2009) et La Vie d’une manière ou d’une autre (Flammarion, 2010). Son dernier roman en cours d’écriture portait, selon sa fille, sur « la grande réconciliation entre les animaux et les êtres humains ».Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet C’est un procès en appel assez atypique, finalement renvoyé au 2 mars 2016 après une demande de la RATP, qui devait se dérouler mercredi 7 octobre à Paris. Celui d’Azyle, légende du tag, qui avait été condamné en première instance, en 2012, à huit mois de prison avec sursis et à 195 000 euros de dommages et intérêts. Le graffeur conteste le montant demandé par la RATP avec une expertise inégalée. S’il était entendu, son cas pourrait faire jurisprudence dans d’autres procès intentés par la Régie autonome des transports parisiens.L’affaire remonte à juin 2007, lorsque Azyle, qui était l’un des tagueurs les plus actifs de la région parisienne, est arrêté en flagrant délit en compagnie de Vices, autre figure du milieu, par la cellule antigraffiti de la police des transports après plusieurs mois d’enquête. C’est une grosse prise, médiatisée à l’époque, car le graffeur sévissait depuis 1989, soit depuis plus de dix-sept ans, sur son support fétiche : les rames de métro.Double vieDes rames dont il sature les surfaces – simplement de sa signature, qui a évolué au fil des années – jusqu’à l’abstraction dans un enchevêtrement de couleurs souvent spectaculaire. Tandis que d’autres ex-vandales de métro sont devenus des artistes reconnus, Azyle, bien que courtisé par des galeries et des collectionneurs, a toujours refusé toute marchandisation de son travail. Sa passion, qu’il exerce la nuit, lui fait en revanche mener une double vie. Car dans la journée, Azyle est Sylvain, cadre chez un grand constructeur automobile français. Ce père de famille aujourd’hui quadragénaire est spécialiste des matériaux et des devis, et il estime que ceux de la RATP sont déconnectés de toute réalité, à la fois exorbitants et incohérents.Pour son procès en première instance, le tagueur décide de vérifier tous les chiffrages en reconstituant le processus de protection des rames et de leur nettoyage, à la recherche du « chiffre juste » pour la période sur laquelle il est jugé, à savoir de 2004 à 2007 (il y a prescription au-delà de trois ans). Alors que son activité nocturne a été stoppée net avec son arrestation, il s’investit pleinement dans cette quête de précision scientifique, appelant la RATP à justifier les sommes avancées.Puriste jusqu’au bout, « il ne nie pas et ne veut pas minorer ses actions, il cherche simplement à rétablir un chiffrage juste, nuancé, et il a fait pour cela un travail inédit », rapporte Karim Boukercha, auteur du livre La Descente interdite, graffiti dans le métro parisien (éd. Alternatives, 2011), qui a suivi toutes les étapes de son travail. « La RATP est juge et partie dans ses devis, il n’y a pas d’expert, de personne neutre pour les établir », explique Azyle lui-même. Un constat également fait par un autre célèbre tagueur aficionado des trains, et récemment lourdement sanctionné : Cokney, qui vient d’écrire un livre sur le sujet.Tags effacés en moins de dix minutesParmi ses démonstrations, celle effectuée deux fois devant huissier, une première fois en 2012, et une seconde fois, encore plus précisément, deux semaines en amont de son procès en appel, qui vise à montrer le temps nécessaire pour retirer ses tags. Il les peint puis les efface intégralement avec les produits utilisés par la RATP sur des supports reproduisant ceux des rames de métro. Tandis que la RATP affirme qu’il faut une heure pour nettoyer un mètre carré, Azyle montre que, selon le temps de séchage, ses tags disparaissent en moins de dix minutes (en deux minutes pour les plus frais) avec un équipement rudimentaire. Autres points de contestation : les doublons, les approximations en termes de surface ou les vitres tagués par gravure, facturées alors qu’elles n’ont jamais été remplacées, preuves à l’appui.Azyle estime lui le préjudice à environ 40 000 euros, soit une somme près de cinq fois inférieure à ce qui lui est réclamé. En 2012, le tribunal n’a pas tenu compte de ses arguments, le condamnant à la somme demandée par la RATP. Seront-ils plus audibles auprès de la cour d’appel de Paris ? L’audience s’annonce en tout cas plus longue que celle du procès en première instance, ce qui devrait permettre au tagueur d’étayer plus en détail ses constatations devant les juges.Mercredi 7 octobre, les avocats de la RATP ont demandé un renvoi, estimant avoir reçu les conclusions de la défense trop tardivement. L’audience, finalement reportée au 2 mars 2016, pour des faits qui auront dans leur majorité plus de dix ans.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Film, à 20 h 50, sur France 4 Un film touchant et drôle de l’auteur de bandes dessinées Riad Sattouf.Les Beaux Gosses s’ouvre sur un plan de peau, celle du visage d’un adolescent, pores ouverts, boutons bourgeonnants, la bouche en pleine action de roulage de pelle, redoublé au son par un violent bruitage de succion baveuse. L’enjeu du film est là, et pas ailleurs : rouler des pelles, se dépuceler, et réussir pour cela à se faire inviter à la soirée de la plus jolie fille du lycée.Les héros ne sont pas les jolis cœurs arrogants autour desquels gravitent toutes les filles, mais les deux moches à qui personne ne parle, sauf pour faire rire à leurs dépens. L’air benêt, mal attifé, Hervé vit dans une barre HLM avec sa mère, chômeuse semi-dépressive, sympa mais maladivement intrusive, génialement interprétée par Noémie Lvovsky.D’origine arabe, Camel, son copain, qu’on imagine inspiré de l’adolescent qu’était Sattouf, est un fondu de musique métal, marginal volontaire au lycée où les voies de l’intégration passent plutôt par le rap et le R’n’B. Hors du lycée, leur vie se répartit entre soirées de spiritisme, jeux de rôles, roulages de joints et séances de branlette « à la chaussette » inspirées par le catalogue La Redoute.Un passé récent et fantasméC’est l’un des charmes du film que de le désinscrire de toute référence sociale ou temporelle. De même que la bande dessinée Pascal Brutal s’inscrit dans un futur proche où Alain Madelin aurait été élu président de la République, Les Beaux Gosses se déroule dans un passé récent et fantasmé qui permet à l’auteur d’entremêler un récit autobiographique et une histoire d’aujourd’hui, et au film d’être si attachant. Ce léger décalage, à peine perceptible, se creuse en évitant toute référence à la mode d’aujourd’hui, à Internet, aux SMS, ou encore aux stéréotypes de la banlieue.Ténu, le fil de l’histoire est tiré par la trajectoire d’Hervé, qui retient miraculeusement l’attention d’une fille, Aurore. Pour tenter d’arriver à ses fins, il trahit un peu son copain. Le sel du film tient à la manière dont la réalité est passée au filtre des phobies et fantasmes adolescents, le projecteur se braquant sur les détails invisibles, les petites choses dégoûtantes, les hésitations… On sort du film avec le même sentiment qu’en finissant une BD de Sattouf : une grande sympathie pour l’auteur.Les Beaux Gosses, de Riad Sattouf. Avec Vincent Lacoste, Anthony Sonigo, Noémie Lvovsky (Fr., 2009, 90 min). Mercredi 7 octobre, à 20 h 50, sur France 4.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry La commission du Grand Prix du roman de l’Académie française a dévoilé, jeudi 1er octobre, sa première sélection de huit titres, en lice pour cette récompense, qui sera décernée le jeudi 29 octobre, ouvrant traditionnellement le bal des grands prix littéraires d’automne.Elle a retenu les titres suivants, présentés selon l’ordre alphabétique des auteurs :- Vladimir Vladimirovitch, de Bernard Chambaz (Flammarion)- Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig (Grasset)- Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier)- Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard)- La Brigade du rire, de Gérard Mordillat (Albin Michel)- Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton (Bourgois)- Victor Hugo vient de mourir, de Judith Perrignon (L’Iconoclaste)- 2084, de Boualem Sansal (Gallimard)L’incontournable Boualem SansalParmi les titres en lice, figure l’incontournable 2084, de Boualem Sansal qui fait le grand chelem, en étant présent sur toutes les listes des prix d’automne, à l’exception du prix Décembre, mais aussi Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour, qui est présent sur la liste du prix Goncourt.Lire aussi :Boualem Sansal plébiscité par les jurés littérairesDe même, on retrouve Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe qui a reçu le 9 septembre, le prix littéraire du Monde. Le roman de Mme Desarthe a aussi été sélectionné par le jury Renaudot, tout comme Charles Dantzig, pour Histoire de l’amour et de la haine, et Judith Perrignon, avec Victor Hugo vient de mourir, dans la catégorie essai. Les académiciens ont aussi distingué un premier roman, Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton, paru aux éditions Bourgois.Centenaire du Grand PrixL’Académie française célèbre cet automne le centenaire de son Grand Prix du roman, créé en 1914 et décerné pour la première fois en 1915 à l’écrivain alsacien de langue française Paul Théodore Acker (1874-1915), auteur de romans populaires. Le prix est attribué par une commission formée de douze académiciens. En plus de son prix, le lauréat reçoit un chèque de 5 000 euros.Parmi les premiers lauréats du Grand Prix, figurent François Mauriac, pour Le Désert de l’amour en 1926, Joseph Kessel, pour Les Captifs en 1927, Georges Bernanos, avec Journal d’un curé de campagne en 1936 et Antoine de Saint-Exupéry, avec Terre des hommes en 1939.Pendant la seconde guerre mondiale, l’Académie française a continué de remettre son grand prix du roman et son seul fait de résistance a été de récompenser L’Orage du matin, de Jean Blanzat en 1942. Ce dernier a été un des animateurs du groupe du Musée de l’Homme, un des premiers mouvements de résistance et fut membre du Comité national des écrivains, au côté de Jean Paulhan.88 hommes et 14 femmes récompensésDe 1945 à nos jours, le Grand Prix du roman de l’Académie française a notamment distingué François Nourissier, pour Une histoire française en 1966, suivi de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique en 1967 et Albert Cohen, Belle du seigneur en 1968. Les académiciens ont aussi honoré Patrick Modiano, pour Les Boulevards du crépuscule en 1972, Pascal Jardin, pour Le Nain jaune en 1978, Patrick Rambaud, avec La Bataille en 1997 et Amélie Nothomb, pour Stupeur et tremblements en 1999.Sur la dernière décennie, les académiciens ont primé Les Bienveillantes (Gallimard), de Jonathan Littell en 2006, Les Onze (Verdier), de Pierre Michon en 2009, Retour à Killybegs (Grasset), de Sorj Challandon en 2011 et La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (L’Age d’Homme et de Fallois), de Joël Dicker en 2012.Les plus jeunes lauréats ont été Patrick Modiano et Joël Dicker, 27 ans, la plus âgée Henriette Jelinek (1923-2007), 82 ans, distinguée pour Le Destin de Iouri Voronine (de Fallois) en 2005. L’Académie française a récompensé 88 hommes et 14 femmes, avec son Grand Prix du roman.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Née à New York, Elizabeth Grant a exilé son entité artistique – Lana Del Rey – à Los Angeles où la jeune femme incarne une vamp imprégnée jusqu’à l’addiction de fantasmes hollywoodiens. Après le succès international de l’album Born to Die, où elle alternait provocations d’allumeuse et complaintes d’amoureuse, surcharge R’n’B et sombre élégance, la chanteuse avait pris le risque du dépouillement avec Ultraviolence, disque souvent hanté par les réverbérations blues de son producteur de l’époque, le guitariste des Black Keys, Dan Auerbach. Misant encore plus radicalement sur une majestueuse lenteur et un déshabillé de cordes cinématographiques et de claviers ténébreux, Lana Del Rey parfait, dans Honeymoon, son troisième opus, son rôle de starlette désenchantée.Sirène boudeuseSous l’omniprésence d’un soleil californien (on entend même le chant des cigales dans certaines chansons), synonyme de torpeur comme de vacuité, la sirène boudeuse s’alanguit jusqu’à la dépression, victime de l’amour mais aussi, sans doute, des impasses que son personnage lui a imposées. Souvent soupçonnée de n’être qu’une poupée télécommandée par une équipe de businessmen, cette reine de la stylisation et des artifices parie sur un jusqu’auboutisme esthétique pas forcément compatible avec son aura pop (même si le disque est coécrit avec Rick Nowels, vieux routier des tubes à l’américaine).Rarement paré de gimmicks aguicheurs (le single High By The Beach), cet album au ralenti demande, en effet, plusieurs écoutes pour que son apparente monotonie révèle ses meilleurs moments de frustrations érotiques (Music To Watch Boys To) et l’éclat de rêves nuptiaux transformés en marches funéraires (Honeymoon, 24, I’m Gone), puisant dans les génériques de James Bond et le romantisme cher aux « torch songs » d’Henri Mancini et Johnny Mercer.Honeymoon. 1 CD Polydor/Interscope/Universal Music. lanadelrey.comStéphane DavetJournaliste au Monde Florence Evin Avec des records mondiaux et des préemptions publiques, dont quatre pour le château de Versailles et le Musée du Louvre, la vente aux enchères, organisée par Sotheby’s, les 29 et 30 septembre, à la galerie Charpentier à Paris, a été un franc succès. Etait dispersée, par leurs descendants, la collection royale du Comte de Paris (1908-1999) et de la Comtesse de Paris (1911-2003). Avec un résultat de 6,2 millions d’euros, 94 % des 232 lots – peintures, dessins, manuscrits, meubles, vaisselle, divers objets et souvenirs –, mis aux enchères par les descendants de Louis-Philippe (1773-1850), dernier représentant des Bourbons, ont été attribués, la quasi-totalité au-dessus des estimations de la maison de ventes.Les Gentilshommes du duc d’Orléans dans l’habit de Saint-Cloud, un tableau de Carmontelle, est parti à 531 000 euros – Sotheby’s estimait l’œuvre de 250 000 à 350 000 euros.
 Le service en porcelaine de Sèvres dit des Chasses Diverses, livré à la reine Marie-Amélie, épouse du roi Louis-Philippe, s’est envolé à 495 000 euros (estimation : 100 000 à 150 000 euros).
 
Une table de jeu réalisée par l’ébéniste Roentgen pour le jeune Louis-Philippe a atteint 285 000 euros. La Chambre de la reine Marie-Amélie, de Joseph Nash, a été vendue 75 000 euros, deux fois l’estimation. 
 Collectionneurs et grands muséesDans une salle bondée, les collectionneurs de vingt-deux pays et les grands musées français se disputaient les lots. « Versailles était déterminé à compléter ses collections d’histoire, souligne Béatrix Saule, directrice des musées du château. La galerie historique de Louis-Philippe est à redéployer dans les années à venir le long de l’aile du midi. Louis-Philippe est le fondateur du Musée d’Histoire de France. La cohérence voulait que l’on puisse acquérir des moments de sa vie. »« Le joli tableau de Nicolas-Bernard Lépicié, Louis-Philippe, au berceau, montrant le jeune roi nouveau-né, est un moment clé de l’Histoire. Le père de Louis-Philippe, Philippe Egalité, avait voté, à la Révolution, la mort de Louis XVI, son propre cousin », souligne la conservatrice générale du patrimoine qui œuvre depuis trente ans au château. Versailles l’a emporté pour 231 000 euros, avant de se porter acquéreur du tableau mettant en scène Louis-Philippe jouant au cerceau dans la cour du lycée Henri IV, « témoignant de la volonté royale d’éduquer ses enfants dans l’enseignement public, un signe d’ouverture », note-t-elle. Tandis que Le roi Louis-Philippe entouré de sa famille, une huile sur toile de l’Ecole française du XIXe, a été acquise pour 47 500 euros, trois fois plus que l’estimation. « Beaucoup de concurrence française et étrangère »« Je pensais que les enchères seraient plus hautes encore, tempère Béatrix Saule. Cette vente est très prestigieuse, les prix sont élevés, nous le savions. Il y a beaucoup de concurrence française et étrangère, ce qui prouve la qualité historique et artistique indéniable des œuvres mises aux enchères. »Pour sa part, le Musée du Louvre a acquis une aquarelle, avec rehauts de gouache sur papier, d’Eugène-Louis Lami (1800-1890), Une soirée chez le duc d’Orléans, pour 57 500 euros, contre une estimation de 15 000 à 25 000 euros. Le peintre officiel de Louis-Philippe est alors au sommet de sa carrière au service des Orléans dont il fut le chroniqueur attitré en dépit de ses opinions libérales. Familier des salons mondains, il était considéré comme l’un des meilleurs illustrateurs des mœurs de la vie moderne. Il avait été introduit aux Tuileries par Horace Vernet. Le duc d’Orléans, mécène et collectionneur des artistes de son temps, y est représenté dans ses appartements. Cette aquarelle complète ainsi la collection des vingt-sept dessins conservés au Louvre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur France 5 à 21 h 40 Une visite complète des Archives nationales, à la fois temple républicain et maison commune.Temple voué à la mémoire des Français, les Archives nationales sont à la fois un lieu de transparence et un outil de démocratie mais aussi le conservatoire des secrets d’Etat. Instituées dès le règne de Philippe Auguste, à la fin du XIIe siècle, pour assurer la préservation des pièces essentielles à la légitimité du pouvoir royal – le donjon du palais de la Cité fut leur première adresse –, les Archives, par-delà les changements de régime, incarnent la nation.De l’hôtel de Soubise (Paris 3e), que Napoléon Ier choisit en 1808 pour accueillir le legs de l’Ancien Régime et ses propres archives impériales, gonflées de celles des pays européens soumis, doublé bientôt par l’hôtel de Rohan (Paris 3e), à la nouvelle adresse de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), inaugurée en février 2013, en passant par les anciens bâtiments de Fontainebleau, libérés par le retrait de la France de l’OTAN en 1966 et dévolus dès lors aux documents de la Ve République (images et son inclus), c’est à un parcours impeccable des lieux où se conserve la mémoire nationale que nous invite ce riche documentaire.Si, au fil de la présentation des documents les plus précieux ou les plus émouvants de ce fonds gigantesque qui dévore toujours plus d’espace, les figures médiatiques de Marie-Antoinette, du dernier grand maître du Temple ou du président Giscard d’Estaing s’invitant à la table des Français rassureront un public inquiet de l’aridité supposée du sujet, la force de l’évocation du combat pour l’abolition de la peine de mort en 1981 ou le décryptage du discours du président Chirac stigmatisant la rafle du Vél’ d’Hiv en 1995 donnent la vraie dimension de ce conservatoire capital pour établir l’Histoire.Réservoir d’aventuresAu hasard de l’exploration des trésors référencés – pour les besoins du déménagement des archives de l’ère républicaine (de 1790 à nos jours), qui a pris quinze mois, il a fallu généraliser l’usage du code-barres –, on mesurera le poids de l’appel aux souscripteurs pour préserver dans le giron public des fonds inédits, l’engagement de l’homme d’Etat pour établir cap et priorités (François Mitterrand) ou les passionnantes révélations de la sigillographie (étude des sceaux) sur les usages politico-juridiques des rois mérovingiens… Ce temple républicain est cependant aussi une maison commune, puisque le monde de l’archive est un réservoir d’aventures où chacun peut s’engager – c’était déjà le souhait des Conventionnels de 1794 – pour retrouver son inscription comme celle des siens dans la geste nationale. Le témoignage de Charles Aznavour, évoquant ses démarches pour la naturalisation de ses parents, Arméniens apatrides, est aussi fort que sobre.Si on reste fasciné par la monumentale « armoire de fer », chef-d’œuvre de coffre-fort, porte de bois, caissons de fer forgé avec quatre serrures et trois clés, où dorment, à l’hôtel de Soubise, les pièces les plus précieuses (actes constitutionnels et textes fondamentaux – serment du Jeu de paume ou déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lois mémorables, parchemins et correspondances mythiques), la révélation de ce documentaire reste la présentation du bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine, signé de l’architecte Massimiliano Fuksas où, sur onze niveaux et 60 000 m2, avec ses 220 magasins et ses 360 km de linéaire de rayonnages, est désormais archivée la mémoire de l’ère contemporaine. La vraie maison de l’histoire de France.Les Trésors des Archives nationales, de Françoise Cros de Fabrique et Stéphane Bion (Fr., 2013, 95 min).Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Claire Guillot Lèvres rouge vif et coiffure aérodynamique, manteau qui mêle sur l’endroit des motifs géométriques et sur l’envers du tissu africain, baskets bleues et lunettes de soleil rondes rétro : la photographe Joana Choumali a l’allure branchée et cosmopolite. Mais elle a surtout un look à son image, au carrefour de nombreuses cultures, enraciné en Afrique. Cette photographe née à Abidjan, fille d’un Ivoirien et d’une mère hispano-équato-guinéenne, a appris depuis longtemps à embrasser les questions qui tournent autour de l’identité. Le travail qu’elle présente sur les rives de la Seine à Paris, pour le festival Photoquai, « Hââbré, la Dernière Génération », n’est pas étranger à ce thème. Elle a réuni une série de portraits frappants, ceux d’habitants qu’elle a rencontrés dans sa ville, et qui ont en commun d’avoir le visage marqué par des scarifications. Ces cicatrices étroites ou larges, écartées ou serrées, qui affichent à même la chair, et jusqu’à la mort, l’origine et l’histoire de celui ou celle qui les porte.« On m’a beaucoup demandé, à Abidjan, pourquoi je m’intéressais à ça… On m’a dit que c’était une pratique barbare, que ce n’était pas un sujet moderne. Mais ça fait longtemps que je suis fascinée par les scarifications. On en voyait beaucoup quand j’étais enfant à Abidjan, nettement moins maintenant. Je trouve que les pratiques controversées ne sont pas toutes négatives. Et que quoi qu’on en pense, ça fait partie de l’identité africaine. » « Les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs »Pour trouver ses sujets, la photographe a abordé les gens dans la rue. Ce sont pour la plupart des immigrés du Burkina Faso ou du Nigeria, issus de catégories populaires – « une nounou, un chauffeur de taxi, un peintre, un gardien, un charpentier… », liste-t-elle. Tous se sont fait scarifier au village, quand ils étaient enfants. « Les scarifications étaient un signe de reconnaissance, une carte d’identité visuelle. Elles disaient la famille dont on vient, le village, la région. Des femmes, qui étaient reconnues comme artistes, passaient dans les villages et scarifiaient les enfants. Elles incisaient la peau et appliquaient une poudre cicatrisante. » La plupart en gardent un souvenir vif, et douloureux. « L’une des femmes qu’on voit ici est toujours en colère contre ce qu’on lui a fait. A l’autre extrême, Christine a demandé à être scarifiée à 10 ans, elle en est fière. »Mais l’évolution sociale, l’augmentation des déplacements et des échanges, le recul de l’identité locale ont peu à peu fait tomber en désuétude la pratique. Les cicatrices sont de plus en plus difficiles à porter en ville, où elles ne sont plus comprises, et deviennent les marques d’un autre temps. « Un des mes sujets m’a dit qu’il avait la sensation d’être ringard. Les gens considèrent de plus en plus les scarifiés comme des analphabètes, des pauvres. Le chauffeur de taxi que j’ai photographié m’a confié qu’à cause de ça il n’arrivait pas à avoir de rencard. » Les scarifiés se font insulter dans la rue, traiter de « balafrés ». « Avec la crise ivoirienne, explique Joana Choumali, il y a eu une séparation des communautés, une méfiance grandissante. Et les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs. » Aujourd’hui, aucun des modèles ne veut faire scarifier ses enfants.  « Il faut intégrer le passé »La photographe elle-même a dû apprivoiser ses modèles pour gagner leur confiance. « Le fait que je sois africaine m’a aidée… Même si on me prend souvent pour une Américaine, car je ne suis pas “typique”. J’ai pris beaucoup de temps pour expliquer ma démarche, et je leur ai donné un tirage. Ensuite, le bouche à oreilles a fonctionné. » La photographe les a fait poser sur un fond neutre, « comme des gens normaux, sans jugement implicite, sans dénoncer ni glorifier ». Elle revendique aussi une approche contemporaine, loin des études ethnologiques ou des photographies exotiques d’antan : « C’est une pratique qui meurt, mais ces gens-là sont bien vivants.C’est la dernière génération à être scarifiée. J’ai fait ces photographies pour ne pas oublier. » La photographe, qui a eu d’abord une carrière dans la publicité à Abidjan, a ouvert son propre studio de photographie et mène en parallèle une carrière d’artiste visuelle – « un métier qui est encore surtout considéré comme masculin », regrette-t-elle. Elle qui a beaucoup voyagé tourne à présent son appareil sur l’Afrique. « Les Africains sont souvent les plus virulents envers les spécificités de leur culture… Ils n’arrêtent pas de se comparer, moi je pense qu’il faut intégrer le passé, l’accepter, et aller de l’avant », déclare Joana Choumali, à l’aise dans ses baskets bleues.Lire aussi :Le Quai Branly cultive la photographieFestival Photoquai, 40 photographes non européens exposés sur le quai Branly, 24 h/24, tous les jours, du mardi 22 septembre au dimanche 22 novembre. www.photoquai.fr et www.quaibranly.frClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux, Stéphanie Binet, Véronique Mortaigne et Sylvain Siclier Inauguré le 30 juin, Apple Music, le service américain de musique à la demande, mettra fin le 1er octobre à son offre d’essai gratuite. Ses concurrents, Deezer, Spotify, Qobuz, Tidal, Napster et Google Play Music, poursuivent, quant à eux, leur politique d’incitation à l’abonnement en proposant une période de gratuité provisoire (de quinze jours à trente jours). L’occasion pour les journalistes de la rubrique Musiques du Monde de comparer les principales plates-formes de diffusion en mode continu (streaming). Avec une attention particulière à la qualité éditoriale et à la diversité des catalogues, tous les genres musicaux inclus.Lire aussi :Pour sortir du lot, Apple Music mise sur ses émissions de radioLes Beatles sont notoirement absents de toutes les offres de streaming, y compris d’Apple MusicRappelons que ce qui est proposé est un droit temporaire (le temps de l’abonnement) à l’écoute de la musique sur différents appareils, et, éventuellement, la possibilité de la stocker pour y avoir accès sans connexion. Les plates-formes ne sont pas les seuls maîtres à bord. La présence d’un artiste, d’une chanson, d’un album est fonction des accords passés avec les ayants droit (artistes, producteurs, éditeurs), qui déterminent également les droits de diffusion par pays. Ainsi, les Beatles sont notoirement absents de toutes les offres de streaming, y compris d’Apple Music. Même chose pour de gros vendeurs français comme Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman (discographies assez complètes chez Qobuz, mais uniquement à l’achat). On les trouve sur des albums instrumentaux de karaoké, tout comme, par exemple, Lucio Battisti, grand nom du rock italien.L’accès aux servicesSi les services les plus anciens (Qobuz, Deezer et Spotify) peuvent remonter à Windows 2000 ou XP pour les systèmes d’exploitation des PC, les nouveaux arrivants Apple Music et Tidal nécessitent Windows 7 (Tidal est accessible à partir de Windows Vista). Pour les utilisateurs de Mac, Qobuz est le plus accueillant avec la version « 10.5 et inférieur » du système OSX. Les principaux navigateurs sont acceptés, mais l’offre Hi-Fi de Tidal ne fonctionne, pour le moment, qu’avec Chrome. Pour les tablettes et téléphones portables, les sites recommandent généralement les versions les plus récentes sous iOS (iPhone), Android ou Windows. De la même manière, les performances dépendront de la puissance et la qualité de l’accès individuel à Internet (Wi-Fi, ADSL, fibre, 3G, 4G…).Les fonctionnalitésLa fonction de recherche se révèle partout plutôt intuitive, sauf chez Napster qui a du mal à accoler un nom d’artiste et un titre. Gare toutefois à une orthographe vacillante ou à une mention trop vague. Selon que vous écrivez « Youssou N’Dour » ou « Youssou Ndour », les albums de la star du Sénégal, qui utilise les deux orthographes, seront réduits ou non à la portion congrue. Un titre qui a servi à plusieurs artistes posera aussi problème s’il est tapé seul. Ainsi la chanson See No Evil, sans mention de son interprète, Emitt Rhodes, vous conduira d’abord sur le nom d’un groupe puis sur les chansons de Television, Eurythmics, etc.Les lecteurs de fichiers proposent tous les mêmes fonctions (marche/arrêt, avance avant/arrière, contrôle du volume, lecture aléatoire…). A noter que le choix d’un fond noir et de variantes de grisé par Spotify et Tidal n’est pas des plus lisibles. Les principales plates-formes reprennent, par ailleurs, les principes communautaires des réseaux sociaux : vos « amis » écoutent les mêmes musiques que vous ou vous feront partager des découvertes. Vous pourrez concevoir vous-mêmes des listes de lecture (play-lists) ou suivre celles qui sont recommandées par les sites, généralement à partir d’algorithmes qui repèrent ce qui a été écouté auparavant. Spotify et Deezer permettent d’afficher les textes de certaines chansons en les écoutant.La qualité sonoreIl est généralement admis qu’en dessous de 320 kbps (débit en kilobit par seconde), le rendu sera médiocre. Dans le streaming, il y a de tout : du format de compression MP3 à 128 kbps, dans la formule de base de Deezer, jusqu’au FLAC, qui permet de retrouver la qualité du CD, proposé par Qobuz et Tidal, en passant par les OGG 320 kbps de Spotify, AAC 256 kbps d’Apple Music ou AAC 320 kbps de Napster.Mais au-delà de la qualité du flux, les performances des matériels d’écoute sont à prendre en compte. Les sites expliquent d’ailleurs que pour profiter pleinement de la qualité sonore de leurs offres, il est conseillé d’acquérir des enceintes plus performantes que celles fournies généralement avec les ordinateurs, des casques audio haut de gamme et des convertisseurs DAC (convertisseur numérique-analogique) qui permettent un transfert vers la chaîne Hi-Fi.Ensuite, tout dépendra de ce que les maisons de disques ont fourni comme fichiers numériques aux sites. Un exemple : le Then He Kissed Me (1962) du groupe vocal féminin américain The Crystals va, selon les compilations, du boueux au détaillé, dans le respect de la monophonie d’origine supervisée par le producteur Phil Spector à une stéréophonie artificielle (augmentation du panoramique) dans d’autres cas.La « diversité »Globalement, avec la revendication par les services payants de la disponibilité de 28 millions de titres (Qobuz) à plus de 35 millions (Deezer, Tidal), le consommateur est censé trouver à peu près tout. Mais entre les redondances de compilation en compilation, les play-lists maisons qui se retrouvent au milieu des albums originaux, il s’agit d’abord de gonfler l’offre pour attirer le chaland. Qui aura besoin de plusieurs vies s’il lui venait l’idée de passer en revue ces millions de titres.Les vedettes des différents genres musicaux et la grosse cavalerie des nouveautés pop-rock-chanson sont présentes partout. Les majors du disque comme les indépendants, des plus gros aux plus petits, ont tout intérêt à proposer leurs catalogues à l’ensemble des plateformes. La différence se fera donc à la marge, sur des répertoires plus spécialisés, même si, grosso modo, le plus obscur des expérimentateurs apparaîtra quelque part sur tous les sites.Le jazz a ses entrées un peu partout, avec un petit plus chez Qobuz, mais également chez Tidal, surtout pour les grandes et moins grandes gloires afro-américaines. En musique classique, Qobuz, qui a fondé son modèle en partie sur la mise en avant de ce répertoire, tient forcément le haut du pavé. Plus inattendu, Deezer a lancé en 2013 une application spécifique en partenariat avec Universal Music, qui dispose des prestigieux labels Deutsche Grammophon, Decca ou Accord. Autre surprise, Google Play Music propose depuis juin « Classical Live », des enregistrements exclusifs de grands orchestres, réputés pour être les meilleurs au monde.C’est sur les sites contributifs SoundCloud et Bandcamp que l’on trouvera, fournie soit par des petits labels ultra-spécialisés, soit directement par les musiciens, la pointe des musiques électroniques, du hip-hop, du rock indépendant à vocation expérimentale. De nombreux remix, chers à cette culture underground, sont proposés sur SoundCloud, à travers les sélections de DJ qui postent régulièrement leurs mix (titres enchaînés sur leurs platines). Un univers de vraies « découvertes » qui viendront peut-être à leur tour rejoindre les rangs des propositions chez Spotify, Apple Music et consorts.Quant aux musiques dites « du monde », « ethniques » ou « traditionnelles », elles sont représentées, mais peuvent nécessiter de bien connaître en amont le domaine pour les retrouver. Ainsi, sur les listes thématiques « latinos » de Deezer ou Spotify, s’empilent des titres et des artistes correspondant à des images en vogue (« reggaeton », « sex, sea and sun »), sans mention de nationalité, d’âge, voire d’interprète. De même, les répertoires de patrimoine entrés dans le domaine public semblent d’abord servir, dans un fouillis indescriptible, à gonfler l’offre.L’accompagnement éditorialIl se révèle globalement médiocre, à l’exception de Qobuz – et encore. Sur le plan des biographies, Deezer (généralement à partir de fiches du site français d’informations musicales Music-story.com), Qobuz (avec sa rédaction) et Apple Music (traduction à la va-vite de textes anglais) proposent des textes en français. Pour le reste, c’est du tout-anglais, y compris pour des artistes français, à partir de copier-coller et de résumés de fiches du site AllMusicGuide qu’agrège pour Spotify, Tidal et Apple la société Rovi.Quelle que soit la langue, on va du succinct à des présentations un peu plus fournies – lorsque les biographies existent, ce qui n’est pas systématique, y compris sur des grandes vedettes ou des artistes références. Même chez Qobuz qui met pourtant en avant son attachement à l’éditorial – réel avec des renvois vers son magazine, des dossiers sur des genres, des courants musicaux… A noter l’indigence politique des biographies en anglais rédigées sur Spotify, où la Chilienne Violeta Parra, égérie de l’Amérique latine militante, se transforme en folkloriste, et où le chanteur brésilien Chico Buarque, exilé pendant la dictature, est résumé à son succès auprès du public féminin, séduit par ses charmes.Tout aussi parcellaires, et souvent inexactes, sont les mentions des auteurs-compositeurs, des interprètes, des dates d’enregistrements originaux, des producteurs, des principaux interprètes en dehors de l’artiste vedette – lorsqu’elles existent. Des précisions que l’on serait pourtant en droit d’attendre de la part de sites légaux, prônant le « retour de la valeur » pour la musique. Spotify ou Napster se cantonnent à la mention d’une année de sortie. Chez Deezer, Apple Music ou Tidal, il faut cliquer sur une icône guère visible pour y avoir accès. Là encore, Qobuz, en particulier sur le répertoire classique, est le plus fiable et complet. A la décharge des sites, ces données sont supposées être fournies par les maisons de disques en même temps que les fichiers.La légalitéDurant les visites sur les différents sites, nous avons identifié des enregistrements pirates de concerts de diverses périodes dans les chapitres « albums » de Frank Zappa, Todd Rundgren, Bruce Springsteen, Bob Dylan, Neil Young, Miles Davis… Manifestement, les équipes de Spotify, Deezer (treize pirates de Springsteen à fin septembre), Tidal et même Qobuz et Napster laissent passer des enregistrements douteux, provenant de labels tout aussi douteux. Marginal, mais le signe qu’il manque quelque part un contrôle plus sérieux.Les plates-formes « ouvertes », dont les contenus sont fournis en grande partie par les usagers, flirtent plus dangereusement avec les frontières de la légalité. Plus encore que SoundCloud ou Bandcamp, le « cas » YouTube en est symptomatique. Certes, on y trouve de nombreuses vidéos et fichiers audio fournis par les maisons de disques, les producteurs, les artistes eux-mêmes. Mais YouTube apparaît surtout comme un puits sans fonds de contenus hétéroclites mis en ligne par les internautes. Qui façonnent aussi bien leur propre vidéo à partir de fichiers son et image plus ou moins licites, d’une qualité souvent médiocre, qu’ils déterrent des morceaux connus de quelques dizaines d’amateurs dans le monde, absents des offres légales. Cela sans autorisation des ayants droit ni respect du droit d’auteur. Un problème récurrent sur le site du géant américain. Qui, bonne âme, fait disparaître les contenus litigieux quand on lui demande. Lesquels renaissent généralement quelques jours, voire quelques heures plus tard.Stéphanie BinetJournaliste au MondeSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au MondeVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.10.2015 à 06h52 • Mis à jour le01.10.2015 à 07h24 Le supplément littéraire du Monde vous propose cette semaine un récit, un roman noir, une bande dessinée et un livre d’histoire.UN RÉCIT. « Mélancolie d’Emmanuel Berl », d’Henri RaczymowIl disait n’être pas très assuré de son existence. Il prétendait avoir des convictions mais s’est avéré une vraie girouette. Ni grand homme ni grand écrivain, Emmanuel Berl, né en 1892 et mort en 1976, était peut-être ce qu’on nomme « un bel esprit », avance Henri Raczymow dans l’essai aussi vif qu’élégant qu’il lui consacre. Mais Berl n’est pas seulement l’ami des Proust, Cocteau, Malraux, ni seulement le témoin à qui, après-guerre, on demanda de raconter son époque, ni le jeune bourgeois parisien, séducteur, confident de Drieu la Rochelle et intime d’Aragon. C’est aussi l’homme né dans une famille juive qui écrivit en 1940 deux discours pour le maréchal Pétain, celui qui refusa de se fâcher avec Drieu quand il le portraitura dans son roman Gilles (Gallimard, 1939) dans le personnage du « juif Preuss », celui qui jamais, après 1945, n’évoqua le génocide. De ce Berl-là, Henri Raczymow ne prétend pas avoir la clé. Les convictions qui menèrent l’écrivain au pétainisme ont été celles d’une partie des intellectuels de l’époque, le pacifisme, pour lui, sans doute au premier rang. Mais, là comme ailleurs, quand il s’agit d’approcher Berl, Raczymow conserve un trait incisif, à l’affût de ce que l’homme ne fut pas, ou ne put être. Avec Berl, « seule la soustraction nous donne l’accès ». Mélancolie d’Emmanuel Berl est ainsi un beau portrait en creux, conservant de bout en bout cette même grâce de l’intelligence, l’esprit de l’esquisse. Julie Clarini Mélancolie d’Emmanuel Berl, d’Henri Raczymow, Gallimard, 208 p., 18,90 €.UN ROMAN NOIR. « Les Infâmes », de Jax MillerIl y a vingt ans, après l’assassinat de son mari, Nessa Delaunay a intégré un programme de protection des témoins et changé de nom pour devenir Freedom Oliver. Ses enfants ont été adoptés par la famille d’un pasteur du Kentucky. L’un des rares, mais décisifs, bonheurs de Freedom consiste à pouvoir suivre, sous une fausse identité, la vie de son fils et de sa fille. Laquelle, un jour, est portée disparue, poussant Freedom à réapparaître. Les Infâmes est un roman noir troué d’éclaircies. Il offre des élans du cœur et des retrouvailles – sans pour autant tomber dans le mélo. Le premier roman de Jax Miller est un magnifique portrait de femme à la dérive, haut en couleur et riche en nuances. Macha Séry Les Infâmes (Freedom’s Child), de Jax Miller, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claire-Marie Clévy, Ombres noires, 352 p., 21 €.UNE BD. « Les Equinoxes », de Cyril PedrosaRaconter le temps qui passe n’est pas chose aisée en bande dessinée. Plonger dans la profondeur des sentiments ne l’est pas davantage. Cyril Pedrosa n’a pas lésiné sur les moyens pour atteindre cette ambition : 330 pages « grand format », colorisées à la main pour un certain nombre d’entre elles, composent son nouvel ouvrage. L’objet se présente comme un récit choral mêlant des protagonistes n’ayant au départ rien à voir les uns avec les autres : un vieux militant politique désabusé, un dentiste séparé de sa femme, une trentenaire mal dans sa peau… Les liens invisibles d’une solitude subie ou voulue unissent leurs trajectoires, qui finiront par se croiser autour d’un projet décrié d’aéroport. Alternant les techniques au gré des chapitres et des saisons (stylo-bille, aquarelle, mine de plomb, pastel…), basculant dans une prose à la sobriété irréprochable quand le dessin ne lui permet pas de pénétrer dans la psyché de ses personnages, Pedrosa fait assaut de délicatesse dans ce récit introspectif à la mélancolie assumée, qu’il faut lire en prenant son temps, loin du tumulte du monde. Frédéric Potet Les Equinoxes, de Cyril Pedrosa, Dupuis, « Aire libre », 336 p., 35 €. UNE HISTOIRE. « Le Long Remords de la Conquête », de Romain BertrandUn jeune enfant possédé par les démons, deux servantes indiennes qui lui introduisent un petit canard d’étain dans le nez, un gouverneur espagnol qui frôle le sadisme, des conquistadors corrompus, des frères de l’ordre de Saint-Augustin prompts à tout pardonner et des populations philippines assujetties par les armes. Voilà les personnages du nouveau livre de Romain Bertrand, un portrait dense et captivant des Philippines dans les années 1570, où s’entrechoquent ces « mondes » si différents de la Conquête, l’expansion espagnole, au-delà du Pacifique. L’historien avait marqué les esprits avec son précédent essai, L’Histoire à parts égales (Seuil, 2011). A nouveau, dans ce livre, ce n’est pas la rencontre victorieuse entre Occident et Orient qui anime ses réflexions, mais le fonctionnement de ce monde nouveau, marqué par l’héritage des relations de pouvoir importées d’Espagne et les pratiques autochtones. L’ouvrage s’inscrit ainsi dans la perspective des histoires connectées qui élargissent leur propos à l’échelle du monde, mais revendiquent également une approche au ras du sol. Les « plantes, plumes, pelages, résines, racines » dont usent Inès et Beatriz, par exemple, sont-ils des substances de guérisseuse ou des poisons du diable, un élixir d’amour ou un breuvage du malin ? Sorcellerie ou médecine, possession ou folie, idolâtrie ou croyance, tout est affaire de catégories. L’enquête de Romain Bertrand se nourrit d’une prose personnelle et forte, qui donne vie à cette société hispanique des Philippines, laborieuse dans sa gestation et encore mal connue. Claire Judde de Larivière Le Long Remords de la Conquête. Manille-Mexico-Madrid. L’affaire Diego de Avila (1577-1580), de Romain Bertrand, Seuil, « L’univers historique », 576 p., 25 €. 30.09.2015 à 20h40 • Mis à jour le01.10.2015 à 08h35 | Raphaëlle Leyris Plus d’un million et demi d’exemplaires vendus pour la version originale de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (Editions de Fallois / L’Age d’homme, 2012), autant pour l’ensemble des traductions… C’est peu dire que le roman de Joël Dicker chargé de succéder à ce phénomène d’édition était attendu. Le voici, trois ans plus tard : Le Livre des Baltimore (De Fallois, 476 p., 22 €) est en librairie depuis mardi 29 septembre.Récompensé à la fois, à l’automne 2012, par le Grand Prix du roman de l’Académie française et le Goncourt des lycéens, finaliste du Goncourt tout court, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert était le deuxième roman d’un auteur suisse âgé de 27 ans – 30 ans aujourd’hui –, qui avait abandonné le droit pour écrire, et dont le premier ouvrage, Les Derniers Jours de nos pères (De Fallois / L’Age d’homme) avait paru quelques mois plus tôt, en janvier 2012.Page-turner efficace, mais à la valeur critiquéeGros roman aux allures de thriller, affichant les influences américaines de son auteur, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert mettait en scène un jeune écrivain, Marcus Goldman, rendu incapable d’écrire par le succès de son précédent ouvrage. Apprenant que son mentor, Harry Quebert, était accusé d’avoir tué une adolescente trois décennies plus tôt, il partait mener l’enquête sur cette affaire dans le Massachusetts (Etats-Unis). Le roman multipliait les sauts narratifs entre le passé et le présent ainsi que les rebondissements et les retournements de situation jusqu’aux toutes dernières de ses 700 pages. Sans oublier les aphorismes sur l’écriture ponctuant les chapitres et venant ajouter un cachet « littéraire » au haletant « page-turner ».Au-delà de son efficacité, difficilement contestable, sa valeur avait divisé critiques et jurés de prix littéraires – si l’académicien Marc Fumaroli jugeait dans Le Figaro qu’on sortait de ce livre « épuisé et ravi », Patrick Rambaud affirmait qu’on avait affaire à « un aimable roman de plage ». Le Monde des livres, pour sa part, le qualifiait d’« honnête polar ».Le Livre des Baltimore choisit à nouveau comme protagoniste Marcus Goldman, qui raconte son histoire familiale, et notamment son lien avec deux de ses cousins, avec lesquels il a fondé le « Gang des Goldman ». De flashbacks en retours au présent, le roman se construit autour d’un mystérieux « drame », qui forme le cœur du roman. Dans Le Monde des livres, Eric Chevillard écrit à son propos : « L’ombre de Philip Roth plane au-dessus de cette laborieuse entreprise romanesque. Joël Dicker croit réécrire Pastorale américaine (Gallimard, 1999), mais il nous donne plutôt un nouvel épisode du Club des cinq honorablement troussé. »Marcus Goldman est sans doute appelé à revenir dans de prochains romans de Joël Dicker. Pour l’heure, le premier tirage du Livre des Baltimore s’élèverait à 280 000 exemplaires, selon L’Express.Lire aussi :Le feuilleton. Le Club des cinq en AmériqueRaphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Le 4 septembre 2015, Philip Wells Woods qu’on appelait Phil Woods, 83 ans, rend hommage à l’album bêtement contesté ou très incontestable, au choix, Charlie Parker with Strings. La scène a lieu au Manchester Craftman’s Guild, avec l’orchestre symphonique de Pittsburgh (Pennsylvanie). Juste après le dernier accord du récital, le saxophoniste annonçait qu’il mettait fin à sa carrière. Et vingt-cinq jours plus tard, le 29 septembre, il mourait à Stroudsburg (Pennsylvanie). Il était né à Springfield (Massachusetts), le 2 novembre 1931.En février 2008, lors de l’inauguration du nouveau Duc des Lombards (Paris 1er), il déclarait en scène à Sébastien Vidal : « Nous sommes tous des enfants de Charlie Parker. De Charlie Parker et de Johnny Hodges. » Il jouera ce soir-là avec Alain Jean-Marie, Gilles Naturel et Pierrick Pedron, alto sax comme lui (concert retransmis mercredi 30 septembre à 20 heures, sur TSF). Pour la petite et la grande histoire, Phil Woods avait épousé Chan Parker, la veuve de Charlie « Bird » Parker jouant dans la foulée l’alto du génie disparu. Un temps, on l’affubla du titre de « New Bird », ce qui n’est pas forcément un cadeau.Pratiquant l’alto reçu des mains de son oncle dans sa ville natale, bouleversé en entendant Koko, de Parker (il a alors 13 ans), il décide de son destin et part pour New York. Comme Lee Konitz ou Bill Russo, plus tard Warne Marsh et toute une légion de fidèles aux conceptions radicales, il est de l’école du maître du piano Lennie Tristano. Lequel, aveugle à 9 ans, ne se produisait que rarement (avec Lee Konitz, notamment) au restaurant Confucius. Plus tard, au Half Note.La clarinette à la Juilliard SchoolPhil Woods se perfectionne à la clarinette à la Juilliard School et fait preuve, dans la fluidité comme dans l’esprit, d’une redoutable facilité qui parfois le desservira. En 1954, il entre en scène avec Charlie Barnet et enregistre avec Jimmy Raney (guitare). En 1956, il remplace Jackie McLean – autre alto d’envergure – chez Georges Wallington, aligne « gigs » et séances de studio, toujours prêt à rejoindre une de ces formations ou big bands qui l’appellent : les Birdland Stars, Dizzy Gillespie, Buddy Rich, Quincy Jones, de 1959 à 1961. Mais aussi les big bands d’Oliver Nelson ou de George Russell. En 1962, Benny Goodman l’embarque dans sa tournée en Union Soviétique.Suractif, très demandé, toujours proche de Dizzy Gillespie, il participe au tentet de Thelonious Monk comme au Concert Jazz Band de Gerry Mulligan. En 1968, sans réel rapport avec les « événements », ou alors très subliminal, il s’installe en France. Son ensemble, European Rhythm Machine – George Gruntz puis Gordon Beck au piano, Henri Texier, contrebasse, Daniel Humair, batterie – peut passer pour l’Aston Martin de la rythmique. Ils donnent une version très « avant-garde » d’un classicisme maintenu.Comme L’Art Ensemble of Chicago, Frank Wright, le New Phonic Art et mille autre collectifs, bientôt Sun Râ, défraient la chronique, à Paris même, il s’ensuit d’assez sportives polémiques. En un temps où Ibrahim Maalouf fait figure d’André Rieu consensuel du jazz, on se rend compte qu’on aura été assez injuste avec Phil Woods.Fureur de jouerRetour à Los Angeles, puis en Pennsylvanie où il compose, et fonde un nouvel ensemble que rejoint un trompettiste sidérant, Tom Harrell. Dans les dernières décennies du XXe siècle, « Phil Woods, l’altiste à la casquette de cuir », comme le décrit François-René Simon dans le Dictionnaire du Jazz (Bouquins, Laffont) « multiplie enregistrements et confrontations, avec Martial Solal, David Sanborn, rend hommage à la musique américaine tant noire (Monk, Parker) que blanche (Gershwin hier, Jim McNeely aujourd’hui). »Sa discographie encore abondante depuis 2000 est une sorte d’encyclopédie du jazz post–parkerien qui ne quitterait pas la route moderne. Sans les pistes ouvertes par Coltrane ou Ornette Coleman, mais sans non plus l’aura poétique de son partenaire de toujours Lee Konitz. Puisqu’on ne saurait reprocher à un musicien d’un tel feeling de n’avoir pas été autre que lui-même, on rappellera la fureur de jouer, chez Phil Woods, son énergie communicative, le génie mélodique doublé d’un phrasé surprenant. François-René Simon émet l’hypothèse que « le goût des figures répétitives, d’accentuations inattendues, est le signe d’une écoute sélective du meilleur free jazz. »Sans doute. La carrière de Phil Woods est aussi une réponse en actes à quelques questions : que faire d’une fidélité sans faille (sa dévotion à Bird), d’une virtuosité étourdissante, du désir de jouer tous les soirs jusqu’à plus soif, et parfois au-delà ? Sa carrière discographique dit simplement qu’il est de ces musiciens que les autres musiciens invitent. Notamment les big bands les plus célèbres. Pour cela, il faut évidemment une technique imprenable, mais aussi une personnalité plus qu’agréable.Phil Wood en quelques dates2 novembre 1931 Naissance à Springfield (Massachusetts).1944 Bouleversé par l’écoute de Charlie Parker.1948 S’installe à New York et rejoint l’« université d’avant-garde » de Lennie Tristano.1957 Joue à Rome, en Turquie et au Moyen-Orient avec le big band de Dizzy Gillespie.1962 Accompagne Benny Goodman en Union Soviétique.1968 European Rythm Machine à Londres puis à Paris.4 septembre 2015 Adieux à la scène.29 septembre 2015 Mort à Stroudsburg (Pennsylvanie).Francis MarmandeJournaliste au Monde Claire Guillot Le 19 mars 2015, le Musée du quai Branly a fait sensation lors d’une vente aux enchères à Drouot, en préemptant deux pièces fortes du XIXe siècle : un daguerréotype de la Cordillière des Andes (65 000 euros prix marteau), sans doute l’une des premières photographies faites dans cette région, et un portrait d’un jeune Noir au regard effronté (8 000 euros), qui détonne par rapport aux portraits ethnologiques de l’époque. Deux exemples du dynamisme de l’institution qui enrichit chaque année sa vaste collection de photographies selon deux axes très différents : la photo ancienne et les œuvres contemporaines.Le musée, qui a ouvert en 2006, détient des archives énormes, près de 700 000 pièces. Celles-ci ont été en grande partie héritées de deux ensembles, la photothèque du Musée de l’Homme et celle du Musée des arts d’Afrique et d’Océanie, ex-musée des colonies. Des images dont beaucoup font écho à l’histoire coloniale française et qui balaient l’histoire du monde entier, sur quatre continents, mais aussi l’histoire du médium, depuis ses tout débuts. « Nous avons des exemples de quasiment tous les procédés connus. La collection datant de la période 1840-1870 est sans équivalent dans le monde, avec des incunables », explique Christine Barthe, conservatrice pour la photographie au Musée. La plus ancienne pièce de la collection date de 1841 – soit juste deux ans après l’invention de la photographie.Premiers portraits anthropologiquesAu XIXe siècle, ce sont les voyageurs – militaires, amateurs, scientifiques – qui rapportent des images de leurs voyages, avant que ne soient organisées des missions officielles. « A l’époque, on s’adresse à de bons photographes, comme les frères Bisson, on forme les gens pour constituer des collections de photographie. » De très beaux albums décrivent ainsi les explorations menées dans des zones lointaines : Auguste Houzé de l’Aulnoilt, un marin, en réalise un de 1861 à 1864 à partir de ses voyages au Gabon. Son album relié de cuir est presque un journal intime, qui mêle les souvenirs personnels, des portraits de marins qui sont ses collègues et des photos d’habitants rencontrés sur place – dont un roi africain avec sa couronne. Il réalisera un autre album, plus « officiel », sans doute destiné à des lecteurs importants.De la fin du XIXe siècle datent aussi les premiers portraits anthropologiques, de face et de profil, qui visent à étudier les « types » humains d’une façon qui se veut scientifique. Autre période-clé pour les collections du musée : les années 1930, qui voient s’épanouir l’anthropologie, parallèlement avec la naissance du Musée de l’Homme. Cette époque, note Christine Barthe, est aussi marquée par la montée des théories raciales, et « on voit renaître un intérêt pour les portraits anthropologiques du XIXe siècle… ».Une section dédiée à la photographieToutes ces images avaient été rassemblées à l’époque dans un but de documentation. C’est seulement dans les années 1980 qu’on se met à considérer la photographie comme un objet artistique et de collection. Lors du transfert des collections au Musée du quai Branly, la question se pose : qu’en faire ? Comment les considérer ? Comment les classer ? L’institution se voulant à la fois un musée ethnographique et d’art contemporain, il est décidé de ne pas faire de distinction dans les photographies entre le documentaire et l’artistique. « Nous n’avons pas voulu cette coupure, qui existe ailleurs », précise Christine Barthe, qui s’occupait auparavant des collections de photos du Musée de l’Homme. Lors du transfert des collections au Musée du quai Branly, la photographie gagne un statut à part, avec une section dédiée, la seule qui soit transgéographique et transhistorique. Mais la principale décision, à Branly, a été d’inverser le regard du regardant et du regardé. « Toutes ces images anciennes ont en commun de refléter une vision européenne, et française, du monde exotique, explique Christine Barthe. Nous avons décidé de nous intéresser à la création contemporaine sur les quatre continents, mais en les prenant non pas comme des sujets de photographies, mais comme lieux de production de photos. »De là la création d’une bourse annuelle d’aide à la production d’œuvres, dotée de 15 000 euros, qui aide aussi à enrichir les collections, et de la biennale Photoquai, qui met en avant tous les deux ans la jeune création venue de contrées lointaines. Le présent, le futur, mais toujours le passé : le musée soutient aussi, en parallèle, des travaux de recherche sur les premières photographies non européennes.Lire aussi :Joana Choumali, une photographe sur les traces de l’identitéClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.09.2015 à 14h00 • Mis à jour le30.09.2015 à 14h16 Bonne approche conjointe #NLFR! #Rembrandt @MuseeLouvre @Rijksmuseum http://t.co/ABehSkyPUn— JWBeaujean (@JW Beaujean)require(["twitter/widgets"]);La France et les Pays-Bas vont acheter ensemble, pour 160 millions d’euros, Portrait de Maerten Soolmans et Portrait de Oopjen Coppit, épouse de Maerten Soolmans, deux œuvres de Rembrandt mises en vente par la famille Rothschild, ont indiqué, mercredi 30 septembre, Fleur Pellerin, ministre de la culture, et son homologue Jet Bussemaker.Lire aussi :Rembrandt : vers un divorce à l’amiableL’accord avait été conclu entre le premier ministre néerlandais Mark Rutte et le président français François Hollande lors d’une rencontre à New York.Propriété de la branche française de la famille Rothschild depuis plus d’un siècle, les deux tableaux du maître néerlandais, datent de 1634. Ils n’ont été montrés qu’une seule fois au public en cent cinquante ans, pendant une exposition organisée en commun en 1956 par le Rijksmuseum d’Amsterdam et le Museum Boijmans Van Beuningen de Rotterdam.Trop cher pour ParisAu printemps 2013, la famille Rothschild est entrée en contact avec le Louvre, se disant prête à les céder pour environ 160 millions d’euros, un prix considéré comme très au-dessus du marché par plusieurs experts. L’offre a été jugée trop élevée par le musée qui a fini par la décliner après un an de négociations. Les deux toiles ont obtenu leur certificat d’exportation, autorisant leur sortie de France.Le président du Louvre Jean-Luc Martinez a alors engagé des discussions avec son homologue du Rijksmuseum Vim Pijbes, proposant une solution associant les deux pays. Dans un courrier adressé en juillet aux propriétaires, Fleur Pellerin et Jet Bussemaker, ont proposé que chaque musée fasse l’acquisition d’un des deux portraits et que les œuvres soient exposées alternativement dans chacun des deux établissements.RebondissementLa situation s’est compliquée au début de septembre lorsque le gouvernement néerlandais a manifesté sa volonté de voir les deux toiles rejoindre les Pays-Bas, se disant prêt à apporter 80 millions d’euros, tandis que le Rijksmuseum se faisait fort de réunir les 80 millions restants.Paris n’a pas changé de ligne, affirmant son soutien à la solution initiale consistant à maintenir les deux toiles sur le sol européen et les présentant dans les deux musées. C’est cette solution qui a prévalu.Les deux toiles « seront toujours exposées ensemble, de manière alternée, dans les deux musées les plus renommés et les plus visités d’Europe, le Rijksmuseum et le Louvre », a indiqué la ministre Jet Bussemaker. « Le propriétaire actuel des peintures soutient cette forme unique de collaboration culturelle européenne », a-t-elle ajouté. La question des détails pratiques, comme les assurances, les restaurations ou les expositions, sera abordée dans un accord qui sera signé par les autorités françaises, néerlandaises et le vendeur, selon la ministre. Collectif Le statut des vestiges archéologiques mis au jour sur le territoire national français relève, pour l’heure, d’un droit de propriété complexe et multiple. Pas moins de cinq régimes différents coexistent, selon le lieu et les circonstances de découverte pour les seuls biens mobiliers (définis à l’article L-510-1 du Livre V du code du patrimoine). Dans plusieurs cas, la loi prévoit un partage de propriété des découvertes. Selon les circonstances et les lieux, ce patrimoine, documentation scientifique témoin d’une histoire du passé, se trouve donc dispersé. Sa conservation, son étude, sa transmission aux générations futures se trouve ainsi, légalement, mise en péril.La loi sur le Patrimoine actuellement en discussion auprès du Parlement entend faire reconnaître les vestiges archéologiques comme des « biens communs de la Nation ». Dans cette perspective, les vestiges archéologiques mobiliers seraient soumis à un régime unifié de propriété publique, quelles que soient les circonstances de la découverte. Les enjeux sont capitaux et l’intérêt général y joue un rôle central. L’unité et la cohérence scientifique des collections seraient ainsi garanties, ainsi que leur conservation dans des conditions permettant leur accès à la communauté scientifique et leur transmission aux générations futures.Réduire les risques de destruction et de spéculationCe nouveau dispositif législatif sur la propriété est également un outil pour cantonner le marché spéculatif des biens archéologiques et réduire ainsi les risques de pillages, de fouilles clandestines et de On peut d’ailleurs s’étonner que l’affaire ne soit pas réglée depuis des décennies mais il faut se rendre à l’évidence : la France a souvent été en retard quant à la législation des biens archéologiques. Un retard surprenant si l’on songe à l’engagement des institutions françaises et de l’État, de l’Ancien régime à nos jours, dans l’exploration des sites archéologiques en France comme à l’étranger. Des pays comme la Suède, la Grèce et l’Italie se sont dotés depuis fort longtemps d’une législation archéologique qui confère à l’État la tâche de préserver les monuments et les objets archéologiques découverts sur le territoire national.Ce statut sans ambiguïté favorise la protection, l’étude et la pérennité des biens archéologiques. En 1956, l’UNESCO ouvrait la réflexion sur le sujet et, en 2011, invitait les États à adopter un modèle de législation consacrant l’appropriation publique de ce patrimoine archéologique. Celui-ci est un bien universel qu’il faut protéger au même titre que le patrimoine artistique. Ce qui vient de se passer à Palmyre nous indique en quoi les monuments et les hommes qui les protègent peuvent devenir des cibles des éradicateurs les plus forcenés. Ces tragiques événements sont la preuve évidente du rôle symbolique des vestiges archéologiques. Ils nous rappellent que la protection des monuments est une des dimensions de la mémoire collective, en tous lieux et à toutes époques, et que notre souci des vestiges du passé est le gage d’un présent respectueux des liens qui lient les générations les unes aux autres.Certes, les lois ne peuvent pas tout face au déferlement des guerres et des conflits, mais elles sont des instruments moraux et civiques, nécessaires tant à la gestion du patrimoine commun de l’humanité qu’au respect de notre environnement historique. Montalembert, s’adressant en 1834 à Victor Hugo, a, mieux que quiconque, défini le rôle des monuments et du patrimoine dans la vie culturelle d’un pays : « Les longs souvenirs font les grands peuples, la mémoire du passé ne devient importune que lorsque la conscience du présent est honteuse ». C’est pourquoi nous invitons tous les parlementaires à voter à la plus large majorité l’article qui reconnaît les vestiges archéologiques comme un bien commun de la Nation. Il y va de la protection des témoignages du passé autant que de la réputation de la France dans le monde.François Baratte, professeur à l’Université Paris-Sorbonne Paris IV, ancien vice-président du Conseil national de la recherche archéologique ; Jean-Pierre Brun, professeur au Collège de France ; Yves Coppens, professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Académie des sciences ; Jean-Paul Demoule, professeur à l’Université Paris-Panthéon Sorbonne-Paris I, ancien Président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives ; Christian Goudineau, professeur honoraire au Collège de France, ancien vice- Président du conseil supérieur de la recherche archéologique ; Michel Gras, Directeur de recherches honoraire au CNRS, ancien vice-Président du Conseil national de la recherche archéologique ; Nicolas Grimal, professeur au Collège de France, secrétaire de la Commission des Fouilles du ministère des affaires étrangères, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; Jean Guilaine, professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; Michel Reddé, directeur d’études à l’École pratique des Hautes études, ancien vice-Président du Conseil national de la recherche archéologique ; John Scheid, professeur au Collège de France ; Alain Schnapp, professeur émérite à l’Université Paris-Panthéon Sorbonne-Paris I, ancien directeur général de l’Institut national d’histoire de l’artCollectif Frédéric Potet Cocréateur du polar animalier à succès Blacksad (Dargaud, cinq tomes à ce jour), l’Espagnol Juan Diaz Canales est considéré comme l’un des scénaristes de bande dessinée les plus brillants de sa génération. Sollicité pour reprendre le personnage de Corto Maltese, ce grand fan de l’œuvre d’Hugo Pratt a entraîné avec lui son compatriote dessinateur Ruben Pellejero, autre admirateur du maître italien. La sortie de Sous le soleil de minuit (Casterman) coïncide avec le 20e anniversaire de la mort de Pratt. Le nouveau scénariste des aventures du célèbre marin romantique revient sur la genèse de cette reprise très attendue.Reprendre Corto Maltese, c’est en quelque sorte toucher au mythe. Avez-vous hésité avant de dire oui ? Le risque était important…Juan Diaz Canales : Je n’ai pas hésité à donner une réponse positive. Pour moi, plus qu’un mythe, Corto est d’abord un copain, un ami. Comme la plupart des lecteurs, la relation que j’entretiens avec lui tient davantage de la liaison émotionnelle que de l’admiration sacrée. Avoir l’occasion de l’imaginer dans de nouvelles aventures est en quelque sorte un rêve devenu réalité. Tout lecteur a un jour fantasmé sur des histoires jamais écrites de son héros préféré. Je ne parlerais donc pas de « risque » mais de véritable cadeau.Quelle place avait jusque-là Corto Maltese dans votre vie ?Je dis souvent que si je suis dans le métier, c’est grâce à Corto. J’ai connu l’œuvre de Pratt pendant mon adolescence, et je me souviens encore de la première fois que j’ai lu une histoire courte de Corto. Cela a été un déclic. Je lisais déjà beaucoup de BD. Mais Corto m’a tellement impressionné que cela m’a décidé à faire de la BD moi-même. Quelle est la première chose que vous avez faite quand vous avez commencé à travailler sur ce projet ?Relire les albums de Corto. D’abord pour éviter des possibles erreurs dans la biographie du personnage. Ensuite pour étudier l’aspect formel et la structure narrative de Pratt. Je me suis vite aperçu qu’il était inutile d’essayer de s’en approcher d’une façon « technique », et qu’il était préférable de se laisser porter par la poésie de l’auteur. Je me suis détendu, du coup, et me suis régalé avec cette relecture.Le style narratif de Pratt est très particulier avec ce mélange de poésie, d’action, de réflexions philosophiques, de séduction… Pas simple à décrypter, non ?Effectivement. C’est pour cela que l’approche ne peut pas être une question de forme. Il n’y a pas de logique dans tous ces éléments. Il s’agit d’un état de l’âme. La façon la plus pertinente d’aborder ce travail était de retrouver les sensations, les idées, les images que la lecture de Corto m’ont suggéré depuis le temps qu’on se connaît tous les deux, lui et moi – et cela fait déjà quelques années… Il y a aussi une « musique » très particulière dans les dialogues de Corto Maltese. Un grand détachement, un ton désabusé, poétique, ironique et assez cynique parfois… Comment vous en êtes-vous imprégné ?Les dialogues sont, depuis toujours, un des aspects les plus intéressants chez Pratt. Il me semble que l’ironie – que Corto maîtrise parfaitement – est une des expressions les plus évidentes de l’intelligence. L’influence des superbes dialogues qu’on entend dans les polars et les films d’aventure des années 1940 et 1950 est très présente dans l’œuvre de Pratt. Bien qu’il soit un homme d’action, on peut affirmer sans hésitation que l’arme la plus puissante de Corto est la parole.Votre intrigue est assez complexe, avec beaucoup de rebondissements et de nombreux personnages tous plus excentriques. Du pur Pratt ?Je ne dirais pas excentriques, mais complexes. Pratt avait une idée de l’être humain assez nuancée, pas du tout manichéenne. Il y a des personnages qu’on dirait odieux, presque dégoûtants – le meilleur exemple est Raspoutine – mais ils nous paraissent pourtant sympathiques. Le message à retenir, c’est que l’homme est finalement capable du meilleur et du pire à la fois. De nombreux personnages de cet album ont vraiment existé. S’appuyer sur une certaine réalité historique était-il pour vous un moyen de vous rassurer ?Ce mélange de réalité et de fiction est quelque chose que j’adore chez Pratt. J’en ai profité pour faire pareil. Certes, il y a toujours le risque d’être trop « encyclopédique », voire ennuyeux. C’est pour cela que je me suis autorisé une grande liberté littéraire pour modifier et adapter les personnages historiques aux convenances du récit.Votre Corto est assez fidèle à celui qu’on connaît, avec tous ses paradoxes. Individualiste et altruiste, pacifiste et bagarreur, idéaliste et subversif… Avez-vous essayé de lui attribuer des nouveaux traits de caractère ?Non. Ruben Pellejero et moi sommes avant tout des vrais fans de Corto. Dans cet album, nous avons mis en scène des éléments qui nous sont chers dans la série, en tant que lecteurs. Nous sommes persuadés que tout le monde attend de retrouver Corto tel qu’on le connaît dans l’œuvre de Pratt. A quoi bon le changer ? Quelle marge de manœuvre vous ont laissé Patrizia Zanotti, l’ayant droit de Pratt, et Casterman ?La réponse est simple : nous avons eu une totale liberté de création, sans la moindre contrainte.L’ambiance graphique des albums de Corto est très particulière. Elle a une fonction narrative. Comment avez-vous pris en compte cet aspect pour écrire votre histoire ?Il m’a fallu visualiser le scénario comme si Pratt allait lui-même le dessiner. C’est-à-dire imaginer les choses qu’il aurait aimé faire, et celles qu’il n’aurait pas faites. Le paysage, par exemple, n’est jamais un simple décor chez lui, mais un personnage en tant que tel. Il y a aussi très peu de scènes explicites : il faut beaucoup plus « suggérer » que « montrer », dans l’univers de Corto. Sinon on risque de perdre son esprit, sa poésie. Pratt a dit un jour que « la bande dessinée, c’est comme le cinéma, même si c’est un cinéma de pauvres ». Partagez-vous cet avis après la réalisation de cet album ?Si l’on pense la BD comme un petit frère du cinéma, non. Mais, à mon avis, ce que Pratt voulait mettre en avant avec cette phrase, c’est la capacité du langage de la BD à raconter des histoires sublimes avec les moyens les plus humbles : une feuille de papier et un feutre. Là, je suis totalement d’accord avec lui.Lire aussi :La renaissance de Corto Maltese, une aventure mouvementéeFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Macha Séry L’auteur suédois de romans policiers, Henning Mankell, est mort à 67 ans des suites d’un cancer à Göteborg, dans la nuit du dimanche 4 au lundi 5 octobre. Le 29 janvier 2014, le romancier et dramaturge annonçait publiquement sa maladie – une tumeur à la nuque, une autre au poumon gauche. Au fil des mois, il en avait tenu la chronique dans le quotidien Göteborgs-Posten. « J’ai tout de suite décidé d’écrire à propos de cette maladie, parce que c’est finalement une douleur et une souffrance qui affectent beaucoup de gens. Mais je vais écrire avec la perspective de la vie, pas de la mort. »La même intention gouverne son autobiographie, Sables mouvants. Fragments d’une vie (357 p., 21, 50 €), parue en France le 17 septembre au Seuil. Il ne s’agit pas d’un livre crépusculaire, prévient-il, mais d’« une réflexion sur ce que c’est que vivre » et un survol, sous forme d’instantanés, d’une carrière féconde, qu’il consacra aussi bien au polar qu’au théâtre et à la littérature jeunesse.Né le 3 février 1948, Henning Mankell a grandi à Sveg et à Borås, deux localités du comté de Jämtland. Il n’a qu’un an lorsque ses parents divorcent. Il est élevé par son père, juge d’instance. A seize ans, alors qu’il sait déjà qu’il sera écrivain, il quitte le lycée sur un coup de tête et, sans argent ni passeport, part pour Paris, où il demeure plusieurs mois. Une période formatrice à plus d’un titre, dira-t-il, décrochant un boulot dans un atelier de réparation de clarinettes et de saxophones. Il intègre ensuite la marine marchande, s’installe en Norvège.Teatro Avenida, « l’aventure la plus exaltante de sa vie »En 1972, il découvre l’Afrique, d’abord en Guinée-Bissau puis en Zambie. Jusqu’à l’apparition de son cancer, Henning Mankell – « un pied dans la neige, l’autre dans le sable » – partagera sa vie entre la Suède et le Mozambique où, il crée en 1986 la compagnie d’art dramatique Teatro Avenida, seul théâtre professionnel de Maputo, la capitale. Ce fut « l’aventure la plus exaltante de sa vie », selon la journaliste Kirsten Jacobsen (Mankell (par) Mankell : Un portrait, Le Seuil, 2013) et qu’il finance avec ses droits d’auteur. Dès 1990, il se lance dans l’écriture de livres pour enfants et entreprend l’année suivante la série Wallander, qui le rendra célèbre.Au même titre que son compatriote Stieg Larsson, l’auteur de la saga Millénium, Henning Mankell, dont les livres ont été traduits en 35 langues et écoulés à 40 millions d’exemplaires, a contribué à l’engouement pour le polar nordique, caractérisé par une vive critique politique et une dénonciation des inégalités, contrastant avec le modèle scandinave tant vanté. En 2009, le père du commissaire Wallander se classait à la neuvième place des écrivains de fiction les plus vendus en Europe.Henning Mankell se souvenait très bien de ce jour de mai 1989 où Kurt Wallander est né. « Je peux même retrouver, dans mon journal, la date exacte. Je voulais écrire sur les émigrants, la xénophobie, confiait-il au Monde des livres en 2010. Je me suis dit que le racisme était un peu comme une attitude criminelle, et que le roman policier était le décor idéal pour en parler. Mais pour cela, j’avais besoin d’un détective. » Sa première apparition a lieu dans Meurtriers sans visage (1991, paru en France chez Bourgois en 1994), distingué par les prix du meilleur roman policier suédois et scandinave.L’assassinat d’un réfugié politique Avec cette enquête déclenchée par l’assassinat d’un réfugié politique tué par un policier proche des mouvements néonazis, la littérature gagne un nouveau loup solitaire, 42 ans, divorcé, passablement désabusé, et un grand maître du polar venu du froid. Henning Mankell fait de Wallander un policier taciturne, qui ne cesse de douter, un homme de plus en plus dépressif et désenchanté au fil des ans.Il assiste impuissant à la hausse de la xénophobie et de la criminalité, ainsi qu’à l’emprise grandissante des mafias et au mal-être de la jeunesse suédoise. « Il avait vécu près de cinquante ans. Pendant toutes ces années, il avait vu la société changer autour de lui et il avait fait partie de ce changement. Mais c’est simplement à ce moment qu’il se rend compte qu’une partie de ce changement dramatique avait été visible, lit-on dans Le Guerrier solitaire (Seuil, 1999). Quelque chose s’était donc déroulé sans crier gare. (…) Lorsqu’il n’était encore qu’un jeune policier, il était évident que tous les problèmes pouvaient être résolus sans avoir recours à la violence sauf en cas d’extrême urgence. »« Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir » : cette formule de conjuration, Kurt Wallander la répétera tout au long de sa carrière. Au terme de dix aventures, Mankell lui donne son congé. « Kurt Wallander est couché dans son lit et il pense à la mort », lit-on dans L’Homme inquiet, paru en France en 2010. Jumeau de son héros à trois semaines près, Henning Mankell lui offre un repos mérité.Lire la critique de « L’Homme inquiet », de Henning Mankell, roman de la peurLui aussi est fatigué de ce double qui a tant bataillé et n’entend pas en faire une rente de situation, au grand dam de ses innombrables lecteurs à travers le monde. A l’écran, Kenneth Branagh avait prêté à Wallander ses traits dans une série télévisée (2008-2010). Ils l’avaient suivi dans toute la Scanie en Lettonie (Les chiens de Riga, Seuil 2003) et même en Afrique du Sud (La Lionne blanche, Seuil, 2004).Wallander a 21 ans, écoute de l’opéra et fume des John SilverPour Henning Mankell, il est hors de question de sortir Wallander de sa retraite – au reste, sa fille Linda lui a succédé au commissariat d’Ystad. C’est donc sa jeunesse que l’écrivain lui rend, en guise d’épilogue dans La Faille souterraine et autres enquêtes (Seuil, « Policier », 2012). Sa jeunesse et ses doutes. Wallander a 21 ans, écoute de l’opéra et fume des John Silver. Affecté au maintien de l’ordre, il est censé patrouiller dans les rues de Malmö.Le novice en passe d’être muté à la brigade criminelle s’interroge : « Mais peut-on être à la fois sentimental et un bon flic ? » L’avenir lui apprendra que non. La notoriété du commissaire d’Ystad a singulièrement éclipsé le reste, pourtant majoritaire, de la production littéraire d’Henning Mankell : pièces de théâtre, livres pour enfants, polars sans Wallander tel Le Cerveau de Kennedy (Points Seuil, 2014), qui conduit une archéologue à découvrir le continent africain, rongé par le sida. « Seule notre incapacité à comprendre faisait que nous savons tout de la façon de mourir des Africains, et presque rien de leur façon de vivre », y écrit-il. Aussi les lecteurs français ont-ils dû attendre le mois d’avril de cette année pour découvrir Daisy sisters (Le Seuil), son premier roman, histoire d’une mère et de sa fille entre 1941 et 1981.Comme son antihéros qui cherchait à rendre justice aux victimes, Mankell le citoyen, engagé à gauche, défend en Suède comme en Afrique les plus faibles et promeut autant qu’il le peut ses deux idéaux : démocratie et solidarité. A plusieurs reprises, il n’hésite pas à prendre position dans le débat public, signant par exemple un manifeste contre la deuxième guerre du Golfe ou achetant un journal norvégien de gauche afin de le sauver de la faillite. En 2010, il participe à l’expédition « Ship to Gaza », organisée par des groupes activistes en faveur des Palestiniens, qui donne lieu à un abordage israélien. Il tire de cette campagne un récit publié dans plusieurs journaux européens, dont Libération en France. Après trois divorces, Henning Mankell s’était remarié avec Eva Bergman, la fille du cinéaste Ingmar Bergman. « Je suis venu au monde pour raconter des histoires. Je mourrai le jour où je ne peux plus le faire. La vie et l’écriture ne font qu’un », déclarait-il le 2 mars 2003 au quotidien britannique The Guardian.Henning Mankell se qualifiait de raconteur d’histoires. Il estimait que c’était sa façon de représenter sa vision du monde dans ses livres qui offrait peut-être la meilleure image de lui. Depuis que sa maladie s’était déclarée, en dépit des séances de chimiothérapie, Mankell se savait en sursis. Il vivait toutefois, disait-il, dans l’attente de nouveaux instants de grâce.Lire l’entretien publié sur Télérama.fr en 2010 : « Jamais je n’aurais imaginé vivre si longtemps avec ce vieux Kurt Wallander »Macha SéryJournaliste au Monde 05.10.2015 à 04h38 • Mis à jour le05.10.2015 à 04h38 Le rachat de la filiale livres du groupe italien RCS Mediagroup par l’éditeur Mondadori, propriété de la famille de Silvio Berlusconi, a été signé dimanche 4 août. L’opération d’achat s’élève à 99,99 % du capital, précisent les deux groupes, pour un montant (« equity value ») de 127,50 millions d’euros. « L’acquisition sera financée par l’utilisation de lignes de crédit », précise Mondadori, présidé par Marina Berlusconi, fille de l’ancien président du conseil italien.Le groupe milanais, plus que centenaire, est connu surtout en tant qu’éditeur des grands quotidiens Il Corriere della Sera et la Gazzetta dello Sport, ainsi que de l’espagnol El Mundo. Il rassemble une douzaine de maisons d’édition, dont Rizzoli (du nom du fondateur du groupe Angelo Rizzoli) et Bompiani, éditeur en Italie d’Umberto Eco et de Michel Houellebecq, dont les derniers livres figurent actuellement parmi les meilleures ventes dans le pays.Lire aussi :Silvio Berlusconi, de retour aux affairesArnoldo Mondadori Editore et RCS Mediagroup sont respectivement premier et deuxième acteurs du secteur en Italie avec 27 % et 11,7 % de parts de marché. Leur union crée donc un colosse doté d’une force de frappe sans égal en Europe : près de 40 % du marché de l’édition national, dont près de 70 % pour le livre de poche, selon les spécialistes.Dans son communiqué, RCS précise que l’accord préserve « pour tous les titres du groupe la possibilité de continuer à exercer une activité éditoriale propre telle qu’actuellement proposée à ses lecteurs ». L’annonce de ce rapprochement avait semé l’émoi dans le monde italien de l’édition et au-delà, compte tenu du rôle politique encore joué par Silvio Berlusconi, qui devient de facto nouveau patron de ce géant de l’édition. Au premier semestre 2015, Mondadori avait annoncé une perte nette de 12,20 millions d’euros, légèrement supérieure à celle de l’année précédente (-11 millions d’euros).Lire aussi :Silvio Berlusconi et la justice jouent les prolongations 03.10.2015 à 11h33 • Mis à jour le04.10.2015 à 22h38 | Emmanuelle Jardonnet Fonte des glaces, changement climatique, extinction… Cette année, la Nuit blanche se veut la caisse de résonance artistique de la Conférence mondiale sur le climat (COP21), qui se tiendra à la fin de l’année à Paris.Après une édition 2014 axée sur le sud de Paris, qui offrait la part belle au street art et au cirque, la Nuit Blanche 2015, dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 octobre, met le cap au nord, débordant même sur le futur « Grand Paris » du côté d’Aubervilliers.Une trentaine d’artistes contemporains internationaux ont été conviés par José-Manuel Gonçalvès, le directeur du centre d’art le CentQuatre (19e arr.), qui pilote la manifestation pour la seconde fois. En marge de cette programmation officielle, découpée en quatre « parcours », les projets « off » fourmilleront dans toute la ville, présentés à l’initiative de mairies d’arrondissement, musées, galeries, lieux associatifs ou particuliers.PARCOURS NORD-OUEST : Du parc Monceau à la Petite CeintureCôté IN, neuf propositions orientées sur la nature jalonneront le parcours de 19 h à 7 h :L’installation sonore d’Erik Smakh au Parc Monceau, La nuit des abeilles invitera à « écouter » les conséquences du réchauffement climatique en révélant et en amplifiant les sons de la nature : insectes, oiseaux et batraciens.Une araignée et une sauterelle géantes feront, elles, leur apparition dans un autre parc, celui de Clichy-Batignolles, dans une installation lumineuse de Friedrich van Schoor et Tarek Mawad intitulée « Spider Projection V.2 » (à partir de 20h).Waterlicht, une installation de l’artiste néerlandais Daan Roosegaarde déploiera un paysage onirique grâce à une grande vague bleue flottant à près de 3 mètres du sol, symbole des risques de la montée des eaux (à partir de 20h).Rêve d’enfant de Stéphane Ricordel devenu réalité : c’est un Nuage qui flottera à 10 mètres au-dessus de l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture, sur lequel se succéderont des acrobates. Avec Appartus (Tunnel Edit), Dominique Blais invitera à écouter le son brut et intime d’un paysage polaire et astral, réel et imagé, puis son interprétation par quatre musiciens.Parsec, une installation cinétique et hypnotique imaginée par Joris Strijbos et Daan Johan illuminera la pénombre d’un site urbain interdit.Michel Blazy a imaginé pour la pénombre d’un tunnel de chemin de fer désaffecté d’étranges peintures pariétales : immenses formes organiques envahissant lentement les parois, formant des halos de couleurs.Un cinéma, forcément en plein-air, présentera six courts et moyens-métrages abordant la question du climat et de l’environnement (à partir de 20h).Un spectacle de Massimo Furlan dans la cour du musée Nissim de Camondo (Après la fin, le congrès, une création pour la Nuit blanche), de 19 h à 5 h.Côté OFF : Parmi les neuf propositions, retenons celle du Hasard ludique. Attendu pour la fin 2016 dans l’ancienne gare de Saint-Ouen, ce futur lieu culturel donnera un avant-goût de son univers le temps d’une nuit avec des mini-concerts de pop psychédélique de Cyclops (Julien Ribot), dont les illustrations seront projetées sur la façade.TANGENTE : De la Recyclerie à la Halle PajolLa « Tangente », axe reliant les deux grands parcours, se veut une parenthèse enchantée, entre cirque et magie contemporains.Avec Projet Fantôme, le magicien Etienne Saglio invite à découvrir une chorégraphie onirique, bercée par le son de la trompette d’Érik Truffaz.Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel proposeront tout au long de la nuit une « Grande Revue incomplète » de cirque et de music-hall dans l’enceinte de Ground Control, lieu festif installé sur une ancienne friche de la SNCF.PARCOURS NORD-EST : De la gare du Nord à AubervilliersCôté IN, l’accent est donné aux installations atmosphériques :Le Brésilien Nelé Azevedo invitera le public à construire Minimum Monument en déposant des hommes de glace miniatures sur les marches d’un escalier.Une fonte plus inattendue, celle d’un immeuble parisien, a été imaginée par l’artiste argentin Leandro Erlich pour une œuvre perenne sur le parvis de la gare du Nord : Maison Fond (entendre « mes enfants »).Plus loin, l’Allemand Julius Pop a conçu un écran cascade, BIT.FALL, où défileront d’éphémères mots liquides.Une sculpture sonore de l’artiste suisse Zimoun emplira la caserne désaffectée de Louis-Blanc. Suspendues au plafond et animées par de petits moteurs électriques, une centaine de lattes de bois frapperont le sol, rebondiront, glisseront et s’entrechoqueront à l’envi (à partir de 21h).L’artiste belge Ann Veronica Janssens présentera l’une de ses délicates installations lumineuses : une étoile en 3D apparaissant dans un brouillard artificiel.Dans sa performance-installation sonore et lumineuse, l’artiste et chercheur canadien Chris Salter proposera sous la halle Pajol une expérience de perception sensorielle combinant éclairage de pointe, lasers et son.Des chevaux suppliciés gisant sur une échelle, une colonne de fumée blanche s’élevant vers le ciel : avec l’association de ces deux installations de Berlinde de Bruyckere et Anish Kapoor, l’atmosphère du CentQuatre prendra un tour mystique.Le tunnel piétonnier de la gare Rosa-Parks accueillera Spectrum offrira une plongée dans un climat de synthèse : une orchestration lumineuse et immersive proposée par Chikara Ohno et Yusuke Kinoshita, architectes et plasticiens japonais.La prise de conscience étant urgente, l’installation Extinction donne l’alerte sur ce danger qui nous guette avec plus d’une centaine de gyrophares formant une enseigne lumineuse animée.La Nuit blanche propose de traverser une forêt urbaine en création : la Forêt linéaire, plantée en 2014 et qui arrivera à maturité dans quinze ans. S’inscrivant dans le cadre du Grand projet de renouvellement urbain du nord-est de Paris, cet axe reliant le canal Saint-Denis aux espaces verts de la Porte d’Aubervilliers, accompagnera la naissance du nouvel éco-quartier de la ZAC Claude Bernard.La balade permettra d’accéder à l’esplanade du Millénaire, à Aubervilliers, pour une plongée numérique dans le ciel. Avec Exo, la plasticienne Félicie d’Estienne d’Orves et la musicienne Julie Rousse inviteront à regarder et à « écouter » les étoiles : des faisceaux laser pointeront des objets célestes, dont les données cartographiques se traduiront en son. Une œuvre présentée dans le cadre de Némo, Biennale internationale des arts numériques.Côté OFF, la programmation est dense. On pourra notamment faire un saut à l’hôtel des ventes Drouot (ouvert jusqu’à minuit) pour découvrir une étonnante collection de météorites, ou aller découvrir, aux abords du canal de l’Ourcq et du canal Saint-Martin, un parcours de fresques de street art (Da Cruz, Koralie, Stoul, FKDL...) sur le thème des impacts sociaux du changement climatique.HÔTEL DE VILLE : A l’Hôtel de Ville et ses alentoursCôté IN, une seule installation, aussi monumentale que fragile, est au programme : Ice Monument, de Zhenchen Liu. L’artiste chinois érigera sur le parvis de l’Hôtel de ville 270 stèles de glace colorées, de taille humaine et réparties en cinq « continents ». Les blocs fondront au cours de la nuit jusqu’à former un immense tableau liquide et abstrait aux couleurs des drapeaux du monde.Côté OFF, parmi la quarantaine de manifestations proposées (dans une notion très large des « alentours »), à ne pas manquer : la performance pyrotechnique d’Elisa Pône devant le Centre Pompidou de 22 h à 22 h 30 (l’accès aux collections permanentes du musée sera par ailleurs gratuit de 20 h à 2 h du matin) ; l’installation post-apocalyptique de Djeff et Monsieu Moo à l’intérieur l’église Saint-Merry (de 20h à 4 h) ; la soirée alliant concerts, projections, lectures et performances organisée par le duo musical Winter Family au Musée d’Art et d’histoire du judaïsme (de 21 h à minuit) ; l’avant-première de l’exposition collective « Climats artificiels », qui s’annonce très poétique, à la Fondation EDF, avec des œuvres de Marina Abramovic, Ange Leccia, Hicham Berrada ou encore Yoko Ono (de 19 h à 2 h). Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.10.2015 à 09h41 • Mis à jour le04.10.2015 à 21h39 | Joël Morio Jean-Michel Aphatie à midi, sur Europe 1, la nouvelle avait surpris lorsqu’elle avait été annoncée en mai. C’est une réalité depuis plus d’un mois. Entre 12 heures et 14 heures, l’ancien intervieweur politique de RTL et du « Grand Journal » revêt les habits d’anchorman (« présentateur-vedette »). Enfin presque. Il les partage avec Maxime Switek qui présentait, la saison précédente, les matinales de la station. Entre les deux hommes, qui se sont découverts cet été, les rôles sont bien répartis.Au cours des trois premiers quarts d’heure, tandis que Maxime Switek déroule les titres d’un journal d’une durée inédite à la radio à ce moment de la journée, Jean-Michel Aphatie retrouve son rôle d’intervieweur. Plusieurs invités défilent devant le micro pour réagir à l’actualité. Ils sont interrogés par des questions brèves et directes que Jean-Michel Aphatie n’hésite pas à reposer jusqu’à ce qu’il obtienne une réponse. Les sujets s’enchaînent et certains finissent par passer à la trappe, faute de temps.Levé à 5 heures du matin pour lire la presse, Jean-Michel Aphatie est un boulimique, désireux de traiter un maximum de choses. « Il est comme un môme, nous devons le canaliser », s’amuse Fabien Namias, le patron de la station. « On s’est tout de suite mis d’accord pour faire passer beaucoup de gens dans le studio, traiter beaucoup de sujets, faire des sons courts », explique Jean-Michel Aphatie. Pas question pour autant de survoler les choses : « C’est un journal où l’on prend notre temps, deux tiers de nos auditeurs ont déjà écouté la matinale, on a besoin de creuser l’info », se justifie Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction d’Europe 1.L’échange avec les auditeursChacun est dans son rôle. Jean-Michel Aphatie et Maxime Switek interagissent assez peu entre eux, mais le duo fonctionne bien. « On se parlait beaucoup lors des quinze premiers jours, ce qui n’était pas forcément bon signe, car nous avons gagné en automatismes, en fluidité. Aujourd’hui, on peut donner l’impression de ne pas se parler à l’antenne parce qu’on s’est parlé beaucoup avant », précise Jean-Michel Aphatie. Après la conférence de rédaction du matin, les deux hommes s’enferment pour écrire le journal et se répartissent les lancements. « Ce qui m’intéresse désormais, c’est de personnaliser et d’éditorialiser la tranche, d’y apporter quelque chose », insiste le journaliste.Après une rediffusion de « La revue de presque » de Nicolas Canteloup et un journal plus bref, c’est à un nouvel exercice – l’échange avec les auditeurs – que se plie Jean-Michel Aphatie, plus à l’aise pour questionner une avocate sur les retards de la justice que pour amener une octogénaire à s’exprimer sur la fin de vie. « Ce n’est pas faux, répond-il avec honnêteté lorsqu’on lui en fait la remarque. Mais c’est de la pudeur, pas une difficulté. »Passer de la politique à la vie quotidienne des Français ne relève pas pour Jean-Michel Aphatie du grand écart. « On croise tous ces sujets quand on fait les interviews politiques », se rassure-t-il. Une chose est sûre, pas question de traiter les auditeurs comme des hommes politiques. « On demande des comptes aux acteurs de la société, pas au public. Nous cherchons à faire témoigner les gens plutôt qu’à les faire réagir. »Plus légère, la dernière demi-heure accueille des chroniqueurs qui viennent parler gastronomie, tourisme… Elle est ponctuée par un débrief de Matthieu Noël, comme dans « C à vous » sur France 5. « C’est rigolo qu’il se foute de nous », assure le journaliste, heureux de pouvoir se détendre un peu après une heure et demie de marathon.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Documentaire sur France Ô à 20 h 45 Développement et protection de la nature au Sénégal, en compagnie de Laurent Bignolas.Depuis avril, globe-trotteur engagé, Laurent Bignolas a repris la route, non pas seulement pour observer mais aussi pour contribuer à la préservation de l’environnement. A cet effet, son magazine « Ô bout du monde » a été remodelé en une série documentaire au long cours (100 minutes) « impliquée » et « participative », dont l’objectif est de mettre en lumière des initiatives locales, qui allient développement et protection de la nature, pour lesquels Man & Nature, son association, apporte son aide.Le charbon de pailleAprès Madagascar, c’est au Sénégal que le journaliste nous conduit. Plus précisément, au sud du pays, à Toubacouta, où réside le siège de Nebeday. Fondée en 2011 par Jean Goepp, cette association – dont le nom fait référence au moringa, « arbre de vie » aux vertus nutritives – travaille auprès des populations à une gestion participative et raisonnée des ressources. Comme on le voit dans le delta du Saloum, où Nebeday mène une double action de préservation de la mangrove, en y replantant des palétuviers, mais aussi de sensibilisation auprès des pêcheurs et des femmes qui font commerce des huîtres, afin de protéger cet écosystème.Un travail de sensibilisation, créateur d’emplois, au cœur duquel ont été placées les femmes et les plus jeunes. A cet égard, l’action de Nebeday la plus significative en matière d’aide au développement et de préservation de l’environnement est sans doute celle menée sur le charbon de paille. Ce nouveau combustible permet de sauver la forêt à la fois des coupes et de la paille propagatrice des incendies. Et économiquement, d’améliorer l’ordinaire des collectifs de femmes qui travaillent à sa fabrication et à sa commercialisation.Tourné comme un joyeux carnet de route – très incarné autour de la personnalité de Laurent Bignolias, observateur et acteur, même s’il prend soin de montrer son équipe de tournage –, ce périple « Ô bout du monde » a le mérite de faire découvrir le travail accompli par des associations et des ONG pour lesquelles environnement et développement social et durable ont partie liée.« Ô bout du monde » - Mission Sénégal, écrit par Laurent Bignolas et Christine Lenief, réalisé par Malick Tiaiba.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Josyane Savigneau Documentaire sur France 2 à 23 h 15 Retour sur le parcours journalistique et politique d’une femme aussi insatiable qu’insaisissable.Peut-être est-ce le titre donné au documentaire, Les Mystères d’une femme libre, qui a incité Laurent Delahousse et son équipe à s’attarder sur la part d’ombre de l’extraordinaire parcours de Françoise Giroud (1916-2003) dans le journalisme et le monde politique du XXe siècle.Après un portrait express en quelques phrases pas toujours élogieuses – « Elle a des arrangements avec la vérité dans sa vie », dit Christiane Collange, qui a travaillé avec elle – arrive un long développement sur « une énigme », le déni de sa judéité. En 1982, son petit-fils Nicolas lui demande si elle est juive, donc lui aussi. Elle nie. Il enquête et découvre que « toute la famille est juive ». En 1988, Françoise Giroud lui écrit : « Ta grand-mère est née juive. Pour te dire cela, je dois rompre un serment fait à ma mère sur son lit de mort. » Les explications avancées – la peur de l’antisémitisme, le choc de la déportation de sa sœur – ne sont pas vraiment convaincantes.Une folle passionDans ce film, comme cela arrive désormais souvent, on entend trop peu Françoise Giroud elle-même. Toutefois, les témoins qui interviennent sont pertinents. De Catherine Nay – « la patronne, c’était elle » – à Micheline Pelletier, son amie photographe, en passant par Laure Adler, sa biographe, Caroline Eliacheff, sa fille, Marin Karmitz, son gendre, Madeleine Chapsal, la première épouse de Jean-Jacques Servan-Schreiber, le journaliste Ivan Levaï et beaucoup d’autres.Le film relate une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis à L’Express, à partir de 1953Ivan Levaï insiste sur « la femme libre » qu’était Françoise Giroud. Une assertion que le film lui-même permet de nuancer. Une ambition inflexible appuyée sur un autoritarisme de fer, une manière – très peu féministe – de se comporter comme les plus durs des hommes, et une misogynie que souligne Christiane Collange ne sont pas le signe absolu de la liberté. Quoi qu’il en soit, on voit une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis, après la rencontre avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, à L’Express, à partir de 1953. Françoise Giroud est la première femme à diriger un grand journal d’information. Mais leur duo n’est pas seulement professionnel, c’est une folle passion. Une histoire qui se termine très mal quand Jean-Jacques Servan-Schreiber décide d’épouser une jeune femme. Son épouse, lui-même et leurs parents reçoivent alors des lettres anonymes très injurieuses et antisémites. Quand on découvre qu’elles viennent de Françoise Giroud, Servan-Schreiber lui demande de quitter L’Express (il la rappellera l’année suivante, en 1961).Après sa tentative de suicide, Françoise Giroud « a recours à la psychanalyse ». Mais on ne mentionne même pas le nom de Jacques Lacan, dont elle disait qu’il lui avait sauvé la vie. Ensuite, le film va trop vite : la mort de son fils, ses postes politiques pendant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, l’affaire de la médaille de la Résistance qu’elle prétendait avoir alors que c’était sa sœur qui l’avait reçue, et sa détestation de la vieillesse qui l’a conduite à se filmer défigurée par une chute dans un escalier. Les livres ? Elle en a écrit beaucoup, dont, après son expérience politique, une cruelle Comédie du pouvoir. Il n’est question, trop longuement, que d’un seul, Le Bon Plaisir, qui a déplu à François Mitterrand, alors président, car il contait l’histoire d’un chef d’Etat ayant un fils caché.Ce « Un jour un destin » n’est pas très bien construit ; pourtant on le regarde avec passion, car Françoise Giroud peut susciter à la fois une étrange antipathie et une intense admiration pour son destin « inégalé », comme le dit Catherine Nay.Un jour un destin, proposé par Laurent Delahousse (Fr., 2015, 90 min).Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Même si les producteurs indiquent que « toute ressemblance avec des faits ou des personnages existants est fortuite », personne ne sera dupe. La nouvelle série « Baron noir » (8 x 52 minutes), que tourne actuellement le réalisateur Ziad Doueiri pour Canal+, est une plongée sans concessions dans les coulisses de la politique française, inspirée par de nombreuses affaires pas très ragoûtantes qui, depuis des années, secouent les grands partis de droite et de gauche. Chacun y reconnaîtra, ici ou là, les hommes et femmes politiques qui, au lieu d’alimenter le débat d’idées, défraient à rythme régulier la chronique judiciaire.En matière de scandales, corruption, rivalités personnelles et trahisons, on aurait pu s’attendre à ce que les auteurs de la série puisent leur inspiration du côté des Hauts-de-Seine ou de la Côte d’Azur. Mais c’est dans le Nord, terre militante et de tradition socialiste qui glisse doucement dans les bras du Front national, qu’ils ont choisi d’installer leur intrigue et leurs personnages.Une histoire qui raconte de manière ultraréaliste l’épopée politique du député et maire de Dunkerque, Philippe Rickwaert (Kad Merad), un ancien ouvrier ayant saisi l’ascenseur social à travers la politique, qui, lors de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, est sacrifié par son mentor Francis Laugier (Niels Arestrup), le candidat victorieux de la gauche.Porté par une soif de vengeance implacable, Rickwaert va s’allier avec Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis), porte-parole et conseillère de son ennemi. Comme toujours en politique, la fin justifiera les moyens, même s’il faut aller braconner sur les routes du grand banditisme et se rendre dans les arrière-cours de quelques flics ripoux.Ne pas surfer sur le populismeTournée à Paris et dans la région Nord, cette histoire a été puisée aux meilleures sources par les deux auteurs, Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, qui se sont rencontrés en 2007 sur un projet de série politique pour Canal+, « La Présidentielle », finalement abandonnée par la chaîne. Ils se sont retrouvés ensuite pour travailler ensemble sur des séries ou des projets à dimension politique comme le film 16 ans ou presque, une satire de la gauche morale, ou « Les Lascars ».Ex-militant du Parti socialiste dans l’Essonne, fief politique de Julien Dray et de Malek Boutih qui y ont fondé la Gauche socialiste avec Jean-Luc Mélenchon dans les années 1980, Eric Benzekri a participé à de nombreuses campagnes électorales avant d’être la « plume politique » de quelques députés. Pendant des années, il a vu de près les ambitions, les trahisons, le cynisme, le machiavélisme des baronnies pour « tuer » un rival et les magouilles qui permettent de financer les courants politiques. Pourtant, pas question pour les auteurs, qui disent « aimer passionnément la politique », de surfer sur le populisme ambiant.La série, qui arrive après « Les Hommes de l’ombre », racontant comment les communicants fabriquent une candidate à l’élection présidentielle (diffusée en 2012 sur France 2), a été imaginée comme un contrechamp au cynisme de « House of Cards » et à l’idéalisme de « The West Wing » (« A la Maison Blanche »), les deux séries à succès sur la vie politique américaine. « Même si “Baron noir” décortique la déliquescence du système, nous avons glissé beaucoup de notes optimistes en montrant que si le mal se nichait dans le bien, l’inverse était aussi possible », avance Jean-Baptiste Delafon. « “Baron noir” se confronte surtout au réel », insiste Eric Benzekri, qui confie avoir pris comme modèle « Les Soprano », la très réaliste série américaine qui raconte par le menu la vie d’un clan mafieux à New York… « Au cours de mes nombreuses années de militantisme, j’ai pu observer de près que les courants politiques se structurent quasiment comme des gangs », pointe-t-il.« Le rôle m’a tout de suite excité », assure Kad Merad qui se déclare pourtant « apolitique ». « Dans la vie, je me laisse séduire plus par les personnes que par les idées », poursuit-il en citant François Hollande – « un homme proche, simple et normal » –, qui l’avait invité lors d’un voyage officiel en Algérie en 2012. « Bien sûr, les affaires ne servent pas la politique mais, aujourd’hui, c’est surtout la menace du Front national qui me fait flipper », dit-il, en souhaitant que cette série fasse « réfléchir » les Français.L’acteur devrait le vérifier au cours de l’année 2016 lorsque Canal+ diffusera la série, juste quelques mois avant la véritable élection présidentielle.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Mustapha Kessous Il est 5 h 30. Le soleil sort à peine de son sommeil. Catherine Van Roy aussi, qui, tout juste levée, se regarde dans un miroir, se dévisage, observe sa poitrine dénudée. Son reflet laisse paraître une solitude et une infinie détresse. Au même moment, dans une autre maison, Willy Blain se prépare un café. Il ne le sait pas encore, mais dans quelques minutes, il sera arrêté et placé en garde à vue parl’inspection générale de la police nationale pour association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants, vol en réunion et détournement de scellés.Willy Blain (Bruno Wolkowitch) est le patron de la brigade de répression du banditisme (BRB). Ce superflic réputé et respecté est soupçonné d’être un peu trop proche de ses indics, de les rincer en cocaïne saisie, de couvrir leurs sanglantes magouilles en échange de bons tuyaux qui conduiront à l’arrestation de grands voyous. Pendant de longues heures, il va devoir répondre aux questions froides de Catherine Van Roy (Catherine Marchal), inspectrice à « la police des polices ».Lire aussi :Les flics infiltrent les sériesMême s’ils éprouvent de la considération l’un pour l’autre, le flic à l’ancienne et la bureaucrate incarnent deux visions diamétralement opposées du rôle du policier : Blain n’hésite pas à « mettre les mains dans la merde » pour avoir des résultats, tandis que Van Roy plaide pour une exemplarité non négociable. Le réalisme contre la morale. Qui a raison ? Et où se situent les limites ? Le téléfilm Borderline suit un commissaire piégé par ses propres pratiques qui ont été très longtemps couvertes par la hiérarchie, mais qui, désormais, ne sont plus de norme. « On veut une police propre dans un pays qui se veut propre. »RéquisitoireCe téléfilm écrit et réalisé par Olivier Marchal est « librement » inspiré de l’histoire de l’ancien chef de la police judiciaire de Grenoble, le commissaire Christophe Gavat, mis en examen dans l’affaire de corruption autour de Michel Neyret, l’ex-numéro deux de la PJ lyonnaise. « Mais ce n’est pas un film sur l’affaire Neyret, assure Olivier Marchal. Ce film rend hommage au travail des policiers, à un certain type de policiers. Quand tu vois Claude Guéant [ministre de l’intérieur à l’époque de l’affaire], plongé dans cette mélasse, et qui n’a pas fait un jour de prison, alors que Neyret, qui a risqué sa vie durant sa carrière, en a fait huit mois, je dis où est la justice ? Je pose juste la question. »Si l’ancien inspecteur de police n’a pas souhaité faire une fiction « polémique », il est en revanche incontestable qu’elle est extrêmement politique : Borderline est un réquisitoire contre un système qui broie ses flics et qui cherche à moraliser la police. « Tu la tues, c’est ce qui est en train d’arriver », avance-t-il.Olivier Marchal sait être efficace dans les films à petit budget (2,4 millions d’euros pour cet unitaire) : « Ça t’oblige à aller à l’évidence », dit-il. Sombre et sobre huis clos, sans violence ni effets tape-à-l’œil, Borderline s’appuie essentiellement sur l’intensité des dialogues, des regards et des face-à-face qu’il met en scène. Dans ce registre, le duo Bruno Wolkowitch-Catherine Marchal est impeccable, et leur jeu subtil. Le dernier téléfilm d’Olivier Marchal est probablement l’une de ses meilleures fictions.Borderline, d’Olivier Marchal (France, 2014, 100 min). Diffusé mercredi 7 octobre, à 20 h 55, sur France 2. Suivi, à 22 h 35, d’un débat animé par Julian Bugier.Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Mustapha Kessous « Action ! » La caméra suit l’acteur au plus près. Ça tire dans tous les sens. Sous les balles, le comédien, qui joue un flic, crie à ses collègues : «  Couvrez-moi !  » Jugeant probablement la scène peu importante, le réalisateur s’égare sur un autre plan. «  En fait, il ne savait pas ce que signifiait “couvrez-moi” », se souvient en riant Pierre Guiziou, ancien commissaire divisionnaire à la retraite dont la mission est désormais de vérifier, sur un tournage ou à la lecture d’un scénario, la « vraisemblance » de l’intrigue policière et de sa mise en scène.Depuis plusieurs années déjà, Pierre Guiziou est – dans le jargon de la télévision – conseiller technique police sur des séries comme « Le Sang de la vigne », diffusée sur France 3. Lui n’écrit pas : « Je ne me mêle pas du texte, jamais », assure-t-il. Mais d’autres policiers, à la retraite ou en activité, ne se contentent pas de donner quelques recommandations avisées sur une scène de crime ou sur les éléments techniques du code de procédure pénal, ils produisent des scénarios.«  L’intérêt de la télé, c’est qu’on peut s’adresser à des millions de personnes. C’est colossal, c’est mieux que d’avoir le Goncourt  », lance Simon Michaël, ancien policier, auteur de films à succès (Les Ripoux, de Claude Zidi) ou des séries telle «  Flics  » (TF1) cosignée avec Oliver Marchal, l’ex-inspecteur à qui l’on doit des séries comme «  Braquo  », ou «  Section zéro  » (sur Canal+ en 2016). Et dont on découvrira mercredi 7 octobre, sur France 2, Borderline, un premier téléfilm, élégant et sombre, qui raconte l’histoire d’un commissaire piégé par ses méthodes douteuses pour coincer les truands.Profils très recherchésLe petit écran ne semble plus pouvoir se passer des flics, avec ou sans uniforme. « Ces deux mondes ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre », confirme la romancière Danielle Thiéry, ancienne commissaire divisionnaire, auteure de la série « Quai n° 1 » (France 2). De fait, les polars – qui font le plus recette en termes d’audience – occupent depuis des décennies une place prépondérante dans les grilles des chaînes. « Le flic est un formidable vecteur. C’est un personnage qui peut entrer dans tous les univers et permet de traiter tous les sujets », ajoute Simon Michaël. Et la police, une source inépuisable pour le petit écran : « Navarro », « Commissaire Moulin », « Les Brigades du Tigre », « Les Cinq Dernières Minutes », pour les plus anciennes. Puis « Julie Lescaut », « PJ », « Les Témoins », « Profilage », « Engrenages », « Sur le fil »…Les policiers au parcours proche de celui d’Olivier Marchal sont des profils très recherchés auprès des producteurs et des scénaristes. « Les gens de la télé attendent de nous du vécu, ce que les autres auteurs n’auront jamais », souligne Michel Alexandre, ancien enquêteur à la brigade des stupéfiants, scénariste de L.627 de Bertrand Tavernier et créateur des séries « Groupe Flag », « Léo Mattéi, Brigade des mineurs »et même « Camping paradis ». « Ils n’ont pas vu la mort, vécu des choses sordides, côtoyé les voyous. Même quinze jours d’immersion dans un commissariat ne feront jamais d’eux des flics. »« Polars lisses »Ce « vécu » a pour ultime ambition d’apporter du réel à la fiction, car, ainsi que l’exprime Pierre Guiziou, « la réalité permet de ne pas décrocher ». « Ces policiers apportent de la matière », confirme Gilles Bannier, réalisateur qui a mis en scène une partie de la saison 2 d’« Engrenages » (Canal+). « Je m’interdis de faire des erreurs, sinon je ne suis plus crédible. Quand vous décrivez un corps de métier autant exploité dans la fiction, il est interdit d’écrire des conneries. Il ne faut pas oublier que les flics sont aussi des spectateurs. » D’où la nécessité d’être précis quand il s’agit de raconter la vie d’un inspecteur. « Il y a un code, des habitudes, une gestuelle, un langage. Oui, on peut parler de la police comme une sous-culture », avance Danielle Thiéry. « Sur un tournage, je faisais venir un moniteur pour apprendre aux acteurs à mettre les menottes, afin qu’ils ne fassent pas n’importe quoi », explique Michel Lepoix, ancien commissaire du 16e arrondissement de Paris et conseiller technique au cinéma et à la télévision.Lire aussi :« Borderline », ou la nostalgie du policier à l’ancienneAujourd’hui, face à l’exigence du public habitué au réalisme des fictions américaines, les séries françaises – en témoigne, sur Canal+, « Le Bureau des légendes » sur la vie d’un agent secret – se rapprochent du réel, bien plus que dans les années 1980. Subsiste pourtant un paradoxe. « Les producteurs ont toujours pour ambition d’être réalistes, mais les contraintes de la fiction française font qu’ils ne le sont pas, explique un policier de haut rang qui écrit sous pseudo pour le petit écran et souhaite garder l’anonymat. Une fois qu’on leur explique ce qu’est vraiment le réel, ils ne le trouvent pas assez sexy. Ils ont même peur de la réalité. »Ces auteurs-policiers regrettent en effet le conformisme et le manque d’audace de certaines grandes chaînes. « Nous n’avons pas beaucoup de liberté de création », se désole Danielle Thiéry, qui se souvient avoir proposé, au milieu des années 1990, une série sur la police scientifique. « A l’époque, on m’a ri au nez », se souvient-elle. C’était bien avant le phénomène « Les Experts ». « Les chaînes ont peur d’innover. Du coup, on fait du Navarro un peu amélioré mais pas trop », lance Michel Alexandre, qui souhaite qu’un dialogue se noue entre les auteurs et les responsables de fiction des chaînes. « C’est pour cela que les polars à la télé sont lisses. C’est la contrainte des chaînes, des directeurs de fictions qui croient savoir ce que veut le public. C’est frustrant », ajoute Simon Michaël. Manque de moyens, de seconds rôles, de scènes de nuit ou d’action car trop chères…« J’ai créé des séries et pourtant, dans certaines chaînes, on me parle parfois comme à une merde ; on veut m’apprendre mon métier », s’emporte Olivier Marchal, qui veut prendre ses distances avec la télévision, qu’il juge plus « compliquée » que le cinéma. « On nous prend pour des débutants », surenchérit Michel Alexandre. « Alors, tu abandonnes », souffle Simon Michaël. Mais Netflix est arrivée en France. La plateforme VOD n’a peur de rien, surtout pas du risque. Et certains anciens flics ont déjà des projets avec le mastodonte américain.Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ Cinéma à 20 h 50 Adapté d’un best-seller de Gillian Flynn, le film de David Fincher est un thriller sombrement ironique.Bon, une fille qui s’en va, ça arrive, en gros, tous les jours à une part non négligeable de l’humanité. On gère comme on peut, mal ou bien, et puis ça finit par passer. Comme on pouvait s’y attendre, dans Gone Girl, de David Fincher, les tenants et les aboutissants d’une telle affaire sont lourds de conséquences.Tout part ici d’un best-seller machiavélique de 2012, Les Apparences (Sonatine), de Gillian Flynn, vendu à six millions d’exemplaires à partir duquel Fincher va signer quelque chose qu’on a du mal à définir : vaudeville au tranchoir ? Thriller conjugal à l’heure de la société du spectacle ? Critique guignolesque de la dictature des apparences dans la société américaine ?Amy (Rosamund Pike), une romancière à succès pour la jeunesse, et Nick (Ben Affleck), un journaliste, lovés à Manhattan, se retrouvent dans la petite ville natale de ce dernier, dans le Missouri, après qu’il a perdu son travail.Tandis que leur mariage semble se déliter, Nick ouvre un bar avec sa sœur Margo et se confie à elle. C’est ici que le film commence. Car, à peine rentré chez lui, Nick constate la disparition de sa femme. Disparition non dénuée de traces accusatrices. Des meubles renversés, du sang mal nettoyé sur le sol, un carnet intime qui ne tardera pas à être retrouvé.Un jeu de piste bien orchestréAutant d’éléments qui accusent Nick du possible assassinat de sa femme. Sont ainsi lancés une course contre la montre visant à éclaircir tant les raisons de la disparition d’Amy que la culpabilité présumée de Nick, ainsi qu’un double récit hélicoïdal qui confronte les versions contradictoires de l’homme et de la femme.Ici, mobilisation de Nick, grand dadais peu sympathique englué dans la nasse des présomptions de sa culpabilité et victime d’un déchaînement de haine publique. Là, les confessions accablantes laissées dans son carnet par Amy.Reste à évoquer la constellation de personnages qui accompagnent ce désastre – la sœur fidèle, l’officier de police intègre, la maîtresse plastiquement et mentalement brûlante de Nick, l’ex-petit ami d’Amy, l’animatrice d’une émission d’enquête télévisée, l’avocat en gestion d’images. Et, bien sûr, selon un jeu de piste savamment orchestré, les retournements de situation que le scénario réserve à foison aux spectateurs.Gone Girl, de David Fincher. Avec Rosamund Pike, Ben Affleck (EU, 2014, 149 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Arte à 20 h 50 La vie d’Elisabeth Vigée Le Brun, femme des Lumières et peintre célèbre.Entre Artemisia Gentileschi et Berthe Morisot, il n’est guère qu’Elisabeth Vigée Le Brun (1755­-1842) à incarner la peinture au féminin pour le grand public. Sans doute le doit-elle plus au modèle qui l’a rendue célèbre – la reine Marie-Antoinette – qu’à la facture de ses toiles, pourtant très personnelle et d’une infinie délicatesse. A l’heure où le Grand Palais à Paris consacre une exposition à la fameuse portraitiste (jusqu’au 11 janvier 2016) et où paraît une version amendée de l’édition de ses Souvenirs (éd. Champion, 896 p., 25 €), établie en 2008 par Geneviève Haroche­-Bouzinac, avant que l’historienne ne livre son exemplaire biographie (Flammarion, 2011), Jean-­Frédéric Thibault invite à découvrir une femme des Lumières à l’audace sereine. Avec la complicité d’Arnaud Xainte, cosignataire de ses documentaires sur Jean Cocteau (2013) et Rita Hayworth (2014).Autodidacte, même si son père, le pastelliste Louis Vigée, l’encourage, Elisabeth devient, orpheline, peintre professionnelle à 14 ans. Pour éviter les sollicitations de ses modèles masculins, elle ruse, exigeant qu’ils détournent les yeux, « à regard perdu », préfigurant la pose romantique de l’homme inspiré qui voit « ailleurs ». Un stratagème aussi efficace que fécond.Malgré les protections que son talent et sa fraîcheur lui valent – la duchesse de Chartres, avant la reine, croisée lors d’une promenade à Marly – et qui établissent sa cote, d’emblée exceptionnelle, elle doit inscrire sa pratique dans un cadre professionnel. Elle se présente donc à l’Académie de Saint-Luc, corporation des peintres et sculpteurs, et bientôt épouse le restaurateur de tableaux et marchand d’art Jean-­Baptiste Le Brun, qui partage sa sensibilité artistique et son ambition sociale. Elle ouvre ainsi un atelier et voyage pour parfaire sa science.Découverte de RubensRien ne peut la freiner et sa découverte de Rubens dont elle va s’inspirer confirme son aptitude à digérer la technique des grands maîtres. Comme la vivacité et l’empathie, la culture et la conversation de l’artiste séduisent ses modèles, la reine, que les séances de pose désespèrent, succombe aisément. Et de 1778 à 1789 se tisse une relation familière entre les deux femmes. En 1783, Vigée Le Brun parvient ainsi à entrouvrir la porte de l’Académie royale de peinture qui permet d’exposer au Salon officiel, où les femmes sont presque absentes. Mais si la protection de la reine lui permet de viser le genre le plus noble – la peinture d’histoire –, réservé aux hommes, la détestable réputation de la reine rejaillit sur sa portraitiste et il est logique qu’aux premières heures de la Révolution elle choisisse l’exil.D’octobre 1789 à janvier 1802, errance à Chambéry, Bologne, Rome, Naples, Venise, puis Vienne, Saint-Pétersbourg et Moscou, où il faut se refaire à chaque fois une clientèle de cour, sans céder sur ses exigences tarifaires. De retour en France, elle s’accommode mal de l’ère napoléonienne, tente sa chance à Londres, s’y ennuie… et part pour la Suisse où elle partage avec Mme de Staël la nostalgie de l’Ancien Régime. C’est pour retrouver ces temps pour elle heureux qu’elle mettra par écrit ses Souvenirs achevés en 1837. Témoin d’un art de vivre et d’un monde où les femmes pouvaient forcer le destin, Elisabeth Vigée Le Brun méritait ce portrait.Le Fabuleux Destin d’Elisabeth Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, d’Arnaud Xainte, écrit par Jean-Frédéric Thibault (Fr., 2015, 95 min). Version intégrale (2 x 52 min), en DVD (coédité par Arte et RMN Grand Palais), disponible dès le 6 octobre.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Dans un hémicycle très clairsemé, trente petites minutes ont suffi, jeudi 1er octobre autour de minuit, pour que soit discuté, en première lecture, l’article 26 du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Pour la première fois depuis 1977, on débattait d’architecture au Palais Bourbon. Dix jours plus tôt, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, présidée par le député PS Patrick Bloche, rapporteur du projet de loi, avait, il est vrai, fourni l’essentiel des amendements. Déjà, au premier semestre 2014, la commission avait mené une « Mission d’information sur la création architecturale ». 36 propositions, issues d’une soixantaine d’auditions d’acteurs du secteur de la construction, avaient été formulées, destinées à « susciter un désir d’architecture ».Lire aussi :La liberté des artistes vaut bien une loiLes amendements qui ont été jusqu’alors votés sont-ils vraiment de nature à susciter ce désir face à un implacable constat ? Soit, d’un côté, ladite « France moche », ses entrées de villes, son mitage urbain, ses projets standardisés et la pesanteur de ses normes ; de l’autre, une profession hautement qualifiée dont, pour résumer, le revenu moyen annuel n’excède pas 25 000 euros et où les bénéficiaires du RSA sont de moins en moins rares.Tandis que l’on n’entendait plus parler de la mission Bloche, la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, sitôt arrivée rue de Valois à la fin du mois d’août 2014, lançait sa « Stratégie nationale pour l’architecture » qu’elle a souhaité forger à partir de trois groupes de réflexion : sensibiliser et mobiliser, innover, développer. Objectif : « Réussir l’excellence ordinaire dans les espaces du quotidien ». C’est à partir des travaux de la mission parlementaire et de la stratégie de la ministre qu’ont été formulés les principaux amendements.Abaissement du seuil de recours à un architectePremier d’entre eux : l’abaissement à 150 m2 du seuil de recours à un architecte. Une dérogation à la loi du 3 janvier 1977 avait fixé à 170 m2 la surface au-delà de laquelle l’intervention d’un architecte devenait obligatoire. Depuis que cette dérogation a été mise en place, a fleuri en France – où 70 % des constructions échappent aux architectes – une myriade de pavillons clés en main dont la surface maximale se calait sur… 169 m2. Pour Marc Barani, Grand prix national de l’architecture et principal animateur du groupe de réflexion « Innover », cet abaissement du seuil « dit qu’il n’y a pas de petit projet et que l’architecture est utile et nécessaire partout pour façonner un quotidien sur-mesure ». En revanche, pour Julien Choppin, associé de Nicola Delon dans la jeune agence parisienne Encore Heureux, il est « symbolique et insuffisant ». Ce dernier rappelant que la surface moyenne d’une maison individuelle est comprise entre 120 et 130 m2.Pour inciter les particuliers à se tourner vers les architectes, une procédure simplifiée du permis de construire et des délais réduits de moitié pour tout recours à un architecte en deçà du seuil, a été soutenue par Patrick Bloche. Cet amendement, adopté en première lecture, a toutefois reçu un avis défavorable du gouvernement. Il devrait, à titre expérimental, faire l’objet d’une étude d’impact à laquelle seraient associées des collectivités territoriales candidates.Autre mesure sensible: les députés souhaitent imposer l’intervention d’un architecte, soit un « permis d’aménager », pour tout projet urbain et paysager de lotissement. Cette proposition « suscitera des oppositions, à n’en pas douter, prévient Frédéric Bonnet, Grand prix national de l’urbanisme, impliqué dans le groupe de réflexion « Sensibilier et innover ». Mais il faut savoir ce que l’on veut : se lamenter de la mauvaise qualité des territoires, et donner quitus à des opérateurs qui n’ont rien fait depuis trente ans pour relever le niveau de leurs interventions, ou bien changer d’époque. »Des élus mieux formés et informésEvoquant le manque de qualification de certains élus, le jeune architecte Paul-Eric Schirr-Bonnans, installé à Rennes, s’interroge : « L’autorisation de construire une architecture médiocre n’est-elle pas donnée par absence totale de formation et de compétence des personnes sollicitées pour l’autoriser et responsables de son autorisation ? » Des élus mieux formés et informés, les députés y ont aussi pensé mais n’ont pas souhaité donner pour l’heure à cette mesure un caractère législatif.L’amendement prévoyant la mention obligatoire du nom des architectes sur chacun des bâtiments qu’ils ont construit soulève, quant à lui, des réactions partagées. « C’est anecdotique. On n’impose pas une envie d’architecture », indique Nicola Delon. Sauf à faire figurer, dit-il, « l’ensemble des personnes qui ont construit l’édifice ». Une hypothèse peu probable. Si Marc Barani en reconnaît le caractère « symbolique », l’initiative constitue selon lui « une reconnaissance de leur travail et de leur métier, mais aussi une façon d’afficher la responsabilité qu’ils ont endossée en l’exerçant ».« La liberté de faire »Reste l’innovation, question porteuse, qui suscite, tout autant, une divergence de réactions encore une fois marquées par ce qui semble être un clivage générationnel. « Dans des cadres bien précis, entourés de conditions rigoureuses et d’un suivi garanti par la puissance publique, explique Frédéric Bonnet, on pourra se dégager de certaines règles pour expérimenter, inventer à nouveau. » Jean Larnaudie, de l’agence Scalène architect(e)s à Toulouse, est beaucoup plus dubitatif. « On parle pour l’instant de dérogations aux règles et servitudes d’urbanisme relatives “au gabarit et à l’aspect extérieur des bâtiments”, avec un dépassement du volume constructible autorisé limité à 5 %, constate-t-il. Dit comme cela, c’est tout de suite moins spectaculaire. »Dans cette histoire de débats, Patrick Bouchain fait bande à part et déplore que ces mesures finissent toujours par « défendre une corpo » dans laquelle il dit ne pas se reconnaître. Pour l’ancien architecte, aujourd’hui retraité, « ça n’est pas une nouvelle loi qu’il faut, mais une reconstruction de l’esprit public permettant de retrouver de manière inédite le sens des choses. Ca n’est pas une loi, mais la liberté de faire ! »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emilie Grangeray Dans « Comme une pierre qui… », le pensionnaire de la Comédie-Française s’est glissé dans la peau du jeune Bob Dylan. Après « André » et « Vers Wanda », vous collaborez de nouveau avec Marie Rémond, issue comme vous de la promotion 2007 du Théâtre National de Strasbourg. Comment travaillez-vous ensemble ?C’est vraiment Marie qui arrive avec des idées incroyables. Elle a ce don d’avoir des idées de théâtre et de mise en scène uniquement en lisant un texte : une bio d’Agassi pour André ; ici, Like a Rolling Stone, le livre de Greil Marcus. La troupe s’est ensuite constituée. Le soir, Marie et moi disséquions nos improvisations communes afin de les faire tendre vers notre dramaturgie. Saviez-vous d’emblée que vous incarneriez Bob Dylan ?Oui, presque par la force des choses : je suis fan de Dylan et je joue de la guitare depuis longtemps. Mais le spectacle porte moins sur Dylan que sur le processus de création ainsi que sur le décalage entre le succès planétaire de cette chanson mythique et l’anarchie de sa genèse. Je dois avouer que ça retire un peu du poids de devoir incarner Dylan.Dans la pièce « Nouveau Roman », de Christophe Honoré, vous jouiez Claude Simon, Prix Nobel de littérature, et ici, Bob Dylan. Pourtant, vous n’êtes jamais dans l’imitation…Les biopics à l’américaine ne me touchent pas : je n’arrive pas à y voir les gens dans ce qu’ils ont de singulier et donc d’intéressant. Quand Marie Rémond jouait André Agassi, il était évident que c’était André Agassi, et ça ne tenait pas à une perruque blonde mais au fait qu’elle ait trouvé en elle ce qui la reliait à lui. Cela rejoint quelque chose qui me tient énormément à cœur : le théâtre est encore un bastion où l’on peut faire appel à la force de suggestion des mots. C’est le lieu où l’on peut dire : « Je suis un Prix Nobel de la paix », et tout le monde y croit. Ou encore : « Je suis dans une forêt » et le spectateur voit la forêt. Magie, chacun peut même voir une forêt différente. Comme un livre aux lecteurs, le théâtre laisse de la place aux spectateurs. Dans quel état d’esprit Bob Dylan était-il lorsqu’il a enregistré « Like a Rolling Stone » ?A cette période, il est à la croisée des chemins. C’est quelqu’un sur lequel on a collé une étiquette et qui, avec un courage héroïque, a pris le risque de déplaire. Très peu de gens sont capables de ça. A ce moment-là, Dylan entre dans une autre dimension : la poésie, ce qui est passionnant à jouer, à vivre...A vivre ?C’est-à-dire donner à voir des choses. Il fallait tendre vers, aller vers, rappeler Dylan. Ce qui m’inspire, c’est l’homme. Suze Rotolo, l’une de ses premières compagnes, dit qu’à l’époque de l’enregistrement (Dylan avait alors 24 ans), il avait l’obsession d’être vrai, d’être juste. Souvent, pour les rôles, j’essaie de voir ce qui résonne en moi. La question de la vérité est importante pour un acteur : faire en sorte que ce que tu dis soit vrai, c’est cette cuisine-là qui est intéressante. Pour écrire une chanson, Dylan donnait ce conseil : « Dis ce que tu penses, penses ce que tu dis et mets-y un rythme. » Dylan, c’est avant tout un rythme. Un rythme propre, et c’est cela que j’ai voulu ancrer en moi.Vidéo : Bob Dylan interprète « Like a Rolling Stone » en concertLa notion de travail collectif traverse la pièce. Vous-même faites partie d’une troupe, la Comédie-Française, et travaillez souvent avec les mêmes personnes (Marie Rémond, Christophe Honoré...). C’est pour vous une dimension importante ?Essentielle. Quand j’enseigne au Cours Florent, j’aime répéter : « Il faut que tu fasses jouer l’autre. » Il faut donner à l’autre des impulsions, presque au sens musical. Ce qui fait la qualité de notre travail, c’est que l’on joue bien ensemble. Pour Sanford Meisner [acteur et professeur de théâtre américain mort en 1997, NDLR], l’acteur est surtout quelqu’un qui réagit. La technique qu’il a élaborée oblige le comédien à se rendre disponible à ce qui se passe. L’acteur est souvent tellement empêtré dans des questions d’ego ! A mon avis, c’est lorsque nous sommes obligés d’éloigner l’ego que nous sommes le plus disponibles et donnons le meilleur. La technique Meisner est aussi un pilier de la méthode du directeur de la Schaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier. L’a-t-il utilisée pour la mise en scène de « La Mouette », de Tchekhov, dans laquelle vous jouerez à partir de mai 2016 au Théâtre de l’Europe-Odéon ?En effet, je viens de passer plusieurs semaines avec lui, et l’on a beaucoup travaillé là-dessus. Ostermeier est à mes yeux l’un des plus grands metteurs en scène : dans les cinq spectacles qui ont pour l’heure compté pour moi, il y en a trois d’Ostermeier et je pense que cela tient beaucoup à sa capacité incroyable à faire jouer tous les gens ensemble.Lire aussi : Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-FrançaiseComme une pierre qui…, de Greil Marcus. Adaptation et mise en scène Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, avec la troupe de la Comédie-Française. Au Studio-Théâtre, 99, rue de Rivoli, Paris 1er. 20 €. Tél. : 01-44-58-15-15. Jusqu’au 25 octobre. www.comedie-francaise.frSébastien Pouderoux joue également dans Le Misanthrope, de Molière, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Comédie-Française, salle Richelieu, jusqu’au 8 décembre ; et dans La Mouette de Tchekhov, au Théâtre de l'Europe Odéon, place de l'Odéon, Paris 6e, de 6 à 40 €. Du 20 mai au 25 juin 2016. www.theatre-odeon.euLire aussi, dans les archives du Monde, la critique de Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus : Deux documents exceptionnels et une hagiographieEmilie GrangerayJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle A Tours, le futur Centre de création contemporaine Olivier Debré (CCCOD), qui devrait être achevé à l’automne 2016 sur le site de l’ancienne école des Beaux-Arts, au cœur de la ville historique, a toutes les qualités requises pour devenir un exceptionnel lieu de contemplation. Pour concevoir le bâtiment, les architectes portugais Francisco et Manuel Aires Mateus, sélectionnés en décembre 2012 par la communauté d’agglomérations Tour(s) plus, ont appliqué les principes fondamentaux de leur architecture, pétrie de rigueur et pourtant sans froideur : pureté et simplicité du dessin, géométrie d’ensemble soumise à une prise en compte scrupuleuse des volumes intérieurs, jeu entre les pleins et les vides où vient parfois se glisser la lumière, artificielle ou naturelle.Jusqu’au 1er novembre, le travail appliqué et patient des deux frères lisboètes est exposé dans les actuels espaces du CCC. C’est une première en France. Créée en 1984 par Alain Julien-Laferrière, la jeune institution a été l’un des premiers centres d’art contemporain conventionnés de l’Hexagone et le seul du genre dans la région Centre. Espace d’expérimentations et de diffusion, plutôt que destiné à devenir un musée abritant une collection, de nombreuses expositions monographiques y ont égrainé trente années de l’histoire de l’art actuel (Roman Opalka, Daniel Buren, Claude Rutault, Olivier Debré, François Morellet, Tania Mouraud, Chen Zhen, etc.). Les soixante maquettes d’architecture au 1/200e qui y sont exposées aujourd’hui témoignent de cette logique d’accrochage d’une cohérence plastique affirmée.Proximité immédiate avec les visiteursA la manière de ce que fit l’architecte tokyoïte Junya Ishigami au centre Arc en rêve de Bordeaux il y a un an et demi, Francisco et Manuel Aires Mateus ont déployé sur de longues et simples tables à tréteaux en bois brut la quasi-totalité de leurs projets et réalisations. Ces objets à portée de main uniformément blancs entretiennent une proximité immédiate avec les visiteurs. Afin d’en comprendre la logique, la tentation est grande de les manipuler, d’en découvrir les revers, voire les dessous. D’autant que, présentées parfois sous forme de simples emboîtements, les maquettes semblent y inviter le visiteur – ce à quoi leurs auteurs disent d’ailleurs ne voir aucun inconvénient. Cette sommaire mécanique d’assemblage aux vertus pédagogique et ludique, que les jeunes publics appréhendent avec une certaine aisance, offre de précieuses clefs de compréhension du mode constructif qu’ont adopté les architectes. Soumis à un principe de soustraction, d’excavation, les volumes intérieurs révèlent des formes dont il semble ne subsister que l’empreinte, tels des moules débarrassés de l’objet qu’ils enserrent. Une logique du vide qui malmène notre sens commun dont la perception des espaces naît généralement de la somme d’une addition de matière. « L’espace est un vide, une poche d’air, qui doit être contenue pour définir une limite », précisent les architectes.Minimalisme expressifOn s’interroge sur la viabilité de cet exercice silencieux de rhétorique architecturale que Francisco et Manuel Aires Mateus formulent jusqu’à l’extrême. Jusqu’à l’extrême, mais sans jamais oublier que leurs projets seront un jour ou l’autre habités, qu’il s’agisse de clients privés ou de commanditaires institutionnels. La demeure immaculée aux lignes élémentaires qu’ils ont réalisée à Leiria ou la résidence « troglodyte » pour personnes âgées à Alcácer do Sal, toutes deux réalisées au Portugal en 2010, déploient une organisation spatiale à laquelle, dit-on, leurs usagers s’accommodent sans peine.Depuis que Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura ont acquis une réputation planétaire, une fois obtenu le prix Pritzker, respectivement en 1992 et 2011, l’architecture portugaise a imposé son vocabulaire et sa syntaxe où le minimalisme expressif tient lieu d’identité. Les frères Aires Mateus en poursuivent le propos. Et l’on a du mal à croire, en dépit de ce qu’ils affirment, que le contexte où s’inscrivent leurs projets leur serait indifférent, eux qui n’en conçoivent pas les contours avant d’en avoir modélisé les abords.A Tours, le monolithe que les architectes ont adjoint à la nef de style art déco dessinée par Pierre Patout qu’ils ont conservée et réhabilitée, va établir un dialogue direct avec le jardin François 1er, quadrilatère bordé de bâtiments sans fard dans lequel il s’insère. Reste à savoir comment seront aménagés les alentours du futur CCCOD, davantage ouvert sur la cité et promis, espèrent les élus du crû, à devenir le futur centre de gravité de la ville.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Dans les années 1970, à l’époque où on la considérait rarement comme de l’art, Pierre de Fenoyl était un ardent défenseur de la photographie en France - il fut iconographe, commissaire d’exposition, fondateur de la galerie Rencontre et de l’agence Vu avant de devenir en 1976 le premier directeur de la Fondation nationale de la Photographie, puis conseiller pour la photographie au Centre Pompidou. Mais c’était aussi un auteur d’images subtiles, au noir et blanc velouté – elles sont à découvrir, ou redécouvrir, au château de Tours jusqu’à la fin octobre, ainsi qu’à la galerie Le Réverbère, à Lyon, qui a fait beaucoup pour la redécouverte de cette œuvre.Ce grand voyageur, passé par l’Inde ou par l’Egypte, s’attachait peu au contenu documentaire des images : il y cherchait plutôt des formes pures et évocatrices, des contrastes puissants, gages de silence et de contemplation. Ses paysages tirés de la campagne française, réalisés pour la DATAR, sont à la fois classiques et étranges : gommant volontairement la profondeur de champ, il joue du noir et des trouées de lumière comme d’aplats, pour atteindre un subtil équilibre entre peinture hollandaise et géométrie abstraite. Ses intérieurs et ses portraits ont la même délicatesse, la même retenue, livrant peu pour libérer le rêve et l’imaginaire.« Une géographie imaginaire », photographies de Pierre de Fenoÿl (1945-1987), Château de Tours, 25 avenue André Malraux à Tours (Indre-et-Loire. Tél. : 02-47-21-61-95. Jusqu’au 31 octobre. Du mardi au dimanche, de 14 h à 18 h. Entrée gratuite. Catalogue éditions Jeu de Paume/Xavier Barral. Textes de Virginie Chardin, Jacques Damez, Peter Galassi. 240 pages, format 24 x 28 à la française, 144 photographies et illustrations. 50 €.« Paysages conjugués, photographies de Pierre de Fenoÿl », Galerie Le Réverbère, 38, rue Burdeau, à Lyon (Rhône-Alpes). Tél.: 04-72-00-06-72. Du mercredi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous. Jusqu’au 31 décembre 2015.Lire aussi :Pierre de Fenoÿl, âme sensible Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Ariane Chemin Martine Aubry, ex-ministre du travail et maire (PS) de Lille, ainsi que l’avocat pénaliste Georges Kiejman ont signé, jeudi 15 octobre, la pétition de soutien à l’écrivain Erri de Luca, qui demande – sans citer le nom de François Hollande - à l’Etat français et à l’Etat italien de retirer leur plainte contre le romancier italien.Le tribunal de Turin doit se prononcer lundi 19 octobre sur le sort d’Erri de Luca après que le parquet a requis une peine de huit mois de prison pour « incitation au sabotage » du chantier du tunnel ferroviaire Lyon-Turin.Les noms de ces deux anciens ministres de François Mitterrand viennent s’ajouter à ceux de nombreux éditeurs (Antoine Gallimard, PDG de Gallimard, Olivier Nora, patron de Grasset, Olivier Cohen, président des éditions de l’Olivier ou la romancière Geneviève Brisac, éditrice à l’Ecole des loisirs), écrivains (Annie Ernaux, Adrien Bosc, Daniel Pennac, Philippe Claudel), artistes (comme le sculpteur Daniel Buren), ou encore cinéastes (Pascale Ferran, Arnaud Desplechin, Mathieu Amalric, Jacques Audiard ou Wim Wenders), et de responsables ou ex responsables d’Europe Ecologie les Verts, comme Cécile Duflot et Noël Mamère.Tous ces signataires invoquent le droit à la « liberté d’expression ».Ariane CheminGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Fabienne Darge Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europe Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'EuropeC’est à une véritable résurrection que l’on assiste à Paris aux Ateliers Berthier, la deuxième salle de l’Odéon-Théâtre de l’Europe : celle du grand Arthur Miller, que l’on redécouvre avec un œil neuf, dans cette remarquable mise en scène de Vu du pont que signe le Belge Ivo van Hove – lequel est décidément devenu, avec Thomas Ostermeier, l’un des tout premiers maîtres du théâtre européen.Cela fait bien bien longtemps que l’on n’avait pas vu ici une mise en scène digne de ce nom d’une des pièces de Miller. La célébrité du dramaturge américain, disparu en 2005, est paradoxale, et à plusieurs tiroirs. Pour beaucoup, Miller, sans doute, n’est plus que l’homme qui a été le mari de Marilyn Monroe. Pour d’autres, il est une figure du théâtre politique des années 1950-1960, à la fois admirée pour sa droiture et sa noblesse, et considérée comme datée, inscrite dans son époque, celle du maccarthysme sur le plan politique et d’un certain naturalisme psychologique sur le plan artistique.Mais ce qui est beau, avec le théâtre, c’est qu’il est par excellence l’art où les cartes peuvent toujours être rebattues : un art d’essence talmudique où l’interprétation du texte – un texte ne « parle » jamais tout seul, contrairement à un cliché qui fait encore florès – peut toujours faire renaître un auteur, pour peu que celui-ci en soit vraiment un. Et donc revoilà Arthur Miller, comme on ne l’avait jamais vu, débarrassé de sa gangue Actors Studio, des oripeaux du théâtre de dénonciation, pour retrouver ce qui fait l’os de son œuvre : le rapport à la tragédie, et le rôle que ce rapport à la tragédie joue dans l’histoire américaine.Mise en scène au cordeauIvo van Hove a choisi Vu du pont, entre autres textes célèbres du dramaturge. Le Flamand a déjà mis en scène la pièce en anglais, à Londres, où le spectacle a joué à guichets fermés pendant deux ans, et il va la recréer à Broadway, à l’occasion du centenaire de la naissance, en 1917, de Miller. Il en propose ici une version française tout aussi percutante. C’est un choix on ne peut plus pertinent que cette pièce écrite par Miller en 1955, qui, en France, a été créée par Peter Brook – eh oui – en 1958, avec Raf Vallone, et que le film d’Elia Kazan Sur les quais a rendue mythique.Mais pour la redécouvrir, cette pièce, il fallait d’abord la retraduire, et c’est la première réussite de ce spectacle que d’offrir une version française à la fois contemporaine et serrant au plus près le texte de Miller. La seule traduction qui existait jusqu’alors était celle de Marcel Aymé, qui, pour avoir eu son importance à l’époque, est aujourd’hui datée, et prend des libertés d’écrivain avec le texte d’Arthur Miller. Daniel Loayza, qui est à la fois traducteur et conseiller dramaturgique au Théâtre de l’Odéon, signe un texte français d’une précision, d’une acuité et d’une netteté propres à déployer la mise en scène d’Ivo van Hove, telle qu’elle a été conçue : au cordeau.Il n’y a en effet pas une once de gras, d’anecdote ou de lourdeur psychologique dans ce spectacle où le metteur en scène et son équipe tiennent de bout en bout le fil de la pureté tragique. La première surprise vient, pour le spectateur, de la scénographie, d’une intelligence et d’une beauté magistrales, conçue par Jan Versweyveld. Quand vous entrez dans la salle, vous vous retrouvez assis sur l’un des trois gradins qui entourent un mystérieux cube noir. Vu du pont commence quand ce cube s’ouvre, comme un rideau se lève, sur une scène en avancée au milieu des spectateurs, qui évoque bien sûr le proscenium de la tragédie antique.Nul besoin de décor pour évoquer l’histoire d’Eddie Carbone, cet homme dont « les yeux sont comme des tunnels ». Eddie est docker, sur le port de Red Hook, à l’ombre du pont de Brooklyn. Toute sa vie, il a travaillé comme un bœuf, notamment pour offrir une vie meilleure que la sienne à sa nièce, Catherine, qu’il élève avec sa femme, depuis la mort de la mère de la jeune fille.C’est une histoire d’immigrants, de gens modestes pris dans les rets du destin, une histoire du rêve américain, comme toutes celles de Miller qui, à travers une plongée dans le milieu italo-américain, y raconte sa propre destinée de fils d’un tailleur juif d’origine polonaise, quasiment analphabète. Mais c’est avant tout une histoire – pas une thèse. Eddie n’a pas voulu voir que Catherine avait grandi, qu’elle était devenue une femme. Quand elle tombe amoureuse d’un de ses lointains cousins, tout juste arrivé d’Italie comme immigré clandestin, il sombre, cet homme ordinaire et droit. L’histoire d’amour et de désir incestueux finira mal, très mal.Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline Proust Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline ProustDes révélationsLe théâtre de Miller apparaît pour ce qu’il est fondamentalement : un théâtre remarquablement écrit, reposant sur des figures humaines d’une force et d’une complexité peu communes. Il évoque cette remarque de Bernard-Marie Koltès : « Je n’écris pas avec des idées, j’écris avec des personnages. » Et ces personnages existent ici avec une crédibilité rarement atteinte au théâtre, parce qu’ils sont interprétés par des acteurs choisis et dirigés avec une science confondante.Plusieurs d’entre eux sont de ces comédiens français que parfois le grand public ne connaît pas, qui ne travaillent pas forcément beaucoup, et qui n’en sont pas moins des artistes de grand talent. A l’image de Caroline Proust. Dans le rôle de Béatrice, la femme d’Eddie, qui découvre l’ampleur de la passion de son mari pour sa nièce et l’impossibilité d’enrayer la catastrophe, elle est fabuleuse. Ou d’Alain Fromager (l’avocat Alfieri), témoin impuissant de toute cette histoire, et qui fait aussi fonction de chœur antique.D’autres sont des révélations, comme la jeune Pauline Cheviller, d’une intensité et d’une grâce bouleversantes dans le rôle de Catherine, ou Nicolas Avinée, dans celui de Rodolpho, l’amoureux qui va mettre le feu aux poudres. Enfin, il y a Charles Berling, que l’on n’avait pas vu aussi bien depuis longtemps : un bloc granitique d’humanité douloureuse et blessée, opaque à lui-même. Avec eux se noue cette tragédie d’hommes et de femmes ordinaires, qui se referme sur eux comme un piège, à l’image de la boîte noire du décor.Vu du pont, d’Arthur Miller (traduit en français par Daniel Loayza). Mise en scène : Ivo van Hove. Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier, 1, rue André-Suarès, Paris 17e. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures, De 8 € à 36 €. Durée : 1 h 55. Tél. : 01-44-85-40-40. Jusqu’au 21 novembre.Fabienne DargeJournaliste au Monde 15.10.2015 à 15h23 • Mis à jour le15.10.2015 à 17h42 | Antonin Sabot Le 17 octobre, ils seront sur la piste de leur cirque pour un nouveau spectacle d’hiver. Mais pour l’instant, les Romanès et leur troupe n’ont pas vraiment la tête à ça. Délia Romanès, qui a fondé le cirque tzigane du même nom avec son mari Alexandre, reçoit dans sa caravane avec une mine épuisée. « Franchement ça me fait peur et j’ai du mal à dormir », lâche-t-elle. Depuis septembre, leurs caravanes et leur chapiteau, installés sur décision de la mairie de Paris au square Parodi, dans le 16e arrondissement, sont victimes d’attaques, de vols et de dégradations.Toute une caravane de costumes a été dévalisée, un boîtier de connexion à Internet arraché, des vitres des caravanes brisés, des tuyaux d’alimentation en eau arrachés. « Nous avons été partout dans Paris et en banlieue, jamais ça ne nous était arrivé », rappelle Délia Romanès, qui s’étonne de l’animosité que provoque le campement de la troupe, pourtant discret. Par ailleurs des associations de riverains ont porté plainte contre l’implantation du cirque qui selon elles « contribue à la dégradation du site ». « Tous ces papiers je peux plus les voir, je les ai mis dans le frigo pour ne plus les avoir sous les yeux », plaisante Délia. Alexandre Romanès, lui, fait remarquer que des cirques ont déjà, par le passé, occupé ce square : « C’est donc bien le mot tzigane qui fait peur », et de dénoncer un « climat général », qui depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010, stigmatise les communautés roms et gitanes.Un texte de soutien avait reçu, jeudi 15 octobre, plus de 5 000 signatures dont celles de nombreux artistes. Les soirs, les répétitions continuent sous le petit chapiteau de la compagnie. Les vols et les dégradations ont retardé les artistes, mais ils comptent toujours être prêts pour la première du 17 octobre.Voir notre vidéo au cœur d’une répétition de danse Tzigane :Cette vidéo est à 360°. Vous pouvez vous déplacer à l’intérieur à l’aide de votre souris.Vous pouvez utiliser des lunettes de réalité virtuelle pour une expérience maximale.Si vous regardez cette vidéo sur iPhone, suivez ce lien qui vous renverra vers l’application YouTube.Antonin SabotJournaliste au pôle vidéoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nicolas Truong Mais où sont-ils passés ? Que sont-ils donc devenus ? Pourquoi ne les a-t-on pas entendus ? Telles sont les questions que se sont posées ceux que le débat suscité par les prises de positions de Michel Onfray sur les « migrants » a sidérés. Tous ceux qui furent consternés de voir une partie de l’intelligentsia française rallier les « crispations » de la société françaises au sujet des réfugiés. Mais encore davantage étonnés par le vide abyssal d’une gauche intellectuelle qui semblait à nouveau timorée, recluse ou silencieuse.Réalité ou illusion ? Problème de focale et de perception. Bien sûr, il y a le miroir grossissant de la télévision et la réduction du débat public à des matchs de catch médiatiques (Le Monde, 20-21 septembre). D’ailleurs, le fait que le meeting de la mutualité du 20 octobre, intitulé « Peut-on encore débattre en France ? », initialement organisé en soutien à Michel Onfray, soit au final – et faute de participants (Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner ont notamment décliné) – amplement composé d’éditorialistes, marque ce signe des temps. Mais le malaise est patent.Lire aussi :Des intellectuels à la dérive ?Depuis l’effacement de la figure de « l’intellectuel prophétique » (universaliste et hugolien), la rareté de « l’intellectuel critique » (en guerre contre l’ordre établi), le déclin de « l’intellectuel spécifique » (qui intervient dans la cité à partir de ses domaines de recherches), sans compter les difficultés d’élaboration d’un « intellectuel collectif » percutant, c’est-à-dire une réelle mise en commun des savoirs engagés, la gauche intellectuelle semble à la peine.Image d’EpinalSans oublier la question du charisme et de l’incarnation. Le souvenir de Pierre Bourdieu soutenant la grève des cheminots à la gare de Lyon, en décembre 1995, contre « la destruction d’une civilisation », est devenu une image d’Epinal, presque un chromo. D’où une certaine nostalgie qui a même gagné les milieux les plus radicaux.Le miroir est cependant déformant. Il omet tout un pan d’un travail intellectuel foisonnant. Du côté des plus anciens, le républicanisme est encore bien présent (avec Régis Debray et sa revue Médium), tout comme l’idée de révolution (Alain Badiou) ou celle de « politique de civilisation » (Edgar Morin). La critique sociale est encore vive, avec notamment Etienne Balibar, qui théorise le concept de « l’égaliberté », Miguel Abensour, qui ravive le « nouvel esprit utopique », ou Jacques Rancière, qui poursuit sa réflexion esthétique et politique sur « le partage du sensible ».Contrairement à une idée reçue, Marx n’est pas mort non plus. Ainsi, le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval syncrétisent les nouvelles interprétations du marxisme et pensent ces nouvelles luttes qui s’organisent autour des « communs » contre les nouvelles formes d’appropriation privée et étatique des biens publics, de l’informatique aux ressources naturelles, de la mutualisation de l’eau à la préservation des données personnelles (Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014).Parce que « la gauche ne peut pas mourir », écrit-il dans Le Monde diplomatique (septembre 2014), le philosophe Frédéric Lordon articule son analyse marxiste des crises du capitalisme financier à une « économie politique spinoziste » (Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La Fabrique, 214 pages, 12 euros).« histoire-monde »Les collectifs bougent encore. Exemple parmi mille autres : au sein de leur association, Ars industrialis, Bernard Stiegler et Marc Crépon élaborent « une politique industrielle de l’esprit » afin de contrer ces techniques de contrôle qui, de la publicité à certains jeux vidéo, prennent le pouvoir sur nos désirs et sur nos vies. Esprit, Lignes, Vacarme, Regards, Mouvement et alii : les revues sont également nombreuses.Les institutions n’abritent pas que la pensée conservatrice et ses ténors, loin de là. Au Collège de France, Patrick Boucheron défend une « histoire-monde » contre la prééminence du récit national et n’hésite pas à soutenir que « la recherche de l’identité est contraire à l’idée même d’histoire ». Depuis le Collège de France, toujours, Pierre Rosanvallon anime le site de « La vie des idées », sorte de « coopérative intellectuelle » qui recense ouvrages et débats internationaux, prolongée par « La République des idées », collection des éditions du Seuil qui publie aussi bien l’économiste Esther Duflo que le démographe Emmanuel Todd.A l’École polytechnique, le philosophe Michaël Foessel – successeur d’Alain Finkielkraut à la chaire de philosophie – développe notamment sa « critique de la raison apocalyptique », loin du déclinisme dominant. A l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Luc Boltanski – qui travaille actuellement sur la nouvelle « classe patrimoniale » – s’est notamment illustré par un texte d’intervention contre « l’extension du domaine des droites » (Vers l’extrême, avec Arnaud Esquerre, Editions Dehors, 2014).Pas mortCôté succès populaire, impossible de ne pas mentionner les sociologues des beaux quartiers, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, qui, partout en France, expliquent « pourquoi les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres » à un peuple de gauche remonté contre le sarkozysme et déçu par le hollandisme. Ou bien encore à l’immense audience rencontrée par le livre de l’économiste Thomas Piketty sur les inégalités (Le Capital au XXIe siècle, Seuil, 2013). La jeune garde n’est pas en reste : Sandra Laugier, Fabienne Brugère, Frédéric Gros, Yves Citton, Bernard Aspe, Quentin Meillassoux et tant d’autres dont il faudrait avoir le temps de détailler les travaux. En un mot, l’intellectuel de gauche n’est pas mort.Mais d’où vient l’impression de malaise, alors ? D’une méconnaissance de cette richesse trop peu sollicitée. D’une réticence et d’un manque de curiosité. Mais aussi parfois d’un certain entre-soi – moins académique que social et idéologique – à l’intérieur de cercles où l’on ne s’adresse souvent qu’à un auditoire de convaincus. D’où encore ? De l’impression d’avoir perdu la partie face aux néoconservateurs et à leur hégémonie. De la crainte de certains intellectuels multiculturalistes d’aborder les questions qui fâchent – par souci de ne pas « stigmatiser » les minorités –, qui a contribué à renforcer l’idée que les intellectuels de gauche pratiqueraient un « déni de réalité ». D’un déficit de charisme et d’aura parfois. D’un sentiment que le clivage droite-gauche est dépassé face aux enjeux culturels et civilisationnels.D’où l’idée de donner la parole à Danièle Sallenave, Marc Crépon, Stéphane Beaud et Gérard Mauger. Parole à la défense, en quelque sorte. Histoire à nouveau de vérifier que, en idéologie comme en stratégie, la meilleure défense, c’est l’attaque.A lire sur le sujet:- Face à l’hégémonie droitière, retrouvons les valeurs de progrès !, par Marc Crépon, directeur du département de philosophie de l’Ecole normale supérieure. Face au silence assourdissant des penseurs de gauche, il est temps de raviver les valeurs progressistes que les polémistes droitiers ne cessent de détourner. Il n’est ni honteux ni ringard de soutenir les déshérités.- Les sciences sociales ne sont pas silencieuses, par Stéphane Beaud, professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense, et Gérard Mauger, directeur de recherche émérite au CNRS. L’omniprésence médiatique de certains essayistes ne signifie pas que les universitaires restent se tiennent à l’écart du débat public. Les travaux ne manquent pas sur les thèmes qui agitent notre époque. Mais ils ne sauraient se résumer à des formules pour shows télévisés.- Contre les dangereux prophètes du pire, une France résolue cherche à changer le présent, par Danièle Sallenave, écrivaine et membre de l’Académie française. Loin des apôtres du « tout fout le camp », une partie de la société française cherche, sans naïveté ni ringardise, à inventer l’avenir.Nicolas TruongResponsable des pages Idées-DébatsSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande « Ils ont des idées plein la tête, des idées pour faire la fête  », chantait France Gall dans Tout pour la musique. Des idées sur la musique, ils en ont beaucoup chez Deezer mais la fête, ce sera pour plus tard. La société s’engage aujourd’hui dans un marathon qui décidera de son avenir. Et elle n’a pas choisi la facilité.Lire aussi :Deezer s’introduit en BourseEn pleine turbulence boursière, elle lance son introduction sur le marché parisien qui devrait lui permettre de lever 300 millions d’euros d’argent frais. L’opération, qui devrait valoriser la société entre 900 millions et un milliard, sera l’une des plus importantes de l’année. Un pari risqué, si l’on en juge par le résultat très mitigé du réseau social professionnel Viadeo, introduit en Bourse l’an dernier et qui a depuis perdu la moitié de sa valeur.La lessiveuse de l’InternetMais Deezer veut croire en sa bonne étoile. Elle s’estime bien plus solide   : son chiffre d’affaires a été de 142 millions en 2014, soit six fois plus que Viadeo. Et, surtout, elle surfe sur une croissance forte, 50 % en 2014 et plus de 40 % cette année.Car la société est au cœur d’une transformation radicale de son environnement. La musique, première filière à être entrée violemment dans la grande lessiveuse de l’Internet, avec le piratage, est aussi la première à en être sortie. Fortement rétrécie au lavage, puisque, sur les six majors de l’édition musicale qui dominaient le paysage en 2000, il n’en reste que trois et que le marché a été divisé par deux en dix ans.Mais le secteur a trouvé enfin un modèle pérenne, au prix d’un changement conceptuel. De la vente d’un produit, le CD, l’industrie musicale évolue à grande vitesse vers la vente d’un service, en l’occurrence un abonnement à un flux de musique illimité, appelé streaming.Lire aussi :Musique : le streaming en hausse, le CD en baisse, la niche vinyle se porte bienAprès plus de dix ans de baisse, le marché devrait repartir, et le streaming en sera la clé de voûte. Les consommateurs ont démontré qu’ils étaient prêts à payer 10 euros par mois pour avoir toute la musique partout et tout le temps. Deezer revendique 6,3 millions d’abonnés payants dans 180 pays, et son principal concurrent, Spotify, plus de 15 millions.Autre élément d’optimisme, cette révolution n’est pas venue des Etats-Unis mais d’Europe. Le suédois Spotify et le français Deezer en ont été les pionniers, et Spotify est également le numéro un du secteur en Amérique.Mais rien n’est joué. Dans l’économie des plates-formes Internet, le gagnant rafle la mise en profitant de l’effet de réseau. Spotify est déjà six fois plus gros en chiffre d’affaires que le français, Apple vient de se lancer, et Google, déjà présent avec YouTube, ne restera pas à l’écart. D’où les 300 millions espérés pour rivaliser en marketing avec ses concurrents.Mais il faudra surtout un produit attractif et une gestion sans faille, notamment dans ses relations avec les opérateurs téléphoniques qui proposent son service. Etre à la fois créatif et éviter, comme le raconte France Gall, que « le feeling prime la raison ».Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pierre Gervasoni « Il sera là ? » Dans la file d’attente qui court le long de l’église Saint-Eustache, mercredi 14 octobre, la question est sur de nombreuses lèvres. La Monte Young, le pape du minimalisme américain, sera-t-il présent à l’occasion du concert que lui consacre le festival d’Automne à Paris, le jour de son quatre-vingtième anniversaire ? Les portes s’ouvrent, le public prend place, et chacun peut constater que, de la base des piles centrales à l’arcature du fond, le rouge est mis, ou plus exactement le magenta qui constitue la Dream Light imaginée par Marian Zazeela pour conférer un éclairage onirique aux œuvres de son mari.Celle programmée ce soir possède un titre long comme la nef de Saint-Eustache : The Melodic Version (1984) of the Second Dream of the High-Tension Line Stepdown Transformer, tirée de The Four Dreams of China (1962). Prévue pour un effectif instrumental fondé sur des multiples de quatre, la partition repose sur quatre notes dont la tenue longuement graduée doit engendrer un bourdonnement semblable à celui des lignes à haute tension. La version présentée à Paris associe huit trompettes munies de sourdines Harmon. Les membres du Theater of Eternal Music Brass Ensemble sont disposés en rectangle parmi les spectateurs qu’ils surplombent, assis à bonne distance les uns des autres, pour pouvoir communiquer entre eux du geste ou du regard.A 20 h 08, la première note se glisse comme un murmure lointain dans l’espace rougeoyant. Chaque intervention des trompettistes s’apparente à une respiration fondue dans le métal. Maîtrise du timbre et de l’intensité : fuselage impeccable. Peu à peu, la note se fait plus soutenue, plus riche. Elle irradie avec sa traîne d’harmoniques et, tintinnabulant comme un microcarillon, connaît une double transcendance – acoustique et spirituelle – dans le lieu qui l’accueille.« Grand huit » d’éternitéEtagement zen, harmonie céleste… L’illusion communautaire gagne aussi les auditeurs. Certains gardent les yeux fermés pour s’immerger dans un flux qui a valeur d’éveil sensoriel. D’autres, au contraire, s’imprègnent de visu du voyage des sons. Les intervalles ont beau varier, la musique donne l’impression de se mouvoir à partir d’un seul accord, statique en dépit des nuances infinitésimales qui répètent une destinée en quatre étapes : émission, croissance, diminution, extinction.Au fil des minutes, les interprètes se montrent plus explicites dans le déroulement des séquences. Principalement en usant des doigts pour signifier une attaque imminente. Sémaphores exemplaires, ils ordonnent l’enchaînement des soufflets d’intensité comme un « grand huit » d’éternité, renouvelé pendant plus d’une heure jusqu’au silence. L’arrêt des sons, quoique opéré avec douceur, surprend l’auditoire. Quelques enthousiastes applaudissent. Manifestation inconsidérée que les gardiens du temple contemplatif réprouvent à haute voix. Sans doute parce qu’ils savent que, si le compositeur n’a pas fait le déplacement depuis sa Dream House de New York, ses sons l’ont fait pour lui. Et qu’en quelque sorte, La Monte Young est bien là !Pierre GervasoniJournaliste au Monde Rosita Boisseau Danse La bouche pleine d’un sac-poubelle, une femme se débat dans une robe de bouteilles en plastique ; sur son estrade, un dictateur africain jette un couvercle de mots comme on vomit un discours prédigéré. La première, l’Ivoirienne Nadia Beugré, danse en solo Quartiers libres, à l’affiche jusqu’au 17 octobre, au Tarmac, à Paris ; le second est le personnage central de J’ai arrêté de croire au futur…, chorégraphié par le Congolais Andréya Ouamba pour cinq danseurset un acteur, au Théâtre des Abbesses, jusqu’au 18 octobre.Entre les deux, dans un continent africain transpercé par les conflits, un même besoin brutal de gueuler, de dénoncer pour rester tout simplement vivant.Nadia Beugré porte l’héritage de la compagnie Tché Tché, basée à Abidjan, uniquement composée de femmes, dans laquelle elle dansera de 1997 à 2007, année de la mort de la fondatrice de la troupe, Béatrice Kombe. Elle décide de ne pas reprendre le flambeau et part en 2009 se former auprès de Germaine Acogny, à Dakar, puis de Mathilde Monnier, à Montpellier. « Il me fallait quitter le pays, explique-t-elle. Je ressentais le besoin d’une formation. C’est la clé de tout, et cela manque en Afrique. J’avais aussi envie de goûter à ce qui se passait ailleurs. Par ailleurs, la danseuse n’est pas respectée chez nous, elle est celle qui bouge derrière le chanteur et c’est tout. »Un geste dur, sans concessionsAprès son premier solo Un espace vide : moi (2008), Quartiers libres (2012) marque un pas. Nadia Beugré sort du rang et prend le micro. En robe lamée ultracourte, elle affirme un geste dur, sans concessions, ni précautions. « Je fais ce que je vis, ce que je vois, assène-t-elle. Je crois en l’avenir. Les femmes ne se laissent pas faire. » Dont acte. Dans Legacy (2014), pièce de groupe, elle relance la marche historique, en 1949, d’un groupe d’Ivoiriennes à Bassam, près d’Abidjan, pour obtenir la libération de leurs maris emprisonnés par les forces coloniales. C’est dans cette prison, lieu hautement symbolique, que Nadia Beugré rêve d’ouvrir un espace pour la danse.Avec J’ai arrêté de croire au futur…, Andréya Ouamba, installé à Dakar avec sa Compagnie 1er temps créée en 2000, ouvre le feu sur la violence et la fourberie des discours dictatoriaux. Créé après plusieurs voyages dans différents pays d’Afrique, ce spectacle tendu, nerveux, où les danseurs tentent de résister au discours paternaliste du despote, ouvre un espace brûlant d’engagement très rare dans le paysage chorégraphique.« Mon histoire est liée aux crises politiques du Congo ou soi-disant “des Congos”, qui font partie de mes origines, commente Andréya Ouamba. Mais ce spectacle est aussi une réflexion sur notre système capitaliste qui n’est pas si éloigné des dictatures proches ou lointaines. Comment peut encore fonctionner en 2015 ce système qui s’enorgueillit de déséquilibrer, de rompre la cohésion des relations humaines, de mettre à bas les solidarités en surfant sur les questions d’origines, raciales, religieuses, de détruire l’environnement et de privilégier la finance… » Après Sueur des ombres (2011), pièce guerrière sur la question du territoire, Andréya Ouamba prend au collet le mensonge en pariant sur la rébellion des corps, pures bombes de mouvements lancées à l’attaque de toutes les impostures.Quartiers libres, de Nadia Beugré. Festival d’automne/Tarmac, Paris 19e. Jusqu’au 17 octobre. De 12 euros à 25 euros.J’ai arrêté de croire au futur…, d’Andréya Ouamba. Théâtre des Abbesses, Paris 18e. Jusqu’au 18 octobre.De 16 euros à 26 euros.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Philippe Escande Vous avez aimé les aventures du petit Uber au pays des taxis ? Vous adorerez la saison 2, intitulée « YouTube et ses amis au pays des télés ». Attention, certaines scènes pourront choquer les âmes sensibles. Il y aura du sang et des larmes, sûrement un peu de sexe, mais aussi de la tendresse. Winnie l’Ourson et Blanche-Neige s’en chargeront.Coup sur coup, YouTube et Disney ont annoncé, mercredi 21 octobre, le lancement de services de vidéo à la demande illimitée par abonnement sur Internet. On connaissait Netflix, le robinet à films et séries déjà présent en France, les Américains ont expérimenté ceux de la chaîne HBO, le créateur de Game of Thrones, mais aussi de CBS, Nickelodeon ou NBCUniversal. Mais l’arrivée simultanée, sur ce marché, du géant de l’Internet mondial et du plus célèbre groupe de médias au monde apporte une nouvelle dimension au phénomène. Le tsunami Internet est désormais en vue des côtes du paysage audiovisuel. Avec deux conséquences majeures.Lire aussi :YouTube cherche un relais de croissance en lançant un abonnement payantLa première est que cette vague va redessiner en profondeur le monde de la télévision. Déjà, en août, les résultats d’audience mitigés des grands réseaux télévisés américains au premier semestre 2015 avaient provoqué un crack du secteur en Bourse. En cause, les usagers américains, de plus en plus nombreux à « couper le cordon ». Autrement dit, se désabonner du câble pour ne garder que l’Internet et se reporter sur des abonnements de type Netflix.Le risque pour les chaînes de télévision va bien au-delà de la simple perte d’abonnés. Ils touchent le nerf de la guerre, la publicité. Face à la chute d’audience, les tarifs baissent et les annonceurs, eux aussi, se replient sur le numérique. La télévision traditionnelle, celle du 20 heures de TF1 ou de France 2 et des jeux de M6, est déjà en train de s’affranchir du temps, avec la télévision de rattrapage. Elle est maintenant en train de s’atomiser en myriades de services, à l’image du Web, ou plutôt des applications de son smartphone.La fin d’une époqueD’ailleurs, Apple, l’inventeur des applications mobiles, va annoncer la semaine prochaine sa nouvelle « Apple TV box » avec l’espoir, enfin, de percer dans ce domaine. Cette fois pourrait être la bonne et représenter le futur grand relais de croissance à ses iPhone. « The next big thing », comme aurait dit Steve Jobs.La seconde conséquence de cette nouvelle vague est la validation d’un modèle économique pérenne pour financer le contenu sur Internet. Les succès mondiaux de Netflix et Spotify ont démontré que les clients étaient partout prêts à payer 10 dollars – ou 10 euros – par mois pour l’accès illimité à un contenu de qualité et une ergonomie séduisante. Désormais, les poids lourds, Apple et Google en tête, s’engouffrent dans la brèche. Nous sommes en train de vivre en direct, comme on dit sur TF1, la fin d’une époque, celle du tout-gratuit sur Internet.Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Difficile de nier la légitimité de pionnier de Jean-Michel Jarre, son habileté médiatique, son efficacité d’entrepreneur, aux spectacles grandioses et aux millions de disques vendus, son intelligence politique aussi – il préside, depuis 2013, la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs). Il n’en va pas de même pour sa crédibilité artistique, longtemps contestée, mais que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter.Charité bien ordonnée commençant par soi-même, son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques, qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes « electro », apparaissant comme autant d’adoubements ou de signes d’allégeance. Cette « machine à remonter le temps » ne réécrirait-elle pas quelque peu l’histoire ? Car loin de figurer comme exemples d’innovations inspirantes, les ritournelles synthétiques du Monsieur ont souvent suscité des moues circonspectes, dans les années 1980 et 1990, devant leur lyrisme pour générique télé, leur mégalomanie et leur futurisme d’images d’Epinal.Au fil des interviews livrées lors de son marathon promotionnel, Jarre cite à l’envi sa collaboration, de 1968 à 1972, avec le Groupe de recherches musicales de Pierre Schaeffer. Cependant, c’est sa rouerie de producteur, parolier et compositeur de la variété française du début des années 1970 (au sein de laquelle il sut se montrer parfois brillant, avec Christophe ou Patrick Juvet), plus que sa radicalité expérimentale, qui semble avoir dessiné son répertoire robotique.Une collection de mièvreriesAvant, pendant et après les débuts phonographiques de Jean-Michel Jarre, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui. De l’onirisme spatial de Tangerine Dream (Alpha Centauri, en 1971) au minimalisme ironique de Kraftwerk (opérationnel dès 1974), de la magie de Brian Eno à la verve synth-pop de Depeche Mode, Human League ou New Order, sans oublier les défoulements physiques et charnels des générations house et techno.Ce décalage est à nouveau perceptible sur les collaborations qui ponctuent Electronica, censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Les meilleurs morceaux du disque portent la patte des invités plus que de leur hôte, qu’il s’agisse du romantisme exacerbé de M83 (Glory), de l’élégance de Air (Close Your Eyes), voire de la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone).Le reste oscille entre pop anodine (If..!, avec Little Boots) et ratage intégral (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend – pourtant auteur en 1971 d’une intro synthétique d’anthologie dans Baba O’Riley). En complément, une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin Van Buuren), capables même de ringardiser Massive Attack (Watching You) ou Laurie Anderson (Rely on Me), ne dissipent pas le sentiment général : l’histoire qui nous est ici contée est moins celle d’un genre musical que d’une imposture.Electronica, 1 CD Columbia/Sony Music. jeanmicheljarre.com et www.sonymusic.frStéphane DavetJournaliste au Monde 22.10.2015 à 06h23 • Mis à jour le22.10.2015 à 10h34 Frédéric Potet Inutile de chercher. Il s’agit, et de loin, du plus gros tirage de l’édition française cette année, tous genres confondus. Deux millions d’exemplaires du Papyrus de César, le nouvel ­album d’Astérix, sont mis en place ce jeudi 22 octobre. C’est plus du double, par exemple, des ventes cumulées de Millennium 4 (Actes Sud) et de Grey (JC Lattès), les deux best-sellers de la rentrée. « Irréductible », le petit Gaulois ? Invincible, oui. Ses 365 millions de copies écoulées depuis sa création, en 1959, font également d’Astérix la série de bande dessinée la plus vendue au monde.Ce rappel permet de mieux comprendre l’attention qui entoure la sortie de ce nouvel album. Les enjeux sont énormes pour Hachette, propriétaire des éditions Albert-René. Et ce, d’autant plus que la série ne bénéficie plus de l’aura de ses créateurs – René Goscinny (mort en 1977) et Albert Uderzo (88 ans), qui avait repris seul les commandes, du Grand fossé (1980) à Le ciel lui tombe sur la tête (2005) – depuis qu’elle a été confiée à d’autres auteurs. Le Papyrus de César est le deuxième album signé Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin). Si le premier, Astérix chez les Pictes (2013, vendu à 1,9 million d’exemplaires), avait tiré parti d’une certaine indulgence de la part des lecteurs, en tant que curiosité, ce nouveau titre – le 36e de la série – doit être l’album de la ­confirmation. L’assurance que le passage de témoin s’est bien produit.Mécanique éditoriale compliquéeComme pour Astérix chez les Pictes, les auteurs ont dû travailler « sous contrôle », c’est-à-dire sous le triple regard d’Albert Uderzo, d’Anne Goscinny (la fille de René Goscinny) et d’Hachette. « Il ne faut pas exagérer la portée de ce contrôle, coupe Isabelle Magnac, la directrice d’Hachette Illustré. Nous ne sommes présents qu’en filigrane, comme l’est n’importe quel éditeur dans une relation classique avec des auteurs. Le but n’est pas de se subs­tituer à eux, mais de sortir, ensemble, un album de qualité. »Une année d’allers-retours a néanmoins été nécessaire à Jean-Yves Ferri pour finaliser un scénario qu’il mit d’ailleurs longtemps à amorcer, au point de tarder à signer son contrat  : « Je voulais être sûr d’avoir une bonne histoire », dit-il. L’inspiration a fini par surgir, à travers une thématique très actuelle  : le traitement de l’information. Ferri est parti d’un fait historique  : la publication, à Rome, de La Guerre des Gaules, de Jules César. Anne Goscinny ne pouvait qu’approuver l’idée  : « La Guerre des Gaules était le livre de chevet de mon père, qui adorait César, car il le trouvait plus “menteur” que lui. »Le scénario validé, quel « traitement » allait attendre Didier Conrad ? La réalisation d’Astérix chez les Pictes avait été un ­ « enfer » pour le dessinateur, enrôlé au dernier moment, en remplacement d’un salarié du studio Albert-René n’ayant pas fait l’affaire. En seulement huit mois, Conrad avait dû à la fois analyser le style d’Uderzo, apprendre à croquer Astérix, créer de nouveaux personnages et dessiner 44 planches. Redoutant qu’il ne tienne pas les échéances, Hachette avait pensé envoyer aux Etats-Unis – où il vit – une équipe de « petites mains » pour ­réaliser les décors et le lettrage. Avant d’y renoncer.La supervision d’Albert UderzoSoumis à des délais « plus raisonnables », le dessinateur n’a pas eu le sentiment de souffler pour autant. Il lui a d’abord fallu composer avec la supervision d’Albert Uderzo, même si celle-ci s’est révélée limitée. Il y a deux ans, le vieux maître lui avait demandé de retoucher le regard d’Astérix (où manquait une petite lueur blanche) et le pantalon d’Obélix (qui comptait une rayure de trop). Il s’est, là, contenté de faire rectifier le visage d’un personnage secondaire, un Romain, que Conrad avait affublé d’un « gros nez » – or, seuls les Gaulois sont dotés d’appendices arrondis dans Astérix.Il a aussi fallu à Didier Conrad se couler dans le rythme d’une mécanique éditoriale compliquée, en raison de l’envoi ­régulier de ses travaux à Paris pour validation. Un véritable casse-pattes pour le dessinateur  : « Quand vous pensez tenir une bonne expression ou une bonne attitude, une certaine excitation s’empare de vous – excitation qui vous permet alors de travailler plus vite. Le problème est qu’il fallait que mes planches soient lues, relues et approuvées par plusieurs personnes  : j’étais donc obligé d’interrompre le processus au niveau du crayonné, avant de les reprendre deux ou trois mois plus tard. »Un dernier obstacle, comparable au rocher de Sisyphe, s’est mis en travers de sa table à dessin  : « A force de travailler dans un style qui n’est pas le vôtre, votre œil se fait plus précis et mesure mieux la distance qu’il reste à parcourir. Bref, plus vous avancez et plus l’objectif s’éloigne, poursuit Didier Conrad. Comme je ne suis pas Uderzo, je ne pense pas comme lui. Il m’a fallu trouver une façon de faire qui puisse correspondre à son style en sachant que lui-même aurait fait différemment pour dessiner telle scène. »Jean-Yves Ferri a traversé les mêmes affres, lui dont le scénario a continué d’évoluer au fil de la mise en images. « N’étant pas Goscinny, je n’ai pas eu d’autre choix que d’écrire une histoire comme je l’aurais fait pour un album personnel, et me demander, ensuite, si ce que je racontais était raccord avec son style. C’est là que les ennuis ont commencé », s’amuse-t-il. Le succès d’Astérix est fondé, selon lui, sur « une recette perdue », qui n’existe plus en bande dessinée  : « Un mélange d’aventure et d’humour, un thème assez bien documenté, un certain rythme… Tout coule de source, ça a l’air facile mais ce n’est pas évident. »Une seule certitude habite finalement le scénariste et le dessinateur  : « On ne s’approprie pas l’univers d’Astérix en deux albums », disent-ils en écho, sans savoir s’ils seront reconduits pour un troisième épisode. « On se sent maintenant une ­certaine responsabilité vis-à-vis d’Astérix », plaide Jean-Yves Ferri. « On verra ce que les auteurs nous proposent », élude ­Isabelle Magnac. On verra, surtout, si les lecteurs seront au rendez-vous de ce Papyrus au tirage astronomique.Lire aussi :Nous avons lu (et plutôt aimé) le nouvel AstérixFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Ils y découvrent un vaisseau extraterrestre échoué.",Alien, film de Ridley Scott, 1979", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": 2145, "Titre": "La Terre est sous les eaux", "Para": "Le réchauffement climatique et la montée des eaux ont rendu inhabitable la majeure partie du globe – les humains vivent désormais au Groenland, loin des jungles tropicales du Nord et des océans qui ont recouvert les zones inondables. ",Le Monde englouti, roman de J. G. Ballard, 1962", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2495, "Titre": "Un monde « parfait »", "Para": "La guerre de neuf ans a détruit la majorité des pays du monde ; les humains sont désormais tous conçus in vitro et séparés par eugénisme entre quatre classes aux droits et devoirs différents, et vivent dans une société marquée par la drogue et le sexe, utilisés comme outils de contrôle social. ",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. ",Niourk, roman de Stefan Wul, 1957", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2899, "Titre": "Des tubes pneumatiques pour traverser les océans", "Para": "Les humains voyagent sous les océans dans des tubes pneumatiques, et communiquent par « teléphote » (visiophone).",La Journée d'un journaliste américain en 2889, nouvelle de Jules Verne, 1889", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 10191, "Titre": "L'humanité maîtrise l'espace ", "Para": "Le voyage interstellaire est devenu banal, permettant à l'humanité de conquérir l'espace, mais l'épice – drogue impossible à synthétiser qui permet aux pilotes de voir l'avenir pour guider les vaisseaux – est devenue l'enjeu principal d'une guerre complexe, au cœur de laquelle se situe la planète désertique Arrakis, la seule qui en produise. ",Dune, roman de Frank Herbert, 1965, adapté en film par David Lynch en 1984", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "Vers l’an 22 000", "Titre": "L’humanité a colonisé la Voie lactée", "Para": "Les humains ont quitté la Terre, devenue inhabitable, et colonisé la Voie lactée. Les hommes vivent sous l’autorité d’un Empire galactique. Le mathématicien Hari Seldon décide de créer une Fondation pour rassembler tous les savoirs de l’humanité.",Fondation, roman d'Isaac Asimov, 1942", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "An 5 milliards", "Titre": "Destruction de la Terre", "Para": "La Terre, abandonnée par les humains, est détruite par le Soleil. La haute société assiste à l’explosion, sur un vaisseau spatial, lors d’une soirée mondaine.",Doctor Who, série de la BBC, 2005", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1100x642/4789447_6_7820_ill-4789447-23d2-doctorwho_69b6965f261fddba16f021ff27192b7d.png", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }]; // En premier, le code, ensuite le nom du PNG, et enfin la classe. pictos = { "Apocalypse": ["pictos_apocalyps", "bleu"], "Vie quotidienne": ["pictos_quotidien", "vert"], "Voyage dans le temps": ["pictos_machine", "orange"], "Robots": ["pictos_robot", "noir"], "Société": ["pictos_societe", "rouge"], "Espace": ["pictos_extraterrestre", "violet"] } $.each(data_accordion, function(i, d) { if (d["Photo"] != "") { " } else { photo = "" } if (d["Video"] != "") {" + d["Video"] + "" } else { video = "" } \ \ \ \ \' + d["Année"] + ' \ \ \ \' + d["Titre"] + ' \ \ \ \' + video + ' \' + photo + ' \' + d["Para"] + ' \' + d["Reference"] + ' \ \ \ \') }) $(".tab_detail").each(function() { enfant = $(this).children(".tab_detail"); $(this).attr("data-height", $(this).outerHeight()) if ($(this).parent().hasClass("premier")) { $(this).parent().addClass("deplie") $(this).height([eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 32)]) } else { $(this).height(0) } }) $(".tab_ligne").click(function() { ligne = $(this); enfant = $(this).children(".tab_detail"); if ($(this).hasClass("deplie")) { enfant.animate({ "height": 0 }, function() { $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) $(this).removeClass("deplie") $(this).attr("title", "Cliquez pour afficher les détails") } else { $(this).attr("title", "Cliquez pour cacher les détails") $(".tab_ligne").removeClass("deplie") $(".tab_detail").animate({ "height": 0 }) enfant.animate({ "height": eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 16) }, function() { ligne.addClass("deplie") /*$( window ).scrollTop(ligne.offset().top);*/ $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) } }); });Lire aussi :« Retour vers le futur 2 » : on a bien fait d’y croire //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });PixelsJournaliste au MondeLes DécodeursJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film, sur Ciné+ Club à 20 h 45 Xavier Dolan met en scène une relation trouble entre deux hommes.Tom à la ferme, le quatrième long-métrage de Xavier Dolan, a été, d’emblée, conçu pour être tourné vite et bien. Adapté, avec sa collaboration, d’une pièce de théâtre éponyme du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, ce film introduit, de fait, une inflexion, dans le ton, la couleur et le genre du kaléidoscope dolanien.Cela veut dire un tournage de dix-sept jours, un décor homogène (la campagne, une ferme, sa cuisine, son étable, un café), un chromatisme éteint (brun, marron vert), une atmosphère sourde comme une messe basse, une action tendue, épurée, sans fioritures. L’idéal, en somme, pour mettre en scène un thriller psychologique confrontant deux personnages principaux dans un face-à-face sadomasochiste, où la frontière entre dominant et dominé a tendance à devenir floue.L’intrigue, à défaut des mécanismes psychologiques qui la permettent, est assez simple. En deuil de son amant, Tom (Xavier Dolan), un jeune publiciste de la métropole en permanente blonde et blouson de cuir, vient assister à son enterrement dans une ferme familiale dont on va rapidement comprendre pourquoi il l’a quittée.Pervers homophobeLà, il fait la connaissance de la mère éplorée, à laquelle la liaison de Tom avec son fils était demeurée cachée. Tom y rencontre aussi le frère de son amant, Francis (Pierre-Yves Cardinal), une brute épaisse très au fait, lui, de la situation. Célibataire et solitaire, devenu le dernier homme de la famille et le seul garant de la pérennité de la ferme, Francis est une armoire à glace à l’esprit obtus doublé d’un pervers puissamment homophobe. Il tombe logiquement sur le râble de Tom pour lui imposer, au besoin par la terreur, un silence destiné à épargner à sa mère la connaissance des turpitudes de son fils défunt.Cet argument de départ lance une relation trouble, poisseuse et, pis, communément admise entre les deux hommes, que troublera à peine l’arrivée de la fausse fiancée du défunt, une collègue de bureau appelée à la rescousse par Tom.On s’accommodera d’autant plus facilement de l’aspect peu vraisemblable de cette histoire qu’elle révèle sa justesse sur un tout autre plan que celui de l’intrigue apparente, dans le repli des âmes et des comportements, dans les fantômes qui surgissent du passé au premier bar venu, dans la logique inconsciente qui guide profondément les êtres à travers la nuit.Car, si l’attitude de Francis pose à l’évidence problème, celle de Tom, incapable de s’extraire de ce bourbier, n’en est pas moins étrange. C’est évidemment dans les interstices de ce qui rend possible une situation aussi intolérable que résident tout l’intérêt, toute la finesse, toute la beauté du film. Dans la tendresse et le désir inconscients de la brute luttant à corps perdu contre l’objet de sa haine. Dans l’opiniâtreté de la victime à rester, justement, au plus près de son bourreau, pour mieux l’aguicher et le torturer, pour mieux le confronter à une passion qui lui aura déjà fait commettre le pire, mais aussi bien pour mieux célébrer, avec et contre lui, le souvenir, délectable et infamant, de l’amour interdit (Ciné+ Club, 20 h 45).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aline Leclerc Il a le visage fatigué, un gros bonnet mange son regard. Il marche dans Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, et décrit son quotidien d’homme de ménage : « J’ai jeté des seaux d’eau et passé la raclette. C’était super-propre, ils étaient contents. » Il répond aux questions de son fils, Mehdi, qui le suit caméra au poing. Un instant plus tard, magie du montage, le même Mehdi interroge avec autant de simplicité le créateur Jean-Charles de Castelbajac dans les studios de France Inter : « T’en es où avec Instagram ? »Ces deux instantanés saisissants forment un seul et même épisode de « Vie rapide », web-série diffusée sur Arte interactive, où Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, 23 ans chacun, parviennent à brosser, en deux minutes à peine, le portrait de notre époque.Dans « Vie rapide » depuis le printemps, dans leurs chroniques pendant six ans sur France Inter, dans leurs articles depuis huit ans sur le « Bondy Blog », ils ont inventé un récit à deux voix au ton unique, à la fois poétique et collé au réel, tantôt caresse, tantôt flamme, d’où monte depuis toujours une rage sourde. Cet automne, elle éclate dans leur premier roman Burn Out (Seuil, 192 pages, 16 euros), dont ils disent qu’il est leur « cri ». Un récit polyphonique imaginé autour de l’histoire vraie d’un chômeur qui s’est immolé par le feu devant une agence Pôle emploi à Nantes, en février 2013. Portrait acide d’un pays qui broie les rêves et les gens, se saoule de coups de com’et de télévision.En cette soirée... 25.10.2015 à 22h03 • Mis à jour le26.10.2015 à 07h40 | Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale) Sonder les mystères des pyramides d’Egypte en les « scannant ». La décision a été annoncée, dimanche 25 octobre, au Caire par Mamdouh el Damatti, ministre égyptien des antiquités, pour comprendre « comment les pyramides ont été construites et ce qu’elles que cachent ». « Y a-t-il une rampe circulaire intérieure pour faciliter l’acheminement des blocs de pierre ? Existe-t-il des chambres restées secrètes ? », résume le ministre égyptien.Une association française à but non lucratif, HIP Institut (Héritage, Innovation, Préservation), a été chargée de piloter la mission scientifique « Scan Pyramids » qu’elle a initiée, conçue et coordonnée en collaboration avec la Faculté des ingénieurs de l’Université du Caire, représentée par l’ingénieur égyptien Hany Helal, cofondateur de HIP Institut avec le Français Mehdi Yahoudi et le Belge François Schuitten, auteur de BD.Les réponses à ces énigmes pourraient être révélées par les technologies les plus innovantes, non invasives, utilisées par Scan Pyramids, pour sonder, sans y percer le moindre orifice, le cœur des plus hautes pyramides d’Egypte et les mieux conservées, monuments funéraires des pharaons, datant de 4 500 ans. Hany Helal, professeur qui représente la Faculté des ingénieurs du Caire, précise que « l’objectif est d’utiliser des techniques qui donnent des résultats concrets. Ensuite, ajoute l’ingénieur, ce sera aux égyptologues de les interpréter ». Des techniques inspirées de l’industrie aérospatialeLa mission internationale commencera début novembre pour se terminer fin 2016. Elle portera sur quatre chefs d’œuvre de la IVe dynastie pharaonique ayant régné entre 2575 et 2465 avant J.-C. Celles du pharaon Snefrou, le père, de Khéops, le fils, et de Knéfren, le petit-fils. L’opération commencera à 60 kilomètres au sud du Caire, sur le site de Dahchour, dans le désert bordant la vallée du Nil, par les deux pyramides bâties par Snefrou (2575 – 2551 av. J.-C.).Sera scannée la pyramide dite rhomboïdale, du pharaon Snefrou, au fin parement de calcaire en partie conservé, et dont l’angle de pente a été modifié à mi hauteur. La pyramide rouge du même Snefrou suivra ; haute de 104 m, contre 146 à l’origine, elle mesure 220 m de côté. Puis la mission, qui compte vingt-cinq personnes, étudiera ensuite les deux plus hautes pyramides du plateau désertique de Guizeh, dominant le Caire : la monumentale Khéops, 137 m aujourd’hui, contre 146 à l’origine et 230 m de côté, avant d’étudier sa jumelle Khéphren, 138 m sur 215 m de côté.Plusieurs technologies d’exploration se succéderont, sans toucher aux édifices eux-mêmes. Deux missions de thermographie infrarouge - technique utilisée dans l’industrie aérospatiale -, l’une de courte durée menée par le spécialiste Jean-Claude Barré de LedLiquid, l’autre, d’une année au moins, conduite par l’université Laval de Québec, permettront d’établir une carte thermique des quatre monuments pour analyser la « peau » de la pyramide et détecter les vides intérieurs proches de la surface de calcaire. Drones, scanners et reproduction 3DSuivra la radiographie par détecteur de muons, les particules élémentaires. Une technique développée au Japon par les équipes du KEK (High Energy Accelerator research Organization) et l’université de Nagoya. Elle pourra vérifier et visualiser avec précision la présence de structures inconnues au cœur même des pyramides. Enfin, une campagne, menée par la société Iconem, à l’aide de drones et de scanners au laser, produira la reconstitution en 3D du plateau de Guizeh. La photogramétrie laser fournira une précision centimétrique jamais atteinte de l’intérieur et de l’extérieur des pyramides de Guizeh et de celles du site de Dahchour, ainsi que de tous les monuments qui y sont érigés. « L’essentiel est d’avancer en mettant en œuvre de nouvelles approches, souligne Mehdi Tayoudi, président de HIP Institut. Beaucoup de missions précédentes ont tenté de percer les mystères des pyramides et si elles n’y sont pas parvenues, elles ont chacune fait progresser la connaissance comme ce fut le cas, par exemple, il y a tout juste trente ans, de la mission de la Fondation EDF, qui a décelé une anomalie de sous-densité en forme spiralée dans Kheops. Notre objectif est d’apporter notre pierre à l’édifice et de préparer, en toute humilité, le chemin pour de futures missions de recherche scientifiques. »C’est cette fameuse rampe intérieure en spirale qui pourrait être révélée par les images produites. Et apporter un début de réponse à l’énigme de la construction de ces monstres comme la pyramide de Khéfren, composée de 2,3 millions de blocs de pierre montés en gradins, d’un poids moyen de 2,5 tonnes chacun et pouvant atteindre les 200 tonnes pour les plus massifs. L’archéologue Jean Philippe Lauer avait déjà imaginé, lui, qu’une rampe de briques et de terre, renforcée par des poutres, et montée au fur et à mesure de l’avancée du chantier sur l’un des côtés de la pyramide, était une solution.Relancer la fréquentation touristiqueL’opération Scan Pyramids, d’un million d’euros, financés par des mécénats de compétence et financiers, accompagne les grands chantiers culturels lancés par l’Egypte. Deux musées colossaux sont annoncés à Guizeh, au pied des pyramides. Le Musée national égyptien des civilisations (NMEC) – de la préhistoire à aujourd’hui –, doté d’un centre culturel avec cinéma et commerces, ouvrira début 2016. Le Grand musée égyptien (GEM), qui devrait être terminé en 2018, présentera tous les vestiges et l’histoire du jeune Toutankhamon. Tandis que le musée national du Caire, place Tahrir, recélant les trésors de l’ancienne Egypte sera entièrement restauré dans son jus, comme s’il venait d’ouvrir en 1902. Des annonces prometteuses qui devraient raviver l’intérêt international pour la terre des pharaons. La fréquentation touristique est en berne. Les 14 millions de visiteurs de 2010 seront moins de 9 millions en 2015. La manne du tourisme représente le tiers du PNB. La Haute Egypte souffre. Les sites y sont quasi déserts.Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Dans le monde industriel de la musique enregistrée, le mois de novembre et l’approche des fêtes de fin d’année sont généralement choisis pour la parution de nouveaux albums des gros vendeurs de la chanson, du rock ou du r’n’b. L’espérance de ventes importantes y est à son plus haut. Le 6 novembre, ce sera donc Mylène Farmer qui ouvrira le bal avec Interstellaires, trois ans après Monkey Me. Le 13 novembre, voici venir De l’amour, de Johnny Hallyday, un an presque pile après Rester vivant. Le chanteur avait annoncé cette parution le 9 octobre, lors du premier concert, à Lille, de sa tournée. Le 20 novembre, ce sera le « nouveau » Adèle, tandis que des annonces de parution imminente sur cette période de Kanye West, Rihanna, David Bowie ou Louise Attaque se sont multipliées ces derniers temps.Lire aussi :Johnny Hallyday adopte la voix de la sagesseEn ce qui concerne Adèle, les choses sont bien calées. Dans un petit texte diffusé le 22 octobre, en même temps qu’un vidéo-clip de la chanson Hello, réalisé par Xavier Dolan, la chanteuse britannique pop, âgée de 27 ans, explique que 25 sera « un disque de réconciliation. Je me réconcilie avec moi-même. Je me réconcilie avec le temps perdu. Je me réconcilie avec toutes les choses que j’ai pu faire et celles que je n’ai pas faites. » Après le raz-de-marée de 21, sorti en janvier 2011, et ses 30 millions d’exemplaires écoulés depuis, 25 devrait proposer onze chansons, dont certaines, au vu de quelques-uns des titres révélés, pourraient aborder le thème de l’amour par sa part sombre : Send My Love (To Your New Lover) (« toute mon affection à ton nouvel amour »), I Miss You (« tu me manques »), Love In The Dark (« l’amour dans le noir »)…Emballement des réseaux sociauxDu côté de la grosse artillerie du rap et du r’n’b aux Etats-Unis, c’est un peu plus flou. Le 2 janvier 2015, Kanye West avait fait mettre en ligne une nouvelle chanson, Only One, en collaboration avec Paul McCartney et un vidéo-clip réalisé par Spike Jonze, première étape de l’annonce du successeur de Yeezus, paru en juin 2013. Depuis, d’autres titres d’un album qui devrait s’appeler SWISH ont été proposés par le rappeur américain (All Day, Wolves), jusqu’à une écoute de l’intégralité de ce disque pour une poignée d’auditeurs lors d’une soirée fin juillet dans un club de Toronto. Une parution en novembre aurait alors été envisagée.Lire aussi :Rihanna, Paul McCartney et Kanye West en trioMais, dans un entretien publié fin septembre par le magazine américain Vanity Fair, le rappeur, essentiellement interrogé sur la mode et sa ligne de vêtements, a finalement indiqué que SWISH était loin d’être prêt (« Il pourrait nécessiter encore un an de travail »). Quitte à ce que le disque bénéficie dans quelques jours ou semaines d’une sortie surprise, y compris pour sa maison de disques, comme cela avait été le cas avec Beyoncé en décembre 2013, ou en février puis en septembre avec les mixtapes de Drake.Même topo avec la chanteuse de r’n’b Rihanna, originaire de La Barbade, qui a proposé quelques nouvelles chansons en mars (Bitch Better Have My Money) et en avril (American Oxygen), censées figurer sur un huitième album. Dont le nom ANTI et la pochette ont été présentés lors de l’ouverture par Rihanna, le 7 octobre, d’une galerie d’art à Los Angeles. Sortie imminente, le 6 novembre, se sont emballés les réseaux sociaux, sans sources officielles. Jusqu’à ce qu’une « source proche de la chanteuse », selon le magazine professionnel Billboard, n’annonce, dans l’édition du 14 octobre, qu’il ne s’agissait pas de la bonne date.Un quatrième album pour Louise AttaquePlus traditionnellement, c’est par l’intermédiaire de l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, dans son édition du 21 octobre, que le groupe Louise Attaque est venu confirmer ce que ses fans espéraient depuis quelques mois, un quatrième album, dix ans après A plus tard crocodile. Là aussi, lorsque, à la mi-août, le groupe avait annoncé sur les réseaux sociaux qu’il enregistrait à Londres et à Berlin, la perspective d’une sortie fin novembre avait un temps circulé. Ce sera « début 2016 », précise le papier d’introduction à l’entretien avec Gaëtan Roussel, Arnaud Samuel et Robin Feix. En attendant, Anomalie, vidéo-clip d’une première chanson tirée de ce futur album, a été mis en ligne.Le début de l’année prochaine marquerait également le retour sur disque de David Bowie, a annoncé samedi 24 octobre le quotidien anglais The Times. Intitulé Blackstar, composé de sept chansons enregistrées à New York avec des musiciens de jazz locaux, l’album serait censé paraître le 8 janvier, jour du soixante-neuvième anniversaire du musicien anglais. Le single Blackstar, également inclus dans la bande-son de la comédie musicale Lazarus, co-écrite par David Bowie, serait diffusé le 19 novembre. Selon les premiers échos recueillis par The Times, l’album renouerait avec la veine cosmique et expérimentale, marquée par le rhythm n’ blues et le krautrock, que l’Anglais avait commencé à explorer dans les années 1960 et 1970. Nulle confirmation pour l’heure de la maison de disque de Bowie, Columbia.Quelques arlésiennesOn pourra enfin ajouter à ces sorties attendues par les amateurs des unes, des uns et des autres, quelques arlésiennes. Retranché depuis près d’un an avec son producteur historique Nigel Godrich dans un studio du sud de la France, le groupe anglais Radiohead planche toujours sur le successeur de The King in Limbs (2011), sans que son label, XL Recordings, ne se risque à évoquer une date de sortie. Même topo pour leurs compatriotes de Portishead, qui continuent de fignoler leur quatrième album, sept ans après Third.A l’échelle hexagonale, d’aucuns persistent à espérer un nouvel album de Renaud, dont nos confrères du Parisien avaient annoncé fin juin qu’il était en bonne voie. Quant à l’éternel retour de Michel Polnareff, qui n’a pas publié d’album depuis 1989, déjà évoqué lorsque le chanteur était remonté sur scène en 2007, sa présence au pied du sapin, cet hiver, relèverait du miracle.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 23.10.2015 à 08h02  Pierre de Bethmann Trio Essais/volume 1 « Il y avait tellement d’options possibles pour revenir au trio… », indique, dans la première phrase d’un court texte qui figure sur le livret d’Essais/volume 1, le pianiste Pierre de Bethmann. Et d’ajouter « … ne pas vraiment le chercher… » ; ainsi, la formation est née au hasard, en 2012, d’un concert de « dernière minute ». Avec le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson. Des concerts ont suivi et donc aujourd’hui ce disque qui rassemble neuf interprétations pleines d’envies et d’idées musiciennes de compositions, d’Herbie Hancock (Promise of The Sun), l’un des maîtres du clavier d’inspiration de Bethmann, de Gabriel Fauré (Sicilienne), Serge Gainsbourg (Pull marine), des standards du jazz (Beautiful Love, l’allègre Without A Song, La Mer, de Trénet)… Des sources variées étroitement reliées par la cohérence de ce jeu à trois, dans son intention comme son résultat. Que cela soit dans une approche toute en douceurs, émotions (Le Chant des marais, créé en juillet-août 1933, au camp de concentration de Bögermoor) ou en vertiges et emballements. Sylvain Siclier1 CD Aléa/Socadisc.Catherine Ribeiro + Alpes Intégrale des albums originaux 1969-1980 Les camarades, le rouge et le noir, le Chili, la Palestine ; l’homme et « son vol en suspens » : Catherine Ribeiro n’a jamais eu de Dieu ni de maître, mais s’est toujours conservé le droit hautain de vie et de mort sur elle-même, jusqu’à se cribler la gorge de plombs. La chanteuse Colette Magny disait d’elle, avec un soin presque maternel, que « dans la famille coup de poing, Ferré était le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils ». Apparue au début des années 1960 en chanteuse yéyé, la jeune Lyonnaise d’origine portugaise attrape au vol le folk américain. Devenue comédienne (notamment pour Les Carabiniers, de Godard), elle s’absente de la chanson une première fois, pour y revenir avec le musicien Patrick Moullet en 1969. Avec sa poésie ardente, sa rage de vivre posée sur un rock incantatoire, le groupe s’appelle d’abord Catherine Ribeiro +2 bis, puis Catherine Ribeiro + Alpes, parce qu’il faut viser les sommets. Les concerts sont une messe, elle a la frange en ordre de bataille, entonne le Chant des Partisans, publie sans souci de conformité Libertés ? en 1975, et fait succès malgré l’oppostion farouche de la mode et du show-biz. Alpes se défait en 1982, et la chanteuse à la voix de coureur de fond se livre à de magnifiques exercices d’interprète des grands de la chanson française (Ferré, Brel, Manset, Piaf…). Ce coffret de 9 CD présente les albums studio du groupe, et remet en lumière une époque où la passivité n’avait aucun cours. Véronique MortaigneUn coffret de 9 CD Mercury/Universal.Jean-Michel Jarre Electronica 1 : The Time Machine Difficile de nier la légitimité de pionnier et la popularité de Jean-Michel Jarre. Il n’en va pas de même pour une crédibilité artistique, longtemps contestée, que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter. Son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes des machines. Cette « machine à remonter le temps », ne réécrirait-elle pourtant pas l’histoire ? Avant, pendant et après ses débuts discographiques, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui : l’onirisme spatial de Tangerine Dream, le minimalisme ironique de Kraftwerk, la magie de Brian Eno, la verve synth-pop de Depeche Mode ou New Order, les défoulements charnels de la génération house et techno… Ce décalage est à nouveau perceptible dans ces collaborations censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Et les meilleurs morceaux d’Electronica portent la patte des invités – le romantisme exacerbé de M83 (Glory), l’élégance de Air (Close Your Eyes), la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone) – plus que celle de leur hôte. Le reste oscille entre pop anodine (If..! avec Little Boots) et ratage (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend), complétés d’une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien de Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin van Buuren). Stéphane DavetLire aussi :Jean-Michel Jarre : histoire d’une imposture1 CD Columbia/Sony Music.Jr. Thomas & The Volcanos Beware Des musiciens américains qui sonnent comme des Jamaïcains, c’est assez rare pour ne pas le signaler. Junior Thomas a grandi dans le nord de Minneapolis, ville qui a vu les premières heures glorieuses de Prince ou de Bob Dylan. Or ce ne sont pas ces deux illustres compatriotes qui fascinent le jeune musicien mais les chanteurs jamaïcains, Alton Ellis ou Phyllis Dillon. En s’associant avec l’ingénieur du son californien, Brian Dixon, qui voue la même passion au rock steady, Jr. Thomas a trouvé dans son studio d’enregistrement, à Los Angeles, l’espace pour exprimer son amour inconditionnel pour le reggae d’antan. Entouré des Volcanos, musiciens qui accompagnent régulièrement les stars jamaïcaines de passage en Californie, Jimmy Cliff ou les Skatalites, le guitariste, doté également d’un joli brin de voix, ne se contente pas de copier ses idoles mais écrit de nouvelles chansons puissantes comme la passionnée Embraceable ou les tendres Beware et Burning Fire. Repéré par le label Truth & Soul qui a également lancé le chanteur néo soul, Aloe Blacc, Jr Thomas est bien parti pour connaître la même destinée sous les couleurs du reggae. Stéphanie Binet1 CD Thruth & Soul/Differ-Ant.David Krakauer The Big Picture Coup de chapeau d’un clarinettiste Klezmer au cinéma dont le contenu a plus ou moins un lien avec le judaïsme. Cabaret, La vie est belle, Minuit à Paris, Radio Days, Funny Girl, Le Choix de Sophie… David Krakauer a arpenté sa mémoire de cinéphile et choisi douze thèmes musicaux tirés de classiques. Il les réinvente avec maestria et une réjouissante liberté. Le répertoire n’a que peu à voir avec le champ de création habituel du musicien – un seul thème se rattache réellement au klezmer (Moving to the Ghetto, tiré de la bande originale du film de Roman Polanski, Le Pianiste (2002) – mais c’est bien « le son Krakauer » que l’on reconnaît : ce vibrato palpitant, ces nuances combinant mélancolie, poésie et petite folie, ce sens de l’aigu épanoui qui décolle vers le ciel sans prévenir. Le musicien présentera The Big Picture sur scène avec la projection de visuels originaux, le 21 novembre à la Cigale, à Paris, lors du festival Jazz’n Klezmer. Patrick Labesse1 CD Label bleu/L’Autre Distribution.Eugène Ysaÿe Six sonates pour violon seul op. 27 Alina Ibragimova (violon) Œuvre de la fulgurance, les six sonates d’Eugene Ysaÿe (1858-1931) pour violon seul ont été ébauchées en vingt-quatre heures à l’été 1923 après que le compositeur belge eut entendu Joseph Szigeti dans les fameuses Sonates et partitas, de Bach. Sont-elles pour autant une réponse à l’absence de postérité, durant plus de deux siècles, du chef-d’œuvre allemand ? Oui et non. Chacune de ses pièces exigeantes convoque en effet un grand nom du violon – Kreisler, Thibaud, Enescu, Szigeti –, dont Ysaÿe s’essaie à rendre la technique de jeu spécifique. La jeune violoniste russe, Alina Ibragimova, a déjà livré un enregistrement remarqué des Sonates, de Bach. Celles d’Ysaÿe sont ici d’une liberté de ton plus éblouissante que jamais, d’un naturel renversant, la parfaite quadrature entre maîtrise, sensibilité et improvisation. Marie-Aude Roux1 CD Hyperion. 22.10.2015 à 11h26 • Mis à jour le22.10.2015 à 12h14 | Philippe Escande Vous avez aimé les aventures du petit Uber au pays des taxis ? Vous adorerez la saison 2, intitulée « YouTube et ses amis au pays des télés ». Attention, certaines scènes pourront choquer les âmes sensibles. Il y aura du sang et des larmes, sûrement un peu de sexe, mais aussi de la tendresse. Winnie l’Ourson et Blanche-Neige s’en chargeront.Coup sur coup, YouTube et Disney ont annoncé, mercredi 21 octobre, le lancement de services de vidéo à la demande illimitée par abonnement sur Internet. On connaissait Netflix, le robinet à films et séries déjà présent en France, les Américains ont expérimenté ceux de la chaîne HBO, le créateur de Game of Thrones, mais aussi de CBS, Nickelodeon ou NBCUniversal. Mais l’arrivée simultanée, sur ce marché, du géant de l’Internet mondial et du plus célèbre groupe de médias au monde apporte une nouvelle dimension au phénomène. Le tsunami Internet est désormais en vue des côtes du paysage audiovisuel. Avec deux conséquences majeures.Lire aussi :YouTube cherche un relais de croissance en lançant un abonnement payantLa première est que cette vague va redessiner en profondeur le monde de la télévision. Déjà, en août, les résultats d’audience mitigés des grands réseaux télévisés américains au premier semestre 2015 avaient provoqué un crack du secteur en Bourse. En cause, les usagers américains, de plus en plus nombreux à « couper le cordon ». Autrement dit, se désabonner du câble pour ne garder que l’Internet et se reporter sur des abonnements de type Netflix.Le risque pour les chaînes de télévision va bien au-delà de la simple perte d’abonnés. Ils touchent le nerf de la guerre, la publicité. Face à la chute d’audience, les tarifs baissent et les annonceurs, eux aussi, se replient sur le numérique. La télévision traditionnelle, celle du 20 heures de TF1 ou de France 2 et des jeux de M6, est déjà en train de s’affranchir du temps, avec la télévision de rattrapage. Elle est maintenant en train de s’atomiser en myriades de services, à l’image du Web, ou plutôt des applications de son smartphone.La fin d’une époqueD’ailleurs, Apple, l’inventeur des applications mobiles, va annoncer la semaine prochaine sa nouvelle « Apple TV box » avec l’espoir, enfin, de percer dans ce domaine. Cette fois pourrait être la bonne et représenter le futur grand relais de croissance à ses iPhone. « The next big thing », comme aurait dit Steve Jobs.La seconde conséquence de cette nouvelle vague est la validation d’un modèle économique pérenne pour financer le contenu sur Internet. Les succès mondiaux de Netflix et Spotify ont démontré que les clients étaient partout prêts à payer 10 dollars – ou 10 euros – par mois pour l’accès illimité à un contenu de qualité et une ergonomie séduisante. Désormais, les poids lourds, Apple et Google en tête, s’engouffrent dans la brèche. Nous sommes en train de vivre en direct, comme on dit sur TF1, la fin d’une époque, celle du tout-gratuit sur Internet.Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Difficile de nier la légitimité de pionnier de Jean-Michel Jarre, son habileté médiatique, son efficacité d’entrepreneur, aux spectacles grandioses et aux millions de disques vendus, son intelligence politique aussi – il préside, depuis 2013, la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs). Il n’en va pas de même pour sa crédibilité artistique, longtemps contestée, mais que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter.Charité bien ordonnée commençant par soi-même, son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques, qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes « electro », apparaissant comme autant d’adoubements ou de signes d’allégeance.Cette « machine à remonter le temps » ne réécrirait-elle pas quelque peu l’histoire ? Car loin de figurer comme exemples d’innovations inspirantes, les ritournelles synthétiques du Monsieur ont souvent suscité des moues circonspectes, dans les années 1980 et 1990, devant leur lyrisme pour générique télé, leur mégalomanie et leur futurisme d’images d’Epinal.Au fil des interviews livrées lors de son marathon promotionnel, Jarre cite à l’envi sa collaboration, de 1968 à 1972, avec le Groupe de recherches musicales de Pierre Schaeffer. Cependant, c’est sa rouerie de producteur, parolier et compositeur de la variété française du début des années 1970 (au sein de laquelle il sut se montrer parfois brillant, avec Christophe ou Patrick Juvet), plus que sa radicalité expérimentale, qui semble avoir dessiné son répertoire robotique.Une collection de mièvreriesAvant, pendant et après les débuts phonographiques de Jean-Michel Jarre, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui. De l’onirisme spatial de Tangerine Dream (Alpha Centauri, en 1971) au minimalisme ironique de Kraftwerk (opérationnel dès 1974), de la magie de Brian Eno à la verve synth-pop de Depeche Mode, Human League ou New Order, sans oublier les défoulements physiques et charnels des générations house et techno.Ce décalage est à nouveau perceptible sur les collaborations qui ponctuent Electronica, censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Les meilleurs morceaux du disque portent la patte des invités plus que de leur hôte, qu’il s’agisse du romantisme exacerbé de M83 (Glory), de l’élégance de Air (Close Your Eyes), voire de la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone).Le reste oscille entre pop anodine (If..!, avec Little Boots) et ratage intégral (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend – pourtant auteur en 1971 d’une intro synthétique d’anthologie dans Baba O’Riley). En complément, une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin Van Buuren), capables même de ringardiser Massive Attack (Watching You) ou Laurie Anderson (Rely on Me), ne dissipent pas le sentiment général : l’histoire qui nous est ici contée est moins celle d’un genre musical que d’une imposture.Electronica, 1 CD Columbia/Sony Music. jeanmicheljarre.com et www.sonymusic.frStéphane DavetJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Dans un hémicycle très clairsemé, trente petites minutes ont suffi, jeudi 1er octobre autour de minuit, pour que soit discuté, en première lecture, l’article 26 du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Pour la première fois depuis 1977, on débattait d’architecture au Palais Bourbon. Dix jours plus tôt, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, présidée par le député PS Patrick Bloche, rapporteur du projet de loi, avait, il est vrai, fourni l’essentiel des amendements. Déjà, au premier semestre 2014, la commission avait mené une « Mission d’information sur la création architecturale ». 36 propositions, issues d’une soixantaine d’auditions d’acteurs du secteur de la construction, avaient été formulées, destinées à « susciter un désir d’architecture ».Lire aussi :La liberté des artistes vaut bien une loiLes amendements qui ont été jusqu’alors votés sont-ils vraiment de nature à susciter ce désir face à un implacable constat ? Soit, d’un côté, ladite « France moche », ses entrées de villes, son mitage urbain, ses projets standardisés et la pesanteur de ses normes ; de l’autre, une profession hautement qualifiée dont, pour résumer, le revenu moyen annuel n’excède pas 25 000 euros et où les bénéficiaires du RSA sont de moins en moins rares.Tandis que l’on n’entendait plus parler de la mission Bloche, la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, sitôt arrivée rue de Valois à la fin du mois d’août 2014, lançait sa « Stratégie nationale pour l’architecture » qu’elle a souhaité forger à partir de trois groupes de réflexion : sensibiliser et mobiliser, innover, développer. Objectif : « Réussir l’excellence ordinaire dans les espaces du quotidien ». C’est à partir des travaux de la mission parlementaire et de la stratégie de la ministre qu’ont été formulés les principaux amendements.Abaissement du seuil de recours à un architectePremier d’entre eux : l’abaissement à 150 m2 du seuil de recours à un architecte. Une dérogation à la loi du 3 janvier 1977 avait fixé à 170 m2 la surface au-delà de laquelle l’intervention d’un architecte devenait obligatoire. Depuis que cette dérogation a été mise en place, a fleuri en France – où 70 % des constructions échappent aux architectes – une myriade de pavillons clés en main dont la surface maximale se calait sur… 169 m2. Pour Marc Barani, Grand prix national de l’architecture et principal animateur du groupe de réflexion « Innover », cet abaissement du seuil « dit qu’il n’y a pas de petit projet et que l’architecture est utile et nécessaire partout pour façonner un quotidien sur-mesure ». En revanche, pour Julien Choppin, associé de Nicola Delon dans la jeune agence parisienne Encore Heureux, il est « symbolique et insuffisant ». Ce dernier rappelant que la surface moyenne d’une maison individuelle est comprise entre 120 et 130 m2.Pour inciter les particuliers à se tourner vers les architectes, une procédure simplifiée du permis de construire et des délais réduits de moitié pour tout recours à un architecte en deçà du seuil, a été soutenue par Patrick Bloche. Cet amendement, adopté en première lecture, a toutefois reçu un avis défavorable du gouvernement. Il devrait, à titre expérimental, faire l’objet d’une étude d’impact à laquelle seraient associées des collectivités territoriales candidates.Autre mesure sensible: les députés souhaitent imposer l’intervention d’un architecte, soit un « permis d’aménager », pour tout projet urbain et paysager de lotissement. Cette proposition « suscitera des oppositions, à n’en pas douter, prévient Frédéric Bonnet, Grand prix national de l’urbanisme, impliqué dans le groupe de réflexion « Sensibilier et innover ». Mais il faut savoir ce que l’on veut : se lamenter de la mauvaise qualité des territoires, et donner quitus à des opérateurs qui n’ont rien fait depuis trente ans pour relever le niveau de leurs interventions, ou bien changer d’époque. »Des élus mieux formés et informésEvoquant le manque de qualification de certains élus, le jeune architecte Paul-Eric Schirr-Bonnans, installé à Rennes, s’interroge : « L’autorisation de construire une architecture médiocre n’est-elle pas donnée par absence totale de formation et de compétence des personnes sollicitées pour l’autoriser et responsables de son autorisation ? » Des élus mieux formés et informés, les députés y ont aussi pensé mais n’ont pas souhaité donner pour l’heure à cette mesure un caractère législatif.L’amendement prévoyant la mention obligatoire du nom des architectes sur chacun des bâtiments qu’ils ont construit soulève, quant à lui, des réactions partagées. « C’est anecdotique. On n’impose pas une envie d’architecture », indique Nicola Delon. Sauf à faire figurer, dit-il, « l’ensemble des personnes qui ont construit l’édifice ». Une hypothèse peu probable. Si Marc Barani en reconnaît le caractère « symbolique », l’initiative constitue selon lui « une reconnaissance de leur travail et de leur métier, mais aussi une façon d’afficher la responsabilité qu’ils ont endossée en l’exerçant ».« La liberté de faire »Reste l’innovation, question porteuse, qui suscite, tout autant, une divergence de réactions encore une fois marquées par ce qui semble être un clivage générationnel. « Dans des cadres bien précis, entourés de conditions rigoureuses et d’un suivi garanti par la puissance publique, explique Frédéric Bonnet, on pourra se dégager de certaines règles pour expérimenter, inventer à nouveau. » Jean Larnaudie, de l’agence Scalène architect(e)s à Toulouse, est beaucoup plus dubitatif. « On parle pour l’instant de dérogations aux règles et servitudes d’urbanisme relatives “au gabarit et à l’aspect extérieur des bâtiments”, avec un dépassement du volume constructible autorisé limité à 5 %, constate-t-il. Dit comme cela, c’est tout de suite moins spectaculaire. »Dans cette histoire de débats, Patrick Bouchain fait bande à part et déplore que ces mesures finissent toujours par « défendre une corpo » dans laquelle il dit ne pas se reconnaître. Pour l’ancien architecte, aujourd’hui retraité, « ça n’est pas une nouvelle loi qu’il faut, mais une reconstruction de l’esprit public permettant de retrouver de manière inédite le sens des choses. Ca n’est pas une loi, mais la liberté de faire ! »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emilie Grangeray Dans « Comme une pierre qui… », le pensionnaire de la Comédie-Française s’est glissé dans la peau du jeune Bob Dylan. Après « André » et « Vers Wanda », vous collaborez de nouveau avec Marie Rémond, issue comme vous de la promotion 2007 du Théâtre National de Strasbourg. Comment travaillez-vous ensemble ?C’est vraiment Marie qui arrive avec des idées incroyables. Elle a ce don d’avoir des idées de théâtre et de mise en scène uniquement en lisant un texte : une bio d’Agassi pour André ; ici, Like a Rolling Stone, le livre de Greil Marcus. La troupe s’est ensuite constituée. Le soir, Marie et moi disséquions nos improvisations communes afin de les faire tendre vers notre dramaturgie. Saviez-vous d’emblée que vous incarneriez Bob Dylan ?Oui, presque par la force des choses : je suis fan de Dylan et je joue de la guitare depuis longtemps. Mais le spectacle porte moins sur Dylan que sur le processus de création ainsi que sur le décalage entre le succès planétaire de cette chanson mythique et l’anarchie de sa genèse. Je dois avouer que ça retire un peu du poids de devoir incarner Dylan.Dans la pièce « Nouveau Roman », de Christophe Honoré, vous jouiez Claude Simon, Prix Nobel de littérature, et ici, Bob Dylan. Pourtant, vous n’êtes jamais dans l’imitation…Les biopics à l’américaine ne me touchent pas : je n’arrive pas à y voir les gens dans ce qu’ils ont de singulier et donc d’intéressant. Quand Marie Rémond jouait André Agassi, il était évident que c’était André Agassi, et ça ne tenait pas à une perruque blonde mais au fait qu’elle ait trouvé en elle ce qui la reliait à lui. Cela rejoint quelque chose qui me tient énormément à cœur : le théâtre est encore un bastion où l’on peut faire appel à la force de suggestion des mots. C’est le lieu où l’on peut dire : « Je suis un Prix Nobel de la paix », et tout le monde y croit. Ou encore : « Je suis dans une forêt » et le spectateur voit la forêt. Magie, chacun peut même voir une forêt différente. Comme un livre aux lecteurs, le théâtre laisse de la place aux spectateurs. Dans quel état d’esprit Bob Dylan était-il lorsqu’il a enregistré « Like a Rolling Stone » ?A cette période, il est à la croisée des chemins. C’est quelqu’un sur lequel on a collé une étiquette et qui, avec un courage héroïque, a pris le risque de déplaire. Très peu de gens sont capables de ça. A ce moment-là, Dylan entre dans une autre dimension : la poésie, ce qui est passionnant à jouer, à vivre...A vivre ?C’est-à-dire donner à voir des choses. Il fallait tendre vers, aller vers, rappeler Dylan. Ce qui m’inspire, c’est l’homme. Suze Rotolo, l’une de ses premières compagnes, dit qu’à l’époque de l’enregistrement (Dylan avait alors 24 ans), il avait l’obsession d’être vrai, d’être juste. Souvent, pour les rôles, j’essaie de voir ce qui résonne en moi. La question de la vérité est importante pour un acteur : faire en sorte que ce que tu dis soit vrai, c’est cette cuisine-là qui est intéressante. Pour écrire une chanson, Dylan donnait ce conseil : « Dis ce que tu penses, penses ce que tu dis et mets-y un rythme. » Dylan, c’est avant tout un rythme. Un rythme propre, et c’est cela que j’ai voulu ancrer en moi.Vidéo : Bob Dylan interprète « Like a Rolling Stone » en concertLa notion de travail collectif traverse la pièce. Vous-même faites partie d’une troupe, la Comédie-Française, et travaillez souvent avec les mêmes personnes (Marie Rémond, Christophe Honoré...). C’est pour vous une dimension importante ?Essentielle. Quand j’enseigne au Cours Florent, j’aime répéter : « Il faut que tu fasses jouer l’autre. » Il faut donner à l’autre des impulsions, presque au sens musical. Ce qui fait la qualité de notre travail, c’est que l’on joue bien ensemble. Pour Sanford Meisner [acteur et professeur de théâtre américain mort en 1997, NDLR], l’acteur est surtout quelqu’un qui réagit. La technique qu’il a élaborée oblige le comédien à se rendre disponible à ce qui se passe. L’acteur est souvent tellement empêtré dans des questions d’ego ! A mon avis, c’est lorsque nous sommes obligés d’éloigner l’ego que nous sommes le plus disponibles et donnons le meilleur. La technique Meisner est aussi un pilier de la méthode du directeur de la Schaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier. L’a-t-il utilisée pour la mise en scène de « La Mouette », de Tchekhov, dans laquelle vous jouerez à partir de mai 2016 au Théâtre de l’Europe-Odéon ?En effet, je viens de passer plusieurs semaines avec lui, et l’on a beaucoup travaillé là-dessus. Ostermeier est à mes yeux l’un des plus grands metteurs en scène : dans les cinq spectacles qui ont pour l’heure compté pour moi, il y en a trois d’Ostermeier et je pense que cela tient beaucoup à sa capacité incroyable à faire jouer tous les gens ensemble.Lire aussi : Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-FrançaiseComme une pierre qui…, de Greil Marcus. Adaptation et mise en scène Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, avec la troupe de la Comédie-Française. Au Studio-Théâtre, 99, rue de Rivoli, Paris 1er. 20 €. Tél. : 01-44-58-15-15. Jusqu’au 25 octobre. www.comedie-francaise.frSébastien Pouderoux joue également dans Le Misanthrope, de Molière, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Comédie-Française, salle Richelieu, jusqu’au 8 décembre ; et dans La Mouette de Tchekhov, au Théâtre de l'Europe Odéon, place de l'Odéon, Paris 6e, de 6 à 40 €. Du 20 mai au 25 juin 2016. www.theatre-odeon.euLire aussi, dans les archives du Monde, la critique de Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus : Deux documents exceptionnels et une hagiographieEmilie GrangerayJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle A Tours, le futur Centre de création contemporaine Olivier Debré (CCCOD), qui devrait être achevé à l’automne 2016 sur le site de l’ancienne école des Beaux-Arts, au cœur de la ville historique, a toutes les qualités requises pour devenir un exceptionnel lieu de contemplation. Pour concevoir le bâtiment, les architectes portugais Francisco et Manuel Aires Mateus, sélectionnés en décembre 2012 par la communauté d’agglomérations Tour(s) plus, ont appliqué les principes fondamentaux de leur architecture, pétrie de rigueur et pourtant sans froideur : pureté et simplicité du dessin, géométrie d’ensemble soumise à une prise en compte scrupuleuse des volumes intérieurs, jeu entre les pleins et les vides où vient parfois se glisser la lumière, artificielle ou naturelle.Jusqu’au 1er novembre, le travail appliqué et patient des deux frères lisboètes est exposé dans les actuels espaces du CCC. C’est une première en France. Créée en 1984 par Alain Julien-Laferrière, la jeune institution a été l’un des premiers centres d’art contemporain conventionnés de l’Hexagone et le seul du genre dans la région Centre. Espace d’expérimentations et de diffusion, plutôt que destiné à devenir un musée abritant une collection, de nombreuses expositions monographiques y ont égrainé trente années de l’histoire de l’art actuel (Roman Opalka, Daniel Buren, Claude Rutault, Olivier Debré, François Morellet, Tania Mouraud, Chen Zhen, etc.). Les soixante maquettes d’architecture au 1/200e qui y sont exposées aujourd’hui témoignent de cette logique d’accrochage d’une cohérence plastique affirmée.Proximité immédiate avec les visiteursA la manière de ce que fit l’architecte tokyoïte Junya Ishigami au centre Arc en rêve de Bordeaux il y a un an et demi, Francisco et Manuel Aires Mateus ont déployé sur de longues et simples tables à tréteaux en bois brut la quasi-totalité de leurs projets et réalisations. Ces objets à portée de main uniformément blancs entretiennent une proximité immédiate avec les visiteurs. Afin d’en comprendre la logique, la tentation est grande de les manipuler, d’en découvrir les revers, voire les dessous. D’autant que, présentées parfois sous forme de simples emboîtements, les maquettes semblent y inviter le visiteur – ce à quoi leurs auteurs disent d’ailleurs ne voir aucun inconvénient. Cette sommaire mécanique d’assemblage aux vertus pédagogique et ludique, que les jeunes publics appréhendent avec une certaine aisance, offre de précieuses clefs de compréhension du mode constructif qu’ont adopté les architectes. Soumis à un principe de soustraction, d’excavation, les volumes intérieurs révèlent des formes dont il semble ne subsister que l’empreinte, tels des moules débarrassés de l’objet qu’ils enserrent. Une logique du vide qui malmène notre sens commun dont la perception des espaces naît généralement de la somme d’une addition de matière. « L’espace est un vide, une poche d’air, qui doit être contenue pour définir une limite », précisent les architectes.Minimalisme expressifOn s’interroge sur la viabilité de cet exercice silencieux de rhétorique architecturale que Francisco et Manuel Aires Mateus formulent jusqu’à l’extrême. Jusqu’à l’extrême, mais sans jamais oublier que leurs projets seront un jour ou l’autre habités, qu’il s’agisse de clients privés ou de commanditaires institutionnels. La demeure immaculée aux lignes élémentaires qu’ils ont réalisée à Leiria ou la résidence « troglodyte » pour personnes âgées à Alcácer do Sal, toutes deux réalisées au Portugal en 2010, déploient une organisation spatiale à laquelle, dit-on, leurs usagers s’accommodent sans peine.Depuis que Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura ont acquis une réputation planétaire, une fois obtenu le prix Pritzker, respectivement en 1992 et 2011, l’architecture portugaise a imposé son vocabulaire et sa syntaxe où le minimalisme expressif tient lieu d’identité. Les frères Aires Mateus en poursuivent le propos. Et l’on a du mal à croire, en dépit de ce qu’ils affirment, que le contexte où s’inscrivent leurs projets leur serait indifférent, eux qui n’en conçoivent pas les contours avant d’en avoir modélisé les abords.A Tours, le monolithe que les architectes ont adjoint à la nef de style art déco dessinée par Pierre Patout qu’ils ont conservée et réhabilitée, va établir un dialogue direct avec le jardin François 1er, quadrilatère bordé de bâtiments sans fard dans lequel il s’insère. Reste à savoir comment seront aménagés les alentours du futur CCCOD, davantage ouvert sur la cité et promis, espèrent les élus du crû, à devenir le futur centre de gravité de la ville.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet JR sort simultanément en France deux étonnants courts-métrages inspirés du réel : Les Bosquets, qui revient sur les émeutes en banlieue de 2005, et Ellis, film hommage aux migrants. Parallèlement, la galerie Perrotin à Paris lui consacre une exposition et une monographie, L’art peut-il changer le monde ?, paraît aux éditions Phaidon. Quatre raisons de rencontrer l’artiste français, désormais installé à New York, lors de son passage à Paris.Il y a tout juste dix ans éclataient en France les émeutes en banlieue, qui correspondent avec le début de votre travail artistique. La sortie du film « Les Bosquets », ainsi que de votre première monographie, marque-t-elle le moment d’un bilan ?Mes images ont été découvertes sous les feux des voitures qui brûlaient. Je les avais collées un an avant, mais elles ont été vues à travers les médias parce qu’elles étaient dans ce même quartier de Clichy-Montfermeil où les émeutes ont commencé. J’ai eu envie de marquer ces dix ans par un film qui montre mes différentes interventions sur place – à chaque fois des étapes marquantes pour moi. Par ailleurs, cela faisait longtemps que je rêvais de faire un livre qui reprenne l’ensemble des projets, pour montrer les liens entre chacun, mais les bilans se font souvent quand, comme avec ce film, je suis obligé de me dire : j’ai toutes ces images, qu’est-ce que j’ai envie de dire, comment je le dis ?Lire aussi :Entre ombres et lumières, le paradoxe JRJe faisais partie du collectif Kourtrajmé [société de production de court-métrages et collectif d’artistes lancé en 1994], avec Ladj Ly, qui habitait aux Bosquets. On faisait des petits films ensemble, moi je faisais souvent des photos, et il me filmait en train de coller mes affiches dans Paris. Un jour, il m’a proposé de venir le faire dans son quartier. C’était des photos de communautés : des taggeurs, des danseurs de hip-hop sur les toits de Paris, des surfeurs... Les jeunes m’ont dit : pourquoi tu nous prends pas nous en photo ? C’est ce jour-là que j’ai fait la photo de Ladj braquant sa caméra comme une arme. Ce portrait était presque prémonitoire...Oui, ni lui ni moi ne pouvions imaginer qu’un an plus tard, cette photo allait définir ce qu’on allait devenir. Ladj a filmé les émeutes de l’intérieur, et a révélé beaucoup de bavures de police : il s’est servi de sa caméra comme d’une arme. Lors des émeutes, les médias ont retransmis dans le monde entier ce qu’il se passait, et on a eu des propositions pour travailler pour la presse, qui n’était vraiment pas la bienvenue auprès des jeunes. C’est la première fois qu’on nous proposait un job payé, mais on a refusé. Ça a été un moment charnière, puisqu’on a dû se décider à réellement devenir artistes, et à continuer à construire notre projet, avec les habitants. Les jeunes avaient pris des téléobjectifs à ceux qui tentaient de les prendre en photo, et ils me les ont apportés. Au 28 millimètres, avec mon petit appareil, pour faire un portrait, il fallait que je sois très près : ces photos étaient le contraire de photos volées. Puis on a collé ces portraits à Paris avec le nom, l’âge et l’adresse de chaque jeune. Eux qui créaient une sorte de peur générale dans les médias, devenaient tout à coup acteurs de leur image.L’an dernier, vous avez créé un ballet sur les émeutes à New York. Comment en êtes-vous arrivé à ce projet ?Le New York City Ballet m’avait contacté pour penser à une installation dans son bâtiment. J’ai demandé au directeur, Peter Martin, si je pouvais chorégraphier quelque chose de 30 secondes ou une minute sur la scène. Il m’a regardé comme si j’étais fou… Puis on m’a proposé deux choses : de maintenir la commande initiale, et de faire un ballet de 8-9 minutes, en m’insérant dans un programme de ballets courts.Vous aviez déjà en tête que vous vouliez parler des émeutes ? Et comment s’improvise-t-on chorégraphe ?J’avais envie de raconter l’histoire des émeutes et de Ladj. A partir de là, j’avais deux-trois mois devant moi pour monter l’écriture et la musique. Je n’ai pas voulu avoir de chorégraphe avec moi car je voulais faire mes erreurs, parler avec les danseurs et trouver un langage, même si Peter Martin m’a accompagné. Quand je disais « quelqu’un doit lancer un cocktail Molotov », je leur montrais de vraies images des émeutes, et chacun faisait une proposition. J’aime bien la création participative. On a construit tout le ballet comme ça.En passant d’un genre à vocation documentaire à de la stylisation, ou de la fiction, comme dans Les Bosquets et Ellis, vous prenez une nouvelle direction...En fait, je ne m’éloigne pas du tout des sujets sur lequels je travaille, mais je les travaille avec d’autres formes, d’autres médiums. Le ballet, c’en était une, le film de fiction, en l’occurrence une sorte de poème visuel, c’en est une autre. Le film part de l’histoire d’Ellis Island, et finit sur les migrants d’aujourd’hui. Mais dans ce film comme dans Les Bosquets, mes collages sont très présents. C’est la manière de les mettre en lumière et de raconter l’histoire autour de ces images qui change radicalement. C’est un tournant, mais je garde le même ancrage. Raconter les mêmes choses autrement, ça me permet de créer de nouveaux ponts entre des mondes. Quand j’ai montré Les Bosquets à des jeunes de Chicago, ils n’avaient jamais entendu parler de ces émeutes, mais ils ont fait le lien avec d’autres révoltes, qui ont une même base : l’envie d’exister, l’envie de reconnaissance. Elle est finalement universelle, cette envie de dignité.Avez-vous peur, parfois, de vous tromper dans vos choix ?Oui, tout le temps. La part de doute est toujours là. Ramener des danseurs et des ballerines en tutu au milieu de Montfermeil n’était pas un pari simple, par exemple. Mais à chaque fois, je me dis que je suis prêt à prendre le risque parce que si ça marche, on aura un autre regard sur cet endroit. Et j’ai aussi une vraie envie d’aventure. Malgré les doutes, je vais pleinement là où je veux intervenir, et ce sont souvent des communautés qui me rassurent sur place, qui me disent oui, bien sûr, on le fait. Et là, je me sens en confiance.Avez-vous le sentiment que votre démarche est parfois mal comprise ?Je peux donner un exemple : une fois, j’étais intervenu dans la plus grosse prison de New York, Rikers. Et j’avais collé une photo montrant le regard très dur d’un détenu à l’extérieur. Auparavant, javais demandé aux détenus ce qu’ils voulaient que j’affiche. Ils m’avaient dit : on veut se rappeler de cet endroit comme d’un endroit terrible, violent, alors il faut mettre quelqu’un d’entre nous, mais sans que l’on puisse reconnaître qui c’est, et que ce soit un regard dur. Quand le collage s’est diffusé sur Internet, j’ai lu plein de commentaires en ligne : « Mais comment osez-vous faire ça, ces personnes sont dans une situation terrible là-bas, et vous, vous en rajoutez ! » Les gens extrapolaient. J’ai fait lire les commentaires aux détenus, et ça les a fait rire. Ils disaient : « Mais c’est qui, lui, pour nous dire ça ? »Vous aimez travailler sur la déconnexion entre des mondes qui ne se comprennent pas. Vous n’hésitez pas à vous placer au milieu… Quel est votre moteur ?La curiosité, l’envie de confronter les regards, de changer les images, et moi-même de me nourrir d’images, de comprendre. Souvent, quand je pars quelque part pour un projet, j’y vais de manière très naïve, et je demande aux gens de m’expliquer. Mon éducation ne s’est faite que comme ça. Dans ces voyages, dans ces endroits. C’est aussi dû à l’arrivée des vols low cost, qui m’ont permis de voyager pour pas cher. Pareil avec le digital. Je suis arrivé à un moment où la photo s’est démocratisée. Puis le partage sur les réseaux sociaux a eu un impact énorme sur mon travail, tout est lié. Vous travaillez toujours sur des questions sociétales. Diriez-vous que votre art est engagé ?J’aime bien « engageant », mais pas engagé. J’estime que dans l’art, on soulève des questions, mais on n’apporte pas de réponses. Je ne prends pas parole pour les gens, les communautés, je reste dans l’engageant, mon travail ne fait que leur donner une voix. À eux de la prendre, ou pas.Tous vos projets témoignent d’un sens de la mise en scène. Comment analysez-vous cette dimension spectaculaire dans votre travail ?Je me suis toujours nourri des images qui m’entouraient, et il faut pouvoir exister au milieu de ce monde de publicités, de grands écrans, etc. Je suis inspiré par ces codes, pour justement les contrer, puisque je vais utiliser tous les endroits que la publicité ne peut pas utiliser pour m’insérer dans la ville.En avril, à Manhattan, vous avez réalisé votre plus grand collage : la photo de 60 mètres d’un immigrant en train de marcher, posée au sol, n’était visible que du ciel...A New York, il faut faire quelque chose de spectaculaire pour impressionner les gens. Cette image, tout le monde a marché dessus, et personne ne l’a vue avant qu’elle fasse la couverture du New York Times Magazine. Quand je crée une image, cela fait partie de mon travail de penser la ville, l’architecture. Le choc visuel doit s’adapter en fonction des villes et des cadres de référence dans lesquels je me retrouve. Au Liberia, je pouvais coller une affiche de la taille d’une fenêtre, toute la rue s’arrêtait, il y avait un choc direct.Quel est le statut de l’image dans votre travail ?Pour moi, l’image, ce n’est qu’une trace des discussions, des rencontres, de l’impact que cela a eu. C’est pour cela qu’il y a souvent des textes, des films, pour comprendre ce processus. Tant mieux si l’image est forte, mais je ne dis pas que les photos sont belles ou pas belles, ce n’est pas mon propos. Quand on a lancé [le projet participatif] Inside out, c’était la révolution en Tunisie, et les gens avaient déchiré des portraits du dictateur pour mettre leur photo. Les gens eux-mêmes donnent un sens au projet. C’est intéressant de voir comment ils perçoivent les images en fonction des contextes. A Cuba, où ils n’ont jamais vu une image dans la rue autre que le Che ou Fidel, et tout à coup, lorsqu’ils se retrouvent devant des portraits d’eux-mêmes en énorme, ça bouscule leur regard et leurs codes. « L’art peut-il changer le monde ? » : pourquoi ce titre pour votre monographie ?Parce que la première question qu’on me pose quand je vais dans toutes ces communautés, c’est : quel est le but de ce projet ? C’est très difficile d’y répondre. Je pars en tant qu’artiste faire des œuvres, je ne pars pas faire du social ou de l’humanitaire. Je vais juste coller du papier, ça ne va rien changer à la face du monde, et pourtant, en cassant les codes et les images, on peut amener à repenser la manière dont on voit l’autre. Donc quelque part, c’est un début pour changer le monde.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal+ Cinéma à 22 h 50 Le film de Nuri Bilge Ceylan fascine par sa justesse de regard et son intense beauté.Pourquoi se mettre déjà en hiver ? Pourquoi choisir de s’enfermer pendant trois heures et quinze minutes dans l’enfer d’un couple ? Parce que Winter Sleep a obtenu la Palme d’or ? C’est un argument. Parce que le film de Nuri Bilge Ceylan est celui d’un artiste en pleine possession de ses moyens ? Celui-là est plus convaincant. La vraie raison tient plutôt à la puissance des émotions que ce long-métrage fait naître, quand bien même elles ne sont pas toutes exaltantes. Ce sommeil d’hiver n’a rien d’une hibernation, il est traversé de rêves brisés et de frissons de fièvre, strié d’éclairs de beauté sidérants, qui viennent illuminer de longs moments de souffrance.On reconnaîtra dans Winter Sleep bien des éléments du cinéma de Nuri Bilge Ceylan – sa faculté presque surhumaine à toujours trouver le cadrage juste ; son attirance pour la neige et son pouvoir révélateur, qui force les êtres à se détacher sur un monde auquel elle confère une beauté uniforme.Mais Winter Sleep ne vient pas seulement enrichir la filmographie de Ceylan d’une nouvelle variation. Cette fois, la parole y tient un rôle prépondérant. Le scénario qu’ont écrit le cinéaste et Ebru Ceylan, son épouse, est inspiré par trois nouvelles de Tchekhov. Et que ce soit par osmose avec l’auteur de La Cerisaie ou le fruit d’une décision délibérée, le texte des époux Ceylan ressemble étonnamment à une pièce de théâtre. Il en a la durée, le découpage et les morceaux de bravoure, de longs dialogues qui opposent les personnages.On découvre Aydin (Haluk Bilginer) cheminant entre deux portes d’une structure qui rappellera aux plus futiles la maison de Frodon Sacquet dans Le Seigneur desanneaux, en plus minéral. Aydin, quasi vieillard au port altier, est propriétaire et gérant d’un hôtel troglodyte en Cappadoce. Dans les anfractuosités de la roche, il a installé des chambres pour touristes aventureux. Il y vit avec sa jeune et belle épouse Nihal (Melisa Sözen) et sa sœur Necla (Demet Akbag) venue se réfugier chez eux après un divorce calamiteux.Aydin n’est pas seulement un commerçant, c’est un intellectuel, un acteur de théâtre retiré des scènes stambouliotes, un contributeur régulier de la presse locale dans laquelle il publie des éditoriaux qui prennent à partie les imams conservateurs ou les fonctionnaires corrompus.Une première séquence définit rapidement les limites de la posture d’Aydin. Alors qu’il se rend au village pour approvisionner l’hôtel, la vitre de la voiture est brisée par une pierre qu’a lancée le fils de l’un de ses locataires menacé d’expulsion. Il se trouve que l’oncle de l’enfant est l’imam de la ville, qui fera tout pour obtenir le pardon du seigneur des lieux, allant jusqu’à exiger de son neveu, un enfant d’une dizaine d’années, qu’il s’humilie publiquement.Magnifique querelle conjugaleOn le voit, la Turquie que décrivent les Ceylan ressemble furieusement à la Russie tsariste (une scène saisissante, à la fin du film, est d’ailleurs empruntée à Dostoïevski). C’est que cet ordre en apparence civilisé, qui donne aux mâles de l’espèce humaine, à condition qu’ils soient fortunés, l’illusion de pouvoir faire régner l’ordre et la justice, est un bouillon de culture idéal pour faire jaillir les passions, les sentiments et ressentiments de ces maîtres et de leurs féaux, épouses, subalternes.Ce sont eux qui intéressent Ceylan. Il se sert de son talent d’observateur de la vie en société pour mieux cerner ce qu’il y a de plus intime dans l’être humain. L’action que mène Nihal en faveur des écoles primaires de la région donne sûrement une idée de la situation dans les campagnes turques.Elle est surtout le détonateur d’une magnifique querelle conjugale, interminable, filmée avec une sobriété exemplaire, qui oppose une femme jeune et belle à un homme qui approche de la mort. Les éditoriaux d’Aydin pourraient sans doute servir à moquer les positions de certains intellectuels laïques, mais ils sont d’abord le point de départ d’une querelle féroce entre le frère et la sœur.Ces morceaux de bravoure sont agencés selon une progression dramatique qui, bien sûr, mène le couple au bord de la rupture. Nihal veut échapper à l’emprise de cet homme veule, aveuglé par le contentement de soi ; Aydin ne veut pas laisser partir son dernier lien avec la vie. Cette douleur met longtemps à éclater, d’autant que Haluk Bilginer se refuse à défendre de quelque manière son personnage, mettant en avant sa lâcheté et son hypocrisie, laissant à peine deviner sa tristesse et – surtout – l’amour violent qu’il porte à Nihal.L’ambition du projet, la sûreté de la manière, la beauté saisissante des paysages de Cappadoce, la justesse du regard, voilà toutes les raisons de se mettre déjà en hiver. Mais on ne serait pas tout à fait honnête sans évoquer la gêne qui surgit à certains moments, face à l’espèce de morgue dont témoigne Nuri Bilge Ceylan envers ses personnages. Comme le dit Nihal à son mari : « Personne ne trouve grâce à tes yeux. »Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan. Avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbag (Turquie, 2014, 195 min).Thomas SotinelJournaliste au Monde 02.10.2015 à 06h40 • Mis à jour le02.10.2015 à 10h46 Un « Godot » signé Jean-Pierre Vincent à Lyon, un flash-back nostalgique avec François Morel, une exposition JR à Lille ou un concert de Bach aux accents indiens à Paris : ce sont les choix du « Monde » pour ce début octobre.THÉÂTRE. Un Godot idéal, au Théâtre des Célestins, à Lyon Avec ce Godot pétri d’humanité, Jean-Pierre Vincent signe, à 72 ans, la mise en scène idéale pour découvrir ou redécouvrir le chef-d’œuvre de Samuel Beckett. Vivant, électrique, drôle, féroce et profond, le spectacle est porté par cinq acteurs formidables, au premier rang desquels le couple irrésistible que forment Charlie Nelson (Vladimir) et Abbes Zahmani (Estragon). Fabienne DargeEn attendant Godot, de Samuel Beckett, mis en scène par Jean-Pierre Vincent. Théâtre des Célestins, 4, rue Charles-Dullin, Lyon 2e, vendredi 2 et samedi 3 octobre à 20 heures Durée : 2 h 15. De 17 à 36 €. EXPOSITION. JR entre Paris, Clichy et Lille L’actualité française de JR est dense, en cette rentrée, avec la sortie de sa monographie (L’Art peut-il changer le monde ?, éd. Phaidon), une exposition à la galerie Perrotin et la présentation de ses deux premiers films de fiction, deux courts-métrages que lui ont inspirés ses interventions à Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis) et à Ellis Island (New York). Les Bosquets revient sur les émeutes de 2005 en banlieue et mêle aux images d’archives le ballet classique hommage qu’il avait créé l’an dernier au New York City Ballet. Le film est visible à la fois dans la salle de projection de la galerie et au Centre culturel de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Le second court-métrage, Ellis, est présenté dans le cadre de l’exposition « Tu dois changer ta vie ! », au Tri postal, à Lille. Il offre un écho aux drames actuels des migrants, Robert De Niro y incarnant le fantôme des millions d’immigrants passés par ce qui fut le point d’entrée obligé pour les Etats-Unis, Ellis Island. Emmanuelle Jardonnet« DECADE. Portrait d’une génération », à la galerie Perrotin, 76, rue de Turenne, Paris 3e, jusqu’au 17 octobre. THÉÂTRE. François Morel se souvient des belles choses, au Théâtre de l’Atelier, à Paris Accompagné, sur la scène du Théâtre de l’Atelier, à Paris, d’Antoine Sahler pour la mise en musique, François Morel nous plonge avec délicatesse dans nos souvenirs d’enfance et nous fait rire en nous contant l’histoire de Hyacinthe le coco et Rose la catho, mariés depuis quarante-cinq ans, qui ne s’entendent sur rien sauf sur l’amour des fleurs. Avec tendresse et drôlerie, il ouvre le livre de la jeunesse d’un petit garçon de la ville venu passer ses vacances aux champs chez des grands-parents qui pourraient être les nôtres. Une parenthèse enchantée. Sandrine BlanchardHyacinthe et Rose, texte et mise en scène de François Morel, avec François Morel et Antoine Sahler, du mardi au samedi à 19 heures (et samedi 17 h) jusqu’au 11 décembre au Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin, Paris 18e. Durée : 1 h 15. Réservations : 01 46 06 49 24. Puis en tournée. MUSIQUE. Correspondances indiennes de Bach, à la Philharmonie de Paris Bach, un musicien transgenre ? On n’en doutait pas, tant sa musique nourrit de musiciens, venus parfois d’autres civilisations. C’est le cas du violoniste et compositeur indien, Dr Lakshminarayana Subramaniam, qui a joué avec les plus grands représentants des traditions indiennes et occidentales, de Ravi Shankar à Yehudi Menuhin. Ses œuvres – Carnatic Classical, Tribute to Bach ou le Paris Concerto pour violon indien et orchestre (une création) – s’inspirent librement des modèles polyphoniques hérités du Cantor de Leipzig. Il sera dimanche à la Philharmonie de Paris pour un concert intitulé Bach in India. La violoniste française Amandine Beyer, qui s’est illustrée en gravant sur instrument d’époque des Sonates et Partitas de Bach unanimement saluées en 2011, est de la partie (elle dirigera notamment du violon l’Orchestre de chambre de Paris dans le Concerto BWV 1052). Cerise sur le gâteau, une récréation musicale (avec goûter) est prévue à 16 heures pour les enfants (de 3 à 10 ans) dont les parents sont au concert (8 € par enfant). Quant aux parents, ils pourront goûter à la conversation des interprètes après le concert. Marie-Aude RouxBach in India, Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Le 4 octobre à 16 h 30 à la Cité de la musique-Philharmonie 2. Tél. : 01 44 84 44 84. De 20 € à 25 €. MUSIQUE. Emily Loizeau chante Lou Reed, au Centquatre-ParisEn 2008, Lou Reed était venu lire plusieurs de ses textes au Centquatre-Paris, à l’occasion de la parution du recueil Traverser le feu (Seuil), traduction en français de l’intégrale de ses chansons. Sept ans après, la pianiste et chanteuse Emily Loizeau se réapproprie à son tour, dans l’ancien service municipal des pompes funèbres de Paris, quelques-uns des plus beaux titres de l’ancien leader du Velvet Underground, mort en 2013. Accompagnée par le guitariste hongrois Csaba Palotaï et les lectures de la comédienne Julie-Anne Roth, la délicate intensité de la Franco-Britannique se confronte dans l’épure aux mots de celui qu’Andy Warhol qualifiait de « prince de la nuit et des angoisses ». Stéphane DavetEmily Loizeau : Run, Run, Run, « Hommage à Lou Reed », les 2, 6, 7, 9 et 10 octobre, à 21 heures, au Centquatre-Paris, 104, rue d’Aubervilliers, Paris 19e. De 15 à 20 €. Alain Beuve-Méry La commission du Grand Prix du roman de l’Académie française a dévoilé, jeudi 1er octobre, sa première sélection de huit titres, en lice pour cette récompense, qui sera décernée le jeudi 29 octobre, ouvrant traditionnellement le bal des grands prix littéraires d’automne.Elle a retenu les titres suivants, présentés selon l’ordre alphabétique des auteurs :- Vladimir Vladimirovitch, de Bernard Chambaz (Flammarion)- Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig (Grasset)- Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier)- Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard)- La Brigade du rire, de Gérard Mordillat (Albin Michel)- Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton (Bourgois)- Victor Hugo vient de mourir, de Judith Perrignon (L’Iconoclaste)- 2084, de Boualem Sansal (Gallimard)L’incontournable Boualem SansalParmi les titres en lice, figure l’incontournable 2084, de Boualem Sansal qui fait le grand chelem, en étant présent sur toutes les listes des prix d’automne, à l’exception du prix Décembre, mais aussi Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour, qui est présent sur la liste du prix Goncourt.Lire aussi :Boualem Sansal plébiscité par les jurés littérairesDe même, on retrouve Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe qui a reçu le 9 septembre, le prix littéraire du Monde. Le roman de Mme Desarthe a aussi été sélectionné par le jury Renaudot, tout comme Charles Dantzig, pour Histoire de l’amour et de la haine, et Judith Perrignon, avec Victor Hugo vient de mourir, dans la catégorie essai. Les académiciens ont aussi distingué un premier roman, Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton, paru aux éditions Bourgois.Centenaire du Grand PrixL’Académie française célèbre cet automne le centenaire de son Grand Prix du roman, créé en 1914 et décerné pour la première fois en 1915 à l’écrivain alsacien de langue française Paul Théodore Acker (1874-1915), auteur de romans populaires. Le prix est attribué par une commission formée de douze académiciens. En plus de son prix, le lauréat reçoit un chèque de 5 000 euros.Parmi les premiers lauréats du Grand Prix, figurent François Mauriac, pour Le Désert de l’amour en 1926, Joseph Kessel, pour Les Captifs en 1927, Georges Bernanos, avec Journal d’un curé de campagne en 1936 et Antoine de Saint-Exupéry, avec Terre des hommes en 1939.Pendant la seconde guerre mondiale, l’Académie française a continué de remettre son grand prix du roman et son seul fait de résistance a été de récompenser L’Orage du matin, de Jean Blanzat en 1942. Ce dernier a été un des animateurs du groupe du Musée de l’Homme, un des premiers mouvements de résistance et fut membre du Comité national des écrivains, au côté de Jean Paulhan.88 hommes et 14 femmes récompensésDe 1945 à nos jours, le Grand Prix du roman de l’Académie française a notamment distingué François Nourissier, pour Une histoire française en 1966, suivi de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique en 1967 et Albert Cohen, Belle du seigneur en 1968. Les académiciens ont aussi honoré Patrick Modiano, pour Les Boulevards du crépuscule en 1972, Pascal Jardin, pour Le Nain jaune en 1978, Patrick Rambaud, avec La Bataille en 1997 et Amélie Nothomb, pour Stupeur et tremblements en 1999.Sur la dernière décennie, les académiciens ont primé Les Bienveillantes (Gallimard), de Jonathan Littell en 2006, Les Onze (Verdier), de Pierre Michon en 2009, Retour à Killybegs (Grasset), de Sorj Challandon en 2011 et La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (L’Age d’Homme et de Fallois), de Joël Dicker en 2012.Les plus jeunes lauréats ont été Patrick Modiano et Joël Dicker, 27 ans, la plus âgée Henriette Jelinek (1923-2007), 82 ans, distinguée pour Le Destin de Iouri Voronine (de Fallois) en 2005. L’Académie française a récompensé 88 hommes et 14 femmes, avec son Grand Prix du roman.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Née à New York, Elizabeth Grant a exilé son entité artistique – Lana Del Rey – à Los Angeles où la jeune femme incarne une vamp imprégnée jusqu’à l’addiction de fantasmes hollywoodiens. Après le succès international de l’album Born to Die, où elle alternait provocations d’allumeuse et complaintes d’amoureuse, surcharge R’n’B et sombre élégance, la chanteuse avait pris le risque du dépouillement avec Ultraviolence, disque souvent hanté par les réverbérations blues de son producteur de l’époque, le guitariste des Black Keys, Dan Auerbach. Misant encore plus radicalement sur une majestueuse lenteur et un déshabillé de cordes cinématographiques et de claviers ténébreux, Lana Del Rey parfait, dans Honeymoon, son troisième opus, son rôle de starlette désenchantée.Sirène boudeuseSous l’omniprésence d’un soleil californien (on entend même le chant des cigales dans certaines chansons), synonyme de torpeur comme de vacuité, la sirène boudeuse s’alanguit jusqu’à la dépression, victime de l’amour mais aussi, sans doute, des impasses que son personnage lui a imposées. Souvent soupçonnée de n’être qu’une poupée télécommandée par une équipe de businessmen, cette reine de la stylisation et des artifices parie sur un jusqu’au-boutisme esthétique pas forcément compatible avec son aura pop (même si le disque est coécrit avec Rick Nowels, vieux routier des tubes à l’américaine).Rarement paré de gimmicks aguicheurs (le single High By The Beach), cet album au ralenti demande, en effet, plusieurs écoutes pour que son apparente monotonie révèle ses meilleurs moments de frustrations érotiques (Music To Watch Boys To) et l’éclat de rêves nuptiaux transformés en marches funéraires (Honeymoon, 24, I’m Gone), puisant dans les génériques de James Bond et le romantisme cher aux « torch songs » d’Henry Mancini et Johnny Mercer.Honeymoon. 1 CD Polydor/Interscope/Universal Music. lanadelrey.comStéphane DavetJournaliste au Monde Florence Evin Avec des records mondiaux et des préemptions publiques, dont quatre pour le château de Versailles et le Musée du Louvre, la vente aux enchères, organisée par Sotheby’s, les 29 et 30 septembre, à la galerie Charpentier à Paris, a été un franc succès. Etait dispersée, par leurs descendants, la collection royale du Comte de Paris (1908-1999) et de la Comtesse de Paris (1911-2003). Avec un résultat de 6,2 millions d’euros, 94 % des 232 lots – peintures, dessins, manuscrits, meubles, vaisselle, divers objets et souvenirs –, mis aux enchères par les descendants de Louis-Philippe (1773-1850), dernier représentant des Bourbons, ont été attribués, la quasi-totalité au-dessus des estimations de la maison de ventes.Les Gentilshommes du duc d’Orléans dans l’habit de Saint-Cloud, un tableau de Carmontelle, est parti à 531 000 euros – Sotheby’s estimait l’œuvre de 250 000 à 350 000 euros.
 Le service en porcelaine de Sèvres dit des Chasses Diverses, livré à la reine Marie-Amélie, épouse du roi Louis-Philippe, s’est envolé à 495 000 euros (estimation : 100 000 à 150 000 euros).
 
Une table de jeu réalisée par l’ébéniste Roentgen pour le jeune Louis-Philippe a atteint 285 000 euros. La Chambre de la reine Marie-Amélie, de Joseph Nash, a été vendue 75 000 euros, deux fois l’estimation. 
 Collectionneurs et grands muséesDans une salle bondée, les collectionneurs de vingt-deux pays et les grands musées français se disputaient les lots. « Versailles était déterminé à compléter ses collections d’histoire, souligne Béatrix Saule, directrice des musées du château. La galerie historique de Louis-Philippe est à redéployer dans les années à venir le long de l’aile du midi. Louis-Philippe est le fondateur du Musée d’Histoire de France. La cohérence voulait que l’on puisse acquérir des moments de sa vie. »« Le joli tableau de Nicolas-Bernard Lépicié, Louis-Philippe, au berceau, montrant le jeune roi nouveau-né, est un moment clé de l’Histoire. Le père de Louis-Philippe, Philippe Egalité, avait voté, à la Révolution, la mort de Louis XVI, son propre cousin », souligne la conservatrice générale du patrimoine qui œuvre depuis trente ans au château. Versailles l’a emporté pour 231 000 euros, avant de se porter acquéreur du tableau mettant en scène Louis-Philippe jouant au cerceau dans la cour du lycée Henri IV, « témoignant de la volonté royale d’éduquer ses enfants dans l’enseignement public, un signe d’ouverture », note-t-elle. Tandis que Le roi Louis-Philippe entouré de sa famille, une huile sur toile de l’Ecole française du XIXe, a été acquise pour 47 500 euros, trois fois plus que l’estimation. « Beaucoup de concurrence française et étrangère »« Je pensais que les enchères seraient plus hautes encore, tempère Béatrix Saule. Cette vente est très prestigieuse, les prix sont élevés, nous le savions. Il y a beaucoup de concurrence française et étrangère, ce qui prouve la qualité historique et artistique indéniable des œuvres mises aux enchères. »Pour sa part, le Musée du Louvre a acquis une aquarelle, avec rehauts de gouache sur papier, d’Eugène-Louis Lami (1800-1890), Une soirée chez le duc d’Orléans, pour 57 500 euros, contre une estimation de 15 000 à 25 000 euros. Le peintre officiel de Louis-Philippe est alors au sommet de sa carrière au service des Orléans dont il fut le chroniqueur attitré en dépit de ses opinions libérales. Familier des salons mondains, il était considéré comme l’un des meilleurs illustrateurs des mœurs de la vie moderne. Il avait été introduit aux Tuileries par Horace Vernet. Le duc d’Orléans, mécène et collectionneur des artistes de son temps, y est représenté dans ses appartements. Cette aquarelle complète ainsi la collection des vingt-sept dessins conservés au Louvre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur France 5 à 21 h 40 Une visite complète des Archives nationales, à la fois temple républicain et maison commune.Temple voué à la mémoire des Français, les Archives nationales sont à la fois un lieu de transparence et un outil de démocratie mais aussi le conservatoire des secrets d’Etat. Instituées dès le règne de Philippe Auguste, à la fin du XIIe siècle, pour assurer la préservation des pièces essentielles à la légitimité du pouvoir royal – le donjon du palais de la Cité fut leur première adresse –, les Archives, par-delà les changements de régime, incarnent la nation.De l’hôtel de Soubise (Paris 3e), que Napoléon Ier choisit en 1808 pour accueillir le legs de l’Ancien Régime et ses propres archives impériales, gonflées de celles des pays européens soumis, doublé bientôt par l’hôtel de Rohan (Paris 3e), à la nouvelle adresse de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), inaugurée en février 2013, en passant par les anciens bâtiments de Fontainebleau, libérés par le retrait de la France de l’OTAN en 1966 et dévolus dès lors aux documents de la Ve République (images et son inclus), c’est à un parcours impeccable des lieux où se conserve la mémoire nationale que nous invite ce riche documentaire.Si, au fil de la présentation des documents les plus précieux ou les plus émouvants de ce fonds gigantesque qui dévore toujours plus d’espace, les figures médiatiques de Marie-Antoinette, du dernier grand maître du Temple ou du président Giscard d’Estaing s’invitant à la table des Français rassureront un public inquiet de l’aridité supposée du sujet, la force de l’évocation du combat pour l’abolition de la peine de mort en 1981 ou le décryptage du discours du président Chirac stigmatisant la rafle du Vél’ d’Hiv en 1995 donnent la vraie dimension de ce conservatoire capital pour établir l’Histoire.Réservoir d’aventuresAu hasard de l’exploration des trésors référencés – pour les besoins du déménagement des archives de l’ère républicaine (de 1790 à nos jours), qui a pris quinze mois, il a fallu généraliser l’usage du code-barres –, on mesurera le poids de l’appel aux souscripteurs pour préserver dans le giron public des fonds inédits, l’engagement de l’homme d’Etat pour établir cap et priorités (François Mitterrand) ou les passionnantes révélations de la sigillographie (étude des sceaux) sur les usages politico-juridiques des rois mérovingiens… Ce temple républicain est cependant aussi une maison commune, puisque le monde de l’archive est un réservoir d’aventures où chacun peut s’engager – c’était déjà le souhait des Conventionnels de 1794 – pour retrouver son inscription comme celle des siens dans la geste nationale. Le témoignage de Charles Aznavour, évoquant ses démarches pour la naturalisation de ses parents, Arméniens apatrides, est aussi fort que sobre.Si on reste fasciné par la monumentale « armoire de fer », chef-d’œuvre de coffre-fort, porte de bois, caissons de fer forgé avec quatre serrures et trois clés, où dorment, à l’hôtel de Soubise, les pièces les plus précieuses (actes constitutionnels et textes fondamentaux – serment du Jeu de paume ou déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lois mémorables, parchemins et correspondances mythiques), la révélation de ce documentaire reste la présentation du bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine, signé de l’architecte Massimiliano Fuksas où, sur onze niveaux et 60 000 m2, avec ses 220 magasins et ses 360 km de linéaire de rayonnages, est désormais archivée la mémoire de l’ère contemporaine. La vraie maison de l’histoire de France.Les Trésors des Archives nationales, de Françoise Cros de Fabrique et Stéphane Bion (Fr., 2013, 95 min).Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Claire Guillot Lèvres rouge vif et coiffure aérodynamique, manteau qui mêle sur l’endroit des motifs géométriques et sur l’envers du tissu africain, baskets bleues et lunettes de soleil rondes rétro : la photographe Joana Choumali a l’allure branchée et cosmopolite. Mais elle a surtout un look à son image, au carrefour de nombreuses cultures, enraciné en Afrique. Cette photographe née à Abidjan, fille d’un Ivoirien et d’une mère hispano-équato-guinéenne, a appris depuis longtemps à embrasser les questions qui tournent autour de l’identité. Le travail qu’elle présente sur les rives de la Seine à Paris, pour le festival Photoquai, « Hââbré, la Dernière Génération », n’est pas étranger à ce thème. Elle a réuni une série de portraits frappants, ceux d’habitants qu’elle a rencontrés dans sa ville, et qui ont en commun d’avoir le visage marqué par des scarifications. Ces cicatrices étroites ou larges, écartées ou serrées, qui affichent à même la chair, et jusqu’à la mort, l’origine et l’histoire de celui ou celle qui les porte.« On m’a beaucoup demandé, à Abidjan, pourquoi je m’intéressais à ça… On m’a dit que c’était une pratique barbare, que ce n’était pas un sujet moderne. Mais ça fait longtemps que je suis fascinée par les scarifications. On en voyait beaucoup quand j’étais enfant à Abidjan, nettement moins maintenant. Je trouve que les pratiques controversées ne sont pas toutes négatives. Et que quoi qu’on en pense, ça fait partie de l’identité africaine. » « Les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs »Pour trouver ses sujets, la photographe a abordé les gens dans la rue. Ce sont pour la plupart des immigrés du Burkina Faso ou du Nigeria, issus de catégories populaires – « une nounou, un chauffeur de taxi, un peintre, un gardien, un charpentier… », liste-t-elle. Tous se sont fait scarifier au village, quand ils étaient enfants. « Les scarifications étaient un signe de reconnaissance, une carte d’identité visuelle. Elles disaient la famille dont on vient, le village, la région. Des femmes, qui étaient reconnues comme artistes, passaient dans les villages et scarifiaient les enfants. Elles incisaient la peau et appliquaient une poudre cicatrisante. » La plupart en gardent un souvenir vif, et douloureux. « L’une des femmes qu’on voit ici est toujours en colère contre ce qu’on lui a fait. A l’autre extrême, Christine a demandé à être scarifiée à 10 ans, elle en est fière. »Mais l’évolution sociale, l’augmentation des déplacements et des échanges, le recul de l’identité locale ont peu à peu fait tomber en désuétude la pratique. Les cicatrices sont de plus en plus difficiles à porter en ville, où elles ne sont plus comprises, et deviennent les marques d’un autre temps. « Un des mes sujets m’a dit qu’il avait la sensation d’être ringard. Les gens considèrent de plus en plus les scarifiés comme des analphabètes, des pauvres. Le chauffeur de taxi que j’ai photographié m’a confié qu’à cause de ça il n’arrivait pas à avoir de rencard. » Les scarifiés se font insulter dans la rue, traiter de « balafrés ». « Avec la crise ivoirienne, explique Joana Choumali, il y a eu une séparation des communautés, une méfiance grandissante. Et les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs. » Aujourd’hui, aucun des modèles ne veut faire scarifier ses enfants.  « Il faut intégrer le passé »La photographe elle-même a dû apprivoiser ses modèles pour gagner leur confiance. « Le fait que je sois africaine m’a aidée… Même si on me prend souvent pour une Américaine, car je ne suis pas “typique”. J’ai pris beaucoup de temps pour expliquer ma démarche, et je leur ai donné un tirage. Ensuite, le bouche à oreilles a fonctionné. » La photographe les a fait poser sur un fond neutre, « comme des gens normaux, sans jugement implicite, sans dénoncer ni glorifier ». Elle revendique aussi une approche contemporaine, loin des études ethnologiques ou des photographies exotiques d’antan : « C’est une pratique qui meurt, mais ces gens-là sont bien vivants.C’est la dernière génération à être scarifiée. J’ai fait ces photographies pour ne pas oublier. » La photographe, qui a eu d’abord une carrière dans la publicité à Abidjan, a ouvert son propre studio de photographie et mène en parallèle une carrière d’artiste visuelle – « un métier qui est encore surtout considéré comme masculin », regrette-t-elle. Elle qui a beaucoup voyagé tourne à présent son appareil sur l’Afrique. « Les Africains sont souvent les plus virulents envers les spécificités de leur culture… Ils n’arrêtent pas de se comparer, moi je pense qu’il faut intégrer le passé, l’accepter, et aller de l’avant », déclare Joana Choumali, à l’aise dans ses baskets bleues.Lire aussi :Le Quai Branly cultive la photographieFestival Photoquai, 40 photographes non européens exposés sur le quai Branly, 24 h/24, tous les jours, du mardi 22 septembre au dimanche 22 novembre. www.photoquai.fr et www.quaibranly.frClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux, Stéphanie Binet, Véronique Mortaigne et Sylvain Siclier Inauguré le 30 juin, Apple Music, le service américain de musique à la demande, mettra fin le 1er octobre à son offre d’essai gratuite. Ses concurrents, Deezer, Spotify, Qobuz, Tidal, Napster et Google Play Music, poursuivent, quant à eux, leur politique d’incitation à l’abonnement en proposant une période de gratuité provisoire (de quinze jours à trente jours). L’occasion pour les journalistes de la rubrique Musiques du Monde de comparer les principales plates-formes de diffusion en mode continu (streaming). Avec une attention particulière à la qualité éditoriale et à la diversité des catalogues, tous les genres musicaux inclus.Lire aussi :Pour sortir du lot, Apple Music mise sur ses émissions de radioLes Beatles sont notoirement absents de toutes les offres de streaming, y compris d’Apple MusicRappelons que ce qui est proposé est un droit temporaire (le temps de l’abonnement) à l’écoute de la musique sur différents appareils, et, éventuellement, la possibilité de la stocker pour y avoir accès sans connexion. Les plates-formes ne sont pas les seuls maîtres à bord. La présence d’un artiste, d’une chanson, d’un album est fonction des accords passés avec les ayants droit (artistes, producteurs, éditeurs), qui déterminent également les droits de diffusion par pays. Ainsi, les Beatles sont notoirement absents de toutes les offres de streaming, y compris d’Apple Music. Même chose pour de gros vendeurs français comme Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman (discographies assez complètes chez Qobuz, mais uniquement à l’achat). On les trouve sur des albums instrumentaux de karaoké, tout comme, par exemple, Lucio Battisti, grand nom du rock italien.L’accès aux servicesSi les services les plus anciens (Qobuz, Deezer et Spotify) peuvent remonter à Windows 2000 ou XP pour les systèmes d’exploitation des PC, les nouveaux arrivants Apple Music et Tidal nécessitent Windows 7 (Tidal est accessible à partir de Windows Vista). Pour les utilisateurs de Mac, Qobuz est le plus accueillant avec la version « 10.5 et inférieur » du système OSX. Les principaux navigateurs sont acceptés, mais l’offre Hi-Fi de Tidal ne fonctionne, pour le moment, qu’avec Chrome. Pour les tablettes et téléphones portables, les sites recommandent généralement les versions les plus récentes sous iOS (iPhone), Android ou Windows. De la même manière, les performances dépendront de la puissance et la qualité de l’accès individuel à Internet (Wi-Fi, ADSL, fibre, 3G, 4G…).Les fonctionnalitésLa fonction de recherche se révèle partout plutôt intuitive, sauf chez Napster qui a du mal à accoler un nom d’artiste et un titre. Gare toutefois à une orthographe vacillante ou à une mention trop vague. Selon que vous écrivez « Youssou N’Dour » ou « Youssou Ndour », les albums de la star du Sénégal, qui utilise les deux orthographes, seront réduits ou non à la portion congrue. Un titre qui a servi à plusieurs artistes posera aussi problème s’il est tapé seul. Ainsi la chanson See No Evil, sans mention de son interprète, Emitt Rhodes, vous conduira d’abord sur le nom d’un groupe puis sur les chansons de Television, Eurythmics, etc.Les lecteurs de fichiers proposent tous les mêmes fonctions (marche/arrêt, avance avant/arrière, contrôle du volume, lecture aléatoire…). A noter que le choix d’un fond noir et de variantes de grisé par Spotify et Tidal n’est pas des plus lisibles. Les principales plates-formes reprennent, par ailleurs, les principes communautaires des réseaux sociaux : vos « amis » écoutent les mêmes musiques que vous ou vous feront partager des découvertes. Vous pourrez concevoir vous-mêmes des listes de lecture (play-lists) ou suivre celles qui sont recommandées par les sites, généralement à partir d’algorithmes qui repèrent ce qui a été écouté auparavant. Spotify et Deezer permettent d’afficher les textes de certaines chansons en les écoutant.La qualité sonoreIl est généralement admis qu’en dessous de 320 kbps (débit en kilobit par seconde), le rendu sera médiocre. Dans le streaming, il y a de tout : du format de compression MP3 à 128 kbps, dans la formule de base de Deezer, jusqu’au FLAC, qui permet de retrouver la qualité du CD, proposé par Qobuz et Tidal, en passant par les OGG 320 kbps de Spotify, AAC 256 kbps d’Apple Music ou AAC 320 kbps de Napster.Mais au-delà de la qualité du flux, les performances des matériels d’écoute sont à prendre en compte. Les sites expliquent d’ailleurs que pour profiter pleinement de la qualité sonore de leurs offres, il est conseillé d’acquérir des enceintes plus performantes que celles fournies généralement avec les ordinateurs, des casques audio haut de gamme et des convertisseurs DAC (convertisseur numérique-analogique) qui permettent un transfert vers la chaîne Hi-Fi.Ensuite, tout dépendra de ce que les maisons de disques ont fourni comme fichiers numériques aux sites. Un exemple : le Then He Kissed Me (1962) du groupe vocal féminin américain The Crystals va, selon les compilations, du boueux au détaillé, dans le respect de la monophonie d’origine supervisée par le producteur Phil Spector à une stéréophonie artificielle (augmentation du panoramique) dans d’autres cas.La « diversité »Globalement, avec la revendication par les services payants de la disponibilité de 28 millions de titres (Qobuz) à plus de 35 millions (Deezer, Tidal), le consommateur est censé trouver à peu près tout. Mais entre les redondances de compilation en compilation, les play-lists maisons qui se retrouvent au milieu des albums originaux, il s’agit d’abord de gonfler l’offre pour attirer le chaland. Qui aura besoin de plusieurs vies s’il lui venait l’idée de passer en revue ces millions de titres.Les vedettes des différents genres musicaux et la grosse cavalerie des nouveautés pop-rock-chanson sont présentes partout. Les majors du disque comme les indépendants, des plus gros aux plus petits, ont tout intérêt à proposer leurs catalogues à l’ensemble des plateformes. La différence se fera donc à la marge, sur des répertoires plus spécialisés, même si, grosso modo, le plus obscur des expérimentateurs apparaîtra quelque part sur tous les sites.Le jazz a ses entrées un peu partout, avec un petit plus chez Qobuz, mais également chez Tidal, surtout pour les grandes et moins grandes gloires afro-américaines. En musique classique, Qobuz, qui a fondé son modèle en partie sur la mise en avant de ce répertoire, tient forcément le haut du pavé. Plus inattendu, Deezer a lancé en 2013 une application spécifique en partenariat avec Universal Music, qui dispose des prestigieux labels Deutsche Grammophon, Decca ou Accord. Autre surprise, Google Play Music propose depuis juin « Classical Live », des enregistrements exclusifs de grands orchestres, réputés pour être les meilleurs au monde.C’est sur les sites contributifs SoundCloud et Bandcamp que l’on trouvera, fournie soit par des petits labels ultra-spécialisés, soit directement par les musiciens, la pointe des musiques électroniques, du hip-hop, du rock indépendant à vocation expérimentale. De nombreux remix, chers à cette culture underground, sont proposés sur SoundCloud, à travers les sélections de DJ qui postent régulièrement leurs mix (titres enchaînés sur leurs platines). Un univers de vraies « découvertes » qui viendront peut-être à leur tour rejoindre les rangs des propositions chez Spotify, Apple Music et consorts.Quant aux musiques dites « du monde », « ethniques » ou « traditionnelles », elles sont représentées, mais peuvent nécessiter de bien connaître en amont le domaine pour les retrouver. Ainsi, sur les listes thématiques « latinos » de Deezer ou Spotify, s’empilent des titres et des artistes correspondant à des images en vogue (« reggaeton », « sex, sea and sun »), sans mention de nationalité, d’âge, voire d’interprète. De même, les répertoires de patrimoine entrés dans le domaine public semblent d’abord servir, dans un fouillis indescriptible, à gonfler l’offre.L’accompagnement éditorialIl se révèle globalement médiocre, à l’exception de Qobuz – et encore. Sur le plan des biographies, Deezer (généralement à partir de fiches du site français d’informations musicales Music-story.com), Qobuz (avec sa rédaction) et Apple Music (traduction à la va-vite de textes anglais) proposent des textes en français. Pour le reste, c’est du tout-anglais, y compris pour des artistes français, à partir de copier-coller et de résumés de fiches du site AllMusicGuide qu’agrège pour Spotify, Tidal et Apple la société Rovi.Quelle que soit la langue, on va du succinct à des présentations un peu plus fournies – lorsque les biographies existent, ce qui n’est pas systématique, y compris sur des grandes vedettes ou des artistes références. Même chez Qobuz qui met pourtant en avant son attachement à l’éditorial – réel avec des renvois vers son magazine, des dossiers sur des genres, des courants musicaux… A noter l’indigence politique des biographies en anglais rédigées sur Spotify, où la Chilienne Violeta Parra, égérie de l’Amérique latine militante, se transforme en folkloriste, et où le chanteur brésilien Chico Buarque, exilé pendant la dictature, est résumé à son succès auprès du public féminin, séduit par ses charmes.Tout aussi parcellaires, et souvent inexactes, sont les mentions des auteurs-compositeurs, des interprètes, des dates d’enregistrements originaux, des producteurs, des principaux interprètes en dehors de l’artiste vedette – lorsqu’elles existent. Des précisions que l’on serait pourtant en droit d’attendre de la part de sites légaux, prônant le « retour de la valeur » pour la musique. Spotify ou Napster se cantonnent à la mention d’une année de sortie. Chez Deezer, Apple Music ou Tidal, il faut cliquer sur une icône guère visible pour y avoir accès. Là encore, Qobuz, en particulier sur le répertoire classique, est le plus fiable et complet. A la décharge des sites, ces données sont supposées être fournies par les maisons de disques en même temps que les fichiers.La légalitéDurant les visites sur les différents sites, nous avons identifié des enregistrements pirates de concerts de diverses périodes dans les chapitres « albums » de Frank Zappa, Todd Rundgren, Bruce Springsteen, Bob Dylan, Neil Young, Miles Davis… Manifestement, les équipes de Spotify, Deezer (treize pirates de Springsteen à fin septembre), Tidal et même Qobuz et Napster laissent passer des enregistrements douteux, provenant de labels tout aussi douteux. Marginal, mais le signe qu’il manque quelque part un contrôle plus sérieux.Les plates-formes « ouvertes », dont les contenus sont fournis en grande partie par les usagers, flirtent plus dangereusement avec les frontières de la légalité. Plus encore que SoundCloud ou Bandcamp, le « cas » YouTube en est symptomatique. Certes, on y trouve de nombreuses vidéos et fichiers audio fournis par les maisons de disques, les producteurs, les artistes eux-mêmes. Mais YouTube apparaît surtout comme un puits sans fonds de contenus hétéroclites mis en ligne par les internautes. Qui façonnent aussi bien leur propre vidéo à partir de fichiers son et image plus ou moins licites, d’une qualité souvent médiocre, qu’ils déterrent des morceaux connus de quelques dizaines d’amateurs dans le monde, absents des offres légales. Cela sans autorisation des ayants droit ni respect du droit d’auteur. Un problème récurrent sur le site du géant américain. Qui, bonne âme, fait disparaître les contenus litigieux quand on lui demande. Lesquels renaissent généralement quelques jours, voire quelques heures plus tard.Stéphanie BinetJournaliste au MondeSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au MondeVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.10.2015 à 06h52 • Mis à jour le01.10.2015 à 07h24 Le supplément littéraire du Monde vous propose cette semaine un récit, un roman noir, une bande dessinée et un livre d’histoire.UN RÉCIT. « Mélancolie d’Emmanuel Berl », d’Henri RaczymowIl disait n’être pas très assuré de son existence. Il prétendait avoir des convictions mais s’est avéré une vraie girouette. Ni grand homme ni grand écrivain, Emmanuel Berl, né en 1892 et mort en 1976, était peut-être ce qu’on nomme « un bel esprit », avance Henri Raczymow dans l’essai aussi vif qu’élégant qu’il lui consacre. Mais Berl n’est pas seulement l’ami des Proust, Cocteau, Malraux, ni seulement le témoin à qui, après-guerre, on demanda de raconter son époque, ni le jeune bourgeois parisien, séducteur, confident de Drieu la Rochelle et intime d’Aragon. C’est aussi l’homme né dans une famille juive qui écrivit en 1940 deux discours pour le maréchal Pétain, celui qui refusa de se fâcher avec Drieu quand il le portraitura dans son roman Gilles (Gallimard, 1939) dans le personnage du « juif Preuss », celui qui jamais, après 1945, n’évoqua le génocide. De ce Berl-là, Henri Raczymow ne prétend pas avoir la clé. Les convictions qui menèrent l’écrivain au pétainisme ont été celles d’une partie des intellectuels de l’époque, le pacifisme, pour lui, sans doute au premier rang. Mais, là comme ailleurs, quand il s’agit d’approcher Berl, Raczymow conserve un trait incisif, à l’affût de ce que l’homme ne fut pas, ou ne put être. Avec Berl, « seule la soustraction nous donne l’accès ». Mélancolie d’Emmanuel Berl est ainsi un beau portrait en creux, conservant de bout en bout cette même grâce de l’intelligence, l’esprit de l’esquisse. Julie Clarini Mélancolie d’Emmanuel Berl, d’Henri Raczymow, Gallimard, 208 p., 18,90 €.UN ROMAN NOIR. « Les Infâmes », de Jax MillerIl y a vingt ans, après l’assassinat de son mari, Nessa Delaunay a intégré un programme de protection des témoins et changé de nom pour devenir Freedom Oliver. Ses enfants ont été adoptés par la famille d’un pasteur du Kentucky. L’un des rares, mais décisifs, bonheurs de Freedom consiste à pouvoir suivre, sous une fausse identité, la vie de son fils et de sa fille. Laquelle, un jour, est portée disparue, poussant Freedom à réapparaître. Les Infâmes est un roman noir troué d’éclaircies. Il offre des élans du cœur et des retrouvailles – sans pour autant tomber dans le mélo. Le premier roman de Jax Miller est un magnifique portrait de femme à la dérive, haut en couleur et riche en nuances. Macha Séry Les Infâmes (Freedom’s Child), de Jax Miller, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claire-Marie Clévy, Ombres noires, 352 p., 21 €.UNE BD. « Les Equinoxes », de Cyril PedrosaRaconter le temps qui passe n’est pas chose aisée en bande dessinée. Plonger dans la profondeur des sentiments ne l’est pas davantage. Cyril Pedrosa n’a pas lésiné sur les moyens pour atteindre cette ambition : 330 pages « grand format », colorisées à la main pour un certain nombre d’entre elles, composent son nouvel ouvrage. L’objet se présente comme un récit choral mêlant des protagonistes n’ayant au départ rien à voir les uns avec les autres : un vieux militant politique désabusé, un dentiste séparé de sa femme, une trentenaire mal dans sa peau… Les liens invisibles d’une solitude subie ou voulue unissent leurs trajectoires, qui finiront par se croiser autour d’un projet décrié d’aéroport. Alternant les techniques au gré des chapitres et des saisons (stylo-bille, aquarelle, mine de plomb, pastel…), basculant dans une prose à la sobriété irréprochable quand le dessin ne lui permet pas de pénétrer dans la psyché de ses personnages, Pedrosa fait assaut de délicatesse dans ce récit introspectif à la mélancolie assumée, qu’il faut lire en prenant son temps, loin du tumulte du monde. Frédéric Potet Les Equinoxes, de Cyril Pedrosa, Dupuis, « Aire libre », 336 p., 35 €. UNE HISTOIRE. « Le Long Remords de la Conquête », de Romain BertrandUn jeune enfant possédé par les démons, deux servantes indiennes qui lui introduisent un petit canard d’étain dans le nez, un gouverneur espagnol qui frôle le sadisme, des conquistadors corrompus, des frères de l’ordre de Saint-Augustin prompts à tout pardonner et des populations philippines assujetties par les armes. Voilà les personnages du nouveau livre de Romain Bertrand, un portrait dense et captivant des Philippines dans les années 1570, où s’entrechoquent ces « mondes » si différents de la Conquête, l’expansion espagnole, au-delà du Pacifique. L’historien avait marqué les esprits avec son précédent essai, L’Histoire à parts égales (Seuil, 2011). A nouveau, dans ce livre, ce n’est pas la rencontre victorieuse entre Occident et Orient qui anime ses réflexions, mais le fonctionnement de ce monde nouveau, marqué par l’héritage des relations de pouvoir importées d’Espagne et les pratiques autochtones. L’ouvrage s’inscrit ainsi dans la perspective des histoires connectées qui élargissent leur propos à l’échelle du monde, mais revendiquent également une approche au ras du sol. Les « plantes, plumes, pelages, résines, racines » dont usent Inès et Beatriz, par exemple, sont-ils des substances de guérisseuse ou des poisons du diable, un élixir d’amour ou un breuvage du malin ? Sorcellerie ou médecine, possession ou folie, idolâtrie ou croyance, tout est affaire de catégories. L’enquête de Romain Bertrand se nourrit d’une prose personnelle et forte, qui donne vie à cette société hispanique des Philippines, laborieuse dans sa gestation et encore mal connue. Claire Judde de Larivière Le Long Remords de la Conquête. Manille-Mexico-Madrid. L’affaire Diego de Avila (1577-1580), de Romain Bertrand, Seuil, « L’univers historique », 576 p., 25 €. 30.09.2015 à 20h40 • Mis à jour le01.10.2015 à 08h35 | Raphaëlle Leyris Plus d’un million et demi d’exemplaires vendus pour la version originale de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (Editions de Fallois / L’Age d’homme, 2012), autant pour l’ensemble des traductions… C’est peu dire que le roman de Joël Dicker chargé de succéder à ce phénomène d’édition était attendu. Le voici, trois ans plus tard : Le Livre des Baltimore (De Fallois, 476 p., 22 €) est en librairie depuis mardi 29 septembre.Récompensé à la fois, à l’automne 2012, par le Grand Prix du roman de l’Académie française et le Goncourt des lycéens, finaliste du Goncourt tout court, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert était le deuxième roman d’un auteur suisse âgé de 27 ans – 30 ans aujourd’hui –, qui avait abandonné le droit pour écrire, et dont le premier ouvrage, Les Derniers Jours de nos pères (De Fallois / L’Age d’homme) avait paru quelques mois plus tôt, en janvier 2012.Page-turner efficace, mais à la valeur critiquéeGros roman aux allures de thriller, affichant les influences américaines de son auteur, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert mettait en scène un jeune écrivain, Marcus Goldman, rendu incapable d’écrire par le succès de son précédent ouvrage. Apprenant que son mentor, Harry Quebert, était accusé d’avoir tué une adolescente trois décennies plus tôt, il partait mener l’enquête sur cette affaire dans le Massachusetts (Etats-Unis). Le roman multipliait les sauts narratifs entre le passé et le présent ainsi que les rebondissements et les retournements de situation jusqu’aux toutes dernières de ses 700 pages. Sans oublier les aphorismes sur l’écriture ponctuant les chapitres et venant ajouter un cachet « littéraire » au haletant « page-turner ».Au-delà de son efficacité, difficilement contestable, sa valeur avait divisé critiques et jurés de prix littéraires – si l’académicien Marc Fumaroli jugeait dans Le Figaro qu’on sortait de ce livre « épuisé et ravi », Patrick Rambaud affirmait qu’on avait affaire à « un aimable roman de plage ». Le Monde des livres, pour sa part, le qualifiait d’« honnête polar ».Le Livre des Baltimore choisit à nouveau comme protagoniste Marcus Goldman, qui raconte son histoire familiale, et notamment son lien avec deux de ses cousins, avec lesquels il a fondé le « Gang des Goldman ». De flashbacks en retours au présent, le roman se construit autour d’un mystérieux « drame », qui forme le cœur du roman. Dans Le Monde des livres, Eric Chevillard écrit à son propos : « L’ombre de Philip Roth plane au-dessus de cette laborieuse entreprise romanesque. Joël Dicker croit réécrire Pastorale américaine (Gallimard, 1999), mais il nous donne plutôt un nouvel épisode du Club des cinq honorablement troussé. »Marcus Goldman est sans doute appelé à revenir dans de prochains romans de Joël Dicker. Pour l’heure, le premier tirage du Livre des Baltimore s’élèverait à 280 000 exemplaires, selon L’Express.Lire aussi :Le feuilleton. Le Club des cinq en AmériqueRaphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.10.2015 à 08h02  Pierre de Bethmann Trio Essais/volume 1 « Il y avait tellement d’options possibles pour revenir au trio… », indique, dans la première phrase d’un court texte qui figure sur le livret d’Essais/volume 1, le pianiste Pierre de Bethmann. Et d’ajouter « … ne pas vraiment le chercher… » ; ainsi, la formation est née au hasard, en 2012, d’un concert de « dernière minute ». Avec le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson. Des concerts ont suivi et donc aujourd’hui ce disque qui rassemble neuf interprétations pleines d’envies et d’idées musiciennes de compositions, d’Herbie Hancock (Promise of The Sun), l’un des maîtres du clavier d’inspiration de Bethmann, de Gabriel Fauré (Sicilienne), Serge Gainsbourg (Pull marine), des standards du jazz (Beautiful Love, l’allègre Without A Song, La Mer, de Trénet)… Des sources variées étroitement reliées par la cohérence de ce jeu à trois, dans son intention comme son résultat. Que cela soit dans une approche toute en douceurs, émotions (Le Chant des marais, créé en juillet-août 1933, au camp de concentration de Bögermoor) ou en vertiges et emballements. Sylvain Siclier1 CD Aléa/Socadisc.Catherine Ribeiro + Alpes Intégrale des albums originaux 1969-1980 Les camarades, le rouge et le noir, le Chili, la Palestine ; l’homme et « son vol en suspens » : Catherine Ribeiro n’a jamais eu de Dieu ni de maître, mais s’est toujours conservé le droit hautain de vie et de mort sur elle-même, jusqu’à se cribler la gorge de plombs. La chanteuse Colette Magny disait d’elle, avec un soin presque maternel, que « dans la famille coup de poing, Ferré était le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils ». Apparue au début des années 1960 en chanteuse yéyé, la jeune Lyonnaise d’origine portugaise attrape au vol le folk américain. Devenue comédienne (notamment pour Les Carabiniers, de Godard), elle s’absente de la chanson une première fois, pour y revenir avec le musicien Patrick Moullet en 1969. Avec sa poésie ardente, sa rage de vivre posée sur un rock incantatoire, le groupe s’appelle d’abord Catherine Ribeiro +2 bis, puis Catherine Ribeiro + Alpes, parce qu’il faut viser les sommets. Les concerts sont une messe, elle a la frange en ordre de bataille, entonne le Chant des Partisans, publie sans souci de conformité Libertés ? en 1975, et fait succès malgré l’oppostion farouche de la mode et du show-biz. Alpes se défait en 1982, et la chanteuse à la voix de coureur de fond se livre à de magnifiques exercices d’interprète des grands de la chanson française (Ferré, Brel, Manset, Piaf…). Ce coffret de 9 CD présente les albums studio du groupe, et remet en lumière une époque où la passivité n’avait aucun cours. Véronique MortaigneUn coffret de 9 CD Mercury/Universal.Jean-Michel Jarre Electronica 1 : The Time Machine Difficile de nier la légitimité de pionnier et la popularité de Jean-Michel Jarre. Il n’en va pas de même pour une crédibilité artistique, longtemps contestée, que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter. Son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes des machines. Cette « machine à remonter le temps », ne réécrirait-elle pourtant pas l’histoire ? Avant, pendant et après ses débuts discographiques, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui : l’onirisme spatial de Tangerine Dream, le minimalisme ironique de Kraftwerk, la magie de Brian Eno, la verve synth-pop de Depeche Mode ou New Order, les défoulements charnels de la génération house et techno… Ce décalage est à nouveau perceptible dans ces collaborations censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Et les meilleurs morceaux d’Electronica portent la patte des invités – le romantisme exacerbé de M83 (Glory), l’élégance de Air (Close Your Eyes), la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone) – plus que celle de leur hôte. Le reste oscille entre pop anodine (If..! avec Little Boots) et ratage (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend), complétés d’une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien de Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin van Buuren). Stéphane DavetLire aussi :Jean-Michel Jarre : histoire d’une imposture1 CD Columbia/Sony Music.Jr. Thomas & The Volcanos Beware Des musiciens américains qui sonnent comme des Jamaïcains, c’est assez rare pour ne pas le signaler. Junior Thomas a grandi dans le nord de Minneapolis, ville qui a vu les premières heures glorieuses de Prince ou de Bob Dylan. Or ce ne sont pas ces deux illustres compatriotes qui fascinent le jeune musicien mais les chanteurs jamaïcains, Alton Ellis ou Phyllis Dillon. En s’associant avec l’ingénieur du son californien, Brian Dixon, qui voue la même passion au rock steady, Jr. Thomas a trouvé dans son studio d’enregistrement, à Los Angeles, l’espace pour exprimer son amour inconditionnel pour le reggae d’antan. Entouré des Volcanos, musiciens qui accompagnent régulièrement les stars jamaïcaines de passage en Californie, Jimmy Cliff ou les Skatalites, le guitariste, doté également d’un joli brin de voix, ne se contente pas de copier ses idoles mais écrit de nouvelles chansons puissantes comme la passionnée Embraceable ou les tendres Beware et Burning Fire. Repéré par le label Truth & Soul qui a également lancé le chanteur néo soul, Aloe Blacc, Jr Thomas est bien parti pour connaître la même destinée sous les couleurs du reggae. Stéphanie Binet1 CD Thruth & Soul/Differ-Ant.David Krakauer The Big Picture Coup de chapeau d’un clarinettiste Klezmer au cinéma dont le contenu a plus ou moins un lien avec le judaïsme. Cabaret, La vie est belle, Minuit à Paris, Radio Days, Funny Girl, Le Choix de Sophie… David Krakauer a arpenté sa mémoire de cinéphile et choisi douze thèmes musicaux tirés de classiques. Il les réinvente avec maestria et une réjouissante liberté. Le répertoire n’a que peu à voir avec le champ de création habituel du musicien – un seul thème se rattache réellement au klezmer (Moving to the Ghetto, tiré de la bande originale du film de Roman Polanski, Le Pianiste (2002) – mais c’est bien « le son Krakauer » que l’on reconnaît : ce vibrato palpitant, ces nuances combinant mélancolie, poésie et petite folie, ce sens de l’aigu épanoui qui décolle vers le ciel sans prévenir. Le musicien présentera The Big Picture sur scène avec la projection de visuels originaux, le 21 novembre à la Cigale, à Paris, lors du festival Jazz’n Klezmer. Patrick Labesse1 CD Label bleu/L’Autre Distribution.Eugène Ysaÿe Six sonates pour violon seul op. 27 Alina Ibragimova (violon) Œuvre de la fulgurance, les six sonates d’Eugene Ysaÿe (1858-1931) pour violon seul ont été ébauchées en vingt-quatre heures à l’été 1923 après que le compositeur belge eut entendu Joseph Szigeti dans les fameuses Sonates et partitas, de Bach. Sont-elles pour autant une réponse à l’absence de postérité, durant plus de deux siècles, du chef-d’œuvre allemand ? Oui et non. Chacune de ses pièces exigeantes convoque en effet un grand nom du violon – Kreisler, Thibaud, Enescu, Szigeti –, dont Ysaÿe s’essaie à rendre la technique de jeu spécifique. La jeune violoniste russe, Alina Ibragimova, a déjà livré un enregistrement remarqué des Sonates, de Bach. Celles d’Ysaÿe sont ici d’une liberté de ton plus éblouissante que jamais, d’un naturel renversant, la parfaite quadrature entre maîtrise, sensibilité et improvisation. Marie-Aude Roux1 CD Hyperion. 22.10.2015 à 11h26 • Mis à jour le22.10.2015 à 12h14 | Philippe Escande Vous avez aimé les aventures du petit Uber au pays des taxis ? Vous adorerez la saison 2, intitulée « YouTube et ses amis au pays des télés ». Attention, certaines scènes pourront choquer les âmes sensibles. Il y aura du sang et des larmes, sûrement un peu de sexe, mais aussi de la tendresse. Winnie l’Ourson et Blanche-Neige s’en chargeront.Coup sur coup, YouTube et Disney ont annoncé, mercredi 21 octobre, le lancement de services de vidéo à la demande illimitée par abonnement sur Internet. On connaissait Netflix, le robinet à films et séries déjà présent en France, les Américains ont expérimenté ceux de la chaîne HBO, le créateur de Game of Thrones, mais aussi de CBS, Nickelodeon ou NBCUniversal. Mais l’arrivée simultanée, sur ce marché, du géant de l’Internet mondial et du plus célèbre groupe de médias au monde apporte une nouvelle dimension au phénomène. Le tsunami Internet est désormais en vue des côtes du paysage audiovisuel. Avec deux conséquences majeures.Lire aussi :YouTube cherche un relais de croissance en lançant un abonnement payantLa première est que cette vague va redessiner en profondeur le monde de la télévision. Déjà, en août, les résultats d’audience mitigés des grands réseaux télévisés américains au premier semestre 2015 avaient provoqué un crack du secteur en Bourse. En cause, les usagers américains, de plus en plus nombreux à « couper le cordon ». Autrement dit, se désabonner du câble pour ne garder que l’Internet et se reporter sur des abonnements de type Netflix.Le risque pour les chaînes de télévision va bien au-delà de la simple perte d’abonnés. Ils touchent le nerf de la guerre, la publicité. Face à la chute d’audience, les tarifs baissent et les annonceurs, eux aussi, se replient sur le numérique. La télévision traditionnelle, celle du 20 heures de TF1 ou de France 2 et des jeux de M6, est déjà en train de s’affranchir du temps, avec la télévision de rattrapage. Elle est maintenant en train de s’atomiser en myriades de services, à l’image du Web, ou plutôt des applications de son smartphone.La fin d’une époqueD’ailleurs, Apple, l’inventeur des applications mobiles, va annoncer la semaine prochaine sa nouvelle « Apple TV box » avec l’espoir, enfin, de percer dans ce domaine. Cette fois pourrait être la bonne et représenter le futur grand relais de croissance à ses iPhone. « The next big thing », comme aurait dit Steve Jobs.La seconde conséquence de cette nouvelle vague est la validation d’un modèle économique pérenne pour financer le contenu sur Internet. Les succès mondiaux de Netflix et Spotify ont démontré que les clients étaient partout prêts à payer 10 dollars – ou 10 euros – par mois pour l’accès illimité à un contenu de qualité et une ergonomie séduisante. Désormais, les poids lourds, Apple et Google en tête, s’engouffrent dans la brèche. Nous sommes en train de vivre en direct, comme on dit sur TF1, la fin d’une époque, celle du tout-gratuit sur Internet.Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Difficile de nier la légitimité de pionnier de Jean-Michel Jarre, son habileté médiatique, son efficacité d’entrepreneur, aux spectacles grandioses et aux millions de disques vendus, son intelligence politique aussi – il préside, depuis 2013, la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs). Il n’en va pas de même pour sa crédibilité artistique, longtemps contestée, mais que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter.Charité bien ordonnée commençant par soi-même, son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques, qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes « electro », apparaissant comme autant d’adoubements ou de signes d’allégeance.Cette « machine à remonter le temps » ne réécrirait-elle pas quelque peu l’histoire ? Car loin de figurer comme exemples d’innovations inspirantes, les ritournelles synthétiques du Monsieur ont souvent suscité des moues circonspectes, dans les années 1980 et 1990, devant leur lyrisme pour générique télé, leur mégalomanie et leur futurisme d’images d’Epinal.Au fil des interviews livrées lors de son marathon promotionnel, Jarre cite à l’envi sa collaboration, de 1968 à 1972, avec le Groupe de recherches musicales de Pierre Schaeffer. Cependant, c’est sa rouerie de producteur, parolier et compositeur de la variété française du début des années 1970 (au sein de laquelle il sut se montrer parfois brillant, avec Christophe ou Patrick Juvet), plus que sa radicalité expérimentale, qui semble avoir dessiné son répertoire robotique.Une collection de mièvreriesAvant, pendant et après les débuts phonographiques de Jean-Michel Jarre, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui. De l’onirisme spatial de Tangerine Dream (Alpha Centauri, en 1971) au minimalisme ironique de Kraftwerk (opérationnel dès 1974), de la magie de Brian Eno à la verve synth-pop de Depeche Mode, Human League ou New Order, sans oublier les défoulements physiques et charnels des générations house et techno.Ce décalage est à nouveau perceptible sur les collaborations qui ponctuent Electronica, censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Les meilleurs morceaux du disque portent la patte des invités plus que de leur hôte, qu’il s’agisse du romantisme exacerbé de M83 (Glory), de l’élégance de Air (Close Your Eyes), voire de la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone).Le reste oscille entre pop anodine (If..!, avec Little Boots) et ratage intégral (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend – pourtant auteur en 1971 d’une intro synthétique d’anthologie dans Baba O’Riley). En complément, une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin Van Buuren), capables même de ringardiser Massive Attack (Watching You) ou Laurie Anderson (Rely on Me), ne dissipent pas le sentiment général : l’histoire qui nous est ici contée est moins celle d’un genre musical que d’une imposture.Electronica, 1 CD Columbia/Sony Music. jeanmicheljarre.com et www.sonymusic.frStéphane DavetJournaliste au Monde Frédéric Potet A 79 ans, cette Britannique vient de finir de traduire « Le Papyrus de César », sa 36e adaptation en anglais des aventures du Gaulois. Un exploit, tant la BD fourmille de jeux de mots. Anthea Bell l’a fait. Elle est même la seule traductrice à avoir adapté la totalité des 36 albums d’Astérix dans une même langue. Le dernier, Le Papyrus de César, de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad (les nouveaux auteurs de la série), n’a pas échappé à son examen : « C’est un album qui n’a pas été facile à traduire, dit-elle, ce qui est plutôt bon signe » quant à sa qualité.On ne s’attaque pas à un monument aussi complexe linguistiquement qu’Astérix sans se rappeler la nature même de son métier. « Si on préfère l’esprit à la lettre, traduire Astérix n’est pas impossible, affirme Anthea Bell. Même pour les jeux de mots, il y a toujours moyen de trouver quelque chose de semblable, à défaut d’être exact. »De Panoramix à GetafixUn calembour n’en est plus un dès lors qu’il est traduit littéralement : l’ancienne élève du Somerville College d’Oxford (où passèrent Indira Gandhi et Margaret Thatcher) s’est adossée à cette conviction pendant plus de quatre décennies afin de s’autoriser une liberté littéraire qui pourrait presque lui conférer le statut de coauteure de la série dans sa version anglaise.Son apport le plus notable concerne probablement les noms des personnages. Si Obélix et Astérix ont gardé le leur (asterisk et obelisk existent en anglais), Anthea Bell a dû rebaptiser quelque 400 protagonistes. Le barde Assurancetourix est ainsi devenu Cacofonix – l’équivalent anglais d’assurance tous risques (all risk insurance) n’offrant aucun potentiel humoristique. Pour les mêmes raisons, le chien Idéfix a été baptisé Dogmatix outre-Manche, et le chef Abraracourcix à l’embonpoint généreux s’appelle, lui, Vitalstatistix (vital statistics signifiant notamment mensurations).La trouvaille la plus osée d’Anthea Bell reste toutefois Getafix, le nom anglais donné au druide Panoramix. Dans le langage des consommateurs de drogue, « to get a fix » signifie « avoir sa dose » – de là à considérer les Gaulois « camés » à la potion magique, le pas est un peu rapide… « J’aurais pu garder Panoramix vu que l’adjectif panoramic existe aussi en anglais, mais je n’ai pas pu résister à faire ce jeu de mots. » Astérix à la sauce mentheImaginait-elle arriver un jour à ce niveau de créativité quand, à la fin des années 1960, un éditeur spécialisé dans la littérature de jeunesse, Brockhampton Press, lui a proposé de traduire Astérix ? C’était dix ans après le lancement en France de la série. « Personne n’avait osé publier ce personnage trop français pour amuser les anglophones », se souvient-elle.Conscient de la difficulté, Brockhampton Press l’avait alors associée à un professeur de français, Derek Hockridge, dont la mission était d’identifier les références à la culture et à l’actualité françaises dans les albums originaux. Les premiers problèmes ne tarderont pas à surgir.Après Astérix le Gaulois (Asterix the Gaul) et Astérix en Hispanie (Asterix in Spain), le duo part à l’assaut d’Astérix chez les Bretons (Asterix in Britain) dont l’action se déroule… en Grande-Bretagne. Une mise en abyme vertigineuse attend les deux experts. Dans la version originale, les Bretons s’expriment dans un français truffé d’idiotismes anglais : « Il est, n’est-il pas ? », « Je suis très reconnaissant à vous », « Une tasse d’eau chaude avec un nuage de lait, s’il vous plaît »... Inverser le point de vue tout en gardant l’effet comique est impossible. Bell et Hockridge se rendront à Paris pour proposer à Goscinny (qui parlait couramment anglais) leur solution : « L’utilisation d’un anglais précieux et désuet que personne n’a jamais vraiment parlé. »Contourner l’obstacle, trouver ses propres astuces, tout refaire à sa sauce (à la menthe)… Les deux spécialistes vont s’en donner à cœur joie. Comment traduire le titre du quinzième album de la série, La Zizanie, dans lequel Tullius Detritus, un émissaire de César, sème la discorde au village ? Simple : Asterix and the Roman Agent, en référence à James Bond.Shakespeare à la rescousseComment angliciser Ocatarinetabellatchitchix, le prisonnier corse d’Astérix en Corse dont le nom est tiré d’une chanson de Tino Rossi ? Anthea Bell s’est souvenue d’une rengaine de marins peu aimable envers Napoléon (natif de l’île de Beauté), Boney was a warrior, Way-ah-ah. Le personnage s’appellera Boneywasawarriorwayayix – qui dit mieux ?Souvent, comme ici, la traductrice va devoir puiser dans le folklore et la culture britanniques pour se sortir de casse-tête insolubles. Dans Le Cadeau de César, alors qu’Astérix se bat en duel, elle remplace dans sa bouche la célèbre « tirade du nez » de Cyrano de Bergerac par une réplique d’Hamlet croisant le fer avec Laërte.Shakespeare est à nouveau appelé à la rescousse pour modifier le nom du chef breton Zebigbos, qui devient Mykingdomforanos – contraction du « My kingdom for a horse » de Richard III. Même l’hymne national britannique sera détourné afin de renommer deux légionnaires romains en Sendervictorius (Send her victorious) et Appianglorious (Happy and glorious…). Pas de royalties sur les ventesCe goût pour les mots et les jeux qui vont avec, Anthea Bell dit l’avoir hérité de son père, Adrian Bell, un fermier du Suffolk devenu romancier, dont le passe-temps était d’écrire des mots croisés pour le Times. « Il était tout le temps en train de chercher des astuces. Ce qui est un peu mon cas, finalement. Un jeu de mots doit rester un jeu, même quand il s’agit de le traduire », confie cette mère de deux grands enfants (l’un est journaliste, l’autre universitaire).Astérix n’est qu’une petite partie de son activité. Egalement germanophone, c’est par « centaines » qu’elle a traduit des romans, des essais et des livres pour enfants. Le petit Gaulois reste toutefois sa vitrine. Le job est « assez bien payé », reconnaît-elle, mais sans royalties sur les ventes, ce qui est fort dommage : 23 millions d’albums d’Astérix en langue anglaise se sont vendus dans le monde depuis la première traduction.Son alter ego Derek Hockridge est mort il y a deux ans, mais Anthea Bell ne compte pas en rester là, à bientôt 80 ans. « J’aime travailler. Je continuerai jusqu’à ce que les maisons d’édition ne veuillent plus de moi », dit-elle dans le salon de son cottage, entourée de ses chats sacrés de Birmanie. L’un porte le nom d’un personnage du Conte d’hiver de Shakespeare, Mopsa. Un autre s’appelle Violetta, comme l’héroïne de La Traviata. Aucun n’a été baptisé en référence à Astérix. « Les chats se prennent trop au sérieux », assure la vieille dame.Lire aussi :Nous avons lu (et plutôt aimé) le nouvel AstérixCet article est un extrait de celui paru dans le hors-série du Monde « Un héros, une œuvre » intitulé Astérix, l’irréductible, actuellement dans les kiosques, 124 p., 7,90 €.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.10.2015 à 06h23 • Mis à jour le22.10.2015 à 10h34 Frédéric Potet Inutile de chercher. Il s’agit, et de loin, du plus gros tirage de l’édition française cette année, tous genres confondus. Deux millions d’exemplaires du Papyrus de César, le nouvel ­album d’Astérix, sont mis en place ce jeudi 22 octobre. C’est plus du double, par exemple, des ventes cumulées de Millennium 4 (Actes Sud) et de Grey (JC Lattès), les deux best-sellers de la rentrée. « Irréductible », le petit Gaulois ? Invincible, oui. Ses 365 millions de copies écoulées depuis sa création, en 1959, font également d’Astérix la série de bande dessinée la plus vendue au monde.Ce rappel permet de mieux comprendre l’attention qui entoure la sortie de ce nouvel album. Les enjeux sont énormes pour Hachette, propriétaire des éditions Albert-René. Et ce, d’autant plus que la série ne bénéficie plus de l’aura de ses créateurs – René Goscinny (mort en 1977) et Albert Uderzo (88 ans), qui avait repris seul les commandes, du Grand fossé (1980) à Le ciel lui tombe sur la tête (2005) – depuis qu’elle a été confiée à d’autres auteurs. Le Papyrus de César est le deuxième album signé Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin). Si le premier, Astérix chez les Pictes (2013, vendu à 1,9 million d’exemplaires), avait tiré parti d’une certaine indulgence de la part des lecteurs, en tant que curiosité, ce nouveau titre – le 36e de la série – doit être l’album de la ­confirmation. L’assurance que le passage de témoin s’est bien produit.Mécanique éditoriale compliquéeComme pour Astérix chez les Pictes, les auteurs ont dû travailler « sous contrôle », c’est-à-dire sous le triple regard d’Albert Uderzo, d’Anne Goscinny (la fille de René Goscinny) et d’Hachette. « Il ne faut pas exagérer la portée de ce contrôle, coupe Isabelle Magnac, la directrice d’Hachette Illustré. Nous ne sommes présents qu’en filigrane, comme l’est n’importe quel éditeur dans une relation classique avec des auteurs. Le but n’est pas de se subs­tituer à eux, mais de sortir, ensemble, un album de qualité. »Une année d’allers-retours a néanmoins été nécessaire à Jean-Yves Ferri pour finaliser un scénario qu’il mit d’ailleurs longtemps à amorcer, au point de tarder à signer son contrat  : « Je voulais être sûr d’avoir une bonne histoire », dit-il. L’inspiration a fini par surgir, à travers une thématique très actuelle  : le traitement de l’information. Ferri est parti d’un fait historique  : la publication, à Rome, de La Guerre des Gaules, de Jules César. Anne Goscinny ne pouvait qu’approuver l’idée  : « La Guerre des Gaules était le livre de chevet de mon père, qui adorait César, car il le trouvait plus “menteur” que lui. »Le scénario validé, quel « traitement » allait attendre Didier Conrad ? La réalisation d’Astérix chez les Pictes avait été un ­ « enfer » pour le dessinateur, enrôlé au dernier moment, en remplacement d’un salarié du studio Albert-René n’ayant pas fait l’affaire. En seulement huit mois, Conrad avait dû à la fois analyser le style d’Uderzo, apprendre à croquer Astérix, créer de nouveaux personnages et dessiner 44 planches. Redoutant qu’il ne tienne pas les échéances, Hachette avait pensé envoyer aux Etats-Unis – où il vit – une équipe de « petites mains » pour ­réaliser les décors et le lettrage. Avant d’y renoncer.La supervision d’Albert UderzoSoumis à des délais « plus raisonnables », le dessinateur n’a pas eu le sentiment de souffler pour autant. Il lui a d’abord fallu composer avec la supervision d’Albert Uderzo, même si celle-ci s’est révélée limitée. Il y a deux ans, le vieux maître lui avait demandé de retoucher le regard d’Astérix (où manquait une petite lueur blanche) et le pantalon d’Obélix (qui comptait une rayure de trop). Il s’est, là, contenté de faire rectifier le visage d’un personnage secondaire, un Romain, que Conrad avait affublé d’un « gros nez » – or, seuls les Gaulois sont dotés d’appendices arrondis dans Astérix.Il a aussi fallu à Didier Conrad se couler dans le rythme d’une mécanique éditoriale compliquée, en raison de l’envoi ­régulier de ses travaux à Paris pour validation. Un véritable casse-pattes pour le dessinateur  : « Quand vous pensez tenir une bonne expression ou une bonne attitude, une certaine excitation s’empare de vous – excitation qui vous permet alors de travailler plus vite. Le problème est qu’il fallait que mes planches soient lues, relues et approuvées par plusieurs personnes  : j’étais donc obligé d’interrompre le processus au niveau du crayonné, avant de les reprendre deux ou trois mois plus tard. »Un dernier obstacle, comparable au rocher de Sisyphe, s’est mis en travers de sa table à dessin  : « A force de travailler dans un style qui n’est pas le vôtre, votre œil se fait plus précis et mesure mieux la distance qu’il reste à parcourir. Bref, plus vous avancez et plus l’objectif s’éloigne, poursuit Didier Conrad. Comme je ne suis pas Uderzo, je ne pense pas comme lui. Il m’a fallu trouver une façon de faire qui puisse correspondre à son style en sachant que lui-même aurait fait différemment pour dessiner telle scène. »Jean-Yves Ferri a traversé les mêmes affres, lui dont le scénario a continué d’évoluer au fil de la mise en images. « N’étant pas Goscinny, je n’ai pas eu d’autre choix que d’écrire une histoire comme je l’aurais fait pour un album personnel, et me demander, ensuite, si ce que je racontais était raccord avec son style. C’est là que les ennuis ont commencé », s’amuse-t-il. Le succès d’Astérix est fondé, selon lui, sur « une recette perdue », qui n’existe plus en bande dessinée  : « Un mélange d’aventure et d’humour, un thème assez bien documenté, un certain rythme… Tout coule de source, ça a l’air facile mais ce n’est pas évident. »Une seule certitude habite finalement le scénariste et le dessinateur  : « On ne s’approprie pas l’univers d’Astérix en deux albums », disent-ils en écho, sans savoir s’ils seront reconduits pour un troisième épisode. « On se sent maintenant une ­certaine responsabilité vis-à-vis d’Astérix », plaide Jean-Yves Ferri. « On verra ce que les auteurs nous proposent », élude ­Isabelle Magnac. On verra, surtout, si les lecteurs seront au rendez-vous de ce Papyrus au tirage astronomique.Lire aussi :Nous avons lu (et plutôt aimé) le nouvel AstérixFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire, à 22 h 20, sur Arte A travers un portrait sensible et émouvant, Arte rend hommage au dialoguiste disparu il y a trente ans.Voilà ce qui s’appelle du beau travail. Un documentaire à la fois riche et sensible, bien balancé et surprenant, qui rend hommage avec tact à un homme qui n’aimait pas les cons, ce qui fait du monde. On croit connaître le jongleur de mots hors pair, dialoguiste de 111 films, mais ce documentaire va plus loin que l’habituel portrait du prolo-anar, symbole d’une France à son aise entre bouffe qui tient au corps, potes qui se la jouent et bagatelle avec de jolies blondes.Né en 1920, gosse abandonné du 14e arrondissement, vrai prolo ayant passé une partie de son adolescence à dévorer des livres (« Entre 12 et 22 ans, j’en lisais quatre par jour »), Michel Audiard se livre face caméra. Mais comme le type est élégant, donc pudique, ce sont les autres qui en parlent le mieux. Et les autres, ce sont les Jean Gabin, Pierre Brasseur, Bernard Blier, Mireille Darc, Lino Ventura, Jean Carmet, ou son fils, Jacques Audiard, dont les témoignages sont souvent bouleversants.Tour à tour livreur de journaux, critique de cinéma, auteur de polars, Michel Audiard rêvait d’être coureur cycliste professionnel. Il obtiendra un diplôme de soudeur avant de plonger dans les dialogues qui firent sa légende.Le mépris de Truffaut« Dans la vie, il vaut mieux avoir trente copains et se méfier des autres ! », résumait-il. « Au sortir de la guerre, le cinéma français a été un formidable ascenseur social », rappelle Jacques Audiard, qui porte sur son père un regard aussi tendre que lucide.n 1955, la rencontre entre Audiard et Gabin est déterminante. Les deux hommes feront dix-sept films ensemble. « Il donnait des choses absolument délicieuses à manger aux comédiens ! », résume le journaliste Alain Riou.D’inévitables extraits des Tontons flingueurs viennent rappeler quelques mémorables envolées, mais le documentaire a le mérite d’aller aussi vers des zones plus turbulentes, plus intimes. De souligner, par exemple, le mépris des cinéastes de la Nouvelle Vague, Truffaut en tête, pour ses dialogues. Ou de rappeler comment, après le décès accidentel de l’un de ses deux fils, Audiard se remit au travail, publiant notamment un roman (La Nuit, le Jour et toutes les Autres Nuits) et écrivant avec son fils Jacques Mortelle randonnée, unfilm dans lequel le deuil tient une place centrale et dont le premier rôle est tenu par Michel Serrault, qui connut, lui aussi, la douleur de perdre un enfant.J’parle pas aux cons, ça les instruit, d’Yves Riou et Philippe Pouchain (France, 2015, 55 min). Dimanche 11 octobre, à 22 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Josyane Savigneau C’était une encyclopédie vivante du mouvement Dada, un homme charmant, de grande culture, curieux de tout, qui aimait la vie et les longs débats entre amis, autour d’un verre. Marc Dachy est mort d’un cancer, jeudi 8 octobre à Paris, à l’âge de 62 ans.Il avait publié son dernier livre au printemps, Il y a des journalistes partout. De quelques coupures de presse relatives à Tristan Tzara et André Breton (Gallimard, « L’Infini »). C’était une étude, à la fois érudite et pleine d’humour, à partir d’articles de presse – certains assez récents – sur le dadaïsme et sur Breton.Dachy avait parfois la dent dure avec des contributeurs – le poète Alain Bosquet par exemple – mais savait toujours admirer – les textes d’Aragon en particulier.Son humour était aussi dans le choix du titre de ce livre dont il ne savait pas qu’il serait le dernier. Car Il y a des journaliste partout est tiré d’une lettre de 1917 de Tristan Tzara à Francis Picabia. L’intégralité de la phrase est : « Je m’imagine que l’idiotie est partout la même puisqu’il y a partout des journalistes. »Tout savoir sur DadaLa passion de Marc Dachy pour Dada a commencé très tôt, en Belgique où il est né en 1952. Il avait à peine 18 ans quand il a découvert Clément Pansaers (1885-1922) – il a publié en 1986 une sélection de textes de celui-ci (Ed. Gérard Lebovici/Champ libre). A partir de là, il a voulu tout savoir de Dada. Pas seulement de Tristan Tzara (1896-1963), fondateur du mouvement à Zurich avec Hugo Ball en 1916 et arrivé à Paris en 1920. « Breton attendait Tzara impatiemment, comme en témoigne la correspondance passionnée et intelligente qu’ils entretenaient entre Zurich et Paris, précisait Marc Dachy dans un entretien au Monde en 2010. Aragon a écrit, dans son Projet d’histoire littéraire contemporaine et dans d’autres récits, qu’ils attendaient Tzara comme un nouveau Rimbaud, ce qui n’est pas peu dire. »On ne peut pas citer tous les travaux de Marc Dachy sur Dada, mais on relira ou découvrira avec bonheur Tristan Tzara, dompteur des acrobates (L’Echoppe, 1992) et son Journal du mouvement Dada, qui lui valut le Grand prix du livre d’art en 1990 (Skira). Ou, pour un rappel ou une initiation Dada, la révolte de l’art dans la collection « Découvertes » de Gallimard.Une « chronique-collage »Pour les plus curieux, il faut aller du côté des dadaïstes moins célèbres auxquels s’est aussi intéressé Marc Dachy. Kurt Schwitters (1887-1948) notamment, dont il a édité et traduit plusieurs textes et à propos duquel il a publié cette année La Cathédrale de la misère érotique, une réflexion sur le Merzbau, œuvre-phare de Schwitters à l’architecture stupéfiante, unique dans l’histoire de l’art « qui invite à entrer dans l’intelligence des conceptions singulières du génie enjoué de l’artiste » (Ed. Sens & Tonka).En 2005, à propos de la publication d’Archives Dada. Chronique de Marc Dachy (Ed. Hazan), Philippe Dagen écrivait dans Le Monde : « Marc Dachy a inventé une solution qui a deux mérites immenses : elle donne sans cesse la parole aux protagonistes et les introduit avec la plus grande précision. Les Archives Dada sont, comme l’indique le sous-titre, une chronique, plus exactement une chronique-collage. En recherchant des textes oubliés, des témoignages contemporains ou postérieurs, en les traduisant souvent, Dachy rend à Dada et aux dadaïstes leurs propres paroles, leurs timbres singuliers, leurs parti-pris. (...) Chacun de ces montages est composé de sorte que ce qui est de l’ordre de l’unité n’y recouvre pas les oppositions et n’enferme pas Dada dans une cohérence factice. »Dans ces Archives Dada comme dans son ultime livre, on voit combien Marc Dachy avait de l’archive un usage jamais ennuyeux. Il savait, à partir de ses recherches, composer une narration, une « chronique » en effet.Il était aussi directeur de collection et animateur de la revue lunapark, qu’il avait fondée à Bruxelles en 1975 et pour laquelle il a reçu le Prix des créateurs des mains d’Eugène Ionesco. lunapark a interrompu sa parution en 1985 avant de renaître en 2003. Marc Dachy n’en avait pas fini avec ses désirs d’édition, de traduction, et malgré tout ce qu’il a fait pour Dada, pour Gertrude Stein, pour d’autres, son travail demeure inachevé.Marc Dachy en quelques dates5 novembre 1952 Naissance a Anvers (Belgique).1975 Création de la revue lunapark.1990 Journal du mouvement Dada (Skira).2015 Il y a des journalistes partout (Gallimard, « L’Infini »).8 octobre 2015 Mort à Paris.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pierre Rubenach Vous avez été très nombreux, voilà deux semaines, à vous prendre au jeu de notre quiz d'orthographe. Mots étranges, grammaire retorse, culture générale, l'Atelier diktée vous propose en dix questions (parfois tordues) de tester votre connaissance du français.Pierre RubenachRaaaaah !SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde 09.10.2015 à 11h47 • Mis à jour le09.10.2015 à 19h03 | Emmanuelle Jardonnet La situation est des plus ironiques pour la National Gallery. Alors que le musée londonien a choisi de consacrer sa grande exposition de la rentrée aux talents de portraitiste de Francisco de Goya (1746-1828), rassemblant pour l’occasion quelque 70 toiles du peintre espagnol, l’attribution même de l’un des deux portraits de sa propre collection est remise en cause.Jusqu’ici, la pâle Doña Isabel de Porcel, posant avec la mantille noire typique des tenues de l’aristocratie espagnole de la fin du XVIIIe siècle, était pourtant considérée comme l’un des fleurons du musée, exposé au sein de ses galeries permanentes. Or, depuis l’ouverture de l’exposition, mercredi 7 octobre, le carton placé à côté de l’œuvre évoque, pour la première fois, des doutes sur sa provenance.Ces réserves ont surgi lors de la préparation de l’exposition, comme le révélait Culture24, site britannique spécialisé dans l’actualité artistique, le 5 septembre. C’est la confrontation entre des tableaux, des dessins et des miniatures peu ou jamais réunis auparavant, en provenance de collections publiques et privées du monde entier, qui a amené certains spécialistes à remettre en cause l’attribution, forçant l’institution à aborder ouvertement la question.« Une opportunité unique »« L’attribution d’une peinture repose largement sur des perceptions de sa qualité et sur sa proximité avec des œuvres qui sont indiscutablement du peintre », rappelle Letizia Treves, conservatrice des peintures italiennes et espagnoles de 1600 à 1800 à la National Gallery, pour qui l’accrochage constitue une « opportunité unique ». Or, comparée aux autres portraits, la technique du tableau semblerait moins subtile, en particulier dans les transparences et les textures. Une autre caractéristique du peintre, dans sa façon inconventionelle d’aborder les portraits en montrant l’état psychologique de ses modèles, serait également moins saillante. « Les études techniques et les informations sur la provenance [du tableau] ne sont pas concluantes pour une attribution à Goya », admet-elle.Le musée accompagne ainsi l’œuvre de toutes les informations dont il dispose. Le modèle a été identifié comme étant Doña Isabel de Porcel sur la foi d’une inscription à l’arrière de la toile. Il est avéré que le peintre avait exposé un portrait de cette aristocrate à Madrid en 1805, et le lien a été fait avec cette peinture. Elle avait épousé Antonio Porcel, secrétaire d’Etat pour les colonies espagnoles en Amérique trois ans auparavant, en 1802. En 1806, le peintre avait également réalisé le portrait de son mari, allié politique de son propre ami et mécène, Gaspar Melchor de Jovellanos, dont le portrait fait partie de l’accrochage londonien.Celui d’Antonio Porcel est parti en fumée lors de l’incendie du Jockey Club de Buenos Aires en 1953. La National Gallery s’est portée acquéreuse du tableau en 1896, la même année que ses deux premiers achats de toiles du maître (une scène de pique-nique et une autre de conte fantastique). Il n’était alors déjà plus la propriété des descendants du modèle. Selon les informations recueillies, ces derniers l’avaient, en effet, vendu vers 1887 à une autre famille espagnole, à laquelle le musée l’a racheté.Portrait cachéEn 1981, le tableau avait déjà créé la surprise, des images aux rayons X révélant alors un autre portrait, celui d’un homme à costume rayé, sous les couches de peinture. Bien que les traits du modèle masculin soient parfaitement nets (l’image au rayon X accompagne le tableau dans l’exposition), le musée n’avait pu faire de rapprochement physique avec aucun autre portrait connu de Goya.Le recyclage des toiles à la fin du XIXe siècle en Espagne, alors que le pays était secoué par une profonde crise politique, était assez courant, certains mécènes ayant notamment pu tomber en disgrâce politique. Ce n’était en tout cas pas une exception dans l’œuvre du peintre. Selon des analyses du musée, c’est d’ailleurs le cas pour l’autre portrait dont il est en possession : celui du duc de Wellington. A la différence près qu’une couche d’apprêt recouvrait là le premier tableau, le rendant presque inaccessible aux rayons X, tandis que Doña Isabel a été peinte directement sur le premier tableau sans couche intermédiaire – l’absence de poussière entre les deux couches semble d’ailleurs indiquer que son portrait a été peint rapidement après le premier.« Goya est l’un des peintres les plus admirés et copiés de l’histoire de l’art. Les pastiches de ses œuvres et les faux ont proliféré sur le marché de l’art européen et américain dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, rappelle Letizia Treves. Si c’est un pastiche, il a été réalisé avec un talent si remarquable que sa longue attribution à Goya a convaincu plusieurs générations de spécialistes et de visiteurs du musée. »« Goya: The Portraits », à la National Gallery de Londres, jusqu’au 10 janvier 2016.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) Le milieu littéraire belge est en émoi suite à la publication par Patrick Roegiers de « L’Autre Simenon ». Peu de gens s’en préoccupaient jusqu’à aujourd’hui, mais Georges Simenon avait un frère cadet, Christian. Ce dernier s’engagea dans le mouvement pro-nazi Rex, fondé par le tribun belge Léon Degrelle, et participa, en août 1944, à l’exécution de 26 civils, près de Charleroi. Dans quelle mesure cet être sans consistance, condamné à mort par contumace, fut-il influencé, voire manipulé, par l’écrivain belge le plus lu dans le monde ?L’engagement du cadet dans un parti qui prônait la « germanité » des Wallons d’un côté, l’opportunisme de l’aîné, qui passa la guerre dans une demeure vendéenne en s’arrangeant au mieux de ses intérêts avec l’occupation allemande de l’autre, n’étaient-ils, en réalité, que « les deux faces d’une même médaille », celle de la collaboration la plus hideuse ?C’est Patrick Roegiers, auteur de L’Autre Simenon (Grasset), qui pose la question. Son livre, un roman qui mêle réalité historique et fiction, crée une belle pagaille dans le petit monde des lettres belges. Né en Belgique, vivant près de Paris depuis trente-trois ans, cet écrivain a rompu les ponts avec son pays mais continue à puiser de la matière romanesque dans ce royaume qui, avoue-t-il, le hante et le fascine.“Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa”, Patrick Roegiers, auteur de L’Autre SimenonRoegiers ne s’est pas limité à l’exhumation du petit frère oublié : il a inventé un autre destin à Christian en l’engageant dans la Légion Wallonie, partie se battre aux côtés de l’armée d’Hitler sur le front de l’Est avec 5 000 volontaires. Dans le livre, Christian Simenon y décède dans une solitude totale, un « enfer réfrigéré » pour les salauds de son espèce. En réalité, le frère est mort en Indochine en 1947, où il combattait dans la Légion étrangère. Quel lien ce faible rallié à la loi du plus fort entretenait-il avec l’écrivain ? C’est évidemment cette question qui intéresse l’auteur, convaincu que « Christian ne s’explique pas sans Georges, et vice versa ».Le père de Maigret a continué de publier sous l’Occupation ; il a travaillé avec la société de production Continental-films, fondée par Joseph Goebbels ; il a appris l’allemand et reçu chez lui des officiers du Reich. A-t-il vraiment collaboré ? Non, plutôt profité de la situation, comme tant d’autres à l’époque. A-t-il influencé son frère ? La correspondance entre les deux hommes aurait pu le révéler… mais elle a disparu. Il semblerait en tout cas que Mme Simenon mère ait été toute dévouée au parti Rex. Geneviève Simenon, petite-nièce de Georges et petite-fille de Christian, affirmera devant le tribunal d’assises qui la juge pour le meurtre de son mari, en 2000, que l’écrivain a « influencé » son cadet. Elle soutient, à l’époque, posséder des documents prouvant ses dires, documents que personne ne lui a, par la suite, jamais demandés de produire.Une violente polémiqueLa polémique fait rage en Belgique : non seulement l’affaire touche à l’une des faces sombres de son histoire, mais elle pourrait endommager la statue de l’homme aux 193 romans (en plus des 176 qu’il rédigea sous 27 pseudonymes) décédé en 1989. Les membres de l’association Les Amis de Simenon, emmenés par l’écrivain Jean-Baptiste Baronian, sont vent debout, reprochant à Patrick Roegiers de semer le doute, de livrer volontairement des contre-vérités et de dire « n’importe quoi » sur un ton de procureur. Quant à John Simenon, fils et ayant droit de l’écrivain, il évoque des « mensonges calomnieux ».Fin septembre, dans un droit de réponse accordé par le quotidien Le Soir, Roegiers a qualifié « [d’] imbécile et de mauvaise foi » l’article de Baronian sur son travail. Un ton assez inhabituel dans des médias belges. Roegiers maintient que « la mise en lumière de Christian, le personnage inconnu, révèle la part d’ombre de Georges Simenon, l’écrivain très connu ». Le commissaire Maigret aurait adoré cette intrigue.Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry La direction de Sony a affirmé, jeudi 8 octobre, être en négociation pour céder la part détenue par le géant japonais de l’électronique et des médias dans le capital de Sony ATV (Associated Television), le premier éditeur mondial de musique, confirmant une information du Wall Street Journal. Dans une note interne, le directeur général de Sony, Michael Lynton, estime qu’il est temps de revoir « notre statut de propriétaire ». La valeur de Sony ATV est estimée autour de 2 milliards de dollars (1,77 milliard d’euros).Sony ATV possède notamment les droits sur la plupart des chansons des Beatles mais aussi de Michael Jackson, et, plus récemment, de Kanye West ou de Taylor Swift. Le capital de Sony ATV est aujourd’hui partagé à parité entre Sony Music et la société qui gère les droits de Michael Jackson.L’histoire de ce catalogue a déjà défrayé la chronique, puisque c’est sur les conseils de Paul McCartney que Michael Jackson avait fait l’acquisition des droits des Beatles, pour 47,5 millions de dollars, en 1985, au grand dam de l’artiste anglais, qui n’avait pas à l’époque les moyens de mener cette opération. Dix ans plus tard, le « King of Pop » avait décidé de former un catalogue commun avec Sony, un accord qui lui avait rapporté 100 millions de dollars.Lire aussi (édition abonnés) : Comment les Beatles ont cédé la majeure partie de leurs chansonsSi la gestion des droits revient aujourd’hui sur le devant de la scène économique, c’est en raison de l’essor du streaming, l’écoute en ligne sans téléchargement de la musique, qui permet de faire remonter à la surface les fonds musicaux et de les mettre en valeur. Or, on ne trouve actuellement les titres des Beatles sur aucune plate-forme de streaming, que ce soit sur Spotify, Deezer ou Apple. L’Américaine Taylor Swift a également émis des réserves sur le streaming, pointant l’absence de retombées financières de ce nouveau mode de consommation musicale.Lire aussi :Le streaming donne un coup de fouet au marché de la musiqueDécouplageEn 2012, Sony avait également acheté EMI Music Publishing qui détient le catalogue de la Motown ou bien encore Police et Queen, moyennant 2,2 milliards de dollars. Pour l’instant, on ignore les intentions du groupe japonais concernant cet actif, complémentaire de Sony ATV. Seule certitude : le géant tokyoïte détient un catalogue de plus de 2 millions de chansons, dont 750 000 dans Sony ATV. Sa part de marché est évaluée à 30 %.Les acheteurs potentiels des 50 % de Sony ATV détenus par le groupe d’électronique sont nombreux. Le plus évident est Universal Music Group, le numéro un mondial de la musique, propriété de Vivendi, qui s’est renforcé sur ce terrain depuis dix ans. Mais Warner Music, l’autre grande major, pourrait aussi être intéressée.Ces négociations ne concernent pas en revanche le label Sony Music Entertainment, qui continue de développer des artistes et de vendre de la musique, sous forme physique (CD, vinyle) ou numérique. Le découplage entre les deux activités s’est accéléré dans les années 2000. Il n’est aujourd’hui pas rare qu’un artiste soit en contrat chez une major ou un label indépendant et que les droits de ses chansons anciennes soit détenus par son précédent éditeur. Jusqu’à présent, l’édition musicale était plutôt la partie cachée des grands deals musicaux. Les enjeux du streaming lui donnent une plus grande acuité.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Film, à 21 heures, sur France 2 Tiré d’un roman de Patricia MacDonald, le téléfilm manque un peu de perversion pour être un véritable thriller.Le jour de son mariage avec David (Philippe Bas), Emma (Déborah François), psychiatre, est retardée par un patient. C’est heureuse, essoufflée, échevelée et pieds nus qu’elle arrive à la cérémonie. Les signes sont là, pour qui veut bien les saisir : tout ne va pas tourner rond dans ce téléfilm et surtout dans ce couple pourtant promis à un bel avenir.Le téléspectateur n’a d’ailleurs pas longtemps à attendre. La comédie sentimentale est en effet à peine installée que les événements déraillent. Dès le voyage de noces, en réalité, quand Emma se fait agresser par un homme cagoulé dans la maison isolée où les jeunes mariés ont décidé de passer quelques jours. Pour la police, David apparaît comme le suspect numéro un. Son refus de coopérer, son absence au moment des faits, la fortune de la jeune femme dont il hériterait si elle venait à mourir… n’aident pas à contredire les soupçons qui pèsent contre lui. Au point que même Emma commence à douter de son mari.Doute et frissonD’autres menaces surgissent dans la vie de la jeune femme, d’autres indices accusent David dont le passé cache quelques secrets. L’intrigue s’épaissit jusqu’au coup de théâtre final dont on ne dévoilera évidemment rien qui puisse mettre le téléspectateur sur la piste.Sur un scénario écrit par Elsa Marpeau, d’après le roman de Patricia MacDonald, le réalisateur Serge Meynard (La Nuit du meurtre ; Passés troubles ; La Nuit du réveillon) signe un téléfilm qui ne ménage pas ses effets pour installer le doute et créer le frisson.En matière de thriller, le réalisateur sait faire et maîtrise le genre, se référant à l’un de ses maîtres, Alfred Hitchcock, auquel Serge Meynard emprunte certaines mécaniques de suspense. Ce qui nous vaut dans J’ai épousé un inconnu quelques beaux clins d’œil, tant à l’image que sur la bande-son.En revanche, quelque chose cloche dans ce téléfilm dont le ressort principal repose sur la culpabilité ou pas du mari, et, du coup, le malaise et l’inquiétude que cette incertitude devrait faire naître. Or, c’est là que le bât blesse : il est rare que l’on soupçonne réellement le mari de vouloir tuer sa jeune épouse, rare qu’on lui trouve un caractère suffisamment trouble pour douter de sa sincérité. Une faiblesse qui nous laisse, hélas, sur le bord de la route.J’ai épousé un inconnu, de Serge Meynard. Avec Déborah François, Philippe Bas (Fr., 2015, 90 min). Vendredi 9 octobre, à 21 heures, sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde 09.10.2015 à 06h40 • Mis à jour le09.10.2015 à 10h06 A la Gaîté-Lyrique, à Paris, les Danois de Den Sorte Skole ; à Aix-en-Provence, un hommage à Henning Mankell ; au Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, un conte délicat de Jonathan Châtel : ce sont les choix du « Monde ».MUSIQUE. L’imagination foisonnante d’Unsuk Chin, à la Maison de la Radio La compositrice coréenne, Unsuk Chin, figure incontournable de la musique contemporaine depuis plus de vingt ans, est à l’honneur cette année au Festival d’automne dans le cadre de l’Année France-Corée. Sa musique singulière, colorée et raffinée, impose, malgré sa complexité, un impact très direct sur l’auditeur, ne serait-ce que par son sens de l’humour parfois décapant. Trois concerts donnés simultanément les 9 et 10 octobre dans le nouvel auditorium de Radio France permettront de cerner davantage cette personnalité à l’imagination foisonnante pour qui le rêve reste la voie royale de notre exploration du monde. Marie-Aude RouxUnsuk Chin. Maison de la Radio, Paris 16e. Le 9 octobre à 20 heures. Le 10 octobre à 16 heures et 20 heures. Tél. : 01-56-40-15-16. De 10 € à 25 €. maisondelaradio.frTHÉÂTRE. Mohamed El Khatib parle de sa mère, à la Cité internationale Mohamed El Khatib souhaitait à sa mère de « Finir en beauté ». Quand elle s’est retrouvée en soins palliatifs pour un cancer du foie, dans un hôpital près d’Orléans, il l’a filmée. Avec son accord, bien sûr. Mais on ne les voit pas, ces images, dans le spectacle que Mohamed El Khatib consacre à sa mère. Seul en scène, et habité de plein d’histoires qui nous font voyager entre le Maroc et la France, il raconte avec humour, tendresse et délicatesse ce que peut être le chagrin quand la mort est là. Ses mots sont si justes qu’ils ouvrent des portes sur la vie. C’est très beau. Brigitte SalinoFinir en beauté, de et par Mohamed El Khatib, Théâtre de la Cité internationale, 17, boulevard Jourdan Paris-14e. RER : Cité-internationale. Tél. : 01-43-13-50-50. Jusqu’au 23 octobre. Voir les horaires sur Theatredelacite.com. De 7 € à 22 €. Durée : 1 h 10.THÉÂTRE. « Andreas », sur les rivages de la vie, au Théâtre de la Commune Inspiré par la première partie du Chemin de Damas, la trilogie d’August Strindberg, Andreas suit le chemin vers la réconciliation d’un homme qui n’arrive pas à dire « Je veux vivre ». Un long chemin, comme celui de Paul vers la conversion. Le jeune metteur en scène Jonathan Châtel en a tiré un spectacle qui prend la forme d’un conte, et nous mène loin, sur les rivages de la vie. Simple et troublante, cruelle et délicate, cette soirée est illuminée par la présence et le jeu de Nathalie Richard, une comédienne magnifique. B. Sa.Andreas, d’après Strindberg. Mise en scène : Jonathan Châtel. Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Mo : Aubervilliers-Pantin-Quatre-chemins. Tél. : 01-48-33-16-16. Jusqu’au 15 octobre. Voir les horaires sur Lacommune-aubervilliers.fr. De 6 € à 23 €. Durée : 1 h 20.HUMOUR. Christophe Alévêque plus engagé que jamais, au Rond-Point Huit mois après les attentats de Charlie Hebdo, Christophe Alévêque ne lâche rien. « Ça ira mieux demain », chante l’humoriste sur la scène du Théâtre du Rond-Point, à Paris, en réponse à « la sinistrose ambiante qui met de l’engrais sur le pire ». Lui veut faire du rire une arme de réflexion politique massive. Sans abandonner la part d’improvisation qu’il affectionne, il signe, avec Ça ira mieux demain, l’un de ses spectacles les plus aboutis et les plus personnels. Bouleversé par une période où des dessins caricaturaux et une photo d’enfant mort sont capables de changer le cours de l’histoire, il en veut aux philosophes et aux intellectuels « qui, en dénonçant l’émotion, n’ont pas compris la société dans laquelle on vit ». Engagé et à fleur de peau, Christophe Alévêque ne rêve pas du grand soir, mais presque. Sandrine BlanchardÇa ira mieux demain, jusqu’au 7 novembre au Théâtre du Rond-Point (à 18 h 30 jusqu’au 11 octobre puis à 21 heures), 2 bis, avenue Franklin-Roosevelt, Paris 8e. Durée : 1 h 30. De 14 € à 40 €. Theatredurondpoint.frMUSIQUE. Lionel Bringuier rencontre l’Orchestre de Paris, à la Philharmonie. Visage rond et baguette effilée, le chef d’orchestre Lionel Bringuier, fera ses premiers pas avec l’Orchestre de Paris les 14 et 15 octobre. Le Niçois de 29 ans n’est pas un débutant. En 2006, il est devenu le plus jeune chef assistant (et le premier Français) de l’histoire du prestigieux Orchestre philharmonique de Los Angeles, a gravi les échelons de chef associé, assistant puis résident, avant de prendre en septembre 2014 la tête de l’excellent Orchestre de la Tonhalle de Zurich. Sur ses terres, le charismatique Français dirigera un programme plein de charme et d’énergie, du Con Brio de Widmann au folklore hongrois des Danses de Galanta de Kodaly, en passant par les tourments romantiques du Roméo et Juliette de Tchaïkovski et le fameux Concerto pour piano que Schumann écrivit pour sa femme, Clara (au piano, Martin Helmchen). Un programme en forme de déclaration d’amour. Marie-Aude RouxPhilharmonie de Paris, Paris-19e. Salle Philharmonie 1. Les 14 et 15 octobre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 40 €. Philharmoniedeparis.frMUSIQUE. Tribu Festival, à Dijon, premiers jours Pour sa seizième édition, organisée du 10 au 18 octobre, dans plusieurs lieux de Dijon (Côte-d’Or), le Tribu Festival annonce des musiciens venus d’Argentine, du Togo, des Etats-Unis, du Portugal, de Finlande, d’Israël, du Royaume-Uni, du Yemen… Dans des expressions musicales qui puisent dans le jazz, le funk, les musiques du monde, la soul, l’électro etc. Le premier week-end du festival, samedi 10 et dimanche 11, constitue une bonne entrée en matière à ce propos multiple. On pourra assister à une projection d’un film consacré au saxophoniste David Murray (par ailleurs programmé le 13 octobre), découvrir le nouveau répertoire de Ze Tribu Brass Band, fanfare d’une trentaine de musiciens dirigée par Maciek Lasserre, passer une fin d’après-midi avec les sélections du platiniste Riddimdim, prendre une bonne dose de soul avec la chanteuse Nicole Willis… Sylvain SiclierTribu Festival, à Dijon, samedi 10 et dimanche 11 octobre, puis jusqu’au 18 octobre. De 5 € à 27 € selon les lieux et concerts, accès libre à plusieurs spectacles.MUSIQUE. « Percujam », artistes et autistes en concert au Théâtre des Variétés C’est un orchestre un peu particulier, qui réunit de jeunes musiciens autistes et leurs éducateurs. Composée de seize personnes, avec chanteuses, chanteurs et instrumentistes (guitare, basses, claviers, batteries…), la formation, qui s’est donné pour nom « Percujam », a été créée à l’initiative de l’association Futur composé avec Trampoline caméra et la Fondation J. M. Bajen, pour permettre à des jeunes en souffrance de sortir de leur isolement grâce à la maîtrise d’un instrument et au jeu collectif. Au-delà de la musique, chaque concert est une expérience et un moment de partage. Le groupe s’est produit déjà au Cabaret sauvage, à La Villette, à Paris, aux Zénith de Nantes et d’Amiens, etc. Pour accompagner la sortie de leur troisième album, plusieurs concerts sont organisés, dont une soirée au Théâtre des Variétés, à Paris, lundi 12 octobre à 20 heures. En première partie, le collectif Astéréotypie, qui réunit de jeunes autistes autour d’un projet éducatif et artistique, sera sur scène pour présenter des textes, écrits individuellement ou collectivement, qui traduisent leur univers, sur fond de musique pop-rock. Sylvie KervielPercujam, lundi 12 octobre, à 20 heures au Théâtre des Variétés, 7, bd Montmartre, Paris-2e. De 10 € à 30 €. Theatre-des-varietes.frMUSIQUE. Den Sorte Skole, magiciens du sampling, à la Gaîté-LyriqueMené par les DJ danois Martin Hojland et Simon Dokkedal, Den Sorte Skole (« l’école noire ») compose de fascinants puzzles musicaux à partir des univers infinis de leur discothèque. Magiciens du sampling, piochant en poètes ethnomusicologues dans toutes les époques et tous les continents, ils produisent des disques qu’il ne peuvent diffuser sur les circuits commerciaux habituels, leurs compositions aux collages multiples se révélant impossibles à « légaliser » en termes de droits d’auteur. Accessibles par téléchargement gratuit (Densorteskole.net), leurs odyssées musicales se doublent sur scène d’un show visuel envoûtant qui devrait être cette fois projeté sur l’écran à 360 degrés de la salle de la Gaîté-Lyrique. Stéphane DavetDen Sorte Skolle, Vaudou Game et Osunlade, dans le cadre du Festival d’Ile-de-France, le 9 octobre à la Gaîté-Lyrique, 3 bis, rue Papin, Paris-3e. Tél. : 01-53-01-52-00. A 20 heures, 28,60 €.ART. La puissance créatrice de Wifredo Lam, à Beaubourg La rétrospective que consacre le Centre Pompidou à Wifredo Lam (1902-1982) est la première qui soit consacrée au peintre cubain dans un musée parisien depuis celle qui avait eu lieu au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1983, un an après sa mort. L’occasion de vérifier, au fil d’une exposition organisée de manière chronologique, que l’artiste, né de père chinois et de mère mulâtre, était beaucoup plus que « le métis du surréalisme » comme il est trop souvent caricaturé. Catherine David, son auteure, a composé des ensembles qui révéleront à beaucoup la puissance créatrice du peintre. Le mur où sont réunis Les Noces et Nativité de 1947 à Bélial, empereur des mouches de 1948 en est une démonstration remarquable. Philippe DagenWifredo Lam. Centre Pompidou, Paris-4e. Centrepompidou.fr. Du mercredi au lundi de 11 heures à 21 heures, le jeudi jusqu’à 23 heures. Entrée : de 11 € à 14 €.LITTÉRATURE. La Fête du livre rend hommage à Henning Mankell, à Aix-en-Provence L’écrivain suédois Henning Mankell aurait dû être à Aix-en-Provence les 9, 10 et 11 octobre, pour la Fête du livre, qui avait organisé sa trente-deuxième édition, intitulée « Henning Mankell, de la neige au sable », autour de l’œuvre de cette figure du polar nordique. Sa mort, dimanche 4 octobre, a conduit les organisateurs à transformer ce rendez-vous en hommage. Les invités, qui devaient dialoguer avec le « père » de Kurt Wallander – l’auteur chinois Qiu Xiaolong, la scénariste et réalisatrice italienne Francesca Melandri, l’écrivaine et journaliste suédoise Katarina Mazetti, le journaliste et traducteur Gérard Meudal, le comédien Frédéric Pierrot, etc. – seront présents néanmoins pour des débats, rencontres, lectures, projections et séances de signature. S. Ke.Fête du livre, Cité du livre, 8, rue des Allumettes, Aix-en-Provence. Du 9 au 11 octobre. Entrée libre. iutmdl.over-blog.com Francis Marmande Mardi 6 octobre, Eric Bibb & JJ Milteau (il tient à cette orthographe, à prononcer JayJay), guitariste chanteur et harmoniciste historique, étaient à L’Alhambra (Paris 10e). Petite salle en surchauffe, quartet réglé comme un moteur de Stampe, le célèbre biplan inventé pour la voltige aérienne : Eric Bibb, JJ Milteau, Gilles Michel à la basse, Larry Crockett aux drums. Ponctuation parisienne d’une énorme tournée d’été qui aura culminé au festival Jazz à Vienne en juillet, devant un amphithéâtre en lévitation.Lire aussi :Jazz à Vienne : six mille petits éblouis par le big bandA L’Alhambra, décollage en grâce avec Pick a Bale of Cotton, un traditionnel qui relève du country blues et que l’on ne décline pas toujours avec cette fraîcheur. Suivront seize titres, dont trois au rappel, ils figurent sur l’album Lead Belly’s Gold (Dixiefrog/Harmonia Mundi) : Needed Time, Linin’Track, I Heard the Angels Singing. Nuit sous le signe du blues le plus dense, les fantaisies country les plus olé-olé, la joie de jouer et d’aller au plus profond sans le montrer.Nuit zébrée des éclairs d’harmonica (diatonique, of course), du grand Milteau aux airs dandy de western mâtiné hip de banlieue. Eric Bibb, costar très ample, silhouette de tap-dancer (ce qu’on ose encore appeler les claquettes), sombrero de cinéma, est infatigable. On se fiche un peu de l’âge, mais personne au monde ne croirait à ses 65 ans sous ce sourire ado. Milteau, suractif, tant au minuscule et déchirant harmo, qu’en président militant de l’Adami (administration des droits des artistes et musiciens interprètes) qui a fort à faire par les temps qui courent. Un album précieuxCe qui est bien avec le blues, c’est que sous forme très raffinée et combinatoire hyper-sophistiquée, il dit les joies, il dit les peines, et tout le monde s’en fout. Poésie analogue aux plus grandes créations de l’humanité, on le prend encore pour un bricolage archaïque de Nègres assez simplets. C’est très bien ainsi. On n’imagine pas que les troubadours en leur ère aient embêté les braves gens. Nadine Morano peut dormir sur ses oreilles d’âne.La rencontre d’Eric Bibb et JJ Milteau, coutumier des invitations, fait l’objet d’un album précieux : iconographie, maquette, son, textes, traductions des chansons, tout est signé du plus savant des érudits plaisants, Sebastian Danchin et consorts : « Lorsqu’il fut découvert en 1933 dans la tristement célèbre ferme pénitentiaire d’Angola, en Louisiane, Lead Belly ne se doutait pas que sa musique allait bouleverser le cours de son destin tout en faisant entrer dans l’histoire les artisans de son succès, les ethnomusicologues John et Alan Lomax. » Dans ses rêves les plus osés, imaginerait-il jamais que ses chansons, les plus évidentes des chefs-d’œuvre, seraient reprises par Sinatra, Nirvana, Tom Waits ou Bob Dylan ?Le samedi 10 octobre, Eric Bibb et JJ Milteau sont au Nancy Jazz Pulsations, l’énorme rendez-vous de l’automne, avec un programme – une dizaine de groupes par soir ou alors Brad Mehldau en solo (complet) –, dont personne n’a jamais su, dès le premier millésime (1973), sur quel pied le faire danser, jazz, techno, chanson, électro, funk, java, tendances, mais un programme qui ne s’est jamais passé d’une grosse soirée blues : version 2015, donc, Otis Taylor, les très délurés Snarky Puppy et Eric Bibb & JJ Milteau.Lead Belly’s Gold, 1 CD Dixiefrog/Harmonia Mundi. www.jjmilteau.net et eboutique.harmoniamundi.comNancy Jazz Pulsations (NJP), divers lieux, jusqu’au 17 octobre. Samedi 10 octobre : Blick Bassy, Faada Freddy (salle Poirel) ; Marco Barotti / Paradis DJ (L’Autre canal) ; Rubin DJ Set (Magic Mirrors) ; Eric Bibb & JJ Milteau, Otis Taylor, Snarky Puppy (Chapiteau). Jean-Louis Murat (13), Jeanne Added (15), Maceo Parker (16), Yuri Buenaventura, Marcus Miller (17). www.nancyjazzpulsations.comFrancis MarmandeJournaliste au Monde 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Aidé par l'hologramme de son collègue et ami, Al, il est contraint à intervenir dans la vie des gens qu’il rencontre à différentes époques afin de poursuivre son voyage.",Code Quantum, série de Donald P. Bellisario, 1989", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/660x300/4789433_6_81c6_ill-4789433-fdbc-codequantum_c9fad02d0063e269c2909048bb3a0bbe.jpg", "Video": "", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "L’intelligence artificielle Skynet échappe au contrôle de l’homme", "Para": "Le réseau Skynet échappe au contrôle de l’homme, lance une attaque contre la Russie et déclare la troisième guerre mondiale.",Terminator 2 : le jugement dernier, film de James Cameron, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "Manhattan devient une prison", "Para": "L’île de Manhattan a été transformée en prison, après une importante vague de criminalité.",New York 1997, John Carpenter, 1981", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Apocalypse du jour de Lavos", "Para": "L’apocalypse est déclenchée par l’arrivée de Lavos, un parasite extraterrestre qui détruit la planète.",Chrono Trigger, jeu vidéo, Square Enix, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1019x655/4789434_6_19f4_ill-4789434-f324-chrono2_8062e20bdf7f79cac5cb78052d53ede5.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Rationnement à New York", "Para": "New York est peuplée de près de 35 millions d’habitants, les ressources sont rationnées et la population est nourrie par du « soleil vert », officiellement composé de plancton.",Soleil vert, film de Richard Fleischer, 1973", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2000, "Titre": "Cataclysme en Antarctique", "Para": "Le 13 septembre, une énorme explosion en Antarctique génère un cataclysme à l’échelle mondiale, que les humains baptiseront « Second impact ».",Neon Genesis Evangelion, série animée de Hideaki Anno, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1024x768/4789437_6_07ce_ill-4789437-1f0d-evasecond_5b6b329a2826002c30e5534b0cbc4a3e.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 2005, "Titre": "Rébellion de soldats génétiquement modifiés", "Para": "Un groupe de soldats génétiquement modifiés se rebelle et prend possession de la base nucléaire de Shadow Moses en Alaska.",Metal Gear Solid, jeu vidéo édité par Konami, 1998", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1280x720/4789438_6_6289_ill-4789438-c5a5-metalgearsolid_870be61616656c5a96ca6346dfe1bc64.jpg", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2015, "Titre": "Marty McFly arrive du passé",e épisode des Dents de la mer, la généralisation du fax et des mini-pizzas qui doublent de volume une fois passées au micro-ondes.",Retour vers le futur 2, film de Robert Zemeckis, 1989", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 2019, "Titre": "Les cyborgs se fondent dans la population", "Para": "Les cyborgs, quasiment impossibles à distinguer d’un être humain, se fondent dans la population. 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",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. 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Le Monde a pu lire en avant-première et en exclusivité ce 36e épisode de la série – le deuxième depuis qu’elle a été reprise par de nouveaux auteurs, Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin).Lire aussi :Dans les coulisses de la réalisation du dernier AstérixLa question n’est pas de savoir s’il est du même niveau que ceux de l’époque de René Goscinny et Albert Uderzo : la réponse sera non, forcément non. Trop d’éléments interfèrent : le génie des créateurs, la mémoire de nos émotions de jeunes lecteurs, la nostalgie… Rien n’étant jamais mieux qu’avant, il paraît préférable, en revanche, de se demander si cet album est plus réussi que… le précédent, Astérix chez les Pictes, sorti en 2013, et qui n’était pas indigne, loin s’en faut (en tout cas bien meilleur que les albums réalisés en solo par Uderzo après la disparition de son alter ego). Et là, la réponse est oui. « La Guerre des Gaules » et Julian AssangeLe choix de sa thématique y est pour beaucoup. Jean-Yves Ferri a eu la bonne idée de faire commencer son histoire avec la publication, à Rome, de la Guerre des Gaules, l’œuvre en sept volumes dans laquelle Jules César relate les opérations militaires de sa campagne d’assujettissement des peuples gaulois. Bonus Promoplus, conseiller et éditeur du conquérant, recommande à ce dernier de censurer un passage dans lequel il confie avoir subi un certain nombre de revers face à d’« irréductibles Gaulois d’Armorique ». La révélation de ces faits risquerait de ternir l’image de César. Ni une ni deux, les copies du chapitre en question sont saisies, à l’exception d’un exemplaire qui finira entre les mains d’un activiste gaulois, « colporteur sans frontières » aux faux airs de Julian Assange. Ce point de départ va alors permettre au scénariste de « broder » un récit autour de sujets très actuels : le traitement de l’information, les relations entre médias et pouvoir, les nouveaux outils de communication (ici incarnés par des pigeons voyageurs) ... Le tout sur fond de réalité historique : la place de l’oralité dans la culture gauloise et l’habitude qu’avait Jules César de réécrire l’histoire à sa gloire servent de toile de fond à l’histoire.Running gagsL’autre crédit à donner à Jean-Yves Ferri est d’avoir composé son histoire avec la totalité des éléments qui fondent le succès d’Astérix depuis plus de cinquante-cinq ans. A savoir des bagarres, des running gags (le naufrage des pirates, l’interdiction faite à Obélix de boire de la potion magique…), des citations latines, des anachronismes, des sangliers, des caricatures (Assange donc, mais aussi Jacques Séguéla, Franz-Olivier Giesbert et Alfred Hitchcock)... Sans oublier les jeux de mots. Deux ou trois sont vraiment excellents (les « scribes numides », ancêtres des « nègres littéraires »).Ferri s’est même payé le luxe d’ajouter des clins d’œil à des scènes illustres tirées de la collection, comme la fameuse orgie fellinienne d’Astérix chez les Helvètes (1970) ou le coup de folie du druide Panoramix dans le Combat des chefs (1966). Les lecteurs plus âgés salueront cet hommage aux créateurs de la série. Au bout du compte, l’entreprise consistant à combiner ces ingrédients au sein d’un récit cohérent se révèle plutôt réussie, même si se dégage parfois un léger effet de trop-plein. Sans verser dans la contemplation, Goscinny s’autorisait en effet des séquences sans action afin de faire respirer son lecteur. Il y en a peu ici, comme si le scénariste s’était retrouvé avec trop de matière sur les bras.Les limites de la « copie »L’impression est compensée par la souplesse du dessin de Didier Conrad, que l’on sent plus à son aise qu’en 2013. Le dessinateur avait réussi un tour de force herculéen pour la réalisation d’Astérix chez les Pictes : en seulement huit mois, il avait dû, à la fois, analyser le style d’Albert Uderzo, apprendre à dessiner Astérix et ses compagnons, créer de nouveaux personnages et dessiner un album de 44 planches comme si de rien n’était. Pour éprouvante qu’elle fut, cette expérience porte ses fruits aujourd’hui. Son trait a gagné en générosité. Le coup de pinceau est plus « coulé » et naturel qu’il y a deux ans. Sa forêt des Carnutes, que traversent Astérix, Obélix et Panoramix à la recherche d’un druide à la mémoire encyclopédique, est magnifique. Mais là se trouvent aussi les limites de ce travail de « copie ». Il manque aux protagonistes du Papyrus de César ce supplément d’humanité qui habite le dessin d’Uderzo : cette vie derrière les regards, cette familiarité quasi charnelle, comme si les personnages appartenaient à notre cercle d’amis. A quoi cela tient-il ? A peu de chose, sans doute : la douceur d’un trait, l’ovale d’un sourire, la captation d’une attitude… A moins que tout cela ne soit qu’une affaire de paternité. Astérix est l’enfant de la main d’Uderzo, mais aussi de son être, de son éducation, de sa culture, de sa relation au travail…Dupliquer cette complexité bien connue des faussaires en peinture n’est pas une mince affaire. Et n’est pas forcément plus simple en bande dessinée, où doivent également être pris en compte des éléments narratifs : rebondissements, ellipses, phylactères, illusion du mouvement… Nul ne fera jamais « du Uderzo » aussi bien qu’Uderzo. Idem de Goscinny. Et c’est finalement très bien ainsi, se dit-on en refermant cet album exécuté avec sincérité et professionnalisme, qu’il faut lire sans bouder son plaisir. Et sans se demander si c’était mieux avant.Astérix. Le papyrus de César, de Didier Conrad et Jean-Yves Ferri, Albert-René, 48 p., 9,95 €. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Gabriel Coutagne et Pauline CroquetMercredi 21 octobre 2015, 16 h 29. Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde Laura Geiswiller et Olivier Clairouin De la sexualité compliquée des superhéros, à l’inquiétude d’une calvitie naissante, Philippe Chappuis, alias Zep, laisse Titeuf de côté et nous raconte son quotidien sur son blog, What a Wonderful World !. A l’occasion de la parution d’un album réunissant certains de ses dessins, Zep revient avec nous sur son blog, un an après l’avoir créé.Pourquoi a-t-il proposé une planche avec Titeuf dans la peau d’un réfugié ? Quelle est la place de la sexualité dans son travail ? Les réponses du dessinateur.Laura GeiswillerJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.10.2015 à 11h32 | Francis Marmande (Nancy) Dimanche 18 octobre, Claude-Jean Antoine, dit « Tito », cofondateur, canal historique, du Nancy Jazz Pulsations (NJP), dirigé par Patrick Kader, dit « Patou », va à la campagne. Seichamps (Meurthe-et-Moselle), 4 900 corps et âmes, est à 7 kilomètres de la place Stanislas de Nancy.Un festival inventé par Tito, Patou et leur bande, soit c’est un engouement d’adolescent, soit, alors, une aventure planétaire. A Seichamps, 15 heures, Tito assiste au 162e et dernier concert du NJP, édition 2015 : Glenn Davis Andrews, trombone de La Nouvelle Orléans. Pourquoi ? « Parce que c’est le dernier concert du NJP, et pour saluer le maire de Seichamps – Henri Chanut, lorrain depuis 1968, toujours sur la brêche. »Tito, né au début des années 1940, se lève tôt, mais ne lève jamais la voix. Ne débine jamais personne. Il sourit. Va de l’avant. Pendant les quinze jours du NJP, il suit la nuit jusqu’au bout. Il suit tous les spectacles du NJP : salle Poirel, chapiteau historique (« sans écrans latéraux, vous l’aurez noté »), Manufacture, Magic Mirrors. Il se couche vers 4 heures, fait sagement deux siestes de dix minutes dans la journée, et attaque avec curiosité tous les concerts de cette créature étrange, le NJP, qui ne leur a jamais échappé. Ni à lui, ni à Patou, ni aux autres.163 concerts et 60 000 musiciensUne invention automnale due à d’entreprenants soixante–huitards – Centre Culturel Lorrain Universitaire à l’époque –, depuis 1973. Laquelle est devenue, sous la houlette de « Patou », Patrick Kader, son directeur et seul salarié, seul responsable du programme, un monstre heureux : 163 concerts, près de 60 000 musiciens en une quarantaine d’années, tous genres confondus. Avec en prime, chaque année, une question récurrente depuis 1973, oui, bon, mais le jazz, dans tout ça ? On s’en fout. Partout, au centre, et ailleurs.On s’en rend compte en découvrant, vendredi 16 octobre, Dee Alexander, chanteuse de Chicago, voix de blues et du gospel, très stricte et souriante en scène, remarquable. Ni contrainte à draguer ce fantasme, « le grand public », ni dans le hululement de chardonneret. Là, toute dans sa voix et son répertoire, dansant presque immobile, accompagnée à la perfection.Après quoi, en voiture avec Tito vers le chapiteau, on écoute Eli Degibri, sax de luxe qui vient de se produire à la Manufacture. L’album ? Degibri en quartet, avec Brad Mehldau (piano), Ron Carter (contrebasse), Al Foster (drums). Le grand chic autoproduit. Quand le leader (très intéressant, moins au soprano), ne joue pas, on a droit à un trio éblouissant, of course. Ils font le métier.Rite d’initiation pour les adosSous chapiteau, Maceo Parker, le sax historique de James Brown, tient son rang au NJP, depuis 1992. Public debout pour le parterre, assis, dans les étagères. Plus l’amplification au top, due à la société spinalienne Systeme Son avec son logiciel de course (d2b reprocessing). Même son, même niveau, au dernier rang qu’au premier. Electro Deluxe, succédant à The Soul Rebels Brass Band (ah oui, pour les quarante prochaines années, prévoir trois groupes par scène), précède Maceo Parker. Icelui, très minci mais inchangé, se présente avec un band efficace, pour la basse et les claviers. Question trombone et batteur-enclumeur, on voit bien que la production du bon Maceo n’a pas visé les gros cachets.Quand se lassera-t-on du Nancy Jazz Pulsations ? Pourquoi cet attachement à un festival, à la personnalité d’un festival, à son style ? Pour des raisons musicales ? On n’en est tout de même pas là. Non : pour des raisons éthiques, politiques, joyeuses. Le NJP, 42e édition, n’écrit plus son âge, ne le fait pas, n’a jamais organisé de cérémonie d’ouverture. Où l’on voit bien, comme le rabâchent à l’envi Luc Ferry et Alain Finkielkraut, que Mai-68 a parfaitement réussi son coup.Ils font un pot. Les élus, les dignitaires, l’évêque, les candidats prennent un pot sous la tente de l’organisation. Ils se pressent. Le mobilier et les tapis ne viennent plus de récup, mais d’Emmaüs. Tout le monde est content. Outre les énormes concerts et découvertes qu’il aligne, le NJP sert de rite d’initiation aux ados de la région, voir la fête festive, samedi 10 au parc de la Pépinière (stands de produits régionaux et podiums musicaux, 17 000 spectateurs, météo ad hoc). Le NJP rayonne dans les communes, s’adresse aux enfants. On s’y presse. Tous les concerts affichent complet. La nuit, les DJ du Magic Mirrors ne savent plus où donner du vinyle.Deux ex-Miles Davis BandNormal que, dans ces conditions, le Marcus Miller « Afrodeezia Tour », soit le point d’orgue du Chapiteau (17 octobre). En pleine tournée, le meilleur groupe des deux dernières années, tant musical que spectaculaire, donne un de ses meilleurs concerts. Avec l’air très décontracté du leader et du percussionniste, Mino Cinélu, tous deux ex-Miles Davis Band, « dans les années 1900 et quelques… » (1981, en réalité), dit Marcus Miller en son français impeccable. Des années Miles, ils ont gardé le génie de la scène et celui du vertige.Quand Marcus, sur tapis sonore servi par son très jeune clavier, Alex Bailey, s’avance très détendu, chaloupé, pork-pie hat (le chapeau plat de Lester, chanté par Mingus) sur la tête, prend sa première basse, et balance avec sa moue bien connue ses premières notes de slap, c’est du délire. Quand Alex Han, très jeune saxophoniste, prend des chorus comme s’il devait mourir demain, le public s’évanouit. Quand le patron fait revenir Marquis Hill, le très jeune trompette qui pensait s’être acquitté de son intervention, pour un dialogue de fous furieux, le Samu intervient. Adam Agati, le très jeune guitariste, impassible, ne prend qu’un solo, mais c’est sans doute le principe de précaution qui l’aura guidé.Quant aux conversations des deux ex-Miles Davis, Mino et Marcus, c’est ce que l’on connaît de plus jubilatoire aujourd’hui, de plus démonstratif, de plus musicalement parfait, comme du rock réussi grâce au blues, frime new-yorkaise sans une once d’hsytérie, la classe, vous voyez ? Ambassadeur de l’Unesco sur les routes de l’esclavage, Marcus Miller dit sa découverte de l’île de Gorée avec autant d’émotion que d’optimisme : « Car de l’horreur peut sortir les plus grands espoirs. » Ils viennent de jouer Jean-Pierre, la comptine de Miles (sur Do-do l’enfant do, oui, ce que chantait au bébé son ami Jean-Pierre chez qui il habitait) avec tous les feux du funk. Bouquet final, Tutu et Blast. On en redemande.Lire aussi :Le blues de haute voltige d’Eric Bibb & JJ MilteauFrancis Marmande (Nancy)Journaliste au Monde William Audureau « Vous créez de l’emploi et participez au rayonnement de la France, car j’estime que le jeu vidéo appartient au patrimoine culturel de notre pays. » C’est en des termes élogieux que la ministre de la culture a annoncé, lundi 19 octobre lors de la présentation annuelle du Livre blanc de l’industrie française du jeu vidéo, un nouveau plan de soutien aux entreprises nationales, cette fois orienté vers le développement des entreprises et l’exportation.Baptisé Fonds d’avance participative jeu vidéo (FAPJV), le système de fonds d’investissement sera doté de 20 millions d’euros, à hauteur de 5 millions par le Comité national pour le cinéma (CNC) et de 15 millions par la Caisse des dépôts. Il sera débloquable sous forme de prêt, et « vise à soutenir la croissance du secteur par le développement des entreprises plutôt que des jeux » explique Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), initiateur du projet.Il doit répondre au problème de la méfiance suscitée par le secteur auprès des investisseurs : 91 % des sociétés s’autofinancent actuellement, relève le deuxième Livre blanc sur l’industrie.Lire aussi :Les œuvres « + 18 », cas extrême au cinéma, vaste catégorie en jeu vidéoUn nouveau pasAvec le FAPJV, dont la mise en place devrait se faire en 2016, le gouvernement fait un nouveau pas dans son soutien à l’industrie française, après la reconduction du crédit d’impôt et son ouverture au printemps aux jeux pour adultes. « L’élargissement des aides aux jeux visés par le PEGI +18 a permis de relocaliser la production de jeux narratifs ambitieux », s’est félicité Fleur Pellerin, en référence au développement à Lyon de Dishonored 2, une superproduction à l’esthétique et au scénario très travaillés.A l’occasion de la publication du deuxième Livre blanc sur l’industrie du jeu vidéo, le SNJV et le cabinet d’étude Idate ont dressé un tableau globalement encourageant de la situation du secteur, deux ans après une année 2013 noire. Le chiffre d’affaires moyen des sociétés françaises a progressé de 15,6 % en un an, et 800 embauches sont prévues en 2016. Ce regain d’optimisme reste toutefois fragile : la part des CDI est passée de 70 % à 63 %, et la majorité des entreprises sondées continuent de voir Etats-Unis et Canada comme des pays plus attractifs que la France pour créer des jeux vidéo.Lire aussi :Activision, grand habitué de l’exagérationWilliam AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Dans les années 1970, à l’époque où on la considérait rarement comme de l’art, Pierre de Fenoyl était un ardent défenseur de la photographie en France - il fut iconographe, commissaire d’exposition, fondateur de la galerie Rencontre et de l’agence Vu avant de devenir en 1976 le premier directeur de la Fondation nationale de la Photographie, puis conseiller pour la photographie au Centre Pompidou. Mais c’était aussi un auteur d’images subtiles, au noir et blanc velouté – elles sont à découvrir, ou redécouvrir, au château de Tours jusqu’à la fin octobre, ainsi qu’à la galerie Le Réverbère, à Lyon, qui a fait beaucoup pour la redécouverte de cette œuvre.Ce grand voyageur, passé par l’Inde ou par l’Egypte, s’attachait peu au contenu documentaire des images : il y cherchait plutôt des formes pures et évocatrices, des contrastes puissants, gages de silence et de contemplation. Ses paysages tirés de la campagne française, réalisés pour la DATAR, sont à la fois classiques et étranges : gommant volontairement la profondeur de champ, il joue du noir et des trouées de lumière comme d’aplats, pour atteindre un subtil équilibre entre peinture hollandaise et géométrie abstraite. Ses intérieurs et ses portraits ont la même délicatesse, la même retenue, livrant peu pour libérer le rêve et l’imaginaire.« Une géographie imaginaire », photographies de Pierre de Fenoÿl (1945-1987), Château de Tours, 25 avenue André Malraux à Tours (Indre-et-Loire. Tél. : 02-47-21-61-95. Jusqu’au 31 octobre. Du mardi au dimanche, de 14 h à 18 h. Entrée gratuite. Catalogue éditions Jeu de Paume/Xavier Barral. Textes de Virginie Chardin, Jacques Damez, Peter Galassi. 240 pages, format 24 x 28 à la française, 144 photographies et illustrations. 50 €.« Paysages conjugués, photographies de Pierre de Fenoÿl », Galerie Le Réverbère, 38, rue Burdeau, à Lyon (Rhône-Alpes). Tél.: 04-72-00-06-72. Du mercredi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous. Jusqu’au 31 décembre 2015.Lire aussi :Pierre de Fenoÿl, âme sensible Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Ariane Chemin Martine Aubry, ex-ministre du travail et maire (PS) de Lille, ainsi que l’avocat pénaliste Georges Kiejman ont signé, jeudi 15 octobre, la pétition de soutien à l’écrivain Erri de Luca, qui demande – sans citer le nom de François Hollande - à l’Etat français et à l’Etat italien de retirer leur plainte contre le romancier italien.Le tribunal de Turin doit se prononcer lundi 19 octobre sur le sort d’Erri de Luca après que le parquet a requis une peine de huit mois de prison pour « incitation au sabotage » du chantier du tunnel ferroviaire Lyon-Turin.Les noms de ces deux anciens ministres de François Mitterrand viennent s’ajouter à ceux de nombreux éditeurs (Antoine Gallimard, PDG de Gallimard, Olivier Nora, patron de Grasset, Olivier Cohen, président des éditions de l’Olivier ou la romancière Geneviève Brisac, éditrice à l’Ecole des loisirs), écrivains (Annie Ernaux, Adrien Bosc, Daniel Pennac, Philippe Claudel), artistes (comme le sculpteur Daniel Buren), ou encore cinéastes (Pascale Ferran, Arnaud Desplechin, Mathieu Amalric, Jacques Audiard ou Wim Wenders), et de responsables ou ex responsables d’Europe Ecologie les Verts, comme Cécile Duflot et Noël Mamère.Tous ces signataires invoquent le droit à la « liberté d’expression ».Ariane CheminGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Fabienne Darge Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europe Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'EuropeC’est à une véritable résurrection que l’on assiste à Paris aux Ateliers Berthier, la deuxième salle de l’Odéon-Théâtre de l’Europe : celle du grand Arthur Miller, que l’on redécouvre avec un œil neuf, dans cette remarquable mise en scène de Vu du pont que signe le Belge Ivo van Hove – lequel est décidément devenu, avec Thomas Ostermeier, l’un des tout premiers maîtres du théâtre européen.Cela fait bien bien longtemps que l’on n’avait pas vu ici une mise en scène digne de ce nom d’une des pièces de Miller. La célébrité du dramaturge américain, disparu en 2005, est paradoxale, et à plusieurs tiroirs. Pour beaucoup, Miller, sans doute, n’est plus que l’homme qui a été le mari de Marilyn Monroe. Pour d’autres, il est une figure du théâtre politique des années 1950-1960, à la fois admirée pour sa droiture et sa noblesse, et considérée comme datée, inscrite dans son époque, celle du maccarthysme sur le plan politique et d’un certain naturalisme psychologique sur le plan artistique.Mais ce qui est beau, avec le théâtre, c’est qu’il est par excellence l’art où les cartes peuvent toujours être rebattues : un art d’essence talmudique où l’interprétation du texte – un texte ne « parle » jamais tout seul, contrairement à un cliché qui fait encore florès – peut toujours faire renaître un auteur, pour peu que celui-ci en soit vraiment un. Et donc revoilà Arthur Miller, comme on ne l’avait jamais vu, débarrassé de sa gangue Actors Studio, des oripeaux du théâtre de dénonciation, pour retrouver ce qui fait l’os de son œuvre : le rapport à la tragédie, et le rôle que ce rapport à la tragédie joue dans l’histoire américaine.Mise en scène au cordeauIvo van Hove a choisi Vu du pont, entre autres textes célèbres du dramaturge. Le Flamand a déjà mis en scène la pièce en anglais, à Londres, où le spectacle a joué à guichets fermés pendant deux ans, et il va la recréer à Broadway, à l’occasion du centenaire de la naissance, en 1917, de Miller. Il en propose ici une version française tout aussi percutante. C’est un choix on ne peut plus pertinent que cette pièce écrite par Miller en 1955, qui, en France, a été créée par Peter Brook – eh oui – en 1958, avec Raf Vallone, et que le film d’Elia Kazan Sur les quais a rendue mythique.Mais pour la redécouvrir, cette pièce, il fallait d’abord la retraduire, et c’est la première réussite de ce spectacle que d’offrir une version française à la fois contemporaine et serrant au plus près le texte de Miller. La seule traduction qui existait jusqu’alors était celle de Marcel Aymé, qui, pour avoir eu son importance à l’époque, est aujourd’hui datée, et prend des libertés d’écrivain avec le texte d’Arthur Miller. Daniel Loayza, qui est à la fois traducteur et conseiller dramaturgique au Théâtre de l’Odéon, signe un texte français d’une précision, d’une acuité et d’une netteté propres à déployer la mise en scène d’Ivo van Hove, telle qu’elle a été conçue : au cordeau.Il n’y a en effet pas une once de gras, d’anecdote ou de lourdeur psychologique dans ce spectacle où le metteur en scène et son équipe tiennent de bout en bout le fil de la pureté tragique. La première surprise vient, pour le spectateur, de la scénographie, d’une intelligence et d’une beauté magistrales, conçue par Jan Versweyveld. Quand vous entrez dans la salle, vous vous retrouvez assis sur l’un des trois gradins qui entourent un mystérieux cube noir. Vu du pont commence quand ce cube s’ouvre, comme un rideau se lève, sur une scène en avancée au milieu des spectateurs, qui évoque bien sûr le proscenium de la tragédie antique.Nul besoin de décor pour évoquer l’histoire d’Eddie Carbone, cet homme dont « les yeux sont comme des tunnels ». Eddie est docker, sur le port de Red Hook, à l’ombre du pont de Brooklyn. Toute sa vie, il a travaillé comme un bœuf, notamment pour offrir une vie meilleure que la sienne à sa nièce, Catherine, qu’il élève avec sa femme, depuis la mort de la mère de la jeune fille.C’est une histoire d’immigrants, de gens modestes pris dans les rets du destin, une histoire du rêve américain, comme toutes celles de Miller qui, à travers une plongée dans le milieu italo-américain, y raconte sa propre destinée de fils d’un tailleur juif d’origine polonaise, quasiment analphabète. Mais c’est avant tout une histoire – pas une thèse. Eddie n’a pas voulu voir que Catherine avait grandi, qu’elle était devenue une femme. Quand elle tombe amoureuse d’un de ses lointains cousins, tout juste arrivé d’Italie comme immigré clandestin, il sombre, cet homme ordinaire et droit. L’histoire d’amour et de désir incestueux finira mal, très mal.Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline Proust Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline ProustDes révélationsLe théâtre de Miller apparaît pour ce qu’il est fondamentalement : un théâtre remarquablement écrit, reposant sur des figures humaines d’une force et d’une complexité peu communes. Il évoque cette remarque de Bernard-Marie Koltès : « Je n’écris pas avec des idées, j’écris avec des personnages. » Et ces personnages existent ici avec une crédibilité rarement atteinte au théâtre, parce qu’ils sont interprétés par des acteurs choisis et dirigés avec une science confondante.Plusieurs d’entre eux sont de ces comédiens français que parfois le grand public ne connaît pas, qui ne travaillent pas forcément beaucoup, et qui n’en sont pas moins des artistes de grand talent. A l’image de Caroline Proust. Dans le rôle de Béatrice, la femme d’Eddie, qui découvre l’ampleur de la passion de son mari pour sa nièce et l’impossibilité d’enrayer la catastrophe, elle est fabuleuse. Ou d’Alain Fromager (l’avocat Alfieri), témoin impuissant de toute cette histoire, et qui fait aussi fonction de chœur antique.D’autres sont des révélations, comme la jeune Pauline Cheviller, d’une intensité et d’une grâce bouleversantes dans le rôle de Catherine, ou Nicolas Avinée, dans celui de Rodolpho, l’amoureux qui va mettre le feu aux poudres. Enfin, il y a Charles Berling, que l’on n’avait pas vu aussi bien depuis longtemps : un bloc granitique d’humanité douloureuse et blessée, opaque à lui-même. Avec eux se noue cette tragédie d’hommes et de femmes ordinaires, qui se referme sur eux comme un piège, à l’image de la boîte noire du décor.Vu du pont, d’Arthur Miller (traduit en français par Daniel Loayza). Mise en scène : Ivo van Hove. Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier, 1, rue André-Suarès, Paris 17e. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures, De 8 € à 36 €. Durée : 1 h 55. Tél. : 01-44-85-40-40. Jusqu’au 21 novembre.Fabienne DargeJournaliste au Monde 15.10.2015 à 15h23 • Mis à jour le15.10.2015 à 17h42 | Antonin Sabot Le 17 octobre, ils seront sur la piste de leur cirque pour un nouveau spectacle d’hiver. Mais pour l’instant, les Romanès et leur troupe n’ont pas vraiment la tête à ça. Délia Romanès, qui a fondé le cirque tzigane du même nom avec son mari Alexandre, reçoit dans sa caravane avec une mine épuisée. « Franchement ça me fait peur et j’ai du mal à dormir », lâche-t-elle. Depuis septembre, leurs caravanes et leur chapiteau, installés sur décision de la mairie de Paris au square Parodi, dans le 16e arrondissement, sont victimes d’attaques, de vols et de dégradations.Toute une caravane de costumes a été dévalisée, un boîtier de connexion à Internet arraché, des vitres des caravanes brisés, des tuyaux d’alimentation en eau arrachés. « Nous avons été partout dans Paris et en banlieue, jamais ça ne nous était arrivé », rappelle Délia Romanès, qui s’étonne de l’animosité que provoque le campement de la troupe, pourtant discret. Par ailleurs des associations de riverains ont porté plainte contre l’implantation du cirque qui selon elles « contribue à la dégradation du site ». « Tous ces papiers je peux plus les voir, je les ai mis dans le frigo pour ne plus les avoir sous les yeux », plaisante Délia. Alexandre Romanès, lui, fait remarquer que des cirques ont déjà, par le passé, occupé ce square : « C’est donc bien le mot tzigane qui fait peur », et de dénoncer un « climat général », qui depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010, stigmatise les communautés roms et gitanes.Un texte de soutien avait reçu, jeudi 15 octobre, plus de 5 000 signatures dont celles de nombreux artistes. Les soirs, les répétitions continuent sous le petit chapiteau de la compagnie. Les vols et les dégradations ont retardé les artistes, mais ils comptent toujours être prêts pour la première du 17 octobre.Voir notre vidéo au cœur d’une répétition de danse Tzigane :Cette vidéo est à 360°. Vous pouvez vous déplacer à l’intérieur à l’aide de votre souris.Vous pouvez utiliser des lunettes de réalité virtuelle pour une expérience maximale.Si vous regardez cette vidéo sur iPhone, suivez ce lien qui vous renverra vers l’application YouTube.Antonin SabotJournaliste au pôle vidéoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nicolas Truong Mais où sont-ils passés ? Que sont-ils donc devenus ? Pourquoi ne les a-t-on pas entendus ? Telles sont les questions que se sont posées ceux que le débat suscité par les prises de positions de Michel Onfray sur les « migrants » a sidérés. Tous ceux qui furent consternés de voir une partie de l’intelligentsia française rallier les « crispations » de la société françaises au sujet des réfugiés. Mais encore davantage étonnés par le vide abyssal d’une gauche intellectuelle qui semblait à nouveau timorée, recluse ou silencieuse.Réalité ou illusion ? Problème de focale et de perception. Bien sûr, il y a le miroir grossissant de la télévision et la réduction du débat public à des matchs de catch médiatiques (Le Monde, 20-21 septembre). D’ailleurs, le fait que le meeting de la mutualité du 20 octobre, intitulé « Peut-on encore débattre en France ? », initialement organisé en soutien à Michel Onfray, soit au final – et faute de participants (Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner ont notamment décliné) – amplement composé d’éditorialistes, marque ce signe des temps. Mais le malaise est patent.Lire aussi :Des intellectuels à la dérive ?Depuis l’effacement de la figure de « l’intellectuel prophétique » (universaliste et hugolien), la rareté de « l’intellectuel critique » (en guerre contre l’ordre établi), le déclin de « l’intellectuel spécifique » (qui intervient dans la cité à partir de ses domaines de recherches), sans compter les difficultés d’élaboration d’un « intellectuel collectif » percutant, c’est-à-dire une réelle mise en commun des savoirs engagés, la gauche intellectuelle semble à la peine.Image d’EpinalSans oublier la question du charisme et de l’incarnation. Le souvenir de Pierre Bourdieu soutenant la grève des cheminots à la gare de Lyon, en décembre 1995, contre « la destruction d’une civilisation », est devenu une image d’Epinal, presque un chromo. D’où une certaine nostalgie qui a même gagné les milieux les plus radicaux.Le miroir est cependant déformant. Il omet tout un pan d’un travail intellectuel foisonnant. Du côté des plus anciens, le républicanisme est encore bien présent (avec Régis Debray et sa revue Médium), tout comme l’idée de révolution (Alain Badiou) ou celle de « politique de civilisation » (Edgar Morin). La critique sociale est encore vive, avec notamment Etienne Balibar, qui théorise le concept de « l’égaliberté », Miguel Abensour, qui ravive le « nouvel esprit utopique », ou Jacques Rancière, qui poursuit sa réflexion esthétique et politique sur « le partage du sensible ».Contrairement à une idée reçue, Marx n’est pas mort non plus. Ainsi, le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval syncrétisent les nouvelles interprétations du marxisme et pensent ces nouvelles luttes qui s’organisent autour des « communs » contre les nouvelles formes d’appropriation privée et étatique des biens publics, de l’informatique aux ressources naturelles, de la mutualisation de l’eau à la préservation des données personnelles (Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014).Parce que « la gauche ne peut pas mourir », écrit-il dans Le Monde diplomatique (septembre 2014), le philosophe Frédéric Lordon articule son analyse marxiste des crises du capitalisme financier à une « économie politique spinoziste » (Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La Fabrique, 214 pages, 12 euros).« histoire-monde »Les collectifs bougent encore. Exemple parmi mille autres : au sein de leur association, Ars industrialis, Bernard Stiegler et Marc Crépon élaborent « une politique industrielle de l’esprit » afin de contrer ces techniques de contrôle qui, de la publicité à certains jeux vidéo, prennent le pouvoir sur nos désirs et sur nos vies. Esprit, Lignes, Vacarme, Regards, Mouvement et alii : les revues sont également nombreuses.Les institutions n’abritent pas que la pensée conservatrice et ses ténors, loin de là. Au Collège de France, Patrick Boucheron défend une « histoire-monde » contre la prééminence du récit national et n’hésite pas à soutenir que « la recherche de l’identité est contraire à l’idée même d’histoire ». Depuis le Collège de France, toujours, Pierre Rosanvallon anime le site de « La vie des idées », sorte de « coopérative intellectuelle » qui recense ouvrages et débats internationaux, prolongée par « La République des idées », collection des éditions du Seuil qui publie aussi bien l’économiste Esther Duflo que le démographe Emmanuel Todd.A l’École polytechnique, le philosophe Michaël Foessel – successeur d’Alain Finkielkraut à la chaire de philosophie – développe notamment sa « critique de la raison apocalyptique », loin du déclinisme dominant. A l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Luc Boltanski – qui travaille actuellement sur la nouvelle « classe patrimoniale » – s’est notamment illustré par un texte d’intervention contre « l’extension du domaine des droites » (Vers l’extrême, avec Arnaud Esquerre, Editions Dehors, 2014).Pas mortCôté succès populaire, impossible de ne pas mentionner les sociologues des beaux quartiers, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, qui, partout en France, expliquent « pourquoi les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres » à un peuple de gauche remonté contre le sarkozysme et déçu par le hollandisme. Ou bien encore à l’immense audience rencontrée par le livre de l’économiste Thomas Piketty sur les inégalités (Le Capital au XXIe siècle, Seuil, 2013). La jeune garde n’est pas en reste : Sandra Laugier, Fabienne Brugère, Frédéric Gros, Yves Citton, Bernard Aspe, Quentin Meillassoux et tant d’autres dont il faudrait avoir le temps de détailler les travaux. En un mot, l’intellectuel de gauche n’est pas mort.Mais d’où vient l’impression de malaise, alors ? D’une méconnaissance de cette richesse trop peu sollicitée. D’une réticence et d’un manque de curiosité. Mais aussi parfois d’un certain entre-soi – moins académique que social et idéologique – à l’intérieur de cercles où l’on ne s’adresse souvent qu’à un auditoire de convaincus. D’où encore ? De l’impression d’avoir perdu la partie face aux néoconservateurs et à leur hégémonie. De la crainte de certains intellectuels multiculturalistes d’aborder les questions qui fâchent – par souci de ne pas « stigmatiser » les minorités –, qui a contribué à renforcer l’idée que les intellectuels de gauche pratiqueraient un « déni de réalité ». D’un déficit de charisme et d’aura parfois. D’un sentiment que le clivage droite-gauche est dépassé face aux enjeux culturels et civilisationnels.D’où l’idée de donner la parole à Danièle Sallenave, Marc Crépon, Stéphane Beaud et Gérard Mauger. Parole à la défense, en quelque sorte. Histoire à nouveau de vérifier que, en idéologie comme en stratégie, la meilleure défense, c’est l’attaque.A lire sur le sujet:- Face à l’hégémonie droitière, retrouvons les valeurs de progrès !, par Marc Crépon, directeur du département de philosophie de l’Ecole normale supérieure. Face au silence assourdissant des penseurs de gauche, il est temps de raviver les valeurs progressistes que les polémistes droitiers ne cessent de détourner. Il n’est ni honteux ni ringard de soutenir les déshérités.- Les sciences sociales ne sont pas silencieuses, par Stéphane Beaud, professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense, et Gérard Mauger, directeur de recherche émérite au CNRS. L’omniprésence médiatique de certains essayistes ne signifie pas que les universitaires restent se tiennent à l’écart du débat public. Les travaux ne manquent pas sur les thèmes qui agitent notre époque. Mais ils ne sauraient se résumer à des formules pour shows télévisés.- Contre les dangereux prophètes du pire, une France résolue cherche à changer le présent, par Danièle Sallenave, écrivaine et membre de l’Académie française. Loin des apôtres du « tout fout le camp », une partie de la société française cherche, sans naïveté ni ringardise, à inventer l’avenir.Nicolas TruongResponsable des pages Idées-DébatsSuivreAller sur la page de ce journaliste 20.10.2015 à 11h32 | Francis Marmande (Nancy) Dimanche 18 octobre, Claude-Jean Antoine, dit « Tito », cofondateur, canal historique, du Nancy Jazz Pulsations (NJP), dirigé par Patrick Kader, dit « Patou », va à la campagne. Seichamps (Meurthe-et-Moselle), 4 900 corps et âmes, est à 7 kilomètres de la place Stanislas de Nancy.Un festival inventé par Tito, Patou et leur bande, soit c’est un engouement d’adolescent, soit, alors, une aventure planétaire. A Seichamps, 15 heures, Tito assiste au 162e et dernier concert du NJP, édition 2015 : Glenn Davis Andrews, trombone de La Nouvelle Orléans. Pourquoi ? « Parce que c’est le dernier concert du NJP, et pour saluer le maire de Seichamps – Henri Chanut, lorrain depuis 1968, toujours sur la brêche. »Tito, né au début des années 1940, se lève tôt, mais ne lève jamais la voix. Ne débine jamais personne. Il sourit. Va de l’avant. Pendant les quinze jours du NJP, il suit la nuit jusqu’au bout. Il suit tous les spectacles du NJP : salle Poirel, chapiteau historique (« sans écrans latéraux, vous l’aurez noté »), Manufacture, Magic Mirrors. Il se couche vers 4 heures, fait sagement deux siestes de dix minutes dans la journée, et attaque avec curiosité tous les concerts de cette créature étrange, le NJP, qui ne leur a jamais échappé. Ni à lui, ni à Patou, ni aux autres.163 concerts et 60 000 musiciensUne invention automnale due à d’entreprenants soixante–huitards – Centre Culturel Lorrain Universitaire à l’époque –, depuis 1973. Laquelle est devenue, sous la houlette de « Patou », Patrick Kader, son directeur et seul salarié, seul responsable du programme, un monstre heureux : 163 concerts, près de 60 000 musiciens en une quarantaine d’années, tous genres confondus. Avec en prime, chaque année, une question récurrente depuis 1973, oui, bon, mais le jazz, dans tout ça ? On s’en fout. Partout, au centre, et ailleurs.On s’en rend compte en découvrant, vendredi 16 octobre, Dee Alexander, chanteuse de Chicago, voix de blues et du gospel, très stricte et souriante en scène, remarquable. Ni contrainte à draguer ce fantasme, « le grand public », ni dans le hululement de chardonneret. Là, toute dans sa voix et son répertoire, dansant presque immobile, accompagnée à la perfection.Après quoi, en voiture avec Tito vers le chapiteau, on écoute Eli Degibri, sax de luxe qui vient de se produire à la Manufacture. L’album ? Degibri en quartet, avec Brad Mehldau (piano), Ron Carter (contrebasse), Al Foster (drums). Le grand chic autoproduit. Quand le leader (très intéressant, moins au soprano), ne joue pas, on a droit à un trio éblouissant, of course. Ils font le métier.Rite d’initiation pour les adosSous chapiteau, Maceo Parker, le sax historique de James Brown, tient son rang au NJP, depuis 1992. Public debout pour le parterre, assis, dans les étagères. Plus l’amplification au top, due à la société spinalienne Systeme Son avec son logiciel de course (d2b reprocessing). Même son, même niveau, au dernier rang qu’au premier. Electro Deluxe, succédant à The Soul Rebels Brass Band (ah oui, pour les quarante prochaines années, prévoir trois groupes par scène), précède Maceo Parker. Icelui, très minci mais inchangé, se présente avec un band efficace, pour la basse et les claviers. Question trombone et batteur-enclumeur, on voit bien que la production du bon Maceo n’a pas visé les gros cachets.Quand se lassera-t-on du Nancy Jazz Pulsations ? Pourquoi cet attachement à un festival, à la personnalité d’un festival, à son style ? Pour des raisons musicales ? On n’en est tout de même pas là. Non : pour des raisons éthiques, politiques, joyeuses. Le NJP, 42e édition, n’écrit plus son âge, ne le fait pas, n’a jamais organisé de cérémonie d’ouverture. Où l’on voit bien, comme le rabâchent à l’envi Luc Ferry et Alain Finkielkraut, que Mai-68 a parfaitement réussi son coup.Ils font un pot. Les élus, les dignitaires, l’évêque, les candidats prennent un pot sous la tente de l’organisation. Ils se pressent. Le mobilier et les tapis ne viennent plus de récup, mais d’Emmaüs. Tout le monde est content. Outre les énormes concerts et découvertes qu’il aligne, le NJP sert de rite d’initiation aux ados de la région, voir la fête festive, samedi 10 au parc de la Pépinière (stands de produits régionaux et podiums musicaux, 17 000 spectateurs, météo ad hoc). Le NJP rayonne dans les communes, s’adresse aux enfants. On s’y presse. Tous les concerts affichent complet. La nuit, les DJ du Magic Mirrors ne savent plus où donner du vinyle.Deux ex-Miles Davis BandNormal que, dans ces conditions, le Marcus Miller « Afrodeezia Tour », soit le point d’orgue du Chapiteau (17 octobre). En pleine tournée, le meilleur groupe des deux dernières années, tant musical que spectaculaire, donne un de ses meilleurs concerts. Avec l’air très décontracté du leader et du percussionniste, Mino Cinélu, tous deux ex-Miles Davis Band, « dans les années 1900 et quelques… » (1981, en réalité), dit Marcus Miller en son français impeccable. Des années Miles, ils ont gardé le génie de la scène et celui du vertige.Quand Marcus, sur tapis sonore servi par son très jeune clavier, Alex Bailey, s’avance très détendu, chaloupé, pork-pie hat (le chapeau plat de Lester, chanté par Mingus) sur la tête, prend sa première basse, et balance avec sa moue bien connue ses premières notes de slap, c’est du délire. Quand Alex Han, très jeune saxophoniste, prend des chorus comme s’il devait mourir demain, le public s’évanouit. Quand le patron fait revenir Marquis Hill, le très jeune trompette qui pensait s’être acquitté de son intervention, pour un dialogue de fous furieux, le Samu intervient. Adam Agati, le très jeune guitariste, impassible, ne prend qu’un solo, mais c’est sans doute le principe de précaution qui l’aura guidé.Quant aux conversations des deux ex-Miles Davis, Mino et Marcus, c’est ce que l’on connaît de plus jubilatoire aujourd’hui, de plus démonstratif, de plus musicalement parfait, comme du rock réussi grâce au blues, frime new-yorkaise sans une once d’hsytérie, la classe, vous voyez ? Ambassadeur de l’Unesco sur les routes de l’esclavage, Marcus Miller dit sa découverte de l’île de Gorée avec autant d’émotion que d’optimisme : « Car de l’horreur peut sortir les plus grands espoirs. » Ils viennent de jouer Jean-Pierre, la comptine de Miles (sur Do-do l’enfant do, oui, ce que chantait au bébé son ami Jean-Pierre chez qui il habitait) avec tous les feux du funk. Bouquet final, Tutu et Blast. On en redemande.Lire aussi :Le blues de haute voltige d’Eric Bibb & JJ MilteauFrancis Marmande (Nancy)Journaliste au Monde William Audureau « Vous créez de l’emploi et participez au rayonnement de la France, car j’estime que le jeu vidéo appartient au patrimoine culturel de notre pays. » C’est en des termes élogieux que la ministre de la culture a annoncé, lundi 19 octobre lors de la présentation annuelle du Livre blanc de l’industrie française du jeu vidéo, un nouveau plan de soutien aux entreprises nationales, cette fois orienté vers le développement des entreprises et l’exportation.Baptisé Fonds d’avance participative jeu vidéo (FAPJV), le système de fonds d’investissement sera doté de 20 millions d’euros, à hauteur de 5 millions par le Comité national pour le cinéma (CNC) et de 15 millions par la Caisse des dépôts. Il sera débloquable sous forme de prêt, et « vise à soutenir la croissance du secteur par le développement des entreprises plutôt que des jeux » explique Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), initiateur du projet.Il doit répondre au problème de la méfiance suscitée par le secteur auprès des investisseurs : 91 % des sociétés s’autofinancent actuellement, relève le deuxième Livre blanc sur l’industrie.Lire aussi :Les œuvres « + 18 », cas extrême au cinéma, vaste catégorie en jeu vidéoUn nouveau pasAvec le FAPJV, dont la mise en place devrait se faire en 2016, le gouvernement fait un nouveau pas dans son soutien à l’industrie française, après la reconduction du crédit d’impôt et son ouverture au printemps aux jeux pour adultes. « L’élargissement des aides aux jeux visés par le PEGI +18 a permis de relocaliser la production de jeux narratifs ambitieux », s’est félicité Fleur Pellerin, en référence au développement à Lyon de Dishonored 2, une superproduction à l’esthétique et au scénario très travaillés.A l’occasion de la publication du deuxième Livre blanc sur l’industrie du jeu vidéo, le SNJV et le cabinet d’étude Idate ont dressé un tableau globalement encourageant de la situation du secteur, deux ans après une année 2013 noire. Le chiffre d’affaires moyen des sociétés françaises a progressé de 15,6 % en un an, et 800 embauches sont prévues en 2016. Ce regain d’optimisme reste toutefois fragile : la part des CDI est passée de 70 % à 63 %, et la majorité des entreprises sondées continuent de voir Etats-Unis et Canada comme des pays plus attractifs que la France pour créer des jeux vidéo.Lire aussi :Activision, grand habitué de l’exagérationWilliam AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.10.2015 à 16h56 • Mis à jour le20.10.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Mercredi 14 octobre, la Philharmonie de Paris accueillait les débuts très attendus du chef d’orchestre Lionel Bringuier à la tête de l’Orchestre de Paris. Le Niçois s’était déjà produit plusieurs fois à Pleyel avec l’Orchestre philharmonique de Radio-France, avait aussi dirigé à la Bastille, en 2014, l’Orchestre de l’Opéra de Paris. Disons-le tout de suite, l’impression est restée mitigée.A 29 ans, le jeune Bringuier affiche pourtant des états de service à faire des envieux : une carrière précoce, d’emblée sous les projecteurs (il dirige pour les Victoires de la musique à la télévision à 14 ans), suivie par un Premier Prix à l’unanimité, et à 19 ans, au Concours international des chefs d’orchestre de Besançon en 2005.Mais le petit jeune homme brun à la carrure découplée est plutôt du genre « qui va piano va sano ». Ses premiers postes sont discrets – chef associé auprès de l’Orchestre de Bretagne puis de l’Orchestre de chambre de Paris (ex-Ensemble orchestral de Paris) – malgré le boum des années Los Angeles. En 2007, le Français a défrayé la chronique en devançant quelque 150 candidats au poste d’assistant d’Esa-Pekka Salonen au Philharmonique de Los Angeles. Six années durant lesquelles Bringuier, tout en donnant des concerts un peu partout, gravit les échelons (chef assistant, associé, puis résident), conquiert le respect du public, l’amitié du nouveau patron du LA Phil, Gustavo Dudamel.2014 a sonné le retour en Europe : le Niçois est aujourd’hui chef principal et directeur musical de l’Orchestre de la Tonnhalle de Zurich et vient de sortir chez Decca un enregistrement du Deuxième concerto, de Chopin avec la star brésilienne du piano, Nelson Freire. Il ne s’est toujours pas monté la tête ni haussé du col.Une direction à angle droitVenons-en au fait. La concert a commencé avec Con brio, une pièce virtuose et un peu creuse écrite en hommage à Beethoven par le compositeur allemand Jörg Widmann (que Bringuier s’est associé pour un an à Zurich). Avant le fameux Concerto pour piano op. 54, de Schumann que le chef dirige en suivant à la lettre les humeurs du fantasque Martin Helmchen. Le jeune pianiste allemand a le physique fin et racé du poème de Verlaine à la mémoire de Lucien Létinois, Il patinait merveilleusement.C’est aussi un homme pressé. Des tempos en route pour les urgences, jeu et phrasé rhapsodiques, ce piano est fougueux, ardent, un tantinet précieux tant il semble la proie d’élans aussi vitaux qu’incontrôlables. Le premier mouvement a délivré ses paysages chambristes et contrastés avant l’introspection plus inquiétante d’un « Intermezzo » dépourvu d’élégie. Très articulé (et presque un peu rock’n’roll), le « Finale » en découdra, le clavier et l’orchestre prenant des allures de duellistes. Helmchen a déployé une vision résolument tournée vers la musique de l’avenir, ce que viendra corroborer le bis à connotation prémonitoire – L’Oiseau prophète.Après la courte pièce de musique contemporaine et l’exercice du concerto, l’ouverture-fantaisie de Roméo et Juliette, de Tchaïkovski. L’occasion rêvée pour Lionel Bringuier de faire sa véritable entrée en matière. La battue est solide, le geste sobre, efficace. La musique sonne, sans fausse route. Mais manque de mystère et de poésie. C’est un beau travail soigné d’artisan. Comme dans ces Danses de Galanta, de Kodaly, à la carrure un rien trop métrique, aux couleurs trop peu sensuelles, à la nostalgie dépourvue de profondeur. Une direction à angle droit qui ignore les charmes du rubato et l’ivresse des chemins de traverse.Philharmonie de Paris, Paris 19e. Prochain concert avec l’Orchestre de Cleveland, le Chœur de l’Orchestre de Paris, Franz Welser-Möst (direction). Le 19 octobre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 85 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 19.10.2015 à 13h28 • Mis à jour le20.10.2015 à 10h51 L’écrivain italien Erri De Luca, assigné en justice par les dirigeants de Lyon-Turin ferroviaire (LTF) pour avoir déclaré à la presse en 2013 : les « sabotages sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est une œuvre nuisible et inutile », a été relaxé, lundi 19 octobre. Le parquet de Turin avait requis huit mois de prison ferme pour « incitation au sabotage » contre M. De Luca, qui militait alors contre le percement d’un tunnel de 57 kilomètres pour le futur TGV Lyon-Turin.L’annonce du verdict a déclenché dans la salle d’audiences les vivats et les cris de joie des partisans de l’écrivain, Prix Femina étranger en 2002 pour son roman Montedidio. « Le délit n’est pas constitué », a brièvement expliqué la présidente du tribunal, Immacolata Iadeluca. Les détails de cette décision ne seront pas connus avant plusieurs semaines.Lire nos explications :Que reprochait-on à Erri De Luca ?Un verbe « noble et démocratique »Avant que la cour ne se retire pour délibérer, Erri De Luca a répété, debout, qu’il considérait « le verbe saboter [comme] noble et démocratique » :« Je défends l’origine du mot saboter dans son sens le plus efficace et le plus vaste. Je suis prêt à subir une condamnation pénale pour son emploi, mais non pas à laisser censurer ou réduire ma langue italienne. »Cet écologiste longtemps militant d’extrême gauche a conclu en se disant une nouvelle fois convaincu que « la ligne soi-disant à grande vitesse en val de Suse d[eva]it être freinée, entravée, donc sabotée pour la légitime défense de la santé, du sol, de l’air, de l’eau d’une communauté menacée ». « Une injustice a été évitée », a simplement commenté M. De Luca peu après le verdict.Lire aussi :L’expression libre d’Erri De Luca Raphaëlle Rérolle et Ariane Chemin Lundi 19 octobre, à Turin, un tribunal décidera si, oui ou non, Erri De Luca, 65 ans, l’écrivain italien le plus lu en France, est coupable d’« incitation au sabotage ».C’est l’épilogue d’une affaire qui remonte à septembre 2013. Dans un entretien au site italien du Huffington Post, Erri De Luca évoquait alors son combat contre le percement d’un tunnel de 57 kilomètres pour le futur TGV Lyon-Turin. Un projet, qui, depuis près de dix ans, dresse contre lui écologistes et habitants des vallées montagnardes, en particulier ceux du val de Suse, dans le Piémont italien, pour qui la montagne est bourrée d’amiante, les sources d’eau risquent de se tarir, la ligne traditionnelle est sous-utilisée et le futur tracé passera à 25 kilomètres de Lyon.L’écrivain alpiniste Erri De Luca, qui s’est placé sous les bannières « No TAV » (Treno Alta Velocità, l’équivalent du TGV), explique en 2013 au journal italien : « Les sabotages sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est une œuvre nuisible et inutile. »Lire aussi :L’expression libre d’Erri De LucaProcès pour « incitation à la délinquance »Cette phrase fait bondir les dirigeants de Lyon-Turin Ferroviaire (LTF), une société mixte franco-italienne installée à Chambéry, devenue Tunnel euralpin Lyon-Turin (TELT), présidée par un haut fonctionnaire français, et dont l’Etat français est directement actionnaire à 50 %. L’autre moitié appartient aux chemins de fer italiens (FS, Ferrovie dello State). Ils portent plainte pour « incitation à la délinquance ». L’offensive juridique s’appuie sur un article du code pénal italien, élaboré en 1930, qui punit l’instigation de crimes terroristes.Le romancier défend, lui, son droit à émettre une « opinion » et n’hésite pas à répéter : « La TAV doit être sabotée ». Au début de 2015, un long procès s’ouvre à Turin, dont l’audience, lundi, sera la cinquième et ultime.Lire aussi :Lyon-Turin : huit mois de prison requis contre Erri de Luca pour « incitation au sabotage »De nombreuses pétitions de soutienDepuis la fin de février, des pétitions se sont multipliées, françaises surtout, qui invoquent la « liberté d’expression » et réclament le retrait de la plainte à l’Etat français et à l’Etat italien, tous deux actionnaires.Ecrivains (Annie Ernaux, Daniel Pennac, Philippe Claudel), artistes (comme le sculpteur Daniel Buren), cinéastes (Pascale Ferran, Arnaud Desplechin, Jacques Audiard, Wim Wenders ou Costa-Gavras), acteurs (Isabelle Huppert, Mathieu Amalric), mais aussi près d’une centaine d’avocats (dont Georges Kiejman et Eric Dupond-Moretti) ont « signé » pour « Erri ». Tout comme Martine Aubry, la maire (PS) de Lille.Erri De Luca, militant d’extrême gauche avant d’être écrivainJugés scandaleux par la société ferroviaire, les propos d’Erri De Luca ne surprennent guère ceux qui le connaissent. Avant d’être un écrivain à succès, ce Napolitain solitaire fut un militant d’extrême gauche dans l’Italie des « années de plomb ».En 1968, à l’âge de 18 ans, l’enfant de la bourgeoisie du Sud rejoint le mouvement maoïste Lotta Continua, dont il devient un permanent, et même un responsable du « SO », le service d’ordre, à Rome. Sa formation n’a jamais prôné la violence et il échappe à l’époque à ce destin ; mais il est de cette « génération la plus emprisonnée d’Italie », comme il le dit.Lire aussi :Erri De Luca n’est pas prophète en son paysAriane CheminGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterRaphaëlle RérolleJournaliste au Monde 23.10.2015 à 08h02  Pierre de Bethmann Trio Essais/volume 1 « Il y avait tellement d’options possibles pour revenir au trio… », indique, dans la première phrase d’un court texte qui figure sur le livret d’Essais/volume 1, le pianiste Pierre de Bethmann. Et d’ajouter « … ne pas vraiment le chercher… » ; ainsi, la formation est née au hasard, en 2012, d’un concert de « dernière minute ». Avec le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson. Des concerts ont suivi et donc aujourd’hui ce disque qui rassemble neuf interprétations pleines d’envies et d’idées musiciennes de compositions, d’Herbie Hancock (Promise of The Sun), l’un des maîtres du clavier d’inspiration de Bethmann, de Gabriel Fauré (Sicilienne), Serge Gainsbourg (Pull marine), des standards du jazz (Beautiful Love, l’allègre Without A Song, La Mer, de Trénet)… Des sources variées étroitement reliées par la cohérence de ce jeu à trois, dans son intention comme son résultat. Que cela soit dans une approche toute en douceurs, émotions (Le Chant des marais, créé en juillet-août 1933, au camp de concentration de Bögermoor) ou en vertiges et emballements. Sylvain Siclier1 CD Aléa/Socadisc.Catherine Ribeiro + Alpes Intégrale des albums originaux 1969-1980 Les camarades, le rouge et le noir, le Chili, la Palestine ; l’homme et « son vol en suspens » : Catherine Ribeiro n’a jamais eu de Dieu ni de maître, mais s’est toujours conservé le droit hautain de vie et de mort sur elle-même, jusqu’à se cribler la gorge de plombs. La chanteuse Colette Magny disait d’elle, avec un soin presque maternel, que « dans la famille coup de poing, Ferré était le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils ». Apparue au début des années 1960 en chanteuse yéyé, la jeune Lyonnaise d’origine portugaise attrape au vol le folk américain. Devenue comédienne (notamment pour Les Carabiniers, de Godard), elle s’absente de la chanson une première fois, pour y revenir avec le musicien Patrick Moullet en 1969. Avec sa poésie ardente, sa rage de vivre posée sur un rock incantatoire, le groupe s’appelle d’abord Catherine Ribeiro +2 bis, puis Catherine Ribeiro + Alpes, parce qu’il faut viser les sommets. Les concerts sont une messe, elle a la frange en ordre de bataille, entonne le Chant des Partisans, publie sans souci de conformité Libertés ? en 1975, et fait succès malgré l’oppostion farouche de la mode et du show-biz. Alpes se défait en 1982, et la chanteuse à la voix de coureur de fond se livre à de magnifiques exercices d’interprète des grands de la chanson française (Ferré, Brel, Manset, Piaf…). Ce coffret de 9 CD présente les albums studio du groupe, et remet en lumière une époque où la passivité n’avait aucun cours. Véronique MortaigneUn coffret de 9 CD Mercury/Universal.Jean-Michel Jarre Electronica 1 : The Time Machine Difficile de nier la légitimité de pionnier et la popularité de Jean-Michel Jarre. Il n’en va pas de même pour une crédibilité artistique, longtemps contestée, que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter. Son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes des machines. Cette « machine à remonter le temps », ne réécrirait-elle pourtant pas l’histoire ? Avant, pendant et après ses débuts discographiques, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui : l’onirisme spatial de Tangerine Dream, le minimalisme ironique de Kraftwerk, la magie de Brian Eno, la verve synth-pop de Depeche Mode ou New Order, les défoulements charnels de la génération house et techno… Ce décalage est à nouveau perceptible dans ces collaborations censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Et les meilleurs morceaux d’Electronica portent la patte des invités – le romantisme exacerbé de M83 (Glory), l’élégance de Air (Close Your Eyes), la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone) – plus que celle de leur hôte. Le reste oscille entre pop anodine (If..! avec Little Boots) et ratage (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend), complétés d’une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien de Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin van Buuren). Stéphane DavetLire aussi :Jean-Michel Jarre : histoire d’une imposture1 CD Columbia/Sony Music.Jr. Thomas & The Volcanos Beware Des musiciens américains qui sonnent comme des Jamaïcains, c’est assez rare pour ne pas le signaler. Junior Thomas a grandi dans le nord de Minneapolis, ville qui a vu les premières heures glorieuses de Prince ou de Bob Dylan. Or ce ne sont pas ces deux illustres compatriotes qui fascinent le jeune musicien mais les chanteurs jamaïcains, Alton Ellis ou Phyllis Dillon. En s’associant avec l’ingénieur du son californien, Brian Dixon, qui voue la même passion au rock steady, Jr. Thomas a trouvé dans son studio d’enregistrement, à Los Angeles, l’espace pour exprimer son amour inconditionnel pour le reggae d’antan. Entouré des Volcanos, musiciens qui accompagnent régulièrement les stars jamaïcaines de passage en Californie, Jimmy Cliff ou les Skatalites, le guitariste, doté également d’un joli brin de voix, ne se contente pas de copier ses idoles mais écrit de nouvelles chansons puissantes comme la passionnée Embraceable ou les tendres Beware et Burning Fire. Repéré par le label Truth & Soul qui a également lancé le chanteur néo soul, Aloe Blacc, Jr Thomas est bien parti pour connaître la même destinée sous les couleurs du reggae. Stéphanie Binet1 CD Thruth & Soul/Differ-Ant.David Krakauer The Big Picture Coup de chapeau d’un clarinettiste Klezmer au cinéma dont le contenu a plus ou moins un lien avec le judaïsme. Cabaret, La vie est belle, Minuit à Paris, Radio Days, Funny Girl, Le Choix de Sophie… David Krakauer a arpenté sa mémoire de cinéphile et choisi douze thèmes musicaux tirés de classiques. Il les réinvente avec maestria et une réjouissante liberté. Le répertoire n’a que peu à voir avec le champ de création habituel du musicien – un seul thème se rattache réellement au klezmer (Moving to the Ghetto, tiré de la bande originale du film de Roman Polanski, Le Pianiste (2002) – mais c’est bien « le son Krakauer » que l’on reconnaît : ce vibrato palpitant, ces nuances combinant mélancolie, poésie et petite folie, ce sens de l’aigu épanoui qui décolle vers le ciel sans prévenir. Le musicien présentera The Big Picture sur scène avec la projection de visuels originaux, le 21 novembre à la Cigale, à Paris, lors du festival Jazz’n Klezmer. Patrick Labesse1 CD Label bleu/L’Autre Distribution.Eugène Ysaÿe Six sonates pour violon seul op. 27 Alina Ibragimova (violon) Œuvre de la fulgurance, les six sonates d’Eugene Ysaÿe (1858-1931) pour violon seul ont été ébauchées en vingt-quatre heures à l’été 1923 après que le compositeur belge eut entendu Joseph Szigeti dans les fameuses Sonates et partitas, de Bach. Sont-elles pour autant une réponse à l’absence de postérité, durant plus de deux siècles, du chef-d’œuvre allemand ? Oui et non. Chacune de ses pièces exigeantes convoque en effet un grand nom du violon – Kreisler, Thibaud, Enescu, Szigeti –, dont Ysaÿe s’essaie à rendre la technique de jeu spécifique. La jeune violoniste russe, Alina Ibragimova, a déjà livré un enregistrement remarqué des Sonates, de Bach. Celles d’Ysaÿe sont ici d’une liberté de ton plus éblouissante que jamais, d’un naturel renversant, la parfaite quadrature entre maîtrise, sensibilité et improvisation. Marie-Aude Roux1 CD Hyperion. 22.10.2015 à 11h26 • Mis à jour le22.10.2015 à 12h14 | Philippe Escande Vous avez aimé les aventures du petit Uber au pays des taxis ? Vous adorerez la saison 2, intitulée « YouTube et ses amis au pays des télés ». Attention, certaines scènes pourront choquer les âmes sensibles. Il y aura du sang et des larmes, sûrement un peu de sexe, mais aussi de la tendresse. Winnie l’Ourson et Blanche-Neige s’en chargeront.Coup sur coup, YouTube et Disney ont annoncé, mercredi 21 octobre, le lancement de services de vidéo à la demande illimitée par abonnement sur Internet. On connaissait Netflix, le robinet à films et séries déjà présent en France, les Américains ont expérimenté ceux de la chaîne HBO, le créateur de Game of Thrones, mais aussi de CBS, Nickelodeon ou NBCUniversal. Mais l’arrivée simultanée, sur ce marché, du géant de l’Internet mondial et du plus célèbre groupe de médias au monde apporte une nouvelle dimension au phénomène. Le tsunami Internet est désormais en vue des côtes du paysage audiovisuel. Avec deux conséquences majeures.Lire aussi :YouTube cherche un relais de croissance en lançant un abonnement payantLa première est que cette vague va redessiner en profondeur le monde de la télévision. Déjà, en août, les résultats d’audience mitigés des grands réseaux télévisés américains au premier semestre 2015 avaient provoqué un crack du secteur en Bourse. En cause, les usagers américains, de plus en plus nombreux à « couper le cordon ». Autrement dit, se désabonner du câble pour ne garder que l’Internet et se reporter sur des abonnements de type Netflix.Le risque pour les chaînes de télévision va bien au-delà de la simple perte d’abonnés. Ils touchent le nerf de la guerre, la publicité. Face à la chute d’audience, les tarifs baissent et les annonceurs, eux aussi, se replient sur le numérique. La télévision traditionnelle, celle du 20 heures de TF1 ou de France 2 et des jeux de M6, est déjà en train de s’affranchir du temps, avec la télévision de rattrapage. Elle est maintenant en train de s’atomiser en myriades de services, à l’image du Web, ou plutôt des applications de son smartphone.La fin d’une époqueD’ailleurs, Apple, l’inventeur des applications mobiles, va annoncer la semaine prochaine sa nouvelle « Apple TV box » avec l’espoir, enfin, de percer dans ce domaine. Cette fois pourrait être la bonne et représenter le futur grand relais de croissance à ses iPhone. « The next big thing », comme aurait dit Steve Jobs.La seconde conséquence de cette nouvelle vague est la validation d’un modèle économique pérenne pour financer le contenu sur Internet. Les succès mondiaux de Netflix et Spotify ont démontré que les clients étaient partout prêts à payer 10 dollars – ou 10 euros – par mois pour l’accès illimité à un contenu de qualité et une ergonomie séduisante. Désormais, les poids lourds, Apple et Google en tête, s’engouffrent dans la brèche. Nous sommes en train de vivre en direct, comme on dit sur TF1, la fin d’une époque, celle du tout-gratuit sur Internet.Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Difficile de nier la légitimité de pionnier de Jean-Michel Jarre, son habileté médiatique, son efficacité d’entrepreneur, aux spectacles grandioses et aux millions de disques vendus, son intelligence politique aussi – il préside, depuis 2013, la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs). Il n’en va pas de même pour sa crédibilité artistique, longtemps contestée, mais que le créateur d’Oxygène (1976) s’attache aujourd’hui à réhabiliter.Charité bien ordonnée commençant par soi-même, son nouvel album, Electronica 1 : The Time Machine, le place rien de moins qu’au centre d’une épopée des musiques électroniques, qu’il incarne ici en une série de duos avec plusieurs générations d’artistes « electro », apparaissant comme autant d’adoubements ou de signes d’allégeance.Cette « machine à remonter le temps » ne réécrirait-elle pas quelque peu l’histoire ? Car loin de figurer comme exemples d’innovations inspirantes, les ritournelles synthétiques du Monsieur ont souvent suscité des moues circonspectes, dans les années 1980 et 1990, devant leur lyrisme pour générique télé, leur mégalomanie et leur futurisme d’images d’Epinal.Au fil des interviews livrées lors de son marathon promotionnel, Jarre cite à l’envi sa collaboration, de 1968 à 1972, avec le Groupe de recherches musicales de Pierre Schaeffer. Cependant, c’est sa rouerie de producteur, parolier et compositeur de la variété française du début des années 1970 (au sein de laquelle il sut se montrer parfois brillant, avec Christophe ou Patrick Juvet), plus que sa radicalité expérimentale, qui semble avoir dessiné son répertoire robotique.Une collection de mièvreriesAvant, pendant et après les débuts phonographiques de Jean-Michel Jarre, nombreux ont été ceux à mieux rêver, émouvoir et danser que lui. De l’onirisme spatial de Tangerine Dream (Alpha Centauri, en 1971) au minimalisme ironique de Kraftwerk (opérationnel dès 1974), de la magie de Brian Eno à la verve synth-pop de Depeche Mode, Human League ou New Order, sans oublier les défoulements physiques et charnels des générations house et techno.Ce décalage est à nouveau perceptible sur les collaborations qui ponctuent Electronica, censées valoriser l’aura du fringant sexagénaire. Les meilleurs morceaux du disque portent la patte des invités plus que de leur hôte, qu’il s’agisse du romantisme exacerbé de M83 (Glory), de l’élégance de Air (Close Your Eyes), voire de la sombre mélancolie de Moby (Suns Have Gone).Le reste oscille entre pop anodine (If..!, avec Little Boots) et ratage intégral (Travelator avec le guitariste des Who, Pete Townshend – pourtant auteur en 1971 d’une intro synthétique d’anthologie dans Baba O’Riley). En complément, une collection de mièvreries pour manèges d’hier (Automatic Pt. 1 avec Vince Clarke, l’ancien Depeche Mode) et EDM d’aujourd’hui (Stardust avec Armin Van Buuren), capables même de ringardiser Massive Attack (Watching You) ou Laurie Anderson (Rely on Me), ne dissipent pas le sentiment général : l’histoire qui nous est ici contée est moins celle d’un genre musical que d’une imposture.Electronica, 1 CD Columbia/Sony Music. jeanmicheljarre.com et www.sonymusic.frStéphane DavetJournaliste au Monde Frédéric Potet A 79 ans, cette Britannique vient de finir de traduire « Le Papyrus de César », sa 36e adaptation en anglais des aventures du Gaulois. Un exploit, tant la BD fourmille de jeux de mots. Anthea Bell l’a fait. Elle est même la seule traductrice à avoir adapté la totalité des 36 albums d’Astérix dans une même langue. Le dernier, Le Papyrus de César, de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad (les nouveaux auteurs de la série), n’a pas échappé à son examen : « C’est un album qui n’a pas été facile à traduire, dit-elle, ce qui est plutôt bon signe » quant à sa qualité.On ne s’attaque pas à un monument aussi complexe linguistiquement qu’Astérix sans se rappeler la nature même de son métier. « Si on préfère l’esprit à la lettre, traduire Astérix n’est pas impossible, affirme Anthea Bell. Même pour les jeux de mots, il y a toujours moyen de trouver quelque chose de semblable, à défaut d’être exact. »De Panoramix à GetafixUn calembour n’en est plus un dès lors qu’il est traduit littéralement : l’ancienne élève du Somerville College d’Oxford (où passèrent Indira Gandhi et Margaret Thatcher) s’est adossée à cette conviction pendant plus de quatre décennies afin de s’autoriser une liberté littéraire qui pourrait presque lui conférer le statut de coauteure de la série dans sa version anglaise.Son apport le plus notable concerne probablement les noms des personnages. Si Obélix et Astérix ont gardé le leur (asterisk et obelisk existent en anglais), Anthea Bell a dû rebaptiser quelque 400 protagonistes. Le barde Assurancetourix est ainsi devenu Cacofonix – l’équivalent anglais d’assurance tous risques (all risk insurance) n’offrant aucun potentiel humoristique. Pour les mêmes raisons, le chien Idéfix a été baptisé Dogmatix outre-Manche, et le chef Abraracourcix à l’embonpoint généreux s’appelle, lui, Vitalstatistix (vital statistics signifiant notamment mensurations).La trouvaille la plus osée d’Anthea Bell reste toutefois Getafix, le nom anglais donné au druide Panoramix. Dans le langage des consommateurs de drogue, « to get a fix » signifie « avoir sa dose » – de là à considérer les Gaulois « camés » à la potion magique, le pas est un peu rapide… « J’aurais pu garder Panoramix vu que l’adjectif panoramic existe aussi en anglais, mais je n’ai pas pu résister à faire ce jeu de mots. » Astérix à la sauce mentheImaginait-elle arriver un jour à ce niveau de créativité quand, à la fin des années 1960, un éditeur spécialisé dans la littérature de jeunesse, Brockhampton Press, lui a proposé de traduire Astérix ? C’était dix ans après le lancement en France de la série. « Personne n’avait osé publier ce personnage trop français pour amuser les anglophones », se souvient-elle.Conscient de la difficulté, Brockhampton Press l’avait alors associée à un professeur de français, Derek Hockridge, dont la mission était d’identifier les références à la culture et à l’actualité françaises dans les albums originaux. Les premiers problèmes ne tarderont pas à surgir.Après Astérix le Gaulois (Asterix the Gaul) et Astérix en Hispanie (Asterix in Spain), le duo part à l’assaut d’Astérix chez les Bretons (Asterix in Britain) dont l’action se déroule… en Grande-Bretagne. Une mise en abyme vertigineuse attend les deux experts. Dans la version originale, les Bretons s’expriment dans un français truffé d’idiotismes anglais : « Il est, n’est-il pas ? », « Je suis très reconnaissant à vous », « Une tasse d’eau chaude avec un nuage de lait, s’il vous plaît »... Inverser le point de vue tout en gardant l’effet comique est impossible. Bell et Hockridge se rendront à Paris pour proposer à Goscinny (qui parlait couramment anglais) leur solution : « L’utilisation d’un anglais précieux et désuet que personne n’a jamais vraiment parlé. »Contourner l’obstacle, trouver ses propres astuces, tout refaire à sa sauce (à la menthe)… Les deux spécialistes vont s’en donner à cœur joie. Comment traduire le titre du quinzième album de la série, La Zizanie, dans lequel Tullius Detritus, un émissaire de César, sème la discorde au village ? Simple : Asterix and the Roman Agent, en référence à James Bond.Shakespeare à la rescousseComment angliciser Ocatarinetabellatchitchix, le prisonnier corse d’Astérix en Corse dont le nom est tiré d’une chanson de Tino Rossi ? Anthea Bell s’est souvenue d’une rengaine de marins peu aimable envers Napoléon (natif de l’île de Beauté), Boney was a warrior, Way-ah-ah. Le personnage s’appellera Boneywasawarriorwayayix – qui dit mieux ?Souvent, comme ici, la traductrice va devoir puiser dans le folklore et la culture britanniques pour se sortir de casse-tête insolubles. Dans Le Cadeau de César, alors qu’Astérix se bat en duel, elle remplace dans sa bouche la célèbre « tirade du nez » de Cyrano de Bergerac par une réplique d’Hamlet croisant le fer avec Laërte.Shakespeare est à nouveau appelé à la rescousse pour modifier le nom du chef breton Zebigbos, qui devient Mykingdomforanos – contraction du « My kingdom for a horse » de Richard III. Même l’hymne national britannique sera détourné afin de renommer deux légionnaires romains en Sendervictorius (Send her victorious) et Appianglorious (Happy and glorious…). Pas de royalties sur les ventesCe goût pour les mots et les jeux qui vont avec, Anthea Bell dit l’avoir hérité de son père, Adrian Bell, un fermier du Suffolk devenu romancier, dont le passe-temps était d’écrire des mots croisés pour le Times. « Il était tout le temps en train de chercher des astuces. Ce qui est un peu mon cas, finalement. Un jeu de mots doit rester un jeu, même quand il s’agit de le traduire », confie cette mère de deux grands enfants (l’un est journaliste, l’autre universitaire).Astérix n’est qu’une petite partie de son activité. Egalement germanophone, c’est par « centaines » qu’elle a traduit des romans, des essais et des livres pour enfants. Le petit Gaulois reste toutefois sa vitrine. Le job est « assez bien payé », reconnaît-elle, mais sans royalties sur les ventes, ce qui est fort dommage : 23 millions d’albums d’Astérix en langue anglaise se sont vendus dans le monde depuis la première traduction.Son alter ego Derek Hockridge est mort il y a deux ans, mais Anthea Bell ne compte pas en rester là, à bientôt 80 ans. « J’aime travailler. Je continuerai jusqu’à ce que les maisons d’édition ne veuillent plus de moi », dit-elle dans le salon de son cottage, entourée de ses chats sacrés de Birmanie. L’un porte le nom d’un personnage du Conte d’hiver de Shakespeare, Mopsa. Un autre s’appelle Violetta, comme l’héroïne de La Traviata. Aucun n’a été baptisé en référence à Astérix. « Les chats se prennent trop au sérieux », assure la vieille dame.Lire aussi :Nous avons lu (et plutôt aimé) le nouvel AstérixCet article est un extrait de celui paru dans le hors-série du Monde « Un héros, une œuvre » intitulé Astérix, l’irréductible, actuellement dans les kiosques, 124 p., 7,90 €.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.10.2015 à 06h23 • Mis à jour le22.10.2015 à 10h34 Frédéric Potet Inutile de chercher. Il s’agit, et de loin, du plus gros tirage de l’édition française cette année, tous genres confondus. Deux millions d’exemplaires du Papyrus de César, le nouvel ­album d’Astérix, sont mis en place ce jeudi 22 octobre. C’est plus du double, par exemple, des ventes cumulées de Millennium 4 (Actes Sud) et de Grey (JC Lattès), les deux best-sellers de la rentrée. « Irréductible », le petit Gaulois ? Invincible, oui. Ses 365 millions de copies écoulées depuis sa création, en 1959, font également d’Astérix la série de bande dessinée la plus vendue au monde.Ce rappel permet de mieux comprendre l’attention qui entoure la sortie de ce nouvel album. Les enjeux sont énormes pour Hachette, propriétaire des éditions Albert-René. Et ce, d’autant plus que la série ne bénéficie plus de l’aura de ses créateurs – René Goscinny (mort en 1977) et Albert Uderzo (88 ans), qui avait repris seul les commandes, du Grand fossé (1980) à Le ciel lui tombe sur la tête (2005) – depuis qu’elle a été confiée à d’autres auteurs. Le Papyrus de César est le deuxième album signé Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin). Si le premier, Astérix chez les Pictes (2013, vendu à 1,9 million d’exemplaires), avait tiré parti d’une certaine indulgence de la part des lecteurs, en tant que curiosité, ce nouveau titre – le 36e de la série – doit être l’album de la ­confirmation. L’assurance que le passage de témoin s’est bien produit.Mécanique éditoriale compliquéeComme pour Astérix chez les Pictes, les auteurs ont dû travailler « sous contrôle », c’est-à-dire sous le triple regard d’Albert Uderzo, d’Anne Goscinny (la fille de René Goscinny) et d’Hachette. « Il ne faut pas exagérer la portée de ce contrôle, coupe Isabelle Magnac, la directrice d’Hachette Illustré. Nous ne sommes présents qu’en filigrane, comme l’est n’importe quel éditeur dans une relation classique avec des auteurs. Le but n’est pas de se subs­tituer à eux, mais de sortir, ensemble, un album de qualité. »Une année d’allers-retours a néanmoins été nécessaire à Jean-Yves Ferri pour finaliser un scénario qu’il mit d’ailleurs longtemps à amorcer, au point de tarder à signer son contrat  : « Je voulais être sûr d’avoir une bonne histoire », dit-il. L’inspiration a fini par surgir, à travers une thématique très actuelle  : le traitement de l’information. Ferri est parti d’un fait historique  : la publication, à Rome, de La Guerre des Gaules, de Jules César. Anne Goscinny ne pouvait qu’approuver l’idée  : « La Guerre des Gaules était le livre de chevet de mon père, qui adorait César, car il le trouvait plus “menteur” que lui. »Le scénario validé, quel « traitement » allait attendre Didier Conrad ? La réalisation d’Astérix chez les Pictes avait été un ­ « enfer » pour le dessinateur, enrôlé au dernier moment, en remplacement d’un salarié du studio Albert-René n’ayant pas fait l’affaire. En seulement huit mois, Conrad avait dû à la fois analyser le style d’Uderzo, apprendre à croquer Astérix, créer de nouveaux personnages et dessiner 44 planches. Redoutant qu’il ne tienne pas les échéances, Hachette avait pensé envoyer aux Etats-Unis – où il vit – une équipe de « petites mains » pour ­réaliser les décors et le lettrage. Avant d’y renoncer.La supervision d’Albert UderzoSoumis à des délais « plus raisonnables », le dessinateur n’a pas eu le sentiment de souffler pour autant. Il lui a d’abord fallu composer avec la supervision d’Albert Uderzo, même si celle-ci s’est révélée limitée. Il y a deux ans, le vieux maître lui avait demandé de retoucher le regard d’Astérix (où manquait une petite lueur blanche) et le pantalon d’Obélix (qui comptait une rayure de trop). Il s’est, là, contenté de faire rectifier le visage d’un personnage secondaire, un Romain, que Conrad avait affublé d’un « gros nez » – or, seuls les Gaulois sont dotés d’appendices arrondis dans Astérix.Il a aussi fallu à Didier Conrad se couler dans le rythme d’une mécanique éditoriale compliquée, en raison de l’envoi ­régulier de ses travaux à Paris pour validation. Un véritable casse-pattes pour le dessinateur  : « Quand vous pensez tenir une bonne expression ou une bonne attitude, une certaine excitation s’empare de vous – excitation qui vous permet alors de travailler plus vite. Le problème est qu’il fallait que mes planches soient lues, relues et approuvées par plusieurs personnes  : j’étais donc obligé d’interrompre le processus au niveau du crayonné, avant de les reprendre deux ou trois mois plus tard. »Un dernier obstacle, comparable au rocher de Sisyphe, s’est mis en travers de sa table à dessin  : « A force de travailler dans un style qui n’est pas le vôtre, votre œil se fait plus précis et mesure mieux la distance qu’il reste à parcourir. Bref, plus vous avancez et plus l’objectif s’éloigne, poursuit Didier Conrad. Comme je ne suis pas Uderzo, je ne pense pas comme lui. Il m’a fallu trouver une façon de faire qui puisse correspondre à son style en sachant que lui-même aurait fait différemment pour dessiner telle scène. »Jean-Yves Ferri a traversé les mêmes affres, lui dont le scénario a continué d’évoluer au fil de la mise en images. « N’étant pas Goscinny, je n’ai pas eu d’autre choix que d’écrire une histoire comme je l’aurais fait pour un album personnel, et me demander, ensuite, si ce que je racontais était raccord avec son style. C’est là que les ennuis ont commencé », s’amuse-t-il. Le succès d’Astérix est fondé, selon lui, sur « une recette perdue », qui n’existe plus en bande dessinée  : « Un mélange d’aventure et d’humour, un thème assez bien documenté, un certain rythme… Tout coule de source, ça a l’air facile mais ce n’est pas évident. »Une seule certitude habite finalement le scénariste et le dessinateur  : « On ne s’approprie pas l’univers d’Astérix en deux albums », disent-ils en écho, sans savoir s’ils seront reconduits pour un troisième épisode. « On se sent maintenant une ­certaine responsabilité vis-à-vis d’Astérix », plaide Jean-Yves Ferri. « On verra ce que les auteurs nous proposent », élude ­Isabelle Magnac. On verra, surtout, si les lecteurs seront au rendez-vous de ce Papyrus au tirage astronomique.Lire aussi :Nous avons lu (et plutôt aimé) le nouvel AstérixFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Antonin Sabot Le 17 octobre, ils seront sur la piste de leur cirque pour un nouveau spectacle d’hiver. Mais pour l’instant, les Romanès et leur troupe n’ont pas vraiment la tête à ça. Délia Romanès, qui a fondé le cirque tzigane du même nom avec son mari Alexandre, reçoit dans sa caravane avec une mine épuisée. « Franchement ça me fait peur et j’ai du mal à dormir », lâche-t-elle. Depuis septembre, leurs caravanes et leur chapiteau, installés sur décision de la mairie de Paris au square Parodi, dans le 16e arrondissement, sont victimes d’attaques, de vols et de dégradations.Toute une caravane de costumes a été dévalisée, un boîtier de connexion à Internet arraché, des vitres des caravanes brisés, des tuyaux d’alimentation en eau arrachés. « Nous avons été partout dans Paris et en banlieue, jamais ça ne nous était arrivé », rappelle Délia Romanès, qui s’étonne de l’animosité que provoque le campement de la troupe, pourtant discret. Par ailleurs des associations de riverains ont porté plainte contre l’implantation du cirque qui selon elles « contribue à la dégradation du site ». « Tous ces papiers je peux plus les voir, je les ai mis dans le frigo pour ne plus les avoir sous les yeux », plaisante Délia. Alexandre Romanès, lui, fait remarquer que des cirques ont déjà, par le passé, occupé ce square : « C’est donc bien le mot tzigane qui fait peur », et de dénoncer un « climat général », qui depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010, stigmatise les communautés roms et gitanes.Un texte de soutien avait reçu, jeudi 15 octobre, plus de 5 000 signatures dont celles de nombreux artistes. Les soirs, les répétitions continuent sous le petit chapiteau de la compagnie. Les vols et les dégradations ont retardé les artistes, mais ils comptent toujours être prêts pour la première du 17 octobre.Voir notre vidéo au cœur d’une répétition de danse Tzigane :Cette vidéo est à 360°. Vous pouvez vous déplacer à l’intérieur à l’aide de votre souris.Vous pouvez utiliser des lunettes de réalité virtuelle pour une expérience maximale.Si vous regardez cette vidéo sur iPhone, suivez ce lien qui vous renverra vers l’application YouTube.Antonin SabotJournaliste au pôle vidéoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nicolas Truong Mais où sont-ils passés ? Que sont-ils donc devenus ? Pourquoi ne les a-t-on pas entendus ? Telles sont les questions que se sont posées ceux que le débat suscité par les prises de positions de Michel Onfray sur les « migrants » a sidérés. Tous ceux qui furent consternés de voir une partie de l’intelligentsia française rallier les « crispations » de la société françaises au sujet des réfugiés. Mais encore davantage étonnés par le vide abyssal d’une gauche intellectuelle qui semblait à nouveau timorée, recluse ou silencieuse.Réalité ou illusion ? Problème de focale et de perception. Bien sûr, il y a le miroir grossissant de la télévision et la réduction du débat public à des matchs de catch médiatiques (Le Monde, 20-21 septembre). D’ailleurs, le fait que le meeting de la mutualité du 20 octobre, intitulé « Peut-on encore débattre en France ? », initialement organisé en soutien à Michel Onfray, soit au final – et faute de participants (Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner ont notamment décliné) – amplement composé d’éditorialistes, marque ce signe des temps. Mais le malaise est patent.Lire aussi :Des intellectuels à la dérive ?Depuis l’effacement de la figure de « l’intellectuel prophétique » (universaliste et hugolien), la rareté de « l’intellectuel critique » (en guerre contre l’ordre établi), le déclin de « l’intellectuel spécifique » (qui intervient dans la cité à partir de ses domaines de recherches), sans compter les difficultés d’élaboration d’un « intellectuel collectif » percutant, c’est-à-dire une réelle mise en commun des savoirs engagés, la gauche intellectuelle semble à la peine.Image d’EpinalSans oublier la question du charisme et de l’incarnation. Le souvenir de Pierre Bourdieu soutenant la grève des cheminots à la gare de Lyon, en décembre 1995, contre « la destruction d’une civilisation », est devenu une image d’Epinal, presque un chromo. D’où une certaine nostalgie qui a même gagné les milieux les plus radicaux.Le miroir est cependant déformant. Il omet tout un pan d’un travail intellectuel foisonnant. Du côté des plus anciens, le républicanisme est encore bien présent (avec Régis Debray et sa revue Médium), tout comme l’idée de révolution (Alain Badiou) ou celle de « politique de civilisation » (Edgar Morin). La critique sociale est encore vive, avec notamment Etienne Balibar, qui théorise le concept de « l’égaliberté », Miguel Abensour, qui ravive le « nouvel esprit utopique », ou Jacques Rancière, qui poursuit sa réflexion esthétique et politique sur « le partage du sensible ».Contrairement à une idée reçue, Marx n’est pas mort non plus. Ainsi, le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval syncrétisent les nouvelles interprétations du marxisme et pensent ces nouvelles luttes qui s’organisent autour des « communs » contre les nouvelles formes d’appropriation privée et étatique des biens publics, de l’informatique aux ressources naturelles, de la mutualisation de l’eau à la préservation des données personnelles (Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014).Parce que « la gauche ne peut pas mourir », écrit-il dans Le Monde diplomatique (septembre 2014), le philosophe Frédéric Lordon articule son analyse marxiste des crises du capitalisme financier à une « économie politique spinoziste » (Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La Fabrique, 214 pages, 12 euros).« histoire-monde »Les collectifs bougent encore. Exemple parmi mille autres : au sein de leur association, Ars industrialis, Bernard Stiegler et Marc Crépon élaborent « une politique industrielle de l’esprit » afin de contrer ces techniques de contrôle qui, de la publicité à certains jeux vidéo, prennent le pouvoir sur nos désirs et sur nos vies. Esprit, Lignes, Vacarme, Regards, Mouvement et alii : les revues sont également nombreuses.Les institutions n’abritent pas que la pensée conservatrice et ses ténors, loin de là. Au Collège de France, Patrick Boucheron défend une « histoire-monde » contre la prééminence du récit national et n’hésite pas à soutenir que « la recherche de l’identité est contraire à l’idée même d’histoire ». Depuis le Collège de France, toujours, Pierre Rosanvallon anime le site de « La vie des idées », sorte de « coopérative intellectuelle » qui recense ouvrages et débats internationaux, prolongée par « La République des idées », collection des éditions du Seuil qui publie aussi bien l’économiste Esther Duflo que le démographe Emmanuel Todd.A l’École polytechnique, le philosophe Michaël Foessel – successeur d’Alain Finkielkraut à la chaire de philosophie – développe notamment sa « critique de la raison apocalyptique », loin du déclinisme dominant. A l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Luc Boltanski – qui travaille actuellement sur la nouvelle « classe patrimoniale » – s’est notamment illustré par un texte d’intervention contre « l’extension du domaine des droites » (Vers l’extrême, avec Arnaud Esquerre, Editions Dehors, 2014).Pas mortCôté succès populaire, impossible de ne pas mentionner les sociologues des beaux quartiers, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, qui, partout en France, expliquent « pourquoi les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres » à un peuple de gauche remonté contre le sarkozysme et déçu par le hollandisme. Ou bien encore à l’immense audience rencontrée par le livre de l’économiste Thomas Piketty sur les inégalités (Le Capital au XXIe siècle, Seuil, 2013). La jeune garde n’est pas en reste : Sandra Laugier, Fabienne Brugère, Frédéric Gros, Yves Citton, Bernard Aspe, Quentin Meillassoux et tant d’autres dont il faudrait avoir le temps de détailler les travaux. En un mot, l’intellectuel de gauche n’est pas mort.Mais d’où vient l’impression de malaise, alors ? D’une méconnaissance de cette richesse trop peu sollicitée. D’une réticence et d’un manque de curiosité. Mais aussi parfois d’un certain entre-soi – moins académique que social et idéologique – à l’intérieur de cercles où l’on ne s’adresse souvent qu’à un auditoire de convaincus. D’où encore ? De l’impression d’avoir perdu la partie face aux néoconservateurs et à leur hégémonie. De la crainte de certains intellectuels multiculturalistes d’aborder les questions qui fâchent – par souci de ne pas « stigmatiser » les minorités –, qui a contribué à renforcer l’idée que les intellectuels de gauche pratiqueraient un « déni de réalité ». D’un déficit de charisme et d’aura parfois. D’un sentiment que le clivage droite-gauche est dépassé face aux enjeux culturels et civilisationnels.D’où l’idée de donner la parole à Danièle Sallenave, Marc Crépon, Stéphane Beaud et Gérard Mauger. Parole à la défense, en quelque sorte. Histoire à nouveau de vérifier que, en idéologie comme en stratégie, la meilleure défense, c’est l’attaque.A lire sur le sujet:- Face à l’hégémonie droitière, retrouvons les valeurs de progrès !, par Marc Crépon, directeur du département de philosophie de l’Ecole normale supérieure. Face au silence assourdissant des penseurs de gauche, il est temps de raviver les valeurs progressistes que les polémistes droitiers ne cessent de détourner. Il n’est ni honteux ni ringard de soutenir les déshérités.- Les sciences sociales ne sont pas silencieuses, par Stéphane Beaud, professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense, et Gérard Mauger, directeur de recherche émérite au CNRS. L’omniprésence médiatique de certains essayistes ne signifie pas que les universitaires restent se tiennent à l’écart du débat public. Les travaux ne manquent pas sur les thèmes qui agitent notre époque. Mais ils ne sauraient se résumer à des formules pour shows télévisés.- Contre les dangereux prophètes du pire, une France résolue cherche à changer le présent, par Danièle Sallenave, écrivaine et membre de l’Académie française. Loin des apôtres du « tout fout le camp », une partie de la société française cherche, sans naïveté ni ringardise, à inventer l’avenir.Nicolas TruongResponsable des pages Idées-DébatsSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande « Ils ont des idées plein la tête, des idées pour faire la fête  », chantait France Gall dans Tout pour la musique. Des idées sur la musique, ils en ont beaucoup chez Deezer mais la fête, ce sera pour plus tard. La société s’engage aujourd’hui dans un marathon qui décidera de son avenir. Et elle n’a pas choisi la facilité.Lire aussi :Deezer s’introduit en BourseEn pleine turbulence boursière, elle lance son introduction sur le marché parisien qui devrait lui permettre de lever 300 millions d’euros d’argent frais. L’opération, qui devrait valoriser la société entre 900 millions et un milliard, sera l’une des plus importantes de l’année. Un pari risqué, si l’on en juge par le résultat très mitigé du réseau social professionnel Viadeo, introduit en Bourse l’an dernier et qui a depuis perdu la moitié de sa valeur.La lessiveuse de l’InternetMais Deezer veut croire en sa bonne étoile. Elle s’estime bien plus solide   : son chiffre d’affaires a été de 142 millions en 2014, soit six fois plus que Viadeo. Et, surtout, elle surfe sur une croissance forte, 50 % en 2014 et plus de 40 % cette année.Car la société est au cœur d’une transformation radicale de son environnement. La musique, première filière à être entrée violemment dans la grande lessiveuse de l’Internet, avec le piratage, est aussi la première à en être sortie. Fortement rétrécie au lavage, puisque, sur les six majors de l’édition musicale qui dominaient le paysage en 2000, il n’en reste que trois et que le marché a été divisé par deux en dix ans.Mais le secteur a trouvé enfin un modèle pérenne, au prix d’un changement conceptuel. De la vente d’un produit, le CD, l’industrie musicale évolue à grande vitesse vers la vente d’un service, en l’occurrence un abonnement à un flux de musique illimité, appelé streaming.Lire aussi :Musique : le streaming en hausse, le CD en baisse, la niche vinyle se porte bienAprès plus de dix ans de baisse, le marché devrait repartir, et le streaming en sera la clé de voûte. Les consommateurs ont démontré qu’ils étaient prêts à payer 10 euros par mois pour avoir toute la musique partout et tout le temps. Deezer revendique 6,3 millions d’abonnés payants dans 180 pays, et son principal concurrent, Spotify, plus de 15 millions.Autre élément d’optimisme, cette révolution n’est pas venue des Etats-Unis mais d’Europe. Le suédois Spotify et le français Deezer en ont été les pionniers, et Spotify est également le numéro un du secteur en Amérique.Mais rien n’est joué. Dans l’économie des plates-formes Internet, le gagnant rafle la mise en profitant de l’effet de réseau. Spotify est déjà six fois plus gros en chiffre d’affaires que le français, Apple vient de se lancer, et Google, déjà présent avec YouTube, ne restera pas à l’écart. D’où les 300 millions espérés pour rivaliser en marketing avec ses concurrents.Mais il faudra surtout un produit attractif et une gestion sans faille, notamment dans ses relations avec les opérateurs téléphoniques qui proposent son service. Etre à la fois créatif et éviter, comme le raconte France Gall, que « le feeling prime la raison ».Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pierre Gervasoni « Il sera là ? » Dans la file d’attente qui court le long de l’église Saint-Eustache, mercredi 14 octobre, la question est sur de nombreuses lèvres. La Monte Young, le pape du minimalisme américain, sera-t-il présent à l’occasion du concert que lui consacre le festival d’Automne à Paris, le jour de son quatre-vingtième anniversaire ? Les portes s’ouvrent, le public prend place, et chacun peut constater que, de la base des piles centrales à l’arcature du fond, le rouge est mis, ou plus exactement le magenta qui constitue la Dream Light imaginée par Marian Zazeela pour conférer un éclairage onirique aux œuvres de son mari.Celle programmée ce soir possède un titre long comme la nef de Saint-Eustache : The Melodic Version (1984) of the Second Dream of the High-Tension Line Stepdown Transformer, tirée de The Four Dreams of China (1962). Prévue pour un effectif instrumental fondé sur des multiples de quatre, la partition repose sur quatre notes dont la tenue longuement graduée doit engendrer un bourdonnement semblable à celui des lignes à haute tension. La version présentée à Paris associe huit trompettes munies de sourdines Harmon. Les membres du Theater of Eternal Music Brass Ensemble sont disposés en rectangle parmi les spectateurs qu’ils surplombent, assis à bonne distance les uns des autres, pour pouvoir communiquer entre eux du geste ou du regard.A 20 h 08, la première note se glisse comme un murmure lointain dans l’espace rougeoyant. Chaque intervention des trompettistes s’apparente à une respiration fondue dans le métal. Maîtrise du timbre et de l’intensité : fuselage impeccable. Peu à peu, la note se fait plus soutenue, plus riche. Elle irradie avec sa traîne d’harmoniques et, tintinnabulant comme un microcarillon, connaît une double transcendance – acoustique et spirituelle – dans le lieu qui l’accueille.« Grand huit » d’éternitéEtagement zen, harmonie céleste… L’illusion communautaire gagne aussi les auditeurs. Certains gardent les yeux fermés pour s’immerger dans un flux qui a valeur d’éveil sensoriel. D’autres, au contraire, s’imprègnent de visu du voyage des sons. Les intervalles ont beau varier, la musique donne l’impression de se mouvoir à partir d’un seul accord, statique en dépit des nuances infinitésimales qui répètent une destinée en quatre étapes : émission, croissance, diminution, extinction.Au fil des minutes, les interprètes se montrent plus explicites dans le déroulement des séquences. Principalement en usant des doigts pour signifier une attaque imminente. Sémaphores exemplaires, ils ordonnent l’enchaînement des soufflets d’intensité comme un « grand huit » d’éternité, renouvelé pendant plus d’une heure jusqu’au silence. L’arrêt des sons, quoique opéré avec douceur, surprend l’auditoire. Quelques enthousiastes applaudissent. Manifestation inconsidérée que les gardiens du temple contemplatif réprouvent à haute voix. Sans doute parce qu’ils savent que, si le compositeur n’a pas fait le déplacement depuis sa Dream House de New York, ses sons l’ont fait pour lui. Et qu’en quelque sorte, La Monte Young est bien là !Pierre GervasoniJournaliste au Monde Rosita Boisseau Danse La bouche pleine d’un sac-poubelle, une femme se débat dans une robe de bouteilles en plastique ; sur son estrade, un dictateur africain jette un couvercle de mots comme on vomit un discours prédigéré. La première, l’Ivoirienne Nadia Beugré, danse en solo Quartiers libres, à l’affiche jusqu’au 17 octobre, au Tarmac, à Paris ; le second est le personnage central de J’ai arrêté de croire au futur…, chorégraphié par le Congolais Andréya Ouamba pour cinq danseurset un acteur, au Théâtre des Abbesses, jusqu’au 18 octobre.Entre les deux, dans un continent africain transpercé par les conflits, un même besoin brutal de gueuler, de dénoncer pour rester tout simplement vivant.Nadia Beugré porte l’héritage de la compagnie Tché Tché, basée à Abidjan, uniquement composée de femmes, dans laquelle elle dansera de 1997 à 2007, année de la mort de la fondatrice de la troupe, Béatrice Kombe. Elle décide de ne pas reprendre le flambeau et part en 2009 se former auprès de Germaine Acogny, à Dakar, puis de Mathilde Monnier, à Montpellier. « Il me fallait quitter le pays, explique-t-elle. Je ressentais le besoin d’une formation. C’est la clé de tout, et cela manque en Afrique. J’avais aussi envie de goûter à ce qui se passait ailleurs. Par ailleurs, la danseuse n’est pas respectée chez nous, elle est celle qui bouge derrière le chanteur et c’est tout. »Un geste dur, sans concessionsAprès son premier solo Un espace vide : moi (2008), Quartiers libres (2012) marque un pas. Nadia Beugré sort du rang et prend le micro. En robe lamée ultracourte, elle affirme un geste dur, sans concessions, ni précautions. « Je fais ce que je vis, ce que je vois, assène-t-elle. Je crois en l’avenir. Les femmes ne se laissent pas faire. » Dont acte. Dans Legacy (2014), pièce de groupe, elle relance la marche historique, en 1949, d’un groupe d’Ivoiriennes à Bassam, près d’Abidjan, pour obtenir la libération de leurs maris emprisonnés par les forces coloniales. C’est dans cette prison, lieu hautement symbolique, que Nadia Beugré rêve d’ouvrir un espace pour la danse.Avec J’ai arrêté de croire au futur…, Andréya Ouamba, installé à Dakar avec sa Compagnie 1er temps créée en 2000, ouvre le feu sur la violence et la fourberie des discours dictatoriaux. Créé après plusieurs voyages dans différents pays d’Afrique, ce spectacle tendu, nerveux, où les danseurs tentent de résister au discours paternaliste du despote, ouvre un espace brûlant d’engagement très rare dans le paysage chorégraphique.« Mon histoire est liée aux crises politiques du Congo ou soi-disant “des Congos”, qui font partie de mes origines, commente Andréya Ouamba. Mais ce spectacle est aussi une réflexion sur notre système capitaliste qui n’est pas si éloigné des dictatures proches ou lointaines. Comment peut encore fonctionner en 2015 ce système qui s’enorgueillit de déséquilibrer, de rompre la cohésion des relations humaines, de mettre à bas les solidarités en surfant sur les questions d’origines, raciales, religieuses, de détruire l’environnement et de privilégier la finance… » Après Sueur des ombres (2011), pièce guerrière sur la question du territoire, Andréya Ouamba prend au collet le mensonge en pariant sur la rébellion des corps, pures bombes de mouvements lancées à l’attaque de toutes les impostures.Quartiers libres, de Nadia Beugré. Festival d’automne/Tarmac, Paris 19e. Jusqu’au 17 octobre. De 12 euros à 25 euros.J’ai arrêté de croire au futur…, d’Andréya Ouamba. Théâtre des Abbesses, Paris 18e. Jusqu’au 18 octobre.De 16 euros à 26 euros.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Florence Evin Au téléphone, la voix est alarmante. L’interlocuteur, qui préfère garder l’anonymat, l’affirme sans détour : « La situation est très mauvaise. Les gens n’ont rien à faire du patrimoine, ils pensent à leur maison, à leur terre. Daech [acronyme arabe de l’EI] contrôle Sabratha. Il faut faire vite pour préserver l’art libyen. » On n’en saura pas plus. La communication est interrompue. Depuis, aucun des numéros de téléphone libyens des scientifiques et responsables du patrimoine ne répond.Qu’en est-il des monumentales cités grecques et romaines de la côte libyenne ? Quid de Cyrène, immense cité grecque, dont le temple dédié à Zeus est plus vaste que le Parthénon ? Et de Leptis Magna, « la Rome de l’Afrique », où est né l’empereur Septime Sévère ? Qu’en est-il du théâtre romain de Sabratha, à l’ouest de Tripoli ? Jusque-là, le patrimoine antique libyen demeurait le mieux préservé dans son ampleur de toute la côte méditerranéenne. Le restera-t-il ?« Il faut sauver les meubles »Après les destructions par l’Etat islamique (EI) du musée de Mossoul, et des antiques Ninive, Nimroud et Hatra en Irak, puis Palmyre en Syrie, l’inquiétude se porte sur la Libye, en plein chaos, avec deux Parlements et deux gouvernements rivaux – l’un basé à Tripoli, l’autre à Tobrouk, ce dernier reconnu par la communauté internationale.Si l’EI est implanté au nord-ouest, à Sabratha, à Syrte, au nord, et à Derna, au nord-est, à soixante kilomètres de Cyrène, il n’y aurait pas, pour l’heure, de volonté de saccage pour faire table rase du passé, comme en Irak ou en Syrie. Le plus grand danger vient de l’urbanisation sauvage galopante sur les sites et nécropoles antiques, notamment à Cyrène, et des pillages qui nourrissent le trafic illicite des œuvres d’art, via l’Egypte, Israël, les pays du Golfe. La Jordanie, le Liban et la Turquie seraient des plaques tournantes très efficaces. Les fameux bustes funéraires d’une grande beauté, les « aprosop » – sans visage – ou « cylindres à coiffure », une spécificité de Cyrène, sont les plus prisés. « Une pièce a été saisie dans le port franc de Gênes, quatre à Paris, une autre à Londres », indique Vincent Michel, directeur de la mission archéologique française pour la Libye antique (Cerla). « Trois mosaïques ont été récemment découvertes à Apollonia, le grand port de Cyrène, il est urgent de les déposer pour les mettre à l’abri, s’alarme l’archéologue. La situation se détériore, il faut sauver les meubles. »La première « liste rouge d’urgence des biens culturels libyens en péril » sera diffusée, sur Internet, en novembre, par le Conseil international des musées (Icom), pour alerter les douanes, Interpol et le marché de l’art. Dressée par Vincent Michel, elle répertorie les typologies d’objets en danger, afin d’empêcher leur vente – sculptures et reliefs en calcaire, marbre, grès, stuc, bronze, céramiques, monnaies, bijoux, chapiteaux, linteaux, mosaïques… – photos à l’appui.L’archéologie préventive de sauvegarde est l’urgenceLes missions françaises et italiennes, très actives, ont cessé toute activité. Gianfranco Paci, le directeur des fouilles italiennes en Libye, se dit aussi « très préoccupé par la situation. Il n’y a plus de personnel sur place depuis un an et demi, c’est trop dangereux ». Après la chute, en 2011, du régime de Mouammar Kadhafi, « les Français étaient les premiers à revenir, indique Vincent Michel. Dès avril 2012, on fouillait à Apollonia, le port de Cyrène, à Latroun – aujourd’hui sous contrôle d’Al-Qaida – et Abou Tamsa, puis, en juillet 2012, à Leptis Magna, sur les thermes romains. En octobre 2013, ce fut le dernier voyage ». Pour le scientifique, l’archéologie préventive de sauvegarde est l’urgence. Il faut restaurer et conserver, notamment les mosaïques très nombreuses laissées à l’abandon. « L’histoire n’était pas enseignée. Kadhafi n’a pas permis à la population de prendre conscience de son patrimoine. Lequel fait partie du paysage local mais pas de la conscience historique. » Un patrimoine demeuré méconnu, aussi, à cause du tourisme absent, par la volonté de Kadhafi, à qui les revenus du pétrole suffisaient.Ahmed Abdulkariem, directeur des antiquités du gouvernement de l’Est, à Tobrouk, était à Paris, le 2 octobre, avec deux confrères archéologues libyens afin d’obtenir de l’aide et des stages de formation, notamment pour la restauration des artefacts et des mosaïques. Il a précisé au Monde que l’EI, présent à Sabratha et à Derna avec des camps d’entraînement, y rivalisait avec Al-Qaida. « On travaille, dit-il, avec les chefs de tribu pour mettre en place, sur les sites antiques, des “protecteurs” locaux. Il faut sensibiliser la population par une prise de conscience. »En l’absence d’autorité, « les gens construisent sur les nécropoles, précise le directeur libyen. Ces terrains ancestraux appartiennent à des familles. Sous Kadhafi, celles-ci n’y touchaient pas. Aujourd’hui, elles les revendent pas cher. Les actes de propriété ont brûlé au tribunal d’Apollonia où ils étaient conservés ! Ont été bâtis deux immeubles sur la nécropole hellénistique d’Apollonia – le port de Cyrène – et un hôtel ». Une nécropole d’où ont été exhumés des vases panathénaïques, des trophées fabriqués à Athènes pendant les fêtes, à l’occasion des Jeux dédiés à Athéna et des concours de poésie.Cyrène, le « rêve de marbre »A Leptis Magna, édifiée par les Romains, qui avaient fait table rase des vestiges phéniciens, les milices locales se sont organisées pour sécuriser le site de cinquante hectares. Globalement, les principaux musées, murés dès le début de la révolution pour protéger les collections, n’ont pas été dégradés. C’est Cyrène, la grecque, aussi vaste que Leptis Magna, qui est la plus touchée par l’urbanisation et les pillages, avec Apollonia, son port, dont les vestiges colossaux sont en partie sous l’eau. Fondé au VIIe siècle avant notre ère, simple anse aménagée avec ses grèves, le port grandit avec ses quais, sa cale de halage pour des vaisseaux de trente mètres, ses bittes d’amarrage en cuivre et ses rues pavées. Claude Sintès, directeur du musée départemental Arles antique, qui a réalisé des fouilles sous-marines de 1983 à 2003 à Apollonia, raconte la richesse de la colonie, en contact direct avec le Péloponnèse, qui exporte le blé et le silphium, « l’aspirine » de l’Antiquité, et donne naissance à une cité monumentale. Située à 20 kilomètres à l’intérieur des terres, à 600 mètres d’altitude, sur une plaine fertile en trois gradins, « Cyrène possède les vestiges parmi les plus spectaculaires de la Méditerranée, très bien conservés, ni détruits, ni réutilisés. Les nomades arabes, venant d’Arabie et progressant vers l’Espagne, n’avaient pas besoin de pierres. Cette civilisation pastorale avec des modes d’échanges terrestres n’était pas ouverte sur la mer. Le sable a protégé l’antique cité. Quand on fouille, on retrouve de manière spectaculaire un rêve de marbre », s’emporte Claude Sintès.Le musée de Cyrène possède une des plus riches collections de statues de la période hellénistique et archaïque, du VIIe au IIe avant J.-C. C’est ce rêve de marbre qu’il faut aujourd’hui protéger.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.10.2015 à 11h47 • Mis à jour le14.10.2015 à 19h01 | Rosita Boisseau Le chorégraphe grec Dimitris Papaioannou, 51 ans, ne connaît pas la crise. Et ne craint pas de le dire parce que c’est comme ça. Il a mis en scène les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques (JO) d’Athènes en 2004. Ceci explique cela. « Trois ans de travail, huit mille performeurs, résume-t-il. J’ai survécu à l’expérience, au plus gros show du monde, aux interactions entre les politiques, les producteurs, les artistes, c’était du Kafka, je l’ai fait. » Il en profite depuis. Possède une boîte de production, connaît le succès dans les plus grands théâtres d’Athènes. « Pour les JO, ils sont venus me chercher dans un squat, La Maison des artistes, que j’avais réhabilitée et où je travaillais depuis dix-sept ans avec ma compagnie, le Edafos Dance Theatre, précise-t-il. Aujourd’hui, je travaille en free-lance et je fais ce que je veux. J’ai beaucoup de chance. »Si fameux soit-il en Grèce et à l’international, ce pionnier de la danse contemporaine n’a jamais été programmé en France. Le voilà pour la première fois à l’affiche du Théâtre de la Ville, à Paris, jusqu’au 16 octobre, avec son spectacle Still Life (2014), pour sept interprètes. Une pièce matricielle sur le mythe de Sisyphe, ce « héros de la classe ouvrière », selon le chorégraphe. « Minimum de moyens, maximum de poésie »Un succès à Athènes, où il a joué à guichets fermés au Centre culturel Onassis, puis au Piraeus Theatre. « Treize mille personnes l’ont déjà vu, précise-t-il. Mais je ne reçois pas de subvention du gouvernement et je n’ai pas de convention avec un théâtre. En 2013, moment où la Grèce entrait dans une crise profonde, j’ai décidé de revenir à une grande économie en utilisant des matériaux ordinaires. Minimum de moyens, maximum de poésie. C’est la tristesse et la dépression partout et, pourtant, tout continue, mais c’est vraiment triste. »Papaioannou parle franc. Il assène des informations, ne tourne pas autour du pot, identifie sa trajectoire avec lucidité. Il résume son parcours en quelques tours de piste. En 1983, il est étudiant aux Beaux-Arts, à Athènes, auprès du peintre grec Yannis Tsarouchis, puis devient apprenti danseur auprès d’Eric Hawkins et du chorégraphe butô, Min Tanaka, à New York. Au début des années 1990, il suit de près certains spectacles de Bob Wilson. « Je suis un meilleur peintre sur scène que sur une toile, mais je ne me considère pas comme un vrai plasticien ni un vrai danseur, conclut-il. Je suis quelqu’un d’improvisé. »Improvisé, mais avec rigueur. Still Life s’enracine dans un double geste plastique et chorégraphique à l’image de son parcours. Dans la fabrique, comme sur le plateau. Papaioannou a d’abord confectionné des objets auxquels les interprètes se confrontent en répétitions. « On explore toutes les possibilités pendant quelques semaines, puis je travaille seul pendant deux mois et on se retrouve pour structurer le spectacle », raconte-t-il.Il a ainsi mis au point une énorme structure gonflable remplie de fumée ainsi qu’un matelas qui se casse comme un mur un peu mou. « La fumée provoque l’illusion du ciel, quant à la paroi, elle possède les particularités du corps humain, entre chair et os », ajoute-t-il. Et toujours cette obsession, profondément grecque, pour les ruines, les fragments, les cassures et les reconstitutions, si accidentées soient-elles. « Je tente de me rapprocher toujours un peu plus de moi. »Still Life de Dimitris Papaioannou. Théâtre de la Ville, à Paris. Du 13 au 16 octobre, à 20 h 30. Tél. : 01 42 74 22 77. De 18 à 30 euros.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Harry Bellet On ignorait qu’elle fût si bien dotée, la Fondation Giacometti. Il faut aller à Landerneau (Finistère), dans le beau bâtiment qui abrite le Fonds Hélène et Edouard Leclerc, pour se rendre compte de ses richesses, à moins de préférer Shanghaï, où la collection sera présentée au Yuz Museum en mars 2016. Née de la volonté d’Annette Giacometti, décédée en 1993, la fondation a mis du temps à sortir des limbes, puisque le décret validant son existence ne fut signé que le 6 janvier 2004 par Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, et Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, après avis favorable du ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon.Son actuelle directrice, Catherine Grenier, a manifesté la volonté de « développer les expositions à l’international, et notamment dans les pays émergents, et générer davantage de recherches et de publications chez les jeunes chercheurs sur Giacometti, artiste à la trajectoire très originale à travers le surréalisme, mais aussi les penseurs et écrivains de son temps ». On ne sait si la Bretagne est un « pays émergent », mais c’est la première exposition Giacometti dans la région, comme ce sera aussi le cas en Chine, et elle est accompagnée d’un fort catalogue qui fait effectivement la part belle à de jeunes chercheurs. Elle offre aussi l’occasion, grâce au mécénat de Michel-Edouard Leclerc qui a permis leur restauration, de présenter pour la première fois les plâtres de deux Femmes de Venise, que leur état antérieur interdisait jusqu’alors d’exposer. FascinationChronologique, l’exposition permet de saisir un Giacometti peut-être plus intime que ce que les nombreuses rétrospectives dont il a bénéficié laissaient percevoir : des influences, ou plutôt des sources d’inspiration, d’une variété rare, puisant autant dans l’art des Cyclades que dans ceux de l’Egypte antique, des Etrusques, des Byzantins, des Africains, mais aussi des artistes qui lui sont proches comme, du temps où il était surréaliste, Salvador Dali, dont un tableau en particulier, L’Enigme de Guillaume Tell, fascinait Alberto, natif de Borgonovo (Suisse).Il est une autre énigme que pose cette exposition, c’est celle des proportions : si certaines de ses sculptures – rares – peuvent être monumentales, beaucoup sont toutes petites, voire minuscules. Une constante dans l’œuvre qui date des débuts de sa carrière : à son père, Giovanni Giacometti, peintre lui-même, qui s’énervait de le voir dessiner des poires trop petites, alors qu’on apprend aux jeunes à emplir leur composition, et le rabrouait en lui disant : « Mais fais-les donc comme tu les vois ! », Alberto aurait répondu qu’il les voyait effectivement de cette taille. De la même façon qu’un dessin classique représente les figures lointaines plus petites que les proches, Giacometti transposait dans la sculpture les lois picturales de la perspective. Pour Sartre, qui fut un de ses préfaciers, « il met la distance à portée de main, il pousse sous nos yeux une femme lointaine ».Cela ne suffit toutefois pas à expliquer la fascination que l’on ressent devant ses œuvres. Elles recèlent autre chose qu’avait perçu Jean Cocteau, lequel les décrivait comme « si solides, si légères qu’on dirait de la neige gardant les empreintes d’un oiseau ». Les nombreuses photographies de l’artiste montrent un homme qui a effectivement souvent l’allure d’un piaf tombé du nid. Mais un piaf doté d’un regard d’aigle : tous ses amis ont témoigné de l’intensité presque effrayante avec laquelle il fixait ses modèles. Il les scrutait, les dévorait des yeux. Cherchant, sinon leur âme, du moins leur humanité. Voilà ce qui émeut sans doute toujours aujourd’hui : Giacometti, c’est l’homme même.Alberto Giacometti, Fonds Hélène et Edouard Leclerc, aux Capucins, Landerneau (29). Tous les jours de 10 heures à 18 heures, jusqu’au 1er novembre. Entrée 6 €. Catalogue 216 p. 35 €.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle dessiné par Jean Prouvé en 1951. dessiné par Jean Prouvé en 1951.La maison à portique de Jean Prouvé, dite « 8×12 » (en référence à ses dimensions), propriété de Didier Quentin, député et maire (Les Républicains) de Royan (Charente-Maritime), va quitter son bord de mer, boulevard Germaine-de-la-Falaise, pour être remontée dans un lieu encore indéterminé. Elle a été vendue au galeriste Patrick Seguin, spécialiste de l’œuvre du génial ferronnier et designer de Nancy, salué par Le Corbusier et proche de l’abbé Pierre. La demande de permis de démolir – ou plus exactement de « démontage », selon le document officiel – est arrivée le 29 septembre en mairie. L’architecte conseil de la ville, Vincent du Chazaud, membre de l’association des amis de Jean Prouvé, s’en est ému : « La maison est en train de partir. » L’avis qu’il a adressé a été, dit-il, « virulent ».Issue des nombreuses recherches de Jean Prouvé (1901-1984) sur la préfabrication et l’industrialisation de l’habitat individuel pour les plus démunis, la maison 8x12 fait partie d’un groupe de pavillons identiques, dotés de structures en acier et de panneaux en aluminium. Ils avaient été commandés au lendemain de la seconde guerre mondiale par le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme (MRU). Tous sont installés à Meudon (Hauts-de-Seine) et à Roubaix-Tourcoing (Nord), sauf le prototype de Royan, le seul à ne pas être classé.Propriété de famillePosée à titre expérimental, en 1951, face à l’estuaire de la Gironde, la maison devait rassurer le MRU sur la tenue des panneaux en milieu marin. Un programme plus vaste adoptant cette technique devait s’appliquer aux bâtiments à construire sur la côte dévastée par le bombardement de janvier 1945.Soixante ans aprèsl’installation du pavillon, et en dépit de son état d’abandon, le test du MRU – qui n’a pas retenu la solution globale de Prouvé – s’est avéré positif. La 8×12 a même résisté à la tempête de 1999.La demeure est une propriété de famille. Elle a abrité l’agence d’architecture du père de Didier Quentin, Marc Quentin, ancien élève d’Auguste Perret. En 2012, le maire de Royan décida d’en faire sa permanence parlementaire. Le bâtiment s’est ensuite dégradé. Peu avant, l’élu avait reçu avec les honneurs Catherine Prouvé, la fille du constructeur, ainsi que Jean Masson, l’un de ses anciens collaborateurs, mais n’avait, semble-t-il, pas été sensible à leurs conseils pour réhabiliter la construction. « Je suis le cœur à vif avec cette histoire, explique le maire, mais c’est le seul bien que je puisse négocier rapidement : le fisc est insistant. » L’élu doit régler d’importants droits de succession, et évoque une possible dation à l’Etat, restée sans suite. Que le pavillon soit rayé du paysage patrimonial de la ville ? « Entre deux maux, il faut choisir le moindre », rétorque le maire. Soit, qu’il disparaisse avec la garantie d’être restauré, plutôt qu’abandonné sur place. Pourquoi alors ne pas l’avoir vendu in situ ? « J’ai essayé d’en convaincre Patrick Seguin. Il n’a pas été convaincu. » Une hypothèse confirmée par une modification en cours du plan cadastral. Une fois la parcelle de 700 m2, désormais nue, revendue, le maire jure veiller à ce que la future construction qui y sera édifiée « illustre l’architecture immédiatement contemporaine, l’architecture des années 2020 ». Didier Quentin dit être notamment en pourparlers avec Jean-Michel Wilmotte. L’architecte évoque, lui, un vague projet de cinéma, dont il affirme pour l’heure ignorer l’emplacement exact.« La maison de Prouvé a un sens par rapport au lieu où elle se trouve, confie le directeur du Conseil d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement de Charente-Maritime, Michel Gallice. Elle est attachée aux caractéristiques expérimentales de Royan. Mais nous n’avons qu’un pouvoir d’alerte. Eveiller les consciences. » Reste à savoir si sa singularité historique et géographique – les maisons de Prouvé sont par nature détachées de tout contexte – incitera la direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes à recourir à un classement d’office.Triste litanieBien que saluée par le MRU comme un « laboratoire d’architecture moderne », et forte d’un label « Ville d’art et d’histoire » obtenu en 2011 par l’actuel maire, Royan a multiplié les outrages contre son patrimoine architectural contemporain. Ainsi, le bâtiment de la poste centrale à la géométrie aérienne, signé en 1952 par André Ursault, est défiguré depuis 1981 par une protubérance semi-circulaire. Non loin, les courbes « tropicalistes » des galeries Botton, réalisées en 1956 par Henri-Pierre Maillard et Armand Jourdain, inspirées de l’architecture du Brésilien Francisco Bolhona, sont parasitées par des enseignes et des stands.Et que dire du casino municipal de Claude Ferret, chef de la reconstruction de Royan, dont le grand œuvre, achevé en 1961, est devenu le « halles Baltard » de la ville ? Ce monument de grâce rayonnant sur la cité a été détruit en 1985 pour être remplacé par une tour de 58 mètres, qui finalement ne verra jamais le jour… L’enlèvement du pavillon Prouvé poursuit cette triste litanie.Patrick Seguin possède vingt pavillons du constructeur nancéen, issus de différentes typologies. Il connaît celui du boulevard Germaine-de-la-Falaise depuis plus de vingt ans. « Cela fait cinq ou six ans que l’on en parle », explique le galeriste qui, pour l’acquérir, a versé « un montant important ». Deux années, dit-il, seront nécessaires pour lui « donner une nouvelle vie ». Sera-t-il revendu ? Il n’en sait rien. Cette renaissance a un prix. Une fois réhabilitées, les maisons Prouvé, conçues à l’origine pour les pauvres, se négocient jusqu’à plusieurs millions d’euros.L’affaire du pavillon Prouvé intervient après celle du bois de Belmont. Didier Quentin a en effet été condamné en juillet à verser 7 500 euros d’amende pour prise illégale d’intérêts après avoir obtenu de son conseil municipal qu’une parcelle, propriété de sa famille, passe de « zone naturelle à protéger » à « zone destinée à une urbanisation future ». « Sur le plan politique, il n’a plus de risque électoral direct, suggère cet ancien collaborateur du maire. Non-cumul des mandats oblige, il a choisi la députation. En tant que député, vendre maintenant le pavillon lui pose beaucoup moins de problème. »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Cauhapé Série sur France 2 à 20 h 55 Inspirée par la vie de Dominique Besnehard, la série « Dix pour cent » raconte le quotidien des agents artistiquesIl aurait été dommage que Dominique Besnehard garde pour lui ce qui a été sa vie durant vingt-deux ans. Une vie vouée aux acteurs et aux actrices dont il a été l’agent – et donc « le confident, le conciliateur, le psy, le punching-ball », précise-t-il –, avant qu’il ne décide, en 2007, de décrocher du métier et de se consacrer entièrement à la production. Une vie emplie jusqu’à plus soif d’anecdotes, d’histoires, de souvenirs, tout cela consigné dans une vingtaine d’agendas professionnels, qui ne demandaient qu’à s’ouvrir pour livrer la matière nécessaire – et plus qu’il n’en faut – à l’écriture d’une fiction.Dominique Besnehard ne pouvait ignorer qu’il détenait un trésor. Pensez donc ! Des névroses serties de brillants, des passions et des angoisses grand format, des caprices brodés de strass… De quoi alimenter des dizaines d’heures de récit ! Il en a rêvé longtemps. Il s’est accroché plusieurs années pour mener à bien son projet. Et il y est parvenu. Dix pour cent arrive sur France 2.Cette série raconte le quotidien d’une agence artistique à travers quatre associés aux profils distincts (inspirés de personnes réelles) : l’impétueuse Andréa (Camille Cottin), l’ambitieux Matthias (Thibault de Montalembert), le passionné Gabriel (Grégory Montel) et Arlette (Liliane Rovère), la doyenne, celle à qui on ne la fait pas. Chacun d’eux doit gérer ses acteurs, leur décrocher des rôles, les protéger, les rassurer… pour, finalement, toucher 10 % de commission sur les contrats obtenus (d’où le titre).DrôlerieTous les épisodes partent d’un fait authentique puisé dans les fameux agendas de Dominique Besnehard. L’humiliation d’une comédienne qui ne parvient pas à s’imposer dans le casting d’un long-métrage de Tarentino, deux actrices de 75 ans qui se crêpent le chignon pour obtenir le même rôle, une mère et sa fille qui se retrouvent ensemble sur un film, une star qui doit concilier maternité et cinéma, deux célébrités qui se détestent dans la vie et doivent jouer une histoire d’amour…Autant de sujets qui, évidemment, fournissent leur lot de drôlerie. Et de surprises. La première d’entre elles étant que chaque épisode – et c’est l’idée géniale de cette série – fait intervenir des acteurs de renom pour interpréter leur propre rôle. Cécile de France, Line Renaud, Françoise Fabian, Nathalie Baye, Laura Smet, Audrey Fleurot, Julie Gayet, JoeyStarr et François Berléand ont accepté de relever le défi et de s’exposer à des situations qui n’étaient pas à leur avantage. Cette dose d’autodérision dont ils ont su faire preuve n’est pas si courante en France. Une trentaine d’acteurs ont, d’ailleurs, décliné la proposition qui leur était faite de participer à la série.Il faut espérer qu’ils s’en mordent les doigts. Car, enfin, Dix pour cent bénéficie d’un excellent scénario que l’on doit à Fanny Herrero et son équipe d’auteurs (une dizaine), dont le mérite a été d’utiliser les anecdotes fournies par Dominique Besnehard sans jamais en exagérer le trait.Passionnant, respectueux et savoureuxAu contraire, l’écriture tient à bonne distance la matière dont elle s’est nourrie, évitant à la fois l’écueil de l’entre-soi et celui du voyeurisme racoleur. S’il n’était pas question d’épargner les personnages, il ne s’agissait pas non plus de les caricaturer. De même qu’il n’était pas question uniquement de faire rire, mais aussi d’émouvoir. D’où la volonté revendiquée par tous les auteurs du projet de classer la série dans le registre de la « dramédie », autrement dit un mélange d’humour et de situations dramatiques. Et cet équilibre-là est parfaitement respecté tant par les scénaristes que par les acteurs et les réalisateurs, Cédric Klapisch (par ailleurs producteur associé et directeur artistique du projet), Lola Doillon et Antoine Garceau.Il fallait, évidemment, pour conserver durant six épisodes cette élégance qui caractérise « Dix pour cent », l’expérience du milieu qui nous est décrit, la sensibilité aux personnages, qui contribuent à la comédie humaine dont on nous rend témoins, l’équilibre du propos dont l’une des ambitions est, ici, de nous faire rêver sur le monde du spectacle sans nous en exclure. « Le public doit pouvoir aussi s’identifier à ce monde, y trouver son propre vécu », souligne Dominique Besnehard, qui prend pour modèle Suits, la série américaine qui est parvenue à captiver les téléspectateurs sur le droit des affaires à travers la vie d’un grand cabinet d’avocats de Manhattan.Produit par Mon Voisin Productions et Mother Production, Dix pour cent peut se targuer de réunir une équipe qui partage la même passion pour les acteurs. Le résultat est là, passionnant, respectueux et savoureux. Probable que ceux qui ont décliné l’invitation se laisseront convaincre pour la deuxième saison prévue en cas de succès de la première.« Dix pour cent », saison 1, créée par Fanny Herrero. Avec Camille Cottin, Thibault de Montalembert, Grégory Montel, Liliane Rovère, Fanny Sideny (France, 2015, 6 x 52 min). Mercredi 14 à 20 h 55 sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> « Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot" data-slide-description="A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence."Lire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur" Jean-Gabriel Périot, réalisateur : "Je me méfie beaucoup de la mémoire telle qu'elle s'invente"" data-slide-description="Le réalisateur Jean-Gabriel Périot explique pourquoi il s'est penché sur cette période de l'histoire allemande. "C'est le dernier moment où, en Occident, on a cru à la révolution, au cinéma comme outil de lutte révolutionnaire"." data-slide-item-lie="" « Crimson Peak », film américain de Guillermo Del Toro" data-slide-description="Une jeune romancière new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui a des dons de médium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son château solé au coeur d'une lande brumeuse. Maison hantée, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro crée des enchantements inédits à partir d'ingrédients traditionnels."Lire aussi :« Crimson Peak » : L’ivresse du mélodrame gothique à l’âge numérique" Guillermo Del Toro, réalisateur : "Mon rapport à l'extraordinaire, à sa possibilité, est complètement mexicain"." data-slide-description="Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des détails qu'il a fait coudre les costumes des personnages américains de "Crimson Peak" à la machine, comme ils l'étaient au début du XXe siècle, et ceux des personnages anglais à la main. "Je voulais que le public sente que le film a été fabrqiué par une main humaine"."Lire aussi :Guillermo del Toro, architecte de cauchemars" « L’Homme irrationnel », film américain de Woody Allen" data-slide-description="Woody Allen nous revient avec un film énergique, un thriller métaphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le rôle d'Abe Lucas, professeur de philosophie séduisant qui arrive dans une petite université de la côte Est où il affole autant le corps enseignant féminin que les élèves, à commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien sûr, à un moment, la mécanique va se dérégler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'à l'accoutumée chez le maître new-yorkais."Lire aussi :« L’Homme irrationnel » : Woody Allen passe à l’action" « Mune, le gardien de la Lune », film d’animation français de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan" data-slide-description="Présenté en juin 2015 au Festival d’Annecy, ce long-métrage d’animation français invite en compagnie d’un faune maladroit nommé gardien de la Lune à une quête initiatique rythmée et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d’«Avatar»." data-slide-item-lie="" « Sametka, la chenille qui danse », programme de deux courts-métrages d’animation tchèque et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk" data-slide-description="Deux films courts, venus du glacis soviétique, composent ce programme. Il s’agit des « Vacances du lion Boniface » (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de « Sametka, la chenille qui danse » (1976), du Tchèque Zdenek Miler (auteur de la réputée « Petite taupe »). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d’une charmante fantaisie qui semble avoir un peu déserté notre époque." data-slide-item-lie="" « Par accident », film français de Camille Fontaine" data-slide-description="A la croisée du thriller et du drame social sur l’immigration, cet excellente première réalisation de la scénariste de « Coco avant Chanel » et de la série « Les Revenants » construit autour d’un banal accident de voiture et d’un duo d’actrices remarquables (Hafsia Herzi et Emilie Dequenne) une tragédie intime prenante et pertinente." data-slide-item-lie="" « C’est quoi ce travail ? », documentaire français de Luc Joulé et Sébastien Jousse" data-slide-description="Luc Joulé et Sébastien Jousse ont posé leur caméra dans l’usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en résidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s’avère pas aussi porteuse que la première. Dommage, car le film met admirablement en scène l’espace de l’usine, la répétition des tâches et les rapports de l’individu à la structure." data-slide-item-lie="" « La Forme des îles », documentaire français de Patrick Viret" data-slide-description="Fasciné par l’idée d’insularité, le cinéaste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l’histoire de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagné à être plus resserré, il n’en touche pas moins à une forme précieuse de mélancolie, celle d’une province presque imaginaire à force d’éloignement, et dessine à travers elle un territoire de rêverie où la dérive poétique redevient possible." data-slide-item-lie="" « Les Nouvelles Aventures d’Aladin », film français d’Arthur Benzaquen" data-slide-description="Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film français d'Arthur Benzaquen, "Les Nouvelles Aventures d'Aladin", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu." data-slide-item-lie="" « Belles familles », film français de Jean-Paul Rappeneau" data-slide-description="Après douze ans d'absence au cinéma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une comédie familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardières régissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'élégance à laquelle le réalisateur de "Tout feu, tout flamme" nous avait jusqu'alors habitués."Lire aussi :« Belles Familles » : le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le siècle" « Phantom Boy », film d’animation français et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli" data-slide-description="Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer prêtent leurs voix."Lire aussi :Une vie d’enfant suspendue à un trait" « Tête baissée », film français, bulgare et belge de Kamen Kalev" data-slide-description="Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercepté par la police française, est sommé d’infiltrer un réseau de proxénétisme bulgare et s’entiche de la prostituée qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l’exploitation de l’humain dans les recoins les plus miséreux d’Europe de l’Est. Sa confusion narrative est largement compensée par la densité humaine que charrie la belle mobilité de sa mise en scène."Lire aussi :« Tête baissée » : un film noir sauvé par l’amour" « 7, rue de la Folie », film belge de Jawad Rhalib" data-slide-description="Une scène du film belge de Jawad Rhalib, "7, rue de la Folie", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015." data-slide-item-lie="" « L’Etape du papillon », documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux" data-slide-description="Une scène du film documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux, "L'Etape du papillon", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas pu voir." data-slide-item-lie="" Précedent1/16Suivant« Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence.UFO DISTRIBUTIONLire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);Les raisons de pavoiser sont rares. Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Rosita Boisseau DanseLe chorégraphe grec Dimitris Papaioannou, 51 ans, ne connaît pas la crise. Et ne craint pas de le dire parce que c’est comme ça. Il a mis en scène les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques (JO) d’Athènes en 2004. Ceci explique cela. « Trois ans de travail, huit mille performeurs, résume-t-il. J’ai survécu à l’expérience, au plus gros show du monde, aux interactions entre les politiques, les producteurs, les artistes, c’était du Kafka, je l’ai fait. » Il en profite depuis. Possède une boîte de production, connaît le succès dans les plus grands théâtres d’Athènes. « Pour les JO, ils sont venus me chercher dans un squat, La Maison des artistes, que j’avais réhabilitée et où je travaillais depuis dix-sept ans avec ma compagnie, le Edafos Dance Theatre, précise-t-il. Aujourd’hui, je travaille en free-lance et je fais ce que je veux. J’ai beaucoup de chance. »Si fameux soit-il en Grèce et à l’international, ce pionnier de la danse contemporaine n’a jamais été programmé en France. Le voilà pour la première fois à l’affiche du Théâtre de la Ville, à Paris, jusqu’au 16 octobre, avec son spectacle Still Life (2014), pour sept interprètes. Une pièce matricielle sur le mythe de Sisyphe, ce « héros de la classe ouvrière », selon le chorégraphe. « Minimum de moyens, maximum de poésie »Un succès à Athènes, où il a joué à guichets fermés au Centre culturel Onassis, puis au Piraeus Theatre. « Treize mille personnes l’ont déjà vu, précise-t-il. Mais je ne reçois pas de subvention du gouvernement et je n’ai pas de convention avec un théâtre. En 2013, moment où la Grèce entrait dans une crise profonde, j’ai décidé de revenir à une grande économie en utilisant des matériaux ordinaires. Minimum de moyens, maximum de poésie. C’est la tristesse et la dépression partout et, pourtant, tout continue, mais c’est vraiment triste. »Papaioannou parle franc. Il assène des informations, ne tourne pas autour du pot, identifie sa trajectoire avec lucidité. Il résume son parcours en quelques tours de piste. En 1983, il est étudiant aux Beaux-Arts, à Athènes, auprès du peintre grec Yannis Tsarouchis, puis devient apprenti danseur auprès d’Eric Hawkins et du chorégraphe butô, Min Tanaka, à New York. Au début des années 1990, il suit de près certains spectacles de Bob Wilson. « Je suis un meilleur peintre sur scène que sur une toile, mais je ne me considère pas comme un vrai plasticien ni un vrai danseur, conclut-il. Je suis quelqu’un d’improvisé. »Improvisé, mais avec rigueur. Still Life s’enracine dans un double geste plastique et chorégraphique à l’image de son parcours. Dans la fabrique, comme sur le plateau. Papaioannou a d’abord confectionné des objets auxquels les interprètes se confrontent en répétitions. « On explore toutes les possibilités pendant quelques semaines, puis je travaille seul pendant deux mois et on se retrouve pour structurer le spectacle », raconte-t-il.Il a ainsi mis au point une énorme structure gonflable remplie de fumée ainsi qu’un matelas qui se casse comme un mur un peu mou. « La fumée provoque l’illusion du ciel, quant à la paroi, elle possède les particularités du corps humain, entre chair et os », ajoute-t-il. Et toujours cette obsession, profondément grecque, pour les ruines, les fragments, les cassures et les reconstitutions, si accidentées soient-elles. « Je tente de me rapprocher toujours un peu plus de moi. »Still Life de Dimitris Papaioannou. Théâtre de la Ville, à Paris. Du 13 au 16 octobre, à 20 h 30. Tél. : 01 42 74 22 77. De 18 à 30 euros.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Harry Bellet On ignorait qu’elle fût si bien dotée, la Fondation Giacometti. Il faut aller à Landerneau (Finistère), dans le beau bâtiment qui abrite le Fonds Hélène et Edouard Leclerc, pour se rendre compte de ses richesses, à moins de préférer Shanghaï, où la collection sera présentée au Yuz Museum en mars 2016. Née de la volonté d’Annette Giacometti, décédée en 1993, la fondation a mis du temps à sortir des limbes, puisque le décret validant son existence ne fut signé que le 6 janvier 2004 par Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, et Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, après avis favorable du ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon.Son actuelle directrice, Catherine Grenier, a manifesté la volonté de « développer les expositions à l’international, et notamment dans les pays émergents, et générer davantage de recherches et de publications chez les jeunes chercheurs sur Giacometti, artiste à la trajectoire très originale à travers le surréalisme, mais aussi les penseurs et écrivains de son temps ». On ne sait si la Bretagne est un « pays émergent », mais c’est la première exposition Giacometti dans la région, comme ce sera aussi le cas en Chine, et elle est accompagnée d’un fort catalogue qui fait effectivement la part belle à de jeunes chercheurs. Elle offre aussi l’occasion, grâce au mécénat de Michel-Edouard Leclerc qui a permis leur restauration, de présenter pour la première fois les plâtres de deux Femmes de Venise, que leur état antérieur interdisait jusqu’alors d’exposer.FascinationChronologique, l’exposition permet de saisir un Giacometti peut-être plus intime que ce que les nombreuses rétrospectives dont il a bénéficié laissaient percevoir : des influences, ou plutôt des sources d’inspiration, d’une variété rare, puisant autant dans l’art des Cyclades que dans ceux de l’Egypte antique, des Etrusques, des Byzantins, des Africains, mais aussi des artistes qui lui sont proches comme, du temps où il était surréaliste, Salvador Dali, dont un tableau en particulier, L’Enigme de Guillaume Tell, fascinait Alberto, natif de Borgonovo (Suisse).Il est une autre énigme que pose cette exposition, c’est celle des proportions : si certaines de ses sculptures – rares – peuvent être monumentales, beaucoup sont toutes petites, voire minuscules. Une constante dans l’œuvre qui date des débuts de sa carrière : à son père, Giovanni Giacometti, peintre lui-même, qui s’énervait de le voir dessiner des poires trop petites, alors qu’on apprend aux jeunes à emplir leur composition, et le rabrouait en lui disant : « Mais fais-les donc comme tu les vois ! », Alberto aurait répondu qu’il les voyait effectivement de cette taille. De la même façon qu’un dessin classique représente les figures lointaines plus petites que les proches, Giacometti transposait dans la sculpture les lois picturales de la perspective. Pour Sartre, qui fut un de ses préfaciers, « il met la distance à portée de main, il pousse sous nos yeux une femme lointaine ».Cela ne suffit toutefois pas à expliquer la fascination que l’on ressent devant ses œuvres. Elles recèlent autre chose qu’avait perçu Jean Cocteau, lequel les décrivait comme « si solides, si légères qu’on dirait de la neige gardant les empreintes d’un oiseau ». Les nombreuses photographies de l’artiste montrent un homme qui a effectivement souvent l’allure d’un piaf tombé du nid. Mais un piaf doté d’un regard d’aigle : tous ses amis ont témoigné de l’intensité presque effrayante avec laquelle il fixait ses modèles. Il les scrutait, les dévorait des yeux. Cherchant, sinon leur âme, du moins leur humanité. Voilà ce qui émeut sans doute toujours aujourd’hui : Giacometti, c’est l’homme même.Alberto Giacometti, Fonds Hélène et Edouard Leclerc, aux Capucins, Landerneau (29). Tous les jours de 10 heures à 18 heures, jusqu’au 1er novembre. Entrée 6 €. Catalogue 216 p. 35 €.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle dessiné par Jean Prouvé en 1951. dessiné par Jean Prouvé en 1951.La maison à portique de Jean Prouvé, dite « 8×12 » (en référence à ses dimensions), propriété de Didier Quentin, député et maire (Les Républicains) de Royan (Charente-Maritime), va quitter son bord de mer, boulevard Germaine-de-la-Falaise, pour être remontée dans un lieu encore indéterminé. Elle a été vendue au galeriste Patrick Seguin, spécialiste de l’œuvre du génial ferronnier et designer de Nancy, salué par Le Corbusier et proche de l’abbé Pierre. La demande de permis de démolir – ou plus exactement de « démontage », selon le document officiel – est arrivée le 29 septembre en mairie. L’architecte conseil de la ville, Vincent du Chazaud, membre de l’association des amis de Jean Prouvé, s’en est ému : « La maison est en train de partir. » L’avis qu’il a adressé a été, dit-il, « virulent ».Issue des nombreuses recherches de Jean Prouvé (1901-1984) sur la préfabrication et l’industrialisation de l’habitat individuel pour les plus démunis, la maison 8x12 fait partie d’un groupe de pavillons identiques, dotés de structures en acier et de panneaux en aluminium. Ils avaient été commandés au lendemain de la seconde guerre mondiale par le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme (MRU). Tous sont installés à Meudon (Hauts-de-Seine) et à Roubaix-Tourcoing (Nord), sauf le prototype de Royan, le seul à ne pas être classé.Propriété de famillePosée à titre expérimental, en 1951, face à l’estuaire de la Gironde, la maison devait rassurer le MRU sur la tenue des panneaux en milieu marin. Un programme plus vaste adoptant cette technique devait s’appliquer aux bâtiments à construire sur la côte dévastée par le bombardement de janvier 1945.Soixante ans aprèsl’installation du pavillon, et en dépit de son état d’abandon, le test du MRU – qui n’a pas retenu la solution globale de Prouvé – s’est avéré positif. La 8×12 a même résisté à la tempête de 1999.La demeure est une propriété de famille. Elle a abrité l’agence d’architecture du père de Didier Quentin, Marc Quentin, ancien élève d’Auguste Perret. En 2012, le maire de Royan décida d’en faire sa permanence parlementaire. Le bâtiment s’est ensuite dégradé. Peu avant, l’élu avait reçu avec les honneurs Catherine Prouvé, la fille du constructeur, ainsi que Jean Masson, l’un de ses anciens collaborateurs, mais n’avait, semble-t-il, pas été sensible à leurs conseils pour réhabiliter la construction. « Je suis le cœur à vif avec cette histoire, explique le maire, mais c’est le seul bien que je puisse négocier rapidement : le fisc est insistant. » L’élu doit régler d’importants droits de succession, et évoque une possible dation à l’Etat, restée sans suite. Que le pavillon soit rayé du paysage patrimonial de la ville ? « Entre deux maux, il faut choisir le moindre », rétorque le maire. Soit, qu’il disparaisse avec la garantie d’être restauré, plutôt qu’abandonné sur place. Pourquoi alors ne pas l’avoir vendu in situ ? « J’ai essayé d’en convaincre Patrick Seguin. Il n’a pas été convaincu. » Une hypothèse confirmée par une modification en cours du plan cadastral. Une fois la parcelle de 700 m2, désormais nue, revendue, le maire jure veiller à ce que la future construction qui y sera édifiée « illustre l’architecture immédiatement contemporaine, l’architecture des années 2020 ». Didier Quentin dit être notamment en pourparlers avec Jean-Michel Wilmotte. L’architecte évoque, lui, un vague projet de cinéma, dont il affirme pour l’heure ignorer l’emplacement exact.« La maison de Prouvé a un sens par rapport au lieu où elle se trouve, confie le directeur du Conseil d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement de Charente-Maritime, Michel Gallice. Elle est attachée aux caractéristiques expérimentales de Royan. Mais nous n’avons qu’un pouvoir d’alerte. Eveiller les consciences. » Reste à savoir si sa singularité historique et géographique – les maisons de Prouvé sont par nature détachées de tout contexte – incitera la direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes à recourir à un classement d’office.Triste litanieBien que saluée par le MRU comme un « laboratoire d’architecture moderne », et forte d’un label « Ville d’art et d’histoire » obtenu en 2011 par l’actuel maire, Royan a multiplié les outrages contre son patrimoine architectural contemporain. Ainsi, le bâtiment de la poste centrale à la géométrie aérienne, signé en 1952 par André Ursault, est défiguré depuis 1981 par une protubérance semi-circulaire. Non loin, les courbes « tropicalistes » des galeries Botton, réalisées en 1956 par Henri-Pierre Maillard et Armand Jourdain, inspirées de l’architecture du Brésilien Francisco Bolhona, sont parasitées par des enseignes et des stands.Et que dire du casino municipal de Claude Ferret, chef de la reconstruction de Royan, dont le grand œuvre, achevé en 1961, est devenu le « halles Baltard » de la ville ? Ce monument de grâce rayonnant sur la cité a été détruit en 1985 pour être remplacé par une tour de 58 mètres, qui finalement ne verra jamais le jour… L’enlèvement du pavillon Prouvé poursuit cette triste litanie.Patrick Seguin possède vingt pavillons du constructeur nancéen, issus de différentes typologies. Il connaît celui du boulevard Germaine-de-la-Falaise depuis plus de vingt ans. « Cela fait cinq ou six ans que l’on en parle », explique le galeriste qui, pour l’acquérir, a versé « un montant important ». Deux années, dit-il, seront nécessaires pour lui « donner une nouvelle vie ». Sera-t-il revendu ? Il n’en sait rien. Cette renaissance a un prix. Une fois réhabilitées, les maisons Prouvé, conçues à l’origine pour les pauvres, se négocient jusqu’à plusieurs millions d’euros.L’affaire du pavillon Prouvé intervient après celle du bois de Belmont. Didier Quentin a en effet été condamné en juillet à verser 7 500 euros d’amende pour prise illégale d’intérêts après avoir obtenu de son conseil municipal qu’une parcelle, propriété de sa famille, passe de « zone naturelle à protéger » à « zone destinée à une urbanisation future ». « Sur le plan politique, il n’a plus de risque électoral direct, suggère cet ancien collaborateur du maire. Non-cumul des mandats oblige, il a choisi la députation. En tant que député, vendre maintenant le pavillon lui pose beaucoup moins de problème. »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Cauhapé Série sur France 2 à 20 h 55 Inspirée par la vie de Dominique Besnehard, la série « Dix pour cent » raconte le quotidien des agents artistiquesIl aurait été dommage que Dominique Besnehard garde pour lui ce qui a été sa vie durant vingt-deux ans. Une vie vouée aux acteurs et aux actrices dont il a été l’agent – et donc « le confident, le conciliateur, le psy, le punching-ball », précise-t-il –, avant qu’il ne décide, en 2007, de décrocher du métier et de se consacrer entièrement à la production. Une vie emplie jusqu’à plus soif d’anecdotes, d’histoires, de souvenirs, tout cela consigné dans une vingtaine d’agendas professionnels, qui ne demandaient qu’à s’ouvrir pour livrer la matière nécessaire – et plus qu’il n’en faut – à l’écriture d’une fiction.Dominique Besnehard ne pouvait ignorer qu’il détenait un trésor. Pensez donc ! Des névroses serties de brillants, des passions et des angoisses grand format, des caprices brodés de strass… De quoi alimenter des dizaines d’heures de récit ! Il en a rêvé longtemps. Il s’est accroché plusieurs années pour mener à bien son projet. Et il y est parvenu. Dix pour cent arrive sur France 2.Cette série raconte le quotidien d’une agence artistique à travers quatre associés aux profils distincts (inspirés de personnes réelles) : l’impétueuse Andréa (Camille Cottin), l’ambitieux Matthias (Thibault de Montalembert), le passionné Gabriel (Grégory Montel) et Arlette (Liliane Rovère), la doyenne, celle à qui on ne la fait pas. Chacun d’eux doit gérer ses acteurs, leur décrocher des rôles, les protéger, les rassurer… pour, finalement, toucher 10 % de commission sur les contrats obtenus (d’où le titre).DrôlerieTous les épisodes partent d’un fait authentique puisé dans les fameux agendas de Dominique Besnehard. L’humiliation d’une comédienne qui ne parvient pas à s’imposer dans le casting d’un long-métrage de Tarentino, deux actrices de 75 ans qui se crêpent le chignon pour obtenir le même rôle, une mère et sa fille qui se retrouvent ensemble sur un film, une star qui doit concilier maternité et cinéma, deux célébrités qui se détestent dans la vie et doivent jouer une histoire d’amour…Autant de sujets qui, évidemment, fournissent leur lot de drôlerie. Et de surprises. La première d’entre elles étant que chaque épisode – et c’est l’idée géniale de cette série – fait intervenir des acteurs de renom pour interpréter leur propre rôle. Cécile de France, Line Renaud, Françoise Fabian, Nathalie Baye, Laura Smet, Audrey Fleurot, Julie Gayet, JoeyStarr et François Berléand ont accepté de relever le défi et de s’exposer à des situations qui n’étaient pas à leur avantage. Cette dose d’autodérision dont ils ont su faire preuve n’est pas si courante en France. Une trentaine d’acteurs ont, d’ailleurs, décliné la proposition qui leur était faite de participer à la série.Il faut espérer qu’ils s’en mordent les doigts. Car, enfin, Dix pour cent bénéficie d’un excellent scénario que l’on doit à Fanny Herrero et son équipe d’auteurs (une dizaine), dont le mérite a été d’utiliser les anecdotes fournies par Dominique Besnehard sans jamais en exagérer le trait.Passionnant, respectueux et savoureuxAu contraire, l’écriture tient à bonne distance la matière dont elle s’est nourrie, évitant à la fois l’écueil de l’entre-soi et celui du voyeurisme racoleur. S’il n’était pas question d’épargner les personnages, il ne s’agissait pas non plus de les caricaturer. De même qu’il n’était pas question uniquement de faire rire, mais aussi d’émouvoir. D’où la volonté revendiquée par tous les auteurs du projet de classer la série dans le registre de la « dramédie », autrement dit un mélange d’humour et de situations dramatiques. Et cet équilibre-là est parfaitement respecté tant par les scénaristes que par les acteurs et les réalisateurs, Cédric Klapisch (par ailleurs producteur associé et directeur artistique du projet), Lola Doillon et Antoine Garceau.Il fallait, évidemment, pour conserver durant six épisodes cette élégance qui caractérise « Dix pour cent », l’expérience du milieu qui nous est décrit, la sensibilité aux personnages, qui contribuent à la comédie humaine dont on nous rend témoins, l’équilibre du propos dont l’une des ambitions est, ici, de nous faire rêver sur le monde du spectacle sans nous en exclure. « Le public doit pouvoir aussi s’identifier à ce monde, y trouver son propre vécu », souligne Dominique Besnehard, qui prend pour modèle Suits, la série américaine qui est parvenue à captiver les téléspectateurs sur le droit des affaires à travers la vie d’un grand cabinet d’avocats de Manhattan.Produit par Mon Voisin Productions et Mother Production, Dix pour cent peut se targuer de réunir une équipe qui partage la même passion pour les acteurs. Le résultat est là, passionnant, respectueux et savoureux. Probable que ceux qui ont décliné l’invitation se laisseront convaincre pour la deuxième saison prévue en cas de succès de la première.« Dix pour cent », saison 1, créée par Fanny Herrero. Avec Camille Cottin, Thibault de Montalembert, Grégory Montel, Liliane Rovère, Fanny Sideny (France, 2015, 6 x 52 min). Mercredi 14 à 20 h 55 sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-561e11801375d'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Une jeunesse allemande \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Jean-Gabriel P\u00e9riot - A l'aide d'images d'archives rares, assembl\u00e9es sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel P\u00e9riot \u00e9claire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande \u00e0 Baader au sein de la Fraction arm\u00e9e rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse id\u00e9aliste, en col\u00e8re contre l'h\u00e9ritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au d\u00e9cha\u00eenement de violence.\r\nCr\u00e9dits : UFO DISTRIBUTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0Une jeunesse allemande\u00a0\u00bb\u00a0: de la r\u00e9volte \u00e0 la terreur\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Une jeunesse allemande \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Jean-Gabriel P\u00e9riot","legende":"A l'aide d'images d'archives rares, assembl\u00e9es sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel P\u00e9riot \u00e9claire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande \u00e0 Baader au sein de la Fraction arm\u00e9e rouge. 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Maison hant\u00e9e, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro cr\u00e9e des enchantements in\u00e9dits \u00e0 partir d'ingr\u00e9dients traditionnels.\r\nCr\u00e9dits : UNIVERSAL PICTURES\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0Crimson Peak\u00a0\u00bb\u00a0: L\u2019ivresse du m\u00e9lodrame gothique \u00e0 l\u2019\u00e2ge num\u00e9rique\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Crimson Peak \u00bb, film am\u00e9ricain de Guillermo Del Toro","legende":"Une jeune romanci\u00e8re new-yorkaise de la fin du XIXe si\u00e8cle, qui a des dons de m\u00e9dium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son ch\u00e2teau sol\u00e9 au coeur d'une lande brumeuse. 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Bien s\u00fbr, \u00e0 un moment, la m\u00e9canique va se d\u00e9r\u00e9gler et s'emballer. 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Il s\u2019agit des \u00ab Vacances du lion Boniface \u00bb (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de \u00ab Sametka, la chenille qui danse \u00bb (1976), du Tch\u00e8que Zdenek Miler (auteur de la r\u00e9put\u00e9e \u00ab Petite taupe \u00bb). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d\u2019une charmante fantaisie qui semble avoir un peu d\u00e9sert\u00e9 notre \u00e9poque.\r\nCr\u00e9dits : CINÉMA PUBLIC FILMS\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Sametka, la chenille qui danse \u00bb, programme de deux courts-m\u00e9trages d\u2019animation tch\u00e8que et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk","legende":"Deux films courts, venus du glacis sovi\u00e9tique, composent ce programme. 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Malheureusement, cette seconde piste ne s\u2019av\u00e8re pas aussi porteuse que la premi\u00e8re. Dommage, car le film met admirablement en sc\u00e8ne l\u2019espace de l\u2019usine, la r\u00e9p\u00e9tition des t\u00e2ches et les rapports de l\u2019individu \u00e0 la structure.\r\nCr\u00e9dits : SHELLAC\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab C\u2019est quoi ce travail ? \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Luc Joul\u00e9 et S\u00e9bastien Jousse","legende":"Luc Joul\u00e9 et S\u00e9bastien Jousse ont pos\u00e9 leur cam\u00e9ra dans l\u2019usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en r\u00e9sidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s\u2019av\u00e8re pas aussi porteuse que la premi\u00e8re. Dommage, car le film met admirablement en sc\u00e8ne l\u2019espace de l\u2019usine, la r\u00e9p\u00e9tition des t\u00e2ches et les rapports de l\u2019individu \u00e0 la structure.","source":"SHELLAC","index":8,"position":9,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_8.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 10 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab La Forme des \u00eeles \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Patrick Viret - Fascin\u00e9 par l\u2019id\u00e9e d\u2019insularit\u00e9, le cin\u00e9aste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l\u2019histoire de l\u2019archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagn\u00e9 \u00e0 \u00eatre plus resserr\u00e9, il n\u2019en touche pas moins \u00e0 une forme pr\u00e9cieuse de m\u00e9lancolie, celle d\u2019une province presque imaginaire \u00e0 force d\u2019\u00e9loignement, et dessine \u00e0 travers elle un territoire de r\u00eaverie o\u00f9 la d\u00e9rive po\u00e9tique redevient possible.\r\nCr\u00e9dits : LES FILMS DU VIADUC\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab La Forme des \u00eeles \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Patrick Viret","legende":"Fascin\u00e9 par l\u2019id\u00e9e d\u2019insularit\u00e9, le cin\u00e9aste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l\u2019histoire de l\u2019archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagn\u00e9 \u00e0 \u00eatre plus resserr\u00e9, il n\u2019en touche pas moins \u00e0 une forme pr\u00e9cieuse de m\u00e9lancolie, celle d\u2019une province presque imaginaire \u00e0 force d\u2019\u00e9loignement, et dessine \u00e0 travers elle un territoire de r\u00eaverie o\u00f9 la d\u00e9rive po\u00e9tique redevient possible.","source":"LES FILMS DU VIADUC","index":9,"position":10,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_9.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 11 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Les Nouvelles Aventures d\u2019Aladin \u00bb, film fran\u00e7ais d\u2019Arthur Benzaquen - Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film fran\u00e7ais d'Arthur Benzaquen, \"Les Nouvelles Aventures d'Aladin\", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu.\r\nCr\u00e9dits : ROGER DO MINH\/PATHÉ DISTRIBUTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Les Nouvelles Aventures d\u2019Aladin \u00bb, film fran\u00e7ais d\u2019Arthur Benzaquen","legende":"Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film fran\u00e7ais d'Arthur Benzaquen, \"Les Nouvelles Aventures d'Aladin\", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu.","source":"ROGER DO MINH\/PATH\u00c9 DISTRIBUTION","index":10,"position":11,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_10.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 12 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Belles familles \u00bb, film fran\u00e7ais de Jean-Paul Rappeneau - Apr\u00e8s douze ans d'absence au cin\u00e9ma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une com\u00e9die familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, Andr\u00e9 Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardi\u00e8res r\u00e9gissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'\u00e9l\u00e9gance \u00e0 laquelle le r\u00e9alisateur de \"Tout feu, tout flamme\" nous avait jusqu'alors habitu\u00e9s.\r\nCr\u00e9dits : JÉRÔME PRÉBOIS\/ARP SÉLECTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0Belles Familles\u00a0\u00bb\u00a0: le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le si\u00e8cle\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Belles familles \u00bb, film fran\u00e7ais de Jean-Paul Rappeneau","legende":"Apr\u00e8s douze ans d'absence au cin\u00e9ma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une com\u00e9die familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, Andr\u00e9 Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardi\u00e8res r\u00e9gissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'\u00e9l\u00e9gance \u00e0 laquelle le r\u00e9alisateur de \"Tout feu, tout flamme\" nous avait jusqu'alors habitu\u00e9s.","source":"J\u00c9R\u00d4ME PR\u00c9BOIS\/ARP S\u00c9LECTION","index":11,"position":12,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"\u00ab\u00a0Belles Familles\u00a0\u00bb\u00a0: le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le si\u00e8cle","link":"\/cinema\/article\/2015\/10\/13\/belles-familles-le-retour-de-jean-paul-rappeneau-dans-le-siecle_4788606_3476.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_11.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 13 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Phantom Boy \u00bb, film d\u2019animation fran\u00e7ais et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli - Apr\u00e8s \"Une vie de chat\", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer pr\u00eatent leurs voix.\r\nCr\u00e9dits : DIAPHANA DISTRIBUTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nUne vie d\u2019enfant suspendue \u00e0 un trait\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Phantom Boy \u00bb, film d\u2019animation fran\u00e7ais et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli","legende":"Apr\u00e8s \"Une vie de chat\", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer pr\u00eatent leurs voix.","source":"DIAPHANA DISTRIBUTION","index":12,"position":13,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"Une vie d\u2019enfant suspendue \u00e0 un trait","link":"\/cinema\/article\/2015\/10\/13\/une-vie-d-enfant-suspendue-a-un-trait_4788569_3476.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_12.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 14 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab T\u00eate baiss\u00e9e \u00bb, film fran\u00e7ais, bulgare et belge de Kamen Kalev - Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercept\u00e9 par la police fran\u00e7aise, est somm\u00e9 d\u2019infiltrer un r\u00e9seau de prox\u00e9n\u00e9tisme bulgare et s\u2019entiche de la prostitu\u00e9e qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l\u2019exploitation de l\u2019humain dans les recoins les plus mis\u00e9reux d\u2019Europe de l\u2019Est. Sa confusion narrative est largement compens\u00e9e par la densit\u00e9 humaine que charrie la belle mobilit\u00e9 de sa mise en sc\u00e8ne.\r\nCr\u00e9dits : LE PACTE\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0T\u00eate baiss\u00e9e\u00a0\u00bb\u00a0: un film noir sauv\u00e9 par l\u2019amour\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab T\u00eate baiss\u00e9e \u00bb, film fran\u00e7ais, bulgare et belge de Kamen Kalev","legende":"Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercept\u00e9 par la police fran\u00e7aise, est somm\u00e9 d\u2019infiltrer un r\u00e9seau de prox\u00e9n\u00e9tisme bulgare et s\u2019entiche de la prostitu\u00e9e qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l\u2019exploitation de l\u2019humain dans les recoins les plus mis\u00e9reux d\u2019Europe de l\u2019Est. 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Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot La photographe Hilla Becher, qui avait immortalisé avec son mari Bernd Becher le patrimoine industriel de l’Allemagne, est morte à Düsseldorf, à l’âge de 81 ans, le samedi 10 octobre. Avec son mari Bernd Becher, elle s’était fait connaître pour ses séries de photographies en noir et blanc, très frontales et sans fantaisie, prises selon un protocole immuable, toujours sur un ciel neutre. Cette façon de travailler par séries, en alignant sur les murs des haut-fourneaux, chateaux d’eau, silos, gazomètres quasiment identiques et pourtant tous différents, avait valu au duo l’attention des plus grands musées de la planète. Leur travail documentaire, exposé à la documenta de Kassel en 1972, a connu le succès quand il a été découvert et adoubé par une génération d’artistes conceptuels qui apprécient leur recueil de formes pures.> Lire aussi : « Hilla Becher, la mémoire industrielle » (édition abonnés)Les époux ont aussi marqué toute une génération en tant qu’enseignants: à l’Académie de Düsseldorf, où ils avaient créé un studio photo, ils ont vu passer des élèves plus qu’illustres, de Gerard Richter à Sigmar Polke. Bernd Becher a aussi eu comme élèves les maîtres de ce qui sera appelé « l’école allemande » de photographie : Thomas Ruff, Thomas Struth, Andreas Gursky, Candida Höfer, qui tous ont hérité de leurs prédécesseurs un goût pour l’objectivité, la froideur et la distance - même s’ils s’en sont pour beaucoup éloignés ensuite.> Lire aussi : « Etat des lieux du monde industriel par le couple Becher » (édition abonnés)Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Samuel Blumenfeld La première de son nouveau spectacle, “On ne peut pas rire de tout”, a eu lieu au lendemain des attentats contre “Charlie”. Sa reprise à la Gaîté-Montparnasse est l'occasion d'évoquer avec le comédien les limites du rire. Vous reprenez votre spectacle, inauguré peu après les attentats de janvier. Dans quel état d'esprit était le public ? Et qu'est-ce que cela a changé pour vous ? L'actualité s'est emparée de mon spectacle, ce qui a changé beaucoup de choses. Car les phrases dites la veille peuvent prendre un sens très différent le lendemain. Mais il y a un avantage à construire ses textes en amont : ils résistent plus facilement au temps, à l'actualité. Je voulais absolument éviter l'écueil du spectacle citoyen, et c'était le plus grand danger après l'attentat contre Charlie Hebdo. Tous les spectateurs ne sont peut-être pas sensibles à ce qu'écrit et dessine le journal. Lire aussi : L’affiche de Patrick Timsit refusée par JCDecauxCombien de temps a pris l'écriture de votre spectacle ? Un an, avec mes deux collaborateurs, Bruno Gaccio et Jean-François Halin. On est minimum, sur un an, à cinq rendez-vous par semaine, de quatre heures par jour. Au départ, j'expose les sujets car c'est moi qui serai sur scène. Il faut assumer ce qu'on va dire. Il y a plein de choses a priori drôles qui seront éliminées pour cette raison. Cet été, j'ai revu quatre fois par semaine Jean-François Halin, puis Ahmed Hamidi, mon metteur en scène, même s'il s'agit en principe d'un spectacle qui a été rodé au Rond-Point. La construction d'un spectacle se fait toujours avec le public, avec des choses à déplacer, à dire différemment, voire à supprimer. C'est un très long travail d'écriture, mes collaborateurs n'en peuvent plus ! Et puis, c'est très injuste, il y a parfois des inspirations : on écrit en cinq minutes, mais c'est justement parce qu'on y a passé toutes ces heures qu'on obtient des fulgurances.“Mon souci n'est pas de savoir si l'on peut rire des musulmans ou des juifs. La question est autre : que veut-on dire sur eux ?”La question de rire de tout - à commencer par les minorités - est au cœur de votre spectacle. Tout comme celle des limites du rire... Bien avant Charlie, j'avais un sketch intitulé Ils sont partout, qui ciblait juifs, catholiques et musulmans. Je n'ai jamais eu de retombées négatives ou de menaces. Sur les sujets que l'on aborde, il faut cerner ceux qui peuvent vous mettre en danger. Quand je dis en danger, je ne parle pas de me faire tirer dessus. Le premier danger, pour moi, est celui de ne pas être drôle. Si un sujet est mal interprété, il sera pris comme une offense. Mon souci n'est pas de savoir si l'on peut rire des musulmans ou des juifs. La question est autre : que veut-on dire sur eux ?A la fin des années 1990, on vous avait reproché un sketch sur les handicapés. Que vous évoque cet épisode aujourd'hui ? En fait, à l'époque, j'ai eu des problèmes avec les valides au sujet des handicapés, jamais avec les handicapés eux-mêmes. Lors de mon procès, qui avait eu lieu alors que l'interdiction du lancer de nain venait d'être prononcée au nom de la maltraitance, j'avais expliqué la chose suivante : de mon point de vue, il y a deux possibilités, sur scène, pour relater cette décision. Je peux dire : « Le lancer de nains est désormais interdit, il était temps » - ce qui n'est pas drôle. Ou alors, plus audacieux : « On vient d'interdire le lancer de nain, dire que j'ai passé trente-trois ans sans lancer un nain alors que j'avais le droit de lancer tous les nains que je voulais ! » Et là, j'obtiens un rire. C'est mon métier. Après cette réflexion, le président du tribunal a décidé d'en rester là. Je ne fais rien pour faire souffrir, ce n'est pas ma mission.« On ne peut pas rire de tout », au théâtre de la Gaîté-Montparnasse. 26, Rue de la Gaîté, Paris 14e. Tél. : 01-43-22-16-18. Jusqu'au 3 janvier 2016. www.gaite.frSamuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.10.2015 à 04h22 • Mis à jour le13.10.2015 à 07h40 Le saxophoniste des Stooges, l’Américain Steve MacKay, est mort des suites d’une infection à l’âge de 66 ans, a annoncé dimanche 11 octobre son camarade Iggy Pop, qui l’avait repéré dans les années 1970. Il combattait une infection générale et grave de l’organisme.MacKay était surtout connu pour son rôle dans le deuxième album du groupe américain, Fun House, sorti en 1970, dans lequel son saxophone tonitruant et libre affirmait une présence rare dans le rock de l’époque, qui se méfiait de cet instrument estampillé jazz et musique savante, adulte. Malgré son influence, Steve MacKay est renvoyé après seulement six mois au sein du groupe, dont les premiers concerts étaient connus pour leur irrégularité, alimentée par la consommation d’héroïne.Le groupe est reformé en 2003 par Iggy Pop, qui décide après une longue carrière solo de rappeler Steve MacKay. Dans l’intervalle de plusieurs décennies qui sépare ces deux périodes Stooges, le saxophoniste joue pour plusieurs groupes, dont The Violent Femmes, groupe punk de Milwaukee (Wisconsin, nord).« Steve était un Américain typique des années 1960, plein de générosité et d’amour pour tous ceux qu’il rencontrait », a affirmé Iggy Pop dimanche 11 octobre. « A chaque fois qu’il portait son saxo à ses lèvres et jouait, il illuminait mon chemin et égayait le monde entier. » Après s’être exilé un temps à Amsterdam pour jouer avec des groupes en Europe, Steve MacKay était revenu dans le Michigan, dans le nord des Etats-Unis, où il avait un petit groupe, Carnal Kitchen. Iggy Pop demeure le seul membre vivant de la formation originale des Stooges, avant la formation avec le guitariste James Williamson.  Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.En 1948 : « « Elle ramasse littéralement tout... »Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit : « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ».Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956). Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici venu le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express :« C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Hugo Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que diriger une télévision Leur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières société française à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994 elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Mercredi 14 octobre, la Philharmonie de Paris accueillait les débuts très attendus du chef d’orchestre Lionel Bringuier à la tête de l’Orchestre de Paris. Le Niçois s’était déjà produit plusieurs fois à Pleyel avec l’Orchestre philharmonique de Radio-France, avait aussi dirigé à la Bastille, en 2014, l’Orchestre de l’Opéra de Paris. Disons-le tout de suite, l’impression est restée mitigée.A 29 ans, le jeune Bringuier affiche pourtant des états de service à faire des envieux : une carrière précoce, d’emblée sous les projecteurs (il dirige pour les Victoires de la musique à la télévision à 14 ans), suivie par un Premier Prix à l’unanimité, et à 19 ans, au Concours international des chefs d’orchestre de Besançon en 2005.Mais le petit jeune homme brun à la carrure découplée est plutôt du genre « qui va piano va sano ». Ses premiers postes sont discrets – chef associé auprès de l’Orchestre de Bretagne puis de l’Orchestre de chambre de Paris (ex-Ensemble orchestral de Paris) – malgré le boum des années Los Angeles. En 2007, le Français a défrayé la chronique en devançant quelque 150 candidats au poste d’assistant d’Esa-Pekka Salonen au Philharmonique de Los Angeles. Six années durant lesquelles Bringuier, tout en donnant des concerts un peu partout, gravit les échelons (chef assistant, associé, puis résident), conquiert le respect du public, l’amitié du nouveau patron du LA Phil, Gustavo Dudamel.2014 a sonné le retour en Europe : le Niçois est aujourd’hui chef principal et directeur musical de l’Orchestre de la Tonnhalle de Zurich et vient de sortir chez Decca un enregistrement du Deuxième concerto, de Chopin avec la star brésilienne du piano, Nelson Freire. Il ne s’est toujours pas monté la tête ni haussé du col.Une direction à angle droitVenons-en au fait. La concert a commencé avec Con brio, une pièce virtuose et un peu creuse écrite en hommage à Beethoven par le compositeur allemand Jörg Widmann (que Bringuier s’est associé pour un an à Zurich). Avant le fameux Concerto pour piano op. 54, de Schumann que le chef dirige en suivant à la lettre les humeurs du fantasque Martin Helmchen. Le jeune pianiste allemand a le physique fin et racé du poème de Verlaine à la mémoire de Lucien Létinois, Il patinait merveilleusement.C’est aussi un homme pressé. Des tempos en route pour les urgences, jeu et phrasé rhapsodiques, ce piano est fougueux, ardent, un tantinet précieux tant il semble la proie d’élans aussi vitaux qu’incontrôlables. Le premier mouvement a délivré ses paysages chambristes et contrastés avant l’introspection plus inquiétante d’un « Intermezzo » dépourvu d’élégie. Très articulé (et presque un peu rock’n’roll), le « Finale » en découdra, le clavier et l’orchestre prenant des allures de duellistes. Helmchen a déployé une vision résolument tournée vers la musique de l’avenir, ce que viendra corroborer le bis à connotation prémonitoire – L’Oiseau prophète.Après la courte pièce de musique contemporaine et l’exercice du concerto, l’ouverture-fantaisie de Roméo et Juliette, de Tchaïkovski. L’occasion rêvée pour Lionel Bringuier de faire sa véritable entrée en matière. La battue est solide, le geste sobre, efficace. La musique sonne, sans fausse route. Mais manque de mystère et de poésie. C’est un beau travail soigné d’artisan. Comme dans ces Danses de Galanta, de Kodaly, à la carrure un rien trop métrique, aux couleurs trop peu sensuelles, à la nostalgie dépourvue de profondeur. Une direction à angle droit qui ignore les charmes du rubato et l’ivresse des chemins de traverse.Philharmonie de Paris, Paris 19e. Prochain concert avec l’Orchestre de Cleveland, le Chœur de l’Orchestre de Paris, Franz Welser-Möst (direction). Le 19 octobre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 85 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 19.10.2015 à 12h27 • Mis à jour le19.10.2015 à 13h21 | Raphaëlle Rérolle et Ariane Chemin Lundi 19 octobre, à Turin, un tribunal décidera si, oui ou non, Erri De Luca, 65 ans, l’écrivain italien le plus lu en France, est coupable d’« incitation au sabotage ».C’est l’épilogue d’une affaire qui remonte à septembre 2013. Dans un entretien au site italien du Huffington Post, Erri De Luca évoquait alors son combat contre le percement d’un tunnel de 57 kilomètres pour le futur TGV Lyon-Turin. Un projet, qui, depuis près de dix ans, dresse contre lui écologistes et habitants des vallées montagnardes, en particulier ceux du val de Suse, dans le Piémont italien, pour qui la montagne est bourrée d’amiante, les sources d’eau risquent de se tarir, la ligne traditionnelle est sous-utilisée et le futur tracé passera à 25 kilomètres de Lyon.L’écrivain alpiniste Erri De Luca, qui s’est placé sous les bannières « No TAV » (Treno Alta Velocità, l’équivalent du TGV), explique en 2013 au journal italien : « Les sabotages sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est une œuvre nuisible et inutile. »Lire aussi :L’expression libre d’Erri De LucaProcès pour « incitation à la délinquance »Cette phrase fait bondir les dirigeants de Lyon-Turin Ferroviaire (LTF), une société mixte franco-italienne installée à Chambéry, devenue Tunnel euralpin Lyon-Turin (TELT), présidée par un haut fonctionnaire français, et dont l’Etat français est directement actionnaire à 50 %. L’autre moitié appartient aux chemins de fer italiens (FS, Ferrovie dello State). Ils portent plainte pour « incitation à la délinquance ». L’offensive juridique s’appuie sur un article du code pénal italien, élaboré en 1930, qui punit l’instigation de crimes terroristes.Le romancier défend, lui, son droit à émettre une « opinion » et n’hésite pas à répéter : « La TAV doit être sabotée ». Au début de 2015, un long procès s’ouvre à Turin, dont l’audience, lundi, sera la cinquième et ultime.Lire aussi :Lyon-Turin : huit mois de prison requis contre Erri de Luca pour « incitation au sabotage »De nombreuses pétitions de soutienDepuis la fin de février, des pétitions se sont multipliées, françaises surtout, qui invoquent la « liberté d’expression » et réclament le retrait de la plainte à l’Etat français et à l’Etat italien, tous deux actionnaires.Ecrivains (Annie Ernaux, Daniel Pennac, Philippe Claudel), artistes (comme le sculpteur Daniel Buren), cinéastes (Pascale Ferran, Arnaud Desplechin, Jacques Audiard, Wim Wenders ou Costa-Gavras), acteurs (Isabelle Huppert, Mathieu Amalric), mais aussi près d’une centaine d’avocats (dont Georges Kiejman et Eric Dupond-Moretti) ont « signé » pour « Erri ». Tout comme Martine Aubry, la maire (PS) de Lille.Erri De Luca, militant d’extrême gauche avant d’être écrivainJugés scandaleux par la société ferroviaire, les propos d’Erri De Luca ne surprennent guère ceux qui le connaissent. Avant d’être un écrivain à succès, ce Napolitain solitaire fut un militant d’extrême gauche dans l’Italie des « années de plomb ».En 1968, à l’âge de 18 ans, l’enfant de la bourgeoisie du Sud rejoint le mouvement maoïste Lotta Continua, dont il devient un permanent, et même un responsable du « SO », le service d’ordre, à Rome. Sa formation n’a jamais prôné la violence et il échappe à l’époque à ce destin ; mais il est de cette « génération la plus emprisonnée d’Italie », comme il le dit.Lire aussi :Erri De Luca n’est pas prophète en son paysAriane CheminGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterRaphaëlle RérolleJournaliste au Monde 17.10.2015 à 09h54 • Mis à jour le19.10.2015 à 08h27 | Claire Guillot Dans les années 1970, à l’époque où on la considérait rarement comme de l’art, Pierre de Fenoyl était un ardent défenseur de la photographie en France - il fut iconographe, commissaire d’exposition, fondateur de la galerie Rencontre et de l’agence Vu avant de devenir en 1976 le premier directeur de la Fondation nationale de la Photographie, puis conseiller pour la photographie au Centre Pompidou. Mais c’était aussi un auteur d’images subtiles, au noir et blanc velouté – elles sont à découvrir, ou redécouvrir, au château de Tours jusqu’à la fin octobre, ainsi qu’à la galerie Le Réverbère, à Lyon, qui a fait beaucoup pour la redécouverte de cette œuvre.Ce grand voyageur, passé par l’Inde ou par l’Egypte, s’attachait peu au contenu documentaire des images : il y cherchait plutôt des formes pures et évocatrices, des contrastes puissants, gages de silence et de contemplation. Ses paysages tirés de la campagne française, réalisés pour la DATAR, sont à la fois classiques et étranges : gommant volontairement la profondeur de champ, il joue du noir et des trouées de lumière comme d’aplats, pour atteindre un subtil équilibre entre peinture hollandaise et géométrie abstraite. Ses intérieurs et ses portraits ont la même délicatesse, la même retenue, livrant peu pour libérer le rêve et l’imaginaire.« Une géographie imaginaire », photographies de Pierre de Fenoÿl (1945-1987), Château de Tours, 25 avenue André Malraux à Tours (Indre-et-Loire. Tél. : 02-47-21-61-95. Jusqu’au 31 octobre. Du mardi au dimanche, de 14 h à 18 h. Entrée gratuite. Catalogue éditions Jeu de Paume/Xavier Barral. Textes de Virginie Chardin, Jacques Damez, Peter Galassi. 240 pages, format 24 x 28 à la française, 144 photographies et illustrations. 50 €.« Paysages conjugués, photographies de Pierre de Fenoÿl », Galerie Le Réverbère, 38, rue Burdeau, à Lyon (Rhône-Alpes). Tél.: 04-72-00-06-72. Du mercredi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous. Jusqu’au 31 décembre 2015.Lire aussi :Pierre de Fenoÿl, âme sensibleClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Ariane Chemin Martine Aubry, ex-ministre du travail et maire (PS) de Lille, ainsi que l’avocat pénaliste Georges Kiejman ont signé, jeudi 15 octobre, la pétition de soutien à l’écrivain Erri de Luca, qui demande – sans citer le nom de François Hollande - à l’Etat français et à l’Etat italien de retirer leur plainte contre le romancier italien.Le tribunal de Turin doit se prononcer lundi 19 octobre sur le sort d’Erri de Luca après que le parquet a requis une peine de huit mois de prison pour « incitation au sabotage » du chantier du tunnel ferroviaire Lyon-Turin.Les noms de ces deux anciens ministres de François Mitterrand viennent s’ajouter à ceux de nombreux éditeurs (Antoine Gallimard, PDG de Gallimard, Olivier Nora, patron de Grasset, Olivier Cohen, président des éditions de l’Olivier ou la romancière Geneviève Brisac, éditrice à l’Ecole des loisirs), écrivains (Annie Ernaux, Adrien Bosc, Daniel Pennac, Philippe Claudel), artistes (comme le sculpteur Daniel Buren), ou encore cinéastes (Pascale Ferran, Arnaud Desplechin, Mathieu Amalric, Jacques Audiard ou Wim Wenders), et de responsables ou ex responsables d’Europe Ecologie les Verts, comme Cécile Duflot et Noël Mamère.Tous ces signataires invoquent le droit à la « liberté d’expression ».Ariane CheminGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Fabienne Darge Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europe Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'EuropeC’est à une véritable résurrection que l’on assiste à Paris aux Ateliers Berthier, la deuxième salle de l’Odéon-Théâtre de l’Europe : celle du grand Arthur Miller, que l’on redécouvre avec un œil neuf, dans cette remarquable mise en scène de Vu du pont que signe le Belge Ivo van Hove – lequel est décidément devenu, avec Thomas Ostermeier, l’un des tout premiers maîtres du théâtre européen.Cela fait bien bien longtemps que l’on n’avait pas vu ici une mise en scène digne de ce nom d’une des pièces de Miller. La célébrité du dramaturge américain, disparu en 2005, est paradoxale, et à plusieurs tiroirs. Pour beaucoup, Miller, sans doute, n’est plus que l’homme qui a été le mari de Marilyn Monroe. Pour d’autres, il est une figure du théâtre politique des années 1950-1960, à la fois admirée pour sa droiture et sa noblesse, et considérée comme datée, inscrite dans son époque, celle du maccarthysme sur le plan politique et d’un certain naturalisme psychologique sur le plan artistique.Mais ce qui est beau, avec le théâtre, c’est qu’il est par excellence l’art où les cartes peuvent toujours être rebattues : un art d’essence talmudique où l’interprétation du texte – un texte ne « parle » jamais tout seul, contrairement à un cliché qui fait encore florès – peut toujours faire renaître un auteur, pour peu que celui-ci en soit vraiment un. Et donc revoilà Arthur Miller, comme on ne l’avait jamais vu, débarrassé de sa gangue Actors Studio, des oripeaux du théâtre de dénonciation, pour retrouver ce qui fait l’os de son œuvre : le rapport à la tragédie, et le rôle que ce rapport à la tragédie joue dans l’histoire américaine.Mise en scène au cordeauIvo van Hove a choisi Vu du pont, entre autres textes célèbres du dramaturge. Le Flamand a déjà mis en scène la pièce en anglais, à Londres, où le spectacle a joué à guichets fermés pendant deux ans, et il va la recréer à Broadway, à l’occasion du centenaire de la naissance, en 1917, de Miller. Il en propose ici une version française tout aussi percutante. C’est un choix on ne peut plus pertinent que cette pièce écrite par Miller en 1955, qui, en France, a été créée par Peter Brook – eh oui – en 1958, avec Raf Vallone, et que le film d’Elia Kazan Sur les quais a rendue mythique.Mais pour la redécouvrir, cette pièce, il fallait d’abord la retraduire, et c’est la première réussite de ce spectacle que d’offrir une version française à la fois contemporaine et serrant au plus près le texte de Miller. La seule traduction qui existait jusqu’alors était celle de Marcel Aymé, qui, pour avoir eu son importance à l’époque, est aujourd’hui datée, et prend des libertés d’écrivain avec le texte d’Arthur Miller. Daniel Loayza, qui est à la fois traducteur et conseiller dramaturgique au Théâtre de l’Odéon, signe un texte français d’une précision, d’une acuité et d’une netteté propres à déployer la mise en scène d’Ivo van Hove, telle qu’elle a été conçue : au cordeau.Il n’y a en effet pas une once de gras, d’anecdote ou de lourdeur psychologique dans ce spectacle où le metteur en scène et son équipe tiennent de bout en bout le fil de la pureté tragique. La première surprise vient, pour le spectateur, de la scénographie, d’une intelligence et d’une beauté magistrales, conçue par Jan Versweyveld. Quand vous entrez dans la salle, vous vous retrouvez assis sur l’un des trois gradins qui entourent un mystérieux cube noir. Vu du pont commence quand ce cube s’ouvre, comme un rideau se lève, sur une scène en avancée au milieu des spectateurs, qui évoque bien sûr le proscenium de la tragédie antique.Nul besoin de décor pour évoquer l’histoire d’Eddie Carbone, cet homme dont « les yeux sont comme des tunnels ». Eddie est docker, sur le port de Red Hook, à l’ombre du pont de Brooklyn. Toute sa vie, il a travaillé comme un bœuf, notamment pour offrir une vie meilleure que la sienne à sa nièce, Catherine, qu’il élève avec sa femme, depuis la mort de la mère de la jeune fille.C’est une histoire d’immigrants, de gens modestes pris dans les rets du destin, une histoire du rêve américain, comme toutes celles de Miller qui, à travers une plongée dans le milieu italo-américain, y raconte sa propre destinée de fils d’un tailleur juif d’origine polonaise, quasiment analphabète. Mais c’est avant tout une histoire – pas une thèse. Eddie n’a pas voulu voir que Catherine avait grandi, qu’elle était devenue une femme. Quand elle tombe amoureuse d’un de ses lointains cousins, tout juste arrivé d’Italie comme immigré clandestin, il sombre, cet homme ordinaire et droit. L’histoire d’amour et de désir incestueux finira mal, très mal.Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline Proust Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline ProustDes révélationsLe théâtre de Miller apparaît pour ce qu’il est fondamentalement : un théâtre remarquablement écrit, reposant sur des figures humaines d’une force et d’une complexité peu communes. Il évoque cette remarque de Bernard-Marie Koltès : « Je n’écris pas avec des idées, j’écris avec des personnages. » Et ces personnages existent ici avec une crédibilité rarement atteinte au théâtre, parce qu’ils sont interprétés par des acteurs choisis et dirigés avec une science confondante.Plusieurs d’entre eux sont de ces comédiens français que parfois le grand public ne connaît pas, qui ne travaillent pas forcément beaucoup, et qui n’en sont pas moins des artistes de grand talent. A l’image de Caroline Proust. Dans le rôle de Béatrice, la femme d’Eddie, qui découvre l’ampleur de la passion de son mari pour sa nièce et l’impossibilité d’enrayer la catastrophe, elle est fabuleuse. Ou d’Alain Fromager (l’avocat Alfieri), témoin impuissant de toute cette histoire, et qui fait aussi fonction de chœur antique.D’autres sont des révélations, comme la jeune Pauline Cheviller, d’une intensité et d’une grâce bouleversantes dans le rôle de Catherine, ou Nicolas Avinée, dans celui de Rodolpho, l’amoureux qui va mettre le feu aux poudres. Enfin, il y a Charles Berling, que l’on n’avait pas vu aussi bien depuis longtemps : un bloc granitique d’humanité douloureuse et blessée, opaque à lui-même. Avec eux se noue cette tragédie d’hommes et de femmes ordinaires, qui se referme sur eux comme un piège, à l’image de la boîte noire du décor.Vu du pont, d’Arthur Miller (traduit en français par Daniel Loayza). Mise en scène : Ivo van Hove. Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier, 1, rue André-Suarès, Paris 17e. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures, De 8 € à 36 €. Durée : 1 h 55. Tél. : 01-44-85-40-40. Jusqu’au 21 novembre.Fabienne DargeJournaliste au Monde Service culture Le Grand Prix du roman de l’Académie française a été attribué, jeudi 29 octobre, ex-aequo à Hédi Kaddour pour Les Prépondérants et à Boualem Sansal pour 2084 (publiés tous deux chez Gallimard). C’est la deuxième fois de son histoire que le Grand Prix, qui fête son centenaire, vient récompenser simultanément deux ouvrages. Le troisième roman en lice était Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier, prix littéraire du Monde).Lire aussi :Boualem Sansal : « L’islam s’est mondialisé, il a un coup d’avance »Boualem Sansal était présenté depuis des semaines comme archi-favori pour le prix Goncourt ; son éviction du carré des finalistes, mardi 27 octobre, avait semblé le transformer en récipiendaire annoncé du prix de l’Académie. Hédi Kaddour, pour sa part, est encore dans la course pour le Goncourt. Goût du romanesqueS’ils partagent la même couverture crème de Gallimard, ces deux romans n’ont pas grand chose en commun, si ce n’est le goût du romanesque. 2084 est une dystopie, manière de suite au 1984, de George Orwell. Elle a pour décor l’Abistan, immense empire dévoué à Abi, messager de Yölah sur terre, qui maintient sa population dans la soumission et l’amnésie.Avec 2084, l’un des grands succès de librairie de cette rentrée, l’écrivain algérien Boualem Sansal, en délicatesse de longue date avec son pays (dans lequel il vit toujours), livre une parabole cauchemardesque sur l’instrumentalisation politique de l’islam.Les Prépondérants est un grand roman-monde sur les années 1920, situé essentiellement dans un protectorat du Maghreb, qui encapsule les enjeux d’une époque (prémices de la décolonisation, montée des périls en Europe…) tout en brassant les genres littéraires – roman d’aventures, d’amour, de formation, comédie de mœurs…L’obtention du Grand Prix de l’Académie, même partagé, sera-t-il un obstacle à l’obtention du Goncourt par Hédi Kaddour ? Le cas d’un doublé s’est déjà présenté, ainsi avec Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (Gallimard, 2006). Et comme les jurys des grands prix semblent décidés à surprendre leur monde, rien ne semble exclu.Service cultureJournaliste au Monde Stéphanie Le Bars Des décennies de tergiversations, un concept paradoxal et, désormais, une course contre la montre : si tout va bien, le dernier-né des musées nationaux américains, qui sera consacré à l’histoire des Afro-Américains, sera inauguré en septembre 2016 à Washington par Barack Obama. Les concepteurs du musée s’en sont fait la promesse : le premier président noir des Etats-Unis coupera le ruban du National Museum of African American History and Culture (NMAAHC). Quoi de mieux que la force symbolique de cette image pour lancer sous les meilleurs auspices ce projet maintes fois avorté ?L’ouverture du NMAAHC sur le National Mall verdoyant de la capitale fédérale, bordé par la quinzaine de musées nationaux gérés par la très officielle Smithsonian Institution, constitue en effet un événement politique autant qu’une gageure scientifique. Aujour­d’hui, l’imposant bâtiment de six étages, figurant une couronne africaine composée de centaines de plaques de fer forgé – hommage au travail des esclaves dans les Etats américains du Sud aux XVIIIe et XIXe siècles –, trône en bonne place sur l’esplanade de la capitale, au pied de l’obélisque du Washington Monument. Cet emplacement, au cœur des mémoriaux et musées qui fondent l’identité nationale américaine, n’est pas anodin : avant même la pose de la première pierre, en 2012, il a constitué une victoire symbolique pour les promoteurs du projet – au fil des ans, les ­désaccords sur la localisation du musée, que certains souhaitaient hors du Mall, ont nourri les atermoiements sur sa construction.Histoire ancienneTout cela est désormais de l’histoire ancienne. A quelques centaines de mètres du ­bâtiment encore en chantier, le Musée national de l’histoire américaine héberge, jusqu’à l’ouverture, une exposition préfigurant le ­futur musée. Y sont présentés 140 des 33 000 objets collectés à ce jour par le NMAAHC autour des grands thèmes retenus par le musée : l’esclavage, la ségrégation, la vie des communautés, la culture et le sport. Un tableau figurant des esclaves en fuite ouvre l’exposition, qui se poursuit avec les photos d’une famille éduquée ayant obtenu sa liberté. La collerette d’Harriet Tubman, une esclave du Maryland qui a facilité l’évasion de nombre de ses compagnons, y côtoie le barda de soldats noirs durant la guerre civile, la nappe sur laquelle fut rédigé l’argumentaire demandant la déségrégation scolaire dans les années 1950, la combinaison du premier ­astronaute noir ou des costumes de scène d’artistes… La plus grande pièce du futur musée, un wagon datant de la ségrégation avec des sièges réservés aux gens de couleur, ne sera visible que lors de l’inauguration.La nécessité de donner à voir la vie des Américains d’origine africaine et leur présence dans la grande épopée des Etats-Unis a mis des années à s’imposer. L’idée d’honorer la mémoire des Afro-Américains remonte à 1915 : des anciens combattants noirs de la guerre civile (1861-1865) demandent alors – en vain – l’érection d’un mémorial. En 1929, le Congrès donne son accord à la création d’un musée mais, alors que le pays plonge dans la crise, lui refuse toute subvention. A la fin des années 1960, dans la foulée des victoires liées aux droits civiques, l’idée est relancée, mais là encore, ni le monde universitaire ni le monde politique ne pousse en ce sens. « Longtemps, le groupe dominant, l’homme blanc d’origine européenne, a choisi de ne pas inclure cette ­histoire dans le récit national », analyse Rhea L. Combs, la conservatrice du nouveau musée.Le Congrès donne son feu vert en 2003Les efforts sont relancés à la fin des années 1980 par des élus comme John Lewis, un compagnon de route de Martin Luther King. Il se heurte cependant à une frange ultraconservatrice de parlementaires qui ne veulent pas mettre un dollar dans un tel projet. Les opposants au musée afro-américain, à l’instar du sénateur de Caroline du Nord Jesse Helms mettent en avant le risque d’être confrontés à « des demandes communautaires » sans fin. A cette époque, le Congrès vote pourtant les fonds pour la création du Musée des Indiens d’Amérique, qui verra le jour en 2004.Des raisons moins avouables expliquent ces réticences, estime Julieanna Richardson, fondatrice, à Chicago, de l’institution The History Makers, consacrée à la préservation et à la collecte de milliers de témoignages audiovisuels d’Afro-Américains.« N’oublions pas qu’un groupe social a considéré pendant des décennies qu’un autre groupe n’avait pas de valeur », souligne cette ancienne avocate. Difficile dans ces conditions de lui accorder une place dans le récit national sans stigmatiser la partie de la population qui l’avait humilié. Au-delà des réels problèmes financiers, « le projet s’est en outre heurté durant des années à un manque d’éducation, un manque d’appréciation et un manque de documentation », estime-t-elle. Il aurait aussi pâti de la volonté de valoriser principalement « une histoire heureuse » de l’Amérique, estime de son côté l’historien John W. Franklin, aujourd’hui conseiller auprès du directeur du NMAAHC.Il faudra donc attendre 2003 pour que le Congrès accorde son feu vert à la construction du musée afro-américain, après l’avis favorable d’une commission mise en place par le président George W. Bush et le soutien des responsables de la Smithsonian Institution. La moitié du budget, qui atteint 500 millions de dollars, est pris en charge par les finances publiques, à charge pour les promoteurs de le compléter par des dons privés. Parmi ces donateurs, l’animatrice et actrice Oprah Winfrey a apporté à elle seule 13 millions. Douze ans plus tard, et à moins d’un an de l’ouverture programmée, quelque 60 millions de dollars manquent encore à l’appel, selon M. Franklin.Contribuer à « la réconciliation entre les races »Ces difficultés matérielles n’ont pas remis en cause le consensus qui semble désormais acquis en faveur du projet. En revanche, une question de fond demeure : si le but consiste à (ré) introduire la population d’origine africaine dans l’histoire, sombre ou joyeuse, de l’Amérique, faut-il lui consacrer un lieu spécifique ? « Les femmes, les juifs ou les Indiens d’Amérique ont leur musée ; consacrer un musée à l’histoire des Afro-Américains n’est pas plus paradoxal », explique Mme Richardson. « Il fallait créer ce lieu, car il n’existait pas d’autres endroits où était racontée une histoire collaborative, soutient Jacquelyn Serwer, commissaire en chef du musée. Nous allons nous efforcer de montrer que pas un grand événement ne s’est produit aux Etats-Unis sans que les Noirs y soient impliqués. L’objectif est de créer des interconnexions, de démanteler les séparations. » « Le musée ne sera pas un musée sur les Afro-Américains mais pour les Afro-Américains », affirme son directeur, Lonnie Bunch.Conçu par la commission mise en place par M. Bush comme un lieu de « guérison » susceptible de contribuer à « la réconciliation entre les races », le musée saura-t-il tenir ses promesses ? Les promoteurs du projet assurent qu’il ne s’agit « ni de victimiser les Noirs ni de culpabiliser les Blancs ».« L’idée est que ce musée contribue à une meilleure compréhension réciproque, explique la conservatrice du musée. On veut montrer que, comme dans les familles blanches, les origines et les histoires des familles noires sont multiples. Que l’énergie de la culture afro-américaine a irrigué la ­culture en général ou que les sportifs noirs sont des diplomates de l’Amérique à travers le monde. »Trouvaille archéologique rareEn dépit des difficultés à rassembler des objets ayant appartenu aux esclaves, le musée entend pallier le manque de connaissances de la société américaine sur la période de l’esclavage, « le péché originel dont l’Amérique ne s’est toujours pas remise », ainsi que l’a récemment qualifiée Hillary Clinton, candidate à l’investiture démocrate. « La plupart des Américains pensent encore que l’esclavage était limité aux Etats “ignares” du Sud alors que les nordistes aussi furent esclavagistes », explique M. Franklin. Le musée exposera ainsi une trouvaille archéologique rare : des objets recueillis dans l’épave d’un navire négrier ­portugais, qui a sombré en 1794 au large de l’Afrique du Sud. Mais il a aussi l’ambition de s’attaquer à la persistance des discriminations à l’encontre des Afro-Américains. « On collecte actuellement des tracts et des objets liés aux manifestations de Ferguson [ville du Missouri en proie à des émeutes après la mort d’un jeune Noir tué par un policier blanc en 2014] ou aux actions du mouvement ­Blacklivesmatter [les vies noires comptent] », indique Rhea L. Combs.L’« histoire heureuse » des populations d’origine africaine cohabitera donc avec la violence institutionnelle de l’Amérique blanche durant la période coloniale ou les années de ségrégation, et ses séquelles actuelles. Ses promoteurs le savent : l’enjeu sera de trouver un équilibre entre la mise en scène des connais­sances académiques et le risque de tomber dans une forme de militantisme. « On espère aussi en faire un lieu de débats sur les thèmes difficiles que sont l’esclavage, la ségrégation et les discriminations, alors que des institutions “blanches” auraient peut-être peur d’être entraînées sur de tels terrains », assure Jacquelyn Serwer. Les responsables du musée espèrent attirer 3 millions à 3,5 millions de visiteurs par an et placer ainsi le NMAAHC dans le tiercé de tête des musées nationaux. Juste derrière le Musée de l’espace, et au coude-à-coude avec celui consacré à… l’histoire américaine.Stéphanie Le BarsJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.10.2015 à 17h49 • Mis à jour le28.10.2015 à 18h20 Le successeur de Nonce Paolini à la tête du groupe audiovisuel français, Gilles Pélisson, choisi mercredi 28 octobre par le conseil d’administration de Bouygues, arrive dans un contexte difficile, marqué par le déclin des audiences et des bénéfices.Lire aussi :Gilles Pélisson succédera à Nonce Paolini à la tête de TF1 21,4 %C’est la part d’audience de TF1 en septembre, pour 14,4 % pour France 2 et 10,1 % pour M6. En août, l’audience était tombée à 20,1 %, un niveau historiquement bas pour la chaîne qui connaît un déclin quasi continu depuis des années. TF1 enregistrait 44,8 % d’audience en 1988, 35,3 % en 1998, et 27,2 % en 2008. Depuis dix ans, les parts de la chaîne sont aussi grignotées par celles de la TNT.Face à cette érosion, TF1 rappelle qu’elle déploie une stratégie pour l’ensemble de son groupe qui vise à faire progresser l’audience de ses chaînes secondaires (HD1, NT1 et TMC). Elle insiste sur l’audience agrégée de ses quatre chaînes (27,4 % de part en moyenne en 2015, selon des chiffres de fin août), voire sur son audience numérique, où sa plate-forme MyTF1 progresse, avec environ 15 millions de vidéos vues par mois. Lire aussi (édition abonnés) :TF1 tente de contrer l’érosion de son audience413 millions d’eurosC’est le montant du résultat net part du groupe pour 2014. Il était en forte hausse par rapport à 2013 (137 millions d’euros). Mais ce résultat est en trompe-l’œil car il intègre la plus-value liée à la cession du contrôle d’Eurosport à Discovery Communications, en mai 2014, pour 299,5 millions d’euros.En réalité, la baisse des bénéfices est continue : 250,3 millions d’euros en 2000, 228 millions d’euros en 2007 et, donc, 137 millions d’euros en 2013. Du coup, l’actionnaire principal de la chaîne, le groupe de BTP Bouygues – qui détient 43,5 % des parts de l’entreprise –, a exigé, en 2008, un plan d’économies. Nonce Paolini a joué le tueur de coût, imposant un régime minceur inédit qui s’élève aujourd’hui à quelque 24 millions d’euros. Son successeur s’inscrira dans la continuité de cette stratégie.Lire aussi :TF1, toujours seule en tête 700 millions d’eurosC’est le trésor de guerre, considérable, de TF1. La chaîne a vu sa trésorerie augmenter de 491 millions d’euros grâce à la vente de ses 49 % restants dans la chaîne sportive Eurosport à l’américain Discovery, en juillet. Fin 2014, les réserves du groupe audiovisuel s’élevaient déjà à 497 millions d’euros. Après versement des dividendes, la trésorerie devrait se situer à 700 millions d’euros. De quoi relativiser les pertes occasionnées par le quotidien gratuit Metro, qui a cessé en juillet de faire paraître son édition papier, ou de la chaîne d’info en continu LCI.Avec l’arrivée de M. Pélisson, les annonceurs attendent que TF1, assez prudent jusqu’ici, s’engage sur des investissements. Le groupe pourrait choisir de faire des acquisitions dans le numérique ou dans la production de contenus.Lire aussi :TF1 gonfle sa trésorerie en se désengageant totalement d’Eurosport 8,5 millions d’eurosC’est la perte enregistrée par LCI en 2014. L’avenir de la chaîne d’information est suspendu à une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur son passage en gratuit, qui doit intervenir d’ici à la fin de l’année. Sa précédente demande avait été rejetée par le CSA, mais le Conseil d’Etat a annulé cette décision, pour des raisons de procédure.TF1 considère que LCI n’a pas d’avenir sur la TNT payante, dont l’usage est en déclin (200 000 abonnés environ). Si le CSA ne lui accorde pas le passage en gratuit, TF1 a affirmé envisager l’arrêt de l’exploitation de sa chaîne après le 31 décembre.Lire aussi (édition abonnés) :Pour passer en gratuit, LCI se présente en anti BFM Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Macha Séry A ses lecteurs, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, il n’avait rien caché de son cancer depuis quelques mois. L’écrivain Ayerdhal s’est éteint à Bruxelles, en Belgique, mardi 27 octobre, à l’âge de 56 ans. Il fut, avec Pierre Bordage, Serge Lehman et Jean-Marc Ligny, l’un des artisans les plus flamboyant du renouveau de la science-fiction française. En près de vingt-cinq ans et presque autant de livres, il a donné à lire quelques chefs-d’œuvre visionnaires, tels que Demain, une oasis (Fleuve noir, 1992), Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé (J’ai lu, 1997 ; rééd. 2009, Au Diable Vauvert, son éditeur depuis 2004, qui procède depuis à la réédition de son œuvre) ou Etoiles mourantes (avec Jean-Claude Dunyach, J’ai lu, 1999).Né le 26 janvier 1959, Ayerdhal, de son vrai nom Yal Soulier, a grandi dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, la banlieue rouge de Lyon. Son père est l’un des plus grands collectionneurs de SF d’Europe. Il possède, par exemple, l’intégralité des titres parus dans la collection « Anticipation » du Fleuve noir. Ils ont aiguisé son goût pour les sciences. Car pour Ayerdhal, la science-fiction exige de la crédibilité. Un écrivain « ne peut pas se contenter de répandre des poncifs ou des approches obsolètes pour décrire ce qu’il perçoit du monde et permettre au lecteur d’envisager ses devenirs potentiels. Loin d’être un privilège de la littérature d’anticipation, qui, par essence, se doit d’inclure les découvertes scientifiques et les progrès technologiques dans les hypothèses qu’elle met en scène », écrivait-il dans « Le Monde des livres » du 25 mai 2007.Dystopies et space operasTout en exerçant mille et un métiers (moniteur de ski, footballeur professionnel, éducateur, commercial chez L’Oréal, chef d’entreprise), Ayerdhal a toujours écrit. A 28 ans, il se décide enfin à envoyer un manuscrit à un éditeur. La Bohème et l’Ivraie (Fleuve noir, 1990) met en scène un artiste qui se révolte contre un régime politique. Admirateur des Américains Ray Bradbury, Frank Herbert et Norman Spinrad, il signera par la suite d’autres dystopies ainsi que des space operas. Ayerdhal se voyait un peu comme un éclaireur, répétant cette phrase de Sartre : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent. » Même ancrée sur des planètes improbables, sa fiction est éminemment réaliste et toujours politique. Elle exalte la rebellion libertaire. Ayerdhal tenait, en effet, la science-fiction pour l’héritière de la philosophie et la dernière instance où l’on délibère encore sur l’humanité et son devenir.Depuis Transparences (Au Diable Vauvert, 2004), Ayerdhal avait migré de la science-fiction au polar. Plutôt, il était parvenu à mixer les deux. Témoin, Bastards (Au Diable Vauvert, 2014), qui débute tel un policier classique avant de basculer dans le surnaturel. Cependant, le romancier venait de renouer avec ses premiers amours, prévoyant d’ajouter un cinquième tome aux aventures d’Eylia, l’héroïne de son cycle « Cybione », employée pour des opérations suicides puisqu’elle ressuscite chaque fois, la mémoire amputée de sa dernière vie. Il n’aura pas eu le temps de l’achever.Tolérance, écologie et partage des richessesD’un genre à l’autre, ses préoccupations liées à la tolérance, à l’écologie et au partage des richesses sont demeurées intactes. Vingt ans après avoir reçu le Grand Prix de l’imaginaire pour Demain, une oasis, en 1993, roman futuriste où des commandos humanitaires enlèvent un médecin à Genève puis l’abandonnent dans un village subsaharien afin qu’il exerce son métier dans des camps de réfugiés, Ayerdhal retrouvait l’Afrique et la dénonciation du pillage de ses ressources naturelles dans le thriller Rainbow Warriors (Au Diable Vauvert, 2013). Une œuvre d’anticipation que l’on peut lire au choix comme une fiction politique, une utopie sociale, un roman d’aventures ou d’espionnage en terre africaine, un ouvrage de vulgarisation sur les barbouzeries dont se rendent coupables les Etats occidentaux afin de protéger leurs intérêts. L’argument ? Une armée de 5 000 LGBT (lesbiennes, gays, bis, transsexuels) originaires des cinq continents se forme pour renverser une dictature homophobe qui brade ses cultures et son sous-sol à des multinationales.Militant de la cause des auteurs, Ayerdhal avait fondé en octobre 2000 le collectif Le droit du Serf pour faire respecter leur droit à jouir décemment de leurs œuvres.Macha SéryJournaliste au Monde Harry Bellet Créé en 2000 par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (l’Adiaf), une association de collectionneurs désireux de promouvoir l’art contemporain français, le prix Marcel Duchamp a été remis, samedi 24 octobre, à Melik Ohanian par Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Le lauréat recevra 35 000 euros et bénéficiera d’une exposition de trois mois au Centre Pompidou à Paris.Né en 1969 à Lyon, Melik Ohanian est représenté par la galerie parisienne Chantal Crousel. Selon Jean-Christophe Royoux, conseiller pour les arts plastiques au ministère de la culture, et qui défendait son travail devant le jury, ses sujets de prédilection sont « les zones désertiques, le monde ouvrier, la fin des utopies révolutionnaires, les faits scientifiques ou historiques, l’identité arménienne ».Lire aussi : Melik Ohanian en quatre datesCohérence d’une œuvreIl participe ainsi à l’actuelle Biennale de Venise, dans le cadre de l’exposition accueillie par le pavillon arménien – lequel a reçu le Lion d’Or –, avec une sculpture dénonçant autant le génocide de 1915 que la difficulté de le commémorer.Il réalise aussi des vidéos. L’une d’entre elles, Seven Minutes Before, représentait la France à la Biennale de Sao Paulo en 2004. Un autre film, DAYS, I See What I Saw and What I Will See, évoquant le sort des travailleurs émigrés dans les Emirats Arabes Unis, est tellement réussi qu’il a été refusé à la Biennale de Sharjah en 2011, qui l’avait pourtant commissionné.Dans son discours au récipiendiaire, Bernard Blistène a souligné que le jury avait voulu récompenser la cohérence d’une œuvre développée depuis vingt ans.Lire aussi :Irak, Arménie : la mémoire des désastres à Venise Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien LeloupFrank Miller, l'auteur de bandes dessinées, scénariste de films et réalisateur américain était l'invité du Comic-Con de Paris. Le mythique – et controversé – auteur de The Dark Knight Returns – est revenu pour Le Monde sur l'évolution de sa vision du chevalier noir.La troisième partie de votre saga Dark Knight sera publiée quatorze ans après le deuxième épisode. Pourquoi y revenez-vous aujourd'hui ?C'est très simple : j'ai eu une nouvelle idée. J'attendais avec impatience de retourner vers Batman pour revisiter à nouveau le personnage. C'est l'un des avantages des héros classiques : on peut toujours y revenir, leur rendre visite et les transformer.L'idée de départ, c'est que Batman sera toujours un protagoniste majeur, mais que Superman jouera un plus grand rôle. L'intrigue tournera autour de la libération de la ville de Kandor, la capitale de la planète Krypton où est né Superman. Dans l'histoire, Batman libère un million de supermans en puissance. Le héros masqué et Superman doivent alors se rejoindre pour empêcher la conquête de la Terre. Vos dernières œuvres ont fait l'objet de vives critiques, on vous accuse d'avoir fait preuve de racisme dans 300 et Holy Terror!, de misogynie dans Sin City, et vous avez même été qualifié de « cryptofasciste ». Titrer ce prochain album The Master Race (« la race supérieure »), c'est une provocation ?Je ne ferais pas bien mon travail si je n'étais pas provoquant. Mon rôle est de faire réagir les gens. Je veux des réactions de colère ; plus les critiques seront furieux, et plus je serai content. Cela me donne le sentiment que je suis parvenu à réaliser quelque chose.Vous avez déclaré que dans ce troisième volet, Batman sera encore plus « dur »...Ce qui définit Batman, ce n'est pas sa force physique, ni sa capacité à encaisser les coups, mais c'est le fait qu'il soit l'homme le plus intelligent au monde. Par le passé, lorsqu'il a affronté Superman, il a gagné. Dans The Master Race, il devra affronter des millions de personnes aussi fortes que Superman… mais s'il fallait parier, je parierais sur Batman.Mais pour battre Superman, Batman a eu besoin de l'aide d'autres superhéros…Batman ne peut pas vaincre seul. Heureusement, DC Comics dispose d'un vaste panthéon de héros, une véritable armée qui sera à ses côtés. Mais son intelligence reste la clef de sa force : souvenez-vous, dans The Dark Knight Strikes Again, il s'était procuré de la kryptonite [un matériau qui affaiblit Superman] de synthèse, qu'il a ensuite donnée à Green Arrow…Au cœur de Dark Knight se trouve la question des choix moraux. Batman ne tue jamais ; avez-vous des règles, des principes moraux auxquels vous croyez et que vous appliquez ?[Silence] Suivre des règles de conduite, appliquer un code d'honneur, c'est facile. Ce qui est difficile, c'est d'élaborer ces règles, de se construire son code. C'est la partie vraiment difficile, et c'est le travail de toute une vie – pour moi comme pour mes héros.En 2011, vous avez cessé de publier des messages sur Twitter, votre blog n'est plus accessible, et vous n'avez recommencé à publier des messages sur Internet que pour annoncer le retour de The Dark Knight. Pourquoi ce silence de quatre ans ?Je travaillais tout simplement sur plusieurs projets différents, dans le calme. The Master Race est l'un d'entre eux. Mais il y a aussi une suite de Sin City, Home Front, qui est une histoire d'amour entre un agent fédéral américain et la cheffe d'un réseau de la résistance française durant la seconde guerre mondiale.Je me suis toujours intéressé à la seconde guerre mondiale – aussi loin que je me souvienne, cette période m'a fasciné. Je suis aussi amoureux des vêtements, des voitures de cette époque. Le fait que j'aie choisi de placer l'action de Sin City à ce moment de l'histoire me permet de dessiner ce que j'aime. Vous n'étiez pas lassé des rapports directs avec vos lecteurs, qui se sont montrés pour certains très critiques sur vos dernières œuvres ?Pas du tout, j'adore le fait d'avoir une relation directe avec mes fans. Je trouve cela excellent, et j'ai toujours aimé les bonnes bagarres générales. Qu'ils viennent me chercher !The Dark Knight Returns a été écrit avant l'arrivée du Web. Mais vous y décrivez une télévision omniprésente et décérébrée… Vous pensez toujours que les médias de masse sont dangereux ?Non. Si c'était à refaire, je traiterais cet aspect d'une manière très différente aujourd'hui. La manière dont je décris le fonctionnement et le rôle de la télévision dans The Dark Knight Returns est immature. La télévision, comme toutes les autres formes de communication, peut être une bonne chose – elle ne fait que soumettre au public des images, qui sont ouvertes à l'interprétation.Vous avez expliqué avoir eu l'idée de créer un Batman cinquantenaire lorsque vous-mêmes avez atteint trente ans, l'âge de Bruce Wayne. Aujourd'hui, vous avez 58 ans, et vous avez donc dépassé votre Dark Knight. Est-ce qu'avec le recul, vous changeriez des choses sur la manière dont vous aviez imaginé la « vieillesse » de Batman ?Je ne changerais rien dans The Dark Knight Returns. Je changerais probablement des choses dans The Dark Knight Strikes Again. Et dans The Master Race, j'aborderai cette question de l'âge d'une manière très différente. Lorsque j'ai commencé à travailler sur cette série, j'étais obsédé par l'idée de savoir à quel point le physique des personnages serait, avec le temps, affecté par tous ces combats.Maintenant, avec le regard d'un cinquantenaire, je me rends compte que l'impact de l'âge sur le physique d'un personnage est loin d'être la chose la plus importante qui se produise lorsqu'on vieillit. Avoir cinquante ans, c'est loin d'être aussi vieux que ce que j'imaginais lorsque j'en avais trente ! Et il y a beaucoup d'autres choses qui viennent avec l'âge : la maturité, l'expérience, qui sont autant de choses qui changent ce qu'est devenu Batman avec le temps. Dans The Master Race, par exemple, personne ne pourra plus le tromper.Le temps a aussi eu un effet sur votre vision du rôle de Batman...Dans mon rapport à Batman, il y a eu plusieurs phases. Lorsque je l'ai découvert enfant, à cinq ans, c'était un père sévère, une figure résolument paternelle. Il l'est resté par la suite, mais j'ai commencé à le voir sous des aspects plus politiques, plus philosophiques.« Batman était un justicier autoproclamé et sauvage, il est devenu une figure d'autorité, avec un badge de policier »En parallèle, le contenu des comics Batman évoluait aussi : nous sommes passés d'un justicier autoproclamé et sauvage à une figure d'autorité, avec un badge de policier. Sous ma plume, il est devenu un anarchiste – et dans The Master Race, il deviendra une figure authentiquement révolutionnaire.Un anarchiste ? Dans les deux premiers épisodes de The Dark Knight, votre Batman se bat pourtant pour restaurer l'ordre à tout prix, allant jusqu'à enrôler des gangs des rues pour imposer la loi martiale dans Gotham City…Si vous êtes un anarchiste, vous considérez que l'ordre existant est corrompu, et le détruire est la première chose que vous souhaitez faire – et pour cela, tous les moyens sont bons. La lutte des Irlandais pour l'indépendance, comme la résistance française, nous a montré qu'il pouvait être nécessaire de descendre dans la rue pour se lever contre la tyrannie. Parfois la seule manière de faire en sorte que le monde fasse sens est de détruire l'ordre existant.Vous dites souvent que toutes les œuvres naissent dans un contexte. Vous pensez que nous sommes à la veille d'une révolution ?Non. The Master Race est une fiction. Mais je vous promets que ça sera une bonne lecture. //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry En Tunisie depuis dimanche, les académiciens ont dévoilé à 13 heures à Tunis, mardi 27 octobre, leur troisième et dernière sélection en vue du prix Goncourt 2015, qui sera décerné le 3 novembre chez Drouant.La liste passe de huit à quatre titres concourant pour la plus prestigieuse récompense littéraire de la saison : grosse surprise, 2084, de Boualem Sansal, pourtant parmi les favoris, n’a pas été gardé dans cette ultime sélection établie par les dix membres de l’académie présidée par Bernard Pivot.Les quatre finalistesNathalie Azoulai pour Titus n’aimait pas Bérénice (POL)Mathias Enard pour Boussole (Actes Sud)Hédi Kaddour pour Les Prépondérants (Gallimard)Tobie Nathan pour Ce pays qui te ressemble (Stock)Le 15 septembre, les académiciens avaient annoncé leur volonté de se rendre en Tunisie pour leur troisième délibération. Symboliquement, c’est le musée du Bardo de Tunis, frappé en mars par un attentat qui a fait 22 morts, qui a été choisi par les Goncourt pour dévoiler leur liste finale.« Aujourd’hui, à Tunis, dans un pays qui a été la victime de deux attentats abominables [Bardo et Sousse en juin] en début d’année, nous sommes venus dire : “Tenez-bon, on est avec vous”», a expliqué le président du jury, Bernard Pivot. « Nous allons dans une salle du musée pour voter — c’est un acte démocratique, le vote — et nous annonçons les quatre derniers candidats. (...) Je crois que c’est important, même si c’est symbolique », a-t-il ajouté.Lire aussi :Angot, Enard et Liberati sur la liste du prix GoncourtAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Film, sur Ciné+ Club à 20 h 45 Xavier Dolan met en scène une relation trouble entre deux hommes.Tom à la ferme, le quatrième long-métrage de Xavier Dolan, a été, d’emblée, conçu pour être tourné vite et bien. Adapté, avec sa collaboration, d’une pièce de théâtre éponyme du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, ce film introduit, de fait, une inflexion, dans le ton, la couleur et le genre du kaléidoscope dolanien.Cela veut dire un tournage de dix-sept jours, un décor homogène (la campagne, une ferme, sa cuisine, son étable, un café), un chromatisme éteint (brun, marron vert), une atmosphère sourde comme une messe basse, une action tendue, épurée, sans fioritures. L’idéal, en somme, pour mettre en scène un thriller psychologique confrontant deux personnages principaux dans un face-à-face sadomasochiste, où la frontière entre dominant et dominé a tendance à devenir floue.L’intrigue, à défaut des mécanismes psychologiques qui la permettent, est assez simple. En deuil de son amant, Tom (Xavier Dolan), un jeune publiciste de la métropole en permanente blonde et blouson de cuir, vient assister à son enterrement dans une ferme familiale dont on va rapidement comprendre pourquoi il l’a quittée.Pervers homophobeLà, il fait la connaissance de la mère éplorée, à laquelle la liaison de Tom avec son fils était demeurée cachée. Tom y rencontre aussi le frère de son amant, Francis (Pierre-Yves Cardinal), une brute épaisse très au fait, lui, de la situation. Célibataire et solitaire, devenu le dernier homme de la famille et le seul garant de la pérennité de la ferme, Francis est une armoire à glace à l’esprit obtus doublé d’un pervers puissamment homophobe. Il tombe logiquement sur le râble de Tom pour lui imposer, au besoin par la terreur, un silence destiné à épargner à sa mère la connaissance des turpitudes de son fils défunt.Cet argument de départ lance une relation trouble, poisseuse et, pis, communément admise entre les deux hommes, que troublera à peine l’arrivée de la fausse fiancée du défunt, une collègue de bureau appelée à la rescousse par Tom.On s’accommodera d’autant plus facilement de l’aspect peu vraisemblable de cette histoire qu’elle révèle sa justesse sur un tout autre plan que celui de l’intrigue apparente, dans le repli des âmes et des comportements, dans les fantômes qui surgissent du passé au premier bar venu, dans la logique inconsciente qui guide profondément les êtres à travers la nuit.Car, si l’attitude de Francis pose à l’évidence problème, celle de Tom, incapable de s’extraire de ce bourbier, n’en est pas moins étrange. C’est évidemment dans les interstices de ce qui rend possible une situation aussi intolérable que résident tout l’intérêt, toute la finesse, toute la beauté du film. Dans la tendresse et le désir inconscients de la brute luttant à corps perdu contre l’objet de sa haine. Dans l’opiniâtreté de la victime à rester, justement, au plus près de son bourreau, pour mieux l’aguicher et le torturer, pour mieux le confronter à une passion qui lui aura déjà fait commettre le pire, mais aussi bien pour mieux célébrer, avec et contre lui, le souvenir, délectable et infamant, de l’amour interdit (Ciné+ Club, 20 h 45).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aline Leclerc Il a le visage fatigué, un gros bonnet mange son regard. Il marche dans Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, et décrit son quotidien d’homme de ménage : « J’ai jeté des seaux d’eau et passé la raclette. C’était super-propre, ils étaient contents. » Il répond aux questions de son fils, Mehdi, qui le suit caméra au poing. Un instant plus tard, magie du montage, le même Mehdi interroge avec autant de simplicité le créateur Jean-Charles de Castelbajac dans les studios de France Inter : « T’en es où avec Instagram ? »Ces deux instantanés saisissants forment un seul et même épisode de « Vie rapide », web-série diffusée sur Arte interactive, où Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, 23 ans chacun, parviennent à brosser, en deux minutes à peine, le portrait de notre époque.Dans « Vie rapide » depuis le printemps, dans leurs chroniques pendant six ans sur France Inter, dans leurs articles depuis huit ans sur le « Bondy Blog », ils ont inventé un récit à deux voix au ton unique, à la fois poétique et collé au réel, tantôt caresse, tantôt flamme, d’où monte depuis toujours une rage sourde. Cet automne, elle éclate dans leur premier roman Burn Out (Seuil, 192 pages, 16 euros), dont ils disent qu’il est leur « cri ». Un récit polyphonique imaginé autour de l’histoire vraie d’un chômeur qui s’est immolé par le feu devant une agence Pôle emploi à Nantes, en février 2013. Portrait acide d’un pays qui broie les rêves et les gens, se saoule de coups de com’et de télévision.En cette soirée d’octobre, c’est cet ouvrage qu’ils sont venus présenter au Silencio, club littéraire et artistique de la capitale. Pour entrer, il faut être membre ou se faire inviter. Descendre un escalier dans la pénombre, longer les photos de corps de femmes nues jusqu’à une cave voûtée tapissée à la feuille d’or. Le décor est signé du cinéaste américain David Lynch. Sur la petite scène, Mehdi, blouson noir zippé jusqu’au col, casquette éternellement vissée sur la tête et Badrou, pull de laine et chemise, répondent aux questions d’un jeune critique du club. Et soudain, dans l’ambiance feutrée, les mots claquent. « Même en France, on n’entend plus les morts », assène Mehdi. « Cet homme est mort pour rien, renchérit Badrou. En Tunisie, en Iran, au Tibet, les immolations provoquent des choses. Ici, ça n’a rien déclenché. » En quelques mots, ils ont effacé les sourires des curieux venus voir ce que les petits gamins de banlieue, qu’on surnomme encore « les Kids », avaient dans le ventre. « Ils sont denses », entend-on dans le public. « Est-ce un livre engagé ? », demande le critique. « Ce livre est politique comme le sont chacun de nos reportages, répond Mehdi. Il porte un message. Mais l’engagement ce n’est pas quelque chose qu’on fait une fois, ça se construit dans le long terme. » Voilà huit ans déjà qu’ils construisent et se construisent. A deux. Depuis leur rencontre en 2007. Ou peut-être faut-il remonter encore deux années en arrière. Pour comprendre comment ces deux voix ont réussi à percer parmi toutes celles qui hurlent dans les quartiers populaires.Sortir d’un monde « exigu »Automne 2005. Une fois n’est pas coutume, la banlieue occupe les écrans. Depuis la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, les cités se soulèvent, les voitures brûlent, des écoles et des gymnases aussi. Mehdi et Badrou ne se connaissent pas encore. Ils observent à distance la colère qui s’exprime. Mehdi est en 4e à Saint-Ouen. On le remarque lors d’un atelier d’écriture dans une classe atone. Il est le seul à manifester un véritable intérêt pour l’information. Vif, cultivé, il n’a que 13 ans mais veut déjà devenir journaliste. A 5 km de là, Badrou est en 4e à La Courneuve. Dans une classe où « il y avait de l’ambiance », ses professeurs l’observent « stoïque » dévorer le manuel, ses camarades s’amusent de le voir toujours un livre en poche. Comme cet exemplaire du chef-d’œuvre de Stendhal, Le Rouge et le Noir prêté par un professeur. « J’avais été marqué par la façon dont Julien Sorel réussit à sortir de son milieu social », confiait Badrou récemment sur Arteradio.com. Les jeunes auteurs n’ont jamais quitté leur quartier. Mehdi a beau avoir dans sa chambre un portrait de lui et Badrou croqués par Castelbajac, il vit toujours dans un HLM à Saint-Ouen avec sa mère, ex-opératrice téléphonique, au RSA. Badrou partage encore sa chambre de la cité des 4000 avec deux de ses sept frères et sœurs et voit chaque année son père comorien, agent d’entretien, faire d’humiliantes démarches pour renouveler son titre de séjour. Lui-même, arrivé en France à 18 mois, n’oubliera jamais que sa demande de nationalité a mis quatre ans à aboutir. « Tu peux réussir quoi que ce soit, passer ta journée avec des vedettes ou dans des soirées mondaines, le soir, tu rentres chez toi, rappelle Mehdi. Et tu te confrontes à la précarité et à ses gens qui ont peu d’espoir. » C’est ce qu’il nomme la « schizophrénie » des gens de banlieue « qui émergent ». Badrou enchaîne : « On sera jamais totalement dans le système. Y’a une insouciance qu’on n’a pas. » L’école et la lecture leur ont donné l’envie de sortir d’un monde « exigu » où ils s’attristent de voir que « d’autres se sentent à l’aise ». Paradoxalement, les émeutes leur offrent la chance qu’ils attendent : le 11 novembre 2005, des journalistes suisses créent le « Bondy Blog », ouvert aux collaborations des habitants. Chacun de leur côté, Mehdi et Badrou s’enthousiasment pour les articles postés par des reporters qui leur ressemblent et décrivent leur quotidien de l’intérieur.Mais il faut encore une étincelle. A la rentrée 2007, le destin les réunit en 2de au lycée Auguste-Blanqui de Saint-Ouen. « On était les mêmes sans se connaître, raconte Mehdi aujourd’hui. On avait les mêmes lectures, les mêmes passions, on aimait la politique et on suivait la campagne d’Obama. Notre rencontre est centrale dans nos vies. » A l’âge où l’on se laisse si vite absorber par le conformisme et les goûts des autres, les deux complices aux centres d’intérêt atypiques se rassurent mutuellement. Ils cultiveront dès lors, le même jardin.« Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. »Trois mois plus tard, c’est ensemble qu’ils osent pousser la porte du « Bondy Blog » et proposent d’emblée d’écrire à quatre mains. « On aurait dit qu’ils se connaissaient depuis toujours », se souvient Serge Michel, aujourd’hui au Monde et l’un des fondateurs du blog, vite séduit par leur style « abrasif » qui « passe le réel au côté vert de l’éponge ». Ils excellent dans l’art de croquer les visites des politiques en banlieue. Lorsque les médias retiennent la petite phrase, eux préfèrent décrire ce qu’ils voient : un essaim de caméras entouré de policiers pour une visite-éclair, coupée du réel. « Ils n’étaient pas les seuls blogueurs à avoir de bonnes idées. Mais la différence c’est que Mehdi et Badrou, eux, rendaient la copie. »Un jour, gloire, la journaliste Pascale Clark les cite dans sa revue de presse sur RTL. Quelques semaines plus tard, elle leur propose une chronique dans sa nouvelle émission sur France Inter, les installant, pour de bon, dans la lumière. Ils inventent un récit radiophonique où leurs voix s’entrecroisent. Poussés par la journaliste, ils étendent aussi leur terrain de jeu, hors de la banlieue. « Je ne voulais surtout pas les cantonner à ça alors qu’ils s’intéressent à tout et sont férus d’actu. » Ils vont avoir la chance de rencontrer des gens qu’ils admirent. En face, « tout le monde craque » devant leur talent et leur jeune âge. « Ils ne m’ont jamais déçue. Ils captent l’époque et le pays comme peu de gens savent le faire, sans préjugés et dans tous les milieux », note la journaliste. Aussi simples avec les habitants des quartiers populaires qu’avec des stars ou des syndicalistes, dans des villages perdus ou aux 80 ans de leur vénérable maison d’édition.« On est à l’aise partout car on a trouvé notre place : on est spectateurs, explique Mehdi, le plus prolixe, mais qui se tourne vers Badrou quand il cherche ses mots. Dans une soirée guindée ou une cité pourrie, on n’est jamais au centre. On se met de côté et on regarde. » Ce talent rare, de pouvoir raconter une société dans ses extrêmes, a bien sûr alléché éditeurs, producteurs de films ou d’émissions de télé qui ont multiplié les appels du pied. Ceux qui les entourent se réjouissent de les avoir vus jusqu’ici « éviter tous les pièges ». « Ils auraient pu céder à la facilité et être ce que beaucoup voudraient qu’on soit : le cliché du jeune de banlieue, le rigolo de service », résume Mouloud Achour, producteur et coréalisateur de « Vie rapide ». Contrairement à ceux, nombreux, de leur génération qui veulent être avant de faire, Mehdi et Badrou veulent « faire quitte à ne pas être », souligne ce dernier. « Certains pourraient dire qu’on est “bankable”, mais on ne donne pas suite, insiste Badrou. Exister pour exister, ça ne nous ressemble pas. On préfère rester libres. » Piqûres de rappelLibres de choisir leurs sujets, libres de leurs paroles, libres de jouer avec leur image. Si doux et poli à la ville, Mehdi s’est inventé sur Twitter un double diabolique, qui insulte à tout-va. « Tout est trop convenu, on n’ose plus s’énerver. L’idée de casser ça en étant méchant gratuitement me plaît », confie-t-il amusé. Et tant pis pour les vedettes sensibles qui inondent ses proches d’appels indignés. Cet hiver, c’est aussi sur Twitter qu’il va assumer sans détour ne pas se reconnaître dans les « Je suis Charlie ». « Ce slogan a tué la réflexion, on a marché comme des moutons. Et dire ça, aujourd’hui, c’est subversif ? C’est terrible. » Ils auraient voulu que la société s’interroge davantage sur la trajectoire des terroristes, enfants de nos banlieues, comme eux. Tellement proches de bon nombre de ces Français perdus, ces « cœurs paumés » marchant sans but, croisés en reportages. « La France a su créer ses propres ombres, écrivent-ils dans Burn Out. Mais, il est encore temps de te rebeller, par le travail, par les mots… »En juin, ils s’affichent en « une » des Inrockuptibles avec l’anthropologue Emmanuel Todd pour un entretien croisé et contradictoire autour de son livre polémique Qui est Charlie ? (Seuil, 252 pages, 18 euros) qui réduisait la marche du 11 janvier à un défilé de « catholiques zombies » inconsciemment islamophobes. Moins d’un mois plus tard, après six ans de chroniques, France Inter mettait fin à leur collaboration. Officiellement, le service de communication de la radio assure qu’il n’y a eu « aucun souci », simple conséquence d’un rafraîchissement de la grille des programmes. « C’est plutôt qu’ils n’apparaissaient plus comme les banlieusards sympas, acceptables », pense Mouloud Achour. « On n’est pas des gens légers », aime répéter Mehdi.Leur documentaire sur la barre Balzac de la cité des 4000 à La Courneuve, diffusé le 16 octobre sur Arte, n’est pas léger non plus. Il interroge la vie dans les grands ensembles, en mêlant images d’archives et paroles d’habitants. Ce samedi soir, on les découvre fébriles avant la projection prévue dans le cinéma de la ville. Un peu inquiets qu’on trouve ici que les petites stars ont « trahi leur combat ». Soulagement, la salle quasi pleine ne leur dira que des « merci ». Monte Laster, artiste américain installé à La Courneuve qui a travaillé sur le film, prend la parole. « Je les ai vus devenir la voix de ceux qui n’ont pas de voix. C’est une lourde responsabilité. »Leur ami Ilyass Malki, étudiant en journalisme et fils d’immigré comme eux, se réjouit de voir désormais interviewés partout dans la presse, « un Noir et un Arabe qui ne sont ni rappeur, ni sportif, ni imam, qui ont une voix légitime et crédible, et qui représentent enfin ce qu’on est ». Présents dans la salle, ceux qui raillaient Badrou au collège s’enthousiasment aussi de cette incroyable ascension « motivante pour tout le monde ». « On rêvait des mêmes choses. Pourquoi on ne l’a pas fait ? », s’interroge, songeur, Séréné Coulibaly. « Et malgré tout ça, on le croise toujours au quartier. Il est resté le même », insiste Félix Mvoulana.Et s’ils oubliaient d’où ils viennent, le quotidien leur réserve des piqûres de rappel. Le 5 octobre, ils sortent d’un cinéma des Champs-Elysées quand des policiers les encerclent, les invectivent, demandent à les fouiller sans explication. Mehdi et Badrou dénoncent un « contrôle au faciès ». Ils s’entendent répondre : « Ce n’est quand même pas de notre faute si vous faites plus de conneries que les nôtres. » Il y aura donc toujours « eux et nous » ? De rage, ils publieront un texte qui inondera les réseaux sociaux, pour « tout ceux qui subissent sans pouvoir le dire ». Ils porteront plainte aussi, pour faire parler le droit.Dans leur dernière chronique à la radio, Mehdi et Badrou disent « avoir rendu leur micro comme on rend une arme ». Ils en trouveront d’autres : leur premier livre a tout d’une flèche décochée en plein cœur. Déjà, ils en préparent un autre, sur la présidentielle de 2017. Encore plus politique.Aline LeclercJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.10.2015 à 22h03 • Mis à jour le26.10.2015 à 20h36 | Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale) Sonder les mystères des pyramides d’Egypte en les « scannant ». La décision a été annoncée, dimanche 25 octobre, au Caire par Mamdouh el Damaty, ministre égyptien des antiquités, pour comprendre « comment les pyramides ont été construites et ce qu’elles que cachent ». « Y a-t-il une rampe circulaire intérieure pour faciliter l’acheminement des blocs de pierre ? Existe-t-il des chambres restées secrètes ? », résume le ministre égyptien.Une association française à but non lucratif, HIP Institut (Héritage, Innovation, Préservation), a été chargée de piloter la mission scientifique « Scan Pyramids » qu’elle a initiée, conçue et coordonnée en collaboration avec la Faculté des ingénieurs de l’Université du Caire, représentée par l’ingénieur égyptien Hany Helal, cofondateur de HIP Institut avec le Français Mehdi Tayoubi et le Belge François Schuiten, auteur de BD.Les réponses à ces énigmes pourraient être révélées par les technologies les plus innovantes, non invasives, utilisées par Scan Pyramids, pour sonder, sans y percer le moindre orifice, le cœur des plus hautes pyramides d’Egypte et les mieux conservées, monuments funéraires des pharaons, datant de 4 500 ans. Hany Helal, professeur qui représente la Faculté des ingénieurs du Caire, précise que « l’objectif est d’utiliser des techniques qui donnent des résultats concrets. Ensuite, ajoute l’ingénieur, ce sera aux égyptologues de les interpréter ». Des techniques inspirées de l’industrie aérospatialeLa mission internationale commencera début novembre pour se terminer fin 2016. Elle portera sur quatre chefs d’œuvre de la IVe dynastie pharaonique ayant régné entre 2575 et 2465 avant J.-C. Celles du pharaon Snefrou, le père, de Khéops, le fils, et de Knéfren, le petit-fils. L’opération commencera à 60 kilomètres au sud du Caire, sur le site de Dahchour, dans le désert bordant la vallée du Nil, par les deux pyramides bâties par Snefrou (2575 – 2551 av. J.-C.).Sera scannée la pyramide dite rhomboïdale, du pharaon Snefrou, au fin parement de calcaire en partie conservé, et dont l’angle de pente a été modifié à mi hauteur. La pyramide rouge du même Snefrou suivra ; haute de 104 m, contre 146 à l’origine, elle mesure 220 m de côté. Puis la mission, qui compte vingt-cinq personnes, étudiera ensuite les deux plus hautes pyramides du plateau désertique de Guizeh, dominant le Caire : la monumentale Khéops, 137 m aujourd’hui, contre 146 à l’origine et 230 m de côté, avant d’étudier sa jumelle Khéphren, 138 m sur 215 m de côté.Plusieurs technologies d’exploration se succéderont, sans toucher aux édifices eux-mêmes. Deux missions de thermographie infrarouge - technique utilisée dans l’industrie aérospatiale -, l’une de courte durée menée par le spécialiste Jean-Claude Barré de LedLiquid, l’autre, d’une année au moins, conduite par l’université Laval de Québec, permettront d’établir une carte thermique des quatre monuments pour analyser la « peau » de la pyramide et détecter les vides intérieurs proches de la surface de calcaire. Drones, scanners et reproduction 3DSuivra la radiographie par détecteur de muons, les particules élémentaires. Une technique développée au Japon par les équipes du KEK (High Energy Accelerator research Organization) et l’université de Nagoya. Elle pourra vérifier et visualiser avec précision la présence de structures inconnues au cœur même des pyramides. Enfin, une campagne, menée par la société Iconem, à l’aide de drones et de scanners au laser, produira la reconstitution en 3D du plateau de Guizeh. La photogramétrie laser fournira une précision centimétrique jamais atteinte de l’intérieur et de l’extérieur des pyramides de Guizeh et de celles du site de Dahchour, ainsi que de tous les monuments qui y sont érigés. « L’essentiel est d’avancer en mettant en œuvre de nouvelles approches, souligne Mehdi Tayoubi, président de HIP Institut. Beaucoup de missions précédentes ont tenté de percer les mystères des pyramides et si elles n’y sont pas parvenues, elles ont chacune fait progresser la connaissance comme ce fut le cas, par exemple, il y a tout juste trente ans, de la mission de la Fondation EDF, qui a décelé une anomalie de sous-densité en forme spiralée dans Kheops. Notre objectif est d’apporter notre pierre à l’édifice et de préparer, en toute humilité, le chemin pour de futures missions de recherche scientifiques. »C’est cette fameuse rampe intérieure en spirale qui pourrait être révélée par les images produites. Et apporter un début de réponse à l’énigme de la construction de ces monstres comme la pyramide de Khéfren, composée de 2,3 millions de blocs de pierre montés en gradins, d’un poids moyen de 2,5 tonnes chacun et pouvant atteindre les 200 tonnes pour les plus massifs. L’archéologue Jean Philippe Lauer avait déjà imaginé, lui, qu’une rampe de briques et de terre, renforcée par des poutres, et montée au fur et à mesure de l’avancée du chantier sur l’un des côtés de la pyramide, était une solution.Relancer la fréquentation touristiqueL’opération Scan Pyramids, d’un million d’euros, financés par des mécénats de compétence et financiers, accompagne les grands chantiers culturels lancés par l’Egypte. Deux musées colossaux sont annoncés à Guizeh, au pied des pyramides. Le Musée national égyptien des civilisations (NMEC) – de la préhistoire à aujourd’hui –, doté d’un centre culturel avec cinéma et commerces, ouvrira début 2016. Le Grand musée égyptien (GEM), qui devrait être terminé en 2018, présentera tous les vestiges et l’histoire du jeune Toutankhamon. Tandis que le musée national du Caire, place Tahrir, recélant les trésors de l’ancienne Egypte sera entièrement restauré dans son jus, comme s’il venait d’ouvrir en 1902. Des annonces prometteuses qui devraient raviver l’intérêt international pour la terre des pharaons. La fréquentation touristique est en berne. Les 14,8 millions de visiteurs de 2010 seront moins de 9 millions en 2015. La manne du tourisme représente le tiers du PNB. La Haute Egypte souffre. Les sites y sont quasi déserts.Florence Evin (Le Caire, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Ariane Chemin Martine Aubry, ex-ministre du travail et maire (PS) de Lille, ainsi que l’avocat pénaliste Georges Kiejman ont signé, jeudi 15 octobre, la pétition de soutien à l’écrivain Erri de Luca, qui demande – sans citer le nom de François Hollande - à l’Etat français et à l’Etat italien de retirer leur plainte contre le romancier italien.Le tribunal de Turin doit se prononcer lundi 19 octobre sur le sort d’Erri de Luca après que le parquet a requis une peine de huit mois de prison pour « incitation au sabotage » du chantier du tunnel ferroviaire Lyon-Turin.Les noms de ces deux anciens ministres de François Mitterrand viennent s’ajouter à ceux de nombreux éditeurs (Antoine Gallimard, PDG de Gallimard, Olivier Nora, patron de Grasset, Olivier Cohen, président des éditions de l’Olivier ou la romancière Geneviève Brisac, éditrice à l’Ecole des loisirs), écrivains (Annie Ernaux, Adrien Bosc, Daniel Pennac, Philippe Claudel), artistes (comme le sculpteur Daniel Buren), ou encore cinéastes (Pascale Ferran, Arnaud Desplechin, Mathieu Amalric, Jacques Audiard ou Wim Wenders), et de responsables ou ex responsables d’Europe Ecologie les Verts, comme Cécile Duflot et Noël Mamère.Tous ces signataires invoquent le droit à la « liberté d’expression ».Ariane CheminGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Fabienne Darge Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europe Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'EuropeC’est à une véritable résurrection que l’on assiste à Paris aux Ateliers Berthier, la deuxième salle de l’Odéon-Théâtre de l’Europe : celle du grand Arthur Miller, que l’on redécouvre avec un œil neuf, dans cette remarquable mise en scène de Vu du pont que signe le Belge Ivo van Hove – lequel est décidément devenu, avec Thomas Ostermeier, l’un des tout premiers maîtres du théâtre européen.Cela fait bien bien longtemps que l’on n’avait pas vu ici une mise en scène digne de ce nom d’une des pièces de Miller. La célébrité du dramaturge américain, disparu en 2005, est paradoxale, et à plusieurs tiroirs. Pour beaucoup, Miller, sans doute, n’est plus que l’homme qui a été le mari de Marilyn Monroe. Pour d’autres, il est une figure du théâtre politique des années 1950-1960, à la fois admirée pour sa droiture et sa noblesse, et considérée comme datée, inscrite dans son époque, celle du maccarthysme sur le plan politique et d’un certain naturalisme psychologique sur le plan artistique.Mais ce qui est beau, avec le théâtre, c’est qu’il est par excellence l’art où les cartes peuvent toujours être rebattues : un art d’essence talmudique où l’interprétation du texte – un texte ne « parle » jamais tout seul, contrairement à un cliché qui fait encore florès – peut toujours faire renaître un auteur, pour peu que celui-ci en soit vraiment un. Et donc revoilà Arthur Miller, comme on ne l’avait jamais vu, débarrassé de sa gangue Actors Studio, des oripeaux du théâtre de dénonciation, pour retrouver ce qui fait l’os de son œuvre : le rapport à la tragédie, et le rôle que ce rapport à la tragédie joue dans l’histoire américaine.Mise en scène au cordeauIvo van Hove a choisi Vu du pont, entre autres textes célèbres du dramaturge. Le Flamand a déjà mis en scène la pièce en anglais, à Londres, où le spectacle a joué à guichets fermés pendant deux ans, et il va la recréer à Broadway, à l’occasion du centenaire de la naissance, en 1917, de Miller. Il en propose ici une version française tout aussi percutante. C’est un choix on ne peut plus pertinent que cette pièce écrite par Miller en 1955, qui, en France, a été créée par Peter Brook – eh oui – en 1958, avec Raf Vallone, et que le film d’Elia Kazan Sur les quais a rendue mythique.Mais pour la redécouvrir, cette pièce, il fallait d’abord la retraduire, et c’est la première réussite de ce spectacle que d’offrir une version française à la fois contemporaine et serrant au plus près le texte de Miller. La seule traduction qui existait jusqu’alors était celle de Marcel Aymé, qui, pour avoir eu son importance à l’époque, est aujourd’hui datée, et prend des libertés d’écrivain avec le texte d’Arthur Miller. Daniel Loayza, qui est à la fois traducteur et conseiller dramaturgique au Théâtre de l’Odéon, signe un texte français d’une précision, d’une acuité et d’une netteté propres à déployer la mise en scène d’Ivo van Hove, telle qu’elle a été conçue : au cordeau.Il n’y a en effet pas une once de gras, d’anecdote ou de lourdeur psychologique dans ce spectacle où le metteur en scène et son équipe tiennent de bout en bout le fil de la pureté tragique. La première surprise vient, pour le spectateur, de la scénographie, d’une intelligence et d’une beauté magistrales, conçue par Jan Versweyveld. Quand vous entrez dans la salle, vous vous retrouvez assis sur l’un des trois gradins qui entourent un mystérieux cube noir. Vu du pont commence quand ce cube s’ouvre, comme un rideau se lève, sur une scène en avancée au milieu des spectateurs, qui évoque bien sûr le proscenium de la tragédie antique.Nul besoin de décor pour évoquer l’histoire d’Eddie Carbone, cet homme dont « les yeux sont comme des tunnels ». Eddie est docker, sur le port de Red Hook, à l’ombre du pont de Brooklyn. Toute sa vie, il a travaillé comme un bœuf, notamment pour offrir une vie meilleure que la sienne à sa nièce, Catherine, qu’il élève avec sa femme, depuis la mort de la mère de la jeune fille.C’est une histoire d’immigrants, de gens modestes pris dans les rets du destin, une histoire du rêve américain, comme toutes celles de Miller qui, à travers une plongée dans le milieu italo-américain, y raconte sa propre destinée de fils d’un tailleur juif d’origine polonaise, quasiment analphabète. Mais c’est avant tout une histoire – pas une thèse. Eddie n’a pas voulu voir que Catherine avait grandi, qu’elle était devenue une femme. Quand elle tombe amoureuse d’un de ses lointains cousins, tout juste arrivé d’Italie comme immigré clandestin, il sombre, cet homme ordinaire et droit. L’histoire d’amour et de désir incestueux finira mal, très mal.Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline Proust Vu du pont d’Arthur Miller , mise en scène Ivo van Hove , traduction française Daniel Loayza , dramaturgie Bart van den Eynde , décor et lumière Jan Versweyveld , costumes An D’Huys , son Tom Gibbons , production Odéon-Théâtre de l'Europeavec Nicolas Avinée, Charles Berling, Pierre Berriau, Frédéric Borie, Pauline Cheviller, Alain Fromager, Laurent Papot, Caroline ProustDes révélationsLe théâtre de Miller apparaît pour ce qu’il est fondamentalement : un théâtre remarquablement écrit, reposant sur des figures humaines d’une force et d’une complexité peu communes. Il évoque cette remarque de Bernard-Marie Koltès : « Je n’écris pas avec des idées, j’écris avec des personnages. » Et ces personnages existent ici avec une crédibilité rarement atteinte au théâtre, parce qu’ils sont interprétés par des acteurs choisis et dirigés avec une science confondante.Plusieurs d’entre eux sont de ces comédiens français que parfois le grand public ne connaît pas, qui ne travaillent pas forcément beaucoup, et qui n’en sont pas moins des artistes de grand talent. A l’image de Caroline Proust. Dans le rôle de Béatrice, la femme d’Eddie, qui découvre l’ampleur de la passion de son mari pour sa nièce et l’impossibilité d’enrayer la catastrophe, elle est fabuleuse. Ou d’Alain Fromager (l’avocat Alfieri), témoin impuissant de toute cette histoire, et qui fait aussi fonction de chœur antique.D’autres sont des révélations, comme la jeune Pauline Cheviller, d’une intensité et d’une grâce bouleversantes dans le rôle de Catherine, ou Nicolas Avinée, dans celui de Rodolpho, l’amoureux qui va mettre le feu aux poudres. Enfin, il y a Charles Berling, que l’on n’avait pas vu aussi bien depuis longtemps : un bloc granitique d’humanité douloureuse et blessée, opaque à lui-même. Avec eux se noue cette tragédie d’hommes et de femmes ordinaires, qui se referme sur eux comme un piège, à l’image de la boîte noire du décor.Vu du pont, d’Arthur Miller (traduit en français par Daniel Loayza). Mise en scène : Ivo van Hove. Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier, 1, rue André-Suarès, Paris 17e. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures, De 8 € à 36 €. Durée : 1 h 55. Tél. : 01-44-85-40-40. Jusqu’au 21 novembre.Fabienne DargeJournaliste au Monde 15.10.2015 à 15h23 • Mis à jour le15.10.2015 à 17h42 | Antonin Sabot Le 17 octobre, ils seront sur la piste de leur cirque pour un nouveau spectacle d’hiver. Mais pour l’instant, les Romanès et leur troupe n’ont pas vraiment la tête à ça. Délia Romanès, qui a fondé le cirque tzigane du même nom avec son mari Alexandre, reçoit dans sa caravane avec une mine épuisée. « Franchement ça me fait peur et j’ai du mal à dormir », lâche-t-elle. Depuis septembre, leurs caravanes et leur chapiteau, installés sur décision de la mairie de Paris au square Parodi, dans le 16e arrondissement, sont victimes d’attaques, de vols et de dégradations.Toute une caravane de costumes a été dévalisée, un boîtier de connexion à Internet arraché, des vitres des caravanes brisés, des tuyaux d’alimentation en eau arrachés. « Nous avons été partout dans Paris et en banlieue, jamais ça ne nous était arrivé », rappelle Délia Romanès, qui s’étonne de l’animosité que provoque le campement de la troupe, pourtant discret. Par ailleurs des associations de riverains ont porté plainte contre l’implantation du cirque qui selon elles « contribue à la dégradation du site ». « Tous ces papiers je peux plus les voir, je les ai mis dans le frigo pour ne plus les avoir sous les yeux », plaisante Délia. Alexandre Romanès, lui, fait remarquer que des cirques ont déjà, par le passé, occupé ce square : « C’est donc bien le mot tzigane qui fait peur », et de dénoncer un « climat général », qui depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010, stigmatise les communautés roms et gitanes.Un texte de soutien avait reçu, jeudi 15 octobre, plus de 5 000 signatures dont celles de nombreux artistes. Les soirs, les répétitions continuent sous le petit chapiteau de la compagnie. Les vols et les dégradations ont retardé les artistes, mais ils comptent toujours être prêts pour la première du 17 octobre.Voir notre vidéo au cœur d’une répétition de danse Tzigane :Cette vidéo est à 360°. Vous pouvez vous déplacer à l’intérieur à l’aide de votre souris.Vous pouvez utiliser des lunettes de réalité virtuelle pour une expérience maximale.Si vous regardez cette vidéo sur iPhone, suivez ce lien qui vous renverra vers l’application YouTube.Antonin SabotJournaliste au pôle vidéoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nicolas Truong Mais où sont-ils passés ? Que sont-ils donc devenus ? Pourquoi ne les a-t-on pas entendus ? Telles sont les questions que se sont posées ceux que le débat suscité par les prises de positions de Michel Onfray sur les « migrants » a sidérés. Tous ceux qui furent consternés de voir une partie de l’intelligentsia française rallier les « crispations » de la société françaises au sujet des réfugiés. Mais encore davantage étonnés par le vide abyssal d’une gauche intellectuelle qui semblait à nouveau timorée, recluse ou silencieuse.Réalité ou illusion ? Problème de focale et de perception. Bien sûr, il y a le miroir grossissant de la télévision et la réduction du débat public à des matchs de catch médiatiques (Le Monde, 20-21 septembre). D’ailleurs, le fait que le meeting de la mutualité du 20 octobre, intitulé « Peut-on encore débattre en France ? », initialement organisé en soutien à Michel Onfray, soit au final – et faute de participants (Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner ont notamment décliné) – amplement composé d’éditorialistes, marque ce signe des temps. Mais le malaise est patent.Lire aussi :Des intellectuels à la dérive ?Depuis l’effacement de la figure de « l’intellectuel prophétique » (universaliste et hugolien), la rareté de « l’intellectuel critique » (en guerre contre l’ordre établi), le déclin de « l’intellectuel spécifique » (qui intervient dans la cité à partir de ses domaines de recherches), sans compter les difficultés d’élaboration d’un « intellectuel collectif » percutant, c’est-à-dire une réelle mise en commun des savoirs engagés, la gauche intellectuelle semble à la peine.Image d’EpinalSans oublier la question du charisme et de l’incarnation. Le souvenir de Pierre Bourdieu soutenant la grève des cheminots à la gare de Lyon, en décembre 1995, contre « la destruction d’une civilisation », est devenu une image d’Epinal, presque un chromo. D’où une certaine nostalgie qui a même gagné les milieux les plus radicaux.Le miroir est cependant déformant. Il omet tout un pan d’un travail intellectuel foisonnant. Du côté des plus anciens, le républicanisme est encore bien présent (avec Régis Debray et sa revue Médium), tout comme l’idée de révolution (Alain Badiou) ou celle de « politique de civilisation » (Edgar Morin). La critique sociale est encore vive, avec notamment Etienne Balibar, qui théorise le concept de « l’égaliberté », Miguel Abensour, qui ravive le « nouvel esprit utopique », ou Jacques Rancière, qui poursuit sa réflexion esthétique et politique sur « le partage du sensible ».Contrairement à une idée reçue, Marx n’est pas mort non plus. Ainsi, le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval syncrétisent les nouvelles interprétations du marxisme et pensent ces nouvelles luttes qui s’organisent autour des « communs » contre les nouvelles formes d’appropriation privée et étatique des biens publics, de l’informatique aux ressources naturelles, de la mutualisation de l’eau à la préservation des données personnelles (Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014).Parce que « la gauche ne peut pas mourir », écrit-il dans Le Monde diplomatique (septembre 2014), le philosophe Frédéric Lordon articule son analyse marxiste des crises du capitalisme financier à une « économie politique spinoziste » (Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La Fabrique, 214 pages, 12 euros).« histoire-monde »Les collectifs bougent encore. Exemple parmi mille autres : au sein de leur association, Ars industrialis, Bernard Stiegler et Marc Crépon élaborent « une politique industrielle de l’esprit » afin de contrer ces techniques de contrôle qui, de la publicité à certains jeux vidéo, prennent le pouvoir sur nos désirs et sur nos vies. Esprit, Lignes, Vacarme, Regards, Mouvement et alii : les revues sont également nombreuses.Les institutions n’abritent pas que la pensée conservatrice et ses ténors, loin de là. Au Collège de France, Patrick Boucheron défend une « histoire-monde » contre la prééminence du récit national et n’hésite pas à soutenir que « la recherche de l’identité est contraire à l’idée même d’histoire ». Depuis le Collège de France, toujours, Pierre Rosanvallon anime le site de « La vie des idées », sorte de « coopérative intellectuelle » qui recense ouvrages et débats internationaux, prolongée par « La République des idées », collection des éditions du Seuil qui publie aussi bien l’économiste Esther Duflo que le démographe Emmanuel Todd.A l’École polytechnique, le philosophe Michaël Foessel – successeur d’Alain Finkielkraut à la chaire de philosophie – développe notamment sa « critique de la raison apocalyptique », loin du déclinisme dominant. A l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Luc Boltanski – qui travaille actuellement sur la nouvelle « classe patrimoniale » – s’est notamment illustré par un texte d’intervention contre « l’extension du domaine des droites » (Vers l’extrême, avec Arnaud Esquerre, Editions Dehors, 2014).Pas mortCôté succès populaire, impossible de ne pas mentionner les sociologues des beaux quartiers, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, qui, partout en France, expliquent « pourquoi les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres » à un peuple de gauche remonté contre le sarkozysme et déçu par le hollandisme. Ou bien encore à l’immense audience rencontrée par le livre de l’économiste Thomas Piketty sur les inégalités (Le Capital au XXIe siècle, Seuil, 2013). La jeune garde n’est pas en reste : Sandra Laugier, Fabienne Brugère, Frédéric Gros, Yves Citton, Bernard Aspe, Quentin Meillassoux et tant d’autres dont il faudrait avoir le temps de détailler les travaux. En un mot, l’intellectuel de gauche n’est pas mort.Mais d’où vient l’impression de malaise, alors ? D’une méconnaissance de cette richesse trop peu sollicitée. D’une réticence et d’un manque de curiosité. Mais aussi parfois d’un certain entre-soi – moins académique que social et idéologique – à l’intérieur de cercles où l’on ne s’adresse souvent qu’à un auditoire de convaincus. D’où encore ? De l’impression d’avoir perdu la partie face aux néoconservateurs et à leur hégémonie. De la crainte de certains intellectuels multiculturalistes d’aborder les questions qui fâchent – par souci de ne pas « stigmatiser » les minorités –, qui a contribué à renforcer l’idée que les intellectuels de gauche pratiqueraient un « déni de réalité ». D’un déficit de charisme et d’aura parfois. D’un sentiment que le clivage droite-gauche est dépassé face aux enjeux culturels et civilisationnels.D’où l’idée de donner la parole à Danièle Sallenave, Marc Crépon, Stéphane Beaud et Gérard Mauger. Parole à la défense, en quelque sorte. Histoire à nouveau de vérifier que, en idéologie comme en stratégie, la meilleure défense, c’est l’attaque.A lire sur le sujet:- Face à l’hégémonie droitière, retrouvons les valeurs de progrès !, par Marc Crépon, directeur du département de philosophie de l’Ecole normale supérieure. Face au silence assourdissant des penseurs de gauche, il est temps de raviver les valeurs progressistes que les polémistes droitiers ne cessent de détourner. Il n’est ni honteux ni ringard de soutenir les déshérités.- Les sciences sociales ne sont pas silencieuses, par Stéphane Beaud, professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense, et Gérard Mauger, directeur de recherche émérite au CNRS. L’omniprésence médiatique de certains essayistes ne signifie pas que les universitaires restent se tiennent à l’écart du débat public. Les travaux ne manquent pas sur les thèmes qui agitent notre époque. Mais ils ne sauraient se résumer à des formules pour shows télévisés.- Contre les dangereux prophètes du pire, une France résolue cherche à changer le présent, par Danièle Sallenave, écrivaine et membre de l’Académie française. Loin des apôtres du « tout fout le camp », une partie de la société française cherche, sans naïveté ni ringardise, à inventer l’avenir.Nicolas TruongResponsable des pages Idées-DébatsSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande « Ils ont des idées plein la tête, des idées pour faire la fête  », chantait France Gall dans Tout pour la musique. Des idées sur la musique, ils en ont beaucoup chez Deezer mais la fête, ce sera pour plus tard. La société s’engage aujourd’hui dans un marathon qui décidera de son avenir. Et elle n’a pas choisi la facilité.Lire aussi :Deezer s’introduit en BourseEn pleine turbulence boursière, elle lance son introduction sur le marché parisien qui devrait lui permettre de lever 300 millions d’euros d’argent frais. L’opération, qui devrait valoriser la société entre 900 millions et un milliard, sera l’une des plus importantes de l’année. Un pari risqué, si l’on en juge par le résultat très mitigé du réseau social professionnel Viadeo, introduit en Bourse l’an dernier et qui a depuis perdu la moitié de sa valeur.La lessiveuse de l’InternetMais Deezer veut croire en sa bonne étoile. Elle s’estime bien plus solide   : son chiffre d’affaires a été de 142 millions en 2014, soit six fois plus que Viadeo. Et, surtout, elle surfe sur une croissance forte, 50 % en 2014 et plus de 40 % cette année.Car la société est au cœur d’une transformation radicale de son environnement. La musique, première filière à être entrée violemment dans la grande lessiveuse de l’Internet, avec le piratage, est aussi la première à en être sortie. Fortement rétrécie au lavage, puisque, sur les six majors de l’édition musicale qui dominaient le paysage en 2000, il n’en reste que trois et que le marché a été divisé par deux en dix ans.Mais le secteur a trouvé enfin un modèle pérenne, au prix d’un changement conceptuel. De la vente d’un produit, le CD, l’industrie musicale évolue à grande vitesse vers la vente d’un service, en l’occurrence un abonnement à un flux de musique illimité, appelé streaming.Lire aussi :Musique : le streaming en hausse, le CD en baisse, la niche vinyle se porte bienAprès plus de dix ans de baisse, le marché devrait repartir, et le streaming en sera la clé de voûte. Les consommateurs ont démontré qu’ils étaient prêts à payer 10 euros par mois pour avoir toute la musique partout et tout le temps. Deezer revendique 6,3 millions d’abonnés payants dans 180 pays, et son principal concurrent, Spotify, plus de 15 millions.Autre élément d’optimisme, cette révolution n’est pas venue des Etats-Unis mais d’Europe. Le suédois Spotify et le français Deezer en ont été les pionniers, et Spotify est également le numéro un du secteur en Amérique.Mais rien n’est joué. Dans l’économie des plates-formes Internet, le gagnant rafle la mise en profitant de l’effet de réseau. Spotify est déjà six fois plus gros en chiffre d’affaires que le français, Apple vient de se lancer, et Google, déjà présent avec YouTube, ne restera pas à l’écart. D’où les 300 millions espérés pour rivaliser en marketing avec ses concurrents.Mais il faudra surtout un produit attractif et une gestion sans faille, notamment dans ses relations avec les opérateurs téléphoniques qui proposent son service. Etre à la fois créatif et éviter, comme le raconte France Gall, que « le feeling prime la raison ».Philippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pierre Gervasoni « Il sera là ? » Dans la file d’attente qui court le long de l’église Saint-Eustache, mercredi 14 octobre, la question est sur de nombreuses lèvres. La Monte Young, le pape du minimalisme américain, sera-t-il présent à l’occasion du concert que lui consacre le festival d’Automne à Paris, le jour de son quatre-vingtième anniversaire ? Les portes s’ouvrent, le public prend place, et chacun peut constater que, de la base des piles centrales à l’arcature du fond, le rouge est mis, ou plus exactement le magenta qui constitue la Dream Light imaginée par Marian Zazeela pour conférer un éclairage onirique aux œuvres de son mari.Celle programmée ce soir possède un titre long comme la nef de Saint-Eustache : The Melodic Version (1984) of the Second Dream of the High-Tension Line Stepdown Transformer, tirée de The Four Dreams of China (1962). Prévue pour un effectif instrumental fondé sur des multiples de quatre, la partition repose sur quatre notes dont la tenue longuement graduée doit engendrer un bourdonnement semblable à celui des lignes à haute tension. La version présentée à Paris associe huit trompettes munies de sourdines Harmon. Les membres du Theater of Eternal Music Brass Ensemble sont disposés en rectangle parmi les spectateurs qu’ils surplombent, assis à bonne distance les uns des autres, pour pouvoir communiquer entre eux du geste ou du regard.A 20 h 08, la première note se glisse comme un murmure lointain dans l’espace rougeoyant. Chaque intervention des trompettistes s’apparente à une respiration fondue dans le métal. Maîtrise du timbre et de l’intensité : fuselage impeccable. Peu à peu, la note se fait plus soutenue, plus riche. Elle irradie avec sa traîne d’harmoniques et, tintinnabulant comme un microcarillon, connaît une double transcendance – acoustique et spirituelle – dans le lieu qui l’accueille.« Grand huit » d’éternitéEtagement zen, harmonie céleste… L’illusion communautaire gagne aussi les auditeurs. Certains gardent les yeux fermés pour s’immerger dans un flux qui a valeur d’éveil sensoriel. D’autres, au contraire, s’imprègnent de visu du voyage des sons. Les intervalles ont beau varier, la musique donne l’impression de se mouvoir à partir d’un seul accord, statique en dépit des nuances infinitésimales qui répètent une destinée en quatre étapes : émission, croissance, diminution, extinction.Au fil des minutes, les interprètes se montrent plus explicites dans le déroulement des séquences. Principalement en usant des doigts pour signifier une attaque imminente. Sémaphores exemplaires, ils ordonnent l’enchaînement des soufflets d’intensité comme un « grand huit » d’éternité, renouvelé pendant plus d’une heure jusqu’au silence. L’arrêt des sons, quoique opéré avec douceur, surprend l’auditoire. Quelques enthousiastes applaudissent. Manifestation inconsidérée que les gardiens du temple contemplatif réprouvent à haute voix. Sans doute parce qu’ils savent que, si le compositeur n’a pas fait le déplacement depuis sa Dream House de New York, ses sons l’ont fait pour lui. Et qu’en quelque sorte, La Monte Young est bien là !Pierre GervasoniJournaliste au Monde Rosita Boisseau Danse La bouche pleine d’un sac-poubelle, une femme se débat dans une robe de bouteilles en plastique ; sur son estrade, un dictateur africain jette un couvercle de mots comme on vomit un discours prédigéré. La première, l’Ivoirienne Nadia Beugré, danse en solo Quartiers libres, à l’affiche jusqu’au 17 octobre, au Tarmac, à Paris ; le second est le personnage central de J’ai arrêté de croire au futur…, chorégraphié par le Congolais Andréya Ouamba pour cinq danseurset un acteur, au Théâtre des Abbesses, jusqu’au 18 octobre.Entre les deux, dans un continent africain transpercé par les conflits, un même besoin brutal de gueuler, de dénoncer pour rester tout simplement vivant.Nadia Beugré porte l’héritage de la compagnie Tché Tché, basée à Abidjan, uniquement composée de femmes, dans laquelle elle dansera de 1997 à 2007, année de la mort de la fondatrice de la troupe, Béatrice Kombe. Elle décide de ne pas reprendre le flambeau et part en 2009 se former auprès de Germaine Acogny, à Dakar, puis de Mathilde Monnier, à Montpellier. « Il me fallait quitter le pays, explique-t-elle. Je ressentais le besoin d’une formation. C’est la clé de tout, et cela manque en Afrique. J’avais aussi envie de goûter à ce qui se passait ailleurs. Par ailleurs, la danseuse n’est pas respectée chez nous, elle est celle qui bouge derrière le chanteur et c’est tout. »Un geste dur, sans concessionsAprès son premier solo Un espace vide : moi (2008), Quartiers libres (2012) marque un pas. Nadia Beugré sort du rang et prend le micro. En robe lamée ultracourte, elle affirme un geste dur, sans concessions, ni précautions. « Je fais ce que je vis, ce que je vois, assène-t-elle. Je crois en l’avenir. Les femmes ne se laissent pas faire. » Dont acte. Dans Legacy (2014), pièce de groupe, elle relance la marche historique, en 1949, d’un groupe d’Ivoiriennes à Bassam, près d’Abidjan, pour obtenir la libération de leurs maris emprisonnés par les forces coloniales. C’est dans cette prison, lieu hautement symbolique, que Nadia Beugré rêve d’ouvrir un espace pour la danse.Avec J’ai arrêté de croire au futur…, Andréya Ouamba, installé à Dakar avec sa Compagnie 1er temps créée en 2000, ouvre le feu sur la violence et la fourberie des discours dictatoriaux. Créé après plusieurs voyages dans différents pays d’Afrique, ce spectacle tendu, nerveux, où les danseurs tentent de résister au discours paternaliste du despote, ouvre un espace brûlant d’engagement très rare dans le paysage chorégraphique.« Mon histoire est liée aux crises politiques du Congo ou soi-disant “des Congos”, qui font partie de mes origines, commente Andréya Ouamba. Mais ce spectacle est aussi une réflexion sur notre système capitaliste qui n’est pas si éloigné des dictatures proches ou lointaines. Comment peut encore fonctionner en 2015 ce système qui s’enorgueillit de déséquilibrer, de rompre la cohésion des relations humaines, de mettre à bas les solidarités en surfant sur les questions d’origines, raciales, religieuses, de détruire l’environnement et de privilégier la finance… » Après Sueur des ombres (2011), pièce guerrière sur la question du territoire, Andréya Ouamba prend au collet le mensonge en pariant sur la rébellion des corps, pures bombes de mouvements lancées à l’attaque de toutes les impostures.Quartiers libres, de Nadia Beugré. Festival d’automne/Tarmac, Paris 19e. Jusqu’au 17 octobre. De 12 euros à 25 euros.J’ai arrêté de croire au futur…, d’Andréya Ouamba. Théâtre des Abbesses, Paris 18e. Jusqu’au 18 octobre.De 16 euros à 26 euros.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Florence Evin Au téléphone, la voix est alarmante. L’interlocuteur, qui préfère garder l’anonymat, l’affirme sans détour : « La situation est très mauvaise. Les gens n’ont rien à faire du patrimoine, ils pensent à leur maison, à leur terre. Daech [acronyme arabe de l’EI] contrôle Sabratha. Il faut faire vite pour préserver l’art libyen. » On n’en saura pas plus. La communication est interrompue. Depuis, aucun des numéros de téléphone libyens des scientifiques et responsables du patrimoine ne répond.Qu’en est-il des monumentales cités grecques et romaines de la côte libyenne ? Quid de Cyrène, immense cité grecque, dont le temple dédié à Zeus est plus vaste que le Parthénon ? Et de Leptis Magna, « la Rome de l’Afrique », où est né l’empereur Septime Sévère ? Qu’en est-il du théâtre romain de Sabratha, à l’ouest de Tripoli ? Jusque-là, le patrimoine antique libyen demeurait le mieux préservé dans son ampleur de toute la côte méditerranéenne. Le restera-t-il ?« Il faut sauver les meubles »Après les destructions par l’Etat islamique (EI) du musée de Mossoul, et des antiques Ninive, Nimroud et Hatra en Irak, puis Palmyre en Syrie, l’inquiétude se porte sur la Libye, en plein chaos, avec deux Parlements et deux gouvernements rivaux – l’un basé à Tripoli, l’autre à Tobrouk, ce dernier reconnu par la communauté internationale.Si l’EI est implanté au nord-ouest, à Sabratha, à Syrte, au nord, et à Derna, au nord-est, à soixante kilomètres de Cyrène, il n’y aurait pas, pour l’heure, de volonté de saccage pour faire table rase du passé, comme en Irak ou en Syrie. Le plus grand danger vient de l’urbanisation sauvage galopante sur les sites et nécropoles antiques, notamment à Cyrène, et des pillages qui nourrissent le trafic illicite des œuvres d’art, via l’Egypte, Israël, les pays du Golfe. La Jordanie, le Liban et la Turquie seraient des plaques tournantes très efficaces. Les fameux bustes funéraires d’une grande beauté, les « aprosop » – sans visage – ou « cylindres à coiffure », une spécificité de Cyrène, sont les plus prisés. « Une pièce a été saisie dans le port franc de Gênes, quatre à Paris, une autre à Londres », indique Vincent Michel, directeur de la mission archéologique française pour la Libye antique (Cerla). « Trois mosaïques ont été récemment découvertes à Apollonia, le grand port de Cyrène, il est urgent de les déposer pour les mettre à l’abri, s’alarme l’archéologue. La situation se détériore, il faut sauver les meubles. »La première « liste rouge d’urgence des biens culturels libyens en péril » sera diffusée, sur Internet, en novembre, par le Conseil international des musées (Icom), pour alerter les douanes, Interpol et le marché de l’art. Dressée par Vincent Michel, elle répertorie les typologies d’objets en danger, afin d’empêcher leur vente – sculptures et reliefs en calcaire, marbre, grès, stuc, bronze, céramiques, monnaies, bijoux, chapiteaux, linteaux, mosaïques… – photos à l’appui.L’archéologie préventive de sauvegarde est l’urgenceLes missions françaises et italiennes, très actives, ont cessé toute activité. Gianfranco Paci, le directeur des fouilles italiennes en Libye, se dit aussi « très préoccupé par la situation. Il n’y a plus de personnel sur place depuis un an et demi, c’est trop dangereux ». Après la chute, en 2011, du régime de Mouammar Kadhafi, « les Français étaient les premiers à revenir, indique Vincent Michel. Dès avril 2012, on fouillait à Apollonia, le port de Cyrène, à Latroun – aujourd’hui sous contrôle d’Al-Qaida – et Abou Tamsa, puis, en juillet 2012, à Leptis Magna, sur les thermes romains. En octobre 2013, ce fut le dernier voyage ». Pour le scientifique, l’archéologie préventive de sauvegarde est l’urgence. Il faut restaurer et conserver, notamment les mosaïques très nombreuses laissées à l’abandon. « L’histoire n’était pas enseignée. Kadhafi n’a pas permis à la population de prendre conscience de son patrimoine. Lequel fait partie du paysage local mais pas de la conscience historique. » Un patrimoine demeuré méconnu, aussi, à cause du tourisme absent, par la volonté de Kadhafi, à qui les revenus du pétrole suffisaient.Ahmed Abdulkariem, directeur des antiquités du gouvernement de l’Est, à Tobrouk, était à Paris, le 2 octobre, avec deux confrères archéologues libyens afin d’obtenir de l’aide et des stages de formation, notamment pour la restauration des artefacts et des mosaïques. Il a précisé au Monde que l’EI, présent à Sabratha et à Derna avec des camps d’entraînement, y rivalisait avec Al-Qaida. « On travaille, dit-il, avec les chefs de tribu pour mettre en place, sur les sites antiques, des “protecteurs” locaux. Il faut sensibiliser la population par une prise de conscience. »En l’absence d’autorité, « les gens construisent sur les nécropoles, précise le directeur libyen. Ces terrains ancestraux appartiennent à des familles. Sous Kadhafi, celles-ci n’y touchaient pas. Aujourd’hui, elles les revendent pas cher. Les actes de propriété ont brûlé au tribunal d’Apollonia où ils étaient conservés ! Ont été bâtis deux immeubles sur la nécropole hellénistique d’Apollonia – le port de Cyrène – et un hôtel ». Une nécropole d’où ont été exhumés des vases panathénaïques, des trophées fabriqués à Athènes pendant les fêtes, à l’occasion des Jeux dédiés à Athéna et des concours de poésie.Cyrène, le « rêve de marbre »A Leptis Magna, édifiée par les Romains, qui avaient fait table rase des vestiges phéniciens, les milices locales se sont organisées pour sécuriser le site de cinquante hectares. Globalement, les principaux musées, murés dès le début de la révolution pour protéger les collections, n’ont pas été dégradés. C’est Cyrène, la grecque, aussi vaste que Leptis Magna, qui est la plus touchée par l’urbanisation et les pillages, avec Apollonia, son port, dont les vestiges colossaux sont en partie sous l’eau. Fondé au VIIe siècle avant notre ère, simple anse aménagée avec ses grèves, le port grandit avec ses quais, sa cale de halage pour des vaisseaux de trente mètres, ses bittes d’amarrage en cuivre et ses rues pavées. Claude Sintès, directeur du musée départemental Arles antique, qui a réalisé des fouilles sous-marines de 1983 à 2003 à Apollonia, raconte la richesse de la colonie, en contact direct avec le Péloponnèse, qui exporte le blé et le silphium, « l’aspirine » de l’Antiquité, et donne naissance à une cité monumentale. Située à 20 kilomètres à l’intérieur des terres, à 600 mètres d’altitude, sur une plaine fertile en trois gradins, « Cyrène possède les vestiges parmi les plus spectaculaires de la Méditerranée, très bien conservés, ni détruits, ni réutilisés. Les nomades arabes, venant d’Arabie et progressant vers l’Espagne, n’avaient pas besoin de pierres. Cette civilisation pastorale avec des modes d’échanges terrestres n’était pas ouverte sur la mer. Le sable a protégé l’antique cité. Quand on fouille, on retrouve de manière spectaculaire un rêve de marbre », s’emporte Claude Sintès.Le musée de Cyrène possède une des plus riches collections de statues de la période hellénistique et archaïque, du VIIe au IIe avant J.-C. C’est ce rêve de marbre qu’il faut aujourd’hui protéger.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.10.2015 à 11h47 • Mis à jour le14.10.2015 à 19h01 | Rosita Boisseau Le chorégraphe grec Dimitris Papaioannou, 51 ans, ne connaît pas la crise. Et ne craint pas de le dire parce que c’est comme ça. Il a mis en scène les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques (JO) d’Athènes en 2004. Ceci explique cela. « Trois ans de travail, huit mille performeurs, résume-t-il. J’ai survécu à l’expérience, au plus gros show du monde, aux interactions entre les politiques, les producteurs, les artistes, c’était du Kafka, je l’ai fait. » Il en profite depuis. Possède une boîte de production, connaît le succès dans les plus grands théâtres d’Athènes. « Pour les JO, ils sont venus me chercher dans un squat, La Maison des artistes, que j’avais réhabilitée et où je travaillais depuis dix-sept ans avec ma compagnie, le Edafos Dance Theatre, précise-t-il. Aujourd’hui, je travaille en free-lance et je fais ce que je veux. J’ai beaucoup de chance. »Si fameux soit-il en Grèce et à l’international, ce pionnier de la danse contemporaine n’a jamais été programmé en France. Le voilà pour la première fois à l’affiche du Théâtre de la Ville, à Paris, jusqu’au 16 octobre, avec son spectacle Still Life (2014), pour sept interprètes. Une pièce matricielle sur le mythe de Sisyphe, ce « héros de la classe ouvrière », selon le chorégraphe. « Minimum de moyens, maximum de poésie »Un succès à Athènes, où il a joué à guichets fermés au Centre culturel Onassis, puis au Piraeus Theatre. « Treize mille personnes l’ont déjà vu, précise-t-il. Mais je ne reçois pas de subvention du gouvernement et je n’ai pas de convention avec un théâtre. En 2013, moment où la Grèce entrait dans une crise profonde, j’ai décidé de revenir à une grande économie en utilisant des matériaux ordinaires. Minimum de moyens, maximum de poésie. C’est la tristesse et la dépression partout et, pourtant, tout continue, mais c’est vraiment triste. »Papaioannou parle franc. Il assène des informations, ne tourne pas autour du pot, identifie sa trajectoire avec lucidité. Il résume son parcours en quelques tours de piste. En 1983, il est étudiant aux Beaux-Arts, à Athènes, auprès du peintre grec Yannis Tsarouchis, puis devient apprenti danseur auprès d’Eric Hawkins et du chorégraphe butô, Min Tanaka, à New York. Au début des années 1990, il suit de près certains spectacles de Bob Wilson. « Je suis un meilleur peintre sur scène que sur une toile, mais je ne me considère pas comme un vrai plasticien ni un vrai danseur, conclut-il. Je suis quelqu’un d’improvisé. »Improvisé, mais avec rigueur. Still Life s’enracine dans un double geste plastique et chorégraphique à l’image de son parcours. Dans la fabrique, comme sur le plateau. Papaioannou a d’abord confectionné des objets auxquels les interprètes se confrontent en répétitions. « On explore toutes les possibilités pendant quelques semaines, puis je travaille seul pendant deux mois et on se retrouve pour structurer le spectacle », raconte-t-il.Il a ainsi mis au point une énorme structure gonflable remplie de fumée ainsi qu’un matelas qui se casse comme un mur un peu mou. « La fumée provoque l’illusion du ciel, quant à la paroi, elle possède les particularités du corps humain, entre chair et os », ajoute-t-il. Et toujours cette obsession, profondément grecque, pour les ruines, les fragments, les cassures et les reconstitutions, si accidentées soient-elles. « Je tente de me rapprocher toujours un peu plus de moi. »Still Life de Dimitris Papaioannou. Théâtre de la Ville, à Paris. Du 13 au 16 octobre, à 20 h 30. Tél. : 01 42 74 22 77. De 18 à 30 euros.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Harry Bellet On ignorait qu’elle fût si bien dotée, la Fondation Giacometti. Il faut aller à Landerneau (Finistère), dans le beau bâtiment qui abrite le Fonds Hélène et Edouard Leclerc, pour se rendre compte de ses richesses, à moins de préférer Shanghaï, où la collection sera présentée au Yuz Museum en mars 2016. Née de la volonté d’Annette Giacometti, décédée en 1993, la fondation a mis du temps à sortir des limbes, puisque le décret validant son existence ne fut signé que le 6 janvier 2004 par Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, et Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, après avis favorable du ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon.Son actuelle directrice, Catherine Grenier, a manifesté la volonté de « développer les expositions à l’international, et notamment dans les pays émergents, et générer davantage de recherches et de publications chez les jeunes chercheurs sur Giacometti, artiste à la trajectoire très originale à travers le surréalisme, mais aussi les penseurs et écrivains de son temps ». On ne sait si la Bretagne est un « pays émergent », mais c’est la première exposition Giacometti dans la région, comme ce sera aussi le cas en Chine, et elle est accompagnée d’un fort catalogue qui fait effectivement la part belle à de jeunes chercheurs. Elle offre aussi l’occasion, grâce au mécénat de Michel-Edouard Leclerc qui a permis leur restauration, de présenter pour la première fois les plâtres de deux Femmes de Venise, que leur état antérieur interdisait jusqu’alors d’exposer. FascinationChronologique, l’exposition permet de saisir un Giacometti peut-être plus intime que ce que les nombreuses rétrospectives dont il a bénéficié laissaient percevoir : des influences, ou plutôt des sources d’inspiration, d’une variété rare, puisant autant dans l’art des Cyclades que dans ceux de l’Egypte antique, des Etrusques, des Byzantins, des Africains, mais aussi des artistes qui lui sont proches comme, du temps où il était surréaliste, Salvador Dali, dont un tableau en particulier, L’Enigme de Guillaume Tell, fascinait Alberto, natif de Borgonovo (Suisse).Il est une autre énigme que pose cette exposition, c’est celle des proportions : si certaines de ses sculptures – rares – peuvent être monumentales, beaucoup sont toutes petites, voire minuscules. Une constante dans l’œuvre qui date des débuts de sa carrière : à son père, Giovanni Giacometti, peintre lui-même, qui s’énervait de le voir dessiner des poires trop petites, alors qu’on apprend aux jeunes à emplir leur composition, et le rabrouait en lui disant : « Mais fais-les donc comme tu les vois ! », Alberto aurait répondu qu’il les voyait effectivement de cette taille. De la même façon qu’un dessin classique représente les figures lointaines plus petites que les proches, Giacometti transposait dans la sculpture les lois picturales de la perspective. Pour Sartre, qui fut un de ses préfaciers, « il met la distance à portée de main, il pousse sous nos yeux une femme lointaine ».Cela ne suffit toutefois pas à expliquer la fascination que l’on ressent devant ses œuvres. Elles recèlent autre chose qu’avait perçu Jean Cocteau, lequel les décrivait comme « si solides, si légères qu’on dirait de la neige gardant les empreintes d’un oiseau ». Les nombreuses photographies de l’artiste montrent un homme qui a effectivement souvent l’allure d’un piaf tombé du nid. Mais un piaf doté d’un regard d’aigle : tous ses amis ont témoigné de l’intensité presque effrayante avec laquelle il fixait ses modèles. Il les scrutait, les dévorait des yeux. Cherchant, sinon leur âme, du moins leur humanité. Voilà ce qui émeut sans doute toujours aujourd’hui : Giacometti, c’est l’homme même.Alberto Giacometti, Fonds Hélène et Edouard Leclerc, aux Capucins, Landerneau (29). Tous les jours de 10 heures à 18 heures, jusqu’au 1er novembre. Entrée 6 €. Catalogue 216 p. 35 €.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle dessiné par Jean Prouvé en 1951. dessiné par Jean Prouvé en 1951.La maison à portique de Jean Prouvé, dite « 8×12 » (en référence à ses dimensions), propriété de Didier Quentin, député et maire (Les Républicains) de Royan (Charente-Maritime), va quitter son bord de mer, boulevard Germaine-de-la-Falaise, pour être remontée dans un lieu encore indéterminé. Elle a été vendue au galeriste Patrick Seguin, spécialiste de l’œuvre du génial ferronnier et designer de Nancy, salué par Le Corbusier et proche de l’abbé Pierre. La demande de permis de démolir – ou plus exactement de « démontage », selon le document officiel – est arrivée le 29 septembre en mairie. L’architecte conseil de la ville, Vincent du Chazaud, membre de l’association des amis de Jean Prouvé, s’en est ému : « La maison est en train de partir. » L’avis qu’il a adressé a été, dit-il, « virulent ».Issue des nombreuses recherches de Jean Prouvé (1901-1984) sur la préfabrication et l’industrialisation de l’habitat individuel pour les plus démunis, la maison 8x12 fait partie d’un groupe de pavillons identiques, dotés de structures en acier et de panneaux en aluminium. Ils avaient été commandés au lendemain de la seconde guerre mondiale par le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme (MRU). Tous sont installés à Meudon (Hauts-de-Seine) et à Roubaix-Tourcoing (Nord), sauf le prototype de Royan, le seul à ne pas être classé.Propriété de famillePosée à titre expérimental, en 1951, face à l’estuaire de la Gironde, la maison devait rassurer le MRU sur la tenue des panneaux en milieu marin. Un programme plus vaste adoptant cette technique devait s’appliquer aux bâtiments à construire sur la côte dévastée par le bombardement de janvier 1945.Soixante ans aprèsl’installation du pavillon, et en dépit de son état d’abandon, le test du MRU – qui n’a pas retenu la solution globale de Prouvé – s’est avéré positif. La 8×12 a même résisté à la tempête de 1999.La demeure est une propriété de famille. Elle a abrité l’agence d’architecture du père de Didier Quentin, Marc Quentin, ancien élève d’Auguste Perret. En 2012, le maire de Royan décida d’en faire sa permanence parlementaire. Le bâtiment s’est ensuite dégradé. Peu avant, l’élu avait reçu avec les honneurs Catherine Prouvé, la fille du constructeur, ainsi que Jean Masson, l’un de ses anciens collaborateurs, mais n’avait, semble-t-il, pas été sensible à leurs conseils pour réhabiliter la construction. « Je suis le cœur à vif avec cette histoire, explique le maire, mais c’est le seul bien que je puisse négocier rapidement : le fisc est insistant. » L’élu doit régler d’importants droits de succession, et évoque une possible dation à l’Etat, restée sans suite. Que le pavillon soit rayé du paysage patrimonial de la ville ? « Entre deux maux, il faut choisir le moindre », rétorque le maire. Soit, qu’il disparaisse avec la garantie d’être restauré, plutôt qu’abandonné sur place. Pourquoi alors ne pas l’avoir vendu in situ ? « J’ai essayé d’en convaincre Patrick Seguin. Il n’a pas été convaincu. » Une hypothèse confirmée par une modification en cours du plan cadastral. Une fois la parcelle de 700 m2, désormais nue, revendue, le maire jure veiller à ce que la future construction qui y sera édifiée « illustre l’architecture immédiatement contemporaine, l’architecture des années 2020 ». Didier Quentin dit être notamment en pourparlers avec Jean-Michel Wilmotte. L’architecte évoque, lui, un vague projet de cinéma, dont il affirme pour l’heure ignorer l’emplacement exact.« La maison de Prouvé a un sens par rapport au lieu où elle se trouve, confie le directeur du Conseil d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement de Charente-Maritime, Michel Gallice. Elle est attachée aux caractéristiques expérimentales de Royan. Mais nous n’avons qu’un pouvoir d’alerte. Eveiller les consciences. » Reste à savoir si sa singularité historique et géographique – les maisons de Prouvé sont par nature détachées de tout contexte – incitera la direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes à recourir à un classement d’office.Triste litanieBien que saluée par le MRU comme un « laboratoire d’architecture moderne », et forte d’un label « Ville d’art et d’histoire » obtenu en 2011 par l’actuel maire, Royan a multiplié les outrages contre son patrimoine architectural contemporain. Ainsi, le bâtiment de la poste centrale à la géométrie aérienne, signé en 1952 par André Ursault, est défiguré depuis 1981 par une protubérance semi-circulaire. Non loin, les courbes « tropicalistes » des galeries Botton, réalisées en 1956 par Henri-Pierre Maillard et Armand Jourdain, inspirées de l’architecture du Brésilien Francisco Bolhona, sont parasitées par des enseignes et des stands.Et que dire du casino municipal de Claude Ferret, chef de la reconstruction de Royan, dont le grand œuvre, achevé en 1961, est devenu le « halles Baltard » de la ville ? Ce monument de grâce rayonnant sur la cité a été détruit en 1985 pour être remplacé par une tour de 58 mètres, qui finalement ne verra jamais le jour… L’enlèvement du pavillon Prouvé poursuit cette triste litanie.Patrick Seguin possède vingt pavillons du constructeur nancéen, issus de différentes typologies. Il connaît celui du boulevard Germaine-de-la-Falaise depuis plus de vingt ans. « Cela fait cinq ou six ans que l’on en parle », explique le galeriste qui, pour l’acquérir, a versé « un montant important ». Deux années, dit-il, seront nécessaires pour lui « donner une nouvelle vie ». Sera-t-il revendu ? Il n’en sait rien. Cette renaissance a un prix. Une fois réhabilitées, les maisons Prouvé, conçues à l’origine pour les pauvres, se négocient jusqu’à plusieurs millions d’euros.L’affaire du pavillon Prouvé intervient après celle du bois de Belmont. Didier Quentin a en effet été condamné en juillet à verser 7 500 euros d’amende pour prise illégale d’intérêts après avoir obtenu de son conseil municipal qu’une parcelle, propriété de sa famille, passe de « zone naturelle à protéger » à « zone destinée à une urbanisation future ». « Sur le plan politique, il n’a plus de risque électoral direct, suggère cet ancien collaborateur du maire. Non-cumul des mandats oblige, il a choisi la députation. En tant que député, vendre maintenant le pavillon lui pose beaucoup moins de problème. »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Fonte des glaces, changement climatique, extinction… Cette année, la Nuit blanche se veut la caisse de résonance artistique de la Conférence mondiale sur le climat (COP21), qui se tiendra à la fin de l’année à Paris.Après une édition 2014 axée sur le sud de Paris, qui offrait la part belle au street art et au cirque, la Nuit Blanche 2015, dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 octobre, met le cap au nord, débordant même sur le futur « Grand Paris » du côté d’Aubervilliers.Une trentaine d’artistes contemporains internationaux ont été conviés par José-Manuel Gonçalvès, le directeur du centre d’art le CentQuatre (19e arr.), qui pilote la manifestation pour la seconde fois. En marge de cette programmation officielle, les projets « off » fourmilleront dans toute la ville, présentés à l’initiative de mairies d’arrondissement, musées, galeries, lieux associatifs ou particuliers.PARCOURS NORD-OUEST : Du parc Monceau à la Petite CeintureCôté IN, neuf propositions orientées sur la nature jalonneront le parcours de 19 h à 7 h :L’installation sonore d’Erik Smakh au Parc Monceau, La nuit des abeilles invitera à « écouter » les conséquences du réchauffement climatique en révélant et en amplifiant les sons de la nature : insectes, oiseaux et batraciens.Une araignée et une sauterelle géantes feront, elles, leur apparition dans un autre parc, celui de Clichy-Batignolles, dans une installation lumineuse de Friedrich van Schoor et Tarek Mawad intitulée « Spider Projection V.2 » (à partir de 20h).Waterlicht, une installation de l’artiste néerlandais Daan Roosegaarde déploiera un paysage onirique grâce à une grande vague bleue flottant à près de 3 mètres du sol, symbole des risques de la montée des eaux (à partir de 20h).Rêve d’enfant de Stéphane Ricordel devenu réalité : c’est un Nuage qui flottera à 10 mètres au-dessus de l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture, sur lequel se succéderont des acrobates. Avec Appartus (Tunnel Edit), Dominique Blais invitera à écouter le son brut et intime d’un paysage polaire et astral, réel et imagé, puis son interprétation par quatre musiciens.Parsec, une installation cinétique et hypnotique imaginée par Joris Strijbos et Daan Johan illuminera la pénombre d’un site urbain interdit.Michel Blazy a imaginé pour la pénombre d’un tunnel de chemin de fer désaffecté d’étranges peintures pariétales : immenses formes organiques envahissant lentement les parois, formant des halos de couleurs.Un cinéma, forcément en plein-air, présentera six courts et moyens-métrages abordant la question du climat et de l’environnement (à partir de 20h).Un spectacle de Massimo Furlan dans la cour du musée Nissim de Camondo (Après la fin, le congrès, une création pour la Nuit blanche), de 19 h à 5 h.Côté OFF : Parmi les neuf propositions, retenons celle du Hasard ludique. Attendu pour la fin 2016 dans l’ancienne gare de Saint-Ouen, ce futur lieu culturel donnera un avant-goût de son univers le temps d’une nuit avec des mini-concerts de pop psychédélique de Cyclops (Julien Ribot), dont les illustrayions seront projetées sur la façade. (http://quefaire.paris.fr/fiche/120276_cyclops_invite_par_le_hasard_ludique)TANGENTE : De la Recyclerie à la Halle PajolLa « Tangente », axe reliant les deux grands parcours, se veut une parenthèse enchantée, entre cirque et magie contemporains.Avec Projet Fantôme, le magicien Etienne Saglio invite à découvrir une chorégraphie onirique, bercée par le son de la trompette d’Érik Truffaz.Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel proposeront tout au long de la nuit une « Grande Revue incomplète » de cirque et de music-hall dans l’enceinte de Ground Control, lieu festif installé sur une ancienne friche de la SNCF.PARCOURS NORD-EST : De la gare du Nord à AubervilliersCôté IN, l’accent est donné aux installations atmosphériques :Le Brésilien Nelé Azevedo invitera le public à construire Minimum Monument en déposant des hommes de glace miniatures sur les marches d’un escalier.Une fonte plus inattendue, celle d’un immeuble parisien, a été imaginée par l’artiste argentin Leandro Erlich pour une œuvre perenne sur le parvis de la gare du Nord : Maison Fond (entendre « mes enfants »).Plus loin, l’Allemand Julius Pop a conçu un écran cascade, BIT.FALL, où défileront d’éphémères mots liquides.Une sculpture sonore de l’artiste suisse Zimoun emplira la caserne désaffectée de Louis-Blanc. Suspendues au plafond et animées par de petits moteurs électriques, une centaine de lattes de bois frapperont le sol, rebondiront, glisseront et s’entrechoqueront à l’envi (à partir de 21h).L’artiste belge Ann Veronica Janssens présentera l’une de ses délicates installations lumineuses : une étoile en 3D apparaissant dans un brouillard artificiel.Dans sa performance-installation sonore et lumineuse, l’artiste et chercheur canadien Chris Salter proposera sous la halle Pajol une expérience de perception sensorielle combinant éclairage de pointe, lasers et son.Des chevaux suppliciés gisant sur une échelle, une colonne de fumée blanche s’élevant vers le ciel : avec l’association de ces deux installations de Berlinde de Bruyckere et Anish Kapoor, l’atmosphère du CentQuatre prendra un tour mystique.Le tunnel piétonnier de la gare Rosa-Parks accueillera Spectrum offrira une plongée dans un climat de synthèse : une orchestration lumineuse et immersive proposée par Chikara Ohno et Yusuke Kinoshita, architectes et plasticiens japonais.La prise de conscience étant urgente, l’installation Extinction donne l’alerte sur ce danger qui nous guette avec plus d’une centaine de gyrophares formant une enseigne lumineuse animée.La Nuit blanche propose de traverser une forêt urbaine en création : la Forêt linéaire, plantée en 2014 et qui arrivera à maturité dans quinze ans. S’inscrivant dans le cadre du Grand projet de renouvellement urbain du nord-est de Paris, cet axe reliant le canal Saint-Denis aux espaces verts de la Porte d’Aubervilliers, accompagnera la naissance du nouvel éco-quartier de la ZAC Claude Bernard.La balade permettra d’accéder à l’esplanade du Millénaire, à Aubervilliers, pour une plongée numérique dans le ciel. Avec Exo, la plasticienne Félicie d’Estienne d’Orves et la musicienne Julie Rousse inviteront à regarder et à « écouter » les étoiles : des faisceaux laser pointeront des objets célestes, dont les données cartographiques se traduiront en son. Une œuvre présentée dans le cadre de Némo, Biennale internationale des arts numériques.Côté OFF, la programmation est dense. On pourra notamment faire un saut à l’hôtel des ventes Drouot (ouvert jusqu’à minuit) pour découvrir une étonnante collection de météorites, ou aller découvrir, aux abords du canal de l’Ourcq et du canal Saint-Martin, un parcours de fresques de street art (Da Cruz, Koralie, Stoul, FKDL...) sur le thème des impacts sociaux du changement climatique.HÔTEL DE VILLE : A l’Hôtel de Ville et ses alentoursCôté IN, une seule installation, aussi monumentale que fragile, est au programme : Ice Monument, de Zhenchen Liu. L’artiste chinois érigera sur le parvis de l’Hôtel de ville 270 stèles de glace colorées, de taille humaine et réparties en cinq « continents ». Les blocs fondront au cours de la nuit jusqu’à former un immense tableau liquide et abstrait aux couleurs des drapeaux du monde.Côté OFF, parmi la quarantaine de manifestations proposées (dans une notion très large des « alentours »), à ne pas manquer : la performance pyrotechnique d’Elisa Pône devant le Centre Pompidou de 22 h à 22 h 30 (l’accès aux collections permanentes du musée sera par ailleurs gratuit de 20 h à 2 h du matin) ; l’installation post-apocalyptique de Djeff et Monsieu Moo à l’intérieur l’église Saint-Merry (de 20h à 4 h) ; la soirée alliant concerts, projections, lectures et performances organisée par le duo musical Winter Family au Musée d’Art et d’histoire du judaïsme (de 21 h à minuit) ; l’avant-première de l’exposition collective « Climats artificiels », qui s’annonce très poétique, à la Fondation EDF, avec des œuvres de Marina Abramovic, Ange Leccia, Hicham Berrada ou encore Yoko Ono (de 19 h à 2 h). Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Jean-Michel Aphatie à midi, sur Europe 1, la nouvelle avait surpris lorsqu’elle avait été annoncée en mai. C’est une réalité depuis plus d’un mois. Entre 12 heures et 14 heures, l’ancien intervieweur politique de RTL et du « Grand Journal » revêt les habits d’anchorman (« présentateur-vedette »). Enfin presque. Il les partage avec Maxime Switek qui présentait, la saison précédente, les matinales de la station. Entre les deux hommes, qui se sont découverts cet été, les rôles sont bien répartis.Au cours des trois premiers quarts d’heure, tandis que Maxime Switek déroule les titres d’un journal d’une durée inédite à la radio à ce moment de la journée, Jean-Michel Aphatie retrouve son rôle d’intervieweur. Plusieurs invités défilent devant le micro pour réagir à l’actualité. Ils sont interrogés par des questions brèves et directes que Jean-Michel Aphatie n’hésite pas à reposer jusqu’à ce qu’il obtienne une réponse. Les sujets s’enchaînent et certains finissent par passer à la trappe, faute de temps.Levé à 5 heures du matin pour lire la presse, Jean-Michel Aphatie est un boulimique, désireux de traiter un maximum de choses. « Il est comme un môme, nous devons le canaliser », s’amuse Fabien Namias, le patron de la station. « On s’est tout de suite mis d’accord pour faire passer beaucoup de gens dans le studio, traiter beaucoup de sujets, faire des sons courts », explique Jean-Michel Aphatie. Pas question pour autant de survoler les choses : « C’est un journal où l’on prend notre temps, deux tiers de nos auditeurs ont déjà écouté la matinale, on a besoin de creuser l’info », se justifie Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction d’Europe 1.L’échange avec les auditeursChacun est dans son rôle. Jean-Michel Aphatie et Maxime Switek interagissent assez peu entre eux, mais le duo fonctionne bien. « On se parlait beaucoup lors des quinze premiers jours, ce qui n’était pas forcément bon signe, car nous avons gagné en automatismes, en fluidité. Aujourd’hui, on peut donner l’impression de ne pas se parler à l’antenne parce qu’on s’est parlé beaucoup avant », précise Jean-Michel Aphatie. Après la conférence de rédaction du matin, les deux hommes s’enferment pour écrire le journal et se répartissent les lancements. « Ce qui m’intéresse désormais, c’est de personnaliser et d’éditorialiser la tranche, d’y apporter quelque chose », insiste le journaliste.Après une rediffusion de « La revue de presque » de Nicolas Canteloup et un journal plus bref, c’est à un nouvel exercice – l’échange avec les auditeurs – que se plie Jean-Michel Aphatie, plus à l’aise pour questionner une avocate sur les retards de la justice que pour amener une octogénaire à s’exprimer sur la fin de vie. « Ce n’est pas faux, répond-il avec honnêteté lorsqu’on lui en fait la remarque. Mais c’est de la pudeur, pas une difficulté. »Passer de la politique à la vie quotidienne des Français ne relève pas pour Jean-Michel Aphatie du grand écart. « On croise tous ces sujets quand on fait les interviews politiques », se rassure-t-il. Une chose est sûre, pas question de traiter les auditeurs comme des hommes politiques. « On demande des comptes aux acteurs de la société, pas au public. Nous cherchons à faire témoigner les gens plutôt qu’à les faire réagir. »Plus légère, la dernière demi-heure accueille des chroniqueurs qui viennent parler gastronomie, tourisme… Elle est ponctuée par un débrief de Matthieu Noël, comme dans « C à vous » sur France 5. « C’est rigolo qu’il se foute de nous », assure le journaliste, heureux de pouvoir se détendre un peu après une heure et demie de marathon.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Documentaire sur France Ô à 20 h 45 Développement et protection de la nature au Sénégal, en compagnie de Laurent Bignolas.Depuis avril, globe-trotteur engagé, Laurent Bignolas a repris la route, non pas seulement pour observer mais aussi pour contribuer à la préservation de l’environnement. A cet effet, son magazine « Ô bout du monde » a été remodelé en une série documentaire au long cours (100 minutes) « impliquée » et « participative », dont l’objectif est de mettre en lumière des initiatives locales, qui allient développement et protection de la nature, pour lesquels Man & Nature, son association, apporte son aide.Le charbon de pailleAprès Madagascar, c’est au Sénégal que le journaliste nous conduit. Plus précisément, au sud du pays, à Toubacouta, où réside le siège de Nebeday. Fondée en 2011 par Jean Goepp, cette association – dont le nom fait référence au moringa, « arbre de vie » aux vertus nutritives – travaille auprès des populations à une gestion participative et raisonnée des ressources. Comme on le voit dans le delta du Saloum, où Nebeday mène une double action de préservation de la mangrove, en y replantant des palétuviers, mais aussi de sensibilisation auprès des pêcheurs et des femmes qui font commerce des huîtres, afin de protéger cet écosystème.Un travail de sensibilisation, créateur d’emplois, au cœur duquel ont été placées les femmes et les plus jeunes. A cet égard, l’action de Nebeday la plus significative en matière d’aide au développement et de préservation de l’environnement est sans doute celle menée sur le charbon de paille. Ce nouveau combustible permet de sauver la forêt à la fois des coupes et de la paille propagatrice des incendies. Et économiquement, d’améliorer l’ordinaire des collectifs de femmes qui travaillent à sa fabrication et à sa commercialisation.Tourné comme un joyeux carnet de route – très incarné autour de la personnalité de Laurent Bignolias, observateur et acteur, même s’il prend soin de montrer son équipe de tournage –, ce périple « Ô bout du monde » a le mérite de faire découvrir le travail accompli par des associations et des ONG pour lesquelles environnement et développement social et durable ont partie liée.« Ô bout du monde » - Mission Sénégal, écrit par Laurent Bignolas et Christine Lenief, réalisé par Malick Tiaiba.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Josyane Savigneau Documentaire sur France 2 à 23 H 15 Retour sur le parcours journalistique et politique d’une femme aussi insatiable qu’insaisissable.Peut-être est-ce le titre donné au documentaire, Les Mystères d’une femme libre, qui a incité Laurent Delahousse et son équipe à s’attarder sur la part d’ombre de l’extraordinaire parcours de Françoise Giroud (1916-2003) dans le journalisme et le monde politique du XXe siècle.Après un portrait express en quelques phrases pas toujours élogieuses – « Elle a des arrangements avec la vérité dans sa vie », dit Christiane Collange, qui a travaillé avec elle – arrive un long développement sur « une énigme », le déni de sa judéité. En 1982, son petit-fils Nicolas lui demande si elle est juive, donc lui aussi. Elle nie. Il enquête et découvre que « toute la famille est juive ». En 1988, Françoise Giroud lui écrit : « Ta grand-mère est née juive. Pour te dire cela, je dois rompre un serment fait à ma mère sur son lit de mort. » Les explications avancées – la peur de l’antisémitisme, le choc de la déportation de sa sœur – ne sont pas vraiment convaincantes.Une folle passionDans ce film, comme cela arrive désormais souvent, on entend trop peu Françoise Giroud elle-même. Toutefois, les témoins qui interviennent sont pertinents. De Catherine Nay – « la patronne, c’était elle » – à Micheline Pelletier, son amie photographe, en passant par Laure Adler, sa biographe, Caroline Eliacheff, sa fille, Marin Karmitz, son gendre, Madeleine Chapsal, la première épouse de Jean-Jacques Servan-Schreiber, le journaliste Ivan Levaï et beaucoup d’autres.Le film relate une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis à L’Express, à partir de 1953Ivan Levaï insiste sur « la femme libre » qu’était Françoise Giroud. Une assertion que le film lui-même permet de nuancer. Une ambition inflexible appuyée sur un autoritarisme de fer, une manière – très peu féministe – de se comporter comme les plus durs des hommes, et une misogynie que souligne Christiane Collange ne sont pas le signe absolu de la liberté. Quoi qu’il en soit, on voit une ascension sociale et professionnelle exceptionnelle, d’abord à Elle, puis, après la rencontre avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, à L’Express, à partir de 1953. Françoise Giroud est la première femme à diriger un grand journal d’information. Mais leur duo n’est pas seulement professionnel, c’est une folle passion. Une histoire qui se termine très mal quand Jean-Jacques Servan-Schreiber décide d’épouser une jeune femme. Son épouse, lui-même et leurs parents reçoivent alors des lettres anonymes très injurieuses et antisémites. Quand on découvre qu’elles viennent de Françoise Giroud, Servan-Schreiber lui demande de quitter L’Express (il la rappellera l’année suivante, en 1961).Après sa tentative de suicide, Françoise Giroud « a recours à la psychanalyse ». Mais on ne mentionne même pas le nom de Jacques Lacan, dont elle disait qu’il lui avait sauvé la vie. Ensuite, le film va trop vite : la mort de son fils, ses postes politiques pendant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, l’affaire de la médaille de la Résistance qu’elle prétendait avoir alors que c’était sa sœur qui l’avait reçue, et sa détestation de la vieillesse qui l’a conduite à se filmer défigurée par une chute dans un escalier. Les livres ? Elle en a écrit beaucoup, dont, après son expérience politique, une cruelle Comédie du pouvoir. Il n’est question, trop longuement, que d’un seul, Le Bon Plaisir, qui a déplu à François Mitterrand, alors président, car il contait l’histoire d’un chef d’Etat ayant un fils caché.Ce « Un jour un destin » n’est pas très bien construit ; pourtant on le regarde avec passion, car Françoise Giroud peut susciter à la fois une étrange antipathie et une intense admiration pour son destin « inégalé », comme le dit Catherine Nay.Un jour un destin, proposé par Laurent Delahousse (Fr., 2015, 90 min).Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ Cinéma à 20 H 50Adapté d’un best-seller de Gillian Flynn, le film de David Fincher est un thriller sombrement ironique.Bon, une fille qui s’en va, ça arrive, en gros, tous les jours à une part non négligeable de l’humanité. On gère comme on peut, mal ou bien, et puis ça finit par passer. Comme on pouvait s’y attendre, dans Gone Girl, de David Fincher, les tenants et les aboutissants d’une telle affaire sont lourds de conséquences.Tout part ici d’un best-seller machiavélique de 2012, Les Apparences (Sonatine), de Gillian Flynn, vendu à six millions d’exemplaires à partir duquel Fincher va signer quelque chose qu’on a du mal à définir : vaudeville au tranchoir ? Thriller conjugal à l’heure de la société du spectacle ? Critique guignolesque de la dictature des apparences dans la société américaine ?Amy (Rosamund Pike), une romancière à succès pour la jeunesse, et Nick (Ben Affleck), un journaliste, lovés à Manhattan, se retrouvent dans la petite ville natale de ce dernier, dans le Missouri, après qu’il a perdu son travail.Tandis que leur mariage semble se déliter, Nick ouvre un bar avec sa sœur Margo et se confie à elle. C’est ici que le film commence. Car, à peine rentré chez lui, Nick constate la disparition de sa femme. Disparition non dénuée de traces accusatrices. Des meubles renversés, du sang mal nettoyé sur le sol, un carnet intime qui ne tardera pas à être retrouvé.Un jeu de piste bien orchestréAutant d’éléments qui accusent Nick du possible assassinat de sa femme. Sont ainsi lancés une course contre la montre visant à éclaircir tant les raisons de la disparition d’Amy que la culpabilité présumée de Nick, ainsi qu’un double récit hélicoïdal qui confronte les versions contradictoires de l’homme et de la femme.Ici, mobilisation de Nick, grand dadais peu sympathique englué dans la nasse des présomptions de sa culpabilité et victime d’un déchaînement de haine publique. Là, les confessions accablantes laissées dans son carnet par Amy.Reste à évoquer la constellation de personnages qui accompagnent ce désastre – la sœur fidèle, l’officier de police intègre, la maîtresse plastiquement et mentalement brûlante de Nick, l’ex-petit ami d’Amy, l’animatrice d’une émission d’enquête télévisée, l’avocat en gestion d’images. Et, bien sûr, selon un jeu de piste savamment orchestré, les retournements de situation que le scénario réserve à foison aux spectateurs.Gone Girl, de David Fincher. Avec Rosamund Pike, Ben Affleck (EU, 2014, 149 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Arte à 20 H 50 La vie d’Elisabeth Vigée Le Brun, femme des Lumières et peintre célèbre.Entre Artemisia Gentileschi et Berthe Morisot, il n’est guère qu’Elisabeth Vigée Le Brun (1755­-1842) à incarner la peinture au féminin pour le grand public. Sans doute le doit-elle plus au modèle qui l’a rendue célèbre – la reine Marie-Antoinette – qu’à la facture de ses toiles, pourtant très personnelle et d’une infinie délicatesse. A l’heure où le Grand Palais à Paris consacre une exposition à la fameuse portraitiste (jusqu’au 11 janvier 2016) et où paraît une version amendée de l’édition de ses Souvenirs (éd. Champion, 896 p., 25 €), établie en 2008 par Geneviève Haroche­-Bouzinac, avant que l’historienne ne livre son exemplaire biographie (Flammarion, 2011), Jean-­Frédéric Thibault invite à découvrir une femme des Lumières à l’audace sereine. Avec la complicité d’Arnaud Xainte, cosignataire de ses documentaires sur Jean Cocteau (2013) et Rita Hayworth (2014).Autodidacte, même si son père, le pastelliste Louis Vigée, l’encourage, Elisabeth devient, orpheline, peintre professionnelle à 14 ans. Pour éviter les sollicitations de ses modèles masculins, elle ruse, exigeant qu’ils détournent les yeux, « à regard perdu », préfigurant la pose romantique de l’homme inspiré qui voit « ailleurs ». Un stratagème aussi efficace que fécond.Malgré les protections que son talent et sa fraîcheur lui valent – la duchesse de Chartres, avant la reine, croisée lors d’une promenade à Marly – et qui établissent sa cote, d’emblée exceptionnelle, elle doit inscrire sa pratique dans un cadre professionnel. Elle se présente donc à l’Académie de Saint-Luc, corporation des peintres et sculpteurs, et bientôt épouse le restaurateur de tableaux et marchand d’art Jean-­Baptiste Le Brun, qui partage sa sensibilité artistique et son ambition sociale. Elle ouvre ainsi un atelier et voyage pour parfaire sa science.Découverte de RubensRien ne peut la freiner et sa découverte de Rubens dont elle va s’inspirer confirme son aptitude à digérer la technique des grands maîtres. Comme la vivacité et l’empathie, la culture et la conversation de l’artiste séduisent ses modèles, la reine, que les séances de pose désespèrent, succombe aisément. Et de 1778 à 1789 se tisse une relation familière entre les deux femmes. En 1783, Vigée Le Brun parvient ainsi à entrouvrir la porte de l’Académie royale de peinture qui permet d’exposer au Salon officiel, où les femmes sont presque absentes. Mais si la protection de la reine lui permet de viser le genre le plus noble – la peinture d’histoire –, réservé aux hommes, la détestable réputation de la reine rejaillit sur sa portraitiste et il est logique qu’aux premières heures de la Révolution elle choisisse l’exil.D’octobre 1789 à janvier 1802, errance à Chambéry, Bologne, Rome, Naples, Venise, puis Vienne, Saint-Pétersbourg et Moscou, où il faut se refaire à chaque fois une clientèle de cour, sans céder sur ses exigences tarifaires. De retour en France, elle s’accommode mal de l’ère napoléonienne, tente sa chance à Londres, s’y ennuie… et part pour la Suisse où elle partage avec Mme de Staël la nostalgie de l’Ancien Régime. C’est pour retrouver ces temps pour elle heureux qu’elle mettra par écrit ses Souvenirs achevés en 1837. Témoin d’un art de vivre et d’un monde où les femmes pouvaient forcer le destin, Elisabeth Vigée Le Brun méritait ce portrait.Le Fabuleux Destin d’Elisabeth Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, d’Arnaud Xainte, écrit par Jean-Frédéric Thibault (Fr., 2015, 95 min). Version intégrale (2 x 52 min), en DVD (coédité par Arte et RMN Grand Palais), disponible dès le 6 octobre.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Dans un hémicycle très clairsemé, trente petites minutes ont suffi, jeudi 1er octobre autour de minuit, pour que soit discuté, en première lecture, l’article 26 du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Pour la première fois depuis 1977, on débattait d’architecture au Palais Bourbon. Dix jours plus tôt, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, présidée par le député PS Patrick Bloche, rapporteur du projet de loi, avait, il est vrai, fourni l’essentiel des amendements. Déjà, au premier semestre 2014, la commission avait mené une « Mission d’information sur la création architecturale ». 36 propositions, issues d’une soixantaine d’auditions d’acteurs du secteur de la construction, avaient été formulées, destinées à « susciter un désir d’architecture ».Lire aussi :La liberté des artistes vaut bien une loiLes amendements qui ont été jusqu’alors votés sont-ils vraiment de nature à susciter ce désir face à un implacable constat ? Soit, d’un côté, ladite « France moche », ses entrées de villes, son mitage urbain, ses projets standardisés et la pesanteur de ses normes ; de l’autre, une profession hautement qualifiée dont, pour résumer, le revenu moyen annuel n’excède pas 25 000 euros et où les bénéficiaires du RSA sont de moins en moins rares.Tandis que l’on n’entendait plus parler de la mission Bloche, la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, sitôt arrivée rue de Valois à la fin du mois d’août 2014, lançait sa « Stratégie nationale pour l’architecture » qu’elle a souhaité forger à partir de trois groupes de réflexion : sensibiliser et mobiliser, innover, développer. Objectif : « Réussir l’excellence ordinaire dans les espaces du quotidien ». C’est à partir des travaux de la mission parlementaire et de la stratégie de la ministre qu’ont été formulés les principaux amendements.Abaissement du seuil de recours à un architectePremier d’entre eux : l’abaissement à 150 m2 du seuil de recours à un architecte. Une dérogation à la loi du 3 janvier 1977 avait fixé à 170 m2 la surface au-delà de laquelle l’intervention d’un architecte devenait obligatoire. Depuis que cette dérogation a été mise en place, a fleuri en France – où 70 % des constructions échappent aux architectes – une myriade de pavillons clés en main dont la surface maximale se calait sur… 169 m2. Pour Marc Barani, Grand prix national de l’architecture et principal animateur du groupe de réflexion « Innover », cet abaissement du seuil « dit qu’il n’y a pas de petit projet et que l’architecture est utile et nécessaire partout pour façonner un quotidien sur-mesure ». En revanche, pour Julien Choppin, associé de Nicola Delon dans la jeune agence parisienne Encore Heureux, il est « symbolique et insuffisant ». Ce dernier rappelant que la surface moyenne d’une maison individuelle est comprise entre 120 et 130 m2.Pour inciter les particuliers à se tourner vers les architectes, une procédure simplifiée du permis de construire et des délais réduits de moitié pour tout recours à un architecte en deçà du seuil, a été soutenue par Patrick Bloche. Cet amendement, adopté en première lecture, a toutefois reçu un avis défavorable du gouvernement. Il devrait, à titre expérimental, faire l’objet d’une étude d’impact à laquelle seraient associées des collectivités territoriales candidates.Autre mesure sensible: les députés souhaitent imposer l’intervention d’un architecte, soit un « permis d’aménager », pour tout projet urbain et paysager de lotissement. Cette proposition « suscitera des oppositions, à n’en pas douter, prévient Frédéric Bonnet, Grand prix national de l’urbanisme, impliqué dans le groupe de réflexion « Sensibilier et innover ». Mais il faut savoir ce que l’on veut : se lamenter de la mauvaise qualité des territoires, et donner quitus à des opérateurs qui n’ont rien fait depuis trente ans pour relever le niveau de leurs interventions, ou bien changer d’époque. »Des élus mieux formés et informésEvoquant le manque de qualification de certains élus, le jeune architecte Paul-Eric Schirr-Bonnans, installé à Rennes, s’interroge : « L’autorisation de construire une architecture médiocre n’est-elle pas donnée par absence totale de formation et de compétence des personnes sollicitées pour l’autoriser et responsables de son autorisation ? » Des élus mieux formés et informés, les députés y ont aussi pensé mais n’ont pas souhaité donner pour l’heure à cette mesure un caractère législatif.L’amendement prévoyant la mention obligatoire du nom des architectes sur chacun des bâtiments qu’ils ont construit soulève, quant à lui, des réactions partagées. « C’est anecdotique. On n’impose pas une envie d’architecture », indique Nicola Delon. Sauf à faire figurer, dit-il, « l’ensemble des personnes qui ont construit l’édifice ». Une hypothèse peu probable. Si Marc Barani en reconnaît le caractère « symbolique », l’initiative constitue selon lui « une reconnaissance de leur travail et de leur métier, mais aussi une façon d’afficher la responsabilité qu’ils ont endossée en l’exerçant ».« La liberté de faire »Reste l’innovation, question porteuse, qui suscite, tout autant, une divergence de réactions encore une fois marquées par ce qui semble être un clivage générationnel. « Dans des cadres bien précis, entourés de conditions rigoureuses et d’un suivi garanti par la puissance publique, explique Frédéric Bonnet, on pourra se dégager de certaines règles pour expérimenter, inventer à nouveau. » Jean Larnaudie, de l’agence Scalène architect(e)s à Toulouse, est beaucoup plus dubitatif. « On parle pour l’instant de dérogations aux règles et servitudes d’urbanisme relatives “au gabarit et à l’aspect extérieur des bâtiments”, avec un dépassement du volume constructible autorisé limité à 5 %, constate-t-il. Dit comme cela, c’est tout de suite moins spectaculaire. »Dans cette histoire de débats, Patrick Bouchain fait bande à part et déplore que ces mesures finissent toujours par « défendre une corpo » dans laquelle il dit ne pas se reconnaître. Pour l’ancien architecte, aujourd’hui retraité, « ça n’est pas une nouvelle loi qu’il faut, mais une reconstruction de l’esprit public permettant de retrouver de manière inédite le sens des choses. Ca n’est pas une loi, mais la liberté de faire ! »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emilie Grangeray Dans « Comme une pierre qui… », le pensionnaire de la Comédie-Française s’est glissé dans la peau du jeune Bob Dylan. Après « André » et « Vers Wanda », vous collaborez de nouveau avec Marie Rémond, issue comme vous de la promotion 2007 du Théâtre National de Strasbourg. Comment travaillez-vous ensemble ?C’est vraiment Marie qui arrive avec des idées incroyables. Elle a ce don d’avoir des idées de théâtre et de mise en scène uniquement en lisant un texte : une bio d’Agassi pour André ; ici, Like a Rolling Stone, le livre de Greil Marcus. La troupe s’est ensuite constituée. Le soir, Marie et moi disséquions nos improvisations communes afin de les faire tendre vers notre dramaturgie. Saviez-vous d’emblée que vous incarneriez Bob Dylan ?Oui, presque par la force des choses : je suis fan de Dylan et je joue de la guitare depuis longtemps. Mais le spectacle porte moins sur Dylan que sur le processus de création ainsi que sur le décalage entre le succès planétaire de cette chanson mythique et l’anarchie de sa genèse. Je dois avouer que ça retire un peu du poids de devoir incarner Dylan.Dans la pièce « Nouveau Roman », de Christophe Honoré, vous jouiez Claude Simon, Prix Nobel de littérature, et ici, Bob Dylan. Pourtant, vous n’êtes jamais dans l’imitation…Les biopics à l’américaine ne me touchent pas : je n’arrive pas à y voir les gens dans ce qu’ils ont de singulier et donc d’intéressant. Quand Marie Rémond jouait André Agassi, il était évident que c’était André Agassi, et ça ne tenait pas à une perruque blonde mais au fait qu’elle ait trouvé en elle ce qui la reliait à lui. Cela rejoint quelque chose qui me tient énormément à cœur : le théâtre est encore un bastion où l’on peut faire appel à la force de suggestion des mots. C’est le lieu où l’on peut dire : « Je suis un Prix Nobel de la paix », et tout le monde y croit. Ou encore : « Je suis dans une forêt » et le spectateur voit la forêt. Magie, chacun peut même voir une forêt différente. Comme un livre aux lecteurs, le théâtre laisse de la place aux spectateurs. Dans quel état d’esprit Bob Dylan était-il lorsqu’il a enregistré « Like a Rolling Stone » ?A cette période, il est à la croisée des chemins. C’est quelqu’un sur lequel on a collé une étiquette et qui, avec un courage héroïque, a pris le risque de déplaire. Très peu de gens sont capables de ça. A ce moment-là, Dylan entre dans une autre dimension : la poésie, ce qui est passionnant à jouer, à vivre...A vivre ?C’est-à-dire donner à voir des choses. Il fallait tendre vers, aller vers, rappeler Dylan. Ce qui m’inspire, c’est l’homme. Suze Rotolo, l’une de ses premières compagnes, dit qu’à l’époque de l’enregistrement (Dylan avait alors 24 ans), il avait l’obsession d’être vrai, d’être juste. Souvent, pour les rôles, j’essaie de voir ce qui résonne en moi. La question de la vérité est importante pour un acteur : faire en sorte que ce que tu dis soit vrai, c’est cette cuisine-là qui est intéressante. Pour écrire une chanson, Dylan donnait ce conseil : « Dis ce que tu penses, penses ce que tu dis et mets-y un rythme. » Dylan, c’est avant tout un rythme. Un rythme propre, et c’est cela que j’ai voulu ancrer en moi.Vidéo : Bob Dylan interprète « Like a Rolling Stone » en concertLa notion de travail collectif traverse la pièce. Vous-même faites partie d’une troupe, la Comédie-Française, et travaillez souvent avec les mêmes personnes (Marie Rémond, Christophe Honoré...). C’est pour vous une dimension importante ?Essentielle. Quand j’enseigne au Cours Florent, j’aime répéter : « Il faut que tu fasses jouer l’autre. » Il faut donner à l’autre des impulsions, presque au sens musical. Ce qui fait la qualité de notre travail, c’est que l’on joue bien ensemble. Pour Sanford Meisner [acteur et professeur de théâtre américain mort en 1997, NDLR], l’acteur est surtout quelqu’un qui réagit. La technique qu’il a élaborée oblige le comédien à se rendre disponible à ce qui se passe. L’acteur est souvent tellement empêtré dans des questions d’ego ! A mon avis, c’est lorsque nous sommes obligés d’éloigner l’ego que nous sommes le plus disponibles et donnons le meilleur. La technique Meisner est aussi un pilier de la méthode du directeur de la Schaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier. L’a-t-il utilisée pour la mise en scène de « La Mouette », de Tchekhov, dans laquelle vous jouerez à partir de mai 2016 au Théâtre de l’Europe-Odéon ?En effet, je viens de passer plusieurs semaines avec lui, et l’on a beaucoup travaillé là-dessus. Ostermeier est à mes yeux l’un des plus grands metteurs en scène : dans les cinq spectacles qui ont pour l’heure compté pour moi, il y en a trois d’Ostermeier et je pense que cela tient beaucoup à sa capacité incroyable à faire jouer tous les gens ensemble.Lire aussi : Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-FrançaiseComme une pierre qui…, de Greil Marcus. Adaptation et mise en scène Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, avec la troupe de la Comédie-Française. Au Studio-Théâtre, 99, rue de Rivoli, Paris 1er. 20 €. Tél. : 01-44-58-15-15. Jusqu’au 25 octobre. www.comedie-francaise.frSébastien Pouderoux joue également dans Le Misanthrope, de Molière, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Comédie-Française, salle Richelieu, jusqu’au 8 décembre ; et dans La Mouette de Tchekhov, au Théâtre de l'Europe Odéon, place de l'Odéon, Paris 6e, de 6 à 40 €. Du 20 mai au 25 juin 2016. www.theatre-odeon.euLire aussi, dans les archives du Monde, la critique de Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus : Deux documents exceptionnels et une hagiographieEmilie GrangerayJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle A Tours, le futur Centre de création contemporaine Olivier Debré (CCCOD), qui devrait être achevé à l’automne 2016 sur le site de l’ancienne école des Beaux-Arts, au cœur de la ville historique, a toutes les qualités requises pour devenir un exceptionnel lieu de contemplation. Pour concevoir le bâtiment, les architectes portugais Francisco et Manuel Aires Mateus, sélectionnés en décembre 2012 par la communauté d’agglomérations Tour(s) plus, ont appliqué les principes fondamentaux de leur architecture, pétrie de rigueur et pourtant sans froideur : pureté et simplicité du dessin, géométrie d’ensemble soumise à une prise en compte scrupuleuse des volumes intérieurs, jeu entre les pleins et les vides où vient parfois se glisser la lumière, artificielle ou naturelle.Jusqu’au 1er novembre, le travail appliqué et patient des deux frères lisboètes est exposé dans les actuels espaces du CCC. C’est une première en France. Créée en 1984 par Alain Julien-Laferrière, la jeune institution a été l’un des premiers centres d’art contemporain conventionnés de l’Hexagone et le seul du genre dans la région Centre. Espace d’expérimentations et de diffusion, plutôt que destiné à devenir un musée abritant une collection, de nombreuses expositions monographiques y ont égrainé trente années de l’histoire de l’art actuel (Roman Opalka, Daniel Buren, Claude Rutault, Olivier Debré, François Morellet, Tania Mouraud, Chen Zhen, etc.). Les soixante maquettes d’architecture au 1/200e qui y sont exposées aujourd’hui témoignent de cette logique d’accrochage d’une cohérence plastique affirmée.Proximité immédiate avec les visiteursA la manière de ce que fit l’architecte tokyoïte Junya Ishigami au centre Arc en rêve de Bordeaux il y a un an et demi, Francisco et Manuel Aires Mateus ont déployé sur de longues et simples tables à tréteaux en bois brut la quasi-totalité de leurs projets et réalisations. Ces objets à portée de main uniformément blancs entretiennent une proximité immédiate avec les visiteurs. Afin d’en comprendre la logique, la tentation est grande de les manipuler, d’en découvrir les revers, voire les dessous. D’autant que, présentées parfois sous forme de simples emboîtements, les maquettes semblent y inviter le visiteur – ce à quoi leurs auteurs disent d’ailleurs ne voir aucun inconvénient. Cette sommaire mécanique d’assemblage aux vertus pédagogique et ludique, que les jeunes publics appréhendent avec une certaine aisance, offre de précieuses clefs de compréhension du mode constructif qu’ont adopté les architectes. Soumis à un principe de soustraction, d’excavation, les volumes intérieurs révèlent des formes dont il semble ne subsister que l’empreinte, tels des moules débarrassés de l’objet qu’ils enserrent. Une logique du vide qui malmène notre sens commun dont la perception des espaces naît généralement de la somme d’une addition de matière. « L’espace est un vide, une poche d’air, qui doit être contenue pour définir une limite », précisent les architectes.Minimalisme expressifOn s’interroge sur la viabilité de cet exercice silencieux de rhétorique architecturale que Francisco et Manuel Aires Mateus formulent jusqu’à l’extrême. Jusqu’à l’extrême, mais sans jamais oublier que leurs projets seront un jour ou l’autre habités, qu’il s’agisse de clients privés ou de commanditaires institutionnels. La demeure immaculée aux lignes élémentaires qu’ils ont réalisée à Leiria ou la résidence « troglodyte » pour personnes âgées à Alcácer do Sal, toutes deux réalisées au Portugal en 2010, déploient une organisation spatiale à laquelle, dit-on, leurs usagers s’accommodent sans peine.Depuis que Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura ont acquis une réputation planétaire, une fois obtenu le prix Pritzker, respectivement en 1992 et 2011, l’architecture portugaise a imposé son vocabulaire et sa syntaxe où le minimalisme expressif tient lieu d’identité. Les frères Aires Mateus en poursuivent le propos. Et l’on a du mal à croire, en dépit de ce qu’ils affirment, que le contexte où s’inscrivent leurs projets leur serait indifférent, eux qui n’en conçoivent pas les contours avant d’en avoir modélisé les abords.A Tours, le monolithe que les architectes ont adjoint à la nef de style art déco dessinée par Pierre Patout qu’ils ont conservée et réhabilitée, va établir un dialogue direct avec le jardin François 1er, quadrilatère bordé de bâtiments sans fard dans lequel il s’insère. Reste à savoir comment seront aménagés les alentours du futur CCCOD, davantage ouvert sur la cité et promis, espèrent les élus du crû, à devenir le futur centre de gravité de la ville.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet JR sort simultanément en France deux étonnants courts-métrages inspirés du réel : Les Bosquets, qui revient sur les émeutes en banlieue de 2005, et Ellis, film hommage aux migrants. Parallèlement, la galerie Perrotin à Paris lui consacre une exposition et une monographie, L’art peut-il changer le monde ?, paraît aux éditions Phaidon. Quatre raisons de rencontrer l’artiste français, désormais installé à New York, lors de son passage à Paris.Il y a tout juste dix ans éclataient en France les émeutes en banlieue, qui correspondent avec le début de votre travail artistique. La sortie du film « Les Bosquets », ainsi que de votre première monographie, marque-t-elle le moment d’un bilan ?Mes images ont été découvertes sous les feux des voitures qui brûlaient. Je les avais collées un an avant, mais elles ont été vues à travers les médias parce qu’elles étaient dans ce même quartier de Clichy-Montfermeil où les émeutes ont commencé. J’ai eu envie de marquer ces dix ans par un film qui montre mes différentes interventions sur place – à chaque fois des étapes marquantes pour moi. Par ailleurs, cela faisait longtemps que je rêvais de faire un livre qui reprenne l’ensemble des projets, pour montrer les liens entre chacun, mais les bilans se font souvent quand, comme avec ce film, je suis obligé de me dire : j’ai toutes ces images, qu’est-ce que j’ai envie de dire, comment je le dis ?Lire aussi :Entre ombres et lumières, le paradoxe JRJe faisais partie du collectif Kourtrajmé [société de production de court-métrages et collectif d’artistes lancé en 1994], avec Ladj Ly, qui habitait aux Bosquets. On faisait des petits films ensemble, moi je faisais souvent des photos, et il me filmait en train de coller mes affiches dans Paris. Un jour, il m’a proposé de venir le faire dans son quartier. C’était des photos de communautés : des taggeurs, des danseurs de hip-hop sur les toits de Paris, des surfeurs... Les jeunes m’ont dit : pourquoi tu nous prends pas nous en photo ? C’est ce jour-là que j’ai fait la photo de Ladj braquant sa caméra comme une arme. Ce portrait était presque prémonitoire...Oui, ni lui ni moi ne pouvions imaginer qu’un an plus tard, cette photo allait définir ce qu’on allait devenir. Ladj a filmé les émeutes de l’intérieur, et a révélé beaucoup de bavures de police : il s’est servi de sa caméra comme d’une arme. Lors des émeutes, les médias ont retransmis dans le monde entier ce qu’il se passait, et on a eu des propositions pour travailler pour la presse, qui n’était vraiment pas la bienvenue auprès des jeunes. C’est la première fois qu’on nous proposait un job payé, mais on a refusé. Ça a été un moment charnière, puisqu’on a dû se décider à réellement devenir artistes, et à continuer à construire notre projet, avec les habitants. Les jeunes avaient pris des téléobjectifs à ceux qui tentaient de les prendre en photo, et ils me les ont apportés. Au 28 millimètres, avec mon petit appareil, pour faire un portrait, il fallait que je sois très près : ces photos étaient le contraire de photos volées. Puis on a collé ces portraits à Paris avec le nom, l’âge et l’adresse de chaque jeune. Eux qui créaient une sorte de peur générale dans les médias, devenaient tout à coup acteurs de leur image.L’an dernier, vous avez créé un ballet sur les émeutes à New York. Comment en êtes-vous arrivé à ce projet ?Le New York City Ballet m’avait contacté pour penser à une installation dans son bâtiment. J’ai demandé au directeur, Peter Martin, si je pouvais chorégraphier quelque chose de 30 secondes ou une minute sur la scène. Il m’a regardé comme si j’étais fou… Puis on m’a proposé deux choses : de maintenir la commande initiale, et de faire un ballet de 8-9 minutes, en m’insérant dans un programme de ballets courts.Vous aviez déjà en tête que vous vouliez parler des émeutes ? Et comment s’improvise-t-on chorégraphe ?J’avais envie de raconter l’histoire des émeutes et de Ladj. A partir de là, j’avais deux-trois mois devant moi pour monter l’écriture et la musique. Je n’ai pas voulu avoir de chorégraphe avec moi car je voulais faire mes erreurs, parler avec les danseurs et trouver un langage, même si Peter Martin m’a accompagné. Quand je disais « quelqu’un doit lancer un cocktail Molotov », je leur montrais de vraies images des émeutes, et chacun faisait une proposition. J’aime bien la création participative. On a construit tout le ballet comme ça.En passant d’un genre à vocation documentaire à de la stylisation, ou de la fiction, comme dans Les Bosquets et Ellis, vous prenez une nouvelle direction...En fait, je ne m’éloigne pas du tout des sujets sur lequels je travaille, mais je les travaille avec d’autres formes, d’autres médiums. Le ballet, c’en était une, le film de fiction, en l’occurrence une sorte de poème visuel, c’en est une autre. Le film part de l’histoire d’Ellis Island, et finit sur les migrants d’aujourd’hui. Mais dans ce film comme dans Les Bosquets, mes collages sont très présents. C’est la manière de les mettre en lumière et de raconter l’histoire autour de ces images qui change radicalement. C’est un tournant, mais je garde le même ancrage. Raconter les mêmes choses autrement, ça me permet de créer de nouveaux ponts entre des mondes. Quand j’ai montré Les Bosquets à des jeunes de Chicago, ils n’avaient jamais entendu parler de ces émeutes, mais ils ont fait le lien avec d’autres révoltes, qui ont une même base : l’envie d’exister, l’envie de reconnaissance. Elle est finalement universelle, cette envie de dignité.Avez-vous peur, parfois, de vous tromper dans vos choix ?Oui, tout le temps. La part de doute est toujours là. Ramener des danseurs et des ballerines en tutu au milieu de Montfermeil n’était pas un pari simple, par exemple. Mais à chaque fois, je me dis que je suis prêt à prendre le risque parce que si ça marche, on aura un autre regard sur cet endroit. Et j’ai aussi une vraie envie d’aventure. Malgré les doutes, je vais pleinement là où je veux intervenir, et ce sont souvent des communautés qui me rassurent sur place, qui me disent oui, bien sûr, on le fait. Et là, je me sens en confiance.Avez-vous le sentiment que votre démarche est parfois mal comprise ?Je peux donner un exemple : une fois, j’étais intervenu dans la plus grosse prison de New York, Rikers. Et j’avais collé une photo montrant le regard très dur d’un détenu à l’extérieur. Auparavant, javais demandé aux détenus ce qu’ils voulaient que j’affiche. Ils m’avaient dit : on veut se rappeler de cet endroit comme d’un endroit terrible, violent, alors il faut mettre quelqu’un d’entre nous, mais sans que l’on puisse reconnaître qui c’est, et que ce soit un regard dur. Quand le collage s’est diffusé sur Internet, j’ai lu plein de commentaires en ligne : « Mais comment osez-vous faire ça, ces personnes sont dans une situation terrible là-bas, et vous, vous en rajoutez ! » Les gens extrapolaient. J’ai fait lire les commentaires aux détenus, et ça les a fait rire. Ils disaient : « Mais c’est qui, lui, pour nous dire ça ? »Vous aimez travailler sur la déconnexion entre des mondes qui ne se comprennent pas. Vous n’hésitez pas à vous placer au milieu… Quel est votre moteur ?La curiosité, l’envie de confronter les regards, de changer les images, et moi-même de me nourrir d’images, de comprendre. Souvent, quand je pars quelque part pour un projet, j’y vais de manière très naïve, et je demande aux gens de m’expliquer. Mon éducation ne s’est faite que comme ça. Dans ces voyages, dans ces endroits. C’est aussi dû à l’arrivée des vols low cost, qui m’ont permis de voyager pour pas cher. Pareil avec le digital. Je suis arrivé à un moment où la photo s’est démocratisée. Puis le partage sur les réseaux sociaux a eu un impact énorme sur mon travail, tout est lié. Vous travaillez toujours sur des questions sociétales. Diriez-vous que votre art est engagé ?J’aime bien « engageant », mais pas engagé. J’estime que dans l’art, on soulève des questions, mais on n’apporte pas de réponses. Je ne prends pas parole pour les gens, les communautés, je reste dans l’engageant, mon travail ne fait que leur donner une voix. À eux de la prendre, ou pas.Tous vos projets témoignent d’un sens de la mise en scène. Comment analysez-vous cette dimension spectaculaire dans votre travail ?Je me suis toujours nourri des images qui m’entouraient, et il faut pouvoir exister au milieu de ce monde de publicités, de grands écrans, etc. Je suis inspiré par ces codes, pour justement les contrer, puisque je vais utiliser tous les endroits que la publicité ne peut pas utiliser pour m’insérer dans la ville.En avril, à Manhattan, vous avez réalisé votre plus grand collage : la photo de 60 mètres d’un immigrant en train de marcher, posée au sol, n’était visible que du ciel...A New York, il faut faire quelque chose de spectaculaire pour impressionner les gens. Cette image, tout le monde a marché dessus, et personne ne l’a vue avant qu’elle fasse la couverture du New York Times Magazine. Quand je crée une image, cela fait partie de mon travail de penser la ville, l’architecture. Le choc visuel doit s’adapter en fonction des villes et des cadres de référence dans lesquels je me retrouve. Au Liberia, je pouvais coller une affiche de la taille d’une fenêtre, toute la rue s’arrêtait, il y avait un choc direct.Quel est le statut de l’image dans votre travail ?Pour moi, l’image, ce n’est qu’une trace des discussions, des rencontres, de l’impact que cela a eu. C’est pour cela qu’il y a souvent des textes, des films, pour comprendre ce processus. Tant mieux si l’image est forte, mais je ne dis pas que les photos sont belles ou pas belles, ce n’est pas mon propos. Quand on a lancé [le projet participatif] Inside out, c’était la révolution en Tunisie, et les gens avaient déchiré des portraits du dictateur pour mettre leur photo. Les gens eux-mêmes donnent un sens au projet. C’est intéressant de voir comment ils perçoivent les images en fonction des contextes. A Cuba, où ils n’ont jamais vu une image dans la rue autre que le Che ou Fidel, et tout à coup, lorsqu’ils se retrouvent devant des portraits d’eux-mêmes en énorme, ça bouscule leur regard et leurs codes. « L’art peut-il changer le monde ? » : pourquoi ce titre pour votre monographie ?Parce que la première question qu’on me pose quand je vais dans toutes ces communautés, c’est : quel est le but de ce projet ? C’est très difficile d’y répondre. Je pars en tant qu’artiste faire des œuvres, je ne pars pas faire du social ou de l’humanitaire. Je vais juste coller du papier, ça ne va rien changer à la face du monde, et pourtant, en cassant les codes et les images, on peut amener à repenser la manière dont on voit l’autre. Donc quelque part, c’est un début pour changer le monde.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal+ Cinéma à 22 h 50 Le film de Nuri Bilge Ceylan fascine par sa justesse de regard et son intense beauté.Pourquoi se mettre déjà en hiver ? Pourquoi choisir de s’enfermer pendant trois heures et quinze minutes dans l’enfer d’un couple ? Parce que Winter Sleep a obtenu la Palme d’or ? C’est un argument. Parce que le film de Nuri Bilge Ceylan est celui d’un artiste en pleine possession de ses moyens ? Celui-là est plus convaincant. La vraie raison tient plutôt à la puissance des émotions que ce long-métrage fait naître, quand bien même elles ne sont pas toutes exaltantes. Ce sommeil d’hiver n’a rien d’une hibernation, il est traversé de rêves brisés et de frissons de fièvre, strié d’éclairs de beauté sidérants, qui viennent illuminer de longs moments de souffrance.On reconnaîtra dans Winter Sleep bien des éléments du cinéma de Nuri Bilge Ceylan – sa faculté presque surhumaine à toujours trouver le cadrage juste ; son attirance pour la neige et son pouvoir révélateur, qui force les êtres à se détacher sur un monde auquel elle confère une beauté uniforme.Mais Winter Sleep ne vient pas seulement enrichir la filmographie de Ceylan d’une nouvelle variation. Cette fois, la parole y tient un rôle prépondérant. Le scénario qu’ont écrit le cinéaste et Ebru Ceylan, son épouse, est inspiré par trois nouvelles de Tchekhov. Et que ce soit par osmose avec l’auteur de La Cerisaie ou le fruit d’une décision délibérée, le texte des époux Ceylan ressemble étonnamment à une pièce de théâtre. Il en a la durée, le découpage et les morceaux de bravoure, de longs dialogues qui opposent les personnages.On découvre Aydin (Haluk Bilginer) cheminant entre deux portes d’une structure qui rappellera aux plus futiles la maison de Frodon Sacquet dans Le Seigneur desanneaux, en plus minéral. Aydin, quasi vieillard au port altier, est propriétaire et gérant d’un hôtel troglodyte en Cappadoce. Dans les anfractuosités de la roche, il a installé des chambres pour touristes aventureux. Il y vit avec sa jeune et belle épouse Nihal (Melisa Sözen) et sa sœur Necla (Demet Akbag) venue se réfugier chez eux après un divorce calamiteux.Aydin n’est pas seulement un commerçant, c’est un intellectuel, un acteur de théâtre retiré des scènes stambouliotes, un contributeur régulier de la presse locale dans laquelle il publie des éditoriaux qui prennent à partie les imams conservateurs ou les fonctionnaires corrompus.Une première séquence définit rapidement les limites de la posture d’Aydin. Alors qu’il se rend au village pour approvisionner l’hôtel, la vitre de la voiture est brisée par une pierre qu’a lancée le fils de l’un de ses locataires menacé d’expulsion. Il se trouve que l’oncle de l’enfant est l’imam de la ville, qui fera tout pour obtenir le pardon du seigneur des lieux, allant jusqu’à exiger de son neveu, un enfant d’une dizaine d’années, qu’il s’humilie publiquement.Magnifique querelle conjugaleOn le voit, la Turquie que décrivent les Ceylan ressemble furieusement à la Russie tsariste (une scène saisissante, à la fin du film, est d’ailleurs empruntée à Dostoïevski). C’est que cet ordre en apparence civilisé, qui donne aux mâles de l’espèce humaine, à condition qu’ils soient fortunés, l’illusion de pouvoir faire régner l’ordre et la justice, est un bouillon de culture idéal pour faire jaillir les passions, les sentiments et ressentiments de ces maîtres et de leurs féaux, épouses, subalternes.Ce sont eux qui intéressent Ceylan. Il se sert de son talent d’observateur de la vie en société pour mieux cerner ce qu’il y a de plus intime dans l’être humain. L’action que mène Nihal en faveur des écoles primaires de la région donne sûrement une idée de la situation dans les campagnes turques.Elle est surtout le détonateur d’une magnifique querelle conjugale, interminable, filmée avec une sobriété exemplaire, qui oppose une femme jeune et belle à un homme qui approche de la mort. Les éditoriaux d’Aydin pourraient sans doute servir à moquer les positions de certains intellectuels laïques, mais ils sont d’abord le point de départ d’une querelle féroce entre le frère et la sœur.Ces morceaux de bravoure sont agencés selon une progression dramatique qui, bien sûr, mène le couple au bord de la rupture. Nihal veut échapper à l’emprise de cet homme veule, aveuglé par le contentement de soi ; Aydin ne veut pas laisser partir son dernier lien avec la vie. Cette douleur met longtemps à éclater, d’autant que Haluk Bilginer se refuse à défendre de quelque manière son personnage, mettant en avant sa lâcheté et son hypocrisie, laissant à peine deviner sa tristesse et – surtout – l’amour violent qu’il porte à Nihal.L’ambition du projet, la sûreté de la manière, la beauté saisissante des paysages de Cappadoce, la justesse du regard, voilà toutes les raisons de se mettre déjà en hiver. Mais on ne serait pas tout à fait honnête sans évoquer la gêne qui surgit à certains moments, face à l’espèce de morgue dont témoigne Nuri Bilge Ceylan envers ses personnages. Comme le dit Nihal à son mari : « Personne ne trouve grâce à tes yeux. »Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan. Avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbag (Turquie, 2014, 195 min).Thomas SotinelJournaliste au Monde 02.10.2015 à 06h40 • Mis à jour le02.10.2015 à 10h46 Un « Godot » signé Jean-Pierre Vincent à Lyon, un flash-back nostalgique avec François Morel, une exposition JR à Lille ou un concert de Bach aux accents indiens à Paris : ce sont les choix du « Monde » pour ce début octobre.THÉÂTRE. Un Godot idéal, au Théâtre des Célestins, à Lyon Avec ce Godot pétri d’humanité, Jean-Pierre Vincent signe, à 72 ans, la mise en scène idéale pour découvrir ou redécouvrir le chef-d’œuvre de Samuel Beckett. Vivant, électrique, drôle, féroce et profond, le spectacle est porté par cinq acteurs formidables, au premier rang desquels le couple irrésistible que forment Charlie Nelson (Vladimir) et Abbes Zahmani (Estragon). Fabienne DargeEn attendant Godot, de Samuel Beckett, mis en scène par Jean-Pierre Vincent. Théâtre des Célestins, 4, rue Charles-Dullin, Lyon 2e, vendredi 2 et samedi 3 octobre à 20 heures Durée : 2 h 15. De 17 à 36 €. EXPOSITION. JR entre Paris, Clichy et Lille L’actualité française de JR est dense, en cette rentrée, avec la sortie de sa monographie (L’Art peut-il changer le monde ?, éd. Phaidon), une exposition à la galerie Perrotin et la présentation de ses deux premiers films de fiction, deux courts-métrages que lui ont inspirés ses interventions à Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis) et à Ellis Island (New York). Les Bosquets revient sur les émeutes de 2005 en banlieue et mêle aux images d’archives le ballet classique hommage qu’il avait créé l’an dernier au New York City Ballet. Le film est visible à la fois dans la salle de projection de la galerie et au Centre culturel de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Le second court-métrage, Ellis, est présenté dans le cadre de l’exposition « Tu dois changer ta vie ! », au Tri postal, à Lille. Il offre un écho aux drames actuels des migrants, Robert De Niro y incarnant le fantôme des millions d’immigrants passés par ce qui fut le point d’entrée obligé pour les Etats-Unis, Ellis Island. Emmanuelle Jardonnet« DECADE. Portrait d’une génération », à la galerie Perrotin, 76, rue de Turenne, Paris 3e, jusqu’au 17 octobre. THÉÂTRE. François Morel se souvient des belles choses, au Théâtre de l’Atelier, à Paris Accompagné, sur la scène du Théâtre de l’Atelier, à Paris, d’Antoine Sahler pour la mise en musique, François Morel nous plonge avec délicatesse dans nos souvenirs d’enfance et nous fait rire en nous contant l’histoire de Hyacinthe le coco et Rose la catho, mariés depuis quarante-cinq ans, qui ne s’entendent sur rien sauf sur l’amour des fleurs. Avec tendresse et drôlerie, il ouvre le livre de la jeunesse d’un petit garçon de la ville venu passer ses vacances aux champs chez des grands-parents qui pourraient être les nôtres. Une parenthèse enchantée. Sandrine BlanchardHyacinthe et Rose, texte et mise en scène de François Morel, avec François Morel et Antoine Sahler, du mardi au samedi à 19 heures (et samedi 17 h) jusqu’au 11 décembre au Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin, Paris 18e. Durée : 1 h 15. Réservations : 01 46 06 49 24. Puis en tournée. MUSIQUE. Correspondances indiennes de Bach, à la Philharmonie de Paris Bach, un musicien transgenre ? On n’en doutait pas, tant sa musique nourrit de musiciens, venus parfois d’autres civilisations. C’est le cas du violoniste et compositeur indien, Dr Lakshminarayana Subramaniam, qui a joué avec les plus grands représentants des traditions indiennes et occidentales, de Ravi Shankar à Yehudi Menuhin. Ses œuvres – Carnatic Classical, Tribute to Bach ou le Paris Concerto pour violon indien et orchestre (une création) – s’inspirent librement des modèles polyphoniques hérités du Cantor de Leipzig. Il sera dimanche à la Philharmonie de Paris pour un concert intitulé Bach in India. La violoniste française Amandine Beyer, qui s’est illustrée en gravant sur instrument d’époque des Sonates et Partitas de Bach unanimement saluées en 2011, est de la partie (elle dirigera notamment du violon l’Orchestre de chambre de Paris dans le Concerto BWV 1052). Cerise sur le gâteau, une récréation musicale (avec goûter) est prévue à 16 heures pour les enfants (de 3 à 10 ans) dont les parents sont au concert (8 € par enfant). Quant aux parents, ils pourront goûter à la conversation des interprètes après le concert. Marie-Aude RouxBach in India, Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Le 4 octobre à 16 h 30 à la Cité de la musique-Philharmonie 2. Tél. : 01 44 84 44 84. De 20 € à 25 €. MUSIQUE. Emily Loizeau chante Lou Reed, au Centquatre-ParisEn 2008, Lou Reed était venu lire plusieurs de ses textes au Centquatre-Paris, à l’occasion de la parution du recueil Traverser le feu (Seuil), traduction en français de l’intégrale de ses chansons. Sept ans après, la pianiste et chanteuse Emily Loizeau se réapproprie à son tour, dans l’ancien service municipal des pompes funèbres de Paris, quelques-uns des plus beaux titres de l’ancien leader du Velvet Underground, mort en 2013. Accompagnée par le guitariste hongrois Csaba Palotaï et les lectures de la comédienne Julie-Anne Roth, la délicate intensité de la Franco-Britannique se confronte dans l’épure aux mots de celui qu’Andy Warhol qualifiait de « prince de la nuit et des angoisses ». Stéphane DavetEmily Loizeau : Run, Run, Run, « Hommage à Lou Reed », les 2, 6, 7, 9 et 10 octobre, à 21 heures, au Centquatre-Paris, 104, rue d’Aubervilliers, Paris 19e. De 15 à 20 €. Alain Beuve-Méry La commission du Grand Prix du roman de l’Académie française a dévoilé, jeudi 1er octobre, sa première sélection de huit titres, en lice pour cette récompense, qui sera décernée le jeudi 29 octobre, ouvrant traditionnellement le bal des grands prix littéraires d’automne.Elle a retenu les titres suivants, présentés selon l’ordre alphabétique des auteurs :- Vladimir Vladimirovitch, de Bernard Chambaz (Flammarion)- Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig (Grasset)- Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier)- Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard)- La Brigade du rire, de Gérard Mordillat (Albin Michel)- Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton (Bourgois)- Victor Hugo vient de mourir, de Judith Perrignon (L’Iconoclaste)- 2084, de Boualem Sansal (Gallimard)L’incontournable Boualem SansalParmi les titres en lice, figure l’incontournable 2084, de Boualem Sansal qui fait le grand chelem, en étant présent sur toutes les listes des prix d’automne, à l’exception du prix Décembre, mais aussi Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour, qui est présent sur la liste du prix Goncourt.Lire aussi :Boualem Sansal plébiscité par les jurés littérairesDe même, on retrouve Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe qui a reçu le 9 septembre, le prix littéraire du Monde. Le roman de Mme Desarthe a aussi été sélectionné par le jury Renaudot, tout comme Charles Dantzig, pour Histoire de l’amour et de la haine, et Judith Perrignon, avec Victor Hugo vient de mourir, dans la catégorie essai. Les académiciens ont aussi distingué un premier roman, Le Metteur en scène polonais, d’Antoine Mouton, paru aux éditions Bourgois.Centenaire du Grand PrixL’Académie française célèbre cet automne le centenaire de son Grand Prix du roman, créé en 1914 et décerné pour la première fois en 1915 à l’écrivain alsacien de langue française Paul Théodore Acker (1874-1915), auteur de romans populaires. Le prix est attribué par une commission formée de douze académiciens. En plus de son prix, le lauréat reçoit un chèque de 5 000 euros.Parmi les premiers lauréats du Grand Prix, figurent François Mauriac, pour Le Désert de l’amour en 1926, Joseph Kessel, pour Les Captifs en 1927, Georges Bernanos, avec Journal d’un curé de campagne en 1936 et Antoine de Saint-Exupéry, avec Terre des hommes en 1939.Pendant la seconde guerre mondiale, l’Académie française a continué de remettre son grand prix du roman et son seul fait de résistance a été de récompenser L’Orage du matin, de Jean Blanzat en 1942. Ce dernier a été un des animateurs du groupe du Musée de l’Homme, un des premiers mouvements de résistance et fut membre du Comité national des écrivains, au côté de Jean Paulhan.88 hommes et 14 femmes récompensésDe 1945 à nos jours, le Grand Prix du roman de l’Académie française a notamment distingué François Nourissier, pour Une histoire française en 1966, suivi de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique en 1967 et Albert Cohen, Belle du seigneur en 1968. Les académiciens ont aussi honoré Patrick Modiano, pour Les Boulevards du crépuscule en 1972, Pascal Jardin, pour Le Nain jaune en 1978, Patrick Rambaud, avec La Bataille en 1997 et Amélie Nothomb, pour Stupeur et tremblements en 1999.Sur la dernière décennie, les académiciens ont primé Les Bienveillantes (Gallimard), de Jonathan Littell en 2006, Les Onze (Verdier), de Pierre Michon en 2009, Retour à Killybegs (Grasset), de Sorj Challandon en 2011 et La Vérité sur l’affaire Harry Quebert (L’Age d’Homme et de Fallois), de Joël Dicker en 2012.Les plus jeunes lauréats ont été Patrick Modiano et Joël Dicker, 27 ans, la plus âgée Henriette Jelinek (1923-2007), 82 ans, distinguée pour Le Destin de Iouri Voronine (de Fallois) en 2005. L’Académie française a récompensé 88 hommes et 14 femmes, avec son Grand Prix du roman.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Née à New York, Elizabeth Grant a exilé son entité artistique – Lana Del Rey – à Los Angeles où la jeune femme incarne une vamp imprégnée jusqu’à l’addiction de fantasmes hollywoodiens. Après le succès international de l’album Born to Die, où elle alternait provocations d’allumeuse et complaintes d’amoureuse, surcharge R’n’B et sombre élégance, la chanteuse avait pris le risque du dépouillement avec Ultraviolence, disque souvent hanté par les réverbérations blues de son producteur de l’époque, le guitariste des Black Keys, Dan Auerbach. Misant encore plus radicalement sur une majestueuse lenteur et un déshabillé de cordes cinématographiques et de claviers ténébreux, Lana Del Rey parfait, dans Honeymoon, son troisième opus, son rôle de starlette désenchantée.Sirène boudeuseSous l’omniprésence d’un soleil californien (on entend même le chant des cigales dans certaines chansons), synonyme de torpeur comme de vacuité, la sirène boudeuse s’alanguit jusqu’à la dépression, victime de l’amour mais aussi, sans doute, des impasses que son personnage lui a imposées. Souvent soupçonnée de n’être qu’une poupée télécommandée par une équipe de businessmen, cette reine de la stylisation et des artifices parie sur un jusqu’au-boutisme esthétique pas forcément compatible avec son aura pop (même si le disque est coécrit avec Rick Nowels, vieux routier des tubes à l’américaine).Rarement paré de gimmicks aguicheurs (le single High By The Beach), cet album au ralenti demande, en effet, plusieurs écoutes pour que son apparente monotonie révèle ses meilleurs moments de frustrations érotiques (Music To Watch Boys To) et l’éclat de rêves nuptiaux transformés en marches funéraires (Honeymoon, 24, I’m Gone), puisant dans les génériques de James Bond et le romantisme cher aux « torch songs » d’Henry Mancini et Johnny Mercer.Honeymoon. 1 CD Polydor/Interscope/Universal Music. lanadelrey.comStéphane DavetJournaliste au Monde Florence Evin Avec des records mondiaux et des préemptions publiques, dont quatre pour le château de Versailles et le Musée du Louvre, la vente aux enchères, organisée par Sotheby’s, les 29 et 30 septembre, à la galerie Charpentier à Paris, a été un franc succès. Etait dispersée, par leurs descendants, la collection royale du Comte de Paris (1908-1999) et de la Comtesse de Paris (1911-2003). Avec un résultat de 6,2 millions d’euros, 94 % des 232 lots – peintures, dessins, manuscrits, meubles, vaisselle, divers objets et souvenirs –, mis aux enchères par les descendants de Louis-Philippe (1773-1850), dernier représentant des Bourbons, ont été attribués, la quasi-totalité au-dessus des estimations de la maison de ventes.Les Gentilshommes du duc d’Orléans dans l’habit de Saint-Cloud, un tableau de Carmontelle, est parti à 531 000 euros – Sotheby’s estimait l’œuvre de 250 000 à 350 000 euros.
 Le service en porcelaine de Sèvres dit des Chasses Diverses, livré à la reine Marie-Amélie, épouse du roi Louis-Philippe, s’est envolé à 495 000 euros (estimation : 100 000 à 150 000 euros).
 
Une table de jeu réalisée par l’ébéniste Roentgen pour le jeune Louis-Philippe a atteint 285 000 euros. La Chambre de la reine Marie-Amélie, de Joseph Nash, a été vendue 75 000 euros, deux fois l’estimation. 
 Collectionneurs et grands muséesDans une salle bondée, les collectionneurs de vingt-deux pays et les grands musées français se disputaient les lots. « Versailles était déterminé à compléter ses collections d’histoire, souligne Béatrix Saule, directrice des musées du château. La galerie historique de Louis-Philippe est à redéployer dans les années à venir le long de l’aile du midi. Louis-Philippe est le fondateur du Musée d’Histoire de France. La cohérence voulait que l’on puisse acquérir des moments de sa vie. »« Le joli tableau de Nicolas-Bernard Lépicié, Louis-Philippe, au berceau, montrant le jeune roi nouveau-né, est un moment clé de l’Histoire. Le père de Louis-Philippe, Philippe Egalité, avait voté, à la Révolution, la mort de Louis XVI, son propre cousin », souligne la conservatrice générale du patrimoine qui œuvre depuis trente ans au château. Versailles l’a emporté pour 231 000 euros, avant de se porter acquéreur du tableau mettant en scène Louis-Philippe jouant au cerceau dans la cour du lycée Henri IV, « témoignant de la volonté royale d’éduquer ses enfants dans l’enseignement public, un signe d’ouverture », note-t-elle. Tandis que Le roi Louis-Philippe entouré de sa famille, une huile sur toile de l’Ecole française du XIXe, a été acquise pour 47 500 euros, trois fois plus que l’estimation. « Beaucoup de concurrence française et étrangère »« Je pensais que les enchères seraient plus hautes encore, tempère Béatrix Saule. Cette vente est très prestigieuse, les prix sont élevés, nous le savions. Il y a beaucoup de concurrence française et étrangère, ce qui prouve la qualité historique et artistique indéniable des œuvres mises aux enchères. »Pour sa part, le Musée du Louvre a acquis une aquarelle, avec rehauts de gouache sur papier, d’Eugène-Louis Lami (1800-1890), Une soirée chez le duc d’Orléans, pour 57 500 euros, contre une estimation de 15 000 à 25 000 euros. Le peintre officiel de Louis-Philippe est alors au sommet de sa carrière au service des Orléans dont il fut le chroniqueur attitré en dépit de ses opinions libérales. Familier des salons mondains, il était considéré comme l’un des meilleurs illustrateurs des mœurs de la vie moderne. Il avait été introduit aux Tuileries par Horace Vernet. Le duc d’Orléans, mécène et collectionneur des artistes de son temps, y est représenté dans ses appartements. Cette aquarelle complète ainsi la collection des vingt-sept dessins conservés au Louvre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur France 5 à 21 h 40 Une visite complète des Archives nationales, à la fois temple républicain et maison commune.Temple voué à la mémoire des Français, les Archives nationales sont à la fois un lieu de transparence et un outil de démocratie mais aussi le conservatoire des secrets d’Etat. Instituées dès le règne de Philippe Auguste, à la fin du XIIe siècle, pour assurer la préservation des pièces essentielles à la légitimité du pouvoir royal – le donjon du palais de la Cité fut leur première adresse –, les Archives, par-delà les changements de régime, incarnent la nation.De l’hôtel de Soubise (Paris 3e), que Napoléon Ier choisit en 1808 pour accueillir le legs de l’Ancien Régime et ses propres archives impériales, gonflées de celles des pays européens soumis, doublé bientôt par l’hôtel de Rohan (Paris 3e), à la nouvelle adresse de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), inaugurée en février 2013, en passant par les anciens bâtiments de Fontainebleau, libérés par le retrait de la France de l’OTAN en 1966 et dévolus dès lors aux documents de la Ve République (images et son inclus), c’est à un parcours impeccable des lieux où se conserve la mémoire nationale que nous invite ce riche documentaire.Si, au fil de la présentation des documents les plus précieux ou les plus émouvants de ce fonds gigantesque qui dévore toujours plus d’espace, les figures médiatiques de Marie-Antoinette, du dernier grand maître du Temple ou du président Giscard d’Estaing s’invitant à la table des Français rassureront un public inquiet de l’aridité supposée du sujet, la force de l’évocation du combat pour l’abolition de la peine de mort en 1981 ou le décryptage du discours du président Chirac stigmatisant la rafle du Vél’ d’Hiv en 1995 donnent la vraie dimension de ce conservatoire capital pour établir l’Histoire.Réservoir d’aventuresAu hasard de l’exploration des trésors référencés – pour les besoins du déménagement des archives de l’ère républicaine (de 1790 à nos jours), qui a pris quinze mois, il a fallu généraliser l’usage du code-barres –, on mesurera le poids de l’appel aux souscripteurs pour préserver dans le giron public des fonds inédits, l’engagement de l’homme d’Etat pour établir cap et priorités (François Mitterrand) ou les passionnantes révélations de la sigillographie (étude des sceaux) sur les usages politico-juridiques des rois mérovingiens… Ce temple républicain est cependant aussi une maison commune, puisque le monde de l’archive est un réservoir d’aventures où chacun peut s’engager – c’était déjà le souhait des Conventionnels de 1794 – pour retrouver son inscription comme celle des siens dans la geste nationale. Le témoignage de Charles Aznavour, évoquant ses démarches pour la naturalisation de ses parents, Arméniens apatrides, est aussi fort que sobre.Si on reste fasciné par la monumentale « armoire de fer », chef-d’œuvre de coffre-fort, porte de bois, caissons de fer forgé avec quatre serrures et trois clés, où dorment, à l’hôtel de Soubise, les pièces les plus précieuses (actes constitutionnels et textes fondamentaux – serment du Jeu de paume ou déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lois mémorables, parchemins et correspondances mythiques), la révélation de ce documentaire reste la présentation du bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine, signé de l’architecte Massimiliano Fuksas où, sur onze niveaux et 60 000 m2, avec ses 220 magasins et ses 360 km de linéaire de rayonnages, est désormais archivée la mémoire de l’ère contemporaine. La vraie maison de l’histoire de France.Les Trésors des Archives nationales, de Françoise Cros de Fabrique et Stéphane Bion (Fr., 2013, 95 min).Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Claire Guillot Lèvres rouge vif et coiffure aérodynamique, manteau qui mêle sur l’endroit des motifs géométriques et sur l’envers du tissu africain, baskets bleues et lunettes de soleil rondes rétro : la photographe Joana Choumali a l’allure branchée et cosmopolite. Mais elle a surtout un look à son image, au carrefour de nombreuses cultures, enraciné en Afrique. Cette photographe née à Abidjan, fille d’un Ivoirien et d’une mère hispano-équato-guinéenne, a appris depuis longtemps à embrasser les questions qui tournent autour de l’identité. Le travail qu’elle présente sur les rives de la Seine à Paris, pour le festival Photoquai, « Hââbré, la Dernière Génération », n’est pas étranger à ce thème. Elle a réuni une série de portraits frappants, ceux d’habitants qu’elle a rencontrés dans sa ville, et qui ont en commun d’avoir le visage marqué par des scarifications. Ces cicatrices étroites ou larges, écartées ou serrées, qui affichent à même la chair, et jusqu’à la mort, l’origine et l’histoire de celui ou celle qui les porte.« On m’a beaucoup demandé, à Abidjan, pourquoi je m’intéressais à ça… On m’a dit que c’était une pratique barbare, que ce n’était pas un sujet moderne. Mais ça fait longtemps que je suis fascinée par les scarifications. On en voyait beaucoup quand j’étais enfant à Abidjan, nettement moins maintenant. Je trouve que les pratiques controversées ne sont pas toutes négatives. Et que quoi qu’on en pense, ça fait partie de l’identité africaine. » « Les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs »Pour trouver ses sujets, la photographe a abordé les gens dans la rue. Ce sont pour la plupart des immigrés du Burkina Faso ou du Nigeria, issus de catégories populaires – « une nounou, un chauffeur de taxi, un peintre, un gardien, un charpentier… », liste-t-elle. Tous se sont fait scarifier au village, quand ils étaient enfants. « Les scarifications étaient un signe de reconnaissance, une carte d’identité visuelle. Elles disaient la famille dont on vient, le village, la région. Des femmes, qui étaient reconnues comme artistes, passaient dans les villages et scarifiaient les enfants. Elles incisaient la peau et appliquaient une poudre cicatrisante. » La plupart en gardent un souvenir vif, et douloureux. « L’une des femmes qu’on voit ici est toujours en colère contre ce qu’on lui a fait. A l’autre extrême, Christine a demandé à être scarifiée à 10 ans, elle en est fière. »Mais l’évolution sociale, l’augmentation des déplacements et des échanges, le recul de l’identité locale ont peu à peu fait tomber en désuétude la pratique. Les cicatrices sont de plus en plus difficiles à porter en ville, où elles ne sont plus comprises, et deviennent les marques d’un autre temps. « Un des mes sujets m’a dit qu’il avait la sensation d’être ringard. Les gens considèrent de plus en plus les scarifiés comme des analphabètes, des pauvres. Le chauffeur de taxi que j’ai photographié m’a confié qu’à cause de ça il n’arrivait pas à avoir de rencard. » Les scarifiés se font insulter dans la rue, traiter de « balafrés ». « Avec la crise ivoirienne, explique Joana Choumali, il y a eu une séparation des communautés, une méfiance grandissante. Et les scarifications disent que vous êtes d’ailleurs. » Aujourd’hui, aucun des modèles ne veut faire scarifier ses enfants.  « Il faut intégrer le passé »La photographe elle-même a dû apprivoiser ses modèles pour gagner leur confiance. « Le fait que je sois africaine m’a aidée… Même si on me prend souvent pour une Américaine, car je ne suis pas “typique”. J’ai pris beaucoup de temps pour expliquer ma démarche, et je leur ai donné un tirage. Ensuite, le bouche à oreilles a fonctionné. » La photographe les a fait poser sur un fond neutre, « comme des gens normaux, sans jugement implicite, sans dénoncer ni glorifier ». Elle revendique aussi une approche contemporaine, loin des études ethnologiques ou des photographies exotiques d’antan : « C’est une pratique qui meurt, mais ces gens-là sont bien vivants.C’est la dernière génération à être scarifiée. J’ai fait ces photographies pour ne pas oublier. » La photographe, qui a eu d’abord une carrière dans la publicité à Abidjan, a ouvert son propre studio de photographie et mène en parallèle une carrière d’artiste visuelle – « un métier qui est encore surtout considéré comme masculin », regrette-t-elle. Elle qui a beaucoup voyagé tourne à présent son appareil sur l’Afrique. « Les Africains sont souvent les plus virulents envers les spécificités de leur culture… Ils n’arrêtent pas de se comparer, moi je pense qu’il faut intégrer le passé, l’accepter, et aller de l’avant », déclare Joana Choumali, à l’aise dans ses baskets bleues.Lire aussi :Le Quai Branly cultive la photographieFestival Photoquai, 40 photographes non européens exposés sur le quai Branly, 24 h/24, tous les jours, du mardi 22 septembre au dimanche 22 novembre. www.photoquai.fr et www.quaibranly.frClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux, Stéphanie Binet, Véronique Mortaigne et Sylvain Siclier Inauguré le 30 juin, Apple Music, le service américain de musique à la demande, mettra fin le 1er octobre à son offre d’essai gratuite. Ses concurrents, Deezer, Spotify, Qobuz, Tidal, Napster et Google Play Music, poursuivent, quant à eux, leur politique d’incitation à l’abonnement en proposant une période de gratuité provisoire (de quinze jours à trente jours). L’occasion pour les journalistes de la rubrique Musiques du Monde de comparer les principales plates-formes de diffusion en mode continu (streaming). Avec une attention particulière à la qualité éditoriale et à la diversité des catalogues, tous les genres musicaux inclus.Lire aussi :Pour sortir du lot, Apple Music mise sur ses émissions de radioLes Beatles sont notoirement absents de toutes les offres de streaming, y compris d’Apple MusicRappelons que ce qui est proposé est un droit temporaire (le temps de l’abonnement) à l’écoute de la musique sur différents appareils, et, éventuellement, la possibilité de la stocker pour y avoir accès sans connexion. Les plates-formes ne sont pas les seuls maîtres à bord. La présence d’un artiste, d’une chanson, d’un album est fonction des accords passés avec les ayants droit (artistes, producteurs, éditeurs), qui déterminent également les droits de diffusion par pays. Ainsi, les Beatles sont notoirement absents de toutes les offres de streaming, y compris d’Apple Music. Même chose pour de gros vendeurs français comme Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman (discographies assez complètes chez Qobuz, mais uniquement à l’achat). On les trouve sur des albums instrumentaux de karaoké, tout comme, par exemple, Lucio Battisti, grand nom du rock italien.L’accès aux servicesSi les services les plus anciens (Qobuz, Deezer et Spotify) peuvent remonter à Windows 2000 ou XP pour les systèmes d’exploitation des PC, les nouveaux arrivants Apple Music et Tidal nécessitent Windows 7 (Tidal est accessible à partir de Windows Vista). Pour les utilisateurs de Mac, Qobuz est le plus accueillant avec la version « 10.5 et inférieur » du système OSX. Les principaux navigateurs sont acceptés, mais l’offre Hi-Fi de Tidal ne fonctionne, pour le moment, qu’avec Chrome. Pour les tablettes et téléphones portables, les sites recommandent généralement les versions les plus récentes sous iOS (iPhone), Android ou Windows. De la même manière, les performances dépendront de la puissance et la qualité de l’accès individuel à Internet (Wi-Fi, ADSL, fibre, 3G, 4G…).Les fonctionnalitésLa fonction de recherche se révèle partout plutôt intuitive, sauf chez Napster qui a du mal à accoler un nom d’artiste et un titre. Gare toutefois à une orthographe vacillante ou à une mention trop vague. Selon que vous écrivez « Youssou N’Dour » ou « Youssou Ndour », les albums de la star du Sénégal, qui utilise les deux orthographes, seront réduits ou non à la portion congrue. Un titre qui a servi à plusieurs artistes posera aussi problème s’il est tapé seul. Ainsi la chanson See No Evil, sans mention de son interprète, Emitt Rhodes, vous conduira d’abord sur le nom d’un groupe puis sur les chansons de Television, Eurythmics, etc.Les lecteurs de fichiers proposent tous les mêmes fonctions (marche/arrêt, avance avant/arrière, contrôle du volume, lecture aléatoire…). A noter que le choix d’un fond noir et de variantes de grisé par Spotify et Tidal n’est pas des plus lisibles. Les principales plates-formes reprennent, par ailleurs, les principes communautaires des réseaux sociaux : vos « amis » écoutent les mêmes musiques que vous ou vous feront partager des découvertes. Vous pourrez concevoir vous-mêmes des listes de lecture (play-lists) ou suivre celles qui sont recommandées par les sites, généralement à partir d’algorithmes qui repèrent ce qui a été écouté auparavant. Spotify et Deezer permettent d’afficher les textes de certaines chansons en les écoutant.La qualité sonoreIl est généralement admis qu’en dessous de 320 kbps (débit en kilobit par seconde), le rendu sera médiocre. Dans le streaming, il y a de tout : du format de compression MP3 à 128 kbps, dans la formule de base de Deezer, jusqu’au FLAC, qui permet de retrouver la qualité du CD, proposé par Qobuz et Tidal, en passant par les OGG 320 kbps de Spotify, AAC 256 kbps d’Apple Music ou AAC 320 kbps de Napster.Mais au-delà de la qualité du flux, les performances des matériels d’écoute sont à prendre en compte. Les sites expliquent d’ailleurs que pour profiter pleinement de la qualité sonore de leurs offres, il est conseillé d’acquérir des enceintes plus performantes que celles fournies généralement avec les ordinateurs, des casques audio haut de gamme et des convertisseurs DAC (convertisseur numérique-analogique) qui permettent un transfert vers la chaîne Hi-Fi.Ensuite, tout dépendra de ce que les maisons de disques ont fourni comme fichiers numériques aux sites. Un exemple : le Then He Kissed Me (1962) du groupe vocal féminin américain The Crystals va, selon les compilations, du boueux au détaillé, dans le respect de la monophonie d’origine supervisée par le producteur Phil Spector à une stéréophonie artificielle (augmentation du panoramique) dans d’autres cas.La « diversité »Globalement, avec la revendication par les services payants de la disponibilité de 28 millions de titres (Qobuz) à plus de 35 millions (Deezer, Tidal), le consommateur est censé trouver à peu près tout. Mais entre les redondances de compilation en compilation, les play-lists maisons qui se retrouvent au milieu des albums originaux, il s’agit d’abord de gonfler l’offre pour attirer le chaland. Qui aura besoin de plusieurs vies s’il lui venait l’idée de passer en revue ces millions de titres.Les vedettes des différents genres musicaux et la grosse cavalerie des nouveautés pop-rock-chanson sont présentes partout. Les majors du disque comme les indépendants, des plus gros aux plus petits, ont tout intérêt à proposer leurs catalogues à l’ensemble des plateformes. La différence se fera donc à la marge, sur des répertoires plus spécialisés, même si, grosso modo, le plus obscur des expérimentateurs apparaîtra quelque part sur tous les sites.Le jazz a ses entrées un peu partout, avec un petit plus chez Qobuz, mais également chez Tidal, surtout pour les grandes et moins grandes gloires afro-américaines. En musique classique, Qobuz, qui a fondé son modèle en partie sur la mise en avant de ce répertoire, tient forcément le haut du pavé. Plus inattendu, Deezer a lancé en 2013 une application spécifique en partenariat avec Universal Music, qui dispose des prestigieux labels Deutsche Grammophon, Decca ou Accord. Autre surprise, Google Play Music propose depuis juin « Classical Live », des enregistrements exclusifs de grands orchestres, réputés pour être les meilleurs au monde.C’est sur les sites contributifs SoundCloud et Bandcamp que l’on trouvera, fournie soit par des petits labels ultra-spécialisés, soit directement par les musiciens, la pointe des musiques électroniques, du hip-hop, du rock indépendant à vocation expérimentale. De nombreux remix, chers à cette culture underground, sont proposés sur SoundCloud, à travers les sélections de DJ qui postent régulièrement leurs mix (titres enchaînés sur leurs platines). Un univers de vraies « découvertes » qui viendront peut-être à leur tour rejoindre les rangs des propositions chez Spotify, Apple Music et consorts.Quant aux musiques dites « du monde », « ethniques » ou « traditionnelles », elles sont représentées, mais peuvent nécessiter de bien connaître en amont le domaine pour les retrouver. Ainsi, sur les listes thématiques « latinos » de Deezer ou Spotify, s’empilent des titres et des artistes correspondant à des images en vogue (« reggaeton », « sex, sea and sun »), sans mention de nationalité, d’âge, voire d’interprète. De même, les répertoires de patrimoine entrés dans le domaine public semblent d’abord servir, dans un fouillis indescriptible, à gonfler l’offre.L’accompagnement éditorialIl se révèle globalement médiocre, à l’exception de Qobuz – et encore. Sur le plan des biographies, Deezer (généralement à partir de fiches du site français d’informations musicales Music-story.com), Qobuz (avec sa rédaction) et Apple Music (traduction à la va-vite de textes anglais) proposent des textes en français. Pour le reste, c’est du tout-anglais, y compris pour des artistes français, à partir de copier-coller et de résumés de fiches du site AllMusicGuide qu’agrège pour Spotify, Tidal et Apple la société Rovi.Quelle que soit la langue, on va du succinct à des présentations un peu plus fournies – lorsque les biographies existent, ce qui n’est pas systématique, y compris sur des grandes vedettes ou des artistes références. Même chez Qobuz qui met pourtant en avant son attachement à l’éditorial – réel avec des renvois vers son magazine, des dossiers sur des genres, des courants musicaux… A noter l’indigence politique des biographies en anglais rédigées sur Spotify, où la Chilienne Violeta Parra, égérie de l’Amérique latine militante, se transforme en folkloriste, et où le chanteur brésilien Chico Buarque, exilé pendant la dictature, est résumé à son succès auprès du public féminin, séduit par ses charmes.Tout aussi parcellaires, et souvent inexactes, sont les mentions des auteurs-compositeurs, des interprètes, des dates d’enregistrements originaux, des producteurs, des principaux interprètes en dehors de l’artiste vedette – lorsqu’elles existent. Des précisions que l’on serait pourtant en droit d’attendre de la part de sites légaux, prônant le « retour de la valeur » pour la musique. Spotify ou Napster se cantonnent à la mention d’une année de sortie. Chez Deezer, Apple Music ou Tidal, il faut cliquer sur une icône guère visible pour y avoir accès. Là encore, Qobuz, en particulier sur le répertoire classique, est le plus fiable et complet. A la décharge des sites, ces données sont supposées être fournies par les maisons de disques en même temps que les fichiers.La légalitéDurant les visites sur les différents sites, nous avons identifié des enregistrements pirates de concerts de diverses périodes dans les chapitres « albums » de Frank Zappa, Todd Rundgren, Bruce Springsteen, Bob Dylan, Neil Young, Miles Davis… Manifestement, les équipes de Spotify, Deezer (treize pirates de Springsteen à fin septembre), Tidal et même Qobuz et Napster laissent passer des enregistrements douteux, provenant de labels tout aussi douteux. Marginal, mais le signe qu’il manque quelque part un contrôle plus sérieux.Les plates-formes « ouvertes », dont les contenus sont fournis en grande partie par les usagers, flirtent plus dangereusement avec les frontières de la légalité. Plus encore que SoundCloud ou Bandcamp, le « cas » YouTube en est symptomatique. Certes, on y trouve de nombreuses vidéos et fichiers audio fournis par les maisons de disques, les producteurs, les artistes eux-mêmes. Mais YouTube apparaît surtout comme un puits sans fonds de contenus hétéroclites mis en ligne par les internautes. Qui façonnent aussi bien leur propre vidéo à partir de fichiers son et image plus ou moins licites, d’une qualité souvent médiocre, qu’ils déterrent des morceaux connus de quelques dizaines d’amateurs dans le monde, absents des offres légales. Cela sans autorisation des ayants droit ni respect du droit d’auteur. Un problème récurrent sur le site du géant américain. Qui, bonne âme, fait disparaître les contenus litigieux quand on lui demande. Lesquels renaissent généralement quelques jours, voire quelques heures plus tard.Stéphanie BinetJournaliste au MondeSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au MondeVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Les jurés des prix Goncourt, Renaudot et Femina ont fait connaître les deuxièmes sélections de leurs prix littéraires qui seront remis les 3 et 4 novembre. Il ne reste plus que huit romans en compétition sur les quatorze de la première liste pour le Goncourt. Les Renaudot ont, mardi 7 octobre, divisé par deux leur sélection, en passant de dix-huit à neuf titres. Les dames du Femina ont, quant à elles, retenu dix romans français et dix romans étrangers sur des listes initiales qui comprenaient respectivement quinze et dix-sept titres. Le juré Femina a accueilli un nouveau titre dans sa sélection française : Hizya, de Maïssa Bey (L’Aube).Boualem Sansal,qui faisait l’unanimité avec son roman 2084, la fin du monde (Gallimard) est certes toujours en lice pour les prix Goncourt et Femina. En revanche, les jurés du Renaudot l’ont éliminé. Nathalie Azoulai, avec Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) et Hédi Kaddour, avec Les Prépondérants (Gallimard) ont aussi passé le deuxième tour des listes Goncourt et Femina.Lire aussi :Boualem Sansal plébiscité par les jurés littérairesDeux autres auteurs restent nommés deux fois. Il s’agit de Christophe Boltanski, avec La Cache (Stock), en lice pour le Femina et le Renaudot et Judith Perrignon, avec Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste) présente sur les listes du Femina et du Renaudot essai.Angot et Dantzig, grands perdantsParmi les grands perdants des deuxièmes sélections, figurent Christine Angot et Charles Dantzig. L’auteure d’Un amour impossible (Flammarion) a été éliminée des listes Goncourt et Femina, tandis que celui d’Histoire de l’amour et de la haine (Grasset) est sorti du Renaudot et du Femina.Delphine de Vigan, avec D’après une histoire vraie (JC Lattès) a été sortie du Goncourt, mais conservée au Renaudot. Il est arrivé le sort inverse à Simon Liberati, avec Eva (Flammarion). Laurent Binet, avec La Septième Fonction du langage (Grasset) a été éliminé du Femina, mais maintenu au Renaudot. Le contraire de ce qui arrive à Villa des femmes, de Cherif Madjalani (Seuil).Les jurés Goncourt ont aussi conservé Mathias Enard, avec Boussole (Actes Sud), Alain Mabanckou, Tobie Nathan et Thomas B. Reverdy. La troisième et dernière sélection du Goncourt sera annoncée, mardi 27 octobre, depuis le Musée du Bardo à Tunis, cible d’un attentat meurtrier le 18 mars.Pour établir sa troisième sélection, le jury Renaudot se réunira, aussi le 27 octobre, mais à l’hôtel de Massa, le siège de la Société des gens de lettres. Pour son prix essai, le jury Renaudot est passé de huit à six titres.Outre ses sélections de romans français et étrangers, le jury Femina a fait connaître sa première sélection d’essais qui comprend neuf titres dont Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil) et la biographie de Claude Levi-Strauss, par Emmanuel Loyer (Flammarion). Le jury se réunira une nouvelle fois, mercredi 21 octobre, pour déterminer une deuxième liste d’essais et une troisième liste de romans français et étrangers.Deuxième sélection du prix Goncourt- Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) - Mathias Enard, Boussole (Actes Sud) - Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard) - Simon Liberati, Eva (Stock) - Alain Mabanckou, Petit piment (Seuil) - Tobie Nathan, Ce pays qui te ressemble (Stock) - Thomas B. Reverdy, Il était une ville (Flammarion) - Boualem Sansal, 2084 (Gallimard)Deuxième sélection du prix RenaudotRomans : - Yves Bichet, L’Eté contraire (Mercure de France) - Laurent Binet, La Septième Fonction du langage (Grasset) - Christophe Boltanski, La Cache (Stock) - Agnès Desarthe, Ce cœur changeant (L’Olivier) - Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (JC Lattès) - Fabrice Guénier, Ann (Gallimard) - Philippe Jaenada, La Petite Femelle (Julliard) - Arnaud Leguern, Adieu aux espadrilles (Le Rocher) - Alice Zeniter, Juste avant l’oubli (Flammarion)Essais : - Pierre Adrian, La Piste Pasolini (Les Equateurs) - Didier Blonde, Leila Mali (Gallimard) - Philippe Forest, Aragon (Gallimard) - Sony Labou Tansi, Encre, sueur, salive et sang (Le Seuil) - Judith Perrignon, Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste) - Jean-Michel Ribes, 1001 morceaux (L’Iconoclaste)Deuxième sélection du prix FeminaRomans français : - Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L) - Maïssa Bey, Hizya (L’Aube) - Christophe Boltanski, La Cache (Stock) - Brigitte Giraud, Nous serons des héros (Stock) - Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard) - Hélène Lenoir, Tilleul (Grasset) - Cherif Madjalani, Villa des femmes (Seuil) - Judith Perrignon, Victor Hugo vient de mourir (L’Iconoclaste) - Boualem Sansal, 2084 (Gallimard) - Alexandre Seurat, La Maladroite (Le Rouergue)Romans étrangers : - Martin Amis, La Zone d’intérêt (Calmann-Lévy) - Oya Baydar, Et ne reste que des cendres (Phébus) - Jane Gardam, Le Maître des apparences (JC Lattès) - Kerry Hudson, La Couleur de l’eau (Philippe Rey) - Laird Hunt, Neverhome (Actes Sud) - Alice McDermott, Someone (La Table ronde) - Dinaw Mengestu, Tous nos noms (Albin Michel) - Owen Sheers, J’ai vu un homme (Rivages) - Sasa Stanisic, Avant la fête (Stock) - Agata Tuszynska, La Fiancée de Bruno Schulz (Grasset)Essais (première sélection) : - Frédéric Brun, Novalis et l’âme poétique du monde (Poesis) - Joël Cornette, La Mort de Louis XIV, apogée et crépuscule de la royauté : 1er septembre 1715 (Gallimard) - Benoît Duteurtre, La Nostalgie des buffets de gare (Payot) - Cynthia Fleury, Les Irremplaçables (Gallimard) - Philippe Forest, Aragon (Gallimard) - Alain Jaubert, Casanova l’aventure : récits (Gallimard) - Nicole Lapierre, Sauve qui peut la vie (Seuil) - Emmanuelle Loyer, Claude Levi-Strauss (Flammarion) - Benjamin Stora, Les Clés retrouvées : une enfance juive à Constantine (Stock)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le vote en première lecture, par 297 voix contre 195, mardi 6 octobre à l’Assemblée nationale, du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » porté par la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, a été approuvé par la plupart des instances représentatives des architectes en France. Dans un communiqué commun, publié le même jour, l’Ordre des architectes, l’Académie d’architecture, la Société française des architectes, le Syndicat de l’architecture, l’Union nationale des syndicats français d’architectes et l’association Mouvement « saluent d’ores et déjà les premières mesures du texte ».Parmi celles-là, « le permis de faire » qui, selon des conditions précises, pourra déroger aux règles d’urbanisme et permettre de « favoriser des solutions innovantes » proposées par les architectes. Les instances de la profession se félicitent également, pour les maisons individuelles, de l’abaissement du seuil de recours à un architecte à 150m² de surface de plancher (elle était jusqu’alors de 170m²) et du « permis d’aménagement » qui suppose l’implication obligatoire d’un architecte dans la réalisation de lotissements.Lire aussi :L’architecture fait sa loi brique par brique« Médiocrité architecturale »Cette dernière disposition permettrait, selon elles, de mettre un frein à « la médiocrité architecturale et urbaine de nombreux quartiers périurbains et les graves conséquences de l’étalement urbain sur l’aménagement de nos territoires ». Egalement saluée par les signataires, l’apposition du nom de l’architecte et de la date d’achèvement des travaux sur la façade du bâtiment qu’il ou elle a réalisé.« Mais les architectes souhaitent aller encore plus loin, souligne le communiqué, unis par le même désir de promouvoir la qualité architecturale au bénéfice de tous. » Ils proposent, notamment, d’étendre le recours à l’architecte à toute construction dans le périmètre d’une cité historique et aux immeubles protégés au titre des abords. S’agissant de la procédure du concours, par laquelle, pour tout projet public, un architecte est sélectionné, ils souhaitent qu’elle s’applique aussi « aux opérations privées d’initiative publique ou engageant des fonds publics ».Le texte du projet de loi doit désormais être débattu au Sénat lors de séances prévues au début du mois de janvier 2016. Les propositions des signataires du communiqué pourront donc y être prises en compte, ou, ensuite, lors de l’examen en deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Son premier livre, J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir (Fayard, 1955), où elle relatait son enfance à Budapest et la fuite d’un pays occupé par les Soviétiques, avait valu à Christine Arnothy de connaître un succès immédiat, le livre devenant presque instantanément un « classique » des ouvrages sur la guerre à hauteur d’enfant. Auteure d’une quarantaine de livres (romans, récits, nouvelles), mais aussi journaliste et critique littéraire, la romancière est morte, mardi 6 octobre, a annoncé sa fille. Elle était âgée de 84 ans.Née à Budapest le 20 novembre 1930 dans une famille d’intellectuels – son père, propriétaire terrien, est professeur de latin –, Irène Kovach de Szendrö (de son vrai nom) vit ses premières années entourée de livres. Dès l’âge de 8 ans, la fillette à qui sa mère inculque l’amour du français, dont elle fera sa langue « maternelle », compose sa première nouvelle. Surgit la seconde guerre mondiale. En 1944, le soir de Noël, alors que Budapest est encerclée par les Allemands, son père met les siens à l’abri dans la cave. Là, jour après jour, l’adolescente retranscrit sur un cahier, à la lumière d’une bougie, son quotidien et celui de la ville.Ce journal lui donnera la matière de l’émouvant J’ai quinze et je ne veux pas mourir, dans lequel elle raconte aussi le départ clandestin de la famille, quittant la Hongrie en 1948, puis le camp de réfugiés en Autriche où elle accepte un mariage blanc afin d’émigrer en France. Avant de se remarier et de rejoindre, avec son époux et sa fille, les siens en Belgique.Coup de foudre avec Claude BellangerEn 1954, la jeune apatride envoie J’ai quinze ans… au jury du Prix Vérité, qu’elle remporte. Lors de la remise du prix par Claude Bellanger, c’est le coup de foudre entre la lauréate et le PDG du Parisien libéré. L’un et l’autre étant déjà mariés, ils devront surmonter, ainsi qu’elle le racontera dans Embrasser la vie (Fayard, 2001) d’innombrables obstacles juridiques avant de pouvoir célébrer leurs noces en 1964.Avant de donner une « petite suite » à son journal (Il n’est pas si facile de vivre, Fayard 1957), Christine Arnothy compose Dieu est en retard (Gallimard, 1956), son premier roman, alerte qui dépeint le quotidien d’une jeune femme futile derrière le rideau de fer. Dès cet ouvrage, éclate son amour inconditionnel pour la fiction (« Sans la guerre, je n’aurais pas commencé ma vie d’écrivain par une autobiographie, confiait-elle au Monde, en 2001), qui va se déployer, à raison de presque un livre par an. Comme l’atteste une riche bibliographie comprenant des romans et des nouvelles parmi lesquels Le Cardinal prisonnier (Julliard, 1962), Le Cavalier Mongol (Flammarion, 1976, Grand prix de la Nouvelle de l’Académie française) ou encore Toutes les chances plus une (Grasset) pour lequel elle décroche le prix Interallié en 1980, deux ans après la mort de son « unique amour », Claude Bellanger.Auteur d ’une trilogie sous le pseudonyme de William DickinsonCette perte et l’écriture la conduisent alors à parcourir le monde. Elle s’installe dans une ville pour s’imprégner du lieu, de l’atmosphère, et camper décor et personnages d’une plume vive, colorée, souvent ourlée d’humour. Dans sa cartographie littéraire, qui l’emmène en Australie ou au Kenya, les Etats-Unis tiennent une place à part, en particulier New York. Encore affectée par le deuil de son époux, elle trouve refuge dans un petit hôtel proche de Central Park où, sous le pseudonyme de William Dickinson, elle compose une trilogie policière, diablement efficace, publiée entre 1985 et 1987, dans la collection « Suspense » d’Albin Michel.Puis viendra pour elle, la nécessité de mettre fin aux non-dits. Avec Les Années cannibales (Fayard, 2008), Christine Arnothy se livre à une entreprise d’« auto vivisection » ; elle n’y tait rien de son passé, de ses choix de vie qui l’ont conduite dans une « cage d’amour » illuminée de bonheurs fulgurants, mais aussi assombrie de blessures, notamment ses liens avec ses deux premiers enfants, dont Pierre Bellanger, fondateur de Skyrock.Libérée grâce à ce récit sans concession – à son propre égard –, cette femme à l’esprit aiguisé peut revenir à sa passion première, la fiction, avec Une Valse à Vienne (Fayard, 2009) et La Vie d’une manière ou d’une autre (Flammarion, 2010). Son dernier roman en cours d’écriture portait, selon sa fille, sur « la grande réconciliation entre les animaux et les êtres humains ».Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet C’est un procès en appel assez atypique, finalement renvoyé au 2 mars 2016 après une demande de la RATP, qui devait se dérouler mercredi 7 octobre à Paris. Celui d’Azyle, légende du tag, qui avait été condamné en première instance, en 2012, à huit mois de prison avec sursis et à 195 000 euros de dommages et intérêts. Le graffeur conteste le montant demandé par la RATP avec une expertise inégalée. S’il était entendu, son cas pourrait faire jurisprudence dans d’autres procès intentés par la Régie autonome des transports parisiens.L’affaire remonte à juin 2007, lorsque Azyle, qui était l’un des tagueurs les plus actifs de la région parisienne, est arrêté en flagrant délit en compagnie de Vices, autre figure du milieu, par la cellule antigraffiti de la police des transports après plusieurs mois d’enquête. C’est une grosse prise, médiatisée à l’époque, car le graffeur sévissait depuis 1989, soit depuis plus de dix-sept ans, sur son support fétiche : les rames de métro.Double vieDes rames dont il sature les surfaces – simplement de sa signature, qui a évolué au fil des années – jusqu’à l’abstraction dans un enchevêtrement de couleurs souvent spectaculaire. Tandis que d’autres ex-vandales de métro sont devenus des artistes reconnus, Azyle, bien que courtisé par des galeries et des collectionneurs, a toujours refusé toute marchandisation de son travail. Sa passion, qu’il exerce la nuit, lui fait en revanche mener une double vie. Car dans la journée, Azyle est Sylvain, cadre chez un grand constructeur automobile français. Ce père de famille aujourd’hui quadragénaire est spécialiste des matériaux et des devis, et il estime que ceux de la RATP sont déconnectés de toute réalité, à la fois exorbitants et incohérents.Pour son procès en première instance, le tagueur décide de vérifier tous les chiffrages en reconstituant le processus de protection des rames et de leur nettoyage, à la recherche du « chiffre juste » pour la période sur laquelle il est jugé, à savoir de 2004 à 2007 (il y a prescription au-delà de trois ans). Alors que son activité nocturne a été stoppée net avec son arrestation, il s’investit pleinement dans cette quête de précision scientifique, appelant la RATP à justifier les sommes avancées.Puriste jusqu’au bout, « il ne nie pas et ne veut pas minorer ses actions, il cherche simplement à rétablir un chiffrage juste, nuancé, et il a fait pour cela un travail inédit », rapporte Karim Boukercha, auteur du livre La Descente interdite, graffiti dans le métro parisien (éd. Alternatives, 2011), qui a suivi toutes les étapes de son travail. « La RATP est juge et partie dans ses devis, il n’y a pas d’expert, de personne neutre pour les établir », explique Azyle lui-même. Un constat également fait par un autre célèbre tagueur aficionado des trains, et récemment lourdement sanctionné : Cokney, qui vient d’écrire un livre sur le sujet.Tags effacés en moins de dix minutesParmi ses démonstrations, celle effectuée deux fois devant huissier, une première fois en 2012, et une seconde fois, encore plus précisément, deux semaines en amont de son procès en appel, qui vise à montrer le temps nécessaire pour retirer ses tags. Il les peint puis les efface intégralement avec les produits utilisés par la RATP sur des supports reproduisant ceux des rames de métro. Tandis que la RATP affirme qu’il faut une heure pour nettoyer un mètre carré, Azyle montre que, selon le temps de séchage, ses tags disparaissent en moins de dix minutes (en deux minutes pour les plus frais) avec un équipement rudimentaire. Autres points de contestation : les doublons, les approximations en termes de surface ou les vitres tagués par gravure, facturées alors qu’elles n’ont jamais été remplacées, preuves à l’appui.Azyle estime lui le préjudice à environ 40 000 euros, soit une somme près de cinq fois inférieure à ce qui lui est réclamé. En 2012, le tribunal n’a pas tenu compte de ses arguments, le condamnant à la somme demandée par la RATP. Seront-ils plus audibles auprès de la cour d’appel de Paris ? L’audience s’annonce en tout cas plus longue que celle du procès en première instance, ce qui devrait permettre au tagueur d’étayer plus en détail ses constatations devant les juges.Mercredi 7 octobre, les avocats de la RATP ont demandé un renvoi, estimant avoir reçu les conclusions de la défense trop tardivement. L’audience a été reportée au 2 mars 2016.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Film, à 20 h 50, sur France 4 Un film touchant et drôle de l’auteur de bandes dessinées Riad Sattouf.Les Beaux Gosses s’ouvre sur un plan de peau, celle du visage d’un adolescent, pores ouverts, boutons bourgeonnants, la bouche en pleine action de roulage de pelle, redoublé au son par un violent bruitage de succion baveuse. L’enjeu du film est là, et pas ailleurs : rouler des pelles, se dépuceler, et réussir pour cela à se faire inviter à la soirée de la plus jolie fille du lycée.Les héros ne sont pas les jolis cœurs arrogants autour desquels gravitent toutes les filles, mais les deux moches à qui personne ne parle, sauf pour faire rire à leurs dépens. L’air benêt, mal attifé, Hervé vit dans une barre HLM avec sa mère, chômeuse semi-dépressive, sympa mais maladivement intrusive, génialement interprétée par Noémie Lvovsky.D’origine arabe, Camel, son copain, qu’on imagine inspiré de l’adolescent qu’était Sattouf, est un fondu de musique métal, marginal volontaire au lycée où les voies de l’intégration passent plutôt par le rap et le R’n’B. Hors du lycée, leur vie se répartit entre soirées de spiritisme, jeux de rôles, roulages de joints et séances de branlette « à la chaussette » inspirées par le catalogue La Redoute.Un passé récent et fantasméC’est l’un des charmes du film que de le désinscrire de toute référence sociale ou temporelle. De même que la bande dessinée Pascal Brutal s’inscrit dans un futur proche où Alain Madelin aurait été élu président de la République, Les Beaux Gosses se déroule dans un passé récent et fantasmé qui permet à l’auteur d’entremêler un récit autobiographique et une histoire d’aujourd’hui, et au film d’être si attachant. Ce léger décalage, à peine perceptible, se creuse en évitant toute référence à la mode d’aujourd’hui, à Internet, aux SMS, ou encore aux stéréotypes de la banlieue.Ténu, le fil de l’histoire est tiré par la trajectoire d’Hervé, qui retient miraculeusement l’attention d’une fille, Aurore. Pour tenter d’arriver à ses fins, il trahit un peu son copain. Le sel du film tient à la manière dont la réalité est passée au filtre des phobies et fantasmes adolescents, le projecteur se braquant sur les détails invisibles, les petites choses dégoûtantes, les hésitations… On sort du film avec le même sentiment qu’en finissant une BD de Sattouf : une grande sympathie pour l’auteur.Les Beaux Gosses, de Riad Sattouf. Avec Vincent Lacoste, Anthony Sonigo, Noémie Lvovsky (Fr., 2009, 90 min). Mercredi 7 octobre, à 20 h 50, sur France 4.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5615440211537'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - 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Le 29 janvier 2014, le romancier et dramaturge annonçait publiquement sa maladie – une tumeur à la nuque, une autre au poumon gauche. Au fil des mois, il en avait tenu la chronique dans le quotidien Göteborgs-Posten. « J’ai tout de suite décidé d’écrire à propos de cette maladie, parce que c’est finalement une douleur et une souffrance qui affectent beaucoup de gens. Mais je vais écrire avec la perspective de la vie, pas de la mort. »La même intention gouverne son autobiographie, Sables mouvants. Fragments d’une vie (357 p., 21, 50 €), parue en France le 17 septembre au Seuil. Il ne s’agit pas d’un livre crépusculaire, prévient-il, mais d’« une réflexion sur ce que c’est que vivre » et un survol, sous forme d’instantanés, d’une carrière féconde, qu’il consacra aussi bien au polar qu’au théâtre et à la littérature jeunesse.Né le 3 février 1948, Henning Mankell a grandi à Sveg et à Borås, deux localités du comté de Jämtland. Il n’a qu’un an lorsque ses parents divorcent. Il est élevé par son père, juge d’instance. A seize ans, alors qu’il sait déjà qu’il sera écrivain, il quitte le lycée sur un coup de tête et, sans argent ni passeport, part pour Paris, où il demeure plusieurs mois. Une période formatrice à plus d’un titre, dira-t-il, décrochant un boulot dans un atelier de réparation de clarinettes et de saxophones. Il intègre ensuite la marine marchande, s’installe en Norvège.Teatro Avenida, « l’aventure la plus exaltante de sa vie »En 1972, il découvre l’Afrique, d’abord en Guinée-Bissau puis en Zambie. Jusqu’à l’apparition de son cancer, Henning Mankell – « un pied dans la neige, l’autre dans le sable » – partagera sa vie entre la Suède et le Mozambique où, il crée en 1986 la compagnie d’art dramatique Teatro Avenida, seul théâtre professionnel de Maputo, la capitale. Ce fut « l’aventure la plus exaltante de sa vie », selon la journaliste Kirsten Jacobsen (Mankell (par) Mankell : Un portrait, Le Seuil, 2013) et qu’il finance avec ses droits d’auteur. Dès 1990, il se lance dans l’écriture de livres pour enfants et entreprend l’année suivante la série Wallander, qui le rendra célèbre.Au même titre que son compatriote Stieg Larsson, l’auteur de la saga Millénium, Henning Mankell, dont les livres ont été traduits en 35 langues et écoulés à 40 millions d’exemplaires, a contribué à l’engouement pour le polar nordique, caractérisé par une vive critique politique et une dénonciation des inégalités, contrastant avec le modèle scandinave tant vanté. En 2009, le père du commissaire Wallander se classait à la neuvième place des écrivains de fiction les plus vendus en Europe.Henning Mankell se souvenait très bien de ce jour de mai 1989 où Kurt Wallander est né. « Je peux même retrouver, dans mon journal, la date exacte. Je voulais écrire sur les émigrants, la xénophobie, confiait-il au Monde des livres en 2010. Je me suis dit que le racisme était un peu comme une attitude criminelle, et que le roman policier était le décor idéal pour en parler. Mais pour cela, j’avais besoin d’un détective. » Sa première apparition a lieu dans Meurtriers sans visage (1991, paru en France chez Bourgois en 1994), distingué par les prix du meilleur roman policier suédois et scandinave.L’assassinat d’un réfugié politique Avec cette enquête déclenchée par l’assassinat d’un réfugié politique tué par un policier proche des mouvements néonazis, la littérature gagne un nouveau loup solitaire, 42 ans, divorcé, passablement désabusé, et un grand maître du polar venu du froid. Henning Mankell fait de Wallander un policier taciturne, qui ne cesse de douter, un homme de plus en plus dépressif et désenchanté au fil des ans.Il assiste impuissant à la hausse de la xénophobie et de la criminalité, ainsi qu’à l’emprise grandissante des mafias et au mal-être de la jeunesse suédoise. « Il avait vécu près de cinquante ans. Pendant toutes ces années, il avait vu la société changer autour de lui et il avait fait partie de ce changement. Mais c’est simplement à ce moment qu’il se rend compte qu’une partie de ce changement dramatique avait été visible, lit-on dans Le Guerrier solitaire (Seuil, 1999). Quelque chose s’était donc déroulé sans crier gare. (…) Lorsqu’il n’était encore qu’un jeune policier, il était évident que tous les problèmes pouvaient être résolus sans avoir recours à la violence sauf en cas d’extrême urgence. »« Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir » : cette formule de conjuration, Kurt Wallander la répétera tout au long de sa carrière. Au terme de dix aventures, Mankell lui donne son congé. « Kurt Wallander est couché dans son lit et il pense à la mort », lit-on dans L’Homme inquiet, paru en France en 2010. Jumeau de son héros à trois semaines près, Henning Mankell lui offre un repos mérité.Lire la critique de « L’Homme inquiet », de Henning Mankell, roman de la peurLui aussi est fatigué de ce double qui a tant bataillé et n’entend pas en faire une rente de situation, au grand dam de ses innombrables lecteurs à travers le monde. A l’écran, Kenneth Branagh avait prêté à Wallander ses traits dans une série télévisée (2008-2010). Ils l’avaient suivi dans toute la Scanie en Lettonie (Les chiens de Riga, Seuil 2003) et même en Afrique du Sud (La Lionne blanche, Seuil, 2004).Wallander a 21 ans, écoute de l’opéra et fume des John SilverPour Henning Mankell, il est hors de question de sortir Wallander de sa retraite – au reste, sa fille Linda lui a succédé au commissariat d’Ystad. C’est donc sa jeunesse que l’écrivain lui rend, en guise d’épilogue dans La Faille souterraine et autres enquêtes (Seuil, « Policier », 2012). Sa jeunesse et ses doutes. Wallander a 21 ans, écoute de l’opéra et fume des John Silver. Affecté au maintien de l’ordre, il est censé patrouiller dans les rues de Malmö.Le novice en passe d’être muté à la brigade criminelle s’interroge : « Mais peut-on être à la fois sentimental et un bon flic ? » L’avenir lui apprendra que non. La notoriété du commissaire d’Ystad a singulièrement éclipsé le reste, pourtant majoritaire, de la production littéraire d’Henning Mankell : pièces de théâtre, livres pour enfants, polars sans Wallander tel Le Cerveau de Kennedy (Points Seuil, 2014), qui conduit une archéologue à découvrir le continent africain, rongé par le sida. « Seule notre incapacité à comprendre faisait que nous savons tout de la façon de mourir des Africains, et presque rien de leur façon de vivre », y écrit-il. Aussi les lecteurs français ont-ils dû attendre le mois d’avril de cette année pour découvrir Daisy sisters (Le Seuil), son premier roman, histoire d’une mère et de sa fille entre 1941 et 1981.Comme son antihéros qui cherchait à rendre justice aux victimes, Mankell le citoyen, engagé à gauche, défend en Suède comme en Afrique les plus faibles et promeut autant qu’il le peut ses deux idéaux : démocratie et solidarité. A plusieurs reprises, il n’hésite pas à prendre position dans le débat public, signant par exemple un manifeste contre la deuxième guerre du Golfe ou achetant un journal norvégien de gauche afin de le sauver de la faillite. En 2010, il participe à l’expédition « Ship to Gaza », organisée par des groupes activistes en faveur des Palestiniens, qui donne lieu à un abordage israélien. Il tire de cette campagne un récit publié dans plusieurs journaux européens, dont Libération en France. Après trois divorces, Henning Mankell s’était remarié avec Eva Bergman, la fille du cinéaste Ingmar Bergman. « Je suis venu au monde pour raconter des histoires. Je mourrai le jour où je ne peux plus le faire. La vie et l’écriture ne font qu’un », déclarait-il le 2 mars 2003 au quotidien britannique The Guardian.Henning Mankell se qualifiait de raconteur d’histoires. Il estimait que c’était sa façon de représenter sa vision du monde dans ses livres qui offrait peut-être la meilleure image de lui. Depuis que sa maladie s’était déclarée, en dépit des séances de chimiothérapie, Mankell se savait en sursis. Il vivait toutefois, disait-il, dans l’attente de nouveaux instants de grâce.Lire l’entretien publié sur Télérama.fr en 2010 : « Jamais je n’aurais imaginé vivre si longtemps avec ce vieux Kurt Wallander »Macha SéryJournaliste au Monde 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux Une déclaration de guerre un jour d’armistice ? C’est ce que pouvaient laisser accroire les deux dépêches publiées concomitamment par l’AFP, mercredi 11 novembre, annonçant l’entrée de deux personnalités artistiques, novices mais notoires, dans le monde de l’opéra. La première, qui émane de l’Opéra-Comique, concerne le metteur en scène de théâtre, Thomas Jolly, qui fera en février 2017, avec Fantasio, d’Offenbach, la réouverture de la Salle Favart, actuellement fermée pour deux ans de travaux. L’autre révèle que le réalisateur Bertrand Bonello devrait monter le Don Carlo, de Verdi, à l’Opéra de Paris, en octobre 2017.Le metteur en scène de Henry VI contre celui de Saint Laurent ? Rien de suspect a priori. Depuis qu’il s’est ouvert au concept de mise en scène au début du XXe siècle, l’opéra a attiré les cinéastes, d’abord comme réalisateur de films d’opéra puis in scena, de Luchino Visconti à Franco Zeffirelli, en passant par Atom Egoyan, Robert Altman, Michael Haneke, Christophe Honoré ou Benoît Jacquot. De même pour les metteurs en scène de théâtre, dont il constitue aujourd’hui un paragraphe quasi obligé dans le curriculum vitae. De Giorgio Strehler à Frank Castorf, de Patrice Chéreau à Romeo Castellucci, de Robert Wilson à Dmitri Tcherniakov, même les plus réticents sacrifient à la scène lyrique.Deux ouvertures de saison pour JollyRien d’étonnant donc à ce que les noms de Bertrand Bonello et de Thomas Jolly s’ajoutent au catalogue. A ceci près : ce dernier sera, en effet, tête de liste, à quelques semaines de distance, de deux ouvertures de saison. En amont de l’Opéra-Comique, Jolly est programmé à l’Opéra de Paris dans Eliogabalo, de Cavalli, en 2016-2017 (la saison sera officiellement annoncée le 2 février 2016).Le nouveau patron de l’Opéra-Comique, Olivier Mantei, aurait sans doute aimé rouvrir sa salle en se targuant de la première mise en scène lyrique du sieur Jolly. Mais il s’est fait griller la politesse par l’Opéra de Paris et son ancien boss aux Bouffes du Nord dans les années 2000, Stéphane Lissner. Mantei a, en effet, proposé Fantasio au jeune metteur en scène français dès l’automne 2014 alors qu’il n’était pas encore l’heureux récipiendaire des Molières d’avril 2015 pour Henry VI, de Shakespeare. Avec lui, il entend mener un travail artistique à long terme, dont le coup d’envoi aura lieu le 3 décembre prochain lors d’une première séance ouverte au public (sur réservation) avec Thomas Jolly et la mezzo Marianne Crebassa. La chanteuse assurera le rôle-titre de l’opéra tiré de la pièce éponyme de Musset, dont elle a fait une prise de rôle magistrale, il y a quelques mois, à Montpellier (dans la version de concert proposée le 18 juillet par le Festival de Radio France et Montpellier).Lire aussi :Thomas Jolly et le roi boiteuxA l’époque, Eliogabalo était encore entre les mains d’un autre Thomas : Ostermeier. Mais l’Allemand a déclaré forfait fin 2014 pour des raisons de temps de travail insuffisant (certains metteurs en scène de théâtre s’accommodent mal du temps de répétition deux fois plus court à l’opéra qu’au théâtre, cinq à six semaines contre deux à trois mois – ce contre quoi entend précisément lutter l’Opéra-Comique). Lissner a alors pensé au jeune Jolly, avec lequel contact a été pris au printemps 2015. On imagine sans mal la tension des rapports entre les deux institutions. « Il y a eu pas mal de discussions, reconnaît Olivier Mantei. Mais ce qui compte est que les deux projets aient été validés et maintenus. » Cela promet, en tout cas, un baptême en forme de feu d’artifice pour Thomas Jolly, qui enchaînera un opéra baroque vénitien au Palais Garnier et un opéra-comique français à la Salle Favart. Un film sur le chœur de l’Opéra pour BonelloLe cinéaste Bertrand Bonello, lui, n’est pour l’instant en pourparlers qu’avec l’Opéra de Paris. Au point de vendre la peau de l’ours ? L’annonce semble un tantinet prématurée à Stéphane Lissner. « Rien n’est encore acté et nous en sommes au travail préparatoire, qui doit se poursuivre, avec notre directeur musical, Philippe Jordan, dès la semaine prochaine, signale, en effet, le directeur de l’Opéra de Paris, quelque peu surpris par les propos de Katia Wyszkop, la décoratrice de Bonello pour Saint Laurent, rapportés par l’AFP. Mais Bertrand est très intéressé par l’opéra, où sa mère l’emmenait, à Nice, quand il était enfant, et il a toujours souhaité pouvoir un jour travailler sur une scène lyrique. »Stéphane Lissner ne cache pas qu’il a été séduit par la direction d’acteurs du cinéaste, notamment dans les scènes intimistes de Saint Laurent. En attendant d’être définitivement adoubé, Bertrand Bonello s’est attelé à la commande d’une contribution pour la « 3e Scène », le grand projet numérique lancé par l’Opéra de Paris au début de l’automne : il s’agit d’un film autour du chœur de l’Opéra, celui-là même qui s’est si prodigieusement illustré dans la production du Moïse et Aaron, de Schoenberg.Lire aussi :« Moïse et Aaron » : gare au chef-d’œuvre !Lire aussi :L’Opéra de Paris ouvre sa « 3e Scène » sur InternetMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Le 20 janvier 2014, à Bologne (Italie), disparaissait le grand Claudio Abbado – le début d’un « annus horribilis » qui allait également priver le monde musical d’autres baguettes de renom comme celles de Lorin Maazel ou Frans Brüggen. Deux concerts – le premier au profit de l’Institut Curie et de la recherche contre le cancer – organisés par le producteur André Furno (Piano 4 Etoiles), qui fut l’un des familiers du maestro, lui rendaient justement hommage, les 9 et 10 novembre. Au programme, l’immense pianiste Martha Argerich, accompagnée par l’excellent Orchestre du Festival de Lucerne (une des dernières « créations » du chef italien) sous la direction du charismatique Letton, Andris Nelsons.Lire aussi : Le chef d’orchestre Claudio Abbado est mortEmotion palpable lorsqu’apparut la mince silhouette en noir de la pianiste argentine dont la crinière d’argent accentue désormais la fragilité. Elle joue le Troisième concerto pour piano, de Prokofiev, celui-là même qu’elle enregistra à Berlin avec Abbado pour Deutsche Grammophon en 1967. Celui-là même qu’ils interprétèrent le 12 novembre 1969 au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’Orchestre national de l’ORTF, en un premier concert qui scella les débuts du chef milanais à Paris. Collaboration en forme d’osmoseLes photos de ce temps sont saisissantes. Abbado et Argerich en jeunes dieux : beaux et fous, avec la complicité rieuse d’amants qui seraient unis par la musique. A 27 ans, Argerich défraye alors la chronique depuis qu’elle a successivement remporté les concours de Genève, Busoni de Bolzano en 1957 et un époustouflant premier prix au concours Chopin, en 1965 au cours d’une finale d’anthologie – le Concerto pour piano n°1 du compositeur polonais, à Varsovie, devant un public en délire (elle l’enregistrera en studio avec Abbado trois ans plus tard). Le maestro est plus âgé de huit ans. Lui a commencé une carrière internationale tandis qu’il se produit dans les usines italienne en compagnie du pianiste Maurizio Pollini et du compositeur Luigi Nono.Le label allemand au cartouche jaune a publié, en janvier, un coffret de cinq disques réunissant tous les enregistrements de Claudio Abbado et Martha Argerich (une dizaine dont deux versions du Concerto en sol, de Ravel). Le dernier a été réalisé quelques mois avant la mort du maestro, pendant le Festival de Lucerne de Pâques 2013 : deux Mozart, le Concerto pour piano n°20 KV 466 et le Concerto pour piano n°25 KV 503. Le mot de la fin d’une collaboration en forme d’osmose commencée à la fin des années 1950 alors que les deux artistes étudiaient ensemble le piano à Vienne. En France, le dernier concert Argerich-Abbado a eu lieu Salle Pleyel, le 14 avril 2013. Martha Argerich avait jeté son dévolu sur le Premier concerto pour piano, de Beethoven. Musiciens fauvesQue le « Troisième » de Prokofiev soit une promenade de santé pour la « lionne » n’étonnera personne. A 74 ans, la pianiste a gardé sa stupéfiante vélocité, ses impressionnants effets de « saltos » à la main droite, une main gauche impitoyable, et des rafales d’octaves perlées jetées sur le clavier comme des éclairs au bout des doigts. Andris Nelsons la piste avec la vigilance du chasseur de brousse. Et pour cause. Ces deux-là sont de la même famille de musiciens fauves, ardents, les flancs creusés, le même instinct de l’absolu. Ils entrent et jouent. Jouent et sortent. Martha accordera un bis, un seul : l’élégante Sonate en ré mineur K. 141, de Scarlatti, avec ses voltes de notes répétées. Mais la salle n’est pas au bout de ses émotions. La charge tellurique d’une hallucinante Cinquième symphonie, de Mahler est encore à venir.L’Orchestre du Festival de Lucerne est familier des symphonies de Mahler sous la direction inspirée et de plus en plus dépouillée d’Abbado. Mais il a aussi déjà interprété la « Cinquième » de Mahler sous la direction d’Andris Nelsons à Lucerne, les 19 et 20 août. C’est peu de dire que le Mahler de Nelsons et celui d’Abbado sont aux antipodes. Mais le Letton ne fait pas oublier l’Italien (comment le pourrait-il ?), et Nelsons a été le passeur du fameux concert du 6 avril 2014, à Lucerne, où l’orchestre en larmes a dit adieu à son chef disparu. La musique a continué et rien n’a été perdu : comme Abbado, Andris Nelsons possède le talent rare de fascination, une joie éperdue de la musique, puissante, communicative, qui emporte tout sur son passage – le corps et le cœur des musiciens, et ceux des auditeurs – dans un mystérieux et charnel élan universel.Hommage à Claudio Abbado à la Philharmonie de Paris, Paris 19e. Prochain concert avec Jordi Savall, le 18 novembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 70 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 12.11.2015 à 10h39 • Mis à jour le12.11.2015 à 13h36 | Véronique Mortaigne Pour la première soirée parisienne de son festival Les Inrocks Philips, l’hebdomadaire culturel proposait, mercredi 11 novembre au Casino de Paris, un heureux détour vers le sud des Etats-Unis. Si les groupes Algiers et Alabama Shakes développent des esthétiques différentes, le premier nettement plus punk, le second davantage porté sur la soul, ils ont pourtant des points communs.Les Alabama Shakes viennent d’Athens, 24 000 habitants, quelque part au nord de l’Alabama, entre Atlanta et Nashville. Le quatuor d’origine est gonflé à bloc par trois choristes et deux claviers additionnels. Ça fait une joyeuse bande, même quand il s’agit de lancer des slows. Le groupe est mené par le bassiste Zac Cockrell, physique de garde forestier, barbe et cheveux de biker sauvage, et la chanteuse et guitariste afro-américaine Brittany Howard, une sorte de Big Mama Thornton contemporaine (Big Mama Thornton était née en 1926 à Montgomery en Alabama ; elle créa, en 1953, le tube Hound Dog, que lui ravit Elvis Presley trois ans plus tard ; elle mourut désargentée et alcoolique en 1984).Dans la génération suivante, Brittany Howard fut comparée à Janis Joplin pour ses déchirements de voix épisodiques et son feeling. Il y a, chez ces femmes fortes, une part de virilité qui fonde la personnalité sans nuire à l’esthétique. Trois petites notes de guitares pincées égrenées par Miss Howard sur sa Gibson vert pomme, et c’est la classe.Diversité coloréeParu en 2011, Boys & Girls, le premier album du groupe, contenait des tubes et graines de tubes, dont Hold On, un blues rock spacieux, que le public attend au Casino de Paris, alors qu’un deuxième album, Sound & Colour, en a déjà proposé une nouvelle fournée (Don’t Wanna Fight). Plus pop, plus composite, l’opus a incurvé la prestation des Alabama Shakes vers une diversité colorée. Il y a de tout dans cette composition presque florale où la voix est parfois intimement soul ou tendue à l’extrême, parfois trop poussée au cri. A l’évidence, Brittany Howard en rajoute, elle monte jusqu’à la fièvre avant de souffler le cool. Il y a de tout dans cette musique, du gospel, du rock sudiste, du blues, de la soul, des bribes de Beatles, de With a Little Help from My Friends façon Joe Cocker (Brittany a fait sensation en interprétant Get Back en duo avec Sir Paul McCartney au festival Lollapalooza à Chicago en juillet).On y verrait même un fond de parodie des années heureuses de l’après-guerre, avec sa joie participative, car nous sommes aujourd’hui au temps des collages, et des drames se sont noués. Même sur des bases aussi définies que celles des Alabama Shakes, les jeunes artistes s’attachent à créer des atmosphères, des climats, là où leurs aînés cherchaient la révolution des styles.Trio multiracial venu d’AtlantaCeci est vrai pour Algiers, ainsi nommé en référence à la guerre anti-colonialiste menée en Algérie, en scène juste avant leurs collègues d’Athens. Ce trio, également multiracial, vient d’Atlanta (Géorgie), ville d’origine de Martin Luther King. Algiers a aussi un meneur, le chanteur afro-américain Franklin James Fisher. Le groupe ne pratique pas l’art de la mélodie, mais celui de la rupture. La guitare peut être jouée à l’archer, et les baguettes du batteur voler à travers la scène. Nous sommes là sur les traces des negro spirituals chantés à la messe du dimanche à l’Ebenezer Baptist Church, là où le défenseur de l’égalité des droits a été baptisé. On suit le chemin de poussière de James Brown, le parrain de la soul, noir et fier de l’être, né en Caroline du Sud, et dont une paire de bottes cloutées est symboliquement exposée au Memorial Martin Luther King. La musique d’Algiers crée aussi des climats, ils sont sombres, durs, électroniques, parsemés de slogans et de riffs de guitare. Elle va loin. Elle est éclectique comme celle des Alabama Shakes. Mais ici le hip-hop du sud, dont Atlanta est une plaque tournante, a torturé les mentalités. Le negro spiritual tout autant.Le son comme arme politiqueLa musique d’Algiers, parsemée de références à la soul, au free jazz, au hip-hop, l’est également de citations de Malcolm X et de déclarations prises dans les médias et les discours politiques, dans un pays bouleversé par l’assassinat de jeunes Noirs par des policiers blancs, à Ferguson, à Cleveland ou à Harlington.Comme ils font du son extrême une arme politique, on dira d’Algiers qu’ils sont « post-punk ». Le mariage tribal de la black music, dans ce qu’elle a de plus expressif, langoureux et mélodique, avec des chocs électroniques, dit clairement que nous ne sommes plus au temps des métaphores et des périphrases, qu’un mort est un mort, et non plus un « fruit étrange » comme dans la chanson créée par Billie Holiday en 1954, ce Strange Fruit qui se balançait aux arbres, une image terrible pour figurer les pendaisons de Noirs par le Ku Klux Klan.Le soir de l’Armistice, le festival Les Inrocks Philips a défendu l’étrange musique d’Algiers, et c’est tant mieux.Festival Les Inrocks Philips, à Paris et en province, jusqu’au 17 novembre. www.lesinrocks.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.11.2015 à 06h43 • Mis à jour le12.11.2015 à 07h06 Le supplément littéraire du « Monde » a choisi cette semaine un polar, un roman et un conte.POLAR. « Les Derniers Jours du Condor », de James GradyAprès une mission périlleuse en Afghanistan, suivie d’un séjour à l’hôpital psychiatrique, l’agent de la CIA connu sous le nom de code « Condor », désormais sexagénaire, travaille sous couverture à la bibliothèque du Congrès. Des officiers de la Sécurité intérieure sont chargés de le surveiller et de s’assurer qu’il suit son traitement médicamenteux. Un soir, l’un d’eux est découvert crucifié au domicile du Condor. Faux coupable idéal, ce dernier retrouve ses réflexes d’antan et prend la fuite, essayant d’échapper à des poursuivants dont il ignore aussi bien l’identité que les motivations. Comment disparaître à l’heure des portables, des GPS et de la vidéosurveillance ? La tâche est moins aisée qu’il y a quarante ans, à l’époque des Six Jours du Condor (1974). Sous l’ombre portée du 11-Septembre, ce récit d’une chasse à l’homme dénonce une nouvelle fois les turpitudes de la CIA, dont une officine clandestine, chargée des basses œuvres, s’affranchit ici de toute règle légale et morale. Un thriller paranoïaque qui tient sacrément en haleine. Macha Séry Les Derniers Jours du Condor (Last Days of the Condor), de James Grady, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hubert Tézenas, Rivages, « Thriller », 378 p., 21,50 €.CONTE. « Des mots jamais dits », de Violaine BérotC’est un conte d’où la magie et le merveilleux se sont absentés. Son héroïne est une princesse, fille d’un roi et d’une reine follement amoureux, qui vont donner naissance à une « floppée d’enfants », dont l’aînée va devoir s’occuper. Sa mère passe ses journées à se contempler ; son père « ne se comporte pas avec (sa fille) comme un père doit se comporter avec son enfant ». Un jour, elle va prendre la décision de quitter sa famille et se heurter aux sorts anciens… D’un sujet délicat, guetté par le sensationnel, Violaine Bérot tisse un roman à l’écriture exaltée, brûlante, poétique, à fleur de peau. La narration d’un « on » indéfini pose sur les tourments de l’héroïne une impensable, une étonnante douceur. Et laisse la porte ouverte à l’espoir. Xavier Houssin Des mots jamais dits, de Violaine Bérot, Buchet-Chastel, 192 p., 14 €.ROMAN. « L’Homme-Tigre », d’Eka Kurniawan« Le soir où Margio assassina Anwar Sadat, Kyai Jahro était captivé par ses poissons dans leur bassin. » La première phrase du roman de l’écrivain indonésien Eka Kurniawan contient en germe tout ce que l’on va trouver dans L’Homme-Tigre. Un meurtre sauvage, de saisissants raccourcis, la présence somptueuse de la nature, et surtout un ton, engagé et détaché tout à la fois. Parce que, dit-il, il est possédé par un tigre, un tigre blanc dont la présence en lui se transmet de père en fils, Margio a tué – en sectionnant de ses dents la veine jugulaire – un notable. L’Homme-Tigre n’est pas un polar. On connaît dès le quatrième mot l’identité du meurtrier. Ce qui intéresse l’écrivain indonésien, c’est de toucher du doigt le mobile. De faire plonger le lecteur dans le « désir de meurtre ». C’est là que le roman devient hypnotique. Dans cette fusion homme-animal féroce. C’est le côté volontairement primitif et brutal de la prose de Kurniawan, allié à la finesse des notations, à la poésie des images et aux odeurs, qui fait de cet Homme-Tigre un livre profondément troublant. Florence Noiville L’Homme-Tigre (Lelaki Harimau), d’Eka Kurniawan, traduit de l’indonésien par Etienne Naveau, Sabine Wespieser éditeur, 320 p., 21 €. Sylvain Siclier Après les amateurs de sports, à l’occasion d’un tournoi de tennis, du 31 octobre au 8 novembre, c’était au tour de ceux du rock de découvrir l’AccorHotels Arena, ancien Palais omnisports de Paris-Bercy, rénové, intérieur et extérieur, après vingt mois de travaux. Et pour l’inauguration rock, c’est donc avec le groupe irlandais U2. Quatre concerts, les 10, 11, 14 et 15 novembre. Tous complets.Membres du groupe formé à Dublin en 1976, héros locaux devenus stars internationales, le chanteur Bono, le guitariste et chanteur The Edge, le bassiste Adam Clayton et le batteur Larry Mullen Jr. sont en tournée depuis le 14 mai (Vancouver, Canada), et jusqu’au 28 novembre (Dublin). La première depuis 2005 (lors d’une partie du Vertigo Tour) dans des salles couvertes de grande capacité, que le nom générique d’« arena » identifie dans bien des cas. Avec un concept, The Innocence + Experience Tour, passage justement de l’état d’innocence à celui d’expérience, chronologie du parcours du groupe et évocation des grands problèmes du monde. Un dispositif scénique étonnantPour cela, les équipes techniques embauchées par U2 ont conçu un dispositif scénique assez étonnant. A une extrémité des salles, la grande scène, dépouillée, les instruments, quelques dispositifs d’amplification. A l’autre, reliée par un podium traversant, une scène plus petite, circulaire. Classique. Mais c’est dans les airs que viendront les surprises visuelles et spectaculaires. Il faut se représenter, dans l’axe du podium, une sorte d’immense cage en longueur. En fait, un double écran avec une passerelle centrale qui peut monter et descendre. Tout en haut, le dispositif de répartition du son.Mardi 10 novembre, le groupe commence le show à l’ancienne. Juste quatre musiciens sur la grande scène – Bono est arrivé par la petite scène, tandis que la chanson People Have The Power par Patti Smith est diffusée – qui jouent, sans effets de lumières. Du rock, direct. The Miracle (of Joey Ramone), tiré du nouvel album Songs of Innocence (octobre 2014, Island Records-Barclay/Universal Music), hommage au groupe punk, Vertigo et I Will Follow. L’un des titres du premier album du groupe en 1980, Boy. Une excellente entrée en matière, dans l’énergie, l’intime, même dans le contexte d’une grande salle. Trop d’images et de formules chocsDe là, Bono présente, en partie en français, la suite. La chanson Iris (Hold Me Close), pour sa mère (morte en 1974) et toutes les mères. L’écran s’allume. Photos et films de famille, des dessins, certains en animation. Le dispositif vidéo ajouré donne une impression de transparence, les images flottent dans les hauteurs. Avec Cedarwood Road, la rue où se situait la maison familiale de Bono durant son enfance et son adolescence, le chanteur marche sur la passerelle intérieure des écrans et se confond avec le film d’animation. De fait, assez impressionnant. Avec Sunday Bloody Sunday et Raised By Wolves, dans les deux cas à propos d’événements tragiques de la guerre d’indépendance de l’Irlande, le lien entre image et musique est à son meilleur. Des slogans sur des murs, des portraits des morts, le groupe à la fois sur la scène et englouti dans l’animation.Ensuite, à mesure que l’on avance dans l’expérience, les choses deviennent plus pesantes. Trop d’images et de formules chocs, trop de sursignifiant sur les grandes causes, aussi importantes soient-elles. Pour cette tournée, la Syrie, les migrants. Des séquences un rien mégalos aussi, avec un Bono géantissime quand ses camarades sont tout petits au loin. Ou la diffusion en direct dans le monde d’un moment du concert avec interactivité des fans grâce à une application partenaire du groupe. Avant un retour vers la simplicité visuelle durant With or Without You avec l’utilisation de tubes néons comme des cierges. Et un rappel, dans l’esprit du début, avec notamment l’hymne Beautiful Day – un beau jour.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Yves Riesel se désole. « Ce n’est pas la peine d’entretenir une Jaguar, si l’on ne peut pas mettre de l’essence dedans. » Le patron du site haut de game de streaming Qobuz a préféré annoncer lui-même, mardi 10 novembre, que sa société, qui compte une quarantaine de collaborateurs, était placée en redressement judiciaire. C’est, en un sens, un dernier appel à sauver « une entreprise musicale innovante », dit-il. « Si un industriel de la culture a un remords, qu’il ose se manifester… » L’avenir de Qobuz est désormais entre les mains d’un administrateur. La date de dépôt des offres de reprise est fixée au lundi 16 novembre, au plus tard. Cela fait deux ans, que l’entreprise va de période de sauvegarde en période de sauvegarde. Dans le même temps, elle a vu son chiffre d’affaires décoller de 55 %, passant de 4,7 à 7,4 millions d’euros.Un prophète qui n’a pas réussi à convaincre« Il nous manque une poignée de millions », lâche M. Riesel. Depuis son lancement, Qobuz a dépensé 13 millions d’euros, là où Deezer a levé 250 millions d’euros, et Spotify près d’un milliard. Or, pour se développer dans un marché sans frontières et pour accroître sa notoriété, l’argent demeure le nerf de la guerre.Lire aussi :Streaming musical : des plates-formes alternatives à Spotify, Deezer et Apple MusicAujourd’hui, Qobuz est un service de musique en ligne, présent dans neuf pays européens (France, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Autriche et Suisse). Le site a concentré ses efforts sur la qualité du son « de qualité CD en streaming » et sur l’accompagnement éditorial. Dans le comparatif des principales plates-formes de musique à la demande, fait par le Monde au moment où l’offre d’essai gratuite d’Apple Music expirait, Qobuz était un des mieux notés, mais aussi le plus cher pour l’usager.En 2014, le marché numérique a progressé de 3,5 points pour atteindre 29 % du marché total de la musique. A lui seul, le streaming représente 16 % de ce secteur, alors que ce mode de consommation de la musique n’a que sept ans d’âge. Mais il ne permet ni ne promet pour l’instant la rentabilité à ses acteurs.Prophète en son pays, Yves Riesel avait écrit une tribune, en mai, intitulée « Pourquoi le streaming musical ne rapporte rien et comment y remédier ». Malgré tous ses efforts, il n’y est pas parvenu, alors qu’il est persuadé que l’abonnement payant comme modèle économique du streaming est sur le point de s’imposer.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Raphaëlle Leyris Documentaire, à 22 h 30, sur Arte Christine Angot, Marie Darrieussecq et Jean-Christophe Bailly parlent de leur rapport au pays et à la langue.L’Europe des écrivains », suite et fin. La série de documentaires au fil desquels Arte a exploré le continent en interrogeant ses auteurs, questionnant ceux-ci sur ce que signifie appartenir à un pays et à une langue, s’achève, après trois saisons et seize épisodes, avec la France.Ce voyage, le réalisateur David Teboul l’effectue en compagnie de deux femmes qui ont puissamment contribué à modifier le paysage littéraire français, Christine Angot et Marie Darrieussecq, et d’un homme, Jean-Christophe Bailly, écrivain, à la fois géographe et philosophe, dont le grand livre Le Dépaysement (Seuil, 2011, prix Décembre) s’était fixé un objectif guère éloigné de ce film : « Le sujet de ce livre est la France. Le but est de comprendre ce que ce mot désigne aujourd’hui et s’il est juste qu’il désigne quelque chose qui, par définition, n’existerait pas ailleurs », écrivait-il dans son introduction.A leurs propos répondent les voix de trois autres écrivains, Patrick Modiano, Pascal Quignard et Pierre Guyotat, dont des extraits d’entretiens viennent faire écho aux réponses des interrogés, leur ajoutant une certaine profondeur de champ. Le choix de ponctuer le documentaire de scènes de films (tirées de La Règle du jeu et French Cancan, de Jean Renoir, Selon Matthieu, de Xavier Beauvois, Tous les matins du monde, d’Alain Corneau, La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kechiche, Tombeau pour cinq mille soldats, de Pierre Guyotat) n’est pas toujours aussi heureux, donnant l’impression d’un tâtonnement dans la réalisation.Anti-«  empaysement »Christine Angot et Marie Darrieussecq évoquent longuement leurs premières années, les lieux qui les ont faites comme individus et comme écrivaines. Ainsi, Christine Angot est-elle filmée dans le jardin de la maison de Châteauroux, où elle a vécu jusqu’à ses 6 ans avec sa mère, avant de partir dans une ZUP (zone à urbaniser en priorité) ; un déménagement vécu « comme si on m’avait retiré le tapis sous les pieds ». Faisant le compte de ce qu’elle a perdu depuis ce « paradis », elle note que « la perte », la conscience soudaine que « rien n’est à [soi] », est « angoissante », mais que « c’est avec cela qu’on peut commencer à faire un livre ».L’interview de Marie Darrieussecq, dans la maison du Pays basque où elle a grandi, met plus directement en lien ses souvenirs avec des réflexions sur son appartenance à la France. Peut-être parce que celle-ci « n’était pas gagnée ». « J’aurais très bien pu devenir une indépendantiste basque », note celle que la position « d’entre-deux » de sa région natale a beaucoup marquée. C’est « par l’écriture » qu’elle s’est liée à « ce pays, la France », dit-elle, tout en expliquant : « Quand j’écris, j’oublie la langue, je n’oublie jamais son rythme. »Jean-Christophe Bailly, lui, n’appuie presque pas son propos sur des éléments autobiographiques. Filmé à Lyon et dans ses environs, il évoque la question de l’identité en revenant longuement sur le mot « dépaysement », son sens premier, celui qui consiste à « faire un pas de côté », afin de se retrouver « dépaysé », mais aussi son sens second, qui lui a été révélé par un lecteur : celui de l’anti- « empaysement », l’« empaysement » consistant en un recroquevillement sur une identité et une langue figées. « Plus un pays est dépaysé et dépaysant, et plus il est lui-même », développe-t-il. Jolie manière de clore cette collection de documentaires proposée par la chaîne franco-allemande, qui lutte pied à pied contre « l’empaysement ».« L’Europe des écrivains. La France de… », de David Teboul (Fr., 2015, 64 min). Mercredi 11, à 22 h 30, sur Arte.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Classic Mankiewicz opère une radiographie clinique de l’institution du mariage et des valeurs de la « middle class » américaine. Malgré son happy end et les deux Oscars qu’il a remportés en 1949, (meilleur réalisateur, meilleur scénario), Chaînes conjugales est un film cruel. A travers l’expérience de trois femmes, Joseph L. Mankiewicz y opère une radiographie clinique de l’institution du mariage, des valeurs de la middle class américaine, de la nature perverse de la publicité, en plein essor.Elégante, bien qu’un peu statique, la mise en scène repose sur un usage de la voix off novateur pour l’époque. Le film s’ouvre sur le paysage d’une ville américaine banale pendant qu’une voix féminine, sensuelle et légèrement désabusée, en fait le commentaire. Nous pourrions être dans n’importe quelle petite agglomération des Etats-Unis. De la propriétaire de cette voix, on découvrira le nom, Addie Ross, mais jamais le visage. Elle intervient ici comme une sorte de fantasme, d’idéal féminin – raffinée, attentionnée, libre…Alors que ses trois amies, sur le point de partir pour une escapade champêtre, attendent son arrivée, elle leur fait porter une lettre dans laquelle elle leur dit adieu et leur annonce qu’elle part avec le mari de l’une d’entre elles.Flash-backLe film prend alors la forme de trois longs flash-back, trois plongées dans les histoires conjugales de ces femmes qui, cherchant une cause à l’éventuel départ de leur mari, se remémorent chacune une crise qui a marqué leur vie de couple. Pour la troisième, ce moment recouvre toute l’histoire de son mariage, ouvertement négocié avec son époux comme une affaire d’intérêts réciproques.Ces histoires révèlent autant de trajectoires sociales différentes : une officier de marine qui devient femme au foyer ; une animatrice radio attachée à son indépendance financière qui finit par mettre en péril son intégrité morale ; une jeune fille d’extraction modeste prête à tout pour se faire une situation. Mises bout à bout, elles dressent le tableau de la vie de ce petit groupe d’amis qui subissent tous le mariage comme une prison dorée mais jouent coûte que coûte le jeu des apparences.Si le film a un peu vieilli, il reste porté par de belles performances d’acteurs, une mise en scène fluide et un discours sur la société de consommation qui, c’est là le plus étonnant, n’a pas pris une ride.Chaînes conjugales, de Joseph L. Mankiewicz. Avec Kirk Douglas, Jeanne Crain, Linda Darnell (EU, 1949, 113 min). Mercredi 11 novembre, à 20 h 45, sur Ciné+ Classic.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Claire Guillot Daido Moriyama, galerie Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier C’est la nouveauté à ne pas manquer à Paris Photo cette année : le secteur Prismes, réservé aux œuvres monumentales, et qui donne à cette partie de la foire des allures de musée. Parmi les belles séries à admirer en haut de l’escalier, un travail historique qui connaît une seconde vie : Farewell Photography, du Japonais Daido Moriyama. Cet ensemble de photographies prises par le Japonais pour « dire adieu » à la belle photographie telle qu’il l’avait apprise, avait débouché sur un livre sans aucun succès mais à la postérité retentissante. Dans un geste radical, le photographe avait brûlé ses négatifs, sauf une trentaine. Une cinquantaine d’autres ont été retrouvés chez l’éditeur du livre, qui ont permis à l’artiste de faire une nouvelle édition de ce travail, sur un mur fait de 80 images brutes et brutales : passants, paysages, écrans ou affiches, saisis dans des photos volontairement abîmées, illisibles ou trop noires, dans des cadrages accidentés ou qui laissent voir le film.Galeries Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier, stand SH6 (secteur Prismes, en haut de l’escalier).Emmanuelle Fructus, galerie Le Réverbère Parmi les artistes qui travaillent à partir des images d’amateurs, Emmanuelle Fructus a choisi une voie originale, qui lui fait découper et ranger dans un classement savant des centaines de petits personnages sortis du passé. Chaque groupe occupe une case, et des milliers de gens se trouvent ainsi dressés, mamie, enfant, homme à casquette, femme en costume sombre... Ordonnée par couleur, du noir au gris pâle, cette intrigante galerie de personnages, qui posent ensemble d’un air bravache comme dans un studio, raconte une infinité d’histoires - celles que voudront bien leur prêter les spectateurs.Galerie le Réverbère (Lyon), stand D4.Guy Bourdin, galerie Alexander Le grand photographe Guy Bourdin, célèbre pour ses publicités et ses photos de mode sensuelles aux couleurs vénéneuses publiées dans Vogue, n’a laissé que très peu de tirages – son travail était destiné à être publié dans la presse. La galerie Louise Alexander n’en dédie pas moins un stand entier au photographe, qui est intéressant car il marie des polaroïds noir et blanc d’époque, venus des archives de l’artistes, et des tirages couleurs posthumes : Guy Bourdin a réalisé les premiers pour les utiliser dans des photos couleurs. A cela s’ajoutent, juste pour le plaisir des yeux car ils ne sont pas à vendre, des tirages noir et blanc abstraits, d’époque, du Guy Bourdin d’avant la mode. Galerie Louise Alexander (Londres), stand A2.Edward S. Curtis, galerie Bruce Kapson Le photographe Edward S. Curtis a marqué l’histoire de la photographie par ses portraits d’Indiens d’Amérique, qu’il a voulu immortaliser en majesté, au début du XXe siècle, alors que déjà leurs tribus étaient décimées et leurs traditions en voie de perdition. Quitte à verser dans le folklore et à oublier la réalité de leurs conditions de vie de l’époque... Il en reste aujourd’hui de beaux tirages, de toutes sortes, car ce grand tireur aimait expérimenter avec les techniques photographiques (cyanotypes, virages au platine ou à l’or...). Il a aussi laissé un livre de luxe en vingt volumes, The North American Indian, devenu quasiment introuvable. La galerie Louise Alexander propose des tirages d’époque mais aussi les plaques de cuivre très finement gravées qui ont servi à Edward Curtis pour faire son livre – pas une œuvre en soi, mais un document de prix.Galerie Bruce Kapson (Los Angeles), stand C44.Adrian Sauer, galerie Klemm’s Peu de photographie conceptuelle à Paris Photo cette année, à l’exception notable d’Adrian Sauer, auquel la galerie Klemm’s consacre son stand. L’artiste allemand explore les dessous et décompose les pratiques de l’image et de la représentation. En particulier dans cette série pleine d’humour où on le voit imiter cette tradition internet du « unboxing » ou déballage , vidéos à succès sur Youtube où l’on voit juste des mains filmées en train de déballer des achats). Sauf que là, il s’agit d’un DVD de photoshop, le logiciel de retouche d’images... qu’il n’est désormais plus possible d’acheter que sous forme de téléchargement. Et Adrian Sauer de donner à voir, avec un phénomène propre à l’ère numérique, la dématérialisation en marche.Galerie Klemm’s, stand B13.Lire aussi :La photographie, un multiple bien singulierZorro, galerie Lumière des roses Un inconnu se déguise, seul devant son appareil photo. Des cuissardes, un fouet, un bonnet et un short. Parfois devant une affiche de Zorro, qui arbore à l’époque les mêmes bottes et le même fouet. A un certain moment il demande à une femme – sa mère probablement – de prendre le relais, et c’est elle qui pose, dans le même accoutrement, sauf qu’elle se marre, alors que lui reste toujours sérieux. Comme il se livre à ce drôle de jeu pendant près de quarante ans, on voit la photo évoluer en même temps qu’il vieillit : voilà qu’arrive le photomaton, puis la couleur. Et à la fin, à la toute fin, il ne se met même plus en scène : ne restent dans l’image que ses cuissardes et son fouet. Ces images, fruit d’une drôle d’obession personnelle, réunies dans une simple enveloppe, auraient dû disparaître en même temps que leur auteur anonyme. Elles ont été trouvées par le galeriste Philippe Jacquier, qui les vend sur son stand et leur a consacré un livre.Galerie Lumière des roses, stand A16.Raphaël Dallaporta, galerie Jean-Kenta Gauthier On dirait un ciel de nuages, découpés en 48 petits morceaux, qui font un mur pommelé et bleuté dans lequel le regard plonge. En réalité, il s’agit d’une fonction mathématique. Le photographe Raphaël Dallaporta, qui aime à collaborer avec des scientifiques, s’est associé à un mathématicien pour générer des formes à partir d’une fonction appelée covariance. Pour chaque image, seul un paramètre de la fonction varie, aboutissant à des points plus ou moins foncés. Une image inexistante pour des nuages évanescents... et réalisée en mélangeant deux procédés anciens, le cyanotype et le platine. De quoi faire fonctionner le cerveau sans priver l’oeil de son plaisir.Stand Amana, EE24.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Tête d’affiche, jeudi 12 novembre, de la deuxième soirée parisienne du festival Les Inrocks Philips, Odezenne n’a pas fait le plein de La Cigale. Mais la ferveur des fans a tout de même joliment lancé la sortie, le lendemain, du troisième album – Dolziger Str. 2 – de ce groupe bordelais, formé par les chanteurs Jacques (dit Jaco) Cormary et Alix Caillet, et par le metteur en sons Mattia Lucchini (complété sur scène d’un batteur).Cette complicité entre un public et une formation à l’indépendance farouche, sur fond de rimes rap sorties des clichés hip-hop et d’instrumentation entremêlant samples, jeu de claviers, boucles electro et guitare rock, pourra rappeler les souvenirs récents du phénomène Fauve. Mais loin du lyrisme écorché des Parisiens, faisant référence au romantisme à vif de Cyril Collard, la gouaille accablée d’Odezenne observe le monde avec le réalisme morne d’un Houellebecq qui tenterait de faire danser son pessimisme.Comme d’autres, ces anciens rockers au look d’étudiants en rupture de fac ont compris que les scansions pouvaient s’adapter à tous les environnements. A la fois supports de la description et de l’introspection, chemin le plus direct vers le premier degré comme vers l’audace poétique, les rimes du rap posent des décors, des ambiances, montent à cru ou filent la métaphore.Entre provocation potache et ambition artyLes chansons d’Odezenne posent souvent leurs textes entre deux chaises, celles de la provocation potache et de l’ambition arty, quelque part entre les lourdeurs des Svinkels et l’intensité visionnaire de Diabologum. Les mots de Rien, Bouche à lèvres, Souffle le vent ou On naît on vit on meurt ne sont pas vecteurs d’ego trip ou de vantardises, mais de balades dans un quotidien plombé par le désœuvrement, le désarroi sexuel, la conscience du dérisoire.Au pied du muret de synthétiseurs vintage pilotés par Mattia, Jaco et Alix jouent de leurs allures de branleurs pris au saut du lit, dansent comme des fêtards en plein décalage horaire. Leur ritournelle très sexe, Je veux te baiser (1 million de vues sur YouTube), est reprise en chœur par La Cigale (les filles chantant plus fort que les garçons). Mais derrière l’haleine des lendemains de cuite, s’échappent aussi la force d’une autonomie artistique et des moments de désespoir d’autant plus touchants que les paysages musicaux, dessinés par Mattia Lucchini, palpitent d’une excitante variété de mélodies et pulsations urbaines, soulignant plus les émotions que la déconnade.Dolziger Str. 2, de Odezenne, 1 CD Tôt ou Tard. www.odezenne.comConcerts : le 13 novembre, à Rennes ; le 14, à Orléans ; le 18, à Rouen ; le 19, à Bruxelles ; le 21 à Tourcoing ; le 27, à Nantes (complet) ; le 3 décembre, à Strasbourg ; le 9, à Clermont-Ferrand ; le 10, à Toulouse ; le 11, à Montpellier ; le 12 à Marseille.Stéphane DavetJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.11.2015 à 06h37 • Mis à jour le13.11.2015 à 07h27 De la plus grande foire à l’image fixe au festival Les Inrocks, en passant par un spectacle de derviches tourneurs, les idées de sorties proposées par le service Culture du Monde.PHOTOGRAPHIE. La foire Paris Photo fait des petits La plus grande foire réservée à l’image fixe est de retour au Grand Palais, avec ses galeries, ses images, ses signatures, ses conférences, et une nouveauté qui vaut le détour : la section « Prismes » consacrée aux photos grand format et aux séries, qui donne à voir des œuvres spectaculaires. Ainsi, un ensemble de près de 2 000 Polaroid de la série Flower Love de Nobuyoshi Araki, ou les portraits terribles en noir et blanc de la génération SIDA réalisés dans les années 1980 par Rosalind Solomon. Mais il y a aussi des pépites à trouver dans toutes les foires « off » qui pullulent : des livres à Polycopies et Off Print, de la photo documentaire à Photodoc, des photos et des appareils de toutes sortes à Fotofever… Claire GuillotParis Photo, Grand Palais, du 12 au 15 novembre. 30 et 15 €.PATRIMOINE. Louis XIV et ses spectaculaires funérailles, au château de Versailles Trois siècles après la mort du Roi-Soleil, le château, que Louis XIV a bâti à sa mesure, met en scène le grand théâtre de la mort organisé il y a trois siècles, au lendemain de son décès, le 1er septembre 1715. Des pompes funèbres qui se prolongèrent plus de deux mois en la basilique de Saint-Denis. Sont reconstitués la spectaculaire chapelle ardente et le catafalque immaculé, dressés dans la nef. Ce décor éphémère fut imaginé et construit par l’atelier des Menus Plaisirs du roi, chargé de la mise en scène des fêtes données à Versailles. Des manuscrits inédits sont montrés dans l’exposition, notamment le testament du roi et les rares vestiges rescapés de la Révolution française. La plaque en cuivre qui identifiait son cercueil – profané en 1793 et jeté dans la fosse commune – fut retrouvée, transformée en casserole, dans une auberge. On apprend que ces festivités funestes étaient une mode européenne très courue, documents à l’appui, de Madrid à Mexico. Un faste auquel eurent droit Napoléon, Voltaire, Victor Hugo, Félix Faure ou encore Sadi Carnot comme le montre le monumental rouleau peint oublié dans les réserves du château. Florence Evin« Le roi est mort », jusqu’au 1er janvier 2016, château de Versailles (Yvelines) tous les jours de 9 heures à 17 h 30, sauf le lundi. De 13 à 15 euros. chateaudeversailles.frMUSIQUE. Le concert « silencieux » de Nicolas Frize, à Pierrefitte-sur-Seine Accueilli en résidence en mars 2014 sur le site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), Nicolas Frize, qui fut l’élève de Pierre Schaeffer et le maître de Fred Chichin, des Rita Mitsouko, clôt ce parcours artistique séquano-dionysien par un concert intitulé Silencieusement, avec l’association Les Musiques de la Boulangère. Composition « en six mouvements et six lieux », cette performance musicale promènera le public de la salle de lecture à la mezzanine du hall principal (avec musiciens perchés sur une structure de boîtes d’archives), en passant par l’auditorium, la terrasse ou encore le bassin. Laurent CarpentierArchives nationales, 59, rue Guynemer, Pierrefitte-sur-Seine (M° Saint-Denis-Université). Jusqu’au 16 novembre, à 20 h sauf le samedi à 18 h et le dimanche à 15 heures et 18 heures. Entrée gratuite sur réservation (01 48 20 12 50).CIRQUE. Jamie Adkins nous donne des ailes, aux Bouffes-ParisiensL’artiste canadien Jamie Adkins, considéré comme l’un des meilleurs clowns, jongleurs et acrobates de sa génération, est de retour aux Bouffes-Parisiens, jusqu’ au 3 janvier 2016. Son spectacle, Circus Incognitus, déjà présenté en 2012 au Théâtre de la Cité internationale à Paris, est un petit bijou de fraîcheur burlesque. Jamie Adkins est un clown. Un vrai, un virtuose, de grande classe. C’est-à-dire quelqu’un capable de vous faire rire avec des riens. Il y a du Buster Keaton chez cet homme-là, mais ce qui est plus drôle, c’est qu’il dit avoir été influencé par le grand burlesque américain… via Bugs Bunny. Son Circus Incognitus libère un rire pur et franc, qui donne des ailes : plutôt bon à prendre, par les temps qui courent. Fabienne DargeBouffes-Parisiens, 4, rue Monsigny, Paris 2e. Samedi à 19 heures et dimanche à 17 h 30. Jusqu’au 3 janvier 2016. Réservations : 01 42 96 92 42.www.bouffesparisiens.com et www.jamieadkins.com.EXPOSITION. Créations d’artistes et mots d’auteurs sur le monde tel qu’il va, à la Bastille L’écologie, les discriminations, les migrants… tels sont quelques-uns des thèmes d’actualité évoqués à travers des œuvres d’artistes réunies dans l’exposition intitulée « Chroniques », présentée jusqu’au 15 novembre au Bastille Design Center, à Paris, à l’initiative de Jean-Charles Troutot dans le cadre de la manifestation Artistes à la Bastille. Chaque plasticien a travaillé en relation étroite avec un écrivain, poète, journaliste, dont les textes seront montrés en regard des 70 réalisations exposées. Le visiteur sera accueilli par une installation collective, une cage en bambou remplie de journaux froissés et surmontée de trois singes détournés de la maxime chinoise qui affirme que « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, assure bonheur et tranquillité ». Il s’agit au contraire, avec cette exposition, de témoigner des secousses du monde et d’inviter à réagir. Sylvie KervielBastille Design Center, 74, bd Richard-Lenoir, Paris 11e. Jusqu’au 15 novembre. Entrée libre.MUSIQUE. Festival Les InrocksPoursuivant son rythme itinérant dans plusieurs villes de province jusqu’au 17 novembre, la 28e édition du festival Les Inrocks connaîtra son apothéose parisienne, le dimanche 15 novembre, à la Cigale. Parmi un plateau de cinq artistes, figureront deux des plus passionnants chanteurs du moment. L’un n’est pas une révélation puisque, en 2010, l’Américain John Grant avait publié un premier album solo, Queen of Denmark, considéré à l’époque comme l’un des disques de l’année. Cet imposant barbu au baryton de première classe vient de publier un troisième opus, Grey Tickles, Black Pressure, abritant sous le même toit ballades grandioses et bizarreries électroniques, rock romantique et vacheries funk. Autre merveille du soir, C Duncan vient de faire sensation avec un coup d’essai, Architect, qui se révèle un coup de maître. Bricoleur de home studio formé à la musique classique, ce jeune Ecossais y superpose avec grâce des harmonies chorales qu’on croirait enregistrées sous la nef désertée d’une cathédrale. Stéphane DavetFestival Les Inrocks avec John Grant, Flo Morrissey, Max Jury, C Duncan, Barns Courtney, le 15 novembre, à la Cigale, 120, boulevard de Rochechouart, Paris 18e. Tél. : 01 49 25 89 99. 17 h 30. 30,50 euros.SPECTACLE. « White Spirit » : derviches graffés et street art tourneurOn avait découvert Shoof (Hosni Hertelli) à « Djerbahood », résidence estivale de street artistes de tous horizons invités par la galerie parisienne Itinerrance à investir les rues d’un village traditionnel de Djerba, à l’été 2014. Avec une concentration proche de la transe, l’artiste tunisien y avait notamment recouvert de calligraphie arabe abstraite des dômes typiques de l’architecture des habitations de l’île. On le retrouve cet automne au Musée du Quai Branly dans ce même élan circulaire pour une collaboration audacieuse, où son travail fait écho autant qu’il sert d’écrin aux musiciens, chanteurs et derviches tourneurs de confréries soufies de Damas. Leurs univers se déploient en parallèle, avant de se mêler dans un ensemble hypnotique et luminescent. Un conseil : s’asseoir assez haut dans la salle pour une vision plus étourdissante. Emmanuelle Jardonnet« White Spirit » au Musée du Quai Branly. Derniers jours : vendredi 13 et samedi 14 novembre à 20 heures, dimanche 15 novembre à 17 heures. 20 € (plein tarif)/15 € (tarif réduit) Le billet donne accès aux expositions en mezzanine, et aux collections du musée le jour du spectacle. Une création en collaboration avec la galerie Itinerrance. Marie-Aude Roux Une déclaration de guerre un jour d’armistice ? C’est ce que pouvaient laisser accroire les deux dépêches publiées concomitamment par l’AFP, mercredi 11 novembre, annonçant l’entrée de deux personnalités artistiques, novices mais notoires, dans le monde de l’opéra. La première, qui émane de l’Opéra-Comique, concerne le metteur en scène de théâtre, Thomas Jolly, qui fera en février 2017, avec Fantasio, d’Offenbach, la réouverture de la Salle Favart, actuellement fermée pour deux ans de travaux. L’autre révèle que le réalisateur Bertrand Bonello devrait monter le Don Carlo, de Verdi, à l’Opéra de Paris, en octobre 2017.Le metteur en scène de Henry VI contre celui de Saint Laurent ? Rien de suspect a priori. Depuis qu’il s’est ouvert au concept de mise en scène au début du XXe siècle, l’opéra a attiré les cinéastes, d’abord comme réalisateur de films d’opéra puis in scena, de Luchino Visconti à Franco Zeffirelli, en passant par Atom Egoyan, Robert Altman, Michael Haneke, Christophe Honoré ou Benoît Jacquot. De même pour les metteurs en scène de théâtre, dont il constitue aujourd’hui un paragraphe quasi obligé dans le curriculum vitae. De Giorgio Strehler à Frank Castorf, de Patrice Chéreau à Romeo Castellucci, de Robert Wilson à Dmitri Tcherniakov, même les plus réticents sacrifient à la scène lyrique.Deux ouvertures de saison pour JollyRien d’étonnant donc à ce que les noms de Bertrand Bonello et de Thomas Jolly s’ajoutent au catalogue. A ceci près : ce dernier sera, en effet, tête de liste, à quelques semaines de distance, de deux ouvertures de saison. En amont de l’Opéra-Comique, Jolly est programmé à l’Opéra de Paris dans Eliogabalo, de Cavalli, en 2016-2017 (la saison sera officiellement annoncée le 2 février 2016).Le nouveau patron de l’Opéra-Comique, Olivier Mantei, aurait sans doute aimé rouvrir sa salle en se targuant de la première mise en scène lyrique du sieur Jolly. Mais il s’est fait griller la politesse par l’Opéra de Paris et son ancien boss aux Bouffes du Nord dans les années 2000, Stéphane Lissner. Mantei a, en effet, proposé Fantasio au jeune metteur en scène français dès l’automne 2014 alors qu’il n’était pas encore l’heureux récipiendaire des Molières d’avril 2015 pour Henry VI, de Shakespeare. Avec lui, il entend mener un travail artistique à long terme, dont le coup d’envoi aura lieu le 3 décembre prochain lors d’une première séance ouverte au public (sur réservation) avec Thomas Jolly et la mezzo Marianne Crebassa. La chanteuse assurera le rôle-titre de l’opéra tiré de la pièce éponyme de Musset, dont elle a fait une prise de rôle magistrale, il y a quelques mois, à Montpellier (dans la version de concert proposée le 18 juillet par le Festival de Radio France et Montpellier).Lire aussi :Thomas Jolly et le roi boiteuxA l’époque, Eliogabalo était encore entre les mains d’un autre Thomas : Ostermeier. Mais l’Allemand a déclaré forfait fin 2014 pour des raisons de temps de travail insuffisant (certains metteurs en scène de théâtre s’accommodent mal du temps de répétition deux fois plus court à l’opéra qu’au théâtre, cinq à six semaines contre deux à trois mois – ce contre quoi entend précisément lutter l’Opéra-Comique). Lissner a alors pensé au jeune Jolly, avec lequel contact a été pris au printemps 2015. On imagine sans mal la tension des rapports entre les deux institutions. « Il y a eu pas mal de discussions, reconnaît Olivier Mantei. Mais ce qui compte est que les deux projets aient été validés et maintenus. » Cela promet, en tout cas, un baptême en forme de feu d’artifice pour Thomas Jolly, qui enchaînera un opéra baroque vénitien au Palais Garnier et un opéra-comique français à la Salle Favart. Un film sur le chœur de l’Opéra pour BonelloLe cinéaste Bertrand Bonello, lui, n’est pour l’instant en pourparlers qu’avec l’Opéra de Paris. Au point de vendre la peau de l’ours ? L’annonce semble un tantinet prématurée à Stéphane Lissner. « Rien n’est encore acté et nous en sommes au travail préparatoire, qui doit se poursuivre, avec notre directeur musical, Philippe Jordan, dès la semaine prochaine, signale, en effet, le directeur de l’Opéra de Paris, quelque peu surpris par les propos de Katia Wyszkop, la décoratrice de Bonello pour Saint Laurent, rapportés par l’AFP. Mais Bertrand est très intéressé par l’opéra, où sa mère l’emmenait, à Nice, quand il était enfant, et il a toujours souhaité pouvoir un jour travailler sur une scène lyrique. »Stéphane Lissner ne cache pas qu’il a été séduit par la direction d’acteurs du cinéaste, notamment dans les scènes intimistes de Saint Laurent. En attendant d’être définitivement adoubé, Bertrand Bonello s’est attelé à la commande d’une contribution pour la « 3e Scène », le grand projet numérique lancé par l’Opéra de Paris au début de l’automne : il s’agit d’un film autour du chœur de l’Opéra, celui-là même qui s’est si prodigieusement illustré dans la production du Moïse et Aaron, de Schoenberg.Lire aussi :« Moïse et Aaron » : gare au chef-d’œuvre !Lire aussi :L’Opéra de Paris ouvre sa « 3e Scène » sur InternetMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Le 20 janvier 2014, à Bologne (Italie), disparaissait le grand Claudio Abbado – le début d’un « annus horribilis » qui allait également priver le monde musical d’autres baguettes de renom comme celles de Lorin Maazel ou Frans Brüggen. Deux concerts – le premier au profit de l’Institut Curie et de la recherche contre le cancer – organisés par le producteur André Furno (Piano 4 Etoiles), qui fut l’un des familiers du maestro, lui rendaient justement hommage, les 9 et 10 novembre. Au programme, l’immense pianiste Martha Argerich, accompagnée par l’excellent Orchestre du Festival de Lucerne (une des dernières « créations » du chef italien) sous la direction du charismatique Letton, Andris Nelsons.Lire aussi : Le chef d’orchestre Claudio Abbado est mortEmotion palpable lorsqu’apparut la mince silhouette en noir de la pianiste argentine dont la crinière d’argent accentue désormais la fragilité. Elle joue le Troisième concerto pour piano, de Prokofiev, celui-là même qu’elle enregistra à Berlin avec Abbado pour Deutsche Grammophon en 1967. Celui-là même qu’ils interprétèrent le 12 novembre 1969 au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’Orchestre national de l’ORTF, en un premier concert qui scella les débuts du chef milanais à Paris. Collaboration en forme d’osmoseLes photos de ce temps sont saisissantes. Abbado et Argerich en jeunes dieux : beaux et fous, avec la complicité rieuse d’amants qui seraient unis par la musique. A 27 ans, Argerich défraye alors la chronique depuis qu’elle a successivement remporté les concours de Genève, Busoni de Bolzano en 1957 et un époustouflant premier prix au concours Chopin, en 1965 au cours d’une finale d’anthologie – le Concerto pour piano n°1 du compositeur polonais, à Varsovie, devant un public en délire (elle l’enregistrera en studio avec Abbado trois ans plus tard). Le maestro est plus âgé de huit ans. Lui a commencé une carrière internationale tandis qu’il se produit dans les usines italienne en compagnie du pianiste Maurizio Pollini et du compositeur Luigi Nono.Le label allemand au cartouche jaune a publié, en janvier, un coffret de cinq disques réunissant tous les enregistrements de Claudio Abbado et Martha Argerich (une dizaine dont deux versions du Concerto en sol, de Ravel). Le dernier a été réalisé quelques mois avant la mort du maestro, pendant le Festival de Lucerne de Pâques 2013 : deux Mozart, le Concerto pour piano n°20 KV 466 et le Concerto pour piano n°25 KV 503. Le mot de la fin d’une collaboration en forme d’osmose commencée à la fin des années 1950 alors que les deux artistes étudiaient ensemble le piano à Vienne. En France, le dernier concert Argerich-Abbado a eu lieu Salle Pleyel, le 14 avril 2013. Martha Argerich avait jeté son dévolu sur le Premier concerto pour piano, de Beethoven. Musiciens fauvesQue le « Troisième » de Prokofiev soit une promenade de santé pour la « lionne » n’étonnera personne. A 74 ans, la pianiste a gardé sa stupéfiante vélocité, ses impressionnants effets de « saltos » à la main droite, une main gauche impitoyable, et des rafales d’octaves perlées jetées sur le clavier comme des éclairs au bout des doigts. Andris Nelsons la piste avec la vigilance du chasseur de brousse. Et pour cause. Ces deux-là sont de la même famille de musiciens fauves, ardents, les flancs creusés, le même instinct de l’absolu. Ils entrent et jouent. Jouent et sortent. Martha accordera un bis, un seul : l’élégante Sonate en ré mineur K. 141, de Scarlatti, avec ses voltes de notes répétées. Mais la salle n’est pas au bout de ses émotions. La charge tellurique d’une hallucinante Cinquième symphonie, de Mahler est encore à venir.L’Orchestre du Festival de Lucerne est familier des symphonies de Mahler sous la direction inspirée et de plus en plus dépouillée d’Abbado. Mais il a aussi déjà interprété la « Cinquième » de Mahler sous la direction d’Andris Nelsons à Lucerne, les 19 et 20 août. C’est peu de dire que le Mahler de Nelsons et celui d’Abbado sont aux antipodes. Mais le Letton ne fait pas oublier l’Italien (comment le pourrait-il ?), et Nelsons a été le passeur du fameux concert du 6 avril 2014, à Lucerne, où l’orchestre en larmes a dit adieu à son chef disparu. La musique a continué et rien n’a été perdu : comme Abbado, Andris Nelsons possède le talent rare de fascination, une joie éperdue de la musique, puissante, communicative, qui emporte tout sur son passage – le corps et le cœur des musiciens, et ceux des auditeurs – dans un mystérieux et charnel élan universel.Hommage à Claudio Abbado à la Philharmonie de Paris, Paris 19e. Prochain concert avec Jordi Savall, le 18 novembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 70 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 12.11.2015 à 10h39 • Mis à jour le12.11.2015 à 13h36 | Véronique Mortaigne Pour la première soirée parisienne de son festival Les Inrocks Philips, l’hebdomadaire culturel proposait, mercredi 11 novembre au Casino de Paris, un heureux détour vers le sud des Etats-Unis. Si les groupes Algiers et Alabama Shakes développent des esthétiques différentes, le premier nettement plus punk, le second davantage porté sur la soul, ils ont pourtant des points communs.Les Alabama Shakes viennent d’Athens, 24 000 habitants, quelque part au nord de l’Alabama, entre Atlanta et Nashville. Le quatuor d’origine est gonflé à bloc par trois choristes et deux claviers additionnels. Ça fait une joyeuse bande, même quand il s’agit de lancer des slows. Le groupe est mené par le bassiste Zac Cockrell, physique de garde forestier, barbe et cheveux de biker sauvage, et la chanteuse et guitariste afro-américaine Brittany Howard, une sorte de Big Mama Thornton contemporaine (Big Mama Thornton était née en 1926 à Montgomery en Alabama ; elle créa, en 1953, le tube Hound Dog, que lui ravit Elvis Presley trois ans plus tard ; elle mourut désargentée et alcoolique en 1984).Dans la génération suivante, Brittany Howard fut comparée à Janis Joplin pour ses déchirements de voix épisodiques et son feeling. Il y a, chez ces femmes fortes, une part de virilité qui fonde la personnalité sans nuire à l’esthétique. Trois petites notes de guitares pincées égrenées par Miss Howard sur sa Gibson vert pomme, et c’est la classe.Diversité coloréeParu en 2011, Boys & Girls, le premier album du groupe, contenait des tubes et graines de tubes, dont Hold On, un blues rock spacieux, que le public attend au Casino de Paris, alors qu’un deuxième album, Sound & Colour, en a déjà proposé une nouvelle fournée (Don’t Wanna Fight). Plus pop, plus composite, l’opus a incurvé la prestation des Alabama Shakes vers une diversité colorée. Il y a de tout dans cette composition presque florale où la voix est parfois intimement soul ou tendue à l’extrême, parfois trop poussée au cri. A l’évidence, Brittany Howard en rajoute, elle monte jusqu’à la fièvre avant de souffler le cool. Il y a de tout dans cette musique, du gospel, du rock sudiste, du blues, de la soul, des bribes de Beatles, de With a Little Help from My Friends façon Joe Cocker (Brittany a fait sensation en interprétant Get Back en duo avec Sir Paul McCartney au festival Lollapalooza à Chicago en juillet).On y verrait même un fond de parodie des années heureuses de l’après-guerre, avec sa joie participative, car nous sommes aujourd’hui au temps des collages, et des drames se sont noués. Même sur des bases aussi définies que celles des Alabama Shakes, les jeunes artistes s’attachent à créer des atmosphères, des climats, là où leurs aînés cherchaient la révolution des styles.Trio multiracial venu d’AtlantaCeci est vrai pour Algiers, ainsi nommé en référence à la guerre anti-colonialiste menée en Algérie, en scène juste avant leurs collègues d’Athens. Ce trio, également multiracial, vient d’Atlanta (Géorgie), ville d’origine de Martin Luther King. Algiers a aussi un meneur, le chanteur afro-américain Franklin James Fisher. Le groupe ne pratique pas l’art de la mélodie, mais celui de la rupture. La guitare peut être jouée à l’archer, et les baguettes du batteur voler à travers la scène. Nous sommes là sur les traces des negro spirituals chantés à la messe du dimanche à l’Ebenezer Baptist Church, là où le défenseur de l’égalité des droits a été baptisé. On suit le chemin de poussière de James Brown, le parrain de la soul, noir et fier de l’être, né en Caroline du Sud, et dont une paire de bottes cloutées est symboliquement exposée au Memorial Martin Luther King. La musique d’Algiers crée aussi des climats, ils sont sombres, durs, électroniques, parsemés de slogans et de riffs de guitare. Elle va loin. Elle est éclectique comme celle des Alabama Shakes. Mais ici le hip-hop du sud, dont Atlanta est une plaque tournante, a torturé les mentalités. Le negro spiritual tout autant.Le son comme arme politiqueLa musique d’Algiers, parsemée de références à la soul, au free jazz, au hip-hop, l’est également de citations de Malcolm X et de déclarations prises dans les médias et les discours politiques, dans un pays bouleversé par l’assassinat de jeunes Noirs par des policiers blancs, à Ferguson, à Cleveland ou à Harlington.Comme ils font du son extrême une arme politique, on dira d’Algiers qu’ils sont « post-punk ». Le mariage tribal de la black music, dans ce qu’elle a de plus expressif, langoureux et mélodique, avec des chocs électroniques, dit clairement que nous ne sommes plus au temps des métaphores et des périphrases, qu’un mort est un mort, et non plus un « fruit étrange » comme dans la chanson créée par Billie Holiday en 1954, ce Strange Fruit qui se balançait aux arbres, une image terrible pour figurer les pendaisons de Noirs par le Ku Klux Klan.Le soir de l’Armistice, le festival Les Inrocks Philips a défendu l’étrange musique d’Algiers, et c’est tant mieux.Festival Les Inrocks Philips, à Paris et en province, jusqu’au 17 novembre. www.lesinrocks.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.11.2015 à 06h43 • Mis à jour le12.11.2015 à 07h06 Le supplément littéraire du « Monde » a choisi cette semaine un polar, un roman et un conte.POLAR. « Les Derniers Jours du Condor », de James GradyAprès une mission périlleuse en Afghanistan, suivie d’un séjour à l’hôpital psychiatrique, l’agent de la CIA connu sous le nom de code « Condor », désormais sexagénaire, travaille sous couverture à la bibliothèque du Congrès. Des officiers de la Sécurité intérieure sont chargés de le surveiller et de s’assurer qu’il suit son traitement médicamenteux. Un soir, l’un d’eux est découvert crucifié au domicile du Condor. Faux coupable idéal, ce dernier retrouve ses réflexes d’antan et prend la fuite, essayant d’échapper à des poursuivants dont il ignore aussi bien l’identité que les motivations. Comment disparaître à l’heure des portables, des GPS et de la vidéosurveillance ? La tâche est moins aisée qu’il y a quarante ans, à l’époque des Six Jours du Condor (1974). Sous l’ombre portée du 11-Septembre, ce récit d’une chasse à l’homme dénonce une nouvelle fois les turpitudes de la CIA, dont une officine clandestine, chargée des basses œuvres, s’affranchit ici de toute règle légale et morale. Un thriller paranoïaque qui tient sacrément en haleine. Macha Séry Les Derniers Jours du Condor (Last Days of the Condor), de James Grady, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hubert Tézenas, Rivages, « Thriller », 378 p., 21,50 €.CONTE. « Des mots jamais dits », de Violaine BérotC’est un conte d’où la magie et le merveilleux se sont absentés. Son héroïne est une princesse, fille d’un roi et d’une reine follement amoureux, qui vont donner naissance à une « floppée d’enfants », dont l’aînée va devoir s’occuper. Sa mère passe ses journées à se contempler ; son père « ne se comporte pas avec (sa fille) comme un père doit se comporter avec son enfant ». Un jour, elle va prendre la décision de quitter sa famille et se heurter aux sorts anciens… D’un sujet délicat, guetté par le sensationnel, Violaine Bérot tisse un roman à l’écriture exaltée, brûlante, poétique, à fleur de peau. La narration d’un « on » indéfini pose sur les tourments de l’héroïne une impensable, une étonnante douceur. Et laisse la porte ouverte à l’espoir. Xavier Houssin Des mots jamais dits, de Violaine Bérot, Buchet-Chastel, 192 p., 14 €.ROMAN. « L’Homme-Tigre », d’Eka Kurniawan« Le soir où Margio assassina Anwar Sadat, Kyai Jahro était captivé par ses poissons dans leur bassin. » La première phrase du roman de l’écrivain indonésien Eka Kurniawan contient en germe tout ce que l’on va trouver dans L’Homme-Tigre. Un meurtre sauvage, de saisissants raccourcis, la présence somptueuse de la nature, et surtout un ton, engagé et détaché tout à la fois. Parce que, dit-il, il est possédé par un tigre, un tigre blanc dont la présence en lui se transmet de père en fils, Margio a tué – en sectionnant de ses dents la veine jugulaire – un notable. L’Homme-Tigre n’est pas un polar. On connaît dès le quatrième mot l’identité du meurtrier. Ce qui intéresse l’écrivain indonésien, c’est de toucher du doigt le mobile. De faire plonger le lecteur dans le « désir de meurtre ». C’est là que le roman devient hypnotique. Dans cette fusion homme-animal féroce. C’est le côté volontairement primitif et brutal de la prose de Kurniawan, allié à la finesse des notations, à la poésie des images et aux odeurs, qui fait de cet Homme-Tigre un livre profondément troublant. Florence Noiville L’Homme-Tigre (Lelaki Harimau), d’Eka Kurniawan, traduit de l’indonésien par Etienne Naveau, Sabine Wespieser éditeur, 320 p., 21 €. Sylvain Siclier Après les amateurs de sports, à l’occasion d’un tournoi de tennis, du 31 octobre au 8 novembre, c’était au tour de ceux du rock de découvrir l’AccorHotels Arena, ancien Palais omnisports de Paris-Bercy, rénové, intérieur et extérieur, après vingt mois de travaux. Et pour l’inauguration rock, c’est donc avec le groupe irlandais U2. Quatre concerts, les 10, 11, 14 et 15 novembre. Tous complets.Membres du groupe formé à Dublin en 1976, héros locaux devenus stars internationales, le chanteur Bono, le guitariste et chanteur The Edge, le bassiste Adam Clayton et le batteur Larry Mullen Jr. sont en tournée depuis le 14 mai (Vancouver, Canada), et jusqu’au 28 novembre (Dublin). La première depuis 2005 (lors d’une partie du Vertigo Tour) dans des salles couvertes de grande capacité, que le nom générique d’« arena » identifie dans bien des cas. Avec un concept, The Innocence + Experience Tour, passage justement de l’état d’innocence à celui d’expérience, chronologie du parcours du groupe et évocation des grands problèmes du monde. Un dispositif scénique étonnantPour cela, les équipes techniques embauchées par U2 ont conçu un dispositif scénique assez étonnant. A une extrémité des salles, la grande scène, dépouillée, les instruments, quelques dispositifs d’amplification. A l’autre, reliée par un podium traversant, une scène plus petite, circulaire. Classique. Mais c’est dans les airs que viendront les surprises visuelles et spectaculaires. Il faut se représenter, dans l’axe du podium, une sorte d’immense cage en longueur. En fait, un double écran avec une passerelle centrale qui peut monter et descendre. Tout en haut, le dispositif de répartition du son.Mardi 10 novembre, le groupe commence le show à l’ancienne. Juste quatre musiciens sur la grande scène – Bono est arrivé par la petite scène, tandis que la chanson People Have The Power par Patti Smith est diffusée – qui jouent, sans effets de lumières. Du rock, direct. The Miracle (of Joey Ramone), tiré du nouvel album Songs of Innocence (octobre 2014, Island Records-Barclay/Universal Music), hommage au groupe punk, Vertigo et I Will Follow. L’un des titres du premier album du groupe en 1980, Boy. Une excellente entrée en matière, dans l’énergie, l’intime, même dans le contexte d’une grande salle. Trop d’images et de formules chocsDe là, Bono présente, en partie en français, la suite. La chanson Iris (Hold Me Close), pour sa mère (morte en 1974) et toutes les mères. L’écran s’allume. Photos et films de famille, des dessins, certains en animation. Le dispositif vidéo ajouré donne une impression de transparence, les images flottent dans les hauteurs. Avec Cedarwood Road, la rue où se situait la maison familiale de Bono durant son enfance et son adolescence, le chanteur marche sur la passerelle intérieure des écrans et se confond avec le film d’animation. De fait, assez impressionnant. Avec Sunday Bloody Sunday et Raised By Wolves, dans les deux cas à propos d’événements tragiques de la guerre d’indépendance de l’Irlande, le lien entre image et musique est à son meilleur. Des slogans sur des murs, des portraits des morts, le groupe à la fois sur la scène et englouti dans l’animation.Ensuite, à mesure que l’on avance dans l’expérience, les choses deviennent plus pesantes. Trop d’images et de formules chocs, trop de sursignifiant sur les grandes causes, aussi importantes soient-elles. Pour cette tournée, la Syrie, les migrants. Des séquences un rien mégalos aussi, avec un Bono géantissime quand ses camarades sont tout petits au loin. Ou la diffusion en direct dans le monde d’un moment du concert avec interactivité des fans grâce à une application partenaire du groupe. Avant un retour vers la simplicité visuelle durant With or Without You avec l’utilisation de tubes néons comme des cierges. Et un rappel, dans l’esprit du début, avec notamment l’hymne Beautiful Day – un beau jour.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur LCP à 20 h 30On se dit : deux heures, ou presque, d’entretien avec Valéry Giscard d’Estaing, devant une table de salle à manger recouverte d’un épais drap vert billard, cela ne va pas être folichon. Et l’on a tort.D’abord, parce que l’auteur et le meneur de cette conversation filmée, dont LCP diffuse les deux parties à une semaine d’intervalle, est Frédéric Mitterrand. L’écrivain, cinéaste, homme de télévision et ancien ministre de la culture n’a pas son pareil pour créer de l’empathie avec son interlocuteur, sur un ton de politesse feutrée et empreint de tact.Grâce à une insolence subtilement tempérée, Frédéric Mitterrand parvient à faire dire des choses inattendues à l’ancien président de la République et même à réveiller quelques « blessures secrètes ». Celui-ci proteste bien un peu (« Vous allez dans des détails… ») mais, sans faillir aux usages de sa bonne éducation, lance deux ou trois vacheries – et même un peu plus – assez réjouissantes.Un président sous-évaluéLe passage en revue des chefs d’Etat de son temps, de ses ministres et de certains de ses contemporains est ainsi assez succulent. Jacques Chirac – son grand ennemi – en prend pour son grade, et François Mitterrand (que VGE respectait néanmoins) aussi. Frédéric Mitterrand rappelle avec justesse que le nom de M. Giscard d’Estaing n’est pas volontiers associé à de grands travaux culturels, alors qu’il a commandité le Musée d’Orsay, la Cité des sciences et l’Institut du monde arabe. L’intéressé concède qu’il vit cela comme une « injustice blessante », ironisant doucement sur « ces présidents qui font des bâtiments à leur gloire… »On se rend compte, alors que tant de réformes fondamentales lui sont redevables (la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, entre autres), que Valéry Giscard d’Estaing demeure un président sous-évalué, à l’image – il est vrai un peu raide – trop moquée. L’homme, à près de 90 ans, témoigne toujours d’une vive intelligence et n’essaie pas de masquer qui il est profondément.Mémoire viveAinsi, quand Frédéric Mitterrand lui demande : « Est-ce que vous vous sentez bien dans cette société d’aujourd’hui ? », l’ancien président n’hésite pas : « Non ! La société française qui m’intéressait, je la vois disparaître. C’était une société plus organisée, plus courageuse, acceptant son long passé historique, écartant l’obsession des vacances et de l’information à tout prix. Donc non, je ne suis pas heureux dans cette société. Je préférais la société “de juste avant”. »Cultivé et lettré, VGE est de cette génération où il était normal qu’on sache (il dirait « qu’on sût ») des poèmes de mémoire. Et de citer, à la fin de ces entretiens, celui de Charles Baudelaire Moesta et errabunda (« Triste et vagabonde ») : « L’innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,/ Est-il déjà plus loin que l’Inde et que la Chine ?/ Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,/ Et l’animer encore d’une voix argentine,/ L’innocent paradis plein de plaisirs furtifs ? » Sur ces derniers mots, la voix se casse, et les larmes viennent. Rideau.Sans rancune et sans retenue, conversations inédites entre Frédéric Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing, réalisé par Gaël Bordier (Fr., 2015, 2 x 52 mn). La seconde partie sera diffusée le 30 novembre, à 20 h 30. Lundi 23 novembre à 20 h 30 sur LCP.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 19h46 • Mis à jour le23.11.2015 à 09h54 | Anne Michel (Brest) Par paquets serrés, ils s’engouffrent dans la salle de concert, frigorifiés et impatients, entre deux rafales d’un fort vent d’Ouest. Ce samedi 21 novembre, une semaine après les attentats de Paris, le Vauban, haut-lieu de la culture et de l’identité brestoises, a décidé d’ouvrir grand ses portes au public, en soutien aux familles des victimes, au Bataclan et à tous les professionnels du spectacle.Joseph D’Anvers est à l’affiche ce soir. Chacun paie ce qu’il veut, pour écouter ce chanteur de pop française élégante, influencé par Dominique A et Miossec, l’enfant chéri de Brest et du Vauban. « Une soirée de résistance face à la barbarie » avec beaucoup de chaleur humaine, a promis la société de production Quai ouest musiques.« Tous au concert... J’ai trouvé que c’était un bel acte que de dire  “essayons de ne rien changer, ne cédons pas à la panique ou à la peur, face à ce terrorisme physique et moral ”», raconte Joseph d’Anvers, assis dans un salon sans âge du vieil hôtel-restaurant bâti dans l’après -guerre. Ecoutons de la bonne musique, dansons, buvons des verres... un droit que ces barbares et ignorants ne nous enlèveront pas ».Une drôle de résonance« Bon, poursuit-il en esquissant un sourire forcé, les artistes ne pourront pas sauver l’humanité, sinon John Lennon l’aurait fait au moment d’Imagine. Mais notre rôle à nous est de continuer à faire ce qu’on sait faire... pour moi, monter sur scène et chanter. Si nous nous arrêtons à cause de la pression ou de la censure, notre société ira encore plus mal... »Le chanteur, qui habite à Paris non loin du Bataclan, mais était en tournée à Clermont-Ferrand le soir des évènements, avoue que certaines de ses chansons prennent aujourd’hui une drôle de résonance. Comme « Regarde les hommes tomber » sur l’album « Les matins blancs », sorti en février, ou ces mots : « cette belle jeunesse ne durera pas, cette belle jeunesse embrasse-la... » A quelques pas de lui, à côté de l’entrée où se presse un public plus sage que d’ordinaire, composé de jeunes, d’un peu moins jeunes et de familles, Jacques Guérin, patron de Quai Ouest Musiques, bien connu pour son Festival du bout du monde sis dans la presqu’île éponyme de Crozon, est un peu fébrile. L’évènement lui tient à coeur. La tragédie du Bataclan reste prégnante, dans toute son horreur.« Ne pas baisser la garde »« On a tous été attaqués de plein fouet et pour notre profession, cela fait froid dans le dos. Les concerts sont des lieux d’échange et de vie, observe cette figure locale. C’est la liberté qui a été assassinée, cela va bien au-delà des mots. Mais le pays de Jaurès, de Mendès France, notre pays de résistants, restera debout ».« On se doit de continuer pour les générations à venir. Il ne faut pas baisser la garde », dit-il. Mais en montant sur scène pour annoncer la minute de silence, sa voix tremble sous l’émotion. Dans la salle, les applaudissements pleuvent, avant les premiers sons de basse.« On est là pour Joseph d’Anvers, pour le plaisir d’être là avec nos amis et aussi parce qu’il n’était pas question d’y renoncer. Nous connaissons tous quelqu’un qui connaissait quelqu’un au Bataclan », dit Sébastien Le Gall, un quadragénaire venu spécialement de Vannes, dans le Morbihan. «  Dans ces moments-là, ça fait du bien de sortir, se retrouver ensemble », renchérit sa soeur Valie.« Tous debout »Le fils de leurs amis, Malo Binjamin, 12 ans, qui a parlé des évènements au collège, acquiesce : « C’est important que je sois là aussi. Mes parents y tenaient. Sinon on ne bougera plus ». La salle s’est remplie quand Joseph d’Anvers prend le micro. En retrait près du bar, dans ce lieu plus que jamais vivant, Charles Muzy, le propriétaire des lieux, ami des artistes, se sent ce soir un peu le père de tous ces enfants du rock : « J’ai été assailli de coups de fils après les attentats pour savoir si on restait ouvert, glisse-t-il. C’est plus que jamais le cas ! Il n’y a que la défection des artistes qui m’empêcherait d’ouvrir. Et ils sont tous debout ». De Rome, où il était ce samedi, Christophe Miossec a envoyé, par texto, un message de solidarité.Anne Michel (Brest)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 14h49 • Mis à jour le23.11.2015 à 14h52 | Harry Bellet Le Museo Civico di Castelvecchio, à Vérone (Italie) a été victime jeudi 19 novembre d’un vol spectaculaire : 17 tableaux – un ensemble estimé entre 10 et 15 millions d’euros – ont été dérobés peu avant la fermeture des locaux et leur mise sous alarme. Trois hommes armés et masqués ont maîtrisé la caissière et le gardien présent, avant de décrocher les œuvres et de s’enfuir avec la voiture du gardien.« C’étaient des professionnels, ils n’ont pas dit un mot » , a commenté le responsable de la communication de la ville Vérone, Roberto Bolis, qui pense que les voleurs répondaient à une commande. « Ils n’étaient visiblement pas des experts et ont surement pris des tableaux indiqués dans une liste, pas les plus précieux du musée. Des 17 œuvres volées, quatre ont vraiment de la valeur. », a-t-il ajouté. Flavio Tosi, maire de Vérone, pense aussi avoir à faire à des professionnels agissant pour un tiers : « ils connaissaient le musée, et savaient ce qu’ils cherchaient ». Tableaux invendablesLes tableaux dérobés sont en effet répertoriés, et invendables sur le marché légal. Il s’agit de La Madone à la caille, de Pisanello, du Saint Girolamo pénitent de Jacopo Bellini, d’une Sainte Famille d’Andrea Mantegna, de deux portraits de Giovanni Francesco Caroto, de cinq tableaux du Tintoret (Sainte Vierge allaitante, Transport de l’arche de l’alliance, Banquet de Baltasar, Samson et Jugement de Salomon, plus un autre de son entourage), de deux tableaux peints par son fils Domenico, d’un Rubens, d’un Paysage et d’un Port de mer de Hans de Jode et du Portrait de Girolamo Pompéi de Giovanni Benini. Selon Roberto Bolis, seuls le Pisanello, le Bellini, le Mantegna et un des Caroto ont une importance majeure.L’hypothèse d’un commanditaire a fait les délices de la presse, qui n’hésite pas à évoquer le fameux docteur No cher aux fans de James Bond, lequel faisait voler des chefs-d’œuvre dans les musées pour sa collection personnelle. Si l’idée est séduisante, dans la réalité, elle est très rare. Une autre piste est possible, celle d’une demande de rançon. Il y a un mois en effet, toujours en Italie, un homme se présentant comme un cambrioleur à la retraite a réclamé 150 000 euros en échange de la restitution d’un Portrait de femme peint par Klimt en 1917, qui a été dérobé en 1997 au musée d’art moderne de Plaisance (Piacenza). La police italienne a refusé la transaction, mais des associations locales ont lancé une collecte de fonds pour tenter de récupérer l’œuvre : de quoi susciter des vocations.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 07h25 • Mis à jour le22.11.2015 à 12h17 | Annick Cojean « Je ne serais pas arrivé là si…… si je n’avais pas tout le temps écouté mes intuitions. Car je ne marche qu’à l’instinct. Je fonce, muni de cette seule boussole, comme un bâton de sourcier. J’analyse peu, je ne décortique pas mes choix, et si je demande souvent leur avis à une poignée de proches, je n’en fais toujours qu’à ma tête. C’est de l’ordre de l’instinct animal, l’élan du premier choix qu’il ne faut pas pervertir par trop d’atermoiements, sous peine d’aller dans le mur.Et cette intuition vous a rapidement mis sur la voie de ce métier ?Tout de suite ! Enfant, la musique était une vibration qui me mettait dans un état inouï. A la maison, en Algérie, nous avions un gros poste de radio, bestiole monstrueuse surmontée d’un électrophone caché sous un couvercle. Et ma mère raconte que dès l’âge de 2 ans, obsédé par la musique, je montais sur un tabouret en brandissant la pochette du disque que je voulais écouter. Le tout premier – que j’ai encore – était les valses de Strauss, avec des couples dansant sur la pochette et du vernis nacré sur les robes des femmes. Et puis il y avait la pop et les yéyés. Mais je ne serais pas devenu l’auteur et le musicien que je suis sans cette succession d’événements si contrastés qui ont fait mon enfance.Une enfance en Algérie, pendant une guerre sauvage…Une suite d’arrachements. Mon père parti lorsque j’avais 4 ans, la pension à l’âge de 5 ans, et puis la guerre, oui. Ce climat permanent d’insécurité. L’angoisse de se prendre une balle en passant devant la fenêtre. L’horreur d’enjamber des cadavres en rentrant de l’école ou d’observer, terré derrière des volets, les flammes ravager les immeubles alentour. Sirènes, hurlements, odeur du sang séché au soleil. Je connais cela par cœur. Les récents attentats à Paris ont brusquement reconvoqué ces sensations qui me sont familières.Où avez-vous vécu cette soirée du 13 novembre ?J’étais dans un bar avec des amis. Des alertes sont arrivées sur nos téléphones et l’endroit a commencé à se vider sans que nous percevions tout de suite la gravité de la situation. Il y avait un mélange de stupeur et d’irréalité. Puis une amie avec qui j’étais a appris la mort d’une de ses proches et nous avons, d’un coup, basculé dans un cauchemar concret.La salle du Bataclan éveille-t-elle chez vous des souvenirs particuliers ?J’y ai vu tant de concerts ! Mais elle demeure spéciale car c’est là que Lou Reed, John Cale et Nico ont donné le dernier concert du Velvet Underground en 1972. J’y pense chaque fois que j’y vais.La peur ne risque-t-elle pas de s’insinuer lors de vos prochains concerts ?Certainement pas ! Il faut résister à la peur. Impérativement.Le type d’enfance que vous avez vécu fabrique, dites-vous, des « durs à cuire ». On ne pense jamais à vous en ces termes.Et pourtant… La souffrance est partie. Et il m’importe d’avoir un rapport doux et agréable avec les gens. Mais je suis en effet un dur à cuire, et particulièrement costaud. Si j’ai matérialisé mon rêve et réussi à vivre de ma passion, cela ne s’est pas fait comme ça. Il faut du courage pour vivre dans la peau d’un artiste. Ma chanson La Peau dure évoque ces larmes de l’enfance qui font le cuir et l’armure…Comme la chanson « Boulevard des Capucines »  évoque un père « fracassé, somnambule », rongé par le remords d’avoir abandonné son fils…Je n’ai jamais revu mon père après son départ de la maison. Et voilà qu’après sa mort, on m’a remis un paquet de lettres jamais ouvertes qu’il m’avait adressées. Cette chanson est née de leur lecture et elle m’a énormément apaisé. Je n’avais pas envie d’en expliciter le texte, convaincu qu’il est essentiel de conserver des zones de flou pour que l’auditeur puisse kidnapper une chanson et la faire sienne. Mais des interprétations à côté de la plaque m’ont contraint de le faire, à regret. Et j’ai alors compris, devant l’émotion du public pour qui je la chantais, que cette chanson avait une dimension universelle. Et que tout le monde a quelque chose à régler avec ses parents.Il y est question de pardon…Bien sûr le pardon. Car mon père était venu me voir un soir à l’Olympia, et je lui avais interdit l’entrée de ma loge. C’était brutal, je lui en voulais, cela m’a hanté. On voudrait des parents modèles, des parents parfaits. Mais ils ont eu nos âges, ils ont fait des conneries, ils n’étaient pas forcément armés pour assurer leur rôle. Récemment, un homme est venu vers moi à La Closerie des lilas. « J’ai très bien connu votre père, m’a-t-il dit. Je jouais de la trompette avec lui. » Il m’a alors parlé de lui. Et ce père, qui me fut si longtemps aussi étranger qu’un Martien, m’est soudain apparu comme un jeune homme joyeux et hédoniste dans lequel je me suis retrouvé.Le fils, donc, a pardonné au père.Oui. Et le tourment est passé. J’ai la chance de pouvoir me dégager de cela avec la musique.Peut-on aussi entendre la chanson comme celle d’un père, vous-même, qui demande pardon à un fils qu’il a eu bien trop jeune et qu’il n’a pas souhaité connaître ?Oui. Vous avez raison. On peut faire ce parallèle.La célébrité vous a longtemps pesé.J’ai tout recherché sauf ça ! Et j’ai longtemps été sur le qui-vive. Mais l’avantage d’un long parcours, c’est qu’on s’inscrit peu à peu dans la vie des gens. Et je suis frappé de leur bienveillance. Ce sont eux qui font de vous des élus. C’est mystérieux, mais c’est ainsi. Je connais des tas d’artistes qui ont commencé en même temps que moi, qui avaient autant de talent que moi et qui n’ont pas fait de parcours. Je m’émerveille d’être parmi les élus. Ça compte tellement pour moi d’être accepté. Je suis quand même un petit immigré !Vous vous ressentez encore comme un immigré ?Quand on a vécu jusqu’à l’âge de 7 ans dans un pays étranger, on a toujours une sensation d’exil. L’exil est une fêlure indélébile, même si j’ai tout fait pour m’intégrer. Je suis Algérien, Breton, Anglais… Tout cela cohabite en moi. Et c’est sans doute pourquoi j’aime tant vivre dans des villes étrangères. Lisbonne, Barcelone, Ibiza, Londres… Je ne me sens nulle part chez moi. Et partout chez moi. Même si Rennes, la ville de mon adolescence, la ville où vit encore ma mère, est très, très essentielle.Les événements récents vous donnent-ils envie de fuir Paris, vous, le nomade ?Au contraire ! Cela me donne envie de rester ici, auprès de mes amis.Vous avez vécu, il y a deux ans, l’expérience de la proximité de la mort.Oui. Péritonite, deux mois en soins intensifs. Mais mourir n’était pas une option. C’était même inconcevable. Pas là, pas tout de suite. Il y a plein de choses que j’ai encore envie de faire. Et un disque attendait, fin prêt, sur lequel j’avais tant travaillé. Cela m’a sauvé. Mon mental a hâté ma guérison et sidéré les médecins.Avez-vous un jour perdu le goût des choses ?Oui, une fois. Un vrai « break-down ». Et heureusement ! Cela m’a permis d’avoir un futur. Car on n’apprend rien du bonheur. C’est un moment provisoire qui soigne. Comme une promesse que les instants de félicité pourront surgir à tout moment. C’est tout. On a besoin d’être confronté à la complexité, à l’énigme de la vie qui ne ressemble pas aux rêves que l’on s’est faits. J’accueille donc plutôt bien les épreuves. C’est forcément intéressant.Que diriez-vous au jeune homme réservé qui, à Rennes, rêvait de faire de la musique ?Qu’il a raison de croire en son rêve. Que sa force et son intensité triompheront, même s’il ne se croit pas gâté par la vie et ne connaît personne. A moins que ce ne soit le destin, ce mystère qui me taraude. Est-ce qu’on le fabrique nous-mêmes ? Ou bien le scénario est-il écrit à l’avance ? Je ne mets pas de mot sur cette sensation, mais j’ai toujours eu le sentiment d’être accompagné et porté par quelque chose. Et que certains événements ne sont pas le fruit du hasard.Diriez-vous que vieillir est angoissant ?Pas du tout. J’appelle ça « maturer ». Mon corps et mon visage changent, et je trouve que c’est une belle chose. Mes envies sont intactes et j’ai toujours autant besoin d’intensité. Ça, c’est pas un truc de vieux. »Etienne Daho est né le 14 janvier 1956 à Oran*Coffret « L’Homme qui marche », nouveau best-of en versions 2 CD + DVD du documentaire d’Arte « Etienne Daho, un itinéraire pop moderne », réalisé par Antoine Carlier.« Daho, l’homme qui chante », une BD signée Alfred Chauvel (l’histoire de la fabrication du 13e album d’Etienne « Les Chansons de l’innocence retrouvée »), éditions Delcourt.Un nouveau rendez-vousChaque dimanche, La Matinale propose à une personnalité de se livrer sur ce qui a orienté sa vocation et répond à la question « Je ne serais pas arrivé là si... ».Découvrez la dernière édition de La Matinale, la nouvelle application du Monde.Annick CojeanJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Maïa Mazaurette Chaque dimanche matin, dans La Matinale du Monde, la chroniqueuse Maïa Mazaurette vous parlera de la sexualité sous toutes ses facettes. A quoi ressemble la sexualité idéale ? Pour synthétiser : à une mousse au chocolat. Un moment de pur plaisir, de laisser-aller, de régression, avec un peu de culpabilité pour relever le goût. L’antithèse de la mousse au chocolat, tout le monde sera d’accord : c’est le sport. Or nos sexualités ressemblent de plus en plus au sport. On y exerce un contrôle appuyé. On négocie avec des coachs, voire des gourous, on a des objectifs, on connaît son niveau, on suit les saisons. On se mesure (durée, décibels, nombre de va-et-vient), on s’entraîne pour devenir un meilleur partenaire, on fait ses exercices de musculation du périnée, on est constamment sous pression pour mettre à jour ses connaissances (c’est ce que vous êtes en train de faire, sans vouloir être mesquine). Le but : « Assurer au lit. »Le sexe est un sport et ça pourrait être pire – le sexe pourrait être une punition, un devoir, un simple moyen de reproduction. Au moins, le sport, ça peut être amusant et se pratiquer en short moulant. (Amateurs de curling, passez votre chemin.) Mais, bien sûr, le sport implique une forme de compétition, au moins contre soi-même. Grâce ou à cause de la fluidité des relations contemporaines (on peut toujours être trompé, quitté, remplacé), cette compétition nous semble cruciale. Il faudrait absolument être un bon coup – alors qu’en vrai savoir faire marcher la machine à laver est une compétence tout aussi cruciale. Mais moins sexy. Enfin, ça dépend du modèle de la machine à laver.Quand on pense à la performance, c’est évidemment l’éjaculation masculine qui vient à l’esprit : retarder le plus longtemps possible la jouissance, par politesse envers ses partenaires. Lesquelles, que les choses soient claires tout de suite, n’ont rien demandé. Quand j’étais adolescente, les lycéens expérimentés affirmaient doctement qu’une pénétration de routine durait quarante-cinq minutes. Ils connaissaient tous un copain de copain qui tenait quatre heures, soit une représentation assez juste du neuvième cercle de l’enfer. Avec le recul, ces quarante-cinq minutes font doucement rigoler. Pas besoin de recul, d’ailleurs : les données suffisent.Le rapport de routine, tel qu’analysé par les chercheurs de la Society for Sex Therapy and Research, est : adéquat de trois à sept minutes, bien mené de sept à dix minutes. Si vous dépassez dix minutes, désolée, c’est trop long. Un rapport satisfaisant dure le temps de cuisson d’une pizza, preuve que la nature est bien faite (ou bien les micro-ondes). Cela signifie aussi que la compétition des hommes pour savoir qui « tient » le plus longtemps est narcissique, pas pragmatique. En effet, en ce qui concerne la survie la plus fondamentale, l’éjaculation est un réflexe qui a tout intérêt à survenir rapidement : un grizzli pourrait vous attaquer pendant vos fameuses quarante-cinq minutes de pénétration (ahem). Les versions modernes du grizzli comprennent les camions 33 tonnes (si vous aimez les activités en plein air), les enfants en bas âge, les colocataires et, bien sûr, le grand ennemi de la sexualité moderne : le smartphone.En termes de survie donc, la performance consisterait à jouir vite (et bien). Ce qui entre en contradiction avec le standard du mâle endurant. Quant aux pénétrations marathoniennes de la pornographie, elles n’aident pas à corriger le tir, certes. Mais il serait un peu facile d’accuser le X : c’est nous qui demandons des contenus hyperboliques, sinon, vous pensez bien, les producteurs se concentreraient sur des acteurs à format humain – et sur du (très) court-métrage. Nous voulons du spectaculaire : nous payons la facture. En insécurités.En réalité, une femme qui se masturbe atteint l’orgasme en quelques minutes à peine (quatre minutes pour une masturbation, vingt minutes quand c’est le partenaire qui s’y colle). En conséquence de quoi, se focaliser sur la durée revient à frapper un grand coup d’épée dans l’eau, et quand je dis épée, chers hommes, je vous flatte.Bien sûr, l’obsession de la performance dépasse les simples questions de timing pour inclure la taille (34 % des jeunes complexent sur la taille de leur pénis après avoir visionné un film porno), le nombre de positions enchaînées, le nombre de partenaires, le nombre d’orgasmes, allez-vous donc cesser de tout vouloir compter ? C’est épuisant.Mais attendez. Pourquoi ne parle-t-on que des hommes ? Ils ne portent pas seuls la responsabilité de l’acte sexuel, sauf à considérer que l’implication de leurs partenaires se limite à s’allonger et regarder le plafond. Les femmes sont également soumises à une obligation de performance, et il serait terriblement sexiste de l’oublier. Si elles ne sont pas jugées sur la durée, elles le sont sur leur capacité à jouir – la femme idéale aligne plusieurs orgasmes par relation sexuelle, elle jouit de la pénétration vaginale, voire anale (tant pis si cela ne concerne qu’une minorité d’entre elles), elle jouit sur commande et, au cas où ça ne suffirait pas, il convient qu’elle vocalise comme une chanteuse d’opéra. Partant d’une exigence aussi stakhanoviste, heureusement que nous simulons. Comme des arracheuses de dents. Plus précisément : il y a plus de femmes qui simulent à chaque interaction sexuelle que de femmes qui jouissent à chaque interaction sexuelle. (La moitié d’entre elles ont déjà eu recours à ce tour de magie, et un homme sur dix.)Inutile de se plaindre de ces cabotinages : une femme qui ne ferait pas preuve d’enthousiasme forcené se verrait automatiquement transférée dans le camp des « mauvais coups ». Ce qui limiterait sérieusement ses possibilités en termes de couple. Et, qu’on le veuille ou non, le couple reste le cadre optimal du bonheur – aujourd’hui, en Occident, dans l’imaginaire collectif.Reprenons donc. Les hommes ont la pression. Les femmes ont la pression. Les hommes s’obligent à tenir plus longtemps lors de la pénétration, afin d’obtenir des jouissances ravageuses de la part de femmes qui se fichent quand même beaucoup de la durée de pénétration. La boucle est bouclée, d’accord. Mais le cercle est vicieux.Vous savez ce qui ruine vraiment une vie sexuelle, et beaucoup plus drastiquement que « tenir moins de quarante-cinq minutes » ou « ne jouir qu’une fois et en silence » ? Le stress. (Au passage : nos vies sexuelles sont plus fragiles qu’un vase en cristal. C’est bien simple, tout nous perturbe : le manque de nourriture, le manque de sommeil, l’insatisfaction au niveau narcissique, une naissance, une gastro et, bien sûr, les procédures de divorce.)Plus nous nous rongeons les sangs avec ces histoires de performance, plus nous stressons. Côté hommes, ce stress produit des situations d’impuissance et des éjaculations rapides. Côté femmes, il produit une anxiété qui se met en travers de l’orgasme. Vous noterez comme ce serpent se mord la queue ? Ce n’est pas un serpent. C’est vous. Aouch.En réalité, le meilleur moyen d’améliorer ses performances consiste à ne surtout pas se préoccuper de ses performances. Lâchez prise. Oubliez le sport.Un nouveau rendez-vous dans La Matinale du MondeChaque dimanche matin, dans l’application d’information La Matinale du Monde, la chroniqueuse Maïa Mazaurette vous parlera de la sexualité sous toutes ses facettes.Découvrez la dernière édition de La Matinale, la nouvelle application du Monde.Maïa MazauretteJournaliste au Monde François Bostnavaron et Thomas Doustaly SI vous souhaitez vous promener entre les girafes et les gnous, en chantonnant « Out of Africa », Le Monde vous propose cinq idées de safaris dans l’hexagone.« Out of Africa »… en Auvergne Une nuit « au cœur de la savane ou au milieu des grands lacs d’Afrique » : voilà ce que promet le PAL, plus grand parc animalier de France, entre Mâcon et Moulins-sur-Allier. A grand renfort de chiffres records : 50 hectares, 600 animaux (dont un couple de tigres de Sumatra et leur petit né cette année), 26 attractions, des spectacles d’otaries, de rapaces en vol et de perroquets. Pour se glisser dans la peau de Karen Blixen, on choisit l’un des sept nouveaux lodges sur pilotis qui donnent sur l’étang. Au petit déjeuner, hippopotames, pélicans et hérons gardes-bœufs s’approchent de la terrasse. A la tombée de la nuit, quand le parc se vide de ses visiteurs, on s’équipe de jumelles infrarouges pour participer à un circuit nocturne, au plus près des animaux. Frissons garantis.Tarif : les hébergements dans le parc sont très demandés, il faut donc réserver maintenant pour 2016. Pour 2 jours et 2 nuits, comptez 247 € pour un adulte, et 196 € par enfant de moins de 10 ans. Ouverture le 9 avril 2016. Renseignements : www.lepal.comLe Grand Nord canadien… dans la Sarthe Qui aurait cru que, près du Mans, on puisse croiser… des grizzlys ? Au zoo de La Flèche, depuis le lodge baptisé « Yukon », on observe par les deux immenses baies vitrées les fameux ours bruns évoluer. Bluffant. Dans cette cabane de luxe de 60 m², au décor cosy, on vit le temps d’un week-end dans une forêt canadienne de conifères, sans autre vis-à-vis que les animaux. Si Yukon est déjà réservé, on choisit l’un des autres lodges thématiques – Bali pour être au plus près des tigres blancs, Alaska pour flirter avec les loups arctiques, Malagasy pour se percher dans les arbres, au côté des lémuriens.Tarif : pour 2 adultes et 2 enfants en haute saison, comptez 664 € pour deux nuits. Comprend l’entrée au parc sur 2 jours et la demi-pension. Le Safari Lodge est ouvert toute l’année, à l’exception des 25 décembre et premier janvier. Renseignements : www.safari-lodge.frBivouac tanzanien… en pays nantais Port-Saint-Père est loin, très loin du parc national du Serengeti. Pourtant, tout est fait pour vous entraîner le temps d’un week-end au cœur des paysages de Tanzanie. De jour, on roule dans sa voiture sur une piste de 10 km, à la découverte des gnous, des zèbres et des antilopes. A la tombée de la nuit, à bord d’un gros 4 × 4, on observe le travail des soigneurs et le retour des animaux dans les loges. Après 1 h 30 de visite et un tour complet du parc, le guide vous conduit au bivouac. Protégées par une simple barrière, les tentes sont plantées autour d’un feu de camp. Cuisine sénégalaise, produits bio et barbecue au menu du dîner, nuit sous les étoiles, puis réveil avec les animaux. L’aventure.Tarif : Adulte : 180 €. Enfant (3/12 ans) : 150 €. La prestation comprend l’accompagnement par un guide animalier tout au long de l’expérience et l’accès libre au parc et à la Cité marine le lendemain. Ouverture début mars 2016. Renseignements : www.planetesauvage.comClairière d’Asie… en Normandie A Cerza, le parc zoologique de Lisieux, on peut loger au choix dans de spacieux éco-lodges ou dans des « zoobservatoires » en bois. Les wallabys, ces petits kangourous d’Australie, se promènent librement dans la partie hôtelière. Le seul hic, c’est qu’on n’est pas dans le parc lui-même. Le détour vaut quand même la peine. D’abord parce que Cerza est à seulement deux heures de Paris, tout près de Deauville-Trouville et des côtes normandes. Mais aussi parce que le parc abrite des espèces rares, comme ces rhinocéros indiens, uniques représentants de l’espèce en France, qui cohabitent avec cerfs d’eld, antilopes cervicapre, calao trompette ou tortue à nez de cochon. Le plus : le safari en train touristique, ludique pour les plus petits.Tarif : Pour 2 adultes et 2 enfants (- de 12 ans) en haute saison dans un lodge pour 3 jours et 2 nuits, comptez 560 € le séjour, petit déjeuner et accès parc inclus. Renseignements : www.cerzasafarilodge.comPetits oursons de Chine… à Beauval Ici, on a opté pour le confort des animaux – les cinq éléphants en semi-liberté disposent d’un territoire de plus de 5 hectares sur les presque 35 du ZooParc. Un peu moins pour celui des touristes, qui peuvent loger à quelques centaines de mètres du parc, dans des appartements sans charme. Qu’importe, le week-end à Beauval immerge tout de même en pleine nature, tant le foisonnement d’espèces – 560, et 7 000 animaux – est incroyable. Les stars de Beauval s’appellent Huan Huan et Yuan Zi, deux pandas géants. Ils sont devenus au fil des ans une véritable locomotive pour la fréquentation du parc. Une célébrité qui passera peut-être au second plan en 2016, à Pâques, lorsque débarqueront trois superbes hippopotames (un mâle et deux femelles) dans l’espace de plus d’un hectare qui leur sera dévolu. A défaut de dormir sur le site, il reste toujours une solution pour se retrouver au plus près des animaux : l’option « soigneur d’un jour ». On nettoie le box d’un rhinocéros, on nourrit les manchots et les makis cattas. Grisant.Tarif : A partir de 128 euros la nuit pour une chambre familiale. Pour l’option soigneur, deux formules proposées : une pour les 10-17 ans, durée 2 heures, 80 euros, et une autre pour les adultes, à partir de 16 ans, durée 4 h 30, 160 euros, entrée du parc comprise. www.zoobeauval.comThomas DoustalyJournaliste au MondeFrançois BostnavaronJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphanie Binet JoeyStarr a accordé une interview au « Monde », mardi 17 novembre, à l’occasion de la sortie, début décembre, de son nouvel album, Caribbean Dandee, enregistré avec son jeune collègue Nathy, 25 ans. Interrogé à son domicile parisien, l’acteur et rappeur répond tout en regardant défiler sur son grand écran les informations sur la suite des attentats. Les réactions qui suivent sont un mélange décousu de questionnements et de mise à distance par l’humour.Comment avez-vous vécu les attaques du vendredi 13 novembre ?JoeyStarr : Je regardais le visage d’un de mes fils sur mon téléphone, et je me disais : voilà pourquoi j’ai peur, aussi. C’est affreux, horrible.Nathy : Ils nous font la guerre à nous tous, ces gens-là.JoeyStarr : La question que l’on doit se poser c’est : comment est-on arrivé à un tel niveau de désœuvrement de la part de ces jeunes pour qu’ils soient prêts à se faire endoctriner, à aller se faire exploser ? Parmi ceux qui ont été identifiés, il y en a un qui avait une gosse. Mais c’est quoi son legs ? Qu’est ce qu’il lègue à sa fille, là ? Il y a une barrière entre eux et nous, c’est sûr. C’est le principe de l’intégrisme, d’ailleurs : si tu ne penses pas comme eux, tu n’es qu’une merde. Voilà où on en est... Mais qu’est ce qui s’est passé ? Il y a ce trop-plein d’infos qu’un gosse de 15 ans n’arrive plus à digérer. On a vulgarisé le coup de kalachnikov dans la rue, ils l’entendent à la télé… Alors, c’est sûr, tant que tu ne l’as pas vécu… Mais pour les terroristes, la vie est comme ça : tu te fais péter, t’as tes mille vierges… Ils sont très arriérés dans leur manière de penser, ces gens-là… Après, je pense aux musulmans, aux vrais, qui vivent ici et qui pâtissent de tout ça. J’imagine qu’ils voient ces terroristes comme des vendeurs de chèvres. Leur monde à eux n’existe que dans leur jardin. Une fois qu’ils en sont sortis, ils sont perdus. Ce que ces intégristes racontent n’a pas de sens. Le monde a évolué.Où étiez-vous quand les fusillades ont eu lieu ?JoeyStarr : Nous étions en train de tourner un clip, L’arène. Nous avons vu l’info tomber une fois, deux fois, trois fois... On était un groupe, c’était dramatique, amplifié. Il y a deux filles qui se sont mises à pleurer. Moi, évidemment, je me suis foutu de leur gueule. On était à Vanves (Hauts-de-Seine), et elles s’inquiétaient pour leurs proches… Mais il y a des jours comme ça où la banlieue est plus sûre. Il y a des jours. Des fois, ce sont des semaines.Nathy : En même temps, il faut continuer à vivre, à rire.Stéphanie BinetJournaliste au Monde 21.11.2015 à 10h18 | Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Toute l’Histoire à 22 h 30 « Spät aber nicht zu spät… » « Tard mais pas trop tard… » La campagne lancée à l’été 2013 en Allemagne dit bien l’urgence. Bientôt, on ne pourra plus déférer en justice les coupables du génocide perpétré par les nazis contre les juifs. Comme si une ultime session de rattrapage pouvait corriger la stupéfiante lenteur des Allemands à demander des comptes aux responsables d’un des plus terribles crimes de l’Histoire.De façon paradoxale, c’est sans doute le procès international intenté aux plus hauts dignitaires nazis à Nuremberg au lendemain de l’effondrement du Reich qui explique ce retard. Si le verdict (dont 12 condamnations à mort pour 22 inculpés) dûment filmé et diffusé est accepté par les Allemands, il est mal compris. Comme si l’affaire était close désormais.Privés du droit de faire justice confisqué par les vainqueurs, les Allemands n’entendent pas remuer le passé, redoutant l’exhumation de compromissions trop lourdes. Et bientôt les criminels rattrapés par la justice aux derniers temps de l’occupation alliée sont élargis peu après la naissance de la République fédérale – certains condamnés à mort sortent ainsi des geôles six ans à peine après le verdict fatal.Le début de la traqueUn voile d’amnésie empêche de solder les comptes jusqu’à ce que le cynisme de certains bourreaux, sûrs de l’impunité, ne les pousse à prétendre toucher une contestable retraite. Le scandale éclate dans la presse et, face à l’Office central de protection du droit qui entendait empêcher les poursuites contre les anciens nazis, naît en 1958 l’Office central de Ludwigsburg qui œuvre en sens diamétralement inverse. La traque est lancée.Du procès Eichmann à Jérusalem en avril 1961, où est invoqué pour la première fois le « crime contre le peuple juif », à la condamnation à Cologne en 1980 de trois responsables de la déportation des juifs de France, le combat doit emprunter des voies illégales et spectaculaires – telle la gifle que Beate Klarsfeld donne à Berlin au chancelier Kiesinger en novembre 1968 – pour arracher à une torpeur complice une opinion publique prompte à l’amnésie. C’est ce long chemin que Michel Kaptur retrace, donnant la parole à certains des magistrats de ces procès de la mémoire. Didactique et éclairant.La Justice allemande face aux criminels nazis, de Michel Kaptur (Fr., 2013, 55 min). Dimanche 22 novembre à 22 h 30 sur Toute l’Histoire.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde 21.11.2015 à 07h24 | Renaud Machart Documentaire sur Arte à 0 h 10 L’orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris est un monstre qui tonne depuis des siècles, perché sur la tribune de pierre au-dessus du grand portail ouest de l’édifice. Il est l’objet d’un culte particulier de la part des organistes du monde entier qui se damneraient pour y jouer (gratuitement) lors des auditions du dimanche.C’est à la fois à une visite guidée de cet instrument et à un portrait de l’un de ses organistes titulaires en exercice, Olivier Latry, qu’invite le documentaire Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien, qui mêle habilement séquences pédagogiques (tournées dans les « entrailles » de l’instrument), films d’archives et pauses musicales interprétées par Latry.L’orgue de tribune (Notre-Dame possède également un orgue plus petit, dit « de chœur »), dont le premier état remonte au début du XVe siècle, échappe au vandalisme de la Révolution, sûrement parce que son titulaire d’alors, Claude Balbastre, avait fait allégeance aux idées révolutionnaires et improvisait des variations sur La Marseillaise à Notre-Dame, rebaptisée, si l’on ose dire, « Temple de la raison ».Le vénérable instrument est repris entièrement par le grand facteur d’orgue Aristide Cavaillé-Coll, en 1868, sous la supervision d’Eugène Viollet-le-Duc ; Louis Vierne, titulaire de 1900 à 1937, que Latry surnomme « le Molière de l’orgue » (il s’effondrera, victime d’une embolie cardiaque, sur sa console alors qu’il y donne un concert, le 2 juin 1937), le modifie à son tour ; Pierre Cochereau, qui y joue de 1955 à 1984, l’augmente et le modernise de 1963 à 1975.En 1992, l’instrument fait l’objet d’une restauration complète qui tâche de préserver ses acquis les plus anciens (on trouve ainsi encore des jeux baroques et mêmes quelques traces de l’époque médiévale). On remplace la console (claviers et jeux), qui ressemblait à la réception d’un hôtel cossu de province, et l’on équipe progressivement l’instrument d’outils numériques.Une solide formationLe documentaire montre l’instrument jouer seul alors qu’Olivier Latry écoute, en bas, dans la nef, ce qu’il vient d’enregistrer : ce procédé de « replay » permet à l’organiste de se rendre compte de l’adéquation de ses tempos avec l’acoustique et du plein effet de ses registrations – le mélange des jeux – alors que, perché à sa tribune, il n’entend qu’une partie des sonorités qu’il produit.C’est à la mort, en 1984, de Pierre Cochereau, immense vedette dont les improvisations fleuves étaient légendaires, qu’Olivier Latry devient à son tour l’un des titulaires de l’orgue de Notre-Dame de Paris. Il a 23 ans et est l’une des « 12 personnes spécialement choisies pour concourir ». Le jeune homme se présente « sans y croire vraiment », ce qui lui fait passer les épreuves sans souffrir du trac, raconte-t-il au cours du documentaire.Cependant, devenir titulaire de cette prestigieuse tribune n’est pas donné au premier venu car être organiste liturgique demande une solide formation : il faut bien jouer de son instrument, connaître le rituel des offices sur le bout des doigts, savoir accompagner, improviser, etc.Latry décrit bien ce qui fait la spécificité d’un organiste liturgique versus un organiste de concert (ce qu’il est par ailleurs) : « L’improvisation prolonge une parole ou une musique, on n’est pas là pour faire son show… Le rôle de l’organiste liturgique est de servir. »Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien (France, 2015, 52 min). Dimanche 22 novembre, à 0 h 10, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Mustapha Kessous Télé-réalité sur 6ter à 20 h 55 La disqueuse qui vient sectionner le cadenas et le rideau métallique qui se lève font toujours autant de bruit. Mais pour les acheteurs, ce fracas résonne comme un doux refrain. Après la Californie, le Texas, New York et le Canada, l’émission « Storage Wars » (« guerres des box ») a désormais une version française, diffusée à partir du 21 novembre sur la chaîne de la TNT 6ter.Le principe de ce programme de télé-réalité est simple et efficace : Julien, Toufik, Diane – et d’autres encore – se rendent dans un entrepôt de garde-meubles pour tenter d’acquérir des box de stockage mis aux enchères. Le plus offrant remportera le lot à condition de respecter quelques règles : interdiction de pénétrer dans la remise, de toucher aux objets et d’ouvrir des cartons ou des valises. Les acquéreurs auront seulement quelques minutes pour estimer la valeur des biens poussiéreux (meubles, tableaux, vaisselle, électroménager, etc.) qu’ils distinguent dans la pénombre et décider s’ils doivent miser ou non.Une exacte répliqueEn janvier, 6ter a été la première chaîne à diffuser le format original de « Storage Wars » qui se déroule en Californie et qui a réuni 215 000 téléspectateurs lors de la première diffusion, le 3 janvier, en deuxième partie de soirée. Ce score est régulièrement doublé en prime time, surprenant les responsables de l’antenne du groupe M6 ainsi que ses concurrents. Depuis, les variantes de ce programme sont diffusées par d’autres chaînes : RMC Découverte propose « Storage Wars Canada », D8 et D17 la version new-yorkaise. 6ter – qui diffuse aussi le dérivé texan – a donc choisi de produire une adaptation française. Comme toute franchise, cette émission d’enchères à l’aveugle est une réplique exacte du format américain : mêmes commentaires de la voix off, même musique, même découpage du programme en quatre séquences. D’abord, les acheteurs découvrent le box, puis, place aux enchères. Ensuite, le vainqueur inspecte son lot, espérant y trouver un trésor, et finit toujours par mettre la main sur un objet énigmatique qu’il ira enfin faire expertiser.« Storage Wars France » n’a rien de surprenant. Moins drôle que l’original, il peine à nous attacher aux candidats qui, hésitants, semblent jouer un rôle et réciter un texte. Dommage qu’ils manquent à ce point de spontanéité et de naturel.Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Divertissement sur France 2 à 20 h 55Laurent Ruquier va occuper la soirée entière sur France 2, enchaînant « On a tous en nous quelque chose de Jacques Martin », un hommage à celui qui le fit débuter à la télévision, et l’habituel « On n’est pas couché ». C’est excessif – mais c’est pour la bonne cause.Il serait en effet dommage de rater les deux heures d’émission spéciale dévolues à la mémoire du grand homme de télévision que fut Jacques Martin (1933-2007), qui fit se gondoler la France entière chaque dimanche, à l’heure du poulet frites (« Le Petit Rapporteur », 1975-1976, sur TF1 ; « La Lorgnette », 1977-1978, sur France 2), puis à celle de sa digestion (avec différents programmes donnés, de 1977 à 1998, au Théâtre de l’Empire, à Paris, dont la légendaire « Ecole des fans »).Jacques Martin était le produit croisé d’une éducation bourgeoise et d’une vie de saltimbanque. Il avait commencé dans les années 1950 à Strasbourg, comme chansonnier et comme animateur sur Télé-Strasbourg. En 1964, Jacques Chancel le fait venir à l’ORTF, où il se fait remarquer par des sketches avec Jean Yanne.Jacques Martin savait tout faire : écrire (sketches, chansons, romans), jouer, chanter (il avait une voix de baryton d’opéra-comique), parodier, improviser (par exemple à la manière d’un récitatif d’opéra de Mozart), cuisiner (il mettra aux fourneaux son fils David, devenu chef professionnel). De sorte qu’il affirmait tantôt, non sans mélancolie : « Je suis un comédien qui a rencontré la télévision » ; tantôt : « Mon vrai métier, c’est l’écriture. » Cet artiste de variétés – au sens noble du terme – farceur et caustique était un homme cultivé qui dispensait un peu de ce qu’il savait à la télévision. Mais avec une distance ironique. Ainsi, en 1992, déclarait-il au Monde : « Dans mes émissions, on traite d’histoire, de géographie, de sciences humaines. Mais avec légèreté. Je ne brade pas ma culture pour payer mes mensualités et je ne crois pas à la mission civilisatrice de la télévision. Nous pouvons tout au plus être prométhéens : voler un peu de savoir à ceux qui en ont l’apanage et le disperser… »Amicale éléganceIl laissait toujours la part belle à la musique classique et il est dommage que, au cours de cette longue, très longue – et parfois un peu ennuyeuse – émission, Ruquier n’ait pas retenu cet aspect important de son action à la télévision. C’est, par exemple, dans l’une des émissions de Jacques Martin que le ténor Roberto Alagna fit sa première grande apparition publique. Cet oubli confirme que, décidément, la musique classique a quitté la sphère de la culture générale.Le fantaisiste est remercié par France 2, le 21 mars 1998 ; dans la nuit de ce premier jour de printemps, il fait un accident vasculaire cérébral. Et ne se remettra jamais de cette éviction. Ruquier, fidèle d’entre les fidèles, l’invitera en 2001 à participer à son émission de radio « On va s’gêner ! », sur Europe 1. Mais c’était le début de la fin.Il y a trop d’anecdotes dans « On a tous en nous quelque chose de Jacques Martin » et pas assez de Jacques Martin en certains des invités sur le plateau. Ruquier aurait pu (dû) renouveler sa dramaturgie habituelle (ses potes autour d’une table en demi-lune), privilégier certains témoignages clés, oser un peu d’intimité (sait-il faire ça, Ruquier ?) et montrer davantage d’archives.Mais, on l’avouera, si l’exécution laisse à désirer, le geste mérite d’être souligné pour son amicale élégance.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Martine Delahaye « C’est récent, mais on me demande maintenant des scénaristes capables d’écrire en anglais, pour monter des coproductions », note Catherine Winckelmuller, agent d’auteurs et de réalisateurs travaillant pour le cinéma ou la télévision. « Cela ne date que d’un an, mais des producteurs indépendants m’ont envoyé des projets depuis l’Angleterre, Israël ou le Danemark pour que je les lise, les propose à mes client(e)s, et que l’on voie si un scénario peut être mené en commun. Pour une série partiellement financée par la France et son système d’aides. » Agent, notamment, des auteures Virginie Brac et Anne Landois, à l’origine de la reconnaissance internationale de la série « Engrenages », Catherine Winckelmuller exerce le même métier que les personnages de « Dix pour cent », la série créée par Fanny Herrero d’après une idée originale de Dominique Besnehard, diffusée récemment sur France 2. Si ce n’est qu’elle a décidé, il y a vingt-cinq ans, en créant Agents Associés (l’une des quarante agences artistiques à Paris), de représenter non pas des comédiens mais des auteurs et des réalisateurs.« Je dis non 363 fois sur 365 »Sur quels critères accepte-t-elle ou non quelqu’un dans son agence ? « D’abord, je représente peu de gens, même pas une cinquantaine, explique-t-elle. Je n’ai qu’un assistant, c’est tout. Et puis je ne rencontre jamais les gens d’abord. Parce qu’ils sont presque toujours extrêmement séduisants, lors d’un entretien. Moi, je veux lire et voir. Si ça me plaît et que j’ai le sentiment de pouvoir apporter quelque chose, j’y vais ; sinon, je n’y vais pas. Ce qui m’intéresse chez les créateurs, c’est leur regard, ce qui fait leur originalité, ce qui les distingue de la masse. Je reçois une demande par jour, je dis non 363 fois sur 365. »Au-delà de la disponibilité et de la réactivité qu’exige ce métier tout de relations, il revient à l’agent de lire ce que lui envoient « ses » scénaristes, de les dissuader ou de les encourager au fil de leurs tentations et tentatives. En un mot, de les accompagner dans leur processus de création, pour qu’un de leurs projets aboutisse à l’écran. D’où la nécessité d’acquérir une fine connaissance des attentes des chaînes et des besoins des producteurs.Lire aussi :Succès français en sérieAprès avoir reconnu les qualités de la série « Dix pour cent » (ce qui correspond au taux de rémunération de tout agent artistique français à la signature d’un contrat par l’un de ses clients), Catherine Winckelmuller fustige, avec force, le manque de confiance et de considération accordé aux auteurs en France : « La chaîne a demandé l’écriture d’une saison 2 de “Dix pour cent”, mais les contrats que les producteurs proposent aux scénaristes en font des auteurs “substituables”, ce qui veut dire que l’on peut les renvoyer et les remplacer à volonté. C’est hallucinant ! » Les professionnels dans une impasseC’est bien simple, estime cette professionnelle : en un quart de siècle, la situation des auteurs de télévision, après une courte embellie, n’a au final pas évolué. Au-delà de quelques réussites, « qui ne sont jamais que l’arbre qui cache la forêt » (« Un village français », « Engrenages », « Ainsi soient-ils »…), la structure même de France Télévisions, la frilosité des chaînes et l’incompétence d’un grand nombre de producteurs ont rendu l’ensemble du système public français obsolète, acculant les professionnels dans une impasse.D’où la grande question que se posent les agents artistiques qui, comme elle, ont affaire à l’audiovisuel : comment Delphine Ernotte, nouvelle présidente de France Télévisions, pourra-t-elle mettre en actes sa volonté de faire de la fiction « une priorité », comme elle l’a annoncé en septembre à La Rochelle, quand on voit à quoi a abouti, jusqu’ici, en termes de création, un groupe qui emploie 10 000 personnes et dispose d’un budget plutôt conséquent…« Pas de vision »« Qu’attendre d’un service public qui est capable de dire “Ce projet est trop bien pour nous”, comme je l’ai entendu encore récemment ? », s’insurge l’agent de Pierre Schoeller, auteur et réalisateur de L’exercice de l’Etat. « A France Télévisions, on me demande : auriez-vous un auteur qui puisse rassurer France 2 ? Je ne vois que frilosité, aucune idée de ce que l’on attend, pas de vision de ce que va devenir la fiction dans les cinq ans ! En revanche, un conseiller à la fiction, dans le service public, se prend souvent tout à la fois pour un scénariste, pour un réalisateur, pour un directeur de casting, en plus de croire savoir ce qu’attend le public… »Alors que TF1 et Canal+ créent d’imposantes unités de fiction, alors que les sociétés de production cinématographiques commencent à investir le monde sériel, le mammouth France Télévisions pourrait bientôt ne plus reconnaître le paysage dans lequel il évoluait jusqu’ici, pronostique Catherine Winckelmuller…Martine DelahayeJournaliste au Monde Stéphane Davet Adele pensait peut-être monopoliser l’attention, en ce 20 novembre, en sortant son troisième album, intitulé 25. Mais un personnage inattendu, David Bowie, s’est invité à la fête. Jeudi 19 novembre à minuit, l’icône rock britannique a mis en ligne l’impressionnant clip de Blackstar, chanson-phare d’une durée de dix minutes, extraite de l’album du même nom, dont la parution est annoncée pour le 8 janvier 2016 (date de son 69e anniversaire). La surprise n’est pas totale, puisqu’une version très raccourcie de ce titre illustrait le générique de la série « Panthers », récemment diffusée sur Canal+. Son réalisateur, le Suédois Johan Renck, a également mis en scène la vidéo de Blackstar.Loin du format radiophonique des habituels singles, le morceau/court-métrage se déploie en une épopée anxiogène, qui commence par une imploration maladive sur fond de breakbeats névrosés et de jazz feutré. Proche de la radicale étrangeté des dernières œuvres de l’ex-crooner Scott Walker, cette ambiance glisse ensuite vers un semblant d’apaisement, dans lequel Bowie reprend d’une voix plus familière une mélodie racée, perturbée par une obsédante incantation synthétique : « I’m a blackstar. » Devant la caméra, le chanteur prend un évident plaisir à jouer tantôt la victime suppliciée au bandeau de condamné, tantôt le prophète illuminé brandissant un livre frappé d’une étoile noire. Dans un décor rappelant parfois les cités fantasmagoriques de Game of Thrones, il s’entoure de zombies épileptiques, d’une prêtresse vaudou, d’épouvantails crucifiés, d’un squelette d’astronaute (Major Tom ?). Proche des teintes jazz et expérimentales du titre inédit Sue (In a Season of Crime), publié en 2014, Blackstar semble annoncer les compositions de Bowie les plus audacieuses et inquiétantes depuis l’album Outside (1995).Comédie musicale à New YorkDécidément aussi productif artistiquement qu’il est discret dans les médias, le chanteur a par ailleurs arrangé d’anciennes chansons et composé de nouveaux morceaux pour une comédie musicale, Lazarus, mise en scène par Ivo Van Hove au Theater Workshop de New York. La pièce se présente comme une suite de L’homme qui venait d’ailleurs, le film de Nicolas Roeg, sorti en 1976, dans lequel David Bowie jouait un extraterrestre (un rôle repris sur scène par le comédien Michael C. Hall, connu pour son interprétation de Dexter dans la série du même nom). Les représentations ont commencé le 18 novembre et s’achèveront le 17 janvier 2016. La pièce se joue à guichets fermés.Regarder le clip de « Blackstar »Stéphane DavetJournaliste au Monde Sylvain Siclier Après les amateurs de sports, à l’occasion d’un tournoi de tennis, du 31 octobre au 8 novembre, c’était au tour de ceux du rock de découvrir l’AccorHotels Arena, ancien Palais omnisports de Paris-Bercy, rénové, intérieur et extérieur, après vingt mois de travaux. Et pour l’inauguration rock, c’est donc avec le groupe irlandais U2. Quatre concerts, les 10, 11, 14 et 15 novembre. Tous complets.Membres du groupe formé à Dublin en 1976, héros locaux devenus stars internationales, le chanteur Bono, le guitariste et chanteur The Edge, le bassiste Adam Clayton et le batteur Larry Mullen Jr. sont en tournée depuis le 14 mai (Vancouver, Canada), et jusqu’au 28 novembre (Dublin). La première depuis 2005 (lors d’une partie du Vertigo Tour) dans des salles couvertes de grande capacité, que le nom générique d’« arena » identifie dans bien des cas. Avec un concept, The Innocence + Experience Tour, passage justement de l’état d’innocence à celui d’expérience, chronologie du parcours du groupe et évocation des grands problèmes du monde. Un dispositif scénique étonnantPour cela, les équipes techniques embauchées par U2 ont conçu un dispositif scénique assez étonnant. A une extrémité des salles, la grande scène, dépouillée, les instruments, quelques dispositifs d’amplification. A l’autre, reliée par un podium traversant, une scène plus petite, circulaire. Classique. Mais c’est dans les airs que viendront les surprises visuelles et spectaculaires. Il faut se représenter, dans l’axe du podium, une sorte d’immense cage en longueur. En fait, un double écran avec une passerelle centrale qui peut monter et descendre. Tout en haut, le dispositif de répartition du son.Mardi 10 novembre, le groupe commence le show à l’ancienne. Juste quatre musiciens sur la grande scène – Bono est arrivé par la petite scène, tandis que la chanson People Have The Power par Patti Smith est diffusée – qui jouent, sans effets de lumières. Du rock, direct. The Miracle (of Joey Ramone), tiré du nouvel album Songs of Innocence (octobre 2014, Island Records-Barclay/Universal Music), hommage au groupe punk, Vertigo et I Will Follow. L’un des titres du premier album du groupe en 1980, Boy. Une excellente entrée en matière, dans l’énergie, l’intime, même dans le contexte d’une grande salle. Trop d’images et de formules chocsDe là, Bono présente, en partie en français, la suite. La chanson Iris (Hold Me Close), pour sa mère (morte en 1974) et toutes les mères. L’écran s’allume. Photos et films de famille, des dessins, certains en animation. Le dispositif vidéo ajouré donne une impression de transparence, les images flottent dans les hauteurs. Avec Cedarwood Road, la rue où se situait la maison familiale de Bono durant son enfance et son adolescence, le chanteur marche sur la passerelle intérieure des écrans et se confond avec le film d’animation. De fait, assez impressionnant. Avec Sunday Bloody Sunday et Raised By Wolves, dans les deux cas à propos d’événements tragiques de la guerre d’indépendance de l’Irlande, le lien entre image et musique est à son meilleur. Des slogans sur des murs, des portraits des morts, le groupe à la fois sur la scène et englouti dans l’animation.Ensuite, à mesure que l’on avance dans l’expérience, les choses deviennent plus pesantes. Trop d’images et de formules chocs, trop de sursignifiant sur les grandes causes, aussi importantes soient-elles. Pour cette tournée, la Syrie, les migrants. Des séquences un rien mégalos aussi, avec un Bono géantissime quand ses camarades sont tout petits au loin. Ou la diffusion en direct dans le monde d’un moment du concert avec interactivité des fans grâce à une application partenaire du groupe. Avant un retour vers la simplicité visuelle durant With or Without You avec l’utilisation de tubes néons comme des cierges. Et un rappel, dans l’esprit du début, avec notamment l’hymne Beautiful Day – un beau jour.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Yves Riesel se désole. « Ce n’est pas la peine d’entretenir une Jaguar, si l’on ne peut pas mettre de l’essence dedans. » Le patron du site haut de game de streaming Qobuz a préféré annoncer lui-même, mardi 10 novembre, que sa société, qui compte une quarantaine de collaborateurs, était placée en redressement judiciaire. C’est, en un sens, un dernier appel à sauver « une entreprise musicale innovante », dit-il. « Si un industriel de la culture a un remords, qu’il ose se manifester… » L’avenir de Qobuz est désormais entre les mains d’un administrateur. La date de dépôt des offres de reprise est fixée au lundi 16 novembre, au plus tard. Cela fait deux ans, que l’entreprise va de période de sauvegarde en période de sauvegarde. Dans le même temps, elle a vu son chiffre d’affaires décoller de 55 %, passant de 4,7 à 7,4 millions d’euros.Un prophète qui n’a pas réussi à convaincre« Il nous manque une poignée de millions », lâche M. Riesel. Depuis son lancement, Qobuz a dépensé 13 millions d’euros, là où Deezer a levé 250 millions d’euros, et Spotify près d’un milliard. Or, pour se développer dans un marché sans frontières et pour accroître sa notoriété, l’argent demeure le nerf de la guerre.Lire aussi :Streaming musical : des plates-formes alternatives à Spotify, Deezer et Apple MusicAujourd’hui, Qobuz est un service de musique en ligne, présent dans neuf pays européens (France, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Autriche et Suisse). Le site a concentré ses efforts sur la qualité du son « de qualité CD en streaming » et sur l’accompagnement éditorial. Dans le comparatif des principales plates-formes de musique à la demande, fait par le Monde au moment où l’offre d’essai gratuite d’Apple Music expirait, Qobuz était un des mieux notés, mais aussi le plus cher pour l’usager.En 2014, le marché numérique a progressé de 3,5 points pour atteindre 29 % du marché total de la musique. A lui seul, le streaming représente 16 % de ce secteur, alors que ce mode de consommation de la musique n’a que sept ans d’âge. Mais il ne permet ni ne promet pour l’instant la rentabilité à ses acteurs.Prophète en son pays, Yves Riesel avait écrit une tribune, en mai, intitulée « Pourquoi le streaming musical ne rapporte rien et comment y remédier ». Malgré tous ses efforts, il n’y est pas parvenu, alors qu’il est persuadé que l’abonnement payant comme modèle économique du streaming est sur le point de s’imposer.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Raphaëlle Leyris Documentaire, à 22 h 30, sur Arte Christine Angot, Marie Darrieussecq et Jean-Christophe Bailly parlent de leur rapport au pays et à la langue.L’Europe des écrivains », suite et fin. La série de documentaires au fil desquels Arte a exploré le continent en interrogeant ses auteurs, questionnant ceux-ci sur ce que signifie appartenir à un pays et à une langue, s’achève, après trois saisons et seize épisodes, avec la France.Ce voyage, le réalisateur David Teboul l’effectue en compagnie de deux femmes qui ont puissamment contribué à modifier le paysage littéraire français, Christine Angot et Marie Darrieussecq, et d’un homme, Jean-Christophe Bailly, écrivain, à la fois géographe et philosophe, dont le grand livre Le Dépaysement (Seuil, 2011, prix Décembre) s’était fixé un objectif guère éloigné de ce film : « Le sujet de ce livre est la France. Le but est de comprendre ce que ce mot désigne aujourd’hui et s’il est juste qu’il désigne quelque chose qui, par définition, n’existerait pas ailleurs », écrivait-il dans son introduction.A leurs propos répondent les voix de trois autres écrivains, Patrick Modiano, Pascal Quignard et Pierre Guyotat, dont des extraits d’entretiens viennent faire écho aux réponses des interrogés, leur ajoutant une certaine profondeur de champ. Le choix de ponctuer le documentaire de scènes de films (tirées de La Règle du jeu et French Cancan, de Jean Renoir, Selon Matthieu, de Xavier Beauvois, Tous les matins du monde, d’Alain Corneau, La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kechiche, Tombeau pour cinq mille soldats, de Pierre Guyotat) n’est pas toujours aussi heureux, donnant l’impression d’un tâtonnement dans la réalisation.Anti-«  empaysement »Christine Angot et Marie Darrieussecq évoquent longuement leurs premières années, les lieux qui les ont faites comme individus et comme écrivaines. Ainsi, Christine Angot est-elle filmée dans le jardin de la maison de Châteauroux, où elle a vécu jusqu’à ses 6 ans avec sa mère, avant de partir dans une ZUP (zone à urbaniser en priorité) ; un déménagement vécu « comme si on m’avait retiré le tapis sous les pieds ». Faisant le compte de ce qu’elle a perdu depuis ce « paradis », elle note que « la perte », la conscience soudaine que « rien n’est à [soi] », est « angoissante », mais que « c’est avec cela qu’on peut commencer à faire un livre ».L’interview de Marie Darrieussecq, dans la maison du Pays basque où elle a grandi, met plus directement en lien ses souvenirs avec des réflexions sur son appartenance à la France. Peut-être parce que celle-ci « n’était pas gagnée ». « J’aurais très bien pu devenir une indépendantiste basque », note celle que la position « d’entre-deux » de sa région natale a beaucoup marquée. C’est « par l’écriture » qu’elle s’est liée à « ce pays, la France », dit-elle, tout en expliquant : « Quand j’écris, j’oublie la langue, je n’oublie jamais son rythme. »Jean-Christophe Bailly, lui, n’appuie presque pas son propos sur des éléments autobiographiques. Filmé à Lyon et dans ses environs, il évoque la question de l’identité en revenant longuement sur le mot « dépaysement », son sens premier, celui qui consiste à « faire un pas de côté », afin de se retrouver « dépaysé », mais aussi son sens second, qui lui a été révélé par un lecteur : celui de l’anti- « empaysement », l’« empaysement » consistant en un recroquevillement sur une identité et une langue figées. « Plus un pays est dépaysé et dépaysant, et plus il est lui-même », développe-t-il. Jolie manière de clore cette collection de documentaires proposée par la chaîne franco-allemande, qui lutte pied à pied contre « l’empaysement ».« L’Europe des écrivains. La France de… », de David Teboul (Fr., 2015, 64 min). Mercredi 11, à 22 h 30, sur Arte.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Classic Mankiewicz opère une radiographie clinique de l’institution du mariage et des valeurs de la « middle class » américaine. Malgré son happy end et les deux Oscars qu’il a remportés en 1949, (meilleur réalisateur, meilleur scénario), Chaînes conjugales est un film cruel. A travers l’expérience de trois femmes, Joseph L. Mankiewicz y opère une radiographie clinique de l’institution du mariage, des valeurs de la middle class américaine, de la nature perverse de la publicité, en plein essor.Elégante, bien qu’un peu statique, la mise en scène repose sur un usage de la voix off novateur pour l’époque. Le film s’ouvre sur le paysage d’une ville américaine banale pendant qu’une voix féminine, sensuelle et légèrement désabusée, en fait le commentaire. Nous pourrions être dans n’importe quelle petite agglomération des Etats-Unis. De la propriétaire de cette voix, on découvrira le nom, Addie Ross, mais jamais le visage. Elle intervient ici comme une sorte de fantasme, d’idéal féminin – raffinée, attentionnée, libre…Alors que ses trois amies, sur le point de partir pour une escapade champêtre, attendent son arrivée, elle leur fait porter une lettre dans laquelle elle leur dit adieu et leur annonce qu’elle part avec le mari de l’une d’entre elles.Flash-backLe film prend alors la forme de trois longs flash-back, trois plongées dans les histoires conjugales de ces femmes qui, cherchant une cause à l’éventuel départ de leur mari, se remémorent chacune une crise qui a marqué leur vie de couple. Pour la troisième, ce moment recouvre toute l’histoire de son mariage, ouvertement négocié avec son époux comme une affaire d’intérêts réciproques.Ces histoires révèlent autant de trajectoires sociales différentes : une officier de marine qui devient femme au foyer ; une animatrice radio attachée à son indépendance financière qui finit par mettre en péril son intégrité morale ; une jeune fille d’extraction modeste prête à tout pour se faire une situation. Mises bout à bout, elles dressent le tableau de la vie de ce petit groupe d’amis qui subissent tous le mariage comme une prison dorée mais jouent coûte que coûte le jeu des apparences.Si le film a un peu vieilli, il reste porté par de belles performances d’acteurs, une mise en scène fluide et un discours sur la société de consommation qui, c’est là le plus étonnant, n’a pas pris une ride.Chaînes conjugales, de Joseph L. Mankiewicz. Avec Kirk Douglas, Jeanne Crain, Linda Darnell (EU, 1949, 113 min). Mercredi 11 novembre, à 20 h 45, sur Ciné+ Classic.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.11.2015 à 15h39 • Mis à jour le11.11.2015 à 09h33 | Sylvain Siclier Lors d’une rencontre, en 1993, notre collègue Thomas Sotinel avait qualifié Allen Toussaint de « personnage central de la musique noire-américaine ». Le pianiste, chanteur, producteur, arrangeur, orchestrateur et auteur-compositeur, mort lundi 9 novembre, à l’âge de 77 ans, à Madrid, avait de fait à son actif plusieurs centaines de chansons – dont une majorité enregistrées par d’autres que lui – et des collaborations avec tous ceux qui comptent dans sa ville natale, La Nouvelle-Orléans (Louisiane). Et parmi d’autres vedettes de la pop et du rock, Paul Simon, Bob Dylan, Paul McCartney ou Elvis Costello l’ont régulièrement célébré. Les raisons de la mort du musicien, survenue après un concert de sa tournée européenne, n’ont pas été indiquées dans le communiqué diffusé par sa famille.Auréolé de la reconnaissance de ses pairs, suivi par un public d’amateurs, Allen Toussaint reste pourtant un musicien peu connu en dehors de son pays. Sa discographie personnelle est peu abondante, une quinzaine d’albums sous son nom comme instrumentiste et chanteur depuis le premier, From a Whisper to a Scream en 1970. Son art pianistique, il le mettra souvent au service des autres, même lorsqu’il se décidera à mener une discrète carrière solo. Son talent de plume lui aura permis de signer des classiques... Martine Delahaye Série, à la demande, sur Netflix Une création sérielle époustouflante, écrite à partir du film des frères Coen.Ce que les Américains ont pris l’habitude de nommer « anthologie » n’en est sans doute qu’à ses débuts, tant elle offre d’avantages aux yeux des cabinets de marketing de l’industrie télévisuelle américaine. L’« anthologie », ou « collection » : un créateur unique ; un seul titre pour des saisons aux histoires chaque fois différentes − une fois ce titre (re)connu, plus besoin de placarder villes et bus à coups de millions de publicités ; des intrigues et des personnages renouvelés (ce qui est beaucoup plus difficile pour une série classique, dont chaque saison doit rebondir sur la précédente) ; des acteurs de renom plus facilement prêts à s’engager, car seulement « bloqués » sur « leur saison », soit six à dix épisodes, en général.DistanciationAinsi a-t-on récemment découvert le deuxième volet de « True Detective » (fort décevant au regard du premier) ; et « Fargo », « anthologie » dont Netflix propose actuellement la deuxième saison, au fur et à mesure de sa diffusion sur la chaîne américaine FX, jusqu’à mi-décembre. Autre avantage de l’anthologie : inutile d’avoir vu la première saison (saluée par trois Emmy Awards en 2014) pour goûter l’admirable savoir-faire de son créateur, Noah Hawley, dans ce deuxième opus.On se retrouve ici à la fin des années 1970, enveloppés dans le décor enneigé du Minnesota… où s’effondre le corps d’une femme, après que des coups de feu ont retenti dans le snack à gaufres tout proche. Ambiance glauque où transpire l’ennui, la confiance perdue des années post-Vietnam, l’attente d’une reprise du moral, voire d’un nouveau rêve américain. Et, à la manière savante et subtile des frères Coen (auteurs du long-métrage Fargo en 1996, producteurs sur cette série), Noah Hawley manie avec une incroyable dextérité l’arme de distanciation massive que forgent l’humour noir, le dramatique cocasse et l’absurde si proche du crédible et du burlesque. Scénario (qui rappelle parfois « True Detective » saison 1, lors d’échanges entre les deux principaux policiers), réalisation (dont des clins d’œil à la façon de filmer de l’époque), décors, jeu des acteurs : tout ici fait honneur au savoir-faire des cinéastes.Industrialisation de la pègreEn ces années 1970, semble indiquer en sous-main le créateur de « Fargo », l’industrie de l’armement ne règne plus seule : une autre « industrialisation » se fait jour, celle de la pègre. Les clans familiaux vivotant de petits trafics se voient absorbés par des gangs, eux-mêmes ne fonctionnant plus avec un patriarche ou un parrain, mais par le biais d’une hiérarchie dont on ne sait rien. Soit une histoire de « globalisation » de la mafia, en arrière-plan de la vie banale des petites gens à Luverne, où vient d’avoir lieu un triple crime, si l’on en croit les seuls premiers épisodes que nous avons pu voir. Et un triple crime dans un snack qui conduit un des deux policiers dont on va suivre l’enquête à se demander si, en en finissant avec la guerre du Vietnam, les Etats-Unis n’ont pas finalement rapatrié la guerre sur leur propre sol.« Fargo », saison 2, série créée par Noah Hawley. Avec Patrick Wilson, Jesse Plemons, Kirsten Dunst, Ted Danson, Bokeem Woodbine, Cristin Milioti, Nick Offerman (Etats-Unis, 2015, 10 x 48 min). A la demande, sur Netflix.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet « La glace est un matériau aussi étrange que merveilleux. » C’est Olafur Eliasson qui le dit, alors qu’il révèle, lundi 9 novembre, sa participation au volet artistique de la COP21. L’artiste danois présentera, à partir du 29 novembre sur la place de la République, à Paris, c’est-à-dire la veille de l’ouverture de la conférence des Nations Unies sur le climat au Bourget, son projet Ice Watch, réalisé en collaboration avec le géologue Minik Rosing.L’œuvre se composera de douze blocs de glace collectés alors qu’ils flottaient dans un fjord près de Nuuk, dans le Groenland. Des blocs d’un volume total de près de 100 tonnes – ce qui équivaut au volume de glace qui fond chaque centième de seconde dans le monde –, et qui seront disposés en cercle, de façon à suggérer le cadran d’une horloge.« Sentinelle du dérèglement climatique »La glace arctique est devenue un symbole du réchauffement climatique, comme le rappelle Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, et président de la COP21 :« De ma visite en Arctique l’an dernier, je garde le souvenir très net et visuel de blocs de glace gigantesques se détachant de la banquise avec un bruit effroyable lorsqu’un craquement se produisait. L’Arctique est bien la sentinelle avancée du dérèglement climatique : cette région nous transmet depuis des années des signaux que nous n’avons plus le droit d’ignorer. La communauté internationale doit les entendre et agir avec des actes concrets. »Cette glace a aussi la particularité de porter l’empreinte, la mémoire de l’humanité, rappelle Olafur Eliasson : « Le genre Homo – le nôtre – est apparu dans la savane africaine avec le début des périodes glaciaires. On peut dire que l’humanité doit son existence même à la glace et à ses mouvements. »Dans sa composition, elle n’est ainsi pas comparable à « la glace qui se forme sur un lac ou les glaçons ajoutés à un verre de gin-tonic » :« Les couches de glace du Groenland (...) sont issues de neige accumulée pendant des centaines de milliers d’années et compressée, devenue de la glace arctique sous l’effet de son propre poids. [Cette glace] est composée de couches visibles correspondant chacune à un instantané de la neige tombée pendant une année. De même, les bulles contenues dans la glace renferment des échantillons de l’atmosphère au moment où la neige est tombée. La glace recèle donc la mémoire des changements qu’ont subis le climat et l’atmosphère (...), ses couches affichent la progression du temps de manière assez semblable à celle dont les anneaux de croissance révèlent l’âge des arbres. »Œuvre de pédagogieL’artiste rappelle au passage le processus à l’œuvre dans ces blocs de glace à la dérive, alors que le niveau de la mer monte aujourd’hui chaque année de plus de 3 millimètres dans le monde :« Chaque été, la couche de glace du Groenland perd d’énormes quantités de neige fondue à sa surface, lorsque les glaciers font tomber des millions de tonnes de glace dans la mer, où ils fondent progressivement. Ce processus ajoute de l’eau aux océans, mais en même temps, de la vapeur d’eau monte de l’océan et se transforme en neige qui retombe sur la couche de glace. Pendant des milliers d’années, la quantité de neige qui tombe et la quantité de glace vêlée par les glaciers ou fondue à la lisière de la couche de glace se sont équilibrées et la quantité de glace terrestre du Groenland est restée stable. Mais depuis le changement de millénaire, la glace du Groenland fond beaucoup plus rapidement qu’elle ne se régénère. » data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> data-slide-title="" data-slide-description="Blocs de glace à la dérive à Nuup Kangerlua, au Groenland." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Puis tracté." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Approche d'un des blocs choisis par l'équipe de l'artiste Olafur Eliasson." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Chaque bloc a été ceinturé." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="A l'arrivée du port de Nuuk." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Les blocs ont alors été chargés." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Et stockés dans des containers." data-slide-item-lie="" Précedent1/7SuivantBlocs de glace à la dérive à Nuup Kangerlua, au Groenland.JØRGEN CHEMNITZ © 2015 OLAFUR ELIASSON› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);L’environnement fait partie des thèmes au cœur du travail d’Olafur Eliasson, qui s’était fait connaître du grand public avec sa très lumineuse installation The Weather Project, en 2003 à la Tate Modern, à Londres. Son travail a récemment été présenté à Paris, à la Fondation Louis Vuitton.Pour cette œuvre, dont il avait déjà montré une première version il y a un an à Copenhague, l’artiste insiste sur l’aspect pédagogique de sa démarche : « Apprécions cette chance unique que nous avons de pouvoir agir maintenant. Transformons [notre] connaissance du changement climatique en action pour le climat. (…) Ice Watch rend les défis climatiques que nous affrontons plus tangibles. J’espère que cette œuvre inspirera l’engagement collectif à agir. »Mobiliser l’opinion publiqueIce Watch est un des projets de Artists4ParisClimate, une initiative qui vise à mobiliser l’opinion publique autour du changement climatique par des interventions dans l’espace public de grands artistes internationaux. Ces interventions se doubleront, par ailleurs, d’actions concrètes, puisque le 9 décembre, une vente de charité organisée chez Christie’s rassemblera des œuvres de ces mêmes artistes pour soutenir des projets sélectionnés avec l’ONU pour lutter contre la désertification et le changement climatique.La glace arctique rapportée par Olafur Eliasson fondra sous les yeux de tous durant les débats de la COP21. En fonction des températures, Ice Watch devrait encore être visible jusqu’au 11 décembre, dernier jour de la conférence. La glace restante – s’il y en a ! – sera alors apportée dans des écoles et des institutions culturelles dans le cadre d’un programme éducatif.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante) Adepte des actions spectaculaires, Piotr Pavlenski a ajouté à son catalogue l’incendie, lundi 9 novembre, des portes de la « Loubianka », le siège historique du KGB, les redoutables services de sécurité soviétiques, dans lequel s’est coulé son successeur, à peine moins redouté, le FSB. A deux heures du matin, cet artiste de 31 ans s’est faufilé jusque devant l’imposant édifice situé à deux pas de la place Rouge, à Moscou, avant de déverser un bidon d’essence puis, tandis que les flammes embrasaient les portes, de se planter devant une caméra, capuche noire rabattue sur son visage émacié. Interpellé par un policier hagard aussitôt accouru, Piotr Pavlenski est un virtuose du spectacle de rue et un agitateur hors pair.En juillet 2012, il se coud les lèvres en signe de protestation contre l’incarcération des Pussy Riots – du nom des punkettes russes qui ont chanté dans une église un couplet anti-Poutine – puis, l’année suivante, en mai 2013, il entreprend de s’enrouler tout nu dans des barbelés à Saint-Pétersbourg, sa ville natale, afin de dénoncer la propagande homophobe et la loi réprimant les offenses aux sentiments religieux. « Ces lois sont comme le barbelé, explique-t-il alors, elles enferment les gens dans des enclos individuels ». Quelques mois plus tard, le voilà, toujours dans le plus simple appareil, en train de se clouer la peau des testicules entre les pavés de la place Rouge. « Une métaphore de l’apathie, de l’indifférence et du fatalisme politique de la société russe contemporaine », clame-t-il.Nu et ruisselant de sangEn 2014, il enchaîne : il brûle des pneus à Saint-Pétersbourg en hommage à la révolution ukrainienne, puis il se coupe un lobe d’oreille et pose, nu et ruisselant de sang, sur le toit de l’Institut de psychiatrie de Moscou : « En utilisant de nouveau la psychiatrie à des fins politiques, l’Etat policier s’approprie le droit de fixer la limite entre raison et folie ». Ses actions, filmées, photographiées font toujours l’objet d’un message. Cette fois encore, sous le titre « Casser les portes de l’enfer », Piotr Pavlenski a justifié son geste dans une vidéo préparée à l’avance. « C’est un gant jeté par la société au visage de la menace terroriste, dit-il. Le service fédéral de sécurité agit selon une terreur continue et détient le pouvoir sur 146 millions de personnes (…) La peur transforme les gens libres en une masse gluante d’organismes disparates ».A chaque fois, ces opérations font le tour d’Internet et des anonymes s’en sont donné à cœur joie, lundi, en diffusant les images des plaques de tôle apposées sur l’entrée noircie de la « Loubianka » – « le rideau de fer », s’est amusé l’un d’eux.Un peu timbré, c’est bien ainsi que le considéraient jusqu’ici les autorités qui, après chaque interpellation, ont assez vite relâché Piotr Pavlenski. Mais on ne se moque pas impunément des services dont est issu le président Vladimir Poutine. Selon l’agence Tass qui cite une source anonyme du ministère de l’intérieur, le jeune homme, diplômé de l’Académie des arts et fondateur du journal Propagande politique aujourd’hui disparu, pourrait bien voir son dossier se transformer en affaire pénale « pour vandalisme » ou « haine contre un groupe social » – en l’occurrence, les fonctionnaires du FSB. Il encourrait alors jusqu’à trois ans de prison.Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)Correspondante à MoscouSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Documentaire, à 23 h 30, sur France 3 A grand renfort d’images d’archives rares, Benoît Sourty relate l’incroyable histoire de deux magnats du textile qui sacrifièrent leur empire pour se constituer une inégalable collection de voitures ancienne.Le 7 mars 1977, au petit matin, lorsque les ouvriers de l’usine de filature des frères Schlumpf, en grève pour protester contre les licenciements, pénètrent dans l’un des hangars du site alsacien de Malmerspach (Haut-Rhin), jusque-là inaccessible, c’est la stupéfaction. Sous leurs yeux, sur des centaines de mètres carrés, s’alignent 560 voitures de collection soigneusement rangées et éclairées par des réverbères identiques à ceux du pont Alexandre-III, à Paris.Un véritable musée clandestin créé au fil des années par Fritz Schlumpf (1906-1992), passionné de voitures anciennes, qui n’a pas hésité à engloutir la fortune de la famille et celle de son petit empire dans l’achat de ces bolides. Une frénésie qui l’a conduit à travers le monde pour dénicher les perles rares (parfois par wagons entiers), et qui a surtout précipité sa faillite en laissant sur le carreau des milliers d’ouvriers.Musée de l’automobileCe matin-là, les salariés de l’usine, qui ne sont plus payés depuis des semaines faute de liquidités, découvrent ces centaines de voitures anciennes entièrement restaurées (Bugatti, Hispano-Suiza…) dont la valeur sera estimée, plus tard, à près de 300 millions de francs (45 millions d’euros). Ils apprendront aussi que le lieu était entretenu très discrètement par une cinquantaine d’employés travaillant sous le sceau de la confidentialité. C’est le début de « l’affaire Schlumpf ».Une affaire qui va durer deux ans. Pour continuer leur lutte, les ouvriers, avec à leur tête le syndicaliste Jean Kaspar (qui deviendra par la suite secrétaire général de la CFDT), décident alors d’occuper ce hangar en s’emparant de ce véritable trésor de guerre. Ils demandent – en vain – au gouvernement de l’époque, dirigé par Raymond Barre, de vendre cette collection afin de combler le déficit de l’entreprise.L’occupation des lieux durera jusqu’au 22 mars 1979, jour où ils rendront le hangar avec ses voitures demeurées intactes à la ville de Mulhouse (qui le transformera en musée de l’automobile). Réfugiés en Suisse, d’où ils ne pourront pas être extradés, Hans et Fritz Schlumpf, patrons paternalistes d’une autre époque, seront dépossédés de leurs biens par la justice française, condamnés à de la prison ferme pour abus de biens sociaux et interdits de territoire français. Quant aux ouvriers, ils furent tous licenciés.PassionnantC’est cette histoire hors du commun que nous raconte le réalisateur Benoît Sourty dans son passionnant documentaire constitué d’archives rares et d’entretiens avec les acteurs de l’époque. Syndicalistes de l’usine et journalistes ayant suivi l’affaire racontent la lutte complexe opposant les ouvriers et ces deux patrons d’un autre âge, qui ne supportent pas la contestation et aux méthodes capitalistes datant du XIXe siècle.Dans un rare entretien, réalisé à Bâle, où il est en exil, par la télévision suisse, Fritz Schlumpf reste toujours dans son monde, ne se souciant que de ses voitures séquestrées par les ouvriers et vénérant « sa chère maman » à qui il avait dédié le musée.Son frère, Hans, mort en 1989, n’a jamais revu son usine alsacienne. Après des années de procédure judiciaire, Fritz obtint l’autorisation de revenir sur le territoire français. Cloué dans une chaise roulante, les rouflaquettes de plus en plus blanches, il se rendit une dernière fois dans le musée, visiter son rêve qui ne lui appartenait plus. Sa seule satisfaction fut de voir que l’endroit avait été baptisé « Cité de l’automobile - Musée national - Collection Schlumpf ».L’Affaire Schlumpf, de Benoît Sourty (Fr., 2015, 52 min). Lundi 9, à 23 h 30, sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier DEUX ALBUMS : « Astral Weeks » et « His Band and The Street Choir », de Van MorrisonLa précédente campagne de réédition de la discographie du chanteur et auteur-compositeur irlandais Van Morrison remonte à 2008. Proposée par Exile Productions, Polydor et Universal Music, elle consistait en une trentaine d’albums remastérisés, la plupart avec l’ajout de quelques inédits en CD. Elle s’arrêta après la publication d’environ la moitié des albums annoncés, en raison de désaccords entre le notoirement bougon chanteur et la maison de disques. Une nouvelle tentative, officialisée il y a quelques semaines, est désormais entre les mains de Sony Music et de sa division spécialisée en réédition, Legacy, avec cette fois une quarantaine de disques à partir de Saint Dominic’s Preview (1972). Au même moment, Warner Bros., label historique du meilleur de Morrison dans les années 1970 et jusqu’au début des années 1980 réédite deux albums, que de complexes questions de droits d’exploitation ont exclus du contrat avec Sony Music : Astral Weeks et His Band and The Street Choir. Le premier, sorti en novembre 1968, dans le genre folk-rock impressionniste teinté de blues, a été enregistré principalement avec des musiciens de jazz. Outre la chanson titre, il contient au moins deux grands classiques, Cyprus Avenue (une rue de Belfast) et Madame George. Suivra en janvier 1970 Moondance (réédité en 2013), premier succès dans une orientation plus rhythm’n’blues et pop, avant le grand œuvre qu’est His Band and The Street Choir, sorti en novembre 1970. Plus énergique, en combinaison soul-jazz et blues avec une section de vents et des chœurs, il emporte dès la première chanson Domino. Autres classiques du répertoire, I’ve Been Working, I’ll Be Your Lover Too, Gypsy Queen, If I Ever Needed Someone et Street Choir.  UN VIDÉO-CLIP : « Bang My Head », par David Guetta avec Sia et Fetty WapEn 1974, le groupe anglais Pink Floyd avait accepté un partenariat avec la boisson pétillante, sucrée et citronnée Gini (et son slogan « un goût étrange venu d’ailleurs »). Il s’agissait officiellement d’apporter des ressources au financement de la tournée du groupe en France dans les grandes salles de l’époque et de maintenir un prix de billets assez bas. Effarement des fans et mea culpa du groupe. Depuis, dans le rock, la pop, la chanson, le rap ou l’électro, ce sont plutôt les groupes et artistes sans contrats avec des marques qui feraient figure de bizarrerie. Dernier exemple en date, le récent vidéo-clip de la chanson Bang My Head, de David Guetta avec les voix de Sia et Fetty Wap. Cette fois, le partenaire est encore une boisson qui pétille, le champagne G.H. Mumm. Visible à l’image dès le générique et au détour de diverses scènes. Le film, réalisé par Hannah Lux Davis, montre le plus célèbre des DJ et producteur français qui joue au poker et perd face à un manifestement méchant rival tandis qu’autour d’eux, on boit du champagne. Mais une jeune femme vient au secours de Guetta : si elle gagne une course de chevaux, la dette sera annulée. La victoire est célébrée au champagne. Et la chanson, dans le genre electro pop, se révèle plutôt accrocheuse. DEUX CONCERTS : le chanteur malien Kassé Mady Diabaté au Théâtre de la Ville, à Paris, le 14 novembre et au festival Tendances Jazz à Wimereux, le 16 Dans un portrait qu’elle lui avait consacré en décembre 2014 dans Le Monde, notre collègue Véronique Mortaigne présentait Kassé Mady Diabaté comme « un héros du pays mandingue », chanteur et conteur, un djeli, terme qu’il préfère à celui de griot, qui « donne des concerts magnifiques, du miel et de la terre brute ». Né en 1949 à Kela, à une centaine de kilomètres de Bamako, la capitale du Mali, Kassé Mady Diabaté est l’une des grandes voix de la musique malienne depuis la fin des années 1960. Ces derniers temps, il joue régulièrement avec des musiciens, « tous formidables de précision émotive en scène », Ballaké Sissoko à la kora, la harpe-luth, Lansine Kouyaté au balafon, percussion mélodique à lames de bois, et Makan « Badjé » Tounkara au ngoni, autre instrument à cordes pincées, proche du luth. Paris et Wimereux (Pas-de-Calais) les recevront les 14 et 16 novembre.Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet, Paris 4e. Métro Châtelet. Samedi 14 novembre, à 17 heures. De 10 € à 26 €.Salle de la Baie Saint-Jean à Wimereux, pour le festival Tendances Jazz, le 16 novembre, à 20h30. De 8 € à 10 €. RÉSERVEZ-VITE : Eddy Mitchell avec grand orchestre au Dôme de Paris-Palais des sports, du 15 au 27 mars 2016 En septembre 2011, Eddy Mitchell avait annoncé que pour lui, les tournées, c’était fini. Mais n’avait pas fermé la porte à l’idée de quelques concerts de-ci de-là pour une bonne occasion. En l’occurrence, celle de la parution d’un album intitulé Big Band (sorti le 23 octobre), enregistré avec une grande formation jazz et soul. Et pour voir et entendre M. Eddy avec 21 musiciens ce sera du coup au seul Dôme de Paris-Palais des Sports de la porte de Versailles à Paris, du 15 au 27 mars 2016. Au répertoire, les succès arrangés pour Big Band et les nouvelles chansons.Eddy Mitchell au Dôme de Paris, 34 bd Victor, Paris 15e. Du 15 au 27 mars 2016 (sauf les 17, 21 et 24). De 35 € à 119 €.Vidéo-clip de la chanson « Quelque chose a changé », par Eddy MitchellSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Michel Guerrin Il a aimé sa vie. Et organisé sa mort. Depuis plusieurs mois, le jardinier Pascal Cribier confiait à ses amis qu’il allait mettre fin à ses jours. Parce qu’il était diminué, ne pouvait plus vivre intensément. Mardi 3 novembre, l’architecte Patrick Bouchain est allé lui dire au revoir dans son appartement qui surplombe le jardin du Luxembourg, à Paris. Le ciel était rouge. Ils ont eu « une discussion magnifique ». Ils se sont quittés sans une larme. Un peu plus tard, Cribier a pris un fusil de chasse et il s’est tué. Il avait 62  ans.Laurent Le Bon, le président du Musée Picasso, cerne un compagnon de vingt ans  : «  Une génération de jardiniers exprime le génie français  : Patrick Blanc, Louis Benech, Gilles Clément. Et Pascal Cribier, qui était un trublion.  » Une belle personne, qui a poussé loin le triptyque nature, paysage, jardin. Pour lui, la nature est belle, mais hostile, elle lui faisait peur, il n’y marchait jamais. Jardiner consistait à l’abîmer, donc il fallait le faire avec élégance et attention. Il disait que le vent soufflait plus qu’auparavant parce que la planète avait besoin d’être secouée pour se nettoyer.Cribier n’aimait pas les musées, qu’il comparait à des bouquets mal assemblés. Il leur préférait la musique contemporaine et l’odeur de la pluie d’été sur le bitume. Il n’a jamais eu d’ordinateur ni de téléphone portable, mais les poches pleines de papiers en guise d’agenda. Pas d’agence pour travailler, préférant monter des équipes légères au gré des affinités. On ne l’appelait pas, on le rencontrait. Il grimpait en haut d’un arbre pour lui couper la tête, ou se glissait dessous pour laisser traîner les branches et en faire une créature languissante. Il était «  fertile en amitié  », aimait les hommes et le sexe. «  Il aimait tellement la nature  », dit Patrick Bouchain.Né en 1953 à Louviers (Eure), Pascal Cribier est un cancre, qui quitte l’école à 14  ans pour travailler dans un studio de photos publicitaires. Il est jeune, très beau avec ses yeux d’un bleu éclatant, roule en bolide, multiplie compétitions de kart, gagne sa vie comme mannequin pour les magazines, est aussi à l’aise avec le peuple que l’aristocratie. Il entre aux Beaux-Arts en 1972, obtient en 1978 son diplôme d’architecture. Ce qui lui fera dire  : «  Je ne sais si je suis paysagiste, architecte ou jardinier.  » Disons jardinier, terme qu’il préférait, parce qu’il respectait le terrain et son histoire, les gens qui y vivent aussi. Parce qu’il était un érudit des plantes, qu’il mariait avec une audace inouïe, ou portait une attention extrême à l’écoulement des eaux, alors que tant de paysagistes dessinent comme s’ils faisaient face à une feuille blanche. Quand il a exposé son travail, à l’espace Electra, à Paris, en 2008, il a mis en évidence une souche avec toutes ses racines. Et fondé en 2012 les Rencontres botaniques de Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), pour favoriser le dialogue entre jardiniers et scientifiques.Sur un atoll à Bora-BoraPascal Cribier a dessiné près de 180 jardins en trente ans. Publics et privés, en France et à l’étranger. Toujours sur des «  terres fertiles en amitié  ». Une célébrité lui a un jour commandé un jardin. Il a dit oui. Puis non. «  Je ne peux pas travailler avec quelqu’un qui a de la merde dans les yeux  », nous confiait-il. Il a conçu un jardin sur un atoll de Bora-Bora, un autre à Aramon (Gard) pour le collectionneur Jacques Hollander, un autre encore, de 200 hectares, à Woolton House, dans le Hampshire, en Angleterre, pour un couple de Britanniques. Il a actualisé le jardin des Tuileries avec Louis Benech, tout en respectant le dessin de Le Nôtre. Il a conçu un ranch de 36  000 hectares dans le Montana, avec des buttes pour s’abriter du vent.Pour saisir l’ampleur de l’œuvre, il faut voyager. Ou se plonger dans Pascal Cribier. Itinéraires d’un jardinier (éd. Xavier Barral, 2009). Ce livre est un chef-d’œuvre. Mille images en couleur et format panoramique – prises par Cribier –, des légendes instructives et sensibles, des encarts écrits par l’urbaniste Patrick Ecoutin ou l’historienne Monique Mosser. Le tout orchestré par Laurent Le Bon. Un jardin de Cribier ne ressemble pas à un jardin. Pas une collection de plantes rares enfermées au zoo, pas d’alignements au cordeau ni de frontières visibles. On se demande parfois, en marchant dans ses créations, où il est intervenu. Mais il maîtrise chaque mètre carré, associe des sentiments, des lumières, des climats, marie des plantes aux rythmes différents, et attend de voir comment un orage «  va modifier tout ça  ».Son génie s’exprime dans son propre jardin. Son histoire aussi. Huit hectares perchés sur une falaise du pays de Caux, à Varengeville-sur-Mer. Le site est travaillé à partir de 1972 par trois amis  : Robert Morel, qui y est né, Eric Choquet, qui l’achète, et Pascal Cribier, qui y fait ses gammes. Travail de titan, à la main, le week-end, pendant des années. Ce jardin, on s’y engage comme dans un livre, on y vit plusieurs expériences et rebondissements. On est tour à tour heureux ou inquiet. On y a chaud ou froid. On ne sait plus si la mer devient le jardin ou si le jardin devient la mer.Parmi les temps forts, une prairie joyeuse, qui semble à l’abandon, alors qu’il s’agit d’une construction de canches et de fleurs estivales (coquelicots, bleuets, coquelourdes, lin rouge, nigelles de Damas). Un attelage rare en Normandie, mais soudé  : « Après l’orage, le coquelicot ne s’effondre pas, car il est soutenu par les canches », nous disait-il. Autre réussite, un vallon au sol spongieux et à la pente raide, cerné par un orchestre de frênes, noisetiers ou châtaigniers, dans lequel on croit défaillir jusqu’à trouver la mer providentielle.Pascal Cribier disait qu’un jardin est vivant, donc destiné à mourir. Comme celui qu’il a dessiné à Méry-sur-Oise, peut-être son chef-d’œuvre par le ballet qu’il a créé entre les plantes et l’eau. En introduction de son livre, il confiait  : «  Les jardiniers travaillent avec des matériaux vivants, les plantes, qui ne souffrent apparemment pas et dont la disparition est même parfois bienvenue. Dans le jardin, il n’y a pas de deuil, c’est la chance des jardiniers  : ils se préoccupent de l’instant présent et pensent aux saisons futures. »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Début décembre 1973, Frank Zappa (1940-1993) et les sept musiciens de sa formation d’alors sont au Roxy, célèbre salle du Los Angeles rock, sur le Sunset Strip. Le guitariste, chef d’orchestre, auteur-compositeur et producteur américain a décidé de tirer un film de la série de concerts qui y sont organisés. Quatre caméras pour film 16 mm, les mêmes vêtements portés chaque soir (lavés, séchés et repassés dans la nuit) pour les raccords entre les différentes prises d’un concert à l’autre, le répertoire d’une vingtaine de compositions identique chaque soir.La formation, l’une des plus assurées de Zappa, est en fin de tournée automne-hiver. Soit le pianiste George Duke et son appareillage de claviers, le saxophoniste, flûtiste et chanteur Napoleon Murphy Brock, le tromboniste Bruce Fowler, son frère Tom à la basse, la percussionniste Ruth Underwood, les batteurs Chester Thompson et Ralph Humphrey. Chacun maîtrise tous les pièges rythmiques, sauts harmoniques, parties les plus complexes à jouer autant qu’il est capable de réagir à toutes les sollicitations vers l’improvisation collective et les parties solistes impromptues que sollicite Zappa. Le public est chaud bouillant et les concerts une fête musicienne du plus haut niveau.Folles soiréesLe film prévu devait être comme une apothéose de ces moments. Et puis rien. La découverte, en post-production, une fois la pellicule développée, de décalages avec le son de la console, le manque d’argent et de temps, des impossibilités techniques à l’époque… vont contraindre le musicien à remiser le film. Il y reviendra de temps à autre mais mourra, à l’âge de 52 ans, sans avoir pu le finaliser.Quarante-deux ans plus tard, ce qui avait forme de mythe pour les amateurs de Zappa est devenu Roxy The Movie. Plus de deux heures d’images et de sons restaurés, tirés des concerts du 8, 9 et 10 décembre 1973, publiés sur support Blu-Ray, DVD et CD, avec mixage en Surround 5.1 – pour profiter au mieux du tourbillon –, qui restituent au mieux l’atmosphère de ces folles soirées. Un hommage aussi à l’une des périodes les plus appréciées de Zappa.Musicalement, on y entend comme un condensé de toutes les explorations de Zappa, avec des moments loufoques (Cheepnis, Dickie’s Such An Asshole), des emprunts à la musique contemporaine dotée d’une bonne dose de swing, du rhythm’n’blues, du funk, du jazz, des combinaisons de métriques impaires (tout cela réunit dans T’Mershi Duween, RDNZL, Inca Roads, Echidna’s Arf of You, Pygmy Twylite…), de multiples clins d’œil stylistiques, le rituel de la participation du public, ici surtout durant Be-Bop Tango (Of The Old Jazzman’s Church) avec sur scène des jeunes filles et jeunes gens bien allumés.Et de bout en bout, une joie de jouer ensemble et une complicité de chaque instant, qui avaient été perceptibles dans les enregistrements audio déjà publiés, notamment dans le double album Roxy & Elsewhere (juillet 1974) et Roxy by Proxy (mars 2014). Ce Roxy The Movie constituant aussi, avec ces plans de sourires et regards radieux, la plus évidente des portes d’entrée dans l’univers de Zappa.Roxy The Movie, de Frank Zappa, en édition Blu-Ray, DVD et DVD avec CD, Zappa Records/Eagle Vision-Universal Music.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 06.11.2015 à 18h57 • Mis à jour le07.11.2015 à 00h04 | Renaud Machart Documentaire sur Arte, à 0 h 50 Arte fête les 90 ans du grand chanteur lyrique suédois Nicolai Gedda.Le titre français qu’a choisi Arte pour le documentaire qu’elle consacre à Nicolai Gedda, Un ténor au diapason (2015), est moins bon que l’original allemand : « Le cavalier du contre-ré ». Car le chanteur suédois, né à Stockholm en 1925, élevé par un beau-père russe, éduqué en Allemagne et devenu l’un des artistes lyriques les plus impeccablement polyglottes qui furent, était une voix particulièrement élevée : non seulement il atteignait sans fatigue le contre-ut, considéré comme un dangereux Everest par la plupart des premiers de cordée de la tessiture, mais gagnait le contre-fa, un suraigu dont peu de gosiers concurrents étaient capables. Gedda était, pour les ténors, l’équivalent d’une Reine de la nuit, ce rôle de La Flûte enchantée qui gagne des sommets vocaux escarpés.Le chanteur, qui s’est produit jusqu’à l’âge de 80 ans, faisant ses adieux auprès d’une chorale russe orthodoxe avec laquelle il avait fait ses débuts de soliste à 11 ans, fut l’un des ténors les plus révérés de son époque. Certes, Gedda ne chantait pas les rôles les plus lourds du répertoire, mais le bel canto, les personnages mozartiens et les héros de l’opéra français du XIXe siècle étaient ce dans quoi il était le meilleur.Le documentaire de Michael Beyer commence d’ailleurs avec l’extrait d’un concert filmé, l’air de Nadir, extrait des Pêcheurs de perles, de Georges Bizet, où ses demi-teintes et ses pianissimos rêveurs, tout comme le velours de son legato, n’ont été à ce jour égalés par personne. Il n’est donc pas étonnant que le grand ténor du moment, Jonas Kaufmann, témoigne dans ce film de l’admiration qu’il voue à cet aîné, modèle d’une technique saine, prudente, et d’une musicalité naturellement raffinée.RenoncementsRepéré par le producteur de disques Walter Legge en 1952, celui-ci le fait immédiatement engager par la firme EMI pour laquelle il enregistrera avec Herbert von Karajan et gravera 180 disques au cours de sa longue carrière : des lieder allemands, des mélodies françaises (il chantait notre langue à la perfection), l’opéra, l’oratorio et aussi l’opérette, un genre qui fera de lui une vedette populaire en Allemagne (le documentaire montre de nombreuses archives de la télévision allemande, d’œuvres de Franz Lehar notamment). Sa carrière sur scène fut mondiale et longue, jusqu’à son retrait des scènes, à 77 ans.Mais, au mitan de la quarantaine du chanteur, la voix prit cependant quelques rides et perdit de sa fraîcheur. Ce que tait ce documentaire résolument admiratif qui laisse penser que le seul « risque » vocal que prit Gedda fut un Lohengrin, de Wagner, qui le conduisit droit chez l’ORL. Le ténor aborda sûrement trop tôt Don José, dans Carmen, de Bizet, et ses incarnations berlioziennes étaient probablement un peu au-dessus de ses moyens.Mais Gedda ne tenta pas le diable et dit d’ailleurs, de manière assez amusante (ses collègues rappellent qu’il était doté d’un sens de l’humour assez subtil), avoir toujours préféré les rôles courts, comme celui de Lenski dans Eugène Onéguine, de Tchaïkovski : « Comme il est tué dès l’acte 2, je peux rentrer chez moi. »Un ténor au diapason, de Michael Beyer (Allemagne, 2015, 52 min). Dimanche 8 novembre, à 0 h 50, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante) Documentaire sur Canal+ à 15 h 10 Un reportage accablant sur la collaboration du groupe allemand à la dictature militaireIl était 16 h 30, lorsque Lucio Bellentane est arrivé sur la chaîne de montage. Ce devait être un jour banal pour ce métallurgiste de 28 ans. Mais sept heures plus tard, le jeune militant communiste est roué de coups dans un recoin de l’usine, avant d’être livré à la police secrète. Ses tortionnaires ? « Volkswagen ». Bellentane est brésilien. En 1972, lorsqu’il se fait tabasser par les hommes d’Adhemar Rudge, un ancien colonel de la police militaire chargé de la sécurité du groupe allemand à Sao Paulo, le pays est sous le joug d’une dictature militaire. Pour Volkswagen, cette période sombre aurait été l’occasion de molester les employés trop revendicatifs.Plainte déposée contre la marqueLe reportage accablant, réalisé à Sao Paulo par François Cardona et Eliot Fritel, diffusé dans « L’Effet papillon », sur Canal+, revient sur « l’autre scandale Volkswagen ». Le groupe, accusé d’avoir triché sur les émissions de CO2 de ses moteurs diesel, doit aussi affronter son passé brésilien. Une plainte a été déposée le 22 septembre, l’accusant d’avoir collaboré activement avec la dictature (Le Monde du 25 septembre). A écouter un ancien de la police militaire, la responsabilité de l’entreprise fait peu de doute. « Volkswagen ? Quand on leur demandait quelque chose, ils faisaient exactement ce qu’on voulait », dit-il, évoquant « une vraie proximité » entre le groupe et la dictature, tout en recommandant aux journalistes de se taire.Au Brésil, où Volkswagen s’est rendu populaire avec sa fusca (« coccinelle »), diverses polémiques que n’aborde pas le reportage ont déjà affecté la marque. En 1967, lorsque est extradé en Allemagne Franz Stangl, ancien nazi employé par le groupe à Sao Bernardo do Campo. Ou, plus récemment, lorsque « VW » a été accusé d’avoir espionné le syndicaliste et futur président Luiz Inacio Lula da Silva.Lucio Bellentane obtiendra-t-il réparation ? Adhemar Rudge, devenu un vieil homme, coule des jours tranquilles dans son appartement de Sao Paulo. Et, aux deux auteurs du reportage, il explique que « tout est inventé. Volkswagen n’a jamais collaboré avec la police. Ce sont des mensonges ».L’autre scandale Volkswagen , de François Cardona et Eliot Fritel. Dimanche 8 novembre, à 15 h 10, sur Canal+Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondance) Un jeune homme de 18 ans originaire de Haute-Garonne est mort des suites d’un malaise cardiaque, jeudi 5 novembre, après avoir participé à une rave-party le week-end du 1er novembre à Talairan, dans l’Aude. L’autopsie était en cours vendredi, ainsi que des analyses toxicologiques qui devront déterminer si sa mort est due à une absorption massive d’alcool et de produits stupéfiants.Deux autres personnes sont également décédées : un homme de 35 ans, sans domicile fixe et originaire du Vaucluse, trouvé mort sur le site dimanche en fin d’après-midi, ainsi qu’un Espagnol de 28 ans, décédée sur la route du retour entre Barcelone et Gérone. Selon le récit fait par les amis de la victime aux enquêteurs espagnols, le petit groupe revenait de la rave audoise.Dès le lendemain du drame, le préfet de l’Aude, Jean-Marc Sabathé, avait qualifié les organisateurs « d’irresponsables et de criminels ». Le rassemblement, non autorisé, avait fait converger de toute la France, d’Espagne, de Suisse et de Belgique, environ 6 000 « teufeurs », dont certains étaient encore présents sur le site en cette fin de semaine.Malgré la mobilisation de la gendarmerie, les jeunes avaient afflué sur un terrain situé en bordure d’une grande forêt, facilement accessible et relativement éloigné des habitations. Patrice Guillaume, le maire (sans étiquette) de la commune de Talairan et ses 380 habitants, ont été alerté dès le vendredi 30 octobre par de la musique provenant de trois « murs de son » reliés à des groupes électrogènes. « Ils sont venus sur ce site appartenant au conseil départemental sans nous avoir prévenu et sans autorisation. C’est la troisième fois depuis le mois de septembre et à chaque fois, nous ne pouvons rien faire malgré la présence des gendarmes », se désole-t-il.« Quatre urgences vitales »L’enquête a été confiée à la brigade de recherche de Carcassonne et devra déterminer des produits stupéfiants sont à l’origine de ces morts, mais aussi retrouver les organisateurs de la rave, toujours pas identifiés.Le jeune Toujousain aurait pris des cachets de LSD et de mescaline, alcaloïde puissant et hallucinogène de la classe des phényléthylamines, selon ses proches.Dimanche, la dizaine d’infirmiers et médecins de la Croix-Rouge sur place avait fait part de « quatre urgences vitales et notamment un cas grave avec pronostic vital engagé ». Les pompiers évoquaient quant à eux trois évacuations sanitaires pour une blessure au genou, une crise d’angoisse et une perte de connaissance.Le 24 mai, un Vauclusien de 17 ans qui participait à une rave-party sauvage dans le Tarn, avait également succombé après une forte consommation de drogue. La rave-party qui s’était déroulée entre les communes d’Albine (Tarn) et de Lespinassière (Aude), faisait suite à l’interdiction du Teknival prévu près de Béziers. La plupart des « teufeurs » s’étaient rassemblés à Nizas, près de Pézenas (Hérault), tandis que d’autres groupes avaient essaimé dans divers lieux, dont cette région déserte de la Montagne Noire.De plus en plus contraints de prévenir à l’avance les autorités, et se voyant souvent refuser les autorisations, les organisateurs mettent désormais en place une communication interne sophistiquée qui ne passe même plus par les réseaux sociaux. Les lieux choisis sont communiqués au dernier moment, d’où le fait que ces raves se prolongent plusieurs jours.Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondance)Journaliste au Monde Mustapha Kessous Documentaire sur LCP à 20 h 30 Un documentaire tente d’éclairer le rapport des présidents de la Ve République à la foi.Depuis 1905, l’Etat et l’Eglise sont séparés, mais leur relation ne s’est jamais véritablement arrêtée. Bien au contraire. Chacun des sept présidents de la Ve République a entretenu des rapports particuliers avec le sacré. De Charles de Gaulle à François Hollande, les chefs de l’Etat ont parfois dû concilier – avec plus ou moins de réussite – croyance et laïcité, sans heurter les autres confessions.L’un des plus décomplexés est certainement Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais caché sa foi catholique. Trois ans avant de devenir président (de 2007 à 2012), il avait écrit un livre avec le père dominicain Philippe Verdin (La République, les religions, l’espérance, éd. du Cerf, 2004) qui parlait de la place des cultes dans l’espace public. Pour lui, les religions doivent apporter de « l’espérance », et c’est le rôle de l’Etat de les aider dans cette quête.A chaque messe publique, M. Sarkozy n’hésite pas à faire le signe de croix, au grand dam des farouches défenseurs de la laïcité qui désapprouvent qu’un chef d’Etat puisse ne pas garder une posture de neutralité, comme l’exige la fonction présidentielle. Nicolas Sarkozy se moque des conventions : il rappelle sans cesse les origines chrétiennes de la France. Il cherche aussi à donner une visibilité à l’islam, mais « sa dérive droitière », comme le rappelle Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, a eu comme conséquence de stigmatiser les musulmans.Dans le monde politique, la religion est à manier avec précaution. C’est ce que montre le documentaire Les Présidents et Dieu, diffusé sur LCP dimanche. A travers les témoignages de proches de dirigeants français comme Hubert Védrine, François Léotard, Alain Pompidou (fils de Georges Pompidou), le Père François de Gaulle (neveu du Général) et bien d’autres encore, on comprend les difficultés qu’ont eues les chefs de l’Etat à moderniser un pays sans heurter – si possible – les convictions religieuses d’une partie des Français.Tensions avec le VaticanAinsi, après le vote, en 1975, de la loi Veil dépénalisant l’avortement, Valéry Giscard d’Estaing s’était mis à dos les catholiques les plus fervents et le Vatican. Quarante ans plus tard, François Hollande a soulevé la réprobation d’une grande partie des croyants des trois grandes religions lors du vote du mariage homosexuel.Charles de Gaulle est probablement celui qui a été le plus croyant : il a même fait installer une modeste chapelle – plus précisément un oratoire – dans une petite pièce de l’Elysée. Le Général a toujours considéré la France comme « la fille aînée de l’Eglise » et joua de ses relations diplomatiques pour faire élire, à chaque fois, un pape favorable à son pays.François Mitterrand a été le plus mystique, fasciné par la mort. Jacques Chirac croit plus aux hommes qu’à Dieu, intrigué par les origines de l’espèce humaine au point d’en faire un musée (le Musée du quai Branly).Ce documentaire intéressant en deux parties est un voyage dans la spiritualité de nos dirigeants. Ce film dense, un peu trop même, joue trop des commentaires. On peut regretter qu’il ne donne pas assez la parole aux différents témoins qui apportent un éclairage et racontent des anecdotes parfois amusantes sur nos présidents.Les Présidents et Dieu, de Marc Tronchot (Fr., 2015, 2 x 52 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 06.11.2015 à 18h27 • Mis à jour le09.11.2015 à 16h24 | Daniel Psenny (Pékin) Des dizaines de mètres de câbles, des consoles miniatures, des ordinateurs, des micros, quatre caméras, des projecteurs, des tables de mixage et quelques chaises : il a fallu une bonne journée à l’équipe technique d’Europe 1 pour aménager, dans une suite de l’hôtel Sofitel de Pékin, un studio de radio éphémère où, mardi 3 novembre, a été réalisée la matinale en direct de la capitale chinoise. Une opération spéciale réalisée à l’occasion de la visite officielle de François Hollande en Chine consacrée au climat.Pour réaliser et assurer techniquement cette Matinale exceptionnelle, Europe 1 a envoyé sur place quatre techniciens aguerris et habitués aux contraintes qu’imposent ces délocalisations périlleuses. Ils ont à leur actif de nombreuses émissions spéciales réalisées en direct de Kaboul, de la Coupe du monde de football au Brésil ou, récemment, de Mandelieu, au milieu des inondations, où ils sont partis en quelques heures sans savoir dans quelles conditions le direct allait se réaliser.« On a vu pire !, lâche Thibault de Robert, qui assure le direct des retransmissions vidéo sur le site d’Europe 1. Et, même si le son est toujours prioritaire, il faut trouver un lieu qui, à l’image, montre que nous sommes bien sur place. » A Pékin, les baies vitrées de la suite de l’hôtel donnant sur les buildings enrobés par la pollution ont parfaitement servi de décor.Décalage horaire bienvenu« Outre le matériel, le plus important est de trouver un endroit assez élevé où l’on peut poser une parabole en toute sécurité pour ne pas tomber en panne de transmission », explique, de son côté, David Vigerie, responsable des opérations extérieures d’Europe 1. En l’occurrence, la parabole de la station – sécurisée par celle de TF1 qui assurait les retransmissions télé pendant ce voyage officiel – a été installée sur la terrasse du vingt-septième étage du Sofitel située juste en face de la suite occupée par François Hollande. Invité de Jean-Pierre Elkabbach pour son entretien de 8 h 20, le chef de l’Etat n’a donc eu qu’à traverser le couloir pour se rendre dans le studio.Pour cette délocalisation éclair de deux jours à, Europe 1 a monté une véritable opération commando dirigée par Laurent Delpech, le directeur général de l’antenne de la station. Côté rédaction, outre deux journalistes partis réaliser à l’avance plusieurs reportages dans le pays diffusés au cours de l’émission, Thomas Sotto et la journaliste Victoire de Rincquesen, qui le seconde tout au long de la matinale, ont passé seulement douze heures dans la capitale chinoise. « C’est assez sportif, mais le pari était d’assurer une continuité de l’antenne entre Paris et Pékin avec ma présence en direct au micro, les journaux et les chroniques », dit l’animateur, qui a tenu les trois heures du direct, en prenant juste la précaution d’enregistrer à l’avance un entretien avec un dissident chinois pour ne pas prendre le risque que l’antenne soit coupée par les autorités.Parti de Paris le lundi matin après la matinale, Thomas Sotto a animé l’émission du mardi en direct de Pékin grâce au décalage horaire favorable (+ 7 heures), avant de repartir le soir même pour Paris, où il est arrivé le mercredi matin à 5 heures. Juste le temps de prendre une moto-taxi à l’aéroport pour foncer à Europe 1 présenter la matinale dès 6 heures, comme si de rien n’était… Même chose pour Jean-Pierre Elkabbach qui, parti le samedi, a réalisé ses entretiens de 8 h 20 en direct de Pékin – dont celui de François Hollande – avant de rentrer avec Thomas Sotto afin d’être présent en direct le mercredi dans les studios parisiens.« La décision de monter cette opération a été prise en quelques minutes », dit Fabien Namias, le directeur de l’information, qui a eu connaissance, fin août, du déplacement du président en Chine. Aussitôt, en compagnie de Laurent Delpech et de Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction, il décide de délocaliser la matinale à Pékin. « C’était une idée assez folle mais qui, comme toutes les autres délocalisations que nous avons réalisées, se justifiait par l’actualité », avance Fabien Namias. Elle s’inscrivait surtout dans le cadre de plusieurs journées spéciales que la station a décidé de consacrer aux enjeux écologiques avant la grande conférence sur le climat. Ainsi, après une première matinale réalisée en direct de l’île de Sein le 24 septembre, suivie par celle de Pékin, la station proposera le 26 novembre de se projeter dans le monde de 2050 avec des reportages fictifs réalisés en fonction des résultats – positifs ou négatifs – de la COP21. Et, le 16 novembre, Europe 1 organisera une soirée spéciale à l’occasion de la remise des prix des Trophées de l’environnement.« Aller sur le terrain reste la base du journalisme et l’ADN d’Europe 1 », souligne Laurent Delpech. « Aujourd’hui, en radio, nous pouvons le faire plus aisément, grâce à la miniaturisation du matériel et aux moyens technologiques performants », poursuit-il, en assurant que d’autres délocalisations de l’antenne sont envisagées « selon l’évolution de l’actualité… ».Daniel Psenny (Pékin)journalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Fermé le 15 février, pour dépôt de bilan, le Musée Maillol rouvrira en septembre 2016, comme l’a annoncé Olivier Lorquin, président de la Fondation Dina Vierny, propriétaire du musée. Culturespaces prend en charge la totalité du fonctionnement muséal, comme elle le fait déjà à Paris pour le Musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut de France.La future programmation devrait remettre à l’honneur l’art moderne et contemporain, « l’ADN du Musée Maillol », tel que l’avait voulu sa fondatrice Dina Vierny, modèle et muse du sculpteur Aristide Maillol (1861-1944) de cinquante-huit ans son aîné. Dina Vierny s’est consacrée jusqu’à sa mort, en 2009, à rendre publique l’œuvre de son mentor, après avoir offert à l’Etat, en 1964, sous l’égide d’André Malraux, la vingtaine de figures féminines monumentales exposées dans le jardin du Carrousel aux Tuileries, à Paris. C’est elle aussi qui a acquis et restauré l’hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris, pour y loger le Musée Maillol, en 1995, et exposer l’œuvre et les collections de l’artiste.Olivier Lorquin, fils de Dina Vierny, « le patron [du Musée Maillol] nous a confié la production des expositions temporaires, celle de la collection permanente, de l’audio-guide, et de la gestion, tout ça à nos risques et périls, avec la mise à disposition des lieux bien entretenus, bien climatisés, précise Bruno Monnier, fondateur et président de Culturespaces. Il n’y aura plus de direction artistique, nous déciderons ensemble de la programmation. Avec Sophie Aurand-Hovanessian, administratrice, directrice de la programmation culturelle de Culturespaces, qui pilote le service des expositions avec une équipe de dix personnes, à Jacquemart-André, comme à Caumont Centre d’Art ouvert au printemps dernier à Aix-en-Provence ». Des expositions moins courues qu’espéréCette annonce met un terme à l’incertitude qui pesait sur le sort du Musée Maillol fermé dans l’urgence, il y a huit mois, alors qu’était annoncée une exposition sur le thème du baiser dans l’art, depuis la Renaissance, et qui devait ouvrir un mois plus tard. « Je retrouve mes ailes, la liberté que j’avais perdue, une envie de faire. On déborde d’idées. C’est un accord sur l’émotion, s’emporte Olivier Lorquin. Avec Patrizia Nitti, j’étais un peu en deçà, j’observais ce qui se passait chez moi. Patrizia Nitti avait de l’entregent , on a fait des choses formidables ensemble. Sa société Tecniarte a déposé le bilan, il y a eu rupture de contrat. J’ai tourné la page. »Tecniarte, qui gérait le musée, a fait les frais d’une baisse de fréquentation avec des expositions moins courues qu’espéré, plombant la trésorerie, après des investissements colossaux et nécessaires pour la mise aux normes du musée. La pétulante Patrizia Nitti, qui a retrouvé son fief romain, estime que l’arrivée de Culturespaces à Maillol « est une révolution ». « Jamais, dit-elle, Culturespaces n’acceptera les conditions qui m’étaient imposées. Olivier Lorquin m’a donné les clefs du musée et la mauvaise gestion de la Fondation Dina Vierny, avec l’impossibilité d’y remédier. J’ai été très mal conseillée par mes avocats. Toutes les améliorations extrêmement coûteuses, c’est moi qui les ai faites, pour plus d’un million d’euros. C’était vital. J’ai rendu un musée moderne ».Entre 180 000 et 350 000 visiteurs annuelsCe qu’apprécie son successeur Bruno Monnier : « J’ai été agréablement surpris, reconnait-il, de trouver des infrastructures au top niveau. L’équipement du musée est prêt ». Le contrat signé avec M. Lorquin prévoit le versement, par Culturespaces au Musée Maillol, d’un « loyer fixe pour les mille mètres carrés d’exposition et un partage des excédents de la billetterie – sur les frais engagés », ajoute Bruno Monnier qui vise 300 000 visiteurs par an. Un objectif raisonnable pour un musée dont les entrées oscillaient, selon les têtes d’affiche, entre 180 000 et 350 000 visiteurs – notamment pour Basquiat, en 1997, et Pompéi en 2011.« Revenir aux fondamentaux », telle est l’obsession d’Olivier Lorquin. D’ores et déjà, les thèmes porteurs retenus pour les deux expositions temporaires annuelles, de l’automne et du printemps, confirment le parti-pris : « la représentation du corps dans l’art moderne et contemporain », « Aristide Maillol, ses amis et les artistes de son temps », « Dina Vierny, muse de Maillol, galeriste et collectionneuse », ou encore « les couples artistes ».Culturespaces, société privée, s’occupera de tout, de l’accueil, de la billetterie, des visites comme de la gestion des activités annexes – librairie-boutique, café, réceptions. Sur le modèle de ce qu’elle fait dans les treize autres sites à sa charge, des Carrières de lumière des Baux-de-Provence aux Théâtre et Arènes de Nîmes, jusqu’à la Villa Ephrussi de Rothschild sur la Méditerranée .La cour pavée de l’Hôtel Bouchardon, qu’a connue Alfred de Musset qui logeait au premier étage, va retrouver son éclat d’origine derrière le fameux porche d’entrée, dit « de la Fontaine aux quatre saisons » pour ses figures sculptées. Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Fermé le 15 février, pour dépôt de bilan, le Musée Maillol rouvrira en septembre 2016, comme l’a annoncé Olivier Lorquin, président de la Fondation Dina Vierny, propriétaire du musée. Culturespaces prend en charge la totalité du fonctionnement muséal, comme elle le fait déjà à Paris pour le Musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut de France.La future programmation devrait remettre à l’honneur l’art moderne et contemporain, « l’ADN du Musée Maillol », tel que l’avait voulu sa fondatrice Dina Vierny, modèle et muse du sculpteur Aristide Maillol (1861-1944) de cinquante-huit ans son aîné. Dina Vierny s’est consacrée jusqu’à sa mort, en 2009, à rendre publique l’œuvre de son mentor, après avoir offert à l’Etat, en 1964, sous l’égide d’André Malraux, la vingtaine de figures féminines monumentales exposées dans le jardin du Carrousel aux Tuileries, à Paris. C’est elle aussi qui a acquis et restauré l’hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris, pour y loger le Musée Maillol, en 1995, et exposer l’œuvre et les collections de l’artiste.Olivier Lorquin, fils de Dina Vierny, « le patron [du Musée Maillol] nous a confié la production des expositions temporaires, celle de la collection permanente, de l’audio-guide, et de la gestion, tout ça à nos risques et périls, avec la mise à disposition des lieux bien entretenus, bien climatisés, précise Bruno Monnier, fondateur et président de Culturespaces. Il n’y aura plus de direction artistique, nous déciderons ensemble de la programmation. Avec Sophie Aurand-Hovanessian, administratrice, directrice de la programmation culturelle de Culturespaces, qui pilote le service des expositions avec une équipe de dix personnes, à Jacquemart-André, comme à Caumont Centre d’Art ouvert au printemps dernier à Aix-en-Provence ». Des expositions moins courues qu’espéréCette annonce met un terme à l’incertitude qui pesait sur le sort du Musée Maillol fermé dans l’urgence, il y a huit mois, alors qu’était annoncée une exposition sur le thème du baiser dans l’art, depuis la Renaissance, et qui devait ouvrir un mois plus tard. « Je retrouve mes ailes, la liberté que j’avais perdue, une envie de faire. On déborde d’idées. C’est un accord sur l’émotion, s’emporte Olivier Lorquin. Avec Patrizia Nitti, j’étais un peu en deçà, j’observais ce qui se passait chez moi. Patrizia Nitti avait de l’entregent , on a fait des choses formidables ensemble. Sa société Tecniarte a déposé le bilan, il y a eu rupture de contrat. J’ai tourné la page. »Tecniarte, qui gérait le musée, a fait les frais d’une baisse de fréquentation avec des expositions moins courues qu’espéré, plombant la trésorerie, après des investissements colossaux et nécessaires pour la mise aux normes du musée. La pétulante Patrizia Nitti, qui a retrouvé son fief romain, estime que l’arrivée de Culturespaces à Maillol « est une révolution ». « Jamais, dit-elle, Culturespaces n’acceptera les conditions qui m’étaient imposées. Olivier Lorquin m’a donné les clefs du musée et la mauvaise gestion de la Fondation Dina Vierny, avec l’impossibilité d’y remédier. J’ai été très mal conseillée par mes avocats. Toutes les améliorations extrêmement coûteuses, c’est moi qui les ai faites, pour plus d’un million d’euros. C’était vital. J’ai rendu un musée moderne ».Entre 180 000 et 350 000 visiteurs annuelsCe qu’apprécie son successeur Bruno Monnier : « J’ai été agréablement surpris, reconnait-il, de trouver des infrastructures au top niveau. L’équipement du musée est prêt ». Le contrat signé avec M. Lorquin prévoit le versement, par Culturespaces au Musée Maillol, d’un « loyer fixe pour les mille mètres carrés d’exposition et un partage des excédents de la billetterie – sur les frais engagés », ajoute Bruno Monnier qui vise 300 000 visiteurs par an. Un objectif raisonnable pour un musée dont les entrées oscillaient, selon les têtes d’affiche, entre 180 000 et 350 000 visiteurs – notamment pour Basquiat, en 1997, et Pompéi en 2011.« Revenir aux fondamentaux », telle est l’obsession d’Olivier Lorquin. D’ores et déjà, les thèmes porteurs retenus pour les deux expositions temporaires annuelles, de l’automne et du printemps, confirment le parti-pris : « la représentation du corps dans l’art moderne et contemporain », « Aristide Maillol, ses amis et les artistes de son temps », « Dina Vierny, muse de Maillol, galeriste et collectionneuse », ou encore « les couples artistes ».Culturespaces, société privée, s’occupera de tout, de l’accueil, de la billetterie, des visites comme de la gestion des activités annexes – librairie-boutique, café, réceptions. Sur le modèle de ce qu’elle fait dans les treize autres sites à sa charge, des Carrières de lumière des Baux-de-Provence aux Théâtre et Arènes de Nîmes, jusqu’à la Villa Ephrussi de Rothschild sur la Méditerranée .La cour pavée de l’Hôtel Bouchardon, qu’a connue Alfred de Musset qui logeait au premier étage, va retrouvera son éclat d’origine derrière le fameux porche d’entrée, dit « de la Fontaine aux quatre saisons » pour ses figures sculptées. Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Voici deux hommes du jazz, André Villéger (saxophones ténor et soprano, clarinette, né à Rosny-sous-Bois le 12 août 1945) et Philippe Milanta (pianiste né à Marseille le 30 mars 1963). Ils ont sous les doigts et dans le souffle plus de cent ans de musique. On les connaît comme interprètes, arrangeurs, compositeurs, et membres attitrés de tous les big bands de ces dernières décennies. Pas du tout comme stars ou starlettes.Ce qui, pour ne pas les propulser au-devant de la scène, ne les rend pas moins indispensables à une certaine idée du jazz. On a pu la croire dépassée (par quoi, au juste ?), cela ne suffit pas à la périmer.Dans le sillon du plaisirJouer le répertoire, célébrer les « héros » du jazz – le dernier album en duo de Villéger et Milanta s’intitule For Duke and Paul – reste et surtout redevient une idée forte. On peut la prendre comme un programme académique (Wynton Marsalis), la renouveler (Géraldine Laurent), s’y référer parce que malgré tout… (nombre de jeunes musiciens), on peut aussi en faire ce que Villéger et Milanta en font : la jouer droit, la creuser, s’y absorber comme dans le sillon du plaisir. Il y faut une personnalité discrète, en termes de vedettariat, une personne claire, une ambition immense autant que modeste. Ce qui s’appelle jouer pour, For Duke and Paul.Duke, c’est évidemment Duke Ellington, et à travers lui, Billy Strayhorn, l’alter ego, l’âme du band, le compositeur éblouissant, l’autre pianiste de l’orchestre. Paul, Paul Gonsalves (ténor sax), l’une de ses voix privilégiées, même dans le Duke Ellington Band où elles l’étaient toutes. Quand l’orchestre entrait en scène, chacun rejoignant son pupitre avant l’entrée du Duke, chacun était acclamé à juste titre. Ils avaient nom Cootie Williams, Cat Anderson, Johnny Hodges, Russel Procope, toute la section des sax. Paul Gonsalves, capable à lui seul de relancer l’orchestre à Newport, en 1956 (Diminuendo and Crescendo in Blue), semblait celui à qui Duke passait tout.On le voit, lors d’un concert en Norvège, cluquer sur sa chaise, avant de se réveiller sous le doigt du Duke, pour prendre un chorus de feu. Un soir de 1967 à Pleyel, le pupitre de Cat Anderson (1916–1981), membre de l’illustre cohorte depuis 1944, resta vide. Malade ? Quelque pépin ? Non. C’est qu’il s’était présenté en retard à la balance. Ça ne rigolait pas. Mais quand ça jouait, ça jouait. Souvenirs de l’âge d’or ? Promesses de l’avenir…Vérité du jeuVilléger et Milanta réussissent ce tour de force d’être à fond eux-mêmes, sans autre concession que la vérité du jeu, en duo, alors que leur répertoire – à deux compositions personnelles près – est dans toutes les oreilles à travers les divers big bands qui les ont illustré. Villéger a suivi un parcours à contrepied, du traditionnel au plus actuel, tandis que Milanta, marqué au début par Count Basie, se laisse, à travers toute sorte de formations dont son propre nonette, gagner par Ahmad Jamal et autres.Il y a dans ces parcours croisés quelque chose d’éminemment émouvant qui ne tient que par leur refus de refaire, de redire, doublé de mille expériences de « sideman » : le « gars d’à côté » disant mieux qu’ « accompagnateur », de quoi il retourne. Ce qui leur permet, désir et capacité entrelacés, de reprendre à bras le corps une idée, un geste, un moment, avec une décision et une inventivité qu’il est toujours loisible de mimer sans forcément la rejoindre. Eux, ils sont au cœur, reprenant des compositions peu connues ou décalant rythmes et tonalités sur, par exemple, I Let A song Out of My Heart.On pourrait retracer tous les points remarquables de leur entente à travers le Paul’s Tales de Villéger. Ce serait une formidable analyse de ce génie personnel qui se dévoue à l’Histoire du jazz à travers ses héros même. Inutile de traquer dans le jeu de Villéger qu’on aime tant à chacune de ses apparitions (au Cépage Montmartrois, par exemple, le vendredi soir, avec George Locatelli), quelque mimétisme dont il serait bien capable. Tenter de comprendre sa fougue.Pour le sérieux du jeuSe dire simplement que donner, en toute simplicité (tu parles !), une idée de toutes les musiques qu’ils portent, et la donner en duo, tient de la performance, d’autant plus vivace, qu’elle n’en affiche aucun des signes frelatés. Ils jouent, pour le plaisir et le sérieux du jeu. Ils jouent avec une efficacité qui emballe. Inutile de se demander pourquoi le Sunset Sunside est bourré comme un club de grande époque. Ce plaisir donne du plaisir, et le sérieux, de quoi réfléchir encore cent ans. Avis aux jeunes musiciens. Ils ont souvent l’allant mais pas forcément la science. Quant à l’humilité…Le 4 juillet 1973, Independance Day, trois orchestres, trois légions de stars, se relayaient au Roseland Ball Room de Manhattan : Count Basie Orchestra, Duke Ellington Band et l’orchestre de Woody Herman. Six chansons chacun, et on recommence. Pas moins. Quel plaisir, parfois, d’avoir vécu…La curiosité de cette nuit du 4 juillet – les gens dansaient sous lampions et petites bannières étoilées –, c’est que « Paul » allait en tanguant de l’un à l’autre, comme s’il se trompait de formation. L’ivresse ? L’errance ? Pas le moins du monde. Il savait, de source sûre, que bien plus tard, il y aurait des musiciens capables d’en retenir l’idée, la démarche et la force. Mais il faut s’y atteler et s’appeler André Villéger et Philippe Milanta. Ce qui donne, c’est la condition, en duo, c’est le défi, une réussite aussi saluée en club qu’en album : For Duke and Paul. Méthode rouge et bleue avec les étoiles, pour grands fidèles à l’histoire du jazz et apprentis de la dernière heure.For Duke and Paul, d’André Villéger et Philippe Milanta, 1 CD Camille, Socadisc. www.facebook.com/Camille-Productions-1496036404044865Francis MarmandeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Bertrand Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Grey à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Documentaire sur France 2 à 22 h 35 Afin de célébrer les quarante ans d’« Apostrophes », Pierre Assouline propose un délicieux florilège.Chaque vendredi soir, pendant quinze ans (de 1975 à 1990), Bernard Pivot a été le grand ordonnateur d’une des plus fameuses veillées littéraires : « Apostrophes ». Pour célébrer cette institution qui a rassemblé jusqu’à deux millions de spectateurs, Pierre Assouline a composé, sous la forme d’un abécédaire, un florilège des meilleurs moments de l’émission, commenté avec bonhomie et émotion par le « roi Lire ».Parmi les épisodes célèbres – comme celui, cultissime, avec l’écrivain américain Charles Bukowski, éméché, quittant bouteille en main le plateau, épaulé par Bernard Pivot et son éditeur –, les passes d’armes se tiennent en bonne place. Des « amabilités » de l’historien et épistémologue Jean-Paul Aron, lancées notamment à l’encontre de Barthes, Foucault, Derrida, au « KO » verbal de Jean Cau par Mohamed Ali ; de l’échange glaçant entre Marc-Edouard Nabe et Morgan Sportès qui s’achèvera en coulisse par un pugilat, relate Pivot, aux propos dévastateursde Simon Leys envers Maria-Antonietta Macciocchi et son livre sur la Chine, signant du reste son arrêt de mort en librairie, on mesure la violence qui pouvait éclater au sein de ce cénacle littéraire, mais aussi l’incroyable liberté de ton qui n’aurait peut-être plus cours aujourd’hui.Et, incidemment, il est rappelé le pouvoir de prescription que prit très vite « Apostrophes ». Cet impact se fera sentir sur les essais les plus ardus comme ceux de Vladimir Jankélévitch ou de Claude Hagège que « les gens, explique Pivot, achetaient par reconnaissance ».Doux parfum de nostalgieReste que, entre les éclats de voix, les duels à fleuret moucheté (celui avec Roger Peyrefitte, qualifié par Jean d’Ormesson de « dame pipi qui se prend pour Saint-Simon », étant sans doute parmi les plus délicieusement vachards) et les mots d’esprit, Pierre Assouline délivre aussi de nombreux très beaux moments. On pense entre autres à l’échange entre Roland Barthes et Françoise Sagan sur l’amour ; à Marguerite Duras évoquant ce double de la vie que constitue pour elle l’écriture ; à la définition de l’écrivain par Etiemble, ou encore à Marguerite Yourcenar évoquant cette maladie du siècle qu’est le conformisme. Parsemé de rires et d’émotions, ce délicieux florilège sait surtout nous étreindre par un doux parfum de nostalgie.Les Vendredis d’Apostrophes,de Pierre Assouline (Fr., 2015, 95 min). Vendredi 6 novembre, à 22 h 35, sur France 2.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Téléfilm sur Arte à 20 h 55Le réalisateur Philippe Harel donne une force physique au roman de Delphine de Vigan. Septembre à Paris. Mathilde (Marie-Sophie Ferdane) se rend à son travail, la boule au ventre. Depuis des mois, cette cadre d’une grande entreprise subit le harcèlement de son chef, « un connard en costume trois pièces » qui la détruit à petit feu. Au même moment, dans un hôtel de Normandie, Thibault (Mehdi Nebbou) décide, après un triste week-end passé avec elle, de rompre avec Lila. Docteur à SOS Médecins, il soigne la souffrance des autres. Contre la sienne, il n’a pas de remède.Durant cent cinq minutes, ces deux personnages vont traîner leur vie dans la capitale, subir les agressions d’un patron pour l’une et la douleur des patients pour l’autre, se frôler sans se rencontrer. Tel est le thème de ces Heures souterraines, la solitude que l’on vit seul, en couple ou au milieu des autres. De cette déambulation, on ressort affaibli et épuisé.Faire ressentir le videAdaptation du roman du même nom de Delphine de Vigan (Lattès, 2009), dont il a conservé la forme – l’alternance sur deux personnages –, le téléfilm de Philippe Harel a pour premier mérite de donner une dimension et une puissance physiques au livre. A tel point que c’est à une épreuve tout aussi physique que le téléspectateur paraît avoir été soumis, une fois le film achevé. Et ce, pas seulement parce que le cinéma incarne et donne chair, mais parce que le réalisateur sait saisir la dureté de la ville. Cadrages serrés sur le visage d’un des protagonistes comprimé dans la foule, usage de scènes répétitives (embouteillages, interphones, ascenseurs…), utilisation de la voix off qui décrit en parallèle l’état mental de Mathilde et celui de Thibault… tout contribue à exprimer et surtout à faire ressentir le vide, la claustration des êtres pris dans la réalité urbaine.Ce thème, Philippe Harel l’exploite à la manière d’une poupée russe. En grand format, la solitude des deux protagonistes, et pour les suivants, celle des patients que visite Thibault (une femme en pleine crise de claustrophobie, un homme en prise à des bouffées délirantes…) et celle aussi des passants dans la rue pris dans un mouvement dont ils ne sont plus maîtres. Il n’est pas un endroit, dans ces Heures souterraines, où l’on puisse échapper à ce sentiment. Ni dans la voiture de Thibault où les bruits de la ville parviennent feutrés à travers les vitres, ni au milieu de la multitude où se fond chaque jour Mathilde dans le métro. Mieux qu’un rythme haletant et une bande-son saturée, Philippe Harel (Les Randonneurs ; Extension du domaine de la lutte, adapté du roman de Michel Houellebecq ; Tu vas rire mais je te quitte…) a fait le choix de la lenteur et de quelques notes de piano lancinantes. Histoire de donner corps à la bulle qui enferme les personnages plutôt qu’au tourbillon environnant.Delphine de Vigan, qui vient de recevoir le prix Renaudot pour D’après une histoire vraie (JC. Lattès, 484 p., 20 €), dit avoir rencontré le réalisateur, aimé la lecture qu’il avait faite de ses Heures souterraines et ne plus s’être mêlée de rien. « Une adaptation, c’est toujours une interprétation : un auteur s’empare du travail d’un autre pour se l’approprier. Parfois, c’est une trahison, et il y en a de très belles… » Ce téléfilm a été récompensé du prix du « Meilleur unitaire » et de la « Meilleure interprétation féminine » au Festival de Luchon 2015 ainsi que du prix Jérôme Minet au FIPA 2015.Les Heures souterraines, de Philippe Harel. Avec Marie-Sophie Ferdane, Mehdi Nebbou, Eric Savin (Fr., 2015, 105 min). Vendredi 6 novembre, à 20 h 55, sur Arte.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julie Clarini et Benoît Vitkine En décernant, le mois dernier, le prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Alexievitch, l’Académie suédoise récompensait une œuvre qui explore les traces laissées dans les consciences par les grandes catastrophes du siècle soviétique (seconde guerre mondiale, guerre en Afghanistan, Tchernobyl, éclatement de l’URSS).Lire aussi :Le prix Nobel de littérature attribué à la Biélorusse Svetlana Alexievitch« Le Monde » a rencontré l’écrivaine lors de son passage à Paris. Voici quelques extraits de cet entretien, au cours duquel, très critique sur la politique menée par Vladimir Poutine, elle dépeint la nostalgie de l’époque soviétique qui prévaut en Russie, les déceptions de la transition démocratique et le renouveau nationaliste imposé par le président russe.Vous parlez du « monde russe ». C’est aussi l’expression qu’utilise Vladimir Poutine pour désigner l’espace russophone hors des frontières de la Russie, envers lequel il aurait une responsabilité. Vous, écrivaine biélorusse de langue russe, vous reconnaissez-vous dans ce concept ?J’ai trois racines : des racines ukrainiennes, des racines biélorusses et la culture russe. Sans la culture et la philosophie russes, je ne serais pas ce que je suis, et je n’aurais pas écrit La Supplication. Mon « monde russe » est très différent de celui de Poutine, c’est celui de Chostakovitch, Dostoïevski, Tchekhov, Rostropovitch, Herzen… Quant au monde russe auquel j’aspire, il passe par un soutien accru à l’Ukraine de la part des Occidentaux.La réussite de l’Ukraine, sa transformation, serait le meilleur argument contre les discours de Poutine. J’ai toujours considéré que la guerre dans le Donbass était une agression militaire contre l’Ukraine, une occupation. Il n’y a aucun doute sur le fait que, sans Poutine, il n’y aurait aucune guerre civile sur ce territoire. On pourrait amener cinq camions de kalachnikovs en Biélorussie et le même scénario se produirait : on trouve toujours des gens prêts à tirer.Le cas de la Crimée est plus compliqué. Je connais des gens qui, en entendant la nouvelle du rattachement, ont pleuré de joie. Mais, pour savoir ce que pense réellement la population, il faudrait des élections libres. Là, les Russes sont simplement arrivés et se sont emparés du territoire.Existe-t-il un « poutinisme », une idéologie poutinienne ?En 1991, le peuple s’est réveillé dans un pays nouveau et incompréhensible. Et il s’est tu. Puis, quand les usines ont fermé, quand les gens n’ont plus eu à manger que des pommes de terre, ils se sont mis à détester les « merdocrates libéraux ».Après vingt ans de silence, Poutine est arrivé : « Nos seuls amis, ce sont l’armée et la flotte », a-t-il dit. Et tout l’argent du pétrole et du gaz est parti pour l’armée. Il n’a pas dit que l’on devait être fiers d’une quelconque démocratie, il a seulement parlé de la Grande Russie, du respect qui lui était dû…Cette idéologie poutinienne produit-elle déjà un effet sur l’homme russe ?Oui. Je ne reconnais pas les gens, j’ai perdu certains de mes amis. On n’a pas fait assez attention aux premiers symptômes, à tous ces films qui passent à la télé sur la Tcheka [l’ancienne police politique], sur Staline… On essaie même de justifier l’action de Beria [chef du NKVD, successeur de la Tcheka, de 1938 à 1953].A Perm, un musée consacré aux victimes de la répression a été transformé en « musée des travailleurs du goulag », c’est-à-dire des gardiens ! Tout ne vient pas du haut, de Poutine ; certaines initiatives viennent d’en bas, du peuple.Les jeunes m’étonnent particulièrement. Ils conduisent de belles voitures, portent de beaux costumes, mais ils restent des esclaves. Cette génération de l’après-1990 soutient fortement Poutine, elle reprend ses discours sur l’humiliation, sur le besoin d’un leader fort. Nous, on imaginait que des gens différents apparaîtraient, des gens libres.Cette mentalité tient beaucoup à ce que leur racontent leurs parents sur la santé gratuite, l’éducation, l’ascenseur social soviétique… Peut-être qu’il faut attendre encore. Ou bien peut-être faut-il d’abord, pour que disparaisse cette mentalité d’esclave, que ceux d’en haut changent…Pendant l’époque soviétique, vous sentiez-vous appartenir à la société communiste ? Partagez-vous la nostalgie de vos personnages, de vos héros, pour l’esprit de sacrifice, l’altruisme, le mépris de l’argent ?Je me sentais déjà à la marge, mais c’était le seul monde que je connaissais. Les gens étaient doubles, à l’époque. Ils étaient prêts à faire la queue pour acheter des recueils de poèmes d’Anna Akhmatova. Mais c’étaient les mêmes qui écrivaient des dénonciations, qui étaient surveillants dans les camps.On aimerait que le mal soit une chose simple : Beria, Staline… Mais le mal est quelque chose de plus diffus, d’éparpillé en chacun de nous. C’est pour cela que j’écris, pas pour étaler un catalogue d’horreurs, pour accabler les lecteurs, mais pour que chacun cherche en lui-même sa part d’humanité et apprenne à la préserver. Ce sont des choix de chaque instant : on te dit d’aller à une manifestation de soutien à Poutine, pose-toi des questions !Lire l'intégralité de l'interview :Svetlana Alexievitch : « La liberté, c’est un travail long et pénible »Benoît VitkineJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJulie ClariniJournaliste au Monde 06.11.2015 à 08h03 • Mis à jour le06.11.2015 à 10h18 Un rare Picasso de la période bleue de l’artiste, qui cache une seconde œuvre sur le revers de la toile, s’est vendu pour 67,45 millions de dollars, jeudi 5 novembre, à New York lors d’une enchère par la maison Sotheby’s.La Gommeuse est un nu d’une artiste de cabaret, à la forte charge érotique. Peinte en 1901 alors que Picasso n’avait que 19 ans, cette toile pouvait à elle seule prétendre à de belles enchères. Mais c’est le revers du tableau qui montre un ami de Picasso en lutin jaune, nu et urinant coiffé d’un turban rouge et blanc, qui fait de cette pièce une œuvre très rare.Cette vente est aussi une fort belle affaire pour le milliardaire américain Bill Koch, qui avait acheté l’œuvre pour 3 millions de dollars en 1984, ignorant totalement que le nu en cachait un autre. C’est au cours de travaux de restauration en 2000 que la seconde peinture a été découverte. Le tableau avait été estimé à 60 millions de dollars.Monet et Van GoghDans la même soirée, une étude à l’huile des nymphéas de Monet a trouvé acheteur à 33,85 millions, pour une estimation de 30 à 50 millions. Un Van Gogh, peint un an seulement avant la mort de l’artiste et montrant un ciel tumultueux au-dessus des champs dans la région d’Arles a trouvé preneur pour 54 millions de dollars, alors que Le bébé Marcelle Roulin, un portrait d’un bébé joufflu portant un bonnet de dentelle, également peint par Van Gogh, s’est vendu pour 7,64 millions de dollars après une longue et frénétique empoignade entre amateurs.Les plus belles pièces des enchères d’automne qui se tiennent traditionnellement à cette période à New York restent encore à venir à la vente. Il s’agit d’un nu de Modigliani dont les spécialistes de la maison Christie’s espèrent au moins 100 millions de dollars et aussi de Nurse, un Roy Lichtenstein qui est estimé à 80 millions de dollars et qui sera également vendu par Christie’s. Il y a six mois, les ventes de printemps avaient atteint des niveaux historiques, totalisant 2,61 milliards de dollars. Le record du tableau le plus cher de l’histoire est même tombé, Les Femmes d’Alger (version O) de Picasso s’étant adjugé pour 179 millions de dollars.Lire aussi :Sotheby’s et Christie’s : l’art des records 06.11.2015 à 06h50 • Mis à jour le06.11.2015 à 08h33 Jazz, danse, théâtre, expos… de Paris à Strasbourg, les idées de sorties proposées par le service Culture du Monde.MUSIQUE. Casting royal pour le premier week-end de Jazzdor, à Strasbourg Jazzdor, le festival transfrontalier de Philippe Ochem, à Strasbourg, est l’un des événements de l’automne. Ça bouge, ça dérange, ça consacre depuis trente ans. Surtout, ça surprend. Prendre à bras-le-corps le premier week-end, du 6 au 8 novembre, tout est dit : Carlos Bica et Louis Sclavis, étonnante rencontre ; Pascal Contet, l’accordéoniste en pointe ; Jason Moran, formidable pianiste au service d’un autre regard sur Fats Waller ; Daunik Lazro, imperturbable soliste capable de remuer la planète ; Emile Parisien ou Joachim Kühn ; plus Archie Shepp pour sa nouvelle version d’Attica Blues en big band, c’est plus qu’une ouverture : c’est un panorama insensé. Pour jazzophiles du premier cercle, et tout public, évidemment. Francis MarmandeFestival Jazzdor, premier week-end du 6 au 8 novembre, puis jusqu’au 20 novembre, en différents lieux de Strasbourg. De 8 € à 15 €.DANSE. Anne Teresa De Keersmaeker revient sur sa jeunesse à l’Opéra de Paris Anne Teresa De Keersmaeker est de passage à Paris, à l’affiche du Palais Garnier, jusqu’au 8 novembre. Pour sa seconde collaboration avec le Ballet de l’Opéra national de Paris, celle qui aime à dire que la musique lui a « tout appris », depuis la création de sa compagnie, Rosas, en 1983, a choisi de transmettre à la troupe un tiercé de pièces Bartok/Beethoven/Schönberg, qui lui semble « former une supercombinaison musicale et chorégraphique » couvrant dix ans de travail, de 1986 à 1995. Alors, on danse et rudement fort, dans ce programme solide et cohérent d’œuvres de jeunesse. Rosita BoisseauSoirée Anne Teresa De Keersmaeker. Palais Garnier, Paris 9e. Jusqu’au 8 novembre. De 23 à 110 euros. www.operadeparis.frART. Un Warhol aux tonalités funèbres au Musée d’art moderne de la Ville de Paris Contrairement à ce que son titre, « Warhol unlimited », suggère, peu d’œuvres sont réunies dans l’exposition que le Musée d’art moderne de la Ville de Paris consacre à l’artiste américain. Parmi ses sérigraphies les plus célèbres, outre quelques autoportraits, seules figurent ici quatre suites, celles qu’il consacra à la chaise électrique, à Jackie Kennedy, à Mao et aux fleurs. Mais l’exposition présente pour la première fois hors des Etats-Unis la totalité de Shadows (« ombres »), un ensemble de 102 sérigraphies de très grand format, le plus monumental de l’artiste. L’œuvre s’étire sur plus de 130 mètres de long. On marche entre deux murs d’images dominées par le noir, sans parvenir à nommer ce que l’on voit. Des ombres comme le long des fleuves Styx et Achéron, qui bordent le territoire des morts. Philippe Dagen« Warhol Unlimited ». Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, Paris 16e. Tél   : 01 53 67 40 00. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures, jeudi jusqu’à 22 heures. Entrée de 9 € à 12 €. Jusqu’au 7 février  2016. mam.paris.frMUSIQUE. Joanna Newsom, sirène excentrique, Salle Gaveau à ParisAprès cinq ans de silence, joli retour de la harpiste californienne Joanna Newsom avec un quatrième album, Divers, qui est aussi son disque le plus accessible. Sa voix de sirène excentrique et ses orchestrations entre musique classique et néofolk continuent d’inventer les chansons de mondes à la frontière de l’enchantement et de la sorcellerie, mais on se laisse volontiers jeter un sort par cette complice de Devendra Banhart et CocoRosie. Stéphane DavetSalle Gaveau, 45, rue de la Boétie, Paris 8e. Tél. : 01 49 53 05 07. Le 8 novembre. 20 heures. De 14 euros à 48,40 euros.SPECTACLE. Lou Volt électrise le Théâtre de l’Archipel, à Paris. Lou Volt, chanteuse au sein du Grand Orchestre du Splendid depuis le début des années 1990, avait présenté en 2011 et 2012 un spectacle en solo, Lou Volt, One-Woman Musical Show. La voici avec Lou Volt, les doigts dans la prise, au Théâtre de l’Archipel, à Paris, jusqu’au 2 janvier 2016. Lou Volt a une bonne copine, Céline Dion, qui lui prête, entre deux spectacles à Las Vegas, son orchestre. Lequel, pour faire des économies, intervient en duplex, sur un petit écran, depuis les Etats-Unis, tandis que Lou Volt est sur scène à Paris. La diffusion est émaillée d’incidents, coupures du son, les musiciens qui partent faire la pause… Musicalement, le spectacle aborde tous les genres, tango, disco, jazz swing, burlesque des chansonniers des années 1930, reggae, ambiance bretonne, rock… Vocalement, Lou Volt épouse cette diversité musicale avec un talent assuré – le chant en direct sur une bande-son –, toute en énergie et fantaisie. Sylvain SiclierThéâtre de l’Archipel, 17, bd de Strasbourg, Paris 10e. Mo Strasbourg-Saint-Denis. Tél. : 01 73 54 79 79. Du jeudi au samedi, à 19 h 30. Jusqu’au 2 janvier 2016. De 12 € à 22 €.FESTIVAL. Jazzycolors, du jazz du monde entier (ou presque) Organisé dans les centres et instituts membres du Forum des instituts culturels étrangers de Paris (Ficep), le festival Jazzycolors permet de découvrir des musiciens de nombreux pays, dans une approche variée du jazz, dans des liens avec les musiques du monde, l’électro, la soul, etc. Inauguré, jeudi 5 novembre, par le pianiste franco-serbe Bojan Z, Jazzycolors reçoit pour son premier week-end le Lylit Trio (Autriche) et la chanteuse Teodora Enache (Roumanie) avec le joueur de kaval, Theodosii Spassov (Bulgarie). Pour le Lylit Trio, que présente le Forum culturel autrichien au Centre tchèque de Paris (18, rue Bonaparte, Paris 6e), ce sera le 6 novembre, à partir de 19 heures (concert à 20 heures), dans une ambiance plutôt gospel, jazz et soul, avec la chanteuse et multi-instrumentiste Eva Klampfer. Pour Enache et Spassov, accompagnés par un trio piano, basse et percussion, c’est la collaboration entre l’Institut culturel roumain, l’ambassade de Roumanie en France, où est organisé le concert (123, rue Saint-Dominique, Paris 7e), le 7 novembre, à 20 heures, et l’Institut culturel bulgare, qui permettra d’assister à la présentation d’un projet qui allie les danses roumaines de Béla Bartók et le jazz. S. Si.Festival Jazzycolors, jusqu’au 27 novembre, dans une quinzaine de centres, instituts culturels et salles parisiennes. De 5 € à 10 € selon les concerts, réservations conseillées.THÉÂTRE. La Révolution à hauteur d’homme, aux Amandiers de Nanterre C’est à une expérience théâtrale passionnante, qui plonge au cœur de la parole et du combat politiques, que nous invite Joël Pommerat avec sa nouvelle création présentée au Théâtre des Amandiers, à Nanterre. Ça ira (1) Fin de Louis n’est pas tant un spectacle « sur » la Révolution française qu’une pièce qui, à partir d’elle, interroge et met en jeu de manière on ne peut plus concrète et vivante la construction conflictuelle d’une culture démocratique. On n’y voit pas les grandes figures attendues, telles Danton ou Robespierre. Le cœur du projet de Joël Pommerat, c’est d’avoir voulu décaper le mythe pour revenir à la source. Son Ça ira, loin de la reconstitution historique, c’est la Révolution à hauteur d’homme, ces hommes ordinaires qui, peu à peu, pas à pas, font l’Histoire, dans les comités de quartier ou à l’Assemblée nationale. Fabienne Darge« Ça ira (1) Fin de Louis ». Théâtre des Amandiers, 7, avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Jusqu’au 29 novembre. De 10 à 30 euros. Tous les jours sauf lundi à 19 h 30, dimanche à 15 h 30. Durée : 4 h 20. Renaud Machart « Folie passagère » est le programme de divertissement de France 2, diffusé le mercredi en deuxième partie de soirée. Son animateur, Frédéric Lopez, et France Télévisions auront tenté d’en faire le secret bien gardé de cette rentrée, avant la diffusion, le 4 novembre, à 22 h 35, de son premier épisode.Frédéric Lopez est connu pour ses émissions empathiques et pleines de bons sentiments : « Rendez-vous en terre inconnue », lancée sur France 2 en 2004 ; « Leur secret du bonheur », qui ne dura que le temps de trois numéros, également sur France 2, en 2011 ; ou encore « La Parenthèse inattendue » toujours pour la même chaîne, en 2014.De sa nouvelle émission, M. Lopez a déclaré à Télé-Loisirs vouloir qu’elle soit « la somme du meilleur de mes programmes précédents ».On y verra plus particulièrement un décalque aménagé et très (trop) rubriqué de « La Parenthèse inattendue ». Des invités d’horizons divers (« un artiste, un sportif, un scientifique et un citoyen engagé », précise l’animateur) se retrouvent dans un décor qui rappelle le cabaret de La Cage aux folles sur fond de baie méridionale, mi Raoul Dufy, mi Vincente Minnelli. Avec, pour Frédéric Lopez, l’ambition de faire découvrir « de nouvelles facettes » de ses hôtes.Rires forcésAutour de ces derniers évoluent une bande de comédiens, d’humoristes, de chanteurs, qui constituent une sorte de mélange entre le Big Bazar de Michel Fugain et le Jamel Comedy Club de Jamel Debbouze. « Treize talents, selon M. Lopez, dont beaucoup sont humoristes, proposeront des happenings et emmèneront les invités dans leurs délires afin qu’ils se dévoilent un peu plus… »Evidemment, les « délires » sont très relatifs et l’esprit de bonne humeur que tente d’installer l’émission est artificieusement entretenu par des rires forcés saluant les saillies verbales des « humoristes » dont il faut, hélas, convenir que l’ensemble de ce qu’ils disent est assez consternant.Le propos se veut parfois sérieux. Mais, au moment où Alexandre Jardin, qui fait office de sage dont les remarques font parfois sourire (« Le courage rend beau », etc.), salue le travail d’un entrepreneur ayant ouvert un service de carte bancaire pour les fichés à la Banque de France, on fait intervenir, juste avant l’arrivée en plateau de ce dernier, Pierre-Emmanuel Barré, un transfuge de Canal+ (rayon humour « pas-drôle-mais-si-c’est-sur-Canal +-c’est-que-c’est-drôle-quand-même »)…M. Lopez veut absolument voir de la « générosité » et de l’altruisme partout, notamment dans les traits de drôlerie des pièces de théâtre de boulevard de la comédienne et auteure Isabelle Mergault. Celle-ci, qu’on sent vaguement agacée à la fin du programme (dont, en bonne cliente, elle a de bonne grâce accepté les règles), finit par lâcher : « Mais non, je ne suis pas généreuse ; je n’aime pas les gens ; c’est mon métier et je demande un cachet pour cela ! » Enfin un peu de vinaigre dans ce tiède filet d’eau bénite…Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Elle a reçu la bénédiction de quelques stars de la pop comme Taylor Swift qui, dans un message sur Twitter, le 9 juillet, l’avait qualifiée d’« AMAZING » (lettres capitales comprises), d’autant qu’elle est régulièrement, depuis quelques mois, l’un des sujets des informations du site Internet Pitchfork.com, summum américain de la « branchitude » musicale. Et le 20 octobre, lors de la soirée de mini-concerts organisée au Barclays Center de Brooklyn, à New York, par Tidal, le site de diffusion musicale de Jay Z pour fêter son millionième abonné, elle était à la même affiche que le patron et des gros vendeurs du r’n’b-hip hop comme Usher, Beyoncé ou Nicki Minaj. La jeune Canadienne Alessia Cara, 19 ans depuis le 11 juillet, accumule, autour de son nom, les signes qui pourraient faire d’elle la nouvelle sensation du moment.You're AMAZING, @alessiacara. Love this, @BBCR1 !— taylorswift13 (@Taylor Swift)require(["twitter/widgets"]);Et cela grâce à une chanson, Here, qui vaut surtout pour son accroche mélodique, un sample (emprunt d’un extrait musical) de la ligne de basse descendante (les notes doublées ré, do, si, si bémol) et quelques parties vocales d’Ike’s Rap II, d’Isaac Hayes (1942-2008), composition publiée en 1971 sur l’album Black Moses du grand maître de la soul. Ce que n’ont pas manqué de remarquer les internautes lors de la diffusion du vidéo-clip début mai. Avec d’ailleurs, dans un premier temps pour certains, y compris chez Pitchfork, l’attribution du motif non pas à Isaac Hayes mais au groupe britannique Portishead. Lequel avait effectivement construit en 1994 sur ce motif sa chanson Glory Box, publiée en single début janvier 1995. Le vidéo-clip de la chanson « Here » (2015), par Alessia Cara« Ike’s Rap II » (1971), par Isaac Hayes; le motif de basse débute à 36 secondesLe vidéo-clip de la chanson « Glory Box » (1995), par Portishead Le même motif se retrouvera d’ailleurs, quelques semaines plus tard, chez un confrère de la formation britannique de trip hop, Tricky, dans Hell Is Around The Corner (1995). A défaut d’être dans les hauteurs du classement des thèmes musicaux les plus samplés (Amen Brother, de The Winstons, Funky Drummer et Funky President, de James Brown, Bring The Noise, de Public Enemy, Here We Go, de Run DMC...), cette proximité d’Ike’s Rap II avec les ambiances brumeuses du son de Bristol avait fait à l’époque son petit effet plutôt chic.Le vidéo-clip de la chanson « Hell Is Around The Corner (1995), par TrickyOn retrouve aussi le motif en 1997 dans Jorge da Capadócia et Salve, du collectif rap brésilien Racionais MC’s, ou en 2011 dans Let Me Go, du Britannique Maverick Sabre. Et si l’on voulait remonter aux sources d’Ike’s Rap II, n’y aurait-il pas à aller voir cette fois du côté de nos amis belges avec Wallace Collection et la ligne de basse de leur succès de 1969, Daydream ? Lequel Daydream avait, par ailleurs, été composé en puisant dans le « moderato » du Lac des cygnes et l’apport de quelques notes du Quatuor à cordes no1, de Tchaïkovski (1840-1893)... « Jorge da Capadócia » (1997) par Racionais MC’sLe vidéo-clip de la chanson « Let Me Go » (2011) par Maverick Sabre« Daydream » (1969), par Wallace Collection En tout cas, Here, sous influence Isaac Hayes, aura porté l’attention sur le mini-album (EP) d’Alessia Cara, sorti fin août aux Etats-Unis, et devrait figurer en bonne place d’un album à paraître le 13 novembre chez la compagnie phonographique américaine Def Jam Recordings. Pour l’heure, Alessia Cara, qui a surtout joué dans des clubs (Knitting Factory, Troubadour aux Etats-Unis, Barfly, Dingwall’s à Londres…) sera de passage à Paris, au Badaboum, jeudi 5 novembre, à 19 h 30, où pour 14,80 euros l’entrée, quelques centaines de spectateurs pourront fredonner avec elle sa chanson-révélation.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Le prix Médicis a été attribué à Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (P.O.L). Le Médicis étranger distingue Encore, du turc Hakan Günday (Galaade) et le Médicis essai, Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil).Titus n’aimait pas Bérénice est le sixième livre de Nathalie Azoulai, après cinq textes ancrés dans notre époque au point de prendre l’allure de romans « sociétaux » – qu’ils évoquent la maternité, comme Mère agitée (Seuil, 2002) et Les Filles ont grandi (Flammarion, 2010), ou qu’il y soit question de racisme et d’antisémitisme, comme dans Les Manifestations (Seuil, 2005).Dans ce nouvel ouvrage, en revanche, l’ancienne normalienne et agrégée imagine une femme d’aujourd’hui, quittée par son amant, marié et décidé à rester avec sa femme en dépit de son amour pour sa maîtresse. S’abreuvant aux vers de Racine, elle décide de « quitter son temps, son époque », et de se plonger dans la vie de l’écrivain pour « construire un objet alternatif à son chagrin, sculpter une forme à travers son rideau de larmes » : « Si elle comprend comment ce bourgeois de province a pu écrire des vers aussi poignants sur l’amour des femmes, alors elle comprendra pourquoi Titus l’a quittée », écrit Nathalie Azoulai.« Empoigner le marbre »Ainsi se lance-t-elle dans le récit (romancé) de l’existence de Racine, ses années de formation à Port-Royal, l’enseignement de ses maîtres jansénistes, la découverte de la traduction du latin, où il va progressivement forger sa propre langue si étonnante, jusqu’à finir par donner, au fil de ses douze tragédies, « un idiome à la France ». Elle imagine comment Racine a réussi à devenir « l’endroit où le masculin s’approche au plus près du féminin » en inventant des sortes de séances de confession, sans dimension religieuse, où des femmes racontent au grand homme les effets sur elle du chagrin amoureux…Si la structure à deux niveaux – l’histoire de Bérénice la délaissée d’aujourd’hui, et celle de Racine – ne convainc pas tout à fait, il y a dans Titus n’aimait pas Bérénice quelques pages superbes, des phrases dépouillées et pourtant d’une grande force. Une volonté de fouiller l’histoire et la langue pour réussir à « empoigner le marbre » de la statue du tragédien, et lui donner chair, lui insuffler de la vie.Un roman turc dans la peau d’un « passeur »Distingué par le Médicis étranger, Hakan Günday, né en 1976, est l’auteur de huit romans. Il raconte que l’idée d’Encore (traduit par Jean Descat), paru en Turquie il y a deux ans, lui est venue en lisant dans un journal un article sur l’arrestation d’une bande qui fabriquait des faux gilets de sauvetage ne flottant pas, destinés aux clandestins qui tentent de gagner l’Europe sur des rafiots de fortune depuis la côte turque. Encore est donc un roman qui immerge le lecteur dans le milieu des passeurs et de leur « business », sur les pas de Gazâ qui, à 9 ans, a hérité de l’entreprise de son père « spécialisée » dans le transport de migrants.Lire aussi :Flâneries stambouliotesAvec Nicole Lapierre, plongée intime dans une familleDirectrice de recherche au CNRS, la sociologue et anthropologue Nicole Lapierre « prolonge » ses travaux sur les questions de mémoire et d’identité en se penchant sur sa propre histoire, ce qu’elle s’était toujours refusée à faire, dans un poignant récit littéraire. « Dans ma famille, on se tuait de mère en fille » est la première phrase de ce livre écrit pour évoquer le souvenir de sa grand-mère, de sa sœur et de sa mère, toutes mortes dans des conditions dramatiques : un accident dû à une fuite de gaz pour la première (selon la version autorisée), le choix du suicide pour la deuxième et la troisième. La pudeur et l’optimisme finissent par triompher de cette plongée intime au cœur d’une famille juive déchirée entre « semelles de plomb qui entraînent par le fond » et « ornements de plumes qui frémissent au vent ».Lire aussi :Nicole Lapierre esquive la mortRaphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Monumenta est un défi de taille pour les artistes, au sens propre du terme, car c’est bien à la taille exceptionnelle de l’espace d’exposition qu’il leur faut se mesurer : l’immense verrière de 13 500 m² et 35 mètres de hauteur de la nef du Grand Palais. Depuis 2007, six figures internationales de l’art contemporain ont relevé le défi de cette carte blanche, chacune à leur manière. On en sait désormais un peu plus sur le projet de l’artiste franco-chinois Huang Yong Ping, choisi pour l’édition 2016, année où la manifestation passera en mode biennale (il n’y a pas eu de Monumenta cette année).Lire aussi : Huang Yong Ping choisi pour la prochaine MonumentaL’Allemand Anselm Kiefer y avait présenté le champ de ruines de l’humanité, l’Américain Richard Serra s’était attelé à sculpter l’espace, le Français Christian Boltanski y reconstituait un camp d’extermination nazi, le Britannique Anish Kapoor l’emplissait d’une organique structure gonflable, le Français Daniel Buren en magnifiait la lumière de façon kaléïdoscopique. En 2014, enfin, le couple russe Ilya et Emilia Kabakov y avait imaginé une ville méditative, voire métaphysique. Qu’a donc inventé le malicieux Huang Yong Ping pour « son » Monumenta ?Lire aussi : « Monumenta » 2007-2014, la démesure par six« Paysage symbolique du monde économique »« Ce projet est un paysage symbolique du monde économique d’aujourd’hui », annonce le communiqué, où l’on reconnaît la verve de Jean de Loisy, actuel président du Palais de Tokyo, qui assure le commissariat de l’exposition, comme il l’avait déjà fait avec Anish Kapoor.« Comme les vapeurs qui montent des vallées dans la peinture chinoise montrant la mutation permanente des énergies et des substances, comme les premiers paysages industriels des impressionnistes qui présentaient les effets physiques et optiques de la transformation de l’environnement par la machine, Huang Yong Ping représente, à l’intérieur de ce chef-d’œuvre de l’âge industriel qu’est le Grand Palais, la modification du monde, les métamorphoses des puissances politiques et économiques, l’ascension de nouvelles régions géographiques, le déclin d’anciens empires et l’apparition provisoire de nouveaux candidats à la puissance et les violences que ces ambitions provoquent. Stratégies, tactiques, politique, art et art de la guerre, volonté de pouvoir et de richesse, ruines, naissance ou renaissance des sociétés : chacun des pays, des conglomérats, chacune des multinationales qui participent aux successions interminables de grandeur et de décadence cherchent à porter, ne serait-ce que quelques instants, un Empire. »Concrètement, cette installation immersive, forcément « spectaculaire », se composera d’une architecture de couleur constituée de huit îlots surplombée d’une structure « dont l’ombre portée se mêle[ra] par son sens et sa forme à celle des nervures métalliques de la verrière ».Goût pour le paradoxeArtiste prolifique, Huang Yong Ping reste encore peu connu du grand public. Né en 1954 en Chine, il vit depuis 1989 en France, année où il avait été invité à participer l’exposition du Centre Pompidou qui a ouvert en grand les frontières de l’art contemporain, jusque-là concentré sur l’Europe et l’Amérique du Nord : « Les Magiciens de la Terre ». Avaient alors émergé sur la scène internationale des artistes jusqu’alors « invisibles », originaires de tous les continents.Figure majeure de l’avant-garde chinoise des années 1980, Huang Yong Ping avait fondé le mouvement Xiamen Dada, au mot d’ordre humoristique : « Le zen est Dada, Dada est le zen », et au sein duquel il menait des actions radicales, cultivant son goût pour le paradoxe et la contestation par l’absurde, instaurant, déjà, des correspondances entre l’art, la vie et le politique.S’inspirant des récits mythiques, qu’ils soient religieux ou philosophiques, il revisite depuis les croyances et les références d’Orient et d’Occident, qu’il mêle dans un travail ébranlant nos certitudes. Attaché à la fascination et à l’inquiétude suscitées par les transformations du monde, il élabore de troublantes et oniriques mises en scènes, volontiers monumentales, peuplées d’animaux naturalisés. Livres lavés à la machinePour « Les Magiciens de la Terre », ses livres lavés à la machine envahissaient l’espace de la Grande Halle de la Villette ; à la Biennale de Venise de 1999, ses animaux mythologiques transperçaient le toit du Pavillon français ; en 2009, il avait imaginé une Arche de Noé grandeur nature dans la chapelle des Beaux-Arts de Paris. Plus récemment, en 2012, l’artiste a conçu une gigantesque œuvre pérenne installée sur la plage de Saint-Brévin-les-Pins, près de Saint-Nazaire : Serpent d’océan, un squelette en métal de 120 mètres de long, sorte de monstre marin qui semble échoué là, tel un spectre du désastre écologique en cours.Voir la vidéo : Le « Serpent d’océan » de Huang Yong Ping fait sa mueLes restes de sa créature épousent la forme du pont de Saint-Nazaire, visible depuis la plage, comme celle des ruines des anciens pontons de pêche qui l’entourent. Les restes de l’animal symbolisent aussi la fin des activités traditionnelles et l’épuisement des ressources sous-marines. En écho à cette œuvre, Huang Yang Ping avait imaginé, en 2014, la « mue » de l’animal, sculpturale dépouille autour de laquelle serpentait une rétrospective de son travail dans le cadre du festival Voyage à Nantes. Sa nouvelle création sera à découvrir, du 8 mai au 18 juin 2016, au Grand Palais.Voir le visuel interactif : Le Voyage à Nantes sème l’art dans la villeEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.11.2015 à 13h04 • Mis à jour le04.11.2015 à 18h05 | Service culture Le Prix Femina a été attribué à La Cache, de Christophe Boltanski (Stock). Le Femina étranger a récompensé La couleur de l’eau, de Kerry Hudson (Philippe Rey), et le Femina de l’essai, à Lévi-Strauss, d’Emmanuelle Loyer (Flammarion).Très remarqué lors de sa parution en août, La Cache est le premier roman de Christophe Boltanski, grand reporter à L’Obs. Le fils du sociologue et poète Luc Boltanski, neveu de l’artiste Christian et du linguiste Jean-Elie s’attache à y raconter l’histoire de son clan fusionnel, soudé autour du lieu où les trois générations ont vécu, et où le grand-père, juif, se cacha pendant l’Occupation dans un réduit. Il s’agit d’un appartement de la rue de Grenelle (Paris 7e), dont la description structure le livre.Pour les « Bolt’ », ce lieu est celui des pires souvenirs et des grandes joies, une cellule d’enfermement et une bulle de liberté maximale, le creuset des névroses et celui de la création… Dans ce livre bouleversant, Christophe Boltanski passe en revue, l’une après l’autre, les pièces du lieu, montrant ce qui n’est plus mais aussi ce qui demeure d’une histoire, d’un esprit familial, d’un amour immense.Lire aussi :Les Boltanski en lieu sûrLa couleur de l’eau est le deuxième roman de Kerry Hudson, auteure écossaisse de 35 ans. Cabossés par la vie mais évoqués sans pittoresque, ses personnages possèdent une énergie qui porte de bout en bout ce livre décrivant pourtant la violence des réseaux de prostitution. Venue de Russie pour mener à Londres une vie meilleure, Alena est immédiatement intégrée à l’un d’eux. Lorsqu’elle s’en échappe, elle fait la connaissance de Dave, un vigile à qui elle tait son passé de prostituée de peur de perdre l’affection qu’il lui porte. « Il respectait ses secrets, comprenait la fuite, ne voulait pas qu’elle aille explorer les recoins de sa vie, pas plus qu’elle ne voulait le voir fouiller dans la sienne. » Mêlant très habilement le récit d’une histoire d’amour en construction et celui du passé qui encombre chacun des personnages, Kerry Hudson sait rendre la peur et l’enthousiasme, comme la coexistence de la vulnérabilité et du courage.Quant au Femina de l’essai, il vient récompenser la première vraie biographie d’un des plus grands intellectuels français du XXe siècle, Claude Lévi-Strauss (1908-2009). Il fallait du courage pour se lancer dans un tel ouvrage, sur un homme qui vécut cent ans et acheva sa vie couvert de gloire et d’honneurs, après avoir été malmené à ses débuts dans son pays pour une œuvre d’une exceptionnelle richesse, traduite dans le monde entier, et d’une modernité à couper le souffle. Emmanuelle Loyer a relevé le défi. Historienne, elle est la première à avoir exploité la quasi-totalité des sources disponibles et encore inédites. Son Lévi-Strauss est une merveille d’intelligence, et pas un instant on ne s’ennuie en suivant pas à pas, sous sa plume, l’itinéraire de ce penseur.Lire aussi :Claude Lévi-Strauss, notre contemporainService cultureJournaliste au Monde 04.11.2015 à 10h49 • Mis à jour le04.11.2015 à 14h52 | Daniel Psenny Documentaire sur TV5 Monde à 21 heures Le réalisateur signe une fresque romanesque sur les anciennes colonies françaises en AsieVoilà une épopée qui n’aurait, sans doute, pas déplu à Albert Quentin, ancien fusilier-marin en Chine, plus connu sous les traits de Jean Gabin dans Un singe en hiver, d’Henri Verneuil, sorti en 1962. En effet, Aventure en Indochine 1946-1954, de Patrick Jeudy, raconte l’Indochine coloniale de l’après-guerre jusqu’à la chute de Dien Bien Phu, le 7 mai 1954.Cette fresque romanesque entraîne le téléspectateur sur les traces de Jean, un héros fictif ressemblant beaucoup au réalisateur qui, au lendemain de la seconde guerre mondiale, part tenter sa chance en Indochine. Entre Cambodge, Laos, Tonkin, Cochinchine et Annam, secoués par la rébellion vietminh contre le colonialisme japonais, puis français, il va vivre la vie des « petits Blancs » sur fond de cargos, arroyos, fumeries d’opium, fièvre au bord du Mékong, trafic d’armes, baroudeurs, mercenaires, expatriés et épouses délaissées.Dans ce film, qui se situe entre le documentaire et la fiction, le héros de Patrick Jeudy remonte le temps tout en explorant un continent et une époque à travers des archives en couleurs (ou colorisées) d’une grande beauté, accompagnées par les aquarelles de Jérémie Gasparutto, qui font penser à celles d’Hugo Pratt.ErrancesAu hasard de son périple et de ses errances, Jean rencontre tout ce que l’Indochine a attiré comme tordus et aventuriers de tous poils : un médecin opiomane proche du peuple hmong, un pilote d’avion baroudeur, un officier de marine qui ressemble au Crabe-tambour (1977), de Pierre Schoendoerffer, et une institutrice directement inspirée par la mère de Marguerite Duras. Patrick Jeudy écrit sa propre histoire avec des archives récupérées dans de nombreux fonds, mais aussi auprès de plusieurs cinéastes amateurs dont les films ont été exhumés. « En visionnant les archives, mon premier critère était de trouver de belles images et de récupérer des rushes qui avaient été écartés car ils n’entraient pas dans les normes de l’époque », explique le réalisateur.Construisant son récit comme bon lui semble, Jeudy jongle avec les images sans les faire entrer dans un cadre chronologique. Il montre surtout sa passion pour ce territoire sans tomber dans une nostalgie mal placée. Entre l’histoire et le rêve, on est séduit.Aventure en Indochine 1946-1954, de Patrick Jeudy (Fr., 2013, 90 min). Mercredi 4 novembre, à 21 heures, sur TV5 Monde.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Film sur Arte à 20 h 55 Le film de Justine Triet aiguise l’art de la fugue politico-sentimentale.Le premier film de Justine Triet, La Bataille de Solférino (2013), est mené sabre au clair, moins pour rappeler la coûteuse victoire de Napoléon III contre François-Joseph que pour raconter l’histoire triviale d’un couple qui se déchire, tout en captant quelque chose de notre époque.Il se déroule durant la journée du 6 mai 2012 (second tour de la présidentielle) et ne cesse de balancer entre chronique intime et épopée collective. Il est même pensé, construit et réalisé pour faire se chevaucher les deux registres, pour les éclairer mutuellement.Un beau matin, Vincent (Macaigne) se rend, des fleurs et des cadeaux plein les bras, en bas de l’immeuble de la mère de ses enfants. Pour une raison qui ne sera jamais éclaircie, il a manqué, la veille, le premier jour du week-end autorisé par le juge pour la visite de ses deux fillettes, et il entend bien profiter du second. Petit problème, Laetitia (Dosch), reporter à i-Télé : 1. se trouve avec son nouveau boyfriend, Virgil (Vernier), 2. a un peu de travail ce dimanche d’élection et est déjà en retard, 3. est furieuse que Vincent, qu’elle tient pour un mec irresponsable et dangereux, ne l’ait pas appelée pour la prévenir. Il est hors de question que Vincent voie ses filles hors de sa présence. Consigne est donnée au baby-sitter, un gros bébé en BTS de pâtisserie, de ne pas ouvrir au père, doublée d’un recours au voisin asiatique musclé, qui est chargé de le virer en cas de besoin.Pétillant et ferrailleurPas mal vu, car Vincent, sournois, opiniâtre, fou de ses filles et fort de son droit, a réussi à circonvenir la bonne pâte de baby-sitter, a retrouvé ses filles, et ne veut plus partir de l’appartement. Il n’en ira pas de même du voisin serviable, qui descend le mettre dehors manu militari. C’est à partir de là, naturellement, que les choses vont se gâter. Vincent, humilié et furieux, part chercher l’aide d’un copain conciliant qui « s’y connaît dans le code pénal » (Arthur Harari), et possède un labrador au calme impérial. Laetitia, de son côté, entre deux micros-trottoirs débiles menés tant chez les « hollandais » que chez les sarkozystes, fait rapatrier ses filles illico sur son lieu de travail, ladite rue de Solférino, siège du Parti socialiste, où elle est entourée d’une marée humaine de militants surchauffés.Point n’est besoin d’en dire plus, en dépit des nombreuses péripéties qui sont encore au programme. Il importe, en revanche, de dire les mille choses qu’on aime dans ce film pétillant et ferrailleur, mené à cent à l’heure entre haine conjugale et divorce national, dans un pays où personne ne sait plus parler à personne et où le recours à la loi est requis pour s’entendre.Comédie et mélodrameLes acteurs, tous excellents, y compris les seconds rôles. La mise en scène, qui mélange intelligemment les registres de la fiction et du documentaire. Le mélange des tons, qui fait battre au film la chamade de la comédie et du mélodrame, de la fièvre et du calme, de la fantaisie et de la cruauté. L’indécision profonde dans laquelle ce récit plonge le spectateur, lequel a donc toutes les chances de s’identifier à son sexe, et de reconduire à la sortie de la salle la guerre qu’il vient de déplorer à l’écran.La grande justesse qui se niche, enfin, partout dans le film, en même temps que l’autorisation qu’il se donne de divaguer complètement. Le clavier bien tempéré de Bach et la pop lo-fi de Dead Man’s Bones rythment la marche, entre civilisation et sauvagerie.La Bataille de Solférino, de Justine Triet. Avec Laetitia Dosch, Vincent Macaigne, Virgil Vernier (Fr., 2013, 95 min). Mercredi 4 novembre, à 20 h 55, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Gabriel Coutagne Essena O’Neil est l’une de ces nombreuses starlettes que les réseaux sociaux ont fait émerger. Mardi 3 novembre, son compte Instagram totalisait plus de 700 000 abonnés, avant d’être supprimé, le 4 novembre. Dans le fil des images qu’elle avait l’habitude de publier, de nombreuses photos mettaient en valeur ses repas, ses baignades, son physique ou ses bijoux. D’autres montrent des images d’animaux, accompagnées de messages appelant à leur protection. Le « quotidien » idyllique d’une adolescente australienne de 18 ans, qui rêvait de célébrité…Ce qu’elle présente comme une crise de conscience rappelle à quel point la signification d’une image dépend de ce qu’on veut lui faire dire. La jeune fille a en effet décidé de supprimer une grande partie des images publiées sur son profil, sur la description duquel on peut désormais lire : « Les réseaux sociaux ne sont pas la vraie vie »…Certaines images sont restées cependant, et leurs légendes ont été changées, renversant totalement leur signification. Leur caractère authentique, presque inhérent aux réseaux sociaux – « L’authenticité, c’est la clé » clamait Dick Costolo, PDG de Twitter, en 2013 – disparaît au profit d’un aveu de la mise en scène, de préparation, bref, de fiction. Un comble sur Instagram, un réseau qui s’est fait connaître en misant sur la spontanéité de ses utilisateurs. De nombreuses photos montrent la jeune fille en bikini. L’une d’entre elles semble avoir été prise de manière spontanée : Essena, cheveux mouillés, tourne la tête, comme pour jeter un regard rêveur vers la mer, ou pour répondre à quelqu’un. Mais « rien n’est spontané dans tout ça », explique la jeune femme dans la nouvelle légende de cette image. « J’aime cette photo parce qu’elle me rappelle tous les efforts que j’ai déployés pour vous convaincre que j’étais vraiment, vraiment belle », ajoute-t-elle, avant de conclure son post par un mot-clé que l’on pourrait traduire par : #CélébritéConstruite. Une autre de ces images la montrant en train de prendre la pose, dans une forêt, avait pour légende une citation de Martin Luther King, suivie de ce qu’on suppose être ses réflexions personnelles : « Je veux prendre part à une révolution mondiale », écrivait la jeune fille. « Je crois en une révolution faite de gentillesse d’égalité et de compassion envers tous les êtres. C’est déjà en train d’arriver. Je peux sentir le monde changer. De plus en plus de monde a besoin de connaître la vérité. » La nouvelle légende, amendée, se veut plus sobre, et plus ironique : « Photo en bikini avec une citation profonde »… D’autres légendes misent carrément sur la franchise supposée de leur auteur, qui semble vouloir nous expliquer comment ces images ont été fabriquées : « J’ai crié sur ma petite sœur pour qu’elle continue à faire des photos jusqu’à ce que je sois fière de l’une d’entre elles. »La jeune femme entend substituer une forme d’authenticité que supposent les réseaux sociaux par une autre, celle qu’elle clame désormais en prétendant avoir dévoilé la vérité sur ses intentions, à la manière d’une confession.Cette démarche rappelle qu’il suffit de changer quelques mots pour changer le sens d’une image. Les clichés servent tantôt de preuve à la beauté de la jeune fille, tantôt de preuves des efforts qu’elle a fournis pour satisfaire ses désirs de célébrité, et qu’elle prétend avoir vaincus. Même si, pour la seule journée du 3 novembre, son compte a gagné près de 50 000 nouveaux abonnés.@gabrielcoutagnecoutagne@lemonde.frLire le post de blog : Une star d’Instagram quitte les réseaux sociaux et dénonce le culte de la célébritéGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.11.2015 à 20h14 • Mis à jour le04.11.2015 à 16h12 | Eric Nunès Guerre des cinq rois, pression des marcheurs blancs et des sauvageons venus du Nord, retour des dragons à l’Est… Viols, débauches et trahisons, il y a quelque chose de pourri dans le royaume des Sept Couronnes. Ce qui n’empêche pas Le Trône de fer, l’œuvre de R.R. Martin, de faire son entrée dans le monde universitaire. En effet, l’université de Colombie-Britannique, au Canada, propose un cours de littérature intitulé « Notre Moyen Age moderne : Un chant de glace et de feu [l’autre nom de la saga] comme médiévalisme contemporain », avec pour principal objet d’études la saga de l’écrivain américain.Lire aussi :Le trône de fer, une libre transposition de l’écritIl ne s’agira pas, pour les étudiants, de faire une analyse géopolitique du Trône de fer mais davantage de s’atteler à une réflexion historiographique : quelle est l’influence de la saga de R.R. Martin sur l’image que nos contemporains se font du Moyen Age ?Lecture des cinq tomes indispensableLes guerres, meurtres et horreurs en tous genres dont se délectent les fans du Trône de fer seront disséqués comme autant de renvois vers l’actualité et de révélateurs de ce que beaucoup imaginent avoir été la période médiévale. « La période médiévale a continuellement été réinventée pour refléter, comme dans un miroir plus sombre, nos peurs et nos désirs actuels », peut-on lire dans l’intitulé de présentation du cours.L’université prévient qu’il est indispensable, pour s’y inscrire, d’avoir d’ores et déjà lu l’intégralité des cinq tomes de la série, mais également d’avoir regardé les cinq saisons de la série télévisée de HBO.Un prérequis que l’université de Colombie-Britannique double d’un avertissement : « Veuillez considérer que les romans de Martin et la série de la chaîne HBO comptent de nombreuses scènes de violence et de sexe. Si vous vous sentez mal à l’aise avec ce type de contenu, vous pourriez préférer choisir un autre cours », conclut le texte de présentation.Eric NunèsJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Grégoire Orain La parité sera-t-elle atteinte dans les prix littéraires en 2015 ? Le Goncourt a été remis, mardi 3 novembre, à Mathias Enard pour son roman Boussole. Le prix Renaudot, lui, a été accordé à Delphine de Vigan pour D’après une histoire vraie. Le 2 novembre, le prix Décembre avait récompensé Christine Angot pour Un amour impossible (Ed. Flammarion). L’Académie française a pour sa part attribué son Grand Prix à deux hommes le 29 octobre, Hédi Kaddour (Les Prépondérants, Gallimard) et Boualem Sansal (2084, Gallimard).Selon le verdict des jurys Femina et Médicis, qui doivent tous être remis avant la fin de la semaine, 2015 pourrait être l’une des rares fois où le monde de la littérature française a distingué autant d’autrices que d’auteurs. Une situation qui ne s’est produite que 8 fois en cent douze ans.Les femmes restent encore très peu distinguées par neuf des grands prix français (le Goncourt et le Goncourt des lycéens, le Femina, le Grand Prix de l’Académie française, le Renaudot, l’Interallié, le Médicis, le Décembre et le Flore). Depuis la création du Goncourt, le doyen des prix littéraires, en 1903, les autrices françaises n’ont reçu que 113 prix sur les 623 récompenses décernées.Des lauréates très minoritairesQu’il s’agisse des prix les plus anciens ou des plus récents, la proportion d’écrivaines primées est en leur défaveur. Le prix Femina, le plus paritaire, n’a pourtant récompensé que 37,5 % de lauréates. Suivent le Goncourt des lycéens (33 %), le prix Médicis et le prix de Flore, avec 20 % d’autrices, puis le Renaudot (14,5 %), le prix Décembre (13 %), le Grand Prix du roman de l’Académie (12 %), le prix Interallié (11 %) et enfin le prix Goncourt, avec seulement 10 % de lauréates. #container_14465376397{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465376397{ height:500px; } #container_14465376397 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465376397 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465376397 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465376397 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sans le prix Femina, les femmes seraient bien moins récompenséesLe Goncourt n'a été remis qu'à 9,9 % de femmes depuis sa création en 1903require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); 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Pourtant, malgré une tradition de lauréates récompensées dès le début du XXe siècle et en dépit de l’apparition de nouvelles distinctions (prix Médicis en 1958, Goncourt des lycéens en 1988, Décembre – anciennement prix Novembre – en 1989 et Flore en 1994), la tendance reste la même. #container_14460505406{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14460505406{ height:750px; } #container_14460505406 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14460505406 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14460505406 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14460505406 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }La parité rarement atteinte, jamais dépasséeLes femmes ont été totalement absentes des palmarès à 45 reprises depuis 1903require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14460505406", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { 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récompenses accordées depuis 1903, on constate au final que les inégalités hommes-femmes ne se corrigent guère avec le temps. Sur les trente dernières années, il est régulièrement arrivé que les femmes soient totalement absentes des palmarès (en 1986, 1994, 1995, 2003 et 2008), tandis que la parité n’a plus été atteinte depuis 1984. L’Académie française n’a ainsi pas récompensé une femme depuis Henriette Jelinek, il y a dix ans.Des jurys essentiellement masculinsFaut-il aller chercher les raisons de cette sous-représentation dans la composition des jurys ? Là encore, les femmes y sont peu nombreuses en 2015, à l’exception, une nouvelle fois, du jury Femina composé exclusivement de femmes. Un choix assumé dès les origines : le prix a été créé pour répondre au Goncourt, dont les choix étaient jugés trop masculins. De fait, ce dernier a attendu 1944 pour récompenser une femme, Elsa Triolet.La composition du jury de l’Académie française n’est pas communiquée, tout comme celle du jury du Goncourt des lycéens, qui rassemble plusieurs milliers d’élèves. #container_14465386672{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465386672{ height:500px; } #container_14465386672 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465386672 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465386672 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465386672 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }A l'exception du Femina, des jurys à majorité masculineComposition des jurys, en 2015require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14465386672", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Prix Fémina","Prix Médicis","Prix Décembre","Prix Goncourt","Prix de Flore","Prix Renaudot","Prix Interallié"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Jurés", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", null ], [ "", 5 ], [ "", 7 ], [ "", 7 ], [ "", 8 ], [ "", 9 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Jurées", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 13 ], [ "", 4 ], [ "", 5 ], [ "", 3 ], [ "", 2 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", },\u25CF {series.name}: {point.y}', hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, }}) function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} } }});La composition des jurys semble infléchir les sélections finales des différents prix : les jurys Goncourt, Flore, Interallié et Renaudot, très masculins, ont peu retenu de candidates pour le dernier round. #container_14465428170{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465428170{ height:500px; } #container_14465428170 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465428170 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465428170 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465428170 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les autrices plutôt minoritaires dans les sélections finalesLes jurys les moins féminins ont retenu moins d'écrivaines dans leurs sélections finales en 2015require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14465428170", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Femina","Médicis","Décembre","Goncourt","Flore","Renaudot","Interallié"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Auteurs retenus", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 4 ], [ "", 6 ], [ "", 1 ], [ "", 3 ], [ "", 3 ], [ "", 4 ], [ "", 6 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Autrices retenues", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 3 ], [ "", 5 ], [ "", 2 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", },\u25CF {series.name}: {point.y}', hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, }}) function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} } }});Et hors de France ?Le faible nombre de femmes lauréates de prix littéraires n’est malheureusement pas une exception française. La plus prestigieuse récompense internationale, le prix Nobel de littérature, est lui aussi détenu de manière écrasante par des hommes. Un fait qui se corrige légèrement avec le temps : depuis les années 1990, les femmes sont de plus en plus nombreuses à recevoir cette récompense, à l’image de la biélorusse Svetlana Alexievitch, qui l’a obtenu cette année. Mais elles ne représentent toujours que près d’un tiers des lauréats. #container_14465395536{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465395536{ height:500px; } #container_14465395536 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465395536 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465395536 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465395536 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }De plus en plus de femmes parmi les Prix Nobel de littératureLes auteures sont toutefois encore loin d'être aussi représentées que les auteursrequire(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14465395536", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "spline", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: 1, max: 100, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Entre 1901 et 1909","1910","1920","1930","1940","1950","1960","1970","1980","1990","2000","Depuis 2010"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Taux de lauréates", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10 ], [ "", 0 ], [ "", 20 ], [ "", 11.11111111 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", 0 ], [ "", 9.090909091 ], [ "", 0 ], [ "", 0 ], [ "", 30 ], [ "", 30 ], [ "", 33.33333333 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", },\u25CF {series.name}: {point.y}', hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, }}) function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} } }});Grégoire OrainJournaliste au Monde Michel Guerrin Il a aimé sa vie. Et organisé sa mort. Depuis plusieurs mois, le jardinier Pascal Cribier confiait à ses amis qu’il allait mettre fin à ses jours. Parce qu’il était diminué, ne pouvait plus vivre intensément. Mardi 3 novembre, l’architecte Patrick Bouchain est allé lui dire au revoir dans son appartement qui surplombe le jardin du Luxembourg, à Paris. Le ciel était rouge. Ils ont eu « une discussion magnifique ». Ils se sont quittés sans une larme. Un peu plus tard, Cribier a pris un fusil de chasse et il s’est tué. Il avait 62  ans.Laurent Le Bon, le président du Musée Picasso, cerne un compagnon de vingt ans  : «  Une génération de jardiniers exprime le génie français  : Patrick Blanc, Louis Benech, Gilles Clément. Et Pascal Cribier, qui était un trublion.  » Une belle personne, qui a poussé loin le triptyque nature, paysage, jardin. Pour lui, la nature est belle, mais hostile, elle lui faisait peur, il n’y marchait jamais. Jardiner consistait à l’abîmer, donc il fallait le faire avec élégance et attention. Il disait que le vent soufflait plus qu’auparavant parce que la planète avait besoin d’être secouée pour se nettoyer.Cribier n’aimait pas les musées, qu’il comparait à des bouquets mal assemblés. Il leur préférait la musique contemporaine et l’odeur de la pluie d’été sur le bitume. Il n’a jamais eu d’ordinateur ni de téléphone portable, mais les poches pleines de papiers en guise d’agenda. Pas d’agence pour travailler, préférant monter des équipes légères au gré des affinités. On ne l’appelait pas, on le rencontrait. Il grimpait en haut d’un arbre pour lui couper la tête, ou se glissait dessous pour laisser traîner les branches et en faire une créature languissante. Il était «  fertile en amitié  », aimait les hommes et le sexe. «  Il aimait tellement la nature  », dit Patrick Bouchain.Né en 1953 à Louviers (Eure), Pascal Cribier est un cancre, qui quitte l’école à 14  ans pour travailler dans un studio de photos publicitaires. Il est jeune, très beau avec ses yeux d’un bleu éclatant, roule en bolide, multiplie compétitions de kart, gagne sa vie comme mannequin pour les magazines, est aussi à l’aise avec le peuple que l’aristocratie. Il entre aux Beaux-Arts en 1972, obtient en 1978 son diplôme d’architecture. Ce qui lui fera dire  : «  Je ne sais si je suis paysagiste, architecte ou jardinier.  » Disons jardinier, terme qu’il préférait, parce qu’il respectait le terrain et son histoire, les gens qui y vivent aussi. Parce qu’il était un érudit des plantes, qu’il mariait avec une audace inouïe, ou portait une attention extrême à l’écoulement des eaux, alors que tant de paysagistes dessinent comme s’ils faisaient face à une feuille blanche. Quand il a exposé son travail, à l’espace Electra, à Paris, en 2008, il a mis en évidence une souche avec toutes ses racines. Et fondé en 2012 les Rencontres botaniques de Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), pour favoriser le dialogue entre jardiniers et scientifiques.Sur un atoll à Bora-BoraPascal Cribier a dessiné près de 180 jardins en trente ans. Publics et privés, en France et à l’étranger. Toujours sur des «  terres fertiles en amitié  ». Une célébrité lui a un jour commandé un jardin. Il a dit oui. Puis non. «  Je ne peux pas travailler avec quelqu’un qui a de la merde dans les yeux  », nous confiait-il. Il a conçu un jardin sur un atoll de Bora-Bora, un autre à Aramon (Gard) pour le collectionneur Jacques Hollander, un autre encore, de 200 hectares, à Woolton House, dans le Hampshire, en Angleterre, pour un couple de Britanniques. Il a actualisé le jardin des Tuileries avec Louis Benech, tout en respectant le dessin de Le Nôtre. Il a conçu un ranch de 36  000 hectares dans le Montana, avec des buttes pour s’abriter du vent.Pour saisir l’ampleur de l’œuvre, il faut voyager. Ou se plonger dans Pascal Cribier. Itinéraires d’un jardinier (éd. Xavier Barral, 2009). Ce livre est un chef-d’œuvre. Mille images en couleur et format panoramique – prises par Cribier –, des légendes instructives et sensibles, des encarts écrits par l’urbaniste Patrick Ecoutin ou l’historienne Monique Mosser. Le tout orchestré par Laurent Le Bon. Un jardin de Cribier ne ressemble pas à un jardin. Pas une collection de plantes rares enfermées au zoo, pas d’alignements au cordeau ni de frontières visibles. On se demande parfois, en marchant dans ses créations, où il est intervenu. Mais il maîtrise chaque mètre carré, associe des sentiments, des lumières, des climats, marie des plantes aux rythmes différents, et attend de voir comment un orage «  va modifier tout ça  ».Son génie s’exprime dans son propre jardin. Son histoire aussi. Huit hectares perchés sur une falaise du pays de Caux, à Varengeville-sur-Mer. Le site est travaillé à partir de 1972 par trois amis  : Robert Morel, qui y est né, Eric Choquet, qui l’achète, et Pascal Cribier, qui y fait ses gammes. Travail de titan, à la main, le week-end, pendant des années. Ce jardin, on s’y engage comme dans un livre, on y vit plusieurs expériences et rebondissements. On est tour à tour heureux ou inquiet. On y a chaud ou froid. On ne sait plus si la mer devient le jardin ou si le jardin devient la mer.Parmi les temps forts, une prairie joyeuse, qui semble à l’abandon, alors qu’il s’agit d’une construction de canches et de fleurs estivales (coquelicots, bleuets, coquelourdes, lin rouge, nigelles de Damas). Un attelage rare en Normandie, mais soudé  : « Après l’orage, le coquelicot ne s’effondre pas, car il est soutenu par les canches », nous disait-il. Autre réussite, un vallon au sol spongieux et à la pente raide, cerné par un orchestre de frênes, noisetiers ou châtaigniers, dans lequel on croit défaillir jusqu’à trouver la mer providentielle.Pascal Cribier disait qu’un jardin est vivant, donc destiné à mourir. Comme celui qu’il a dessiné à Méry-sur-Oise, peut-être son chef-d’œuvre par le ballet qu’il a créé entre les plantes et l’eau. En introduction de son livre, il confiait  : «  Les jardiniers travaillent avec des matériaux vivants, les plantes, qui ne souffrent apparemment pas et dont la disparition est même parfois bienvenue. Dans le jardin, il n’y a pas de deuil, c’est la chance des jardiniers  : ils se préoccupent de l’instant présent et pensent aux saisons futures. »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Début décembre 1973, Frank Zappa (1940-1993) et les sept musiciens de sa formation d’alors sont au Roxy, célèbre salle du Los Angeles rock, sur le Sunset Strip. Le guitariste, chef d’orchestre, auteur-compositeur et producteur américain a décidé de tirer un film de la série de concerts qui y sont organisés. Quatre caméras pour film 16 mm, les mêmes vêtements portés chaque soir (lavés, séchés et repassés dans la nuit) pour les raccords entre les différentes prises d’un concert à l’autre, le répertoire d’une vingtaine de compositions identique chaque soir.La formation, l’une des plus assurées de Zappa, est en fin de tournée automne-hiver. Soit le pianiste George Duke et son appareillage de claviers, le saxophoniste, flûtiste et chanteur Napoleon Murphy Brock, le tromboniste Bruce Fowler, son frère Tom à la basse, la percussionniste Ruth Underwood, les batteurs Chester Thompson et Ralph Humphrey. Chacun maîtrise tous les pièges rythmiques, sauts harmoniques, parties les plus complexes à jouer autant qu’il est capable de réagir à toutes les sollicitations vers l’improvisation collective et les parties solistes impromptues que sollicite Zappa. Le public est chaud bouillant et les concerts une fête musicienne du plus haut niveau.Folles soiréesLe film prévu devait être comme une apothéose de ces moments. Et puis rien. La découverte, en post-production, une fois la pellicule développée, de décalages avec le son de la console, le manque d’argent et de temps, des impossibilités techniques à l’époque… vont contraindre le musicien à remiser le film. Il y reviendra de temps à autre mais mourra, à l’âge de 52 ans, sans avoir pu le finaliser.Quarante-deux ans plus tard, ce qui avait forme de mythe pour les amateurs de Zappa est devenu Roxy The Movie. Plus de deux heures d’images et de sons restaurés, tirés des concerts du 8, 9 et 10 décembre 1973, publiés sur support Blu-Ray, DVD et CD, avec mixage en Surround 5.1 – pour profiter au mieux du tourbillon –, qui restituent au mieux l’atmosphère de ces folles soirées. Un hommage aussi à l’une des périodes les plus appréciées de Zappa.Musicalement, on y entend comme un condensé de toutes les explorations de Zappa, avec des moments loufoques (Cheepnis, Dickie’s Such An Asshole), des emprunts à la musique contemporaine dotée d’une bonne dose de swing, du rhythm’n’blues, du funk, du jazz, des combinaisons de métriques impaires (tout cela réunit dans T’Mershi Duween, RDNZL, Inca Roads, Echidna’s Arf of You, Pygmy Twylite…), de multiples clins d’œil stylistiques, le rituel de la participation du public, ici surtout durant Be-Bop Tango (Of The Old Jazzman’s Church) avec sur scène des jeunes filles et jeunes gens bien allumés.Et de bout en bout, une joie de jouer ensemble et une complicité de chaque instant, qui avaient été perceptibles dans les enregistrements audio déjà publiés, notamment dans le double album Roxy & Elsewhere (juillet 1974) et Roxy by Proxy (mars 2014). Ce Roxy The Movie constituant aussi, avec ces plans de sourires et regards radieux, la plus évidente des portes d’entrée dans l’univers de Zappa.Roxy The Movie, de Frank Zappa, en édition Blu-Ray, DVD et DVD avec CD, Zappa Records/Eagle Vision-Universal Music.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 06.11.2015 à 18h57 • Mis à jour le07.11.2015 à 00h04 | Renaud Machart Documentaire sur Arte, à 0 h 50 Arte fête les 90 ans du grand chanteur lyrique suédois Nicolai Gedda.Le titre français qu’a choisi Arte pour le documentaire qu’elle consacre à Nicolai Gedda, Un ténor au diapason (2015), est moins bon que l’original allemand : « Le cavalier du contre-ré ». Car le chanteur suédois, né à Stockholm en 1925, élevé par un beau-père russe, éduqué en Allemagne et devenu l’un des artistes lyriques les plus impeccablement polyglottes qui furent, était une voix particulièrement élevée : non seulement il atteignait sans fatigue le contre-ut, considéré comme un dangereux Everest par la plupart des premiers de cordée de la tessiture, mais gagnait le contre-fa, un suraigu dont peu de gosiers concurrents étaient capables. Gedda était, pour les ténors, l’équivalent d’une Reine de la nuit, ce rôle de La Flûte enchantée qui gagne des sommets vocaux escarpés.Le chanteur, qui s’est produit jusqu’à l’âge de 80 ans, faisant ses adieux auprès d’une chorale russe orthodoxe avec laquelle il avait fait ses débuts de soliste à 11 ans, fut l’un des ténors les plus révérés de son époque. Certes, Gedda ne chantait pas les rôles les plus lourds du répertoire, mais le bel canto, les personnages mozartiens et les héros de l’opéra français du XIXe siècle étaient ce dans quoi il était le meilleur.Le documentaire de Michael Beyer commence d’ailleurs avec l’extrait d’un concert filmé, l’air de Nadir, extrait des Pêcheurs de perles, de Georges Bizet, où ses demi-teintes et ses pianissimos rêveurs, tout comme le velours de son legato, n’ont été à ce jour égalés par personne. Il n’est donc pas étonnant que le grand ténor du moment, Jonas Kaufmann, témoigne dans ce film de l’admiration qu’il voue à cet aîné, modèle d’une technique saine, prudente, et d’une musicalité naturellement raffinée.RenoncementsRepéré par le producteur de disques Walter Legge en 1952, celui-ci le fait immédiatement engager par la firme EMI pour laquelle il enregistrera avec Herbert von Karajan et gravera 180 disques au cours de sa longue carrière : des lieder allemands, des mélodies françaises (il chantait notre langue à la perfection), l’opéra, l’oratorio et aussi l’opérette, un genre qui fera de lui une vedette populaire en Allemagne (le documentaire montre de nombreuses archives de la télévision allemande, d’œuvres de Franz Lehar notamment). Sa carrière sur scène fut mondiale et longue, jusqu’à son retrait des scènes, à 77 ans.Mais, au mitan de la quarantaine du chanteur, la voix prit cependant quelques rides et perdit de sa fraîcheur. Ce que tait ce documentaire résolument admiratif qui laisse penser que le seul « risque » vocal que prit Gedda fut un Lohengrin, de Wagner, qui le conduisit droit chez l’ORL. Le ténor aborda sûrement trop tôt Don José, dans Carmen, de Bizet, et ses incarnations berlioziennes étaient probablement un peu au-dessus de ses moyens.Mais Gedda ne tenta pas le diable et dit d’ailleurs, de manière assez amusante (ses collègues rappellent qu’il était doté d’un sens de l’humour assez subtil), avoir toujours préféré les rôles courts, comme celui de Lenski dans Eugène Onéguine, de Tchaïkovski : « Comme il est tué dès l’acte 2, je peux rentrer chez moi. »Un ténor au diapason, de Michael Beyer (Allemagne, 2015, 52 min). Dimanche 8 novembre, à 0 h 50, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante) Documentaire sur Canal+ à 15 h 10 Un reportage accablant sur la collaboration du groupe allemand à la dictature militaireIl était 16 h 30, lorsque Lucio Bellentane est arrivé sur la chaîne de montage. Ce devait être un jour banal pour ce métallurgiste de 28 ans. Mais sept heures plus tard, le jeune militant communiste est roué de coups dans un recoin de l’usine, avant d’être livré à la police secrète. Ses tortionnaires ? « Volkswagen ». Bellentane est brésilien. En 1972, lorsqu’il se fait tabasser par les hommes d’Adhemar Rudge, un ancien colonel de la police militaire chargé de la sécurité du groupe allemand à Sao Paulo, le pays est sous le joug d’une dictature militaire. Pour Volkswagen, cette période sombre aurait été l’occasion de molester les employés trop revendicatifs.Plainte déposée contre la marqueLe reportage accablant, réalisé à Sao Paulo par François Cardona et Eliot Fritel, diffusé dans « L’Effet papillon », sur Canal+, revient sur « l’autre scandale Volkswagen ». Le groupe, accusé d’avoir triché sur les émissions de CO2 de ses moteurs diesel, doit aussi affronter son passé brésilien. Une plainte a été déposée le 22 septembre, l’accusant d’avoir collaboré activement avec la dictature (Le Monde du 25 septembre). A écouter un ancien de la police militaire, la responsabilité de l’entreprise fait peu de doute. « Volkswagen ? Quand on leur demandait quelque chose, ils faisaient exactement ce qu’on voulait », dit-il, évoquant « une vraie proximité » entre le groupe et la dictature, tout en recommandant aux journalistes de se taire.Au Brésil, où Volkswagen s’est rendu populaire avec sa fusca (« coccinelle »), diverses polémiques que n’aborde pas le reportage ont déjà affecté la marque. En 1967, lorsque est extradé en Allemagne Franz Stangl, ancien nazi employé par le groupe à Sao Bernardo do Campo. Ou, plus récemment, lorsque « VW » a été accusé d’avoir espionné le syndicaliste et futur président Luiz Inacio Lula da Silva.Lucio Bellentane obtiendra-t-il réparation ? Adhemar Rudge, devenu un vieil homme, coule des jours tranquilles dans son appartement de Sao Paulo. Et, aux deux auteurs du reportage, il explique que « tout est inventé. Volkswagen n’a jamais collaboré avec la police. Ce sont des mensonges ».L’autre scandale Wolskwagen , de François Cardona et Eliot Fritel. Dimanche 8 novembre, à 15 h 10, sur Canal+Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondance) Un jeune homme de 18 ans originaire de Haute-Garonne est mort des suites d’un malaise cardiaque, jeudi 5 novembre, après avoir participé à une rave-party le week-end du 1er novembre à Talairan, dans l’Aude. L’autopsie était en cours vendredi, ainsi que des analyses toxicologiques qui devront déterminer si sa mort est due à une absorption massive d’alcool et de produits stupéfiants.Deux autres personnes sont également décédées : un homme de 35 ans, sans domicile fixe et originaire du Vaucluse, trouvé mort sur le site dimanche en fin d’après-midi, ainsi qu’un Espagnol de 28 ans, décédée sur la route du retour entre Barcelone et Gérone. Selon le récit fait par les amis de la victime aux enquêteurs espagnols, le petit groupe revenait de la rave audoise.Dès le lendemain du drame, le préfet de l’Aude, Jean-Marc Sabathé, avait qualifié les organisateurs « d’irresponsables et de criminels ». Le rassemblement, non autorisé, avait fait converger de toute la France, d’Espagne, de Suisse et de Belgique, environ 6 000 « teufeurs », dont certains étaient encore présents sur le site en cette fin de semaine.Malgré la mobilisation de la gendarmerie, les jeunes avaient afflué sur un terrain situé en bordure d’une grande forêt, facilement accessible et relativement éloigné des habitations. Patrice Guillaume, le maire (sans étiquette) de la commune de Talairan et ses 380 habitants, ont été alerté dès le vendredi 30 octobre par de la musique provenant de trois « murs de son » reliés à des groupes électrogènes. « Ils sont venus sur ce site appartenant au conseil départemental sans nous avoir prévenu et sans autorisation. C’est la troisième fois depuis le mois de septembre et à chaque fois, nous ne pouvons rien faire malgré la présence des gendarmes », se désole-t-il.« Quatre urgences vitales »L’enquête a été confiée à la brigade de recherche de Carcassonne et devra déterminer des produits stupéfiants sont à l’origine de ces morts, mais aussi retrouver les organisateurs de la rave, toujours pas identifiés.Le jeune Toujousain aurait pris des cachets de LSD et de mescaline, alcaloïde puissant et hallucinogène de la classe des phényléthylamines, selon ses proches.Dimanche, la dizaine d’infirmiers et médecins de la Croix-Rouge sur place avait fait part de « quatre urgences vitales et notamment un cas grave avec pronostic vital engagé ». Les pompiers évoquaient quant à eux trois évacuations sanitaires pour une blessure au genou, une crise d’angoisse et une perte de connaissance.Le 24 mai, un Vauclusien de 17 ans qui participait à une rave-party sauvage dans le Tarn, avait également succombé après une forte consommation de drogue. La rave-party qui s’était déroulée entre les communes d’Albine (Tarn) et de Lespinassière (Aude), faisait suite à l’interdiction du Teknival prévu près de Béziers. La plupart des « teufeurs » s’étaient rassemblés à Nizas, près de Pézenas (Hérault), tandis que d’autres groupes avaient essaimé dans divers lieux, dont cette région déserte de la Montagne Noire.De plus en plus contraints de prévenir à l’avance les autorités, et se voyant souvent refuser les autorisations, les organisateurs mettent désormais en place une communication interne sophistiquée qui ne passe même plus par les réseaux sociaux. Les lieux choisis sont communiqués au dernier moment, d’où le fait que ces raves se prolongent plusieurs jours.Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondance)Journaliste au Monde Mustapha Kessous Documentaire sur LCP à 20 h 30 Un documentaire tente d’éclairer le rapport des présidents de la Ve République à la foi.Depuis 1905, l’Etat et l’Eglise sont séparés, mais leur relation ne s’est jamais véritablement arrêtée. Bien au contraire. Chacun des sept présidents de la Ve République a entretenu des rapports particuliers avec le sacré. De Charles de Gaulle à François Hollande, les chefs de l’Etat ont parfois dû concilier – avec plus ou moins de réussite – croyance et laïcité, sans heurter les autres confessions.L’un des plus décomplexés est certainement Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais caché sa foi catholique. Trois ans avant de devenir président (de 2007 à 2012), il avait écrit un livre avec le père dominicain Philippe Verdin (La République, les religions, l’espérance, éd. du Cerf, 2004) qui parlait de la place des cultes dans l’espace public. Pour lui, les religions doivent apporter de « l’espérance », et c’est le rôle de l’Etat de les aider dans cette quête.A chaque messe publique, M. Sarkozy n’hésite pas à faire le signe de croix, au grand dam des farouches défenseurs de la laïcité qui désapprouvent qu’un chef d’Etat puisse ne pas garder une posture de neutralité, comme l’exige la fonction présidentielle. Nicolas Sarkozy se moque des conventions : il rappelle sans cesse les origines chrétiennes de la France. Il cherche aussi à donner une visibilité à l’islam, mais « sa dérive droitière », comme le rappelle Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, a eu comme conséquence de stigmatiser les musulmans.Dans le monde politique, la religion est à manier avec précaution. C’est ce que montre le documentaire Les Présidents et Dieu, diffusé sur LCP dimanche. A travers les témoignages de proches de dirigeants français comme Hubert Védrine, François Léotard, Alain Pompidou (fils de Georges Pompidou), le Père François de Gaulle (neveu du Général) et bien d’autres encore, on comprend les difficultés qu’ont eues les chefs de l’Etat à moderniser un pays sans heurter – si possible – les convictions religieuses d’une partie des Français.Tensions avec le VaticanAinsi, après le vote, en 1975, de la loi Veil dépénalisant l’avortement, Valéry Giscard d’Estaing s’était mis à dos les catholiques les plus fervents et le Vatican. Quarante ans plus tard, François Hollande a soulevé la réprobation d’une grande partie des croyants des trois grandes religions lors du vote du mariage homosexuel.Charles de Gaulle est probablement celui qui a été le plus croyant : il a même fait installer une modeste chapelle – plus précisément un oratoire – dans une petite pièce de l’Elysée. Le Général a toujours considéré la France comme « la fille aînée de l’Eglise » et joua de ses relations diplomatiques pour faire élire, à chaque fois, un pape favorable à son pays.François Mitterrand a été le plus mystique, fasciné par la mort. Jacques Chirac croit plus aux hommes qu’à Dieu, intrigué par les origines de l’espèce humaine au point d’en faire un musée (le Musée du quai Branly).Ce documentaire intéressant en deux parties est un voyage dans la spiritualité de nos dirigeants. Ce film dense, un peu trop même, joue trop des commentaires. On peut regretter qu’il ne donne pas assez la parole aux différents témoins qui apportent un éclairage et racontent des anecdotes parfois amusantes sur nos présidents.Les Présidents et Dieu, de Marc Tronchot (Fr., 2015, 2 x 52 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 06.11.2015 à 17h18 • Mis à jour le07.11.2015 à 12h53 | Florence Evin Fermé le 15 février, pour dépôt de bilan, le Musée Maillol rouvrira en septembre 2016, comme l’a annoncé Olivier Lorquin, président de la Fondation Dina Vierny, propriétaire du musée. Culturespaces prend en charge la totalité du fonctionnement muséal, comme elle le fait déjà à Paris pour le Musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut de France.La future programmation devrait remettre à l’honneur l’art moderne et contemporain, « l’ADN du Musée Maillol », tel que l’avait voulu sa fondatrice Dina Vierny, modèle et muse du sculpteur Aristide Maillol (1861-1944) de cinquante-huit ans son aîné. Dina Vierny s’est consacrée jusqu’à sa mort, en 2009, à rendre publique l’œuvre de son mentor, après avoir offert à l’Etat, en 1964, sous l’égide d’André Malraux, la vingtaine de figures féminines monumentales exposées dans le jardin du Carrousel aux Tuileries, à Paris. C’est elle aussi qui a acquis et restauré l’hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris, pour y loger le Musée Maillol, en 1995, et exposer l’œuvre et les collections de l’artiste.Olivier Lorquin, fils de Dina Vierny, « le patron [du Musée Maillol] nous a confié la production des expositions temporaires, celle de la collection permanente, de l’audio-guide, et de la gestion, tout ça à nos risques et périls, avec la mise à disposition des lieux bien entretenus, bien climatisés, précise Bruno Monnier, fondateur et président de Culturespaces. Il n’y aura plus de direction artistique, nous déciderons ensemble de la programmation. Avec Sophie Aurand-Hovanessian, administratrice, directrice de la programmation culturelle de Culturespaces, qui pilote le service des expositions avec une équipe de dix personnes, à Jacquemart-André, comme à Caumont Centre d’Art ouvert au printemps dernier à Aix-en-Provence ». Des expositions moins courues qu’espéréCette annonce met un terme à l’incertitude qui pesait sur le sort du Musée Maillol fermé dans l’urgence, il y a huit mois, alors qu’était annoncée une exposition sur le thème du baiser dans l’art, depuis la Renaissance, et qui devait ouvrir un mois plus tard. « Je retrouve mes ailes, la liberté que j’avais perdue, une envie de faire. On déborde d’idées. C’est un accord sur l’émotion, s’emporte Olivier Lorquin. Avec Patrizia Nitti, j’étais un peu en deçà, j’observais ce qui se passait chez moi. Patrizia Nitti avait de l’entregent , on a fait des choses formidables ensemble. Sa société Tecniarte a déposé le bilan, il y a eu rupture de contrat. J’ai tourné la page. »Tecniarte, qui gérait le musée, a fait les frais d’une baisse de fréquentation avec des expositions moins courues qu’espéré, plombant la trésorerie, après des investissements colossaux et nécessaires pour la mise aux normes du musée. La pétulante Patrizia Nitti, qui a retrouvé son fief romain, estime que l’arrivée de Culturespaces à Maillol « est une révolution ». « Jamais, dit-elle, Culturespaces n’acceptera les conditions qui m’étaient imposées. Olivier Lorquin m’a donné les clefs du musée et la mauvaise gestion de la Fondation Dina Vierny, avec l’impossibilité d’y remédier. J’ai été très mal conseillée par mes avocats. Toutes les améliorations extrêmement coûteuses, c’est moi qui les ai faites, pour plus d’un million d’euros. C’était vital. J’ai rendu un musée moderne ».Entre 180 000 et 350 000 visiteurs annuelsCe qu’apprécie son successeur Bruno Monnier : « J’ai été agréablement surpris, reconnait-il, de trouver des infrastructures au top niveau. L’équipement du musée est prêt ». Le contrat signé avec M. Lorquin prévoit le versement, par Culturespaces au Musée Maillol, d’un « loyer fixe pour les mille mètres carrés d’exposition et un partage des excédents de la billetterie – sur les frais engagés », ajoute Bruno Monnier qui vise 300 000 visiteurs par an. Un objectif raisonnable pour un musée dont les entrées oscillaient, selon les têtes d’affiche, entre 180 000 et 350 000 visiteurs – notamment pour Basquiat, en 1997, et Pompéi en 2011.« Revenir aux fondamentaux », telle est l’obsession d’Olivier Lorquin. D’ores et déjà, les thèmes porteurs retenus pour les deux expositions temporaires annuelles, de l’automne et du printemps, confirment le parti-pris : « la représentation du corps dans l’art moderne et contemporain », « Aristide Maillol, ses amis et les artistes de son temps », « Dina Vierny, muse de Maillol, galeriste et collectionneuse », ou encore « les couples artistes ».Culturespaces, société privée, s’occupera de tout, de l’accueil, de la billetterie, des visites comme de la gestion des activités annexes – librairie-boutique, café, réceptions. Sur le modèle de ce qu’elle fait dans les treize autres sites à sa charge, des Carrières de lumière des Baux-de-Provence aux Théâtre et Arènes de Nîmes, jusqu’à la Villa Ephrussi de Rothschild sur la Méditerranée .La cour pavée de l’Hôtel Bouchardon, qu’a connue Alfred de Musset qui logeait au premier étage, va retrouver son éclat d’origine derrière le fameux porche d’entrée, dit « de la Fontaine aux quatre saisons » pour ses figures sculptées. Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Voici deux hommes du jazz, André Villéger (saxophones ténor et soprano, clarinette, né à Rosny-sous-Bois le 12 août 1945) et Philippe Milanta (pianiste né à Marseille le 30 mars 1963). Ils ont sous les doigts et dans le souffle plus de cent ans de musique. On les connaît comme interprètes, arrangeurs, compositeurs, et membres attitrés de tous les big bands de ces dernières décennies. Pas du tout comme stars ou starlettes.Ce qui, pour ne pas les propulser au-devant de la scène, ne les rend pas moins indispensables à une certaine idée du jazz. On a pu la croire dépassée (par quoi, au juste ?), cela ne suffit pas à la périmer.Dans le sillon du plaisirJouer le répertoire, célébrer les « héros » du jazz – le dernier album en duo de Villéger et Milanta s’intitule For Duke and Paul – reste et surtout redevient une idée forte. On peut la prendre comme un programme académique (Wynton Marsalis), la renouveler (Géraldine Laurent), s’y référer parce que malgré tout… (nombre de jeunes musiciens), on peut aussi en faire ce que Villéger et Milanta en font : la jouer droit, la creuser, s’y absorber comme dans le sillon du plaisir. Il y faut une personnalité discrète, en termes de vedettariat, une personne claire, une ambition immense autant que modeste. Ce qui s’appelle jouer pour, For Duke and Paul.Duke, c’est évidemment Duke Ellington, et à travers lui, Billy Strayhorn, l’alter ego, l’âme du band, le compositeur éblouissant, l’autre pianiste de l’orchestre. Paul, Paul Gonsalves (ténor sax), l’une de ses voix privilégiées, même dans le Duke Ellington Band où elles l’étaient toutes. Quand l’orchestre entrait en scène, chacun rejoignant son pupitre avant l’entrée du Duke, chacun était acclamé à juste titre. Ils avaient nom Cootie Williams, Cat Anderson, Johnny Hodges, Russel Procope, toute la section des sax. Paul Gonsalves, capable à lui seul de relancer l’orchestre à Newport, en 1956 (Diminuendo and Crescendo in Blue), semblait celui à qui Duke passait tout.On le voit, lors d’un concert en Norvège, cluquer sur sa chaise, avant de se réveiller sous le doigt du Duke, pour prendre un chorus de feu. Un soir de 1967 à Pleyel, le pupitre de Cat Anderson (1916–1981), membre de l’illustre cohorte depuis 1944, resta vide. Malade ? Quelque pépin ? Non. C’est qu’il s’était présenté en retard à la balance. Ça ne rigolait pas. Mais quand ça jouait, ça jouait. Souvenirs de l’âge d’or ? Promesses de l’avenir…Vérité du jeuVilléger et Milanta réussissent ce tour de force d’être à fond eux-mêmes, sans autre concession que la vérité du jeu, en duo, alors que leur répertoire – à deux compositions personnelles près – est dans toutes les oreilles à travers les divers big bands qui les ont illustré. Villéger a suivi un parcours à contrepied, du traditionnel au plus actuel, tandis que Milanta, marqué au début par Count Basie, se laisse, à travers toute sorte de formations dont son propre nonette, gagner par Ahmad Jamal et autres.Il y a dans ces parcours croisés quelque chose d’éminemment émouvant qui ne tient que par leur refus de refaire, de redire, doublé de mille expériences de « sideman » : le « gars d’à côté » disant mieux qu’ « accompagnateur », de quoi il retourne. Ce qui leur permet, désir et capacité entrelacés, de reprendre à bras le corps une idée, un geste, un moment, avec une décision et une inventivité qu’il est toujours loisible de mimer sans forcément la rejoindre. Eux, ils sont au cœur, reprenant des compositions peu connues ou décalant rythmes et tonalités sur, par exemple, I Let A song Out of My Heart.On pourrait retracer tous les points remarquables de leur entente à travers le Paul’s Tales de Villéger. Ce serait une formidable analyse de ce génie personnel qui se dévoue à l’Histoire du jazz à travers ses héros même. Inutile de traquer dans le jeu de Villéger qu’on aime tant à chacune de ses apparitions (au Cépage Montmartrois, par exemple, le vendredi soir, avec George Locatelli), quelque mimétisme dont il serait bien capable. Tenter de comprendre sa fougue.Pour le sérieux du jeuSe dire simplement que donner, en toute simplicité (tu parles !), une idée de toutes les musiques qu’ils portent, et la donner en duo, tient de la performance, d’autant plus vivace, qu’elle n’en affiche aucun des signes frelatés. Ils jouent, pour le plaisir et le sérieux du jeu. Ils jouent avec une efficacité qui emballe. Inutile de se demander pourquoi le Sunset Sunside est bourré comme un club de grande époque. Ce plaisir donne du plaisir, et le sérieux, de quoi réfléchir encore cent ans. Avis aux jeunes musiciens. Ils ont souvent l’allant mais pas forcément la science. Quant à l’humilité…Le 4 juillet 1973, Independance Day, trois orchestres, trois légions de stars, se relayaient au Roseland Ball Room de Manhattan : Count Basie Orchestra, Duke Ellington Band et l’orchestre de Woody Herman. Six chansons chacun, et on recommence. Pas moins. Quel plaisir, parfois, d’avoir vécu…La curiosité de cette nuit du 4 juillet – les gens dansaient sous lampions et petites bannières étoilées –, c’est que « Paul » allait en tanguant de l’un à l’autre, comme s’il se trompait de formation. L’ivresse ? L’errance ? Pas le moins du monde. Il savait, de source sûre, que bien plus tard, il y aurait des musiciens capables d’en retenir l’idée, la démarche et la force. Mais il faut s’y atteler et s’appeler André Villéger et Philippe Milanta. Ce qui donne, c’est la condition, en duo, c’est le défi, une réussite aussi saluée en club qu’en album : For Duke and Paul. Méthode rouge et bleue avec les étoiles, pour grands fidèles à l’histoire du jazz et apprentis de la dernière heure.For Duke and Paul, d’André Villéger et Philippe Milanta, 1 CD Camille, Socadisc. www.facebook.com/Camille-Productions-1496036404044865Francis MarmandeJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. » Avant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. » Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin...La bande-annonce de « Spectre »Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Grey à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Documentaire sur France 2 à 22 h 35 Afin de célébrer les quarante ans d’« Apostrophes », Pierre Assouline propose un délicieux florilège.Chaque vendredi soir, pendant quinze ans (de 1975 à 1990), Bernard Pivot a été le grand ordonnateur d’une des plus fameuses veillées littéraires : « Apostrophes ». Pour célébrer cette institution qui a rassemblé jusqu’à deux millions de spectateurs, Pierre Assouline a composé, sous la forme d’un abécédaire, un florilège des meilleurs moments de l’émission, commenté avec bonhomie et émotion par le « roi Lire ».Parmi les épisodes célèbres – comme celui, cultissime, avec l’écrivain américain Charles Bukowski, éméché, quittant bouteille en main le plateau, épaulé par Bernard Pivot et son éditeur –, les passes d’armes se tiennent en bonne place. Des « amabilités » de l’historien et épistémologue Jean-Paul Aron, lancées notamment à l’encontre de Barthes, Foucault, Derrida, au « KO » verbal de Jean Cau par Mohamed Ali ; de l’échange glaçant entre Marc-Edouard Nabe et Morgan Sportès qui s’achèvera en coulisse par un pugilat, relate Pivot, aux propos dévastateursde Simon Leys envers Maria-Antonietta Macciocchi et son livre sur la Chine, signant du reste son arrêt de mort en librairie, on mesure la violence qui pouvait éclater au sein de ce cénacle littéraire, mais aussi l’incroyable liberté de ton qui n’aurait peut-être plus cours aujourd’hui.Et, incidemment, il est rappelé le pouvoir de prescription que prit très vite « Apostrophes ». Cet impact se fera sentir sur les essais les plus ardus comme ceux de Vladimir Jankélévitch ou de Claude Hagège que « les gens, explique Pivot, achetaient par reconnaissance ».Doux parfum de nostalgieReste que, entre les éclats de voix, les duels à fleuret moucheté (celui avec Roger Peyrefitte, qualifié par Jean d’Ormesson de « dame pipi qui se prend pour Saint-Simon », étant sans doute parmi les plus délicieusement vachards) et les mots d’esprit, Pierre Assouline délivre aussi de nombreux très beaux moments. On pense entre autres à l’échange entre Roland Barthes et Françoise Sagan sur l’amour ; à Marguerite Duras évoquant ce double de la vie que constitue pour elle l’écriture ; à la définition de l’écrivain par Etiemble, ou encore à Marguerite Yourcenar évoquant cette maladie du siècle qu’est le conformisme. Parsemé de rires et d’émotions, ce délicieux florilège sait surtout nous étreindre par un doux parfum de nostalgie.Les Vendredis d’Apostrophes,de Pierre Assouline (Fr., 2015, 95 min). Vendredi 6 novembre, à 22 h 35, sur France 2.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Téléfilm sur Arte à 20 h 55Le réalisateur Philippe Harel donne une force physique au roman de Delphine de Vigan. Septembre à Paris. Mathilde (Marie-Sophie Ferdane) se rend à son travail, la boule au ventre. Depuis des mois, cette cadre d’une grande entreprise subit le harcèlement de son chef, « un connard en costume trois pièces » qui la détruit à petit feu. Au même moment, dans un hôtel de Normandie, Thibault (Mehdi Nebbou) décide, après un triste week-end passé avec elle, de rompre avec Lila. Docteur à SOS Médecins, il soigne la souffrance des autres. Contre la sienne, il n’a pas de remède.Durant cent cinq minutes, ces deux personnages vont traîner leur vie dans la capitale, subir les agressions d’un patron pour l’une et la douleur des patients pour l’autre, se frôler sans se rencontrer. Tel est le thème de ces Heures souterraines, la solitude que l’on vit seul, en couple ou au milieu des autres. De cette déambulation, on ressort affaibli et épuisé.Faire ressentir le videAdaptation du roman du même nom de Delphine de Vigan (Lattès, 2009), dont il a conservé la forme – l’alternance sur deux personnages –, le téléfilm de Philippe Harel a pour premier mérite de donner une dimension et une puissance physiques au livre. A tel point que c’est à une épreuve tout aussi physique que le téléspectateur paraît avoir été soumis, une fois le film achevé. Et ce, pas seulement parce que le cinéma incarne et donne chair, mais parce que le réalisateur sait saisir la dureté de la ville. Cadrages serrés sur le visage d’un des protagonistes comprimé dans la foule, usage de scènes répétitives (embouteillages, interphones, ascenseurs…), utilisation de la voix off qui décrit en parallèle l’état mental de Mathilde et celui de Thibault… tout contribue à exprimer et surtout à faire ressentir le vide, la claustration des êtres pris dans la réalité urbaine.Ce thème, Philippe Harel l’exploite à la manière d’une poupée russe. En grand format, la solitude des deux protagonistes, et pour les suivants, celle des patients que visite Thibault (une femme en pleine crise de claustrophobie, un homme en prise à des bouffées délirantes…) et celle aussi des passants dans la rue pris dans un mouvement dont ils ne sont plus maîtres. Il n’est pas un endroit, dans ces Heures souterraines, où l’on puisse échapper à ce sentiment. Ni dans la voiture de Thibault où les bruits de la ville parviennent feutrés à travers les vitres, ni au milieu de la multitude où se fond chaque jour Mathilde dans le métro. Mieux qu’un rythme haletant et une bande-son saturée, Philippe Harel (Les Randonneurs ; Extension du domaine de la lutte, adapté du roman de Michel Houellebecq ; Tu vas rire mais je te quitte…) a fait le choix de la lenteur et de quelques notes de piano lancinantes. Histoire de donner corps à la bulle qui enferme les personnages plutôt qu’au tourbillon environnant.Delphine de Vigan, qui vient de recevoir le prix Renaudot pour D’après une histoire vraie (JC. Lattès, 484 p., 20 €), dit avoir rencontré le réalisateur, aimé la lecture qu’il avait faite de ses Heures souterraines et ne plus s’être mêlée de rien. « Une adaptation, c’est toujours une interprétation : un auteur s’empare du travail d’un autre pour se l’approprier. Parfois, c’est une trahison, et il y en a de très belles… » Ce téléfilm a été récompensé du prix du « Meilleur unitaire » et de la « Meilleure interprétation féminine » au Festival de Luchon 2015 ainsi que du prix Jérôme Minet au FIPA 2015.Les Heures souterraines, de Philippe Harel. Avec Marie-Sophie Ferdane, Mehdi Nebbou, Eric Savin (Fr., 2015, 105 min). Vendredi 6 novembre, à 20 h 55, sur Arte.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julie Clarini et Benoît Vitkine En décernant, le mois dernier, le prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Alexievitch, l’Académie suédoise récompensait une œuvre qui explore les traces laissées dans les consciences par les grandes catastrophes du siècle soviétique (seconde guerre mondiale, guerre en Afghanistan, Tchernobyl, éclatement de l’URSS).Lire aussi :Le prix Nobel de littérature attribué à la Biélorusse Svetlana Alexievitch« Le Monde » a rencontré l’écrivaine lors de son passage à Paris. Voici quelques extraits de cet entretien, au cours duquel, très critique sur la politique menée par Vladimir Poutine, elle dépeint la nostalgie de l’époque soviétique qui prévaut en Russie, les déceptions de la transition démocratique et le renouveau nationaliste imposé par le président russe.Vous parlez du « monde russe ». C’est aussi l’expression qu’utilise Vladimir Poutine pour désigner l’espace russophone hors des frontières de la Russie, envers lequel il aurait une responsabilité. Vous, écrivaine biélorusse de langue russe, vous reconnaissez-vous dans ce concept ?J’ai trois racines : des racines ukrainiennes, des racines biélorusses et la culture russe. Sans la culture et la philosophie russes, je ne serais pas ce que je suis, et je n’aurais pas écrit La Supplication. Mon « monde russe » est très différent de celui de Poutine, c’est celui de Chostakovitch, Dostoïevski, Tchekhov, Rostropovitch, Herzen… Quant au monde russe auquel j’aspire, il passe par un soutien accru à l’Ukraine de la part des Occidentaux.La réussite de l’Ukraine, sa transformation, serait le meilleur argument contre les discours de Poutine. J’ai toujours considéré que la guerre dans le Donbass était une agression militaire contre l’Ukraine, une occupation. Il n’y a aucun doute sur le fait que, sans Poutine, il n’y aurait aucune guerre civile sur ce territoire. On pourrait amener cinq camions de kalachnikovs en Biélorussie et le même scénario se produirait : on trouve toujours des gens prêts à tirer.Le cas de la Crimée est plus compliqué. Je connais des gens qui, en entendant la nouvelle du rattachement, ont pleuré de joie. Mais, pour savoir ce que pense réellement la population, il faudrait des élections libres. Là, les Russes sont simplement arrivés et se sont emparés du territoire.Existe-t-il un « poutinisme », une idéologie poutinienne ?En 1991, le peuple s’est réveillé dans un pays nouveau et incompréhensible. Et il s’est tu. Puis, quand les usines ont fermé, quand les gens n’ont plus eu à manger que des pommes de terre, ils se sont mis à détester les « merdocrates libéraux ».Après vingt ans de silence, Poutine est arrivé : « Nos seuls amis, ce sont l’armée et la flotte », a-t-il dit. Et tout l’argent du pétrole et du gaz est parti pour l’armée. Il n’a pas dit que l’on devait être fiers d’une quelconque démocratie, il a seulement parlé de la Grande Russie, du respect qui lui était dû…Cette idéologie poutinienne produit-elle déjà un effet sur l’homme russe ?Oui. Je ne reconnais pas les gens, j’ai perdu certains de mes amis. On n’a pas fait assez attention aux premiers symptômes, à tous ces films qui passent à la télé sur la Tcheka [l’ancienne police politique], sur Staline… On essaie même de justifier l’action de Beria [chef du NKVD, successeur de la Tcheka, de 1938 à 1953].A Perm, un musée consacré aux victimes de la répression a été transformé en « musée des travailleurs du goulag », c’est-à-dire des gardiens ! Tout ne vient pas du haut, de Poutine ; certaines initiatives viennent d’en bas, du peuple.Les jeunes m’étonnent particulièrement. Ils conduisent de belles voitures, portent de beaux costumes, mais ils restent des esclaves. Cette génération de l’après-1990 soutient fortement Poutine, elle reprend ses discours sur l’humiliation, sur le besoin d’un leader fort. Nous, on imaginait que des gens différents apparaîtraient, des gens libres.Cette mentalité tient beaucoup à ce que leur racontent leurs parents sur la santé gratuite, l’éducation, l’ascenseur social soviétique… Peut-être qu’il faut attendre encore. Ou bien peut-être faut-il d’abord, pour que disparaisse cette mentalité d’esclave, que ceux d’en haut changent…Pendant l’époque soviétique, vous sentiez-vous appartenir à la société communiste ? Partagez-vous la nostalgie de vos personnages, de vos héros, pour l’esprit de sacrifice, l’altruisme, le mépris de l’argent ?Je me sentais déjà à la marge, mais c’était le seul monde que je connaissais. Les gens étaient doubles, à l’époque. Ils étaient prêts à faire la queue pour acheter des recueils de poèmes d’Anna Akhmatova. Mais c’étaient les mêmes qui écrivaient des dénonciations, qui étaient surveillants dans les camps.On aimerait que le mal soit une chose simple : Beria, Staline… Mais le mal est quelque chose de plus diffus, d’éparpillé en chacun de nous. C’est pour cela que j’écris, pas pour étaler un catalogue d’horreurs, pour accabler les lecteurs, mais pour que chacun cherche en lui-même sa part d’humanité et apprenne à la préserver. Ce sont des choix de chaque instant : on te dit d’aller à une manifestation de soutien à Poutine, pose-toi des questions !Lire l'intégralité de l'interview :Svetlana Alexievitch : « La liberté, c’est un travail long et pénible »Benoît VitkineJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJulie ClariniJournaliste au Monde 06.11.2015 à 08h03 • Mis à jour le06.11.2015 à 10h18 Un rare Picasso de la période bleue de l’artiste, qui cache une seconde œuvre sur le revers de la toile, s’est vendu pour 67,45 millions de dollars, jeudi 5 novembre, à New York lors d’une enchère par la maison Sotheby’s.La Gommeuse est un nu d’une artiste de cabaret, à la forte charge érotique. Peinte en 1901 alors que Picasso n’avait que 19 ans, cette toile pouvait à elle seule prétendre à de belles enchères. Mais c’est le revers du tableau qui montre un ami de Picasso en lutin jaune, nu et urinant coiffé d’un turban rouge et blanc, qui fait de cette pièce une œuvre très rare.Cette vente est aussi une fort belle affaire pour le milliardaire américain Bill Koch, qui avait acheté l’œuvre pour 3 millions de dollars en 1984, ignorant totalement que le nu en cachait un autre. C’est au cours de travaux de restauration en 2000 que la seconde peinture a été découverte. Le tableau avait été estimé à 60 millions de dollars.Monet et Van GoghDans la même soirée, une étude à l’huile des nymphéas de Monet a trouvé acheteur à 33,85 millions, pour une estimation de 30 à 50 millions. Un Van Gogh, peint un an seulement avant la mort de l’artiste et montrant un ciel tumultueux au-dessus des champs dans la région d’Arles a trouvé preneur pour 54 millions de dollars, alors que Le bébé Marcelle Roulin, un portrait d’un bébé joufflu portant un bonnet de dentelle, également peint par Van Gogh, s’est vendu pour 7,64 millions de dollars après une longue et frénétique empoignade entre amateurs.Les plus belles pièces des enchères d’automne qui se tiennent traditionnellement à cette période à New York restent encore à venir à la vente. Il s’agit d’un nu de Modigliani dont les spécialistes de la maison Christie’s espèrent au moins 100 millions de dollars et aussi de Nurse, un Roy Lichtenstein qui est estimé à 80 millions de dollars et qui sera également vendu par Christie’s. Il y a six mois, les ventes de printemps avaient atteint des niveaux historiques, totalisant 2,61 milliards de dollars. Le record du tableau le plus cher de l’histoire est même tombé, Les Femmes d’Alger (version O) de Picasso s’étant adjugé pour 179 millions de dollars.Lire aussi :Sotheby’s et Christie’s : l’art des records Stéphane Davet Victime de l’annulation de la tournée européenne de Björk, le Pitchfork Festival a remplacé l’Islandaise par Thom Yorke. Un choix dont on admirera la cohérence. Comme la diva scandinave, ce chanteur anglais a été une des figures les plus inspirantes des années 1990 au sein de Radiohead. Comme elle, ce groupe d’Oxford n’a cessé de se réinventer conciliant avec grâce audaces formelles et mélodies fédératrices. Jusqu’à des sommets – Vespertine (2001) pour Björk, le diptyque Kid A (2000) / Amnesiac (2001) pour Radiohead – qui n’eurent pas les suites espérées.Lire aussi :Björk annule sa tournée européenne, dont deux dates en FranceVendredi 30 octobre, Thom Yorke apparaît pour se caler derrière l’un des trois grands pupitres installés sur l’une des deux scènes Pitchfork de la Grande Halle de la Villette. A sa droite, Nigel Godrich, producteur de Radiohead depuis l’album OK Computer (1997), devenu son complice instrumentiste-bidouilleur depuis le début d’une carrière solo parallèle commencée en 2006, avec l’album The Eraser. A sa gauche, Tarik Barri, chargé de mixer en direct les créations vidéos projetées sur les trois grands écrans accrochés derrière les tableaux de bord. Des animations numériques destinées à illustrer l’electro concassée de Tomorrow’s Modern Boxes, dernier opus en date du chanteur.Autonomie et intégrité artistiqueParu en septembre 2014, diffusé via Bit Torrent, le logiciel de partage peer to peer, pour l’équivalent de 4 euros le téléchargement, cet album a une nouvelle fois prouvé l’autonomie et l’intégrité artistique de Thom Yorke. Il a aussi témoigné d’une inspiration peinant à se renouveler.Penché sur ses machines, le trio lance le flot anxiogène sur lequel l’Anglais pose ses psalmodies doloristes depuis trop d’années. A force de fuir la routine du format chanson, Yorke (avec ou sans Radiohead) a fini par privilégier complexité rythmique et textures sonores au détriment du souffle mélodique.Devant la foule parisienne, incapable de fredonner ses nouveaux morceaux, mais toujours fascinée par son indéniable aura, le vocaliste prend un évident plaisir à bricoler ses bandes-son imbibées d’angoisse et de paranoïa. Rarement l’a-t-on vu danser avec autant de vélocité.Lire aussi :Pitchfork se pique de francophilieUn chant doux et touchantDélaissant ses ordinateurs, il se saisit parfois d’une guitare, l’instrument qui porta Radiohead avant d’en devenir le parent pauvre. Dans la seconde partie du concert, l’étouffante monotonie s’anime de dub plus tranchant avant de s’aérer d’atmosphères « ambient » où s’envole enfin un chant plus doux et touchant. Rappelant tout ce que la scène electro-soul et dubstep d’aujourd’hui (Burial, SBTRKT, James Blake…) doit à ces ainés. Et permettant de ne pas totalement désespérer du prochain album de Radiohead, bientôt annoncé.Le bilan de la seconde journée d’un festival, qui se terminera samedi 31 octobre après avoir fait le plein (8500 spectateurs par soir), confirme en tout cas que Pitchfork a trouvé la bonne formule. L’édition parisienne de l’événement créé à Chicago, en 2006, par Pitchfork, site de référence de la critique musicale et du militantisme « indie rock », s’est intelligemment adaptée aux vastes armatures de la Grande Halle. Plaçant une scène à chaque bout du bâtiment, occupant les longues allées intérieures et extérieures de bars, échoppes branchées et points de restauration, l’équipe de Super !, le producteur français en charge du festival, a réussi à recréer « sous serre » la circulation festive des rassemblements estivaux.Cette ambiance, conditionnée par une programmation axée sur quelques-uns des noms les plus excitants de l’avant-garde pop, rock, rap et electro, attire une nombreuse clientèle étrangère et une profusion de jeunes filles stylées et barbus bohèmes.De jolies révélationsCertes, la largeur du lieu, sa hauteur de plafond, le rendent difficile à ambiancer, surtout pour des artistes qui restent à découvrir. Cela n’empêche pas de jolies révélations, comme vendredi celle des instrumentaux rêches et dansants du power-trio new-yorkais Battles, ou de la troublante sensualité de Rhye, portée par le contralto androgyne du chanteur canadien Mike Milosh sur fond de groove soul ralenti et d’arrangements de cordes.Mention spéciale aussi à Kurt Vile, prolifique chanteur et guitariste de Philadelphie (le tout récent – et excellent – B’lieve I’m Goin Down est son sixième album en sept ans) dont la longue tignasse témoigne de sa ferveur intacte pour un certain romantisme rock. L’accent trainant de sa nonchalance s’électrise au contact de guitares acides et d’un banjo hypnotique replongeant dans de vieux fantasmes américains – tourneries country, rêveries psychédéliques, rodéos punk… –, laissant filtrer, avec une classe délurée, angoisses et enthousiasmes intimes.Pitchfork Festival, jusqu’au 31 octobre, à Paris, Grande Halle de la Villette. pitchforkmusicfestival.frStéphane DavetJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Le 1er janvier 2016, Mein Kampf, le seul livre écrit par Adolf Hitler, tombera dans le domaine public, soixante-dix ans après la mort de son auteur, conformément à la loi. Le Land de Bavière, qui en détient les droits depuis le décès d’Hitler, mort sans héritier, ne pourra plus s’opposer à de nouvelles éditions et traductions.Cette perspective nourrit des inquiétudes et est source de polémiques. Plusieurs personnalités politiques, dont, en France, le chef du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon, s’en sont émues et ont exhorté à ne pas republier Mein Kampf, alors que des éditions critiques du livre sont en projet ou en cours d’élaboration.En Allemagne, une édition critique de 2 000 pages devrait voir le jour le 11 janvier  2016, réalisée sous l’égide de l’Institut d’histoire contemporaine de Munich (IFZ). En France, ce sont les éditions Fayard qui envisagent une édition scientifique du texte d’Adolf Hitler. L’éditeur en étudie les modalités, un groupe d’historiens a été constitué, mais aucune date de parution n’a été donnée.« Une composante fortement fantasmatique »Ecrit par Adolf Hitler en prison, publié en deux tomes en juillet 1925, puis en décembre 1926, ce manifeste, qui énonce les bases idéologiques du programme nazi et propage un discours antisémite, a été par la suite souvent revu et corrigé. Mensonger et outrancier, Mein Kampf a « une composante fortement fantasmatique », selon l’expression de son traducteur Olivier Mannoni.En 1945, on estimait à 12 millions le nombre d’exemplaires qui avaient été écoulés. Le livre était souvent offert en cadeau de mariage par les dirigeants du IIIe Reich– et les fonctionnaires étaient obligés de l’acheter. Depuis cette date, sa publication à l’état brut est interdite en Allemagne et aux Pays-Bas, mais pas en France, où le livre n’a cependant pas le droit d’être exposé en vitrine d’une librairie.Sa première édition française remonte à 1934, par les Nouvelles Editions latines (NEL), qui étaient proches de l’Action française de Charles Maurras. C’est cette édition qui continue d’être publiée aujourd’hui par NEL. Elle se vend « entre 600 et 700 exemplaires, chaque année » selon cette maison d’édition. L’institut GfK estime à 2 500 le nombre d’exemplaires vendus chaque année en France. Depuis un arrêt de la cour d’appel de Paris en 1979, le livre doit toutefois être accompagné d’un avertissement de huit pages, pour rappeler l’incompatibilité totale entre les thèses racistes qu’il développe et les valeurs de la République.Disponible sur InternetLe livre-pamphlet d’Hitler, qui compte environ 800 pages, est également disponible sur Internet, mais là sans aucune mise en garde. « Toute personne qui veut se procurer Mein Kampf peut le faire sans difficulté, sur le Net, mais cela s’adresse à un public restreint et ce n’est pas un best-seller en France », assure M. Mannoni.Comme le rappelle le traducteur, « Mein Kampf comprend deux dimensions. La première est biographique et totalement mensongère ; Adolf Hitler y raconte sa vie en se présentant comme un héros. La seconde est une exaltation de la suprématie de l’Allemagne et contient des invectives raciales, à l’égard de tous les pays voisins, sauf l’Angleterre. Adolf Hitler exprime un délire complotiste à l’égard des juifs, qu’il accuse de tout contrôler ». Dans son livre délirant, au sens propre, Adolf Hitler apparaît en quelque sorte comme un « héros » wagnérien, pathétique, fou et dangereux.Reste que dans de nombreuses parties du monde, notamment en Amérique latine, au Brésil, dans les pays arabes, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, Mein Kampf est un livre lu ou en tout cas consulté sur Internet, car il existe de nombreuses versions pirates dans presque toutes les langues. Les Etats-Unis n’échappent pas à la règle, la version numérique de Mein Kampf, dans sa version anglaise, fait aussi recette sur Internet.Dans ces conditions, publier une version retraduite, annotée et expliquée de ce livre qui a marqué au fer rouge l’histoire du XXe siècle paraît le meilleur antidote à son contenu. En France, un groupe de jeunes historiens a d’ailleurs émis l’idée d’une édition en ligne, accompagnée d’appareils critiques des chercheurs. La réédition des Décombres de Lucien Rebatet, en collection « Bouquins » (Ed. Robert Laffont, 1 152 pages, 30 €) par Bénédicte Vergez-Chaignon et Pascal Ory, saluée unanimement par la critique, peut aussi servir d’exemple.« Le Journal d’Anne Frank », lui, ne tombera pas dans le domaine publicContrairement à Mein Kampf, Le Journal d’Anne Frank ne tombera pas dans le domaine public au 1er janvier 2016, comme le voudrait le droit de la propriété intellectuelle en France, a révélé, le 6 octobre, Livres Hebdo. LeFonds Anne Frank de Bâle, en Suisse, a expliqué que l’œuvre écrite par la jeune fille juive allemande de 13 ans, entre juin 1942 et août 1944, puis déportée à Bergen-Belsen où elle a trouvé la mort en mars 1945, répondait à une exception. « Si la règle générale est celle des soixante-dix ans post mortem auctoris, de nombreuses exceptions existent, telles que celles relatives aux œuvres posthumes ou aux œuvres composites », a expliqué l’organisme. Il s’est déjà vendu plus de 30 millions d’exemplaires du livre, et le Fonds Anne Frank espère en conserver les droits exclusifs jusqu’en 2030.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Harry Bellet Série documentaire, sur Arte, à 12 h 05 Voyage didactique et ludique dans « Le Peseur d’or et sa femme », allégorie morale de Quentin Metsys.Depuis plus de cinq cents ans, ils comptent leurs sous, ou plutôt les pèsent, mais c’est bien la première fois qu’on voit pencher leur balance : Le Peseur d’or et sa femme, un tableau peint par Quentin Metsys, à Anvers, en 1514, et aujourd’hui conservé au Musée du Louvre, inaugure une nouvelle série diffusée par Arte et coproduite par la Réunion des musées nationaux (RMN) intitulée Les Petits Secrets des grands tableaux.Son originalité ? Son réalisateur, Carlos Franklin, utilise des procédés d’animation – sans toutefois en abuser – pour raconter l’histoire de l’œuvre et le contexte dans lequel elle a vu le jour, mettant en mouvement la ville d’Anvers au XVIe siècle grâce à d’autres images, contemporaines, ou qui, parfois – hélas –, le sont moins. S’il peut faire tiquer les historiens, le résultat est ludique et devrait plaire aux enfants.Imaginé par la journaliste Elisabeth Couturier, qui s’appuie sur l’historienne d’art Cécile Maisonneuve, le texte dit par Clémentine Célarié est clair, didactique, même s’il n’évite pas quelques anachronismes : ainsi, dans ce cas, l’évocation de la Révolte des gueux. Certes, l’iconoclasme calviniste et la guerre que mena Philippe II d’Espagne en Flandres ont leur importance, mais les faits se déroulèrent un demi-siècle après et n’ont rien à voir avec ce tableau-là.En revanche, le commentaire explique très justement l’importance du change – et le développement de la lettre du même nom, ancêtre du chéquier et astucieux moyen de percevoir des intérêts, pratique condamnée par l’Eglise – à l’époque où Anvers est une plaque tournante du commerce international, et où les monnaies peuvent avoir été frappées à Londres comme en Sicile – n’avoir donc ni le même poids ni la même valeur –, mais aussi ses ambiguïtés dans une société alors catholique où la banque est un métier qui sent le soufre.Modération chrétienneMetsys (1466-1530), un des grands artistes de son temps, ami et portraitiste d’Erasme, en rend compte de la manière la plus subtile qui soit : la lumière du tableau laisse l’or dans la pénombre, mais éclaire la Vierge à l’Enfant qui enlumine le bréviaire de l’épouse du changeur. On pourrait croire que l’artiste dénonce la cupidité : ce n’est pas faux, même si c’est mal connaître la profession (saint Antonin de Florence dénonçait déjà l’avidité des peintres au siècle précédent). Metsys le fera d’ailleurs bien plus clairement six ans plus tard dans un autre tableau aux personnages grotesques, intitulé Les Usuriers…Mais là, il s’agit d’abord de rappeler les hommes d’argent à la loi divine : la balance, qui évoque aussi la pesée des âmes, le miroir convexe posé sur la table, qui reflète le beffroi de la cathédrale, la bougie éteinte, qui est un memento mori, bon nombre d’éléments concourent à faire de cette œuvre moins une représentation exacte de la profession de changeur qu’une allégorie voulant inciter les banquiers à une modération chrétienne, voire erasmienne, dans la pratique de leurs affaires. Le regard de la femme, qui se détourne de son bréviaire pour se poser sur le tas de monnaies, est à cet égard éloquent. Un tableau moral, donc, dont on devrait afficher la reproduction dans toutes les salles de marché.Les Petits Secrets des grands tableaux, série écritepar Elisabeth Couturier et Thomas Cheysson et réalisée par Clément Cogitore et Carlos Franklin (Fr., 2015, 10 x 26 min). Dimanche 1er novembre, à 12 h 05, sur Arte.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.10.2015 à 07h27 • Mis à jour le30.10.2015 à 14h23 Christoph Willibald Gluck Orfeo ed Euridice Version originale de Vienne et temps forts de la version de Paris La première version de l’opéra Orfeo ed Euridice, le chef-d’œuvre de Gluck, à Vienne, en 1762, comme si vous y étiez ! Plus qu’aux cornets à bouquin et autres instruments d’époque adoptés par l’Insula Orchestra, la sensation de remonter le temps est surtout liée à la prestation de Franco Fagioli, contre-ténor à même de faire revivre les castrats. « Euridice ! » (en italien), son premier cri… d’Orphée, a quelque chose de surnaturel pour des oreilles du XXIe siècle. Quel timbre ! Des graves de bronze pour une virilité de statue antique, des aigus du troisième type, à mi-chemin entre l’ange et la bête, et un phrasé apte à gommer toute impression de « curiosité ». Sans minimiser les mérites d’Emmanuelle de Negri (fringant Amour), de Malin Hartelius (déchirante Eurydice), et du chœur Accentus (d’une grande noblesse), le chant de Franco Fagioli invite à parler d’un Orfeo retrouvé, au même titre que la direction de Laurence Equilbey qui fouette les sens autant qu’elle les flatte. Pierre Gervasoni3 CD Archiv Produktion.Raury All We Need Raury est ce jeune artiste d’Atlanta, rappeur et chanteur, qui devait être l’une des révélations des Transmusicales de Rennes de 2014. Seulement, à 18 ans, trop de pressions sur ses épaules, l’auteur des très réussis God’s Whisper et Cigarette Song s’était enfermé dans des pauses de rocker, et avait raté son passage devant le public français. Un an plus tard, son premier album, All We Need, confirme en revanche son talent en studio. Aussi inspiré qu’un Frank Ocean dans le texte, Raury enrichit ses compositions à la guitare de trouvailles électro. Epaulé à la production par Malay sur la majorité des titres et notamment sur les remarquables Forbidden Knowledge et CPU, le rap de Raury ne détonne pas face à des seniors comme Big K.R.I.T. ou le maître du Wu Tang Clan, RZA. Il va jusqu’à se mesurer au guitariste de Rage Against The Machine, Tom Morello pour Friends, où Raury raconte comment il se sert de ses amis sur Twitter ou Facebook pour faire le tour des Etats-Unis à moindre coût. A la guitare, à la basse et aux claviers pour Mama, le jeune chanteur prend des intonations pop à la Queen. Sa mère peut être fière. Stéphanie Binet1 CD Columbia/Sony Music.Francesco Cavalli Héroïnes du baroque vénitien Mariana Flores (soprano), Anna Reinhold (mezzo-soprano), Cappella Mediterranea, Clematis, Leonardo Garcia Alarcon (direction) Tel un Midas musicien, Leonardo Garcia Alarcon transforme tout ce qu’il touche en or. Ainsi ce double album, précieux en découvertes, consacré à l’un des maîtres de l’opéra baroque vénitien, Francesco Cavalli (1602-1676). Une quarantaine de scènes et d’airs, extraits de vingt-sept opéras, parcourent, de 1639 à 1667, la vaste production de l’héritier du grand Monteverdi. A la tête de sa brillante Cappella Mediterranea et du bel et ductile ensemble Clematis, la direction électrisante du chef argentin sert magistralement cette musique riche et contrastée, étonnamment théâtrale, subtile et sensuelle. Le plateau soliste est dominé par l’engagement radieux de la soprano argentine Mariana Flores, dont le timbre chaud épouse avec la même aisance l’élégance raffinée et dansante de Didone dans le Re de Getuli altero ou la poignante déploration d’Adelante dans Serse. Inutile de préciser qu’on attend avec impatience les débuts d’Alarcon à l’Opéra de Paris en 2016 dans le dernier chef-d’œuvre de Cavalli, Eliogabalo. Marie-Aude Roux2 CD Ricercar.The Zombies Still Got That Hunger Devenu un groupe culte bien après sa première période d’activité dans les années 1960 (souvent résumée au succès des chansons She’s Not There et Time of The Season et l’album pop-psyché Odessey and Oracle, publié en avril 1968), le groupe britannique The Zombies a plus ou moins repris une activité à partir des années 1990 avec séparations et retrouvailles et la formation originale réduite depuis 1999 au chanteur Colin Blunstone et au claviériste Rod Argent. Leur sixième album, Still Got That Hunger, a pour l’essentiel été écrit et composé par Rod Argent. La pochette réalisée par Terry Quirk, qui avait fait celle d’Odessey and Oracle, constitue un évident clin d’œil. On évolue ici du rock classique dans son imprégnation blues (Moving On, Edge of The Rainbow) à la pop de plaisante facture (Chasing The Past, New York, Now I Know I’ll Never Get Over You en ambiance californienne, le baroque Beyond The Borderline) avec teintes jazzy (I Want You Back Again, When We Were Young Again). De belles mélodies et harmonies vocales, le savoir-faire de Blunstone et Argent constituent un petit plus par rapport à des dizaines de groupes sous inspiration Zombies. Avec un effet nostalgie qui incite à une appréciation bienveillante. Sylvain Siclier1 CD Cherry Red Records/Socadisc.Caravan Palace Bien malin celui qui pourra nommer le nouvel album de Caravan Palace, le troisième depuis la formation du groupe en 2008, qui avait créé la surprise avec son swing électro déluré et rigolo. Le symbole graphique ornant la pochette garde son mystère. On a affaire à des musiciens joueurs. Leur univers cultive la légèreté. C’est gai, ça sautille, ça tricote et caracole sans se soucier de profondeur, de replis secrets, d’intériorité. Caravan Palace revendique le plaisir simple et sans apprêts. En apparence, car de la voix aux instruments (basse, guitare, violon, trombone, piano), rien n’est naturel, tout est repensé, rhabillé, trafiqué, bidouillé au son électro. Synthés et programmations se paient la part du lion, dans cette relecture d’une certaine idée du swing d’antan (Django, foxtrot, charleston, scat…) à laquelle s’ajoute une pincée de boogie-woogie énervé. A l’écoute, cela donne une étrange impression de musique hors du temps, comme sortie d’un vieux transistor au son brouillé d’interférences contemporaines. Très plaisant et idéal pour danser ou gigoter. Patrick Labesse1 CD Café de la danse/Wagram.Dave Gahan & Soulsavers Angels & Ghosts En s’absentant de Depeche Mode pour enregistrer un deuxième album sous son nom avec les Soulsavers (un duo de producteur anglais, Rich Machin et Ian Glover, amoureux de chœurs gospel et d’orgue vintage), Dave Gahan n’abandonne pas les influences blues qui imprègnent son chant depuis le début des années 1990. Mais plutôt que de surenchérir dans la grandiloquence qui plombait Delta Machine (2013), le dernier opus des icônes de l’electro-pop, le baryton enfiévré de l’Anglais tente d’insuffler un peu de délicatesse à ses suppliques. Les mélodies d’Angels & Ghosts ne brillent pas toutes par leur subtilité (l’imploration balourde de Shine), mais ces ballades, entourées de la chaleur d’une vraie instrumentation, peuvent s’épanouir avec mélancolie (All of This and Nothing) et retenue (One Thing), entre dépression et confiance retrouvée. Finement décoré de cordes et de cuivres mordorés, un titre comme The Last Time, pourrait même figurer au répertoire des Tindersticks. Stéphane Davet1 CD Columbia/Sony Music.Divers Artistes Vol pour Sidney (aller) Au moment où a été fêté par son fils et sur les lieux de l’événement le souvenir (Le Monde du 24 octobre) du « Soir où… l’on cassa l’Olympia », le 19 octobre 1955 lors d’un concert de Sidney Bechet (1897-1959), est réédité Vol pour Sidney (aller). Cet hommage au saxophoniste et clarinettiste, publié à l’origine en mai 1992, rassemblait des interprétations de compositions de Bechet par des musiciens qui, pour la plupart d’entre eux, pouvaient sembler avoir peu de rapport avec le musicien identifié au style New Orleans des origines du jazz et à quelques « fantaisies » à succès dont Les Oignons. Dont les saxophonistes Lol Coxhill, Michel Doneda et Evan Parker, généralement perçus comme tenants du free européen, le bluesman Taj Mahal, le pianiste Steve Beresford, les batteurs Elvin Jones (du quartette historique de John Coltrane) et Charlie Watts (des Rolling Stones), le supergroupe The Lonely Bears (avec Tony Hymas et Terry Bozzio), le saxophoniste Lee Konitz… Les rencontres souvent inattendues des uns avec les autres, le respect musicien à l’égard du sujet et les promenades stylistiques jusqu’à la pop de cette évocation de Bechet, constituent une savoureuse réussite, pochette et livret compris. Sylvain Siclier1 CD Nato/L’Autre Distribution. 30.10.2015 à 05h49 • Mis à jour le30.10.2015 à 19h36 Le tribunal de Cracovie a refusé vendredi 30 octobre l’extradition vers les Etats-Unis du cinéaste Roman Polanski, accusé de viol sur mineure. Elle était réclamée par la droite polonaise conservatrice, tout juste victorieuse aux élections législatives.« Le tribunal a conclu à l’inadmissibilité d’extradition aux Etats-Unis du citoyen polonais et français Roman Polanski », a déclaré devant la presse le juge Dariusz Mazur. Le parquet polonais qui représente la requête américaine peut toutefois aller devant la cour d’appel.« Je n’avais pas de doute »« Je suis évidemment très heureux que cette procédure touche à sa fin. Cela m’a coûté beaucoup d’efforts, de problèmes pour ma santé et aussi pour ma famille, a réagi le cinéaste lors d’une conférence de presse. Je suis content d’avoir fait confiance à la justice polonaise. Je n’avais pas de doute que cette affaire allait bien se terminer. Je retourne à ma famille. »La veille de la décision, un ex-ministre de la justice et ténor de la droite conservatrice s’est déclaré en faveur de cette extradition, marchant dans les pas du chef de son parti conservateur catholique et populiste Droit et justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski.Début octobre, M. Kaczynski disait « rejeter l’idée de gracier quelqu’un, du simple fait qu’il soit un réalisateur éminent, mondialement connu ». Jeudi, Zbigniew Ziobro, élu député sur les listes du PiS, affirmait à son tour : « On ne peut protéger personne contre sa responsabilité pour un acte aussi odieux que celui d’avoir abusé d’une mineure », insistant que « la pédophilie est un mal qu’il faut poursuivre ». Demande d’extradition américaine depuis janvierEn janvier, les Etats-Unis avaient adressé à la Pologne une demande d’extradition de Roman Polanski, 82 ans, après une apparition publique à Varsovie du réalisateur du Bal des Vampires et de Rosemary’s Baby.Lire le portrait : Polanski : les films et la vie En 1977, en Californie, Roman Polanski, alors âgé de 43 ans, avait été poursuivi pour avoir violé la jeune Samantha Geimer, 13 ans. Après 42 jours de prison, puis sa libération sous caution, le cinéaste qui avait plaidé coupable de « rapports sexuels illégaux » avec une mineure s’était enfui des Etats-Unis avant la lecture du verdict, craignant d’être lourdement condamné.Aucune mesure préventive prise en PologneLa ligne de défense de ses avocats polonais consiste à démontrer que la demande d’extradition n’est pas fondée, compte tenu de l’accord passé à l’époque entre le cinéaste et la justice américaine. Aux termes de cet accord, accepté selon eux par le procureur et les avocats de la victime, la peine prévue a été purgée par leur client.Le 22 septembre, en présence du cinéaste, ses avocats avaient présenté au tribunal de nouveaux documents, analyses d’experts et témoignages réunis lors des procès précédents aux Etats-Unis et en Suisse. A la sortie du tribunal, M. Polanski avait déclaré :« Je voulais savoir quels documents seront présentés et reconnus (valables) par le tribunal. Je suis content que presque tous aient été acceptés. »Le 25 février, lors de la première audience, le cinéaste avait fourni pendant neuf heures des explications, à huis clos. Aucune mesure préventive n’a été prise en Pologne contre Roman Polanski, citoyen polonais et français, qui reste entièrement libre de se déplacer. Service culture Le Grand Prix du roman de l’Académie française a été attribué, jeudi 29 octobre, ex-aequo à Hédi Kaddour pour Les Prépondérants et à Boualem Sansal pour 2084 (publiés tous deux chez Gallimard). C’est la troisième fois de son histoire que le Grand Prix, qui fête son centenaire, vient récompenser simultanément deux ouvrages. Le troisième roman en lice était Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier, prix littéraire du Monde).Lire aussi :Boualem Sansal : « L’islam s’est mondialisé, il a un coup d’avance »Boualem Sansal était présenté depuis des semaines comme archi-favori pour le prix Goncourt ; son éviction du carré des finalistes, mardi 27 octobre, avait semblé le transformer en récipiendaire annoncé du prix de l’Académie. Hédi Kaddour, pour sa part, est encore dans la course pour le Goncourt. Goût du romanesqueS’ils partagent la même couverture crème de Gallimard, ces deux romans n’ont pas grand chose en commun, si ce n’est le goût du romanesque. 2084 est une dystopie, manière de suite au 1984, de George Orwell. Elle a pour décor l’Abistan, immense empire dévoué à Abi, messager de Yölah sur terre, qui maintient sa population dans la soumission et l’amnésie.Avec 2084, l’un des grands succès de librairie de cette rentrée, l’écrivain algérien Boualem Sansal, en délicatesse de longue date avec son pays (dans lequel il vit toujours), livre une parabole cauchemardesque sur l’instrumentalisation politique de l’islam.Les Prépondérants est un grand roman-monde sur les années 1920, situé essentiellement dans un protectorat du Maghreb, qui encapsule les enjeux d’une époque (prémices de la décolonisation, montée des périls en Europe…) tout en brassant les genres littéraires – roman d’aventures, d’amour, de formation, comédie de mœurs…L’obtention du Grand Prix de l’Académie, même partagé, sera-t-il un obstacle à l’obtention du Goncourt par Hédi Kaddour ? Le cas d’un doublé s’est déjà présenté, ainsi avec Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (Gallimard, 2006). Et comme les jurys des grands prix semblent décidés à surprendre leur monde, rien ne semble exclu.Service cultureJournaliste au Monde Stéphanie Le Bars Des décennies de tergiversations, un concept paradoxal et, désormais, une course contre la montre : si tout va bien, le dernier-né des musées nationaux américains, qui sera consacré à l’histoire des Afro-Américains, sera inauguré en septembre 2016 à Washington par Barack Obama. Les concepteurs du musée s’en sont fait la promesse : le premier président noir des Etats-Unis coupera le ruban du National Museum of African American History and Culture (NMAAHC). Quoi de mieux que la force symbolique de cette image pour lancer sous les meilleurs auspices ce projet maintes fois avorté ?L’ouverture du NMAAHC sur le National Mall verdoyant de la capitale fédérale, bordé par la quinzaine de musées nationaux gérés par la très officielle Smithsonian Institution, constitue en effet un événement politique autant qu’une gageure scientifique. Aujour­d’hui, l’imposant bâtiment de six étages, figurant une couronne africaine composée de centaines de plaques de fer forgé – hommage au travail des esclaves dans les Etats américains du Sud aux XVIIIe et XIXe siècles –, trône en bonne place sur l’esplanade de la capitale, au pied de l’obélisque du Washington Monument. Cet emplacement, au cœur des mémoriaux et musées qui fondent l’identité nationale américaine, n’est pas anodin : avant même la pose de la première pierre, en 2012, il a constitué une victoire symbolique pour les promoteurs du projet – au fil des ans, les ­désaccords sur la localisation du musée, que certains souhaitaient hors du Mall, ont nourri les atermoiements sur sa construction.Histoire ancienneTout cela est désormais de l’histoire ancienne. A quelques centaines de mètres du ­bâtiment encore en chantier, le Musée national de l’histoire américaine héberge, jusqu’à l’ouverture, une exposition préfigurant le ­futur musée. Y sont présentés 140 des 33 000 objets collectés à ce jour par le NMAAHC autour des grands thèmes retenus par le musée : l’esclavage, la ségrégation, la vie des communautés, la culture et le sport. Un tableau figurant des esclaves en fuite ouvre l’exposition, qui se poursuit avec les photos d’une famille éduquée ayant obtenu sa liberté. La collerette d’Harriet Tubman, une esclave du Maryland qui a facilité l’évasion de nombre de ses compagnons, y côtoie le barda de soldats noirs durant la guerre civile, la nappe sur laquelle fut rédigé l’argumentaire demandant la déségrégation scolaire dans les années 1950, la combinaison du premier ­astronaute noir ou des costumes de scène d’artistes… La plus grande pièce du futur musée, un wagon datant de la ségrégation avec des sièges réservés aux gens de couleur, ne sera visible que lors de l’inauguration.La nécessité de donner à voir la vie des Américains d’origine africaine et leur présence dans la grande épopée des Etats-Unis a mis des années à s’imposer. L’idée d’honorer la mémoire des Afro-Américains remonte à 1915 : des anciens combattants noirs de la guerre civile (1861-1865) demandent alors – en vain – l’érection d’un mémorial. En 1929, le Congrès donne son accord à la création d’un musée mais, alors que le pays plonge dans la crise, lui refuse toute subvention. A la fin des années 1960, dans la foulée des victoires liées aux droits civiques, l’idée est relancée, mais là encore, ni le monde universitaire ni le monde politique ne pousse en ce sens. « Longtemps, le groupe dominant, l’homme blanc d’origine européenne, a choisi de ne pas inclure cette ­histoire dans le récit national », analyse Rhea L. Combs, la conservatrice du nouveau musée.Le Congrès donne son feu vert en 2003Les efforts sont relancés à la fin des années 1980 par des élus comme John Lewis, un compagnon de route de Martin Luther King. Il se heurte cependant à une frange ultraconservatrice de parlementaires qui ne veulent pas mettre un dollar dans un tel projet. Les opposants au musée afro-américain, à l’instar du sénateur de Caroline du Nord Jesse Helms mettent en avant le risque d’être confrontés à « des demandes communautaires » sans fin. A cette époque, le Congrès vote pourtant les fonds pour la création du Musée des Indiens d’Amérique, qui verra le jour en 2004.Des raisons moins avouables expliquent ces réticences, estime Julieanna Richardson, fondatrice, à Chicago, de l’institution The History Makers, consacrée à la préservation et à la collecte de milliers de témoignages audiovisuels d’Afro-Américains.« N’oublions pas qu’un groupe social a considéré pendant des décennies qu’un autre groupe n’avait pas de valeur », souligne cette ancienne avocate. Difficile dans ces conditions de lui accorder une place dans le récit national sans stigmatiser la partie de la population qui l’avait humilié. Au-delà des réels problèmes financiers, « le projet s’est en outre heurté durant des années à un manque d’éducation, un manque d’appréciation et un manque de documentation », estime-t-elle. Il aurait aussi pâti de la volonté de valoriser principalement « une histoire heureuse » de l’Amérique, estime de son côté l’historien John W. Franklin, aujourd’hui conseiller auprès du directeur du NMAAHC.Il faudra donc attendre 2003 pour que le Congrès accorde son feu vert à la construction du musée afro-américain, après l’avis favorable d’une commission mise en place par le président George W. Bush et le soutien des responsables de la Smithsonian Institution. La moitié du budget, qui atteint 500 millions de dollars, est pris en charge par les finances publiques, à charge pour les promoteurs de le compléter par des dons privés. Parmi ces donateurs, l’animatrice et actrice Oprah Winfrey a apporté à elle seule 13 millions. Douze ans plus tard, et à moins d’un an de l’ouverture programmée, quelque 60 millions de dollars manquent encore à l’appel, selon M. Franklin.Contribuer à « la réconciliation entre les races »Ces difficultés matérielles n’ont pas remis en cause le consensus qui semble désormais acquis en faveur du projet. En revanche, une question de fond demeure : si le but consiste à (ré) introduire la population d’origine africaine dans l’histoire, sombre ou joyeuse, de l’Amérique, faut-il lui consacrer un lieu spécifique ? « Les femmes, les juifs ou les Indiens d’Amérique ont leur musée ; consacrer un musée à l’histoire des Afro-Américains n’est pas plus paradoxal », explique Mme Richardson. « Il fallait créer ce lieu, car il n’existait pas d’autres endroits où était racontée une histoire collaborative, soutient Jacquelyn Serwer, commissaire en chef du musée. Nous allons nous efforcer de montrer que pas un grand événement ne s’est produit aux Etats-Unis sans que les Noirs y soient impliqués. L’objectif est de créer des interconnexions, de démanteler les séparations. » « Le musée ne sera pas un musée sur les Afro-Américains mais pour les Afro-Américains », affirme son directeur, Lonnie Bunch.Conçu par la commission mise en place par M. Bush comme un lieu de « guérison » susceptible de contribuer à « la réconciliation entre les races », le musée saura-t-il tenir ses promesses ? Les promoteurs du projet assurent qu’il ne s’agit « ni de victimiser les Noirs ni de culpabiliser les Blancs ».« L’idée est que ce musée contribue à une meilleure compréhension réciproque, explique la conservatrice du musée. On veut montrer que, comme dans les familles blanches, les origines et les histoires des familles noires sont multiples. Que l’énergie de la culture afro-américaine a irrigué la ­culture en général ou que les sportifs noirs sont des diplomates de l’Amérique à travers le monde. »Trouvaille archéologique rareEn dépit des difficultés à rassembler des objets ayant appartenu aux esclaves, le musée entend pallier le manque de connaissances de la société américaine sur la période de l’esclavage, « le péché originel dont l’Amérique ne s’est toujours pas remise », ainsi que l’a récemment qualifiée Hillary Clinton, candidate à l’investiture démocrate. « La plupart des Américains pensent encore que l’esclavage était limité aux Etats “ignares” du Sud alors que les nordistes aussi furent esclavagistes », explique M. Franklin. Le musée exposera ainsi une trouvaille archéologique rare : des objets recueillis dans l’épave d’un navire négrier ­portugais, qui a sombré en 1794 au large de l’Afrique du Sud. Mais il a aussi l’ambition de s’attaquer à la persistance des discriminations à l’encontre des Afro-Américains. « On collecte actuellement des tracts et des objets liés aux manifestations de Ferguson [ville du Missouri en proie à des émeutes après la mort d’un jeune Noir tué par un policier blanc en 2014] ou aux actions du mouvement ­Blacklivesmatter [les vies noires comptent] », indique Rhea L. Combs.L’« histoire heureuse » des populations d’origine africaine cohabitera donc avec la violence institutionnelle de l’Amérique blanche durant la période coloniale ou les années de ségrégation, et ses séquelles actuelles. Ses promoteurs le savent : l’enjeu sera de trouver un équilibre entre la mise en scène des connais­sances académiques et le risque de tomber dans une forme de militantisme. « On espère aussi en faire un lieu de débats sur les thèmes difficiles que sont l’esclavage, la ségrégation et les discriminations, alors que des institutions “blanches” auraient peut-être peur d’être entraînées sur de tels terrains », assure Jacquelyn Serwer. Les responsables du musée espèrent attirer 3 millions à 3,5 millions de visiteurs par an et placer ainsi le NMAAHC dans le tiercé de tête des musées nationaux. Juste derrière le Musée de l’espace, et au coude-à-coude avec celui consacré à… l’histoire américaine.Stéphanie Le BarsJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.10.2015 à 17h49 • Mis à jour le28.10.2015 à 18h20 Le successeur de Nonce Paolini à la tête du groupe audiovisuel français, Gilles Pélisson, choisi mercredi 28 octobre par le conseil d’administration de Bouygues, arrive dans un contexte difficile, marqué par le déclin des audiences et des bénéfices.Lire aussi :Gilles Pélisson succédera à Nonce Paolini à la tête de TF1 21,4 %C’est la part d’audience de TF1 en septembre, pour 14,4 % pour France 2 et 10,1 % pour M6. En août, l’audience était tombée à 20,1 %, un niveau historiquement bas pour la chaîne qui connaît un déclin quasi continu depuis des années. TF1 enregistrait 44,8 % d’audience en 1988, 35,3 % en 1998, et 27,2 % en 2008. Depuis dix ans, les parts de la chaîne sont aussi grignotées par celles de la TNT.Face à cette érosion, TF1 rappelle qu’elle déploie une stratégie pour l’ensemble de son groupe qui vise à faire progresser l’audience de ses chaînes secondaires (HD1, NT1 et TMC). Elle insiste sur l’audience agrégée de ses quatre chaînes (27,4 % de part en moyenne en 2015, selon des chiffres de fin août), voire sur son audience numérique, où sa plate-forme MyTF1 progresse, avec environ 15 millions de vidéos vues par mois. Lire aussi (édition abonnés) :TF1 tente de contrer l’érosion de son audience413 millions d’eurosC’est le montant du résultat net part du groupe pour 2014. Il était en forte hausse par rapport à 2013 (137 millions d’euros). Mais ce résultat est en trompe-l’œil car il intègre la plus-value liée à la cession du contrôle d’Eurosport à Discovery Communications, en mai 2014, pour 299,5 millions d’euros.En réalité, la baisse des bénéfices est continue : 250,3 millions d’euros en 2000, 228 millions d’euros en 2007 et, donc, 137 millions d’euros en 2013. Du coup, l’actionnaire principal de la chaîne, le groupe de BTP Bouygues – qui détient 43,5 % des parts de l’entreprise –, a exigé, en 2008, un plan d’économies. Nonce Paolini a joué le tueur de coût, imposant un régime minceur inédit qui s’élève aujourd’hui à quelque 24 millions d’euros. Son successeur s’inscrira dans la continuité de cette stratégie.Lire aussi :TF1, toujours seule en tête 700 millions d’eurosC’est le trésor de guerre, considérable, de TF1. La chaîne a vu sa trésorerie augmenter de 491 millions d’euros grâce à la vente de ses 49 % restants dans la chaîne sportive Eurosport à l’américain Discovery, en juillet. Fin 2014, les réserves du groupe audiovisuel s’élevaient déjà à 497 millions d’euros. Après versement des dividendes, la trésorerie devrait se situer à 700 millions d’euros. De quoi relativiser les pertes occasionnées par le quotidien gratuit Metro, qui a cessé en juillet de faire paraître son édition papier, ou de la chaîne d’info en continu LCI.Avec l’arrivée de M. Pélisson, les annonceurs attendent que TF1, assez prudent jusqu’ici, s’engage sur des investissements. Le groupe pourrait choisir de faire des acquisitions dans le numérique ou dans la production de contenus.Lire aussi :TF1 gonfle sa trésorerie en se désengageant totalement d’Eurosport 8,5 millions d’eurosC’est la perte enregistrée par LCI en 2014. L’avenir de la chaîne d’information est suspendu à une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur son passage en gratuit, qui doit intervenir d’ici à la fin de l’année. Sa précédente demande avait été rejetée par le CSA, mais le Conseil d’Etat a annulé cette décision, pour des raisons de procédure.TF1 considère que LCI n’a pas d’avenir sur la TNT payante, dont l’usage est en déclin (200 000 abonnés environ). Si le CSA ne lui accorde pas le passage en gratuit, TF1 a affirmé envisager l’arrêt de l’exploitation de sa chaîne après le 31 décembre.Lire aussi (édition abonnés) :Pour passer en gratuit, LCI se présente en anti BFM Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Macha Séry A ses lecteurs, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, il n’avait rien caché de son cancer depuis quelques mois. L’écrivain Ayerdhal s’est éteint à Bruxelles, en Belgique, mardi 27 octobre, à l’âge de 56 ans. Il fut, avec Pierre Bordage, Serge Lehman et Jean-Marc Ligny, l’un des artisans les plus flamboyant du renouveau de la science-fiction française. En près de vingt-cinq ans et presque autant de livres, il a donné à lire quelques chefs-d’œuvre visionnaires, tels que Demain, une oasis (Fleuve noir, 1992), Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé (J’ai lu, 1997 ; rééd. 2009, Au Diable Vauvert, son éditeur depuis 2004, qui procède depuis à la réédition de son œuvre) ou Etoiles mourantes (avec Jean-Claude Dunyach, J’ai lu, 1999).Né le 26 janvier 1959, Ayerdhal, de son vrai nom Yal Soulier, a grandi dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, la banlieue rouge de Lyon. Son père est l’un des plus grands collectionneurs de SF d’Europe. Il possède, par exemple, l’intégralité des titres parus dans la collection « Anticipation » du Fleuve noir. Ils ont aiguisé son goût pour les sciences. Car pour Ayerdhal, la science-fiction exige de la crédibilité. Un écrivain « ne peut pas se contenter de répandre des poncifs ou des approches obsolètes pour décrire ce qu’il perçoit du monde et permettre au lecteur d’envisager ses devenirs potentiels. Loin d’être un privilège de la littérature d’anticipation, qui, par essence, se doit d’inclure les découvertes scientifiques et les progrès technologiques dans les hypothèses qu’elle met en scène », écrivait-il dans « Le Monde des livres » du 25 mai 2007.Dystopies et space operasTout en exerçant mille et un métiers (moniteur de ski, footballeur professionnel, éducateur, commercial chez L’Oréal, chef d’entreprise), Ayerdhal a toujours écrit. A 28 ans, il se décide enfin à envoyer un manuscrit à un éditeur. La Bohème et l’Ivraie (Fleuve noir, 1990) met en scène un artiste qui se révolte contre un régime politique. Admirateur des Américains Ray Bradbury, Frank Herbert et Norman Spinrad, il signera par la suite d’autres dystopies ainsi que des space operas. Ayerdhal se voyait un peu comme un éclaireur, répétant cette phrase de Sartre : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent. » Même ancrée sur des planètes improbables, sa fiction est éminemment réaliste et toujours politique. Elle exalte la rebellion libertaire. Ayerdhal tenait, en effet, la science-fiction pour l’héritière de la philosophie et la dernière instance où l’on délibère encore sur l’humanité et son devenir.Depuis Transparences (Au Diable Vauvert, 2004), Ayerdhal avait migré de la science-fiction au polar. Plutôt, il était parvenu à mixer les deux. Témoin, Bastards (Au Diable Vauvert, 2014), qui débute tel un policier classique avant de basculer dans le surnaturel. Cependant, le romancier venait de renouer avec ses premiers amours, prévoyant d’ajouter un cinquième tome aux aventures d’Eylia, l’héroïne de son cycle « Cybione », employée pour des opérations suicides puisqu’elle ressuscite chaque fois, la mémoire amputée de sa dernière vie. Il n’aura pas eu le temps de l’achever.Tolérance, écologie et partage des richessesD’un genre à l’autre, ses préoccupations liées à la tolérance, à l’écologie et au partage des richesses sont demeurées intactes. Vingt ans après avoir reçu le Grand Prix de l’imaginaire pour Demain, une oasis, en 1993, roman futuriste où des commandos humanitaires enlèvent un médecin à Genève puis l’abandonnent dans un village subsaharien afin qu’il exerce son métier dans des camps de réfugiés, Ayerdhal retrouvait l’Afrique et la dénonciation du pillage de ses ressources naturelles dans le thriller Rainbow Warriors (Au Diable Vauvert, 2013). Une œuvre d’anticipation que l’on peut lire au choix comme une fiction politique, une utopie sociale, un roman d’aventures ou d’espionnage en terre africaine, un ouvrage de vulgarisation sur les barbouzeries dont se rendent coupables les Etats occidentaux afin de protéger leurs intérêts. L’argument ? Une armée de 5 000 LGBT (lesbiennes, gays, bis, transsexuels) originaires des cinq continents se forme pour renverser une dictature homophobe qui brade ses cultures et son sous-sol à des multinationales.Militant de la cause des auteurs, Ayerdhal avait fondé en octobre 2000 le collectif Le droit du Serf pour faire respecter leur droit à jouir décemment de leurs œuvres.Macha SéryJournaliste au Monde Renaud Machart « Folie passagère » est le programme de divertissement de France 2, diffusé le mercredi en deuxième partie de soirée. Son animateur, Frédéric Lopez, et France Télévisions auront tenté d’en faire le secret bien gardé de cette rentrée, avant la diffusion, le 4 novembre, à 22 h 35, de son premier épisode.Frédéric Lopez est connu pour ses émissions empathiques et pleines de bons sentiments : « Rendez-vous en terre inconnue », lancée sur France 2 en 2004 ; « Leur secret du bonheur », qui ne dura que le temps de trois numéros, également sur France 2, en 2011 ; ou encore « La Parenthèse inattendue » toujours pour la même chaîne, en 2014.De sa nouvelle émission, M. Lopez a déclaré à Télé-Loisirs vouloir qu’elle soit « la somme du meilleur de mes programmes précédents ».On y verra plus particulièrement un décalque aménagé et très (trop) rubriqué de « La Parenthèse inattendue ». Des invités d’horizons divers (« un artiste, un sportif, un scientifique et un citoyen engagé », précise l’animateur) se retrouvent dans un décor qui rappelle le cabaret de La Cage aux folles sur fond de baie méridionale, mi Raoul Dufy, mi Vincente Minnelli. Avec, pour Frédéric Lopez, l’ambition de faire découvrir « de nouvelles facettes » de ses hôtes.Rires forcésAutour de ces derniers évoluent une bande de comédiens, d’humoristes, de chanteurs, qui constituent une sorte de mélange entre le Big Bazar de Michel Fugain et le Jamel Comedy Club de Jamel Debbouze. « Treize talents, selon M. Lopez, dont beaucoup sont humoristes, proposeront des happenings et emmèneront les invités dans leurs délires afin qu’ils se dévoilent un peu plus… »Evidemment, les « délires » sont très relatifs et l’esprit de bonne humeur que tente d’installer l’émission est artificieusement entretenu par des rires forcés saluant les saillies verbales des « humoristes » dont il faut, hélas, convenir que l’ensemble de ce qu’ils disent est assez consternant.Le propos se veut parfois sérieux. Mais, au moment où Alexandre Jardin, qui fait office de sage dont les remarques font parfois sourire (« Le courage rend beau », etc.), salue le travail d’un entrepreneur ayant ouvert un service de carte bancaire pour les fichés à la Banque de France, on fait intervenir, juste avant l’arrivée en plateau de ce dernier, Pierre-Emmanuel Barré, un transfuge de Canal+ (rayon humour « pas-drôle-mais-si-c’est-sur-Canal +-c’est-que-c’est-drôle-quand-même »)…M. Lopez veut absolument voir de la « générosité » et de l’altruisme partout, notamment dans les traits de drôlerie des pièces de théâtre de boulevard de la comédienne et auteure Isabelle Mergault. Celle-ci, qu’on sent vaguement agacée à la fin du programme (dont, en bonne cliente, elle a de bonne grâce accepté les règles), finit par lâcher : « Mais non, je ne suis pas généreuse ; je n’aime pas les gens ; c’est mon métier et je demande un cachet pour cela ! » Enfin un peu de vinaigre dans ce tiède filet d’eau bénite…Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Elle a reçu la bénédiction de quelques stars de la pop comme Taylor Swift qui, dans un message sur Twitter, le 9 juillet, l’avait qualifiée d’« AMAZING » (lettres capitales comprises), d’autant qu’elle est régulièrement, depuis quelques mois, l’un des sujets des informations du site Internet Pitchfork.com, summum américain de la « branchitude » musicale. Et le 20 octobre, lors de la soirée de mini-concerts organisée au Barclays Center de Brooklyn, à New York, par Tidal, le site de diffusion musicale de Jay Z pour fêter son millionième abonné, elle était à la même affiche que le patron et des gros vendeurs du r’n’b-hip hop comme Usher, Beyoncé ou Nicki Minaj. La jeune Canadienne Alessia Cara, 19 ans depuis le 11 juillet, accumule, autour de son nom, les signes qui pourraient faire d’elle la nouvelle sensation du moment.You're AMAZING, @alessiacara. Love this, @BBCR1 !— taylorswift13 (@Taylor Swift)require(["twitter/widgets"]);Et cela grâce à une chanson, Here, qui vaut surtout pour son accroche mélodique, un sample (emprunt d’un extrait musical) de la ligne de basse descendante (les notes doublées ré, do, si, si bémol) et quelques parties vocales d’Ike’s Rap II, d’Isaac Hayes (1942-2008), composition publiée en 1971 sur l’album Black Moses du grand maître de la soul. Ce que n’ont pas manqué de remarquer les internautes lors de la diffusion du vidéo-clip début mai. Avec d’ailleurs, dans un premier temps pour certains, y compris chez Pitchfork, l’attribution du motif non pas à Isaac Hayes mais au groupe britannique Portishead. Lequel avait effectivement construit en 1994 sur ce motif sa chanson Glory Box, publiée en single début janvier 1995. Le vidéo-clip de la chanson « Here » (2015), par Alessia Cara« Ike’s Rap II » (1971), par Isaac Hayes; le motif de basse débute à 36 secondesLe vidéo-clip de la chanson « Glory Box » (1995), par Portishead Le même motif se retrouvera d’ailleurs, quelques semaines plus tard, chez un confrère de la formation britannique de trip hop, Tricky, dans Hell Is Around The Corner (1995). A défaut d’être dans les hauteurs du classement des thèmes musicaux les plus samplés (Amen Brother, de The Winstons, Funky Drummer et Funky President, de James Brown, Bring The Noise, de Public Enemy, Here We Go, de Run DMC...), cette proximité d’Ike’s Rap II avec les ambiances brumeuses du son de Bristol avait fait à l’époque son petit effet plutôt chic.Le vidéo-clip de la chanson « Hell Is Around The Corner (1995), par TrickyOn retrouve aussi le motif en 1997 dans Jorge da Capadócia et Salve, du collectif rap brésilien Racionais MC’s, ou en 2011 dans Let Me Go, du Britannique Maverick Sabre. Et si l’on voulait remonter aux sources d’Ike’s Rap II, n’y aurait-il pas à aller voir cette fois du côté de nos amis belges avec Wallace Collection et la ligne de basse de leur succès de 1969, Daydream ? Lequel Daydream avait, par ailleurs, été composé en puisant dans le « moderato » du Lac des cygnes et l’apport de quelques notes du Quatuor à cordes no1, de Tchaïkovski (1840-1893)... « Jorge da Capadócia » (1997) par Racionais MC’sLe vidéo-clip de la chanson « Let Me Go » (2011) par Maverick Sabre« Daydream » (1969), par Wallace Collection En tout cas, Here, sous influence Isaac Hayes, aura porté l’attention sur le mini-album (EP) d’Alessia Cara, sorti fin août aux Etats-Unis, et devrait figurer en bonne place d’un album à paraître le 13 novembre chez la compagnie phonographique américaine Def Jam Recordings. Pour l’heure, Alessia Cara, qui a surtout joué dans des clubs (Knitting Factory, Troubadour aux Etats-Unis, Barfly, Dingwall’s à Londres…) sera de passage à Paris, au Badaboum, jeudi 5 novembre, à 19 h 30, où pour 14,80 euros l’entrée, quelques centaines de spectateurs pourront fredonner avec elle sa chanson-révélation.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Le prix Médicis a été attribué à Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (P.O.L). Le Médicis étranger distingue Encore, du turc Hakan Günday (Galaade) et le Médicis essai, Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil).Titus n’aimait pas Bérénice est le sixième livre de Nathalie Azoulai, après cinq textes ancrés dans notre époque au point de prendre l’allure de romans « sociétaux » – qu’ils évoquent la maternité, comme Mère agitée (Seuil, 2002) et Les Filles ont grandi (Flammarion, 2010), ou qu’il y soit question de racisme et d’antisémitisme, comme dans Les Manifestations (Seuil, 2005).Dans ce nouvel ouvrage, en revanche, l’ancienne normalienne et agrégée imagine une femme d’aujourd’hui, quittée par son amant, marié et décidé à rester avec sa femme en dépit de son amour pour sa maîtresse. S’abreuvant aux vers de Racine, elle décide de « quitter son temps, son époque », et de se plonger dans la vie de l’écrivain pour « construire un objet alternatif à son chagrin, sculpter une forme à travers son rideau de larmes » : « Si elle comprend comment ce bourgeois de province a pu écrire des vers aussi poignants sur l’amour des femmes, alors elle comprendra pourquoi Titus l’a quittée », écrit Nathalie Azoulai.« Empoigner le marbre »Ainsi se lance-t-elle dans le récit (romancé) de l’existence de Racine, ses années de formation à Port-Royal, l’enseignement de ses maîtres jansénistes, la découverte de la traduction du latin, où il va progressivement forger sa propre langue si étonnante, jusqu’à finir par donner, au fil de ses douze tragédies, « un idiome à la France ». Elle imagine comment Racine a réussi à devenir « l’endroit où le masculin s’approche au plus près du féminin » en inventant des sortes de séances de confession, sans dimension religieuse, où des femmes racontent au grand homme les effets sur elle du chagrin amoureux…Si la structure à deux niveaux – l’histoire de Bérénice la délaissée d’aujourd’hui, et celle de Racine – ne convainc pas tout à fait, il y a dans Titus n’aimait pas Bérénice quelques pages superbes, des phrases dépouillées et pourtant d’une grande force. Une volonté de fouiller l’histoire et la langue pour réussir à « empoigner le marbre » de la statue du tragédien, et lui donner chair, lui insuffler de la vie.Un roman turc dans la peau d’un « passeur »Distingué par le Médicis étranger, Hakan Günday, né en 1976, est l’auteur de huit romans. Il raconte que l’idée d’Encore (traduit par Jean Descat), paru en Turquie il y a deux ans, lui est venue en lisant dans un journal un article sur l’arrestation d’une bande qui fabriquait des faux gilets de sauvetage ne flottant pas, destinés aux clandestins qui tentent de gagner l’Europe sur des rafiots de fortune depuis la côte turque. Encore est donc un roman qui immerge le lecteur dans le milieu des passeurs et de leur « business », sur les pas de Gazâ qui, à 9 ans, a hérité de l’entreprise de son père « spécialisée » dans le transport de migrants.Lire aussi :Flâneries stambouliotesAvec Nicole Lapierre, plongée intime dans une familleDirectrice de recherche au CNRS, la sociologue et anthropologue Nicole Lapierre « prolonge » ses travaux sur les questions de mémoire et d’identité en se penchant sur sa propre histoire, ce qu’elle s’était toujours refusée à faire, dans un poignant récit littéraire. « Dans ma famille, on se tuait de mère en fille » est la première phrase de ce livre écrit pour évoquer le souvenir de sa grand-mère, de sa sœur et de sa mère, toutes mortes dans des conditions dramatiques : un accident dû à une fuite de gaz pour la première (selon la version autorisée), le choix du suicide pour la deuxième et la troisième. La pudeur et l’optimisme finissent par triompher de cette plongée intime au cœur d’une famille juive déchirée entre « semelles de plomb qui entraînent par le fond » et « ornements de plumes qui frémissent au vent ».Lire aussi :Nicole Lapierre esquive la mortRaphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur France 2 à 23 h 35 Un documentaire qui retrace l’histoire méconnue de celles et ceux qui s’élevèrent contre l’union sacrée et l’effort de guerre.Ne cherchez pas d’avenues ou de places fameuses dédiées à Pierre Brizon ou Jean-Pierre Raffin-Dugens, Albert Bourderon ou Alfred Rosmer, leaders politiques et syndicaux qui, passé l’unanimisme de l’été 1914, refusèrent l’union sacrée et l’effort de guerre au risque de passer pour des « traîtres à la patrie ». Et si Gabriel Chevallier est un peu mieux traité, c’est pour avoir signé en 1934 la satire Clochemerle plutôt que pour avoir témoigné de son calvaire de « poilu » dans La Peur, paru quatre ans plus tôt…C’est qu’à un siècle de distance il ne fait toujours pas bon avoir prôné le refus de la boucherie. Si chacun sait que Jaurès, pacifiste au charisme magnétique, tenta jusqu’au bout de jouer la grève générale comme frein à la course à la guerre, au point de le payer de sa vie, il ne fut plus, dès ses obsèques le 4 août 1914, question de tergiverser. Seul Romain Rolland, depuis la Suisse, dans le supplément du Journal de Genève du 22 septembre, osait se placer « au-dessus de la mêlée ». Ce qui lui valut, plus que les dix volumes de Jean-Christophe, le prix Nobel de littérature 1915, attribué en 1916 quand la belle unanimité autour du conflit s’est fissurée.Il est vrai que, dès le printemps 1915, la conférence internationale des femmes pour la paix et la liberté, à La Haye, a offert une tribune à celles et ceux qui refusent la poursuite de la guerre. La confidentielle et clandestine conférence de Zimmerwald, en Suisse, quatre mois plus tard voit la résistance socialiste s’organiser et le 24 juin 1916, pour la première fois en France, trois députés refusent le vote des crédits de guerre. Sans incidence notable pour la vie parlementaire, mais le discours de Brizon circule bientôt dans les tranchées, et là l’impact est tout autre…C’est cette histoire occultée que ce documentaire précieux retrace avec le souci de livrer la parole du temps, celle des philosophes Alain ou Bertrand Russell comme des écrivains Jean Giono, Siegfried Sassoon ou Ernst Toller – car le mouvement se joue naturellement des clivages nationalistes. On n’aura garde d’oublier la voix de Léon Werth, auteur du magistral Clavel soldat, dont l’éditrice Viviane Hamy propose ces jours-ci une version de 33 jours, journal d’exode de 1940, enrichie de la préface inédite que lui consacra Saint-Exupéry. La littérature comme résistance et ultime refuge toujours.14-18 : refuser la guerre, de Georgette Cuvelier (Fr., 2014, 60 min).Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Christine Rousseau Documentaire sur RMC Découverte, rediffusé le 13 novembre à 01 h 50 Un documentaire consacré à l’attentat du Petit-Clamart réactive l’hypothèse d’une implication de Valéry Giscard d’Estaing, sans preuve.Traquer « Les Grains de sable de l’histoire » qui ont conduit à en modifier son cours, tel est l’objet de la série documentaire que propose le journaliste Eric Brunet sur RMC Découverte. Celui consacré à l’attentat manqué du Petit-Clamart contre le général de Gaulle, le 22 août 1962, et diffusé mardi 3 novembre, n’aurait pas davantage attiré l’attention, tant l’affaire a été maintes fois traitée, si Eric Brunet n’y avait glissé un petit grain de soupçon… concernant l’éventuelle implication de Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances et des affaires économiques.Pour étayer son enquête, le journaliste s’appuie largement sur le témoignage de Lajos Marton, un des derniers membres encore vivants du commando de l’opération « Charlotte Corday », condamné puis gracié en 1968 par de Gaulle. L’interrogeant sur la manière dont le groupe dirigé par le colonel Bastien-Thiry fut informé des déplacements du général, l’ancien officier hongrois, aujourd’hui âgé de 84 ans, désigne Jacques Cantebaude, contrôleur général de la police et directeur de la sécurité du président, ainsi qu’« un membre du gouvernement », Valéry Giscard d’Estaing, qui, précise-t-il « avait même un nom de code, B12 », au sein de l’OAS.« C’est une ânerie »Une affirmation également soutenue par l’historien Alain Ruscio, auteur de Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS (La Découverte),qui s’appuie sur les propos du colonel Bastien-Thiry lors de son procès. « Ma principale surprise, c’est que ces choses sont du domaine public depuis 1963, explique-t-il, avant de préciser : Valéry Giscard d’Estaing a envisagé d’intenter un procès, mais le garde des sceaux de l’époque, Jean Foyer, l’en a dissuadé. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il était sur la sellette. »Contacté par Eric Brunet, Valéry Giscard d’Estaing n’a pas souhaité répondre à ces accusations de complicité. Joint par Le Monde le 3 novembre, l’ancien président de la République adressait ces quelques mots, via son secrétariat : « Comment pensez-vous que le général de Gaulle aurait gardé dans son gouvernement quelqu’un qui aurait attenté à ses jours, c’est une ânerie. »Egalement contacté, Olivier Dard, professeur d’histoire à Paris-IV (Sorbonne) et auteur de Voyage au cœur de l’OAS (Perrin, 2005), ne se montre pas moins circonspect quant aux « révélations » contenues dans le documentaire d’Eric Brunet. « Cela fait partie des serpents de mer entourant l’affaire » souligne-t-il.De fait,en 1986, concernant une taupe à l’Elysée, Jean Lacouture, dans sa biographie sur le général de Gaulle (Seuil), écrivait : « Les innombrables supputations faites à ce sujet n’ont débouché sur aucune information sérieuse. Il semble que Bastien-Thiry, sur ce plan, ait bluffé, pour affoler ou diviser l’entourage du général. »S’appuyant sur les recherches qu’il a entreprises dans les archives de l’organisation secrète, Olivier Dard affirme : « Je n’ai trouvé aucune preuve tangible. Encore moins une quelconque liste d’adhérents. Tout cela me paraît énorme. » Avant de rappeler que l’attentat du Petit-Clamart fut l’œuvre d’un commando « bizarrement constitué », dont seul un homme sur les treize qui le composaient – en l’occurrence Alain de La Tocnaye – était affilié à l’OAS.Si les allégations d’Eric Brunet ne sont pas l’essentiel de son enquête – 7 minutes sur les 55 que compte ce film –, qui retrace avec force détails et reconstitution de l’attentat, elles entachent quelque peu l’ensemble.« Les Grains de sable de l’histoire », L’Attentat du Petit-Clamart, d’Eric Brunet, est rediffusé le 13 novembre sur RMC Découverte à 01 h 50.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 05.11.2015 à 04h35 • Mis à jour le05.11.2015 à 14h39 | Jean Birnbaum L’anthropologue René Girard est mort mercredi 4 novembre, à Stanford, aux Etats-Unis. Il avait 91 ans. Fondateur de la « théorie mimétique », ce franc-tireur de la scène intellectuelle avait bâti une œuvre originale, qui conjugue réflexion savante et prédication chrétienne. Ses livres, commentés aux quatre coins du monde, forment les étapes d’une vaste enquête sur le désir humain et sur la violence sacrificielle où toute société, selon Girard, trouve son origine inavouable.« Le renommé professeur français de Stanford, l’un des quarante Immortels de la prestigieuse Académie française, est décédé à son domicile de Stanford mercredi des suites d’une longue maladie », a indiqué l’université californienne où il a longtemps enseigné.Né le 25 décembre 1923, à Avignon, René Noël Théophile grandit dans une famille de la petite bourgeoisie intellectuelle. Son père, radical-socialiste et anticlérical, est conservateur de la bibliothèque et du musée d’Avignon, puis du Palais des papes. Sa mère, elle, est une catholique tendance Maurras, passionnée de musique et de littérature. Le soir, elle lit du Mauriac ou des romans italiens à ses cinq enfants. La famille ne roule pas sur l’or, elle est préoccupée par la crise, la montée des périls. Plutôt heureuse, l’enfance de René Girard n’en est donc pas moins marquée par l’angoisse.Quand on lui demandait quel était son premier souvenir politique, il répondait sans hésiter : les manifestations ligueuses du 6 février 1934. « J’ai grandi dans une famille de bourgeois décatis, qui avait été appauvrie par les fameux emprunts russes au lendemain de la première guerre mondiale, nous avait-il confié lors d’un entretien réalisé en 2007. Nous faisions partie des gens qui comprenaient que tout était en train de foutre le camp. Nous avions une conscience profonde du danger nazi et de la guerre qui venait. Enfant, j’ai toujours été un peu poltron, chahuteur mais pas batailleur. Dans la cour de récréation, je me tenais avec les petits, j’avais peur des grands brutaux. Et j’enviais les élèves du collège jésuite qui partaient skier sur le mont Ventoux… »Longue aventure américaineAprès des études agitées (il est même renvoyé du lycée pour mauvaise conduite), le jeune Girard finit par obtenir son bac. En 1940, il se rend à Lyon dans l’idée de préparer Normale-Sup. Mais les conditions matérielles sont trop pénibles, et il décide de rentrer à Avignon. Son père lui suggère alors d’entrer à l’Ecole des chartes. Il y est admis et connaît à Paris des moments difficiles, entre solitude et ennui. Peu emballé par la perspective de plonger pour longtemps dans les archives médiévales, il accepte une offre pour devenir assistant de français aux Etats-Unis. C’est le début d’une aventure américaine qui ne prendra fin qu’avec sa mort, la trajectoire académique de Girard se déroulant essentiellement outre-Atlantique.Vient alors le premier déclic : chargé d’enseigner la littérature française à ses étudiants, il commente devant eux les livres qui ont marqué sa jeunesse, Cervantès, Dostoïevski ou Proust. Puis, comparant les textes, il se met à repérer des résonances, rapprochant par exemple la vanité chez Stendhal et le snobisme chez Flaubert ou Proust. Emerge ainsi ce qui sera le grand projet de sa vie : retracer le destin du désir humain à travers les grandes œuvres littéraires.De la littérature à l’anthropologie religieuseEn 1957, Girard intègre l’université Johns-Hopkins, à Baltimore. C’est là que s’opérera le second glissement décisif : de l’histoire à la littérature, et de la littérature à l’anthropologie religieuse. « Tout ce que je dis m’a été donné d’un seul coup. C’était en 1959, je travaillais sur le rapport de l’expérience religieuse et de l’écriture romanesque. Je me suis dit : c’est là qu’est ta voie, tu dois devenir une espèce de défenseur du christianisme », confiait Girard au Monde, en 1999.A cette époque, il amasse les notes pour nourrir le livre qui restera l’un de ses essais les plus connus, et qui fait encore référence aujourd’hui : Mensonge romantique et vérité romanesque (1961). Il y expose pour la première fois le cadre de sa théorie mimétique. Bien qu’elle engage des enjeux profonds et extrêmement complexes, il est d’autant plus permis d’exposer cette théorie en quelques mots que Girard lui-même la présentait non comme un système conceptuel, mais comme la description de simples rapports humains. Résumons donc. Pour comprendre le fonctionnement de nos sociétés, il faut partir du désir humain et de sa nature profondément pathologique. Le désir est une maladie, chacun désire toujours ce que désire autrui, voilà le ressort principal de tout conflit. De cette concurrence « rivalitaire » naît le cycle de la fureur et de la vengeance. Ce cycle n’est résolu que par le sacrifice d’un « bouc émissaire », comme en ont témoigné à travers l’histoire des épisodes aussi divers que le viol de Lucrèce, l’affaire Dreyfus ou les procès de Moscou.Prédicateur chrétienC’est ici qu’intervient une distinction fondamentale aux yeux de Girard : « La divergence insurmontable entre les religions archaïques et le judéo-chrétien. » Pour bien saisir ce qui les différencie, il faut commencer par repérer leur élément commun : à première vue, dans un cas comme dans l’autre, on a affaire au récit d’une crise qui se résout par un lynchage transfiguré en épiphanie. Mais là où les religions archaïques, tout comme les modernes chasses aux sorcières, accablent le bouc émissaire dont le sacrifice permet à la foule de se réconcilier, le christianisme, lui, proclame haut et fort l’innocence de la victime. Contre ceux qui réduisent la Passion du Christ à un mythe parmi d’autres, Girard affirme la singularité irréductible et la vérité scandaleuse de la révélation chrétienne. Non seulement celle-ci rompt la logique infernale de la violence mimétique, mais elle dévoile le sanglant substrat de toute culture humaine : le lynchage qui apaise la foule et ressoude la communauté.Girard, longtemps sceptique, a donc peu à peu endossé les habits du prédicateur chrétien, avec l’enthousiasme et la pugnacité d’un exégète converti par les textes. De livre en livre, et de La Violence et le sacré (1972) jusqu’à Je vois Satan tomber comme l’éclair (1999), il exalte la force subversive des Evangiles.Un engagement religieux critiquéCet engagement religieux a souvent été pointé par ses détracteurs, pour lesquels sa prose relève plus de l’apologétique chrétienne que des sciences humaines. A ceux-là, l’anthropologue répondait que les Evangiles étaient la véritable science de l’homme… « Oui, c’est une espèce d’apologétique chrétienne que j’écris, mais elle est bougrement bien ficelée », ironisait, dans un rire espiègle, celui qui ne manquait jamais ni de culot ni d’humour.Adoptant une écriture de plus en plus pamphlétaire, voire prophétique, il était convaincu de porter une vérité que personne ne voulait voir et qui pourtant crevait les yeux. Pour lui, la théorie mimétique permettait d’éclairer non seulement la construction du désir humain et la généalogie des mythes, mais aussi la violence présente, l’infinie spirale du ressentiment et de la colère, bref l’apocalypse qui vient. « Aujourd’hui, il n’y a pas besoin d’être religieux pour sentir que le monde est dans une incertitude totale », prévenait, un index pointé vers le ciel, celui qui avait interprété les attentats du 11-Septembre comme la manifestation d’un mimétisme désormais globalisé.Il y a ici un autre aspect souvent relevé par les critiques de Girard : sa prétention à avoir réponse à tout, à tout expliquer, depuis les sacrifices aztèques jusqu’aux attentats islamistes en passant par le snobisme proustien. « Don’t you think you are spreading yourself a bit thin ? » [« tu ne penses pas que tu t’étales un peu trop ? »], lui demandaient déjà ses collègues américains, poliment, dans les années 1960… « Je n’arrive pas à éviter de donner cette impression d’arrogance », admettait-il, narquois, un demi-siècle plus tard.Relatif isolementAjoutez à cela le fait que Girard se réclamait du « bon sens » populaire contre les abstractions universitaires, et vous comprendrez pourquoi ses textes ont souvent reçu un accueil glacial dans le monde académique. Les anthropologues, en particulier, n’ont guère souhaité se pencher sur ses hypothèses, hormis lors d’une rencontre internationale qui eut lieu en 1983 en Californie, non loin de Stanford, l’université où Girard enseigna de 1980 jusqu’à la fin de ses jours.Confrontant son modèle conceptuel à leurs enquêtes de terrain, quelques chercheurs français ont aussi accepté de discuter les thèses de Girard. A chaque fois, l’enjeu de cette confrontation s’est concentré sur une question : les sacrifices rituels propres aux sociétés traditionnelles relèvent-ils vraiment du lynchage victimaire ? Et, même quand c’est le cas, peut-on échafauder une théorie de la religion, voire un discours universel sur l’origine de la culture humaine, en se fondant sur ces pratiques archaïques ?Cordiale ou frontale, cette discussion revenait toujours à souligner le relatif isolement, mais aussi la place singulière, de René Girard dans le champ intellectuel. Ayant fait des Etats-Unis sa patrie d’adoption, cet autodidacte jetait un regard perplexe sur la pensée française, et notamment sur le structuralisme et la déconstruction. Mêlant sans cesse littérature, psychanalyse et théologie, cet esprit libre ne respectait guère les cadres de la spécialisation universitaire. Animé d’une puissante conviction chrétienne, cet homme de foi ne craignait pas d’affirmer que sa démarche évangélique valait méthode scientifique. Se réclamant de l’anthropologie, ce provocateur-né brossait la discipline à rebrousse-poil en optant pour une réaffirmation tranquille de la supériorité culturelle occidentale. Pour Girard, en effet, qui prétend découvrir l’universelle origine de la civilisation, on doit d’abord admettre la prééminence morale et culturelle du christianisme.« Vous n’êtes pas obligés de me croire », lançait René Girard à ceux que son pari laissait perplexes. Du reste, il aimait exhiber ses propres doutes, comme s’il était traversé par une vérité à prendre ou à laisser, et dont lui-même devait encore prendre toute la mesure. Rythmant ses phrases de formules du type « si j’ai raison… », confiant ses incertitudes à l’égard du plan qu’il avait choisi pour tel ou tel livre, il séduisait les plus réticents par la virtuosité éclairante de son rapport aux textes. Exégète à la curiosité sans limites, il opposait à la férocité du monde moderne, à l’accélération du pire, la virtuosité tranquille d’un lecteur qui n’aura jamais cessé de servir les Ecritures.Lire (édition abonnés) : René Girard, philosophe et anthropologue : "Ce qui se joue aujourd'hui est une rivalité mimétique à l'échelle planétaire"Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 04.11.2015 à 16h28 • Mis à jour le04.11.2015 à 17h15 | Emmanuelle Jardonnet Monumenta est un défi de taille pour les artistes, au sens propre du terme, car c’est bien à la taille exceptionnelle de l’espace d’exposition qu’il leur faut se mesurer : l’immense verrière de 13 500 m² et 35 mètres de hauteur de la nef du Grand Palais. Depuis 2007, six figures internationales de l’art contemporain ont relevé le défi de cette carte blanche, chacune à leur manière. On en sait désormais un peu plus sur le projet de l’artiste franco-chinois Huang Yong Ping, choisi pour l’édition 2016, année où la manifestation passera en mode biennale (il n’y a pas eu de Monumenta cette année).Lire aussi : Huang Yong Ping choisi pour la prochaine MonumentaL’Allemand Anselm Kiefer y avait présenté le champ de ruines de l’humanité, l’Américain Richard Serra s’était attelé à sculpter l’espace, le Français Christian Boltanski y reconstituait un camp d’extermination nazi, le Britannique Anish Kapoor l’emplissait d’une organique structure gonflable, le Français Daniel Buren en magnifiait la lumière de façon kaléïdoscopique. En 2014, enfin, le couple russe Ilya et Emilia Kabakov y avait imaginé une ville méditative, voire métaphysique. Qu’a donc inventé le malicieux Huang Yong Ping pour « son » Monumenta ?Lire aussi : « Monumenta » 2007-2014, la démesure par six« Paysage symbolique du monde économique »« Ce projet est un paysage symbolique du monde économique d’aujourd’hui », annonce le communiqué, où l’on reconnaît la verve de Jean de Loisy, actuel président du Palais de Tokyo, qui assure le commissariat de l’exposition, comme il l’avait déjà fait avec Anish Kapoor.« Comme les vapeurs qui montent des vallées dans la peinture chinoise montrant la mutation permanente des énergies et des substances, comme les premiers paysages industriels des impressionnistes qui présentaient les effets physiques et optiques de la transformation de l’environnement par la machine, Huang Yong Ping représente, à l’intérieur de ce chef-d’œuvre de l’âge industriel qu’est le Grand Palais, la modification du monde, les métamorphoses des puissances politiques et économiques, l’ascension de nouvelles régions géographiques, le déclin d’anciens empires et l’apparition provisoire de nouveaux candidats à la puissance et les violences que ces ambitions provoquent. Stratégies, tactiques, politique, art et art de la guerre, volonté de pouvoir et de richesse, ruines, naissance ou renaissance des sociétés : chacun des pays, des conglomérats, chacune des multinationales qui participent aux successions interminables de grandeur et de décadence cherchent à porter, ne serait-ce que quelques instants, un Empire. »Concrètement, cette installation immersive, forcément « spectaculaire », se composera d’une architecture de couleur constituée de huit îlots surplombée d’une structure « dont l’ombre portée se mêle[ra] par son sens et sa forme à celle des nervures métalliques de la verrière ».Goût pour le paradoxeArtiste prolifique, Huang Yong Ping reste encore peu connu du grand public. Né en 1954 en Chine, il vit depuis 1989 en France, année où il avait été invité à participer l’exposition du Centre Pompidou qui a ouvert en grand les frontières de l’art contemporain, jusque-là concentré sur l’Europe et l’Amérique du Nord : « Les Magiciens de la Terre ». Avaient alors émergé sur la scène internationale des artistes jusqu’alors « invisibles », originaires de tous les continents.Figure majeure de l’avant-garde chinoise des années 1980, Huang Yong Ping avait fondé le mouvement Xiamen Dada, au mot d’ordre humoristique : « Le zen est Dada, Dada est le zen », et au sein duquel il menait des actions radicales, cultivant son goût pour le paradoxe et la contestation par l’absurde, instaurant, déjà, des correspondances entre l’art, la vie et le politique.S’inspirant des récits mythiques, qu’ils soient religieux ou philosophiques, il revisite depuis les croyances et les références d’Orient et d’Occident, qu’il mêle dans un travail ébranlant nos certitudes. Attaché à la fascination et à l’inquiétude suscitées par les transformations du monde, il élabore de troublantes et oniriques mises en scènes, volontiers monumentales, peuplées d’animaux naturalisés. Livres lavés à la machinePour « Les Magiciens de la Terre », ses livres lavés à la machine envahissaient l’espace de la Grande Halle de la Villette ; à la Biennale de Venise de 1999, ses animaux mythologiques transperçaient le toit du Pavillon français ; en 2009, il avait imaginé une Arche de Noé grandeur nature dans la chapelle des Beaux-Arts de Paris. Plus récemment, en 2012, l’artiste a conçu une gigantesque œuvre pérenne installée sur la plage de Saint-Brévin-les-Pins, près de Saint-Nazaire : Serpent d’océan, un squelette en métal de 120 mètres de long, sorte de monstre marin qui semble échoué là, tel un spectre du désastre écologique en cours.Voir la vidéo : Le « Serpent d’océan » de Huang Yong Ping fait sa mueLes restes de sa créature épousent la forme du pont de Saint-Nazaire, visible depuis la plage, comme celle des ruines des anciens pontons de pêche qui l’entourent. Les restes de l’animal symbolisent aussi la fin des activités traditionnelles et l’épuisement des ressources sous-marines. En écho à cette œuvre, Huang Yang Ping avait imaginé, en 2014, la « mue » de l’animal, sculpturale dépouille autour de laquelle serpentait une rétrospective de son travail dans le cadre du festival Voyage à Nantes. Sa nouvelle création sera à découvrir, du 8 mai au 18 juin 2016, au Grand Palais.Voir le visuel interactif : Le Voyage à Nantes sème l’art dans la villeEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.11.2015 à 13h04 • Mis à jour le05.11.2015 à 08h33 | Service culture Le prix Femina a été attribué à La Cache, de Christophe Boltanski (Stock). Le Femina étranger a récompensé La couleur de l’eau, de Kerry Hudson (Philippe Rey), et le Femina de l’essai, Lévi-Strauss, d’Emmanuelle Loyer (Flammarion).Très remarqué lors de sa parution en août, La Cache est le premier roman de Christophe Boltanski, grand reporter à L’Obs. Le fils du sociologue et poète Luc Boltanski, neveu de l’artiste Christian et du linguiste Jean-Elie s’attache à y raconter l’histoire de son clan fusionnel, soudé autour du lieu où les trois générations ont vécu, et où le grand-père, juif, se cacha pendant l’Occupation dans un réduit. Il s’agit d’un appartement de la rue de Grenelle (Paris 7e), dont la description structure le livre.Pour les « Bolt’ », ce lieu est celui des pires souvenirs et des grandes joies, une cellule d’enfermement et une bulle de liberté maximale, le creuset des névroses et celui de la création… Dans ce livre bouleversant, Christophe Boltanski passe en revue, l’une après l’autre, les pièces du lieu, montrant ce qui n’est plus mais aussi ce qui demeure d’une histoire, d’un esprit familial, d’un amour immense.Lire aussi :Les Boltanski en lieu sûrLa couleur de l’eau est le deuxième roman de Kerry Hudson, auteure écossaisse de 35 ans. Cabossés par la vie mais évoqués sans pittoresque, ses personnages possèdent une énergie qui porte de bout en bout ce livre décrivant pourtant la violence des réseaux de prostitution. Venue de Russie pour mener à Londres une vie meilleure, Alena est immédiatement intégrée à l’un d’eux. Lorsqu’elle s’en échappe, elle fait la connaissance de Dave, un vigile à qui elle tait son passé de prostituée de peur de perdre l’affection qu’il lui porte. « Il respectait ses secrets, comprenait la fuite, ne voulait pas qu’elle aille explorer les recoins de sa vie, pas plus qu’elle ne voulait le voir fouiller dans la sienne. » Mêlant très habilement le récit d’une histoire d’amour en construction et celui du passé qui encombre chacun des personnages, Kerry Hudson sait rendre la peur et l’enthousiasme, comme la coexistence de la vulnérabilité et du courage.Quant au Femina de l’essai, il vient récompenser la première vraie biographie d’un des plus grands intellectuels français du XXe siècle, Claude Lévi-Strauss (1908-2009). Il fallait du courage pour se lancer dans un tel ouvrage, sur un homme qui vécut cent ans et acheva sa vie couvert de gloire et d’honneurs, après avoir été malmené à ses débuts dans son pays pour une œuvre d’une exceptionnelle richesse, traduite dans le monde entier, et d’une modernité à couper le souffle. Emmanuelle Loyer a relevé le défi. Historienne, elle est la première à avoir exploité la quasi-totalité des sources disponibles et encore inédites. Son Lévi-Strauss est une merveille d’intelligence, et pas un instant on ne s’ennuie en suivant pas à pas, sous sa plume, l’itinéraire de ce penseur.Lire aussi :Claude Lévi-Strauss, notre contemporainService cultureJournaliste au Monde 17.11.2015 à 10h42 • Mis à jour le17.11.2015 à 18h12 | Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Arte à 22 h 35Austerlitz ! Un nom qui résonne comme une promesse narrative. Une victoire napoléonienne aux répercussions continentales, une gare parisienne riche de la fébrilité des départs comme du tourment des adieux, un danseur prodigieux, puisque Frederick Austerlitz est le vrai nom de Fred Astaire…Dans l’ultime roman de W. G.  Sebald (1944­-2001), Austerlitz est également le patronyme réel du jeune Dafid Elias, élevé au pays de Galles par un prédicateur calviniste anglais qui vit cloîtré et mure ses fenêtres de l’intérieur.Un destin broyé par l’HistoireAu terme d’une quête inlassable pour rétablir la vérité de ses origines, Jacques Austerlitz récupère bien plus que son patronyme de naissance, l’acceptation, avec une sereine mélancolie, d’un destin broyé par l’Histoire. Sans révolte, au fil d’une investigation patiente, où les lieux et les images jalonnent la découverte de soi, Sebald n’entend ni dénoncer ni accabler, juste atteindre le cœur d’une souffrance.Par un jeu de confidences à sens unique où le narrateur anonyme mesure, au hasard de leurs retrouvailles, les progrès d’Austerlitz pour renouer avec sa langue d’origine et sa généalogie authentique, l’écrivain superpose les errements géographiques : si le premier contact s’établit dans la gare d’Anvers, les autres rencontres ont lieu à Londres, au bar du Great Eastern Hotel, à Bruxelles, Zeebrugge, Greenwich, Londres encore dans la maison même d’Austerlitz, qui héberge une nuit le narrateur, Paris enfin… Tous deux voyagent beaucoup, mais le héros au passé troué, qui a aussi un temps été frappé d’amnésie, est le seul à révéler son itinéraire, étapes d’une réappropriation qui console seule du désastre de la vie. On imagine la gageure pour le documentariste tchèque Stan Neumann à s’approprier une pareille matière romanesque. Mais n’a-­t-­il pas naguère réussi le tour de force de restituer, dans La langue ne ment pas (2004), le journal du philologue allemand Victor Klemperer ? Avec une confondante intelligence, il propose en fait une adaptation du texte de Sebald, refaisant le parcours d’Austerlitz, sans servilité aucune. Car Stan Neumann est un lecteur et il s’autorise le commentaire, jouant sa propre partition dans un dialogue désormais à trois voix.Implacable vérificateur de la lettre même du roman, il confronte le récit au réel. Identifie des emprunts de Sebald à Marcel Proust, Franz Kafka ou Walter Benjamin, dévoile les tours de passe-­passe de l’écrivain, qui donne à Agata, la mère juive disparue au camp de Terezin, plus de trois ans après avoir confié son enfant à un train parti de Prague pour une destination anglaise susceptible de le sauver, le visage d’une cantatrice morte dix ans plus tôt….MagistralCette fièvre de l’enquête n’est pas fortuite : comme la mère d’Austerlitz, son propre père, Stanislav Neumann, étudiant antifasciste, a connu Terezin et n’a dû qu’à un miracle – on le pensait mort du typhus – de n’être pas fusillé aux derniers jours du cauchemar nazi. Et si, sur la couverture du livre de Sebald, la photo du petit Jacques en page de carnaval a interpellé Neumann, c’est qu’elle joue comme en écho avec celle du jeune Stanislav en Robinson Crusoé. Figure prémonitoire de l’humain abandonné seul et sans repères, à charge d’inventer sa survie. Aussi magistral que le livre de Sebald (disponible chez Actes Sud, « Babel »), cette lecture bouleverse et transporte.Austerlitz, de Stan Neumann (Fr., 2015, 90 min). Mardi 17 novembre, à 22h35, sur Arte.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Martine Delahaye Série sur W9 à 20 h 50Si, de janvier à mars, la série « Empire » a soudain mis le feu à des millions de petits écrans aux Etats-Unis (notamment à la tablette de Michelle Obama), elle aura, bien au contraire, été boudée partout ailleurs dans le monde, au cours des mois passés. Il faut dire qu’en écrivant un soap opera familial du type « Dynastie » ou « Dallas » dans le milieu du rap et du hip-hop, le cinéaste américain Lee Daniels (Precious, Le Majordome) et son coauteur Danny Strong ont usé des ressorts dramatiques les plus éculés… mais l’intrigue, autour d’une famille noire, retient l’intérêt.Ce double jeu entre grosses ficelles et propos de fond se retrouve à tous les niveaux de la série. L’intrigue puise ses ressorts dans Le Roi Lear de Shakespeare, mais met en cause l’image machiste, voire homophobe, que renvoient souvent les rappeurs américains. Pour sa part, le personnage principal féminin, tenu par la formidable Taraji P. Henson, se révèle aussi excessif que jouissif, ses outrances drolatiques n’empêchant pas de proposer un modèle extrêmement fort d’entrepreneure avisée, revendiquant inlassablement ses droits.ExubéranceNombre de personnages relèvent donc de l’archétype le plus brut, mais « Empire » fait preuve d’un ton si joyeux, d’une telle exubérance et d’une telle qualité musicale (sous la houlette de Timbaland, l’un des producteurs américains de rap et de R’n’B les plus en vue) que le plaisir l’emporte. Tout commence par le suspense autour du partage d’un royaume. Lucious Lyon (Terrence Howard), ancienne star du rap aujourd’hui richissime, PDG d’une maison de production, doit décider qui, de ses trois fils, héritera de son empire. A chacun de se montrer à la hauteur de l’enjeu, de prouver qu’il saura faire fructifier cet héritage : le père lance lui-même les étincelles de la discorde. D’autant qu’il parie plutôt sur le potentiel de son plus jeune fils, Hakeem, rappeur de talent mais désespérante tête brûlée, n’attendant rien des deux autres, et surtout pas de Jamal, chanteur-auteur-compositeur homosexuel. Or tout va être bouleversé par la sortie de prison de Cookie, ex-épouse de Lucious et mère des trois garçons.« Empire », série créée par Lee Daniels et Danny Strong. Avec Terrence Howard, Taraji P. Henson, Jussie Smollett, Bryshere Gray, Trai Byers (EU, 2015, 12 x 42min). Mardi 17 novembre, à 20 h 50, sur W9.Martine DelahayeJournaliste au Monde Stéphanie Binet Il ne fanfaronne pas, Didi, ne se sent pas du tout l’étoffe d’un héros. Depuis trois jours, le responsable de la sécurité du Bataclan est sollicité par tous les médias étrangers comme français. Depuis sa sortie, samedi 14 novembre, du 36, quai des Orfèvres où il répondait à la police, son téléphone n’arrête pas de sonner.Tout le week-end, il a décliné les interviews, mais a finalement décidé, lundi 16 novembre, de parler au Monde, en demandant à ne pas être photographié. Pour garder son anonymat, mais aussi par pudeur : « Je suis encore sous le choc, explique cet Algérien de 35 ans, pas vraiment baraqué, mais pratiquant des sports de combat. Je pense aux gens qui sont morts, à ceux qui ont vécu un calvaire pendant deux heures, et à ces personnes qui sont encore entre la vie et la mort. » Il ne dévoilera pas son nom de famille, ni celui de ses cinq agents.Il parle calmement, avec sang-froid. Et veut d’abord rassurer : toute son équipe est en vie, malgré ce qui a été dit à la télé ou écrit ici et là. Et puis, au moment où les salles parisiennes comme Bercy (20 000 places) ou le Zénith (6 000) rouvrent leurs portes, mardi 17 novembre, avec des mesures renforcées (maîtres-chiens, filtrage, effectifs supplémentaires), Didi veut raconter son métier : agent de sécurité dans une salle de concert, « pas soldat, pas membre du GIGN », juste videur. Celui qui accueille le public un peu chahuteur des concerts de rock, de rap ou d’électro. Titulaire d’une licence en administration et gestion des entreprises, Didi travaille au Bataclan depuis 2004, y a vécu des soirées mouvementées, mais jamais comme celle du vendredi 13 novembre.Lire aussi :Au Bataclan, deux heures d’intervention policière sans négociation« Vite, vite, entrez, ça tire »Alors que le concert de Eagles of Death Metal a commencé depuis trente minutes, il est le seul agent présent ce soir-là devant les barrières de sécurité à l’entrée du Bataclan. Il discute avec quelques clients qui fument une cigarette – ce sont le corps de ces fumeurs que les premiers rescapés prendront pour ceux de videurs assassinés. Ses cinq autres employés sont placés dans d’autres endroits stratégiques de la salle.Six agents, avec le responsable de la sécurité, c’est le nombre requis par la production pour ce genre de concert rock, bon enfant, où le public est venu en couple, ou entre amis. Trois agents sont placés sur le devant de la scène. Herman surveille sur la gauche l’accès aux loges et à une première issue de secours. Laurent est placé dans l’espace entre la scène et le public. Ce soir-là, c’est rock’n’roll, et certains spectateurs aiment slamer (se laisser porter par la foule). La production a donc demandé qu’une barrière sépare les musiciens du public pour récupérer les slameurs et les empêcher de monter sur scène. Steve surveille l’accès à la loge côté droit. « JP » est placé dans les toilettes, entre celles des filles et celles des garçons, devant une autre issue de secours. « J’en place toujours un là en cas d’évacuation d’urgence », explique Didi. Noumouké, lui, fait des allers-retours entre la fosse et le hall d’entrée, où se trouvent le vestiaire et la billetterie. Et puis, il y a Manu, employé du Bataclan depuis vingt ans, qui attend toujours les retardataires pour prendre leurs tickets.La routine, et bientôt le cauchemar : « D’un seul coup, j’ai entendu des coups de feu qui venaient du Bataclan Café, à l’extérieur, raconte Didi. J’ai sursauté, regardé vers la terrasse, vu un membre de la production être touché et, là, j’ai compris tout de suite. Je n’ai pas attendu que les tireurs se retrouvent face à moi. Je suis rentré à l’intérieur en hurlant : “Vite, vite, entrez, ça tire.” Ils nous ont visés une première fois, les portes vitrées ont explosé. Avec Manu, sans se concerter, on a couru vers les issues de secours. Lui est allé ouvrir celle à l’étage, moi je suis allé vers les toilettes. »Lire aussi :Le Bataclan, un haut lieu de la culture ciblé de longue date par les islamistes« Il fallait que je montre le chemin »Il envoie à son agent placé devant cette issue une première vague de spectateurs puis retourne dans la salle pour aller ouvrir celle de la loge, à l’extrémité de la fosse. Mais il est trop tard : les trois terroristes ont déjà commencé leur entreprise de mort. Didi plonge au sol dans la foule, à 15 mètres de son objectif. Herman et Steve ont eu le temps de sortir par l’issue de secours de la loge. En faisant le tour du Bataclan, ils viennent aider JP à secourir les premiers blessés. Noumouké est à l’étage avec le régisseur et fait monter des spectateurs par le toit. Laurent s’est réfugié dans la loge, côté droit, avec quatre blessés.Allongé au sol, le responsable de la sécurité essaie de calmer ses voisins paniqués, éteint son talkie-walkie pour ne pas être repéré et écoute avec consternation le discours des terroristes sur « les frères en Syrie » et la « faute de Hollande » : « Je me suis dit : “Mais qu’est-ce qu’ils viennent nous faire chier avec leurs conneries dans un concert de rock ?” En les entendant tirer à bout portant sur les gens, j’ai compris qu’ils allaient exécuter tout le monde. A chaque coup de feu, on avait une chance sur trois d’y passer. Je devais être le seul dans la foule à connaître la sortie de secours. Il fallait que je montre le chemin. » A la première recharge, l’agent de sécurité n’hésite pas : « Je me suis levé, et j’ai crié : “Vite, sortez.” Une masse s’est levée, m’a suivi et, là, ils ont recommencé à nous tirer dessus. » A la sortie, des étudiantes d’une cité universitaire voisine du Bataclan vont l’aider à secourir une trentaine de personnes, dont des blessés.Né en Algérie, arrivé à l’âge de 6 mois en France, Didi n’avait jamais pensé à demander la nationalité française, « se sentant français, même sans les papiers ». Marié depuis peu, il pense aujourd’hui faire la démarche. Quant à son métier, il demande juste, dans la situation de crise actuelle, de pouvoir bénéficier d’une protection de l’armée ou de la police. « Faire face à une attaque terroriste, résume-t-il, cela va bien au-delà de notre mission. Ce n’est pas moi avec ma petite gazeuse qui vais pouvoir arrêter une kalachnikov. »Lire aussi :Les témoignages glaçants des rescapés du BataclanStéphanie BinetJournaliste au Monde 16.11.2015 à 18h21 • Mis à jour le17.11.2015 à 18h49 | Sylvain Siclier Mardi 17 novembre, après les trois jours de deuil national, de nombreuses salles en France commençaient à rouvrir leurs portes et le cours de leur programmation. Toutefois un certain nombre de spectacles, en particulier en Ile-de-France, continuaient d’être annoncés annulés ou reportés, selon les cas en fonction de décisions prises par les responsables des salles, les artistes et les autorités. MusiqueMardi 17 novembre, la soirée pour les 10 ans de la compagnie phonographique Believe avec Youssoupha, Médine, Leck, Seth Gueko, Bugzy Malone… au Trianon est annulée.Après l’annulation des deux premières soirées de la 2e édition du Howl Festival, consacré à la « scène émergeante », mardi 17 et mercredi 18 à La Gaîté lyrique, c’est l’ensemble du festival dans plusieurs salles parisiennes jusqu’au 21 novembre qui n’aura finalement pas lieu, a indiqué la structure Live Nation dans un communiqué.Au New Morning, la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton ne jouera pas mardi 17, ni la chanteuse et guitariste américaine Andy Allo mercredi 18.A La Dynamo de Pantin, le concert du guitariste Hasse Poulsen avec Langston Project, initialement maintenu mardi 17 est annulé « à la demande expresse de la municipalité », a précisé le musicien dans un courriel. Au Bus Palladium, mercredi 18, la soirée Paris In Live pour les auditeurs de Virgin Radio avec Frero Delavega a été reportée « à une date ultérieure » selon le communiqué des organisateurs.A l’inverse, plusieurs festivals ont fait savoir leur intention de maintenir les concerts prévus, qui peuvent toutefois rester soumis à autorisation des maires et des préfets. Ainsi le So Blues Festival, au Mans et à Coulaines, du 18 au 21 novembre, le festival Blues sur Seine, dans plusieurs villes d’Ile-de-France (Bonnières-sur-Seine, Aubergenville, Achères, Rosny-sur-Seine, Mantes-La-Jolie…) jusqu’au 21 novembre, le festival Jazzycolors dans les centres et instituts culturels étrangers à Paris, jusqu’au 27 novembre, le festival Worldstock aux Théâtre des Bouffes du Nord du 17 au 28 novembre. DanseLe spectacle de l’école de danse de l’Opéra national de Paris, prévu, dimanche 22 novembre dans le cadre du Festival de danse de Cannes a été annoncé annulé par les organisateurs. N’aura pas lieu aussi, la soirée « Come Correct : une célébration de la culture vogue » du jeudi 19 novembre, dans le cadre de la Red Bull Academy, avec Teki Latex, Betty, Kiddy Smile, The Boo… au Folie’s Pigalle. La Red Bull Music Academy a par ailleurs « suspendu » l’ensemble de ses manifestations dont des concerts et rencontres « conformément aux recommandations des autorités publiques » pour l’heure jusqu’au jeudi 19 novembre. CinémaLe festival de films documentaires Enfances dans le monde, prévu du 19 au 21 novembre au cinéma Les 7 Parnassiens, à Paris, organisé par le Bureau international catholique de l’enfance, a été annoncé reporté à début 2016 et cela en raison de « mesures de sécurité prises par le cinéma et par le rectorat de Paris concernant les publics scolaires (un public important pour cet événement) ».Le distributeur Mars Films a annoncé que la sortie du film Jane Got A Gun, avec Natalie Portman, initialement prévue le 25 novembre, serait « suite à la terrible tragédie qui a secoué Paris » décalée à « début 2016 ». Ce report fait suite à celui du film Made in France, de Nicolas Boukhrief, dont la sortie, prévue le 25, est repoussée aussi à 2016. Enfin un temps envisagé à une autre date, la sortie du film Taj Mahal, de Nicolas Saada, qui évoque l’attaque de l’hôtel pendant les attentats à Bombay en novembre 2008, a été maintenue au 2 décembre a indiqué le distributeur Bac Films.Lire aussi :Sortie repoussée pour le film « Made in France »Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre C’est la direction du Channel, scène nationale de Calais, qui livre ce témoignage qui en dit long sur l’état de nos peurs. Nous sommes samedi 14 novembre, près de vingt heures après le choc des attentats à Paris. L’équipe du théâtre est sur le pont. La décision a été prise : on ne change rien, le spectacle est maintenu, on joue pour ne pour ne pas céder aux sirènes de la peur. Un peu avant 17 heures, le public (à partir de 11 ans) arrive donc pour découvrir la pièce sur les enfants soldats, intitulée Le bruit des os qui craquent. Un texte mis en scène par Marie Levasseur, de la compagnie Tourneboulé – bien nommée, comme on le verra. Des familles entrent, des adultes. Et soudain cet homme, barbu, portant un gros, très gros sac à dos.Qui est cet homme ? L’équipe du théâtre, son directeur en tête, Francis Peduzzi, se sent un peu mal à l’aise. Il ne déteste rien de plus que le contrôle au faciès. Et s’en voudrait de suspecter à tort un simple spectateur. Dilemme : faut-il lui demander d’ouvrir le sac ? Eh bien oui, il va falloir le faire. L’homme accepte. Mais un rapide coup d’œil ne suffit pas à évacuer les craintes : allez savoir ce qui pourrait se cacher dans un tube, ou dans un simple emballage en carton. Faut-il appeler des experts en déminage ? Les questions se bousculent.Détonation fictiveSurtout que, vu de près, le spectateur est déroutant : c’est une fausse barbe qu’il porte. Un canular ? Non, dit-il, il vient voir jouer sa copine, et veut lui faire une surprise. Sauf qu’il refuse de donner le nom de la comédienne en question. Après tout, c’est sa vie privée. Mais faut-il le croire ? Bon sang, ça devient flippant…Finalement, le spectacle commence. Pour l’heure, le sac à dos reste dans la salle, enfermé dans une poubelle. Ambiance. Et puis sueurs froides : soudain, un bruit à tout casser emplit la salle. On se calme, c’est juste le spectacle. Une détonation fictive. Fous rires (nerveux). Il va falloir tenir comme ça une heure et dix minutes – la durée de la pièce.C’est fini, le sac est rendu à son propriétaire. Lequel s’interroge : mais pourquoi tant de suspicion ? Un peu perplexe, l’équipe du théâtre lui explique : « Vous comprenez, suite aux attentats à Paris… » « Quels attentats ? », répond le jeune homme. Il n’était pas au courant. L’homme déconnecté existe, le Channel l’a rencontré. Ou alors, c’est un formidable comédien.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Simon Piel Juste avant l’assaut, alors que les policiers étaient dans le bâtiment, l’un des terroristes du Bataclan a transmis un numéro de téléphone portable aux hommes de la brigade de recherche et d’intervention (BRI), l’unité d’intervention de la police judiciaire. Le numéro a aussitôt été transmis au négociateur — celui qui avait parlé avec Amedy Coulibaly lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher. Mais de négociations il n’y a jamais eu.Les hommes en armes du Bataclan, qui avaient déjà tué à la kalachnikov des dizaines de personnes venues assister au concert du groupe Eagles of Death Metal, ne l’ont jamais envisagé. Cinq coups de fil ont été échangés avec la police. A chaque fois, ils ont demandé aux policiers de partir, sans quoi ils allaient continuer à tuer.Vers 22 heures, au début de l’attaque, un policier d’une brigade anticriminalité pénètre dans l’enceinte du Bataclan : il est le premier à constater l’étendue de l’horreur. Au rez-de-chaussée, il tombe nez à nez avec l’un des assaillants. Selon des sources policières et judiciaires, il tire sur le terroriste et la ceinture d’explosifs se déclenche. Est-ce l’assaillant qui a mis lui-même en route l’explosion de la ceinture ou est-ce le tir du policier, voire la chute, qui l’a déclenchée ? L’enquête le déterminera dans les jours qui viennent.Voir l'infographie animée : Comment le Bataclan s'est transformé en piège mortelA l’arrivée des policiers, le silence est effroyableQuand les policiers d’élite arrivent au Bataclan, aux environs de 22 h 15, toujours selon plusieurs sources policières et judiciaires, ils assurent la relève des personnels de la sécurité publique. A l’intérieur du bâtiment, les coups de feu ont cessé, décrit l’un des policiers présents. La situation est tellement confuse que certains croient que les terroristes ont pris la fuite. Equipés de fusils d’assaut, de gilets lourds et de casques à visière blindée, les policiers d’élite de la BRI pénètrent dans la salle de concert. « C’est l’enfer de Dante », raconte l’un des hommes qui est entré dans la salle. Plusieurs centaines de corps sont allongés dans la fosse. L’odeur est insoutenable, le silence effroyable.Seules des sonneries de téléphone retentissent. Sans doute des proches, informés du drame, qui tentent de joindre un ami ou un membre de leur famille qu’ils savent au Bataclan. Au sol, il y a des morts et des blessés, mais aussi des personnes qui se sont allongées et qui ont cessé de bouger dans l’espoir que les assaillants les croient morts. Ceux qui peuvent marcher sont invités à se lever et à quitter les lieux. Pendant que le RAID sécurise le rez-de-chaussée, les policiers de la BRI, deux formations d’une vingtaine d’hommes, progressent « en colonne » et commencent autour de 23 heures à monter dans les étages. Il faut enjamber les corps et les douilles. Il faut évacuer les blessés. Une chaîne médicale d’urgence est mise en place en bas de l’escalier dans la perspective d’un assaut meurtrier.Des civils cachés dans les faux plafonds, dans les placardsLa première formation de la BRI emprunte l’escalier de gauche, la deuxième celui de droite. Un bouclier de type « Ramsès » protège les policiers. Chaque fois qu’une porte est ouverte, des grappes de civils paniqués s’échappent. Certains se sont cachés dans les faux plafonds, d’autres dans des placards. Il n’y a toujours aucun coup de feu. Au premier étage, une dernière porte sépare les forces de l’ordre des assaillants. Il est 23 h 15.Une discussion s’engage, les terroristes donnent un numéro de portable aux policiers. Un premier contact téléphonique a lieu à 23 h 27. Au téléphone avec le négociateur, les assaillants s’énervent, demandent aux policiers de partir, menacent de décapiter des otages, de les jeter dans le vide du balcon et de se faire exploser. Ils parlent de la Syrie. Quatre autres échanges téléphoniques ont lieu. Aucune négociation ne semble possible. Devant l’urgence, le préfet de police donne son autorisation pour l’assaut. Il est 0 h 20.Les hommes de la BRI ouvrent la dernière porte qui les sépare des deux terroristes présents à l’étage : elle donne sur un couloir étroit d’une dizaine de mètres de long. Plusieurs civils sont dans ce couloir, au milieu de ce qui s’annonce comme une confrontation entre les kalachnikovs des terroristes et les fusils d’assaut HKG36 de la BRI. La vingtaine d’otages qui se trouvent au milieu est évacuée dans la confusion. Alors que la BRI avance, les otages se réfugient en rampant derrière le bouclier.« C’était l’Hyper Cacher puissance dix »Les policiers lancent une demi-douzaine de grenades. Les premières sont détonantes, pour aveugler. Les secondes, défensives, pour progresser. Les terroristes tirent à feu nourri. De manière cadencée, preuve que le maniement des armes leur est familier. « A ce moment, je me suis dit qu’on allait devoir marcher sur nos collègues en tête de colonnes pour continuer à avancer », raconte l’un des policiers.Une balle de kalachnikov qui ricoche sur le mur gauche du couloir vient se loger dans la main gauche de l’un des policiers. Comme beaucoup d’autres présents au Bataclan, il avait participé à l’assaut contre Amedy Coulibaly. « Mais ce soir, c’était l’Hyper Cacher puissance dix », assure l’un de ses collègues. « Il n’y avait pas d’espace pour circuler et les terroristes s’étaient réfugiés derrière les otages. » Peu après, les policiers voient l’ombre d’un des terroristes s’écrouler — il a sans doute été touché par l’un de leurs tirs. S’ensuit une puissante explosion actionnée par une ceinture bourrée de TATP : elle entraîne la mort du deuxième assaillant. L’assaut a duré trois minutes. Une éternité. Sur le bouclier qui protégeait la colonne d’assaut, plus de trente impacts de balle ont été retrouvés.Lire aussi :Au Bataclan, « une femme crie. Ils l’abattent. »Simon PielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Made in France, le nouveau film de Nicolas Boukhrief, devait sortir mercredi 18 novembre sur les écrans. A la suite des attentats du 13 novembre, et en raison du sujet sensible abordé par le réalisateur français, les milieux intégristes de la banlieue parisienne vus à travers le regard d’un journaliste de culture musulmane infiltrant une cellule djihadiste, son distributeur, Pretty Pictures, a décidé de repousser sa sortie, possiblement en janvier 2016. Dans Made in France, la cellule prévoit un attentat sur les Champs-Elysées, en coordination avec d’autres opérations simultanées dans la capitale. A peu de choses près, le mode opératoire du 13 novembre. « Nous sommes sous le choc, explique James Velaise, le président de Pretty Pictures. L’idée est de faire profil bas. Les salles n’ont fait aucune pression pour retirer le film. C’est une décision que j’ai prise avec les producteurs pour éviter toute provocation. »Une chose est certaine : lorsque Made in France sortira, ce ne sera plus avec son affiche d’origine – une kalachnikov posée à la verticale, accolée à la tour Eiffel, avec comme accroche : « La menace vient de l’intérieur. » – qui avait commencé à apparaître sur les murs du métro parisien le 12 novembre.La déprogrammation de Made in France constitue le dernier avatar d’un film contraint, conçu avec le vent de face, pas vraiment désiré et qui, à la lumière des événements du 13 novembre, possède désormais la force de l’évidence.Idée du scénario après la mort de Khaled KelkalNicolas Boukhrief, qui n’a pas souhaité s’exprimer pour cet article, avait rédigé en 2013 une note d’intention (reproduite dans le dossier de presse du film) à l’intention des différentes structures d’aides pour les convaincre d’investir dans un scénario écrit lors des deux années précédentes. Selon le réalisateur, « les structures de financement public sollicitées ont botté le film en touche dès les premières strates de décision, en trouvant le sujet du film bien trop anecdotique ou marginal ».Finalement, le groupe M6, à travers sa filiale de distribution SND, décide de présider à la destinée du film dont le tournage s’achève en octobre 2014. A la suite des attentats du 7 janvier contre Charlie Hebdo, et de la prise d’otages du 9 janvier au supermarché Hyper Cacher, le groupe M6 décide de se retirer de Made in France. Le film mettra de longs mois avant de trouver, avec Pretty Pictures, un nouveau distributeur.« Après les événements de Charlie Hebdo, explique James Velaise, les gens ont pris peur, et nous avons acheté le film. Nous sommes devenus coproducteurs après réalisation. » Nicolas Boukhrief avait eu l’idée d’un scénario sur le terrorisme après la mort de Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d’attentats commise en France en 1995. Le réalisateur, né d’un père algérien et d’une mère française, se sentait concerné par ces questions avec la légitimité pour les traiter. Les tueries de 2012 à Montauban et Toulouse par Mohamed Merah le convainquent d’aborder la question de l’intégrisme islamiste. « Aujourd’hui, écrit le réalisateur dans sa note d’intention, des jeunes gens accrochent dans leur studio des portraits de Ben Laden ou de Mohamed Merah, comme d’autres mettent sur leurs murs des posters de Michael Jackson ou Justin Bieber. Des voyous continuent de dealer du shit… mais pour la “bonne cause”. Et, surtout, de jeunes imams intégristes s’adaptent à ces nouvelles générations avec une habileté très éloignée des clichés qu’on leur prête. Ces hommes-là n’abordent par leurs proies en les invectivant ou en les menaçant pour les contraindre à vivre selon la charia. Non : ils vont tranquillement jouer au foot avec elles en leur demandant incidemment de “passer à la skeum” (mosquée en verlan). Comme ça, juste pour voir… Alcool, drogue, échec scolaire, télévision, porno, chômage, sentiment de solitude. Ils savent aborder tous les thèmes actuels avec une intelligence discursive et un sens de la manipulation digne des plus grands chefs de secte. Si bien que chacun de leurs nouveaux fidèles vit sa radicalisation non pas comme un embrigadement, mais bien au contraire comme une renaissance. »Anticipation d’un attentat terroristeCe n’est pas la première fois qu’un film, par un effort de documentation et d’enquête rigoureux, anticipe de manière crédible un attentat terroriste. En 1998, Couvre-feu, un film d’action américain d’Edward Zwick, avec Denzel Washington et Bruce Willis, mettait en scène un groupe de terroristes islamistes attaquant le quartier général du FBI à New York, des bus et un théâtre de Broadway. Couvre-feu restait un film à part, passé inaperçu lors de sa sortie, anticipant si bien le chaos du 11-Septembre, qu’il allait connaître une nouvelle carrière après l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center.Dimitri Storoge, qui incarne le leader de la cellule djihadiste du film de Nicolas Boukhrief, avait l’impression durant le tournage que la menace mise en scène par le film était latente, même si, d’évidence secoué par l’actualité récente, il tient à éviter toute récupération. « Le simple fait de réunir ces informations et de les agréger nous faisait dire que la menace était présente. Je suis beaucoup allé sur Internet regarder les sites salafistes. La violence, la détermination, la négation de l’humanité, la facilité dérisoire de l’accès de ses images sont impressionnantes. Mon personnage est un ange de la mort. Il possède cette détermination froide, déshumanisée, totale, absolue. » Précisément celle qui vient de frapper Paris.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Patrick Labesse Vendredi 13 novembre, à Rabat. Commencée deux jours plus tôt, la deuxième édition de Visa for Music, marché professionnel des musiques d’Afrique et du Moyen-Orient, créé l’an dernier, bat son plein. Quelque 1 500 professionnels de la filière des musiques du monde et 300 artistes ont fait le déplacement jusqu’à la capitale du Maroc. Le soir, ils s’éparpillent entre les trois lieux où se déroulent une cinquantaine de showcases (des concerts courts de quarante-cinq minutes environ) sur quatre jours (du 11 au 14 novembre).A 22 h 10 (23 h 10 à Paris), sur les marches du Théâtre national Mohammed-V, c’est la pause entre deux groupes. La cigarette a un goût amer, café et thé ont du mal à passer. Yeux rivés aux écrans des téléphones portables, visages atterrés : la nouvelle des attentats en cours à Paris vient d’arriver. Sonnés, on entre quand même dans la salle pour écouter la musique. Le percussionniste et compositeur tunisien Imed Alibi s’apprête à monter sur scène. Brahim El Mazned, directeur fondateur de Visa for Music, le précède. Il informe le public de ce qui se passe à Paris, évoque des lieux, tels que le Bataclan, et des événements, comme Visa for Music, autant « d’espaces de culture en résistance contre l’obscurantisme ».« Rester debout »« Il faut rester debout et la culture va dans ce sens », plaide en écho, quelques minutes après le début de son concert, Imed Alibi. Samedi 14 novembre, dernier jour de Visa for Music, les attaques terroristes, les questions et les craintes qu’elles suscitent sont au centre de bien des conversations, à Rabat, en fin de matinée. Lilian Goldstein, responsable du pôle Musiques actuelles-jazz de l’action culturelle de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), préconise une action symbolique pour la soirée de clôture.« Cette nuit, j’étais en contact par SMS, avec Alain Paré, directeur du Pan Piper, une salle située dans le 11e arrondissement à Paris, où se déroulait le concert du guitariste et chanteur Moh Kouyaté, qui était à Visa for Music la veille. Les spectateurs étaient bloqués dans la salle. Ils ont pu être évacués très tard dans la nuit, hébétés. » Au-delà du choc, et de la douleur que l’on peut ressentir, « les effets seront lourds pour le spectacle vivant, craint Lilian Goldstein. Quand on entrera dans une salle, il risque d’y avoir pendant longtemps une appréhension qui hantera le public ».« Un acte abject contre la liberté et la culture »Pour Christian Mousset, créateur du festival Musiques métisses à Angoulême (Charente), lui aussi présent à Rabat, le fait que les lieux visés soient des endroits dédiés à la culture et au sport prouve sans ambiguïté qu’au-delà de la France, « c’est une atteinte à la liberté et au plaisir que veulent ces fous furieux totalement incultes. Les vrais musulmans sont terrassés de voir que ces criminels fascistes utilisent une rhétorique religieuse pour justifier leurs crimes et s’attaquer à des lieux de culte du bonheur, du vivre ensemble et du ludique, à des valeurs universelles de diversité et de fraternité. Il faut résister ».« Quelques minutes après avoir appris la nouvelle, je me suis avancé vers la scène, raconte Brahim El Mazned. J’ai informé le public qu’un acte abject contre la liberté, la vie et la culture venait de se passer à Paris, capitale de la diversité et des cultures du monde. J’ai voulu redire que la culture était une résistance et que nous nous devions d’occuper avec elle l’espace public. Je me suis ensuite rendu à la salle Renaissance où un public plus jeune attendait Haoussa, un groupe punk porteur des désirs de la jeunesse marocaine, et j’ai redit la même chose. » Aucun endroit sur la terre n’est épargné, conclut le directeur de Visa for Music : « Nous allons continuer notre combat contre les seuls ennemis que nous ayons : l’ignorance et l’obscurantisme. »Patrick LabesseJournaliste au Monde Pauline Croquet et Damien Leloup Les Eagles of Death Metal, qui jouaient vendredi 13 novembre au Bataclan lorsque plusieurs hommes armés sont entrés dans la salle de concert bondée, ne sont pas un groupe de death metal, contrairement à ce que leur nom indique. Mais la communauté française des fans de hard rock s’est sentie particulièrement visée par le carnage ayant tué des dizaines de personnes, la plus meurtrière des six attaques qui ont frappé Paris ce 13 novembre.Lire aussi :Attaques à Paris : le point sur l’enquête et le déroulé des attaquesD’abord parce que le groupe, proche artistiquement de Queens of the Stone Age ou des Foo Fighters et mené par l’emblématique Josh Homme, est connu des amateurs de grosses guitares californiennes. Aussi parce que la salle visée, le Bataclan, accueille régulièrement des concerts de metal. « J’étais au Bataclan vendredi dernier pour Children of Bodom aussi, le Bataclan est la salle de concerts où je vais le plus, comme vous tous, cette salle représente pour moi beaucoup de bons moments partagés avec vous et la famille du metal en général », explique un internaute sur le forum du Hellfest, le gigantesque festival metal organisé chaque année à Clisson (Loire-Atlantique).Un sentiment renforcé par le message de revendication publié par l’organisation Etat islamique, samedi 14 novembre, qui explique que les terroristes ont visé le Bataclan parce que s’y déroulait un concert « d’idolâtres » réunis dans « la perversité » — des qualificatifs souvent associés par les extrémistes religieux à la musique metal.La chape de plomb qui est tombée sur La Cigale était impressionnante. Pensées pour nos amis au Bataclan.— christopheconte (@Christophe Conte)require(["twitter/widgets"]);Alors que les terroristes pénétraient dans la salle du Bataclan, la rumeur de l’attaque commençait à se répandre parmi le public à La Cigale, une salle de concert du quartier de Pigalle, où se produisaient quatre groupes pour le festival des Inrocks. Le concert de Fat White Family a été interrompu aux alentours de 22 h 30, et depuis l’ensemble des dates parisiennes du festival ont été annulées. Dans le public des Inrocks, on sortait son téléphone pour rassurer ses proches et prendre des nouvelles sur les réseaux sociaux. Manifester sa solidarité. « Je suis rentrée à la maison aussi vite que j’ai pu. Le monde est devenu fou », raconte une festivalière sur Instagram.Concerts annulésFace aux événements et à l’interdiction des manifestations publiques à Paris et en région parisienne, plusieurs groupes de rock ont annulé des concerts prévus. A commencer par U2, qui devait se produire ce samedi à Paris-Bercy, mais aussi Motörhead, qui devait passer au Zénith dimanche, et les Foo Fighters lundi. Un concert prévu lundi soir de Marilyn Manson, dont les textes antireligieux lui ont déjà valu à de nombreuses reprises des menaces aux Etats-Unis, n’a par contre pas été annulé officiellement. Sur les forums et les réseaux sociaux, les amateurs de metal et de hard rock sont nombreux à dire leur intention de se rendre dès que possible à de nouveaux concerts.« Ç’aurait pu être nous, là-dedans… Concert de black metal ce soir en café-concert, on y sera quand même ! Ça fera du bien de retrouver une communauté soudée dans cette douleur, d’écouter de la musique même si tout le monde ne va parler que de ça », explique un internaute sur le forum du Hellfest. « Avec des potes, on a nos billets pour Nightwish à Bercy le 25 et j’avoue qu’hier je me suis posé la question de savoir s’il fallait qu’on y aille ou pas. Ce matin, je me dis qu’au contraire il faut qu’on y aille », lui répond un autre.« Je vois que certains ont cité Refuse/Resist [titre connu du groupe Sepultura évoquant la lutte contre la dictature et l’extrémisme], depuis hier je l’écoute en boucle, témoigne un internaute. Je trouve son message particulièrement d’actualité : refus de la terreur qu’ils veulent nous imposer, résistance et solidarité face à la haine et la violence. Cette résistance implique surtout de ne pas rentrer dans leur jeu, de ne pas céder à la peur, continuer à vivre et de ne pas nous monter les uns contre les autres. »Pauline CroquetJournaliste au MondeDamien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Claire Guillot Daido Moriyama, galerie Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier C’est la nouveauté à ne pas manquer à Paris Photo cette année : le secteur Prismes, réservé aux œuvres monumentales, et qui donne à cette partie de la foire des allures de musée. Parmi les belles séries à admirer en haut de l’escalier, un travail historique qui connaît une seconde vie : Farewell Photography, du Japonais Daido Moriyama. Cet ensemble de photographies prises par le Japonais pour « dire adieu » à la belle photographie telle qu’il l’avait apprise, avait débouché sur un livre sans aucun succès mais à la postérité retentissante. Dans un geste radical, le photographe avait brûlé ses négatifs, sauf une trentaine. Une cinquantaine d’autres ont été retrouvés chez l’éditeur du livre, qui ont permis à l’artiste de faire une nouvelle édition de ce travail, sur un mur fait de 80 images brutes et brutales : passants, paysages, écrans ou affiches, saisis dans des photos volontairement abîmées, illisibles ou trop noires, dans des cadrages accidentés ou qui laissent voir le film.Galeries Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier, stand SH6 (secteur Prismes, en haut de l’escalier).Emmanuelle Fructus, galerie Le Réverbère Parmi les artistes qui travaillent à partir des images d’amateurs, Emmanuelle Fructus a choisi une voie originale, qui lui fait découper et ranger dans un classement savant des centaines de petits personnages sortis du passé. Chaque groupe occupe une case, et des milliers de gens se trouvent ainsi dressés, mamie, enfant, homme à casquette, femme en costume sombre... Ordonnée par couleur, du noir au gris pâle, cette intrigante galerie de personnages, qui posent ensemble d’un air bravache comme dans un studio, raconte une infinité d’histoires - celles que voudront bien leur prêter les spectateurs.Galerie le Réverbère (Lyon), stand D4.Guy Bourdin, galerie Alexander Le grand photographe Guy Bourdin, célèbre pour ses publicités et ses photos de mode sensuelles aux couleurs vénéneuses publiées dans Vogue, n’a laissé que très peu de tirages – son travail était destiné à être publié dans la presse. La galerie Louise Alexander n’en dédie pas moins un stand entier au photographe, qui est intéressant car il marie des polaroïds noir et blanc d’époque, venus des archives de l’artistes, et des tirages couleurs posthumes : Guy Bourdin a réalisé les premiers pour les utiliser dans des photos couleurs. A cela s’ajoutent, juste pour le plaisir des yeux car ils ne sont pas à vendre, des tirages noir et blanc abstraits, d’époque, du Guy Bourdin d’avant la mode. Galerie Louise Alexander (Londres), stand A2.Edward S. Curtis, galerie Bruce Kapson Le photographe Edward S. Curtis a marqué l’histoire de la photographie par ses portraits d’Indiens d’Amérique, qu’il a voulu immortaliser en majesté, au début du XXe siècle, alors que déjà leurs tribus étaient décimées et leurs traditions en voie de perdition. Quitte à verser dans le folklore et à oublier la réalité de leurs conditions de vie de l’époque... Il en reste aujourd’hui de beaux tirages, de toutes sortes, car ce grand tireur aimait expérimenter avec les techniques photographiques (cyanotypes, virages au platine ou à l’or...). Il a aussi laissé un livre de luxe en vingt volumes, The North American Indian, devenu quasiment introuvable. La galerie Louise Alexander propose des tirages d’époque mais aussi les plaques de cuivre très finement gravées qui ont servi à Edward Curtis pour faire son livre – pas une œuvre en soi, mais un document de prix.Galerie Bruce Kapson (Los Angeles), stand C44.Adrian Sauer, galerie Klemm’s Peu de photographie conceptuelle à Paris Photo cette année, à l’exception notable d’Adrian Sauer, auquel la galerie Klemm’s consacre son stand. L’artiste allemand explore les dessous et décompose les pratiques de l’image et de la représentation. En particulier dans cette série pleine d’humour où on le voit imiter cette tradition internet du « unboxing » ou déballage , vidéos à succès sur Youtube où l’on voit juste des mains filmées en train de déballer des achats). Sauf que là, il s’agit d’un DVD de photoshop, le logiciel de retouche d’images... qu’il n’est désormais plus possible d’acheter que sous forme de téléchargement. Et Adrian Sauer de donner à voir, avec un phénomène propre à l’ère numérique, la dématérialisation en marche.Galerie Klemm’s, stand B13.Lire aussi :La photographie, un multiple bien singulierZorro, galerie Lumière des roses Un inconnu se déguise, seul devant son appareil photo. Des cuissardes, un fouet, un bonnet et un short. Parfois devant une affiche de Zorro, qui arbore à l’époque les mêmes bottes et le même fouet. A un certain moment il demande à une femme – sa mère probablement – de prendre le relais, et c’est elle qui pose, dans le même accoutrement, sauf qu’elle se marre, alors que lui reste toujours sérieux. Comme il se livre à ce drôle de jeu pendant près de quarante ans, on voit la photo évoluer en même temps qu’il vieillit : voilà qu’arrive le photomaton, puis la couleur. Et à la fin, à la toute fin, il ne se met même plus en scène : ne restent dans l’image que ses cuissardes et son fouet. Ces images, fruit d’une drôle d’obession personnelle, réunies dans une simple enveloppe, auraient dû disparaître en même temps que leur auteur anonyme. Elles ont été trouvées par le galeriste Philippe Jacquier, qui les vend sur son stand et leur a consacré un livre.Galerie Lumière des roses, stand A16.Raphaël Dallaporta, galerie Jean-Kenta Gauthier On dirait un ciel de nuages, découpés en 48 petits morceaux, qui font un mur pommelé et bleuté dans lequel le regard plonge. En réalité, il s’agit d’une fonction mathématique. Le photographe Raphaël Dallaporta, qui aime à collaborer avec des scientifiques, s’est associé à un mathématicien pour générer des formes à partir d’une fonction appelée covariance. Pour chaque image, seul un paramètre de la fonction varie, aboutissant à des points plus ou moins foncés. Une image inexistante pour des nuages évanescents... et réalisée en mélangeant deux procédés anciens, le cyanotype et le platine. De quoi faire fonctionner le cerveau sans priver l’oeil de son plaisir.Stand Amana, EE24.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Samedi 7 novembre, c’est dans la fameuse salle Erard, l’ancien salon de famille des célèbres facteurs de pianos, au 13, rue du Mail (Paris 2e) – là même où s’est produite la fine fleur musicale du XIXe siècle –, que se tenait la seconde édition de Terpsichore, dont le claveciniste Skip Sempé assure la direction artistique.Avoir consacré un festival de musique à la muse de la danse pourrait passer pour l’un de ces paradoxes dont raffole l’Américain, si le séduisant programme – « Virginalistes à trois » –, en compagnie des clavecinistes Pierre Hantaï et Olivier Fortin, ne faisait la part belle aux pavanes et autres gaillardes qui foisonnent dans la musique anglaise de la fin de la période élisabéthaine. Pour rendre justice à cette pléiade de compositeurs – John Dowland, Thomas Morley, William Byrd, Tobias Hume, Anthony Holborne, John Bull… –, les trois acolytes ont reformé un de ces ensembles (ou consorts) de claviers en vogue à cette époque.Skip Sempé, de dos, s’est réservé le beau et sombre virginal de type flamand, construit d’après Ruckers par le facteur Martin Skowroneck, à Brême (collection Skip Sempé). Le sage ancêtre du clavecin ne partage encore pas l’étendue des compétences sonores et l’élégance raffinée de ses descendants, deux beaux clavecins en aile d’oiseau effilée, qui lui font face, juchés sur le podium.Le premier est joué par Pierre Hantaï, un modèle allemand noir et d’une ligne austère, conçu d’après les modèles du début du XVIIIe siècle par Jonte Knif, à Helsinki (collection Olivier Fortin). L’autre, touché par Olivier Fortin justement, est le fameux « petit clavecin rouge » de Gustav Leonhardt, un instrument d’inspiration française en laque et chinoiserie d’après Vaudry (Paris, 1681), qui lui aussi a été fabriqué par Martin Skowroneck, à Brême et dont a « hérité » Skip Sempé. Ce dernier a été l’élève du grand claveciniste néerlandais, disparu en 2012, lequel ne se séparait jamais de la photo du clavecin glissée dans son portefeuille.Trois folies d’interprètesQue ce soit l’expressive Lachrimae Pavan, de Dowland et Morley, la simplissime Harp Improvisation (anonyme), le martial et impressionnant My Lord of Oxenford’s Maske, de Byr et Morley, ou le fantasque Ballo alla Polacca, de Giovanni Picchi, cette musique, qui perpétue la tradition polyphonique de la Renaissance tout en développant une écriture instrumentale souvent virtuose, est d’une séduction intense. Elle conjugue trois folies d’interprètes. Il y a, bien sûr, l’extravagance jupitérienne de Skip Sempé, sa folle générosité, son esprit d’entreprise, sa boulimie gargantuesque. La déraison plus contenue du Québécois Olivier Fortin, opinant du chef et roulant des yeux en silence, lorsqu’il ne joue pas. Et puis, la furia génialement intransigeante du Français Pierre Hantaï, coucou épidermique dans le nid de la musique. Trois talents pour une heure de musique passionnante et de jubilation.La première édition de Terpsichore, en 2014, avait épousé les célébrations nationales du 250e anniversaire de la mort du compositeur Jean-Philippe Rameau : quatre jours et six concerts. L’édition 2015 couvre désormais plus de trois semaines et multiplie par deux le nombre de concerts, privilégiant Bach et la musique baroque allemande, mais pas que. En sus de son ensemble Capriccio Stravagante, du Collegium Vocale Gent, des clavecinistes Pierre Hantaï, Olivier Fortin (qui se produit aussi avec son ensemble Masques) et Jean Rondeau, Skip Sempé a invité le Helsinki Baroque Orchestra et le contre-ténor Valer Sabadus, le duo de violes de gambe Les Voix humaines… De quoi illustrer l’incipit latin qui fleuronne au fronton de son virginal, « Musica lætitiæ comes, medicina dolorum ». Autrement dit, « la musique est une source de joie (littéralement, “une compagne de la joie”) et un baume pour la douleur ».Festival Terpsichore, à Paris, Jusqu’au 30 novembre. Salle Erard (Paris 2e), temple de Pentemont (Paris 7e), église Saint-Louis-en-l’Ile (Paris 4e). Tél. : 01-43-43-53-80. Terpsichore-festival.comMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Stéphane Davet Tête d’affiche, jeudi 12 novembre, de la deuxième soirée parisienne du festival Les Inrocks Philips, Odezenne n’a pas fait le plein de La Cigale. Mais la ferveur des fans a tout de même joliment lancé la sortie, le lendemain, du troisième album – Dolziger Str. 2 – de ce groupe bordelais, formé par les chanteurs Jacques (dit Jaco) Cormary et Alix Caillet, et par le metteur en sons Mattia Lucchini (complété sur scène d’un batteur).Cette complicité entre un public et une formation à l’indépendance farouche, sur fond de rimes rap sorties des clichés hip-hop et d’instrumentation entremêlant samples, jeu de claviers, boucles electro et guitare rock, pourra rappeler les souvenirs récents du phénomène Fauve. Mais loin du lyrisme écorché des Parisiens, faisant référence au romantisme à vif de Cyril Collard, la gouaille accablée d’Odezenne observe le monde avec le réalisme morne d’un Houellebecq qui tenterait de faire danser son pessimisme.Comme d’autres, ces anciens rockers au look d’étudiants en rupture de fac ont compris que les scansions pouvaient s’adapter à tous les environnements. A la fois supports de la description et de l’introspection, chemin le plus direct vers le premier degré comme vers l’audace poétique, les rimes du rap posent des décors, des ambiances, montent à cru ou filent la métaphore.Entre provocation potache et ambition artyLes chansons d’Odezenne posent souvent leurs textes entre deux chaises, celles de la provocation potache et de l’ambition arty, quelque part entre les lourdeurs des Svinkels et l’intensité visionnaire de Diabologum. Les mots de Rien, Bouche à lèvres, Souffle le vent ou On naît on vit on meurt ne sont pas vecteurs d’ego trip ou de vantardises, mais de balades dans un quotidien plombé par le désœuvrement, le désarroi sexuel, la conscience du dérisoire.Au pied du muret de synthétiseurs vintage pilotés par Mattia, Jaco et Alix jouent de leurs allures de branleurs pris au saut du lit, dansent comme des fêtards en plein décalage horaire. Leur ritournelle très sexe, Je veux te baiser (1 million de vues sur YouTube), est reprise en chœur par La Cigale (les filles chantant plus fort que les garçons). Mais derrière l’haleine des lendemains de cuite, s’échappent aussi la force d’une autonomie artistique et des moments de désespoir d’autant plus touchants que les paysages musicaux, dessinés par Mattia Lucchini, palpitent d’une excitante variété de mélodies et pulsations urbaines, soulignant plus les émotions que la déconnade.Dolziger Str. 2, de Odezenne, 1 CD Tôt ou Tard. www.odezenne.comConcerts : le 13 novembre, à Rennes ; le 14, à Orléans ; le 18, à Rouen ; le 19, à Bruxelles ; le 21 à Tourcoing ; le 27, à Nantes (complet) ; le 3 décembre, à Strasbourg ; le 9, à Clermont-Ferrand ; le 10, à Toulouse ; le 11, à Montpellier ; le 12 à Marseille.Stéphane DavetJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harry Bellet Le Museo Civico di Castelvecchio, à Vérone (Italie) a été victime jeudi 19 novembre d’un vol spectaculaire : 17 tableaux – un ensemble estimé entre 10 et 15 millions d’euros – ont été dérobés peu avant la fermeture des locaux et leur mise sous alarme. Trois hommes armés et masqués ont maîtrisé la caissière et le gardien présent, avant de décrocher les œuvres et de s’enfuir avec la voiture du gardien.« C’étaient des professionnels, ils n’ont pas dit un mot » , a commenté le responsable de la communication de la ville Vérone, Roberto Bolis, qui pense que les voleurs répondaient à une commande. « Ils n’étaient visiblement pas des experts et ont surement pris des tableaux indiqués dans une liste, pas les plus précieux du musée. Des 17 œuvres volées, quatre ont vraiment de la valeur. », a-t-il ajouté. Flavio Tosi, maire de Vérone, pense aussi avoir à faire à des professionnels agissant pour un tiers : « ils connaissaient le musée, et savaient ce qu’ils cherchaient ». Tableaux invendablesLes tableaux dérobés sont en effet répertoriés, et invendables sur le marché légal. Il s’agit de La Madone à la caille, de Pisanello, du Saint Girolamo pénitent de Jacopo Bellini, d’une Sainte Famille d’Andrea Mantegna, de deux portraits de Giovanni Francesco Caroto, de cinq tableaux du Tintoret (Sainte Vierge allaitante, Transport de l’arche de l’alliance, Banquet de Baltasar, Samson et Jugement de Salomon, plus un autre de son entourage), de deux tableaux peints par son fils Domenico, d’un Rubens, d’un Paysage et d’un Port de mer de Hans de Jode et du Portrait de Girolamo Pompéi de Giovanni Benini. Selon Roberto Bolis, seuls le Pisanello, le Bellini, le Mantegna et un des Caroto ont une importance majeure.L’hypothèse d’un commanditaire a fait les délices de la presse, qui n’hésite pas à évoquer le fameux docteur No cher aux fans de James Bond, lequel faisait voler des chefs-d’œuvre dans les musées pour sa collection personnelle. Si l’idée est séduisante, dans la réalité, elle est très rare. Une autre piste est possible, celle d’une demande de rançon. Il y a un mois en effet, toujours en Italie, un homme se présentant comme un cambrioleur à la retraite a réclamé 150 000 euros en échange de la restitution d’un Portrait de femme peint par Klimt en 1917, qui a été dérobé en 1997 au musée d’art moderne de Plaisance (Piacenza). La police italienne a refusé la transaction, mais des associations locales ont lancé une collecte de fonds pour tenter de récupérer l’œuvre : de quoi susciter des vocations.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 07h25 • Mis à jour le22.11.2015 à 12h17 | Annick Cojean « Je ne serais pas arrivé là si…… si je n’avais pas tout le temps écouté mes intuitions. Car je ne marche qu’à l’instinct. Je fonce, muni de cette seule boussole, comme un bâton de sourcier. J’analyse peu, je ne décortique pas mes choix, et si je demande souvent leur avis à une poignée de proches, je n’en fais toujours qu’à ma tête. C’est de l’ordre de l’instinct animal, l’élan du premier choix qu’il ne faut pas pervertir par trop d’atermoiements, sous peine d’aller dans le mur.Et cette intuition vous a rapidement mis sur la voie de ce métier ?Tout de suite ! Enfant, la musique était une vibration qui me mettait dans un état inouï. A la maison, en Algérie, nous avions un gros poste de radio, bestiole monstrueuse surmontée d’un électrophone caché sous un couvercle. Et ma mère raconte que dès l’âge de 2 ans, obsédé par la musique, je montais sur un tabouret en brandissant la pochette du disque que je voulais écouter. Le tout premier – que j’ai encore – était les valses de Strauss, avec des couples dansant sur la pochette et du vernis nacré sur les robes des femmes. Et puis il y avait la pop et les yéyés. Mais je ne serais pas devenu l’auteur et le musicien que je suis sans cette succession d’événements si contrastés qui ont fait mon enfance.Une enfance en Algérie, pendant une guerre sauvage…Une suite d’arrachements. Mon père parti lorsque j’avais 4 ans, la pension à l’âge de 5 ans, et puis la guerre, oui. Ce climat permanent d’insécurité. L’angoisse de se prendre une balle en passant devant la fenêtre. L’horreur d’enjamber des cadavres en rentrant de l’école ou d’observer, terré derrière des volets, les flammes ravager les immeubles alentour. Sirènes, hurlements, odeur du sang séché au soleil. Je connais cela par cœur. Les récents attentats à Paris ont brusquement reconvoqué ces sensations qui me sont familières.Où avez-vous vécu cette soirée du 13 novembre ?J’étais dans un bar avec des amis. Des alertes sont arrivées sur nos téléphones et l’endroit a commencé à se vider sans que nous percevions tout de suite la gravité de la situation. Il y avait un mélange de stupeur et d’irréalité. Puis une amie avec qui j’étais a appris la mort d’une de ses proches et nous avons, d’un coup, basculé dans un cauchemar concret.La salle du Bataclan éveille-t-elle chez vous des souvenirs particuliers ?J’y ai vu tant de concerts ! Mais elle demeure spéciale car c’est là que Lou Reed, John Cale et Nico ont donné le dernier concert du Velvet Underground en 1972. J’y pense chaque fois que j’y vais.La peur ne risque-t-elle pas de s’insinuer lors de vos prochains concerts ?Certainement pas ! Il faut résister à la peur. Impérativement.Le type d’enfance que vous avez vécu fabrique, dites-vous, des « durs à cuire ». On ne pense jamais à vous en ces termes.Et pourtant… La souffrance est partie. Et il m’importe d’avoir un rapport doux et agréable avec les gens. Mais je suis en effet un dur à cuire, et particulièrement costaud. Si j’ai matérialisé mon rêve et réussi à vivre de ma passion, cela ne s’est pas fait comme ça. Il faut du courage pour vivre dans la peau d’un artiste. Ma chanson La Peau dure évoque ces larmes de l’enfance qui font le cuir et l’armure…Comme la chanson « Boulevard des Capucines »  évoque un père « fracassé, somnambule », rongé par le remords d’avoir abandonné son fils…Je n’ai jamais revu mon père après son départ de la maison. Et voilà qu’après sa mort, on m’a remis un paquet de lettres jamais ouvertes qu’il m’avait adressées. Cette chanson est née de leur lecture et elle m’a énormément apaisé. Je n’avais pas envie d’en expliciter le texte, convaincu qu’il est essentiel de conserver des zones de flou pour que l’auditeur puisse kidnapper une chanson et la faire sienne. Mais des interprétations à côté de la plaque m’ont contraint de le faire, à regret. Et j’ai alors compris, devant l’émotion du public pour qui je la chantais, que cette chanson avait une dimension universelle. Et que tout le monde a quelque chose à régler avec ses parents.Il y est question de pardon…Bien sûr le pardon. Car mon père était venu me voir un soir à l’Olympia, et je lui avais interdit l’entrée de ma loge. C’était brutal, je lui en voulais, cela m’a hanté. On voudrait des parents modèles, des parents parfaits. Mais ils ont eu nos âges, ils ont fait des conneries, ils n’étaient pas forcément armés pour assurer leur rôle. Récemment, un homme est venu vers moi à La Closerie des lilas. « J’ai très bien connu votre père, m’a-t-il dit. Je jouais de la trompette avec lui. » Il m’a alors parlé de lui. Et ce père, qui me fut si longtemps aussi étranger qu’un Martien, m’est soudain apparu comme un jeune homme joyeux et hédoniste dans lequel je me suis retrouvé.Le fils, donc, a pardonné au père.Oui. Et le tourment est passé. J’ai la chance de pouvoir me dégager de cela avec la musique.Peut-on aussi entendre la chanson comme celle d’un père, vous-même, qui demande pardon à un fils qu’il a eu bien trop jeune et qu’il n’a pas souhaité connaître ?Oui. Vous avez raison. On peut faire ce parallèle.La célébrité vous a longtemps pesé.J’ai tout recherché sauf ça ! Et j’ai longtemps été sur le qui-vive. Mais l’avantage d’un long parcours, c’est qu’on s’inscrit peu à peu dans la vie des gens. Et je suis frappé de leur bienveillance. Ce sont eux qui font de vous des élus. C’est mystérieux, mais c’est ainsi. Je connais des tas d’artistes qui ont commencé en même temps que moi, qui avaient autant de talent que moi et qui n’ont pas fait de parcours. Je m’émerveille d’être parmi les élus. Ça compte tellement pour moi d’être accepté. Je suis quand même un petit immigré !Vous vous ressentez encore comme un immigré ?Quand on a vécu jusqu’à l’âge de 7 ans dans un pays étranger, on a toujours une sensation d’exil. L’exil est une fêlure indélébile, même si j’ai tout fait pour m’intégrer. Je suis Algérien, Breton, Anglais… Tout cela cohabite en moi. Et c’est sans doute pourquoi j’aime tant vivre dans des villes étrangères. Lisbonne, Barcelone, Ibiza, Londres… Je ne me sens nulle part chez moi. Et partout chez moi. Même si Rennes, la ville de mon adolescence, la ville où vit encore ma mère, est très, très essentielle.Les événements récents vous donnent-ils envie de fuir Paris, vous, le nomade ?Au contraire ! Cela me donne envie de rester ici, auprès de mes amis.Vous avez vécu, il y a deux ans, l’expérience de la proximité de la mort.Oui. Péritonite, deux mois en soins intensifs. Mais mourir n’était pas une option. C’était même inconcevable. Pas là, pas tout de suite. Il y a plein de choses que j’ai encore envie de faire. Et un disque attendait, fin prêt, sur lequel j’avais tant travaillé. Cela m’a sauvé. Mon mental a hâté ma guérison et sidéré les médecins.Avez-vous un jour perdu le goût des choses ?Oui, une fois. Un vrai « break-down ». Et heureusement ! Cela m’a permis d’avoir un futur. Car on n’apprend rien du bonheur. C’est un moment provisoire qui soigne. Comme une promesse que les instants de félicité pourront surgir à tout moment. C’est tout. On a besoin d’être confronté à la complexité, à l’énigme de la vie qui ne ressemble pas aux rêves que l’on s’est faits. J’accueille donc plutôt bien les épreuves. C’est forcément intéressant.Que diriez-vous au jeune homme réservé qui, à Rennes, rêvait de faire de la musique ?Qu’il a raison de croire en son rêve. Que sa force et son intensité triompheront, même s’il ne se croit pas gâté par la vie et ne connaît personne. A moins que ce ne soit le destin, ce mystère qui me taraude. Est-ce qu’on le fabrique nous-mêmes ? Ou bien le scénario est-il écrit à l’avance ? Je ne mets pas de mot sur cette sensation, mais j’ai toujours eu le sentiment d’être accompagné et porté par quelque chose. Et que certains événements ne sont pas le fruit du hasard.Diriez-vous que vieillir est angoissant ?Pas du tout. J’appelle ça « maturer ». Mon corps et mon visage changent, et je trouve que c’est une belle chose. Mes envies sont intactes et j’ai toujours autant besoin d’intensité. Ça, c’est pas un truc de vieux. »Etienne Daho est né le 14 janvier 1956 à Oran*Coffret « L’Homme qui marche », nouveau best-of en versions 2 CD + DVD du documentaire d’Arte « Etienne Daho, un itinéraire pop moderne », réalisé par Antoine Carlier.« Daho, l’homme qui chante », une BD signée Alfred Chauvel (l’histoire de la fabrication du 13e album d’Etienne « Les Chansons de l’innocence retrouvée »), éditions Delcourt.Un nouveau rendez-vousChaque dimanche, La Matinale propose à une personnalité de se livrer sur ce qui a orienté sa vocation et répond à la question « Je ne serais pas arrivé là si... ».Découvrez la dernière édition de La Matinale, la nouvelle application du Monde.Annick CojeanJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Maïa Mazaurette Chaque dimanche matin, la chroniqueuse Maïa Mazaurette vous parlera de la sexualité sous toutes ses facettes. A quoi ressemble la sexualité idéale ? Pour synthétiser : à une mousse au chocolat. Un moment de pur plaisir, de laisser-aller, de régression, avec un peu de culpabilité pour relever le goût. L’antithèse de la mousse au chocolat, tout le monde sera d’accord : c’est le sport. Or nos sexualités ressemblent de plus en plus au sport. On y exerce un contrôle appuyé. On négocie avec des coachs, voire des gourous, on a des objectifs, on connaît son niveau, on suit les saisons. On se mesure (durée, décibels, nombre de va-et-vient), on s’entraîne pour devenir un meilleur partenaire, on fait ses exercices de musculation du périnée, on est constamment sous pression pour mettre à jour ses connaissances (c’est ce que vous êtes en train de faire, sans vouloir être mesquine). Le but : « Assurer au lit. »Le sexe est un sport et ça pourrait être pire – le sexe pourrait être une punition, un devoir, un simple moyen de reproduction. Au moins, le sport, ça peut être amusant et se pratiquer en short moulant. (Amateurs de curling, passez votre chemin.) Mais, bien sûr, le sport implique une forme de compétition, au moins contre soi-même. Grâce ou à cause de la fluidité des relations contemporaines (on peut toujours être trompé, quitté, remplacé), cette compétition nous semble cruciale. Il faudrait absolument être un bon coup – alors qu’en vrai savoir faire marcher la machine à laver est une compétence tout aussi cruciale. Mais moins sexy. Enfin, ça dépend du modèle de la machine à laver.Quand on pense à la performance, c’est évidemment l’éjaculation masculine qui vient à l’esprit : retarder le plus longtemps possible la jouissance, par politesse envers ses partenaires. Lesquelles, que les choses soient claires tout de suite, n’ont rien demandé. Quand j’étais adolescente, les lycéens expérimentés affirmaient doctement qu’une pénétration de routine durait quarante-cinq minutes. Ils connaissaient tous un copain de copain qui tenait quatre heures, soit une représentation assez juste du neuvième cercle de l’enfer. Avec le recul, ces quarante-cinq minutes font doucement rigoler. Pas besoin de recul, d’ailleurs : les données suffisent.Le rapport de routine, tel qu’analysé par les chercheurs de la Society for Sex Therapy and Research, est : adéquat de trois à sept minutes, bien mené de sept à dix minutes. Si vous dépassez dix minutes, désolée, c’est trop long. Un rapport satisfaisant dure le temps de cuisson d’une pizza, preuve que la nature est bien faite (ou bien les micro-ondes). Cela signifie aussi que la compétition des hommes pour savoir qui « tient » le plus longtemps est narcissique, pas pragmatique. En effet, en ce qui concerne la survie la plus fondamentale, l’éjaculation est un réflexe qui a tout intérêt à survenir rapidement : un grizzli pourrait vous attaquer pendant vos fameuses quarante-cinq minutes de pénétration (ahem). Les versions modernes du grizzli comprennent les camions 33 tonnes (si vous aimez les activités en plein air), les enfants en bas âge, les colocataires et, bien sûr, le grand ennemi de la sexualité moderne : le smartphone.En termes de survie donc, la performance consisterait à jouir vite (et bien). Ce qui entre en contradiction avec le standard du mâle endurant. Quant aux pénétrations marathoniennes de la pornographie, elles n’aident pas à corriger le tir, certes. Mais il serait un peu facile d’accuser le X : c’est nous qui demandons des contenus hyperboliques, sinon, vous pensez bien, les producteurs se concentreraient sur des acteurs à format humain – et sur du (très) court-métrage. Nous voulons du spectaculaire : nous payons la facture. En insécurités.En réalité, une femme qui se masturbe atteint l’orgasme en quelques minutes à peine (quatre minutes pour une masturbation, vingt minutes quand c’est le partenaire qui s’y colle). En conséquence de quoi, se focaliser sur la durée revient à frapper un grand coup d’épée dans l’eau, et quand je dis épée, chers hommes, je vous flatte.Bien sûr, l’obsession de la performance dépasse les simples questions de timing pour inclure la taille (34 % des jeunes complexent sur la taille de leur pénis après avoir visionné un film porno), le nombre de positions enchaînées, le nombre de partenaires, le nombre d’orgasmes, allez-vous donc cesser de tout vouloir compter ? C’est épuisant.Mais attendez. Pourquoi ne parle-t-on que des hommes ? Ils ne portent pas seuls la responsabilité de l’acte sexuel, sauf à considérer que l’implication de leurs partenaires se limite à s’allonger et regarder le plafond. Les femmes sont également soumises à une obligation de performance, et il serait terriblement sexiste de l’oublier. Si elles ne sont pas jugées sur la durée, elles le sont sur leur capacité à jouir – la femme idéale aligne plusieurs orgasmes par relation sexuelle, elle jouit de la pénétration vaginale, voire anale (tant pis si cela ne concerne qu’une minorité d’entre elles), elle jouit sur commande et, au cas où ça ne suffirait pas, il convient qu’elle vocalise comme une chanteuse d’opéra. Partant d’une exigence aussi stakhanoviste, heureusement que nous simulons. Comme des arracheuses de dents. Plus précisément : il y a plus de femmes qui simulent à chaque interaction sexuelle que de femmes qui jouissent à chaque interaction sexuelle. (La moitié d’entre elles ont déjà eu recours à ce tour de magie, et un homme sur dix.)Inutile de se plaindre de ces cabotinages : une femme qui ne ferait pas preuve d’enthousiasme forcené se verrait automatiquement transférée dans le camp des « mauvais coups ». Ce qui limiterait sérieusement ses possibilités en termes de couple. Et, qu’on le veuille ou non, le couple reste le cadre optimal du bonheur – aujourd’hui, en Occident, dans l’imaginaire collectif.Reprenons donc. Les hommes ont la pression. Les femmes ont la pression. Les hommes s’obligent à tenir plus longtemps lors de la pénétration, afin d’obtenir des jouissances ravageuses de la part de femmes qui se fichent quand même beaucoup de la durée de pénétration. La boucle est bouclée, d’accord. Mais le cercle est vicieux.Vous savez ce qui ruine vraiment une vie sexuelle, et beaucoup plus drastiquement que « tenir moins de quarante-cinq minutes » ou « ne jouir qu’une fois et en silence » ? Le stress. (Au passage : nos vies sexuelles sont plus fragiles qu’un vase en cristal. C’est bien simple, tout nous perturbe : le manque de nourriture, le manque de sommeil, l’insatisfaction au niveau narcissique, une naissance, une gastro et, bien sûr, les procédures de divorce.)Plus nous nous rongeons les sangs avec ces histoires de performance, plus nous stressons. Côté hommes, ce stress produit des situations d’impuissance et des éjaculations rapides. Côté femmes, il produit une anxiété qui se met en travers de l’orgasme. Vous noterez comme ce serpent se mord la queue ? Ce n’est pas un serpent. C’est vous. Aouch.En réalité, le meilleur moyen d’améliorer ses performances consiste à ne surtout pas se préoccuper de ses performances. Lâchez prise. Oubliez le sport.Un nouveau rendez-vousChaque dimanche matin, dans La Matinale du Monde, la chroniqueuse Maïa Mazaurette vous parlera de la sexualité sous toutes ses facettes.Découvrez la dernière édition de La Matinale, la nouvelle application du Monde.Maïa MazauretteJournaliste au Monde François Bostnavaron et Thomas Doustaly SI vous souhaitez vous promener entre les girafes et les gnous, en chantonnant « Out of Africa », Le Monde vous propose cinq idées de safaris dans l’hexagone.« Out of Africa »… en Auvergne Une nuit « au cœur de la savane ou au milieu des grands lacs d’Afrique » : voilà ce que promet le PAL, plus grand parc animalier de France, entre Mâcon et Moulins-sur-Allier. A grand renfort de chiffres records : 50 hectares, 600 animaux (dont un couple de tigres de Sumatra et leur petit né cette année), 26 attractions, des spectacles d’otaries, de rapaces en vol et de perroquets. Pour se glisser dans la peau de Karen Blixen, on choisit l’un des sept nouveaux lodges sur pilotis qui donnent sur l’étang. Au petit déjeuner, hippopotames, pélicans et hérons gardes-bœufs s’approchent de la terrasse. A la tombée de la nuit, quand le parc se vide de ses visiteurs, on s’équipe de jumelles infrarouges pour participer à un circuit nocturne, au plus près des animaux. Frissons garantis.Tarif : les hébergements dans le parc sont très demandés, il faut donc réserver maintenant pour 2016. Pour 2 jours et 2 nuits, comptez 247 € pour un adulte, et 196 € par enfant de moins de 10 ans. Ouverture le 9 avril 2016. Renseignements : www.lepal.comLe Grand Nord canadien… dans la Sarthe Qui aurait cru que, près du Mans, on puisse croiser… des grizzlys ? Au zoo de La Flèche, depuis le lodge baptisé « Yukon », on observe par les deux immenses baies vitrées les fameux ours bruns évoluer. Bluffant. Dans cette cabane de luxe de 60 m², au décor cosy, on vit le temps d’un week-end dans une forêt canadienne de conifères, sans autre vis-à-vis que les animaux. Si Yukon est déjà réservé, on choisit l’un des autres lodges thématiques – Bali pour être au plus près des tigres blancs, Alaska pour flirter avec les loups arctiques, Malagasy pour se percher dans les arbres, au côté des lémuriens.Tarif : pour 2 adultes et 2 enfants en haute saison, comptez 664 € pour deux nuits. Comprend l’entrée au parc sur 2 jours et la demi-pension. Le Safari Lodge est ouvert toute l’année, à l’exception des 25 décembre et premier janvier. Renseignements : www.safari-lodge.frBivouac tanzanien… en pays nantais Port-Saint-Père est loin, très loin du parc national du Serengeti. Pourtant, tout est fait pour vous entraîner le temps d’un week-end au cœur des paysages de Tanzanie. De jour, on roule dans sa voiture sur une piste de 10 km, à la découverte des gnous, des zèbres et des antilopes. A la tombée de la nuit, à bord d’un gros 4 × 4, on observe le travail des soigneurs et le retour des animaux dans les loges. Après 1 h 30 de visite et un tour complet du parc, le guide vous conduit au bivouac. Protégées par une simple barrière, les tentes sont plantées autour d’un feu de camp. Cuisine sénégalaise, produits bio et barbecue au menu du dîner, nuit sous les étoiles, puis réveil avec les animaux. L’aventure.Tarif : Adulte : 180 €. Enfant (3/12 ans) : 150 €. La prestation comprend l’accompagnement par un guide animalier tout au long de l’expérience et l’accès libre au parc et à la Cité marine le lendemain. Ouverture début mars 2016. Renseignements : www.planetesauvage.comClairière d’Asie… en Normandie A Cerza, le parc zoologique de Lisieux, on peut loger au choix dans de spacieux éco-lodges ou dans des « zoobservatoires » en bois. Les wallabys, ces petits kangourous d’Australie, se promènent librement dans la partie hôtelière. Le seul hic, c’est qu’on n’est pas dans le parc lui-même. Le détour vaut quand même la peine. D’abord parce que Cerza est à seulement deux heures de Paris, tout près de Deauville-Trouville et des côtes normandes. Mais aussi parce que le parc abrite des espèces rares, comme ces rhinocéros indiens, uniques représentants de l’espèce en France, qui cohabitent avec cerfs d’eld, antilopes cervicapre, calao trompette ou tortue à nez de cochon. Le plus : le safari en train touristique, ludique pour les plus petits.Tarif : Pour 2 adultes et 2 enfants (- de 12 ans) en haute saison dans un lodge pour 3 jours et 2 nuits, comptez 560 € le séjour, petit déjeuner et accès parc inclus. Renseignements : www.cerzasafarilodge.comPetits oursons de Chine… à Beauval Ici, on a opté pour le confort des animaux – les cinq éléphants en semi-liberté disposent d’un territoire de plus de 5 hectares sur les presque 35 du ZooParc. Un peu moins pour celui des touristes, qui peuvent loger à quelques centaines de mètres du parc, dans des appartements sans charme. Qu’importe, le week-end à Beauval immerge tout de même en pleine nature, tant le foisonnement d’espèces – 560, et 7 000 animaux – est incroyable. Les stars de Beauval s’appellent Huan Huan et Yuan Zi, deux pandas géants. Ils sont devenus au fil des ans une véritable locomotive pour la fréquentation du parc. Une célébrité qui passera peut-être au second plan en 2016, à Pâques, lorsque débarqueront trois superbes hippopotames (un mâle et deux femelles) dans l’espace de plus d’un hectare qui leur sera dévolu. A défaut de dormir sur le site, il reste toujours une solution pour se retrouver au plus près des animaux : l’option « soigneur d’un jour ». On nettoie le box d’un rhinocéros, on nourrit les manchots et les makis cattas. Grisant.Tarif : A partir de 128 euros la nuit pour une chambre familiale. Pour l’option soigneur, deux formules proposées : une pour les 10-17 ans, durée 2 heures, 80 euros, et une autre pour les adultes, à partir de 16 ans, durée 4 h 30, 160 euros, entrée du parc comprise. www.zoobeauval.comThomas DoustalyJournaliste au MondeFrançois BostnavaronJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 21.11.2015 à 10h18 | Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Toute l’Histoire à 22 h 30 « Spät aber nicht zu spät… » « Tard mais pas trop tard… » La campagne lancée à l’été 2013 en Allemagne dit bien l’urgence. Bientôt, on ne pourra plus déférer en justice les coupables du génocide perpétré par les nazis contre les juifs. Comme si une ultime session de rattrapage pouvait corriger la stupéfiante lenteur des Allemands à demander des comptes aux responsables d’un des plus terribles crimes de l’Histoire.De façon paradoxale, c’est sans doute le procès international intenté aux plus hauts dignitaires nazis à Nuremberg au lendemain de l’effondrement du Reich qui explique ce retard. Si le verdict (dont 12 condamnations à mort pour 22 inculpés) dûment filmé et diffusé est accepté par les Allemands, il est mal compris. Comme si l’affaire était close désormais.Privés du droit de faire justice confisqué par les vainqueurs, les Allemands n’entendent pas remuer le passé, redoutant l’exhumation de compromissions trop lourdes. Et bientôt les criminels rattrapés par la justice aux derniers temps de l’occupation alliée sont élargis peu après la naissance de la République fédérale – certains condamnés à mort sortent ainsi des geôles six ans à peine après le verdict fatal.Le début de la traqueUn voile d’amnésie empêche de solder les comptes jusqu’à ce que le cynisme de certains bourreaux, sûrs de l’impunité, ne les pousse à prétendre toucher une contestable retraite. Le scandale éclate dans la presse et, face à l’Office central de protection du droit qui entendait empêcher les poursuites contre les anciens nazis, naît en 1958 l’Office central de Ludwigsburg qui œuvre en sens diamétralement inverse. La traque est lancée.Du procès Eichmann à Jérusalem en avril 1961, où est invoqué pour la première fois le « crime contre le peuple juif », à la condamnation à Cologne en 1980 de trois responsables de la déportation des juifs de France, le combat doit emprunter des voies illégales et spectaculaires – telle la gifle que Beate Klarsfeld donne à Berlin au chancelier Kiesinger en novembre 1968 – pour arracher à une torpeur complice une opinion publique prompte à l’amnésie. C’est ce long chemin que Michel Kaptur retrace, donnant la parole à certains des magistrats de ces procès de la mémoire. Didactique et éclairant.La Justice allemande face aux criminels nazis, de Michel Kaptur (Fr., 2013, 55 min). Dimanche 22 novembre à 22 h 30 sur Toute l’Histoire.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde 21.11.2015 à 07h24 | Renaud Machart Documentaire sur Arte à 0 h 10 L’orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris est un monstre qui tonne depuis des siècles, perché sur la tribune de pierre au-dessus du grand portail ouest de l’édifice. Il est l’objet d’un culte particulier de la part des organistes du monde entier qui se damneraient pour y jouer (gratuitement) lors des auditions du dimanche.C’est à la fois à une visite guidée de cet instrument et à un portrait de l’un de ses organistes titulaires en exercice, Olivier Latry, qu’invite le documentaire Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien, qui mêle habilement séquences pédagogiques (tournées dans les « entrailles » de l’instrument), films d’archives et pauses musicales interprétées par Latry.L’orgue de tribune (Notre-Dame possède également un orgue plus petit, dit « de chœur »), dont le premier état remonte au début du XVe siècle, échappe au vandalisme de la Révolution, sûrement parce que son titulaire d’alors, Claude Balbastre, avait fait allégeance aux idées révolutionnaires et improvisait des variations sur La Marseillaise à Notre-Dame, rebaptisée, si l’on ose dire, « Temple de la raison ».Le vénérable instrument est repris entièrement par le grand facteur d’orgue Aristide Cavaillé-Coll, en 1868, sous la supervision d’Eugène Viollet-le-Duc ; Louis Vierne, titulaire de 1900 à 1937, que Latry surnomme « le Molière de l’orgue » (il s’effondrera, victime d’une embolie cardiaque, sur sa console alors qu’il y donne un concert, le 2 juin 1937), le modifie à son tour ; Pierre Cochereau, qui y joue de 1955 à 1984, l’augmente et le modernise de 1963 à 1975.En 1992, l’instrument fait l’objet d’une restauration complète qui tâche de préserver ses acquis les plus anciens (on trouve ainsi encore des jeux baroques et mêmes quelques traces de l’époque médiévale). On remplace la console (claviers et jeux), qui ressemblait à la réception d’un hôtel cossu de province, et l’on équipe progressivement l’instrument d’outils numériques.Une solide formationLe documentaire montre l’instrument jouer seul alors qu’Olivier Latry écoute, en bas, dans la nef, ce qu’il vient d’enregistrer : ce procédé de « replay » permet à l’organiste de se rendre compte de l’adéquation de ses tempos avec l’acoustique et du plein effet de ses registrations – le mélange des jeux – alors que, perché à sa tribune, il n’entend qu’une partie des sonorités qu’il produit.C’est à la mort, en 1984, de Pierre Cochereau, immense vedette dont les improvisations fleuves étaient légendaires, qu’Olivier Latry devient à son tour l’un des titulaires de l’orgue de Notre-Dame de Paris. Il a 23 ans et est l’une des « 12 personnes spécialement choisies pour concourir ». Le jeune homme se présente « sans y croire vraiment », ce qui lui fait passer les épreuves sans souffrir du trac, raconte-t-il au cours du documentaire.Cependant, devenir titulaire de cette prestigieuse tribune n’est pas donné au premier venu car être organiste liturgique demande une solide formation : il faut bien jouer de son instrument, connaître le rituel des offices sur le bout des doigts, savoir accompagner, improviser, etc.Latry décrit bien ce qui fait la spécificité d’un organiste liturgique versus un organiste de concert (ce qu’il est par ailleurs) : « L’improvisation prolonge une parole ou une musique, on n’est pas là pour faire son show… Le rôle de l’organiste liturgique est de servir. »Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien (France, 2015, 52 min). Dimanche 22 novembre, à 0 h 10, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Mustapha Kessous Télé-réalité sur 6ter à 20 h 55 La disqueuse qui vient sectionner le cadenas et le rideau métallique qui se lève font toujours autant de bruit. Mais pour les acheteurs, ce fracas résonne comme un doux refrain. Après la Californie, le Texas, New York et le Canada, l’émission « Storage Wars » (« guerres des box ») a désormais une version française, diffusée à partir du 21 novembre sur la chaîne de la TNT 6ter.Le principe de ce programme de télé-réalité est simple et efficace : Julien, Toufik, Diane – et d’autres encore – se rendent dans un entrepôt de garde-meubles pour tenter d’acquérir des box de stockage mis aux enchères. Le plus offrant remportera le lot à condition de respecter quelques règles : interdiction de pénétrer dans la remise, de toucher aux objets et d’ouvrir des cartons ou des valises. Les acquéreurs auront seulement quelques minutes pour estimer la valeur des biens poussiéreux (meubles, tableaux, vaisselle, électroménager, etc.) qu’ils distinguent dans la pénombre et décider s’ils doivent miser ou non.Une exacte répliqueEn janvier, 6ter a été la première chaîne à diffuser le format original de « Storage Wars » qui se déroule en Californie et qui a réuni 215 000 téléspectateurs lors de la première diffusion, le 3 janvier, en deuxième partie de soirée. Ce score est régulièrement doublé en prime time, surprenant les responsables de l’antenne du groupe M6 ainsi que ses concurrents. Depuis, les variantes de ce programme sont diffusées par d’autres chaînes : RMC Découverte propose « Storage Wars Canada », D8 et D17 la version new-yorkaise. 6ter – qui diffuse aussi le dérivé texan – a donc choisi de produire une adaptation française. Comme toute franchise, cette émission d’enchères à l’aveugle est une réplique exacte du format américain : mêmes commentaires de la voix off, même musique, même découpage du programme en quatre séquences. D’abord, les acheteurs découvrent le box, puis, place aux enchères. Ensuite, le vainqueur inspecte son lot, espérant y trouver un trésor, et finit toujours par mettre la main sur un objet énigmatique qu’il ira enfin faire expertiser.« Storage Wars France » n’a rien de surprenant. Moins drôle que l’original, il peine à nous attacher aux candidats qui, hésitants, semblent jouer un rôle et réciter un texte. Dommage qu’ils manquent à ce point de spontanéité et de naturel.Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Divertissement sur France 2 à 20 h 55Laurent Ruquier va occuper la soirée entière sur France 2, enchaînant « On a tous en nous quelque chose de Jacques Martin », un hommage à celui qui le fit débuter à la télévision, et l’habituel « On n’est pas couché ». C’est excessif – mais c’est pour la bonne cause.Il serait en effet dommage de rater les deux heures d’émission spéciale dévolues à la mémoire du grand homme de télévision que fut Jacques Martin (1933-2007), qui fit se gondoler la France entière chaque dimanche, à l’heure du poulet frites (« Le Petit Rapporteur », 1975-1976, sur TF1 ; « La Lorgnette », 1977-1978, sur France 2), puis à celle de sa digestion (avec différents programmes donnés, de 1977 à 1998, au Théâtre de l’Empire, à Paris, dont la légendaire « Ecole des fans »).Jacques Martin était le produit croisé d’une éducation bourgeoise et d’une vie de saltimbanque. Il avait commencé dans les années 1950 à Strasbourg, comme chansonnier et comme animateur sur Télé-Strasbourg. En 1964, Jacques Chancel le fait venir à l’ORTF, où il se fait remarquer par des sketches avec Jean Yanne.Jacques Martin savait tout faire : écrire (sketches, chansons, romans), jouer, chanter (il avait une voix de baryton d’opéra-comique), parodier, improviser (par exemple à la manière d’un récitatif d’opéra de Mozart), cuisiner (il mettra aux fourneaux son fils David, devenu chef professionnel). De sorte qu’il affirmait tantôt, non sans mélancolie : « Je suis un comédien qui a rencontré la télévision » ; tantôt : « Mon vrai métier, c’est l’écriture. » Cet artiste de variétés – au sens noble du terme – farceur et caustique était un homme cultivé qui dispensait un peu de ce qu’il savait à la télévision. Mais avec une distance ironique. Ainsi, en 1992, déclarait-il au Monde : « Dans mes émissions, on traite d’histoire, de géographie, de sciences humaines. Mais avec légèreté. Je ne brade pas ma culture pour payer mes mensualités et je ne crois pas à la mission civilisatrice de la télévision. Nous pouvons tout au plus être prométhéens : voler un peu de savoir à ceux qui en ont l’apanage et le disperser… »Amicale éléganceIl laissait toujours la part belle à la musique classique et il est dommage que, au cours de cette longue, très longue – et parfois un peu ennuyeuse – émission, Ruquier n’ait pas retenu cet aspect important de son action à la télévision. C’est, par exemple, dans l’une des émissions de Jacques Martin que le ténor Roberto Alagna fit sa première grande apparition publique. Cet oubli confirme que, décidément, la musique classique a quitté la sphère de la culture générale.Le fantaisiste est remercié par France 2, le 21 mars 1998 ; dans la nuit de ce premier jour de printemps, il fait un accident vasculaire cérébral. Et ne se remettra jamais de cette éviction. Ruquier, fidèle d’entre les fidèles, l’invitera en 2001 à participer à son émission de radio « On va s’gêner ! », sur Europe 1. Mais c’était le début de la fin.Il y a trop d’anecdotes dans « On a tous en nous quelque chose de Jacques Martin » et pas assez de Jacques Martin en certains des invités sur le plateau. Ruquier aurait pu (dû) renouveler sa dramaturgie habituelle (ses potes autour d’une table en demi-lune), privilégier certains témoignages clés, oser un peu d’intimité (sait-il faire ça, Ruquier ?) et montrer davantage d’archives.Mais, on l’avouera, si l’exécution laisse à désirer, le geste mérite d’être souligné pour son amicale élégance.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Adele pensait peut-être monopoliser l’attention, en ce 20 novembre, en sortant son album intitulé 25, mais un personnage inattendu , David Bowie, s’est invité à sa fête. Jeudi 19 novembre à minuit, l’icône rock britannique a mis en ligne l’impressionnant clip de Blackstar, chanson phare d’une durée de 10 minutes extraite de l’album du même nom, dont la parution est annoncée pour le 8 janvier 2016 (date de son 69e anniversaire). La surprise n’est pas totale puisqu’une version très raccourcie de ce titre illustrait le générique de la série « Panthers », récemment diffusée sur Canal +, dont le réalisateur, le Suédois Johan Renck, a également mis en scène la vidéo de Blackstar.Loin du format radiophonique des habituels singles, le morceau/court métrage se déploie en une épopée anxiogène débutant par une imploration maladive sur fond de breakbeats névrosés et de jazz feutré. L’ambiance glisse ensuite vers un semblant d’apaisement où Bowie reprend d’une voix plus familière une mélodie racée, perturbée par une obsédante incantation synthétique : « I’m a blackstar ». Tantôt victime suppliciée, tantôt prophète illuminé, le chanteur s’entoure de zombies épileptiques, d’une prêtresse vaudou, d’épouvantails crucifiés, d’un squelette d’astronaute (Major Tom ?). Proche des teintes jazz et expérimentales du titre inédit, Sue (In a Season of Crime), publié en 2014, Blackstar semble annoncer les compositions de Bowie les plus audacieuses et inquiétantes depuis l’album Outside (1995).Le chanteur a par ailleurs composé plusieurs chansons pour une comédie musicale, Lazarus, mise en scène par Ivo Van Hove au Theater Workshop de New York. Les représentations, qui ont commencé le 18 novembre, sont déjà toutes complètes.Regarder le clip de « Blackstar »Stéphane DavetJournaliste au Monde Renaud Machart Film sur Arte à 13 h 35L’histoire de Tomboy (2011), de Cécile Sciamma, est simple : une petite fille de 10 ans, nouvellement arrivée dans un quartier, se fait passer, auprès de ses camarades, pour un garçon (tomboy signifie, en anglais, « garçon manqué »). Notamment auprès d’une autre petite fille de son âge à laquelle elle s’attache, qui découvre que celui qu’elle croit prénommé Mickaël n’est autre que Laure.Pas de quoi fouetter son chat. Pourtant, lorsque Arte l’avait diffusé une première fois, en février 2014, une campagne puritaniste de la plus grande violence avait fait rage, orchestrée par Civitas, une organisation intégriste, dont l’objectif est « la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ ».Le site Internet de ce groupuscule avait alors appelé « les familles françaises à réagir et à empêcher la diffusion de ce film de propagande pour l’idéologie du genre ». Et d’ajouter : « Ce film ne répond pas à la mission d’Arte qui est de “concevoir, réaliser et diffuser des émissions de télévision ayant un caractère culturel”. » Et, pour ce faire, de publier les numéros et adresses électroniques des responsables de la chaîne franco-allemande et d’appeler à les harceler « poliment, mais fermement ». Croisade moralisteLa hargne de Civitas avait été attisée par le fait que, depuis septembre 2012, Tomboy était intégré aux programmes « Ecole et cinéma » et « Collège au cinéma », deux dispositifs soutenus par le ministère de l’éducation nationale et par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).Mais le battage médiatique autour de cette croisade moraliste avait tellement généré de contre-réactions dans la presse et sur les réseaux sociaux que Tomboy était vite devenu l’objet de toutes les attentions : Cécile Sciamma ne pouvait rêver meilleure campagne de publicité pour ce film d’une rare pudeur, où tout est dit avec une finesse, qui rappelle, dans ce registre cinématographique, la délicatesse de la caméra (et de la lumière tendre et dorée) d’André Téchiné dans Les Roseaux sauvages (1994). La journaliste d’Arte Annette Gerlach, qui a introduit, en février 2014, le film par quelques mots en français a, décidément, eu cent fois raison de résumer le tout par une adroite et plaisante formule : « Garçon manqué, mais film réussi. » A revoir, donc, absolument.Tomboy, de Cécile Sciamma, avec Zoé Héran, Sophie Cattani, Mathieu Demy. (Fr., 2011, 82 min). Diffusé sur Arte, le 20 novembre, à 13 h 35.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Magazine sur France 3 à 20 h 50Personne n’aurait imaginé, ce 27 septembre 1975, que le magazine de la mer qui venait d’être mis à l’antenne le serait encore quarante ans plus tard. Avec « Des chiffres et des lettres » et « Le Jour du seigneur », « Thalassa » fait désormais partie des émissions les plus vieilles de la télévision française. Mais c’est la plus ancienne présentée par la même personne : Georges Pernoud, sur lequel on sait finalement peu de chose, malgré ses quatre décennies de présence à l’écran. Ce quarantième anniversaire nous permet d’en apprendre un peu plus sur ce journaliste, à la fois jovial et bourru.Un premier reportage difficileGeorges Pernoud lève le voile sur sa vie dans un documentaire, Il était une fois « Thalassa », diffusé en deuxième partie de cette soirée spéciale et qui lui est largement consacré. Une enfance à Rabat, au Maroc, un retour brutal à 11 ans en France, à Asnières, dans la banlieue parisienne, ce fils d’un Savoyard et d’une Alsacienne n’avait aucun lien avec la mer. Peu passionné par les études, Georges Pernoud met du temps à trouver sa voie. Il aurait pu devenir acteur ou cinéaste, mais c’est finalement comme cameraman à l’ORTF qu’il s’épanouit.Le voilà couvrant les événements de mai 1968, accompagnant le volcanologue Haroun Tazieff au Zaïre… En 1973, on lui demande de suivre la première édition de la Whitbread, une course à la voile à travers le monde. « On m’a proposé ce reportage, car j’étais célibataire. Les organisateurs de la course redoutaient des conditions difficiles », raconte Georges Pernoud, qui n’a toujours pas son permis bateau. Le contact avec l’océan fut effectivement rude. Durant les premiers jours de navigation, le solide gaillard est malade. Pire, il assiste, impuissant, à la disparition du skippeur Dominique Guillet dans les flots noirs. Un événement tragique qui le conduit à faire sa première apparition à la télévision. Malgré ces débuts difficiles, le virus est pris. En 1975, il propose à la direction de la chaîne un magazine consacré à la mer dont le nom lui a été soufflé par son père journaliste. L’odyssée de « Thalassa » commence : mensuel puis magazine hebdomadaire de deuxième partie de soirée, l’émission a les honneurs du prime time en 1989. Il ne l’a pas quitté depuis. Un succès que Georges Pernoud explique simplement : « Nous racontons des histoires et nous apprenons des choses aux téléspectateurs, sans qu’ils s’en rendent compte, sans utiliser des termes techniques. »Un côté « boy-scout »Dans le premier documentaire, Il était une fois l’océan,qui ouvrira la soirée, on retrouvera un des ingrédients de ce qui fait la réussite de cette émission culte : des personnages forts comme ce plongeur ivre de banquise, ces marins qui affrontent les tempêtes, cet homme aussi qui a pour amie… une murène. Même si Georges Pernoud assume un côté « boy-scout » que certains reprochent parfois à l’émission, il n’empêche que « Thalassa » n’hésite pas à aborder des sujets importants, notamment les dangers qui menacent le dernier espace vierge et sauvage de la planète. Au cours de la soirée, les fidèles du programme reverront des reportages qui ont été sélectionnés par les téléspectateurs. Celui sur l’expédition de La Pérouse a été plébiscité, battant d’une courte tête celui sur François Zanella, ce mineur lorrain qui construira un paquebot dans son jardin. Un passionné qui a lui aussi succombé à l’appel du large.Soirée spéciale « Thalassa », à 20 h 50. Il était une fois l’océan, 1 h 10, et Il était une fois « Thalassa », 1h 40.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.11.2015 à 06h45 D’une adaptation théâtrale de l’affaire Bettencourt à une immersion dans l’œuvre de Francis Bacon, les choix du Monde pour ce week-end.ART. Les jeux de formes et de mots d’Hassan Musa, à ParisVladimir Poutine accueille le visiteur d’un œil mauvais. Impossible de ne pas le voir : son portrait, fait pour l’essentiel de tissus aux couleurs claires, découpés et cousus, mesure plus de 2 mètres de haut. Les mots en dessous de son visage sont tout aussi visibles. Il est écrit « Kus Oummak », expression arabe qui signifie littéralement « le con de ta mère » et c’est une interjection des plus désobligeantes. C’est le titre qu’Hassan Musa a donné à son œuvre. Détourne-t-on le regard, c’est pour faire face à Barack Obama, un Obama souriant plus grand encore que Poutine et aussi coloré. Au-dessus de lui, la phrase qu’il est en train de prononcer : « I have a drone. » L’allusion au « I have a dream » de Martin Luther King est transparente. Elle est aussi cruelle : du défenseur des droits civiques des Afro-Américains en 1963 au président métis qui fait la guerre par machines interposées, la différence est grande. De tels jeux de formes et de mots, Hassan Musa, né au Soudan en 1951, est l’un des inventeurs les plus efficaces de l’art actuel. Son exposition, présentée à la Galerie Maïa Muller, à Paris, le démontre. Philippe Dagen« Yo Mama », Galerie Maïa Muller, 19, rue Chapon, Paris 3e. Tél. : 09-83-56-66-60. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 5 décembre.EXPOSITION. Le Roi se meurt, à Versailles Trois siècles après la mort du Roi-Soleil, le château que Louis XIV a bâti à sa mesure met en scène le grand théâtre de la mort organisé il y a trois siècles, au lendemain de son décès, le 1er septembre 1715. Des pompes funèbres qui se prolongèrent plus de deux mois en la basilique de Saint-Denis. Sont reconstitués la spectaculaire chapelle ardente et le catafalque immaculé, dressés dans la nef. Ce décor éphémère fut imaginé et construit par l’atelier des Menus Plaisirs du roi, chargé de la mise en scène des fêtes données à Versailles. Des manuscrits inédits sont montrés dans l’exposition, notamment le testament du roi et les rares vestiges rescapés de la Révolution française. La plaque en cuivre qui identifiait son cercueil – profané en 1793 et jeté dans la fosse commune – fut retrouvée, transformée en casserole, dans une auberge. On apprend que ces festivités funestes étaient une mode européenne très courue, documents à l’appui, de Madrid à Mexico. Un faste auquel eurent droit Napoléon, Voltaire, Victor Hugo, Félix Faure ou encore Sadi Carnot, comme le montre le monumental rouleau peint oublié dans les réserves du château. Florence Evin « Le roi est mort », jusqu’au 1er janvier 2016, château de Versailles (Yvelines), tous les jours de 9 heures à 17 h 30, sauf le lundi. De 13 € à 15 €. Chateaudeversailles.frDANSE. La playlist musclée de Jean-Claude Gallotta, à Paris My Rock, créé en 2004 pour treize danseurs, fonce pied au plancher selon une règle du jeu simple : une chanson, une danse. Une sélection de treize titres trace la route intime du rock dans les veines du chorégraphe et danseur Jean-Claude Gallotta. « Ces rythmes m’ont accompagné adolescent, raconte-t-il dans le spectacle qu’il mène en crooner-slameur. Ils m’ont peut-être permis d’échapper à ma crise d’angoisse existentielle et de répondre à cette question : “Quoi faire de ma vie ?” » D’Elvis Presley à Patti Smith, des Beatles à Wilson Pickett, la playlist du chorégraphe, qui introduit chaque morceau en direct, fait courir les influx nerveux mais aussi mélancoliques de leur énergie. Rosita BoisseauThéâtre du Rond-Point, 2, bis avenue Franklin-Delano-Roosevelt, Paris 8e. Jusqu’au 6 décembre, 18 h 30. Tél. : 01-44-95 98-21. De 14 € à 40 €.EXPOSITION. Une immersion dans l’œuvre de Bacon, à Monaco Découvrant Monaco au début des années 1940, le peintre anglais Francis Bacon (1909-1992) décide de s’y arrêter, l’air méditerranéen se révélant bénéfique pour soulager son asthme chronique. Il y restera quatre ans, puis y reviendra à plusieurs reprises au cours de sa vie. Une fondation, créée par l’homme d’affaires et amateur d’art Majid Boustany afin de promouvoir l’œuvre de l’artiste et mieux faire comprendre sa démarche et son univers, notamment pendant la période où il résida à Monaco, a été inaugurée en octobre 2014, au cœur de la principauté. Elle réunit à la fois des lithographies, sculptures et toiles de l’artiste, mais aussi des œuvres qui l’ont influencé, des photos, des documents de travail, des lettres, des objets qui l’entouraient dans ses ateliers. Le lieu est ouvert toute l’année aux chercheurs et historiens d’art, mais le grand public y est également accueilli sur rendez-vous. Sylvie KervielFondation Francis Bacon, 21, boulevard d’Italie, Monaco. Mbartfoundation.com.THÉÂTRE. L’affaire Bettencourt relue par Michel Vinaver, au TNP de VilleurbanneC’est une pièce formidable : Bettencourt Boulevard ou Une histoire de France. Ecrite début 2014 par Michel Vinaver, elle met en scène les protagonistes de l’affaire politico-financière la plus marquante de la présidence de Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat y apparaît sous son nom, tout comme Patrice de Maistre, François-Marie Banier, Claire Thibout, Eric Woerth… et bien sûr Liliane Bettencourt et sa fille, Françoise Bettencourt Meyers. La primeur de la création de la pièce revient au Théâtre national populaire de Villeurbanne, où Christian Schiaretti, le directeur, la met en scène. A découvrir ! Brigitte SalinoThéâtre national populaire, 8, place Lazare-Goujon, Villeurbanne (Rhône). Tél. : 04-78-03-30-00. Vendredi et samedi, à 20 heures ; dimanche à 15 h 30. Jusqu’au 19 décembre. Tarifs : 14 € et 25 €.HUMOUR. Une comédie insolente et culottée, au Café de la gare, à ParisSi vous êtes nostalgique du Père Noël est une ordure – la farce mythique de la troupe du Splendid –, si vous avez aimé, beaucoup plus récemment, au cinéma, les six sketchs aussi cruels qu’hilarants des Nouveaux Sauvages (le film de l’Argentin Damian Szifron), alors courez découvrir Ça n’arrive pas qu’aux autres. Cette comédie sociale et insolente renoue avec un humour trash, trop souvent absent des scènes parisiennes. Issus de la troupe de Pierre Palmade, Benoît Moret et Nicolas Martinez ont écrit et mis en scène cette véritable petite bombe humoristique. Heureusement qu’il y a toujours le Café de la gare pour accueillir des pièces aussi brillamment culottées. Sandrine BlanchardCafé de la gare, 41, rue du Temple, Paris 4e. Réservations : 01-42-78-52-51. Durée : 1 h 30. Tarifs : 26 € (10 € pour les moins de 26 ans). Du mercredi au samedi à 21 heures et le dimanche à 16 h 30, jusqu’au 31 décembre. Gilles van Kote Il est un peu plus de 21 h 40, vendredi 13 novembre, et Daniel Psenny, journaliste à la rubrique Télévisions du Monde, travaille chez lui, au deuxième étage d’un immeuble situé derrière le Bataclan. Sur l’écran de la télévision, Jean-Hugues Anglade joue le rôle d’un commissaire de police. Daniel y prête une attention distraite, comme aux déflagrations qu’il entend et qui lui semble provenir de la série.« Comme ça devenait répétitif, je suis allé à la fenêtre et là, j’ai vu des gens sortir en courant et en criant des sorties de secours du Bataclan, qui se trouvent à quelques mètres en biais, de l’autre côté de la rue, raconte-t-il. Dans un premier temps, je me suis dit que c’était une bagarre qui démarrait, un peu plus forte peut-être que celles qui se produisent parfois en marge d’un concert. »Mais de nouveaux coups de feu sont tirés depuis l’intérieur de la salle, à intervalles distincts, pas en rafale, et la panique gagne : des spectateurs sortent par vagues du Bataclan, certains s’effondrent sur la chaussée étroite, d’autres fuient à toutes jambes, d’autres encore tentent de s’éloigner de la salle de concert, mais tombent à terre. Des personnes tentent de leur venir en aide en les traînant.« Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée »« J’ai pris mon téléphone et j’ai filmé, par réflexe professionnel et parce que j’étais en position de le faire, se souvient Daniel Psenny, dont la vidéo a fait le tour du monde. C’était un document qui pouvait ne servir à rien... ou à quelque chose, au cas où. Au début, je demande par la fenêtre ce qui se passe, mais personne ne me répond. »Le journaliste appelle un confrère du Monde, qui l’informe des attaques en cours dans la région parisienne. « C’est là que je prends conscience que ce n’est pas une bagarre et que quelque chose de très grave se passe sous mes yeux. »Les déflagrations cessent au bout d’une dizaine de minutes. « Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée de mon immeuble et que les gens puissent se réfugier dans le hall ou dans la petite cour. Mais personne n’est entré, les gens ne voulaient pas s’arrêter. »Daniel Psenny, qui pense alors que la fusillade est terminée, jette un coup d’oeil prudent dans la rue, voit des corps devant les issues de secours du Bataclan et, à quelques mètres à droite de l’entrée de son immeuble, un homme en tee-shirt rouge allongé face contre terre, visiblement mal en point. Un homme en noir, qu’il ne reverra plus par la suite, s’approche du blessé. Le journaliste vient à la rescousse et les deux hommes tirent le blessé pour le mettre à l’abri dans le hall de l’immeuble. « Comme un bruit de pétard sur mon bras »« J’ai dû ressortir pour refermer la porte de l’immeuble, je ne m’en souviens plus, tout ce que je sais, c’est que la rue semblait vide. Puis, il y a eu comme un bruit de pétard sur mon bras, une très forte douleur et le sang a jailli. La balle, on ne l’entend pas arriver... J’ai compris qu’on m’avait tiré dessus, je n’ai pas vu qui, et ça a recommencé à tirer. A posteriori, je me dis que le tireur était soit sorti dans la rue, soit à la fenêtre du Bataclan qui se trouve au premier étage. Il a dû voir deux hommes traîner un blessé, il était là pour faire un carton, un massacre. »La balle a traversé le biceps gauche et s’est fichée sous le clavier du digicode de l’immeuble. Un voisin fait précipitamment entrer Daniel Psenny dans son appartement. « Mais je n’avais qu’une idée en tête, c’était d’aller à l’hôpital pour m’y faire soigner. J’ai fait un garrot avec une chemise, pour éviter que le sang coule trop fort. »Les voisins du quatrième, que Daniel a appelés depuis l’interphone pour leur demander de l’aide, le font monter chez eux puis reviennent chercher l’homme blessé, un Américain prénommé Matthew. Blessé par balle au mollet, celui-ci est installé sur un canapé. Daniel appelle sur son portable une amie médecin, qui lui prodigue quelques conseils et lui explique comment effectuer des points de compression.Lire aussi :A l’hôpital, Daniel Psenny du « Monde » retrouve Matthew« Tétanisées, prostrées, terrorisées »« J’ai, ensuite, appelé des gens du journal pour leur dire qu’on était coincés, qu’il fallait absolument qu’on nous évacue. Mais les forces de l’ordre interdisaient tout accès au passage et donc a commencé une très longue attente. C’était très angoissant de se dire qu’on était en plein Paris, que l’on allait se vider de notre sang et que personne ne pouvait nous venir en aide. »Les personnes présentes dans la salle de séjour, maculée du sang des blessés, sont « tétanisées, prostrées, terrorisées ». Dans la chambre voisine, un enfant dort. Les détonations ou les allers et venues ne le réveilleront pas, pas plus que les explosions qui secoueront l’immeuble au moment de l’assaut final.Daniel Psenny est en contact régulier par téléphone avec des collègues, la police, les pompiers... « Les saignements reprenaient régulièrement, Matthew était très pâle et vomissait, mais nous n’avons jamais perdu conscience. C’est même étonnant que nous soyons restés aussi lucides, malgré les balles que nous avions prises. »Il faudra attendre une heure du matin et l’assaut final pour que les blessés soient « libérés ». Le Raid, depuis la rue, les autorise à quitter l’immeuble. Daniel Psenny descend à pied les escaliers et tombe nez-à-nez avec un agent du Raid qui le met en joue, le temps de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un assaillant. Il est évacué à pied vers le Cirque d’Hiver.« On m’a dirigé vers un restaurant où était installé un hôpital de campagne, on m’a fait un pansement pour arrêter l’hémorragie, on m’a mis une perfusion puis je suis parti en ambulance pour l’hôpital Pompidou. Là, il y avait beaucoup de monde mais c’était très calme, pas du tout l’ambiance de la série « Urgences« . Les médecins et infirmières nous ont pris en charge de façon très sereine. »Daniel Psenny a été opéré au bras samedi 14 novembre en fin de journée, après d’autres blessés plus gravement touchés que lui. Il est sorti de l’hôpital mercredi 18 novembre.Gilles van KoteDirecteur déléguéSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13 novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.10.2015 à 16h13 • Mis à jour le02.11.2015 à 11h36 | Laurent Carpentier C’est le buzz dans les maisons de disque et devant les lycées. A croire qu’ils sont tous devenus « Peace and Lovés » : PNL. Derrière cet acronyme, un groupe de rap français, avec tous les codes du genre, la banlieue, les maillots de foot, le désœuvrement, la violence, la fumette et les flics jamais loin. Autant d’archétypes glissés dans un gant de velours, par la grâce d’un « low tempo » doucereux et de voix mélodieuses, trafiquées sur logiciels.Lire aussi :PNL, du rap de rue acidulé et aduléFilmés avec soin et force ralentis ensoleillés, leurs clips transforment la cité des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, en des oxymores séduisants, où les attitudes obligées de cailleras se marient à une tendresse aux relents sucrés, entre G-funk et trip-hop, et aux timbres réconciliateurs.Non contents de voir leurs vidéos cartonner sur YouTube (près de 9 millions de visionnages pour Le monde ou rien, 5 millions pour J’suis PNL), voilà qu’ils publient sur leur label QLF Records, sept mois après leur premier album, un deuxième opus, en digital et en physique, cette fois : Le Monde Chico, qui se positionne d’ores et déjà, au lendemain de sa sortie le 30 octobre, en tête des ventes sur i-Tunes.« Il ne faut pas dire “manager” »Au niveau des majors, ça grattouille. Toutes les ont contactés pour les signer. Des ponts d’or qu’ils ont systématiquement refusés, si l’on se fie à Guillaume, leur manager. « Mais il ne faut pas dire “manager”, se reprend-il. Les gens vont croire que c’est un coup marketing. » Pareil pour Lionel : il n’est pas attaché de presse. Quant à Ademo et Nos, les deux frères qui, après avoir chacun rappé de leur côté, se seraient associés pour ce projet commun, ils sont invisibles, ne donnent pas d’interviews, laissent à d’autres la première place dans leurs clips… « Peace and Lovés » dans le secret.A se demander s’ils existent… Dans le Landerneau des maisons de disques, jamais à l’abri d’une parano, certains finissent par y voir anguille sous roche et, derrière tout ça, la main invisible d’une manipulation – sans jamais avancer le moindre début de preuve : « Ils ne seraient pas des Tarterêts… », soupçonnent les uns. « Ce seraient des gars du business…, supposent les autres. Et le projet entier, une vaste opération de marketing… » « Regardez, conjecturent les plus imaginatifs, leur clip Le monde ou rien a été filmé à Naples, dans les cités du film Gomorra… J’suis PNL est tourné à Alicante en Espagne… Tout ça nécessite de l’argent et de la suite dans les idées ! »« Nous sommes très prudents »De fait, ils en ont, de la suite dans les idées. « Si nous sommes très prudents, c’est parce que c’est une habitude de voir les grands frères piquer les projets, tente Guillaume, le “ne-dites-pas-manager”. La chance, c’est que PNL, ce sont déja des grands frères. » Du côté des réseaux sociaux, on ironise ici ou là sur le choix de ces « cailleras » de donner leur premier concert au Palais de Tokyo, haut lieu de la hype parisienne. C’était ce samedi 31 octobre, un set à 3 heures du matin, qui a fait salle comble.Directeurs artistiques à l’affût (ceux-ci n’ont pas oublié que les Sexion d’assaut avaient usé de la même stratégie cryptique à leurs débuts), journalistes en embuscade (« On a toujours pensé : “Le Monde ou rien” », a souri Guillaume quand on l’a contacté)… Le phénomène les amuse et les ravit. « Mais oui, ils sont vraiment des Tarterêts… Et moi, si je suis de là-bas ?… » Guillaume se marre : « Non, non, je ne peux rien vous dire… Mais plus on est silencieux, plus les gens s’inventent des choses. C’est pas forcément mal, et on n’y peut rien. Les deux frères ont lu quelque part que leur modèle était Young Thug, mais ils ne savaient même pas qui il était avant de lire ça. »La concomitance est frappante entre PNL et le rappeur d’Atlanta qui gravit en ce moment Outre-Atlantique les échelons de la notoriété. Signe des temps ? On retrouve le même tempo lent, le même camaïeu d’images juxtaposées dans leurs paroles, à rebours du flow à slogan dont abuse le rap, le même recours dans leurs clips aux ralentis, aux floutages et aux effets de caméra subjective, qui donne à leurs morceaux leur caractère enfumé. Attention, nouvelle vague ? « J’veux du L, j’veux du V, j’veux du G, pour dessaper ta racli, Igo on est voué à l’enfer, l’ascenseur est en panne au paradis. »Le Monde Chico, 1 CD QLF Records. En concert le 31 octobre au Yoyo – Palais de Tokyo, 13, avenue du Président Wilson, Paris 16e.Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Victime de l’annulation de la tournée européenne de Björk, le Pitchfork Festival a remplacé l’Islandaise par Thom Yorke. Un choix dont on admirera la cohérence. Comme la diva scandinave, ce chanteur anglais a été une des figures les plus inspirantes des années 1990 au sein de Radiohead. Comme elle, ce groupe d’Oxford n’a cessé de se réinventer conciliant avec grâce audaces formelles et mélodies fédératrices. Jusqu’à des sommets – Vespertine (2001) pour Björk, le diptyque Kid A (2000) / Amnesiac (2001) pour Radiohead – qui n’eurent pas les suites espérées.Lire aussi :Björk annule sa tournée européenne, dont deux dates en FranceVendredi 30 octobre, Thom Yorke apparaît pour se caler derrière l’un des trois grands pupitres installés sur l’une des deux scènes Pitchfork de la Grande Halle de la Villette. A sa droite, Nigel Godrich, producteur de Radiohead depuis l’album OK Computer (1997), devenu son complice instrumentiste-bidouilleur depuis le début d’une carrière solo parallèle commencée en 2006, avec l’album The Eraser. A sa gauche, Tarik Barri, chargé de mixer en direct les créations vidéos projetées sur les trois grands écrans accrochés derrière les tableaux de bord. Des animations numériques destinées à illustrer l’electro concassée de Tomorrow’s Modern Boxes, dernier opus en date du chanteur.Autonomie et intégrité artistiqueParu en septembre 2014, diffusé via Bit Torrent, le logiciel de partage peer to peer, pour l’équivalent de 4 euros le téléchargement, cet album a une nouvelle fois prouvé l’autonomie et l’intégrité artistique de Thom Yorke. Il a aussi témoigné d’une inspiration peinant à se renouveler.Penché sur ses machines, le trio lance le flot anxiogène sur lequel l’Anglais pose ses psalmodies doloristes depuis trop d’années. A force de fuir la routine du format chanson, Yorke (avec ou sans Radiohead) a fini par privilégier complexité rythmique et textures sonores au détriment du souffle mélodique.Devant la foule parisienne, incapable de fredonner ses nouveaux morceaux, mais toujours fascinée par son indéniable aura, le vocaliste prend un évident plaisir à bricoler ses bandes-son imbibées d’angoisse et de paranoïa. Rarement l’a-t-on vu danser avec autant de vélocité.Lire aussi :Pitchfork se pique de francophilieUn chant doux et touchantDélaissant ses ordinateurs, il se saisit parfois d’une guitare, l’instrument qui porta Radiohead avant d’en devenir le parent pauvre. Dans la seconde partie du concert, l’étouffante monotonie s’anime de dub plus tranchant avant de s’aérer d’atmosphères « ambient » où s’envole enfin un chant plus doux et touchant. Rappelant tout ce que la scène electro-soul et dubstep d’aujourd’hui (Burial, SBTRKT, James Blake…) doit à ces ainés. Et permettant de ne pas totalement désespérer du prochain album de Radiohead, bientôt annoncé.Le bilan de la seconde journée d’un festival, qui se terminera samedi 31 octobre après avoir fait le plein (8500 spectateurs par soir), confirme en tout cas que Pitchfork a trouvé la bonne formule. L’édition parisienne de l’événement créé à Chicago, en 2006, par Pitchfork, site de référence de la critique musicale et du militantisme « indie rock », s’est intelligemment adaptée aux vastes armatures de la Grande Halle. Plaçant une scène à chaque bout du bâtiment, occupant les longues allées intérieures et extérieures de bars, échoppes branchées et points de restauration, l’équipe de Super !, le producteur français en charge du festival, a réussi à recréer « sous serre » la circulation festive des rassemblements estivaux.Cette ambiance, conditionnée par une programmation axée sur quelques-uns des noms les plus excitants de l’avant-garde pop, rock, rap et electro, attire une nombreuse clientèle étrangère et une profusion de jeunes filles stylées et barbus bohèmes.De jolies révélationsCertes, la largeur du lieu, sa hauteur de plafond, le rendent difficile à ambiancer, surtout pour des artistes qui restent à découvrir. Cela n’empêche pas de jolies révélations, comme vendredi celle des instrumentaux rêches et dansants du power-trio new-yorkais Battles, ou de la troublante sensualité de Rhye, portée par le contralto androgyne du chanteur canadien Mike Milosh sur fond de groove soul ralenti et d’arrangements de cordes.Mention spéciale aussi à Kurt Vile, prolifique chanteur et guitariste de Philadelphie (le tout récent – et excellent – B’lieve I’m Goin Down est son sixième album en sept ans) dont la longue tignasse témoigne de sa ferveur intacte pour un certain romantisme rock. L’accent trainant de sa nonchalance s’électrise au contact de guitares acides et d’un banjo hypnotique replongeant dans de vieux fantasmes américains – tourneries country, rêveries psychédéliques, rodéos punk… –, laissant filtrer, avec une classe délurée, angoisses et enthousiasmes intimes.Pitchfork Festival, jusqu’au 31 octobre, à Paris, Grande Halle de la Villette. pitchforkmusicfestival.frStéphane DavetJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Le 1er janvier 2016, Mein Kampf, le seul livre écrit par Adolf Hitler, tombera dans le domaine public, soixante-dix ans après la mort de son auteur, conformément à la loi. Le Land de Bavière, qui en détient les droits depuis le décès d’Hitler, mort sans héritier, ne pourra plus s’opposer à de nouvelles éditions et traductions.Cette perspective nourrit des inquiétudes et est source de polémiques. Plusieurs personnalités politiques, dont, en France, le chef du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon, s’en sont émues et ont exhorté à ne pas republier Mein Kampf, alors que des éditions critiques du livre sont en projet ou en cours d’élaboration.En Allemagne, une édition critique de 2 000 pages devrait voir le jour le 11 janvier  2016, réalisée sous l’égide de l’Institut d’histoire contemporaine de Munich (IFZ). En France, ce sont les éditions Fayard qui envisagent une édition scientifique du texte d’Adolf Hitler. L’éditeur en étudie les modalités, un groupe d’historiens a été constitué, mais aucune date de parution n’a été donnée.« Une composante fortement fantasmatique »Ecrit par Adolf Hitler en prison, publié en deux tomes en juillet 1925, puis en décembre 1926, ce manifeste, qui énonce les bases idéologiques du programme nazi et propage un discours antisémite, a été par la suite souvent revu et corrigé. Mensonger et outrancier, Mein Kampf a « une composante fortement fantasmatique », selon l’expression de son traducteur Olivier Mannoni.En 1945, on estimait à 12 millions le nombre d’exemplaires qui avaient été écoulés. Le livre était souvent offert en cadeau de mariage par les dirigeants du IIIe Reich– et les fonctionnaires étaient obligés de l’acheter. Depuis cette date, sa publication à l’état brut est interdite en Allemagne et aux Pays-Bas, mais pas en France, où le livre n’a cependant pas le droit d’être exposé en vitrine d’une librairie.Sa première édition française remonte à 1934, par les Nouvelles Editions latines (NEL), qui étaient proches de l’Action française de Charles Maurras. C’est cette édition qui continue d’être publiée aujourd’hui par NEL. Elle se vend « entre 600 et 700 exemplaires, chaque année » selon cette maison d’édition. L’institut GfK estime à 2 500 le nombre d’exemplaires vendus chaque année en France. Depuis un arrêt de la cour d’appel de Paris en 1979, le livre doit toutefois être accompagné d’un avertissement de huit pages, pour rappeler l’incompatibilité totale entre les thèses racistes qu’il développe et les valeurs de la République.Disponible sur InternetLe livre-pamphlet d’Hitler, qui compte environ 800 pages, est également disponible sur Internet, mais là sans aucune mise en garde. « Toute personne qui veut se procurer Mein Kampf peut le faire sans difficulté, sur le Net, mais cela s’adresse à un public restreint et ce n’est pas un best-seller en France », assure M. Mannoni.Comme le rappelle le traducteur, « Mein Kampf comprend deux dimensions. La première est biographique et totalement mensongère ; Adolf Hitler y raconte sa vie en se présentant comme un héros. La seconde est une exaltation de la suprématie de l’Allemagne et contient des invectives raciales, à l’égard de tous les pays voisins, sauf l’Angleterre. Adolf Hitler exprime un délire complotiste à l’égard des juifs, qu’il accuse de tout contrôler ». Dans son livre délirant, au sens propre, Adolf Hitler apparaît en quelque sorte comme un « héros » wagnérien, pathétique, fou et dangereux.Reste que dans de nombreuses parties du monde, notamment en Amérique latine, au Brésil, dans les pays arabes, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, Mein Kampf est un livre lu ou en tout cas consulté sur Internet, car il existe de nombreuses versions pirates dans presque toutes les langues. Les Etats-Unis n’échappent pas à la règle, la version numérique de Mein Kampf, dans sa version anglaise, fait aussi recette sur Internet.Dans ces conditions, publier une version retraduite, annotée et expliquée de ce livre qui a marqué au fer rouge l’histoire du XXe siècle paraît le meilleur antidote à son contenu. En France, un groupe de jeunes historiens a d’ailleurs émis l’idée d’une édition en ligne, accompagnée d’appareils critiques des chercheurs. La réédition des Décombres de Lucien Rebatet, en collection « Bouquins » (Ed. Robert Laffont, 1 152 pages, 30 €) par Bénédicte Vergez-Chaignon et Pascal Ory, saluée unanimement par la critique, peut aussi servir d’exemple.« Le Journal d’Anne Frank », lui, ne tombera pas dans le domaine publicContrairement à Mein Kampf, Le Journal d’Anne Frank ne tombera pas dans le domaine public au 1er janvier 2016, comme le voudrait le droit de la propriété intellectuelle en France, a révélé, le 6 octobre, Livres Hebdo. LeFonds Anne Frank de Bâle, en Suisse, a expliqué que l’œuvre écrite par la jeune fille juive allemande de 13 ans, entre juin 1942 et août 1944, puis déportée à Bergen-Belsen où elle a trouvé la mort en mars 1945, répondait à une exception. « Si la règle générale est celle des soixante-dix ans post mortem auctoris, de nombreuses exceptions existent, telles que celles relatives aux œuvres posthumes ou aux œuvres composites », a expliqué l’organisme. Il s’est déjà vendu plus de 30 millions d’exemplaires du livre, et le Fonds Anne Frank espère en conserver les droits exclusifs jusqu’en 2030.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Harry Bellet Série documentaire, sur Arte, à 12 h 05 Voyage didactique et ludique dans « Le Peseur d’or et sa femme », allégorie morale de Quentin Metsys.Depuis plus de cinq cents ans, ils comptent leurs sous, ou plutôt les pèsent, mais c’est bien la première fois qu’on voit pencher leur balance : Le Peseur d’or et sa femme, un tableau peint par Quentin Metsys, à Anvers, en 1514, et aujourd’hui conservé au Musée du Louvre, inaugure une nouvelle série diffusée par Arte et coproduite par la Réunion des musées nationaux (RMN) intitulée Les Petits Secrets des grands tableaux.Son originalité ? Son réalisateur, Carlos Franklin, utilise des procédés d’animation – sans toutefois en abuser – pour raconter l’histoire de l’œuvre et le contexte dans lequel elle a vu le jour, mettant en mouvement la ville d’Anvers au XVIe siècle grâce à d’autres images, contemporaines, ou qui, parfois – hélas –, le sont moins. S’il peut faire tiquer les historiens, le résultat est ludique et devrait plaire aux enfants.Imaginé par la journaliste Elisabeth Couturier, qui s’appuie sur l’historienne d’art Cécile Maisonneuve, le texte dit par Clémentine Célarié est clair, didactique, même s’il n’évite pas quelques anachronismes : ainsi, dans ce cas, l’évocation de la Révolte des gueux. Certes, l’iconoclasme calviniste et la guerre que mena Philippe II d’Espagne en Flandres ont leur importance, mais les faits se déroulèrent un demi-siècle après et n’ont rien à voir avec ce tableau-là.En revanche, le commentaire explique très justement l’importance du change – et le développement de la lettre du même nom, ancêtre du chéquier et astucieux moyen de percevoir des intérêts, pratique condamnée par l’Eglise – à l’époque où Anvers est une plaque tournante du commerce international, et où les monnaies peuvent avoir été frappées à Londres comme en Sicile – n’avoir donc ni le même poids ni la même valeur –, mais aussi ses ambiguïtés dans une société alors catholique où la banque est un métier qui sent le soufre.Modération chrétienneMetsys (1466-1530), un des grands artistes de son temps, ami et portraitiste d’Erasme, en rend compte de la manière la plus subtile qui soit : la lumière du tableau laisse l’or dans la pénombre, mais éclaire la Vierge à l’Enfant qui enlumine le bréviaire de l’épouse du changeur. On pourrait croire que l’artiste dénonce la cupidité : ce n’est pas faux, même si c’est mal connaître la profession (saint Antonin de Florence dénonçait déjà l’avidité des peintres au siècle précédent). Metsys le fera d’ailleurs bien plus clairement six ans plus tard dans un autre tableau aux personnages grotesques, intitulé Les Usuriers…Mais là, il s’agit d’abord de rappeler les hommes d’argent à la loi divine : la balance, qui évoque aussi la pesée des âmes, le miroir convexe posé sur la table, qui reflète le beffroi de la cathédrale, la bougie éteinte, qui est un memento mori, bon nombre d’éléments concourent à faire de cette œuvre moins une représentation exacte de la profession de changeur qu’une allégorie voulant inciter les banquiers à une modération chrétienne, voire erasmienne, dans la pratique de leurs affaires. Le regard de la femme, qui se détourne de son bréviaire pour se poser sur le tas de monnaies, est à cet égard éloquent. Un tableau moral, donc, dont on devrait afficher la reproduction dans toutes les salles de marché.Les Petits Secrets des grands tableaux, série écritepar Elisabeth Couturier et Thomas Cheysson et réalisée par Clément Cogitore et Carlos Franklin (Fr., 2015, 10 x 26 min). Dimanche 1er novembre, à 12 h 05, sur Arte.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.10.2015 à 07h27 • Mis à jour le30.10.2015 à 14h23 Christoph Willibald Gluck Orfeo ed Euridice Version originale de Vienne et temps forts de la version de Paris La première version de l’opéra Orfeo ed Euridice, le chef-d’œuvre de Gluck, à Vienne, en 1762, comme si vous y étiez ! Plus qu’aux cornets à bouquin et autres instruments d’époque adoptés par l’Insula Orchestra, la sensation de remonter le temps est surtout liée à la prestation de Franco Fagioli, contre-ténor à même de faire revivre les castrats. « Euridice ! » (en italien), son premier cri… d’Orphée, a quelque chose de surnaturel pour des oreilles du XXIe siècle. Quel timbre ! Des graves de bronze pour une virilité de statue antique, des aigus du troisième type, à mi-chemin entre l’ange et la bête, et un phrasé apte à gommer toute impression de « curiosité ». Sans minimiser les mérites d’Emmanuelle de Negri (fringant Amour), de Malin Hartelius (déchirante Eurydice), et du chœur Accentus (d’une grande noblesse), le chant de Franco Fagioli invite à parler d’un Orfeo retrouvé, au même titre que la direction de Laurence Equilbey qui fouette les sens autant qu’elle les flatte. Pierre Gervasoni3 CD Archiv Produktion.Raury All We Need Raury est ce jeune artiste d’Atlanta, rappeur et chanteur, qui devait être l’une des révélations des Transmusicales de Rennes de 2014. Seulement, à 18 ans, trop de pressions sur ses épaules, l’auteur des très réussis God’s Whisper et Cigarette Song s’était enfermé dans des pauses de rocker, et avait raté son passage devant le public français. Un an plus tard, son premier album, All We Need, confirme en revanche son talent en studio. Aussi inspiré qu’un Frank Ocean dans le texte, Raury enrichit ses compositions à la guitare de trouvailles électro. Epaulé à la production par Malay sur la majorité des titres et notamment sur les remarquables Forbidden Knowledge et CPU, le rap de Raury ne détonne pas face à des seniors comme Big K.R.I.T. ou le maître du Wu Tang Clan, RZA. Il va jusqu’à se mesurer au guitariste de Rage Against The Machine, Tom Morello pour Friends, où Raury raconte comment il se sert de ses amis sur Twitter ou Facebook pour faire le tour des Etats-Unis à moindre coût. A la guitare, à la basse et aux claviers pour Mama, le jeune chanteur prend des intonations pop à la Queen. Sa mère peut être fière. Stéphanie Binet1 CD Columbia/Sony Music.Francesco Cavalli Héroïnes du baroque vénitien Mariana Flores (soprano), Anna Reinhold (mezzo-soprano), Cappella Mediterranea, Clematis, Leonardo Garcia Alarcon (direction) Tel un Midas musicien, Leonardo Garcia Alarcon transforme tout ce qu’il touche en or. Ainsi ce double album, précieux en découvertes, consacré à l’un des maîtres de l’opéra baroque vénitien, Francesco Cavalli (1602-1676). Une quarantaine de scènes et d’airs, extraits de vingt-sept opéras, parcourent, de 1639 à 1667, la vaste production de l’héritier du grand Monteverdi. A la tête de sa brillante Cappella Mediterranea et du bel et ductile ensemble Clematis, la direction électrisante du chef argentin sert magistralement cette musique riche et contrastée, étonnamment théâtrale, subtile et sensuelle. Le plateau soliste est dominé par l’engagement radieux de la soprano argentine Mariana Flores, dont le timbre chaud épouse avec la même aisance l’élégance raffinée et dansante de Didone dans le Re de Getuli altero ou la poignante déploration d’Adelante dans Serse. Inutile de préciser qu’on attend avec impatience les débuts d’Alarcon à l’Opéra de Paris en 2016 dans le dernier chef-d’œuvre de Cavalli, Eliogabalo. Marie-Aude Roux2 CD Ricercar.The Zombies Still Got That Hunger Devenu un groupe culte bien après sa première période d’activité dans les années 1960 (souvent résumée au succès des chansons She’s Not There et Time of The Season et l’album pop-psyché Odessey and Oracle, publié en avril 1968), le groupe britannique The Zombies a plus ou moins repris une activité à partir des années 1990 avec séparations et retrouvailles et la formation originale réduite depuis 1999 au chanteur Colin Blunstone et au claviériste Rod Argent. Leur sixième album, Still Got That Hunger, a pour l’essentiel été écrit et composé par Rod Argent. La pochette réalisée par Terry Quirk, qui avait fait celle d’Odessey and Oracle, constitue un évident clin d’œil. On évolue ici du rock classique dans son imprégnation blues (Moving On, Edge of The Rainbow) à la pop de plaisante facture (Chasing The Past, New York, Now I Know I’ll Never Get Over You en ambiance californienne, le baroque Beyond The Borderline) avec teintes jazzy (I Want You Back Again, When We Were Young Again). De belles mélodies et harmonies vocales, le savoir-faire de Blunstone et Argent constituent un petit plus par rapport à des dizaines de groupes sous inspiration Zombies. Avec un effet nostalgie qui incite à une appréciation bienveillante. Sylvain Siclier1 CD Cherry Red Records/Socadisc.Caravan Palace Bien malin celui qui pourra nommer le nouvel album de Caravan Palace, le troisième depuis la formation du groupe en 2008, qui avait créé la surprise avec son swing électro déluré et rigolo. Le symbole graphique ornant la pochette garde son mystère. On a affaire à des musiciens joueurs. Leur univers cultive la légèreté. C’est gai, ça sautille, ça tricote et caracole sans se soucier de profondeur, de replis secrets, d’intériorité. Caravan Palace revendique le plaisir simple et sans apprêts. En apparence, car de la voix aux instruments (basse, guitare, violon, trombone, piano), rien n’est naturel, tout est repensé, rhabillé, trafiqué, bidouillé au son électro. Synthés et programmations se paient la part du lion, dans cette relecture d’une certaine idée du swing d’antan (Django, foxtrot, charleston, scat…) à laquelle s’ajoute une pincée de boogie-woogie énervé. A l’écoute, cela donne une étrange impression de musique hors du temps, comme sortie d’un vieux transistor au son brouillé d’interférences contemporaines. Très plaisant et idéal pour danser ou gigoter. Patrick Labesse1 CD Café de la danse/Wagram.Dave Gahan & Soulsavers Angels & Ghosts En s’absentant de Depeche Mode pour enregistrer un deuxième album sous son nom avec les Soulsavers (un duo de producteur anglais, Rich Machin et Ian Glover, amoureux de chœurs gospel et d’orgue vintage), Dave Gahan n’abandonne pas les influences blues qui imprègnent son chant depuis le début des années 1990. Mais plutôt que de surenchérir dans la grandiloquence qui plombait Delta Machine (2013), le dernier opus des icônes de l’electro-pop, le baryton enfiévré de l’Anglais tente d’insuffler un peu de délicatesse à ses suppliques. Les mélodies d’Angels & Ghosts ne brillent pas toutes par leur subtilité (l’imploration balourde de Shine), mais ces ballades, entourées de la chaleur d’une vraie instrumentation, peuvent s’épanouir avec mélancolie (All of This and Nothing) et retenue (One Thing), entre dépression et confiance retrouvée. Finement décoré de cordes et de cuivres mordorés, un titre comme The Last Time, pourrait même figurer au répertoire des Tindersticks. Stéphane Davet1 CD Columbia/Sony Music.Divers Artistes Vol pour Sidney (aller) Au moment où a été fêté par son fils et sur les lieux de l’événement le souvenir (Le Monde du 24 octobre) du « Soir où… l’on cassa l’Olympia », le 19 octobre 1955 lors d’un concert de Sidney Bechet (1897-1959), est réédité Vol pour Sidney (aller). Cet hommage au saxophoniste et clarinettiste, publié à l’origine en mai 1992, rassemblait des interprétations de compositions de Bechet par des musiciens qui, pour la plupart d’entre eux, pouvaient sembler avoir peu de rapport avec le musicien identifié au style New Orleans des origines du jazz et à quelques « fantaisies » à succès dont Les Oignons. Dont les saxophonistes Lol Coxhill, Michel Doneda et Evan Parker, généralement perçus comme tenants du free européen, le bluesman Taj Mahal, le pianiste Steve Beresford, les batteurs Elvin Jones (du quartette historique de John Coltrane) et Charlie Watts (des Rolling Stones), le supergroupe The Lonely Bears (avec Tony Hymas et Terry Bozzio), le saxophoniste Lee Konitz… Les rencontres souvent inattendues des uns avec les autres, le respect musicien à l’égard du sujet et les promenades stylistiques jusqu’à la pop de cette évocation de Bechet, constituent une savoureuse réussite, pochette et livret compris. Sylvain Siclier1 CD Nato/L’Autre Distribution. 30.10.2015 à 05h49 • Mis à jour le30.10.2015 à 19h36 Le tribunal de Cracovie a refusé vendredi 30 octobre l’extradition vers les Etats-Unis du cinéaste Roman Polanski, accusé de viol sur mineure. Elle était réclamée par la droite polonaise conservatrice, tout juste victorieuse aux élections législatives.« Le tribunal a conclu à l’inadmissibilité d’extradition aux Etats-Unis du citoyen polonais et français Roman Polanski », a déclaré devant la presse le juge Dariusz Mazur. Le parquet polonais qui représente la requête américaine peut toutefois aller devant la cour d’appel.« Je n’avais pas de doute »« Je suis évidemment très heureux que cette procédure touche à sa fin. Cela m’a coûté beaucoup d’efforts, de problèmes pour ma santé et aussi pour ma famille, a réagi le cinéaste lors d’une conférence de presse. Je suis content d’avoir fait confiance à la justice polonaise. Je n’avais pas de doute que cette affaire allait bien se terminer. Je retourne à ma famille. »La veille de la décision, un ex-ministre de la justice et ténor de la droite conservatrice s’est déclaré en faveur de cette extradition, marchant dans les pas du chef de son parti conservateur catholique et populiste Droit et justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski.Début octobre, M. Kaczynski disait « rejeter l’idée de gracier quelqu’un, du simple fait qu’il soit un réalisateur éminent, mondialement connu ». Jeudi, Zbigniew Ziobro, élu député sur les listes du PiS, affirmait à son tour : « On ne peut protéger personne contre sa responsabilité pour un acte aussi odieux que celui d’avoir abusé d’une mineure », insistant que « la pédophilie est un mal qu’il faut poursuivre ». Demande d’extradition américaine depuis janvierEn janvier, les Etats-Unis avaient adressé à la Pologne une demande d’extradition de Roman Polanski, 82 ans, après une apparition publique à Varsovie du réalisateur du Bal des Vampires et de Rosemary’s Baby.Lire le portrait : Polanski : les films et la vie En 1977, en Californie, Roman Polanski, alors âgé de 43 ans, avait été poursuivi pour avoir violé la jeune Samantha Geimer, 13 ans. Après 42 jours de prison, puis sa libération sous caution, le cinéaste qui avait plaidé coupable de « rapports sexuels illégaux » avec une mineure s’était enfui des Etats-Unis avant la lecture du verdict, craignant d’être lourdement condamné.Aucune mesure préventive prise en PologneLa ligne de défense de ses avocats polonais consiste à démontrer que la demande d’extradition n’est pas fondée, compte tenu de l’accord passé à l’époque entre le cinéaste et la justice américaine. Aux termes de cet accord, accepté selon eux par le procureur et les avocats de la victime, la peine prévue a été purgée par leur client.Le 22 septembre, en présence du cinéaste, ses avocats avaient présenté au tribunal de nouveaux documents, analyses d’experts et témoignages réunis lors des procès précédents aux Etats-Unis et en Suisse. A la sortie du tribunal, M. Polanski avait déclaré :« Je voulais savoir quels documents seront présentés et reconnus (valables) par le tribunal. Je suis content que presque tous aient été acceptés. »Le 25 février, lors de la première audience, le cinéaste avait fourni pendant neuf heures des explications, à huis clos. Aucune mesure préventive n’a été prise en Pologne contre Roman Polanski, citoyen polonais et français, qui reste entièrement libre de se déplacer. Service culture Le Grand Prix du roman de l’Académie française a été attribué, jeudi 29 octobre, ex-aequo à Hédi Kaddour pour Les Prépondérants et à Boualem Sansal pour 2084 (publiés tous deux chez Gallimard). C’est la troisième fois de son histoire que le Grand Prix, qui fête son centenaire, vient récompenser simultanément deux ouvrages. Le troisième roman en lice était Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier, prix littéraire du Monde).Lire aussi :Boualem Sansal : « L’islam s’est mondialisé, il a un coup d’avance »Boualem Sansal était présenté depuis des semaines comme archi-favori pour le prix Goncourt ; son éviction du carré des finalistes, mardi 27 octobre, avait semblé le transformer en récipiendaire annoncé du prix de l’Académie. Hédi Kaddour, pour sa part, est encore dans la course pour le Goncourt. Goût du romanesqueS’ils partagent la même couverture crème de Gallimard, ces deux romans n’ont pas grand chose en commun, si ce n’est le goût du romanesque. 2084 est une dystopie, manière de suite au 1984, de George Orwell. Elle a pour décor l’Abistan, immense empire dévoué à Abi, messager de Yölah sur terre, qui maintient sa population dans la soumission et l’amnésie.Avec 2084, l’un des grands succès de librairie de cette rentrée, l’écrivain algérien Boualem Sansal, en délicatesse de longue date avec son pays (dans lequel il vit toujours), livre une parabole cauchemardesque sur l’instrumentalisation politique de l’islam.Les Prépondérants est un grand roman-monde sur les années 1920, situé essentiellement dans un protectorat du Maghreb, qui encapsule les enjeux d’une époque (prémices de la décolonisation, montée des périls en Europe…) tout en brassant les genres littéraires – roman d’aventures, d’amour, de formation, comédie de mœurs…L’obtention du Grand Prix de l’Académie, même partagé, sera-t-il un obstacle à l’obtention du Goncourt par Hédi Kaddour ? Le cas d’un doublé s’est déjà présenté, ainsi avec Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (Gallimard, 2006). Et comme les jurys des grands prix semblent décidés à surprendre leur monde, rien ne semble exclu.Service cultureJournaliste au Monde Stéphanie Le Bars Des décennies de tergiversations, un concept paradoxal et, désormais, une course contre la montre : si tout va bien, le dernier-né des musées nationaux américains, qui sera consacré à l’histoire des Afro-Américains, sera inauguré en septembre 2016 à Washington par Barack Obama. Les concepteurs du musée s’en sont fait la promesse : le premier président noir des Etats-Unis coupera le ruban du National Museum of African American History and Culture (NMAAHC). Quoi de mieux que la force symbolique de cette image pour lancer sous les meilleurs auspices ce projet maintes fois avorté ?L’ouverture du NMAAHC sur le National Mall verdoyant de la capitale fédérale, bordé par la quinzaine de musées nationaux gérés par la très officielle Smithsonian Institution, constitue en effet un événement politique autant qu’une gageure scientifique. Aujour­d’hui, l’imposant bâtiment de six étages, figurant une couronne africaine composée de centaines de plaques de fer forgé – hommage au travail des esclaves dans les Etats américains du Sud aux XVIIIe et XIXe siècles –, trône en bonne place sur l’esplanade de la capitale, au pied de l’obélisque du Washington Monument. Cet emplacement, au cœur des mémoriaux et musées qui fondent l’identité nationale américaine, n’est pas anodin : avant même la pose de la première pierre, en 2012, il a constitué une victoire symbolique pour les promoteurs du projet – au fil des ans, les ­désaccords sur la localisation du musée, que certains souhaitaient hors du Mall, ont nourri les atermoiements sur sa construction.Histoire ancienneTout cela est désormais de l’histoire ancienne. A quelques centaines de mètres du ­bâtiment encore en chantier, le Musée national de l’histoire américaine héberge, jusqu’à l’ouverture, une exposition préfigurant le ­futur musée. Y sont présentés 140 des 33 000 objets collectés à ce jour par le NMAAHC autour des grands thèmes retenus par le musée : l’esclavage, la ségrégation, la vie des communautés, la culture et le sport. Un tableau figurant des esclaves en fuite ouvre l’exposition, qui se poursuit avec les photos d’une famille éduquée ayant obtenu sa liberté. La collerette d’Harriet Tubman, une esclave du Maryland qui a facilité l’évasion de nombre de ses compagnons, y côtoie le barda de soldats noirs durant la guerre civile, la nappe sur laquelle fut rédigé l’argumentaire demandant la déségrégation scolaire dans les années 1950, la combinaison du premier ­astronaute noir ou des costumes de scène d’artistes… La plus grande pièce du futur musée, un wagon datant de la ségrégation avec des sièges réservés aux gens de couleur, ne sera visible que lors de l’inauguration.La nécessité de donner à voir la vie des Américains d’origine africaine et leur présence dans la grande épopée des Etats-Unis a mis des années à s’imposer. L’idée d’honorer la mémoire des Afro-Américains remonte à 1915 : des anciens combattants noirs de la guerre civile (1861-1865) demandent alors – en vain – l’érection d’un mémorial. En 1929, le Congrès donne son accord à la création d’un musée mais, alors que le pays plonge dans la crise, lui refuse toute subvention. A la fin des années 1960, dans la foulée des victoires liées aux droits civiques, l’idée est relancée, mais là encore, ni le monde universitaire ni le monde politique ne pousse en ce sens. « Longtemps, le groupe dominant, l’homme blanc d’origine européenne, a choisi de ne pas inclure cette ­histoire dans le récit national », analyse Rhea L. Combs, la conservatrice du nouveau musée.Le Congrès donne son feu vert en 2003Les efforts sont relancés à la fin des années 1980 par des élus comme John Lewis, un compagnon de route de Martin Luther King. Il se heurte cependant à une frange ultraconservatrice de parlementaires qui ne veulent pas mettre un dollar dans un tel projet. Les opposants au musée afro-américain, à l’instar du sénateur de Caroline du Nord Jesse Helms mettent en avant le risque d’être confrontés à « des demandes communautaires » sans fin. A cette époque, le Congrès vote pourtant les fonds pour la création du Musée des Indiens d’Amérique, qui verra le jour en 2004.Des raisons moins avouables expliquent ces réticences, estime Julieanna Richardson, fondatrice, à Chicago, de l’institution The History Makers, consacrée à la préservation et à la collecte de milliers de témoignages audiovisuels d’Afro-Américains.« N’oublions pas qu’un groupe social a considéré pendant des décennies qu’un autre groupe n’avait pas de valeur », souligne cette ancienne avocate. Difficile dans ces conditions de lui accorder une place dans le récit national sans stigmatiser la partie de la population qui l’avait humilié. Au-delà des réels problèmes financiers, « le projet s’est en outre heurté durant des années à un manque d’éducation, un manque d’appréciation et un manque de documentation », estime-t-elle. Il aurait aussi pâti de la volonté de valoriser principalement « une histoire heureuse » de l’Amérique, estime de son côté l’historien John W. Franklin, aujourd’hui conseiller auprès du directeur du NMAAHC.Il faudra donc attendre 2003 pour que le Congrès accorde son feu vert à la construction du musée afro-américain, après l’avis favorable d’une commission mise en place par le président George W. Bush et le soutien des responsables de la Smithsonian Institution. La moitié du budget, qui atteint 500 millions de dollars, est pris en charge par les finances publiques, à charge pour les promoteurs de le compléter par des dons privés. Parmi ces donateurs, l’animatrice et actrice Oprah Winfrey a apporté à elle seule 13 millions. Douze ans plus tard, et à moins d’un an de l’ouverture programmée, quelque 60 millions de dollars manquent encore à l’appel, selon M. Franklin.Contribuer à « la réconciliation entre les races »Ces difficultés matérielles n’ont pas remis en cause le consensus qui semble désormais acquis en faveur du projet. En revanche, une question de fond demeure : si le but consiste à (ré) introduire la population d’origine africaine dans l’histoire, sombre ou joyeuse, de l’Amérique, faut-il lui consacrer un lieu spécifique ? « Les femmes, les juifs ou les Indiens d’Amérique ont leur musée ; consacrer un musée à l’histoire des Afro-Américains n’est pas plus paradoxal », explique Mme Richardson. « Il fallait créer ce lieu, car il n’existait pas d’autres endroits où était racontée une histoire collaborative, soutient Jacquelyn Serwer, commissaire en chef du musée. Nous allons nous efforcer de montrer que pas un grand événement ne s’est produit aux Etats-Unis sans que les Noirs y soient impliqués. L’objectif est de créer des interconnexions, de démanteler les séparations. » « Le musée ne sera pas un musée sur les Afro-Américains mais pour les Afro-Américains », affirme son directeur, Lonnie Bunch.Conçu par la commission mise en place par M. Bush comme un lieu de « guérison » susceptible de contribuer à « la réconciliation entre les races », le musée saura-t-il tenir ses promesses ? Les promoteurs du projet assurent qu’il ne s’agit « ni de victimiser les Noirs ni de culpabiliser les Blancs ».« L’idée est que ce musée contribue à une meilleure compréhension réciproque, explique la conservatrice du musée. On veut montrer que, comme dans les familles blanches, les origines et les histoires des familles noires sont multiples. Que l’énergie de la culture afro-américaine a irrigué la ­culture en général ou que les sportifs noirs sont des diplomates de l’Amérique à travers le monde. »Trouvaille archéologique rareEn dépit des difficultés à rassembler des objets ayant appartenu aux esclaves, le musée entend pallier le manque de connaissances de la société américaine sur la période de l’esclavage, « le péché originel dont l’Amérique ne s’est toujours pas remise », ainsi que l’a récemment qualifiée Hillary Clinton, candidate à l’investiture démocrate. « La plupart des Américains pensent encore que l’esclavage était limité aux Etats “ignares” du Sud alors que les nordistes aussi furent esclavagistes », explique M. Franklin. Le musée exposera ainsi une trouvaille archéologique rare : des objets recueillis dans l’épave d’un navire négrier ­portugais, qui a sombré en 1794 au large de l’Afrique du Sud. Mais il a aussi l’ambition de s’attaquer à la persistance des discriminations à l’encontre des Afro-Américains. « On collecte actuellement des tracts et des objets liés aux manifestations de Ferguson [ville du Missouri en proie à des émeutes après la mort d’un jeune Noir tué par un policier blanc en 2014] ou aux actions du mouvement ­Blacklivesmatter [les vies noires comptent] », indique Rhea L. Combs.L’« histoire heureuse » des populations d’origine africaine cohabitera donc avec la violence institutionnelle de l’Amérique blanche durant la période coloniale ou les années de ségrégation, et ses séquelles actuelles. Ses promoteurs le savent : l’enjeu sera de trouver un équilibre entre la mise en scène des connais­sances académiques et le risque de tomber dans une forme de militantisme. « On espère aussi en faire un lieu de débats sur les thèmes difficiles que sont l’esclavage, la ségrégation et les discriminations, alors que des institutions “blanches” auraient peut-être peur d’être entraînées sur de tels terrains », assure Jacquelyn Serwer. Les responsables du musée espèrent attirer 3 millions à 3,5 millions de visiteurs par an et placer ainsi le NMAAHC dans le tiercé de tête des musées nationaux. Juste derrière le Musée de l’espace, et au coude-à-coude avec celui consacré à… l’histoire américaine.Stéphanie Le BarsJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.10.2015 à 17h49 • Mis à jour le28.10.2015 à 18h20 Le successeur de Nonce Paolini à la tête du groupe audiovisuel français, Gilles Pélisson, choisi mercredi 28 octobre par le conseil d’administration de Bouygues, arrive dans un contexte difficile, marqué par le déclin des audiences et des bénéfices.Lire aussi :Gilles Pélisson succédera à Nonce Paolini à la tête de TF1 21,4 %C’est la part d’audience de TF1 en septembre, pour 14,4 % pour France 2 et 10,1 % pour M6. En août, l’audience était tombée à 20,1 %, un niveau historiquement bas pour la chaîne qui connaît un déclin quasi continu depuis des années. TF1 enregistrait 44,8 % d’audience en 1988, 35,3 % en 1998, et 27,2 % en 2008. Depuis dix ans, les parts de la chaîne sont aussi grignotées par celles de la TNT.Face à cette érosion, TF1 rappelle qu’elle déploie une stratégie pour l’ensemble de son groupe qui vise à faire progresser l’audience de ses chaînes secondaires (HD1, NT1 et TMC). Elle insiste sur l’audience agrégée de ses quatre chaînes (27,4 % de part en moyenne en 2015, selon des chiffres de fin août), voire sur son audience numérique, où sa plate-forme MyTF1 progresse, avec environ 15 millions de vidéos vues par mois. Lire aussi (édition abonnés) :TF1 tente de contrer l’érosion de son audience413 millions d’eurosC’est le montant du résultat net part du groupe pour 2014. Il était en forte hausse par rapport à 2013 (137 millions d’euros). Mais ce résultat est en trompe-l’œil car il intègre la plus-value liée à la cession du contrôle d’Eurosport à Discovery Communications, en mai 2014, pour 299,5 millions d’euros.En réalité, la baisse des bénéfices est continue : 250,3 millions d’euros en 2000, 228 millions d’euros en 2007 et, donc, 137 millions d’euros en 2013. Du coup, l’actionnaire principal de la chaîne, le groupe de BTP Bouygues – qui détient 43,5 % des parts de l’entreprise –, a exigé, en 2008, un plan d’économies. Nonce Paolini a joué le tueur de coût, imposant un régime minceur inédit qui s’élève aujourd’hui à quelque 24 millions d’euros. Son successeur s’inscrira dans la continuité de cette stratégie.Lire aussi :TF1, toujours seule en tête 700 millions d’eurosC’est le trésor de guerre, considérable, de TF1. La chaîne a vu sa trésorerie augmenter de 491 millions d’euros grâce à la vente de ses 49 % restants dans la chaîne sportive Eurosport à l’américain Discovery, en juillet. Fin 2014, les réserves du groupe audiovisuel s’élevaient déjà à 497 millions d’euros. Après versement des dividendes, la trésorerie devrait se situer à 700 millions d’euros. De quoi relativiser les pertes occasionnées par le quotidien gratuit Metro, qui a cessé en juillet de faire paraître son édition papier, ou de la chaîne d’info en continu LCI.Avec l’arrivée de M. Pélisson, les annonceurs attendent que TF1, assez prudent jusqu’ici, s’engage sur des investissements. Le groupe pourrait choisir de faire des acquisitions dans le numérique ou dans la production de contenus.Lire aussi :TF1 gonfle sa trésorerie en se désengageant totalement d’Eurosport 8,5 millions d’eurosC’est la perte enregistrée par LCI en 2014. L’avenir de la chaîne d’information est suspendu à une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur son passage en gratuit, qui doit intervenir d’ici à la fin de l’année. Sa précédente demande avait été rejetée par le CSA, mais le Conseil d’Etat a annulé cette décision, pour des raisons de procédure.TF1 considère que LCI n’a pas d’avenir sur la TNT payante, dont l’usage est en déclin (200 000 abonnés environ). Si le CSA ne lui accorde pas le passage en gratuit, TF1 a affirmé envisager l’arrêt de l’exploitation de sa chaîne après le 31 décembre.Lire aussi (édition abonnés) :Pour passer en gratuit, LCI se présente en anti BFM Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.11.2015 à 06h58 • Mis à jour le23.11.2015 à 11h41 | Renaud Machart Documentaire sur LCP à 20 h 30On se dit : deux heures, ou presque, d’entretien avec Valéry Giscard d’Estaing, devant une table de salle à manger recouverte d’un épais drap vert billard, cela ne va pas être folichon. Et l’on a tort.D’abord, parce que l’auteur et le meneur de cette conversation filmée, dont LCP diffuse les deux parties à une semaine d’intervalle, est Frédéric Mitterrand. L’écrivain, cinéaste, homme de télévision et ancien ministre de la culture n’a pas son pareil pour créer de l’empathie avec son interlocuteur, sur un ton de politesse feutrée et empreint de tact.Grâce à une insolence subtilement tempérée, Frédéric Mitterrand parvient à faire dire des choses inattendues à l’ancien président de la République et même à réveiller quelques « blessures secrètes ». Celui-ci proteste bien un peu (« Vous allez dans des détails… ») mais, sans faillir aux usages de sa bonne éducation, lance deux ou trois vacheries – et même un peu plus – assez réjouissantes.Un président sous-évaluéLe passage en revue des chefs d’Etat de son temps, de ses ministres et de certains de ses contemporains est ainsi assez succulent. Jacques Chirac – son grand ennemi – en prend pour son grade, et François Mitterrand (que VGE respectait néanmoins) aussi. Frédéric Mitterrand rappelle avec justesse que le nom de M. Giscard d’Estaing n’est pas volontiers associé à de grands travaux culturels, alors qu’il a commandité le Musée d’Orsay, la Cité des sciences et l’Institut du monde arabe. L’intéressé concède qu’il vit cela comme une « injustice blessante », ironisant doucement sur « ces présidents qui font des bâtiments à leur gloire… »On se rend compte, alors que tant de réformes fondamentales lui sont redevables (la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, entre autres), que Valéry Giscard d’Estaing demeure un président sous-évalué, à l’image – il est vrai un peu raide – trop moquée. L’homme, à près de 90 ans, témoigne toujours d’une vive intelligence et n’essaie pas de masquer qui il est profondément.Mémoire viveAinsi, quand Frédéric Mitterrand lui demande : « Est-ce que vous vous sentez bien dans cette société d’aujourd’hui ? », l’ancien président n’hésite pas : « Non ! La société française qui m’intéressait, je la vois disparaître. C’était une société plus organisée, plus courageuse, acceptant son long passé historique, écartant l’obsession des vacances et de l’information à tout prix. Donc non, je ne suis pas heureux dans cette société. Je préférais la société “de juste avant”. »Cultivé et lettré, VGE est de cette génération où il était normal qu’on sache (il dirait « qu’on sût ») des poèmes de mémoire. Et de citer, à la fin de ces entretiens, celui de Charles Baudelaire Moesta et errabunda (« Triste et vagabonde ») : « L’innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,/ Est-il déjà plus loin que l’Inde et que la Chine ?/ Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,/ Et l’animer encore d’une voix argentine,/ L’innocent paradis plein de plaisirs furtifs ? » Sur ces derniers mots, la voix se casse, et les larmes viennent. Rideau.Sans rancune et sans retenue, conversations inédites entre Frédéric Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing, réalisé par Gaël Bordier (Fr., 2015, 2 x 52 mn). La seconde partie sera diffusée le 30 novembre, à 20 h 30. Lundi 23 novembre à 20 h 30 sur LCP.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 19h46 • Mis à jour le23.11.2015 à 09h54 | Anne Michel (Brest) Par paquets serrés, ils s’engouffrent dans la salle de concert, frigorifiés et impatients, entre deux rafales d’un fort vent d’Ouest. Ce samedi 21 novembre, une semaine après les attentats de Paris, le Vauban, haut-lieu de la culture et de l’identité brestoises, a décidé d’ouvrir grand ses portes au public, en soutien aux familles des victimes, au Bataclan et à tous les professionnels du spectacle.Joseph D’Anvers est à l’affiche ce soir. Chacun paie ce qu’il veut, pour écouter ce chanteur de pop française élégante, influencé par Dominique A et Miossec, l’enfant chéri de Brest et du Vauban. « Une soirée de résistance face à la barbarie » avec beaucoup de chaleur humaine, a promis la société de production Quai ouest musiques.« Tous au concert... J’ai trouvé que c’était un bel acte que de dire  “essayons de ne rien changer, ne cédons pas à la panique ou à la peur, face à ce terrorisme physique et moral ”», raconte Joseph d’Anvers, assis dans un salon sans âge du vieil hôtel-restaurant bâti dans l’après -guerre. Ecoutons de la bonne musique, dansons, buvons des verres... un droit que ces barbares et ignorants ne nous enlèveront pas ».Une drôle de résonance« Bon, poursuit-il en esquissant un sourire forcé, les artistes ne pourront pas sauver l’humanité, sinon John Lennon l’aurait fait au moment d’Imagine. Mais notre rôle à nous est de continuer à faire ce qu’on sait faire... pour moi, monter sur scène et chanter. Si nous nous arrêtons à cause de la pression ou de la censure, notre société ira encore plus mal... »Le chanteur, qui habite à Paris non loin du Bataclan, mais était en tournée à Clermont-Ferrand le soir des évènements, avoue que certaines de ses chansons prennent aujourd’hui une drôle de résonance. Comme « Regarde les hommes tomber » sur l’album « Les matins blancs », sorti en février, ou ces mots : « cette belle jeunesse ne durera pas, cette belle jeunesse embrasse-la... » A quelques pas de lui, à côté de l’entrée où se presse un public plus sage que d’ordinaire, composé de jeunes, d’un peu moins jeunes et de familles, Jacques Guérin, patron de Quai Ouest Musiques, bien connu pour son Festival du bout du monde sis dans la presqu’île éponyme de Crozon, est un peu fébrile. L’évènement lui tient à coeur. La tragédie du Bataclan reste prégnante, dans toute son horreur.« Ne pas baisser la garde »« On a tous été attaqués de plein fouet et pour notre profession, cela fait froid dans le dos. Les concerts sont des lieux d’échange et de vie, observe cette figure locale. C’est la liberté qui a été assassinée, cela va bien au-delà des mots. Mais le pays de Jaurès, de Mendès France, notre pays de résistants, restera debout ».« On se doit de continuer pour les générations à venir. Il ne faut pas baisser la garde », dit-il. Mais en montant sur scène pour annoncer la minute de silence, sa voix tremble sous l’émotion. Dans la salle, les applaudissements pleuvent, avant les premiers sons de basse.« On est là pour Joseph d’Anvers, pour le plaisir d’être là avec nos amis et aussi parce qu’il n’était pas question d’y renoncer. Nous connaissons tous quelqu’un qui connaissait quelqu’un au Bataclan », dit Sébastien Le Gall, un quadragénaire venu spécialement de Vannes, dans le Morbihan. «  Dans ces moments-là, ça fait du bien de sortir, se retrouver ensemble », renchérit sa soeur Valie.« Tous debout »Le fils de leurs amis, Malo Binjamin, 12 ans, qui a parlé des évènements au collège, acquiesce : « C’est important que je sois là aussi. Mes parents y tenaient. Sinon on ne bougera plus ». La salle s’est remplie quand Joseph d’Anvers prend le micro. En retrait près du bar, dans ce lieu plus que jamais vivant, Charles Muzy, le propriétaire des lieux, ami des artistes, se sent ce soir un peu le père de tous ces enfants du rock : « J’ai été assailli de coups de fils après les attentats pour savoir si on restait ouvert, glisse-t-il. C’est plus que jamais le cas ! Il n’y a que la défection des artistes qui m’empêcherait d’ouvrir. Et ils sont tous debout ». De Rome, où il était ce samedi, Christophe Miossec a envoyé, par texto, un message de solidarité.Anne Michel (Brest)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 14h49 • Mis à jour le23.11.2015 à 14h52 | Harry Bellet Le Museo Civico di Castelvecchio, à Vérone (Italie) a été victime jeudi 19 novembre d’un vol spectaculaire : 17 tableaux – un ensemble estimé entre 10 et 15 millions d’euros – ont été dérobés peu avant la fermeture des locaux et leur mise sous alarme. Trois hommes armés et masqués ont maîtrisé la caissière et le gardien présent, avant de décrocher les œuvres et de s’enfuir avec la voiture du gardien.« C’étaient des professionnels, ils n’ont pas dit un mot » , a commenté le responsable de la communication de la ville Vérone, Roberto Bolis, qui pense que les voleurs répondaient à une commande. « Ils n’étaient visiblement pas des experts et ont surement pris des tableaux indiqués dans une liste, pas les plus précieux du musée. Des 17 œuvres volées, quatre ont vraiment de la valeur. », a-t-il ajouté. Flavio Tosi, maire de Vérone, pense aussi avoir à faire à des professionnels agissant pour un tiers : « ils connaissaient le musée, et savaient ce qu’ils cherchaient ». Tableaux invendablesLes tableaux dérobés sont en effet répertoriés, et invendables sur le marché légal. Il s’agit de La Madone à la caille, de Pisanello, du Saint Girolamo pénitent de Jacopo Bellini, d’une Sainte Famille d’Andrea Mantegna, de deux portraits de Giovanni Francesco Caroto, de cinq tableaux du Tintoret (Sainte Vierge allaitante, Transport de l’arche de l’alliance, Banquet de Baltasar, Samson et Jugement de Salomon, plus un autre de son entourage), de deux tableaux peints par son fils Domenico, d’un Rubens, d’un Paysage et d’un Port de mer de Hans de Jode et du Portrait de Girolamo Pompéi de Giovanni Benini. Selon Roberto Bolis, seuls le Pisanello, le Bellini, le Mantegna et un des Caroto ont une importance majeure.L’hypothèse d’un commanditaire a fait les délices de la presse, qui n’hésite pas à évoquer le fameux docteur No cher aux fans de James Bond, lequel faisait voler des chefs-d’œuvre dans les musées pour sa collection personnelle. Si l’idée est séduisante, dans la réalité, elle est très rare. Une autre piste est possible, celle d’une demande de rançon. Il y a un mois en effet, toujours en Italie, un homme se présentant comme un cambrioleur à la retraite a réclamé 150 000 euros en échange de la restitution d’un Portrait de femme peint par Klimt en 1917, qui a été dérobé en 1997 au musée d’art moderne de Plaisance (Piacenza). La police italienne a refusé la transaction, mais des associations locales ont lancé une collecte de fonds pour tenter de récupérer l’œuvre : de quoi susciter des vocations.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 07h25 • Mis à jour le22.11.2015 à 12h17 | Annick Cojean « Je ne serais pas arrivé là si…… si je n’avais pas tout le temps écouté mes intuitions. Car je ne marche qu’à l’instinct. Je fonce, muni de cette seule boussole, comme un bâton de sourcier. J’analyse peu, je ne décortique pas mes choix, et si je demande souvent leur avis à une poignée de proches, je n’en fais toujours qu’à ma tête. C’est de l’ordre de l’instinct animal, l’élan du premier choix qu’il ne faut pas pervertir par trop d’atermoiements, sous peine d’aller dans le mur.Et cette intuition vous a rapidement mis sur la voie de ce métier ?Tout de suite ! Enfant, la musique était une vibration qui me mettait dans un état inouï. A la maison, en Algérie, nous avions un gros poste de radio, bestiole monstrueuse surmontée d’un électrophone caché sous un couvercle. Et ma mère raconte que dès l’âge de 2 ans, obsédé par la musique, je montais sur un tabouret en brandissant la pochette du disque que je voulais écouter. Le tout premier – que j’ai encore – était les valses de Strauss, avec des couples dansant sur la pochette et du vernis nacré sur les robes des femmes. Et puis il y avait la pop et les yéyés. Mais je ne serais pas devenu l’auteur et le musicien que je suis sans cette succession d’événements si contrastés qui ont fait mon enfance.Une enfance en Algérie, pendant une guerre sauvage…Une suite d’arrachements. Mon père parti lorsque j’avais 4 ans, la pension à l’âge de 5 ans, et puis la guerre, oui. Ce climat permanent d’insécurité. L’angoisse de se prendre une balle en passant devant la fenêtre. L’horreur d’enjamber des cadavres en rentrant de l’école ou d’observer, terré derrière des volets, les flammes ravager les immeubles alentour. Sirènes, hurlements, odeur du sang séché au soleil. Je connais cela par cœur. Les récents attentats à Paris ont brusquement reconvoqué ces sensations qui me sont familières.Où avez-vous vécu cette soirée du 13 novembre ?J’étais dans un bar avec des amis. Des alertes sont arrivées sur nos téléphones et l’endroit a commencé à se vider sans que nous percevions tout de suite la gravité de la situation. Il y avait un mélange de stupeur et d’irréalité. Puis une amie avec qui j’étais a appris la mort d’une de ses proches et nous avons, d’un coup, basculé dans un cauchemar concret.La salle du Bataclan éveille-t-elle chez vous des souvenirs particuliers ?J’y ai vu tant de concerts ! Mais elle demeure spéciale car c’est là que Lou Reed, John Cale et Nico ont donné le dernier concert du Velvet Underground en 1972. J’y pense chaque fois que j’y vais.La peur ne risque-t-elle pas de s’insinuer lors de vos prochains concerts ?Certainement pas ! Il faut résister à la peur. Impérativement.Le type d’enfance que vous avez vécu fabrique, dites-vous, des « durs à cuire ». On ne pense jamais à vous en ces termes.Et pourtant… La souffrance est partie. Et il m’importe d’avoir un rapport doux et agréable avec les gens. Mais je suis en effet un dur à cuire, et particulièrement costaud. Si j’ai matérialisé mon rêve et réussi à vivre de ma passion, cela ne s’est pas fait comme ça. Il faut du courage pour vivre dans la peau d’un artiste. Ma chanson La Peau dure évoque ces larmes de l’enfance qui font le cuir et l’armure…Comme la chanson « Boulevard des Capucines »  évoque un père « fracassé, somnambule », rongé par le remords d’avoir abandonné son fils…Je n’ai jamais revu mon père après son départ de la maison. Et voilà qu’après sa mort, on m’a remis un paquet de lettres jamais ouvertes qu’il m’avait adressées. Cette chanson est née de leur lecture et elle m’a énormément apaisé. Je n’avais pas envie d’en expliciter le texte, convaincu qu’il est essentiel de conserver des zones de flou pour que l’auditeur puisse kidnapper une chanson et la faire sienne. Mais des interprétations à côté de la plaque m’ont contraint de le faire, à regret. Et j’ai alors compris, devant l’émotion du public pour qui je la chantais, que cette chanson avait une dimension universelle. Et que tout le monde a quelque chose à régler avec ses parents.Il y est question de pardon…Bien sûr le pardon. Car mon père était venu me voir un soir à l’Olympia, et je lui avais interdit l’entrée de ma loge. C’était brutal, je lui en voulais, cela m’a hanté. On voudrait des parents modèles, des parents parfaits. Mais ils ont eu nos âges, ils ont fait des conneries, ils n’étaient pas forcément armés pour assurer leur rôle. Récemment, un homme est venu vers moi à La Closerie des lilas. « J’ai très bien connu votre père, m’a-t-il dit. Je jouais de la trompette avec lui. » Il m’a alors parlé de lui. Et ce père, qui me fut si longtemps aussi étranger qu’un Martien, m’est soudain apparu comme un jeune homme joyeux et hédoniste dans lequel je me suis retrouvé.Le fils, donc, a pardonné au père.Oui. Et le tourment est passé. J’ai la chance de pouvoir me dégager de cela avec la musique.Peut-on aussi entendre la chanson comme celle d’un père, vous-même, qui demande pardon à un fils qu’il a eu bien trop jeune et qu’il n’a pas souhaité connaître ?Oui. Vous avez raison. On peut faire ce parallèle.La célébrité vous a longtemps pesé.J’ai tout recherché sauf ça ! Et j’ai longtemps été sur le qui-vive. Mais l’avantage d’un long parcours, c’est qu’on s’inscrit peu à peu dans la vie des gens. Et je suis frappé de leur bienveillance. Ce sont eux qui font de vous des élus. C’est mystérieux, mais c’est ainsi. Je connais des tas d’artistes qui ont commencé en même temps que moi, qui avaient autant de talent que moi et qui n’ont pas fait de parcours. Je m’émerveille d’être parmi les élus. Ça compte tellement pour moi d’être accepté. Je suis quand même un petit immigré !Vous vous ressentez encore comme un immigré ?Quand on a vécu jusqu’à l’âge de 7 ans dans un pays étranger, on a toujours une sensation d’exil. L’exil est une fêlure indélébile, même si j’ai tout fait pour m’intégrer. Je suis Algérien, Breton, Anglais… Tout cela cohabite en moi. Et c’est sans doute pourquoi j’aime tant vivre dans des villes étrangères. Lisbonne, Barcelone, Ibiza, Londres… Je ne me sens nulle part chez moi. Et partout chez moi. Même si Rennes, la ville de mon adolescence, la ville où vit encore ma mère, est très, très essentielle.Les événements récents vous donnent-ils envie de fuir Paris, vous, le nomade ?Au contraire ! Cela me donne envie de rester ici, auprès de mes amis.Vous avez vécu, il y a deux ans, l’expérience de la proximité de la mort.Oui. Péritonite, deux mois en soins intensifs. Mais mourir n’était pas une option. C’était même inconcevable. Pas là, pas tout de suite. Il y a plein de choses que j’ai encore envie de faire. Et un disque attendait, fin prêt, sur lequel j’avais tant travaillé. Cela m’a sauvé. Mon mental a hâté ma guérison et sidéré les médecins.Avez-vous un jour perdu le goût des choses ?Oui, une fois. Un vrai « break-down ». Et heureusement ! Cela m’a permis d’avoir un futur. Car on n’apprend rien du bonheur. C’est un moment provisoire qui soigne. Comme une promesse que les instants de félicité pourront surgir à tout moment. C’est tout. On a besoin d’être confronté à la complexité, à l’énigme de la vie qui ne ressemble pas aux rêves que l’on s’est faits. J’accueille donc plutôt bien les épreuves. C’est forcément intéressant.Que diriez-vous au jeune homme réservé qui, à Rennes, rêvait de faire de la musique ?Qu’il a raison de croire en son rêve. Que sa force et son intensité triompheront, même s’il ne se croit pas gâté par la vie et ne connaît personne. A moins que ce ne soit le destin, ce mystère qui me taraude. Est-ce qu’on le fabrique nous-mêmes ? Ou bien le scénario est-il écrit à l’avance ? Je ne mets pas de mot sur cette sensation, mais j’ai toujours eu le sentiment d’être accompagné et porté par quelque chose. Et que certains événements ne sont pas le fruit du hasard.Diriez-vous que vieillir est angoissant ?Pas du tout. J’appelle ça « maturer ». Mon corps et mon visage changent, et je trouve que c’est une belle chose. Mes envies sont intactes et j’ai toujours autant besoin d’intensité. Ça, c’est pas un truc de vieux. »Etienne Daho est né le 14 janvier 1956 à Oran*Coffret « L’Homme qui marche », nouveau best-of en versions 2 CD + DVD du documentaire d’Arte « Etienne Daho, un itinéraire pop moderne », réalisé par Antoine Carlier.« Daho, l’homme qui chante », une BD signée Alfred Chauvel (l’histoire de la fabrication du 13e album d’Etienne « Les Chansons de l’innocence retrouvée »), éditions Delcourt.Un nouveau rendez-vousChaque dimanche, La Matinale propose à une personnalité de se livrer sur ce qui a orienté sa vocation et répond à la question « Je ne serais pas arrivé là si... ».Découvrez la dernière édition de La Matinale, la nouvelle application du Monde.Annick CojeanJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Maïa Mazaurette Chaque dimanche matin, dans La Matinale du Monde, la chroniqueuse Maïa Mazaurette vous parlera de la sexualité sous toutes ses facettes. A quoi ressemble la sexualité idéale ? Pour synthétiser : à une mousse au chocolat. Un moment de pur plaisir, de laisser-aller, de régression, avec un peu de culpabilité pour relever le goût. L’antithèse de la mousse au chocolat, tout le monde sera d’accord : c’est le sport. Or nos sexualités ressemblent de plus en plus au sport. On y exerce un contrôle appuyé. On négocie avec des coachs, voire des gourous, on a des objectifs, on connaît son niveau, on suit les saisons. On se mesure (durée, décibels, nombre de va-et-vient), on s’entraîne pour devenir un meilleur partenaire, on fait ses exercices de musculation du périnée, on est constamment sous pression pour mettre à jour ses connaissances (c’est ce que vous êtes en train de faire, sans vouloir être mesquine). Le but : « Assurer au lit. »Le sexe est un sport et ça pourrait être pire – le sexe pourrait être une punition, un devoir, un simple moyen de reproduction. Au moins, le sport, ça peut être amusant et se pratiquer en short moulant. (Amateurs de curling, passez votre chemin.) Mais, bien sûr, le sport implique une forme de compétition, au moins contre soi-même. Grâce ou à cause de la fluidité des relations contemporaines (on peut toujours être trompé, quitté, remplacé), cette compétition nous semble cruciale. Il faudrait absolument être un bon coup – alors qu’en vrai savoir faire marcher la machine à laver est une compétence tout aussi cruciale. Mais moins sexy. Enfin, ça dépend du modèle de la machine à laver.Quand on pense à la performance, c’est évidemment l’éjaculation masculine qui vient à l’esprit : retarder le plus longtemps possible la jouissance, par politesse envers ses partenaires. Lesquelles, que les choses soient claires tout de suite, n’ont rien demandé. Quand j’étais adolescente, les lycéens expérimentés affirmaient doctement qu’une pénétration de routine durait quarante-cinq minutes. Ils connaissaient tous un copain de copain qui tenait quatre heures, soit une représentation assez juste du neuvième cercle de l’enfer. Avec le recul, ces quarante-cinq minutes font doucement rigoler. Pas besoin de recul, d’ailleurs : les données suffisent.Le rapport de routine, tel qu’analysé par les chercheurs de la Society for Sex Therapy and Research, est : adéquat de trois à sept minutes, bien mené de sept à dix minutes. Si vous dépassez dix minutes, désolée, c’est trop long. Un rapport satisfaisant dure le temps de cuisson d’une pizza, preuve que la nature est bien faite (ou bien les micro-ondes). Cela signifie aussi que la compétition des hommes pour savoir qui « tient » le plus longtemps est narcissique, pas pragmatique. En effet, en ce qui concerne la survie la plus fondamentale, l’éjaculation est un réflexe qui a tout intérêt à survenir rapidement : un grizzli pourrait vous attaquer pendant vos fameuses quarante-cinq minutes de pénétration (ahem). Les versions modernes du grizzli comprennent les camions 33 tonnes (si vous aimez les activités en plein air), les enfants en bas âge, les colocataires et, bien sûr, le grand ennemi de la sexualité moderne : le smartphone.En termes de survie donc, la performance consisterait à jouir vite (et bien). Ce qui entre en contradiction avec le standard du mâle endurant. Quant aux pénétrations marathoniennes de la pornographie, elles n’aident pas à corriger le tir, certes. Mais il serait un peu facile d’accuser le X : c’est nous qui demandons des contenus hyperboliques, sinon, vous pensez bien, les producteurs se concentreraient sur des acteurs à format humain – et sur du (très) court-métrage. Nous voulons du spectaculaire : nous payons la facture. En insécurités.En réalité, une femme qui se masturbe atteint l’orgasme en quelques minutes à peine (quatre minutes pour une masturbation, vingt minutes quand c’est le partenaire qui s’y colle). En conséquence de quoi, se focaliser sur la durée revient à frapper un grand coup d’épée dans l’eau, et quand je dis épée, chers hommes, je vous flatte.Bien sûr, l’obsession de la performance dépasse les simples questions de timing pour inclure la taille (34 % des jeunes complexent sur la taille de leur pénis après avoir visionné un film porno), le nombre de positions enchaînées, le nombre de partenaires, le nombre d’orgasmes, allez-vous donc cesser de tout vouloir compter ? C’est épuisant.Mais attendez. Pourquoi ne parle-t-on que des hommes ? Ils ne portent pas seuls la responsabilité de l’acte sexuel, sauf à considérer que l’implication de leurs partenaires se limite à s’allonger et regarder le plafond. Les femmes sont également soumises à une obligation de performance, et il serait terriblement sexiste de l’oublier. Si elles ne sont pas jugées sur la durée, elles le sont sur leur capacité à jouir – la femme idéale aligne plusieurs orgasmes par relation sexuelle, elle jouit de la pénétration vaginale, voire anale (tant pis si cela ne concerne qu’une minorité d’entre elles), elle jouit sur commande et, au cas où ça ne suffirait pas, il convient qu’elle vocalise comme une chanteuse d’opéra. Partant d’une exigence aussi stakhanoviste, heureusement que nous simulons. Comme des arracheuses de dents. Plus précisément : il y a plus de femmes qui simulent à chaque interaction sexuelle que de femmes qui jouissent à chaque interaction sexuelle. (La moitié d’entre elles ont déjà eu recours à ce tour de magie, et un homme sur dix.)Inutile de se plaindre de ces cabotinages : une femme qui ne ferait pas preuve d’enthousiasme forcené se verrait automatiquement transférée dans le camp des « mauvais coups ». Ce qui limiterait sérieusement ses possibilités en termes de couple. Et, qu’on le veuille ou non, le couple reste le cadre optimal du bonheur – aujourd’hui, en Occident, dans l’imaginaire collectif.Reprenons donc. Les hommes ont la pression. Les femmes ont la pression. Les hommes s’obligent à tenir plus longtemps lors de la pénétration, afin d’obtenir des jouissances ravageuses de la part de femmes qui se fichent quand même beaucoup de la durée de pénétration. La boucle est bouclée, d’accord. Mais le cercle est vicieux.Vous savez ce qui ruine vraiment une vie sexuelle, et beaucoup plus drastiquement que « tenir moins de quarante-cinq minutes » ou « ne jouir qu’une fois et en silence » ? Le stress. (Au passage : nos vies sexuelles sont plus fragiles qu’un vase en cristal. C’est bien simple, tout nous perturbe : le manque de nourriture, le manque de sommeil, l’insatisfaction au niveau narcissique, une naissance, une gastro et, bien sûr, les procédures de divorce.)Plus nous nous rongeons les sangs avec ces histoires de performance, plus nous stressons. Côté hommes, ce stress produit des situations d’impuissance et des éjaculations rapides. Côté femmes, il produit une anxiété qui se met en travers de l’orgasme. Vous noterez comme ce serpent se mord la queue ? Ce n’est pas un serpent. C’est vous. Aouch.En réalité, le meilleur moyen d’améliorer ses performances consiste à ne surtout pas se préoccuper de ses performances. Lâchez prise. Oubliez le sport.Un nouveau rendez-vous dans La Matinale du MondeChaque dimanche matin, dans l’application d’information La Matinale du Monde, la chroniqueuse Maïa Mazaurette vous parlera de la sexualité sous toutes ses facettes.Découvrez la dernière édition de La Matinale, la nouvelle application du Monde.Maïa MazauretteJournaliste au Monde François Bostnavaron et Thomas Doustaly Si vous souhaitez vous promener entre les girafes et les gnous, en chantonnant « Out of Africa », Le Monde vous propose cinq idées de safaris dans l’hexagone.« Out of Africa »… en Auvergne Une nuit « au cœur de la savane ou au milieu des grands lacs d’Afrique » : voilà ce que promet le PAL, plus grand parc animalier de France, entre Mâcon et Moulins-sur-Allier. A grand renfort de chiffres records : 50 hectares, 600 animaux (dont un couple de tigres de Sumatra et leur petit né cette année), 26 attractions, des spectacles d’otaries, de rapaces en vol et de perroquets. Pour se glisser dans la peau de Karen Blixen, on choisit l’un des sept nouveaux lodges sur pilotis qui donnent sur l’étang. Au petit déjeuner, hippopotames, pélicans et hérons gardes-bœufs s’approchent de la terrasse. A la tombée de la nuit, quand le parc se vide de ses visiteurs, on s’équipe de jumelles infrarouges pour participer à un circuit nocturne, au plus près des animaux. Frissons garantis.Tarif : les hébergements dans le parc sont très demandés, il faut donc réserver maintenant pour 2016. Pour 2 jours et 2 nuits, comptez 247 € pour un adulte, et 196 € par enfant de moins de 10 ans. Ouverture le 9 avril 2016. Renseignements : www.lepal.comLe Grand Nord canadien… dans la Sarthe Qui aurait cru que, près du Mans, on puisse croiser… des grizzlys ? Au zoo de La Flèche, depuis le lodge baptisé « Yukon », on observe par les deux immenses baies vitrées les fameux ours bruns évoluer. Bluffant. Dans cette cabane de luxe de 60 m², au décor cosy, on vit le temps d’un week-end dans une forêt canadienne de conifères, sans autre vis-à-vis que les animaux. Si Yukon est déjà réservé, on choisit l’un des autres lodges thématiques – Bali pour être au plus près des tigres blancs, Alaska pour flirter avec les loups arctiques, Malagasy pour se percher dans les arbres, au côté des lémuriens.Tarif : pour 2 adultes et 2 enfants en haute saison, comptez 664 € pour deux nuits. Comprend l’entrée au parc sur 2 jours et la demi-pension. Le Safari Lodge est ouvert toute l’année, à l’exception des 25 décembre et premier janvier. Renseignements : www.safari-lodge.frBivouac tanzanien… en pays nantais Port-Saint-Père est loin, très loin du parc national du Serengeti. Pourtant, tout est fait pour vous entraîner le temps d’un week-end au cœur des paysages de Tanzanie. De jour, on roule dans sa voiture sur une piste de 10 km, à la découverte des gnous, des zèbres et des antilopes. A la tombée de la nuit, à bord d’un gros 4 × 4, on observe le travail des soigneurs et le retour des animaux dans les loges. Après 1 h 30 de visite et un tour complet du parc, le guide vous conduit au bivouac. Protégées par une simple barrière, les tentes sont plantées autour d’un feu de camp. Cuisine sénégalaise, produits bio et barbecue au menu du dîner, nuit sous les étoiles, puis réveil avec les animaux. L’aventure.Tarif : Adulte : 180 €. Enfant (3/12 ans) : 150 €. La prestation comprend l’accompagnement par un guide animalier tout au long de l’expérience et l’accès libre au parc et à la Cité marine le lendemain. Ouverture début mars 2016. Renseignements : www.planetesauvage.comClairière d’Asie… en Normandie A Cerza, le parc zoologique de Lisieux, on peut loger au choix dans de spacieux éco-lodges ou dans des « zoobservatoires » en bois. Les wallabys, ces petits kangourous d’Australie, se promènent librement dans la partie hôtelière. Le seul hic, c’est qu’on n’est pas dans le parc lui-même. Le détour vaut quand même la peine. D’abord parce que Cerza est à seulement deux heures de Paris, tout près de Deauville-Trouville et des côtes normandes. Mais aussi parce que le parc abrite des espèces rares, comme ces rhinocéros indiens, uniques représentants de l’espèce en France, qui cohabitent avec cerfs d’eld, antilopes cervicapre, calao trompette ou tortue à nez de cochon. Le plus : le safari en train touristique, ludique pour les plus petits.Tarif : Pour 2 adultes et 2 enfants (- de 12 ans) en haute saison dans un lodge pour 3 jours et 2 nuits, comptez 560 € le séjour, petit déjeuner et accès parc inclus. Renseignements : www.cerzasafarilodge.comPetits oursons de Chine… à Beauval Ici, on a opté pour le confort des animaux – les cinq éléphants en semi-liberté disposent d’un territoire de plus de 5 hectares sur les presque 35 du ZooParc. Un peu moins pour celui des touristes, qui peuvent loger à quelques centaines de mètres du parc, dans des appartements sans charme. Qu’importe, le week-end à Beauval immerge tout de même en pleine nature, tant le foisonnement d’espèces – 560, et 7 000 animaux – est incroyable. Les stars de Beauval s’appellent Huan Huan et Yuan Zi, deux pandas géants. Ils sont devenus au fil des ans une véritable locomotive pour la fréquentation du parc. Une célébrité qui passera peut-être au second plan en 2016, à Pâques, lorsque débarqueront trois superbes hippopotames (un mâle et deux femelles) dans l’espace de plus d’un hectare qui leur sera dévolu. A défaut de dormir sur le site, il reste toujours une solution pour se retrouver au plus près des animaux : l’option « soigneur d’un jour ». On nettoie le box d’un rhinocéros, on nourrit les manchots et les makis cattas. Grisant.Tarif : A partir de 128 euros la nuit pour une chambre familiale. Pour l’option soigneur, deux formules proposées : une pour les 10-17 ans, durée 2 heures, 80 euros, et une autre pour les adultes, à partir de 16 ans, durée 4 h 30, 160 euros, entrée du parc comprise. www.zoobeauval.comThomas DoustalyJournaliste au MondeFrançois BostnavaronJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphanie Binet JoeyStarr a accordé une interview au « Monde », mardi 17 novembre, à l’occasion de la sortie, début décembre, de son nouvel album, Caribbean Dandee, enregistré avec son jeune collègue Nathy, 25 ans. Interrogé à son domicile parisien, l’acteur et rappeur répond tout en regardant défiler sur son grand écran les informations sur la suite des attentats. Les réactions qui suivent sont un mélange décousu de questionnements et de mise à distance par l’humour.Comment avez-vous vécu les attaques du vendredi 13 novembre ?JoeyStarr : Je regardais le visage d’un de mes fils sur mon téléphone, et je me disais : voilà pourquoi j’ai peur, aussi. C’est affreux, horrible.Nathy : Ils nous font la guerre à nous tous, ces gens-là.JoeyStarr : La question que l’on doit se poser c’est : comment est-on arrivé à un tel niveau de désœuvrement de la part de ces jeunes pour qu’ils soient prêts à se faire endoctriner, à aller se faire exploser ? Parmi ceux qui ont été identifiés, il y en a un qui avait une gosse. Mais c’est quoi son legs ? Qu’est ce qu’il lègue à sa fille, là ? Il y a une barrière entre eux et nous, c’est sûr. C’est le principe de l’intégrisme, d’ailleurs : si tu ne penses pas comme eux, tu n’es qu’une merde. Voilà où on en est... Mais qu’est ce qui s’est passé ? Il y a ce trop-plein d’infos qu’un gosse de 15 ans n’arrive plus à digérer. On a vulgarisé le coup de kalachnikov dans la rue, ils l’entendent à la télé… Alors, c’est sûr, tant que tu ne l’as pas vécu… Mais pour les terroristes, la vie est comme ça : tu te fais péter, t’as tes mille vierges… Ils sont très arriérés dans leur manière de penser, ces gens-là… Après, je pense aux musulmans, aux vrais, qui vivent ici et qui pâtissent de tout ça. J’imagine qu’ils voient ces terroristes comme des vendeurs de chèvres. Leur monde à eux n’existe que dans leur jardin. Une fois qu’ils en sont sortis, ils sont perdus. Ce que ces intégristes racontent n’a pas de sens. Le monde a évolué.Où étiez-vous quand les fusillades ont eu lieu ?JoeyStarr : Nous étions en train de tourner un clip, L’arène. Nous avons vu l’info tomber une fois, deux fois, trois fois... On était un groupe, c’était dramatique, amplifié. Il y a deux filles qui se sont mises à pleurer. Moi, évidemment, je me suis foutu de leur gueule. On était à Vanves (Hauts-de-Seine), et elles s’inquiétaient pour leurs proches… Mais il y a des jours comme ça où la banlieue est plus sûre. Il y a des jours. Des fois, ce sont des semaines.Nathy : En même temps, il faut continuer à vivre, à rire.Stéphanie BinetJournaliste au Monde 10.11.2015 à 15h39 • Mis à jour le10.11.2015 à 16h28 Allen Toussaint était connu pour avoir introduit dans les années 1960 les harmonies de la pop music, la cadence du funk et l’énergie du rock’n’roll dans la musique jazz et R&B de la Louisiane. Le musicien est mort lundi 9 novembre à l’âge de 77 ans, a rapporté la chaîne de télévision de La Nouvelle-Orléans WWL, mardi.Il ya quelques jours, Allen Toussaint s’était encore produit au Teatro Lara, théâtre du centre de Madrid, où il résidait.Né le 14 janvier 1938 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, Allen Toussaint était rarement venu en France. En 2007, lors d’un concert à Paris, il évoquait sur scène l’ouragan Katrina qui avait dévasté la Louisiane deux ans plus tôt. Martine Delahaye Série, à la demande, sur Netflix Une création sérielle époustouflante, écrite à partir du film des frères Coen.Ce que les Américains ont pris l’habitude de nommer « anthologie » n’en est sans doute qu’à ses débuts, tant elle offre d’avantages aux yeux des cabinets de marketing de l’industrie télévisuelle américaine. L’« anthologie », ou « collection » : un créateur unique ; un seul titre pour des saisons aux histoires chaque fois différentes − une fois ce titre (re)connu, plus besoin de placarder villes et bus à coups de millions de publicités ; des intrigues et des personnages renouvelés (ce qui est beaucoup plus difficile pour une série classique, dont chaque saison doit rebondir sur la précédente) ; des acteurs de renom plus facilement prêts à s’engager, car seulement « bloqués » sur « leur saison », soit six à dix épisodes, en général.DistanciationAinsi a-t-on récemment découvert le deuxième volet de « True Detective » (fort décevant au regard du premier) ; et « Fargo », « anthologie » dont Netflix propose actuellement la deuxième saison, au fur et à mesure de sa diffusion sur la chaîne américaine FX, jusqu’à mi-décembre. Autre avantage de l’anthologie : inutile d’avoir vu la première saison (saluée par trois Emmy Awards en 2014) pour goûter l’admirable savoir-faire de son créateur, Noah Hawley, dans ce deuxième opus.On se retrouve ici à la fin des années 1970, enveloppés dans le décor enneigé du Minnesota… où s’effondre le corps d’une femme, après que des coups de feu ont retenti dans le snack à gaufres tout proche. Ambiance glauque où transpire l’ennui, la confiance perdue des années post-Vietnam, l’attente d’une reprise du moral, voire d’un nouveau rêve américain. Et, à la manière savante et subtile des frères Coen (auteurs du long-métrage Fargo en 1996, producteurs sur cette série), Noah Hawley manie avec une incroyable dextérité l’arme de distanciation massive que forgent l’humour noir, le dramatique cocasse et l’absurde si proche du crédible et du burlesque. Scénario (qui rappelle parfois « True Detective » saison 1, lors d’échanges entre les deux principaux policiers), réalisation (dont des clins d’œil à la façon de filmer de l’époque), décors, jeu des acteurs : tout ici fait honneur au savoir-faire des cinéastes.Industrialisation de la pègreEn ces années 1970, semble indiquer en sous-main le créateur de « Fargo », l’industrie de l’armement ne règne plus seule : une autre « industrialisation » se fait jour, celle de la pègre. Les clans familiaux vivotant de petits trafics se voient absorbés par des gangs, eux-mêmes ne fonctionnant plus avec un patriarche ou un parrain, mais par le biais d’une hiérarchie dont on ne sait rien. Soit une histoire de « globalisation » de la mafia, en arrière-plan de la vie banale des petites gens à Luverne, où vient d’avoir lieu un triple crime, si l’on en croit les seuls premiers épisodes que nous avons pu voir. Et un triple crime dans un snack qui conduit un des deux policiers dont on va suivre l’enquête à se demander si, en en finissant avec la guerre du Vietnam, les Etats-Unis n’ont pas finalement rapatrié la guerre sur leur propre sol.« Fargo », saison 2, série créée par Noah Hawley. Avec Patrick Wilson, Jesse Plemons, Kirsten Dunst, Ted Danson, Bokeem Woodbine, Cristin Milioti, Nick Offerman (Etats-Unis, 2015, 10 x 48 min). A la demande, sur Netflix.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.11.2015 à 07h51 • Mis à jour le10.11.2015 à 14h52 | Nicolas Weill Le philosophe André Glucksmann, né à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 19 juin 1937, est mort à Paris, dans la nuit du 9 au 10 novembre. Il faisait le lien entre deux générations d’intellectuels, celle des Sartre, Aron et Foucault et les « nouveaux philosophes » ayant formé un groupe en rupture avec le marxisme dans les années 1970.André Glucksmann a grandi dans un milieu juif d’Europe centrale et orientale. Ses parents, venus de la Palestine mandataire, passent à l’Internationale communiste en se réfugiant en France à partir de 1933. Sous l’Occupation, André Glucksmann subit le sort des enfants cachés. Tandis que son père meurt au début de la guerre, sa mère s’engage dans la Résistance.Après la Libération André Glucksmann, qui vit dans un quartier populaire, suit des études qui le mènent à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. Il obtient l’agrégation de philosophie en 1961. L’itinéraire de ce jeune homme qui évolue alors dans la galaxie communiste croise celui de l’un des rares intellectuels de centre droit de l’époque, Raymond Aron, dont il devient l’assistant à la Sorbonne alors qu’il participe aux événements de Mai 68. Avec lui, il se plonge dans les problèmes géopolitiques, nucléaires, notamment sur la philosophie de la dissuasion. D’où son premier livre, Le Discours de la Guerre (L’Herne, 1967).Lire l'intégralité de la nécrologie :André Glucksmann, philosophe de l’indignationAvocat constant de l’interventionnisme Classé parmi les « maos », figures de la Cause du peuple faisant l’intermédiaire entre les intellectuels de renom et la base militante, il va se faire l’un des thuriféraires de la révolution culturelle chinoise avant de rompre spectaculairement avec le marxisme en publiant La Cuisinière et le Mangeur d’hommes (Seuil, 1975), qui se vendra à des dizaines de milliers d’exemplaires.Son itinéraire est désormais marqué par l’aventure des « nouveaux philosophes », qui sont parmi les premiers à envahir les plateaux de télévision, dont celui d’« Apostrophes » en 1977, et à diffuser largement auprès du grand public leur pensée en rupture avec les idéaux communistes. La fin de cette période consiste en une initiative prise par cet homme de terrain autant que penseur : emmener aussi bien Sartre qu’Aron à l’Elysée pour demander au président Valéry Giscard d’Estaing d’intervenir en faveur des réfugiés vietnamiens, les boat people, quittant le Vietnam communiste.Prompt à diffuser ses indignations, il sera l’une des voix qui, lors des guerres yougoslaves des années 1990, se feront entendre pour soutenir l’intervention contre la Serbie en 1999. Quoique se revendiquant toujours de gauche, il se convertit de plus en plus ouvertement à l’atlantisme et à des positions proaméricaine, fustigeant le « pacifisme ». Il est l’un des avocats constants de l’interventionnisme au nom des droits de l’homme, que ce soit en Libye ou, plus récemment, en Syrie. Vieil adversaire du président Vladimir Poutine, il prend également la parole en faveur des indépendantistes tchétchènes.Par l’intermédiaire d’une tribune dans Le Monde du 29 janvier 2007, il annoncera son soutien à Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle. « Il a posé le bon diagnostic sur le chômage, c’est le candidat le plus à gauche », dit-il alors. Il lui conseille même un ticket avec son ami Bernard Kouchner, futur ministre des affaires étrangères. Il s’éloignera ensuite du président, du fait du rapprochement de ce dernier avec M. Poutine.Dans Une rage d’enfant (Plon, 2006), il avait, en racontant ses souvenirs, expliqué les ressorts de son style et de son action, toujours marqués de colère, face aux misères du monde.Lire aussi : Pourquoi je choisis Nicolas Sarkozy, par André Glucksmann Nicolas WeillJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.11.2015 à 18h12 • Mis à jour le09.11.2015 à 18h26 | Emmanuelle Jardonnet « La glace est un matériau aussi étrange que merveilleux. » C’est Olafur Eliasson qui le dit, alors qu’il révèle, lundi 9 novembre, sa participation au volet artistique de la COP21. L’artiste danois présentera, à partir du 29 novembre sur la place de la République, à Paris, c’est-à-dire la veille de l’ouverture de la conférence des Nations Unies sur le climat au Bourget, son projet Ice Watch, réalisé en collaboration avec le géologue Minik Rosing.L’œuvre se composera de douze blocs de glace collectés alors qu’ils flottaient dans un fjord près de Nuuk, dans le Groenland. Des blocs d’un volume total de près de 100 tonnes – ce qui équivaut au volume de glace qui fond chaque centième de seconde dans le monde –, et qui seront disposés en cercle, de façon à suggérer le cadran d’une horloge.« Sentinelle du dérèglement climatique »La glace arctique est devenue un symbole du réchauffement climatique, comme le rappelle Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, et président de la COP21 :« De ma visite en Arctique l’an dernier, je garde le souvenir très net et visuel de blocs de glace gigantesques se détachant de la banquise avec un bruit effroyable lorsqu’un craquement se produisait. L’Arctique est bien la sentinelle avancée du dérèglement climatique : cette région nous transmet depuis des années des signaux que nous n’avons plus le droit d’ignorer. La communauté internationale doit les entendre et agir avec des actes concrets. »Cette glace a aussi la particularité de porter l’empreinte, la mémoire de l’humanité, rappelle Olafur Eliasson : « Le genre Homo – le nôtre – est apparu dans la savane africaine avec le début des périodes glaciaires. On peut dire que l’humanité doit son existence même à la glace et à ses mouvements. »Dans sa composition, elle n’est ainsi pas comparable à « la glace qui se forme sur un lac ou les glaçons ajoutés à un verre de gin-tonic » :« Les couches de glace du Groenland (...) sont issues de neige accumulée pendant des centaines de milliers d’années et compressée, devenue de la glace arctique sous l’effet de son propre poids. [Cette glace] est composée de couches visibles correspondant chacune à un instantané de la neige tombée pendant une année. De même, les bulles contenues dans la glace renferment des échantillons de l’atmosphère au moment où la neige est tombée. La glace recèle donc la mémoire des changements qu’ont subis le climat et l’atmosphère (...), ses couches affichent la progression du temps de manière assez semblable à celle dont les anneaux de croissance révèlent l’âge des arbres. »Œuvre de pédagogieL’artiste rappelle au passage le processus à l’œuvre dans ces blocs de glace à la dérive, alors que le niveau de la mer monte aujourd’hui chaque année de plus de 3 millimètres dans le monde :« Chaque été, la couche de glace du Groenland perd d’énormes quantités de neige fondue à sa surface, lorsque les glaciers font tomber des millions de tonnes de glace dans la mer, où ils fondent progressivement. Ce processus ajoute de l’eau aux océans, mais en même temps, de la vapeur d’eau monte de l’océan et se transforme en neige qui retombe sur la couche de glace. Pendant des milliers d’années, la quantité de neige qui tombe et la quantité de glace vêlée par les glaciers ou fondue à la lisière de la couche de glace se sont équilibrées et la quantité de glace terrestre du Groenland est restée stable. Mais depuis le changement de millénaire, la glace du Groenland fond beaucoup plus rapidement qu’elle ne se régénère. » data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> data-slide-title="" data-slide-description="Blocs de glace à la dérive à Nuup Kangerlua, au Groenland." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Puis tracté." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Approche d'un des blocs choisis par l'équipe de l'artiste Olafur Eliasson." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Chaque bloc a été ceinturé." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="A l'arrivée du port de Nuuk." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Les blocs ont alors été chargés." data-slide-item-lie="" data-slide-title="" data-slide-description="Et stockés dans des containers." data-slide-item-lie="" Précedent1/7SuivantBlocs de glace à la dérive à Nuup Kangerlua, au Groenland.JØRGEN CHEMNITZ © 2015 OLAFUR ELIASSON› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);L’environnement fait partie des thèmes au cœur du travail d’Olafur Eliasson, qui s’était fait connaître du grand public avec sa très lumineuse installation The Weather Project, en 2003 à la Tate Modern, à Londres. Son travail a récemment été présenté à Paris, à la Fondation Louis Vuitton.Pour cette œuvre, dont il avait déjà montré une première version il y a un an à Copenhague, l’artiste insiste sur l’aspect pédagogique de sa démarche : « Apprécions cette chance unique que nous avons de pouvoir agir maintenant. Transformons [notre] connaissance du changement climatique en action pour le climat. (…) Ice Watch rend les défis climatiques que nous affrontons plus tangibles. J’espère que cette œuvre inspirera l’engagement collectif à agir. »Mobiliser l’opinion publiqueIce Watch est un des projets de Artists4ParisClimate, une initiative qui vise à mobiliser l’opinion publique autour du changement climatique par des interventions dans l’espace public de grands artistes internationaux. Ces interventions se doubleront, par ailleurs, d’actions concrètes, puisque le 9 décembre, une vente de charité organisée chez Christie’s rassemblera des œuvres de ces mêmes artistes pour soutenir des projets sélectionnés avec l’ONU pour lutter contre la désertification et le changement climatique.La glace arctique rapportée par Olafur Eliasson fondra sous les yeux de tous durant les débats de la COP21. En fonction des températures, Ice Watch devrait encore être visible jusqu’au 11 décembre, dernier jour de la conférence. La glace restante – s’il y en a ! – sera alors apportée dans des écoles et des institutions culturelles dans le cadre d’un programme éducatif.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante) Adepte des actions spectaculaires, Piotr Pavlenski a ajouté à son catalogue l’incendie, lundi 9 novembre, des portes de la « Loubianka », le siège historique du KGB, les redoutables services de sécurité soviétiques, dans lequel s’est coulé son successeur, à peine moins redouté, le FSB. A deux heures du matin, cet artiste de 31 ans s’est faufilé jusque devant l’imposant édifice situé à deux pas de la place Rouge, à Moscou, avant de déverser un bidon d’essence puis, tandis que les flammes embrasaient les portes, de se planter devant une caméra, capuche noire rabattue sur son visage émacié. Interpellé par un policier hagard aussitôt accouru, Piotr Pavlenski est un virtuose du spectacle de rue et un agitateur hors pair.En juillet 2012, il se coud les lèvres en signe de protestation contre l’incarcération des Pussy Riots – du nom des punkettes russes qui ont chanté dans une église un couplet anti-Poutine – puis, l’année suivante, en mai 2013, il entreprend de s’enrouler tout nu dans des barbelés à Saint-Pétersbourg, sa ville natale, afin de dénoncer la propagande homophobe et la loi réprimant les offenses aux sentiments religieux. « Ces lois sont comme le barbelé, explique-t-il alors, elles enferment les gens dans des enclos individuels ». Quelques mois plus tard, le voilà, toujours dans le plus simple appareil, en train de se clouer la peau des testicules entre les pavés de la place Rouge. « Une métaphore de l’apathie, de l’indifférence et du fatalisme politique de la société russe contemporaine », clame-t-il.Nu et ruisselant de sangEn 2014, il enchaîne : il brûle des pneus à Saint-Pétersbourg en hommage à la révolution ukrainienne, puis il se coupe un lobe d’oreille et pose, nu et ruisselant de sang, sur le toit de l’Institut de psychiatrie de Moscou : « En utilisant de nouveau la psychiatrie à des fins politiques, l’Etat policier s’approprie le droit de fixer la limite entre raison et folie ». Ses actions, filmées, photographiées font toujours l’objet d’un message. Cette fois encore, sous le titre « Casser les portes de l’enfer », Piotr Pavlenski a justifié son geste dans une vidéo préparée à l’avance. « C’est un gant jeté par la société au visage de la menace terroriste, dit-il. Le service fédéral de sécurité agit selon une terreur continue et détient le pouvoir sur 146 millions de personnes (…) La peur transforme les gens libres en une masse gluante d’organismes disparates ».A chaque fois, ces opérations font le tour d’Internet et des anonymes s’en sont donné à cœur joie, lundi, en diffusant les images des plaques de tôle apposées sur l’entrée noircie de la « Loubianka » – « le rideau de fer », s’est amusé l’un d’eux.Un peu timbré, c’est bien ainsi que le considéraient jusqu’ici les autorités qui, après chaque interpellation, ont assez vite relâché Piotr Pavlenski. Mais on ne se moque pas impunément des services dont est issu le président Vladimir Poutine. Selon l’agence Tass qui cite une source anonyme du ministère de l’intérieur, le jeune homme, diplômé de l’Académie des arts et fondateur du journal Propagande politique aujourd’hui disparu, pourrait bien voir son dossier se transformer en affaire pénale « pour vandalisme » ou « haine contre un groupe social » – en l’occurrence, les fonctionnaires du FSB. Il encourrait alors jusqu’à trois ans de prison.Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)Correspondante à MoscouSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Documentaire, à 23 h 30, sur France 3 A grand renfort d’images d’archives rares, Benoît Sourty relate l’incroyable histoire de deux magnats du textile qui sacrifièrent leur empire pour se constituer une inégalable collection de voitures ancienne.Le 7 mars 1977, au petit matin, lorsque les ouvriers de l’usine de filature des frères Schlumpf, en grève pour protester contre les licenciements, pénètrent dans l’un des hangars du site alsacien de Malmerspach (Haut-Rhin), jusque-là inaccessible, c’est la stupéfaction. Sous leurs yeux, sur des centaines de mètres carrés, s’alignent 560 voitures de collection soigneusement rangées et éclairées par des réverbères identiques à ceux du pont Alexandre-III, à Paris.Un véritable musée clandestin créé au fil des années par Fritz Schlumpf (1906-1992), passionné de voitures anciennes, qui n’a pas hésité à engloutir la fortune de la famille et celle de son petit empire dans l’achat de ces bolides. Une frénésie qui l’a conduit à travers le monde pour dénicher les perles rares (parfois par wagons entiers), et qui a surtout précipité sa faillite en laissant sur le carreau des milliers d’ouvriers.Musée de l’automobileCe matin-là, les salariés de l’usine, qui ne sont plus payés depuis des semaines faute de liquidités, découvrent ces centaines de voitures anciennes entièrement restaurées (Bugatti, Hispano-Suiza…) dont la valeur sera estimée, plus tard, à près de 300 millions de francs (45 millions d’euros). Ils apprendront aussi que le lieu était entretenu très discrètement par une cinquantaine d’employés travaillant sous le sceau de la confidentialité. C’est le début de « l’affaire Schlumpf ».Une affaire qui va durer deux ans. Pour continuer leur lutte, les ouvriers, avec à leur tête le syndicaliste Jean Kaspar (qui deviendra par la suite secrétaire général de la CFDT), décident alors d’occuper ce hangar en s’emparant de ce véritable trésor de guerre. Ils demandent – en vain – au gouvernement de l’époque, dirigé par Raymond Barre, de vendre cette collection afin de combler le déficit de l’entreprise.L’occupation des lieux durera jusqu’au 22 mars 1979, jour où ils rendront le hangar avec ses voitures demeurées intactes à la ville de Mulhouse (qui le transformera en musée de l’automobile). Réfugiés en Suisse, d’où ils ne pourront pas être extradés, Hans et Fritz Schlumpf, patrons paternalistes d’une autre époque, seront dépossédés de leurs biens par la justice française, condamnés à de la prison ferme pour abus de biens sociaux et interdits de territoire français. Quant aux ouvriers, ils furent tous licenciés.PassionnantC’est cette histoire hors du commun que nous raconte le réalisateur Benoît Sourty dans son passionnant documentaire constitué d’archives rares et d’entretiens avec les acteurs de l’époque. Syndicalistes de l’usine et journalistes ayant suivi l’affaire racontent la lutte complexe opposant les ouvriers et ces deux patrons d’un autre âge, qui ne supportent pas la contestation et aux méthodes capitalistes datant du XIXe siècle.Dans un rare entretien, réalisé à Bâle, où il est en exil, par la télévision suisse, Fritz Schlumpf reste toujours dans son monde, ne se souciant que de ses voitures séquestrées par les ouvriers et vénérant « sa chère maman » à qui il avait dédié le musée.Son frère, Hans, mort en 1989, n’a jamais revu son usine alsacienne. Après des années de procédure judiciaire, Fritz obtint l’autorisation de revenir sur le territoire français. Cloué dans une chaise roulante, les rouflaquettes de plus en plus blanches, il se rendit une dernière fois dans le musée, visiter son rêve qui ne lui appartenait plus. Sa seule satisfaction fut de voir que l’endroit avait été baptisé « Cité de l’automobile - Musée national - Collection Schlumpf ».L’Affaire Schlumpf, de Benoît Sourty (Fr., 2015, 52 min). Lundi 9, à 23 h 30, sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.11.2015 à 10h18 | Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Toute l’Histoire à 22 h 30 « Spät aber nicht zu spät… » « Tard mais pas trop tard… » La campagne lancée à l’été 2013 en Allemagne dit bien l’urgence. Bientôt, on ne pourra plus déférer en justice les coupables du génocide perpétré par les nazis contre les juifs. Comme si une ultime session de rattrapage pouvait corriger la stupéfiante lenteur des Allemands à demander des comptes aux responsables d’un des plus terribles crimes de l’Histoire.De façon paradoxale, c’est sans doute le procès international intenté aux plus hauts dignitaires nazis à Nuremberg au lendemain de l’effondrement du Reich qui explique ce retard. Si le verdict (dont 12 condamnations à mort pour 22 inculpés) dûment filmé et diffusé est accepté par les Allemands, il est mal compris. Comme si l’affaire était close désormais.Privés du droit de faire justice confisqué par les vainqueurs, les Allemands n’entendent pas remuer le passé, redoutant l’exhumation de compromissions trop lourdes. Et bientôt les criminels rattrapés par la justice aux derniers temps de l’occupation alliée sont élargis peu après la naissance de la République fédérale – certains condamnés à mort sortent ainsi des geôles six ans à peine après le verdict fatal.Le début de la traqueUn voile d’amnésie empêche de solder les comptes jusqu’à ce que le cynisme de certains bourreaux, sûrs de l’impunité, ne les pousse à prétendre toucher une contestable retraite. Le scandale éclate dans la presse et, face à l’Office central de protection du droit qui entendait empêcher les poursuites contre les anciens nazis, naît en 1958 l’Office central de Ludwigsburg qui œuvre en sens diamétralement inverse. La traque est lancée.Du procès Eichmann à Jérusalem en avril 1961, où est invoqué pour la première fois le « crime contre le peuple juif », à la condamnation à Cologne en 1980 de trois responsables de la déportation des juifs de France, le combat doit emprunter des voies illégales et spectaculaires – telle la gifle que Beate Klarsfeld donne à Berlin au chancelier Kiesinger en novembre 1968 – pour arracher à une torpeur complice une opinion publique prompte à l’amnésie. C’est ce long chemin que Michel Kaptur retrace, donnant la parole à certains des magistrats de ces procès de la mémoire. Didactique et éclairant.La Justice allemande face aux criminels nazis, de Michel Kaptur (Fr., 2013, 55 min). Dimanche 22 novembre à 22 h 30 sur Toute l’Histoire.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde 21.11.2015 à 07h24 | Renaud Machart Documentaire sur Arte à 0 h 10 L’orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris est un monstre qui tonne depuis des siècles, perché sur la tribune de pierre au-dessus du grand portail ouest de l’édifice. Il est l’objet d’un culte particulier de la part des organistes du monde entier qui se damneraient pour y jouer (gratuitement) lors des auditions du dimanche.C’est à la fois à une visite guidée de cet instrument et à un portrait de l’un de ses organistes titulaires en exercice, Olivier Latry, qu’invite le documentaire Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien, qui mêle habilement séquences pédagogiques (tournées dans les « entrailles » de l’instrument), films d’archives et pauses musicales interprétées par Latry.L’orgue de tribune (Notre-Dame possède également un orgue plus petit, dit « de chœur »), dont le premier état remonte au début du XVe siècle, échappe au vandalisme de la Révolution, sûrement parce que son titulaire d’alors, Claude Balbastre, avait fait allégeance aux idées révolutionnaires et improvisait des variations sur La Marseillaise à Notre-Dame, rebaptisée, si l’on ose dire, « Temple de la raison ».Le vénérable instrument est repris entièrement par le grand facteur d’orgue Aristide Cavaillé-Coll, en 1868, sous la supervision d’Eugène Viollet-le-Duc ; Louis Vierne, titulaire de 1900 à 1937, que Latry surnomme « le Molière de l’orgue » (il s’effondrera, victime d’une embolie cardiaque, sur sa console alors qu’il y donne un concert, le 2 juin 1937), le modifie à son tour ; Pierre Cochereau, qui y joue de 1955 à 1984, l’augmente et le modernise de 1963 à 1975.En 1992, l’instrument fait l’objet d’une restauration complète qui tâche de préserver ses acquis les plus anciens (on trouve ainsi encore des jeux baroques et mêmes quelques traces de l’époque médiévale). On remplace la console (claviers et jeux), qui ressemblait à la réception d’un hôtel cossu de province, et l’on équipe progressivement l’instrument d’outils numériques.Une solide formationLe documentaire montre l’instrument jouer seul alors qu’Olivier Latry écoute, en bas, dans la nef, ce qu’il vient d’enregistrer : ce procédé de « replay » permet à l’organiste de se rendre compte de l’adéquation de ses tempos avec l’acoustique et du plein effet de ses registrations – le mélange des jeux – alors que, perché à sa tribune, il n’entend qu’une partie des sonorités qu’il produit.C’est à la mort, en 1984, de Pierre Cochereau, immense vedette dont les improvisations fleuves étaient légendaires, qu’Olivier Latry devient à son tour l’un des titulaires de l’orgue de Notre-Dame de Paris. Il a 23 ans et est l’une des « 12 personnes spécialement choisies pour concourir ». Le jeune homme se présente « sans y croire vraiment », ce qui lui fait passer les épreuves sans souffrir du trac, raconte-t-il au cours du documentaire.Cependant, devenir titulaire de cette prestigieuse tribune n’est pas donné au premier venu car être organiste liturgique demande une solide formation : il faut bien jouer de son instrument, connaître le rituel des offices sur le bout des doigts, savoir accompagner, improviser, etc.Latry décrit bien ce qui fait la spécificité d’un organiste liturgique versus un organiste de concert (ce qu’il est par ailleurs) : « L’improvisation prolonge une parole ou une musique, on n’est pas là pour faire son show… Le rôle de l’organiste liturgique est de servir. »Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien (France, 2015, 52 min). Dimanche 22 novembre, à 0 h 10, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Mustapha Kessous Télé-réalité sur 6ter à 20 h 55 La disqueuse qui vient sectionner le cadenas et le rideau métallique qui se lève font toujours autant de bruit. Mais pour les acheteurs, ce fracas résonne comme un doux refrain. Après la Californie, le Texas, New York et le Canada, l’émission « Storage Wars » (« guerres des box ») a désormais une version française, diffusée à partir du 21 novembre sur la chaîne de la TNT 6ter.Le principe de ce programme de télé-réalité est simple et efficace : Julien, Toufik, Diane – et d’autres encore – se rendent dans un entrepôt de garde-meubles pour tenter d’acquérir des box de stockage mis aux enchères. Le plus offrant remportera le lot à condition de respecter quelques règles : interdiction de pénétrer dans la remise, de toucher aux objets et d’ouvrir des cartons ou des valises. Les acquéreurs auront seulement quelques minutes pour estimer la valeur des biens poussiéreux (meubles, tableaux, vaisselle, électroménager, etc.) qu’ils distinguent dans la pénombre et décider s’ils doivent miser ou non.Une exacte répliqueEn janvier, 6ter a été la première chaîne à diffuser le format original de « Storage Wars » qui se déroule en Californie et qui a réuni 215 000 téléspectateurs lors de la première diffusion, le 3 janvier, en deuxième partie de soirée. Ce score est régulièrement doublé en prime time, surprenant les responsables de l’antenne du groupe M6 ainsi que ses concurrents. Depuis, les variantes de ce programme sont diffusées par d’autres chaînes : RMC Découverte propose « Storage Wars Canada », D8 et D17 la version new-yorkaise. 6ter – qui diffuse aussi le dérivé texan – a donc choisi de produire une adaptation française. Comme toute franchise, cette émission d’enchères à l’aveugle est une réplique exacte du format américain : mêmes commentaires de la voix off, même musique, même découpage du programme en quatre séquences. D’abord, les acheteurs découvrent le box, puis, place aux enchères. Ensuite, le vainqueur inspecte son lot, espérant y trouver un trésor, et finit toujours par mettre la main sur un objet énigmatique qu’il ira enfin faire expertiser.« Storage Wars France » n’a rien de surprenant. Moins drôle que l’original, il peine à nous attacher aux candidats qui, hésitants, semblent jouer un rôle et réciter un texte. Dommage qu’ils manquent à ce point de spontanéité et de naturel.Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Divertissement sur France 2 à 20 h 55Laurent Ruquier va occuper la soirée entière sur France 2, enchaînant « On a tous en nous quelque chose de Jacques Martin », un hommage à celui qui le fit débuter à la télévision, et l’habituel « On n’est pas couché ». C’est excessif – mais c’est pour la bonne cause.Il serait en effet dommage de rater les deux heures d’émission spéciale dévolues à la mémoire du grand homme de télévision que fut Jacques Martin (1933-2007), qui fit se gondoler la France entière chaque dimanche, à l’heure du poulet frites (« Le Petit Rapporteur », 1975-1976, sur TF1 ; « La Lorgnette », 1977-1978, sur France 2), puis à celle de sa digestion (avec différents programmes donnés, de 1977 à 1998, au Théâtre de l’Empire, à Paris, dont la légendaire « Ecole des fans »).Jacques Martin était le produit croisé d’une éducation bourgeoise et d’une vie de saltimbanque. Il avait commencé dans les années 1950 à Strasbourg, comme chansonnier et comme animateur sur Télé-Strasbourg. En 1964, Jacques Chancel le fait venir à l’ORTF, où il se fait remarquer par des sketches avec Jean Yanne.Jacques Martin savait tout faire : écrire (sketches, chansons, romans), jouer, chanter (il avait une voix de baryton d’opéra-comique), parodier, improviser (par exemple à la manière d’un récitatif d’opéra de Mozart), cuisiner (il mettra aux fourneaux son fils David, devenu chef professionnel). De sorte qu’il affirmait tantôt, non sans mélancolie : « Je suis un comédien qui a rencontré la télévision » ; tantôt : « Mon vrai métier, c’est l’écriture. » Cet artiste de variétés – au sens noble du terme – farceur et caustique était un homme cultivé qui dispensait un peu de ce qu’il savait à la télévision. Mais avec une distance ironique. Ainsi, en 1992, déclarait-il au Monde : « Dans mes émissions, on traite d’histoire, de géographie, de sciences humaines. Mais avec légèreté. Je ne brade pas ma culture pour payer mes mensualités et je ne crois pas à la mission civilisatrice de la télévision. Nous pouvons tout au plus être prométhéens : voler un peu de savoir à ceux qui en ont l’apanage et le disperser… »Amicale éléganceIl laissait toujours la part belle à la musique classique et il est dommage que, au cours de cette longue, très longue – et parfois un peu ennuyeuse – émission, Ruquier n’ait pas retenu cet aspect important de son action à la télévision. C’est, par exemple, dans l’une des émissions de Jacques Martin que le ténor Roberto Alagna fit sa première grande apparition publique. Cet oubli confirme que, décidément, la musique classique a quitté la sphère de la culture générale.Le fantaisiste est remercié par France 2, le 21 mars 1998 ; dans la nuit de ce premier jour de printemps, il fait un accident vasculaire cérébral. Et ne se remettra jamais de cette éviction. Ruquier, fidèle d’entre les fidèles, l’invitera en 2001 à participer à son émission de radio « On va s’gêner ! », sur Europe 1. Mais c’était le début de la fin.Il y a trop d’anecdotes dans « On a tous en nous quelque chose de Jacques Martin » et pas assez de Jacques Martin en certains des invités sur le plateau. Ruquier aurait pu (dû) renouveler sa dramaturgie habituelle (ses potes autour d’une table en demi-lune), privilégier certains témoignages clés, oser un peu d’intimité (sait-il faire ça, Ruquier ?) et montrer davantage d’archives.Mais, on l’avouera, si l’exécution laisse à désirer, le geste mérite d’être souligné pour son amicale élégance.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Adele pensait peut-être monopoliser l’attention, en ce 20 novembre, en sortant son album intitulé 25, mais un personnage inattendu , David Bowie, s’est invité à sa fête. Jeudi 19 novembre à minuit, l’icône rock britannique a mis en ligne l’impressionnant clip de Blackstar, chanson phare d’une durée de 10 minutes extraite de l’album du même nom, dont la parution est annoncée pour le 8 janvier 2016 (date de son 69e anniversaire). La surprise n’est pas totale puisqu’une version très raccourcie de ce titre illustrait le générique de la série « Panthers », récemment diffusée sur Canal +, dont le réalisateur, le Suédois Johan Renck, a également mis en scène la vidéo de Blackstar.Loin du format radiophonique des habituels singles, le morceau/court métrage se déploie en une épopée anxiogène débutant par une imploration maladive sur fond de breakbeats névrosés et de jazz feutré. L’ambiance glisse ensuite vers un semblant d’apaisement où Bowie reprend d’une voix plus familière une mélodie racée, perturbée par une obsédante incantation synthétique : « I’m a blackstar ». Tantôt victime suppliciée, tantôt prophète illuminé, le chanteur s’entoure de zombies épileptiques, d’une prêtresse vaudou, d’épouvantails crucifiés, d’un squelette d’astronaute (Major Tom ?). Proche des teintes jazz et expérimentales du titre inédit, Sue (In a Season of Crime), publié en 2014, Blackstar semble annoncer les compositions de Bowie les plus audacieuses et inquiétantes depuis l’album Outside (1995).Le chanteur a par ailleurs composé plusieurs chansons pour une comédie musicale, Lazarus, mise en scène par Ivo Van Hove au Theater Workshop de New York. Les représentations, qui ont commencé le 18 novembre, sont déjà toutes complètes.Regarder le clip de « Blackstar »Stéphane DavetJournaliste au Monde Renaud Machart Film sur Arte à 13 h 35L’histoire de Tomboy (2011), de Cécile Sciamma, est simple : une petite fille de 10 ans, nouvellement arrivée dans un quartier, se fait passer, auprès de ses camarades, pour un garçon (tomboy signifie, en anglais, « garçon manqué »). Notamment auprès d’une autre petite fille de son âge à laquelle elle s’attache, qui découvre que celui qu’elle croit prénommé Mickaël n’est autre que Laure.Pas de quoi fouetter son chat. Pourtant, lorsque Arte l’avait diffusé une première fois, en février 2014, une campagne puritaniste de la plus grande violence avait fait rage, orchestrée par Civitas, une organisation intégriste, dont l’objectif est « la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ ».Le site Internet de ce groupuscule avait alors appelé « les familles françaises à réagir et à empêcher la diffusion de ce film de propagande pour l’idéologie du genre ». Et d’ajouter : « Ce film ne répond pas à la mission d’Arte qui est de “concevoir, réaliser et diffuser des émissions de télévision ayant un caractère culturel”. » Et, pour ce faire, de publier les numéros et adresses électroniques des responsables de la chaîne franco-allemande et d’appeler à les harceler « poliment, mais fermement ». Croisade moralisteLa hargne de Civitas avait été attisée par le fait que, depuis septembre 2012, Tomboy était intégré aux programmes « Ecole et cinéma » et « Collège au cinéma », deux dispositifs soutenus par le ministère de l’éducation nationale et par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).Mais le battage médiatique autour de cette croisade moraliste avait tellement généré de contre-réactions dans la presse et sur les réseaux sociaux que Tomboy était vite devenu l’objet de toutes les attentions : Cécile Sciamma ne pouvait rêver meilleure campagne de publicité pour ce film d’une rare pudeur, où tout est dit avec une finesse, qui rappelle, dans ce registre cinématographique, la délicatesse de la caméra (et de la lumière tendre et dorée) d’André Téchiné dans Les Roseaux sauvages (1994). La journaliste d’Arte Annette Gerlach, qui a introduit, en février 2014, le film par quelques mots en français a, décidément, eu cent fois raison de résumer le tout par une adroite et plaisante formule : « Garçon manqué, mais film réussi. » A revoir, donc, absolument.Tomboy, de Cécile Sciamma, avec Zoé Héran, Sophie Cattani, Mathieu Demy. (Fr., 2011, 82 min). Diffusé sur Arte, le 20 novembre, à 13 h 35.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Magazine sur France 3 à 20 h 50Personne n’aurait imaginé, ce 27 septembre 1975, que le magazine de la mer qui venait d’être mis à l’antenne le serait encore quarante ans plus tard. Avec « Des chiffres et des lettres » et « Le Jour du seigneur », « Thalassa » fait désormais partie des émissions les plus vieilles de la télévision française. Mais c’est la plus ancienne présentée par la même personne : Georges Pernoud, sur lequel on sait finalement peu de chose, malgré ses quatre décennies de présence à l’écran. Ce quarantième anniversaire nous permet d’en apprendre un peu plus sur ce journaliste, à la fois jovial et bourru.Un premier reportage difficileGeorges Pernoud lève le voile sur sa vie dans un documentaire, Il était une fois « Thalassa », diffusé en deuxième partie de cette soirée spéciale et qui lui est largement consacré. Une enfance à Rabat, au Maroc, un retour brutal à 11 ans en France, à Asnières, dans la banlieue parisienne, ce fils d’un Savoyard et d’une Alsacienne n’avait aucun lien avec la mer. Peu passionné par les études, Georges Pernoud met du temps à trouver sa voie. Il aurait pu devenir acteur ou cinéaste, mais c’est finalement comme cameraman à l’ORTF qu’il s’épanouit.Le voilà couvrant les événements de mai 1968, accompagnant le volcanologue Haroun Tazieff au Zaïre… En 1973, on lui demande de suivre la première édition de la Whitbread, une course à la voile à travers le monde. « On m’a proposé ce reportage, car j’étais célibataire. Les organisateurs de la course redoutaient des conditions difficiles », raconte Georges Pernoud, qui n’a toujours pas son permis bateau. Le contact avec l’océan fut effectivement rude. Durant les premiers jours de navigation, le solide gaillard est malade. Pire, il assiste, impuissant, à la disparition du skippeur Dominique Guillet dans les flots noirs. Un événement tragique qui le conduit à faire sa première apparition à la télévision. Malgré ces débuts difficiles, le virus est pris. En 1975, il propose à la direction de la chaîne un magazine consacré à la mer dont le nom lui a été soufflé par son père journaliste. L’odyssée de « Thalassa » commence : mensuel puis magazine hebdomadaire de deuxième partie de soirée, l’émission a les honneurs du prime time en 1989. Il ne l’a pas quitté depuis. Un succès que Georges Pernoud explique simplement : « Nous racontons des histoires et nous apprenons des choses aux téléspectateurs, sans qu’ils s’en rendent compte, sans utiliser des termes techniques. »Un côté « boy-scout »Dans le premier documentaire, Il était une fois l’océan,qui ouvrira la soirée, on retrouvera un des ingrédients de ce qui fait la réussite de cette émission culte : des personnages forts comme ce plongeur ivre de banquise, ces marins qui affrontent les tempêtes, cet homme aussi qui a pour amie… une murène. Même si Georges Pernoud assume un côté « boy-scout » que certains reprochent parfois à l’émission, il n’empêche que « Thalassa » n’hésite pas à aborder des sujets importants, notamment les dangers qui menacent le dernier espace vierge et sauvage de la planète. Au cours de la soirée, les fidèles du programme reverront des reportages qui ont été sélectionnés par les téléspectateurs. Celui sur l’expédition de La Pérouse a été plébiscité, battant d’une courte tête celui sur François Zanella, ce mineur lorrain qui construira un paquebot dans son jardin. Un passionné qui a lui aussi succombé à l’appel du large.Soirée spéciale « Thalassa », à 20 h 50. Il était une fois l’océan, 1 h 10, et Il était une fois « Thalassa », 1h 40.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.11.2015 à 06h45 D’une adaptation théâtrale de l’affaire Bettencourt à une immersion dans l’œuvre de Francis Bacon, les choix du Monde pour ce week-end.ART. Les jeux de formes et de mots d’Hassan Musa, à ParisVladimir Poutine accueille le visiteur d’un œil mauvais. Impossible de ne pas le voir : son portrait, fait pour l’essentiel de tissus aux couleurs claires, découpés et cousus, mesure plus de 2 mètres de haut. Les mots en dessous de son visage sont tout aussi visibles. Il est écrit « Kus Oummak », expression arabe qui signifie littéralement « le con de ta mère » et c’est une interjection des plus désobligeantes. C’est le titre qu’Hassan Musa a donné à son œuvre. Détourne-t-on le regard, c’est pour faire face à Barack Obama, un Obama souriant plus grand encore que Poutine et aussi coloré. Au-dessus de lui, la phrase qu’il est en train de prononcer : « I have a drone. » L’allusion au « I have a dream » de Martin Luther King est transparente. Elle est aussi cruelle : du défenseur des droits civiques des Afro-Américains en 1963 au président métis qui fait la guerre par machines interposées, la différence est grande. De tels jeux de formes et de mots, Hassan Musa, né au Soudan en 1951, est l’un des inventeurs les plus efficaces de l’art actuel. Son exposition, présentée à la Galerie Maïa Muller, à Paris, le démontre. Philippe Dagen« Yo Mama », Galerie Maïa Muller, 19, rue Chapon, Paris 3e. Tél. : 09-83-56-66-60. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 5 décembre.EXPOSITION. Le Roi se meurt, à Versailles Trois siècles après la mort du Roi-Soleil, le château que Louis XIV a bâti à sa mesure met en scène le grand théâtre de la mort organisé il y a trois siècles, au lendemain de son décès, le 1er septembre 1715. Des pompes funèbres qui se prolongèrent plus de deux mois en la basilique de Saint-Denis. Sont reconstitués la spectaculaire chapelle ardente et le catafalque immaculé, dressés dans la nef. Ce décor éphémère fut imaginé et construit par l’atelier des Menus Plaisirs du roi, chargé de la mise en scène des fêtes données à Versailles. Des manuscrits inédits sont montrés dans l’exposition, notamment le testament du roi et les rares vestiges rescapés de la Révolution française. La plaque en cuivre qui identifiait son cercueil – profané en 1793 et jeté dans la fosse commune – fut retrouvée, transformée en casserole, dans une auberge. On apprend que ces festivités funestes étaient une mode européenne très courue, documents à l’appui, de Madrid à Mexico. Un faste auquel eurent droit Napoléon, Voltaire, Victor Hugo, Félix Faure ou encore Sadi Carnot, comme le montre le monumental rouleau peint oublié dans les réserves du château. Florence Evin « Le roi est mort », jusqu’au 1er janvier 2016, château de Versailles (Yvelines), tous les jours de 9 heures à 17 h 30, sauf le lundi. De 13 € à 15 €. Chateaudeversailles.frDANSE. La playlist musclée de Jean-Claude Gallotta, à Paris My Rock, créé en 2004 pour treize danseurs, fonce pied au plancher selon une règle du jeu simple : une chanson, une danse. Une sélection de treize titres trace la route intime du rock dans les veines du chorégraphe et danseur Jean-Claude Gallotta. « Ces rythmes m’ont accompagné adolescent, raconte-t-il dans le spectacle qu’il mène en crooner-slameur. Ils m’ont peut-être permis d’échapper à ma crise d’angoisse existentielle et de répondre à cette question : “Quoi faire de ma vie ?” » D’Elvis Presley à Patti Smith, des Beatles à Wilson Pickett, la playlist du chorégraphe, qui introduit chaque morceau en direct, fait courir les influx nerveux mais aussi mélancoliques de leur énergie. Rosita BoisseauThéâtre du Rond-Point, 2, bis avenue Franklin-Delano-Roosevelt, Paris 8e. Jusqu’au 6 décembre, 18 h 30. Tél. : 01-44-95 98-21. De 14 € à 40 €.EXPOSITION. Une immersion dans l’œuvre de Bacon, à Monaco Découvrant Monaco au début des années 1940, le peintre anglais Francis Bacon (1909-1992) décide de s’y arrêter, l’air méditerranéen se révélant bénéfique pour soulager son asthme chronique. Il y restera quatre ans, puis y reviendra à plusieurs reprises au cours de sa vie. Une fondation, créée par l’homme d’affaires et amateur d’art Majid Boustany afin de promouvoir l’œuvre de l’artiste et mieux faire comprendre sa démarche et son univers, notamment pendant la période où il résida à Monaco, a été inaugurée en octobre 2014, au cœur de la principauté. Elle réunit à la fois des lithographies, sculptures et toiles de l’artiste, mais aussi des œuvres qui l’ont influencé, des photos, des documents de travail, des lettres, des objets qui l’entouraient dans ses ateliers. Le lieu est ouvert toute l’année aux chercheurs et historiens d’art, mais le grand public y est également accueilli sur rendez-vous. Sylvie KervielFondation Francis Bacon, 21, boulevard d’Italie, Monaco. Mbartfoundation.com.THÉÂTRE. L’affaire Bettencourt relue par Michel Vinaver, au TNP de VilleurbanneC’est une pièce formidable : Bettencourt Boulevard ou Une histoire de France. Ecrite début 2014 par Michel Vinaver, elle met en scène les protagonistes de l’affaire politico-financière la plus marquante de la présidence de Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat y apparaît sous son nom, tout comme Patrice de Maistre, François-Marie Banier, Claire Thibout, Eric Woerth… et bien sûr Liliane Bettencourt et sa fille, Françoise Bettencourt Meyers. La primeur de la création de la pièce revient au Théâtre national populaire de Villeurbanne, où Christian Schiaretti, le directeur, la met en scène. A découvrir ! Brigitte SalinoThéâtre national populaire, 8, place Lazare-Goujon, Villeurbanne (Rhône). Tél. : 04-78-03-30-00. Vendredi et samedi, à 20 heures ; dimanche à 15 h 30. Jusqu’au 19 décembre. Tarifs : 14 € et 25 €.HUMOUR. Une comédie insolente et culottée, au Café de la gare, à ParisSi vous êtes nostalgique du Père Noël est une ordure – la farce mythique de la troupe du Splendid –, si vous avez aimé, beaucoup plus récemment, au cinéma, les six sketchs aussi cruels qu’hilarants des Nouveaux Sauvages (le film de l’Argentin Damian Szifron), alors courez découvrir Ça n’arrive pas qu’aux autres. Cette comédie sociale et insolente renoue avec un humour trash, trop souvent absent des scènes parisiennes. Issus de la troupe de Pierre Palmade, Benoît Moret et Nicolas Martinez ont écrit et mis en scène cette véritable petite bombe humoristique. Heureusement qu’il y a toujours le Café de la gare pour accueillir des pièces aussi brillamment culottées. Sandrine BlanchardCafé de la gare, 41, rue du Temple, Paris 4e. Réservations : 01-42-78-52-51. Durée : 1 h 30. Tarifs : 26 € (10 € pour les moins de 26 ans). Du mercredi au samedi à 21 heures et le dimanche à 16 h 30, jusqu’au 31 décembre. Gilles van Kote Il est un peu plus de 21 h 40, vendredi 13 novembre, et Daniel Psenny, journaliste à la rubrique Télévisions du Monde, travaille chez lui, au deuxième étage d’un immeuble situé derrière le Bataclan. Sur l’écran de la télévision, Jean-Hugues Anglade joue le rôle d’un commissaire de police. Daniel y prête une attention distraite, comme aux déflagrations qu’il entend et qui lui semble provenir de la série.« Comme ça devenait répétitif, je suis allé à la fenêtre et là, j’ai vu des gens sortir en courant et en criant des sorties de secours du Bataclan, qui se trouvent à quelques mètres en biais, de l’autre côté de la rue, raconte-t-il. Dans un premier temps, je me suis dit que c’était une bagarre qui démarrait, un peu plus forte peut-être que celles qui se produisent parfois en marge d’un concert. »Mais de nouveaux coups de feu sont tirés depuis l’intérieur de la salle, à intervalles distincts, pas en rafale, et la panique gagne : des spectateurs sortent par vagues du Bataclan, certains s’effondrent sur la chaussée étroite, d’autres fuient à toutes jambes, d’autres encore tentent de s’éloigner de la salle de concert, mais tombent à terre. Des personnes tentent de leur venir en aide en les traînant.« Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée »« J’ai pris mon téléphone et j’ai filmé, par réflexe professionnel et parce que j’étais en position de le faire, se souvient Daniel Psenny, dont la vidéo a fait le tour du monde. C’était un document qui pouvait ne servir à rien... ou à quelque chose, au cas où. Au début, je demande par la fenêtre ce qui se passe, mais personne ne me répond. »Le journaliste appelle un confrère du Monde, qui l’informe des attaques en cours dans la région parisienne. « C’est là que je prends conscience que ce n’est pas une bagarre et que quelque chose de très grave se passe sous mes yeux. »Les déflagrations cessent au bout d’une dizaine de minutes. « Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée de mon immeuble et que les gens puissent se réfugier dans le hall ou dans la petite cour. Mais personne n’est entré, les gens ne voulaient pas s’arrêter. »Daniel Psenny, qui pense alors que la fusillade est terminée, jette un coup d’oeil prudent dans la rue, voit des corps devant les issues de secours du Bataclan et, à quelques mètres à droite de l’entrée de son immeuble, un homme en tee-shirt rouge allongé face contre terre, visiblement mal en point. Un homme en noir, qu’il ne reverra plus par la suite, s’approche du blessé. Le journaliste vient à la rescousse et les deux hommes tirent le blessé pour le mettre à l’abri dans le hall de l’immeuble. « Comme un bruit de pétard sur mon bras »« J’ai dû ressortir pour refermer la porte de l’immeuble, je ne m’en souviens plus, tout ce que je sais, c’est que la rue semblait vide. Puis, il y a eu comme un bruit de pétard sur mon bras, une très forte douleur et le sang a jailli. La balle, on ne l’entend pas arriver... J’ai compris qu’on m’avait tiré dessus, je n’ai pas vu qui, et ça a recommencé à tirer. A posteriori, je me dis que le tireur était soit sorti dans la rue, soit à la fenêtre du Bataclan qui se trouve au premier étage. Il a dû voir deux hommes traîner un blessé, il était là pour faire un carton, un massacre. »La balle a traversé le biceps gauche et s’est fichée sous le clavier du digicode de l’immeuble. Un voisin fait précipitamment entrer Daniel Psenny dans son appartement. « Mais je n’avais qu’une idée en tête, c’était d’aller à l’hôpital pour m’y faire soigner. J’ai fait un garrot avec une chemise, pour éviter que le sang coule trop fort. »Les voisins du quatrième, que Daniel a appelés depuis l’interphone pour leur demander de l’aide, le font monter chez eux puis reviennent chercher l’homme blessé, un Américain prénommé Matthew. Blessé par balle au mollet, celui-ci est installé sur un canapé. Daniel appelle sur son portable une amie médecin, qui lui prodigue quelques conseils et lui explique comment effectuer des points de compression.Lire aussi :A l’hôpital, Daniel Psenny du « Monde » retrouve Matthew« Tétanisées, prostrées, terrorisées »« J’ai, ensuite, appelé des gens du journal pour leur dire qu’on était coincés, qu’il fallait absolument qu’on nous évacue. Mais les forces de l’ordre interdisaient tout accès au passage et donc a commencé une très longue attente. C’était très angoissant de se dire qu’on était en plein Paris, que l’on allait se vider de notre sang et que personne ne pouvait nous venir en aide. »Les personnes présentes dans la salle de séjour, maculée du sang des blessés, sont « tétanisées, prostrées, terrorisées ». Dans la chambre voisine, un enfant dort. Les détonations ou les allers et venues ne le réveilleront pas, pas plus que les explosions qui secoueront l’immeuble au moment de l’assaut final.Daniel Psenny est en contact régulier par téléphone avec des collègues, la police, les pompiers... « Les saignements reprenaient régulièrement, Matthew était très pâle et vomissait, mais nous n’avons jamais perdu conscience. C’est même étonnant que nous soyons restés aussi lucides, malgré les balles que nous avions prises. »Il faudra attendre une heure du matin et l’assaut final pour que les blessés soient « libérés ». Le Raid, depuis la rue, les autorise à quitter l’immeuble. Daniel Psenny descend à pied les escaliers et tombe nez-à-nez avec un agent du Raid qui le met en joue, le temps de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un assaillant. Il est évacué à pied vers le Cirque d’Hiver.« On m’a dirigé vers un restaurant où était installé un hôpital de campagne, on m’a fait un pansement pour arrêter l’hémorragie, on m’a mis une perfusion puis je suis parti en ambulance pour l’hôpital Pompidou. Là, il y avait beaucoup de monde mais c’était très calme, pas du tout l’ambiance de la série « Urgences« . Les médecins et infirmières nous ont pris en charge de façon très sereine. »Daniel Psenny a été opéré au bras samedi 14 novembre en fin de journée, après d’autres blessés plus gravement touchés que lui. Il est sorti de l’hôpital mercredi 18 novembre.Gilles van KoteDirecteur déléguéSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 19.11.2015 à 11h50 | Laurent Carpentier, Fabienne Darge et Clarisse Fabre Ouvrir le sac, on a l’habitude. Déboutonner le manteau, il va falloir s’y faire… C’est le prix à payer pour entrer au Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis, ce mercredi 18 novembre, un peu avant 20 heures. Le vigile vérifie que l’on n’a pas d’objets suspects à la ceinture… Peu importe, le « TGP » est ouvert, c’est l’essentiel. Au petit matin, sidérée, l’équipe du théâtre a appris la nouvelle de l’assaut du RAID, rue du Corbillon, à cent mètres du TGP, au cours duquel, entre autres, une femme a actionné son gilet explosif… Le théâtre était entouré de barrières, inaccessible, comme vaincu par les événements.« Les CRS, on est habitués. Mais il y avait aussi l’armée, et ça raconte autre chose », témoigne le directeur du TGP, Jean Bellorini. Ce n’est que vers 14 heures que l’équipe du TGP a obtenu l’assurance de pouvoir ouvrir le théâtre. Mais comment faire venir le public, après une telle journée ? « Une fanfare a joué dans le hall, vers 19 heures, pour détendre l’atmosphère et pour couvrir le bruit des sirènes au cas où… », explique le patron du TGP. Même s’il manque « une centaine de collégiens et de lycéens », le soulagement est perceptible : 140 spectateurs sont déjà installés pour découvrir la pièce de Molière, Trissotin ou les femmes savantes, mise en scène par Macha Makeïeff, à l’affiche jusqu’au 29 novembre ; et une bonne vingtaine attendent d’entrer dans la petite salle pour voir M’appelle Mohamed Ali, une performance d’Etienne Minoungou, sur un texte de Dieudonné Niangouna, mise en scène par Jean Hamado Tiemtoré jusqu’au 22 novembre.Le spectacle fait des allers-retours entre l’itinéraire du boxeur, la vie du comédien et celle de l’auteur du texte. Etienne Ninoungou tombe le masque, parle de lui, de la difficulté d’être comédien et noir, quand on vous propose de faire « le cascadeur » ou « l’oncle de Kirikou ». Soudain, le bruit d’une sirène parvient jusque dans la salle : « Peut-être on devrait s’arrêter là ? », propose-t-il. Mais il continue de plus belle…« Ne pas rester chacun chez soi, en train de flipper »En quittant le théâtre, vers 22 heures 30, les spectateurs disent à peu près la même chose : venir dans une salle, c’est être ensemble, découvrir une création. Rien ne doit changer, il faut sortir comme avant ! A l’angle de la rue Corbillon, le dernier car de CRS quitte les lieux de l’assaut. Deux spectateurs, Daniel et Francis, s’engouffrent dans la station de métro Saint-Denis Basilique, ligne 13. Attentats ou pas, ils font le plein de culture et résument ainsi la semaine écoulée : « Lundi, Philharmonie ; mardi, théâtre de Malakoff ; mercredi, TGP ; jeudi, les Abbesses ; vendredi relâche ; samedi, Théâtre de la Ville. » Dans la rame de métro, un groupe de jeunes gens débarque avec bouteilles d’alcool et salades de quinoa. « Vous voulez goûter ? », propose l’une des jeunes filles, qui ne tarde pas à engager la conversation. « On va danser au Rex, on veut profiter de la vie, ne pas rester chacun chez soi en train de flipper », résume-t-elle. Ils sont étudiants en « dentaire » et ont grandi avec le terrorisme : « J’étais en CM1 le 11 septembre 2001 », glisse l’un d’eux.On les rejoindra plus tard, après une traversée du 11e arrondissement. Et là, surprise encore : impossible de boire une bière en terrasse, dans les alentours du Théâtre de la Bastille : rue de la Roquette, rue de Lappe et dans les petites rues alentour, les cafés sont pleins, archi pleins. Le Théâtre de la Bastille, pourtant situé dans un mouchoir de poche ultra-sensible, entre la rue Keller, où est domicilié le premier ministre, Manuel Valls, et la synagogue de la rue de la Roquette, a rouvert depuis mardi soir. Mercredi, la salle affiche complet pour le réjouissant spectacle de Vincent Thomasset, Lettres de non-motivation. « Mardi soir, pour la réouverture, nous avons même eu plus de monde que nous n’en avons d’habitude le mardi, un jour plutôt creux, raconte un membre de l’équipe. Il y a une volonté manifeste des habitants de montrer qu’ils veulent continuer à vivre, à se cultiver. »Deux vigiles embauchésSeul changement dans ce lieu : deux vigiles ont été embauchés à l’entrée, et un responsable du théâtre reste en permanence dans la salle, auprès des spectateurs, pour le cas où… Vers minuit, on sert encore des verres et on danse aux Deux Amis, un bar de la rue Oberkampf, non loin des bouquets de fleurs, bougies et hommages aux victimes sur le boulevard Richard-Lenoir. « L’amour vaincra », lit-on sur une feuille blanche.Dans le taxi, en route pour le Rex, on se croirait déjà en boîte de nuit. Le chauffeur a mis de la musique pour se motiver. Mais l’actualité vient le rappeler à l’ordre : « Ce soir, la préfecture a envoyé un message radio à tous les chauffeurs de taxi pour savoir si quelqu’un avait chargé un client place Albert-Kahn, dans le 18e arrondissement. Cet homme aurait un lien avec les attaques du 13 novembre », indique-t-il.Boulevard Poissonnière, il n’y a pas la queue devant le Rex, l’un des rares clubs ouverts le mercredi soir, dans la capitale. Le patron de la salle, Fabrice Gadeau, se réjouit que « Paris revive la nuit », mais il tempère aussitôt sa joie : « On va faire 50 % d’entrées en moins, car beaucoup de jeunes ne sortent pas. Les parents estiment que c’est trop risqué. »Musées et cinémas ne font pas le pleinMême son de cloche dans les musées. « C’est le bon jour pour venir voir la Joconde, sourit une employée du Louvre, le nez au vent. Il n’y a franchement personne. » Face au chef-d’oeuvre de Léonard, les surveillants d’ordinaire, si occupés, ont le temps de vaquer. Sous la pyramide en verre de Pei, le grand hall, en général bondé, est d’une fluidité inquiétante. Dans la salle des sculptures italiennes, formidablement seule sur son banc, une Colombienne, étudiante en art, dessine le buste de saint Jean-Baptiste par Desiderio da Settignano (1428-1464) dans un face-à-face étrangement silencieux. Elle vient tous les jours depuis dix jours : « Cela n’a jamais été aussi vide qu’aujourd’hui. Il n’y a désormais pratiquement plus que des gens en groupes organisés. »Situation similaire dans les cinémas. Sur les 1 474 écrans de la région parisienne, on a comptabilisé mardi soir 65 000 spectateurs, contre un peu plus du double le mardi précédent. Et les premiers résultats des sorties de mercredi confirment un recul inquiétant de la fréquentation. Mais les exploitants cherchent surtout à comprendre qui manque à l’appel : « A 14 heures, analyse l’un d’entre eux, L’Hermine de Christian Vincent, avec Fabrice Luchini, réalisait le même score que le troisième volet de la saga Hunger Games, un blockbuster. Ce n’est pas normal. Tout ça semble indiquer que ce sont les jeunes qui ne sont pas là. Je connais des mères qui disent aujourd’hui : “Je ne laisserais pas mes enfants sortir seul, c’est trop dangereux.” » Les résultats des films d’animation semblent lui donner raison. Ils plongent purement et simplement. Le jeune public est resté à la maison. « Or, ce ne sont pas les vieux qui font les gros résultats du box-office », soupire-t-il.Retour au Rex, où les jeunes noctambules se font désirer. Deux DJ allemands ont annulé leur venue jeudi soir, « et même un Français », déplore Fabrice Gadeau. Un autre patron de boîte, Aurélien, qui dirige le Badaboum, rue des Taillandiers, dans le XIe, est venu le soutenir : « On vend du “feel good”, du lâcher-prise. » Pas simple, par les temps qui courent.Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterClarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFabienne DargeJournaliste au Monde Olivier Zilbertin Documentaire sur France 3, à 23 h 35Une partie des six millions de juifs assassinés durant la Shoah auraient-ils pu être sauvés si les Alliés avaient décidé d’intervenir ? C’est la question qu’aborde sans détour la documentariste Virginie Linhart.Rapidement, une certitude se dessine au fil des documents d’époque, longtemps classés secret-défense : les Alliés furent assez tôt alertés sur le génocide qui se préparait, puis se déroulait, en Europe. D’ailleurs, peut-on seulement « éliminer six millions de personnes dans le plus grand secret ? », interroge le documentaire. Et si les dirigeants font mine de découvrir l’horreur des camps au moment de leur libération en 1945, on sait désormais que Churchill, Roosevelt, de Gaulle et Staline savaient. Ils n’ont rien fait. Mais avaient-ils les moyens d’agir ? Dès 1941, alors que les troupes allemandes envahissent l’Union soviétique, Staline autorise à Moscou la réunion des représentants et des personnalités de la communauté juive afin de dénoncer, déjà, le génocide qui commence. On peut y parler yiddish, la langue des juifs d’Europe de l’Est, pourtant interdite en Russie depuis l’avènement du communisme.Ecoutes, rapports des services secrets, témoignages...Pour Staline, l’appel, relayé par la presse yiddish de New York, vise surtout à mobiliser l’importante communauté juive américaine. Et, de fait, les dons affluent pour soutenir l’effort de guerre soviétique face à la barbarie nazie. A Londres comme à Washington, on ne peut rapidement plus ignorer ce qui se trame sur le Vieux Continent. Ecoutes, rapports des services secrets, témoignages… Mais, pour Churchill, la priorité reste de gagner la guerre. Alors que les Etats-Unis sont accaparés par leur conflit contre le Japon, Roosevelt se voit, lui, confronté à une montée de l’antisémitisme et des mouvements pronazis dans son pays. A plusieurs reprises, il évitera de rendre publiques des informations sur la Shoah. Fin 1941, 1 200 000 juifs ont déjà été tués.Le décompte macabre va se poursuivre du fait des incrédulités des uns, des intérêts politiques des autres, des enjeux stratégiques de tous. En 1943, quand plus de 4 millions de juifs auront été exterminés, la majeure partie des Américains ignorent encore tout de la tragédie. Le terrible compteur indiquera 5 800 000 morts à la libération des camps. Il marquera aussi l’« impuissance » du monde face à la plus terrible barbarie.Ce qu’ils savaient : les Alliés face à la Shoah, de Virginie Linhart (France, 2012, 70 minutes). Jeudi 19 novembre, à 23 h 35, sur France 3Olivier ZilbertinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Film sur Paris Première à 20 h 45Dans Garrison, une cité-dortoir du New Jersey baptisée « Copland » en raison du nombre de policiers qui y habitent, l’ordre est entre de bonnes mains. Sauf que la loi en vigueur n’a rien à voir avec celle mentionnée dans le code civil. C’est là que règne Freddy Heflin, le shérif local (Sylvester Stallone), à moitié sourd, obèse, fruste et guère intelligent. Il se contente de régler la circulation et délègue le reste de son pouvoir à Ray Donlan (Harvey Keitel), un officier corrompu qui a transformé Garrison en une ville franche ; la loi du silence en échange d’un confort avantageux octroyé à chacun des flics de la communauté.La manière dont Freddy Heflin va prendre en main son destin de médiocre pour céder aux injonctions de Moe Tilden (Robert De Niro), un inspecteur de la police des polices, est caractéristique du modèle du shérif institué par le western dans les années 1950, écœuré par le sentiment de l’imperfection de la justice humaine et gagné par la tentation de la sécurité personnelle ou familiale.Pas un simple exercice de styleLa communauté de Garrison est réminiscente de celle de My Darling Clementine (1947), dont James Mangold reprend la structure dans Copland (1997). Comme dans le film de John Ford, une ville est livrée au chaos et à la confusion, avant de retrouver le sens de l’ordre et de la loi, puis de s’intégrer à un tissu social. Toute la démarche du film consiste à faire disparaître l’enclave de « Copland » pour l’intégrer à l’autre rive de l’Hudson, à effacer l’idée de territoire pour l’intégrer à un pays. Cette démarche, d’un parfait classicisme, fait de Copland autre chose qu’une œuvre de bonne facture ou un simple exercice de style.James Mangold filme Stallone en quinquagénaire lent et alourdi, mal à l’aise dans son corps gras, se réfugiant dans les bras d’Annabella Sciorra, sa maîtresse de passage, comme un gamin maladroit venu chercher un peu d’érotisme et de sommeil. Il y a du Victor Mature (celui du My Darling Clementine) chez Stallone. Il possède, comme lui, cette capacité à afficher en un regard une immense détresse, à traîner comme un fardeau une vie gâchée, reflet d’une carrière d’acteur elle aussi ratée.Une existence gâchéeCar c’est de cela qu’il est question dans Copland : un homme qui avait tout pour lui et qui, à la suite d’un banal accident, gamin, se retrouve avec une oreille en moins et une existence gâchée. Freddy Heflin est la réplique du shérif Tucker, interprété par Henry Fonda dans Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), où il incarnait un homme lâchant son étoile et qui, avec toute la détermination du héros mannien, retrouvait la force de refaire son métier. Le fantôme Stallone, l’acteur comme le personnage qu’il interprète, finit par retourner à la vie. Et sa résurrection a quelque chose d’émouvant.Dans sa maison en préfabriqué, Heflin possède au moins un trésor : une vieille platine stéréo où il écoute des disques 33-tours. Copland donne souvent l’effet d’un vieux 33-tours qui repasserait des airs méconnus : la fin de L’Epreuve de force (1977), de Clint Eastwood, plusieurs scènes sorties du Prince de New York (1981), de Sidney Lumet, une galerie de personnages sortis de l’univers de Scorsese. Faut-il s’imprégner de cette nostalgie ? Et comment ! Copland est l’équivalent d’un disque microsillon enregistré en son mono. On les conserve, on les soigne, et on leur apporte l’attention qu’on doit à un art que l’on croyait disparu.Copland, de James Mangold. Avec Sylvester Stallone, Robert De Niro, Harvey Keitel (EU, 1997, 125 min). Jeudi 19 novembre, 20 h 45, sur Paris PremièreSamuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino Il y aura du théâtre ce soir, le 18 novembre, à Saint-Denis. Jean Bellorini, le directeur du Théâtre Gérard-Philipe, en a décidé ainsi, en accord avec les autorités, après la fin de l’opération policière antiterroriste menée dans la ville le matin. Les deux spectacles prévus, Trissotin ou Les Femmes savantes, de Molière, et M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, sont donc maintenus. « Plus que jamais, déclare Jean Bellorini, il est important que l’on joue, que le théâtre soit joyeux, vivant, accueillant. On a la chance, à Saint-Denis, d’être dans une ville compliquée, donc riche, donc humaine. C’est un acte politique que d’y défendre nos valeurs, en 2015. Nous le faisant ce soir en présentant deux pièces, l’une classique, l’autre contemporaine, qui parlent du monde. » De son côté, Macha Makaïeff, metteure en scène de Trissotin ou les Femmes savantes, a adressé une lettre à la troupe qui joue la pièce de Molière. « Nous jouerons ce soir à Saint-Denis; je sais votre vaillance. Au plus vite, au plus tôt, nous serons sur scène avec Molière plus ardents que jamais. Cette expérience de l’empêchement de ces derniers jours nous confirme la force de notre mission chaque soir dans nos théâtres qui restent ces hauts lieux symboliques et forts de la liberté, de la fiction, de l’intelligence au cœur des villes, et vérifie combien est beau l’exercice de votre art, et nécessaire l’exercice des métiers de la scène. A Saint-Denis comme à Marseille, comme partout en France, les théâtres sont des phares et nous gardent éveillés. Contre le sectarisme, l’obscurantisme, la peur de l’autre.Dans quelques heures, nous nous mettrons en place dans les coulisses du Théâtre Gérard Philipe selon le même rituel immuable, nous ferons la mise avec la même concentration, nous serons ensemble, avec Jean Bellorini à nos côtés, et le public sera venu dans la salle, attentif et heureux, et nous jouerons la comédie. Le théâtre est ce lieu de liberté, de plaisir et de réjouissance irréductible que nous servons. »Trissotin ou Les femmes savantes, de Molière, mise en scène de Macha Makeïeff, du lundi au samedi à 20 heures, dimanche à 15h30, jusqu’au 29 novembre (durée 2h10). M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, mise en scène de Jean Hamado Tiemtoré, à 20h30, jusqu’au samedi 21 novembre, dimanche 22 à 16 heures (durée : 1h10). Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, 59, boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine Saint-Denis). Tél. : 01-48-13-70-00.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale) C’est une œuvre rare, difficile, pratiquement disparue de la scène lyrique si ce n’est en version de concert que présentait, le 23 octobre, l’Opéra du Rhin, qui programmait l’unique opéra de Gabriel Fauré, Pénélope. Encore faut-il un événement comme la célébration du centenaire du Théâtre des Champs-Elysées (lieu de la création parisienne de Pénélope le 9 mai 1913, après Monte-Carlo le 4 mars) pour entendre Anna Caterina Antonacci tenir tête à un rôle écrasant au côté de Roberto Alagna, le 20 juin 2013.L’incarnation de l’impavide épouse d’Ulysse par la mezzo italienne, adonnée aux grands rôles tragiques de l’opéra français, égale-t-elle celle des monstres sacrés dont les noms restent liés au rôle – la créatrice de 1913, Lucienne Bréval, Germaine Lubin à Paris (en 1919 puis en 1943), Régine Crespin dans les années 1960, enfin Jessye Norman en 1980 ? Antonacci possède sans conteste la beauté et l’aura tragique de la première femme fidèle de l’histoire de l’opéra (dès 1640 avec Il Ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi). Face à la brutale avidité des prétendants, à la frivolité débridée des servantes, la guerrière Pénélope s’est mise en travers de son destin de femme. L’engagement de l’artiste force le respect mais la prééminence du rôle et l’étendue de la tessiture sont des écueils incontournables : grave et bas-médium émis en voix de poitrine, aigus aux limites, manquant de brillant et d’aisance.Ramener la partition à la vieS’il ne sera reconnu par sa femme qu’à la toute fin de l’opéra, Ulysse a été d’emblée repéré par son chien (un vrai, auquel il donne une croquette) puis par sa vieille nourrice, Euryclée, interprétée par le contralto compassionnel d’Elodie Méchain. Dans le palais assiégé, les prétendants font rage, emmenés par l’Eurymaque prédateur d’Edwin Crossley-Mercer, l’Antinoüs plus amoureux de Martial Defontaine. Le ténor belge, Marc Laho, pourrait n’être qu’un faire-valoir de l’inflexible reine d’Ithaque. Mais son Ulysse clair et bien projeté navigue assez subtilement entre lassitude de l’errance, volonté de défier ses ennemis et retour aimant. D’or est la diction de Jean-Philippe Lafont en vieux berger Eumée, même si le timbre paraît bien élimé.Le chef d’orchestre Patrick Davin avait pour mission de ramener à la vie cette partition à la fois sensuelle et ascète, dont le long continuum emprunte, sans l’imiter, au récitatif de l’esthétique wagnérienne. Fauré le mélodiste a laissé place à Fauré le symphoniste, dont l’inspiration faiblit parfois – difficile de croire qu’à trois semaines de cette Pénélope, Stravinski fera exploser, sur la même scène parisienne, son Sacre du printemps. Face à un Orchestre symphonique de Mulhouse visiblement aux limites, le chef français limite avec élégance les dégâts.Olivier Py réalisait avec Pénélope le second volet de son diptyque d’opéras français commencé la saison dernière avec Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas. Le fidèle Pierre-André Weitz a construit la masse sombre d’un château monté sur tournette, dont la giration permanente métaphorise à la fois l’attente et la prison de Pénélope. La bonne idée a été de « ramener » à Ithaque le fils d’Ulysse, Télémaque, absent de l’opéra, dont Py a fait un rôle muet. Moins convaincants, les inévitables tics de mise en scène contemporaine que sont la courte figuration du père d’Ulysse (lui aussi absent de l’opéra) sur un lit d’hôpital, les interminables scènes de copulation des prétendants en chemise brune avec les servantes ou la pantomime de tréteaux qui accompagne le récit d’Ulysse, sans parler d’un cheval (de Troie) trottinant dans l’eau saumâtre qui a envahi le plateau. Rien qui doive mettre en doute le sérieux éminent avec lequel Olivier Py a servi Fauré et sa marmoréenne Pénélope.Pénélope, de Gabriel Fauré. Avec Anna Caterina Antonacci, Marc Laho, Elodie Méchain, Sarah Laulan, Jean-Philippe Lafont, Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Bertrand Killy (lumières), Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrick Davin (direction). Opéra national du Rhin, à Strasbourg (67). Le 23 octobre. Reprise à La Filature de Mulhouse (68), le 20 et 22 novembre. Tél. : 03-89-36-28-28. De 38 € à 74 €. Operanationaldurhin.euMarie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Brigitte Salino Il y aura du théâtre ce soir, le 18 novembre, à Saint-Denis. Jean Bellorini, le directeur du Théâtre Gérard-Philipe, en a décidé ainsi, en accord avec les autorités, après la fin de l’opération policière antiterroriste menée dans la ville le matin. Les deux spectacles prévus, Trissotin ou Les Femmes savantes, de Molière, et M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, sont donc maintenus. « Plus que jamais, déclare Jean Bellorini, il est important que l’on joue, que le théâtre soit joyeux, vivant, accueillant. On a la chance, à Saint-Denis, d’être dans une ville compliquée, donc riche, donc humaine. C’est un acte politique que d’y défendre nos valeurs, en 2015. Nous le faisant ce soir en présentant deux pièces, l’une classique, l’autre contemporaine, qui parlent du monde. » De son côté, Macha Makaïeff, metteure en scène de Trissotin ou les Femmes savantes, a adressé une lettre à la troupe qui joue la pièce de Molière. « Nous jouerons ce soir à Saint-Denis; je sais votre vaillance. Au plus vite, au plus tôt, nous serons sur scène avec Molière plus ardents que jamais. Cette expérience de l’empêchement de ces derniers jours nous confirme la force de notre mission chaque soir dans nos théâtres qui restent ces hauts lieux symboliques et forts de la liberté, de la fiction, de l’intelligence au cœur des villes, et vérifie combien est beau l’exercice de votre art, et nécessaire l’exercice des métiers de la scène. A Saint-Denis comme à Marseille, comme partout en France, les théâtres sont des phares et nous gardent éveillés. Contre le sectarisme, l’obscurantisme, la peur de l’autre.Dans quelques heures, nous nous mettrons en place dans les coulisses du Théâtre Gérard Philipe selon le même rituel immuable, nous ferons la mise avec la même concentration, nous serons ensemble, avec Jean Bellorini à nos côtés, et le public sera venu dans la salle, attentif et heureux, et nous jouerons la comédie. Le théâtre est ce lieu de liberté, de plaisir et de réjouissance irréductible que nous servons. »Trissotin ou Les femmes savantes, de Molière, mise en scène de Macha Makeïeff, du lundi au samedi à 20 heures, dimanche à 15h30, jusqu’au 29 novembre (durée 2h10). M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, mise en scène de Jean Hamado Tiemtoré, à 20h30, jusqu’au samedi 21 novembre, dimanche 22 à 16 heures (durée : 1h10). Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, 59, boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine Saint-Denis). Tél. : 01-48-13-70-00.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale) C’est une œuvre rare, difficile, pratiquement disparue de la scène lyrique si ce n’est en version de concert que présentait, le 23 octobre, l’Opéra du Rhin, qui programmait l’unique opéra de Gabriel Fauré, Pénélope. Encore faut-il un événement comme la célébration du centenaire du Théâtre des Champs-Elysées (lieu de la création parisienne de Pénélope le 9 mai 1913, après Monte-Carlo le 4 mars) pour entendre Anna Caterina Antonacci tenir tête à un rôle écrasant au côté de Roberto Alagna, le 20 juin 2013.L’incarnation de l’impavide épouse d’Ulysse par la mezzo italienne, adonnée aux grands rôles tragiques de l’opéra français, égale-t-elle celle des monstres sacrés dont les noms restent liés au rôle – la créatrice de 1913, Lucienne Bréval, Germaine Lubin à Paris (en 1919 puis en 1943), Régine Crespin dans les années 1960, enfin Jessye Norman en 1980 ? Antonacci possède sans conteste la beauté et l’aura tragique de la première femme fidèle de l’histoire de l’opéra (dès 1640 avec Il Ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi). Face à la brutale avidité des prétendants, à la frivolité débridée des servantes, la guerrière Pénélope s’est mise en travers de son destin de femme. L’engagement de l’artiste force le respect mais la prééminence du rôle et l’étendue de la tessiture sont des écueils incontournables : grave et bas-médium émis en voix de poitrine, aigus aux limites, manquant de brillant et d’aisance.Ramener la partition à la vieS’il ne sera reconnu par sa femme qu’à la toute fin de l’opéra, Ulysse a été d’emblée repéré par son chien (un vrai, auquel il donne une croquette) puis par sa vieille nourrice, Euryclée, interprétée par le contralto compassionnel d’Elodie Méchain. Dans le palais assiégé, les prétendants font rage, emmenés par l’Eurymaque prédateur d’Edwin Crossley-Mercer, l’Antinoüs plus amoureux de Martial Defontaine. Le ténor belge, Marc Laho, pourrait n’être qu’un faire-valoir de l’inflexible reine d’Ithaque. Mais son Ulysse clair et bien projeté navigue assez subtilement entre lassitude de l’errance, volonté de défier ses ennemis et retour aimant. D’or est la diction de Jean-Philippe Lafont en vieux berger Eumée, même si le timbre paraît bien élimé.Le chef d’orchestre Patrick Davin avait pour mission de ramener à la vie cette partition à la fois sensuelle et ascète, dont le long continuum emprunte, sans l’imiter, au récitatif de l’esthétique wagnérienne. Fauré le mélodiste a laissé place à Fauré le symphoniste, dont l’inspiration faiblit parfois – difficile de croire qu’à trois semaines de cette Pénélope, Stravinski fera exploser, sur la même scène parisienne, son Sacre du printemps. Face à un Orchestre symphonique de Mulhouse visiblement aux limites, le chef français limite avec élégance les dégâts.Olivier Py réalisait avec Pénélope le second volet de son diptyque d’opéras français commencé la saison dernière avec Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas. Le fidèle Pierre-André Weitz a construit la masse sombre d’un château monté sur tournette, dont la giration permanente métaphorise à la fois l’attente et la prison de Pénélope. La bonne idée a été de « ramener » à Ithaque le fils d’Ulysse, Télémaque, absent de l’opéra, dont Py a fait un rôle muet. Moins convaincants, les inévitables tics de mise en scène contemporaine que sont la courte figuration du père d’Ulysse (lui aussi absent de l’opéra) sur un lit d’hôpital, les interminables scènes de copulation des prétendants en chemise brune avec les servantes ou la pantomime de tréteaux qui accompagne le récit d’Ulysse, sans parler d’un cheval (de Troie) trottinant dans l’eau saumâtre qui a envahi le plateau. Rien qui doive mettre en doute le sérieux éminent avec lequel Olivier Py a servi Fauré et sa marmoréenne Pénélope.Pénélope, de Gabriel Fauré. Avec Anna Caterina Antonacci, Marc Laho, Elodie Méchain, Sarah Laulan, Jean-Philippe Lafont, Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Bertrand Killy (lumières), Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrick Davin (direction). Opéra national du Rhin, à Strasbourg (67). Le 23 octobre. Reprise à La Filature de Mulhouse (68), le 20 et 22 novembre. Tél. : 03-89-36-28-28. De 38 € à 74 €. Operanationaldurhin.euMarie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Véronique Cauhapé Série sur France 2 à 20 h 55Précisons d’emblée. Oui, ceux qui ont vu la série britannique « Broadchurch » (diffusée en février 2014 sur France 2) connaîtront forcément ce moment d’incrédulité face aux images du premier épisode de « Malaterra », au point qu’ils estimeront n’avoir aucun intérêt à pousser plus loin la découverte de cette « version française » si proche, si ressemblante de la création originale. Excepté, tout de même, que le coupable diffère de l’une à l’autre.Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur, avec Laurent Herbiet, de la série, avoue s’être lui-même interrogé, lorsqu’on lui en fit la proposition, sur l’opportunité de se saisir d’un tel projet. Que pouvait-il apporter de plus à une série fortement identifiée (tant d’un point de vue esthétique que narratif) et d’une qualité indéniable ?Une copie pas conforme de la série britanniqueEtre confronté à une telle contrariété pour un réalisateur qui imprime une forte empreinte sur ses films (Parcours meurtrier d’une mère ordinaire : l’affaire Courjault  ; La Disparition, 3 x Manon) ne relève pas du détail. La curiosité et l’envie de relever cette gageure ont néanmoins fait leur œuvre. « Je me suis finalement dit que réaliser avec mes méthodes une série qui tienne la route m’intéressait. Je voulais savoir, en partant du même matériau, ce que nous étions capables d’apporter à une fiction britannique. »Tournée en Haute-Corse, dans le village de Malaterra, la série française a pour décor la lumière, la mer et la montagne qui s’épousent dans un paysage magnifique tandis que « Broadchurch » avait pour cadre une petite station balnéaire prise dans la grisaille de l’hiver.Là où la série anglaise exhalait une grande mélancolie, la version française, dans le contraste qui s’exerce entre la clarté extérieure et le drame qui s’y joue, donne un relief particulier au récit. En revanche, les réalisateurs ont à juste titre évité le piège qui aurait pu les conduire à introduire dans leur série certaines caractéristiques de ce que l’on nomme « l’identité corse ».« Histoire universelle »Malaterra est traité à l’ordinaire, comme n’importe quel autre village en France. « Je me suis dit, faisons que ce ne soit pas la Corse, souligne Jean-Xavier de Lestrade. Parce que la force de l’histoire est qu’elle est universelle. Le décor devait y tendre également. »L’histoire justement, est celle de Nathan Viviani, 11 ans, retrouvé mort sur une plage. L’assassin se trouve au sein de la petite communauté du village ainsi qu’en est persuadé Thomas Rotman (Simon Abkarian), le capitaine de gendarmerie venu du continent, à l’inverse de sa coéquipière, l’adjudante-chef Marchetti (Constance Dollé), qui, elle, a grandi là. Pourtant, les secrets qui progressivement remontent à la surface vont finir par prouver que, dans ce petit coin de paradis où chacun se connaît, personne ou presque, n’est exempt de tout soupçon. Outre l’énigme et certains thèmes qu’elle véhicule (tels que la culpabilité ou l’inceste), « Malaterra » se débat autour d’une question : comment survivre après la mort d’un enfant ? Une interrogation dans laquelle bataillent séparément et parfois ensemble les parents de la victime. Ils sont aussi, pour les téléspectateurs, les passeurs d’une émotion que les réalisateurs ont souhaité saisir avec la plus grande simplicité.« Malaterra » , de Jean-Xavier de Lestrade et Laurent Herbiet, d’après la série « Broadchurch » créée par Chris Chibnall. Avec Simon Abkarian, Constance Dollé, Louise Monot (Fr., 2015, 8 x 52 min). Mercredi 18 novembre, à 20 h 55, sur France 2Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Le jour de l’attaque du Bataclan, vendredi 13 novembre, ils étaient sept photographes accrédités pour le concert des Eagles of Death Metal. Un concert de plus pour ces spécialistes de musique, qui sont des passionnés autant que des photographes – l’un d’eux, Yann Charles, travaille en amateur, et publie ses photos de façon bénévole pour un webzine.Mais les images qu’ils ont prises ce soir-là, du groupe et du public communiant dans le même plaisir, se remplissent aujourd’hui d’une émotion toute particulière. « Ils sont tous choqués, à des degrés divers, témoigne Bertrand Alary, directeur de l’agence Dalle, qui diffuse plusieurs d’entre eux. Et ils ont chacun une attitude différente face aux images qu’ils ont faites. Moi, je suis leurs instructions à la lettre. »Dans le milieu musical, à part pour les gros concerts aux contraintes particulières, c’est en général la « règle des trois » qui s’applique : les photographes dûment accrédités peuvent travailler seulement pendant les trois premières chansons, histoire de ne pas perturber le spectacle. Le 13 novembre, au Bataclan, les photographes se placent dans le « pit », derrière les barrières, entre la scène et le public – là où ils ont un bon point de vue sur le groupe et les spectateurs.A eux d’éviter les flashs dans les yeux qui gênent les musiciens. « C’est un groupe de rock festif, super-intéressant à photographier, car ils sont super-vivants quand ils jouent », confie l’un d’eux, qui préfère taire son nom. Après trois chansons, des photographes se fondent dans la foule, d’autres décident de partir. « Avec un collègue, on a bu un verre en rangeant le matériel, raconte un photographe. On est tous les deux partis pour éditer nos photos chez nous. Avant, j’ai pris une photo sur mon téléphone, pour montrer l’ambiance, et je l’ai postée sur Facebook. Puis j’ai pris ma voiture, et c’est seulement en passant devant Le Petit Cambodge que j’ai compris que quelque chose de grave se passait. » A l’intérieur, le photographe Manu Wino se trouve au bar quand arrivent les terroristes, mais il est près de la sortie de secours, et réussit à s’enfuir. Un de ses collègues trouvera refuge dans un local technique pendant toute l’attaque. Mais la photographe Marion Ruszniewski, qui travaillait ce jour-là pour le mensuel Rock & Folk, est touchée par une balle dans le ventre. « J’ai pensé à mon ami Rémi Ochlik [tué en Syrie en 2012] et je me suis dit “pas moi” », a-t-elle raconté à l’AFP. Elle fera la morte jusqu’à l’arrivée des secours, et s’en tirera sans complications trop graves. « C’est mon sac à dos de photo qui m’a sauvé la vie », pense-t-elle.« Du mal à regarder mes images » Une fois la frayeur passée, que faire des cartes mémoires pleines d’images innocentes d’un concert qui a viré au carnage ? Les photographes ont tous répondu de façon différente. Marion Ruszniewski a diffusé quelques photos du concert par le biais de l’AFP, et doit publier le reste comme prévu dans le prochain numéro de Rock & Folk.Manu Wino et Julien Mecchi, « par respect pour les victimes », ont, chacun, décidé de distribuer gratuitement les photos du concert sur leur compte Facebook, en demandant qu’il n’en soit pas fait un usage commercial. « Peace, Love & Death Metal », a ajouté Manu Wino sur sa page, en écho au titre du premier album du groupe californien. Dans les images qu’il a prises, on voit nettement des spectateurs sur le côté de la scène. « Au début, je ne voulais rien en faire, a-t-il déclaré à l’hebdomadaire Les Inrockuptibles. Mon sac est resté fermé. Et, petit à petit, on sort du choc, et, en discutant avec des amis, je me suis dit qu’il fallait envoyer des ondes positives. J’ai eu envie qu’on se souvienne des sourires, du rock’n’roll et qu’on était tous là pour faire la fête. »Mais ces clichés de spectateurs qui s’amusent avant la tuerie posent un problème de conscience à quelques photographes. Ils savent que nombre de personnes à l’image sont mortes, et que certaines familles n’ont pas encore identifié leurs proches. « Deux photographes m’ont demandé de retirer les images où on voit le public, parce qu’ils pensent que c’est plus respectueux », explique Bertrand Alary.Sur ce sujet, un photographe, qui préfère taire son nom, confie être « en pleine réflexion ». « Pour l’instant, j’ai encore du mal à regarder mes images. Je ne sais pas si les gens seront choqués de revoir leur famille, ou contents de les voir vivants et souriants après toutes ces photos d’horreur. » L’un d’entre eux semble avoir tranché, en publiant, en double page dans le magazine Paris Match paru lundi 16 novembre, sans donner son nom, une photo cadrée uniquement sur les spectateurs du concert : une image d’insouciance, à la fois joyeuse et terrible.Malgré le choc et les crises d’angoisse, les photographes ne semblent pas découragés de photographier des concerts, y compris au Bataclan. « Parfois, il faut juste faire son job », écrit Julien Mecchi sur Facebook. Et, par mail, Marion Ruszniewski indique : « Je prendrai des photos dès que j’en serai capable. »Lire aussi :Le gouvernement ordonne à Twitter de bloquer la diffusion des photos du carnage dans le BataclanClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin « A la barbarie des terroristes, nous devons opposer l’invincible humanité de la culture… La culture, voilà pourquoi la France se bat aujourd’hui. » François Hollande, à la tribune de l’Unesco, mardi 17 novembre, s’est engagé, mesures à l’appui, devant les délégués de 195 états membres, réunis dans la capitale française pour la conférence générale de l’organisation onusienne, à protéger le patrimoine de l’humanité face aux conflits armés.Prévue depuis quinze jours, l’intervention présidentielle à la tribune de l’Unesco a été maintenue, précise l’Elysée, car elle « prend son sens » à la lueur des évènements . Après l’attaque meurtrière du Bataclan, cette prise de position sur la culture – un mot qui n’avait été prononcé que deux fois par le président lors du Congrès, lundi, à Versailles – tombe à pic.« L’Unesco a choisi d’installer son siège à Paris pour la promotion de la diversité des cultures , rappelle François Hollande. La France est un pays ouvert et le demeurera. Ouvert à tous les arts, à toutes les musiques, à toutes les créations, à tous les publics... Nous ne renoncerons à rien. Paris demeurera la ville des théâtres, des cinémas, des musées, du spectacle vivant. » Dans la foulée, le président de la République rompt le lourd silence de l’Etat sur la destruction du patrimoine syrien, celui de l’antique Palmyre. En septembre, les djihadistes de L’Etat islamique (EI) ont fait exploser les deux temples principaux de la « Perle du désert », après avoir tué l’historien syrien Khaled al Asaad, 82 ans, qui avait œuvré, sa vie durant, à la sauvegarde de ce joyau du Proche Orient .« Les destructions de monuments et de sites archéologiques en Syrie et en Irak ont soulevé une émotion considérable, affirme le président. Et aujourd’hui, je pense à la ville de Palmyre, où l’ancien conservateur a préféré rester, alors qu’il savait le sort qui l’attendait. Il a été décapité par les bourreaux de Daesh, qui ont eux-mêmes commis l’irréparable sur le site. ». En Italie, les drapeaux des musées avaient été mis en berne. Pas en France, ce qui avait provoqué l’indignation des scientifiques, archéologues, conservateurs.Cinquante propositionsFrançois Hollande l’assure, « la préservation du patrimoine de l’humanité est une grande cause, et nous devons coordonner tous nos efforts, mutualiser tous nos moyens pour assurer cette préservation de la mémoire  ». Et d’évoquer ces sites classés de l’Unesco qui sont « des cibles de choix pour ceux qui veulent annihiler la mémoire des peuples ». Dans son élan, le président parle des Bouddhas de Bâmiyân (détruits en Afghanistan), des temples d’Angkor (Cambodge), oubliant que ces derniers n’ont pas été saccagés par les Khmers rouges mais au contraire épargnés.Cette tribune de l’Unesco était, pour le président, l’occasion de dévoiler l’essentiel des cinquante propositions préconisées par la France pour la protection du patrimoine en situation de conflit. Mesures concrètes résultant d’une mission confiée à Jean-Luc Martinez, président du Louvre, le 18 mars , lors d’une visite par M. Hollande du département des antiquités orientales de l’établissement public, le jour même de l’attentat contre le musée du Bardo à Tunis. Trois priorités émergent du rapport de M. Martinez remis à l’Elysée le 9 novembre. En tête, la lutte contre les trafics des biens culturels. « L’organisation terroriste Daesh délivre des permis de fouilles, prévient M. Hollande, prélève des taxes sur des œuvres qui vont ensuite alimenter le marché noir mondial, transitant par des ports francs qui sont des havres pour le recel et le blanchiment, y compris en Europe. »Le contrôle douanier sur l’importation des biens culturels existe déjà. Ajouter au droit français les résolutions du Conseil de sécurité interdisant transport, transit, commerce illégal d’oeuvres d’art, comme le préconise le rapport, ne changera rien. « Il faut harmoniser les législations à l’intérieur même de l’Europe », insiste Jean-Luc Martinez.M. Hollande veut aussi instaurer un droit d’asile pour les œuvres menacées par les terroristes. En les prenant en charge, transport inclus, il s’agirait d’offrir « un asile pour les musées qui souhaiteraient mettre leurs collections à l’abri ». L’Irak, en guerre depuis vingt ans, a été pris de court. En Syrie, Maamoun Abdulkarim, directeur des antiquités, a réussi, lui, à protéger des milliers d’objets, même à Palmyre, où 400 sculptures ont pu être exfiltrées avant l’arrivée de Daesh.Les fouilles sauvages à échelle industrielle font des dégâts irréversibles. Les œuvres exhumées, non documentées, sont écoulées sur le marché illicite. M. Martinez propose d’établir un statut pour les objets saisis dans l’attente d’être rendus à leur pays d’origine, une fois la paix rétablie.Conserver la mémoire des sites, tel est enfin l’objectif visé. Un colossal travail de documentation est à lancer pour réunir les archives, les numériser, dresser une cartographie des sites, reconstituer en 3D les monuments disparus. Un fonds de dotation international pourrait être créé sous l’égide de l’Unesco, suggère M. Hollande. Face à l’urgence de la situation, une somme de bonnes intentions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.11.2015 à 10h42 • Mis à jour le17.11.2015 à 18h12 | Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Arte à 22 h 35Austerlitz ! Un nom qui résonne comme une promesse narrative. Une victoire napoléonienne aux répercussions continentales, une gare parisienne riche de la fébrilité des départs comme du tourment des adieux, un danseur prodigieux, puisque Frederick Austerlitz est le vrai nom de Fred Astaire…Dans l’ultime roman de W. G.  Sebald (1944­-2001), Austerlitz est également le patronyme réel du jeune Dafid Elias, élevé au pays de Galles par un prédicateur calviniste anglais qui vit cloîtré et mure ses fenêtres de l’intérieur.Un destin broyé par l’HistoireAu terme d’une quête inlassable pour rétablir la vérité de ses origines, Jacques Austerlitz récupère bien plus que son patronyme de naissance, l’acceptation, avec une sereine mélancolie, d’un destin broyé par l’Histoire. Sans révolte, au fil d’une investigation patiente, où les lieux et les images jalonnent la découverte de soi, Sebald n’entend ni dénoncer ni accabler, juste atteindre le cœur d’une souffrance.Par un jeu de confidences à sens unique où le narrateur anonyme mesure, au hasard de leurs retrouvailles, les progrès d’Austerlitz pour renouer avec sa langue d’origine et sa généalogie authentique, l’écrivain superpose les errements géographiques : si le premier contact s’établit dans la gare d’Anvers, les autres rencontres ont lieu à Londres, au bar du Great Eastern Hotel, à Bruxelles, Zeebrugge, Greenwich, Londres encore dans la maison même d’Austerlitz, qui héberge une nuit le narrateur, Paris enfin… Tous deux voyagent beaucoup, mais le héros au passé troué, qui a aussi un temps été frappé d’amnésie, est le seul à révéler son itinéraire, étapes d’une réappropriation qui console seule du désastre de la vie. On imagine la gageure pour le documentariste tchèque Stan Neumann à s’approprier une pareille matière romanesque. Mais n’a-­t-­il pas naguère réussi le tour de force de restituer, dans La langue ne ment pas (2004), le journal du philologue allemand Victor Klemperer ? Avec une confondante intelligence, il propose en fait une adaptation du texte de Sebald, refaisant le parcours d’Austerlitz, sans servilité aucune. Car Stan Neumann est un lecteur et il s’autorise le commentaire, jouant sa propre partition dans un dialogue désormais à trois voix.Implacable vérificateur de la lettre même du roman, il confronte le récit au réel. Identifie des emprunts de Sebald à Marcel Proust, Franz Kafka ou Walter Benjamin, dévoile les tours de passe-­passe de l’écrivain, qui donne à Agata, la mère juive disparue au camp de Terezin, plus de trois ans après avoir confié son enfant à un train parti de Prague pour une destination anglaise susceptible de le sauver, le visage d’une cantatrice morte dix ans plus tôt….MagistralCette fièvre de l’enquête n’est pas fortuite : comme la mère d’Austerlitz, son propre père, Stanislav Neumann, étudiant antifasciste, a connu Terezin et n’a dû qu’à un miracle – on le pensait mort du typhus – de n’être pas fusillé aux derniers jours du cauchemar nazi. Et si, sur la couverture du livre de Sebald, la photo du petit Jacques en page de carnaval a interpellé Neumann, c’est qu’elle joue comme en écho avec celle du jeune Stanislav en Robinson Crusoé. Figure prémonitoire de l’humain abandonné seul et sans repères, à charge d’inventer sa survie. Aussi magistral que le livre de Sebald (disponible chez Actes Sud, « Babel »), cette lecture bouleverse et transporte.Austerlitz, de Stan Neumann (Fr., 2015, 90 min). Mardi 17 novembre, à 22h35, sur Arte.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Martine Delahaye Série sur W9 à 20 h 50Si, de janvier à mars, la série « Empire » a soudain mis le feu à des millions de petits écrans aux Etats-Unis (notamment à la tablette de Michelle Obama), elle aura, bien au contraire, été boudée partout ailleurs dans le monde, au cours des mois passés. Il faut dire qu’en écrivant un soap opera familial du type « Dynastie » ou « Dallas » dans le milieu du rap et du hip-hop, le cinéaste américain Lee Daniels (Precious, Le Majordome) et son coauteur Danny Strong ont usé des ressorts dramatiques les plus éculés… mais l’intrigue, autour d’une famille noire, retient l’intérêt.Ce double jeu entre grosses ficelles et propos de fond se retrouve à tous les niveaux de la série. L’intrigue puise ses ressorts dans Le Roi Lear de Shakespeare, mais met en cause l’image machiste, voire homophobe, que renvoient souvent les rappeurs américains. Pour sa part, le personnage principal féminin, tenu par la formidable Taraji P. Henson, se révèle aussi excessif que jouissif, ses outrances drolatiques n’empêchant pas de proposer un modèle extrêmement fort d’entrepreneure avisée, revendiquant inlassablement ses droits.ExubéranceNombre de personnages relèvent donc de l’archétype le plus brut, mais « Empire » fait preuve d’un ton si joyeux, d’une telle exubérance et d’une telle qualité musicale (sous la houlette de Timbaland, l’un des producteurs américains de rap et de R’n’B les plus en vue) que le plaisir l’emporte. Tout commence par le suspense autour du partage d’un royaume. Lucious Lyon (Terrence Howard), ancienne star du rap aujourd’hui richissime, PDG d’une maison de production, doit décider qui, de ses trois fils, héritera de son empire. A chacun de se montrer à la hauteur de l’enjeu, de prouver qu’il saura faire fructifier cet héritage : le père lance lui-même les étincelles de la discorde. D’autant qu’il parie plutôt sur le potentiel de son plus jeune fils, Hakeem, rappeur de talent mais désespérante tête brûlée, n’attendant rien des deux autres, et surtout pas de Jamal, chanteur-auteur-compositeur homosexuel. Or tout va être bouleversé par la sortie de prison de Cookie, ex-épouse de Lucious et mère des trois garçons.« Empire », série créée par Lee Daniels et Danny Strong. Avec Terrence Howard, Taraji P. Henson, Jussie Smollett, Bryshere Gray, Trai Byers (EU, 2015, 12 x 42min). Mardi 17 novembre, à 20 h 50, sur W9.Martine DelahayeJournaliste au Monde Stéphanie Binet Il ne fanfaronne pas, Didi, ne se sent pas du tout l’étoffe d’un héros. Depuis trois jours, le responsable de la sécurité du Bataclan est sollicité par tous les médias étrangers comme français. Depuis sa sortie, samedi 14 novembre, du 36, quai des Orfèvres où il répondait à la police, son téléphone n’arrête pas de sonner.Tout le week-end, il a décliné les interviews, mais a finalement décidé, lundi 16 novembre, de parler au Monde, en demandant à ne pas être photographié. Pour garder son anonymat, mais aussi par pudeur : « Je suis encore sous le choc, explique cet Algérien de 35 ans, pas vraiment baraqué, mais pratiquant des sports de combat. Je pense aux gens qui sont morts, à ceux qui ont vécu un calvaire pendant deux heures, et à ces personnes qui sont encore entre la vie et la mort. » Il ne dévoilera pas son nom de famille, ni celui de ses cinq agents.Il parle calmement, avec sang-froid. Et veut d’abord rassurer : toute son équipe est en vie, malgré ce qui a été dit à la télé ou écrit ici et là. Et puis, au moment où les salles parisiennes comme Bercy (20 000 places) ou le Zénith (6 000) rouvrent leurs portes, mardi 17 novembre, avec des mesures renforcées (maîtres-chiens, filtrage, effectifs supplémentaires), Didi veut raconter son métier : agent de sécurité dans une salle de concert, « pas soldat, pas membre du GIGN », juste videur. Celui qui accueille le public un peu chahuteur des concerts de rock, de rap ou d’électro. Titulaire d’une licence en administration et gestion des entreprises, Didi travaille au Bataclan depuis 2004, y a vécu des soirées mouvementées, mais jamais comme celle du vendredi 13 novembre.Lire aussi :Au Bataclan, deux heures d’intervention policière sans négociation« Vite, vite, entrez, ça tire »Alors que le concert de Eagles of Death Metal a commencé depuis trente minutes, il est le seul agent présent ce soir-là devant les barrières de sécurité à l’entrée du Bataclan. Il discute avec quelques clients qui fument une cigarette – ce sont le corps de ces fumeurs que les premiers rescapés prendront pour ceux de videurs assassinés. Ses cinq autres employés sont placés dans d’autres endroits stratégiques de la salle.Six agents, avec le responsable de la sécurité, c’est le nombre requis par la production pour ce genre de concert rock, bon enfant, où le public est venu en couple, ou entre amis. Trois agents sont placés sur le devant de la scène. Herman surveille sur la gauche l’accès aux loges et à une première issue de secours. Laurent est placé dans l’espace entre la scène et le public. Ce soir-là, c’est rock’n’roll, et certains spectateurs aiment slamer (se laisser porter par la foule). La production a donc demandé qu’une barrière sépare les musiciens du public pour récupérer les slameurs et les empêcher de monter sur scène. Steve surveille l’accès à la loge côté droit. « JP » est placé dans les toilettes, entre celles des filles et celles des garçons, devant une autre issue de secours. « J’en place toujours un là en cas d’évacuation d’urgence », explique Didi. Noumouké, lui, fait des allers-retours entre la fosse et le hall d’entrée, où se trouvent le vestiaire et la billetterie. Et puis, il y a Manu, employé du Bataclan depuis vingt ans, qui attend toujours les retardataires pour prendre leurs tickets.La routine, et bientôt le cauchemar : « D’un seul coup, j’ai entendu des coups de feu qui venaient du Bataclan Café, à l’extérieur, raconte Didi. J’ai sursauté, regardé vers la terrasse, vu un membre de la production être touché et, là, j’ai compris tout de suite. Je n’ai pas attendu que les tireurs se retrouvent face à moi. Je suis rentré à l’intérieur en hurlant : “Vite, vite, entrez, ça tire.” Ils nous ont visés une première fois, les portes vitrées ont explosé. Avec Manu, sans se concerter, on a couru vers les issues de secours. Lui est allé ouvrir celle à l’étage, moi je suis allé vers les toilettes. »Lire aussi :Le Bataclan, un haut lieu de la culture ciblé de longue date par les islamistes« Il fallait que je montre le chemin »Il envoie à son agent placé devant cette issue une première vague de spectateurs puis retourne dans la salle pour aller ouvrir celle de la loge, à l’extrémité de la fosse. Mais il est trop tard : les trois terroristes ont déjà commencé leur entreprise de mort. Didi plonge au sol dans la foule, à 15 mètres de son objectif. Herman et Steve ont eu le temps de sortir par l’issue de secours de la loge. En faisant le tour du Bataclan, ils viennent aider JP à secourir les premiers blessés. Noumouké est à l’étage avec le régisseur et fait monter des spectateurs par le toit. Laurent s’est réfugié dans la loge, côté droit, avec quatre blessés.Allongé au sol, le responsable de la sécurité essaie de calmer ses voisins paniqués, éteint son talkie-walkie pour ne pas être repéré et écoute avec consternation le discours des terroristes sur « les frères en Syrie » et la « faute de Hollande » : « Je me suis dit : “Mais qu’est-ce qu’ils viennent nous faire chier avec leurs conneries dans un concert de rock ?” En les entendant tirer à bout portant sur les gens, j’ai compris qu’ils allaient exécuter tout le monde. A chaque coup de feu, on avait une chance sur trois d’y passer. Je devais être le seul dans la foule à connaître la sortie de secours. Il fallait que je montre le chemin. » A la première recharge, l’agent de sécurité n’hésite pas : « Je me suis levé, et j’ai crié : “Vite, sortez.” Une masse s’est levée, m’a suivi et, là, ils ont recommencé à nous tirer dessus. » A la sortie, des étudiantes d’une cité universitaire voisine du Bataclan vont l’aider à secourir une trentaine de personnes, dont des blessés.Né en Algérie, arrivé à l’âge de 6 mois en France, Didi n’avait jamais pensé à demander la nationalité française, « se sentant français, même sans les papiers ». Marié depuis peu, il pense aujourd’hui faire la démarche. Quant à son métier, il demande juste, dans la situation de crise actuelle, de pouvoir bénéficier d’une protection de l’armée ou de la police. « Faire face à une attaque terroriste, résume-t-il, cela va bien au-delà de notre mission. Ce n’est pas moi avec ma petite gazeuse qui vais pouvoir arrêter une kalachnikov. »Lire aussi :Les témoignages glaçants des rescapés du BataclanStéphanie BinetJournaliste au Monde 16.11.2015 à 18h21 • Mis à jour le18.11.2015 à 17h15 | Sylvain Siclier  Mercredi 18 novembre, un certain nombre de spectacles, en particulier en Ile-de-France, étaient annoncés annulés ou reportés. Selon les cas, ces décisions ont été prises par les artistes et leurs équipes, les responsables des salles et producteurs, les autorités. MusiqueLes concerts du duo électro-rock The Shoes prévus mercredi 18 novembre à L’Olympia et vendredi 20 à L’Aéronef, à Lille, ont été reportés « en accord avec notre entourage, L’Olympia-Bruno Coquatrix et L’Aéronef de Lille ». Dans un message sur les sites des salles et les réseaux sociaux le duo a indiqué « il est encore trop tôt et nous voulons marquer notre solidarité, par respect pour les victimes et leurs familles ». Au Trabendo c’est la double soirée du mercredi 18 avec le chanteur et guitariste de blues suédois Bror Gunnar Jansson et le groupe punk américain The Dictators qui est annulée.Après l’annulation des deux premières soirées de la 2e édition du Howl Festival, consacré à la « scène émergente », mardi 17 et mercredi 18 à La Gaîté lyrique, l’ensemble du festival prévu dans plusieurs salles parisiennes, jusqu’au 21 novembre, n’aura finalement pas lieu, a indiqué la structure Live Nation dans un communiqué.La soirée annuelle, depuis 2012, de Radio FG au Grand Palais, prévue jeudi 19 novembre a été annulée. Environ 6 000 personnes étaient attendues à cet événement électro avec « le meilleur de la scène DJ internationale et française ». Au Bus Palladium, mercredi 18, une autre soirée organisée par une station de radio est « reportée à une date ultérieure », celle pour les auditeurs de Virgin Radio avec Frero Delavega a été reportée selon le communiqué des organisateurs.Fidlar ne jouera pas au Trianon, et annonce que son concert du jeudi 19 novembre est reporté. Le producteur Super ! précise, comme c’est généralement le cas pour le report d’un concert à une autre date, que « les billets achetés resteront valables ». Ainsi, pour le concert de Soprano au Zénith, qui n’avait pas eu lieu samedi 14 novembre et avait été annoncé reporté au 26 novembre, dans la même salle « les billets du 14 novembre restent valables » est-il précisé sur le site Internet du Zénith. Au New Morning, c’est le concert de la chanteuse et guitariste américaine Andy Allo, mercredi 18, qui a été annulé. De même qu’à La Maroquinerie, celui, ce même soir, de la chanteuse norvégienne Ane Brun.A l’inverse, plusieurs festivals, bine que le sur un modèle de programmation dans diverses salles et villes qui peut compliquer l’organisation en fonction de la multiplication des autorisations des maires, annoncent leur maintien : le So Blues Festival, au Mans et à Coulaines, du 18 au 21 novembre ; Blues sur Seine, dans plusieurs villes d’Ile-de-France (Bonnières-sur-Seine, Aubergenville, Achères, Rosny-sur-Seine, Mantes-La-Jolie…) jusqu’au 21 novembre ; le festival Jazzycolors dans les centres et instituts culturels étrangers à Paris, jusqu’au 27 novembre ; Africolor, dont beaucoup de lieux sont situés dans des communes de Seine-Saint-Denis (Aulnay-Sous-Bois, Evry, Le Pré-Saint-Gervais, Montreuil, Pantin, Saint-Denis…) jusqu’au 25 décembre. DanseLe spectacle de l’école de danse de l’Opéra national de Paris, prévu, dimanche 22 novembre dans le cadre du Festival de danse de Cannes, a été annoncé annulé par les organisateurs. N’aura pas lieu aussi, la soirée « Come Correct : une célébration de la culture vogue », du jeudi 19 novembre, dans le cadre de la Red Bull Academy, avec Teki Latex, Betty, Kiddy Smile, The Boo… au Folie’s Pigalle. La Red Bull Music Academy a par ailleurs « suspendu » l’ensemble de ses manifestations, dont des concerts et rencontres « conformément aux recommandations des autorités publiques », pour l’heure jusqu’au jeudi 19 novembre. CinémaLe festival de films documentaires Enfances dans le monde, prévu du 19 au 21 novembre au cinéma Les 7 Parnassiens, à Paris, organisé par le Bureau international catholique de l’enfance, a été annoncé reporté à début 2016 et cela en raison de « mesures de sécurité prises par le cinéma et par le rectorat de Paris concernant les publics scolaires (un public important pour cet événement) ».Le distributeur Mars Films a annoncé que la sortie du film Jane Got A Gun, avec Natalie Portman, initialement prévue le 25 novembre, serait décalée à « début 2016 » « suite à la terrible tragédie qui a secoué Paris ». Ce report fait suite à celui du film Made in France, de Nicolas Boukhrief, dont la sortie, prévue le 25, est repoussée aussi à 2016. Enfin, un temps envisagé à une autre date, la sortie du film Taj Mahal, de Nicolas Saada, qui évoque l’attaque de l’hôtel pendant les attentats à Bombay en novembre 2008, a été maintenue au 2 décembre, a indiqué le distributeur Bac Films.Lire aussi :Plusieurs films à venir résonnent avec l’actualité tragiqueLire aussi :Sortie repoussée pour le film « Made in France »Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre C’est la direction du Channel, scène nationale de Calais, qui livre ce témoignage qui en dit long sur l’état de nos peurs. Nous sommes samedi 14 novembre, près de vingt heures après le choc des attentats à Paris. L’équipe du théâtre est sur le pont. La décision a été prise : on ne change rien, le spectacle est maintenu, on joue pour ne pour ne pas céder aux sirènes de la peur. Un peu avant 17 heures, le public (à partir de 11 ans) arrive donc pour découvrir la pièce sur les enfants soldats, intitulée Le bruit des os qui craquent. Un texte mis en scène par Marie Levasseur, de la compagnie Tourneboulé – bien nommée, comme on le verra. Des familles entrent, des adultes. Et soudain cet homme, barbu, portant un gros, très gros sac à dos.Qui est cet homme ? L’équipe du théâtre, son directeur en tête, Francis Peduzzi, se sent un peu mal à l’aise. Il ne déteste rien de plus que le contrôle au faciès. Et s’en voudrait de suspecter à tort un simple spectateur. Dilemme : faut-il lui demander d’ouvrir le sac ? Eh bien oui, il va falloir le faire. L’homme accepte. Mais un rapide coup d’œil ne suffit pas à évacuer les craintes : allez savoir ce qui pourrait se cacher dans un tube, ou dans un simple emballage en carton. Faut-il appeler des experts en déminage ? Les questions se bousculent.Détonation fictiveSurtout que, vu de près, le spectateur est déroutant : c’est une fausse barbe qu’il porte. Un canular ? Non, dit-il, il vient voir jouer sa copine, et veut lui faire une surprise. Sauf qu’il refuse de donner le nom de la comédienne en question. Après tout, c’est sa vie privée. Mais faut-il le croire ? Bon sang, ça devient flippant…Finalement, le spectacle commence. Pour l’heure, le sac à dos reste dans la salle, enfermé dans une poubelle. Ambiance. Et puis sueurs froides : soudain, un bruit à tout casser emplit la salle. On se calme, c’est juste le spectacle. Une détonation fictive. Fous rires (nerveux). Il va falloir tenir comme ça une heure et dix minutes – la durée de la pièce.C’est fini, le sac est rendu à son propriétaire. Lequel s’interroge : mais pourquoi tant de suspicion ? Un peu perplexe, l’équipe du théâtre lui explique : « Vous comprenez, suite aux attentats à Paris… » « Quels attentats ? », répond le jeune homme. Il n’était pas au courant. L’homme déconnecté existe, le Channel l’a rencontré. Ou alors, c’est un formidable comédien.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Simon Piel Juste avant l’assaut, alors que les policiers étaient dans le bâtiment, l’un des terroristes du Bataclan a transmis un numéro de téléphone portable aux hommes de la brigade de recherche et d’intervention (BRI), l’unité d’intervention de la police judiciaire. Le numéro a aussitôt été transmis au négociateur — celui qui avait parlé avec Amedy Coulibaly lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher. Mais de négociations il n’y a jamais eu.Les hommes en armes du Bataclan, qui avaient déjà tué à la kalachnikov des dizaines de personnes venues assister au concert du groupe Eagles of Death Metal, ne l’ont jamais envisagé. Cinq coups de fil ont été échangés avec la police. A chaque fois, ils ont demandé aux policiers de partir, sans quoi ils allaient continuer à tuer.Vers 22 heures, au début de l’attaque, un policier d’une brigade anticriminalité pénètre dans l’enceinte du Bataclan : il est le premier à constater l’étendue de l’horreur. Au rez-de-chaussée, il tombe nez à nez avec l’un des assaillants. Selon des sources policières et judiciaires, il tire sur le terroriste et la ceinture d’explosifs se déclenche. Est-ce l’assaillant qui a mis lui-même en route l’explosion de la ceinture ou est-ce le tir du policier, voire la chute, qui l’a déclenchée ? L’enquête le déterminera dans les jours qui viennent.Voir l'infographie animée : Comment le Bataclan s'est transformé en piège mortelA l’arrivée des policiers, le silence est effroyableQuand les policiers d’élite arrivent au Bataclan, aux environs de 22 h 15, toujours selon plusieurs sources policières et judiciaires, ils assurent la relève des personnels de la sécurité publique. A l’intérieur du bâtiment, les coups de feu ont cessé, décrit l’un des policiers présents. La situation est tellement confuse que certains croient que les terroristes ont pris la fuite. Equipés de fusils d’assaut, de gilets lourds et de casques à visière blindée, les policiers d’élite de la BRI pénètrent dans la salle de concert. « C’est l’enfer de Dante », raconte l’un des hommes qui est entré dans la salle. Plusieurs centaines de corps sont allongés dans la fosse. L’odeur est insoutenable, le silence effroyable.Seules des sonneries de téléphone retentissent. Sans doute des proches, informés du drame, qui tentent de joindre un ami ou un membre de leur famille qu’ils savent au Bataclan. Au sol, il y a des morts et des blessés, mais aussi des personnes qui se sont allongées et qui ont cessé de bouger dans l’espoir que les assaillants les croient morts. Ceux qui peuvent marcher sont invités à se lever et à quitter les lieux. Pendant que le RAID sécurise le rez-de-chaussée, les policiers de la BRI, deux formations d’une vingtaine d’hommes, progressent « en colonne » et commencent autour de 23 heures à monter dans les étages. Il faut enjamber les corps et les douilles. Il faut évacuer les blessés. Une chaîne médicale d’urgence est mise en place en bas de l’escalier dans la perspective d’un assaut meurtrier.Des civils cachés dans les faux plafonds, dans les placardsLa première formation de la BRI emprunte l’escalier de gauche, la deuxième celui de droite. Un bouclier de type « Ramsès » protège les policiers. Chaque fois qu’une porte est ouverte, des grappes de civils paniqués s’échappent. Certains se sont cachés dans les faux plafonds, d’autres dans des placards. Il n’y a toujours aucun coup de feu. Au premier étage, une dernière porte sépare les forces de l’ordre des assaillants. Il est 23 h 15.Une discussion s’engage, les terroristes donnent un numéro de portable aux policiers. Un premier contact téléphonique a lieu à 23 h 27. Au téléphone avec le négociateur, les assaillants s’énervent, demandent aux policiers de partir, menacent de décapiter des otages, de les jeter dans le vide du balcon et de se faire exploser. Ils parlent de la Syrie. Quatre autres échanges téléphoniques ont lieu. Aucune négociation ne semble possible. Devant l’urgence, le préfet de police donne son autorisation pour l’assaut. Il est 0 h 20.Les hommes de la BRI ouvrent la dernière porte qui les sépare des deux terroristes présents à l’étage : elle donne sur un couloir étroit d’une dizaine de mètres de long. Plusieurs civils sont dans ce couloir, au milieu de ce qui s’annonce comme une confrontation entre les kalachnikovs des terroristes et les fusils d’assaut HKG36 de la BRI. La vingtaine d’otages qui se trouvent au milieu est évacuée dans la confusion. Alors que la BRI avance, les otages se réfugient en rampant derrière le bouclier.« C’était l’Hyper Cacher puissance dix »Les policiers lancent une demi-douzaine de grenades. Les premières sont détonantes, pour aveugler. Les secondes, défensives, pour progresser. Les terroristes tirent à feu nourri. De manière cadencée, preuve que le maniement des armes leur est familier. « A ce moment, je me suis dit qu’on allait devoir marcher sur nos collègues en tête de colonnes pour continuer à avancer », raconte l’un des policiers.Une balle de kalachnikov qui ricoche sur le mur gauche du couloir vient se loger dans la main gauche de l’un des policiers. Comme beaucoup d’autres présents au Bataclan, il avait participé à l’assaut contre Amedy Coulibaly. « Mais ce soir, c’était l’Hyper Cacher puissance dix », assure l’un de ses collègues. « Il n’y avait pas d’espace pour circuler et les terroristes s’étaient réfugiés derrière les otages. » Peu après, les policiers voient l’ombre d’un des terroristes s’écrouler — il a sans doute été touché par l’un de leurs tirs. S’ensuit une puissante explosion actionnée par une ceinture bourrée de TATP : elle entraîne la mort du deuxième assaillant. L’assaut a duré trois minutes. Une éternité. Sur le bouclier qui protégeait la colonne d’assaut, plus de trente impacts de balle ont été retrouvés.Lire aussi :Au Bataclan, « une femme crie. Ils l’abattent. »Simon PielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Made in France, le nouveau film de Nicolas Boukhrief, devait sortir mercredi 18 novembre sur les écrans. A la suite des attentats du 13 novembre, et en raison du sujet sensible abordé par le réalisateur français, les milieux intégristes de la banlieue parisienne vus à travers le regard d’un journaliste de culture musulmane infiltrant une cellule djihadiste, son distributeur, Pretty Pictures, a décidé de repousser sa sortie, possiblement en janvier 2016. Dans Made in France, la cellule prévoit un attentat sur les Champs-Elysées, en coordination avec d’autres opérations simultanées dans la capitale. A peu de choses près, le mode opératoire du 13 novembre. « Nous sommes sous le choc, explique James Velaise, le président de Pretty Pictures. L’idée est de faire profil bas. Les salles n’ont fait aucune pression pour retirer le film. C’est une décision que j’ai prise avec les producteurs pour éviter toute provocation. »Une chose est certaine : lorsque Made in France sortira, ce ne sera plus avec son affiche d’origine – une kalachnikov posée à la verticale, accolée à la tour Eiffel, avec comme accroche : « La menace vient de l’intérieur. » – qui avait commencé à apparaître sur les murs du métro parisien le 12 novembre.La déprogrammation de Made in France constitue le dernier avatar d’un film contraint, conçu avec le vent de face, pas vraiment désiré et qui, à la lumière des événements du 13 novembre, possède désormais la force de l’évidence.Idée du scénario après la mort de Khaled KelkalNicolas Boukhrief, qui n’a pas souhaité s’exprimer pour cet article, avait rédigé en 2013 une note d’intention (reproduite dans le dossier de presse du film) à l’intention des différentes structures d’aides pour les convaincre d’investir dans un scénario écrit lors des deux années précédentes. Selon le réalisateur, « les structures de financement public sollicitées ont botté le film en touche dès les premières strates de décision, en trouvant le sujet du film bien trop anecdotique ou marginal ».Finalement, le groupe M6, à travers sa filiale de distribution SND, décide de présider à la destinée du film dont le tournage s’achève en octobre 2014. A la suite des attentats du 7 janvier contre Charlie Hebdo, et de la prise d’otages du 9 janvier au supermarché Hyper Cacher, le groupe M6 décide de se retirer de Made in France. Le film mettra de longs mois avant de trouver, avec Pretty Pictures, un nouveau distributeur.« Après les événements de Charlie Hebdo, explique James Velaise, les gens ont pris peur, et nous avons acheté le film. Nous sommes devenus coproducteurs après réalisation. » Nicolas Boukhrief avait eu l’idée d’un scénario sur le terrorisme après la mort de Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d’attentats commise en France en 1995. Le réalisateur, né d’un père algérien et d’une mère française, se sentait concerné par ces questions avec la légitimité pour les traiter. Les tueries de 2012 à Montauban et Toulouse par Mohamed Merah le convainquent d’aborder la question de l’intégrisme islamiste. « Aujourd’hui, écrit le réalisateur dans sa note d’intention, des jeunes gens accrochent dans leur studio des portraits de Ben Laden ou de Mohamed Merah, comme d’autres mettent sur leurs murs des posters de Michael Jackson ou Justin Bieber. Des voyous continuent de dealer du shit… mais pour la “bonne cause”. Et, surtout, de jeunes imams intégristes s’adaptent à ces nouvelles générations avec une habileté très éloignée des clichés qu’on leur prête. Ces hommes-là n’abordent par leurs proies en les invectivant ou en les menaçant pour les contraindre à vivre selon la charia. Non : ils vont tranquillement jouer au foot avec elles en leur demandant incidemment de “passer à la skeum” (mosquée en verlan). Comme ça, juste pour voir… Alcool, drogue, échec scolaire, télévision, porno, chômage, sentiment de solitude. Ils savent aborder tous les thèmes actuels avec une intelligence discursive et un sens de la manipulation digne des plus grands chefs de secte. Si bien que chacun de leurs nouveaux fidèles vit sa radicalisation non pas comme un embrigadement, mais bien au contraire comme une renaissance. »Anticipation d’un attentat terroristeCe n’est pas la première fois qu’un film, par un effort de documentation et d’enquête rigoureux, anticipe de manière crédible un attentat terroriste. En 1998, Couvre-feu, un film d’action américain d’Edward Zwick, avec Denzel Washington et Bruce Willis, mettait en scène un groupe de terroristes islamistes attaquant le quartier général du FBI à New York, des bus et un théâtre de Broadway. Couvre-feu restait un film à part, passé inaperçu lors de sa sortie, anticipant si bien le chaos du 11-Septembre, qu’il allait connaître une nouvelle carrière après l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center.Dimitri Storoge, qui incarne le leader de la cellule djihadiste du film de Nicolas Boukhrief, avait l’impression durant le tournage que la menace mise en scène par le film était latente, même si, d’évidence secoué par l’actualité récente, il tient à éviter toute récupération. « Le simple fait de réunir ces informations et de les agréger nous faisait dire que la menace était présente. Je suis beaucoup allé sur Internet regarder les sites salafistes. La violence, la détermination, la négation de l’humanité, la facilité dérisoire de l’accès de ses images sont impressionnantes. Mon personnage est un ange de la mort. Il possède cette détermination froide, déshumanisée, totale, absolue. » Précisément celle qui vient de frapper Paris.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Patrick Labesse Vendredi 13 novembre, à Rabat. Commencée deux jours plus tôt, la deuxième édition de Visa for Music, marché professionnel des musiques d’Afrique et du Moyen-Orient, créé l’an dernier, bat son plein. Quelque 1 500 professionnels de la filière des musiques du monde et 300 artistes ont fait le déplacement jusqu’à la capitale du Maroc. Le soir, ils s’éparpillent entre les trois lieux où se déroulent une cinquantaine de showcases (des concerts courts de quarante-cinq minutes environ) sur quatre jours (du 11 au 14 novembre).A 22 h 10 (23 h 10 à Paris), sur les marches du Théâtre national Mohammed-V, c’est la pause entre deux groupes. La cigarette a un goût amer, café et thé ont du mal à passer. Yeux rivés aux écrans des téléphones portables, visages atterrés : la nouvelle des attentats en cours à Paris vient d’arriver. Sonnés, on entre quand même dans la salle pour écouter la musique. Le percussionniste et compositeur tunisien Imed Alibi s’apprête à monter sur scène. Brahim El Mazned, directeur fondateur de Visa for Music, le précède. Il informe le public de ce qui se passe à Paris, évoque des lieux, tels que le Bataclan, et des événements, comme Visa for Music, autant « d’espaces de culture en résistance contre l’obscurantisme ».« Rester debout »« Il faut rester debout et la culture va dans ce sens », plaide en écho, quelques minutes après le début de son concert, Imed Alibi. Samedi 14 novembre, dernier jour de Visa for Music, les attaques terroristes, les questions et les craintes qu’elles suscitent sont au centre de bien des conversations, à Rabat, en fin de matinée. Lilian Goldstein, responsable du pôle Musiques actuelles-jazz de l’action culturelle de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), préconise une action symbolique pour la soirée de clôture.« Cette nuit, j’étais en contact par SMS, avec Alain Paré, directeur du Pan Piper, une salle située dans le 11e arrondissement à Paris, où se déroulait le concert du guitariste et chanteur Moh Kouyaté, qui était à Visa for Music la veille. Les spectateurs étaient bloqués dans la salle. Ils ont pu être évacués très tard dans la nuit, hébétés. » Au-delà du choc, et de la douleur que l’on peut ressentir, « les effets seront lourds pour le spectacle vivant, craint Lilian Goldstein. Quand on entrera dans une salle, il risque d’y avoir pendant longtemps une appréhension qui hantera le public ».« Un acte abject contre la liberté et la culture »Pour Christian Mousset, créateur du festival Musiques métisses à Angoulême (Charente), lui aussi présent à Rabat, le fait que les lieux visés soient des endroits dédiés à la culture et au sport prouve sans ambiguïté qu’au-delà de la France, « c’est une atteinte à la liberté et au plaisir que veulent ces fous furieux totalement incultes. Les vrais musulmans sont terrassés de voir que ces criminels fascistes utilisent une rhétorique religieuse pour justifier leurs crimes et s’attaquer à des lieux de culte du bonheur, du vivre ensemble et du ludique, à des valeurs universelles de diversité et de fraternité. Il faut résister ».« Quelques minutes après avoir appris la nouvelle, je me suis avancé vers la scène, raconte Brahim El Mazned. J’ai informé le public qu’un acte abject contre la liberté, la vie et la culture venait de se passer à Paris, capitale de la diversité et des cultures du monde. J’ai voulu redire que la culture était une résistance et que nous nous devions d’occuper avec elle l’espace public. Je me suis ensuite rendu à la salle Renaissance où un public plus jeune attendait Haoussa, un groupe punk porteur des désirs de la jeunesse marocaine, et j’ai redit la même chose. » Aucun endroit sur la terre n’est épargné, conclut le directeur de Visa for Music : « Nous allons continuer notre combat contre les seuls ennemis que nous ayons : l’ignorance et l’obscurantisme. »Patrick LabesseJournaliste au Monde Pauline Croquet et Damien Leloup Les Eagles of Death Metal, qui jouaient vendredi 13 novembre au Bataclan lorsque plusieurs hommes armés sont entrés dans la salle de concert bondée, ne sont pas un groupe de death metal, contrairement à ce que leur nom indique. Mais la communauté française des fans de hard rock s’est sentie particulièrement visée par le carnage ayant tué des dizaines de personnes, la plus meurtrière des six attaques qui ont frappé Paris ce 13 novembre.Lire aussi :Attaques à Paris : le point sur l’enquête et le déroulé des attaquesD’abord parce que le groupe, proche artistiquement de Queens of the Stone Age ou des Foo Fighters et mené par l’emblématique Josh Homme, est connu des amateurs de grosses guitares californiennes. Aussi parce que la salle visée, le Bataclan, accueille régulièrement des concerts de metal. « J’étais au Bataclan vendredi dernier pour Children of Bodom aussi, le Bataclan est la salle de concerts où je vais le plus, comme vous tous, cette salle représente pour moi beaucoup de bons moments partagés avec vous et la famille du metal en général », explique un internaute sur le forum du Hellfest, le gigantesque festival metal organisé chaque année à Clisson (Loire-Atlantique).Un sentiment renforcé par le message de revendication publié par l’organisation Etat islamique, samedi 14 novembre, qui explique que les terroristes ont visé le Bataclan parce que s’y déroulait un concert « d’idolâtres » réunis dans « la perversité » — des qualificatifs souvent associés par les extrémistes religieux à la musique metal.La chape de plomb qui est tombée sur La Cigale était impressionnante. Pensées pour nos amis au Bataclan.— christopheconte (@Christophe Conte)require(["twitter/widgets"]);Alors que les terroristes pénétraient dans la salle du Bataclan, la rumeur de l’attaque commençait à se répandre parmi le public à La Cigale, une salle de concert du quartier de Pigalle, où se produisaient quatre groupes pour le festival des Inrocks. Le concert de Fat White Family a été interrompu aux alentours de 22 h 30, et depuis l’ensemble des dates parisiennes du festival ont été annulées. Dans le public des Inrocks, on sortait son téléphone pour rassurer ses proches et prendre des nouvelles sur les réseaux sociaux. Manifester sa solidarité. « Je suis rentrée à la maison aussi vite que j’ai pu. Le monde est devenu fou », raconte une festivalière sur Instagram.Concerts annulésFace aux événements et à l’interdiction des manifestations publiques à Paris et en région parisienne, plusieurs groupes de rock ont annulé des concerts prévus. A commencer par U2, qui devait se produire ce samedi à Paris-Bercy, mais aussi Motörhead, qui devait passer au Zénith dimanche, et les Foo Fighters lundi. Un concert prévu lundi soir de Marilyn Manson, dont les textes antireligieux lui ont déjà valu à de nombreuses reprises des menaces aux Etats-Unis, n’a par contre pas été annulé officiellement. Sur les forums et les réseaux sociaux, les amateurs de metal et de hard rock sont nombreux à dire leur intention de se rendre dès que possible à de nouveaux concerts.« Ç’aurait pu être nous, là-dedans… Concert de black metal ce soir en café-concert, on y sera quand même ! Ça fera du bien de retrouver une communauté soudée dans cette douleur, d’écouter de la musique même si tout le monde ne va parler que de ça », explique un internaute sur le forum du Hellfest. « Avec des potes, on a nos billets pour Nightwish à Bercy le 25 et j’avoue qu’hier je me suis posé la question de savoir s’il fallait qu’on y aille ou pas. Ce matin, je me dis qu’au contraire il faut qu’on y aille », lui répond un autre.« Je vois que certains ont cité Refuse/Resist [titre connu du groupe Sepultura évoquant la lutte contre la dictature et l’extrémisme], depuis hier je l’écoute en boucle, témoigne un internaute. Je trouve son message particulièrement d’actualité : refus de la terreur qu’ils veulent nous imposer, résistance et solidarité face à la haine et la violence. Cette résistance implique surtout de ne pas rentrer dans leur jeu, de ne pas céder à la peur, continuer à vivre et de ne pas nous monter les uns contre les autres. »Pauline CroquetJournaliste au MondeDamien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Adele pensait peut-être monopoliser l’attention, en ce 20 novembre, en sortant son album intitulé 25, mais un personnage inattendu , David Bowie, s’est invité à sa fête. Jeudi 19 novembre à minuit, l’icône rock britannique a mis en ligne l’impressionnant clip de Blackstar, chanson phare d’une durée de 10 minutes extraite de l’album du même nom, dont la parution est annoncée pour le 8 janvier 2016 (date de son 69e anniversaire). La surprise n’est pas totale puisqu’une version très raccourcie de ce titre illustrait le générique de la série « Panthers », récemment diffusée sur Canal +, dont le réalisateur, le Suédois Johan Renck, a également mis en scène la vidéo de Blackstar.Loin du format radiophonique des habituels singles, le morceau/court métrage se déploie en une épopée anxiogène débutant par une imploration maladive sur fond de breakbeats névrosés et de jazz feutré. L’ambiance glisse ensuite vers un semblant d’apaisement où Bowie reprend d’une voix plus familière une mélodie racée, perturbée par une obsédante incantation synthétique : « I’m a blackstar ». Tantôt victime suppliciée, tantôt prophète illuminé, le chanteur s’entoure de zombies épileptiques, d’une prêtresse vaudou, d’épouvantails crucifiés, d’un squelette d’astronaute (Major Tom ?). Proche des teintes jazz et expérimentales du titre inédit, Sue (In a Season of Crime), publié en 2014, Blackstar semble annoncer les compositions de Bowie les plus audacieuses et inquiétantes depuis l’album Outside (1995).Le chanteur a par ailleurs composé plusieurs chansons pour une comédie musicale, Lazarus, mise en scène par Ivo Van Hove au Theater Workshop de New York. Les représentations, qui ont commencé le 18 novembre, sont déjà toutes complètes.Regarder le clip de « Blackstar »Stéphane DavetJournaliste au Monde Renaud Machart Film sur Arte à 13 h 35L’histoire de Tomboy (2011), de Cécile Sciamma, est simple : une petite fille de 10 ans, nouvellement arrivée dans un quartier, se fait passer, auprès de ses camarades, pour un garçon (tomboy signifie, en anglais, « garçon manqué »). Notamment auprès d’une autre petite fille de son âge à laquelle elle s’attache, qui découvre que celui qu’elle croit prénommé Mickaël n’est autre que Laure.Pas de quoi fouetter son chat. Pourtant, lorsque Arte l’avait diffusé une première fois, en février 2014, une campagne puritaniste de la plus grande violence avait fait rage, orchestrée par Civitas, une organisation intégriste, dont l’objectif est « la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ ».Le site Internet de ce groupuscule avait alors appelé « les familles françaises à réagir et à empêcher la diffusion de ce film de propagande pour l’idéologie du genre ». Et d’ajouter : « Ce film ne répond pas à la mission d’Arte qui est de “concevoir, réaliser et diffuser des émissions de télévision ayant un caractère culturel”. » Et, pour ce faire, de publier les numéros et adresses électroniques des responsables de la chaîne franco-allemande et d’appeler à les harceler « poliment, mais fermement ». Croisade moralisteLa hargne de Civitas avait été attisée par le fait que, depuis septembre 2012, Tomboy était intégré aux programmes « Ecole et cinéma » et « Collège au cinéma », deux dispositifs soutenus par le ministère de l’éducation nationale et par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).Mais le battage médiatique autour de cette croisade moraliste avait tellement généré de contre-réactions dans la presse et sur les réseaux sociaux que Tomboy était vite devenu l’objet de toutes les attentions : Cécile Sciamma ne pouvait rêver meilleure campagne de publicité pour ce film d’une rare pudeur, où tout est dit avec une finesse, qui rappelle, dans ce registre cinématographique, la délicatesse de la caméra (et de la lumière tendre et dorée) d’André Téchiné dans Les Roseaux sauvages (1994). La journaliste d’Arte Annette Gerlach, qui a introduit, en février 2014, le film par quelques mots en français a, décidément, eu cent fois raison de résumer le tout par une adroite et plaisante formule : « Garçon manqué, mais film réussi. » A revoir, donc, absolument.Tomboy, de Cécile Sciamma, avec Zoé Héran, Sophie Cattani, Mathieu Demy. (Fr., 2011, 82 min). Diffusé sur Arte, le 20 novembre, à 13 h 35.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Magazine sur France 3 à 20 h 50Personne n’aurait imaginé, ce 27 septembre 1975, que le magazine de la mer qui venait d’être mis à l’antenne le serait encore quarante ans plus tard. Avec « Des chiffres et des lettres » et « Le Jour du seigneur », « Thalassa » fait désormais partie des émissions les plus vieilles de la télévision française. Mais c’est la plus ancienne présentée par la même personne : Georges Pernoud, sur lequel on sait finalement peu de chose, malgré ses quatre décennies de présence à l’écran. Ce quarantième anniversaire nous permet d’en apprendre un peu plus sur ce journaliste, à la fois jovial et bourru.Un premier reportage difficileGeorges Pernoud lève le voile sur sa vie dans un documentaire, Il était une fois « Thalassa », diffusé en deuxième partie de cette soirée spéciale et qui lui est largement consacré. Une enfance à Rabat, au Maroc, un retour brutal à 11 ans en France, à Asnières, dans la banlieue parisienne, ce fils d’un Savoyard et d’une Alsacienne n’avait aucun lien avec la mer. Peu passionné par les études, Georges Pernoud met du temps à trouver sa voie. Il aurait pu devenir acteur ou cinéaste, mais c’est finalement comme cameraman à l’ORTF qu’il s’épanouit.Le voilà couvrant les événements de mai 1968, accompagnant le volcanologue Haroun Tazieff au Zaïre… En 1973, on lui demande de suivre la première édition de la Whitbread, une course à la voile à travers le monde. « On m’a proposé ce reportage, car j’étais célibataire. Les organisateurs de la course redoutaient des conditions difficiles », raconte Georges Pernoud, qui n’a toujours pas son permis bateau. Le contact avec l’océan fut effectivement rude. Durant les premiers jours de navigation, le solide gaillard est malade. Pire, il assiste, impuissant, à la disparition du skippeur Dominique Guillet dans les flots noirs. Un événement tragique qui le conduit à faire sa première apparition à la télévision. Malgré ces débuts difficiles, le virus est pris. En 1975, il propose à la direction de la chaîne un magazine consacré à la mer dont le nom lui a été soufflé par son père journaliste. L’odyssée de « Thalassa » commence : mensuel puis magazine hebdomadaire de deuxième partie de soirée, l’émission a les honneurs du prime time en 1989. Il ne l’a pas quitté depuis. Un succès que Georges Pernoud explique simplement : « Nous racontons des histoires et nous apprenons des choses aux téléspectateurs, sans qu’ils s’en rendent compte, sans utiliser des termes techniques. »Un côté « boy-scout »Dans le premier documentaire, Il était une fois l’océan,qui ouvrira la soirée, on retrouvera un des ingrédients de ce qui fait la réussite de cette émission culte : des personnages forts comme ce plongeur ivre de banquise, ces marins qui affrontent les tempêtes, cet homme aussi qui a pour amie… une murène. Même si Georges Pernoud assume un côté « boy-scout » que certains reprochent parfois à l’émission, il n’empêche que « Thalassa » n’hésite pas à aborder des sujets importants, notamment les dangers qui menacent le dernier espace vierge et sauvage de la planète. Au cours de la soirée, les fidèles du programme reverront des reportages qui ont été sélectionnés par les téléspectateurs. Celui sur l’expédition de La Pérouse a été plébiscité, battant d’une courte tête celui sur François Zanella, ce mineur lorrain qui construira un paquebot dans son jardin. Un passionné qui a lui aussi succombé à l’appel du large.Soirée spéciale « Thalassa », à 20 h 50. Il était une fois l’océan, 1 h 10, et Il était une fois « Thalassa », 1h 40.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.11.2015 à 06h45 D’une adaptation théâtrale de l’affaire Bettencourt à une immersion dans l’œuvre de Francis Bacon, les choix du Monde pour ce week-end.ART. Les jeux de formes et de mots d’Hassan Musa, à ParisVladimir Poutine accueille le visiteur d’un œil mauvais. Impossible de ne pas le voir : son portrait, fait pour l’essentiel de tissus aux couleurs claires, découpés et cousus, mesure plus de 2 mètres de haut. Les mots en dessous de son visage sont tout aussi visibles. Il est écrit « Kus Oummak », expression arabe qui signifie littéralement « le con de ta mère » et c’est une interjection des plus désobligeantes. C’est le titre qu’Hassan Musa a donné à son œuvre. Détourne-t-on le regard, c’est pour faire face à Barack Obama, un Obama souriant plus grand encore que Poutine et aussi coloré. Au-dessus de lui, la phrase qu’il est en train de prononcer : « I have a drone. » L’allusion au « I have a dream » de Martin Luther King est transparente. Elle est aussi cruelle : du défenseur des droits civiques des Afro-Américains en 1963 au président métis qui fait la guerre par machines interposées, la différence est grande. De tels jeux de formes et de mots, Hassan Musa, né au Soudan en 1951, est l’un des inventeurs les plus efficaces de l’art actuel. Son exposition, présentée à la Galerie Maïa Muller, à Paris, le démontre. Philippe Dagen« Yo Mama », Galerie Maïa Muller, 19, rue Chapon, Paris 3e. Tél. : 09-83-56-66-60. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 5 décembre.EXPOSITION. Le Roi se meurt, à Versailles Trois siècles après la mort du Roi-Soleil, le château que Louis XIV a bâti à sa mesure met en scène le grand théâtre de la mort organisé il y a trois siècles, au lendemain de son décès, le 1er septembre 1715. Des pompes funèbres qui se prolongèrent plus de deux mois en la basilique de Saint-Denis. Sont reconstitués la spectaculaire chapelle ardente et le catafalque immaculé, dressés dans la nef. Ce décor éphémère fut imaginé et construit par l’atelier des Menus Plaisirs du roi, chargé de la mise en scène des fêtes données à Versailles. Des manuscrits inédits sont montrés dans l’exposition, notamment le testament du roi et les rares vestiges rescapés de la Révolution française. La plaque en cuivre qui identifiait son cercueil – profané en 1793 et jeté dans la fosse commune – fut retrouvée, transformée en casserole, dans une auberge. On apprend que ces festivités funestes étaient une mode européenne très courue, documents à l’appui, de Madrid à Mexico. Un faste auquel eurent droit Napoléon, Voltaire, Victor Hugo, Félix Faure ou encore Sadi Carnot, comme le montre le monumental rouleau peint oublié dans les réserves du château. Florence Evin « Le roi est mort », jusqu’au 1er janvier 2016, château de Versailles (Yvelines), tous les jours de 9 heures à 17 h 30, sauf le lundi. De 13 € à 15 €. Chateaudeversailles.frDANSE. La playlist musclée de Jean-Claude Gallotta, à Paris My Rock, créé en 2004 pour treize danseurs, fonce pied au plancher selon une règle du jeu simple : une chanson, une danse. Une sélection de treize titres trace la route intime du rock dans les veines du chorégraphe et danseur Jean-Claude Gallotta. « Ces rythmes m’ont accompagné adolescent, raconte-t-il dans le spectacle qu’il mène en crooner-slameur. Ils m’ont peut-être permis d’échapper à ma crise d’angoisse existentielle et de répondre à cette question : “Quoi faire de ma vie ?” » D’Elvis Presley à Patti Smith, des Beatles à Wilson Pickett, la playlist du chorégraphe, qui introduit chaque morceau en direct, fait courir les influx nerveux mais aussi mélancoliques de leur énergie. Rosita BoisseauThéâtre du Rond-Point, 2, bis avenue Franklin-Delano-Roosevelt, Paris 8e. Jusqu’au 6 décembre, 18 h 30. Tél. : 01-44-95 98-21. De 14 € à 40 €.EXPOSITION. Une immersion dans l’œuvre de Bacon, à Monaco Découvrant Monaco au début des années 1940, le peintre anglais Francis Bacon (1909-1992) décide de s’y arrêter, l’air méditerranéen se révélant bénéfique pour soulager son asthme chronique. Il y restera quatre ans, puis y reviendra à plusieurs reprises au cours de sa vie. Une fondation, créée par l’homme d’affaires et amateur d’art Majid Boustany afin de promouvoir l’œuvre de l’artiste et mieux faire comprendre sa démarche et son univers, notamment pendant la période où il résida à Monaco, a été inaugurée en octobre 2014, au cœur de la principauté. Elle réunit à la fois des lithographies, sculptures et toiles de l’artiste, mais aussi des œuvres qui l’ont influencé, des photos, des documents de travail, des lettres, des objets qui l’entouraient dans ses ateliers. Le lieu est ouvert toute l’année aux chercheurs et historiens d’art, mais le grand public y est également accueilli sur rendez-vous. Sylvie KervielFondation Francis Bacon, 21, boulevard d’Italie, Monaco. Mbartfoundation.com.THÉÂTRE. L’affaire Bettencourt relue par Michel Vinaver, au TNP de VilleurbanneC’est une pièce formidable : Bettencourt Boulevard ou Une histoire de France. Ecrite début 2014 par Michel Vinaver, elle met en scène les protagonistes de l’affaire politico-financière la plus marquante de la présidence de Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat y apparaît sous son nom, tout comme Patrice de Maistre, François-Marie Banier, Claire Thibout, Eric Woerth… et bien sûr Liliane Bettencourt et sa fille, Françoise Bettencourt Meyers. La primeur de la création de la pièce revient au Théâtre national populaire de Villeurbanne, où Christian Schiaretti, le directeur, la met en scène. A découvrir ! Brigitte SalinoThéâtre national populaire, 8, place Lazare-Goujon, Villeurbanne (Rhône). Tél. : 04-78-03-30-00. Vendredi et samedi, à 20 heures ; dimanche à 15 h 30. Jusqu’au 19 décembre. Tarifs : 14 € et 25 €.HUMOUR. Une comédie insolente et culottée, au Café de la gare, à ParisSi vous êtes nostalgique du Père Noël est une ordure – la farce mythique de la troupe du Splendid –, si vous avez aimé, beaucoup plus récemment, au cinéma, les six sketchs aussi cruels qu’hilarants des Nouveaux Sauvages (le film de l’Argentin Damian Szifron), alors courez découvrir Ça n’arrive pas qu’aux autres. Cette comédie sociale et insolente renoue avec un humour trash, trop souvent absent des scènes parisiennes. Issus de la troupe de Pierre Palmade, Benoît Moret et Nicolas Martinez ont écrit et mis en scène cette véritable petite bombe humoristique. Heureusement qu’il y a toujours le Café de la gare pour accueillir des pièces aussi brillamment culottées. Sandrine BlanchardCafé de la gare, 41, rue du Temple, Paris 4e. Réservations : 01-42-78-52-51. Durée : 1 h 30. Tarifs : 26 € (10 € pour les moins de 26 ans). Du mercredi au samedi à 21 heures et le dimanche à 16 h 30, jusqu’au 31 décembre. Gilles van Kote Il est un peu plus de 21 h 40, vendredi 13 novembre, et Daniel Psenny, journaliste à la rubrique Télévisions du Monde, travaille chez lui, au deuxième étage d’un immeuble situé derrière le Bataclan. Sur l’écran de la télévision, Jean-Hugues Anglade joue le rôle d’un commissaire de police. Daniel y prête une attention distraite, comme aux déflagrations qu’il entend et qui lui semble provenir de la série.« Comme ça devenait répétitif, je suis allé à la fenêtre et là, j’ai vu des gens sortir en courant et en criant des sorties de secours du Bataclan, qui se trouvent à quelques mètres en biais, de l’autre côté de la rue, raconte-t-il. Dans un premier temps, je me suis dit que c’était une bagarre qui démarrait, un peu plus forte peut-être que celles qui se produisent parfois en marge d’un concert. »Mais de nouveaux coups de feu sont tirés depuis l’intérieur de la salle, à intervalles distincts, pas en rafale, et la panique gagne : des spectateurs sortent par vagues du Bataclan, certains s’effondrent sur la chaussée étroite, d’autres fuient à toutes jambes, d’autres encore tentent de s’éloigner de la salle de concert, mais tombent à terre. Des personnes tentent de leur venir en aide en les traînant.« Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée »« J’ai pris mon téléphone et j’ai filmé, par réflexe professionnel et parce que j’étais en position de le faire, se souvient Daniel Psenny, dont la vidéo a fait le tour du monde. C’était un document qui pouvait ne servir à rien... ou à quelque chose, au cas où. Au début, je demande par la fenêtre ce qui se passe, mais personne ne me répond. »Le journaliste appelle un confrère du Monde, qui l’informe des attaques en cours dans la région parisienne. « C’est là que je prends conscience que ce n’est pas une bagarre et que quelque chose de très grave se passe sous mes yeux. »Les déflagrations cessent au bout d’une dizaine de minutes. « Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée de mon immeuble et que les gens puissent se réfugier dans le hall ou dans la petite cour. Mais personne n’est entré, les gens ne voulaient pas s’arrêter. »Daniel Psenny, qui pense alors que la fusillade est terminée, jette un coup d’oeil prudent dans la rue, voit des corps devant les issues de secours du Bataclan et, à quelques mètres à droite de l’entrée de son immeuble, un homme en tee-shirt rouge allongé face contre terre, visiblement mal en point. Un homme en noir, qu’il ne reverra plus par la suite, s’approche du blessé. Le journaliste vient à la rescousse et les deux hommes tirent le blessé pour le mettre à l’abri dans le hall de l’immeuble. « Comme un bruit de pétard sur mon bras »« J’ai dû ressortir pour refermer la porte de l’immeuble, je ne m’en souviens plus, tout ce que je sais, c’est que la rue semblait vide. Puis, il y a eu comme un bruit de pétard sur mon bras, une très forte douleur et le sang a jailli. La balle, on ne l’entend pas arriver... J’ai compris qu’on m’avait tiré dessus, je n’ai pas vu qui, et ça a recommencé à tirer. A posteriori, je me dis que le tireur était soit sorti dans la rue, soit à la fenêtre du Bataclan qui se trouve au premier étage. Il a dû voir deux hommes traîner un blessé, il était là pour faire un carton, un massacre. »La balle a traversé le biceps gauche et s’est fichée sous le clavier du digicode de l’immeuble. Un voisin fait précipitamment entrer Daniel Psenny dans son appartement. « Mais je n’avais qu’une idée en tête, c’était d’aller à l’hôpital pour m’y faire soigner. J’ai fait un garrot avec une chemise, pour éviter que le sang coule trop fort. »Les voisins du quatrième, que Daniel a appelés depuis l’interphone pour leur demander de l’aide, le font monter chez eux puis reviennent chercher l’homme blessé, un Américain prénommé Matthew. Blessé par balle au mollet, celui-ci est installé sur un canapé. Daniel appelle sur son portable une amie médecin, qui lui prodigue quelques conseils et lui explique comment effectuer des points de compression.Lire aussi :A l’hôpital, Daniel Psenny du « Monde » retrouve Matthew« Tétanisées, prostrées, terrorisées »« J’ai, ensuite, appelé des gens du journal pour leur dire qu’on était coincés, qu’il fallait absolument qu’on nous évacue. Mais les forces de l’ordre interdisaient tout accès au passage et donc a commencé une très longue attente. C’était très angoissant de se dire qu’on était en plein Paris, que l’on allait se vider de notre sang et que personne ne pouvait nous venir en aide. »Les personnes présentes dans la salle de séjour, maculée du sang des blessés, sont « tétanisées, prostrées, terrorisées ». Dans la chambre voisine, un enfant dort. Les détonations ou les allers et venues ne le réveilleront pas, pas plus que les explosions qui secoueront l’immeuble au moment de l’assaut final.Daniel Psenny est en contact régulier par téléphone avec des collègues, la police, les pompiers... « Les saignements reprenaient régulièrement, Matthew était très pâle et vomissait, mais nous n’avons jamais perdu conscience. C’est même étonnant que nous soyons restés aussi lucides, malgré les balles que nous avions prises. »Il faudra attendre une heure du matin et l’assaut final pour que les blessés soient « libérés ». Le Raid, depuis la rue, les autorise à quitter l’immeuble. Daniel Psenny descend à pied les escaliers et tombe nez-à-nez avec un agent du Raid qui le met en joue, le temps de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un assaillant. Il est évacué à pied vers le Cirque d’Hiver.« On m’a dirigé vers un restaurant où était installé un hôpital de campagne, on m’a fait un pansement pour arrêter l’hémorragie, on m’a mis une perfusion puis je suis parti en ambulance pour l’hôpital Pompidou. Là, il y avait beaucoup de monde mais c’était très calme, pas du tout l’ambiance de la série « Urgences« . Les médecins et infirmières nous ont pris en charge de façon très sereine. »Daniel Psenny a été opéré au bras samedi 14 novembre en fin de journée, après d’autres blessés plus gravement touchés que lui. Il est sorti de l’hôpital mercredi 18 novembre.Gilles van KoteDirecteur déléguéSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 19.11.2015 à 11h50 | Laurent Carpentier, Fabienne Darge et Clarisse Fabre Ouvrir le sac, on a l’habitude. Déboutonner le manteau, il va falloir s’y faire… C’est le prix à payer pour entrer au Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis, ce mercredi 18 novembre, un peu avant 20 heures. Le vigile vérifie que l’on n’a pas d’objets suspects à la ceinture… Peu importe, le « TGP » est ouvert, c’est l’essentiel. Au petit matin, sidérée, l’équipe du théâtre a appris la nouvelle de l’assaut du RAID, rue du Corbillon, à cent mètres du TGP, au cours duquel, entre autres, une femme a actionné son gilet explosif… Le théâtre était entouré de barrières, inaccessible, comme vaincu par les événements.« Les CRS, on est habitués. Mais il y avait aussi l’armée, et ça raconte autre chose », témoigne le directeur du TGP, Jean Bellorini. Ce n’est que vers 14 heures que l’équipe du TGP a obtenu l’assurance de pouvoir ouvrir le théâtre. Mais comment faire venir le public, après une telle journée ? « Une fanfare a joué dans le hall, vers 19 heures, pour détendre l’atmosphère et pour couvrir le bruit des sirènes au cas où… », explique le patron du TGP. Même s’il manque « une centaine de collégiens et de lycéens », le soulagement est perceptible : 140 spectateurs sont déjà installés pour découvrir la pièce de Molière, Trissotin ou les femmes savantes, mise en scène par Macha Makeïeff, à l’affiche jusqu’au 29 novembre ; et une bonne vingtaine attendent d’entrer dans la petite salle pour voir M’appelle Mohamed Ali, une performance d’Etienne Minoungou, sur un texte de Dieudonné Niangouna, mise en scène par Jean Hamado Tiemtoré jusqu’au 22 novembre.Le spectacle fait des allers-retours entre l’itinéraire du boxeur, la vie du comédien et celle de l’auteur du texte. Etienne Ninoungou tombe le masque, parle de lui, de la difficulté d’être comédien et noir, quand on vous propose de faire « le cascadeur » ou « l’oncle de Kirikou ». Soudain, le bruit d’une sirène parvient jusque dans la salle : « Peut-être on devrait s’arrêter là ? », propose-t-il. Mais il continue de plus belle…« Ne pas rester chacun chez soi, en train de flipper »En quittant le théâtre, vers 22 heures 30, les spectateurs disent à peu près la même chose : venir dans une salle, c’est être ensemble, découvrir une création. Rien ne doit changer, il faut sortir comme avant ! A l’angle de la rue Corbillon, le dernier car de CRS quitte les lieux de l’assaut. Deux spectateurs, Daniel et Francis, s’engouffrent dans la station de métro Saint-Denis Basilique, ligne 13. Attentats ou pas, ils font le plein de culture et résument ainsi la semaine écoulée : « Lundi, Philharmonie ; mardi, théâtre de Malakoff ; mercredi, TGP ; jeudi, les Abbesses ; vendredi relâche ; samedi, Théâtre de la Ville. » Dans la rame de métro, un groupe de jeunes gens débarque avec bouteilles d’alcool et salades de quinoa. « Vous voulez goûter ? », propose l’une des jeunes filles, qui ne tarde pas à engager la conversation. « On va danser au Rex, on veut profiter de la vie, ne pas rester chacun chez soi en train de flipper », résume-t-elle. Ils sont étudiants en « dentaire » et ont grandi avec le terrorisme : « J’étais en CM1 le 11 septembre 2001 », glisse l’un d’eux.On les rejoindra plus tard, après une traversée du 11e arrondissement. Et là, surprise encore : impossible de boire une bière en terrasse, dans les alentours du Théâtre de la Bastille : rue de la Roquette, rue de Lappe et dans les petites rues alentour, les cafés sont pleins, archi pleins. Le Théâtre de la Bastille, pourtant situé dans un mouchoir de poche ultra-sensible, entre la rue Keller, où est domicilié le premier ministre, Manuel Valls, et la synagogue de la rue de la Roquette, a rouvert depuis mardi soir. Mercredi, la salle affiche complet pour le réjouissant spectacle de Vincent Thomasset, Lettres de non-motivation. « Mardi soir, pour la réouverture, nous avons même eu plus de monde que nous n’en avons d’habitude le mardi, un jour plutôt creux, raconte un membre de l’équipe. Il y a une volonté manifeste des habitants de montrer qu’ils veulent continuer à vivre, à se cultiver. »Deux vigiles embauchésSeul changement dans ce lieu : deux vigiles ont été embauchés à l’entrée, et un responsable du théâtre reste en permanence dans la salle, auprès des spectateurs, pour le cas où… Vers minuit, on sert encore des verres et on danse aux Deux Amis, un bar de la rue Oberkampf, non loin des bouquets de fleurs, bougies et hommages aux victimes sur le boulevard Richard-Lenoir. « L’amour vaincra », lit-on sur une feuille blanche.Dans le taxi, en route pour le Rex, on se croirait déjà en boîte de nuit. Le chauffeur a mis de la musique pour se motiver. Mais l’actualité vient le rappeler à l’ordre : « Ce soir, la préfecture a envoyé un message radio à tous les chauffeurs de taxi pour savoir si quelqu’un avait chargé un client place Albert-Kahn, dans le 18e arrondissement. Cet homme aurait un lien avec les attaques du 13 novembre », indique-t-il.Boulevard Poissonnière, il n’y a pas la queue devant le Rex, l’un des rares clubs ouverts le mercredi soir, dans la capitale. Le patron de la salle, Fabrice Gadeau, se réjouit que « Paris revive la nuit », mais il tempère aussitôt sa joie : « On va faire 50 % d’entrées en moins, car beaucoup de jeunes ne sortent pas. Les parents estiment que c’est trop risqué. »Musées et cinémas ne font pas le pleinMême son de cloche dans les musées. « C’est le bon jour pour venir voir la Joconde, sourit une employée du Louvre, le nez au vent. Il n’y a franchement personne. » Face au chef-d’oeuvre de Léonard, les surveillants d’ordinaire, si occupés, ont le temps de vaquer. Sous la pyramide en verre de Pei, le grand hall, en général bondé, est d’une fluidité inquiétante. Dans la salle des sculptures italiennes, formidablement seule sur son banc, une Colombienne, étudiante en art, dessine le buste de saint Jean-Baptiste par Desiderio da Settignano (1428-1464) dans un face-à-face étrangement silencieux. Elle vient tous les jours depuis dix jours : « Cela n’a jamais été aussi vide qu’aujourd’hui. Il n’y a désormais pratiquement plus que des gens en groupes organisés. »Situation similaire dans les cinémas. Sur les 1 474 écrans de la région parisienne, on a comptabilisé mardi soir 65 000 spectateurs, contre un peu plus du double le mardi précédent. Et les premiers résultats des sorties de mercredi confirment un recul inquiétant de la fréquentation. Mais les exploitants cherchent surtout à comprendre qui manque à l’appel : « A 14 heures, analyse l’un d’entre eux, L’Hermine de Christian Vincent, avec Fabrice Luchini, réalisait le même score que le troisième volet de la saga Hunger Games, un blockbuster. Ce n’est pas normal. Tout ça semble indiquer que ce sont les jeunes qui ne sont pas là. Je connais des mères qui disent aujourd’hui : “Je ne laisserais pas mes enfants sortir seul, c’est trop dangereux.” » Les résultats des films d’animation semblent lui donner raison. Ils plongent purement et simplement. Le jeune public est resté à la maison. « Or, ce ne sont pas les vieux qui font les gros résultats du box-office », soupire-t-il.Retour au Rex, où les jeunes noctambules se font désirer. Deux DJ allemands ont annulé leur venue jeudi soir, « et même un Français », déplore Fabrice Gadeau. Un autre patron de boîte, Aurélien, qui dirige le Badaboum, rue des Taillandiers, dans le XIe, est venu le soutenir : « On vend du “feel good”, du lâcher-prise. » Pas simple, par les temps qui courent.Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterClarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFabienne DargeJournaliste au Monde Olivier Zilbertin Documentaire sur France 3, à 23 h 35Une partie des six millions de juifs assassinés durant la Shoah auraient-ils pu être sauvés si les Alliés avaient décidé d’intervenir ? C’est la question qu’aborde sans détour la documentariste Virginie Linhart.Rapidement, une certitude se dessine au fil des documents d’époque, longtemps classés secret-défense : les Alliés furent assez tôt alertés sur le génocide qui se préparait, puis se déroulait, en Europe. D’ailleurs, peut-on seulement « éliminer six millions de personnes dans le plus grand secret ? », interroge le documentaire. Et si les dirigeants font mine de découvrir l’horreur des camps au moment de leur libération en 1945, on sait désormais que Churchill, Roosevelt, de Gaulle et Staline savaient. Ils n’ont rien fait. Mais avaient-ils les moyens d’agir ? Dès 1941, alors que les troupes allemandes envahissent l’Union soviétique, Staline autorise à Moscou la réunion des représentants et des personnalités de la communauté juive afin de dénoncer, déjà, le génocide qui commence. On peut y parler yiddish, la langue des juifs d’Europe de l’Est, pourtant interdite en Russie depuis l’avènement du communisme.Ecoutes, rapports des services secrets, témoignages...Pour Staline, l’appel, relayé par la presse yiddish de New York, vise surtout à mobiliser l’importante communauté juive américaine. Et, de fait, les dons affluent pour soutenir l’effort de guerre soviétique face à la barbarie nazie. A Londres comme à Washington, on ne peut rapidement plus ignorer ce qui se trame sur le Vieux Continent. Ecoutes, rapports des services secrets, témoignages… Mais, pour Churchill, la priorité reste de gagner la guerre. Alors que les Etats-Unis sont accaparés par leur conflit contre le Japon, Roosevelt se voit, lui, confronté à une montée de l’antisémitisme et des mouvements pronazis dans son pays. A plusieurs reprises, il évitera de rendre publiques des informations sur la Shoah. Fin 1941, 1 200 000 juifs ont déjà été tués.Le décompte macabre va se poursuivre du fait des incrédulités des uns, des intérêts politiques des autres, des enjeux stratégiques de tous. En 1943, quand plus de 4 millions de juifs auront été exterminés, la majeure partie des Américains ignorent encore tout de la tragédie. Le terrible compteur indiquera 5 800 000 morts à la libération des camps. Il marquera aussi l’« impuissance » du monde face à la plus terrible barbarie.Ce qu’ils savaient : les Alliés face à la Shoah, de Virginie Linhart (France, 2012, 70 minutes). Jeudi 19 novembre, à 23 h 35, sur France 3Olivier ZilbertinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Film sur Paris Première à 20 h 45Dans Garrison, une cité-dortoir du New Jersey baptisée « Copland » en raison du nombre de policiers qui y habitent, l’ordre est entre de bonnes mains. Sauf que la loi en vigueur n’a rien à voir avec celle mentionnée dans le code civil. C’est là que règne Freddy Heflin, le shérif local (Sylvester Stallone), à moitié sourd, obèse, fruste et guère intelligent. Il se contente de régler la circulation et délègue le reste de son pouvoir à Ray Donlan (Harvey Keitel), un officier corrompu qui a transformé Garrison en une ville franche ; la loi du silence en échange d’un confort avantageux octroyé à chacun des flics de la communauté.La manière dont Freddy Heflin va prendre en main son destin de médiocre pour céder aux injonctions de Moe Tilden (Robert De Niro), un inspecteur de la police des polices, est caractéristique du modèle du shérif institué par le western dans les années 1950, écœuré par le sentiment de l’imperfection de la justice humaine et gagné par la tentation de la sécurité personnelle ou familiale.Pas un simple exercice de styleLa communauté de Garrison est réminiscente de celle de My Darling Clementine (1947), dont James Mangold reprend la structure dans Copland (1997). Comme dans le film de John Ford, une ville est livrée au chaos et à la confusion, avant de retrouver le sens de l’ordre et de la loi, puis de s’intégrer à un tissu social. Toute la démarche du film consiste à faire disparaître l’enclave de « Copland » pour l’intégrer à l’autre rive de l’Hudson, à effacer l’idée de territoire pour l’intégrer à un pays. Cette démarche, d’un parfait classicisme, fait de Copland autre chose qu’une œuvre de bonne facture ou un simple exercice de style.James Mangold filme Stallone en quinquagénaire lent et alourdi, mal à l’aise dans son corps gras, se réfugiant dans les bras d’Annabella Sciorra, sa maîtresse de passage, comme un gamin maladroit venu chercher un peu d’érotisme et de sommeil. Il y a du Victor Mature (celui du My Darling Clementine) chez Stallone. Il possède, comme lui, cette capacité à afficher en un regard une immense détresse, à traîner comme un fardeau une vie gâchée, reflet d’une carrière d’acteur elle aussi ratée.Une existence gâchéeCar c’est de cela qu’il est question dans Copland : un homme qui avait tout pour lui et qui, à la suite d’un banal accident, gamin, se retrouve avec une oreille en moins et une existence gâchée. Freddy Heflin est la réplique du shérif Tucker, interprété par Henry Fonda dans Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), où il incarnait un homme lâchant son étoile et qui, avec toute la détermination du héros mannien, retrouvait la force de refaire son métier. Le fantôme Stallone, l’acteur comme le personnage qu’il interprète, finit par retourner à la vie. Et sa résurrection a quelque chose d’émouvant.Dans sa maison en préfabriqué, Heflin possède au moins un trésor : une vieille platine stéréo où il écoute des disques 33-tours. Copland donne souvent l’effet d’un vieux 33-tours qui repasserait des airs méconnus : la fin de L’Epreuve de force (1977), de Clint Eastwood, plusieurs scènes sorties du Prince de New York (1981), de Sidney Lumet, une galerie de personnages sortis de l’univers de Scorsese. Faut-il s’imprégner de cette nostalgie ? Et comment ! Copland est l’équivalent d’un disque microsillon enregistré en son mono. On les conserve, on les soigne, et on leur apporte l’attention qu’on doit à un art que l’on croyait disparu.Copland, de James Mangold. Avec Sylvester Stallone, Robert De Niro, Harvey Keitel (EU, 1997, 125 min). Jeudi 19 novembre, 20 h 45, sur Paris PremièreSamuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino Il y aura du théâtre ce soir, le 18 novembre, à Saint-Denis. Jean Bellorini, le directeur du Théâtre Gérard-Philipe, en a décidé ainsi, en accord avec les autorités, après la fin de l’opération policière antiterroriste menée dans la ville le matin. Les deux spectacles prévus, Trissotin ou Les Femmes savantes, de Molière, et M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, sont donc maintenus. « Plus que jamais, déclare Jean Bellorini, il est important que l’on joue, que le théâtre soit joyeux, vivant, accueillant. On a la chance, à Saint-Denis, d’être dans une ville compliquée, donc riche, donc humaine. C’est un acte politique que d’y défendre nos valeurs, en 2015. Nous le faisant ce soir en présentant deux pièces, l’une classique, l’autre contemporaine, qui parlent du monde. » De son côté, Macha Makaïeff, metteure en scène de Trissotin ou les Femmes savantes, a adressé une lettre à la troupe qui joue la pièce de Molière. « Nous jouerons ce soir à Saint-Denis; je sais votre vaillance. Au plus vite, au plus tôt, nous serons sur scène avec Molière plus ardents que jamais. Cette expérience de l’empêchement de ces derniers jours nous confirme la force de notre mission chaque soir dans nos théâtres qui restent ces hauts lieux symboliques et forts de la liberté, de la fiction, de l’intelligence au cœur des villes, et vérifie combien est beau l’exercice de votre art, et nécessaire l’exercice des métiers de la scène. A Saint-Denis comme à Marseille, comme partout en France, les théâtres sont des phares et nous gardent éveillés. Contre le sectarisme, l’obscurantisme, la peur de l’autre.Dans quelques heures, nous nous mettrons en place dans les coulisses du Théâtre Gérard Philipe selon le même rituel immuable, nous ferons la mise avec la même concentration, nous serons ensemble, avec Jean Bellorini à nos côtés, et le public sera venu dans la salle, attentif et heureux, et nous jouerons la comédie. Le théâtre est ce lieu de liberté, de plaisir et de réjouissance irréductible que nous servons. »Trissotin ou Les femmes savantes, de Molière, mise en scène de Macha Makeïeff, du lundi au samedi à 20 heures, dimanche à 15h30, jusqu’au 29 novembre (durée 2h10). M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, mise en scène de Jean Hamado Tiemtoré, à 20h30, jusqu’au samedi 21 novembre, dimanche 22 à 16 heures (durée : 1h10). Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, 59, boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine Saint-Denis). Tél. : 01-48-13-70-00.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale) C’est une œuvre rare, difficile, pratiquement disparue de la scène lyrique si ce n’est en version de concert que présentait, le 23 octobre, l’Opéra du Rhin, qui programmait l’unique opéra de Gabriel Fauré, Pénélope. Encore faut-il un événement comme la célébration du centenaire du Théâtre des Champs-Elysées (lieu de la création parisienne de Pénélope le 9 mai 1913, après Monte-Carlo le 4 mars) pour entendre Anna Caterina Antonacci tenir tête à un rôle écrasant au côté de Roberto Alagna, le 20 juin 2013.L’incarnation de l’impavide épouse d’Ulysse par la mezzo italienne, adonnée aux grands rôles tragiques de l’opéra français, égale-t-elle celle des monstres sacrés dont les noms restent liés au rôle – la créatrice de 1913, Lucienne Bréval, Germaine Lubin à Paris (en 1919 puis en 1943), Régine Crespin dans les années 1960, enfin Jessye Norman en 1980 ? Antonacci possède sans conteste la beauté et l’aura tragique de la première femme fidèle de l’histoire de l’opéra (dès 1640 avec Il Ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi). Face à la brutale avidité des prétendants, à la frivolité débridée des servantes, la guerrière Pénélope s’est mise en travers de son destin de femme. L’engagement de l’artiste force le respect mais la prééminence du rôle et l’étendue de la tessiture sont des écueils incontournables : grave et bas-médium émis en voix de poitrine, aigus aux limites, manquant de brillant et d’aisance.Ramener la partition à la vieS’il ne sera reconnu par sa femme qu’à la toute fin de l’opéra, Ulysse a été d’emblée repéré par son chien (un vrai, auquel il donne une croquette) puis par sa vieille nourrice, Euryclée, interprétée par le contralto compassionnel d’Elodie Méchain. Dans le palais assiégé, les prétendants font rage, emmenés par l’Eurymaque prédateur d’Edwin Crossley-Mercer, l’Antinoüs plus amoureux de Martial Defontaine. Le ténor belge, Marc Laho, pourrait n’être qu’un faire-valoir de l’inflexible reine d’Ithaque. Mais son Ulysse clair et bien projeté navigue assez subtilement entre lassitude de l’errance, volonté de défier ses ennemis et retour aimant. D’or est la diction de Jean-Philippe Lafont en vieux berger Eumée, même si le timbre paraît bien élimé.Le chef d’orchestre Patrick Davin avait pour mission de ramener à la vie cette partition à la fois sensuelle et ascète, dont le long continuum emprunte, sans l’imiter, au récitatif de l’esthétique wagnérienne. Fauré le mélodiste a laissé place à Fauré le symphoniste, dont l’inspiration faiblit parfois – difficile de croire qu’à trois semaines de cette Pénélope, Stravinski fera exploser, sur la même scène parisienne, son Sacre du printemps. Face à un Orchestre symphonique de Mulhouse visiblement aux limites, le chef français limite avec élégance les dégâts.Olivier Py réalisait avec Pénélope le second volet de son diptyque d’opéras français commencé la saison dernière avec Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas. Le fidèle Pierre-André Weitz a construit la masse sombre d’un château monté sur tournette, dont la giration permanente métaphorise à la fois l’attente et la prison de Pénélope. La bonne idée a été de « ramener » à Ithaque le fils d’Ulysse, Télémaque, absent de l’opéra, dont Py a fait un rôle muet. Moins convaincants, les inévitables tics de mise en scène contemporaine que sont la courte figuration du père d’Ulysse (lui aussi absent de l’opéra) sur un lit d’hôpital, les interminables scènes de copulation des prétendants en chemise brune avec les servantes ou la pantomime de tréteaux qui accompagne le récit d’Ulysse, sans parler d’un cheval (de Troie) trottinant dans l’eau saumâtre qui a envahi le plateau. Rien qui doive mettre en doute le sérieux éminent avec lequel Olivier Py a servi Fauré et sa marmoréenne Pénélope.Pénélope, de Gabriel Fauré. Avec Anna Caterina Antonacci, Marc Laho, Elodie Méchain, Sarah Laulan, Jean-Philippe Lafont, Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Bertrand Killy (lumières), Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrick Davin (direction). Opéra national du Rhin, à Strasbourg (67). Le 23 octobre. Reprise à La Filature de Mulhouse (68), le 20 et 22 novembre. Tél. : 03-89-36-28-28. De 38 € à 74 €. Operanationaldurhin.euMarie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Véronique Cauhapé Série sur France 2 à 20 h 55Précisons d’emblée. Oui, ceux qui ont vu la série britannique « Broadchurch » (diffusée en février 2014 sur France 2) connaîtront forcément ce moment d’incrédulité face aux images du premier épisode de « Malaterra », au point qu’ils estimeront n’avoir aucun intérêt à pousser plus loin la découverte de cette « version française » si proche, si ressemblante de la création originale. Excepté, tout de même, que le coupable diffère de l’une à l’autre.Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur, avec Laurent Herbiet, de la série, avoue s’être lui-même interrogé, lorsqu’on lui en fit la proposition, sur l’opportunité de se saisir d’un tel projet. Que pouvait-il apporter de plus à une série fortement identifiée (tant d’un point de vue esthétique que narratif) et d’une qualité indéniable ?Une copie pas conforme de la série britanniqueEtre confronté à une telle contrariété pour un réalisateur qui imprime une forte empreinte sur ses films (Parcours meurtrier d’une mère ordinaire : l’affaire Courjault  ; La Disparition, 3 x Manon) ne relève pas du détail. La curiosité et l’envie de relever cette gageure ont néanmoins fait leur œuvre. « Je me suis finalement dit que réaliser avec mes méthodes une série qui tienne la route m’intéressait. Je voulais savoir, en partant du même matériau, ce que nous étions capables d’apporter à une fiction britannique. »Tournée en Haute-Corse, dans le village de Malaterra, la série française a pour décor la lumière, la mer et la montagne qui s’épousent dans un paysage magnifique tandis que « Broadchurch » avait pour cadre une petite station balnéaire prise dans la grisaille de l’hiver.Là où la série anglaise exhalait une grande mélancolie, la version française, dans le contraste qui s’exerce entre la clarté extérieure et le drame qui s’y joue, donne un relief particulier au récit. En revanche, les réalisateurs ont à juste titre évité le piège qui aurait pu les conduire à introduire dans leur série certaines caractéristiques de ce que l’on nomme « l’identité corse ».« Histoire universelle »Malaterra est traité à l’ordinaire, comme n’importe quel autre village en France. « Je me suis dit, faisons que ce ne soit pas la Corse, souligne Jean-Xavier de Lestrade. Parce que la force de l’histoire est qu’elle est universelle. Le décor devait y tendre également. »L’histoire justement, est celle de Nathan Viviani, 11 ans, retrouvé mort sur une plage. L’assassin se trouve au sein de la petite communauté du village ainsi qu’en est persuadé Thomas Rotman (Simon Abkarian), le capitaine de gendarmerie venu du continent, à l’inverse de sa coéquipière, l’adjudante-chef Marchetti (Constance Dollé), qui, elle, a grandi là. Pourtant, les secrets qui progressivement remontent à la surface vont finir par prouver que, dans ce petit coin de paradis où chacun se connaît, personne ou presque, n’est exempt de tout soupçon. Outre l’énigme et certains thèmes qu’elle véhicule (tels que la culpabilité ou l’inceste), « Malaterra » se débat autour d’une question : comment survivre après la mort d’un enfant ? Une interrogation dans laquelle bataillent séparément et parfois ensemble les parents de la victime. Ils sont aussi, pour les téléspectateurs, les passeurs d’une émotion que les réalisateurs ont souhaité saisir avec la plus grande simplicité.« Malaterra » , de Jean-Xavier de Lestrade et Laurent Herbiet, d’après la série « Broadchurch » créée par Chris Chibnall. Avec Simon Abkarian, Constance Dollé, Louise Monot (Fr., 2015, 8 x 52 min). Mercredi 18 novembre, à 20 h 55, sur France 2Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Le jour de l’attaque du Bataclan, vendredi 13 novembre, ils étaient sept photographes accrédités pour le concert des Eagles of Death Metal. Un concert de plus pour ces spécialistes de musique, qui sont des passionnés autant que des photographes – l’un d’eux, Yann Charles, travaille en amateur, et publie ses photos de façon bénévole pour un webzine.Mais les images qu’ils ont prises ce soir-là, du groupe et du public communiant dans le même plaisir, se remplissent aujourd’hui d’une émotion toute particulière. « Ils sont tous choqués, à des degrés divers, témoigne Bertrand Alary, directeur de l’agence Dalle, qui diffuse plusieurs d’entre eux. Et ils ont chacun une attitude différente face aux images qu’ils ont faites. Moi, je suis leurs instructions à la lettre. »Dans le milieu musical, à part pour les gros concerts aux contraintes particulières, c’est en général la « règle des trois » qui s’applique : les photographes dûment accrédités peuvent travailler seulement pendant les trois premières chansons, histoire de ne pas perturber le spectacle. Le 13 novembre, au Bataclan, les photographes se placent dans le « pit », derrière les barrières, entre la scène et le public – là où ils ont un bon point de vue sur le groupe et les spectateurs.A eux d’éviter les flashs dans les yeux qui gênent les musiciens. « C’est un groupe de rock festif, super-intéressant à photographier, car ils sont super-vivants quand ils jouent », confie l’un d’eux, qui préfère taire son nom. Après trois chansons, des photographes se fondent dans la foule, d’autres décident de partir. « Avec un collègue, on a bu un verre en rangeant le matériel, raconte un photographe. On est tous les deux partis pour éditer nos photos chez nous. Avant, j’ai pris une photo sur mon téléphone, pour montrer l’ambiance, et je l’ai postée sur Facebook. Puis j’ai pris ma voiture, et c’est seulement en passant devant Le Petit Cambodge que j’ai compris que quelque chose de grave se passait. » A l’intérieur, le photographe Manu Wino se trouve au bar quand arrivent les terroristes, mais il est près de la sortie de secours, et réussit à s’enfuir. Un de ses collègues trouvera refuge dans un local technique pendant toute l’attaque. Mais la photographe Marion Ruszniewski, qui travaillait ce jour-là pour le mensuel Rock & Folk, est touchée par une balle dans le ventre. « J’ai pensé à mon ami Rémi Ochlik [tué en Syrie en 2012] et je me suis dit “pas moi” », a-t-elle raconté à l’AFP. Elle fera la morte jusqu’à l’arrivée des secours, et s’en tirera sans complications trop graves. « C’est mon sac à dos de photo qui m’a sauvé la vie », pense-t-elle.« Du mal à regarder mes images »Une fois la frayeur passée, que faire des cartes mémoires pleines d’images innocentes d’un concert qui a viré au carnage ? Les photographes ont tous répondu de façon différente. Marion Ruszniewski a diffusé quelques photos du concert par le biais de l’AFP, et doit publier le reste comme prévu dans le prochain numéro de Rock & Folk.Manu Wino et Julien Mecchi, « par respect pour les victimes », ont, chacun, décidé de distribuer gratuitement les photos du concert sur leur compte Facebook, en demandant qu’il n’en soit pas fait un usage commercial. « Peace, Love & Death Metal », a ajouté Manu Wino sur sa page, en écho au titre du premier album du groupe californien. Dans les images qu’il a prises, on voit nettement des spectateurs sur le côté de la scène. « Au début, je ne voulais rien en faire, a-t-il déclaré à l’hebdomadaire Les Inrockuptibles. Mon sac est resté fermé. Et, petit à petit, on sort du choc, et, en discutant avec des amis, je me suis dit qu’il fallait envoyer des ondes positives. J’ai eu envie qu’on se souvienne des sourires, du rock’n’roll et qu’on était tous là pour faire la fête. »Mais ces clichés de spectateurs qui s’amusent avant la tuerie posent un problème de conscience à quelques photographes. Ils savent que nombre de personnes à l’image sont mortes, et que certaines familles n’ont pas encore identifié leurs proches. « Deux photographes m’ont demandé de retirer les images où on voit le public, parce qu’ils pensent que c’est plus respectueux », explique Bertrand Alary.Sur ce sujet, un photographe, qui préfère taire son nom, confie être « en pleine réflexion ». « Pour l’instant, j’ai encore du mal à regarder mes images. Je ne sais pas si les gens seront choqués de revoir leur famille, ou contents de les voir vivants et souriants après toutes ces photos d’horreur. » L’un d’entre eux semble avoir tranché, en publiant, en double page dans le magazine Paris Match paru lundi 16 novembre, sans donner son nom, une photo cadrée uniquement sur les spectateurs du concert : une image d’insouciance, à la fois joyeuse et terrible.Malgré le choc et les crises d’angoisse, les photographes ne semblent pas découragés de photographier des concerts, y compris au Bataclan. « Parfois, il faut juste faire son job », écrit Julien Mecchi sur Facebook. Et, par mail, Marion Ruszniewski indique : « Je prendrai des photos dès que j’en serai capable. »Lire aussi :Le gouvernement ordonne à Twitter de bloquer la diffusion des photos du carnage dans le BataclanClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin « A la barbarie des terroristes, nous devons opposer l’invincible humanité de la culture… La culture, voilà pourquoi la France se bat aujourd’hui. » François Hollande, à la tribune de l’Unesco, mardi 17 novembre, s’est engagé, mesures à l’appui, devant les délégués de 195 états membres, réunis dans la capitale française pour la conférence générale de l’organisation onusienne, à protéger le patrimoine de l’humanité face aux conflits armés.Prévue depuis quinze jours, l’intervention présidentielle à la tribune de l’Unesco a été maintenue, précise l’Elysée, car elle « prend son sens » à la lueur des évènements . Après l’attaque meurtrière du Bataclan, cette prise de position sur la culture – un mot qui n’avait été prononcé que deux fois par le président lors du Congrès, lundi, à Versailles – tombe à pic.« L’Unesco a choisi d’installer son siège à Paris pour la promotion de la diversité des cultures , rappelle François Hollande. La France est un pays ouvert et le demeurera. Ouvert à tous les arts, à toutes les musiques, à toutes les créations, à tous les publics... Nous ne renoncerons à rien. Paris demeurera la ville des théâtres, des cinémas, des musées, du spectacle vivant. » Dans la foulée, le président de la République rompt le lourd silence de l’Etat sur la destruction du patrimoine syrien, celui de l’antique Palmyre. En septembre, les djihadistes de L’Etat islamique (EI) ont fait exploser les deux temples principaux de la « Perle du désert », après avoir tué l’historien syrien Khaled al Asaad, 82 ans, qui avait œuvré, sa vie durant, à la sauvegarde de ce joyau du Proche Orient .« Les destructions de monuments et de sites archéologiques en Syrie et en Irak ont soulevé une émotion considérable, affirme le président. Et aujourd’hui, je pense à la ville de Palmyre, où l’ancien conservateur a préféré rester, alors qu’il savait le sort qui l’attendait. Il a été décapité par les bourreaux de Daesh, qui ont eux-mêmes commis l’irréparable sur le site. ». En Italie, les drapeaux des musées avaient été mis en berne. Pas en France, ce qui avait provoqué l’indignation des scientifiques, archéologues, conservateurs.Cinquante propositionsFrançois Hollande l’assure, « la préservation du patrimoine de l’humanité est une grande cause, et nous devons coordonner tous nos efforts, mutualiser tous nos moyens pour assurer cette préservation de la mémoire  ». Et d’évoquer ces sites classés de l’Unesco qui sont « des cibles de choix pour ceux qui veulent annihiler la mémoire des peuples ». Dans son élan, le président parle des Bouddhas de Bâmiyân (détruits en Afghanistan), des temples d’Angkor (Cambodge), oubliant que ces derniers n’ont pas été saccagés par les Khmers rouges mais au contraire épargnés.Cette tribune de l’Unesco était, pour le président, l’occasion de dévoiler l’essentiel des cinquante propositions préconisées par la France pour la protection du patrimoine en situation de conflit. Mesures concrètes résultant d’une mission confiée à Jean-Luc Martinez, président du Louvre, le 18 mars , lors d’une visite par M. Hollande du département des antiquités orientales de l’établissement public, le jour même de l’attentat contre le musée du Bardo à Tunis. Trois priorités émergent du rapport de M. Martinez remis à l’Elysée le 9 novembre. En tête, la lutte contre les trafics des biens culturels. « L’organisation terroriste Daesh délivre des permis de fouilles, prévient M. Hollande, prélève des taxes sur des œuvres qui vont ensuite alimenter le marché noir mondial, transitant par des ports francs qui sont des havres pour le recel et le blanchiment, y compris en Europe. »Le contrôle douanier sur l’importation des biens culturels existe déjà. Ajouter au droit français les résolutions du Conseil de sécurité interdisant transport, transit, commerce illégal d’oeuvres d’art, comme le préconise le rapport, ne changera rien. « Il faut harmoniser les législations à l’intérieur même de l’Europe », insiste Jean-Luc Martinez.M. Hollande veut aussi instaurer un droit d’asile pour les œuvres menacées par les terroristes. En les prenant en charge, transport inclus, il s’agirait d’offrir « un asile pour les musées qui souhaiteraient mettre leurs collections à l’abri ». L’Irak, en guerre depuis vingt ans, a été pris de court. En Syrie, Maamoun Abdulkarim, directeur des antiquités, a réussi, lui, à protéger des milliers d’objets, même à Palmyre, où 400 sculptures ont pu être exfiltrées avant l’arrivée de Daesh.Les fouilles sauvages à échelle industrielle font des dégâts irréversibles. Les œuvres exhumées, non documentées, sont écoulées sur le marché illicite. M. Martinez propose d’établir un statut pour les objets saisis dans l’attente d’être rendus à leur pays d’origine, une fois la paix rétablie.Conserver la mémoire des sites, tel est enfin l’objectif visé. Un colossal travail de documentation est à lancer pour réunir les archives, les numériser, dresser une cartographie des sites, reconstituer en 3D les monuments disparus. Un fonds de dotation international pourrait être créé sous l’égide de l’Unesco, suggère M. Hollande. Face à l’urgence de la situation, une somme de bonnes intentions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. À moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FracLes pépinières sont une alternative aux fonds régionaux d’art contemporains (Frac). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des Frac, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quand au Frac Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le Frac ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du Frac, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13 novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.11.2015 à 06h58 • Mis à jour le23.11.2015 à 11h41 | Renaud Machart Documentaire sur LCP à 20 h 30On se dit : deux heures, ou presque, d’entretien avec Valéry Giscard d’Estaing, devant une table de salle à manger recouverte d’un épais drap vert billard, cela ne va pas être folichon. Et l’on a tort.D’abord, parce que l’auteur et le meneur de cette conversation filmée, dont LCP diffuse les deux parties à une semaine d’intervalle, est Frédéric Mitterrand. L’écrivain, cinéaste, homme de télévision et ancien ministre de la culture n’a pas son pareil pour créer de l’empathie avec son interlocuteur, sur un ton de politesse feutrée et empreint de tact.Grâce à une insolence subtilement tempérée, Frédéric Mitterrand parvient à faire dire des choses inattendues à l’ancien président de la République et même à réveiller quelques « blessures secrètes ». Celui-ci proteste bien un peu (« Vous allez dans des détails… ») mais, sans faillir aux usages de sa bonne éducation, lance deux ou trois vacheries – et même un peu plus – assez réjouissantes.Un président sous-évaluéLe passage en revue des chefs d’Etat de son temps, de ses ministres et de certains de ses contemporains est ainsi assez succulent. Jacques Chirac – son grand ennemi – en prend pour son grade, et François Mitterrand (que VGE respectait néanmoins) aussi. Frédéric Mitterrand rappelle avec justesse que le nom de M. Giscard d’Estaing n’est pas volontiers associé à de grands travaux culturels, alors qu’il a commandité le Musée d’Orsay, la Cité des sciences et l’Institut du monde arabe. L’intéressé concède qu’il vit cela comme une « injustice blessante », ironisant doucement sur « ces présidents qui font des bâtiments à leur gloire… »On se rend compte, alors que tant de réformes fondamentales lui sont redevables (la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, entre autres), que Valéry Giscard d’Estaing demeure un président sous-évalué, à l’image – il est vrai un peu raide – trop moquée. L’homme, à près de 90 ans, témoigne toujours d’une vive intelligence et n’essaie pas de masquer qui il est profondément.Mémoire viveAinsi, quand Frédéric Mitterrand lui demande : « Est-ce que vous vous sentez bien dans cette société d’aujourd’hui ? », l’ancien président n’hésite pas : « Non ! La société française qui m’intéressait, je la vois disparaître. C’était une société plus organisée, plus courageuse, acceptant son long passé historique, écartant l’obsession des vacances et de l’information à tout prix. Donc non, je ne suis pas heureux dans cette société. Je préférais la société “de juste avant”. »Cultivé et lettré, VGE est de cette génération où il était normal qu’on sache (il dirait « qu’on sût ») des poèmes de mémoire. Et de citer, à la fin de ces entretiens, celui de Charles Baudelaire Moesta et errabunda (« Triste et vagabonde ») : « L’innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,/ Est-il déjà plus loin que l’Inde et que la Chine ?/ Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,/ Et l’animer encore d’une voix argentine,/ L’innocent paradis plein de plaisirs furtifs ? » Sur ces derniers mots, la voix se casse, et les larmes viennent. Rideau.Sans rancune et sans retenue, conversations inédites entre Frédéric Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing, réalisé par Gaël Bordier (Fr., 2015, 2 x 52 mn). La seconde partie sera diffusée le 30 novembre, à 20 h 30. Lundi 23 novembre à 20 h 30 sur LCP.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.11.2015 à 19h46 • Mis à jour le23.11.2015 à 09h54 | Anne Michel (Brest) Par paquets serrés, ils s’engouffrent dans la salle de concert, frigorifiés et impatients, entre deux rafales d’un fort vent d’Ouest. Ce samedi 21 novembre, une semaine après les attentats de Paris, le Vauban, haut-lieu de la culture et de l’identité brestoises, a décidé d’ouvrir grand ses portes au public, en soutien aux familles des victimes, au Bataclan et à tous les professionnels du spectacle.Joseph D’Anvers est à l’affiche ce soir. Chacun paie ce qu’il veut, pour écouter ce chanteur de pop française élégante, influencé par Dominique A et Miossec, l’enfant chéri de Brest et du Vauban. « Une soirée de résistance face à la barbarie » avec beaucoup de chaleur humaine, a promis la société de production Quai ouest musiques.« Tous au concert... J’ai trouvé que c’était un bel acte que de dire  “essayons de ne rien changer, ne cédons pas à la panique ou à la peur, face à ce terrorisme physique et moral ”», raconte Joseph d’Anvers, assis dans un salon sans âge du vieil hôtel-restaurant bâti dans l’après -guerre. Ecoutons de la bonne musique, dansons, buvons des verres... un droit que ces barbares et ignorants ne nous enlèveront pas ».Une drôle de résonance« Bon, poursuit-il en esquissant un sourire forcé, les artistes ne pourront pas sauver l’humanité, sinon John Lennon l’aurait fait au moment d’Imagine. Mais notre rôle à nous est de continuer à faire ce qu’on sait faire... pour moi, monter sur scène et chanter. Si nous nous arrêtons à cause de la pression ou de la censure, notre société ira encore plus mal... »Le chanteur, qui habite à Paris non loin du Bataclan, mais était en tournée à Clermont-Ferrand le soir des évènements, avoue que certaines de ses chansons prennent aujourd’hui une drôle de résonance. Comme « Regarde les hommes tomber » sur l’album « Les matins blancs », sorti en février, ou ces mots : « cette belle jeunesse ne durera pas, cette belle jeunesse embrasse-la... » A quelques pas de lui, à côté de l’entrée où se presse un public plus sage que d’ordinaire, composé de jeunes, d’un peu moins jeunes et de familles, Jacques Guérin, patron de Quai Ouest Musiques, bien connu pour son Festival du bout du monde sis dans la presqu’île éponyme de Crozon, est un peu fébrile. L’évènement lui tient à coeur. La tragédie du Bataclan reste prégnante, dans toute son horreur.« Ne pas baisser la garde »« On a tous été attaqués de plein fouet et pour notre profession, cela fait froid dans le dos. Les concerts sont des lieux d’échange et de vie, observe cette figure locale. C’est la liberté qui a été assassinée, cela va bien au-delà des mots. Mais le pays de Jaurès, de Mendès France, notre pays de résistants, restera debout ».« On se doit de continuer pour les générations à venir. Il ne faut pas baisser la garde », dit-il. Mais en montant sur scène pour annoncer la minute de silence, sa voix tremble sous l’émotion. Dans la salle, les applaudissements pleuvent, avant les premiers sons de basse.« On est là pour Joseph d’Anvers, pour le plaisir d’être là avec nos amis et aussi parce qu’il n’était pas question d’y renoncer. Nous connaissons tous quelqu’un qui connaissait quelqu’un au Bataclan », dit Sébastien Le Gall, un quadragénaire venu spécialement de Vannes, dans le Morbihan. «  Dans ces moments-là, ça fait du bien de sortir, se retrouver ensemble », renchérit sa soeur Valie.« Tous debout »Le fils de leurs amis, Malo Binjamin, 12 ans, qui a parlé des évènements au collège, acquiesce : « C’est important que je sois là aussi. Mes parents y tenaient. Sinon on ne bougera plus ». La salle s’est remplie quand Joseph d’Anvers prend le micro. En retrait près du bar, dans ce lieu plus que jamais vivant, Charles Muzy, le propriétaire des lieux, ami des artistes, se sent ce soir un peu le père de tous ces enfants du rock : « J’ai été assailli de coups de fils après les attentats pour savoir si on restait ouvert, glisse-t-il. C’est plus que jamais le cas ! Il n’y a que la défection des artistes qui m’empêcherait d’ouvrir. Et ils sont tous debout ». De Rome, où il était ce samedi, Christophe Miossec a envoyé, par texto, un message de solidarité.Anne Michel (Brest)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Patrick Labesse Vendredi 13 novembre, à Rabat. Commencée deux jours plus tôt, la deuxième édition de Visa For Music, marché professionnel des musiques d’Afrique et du Moyen-Orient, créé l’an dernier, bât son plein. Quelque 1 500 professionnels de la filière des musiques du monde et 300 artistes ont fait le déplacement jusqu’à la capitale du Maroc. Le soir, ils s’éparpillent entre les trois lieux où se déroulent une cinquantaine de showcases (concerts courts, 45 minutes environ) sur quatre jours (du 11 au 14 novembre).A 22h10 (23h10 à Paris), sur les marches du théâtre national Mohamed V, c’est la pause entre deux groupes. La cigarette a un goût amer, café et thé ont du mal à passer. Yeux rivés aux écrans des téléphones portables, visages atterrés : la nouvelle des attentats en cours à Paris vient d’arriver. Sonnés, on entre quand même dans la salle pour écouter la musique. Le percussionniste et compositeur tunisien Imed Alibi s’apprête à monter sur scène. Brahim El Mazned, directeur fondateur de Visa For Music, le précède. Il informe le public de ce qui se passe à Paris, évoque des lieux, tels que le Bataclan, et des événements, comme Visa For Music, autant « d’espaces de culture en résistance contre l’obscurantisme ».« Rester debout »« Il faut rester debout et la culture va dans ce sens », plaide en écho, quelques minutes après le début de son concert, Imed Alibi. Samedi 14 novembre, dernier jour de Visa For Music, les attaques terroristes, les questions et les craintes qu’elles suscitent sont au centre de bien des conversations, à Rabat, en fin de matinée. Lilian Goldstein, responsable du Pôle Musiques actuelles/Jazz de l’action culturelle de La Sacem (Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique), préconise une action symbolique pour la soirée de clôture.« Cette nuit, j’étais en contact par SMS, avec Alain Paré, directeur du Pan Piper, une salle située dans le XIe arrondissement à Paris, où se déroulait le concert du guitariste et chanteur Moh Kouyaté, qui était à Visa For Music la veille. Les spectateurs étaient bloqués dans la salle. Ils ont pu être évacués très tard dans la nuit, hébétés. » Au-delà du choc, et de la douleur que l’on peut ressentir, « les effets seront lourds pour le spectacle vivant, craint Lilian Goldstein. Quand on entrera dans une salle, il risque d’y avoir pendant longtemps une appréhension qui hantera le public ».« Un acte abject contre la liberté et la culture »Pour Christian Mousset, créateur du festival Musiques Métisses à Angoulême (Charente), lui aussi présent à Rabat, le fait que les lieux visés soient des endroits dédiés à la culture et au sport prouve sans ambiguïté qu’au-delà de vouloir toucher la France, « c’est une atteinte à la liberté et au plaisir que veulent ces fous furieux totalement incultes. Les vrais musulmans sont terrassés de voir que ces criminels fascistes utilisent une rhétorique religieuse pour justifier leurs crimes et s’attaquer à des lieux de culte du bonheur, du vivre ensemble et du ludique, à des valeurs universelles de diversité et de fraternité. Il faut résister ».« Quelques minutes après avoir appris la nouvelle, je me suis avancé vers la scène, raconte Brahim El Mazned. J’ai informé le public qu’un acte abject contre la liberté, la vie et la culture venait de se passer à Paris, capitale de la diversité et des cultures du monde. J’ai voulu redire que la culture était une résistance et que nous nous devions d’occuper avec elle l’espace public. Je me suis ensuite rendu à la salle Renaissance où un public plus jeune attendait Haoussa, un groupe punk porteur des désirs de la jeunesse marocaine, et j’ai redit la même chose. » Aucun endroit sur la terre n’est épargné, conclut le directeur de Visa For Music : « Nous allons continuer notre combat contre les seuls ennemis que nous ayons : l’ignorance et l’obscurantisme. »Patrick LabesseJournaliste au Monde Pauline Croquet et Damien Leloup Les Eagles of Death Metal, qui jouaient vendredi 13 novembre au Bataclan lorsque plusieurs hommes armés sont entrés dans la salle de concert bondée, ne sont pas un groupe de death metal, contrairement à ce que leur nom indique. Mais la communauté française des fans de hard rock s’est sentie particulièrement visée par le carnage ayant tué des dizaines de personnes, la plus meurtrière des six attaques qui ont frappé Paris ce 13 novembre.Lire aussi :Attaques à Paris : le point sur l’enquête et le déroulé des attaquesD’abord parce que le groupe, proche artistiquement de Queens of the Stone Age ou des Foo Fighters et mené par l’emblématique Josh Homme, est connu des amateurs de grosses guitares californiennes. Aussi parce que la salle visée, le Bataclan, accueille régulièrement des concerts de metal. « J’étais au Bataclan vendredi dernier pour Children of Bodom aussi, le Bataclan est la salle de concerts où je vais le plus, comme vous tous, cette salle représente pour moi beaucoup de bons moments partagés avec vous et la famille du metal en général », explique un internaute sur le forum du Hellfest, le gigantesque festival metal organisé chaque année à Clisson (Loire-Atlantique).Un sentiment renforcé par le message de revendication publié par l’organisation Etat islamique, samedi 14 novembre, qui explique que les terroristes ont visé le Bataclan parce que s’y déroulait un concert « d’idolâtres » réunis dans « la perversité » — des qualificatifs souvent associés par les extrémistes religieux à la musique metal.La chape de plomb qui est tombée sur La Cigale était impressionnante. Pensées pour nos amis au Bataclan.— christopheconte (@Christophe Conte)require(["twitter/widgets"]);Alors que les terroristes pénétraient dans la salle du Bataclan, la rumeur de l’attaque commençait à se répandre parmi le public à La Cigale, une salle de concert du quartier de Pigalle, où se produisaient quatre groupes pour le festival des Inrocks. Le concert de Fat White Family a été interrompu aux alentours de 22 h 30, et depuis l’ensemble des dates parisiennes du festival ont été annulées. Dans le public des Inrocks, on sortait son téléphone pour rassurer ses proches et prendre des nouvelles sur les réseaux sociaux. Manifester sa solidarité. « Je suis rentrée à la maison aussi vite que j’ai pu. Le monde est devenu fou », raconte une festivalière sur Instagram.Concerts annulésFace aux événements et à l’interdiction des manifestations publiques à Paris et en région parisienne, plusieurs groupes de rock ont annulé des concerts prévus. A commencer par U2, qui devait se produire ce samedi à Paris-Bercy, mais aussi Motörhead, qui devait passer au Zénith dimanche, et les Foo Fighters lundi. Un concert prévu lundi soir de Marilyn Manson, dont les textes antireligieux lui ont déjà valu à de nombreuses reprises des menaces aux Etats-Unis, n’a par contre pas été annulé officiellement. Sur les forums et les réseaux sociaux, les amateurs de metal et de hard rock sont nombreux à dire leur intention de se rendre dès que possible à de nouveaux concerts.« Ç’aurait pu être nous, là-dedans… Concert de black metal ce soir en café-concert, on y sera quand même ! Ça fera du bien de retrouver une communauté soudée dans cette douleur, d’écouter de la musique même si tout le monde ne va parler que de ça », explique un internaute sur le forum du Hellfest. « Avec des potes, on a nos billets pour Nightwish à Bercy le 25 et j’avoue qu’hier je me suis posé la question de savoir s’il fallait qu’on y aille ou pas. Ce matin, je me dis qu’au contraire il faut qu’on y aille », lui répond un autre.« Je vois que certains ont cité Refuse/Resist [titre connu du groupe Sepultura évoquant la lutte contre la dictature et l’extrémisme], depuis hier je l’écoute en boucle, témoigne un internaute. Je trouve son message particulièrement d’actualité : refus de la terreur qu’ils veulent nous imposer, résistance et solidarité face à la haine et la violence. Cette résistance implique surtout de ne pas rentrer dans leur jeu, de ne pas céder à la peur, continuer à vivre et de ne pas nous monter les uns contre les autres. »Pauline CroquetJournaliste au MondeDamien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Claire Guillot Daido Moriyama, galerie Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier C’est la nouveauté à ne pas manquer à Paris Photo cette année : le secteur Prismes, réservé aux œuvres monumentales, et qui donne à cette partie de la foire des allures de musée. Parmi les belles séries à admirer en haut de l’escalier, un travail historique qui connaît une seconde vie : Farewell Photography, du Japonais Daido Moriyama. Cet ensemble de photographies prises par le Japonais pour « dire adieu » à la belle photographie telle qu’il l’avait apprise, avait débouché sur un livre sans aucun succès mais à la postérité retentissante. Dans un geste radical, le photographe avait brûlé ses négatifs, sauf une trentaine. Une cinquantaine d’autres ont été retrouvés chez l’éditeur du livre, qui ont permis à l’artiste de faire une nouvelle édition de ce travail, sur un mur fait de 80 images brutes et brutales : passants, paysages, écrans ou affiches, saisis dans des photos volontairement abîmées, illisibles ou trop noires, dans des cadrages accidentés ou qui laissent voir le film.Galeries Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier, stand SH6 (secteur Prismes, en haut de l’escalier).Emmanuelle Fructus, galerie Le Réverbère Parmi les artistes qui travaillent à partir des images d’amateurs, Emmanuelle Fructus a choisi une voie originale, qui lui fait découper et ranger dans un classement savant des centaines de petits personnages sortis du passé. Chaque groupe occupe une case, et des milliers de gens se trouvent ainsi dressés, mamie, enfant, homme à casquette, femme en costume sombre... Ordonnée par couleur, du noir au gris pâle, cette intrigante galerie de personnages, qui posent ensemble d’un air bravache comme dans un studio, raconte une infinité d’histoires - celles que voudront bien leur prêter les spectateurs.Galerie le Réverbère (Lyon), stand D4.Guy Bourdin, galerie Alexander Le grand photographe Guy Bourdin, célèbre pour ses publicités et ses photos de mode sensuelles aux couleurs vénéneuses publiées dans Vogue, n’a laissé que très peu de tirages – son travail était destiné à être publié dans la presse. La galerie Louise Alexander n’en dédie pas moins un stand entier au photographe, qui est intéressant car il marie des polaroïds noir et blanc d’époque, venus des archives de l’artistes, et des tirages couleurs posthumes : Guy Bourdin a réalisé les premiers pour les utiliser dans des photos couleurs. A cela s’ajoutent, juste pour le plaisir des yeux car ils ne sont pas à vendre, des tirages noir et blanc abstraits, d’époque, du Guy Bourdin d’avant la mode. Galerie Louise Alexander (Londres), stand A2.Edward S. Curtis, galerie Bruce Kapson Le photographe Edward S. Curtis a marqué l’histoire de la photographie par ses portraits d’Indiens d’Amérique, qu’il a voulu immortaliser en majesté, au début du XXe siècle, alors que déjà leurs tribus étaient décimées et leurs traditions en voie de perdition. Quitte à verser dans le folklore et à oublier la réalité de leurs conditions de vie de l’époque... Il en reste aujourd’hui de beaux tirages, de toutes sortes, car ce grand tireur aimait expérimenter avec les techniques photographiques (cyanotypes, virages au platine ou à l’or...). Il a aussi laissé un livre de luxe en vingt volumes, The North American Indian, devenu quasiment introuvable. La galerie Louise Alexander propose des tirages d’époque mais aussi les plaques de cuivre très finement gravées qui ont servi à Edward Curtis pour faire son livre – pas une œuvre en soi, mais un document de prix.Galerie Bruce Kapson (Los Angeles), stand C44.Adrian Sauer, galerie Klemm’s Peu de photographie conceptuelle à Paris Photo cette année, à l’exception notable d’Adrian Sauer, auquel la galerie Klemm’s consacre son stand. L’artiste allemand explore les dessous et décompose les pratiques de l’image et de la représentation. En particulier dans cette série pleine d’humour où on le voit imiter cette tradition internet du « unboxing » ou déballage , vidéos à succès sur Youtube où l’on voit juste des mains filmées en train de déballer des achats). Sauf que là, il s’agit d’un DVD de photoshop, le logiciel de retouche d’images... qu’il n’est désormais plus possible d’acheter que sous forme de téléchargement. Et Adrian Sauer de donner à voir, avec un phénomène propre à l’ère numérique, la dématérialisation en marche.Galerie Klemm’s, stand B13.Lire aussi :La photographie, un multiple bien singulierZorro, galerie Lumière des roses Un inconnu se déguise, seul devant son appareil photo. Des cuissardes, un fouet, un bonnet et un short. Parfois devant une affiche de Zorro, qui arbore à l’époque les mêmes bottes et le même fouet. A un certain moment il demande à une femme – sa mère probablement – de prendre le relais, et c’est elle qui pose, dans le même accoutrement, sauf qu’elle se marre, alors que lui reste toujours sérieux. Comme il se livre à ce drôle de jeu pendant près de quarante ans, on voit la photo évoluer en même temps qu’il vieillit : voilà qu’arrive le photomaton, puis la couleur. Et à la fin, à la toute fin, il ne se met même plus en scène : ne restent dans l’image que ses cuissardes et son fouet. Ces images, fruit d’une drôle d’obession personnelle, réunies dans une simple enveloppe, auraient dû disparaître en même temps que leur auteur anonyme. Elles ont été trouvées par le galeriste Philippe Jacquier, qui les vend sur son stand et leur a consacré un livre.Galerie Lumière des roses, stand A16.Raphaël Dallaporta, galerie Jean-Kenta Gauthier On dirait un ciel de nuages, découpés en 48 petits morceaux, qui font un mur pommelé et bleuté dans lequel le regard plonge. En réalité, il s’agit d’une fonction mathématique. Le photographe Raphaël Dallaporta, qui aime à collaborer avec des scientifiques, s’est associé à un mathématicien pour générer des formes à partir d’une fonction appelée covariance. Pour chaque image, seul un paramètre de la fonction varie, aboutissant à des points plus ou moins foncés. Une image inexistante pour des nuages évanescents... et réalisée en mélangeant deux procédés anciens, le cyanotype et le platine. De quoi faire fonctionner le cerveau sans priver l’oeil de son plaisir.Stand Amana, EE24.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Tête d’affiche, jeudi 12 novembre, de la deuxième soirée parisienne du festival Les Inrocks Philips, Odezenne n’a pas fait le plein de La Cigale. Mais la ferveur des fans a tout de même joliment lancé la sortie, le lendemain, du troisième album – Dolziger Str. 2 – de ce groupe bordelais, formé par les chanteurs Jacques (dit Jaco) Cormary et Alix Caillet, et par le metteur en sons Mattia Lucchini (complété sur scène d’un batteur).Cette complicité entre un public et une formation à l’indépendance farouche, sur fond de rimes rap sorties des clichés hip-hop et d’instrumentation entremêlant samples, jeu de claviers, boucles electro et guitare rock, pourra rappeler les souvenirs récents du phénomène Fauve. Mais loin du lyrisme écorché des Parisiens, faisant référence au romantisme à vif de Cyril Collard, la gouaille accablée d’Odezenne observe le monde avec le réalisme morne d’un Houellebecq qui tenterait de faire danser son pessimisme.Comme d’autres, ces anciens rockers au look d’étudiants en rupture de fac ont compris que les scansions pouvaient s’adapter à tous les environnements. A la fois supports de la description et de l’introspection, chemin le plus direct vers le premier degré comme vers l’audace poétique, les rimes du rap posent des décors, des ambiances, montent à cru ou filent la métaphore.Entre provocation potache et ambition artyLes chansons d’Odezenne posent souvent leurs textes entre deux chaises, celles de la provocation potache et de l’ambition arty, quelque part entre les lourdeurs des Svinkels et l’intensité visionnaire de Diabologum. Les mots de Rien, Bouche à lèvres, Souffle le vent ou On naît on vit on meurt ne sont pas vecteurs d’ego trip ou de vantardises, mais de balades dans un quotidien plombé par le désœuvrement, le désarroi sexuel, la conscience du dérisoire.Au pied du muret de synthétiseurs vintage pilotés par Mattia, Jaco et Alix jouent de leurs allures de branleurs pris au saut du lit, dansent comme des fêtards en plein décalage horaire. Leur ritournelle très sexe, Je veux te baiser (1 million de vues sur YouTube), est reprise en chœur par La Cigale (les filles chantant plus fort que les garçons). Mais derrière l’haleine des lendemains de cuite, s’échappent aussi la force d’une autonomie artistique et des moments de désespoir d’autant plus touchants que les paysages musicaux, dessinés par Mattia Lucchini, palpitent d’une excitante variété de mélodies et pulsations urbaines, soulignant plus les émotions que la déconnade.Dolziger Str. 2, de Odezenne, 1 CD Tôt ou Tard. www.odezenne.comConcerts : le 13 novembre, à Rennes ; le 14, à Orléans ; le 18, à Rouen ; le 19, à Bruxelles ; le 21 à Tourcoing ; le 27, à Nantes (complet) ; le 3 décembre, à Strasbourg ; le 9, à Clermont-Ferrand ; le 10, à Toulouse ; le 11, à Montpellier ; le 12 à Marseille.Stéphane DavetJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.11.2015 à 06h37 • Mis à jour le13.11.2015 à 07h27 De la plus grande foire à l’image fixe au festival Les Inrocks, en passant par un spectacle de derviches tourneurs, les idées de sorties proposées par le service Culture du Monde.PHOTOGRAPHIE. La foire Paris Photo fait des petits La plus grande foire réservée à l’image fixe est de retour au Grand Palais, avec ses galeries, ses images, ses signatures, ses conférences, et une nouveauté qui vaut le détour : la section « Prismes » consacrée aux photos grand format et aux séries, qui donne à voir des œuvres spectaculaires. Ainsi, un ensemble de près de 2 000 Polaroid de la série Flower Love de Nobuyoshi Araki, ou les portraits terribles en noir et blanc de la génération SIDA réalisés dans les années 1980 par Rosalind Solomon. Mais il y a aussi des pépites à trouver dans toutes les foires « off » qui pullulent : des livres à Polycopies et Off Print, de la photo documentaire à Photodoc, des photos et des appareils de toutes sortes à Fotofever… Claire GuillotParis Photo, Grand Palais, du 12 au 15 novembre. 30 et 15 €.PATRIMOINE. Louis XIV et ses spectaculaires funérailles, au château de Versailles Trois siècles après la mort du Roi-Soleil, le château, que Louis XIV a bâti à sa mesure, met en scène le grand théâtre de la mort organisé il y a trois siècles, au lendemain de son décès, le 1er septembre 1715. Des pompes funèbres qui se prolongèrent plus de deux mois en la basilique de Saint-Denis. Sont reconstitués la spectaculaire chapelle ardente et le catafalque immaculé, dressés dans la nef. Ce décor éphémère fut imaginé et construit par l’atelier des Menus Plaisirs du roi, chargé de la mise en scène des fêtes données à Versailles. Des manuscrits inédits sont montrés dans l’exposition, notamment le testament du roi et les rares vestiges rescapés de la Révolution française. La plaque en cuivre qui identifiait son cercueil – profané en 1793 et jeté dans la fosse commune – fut retrouvée, transformée en casserole, dans une auberge. On apprend que ces festivités funestes étaient une mode européenne très courue, documents à l’appui, de Madrid à Mexico. Un faste auquel eurent droit Napoléon, Voltaire, Victor Hugo, Félix Faure ou encore Sadi Carnot comme le montre le monumental rouleau peint oublié dans les réserves du château. Florence Evin« Le roi est mort », jusqu’au 1er janvier 2016, château de Versailles (Yvelines) tous les jours de 9 heures à 17 h 30, sauf le lundi. De 13 à 15 euros. chateaudeversailles.frMUSIQUE. Le concert « silencieux » de Nicolas Frize, à Pierrefitte-sur-Seine Accueilli en résidence en mars 2014 sur le site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), Nicolas Frize, qui fut l’élève de Pierre Schaeffer et le maître de Fred Chichin, des Rita Mitsouko, clôt ce parcours artistique séquano-dionysien par un concert intitulé Silencieusement, avec l’association Les Musiques de la Boulangère. Composition « en six mouvements et six lieux », cette performance musicale promènera le public de la salle de lecture à la mezzanine du hall principal (avec musiciens perchés sur une structure de boîtes d’archives), en passant par l’auditorium, la terrasse ou encore le bassin. Laurent CarpentierArchives nationales, 59, rue Guynemer, Pierrefitte-sur-Seine (M° Saint-Denis-Université). Jusqu’au 16 novembre, à 20 h sauf le samedi à 18 h et le dimanche à 15 heures et 18 heures. Entrée gratuite sur réservation (01 48 20 12 50).CIRQUE. Jamie Adkins nous donne des ailes, aux Bouffes-ParisiensL’artiste canadien Jamie Adkins, considéré comme l’un des meilleurs clowns, jongleurs et acrobates de sa génération, est de retour aux Bouffes-Parisiens, jusqu’ au 3 janvier 2016. Son spectacle, Circus Incognitus, déjà présenté en 2012 au Théâtre de la Cité internationale à Paris, est un petit bijou de fraîcheur burlesque. Jamie Adkins est un clown. Un vrai, un virtuose, de grande classe. C’est-à-dire quelqu’un capable de vous faire rire avec des riens. Il y a du Buster Keaton chez cet homme-là, mais ce qui est plus drôle, c’est qu’il dit avoir été influencé par le grand burlesque américain… via Bugs Bunny. Son Circus Incognitus libère un rire pur et franc, qui donne des ailes : plutôt bon à prendre, par les temps qui courent. Fabienne DargeBouffes-Parisiens, 4, rue Monsigny, Paris 2e. Samedi à 19 heures et dimanche à 17 h 30. Jusqu’au 3 janvier 2016. Réservations : 01 42 96 92 42.www.bouffesparisiens.com et www.jamieadkins.com.EXPOSITION. Créations d’artistes et mots d’auteurs sur le monde tel qu’il va, à la Bastille L’écologie, les discriminations, les migrants… tels sont quelques-uns des thèmes d’actualité évoqués à travers des œuvres d’artistes réunies dans l’exposition intitulée « Chroniques », présentée jusqu’au 15 novembre au Bastille Design Center, à Paris, à l’initiative de Jean-Charles Troutot dans le cadre de la manifestation Artistes à la Bastille. Chaque plasticien a travaillé en relation étroite avec un écrivain, poète, journaliste, dont les textes seront montrés en regard des 70 réalisations exposées. Le visiteur sera accueilli par une installation collective, une cage en bambou remplie de journaux froissés et surmontée de trois singes détournés de la maxime chinoise qui affirme que « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, assure bonheur et tranquillité ». Il s’agit au contraire, avec cette exposition, de témoigner des secousses du monde et d’inviter à réagir. Sylvie KervielBastille Design Center, 74, bd Richard-Lenoir, Paris 11e. Jusqu’au 15 novembre. Entrée libre.MUSIQUE. Festival Les InrocksPoursuivant son rythme itinérant dans plusieurs villes de province jusqu’au 17 novembre, la 28e édition du festival Les Inrocks connaîtra son apothéose parisienne, le dimanche 15 novembre, à la Cigale. Parmi un plateau de cinq artistes, figureront deux des plus passionnants chanteurs du moment. L’un n’est pas une révélation puisque, en 2010, l’Américain John Grant avait publié un premier album solo, Queen of Denmark, considéré à l’époque comme l’un des disques de l’année. Cet imposant barbu au baryton de première classe vient de publier un troisième opus, Grey Tickles, Black Pressure, abritant sous le même toit ballades grandioses et bizarreries électroniques, rock romantique et vacheries funk. Autre merveille du soir, C Duncan vient de faire sensation avec un coup d’essai, Architect, qui se révèle un coup de maître. Bricoleur de home studio formé à la musique classique, ce jeune Ecossais y superpose avec grâce des harmonies chorales qu’on croirait enregistrées sous la nef désertée d’une cathédrale. Stéphane DavetFestival Les Inrocks avec John Grant, Flo Morrissey, Max Jury, C Duncan, Barns Courtney, le 15 novembre, à la Cigale, 120, boulevard de Rochechouart, Paris 18e. Tél. : 01 49 25 89 99. 17 h 30. 30,50 euros.SPECTACLE. « White Spirit » : derviches graffés et street art tourneurOn avait découvert Shoof (Hosni Hertelli) à « Djerbahood », résidence estivale de street artistes de tous horizons invités par la galerie parisienne Itinerrance à investir les rues d’un village traditionnel de Djerba, à l’été 2014. Avec une concentration proche de la transe, l’artiste tunisien y avait notamment recouvert de calligraphie arabe abstraite des dômes typiques de l’architecture des habitations de l’île. On le retrouve cet automne au Musée du Quai Branly dans ce même élan circulaire pour une collaboration audacieuse, où son travail fait écho autant qu’il sert d’écrin aux musiciens, chanteurs et derviches tourneurs de confréries soufies de Damas. Leurs univers se déploient en parallèle, avant de se mêler dans un ensemble hypnotique et luminescent. Un conseil : s’asseoir assez haut dans la salle pour une vision plus étourdissante. Emmanuelle Jardonnet« White Spirit » au Musée du Quai Branly. Derniers jours : vendredi 13 et samedi 14 novembre à 20 heures, dimanche 15 novembre à 17 heures. 20 € (plein tarif)/15 € (tarif réduit) Le billet donne accès aux expositions en mezzanine, et aux collections du musée le jour du spectacle. Une création en collaboration avec la galerie Itinerrance. Marie-Aude Roux Une déclaration de guerre un jour d’armistice ? C’est ce que pouvaient laisser accroire les deux dépêches publiées concomitamment par l’AFP, mercredi 11 novembre, annonçant l’entrée de deux personnalités artistiques, novices mais notoires, dans le monde de l’opéra. La première, qui émane de l’Opéra-Comique, concerne le metteur en scène de théâtre, Thomas Jolly, qui fera en février 2017, avec Fantasio, d’Offenbach, la réouverture de la Salle Favart, actuellement fermée pour deux ans de travaux. L’autre révèle que le réalisateur Bertrand Bonello devrait monter le Don Carlo, de Verdi, à l’Opéra de Paris, en octobre 2017.Le metteur en scène de Henry VI contre celui de Saint Laurent ? Rien de suspect a priori. Depuis qu’il s’est ouvert au concept de mise en scène au début du XXe siècle, l’opéra a attiré les cinéastes, d’abord comme réalisateur de films d’opéra puis in scena, de Luchino Visconti à Franco Zeffirelli, en passant par Atom Egoyan, Robert Altman, Michael Haneke, Christophe Honoré ou Benoît Jacquot. De même pour les metteurs en scène de théâtre, dont il constitue aujourd’hui un paragraphe quasi obligé dans le curriculum vitae. De Giorgio Strehler à Frank Castorf, de Patrice Chéreau à Romeo Castellucci, de Robert Wilson à Dmitri Tcherniakov, même les plus réticents sacrifient à la scène lyrique.Deux ouvertures de saison pour JollyRien d’étonnant donc à ce que les noms de Bertrand Bonello et de Thomas Jolly s’ajoutent au catalogue. A ceci près : ce dernier sera, en effet, tête de liste, à quelques semaines de distance, de deux ouvertures de saison. En amont de l’Opéra-Comique, Jolly est programmé à l’Opéra de Paris dans Eliogabalo, de Cavalli, en 2016-2017 (la saison sera officiellement annoncée le 2 février 2016).Le nouveau patron de l’Opéra-Comique, Olivier Mantei, aurait sans doute aimé rouvrir sa salle en se targuant de la première mise en scène lyrique du sieur Jolly. Mais il s’est fait griller la politesse par l’Opéra de Paris et son ancien boss aux Bouffes du Nord dans les années 2000, Stéphane Lissner. Mantei a, en effet, proposé Fantasio au jeune metteur en scène français dès l’automne 2014 alors qu’il n’était pas encore l’heureux récipiendaire des Molières d’avril 2015 pour Henry VI, de Shakespeare. Avec lui, il entend mener un travail artistique à long terme, dont le coup d’envoi aura lieu le 3 décembre prochain lors d’une première séance ouverte au public (sur réservation) avec Thomas Jolly et la mezzo Marianne Crebassa. La chanteuse assurera le rôle-titre de l’opéra tiré de la pièce éponyme de Musset, dont elle a fait une prise de rôle magistrale, il y a quelques mois, à Montpellier (dans la version de concert proposée le 18 juillet par le Festival de Radio France et Montpellier).Lire aussi :Thomas Jolly et le roi boiteuxA l’époque, Eliogabalo était encore entre les mains d’un autre Thomas : Ostermeier. Mais l’Allemand a déclaré forfait fin 2014 pour des raisons de temps de travail insuffisant (certains metteurs en scène de théâtre s’accommodent mal du temps de répétition deux fois plus court à l’opéra qu’au théâtre, cinq à six semaines contre deux à trois mois – ce contre quoi entend précisément lutter l’Opéra-Comique). Lissner a alors pensé au jeune Jolly, avec lequel contact a été pris au printemps 2015. On imagine sans mal la tension des rapports entre les deux institutions. « Il y a eu pas mal de discussions, reconnaît Olivier Mantei. Mais ce qui compte est que les deux projets aient été validés et maintenus. » Cela promet, en tout cas, un baptême en forme de feu d’artifice pour Thomas Jolly, qui enchaînera un opéra baroque vénitien au Palais Garnier et un opéra-comique français à la Salle Favart. Un film sur le chœur de l’Opéra pour BonelloLe cinéaste Bertrand Bonello, lui, n’est pour l’instant en pourparlers qu’avec l’Opéra de Paris. Au point de vendre la peau de l’ours ? L’annonce semble un tantinet prématurée à Stéphane Lissner. « Rien n’est encore acté et nous en sommes au travail préparatoire, qui doit se poursuivre, avec notre directeur musical, Philippe Jordan, dès la semaine prochaine, signale, en effet, le directeur de l’Opéra de Paris, quelque peu surpris par les propos de Katia Wyszkop, la décoratrice de Bonello pour Saint Laurent, rapportés par l’AFP. Mais Bertrand est très intéressé par l’opéra, où sa mère l’emmenait, à Nice, quand il était enfant, et il a toujours souhaité pouvoir un jour travailler sur une scène lyrique. »Stéphane Lissner ne cache pas qu’il a été séduit par la direction d’acteurs du cinéaste, notamment dans les scènes intimistes de Saint Laurent. En attendant d’être définitivement adoubé, Bertrand Bonello s’est attelé à la commande d’une contribution pour la « 3e Scène », le grand projet numérique lancé par l’Opéra de Paris au début de l’automne : il s’agit d’un film autour du chœur de l’Opéra, celui-là même qui s’est si prodigieusement illustré dans la production du Moïse et Aaron, de Schoenberg.Lire aussi :« Moïse et Aaron » : gare au chef-d’œuvre !Lire aussi :L’Opéra de Paris ouvre sa « 3e Scène » sur InternetMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Le 20 janvier 2014, à Bologne (Italie), disparaissait le grand Claudio Abbado – le début d’un « annus horribilis » qui allait également priver le monde musical d’autres baguettes de renom comme celles de Lorin Maazel ou Frans Brüggen. Deux concerts – le premier au profit de l’Institut Curie et de la recherche contre le cancer – organisés par le producteur André Furno (Piano 4 Etoiles), qui fut l’un des familiers du maestro, lui rendaient justement hommage, les 9 et 10 novembre. Au programme, l’immense pianiste Martha Argerich, accompagnée par l’excellent Orchestre du Festival de Lucerne (une des dernières « créations » du chef italien) sous la direction du charismatique Letton, Andris Nelsons.Lire aussi : Le chef d’orchestre Claudio Abbado est mortEmotion palpable lorsqu’apparut la mince silhouette en noir de la pianiste argentine dont la crinière d’argent accentue désormais la fragilité. Elle joue le Troisième concerto pour piano, de Prokofiev, celui-là même qu’elle enregistra à Berlin avec Abbado pour Deutsche Grammophon en 1967. Celui-là même qu’ils interprétèrent le 12 novembre 1969 au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’Orchestre national de l’ORTF, en un premier concert qui scella les débuts du chef milanais à Paris. Collaboration en forme d’osmoseLes photos de ce temps sont saisissantes. Abbado et Argerich en jeunes dieux : beaux et fous, avec la complicité rieuse d’amants qui seraient unis par la musique. A 27 ans, Argerich défraye alors la chronique depuis qu’elle a successivement remporté les concours de Genève, Busoni de Bolzano en 1957 et un époustouflant premier prix au concours Chopin, en 1965 au cours d’une finale d’anthologie – le Concerto pour piano n°1 du compositeur polonais, à Varsovie, devant un public en délire (elle l’enregistrera en studio avec Abbado trois ans plus tard). Le maestro est plus âgé de huit ans. Lui a commencé une carrière internationale tandis qu’il se produit dans les usines italienne en compagnie du pianiste Maurizio Pollini et du compositeur Luigi Nono.Le label allemand au cartouche jaune a publié, en janvier, un coffret de cinq disques réunissant tous les enregistrements de Claudio Abbado et Martha Argerich (une dizaine dont deux versions du Concerto en sol, de Ravel). Le dernier a été réalisé quelques mois avant la mort du maestro, pendant le Festival de Lucerne de Pâques 2013 : deux Mozart, le Concerto pour piano n°20 KV 466 et le Concerto pour piano n°25 KV 503. Le mot de la fin d’une collaboration en forme d’osmose commencée à la fin des années 1950 alors que les deux artistes étudiaient ensemble le piano à Vienne. En France, le dernier concert Argerich-Abbado a eu lieu Salle Pleyel, le 14 avril 2013. Martha Argerich avait jeté son dévolu sur le Premier concerto pour piano, de Beethoven. Musiciens fauvesQue le « Troisième » de Prokofiev soit une promenade de santé pour la « lionne » n’étonnera personne. A 74 ans, la pianiste a gardé sa stupéfiante vélocité, ses impressionnants effets de « saltos » à la main droite, une main gauche impitoyable, et des rafales d’octaves perlées jetées sur le clavier comme des éclairs au bout des doigts. Andris Nelsons la piste avec la vigilance du chasseur de brousse. Et pour cause. Ces deux-là sont de la même famille de musiciens fauves, ardents, les flancs creusés, le même instinct de l’absolu. Ils entrent et jouent. Jouent et sortent. Martha accordera un bis, un seul : l’élégante Sonate en ré mineur K. 141, de Scarlatti, avec ses voltes de notes répétées. Mais la salle n’est pas au bout de ses émotions. La charge tellurique d’une hallucinante Cinquième symphonie, de Mahler est encore à venir.L’Orchestre du Festival de Lucerne est familier des symphonies de Mahler sous la direction inspirée et de plus en plus dépouillée d’Abbado. Mais il a aussi déjà interprété la « Cinquième » de Mahler sous la direction d’Andris Nelsons à Lucerne, les 19 et 20 août. C’est peu de dire que le Mahler de Nelsons et celui d’Abbado sont aux antipodes. Mais le Letton ne fait pas oublier l’Italien (comment le pourrait-il ?), et Nelsons a été le passeur du fameux concert du 6 avril 2014, à Lucerne, où l’orchestre en larmes a dit adieu à son chef disparu. La musique a continué et rien n’a été perdu : comme Abbado, Andris Nelsons possède le talent rare de fascination, une joie éperdue de la musique, puissante, communicative, qui emporte tout sur son passage – le corps et le cœur des musiciens, et ceux des auditeurs – dans un mystérieux et charnel élan universel.Hommage à Claudio Abbado à la Philharmonie de Paris, Paris 19e. Prochain concert avec Jordi Savall, le 18 novembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 70 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 12.11.2015 à 10h39 • Mis à jour le12.11.2015 à 13h36 | Véronique Mortaigne Pour la première soirée parisienne de son festival Les Inrocks Philips, l’hebdomadaire culturel proposait, mercredi 11 novembre au Casino de Paris, un heureux détour vers le sud des Etats-Unis. Si les groupes Algiers et Alabama Shakes développent des esthétiques différentes, le premier nettement plus punk, le second davantage porté sur la soul, ils ont pourtant des points communs.Les Alabama Shakes viennent d’Athens, 24 000 habitants, quelque part au nord de l’Alabama, entre Atlanta et Nashville. Le quatuor d’origine est gonflé à bloc par trois choristes et deux claviers additionnels. Ça fait une joyeuse bande, même quand il s’agit de lancer des slows. Le groupe est mené par le bassiste Zac Cockrell, physique de garde forestier, barbe et cheveux de biker sauvage, et la chanteuse et guitariste afro-américaine Brittany Howard, une sorte de Big Mama Thornton contemporaine (Big Mama Thornton était née en 1926 à Montgomery en Alabama ; elle créa, en 1953, le tube Hound Dog, que lui ravit Elvis Presley trois ans plus tard ; elle mourut désargentée et alcoolique en 1984).Dans la génération suivante, Brittany Howard fut comparée à Janis Joplin pour ses déchirements de voix épisodiques et son feeling. Il y a, chez ces femmes fortes, une part de virilité qui fonde la personnalité sans nuire à l’esthétique. Trois petites notes de guitares pincées égrenées par Miss Howard sur sa Gibson vert pomme, et c’est la classe.Diversité coloréeParu en 2011, Boys & Girls, le premier album du groupe, contenait des tubes et graines de tubes, dont Hold On, un blues rock spacieux, que le public attend au Casino de Paris, alors qu’un deuxième album, Sound & Colour, en a déjà proposé une nouvelle fournée (Don’t Wanna Fight). Plus pop, plus composite, l’opus a incurvé la prestation des Alabama Shakes vers une diversité colorée. Il y a de tout dans cette composition presque florale où la voix est parfois intimement soul ou tendue à l’extrême, parfois trop poussée au cri. A l’évidence, Brittany Howard en rajoute, elle monte jusqu’à la fièvre avant de souffler le cool. Il y a de tout dans cette musique, du gospel, du rock sudiste, du blues, de la soul, des bribes de Beatles, de With a Little Help from My Friends façon Joe Cocker (Brittany a fait sensation en interprétant Get Back en duo avec Sir Paul McCartney au festival Lollapalooza à Chicago en juillet).On y verrait même un fond de parodie des années heureuses de l’après-guerre, avec sa joie participative, car nous sommes aujourd’hui au temps des collages, et des drames se sont noués. Même sur des bases aussi définies que celles des Alabama Shakes, les jeunes artistes s’attachent à créer des atmosphères, des climats, là où leurs aînés cherchaient la révolution des styles.Trio multiracial venu d’AtlantaCeci est vrai pour Algiers, ainsi nommé en référence à la guerre anti-colonialiste menée en Algérie, en scène juste avant leurs collègues d’Athens. Ce trio, également multiracial, vient d’Atlanta (Géorgie), ville d’origine de Martin Luther King. Algiers a aussi un meneur, le chanteur afro-américain Franklin James Fisher. Le groupe ne pratique pas l’art de la mélodie, mais celui de la rupture. La guitare peut être jouée à l’archer, et les baguettes du batteur voler à travers la scène. Nous sommes là sur les traces des negro spirituals chantés à la messe du dimanche à l’Ebenezer Baptist Church, là où le défenseur de l’égalité des droits a été baptisé. On suit le chemin de poussière de James Brown, le parrain de la soul, noir et fier de l’être, né en Caroline du Sud, et dont une paire de bottes cloutées est symboliquement exposée au Memorial Martin Luther King. La musique d’Algiers crée aussi des climats, ils sont sombres, durs, électroniques, parsemés de slogans et de riffs de guitare. Elle va loin. Elle est éclectique comme celle des Alabama Shakes. Mais ici le hip-hop du sud, dont Atlanta est une plaque tournante, a torturé les mentalités. Le negro spiritual tout autant.Le son comme arme politiqueLa musique d’Algiers, parsemée de références à la soul, au free jazz, au hip-hop, l’est également de citations de Malcolm X et de déclarations prises dans les médias et les discours politiques, dans un pays bouleversé par l’assassinat de jeunes Noirs par des policiers blancs, à Ferguson, à Cleveland ou à Harlington.Comme ils font du son extrême une arme politique, on dira d’Algiers qu’ils sont « post-punk ». Le mariage tribal de la black music, dans ce qu’elle a de plus expressif, langoureux et mélodique, avec des chocs électroniques, dit clairement que nous ne sommes plus au temps des métaphores et des périphrases, qu’un mort est un mort, et non plus un « fruit étrange » comme dans la chanson créée par Billie Holiday en 1954, ce Strange Fruit qui se balançait aux arbres, une image terrible pour figurer les pendaisons de Noirs par le Ku Klux Klan.Le soir de l’Armistice, le festival Les Inrocks Philips a défendu l’étrange musique d’Algiers, et c’est tant mieux.Festival Les Inrocks Philips, à Paris et en province, jusqu’au 17 novembre. www.lesinrocks.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Claire Guillot Daido Moriyama, galerie Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier C’est la nouveauté à ne pas manquer à Paris Photo cette année : le secteur Prismes, réservé aux œuvres monumentales, et qui donne à cette partie de la foire des allures de musée. Parmi les belles séries à admirer en haut de l’escalier, un travail historique qui connaît une seconde vie : Farewell Photography, du Japonais Daido Moriyama. Cet ensemble de photographies prises par le Japonais pour « dire adieu » à la belle photographie telle qu’il l’avait apprise, avait débouché sur un livre sans aucun succès mais à la postérité retentissante. Dans un geste radical, le photographe avait brûlé ses négatifs, sauf une trentaine. Une cinquantaine d’autres ont été retrouvés chez l’éditeur du livre, qui ont permis à l’artiste de faire une nouvelle édition de ce travail, sur un mur fait de 80 images brutes et brutales : passants, paysages, écrans ou affiches, saisis dans des photos volontairement abîmées, illisibles ou trop noires, dans des cadrages accidentés ou qui laissent voir le film.Galeries Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier, stand SH6 (secteur Prismes, en haut de l’escalier).Emmanuelle Fructus, galerie Le Réverbère Parmi les artistes qui travaillent à partir des images d’amateurs, Emmanuelle Fructus a choisi une voie originale, qui lui fait découper et ranger dans un classement savant des centaines de petits personnages sortis du passé. Chaque groupe occupe une case, et des milliers de gens se trouvent ainsi dressés, mamie, enfant, homme à casquette, femme en costume sombre... Ordonnée par couleur, du noir au gris pâle, cette intrigante galerie de personnages, qui posent ensemble d’un air bravache comme dans un studio, raconte une infinité d’histoires - celles que voudront bien leur prêter les spectateurs.Galerie le Réverbère (Lyon), stand D4.Guy Bourdin, galerie Alexander Le grand photographe Guy Bourdin, célèbre pour ses publicités et ses photos de mode sensuelles aux couleurs vénéneuses publiées dans Vogue, n’a laissé que très peu de tirages – son travail était destiné à être publié dans la presse. La galerie Louise Alexander n’en dédie pas moins un stand entier au photographe, qui est intéressant car il marie des polaroïds noir et blanc d’époque, venus des archives de l’artistes, et des tirages couleurs posthumes : Guy Bourdin a réalisé les premiers pour les utiliser dans des photos couleurs. A cela s’ajoutent, juste pour le plaisir des yeux car ils ne sont pas à vendre, des tirages noir et blanc abstraits, d’époque, du Guy Bourdin d’avant la mode. Galerie Louise Alexander (Londres), stand A2.Edward S. Curtis, galerie Bruce Kapson Le photographe Edward S. Curtis a marqué l’histoire de la photographie par ses portraits d’Indiens d’Amérique, qu’il a voulu immortaliser en majesté, au début du XXe siècle, alors que déjà leurs tribus étaient décimées et leurs traditions en voie de perdition. Quitte à verser dans le folklore et à oublier la réalité de leurs conditions de vie de l’époque... Il en reste aujourd’hui de beaux tirages, de toutes sortes, car ce grand tireur aimait expérimenter avec les techniques photographiques (cyanotypes, virages au platine ou à l’or...). Il a aussi laissé un livre de luxe en vingt volumes, The North American Indian, devenu quasiment introuvable. La galerie Louise Alexander propose des tirages d’époque mais aussi les plaques de cuivre très finement gravées qui ont servi à Edward Curtis pour faire son livre – pas une œuvre en soi, mais un document de prix.Galerie Bruce Kapson (Los Angeles), stand C44.Adrian Sauer, galerie Klemm’s Peu de photographie conceptuelle à Paris Photo cette année, à l’exception notable d’Adrian Sauer, auquel la galerie Klemm’s consacre son stand. L’artiste allemand explore les dessous et décompose les pratiques de l’image et de la représentation. En particulier dans cette série pleine d’humour où on le voit imiter cette tradition internet du « unboxing » ou déballage , vidéos à succès sur Youtube où l’on voit juste des mains filmées en train de déballer des achats). Sauf que là, il s’agit d’un DVD de photoshop, le logiciel de retouche d’images... qu’il n’est désormais plus possible d’acheter que sous forme de téléchargement. Et Adrian Sauer de donner à voir, avec un phénomène propre à l’ère numérique, la dématérialisation en marche.Galerie Klemm’s, stand B13.Lire aussi :La photographie, un multiple bien singulierZorro, galerie Lumière des roses Un inconnu se déguise, seul devant son appareil photo. Des cuissardes, un fouet, un bonnet et un short. Parfois devant une affiche de Zorro, qui arbore à l’époque les mêmes bottes et le même fouet. A un certain moment il demande à une femme – sa mère probablement – de prendre le relais, et c’est elle qui pose, dans le même accoutrement, sauf qu’elle se marre, alors que lui reste toujours sérieux. Comme il se livre à ce drôle de jeu pendant près de quarante ans, on voit la photo évoluer en même temps qu’il vieillit : voilà qu’arrive le photomaton, puis la couleur. Et à la fin, à la toute fin, il ne se met même plus en scène : ne restent dans l’image que ses cuissardes et son fouet. Ces images, fruit d’une drôle d’obession personnelle, réunies dans une simple enveloppe, auraient dû disparaître en même temps que leur auteur anonyme. Elles ont été trouvées par le galeriste Philippe Jacquier, qui les vend sur son stand et leur a consacré un livre.Galerie Lumière des roses, stand A16.Raphaël Dallaporta, galerie Jean-Kenta Gauthier On dirait un ciel de nuages, découpés en 48 petits morceaux, qui font un mur pommelé et bleuté dans lequel le regard plonge. En réalité, il s’agit d’une fonction mathématique. Le photographe Raphaël Dallaporta, qui aime à collaborer avec des scientifiques, s’est associé à un mathématicien pour générer des formes à partir d’une fonction appelée covariance. Pour chaque image, seul un paramètre de la fonction varie, aboutissant à des points plus ou moins foncés. Une image inexistante pour des nuages évanescents... et réalisée en mélangeant deux procédés anciens, le cyanotype et le platine. De quoi faire fonctionner le cerveau sans priver l’oeil de son plaisir.Stand Amana, EE24.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Tête d’affiche, jeudi 12 novembre, de la deuxième soirée parisienne du festival Les Inrocks Philips, Odezenne n’a pas fait le plein de La Cigale. Mais la ferveur des fans a tout de même joliment lancé la sortie, le lendemain, du troisième album – Dolziger Str. 2 – de ce groupe bordelais, formé par les chanteurs Jacques (dit Jaco) Cormary et Alix Caillet, et par le metteur en sons Mattia Lucchini (complété sur scène d’un batteur).Cette complicité entre un public et une formation à l’indépendance farouche, sur fond de rimes rap sorties des clichés hip-hop et d’instrumentation entremêlant samples, jeu de claviers, boucles electro et guitare rock, pourra rappeler les souvenirs récents du phénomène Fauve. Mais loin du lyrisme écorché des Parisiens, faisant référence au romantisme à vif de Cyril Collard, la gouaille accablée d’Odezenne observe le monde avec le réalisme morne d’un Houellebecq qui tenterait de faire danser son pessimisme.Comme d’autres, ces anciens rockers au look d’étudiants en rupture de fac ont compris que les scansions pouvaient s’adapter à tous les environnements. A la fois supports de la description et de l’introspection, chemin le plus direct vers le premier degré comme vers l’audace poétique, les rimes du rap posent des décors, des ambiances, montent à cru ou filent la métaphore.Entre provocation potache et ambition artyLes chansons d’Odezenne posent souvent leurs textes entre deux chaises, celles de la provocation potache et de l’ambition arty, quelque part entre les lourdeurs des Svinkels et l’intensité visionnaire de Diabologum. Les mots de Rien, Bouche à lèvres, Souffle le vent ou On naît on vit on meurt ne sont pas vecteurs d’ego trip ou de vantardises, mais de balades dans un quotidien plombé par le désœuvrement, le désarroi sexuel, la conscience du dérisoire.Au pied du muret de synthétiseurs vintage pilotés par Mattia, Jaco et Alix jouent de leurs allures de branleurs pris au saut du lit, dansent comme des fêtards en plein décalage horaire. Leur ritournelle très sexe, Je veux te baiser (1 million de vues sur YouTube), est reprise en chœur par La Cigale (les filles chantant plus fort que les garçons). Mais derrière l’haleine des lendemains de cuite, s’échappent aussi la force d’une autonomie artistique et des moments de désespoir d’autant plus touchants que les paysages musicaux, dessinés par Mattia Lucchini, palpitent d’une excitante variété de mélodies et pulsations urbaines, soulignant plus les émotions que la déconnade.Dolziger Str. 2, de Odezenne, 1 CD Tôt ou Tard. www.odezenne.comConcerts : le 13 novembre, à Rennes ; le 14, à Orléans ; le 18, à Rouen ; le 19, à Bruxelles ; le 21 à Tourcoing ; le 27, à Nantes (complet) ; le 3 décembre, à Strasbourg ; le 9, à Clermont-Ferrand ; le 10, à Toulouse ; le 11, à Montpellier ; le 12 à Marseille.Stéphane DavetJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.11.2015 à 06h37 • Mis à jour le13.11.2015 à 07h27 De la plus grande foire à l’image fixe au festival Les Inrocks, en passant par un spectacle de derviches tourneurs, les idées de sorties proposées par le service Culture du Monde.PHOTOGRAPHIE. La foire Paris Photo fait des petits La plus grande foire réservée à l’image fixe est de retour au Grand Palais, avec ses galeries, ses images, ses signatures, ses conférences, et une nouveauté qui vaut le détour : la section « Prismes » consacrée aux photos grand format et aux séries, qui donne à voir des œuvres spectaculaires. Ainsi, un ensemble de près de 2 000 Polaroid de la série Flower Love de Nobuyoshi Araki, ou les portraits terribles en noir et blanc de la génération SIDA réalisés dans les années 1980 par Rosalind Solomon. Mais il y a aussi des pépites à trouver dans toutes les foires « off » qui pullulent : des livres à Polycopies et Off Print, de la photo documentaire à Photodoc, des photos et des appareils de toutes sortes à Fotofever… Claire GuillotParis Photo, Grand Palais, du 12 au 15 novembre. 30 et 15 €.PATRIMOINE. Louis XIV et ses spectaculaires funérailles, au château de Versailles Trois siècles après la mort du Roi-Soleil, le château, que Louis XIV a bâti à sa mesure, met en scène le grand théâtre de la mort organisé il y a trois siècles, au lendemain de son décès, le 1er septembre 1715. Des pompes funèbres qui se prolongèrent plus de deux mois en la basilique de Saint-Denis. Sont reconstitués la spectaculaire chapelle ardente et le catafalque immaculé, dressés dans la nef. Ce décor éphémère fut imaginé et construit par l’atelier des Menus Plaisirs du roi, chargé de la mise en scène des fêtes données à Versailles. Des manuscrits inédits sont montrés dans l’exposition, notamment le testament du roi et les rares vestiges rescapés de la Révolution française. La plaque en cuivre qui identifiait son cercueil – profané en 1793 et jeté dans la fosse commune – fut retrouvée, transformée en casserole, dans une auberge. On apprend que ces festivités funestes étaient une mode européenne très courue, documents à l’appui, de Madrid à Mexico. Un faste auquel eurent droit Napoléon, Voltaire, Victor Hugo, Félix Faure ou encore Sadi Carnot comme le montre le monumental rouleau peint oublié dans les réserves du château. Florence Evin« Le roi est mort », jusqu’au 1er janvier 2016, château de Versailles (Yvelines) tous les jours de 9 heures à 17 h 30, sauf le lundi. De 13 à 15 euros. chateaudeversailles.frMUSIQUE. Le concert « silencieux » de Nicolas Frize, à Pierrefitte-sur-Seine Accueilli en résidence en mars 2014 sur le site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), Nicolas Frize, qui fut l’élève de Pierre Schaeffer et le maître de Fred Chichin, des Rita Mitsouko, clôt ce parcours artistique séquano-dionysien par un concert intitulé Silencieusement, avec l’association Les Musiques de la Boulangère. Composition « en six mouvements et six lieux », cette performance musicale promènera le public de la salle de lecture à la mezzanine du hall principal (avec musiciens perchés sur une structure de boîtes d’archives), en passant par l’auditorium, la terrasse ou encore le bassin. Laurent CarpentierArchives nationales, 59, rue Guynemer, Pierrefitte-sur-Seine (M° Saint-Denis-Université). Jusqu’au 16 novembre, à 20 h sauf le samedi à 18 h et le dimanche à 15 heures et 18 heures. Entrée gratuite sur réservation (01 48 20 12 50).CIRQUE. Jamie Adkins nous donne des ailes, aux Bouffes-ParisiensL’artiste canadien Jamie Adkins, considéré comme l’un des meilleurs clowns, jongleurs et acrobates de sa génération, est de retour aux Bouffes-Parisiens, jusqu’ au 3 janvier 2016. Son spectacle, Circus Incognitus, déjà présenté en 2012 au Théâtre de la Cité internationale à Paris, est un petit bijou de fraîcheur burlesque. Jamie Adkins est un clown. Un vrai, un virtuose, de grande classe. C’est-à-dire quelqu’un capable de vous faire rire avec des riens. Il y a du Buster Keaton chez cet homme-là, mais ce qui est plus drôle, c’est qu’il dit avoir été influencé par le grand burlesque américain… via Bugs Bunny. Son Circus Incognitus libère un rire pur et franc, qui donne des ailes : plutôt bon à prendre, par les temps qui courent. Fabienne DargeBouffes-Parisiens, 4, rue Monsigny, Paris 2e. Samedi à 19 heures et dimanche à 17 h 30. Jusqu’au 3 janvier 2016. Réservations : 01 42 96 92 42.www.bouffesparisiens.com et www.jamieadkins.com.EXPOSITION. Créations d’artistes et mots d’auteurs sur le monde tel qu’il va, à la Bastille L’écologie, les discriminations, les migrants… tels sont quelques-uns des thèmes d’actualité évoqués à travers des œuvres d’artistes réunies dans l’exposition intitulée « Chroniques », présentée jusqu’au 15 novembre au Bastille Design Center, à Paris, à l’initiative de Jean-Charles Troutot dans le cadre de la manifestation Artistes à la Bastille. Chaque plasticien a travaillé en relation étroite avec un écrivain, poète, journaliste, dont les textes seront montrés en regard des 70 réalisations exposées. Le visiteur sera accueilli par une installation collective, une cage en bambou remplie de journaux froissés et surmontée de trois singes détournés de la maxime chinoise qui affirme que « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, assure bonheur et tranquillité ». Il s’agit au contraire, avec cette exposition, de témoigner des secousses du monde et d’inviter à réagir. Sylvie KervielBastille Design Center, 74, bd Richard-Lenoir, Paris 11e. Jusqu’au 15 novembre. Entrée libre.MUSIQUE. Festival Les InrocksPoursuivant son rythme itinérant dans plusieurs villes de province jusqu’au 17 novembre, la 28e édition du festival Les Inrocks connaîtra son apothéose parisienne, le dimanche 15 novembre, à la Cigale. Parmi un plateau de cinq artistes, figureront deux des plus passionnants chanteurs du moment. L’un n’est pas une révélation puisque, en 2010, l’Américain John Grant avait publié un premier album solo, Queen of Denmark, considéré à l’époque comme l’un des disques de l’année. Cet imposant barbu au baryton de première classe vient de publier un troisième opus, Grey Tickles, Black Pressure, abritant sous le même toit ballades grandioses et bizarreries électroniques, rock romantique et vacheries funk. Autre merveille du soir, C Duncan vient de faire sensation avec un coup d’essai, Architect, qui se révèle un coup de maître. Bricoleur de home studio formé à la musique classique, ce jeune Ecossais y superpose avec grâce des harmonies chorales qu’on croirait enregistrées sous la nef désertée d’une cathédrale. Stéphane DavetFestival Les Inrocks avec John Grant, Flo Morrissey, Max Jury, C Duncan, Barns Courtney, le 15 novembre, à la Cigale, 120, boulevard de Rochechouart, Paris 18e. Tél. : 01 49 25 89 99. 17 h 30. 30,50 euros.SPECTACLE. « White Spirit » : derviches graffés et street art tourneurOn avait découvert Shoof (Hosni Hertelli) à « Djerbahood », résidence estivale de street artistes de tous horizons invités par la galerie parisienne Itinerrance à investir les rues d’un village traditionnel de Djerba, à l’été 2014. Avec une concentration proche de la transe, l’artiste tunisien y avait notamment recouvert de calligraphie arabe abstraite des dômes typiques de l’architecture des habitations de l’île. On le retrouve cet automne au Musée du Quai Branly dans ce même élan circulaire pour une collaboration audacieuse, où son travail fait écho autant qu’il sert d’écrin aux musiciens, chanteurs et derviches tourneurs de confréries soufies de Damas. Leurs univers se déploient en parallèle, avant de se mêler dans un ensemble hypnotique et luminescent. Un conseil : s’asseoir assez haut dans la salle pour une vision plus étourdissante. Emmanuelle Jardonnet« White Spirit » au Musée du Quai Branly. Derniers jours : vendredi 13 et samedi 14 novembre à 20 heures, dimanche 15 novembre à 17 heures. 20 € (plein tarif)/15 € (tarif réduit) Le billet donne accès aux expositions en mezzanine, et aux collections du musée le jour du spectacle. Une création en collaboration avec la galerie Itinerrance. Marie-Aude Roux Une déclaration de guerre un jour d’armistice ? C’est ce que pouvaient laisser accroire les deux dépêches publiées concomitamment par l’AFP, mercredi 11 novembre, annonçant l’entrée de deux personnalités artistiques, novices mais notoires, dans le monde de l’opéra. La première, qui émane de l’Opéra-Comique, concerne le metteur en scène de théâtre, Thomas Jolly, qui fera en février 2017, avec Fantasio, d’Offenbach, la réouverture de la Salle Favart, actuellement fermée pour deux ans de travaux. L’autre révèle que le réalisateur Bertrand Bonello devrait monter le Don Carlo, de Verdi, à l’Opéra de Paris, en octobre 2017.Le metteur en scène de Henry VI contre celui de Saint Laurent ? Rien de suspect a priori. Depuis qu’il s’est ouvert au concept de mise en scène au début du XXe siècle, l’opéra a attiré les cinéastes, d’abord comme réalisateur de films d’opéra puis in scena, de Luchino Visconti à Franco Zeffirelli, en passant par Atom Egoyan, Robert Altman, Michael Haneke, Christophe Honoré ou Benoît Jacquot. De même pour les metteurs en scène de théâtre, dont il constitue aujourd’hui un paragraphe quasi obligé dans le curriculum vitae. De Giorgio Strehler à Frank Castorf, de Patrice Chéreau à Romeo Castellucci, de Robert Wilson à Dmitri Tcherniakov, même les plus réticents sacrifient à la scène lyrique.Deux ouvertures de saison pour JollyRien d’étonnant donc à ce que les noms de Bertrand Bonello et de Thomas Jolly s’ajoutent au catalogue. A ceci près : ce dernier sera, en effet, tête de liste, à quelques semaines de distance, de deux ouvertures de saison. En amont de l’Opéra-Comique, Jolly est programmé à l’Opéra de Paris dans Eliogabalo, de Cavalli, en 2016-2017 (la saison sera officiellement annoncée le 2 février 2016).Le nouveau patron de l’Opéra-Comique, Olivier Mantei, aurait sans doute aimé rouvrir sa salle en se targuant de la première mise en scène lyrique du sieur Jolly. Mais il s’est fait griller la politesse par l’Opéra de Paris et son ancien boss aux Bouffes du Nord dans les années 2000, Stéphane Lissner. Mantei a, en effet, proposé Fantasio au jeune metteur en scène français dès l’automne 2014 alors qu’il n’était pas encore l’heureux récipiendaire des Molières d’avril 2015 pour Henry VI, de Shakespeare. Avec lui, il entend mener un travail artistique à long terme, dont le coup d’envoi aura lieu le 3 décembre prochain lors d’une première séance ouverte au public (sur réservation) avec Thomas Jolly et la mezzo Marianne Crebassa. La chanteuse assurera le rôle-titre de l’opéra tiré de la pièce éponyme de Musset, dont elle a fait une prise de rôle magistrale, il y a quelques mois, à Montpellier (dans la version de concert proposée le 18 juillet par le Festival de Radio France et Montpellier).Lire aussi :Thomas Jolly et le roi boiteuxA l’époque, Eliogabalo était encore entre les mains d’un autre Thomas : Ostermeier. Mais l’Allemand a déclaré forfait fin 2014 pour des raisons de temps de travail insuffisant (certains metteurs en scène de théâtre s’accommodent mal du temps de répétition deux fois plus court à l’opéra qu’au théâtre, cinq à six semaines contre deux à trois mois – ce contre quoi entend précisément lutter l’Opéra-Comique). Lissner a alors pensé au jeune Jolly, avec lequel contact a été pris au printemps 2015. On imagine sans mal la tension des rapports entre les deux institutions. « Il y a eu pas mal de discussions, reconnaît Olivier Mantei. Mais ce qui compte est que les deux projets aient été validés et maintenus. » Cela promet, en tout cas, un baptême en forme de feu d’artifice pour Thomas Jolly, qui enchaînera un opéra baroque vénitien au Palais Garnier et un opéra-comique français à la Salle Favart. Un film sur le chœur de l’Opéra pour BonelloLe cinéaste Bertrand Bonello, lui, n’est pour l’instant en pourparlers qu’avec l’Opéra de Paris. Au point de vendre la peau de l’ours ? L’annonce semble un tantinet prématurée à Stéphane Lissner. « Rien n’est encore acté et nous en sommes au travail préparatoire, qui doit se poursuivre, avec notre directeur musical, Philippe Jordan, dès la semaine prochaine, signale, en effet, le directeur de l’Opéra de Paris, quelque peu surpris par les propos de Katia Wyszkop, la décoratrice de Bonello pour Saint Laurent, rapportés par l’AFP. Mais Bertrand est très intéressé par l’opéra, où sa mère l’emmenait, à Nice, quand il était enfant, et il a toujours souhaité pouvoir un jour travailler sur une scène lyrique. »Stéphane Lissner ne cache pas qu’il a été séduit par la direction d’acteurs du cinéaste, notamment dans les scènes intimistes de Saint Laurent. En attendant d’être définitivement adoubé, Bertrand Bonello s’est attelé à la commande d’une contribution pour la « 3e Scène », le grand projet numérique lancé par l’Opéra de Paris au début de l’automne : il s’agit d’un film autour du chœur de l’Opéra, celui-là même qui s’est si prodigieusement illustré dans la production du Moïse et Aaron, de Schoenberg.Lire aussi :« Moïse et Aaron » : gare au chef-d’œuvre !Lire aussi :L’Opéra de Paris ouvre sa « 3e Scène » sur InternetMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Le 20 janvier 2014, à Bologne (Italie), disparaissait le grand Claudio Abbado – le début d’un « annus horribilis » qui allait également priver le monde musical d’autres baguettes de renom comme celles de Lorin Maazel ou Frans Brüggen. Deux concerts – le premier au profit de l’Institut Curie et de la recherche contre le cancer – organisés par le producteur André Furno (Piano 4 Etoiles), qui fut l’un des familiers du maestro, lui rendaient justement hommage, les 9 et 10 novembre. Au programme, l’immense pianiste Martha Argerich, accompagnée par l’excellent Orchestre du Festival de Lucerne (une des dernières « créations » du chef italien) sous la direction du charismatique Letton, Andris Nelsons.Lire aussi : Le chef d’orchestre Claudio Abbado est mortEmotion palpable lorsqu’apparut la mince silhouette en noir de la pianiste argentine dont la crinière d’argent accentue désormais la fragilité. Elle joue le Troisième concerto pour piano, de Prokofiev, celui-là même qu’elle enregistra à Berlin avec Abbado pour Deutsche Grammophon en 1967. Celui-là même qu’ils interprétèrent le 12 novembre 1969 au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’Orchestre national de l’ORTF, en un premier concert qui scella les débuts du chef milanais à Paris. Collaboration en forme d’osmoseLes photos de ce temps sont saisissantes. Abbado et Argerich en jeunes dieux : beaux et fous, avec la complicité rieuse d’amants qui seraient unis par la musique. A 27 ans, Argerich défraye alors la chronique depuis qu’elle a successivement remporté les concours de Genève, Busoni de Bolzano en 1957 et un époustouflant premier prix au concours Chopin, en 1965 au cours d’une finale d’anthologie – le Concerto pour piano n°1 du compositeur polonais, à Varsovie, devant un public en délire (elle l’enregistrera en studio avec Abbado trois ans plus tard). Le maestro est plus âgé de huit ans. Lui a commencé une carrière internationale tandis qu’il se produit dans les usines italienne en compagnie du pianiste Maurizio Pollini et du compositeur Luigi Nono.Le label allemand au cartouche jaune a publié, en janvier, un coffret de cinq disques réunissant tous les enregistrements de Claudio Abbado et Martha Argerich (une dizaine dont deux versions du Concerto en sol, de Ravel). Le dernier a été réalisé quelques mois avant la mort du maestro, pendant le Festival de Lucerne de Pâques 2013 : deux Mozart, le Concerto pour piano n°20 KV 466 et le Concerto pour piano n°25 KV 503. Le mot de la fin d’une collaboration en forme d’osmose commencée à la fin des années 1950 alors que les deux artistes étudiaient ensemble le piano à Vienne. En France, le dernier concert Argerich-Abbado a eu lieu Salle Pleyel, le 14 avril 2013. Martha Argerich avait jeté son dévolu sur le Premier concerto pour piano, de Beethoven. Musiciens fauvesQue le « Troisième » de Prokofiev soit une promenade de santé pour la « lionne » n’étonnera personne. A 74 ans, la pianiste a gardé sa stupéfiante vélocité, ses impressionnants effets de « saltos » à la main droite, une main gauche impitoyable, et des rafales d’octaves perlées jetées sur le clavier comme des éclairs au bout des doigts. Andris Nelsons la piste avec la vigilance du chasseur de brousse. Et pour cause. Ces deux-là sont de la même famille de musiciens fauves, ardents, les flancs creusés, le même instinct de l’absolu. Ils entrent et jouent. Jouent et sortent. Martha accordera un bis, un seul : l’élégante Sonate en ré mineur K. 141, de Scarlatti, avec ses voltes de notes répétées. Mais la salle n’est pas au bout de ses émotions. La charge tellurique d’une hallucinante Cinquième symphonie, de Mahler est encore à venir.L’Orchestre du Festival de Lucerne est familier des symphonies de Mahler sous la direction inspirée et de plus en plus dépouillée d’Abbado. Mais il a aussi déjà interprété la « Cinquième » de Mahler sous la direction d’Andris Nelsons à Lucerne, les 19 et 20 août. C’est peu de dire que le Mahler de Nelsons et celui d’Abbado sont aux antipodes. Mais le Letton ne fait pas oublier l’Italien (comment le pourrait-il ?), et Nelsons a été le passeur du fameux concert du 6 avril 2014, à Lucerne, où l’orchestre en larmes a dit adieu à son chef disparu. La musique a continué et rien n’a été perdu : comme Abbado, Andris Nelsons possède le talent rare de fascination, une joie éperdue de la musique, puissante, communicative, qui emporte tout sur son passage – le corps et le cœur des musiciens, et ceux des auditeurs – dans un mystérieux et charnel élan universel.Hommage à Claudio Abbado à la Philharmonie de Paris, Paris 19e. Prochain concert avec Jordi Savall, le 18 novembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 70 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 12.11.2015 à 10h39 • Mis à jour le12.11.2015 à 13h36 | Véronique Mortaigne Pour la première soirée parisienne de son festival Les Inrocks Philips, l’hebdomadaire culturel proposait, mercredi 11 novembre au Casino de Paris, un heureux détour vers le sud des Etats-Unis. Si les groupes Algiers et Alabama Shakes développent des esthétiques différentes, le premier nettement plus punk, le second davantage porté sur la soul, ils ont pourtant des points communs.Les Alabama Shakes viennent d’Athens, 24 000 habitants, quelque part au nord de l’Alabama, entre Atlanta et Nashville. Le quatuor d’origine est gonflé à bloc par trois choristes et deux claviers additionnels. Ça fait une joyeuse bande, même quand il s’agit de lancer des slows. Le groupe est mené par le bassiste Zac Cockrell, physique de garde forestier, barbe et cheveux de biker sauvage, et la chanteuse et guitariste afro-américaine Brittany Howard, une sorte de Big Mama Thornton contemporaine (Big Mama Thornton était née en 1926 à Montgomery en Alabama ; elle créa, en 1953, le tube Hound Dog, que lui ravit Elvis Presley trois ans plus tard ; elle mourut désargentée et alcoolique en 1984).Dans la génération suivante, Brittany Howard fut comparée à Janis Joplin pour ses déchirements de voix épisodiques et son feeling. Il y a, chez ces femmes fortes, une part de virilité qui fonde la personnalité sans nuire à l’esthétique. Trois petites notes de guitares pincées égrenées par Miss Howard sur sa Gibson vert pomme, et c’est la classe.Diversité coloréeParu en 2011, Boys & Girls, le premier album du groupe, contenait des tubes et graines de tubes, dont Hold On, un blues rock spacieux, que le public attend au Casino de Paris, alors qu’un deuxième album, Sound & Colour, en a déjà proposé une nouvelle fournée (Don’t Wanna Fight). Plus pop, plus composite, l’opus a incurvé la prestation des Alabama Shakes vers une diversité colorée. Il y a de tout dans cette composition presque florale où la voix est parfois intimement soul ou tendue à l’extrême, parfois trop poussée au cri. A l’évidence, Brittany Howard en rajoute, elle monte jusqu’à la fièvre avant de souffler le cool. Il y a de tout dans cette musique, du gospel, du rock sudiste, du blues, de la soul, des bribes de Beatles, de With a Little Help from My Friends façon Joe Cocker (Brittany a fait sensation en interprétant Get Back en duo avec Sir Paul McCartney au festival Lollapalooza à Chicago en juillet).On y verrait même un fond de parodie des années heureuses de l’après-guerre, avec sa joie participative, car nous sommes aujourd’hui au temps des collages, et des drames se sont noués. Même sur des bases aussi définies que celles des Alabama Shakes, les jeunes artistes s’attachent à créer des atmosphères, des climats, là où leurs aînés cherchaient la révolution des styles.Trio multiracial venu d’AtlantaCeci est vrai pour Algiers, ainsi nommé en référence à la guerre anti-colonialiste menée en Algérie, en scène juste avant leurs collègues d’Athens. Ce trio, également multiracial, vient d’Atlanta (Géorgie), ville d’origine de Martin Luther King. Algiers a aussi un meneur, le chanteur afro-américain Franklin James Fisher. Le groupe ne pratique pas l’art de la mélodie, mais celui de la rupture. La guitare peut être jouée à l’archer, et les baguettes du batteur voler à travers la scène. Nous sommes là sur les traces des negro spirituals chantés à la messe du dimanche à l’Ebenezer Baptist Church, là où le défenseur de l’égalité des droits a été baptisé. On suit le chemin de poussière de James Brown, le parrain de la soul, noir et fier de l’être, né en Caroline du Sud, et dont une paire de bottes cloutées est symboliquement exposée au Memorial Martin Luther King. La musique d’Algiers crée aussi des climats, ils sont sombres, durs, électroniques, parsemés de slogans et de riffs de guitare. Elle va loin. Elle est éclectique comme celle des Alabama Shakes. Mais ici le hip-hop du sud, dont Atlanta est une plaque tournante, a torturé les mentalités. Le negro spiritual tout autant.Le son comme arme politiqueLa musique d’Algiers, parsemée de références à la soul, au free jazz, au hip-hop, l’est également de citations de Malcolm X et de déclarations prises dans les médias et les discours politiques, dans un pays bouleversé par l’assassinat de jeunes Noirs par des policiers blancs, à Ferguson, à Cleveland ou à Harlington.Comme ils font du son extrême une arme politique, on dira d’Algiers qu’ils sont « post-punk ». Le mariage tribal de la black music, dans ce qu’elle a de plus expressif, langoureux et mélodique, avec des chocs électroniques, dit clairement que nous ne sommes plus au temps des métaphores et des périphrases, qu’un mort est un mort, et non plus un « fruit étrange » comme dans la chanson créée par Billie Holiday en 1954, ce Strange Fruit qui se balançait aux arbres, une image terrible pour figurer les pendaisons de Noirs par le Ku Klux Klan.Le soir de l’Armistice, le festival Les Inrocks Philips a défendu l’étrange musique d’Algiers, et c’est tant mieux.Festival Les Inrocks Philips, à Paris et en province, jusqu’au 17 novembre. www.lesinrocks.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 12.11.2015 à 06h43 • Mis à jour le12.11.2015 à 07h06 Le supplément littéraire du « Monde » a choisi cette semaine un polar, un roman et un conte.POLAR. « Les Derniers Jours du Condor », de James GradyAprès une mission périlleuse en Afghanistan, suivie d’un séjour à l’hôpital psychiatrique, l’agent de la CIA connu sous le nom de code « Condor », désormais sexagénaire, travaille sous couverture à la bibliothèque du Congrès. Des officiers de la Sécurité intérieure sont chargés de le surveiller et de s’assurer qu’il suit son traitement médicamenteux. Un soir, l’un d’eux est découvert crucifié au domicile du Condor. Faux coupable idéal, ce dernier retrouve ses réflexes d’antan et prend la fuite, essayant d’échapper à des poursuivants dont il ignore aussi bien l’identité que les motivations. Comment disparaître à l’heure des portables, des GPS et de la vidéosurveillance ? La tâche est moins aisée qu’il y a quarante ans, à l’époque des Six Jours du Condor (1974). Sous l’ombre portée du 11-Septembre, ce récit d’une chasse à l’homme dénonce une nouvelle fois les turpitudes de la CIA, dont une officine clandestine, chargée des basses œuvres, s’affranchit ici de toute règle légale et morale. Un thriller paranoïaque qui tient sacrément en haleine. Macha Séry Les Derniers Jours du Condor (Last Days of the Condor), de James Grady, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hubert Tézenas, Rivages, « Thriller », 378 p., 21,50 €.CONTE. « Des mots jamais dits », de Violaine BérotC’est un conte d’où la magie et le merveilleux se sont absentés. Son héroïne est une princesse, fille d’un roi et d’une reine follement amoureux, qui vont donner naissance à une « floppée d’enfants », dont l’aînée va devoir s’occuper. Sa mère passe ses journées à se contempler ; son père « ne se comporte pas avec (sa fille) comme un père doit se comporter avec son enfant ». Un jour, elle va prendre la décision de quitter sa famille et se heurter aux sorts anciens… D’un sujet délicat, guetté par le sensationnel, Violaine Bérot tisse un roman à l’écriture exaltée, brûlante, poétique, à fleur de peau. La narration d’un « on » indéfini pose sur les tourments de l’héroïne une impensable, une étonnante douceur. Et laisse la porte ouverte à l’espoir. Xavier Houssin Des mots jamais dits, de Violaine Bérot, Buchet-Chastel, 192 p., 14 €.ROMAN. « L’Homme-Tigre », d’Eka Kurniawan« Le soir où Margio assassina Anwar Sadat, Kyai Jahro était captivé par ses poissons dans leur bassin. » La première phrase du roman de l’écrivain indonésien Eka Kurniawan contient en germe tout ce que l’on va trouver dans L’Homme-Tigre. Un meurtre sauvage, de saisissants raccourcis, la présence somptueuse de la nature, et surtout un ton, engagé et détaché tout à la fois. Parce que, dit-il, il est possédé par un tigre, un tigre blanc dont la présence en lui se transmet de père en fils, Margio a tué – en sectionnant de ses dents la veine jugulaire – un notable. L’Homme-Tigre n’est pas un polar. On connaît dès le quatrième mot l’identité du meurtrier. Ce qui intéresse l’écrivain indonésien, c’est de toucher du doigt le mobile. De faire plonger le lecteur dans le « désir de meurtre ». C’est là que le roman devient hypnotique. Dans cette fusion homme-animal féroce. C’est le côté volontairement primitif et brutal de la prose de Kurniawan, allié à la finesse des notations, à la poésie des images et aux odeurs, qui fait de cet Homme-Tigre un livre profondément troublant. Florence Noiville L’Homme-Tigre (Lelaki Harimau), d’Eka Kurniawan, traduit de l’indonésien par Etienne Naveau, Sabine Wespieser éditeur, 320 p., 21 €. Sylvain Siclier Après les amateurs de sports, à l’occasion d’un tournoi de tennis, du 31 octobre au 8 novembre, c’était au tour de ceux du rock de découvrir l’AccorHotels Arena, ancien Palais omnisports de Paris-Bercy, rénové, intérieur et extérieur, après vingt mois de travaux. Et pour l’inauguration rock, c’est donc avec le groupe irlandais U2. Quatre concerts, les 10, 11, 14 et 15 novembre. Tous complets.Membres du groupe formé à Dublin en 1976, héros locaux devenus stars internationales, le chanteur Bono, le guitariste et chanteur The Edge, le bassiste Adam Clayton et le batteur Larry Mullen Jr. sont en tournée depuis le 14 mai (Vancouver, Canada), et jusqu’au 28 novembre (Dublin). La première depuis 2005 (lors d’une partie du Vertigo Tour) dans des salles couvertes de grande capacité, que le nom générique d’« arena » identifie dans bien des cas. Avec un concept, The Innocence + Experience Tour, passage justement de l’état d’innocence à celui d’expérience, chronologie du parcours du groupe et évocation des grands problèmes du monde. Un dispositif scénique étonnantPour cela, les équipes techniques embauchées par U2 ont conçu un dispositif scénique assez étonnant. A une extrémité des salles, la grande scène, dépouillée, les instruments, quelques dispositifs d’amplification. A l’autre, reliée par un podium traversant, une scène plus petite, circulaire. Classique. Mais c’est dans les airs que viendront les surprises visuelles et spectaculaires. Il faut se représenter, dans l’axe du podium, une sorte d’immense cage en longueur. En fait, un double écran avec une passerelle centrale qui peut monter et descendre. Tout en haut, le dispositif de répartition du son.Mardi 10 novembre, le groupe commence le show à l’ancienne. Juste quatre musiciens sur la grande scène – Bono est arrivé par la petite scène, tandis que la chanson People Have The Power par Patti Smith est diffusée – qui jouent, sans effets de lumières. Du rock, direct. The Miracle (of Joey Ramone), tiré du nouvel album Songs of Innocence (octobre 2014, Island Records-Barclay/Universal Music), hommage au groupe punk, Vertigo et I Will Follow. L’un des titres du premier album du groupe en 1980, Boy. Une excellente entrée en matière, dans l’énergie, l’intime, même dans le contexte d’une grande salle. Trop d’images et de formules chocsDe là, Bono présente, en partie en français, la suite. La chanson Iris (Hold Me Close), pour sa mère (morte en 1974) et toutes les mères. L’écran s’allume. Photos et films de famille, des dessins, certains en animation. Le dispositif vidéo ajouré donne une impression de transparence, les images flottent dans les hauteurs. Avec Cedarwood Road, la rue où se situait la maison familiale de Bono durant son enfance et son adolescence, le chanteur marche sur la passerelle intérieure des écrans et se confond avec le film d’animation. De fait, assez impressionnant. Avec Sunday Bloody Sunday et Raised By Wolves, dans les deux cas à propos d’événements tragiques de la guerre d’indépendance de l’Irlande, le lien entre image et musique est à son meilleur. Des slogans sur des murs, des portraits des morts, le groupe à la fois sur la scène et englouti dans l’animation.Ensuite, à mesure que l’on avance dans l’expérience, les choses deviennent plus pesantes. Trop d’images et de formules chocs, trop de sursignifiant sur les grandes causes, aussi importantes soient-elles. Pour cette tournée, la Syrie, les migrants. Des séquences un rien mégalos aussi, avec un Bono géantissime quand ses camarades sont tout petits au loin. Ou la diffusion en direct dans le monde d’un moment du concert avec interactivité des fans grâce à une application partenaire du groupe. Avant un retour vers la simplicité visuelle durant With or Without You avec l’utilisation de tubes néons comme des cierges. Et un rappel, dans l’esprit du début, avec notamment l’hymne Beautiful Day – un beau jour.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Gilles van Kote Il est un peu plus de 21 h 40, vendredi 13 novembre, et Daniel Psenny, journaliste à la rubrique Télévisions du Monde, travaille chez lui, au deuxième étage d’un immeuble situé derrière le Bataclan. Sur l’écran de la télévision, Jean-Hugues Anglade joue le rôle d’un commissaire de police. Daniel y prête une attention distraite, comme aux déflagrations qu’il entend et qui lui semble provenir de la série.« Comme ça devenait répétitif, je suis allé à la fenêtre et là, j’ai vu des gens sortir en courant et en criant des sorties de secours du Bataclan, qui se trouvent à quelques mètres en biais, de l’autre côté de la rue, raconte-t-il. Dans un premier temps, je me suis dit que c’était une bagarre qui démarrait, un peu plus forte peut-être que celles qui se produisent parfois en marge d’un concert. »Mais de nouveaux coups de feu sont tirés depuis l’intérieur de la salle, à intervalles distincts, pas en rafale, et la panique gagne : des spectateurs sortent par vagues du Bataclan, certains s’effondrent sur la chaussée étroite, d’autres fuient à toutes jambes, d’autres encore tentent de s’éloigner de la salle de concert, mais tombent à terre. Des personnes tentent de leur venir en aide en les traînant.« Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée »« J’ai pris mon téléphone et j’ai filmé, par réflexe professionnel et parce que j’étais en position de le faire, se souvient Daniel Psenny, dont la vidéo a fait le tour du monde. C’était un document qui pouvait ne servir à rien... ou à quelque chose, au cas où. Au début, je demande par la fenêtre ce qui se passe, mais personne ne me répond. »Le journaliste appelle un confrère du Monde, qui l’informe des attaques en cours dans la région parisienne. « C’est là que je prends conscience que ce n’est pas une bagarre et que quelque chose de très grave se passe sous mes yeux. »Les déflagrations cessent au bout d’une dizaine de minutes. « Je suis descendu pour ouvrir la porte d’entrée de mon immeuble et que les gens puissent se réfugier dans le hall ou dans la petite cour. Mais personne n’est entré, les gens ne voulaient pas s’arrêter. »Daniel Psenny, qui pense alors que la fusillade est terminée, jette un coup d’oeil prudent dans la rue, voit des corps devant les issues de secours du Bataclan et, à quelques mètres à droite de l’entrée de son immeuble, un homme en tee-shirt rouge allongé face contre terre, visiblement mal en point. Un homme en noir, qu’il ne reverra plus par la suite, s’approche du blessé. Le journaliste vient à la rescousse et les deux hommes tirent le blessé pour le mettre à l’abri dans le hall de l’immeuble. « Comme un bruit de pétard sur mon bras »« J’ai dû ressortir pour refermer la porte de l’immeuble, je ne m’en souviens plus, tout ce que je sais, c’est que la rue semblait vide. Puis, il y a eu comme un bruit de pétard sur mon bras, une très forte douleur et le sang a jailli. La balle, on ne l’entend pas arriver... J’ai compris qu’on m’avait tiré dessus, je n’ai pas vu qui, et ça a recommencé à tirer. A posteriori, je me dis que le tireur était soit sorti dans la rue, soit à la fenêtre du Bataclan qui se trouve au premier étage. Il a dû voir deux hommes traîner un blessé, il était là pour faire un carton, un massacre. »La balle a traversé le biceps gauche et s’est fichée sous le clavier du digicode de l’immeuble. Un voisin fait précipitamment entrer Daniel Psenny dans son appartement. « Mais je n’avais qu’une idée en tête, c’était d’aller à l’hôpital pour m’y faire soigner. J’ai fait un garrot avec une chemise, pour éviter que le sang coule trop fort. »Les voisins du quatrième, que Daniel a appelés depuis l’interphone pour leur demander de l’aide, le font monter chez eux puis reviennent chercher l’homme blessé, un Américain prénommé Matthew. Blessé par balle au mollet, celui-ci est installé sur un canapé. Daniel appelle sur son portable une amie médecin, qui lui prodigue quelques conseils et lui explique comment effectuer des points de compression.Lire aussi :A l’hôpital, Daniel Psenny du « Monde » retrouve Matthew« Tétanisées, prostrées, terrorisées »« J’ai, ensuite, appelé des gens du journal pour leur dire qu’on était coincés, qu’il fallait absolument qu’on nous évacue. Mais les forces de l’ordre interdisaient tout accès au passage et donc a commencé une très longue attente. C’était très angoissant de se dire qu’on était en plein Paris, que l’on allait se vider de notre sang et que personne ne pouvait nous venir en aide. »Les personnes présentes dans la salle de séjour, maculée du sang des blessés, sont « tétanisées, prostrées, terrorisées ». Dans la chambre voisine, un enfant dort. Les détonations ou les allers et venues ne le réveilleront pas, pas plus que les explosions qui secoueront l’immeuble au moment de l’assaut final.Daniel Psenny est en contact régulier par téléphone avec des collègues, la police, les pompiers... « Les saignements reprenaient régulièrement, Matthew était très pâle et vomissait, mais nous n’avons jamais perdu conscience. C’est même étonnant que nous soyons restés aussi lucides, malgré les balles que nous avions prises. »Il faudra attendre une heure du matin et l’assaut final pour que les blessés soient « libérés ». Le Raid, depuis la rue, les autorise à quitter l’immeuble. Daniel Psenny descend à pied les escaliers et tombe nez-à-nez avec un agent du Raid qui le met en joue, le temps de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un assaillant. Il est évacué à pied vers le Cirque d’Hiver.« On m’a dirigé vers un restaurant où était installé un hôpital de campagne, on m’a fait un pansement pour arrêter l’hémorragie, on m’a mis une perfusion puis je suis parti en ambulance pour l’hôpital Pompidou. Là, il y avait beaucoup de monde mais c’était très calme, pas du tout l’ambiance de la série « Urgences« . Les médecins et infirmières nous ont pris en charge de façon très sereine. »Daniel Psenny a été opéré au bras samedi 14 novembre en fin de journée, après d’autres blessés plus gravement touchés que lui. Il est sorti de l’hôpital mercredi 18 novembre.Gilles van KoteDirecteur déléguéSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 19.11.2015 à 11h50 | Laurent Carpentier, Fabienne Darge et Clarisse Fabre Ouvrir le sac, on a l’habitude. Déboutonner le manteau, il va falloir s’y faire… C’est le prix à payer pour entrer au Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis, ce mercredi 18 novembre, un peu avant 20 heures. Le vigile vérifie que l’on n’a pas d’objets suspects à la ceinture… Peu importe, le « TGP » est ouvert, c’est l’essentiel. Au petit matin, sidérée, l’équipe du théâtre a appris la nouvelle de l’assaut du RAID, rue du Corbillon, à cent mètres du TGP, au cours duquel, entre autres, une femme a actionné son gilet explosif… Le théâtre était entouré de barrières, inaccessible, comme vaincu par les événements.« Les CRS, on est habitués. Mais il y avait aussi l’armée, et ça raconte autre chose », témoigne le directeur du TGP, Jean Bellorini. Ce n’est que vers 14 heures que l’équipe du TGP a obtenu l’assurance de pouvoir ouvrir le théâtre. Mais comment faire venir le public, après une telle journée ? « Une fanfare a joué dans le hall, vers 19 heures, pour détendre l’atmosphère et pour couvrir le bruit des sirènes au cas où… », explique le patron du TGP. Même s’il manque « une centaine de collégiens et de lycéens », le soulagement est perceptible : 140 spectateurs sont déjà installés pour découvrir la pièce de Molière, Trissotin ou les femmes savantes, mise en scène par Macha Makeïeff, à l’affiche jusqu’au 29 novembre ; et une bonne vingtaine attendent d’entrer dans la petite salle pour voir M’appelle Mohamed Ali, une performance d’Etienne Minoungou, sur un texte de Dieudonné Niangouna, mise en scène par Jean Hamado Tiemtoré jusqu’au 22 novembre.Le spectacle fait des allers-retours entre l’itinéraire du boxeur, la vie du comédien et celle de l’auteur du texte. Etienne Ninoungou tombe le masque, parle de lui, de la difficulté d’être comédien et noir, quand on vous propose de faire « le cascadeur » ou « l’oncle de Kirikou ». Soudain, le bruit d’une sirène parvient jusque dans la salle : « Peut-être on devrait s’arrêter là ? », propose-t-il. Mais il continue de plus belle…« Ne pas rester chacun chez soi, en train de flipper »En quittant le théâtre, vers 22 heures 30, les spectateurs disent à peu près la même chose : venir dans une salle, c’est être ensemble, découvrir une création. Rien ne doit changer, il faut sortir comme avant ! A l’angle de la rue Corbillon, le dernier car de CRS quitte les lieux de l’assaut. Deux spectateurs, Daniel et Francis, s’engouffrent dans la station de métro Saint-Denis Basilique, ligne 13. Attentats ou pas, ils font le plein de culture et résument ainsi la semaine écoulée : « Lundi, Philharmonie ; mardi, théâtre de Malakoff ; mercredi, TGP ; jeudi, les Abbesses ; vendredi relâche ; samedi, Théâtre de la Ville. » Dans la rame de métro, un groupe de jeunes gens débarque avec bouteilles d’alcool et salades de quinoa. « Vous voulez goûter ? », propose l’une des jeunes filles, qui ne tarde pas à engager la conversation. « On va danser au Rex, on veut profiter de la vie, ne pas rester chacun chez soi en train de flipper », résume-t-elle. Ils sont étudiants en « dentaire » et ont grandi avec le terrorisme : « J’étais en CM1 le 11 septembre 2001 », glisse l’un d’eux.On les rejoindra plus tard, après une traversée du 11e arrondissement. Et là, surprise encore : impossible de boire une bière en terrasse, dans les alentours du Théâtre de la Bastille : rue de la Roquette, rue de Lappe et dans les petites rues alentour, les cafés sont pleins, archi pleins. Le Théâtre de la Bastille, pourtant situé dans un mouchoir de poche ultra-sensible, entre la rue Keller, où est domicilié le premier ministre, Manuel Valls, et la synagogue de la rue de la Roquette, a rouvert depuis mardi soir. Mercredi, la salle affiche complet pour le réjouissant spectacle de Vincent Thomasset, Lettres de non-motivation. « Mardi soir, pour la réouverture, nous avons même eu plus de monde que nous n’en avons d’habitude le mardi, un jour plutôt creux, raconte un membre de l’équipe. Il y a une volonté manifeste des habitants de montrer qu’ils veulent continuer à vivre, à se cultiver. »Deux vigiles embauchésSeul changement dans ce lieu : deux vigiles ont été embauchés à l’entrée, et un responsable du théâtre reste en permanence dans la salle, auprès des spectateurs, pour le cas où… Vers minuit, on sert encore des verres et on danse aux Deux Amis, un bar de la rue Oberkampf, non loin des bouquets de fleurs, bougies et hommages aux victimes sur le boulevard Richard-Lenoir. « L’amour vaincra », lit-on sur une feuille blanche.Dans le taxi, en route pour le Rex, on se croirait déjà en boîte de nuit. Le chauffeur a mis de la musique pour se motiver. Mais l’actualité vient le rappeler à l’ordre : « Ce soir, la préfecture a envoyé un message radio à tous les chauffeurs de taxi pour savoir si quelqu’un avait chargé un client place Albert-Kahn, dans le 18e arrondissement. Cet homme aurait un lien avec les attaques du 13 novembre », indique-t-il.Boulevard Poissonnière, il n’y a pas la queue devant le Rex, l’un des rares clubs ouverts le mercredi soir, dans la capitale. Le patron de la salle, Fabrice Gadeau, se réjouit que « Paris revive la nuit », mais il tempère aussitôt sa joie : « On va faire 50 % d’entrées en moins, car beaucoup de jeunes ne sortent pas. Les parents estiment que c’est trop risqué. »Musées et cinémas ne font pas le pleinMême son de cloche dans les musées. « C’est le bon jour pour venir voir la Joconde, sourit une employée du Louvre, le nez au vent. Il n’y a franchement personne. » Face au chef-d’oeuvre de Léonard, les surveillants d’ordinaire, si occupés, ont le temps de vaquer. Sous la pyramide en verre de Pei, le grand hall, en général bondé, est d’une fluidité inquiétante. Dans la salle des sculptures italiennes, formidablement seule sur son banc, une Colombienne, étudiante en art, dessine le buste de saint Jean-Baptiste par Desiderio da Settignano (1428-1464) dans un face-à-face étrangement silencieux. Elle vient tous les jours depuis dix jours : « Cela n’a jamais été aussi vide qu’aujourd’hui. Il n’y a désormais pratiquement plus que des gens en groupes organisés. »Situation similaire dans les cinémas. Sur les 1 474 écrans de la région parisienne, on a comptabilisé mardi soir 65 000 spectateurs, contre un peu plus du double le mardi précédent. Et les premiers résultats des sorties de mercredi confirment un recul inquiétant de la fréquentation. Mais les exploitants cherchent surtout à comprendre qui manque à l’appel : « A 14 heures, analyse l’un d’entre eux, L’Hermine de Christian Vincent, avec Fabrice Luchini, réalisait le même score que le troisième volet de la saga Hunger Games, un blockbuster. Ce n’est pas normal. Tout ça semble indiquer que ce sont les jeunes qui ne sont pas là. Je connais des mères qui disent aujourd’hui : “Je ne laisserais pas mes enfants sortir seul, c’est trop dangereux.” » Les résultats des films d’animation semblent lui donner raison. Ils plongent purement et simplement. Le jeune public est resté à la maison. « Or, ce ne sont pas les vieux qui font les gros résultats du box-office », soupire-t-il.Retour au Rex, où les jeunes noctambules se font désirer. Deux DJ allemands ont annulé leur venue jeudi soir, « et même un Français », déplore Fabrice Gadeau. Un autre patron de boîte, Aurélien, qui dirige le Badaboum, rue des Taillandiers, dans le XIe, est venu le soutenir : « On vend du “feel good”, du lâcher-prise. » Pas simple, par les temps qui courent.Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterClarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFabienne DargeJournaliste au Monde Olivier Zilbertin Documentaire sur France 3, à 23 h 35Une partie des six millions de juifs assassinés durant la Shoah auraient-ils pu être sauvés si les Alliés avaient décidé d’intervenir ? C’est la question qu’aborde sans détour la documentariste Virginie Linhart.Rapidement, une certitude se dessine au fil des documents d’époque, longtemps classés secret-défense : les Alliés furent assez tôt alertés sur le génocide qui se préparait, puis se déroulait, en Europe. D’ailleurs, peut-on seulement « éliminer six millions de personnes dans le plus grand secret ? », interroge le documentaire. Et si les dirigeants font mine de découvrir l’horreur des camps au moment de leur libération en 1945, on sait désormais que Churchill, Roosevelt, de Gaulle et Staline savaient. Ils n’ont rien fait. Mais avaient-ils les moyens d’agir ? Dès 1941, alors que les troupes allemandes envahissent l’Union soviétique, Staline autorise à Moscou la réunion des représentants et des personnalités de la communauté juive afin de dénoncer, déjà, le génocide qui commence. On peut y parler yiddish, la langue des juifs d’Europe de l’Est, pourtant interdite en Russie depuis l’avènement du communisme.Ecoutes, rapports des services secrets, témoignages...Pour Staline, l’appel, relayé par la presse yiddish de New York, vise surtout à mobiliser l’importante communauté juive américaine. Et, de fait, les dons affluent pour soutenir l’effort de guerre soviétique face à la barbarie nazie. A Londres comme à Washington, on ne peut rapidement plus ignorer ce qui se trame sur le Vieux Continent. Ecoutes, rapports des services secrets, témoignages… Mais, pour Churchill, la priorité reste de gagner la guerre. Alors que les Etats-Unis sont accaparés par leur conflit contre le Japon, Roosevelt se voit, lui, confronté à une montée de l’antisémitisme et des mouvements pronazis dans son pays. A plusieurs reprises, il évitera de rendre publiques des informations sur la Shoah. Fin 1941, 1 200 000 juifs ont déjà été tués.Le décompte macabre va se poursuivre du fait des incrédulités des uns, des intérêts politiques des autres, des enjeux stratégiques de tous. En 1943, quand plus de 4 millions de juifs auront été exterminés, la majeure partie des Américains ignorent encore tout de la tragédie. Le terrible compteur indiquera 5 800 000 morts à la libération des camps. Il marquera aussi l’« impuissance » du monde face à la plus terrible barbarie.Ce qu’ils savaient : les Alliés face à la Shoah, de Virginie Linhart (France, 2012, 70 minutes). Jeudi 19 novembre, à 23 h 35, sur France 3Olivier ZilbertinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Film sur Paris Première à 20 h 45Dans Garrison, une cité-dortoir du New Jersey baptisée « Copland » en raison du nombre de policiers qui y habitent, l’ordre est entre de bonnes mains. Sauf que la loi en vigueur n’a rien à voir avec celle mentionnée dans le code civil. C’est là que règne Freddy Heflin, le shérif local (Sylvester Stallone), à moitié sourd, obèse, fruste et guère intelligent. Il se contente de régler la circulation et délègue le reste de son pouvoir à Ray Donlan (Harvey Keitel), un officier corrompu qui a transformé Garrison en une ville franche ; la loi du silence en échange d’un confort avantageux octroyé à chacun des flics de la communauté.La manière dont Freddy Heflin va prendre en main son destin de médiocre pour céder aux injonctions de Moe Tilden (Robert De Niro), un inspecteur de la police des polices, est caractéristique du modèle du shérif institué par le western dans les années 1950, écœuré par le sentiment de l’imperfection de la justice humaine et gagné par la tentation de la sécurité personnelle ou familiale.Pas un simple exercice de styleLa communauté de Garrison est réminiscente de celle de My Darling Clementine (1947), dont James Mangold reprend la structure dans Copland (1997). Comme dans le film de John Ford, une ville est livrée au chaos et à la confusion, avant de retrouver le sens de l’ordre et de la loi, puis de s’intégrer à un tissu social. Toute la démarche du film consiste à faire disparaître l’enclave de « Copland » pour l’intégrer à l’autre rive de l’Hudson, à effacer l’idée de territoire pour l’intégrer à un pays. Cette démarche, d’un parfait classicisme, fait de Copland autre chose qu’une œuvre de bonne facture ou un simple exercice de style.James Mangold filme Stallone en quinquagénaire lent et alourdi, mal à l’aise dans son corps gras, se réfugiant dans les bras d’Annabella Sciorra, sa maîtresse de passage, comme un gamin maladroit venu chercher un peu d’érotisme et de sommeil. Il y a du Victor Mature (celui du My Darling Clementine) chez Stallone. Il possède, comme lui, cette capacité à afficher en un regard une immense détresse, à traîner comme un fardeau une vie gâchée, reflet d’une carrière d’acteur elle aussi ratée.Une existence gâchéeCar c’est de cela qu’il est question dans Copland : un homme qui avait tout pour lui et qui, à la suite d’un banal accident, gamin, se retrouve avec une oreille en moins et une existence gâchée. Freddy Heflin est la réplique du shérif Tucker, interprété par Henry Fonda dans Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), où il incarnait un homme lâchant son étoile et qui, avec toute la détermination du héros mannien, retrouvait la force de refaire son métier. Le fantôme Stallone, l’acteur comme le personnage qu’il interprète, finit par retourner à la vie. Et sa résurrection a quelque chose d’émouvant.Dans sa maison en préfabriqué, Heflin possède au moins un trésor : une vieille platine stéréo où il écoute des disques 33-tours. Copland donne souvent l’effet d’un vieux 33-tours qui repasserait des airs méconnus : la fin de L’Epreuve de force (1977), de Clint Eastwood, plusieurs scènes sorties du Prince de New York (1981), de Sidney Lumet, une galerie de personnages sortis de l’univers de Scorsese. Faut-il s’imprégner de cette nostalgie ? Et comment ! Copland est l’équivalent d’un disque microsillon enregistré en son mono. On les conserve, on les soigne, et on leur apporte l’attention qu’on doit à un art que l’on croyait disparu.Copland, de James Mangold. Avec Sylvester Stallone, Robert De Niro, Harvey Keitel (EU, 1997, 125 min). Jeudi 19 novembre, 20 h 45, sur Paris PremièreSamuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino Il y aura du théâtre ce soir, le 18 novembre, à Saint-Denis. Jean Bellorini, le directeur du Théâtre Gérard-Philipe, en a décidé ainsi, en accord avec les autorités, après la fin de l’opération policière antiterroriste menée dans la ville le matin. Les deux spectacles prévus, Trissotin ou Les Femmes savantes, de Molière, et M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, sont donc maintenus. « Plus que jamais, déclare Jean Bellorini, il est important que l’on joue, que le théâtre soit joyeux, vivant, accueillant. On a la chance, à Saint-Denis, d’être dans une ville compliquée, donc riche, donc humaine. C’est un acte politique que d’y défendre nos valeurs, en 2015. Nous le faisant ce soir en présentant deux pièces, l’une classique, l’autre contemporaine, qui parlent du monde. » De son côté, Macha Makaïeff, metteure en scène de Trissotin ou les Femmes savantes, a adressé une lettre à la troupe qui joue la pièce de Molière. « Nous jouerons ce soir à Saint-Denis; je sais votre vaillance. Au plus vite, au plus tôt, nous serons sur scène avec Molière plus ardents que jamais. Cette expérience de l’empêchement de ces derniers jours nous confirme la force de notre mission chaque soir dans nos théâtres qui restent ces hauts lieux symboliques et forts de la liberté, de la fiction, de l’intelligence au cœur des villes, et vérifie combien est beau l’exercice de votre art, et nécessaire l’exercice des métiers de la scène. A Saint-Denis comme à Marseille, comme partout en France, les théâtres sont des phares et nous gardent éveillés. Contre le sectarisme, l’obscurantisme, la peur de l’autre.Dans quelques heures, nous nous mettrons en place dans les coulisses du Théâtre Gérard Philipe selon le même rituel immuable, nous ferons la mise avec la même concentration, nous serons ensemble, avec Jean Bellorini à nos côtés, et le public sera venu dans la salle, attentif et heureux, et nous jouerons la comédie. Le théâtre est ce lieu de liberté, de plaisir et de réjouissance irréductible que nous servons. »Trissotin ou Les femmes savantes, de Molière, mise en scène de Macha Makeïeff, du lundi au samedi à 20 heures, dimanche à 15h30, jusqu’au 29 novembre (durée 2h10). M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, mise en scène de Jean Hamado Tiemtoré, à 20h30, jusqu’au samedi 21 novembre, dimanche 22 à 16 heures (durée : 1h10). Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, 59, boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine Saint-Denis). Tél. : 01-48-13-70-00.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale) C’est une œuvre rare, difficile, pratiquement disparue de la scène lyrique si ce n’est en version de concert que présentait, le 23 octobre, l’Opéra du Rhin, qui programmait l’unique opéra de Gabriel Fauré, Pénélope. Encore faut-il un événement comme la célébration du centenaire du Théâtre des Champs-Elysées (lieu de la création parisienne de Pénélope le 9 mai 1913, après Monte-Carlo le 4 mars) pour entendre Anna Caterina Antonacci tenir tête à un rôle écrasant au côté de Roberto Alagna, le 20 juin 2013.L’incarnation de l’impavide épouse d’Ulysse par la mezzo italienne, adonnée aux grands rôles tragiques de l’opéra français, égale-t-elle celle des monstres sacrés dont les noms restent liés au rôle – la créatrice de 1913, Lucienne Bréval, Germaine Lubin à Paris (en 1919 puis en 1943), Régine Crespin dans les années 1960, enfin Jessye Norman en 1980 ? Antonacci possède sans conteste la beauté et l’aura tragique de la première femme fidèle de l’histoire de l’opéra (dès 1640 avec Il Ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi). Face à la brutale avidité des prétendants, à la frivolité débridée des servantes, la guerrière Pénélope s’est mise en travers de son destin de femme. L’engagement de l’artiste force le respect mais la prééminence du rôle et l’étendue de la tessiture sont des écueils incontournables : grave et bas-médium émis en voix de poitrine, aigus aux limites, manquant de brillant et d’aisance.Ramener la partition à la vieS’il ne sera reconnu par sa femme qu’à la toute fin de l’opéra, Ulysse a été d’emblée repéré par son chien (un vrai, auquel il donne une croquette) puis par sa vieille nourrice, Euryclée, interprétée par le contralto compassionnel d’Elodie Méchain. Dans le palais assiégé, les prétendants font rage, emmenés par l’Eurymaque prédateur d’Edwin Crossley-Mercer, l’Antinoüs plus amoureux de Martial Defontaine. Le ténor belge, Marc Laho, pourrait n’être qu’un faire-valoir de l’inflexible reine d’Ithaque. Mais son Ulysse clair et bien projeté navigue assez subtilement entre lassitude de l’errance, volonté de défier ses ennemis et retour aimant. D’or est la diction de Jean-Philippe Lafont en vieux berger Eumée, même si le timbre paraît bien élimé.Le chef d’orchestre Patrick Davin avait pour mission de ramener à la vie cette partition à la fois sensuelle et ascète, dont le long continuum emprunte, sans l’imiter, au récitatif de l’esthétique wagnérienne. Fauré le mélodiste a laissé place à Fauré le symphoniste, dont l’inspiration faiblit parfois – difficile de croire qu’à trois semaines de cette Pénélope, Stravinski fera exploser, sur la même scène parisienne, son Sacre du printemps. Face à un Orchestre symphonique de Mulhouse visiblement aux limites, le chef français limite avec élégance les dégâts.Olivier Py réalisait avec Pénélope le second volet de son diptyque d’opéras français commencé la saison dernière avec Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas. Le fidèle Pierre-André Weitz a construit la masse sombre d’un château monté sur tournette, dont la giration permanente métaphorise à la fois l’attente et la prison de Pénélope. La bonne idée a été de « ramener » à Ithaque le fils d’Ulysse, Télémaque, absent de l’opéra, dont Py a fait un rôle muet. Moins convaincants, les inévitables tics de mise en scène contemporaine que sont la courte figuration du père d’Ulysse (lui aussi absent de l’opéra) sur un lit d’hôpital, les interminables scènes de copulation des prétendants en chemise brune avec les servantes ou la pantomime de tréteaux qui accompagne le récit d’Ulysse, sans parler d’un cheval (de Troie) trottinant dans l’eau saumâtre qui a envahi le plateau. Rien qui doive mettre en doute le sérieux éminent avec lequel Olivier Py a servi Fauré et sa marmoréenne Pénélope.Pénélope, de Gabriel Fauré. Avec Anna Caterina Antonacci, Marc Laho, Elodie Méchain, Sarah Laulan, Jean-Philippe Lafont, Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Bertrand Killy (lumières), Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrick Davin (direction). Opéra national du Rhin, à Strasbourg (67). Le 23 octobre. Reprise à La Filature de Mulhouse (68), le 20 et 22 novembre. Tél. : 03-89-36-28-28. De 38 € à 74 €. Operanationaldurhin.euMarie-Aude Roux (Strasbourg, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Véronique Cauhapé Série sur France 2 à 20 h 55Précisons d’emblée. Oui, ceux qui ont vu la série britannique « Broadchurch » (diffusée en février 2014 sur France 2) connaîtront forcément ce moment d’incrédulité face aux images du premier épisode de « Malaterra », au point qu’ils estimeront n’avoir aucun intérêt à pousser plus loin la découverte de cette « version française » si proche, si ressemblante de la création originale. Excepté, tout de même, que le coupable diffère de l’une à l’autre.Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur, avec Laurent Herbiet, de la série, avoue s’être lui-même interrogé, lorsqu’on lui en fit la proposition, sur l’opportunité de se saisir d’un tel projet. Que pouvait-il apporter de plus à une série fortement identifiée (tant d’un point de vue esthétique que narratif) et d’une qualité indéniable ?Une copie pas conforme de la série britanniqueEtre confronté à une telle contrariété pour un réalisateur qui imprime une forte empreinte sur ses films (Parcours meurtrier d’une mère ordinaire : l’affaire Courjault  ; La Disparition, 3 x Manon) ne relève pas du détail. La curiosité et l’envie de relever cette gageure ont néanmoins fait leur œuvre. « Je me suis finalement dit que réaliser avec mes méthodes une série qui tienne la route m’intéressait. Je voulais savoir, en partant du même matériau, ce que nous étions capables d’apporter à une fiction britannique. »Tournée en Haute-Corse, dans le village de Malaterra, la série française a pour décor la lumière, la mer et la montagne qui s’épousent dans un paysage magnifique tandis que « Broadchurch » avait pour cadre une petite station balnéaire prise dans la grisaille de l’hiver.Là où la série anglaise exhalait une grande mélancolie, la version française, dans le contraste qui s’exerce entre la clarté extérieure et le drame qui s’y joue, donne un relief particulier au récit. En revanche, les réalisateurs ont à juste titre évité le piège qui aurait pu les conduire à introduire dans leur série certaines caractéristiques de ce que l’on nomme « l’identité corse ».« Histoire universelle »Malaterra est traité à l’ordinaire, comme n’importe quel autre village en France. « Je me suis dit, faisons que ce ne soit pas la Corse, souligne Jean-Xavier de Lestrade. Parce que la force de l’histoire est qu’elle est universelle. Le décor devait y tendre également. »L’histoire justement, est celle de Nathan Viviani, 11 ans, retrouvé mort sur une plage. L’assassin se trouve au sein de la petite communauté du village ainsi qu’en est persuadé Thomas Rotman (Simon Abkarian), le capitaine de gendarmerie venu du continent, à l’inverse de sa coéquipière, l’adjudante-chef Marchetti (Constance Dollé), qui, elle, a grandi là. Pourtant, les secrets qui progressivement remontent à la surface vont finir par prouver que, dans ce petit coin de paradis où chacun se connaît, personne ou presque, n’est exempt de tout soupçon. Outre l’énigme et certains thèmes qu’elle véhicule (tels que la culpabilité ou l’inceste), « Malaterra » se débat autour d’une question : comment survivre après la mort d’un enfant ? Une interrogation dans laquelle bataillent séparément et parfois ensemble les parents de la victime. Ils sont aussi, pour les téléspectateurs, les passeurs d’une émotion que les réalisateurs ont souhaité saisir avec la plus grande simplicité.« Malaterra » , de Jean-Xavier de Lestrade et Laurent Herbiet, d’après la série « Broadchurch » créée par Chris Chibnall. Avec Simon Abkarian, Constance Dollé, Louise Monot (Fr., 2015, 8 x 52 min). Mercredi 18 novembre, à 20 h 55, sur France 2Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Le jour de l’attaque du Bataclan, vendredi 13 novembre, ils étaient sept photographes accrédités pour le concert des Eagles of Death Metal. Un concert de plus pour ces spécialistes de musique, qui sont des passionnés autant que des photographes – l’un d’eux, Yann Charles, travaille en amateur, et publie ses photos de façon bénévole pour un webzine.Mais les images qu’ils ont prises ce soir-là, du groupe et du public communiant dans le même plaisir, se remplissent aujourd’hui d’une émotion toute particulière. « Ils sont tous choqués, à des degrés divers, témoigne Bertrand Alary, directeur de l’agence Dalle, qui diffuse plusieurs d’entre eux. Et ils ont chacun une attitude différente face aux images qu’ils ont faites. Moi, je suis leurs instructions à la lettre. »Dans le milieu musical, à part pour les gros concerts aux contraintes particulières, c’est en général la « règle des trois » qui s’applique : les photographes dûment accrédités peuvent travailler seulement pendant les trois premières chansons, histoire de ne pas perturber le spectacle. Le 13 novembre, au Bataclan, les photographes se placent dans le « pit », derrière les barrières, entre la scène et le public – là où ils ont un bon point de vue sur le groupe et les spectateurs.A eux d’éviter les flashs dans les yeux qui gênent les musiciens. « C’est un groupe de rock festif, super-intéressant à photographier, car ils sont super-vivants quand ils jouent », confie l’un d’eux, qui préfère taire son nom. Après trois chansons, des photographes se fondent dans la foule, d’autres décident de partir. « Avec un collègue, on a bu un verre en rangeant le matériel, raconte un photographe. On est tous les deux partis pour éditer nos photos chez nous. Avant, j’ai pris une photo sur mon téléphone, pour montrer l’ambiance, et je l’ai postée sur Facebook. Puis j’ai pris ma voiture, et c’est seulement en passant devant Le Petit Cambodge que j’ai compris que quelque chose de grave se passait. » A l’intérieur, le photographe Manu Wino se trouve au bar quand arrivent les terroristes, mais il est près de la sortie de secours, et réussit à s’enfuir. Un de ses collègues trouvera refuge dans un local technique pendant toute l’attaque. Mais la photographe Marion Ruszniewski, qui travaillait ce jour-là pour le mensuel Rock & Folk, est touchée par une balle dans le ventre. « J’ai pensé à mon ami Rémi Ochlik [tué en Syrie en 2012] et je me suis dit “pas moi” », a-t-elle raconté à l’AFP. Elle fera la morte jusqu’à l’arrivée des secours, et s’en tirera sans complications trop graves. « C’est mon sac à dos de photo qui m’a sauvé la vie », pense-t-elle.« Du mal à regarder mes images »Une fois la frayeur passée, que faire des cartes mémoires pleines d’images innocentes d’un concert qui a viré au carnage ? Les photographes ont tous répondu de façon différente. Marion Ruszniewski a diffusé quelques photos du concert par le biais de l’AFP, et doit publier le reste comme prévu dans le prochain numéro de Rock & Folk.Manu Wino et Julien Mecchi, « par respect pour les victimes », ont, chacun, décidé de distribuer gratuitement les photos du concert sur leur compte Facebook, en demandant qu’il n’en soit pas fait un usage commercial. « Peace, Love & Death Metal », a ajouté Manu Wino sur sa page, en écho au titre du premier album du groupe californien. Dans les images qu’il a prises, on voit nettement des spectateurs sur le côté de la scène. « Au début, je ne voulais rien en faire, a-t-il déclaré à l’hebdomadaire Les Inrockuptibles. Mon sac est resté fermé. Et, petit à petit, on sort du choc, et, en discutant avec des amis, je me suis dit qu’il fallait envoyer des ondes positives. J’ai eu envie qu’on se souvienne des sourires, du rock’n’roll et qu’on était tous là pour faire la fête. »Mais ces clichés de spectateurs qui s’amusent avant la tuerie posent un problème de conscience à quelques photographes. Ils savent que nombre de personnes à l’image sont mortes, et que certaines familles n’ont pas encore identifié leurs proches. « Deux photographes m’ont demandé de retirer les images où on voit le public, parce qu’ils pensent que c’est plus respectueux », explique Bertrand Alary.Sur ce sujet, un photographe, qui préfère taire son nom, confie être « en pleine réflexion ». « Pour l’instant, j’ai encore du mal à regarder mes images. Je ne sais pas si les gens seront choqués de revoir leur famille, ou contents de les voir vivants et souriants après toutes ces photos d’horreur. » L’un d’entre eux semble avoir tranché, en publiant, en double page dans le magazine Paris Match paru lundi 16 novembre, sans donner son nom, une photo cadrée uniquement sur les spectateurs du concert : une image d’insouciance, à la fois joyeuse et terrible.Malgré le choc et les crises d’angoisse, les photographes ne semblent pas découragés de photographier des concerts, y compris au Bataclan. « Parfois, il faut juste faire son job », écrit Julien Mecchi sur Facebook. Et, par mail, Marion Ruszniewski indique : « Je prendrai des photos dès que j’en serai capable. »Lire aussi :Le gouvernement ordonne à Twitter de bloquer la diffusion des photos du carnage dans le BataclanClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin « A la barbarie des terroristes, nous devons opposer l’invincible humanité de la culture… La culture, voilà pourquoi la France se bat aujourd’hui. » François Hollande, à la tribune de l’Unesco, mardi 17 novembre, s’est engagé, mesures à l’appui, devant les délégués de 195 états membres, réunis dans la capitale française pour la conférence générale de l’organisation onusienne, à protéger le patrimoine de l’humanité face aux conflits armés.Prévue depuis quinze jours, l’intervention présidentielle à la tribune de l’Unesco a été maintenue, précise l’Elysée, car elle « prend son sens » à la lueur des évènements . Après l’attaque meurtrière du Bataclan, cette prise de position sur la culture – un mot qui n’avait été prononcé que deux fois par le président lors du Congrès, lundi, à Versailles – tombe à pic.« L’Unesco a choisi d’installer son siège à Paris pour la promotion de la diversité des cultures , rappelle François Hollande. La France est un pays ouvert et le demeurera. Ouvert à tous les arts, à toutes les musiques, à toutes les créations, à tous les publics... Nous ne renoncerons à rien. Paris demeurera la ville des théâtres, des cinémas, des musées, du spectacle vivant. » Dans la foulée, le président de la République rompt le lourd silence de l’Etat sur la destruction du patrimoine syrien, celui de l’antique Palmyre. En septembre, les djihadistes de L’Etat islamique (EI) ont fait exploser les deux temples principaux de la « Perle du désert », après avoir tué l’historien syrien Khaled al Asaad, 82 ans, qui avait œuvré, sa vie durant, à la sauvegarde de ce joyau du Proche Orient .« Les destructions de monuments et de sites archéologiques en Syrie et en Irak ont soulevé une émotion considérable, affirme le président. Et aujourd’hui, je pense à la ville de Palmyre, où l’ancien conservateur a préféré rester, alors qu’il savait le sort qui l’attendait. Il a été décapité par les bourreaux de Daesh, qui ont eux-mêmes commis l’irréparable sur le site. ». En Italie, les drapeaux des musées avaient été mis en berne. Pas en France, ce qui avait provoqué l’indignation des scientifiques, archéologues, conservateurs.Cinquante propositionsFrançois Hollande l’assure, « la préservation du patrimoine de l’humanité est une grande cause, et nous devons coordonner tous nos efforts, mutualiser tous nos moyens pour assurer cette préservation de la mémoire  ». Et d’évoquer ces sites classés de l’Unesco qui sont « des cibles de choix pour ceux qui veulent annihiler la mémoire des peuples ». Dans son élan, le président parle des Bouddhas de Bâmiyân (détruits en Afghanistan), des temples d’Angkor (Cambodge), oubliant que ces derniers n’ont pas été saccagés par les Khmers rouges mais au contraire épargnés.Cette tribune de l’Unesco était, pour le président, l’occasion de dévoiler l’essentiel des cinquante propositions préconisées par la France pour la protection du patrimoine en situation de conflit. Mesures concrètes résultant d’une mission confiée à Jean-Luc Martinez, président du Louvre, le 18 mars , lors d’une visite par M. Hollande du département des antiquités orientales de l’établissement public, le jour même de l’attentat contre le musée du Bardo à Tunis. Trois priorités émergent du rapport de M. Martinez remis à l’Elysée le 9 novembre. En tête, la lutte contre les trafics des biens culturels. « L’organisation terroriste Daesh délivre des permis de fouilles, prévient M. Hollande, prélève des taxes sur des œuvres qui vont ensuite alimenter le marché noir mondial, transitant par des ports francs qui sont des havres pour le recel et le blanchiment, y compris en Europe. »Le contrôle douanier sur l’importation des biens culturels existe déjà. Ajouter au droit français les résolutions du Conseil de sécurité interdisant transport, transit, commerce illégal d’oeuvres d’art, comme le préconise le rapport, ne changera rien. « Il faut harmoniser les législations à l’intérieur même de l’Europe », insiste Jean-Luc Martinez.M. Hollande veut aussi instaurer un droit d’asile pour les œuvres menacées par les terroristes. En les prenant en charge, transport inclus, il s’agirait d’offrir « un asile pour les musées qui souhaiteraient mettre leurs collections à l’abri ». L’Irak, en guerre depuis vingt ans, a été pris de court. En Syrie, Maamoun Abdulkarim, directeur des antiquités, a réussi, lui, à protéger des milliers d’objets, même à Palmyre, où 400 sculptures ont pu être exfiltrées avant l’arrivée de Daesh.Les fouilles sauvages à échelle industrielle font des dégâts irréversibles. Les œuvres exhumées, non documentées, sont écoulées sur le marché illicite. M. Martinez propose d’établir un statut pour les objets saisis dans l’attente d’être rendus à leur pays d’origine, une fois la paix rétablie.Conserver la mémoire des sites, tel est enfin l’objectif visé. Un colossal travail de documentation est à lancer pour réunir les archives, les numériser, dresser une cartographie des sites, reconstituer en 3D les monuments disparus. Un fonds de dotation international pourrait être créé sous l’égide de l’Unesco, suggère M. Hollande. Face à l’urgence de la situation, une somme de bonnes intentions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.11.2015 à 10h42 • Mis à jour le17.11.2015 à 18h12 | Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur Arte à 22 h 35Austerlitz ! Un nom qui résonne comme une promesse narrative. Une victoire napoléonienne aux répercussions continentales, une gare parisienne riche de la fébrilité des départs comme du tourment des adieux, un danseur prodigieux, puisque Frederick Austerlitz est le vrai nom de Fred Astaire…Dans l’ultime roman de W. G.  Sebald (1944­-2001), Austerlitz est également le patronyme réel du jeune Dafid Elias, élevé au pays de Galles par un prédicateur calviniste anglais qui vit cloîtré et mure ses fenêtres de l’intérieur.Un destin broyé par l’HistoireAu terme d’une quête inlassable pour rétablir la vérité de ses origines, Jacques Austerlitz récupère bien plus que son patronyme de naissance, l’acceptation, avec une sereine mélancolie, d’un destin broyé par l’Histoire. Sans révolte, au fil d’une investigation patiente, où les lieux et les images jalonnent la découverte de soi, Sebald n’entend ni dénoncer ni accabler, juste atteindre le cœur d’une souffrance.Par un jeu de confidences à sens unique où le narrateur anonyme mesure, au hasard de leurs retrouvailles, les progrès d’Austerlitz pour renouer avec sa langue d’origine et sa généalogie authentique, l’écrivain superpose les errements géographiques : si le premier contact s’établit dans la gare d’Anvers, les autres rencontres ont lieu à Londres, au bar du Great Eastern Hotel, à Bruxelles, Zeebrugge, Greenwich, Londres encore dans la maison même d’Austerlitz, qui héberge une nuit le narrateur, Paris enfin… Tous deux voyagent beaucoup, mais le héros au passé troué, qui a aussi un temps été frappé d’amnésie, est le seul à révéler son itinéraire, étapes d’une réappropriation qui console seule du désastre de la vie. On imagine la gageure pour le documentariste tchèque Stan Neumann à s’approprier une pareille matière romanesque. Mais n’a-­t-­il pas naguère réussi le tour de force de restituer, dans La langue ne ment pas (2004), le journal du philologue allemand Victor Klemperer ? Avec une confondante intelligence, il propose en fait une adaptation du texte de Sebald, refaisant le parcours d’Austerlitz, sans servilité aucune. Car Stan Neumann est un lecteur et il s’autorise le commentaire, jouant sa propre partition dans un dialogue désormais à trois voix.Implacable vérificateur de la lettre même du roman, il confronte le récit au réel. Identifie des emprunts de Sebald à Marcel Proust, Franz Kafka ou Walter Benjamin, dévoile les tours de passe-­passe de l’écrivain, qui donne à Agata, la mère juive disparue au camp de Terezin, plus de trois ans après avoir confié son enfant à un train parti de Prague pour une destination anglaise susceptible de le sauver, le visage d’une cantatrice morte dix ans plus tôt….MagistralCette fièvre de l’enquête n’est pas fortuite : comme la mère d’Austerlitz, son propre père, Stanislav Neumann, étudiant antifasciste, a connu Terezin et n’a dû qu’à un miracle – on le pensait mort du typhus – de n’être pas fusillé aux derniers jours du cauchemar nazi. Et si, sur la couverture du livre de Sebald, la photo du petit Jacques en page de carnaval a interpellé Neumann, c’est qu’elle joue comme en écho avec celle du jeune Stanislav en Robinson Crusoé. Figure prémonitoire de l’humain abandonné seul et sans repères, à charge d’inventer sa survie. Aussi magistral que le livre de Sebald (disponible chez Actes Sud, « Babel »), cette lecture bouleverse et transporte.Austerlitz, de Stan Neumann (Fr., 2015, 90 min). Mardi 17 novembre, à 22h35, sur Arte.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Martine Delahaye Série sur W9 à 20 h 50Si, de janvier à mars, la série « Empire » a soudain mis le feu à des millions de petits écrans aux Etats-Unis (notamment à la tablette de Michelle Obama), elle aura, bien au contraire, été boudée partout ailleurs dans le monde, au cours des mois passés. Il faut dire qu’en écrivant un soap opera familial du type « Dynastie » ou « Dallas » dans le milieu du rap et du hip-hop, le cinéaste américain Lee Daniels (Precious, Le Majordome) et son coauteur Danny Strong ont usé des ressorts dramatiques les plus éculés… mais l’intrigue, autour d’une famille noire, retient l’intérêt.Ce double jeu entre grosses ficelles et propos de fond se retrouve à tous les niveaux de la série. L’intrigue puise ses ressorts dans Le Roi Lear de Shakespeare, mais met en cause l’image machiste, voire homophobe, que renvoient souvent les rappeurs américains. Pour sa part, le personnage principal féminin, tenu par la formidable Taraji P. Henson, se révèle aussi excessif que jouissif, ses outrances drolatiques n’empêchant pas de proposer un modèle extrêmement fort d’entrepreneure avisée, revendiquant inlassablement ses droits.ExubéranceNombre de personnages relèvent donc de l’archétype le plus brut, mais « Empire » fait preuve d’un ton si joyeux, d’une telle exubérance et d’une telle qualité musicale (sous la houlette de Timbaland, l’un des producteurs américains de rap et de R’n’B les plus en vue) que le plaisir l’emporte. Tout commence par le suspense autour du partage d’un royaume. Lucious Lyon (Terrence Howard), ancienne star du rap aujourd’hui richissime, PDG d’une maison de production, doit décider qui, de ses trois fils, héritera de son empire. A chacun de se montrer à la hauteur de l’enjeu, de prouver qu’il saura faire fructifier cet héritage : le père lance lui-même les étincelles de la discorde. D’autant qu’il parie plutôt sur le potentiel de son plus jeune fils, Hakeem, rappeur de talent mais désespérante tête brûlée, n’attendant rien des deux autres, et surtout pas de Jamal, chanteur-auteur-compositeur homosexuel. Or tout va être bouleversé par la sortie de prison de Cookie, ex-épouse de Lucious et mère des trois garçons.« Empire », série créée par Lee Daniels et Danny Strong. Avec Terrence Howard, Taraji P. Henson, Jussie Smollett, Bryshere Gray, Trai Byers (EU, 2015, 12 x 42min). Mardi 17 novembre, à 20 h 50, sur W9.Martine DelahayeJournaliste au Monde Stéphanie Binet Il ne fanfaronne pas, Didi, ne se sent pas du tout l’étoffe d’un héros. Depuis trois jours, le responsable de la sécurité du Bataclan est sollicité par tous les médias étrangers comme français. Depuis sa sortie, samedi 14 novembre, du 36, quai des Orfèvres où il répondait à la police, son téléphone n’arrête pas de sonner.Tout le week-end, il a décliné les interviews, mais a finalement décidé, lundi 16 novembre, de parler au Monde, en demandant à ne pas être photographié. Pour garder son anonymat, mais aussi par pudeur : « Je suis encore sous le choc, explique cet Algérien de 35 ans, pas vraiment baraqué, mais pratiquant des sports de combat. Je pense aux gens qui sont morts, à ceux qui ont vécu un calvaire pendant deux heures, et à ces personnes qui sont encore entre la vie et la mort. » Il ne dévoilera pas son nom de famille, ni celui de ses cinq agents.Il parle calmement, avec sang-froid. Et veut d’abord rassurer : toute son équipe est en vie, malgré ce qui a été dit à la télé ou écrit ici et là. Et puis, au moment où les salles parisiennes comme Bercy (20 000 places) ou le Zénith (6 000) rouvrent leurs portes, mardi 17 novembre, avec des mesures renforcées (maîtres-chiens, filtrage, effectifs supplémentaires), Didi veut raconter son métier : agent de sécurité dans une salle de concert, « pas soldat, pas membre du GIGN », juste videur. Celui qui accueille le public un peu chahuteur des concerts de rock, de rap ou d’électro. Titulaire d’une licence en administration et gestion des entreprises, Didi travaille au Bataclan depuis 2004, y a vécu des soirées mouvementées, mais jamais comme celle du vendredi 13 novembre.Lire aussi :Au Bataclan, deux heures d’intervention policière sans négociation« Vite, vite, entrez, ça tire »Alors que le concert de Eagles of Death Metal a commencé depuis trente minutes, il est le seul agent présent ce soir-là devant les barrières de sécurité à l’entrée du Bataclan. Il discute avec quelques clients qui fument une cigarette – ce sont le corps de ces fumeurs que les premiers rescapés prendront pour ceux de videurs assassinés. Ses cinq autres employés sont placés dans d’autres endroits stratégiques de la salle.Six agents, avec le responsable de la sécurité, c’est le nombre requis par la production pour ce genre de concert rock, bon enfant, où le public est venu en couple, ou entre amis. Trois agents sont placés sur le devant de la scène. Herman surveille sur la gauche l’accès aux loges et à une première issue de secours. Laurent est placé dans l’espace entre la scène et le public. Ce soir-là, c’est rock’n’roll, et certains spectateurs aiment slamer (se laisser porter par la foule). La production a donc demandé qu’une barrière sépare les musiciens du public pour récupérer les slameurs et les empêcher de monter sur scène. Steve surveille l’accès à la loge côté droit. « JP » est placé dans les toilettes, entre celles des filles et celles des garçons, devant une autre issue de secours. « J’en place toujours un là en cas d’évacuation d’urgence », explique Didi. Noumouké, lui, fait des allers-retours entre la fosse et le hall d’entrée, où se trouvent le vestiaire et la billetterie. Et puis, il y a Manu, employé du Bataclan depuis vingt ans, qui attend toujours les retardataires pour prendre leurs tickets.La routine, et bientôt le cauchemar : « D’un seul coup, j’ai entendu des coups de feu qui venaient du Bataclan Café, à l’extérieur, raconte Didi. J’ai sursauté, regardé vers la terrasse, vu un membre de la production être touché et, là, j’ai compris tout de suite. Je n’ai pas attendu que les tireurs se retrouvent face à moi. Je suis rentré à l’intérieur en hurlant : “Vite, vite, entrez, ça tire.” Ils nous ont visés une première fois, les portes vitrées ont explosé. Avec Manu, sans se concerter, on a couru vers les issues de secours. Lui est allé ouvrir celle à l’étage, moi je suis allé vers les toilettes. »Lire aussi :Le Bataclan, un haut lieu de la culture ciblé de longue date par les islamistes« Il fallait que je montre le chemin »Il envoie à son agent placé devant cette issue une première vague de spectateurs puis retourne dans la salle pour aller ouvrir celle de la loge, à l’extrémité de la fosse. Mais il est trop tard : les trois terroristes ont déjà commencé leur entreprise de mort. Didi plonge au sol dans la foule, à 15 mètres de son objectif. Herman et Steve ont eu le temps de sortir par l’issue de secours de la loge. En faisant le tour du Bataclan, ils viennent aider JP à secourir les premiers blessés. Noumouké est à l’étage avec le régisseur et fait monter des spectateurs par le toit. Laurent s’est réfugié dans la loge, côté droit, avec quatre blessés.Allongé au sol, le responsable de la sécurité essaie de calmer ses voisins paniqués, éteint son talkie-walkie pour ne pas être repéré et écoute avec consternation le discours des terroristes sur « les frères en Syrie » et la « faute de Hollande » : « Je me suis dit : “Mais qu’est-ce qu’ils viennent nous faire chier avec leurs conneries dans un concert de rock ?” En les entendant tirer à bout portant sur les gens, j’ai compris qu’ils allaient exécuter tout le monde. A chaque coup de feu, on avait une chance sur trois d’y passer. Je devais être le seul dans la foule à connaître la sortie de secours. Il fallait que je montre le chemin. » A la première recharge, l’agent de sécurité n’hésite pas : « Je me suis levé, et j’ai crié : “Vite, sortez.” Une masse s’est levée, m’a suivi et, là, ils ont recommencé à nous tirer dessus. » A la sortie, des étudiantes d’une cité universitaire voisine du Bataclan vont l’aider à secourir une trentaine de personnes, dont des blessés.Né en Algérie, arrivé à l’âge de 6 mois en France, Didi n’avait jamais pensé à demander la nationalité française, « se sentant français, même sans les papiers ». Marié depuis peu, il pense aujourd’hui faire la démarche. Quant à son métier, il demande juste, dans la situation de crise actuelle, de pouvoir bénéficier d’une protection de l’armée ou de la police. « Faire face à une attaque terroriste, résume-t-il, cela va bien au-delà de notre mission. Ce n’est pas moi avec ma petite gazeuse qui vais pouvoir arrêter une kalachnikov. »Lire aussi :Les témoignages glaçants des rescapés du BataclanStéphanie BinetJournaliste au Monde 16.11.2015 à 18h21 • Mis à jour le19.11.2015 à 14h43 | Sylvain Siclier  Jeudi 19 novembre, aux façades et sur les sites Internet de la plupart des lieux culturels, du secteur public ou privé, les mots « ouvert » ou « maintenu » sont affichés. Toutefois, quelques spectacles, en particulier en Ile-de-France, sont encore annoncés annulés ou reportés. Selon les cas, ces décisions ont été prises par les artistes et leurs équipes, les responsables des salles et producteurs, les autorités.La Fête des lumières, à Lyon, avec des installations artistiques et illuminations dans l’ensemble de la ville, prévue du 5 au 8 décembre, a été annulée, a annoncé le maire Gérard Collomb, lors d’une conférence de presse, jeudi 19 novembre. « Le 8 décembre, nous appelons tous les lyonnais à illuminer notre ville », a par ailleurs déclaré M. CollombMusiqueLa Red Bull Music Academy, série de spectacles, dont de nombreux concerts, expositions et rencontres dans plusieurs lieux à Paris et en Ile-de-France, depuis le 25 octobre, avait annoncé en début de semaine avoir « suspendu » l’ensemble de ses manifestations « conformément aux recommandations des autorités publiques », jusqu’au jeudi 19 novembre. Dans la matinée de jeudi toutefois d’autres annulations ont été publiées sur le site Internet des organisateurs (soirée rap et funk du 20 novembre à La Gaîté lyrique, Sunn O))) au Yoyo, salle du Palais de Tokyo, Mr Oizo au Rex Club...). Seule, à ce jour, la soirée finale à La Gaîté lyrique serait maintenue, vendredi 27 novembre. Comme leur concert du 18 novembre à L’Olympia celui du duo électro-rock The Shoes prévu vendredi 20 à L’Aéronef, à Lille, a été reporté « en accord avec notre entourage, L’Olympia-Bruno Coquatrix et L’Aéronef de Lille ». Dans un message sur les sites des salles et les réseaux sociaux le duo a indiqué « il est encore trop tôt et nous voulons marquer notre solidarité, par respect pour les victimes et leurs familles ».Après l’annulation des deux premières soirées de la 2e édition du Howl Festival, consacré à la « scène émergente », mardi 17 et mercredi 18 à La Gaîté lyrique, l’ensemble du festival prévu dans plusieurs salles parisiennes, jusqu’au 21 novembre, n’aura finalement pas lieu, a indiqué la structure Live Nation dans un communiqué.La soirée annuelle, depuis 2012, de Radio FG au Grand Palais, prévue jeudi 19 novembre a elle aussi été annulée. Environ 6 000 personnes étaient attendues à cet événement électro avec « le meilleur de la scène DJ internationale et française ».Au Trianon, le groupe rock américain Fidlar a annoncé que son concert du jeudi 19 novembre est reporté. Le producteur Super ! précise, comme c’est généralement le cas pour le report d’un concert à une autre date, que « les billets achetés resteront valables ». Ainsi, pour le concert de Soprano au Zénith, qui n’avait pas eu lieu samedi 14 novembre et avait été annoncé reporté au 26 novembre, dans la même salle « les billets du 14 novembre restent valables » est-il précisé sur le site Internet du Zénith.A l’inverse, plusieurs festivals, bien que sur un modèle de programmation dans diverses salles et villes qui peut compliquer l’organisation en fonction de la multiplication des autorisations des maires, annoncent leur maintien : le So Blues Festival, au Mans et à Coulaines, jusqu’au 21 novembre ; Blues sur Seine, dans plusieurs villes d’Ile-de-France (Bonnières-sur-Seine, Aubergenville, Achères, Rosny-sur-Seine, Mantes-La-Jolie…) jusqu’au 21 novembre ; le festival Jazzycolors dans les centres et instituts culturels étrangers à Paris, jusqu’au 27 novembre ; Africolor, dont beaucoup de lieux sont situés dans des communes de Seine-Saint-Denis (Aulnay-Sous-Bois, Evry, Le Pré-Saint-Gervais, Montreuil, Pantin, Saint-Denis…) jusqu’au 25 décembre.DanseLe spectacle de l’école de danse de l’Opéra national de Paris, prévu, dimanche 22 novembre dans le cadre du Festival de danse de Cannes, a été annoncé annulé par les organisateurs. N’aura pas lieu aussi, la soirée « Come Correct : une célébration de la culture vogue », du jeudi 19 novembre, dans le cadre de la Red Bull Academy, avec Teki Latex, Betty, Kiddy Smile, The Boo… au Folie’s Pigalle.CinémaPlus Fort que les bombes de Joachim Trier avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg, change de nom : le film en compétition au dernier festival de Cannes devient Back Home. Ainsi en a décidé Memento Films pour qui « le titre d’origine, se prêtait mal au contexte actuel. Le film de Joachim Trier est un film nostalgique sur la famille, ce n’est ni un film de guerre ni un film militant sur fond d’attaques terroristes. » Sa date de sortie reste inchangée, fixée au 9 décembre.Le festival de films documentaires Enfances dans le monde, prévu du 19 au 21 novembre au cinéma Les 7 Parnassiens, à Paris, organisé par le Bureau international catholique de l’enfance, a été annoncé reporté à début 2016 et cela en raison de « mesures de sécurité prises par le cinéma et par le rectorat de Paris concernant les publics scolaires (un public important pour cet événement) ».Le distributeur Mars Films a annoncé que la sortie du film Jane Got A Gun, avec Natalie Portman, initialement prévue le 25 novembre, serait décalée à « début 2016 » « suite à la terrible tragédie qui a secoué Paris ». Ce report fait suite à celui du film Made in France, de Nicolas Boukhrief, dont la sortie, prévue le 25, est repoussée aussi à 2016. Enfin, un temps envisagé à une autre date, la sortie du film Taj Mahal, de Nicolas Saada, qui évoque l’attaque de l’hôtel pendant les attentats à Bombay en novembre 2008, a été maintenue au 2 décembre, a indiqué le distributeur Bac Films.Lire aussi :Plusieurs films à venir résonnent avec l’actualité tragiqueLire aussi :Sortie repoussée pour le film « Made in France »Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 26.11.2015 à 02h32 • Mis à jour le26.11.2015 à 07h53 Les Eagles of Death Metal (EODM), le groupe de rock qui jouait le 13 novembre au Bataclan quand une attaque terroriste a tué 89 personnes, a donné sa première interview. Les musiciens du groupe, qui ont tous survécu, se sont confiés à Vice, qui a mis en ligne, mercredi 25 novembre, la longue vidéo issue de deux entretiens.Jesse Hughes, le chanteur et guitariste mais aussi Matt McJunkins, le bassiste, Eden Galindo, le guitariste, Julian Dorio, le batteur, Shawn London, l’ingénieur du son, livrent un témoignage bouleversant. Ils racontent comment, après à peu près une heure de concert, ils ont compris qu’il y avait un problème et réussi à s’enfuir profitant des moments pendant lesquels les assaillants rechargeaient leurs armes.Malgré tout, Jesse Hughes veut absolument revenir à Paris, au Bataclan. Il affirme :« Je suis très impatient de retourner à Paris. Je suis très impatient de jouer. Je veux y retourner. Je veux qu’on soit le premier groupe à jouer à nouveau au Bataclan. Parce que j’y étais quand il est devenu silencieux pendant une minute. Nos amis sont venus pour voir du rock’n’roll et sont morts. Je veux y retourner et vivre ! »Lire aussi :Eagles of Death Metal, un groupe de blues rock « peace and love »Trois membres du groupe, Eden Galindo, Jesse Hughes et Julian Dorio, sont sortis ensemble par une porte latérale. Ils ont quitté la scène pendant une accalmie puis sont partis vers les loges, pour chercher la copine de M. Hughes, Tuesday. Mais, en ouvrant la porte du couloir, le chanteur s’est trouvé en face d’un assaillant : « Il s’est tourné vers moi, a commencé à baisser son arme et son canon a cogné le cadre de la porte. » Hughes a fait immédiatement demi-tour, a couru en bas des escaliers, et le groupe, après avoir retrouvé Tuesday, est sorti du bâtiment par une porte latérale. A ce moment-là, ajoute-t-il, « beaucoup de gens étaient là mais personne ne sortait, ils restaient là. Les gens ne savaient pas quoi faire ». M. Hughes témoigne que « plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s’était caché sous ma veste en cuir ». Il explique d’une voix tremblante. « Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d’autres. »Nick Alexander, un commercial du groupe, a été tuéMatt McJunkins n’a pas fui avec les autres membres du groupe et il savait que, de son côté de la scène, il n’y avait pas de sortie, juste une petite salle. Il explique qu’au début de la fusillade, il a dû se décider : « Si j’avais vraiment envie de traverser la scène ou si je préférais aller dans cette pièce, en espérant que ça aille. » Il s’est finalement réfugié dans la salle en coulisses avec de nombreuses personnes, qui ont immédiatement barricadé la porte avec des chaises. Beaucoup étaient blessées.Julian Dorio, lui, s’est jeté par terre dès qu’il a entendu des coups de feu et s’est faufilé entre ses batteries : « J’ai vu deux mecs là-bas devant, et c’était peut-être la pire chose que j’ai jamais vue, ils tiraient sans relâche sur le public. »Josh Homme – l’un des fondateurs du groupe, qui n’était pas présent à Paris – a participé à un entretien filmé à Los Angeles, avec Jesse Hughes. Il rappelle que le responsable commercial d’EODM, le Britannique Nick Alexander, a été tué pendant l’attaque. En pleurs, le chanteur et guitariste Jesse Hughes explique à quel point ce dernier a été courageux « et n’a pas réclamé de l’aide parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit touché à cause de lui ».De retour aux Etats-Unis après les attentats du 13 novembre, les membres du groupe avaient mis en ligne, mercredi 18 novembre, un texte sur leur page Facebook dans lequel ils annonçaient annuler tous leurs concerts jusqu’à nouvel ordre. Ils se disaient « toujours en train d’essayer de surmonter ce qui s’est passé » et témoignaient de leur soutien et de leur peine envers « les victimes, les fans, les familles et les citoyens de Paris ».Mais les membres d’EODM veulent continuer à jouer. « La musique, c’est ce qu’on fait, c’est notre vie. Et on ne peut pas ne pas continuer », explique M. McJunkins. Et le bassiste, en larmes, d’ajouter : « En écoutant les histoires des gens, on veut pas s’arrêter. Tous ceux qui veulent nous contacter, on est totalement disponibles. » Renaud Machart Aux Etats-Unis, Liliane Montevecchi est une vedette. En France, son pays natal (elle est la fille d’une modiste française et d’un peintre italien), seuls les férus de comédie musicale la connaissent pour ses spectacles de Broadway (Nine, qu’elle a créé en 1982 et pour lequel elle a obtenu un Tony Award) et ses films pour la MGM où elle fut sous contrat au mitan du XXe siècle avant de s’enfuir loin de cet Hollywood qui l’ennuyait.Mais ils la connaissent comme personne : c’est ce dont s’est rendu compte, avec une émotion non feinte, la gouailleuse « Frenchie » qui, sur la scène du Vingtième Théâtre, dimanche 22 novembre, faisait son premier one woman show en France devant une salle (presque pleine : une part des réservations n’avait pas été confirmée en raison des attentats récents) qui lui fit une longue ovation debout avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche.Celle qui débuta avec Roland Petit comme danseuse étoile de sa compagnie, puis fut l’une des solistes des Folies Bergère, n’était revenue se produire à Paris qu’à l’invitation de Jérôme Savary, en 2001, qui lui avait cousu main le spectacle Mistinguett, la dernière revue, à l’Opéra-Comique. Presque quinze ans plus tard, Mlle Montevecchi affiche quatre-vingt-trois années pimpantes au compteur, a toujours le corps de ses douze ans (l’âge auquel elle passa sa première audition de danseuse, à l’Opéra-Comique justement), des gambettes de rêve et une souplesse d’acrobate. Liliane Montevecchi, qui dit souhaiter avoir comme don de la nature celui de pouvoir refleurir, n’en a pas besoin : elle ne s’est décidément jamais fanée.Un frou-frou de divaSon spectacle, Aller-Retour, que Liliane Montevecchi a donné partout aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi à l’occasion en Allemagne, lui donne un peu de fil à retordre, car elle l’interprète pour la première fois en français. Installée à New York depuis des lustres, elle mélange parfois sa langue d’adoption et sa langue natale, surjoue la chose de manière drolatique dans un petit duo avec son partenaire, le pianiste Mathieu Serradell (magnifique toucher et remarquable musicien).Dans la tradition du genre, Mlle Montevecchi (qui avoue avoir été mariée une fois mais n’avoir jamais revu son époux depuis la cérémonie à Las Vegas) raconte sa vie : quelques blagues, des souvenirs cocasses ou coquins, le tout dans un frou-frou de diva qui se la joue mais avec cette heureuse distance que fournit l’autodérision.Beaucoup de chansons parigotes, de songs qui rêvent de Paris. Mais aussi des pages élégiaques dans lesquelles la rigolote révèle une face trop cachée de sa personnalité : Les Feuilles mortes et Ne me quitte pas prennent une vérité criante et sans fard, chantées ainsi, presque dites, dans l’antichambre de l’émotion.Aller-Retour, par Liliane Montevecchi. Avec Mathieu Serradell (piano et accordéon), Paul Rouger (violon), le 22 novembre. Prochaine représentation : le dimanche 29 novembre à 20 h 30 au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90. Tarif : 33 euros. www.vingtiemetheatre.comRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Artistes en mal de reconnaissance, nous voilà ! Tel est le message de Marine Le Pen. A moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, la candidate du Front national en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) s’adresse directement aux artistes dans une lettre ouverte. « C’est la première fois que Marine Le Pen écrit aux gens de la culture. On veut leur dire la chose suivante : ceux qui ont peur de l’arrivée du FN n’ont pas à avoir peur », déclare au Monde Sébastien Chenu, ancien secrétaire national de l’UMP, chargé de la culture, arrivé au FN il y a un an – il est aussi un ancien de « Gay Lib », le cercle de réflexion de la droite sur les questions gays et lesbiennes. Il est présenté comme le futur vice-président de la région chargé de la culture, en cas de la victoire du FN, et nous a transmis la missive de Marine Le Pen.« Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région, l’animation de sa vie culturelle et l’effervescence créative qu’elle doit impulser. Je sais aussi combien la création artistique participe au rayonnement national et même international d’une grande région comme la nôtre, au centre de l’Europe », écrit Marine Le Pen.« Chaque artiste doit être respecté »Suit cette déclaration de principe, qui se veut rassurante : « Aucune forme d’art ne doit, selon moi, être négligée. Chaque artiste doit être respecté et la création sera accompagnée autant que cela est possible. Notre action régionale a vocation à aider les artistes à créer en toute indépendance, en privilégiant la liberté et le talent sur la logique des circuits marchands ».« La mesure phare, annonce la candidate du FN, sera l’implantation de pépinières d’artistes sur tout le territoire de la région. Ces sites que nous concevrons ensemble, seront organisés comme des lieux de vie agréables et des espaces de travail et d’échanges. Chacun d’entre eux constituera un pôle de rayonnement culturel régional ». Ces pépinières concerneraient « tous les domaines de la création » et s’adresseraient à « des artistes de tout âge ». Ces derniers y seraient « accueillis pour plusieurs mois pour y créer en toute liberté, dégagés des soucis matériels : logement, mise à disposition d’atelier ou de studios de création… ».Besoin de communiquer ? Pas de problème… La promotion des œuvres, leur diffusion, leur présentation dans des catalogues seront « gratuitement proposées », jusqu’aux « services d’attachés de presse ». Cerise sur le gâteau, « des expositions des œuvres de ces artistes seront organisées dans la région et à Paris dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ».Une alternative aux FRACLes pépinières sont une alternative aux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Marine Le Pen ne s’en cache pas : « Vous l’avez compris, nous souhaitons rompre avec la logique actuelle des Fonds régionaux d’art contemporain qui encourage selon nous, trop souvent, les circuits commerciaux en oubliant la création artistique proprement dite ». Marine Le Pen prend soin de ne pas cibler la programmation de ces lieux et son côté parfois subversif, comme a pu le faire le FN en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où Marion Maréchal Le Pen est candidate. Elle préfère dénoncer le côté marchand des FRAC, tout en caressant dans le sens du poil les artistes qui s’estiment délaissés : les « sans-lieux », les « sans-relations ». Ainsi Marine Le Pen termine-t-elle son courrier par ce message manuscrit : « Elus, nous serons les relations de ceux qui n’en n’ont pas ».Le message est donc clair, et pourtant beaucoup de choses sont laissées dans l’ombre. Quid de la politique de soutien aux centres dramatiques nationaux, aux scènes nationales, aux compagnies et musées si nombreux dans cette région ? « Marine Le Pen a un vrai projet. Soutenir le patrimoine, valoriser les talents du territoire et lutter contre les déserts territoriaux. Le FN continuera de soutenir les grands opérateurs culturels », répond Sébastien Chenu, sans s’engager sur les budgets. « Nous n’avons pas d’approche comptable, nous allons discuter sur des objectifs ». Il se fait plus précis : « Il ne s’agit pas d’intervenir sur la politique éditoriale, mais il faut qu’on parle un peu du fond », poursuit le « monsieur culture » du FN.Le Front national a ses bêtes noires et les migrants en font partie. « Si un lieu veut faire une exposition sur les migrants, nous ne verserons pas un euro sur cet évènement ». Quant au FRAC Nord-Pas-de-Calais, installé à Dunkerque, il n’a qu’à bien se tenir : « Le FRAC ne peut pas être visité que par des scolaires, lesquels représentent 70 % des visiteurs », assure-t-il. Faux, répond le directeur par intérim du FRAC, le critique d’art Richard Leydier : « En 2014, nous avons reçu 45 714 visiteurs, dont 1 750 scolaires, soit 4 % ». Qu’il le veuille ou non, le FN a déclaré la guerre à l’art contemporain, au nord comme au sud de la France.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.11.2015 à 10h46 • Mis à jour le27.11.2015 à 14h24 | Emmanuelle Jardonnet C’était une surprise, de taille : à quelques jours du lancement de la COP21, le street artiste américain Shepard Fairey est venu à Paris, secrètement, pour ériger une installation inédite et éphémère au cœur de la tour Eiffel. Earth Crisis, œuvre sphérique de 8 mètres de diamètre, a bien été suspendue entre le 1er et le 2e étage du monument, mais elle a été dévoilée un peu en catimini, vendredi 20 novembre. Circonstances obligent, à la suite des attentats du 13novembre et de l’état d’urgence, l’ambiance n’était pas à la fête, et le lancement réduit au strict minimum, au dernier moment, pour des raisons de sécurité.Le style de Shepard « OBEY » Fairey, 45 ans, figure tutélaire du street art, est reconnaissable au premier coup d’œil : des pochoirs léchés, graphiques et rétro, noirs sur fond beige, le plus souvent rehaussés de rouge, voire de bleu, dont l’esthétique reprend des codes de propagande pour mieux les détourner, et accompagnés de messages provocateurs ou simplement humanistes. Dans Earth Crisis, l’artiste entremêle d’harmonieux motifs floraux à la façon des mandalas à des blasons répertoriant des menaces ou des solutions pour l’avenir de la planète.Fragilité des écosystèmesLes enjeux environnementaux sont l’un de ses chevaux de bataille depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs, l’œuvre se présente avant tout comme une synthèse assez solennelle de ses images-clés sur le sujet, car à l’heure de la conférence sur le climat, son propos se veut avant tout pédagogique. Sur une rangée de panneaux jouxtant l’installation, l’artiste accompagne ainsi chaque symbole d’un texte, en français et en anglais, réaffirmant les combats qui lui tiennent à cœur : il y dénonce tour à tour l’emprise des lobbies pétroliers dans le climatoscepticisme, souligne l’importance du développement des énergies renouvelables ou encore la fragilité des écosystèmes. Engagement pour la COP21, solidarité face aux attentats (il a créé une affiche dans la nuit de son arrivée à Paris, téléchargeable gratuitement sur son site), mise en garde contre les dérives potentielles d’un état d’urgence trop prolongé, en tant qu’Américain ayant vécu l’après-11-Septembre et les années W. Bush : le naturel bienveillant et généreux de Shepard Fairey va de pair avec une combativité pour les valeurs qu’il défend. « Le bien commun » avant toute chose, résume-t-il.Campagne de soutien à Barack ObamaRéveiller les consciences, c’est ce que l’artiste cherche à faire depuis sa toute première initiative dans l’espace public, en 1989, alors qu’il était en école d’art : la campagne « Obey Giant », qui a consisté à envahir les murs des villes d’autocollants de propagande parodique où l’injonction « OBEY » (« obéis » en anglais) accompagne les traits du catcheur français André Roussimoff, dit André le Géant. C’est paradoxalement une vraie campagne de soutien politique qui aura rendu l’artiste mondialement célèbre : celle à Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, avec les fameuses affiches-portraits accompagnées des mots HOPE, CHANGE et VOTE.« Ce que je fais consiste essentiellement à tenter de lutter contre l’apathie en matière politique, sociale et environnementale », analyse celui qui se décrit autant comme un artiste que comme un « activiste ». En cela, réaliser une œuvre sur un monument aussi emblématique et « extraordinaire » que la tour Eiffel constituait un « coup » impossible à refuser, dit-il. Derrière ce projet : la galerie parisienne Itinerrance, déjà à l’origine de la Tour 13 ou de la lumineuse résidence Djerbahood.« L’essentiel est toujours de démocratiser l’art »Pour lui, le cloisonnement entre les actions sauvages, les murs ou espaces autorisés, ou encore les expositions, ne se pose pas : « Ma stratégie a toujours été d’avancer à l’intérieur comme à l’extérieur du système : si je ne peux pas réaliser quelque chose d’intègre depuis l’intérieur, j’en sors, mais si je peux faire des choses formidables de l’intérieur, je les fais, bien sûr. Pour moi, l’essentiel est toujours de démocratiser l’art, et de prendre le risque de le faire. »Contrairement à d’autres stars internationales du street art – Banksy, JR, Space Invader… –, Shepard Fairey ne cultive pas l’anonymat. L’artiste, installé à Los Angeles, père de deux filles de 7 et 10 ans, avance à visage découvert et multiplie les casquettes. Sa compagne Amanda, 38 ans, qui l’accompagne à Paris, est aussi sa première partenaire professionnelle dans un écosystème singulier où cohabitent un studio artistique, un studio commercial de création graphique, ainsi qu’une galerie, avec une vingtaine d’employés à la clé. Sans compter sa marque de vêtements, OBEY, structure à part.S’il poursuit ses affichages sauvages en marge de ses activités artistiques officielles, la pratique lui cause régulièrement des ennuis judiciaires – cette année encore, à Detroit. Avec le temps, il privilégie les grandes fresques peintes sur des espaces autorisés. « L’art public a le pouvoir de mobiliser les gens sur le plan émotionnel et intellectuel », analyse-t-il. Ces murs, il en compte désormais près de 60 à travers le monde. Dont un, circulaire et appelé à être nomade, à Paris.« Earth Crisis », au 1er étage de la tour Eiffel, jusqu’au jeudi 26 novembre. itinerrance.fr/hors-les-murs/earth-crisisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier MusiqueLundi 16 novembre, en début d’après-midi, de nouvelles annulations ou reports de concerts et spectaclesk, un peu partout en France, ont été annoncés ou confirmés, alors que les services du ministère de la culture avaient indiqué, dans un communiqué diffusé en fin de journée dimanche 15, la décision de la « réouverture des établissements culturels d’Ile-de-France ce lundi 16 novembre ».Les raisons de ces annulations ou reports sont variées : souhait des artistes et de leurs producteurs, des exploitants de salles, liées à des décisions préfectorales et des maires, ou à des questions de déplacements d’artistes en provenance de l’étranger.Parmi les groupes ou artistes dont les concerts sont annulés lundi 16 novembre, on trouve notamment Mercury Rev à L’Alhambra, Alejandra Ribeira au Café de la danse, Julia Holter au New Morning, Papa Roach à L’Olympia, le concert de la soirée de lundi du festival Jazzycolors organisé dans les centres et instituts culturels parisiens (Lucia Lužinská et Ondrej Krajňák), Vegan Dallas et Super Silent à La Dynamo, à Pantin. D’autres concerts sont annoncés comme reportés, dont ceux de Years and Years au Casino de Paris, Sinclair au Divan du monde, José Gonzalez au Trianon. Sont aussi annulés les concerts de Christophe Willem au Silo, à Marseille, Supertramp au Zénith de Nantes, Charlie Winston à l’Arcadium d’Annecy ou Algiers, à La Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand.Mardi 17 novembre, d’autres soirées, qui avaient un temps été maintenues, sont elles aussi annulées : la soirée pour les 10 ans de la compagnie phonographique Believe avec Youssoupha, Médine, Leck, Seth Gueko, Bugzy Malone... au Trianon, Hiatus Kayote, Holy Oysters et Ishdarr à La Gaîté lyrique (dans le cadre du Howl Festival, dont la soirée du mercredi 18 est également annulée), ainsi que la conférence avec Jean-Michel Jarre prévue à 12 heures (dans le cadre de la Red Bull Music Academy, cette fois), Sonia Wieder Atherton au New Morning (dans le cadre du festival Jazz’n’klezmer), Umbra et Sue Rynhart Duo au Centre culturel irlandais (festival Jazzycolors). Est reporté le concert de Charlie Winston au Transbordeur, à Villeurbanne.Par ailleurs, la tournée européenne de Prince, qui avait été décidée début novembre par le musicien américain sous la forme d’un récital en piano solo dans diverses salles prestigieuses de la musique classique en Europe, a été annoncée comme reportée « en raison des tragiques événements survenus à Paris » par divers producteurs, dont la société Interconcerts pour la partie française. Sans que les places n’aient été mises en vente et avec encore quelques incertitudes sur certaines dates et lieux, elle devait débuter à Vienne le 24 novembre au Konzerthaus et se terminer à Bruxelles le 22 décembre. Deux concerts à l’Opéra Garnier, à Paris, le 11 décembre étaient envisagés. ThéâtreAu Théâtre de La Bastille, la représentation, lundi 16, de Lettres de non-motivation, mis en scène par Vincent Thomasset et présenté dans le cadre du Festival d’automne, est reportée. Ce même jour, au Théâtre national de La Colline, la rencontre avec le metteur en scène polonais Krystian Lupa, prévue à 20h30, est aussi reportée. Au Théâtre de La Cité internationale, les deux spectacles du festival New Settings Le Cauchemar merveileux d’Arthur H et Léonore Mercier et Life and Times, du Nature Theater of Oklahoma sont annulés.Mardi 17, le spectacle Match d’improvisation hommes-femmes à La Cigale est annulé, ainsi que le spectacle du comédien Malik Bentalha à La Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand. CinémaAu Rex Club, l’une des structures du cinéma Le Grand Rex, la soirée musicale d’ouverture du Paris International Fantastic Film Festival, avec les artistes Double Dragon et Perturbator, prévue lundi 16 novembre, a été annulée. La 5e édition du festival et les projections au Grand Rex, du 17 au 22 novembre, sont pour l’heure maintenues.Le festival de films documentaires Enfances dans le monde, prévu du 19 au 21 novembre au cinéma Les 7 Parnassiens, à Paris, organisé par le Bureau international catholique de l’enfance, a été annoncé reporté à début 2016 et celà en raison de « mesures de sécurité prises par le cinéma et par le rectorat de Paris concernant les publics scolaires (un public important pour cet événement) ».Le distributeur Mars Films a annoncé que la sortie du film Jane Got A Gun, avec Natalie Portman, initialement prévue le 25 novembre, serait « suite à la terrible tragédie qui a secoué Paris » décalée à « début 2016 ». Ce report fait suite à celui du film Made in France, de Nicolas Boukhrief, dont la sortie, prevue le 25, est repoussée à l’année prochaine.Lire aussi :Sortie repoussée pour le film « Made in France »Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre C’est la direction du Channel, scène nationale de Calais, qui livre ce témoignage qui en dit long sur l’état de nos peurs. Nous sommes samedi 14 novembre, près de vingt heures après le choc des attentats à Paris. L’équipe du théâtre est sur le pont. La décision a été prise : on ne change rien, le spectacle est maintenu, on joue pour ne pour ne pas céder aux sirènes de la peur. Un peu avant 17 heures, le public arrive donc pour découvrir la pièce sur les enfants soldats, intitulée Le bruit des os qui craquent, à partir de onze ans, mise en scène par Suzanne Lebeau, de la compagnie Tourneboulé – bien nommée, comme on le verra. Des familles entrent, des adultes. Et soudain cet homme, barbu, portant un gros, très gros sac à dos.Qui est cet homme ? L’équipe du théâtre, son directeur en tête, Francis Peduzzi, se sent un peu mal à l’aise. Il ne déteste rien de plus que le contrôle au faciès. Et s’en voudrait de suspecter à tort un simple spectateur. Dilemme : faut-il lui demander d’ouvrir le sac ? Eh bien oui, il va falloir le faire. L’homme accepte. Mais un rapide coup d’oeil ne suffit pas à évacuer les craintes : allez savoir ce qui pourrait se cacher dans un tube, ou dans un simple emballage en carton. Faut-il appeler des experts en déminage ? Les questions se bousculent.Détonation fictiveSurtout que, vu de près, le spectateur est déroutant : c’est une fausse barbe qu’il porte. Un canular ? Non, dit-il, il vient voir jouer sa copine, et veut lui faire une surprise. Sauf qu’il refuse de donner le nom de la comédienne en question. Après tout, c’est sa vie privée. Mais faut-il le croire ? Bon sang, ça devient flippant...Finalement, le spectacle commence. Pour l’heure, le sac à dos reste dans la salle, enfermé dans une poubelle. Ambiance. Et puis sueurs froides : soudain, un bruit à tout casser emplit la salle. On se calme, c’est juste le spectacle. Une détonation fictive. Fous rires (nerveux). Il va falloir tenir comme ça une heure et dix minutes – la durée de la pièce.C’est fini, le sac est rendu à son propriétaire. Lequel s’interroge : mais pourquoi tant de suspicion ? Un peu perplexe, l’équipe du théâtre lui explique : « Vous comprenez, suite aux attentats à Paris...  » « Quels attentats ? », répond le jeune homme. Il n’était pas au courant. L’homme déconnecté existe, le Channel l’a rencontré. Ou alors, c’est un formidable comédien.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Simon Piel Juste avant l’assaut, alors que les policiers étaient dans le bâtiment, l’un des terroristes du Bataclan a transmis un numéro de téléphone portable aux hommes de la brigade de recherche et d’intervention (BRI), l’unité d’intervention de la police judiciaire. Le numéro a aussitôt été transmis au négociateur — celui qui avait parlé avec Amedy Coulibaly lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher. Mais de négociations, il n’y a jamais eu.Les hommes en armes du Bataclan, qui avaient déjà tué à la kalachnikov des dizaines de personnes venues assister au concert du groupe Eagles of Death Metal, ne l’ont jamais envisagé. A peine quelques coups de fil, trois ou quatre, ont été échangés avec la police. A chaque fois, ils ont demandé aux policiers de partir, sans quoi ils allaient continuer à tuer.Vers 22 heures, au début de l’attaque, un policier d’une brigade anticriminalité pénètre dans l’enceinte du Bataclan : il est le premier à constater l’étendue de l’horreur. Au rez-de-chaussée, il tombe nez à nez avec l’un des assaillants. Selon des sources policières et judiciaires, il tire sur le terroriste et la ceinture d’explosifs se déclenche. Est-ce l’assaillant qui a mis lui-même en route l’explosion de la ceinture ou est-ce le tir du policier, voire la chute, qui l’a déclenchée ? L’enquête le déterminera dans les jours qui viennent.Voir l'infographie animée : Comment le Bataclan s'est transformé en piège mortelA l’arrivée des policiers, le silence est effroyableQuand les policiers d’élite arrivent au Bataclan, aux environs de 22 h 15, toujours selon plusieurs sources policières et judiciaires, ils assurent la relève des personnels de la sécurité publique. A l’intérieur du bâtiment, les coups de feu ont cessé, décrit l’un des policiers présents. La situation est tellement confuse que certains croient que les terroristes ont pris la fuite. Equipés de fusils d’assaut, de gilets lourds et de casques à visière blindée, les policiers d’élite de la BRI pénètrent dans la salle de concert. « C’est l’enfer de Dante », raconte l’un des hommes qui sont entrés dans la salle. Plusieurs centaines de corps sont allongés dans la fosse. L’odeur est insoutenable, le silence effroyable.Seules des sonneries de téléphone retentissent. Sans doute des proches, informés du drame, qui tentent de joindre un ami ou un membre de leur famille qu’ils savent au Bataclan. Au sol, il y a des morts et des blessés, mais aussi des personnes qui se sont allongées et qui ont cessé de bouger dans l’espoir que les assaillants les croient morts. Ceux qui peuvent marcher sont invités à se lever et à quitter les lieux. Pendant que le RAID sécurise le rez-de-chaussée, les policiers de la BRI, deux formations d’une vingtaine d’hommes, progressent « en colonne » pour sécuriser les lieux. Il faut enjamber les corps et les douilles. Une chaîne médicale d’urgence est mise en place en bas de l’escalier dans la perspective d’un assaut meurtrier.Des civils cachés dans les faux plafonds, dans les placardsLa première formation de la BRI emprunte l’escalier de gauche, la deuxième celui de droite. Un bouclier de type « Ramsès » protège les policiers. A chaque fois qu’une porte est ouverte, des grappes de civils paniqués s’échappent. Certains se sont cachés dans les faux plafonds, d’autres dans des placards. Il n’y a toujours aucun coup de feu. Au premier étage, une dernière porte sépare les forces de l’ordre des assaillants.Une discussion s’engage, les terroristes donnent un numéro de portable aux policiers. Au téléphone avec le négociateur, les assaillants s’énervent, demandent aux policiers de partir, menacent de décapiter des otages, de les jeter dans le vide du balcon et de se faire exploser. Ils parlent de la Syrie. Devant l’urgence, le préfet de police donne son autorisation pour l’assaut. Il est 0 h 20.Les hommes de la BRI ouvrent la dernière porte qui les sépare des deux terroristes présents à l’étage : elle donne sur un couloir étroit d’une dizaine de mètres de long. Plusieurs civils sont dans ce couloir, au milieu de ce qui s’annonce comme une confrontation entre les kalachnikovs des terroristes et les fusils d’assaut HKG36 de la BRI. A quel moment ont-ils été exfiltrés par les policiers ? L’enquête le dira sans doute dans les jours qui viennent.« C’était l’Hyper Cacher puissance dix »Les policiers lancent une demi-douzaine de grenades. Les premières sont détonantes, pour aveugler. Les secondes, défensives, pour progresser. Les terroristes tirent à feu nourri. De manière cadencée, preuve que le maniement des armes leur est familier. « A ce moment, je me suis dit qu’on allait devoir marcher sur nos collègues en tête de colonnes pour continuer à avancer », raconte l’un des policiers.Une balle de kalachnikov qui ricoche sur le mur gauche du couloir vient se loger dans la main gauche de l’un des policiers. Comme beaucoup d’autres présents au Bataclan, il avait participé à l’assaut contre Amedy Coulibaly. « Mais ce soir, c’était l’Hyper Cacher puissance dix », assure l’un de ses collègues. « Il n’y avait pas d’espace pour circuler et les terroristes s’étaient réfugiés derrière les otages. » Peu après, les policiers voient l’ombre d’un des terroristes s’écrouler — il a sans doute été touché par l’un de leurs tirs. S’ensuit une puissante explosion actionnée par une ceinture bourrée de TATP : elle entraîne la mort du deuxième assaillant. L’assaut a duré trois minutes. Une éternité. Sur le bouclier qui protégeait la colonne d’assaut, plus de trente impacts de balle ont été retrouvés.Lire aussi :Au Bataclan, « une femme crie. Ils l’abattent. »Simon PielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Made in France, le nouveau film de Nicolas Boukhrief, devait sortir mercredi 18 novembre sur les écrans. A la suite des attentats du 13 novembre, et en raison du sujet sensible abordé par le réalisateur français, les milieux intégristes de la banlieue parisienne vus à travers le regard d’un journaliste de culture musulmane infiltrant une cellule djihadiste, son distributeur, Pretty Pictures, a décidé de repousser sa sortie, possiblement en janvier 2016. Dans Made in France, la cellule prévoit un attentat sur les Champs-Elysées, en coordination avec d’autres opérations simultanées dans la capitale. A peu de choses près, le mode opératoire du 13 novembre. « Nous sommes sous le choc, explique James Velaise, le président de Pretty Pictures. L’idée est de faire profil bas. Les salles n’ont fait aucune pression pour retirer le film. C’est une décision que j’ai prise avec les producteurs pour éviter toute provocation. »Une chose est certaine : lorsque Made in France sortira, ce ne sera plus avec son affiche d’origine – une kalachnikov posée à la verticale, accolée à la tour Eiffel, avec comme accroche : « La menace vient de l’intérieur. » – qui avait commencé à apparaître sur les murs du métro parisien le 12 novembre.La déprogrammation de Made in France constitue le dernier avatar d’un film contraint, conçu avec le vent de face, pas vraiment désiré et qui, à la lumière des événements du 13 novembre, possède désormais la force de l’évidence.Idée du scénario après la mort de Khaled KelkalNicolas Boukhrief, qui n’a pas souhaité s’exprimer pour cet article, avait rédigé en 2013 une note d’intention (reproduite dans le dossier de presse du film) à l’intention des différentes structures d’aides pour les convaincre d’investir dans un scénario écrit lors des deux années précédentes. Selon le réalisateur, « les structures de financement public sollicitées ont botté le film en touche dès les premières strates de décision, en trouvant le sujet du film bien trop anecdotique ou marginal ».Finalement, le groupe M6, à travers sa filiale de distribution SND, décide de présider à la destinée du film dont le tournage s’achève en octobre 2014. A la suite des attentats du 7 janvier contre Charlie Hebdo, et de la prise d’otages du 9 janvier au supermarché Hyper Cacher, le groupe M6 décide de se retirer de Made in France. Le film mettra de longs mois avant de trouver, avec Pretty Pictures, un nouveau distributeur.« Après les événements de Charlie Hebdo, explique James Velaise, les gens ont pris peur, et nous avons acheté le film. Nous sommes devenus coproducteurs après réalisation. » Nicolas Boukhrief avait eu l’idée d’un scénario sur le terrorisme après la mort de Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d’attentats commise en France en 1995. Le réalisateur, né d’un père algérien et d’une mère française, se sentait concerné par ces questions avec la légitimité pour les traiter. Les tueries de 2012 à Montauban et Toulouse par Mohamed Merah le convainquent d’aborder la question de l’intégrisme islamiste. « Aujourd’hui, écrit le réalisateur dans sa note d’intention, des jeunes gens accrochent dans leur studio des portraits de Ben Laden ou de Mohamed Merah, comme d’autres mettent sur leurs murs des posters de Michael Jackson ou Justin Bieber. Des voyous continuent de dealer du shit… mais pour la “bonne cause”. Et, surtout, de jeunes imams intégristes s’adaptent à ces nouvelles générations avec une habileté très éloignée des clichés qu’on leur prête. Ces hommes-là n’abordent par leurs proies en les invectivant ou en les menaçant pour les contraindre à vivre selon la charia. Non : ils vont tranquillement jouer au foot avec elles en leur demandant incidemment de “passer à la skeum” (mosquée en verlan). Comme ça, juste pour voir… Alcool, drogue, échec scolaire, télévision, porno, chômage, sentiment de solitude. Ils savent aborder tous les thèmes actuels avec une intelligence discursive et un sens de la manipulation digne des plus grands chefs de secte. Si bien que chacun de leurs nouveaux fidèles vit sa radicalisation non pas comme un embrigadement, mais bien au contraire comme une renaissance. »Anticipation d’un attentat terroristeCe n’est pas la première fois qu’un film, par un effort de documentation et d’enquête rigoureux, anticipe de manière crédible un attentat terroriste. En 1998, Couvre-feu, un film d’action américain d’Edward Zwick, avec Denzel Washington et Bruce Willis, mettait en scène un groupe de terroristes islamistes attaquant le quartier général du FBI à New York, des bus et un théâtre de Broadway. Couvre-feu restait un film à part, passé inaperçu lors de sa sortie, anticipant si bien le chaos du 11-Septembre, qu’il allait connaître une nouvelle carrière après l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center.Dimitri Storoge, qui incarne le leader de la cellule djihadiste du film de Nicolas Boukhrief, avait l’impression durant le tournage que la menace mise en scène par le film était latente, même si, d’évidence secoué par l’actualité récente, il tient à éviter toute récupération. « Le simple fait de réunir ces informations et de les agréger nous faisait dire que la menace était présente. Je suis beaucoup allé sur Internet regarder les sites salafistes. La violence, la détermination, la négation de l’humanité, la facilité dérisoire de l’accès de ses images sont impressionnantes. Mon personnage est un ange de la mort. Il possède cette détermination froide, déshumanisée, totale, absolue. » Précisément celle qui vient de frapper Paris.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Patrick Labesse Vendredi 13 novembre, à Rabat. Commencée deux jours plus tôt, la deuxième édition de Visa for Music, marché professionnel des musiques d’Afrique et du Moyen-Orient, créé l’an dernier, bat son plein. Quelque 1 500 professionnels de la filière des musiques du monde et 300 artistes ont fait le déplacement jusqu’à la capitale du Maroc. Le soir, ils s’éparpillent entre les trois lieux où se déroulent une cinquantaine de showcases (des concerts courts de quarante-cinq minutes environ) sur quatre jours (du 11 au 14 novembre).A 22 h 10 (23 h 10 à Paris), sur les marches du Théâtre national Mohammed-V, c’est la pause entre deux groupes. La cigarette a un goût amer, café et thé ont du mal à passer. Yeux rivés aux écrans des téléphones portables, visages atterrés : la nouvelle des attentats en cours à Paris vient d’arriver. Sonnés, on entre quand même dans la salle pour écouter la musique. Le percussionniste et compositeur tunisien Imed Alibi s’apprête à monter sur scène. Brahim El Mazned, directeur fondateur de Visa for Music, le précède. Il informe le public de ce qui se passe à Paris, évoque des lieux, tels que le Bataclan, et des événements, comme Visa for Music, autant « d’espaces de culture en résistance contre l’obscurantisme ».« Rester debout »« Il faut rester debout et la culture va dans ce sens », plaide en écho, quelques minutes après le début de son concert, Imed Alibi. Samedi 14 novembre, dernier jour de Visa for Music, les attaques terroristes, les questions et les craintes qu’elles suscitent sont au centre de bien des conversations, à Rabat, en fin de matinée. Lilian Goldstein, responsable du pôle Musiques actuelles-jazz de l’action culturelle de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), préconise une action symbolique pour la soirée de clôture.« Cette nuit, j’étais en contact par SMS, avec Alain Paré, directeur du Pan Piper, une salle située dans le 11e arrondissement à Paris, où se déroulait le concert du guitariste et chanteur Moh Kouyaté, qui était à Visa for Music la veille. Les spectateurs étaient bloqués dans la salle. Ils ont pu être évacués très tard dans la nuit, hébétés. » Au-delà du choc, et de la douleur que l’on peut ressentir, « les effets seront lourds pour le spectacle vivant, craint Lilian Goldstein. Quand on entrera dans une salle, il risque d’y avoir pendant longtemps une appréhension qui hantera le public ».« Un acte abject contre la liberté et la culture »Pour Christian Mousset, créateur du festival Musiques métisses à Angoulême (Charente), lui aussi présent à Rabat, le fait que les lieux visés soient des endroits dédiés à la culture et au sport prouve sans ambiguïté qu’au-delà de la France, « c’est une atteinte à la liberté et au plaisir que veulent ces fous furieux totalement incultes. Les vrais musulmans sont terrassés de voir que ces criminels fascistes utilisent une rhétorique religieuse pour justifier leurs crimes et s’attaquer à des lieux de culte du bonheur, du vivre ensemble et du ludique, à des valeurs universelles de diversité et de fraternité. Il faut résister ».« Quelques minutes après avoir appris la nouvelle, je me suis avancé vers la scène, raconte Brahim El Mazned. J’ai informé le public qu’un acte abject contre la liberté, la vie et la culture venait de se passer à Paris, capitale de la diversité et des cultures du monde. J’ai voulu redire que la culture était une résistance et que nous nous devions d’occuper avec elle l’espace public. Je me suis ensuite rendu à la salle Renaissance où un public plus jeune attendait Haoussa, un groupe punk porteur des désirs de la jeunesse marocaine, et j’ai redit la même chose. » Aucun endroit sur la terre n’est épargné, conclut le directeur de Visa for Music : « Nous allons continuer notre combat contre les seuls ennemis que nous ayons : l’ignorance et l’obscurantisme. »Patrick LabesseJournaliste au Monde Pauline Croquet et Damien Leloup Les Eagles of Death Metal, qui jouaient vendredi 13 novembre au Bataclan lorsque plusieurs hommes armés sont entrés dans la salle de concert bondée, ne sont pas un groupe de death metal, contrairement à ce que leur nom indique. Mais la communauté française des fans de hard rock s’est sentie particulièrement visée par le carnage ayant tué des dizaines de personnes, la plus meurtrière des six attaques qui ont frappé Paris ce 13 novembre.Lire aussi :Attaques à Paris : le point sur l’enquête et le déroulé des attaquesD’abord parce que le groupe, proche artistiquement de Queens of the Stone Age ou des Foo Fighters et mené par l’emblématique Josh Homme, est connu des amateurs de grosses guitares californiennes. Aussi parce que la salle visée, le Bataclan, accueille régulièrement des concerts de metal. « J’étais au Bataclan vendredi dernier pour Children of Bodom aussi, le Bataclan est la salle de concerts où je vais le plus, comme vous tous, cette salle représente pour moi beaucoup de bons moments partagés avec vous et la famille du metal en général », explique un internaute sur le forum du Hellfest, le gigantesque festival metal organisé chaque année à Clisson (Loire-Atlantique).Un sentiment renforcé par le message de revendication publié par l’organisation Etat islamique, samedi 14 novembre, qui explique que les terroristes ont visé le Bataclan parce que s’y déroulait un concert « d’idolâtres » réunis dans « la perversité » — des qualificatifs souvent associés par les extrémistes religieux à la musique metal.La chape de plomb qui est tombée sur La Cigale était impressionnante. Pensées pour nos amis au Bataclan.— christopheconte (@Christophe Conte)require(["twitter/widgets"]);Alors que les terroristes pénétraient dans la salle du Bataclan, la rumeur de l’attaque commençait à se répandre parmi le public à La Cigale, une salle de concert du quartier de Pigalle, où se produisaient quatre groupes pour le festival des Inrocks. Le concert de Fat White Family a été interrompu aux alentours de 22 h 30, et depuis l’ensemble des dates parisiennes du festival ont été annulées. Dans le public des Inrocks, on sortait son téléphone pour rassurer ses proches et prendre des nouvelles sur les réseaux sociaux. Manifester sa solidarité. « Je suis rentrée à la maison aussi vite que j’ai pu. Le monde est devenu fou », raconte une festivalière sur Instagram.Concerts annulésFace aux événements et à l’interdiction des manifestations publiques à Paris et en région parisienne, plusieurs groupes de rock ont annulé des concerts prévus. A commencer par U2, qui devait se produire ce samedi à Paris-Bercy, mais aussi Motörhead, qui devait passer au Zénith dimanche, et les Foo Fighters lundi. Un concert prévu lundi soir de Marilyn Manson, dont les textes antireligieux lui ont déjà valu à de nombreuses reprises des menaces aux Etats-Unis, n’a par contre pas été annulé officiellement. Sur les forums et les réseaux sociaux, les amateurs de metal et de hard rock sont nombreux à dire leur intention de se rendre dès que possible à de nouveaux concerts.« Ç’aurait pu être nous, là-dedans… Concert de black metal ce soir en café-concert, on y sera quand même ! Ça fera du bien de retrouver une communauté soudée dans cette douleur, d’écouter de la musique même si tout le monde ne va parler que de ça », explique un internaute sur le forum du Hellfest. « Avec des potes, on a nos billets pour Nightwish à Bercy le 25 et j’avoue qu’hier je me suis posé la question de savoir s’il fallait qu’on y aille ou pas. Ce matin, je me dis qu’au contraire il faut qu’on y aille », lui répond un autre.« Je vois que certains ont cité Refuse/Resist [titre connu du groupe Sepultura évoquant la lutte contre la dictature et l’extrémisme], depuis hier je l’écoute en boucle, témoigne un internaute. Je trouve son message particulièrement d’actualité : refus de la terreur qu’ils veulent nous imposer, résistance et solidarité face à la haine et la violence. Cette résistance implique surtout de ne pas rentrer dans leur jeu, de ne pas céder à la peur, continuer à vivre et de ne pas nous monter les uns contre les autres. »Pauline CroquetJournaliste au MondeDamien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Claire Guillot Daido Moriyama, galerie Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier C’est la nouveauté à ne pas manquer à Paris Photo cette année : le secteur Prismes, réservé aux œuvres monumentales, et qui donne à cette partie de la foire des allures de musée. Parmi les belles séries à admirer en haut de l’escalier, un travail historique qui connaît une seconde vie : Farewell Photography, du Japonais Daido Moriyama. Cet ensemble de photographies prises par le Japonais pour « dire adieu » à la belle photographie telle qu’il l’avait apprise, avait débouché sur un livre sans aucun succès mais à la postérité retentissante. Dans un geste radical, le photographe avait brûlé ses négatifs, sauf une trentaine. Une cinquantaine d’autres ont été retrouvés chez l’éditeur du livre, qui ont permis à l’artiste de faire une nouvelle édition de ce travail, sur un mur fait de 80 images brutes et brutales : passants, paysages, écrans ou affiches, saisis dans des photos volontairement abîmées, illisibles ou trop noires, dans des cadrages accidentés ou qui laissent voir le film.Galeries Akio Nagasawa et Jean-Kenta Gauthier, stand SH6 (secteur Prismes, en haut de l’escalier).Emmanuelle Fructus, galerie Le Réverbère Parmi les artistes qui travaillent à partir des images d’amateurs, Emmanuelle Fructus a choisi une voie originale, qui lui fait découper et ranger dans un classement savant des centaines de petits personnages sortis du passé. Chaque groupe occupe une case, et des milliers de gens se trouvent ainsi dressés, mamie, enfant, homme à casquette, femme en costume sombre... Ordonnée par couleur, du noir au gris pâle, cette intrigante galerie de personnages, qui posent ensemble d’un air bravache comme dans un studio, raconte une infinité d’histoires - celles que voudront bien leur prêter les spectateurs.Galerie le Réverbère (Lyon), stand D4.Guy Bourdin, galerie Alexander Le grand photographe Guy Bourdin, célèbre pour ses publicités et ses photos de mode sensuelles aux couleurs vénéneuses publiées dans Vogue, n’a laissé que très peu de tirages – son travail était destiné à être publié dans la presse. La galerie Louise Alexander n’en dédie pas moins un stand entier au photographe, qui est intéressant car il marie des polaroïds noir et blanc d’époque, venus des archives de l’artistes, et des tirages couleurs posthumes : Guy Bourdin a réalisé les premiers pour les utiliser dans des photos couleurs. A cela s’ajoutent, juste pour le plaisir des yeux car ils ne sont pas à vendre, des tirages noir et blanc abstraits, d’époque, du Guy Bourdin d’avant la mode. Galerie Louise Alexander (Londres), stand A2.Edward S. Curtis, galerie Bruce Kapson Le photographe Edward S. Curtis a marqué l’histoire de la photographie par ses portraits d’Indiens d’Amérique, qu’il a voulu immortaliser en majesté, au début du XXe siècle, alors que déjà leurs tribus étaient décimées et leurs traditions en voie de perdition. Quitte à verser dans le folklore et à oublier la réalité de leurs conditions de vie de l’époque... Il en reste aujourd’hui de beaux tirages, de toutes sortes, car ce grand tireur aimait expérimenter avec les techniques photographiques (cyanotypes, virages au platine ou à l’or...). Il a aussi laissé un livre de luxe en vingt volumes, The North American Indian, devenu quasiment introuvable. La galerie Louise Alexander propose des tirages d’époque mais aussi les plaques de cuivre très finement gravées qui ont servi à Edward Curtis pour faire son livre – pas une œuvre en soi, mais un document de prix.Galerie Bruce Kapson (Los Angeles), stand C44.Adrian Sauer, galerie Klemm’s Peu de photographie conceptuelle à Paris Photo cette année, à l’exception notable d’Adrian Sauer, auquel la galerie Klemm’s consacre son stand. L’artiste allemand explore les dessous et décompose les pratiques de l’image et de la représentation. En particulier dans cette série pleine d’humour où on le voit imiter cette tradition internet du « unboxing » ou déballage , vidéos à succès sur Youtube où l’on voit juste des mains filmées en train de déballer des achats). Sauf que là, il s’agit d’un DVD de photoshop, le logiciel de retouche d’images... qu’il n’est désormais plus possible d’acheter que sous forme de téléchargement. Et Adrian Sauer de donner à voir, avec un phénomène propre à l’ère numérique, la dématérialisation en marche.Galerie Klemm’s, stand B13.Lire aussi :La photographie, un multiple bien singulierZorro, galerie Lumière des roses Un inconnu se déguise, seul devant son appareil photo. Des cuissardes, un fouet, un bonnet et un short. Parfois devant une affiche de Zorro, qui arbore à l’époque les mêmes bottes et le même fouet. A un certain moment il demande à une femme – sa mère probablement – de prendre le relais, et c’est elle qui pose, dans le même accoutrement, sauf qu’elle se marre, alors que lui reste toujours sérieux. Comme il se livre à ce drôle de jeu pendant près de quarante ans, on voit la photo évoluer en même temps qu’il vieillit : voilà qu’arrive le photomaton, puis la couleur. Et à la fin, à la toute fin, il ne se met même plus en scène : ne restent dans l’image que ses cuissardes et son fouet. Ces images, fruit d’une drôle d’obession personnelle, réunies dans une simple enveloppe, auraient dû disparaître en même temps que leur auteur anonyme. Elles ont été trouvées par le galeriste Philippe Jacquier, qui les vend sur son stand et leur a consacré un livre.Galerie Lumière des roses, stand A16.Raphaël Dallaporta, galerie Jean-Kenta Gauthier On dirait un ciel de nuages, découpés en 48 petits morceaux, qui font un mur pommelé et bleuté dans lequel le regard plonge. En réalité, il s’agit d’une fonction mathématique. Le photographe Raphaël Dallaporta, qui aime à collaborer avec des scientifiques, s’est associé à un mathématicien pour générer des formes à partir d’une fonction appelée covariance. Pour chaque image, seul un paramètre de la fonction varie, aboutissant à des points plus ou moins foncés. Une image inexistante pour des nuages évanescents... et réalisée en mélangeant deux procédés anciens, le cyanotype et le platine. De quoi faire fonctionner le cerveau sans priver l’oeil de son plaisir.Stand Amana, EE24.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Tête d’affiche, jeudi 12 novembre, de la deuxième soirée parisienne du festival Les Inrocks Philips, Odezenne n’a pas fait le plein de La Cigale. Mais la ferveur des fans a tout de même joliment lancé la sortie, le lendemain, du troisième album – Dolziger Str. 2 – de ce groupe bordelais, formé par les chanteurs Jacques (dit Jaco) Cormary et Alix Caillet, et par le metteur en sons Mattia Lucchini (complété sur scène d’un batteur).Cette complicité entre un public et une formation à l’indépendance farouche, sur fond de rimes rap sorties des clichés hip-hop et d’instrumentation entremêlant samples, jeu de claviers, boucles electro et guitare rock, pourra rappeler les souvenirs récents du phénomène Fauve. Mais loin du lyrisme écorché des Parisiens, faisant référence au romantisme à vif de Cyril Collard, la gouaille accablée d’Odezenne observe le monde avec le réalisme morne d’un Houellebecq qui tenterait de faire danser son pessimisme.Comme d’autres, ces anciens rockers au look d’étudiants en rupture de fac ont compris que les scansions pouvaient s’adapter à tous les environnements. A la fois supports de la description et de l’introspection, chemin le plus direct vers le premier degré comme vers l’audace poétique, les rimes du rap posent des décors, des ambiances, montent à cru ou filent la métaphore.Entre provocation potache et ambition artyLes chansons d’Odezenne posent souvent leurs textes entre deux chaises, celles de la provocation potache et de l’ambition arty, quelque part entre les lourdeurs des Svinkels et l’intensité visionnaire de Diabologum. Les mots de Rien, Bouche à lèvres, Souffle le vent ou On naît on vit on meurt ne sont pas vecteurs d’ego trip ou de vantardises, mais de balades dans un quotidien plombé par le désœuvrement, le désarroi sexuel, la conscience du dérisoire.Au pied du muret de synthétiseurs vintage pilotés par Mattia, Jaco et Alix jouent de leurs allures de branleurs pris au saut du lit, dansent comme des fêtards en plein décalage horaire. Leur ritournelle très sexe, Je veux te baiser (1 million de vues sur YouTube), est reprise en chœur par La Cigale (les filles chantant plus fort que les garçons). Mais derrière l’haleine des lendemains de cuite, s’échappent aussi la force d’une autonomie artistique et des moments de désespoir d’autant plus touchants que les paysages musicaux, dessinés par Mattia Lucchini, palpitent d’une excitante variété de mélodies et pulsations urbaines, soulignant plus les émotions que la déconnade.Dolziger Str. 2, de Odezenne, 1 CD Tôt ou Tard. www.odezenne.comConcerts : le 13 novembre, à Rennes ; le 14, à Orléans ; le 18, à Rouen ; le 19, à Bruxelles ; le 21 à Tourcoing ; le 27, à Nantes (complet) ; le 3 décembre, à Strasbourg ; le 9, à Clermont-Ferrand ; le 10, à Toulouse ; le 11, à Montpellier ; le 12 à Marseille.Stéphane DavetJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.11.2015 à 06h37 • Mis à jour le13.11.2015 à 07h27 De la plus grande foire à l’image fixe au festival Les Inrocks, en passant par un spectacle de derviches tourneurs, les idées de sorties proposées par le service Culture du Monde.PHOTOGRAPHIE. La foire Paris Photo fait des petits La plus grande foire réservée à l’image fixe est de retour au Grand Palais, avec ses galeries, ses images, ses signatures, ses conférences, et une nouveauté qui vaut le détour : la section « Prismes » consacrée aux photos grand format et aux séries, qui donne à voir des œuvres spectaculaires. Ainsi, un ensemble de près de 2 000 Polaroid de la série Flower Love de Nobuyoshi Araki, ou les portraits terribles en noir et blanc de la génération SIDA réalisés dans les années 1980 par Rosalind Solomon. Mais il y a aussi des pépites à trouver dans toutes les foires « off » qui pullulent : des livres à Polycopies et Off Print, de la photo documentaire à Photodoc, des photos et des appareils de toutes sortes à Fotofever… Claire GuillotParis Photo, Grand Palais, du 12 au 15 novembre. 30 et 15 €.PATRIMOINE. Louis XIV et ses spectaculaires funérailles, au château de Versailles Trois siècles après la mort du Roi-Soleil, le château, que Louis XIV a bâti à sa mesure, met en scène le grand théâtre de la mort organisé il y a trois siècles, au lendemain de son décès, le 1er septembre 1715. Des pompes funèbres qui se prolongèrent plus de deux mois en la basilique de Saint-Denis. Sont reconstitués la spectaculaire chapelle ardente et le catafalque immaculé, dressés dans la nef. Ce décor éphémère fut imaginé et construit par l’atelier des Menus Plaisirs du roi, chargé de la mise en scène des fêtes données à Versailles. Des manuscrits inédits sont montrés dans l’exposition, notamment le testament du roi et les rares vestiges rescapés de la Révolution française. La plaque en cuivre qui identifiait son cercueil – profané en 1793 et jeté dans la fosse commune – fut retrouvée, transformée en casserole, dans une auberge. On apprend que ces festivités funestes étaient une mode européenne très courue, documents à l’appui, de Madrid à Mexico. Un faste auquel eurent droit Napoléon, Voltaire, Victor Hugo, Félix Faure ou encore Sadi Carnot comme le montre le monumental rouleau peint oublié dans les réserves du château. Florence Evin« Le roi est mort », jusqu’au 1er janvier 2016, château de Versailles (Yvelines) tous les jours de 9 heures à 17 h 30, sauf le lundi. De 13 à 15 euros. chateaudeversailles.frMUSIQUE. Le concert « silencieux » de Nicolas Frize, à Pierrefitte-sur-Seine Accueilli en résidence en mars 2014 sur le site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), Nicolas Frize, qui fut l’élève de Pierre Schaeffer et le maître de Fred Chichin, des Rita Mitsouko, clôt ce parcours artistique séquano-dionysien par un concert intitulé Silencieusement, avec l’association Les Musiques de la Boulangère. Composition « en six mouvements et six lieux », cette performance musicale promènera le public de la salle de lecture à la mezzanine du hall principal (avec musiciens perchés sur une structure de boîtes d’archives), en passant par l’auditorium, la terrasse ou encore le bassin. Laurent CarpentierArchives nationales, 59, rue Guynemer, Pierrefitte-sur-Seine (M° Saint-Denis-Université). Jusqu’au 16 novembre, à 20 h sauf le samedi à 18 h et le dimanche à 15 heures et 18 heures. Entrée gratuite sur réservation (01 48 20 12 50).CIRQUE. Jamie Adkins nous donne des ailes, aux Bouffes-ParisiensL’artiste canadien Jamie Adkins, considéré comme l’un des meilleurs clowns, jongleurs et acrobates de sa génération, est de retour aux Bouffes-Parisiens, jusqu’ au 3 janvier 2016. Son spectacle, Circus Incognitus, déjà présenté en 2012 au Théâtre de la Cité internationale à Paris, est un petit bijou de fraîcheur burlesque. Jamie Adkins est un clown. Un vrai, un virtuose, de grande classe. C’est-à-dire quelqu’un capable de vous faire rire avec des riens. Il y a du Buster Keaton chez cet homme-là, mais ce qui est plus drôle, c’est qu’il dit avoir été influencé par le grand burlesque américain… via Bugs Bunny. Son Circus Incognitus libère un rire pur et franc, qui donne des ailes : plutôt bon à prendre, par les temps qui courent. Fabienne DargeBouffes-Parisiens, 4, rue Monsigny, Paris 2e. Samedi à 19 heures et dimanche à 17 h 30. Jusqu’au 3 janvier 2016. Réservations : 01 42 96 92 42.www.bouffesparisiens.com et www.jamieadkins.com.EXPOSITION. Créations d’artistes et mots d’auteurs sur le monde tel qu’il va, à la Bastille L’écologie, les discriminations, les migrants… tels sont quelques-uns des thèmes d’actualité évoqués à travers des œuvres d’artistes réunies dans l’exposition intitulée « Chroniques », présentée jusqu’au 15 novembre au Bastille Design Center, à Paris, à l’initiative de Jean-Charles Troutot dans le cadre de la manifestation Artistes à la Bastille. Chaque plasticien a travaillé en relation étroite avec un écrivain, poète, journaliste, dont les textes seront montrés en regard des 70 réalisations exposées. Le visiteur sera accueilli par une installation collective, une cage en bambou remplie de journaux froissés et surmontée de trois singes détournés de la maxime chinoise qui affirme que « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, assure bonheur et tranquillité ». Il s’agit au contraire, avec cette exposition, de témoigner des secousses du monde et d’inviter à réagir. Sylvie KervielBastille Design Center, 74, bd Richard-Lenoir, Paris 11e. Jusqu’au 15 novembre. Entrée libre.MUSIQUE. Festival Les InrocksPoursuivant son rythme itinérant dans plusieurs villes de province jusqu’au 17 novembre, la 28e édition du festival Les Inrocks connaîtra son apothéose parisienne, le dimanche 15 novembre, à la Cigale. Parmi un plateau de cinq artistes, figureront deux des plus passionnants chanteurs du moment. L’un n’est pas une révélation puisque, en 2010, l’Américain John Grant avait publié un premier album solo, Queen of Denmark, considéré à l’époque comme l’un des disques de l’année. Cet imposant barbu au baryton de première classe vient de publier un troisième opus, Grey Tickles, Black Pressure, abritant sous le même toit ballades grandioses et bizarreries électroniques, rock romantique et vacheries funk. Autre merveille du soir, C Duncan vient de faire sensation avec un coup d’essai, Architect, qui se révèle un coup de maître. Bricoleur de home studio formé à la musique classique, ce jeune Ecossais y superpose avec grâce des harmonies chorales qu’on croirait enregistrées sous la nef désertée d’une cathédrale. Stéphane DavetFestival Les Inrocks avec John Grant, Flo Morrissey, Max Jury, C Duncan, Barns Courtney, le 15 novembre, à la Cigale, 120, boulevard de Rochechouart, Paris 18e. Tél. : 01 49 25 89 99. 17 h 30. 30,50 euros.SPECTACLE. « White Spirit » : derviches graffés et street art tourneurOn avait découvert Shoof (Hosni Hertelli) à « Djerbahood », résidence estivale de street artistes de tous horizons invités par la galerie parisienne Itinerrance à investir les rues d’un village traditionnel de Djerba, à l’été 2014. Avec une concentration proche de la transe, l’artiste tunisien y avait notamment recouvert de calligraphie arabe abstraite des dômes typiques de l’architecture des habitations de l’île. On le retrouve cet automne au Musée du Quai Branly dans ce même élan circulaire pour une collaboration audacieuse, où son travail fait écho autant qu’il sert d’écrin aux musiciens, chanteurs et derviches tourneurs de confréries soufies de Damas. Leurs univers se déploient en parallèle, avant de se mêler dans un ensemble hypnotique et luminescent. Un conseil : s’asseoir assez haut dans la salle pour une vision plus étourdissante. Emmanuelle Jardonnet« White Spirit » au Musée du Quai Branly. Derniers jours : vendredi 13 et samedi 14 novembre à 20 heures, dimanche 15 novembre à 17 heures. 20 € (plein tarif)/15 € (tarif réduit) Le billet donne accès aux expositions en mezzanine, et aux collections du musée le jour du spectacle. Une création en collaboration avec la galerie Itinerrance. Marie-Aude Roux Une déclaration de guerre un jour d’armistice ? C’est ce que pouvaient laisser accroire les deux dépêches publiées concomitamment par l’AFP, mercredi 11 novembre, annonçant l’entrée de deux personnalités artistiques, novices mais notoires, dans le monde de l’opéra. La première, qui émane de l’Opéra-Comique, concerne le metteur en scène de théâtre, Thomas Jolly, qui fera en février 2017, avec Fantasio, d’Offenbach, la réouverture de la Salle Favart, actuellement fermée pour deux ans de travaux. L’autre révèle que le réalisateur Bertrand Bonello devrait monter le Don Carlo, de Verdi, à l’Opéra de Paris, en octobre 2017.Le metteur en scène de Henry VI contre celui de Saint Laurent ? Rien de suspect a priori. Depuis qu’il s’est ouvert au concept de mise en scène au début du XXe siècle, l’opéra a attiré les cinéastes, d’abord comme réalisateur de films d’opéra puis in scena, de Luchino Visconti à Franco Zeffirelli, en passant par Atom Egoyan, Robert Altman, Michael Haneke, Christophe Honoré ou Benoît Jacquot. De même pour les metteurs en scène de théâtre, dont il constitue aujourd’hui un paragraphe quasi obligé dans le curriculum vitae. De Giorgio Strehler à Frank Castorf, de Patrice Chéreau à Romeo Castellucci, de Robert Wilson à Dmitri Tcherniakov, même les plus réticents sacrifient à la scène lyrique.Deux ouvertures de saison pour JollyRien d’étonnant donc à ce que les noms de Bertrand Bonello et de Thomas Jolly s’ajoutent au catalogue. A ceci près : ce dernier sera, en effet, tête de liste, à quelques semaines de distance, de deux ouvertures de saison. En amont de l’Opéra-Comique, Jolly est programmé à l’Opéra de Paris dans Eliogabalo, de Cavalli, en 2016-2017 (la saison sera officiellement annoncée le 2 février 2016).Le nouveau patron de l’Opéra-Comique, Olivier Mantei, aurait sans doute aimé rouvrir sa salle en se targuant de la première mise en scène lyrique du sieur Jolly. Mais il s’est fait griller la politesse par l’Opéra de Paris et son ancien boss aux Bouffes du Nord dans les années 2000, Stéphane Lissner. Mantei a, en effet, proposé Fantasio au jeune metteur en scène français dès l’automne 2014 alors qu’il n’était pas encore l’heureux récipiendaire des Molières d’avril 2015 pour Henry VI, de Shakespeare. Avec lui, il entend mener un travail artistique à long terme, dont le coup d’envoi aura lieu le 3 décembre prochain lors d’une première séance ouverte au public (sur réservation) avec Thomas Jolly et la mezzo Marianne Crebassa. La chanteuse assurera le rôle-titre de l’opéra tiré de la pièce éponyme de Musset, dont elle a fait une prise de rôle magistrale, il y a quelques mois, à Montpellier (dans la version de concert proposée le 18 juillet par le Festival de Radio France et Montpellier).Lire aussi :Thomas Jolly et le roi boiteuxA l’époque, Eliogabalo était encore entre les mains d’un autre Thomas : Ostermeier. Mais l’Allemand a déclaré forfait fin 2014 pour des raisons de temps de travail insuffisant (certains metteurs en scène de théâtre s’accommodent mal du temps de répétition deux fois plus court à l’opéra qu’au théâtre, cinq à six semaines contre deux à trois mois – ce contre quoi entend précisément lutter l’Opéra-Comique). Lissner a alors pensé au jeune Jolly, avec lequel contact a été pris au printemps 2015. On imagine sans mal la tension des rapports entre les deux institutions. « Il y a eu pas mal de discussions, reconnaît Olivier Mantei. Mais ce qui compte est que les deux projets aient été validés et maintenus. » Cela promet, en tout cas, un baptême en forme de feu d’artifice pour Thomas Jolly, qui enchaînera un opéra baroque vénitien au Palais Garnier et un opéra-comique français à la Salle Favart. Un film sur le chœur de l’Opéra pour BonelloLe cinéaste Bertrand Bonello, lui, n’est pour l’instant en pourparlers qu’avec l’Opéra de Paris. Au point de vendre la peau de l’ours ? L’annonce semble un tantinet prématurée à Stéphane Lissner. « Rien n’est encore acté et nous en sommes au travail préparatoire, qui doit se poursuivre, avec notre directeur musical, Philippe Jordan, dès la semaine prochaine, signale, en effet, le directeur de l’Opéra de Paris, quelque peu surpris par les propos de Katia Wyszkop, la décoratrice de Bonello pour Saint Laurent, rapportés par l’AFP. Mais Bertrand est très intéressé par l’opéra, où sa mère l’emmenait, à Nice, quand il était enfant, et il a toujours souhaité pouvoir un jour travailler sur une scène lyrique. »Stéphane Lissner ne cache pas qu’il a été séduit par la direction d’acteurs du cinéaste, notamment dans les scènes intimistes de Saint Laurent. En attendant d’être définitivement adoubé, Bertrand Bonello s’est attelé à la commande d’une contribution pour la « 3e Scène », le grand projet numérique lancé par l’Opéra de Paris au début de l’automne : il s’agit d’un film autour du chœur de l’Opéra, celui-là même qui s’est si prodigieusement illustré dans la production du Moïse et Aaron, de Schoenberg.Lire aussi :« Moïse et Aaron » : gare au chef-d’œuvre !Lire aussi :L’Opéra de Paris ouvre sa « 3e Scène » sur InternetMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Le 20 janvier 2014, à Bologne (Italie), disparaissait le grand Claudio Abbado – le début d’un « annus horribilis » qui allait également priver le monde musical d’autres baguettes de renom comme celles de Lorin Maazel ou Frans Brüggen. Deux concerts – le premier au profit de l’Institut Curie et de la recherche contre le cancer – organisés par le producteur André Furno (Piano 4 Etoiles), qui fut l’un des familiers du maestro, lui rendaient justement hommage, les 9 et 10 novembre. Au programme, l’immense pianiste Martha Argerich, accompagnée par l’excellent Orchestre du Festival de Lucerne (une des dernières « créations » du chef italien) sous la direction du charismatique Letton, Andris Nelsons.Lire aussi : Le chef d’orchestre Claudio Abbado est mortEmotion palpable lorsqu’apparut la mince silhouette en noir de la pianiste argentine dont la crinière d’argent accentue désormais la fragilité. Elle joue le Troisième concerto pour piano, de Prokofiev, celui-là même qu’elle enregistra à Berlin avec Abbado pour Deutsche Grammophon en 1967. Celui-là même qu’ils interprétèrent le 12 novembre 1969 au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’Orchestre national de l’ORTF, en un premier concert qui scella les débuts du chef milanais à Paris. Collaboration en forme d’osmoseLes photos de ce temps sont saisissantes. Abbado et Argerich en jeunes dieux : beaux et fous, avec la complicité rieuse d’amants qui seraient unis par la musique. A 27 ans, Argerich défraye alors la chronique depuis qu’elle a successivement remporté les concours de Genève, Busoni de Bolzano en 1957 et un époustouflant premier prix au concours Chopin, en 1965 au cours d’une finale d’anthologie – le Concerto pour piano n°1 du compositeur polonais, à Varsovie, devant un public en délire (elle l’enregistrera en studio avec Abbado trois ans plus tard). Le maestro est plus âgé de huit ans. Lui a commencé une carrière internationale tandis qu’il se produit dans les usines italienne en compagnie du pianiste Maurizio Pollini et du compositeur Luigi Nono.Le label allemand au cartouche jaune a publié, en janvier, un coffret de cinq disques réunissant tous les enregistrements de Claudio Abbado et Martha Argerich (une dizaine dont deux versions du Concerto en sol, de Ravel). Le dernier a été réalisé quelques mois avant la mort du maestro, pendant le Festival de Lucerne de Pâques 2013 : deux Mozart, le Concerto pour piano n°20 KV 466 et le Concerto pour piano n°25 KV 503. Le mot de la fin d’une collaboration en forme d’osmose commencée à la fin des années 1950 alors que les deux artistes étudiaient ensemble le piano à Vienne. En France, le dernier concert Argerich-Abbado a eu lieu Salle Pleyel, le 14 avril 2013. Martha Argerich avait jeté son dévolu sur le Premier concerto pour piano, de Beethoven. Musiciens fauvesQue le « Troisième » de Prokofiev soit une promenade de santé pour la « lionne » n’étonnera personne. A 74 ans, la pianiste a gardé sa stupéfiante vélocité, ses impressionnants effets de « saltos » à la main droite, une main gauche impitoyable, et des rafales d’octaves perlées jetées sur le clavier comme des éclairs au bout des doigts. Andris Nelsons la piste avec la vigilance du chasseur de brousse. Et pour cause. Ces deux-là sont de la même famille de musiciens fauves, ardents, les flancs creusés, le même instinct de l’absolu. Ils entrent et jouent. Jouent et sortent. Martha accordera un bis, un seul : l’élégante Sonate en ré mineur K. 141, de Scarlatti, avec ses voltes de notes répétées. Mais la salle n’est pas au bout de ses émotions. La charge tellurique d’une hallucinante Cinquième symphonie, de Mahler est encore à venir.L’Orchestre du Festival de Lucerne est familier des symphonies de Mahler sous la direction inspirée et de plus en plus dépouillée d’Abbado. Mais il a aussi déjà interprété la « Cinquième » de Mahler sous la direction d’Andris Nelsons à Lucerne, les 19 et 20 août. C’est peu de dire que le Mahler de Nelsons et celui d’Abbado sont aux antipodes. Mais le Letton ne fait pas oublier l’Italien (comment le pourrait-il ?), et Nelsons a été le passeur du fameux concert du 6 avril 2014, à Lucerne, où l’orchestre en larmes a dit adieu à son chef disparu. La musique a continué et rien n’a été perdu : comme Abbado, Andris Nelsons possède le talent rare de fascination, une joie éperdue de la musique, puissante, communicative, qui emporte tout sur son passage – le corps et le cœur des musiciens, et ceux des auditeurs – dans un mystérieux et charnel élan universel.Hommage à Claudio Abbado à la Philharmonie de Paris, Paris 19e. Prochain concert avec Jordi Savall, le 18 novembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 70 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Grégoire Orain La parité sera-t-elle atteinte dans les prix littéraires en 2015 ? Le Goncourt a été remis, mardi 3 novembre, à Mathias Enard pour son roman Boussole. Le prix Renaudot, lui, a été accordé à Delphine de Vigan pour D’après une histoire vraie. Le 2 novembre, le prix Décembre avait récompensé Christine Angot pour Un amour impossible (Ed. Flammarion). L’Académie française a pour sa part attribué son Grand Prix à deux hommes le 29 octobre, Hédi Kaddour (Les Prépondérants, Gallimard) et Boualem Sansal (2084, Gallimard).Selon le verdict des jurys Femina et Médicis, qui doivent tous être remis avant la fin de la semaine, 2015 pourrait être l’une des rares fois où le monde de la littérature française a distingué autant d’autrices que d’auteurs. Une situation qui ne s’est produite que 8 fois en cent douze ans.Les femmes restent encore très peu distinguées par neuf des grands prix français (le Goncourt et le Goncourt des lycéens, le Femina, le Grand Prix de l’Académie française, le Renaudot, l’Interallié, le Médicis, le Décembre et le Flore). Depuis la création du Goncourt, le doyen des prix littéraires, en 1903, les autrices françaises n’ont reçu que 113 prix sur les 623 récompenses décernées.Des lauréates très minoritairesQu’il s’agisse des prix les plus anciens ou des plus récents, la proportion d’écrivaines primées est en leur défaveur. Le prix Femina, le plus paritaire, n’a pourtant récompensé que 37,5 % de lauréates. Suivent le Goncourt des lycéens (33 %), le prix Médicis et le prix de Flore, avec 20 % d’autrices, puis le Renaudot (14,5 %), le prix Décembre (13 %), le Grand Prix du roman de l’Académie (12 %), le prix Interallié (11 %) et enfin le prix Goncourt, avec seulement 10 % de lauréates. #container_14465376397{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465376397{ height:500px; } #container_14465376397 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465376397 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465376397 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465376397 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sans le prix Femina, les femmes seraient bien moins récompenséesLe Goncourt n'a été remis qu'à 9,9 % de femmes depuis sa création en 1903require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14465376397", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Prix Goncourt","Prix Femina","Prix de l'Académie","Prix Renaudot","Prix Interallié","Prix Médicis","Goncourt des lycéens","Prix Décembre","Prix de Flore"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Lauréats", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 100 ], [ "", 65 ], [ "", 91 ], [ "", 76 ], [ "", 71 ], [ "", 47 ], [ "", 18 ], [ "", 26 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Lauréates", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 39 ], [ "", 12 ], [ "", 13 ], [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 9 ], [ "", 4 ], [ "", 4 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", },\u25CF {series.name}: {point.y}', hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, }}) function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} } }});Des inégalités qui persistentParfois vieux de plus d’un siècle, les grands prix littéraires français ont longtemps été marqués par une époque où la question de la sous-représentation des femmes ne se posait pas avec autant d’acuité. Pourtant, malgré une tradition de lauréates récompensées dès le début du XXe siècle et en dépit de l’apparition de nouvelles distinctions (prix Médicis en 1958, Goncourt des lycéens en 1988, Décembre – anciennement prix Novembre – en 1989 et Flore en 1994), la tendance reste la même. #container_14460505406{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14460505406{ height:750px; } #container_14460505406 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14460505406 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14460505406 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14460505406 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }La parité rarement atteinte, jamais dépasséeLes femmes ont été totalement absentes des palmarès à 45 reprises depuis 1903require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14460505406", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { 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width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Taux de lauréates", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", null ], [ "", 50 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 50 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 50 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 50 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 33.33333333 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 33.33333333 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 25 ], [ "", 25 ], [ "", null ], [ "", 20 ], [ "", null ], [ "", 20 ], [ "", 20 ], [ "", 20 ], [ "", 20 ], [ "", 20 ], [ "", 20 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 25 ], [ "", 20 ], [ "", null ], [ "", 20 ], [ "", null ], [ "", 40 ], [ "", null ], [ "", 20 ], [ "", 40 ], [ "", 40 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 16.66666667 ], [ "", null ], [ "", 16.66666667 ], [ "", null ], [ "", 50 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", null ], [ "", 50 ], [ "", 33.33333333 ], [ "", 33.33333333 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 16.66666667 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 33.33333333 ], [ "", null ], [ "", null ], [ "", 16.66666667 ], [ "", 50 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", 33.33333333 ], [ "", 50 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", null ], [ "", 16.66666667 ], [ "", 14.28571429 ], [ "", 28.57142857 ], [ "", 42.85714286 ], [ "", 14.28571429 ], [ "", 22.22222222 ], [ "", 28.57142857 ], [ "", 10 ], [ "", null ], [ "", 44.44444444 ], [ "", 11.11111111 ], [ "", 44.44444444 ], [ "", 20 ], [ "", 11.11111111 ], [ "", 44.44444444 ], [ "", 33.33333333 ], [ "", 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récompenses accordées depuis 1903, on constate au final que les inégalités hommes-femmes ne se corrigent guère avec le temps. Sur les trente dernières années, il est régulièrement arrivé que les femmes soient totalement absentes des palmarès (en 1986, 1994, 1995, 2003 et 2008), tandis que la parité n’a plus été atteinte depuis 1984. L’Académie française n’a ainsi pas récompensé une femme depuis Henriette Jelinek, il y a dix ans.Des jurys essentiellement masculinsFaut-il aller chercher les raisons de cette sous-représentation dans la composition des jurys ? Là encore, les femmes y sont peu nombreuses en 2015, à l’exception, une nouvelle fois, du jury Femina composé exclusivement de femmes. Un choix assumé dès les origines : le prix a été créé pour répondre au Goncourt, dont les choix étaient jugés trop masculins. De fait, ce dernier a attendu 1944 pour récompenser une femme, Elsa Triolet.La composition du jury de l’Académie française n’est pas communiquée, tout comme celle du jury du Goncourt des lycéens, qui rassemble plusieurs milliers d’élèves. #container_14465386672{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465386672{ height:500px; } #container_14465386672 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465386672 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465386672 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465386672 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }A l'exception du Femina, des jurys à majorité masculineComposition des jurys, en 2015require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14465386672", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Prix Fémina","Prix Médicis","Prix Décembre","Prix Goncourt","Prix de Flore","Prix Renaudot","Prix Interallié"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Jurés", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", null ], [ "", 5 ], [ "", 7 ], [ "", 7 ], [ "", 8 ], [ "", 9 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Jurées", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 13 ], [ "", 4 ], [ "", 5 ], [ "", 3 ], [ "", 2 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", },\u25CF {series.name}: {point.y}', hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, }}) function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} } }});La composition des jurys semble infléchir les sélections finales des différents prix : les jurys Goncourt, Flore, Interallié et Renaudot, très masculins, ont peu retenu de candidates pour le dernier round. #container_14465428170{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465428170{ height:500px; } #container_14465428170 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465428170 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465428170 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465428170 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les autrices plutôt minoritaires dans les sélections finalesLes jurys les moins féminins ont retenu moins d'écrivaines dans leurs sélections finales en 2015require(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14465428170", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Femina","Médicis","Décembre","Goncourt","Flore","Renaudot","Interallié"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Auteurs retenus", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 4 ], [ "", 6 ], [ "", 1 ], [ "", 3 ], [ "", 3 ], [ "", 4 ], [ "", 6 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Autrices retenues", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 3 ], [ "", 5 ], [ "", 2 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", },\u25CF {series.name}: {point.y}', hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, }}) function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} } }});Et hors de France ?Le faible nombre de femmes lauréates de prix littéraires n’est malheureusement pas une exception française. La plus prestigieuse récompense internationale, le prix Nobel de littérature, est lui aussi détenu de manière écrasante par des hommes. Un fait qui se corrige légèrement avec le temps : depuis les années 1990, les femmes sont de plus en plus nombreuses à recevoir cette récompense, à l’image de la biélorusse Svetlana Alexievitch, qui l’a obtenu cette année. Mais elles ne représentent toujours que près d’un tiers des lauréats. #container_14465395536{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14465395536{ height:500px; } #container_14465395536 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14465395536 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14465395536 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14465395536 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }De plus en plus de femmes parmi les Prix Nobel de littératureLes auteures sont toutefois encore loin d'être aussi représentées que les auteursrequire(['highcharts/4.1.9','highcharts-standalone'], function() { //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14465395536", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "spline", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: 1, max: 100, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Entre 1901 et 1909","1910","1920","1930","1940","1950","1960","1970","1980","1990","2000","Depuis 2010"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Taux de lauréates", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10 ], [ "", 0 ], [ "", 20 ], [ "", 11.11111111 ], [ "", 16.66666667 ], [ "", 0 ], [ "", 9.090909091 ], [ "", 0 ], [ "", 0 ], [ "", 30 ], [ "", 30 ], [ "", 33.33333333 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", },\u25CF {series.name}: {point.y}', hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, }}) function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} } }});Grégoire OrainJournaliste au Monde Raphaëlle Leyris Annoncé dans la foulée du prix Goncourt, attribué à Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud), le prix Renaudot a été attribué à D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (Lattès).Lire :Prix Goncourt : Mathias Enard récompensé pour « Boussole »Succès à la fois public et critique de cette rentrée, son point de départ est justement l’histoire d’un succès qui fragilise. Lorsqu’on ouvre le roman, on découvre Delphine de Vigan, laissée quelque peu exsangue par Rien ne s’oppose à la nuit (JC Lattès, 2011), et l’ardeur qu’il a déclenchée. C’est dans cet état de vulnérabilité qu’elle rencontre L., dont elle se rendra compte plus tard qu’elles ont été condisciples en classes préparatoires.Un roman à la fois risqué et réussiL. travaille comme nègre dans l’édition, « accouchant » stars et ­individus aux destins plus ou moins exceptionnels de leurs récits autobiographiques. L. professe que le roman d’imagination est mort, que seule la vérité des faits intéresse les lecteurs, et qu’après Rien ne s’oppose à la nuit, consacré à sa mère, il n’est plus temps pour Delphine de Vigan de faire marche arrière, et de prétendre pouvoir ­revenir à la fiction stricte, avec des personnages fabriqués de toutes pièces. L. exerce une emprise croissante sur l’écrivaine en proie au doute, désormais incapable d’écrire, toujours plus isolée…Des citations de Stephen King, tirées de La Part des ténèbres et de Misery (Albin Michel, 1989 et 1990) ouvrent chacune des trois parties (« Séduction », « Dépression », « Trahison ») du roman, et l’influence de l’Américain se sent tout au long de ce roman à la fois risqué et réussi. Dans une atmosphère oppressante, Delphine de Vigan titille le goût de ses lecteurs pour le vrai et joue avec le flou entre réel et fiction. Menant une réflexion en acte, tout à fait convaincante, sur les pouvoirs de l’un et de l’autre. Les jurés du Renaudot sont venus le confirmer.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Raphaëlle Leyris Le Prix Goncourt a été attribué à Mathias Enard, pour Boussole (Actes Sud). Etaient également en lice Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (POL), Les Prépondérants d’Hédi Kaddour (Gallimard, Grand Prix du roman de l’Académie) et Ce pays qui te ressemble, de Tobie Nathan (Stock).Lire aussi :Mathias Enard, la splendeur orientaleTrois ans après Le Sermon sur la chute de Rome, de Jérôme Ferrari, c’est la troisième fois de leur histoire que les éditions Actes Sud voient un de leurs romans distingué à la suite des délibérations au restaurant Drouant.Annoncé dans la foulée, et dans le même établissement parisien, le prix Renaudot est revenu à Delphine de Vigan pour D’après une histoire vraie (JC Lattès).Un roman à deux pôlesBoussole est le dixième livre de Mathias Enard, né à Niort en 1972, diplômé de persan et d’arabe, qui a beaucoup voyagé au Liban, en Syrie et en Turquie, notamment, et dont toute l’œuvre porte la trace de sa passion pour cette partie du monde. Entré en littérature en 2003 avec La Perfection du tir (Actes Sud), où l’on se tenait au plus près d’un sniper, dans un pays ressemblant furieusement au Liban, il s’est imposé comme l’un des grands auteurs de sa génération grâce à son quatrième roman, Zone (Actes Sud, 2008), tour de force sans point, embrassant l’histoire du XXe siècle sur le bassin méditerranéen, récompensé par (entre autres) le prix Décembre et le prix du livre Inter.En 2010, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants lui avait valu le prix Goncourt des lycéens. Deux ans plus tard, Rue des voleurs avait été distingué par le prix Liste Goncourt/Le Choix de l’Orient, autre surgeon du célèbre prix.Mais le Goncourt tout court revient donc à Boussole, un roman qui brasse les lieux, les époques, les personnages et les langues, au fil d’une nuit d’insomnie, celle qui frappe son narrateur, Franz Ritter, un musicologue viennois. Entre 23 heures et 7 heures, il ressasse ainsi sa vie et ses obsessions. Elles le font remonter jusqu’au XIXe siècle, pour ranimer de hautes figures de l’orientalisme – Franz est en effet l’un de leurs héritiers, spécialiste des influences venues de Turquie, et de bien au-delà, sur la musique dite « occidentale ».Dans leurs pas, et avançant de références savantes en souvenirs de voyages et réminiscences de colloques (qui offrent parfois des tableaux très drôles du monde universitaire), il entraîne le lecteur à Istanbul, Téhéran, Damas, Alep… En plus de l’Orient (même si Enard n’oublie jamais ce que cette notion a de fictionnel), Boussole a un deuxième pôle, aussi rêvé et insaisissable que le premier : Sarah, la femme à laquelle tout ramène Franz, à la fois érudite et aventurière, éternellement ailleurs.Echos de l’actualitéRoman de l’altérité, sensuel et savant, gonflé de références, même si l’auteur a l’humour et l’intelligence de moquer gentiment la pédanterie de Franz, Boussole est un très beau livre qui prend le risque d’égarer parfois son lecteur, avec les volutes que dessinent les phrases, à mesure que le narrateur pense, dérive, somnole, lit, revient à lui…C’est un texte, aussi, profondément habité par la mélancolie, parce que les idéaux des personnages sont tous violemment balayés par les échos de l’actualité immédiate qui s’y font entendre – guerre en Syrie, destruction de Palmyre… Il est, du reste, dédié « aux Syriens ».Venant tordre une bonne fois pour toutes le cou aux idées reçues sur une littérature française censément autocentrée, chaque page de ce Goncourt 2015 vient sortir le lecteur de lui-même, le confronter à une infinité de sujets et de personnages dont il ignorait tout, pour les lui rendre proches.Lire la note de blog : La cohue du Prix Goncourt : « Ils se battent pour l’avoir en photo alors qu’il est sur Google »Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.11.2015 à 11h15 | Philippe-Jean Catinchi Documentaire sur France 2 à 20 h 55 Après Hitler, le duo Isabelle Clarke et Daniel Costelle s’attaque à la figure de Staline. Avec Isabelle Clarke et Daniel Costelle, on n’a guère de surprise. Depuis le succès phénoménal, tant en France qu’à l’étranger, d’Apocalypse, la Seconde Guerre mondiale (2009), les coauteurs ont décliné le principe– des documentaires composés d’archives colorisées, parfois inédites, qui envisagent de rendre compte des conflits du XXe siècle – sur d’autres temps sombres, notamment sur la Grande Guerre (2014). Voire sur des figures incarnant ce mal invoqué en titre. Après Hitler (2011), c’est au tour de Staline de mobiliser le duo dont on redoute parfois les effets sonores, sinon les montages, souvent abruptement spectaculaires.Rien de tel dans le triptyque consacré à Joseph Vissarionovitch Djougachvili (1878-1953), séminariste en rupture de foi, converti au marxisme, qui sera bientôt le parrain du banditisme géorgien et y gagnera le pseudonyme de Staline – « l’homme d’acier » – quand, résolu à abattre le tsarisme, il braquait les banques pour financer le mouvement révolutionnaire incarné par Lénine.Peu convaincantLes images d’origine sont si sombres et le jeu entre noirceur et blancheur si obsédant que la colorisation ne heurte jamais. Et la bande-son obéit assez sagement aux violences des situations.Plus surprenant, le parti pris des ruptures chronologiques qui peuvent déconcerter – surtout dans le premier volet, « Le Possédé ». Commencé en 1936 quand le « tsar rouge » terrifie jusqu’à ses proches, le récit, qui épingle le mensonge masquant toute réalité en URSS, amorce l’invasion nazie en juin 1941, pour revenir sur les origines d’un obscur Géorgien né sous Alexandre II – et non Nicolas II, comme le propose le commentaire – avant de rejouer avec la chronologie dès qu’un lieu, un sentiment, voire un ressentiment le permettent. Peur de lasser par une stricte continuité chronologique ? C’est en tout cas peu convaincant. Les volets suivants, « L’Homme rouge » et « Le Maître du monde » sont plus sobres.Reste, outre quelques raretés, une évocation solide, didactique malgré tout, qui fait la part belle à l’extrême violence d’un régime de suspicion et de terreur, qui justifie les goulags sibériens, les massacres – de Katyn (Staline) à celui de Babi Yar (Hitler), l’évocation d’un temps d’Apocalypse.Apocalypse Staline, d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle (Fr., 2015, 160 min, ép. 1 à 3/3).Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino Philippe Torreton ne jouera pas cette saison le rôle-titre d’Othello, de Shakespeare, sous la direction de Luc Bondy, le directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, comme cela avait été annoncé en début de saison. Luc Bondy étant en convalescence, le spectacle, qui était prévu du 28 janvier au 23 mars 2016, est reporté à la saison prochaine.Il est remplacé par la reprise de Tartuffe, de Molière, que Luc Bondy avait présenté au printemps 2014. Le spectacle sera joué aux Ateliers Berthier du 28 janvier au 23 mars, avec une distribution en partie renouvelée. Mais il y aura toujours, dans le rôle-titre, Micha Lescot, magnifique en idéologue frelaté.Lire aussi : Luc Bondy déplace le champ du regard avec son « Tartuffe »Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Les prix Goncourt se suivent et promettent de se ressembler. Pour succéder à la romancière Lydie Salvaire, lauréate surprise en 2014 pour Pas pleurer (Seuil), qui s’est vendu à 282 000 exemplaires, les jurés ont retenu quatre titres. Tous présentent pour caractéristique principale d’être à la fois très littéraires et haut de gamme. Il s’agit aussi de livres assez volumineux, qui demanderont aux lecteurs de la concentration pour y plonger.Les jeux sont très ouverts, cette année, surtout après l’élimination, lors de la dernière sélection, de 2084, de Boualem Sansal (Gallimard) qui faisait figure de favori, étant présent sur toutes les listes des grands prix d’automne.Une femme et trois hommes sont donc désormais en compétition pour le prix littéraire le plus couru de France, qui sera décerné mardi, à 13 heures, au restaurant Drouant, à Paris. Le secrétaire général Didier Decoin annoncera le nom du lauréat sur les marches de l’escalier menant au salon du premier étage, où les jurés délibèrent, juste à côté de leurs collègues du Renaudot.« Boussole » et « Les Prépondérants » se démarquentPrésentée comme outsider, Nathalie Azoulai, avec Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L, 320 p., 17,90 €), a écrit le seul roman qui ne traite pas de l’Orient, sauf à rappeler que Bérénice est une reine de Palestine. Mais c’est surtout l’apprentissage du jeune Jean Racine qui constitue la trame de cet ouvrage où le latin de l’Enéide est mis en valeur.Deuxième outsider, l’ethnopsychiatre Tobie Nathan devient romancier avec Ce pays qui te ressemble (Stock, 540 p., 22,50 €). Il décrit avec charme la capitale égyptienne, Le Caire, sa ville natale. Des portraits de femmes fortes et libres dominent cet ouvrage. Ce serait aussi le premier prix décerné à Stock, depuis… 1930.Mais c’est entre Boussole (Actes Sud, 400 p., 21,80 €) de Mathias Enard et Les Prépondérants (Gallimard, 464 p.) d’Hédi Kaddour que les jurés devraient trancher. Le premier a déjà reçu le Goncourt des lycéens, en 2010, pour Parle ­leur de batailles, de rois et d’éléphants (Actes Sud), le second, le Goncourt du premier roman en 2006, pour Waltenberg (Gallimard).Les Prépondérants, grand roman­-monde, se passe dans une petite ville du Maghreb, au début des années 1920, tandis que Boussole invite à suivre les souvenirs d’un musicologue viennois épris d’Orient. L’ambition littéraire est plus affirmée chez Mathias Enard ; le livre d’Hédi Kaddour apparaît plus grand public.Le jury du prix Goncourt, présidé par Bernard Pivot est, en un sens, invité à rejouer l’affrontement de 2013, quand Au revoir là-­haut (Albin Michel), de Pierre Lemaître, avait été préféré à Arden (Gallimard), un premier roman ambitieux de Frédéric Verger. A l’époque, la balance avait penché, au dernier tour de scrutin, en faveur du titre le plus populaire, au grand bonheur des libraires qui en ont vendu 519 000 exemplaires. Pas sûr cette fois­-ci que les jurés n’arbitrent pas dans le sens inverse.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 02.11.2015 à 16h39 • Mis à jour le03.11.2015 à 08h39 | Roxana Azimi A la Foire Paris Photo, les amateurs ont le choix : foncer vers les usual suspects de la photographie, ceux qui décrochent les records aux enchères et en jettent plein la vue à coups de grands formats, comme l’Allemand Andreas Gursky. Ou opter pour les chemins de traverse, larguer les amarres vers d’autres contrées, en guignant notamment la photographie africaine.Qui dit Afrique pense d’abord aux pionniers maliens de la photo de studio Seydou Keïta, décédé en 2001, ou son confrère Malick Sidibé, dont certains clichés sont disponibles à la Galerie du Jour.Mais il est d’autres photographes incontournables qui ont acquis leurs galons à travers les Rencontres de Bamako au mitan des années 1990. Samuel Fosso, qui jouit d’un solo show sur le stand de Jean-Marc Patras, est de ceux-là. Ce photographe d’origine camerounaise a ouvert en 1975, à l’âge de 13 ans, un studio à Bangui, en Centrafrique.Il commence un travail personnel en se photographiant pour finir les pellicules de ses clients. L’excentrique se travestit avec plaisir, mieux, avec une autosatisfaction assumée, endossant mille identités, du pirate au chanteur célèbre ou à la grande bourgeoise, réinterprétant des Africains illustres tels que le poète et premier président de la République sénégalais Léopold Sédar Senghor ou le père de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba.Transition démocratiqueDepuis une quinzaine d’années, tous les projecteurs sont braqués sur la photographie sud-africaine, portée par le vétéran David Goldblatt et ses cadets Guy Tillim ou Pieter Hugo. « Ces photographes bénéficient d’une attention qui va de pair avec celle portée au pays depuis sa transition démocratique, observe Federica Angelucci, de la galerie Stevenson, au Cap. Ce qui a formé cette scène, c’est la forte tradition de la photo activiste, qui est née durant les années de lutte. » L’engouement se mesure à l’aune de la montée en flèche des prix. Une photo de la saisissante série des « Hommes hyènes » de Pieter Hugo, qui valait 8 000 dollars en 2008, se négocie aujourd’hui autour de 35 000 dollars.La série « Faces and phases » de sa consœur Zanele Muholi, qui explore l’histoire visuelle des lesbiennes et gays africains, marginalisés et victimes d’attaques homophobes, a vu ses prix progresser plus modérément, de 3 000 dollars, en 2007, à 5 200 dollars.Courts-circuits temporelsAujourd’hui, les collectionneurs s’arrachent les clichés de la star montante, le Sénégalais Omar Victor Diop, 35 ans. Une série les met tout particulièrement en ébullition, celle baptisée « Diaspora », où le jeune photographe se met en scène dans un voyage dans le temps aux allures de retour vers le futur.Les grandes figures africaines, auxquelles Diop s’identifie, perdent leurs attributs classiques pour endosser ceux des joueurs de football, entre sifflet, gant de gardien de but ou carton rouge. Les référents ont changé. Les maîtres d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. Ces autoportraits se négocient entre 4 000 et 6 000 euros. « En un an, on a vendu au moins quatre-vingts photos », s’étonne encore son marchand, André Magnin.Plus politique est le travail du Congolais Sammy Baloji, à découvrir sur le stand de la galerie Imane Farès. Ses œuvres sont estimées entre 9 000 et 16 000 euros. L’artiste, qui a exposé cette année à la Biennale de Venise et à la Biennale de Lyon, est passé maître dans les courts-circuits temporels entre le passé et le présent de son pays. Histoire de montrer la persistance des clichés et des plaies coloniales non cicatrisées.Paris Photo, du 12 au 15 novembre, Grand Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris, www.parisphoto.comRoxana AzimiJournaliste au Monde 31.10.2015 à 16h13 • Mis à jour le02.11.2015 à 11h36 | Laurent Carpentier C’est le buzz dans les maisons de disque et devant les lycées. A croire qu’ils sont tous devenus « Peace and Lovés » : PNL. Derrière cet acronyme, un groupe de rap français, avec tous les codes du genre, la banlieue, les maillots de foot, le désœuvrement, la violence, la fumette et les flics jamais loin. Autant d’archétypes glissés dans un gant de velours, par la grâce d’un « low tempo » doucereux et de voix mélodieuses, trafiquées sur logiciels.Lire aussi :PNL, du rap de rue acidulé et aduléFilmés avec soin et force ralentis ensoleillés, leurs clips transforment la cité des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, en des oxymores séduisants, où les attitudes obligées de cailleras se marient à une tendresse aux relents sucrés, entre G-funk et trip-hop, et aux timbres réconciliateurs.Non contents de voir leurs vidéos cartonner sur YouTube (près de 9 millions de visionnages pour Le monde ou rien, 5 millions pour J’suis PNL), voilà qu’ils publient sur leur label QLF Records, sept mois après leur premier album, un deuxième opus, en digital et en physique, cette fois : Le Monde Chico, qui se positionne d’ores et déjà, au lendemain de sa sortie le 30 octobre, en tête des ventes sur i-Tunes.« Il ne faut pas dire “manager” »Au niveau des majors, ça grattouille. Toutes les ont contactés pour les signer. Des ponts d’or qu’ils ont systématiquement refusés, si l’on se fie à Guillaume, leur manager. « Mais il ne faut pas dire “manager”, se reprend-il. Les gens vont croire que c’est un coup marketing. » Pareil pour Lionel : il n’est pas attaché de presse. Quant à Ademo et Nos, les deux frères qui, après avoir chacun rappé de leur côté, se seraient associés pour ce projet commun, ils sont invisibles, ne donnent pas d’interviews, laissent à d’autres la première place dans leurs clips… « Peace and Lovés » dans le secret.A se demander s’ils existent… Dans le Landerneau des maisons de disques, jamais à l’abri d’une parano, certains finissent par y voir anguille sous roche et, derrière tout ça, la main invisible d’une manipulation – sans jamais avancer le moindre début de preuve : « Ils ne seraient pas des Tarterêts… », soupçonnent les uns. « Ce seraient des gars du business…, supposent les autres. Et le projet entier, une vaste opération de marketing… » « Regardez, conjecturent les plus imaginatifs, leur clip Le monde ou rien a été filmé à Naples, dans les cités du film Gomorra… J’suis PNL est tourné à Alicante en Espagne… Tout ça nécessite de l’argent et de la suite dans les idées ! »« Nous sommes très prudents »De fait, ils en ont, de la suite dans les idées. « Si nous sommes très prudents, c’est parce que c’est une habitude de voir les grands frères piquer les projets, tente Guillaume, le “ne-dites-pas-manager”. La chance, c’est que PNL, ce sont déja des grands frères. » Du côté des réseaux sociaux, on ironise ici ou là sur le choix de ces « cailleras » de donner leur premier concert au Palais de Tokyo, haut lieu de la hype parisienne. C’était ce samedi 31 octobre, un set à 3 heures du matin, qui a fait salle comble.Directeurs artistiques à l’affût (ceux-ci n’ont pas oublié que les Sexion d’assaut avaient usé de la même stratégie cryptique à leurs débuts), journalistes en embuscade (« On a toujours pensé : “Le Monde ou rien” », a souri Guillaume quand on l’a contacté)… Le phénomène les amuse et les ravit. « Mais oui, ils sont vraiment des Tarterêts… Et moi, si je suis de là-bas ?… » Guillaume se marre : « Non, non, je ne peux rien vous dire… Mais plus on est silencieux, plus les gens s’inventent des choses. C’est pas forcément mal, et on n’y peut rien. Les deux frères ont lu quelque part que leur modèle était Young Thug, mais ils ne savaient même pas qui il était avant de lire ça. »La concomitance est frappante entre PNL et le rappeur d’Atlanta qui gravit en ce moment Outre-Atlantique les échelons de la notoriété. Signe des temps ? On retrouve le même tempo lent, le même camaïeu d’images juxtaposées dans leurs paroles, à rebours du flow à slogan dont abuse le rap, le même recours dans leurs clips aux ralentis, aux floutages et aux effets de caméra subjective, qui donne à leurs morceaux leur caractère enfumé. Attention, nouvelle vague ? « J’veux du L, j’veux du V, j’veux du G, pour dessaper ta racli, Igo on est voué à l’enfer, l’ascenseur est en panne au paradis. »Le Monde Chico, 1 CD QLF Records. En concert le 31 octobre au Yoyo – Palais de Tokyo, 13, avenue du Président Wilson, Paris 16e.Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Victime de l’annulation de la tournée européenne de Björk, le Pitchfork Festival a remplacé l’Islandaise par Thom Yorke. Un choix dont on admirera la cohérence. Comme la diva scandinave, ce chanteur anglais a été une des figures les plus inspirantes des années 1990 au sein de Radiohead. Comme elle, ce groupe d’Oxford n’a cessé de se réinventer conciliant avec grâce audaces formelles et mélodies fédératrices. Jusqu’à des sommets – Vespertine (2001) pour Björk, le diptyque Kid A (2000) / Amnesiac (2001) pour Radiohead – qui n’eurent pas les suites espérées.Lire aussi :Björk annule sa tournée européenne, dont deux dates en FranceVendredi 30 octobre, Thom Yorke apparaît pour se caler derrière l’un des trois grands pupitres installés sur l’une des deux scènes Pitchfork de la Grande Halle de la Villette. A sa droite, Nigel Godrich, producteur de Radiohead depuis l’album OK Computer (1997), devenu son complice instrumentiste-bidouilleur depuis le début d’une carrière solo parallèle commencée en 2006, avec l’album The Eraser. A sa gauche, Tarik Barri, chargé de mixer en direct les créations vidéos projetées sur les trois grands écrans accrochés derrière les tableaux de bord. Des animations numériques destinées à illustrer l’electro concassée de Tomorrow’s Modern Boxes, dernier opus en date du chanteur.Autonomie et intégrité artistiqueParu en septembre 2014, diffusé via Bit Torrent, le logiciel de partage peer to peer, pour l’équivalent de 4 euros le téléchargement, cet album a une nouvelle fois prouvé l’autonomie et l’intégrité artistique de Thom Yorke. Il a aussi témoigné d’une inspiration peinant à se renouveler.Penché sur ses machines, le trio lance le flot anxiogène sur lequel l’Anglais pose ses psalmodies doloristes depuis trop d’années. A force de fuir la routine du format chanson, Yorke (avec ou sans Radiohead) a fini par privilégier complexité rythmique et textures sonores au détriment du souffle mélodique.Devant la foule parisienne, incapable de fredonner ses nouveaux morceaux, mais toujours fascinée par son indéniable aura, le vocaliste prend un évident plaisir à bricoler ses bandes-son imbibées d’angoisse et de paranoïa. Rarement l’a-t-on vu danser avec autant de vélocité.Lire aussi :Pitchfork se pique de francophilieUn chant doux et touchantDélaissant ses ordinateurs, il se saisit parfois d’une guitare, l’instrument qui porta Radiohead avant d’en devenir le parent pauvre. Dans la seconde partie du concert, l’étouffante monotonie s’anime de dub plus tranchant avant de s’aérer d’atmosphères « ambient » où s’envole enfin un chant plus doux et touchant. Rappelant tout ce que la scène electro-soul et dubstep d’aujourd’hui (Burial, SBTRKT, James Blake…) doit à ces ainés. Et permettant de ne pas totalement désespérer du prochain album de Radiohead, bientôt annoncé.Le bilan de la seconde journée d’un festival, qui se terminera samedi 31 octobre après avoir fait le plein (8500 spectateurs par soir), confirme en tout cas que Pitchfork a trouvé la bonne formule. L’édition parisienne de l’événement créé à Chicago, en 2006, par Pitchfork, site de référence de la critique musicale et du militantisme « indie rock », s’est intelligemment adaptée aux vastes armatures de la Grande Halle. Plaçant une scène à chaque bout du bâtiment, occupant les longues allées intérieures et extérieures de bars, échoppes branchées et points de restauration, l’équipe de Super !, le producteur français en charge du festival, a réussi à recréer « sous serre » la circulation festive des rassemblements estivaux.Cette ambiance, conditionnée par une programmation axée sur quelques-uns des noms les plus excitants de l’avant-garde pop, rock, rap et electro, attire une nombreuse clientèle étrangère et une profusion de jeunes filles stylées et barbus bohèmes.De jolies révélationsCertes, la largeur du lieu, sa hauteur de plafond, le rendent difficile à ambiancer, surtout pour des artistes qui restent à découvrir. Cela n’empêche pas de jolies révélations, comme vendredi celle des instrumentaux rêches et dansants du power-trio new-yorkais Battles, ou de la troublante sensualité de Rhye, portée par le contralto androgyne du chanteur canadien Mike Milosh sur fond de groove soul ralenti et d’arrangements de cordes.Mention spéciale aussi à Kurt Vile, prolifique chanteur et guitariste de Philadelphie (le tout récent – et excellent – B’lieve I’m Goin Down est son sixième album en sept ans) dont la longue tignasse témoigne de sa ferveur intacte pour un certain romantisme rock. L’accent trainant de sa nonchalance s’électrise au contact de guitares acides et d’un banjo hypnotique replongeant dans de vieux fantasmes américains – tourneries country, rêveries psychédéliques, rodéos punk… –, laissant filtrer, avec une classe délurée, angoisses et enthousiasmes intimes.Pitchfork Festival, jusqu’au 31 octobre, à Paris, Grande Halle de la Villette. pitchforkmusicfestival.frStéphane DavetJournaliste au Monde Michel Guerrin Il a aimé sa vie. Et organisé sa mort. Depuis plusieurs mois, le jardinier Pascal Cribier confiait à ses amis qu’il allait mettre fin à ses jours. Parce qu’il était diminué, ne pouvait plus vivre intensément. Mardi 3 novembre, l’architecte Patrick Bouchain est allé lui dire au revoir dans son appartement qui surplombe le jardin du Luxembourg, à Paris. Le ciel était rouge. Ils ont eu « une discussion magnifique ». Ils se sont quittés sans une larme. Un peu plus tard, Cribier a pris un fusil de chasse et il s’est tué. Il avait 62  ans.Laurent Le Bon, le président du Musée Picasso, cerne un compagnon de vingt ans  : «  Une génération de jardiniers exprime le génie français  : Patrick Blanc, Louis Benech, Gilles Clément. Et Pascal Cribier, qui était un trublion.  » Une belle personne, qui a poussé loin le triptyque nature, paysage, jardin. Pour lui, la nature est belle, mais hostile, elle lui faisait peur, il n’y marchait jamais. Jardiner consistait à l’abîmer, donc il fallait le faire avec élégance et attention. Il disait que le vent soufflait plus qu’auparavant parce que la planète avait besoin d’être secouée pour se nettoyer.Cribier n’aimait pas les musées, qu’il comparait à des bouquets mal assemblés. Il leur préférait la musique contemporaine et l’odeur de la pluie d’été sur le bitume. Il n’a jamais eu d’ordinateur ni de téléphone portable, mais les poches pleines de papiers en guise d’agenda. Pas d’agence pour travailler, préférant monter des équipes légères au gré des affinités. On ne l’appelait pas, on le rencontrait. Il grimpait en haut d’un arbre pour lui couper la tête, ou se glissait dessous pour laisser traîner les branches et en faire une créature languissante. Il était «  fertile en amitié  », aimait les hommes et le sexe. «  Il aimait tellement la nature  », dit Patrick Bouchain.Né en 1953 à Louviers (Eure), Pascal Cribier est un cancre, qui quitte l’école à 14  ans pour travailler dans un studio de photos publicitaires. Il est jeune, très beau avec ses yeux d’un bleu éclatant, roule en bolide, multiplie compétitions de kart, gagne sa vie comme mannequin pour les magazines, est aussi à l’aise avec le peuple que l’aristocratie. Il entre aux Beaux-Arts en 1972, obtient en 1978 son diplôme d’architecture. Ce qui lui fera dire  : «  Je ne sais si je suis paysagiste, architecte ou jardinier.  » Disons jardinier, terme qu’il préférait, parce qu’il respectait le terrain et son histoire, les gens qui y vivent aussi. Parce qu’il était un érudit des plantes, qu’il mariait avec une audace inouïe, ou portait une attention extrême à l’écoulement des eaux, alors que tant de paysagistes dessinent comme s’ils faisaient face à une feuille blanche. Quand il a exposé son travail, à l’espace Electra, à Paris, en 2008, il a mis en évidence une souche avec toutes ses racines. Et fondé en 2012 les Rencontres botaniques de Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), pour favoriser le dialogue entre jardiniers et scientifiques.Sur un atoll à Bora-BoraPascal Cribier a dessiné près de 180 jardins en trente ans. Publics et privés, en France et à l’étranger. Toujours sur des «  terres fertiles en amitié  ». Une célébrité lui a un jour commandé un jardin. Il a dit oui. Puis non. «  Je ne peux pas travailler avec quelqu’un qui a de la merde dans les yeux  », nous confiait-il. Il a conçu un jardin sur un atoll de Bora-Bora, un autre à Aramon (Gard) pour le collectionneur Jacques Hollander, un autre encore, de 200 hectares, à Woolton House, dans le Hampshire, en Angleterre, pour un couple de Britanniques. Il a actualisé le jardin des Tuileries avec Louis Benech, tout en respectant le dessin de Le Nôtre. Il a conçu un ranch de 36  000 hectares dans le Montana, avec des buttes pour s’abriter du vent.Pour saisir l’ampleur de l’œuvre, il faut voyager. Ou se plonger dans Pascal Cribier. Itinéraires d’un jardinier (éd. Xavier Barral, 2009). Ce livre est un chef-d’œuvre. Mille images en couleur et format panoramique – prises par Cribier –, des légendes instructives et sensibles, des encarts écrits par l’urbaniste Patrick Ecoutin ou l’historienne Monique Mosser. Le tout orchestré par Laurent Le Bon. Un jardin de Cribier ne ressemble pas à un jardin. Pas une collection de plantes rares enfermées au zoo, pas d’alignements au cordeau ni de frontières visibles. On se demande parfois, en marchant dans ses créations, où il est intervenu. Mais il maîtrise chaque mètre carré, associe des sentiments, des lumières, des climats, marie des plantes aux rythmes différents, et attend de voir comment un orage «  va modifier tout ça  ».Son génie s’exprime dans son propre jardin. Son histoire aussi. Huit hectares perchés sur une falaise du pays de Caux, à Varengeville-sur-Mer. Le site est travaillé à partir de 1972 par trois amis  : Robert Morel, qui y est né, Eric Choquet, qui l’achète, et Pascal Cribier, qui y fait ses gammes. Travail de titan, à la main, le week-end, pendant des années. Ce jardin, on s’y engage comme dans un livre, on y vit plusieurs expériences et rebondissements. On est tour à tour heureux ou inquiet. On y a chaud ou froid. On ne sait plus si la mer devient le jardin ou si le jardin devient la mer.Parmi les temps forts, une prairie joyeuse, qui semble à l’abandon, alors qu’il s’agit d’une construction de canches et de fleurs estivales (coquelicots, bleuets, coquelourdes, lin rouge, nigelles de Damas). Un attelage rare en Normandie, mais soudé  : « Après l’orage, le coquelicot ne s’effondre pas, car il est soutenu par les canches », nous disait-il. Autre réussite, un vallon au sol spongieux et à la pente raide, cerné par un orchestre de frênes, noisetiers ou châtaigniers, dans lequel on croit défaillir jusqu’à trouver la mer providentielle.Pascal Cribier disait qu’un jardin est vivant, donc destiné à mourir. Comme celui qu’il a dessiné à Méry-sur-Oise, peut-être son chef-d’œuvre par le ballet qu’il a créé entre les plantes et l’eau. En introduction de son livre, il confiait  : «  Les jardiniers travaillent avec des matériaux vivants, les plantes, qui ne souffrent apparemment pas et dont la disparition est même parfois bienvenue. Dans le jardin, il n’y a pas de deuil, c’est la chance des jardiniers  : ils se préoccupent de l’instant présent et pensent aux saisons futures. »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Début décembre 1973, Frank Zappa (1940-1993) et les sept musiciens de sa formation d’alors sont au Roxy, célèbre salle du Los Angeles rock, sur le Sunset Strip. Le guitariste, chef d’orchestre, auteur-compositeur et producteur américain a décidé de tirer un film de la série de concerts qui y sont organisés. Quatre caméras pour film 16 mm, les mêmes vêtements portés chaque soir (lavés, séchés et repassés dans la nuit) pour les raccords entre les différentes prises d’un concert à l’autre, le répertoire d’une vingtaine de compositions identique chaque soir.La formation, l’une des plus assurées de Zappa, est en fin de tournée automne-hiver. Soit le pianiste George Duke et son appareillage de claviers, le saxophoniste, flûtiste et chanteur Napoleon Murphy Brock, le tromboniste Bruce Fowler, son frère Tom à la basse, la percussionniste Ruth Underwood, les batteurs Chester Thompson et Ralph Humphrey. Chacun maîtrise tous les pièges rythmiques, sauts harmoniques, parties les plus complexes à jouer autant qu’il est capable de réagir à toutes les sollicitations vers l’improvisation collective et les parties solistes impromptues que sollicite Zappa. Le public est chaud bouillant et les concerts une fête musicienne du plus haut niveau.Folles soiréesLe film prévu devait être comme une apothéose de ces moments. Et puis rien. La découverte, en post-production, une fois la pellicule développée, de décalages avec le son de la console, le manque d’argent et de temps, des impossibilités techniques à l’époque… vont contraindre le musicien à remiser le film. Il y reviendra de temps à autre mais mourra, à l’âge de 52 ans, sans avoir pu le finaliser.Quarante-deux ans plus tard, ce qui avait forme de mythe pour les amateurs de Zappa est devenu Roxy The Movie. Plus de deux heures d’images et de sons restaurés, tirés des concerts du 8, 9 et 10 décembre 1973, publiés sur support Blu-Ray, DVD et CD, avec mixage en Surround 5.1 – pour profiter au mieux du tourbillon –, qui restituent au mieux l’atmosphère de ces folles soirées. Un hommage aussi à l’une des périodes les plus appréciées de Zappa.Musicalement, on y entend comme un condensé de toutes les explorations de Zappa, avec des moments loufoques (Cheepnis, Dickie’s Such An Asshole), des emprunts à la musique contemporaine dotée d’une bonne dose de swing, du rhythm’n’blues, du funk, du jazz, des combinaisons de métriques impaires (tout cela réunit dans T’Mershi Duween, RDNZL, Inca Roads, Echidna’s Arf of You, Pygmy Twylite…), de multiples clins d’œil stylistiques, le rituel de la participation du public, ici surtout durant Be-Bop Tango (Of The Old Jazzman’s Church) avec sur scène des jeunes filles et jeunes gens bien allumés.Et de bout en bout, une joie de jouer ensemble et une complicité de chaque instant, qui avaient été perceptibles dans les enregistrements audio déjà publiés, notamment dans le double album Roxy & Elsewhere (juillet 1974) et Roxy by Proxy (mars 2014). Ce Roxy The Movie constituant aussi, avec ces plans de sourires et regards radieux, la plus évidente des portes d’entrée dans l’univers de Zappa.Roxy The Movie, de Frank Zappa, en édition Blu-Ray, DVD et DVD avec CD, Zappa Records/Eagle Vision-Universal Music.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 06.11.2015 à 18h57 • Mis à jour le07.11.2015 à 00h04 | Renaud Machart Documentaire sur Arte, à 0 h 50 Arte fête les 90 ans du grand chanteur lyrique suédois Nicolai Gedda.Le titre français qu’a choisi Arte pour le documentaire qu’elle consacre à Nicolai Gedda, Un ténor au diapason (2015), est moins bon que l’original allemand : « Le cavalier du contre-ré ». Car le chanteur suédois, né à Stockholm en 1925, élevé par un beau-père russe, éduqué en Allemagne et devenu l’un des artistes lyriques les plus impeccablement polyglottes qui furent, était une voix particulièrement élevée : non seulement il atteignait sans fatigue le contre-ut, considéré comme un dangereux Everest par la plupart des premiers de cordée de la tessiture, mais gagnait le contre-fa, un suraigu dont peu de gosiers concurrents étaient capables. Gedda était, pour les ténors, l’équivalent d’une Reine de la nuit, ce rôle de La Flûte enchantée qui gagne des sommets vocaux escarpés.Le chanteur, qui s’est produit jusqu’à l’âge de 80 ans, faisant ses adieux auprès d’une chorale russe orthodoxe avec laquelle il avait fait ses débuts de soliste à 11 ans, fut l’un des ténors les plus révérés de son époque. Certes, Gedda ne chantait pas les rôles les plus lourds du répertoire, mais le bel canto, les personnages mozartiens et les héros de l’opéra français du XIXe siècle étaient ce dans quoi il était le meilleur.Le documentaire de Michael Beyer commence d’ailleurs avec l’extrait d’un concert filmé, l’air de Nadir, extrait des Pêcheurs de perles, de Georges Bizet, où ses demi-teintes et ses pianissimos rêveurs, tout comme le velours de son legato, n’ont été à ce jour égalés par personne. Il n’est donc pas étonnant que le grand ténor du moment, Jonas Kaufmann, témoigne dans ce film de l’admiration qu’il voue à cet aîné, modèle d’une technique saine, prudente, et d’une musicalité naturellement raffinée.RenoncementsRepéré par le producteur de disques Walter Legge en 1952, celui-ci le fait immédiatement engager par la firme EMI pour laquelle il enregistrera avec Herbert von Karajan et gravera 180 disques au cours de sa longue carrière : des lieder allemands, des mélodies françaises (il chantait notre langue à la perfection), l’opéra, l’oratorio et aussi l’opérette, un genre qui fera de lui une vedette populaire en Allemagne (le documentaire montre de nombreuses archives de la télévision allemande, d’œuvres de Franz Lehar notamment). Sa carrière sur scène fut mondiale et longue, jusqu’à son retrait des scènes, à 77 ans.Mais, au mitan de la quarantaine du chanteur, la voix prit cependant quelques rides et perdit de sa fraîcheur. Ce que tait ce documentaire résolument admiratif qui laisse penser que le seul « risque » vocal que prit Gedda fut un Lohengrin, de Wagner, qui le conduisit droit chez l’ORL. Le ténor aborda sûrement trop tôt Don José, dans Carmen, de Bizet, et ses incarnations berlioziennes étaient probablement un peu au-dessus de ses moyens.Mais Gedda ne tenta pas le diable et dit d’ailleurs, de manière assez amusante (ses collègues rappellent qu’il était doté d’un sens de l’humour assez subtil), avoir toujours préféré les rôles courts, comme celui de Lenski dans Eugène Onéguine, de Tchaïkovski : « Comme il est tué dès l’acte 2, je peux rentrer chez moi. »Un ténor au diapason, de Michael Beyer (Allemagne, 2015, 52 min). Dimanche 8 novembre, à 0 h 50, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante) Documentaire sur Canal+ à 15 h 10 Un reportage accablant sur la collaboration du groupe allemand à la dictature militaireIl était 16 h 30, lorsque Lucio Bellentane est arrivé sur la chaîne de montage. Ce devait être un jour banal pour ce métallurgiste de 28 ans. Mais sept heures plus tard, le jeune militant communiste est roué de coups dans un recoin de l’usine, avant d’être livré à la police secrète. Ses tortionnaires ? « Volkswagen ». Bellentane est brésilien. En 1972, lorsqu’il se fait tabasser par les hommes d’Adhemar Rudge, un ancien colonel de la police militaire chargé de la sécurité du groupe allemand à Sao Paulo, le pays est sous le joug d’une dictature militaire. Pour Volkswagen, cette période sombre aurait été l’occasion de molester les employés trop revendicatifs.Plainte déposée contre la marqueLe reportage accablant, réalisé à Sao Paulo par François Cardona et Eliot Fritel, diffusé dans « L’Effet papillon », sur Canal+, revient sur « l’autre scandale Volkswagen ». Le groupe, accusé d’avoir triché sur les émissions de CO2 de ses moteurs diesel, doit aussi affronter son passé brésilien. Une plainte a été déposée le 22 septembre, l’accusant d’avoir collaboré activement avec la dictature (Le Monde du 25 septembre). A écouter un ancien de la police militaire, la responsabilité de l’entreprise fait peu de doute. « Volkswagen ? Quand on leur demandait quelque chose, ils faisaient exactement ce qu’on voulait », dit-il, évoquant « une vraie proximité » entre le groupe et la dictature, tout en recommandant aux journalistes de se taire.Au Brésil, où Volkswagen s’est rendu populaire avec sa fusca (« coccinelle »), diverses polémiques que n’aborde pas le reportage ont déjà affecté la marque. En 1967, lorsque est extradé en Allemagne Franz Stangl, ancien nazi employé par le groupe à Sao Bernardo do Campo. Ou, plus récemment, lorsque « VW » a été accusé d’avoir espionné le syndicaliste et futur président Luiz Inacio Lula da Silva.Lucio Bellentane obtiendra-t-il réparation ? Adhemar Rudge, devenu un vieil homme, coule des jours tranquilles dans son appartement de Sao Paulo. Et, aux deux auteurs du reportage, il explique que « tout est inventé. Volkswagen n’a jamais collaboré avec la police. Ce sont des mensonges ».L’autre scandale Wolskwagen , de François Cardona et Eliot Fritel. Dimanche 8 novembre, à 15 h 10, sur Canal+Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondance) Un jeune homme de 18 ans originaire de Haute-Garonne est mort des suites d’un malaise cardiaque, jeudi 5 novembre, après avoir participé à une rave-party le week-end du 1er novembre à Talairan, dans l’Aude. L’autopsie était en cours vendredi, ainsi que des analyses toxicologiques qui devront déterminer si sa mort est due à une absorption massive d’alcool et de produits stupéfiants.Deux autres personnes sont également décédées : un homme de 35 ans, sans domicile fixe et originaire du Vaucluse, trouvé mort sur le site dimanche en fin d’après-midi, ainsi qu’un Espagnol de 28 ans, décédée sur la route du retour entre Barcelone et Gérone. Selon le récit fait par les amis de la victime aux enquêteurs espagnols, le petit groupe revenait de la rave audoise.Dès le lendemain du drame, le préfet de l’Aude, Jean-Marc Sabathé, avait qualifié les organisateurs « d’irresponsables et de criminels ». Le rassemblement, non autorisé, avait fait converger de toute la France, d’Espagne, de Suisse et de Belgique, environ 6 000 « teufeurs », dont certains étaient encore présents sur le site en cette fin de semaine.Malgré la mobilisation de la gendarmerie, les jeunes avaient afflué sur un terrain situé en bordure d’une grande forêt, facilement accessible et relativement éloigné des habitations. Patrice Guillaume, le maire (sans étiquette) de la commune de Talairan et ses 380 habitants, ont été alerté dès le vendredi 30 octobre par de la musique provenant de trois « murs de son » reliés à des groupes électrogènes. « Ils sont venus sur ce site appartenant au conseil départemental sans nous avoir prévenu et sans autorisation. C’est la troisième fois depuis le mois de septembre et à chaque fois, nous ne pouvons rien faire malgré la présence des gendarmes », se désole-t-il.« Quatre urgences vitales »L’enquête a été confiée à la brigade de recherche de Carcassonne et devra déterminer des produits stupéfiants sont à l’origine de ces morts, mais aussi retrouver les organisateurs de la rave, toujours pas identifiés.Le jeune Toujousain aurait pris des cachets de LSD et de mescaline, alcaloïde puissant et hallucinogène de la classe des phényléthylamines, selon ses proches.Dimanche, la dizaine d’infirmiers et médecins de la Croix-Rouge sur place avait fait part de « quatre urgences vitales et notamment un cas grave avec pronostic vital engagé ». Les pompiers évoquaient quant à eux trois évacuations sanitaires pour une blessure au genou, une crise d’angoisse et une perte de connaissance.Le 24 mai, un Vauclusien de 17 ans qui participait à une rave-party sauvage dans le Tarn, avait également succombé après une forte consommation de drogue. La rave-party qui s’était déroulée entre les communes d’Albine (Tarn) et de Lespinassière (Aude), faisait suite à l’interdiction du Teknival prévu près de Béziers. La plupart des « teufeurs » s’étaient rassemblés à Nizas, près de Pézenas (Hérault), tandis que d’autres groupes avaient essaimé dans divers lieux, dont cette région déserte de la Montagne Noire.De plus en plus contraints de prévenir à l’avance les autorités, et se voyant souvent refuser les autorisations, les organisateurs mettent désormais en place une communication interne sophistiquée qui ne passe même plus par les réseaux sociaux. Les lieux choisis sont communiqués au dernier moment, d’où le fait que ces raves se prolongent plusieurs jours.Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondance)Journaliste au Monde Mustapha Kessous Documentaire sur LCP à 20 h 30 Un documentaire tente d’éclairer le rapport des présidents de la Ve République à la foi.Depuis 1905, l’Etat et l’Eglise sont séparés, mais leur relation ne s’est jamais véritablement arrêtée. Bien au contraire. Chacun des sept présidents de la Ve République a entretenu des rapports particuliers avec le sacré. De Charles de Gaulle à François Hollande, les chefs de l’Etat ont parfois dû concilier – avec plus ou moins de réussite – croyance et laïcité, sans heurter les autres confessions.L’un des plus décomplexés est certainement Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais caché sa foi catholique. Trois ans avant de devenir président (de 2007 à 2012), il avait écrit un livre avec le père dominicain Philippe Verdin (La République, les religions, l’espérance, éd. du Cerf, 2004) qui parlait de la place des cultes dans l’espace public. Pour lui, les religions doivent apporter de « l’espérance », et c’est le rôle de l’Etat de les aider dans cette quête.A chaque messe publique, M. Sarkozy n’hésite pas à faire le signe de croix, au grand dam des farouches défenseurs de la laïcité qui désapprouvent qu’un chef d’Etat puisse ne pas garder une posture de neutralité, comme l’exige la fonction présidentielle. Nicolas Sarkozy se moque des conventions : il rappelle sans cesse les origines chrétiennes de la France. Il cherche aussi à donner une visibilité à l’islam, mais « sa dérive droitière », comme le rappelle Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, a eu comme conséquence de stigmatiser les musulmans.Dans le monde politique, la religion est à manier avec précaution. C’est ce que montre le documentaire Les Présidents et Dieu, diffusé sur LCP dimanche. A travers les témoignages de proches de dirigeants français comme Hubert Védrine, François Léotard, Alain Pompidou (fils de Georges Pompidou), le Père François de Gaulle (neveu du Général) et bien d’autres encore, on comprend les difficultés qu’ont eues les chefs de l’Etat à moderniser un pays sans heurter – si possible – les convictions religieuses d’une partie des Français.Tensions avec le VaticanAinsi, après le vote, en 1975, de la loi Veil dépénalisant l’avortement, Valéry Giscard d’Estaing s’était mis à dos les catholiques les plus fervents et le Vatican. Quarante ans plus tard, François Hollande a soulevé la réprobation d’une grande partie des croyants des trois grandes religions lors du vote du mariage homosexuel.Charles de Gaulle est probablement celui qui a été le plus croyant : il a même fait installer une modeste chapelle – plus précisément un oratoire – dans une petite pièce de l’Elysée. Le Général a toujours considéré la France comme « la fille aînée de l’Eglise » et joua de ses relations diplomatiques pour faire élire, à chaque fois, un pape favorable à son pays.François Mitterrand a été le plus mystique, fasciné par la mort. Jacques Chirac croit plus aux hommes qu’à Dieu, intrigué par les origines de l’espèce humaine au point d’en faire un musée (le Musée du quai Branly).Ce documentaire intéressant en deux parties est un voyage dans la spiritualité de nos dirigeants. Ce film dense, un peu trop même, joue trop des commentaires. On peut regretter qu’il ne donne pas assez la parole aux différents témoins qui apportent un éclairage et racontent des anecdotes parfois amusantes sur nos présidents.Les Présidents et Dieu, de Marc Tronchot (Fr., 2015, 2 x 52 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 06.11.2015 à 17h18 • Mis à jour le07.11.2015 à 12h53 | Florence Evin Fermé le 15 février, pour dépôt de bilan, le Musée Maillol rouvrira en septembre 2016, comme l’a annoncé Olivier Lorquin, président de la Fondation Dina Vierny, propriétaire du musée. Culturespaces prend en charge la totalité du fonctionnement muséal, comme elle le fait déjà à Paris pour le Musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut de France.La future programmation devrait remettre à l’honneur l’art moderne et contemporain, « l’ADN du Musée Maillol », tel que l’avait voulu sa fondatrice Dina Vierny, modèle et muse du sculpteur Aristide Maillol (1861-1944) de cinquante-huit ans son aîné. Dina Vierny s’est consacrée jusqu’à sa mort, en 2009, à rendre publique l’œuvre de son mentor, après avoir offert à l’Etat, en 1964, sous l’égide d’André Malraux, la vingtaine de figures féminines monumentales exposées dans le jardin du Carrousel aux Tuileries, à Paris. C’est elle aussi qui a acquis et restauré l’hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris, pour y loger le Musée Maillol, en 1995, et exposer l’œuvre et les collections de l’artiste.Olivier Lorquin, fils de Dina Vierny, « le patron [du Musée Maillol] nous a confié la production des expositions temporaires, celle de la collection permanente, de l’audio-guide, et de la gestion, tout ça à nos risques et périls, avec la mise à disposition des lieux bien entretenus, bien climatisés, précise Bruno Monnier, fondateur et président de Culturespaces. Il n’y aura plus de direction artistique, nous déciderons ensemble de la programmation. Avec Sophie Aurand-Hovanessian, administratrice, directrice de la programmation culturelle de Culturespaces, qui pilote le service des expositions avec une équipe de dix personnes, à Jacquemart-André, comme à Caumont Centre d’Art ouvert au printemps dernier à Aix-en-Provence ». Des expositions moins courues qu’espéréCette annonce met un terme à l’incertitude qui pesait sur le sort du Musée Maillol fermé dans l’urgence, il y a huit mois, alors qu’était annoncée une exposition sur le thème du baiser dans l’art, depuis la Renaissance, et qui devait ouvrir un mois plus tard. « Je retrouve mes ailes, la liberté que j’avais perdue, une envie de faire. On déborde d’idées. C’est un accord sur l’émotion, s’emporte Olivier Lorquin. Avec Patrizia Nitti, j’étais un peu en deçà, j’observais ce qui se passait chez moi. Patrizia Nitti avait de l’entregent , on a fait des choses formidables ensemble. Sa société Tecniarte a déposé le bilan, il y a eu rupture de contrat. J’ai tourné la page. »Tecniarte, qui gérait le musée, a fait les frais d’une baisse de fréquentation avec des expositions moins courues qu’espéré, plombant la trésorerie, après des investissements colossaux et nécessaires pour la mise aux normes du musée. La pétulante Patrizia Nitti, qui a retrouvé son fief romain, estime que l’arrivée de Culturespaces à Maillol « est une révolution ». « Jamais, dit-elle, Culturespaces n’acceptera les conditions qui m’étaient imposées. Olivier Lorquin m’a donné les clefs du musée et la mauvaise gestion de la Fondation Dina Vierny, avec l’impossibilité d’y remédier. J’ai été très mal conseillée par mes avocats. Toutes les améliorations extrêmement coûteuses, c’est moi qui les ai faites, pour plus d’un million d’euros. C’était vital. J’ai rendu un musée moderne ».Entre 180 000 et 350 000 visiteurs annuelsCe qu’apprécie son successeur Bruno Monnier : « J’ai été agréablement surpris, reconnait-il, de trouver des infrastructures au top niveau. L’équipement du musée est prêt ». Le contrat signé avec M. Lorquin prévoit le versement, par Culturespaces au Musée Maillol, d’un « loyer fixe pour les mille mètres carrés d’exposition et un partage des excédents de la billetterie – sur les frais engagés », ajoute Bruno Monnier qui vise 300 000 visiteurs par an. Un objectif raisonnable pour un musée dont les entrées oscillaient, selon les têtes d’affiche, entre 180 000 et 350 000 visiteurs – notamment pour Basquiat, en 1997, et Pompéi en 2011.« Revenir aux fondamentaux », telle est l’obsession d’Olivier Lorquin. D’ores et déjà, les thèmes porteurs retenus pour les deux expositions temporaires annuelles, de l’automne et du printemps, confirment le parti-pris : « la représentation du corps dans l’art moderne et contemporain », « Aristide Maillol, ses amis et les artistes de son temps », « Dina Vierny, muse de Maillol, galeriste et collectionneuse », ou encore « les couples artistes ».Culturespaces, société privée, s’occupera de tout, de l’accueil, de la billetterie, des visites comme de la gestion des activités annexes – librairie-boutique, café, réceptions. Sur le modèle de ce qu’elle fait dans les treize autres sites à sa charge, des Carrières de lumière des Baux-de-Provence aux Théâtre et Arènes de Nîmes, jusqu’à la Villa Ephrussi de Rothschild sur la Méditerranée .La cour pavée de l’Hôtel Bouchardon, qu’a connue Alfred de Musset qui logeait au premier étage, va retrouver son éclat d’origine derrière le fameux porche d’entrée, dit « de la Fontaine aux quatre saisons » pour ses figures sculptées. Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Voici deux hommes du jazz, André Villéger (saxophones ténor et soprano, clarinette, né à Rosny-sous-Bois le 12 août 1945) et Philippe Milanta (pianiste né à Marseille le 30 mars 1963). Ils ont sous les doigts et dans le souffle plus de cent ans de musique. On les connaît comme interprètes, arrangeurs, compositeurs, et membres attitrés de tous les big bands de ces dernières décennies. Pas du tout comme stars ou starlettes.Ce qui, pour ne pas les propulser au-devant de la scène, ne les rend pas moins indispensables à une certaine idée du jazz. On a pu la croire dépassée (par quoi, au juste ?), cela ne suffit pas à la périmer.Dans le sillon du plaisirJouer le répertoire, célébrer les « héros » du jazz – le dernier album en duo de Villéger et Milanta s’intitule For Duke and Paul – reste et surtout redevient une idée forte. On peut la prendre comme un programme académique (Wynton Marsalis), la renouveler (Géraldine Laurent), s’y référer parce que malgré tout… (nombre de jeunes musiciens), on peut aussi en faire ce que Villéger et Milanta en font : la jouer droit, la creuser, s’y absorber comme dans le sillon du plaisir. Il y faut une personnalité discrète, en termes de vedettariat, une personne claire, une ambition immense autant que modeste. Ce qui s’appelle jouer pour, For Duke and Paul.Duke, c’est évidemment Duke Ellington, et à travers lui, Billy Strayhorn, l’alter ego, l’âme du band, le compositeur éblouissant, l’autre pianiste de l’orchestre. Paul, Paul Gonsalves (ténor sax), l’une de ses voix privilégiées, même dans le Duke Ellington Band où elles l’étaient toutes. Quand l’orchestre entrait en scène, chacun rejoignant son pupitre avant l’entrée du Duke, chacun était acclamé à juste titre. Ils avaient nom Cootie Williams, Cat Anderson, Johnny Hodges, Russel Procope, toute la section des sax. Paul Gonsalves, capable à lui seul de relancer l’orchestre à Newport, en 1956 (Diminuendo and Crescendo in Blue), semblait celui à qui Duke passait tout.On le voit, lors d’un concert en Norvège, cluquer sur sa chaise, avant de se réveiller sous le doigt du Duke, pour prendre un chorus de feu. Un soir de 1967 à Pleyel, le pupitre de Cat Anderson (1916–1981), membre de l’illustre cohorte depuis 1944, resta vide. Malade ? Quelque pépin ? Non. C’est qu’il s’était présenté en retard à la balance. Ça ne rigolait pas. Mais quand ça jouait, ça jouait. Souvenirs de l’âge d’or ? Promesses de l’avenir…Vérité du jeuVilléger et Milanta réussissent ce tour de force d’être à fond eux-mêmes, sans autre concession que la vérité du jeu, en duo, alors que leur répertoire – à deux compositions personnelles près – est dans toutes les oreilles à travers les divers big bands qui les ont illustré. Villéger a suivi un parcours à contrepied, du traditionnel au plus actuel, tandis que Milanta, marqué au début par Count Basie, se laisse, à travers toute sorte de formations dont son propre nonette, gagner par Ahmad Jamal et autres.Il y a dans ces parcours croisés quelque chose d’éminemment émouvant qui ne tient que par leur refus de refaire, de redire, doublé de mille expériences de « sideman » : le « gars d’à côté » disant mieux qu’ « accompagnateur », de quoi il retourne. Ce qui leur permet, désir et capacité entrelacés, de reprendre à bras le corps une idée, un geste, un moment, avec une décision et une inventivité qu’il est toujours loisible de mimer sans forcément la rejoindre. Eux, ils sont au cœur, reprenant des compositions peu connues ou décalant rythmes et tonalités sur, par exemple, I Let A song Out of My Heart.On pourrait retracer tous les points remarquables de leur entente à travers le Paul’s Tales de Villéger. Ce serait une formidable analyse de ce génie personnel qui se dévoue à l’Histoire du jazz à travers ses héros même. Inutile de traquer dans le jeu de Villéger qu’on aime tant à chacune de ses apparitions (au Cépage Montmartrois, par exemple, le vendredi soir, avec George Locatelli), quelque mimétisme dont il serait bien capable. Tenter de comprendre sa fougue.Pour le sérieux du jeuSe dire simplement que donner, en toute simplicité (tu parles !), une idée de toutes les musiques qu’ils portent, et la donner en duo, tient de la performance, d’autant plus vivace, qu’elle n’en affiche aucun des signes frelatés. Ils jouent, pour le plaisir et le sérieux du jeu. Ils jouent avec une efficacité qui emballe. Inutile de se demander pourquoi le Sunset Sunside est bourré comme un club de grande époque. Ce plaisir donne du plaisir, et le sérieux, de quoi réfléchir encore cent ans. Avis aux jeunes musiciens. Ils ont souvent l’allant mais pas forcément la science. Quant à l’humilité…Le 4 juillet 1973, Independance Day, trois orchestres, trois légions de stars, se relayaient au Roseland Ball Room de Manhattan : Count Basie Orchestra, Duke Ellington Band et l’orchestre de Woody Herman. Six chansons chacun, et on recommence. Pas moins. Quel plaisir, parfois, d’avoir vécu…La curiosité de cette nuit du 4 juillet – les gens dansaient sous lampions et petites bannières étoilées –, c’est que « Paul » allait en tanguant de l’un à l’autre, comme s’il se trompait de formation. L’ivresse ? L’errance ? Pas le moins du monde. Il savait, de source sûre, que bien plus tard, il y aurait des musiciens capables d’en retenir l’idée, la démarche et la force. Mais il faut s’y atteler et s’appeler André Villéger et Philippe Milanta. Ce qui donne, c’est la condition, en duo, c’est le défi, une réussite aussi saluée en club qu’en album : For Duke and Paul. Méthode rouge et bleue avec les étoiles, pour grands fidèles à l’histoire du jazz et apprentis de la dernière heure.For Duke and Paul, d’André Villéger et Philippe Milanta, 1 CD Camille, Socadisc. www.facebook.com/Camille-Productions-1496036404044865Francis MarmandeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Bertrand Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Grey à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Documentaire sur France 2 à 22 h 35 Afin de célébrer les quarante ans d’« Apostrophes », Pierre Assouline propose un délicieux florilège.Chaque vendredi soir, pendant quinze ans (de 1975 à 1990), Bernard Pivot a été le grand ordonnateur d’une des plus fameuses veillées littéraires : « Apostrophes ». Pour célébrer cette institution qui a rassemblé jusqu’à deux millions de spectateurs, Pierre Assouline a composé, sous la forme d’un abécédaire, un florilège des meilleurs moments de l’émission, commenté avec bonhomie et émotion par le « roi Lire ».Parmi les épisodes célèbres – comme celui, cultissime, avec l’écrivain américain Charles Bukowski, éméché, quittant bouteille en main le plateau, épaulé par Bernard Pivot et son éditeur –, les passes d’armes se tiennent en bonne place. Des « amabilités » de l’historien et épistémologue Jean-Paul Aron, lancées notamment à l’encontre de Barthes, Foucault, Derrida, au « KO » verbal de Jean Cau par Mohamed Ali ; de l’échange glaçant entre Marc-Edouard Nabe et Morgan Sportès qui s’achèvera en coulisse par un pugilat, relate Pivot, aux propos dévastateursde Simon Leys envers Maria-Antonietta Macciocchi et son livre sur la Chine, signant du reste son arrêt de mort en librairie, on mesure la violence qui pouvait éclater au sein de ce cénacle littéraire, mais aussi l’incroyable liberté de ton qui n’aurait peut-être plus cours aujourd’hui.Et, incidemment, il est rappelé le pouvoir de prescription que prit très vite « Apostrophes ». Cet impact se fera sentir sur les essais les plus ardus comme ceux de Vladimir Jankélévitch ou de Claude Hagège que « les gens, explique Pivot, achetaient par reconnaissance ».Doux parfum de nostalgieReste que, entre les éclats de voix, les duels à fleuret moucheté (celui avec Roger Peyrefitte, qualifié par Jean d’Ormesson de « dame pipi qui se prend pour Saint-Simon », étant sans doute parmi les plus délicieusement vachards) et les mots d’esprit, Pierre Assouline délivre aussi de nombreux très beaux moments. On pense entre autres à l’échange entre Roland Barthes et Françoise Sagan sur l’amour ; à Marguerite Duras évoquant ce double de la vie que constitue pour elle l’écriture ; à la définition de l’écrivain par Etiemble, ou encore à Marguerite Yourcenar évoquant cette maladie du siècle qu’est le conformisme. Parsemé de rires et d’émotions, ce délicieux florilège sait surtout nous étreindre par un doux parfum de nostalgie.Les Vendredis d’Apostrophes,de Pierre Assouline (Fr., 2015, 95 min). Vendredi 6 novembre, à 22 h 35, sur France 2.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Téléfilm sur Arte à 20 h 55Le réalisateur Philippe Harel donne une force physique au roman de Delphine de Vigan. Septembre à Paris. Mathilde (Marie-Sophie Ferdane) se rend à son travail, la boule au ventre. Depuis des mois, cette cadre d’une grande entreprise subit le harcèlement de son chef, « un connard en costume trois pièces » qui la détruit à petit feu. Au même moment, dans un hôtel de Normandie, Thibault (Mehdi Nebbou) décide, après un triste week-end passé avec elle, de rompre avec Lila. Docteur à SOS Médecins, il soigne la souffrance des autres. Contre la sienne, il n’a pas de remède.Durant cent cinq minutes, ces deux personnages vont traîner leur vie dans la capitale, subir les agressions d’un patron pour l’une et la douleur des patients pour l’autre, se frôler sans se rencontrer. Tel est le thème de ces Heures souterraines, la solitude que l’on vit seul, en couple ou au milieu des autres. De cette déambulation, on ressort affaibli et épuisé.Faire ressentir le videAdaptation du roman du même nom de Delphine de Vigan (Lattès, 2009), dont il a conservé la forme – l’alternance sur deux personnages –, le téléfilm de Philippe Harel a pour premier mérite de donner une dimension et une puissance physiques au livre. A tel point que c’est à une épreuve tout aussi physique que le téléspectateur paraît avoir été soumis, une fois le film achevé. Et ce, pas seulement parce que le cinéma incarne et donne chair, mais parce que le réalisateur sait saisir la dureté de la ville. Cadrages serrés sur le visage d’un des protagonistes comprimé dans la foule, usage de scènes répétitives (embouteillages, interphones, ascenseurs…), utilisation de la voix off qui décrit en parallèle l’état mental de Mathilde et celui de Thibault… tout contribue à exprimer et surtout à faire ressentir le vide, la claustration des êtres pris dans la réalité urbaine.Ce thème, Philippe Harel l’exploite à la manière d’une poupée russe. En grand format, la solitude des deux protagonistes, et pour les suivants, celle des patients que visite Thibault (une femme en pleine crise de claustrophobie, un homme en prise à des bouffées délirantes…) et celle aussi des passants dans la rue pris dans un mouvement dont ils ne sont plus maîtres. Il n’est pas un endroit, dans ces Heures souterraines, où l’on puisse échapper à ce sentiment. Ni dans la voiture de Thibault où les bruits de la ville parviennent feutrés à travers les vitres, ni au milieu de la multitude où se fond chaque jour Mathilde dans le métro. Mieux qu’un rythme haletant et une bande-son saturée, Philippe Harel (Les Randonneurs ; Extension du domaine de la lutte, adapté du roman de Michel Houellebecq ; Tu vas rire mais je te quitte…) a fait le choix de la lenteur et de quelques notes de piano lancinantes. Histoire de donner corps à la bulle qui enferme les personnages plutôt qu’au tourbillon environnant.Delphine de Vigan, qui vient de recevoir le prix Renaudot pour D’après une histoire vraie (JC. Lattès, 484 p., 20 €), dit avoir rencontré le réalisateur, aimé la lecture qu’il avait faite de ses Heures souterraines et ne plus s’être mêlée de rien. « Une adaptation, c’est toujours une interprétation : un auteur s’empare du travail d’un autre pour se l’approprier. Parfois, c’est une trahison, et il y en a de très belles… » Ce téléfilm a été récompensé du prix du « Meilleur unitaire » et de la « Meilleure interprétation féminine » au Festival de Luchon 2015 ainsi que du prix Jérôme Minet au FIPA 2015.Les Heures souterraines, de Philippe Harel. Avec Marie-Sophie Ferdane, Mehdi Nebbou, Eric Savin (Fr., 2015, 105 min). Vendredi 6 novembre, à 20 h 55, sur Arte.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julie Clarini et Benoît Vitkine En décernant, le mois dernier, le prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Alexievitch, l’Académie suédoise récompensait une œuvre qui explore les traces laissées dans les consciences par les grandes catastrophes du siècle soviétique (seconde guerre mondiale, guerre en Afghanistan, Tchernobyl, éclatement de l’URSS).Lire aussi :Le prix Nobel de littérature attribué à la Biélorusse Svetlana Alexievitch« Le Monde » a rencontré l’écrivaine lors de son passage à Paris. Voici quelques extraits de cet entretien, au cours duquel, très critique sur la politique menée par Vladimir Poutine, elle dépeint la nostalgie de l’époque soviétique qui prévaut en Russie, les déceptions de la transition démocratique et le renouveau nationaliste imposé par le président russe.Vous parlez du « monde russe ». C’est aussi l’expression qu’utilise Vladimir Poutine pour désigner l’espace russophone hors des frontières de la Russie, envers lequel il aurait une responsabilité. Vous, écrivaine biélorusse de langue russe, vous reconnaissez-vous dans ce concept ?J’ai trois racines : des racines ukrainiennes, des racines biélorusses et la culture russe. Sans la culture et la philosophie russes, je ne serais pas ce que je suis, et je n’aurais pas écrit La Supplication. Mon « monde russe » est très différent de celui de Poutine, c’est celui de Chostakovitch, Dostoïevski, Tchekhov, Rostropovitch, Herzen… Quant au monde russe auquel j’aspire, il passe par un soutien accru à l’Ukraine de la part des Occidentaux.La réussite de l’Ukraine, sa transformation, serait le meilleur argument contre les discours de Poutine. J’ai toujours considéré que la guerre dans le Donbass était une agression militaire contre l’Ukraine, une occupation. Il n’y a aucun doute sur le fait que, sans Poutine, il n’y aurait aucune guerre civile sur ce territoire. On pourrait amener cinq camions de kalachnikovs en Biélorussie et le même scénario se produirait : on trouve toujours des gens prêts à tirer.Le cas de la Crimée est plus compliqué. Je connais des gens qui, en entendant la nouvelle du rattachement, ont pleuré de joie. Mais, pour savoir ce que pense réellement la population, il faudrait des élections libres. Là, les Russes sont simplement arrivés et se sont emparés du territoire.Existe-t-il un « poutinisme », une idéologie poutinienne ?En 1991, le peuple s’est réveillé dans un pays nouveau et incompréhensible. Et il s’est tu. Puis, quand les usines ont fermé, quand les gens n’ont plus eu à manger que des pommes de terre, ils se sont mis à détester les « merdocrates libéraux ».Après vingt ans de silence, Poutine est arrivé : « Nos seuls amis, ce sont l’armée et la flotte », a-t-il dit. Et tout l’argent du pétrole et du gaz est parti pour l’armée. Il n’a pas dit que l’on devait être fiers d’une quelconque démocratie, il a seulement parlé de la Grande Russie, du respect qui lui était dû…Cette idéologie poutinienne produit-elle déjà un effet sur l’homme russe ?Oui. Je ne reconnais pas les gens, j’ai perdu certains de mes amis. On n’a pas fait assez attention aux premiers symptômes, à tous ces films qui passent à la télé sur la Tcheka [l’ancienne police politique], sur Staline… On essaie même de justifier l’action de Beria [chef du NKVD, successeur de la Tcheka, de 1938 à 1953].A Perm, un musée consacré aux victimes de la répression a été transformé en « musée des travailleurs du goulag », c’est-à-dire des gardiens ! Tout ne vient pas du haut, de Poutine ; certaines initiatives viennent d’en bas, du peuple.Les jeunes m’étonnent particulièrement. Ils conduisent de belles voitures, portent de beaux costumes, mais ils restent des esclaves. Cette génération de l’après-1990 soutient fortement Poutine, elle reprend ses discours sur l’humiliation, sur le besoin d’un leader fort. Nous, on imaginait que des gens différents apparaîtraient, des gens libres.Cette mentalité tient beaucoup à ce que leur racontent leurs parents sur la santé gratuite, l’éducation, l’ascenseur social soviétique… Peut-être qu’il faut attendre encore. Ou bien peut-être faut-il d’abord, pour que disparaisse cette mentalité d’esclave, que ceux d’en haut changent…Pendant l’époque soviétique, vous sentiez-vous appartenir à la société communiste ? Partagez-vous la nostalgie de vos personnages, de vos héros, pour l’esprit de sacrifice, l’altruisme, le mépris de l’argent ?Je me sentais déjà à la marge, mais c’était le seul monde que je connaissais. Les gens étaient doubles, à l’époque. Ils étaient prêts à faire la queue pour acheter des recueils de poèmes d’Anna Akhmatova. Mais c’étaient les mêmes qui écrivaient des dénonciations, qui étaient surveillants dans les camps.On aimerait que le mal soit une chose simple : Beria, Staline… Mais le mal est quelque chose de plus diffus, d’éparpillé en chacun de nous. C’est pour cela que j’écris, pas pour étaler un catalogue d’horreurs, pour accabler les lecteurs, mais pour que chacun cherche en lui-même sa part d’humanité et apprenne à la préserver. Ce sont des choix de chaque instant : on te dit d’aller à une manifestation de soutien à Poutine, pose-toi des questions !Lire l'intégralité de l'interview :Svetlana Alexievitch : « La liberté, c’est un travail long et pénible »Benoît VitkineJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJulie ClariniJournaliste au Monde 06.11.2015 à 08h03 • Mis à jour le06.11.2015 à 10h18 Un rare Picasso de la période bleue de l’artiste, qui cache une seconde œuvre sur le revers de la toile, s’est vendu pour 67,45 millions de dollars, jeudi 5 novembre, à New York lors d’une enchère par la maison Sotheby’s.La Gommeuse est un nu d’une artiste de cabaret, à la forte charge érotique. Peinte en 1901 alors que Picasso n’avait que 19 ans, cette toile pouvait à elle seule prétendre à de belles enchères. Mais c’est le revers du tableau qui montre un ami de Picasso en lutin jaune, nu et urinant coiffé d’un turban rouge et blanc, qui fait de cette pièce une œuvre très rare.Cette vente est aussi une fort belle affaire pour le milliardaire américain Bill Koch, qui avait acheté l’œuvre pour 3 millions de dollars en 1984, ignorant totalement que le nu en cachait un autre. C’est au cours de travaux de restauration en 2000 que la seconde peinture a été découverte. Le tableau avait été estimé à 60 millions de dollars.Monet et Van GoghDans la même soirée, une étude à l’huile des nymphéas de Monet a trouvé acheteur à 33,85 millions, pour une estimation de 30 à 50 millions. Un Van Gogh, peint un an seulement avant la mort de l’artiste et montrant un ciel tumultueux au-dessus des champs dans la région d’Arles a trouvé preneur pour 54 millions de dollars, alors que Le bébé Marcelle Roulin, un portrait d’un bébé joufflu portant un bonnet de dentelle, également peint par Van Gogh, s’est vendu pour 7,64 millions de dollars après une longue et frénétique empoignade entre amateurs.Les plus belles pièces des enchères d’automne qui se tiennent traditionnellement à cette période à New York restent encore à venir à la vente. Il s’agit d’un nu de Modigliani dont les spécialistes de la maison Christie’s espèrent au moins 100 millions de dollars et aussi de Nurse, un Roy Lichtenstein qui est estimé à 80 millions de dollars et qui sera également vendu par Christie’s. Il y a six mois, les ventes de printemps avaient atteint des niveaux historiques, totalisant 2,61 milliards de dollars. Le record du tableau le plus cher de l’histoire est même tombé, Les Femmes d’Alger (version O) de Picasso s’étant adjugé pour 179 millions de dollars.Lire aussi :Sotheby’s et Christie’s : l’art des records Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sambat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.Avec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.Bouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Laïcité et liberté d’expression : des armes idéologiques ? Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime » a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Hirokazu Kore-eda. Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde Cristina Marino (Charleville-Mézières (Ardennes)) Si Cannes se transforme chaque année en capitale du cinéma en mai, Avignon en celle du théâtre en juillet ou encore Aurillac en rendez-vous international des spectacles de rue en août, Charleville-Mézières (Ardennes) est sans conteste la cité de la marionnette. Non seulement tous les deux ans, en septembre, avec le Festival mondial des théâtres de marionnettes, mais aussi tout au long de l’année grâce à plusieurs structures dédiées comme l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette (Esnam) et l’Institut international de la marionnette (IIM) dont elle dépend.Pour la 18e édition du Festival mondial des théâtres de marionnettes (du 18 au 27 septembre), dès son arrivée à la gare, le visiteur est accueilli par une série de grandes affiches de films célèbres détournées par le photographe Petr Kurecka pour son exposition « Puppet Fiction », qui dure le temps du festival.Les actrices Audrey Tautou (Amélie Poulain), Marion Cotillard (Edith Piaf), Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s), de Blake Edwards ou encore Uma Thurman dans Pulp Fiction, de Quentin Tarantino, ont le visage de Porshia, l’une des marionnettes fétiches en mousse de l’artiste d’origine brésilienne Duda Paiva, invité de cette édition 2015. En descendant du train, les festivaliers plongent ainsi d’emblée dans l’univers irréel de ces acteurs et actrices de chiffons (et de bien d’autres matières) qui envahissent la ville pendant ces dix jours. 580 représentations en dix joursEt c’est peu dire que Charleville-Mézières vit au rythme de ces créatures à fils. Le Festival mondial des théâtres de marionnettes, ce sont 115 compagnies venues de plus de 25 pays différents qui s’installent pour 580 représentations, dont 14 coproductions et 41 premières en France. Mais derrière ces chiffres se cache aussi une réalité au quotidien : pendant dix jours, tous les habitants de Charleville-Mézières mangent, dorment et parlent marionnettes, qu’ils soient bénévoles, commerçants, étudiants ou eux-mêmes artistes. Les vitrines des magasins du centre-ville cultivent l’ambiance à grand renfort de Guignols, Polichinelles et autres figures emblématiques des arts de la marionnette. En ville, les marionnettes semblent ne jamais faire relâche : il y a des spectacles presque toutes les heures chaque jour entre 10 heures et 23 heures. Et cela ne concerne que la programmation du « in », car le « off » attire dans les rues une multitude de micro-compagnies et d’artistes en tous genres venus tenter leur chance et récolter auprès des badauds quelques euros « au chapeau ». Pas un seul coin de rue où l’on ne croise de jour comme de nuit de courtes représentations, parfois faites de bric et de broc, parfois plus élaborées.La place Ducale au cœur du festivalLa place Ducale, version locale de la place des Vosges parisienne, devient une « cour des miracles » où se mêlent dans une confusion bariolée artistes de rue, festivaliers, camelots exposant des marionnettes de toutes tailles et qualités, vendeurs de gaufres, crêpes, sandwichs et autres. Elle est régulièrement envahie par des ribambelles d’enfants, vêtus de gilets jaune ou orange fluo portant les noms de leurs écoles, le festival mettant un point d’honneur à ouvrir largement ses portes aux scolaires. Sur la place, outre les désormais célèbres « Polichucales », des 5 à 7 quotidiens où se donnent rendez-vous des Polichinelles venus de tous les pays, la principale attraction est indéniablement la « performance poétique pour l’espace public » proposée par la compagnie Créature, originaire de Blagnac (Haute-Garonne), et baptisée Les Irréels. Soit douze petites cabanes qui se peuplent de créatures hybrides mi-humaines mi-animales aux noms évocateurs comme « La Lessiveuse de malheurs », « La Tisseuse de liens », « La Dorloteuse d’enfance » ou « Le Rafistoleur de mémoire ».Rompre avec l’image d’Epinal de GuignolDans le « in », le Festival mondial des théâtres de marionnettes veut rompre avec l’image d’Epinal traditionnelle, un peu ringarde et infantile, de Guignol et compagnie. Comme l’explique Anne-Françoise Cabanis, directrice du festival, « c’est bien dommage que la marionnette continue de véhiculer encore l’image réductrice de spectacle pour enfants ». Et ce alors qu’il y a « tant de spectacles de marionnettes formidables et surprenants à découvrir pour les adultes ». « Spectacle de marionnettes pour enfants ne rime pas avec spectacle niaiseux et infantilisant, martèle-t-elle. Bien au contraire, la création pour jeune public en la matière est innovante ». Assister en une seule journée à cinq spectacles d’affilée, soit un infime pourcentage des 580 représentations proposées pendant ces dix jours de festival, permet de se rendre compte de l’infinie richesse des sujets traités et des formes d’expression utilisées par les compagnies présentes pour cette 18e édition. Tout un univers sépare les sculptures éphémères en terre qui naissent, le temps d’une représentation de Count to One, sous les mains des artistes de la compagnie iranienne Yase Tamam, des marionnettes à taille humaine plus vraies que nature qui peuplent Le Rêve d’Anna, un spectacle proposé par la compagnie Trois-Six-Trente. Dans ce dernier, une fillette et un cheval blanc sont si criants de vérité que certains jeunes spectateurs se sont totalement laissés prendre par l’illusion, jusqu’à s’exclamer au début de la représentation : « Oh, regarde ! C’est un vrai cheval ! Comment ils ont fait pour le faire monter sur scène ? » De même, la marionnette géante à mi-chemin entre la pieuvre et la sirène, le monstre et la femme, dans Squid, de la compagnie Pseudonymo n’a pas grand-chose en commun avec les petites marionnettes du spectacle Les Nuits polaires, de la compagnie Les Anges au plafond, invitée de l’édition 2015 – elles tiennent dans l’igloo qui sert de salle de représentations. Ni avec celles de Schweinehund, d’Andy Gaukel et Myriame Larose : des pantins squelettiques d’environ 30 centimètres de hauteur aux visages grossièrement figurés, qui sont manipulés sur une simple table par deux marionnettistes vêtus de noir dont seules les mains restent visibles. A mi-chemin entre rêve et réalitéPar-delà ces différences, la magie de ces créatures de chiffons opère. Quand bien même les sujets abordés sont des plus sombres : la monstruosité et la perte d’identité dans Squid ; la guerre dans Count to One ; le chômage et les peurs de l’enfance dans Le Rêve d’Anna ; la dépression et la solitude dans Les Nuits polaires ; la déportation et l’extermination des homosexuels dans Schweinehund. Des spectacles à mille lieux de l’univers aseptisé d’un Guignol pour enfants mièvre et désuet. « La foisonnante et pertinente diversité de la marionnette envahit les scènes contemporaines pour questionner notre époque, ses crises et notre humanité, écrit d’ailleurs Anne-François Cabanis dans son texte d’introduction de la brochure du festival. Ni secondaire, ni marginale, ni annexe, la marionnette sait produire le sens et conduire la réflexion dont nous avons besoin pour raconter et comprendre le monde déstabilisant et en mutation dans lequel nous vivons. »Une première pierre posée par Fleur PellerinSigne que les créatures de chiffons et à fils ont durablement élu domicile à Charleville-Mézières, un nouveau bâtiment est en construction pour l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, en a posé la première pierre en ce vendredi 25 septembre, il devrait ouvrir ses portes à la rentrée 2016. Des rencontres professionnelles à l’échelle mondiale sont aussi régulièrement organisées dans la ville par l’Institut international de la marionnette.Un rayonnement mondial qui permet à Charleville Mézières de gommer l’image négative qu’en avait donnée au XIXe siècle l’un de ses plus célèbres enfants, Arthur Rimbaud (1854-1891). Le poète, qui la surnommait « Charlestown » en référence à son fondateur en 1606, Charles de Gonzague, écrivait à son sujet, dans une lettre à Georges Izambard datée du 25 août 1870 : « Ma ville natale est supérieurement idiote entre les petites villes de province ».18e Festival mondial des théâtres de marionnettes, à Charleville-Mézières (Ardennes), du 18 au 27 septembre 2015. www.festival-marionnette.comCristina Marino (Charleville-Mézières (Ardennes))Rédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Série documentaire sur Planète+ à 20 h 45 Joel Soler est allé à la rencontre des femmes de dictateur pour recueillir des souvenirs que rien n’entrave, pas même le remordsA voir le sourire affable de Nexhmije Hodja se figer, puis le corps de cette petite dame de 90 ans se raidir lorsque Joel Soler l’interroge sur le terme de « dictateur » accolé au nom de son époux, Enver Hodja – qui dirigea d’une main de fer l’Albanie de 1945 à sa mort, en 1985 –, on mesure les difficultés que le réalisateur a dû rencontrer pour mener à bien cette remarquable série documentaire (5 × 52 min) consacrée aux femmes des despotes. Mais aussi la diplomatie – et les ruses, sans doute – qu’il lui a fallu déployer pour parvenir à les approcher.Si certaines, comme Leïla Ben Ali et Michèle Duvalier, ont finalement choisi de ne pas apparaître, d’autres, en revanche, telles Imelda Marcos, Nexhmije Hodja ou Agathe Habyarimana, ont accepté d’évoquer longuement les heurs et malheurs de leur parcours. A défaut – et c’est l’un des points communs qui les unit – d’exprimer une once de culpabilité ou de remords quant à leur responsabilité directe ou indirecte.Ce qui rend d’autant plus stupéfiante, sinon dérangeante, cette série au long cours – fruit d’un travail de cinq ans – qui s’inscrit dans la lignée des précédents documentaires de Joel Soler consacrés à Saddam Hussein, Ben Laden ou encore Hitler. Déjà, il y explorait l’horreur de ces régimes autoritaires sous le prisme intimiste et familial.Discours monstrueuxOutre de brefs mais nécessaires rappels historiques, le réalisateur a choisi de thématiser son propos en classant ces « despot housewives » en « cinq familles » : « les grandes dépensières » (Imelda Marcos, Michèle Duvalier, Leïla Ben Ali…) ; « les impératrices rouges » (l’épouse de Mao Jiang Qing, Margot Honecker, Mira Milosevic…) ; « les cuisinières » ou femmes de l’ombre (Rachele Mussolini, Sajda Hussein ou Safya Khadafi) ; « les illusionnistes » et autres ambassadrices au charme vénéneux (Eva Peron, Jewel Taylor, Asma Al-Assad…) ; et, enfin, « les reines sans couronne » (Lucia Pinochet, Suzanne Moubarak…).Chacun des volets, dont on découvrira dimanche soir celui consacré aux grandes dépensières, est construit à partir d’un long entretien où l’on peut mesurer toute l’habileté de celle qui est interrogée. A pas de velours, elle avance au milieu de discours rodés, voire monstrueux par leur dénégation. Ces entretiens « fil rouge » étant eux-mêmes éclairés par des témoignages à charge ou à décharge des victimes et de proches.Si, lors du premier opus, les propos d’Imelda Marcos sur l’argent ou la beauté pouvaient « prêter » à sourire par leur caractère surréaliste, il n’en est pas de même avec Nexhmije Hodja, incarnation même de ces idéologues – devenues souvent les numéros deux du régime – à partir de laquelle Joel Soler dresse une généalogie de l’horreur. Est-ce sa posture d’aînée ou son « idéalisme » pur et dur ? Toujours est-il que l’épouse d’Enver Hodja n’a pas de mots assez durs contre certaines de ces sombres et sanguinaires homologues.Ainsi d’Elena Ceaucescu, trop « clinquante à son goût », de Jiang Qing, jugée « capricieuse » ou de Mira Milosevic dont elle se refuse de parler, en raison des actes criminels que cette dernière a poussé Slobodan Milosevic à commettre. Comment se juge « l’Araignée noire », qui s’apprête aujourd’hui comme une vieille dame presque ordinaire ? Evoquant sa rencontre avec Mère Teresa – figure communément admirée par ces femmes –, elle n’est pas loin de comparer son œuvre à la sienne, en ajoutant sereinement : « J’ai fait mon devoir et je suis très tranquille. »Despot Housewives, série écrite et réalisée par Joël Soler (Fr., 2015, 5 × 52 min). Dimanche 27 septembre à 20 h 45 sur Planète.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.09.2015 à 13h31 • Mis à jour le25.09.2015 à 15h08 Déclarée volée en 2001 par le Centre Pompidou, La Coiffeuse (1911), de Pablo Picasso, a pu être été restituée au musée, jeudi 24 septembre, lors d’une cérémonie officielle. La disparition de l’œuvre avait été découverte en décembre 2000 à l’occasion d’une demande de prêt. Sa dernière apparition en public remontait à trois ans plus tôt, lors de l’exposition « Picasso und seine Sammlung », à la Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung de Munich.En décembre 2014, le tableau, empaqueté, a été intercepté à Newark, dans le New Jersey, grâce à la vigilance du service des douanes américaines. Accompagné de la mention « Joyeux Noël », il était déclaré comme un cadeau artisanal d’une valeur de 30 euros.Les douaniers ont été surpris de constater que le prix annoncé était moitié moins cher que le coût d’envoi du paquet. En outre, le colis Fedex, posté en Belgique le 17 décembre 2014, était à destination d’un entrepôt de stockage climatisé dans le Queens, une destination étrange pour une petite pièce d’artisanat.Aucune interpellation n’a été effectuéeOn ne sait rien, en revanche, de la façon dont le tableau a disparu des collections, ni sur l’expéditeur et le destinataire du paquet. Aucune interpellation n’a été effectuée. L’œuvre, qui apparaissait dans la base de données d’Interpol recensant les œuvres volées, a été estimé à 15 millions de dollars (13,4 millions d’euros). Elle avait pu être restituée à l’ambassade de France à Washington le 13 août 2015.Peinte à Paris en 1911, cette petite huile sur toile (33 cm × 46 cm) aux tons bruns et beiges est un exemple caractéristique du cubisme analytique mis en œuvre par Braque et Picasso en 1910, qui vise à reproduire un sujet à l’aide de formes géométriques simples, et repose sur une décomposition des volumes en facettes.Le tableau était entré dans les collections du Musée national d’art moderne en 1967, grâce au legs de Georges Salles, un des grands collectionneurs français du cubisme. Il avait également appartenu à l’illustre marchand parisien Ambroise Vollard dans les années 1940. Il avait fait partie de la présentation des collections modernes lors de l’ouverture du Centre Pompidou, en 1977.Exposé avant la fin de l’annéeLe tableau pourra de nouveau être exposé, après son passage par le service de la restauration du Centre Pompidou. Selon le président du Centre Pompidou, Serge Lasvignes, la toile a été « détériorée par le vol, les mauvaises conditions de conservation qu’elle a subies et les aléas rocambolesques de son expédition outre-Atlantique » et « doit faire désormais l’objet d’une soigneuse campagne de restauration ». « Le rentoilage a souffert » et il faut « combler les espaces où la matière picturale a disparu », a expliqué Véronique Sorano-Stedman, chef du service de restauration du Centre Pompidou.L’accrochage de l’œuvre au sein de la nouvelle présentation des collections modernes du Musée national d’art moderne est prévu pour la fin de 2015. Marie-Aude Roux //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabe Peter Brook distille l’essence de son théâtretous les articles de la thématique Il faut tendre l’oreille pour distinguer la douce voix de Jordi Savall dans le « continuum » des cigales. Une voix feutrée, dont le timbre voilé porte un deuil mélodieux, celui d’un enfant soprano devenu homme. « Je me suis cassé la voix et j’en ai toujours gardé une nostalgie, confie le musicien. J’avais été petit chanteur entre 7 et 14 ans. Il y a eu trois ans de vide, avant le violoncelle à 17 ans. »Le vide ? C’est l’époque des copains et du jazz, d’une fascination pour Elvis Presley. Jordi s’essaie à l’harmonica, à la guitare, à la percussion. « Un jour, plus tard, j’ai entendu le son de la viole de gambe et j’ai senti que cet instrument pouvait me rendre un lien avec quelque chose qui me manquait. » Le musicien de ce matin du monde est un peu fatigué devant sa tasse de thé vert. « Après les concerts, je ne peux jamais me coucher, souffle-t-il. C’est difficile de créer tant d’énergie et de laisser ensuite tout le monde en plan… »Il est à peine midi, ce 19 juillet, mais il fait déjà chaud à Fontfroide, l’ancienne abbaye cistercienne où le maître de musique a posé sa viole d’été en 2006 pour créer un festival symboliquement intitulé « Musique et Histoire » – pour un dialogue interculturel. Sa femme, la soprano Montserrat Figueras, disparue en novembre 2011, était alors à ses côtés. Après la mort de la chanteuse, beaucoup ont eu peur. Jordi Savall organisait avec ses deux enfants – sa fille, Arianna, chanteuse et harpiste, et son fils, Ferran, chanteur et luthiste – de poignants hommages auxquels il associait la voix enregistrée de la soprano, reconstituant le quatuor familial de l’album enregistré en 2004, au titre prémonitoire, Du temps et de l’instant.Mais la musique a continué : les cent cinquante concerts annuels qu’il joue et dirige, les magnifiques disques-livres qu’il produit avec son label Alia Vox, créé en 1997. Une femme aux boucles rousses est entrée dans sa vie, qui n’a pas effacé l’image de Montserrat aux longs cheveux noirs. « Il faut rester conscient que c’est un régal de vivre et de se réveiller le matin, glissera-t-il plus tard. Et si vous aimez quelqu’un, il faut le dire tout de suite. »Un spirituel athéeA 74 ans, le Catalan (né le 1er août 1941 à Igualada) semble hors d’atteinte du temps. A peine si sa belle tête patriarcale se creuse d’un trait de fusain plus sombre. Son autorité bienveillante et son maintien réservé, non moins que la longue écharpe rouge ou bleue qui lui fait comme une chasuble, en feraient la figure tutélaire de l’abbaye de Fontfroide si celle-ci n’avait renoncé depuis longtemps à ses aspirations religieuses. Jordi Savall est un spirituel athée, comme son père, républicain, qui préféra confier l’éducation de son enfant de 6 ans à une institution religieuse plutôt que de le mettre dans l’école publique.Quelle chance que d’assister tous les matins à la messe et, très vite, d’y chanter ! Fin de l’école à 14 ans – « J’étais un mauvais élève. Mon père m’a fait engager dans la petite fabrique de pulls où il travaillait. Cela a été une leçon de vie extraordinaire. J’y suis resté cinq ans, jusqu’à mon départ au service militaire. »Jordi Savall parle avec un plaisir intact de cette époque de sa vie, du choc reçu avec le Requiem de Mozart, qu’il découvre un soir, au hasard d’une répétition à l’école de musique de Barcelone. « C’était en hiver, il pleuvait, il faisait froid, j’avais une petite gabardine, une petite cigarette. J’étais ivre de joie. Je me suis dit : “Je vais économiser pour acheter un violoncelle.” » Jordi Savall rit doucement en relevant un col imaginaire (on ne lui savait pas ces airs à la Humphrey Bogart), mais reste plus discret sur sa rencontre, en 1965, avec Montserrat, violoncelliste, comme lui, au conservatoire de Barcelone, épousée trois ans plus tard après qu’elle l’aura introduit auprès de l’ensemble baroque catalan Ars Musicae, où joue son propre père.Galaxie baroqueDepuis vingt-cinq ans, la planète Jordi Savall occupe une telle place dans la galaxie baroque qu’on oublie parfois que le gambiste n’a enregistré son premier disque qu’en 1975, après dix ans de travail solitaire et un studieux exil à Bâle, en Suisse, où il étudie puis enseigne à l’Académie de musique ancienne. Qu’il a déjà 50 ans lorsque éclate, en 1991, le succès de Tous les matins du monde, le film aux sept Césars d’Alain Corneau (d’après le roman de Pascal Quignard), dont le Catalan a conçu et interprété la musique qui révélera au public la nostalgique sensualité de la viole de gambe, tombée en désuétude au XVIIIe siècle.A l’époque, Savall a créé, depuis 1974, l’ensemble instrumental Hesperion XX (rebaptisé « Hesperion XXI » au tournant du siècle), a réuni les chanteurs de La Capella Reial de Catalunya et a fondé l’orchestre Le Concert des nations, dont il finalise aujourd’hui la future résidence à la Saline royale d’Arc-et-Senans, dans le Doubs.Les méthodes de travail savalliennes ont toujours procédé d’une forme approfondie d’improvisation nomade« J’aimerais que mes musiciens continuent au-delà de moi. Ils ont appris à faire un son et cela peut survivre. Quant aux disques, j’ai en projet une nouvelle collection qui présentera des enregistrements dans lesquels je ne figure pas. » Faire vivre un son… On s’en étonnerait presque tant les méthodes de travail savalliennes ont toujours procédé d’une forme approfondie d’improvisation nomade. Ainsi ces Vêpres de la Vierge,de Monteverdi, rodées en concert durant deux ans avant d’être enregistrées en une nuit. Jordi Savall chérit ces heures où la fatigue défait les liens et brouille les repères, où l’on ne sent plus ses doigts. « Il s’agit d’esprit, de duende. Ce sont des expériences qu’on ne fait pas à 4 heures de l’après-midi, entre deux pauses syndicales ! », ironise-t-il.Même chose pour l’Eroica, de Beethoven. « A 7 heures du matin, on a enregistré la Marche funèbre la plus matinale et la plus tragique qui m’ait jamais été donné d’entendre ! »Très tôt, le musicien, dont le répertoire s’étend du Moyen Age à Beethoven (en témoigne un catalogue de quelque cent vingt albums), s’est tourné vers d’autres cultures. « La Catalogne porte dans ses gènes une connivence culturelle, spirituelle et humaine entre les mondes arabe, juif et chrétien. Jouer ces musiques, populaires ou savantes, a toujours été pour moi une démarche naturelle. » Un naturel converti à l’apostolat : depuis le début des années 2000, Jordi Savall, figure de proue des musiciens « historiquement informés », s’est mis au service d’une musique informée de l’Histoire.Ainsi les programmes conçus autour de figures historiques (Don Quichotte, Christophe Colomb, Jeanne d’Arc…) ou des lieux emblématiques (Jérusalem, Istanbul, l’Arménie, la Syrie). « L’histoire n’est pas toujours celle que l’on pense connaître, explique-t-il. Sa mémoire dans les livres reste abstraite. Par la musique, on peut la rendre vivante. Seule l’émotion nous rend comptables du monde dont nous avons hérité et responsables de celui que nous léguerons. »Jordi Savall a franchi un pas dans l’engagement, en publiant en 2012 Pro pacem (« pour la paix »), suivi en 2015 de Guerre et Paix. En même temps qu’il refusait le 30 octobre 2014 le Prix national de la musique en Espagne, stigmatisant « la grave incompétence » du gouvernement de Madrid en matière culturelle et son « manque d’intérêt pour défendre et promouvoir les arts » en Espagne, il bâtissait des Routes de l’esclavage, mêlant aux anciennes musiques d’Europe celles du Mexique, de la Colombie et du Brésil, mais aussi du Mali, du Maroc ou de Madagascar. « Le contact avec ces musiciens pour lesquels la musique est restée une façon de survivre est vital pour moi, assure-t-il.Grâce à eux, je joue mieux les Suites de Bach ou le Tombeau Les regrets, de Sainte-Colombe. » On le croit.Concerts au Festival européen de musique Renaissance, à Amboise (Indre-et-Loire), le 25 septembre. vinci-closluce.com. Puis au Festival d’Ambronay (Ain), le 26 septembre. ambronay.orgLire aussi :Conversation avec Jordi SavallRencontre publique au Palais Garnier, Paris 8e, dans le cadre du Monde Festival, le 27 septembre à 17 heures.Toute la programmation du Monde Festival ici. Par Marie-Aude Roux 24.09.2015 à 19h51 • Mis à jour le24.09.2015 à 20h21 Les murs du Louvre accueilleront-ils bientôt une nouvelle toile de Rembrandt ? La France est prête à acquérir pour 80 millions d’euros, pour le compte du Musée du Louvre, un des deux portraits peints par le maître hollandais mis en vente par la famille Rothschild, a annoncé jeudi 24 septembre le ministère de la culture.Cette proposition a été soumise aux propriétaires et « l’opération bénéficiera du mécénat exceptionnel de la Banque de France », précise le ministère. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, et son homologue des Pays-Bas, Jet Bussemaker, avaient adressé en juillet un courrier aux propriétaires leur proposant que le Louvre et le Rijksmuseum d’Amsterdam fassent chacun l’acquisition d’un tableau.Propriété de la famille Rothschild depuis plus d’un siècleLes deux toiles de Rembrandt (1606-1669) seraient présentées conjointement, en alternance, dans les deux musées. Le ministère souligne :« Grâce à ce mécénat et à l’action soutenue des institutions françaises en lien avec leurs partenaires néerlandais, Fleur Pellerin souhaite la confirmation prochaine de cette double acquisition au profit du Louvre et du Rijksmuseum, qui constitue une solution innovante renforçant la coopération culturelle entre la France et les Pays-Bas. »Lundi, le gouvernement néerlandais s’était dit disposé à financer l’achat d’un des portraits, tandis que le Rijksmuseum a entrepris de réunir les 80 millions d’euros nécessaires à l’acquisition de la deuxième toile.Propriété de la famille Rothschild depuis plus d’un siècle, les deux tableaux du maître hollandais, datés de 1634, représentent deux notables, Marten Soolmans et son épouse, Oopjen Coppit.Lire aussi :Rembrandt, maître en sa maison Sylvain Siclier D’abord publiée, dans la journée du mercredi 23 septembre, sur le site Internet du magazine musical britannique Ultimate Classic Rock puis reprise le matin du jeudi 24 septembre par nos confrères britanniques du quotidien généraliste The Guardian sur son propre site, en dépit d’un embargo avant 16 heures ce jeudi, l’annonce de la publication prochaine d’un important ensemble d’enregistrements de Bob Dylan a été confirmée officiellement, en fin d’après-midi, par la compagnie phonographique Columbia Records, l’un des labels de la major du disque Sony Music. Il s’agira du volume 12 de la collection « The Bootleg Series », consacrée à des enregistrements rares, inédits, parfois disponibles sur des publications pirates (d’où le nom « Bootleg Series ») du chanteur, guitariste, pianiste et auteur-compositeur américain.Intitulé The Cutting Edge 1965-1966, et prévu pour une sortie le 6 novembre, l’ensemble doit regrouper des versions de travail, des versions différentes et des inédits enregistrés en studio par Dylan et ses musiciens lors des séances pour les albums Bringing It All Back Home (mars 1965), Highway 61 One Revisited (août 1965) et Blonde On Blonde (mai 1966). Soit une période comprise entre janvier 1965 et mars 1966 qui aura vu passer Dylan du folk acoustique à une expression électrique.Parmi les raretés attendues par les amateurs sont annoncées les séances de Blonde On Blonde réalisées avec une partie des musiciens du groupe The Band à New York avant que Dylan ne décide de partir réenregistrer certaines chansons avec d’autres musiciens à Nashville.Une édition limitée « ultra de luxe »Cette sortie sera présentée, pour le grand public, sous la forme d’un double CD et d’un triple album vinyle, dans les deux cas avec une sélection de quelques-uns de ces enregistrements, sous le titre The Best of The Cutting Edge 1965-1966. Une version en 6 CD plus complète dite « deluxe edition » sera aussi commercialisée. Enfin la grosse affaire de cette publication prendra la forme d’un coffret de 18 CD, avec notamment toutes les séances qui auront abouti à la création du classique de Dylan Like A Rolling Stone. Mais, précise le communiqué, cette « édition limitée ultra de luxe » ne sera disponible qu’« exclusivement sur Bobdylan.com » et pressée à 5 000 exemplaires pour le monde entier. Avec 379 pistes, un livre de 170 pages, une réédition des 9 disques vinyles 45-tours publiés à l’époque, un certificat d’authenticité… Et la promesse que cet imposant ensemble ne connaîtra qu’une édition (« these will be the only copies of the collector’s edition ever manufactured »). Laquelle est proposée au prix de 599,99 dollars (533,75 euros).Bob Dylan sera en tournée européenne du 1er octobre (à Oslo, Norvège) au 22 novembre (à Milan, Italie). Avec trois concerts en France, deux au Palais des sports de Paris les 18 et 19 octobre et un au Zénith de Rouen, le 3 novembre. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne Face au succès de l’exposition «  Beauté Congo  », qui devait initialement se terminer le 15 novembre, la Fondation Cartier pour l’art contemporain a prolongé la manifestation jusqu’au 10 janvier  2016. Les visiteurs auront donc deux mois de plus pour découvrir, à Paris, cet échantillon d’une production artistique foisonnante, qui fait voisiner différentes formes de sensibilité sur une période allant du temps de la colonie belge jusqu’à l’actuelle République démocratique du Congo. D’abord, l’univers pictural congolais, avec ses stars, les peintures faussement naïves de Chéri Samba, les photos de la nuit kinoise, de Jean Depara, ou les magnifiques peintures animalières produites dans l’Atelier du Hangar, durant les années 1950. Ensuite, le son, puisque la Fondation a intégré à l’exposition un parcours musical d’une grande richesse.Lire aussi :De la colonie belge à la RDC, splendeur de l’art congolaisNouvelles rythmiquesL’initiative est pertinente, tant la musique congolaise urbaine, dite « rumba », a marqué la seconde moitié du XXe siècle, avec son lot de nouvelles rythmiques, de styles vestimentaires, de commentaires politiques. Cette ­musique dansante, née autour du Pool ­Malebo, la boucle du fleuve Congo qui sépare Kinshasa de Brazzaville, s’est alimentée des va-et-vient transatlantiques engendrés par les grandes découvertes du XVe siècle, puis par le trafic négrier. Plus que dans d’autres régions d’Afrique, le mouvement trouvait un terreau propice au Congo où, contrairement à ce qui se passait dans l’ancien empire mandingue (Mali, Guinée, Sénégal…) gouverné par le ­système des castes, la musique n’était pas ­réservée aux griots. Dans les villages, tout le monde avait donc le droit de chanter.L’Amérique latine, et particulièrement Cuba, va semer ses graines sur ce terreau démocra­tique, où les missionnaires avaient enraciné le goût des chorales. Dix ans plus tard, l’Afrique est inondée de disques dits «  GV  » – une référence du catalogue de disques cubains produits par la firme anglaise EMI, puis vendus à Brazzaville ou Léopoldville par les épiciers grecs, souvent originaires d’Egypte. Parmi eux, Nico Jeronimis, fondateur des éditions Ngoma, qui publièrent en 1948 le premier tube congolais, Marie Louise, composé par un mécanicien de bateaux du fleuve Congo, Antoine Wendo ­Kolosoy (1925-2008). «  Les Grecs ont été les premiers à commercer la musique cubaine et la rumba zaïroise. Certains étaient célèbres, comme Papadimitriu, propriétaire de grands magasins  », se souvient Ray Lema, pianiste et compositeur né en 1946 dans le Bas-Congo, qui a participé, du 17 au 19 septembre, à la Pan African Space Station (PASS)  : trois jours d’une passionnante web­radio conçue à la Fondation Cartier par la ­revue panafricaine Chimurenga, basée au Cap.Dans les vingt ans qui suivirent le début de la seconde guerre mondiale, le destin des Afriques se scella, et se dansa, accompagné par l’énergie des musiques voyageuses. Eugène Willy Pelgrims de Bigard, propriétaire de ­mines, y joua un rôle important dès la fin des années 1950. Il avait développé des usines de pressage de disques en Belgique, en France, aux Pays-Bas. Très vite, il monte un studio à Léopoldville, et commence à y enregistrer tout ce qui passe. Les bandes partent pour Paris (via le label Sofrason), Bruxelles (Fonior) ou Amsterdam (Dureco). Des fabriques de ­Pelgrims sortent des milliers de 45-tours qui repartent inonder les marchés de Brazza et Léopoldville, mais aussi de Dakar, Lomé, ­Bamako…EbullitionCette ébullition explique en partie la suprématie de la musique congolaise sur l’ensemble du continent. Le Camerounais Manu ­Dibango fut un pilier de ces studios où débarquaient des hommes politiques, des business­men mettant de l’argent sur la table pour être cités – ce qui nous vaut aujourd’hui les chapelets de noms énumérés dans certaines chansons. Rapidement, Radio Brazzaville, la puissante radio coloniale qui couvre presque toute l’Afrique, diffuse à tour de bras ces cha-cha-cha, charangas et rumbas, qui reviennent inonder leur continent d’origine après un ­détour par l’Europe. Et ça plaît dans les quartiers. L’une des grandes figures de l’époque est ­Joseph Kabasele, accompagné, à partir de 1956, de Tabu Ley Rochereau. Ensemble, ils ont créé une veine mélancolique, avec des mélodies lentes. «  Puis brusquement est ­apparu Franco [Franco Luambo, 1938-1989], explique Ray Lema. Un guitariste et chanteurqui sortait du quartier, pas éduqué, un style brut avec beaucoup d’ostinatos [les répétitions mélodiques et rythmiques]. Les gens du peuple adoraient ces lignes de guitare qui revenaient sans cesse, lancinantes.  »Joseph Kabaselé Tshamala, un homme instruit, fut l’un de ceux par qui la musique donna la main à la politique. Il est l’auteur d’Indépendance cha-cha, sorte d’hymne panafricain composé en 1960, au moment où le ­colonisateur belge ouvre la conférence de la Table ronde, à Bruxelles, après deux ans d’émeutes au Congo belge. C’est dans un chaos total, et sur fond d’exode de la population blanche, que le pays devient République du Congo, le 30 juin 1960. Fondateur de l’African Jazz, ­Joseph Kabaselé sera aussi secrétaire à l’information du gouvernement dirigé par le leader indépendantiste Patrice Lumumba, avant que celui-ci ne soit finalement assassiné en 1961, au Katanga. «  Grand Kallé  » paya cher cet ­engagement dont le général Mobutu (1930-1997), maître du Congo dès 1965, prit ­ombrage. « A chaque fois que nous réécoutons ­Indépendance cha-cha, remarque le journaliste sud-africainNtoné Edjabé, c’est très émouvant, car nous nous interrogeons sur ce qu’est devenue cette indépendance.  »Métissages sonoresDe Lumumba à Mobutu (devenu en 1965 président à vie), le plus grand pays d’Afrique vécut une indépendance agitée, sur fond de guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Dans ces remous naquit une Afrique créative et bouillonnante. D’allure ­romantique, faussement naïve, la rumba va accompagner cette mutation. «  La musique congolaise pourrait se limiter à deux mots, ­bolingo (“amour”), motema (“cœur”) ainsi qu’à ce qui les relie, ­libala (“mariage”), explique Bob White, professeur au département d’anthropologie à l’université de Montréal et auteur de Rumba Rules  : The Politics of Dance Music in Mobutu’s Zaïre (Duke University Press, 2008). Les chansons d’amour offrent un aperçu des relations complexes entre hommes et femmes à Kinshasa, où le nombre de femmes dans la population a été bas pendant des années. Les paroles ayant trait aux relations entre les sexes nous donnent une idée des ­contraintes familiales et du poids des traditions, de la difficulté à joindre les deux bouts, mais aussi de la nature arbitraire du pouvoir dans une région qui reste gangrenée par une logique de prédation, d’extraction et une gouvernance autoritaire.  »En dépit de toutes ces turbulences, les ­métissages sonores n’ont jamais cessé. Cette rumba congolaise déhanchée a ainsi reçu l’apport du jazz et de la soul américaine. En 1974, un célèbre combat de boxe organisé à Kinshasa entre le Blanc George Forman et le Noir Mohamed Ali rassemble des musiciens des deux rives  : James Brown ou Etta James d’un côté et, de l’autre, les groupes phares du Congo, Franco et l’OK Jazz ou encore Zaïko Langa Langa, l’orchestre qui a forgé la génération suivante, celle de Papa Wemba et des «  sapeurs  », les as de l’art vestimentaire. L’événement fut photographié par Oscar Memba Freitas, et immortalisé par le peintre Moke (1950-2001), que l’on peut découvrir à la Fondation Cartier. Elle a aussi donné lieu à un formidable reportage de l’écrivain Norman Mailer (Le Combat du siècle, Gallimard, rééd. «  Folio  », 2002). Plus ­récemment, la rumba a retraversé l’Atlantique, jusqu’à la Colombie. Dans les années 1980, ­raconte Ntoné Edjabé, «  une communauté du nord du pays qui écoutait des disques de soukouss, une variante de la rumba  » a créé un style baptisé champeta. Le balancier poursuivant son va-et-vient, le zouk, inventé à cette époque par le groupe guadeloupéen Kassav, a depuis totalement imprégné la variété africaine, et donc la rumba.Un peuple connectéLe peuple congolais est musical, observe Ray Lema. Il est aussi connecté, comme le montre un tableau de Monsengo Shula, Trio du 6e Continent, peint en 2014  : deux hommes, une femme, de la musique, des ordinateurs, une vraie tuyauterie. «  D’abord, il y a beaucoup de bars à Kinshasa, dit Ray Lema. Pour une raison inconnue, les haut-parleurs ont été positionnés vers l’extérieur et non ­dedans, sans ­limite de ­volume. Ce brouhaha fait donc partie de la vie du Congolais, qui est rythmée par un vacarme musical.  » Le musicien est retourné en 2011 dans un Congo qu’il avait quitté en 1979. «  J’avais été directeur du Ballet national, raconte-t-il, mais je suis tombé en disgrâce, quand Mobutu a voulu transformer la formation en Opéra national. Le thème imposé de la première création était Mobutu, et là, je ne pouvais pas.  » Du temps du Ballet national, Lema avait sillonné ce pays qui mesure quatre fois et ­demie la France, et compte 250 ethnies. «  Je me suis fondu dans cette diversité, qui était aussi musicale. Or, aujourd’hui, regrette-t-il, la rumba est devenue hégémonique.  »Cette omniprésence est aujourd’hui dénoncée par «  Les Combattants  »  : de jeunes Congolais de la diaspora, qui en sont venus, à Londres ou à Paris, à caillasser les stars de la musique congolaise moderne, Koffi Olomidé, Papa Wemba, Werrason, soupçonnés à la fois de soutenir le président de la République, Joseph Kabila, de véhiculer des images réductrices, les fesses qui tournent, les costards de frimeurs… tout en abusant des synthétiseurs.Lire aussi : Et pourtant ils créent dans le chaudron de KinshasaÀ VOIR « Beauté Congo. 1926-2015 » Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail, Paris 14e. Du mardi au dimanche, de 11 heures à 20 heures ; mardi, jusqu’à 22 heures. Jusqu’au 10 janvier 2016. www.fondation.cartier.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.09.2015 à 16h36 • Mis à jour le23.09.2015 à 18h35Alternative aux galeries, l'exposition d'art contemporain en plein air gagne du terrain. Notamment dans l'arrière-pays varois où marchands et collectionneurs dévoilent leurs pièces maîtresses.Par Marion Vignal Sans le code de la grille d'entrée, impossible d'accéder au Domaine des Charles dont les accès bordent la départementale, à la sortie du Muy, entre Draguignan et Fréjus. Il faut ensuite serpenter entre les villas et les piscines pour arriver jusqu'au parc de sculptures ouvert début juillet par le galeriste parisien Jean-Gabriel Mitterrand (neveu de François). Dans les sous-bois encore sauvages, entre les pins et les chênes-lièges, l'œil rebondit sur une grosse pomme dorée de Claude Lalanne, puis sur une fontaine bigarrée de Niki de Saint-Phalle, avant de croiser une silhouette couchée de Xavier Veilhan et une figure noire masquée de Not Vital.  Une quarantaine de pièces dessinent un parcours de 1,5 hectare dans la colline qui fait face à une maison en chantier confiée à l'expertise de l'architecte India Mahdavi. Ouvert sur rendez-vous à un cercle de professionnels et d'amateurs avertis, ce jardin privé se veut une simple vitrine du travail de la galerie Mitterrand. « Si ça peut nous amener du business tant mieux, le modèle de la galerie n'est plus viable, il faut exister autrement, reconnaît le marchand d'art Edward Mitterrand, fils de Jean-Gabriel et directeur artistique du domaine. Nous ne cherchions pas à nous installer dans un lotissement privé, mais ce terrain de 10 hectares nous a plu par son aspect pratique. Nous sommes à 3 kilomètres de l'autoroute, à 45 minutes de l'aéroport de Nice. Pour venir jusqu'ici, il n'y a pas de zones moches à traverser, ce qui était pour nous un critère indispensable. » Question de standing. Edward Mitterrand avance aussi l'atout de la proximité de lieux qui génèrent un nouveau tourisme culturel en Méditerranée : à Marseille, le MaMo (le centre d'art contemporain créé par le designer Ora-Ïto) et le MuCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) ; à Aix-en-Provence, le centre d'art contemporain du domaine viticole Château La Coste ; à Saint-Paul-de-Vence, l'incontournable Fondation Maeght ; sur l'île de Porquerolles, la Fondation Carmignac, dont l'ouverture est prévue à l'été 2016.  La fondation des Mitterrand n'est pas le seul haut lieu de l'art contemporain situé au Muy. Au début des années 1980, le marchand français d'origine napolitaine Enrico Navarra a été la première personnalité de l'art contemporain à s'y installer, au Domaine des Charles. « A l'époque, les terrains n'étaient pas chers du tout, raconte-t-il. La localisation était idéale. » Collectionneurs, hommes d'affaires et célébrités (Bono est un habitué) du monde entier atterrissent sur l'une des deux pistes d'hélicoptères de la propriété pour parler art au bord de la piscine, entourés d'œuvres de Keith Haring ou de Jean-Michel Basquiat, dont Navarra est un des spécialistes.La stratégie d'Enrico Navarra Des rendez-vous sous le soleil de la Méditerranée qui sont au cœur de sa stratégie de marchand au réseau tentaculaire. Sur un terrain attenant à sa propriété, il inaugurera bientôt la Villa Navarra, un bâtiment longiligne au toit en béton fibré conçu par l'architecte Rudy Ricciotti. Le lieu fera office de galerie d'exposition privée et de résidence d'artistes. Bientôt, la Villa Navarra sera surplombée par une autre pièce architecturale. Patrick Seguin, marchand de design réputé, grand ami de Navarra et spécialiste de Jean Prouvé, vient d'acheter le terrain de 40 hectares au-dessus de celui de son ami. Il attend avec impatience l'obtention de son permis de construire pour démarrer le chantier de la maison que lui a dessinée Jean Nouvel. Le galeriste promet un geste architectural fort, dans la tradition des grandes commandes privées. Edward Mitterrand décrypte : « Dans ce milieu, pour exister aujourd'hui, nous devons donner des signes de notre puissance. »  Le sculpteur Bernar Venet rêve lui aussi de marquer magistralement le territoire varois de son empreinte. Après l'ouverture au public de sa Fondation il y a un an, il espère obtenir de la municipalité du Muy un grand terrain vierge sur lequel il pourra créer une pièce de land-art de l'envergure du cratère de James Turrell en Arizona. Pour l'heure, il reçoit avec sa femme Diane dans son jardin, orné de ses grands arcs en acier et de majestueux pins parasols. C'est Enricco Navarra qui l'a convaincu, il y a vingt-six ans de venir s'installer dans la région, à un moment où il cherchait un lieu où entreposer ses monumentales sculptures en acier.“C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde”, Sabine Puget, galeriste Bernar Venet a ainsi acquis un vaste terrain comprenant un ancien moulin et une ancienne usine d'aiguillages de chemins de fer. Le couple en a fait un hymne à l'art contemporain, inspiré du site de Marfa créé par Donald Judd, au Texas. On peut y voir ses œuvres, sa collection d'art minimal, la chapelle dédiée à l'Américain Frank Stella et, en ce moment, deux installations de Jean Tinguely prêtées par le Musée de Bâle. Les œuvres de Bernar Venet sont aussi visibles un peu plus loin : ses sculptures en acier corten font partie des pièces maîtresses de la commanderie de Peyrassol, nichée un peu plus loin sur la N 7, entre Brignoles et Le Luc.  Ce domaine viticole envahi par l'art est l'œuvre de l'homme d'affaires Philippe Austruy. Ce collectionneur organise chaque année début juillet une fête pour ses amis : Bernar Venet et son épouse, les plasticiens Bertrand Lavier et Jean-Pierre Raynaud, l'ancien ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon, ainsi que de nombreux Belges (l'entrepreneur est naturalisé belge et sa femme a sa galerie à Bruxelles) qui apprécient autant l'art contemporain que le rosé provençal. C'est en 2001 que l'entrepreneur est tombé amoureux de cette commanderie templière du XIIIe siècle qu'il ne cesse depuis de restaurer, d'agrandir et d'embellir. Il s'est aussi fait la promesse d'y produire un jour du bon vin. C'est aujourd'hui chose faite. Peyrassol attire tout au long de l'année de nombreux visiteurs — public éclairé comme néophytes — qui viennent découvrir les chais (d'où sortent 450 000 bouteilles par an) et admirer un paysage de vignes surréaliste, ponctué d'œuvres signées César, Adami, Arman, Dubuffet, Tapiès...   Dans ce nouvel écosystème varois qui rassemble collectionneurs, artistes et marchands, on ne s'étonnera pas de croiser quelques architectes-décorateurs et paysagistes-satrs. Pierre Yovanovitch a ainsi passé trois ans à restaurer le château de Fabrègues, situé près d'Aups. L'architecte d'intérieur se concentre aujourd'hui sur les jardins avec l'aide de Louis Benech pour pouvoir ouvrir, un jour, l'extérieur du château au public où sont déjà installées, sans tapage, quelques sculptures acquises auprès de Sabine Puget, sa voisine de Fox-Amphoux. Jouxtée aux murs rouges toscans du château Barras, cette dernière a réussi, en dix ans, à faire de sa galerie une destination prisée des amateurs d'art. « C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde », explique cette ancienne galeriste parisienne. Depuis 2004, elle expose, de juin à octobre, de grandes signatures de l'art contemporain et des artistes de la jeune génération. A l'instar du sculpteur François Veil, « chasseur de pierres » qui assemble des roches et les fait pivoter, transformant le lourd en léger. Les pavillons rouges traversés par les vents, la petite chapelle recouverte de fresques contemporaines, le chêne centenaire qui étale ses branches dans le jardin comme un roi dans son domaine. Tout ici exalte un savoureux parfum de pinède et de sacré. Loin des va-et-vient des yachts et des hélicoptères, l'art murmure ici ses secrets en silence.  Domaine du Muy, jusqu'au 25 octobre, sur rendez-vous. www.domainedumuy.com Fondation Bernar Venet, Le Muy, sur rendez-vous. www.venetfoundation.org Villa Navarra, Le Muy, sur rendez-vous. Tél. : 01-45-61-91-91. Domaine de Peyrassol, Flassans. www.peyrassol.com Galerie Sabine Puget, Fox-Amphoux. www.galeriesabinepuget.com //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/361904', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); }); 12.09.2015 à 07h46 • Mis à jour le12.09.2015 à 12h23 « Vous n’auriez pas une place ? » La même question revient inlassablement sur les lèvres des badauds amassés aux alentours du Point éphémère, vendredi 11 septembre, à Paris. Il est 19 heures, et déjà la file d’attente s’allonge devant la salle de concert, quai de Valmy, le long du canal Saint-Martin. Des fans de tous âges attendent patiemment de voir leurs idoles. Soit les guitaristes et chanteurs Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac et le batteur Richard Kolinka, trois des quatre membres du groupe Téléphone, réunis ce soir sous le nom Les Insus. Un « concert-surprise» annoncé dans la presse dès le 3 septembre.« La première fois que je les ai vus, c’était en 1984. J’avais 15 ans, c’était mon premier concert de rock. Après ça, j’ai été sourd pendant deux jours, je ne l’ai jamais dit à mes parents », raconte Pierre, 47 ans. Pour lui comme pour ses amis, pas question de confondre Téléphone et le groupe nouvellement formé, dont le quatrième musicien, en l’absence de la bassiste Corine Marienneau, en froid avec les autres membres de la formation, est pour l’heure inconnu. « Les Insus ? C’est pas Téléphone, c’est juste trois mecs qui se retrouvent pour faire de la musique et s’éclater. »Des curieux sans billetUn peu plus loin dans la file, Fanny Lochu, 36 ans, est venue accompagnée de ses parents, qui lui ont fait découvrir Téléphone. Elle fait partie du collectif musical Even If, qui compte dans ses rangs Richard Kolinka. Ce dernier avait posté un message sur sa page Facebook le 27 août : « Il y a un concert de rock, le 11 septembre au Point éphémère, à ne pas rater… ». Mais elle assure qu’il n’avait pas précisé de quoi il s’agissait aux autres membres du collectif. « Rien n’a filtré. Ceux qui sont là ce soir, ce sont seulement les fans qui ont acheté leurs billets sur Internet. » Son père, Jean, a découvert Téléphone « dans les Walkman des ados en colonie de vacances ». Pour lui, c’est une grande première : « Je ne vendrais pas ma place, même pour 1 000 euros » assure-t-il.A 20 h 30, la foule s’agite, chacun veut récupérer le bracelet qui permet l’accès à la salle. Les curieux sans billet continuent de rester autour de l’entrée. Parmi eux se tient Hazim. Un retour durable de Téléphone, il en doute : « En soi c’est du recyclage, y a rien de nouveau là-dedans. Bien sûr que ça me plairait, mais je n’y crois pas. » L’étudiant de 23 ans n’est pas le seul à avoir cette opinion. Une nouvelle prestation des Insus, prévue à Lille mardi 15 septembre, affiche déjà complet. Mais pour la suite, mystère.Une atmosphère surchaufféeA la sortie du concert, à presque 23 heures, le même sourire béat s’affiche sur tous les visages. « Ils ne se sont pas arrêtés une minute, on a eu droit à un show d’une heure et demie non stop. Ça a commencé avec Crache ton venin et ça ne s’est plus arrêté », s’exclame Thomas. Sa compagne, Jeanne, partage le même avis : « On a ressenti une grande complicité entre eux, c’était vraiment un grand moment. »Les éloges pleuvent, tous saluent l’énergie déployée par les musiciens pour se surpasser. Corinne Marienneau s’est vue remplacée par un musicien présenté sous le prénom d’Alex. « Il y avait une touche un peu plus blues sur certains morceaux, on voyait que c’était plus sophistiqué », analyse Stanislas, la chemise trempée après l’atmosphère surchauffée de l’étroite salle de concert. « Pour moi, ils ont leur place sur la scène musicale actuelle. Reste à savoir ce qui se passera ensuite… »Pauline Forgue Florence Evin Documentaire sur France 5 à 9 h 15 Olivier Horn a suivi l’archéologue français Jean-Baptiste Chevance dans sa quête d’une ancienne capitale de l’empire KhmerAux environs d’Angkor, capitale de l’empire khmer du VIIIè au XVè siècle, au nord du Cambodge, la technologie du Lidar, laser embarqué en hélicoptère, a permis d’identifier la présence, sous un couvert forestier très dense, d’une première cité monumentale. Cette découverte se situe sur le plateau montagneux du Phnom Kulen, à une heure du site archéologique angkorien.Il s’agirait de l’ancienne capitale Mahendra Parvata, répertoriée depuis le XIXè siècle, et localisée par Philippe Stern, en 1936, alors qu’il découvrait, à moitié enfouis, des linteaux sculptés apparentés au style du Bakong, du IXè siècle, antérieurs à Angkor (capitale bâtie à partir du Xè siècle). La cité perdue pourrait être une première capitale oubliée.Folle quêteRetrouver cette cité perdue fut, depuis quinze ans, la seule préoccupation de l’archéologue Jean-Baptiste Chevance qui eut un vrai coup de foudre pour le massif et sa population aussi démunie qu’accueillante. Olivier Horn l’a suivi, dans sa vie quotidienne, sur cette montagne sacrée peuplée de paysans, vivant en autarcie, de culture sur brûlis et de chasse. Ces derniers ont fait leur, la folle quête de Jean-Baptiste Chevance.Longtemps cette région isolée est restée à l’écart. Jusqu’en 1996, le Kulen était un fief des Khmers rouges. En partant, ces derniers avaient miné l’ensemble du massif forestier. Une fois le déminage terminé, le repérage put commencer en suivant les indications des images laser. Elles révélent, sur trente kilomètres carrés, l’empreinte d’une ville avec ses larges avenues, son temple montagne, son palais royal, ses sanctuaires. Tout cela, étant invisible à l’oeil nu. Sur les points clés, les fouilles permirent de délimiter le gigantisme de l’ancienne capitale dont les avenues mesuraient pas moins de soixante mètres de large.Passionnante immersionAprès une visite panoramique des grands temples angkoriens, les Bapuon, Angkor Vat, Ta Prom, etc, le spectateur escalade, sur les pas de Jean-Baptiste Chevance, le massif Kulen en quête du moindre indice sous les broussailles. Cette montagne sacrée, où prend sa source la rivière qui irrigue la plaine, est le château d’eau d’Angkor. Des milliers de lingas, symboles phalliques de Shiva, dieu du panthéon hindou adopté par les Khmers, ont été sculptés dans le lit de la rivière, figurant le Gange. C’est un lieu de pèlerinage ancien et toujours très actif.Ce documentaire passionnant propose une vraie immersion dans la vie quotidienne du paysan khmer. Il montre, aussi, toute la difficulté des fouilles archéologiques dans une végétation envahissante qui, non seulement recouvre, mais aussi emprisonne de ses racines tentaculaires le moindre vestige.Aux sources d’Angkor, d’Olivier Horn (Fr., 2015, 52 min).Dimanche 13 septembre à 9H15 sur France 5.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet (Caen, envoyé spécial) A l’intérieur du bus qui approche de Caen, jeudi soir 10 septembre, les flashes des smartphones crépitent pour immortaliser la scène. Deux motards de la police viennent de prendre « en escorte » le véhicule, parti de Paris trois heures plus tôt. A son bord, une trentaine de caricaturistes originaires de dix-huit pays, venus participer aux 5es Rencontres internationales des dessinateurs de presse du Mémorial de Caen. Quelques rires s’échappent des rangées.Huit mois après l’attentat contre Charlie Hebdo, un rassemblement de « cartoonistes », c’est aussi cela : une affaire de sécurité. La manifestation avait été annulée en février, un mois et demi avant son déroulement, par crainte des attentats. Le piratage répété du site Web du Mémorial et l’appréhension, après la fusillade de Copenhague (14 et 15 février), d’un grand nombre de dessinateurs invités avaient conduit le directeur du site, Stéphane Grimaldi, à repousser l’événement.Séances de dédicaces abandonnéesCe n’est pas une date dépourvue de symbolisme qui a été arrêtée pour son nouveau lancement : le 11 septembre. « Le Mémorial est le seul musée européen à avoir fait une exposition sur les attentats du World Trade Center. Vu que certains intellectuels, comme Michel Onfray [créateur de l’Université populaire de Caen], trouvent des points communs entre le 7 janvier et le 11 septembre [2001], il n’était pas illogique de choisir cette date », explique M. Grimaldi.Un dispositif sécuritaire « efficace et discret » a dû être mis en place. Préinscription obligatoire des visiteurs sur Internet, inspection des lieux par des démineurs, communication au dernier moment de la liste des dessinateurs invités… Rien n’a été laissé au hasard par les organisateurs, qui ont renoncé à faire se déplacer les caricaturistes en ville pour des conférences, comme lors des éditions précédentes. Toutes les « Rencontres » se dérouleront (jusqu’à dimanche) entre les murs du Mémorial, où les séances de dédicaces avec le public ont également été abandonnées.Du côté des dessinateurs, peu de défections ont été enregistrées, selon M. Grimaldi : « Trois, mais uniquement des personnes ne pouvant quitter leur pays, comme la Syrie. » D’autres ont fait le déplacement après avoir vaincu l’inquiétude qui les avait conduits à annuler leur voyage en début d’année. Ainsi le Colombien Vladdo, de l’hebdomadaire Semana Revista : « Mon ex-femme, avec qui j’ai un enfant, m’avait dissuadé de venir à l’époque, car elle avait peur qu’il m’arrive quelque chose. Cette fois-ci, je ne lui ai pas dit que je venais. » Un dilemne : continuer à dessiner ou pasComme Vladdo, la plupart des cartoonistes présents à Caen ont tous dû affronter des tempêtes, un jour ou l’autre, après des dessins mal compris ou peu flatteurs pour les puissants. Lui a récemment reçu des menaces de mort venant du pays voisin, le Venezuela, dont il a détourné les armoiries en représentant un cheval aussi famélique que l’économie nationale.Le Jordanien Osama Hajjaj a été la cible d’intimidations anonymes cette année après la publication dans le quotidien Al Arab Al Youm d’un dessin montrant un membre de l’Etat islamique utilisant son sabre ensanglanté comme une perche à selfie. Il y a une semaine, son employeur principal — une agence de publicité — lui a demandé de ne plus faire de dessins sur « la politique et la religion », sous peine de perdre son emploi. « Mon boss m’a dit : “Regarde ce qu’ils ont fait à Charlie Hebdo. Ils peuvent venir faire la même chose ici.” » C’est aussi pour cela qu’Hajjaj est venu à Caen : pour parler du dilemme qui le traverse — continuer à dessiner ou pas — avec des collègues dessinateurs originaires d’autres pays.« Il est important en ce moment d’échanger »« Il n’a sans doute jamais été aussi important qu’en ce moment de se rencontrer et d’échanger. Cela nous rend plus forts », estime Avi Katz, qui dessine pour le Jerusalem Report. « Parler de son métier avec des professionnels d’autres régions du monde est fondamental pour connaître les limites de ce qu’il est possible de faire aujourd’hui. Même dans un pays comme le mien, où ce genre de question ne devrait pas se poser, personne n’est à l’abri de voir un de ses dessins créer la polémique », témoigne Tjeerd Royaards, un dessinateur néerlandais ayant récemment subi les foudres de l’extrême droite après la diffusion d’une carte postale comparant les méthodes des djihadistes islamistes aux tortures qui existaient sous l’Inquisition. La profession aura d’autres occasions ces prochaines semaines de discuter de ces sujets. A la fin de septembre, la 34e édition de l’Humour vache se tiendra à Saint-Just-le-Martel (Haute-Vienne). Le 21 septembre, à Paris, l’association Cartooning for Peace, présidée par Plantu, dessinateur au Monde, organisera un colloque intitulé « Le dessin de presse dans tous ses Etats ». De sécurité, il sera aussi question ces jours-là. Fatalement.Frédéric Potet (Caen, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Jeudi 10 septembre, au soir, les djihadistes de l’Etat islamique mettaient en ligne, sur leur site de propagande Dabiq, les photos de la destruction du temple Bêl, le grand sanctuaire de Palmyre en Syrie, encore debout le 27 août, comme l’ont confirmé les images satellites d’Unosat. Le montage sophistiqué des photos (ci-dessous), mises en scène par l’EI, montre le transport d’énormes barils bleus bourrés d’explosif par une dizaine d’hommes, pour chaque charge ; puis la disposition de ces barils dans l’escalier du sanctuaire et, enfin, un tas de pierres : ce qui reste de ce joyau de blocs taillés, vieux de deux mille ans, réduit en morceaux. « Daech a fait exploser le temple Bêl trois jours de suite pour en venir à bout, précise au Monde le directeur général des antiquités et des musées de Syrie, l’archéologue Maamoun Abdulkarim. La troisième fois, ils ont bourré le temple d’explosifs. La ville moderne a été ébranlée par le souffle de l’explosion. La population a cru à un tremblement de terre. » Demeure l’enceinte extérieure, de deux cent mètres de côté, et sa porte principale. De la « cella », partie sacrée du temple, le saint du saint où siège le dieu Bêl, auquel seul le prêtre a accès, il ne subsiste que le portail d’entrée en pierre ouvragée, désormais ouvert sur le vide.Lire aussi :Destruction des vestiges de Palmyre : « La sauvagerie de l’EI est totale »Jusqu’où ira l’EI dans l’éradication de la « Perle du désert » syrienne, classée « Patrimoine mondial » de l’Unesco depuis 1980, l’un des plus beaux sites du Proche-Orient avec Baalbeck, au Liban, témoin des antiques civilisations ? Pourra-t-on restaurer les monuments phares détruits à l’explosif, en particulier le temple Bêl, dédié au « Seigneur », dieu suprême des tribus palmyréniennes ? Pourra-t-on remonter le petit temple Baalshamin, où le dieu de la fertilité était vénéré, réduit lui aussi à un amas de pierres éclatées, ou encore trois des plus hautes tours-tombeaux décorées de la nécropole rasées à l’explosif comme le montrent les images satellites ? « On refuse de pleurer sur le passé »Dans l’ancienne province de l’empire romain, ce sont les tribus sémitiques indépendantes, riches du commerce caravanier entre l’Euphrate et la Méditerranée, qui financèrent, au premier siècle de notre ère, la construction de ce joyau, en adoptant le vocabulaire architectural gréco-romain pour les temps forts du décor. Les colonnes à chapiteaux et portiques finement sculptés, comme la monumentalité de la cité desservie par une artère bordée d’une colonnade de 1 200 mètres, encore debout, ont fait la réputation millénaire de cette oasis du désert.« Même si Daech détruit tout Palmyre, il faudra reconstruire, affirme Maamoun Abdulkarim. Les archéologues ont une bonne expérience de la taille de pierre et des techniques utilisées par les missions française, allemande, suisse… L’excellente coopération européenne a été très utile. Mais nous ne savons pas quel est le pourcentage des dommages sur les blocs de pierre. Si la reconstruction s’impose, l’authenticité sera perdue. »Béatrice André-Salvini, directrice honoraire du département des Antiquités orientales du Louvre, attend des informations plus précises : « Je ne suis pas sûre que l’on puisse remonter les monuments de Palmyre si les pierres ont explosé, c’est un peu tôt pour le dire. Avec les nouvelles techniques, on peut probablement sauver pas mal de pierres, concède-t-elle. On ne peut pas faire du neuf, cela n’a pas de sens à notre époque. Il faudra, je crois, de toute façon, élever un mémorial aux martyres et à leur Histoire, avec les éclats de pierre inutilisables. »Etonnant état de conservationLa réaction d’indignation mondiale devant la destruction d’une des plus belles cités antiques du Proche-Orient s’explique par l’ampleur des vestiges et leur étonnant état de conservation. « Des vestiges authentiques largement restés debout, protégés par le sable, témoigne l’archéologue Christiane Delplace, qui a dirigé la mission archéologique française de Palmyre de 2001 à 2008. Il y a eu des consolidations, mais la structure elle-même a traversé les siècles. Même si les usages avaient changé : le sanctuaire du temple Bêl avait été transformé en église, puis en mosquée. Un village arabe s’était installé à l’intérieur même de l’enceinte. C’est sans doute ce qui a dû le protéger. »Les premiers dessins du temple Bêl, réalisés en 1785 par le Français Louis-François Cassas, précédèrent les fouilles de grande ampleur, relevés, plans et restaurations, réalisés sous la direction d’Henri Seyrig, directeur des Antiquités de Syrie et du Liban pendant le Mandat français (1920-1946) – jusqu’à son départ pour rejoindre le Général de Gaulle après l’Appel du 18 juin 1940. C’est le père de l’actrice Delphine Seyrig, « un grand monsieur qui a eu l’intuition de tout », affirme Christiane Delplace. « Tous les “fouilleurs” de Palmyre ont fait sauter sur leurs genoux la petite Delphine », ajoute-t-elle avec un sourire.Avec l’architecte Robert Amy à la manœuvre, Henri Seyrig, qui avait la conception scientifique du projet, a fait dégager le temple Bêl dans les années 1930, après avoir déménagé le village, qui avait squatté la cour d’enceinte de 200 mètres de côté. « Un projet ambitieux des Français », souligne Michel Al Maqdissi, ancien responsable des fouilles et des études archéologiques de Syrie de 2000 à 2012, qui fut le dernier à effectuer des fouilles en 2011, dans l’enceinte même du temple Bêl. Il a mis au jour, en bordure de la « cella », le sanctuaire lui-même, aujourd’hui détruit, un temple plus ancien du début du premier siècle, avec sa salle de banquet.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »« C’est parti pour toujours »« Les fondations des murs du temple Bêl s’enfoncent de quatorze à seize mètres sous terre pour tenir le poids du podium massif, typiquement oriental, sur lequel s’élève la “cella”, souligne Michel Al Maqdissi. Après deux mille ans, le temple était en très bon état. Les interventions de Robert Amy avaient été faites a minima. Il a restauré la “cella” et une partie de la colonnade. A l’époque, un travail de dix ans sur un monument debout ! », note-t-il.Face à la question de la reconstruction du temple Bêl détruit, Michel Al Maqdissi demeure dubitatif. « Les murs sont massifs, énormes, j’ai des doutes, avoue-t-il, conscient d’une sorte de mission impossible. C’est parti pour toujours. » L’archéologue ne fait pas le même constat pour le petit temple Baalshamin, plus facile à reconstruire avec des éléments nouveaux. Les carrières de pierre sont dans les environs de Palmyre. « On peut imaginer un scénario très triste, ajoute-t-il. On ira aux Etats-Unis voir des reconstitutions en 3D et des pièces originales. Les collectionneurs américains et ceux des pays du Golfe achètent en quantité. Les antiquités quittent le pays par la Turquie, le Liban, la Jordanie, et se vendent à Londres, Genève… » Selon les spécialistes, le pillage a été organisé de manière industrielle par l’EI, ce trafic illicite étant une de ses principales ressources.A Palmyre, « de nombreux bâtiments sont encore piégés, la grande arche triomphale, le théâtre… indique Maamoun Abdulkarim. On dira : “Ici, il y avait un site qui s’appelait Palmyre.” »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 11.09.2015 à 12h17 • Mis à jour le11.09.2015 à 13h02 //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Projection de la version intégrale du « Mahabharata » Des ateliers pour « habiter un monde qui change » La plate-forme numérique CALM connecte réfugiés et bénévolestous les articles de la thématique Rencontre entre Peter Brook et Jean-Claude Carrière, dimanche 27 septembre, à 17 heures, au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris. Le Monde Festival s’associe au Théâtre des Bouffes du Nord pour vous proposer, le lendemain de la projection de la version intégrale du Mahabharata de Peter Brook, une rencontre entre le metteur en scène et Jean-Claude Carrière.Réservations ici.Retrouvez toute la programmation du Monde Festival au Théâtre des Bouffes du Nord. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival. 11.09.2015 à 08h34 • Mis à jour le11.09.2015 à 09h06 « S’il y a un concert rock à ne pas louper cette année, c’est celui-ci… », affiche le site Internet du Point éphémère, une petite salle du Nord-Est parisien d’environ 300 places, qui accueille vendredi soir le groupe Les Insus ?. Rarement un groupe de rock inconnu aura suscité autant d’intérêt. Il faut dire que les Insus ? ne serait autre que la réunion de trois membres de Téléphone.Eventé la semaine dernière par RTL, ce concert devrait réunir Jean-Louis Aubert, Louis Bertignac et Richard Kolinka, décidés à faire revivre Téléphone, au moins ponctuellement, mais sans leur bassiste historique, Corine Marienneau.Lire aussi :Reformation surprise : le drôle de « coup » de TéléphoneAucune confirmation officielle n’est venue des intéressés ni de leur maison de disques, mais les commentaires postés par Louis Bertignac sur son site Internet ne laissent pas de doute sur l’intention des trois musiciens. « Je me suis promis de ne pas communiquer sur un truc qui devait être une jolie petite surprise, surprise que la presse a copieusement foutue en l’air… », a-t-il écrit.Jeudi, Les Insus ? ont montré qu’ils avaient de la suite dans les idées en annonçant subitement un second concert à Lille, mardi, dont les places se sont elles aussi arrachées. « Pour l’instant, aucun autre concert n’est prévu… », a assuré Bertignac sur son site.Vrai retour ?Les questions restent donc entières : s’agit-il simplement d’un « coup » ou d’un vrai retour de Téléphone, sous un autre nom, alors que 2016 marquera le 40e anniversaire de sa constitution et que vont paraître une intégrale et un album hommage aux tubes du groupe. « New York avec toi », « Ça, c’est vraiment toi », « Un autre monde », « Hygiaphone »… Les riffs nerveux et les refrains rageurs lâchés entre 1976 et 1986 par le quatuor rythment encore la vie de toute une génération, comme en atteste l’engouement suscité par ces deux concerts entourés de mystère.La possibilité d’une reformation de ce groupe aux 6 millions d’albums vendus alimente les attentes des fans et l’appétit des promoteurs depuis sa disparition, en 1986, mais elle n’a jamais semblé aussi proche. En 1999, puis en 2010, des contacts avaient été pris, mais sans aboutir.« Il y a trois ou quatre ans, ils ont à nouveau voulu reformer le groupe sans moi, en me proposant l’aumône pour que je reste chez moi et que je me taise. J’ai bien sûr refusé », a rappelé cette semaine dans L’Obs la bassiste Corine Marienneau, pour qui « personne n’a le droit d’utiliser le nom Téléphone sans l’accord de tous les membres du groupe ».En 2013, c’est déjà sans leur bassiste historique qu’Aubert, Bertignac et Kolinka (avec Axel Bauer à la basse) avaient rejoué du Téléphone au Bus Palladium, de façon improvisée au cours d’une soirée.Lire notre enquête : L'ego trop cher de Téléphone 11.09.2015 à 06h40 • Mis à jour le11.09.2015 à 07h16 Un feuilleton théâtral à Vincennes, Aldo Romano à La Villette, Amadou & Mariam à Saintes ou encore Alexandre Astier seul en scène face aux étoiles : quelques pistes pour égayer cette fin d’été.Théâtre. Un feuilleton au vitriol sur une élection présidentielle, à la Cartoucherie de Vincennes Tous au Théâtre du Soleil : c’est là que se joue, à l’invitation d’Ariane Mnouchkine, Chute d’une nation, de Yann Reuzeau. Créé il y a quelques années à la Manufacture des Abbesses, ce feuilleton théâtral, dont la facture s’inspire de séries comme « Lost » ou « Les Soprano », met en scène une campagne présidentielle. Les accords et les compromissions, les attaques directes et les coups bas, la guerre des ego et des programmes, les amours incestueuses de la presse et de la politique : tout y est montré et démonté, avec justesse et vivacité. Les quatre épisodes de ce feuilleton, qui porte à réfléchir sur la démocratie et ses enjeux, sont présentés les samedis et dimanches, en intégrale, jusqu’au 11 octobre. En tout, cela fait plus de neuf heures de spectacle : de 13 heures à 22 h 15. Ne soyez pas affolés par cette durée : si vous ne pouvez pas rester jusqu’au bout, vous pouvez vous arranger avec le Théâtre du Soleil pour fractionner ce feuilleton enthousiasmant. Brigitte SalinoChute d’une nation, de et mis en scène par Yann Reuzeau, Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes. Tél. : 01 43 74 24 08. De 18 euros à 40 euros. Jusqu’au 11 octobre.Spectacle. Alexandre Astier, la tête dans les étoilesRévélé au grand public grâce à la série télévisée « Kaamelott », sur M6, Alexandre Astier revient seul en scène à l’Olympia dans L’ExoConférence, spectacle donné au Théâtre du Rond-Point en septembre 2014. Musicien de formation, auteur, acteur, réalisateur et compositeur passionné d’astrophysique, c’est en professeur en cosmogonie qu’il officie ici. Un rôle pour lequel il s’est préparé tel un documentariste, rencontrant spécialistes et chercheurs, à l’Observatoire de Paris, au laboratoire de géosciences de Toulouse, au Centre national d’études spatiales, les interrogeant aussi bien sur le Big Bang que sur le mythe des extraterrestres. De quoi lui donner des bases solides sur lesquelles greffer ses drôleries, dans un décor futuriste et un accompagnement musical de synthétiseurs. Sandrine BlanchardL’ExoConférence, jusqu’au 16 septembre à l’Olympia, à Paris, puis en tournée jusqu’au 6 décembre. De 38 euros à 51 euros.Musique. Romano, Sclavis, Texier, The Bad Plus à la Villette Dernière grosse soirée du festival Jazz à La Villette, organisé jusqu’au 13 septembre, celle du samedi 12 propose deux trios de forte réputation. D’une part, à la Cité de la musique, la formation américaine The Bad Plus, constituée d’Ethan Iverson (piano), Reid Anderson (basse) et Dave King (batterie), qui s’éloignera des reprises pop et rock qui ont fait sa réputation auprès d’un public un peu plus large que celui du jazz stricto sensu, pour une exploration de la partition Science Fiction, d’Ornette Coleman. Avec en invités les saxophonistes Tim Berne et Sam Newsome et le trompettiste Ron Miles. Et d’autre part, à la Grande Halle de La Villette, « RST », soit Aldo Romano (batterie), Louis Sclavis (clarinette, saxophone) et Henri Texier (contrebasse). Des retrouvailles avec un trio constitué au début des années 1990, qui se reforme de temps à autre. En première partie de The Bad Plus, le Supersonic mené par Thomas de Pourquery évoquera Sun Râ, et, en première partie de RST, c’est Verlaine que chantera le bassiste John Greaves, avec d’autres voix (Elise Caron, Jeanne Added, Thomas de Pourquery) et instrumentistes. Sylvain SiclierJazz à La Villette avec The Bad Plus et programme Sun Râ par Supersonic, Cité de la musique, salle des concerts, samedi 12 septembre, à 16 h 30, de 18 euros à 22 euros ; Romano-Sclavis-Texier et programme Verlaine par John Greaves, Grande Halle de La Villette, espace Charlie-Parker, samedi 12 septembre, à 20 heures, de 18 euros à 22 euros.Musique. Concert de batraciens et « danceoké » dans le Marais, à Paris Du vendredi 11 au dimanche 13 septembre, le Marais se transforme en vaste scène de concert éphémère. Quinze établissements culturels des 3e et 4e arrondissements de Paris, tous membres du réseau Marais Culture +, y participent. Tout commence avec la soirée électro du Faubourg Simone au Carreau du Temple vendredi soir. La Chorale du Delta se produit samedi au Centre des monuments nationaux, et une sieste acoustique et littéraire est proposée à la Maison de la poésie dimanche après-midi. Le festival les Traversées du Marais célèbre la musique sous toutes ses formes. Avec parfois quelques surprises, comme la piste de danse « Danceoké », du collectif ÖFA, à l’Institut suédois, ou le concert de batraciens les Grenouilles du Marais, d’Erik Samakh, présenté au Musée de la chasse et de la nature. Pauline ForgueLes traversées du Marais, parcours musical. Paris 3e et 4e arrondissements. Du 11 au 13 septembre.Art. Mona Hatoum se joue du quotidien, à Beaubourg Après le 28 septembre, il sera trop tard pour aller découvrir la belle rétrospective que consacre le Centre Pompidou à Mona Hatoum. Née à Beyrouth, en 1952, de parents d’origine palestinienne, l’artiste a fait ses études à Londres, où elle découvre l’art de la performance et l’usage de la caméra vidéo. Certains sujets reviennent régulièrement, l’œil inquisitorial, son indiscrétion, les obstacles qu’il faut lui opposer pour défendre l’intime. Son œuvre, riche en sous-entendus et symboles et inspirée par les surréalistes, ne se lit pas au premier degré, comme en témoignent notamment les objets ménagers détournés de leur usage qui s’y côtoient, ou la chaise de jardin en fer posée sur une touffe de poils pubiens intitulée Jardin public, réminiscence du Viol de Magritte. Philippe Dagen « Mona Atoum », Centre Pompidou, Paris 4e. Du mercredi au lundi, de 11 heures à 21 heures. De 11 euros à 14 euros. Jusqu’au 28 septembre.Musique. Des découvertes pop, électro et musiques du monde au Coconut Music Festival, à Saintes C’est dans la proximité de l’enceinte de l’Abbaye aux Dames, à Saintes (Charente-Maritime), qu’est organisé depuis 2013 le Coconut Music Festival, dont la majeure partie de la programmation est consacrée à la découverte. Le festival recevra notamment pour sa présente édition, du vendredi 11 au dimanche 13 septembre, quelques têtes d’affiche comme Amadou et Mariam pour les musiques du monde ou Rone pour les musiques électroniques, mais surtout, en accord avec sa ligne éditoriale chercheuse, les virées pop de Melody’s Echo Chamber, James Mathé dit « Barbarossa« , le multi-instrumentiste Etienne Jaumet, qui explore un peu tous les genres, et une petite dizaine d’autres. Le dimanche 13, le festival propose en accès libre un « bal folk » avec le duo (accordéon et basse) KV Express et la projection du film Almost Famous (2000), de Cameron Crowe. Sylvain SiclierCoconut Music Festival à l’Abbaye aux Dames, la Cité musicale, 11, place de l’Abbaye, Saintes (Charente-Maritime). Du 11 au 13 septembre. Entrée : 19 euros, forfait deux jours 33 euros ; accès libre le dimanche 13.Vidéo de la chanson « I Follow You » par Melody’s Echo Chamber, extraite de l’album « Melody’s Echo Chamber » (2012, Weird World Record Co).Classique. Mythes et mystères à AmbronayDepuis trente-six ans, le Festival d’Ambronay fait flamboyer l’automne : du 11 septembre au 4 octobre, la thématique élaborée par le nouveau maître des lieux, Daniel Bizeray, nous promet « Mythes et Mystères ». Le premier concert consacrera les deux avec le divo argentin Franco Fagioli (sorte de Cecilia Bartoli au masculin), l’une des plus passionnantes révélations vocales de ces dernières années, qui célébrera le tricentenaire de la mort du Roi-Soleil avec des airs de Haendel (on n’en est pas à un anachronisme près), heureusement émaillés d’intermèdes des comédies-ballets de Lully. En clôture du week-end, l’Ensemble Correspondances de Sébastien Daucé, qui s’est fait depuis cinq ans une place de choix dans le répertoire sacré du Grand Siècle, exaltera le grand motet à la française qui mêle orchestre, chœur et solistes. Entre-temps, un copieux programme dont l’éclectisme séduit, de la Messe en si de Bach par Vaclav Luks et son ensemble Collegium 1704 au fado (Mistérios de Lisboa) avec Duarte et la jeune génération de fadistes, en passant par une fantaisie clownesque pour harpe, danse et flûte destinée aux petits (et grands) enfants et le rêve poétique d’un jeune ensemble suisse, Voces Suaves, invoquant les mystères du ciel et de la terre, de la Renaissance (polyphonies et madrigaux de Monteverdi) à nos jours. Marie-Aude RouxFestival d’Ambronay, Centre culturel de rencontre, place de l’Abbaye, Ambronay (Ain). Les 11, 12 et 13 septembre. Tél. : 04 74 38 74 04. De 5 euros à 68 euros. 10.09.2015 à 15h52 • Mis à jour le10.09.2015 à 17h51 | Alain Beuve-Méry Le Syndicat national de l’édition (SNE) a trouvé son héraut. Richard Malka, 47 ans, avocat de Charlie Hebdo, et auteur, à ses heures perdues de bandes dessinées, vient d’écrire pour le compte du syndicat, une plaquette percutante pour la défense du droit d’auteur, tel qu’il est défini aujourd’hui en France et au sein de l’Union européenne (UE). Ce matin, dès potron-minet, le bouillonnant juriste était déjà sur les ondes de France Inter, pour développer la panoplie de ses arguments contre la réforme voulue par la Commission européenne.Lire aussi :Touche pas à mon droit d’auteur !La plaquette s’intitule La gratuité, c’est le vol, reprenant le titre d’un rapport de Denis Olivennes, quand patron de la FNAC. Ce dernier réaffirmait son opposition à une culture gratuite, favorisée par Internet. Et pose ouvertement la question « 2015 : la fin du droit d’auteur ? » Deux menaces sont pointées : un projet de loi de la secrétaire d’Etat, chargée du numérique Axelle Lemaire et la réforme de la directive de 2001, régissant le droit d’auteur au sein de l’UE, notamment à partir des propositions faites par Julia Reda, l’unique députée européenne membre du Parti des pirates allemand qui a été chargée, en février, d’un rapport préparatoire sur le sujet.« Un mirage de la modernité »En un peu plus de 30 000 signes, Richard Malka argumente pour expliquer que « la remise en cause du droit d’auteur serait un mirage de la modernité ». Avec les projets de réforme en cours, le principal risque encouru par les auteurs est de voir leur rémunération être déconnectée à terme de leur travail, le succès d’un livre ne servant plus de valeur étalon. « C’est la menace du retour à l’Ancien régime où le bon vouloir du roi est remplacé par celui des grandes entreprises du Net : Google, Amazon, Apple. »Pour résumer ce que plaide M. Malka, il ne faut pas oublier que c’est l’émergence à la fin du XVIIIe siècle du droit d’auteur qui a permis aux écrivains de vivre de leur plume.Imprimée par le SNE, tirée à 50 000 exemplaires, la plaquette sera distribuée gratuitement (un paradoxe seulement en apparence) en librairie, à compter du jeudi 10 septembre. Ces derniers n’ont reçu aucune consigne particulière, mais libraires et éditeurs sont considérés par le SNE comme les intermédiaires les plus efficaces et le plus neutres pour garantir le succès d’un ouvrage.Par cette campagne, l’objectif est d’atteindre les clients des librairies, un public a priori déjà acquis, mais au-delà de faire prendre conscience des enjeux économiques qui sous tendent cette question et d’atteindre le grand public.Des exceptions dangereusesPour sensibiliser Bruxelles, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et surtout les services du commissaire européen chargé de créer un marché unique numérique, l’Estonien Andrus Ansip, le texte a été traduit en anglais « 2015 : the end of copyright ? Taking for free is stealing » et est disponible en version numérique, dans les deux langues sur le site auteursendanger.fr.Le SNE n’a, en revanche, pas été suffisamment réactif et il existe déjà d’autres sites « auteurs en danger » construits par les partisans du Net et de la gratuité et qui se moquent de l’initiative des éditeurs.Dans son texte, Richard Malka liste toutes les exceptions au droit d’auteur, contenues dans le projet de directive européenne et qui, si d’aventure étaient validées, conduiraient à vider le droit d’auteur de sa substance. Plusieurs exceptions partent d’intentions louables, comme l’exception pédagogique ou la possibilité pour les bibliothèques de procéder à des prêts numériques. Mais mal conçues ou mal cadrées, elles seront de véritables aspirateurs à contenu. D’autres, comme l’exception « data mining » (fouille de texte) ou celle du « fair use » sont directement importées des Etats-Unis et viennent des pratiques défendues par Google, Apple, Facebook ou Amazon (GAFA).Risques de censureMais il existe un deuxième axe sur lequel Richard Malka, avocat habitué à défendre les libertés publiques, révèle les aspects très néfastes des réformes en cours : des risques de censure, liées aux chartes édictées par les GAFA. Ainsi le livre pour enfants T’Choupi part en pique-nique (de Thierry Courtin, Nathan, 1999) a été censuré par Apple en raison du caractère « pornographique » de son titre.De même dans le cadre de l’application Izneo (qui rassemble la majeure partie de la production de BD française en numérique) un ouvrage de Lucky Luke a été interdit en France, car les personnages noirs étaient représentés avec des lèvres charnues.Richard Malka pose publiquement la question : avec ses chartes, Les Versets sataniques de Salman Rushdie, publiés en 1988, l’auraient-ils été aujourd’hui, sans avoir subis au préalable, les ciseaux d’Anastasie ?Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55f296558ac0c'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\n\u00ab 14 juin 2015. L\u2019Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale. Migrants et soutiens. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © LAURA GENZ\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab 14 juin 2015. L\u2019Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale. Migrants et soutiens. \u00bb","source":"\u00a9 LAURA GENZ","index":0,"position":1,"total_count":10,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/09\/10\/dessins-de-refugies-par-laura-genz_4751690_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 10\r\n \r\n \r\n\u00ab 14 juin 2015. Le Concert de soutien. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © LAURA GENZ\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab 14 juin 2015. 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En Angleterre, le street-artiste Banksy, originaire de Bristol, a ouvert, fin août, un parc d’attractions grinçant, Dismaland, à une trentaine de kilomètres de sa ville natale, en bord de mer, à Weston-super-Mare. On n’y voit pas que le carrosse de Cendrillon accidenté. Dans la forteresse décrépite, le visiteur est accueilli par les forces de l’ordre, et il découvrira une barque remplie de passagers…Le réalisateur italo-américain Jonas Carpignano, 31 ans, a eu l’idée de reconstituer l’odyssée de deux jeunes Africains en direction de l’Italie du Sud, où les attendent des patrons exploiteurs, le racisme, mais aussi heureusement quelques signes d’hospitalité. Révélé à Cannes, en mai 2015, Mediterranea, ce premier long-métrage inspiré d’histoires vécues est sorti en salles, en France, depuis le 2 septembre. Ce sont aussi les images « profondément choquantes des migrants de Lampedusa », nous dit Etienne Daho, qui ont donné naissance à Un nouveau printemps, l’un des titres de son dernier album, Les Chansons de l’innocence retrouvée (EMI). « Ces jeunes gens, ces familles…, la détresse qui les contraint à quitter leur pays d’origine, quitte à trouver à leur arrivée, s’ils ne se noient pas, un rêve de liberté et de dignité en miettes », écrit le chanteur dans un court message.La colère s’exprime, aussi, à coup de déclarations tonitruantes : le chanteur irlandais Bob Geldof, interrogé sur la radio irlandaise RTE, s’est dit prêt à accueillir « trois familles immédiatement » dans son logement dans le Kent, et une autre dans son « appartement à Londres ». Evoquant les photos du petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque, il a déclaré : « Je les ai regardées avec un sentiment profond de honte et de trahison, par rapport à ce que nous sommes et à ce que nous souhaiterions être […]. C’est l’échec de ces politiques qui a conduit à ce déshonneur », a-t-il ajouté, dénonçant l’action des gouvernements européens. La star allemande Til Schweiger, comédien et réalisateur, a annoncé qu’il créait une fondation pour ouvrir en Basse-Saxe un foyer de premier accueil… On n’en est pas là, en France, où d’après les sondages l’opinion est encore frileuse à l’égard de l’accueil des réfugiés. Une journée de sensibilisation est prévue, samedi 12 septembre, au Musée de l’histoire de l’immigration, à Paris. Intitulée « Douze heures pour changer de regard », elle réunira, entre autres, les historiens Benjamin Stora, Pap Ndiaye, Pascal Blanchard, la plasticienne Fanny Bouyagui, etc., et s’achèvera avec la lecture, par Céline Samie, de la Comédie-Française, de la pièce Triptyque du naufrage, Lampedusa, de Lina Prosa.Par ailleurs, pas moins de trois pétitions circulent. Publié dans le Journal du dimanche, le 6 septembre, un appel a été initié par l’humoriste Alex Lutz, regroupant soixante-six personnalités – Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Isabelle Adjani, Elsa Zylberstein… Ces artistes s’engagent à donner un cachet, ou plus, soit le salaire versé pour une représentation, à des associations soutenant les réfugiés (Cimade, France Terre d’asile…). « Il ne s’agit pas de dire “We are the World” », prévient Alex Lutz, qui transmet un sobre communiqué annonçant la création de l’association « Une main tendue, un cachet solidaire » : « Les signataires revendiquent le droit d’asile dans les pays en paix pour les victimes de la guerre et de la barbarie humaine », lit-on.Par ailleurs, des cinéastes et comédiens français, tels Arnaud Desplechin, Emmanuelle Béart, se sont ralliés à la pétition des « Filmmakers » lancée à l’échelle européenne, intitulée « For a Thousand Lives : Be Human », réunissant Jean-Pierre et Luc Dardenne, Isabella Rossellini, Cristian Mungiu, Aki Kaurismäki…En France, les citoyens ont un « terrain » de choix, si l’on peut dire, pour apprécier l’accueil réservé aux réfugiés : depuis des mois, des centaines d’hommes et de femmes venus d’une douzaine de pays sont regroupés dans le nord de la capitale. C’est là que la mobilisation a commencé. Au début de l’été, une « lettre ouverte » à la maire de Paris, la socialiste Anne Hidalgo, a été publiée dans Télérama, le 9 juillet, dénonçant le sort des centaines de réfugiés qui « survivent » et « dorment encore sur les trottoirs de notre capitale ». Autant dire que le texte a fait sursauter la gauche : il est signé par 222 artistes, parmi lesquels les comédiens Juliette Binoche, Omar Sy, les réalisateurs Michel Hazanavicius, Claire Simon, Laurent Cantet, Bruno Podalydès, Rithy Pahn, mais aussi l’écrivaine Virginie Despentes, les metteurs en scène Stanislas Nordey, Ariane Mnouchkine, la chanteuse Elli Medeiros, le groupe I AM, etc. Des « grands noms » pour les médiasCette « lettre ouverte » a été initiée par des cinéastes qui soutenaient en simples citoyens les réfugiés regroupés sous le métro aérien de La Chapelle − qui donnera son nom au collectif « La Chapelle en lutte ». Ils ont sorti leur carnet d’adresses : citons, entre autres, Valérie Osouf, auteure du documentaire L’Identité nationale (2013) ; Valérie Massadian, réalisatrice de Nana, Léopard d’or du premier film au Festival de Locarno, en 2011 ; Simone Bitton (Le Mur, sélectionné à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs, en 2004) ou encore Christophe Ruggia (La Tourmente, 2012). Très vite, ils en sont venus à cette conclusion : pour sensibiliser les médias, il faut des « grands noms ». « On a monté la pétition en quarante-huit heures, on était agréablement surpris. Ariane Mnouchkine a répondu en cinq minutes, l’écrivaine Annie Ernaux aussi », raconte Christophe Ruggia, très impliqué dans le combat des personnes sans papiers. L’enjeu, c’est aussi l’application du droit : « Il existe un texte qui s’appelle la convention de Genève relative au statut des réfugiés. Juridiquement, aujourd’hui, l’Etat est en infraction », explique Valérie Massadian.Quelle triste image de Paris, déplorent-ils dans cette lettre ouverte : « Une femme enceinte, ayant quitté un centre de rétention pour accoucher à Lariboisière, a dû retourner à la rue avec son nourrisson de deux jours. » Début juin, ajoutent-ils, les réfugiés qui campaient sous le métro aérien ont été dispersés « dans une extrême violence par les forces de l’ordre ». « Y a-t-il un directeur de lieu culturel qui pourrait accueillir les réfugiés ? » a lancé Valérie Osouf, sur sa page Facebook. Le 23 juin, trois membres du Collectif sont allés frapper à la porte du Centquatre, l’établissement artistique tout proche, dans le quartier Stalingrad. Le directeur José Manuel Gonçalvès était absent ce jour-là, et son équipe a expliqué le protocole : l’occupation du Centquatre ne peut se faire qu’avec l’accord de la Ville de Paris, qui finance le lieu… La délégation a fait demi-tour. Halte à l’erranceDepuis trois mois, au total, les réfugiés ont été délogés une dizaine de fois, de la halle Pajol, du jardin d’Eole, du square Jessaint, etc., en vue d’être admis dans des centres d’hébergement – la Ville de Paris parle de « mises à l’abri humanitaires » et souligne que 1 400 migrants ont été pris en charge depuis le 2 juin.Halte à l’errance, disent les artistes : la revendication principale des « 222 » est l’ouverture, à Paris, d’une Maison des migrants, qui serait « un sas entre l’arrivée en France et le placement des réfugiés dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ». Valérie Osouf s’explique : « La mairie de Paris et les pouvoirs publics continuent à atomiser les exilés un peu partout en Ile-de-France, dans des centres d’hébergement d’urgence inadaptés. C’est une stratégie d’invisibilisation. A contrario, nous souhaitons les rendre visibles et leur permettre, ensemble, d’accéder à leurs droits. Les réfugiés doivent pouvoir bénéficier d’un diagnostic médical, d’une orientation juridique, de cours de français, de formations professionnelles, et être acteurs de leurs parcours. Si ces hommes et ces femmes ont pu faire mille bornes à pied, ils sont capables de prendre leur destin en main ! »Le 15 juillet, Anne Hidalgo répondait aux artistes dans le même hebdomadaire, sur l’air de « vous vous trompez de cible ». La politique de l’asile est « de la compétence de l’Etat », souligne-t-elle, et non de la ville. Les violences policières ? « J’ai condamné toute utilisation de la violence lors des évacuations des migrants », ajoute-t-elle, assurant les signataires de son « soutien ». La mobilisation des artistes, même critique, est précieuse pour la maire de Paris, car il y a une bataille à mener pour sensibiliser une opinion frileuse. Anne Hidalgo avait plaidé, elle aussi, en faveur de la création d’un grand centre d’accueil. Mais elle n’a pas été entendue, l’Etat redoutant « un Sangatte dans la capitale », explique son entourage.Besoin d’un lieuDepuis fin juillet, quelque 300 réfugiés occupent le lycée Quarré – désaffecté, qui deviendra à terme une médiathèque – situé près de la place des Fêtes (Paris 19e), avec l’accord de la Ville. « Nous allons transformer le lycée Quarré en centre d’hébergement temporaire. Nous pouvons effectuer les travaux de sécurité en site occupé, sans évacuer les réfugiés », confirme Bruno Julliard, premier adjoint de la maire de Paris, chargé de la culture.Le lycée Quarré va-t-il devenir le symbole de la lutte, comme l’église Saint-Bernard le fut pour le combat des « sans-papiers », en 1996, dans le quartier de la Goutte-d’Or, en présence d’Emmanuel Béart et d’Ariane Mnouchkine ? Car une lutte a besoin d’un lieu. Certes, Saint-Bernard renvoie à une autre époque : la droite était au pouvoir, et les artistes faisaient figure d’alliés avec la gauche dans l’opposition. Ensuite, les réfugiés ne sont pas les sans-papiers : les premiers viennent tout juste d’arriver, sont encore traumatisés par leur périple et n’ont pas forcément envie d’affronter les forces de l’ordre ; les seconds sont installés en France, paient des impôts, sont prêts à se battre pour leurs droits. Mais les réfugiés de 2015 ont retenu la leçon de Saint-Bernard. Ils ont beau avoir été ballottés ici et là, le collectif a conservé le même nom, pour le symbole : « La Chapelle en lutte ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.09.2015 à 10h08 • Mis à jour le23.09.2015 à 18h14 | Josyane Savigneau Documentaire sur Arte à 22 h 45 Grâce à de nombreuses archives, la romancière et essayiste Chantal Thomas et son frère Thierry Thomas tracent un portrait éminemment sensible de l’auteur de « Mythologies »Le centenaire de Roland Barthes (12 novembre 1915-26 mars 1980) donne lieu, depuis le début de 2015, à de multiples publications et manifestations, dont fait partie ce documentaire de Chantal Thomas et Thierry Thomas. Le parti pris de ce film réjouira tous ceux qui sont souvent déçus par les documentaires sur les écrivains : peu de paroles de l’auteur, beaucoup de témoignages divers, et, au bout du compte, une impression étrange d’effacement de l’écrivain et de son œuvre.Ici, pour tracer le portrait de celui qui, selon Chantal Thomas, « fut à la fois un maître à penser et un marginal », un seul intervenant, Roland Barthes lui-même, à la télévision, mais aussi chez lui, dans une atmosphère plus intime. Il y a juste, en voix off, quelques propos de Chantal Thomas, pour préciser un repère biographique ou commenter brièvement un livre.En noir et blanc, un Roland Barthes assez timide répond aux questions de Pierre Desgraupes pour « Lectures pour tous ». Images d’une élégance perdue, à la fois du côté de l’intervieweur et de celui de l’interviewé. Une courtoisie d’un autre âge de la télévision. « Souvent j’écris pour être aimé, dit simplement Barthes. Mais on n’est jamais vraiment aimé pour son écriture. » Parlant de Mythologies (1957), le livre qui l’a fait connaître, il évoque le catch : « A une époque, je suis allé très souvent au catch », pour étudier sa chorégraphie, sa « mythologie ». Autre sujet, la DS 19 qui « a fonctionné comme un objet magique ». Mais que venait faire là l’abbé Pierre ? « J’ai essayé d’analyser l’iconographie de l’abbé Pierre. »Tous les entretiens, les plus formels comme les plus décontractés, justifient le sous-titre du film, « Le théâtre du langage », car Barthes rappelle son « obsession du langage » : « Cette obsession s’est exercée à travers des infidélités successives, des systèmes différents. » Avec Roland Barthes, jamais de langue de bois. Il cherche toujours à être précis, il se corrige, il améliore sa phrase. Chantal Thomas souligne, à raison, « sa détestation des stéréotypes, des fausses intelligences ».« Souvent j’écris pour être aimé. Mais on n’est jamais vraiment aimé pour son écriture. » Roland BarthesChez lui, il est détendu, près du piano – « J’adore déchiffrer de la musique ». Il évoque son enfance et son adolescence – «Je n’avais pas de milieu social, je n’étais rattaché qu’à ma mère. » Au lycée Montaigne, petit provincial déplacé, il était malheureux. Mais parce qu’il était « extrêmement sensibilisé au problème du fascisme », il est sorti de son isolement pour fonder, à 19 ans, avec quelques camarades, un groupe antifasciste après les émeutes de février 1934.La fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte sont marqués par la maladie, la tuberculose pulmonaire, et le sanatorium, avec « le tabou de la contagion », mais « l’expérience de l’amitié, l’expérience de la lecture ».Que dirait Barthes, dont Chantal Thomas précise combien il cloisonnait ses amitiés, du XXIe siècle ultra connecté où l’on réagit avant de penser ? Sans savoir ce que serait ce monde-là, il a répondu : « J’ai d’énormes démêlés avec le spontané. Ce que le spontané ramène à la surface, c’est toujours du banal. »A la télévision, fini les confidences musicales et biographiques. Barthes est sommé par Pierre Dumayet de dire ce qu’est un structuraliste : « Quelqu’un qui s’intéresse au fonctionnement de ces objets compliqués que sont par exemple les systèmes de signification. » On pouvait se douter que « ces objets compliqués » appliqués à la littérature n’allaient pas être du goût de l’université d’avant Mai-68. Quand Barthes publie son Sur Racine, en 1963, une polémique s’engage avec Raymond Picard. Barthes lui répond dans Critique et Vérité (1966). « Il fallait empêcher, dit-il, que cette image d’imposture critique puisse se solidifier. »Reconnu et célébréC’est le moment où il se lie avec Philippe Sollers et le groupe Tel Quel. Une amitié forte : « Si Tel Quel n’existait pas, je me sentirais manquer de souffle dans le milieu intellectuel français et parisien. » Roland Barthes a désormais ses soutiens. Il découvre le Japon, et écrit, selon Chantal Thomas « son premier livre heureux », L’Empire des signes. Il rappelle aussi son « attachement très corporel au Sud-Ouest, à sa lumière, ses odeurs », sa maison à Urt, près de Bayonne.Le combat a été rude pour que le 7 janvier 1977 Roland Barthes puisse prononcer sa leçon inaugurale au Collège de France. Personne ne pensait qu’il n’avait plus que trois ans à vivre, il était enfin reconnu et célébré, comme en témoigne son passage à « Apostrophes » pour Fragments d’un discours amoureux. Même si, logiquement, et avec beaucoup de délicatesse, le film va jusqu’à sa mort, on a envie de s’arrêter sur le plateau d’« Apostrophes », où Françoise Sagan écoute avec attention Barthes déclarer : « Je crois que “Je t’aime” veut toujours dire “Aime-moi”. » Roland Barthes (1915-1980). Le Théâtre du langage. Ecrit par Chantal Thomas et Thierry Thomas, réalisé par Thierry Thomas. Sous le même titre, un DVD de l’INA sort le 6 octobre, proposant, outre le film, les interventions de Barthes à la télévision (19,95 euros). Mercredi 23 septembre à 22 h 45 sur Arte.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Edelmann L’immobilier sort-il de la crise, ou bien est-ce plus esthétiquement l’architecture qui échappe aux conflits plombant de façon répétée la liberté créative des maîtres d’œuvre ? Déjà, l’été avait apporté sont lot de surprises avec la remise sur rail du projet Samaritaine conçu par l’agence japonaise Sanaa. La question des tours à Paris restait en suspens, véritable épouvantail des associations. Or Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a obtenu mardi 22 septembre auprès de la Ville de Paris le permis de construire pour son projet de tours Duo conçu par l’architecte Jean Nouvel.Sauf retournement toujours possible, les crispations suscitées par l’émergence de tours dans la capitale semblent s’atténuer. Déjà, le groupe Unibail s’était vu confier le 18 septembre la réalisation des tours Sisters, riches en formes galbées, dessinées par Christian de Portzamparc. Un projet de deux immeubles de grande hauteur (IGH, soit 50 m), qui se substitue à celui de la tour Phare signé par l’architecte américain Thom Mayne. Ce projet devait prendre place entre la Grande Arche et le CNIT, avec ses 300 mètres et 69 niveaux de bureaux, et devenir la plus haute tour de France. Restera à calculer les indemnités de l’architecte américain, lauréat du Pritzker Prize, comme le sont Nouvel et Portzamparc.Lire aussi :La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteLes tours Duo après la tour Phare et les tours Sisters. « La délivrance du permis de construire nous fait entrer dans une nouvelle phase de ce projet enthousiasmant », a déclaré dans un communiqué Meka Brunel, la vice-présidente exécutive pour l’Europe d’Ivanhoé Cambridge. Issues d’une « vision urbanistique réfléchie et concertée » et insérées dans la zone d’aménagement concertée (ZAC) Paris Rive Gauche, elles « apporteront, selon elle, leur pierre au rayonnement de Paris ».Lire aussi :La tour Triangle dans le vent des polémiquesFausses jumellesSituées dans le 13e arrondissement de la capitale, en bordure de la Seine et des voies ferrées, la première tour offrira 39 étages sur 180 mètres et la seconde, 27 étages sur 122 mètres. La destination de ces immeubles de grande hauteur est mixte : d’une part 96 100 m2 de bureaux, de l’autre, sur 12 000 m2, un hôtel, un restaurant bar avec une vue panoramique sur Paris, un auditorium, des commerces, un jardin et des terrasses végétalisées. Ils devraient être en outre les premiers en France à bénéficier du label d’excellence WELL (WELL Building Standard).Evoquant ces tours asymétriques, Jean Nouvel, qui a déjà réalisé à Paris l’Institut du monde arabe, la Fondation Cartier pour l’art contemporain, le Musée du quai Branly et la Philharmonie, parle d’une « composition architecturale lisible ». Malgré les remarques majoritairement négatives formulées par les riverains du quartier Bruneseau, selon les responsables d’associations, la commissaire enquêtrice Marie-Claire Eustache a rendu un avis favorable à la demande de permis de construire. « Le projet de construction des tours Duo soumis à enquête m’apparaît complet et bien maîtrisé dans ses différents aspects et impacts », résume-t-elle.Les crispations suscitées par l’émergence de tours dans la capitale semblent s’atténuerReste à s’interroger sur la valeur des deux ensembles de tours. Les fausses jumelles de Jean Nouvel apparaissent à l’acmé de la dissymétrie, sans la moindre concession à une possible douceur des formes. A l’inverse, le projet Portzamparc mise tout sur les courbes. Deux projets à l’opposé l’un de l’autre… Et qui se défendent par des arguments opposés.Les espaces de bureaux, chez Nouvel, seront « flexibles, adaptés aux nouveaux modes de management et de travail », et offriront « une large gamme de services associés » tels qu’un espace dédié au fitness, précise Ivanhoé Cambridge.Choisi en avril 2012 au terme d’une consultation internationale lancée par la Ville de Paris, Ivanhoé Cambridge est l’investisseur unique de ce projet dont le montant n’est pas divulgué. Il espère commencer les travaux au deuxième trimestre 2016, après commercialisation de la moitié des surfaces de bureaux.Frédéric EdelmannJournaliste au Monde 23.09.2015 à 06h46 • Mis à jour le23.09.2015 à 07h16 | Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jérôme Marin (San Francisco, correspondance) Il n’y a pas que de belles histoires dans la high-tech. La start-up Oyster ambitionnait de devenir le Netflix du livre numérique. Mais deux ans à peine après son ouverture, cette bibliothèque en ligne va bientôt fermer ses portes. « Le service s’arrêtera dans les prochains mois », précisent ses trois fondateurs, dans un message publié lundi 21 septembre sur le blog de la jeune entreprise.Oyster a été lancée en septembre 2013 aux Etats-Unis. Sa promesse : un accès illimité à un catalogue riche d’un million de livres. Pour dix dollars par mois (neuf euros), ses utilisateurs peuvent ainsi lire autant de titres qu’ils le souhaitent, sur leur tablette, leur smartphone ou leur ordinateur.Cette offre illimitée s’inspire du modèle mis en place par Netflix pour les films et les séries télévisées, et par Spotify pour la musique. Ces deux entreprises, leaders sur leur marché respectif, séduisent des dizaines de millions d’utilisateurs dans le monde. De son côté, Oyster n’a jamais véritablement réussi à décoller.La rémunération des auteurs et des éditeurs, un gouffre financierLa société new-yorkaise ne manquait pourtant pas d’ambitions. Elle se rêvait en nouveau Amazon, le géant du commerce en ligne qui a révolutionné le marché du livre avec l’introduction en 2007 de sa liseuse Kindle. « Nous voulons être la société qui va amener les livres numériques à la prochaine étape », lançait encore ses dirigeants en début d’année.Quelques mois après les débuts du service, Oyster avait levé 14 millions de dollars (12,5 millions d’euros) auprès d’investisseurs. Mais les frais engagés par la société, notamment pour rémunérer les auteurs et les éditeurs, ont fait fondre ce pactole. La société ne pouvait plus se permettre d’opérer à perte. « Nous avons réalisé d’importants progrès vers notre objectif de bâtir une manière plus simple de lire », se consolent désormais ses fondateurs.En deux ans, Oyster a en effet réussi à convaincre trois des cinq grandes maisons d’édition de rejoindre sa plate-forme. Mais pas le groupe français Hachette ni son rival anglo-saxon Penguin Random House. En ajoutant les éditeurs indépendants, le nombre d’ouvrages disponibles a été multiplié par dix : de 100 000 au lancement à un million, dont la saga Harry Potter.Prix élevé de l’abonnementCette forte progression masque cependant une importante lacune : les titres les plus récents ne sont pas présents. Consciente des limites de son catalogue, la start-up avait lancé, en avril, une boutique de livres numériques. Celle-ci propose toutes les nouveautés des cinq grands éditeurs.Autre handicap : le prix par abonnement. Dix dollars par mois, c’est un dollar de plus que Netflix, le populaire service de streaming, la lecture sans téléchargement. En moyenne, les Américains lisent une demi-heure par jour, selon les dernières statistiques du département du travail. Mais ils passent près de trois heures devant leur télévision.« Un modèle par abonnement pour les livres numériques n’est pas vraiment intéressant pour une grande partie des lecteurs, note le cabinet Enders Analysis. Les catalogues sont limités et les gens ne lisent pas suffisamment pour rendre ses offres rentables. »Selon Digital Book World, le prix moyen des versions électroniques des ouvrages à succès est inférieur à 7 dollars aux Etats-Unis. Cela signifie que pour rentrer dans ses frais, l’abonné doit lire plus de 17 livres par an. Or, 70 % des Américains lisent moins de 10 ouvrages par an, d’après une étude du Pew Research Center.Concurrence du Kindle Unlimited d’AmazonL’offre illimitée d’Oyster n’était donc intéressante que pour les gros lecteurs. Or, son modèle économique ne pouvait fonctionner que si les abonnés ne consommaient pas trop. La société reverse en effet quelques dollars aux ayants droit à chaque téléchargement. Plus un utilisateur lit, moins il est rentable, car les commissions à payer se rapprochent, voire dépassent le prix de l’abonnement.La situation était d’autant plus compliquée qu’Amazon a lancé un service concurrent en juillet 2014, baptisé Kindle Unlimited. Le géant du commerce en ligne est le leader incontesté du livre numérique. Sa bibliothèque numérique comptait en mai plus de dix fois le nombre d’abonnés d’Oyster, d’après les estimations du cabinet de recherche Codex Group.Dans leur message, les trois fondateurs d’Oyster évoquent « de nouvelles opportunités pour que [leur] vision se matérialise ». Cela se fera peut-être chez Google, qui a recruté une partie des équipes de la start-up. Selon le site spécialisé Recode, les fondateurs ont aussi rejoint la société de Mountain View. De quoi alimenter les spéculations sur l’arrivée d’une offre d’abonnement sur Google Play Books, sa librairie numérique.Jérôme Marin (San Francisco, correspondance)Journaliste au Monde 22.09.2015 à 19h15 • Mis à jour le23.09.2015 à 09h26 | Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau et Marie-Aude Roux C’est parti ! La 3e Scène, espace numérique dédié à la création, mis en place par l’Opéra national de Paris, a ouvert mardi 15 septembre. Déjà en ligne, une vingtaine de petits films, signés par le gratin de la création contemporaine comme le plasticien Xavier Veilhan ou le cinéaste Mathieu Amalric, sont visibles. Cette plateforme au budget annoncé de deux millions d’euros, dont 50 % proviendraient du mécénat – l’un des partenaires, Van Cleef & Arpels, apparaît ainsi en première page sur le site –, est gratuite.A l’instar des deux autres scènes que sont l’Opéra Bastille et le Palais Garnier, ce troisième plateau entend défendre le lyrique et le ballet même si la danse domine largement pour le moment – un seul film est consacré au chant. Un déséquilibre prévisible : sous la houlette de Benjamin Millepied, directeur du ballet de l’Opéra de Paris, cette opération d’envergure a été confiée à Dimitri Chamblas, danseur et producteur, l’un de ses amis, comme le chorégraphe Boris Charmatz, depuis leur adolescence au Conservatoire de Lyon. Le profil et le parcours de Chamblas, interprète chez Mathilde Monnier par exemple, puis initiateur de sociétés de production comme Same Art, correspondent parfaitement à cette ligne numérique.Un espace vierge pour croiser les pratiquesLe parti-pris est clair : pas question d’être le porte-voix en images des spectacles d’opéra et de danse à l’affiche mais de dégager un espace vierge pour croiser les pratiques. Consommation Internet oblige, cette vitrine élégante et léchée fait dans les formats courts, l’esthétique clippée. Des cinéastes, des écrivains (bientôt Eric Reinhardt), des photographes (Denis Darzacq dans une série sur le handicap revu par les danseurs, peu convaincante), des plasticiens (Julien Prévieux, Prix Marcel Duchamp 2014) sont invités à poser leur regard sur la danse, au sens large, et plus précisément sur le ballet de l’Opéra de Paris.Ce qui provoque parfois des chocs finement dosés. Etoiles, I see you, une vidéo réalisée par Wendy Morgan avec le danseur de hip-hop américain Lil Buck – qui a, par ailleurs, participé à une pub pour les vêtements Rag & Bone avec Mikhaïl Baryshnikov –, réussit à tisser un lien léger et vif avec les peintures des étoiles historiques en médaillons sur le plafond du Foyer de la danse.Série d’hommages à chaque étoileValoriser les deux lieux-phares que sont le Palais Garnier et l’Opéra Bastille est au cœur de nombreuses productions. Si certains endroits sont connus comme les toits de Garnier et ses studios de répétitions, d’autres ne le sont pas du tout. Excitation de plonger, par exemple, dans ses sous-sols, avec ses incroyables cuves d’eau sombres, dans le cadre du film du plasticien Xavier Veilhan, Matching Numbers. Enigmatique, palpitante dans sa fluidité, cette déambulation, qui s’ouvre sur une meute de chiens de chasse menée par la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, envoûte avec son long ballet de machinerie-lumière devant la salle de l’Opéra Bastille vide.Cette inscription dans l’architecture, par ailleurs un motif classique de nombres de films de danse depuis quelques années, sert de cadre en or pour les danseurs de la troupe. La série d’hommages à chaque étoile signée par Millepied lui-même, fait dans la virgule (une minute et quelque) et donne envie d’y revenir. Atmosphérique, le portrait de Laura Bachman par Arnaud Uyttenhove s’amuse à incruster des archives de la télé japonaise sur Laura enfant et opère un hiatus malicieux. Nettement plus faible, le film de Rebecca Zlotowski avec l’actrice Kate Moran véhicule non seulement les clichés de l’autoritarisme des maîtres de ballet mais dérape dans une séance de spiritisme qui tombe comme un cheveu sur le chausson.L’opéra, grand oubliéMais l’opéra est le grand oublié de la 3e Scène. Une seule vidéo pour la voix, au titre idoine : C’est presque au bout du monde (le début de Youkali, le tango de Kurt Weill chanté à la fin). Mathieu Amalric a filmé comme un documentaire animalier – et c’est la partie la plus intéressante – le travail du son dans le corps d’une soprano. Entre douleur et jouissance, la mise en vibration, la lente (et pénible) ascension vers les aigus, bouche fermée, avant l’explosion de victoire : LA note puissamment projetée.Amateurs de la Castafiore, il faudra attendre : la belle Barbara Hannigan est l’une de nos chanteuses les plus fréquemment déshabillées sur une scène. Et pour cause, cette immense artiste possède un corps de rêve comme en témoignent quelques incrustations de la Lulu (de Berg) mise en scène par Krzysztof Warlikowski. En pointes et tutu (impossible de ne pas penser à Natalie Portman dans le Black Swan, de Darren Aronofsky), la blonde Canadienne y incarne en effet une… ballerine.Marie-Aude RouxJournaliste au MondeRosita BoisseauJournaliste au Monde 22.09.2015 à 12h57 • Mis à jour le22.09.2015 à 17h15 | Marine Messina et Frédéric Potet Neuf mois après l’attentat contre Charlie Hebdo et dix ans quasiment jour pour jour après le début de l’affaire des caricatures danoises, l’association Cartooning for Peace, qui milite pour la liberté d’expression à travers un réseau de dessinateurs de presse dans le monde, organisait, lundi 21 septembre, un colloque à Paris intitulé « Le dessin de presse dans tous ses états ». La journée a été marquée par l’échange – tendu – entre le dessinateur du Monde, Plantu (également président de Cartooning for Peace), et Riss, le directeur de la publication de Charlie Hebdo. Notoire dans le milieu des caricaturistes, la différence de ligne défendue par l’un et par l’autre ne pouvait pas apparaître plus clairement que cet après-midi là au Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui accueillait l’événement.Tout est parti de la projection, pendant le débat, d’un dessin du Danois Carsten Graabaek représentant Dieu, Yahvé et Mahomet regardant la Terre depuis un nuage : seul le visage du dernier a été « flouté », à la manière d’un reportage photographique. « On peut être plus malin que les intolérants. Il suffit de contourner l’interdit », a salué Plantu avant de se faire reprendre par Riss : « Non, l’interdit n’est pas contourné ici, il est respecté. » La discussion s’est alors envenimée, poliment, sur les questions de perception et de compréhension des dessins de presse dans le monde d’aujourd’hui. Prendre en compte le « ressenti »Pour Plantu, qui s’est toujours refusé à dessiner Mahomet, un caricaturiste doit prendre en compte le « ressenti » de ceux qui peuvent se sentir visés par un dessin. Du tac au tac, Riss lui a répondu qu’un « ressenti est totalement arbitraire » : « Moi aussi, j’ai un ressenti. Ce n’est pas pour cela que je vais l’imposer aux autres, c’est inacceptable. Il ne peut pas y avoir de critères émotifs. »Plantu : « Il y a des gens qui n’ont pas la même culture que nous et qui peuvent ne pas comprendre ce qu’on fait. Certains peuvent se sentir humiliés. L’exercice est casse-gueule. » Riss : « C’est une erreur. Un dessin, ce n’est pas fait que pour rigoler. Cela a aussi une dimension politique, cela permet d’appréhender la spécificité d’une époque. Le fait est qu’il y a aujourd’hui des types qui vivent dans la peur de Dieu et qui veulent la communiquer aux autres dans le but d’instaurer une société théocratique. Il ne faut pas se laisser impressionner par eux. »Parce qu’il a l’habitude d’intervenir en milieu scolaire, Plantu a alors insisté sur l’importance qu’il y a à expliquer son métier, notamment auprès des jeunes. « Il y a beaucoup d’enfants qui sont Charlie et il y en a beaucoup qui ne le sont pas », avait-il indiqué au début du débat, avant de rapporter une réflexion entendue dans une classe de 4e de la région parisienne : « S’ils sont morts, c’est bien faits pour eux » – à propos des dessinateurs de Charlie tombés sous les balles.- Il t’arrive d’aller dans les écoles ?, a demandé Plantu à son collègue.- Assez peu, a répondu Riss, l’un des survivants de la fusillade du 7 janvier (il vit depuis sous protection policière rapprochée).- Tu devrais venir aussi avec moi parler de ton métier dans le monde musulman, l’a relancé un peu plus tard le dessinateur du Monde.- Oui, oui… Et si je ne reviens pas ?, a soupiré son invité, provoquant des rires dans l’assistance.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteMarine MessinaJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Deezer, la start-up française pionnière dans l’écoute en ligne de musique (streaming) a décidé, mardi 22 septembre, d’ouvrir le processus qui conduira à son entrée en Bourse auprès d’Euronext à Paris, d’ici à la fin de l’année, si toutes les étapes du calendrier se font dans les temps. L’autorité des marchés financiers a reçu les documents ad hoc mardi, avant l’ouverture des cours.Depuis cet été bruissaient des rumeurs de levée de fonds auprès de partenaires privés ou d’appel à des capitaux frais en Bourse. C’est cette seconde option qui a été retenue par Hans-Holger Albrecht, le patron allemand arrivé au printemps à la tête de la start-up, et par Simon Baldeyrou, son directeur des opérations.Pour M. Albrecht, « le streaming est l’avenir de la musique ». Ce nouveau mode de consommation qui révolutionne les usages – la musique devient un produit distribué par abonnement, comme l’eau et le gaz – est en train de se généraliser. Il sera d’ici à cinq ans la première source de revenus des artistes et des producteurs de musique.Dans ce marché mondialisé il y a de la place pour cinq à sept acteurs de premier plan, et Deezer, fondé en 2007, compte bien en être. L’entreprise, qui emploie 300 personnes, entend même s’installer durablement dans le top 3, avec Spotify, le leader du marché d’origine suédoise, et le géant américain Apple qui s’est converti au streaming avec son service Apple Music au mois de juin.Lire aussi :Musique : le streaming en hausse, le CD en baisse, la niche vinyle se porte bienPartenariat avec OrangeCinq raisons poussent Deezer à croire en son destin. Elle est l’une des entreprises leaders, pionnières et indépendantes du streaming musical, souligne la direction, qui se dit prête à tirer avantage de la « révolution en cours » avec un « modèle économique qui repose sur des partenariats avec des opérateurs de télécoms ». Deezer a ainsi reconduit pour trois ans, en juillet, son partenariat avec Orange. « Deezer a la capacité de s’adapter à une forte croissance de la demande et entend mettre en œuvre une stratégie qui repose sur une très forte accélération de celle-ci. »La précédente augmentation de capital de l’entreprise remonte à octobre 2012, avec une prise de participation pour 100 millions d’euros d’Access Industries (70 millions sous forme d’argent frais et 30 millions d’achats d’actions), le fonds d’investissement détenu par l’homme d’affaires Len Blavatnik, également propriétaire de Warner Music. Avec 26 % du capital, il est le premier actionnaire de Deezer, devant Orange (11 %). Les trois majors de la musique – Universal, Sony et Warner – détiennent ensemble près de 20 % du capital, sans avoir de droits de vote.Lire aussi :Apple vient bouleverser la donne dans le streaming musicalLes fondateurs – Jonathan Benassaya, qui a quitté son poste en 2010, et l’ingénieur Daniel Marhely – possèdent aussi 20 % de l’entreprise. Ce dernier, à l’origine de l’algorithme de Deezer, n’a plus de fonction opérationnelle depuis juin, mais reste conseiller du président et membre du conseil d’administration. Les investisseurs historiques, Xavier Niel (actionnaire à titre privé du Monde), les frères Rosenblum, fondateurs de Pixmania et les fonds CM-CIC et Idinvest complètent l’actionnariat.La France, premier marché de l’entrepriseDepuis sa création, Deezer n’a levé que 85 millions d’euros et dispose encore de « 50 millions de trésorerie », selon sa direction. Mais aujourd’hui, dans le marché sans frontières de la musique dématérialisée, elle a sur son rival suédois un temps de retard, qu’il lui faut combler, d’où cette ouverture au marché.Spotify revendique 20 millions d’abonnés et 75 millions d’utilisateurs actifs, là où Deezer annonce 6,3 millions d’abonnés et 16 millions d’utilisateurs. Présente dans 180 pays, mais pas ou peu aux Etats-Unis, où elle a engagé une stratégie de niche, en signant avec quelques partenaires, comme Sonos, Deezer met à disposition un catalogue de 35 millions de titres.En 2014, la plate-forme a réalisé un chiffre d’affaires de 142 millions d’euros, en progression de 53 %. Cette année, le cap des 200 millions devrait être franchi. La France demeure le premier marché de la société, avec 74 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Une prédominance qui s’estompe depuis le premier semestre 2015. L’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Amérique latine sont les autres marchés stratégiques de la marque.Pour l’instant, l’entreprise perd de l’argent (en moyenne 20 millions d’euros par an). Elle compte être rentable à partir de 2018, lorsqu’elle aura atteint sa taille critique.De 300 millions d’euros en 2012, Deezer serait entrée dans le club fermé des « licornes », selon certains investisseurs. Ce terme désigne les entreprises valorisées 1 milliard d’euros, à l’instar de Blablacar. L’accueil des investisseurs à cette levée de fonds permettra de tester la foi du marché dans les perspectives de croissance du streaming musical.Lire aussi :Les catalogues de streaming musical se valent-ils tous ?Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 11.09.2015 à 12h17 • Mis à jour le11.09.2015 à 13h02 //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Projection de la version intégrale du « Mahabharata » Des ateliers pour « habiter un monde qui change » La plate-forme numérique CALM connecte réfugiés et bénévolestous les articles de la thématique Rencontre entre Peter Brook et Jean-Claude Carrière, dimanche 27 septembre, à 17 heures, au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris. Le Monde Festival s’associe au Théâtre des Bouffes du Nord pour vous proposer, le lendemain de la projection de la version intégrale du Mahabharata de Peter Brook, une rencontre entre le metteur en scène et Jean-Claude Carrière.Réservations ici.Retrouvez toute la programmation du Monde Festival au Théâtre des Bouffes du Nord. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival. 11.09.2015 à 08h34 • Mis à jour le11.09.2015 à 09h06 « S’il y a un concert rock à ne pas louper cette année, c’est celui-ci… », affiche le site Internet du Point éphémère, une petite salle du Nord-Est parisien d’environ 300 places, qui accueille vendredi soir le groupe Les Insus ?. Rarement un groupe de rock inconnu aura suscité autant d’intérêt. Il faut dire que les Insus ? ne serait autre que la réunion de trois membres de Téléphone.Eventé la semaine dernière par RTL, ce concert devrait réunir Jean-Louis Aubert, Louis Bertignac et Richard Kolinka, décidés à faire revivre Téléphone, au moins ponctuellement, mais sans leur bassiste historique, Corine Marienneau.Lire aussi :Reformation surprise : le drôle de « coup » de TéléphoneAucune confirmation officielle n’est venue des intéressés ni de leur maison de disques, mais les commentaires postés par Louis Bertignac sur son site Internet ne laissent pas de doute sur l’intention des trois musiciens. « Je me suis promis de ne pas communiquer sur un truc qui devait être une jolie petite surprise, surprise que la presse a copieusement foutue en l’air… », a-t-il écrit.Jeudi, Les Insus ? ont montré qu’ils avaient de la suite dans les idées en annonçant subitement un second concert à Lille, mardi, dont les places se sont elles aussi arrachées. « Pour l’instant, aucun autre concert n’est prévu… », a assuré Bertignac sur son site.Vrai retour ?Les questions restent donc entières : s’agit-il simplement d’un « coup » ou d’un vrai retour de Téléphone, sous un autre nom, alors que 2016 marquera le 40e anniversaire de sa constitution et que vont paraître une intégrale et un album hommage aux tubes du groupe. « New York avec toi », « Ça, c’est vraiment toi », « Un autre monde », « Hygiaphone »… Les riffs nerveux et les refrains rageurs lâchés entre 1976 et 1986 par le quatuor rythment encore la vie de toute une génération, comme en atteste l’engouement suscité par ces deux concerts entourés de mystère.La possibilité d’une reformation de ce groupe aux 6 millions d’albums vendus alimente les attentes des fans et l’appétit des promoteurs depuis sa disparition, en 1986, mais elle n’a jamais semblé aussi proche. En 1999, puis en 2010, des contacts avaient été pris, mais sans aboutir.« Il y a trois ou quatre ans, ils ont à nouveau voulu reformer le groupe sans moi, en me proposant l’aumône pour que je reste chez moi et que je me taise. J’ai bien sûr refusé », a rappelé cette semaine dans L’Obs la bassiste Corine Marienneau, pour qui « personne n’a le droit d’utiliser le nom Téléphone sans l’accord de tous les membres du groupe ».En 2013, c’est déjà sans leur bassiste historique qu’Aubert, Bertignac et Kolinka (avec Axel Bauer à la basse) avaient rejoué du Téléphone au Bus Palladium, de façon improvisée au cours d’une soirée.Lire notre enquête : L'ego trop cher de Téléphone 11.09.2015 à 06h40 • Mis à jour le11.09.2015 à 07h16 Un feuilleton théâtral à Vincennes, Aldo Romano à La Villette, Amadou & Mariam à Saintes ou encore Alexandre Astier seul en scène face aux étoiles : quelques pistes pour égayer cette fin d’été.Théâtre. Un feuilleton au vitriol sur une élection présidentielle, à la Cartoucherie de Vincennes Tous au Théâtre du Soleil : c’est là que se joue, à l’invitation d’Ariane Mnouchkine, Chute d’une nation, de Yann Reuzeau. Créé il y a quelques années à la Manufacture des Abbesses, ce feuilleton théâtral, dont la facture s’inspire de séries comme « Lost » ou « Les Soprano », met en scène une campagne présidentielle. Les accords et les compromissions, les attaques directes et les coups bas, la guerre des ego et des programmes, les amours incestueuses de la presse et de la politique : tout y est montré et démonté, avec justesse et vivacité. Les quatre épisodes de ce feuilleton, qui porte à réfléchir sur la démocratie et ses enjeux, sont présentés les samedis et dimanches, en intégrale, jusqu’au 11 octobre. En tout, cela fait plus de neuf heures de spectacle : de 13 heures à 22 h 15. Ne soyez pas affolés par cette durée : si vous ne pouvez pas rester jusqu’au bout, vous pouvez vous arranger avec le Théâtre du Soleil pour fractionner ce feuilleton enthousiasmant. Brigitte SalinoChute d’une nation, de et mis en scène par Yann Reuzeau, Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes. Tél. : 01 43 74 24 08. De 18 euros à 40 euros. Jusqu’au 11 octobre.Spectacle. Alexandre Astier, la tête dans les étoilesRévélé au grand public grâce à la série télévisée « Kaamelott », sur M6, Alexandre Astier revient seul en scène à l’Olympia dans L’ExoConférence, spectacle donné au Théâtre du Rond-Point en septembre 2014. Musicien de formation, auteur, acteur, réalisateur et compositeur passionné d’astrophysique, c’est en professeur en cosmogonie qu’il officie ici. Un rôle pour lequel il s’est préparé tel un documentariste, rencontrant spécialistes et chercheurs, à l’Observatoire de Paris, au laboratoire de géosciences de Toulouse, au Centre national d’études spatiales, les interrogeant aussi bien sur le Big Bang que sur le mythe des extraterrestres. De quoi lui donner des bases solides sur lesquelles greffer ses drôleries, dans un décor futuriste et un accompagnement musical de synthétiseurs. Sandrine BlanchardL’ExoConférence, jusqu’au 16 septembre à l’Olympia, à Paris, puis en tournée jusqu’au 6 décembre. De 38 euros à 51 euros.Musique. Romano, Sclavis, Texier, The Bad Plus à la Villette Dernière grosse soirée du festival Jazz à La Villette, organisé jusqu’au 13 septembre, celle du samedi 12 propose deux trios de forte réputation. D’une part, à la Cité de la musique, la formation américaine The Bad Plus, constituée d’Ethan Iverson (piano), Reid Anderson (basse) et Dave King (batterie), qui s’éloignera des reprises pop et rock qui ont fait sa réputation auprès d’un public un peu plus large que celui du jazz stricto sensu, pour une exploration de la partition Science Fiction, d’Ornette Coleman. Avec en invités les saxophonistes Tim Berne et Sam Newsome et le trompettiste Ron Miles. Et d’autre part, à la Grande Halle de La Villette, « RST », soit Aldo Romano (batterie), Louis Sclavis (clarinette, saxophone) et Henri Texier (contrebasse). Des retrouvailles avec un trio constitué au début des années 1990, qui se reforme de temps à autre. En première partie de The Bad Plus, le Supersonic mené par Thomas de Pourquery évoquera Sun Râ, et, en première partie de RST, c’est Verlaine que chantera le bassiste John Greaves, avec d’autres voix (Elise Caron, Jeanne Added, Thomas de Pourquery) et instrumentistes. Sylvain SiclierJazz à La Villette avec The Bad Plus et programme Sun Râ par Supersonic, Cité de la musique, salle des concerts, samedi 12 septembre, à 16 h 30, de 18 euros à 22 euros ; Romano-Sclavis-Texier et programme Verlaine par John Greaves, Grande Halle de La Villette, espace Charlie-Parker, samedi 12 septembre, à 20 heures, de 18 euros à 22 euros.Musique. Concert de batraciens et « danceoké » dans le Marais, à Paris Du vendredi 11 au dimanche 13 septembre, le Marais se transforme en vaste scène de concert éphémère. Quinze établissements culturels des 3e et 4e arrondissements de Paris, tous membres du réseau Marais Culture +, y participent. Tout commence avec la soirée électro du Faubourg Simone au Carreau du Temple vendredi soir. La Chorale du Delta se produit samedi au Centre des monuments nationaux, et une sieste acoustique et littéraire est proposée à la Maison de la poésie dimanche après-midi. Le festival les Traversées du Marais célèbre la musique sous toutes ses formes. Avec parfois quelques surprises, comme la piste de danse « Danceoké », du collectif ÖFA, à l’Institut suédois, ou le concert de batraciens les Grenouilles du Marais, d’Erik Samakh, présenté au Musée de la chasse et de la nature. Pauline ForgueLes traversées du Marais, parcours musical. Paris 3e et 4e arrondissements. Du 11 au 13 septembre.Art. Mona Hatoum se joue du quotidien, à Beaubourg Après le 28 septembre, il sera trop tard pour aller découvrir la belle rétrospective que consacre le Centre Pompidou à Mona Hatoum. Née à Beyrouth, en 1952, de parents d’origine palestinienne, l’artiste a fait ses études à Londres, où elle découvre l’art de la performance et l’usage de la caméra vidéo. Certains sujets reviennent régulièrement, l’œil inquisitorial, son indiscrétion, les obstacles qu’il faut lui opposer pour défendre l’intime. Son œuvre, riche en sous-entendus et symboles et inspirée par les surréalistes, ne se lit pas au premier degré, comme en témoignent notamment les objets ménagers détournés de leur usage qui s’y côtoient, ou la chaise de jardin en fer posée sur une touffe de poils pubiens intitulée Jardin public, réminiscence du Viol de Magritte. Philippe Dagen « Mona Atoum », Centre Pompidou, Paris 4e. Du mercredi au lundi, de 11 heures à 21 heures. De 11 euros à 14 euros. Jusqu’au 28 septembre.Musique. Des découvertes pop, électro et musiques du monde au Coconut Music Festival, à Saintes C’est dans la proximité de l’enceinte de l’Abbaye aux Dames, à Saintes (Charente-Maritime), qu’est organisé depuis 2013 le Coconut Music Festival, dont la majeure partie de la programmation est consacrée à la découverte. Le festival recevra notamment pour sa présente édition, du vendredi 11 au dimanche 13 septembre, quelques têtes d’affiche comme Amadou et Mariam pour les musiques du monde ou Rone pour les musiques électroniques, mais surtout, en accord avec sa ligne éditoriale chercheuse, les virées pop de Melody’s Echo Chamber, James Mathé dit « Barbarossa« , le multi-instrumentiste Etienne Jaumet, qui explore un peu tous les genres, et une petite dizaine d’autres. Le dimanche 13, le festival propose en accès libre un « bal folk » avec le duo (accordéon et basse) KV Express et la projection du film Almost Famous (2000), de Cameron Crowe. Sylvain SiclierCoconut Music Festival à l’Abbaye aux Dames, la Cité musicale, 11, place de l’Abbaye, Saintes (Charente-Maritime). Du 11 au 13 septembre. Entrée : 19 euros, forfait deux jours 33 euros ; accès libre le dimanche 13.Vidéo de la chanson « I Follow You » par Melody’s Echo Chamber, extraite de l’album « Melody’s Echo Chamber » (2012, Weird World Record Co).Classique. Mythes et mystères à AmbronayDepuis trente-six ans, le Festival d’Ambronay fait flamboyer l’automne : du 11 septembre au 4 octobre, la thématique élaborée par le nouveau maître des lieux, Daniel Bizeray, nous promet « Mythes et Mystères ». Le premier concert consacrera les deux avec le divo argentin Franco Fagioli (sorte de Cecilia Bartoli au masculin), l’une des plus passionnantes révélations vocales de ces dernières années, qui célébrera le tricentenaire de la mort du Roi-Soleil avec des airs de Haendel (on n’en est pas à un anachronisme près), heureusement émaillés d’intermèdes des comédies-ballets de Lully. En clôture du week-end, l’Ensemble Correspondances de Sébastien Daucé, qui s’est fait depuis cinq ans une place de choix dans le répertoire sacré du Grand Siècle, exaltera le grand motet à la française qui mêle orchestre, chœur et solistes. Entre-temps, un copieux programme dont l’éclectisme séduit, de la Messe en si de Bach par Vaclav Luks et son ensemble Collegium 1704 au fado (Mistérios de Lisboa) avec Duarte et la jeune génération de fadistes, en passant par une fantaisie clownesque pour harpe, danse et flûte destinée aux petits (et grands) enfants et le rêve poétique d’un jeune ensemble suisse, Voces Suaves, invoquant les mystères du ciel et de la terre, de la Renaissance (polyphonies et madrigaux de Monteverdi) à nos jours. Marie-Aude RouxFestival d’Ambronay, Centre culturel de rencontre, place de l’Abbaye, Ambronay (Ain). Les 11, 12 et 13 septembre. Tél. : 04 74 38 74 04. De 5 euros à 68 euros. 10.09.2015 à 15h52 • Mis à jour le10.09.2015 à 17h51 | Alain Beuve-Méry Le Syndicat national de l’édition (SNE) a trouvé son héraut. Richard Malka, 47 ans, avocat de Charlie Hebdo, et auteur, à ses heures perdues de bandes dessinées, vient d’écrire pour le compte du syndicat, une plaquette percutante pour la défense du droit d’auteur, tel qu’il est défini aujourd’hui en France et au sein de l’Union européenne (UE). Ce matin, dès potron-minet, le bouillonnant juriste était déjà sur les ondes de France Inter, pour développer la panoplie de ses arguments contre la réforme voulue par la Commission européenne.Lire aussi :Touche pas à mon droit d’auteur !La plaquette s’intitule La gratuité, c’est le vol, reprenant le titre d’un rapport de Denis Olivennes, quand patron de la FNAC. Ce dernier réaffirmait son opposition à une culture gratuite, favorisée par Internet. Et pose ouvertement la question « 2015 : la fin du droit d’auteur ? » Deux menaces sont pointées : un projet de loi de la secrétaire d’Etat, chargée du numérique Axelle Lemaire et la réforme de la directive de 2001, régissant le droit d’auteur au sein de l’UE, notamment à partir des propositions faites par Julia Reda, l’unique députée européenne membre du Parti des pirates allemand qui a été chargée, en février, d’un rapport préparatoire sur le sujet.« Un mirage de la modernité »En un peu plus de 30 000 signes, Richard Malka argumente pour expliquer que « la remise en cause du droit d’auteur serait un mirage de la modernité ». Avec les projets de réforme en cours, le principal risque encouru par les auteurs est de voir leur rémunération être déconnectée à terme de leur travail, le succès d’un livre ne servant plus de valeur étalon. « C’est la menace du retour à l’Ancien régime où le bon vouloir du roi est remplacé par celui des grandes entreprises du Net : Google, Amazon, Apple. »Pour résumer ce que plaide M. Malka, il ne faut pas oublier que c’est l’émergence à la fin du XVIIIe siècle du droit d’auteur qui a permis aux écrivains de vivre de leur plume.Imprimée par le SNE, tirée à 50 000 exemplaires, la plaquette sera distribuée gratuitement (un paradoxe seulement en apparence) en librairie, à compter du jeudi 10 septembre. Ces derniers n’ont reçu aucune consigne particulière, mais libraires et éditeurs sont considérés par le SNE comme les intermédiaires les plus efficaces et le plus neutres pour garantir le succès d’un ouvrage.Par cette campagne, l’objectif est d’atteindre les clients des librairies, un public a priori déjà acquis, mais au-delà de faire prendre conscience des enjeux économiques qui sous tendent cette question et d’atteindre le grand public.Des exceptions dangereusesPour sensibiliser Bruxelles, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et surtout les services du commissaire européen chargé de créer un marché unique numérique, l’Estonien Andrus Ansip, le texte a été traduit en anglais « 2015 : the end of copyright ? Taking for free is stealing » et est disponible en version numérique, dans les deux langues sur le site auteursendanger.fr.Le SNE n’a, en revanche, pas été suffisamment réactif et il existe déjà d’autres sites « auteurs en danger » construits par les partisans du Net et de la gratuité et qui se moquent de l’initiative des éditeurs.Dans son texte, Richard Malka liste toutes les exceptions au droit d’auteur, contenues dans le projet de directive européenne et qui, si d’aventure étaient validées, conduiraient à vider le droit d’auteur de sa substance. Plusieurs exceptions partent d’intentions louables, comme l’exception pédagogique ou la possibilité pour les bibliothèques de procéder à des prêts numériques. Mais mal conçues ou mal cadrées, elles seront de véritables aspirateurs à contenu. D’autres, comme l’exception « data mining » (fouille de texte) ou celle du « fair use » sont directement importées des Etats-Unis et viennent des pratiques défendues par Google, Apple, Facebook ou Amazon (GAFA).Risques de censureMais il existe un deuxième axe sur lequel Richard Malka, avocat habitué à défendre les libertés publiques, révèle les aspects très néfastes des réformes en cours : des risques de censure, liées aux chartes édictées par les GAFA. Ainsi le livre pour enfants T’Choupi part en pique-nique (de Thierry Courtin, Nathan, 1999) a été censuré par Apple en raison du caractère « pornographique » de son titre.De même dans le cadre de l’application Izneo (qui rassemble la majeure partie de la production de BD française en numérique) un ouvrage de Lucky Luke a été interdit en France, car les personnages noirs étaient représentés avec des lèvres charnues.Richard Malka pose publiquement la question : avec ses chartes, Les Versets sataniques de Salman Rushdie, publiés en 1988, l’auraient-ils été aujourd’hui, sans avoir subis au préalable, les ciseaux d’Anastasie ?Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55f296558ac0c'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\n\u00ab 14 juin 2015. L\u2019Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale. Migrants et soutiens. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © LAURA GENZ\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab 14 juin 2015. L\u2019Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale. Migrants et soutiens. \u00bb","source":"\u00a9 LAURA GENZ","index":0,"position":1,"total_count":10,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/09\/10\/dessins-de-refugies-par-laura-genz_4751690_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 10\r\n \r\n \r\n\u00ab 14 juin 2015. Le Concert de soutien. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © LAURA GENZ\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab 14 juin 2015. 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En Angleterre, le street-artiste Banksy, originaire de Bristol, a ouvert, fin août, un parc d’attractions grinçant, Dismaland, à une trentaine de kilomètres de sa ville natale, en bord de mer, à Weston-super-Mare. On n’y voit pas que le carrosse de Cendrillon accidenté. Dans la forteresse décrépite, le visiteur est accueilli par les forces de l’ordre, et il découvrira une barque remplie de passagers…Le réalisateur italo-américain Jonas Carpignano, 31 ans, a eu l’idée de reconstituer l’odyssée de deux jeunes Africains en direction de l’Italie du Sud, où les attendent des patrons exploiteurs, le racisme, mais aussi heureusement quelques signes d’hospitalité. Révélé à Cannes, en mai 2015, Mediterranea, ce premier long-métrage inspiré d’histoires vécues est sorti en salles, en France, depuis le 2 septembre. Ce sont aussi les images « profondément choquantes des migrants de Lampedusa », nous dit Etienne Daho, qui ont donné naissance à Un nouveau printemps, l’un des titres de son dernier album, Les Chansons de l’innocence retrouvée (EMI). « Ces jeunes gens, ces familles…, la détresse qui les contraint à quitter leur pays d’origine, quitte à trouver à leur arrivée, s’ils ne se noient pas, un rêve de liberté et de dignité en miettes », écrit le chanteur dans un court message.La colère s’exprime, aussi, à coup de déclarations tonitruantes : le chanteur irlandais Bob Geldof, interrogé sur la radio irlandaise RTE, s’est dit prêt à accueillir « trois familles immédiatement » dans son logement dans le Kent, et une autre dans son « appartement à Londres ». Evoquant les photos du petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque, il a déclaré : « Je les ai regardées avec un sentiment profond de honte et de trahison, par rapport à ce que nous sommes et à ce que nous souhaiterions être […]. C’est l’échec de ces politiques qui a conduit à ce déshonneur », a-t-il ajouté, dénonçant l’action des gouvernements européens. La star allemande Til Schweiger, comédien et réalisateur, a annoncé qu’il créait une fondation pour ouvrir en Basse-Saxe un foyer de premier accueil… On n’en est pas là, en France, où d’après les sondages l’opinion est encore frileuse à l’égard de l’accueil des réfugiés. Une journée de sensibilisation est prévue, samedi 12 septembre, au Musée de l’histoire de l’immigration, à Paris. Intitulée « Douze heures pour changer de regard », elle réunira, entre autres, les historiens Benjamin Stora, Pap Ndiaye, Pascal Blanchard, la plasticienne Fanny Bouyagui, etc., et s’achèvera avec la lecture, par Céline Samie, de la Comédie-Française, de la pièce Triptyque du naufrage, Lampedusa, de Lina Prosa.Par ailleurs, pas moins de trois pétitions circulent. Publié dans le Journal du dimanche, le 6 septembre, un appel a été initié par l’humoriste Alex Lutz, regroupant soixante-six personnalités – Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Isabelle Adjani, Elsa Zylberstein… Ces artistes s’engagent à donner un cachet, ou plus, soit le salaire versé pour une représentation, à des associations soutenant les réfugiés (Cimade, France Terre d’asile…). « Il ne s’agit pas de dire “We are the World” », prévient Alex Lutz, qui transmet un sobre communiqué annonçant la création de l’association « Une main tendue, un cachet solidaire » : « Les signataires revendiquent le droit d’asile dans les pays en paix pour les victimes de la guerre et de la barbarie humaine », lit-on.Par ailleurs, des cinéastes et comédiens français, tels Arnaud Desplechin, Emmanuelle Béart, se sont ralliés à la pétition des « Filmmakers » lancée à l’échelle européenne, intitulée « For a Thousand Lives : Be Human », réunissant Jean-Pierre et Luc Dardenne, Isabella Rossellini, Cristian Mungiu, Aki Kaurismäki…En France, les citoyens ont un « terrain » de choix, si l’on peut dire, pour apprécier l’accueil réservé aux réfugiés : depuis des mois, des centaines d’hommes et de femmes venus d’une douzaine de pays sont regroupés dans le nord de la capitale. C’est là que la mobilisation a commencé. Au début de l’été, une « lettre ouverte » à la maire de Paris, la socialiste Anne Hidalgo, a été publiée dans Télérama, le 9 juillet, dénonçant le sort des centaines de réfugiés qui « survivent » et « dorment encore sur les trottoirs de notre capitale ». Autant dire que le texte a fait sursauter la gauche : il est signé par 222 artistes, parmi lesquels les comédiens Juliette Binoche, Omar Sy, les réalisateurs Michel Hazanavicius, Claire Simon, Laurent Cantet, Bruno Podalydès, Rithy Pahn, mais aussi l’écrivaine Virginie Despentes, les metteurs en scène Stanislas Nordey, Ariane Mnouchkine, la chanteuse Elli Medeiros, le groupe I AM, etc. Des « grands noms » pour les médiasCette « lettre ouverte » a été initiée par des cinéastes qui soutenaient en simples citoyens les réfugiés regroupés sous le métro aérien de La Chapelle − qui donnera son nom au collectif « La Chapelle en lutte ». Ils ont sorti leur carnet d’adresses : citons, entre autres, Valérie Osouf, auteure du documentaire L’Identité nationale (2013) ; Valérie Massadian, réalisatrice de Nana, Léopard d’or du premier film au Festival de Locarno, en 2011 ; Simone Bitton (Le Mur, sélectionné à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs, en 2004) ou encore Christophe Ruggia (La Tourmente, 2012). Très vite, ils en sont venus à cette conclusion : pour sensibiliser les médias, il faut des « grands noms ». « On a monté la pétition en quarante-huit heures, on était agréablement surpris. Ariane Mnouchkine a répondu en cinq minutes, l’écrivaine Annie Ernaux aussi », raconte Christophe Ruggia, très impliqué dans le combat des personnes sans papiers. L’enjeu, c’est aussi l’application du droit : « Il existe un texte qui s’appelle la convention de Genève relative au statut des réfugiés. Juridiquement, aujourd’hui, l’Etat est en infraction », explique Valérie Massadian.Quelle triste image de Paris, déplorent-ils dans cette lettre ouverte : « Une femme enceinte, ayant quitté un centre de rétention pour accoucher à Lariboisière, a dû retourner à la rue avec son nourrisson de deux jours. » Début juin, ajoutent-ils, les réfugiés qui campaient sous le métro aérien ont été dispersés « dans une extrême violence par les forces de l’ordre ». « Y a-t-il un directeur de lieu culturel qui pourrait accueillir les réfugiés ? » a lancé Valérie Osouf, sur sa page Facebook. Le 23 juin, trois membres du Collectif sont allés frapper à la porte du Centquatre, l’établissement artistique tout proche, dans le quartier Stalingrad. Le directeur José Manuel Gonçalvès était absent ce jour-là, et son équipe a expliqué le protocole : l’occupation du Centquatre ne peut se faire qu’avec l’accord de la Ville de Paris, qui finance le lieu… La délégation a fait demi-tour. Halte à l’erranceDepuis trois mois, au total, les réfugiés ont été délogés une dizaine de fois, de la halle Pajol, du jardin d’Eole, du square Jessaint, etc., en vue d’être admis dans des centres d’hébergement – la Ville de Paris parle de « mises à l’abri humanitaires » et souligne que 1 400 migrants ont été pris en charge depuis le 2 juin.Halte à l’errance, disent les artistes : la revendication principale des « 222 » est l’ouverture, à Paris, d’une Maison des migrants, qui serait « un sas entre l’arrivée en France et le placement des réfugiés dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ». Valérie Osouf s’explique : « La mairie de Paris et les pouvoirs publics continuent à atomiser les exilés un peu partout en Ile-de-France, dans des centres d’hébergement d’urgence inadaptés. C’est une stratégie d’invisibilisation. A contrario, nous souhaitons les rendre visibles et leur permettre, ensemble, d’accéder à leurs droits. Les réfugiés doivent pouvoir bénéficier d’un diagnostic médical, d’une orientation juridique, de cours de français, de formations professionnelles, et être acteurs de leurs parcours. Si ces hommes et ces femmes ont pu faire mille bornes à pied, ils sont capables de prendre leur destin en main ! »Le 15 juillet, Anne Hidalgo répondait aux artistes dans le même hebdomadaire, sur l’air de « vous vous trompez de cible ». La politique de l’asile est « de la compétence de l’Etat », souligne-t-elle, et non de la ville. Les violences policières ? « J’ai condamné toute utilisation de la violence lors des évacuations des migrants », ajoute-t-elle, assurant les signataires de son « soutien ». La mobilisation des artistes, même critique, est précieuse pour la maire de Paris, car il y a une bataille à mener pour sensibiliser une opinion frileuse. Anne Hidalgo avait plaidé, elle aussi, en faveur de la création d’un grand centre d’accueil. Mais elle n’a pas été entendue, l’Etat redoutant « un Sangatte dans la capitale », explique son entourage.Besoin d’un lieuDepuis fin juillet, quelque 300 réfugiés occupent le lycée Quarré – désaffecté, qui deviendra à terme une médiathèque – situé près de la place des Fêtes (Paris 19e), avec l’accord de la Ville. « Nous allons transformer le lycée Quarré en centre d’hébergement temporaire. Nous pouvons effectuer les travaux de sécurité en site occupé, sans évacuer les réfugiés », confirme Bruno Julliard, premier adjoint de la maire de Paris, chargé de la culture.Le lycée Quarré va-t-il devenir le symbole de la lutte, comme l’église Saint-Bernard le fut pour le combat des « sans-papiers », en 1996, dans le quartier de la Goutte-d’Or, en présence d’Emmanuel Béart et d’Ariane Mnouchkine ? Car une lutte a besoin d’un lieu. Certes, Saint-Bernard renvoie à une autre époque : la droite était au pouvoir, et les artistes faisaient figure d’alliés avec la gauche dans l’opposition. Ensuite, les réfugiés ne sont pas les sans-papiers : les premiers viennent tout juste d’arriver, sont encore traumatisés par leur périple et n’ont pas forcément envie d’affronter les forces de l’ordre ; les seconds sont installés en France, paient des impôts, sont prêts à se battre pour leurs droits. Mais les réfugiés de 2015 ont retenu la leçon de Saint-Bernard. Ils ont beau avoir été ballottés ici et là, le collectif a conservé le même nom, pour le symbole : « La Chapelle en lutte ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande Le 4 septembre 2015, Philip Wells Woods qu’on appelait Phil Woods, 83 ans, rendait hommage à l’album bêtement contesté ou incontestable, au choix, Charlie Parker with Strings. La scène avait lieu au Manchester Craftman’s Guild, avec l’orchestre symphonique de Pittsburgh (Pennsylvanie). Juste après les dernier accord du récital, le saxophoniste annonçait qu’il mettait fin à sa carrière. Et vingt-cinq jours plus tard, le 29 septembre, il mourait à Stroudsburg (Pennsylvanie). Il était né à Springfield (Massachusetts), le 2 novembre 1931.En février 2008, lors de l’inauguration du nouveau Duc des Lombards (Paris 1er), il déclarait en scène à Sébastien Vidal : « Nous sommes tous des enfants de Charlie Parker. De Charlie Parker et de Johnny Hodges. » Il jouera ce soir-là avec Alain Jean-Marie, Gilles Naturel et Pierrick Pedron, alto sax comme lui (concert retransmis mercredi 30 septembre à 20 heures, sur TSF). Pour la petite et la grande histoire, Phil Woods avait épousé Chan Parker, la veuve de Charlie « Bird » Parker jouant l’alto du génie disparu. Un temps, on l’affubla du titre de « New Bird », ce qui n’est pas forcément un cadeau.Pratiquant l’alto reçu des mains de son oncle dans sa ville natale, bouleversé en entendant Koko, de Parker (il a alors 13 ans), il décide de son destin et part pour New York. Comme Lee Konitz ou Bill Russo, plus tard Warne Marsh et toute une légion de fidèles aux conceptions radicales, il est de l’école du maître du piano Lennie Tristano. Lequel, aveugle à 9 ans, ne se produisait que rarement (avec Lee Konitz, notamment) au restaurant Confucius. Plus tard, au Half Note.La clarinette à la Juilliard SchoolPhil Woods se perfectionne à la clarinette à la Juilliard School et fait preuve, dans la fluidité comme dans l’esprit, d’une redoutable facilité qui parfois le desservira. En 1954, il entre en scène avec Charlie Barnet et enregistre avec Jimmy Raney (guitare). En 1956, il remplace Jackie McLean – autre alto d’envergure – chez Georges Wallington, aligne « gigs » et séances de studio, toujours prêt à rejoindre une de ces formations ou big bands qui l’appellent : les Birdland Stars, Dizzy Gillespie, Buddy Rich, Quincy Jones, de 1959 à 1961. Mais aussi les big bands d’Oliver Nelson ou de George Russell. En 1962, Benny Goodman l’embarque dans sa tournée en Union Soviétique.Suractif, très demandé, toujours proche de Dizzy Gillespie, il participe au tentet de Thelonious Monk comme au Concert Jazz Band de Gerry Mulligan. En 1968, sans réel rapport avec les « événements », ou alors très subliminal, il s’installe en France. Son ensemble, European Rhythm Machine – George Gruntz puis Gordon Beck, piano, Henri Texier, contrebasse, Daniel Humair, batterie – peut passer pour l’Aston Martin de la rythmique. Ils donnent une version très « avant-garde » d’un classicisme maintenu.Comme L’Art Ensemble of Chicago, Frank Wright, le New Phonic Art et mille autre collectifs, bientôt Sun Râ, défraient la chronique, il s’ensuit d’assez sportives polémiques. En un temps où Ibrahim Maalouf fait figure d’André Rieu consensuel du jazz, on se rend compte qu’on aura été assez injuste avec Phil Woods.Fureur de jouerRetour à Los Angeles, puis en Pennsylvanie où il compose, et fonde un nouvel ensemble que rejoint un trompettiste sidérant, Tom Harrell. Dans les dernières décennies du XXe siècle, « Phil Woods, l’altiste à la casquette de cuir », comme le décrit François-René Simon dans le Dictionnaire du Jazz (Bouquins, Laffont) « multiplie enregistrements et confrontations, avec Martial Solal, David Sanborn, rend hommage à la musique américaine tant noire (Monk, Parker) que blanche (Gershwin hier, Jim McNeely aujourd’hui). »Sa discographie encore abondante depuis 2000 est une sorte d’encyclopédie du jazz post–parkerien qui ne quitterait pas la route moderne. Sans les pistes ouvertes par Coltrane ou Ornette Coleman, mais sans non plus l’autorité poétique de son partenaire de toujours Lee Konitz. Puisqu’on ne saurait reprocher à un musicien d’un tel feeling de n’avoir pas été autre que lui-même, on rappellera la fureur de jouer, chez Phil Woods, son énergie communicative, le génie mélodique doublé d’un phrasé surprenant. François-René Simon émet l’hypothèse que « le goût des figures répétitives, d’accentuations inattendues, est le signe d’une écoute sélective du meilleur free jazz. »Sans doute. La carrière de Phil Woods est aussi une réponse en actes à quelques questions : que faire d’une fidélité sans faille (sa dévotion à Bird), d’une virtuosité étourdissante, du désir de jouer tous les soirs jusqu’à plus soif, et parfois au-delà ? Sa carrière discographique dit simplement qu’il est de ces musiciens que les autres musiciens invitent. Notamment les big bands les plus célèbres. Pour cela, il faut évidemment une technique imprenable, mais aussi une personnalité entraînante.Phil Wood en quelques dates2 novembre 1931 Naissance à Springfield (Massachusetts).1944 Bouleversé par l’écoute de Charlie Parker.1948 S’installe à New York et rejoint l’« université d’avant-garde » de Lennie Tristano.1957 Joue à Rome, en Turquie et au Moyen-Orient avec le big band de Dizzy Gillespie.1962 Accompagne Benny Goodman en Union Soviétique.1968 European Rythm Machine à Londres puis à Paris.4 septembre 2015 Adieux à la scène.29 septembre 2015 Mort à Stroudsburg (Pennsylvanie).Francis MarmandeJournaliste au Monde Claire Guillot Le 19 mars 2015, le Musée du quai Branly a fait sensation lors d’une vente aux enchères à Drouot, en préemptant deux pièces fortes du XIXe siècle : un daguerréotype de la Cordillière des Andes (65 000 euros prix marteau), sans doute l’une des premières photographies faites dans cette région, et un portrait d’un jeune Noir au regard effronté (8 000 euros), qui détonne par rapport aux portraits ethnologiques de l’époque. Deux exemples du dynamisme de l’institution qui enrichit chaque année sa vaste collection de photographies selon deux axes très différents : la photo ancienne et les œuvres contemporaines.Le musée, qui a ouvert en 2006, détient des archives énormes, près de 700 000 pièces. Celles-ci ont été en grande partie héritées de deux ensembles, la photothèque du Musée de l’Homme et celle du Musée des arts d’Afrique et d’Océanie, ex-musée des colonies. Des images dont beaucoup font écho à l’histoire coloniale française et qui balaient l’histoire du monde entier, sur quatre continents, mais aussi l’histoire du médium, depuis ses tout débuts. « Nous avons des exemples de quasiment tous les procédés connus. La collection datant de la période 1840-1870 est sans équivalent dans le monde, avec des incunables », explique Christine Barthe, conservatrice pour la photographie au Musée. La plus ancienne pièce de la collection date de 1841 – soit juste deux ans après l’invention de la photographie.Premiers portraits anthropologiquesAu XIXe siècle, ce sont les voyageurs – militaires, amateurs, scientifiques – qui rapportent des images de leurs voyages, avant que ne soient organisées des missions officielles. « A l’époque, on s’adresse à de bons photographes, comme les frères Bisson, on forme les gens pour constituer des collections de photographie. » De très beaux albums décrivent ainsi les explorations menées dans des zones lointaines : Auguste Houzé de l’Aulnoilt, un marin, en réalise un de 1861 à 1864 à partir de ses voyages au Gabon. Son album relié de cuir est presque un journal intime, qui mêle les souvenirs personnels, des portraits de marins qui sont ses collègues et des photos d’habitants rencontrés sur place – dont un roi africain avec sa couronne. Il réalisera un autre album, plus « officiel », sans doute destiné à des lecteurs importants.De la fin du XIXe siècle datent aussi les premiers portraits anthropologiques, de face et de profil, qui visent à étudier les « types » humains d’une façon qui se veut scientifique. Autre période-clé pour les collections du musée : les années 1930, qui voient s’épanouir l’anthropologie, parallèlement avec la naissance du Musée de l’Homme. Cette époque, note Christine Barthe, est aussi marquée par la montée des théories raciales, et « on voit renaître un intérêt pour les portraits anthropologiques du XIXe siècle… ».Une section dédiée à la photographieToutes ces images avaient été rassemblées à l’époque dans un but de documentation. C’est seulement dans les années 1980 qu’on se met à considérer la photographie comme un objet artistique et de collection. Lors du transfert des collections au Musée du quai Branly, la question se pose : qu’en faire ? Comment les considérer ? Comment les classer ? L’institution se voulant à la fois un musée ethnographique et d’art contemporain, il est décidé de ne pas faire de distinction dans les photographies entre le documentaire et l’artistique. « Nous n’avons pas voulu cette coupure, qui existe ailleurs », précise Christine Barthe, qui s’occupait auparavant des collections de photos du Musée de l’Homme. Lors du transfert des collections au Musée du quai Branly, la photographie gagne un statut à part, avec une section dédiée, la seule qui soit transgéographique et transhistorique. Mais la principale décision, à Branly, a été d’inverser le regard du regardant et du regardé. « Toutes ces images anciennes ont en commun de refléter une vision européenne, et française, du monde exotique, explique Christine Barthe. Nous avons décidé de nous intéresser à la création contemporaine sur les quatre continents, mais en les prenant non pas comme des sujets de photographies, mais comme lieux de production de photos. »De là la création d’une bourse annuelle d’aide à la production d’œuvres, dotée de 15 000 euros, qui aide aussi à enrichir les collections, et de la biennale Photoquai, qui met en avant tous les deux ans la jeune création venue de contrées lointaines. Le présent, le futur, mais toujours le passé : le musée soutient aussi, en parallèle, des travaux de recherche sur les premières photographies non européennes.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.09.2015 à 14h00 • Mis à jour le30.09.2015 à 14h16 Bonne approche conjointe #NLFR! #Rembrandt @MuseeLouvre @Rijksmuseum http://t.co/ABehSkyPUn— JWBeaujean (@JW Beaujean)require(["twitter/widgets"]);La France et les Pays-Bas vont acheter ensemble, pour 160 millions d’euros, Portrait de Maerten Soolmans et Portrait de Oopjen Coppit, épouse de Maerten Soolmans, deux œuvres de Rembrandt mises en vente par la famille Rothschild, ont indiqué, mercredi 30 septembre, Fleur Pellerin, ministre de la culture, et son homologue Jet Bussemaker.Lire aussi :Rembrandt : vers un divorce à l’amiableL’accord avait été conclu entre le premier ministre néerlandais Mark Rutte et le président français François Hollande lors d’une rencontre à New York.Propriété de la branche française de la famille Rothschild depuis plus d’un siècle, les deux tableaux du maître néerlandais, datent de 1634. Ils n’ont été montrés qu’une seule fois au public en cent cinquante ans, pendant une exposition organisée en commun en 1956 par le Rijksmuseum d’Amsterdam et le Museum Boijmans Van Beuningen de Rotterdam.Trop cher pour ParisAu printemps 2013, la famille Rothschild est entrée en contact avec le Louvre, se disant prête à les céder pour environ 160 millions d’euros, un prix considéré comme très au-dessus du marché par plusieurs experts. L’offre a été jugée trop élevée par le musée qui a fini par la décliner après un an de négociations. Les deux toiles ont obtenu leur certificat d’exportation, autorisant leur sortie de France.Le président du Louvre Jean-Luc Martinez a alors engagé des discussions avec son homologue du Rijksmuseum Vim Pijbes, proposant une solution associant les deux pays. Dans un courrier adressé en juillet aux propriétaires, Fleur Pellerin et Jet Bussemaker, ont proposé que chaque musée fasse l’acquisition d’un des deux portraits et que les œuvres soient exposées alternativement dans chacun des deux établissements.RebondissementLa situation s’est compliquée au début de septembre lorsque le gouvernement néerlandais a manifesté sa volonté de voir les deux toiles rejoindre les Pays-Bas, se disant prêt à apporter 80 millions d’euros, tandis que le Rijksmuseum se faisait fort de réunir les 80 millions restants.Paris n’a pas changé de ligne, affirmant son soutien à la solution initiale consistant à maintenir les deux toiles sur le sol européen et les présentant dans les deux musées. C’est cette solution qui a prévalu.Les deux toiles « seront toujours exposées ensemble, de manière alternée, dans les deux musées les plus renommés et les plus visités d’Europe, le Rijksmuseum et le Louvre », a indiqué la ministre Jet Bussemaker. « Le propriétaire actuel des peintures soutient cette forme unique de collaboration culturelle européenne », a-t-elle ajouté. La question des détails pratiques, comme les assurances, les restaurations ou les expositions, sera abordée dans un accord qui sera signé par les autorités françaises, néerlandaises et le vendeur, selon la ministre. Collectif Le statut des vestiges archéologiques mis au jour sur le territoire national français relève, pour l’heure, d’un droit de propriété complexe et multiple. Pas moins de cinq régimes différents coexistent, selon le lieu et les circonstances de découverte pour les seuls biens mobiliers (définis à l’article L-510-1 du Livre V du code du patrimoine). Dans plusieurs cas, la loi prévoit un partage de propriété des découvertes. Selon les circonstances et les lieux, ce patrimoine, documentation scientifique témoin d’une histoire du passé, se trouve donc dispersé. Sa conservation, son étude, sa transmission aux générations futures se trouve ainsi, légalement, mise en péril.La loi sur le Patrimoine actuellement en discussion auprès du Parlement entend faire reconnaître les vestiges archéologiques comme des « biens communs de la Nation ». Dans cette perspective, les vestiges archéologiques mobiliers seraient soumis à un régime unifié de propriété publique, quelles que soient les circonstances de la découverte. Les enjeux sont capitaux et l’intérêt général y joue un rôle central. L’unité et la cohérence scientifique des collections seraient ainsi garanties, ainsi que leur conservation dans des conditions permettant leur accès à la communauté scientifique et leur transmission aux générations futures.Réduire les risques de destruction et de spéculationCe nouveau dispositif législatif sur la propriété est également un outil pour cantonner le marché spéculatif des biens archéologiques et réduire ainsi les risques de pillages, de fouilles clandestines et de On peut d’ailleurs s’étonner que l’affaire ne soit pas réglée depuis des décennies mais il faut se rendre à l’évidence : la France a souvent été en retard quant à la législation des biens archéologiques. Un retard surprenant si l’on songe à l’engagement des institutions françaises et de l’État, de l’Ancien régime à nos jours, dans l’exploration des sites archéologiques en France comme à l’étranger. Des pays comme la Suède, la Grèce et l’Italie se sont dotés depuis fort longtemps d’une législation archéologique qui confère à l’État la tâche de préserver les monuments et les objets archéologiques découverts sur le territoire national.Ce statut sans ambiguïté favorise la protection, l’étude et la pérennité des biens archéologiques. En 1956, l’UNESCO ouvrait la réflexion sur le sujet et, en 2011, invitait les États à adopter un modèle de législation consacrant l’appropriation publique de ce patrimoine archéologique. Celui-ci est un bien universel qu’il faut protéger au même titre que le patrimoine artistique. Ce qui vient de se passer à Palmyre nous indique en quoi les monuments et les hommes qui les protègent peuvent devenir des cibles des éradicateurs les plus forcenés. Ces tragiques événements sont la preuve évidente du rôle symbolique des vestiges archéologiques. Ils nous rappellent que la protection des monuments est une des dimensions de la mémoire collective, en tous lieux et à toutes époques, et que notre souci des vestiges du passé est le gage d’un présent respectueux des liens qui lient les générations les unes aux autres.Certes, les lois ne peuvent pas tout face au déferlement des guerres et des conflits, mais elles sont des instruments moraux et civiques, nécessaires tant à la gestion du patrimoine commun de l’humanité qu’au respect de notre environnement historique. Montalembert, s’adressant en 1834 à Victor Hugo, a, mieux que quiconque, défini le rôle des monuments et du patrimoine dans la vie culturelle d’un pays : « Les longs souvenirs font les grands peuples, la mémoire du passé ne devient importune que lorsque la conscience du présent est honteuse ». C’est pourquoi nous invitons tous les parlementaires à voter à la plus large majorité l’article qui reconnaît les vestiges archéologiques comme un bien commun de la Nation. Il y va de la protection des témoignages du passé autant que de la réputation de la France dans le monde.François Baratte, professeur à l’Université Paris-Sorbonne Paris IV, ancien vice-président du Conseil national de la recherche archéologique ; Jean-Pierre Brun, professeur au Collège de France ; Yves Coppens, professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Académie des sciences ; Jean-Paul Demoule, professeur à l’Université Paris-Panthéon Sorbonne-Paris I, ancien Président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives ; Christian Goudineau, professeur honoraire au Collège de France, ancien vice- Président du conseil supérieur de la recherche archéologique ; Michel Gras, Directeur de recherches honoraire au CNRS, ancien vice-Président du Conseil national de la recherche archéologique ; Nicolas Grimal, professeur au Collège de France, secrétaire de la Commission des Fouilles du ministère des affaires étrangères, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; Jean Guilaine, professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; Michel Reddé, directeur d’études à l’École pratique des Hautes études, ancien vice-Président du Conseil national de la recherche archéologique ; John Scheid, professeur au Collège de France ; Alain Schnapp, professeur émérite à l’Université Paris-Panthéon Sorbonne-Paris I, ancien directeur général de l’Institut national d’histoire de l’artCollectif Frédéric Potet Cocréateur du polar animalier à succès Blacksad (Dargaud, cinq tomes à ce jour), l’Espagnol Juan Diaz Canales est considéré comme l’un des scénaristes de bande dessinée les plus brillants de sa génération. Sollicité pour reprendre le personnage de Corto Maltese, ce grand fan de l’œuvre d’Hugo Pratt a entraîné avec lui son compatriote dessinateur Ruben Pellejero, autre admirateur du maître italien. La sortie de Sous le soleil de minuit (Casterman) coïncide avec le 20e anniversaire de la mort de Pratt. Le nouveau scénariste des aventures du célèbre marin romantique revient sur la genèse de cette reprise très attendue.Reprendre Corto Maltese, c’est en quelque sorte toucher au mythe. Avez-vous hésité avant de dire oui ? Le risque était important…Juan Diaz Canales : Je n’ai pas hésité à donner une réponse positive. Pour moi, plus qu’un mythe, Corto est d’abord un copain, un ami. Comme la plupart des lecteurs, la relation que j’entretiens avec lui tient davantage de la liaison émotionnelle que de l’admiration sacrée. Avoir l’occasion de l’imaginer dans de nouvelles aventures est en quelque sorte un rêve devenu réalité. Tout lecteur a un jour fantasmé sur des histoires jamais écrites de son héros préféré. Je ne parlerais donc pas de « risque » mais de véritable cadeau.Quelle place avait jusque-là Corto Maltese dans votre vie ?Je dis souvent que si je suis dans le métier, c’est grâce à Corto. J’ai connu l’œuvre de Pratt pendant mon adolescence, et je me souviens encore de la première fois que j’ai lu une histoire courte de Corto. Cela a été un déclic. Je lisais déjà beaucoup de BD. Mais Corto m’a tellement impressionné que cela m’a décidé à faire de la BD moi-même. Quelle est la première chose que vous avez faite quand vous avez commencé à travailler sur ce projet ?Relire les albums de Corto. D’abord pour éviter des possibles erreurs dans la biographie du personnage. Ensuite pour étudier l’aspect formel et la structure narrative de Pratt. Je me suis vite aperçu qu’il était inutile d’essayer de s’en approcher d’une façon « technique », et qu’il était préférable de se laisser porter par la poésie de l’auteur. Je me suis détendu, du coup, et me suis régalé avec cette relecture.Le style narratif de Pratt est très particulier avec ce mélange de poésie, d’action, de réflexions philosophiques, de séduction… Pas simple à décrypter, non ?Effectivement. C’est pour cela que l’approche ne peut pas être une question de forme. Il n’y a pas de logique dans tous ces éléments. Il s’agit d’un état de l’âme. La façon la plus pertinente d’aborder ce travail était de retrouver les sensations, les idées, les images que la lecture de Corto m’ont suggéré depuis le temps qu’on se connaît tous les deux, lui et moi – et cela fait déjà quelques années… Il y a aussi une « musique » très particulière dans les dialogues de Corto Maltese. Un grand détachement, un ton désabusé, poétique, ironique et assez cynique parfois… Comment vous en êtes-vous imprégné ?Les dialogues sont, depuis toujours, un des aspects les plus intéressants chez Pratt. Il me semble que l’ironie – que Corto maîtrise parfaitement – est une des expressions les plus évidentes de l’intelligence. L’influence des superbes dialogues qu’on entend dans les polars et les films d’aventure des années 1940 et 1950 est très présente dans l’œuvre de Pratt. Bien qu’il soit un homme d’action, on peut affirmer sans hésitation que l’arme la plus puissante de Corto est la parole.Votre intrigue est assez complexe, avec beaucoup de rebondissements et de nombreux personnages tous plus excentriques. Du pur Pratt ?Je ne dirais pas excentriques, mais complexes. Pratt avait une idée de l’être humain assez nuancée, pas du tout manichéenne. Il y a des personnages qu’on dirait odieux, presque dégoûtants – le meilleur exemple est Raspoutine – mais ils nous paraissent pourtant sympathiques. Le message à retenir, c’est que l’homme est finalement capable du meilleur et du pire à la fois. De nombreux personnages de cet album ont vraiment existé. S’appuyer sur une certaine réalité historique était-il pour vous un moyen de vous rassurer ?Ce mélange de réalité et de fiction est quelque chose que j’adore chez Pratt. J’en ai profité pour faire pareil. Certes, il y a toujours le risque d’être trop « encyclopédique », voire ennuyeux. C’est pour cela que je me suis autorisé une grande liberté littéraire pour modifier et adapter les personnages historiques aux convenances du récit.Votre Corto est assez fidèle à celui qu’on connaît, avec tous ses paradoxes. Individualiste et altruiste, pacifiste et bagarreur, idéaliste et subversif… Avez-vous essayé de lui attribuer des nouveaux traits de caractère ?Non. Ruben Pellejero et moi sommes avant tout des vrais fans de Corto. Dans cet album, nous avons mis en scène des éléments qui nous sont chers dans la série, en tant que lecteurs. Nous sommes persuadés que tout le monde attend de retrouver Corto tel qu’on le connaît dans l’œuvre de Pratt. A quoi bon le changer ? Quelle marge de manœuvre vous ont laissé Patrizia Zanotti, l’ayant droit de Pratt, et Casterman ?La réponse est simple : nous avons eu une totale liberté de création, sans la moindre contrainte.L’ambiance graphique des albums de Corto est très particulière. Elle a une fonction narrative. Comment avez-vous pris en compte cet aspect pour écrire votre histoire ?Il m’a fallu visualiser le scénario comme si Pratt allait lui-même le dessiner. C’est-à-dire imaginer les choses qu’il aurait aimé faire, et celles qu’il n’aurait pas faites. Le paysage, par exemple, n’est jamais un simple décor chez lui, mais un personnage en tant que tel. Il y a aussi très peu de scènes explicites : il faut beaucoup plus « suggérer » que « montrer », dans l’univers de Corto. Sinon on risque de perdre son esprit, sa poésie. Pratt a dit un jour que « la bande dessinée, c’est comme le cinéma, même si c’est un cinéma de pauvres ». Partagez-vous cet avis après la réalisation de cet album ?Si l’on pense la BD comme un petit frère du cinéma, non. Mais, à mon avis, ce que Pratt voulait mettre en avant avec cette phrase, c’est la capacité du langage de la BD à raconter des histoires sublimes avec les moyens les plus humbles : une feuille de papier et un feutre. Là, je suis totalement d’accord avec lui.Lire aussi :La renaissance de Corto Maltese, une aventure mouvementéeFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Joël Morio Les gens regarderaient-ils moins la télévision ? C’est ce qu’on pourrait croire en lisant –rapidement – les chiffres dévoilés, mardi 29 septembre, par Eurodata TV. Le temps passé devant la télévision recule de 7 minutes au Royaume-Uni et de près du double aux Etats-Unis.La tendance est encore plus marquée pour les « jeunes adultes ». Les 15-24 ans ont vu leur consommation télévisuelle chuter de près d’une demi-heure aux Etats-Unis et de plus d’un quart d’heure aux Pays-Bas.L’étrange lucarne n’est pourtant pas près de s’éteindre, c’est même le contraire. D’abord, dans d’autres pays (Allemagne, Pologne, Balkans, Malaisie…), le temps passé devant la télévision progresse. Et là où il baisse, on part souvent de très haut : les Américains et les Néerlandais continuent de rester en moyenne plus de 4 h 30 par jour devant leur téléviseur ! Les Français, eux, y consacraient 3 h 41 en 2014.Sport et informationDe plus, la consommation délinéarisée de la télévision s’accroît. Grâce au visionnage en différé, les audiences augmentent : jusqu’à 17,2 % au Royaume-Uni. Certaines séries comme Indian Summers outre-Manche et Bagels Bubbels aux Pays-Bas ont vu respectivement leur nombre de téléspectateurs tripler ou doubler grâce au « replay ».Enfin d’autres « lucarnes » s’allument : tablettes, smartphones, ordinateurs… Elles permettent de démultiplier le nombre de téléspectateurs, même si le phénomène est encore mal appréhendé (une trentaine de pays devrait pouvoir le mesurer dans le courant 2016).Autre tendance, le « live » garde son attrait pour certains événements sportifs. « Il n’y a pas de télévision sans sport et pas de grands sports sans télévision », résume Frédéric Vaulpré, vice-président d’Eurodata. Il cite l’exemple de la Coupe du monde de football féminin qui a gonflé l’audience de la Fox aux Etats-Unis, permettant d’atteindre un record pour un match de « soccer » avec 22,6 millions de supporteurs pour la finale opposant les Etats-Unis et le Japon.L’information continue également de faire recette. Le « Six O’Clock News » de BBC One réunit chaque jour près de 30 % des téléspectateurs britanniques, réalisant une part de marché très supérieure à la moyenne de la chaîne. Partout dans le monde les canaux dédiés à l’information sont dopés par l’actualité. CNN vient ainsi de battre son record d’audience (22 millions de téléspectateurs) avec un débat entre les candidats républicains à la primaire.Autre surprise, les chaînes payantes, qui souffrent de la concurrence de nouveaux acteurs comme Netflix, résistent. Aux Etats-Unis, l’audience de HBO est stable et les épisodes de Game of Thrones ont réuni jusqu’à 10 millions de fans, un record. Plus que jamais, « le contenu est roi », souligne Frédéric Vaulpré. Quel que soit son mode de consommation, la télé a de beaux jours devant elle.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Le timing est presque parfait. Juste avant que la discussion ne reprenne, mardi 29 septembre à l’Assemblée nationale sur le projet de loi, relatif à la liberté de création, et que celle-ci n’aborde les articles relatifs à la répartition des droits dans la musique, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a annoncé et salué la signature d’« un accord historique pour la filière musicale ». Un accord trouvé à la suite de la mission, confiée au conseiller maître à la Cour des comptes, Marc Schwartz. Le contenu détaillé de l’accord ne sera donné que vendredi 2 octobre, mais ses grandes lignes sont d’ores et déjà connues.La lettre de mission donnée à M. Schwartz, datée du 21 mai, fixait trois objectifs concernant l’exploitation numérique de la musique enregistrée : « favoriser la vitalité de l’ensemble des acteurs ; préserver la diversité de la création et de sa diffusion ; assurer une rémunération reflétant équitablement leur apport à la création de valeur. » Une « juste rémunération » des artistesPour la ministre, l’accord trouvé permet de garantir « cette juste rémunération », car « les producteurs s’engagent à partager avec les artistes tous les revenus reçus des services de musique en ligne et à leur garantir dans ce cadre, une rémunération minimale, en contrepartie de l’exploitation numérique de leurs enregistrements. » Un encadrement des règles de détermination de l’assiette de rémunération des artistes a aussi été trouvé.L’accord « permet, en outre, de renforcer la transparence de l’économie de la filière et d’améliorer l’exposition de la musique et de la diversité culturelle sur les plates-formes de musique en ligne », ajoute la ministre, dans son communiqué.Dans ces conditions, Patrick Bloche, rapporteur (PS) du projet de loi Liberté de création devrait retirer, en toute logique, l’amendement qui préconisait une gestion collective obligatoire pour la répartition des droits musicaux issus de l’exploitation numérique (streaming et téléchargement), en cas d’échec de la mission Schwartz.L’accord satisfait pleinement les producteurs de musique. Pour le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) « le partage de la valeur créée par les exploitations numériques fait l’objet d’engagements précis et donne la priorité aux discussions entre partenaires sociaux dans le cadre de la convention collective de l’édition phonographique ». De son côté, l’UPFI (producteurs indépendants) approuvent que « des engagements substantiels aient été ainsi souscrits volontairement par les producteurs de phonogrammes vis-à-vis des artistes interprètes concernant le partage de la valeur. »Consternation du côté de l’Adami et de la SpedidamLes responsables de plate-forme de téléchargement ou d’écoute en ligne Spotify ou Deezer n’ont pas encore réagi, mais leur souhait de conserver comme interlocuteur unique les producteurs de musique est respecté.L’accord prévoit aussi la création d’un fonds de soutien à l’emploi des musiciens par les plus petites structures de production phonographique.L’association La Guilde des artistes de la musique (GAM), créée en mars 2013 par Axel Baur, qui revendique 200 membres se dit favorable à l’accord. La GAM est notamment satisfaite des mesures concernant la transparence des comptes entre artistes principaux et maisons de disques. Les principales organisations syndicales sont aussi signataires de l’accord (CFDT, CGT et CFE-CGC)C’est, en revanche, la consternation du côté de l’Adami et la Spedidam, les deux principales sociétés de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes qui avait claqué, lundi 28 septembre, la porte de la mission Schwartz. « Les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées au sujet de la question essentielle de la rémunération des artistes et dont la portée est mondiale » , estime l’Adami. Pour Xavier Blanc, directeur des affaires juridiques de la Spedidam, « c’est une catastrophe, les artistes qui ne touchent pas de royalties vont encore perdre dix ans de rémunération. »Au mercredi 30 septembre, les 17 signataires de l’accord sont les suivants : SNAM-CGT (Union nationale des syndicats d’artistes musiciens) SFA (Syndicat français des artistes interprètes) SNAPS CFE-CGC (Syndicat national des Artistes et des Professions du Spectacle) SNACOPVA CFE-CGC (Syndicat national des artistes interprètes, chefs d’orchestres et cadres) artistiques CFE CGC CFDT-F3C (Fédération communication conseil culture CFDT) GAM (Guilde des artistes de musique) MMFF (Music Manager Forum France) SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique) UPFI (Union des Producteurs Phonographiques Français Indépendants) SPPF (Société civile des producteurs phonographiques indépendants) SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) FELIN (Fédération nationale des labels indépendants) SMA (Syndicat des musiques actuelles) ESML (Syndicat des éditeurs de services de musique en ligne) GESTE (éditeur de contenus en ligne) IDOL (distributeur digital au service des labels de musique indépendants) PRODISS (Syndicat des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 29.09.2015 à 14h18 • Mis à jour le30.09.2015 à 07h18 | Clarisse Fabre Qui l’eût cru ? Qui aurait pu imaginer une journée aussi tranquille à l’Assemblée nationale, lundi 28 septembre, alors que démarrait l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la création artistique, à l’architecture et au patrimoine ? Pas de propos enflammés contre l’art contemporain, ni de véritable querelle sur l’article 1, aussi central que symbolique, qui stipule : « La création artistique est libre ». Adopté en trente minutes, un peu avant 20 heures, dans un Hémicycle qui comptait à peine une vingtaine de députés !Une personne qui aurait « débarqué » à l’Assemblée nationale, tel un Candide, n’aurait pas pu se douter que, depuis des mois, en France, des élus conservateurs ou d’extrême droite, ainsi que des associations, se battent pour empêcher la diffusion d’œuvres, dès lors que la sexualité ou le genre y sont abordés sans tabou. Sans doute l’opposition a-t-elle tenu certaines de ses troupes.Lire aussi :La liberté des artistes vaut bien une loiUn article 1 « nickel chrome »Il faut dire, aussi, que le rapporteur du projet de loi, Patrick Bloche (PS), veillait au grain : il avait pour mission de faire adopter un article 1 « nickel chrome », et de rejeter tout amendement qui aurait pu polluer la « pureté » de la phrase. La ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, a répété que « c’est dans la sobriété que cet article tire sa force ». La ministre a évoqué cette société « frileuse » qui « voudrait arrêter la marche du temps », entonne « le chant du repli » et « craint par-dessus tout l’effacement ».Convaincue que l’article 1 générera une jurisprudence nourrie devant les tribunaux, elle a tenu à réaffirmer la portée politique de son projet de loi : « Ils sont rares ces moments où la représentation nationale a l’occasion d’inscrire dans la loi de nouvelles libertés ». Sur son chemin de crête, plutôt miné, la ministre a ajouté : « La liberté de création n’est pas une liberté sans responsabilité ». Lire aussi :Fleur Pellerin : « Je veux lever les verrous pour l’accès aux œuvres »Tout juste a-t-on entendu Christian Kert (issu du groupe Les Républicains) s’en prendre au gouvernement qui a perdu du temps, dit-il, en introduisant en 2012 la soi-disant « théorie du genre » à l’école, au lieu de s’occuper de l’éducation artistique. « Ne cédez pas à la passion égalitaire ! », a-t-il lancé à Fleur Pellerin. Marie-George Buffet (Front de gauche) a dit son étonnement d’entendre un tel refrain.Puis les députés sont passés à autre chose. Les autres élus de l’opposition, tels François de Mazières ou Annie Genevard, ont surtout critiqué le contenu général du texte, ou déploré le manque de dialogue avec la majorité. La poignée d’élus de droite s’est abstenue plus qu’elle n’a voté contre les diverses dispositions.Les missions de la politiqueMais la ministre savait qu’elle devait faire un geste. Des députés de tous bords avaient fait part de leurs doutes quant à l’efficacité de l’article 1. La création est libre, très bien ! Mais n’est-ce pas au moment de leur diffusion que les œuvres sont attaquées ? Fleur Pellerin a donc présenté un amendement de dernière minute, que les parlementaires ont découvert en séance, et adopté dans la foulée : à l’article 2, qui définit les missions de la politique en faveur de la création artistique, il est précisé que cette politique a pour objectif de « garantir la liberté de diffusion artistique ».C’est un avertissement – ou une précision – à l’attention des élus locaux, qui se retrouvent parfois démunis devant telle demande d’annulation de spectacle, ou de fermeture d’exposition. « Il est important de mentionner que la priorité des collectivités publiques est de faire en sorte que la création artistique soit diffusée et puisse être vue par le plus large public possible », lit-on dans l’exposé de l’amendement n° 462 du gouvernement. Un peu plus tôt, Fleur Pellerin avait pu affirmer à la tribune : « Nous devons nous assurer que l’art puisse continuer à déranger ». Personne n’a crié au loup.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin L’ancien ministre de la culture, Jack Lang, exprime ses inquiétudes sur le projet de loi sur la création artistique, l’architecture et le patrimoine.Lire aussi :Les députés inscrivent la « liberté de la création artistique » dans la loiQue pensez-vous du projet de loi sur la création artistique, l’architecture, le patrimoine, en discussion actuellement à l’Assemblée nationale?Je ne suis pas contre, mais la Constitution de 1958 offre au gouvernement de larges pouvoirs réglementaires. Le texte a le mérite d’être technique et précis.L’article 1 de la loi stipule : « La création artistique est libre ». Est-ce suffisant ?C’est déjà écrit dans la Déclaration de 1789 qui proclame la liberté d’opinion, d’échange, de communication. La liberté artistique en découle pleinement, elle en est le fruit.Faut-il lier création et diffusion ?La vraie question est double. On ne peut pas séparer la création de son accès à la diffusion. Il y a eu la désastreuse jurisprudence Dieudonné qui a validé l’interdiction d’une manifestation sur des bases morales.Quels sont les points forts de la loi ?Le texte comporte de très bonnes dispositions sur l’architecture, l’archéologie, le renforcement des droits des artistes interprètes, d’un médiateur de la musique, de l’accès des personnes handicapées, la création d’un observatoire des opérateurs artistiques. Ou encore l’existence légale des FRAC.La création des « cités artistiques », avec un plan local d’urbanisme (PLU) armé d’un dispositif patrimonial se supplantant aux outils existants vous inquiète-t-elle ?Je m’interroge. Je comprends la volonté de simplification, les procédures se chevauchent, s’empilent en millefeuille. Mais je ne voudrais pas que l’Etat y perde des plumes. Je n’aurais pas remis en cause les « secteurs sauvegardés », les « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager » (ZPPAUP), les « aires de mises en valeur de l’architecture et du patrimoine » (AVAP).Lire aussi :La future « Cité historique » inquiète les défenseurs du patrimoineQue craignez-vous ?On avance que le contrôle de légalité exercé par le préfet sur le plan local d'urbanisme « patrimonial » (PLUP) constitue un garde-fou pour pallier cette flexibilité nouvelle sans pour autant préciser les modalités du soutien aux collectivités qu’il entend apporter. On connaît malheureusement les faiblesses du contrôle de légalité soumis aux appréciations politiques locales et nationales.C’est la notion même de patrimoine national que vous défendez ?Le patrimoine historique n’est pas la propriété d’une ville, d’un quartier, mais de la nation. C’est la vision de l’Abbé Grégoire, le « premier » ministre de la culture qui a ouvert le Louvre aux visiteurs, propagé la langue française, s’est opposé aux destructions patrimoniales, et qui disait : « J’ai inventé le mot vandalisme pour tuer la chose. »Y-a-t-il un risque d’affaiblissement du rôle de l’Etat ?La seule question que je me pose in fine est : l’Etat restera-t-il l’Etat ? Cela doit être une obsession. Je suis certain que la ministre Fleur Pellerin aura à cœur de sauvegarder la protection nationale. J’ai créé les Journées du patrimoine pour que les Français s’approprient ce bien collectif. L’Etat doit être pleinement préservé dans le maintien de ses responsabilités, scientifiques, techniques, juridiques, culturelles. Il faut un Etat volontaire.Lorsque j’ai fait classer (en 1990) les halles du Boulingrin à Reims – une construction de 1929 en béton, unique en Europe, menacée de destruction –, sur place, je me serais fait lyncher. Aujourd’hui, elle est restaurée, c’est devenu le cœur de la ville. Il y a les forces locales, les pressions, les lobbies. Il faut que l’Etat tienne bon, qu’il reste l’Etat.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Créer une structure unique pour l’audiovisuel public, France Médias, en 2020. C’est la proposition choc que font les sénateurs André Gattolin (écologiste, Hauts-de-Seine) et Jean-Pierre Leleux (Les Républicains, Alpes-Maritimes), dans un rapport qui prône « un nouveau modèle de financement de l’audiovisuel public », présenté mardi 29 septembre, et auquel Le Monde a pu accéder.Ce rapport constitue une contribution au débat qui agite le secteur. À court terme, la question est celle du financement de sociétés dont la situation financière est fragile (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, l’Institut national de l’audiovisuel…), alors que l’examen de la loi de finances 2016 doit s’engager au Parlement. Au-delà, il s’agit de trouver les moyens de sortir ces entreprises d’une situation permanente d’incertitude quant à leurs ressources et de les aider à s’autonomiser.Les sénateurs de la mission de contrôle commune à la commission des finances et à la commission de la culture rappellent d’abord quelques constats. Les ressources propres de ces entreprises stagnent, alors que la part de la contribution à l’audiovisuel public (la redevance, qui représente 3,7 milliards d’euros en 2015) dans leur budget augmente. Cela va à l’encontre de l’orientation politique générale qui les encourage à générer des recettes (publicité, diversification, etc.).A effectifs constants, les charges de personnel des sociétés d’audiovisuel public augmentent mécaniquement, et France Télévisions comme Radio France affichent, en 2015, un résultat négatif.Lire aussi :France TV et Radio France, les raisons d’un mariage dans l’information en continu« Contribution universelle » et « publicité raisonnable »Les sénateurs proposent de stabiliser les ressources en augmentant la redevance de deux euros (hors inflation) pendant deux ans, contre des engagements de réduction des dépenses. Cela permettrait d’éviter « le recours à l’endettement des sociétés ». Ils proposent qu’une partie de cette collecte soit affectée à une réserve de 150 millions d’euros destinée à répondre aux aléas et à « inciter aux mutualisations » entre sociétés de l’audiovisuel public.On peut penser, par exemple, au projet de chaîne d’information en continu de Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, qui planche sur le sujet en dialogue avec Radio France.Après 2017, les sénateurs proposent de remplacer la redevance par une « contribution forfaitaire universelle sur le modèle allemand ». Cela signifie que presque tous les foyers seraient concernés, alors qu’il n’y a aujourd’hui que 27 millions de Français redevables. Cette contribution tiendrait également compte des nouveaux usages (smartphones, tablettes, etc.)Autre innovation, la définition d’une sphère de « publicité raisonnable », « compatible avec les valeurs du service public », qui permette de « rétablir la possibilité de diffuser de la publicité en soirée sur les chaînes de France Télévisions » tout en « interdisant la publicité dans les plages horaires consacrées aux programmes destinés à la jeunesse ». Une proposition qui contraste avec l’arbitrage récemment exprimé par Fleur Pellerin de maintenir l’absence de publicité en soirée sur les écrans publics.Lire aussi :Redevance : France Télévisions au « régime » regrette Delphine ErnotteRemise en cause des engagements envers la productionLe retour de la publicité n’est pas le seul changement culturel que proposent les sénateurs. Ceux-ci entendent également rompre avec les équilibres actuels en « supprimant l’obligation faite à France Télévisions de garantir la diversité de la production, en particulier dans la fiction, qui favorise la dispersion de ses investissements et l’émiettement du secteur de la production ». Il s’agit d’une remise en cause du cahier des charges de l’entreprise publique, qui doit aujourd’hui consacrer 95 % de ses dépenses de création audiovisuelle à des sociétés de production externes.La part de production interne serait donc renforcée. Ce serait une rupture majeure pour le secteur de la production, dans lequel France Télévisions investit quelque 400 millions d’euros par an actuellement.Enfin, en 2020, le rapport préconise la création d’une structure de tête rassemblant les entreprises de l’audiovisuel public, France Médias, « pour favoriser les mutualisations, la polyvalence des personnels, le développement d’une marque commune et les investissements dans le numérique. » Son dirigeant serait nommé par un conseil d’administration où ne siégeraient pas les ministères de tutelle mais uniquement l’Agence des participations de l’Etat (APE). Cet organe serait aussi chargé de répartir le produit de la contribution universelle entre les différentes sociétés.« Un groupe unique de l’audiovisuel public bénéficiera de plus de marges de manœuvre financières et détiendra un meilleur pouvoir de négociation pour investir dans l’information, la création et le numérique », argumentent les sénateurs, qui visent notamment la « mutualisation des investissements des sociétés de l’audiovisuel public en vue du développement d’une plateforme numérique unique ». Un vœu qui fait écho à la volonté de rapprochement plusieurs fois exprimée par l’exécutif, mais qui va aussi beaucoup plus loin.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Lauriane Clément Documentaire sur France 5 à 20 h 40 La réalisatrice Claire Lajeunie rend compte du quotidien de femmes SDF et de leurs stratagèmes pour survivre. Elles s’appellent Katia, Myriam, Martine et Barbara. Ces femmes n’ont rien en commun, sinon qu’elles sont sans abri. Leur situation n’est pas si singulière. En effet, sur cinq SDF, deux sont des femmes, selon l’Insee. Femmes invisibles – Survivre dans la rue retrace avec pudeur leur histoire.Parmi les décorations de Noël qui ont fleuri dans Paris, Barbara fait la manche, son gros sac sur le dos. Voilà un an que cette jeune femme de 26 ans est sans toit. Que ce soit pour des ruptures familiales, des problèmes d’addiction ou des violences conjugales, il n’existe pas une seule raison de se retrouver à la rue. « C’est un tout », résume-t-elle.Sans misérabilismeEn posant des questions parfois très directes à ces femmes SDF, la réalisatrice Claire Lajeunie tente de comprendre leur quotidien ainsi que leurs stratagèmes pour survivre. Prendre une douche, se faire soigner, manger, autant de gestes qui nous paraissent anodins mais qui ressemblent pour elles à un parcours du combattant. Il y a bien des services d’aide proposés par des associations telles que Mobil’douche ou La Halte femmes qui les accueille toute la journée. Mais pour dormir, le manque de structures est criant et le numéro d’urgence du 115 n’arrive pas à gérer les 4 000 appels quotidiens. Katia, Myriam, Martine et Barbara n’ont pas d’autres choix que de passer leurs nuits dans les parkings et les bus nocturnes. Le film ne s’épanche pas sur les violences – sexuelles ou non – qu’elles ont pu subir, mais chacune a élaboré sa technique pour échapper aux regards.Désocialisées, ces femmes peinent à se réinsérer dans la société. Ainsi, il a fallu dix ans à Katia, 32 ans, pour décrocher de la drogue et retrouver un toit. Son cinquième enfant à naître est aujourd’hui son « nouveau départ ».Ce tournant, Barbara n’est pas encore parvenue à le prendre. Quatre mois après le début du tournage, on la retrouve à faire la manche. « J’ai besoin qu’on me prenne par la main », avoue-t-elle, les larmes aux yeux.Entre les entretiens durant lesquels ces femmes se révèlent dans leurs forces et fragilités et les plans plus larges qui montrent leur environnement quotidien, le film nous plonge dans cet univers de la précarité, sans misérabilisme aucun. Se tenant à juste distance, Claire Lajeunie redonne à sa manière, fine et délicate, une dignité à ces invisibles.Femmes invisibles – Survivre dans la rue, de Claire Lajeunie (France, 2015, 75 min).Lauriane Clément Alain Constant Documentaire sur Arte à 20 h 50 Retraçant l’histoire de cette matière, Kenichi Watanabe en révèle les enjeux scientifiques, militaires et géopolitiques.Mieux qu’un polar angoissant ou qu’un film d’anticipation bien ficelé, ce documentaire, aussi sobre dans la forme que solide sur le fond, fait froid dans le dos. Son auteur, Kenichi Watanabe, s’était déjà fait remarquer en 2013 avec Le Monde après Fukushima (2013). Cette fois, en retraçant l’histoire du plutonium et de ses usages, il ouvre en quelque sorte les portes de l’enfer. Car le plutonium, matière artificielle très dangereuse, est beaucoup plus nocif que l’uranium.Découvert au début des années 1940, il est produit à des fins militaires avec des moyens industriels considérables. Si la bombe atomique qui frappa Hiroshima était constituée d’uranium, celle qui ravagea Nagasaki contenait du plutonium. Depuis, le civil s’en est emparé mais, lorsqu’il s’agit d’un tel produit qui fait croire à l’homme qu’il peut maîtriser la matière, les enjeux ou projets militaires ne sont jamais loin.A l’aide de nombreux témoignages, de documents d’archives inédits, notamment américains, et en délimitant son enquête à trois terrains judicieusement choisis (le désert de Hanford, aux Etats-Unis, le site nucléaire de Rokkasho, au Japon, la pointe de la Hague, en France), Watanabe révèle les énormes enjeux scientifiques, industriels et géopolitiques liés au plutonium. Le réalisateur s’interroge également sur le passage du nucléaire militaire au nucléaire civil. « Je voulais faire de la géopolitique en partant de la question du nucléaire. Je me suis concentré sur le plutonium, de sa mise au point pendant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis pour la création de bombes atomiques jusqu’à son utilisation dans la production d’énergie. C’était aussi une manière d’alerter l’opinion sur son utilisation et son recyclage. »Le recyclage au cœur des débatsTout au long du film, la délicate question du recyclage est au cœur des débats. « Le plutonium est une matière diabolique, du fait de son extrême dangerosité. Selon moi, plus généralement, il y a urgence à reconnaître que le “recyclage” du combustible nucléaire est une technologie du passé et un système absurde qu’il faut combattre », estime Watanabe. Notamment parce que le recyclage produit une grande quantité de déchets qu’il faut enfouir. En polluant les mers, l’air, la terre, les déchets provoquent des drames humains et environnementaux. Très nocif, le plutonium émet plusieurs milliers de fois plus de radioactivité dans la nature qu’un réacteur nucléaire.A eux trois, le Japon, les Etats-Unis et la France possèdent plus de la moitié du parc nucléaire mondial. Hanford, situé dans l’Etat de Washington, est le plus grand site de stockage de déchets radioactifs du pays. Son histoire, débutée dans les années 1940, est passionnante. Mais pour celles et ceux qui vivent dans les environs, et dont certains témoignent face caméra, cancers et maladies graves sont au rendez-vous, rappelant qu’on ne voisine pas impunément avec le diable plutonium.A la Hague, dans le Cotentin, près de cinq mille personnes vivent du nucléaire. Composée de citoyens et de scientifiques et créée après le drame de Tchernobyl, en 1986, l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) effectue des prélèvements dans la région. « Dans les cours d’eau, sur terre, dans l’air, la contamination est permanente », souligne un scientifique. Au Japon, pays de l’apocalypse nucléaire et de Fukushima, l’usine de retraitement de Rokkasho n’a jamais fonctionné et symbolise l’impasse dans laquelle se trouve l’industrie nucléaire japonaise aujourd’hui.Terres nucléaires, une histoire du plutonium, de Kenichi Watanabe (France, 2015, 84 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.09.2015 à 16h59 • Mis à jour le28.09.2015 à 17h10 | Emmanuelle Lequeux Elle a attendu ses 85 ans pour accéder à la notoriété ; elle a patienté jusqu’à 97 pour mourir. Née en 1918, Carol Rama, inconvenante plasticienne italienne, est décédée, vendredi 25 septembre, dans cet appartement turinois qu’elle n’avait jamais quitté, entourée de son capharnaüm de mille souvenirs. Admirée par Andy Warhol et Italo Calvino, proche de Man Ray, l’artiste à la tête perpétuellement couronnée d’une tresse blonde avait créé toute sa vie dans l’ombre, avant qu’un Lion d’or à la Biennale de Venise ne souligne enfin, en 2003, ses singuliers talents. Depuis, l’autodidacte était devenue la coqueluche d’artistes comme Cindy Sherman ou Maurizio Cattelan, ainsi que d’une certaine critique d’art férue de « gender studies ». Le public parisien l’a découverte au printemps avec la rétrospective que lui a consacré le Musée d’art moderne de la ville de Paris, en collaboration avec le Macba de Barcelone.Lire aussi :Carol Rama, la mamie indigne, enfin au muséeComment le XXe siècle avait-il pu se montrer si indifférent à cette œuvre ? Sans dieu ni maître, Carol Rama, sans doute, le dérangea. Trop excentrique et viscérale, vouée à un érotisme quasi-animal, volontairement marginale, sa peinture refusait de céder à la domination de la morale, autant qu’au bon goût de l’histoire de l’art officielle. Pour son ami le poète Edoardo Sanguinetti, elle préférait osciller « entre raffiné brut et cultivé naïf ». Sœur de lait de Louise Bourgeois, elle aussi ignorée longtemps, elle créait « avant tout pour [se] guérir ». Et n’obéissait qu’à un ordre : celui, scandaleux, du corps. Toutes de griffes et de sang, ses toiles ne cédèrent à aucun mouvement. Surréalisme, abstraction géométrique, pop art, sans oublier l’Arte povera bien sûr, dont Turin est le berceau: elle côtoya ces mouvements sans jamais se laisser enrôler.Des dessins « inconvenants »Dès ses 15 ans, Carol Rama est initiée à la plus extrême des libertés, celle de la folie, qu’elle côtoie en visitant sa mère à l’asile psychiatrique. « C’est à cette époque que j’ai commencé à faire des dessins inconvenants », racontait celle qu’un ami décrivit comme « maîtresse, diable et putain aux dehors de petite bourgeoise ». Au contact d’un de ses plus fidèles compères, le baroque designer et architecte turinois Carlo Mollino, elle aiguise sa haine de tout ordre établi. « Je n’ai pas eu besoin de modèle pour ma peinture, le sens du péché est mon maître », donnait-elle pour tout argument à son art. Et de poursuivre : « J’ai toujours été curieuse. Pour des raisons érotiques ».Au cœur de l’Italie fasciste des années 1930, elle produit une série de dessins réunis sous le label Appassionata : des corps féminins pénétrés de secrets et de serpents ; un déferlement d’aquarelle rose chair malade, silhouettes nues et handicapées. Quand arrive la fureur des années de guerre, marquées par le suicide de son père, elle poursuit dans sa peinture la quête du plaisir, même le plus inconvenant. Ainsi ne craint-elle pas de croquer un homme surpris dans la plus stricte intimité avec un ours. Dès sa première exposition, à Turin en 1945, elle est censurée. Mais ne cède rien.Un corps insupportable de désirDe plus en plus, les pigments se font magmas, les toiles volcans. Le corps se fragmente : phallus, anus et vagins, langues et oreilles, prothèses, aussi, envahissent toiles et dessins, en un art « viscéral concret » ou « porno brut », comme le définit le théoricien Paul B. Preciado, commissaire de sa rétrospective barcelonaise. Même quand, dans les années 1950, Carol Rama dévie vers l’abstraction géométrique, ses motifs restent organiques.Et au fil de la décennie suivante, le viscéral fait à nouveau une violente irruption. Tout coule et éclabousse, moisit, jaillit, s’atomise. Se fait glaire, plaie, menstrues : un matiérisme qui dit le trauma de la guerre. Puis elle va plus loin encore en contaminant ses tableaux de toutes sortes d’objets : ongles et dents, cheveux, fusibles et seringues, yeux d’animaux empaillés par dizaines, pneus de vélos comme les fabriquait son père… Sept décennies, pour dessiner les mille et unes figures d’un corps insupportable de désir.Emmanuelle LequeuxJournaliste au Monde 28.09.2015 à 09h48 • Mis à jour le28.09.2015 à 10h19 | Alain Beuve-Méry C’est officiel. PIAS, le label de musique belge devenu international, fondé et dirigé par Kenny Gates et Michel Lambot, devient propriétaire d’Harmonia Mundi, spécialiste reconnu dans les domaines du classique, du jazz, et de la world music. Annoncé en juin, l’accord doit être scellé au 1er octobre. Harmonia Mundi était à vendre depuis près de deux ans, ayant du mal à se remettre de la mort de son fondateur, Bernard Coutaz, alias « BC » (1922-2010).PIAS ne reprend que l’activité musicale d’Harmonia Mundi. Les activités de diffusion et de distribution de livres se situent hors de l’accord et continuent d’être dirigées par Benoît Coutaz, le fils du fondateur du label français.Âpres négociationsAvec ce rachat, PIAS fait l’acquisition d’une marque mondialement connue, détentrice de labels réputés comme « Le Chant du Monde », le plus vieux label phonographique français, ou encore « Jazz Village », connu des mélomanes mais également du grand public. Il entend accueillir le catalogue, l’expertise et les équipes d’Harmonia Mundi et redonner une deuxième vie à ce grand nom du patrimoine musical français.Pour Kenny Gates, « ce rachat correspond à une logique industrielle et romantique ». La complémentarité des catalogues entre les deux labels et les similitudes dans la manière de travailler et de concevoir l’avenir de la musique l’ont poussé à sauter le pas. « A vingt-cinq ans d’écart, il y a beaucoup de points communs entre l’aventure de Bernard Coutaz et la nôtre, qui a commencé en 1982 », précise le président de PIAS.PIAS assoit sa situation de plus gros acteur indépendant de la musique en EuropeUne similitude que l’on retrouve jusque dans les slogans de chacune de leurs maisons : « La musique, d’abord » pour Harmonia Mundi et « Music First » pour PIAS, qui distribue des artistes comme Jean-Louis Murat, Miossec, Agnès Obel, Arctic Monkeys, Texas, The Cranberries ou New Order…Par cette acquisition, PIAS assoit sa situation de plus gros acteur indépendant de la musique en Europe. Cela renforce son rôle au sein des réseaux Impala et Merlin qui, sur le plan politique et commercial, veillent au respect des équilibres entre majors du disque et labels « indés ». En grossissant, PIAS s’assure aussi une meilleure respectabilité dans les négociations, souvent âpres, sur la rémunération des artistes avec les géants de la musique en ligne que sont Apple et You Tube, mais aussi Spotify ou Deezer.« Du marketing intelligent »Face aux contractions du marché de la musique, « les survivants du péril digital », comme ils se nomment, font face à l’alternative suivante : « réduire la voilure » ou se développer, option choisie par la direction de PIAS.Bernard Coutaz abhorrait le terme marketing, mais afin d’assurer le développement des deux labels plus complémentaires que concurrents, il faudra, selon Kenny Gates « faire du marketing intelligent ».Le projet de reprise de PIAS était d’ailleurs celui qui avait les faveurs de la direction d’Harmonia Mundi. Le label belge s’est en effet engagé à reprendre une centaine de salariés du français. « Vu la différence de nos catalogues, il n’y a pas de risque de cannibalisation », précise Kenny Gates. « Nous allons mutuellement nous apprendre beaucoup de choses », poursuit-il. M. Gates se donne un an pour assurer un mariage réussi entre les deux labels. Son rêve est que « la valeur ajoutée de cette union permette d’obtenir un résultat supérieur et qu’un plus un fassent trois », alors que, par le passé, les fusions dans le secteur musical ont le plus souvent entraîné des pertes substantielles de valeur.Kenny Gates précise qu’il n’a pas de « plan capitalistique précis ». « Peut-être que l’on se plantera », ajoute-t-il. Présent en France depuis 1994, PIAS compte bien « devenir un acteur important du marché français » grâce au rachat d’Harmonia Mundi.Le montant de la transaction n’a pas été rendu public. Dans l’opération, PIAS reprend aussi les départements d’Harmonia Mundi à l’étranger, que ce soit aux Etats-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne et au Benelux. Le label renforce ainsi sa présence internationale avec seize filiales. En revanche, il ne reprend pas les magasins restants d’Harmonia Mundi qui sont des franchisés. Le chiffre d’affaires de PIAS devrait représenter annuellement autour de 130 millions d’euros.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Lequeux Volkswagen ? Il n’y a pas plus écolo ! C’est un peu ce que clamait le Museum of Modern Art (MoMA) de New York au printemps 2013, avec « Expo 1 »  : un projet certifié 100 % eco-friendly, consacré aux bouleversements climatiques vus par les artistes. Très confortablement sponsorisée par VW, selon un partenariat de long terme entre le musée et « das Auto », cette énorme exposition était comme un bébé que l’ouragan Sandy aurait fait dans le dos de New York. D’où « Expo 1 »  : soigner les plaies et rêver d’un avenir meilleur, plaidaient ses organisateurs.Rétroactivement, cette magnifique opération de greenwashing prend une autre teinte. Kolossal, le mensonge de la firme sur la performance environnementale de ses automobiles, révélé en début de semaine, fait voir sous un autre jour l’exposition orchestrée par deux maestros du milieu de l’art  : Klaus Biesenbach, directeur de PS1, l’annexe contemporaine du MoMA dans le Queens, qui accueillait l’exposition, et Hans-Ulrich Obrist, autre curateur star.Devenu mécène principal, VW a notamment soutenu l’exposition « Björk »A l’époque, les deux complices définissaient ainsi leur projet  : « Notre constat relève d’un optimisme noir. Ce qui signifie que l’humanité aura un futur, mais à condition d’agir. Dans cette perspective, “Expo 1” est surtout pour nous un lieu de pratiques sociales. » En effet, on n’y voyait pas seulement fondre des icebergs arrachés à la banquise par la conscience écologique du milieu, Olafur Eliasson, ou des carpes baguenauder dans la piscine construite par Meg Webster. « Expo 1 » se déclinait aussi sous la forme d’une école, d’un cinéma et d’un jardin sur le toit, avec panneaux solaires (pour alimenter la chambre froide du fragment de pôle Nord). Plus loin, sur Rockaway Beach, un dôme géodésique, également bâti grâce à VW, abritait différents projets d’architectes et de designers désireux de prévenir les catastrophes à venir.Hélas, aujourd’hui, l’optimisme s’est évanoui. Mais le MoMA a poursuivi son dialogue des plus féconds avec Volkswagen. Devenue mécène principal, l’entreprise a notamment soutenu l’exposition « Björk » et devrait porter celle consacrée aux artistes new-yorkais en 2016. Elle parraine aussi les actions éducatives du musée et son développement numérique. Un champ peut-être mieux adapté à son image  : ne vient-elle pas, avec ce logiciel destiné à falsifier le taux de pollution de ses véhicules, de prouver sa terrible inventivité informatique ?Emmanuelle LequeuxJournaliste au Monde Yann Plougastel Documentaire sur Arte à 22 H 35 La documentariste Elisabeth Kapnist éclaire d’une dimension toute shakespearienne le destin d’Orson Welles.De ce géant du 7e art, François Truffaut a dit qu’il était « le plus catholique des cinéastes ». Ce qui apparaît paradoxal pour un homme aux multiples facettes, qui, à 20 ans, à Paris, fut initié par Houdini à la prestidigitation, avant de se lancer dans la tauromachie en Espagne. Un de ses derniers films, F for Fake (dont le titre français est Vérités et Mensonges), qu’il a réalisé en 1973 avec l’aide de François Reichenbach, n’est pas par hasard une réflexion sur le cinéma comme art de l’illusion. En fait, Orson Welles (1915-1985), qui aurait eu 100 ans en mai, a construit à travers ses films un univers de masques et de désastres.On ne dira jamais assez combien des chefs-d’œuvre tels Citizen Kane (1941), La Dame de Shanghaï (1948), Dossier secret-Mr Arkadin (1955) ou La Soif du mal (1958) doivent à Shakespeare, dont les oscillations entre tragédie et comédie ont toujours fasciné Welles, qui s’est fait connaître à New York en mettant en scène à Harlem, en 1936, un Macbeth joué par des acteurs noirs. Shakespeare l’obsédait tellement qu’il adapta au cinéma Macbeth (1948), Othello (1952, couronné au Festival de Cannes) et Falstaff (1965), creusant sans cesse cette veine où le sublime côtoie le grotesque, le faux, le vrai…Dimension tragiqueElisabeth Kapnist, documentariste éclairée, qui a beaucoup réfléchi sur les rapports entre création et psychanalyse, est d’ailleurs partie de là pour construire son film, Orson Welles, autopsie d’une légende : « J’ai choisi d’éclairer la dimension shakespearienne de sa vie. Il y a quelque chose de tragique dans son destin : “J’ai commencé au sommet et, après, je n’ai fait que descendre”, déclarait-il. Son génie de metteur en scène de théâtre, puis de cinéaste, a été très vite contrarié, on a voulu faire plier le géant et ce qui m’intéressait, c’était de montrer comment il a résisté. »Drôle de vie en effet que celle de ce garçon trop doué qui, en 1938, à 23 ans, décroche la « une » de tous les quotidiens américains après avoir diffusé à la radio un faux bulletin d’information annonçant l’invasion par les Martiens de la côte est des Etats-unis, s’inspirant du roman La Guerre des mondes de H.G. Wells. Ce qui lui vaut de signer un contrat mirifique à Hollywood avec le studio RKO, lui laissant toute latitude pour réaliser trois films. Premier essai, Citizen Kane (1941), un des films les plus importants de l’histoire du cinéma, excusez du peu…Un esprit trop libre pour HollywoodEnsuite, ce ne fut qu’incompréhension, imbroglio, malentendu et ratage magnifique. Hollywood n’aimait pas vraiment les esprits trop libres et le lui fit savoir en modifiant le montage et la fin de La Splendeur des Amberson (1942) ou de La Soif du mal (1958), dans lequel Marlene Dietrich interprète une patronne de bordel. Du coup, pour tourner les films dont il rêvait loin des studios américains, Welles a dû faire l’acteur. Là, avouons-le, le pire (un James Bond, Casino Royale) côtoya le meilleur (Le Troisième Homme, de Carol Reed), mais lui permit de changer à chaque fois de nez (qu’il détestait, car petit et en trompette) et de gagner pas mal d’argent.Autre masque, autre désastre : les femmes. Marié trois fois (à des actrices : Virginia Nicholson, Rita Hayworth, Paola Mori) et infidèle patenté (Judy Garland, Marilyn Monroe, Jeanne Moreau…), cet ogre désinvolte et rieur avouait n’avoir jamais rien compris aux femmes. D’où sans doute, ultime masque et vaste sujet, l’homosexualité latente de la plupart de ses films.Orson Welles, autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (Fr, 2014, 55 min). Lundi 28 septembre, à 22 h 35, sur Arte.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festival Marathon culturel aux Bouffes du Nord Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde »tous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet On avait laissé Nicolas Godin là où il nous était apparu pour la première fois : sur la Lune. En 2012, il publiait son septième – et ultime à ce jour – album avec Air, Le Voyage dans la Lune, bande-son du film de Georges Méliès. Manière de boucler une boucle ouverte quinze ans plus tôt avec Moon Safari, le disque qui avait propulsé le duo qu’il formait avec Jean-Benoît Dunckel sur l’orbite du succès.Ces équipées sélénites tendaient, toutefois, à éclipser la part solaire de Air – qui se souvient que l’un des tout premiers morceaux du groupe s’appelait Le Soleil est près de moi ? De fait, à la lumière des carrières solo des deux Versaillais, Godin apparaît comme celui qui incarne avec le plus d’éclat ce versant apollinien. Tandis que Dunckel, camouflé sous divers pseudonymes (Darkel, Tomorrow’s World, Starwalker), s’est quelque peu égaré, d’hommages ténébreux au polar en odyssées nébuleuses, c’est au tour de l’élégant rouquin de publier son premier album sous son nom, Contrepoint.« Accords malsains »D’une finesse d’écriture et d’interprétation rare, tordant le cou aux standards étriqués des musiques populaires, le disque est éclairé par un astre ancien, qui, trois siècles après ses primes lueurs, n’a rien perdu de son rayonnement : Jean-Sébastien Bach. « Avec Air, j’étais arrivé au bout d’un système, j’avais perdu le plaisir d’enregistrer, soulignait Nicolas Godin, en juin, sous le soleil de Rome, où il présentait en avant-première ses nouveaux morceaux. Et puis un ami m’a prêté un documentaire sur le pianiste Glenn Gould, célèbre pour ses Variations Goldberg. Cela m’a fait l’effet d’une révélation. Je me suis plongé dans l’œuvre de Bach, j’ai appris à la jouer, malgré mes limites techniques. Peu à peu, j’ai compris qu’il était à la source de toutes les musiques qui m’ont nourri. J’ai découvert ses immenses audaces harmoniques, ces accords malsains qu’il utilise sur la Cantate BWV 54, par exemple ! J’avais trouvé la raison d’être de mon disque : tirer le fil qui va de Bach à Morricone, Elfman, Legrand ou Colombier. »Lire aussi :Nicolas Godin prend l’air romainChacun des huit morceaux de Contrepoint a pour origine un prélude, une fugue ou une cantate du maître de Leipzig. Soutenus par un instrumentarium contemporain – guitares, claviers, cuivres, cordes, percussions, chœurs –, ces segments dérivent avec une belle liberté, se mêlent à d’autres clins d’œil – Street Hassle, de Lou Reed, ou Take Five, de Dave Brubeck, sont brièvement cités –, tout en gardant un solide ancrage européen. Point d’anglais, en effet, sur Contrepoint : on y parle d’abord allemand (Widerstehe doch der Sünde, superbe duo entre Thomas Mars – leader de Phoenix – et Dorothée de Koon), italien (Quei Due, sur un texte de l’écrivain Alessandro Baricco) ou portugais (Clara, lumineuse bossa chantée par Marcelo Camelo, du groupe brésilien Los Hermanos).« Musique continentale »En cela, Contrepoint prend le contre-pied de Random Access Memory (2013), où les Daft Punk, autres rejetons de la « French Touch », célébraient les cieux et les sons californiens. « Ma Californie est très européenne, tempère Godin. J’ai toujours admiré ce que les Britanniques appellent la “musique continentale”, cet alliage de sophistication et d’évidence qu’on retrouve chez les plus grands compositeurs de musique de film, souvent originaires du Vieux Continent. Sur la BO de Mission : Impossible, Lalo Schifrin place des gammes démentes, chipées à son professeur, Olivier Messiaen ! »Marié à la styliste paulista Iracema Trevisan, ex-bassiste du groupe CSS, le Français a rouvert, à travers Bach, certaines des plus belles pages musicales de son pays : « L’inventeur de la bossa-nova, Tom Jobim, a étudié Bach, mais aussi Ravel et Debussy… Au début du XXe siècle, la première “French Touch”, celle de Ravel, Messiaen, Dutilleux ou Schaeffer, diffusait une vraie aura à travers le monde, qui s’est un peu perdue avec le triomphe du rock. J’ai voulu renouer avec cette histoire-là. »Un Soleil peut en cacher un autre. Ancien étudiant en architecture, Godin s’attelle déjà à son prochain projet, Architecton, une « mise en son » de maisons signées Le Corbusier ou Mies van der Rohe. Nul doute que les fenêtres laisseront, ici aussi, filtrer de généreux rayons.Contrepoint de Nicolas Godin, 1 CD Because. Concert le 5 novembre à la Gaîté-Lyrique, à Paris.En exclusivité pour Le Monde, un extrait du documentaire sur Nicolas Godin tourné par La Blogothèque à la Villa Médicis, en juin 2015, dont l’intégralité sera diffusée début 2016 sur France 4 :Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino (Charleville-Mézières (Ardennes)) Si Cannes se transforme chaque année en capitale du cinéma en mai, Avignon en celle du théâtre en juillet ou encore Aurillac en rendez-vous international des spectacles de rue en août, Charleville-Mézières (Ardennes) est sans conteste la cité de la marionnette. Non seulement tous les deux ans, en septembre, avec le Festival mondial des théâtres de marionnettes, mais aussi tout au long de l’année grâce à plusieurs structures dédiées comme l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette (Esnam) et l’Institut international de la marionnette (IIM) dont elle dépend.Pour la 18e édition du Festival mondial des théâtres de marionnettes (du 18 au 27 septembre), dès son arrivée à la gare, le visiteur est accueilli par une série de grandes affiches de films célèbres détournées par le photographe Petr Kurecka pour son exposition « Puppet Fiction », qui dure le temps du festival.Les actrices Audrey Tautou (Amélie Poulain), Marion Cotillard (Edith Piaf), Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s), de Blake Edwards ou encore Uma Thurman dans Pulp Fiction, de Quentin Tarantino, ont le visage de Porshia, l’une des marionnettes fétiches en mousse de l’artiste d’origine brésilienne Duda Paiva, invité de cette édition 2015. En descendant du train, les festivaliers plongent ainsi d’emblée dans l’univers irréel de ces acteurs et actrices de chiffons (et de bien d’autres matières) qui envahissent la ville pendant ces dix jours. 580 représentations en dix joursEt c’est peu dire que Charleville-Mézières vit au rythme de ces créatures à fils. Le Festival mondial des théâtres de marionnettes, ce sont 115 compagnies venues de plus de 25 pays différents qui s’installent pour 580 représentations, dont 14 coproductions et 41 premières en France. Mais derrière ces chiffres se cache aussi une réalité au quotidien : pendant dix jours, tous les habitants de Charleville-Mézières mangent, dorment et parlent marionnettes, qu’ils soient bénévoles, commerçants, étudiants ou eux-mêmes artistes. Les vitrines des magasins du centre-ville cultivent l’ambiance à grand renfort de Guignols, Polichinelles et autres figures emblématiques des arts de la marionnette. En ville, les marionnettes semblent ne jamais faire relâche : il y a des spectacles presque toutes les heures chaque jour entre 10 heures et 23 heures. Et cela ne concerne que la programmation du « in », car le « off » attire dans les rues une multitude de micro-compagnies et d’artistes en tous genres venus tenter leur chance et récolter auprès des badauds quelques euros « au chapeau ». Pas un seul coin de rue où l’on ne croise de jour comme de nuit de courtes représentations, parfois faites de bric et de broc, parfois plus élaborées.La place Ducale au cœur du festivalLa place Ducale, version locale de la place des Vosges parisienne, devient une « cour des miracles » où se mêlent dans une confusion bariolée artistes de rue, festivaliers, camelots exposant des marionnettes de toutes tailles et qualités, vendeurs de gaufres, crêpes, sandwichs et autres. Elle est régulièrement envahie par des ribambelles d’enfants, vêtus de gilets jaune ou orange fluo portant les noms de leurs écoles, le festival mettant un point d’honneur à ouvrir largement ses portes aux scolaires. Sur la place, outre les désormais célèbres « Polichucales », des 5 à 7 quotidiens où se donnent rendez-vous des Polichinelles venus de tous les pays, la principale attraction est indéniablement la « performance poétique pour l’espace public » proposée par la compagnie Créature, originaire de Blagnac (Haute-Garonne), et baptisée Les Irréels. Soit douze petites cabanes qui se peuplent de créatures hybrides mi-humaines mi-animales aux noms évocateurs comme « La Lessiveuse de malheurs », « La Tisseuse de liens », « La Dorloteuse d’enfance » ou « Le Rafistoleur de mémoire ».Rompre avec l’image d’Epinal de GuignolDans le « in », le Festival mondial des théâtres de marionnettes veut rompre avec l’image d’Epinal traditionnelle, un peu ringarde et infantile, de Guignol et compagnie. Comme l’explique Anne-Françoise Cabanis, directrice du festival, « c’est bien dommage que la marionnette continue de véhiculer encore l’image réductrice de spectacle pour enfants ». Et ce alors qu’il y a « tant de spectacles de marionnettes formidables et surprenants à découvrir pour les adultes ». « Spectacle de marionnettes pour enfants ne rime pas avec spectacle niaiseux et infantilisant, martèle-t-elle. Bien au contraire, la création pour jeune public en la matière est innovante ». Assister en une seule journée à cinq spectacles d’affilée, soit un infime pourcentage des 580 représentations proposées pendant ces dix jours de festival, permet de se rendre compte de l’infinie richesse des sujets traités et des formes d’expression utilisées par les compagnies présentes pour cette 18e édition. Tout un univers sépare les sculptures éphémères en terre qui naissent, le temps d’une représentation de Count to One, sous les mains des artistes de la compagnie iranienne Yase Tamam, des marionnettes à taille humaine plus vraies que nature qui peuplent Le Rêve d’Anna, un spectacle proposé par la compagnie Trois-Six-Trente. Dans ce dernier, une fillette et un cheval blanc sont si criants de vérité que certains jeunes spectateurs se sont totalement laissés prendre par l’illusion, jusqu’à s’exclamer au début de la représentation : « Oh, regarde ! C’est un vrai cheval ! Comment ils ont fait pour le faire monter sur scène ? » De même, la marionnette géante à mi-chemin entre la pieuvre et la sirène, le monstre et la femme, dans Squid, de la compagnie Pseudonymo n’a pas grand-chose en commun avec les petites marionnettes du spectacle Les Nuits polaires, de la compagnie Les Anges au plafond, invitée de l’édition 2015 – elles tiennent dans l’igloo qui sert de salle de représentations. Ni avec celles de Schweinehund, d’Andy Gaukel et Myriame Larose : des pantins squelettiques d’environ 30 centimètres de hauteur aux visages grossièrement figurés, qui sont manipulés sur une simple table par deux marionnettistes vêtus de noir dont seules les mains restent visibles. A mi-chemin entre rêve et réalitéPar-delà ces différences, la magie de ces créatures de chiffons opère. Quand bien même les sujets abordés sont des plus sombres : la monstruosité et la perte d’identité dans Squid ; la guerre dans Count to One ; le chômage et les peurs de l’enfance dans Le Rêve d’Anna ; la dépression et la solitude dans Les Nuits polaires ; la déportation et l’extermination des homosexuels dans Schweinehund. Des spectacles à mille lieux de l’univers aseptisé d’un Guignol pour enfants mièvre et désuet. « La foisonnante et pertinente diversité de la marionnette envahit les scènes contemporaines pour questionner notre époque, ses crises et notre humanité, écrit d’ailleurs Anne-François Cabanis dans son texte d’introduction de la brochure du festival. Ni secondaire, ni marginale, ni annexe, la marionnette sait produire le sens et conduire la réflexion dont nous avons besoin pour raconter et comprendre le monde déstabilisant et en mutation dans lequel nous vivons. »Une première pierre posée par Fleur PellerinSigne que les créatures de chiffons et à fils ont durablement élu domicile à Charleville-Mézières, un nouveau bâtiment est en construction pour l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, en a posé la première pierre en ce vendredi 25 septembre, il devrait ouvrir ses portes à la rentrée 2016. Des rencontres professionnelles à l’échelle mondiale sont aussi régulièrement organisées dans la ville par l’Institut international de la marionnette.Un rayonnement mondial qui permet à Charleville Mézières de gommer l’image négative qu’en avait donnée au XIXe siècle l’un de ses plus célèbres enfants, Arthur Rimbaud (1854-1891). Le poète, qui la surnommait « Charlestown » en référence à son fondateur en 1606, Charles de Gonzague, écrivait à son sujet, dans une lettre à Georges Izambard datée du 25 août 1870 : « Ma ville natale est supérieurement idiote entre les petites villes de province ».18e Festival mondial des théâtres de marionnettes, à Charleville-Mézières (Ardennes), du 18 au 27 septembre 2015. www.festival-marionnette.comCristina Marino (Charleville-Mézières (Ardennes))Rédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Série documentaire sur Planète+ à 20 h 45 Joel Soler est allé à la rencontre des femmes de dictateur pour recueillir des souvenirs que rien n’entrave, pas même le remordsA voir le sourire affable de Nexhmije Hodja se figer, puis le corps de cette petite dame de 90 ans se raidir lorsque Joel Soler l’interroge sur le terme de « dictateur » accolé au nom de son époux, Enver Hodja – qui dirigea d’une main de fer l’Albanie de 1945 à sa mort, en 1985 –, on mesure les difficultés que le réalisateur a dû rencontrer pour mener à bien cette remarquable série documentaire (5 × 52 min) consacrée aux femmes des despotes. Mais aussi la diplomatie – et les ruses, sans doute – qu’il lui a fallu déployer pour parvenir à les approcher.Si certaines, comme Leïla Ben Ali et Michèle Duvalier, ont finalement choisi de ne pas apparaître, d’autres, en revanche, telles Imelda Marcos, Nexhmije Hodja ou Agathe Habyarimana, ont accepté d’évoquer longuement les heurs et malheurs de leur parcours. A défaut – et c’est l’un des points communs qui les unit – d’exprimer une once de culpabilité ou de remords quant à leur responsabilité directe ou indirecte.Ce qui rend d’autant plus stupéfiante, sinon dérangeante, cette série au long cours – fruit d’un travail de cinq ans – qui s’inscrit dans la lignée des précédents documentaires de Joel Soler consacrés à Saddam Hussein, Ben Laden ou encore Hitler. Déjà, il y explorait l’horreur de ces régimes autoritaires sous le prisme intimiste et familial.Discours monstrueuxOutre de brefs mais nécessaires rappels historiques, le réalisateur a choisi de thématiser son propos en classant ces « despot housewives » en « cinq familles » : « les grandes dépensières » (Imelda Marcos, Michèle Duvalier, Leïla Ben Ali…) ; « les impératrices rouges » (l’épouse de Mao Jiang Qing, Margot Honecker, Mira Milosevic…) ; « les cuisinières » ou femmes de l’ombre (Rachele Mussolini, Sajda Hussein ou Safya Khadafi) ; « les illusionnistes » et autres ambassadrices au charme vénéneux (Eva Peron, Jewel Taylor, Asma Al-Assad…) ; et, enfin, « les reines sans couronne » (Lucia Pinochet, Suzanne Moubarak…).Chacun des volets, dont on découvrira dimanche soir celui consacré aux grandes dépensières, est construit à partir d’un long entretien où l’on peut mesurer toute l’habileté de celle qui est interrogée. A pas de velours, elle avance au milieu de discours rodés, voire monstrueux par leur dénégation. Ces entretiens « fil rouge » étant eux-mêmes éclairés par des témoignages à charge ou à décharge des victimes et de proches.Si, lors du premier opus, les propos d’Imelda Marcos sur l’argent ou la beauté pouvaient « prêter » à sourire par leur caractère surréaliste, il n’en est pas de même avec Nexhmije Hodja, incarnation même de ces idéologues – devenues souvent les numéros deux du régime – à partir de laquelle Joel Soler dresse une généalogie de l’horreur. Est-ce sa posture d’aînée ou son « idéalisme » pur et dur ? Toujours est-il que l’épouse d’Enver Hodja n’a pas de mots assez durs contre certaines de ces sombres et sanguinaires homologues.Ainsi d’Elena Ceaucescu, trop « clinquante à son goût », de Jiang Qing, jugée « capricieuse » ou de Mira Milosevic dont elle se refuse de parler, en raison des actes criminels que cette dernière a poussé Slobodan Milosevic à commettre. Comment se juge « l’Araignée noire », qui s’apprête aujourd’hui comme une vieille dame presque ordinaire ? Evoquant sa rencontre avec Mère Teresa – figure communément admirée par ces femmes –, elle n’est pas loin de comparer son œuvre à la sienne, en ajoutant sereinement : « J’ai fait mon devoir et je suis très tranquille. »Despot Housewives, série écrite et réalisée par Joël Soler (Fr., 2015, 5 × 52 min). Dimanche 27 septembre à 20 h 45 sur Planète.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.09.2015 à 11h39 • Mis à jour le09.09.2015 à 15h29 | Alain Beuve-Méry Les jurés du prix Renaudot, présidé cette année par Jean-Noël Pancrazi, ont dévoilé, mardi 8 septembre, leur première sélection de dix-huit romans et huit essais pour les deux prix qu’ils remettront, le 3 novembre, et qui sont toujours annoncés dans la foulée du prix Goncourt, sur les premières marches de l’escalier, conduisant aux salons privés du restaurant Drouant à Paris, où les membres du jury délibèrent.Lire aussi :Angot, Enard et Liberati sur la liste du prix GoncourtLa liste des romans sélectionnés pour le prix Renaudot est un peu plus originale et diversifiée que celle du Goncourt, rendue publique, jeudi 3 septembre. Elle comprend aussi trois titres de plus. Trois valeurs sûres de la rentrée figurent sur les deux listes : Delphine de Vigan, avec D’après une histoire vraie (JC Lattès), Simon Liberati, pour Eva (Stock) et Boualem Sansal, auteur de 2084 (Gallimard). Mais Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion) ne figure pas dans la sélection du Renaudot.Ils ont, en revanche, retenu La Septième fonction du langage, de Laurent Binet, prix du roman FNAC et boudé par les Goncourt. De même, ils ont choisi Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig, aussi publié chez Grasset.Outre le Delphine de Vigan, ce jury qui ne comprend qu’une femme, Dominique Bona, sur ses dix membres, n ’a repéré que deux romans écrits par des femmes : Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier) et Juste avant l’oubli, d’Alice Zeniter (Flammarion).Les Renaudot ont aussi distingué deux premiers romans : La Cache, du journaliste Christophe Boltanski (Stock) et Les Désœuvrés, d’Aram Kebadjian (Seuil).Plusieurs habitués des prix littérairesOn trouve aussi, dans la liste du Renaudot, plusieurs romanciers habitués des sélections des prix littéraires : Yves Bichet, avec L’Eté contraire (Mercure de France), Eric Holder, pour La Saison des bijoux et Cherif Madjalani, avec Villa des femmes, tous les deux au Seuil, Philippe Jaenada, présent avec La Petite Femelle (Julliard) et le belge Patrick Roegiers qui parle du frère d’un de ses illustres devanciers, L’autre Simenon (Grasset).Sont aussi retenus : Frank Maubert, avec Les uns contre les autres (Fayard), Jérôme Leroy, auteur de Jugan (La Table ronde) et Arnaud Leguern pour Adieu aux espadrilles (Le Rocher) Enfin, les jurés ont repêché un titre paru en mars, Ann, de Fabrice Guenier (Gallimard).Pour son prix Essais, le jury Renaudot a choisi deux titres parus à L’Iconoclaste qui fait, cette année, une rentrée très forte et originale : Il s’agit de Victor Hugo est mort, de Judith Perrignon et 1001 morceaux, de Jean-Michel Ribes. Ils ont aussi distingué La Piste Pasolini, de Pierre Adrian (Les Equateurs) et Retour à Duvert, de Gilles Sebhan (Le Dilettante).Serge Bramly est nommé pour La Transparence et le reflet (JC Lattès), ainsi que Patrick Besnier, auteur d’une biographie d’Heny de Régnier. Enfin, l’écrivain et dessinateur Frédéric Pajak est distingué pour Manifeste incertain 4 (Noir sur blanc) et Sony Labou Tansi clôt la sélection avec Encre, sueur, salive et sang (Seuil).Quinze maisons d’éditionDans ses sélections, le jury du Renaudot distingue quinze maisons d’éditions différentes, des traditionnelles Le Seuil (4 titres), Grasset (3 titres), Gallimard, Fayard, JC Lattès, Stock (2 titres), mais aussi des plus petites : L’Iconoclaste (2 titres), Les Equateurs, ou Le Dilettante, par exemple. En revanche, aucun titre d’Albin Michel ou d’Actes Sud ne figure dans les listes du Renaudot.Les deux prochaines sélections auront lieu les 6 et 27 octobre. En 2014, David Foenkinos avait été couronné pour Charlotte (Gallimard).Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.09.2015 à 06h48 • Mis à jour le09.09.2015 à 07h16 | Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean Birnbaum Les grands romans font effraction dans la langue. Ils s’y engouffrent, ils la chamboulent de l’intérieur, ils la relancent autrement. Forçant ses résistances, ils la contraignent à dire, sur le réel, quelque chose de nouveau. Quand cela arrive, on peut parler d’événement. Surgis au plus près de nos existences quotidiennes, ces textes-là éclairent le monde d’une lumière inédite. Parce qu’ils sont rares, il faut savoir en proclamer la valeur. Et parce qu’ils méritent qu’on les gratifie, en 2012, Le Monde a décidé de créer son propre prix littéraire.Ce prix, qui sera remis mercredi 9 septembre, est là pour témoigner de la longue histoire qui unit Le Monde, comme journal et comme collectif, au livre, comme objet et comme univers. Depuis toujours, ce compagnonnage est porté par une conviction partagée : il n’y a pas d’un côté l’actualité littéraire et de l’autre l’actualité tout court ; il y a des événements d’écriture comme il y a des événements politiques ou sociaux. Voilà pourquoi les délibérations du jury se déroulent dans la salle de conférence de votre quotidien, donc dans le lieu même où s’élaborent jour après jour les pages d’actualité les plus « chaudes » du journal.Voilà aussi pourquoi le jury de ce prix est composé non seulement de journalistes du « Monde des livres » (Raphaëlle Leyris, Florence Noiville, Macha Séry, Frédéric Potet et votre serviteur), mais aussi de rédactrices et de rédacteurs qui travaillent aux quatre coins du Monde : Clara Georges (Edition centrale), François Bougon (International), Raphaëlle Rérolle (supplément « Culture & idées »), Vincent Giret (Développement éditorial), Denis Cosnard (Economie) et, bien sûr, Jérôme Fenoglio, directeur du Monde et président du jury.Tout au long de l’été, les membres de ce jury ont lu une sélection de dix romans français signés Christine Angot, Laurent Binet, Lise Charles, Agnès Desarthe, Sophie Divry, Mathias Enard, Hédi Kaddour, Nicole Lapierre, Diane Meur, Delphine de Vigan. De cette riche sélection, il faudra couronner un texte et un seul. Le nom de son auteur(e) sera dévoilé le mercredi 9 septembre, en fin d’après-midi.Lire aussi :Prix littéraire du « Monde » : les 10 titres en liceJean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Bertrand Bissuel Le temps est venu de laisser plus de place aux syndicats de salariés et d’employeurs pour qu’ils définissent eux-mêmes certaines des règles applicables dans les entreprises. Tel est le sens du rapport qui sera remis, mercredi 9 septembre, à Manuel Valls par le conseiller d’Etat et ex-directeur général du travail (DGT) Jean-Denis Combrexelle.Ce document, dont Le Monde publie une version quasi définitive, répond à une commande que le premier ministre avait passé au début d’avril. M. Valls souhaitait que soit engagée « une réflexion nouvelle pour élargir la place de l’accord collectif dans notre droit du travail et la construction des normes sociales ».Lors de sa conférence de presse, lundi 7 septembre, François Hollande a déclaré que le gouvernement présenterait « dans les prochains mois » un projet de loi pour permettre « une meilleure adaptation du droit du travail à la réalité des entreprises ».Lire :Ce qu’il faut retenir de la conférence de presse de François HollandeLe rapport de M. Combrexelle servira « de base » à cette réforme, a-t-il ajouté. Les 44 préconisations de l’ancien DGT ouvrent des pistes qui bouleversent le rôle joué par le législateur et les partenaires sociaux.« Il est impératif et urgent de sortir d’une logique, devenue de plus en plus prégnante, où on oppose le droit à l’efficacité économique. »A court terme, c’est-à-dire dès 2016, il préconise de « développer la négociation collective » et d’« adapter, en conséquence, les dispositions du code du travail » autour de quatre « piliers », que sont le temps de travail, les salaires, l’emploi et les conditions de travail.Une plus grande place pour la négociation au sein de l’entrepriseL’objectif est de laisser une grande marge de manœuvre au patronat et aux représentants des salariés. Cette nouvelle architecture passe par une clarification entre ce qui relève de l’ordre public social et ce qui relève de la négociation.Resterait strictement encadré par la loi la garantie d’un socle minimal de droits qu’« il n’est pas question de modifier », comme la durée maximale de quarante-huit heures par semaine, le smic ou encore la protection de la santé.En revanche, il reviendrait aux branches de définir un « ordre public conventionnel qui s’applique à l’ensemble des entreprises du secteur » et qui soit « opposable, sous réserve du principe de faveur, à l’ensemble des accords d’entreprise. » Dans ce champ de la négociation entreraient les qualifications, les salaires minimaux, la prévoyance, la formation professionnelle et la pénibilité. Cela suppose, selon le rapport, d’accélérer le mouvement de réduction du nombre de branches, pour passer de 700 environ à une centaine au début des années 2020. Dans un délai de trois ans, toutes les branches qui représentent moins de 5 000 salariés pourraient ainsi être rattachées dans une convention collective d’accueil.Lire aussi :Faut-il brûler le code du travail ?« L’architecture du code du travail » revueAu chapitre du temps de travail, M. Combrexelle ouvre un débat potentiellement explosif sur l’opportunité de revoir, par la négociation, le « seuil de déclenchement » des heures supplémentaires. Aujourd’hui, au-delà de trente-cinq heures, la majoration peut être réduite à 10 % pour les huit premières heures par accord d’entreprise, mais cette souplesse reste peu utilisée, souligne-t-il. « La question posée serait de savoir s’il ne conviendrait pas d’aller au-delà et d’ouvrir la négociation, dans un cadre défini par la loi, sur le seuil de déclenchement lui-même », signale le rapport.Enfin d’ici à quatre ans, « l’architecture du code du travail » serait entièrement revue, afin de distinguer les dispositions s’imposant à tous – ce que les experts appellent « l’ordre public social » –, celles qui découlent de la négociation collective et celles dites « supplétives » – pour les entreprises qui n’ont pas conclu de marché.Dans ce rapport, M. Combrexelle insiste aussi sur l’importance du « jeu des acteurs » : les partenaires sociaux, écrit-il, « doivent se réformer profondément dans leurs pratiques et leurs modes de pensée », afin de lever le « manque de confiance » qui prévaut entre eux et qui « affecte gravement notre économie ». En d’autres termes, il les invite à prendre leurs responsabilités.Lire l’intégralité du rapport : Rapport CombrexelleBertrand BissuelJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Le monde aime la production audiovisuelle française ! En 2014, les ventes de programmes (fictions, documentaires, films d’animation, jeux) ont atteint 153,8 millions d’euros, soit une augmentation de 12,1 % par rapport à 2013. « Un record historique », a déclaré Mathieu Bejot, délégué général de TV France International (TVFI), en commentant ces chiffres publiés, mardi 8 septembre 2015, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et TVFI, lors du 21e « Rendez‐Vous », qui se tient à Biarritz du 6 au 10 septembre.Quelles sont les productions qui se vendent le plus ?Avec 38,9 millions d’euros (+ 49,3 % par rapport à 2013), c’est la fiction qui a opéré, l’an passé, la plus forte progression à l’exportation pour la quatrième année consécutive. Son volume de ventes dépasse désormais celui du documentaire (+13,2 % à 34,9 millions d’euros) et elle s’installe comme le deuxième genre le plus vendu.L’animation reste le genre le plus exporté, avec 45 millions d’euros, soit 29,2 % du total des ventes, même si le chiffre d’affaires à l’international fléchit légèrement (‐ 3,9 %).Les ventes de formats (fiction, jeux, variétés) sont aussi en hausse (+3,5 % à 22,8 millions).La fiction française progresse ainsi fortement à l’international : +49,3 % à 38,9 millions d’euros.« C’est un mouvement de fond pour la fiction française, explique M. Bejot. Cette accélération a été importante en raison du tournage de nombreuses fictions en langue anglaise et grâce à la diversité des téléfilms et des séries. »Qui achète ?Les chaînes les plus consommatrices de programmes audiovisuels français sont celles d’Europe de l’Ouest (+7,8 %) et d’Amérique du Nord (+34,2 %).La fictionEn 2014, les ventes de fiction française à l’international enregistrent une forte progression (+49,3 % à 38,9 millions d’euros).L’Europe de l’Ouest confirme son statut de première zone d’exportation de fiction française avec une part de 60,5 % en 2014, contre 55,2 % en 2013. La zone germanophone devient le premier acheteur de fiction française devant la Belgique. Ainsi, les ventes de fiction sont multipliées par quatre à l’image de « Profilage » (54 x 52’) vendue par TF1 International aux allemands de ProSiebenSat.1 ou « Les Revenants » (8 x 52’) vendue à Super RTL.Les chaînes belges conservent leur appétence pour les programmes de fiction française comme la saison 3 de « Soda » (244 x 22’) qui a été vendue à RTL Belgique. A noter aussi la percée régulière de la fiction française sur le territoire anglo‐saxon à l’image de la vente de « Les Témoins » (6 x 52’) à Channel 4. Les ventes de fiction française en Amérique du Nord progressent fortement de 106,1 % pour atteindre 5,9 millions d’euros en 2014. Les Etats‐Unis sont particulièrement actifs (+209,1 %).La production de séries françaises en langue anglaise permet d’offrir des débouchés à la production de fictions telles que « Taxi Brooklyn » (12x45’– EuropaCorp TV) vendue à NBC. Les ventes concernent aussi des séries de catalogue comme « Maigret » (54 x 90’– Meska Productions) vendue à MHz Networks ou encore « Les Témoins » (6 x 52’– Cinétévé) vendue à Netflix.Le documentaireLes ventes de documentaire français à l’international augmentent de 13,2 % pour atteindre 34,9 millions d’euros en 2014. Le genre capte 22,7 % des recettes, contre 22,5 % en 2013. Les documentaires d’investigation sont très demandés.Les programmes unitaires historiques de prestige avec des moyens techniques innovants sont également prisés à l’image du Dernier Gaulois distribué par FranceTV distribution qui mixe animation 3D et prise de vue en extérieur.Les ventes de documentaires en Amérique du Nord augmentent fortement de 72,7 % à 7,7 millions d’euros en 2014 ainsi qu’en Asie, avec une progression de 9,4 % pour atteindre 5,1 millions d’euros en 2014.L’animationEn 2014, les ventes de programmes français d’animation à l’étranger diminuent après cinq années de hausse consécutive à 45 millions d’euros (‐3,9 % par rapport à 2013). La part du genre atteint 29,3 % des ventes totales. Bien qu’en baisse, le niveau de chiffre d’affaires de l’animation française reste à son deuxième meilleur niveau depuis dix ans après une année 2013 record.Les formats de 22 minutes et 26 minutes sont de moins en moins sollicités au profit de formats courts (7, 11 ou 13 minutes) plus en phase avec les nouveaux modes de consommation des enfants. « Les réseaux et les grandes chaînes jeunesse américaines (Cartoon Network, Disney…) se tournent régulièrement vers les programmes d’animation français à l’image de Spark ou NBC Kids », souligne l’étude. Ces dernières ont acheté « Zou » (104 x 11'), les « Lapins Crétins » (78 x 71') vendu par FranceTV distribution ou « Sally Bollywood » (104 x 13').Les formatsLes ventes de formats français (fiction, jeux et variétés) à l’étranger continuent leur croissance (+3,5 %), passant de 22,1 millions d’euros en 2013 à 22,8 millions en 2014. Le marché reste en progression et continue à séduire de nouveaux territoires : le Royaume‐Uni, la Belgique, l’Espagne et l’Italie renouvellent leurs achats.Le jeu et le divertissement sont traditionnellement recherchés, aussi bien des valeurs sûres comme « Des chiffres et des lettres » (France TV distribution) ou « Fort Boyard » (ALP), mais aussi des nouvelles écritures comme « Slam » (Effervescence Productions, vendu par Can’t Stop Media) vendu en Slovénie ou « Run & Buzz », vendu par Newen Distribution en Turquie, en Espagne, au Benelux et en Russie. Les émissions de divertissement portent aussi le marché comme « Les Enfants de la télé » vendue par Endemol.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet A partir de novembre, Sotheby’s dispersera aux enchères la collection de son ancien propriétaire et président, Alfred Taubman, décédé en avril. Et il ne s’agira rien de moins que de la plus importante collection privée jamais mise en vente.Une collection pléthorique découpée par époquesComme l’a annoncé le 3 septembre la maison de ventes, la dispersion sera répartie en plusieurs sessions cet automne et cet hiver à New York, avec une première vente dédiée aux « chefs-d’œuvres », le 4 novembre, une deuxième à l’art moderne et contemporain, le 5 novembre et une troisième à l’art américain, le 18 novembre. Une dernière vente, consacrée aux maîtres anciens, sera organisée le 27 janvier 2016.Sotheby’s donnera davantage de détails sur le contenu de ces ventes dans le courant du mois de septembre. Ce que l’on sait de la première promet déjà des records. Trois œuvres sont, en effet, estimées entre 25 et 35 millions chacune : Femme assise sur une chaise (1938), de Pablo Picasso, Untitled XXI (1976), de Willem de Kooning, et Portrait de Paulette Jourdain (1919), d’Amedeo Modigliani. Deux œuvres de Mark Rothko sont, par ailleurs, estimées entre 20 et 30 millions de dollars : Untitled (Lavender and Green) (1952) et N°6/Sienna, Orange on Wine (1962).L’ensemble de la collection mise en vente, qui comprend plus de 500 œuvres datant de l’antiquité à nos jours (Albrecht Dürer, Raphaël, Winslow Homer, Charles Burchfield, Egon Schiele, Jackson Pollock, Frank Stella…) est estimée à 500 millions de dollars (près de 450 millions d’euros). Elle devrait sans peine surpasser le précédent record établi par la vente Saint Laurent-Bergé par Christie’s, à Paris, en février 2009. A l’époque qualifiée de « vente du siècle », la dispersion de 730 lots, dont une trentaine de chefs-d’œuvres, avait rapporté 374 millions d’euros (dont deux bronzes chinois controversés, à 31 millions d’euros, qui n’avaient pas été payés).L’exposition des œuvres mises en vente débutera à New York à la fin octobre.La question des œuvres prêtées à DetroitParmi les pièces mises en vente figurent celles que le collectionneur avait prêtées à long terme au Detroit Institute of Arts (DIA). Si le musée reste discret sur les œuvres en question, le Detroit Free Press précise qu’il s’agit de huit peintures. Selon le Detroit News, sept d’entre elles sont des peintures baroques, dont Musical Company (1661), du peintre hollandais Hendrick Maertensz Sorgh.Le DIA fut au centre d’un débat passionné en 2014, alors que la ville de Detroit était en situation de banqueroute. La question de la vente de cette riche collection municipale fut posée. Finalement, une levée de fonds de 800 millions de dollars auprès de fondations, de grandes entreprises et de l’Etat du Michigan, appelée le « Grand Bargain », avait permis de sauver ce trésor artistique, constitué en grande partie grâce à des dons de collectionneurs de la ville.Lire : Les œuvres d’art de Detroit hypothéquées contre 3 milliards de dollars ? et Les constructeurs automobiles s’unissent pour sauver la collection d’art de DetroitSi Alfred Taubman avait seulement prêté ces œuvres à long terme, il avait, par ailleurs, fait des dons au musée, rappelle le Detroit News, notamment Small Landscape with Garden Door, de Paul Klee, une chaise de Charles Rennie Mackintosh et une sculpture de Raymond Duchamp-Villon, The Great Horse, installée en extérieur.Qui était A. Alfred Taubman ?Architecte de formation, cet entrepreneur du Michigan avait fait fortune en construisant des centres commerciaux dès les années 1950. Selon le site du Forbes Magazine, l’ensemble de ses actifs est estimé à 3,1 milliards de dollars (plus de 2,7 milliards d’euros).Collectionneur d’art passionné et avisé, il avait réparti sa large collection entre ses résidences, par catégories, rapporte le Detroit News : le modernisme dans sa maison contemporaine de la banlieue de Detroit, l’art britannique dans un appartement classique de Mayfair à Londres, les peintures de maîtres anciens à Palm Beach, et les dessins des maîtres anciens, ainsi que l’impressionnisme, dans sa résidence new-yorkaise.L’homme d’affaires a eu un rôle culturel et philanthropique important aux Etats-Unis tout au long de sa vie. Ses dons, qui s’élèvent à plusieurs centaines de millions, concernent les arts, l’éducation et la recherche médicale (sur les cellules souches ou la maladie de Charcot).Il est à l’origine du développement de Sotheby’s, maison de ventes qu’il avait rachetée en 1983. En 2002, il fut condamné pour entente illicite avec son concurrent, Christie’s, et purgea une peine de dix mois de prison, assortie d’une amende de 7,5 millions de dollars, même s’il a toujours clamé son innocence dans cette affaire. Sa famille n’est plus actionnaire majoritaire de la maison de ventes depuis 2005.L’homme d’affaires est décédé le 17 avril d’une crise cardiaque à son domicile du Michigan, à l’âge de 91 ans. Le produit des ventes aux enchères de sa collection d’art sera utilisé pour régler les frais de succession et financer la Fondation A. Alfred Taubman, qui poursuivra son travail philanthropique, a annoncé sa famille.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Triste début de saison pour l’Opéra de Paris qui vient de voir l’annulation de ses deux spectacles d’ouverture coup sur coup. Il s’agit certes de reprises – la production de Madama Butterfly, de Puccini, mise en scène de Bob Wilson, qui devait débuter samedi 5 septembre à l’Opéra Bastille, et celle de Platée, de Rameau, signée Laurent Pelly, sous la direction de Marc Minkowski, programmée lundi 7 septembre au Palais Garnier.Le préavis de grève avait été déposé le 9 juillet par le syndicat de la fonction publique FSU. Il concerne les six premières productions de la nouvelle saison de Stéphane Lissner (elle pourrait donc toucher le très attendu Moïse et Aaron, de Schoenberg par Romeo Castellucci, le 17 octobre). Le différend porte sur le doublement d’une prime de modulation et de variabilité horaires des techniciens et son intégration dans le calcul des retraites.Vendredi 4 septembre, la négociation entre les syndicats et la direction menée jusque dans l’après-midi n’ayant pas permis de lever l’appel à la grève, la direction de l’Opéra de Paris avait pris les devants en annulant le spectacle « sans attendre le dernier moment, par respect pour le public et pour toutes les équipes de l’établissement » (communiqué à l’AFP).Le 5 septembre, la répétition générale de Platée avait eu lieu normalement. Une nouvelle réunion de concertation s’est tenue, lundi 7 septembre au matin, entre les délégués syndicaux de la FSU et la direction. Mais « les propositions de la direction d’une revalorisation sur trois ans de la prime adressées par écrit dès la fin de cette réunion » n’ont pas empêché les salariés des équipes techniques du Palais Garnier de voter la grève à leur prise de service. La direction a annoncé son intention de poursuivre le dialogue avec une nouvelle rencontre prévue mardi 8 septembre.Période de rigueurCe n’est peut-être pas tout à fait un hasard si cette grève éclate au moment où le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, après une première année de transition où il a dû gérer la dernière saison de son prédécesseur, Nicolas Joel, présente sa première vraie programmation.L’ex-surintendant de La Scala de Milan a la réputation d’être un bon gestionnaire habile à la négociation (il a gagné ses galons de grand patron en 2003 au Festival d’Aix-en-Provence lors du conflit des intermittents du spectacle). Mais l’Opéra de Paris, qui possède deux maisons et compte quelque 2 000 salariés (1 500 emplois CDI et 329 CDD en 2014), doit faire face, lui aussi, à une période de rigueur (baisse des subventions).A l’heure où moult projets innovants tentent d’apporter un coup de jeune à l’Opéra de Paris (lancement d’une nouvelle Académie pour former aux métiers de l’opéra et du ballet, création très médiatisée d’une « troisième scène » numérique en direction d’un nouveau public via Internet), le conflit des techniciens semble renouer avec de vieux démons corporatistes. Sur les réseaux sociaux, on parle de sabotage.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Les musées font leur rentrée. Peinture, photographie, histoire(s) : voici une première sélection de grandes expositions parisiennes à ne pas manquer.« Osiris, mystères engloutis d’Egypte » à l’Institut du monde arabe Les mystères d’Osiris, célébrations initiatiques de vingt et un jours, honoraient la légende fondatrice de l’Egypte : celle d’Osiris, fils de la Terre et du Ciel, tué par son frère Seth, qui démembra son corps et en jeta les morceaux dans le Nil ; Isis, sœur-épouse d’Osiris, le reconstitua et lui rendit la vie avant de concevoir leurs fils, Horus, qui eut l’Egypte en héritage. L’Institut européen d’archéologie sous-marine a découvert près d’Alexandrie, dans deux cités submergées depuis le VIIIe siècle, de nombreux témoignages archéologiques de ces rituels, auxquels l’exposition proposera d’« initier » les visiteurs.« Osiris, mystères engloutis d’Egypte » à l’Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e. De 10,50 euros à 15,50 euros. Du 8 septembre 2015 au 31 janvier 2016.« Villa Flora, les temps enchantés » au Musée Marmottan-Monet Entre 1905 et 1936, le couple de collectionneurs suisses Arthur et Hedy Hahnloser-Bühler se passionne pour le mouvement nabi et le fauvisme, muant la Villa Flora, sa demeure de Winterthur, en un lieu de rencontre et de création pour les artistes de leur temps. Toiles, dessins ou sculptures de Pierre Bonnard, Paul Cézanne, Giovanni Giacometti, Ferdinand Hodler, Aristide Maillol, Edouard Manet, Henri-Charles Manguin, Albert Marquet, Henri Matisse, Odilon Redon, Pierre-Auguste Renoir, Félix-Edouard Vallotton, Vincent van Gogh ou Edouard Vuillard : un ensemble de soixante-quinze œuvres de leur exceptionnelle collection, témoin d’une époque, est montré pour la première fois en France.« Villa Flora, les temps enchantés » au Musée Marmottan-Monet, 2, rue Louis-Boilly, Paris 6e. De 6,50 euros à 11 euros. Du 10 septembre 2015 au 7 février 2016.« Florence, portraits à la cour des Médicis : Bronzino, Salviati, Pontormo » au Musée Jacquemart-André Au XVIe siècle à Florence, l’art du portrait, qui se fait miroir des mutations politiques et culturelles de la ville, connaît un âge d’or. Austérité de la période républicaine du début du Cinquecento, représentations héroïques lors des conflits amenant les Médicis à prendre le pouvoir sur Florence, en 1530, puis portraits de cour et d’artistes : le genre fut plébiscité par l’élite florentine. A travers une quarantaine d’œuvres, l’exposition s’intéresse à la façon dont les grands portraitistes de la ville ont expérimenté de nouvelles manières de représenter leurs contemporains, tandis que les modèles projetaient, à travers ces représentations, leur statut social aussi bien que leurs valeurs et aspirations, dans des mises en scène riches en symboles et en références.« Florence, portraits à la cour des Médicis » au Musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, Paris 8e. De 10 euros à 15 euros. Du 11 septembre au 25 janvier 2016.« Fragonard amoureux, galant et libertin » au Musée du Luxembourg Mettre en lumière l’œuvre de Fragonard à travers le prisme amoureux, c’est montrer toute l’étendue des approches de l’artiste sur la question : des compositions champêtres de ses débuts jusqu’aux allégories amoureuses de la fin de sa carrière, ses œuvres recèlent, sur près de cinq décennies, des scènes sensuelles, galantes, libertines, voire polissonnes, comme de délicates explorations du sentiment amoureux. Cet inlassable approfondissement de la thématique par l’artiste est présenté à travers une sélection de plus de quatre-vingts œuvres célèbres ou plus confidentielles, mises en regard avec les créations de ses contemporains, peintres ou écrivains qui ont nourri son inspiration et ses réflexions.« Fragonard amoureux, galant et libertin » au Musée du Luxembourg, 19, rue de Vaugirard, Paris 6e. De 7,50 euros à 12 euros. Du 16 septembre 2015 au 24 janvier 2016.« Take Me (I’m Yours) » à la Monnaie de Paris Après la « Chocolate Factory » de Paul McCarthy et le « Musée d’Art moderne » de Marcel Broodthaers, la Monnaie de Paris se lance dans un nouveau pari : reprendre une exposition imaginée par l’artiste Christian Boltanski et le critique d’art Hans Ulrich Obrist en 1995 à la Serpentine Gallery de Londres. Le duo est convié à renouveler cette expérience collective, participative et évolutive qui bouscule et interroge les rapports entre l’art et son public. Les visiteurs sont ainsi invités à manipuler et à emporter avec eux projets et idées de la trentaine d’artistes internationaux participants. Une dizaine étaient déjà de la partie il y a vingt ans (Gilbert & George, Douglas Gordon, Carsten Höller, Fabrice Hyber, Wolfgang Tillmans…). Ils sont rejoints par Philippe Parreno, Bertrand Lavier, Rirkrit Tiravanija ou encore Yoko Ono.« Take me (I’m Yours) » à la Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, Paris 6e. De 8 euros à 12 euros. Du 16 septembre au 8 novembre.« Une brève histoire de l’avenir » au Louvre Le livre de Jacques Attali Une brève histoire du monde (Fayard, 2006) a inspiré deux expositions complémentaires et concomitantes, à Paris et à Bruxelles, cet automne. Celle du Louvre choisit de faire dialoguer des œuvres de toutes les époques susceptibles d’éclairer notre regard sur l’avenir. Les arts, comme les sciences, sont convoqués pour repenser l’avenir à travers les civilisations ou les sociétés disparues, leurs moments d’avancée ou d’échec. Le parcours, rythmé par quatre grands ensembles (l’ordonnancement du monde, les grands empires, l’élargissement du monde et le monde d’aujourd’hui), rassemble quelque deux cents œuvres anciennes ainsi que des commandes, notamment à Chéri Samba, Ai Weiwei ou Camille Henrot. A Bruxelles, les Musées royaux de Belgique proposent une approche plus prospective, articulée autour de grandes questions sociétales, à l’échéance 2050.« Une brève histoire de l’avenir » au Louvre, Paris 1er. Entrée : 15 euros. Du 24 septembre 2015 au 4 janvier 2016.« 2050 : une brève histoire de l’avenir », aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 3, rue de la Régence, Bruxelles. De 8 euros à 14,50 euros. Du 11 septembre au 24 janvier 2016.« Splendeurs et misères, images de la prostitution, 1850-1910 » au Musée d’Orsay Pendant le Second Empire, puis à la Belle Epoque, la prostitution devint un phénomène imprégnant toutes les strates de la société parisienne. En observateurs de leur temps, peintres, écrivains et photographes ont rendu compte des multiples facettes de cette réalité sociale sulfureuse qui a nourri leur imagination et qui occupera une place centrale dans le développement de la peinture moderne. De l’univers des maisons closes, lieu de sociabilité comme de fantasme, à l’espace public où, sur les boulevards, au théâtre ou à l’opéra, les codes se font plus ambigus ; des simples brasseries et cafés-concerts au sommet social de ces pratiques avec les courtisanes, ou cocottes, femmes fatales entretenues qui sont elles-mêmes les clientes des artistes, à qui elles commandent leurs portraits.« Splendeurs et misères, images de la prostitution, 1850-1910 » au Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’Honneur, Paris 7e. De 8,50 euros à 11 euros. Du 22 septembre au 17 janvier 2016.« Elisabeth Louise Vigée Le Brun » au Grand Palais Portraitiste de renom, Elisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842) a traversé les soubresauts de l’histoire de France, de l’Ancien Régime à l’Empire. Cette première grande rétrospective qui lui est consacrée choisit d’appréhender au plus près son parcours hors du commun. Si le fait d’être une femme l’a empêchée d’élargir son champ au grand genre de son époque, la peinture d’histoire, sa détermination à dépasser les contraintes l’a amenée à renouveler l’art du portrait de façon très personnelle. Sa clientèle, d’abord bourgeoise, s’est étendue jusqu’à la cour et à Marie-Antoinette elle-même. La Révolution la poussera à l’exil. Elle vivra en Italie, en Autriche, en Russie, en Angleterre et en Suisse avant de rentrer à Paris. Au total, cent cinquante œuvres seront présentées dans cette exposition, qui voyagera au Metropolitan Museum de New York et au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa.« Elisabeth Louise Vigée Le Brun » au Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris 8e. De 9 euros à 13 euros. Du 23 septembre 2015 au 11 janvier 2016.« Dominique Gonzalez-Foerster, 1887-2058 » au Centre Pompidou Une exposition labyrinthique pour une biographie énigmatique. « Dominique Gonzalez-Foerster, 1887-2058 », la rétrospective prospective que le Centre Pompidou consacre à l’artiste française contemporaine (née en 1965), présente une trentaine d’œuvres, aussi bien en intérieur qu’en extérieur, et autant d’environnements plongeant les visiteurs de la fin du XIXe siècle jusque dans le futur, à travers des paysages ou des intérieurs tour à tour théâtraux, ludiques, introspectifs ou dystopiques. Des réalités parallèles, superposition de temps et d’espaces, traversés par des apparitions cinématographiques, littéraires et scientifiques. L’œuvre de l’artiste pourra s’y lire comme un portrait où il est tout autant question d’identité que de sensations, de fictions en suspens et de mémoires ouvertes.« Dominique Gonzalez-Foerster, 1887-2058 » au Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, Paris 4e. De 11 euros à 14 euros. Du 23 septembre 2015 au 1er février 2016.« Wifredo Lam » au Centre Pompidou Le Centre Pompidou consacre une rétrospective au Cubain Wifredo Lam (1902-1982), qui a occupé une place singulière dans l’art du XXe siècle, et dont l’œuvre complexe s’est inventée et articulée entre divers espaces géographiques et culturels, troublant parfois sa réception. Né d’un père chinois et d’une mère mulâtre descendante d’esclaves et d’Espagnols, le peintre est parti se former en Espagne, pays qu’il devra fuir pendant la guerre civile pour Paris, où il sera encouragé par Picasso, Michel Leiris et André Breton. L’Occupation le poussera à nouveau à partir, d’abord pour Marseille, puis vers Cuba après vingt années passées en Europe. L’artiste vivra mal ce retour forcé dans son pays natal, dominé par la corruption et la misère, et c’est dans un contexte de résistance culturelle aux dictatures comme à l’américanisation que ses rencontres à Cuba, aux Antilles et en Haïti lui feront redécouvrir la culture afro-cubaine qui nourrira son œuvre à partir des années 1940.« Wilfredo Lam » au Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, Paris 4e. De 11 euros à 14 euros. Du 30 septembre 2015 au 15 février 2016.Mais aussi…Parmi les actualités de septembre, noter aussi l’exposition consacrée au photographe canadien Jeff Wall, « Jeff Wall – Smaller Pictures » à la Fondation Cartier-Bresson (du 9 septembre au 20 décembre), l’invitation faite à l’artiste français Julien Prévieux, Prix Marcel-Duchamp 2014, par le Centre Pompidou, intitulée « L’histoire de la capture des mouvements » (du 23 septembre 2015 au 1er février 2016), l’exposition consacrée au travail du photojournaliste Jean-Pierre Laffont, « Tumultueuse Amérique », à la Maison européenne de la photographie (du 2 septembre au 31 octobre), ou encore « Chefs-d’œuvre d’Afrique », au Musée Dapper (du 30 septembre 2015 au 17 juillet 2016).Ce mois de septembre est aussi marqué par une réouverture à Paris, celle du Musée Rodin, après trois ans de travaux.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin A Palmyre, en Syrie, trois des principales tours funéraires de la vallée des tombeaux de la cité antique, datant du premier siècle de notre ère, ont été détruites par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), comme le montrent les images satellites.Il s’agit des tombeaux des familles les plus riches parmi les grandes tribus qui contrôlaient le commerce caravanier, entre l’Euphrate et la Méditerranée. Les soies, coton, pierres précieuses, parfums, encens, provenant de Chine, d’Inde, de Perse, d’Arabie, étaient très prisés à Rome. Ces familles, dont les noms figurent sur les tours, finançaient les caravanes de centaines de dromadaires pour convoyer ces biens.Les hautes tours, en pierre de taille, visées sont les plus complètes et les plus décorées, avec leurs plafonds peints en guise de voûte céleste et leurs scènes de banquets animées par les bustes sculptés des défunts. Il s’agit des tours Elahbel, Jamblique et Khitôt, sur laquelle le patriarche est représenté avec sa femme et ses deux enfants. Jusqu’à cinq générations étaient réunies, dans chacune des tours-tombeaux, sur quatre étages, chacun pouvant contenir une quarantaine de défunts.L’opération de destruction radicale des vestiges de l’un des joyaux du Proche-Orient par l’EI suit son cours. Après la décapitation en place publique de l’ancien directeur du site archéologique, Khaled Al-Asaad, les destruction des temples de Baal (ou Bêl) et de Baalshamin, ce sont les tours funéraires ornées qui ont été rasées, sans doute à l’explosif.Lire aussi :A Palmyre, la destruction du temple de Baal est un crime de guerre intolérable pour l’UnescoLire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot (Perpignan, envoyée spéciale) et Emmanuelle Jardonnet A Perpignan, où sont réunis, jusqu’au 13 septembre, les photojournalistes de la planète pour le festival Visa pour l’image, l’emballement mondial dans la presse et les réseaux sociaux autour de la photo du petit Syrien noyé, Aylan Kurdi, a pris beaucoup de gens par surprise. Et en particulier, les photographes qui travaillent sur le sujet des migrants, pour qui cette image d’un enfant noyé n’est ni choquante ni extraordinaire, malheureusement.Lire aussi :« J’aimerais vraiment que ma photo puisse aider à changer le cours des choses »Giulio Piscitelli, qui expose à Visa des images sur « l’immigration et l’Europe-forteresse » qu’il a réunies pendant quatre ans dans une dizaine de pays, s’étonne : « J’ai vu des photos de corps sur la plage en Libye, dont des enfants, la semaine dernière encore. Pourquoi celle-ci ? Je ne sais pas, mais si, au milieu de la boulimie d’images actuelle, une photo peut éveiller les consciences, c’est tant mieux. »« Un enfant seul »Olivier Jobard, connu pour son travail de longue haleine sur les migrations, s’interroge aussi : « L’île de Kos a été le spot de l’été pour beaucoup de photographes, personne ne réagissait… peut-être que le sujet a mûri, tout simplement. » Ce photographe s’applique, depuis longtemps, à incarner ces histoires de migrations à travers des individus – comme ces cinq jeunes Afghans qu’il a accompagnés dans leur périple pendant quatre mois et qui font aujourd’hui l’objet d’un livre, Kotchok (Ed. Robert Laffont). « Mon idée est toujours de sortir les gens de la masse et de les individualiser. Cette image y est sans doute parvenue, en montrant un enfant seul, pas dans un bateau du style Radeau de la méduse, qui déborde de gens. » Ce sont plutôt les éditeurs photo et les iconographes qui reconnaissent le pouvoir émotionnel et symbolique de l’image. Olivier Laurent, qui dirige Lightbox, le site de photographie lié au magazine Time, l’a sélectionnée dans sa liste des photos les plus influentes de l’année. « La force de cette image, c’est l’innocence qu’elle dégage, dit-il. L’enfant semble dormir, il n’y a pas de violence apparente. Pour les gens qui la regardent, chez eux, ça pourrait être leur propre enfant qui dort dans son lit ».« Une émotion puissante »Dans une agence, une rédactrice photo renchérit : « Dès que je l’ai vue, j’ai été choquée. Je pense que si elle est si touchante pour les gens, en Europe, c’est que l’identification marche à plein : il a une culotte courte, des petits souliers, et aussi, il ne faut pas être hypocrite, il a la peau claire. C’est le “Petit Prince”… ».En Grande-Bretagne, pour la chef du service photo de The Independent, Sophie Batterbury, qui a publié l’image, la photo « est si simple et dit tant de choses. Il n’y a pas besoin d’explications, de légende, elle n’est pas équivoque. Et le corps de ce petit garçon n’a pas été abîmé, tout est presque normal, sauf qu’il est échoué sur une plage déserte, sans sa famille, la tête simplement posée sur le sable. Ce contraste crée une émotion puissante. Le cadrage, qui montre l’immensité de la plage nous montre à quel point il est jeune, petit et seul ». « Cette photo est nécessaire »Fallait-il montrer cette image, que peu de journaux, en France, ont décidé de publier en première page, la jugeant trop choquante ? Pour Jean-Francois Leroy, directeur du festival Visa pour l’image, qui l’a montrée lors d’une projection, mercredi 2 septembre au soir, après un débat avec son équipe, cela ne fait aucun doute. « Ce n’est pas la photo qui est dure, c’est la réalité qui est épouvantable. On a vu des corps de réfugiés en train de pourrir dans un camion, c’était beaucoup plus violent. Il faut arrêter de se voiler la face. Cette photo est nécessaire. »Lire aussi :Réfugiés : une photo pour ouvrir les yeuxEn Grande-Bretagne, le journal The Independent l’a mise en très grand sur sa Une, avec une légende accusatrice. « Ce n’est pas une décision qui a été prise a la légère, explique Sophie Batterbury. Et c’est une photo si forte qu’elle a impliqué pour nous de lui donner toute la place. Il n’y avait pas de demi-mesure possible. Cela correspondait aussi à notre sentiment : il faut faire quelque chose face à ce drame humain ».L’enthousiasme extrême des réseaux sociaux pour cette image plonge cependant pas mal de photographes dans la perplexité. « Est-ce qu’une photo est vraiment capable de changer les opinions durablement ?, s’interroge Olivier Jobard. Ce sont les mêmes tabloïds anglais, qui ont vomi sur l’invasion des migrants, qui publient maintenant cette photo, en misant sur l’émotion facile. Je ne sais pas si cette image va marquer, ou si l’effet retombera comme un soufflé ».Certains, à Perpignan, font le lien avec la photo de la petite fille brûlée par le napalm au Vietnam, faite en 1972 par Nick Ut. Mais Sophie Batterbury doute que l’image d’Aylan Kurdi devienne une icône : « Aujourd’hui, il y a tellement de photographies produites chaque jour qu’il y a moins de photos iconiques, qui symbolisent tout un moment. C’est l’époque qui veut ça. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteClaire Guillot (Perpignan, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.09.2015 à 06h53 • Mis à jour le04.09.2015 à 07h14 Avec du jazz à La Villette, une journée Maroc aux portes de Paris, et un voyage napolitain au Parc floral, la rentrée se fait en musique.UN FESTIVAL : la journée Maroc au Festival d’Ile-de-France L’ouverture, dimanche 6 septembre, du Festival d’Ile-de-France au Domaine de Villarceaux, à Chaussy (Val-d’Oise) sera marocaine et joyeuse, avec 5 scènes, 50 artistes et 10 concerts. On doit y retrouver en particulier Najat Aâtabou, la star du châabi, la chanson populaire. Surnommée « la lionne de l’Atlas », elle a publié son premier album à succès en 1980, intitulé J’en ai marre. On ne l’avait pas vue en France depuis un certain temps, et retrouver celle qui traduit en chansons les milliers de lettres de confidence (adultères, mensonges, révoltes…) qu’elle reçoit est un plaisir.Eclectique, le festival francilien programme également la chanteuse Tétouan Zainab Afailal, chanteuse de style arabo-andalou, la musique classique maghrébine. Un genre qui trouve son origine dans le royaume du sud de l’Espagne Al-Andalous, un territoire à retrouver le 11 septembre au Musée de Cluny, à Paris, pour une création, La Reconquista par l’ensemble espagnol Accademia del Piacere. A Villarceaux, il y aura aussi des Gnawas du sud, du jazz, et du hip-hop avec Mobydick ou N3rdistan, qui mélange la poésie classique au rap de la rue. Véronique MortaigneJournée Maroc au Festival d’Ile-de-France, Domaine de Villarceaux, à Chaussy (Val-d’Oise). Dimanche 6 septembre, à partir de 12 h 30. De 6 à 12 euros. Tél. : 01 58 71 01 01.DU THEATRE ET DU CINEMA : Un nouveau festival à Villerville Quoi de mieux qu’une nouveauté en cette période de rentrée ? Villerville (Calvados), à quelques kilomètres de Deauville, lance la première édition de son festival. Dans cette station balnéaire où fut tourné Un singe en hiver, le film d’Henri Verneuil, de jeunes troupes donnent rendez-vous, du 4 au 6 septembre, pour présenter leurs créations. Elles travaillent dans le même esprit qu’au festival de Villeréal (Lot-et-Garonne), en prenant le temps et en associant les habitants.Les artistes, en résidence depuis mi-août, vont jouer trois spectacles : L’Ogre et l’enfant, par la compagnie Pôle Nord, La Mort de Danton, de Georg Büchner, mise en scène par Yann Lheureux, et Comme tout le monde…, de Camille Pélicier et Iris Trystram. Il y aura aussi un spectacle de cirque invité : Chute, par Matthieu Gary et Sidney Pin, une conférence-spectacle sur la sexualité des orchidées, une sélection de courts-métrages et une conférence de Youcef Bouabdallah sur l’économie alternative… De quoi se nourrir de découvertes et se distraire le soir, en musique, à des tarifs ouverts à tous (8 € et 5 €). Brigitte SalinoFestival de Villerville, du 4 au 6 septembre. Tél. : 02 31 87 77 76.DU JAZZ : Hugh Coltman chante Nat King Cole au festival Jazz à La VilletteAprès une carrière internationale avec une formation de blues réputée, The Hoax, dans les années 1990, l’Anglais Hugh Coltman est venu s’installer aux portes de Paris. Le chanteur et harmoniciste a depuis exploré le hip-hop, le folk-rock, la soul, la pop, l’électro… et dorénavant le jazz avec une évocation du chanteur Nat King Cole. Au répertoire, quelques succès du crooner américain mort en 1965, interprète de romances indémodables (dont Nature Boy ou Mona Lisa) mais surtout des chansons moins connues. Cela a donné quelques concerts de pleine émotion, avant la parution récente d’un disque de grande tenue, Shadows, Songs of Nat King Cole (La Planque-Okeh/Sony Music). Et, dorénavant une tournée au long cours, dont un passage inaugural à la Cité de la musique, à Paris, au festival Jazz à La Villette, samedi 5 septembre. Avec Thomas Naim, à la guitare, Gaël Rakotondrabe au piano, Laurent Vernerey à la contrebasse et Raphaël Chassin à la batterie. Sylvain SiclierConcert à la Cité de la musique, parc de La Villette, samedi 5 septembre, à 16 h 30 lors du festival Jazz à la Villette. De 18 à 33 euros.DU CLASSIQUE : Voyage à Naples et un rien d’éternité avec Classique au vert Organisé depuis le 1er août et jusqu’au 13 septembre, dans l’enceinte du Parc floral de Paris, au bois de Vincennes, le festival Classique au vert, propose, chaque fin de semaine, un programme varié de musique classique. Et cela en plein air, au pavillon Delta, vaste scène protégée devant laquelle peuvent se présenter environ 1 500 spectateurs. Après notamment des évocations du Brésil en duo piano (Hélio Vida) et voix (Rodrigo Ferreira), une virée dans les styles et les genres, de Monteverdi à Ellington, avec la formation vocale Voces8, un programme Brahms et Schumann, l’exploration de musiques sacrées et traditionnelles de l’Arménie, une « Odyssée beethovénienne », intégrale des concertos pour piano, le sixième des sept rendez-vous du festival annonce deux thématiques. La première « Viaggio a Napoli » avec le dynamique ensemble Les Paladins mené par Jérôme Correas, pour découvrir près de trois siècles de musique napolitaine, aussi bien de la musique de cour que celle née dans la rue. La seconde, sous le nom d’« Eternity » mêlera Dvorak et Schubert, avec le quatuor à cordes Hermès et la violoncelliste Emmanuelle Bertrand.Festival Classique au vert, au Parc floral, jardin botanique de la Ville de Paris, esplanade Saint-Louis, devant le Château de Vincennes et avenue de la Pyramide. Métro Château-de-Vincennes. Samedi 5 et dimanche 6 septembre, à 16 heures. Accès aux concerts gratuits après acquittement du droit d’entrée au parc, de 3 à 6 euros. 03.09.2015 à 18h36 • Mis à jour le04.09.2015 à 08h16 | Alain Beuve-Méry Pour l’édition, l’été s’est plutôt bien passé et les librairies françaises affichent même une progression de leurs chiffres d’affaires de 3,3 % depuis le début de l’année. Ceci est plutôt de bon augure, alors que démarre la saison des prix littéraires. Jeudi 3 septembre, l’Académie Goncourt, présidé par Bernard Pivot, a d’ailleurs rendu publique sa première sélection pour son prix qui sera remis dans deux mois, le mardi 3 novembre, au restaurant Drouant, à Paris.Cette sélection comprend quinze romans français ou francophones. Parmi eux, figurent les poids lourds de la rentrée : Christine Angot, auteur d’Un amour impossible (Flammarion) qui a déjà reçu un accueil critique nourri et très élogieux ; mais aussi Mathias Enard, avec Boussole (Actes Sud) ; Alain Mabanckou, auteur de Petit Piment (Seuil) ; Delphine De Vigan, dont D’après une histoire vraie (JC Lattès) est le premier roman publié depuis le grand succès rencontré par Rien ne s’oppose à la nuit, en 2011 ; ou encore Simon Liberati, dont le roman Eva (Flammarion) a fait l’objet, au cœur de l’été, d’une demande de retrait qui a été rejetée par la justice.Trois titres de GallimardLa liste des Goncourt comprend en outre trois titres d’auteurs confirmés de la maison Gallimard : Jean Hatzfeld, avec Un papa de sang, Hédi Kaddour, avec Les Prépondérants et Boualem Sansal, avec 2084. Elle accueille aussi Au pays du p’tit, de Nicolas Fargues, un des fidèles auteurs de Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L.)La navigatrice Isabelle Autissier, première femme à avoir accompli un tour du monde en compétition en 1991, figure également dans la sélection, avec Soudain, seuls (Stock), ainsi que l’ethnopsychiatre Tobie Nathan, pour Ce pays qui te ressemble (Stock). Un éditeur et romancier a été sélectionné : Denis Tillinac, auteur de Retiens ma nuit (Plon).Trois romanciers peut-être un peu moins connus du grand public viennent compléter cette liste de quinze ouvrages : Thomas B. Reverdy pour Il était une ville (Flammarion), Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) et Olivier Bleys, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (Albin Michel).Quatre romancières et onze auteurs masculinsLa sélection comprend quatre romancières et onze auteurs masculins. Aucun premier roman ne figure dans cette sélection, alors que repérer de nouveaux talents fait partie de l’héritage des Goncourt.En termes de maisons d’édition, les groupes Madrigall et Hachette se tirent la part du lion. Le premier place sept titres, trois chez Gallimard, deux chez Flammarion et deux chez P.O.L. Le second en détient quatre (trois chez Stock et un chez JC Lattès). Albin Michel, Le Seuil, Acte Sud et Plon ferment la marche avec un titre chacun.Parmi les grands absents de la sélection, figurent les éditions de Minuit, de L’Olivier ou encore Grasset. Laurent Binet, auteur de La Septième Fonction du langage (Grasset), qui a reçu, mardi 1er septembre, le prix du roman Fnac, n’a pas été retenu.Voici la première sélection du Goncourt par ordre alphabétique d’auteurs : - Christine Angot, Un amour impossible (Flammarion) - Isabelle Autissier, Soudain, seuls (Stock) - Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) - Olivier Bleys, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (Albin Michel) - Mathias Enard, Boussole (Actes Sud) - Nicolas Fargues, Au pays du p’tit (P.O.L.) - Jean Hatzfeld, Un papa de sang (Gallimard) - Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard) - Simon Liberati, Eva (Stock) - Alain Mabanckou, Petit piment (Seuil) - Tobie Nathan, Ce pays qui te ressemble (Stock) - Thomas B. Reverdy, Il était une ville (Flammarion) - Boualem Sansal, 2084 (Gallimard) - Denis Tillinac, Retiens ma nuit (Plon) - Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (JC Lattès)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot Nilufer Demir, 29 ans, travaille depuis douze ans pour l’agence turque DHA et elle est correspondante pour la région de Bodrum. Dans cette petite ville balnéaire et touristique plutôt chic, à l’Ouest de la Turquie, les réfugiés affluent, qui tentent la traversée vers l’île grecque de Kos, située à moins de cinq kilomètres. L’arrivée des réfugiés a changé le cours des choses – et son travail de photographe. La photographe turque ne s’attendait pas, cependant, à ce que sa photo d’un enfant syrien noyé, Aylan Kurdi, sur la plage, fasse le tour des réseaux sociaux et soit publiée par tous les grands journaux du monde. Nous l’avons jointe au téléphone, en Turquie.Lire aussi :Réfugiés : une photo pour ouvrir les yeuxOù se trouve la plage où a été trouvé le petit garçon ?La plage de Ali Hoca Burnu est une plage à l’écart de Bodrum. C’est un endroit d’où partent souvent les migrants, donc avec d’autres photographes, on y va chacun son tour pour voir ce qui se passe. Hier, c’était mon tour… Quand je suis arrivée le matin, vers 6 ou 7 heures, il y avait un groupe de Pakistanais. Je les ai rejoints et nous avons aperçu, un peu plus loin, quelque chose échoué sur la plage.En nous approchant, nous avons vu que c’était le corps d’un enfant. Il y avait d’autres corps, mais plus loin, à 100 ou 200 mètres. On a tout de suite vu qu’il était mort et qu’il n’y avait plus rien à faire.Avez-vous hésité à prendre cette photo ?J’ai été très choquée au départ, mais je me suis reprise très vite. Je me suis dit que je pouvais témoigner du drame que vivent ces gens. Il fallait que je prenne cette photo et je n’ai plus hésité. J’en ai même pris toute une série. J’étais triste car c’est le corps d’un enfant, mais ça aurait pu être le corps d’un adulte, et j’en ai photographié déjà plusieurs fois.L’homme qui tient l’enfant dans ses bras sur la photo est un gendarme, qui fait les premières constatations quand ce genre de choses arrive. Sur les premières images, on voit l’enfant tout seul, car le gendarme est arrivé quelques minutes après. Avez-vous eu conscience, au moment où vous l’avez prise, que c’était une photo si forte ?Non, pas du tout. Et aujourd’hui, j’ai un mélange de tristesse et de satisfaction… Je suis contente d’avoir pu montrer cette image à autant de gens, d’avoir témoigné, mais d’un autre côté, je préférerais que ce petit garçon soit encore en vie et que cette image ne fasse pas le tour du monde.Le retentissement de cette photo a été énorme, poussant François Hollande et Angela Merkel à faire des propositions à l’Union européenne sur l’accueil des réfugiés en Europe.Je n’aurais jamais cru qu’une photo puisse avoir de tels effets. J’aimerais vraiment qu’elle puisse aider à changer le cours des choses. Ces gens ont quitté un pays en guerre. Pour ma part, j’aimerais que tout le monde puisse vivre en paix chez soi, et que les gens ne soient pas forcés de fuir leur pays…Pourquoi cette photo, selon vous, a-t-elle pu autant émouvoir les gens, par rapport à toutes celles publiées avant sur le sujet ?Je ne sais pas. Peut-être que le monde, en fait, attendait une image qui puisse changer les choses, faire bouger. Peut-être que ma photo a été le déclic que le monde attendait. Et sans le faire exprès, j’y ai contribué, en étant au bon moment au bon endroit.TRADUCTION : Gül DüzyolClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Alain Altinoglu sera-t-il enfin le bon ? Après une année de vacance depuis le départ fracassant de Ludovic Morlot en décembre 2014, le Théâtre de la Monnaie vient d’officialiser la nomination du chef d’orchestre parisien à la direction musicale de la maison d’opéra bruxelloise, à partir de janvier 2016.A presque 40 ans (il est né à Alfortville, dans le Val-de-Marne, le 9 octobre 1975), le Français d’origine arménienne, formé au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, ajoute un nouveau défi à une carrière déjà bien remplie. Premier chef invité à l’Orchestre national de Montpellier, de 2007 à 2010, il n’a, en effet, jamais occupé le poste de chef permanent.Mais sa réputation de chef lyrique, forgée sur les grandes scènes internationales, de l’Opéra de Paris au Metropolitan Opera de New York, en passant par le Théâtre des Champs-Elysées, les opéras de San Francisco, Zurich, Londres, Vienne, Berlin, Munich, parle pour lui. Ce d’autant qu’il a fait, cet été, des débuts remarqués au Festival de Bayreuth dans Lohengrin, de Wagner – premier Français à diriger dans la salle mythique du Festspielhaus depuis Pierre Boulez.Programme d’austéritéAlain Altinoglu, dont les liens avec La Monnaie s’étaient visiblement resserrés depuis qu’il y a dirigé, en 2011, Cendrillon, de Massenet, sait qu’il ne vivra pas forcément un conte de fées. Le vénérable Théâtre royal, fondé en 1700, porté au-delà des frontières du royaume sous l’égide de directeurs charismatiques comme Gerard Mortier et Bernard Foccroulle, de danseurs et chorégraphes comme Maurice Béjart et Anne Teresa De Keersmaeker, n’a pas été épargné par le programme d’austérité du gouvernement fédéral belge. En décembre dernier, son directeur général, Peter de Caluwe, en poste depuis 2007, a dû se résoudre à réduire le nombre de productions (en supprimant notamment l’opéra baroque) et à abandonner les spectacles de danse.L’autre écueil vient des musiciens d’orchestre, qui ne se sont jamais remis du départ en 2008 de leur directeur musical, Kazushi Ono, exfiltré par Serge Dorny à l’Opéra national de Lyon. Ils n’ont pas fait de cadeau à Mark Wigglesworth qui lui a succédé. Pas plus qu’au Français Ludovic Morlot, arrivé en 2012 pour un mandat de cinq ans, démissionnaire au bout de trois.« Développer le rayonnement de La Monnaie »Mais Altinoglu est une chance pour les Bruxellois dont le niveau a beaucoup baissé ces dernières années. « Je suis impatient d’approfondir cette belle et forte relation de travail », a d’ailleurs assuré ce dernier dans un communiqué. « J’aspire à poursuivre une programmation innovante tant dans le domaine lyrique que symphonique et à développer le rayonnement de La Monnaie, qui a sa place parmi les maisons d’opéra les plus réputées et les plus performantes. »De son côté, Peter de Caluwe s’est réjoui de ce que « l’alchimie entre chef et musiciens ainsi que la qualité musicale » soient entre d’aussi bonnes mains. Il est de notoriété publique que les chanteurs adorent travailler avec cet excellent pianiste dont la formation de chef de chant reste pour eux un atout fondamental. Bruxelles ne devrait pas freiner l’irrésistible ascension de l’un de nos meilleurs chefs français : Alain Altinoglu sera dans la fosse de l’Opéra de Paris en mars 2016 pour la très attendue production de Iolanta/Casse-Noisette, de Tchaïkovski, dirigera en mai Pelléas et Mélisande, de Debussy à l’Opernhaus de Zurich, avant de faire ses débuts au Festival de Salzbourg durant l’été.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde 03.09.2015 à 09h19 • Mis à jour le04.09.2015 à 14h10 | Roxana Azimi C’est l’issue qu’on n’attendait pas. L’artiste Jean-Marc Bustamante a été « proposé » par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, pour diriger l’Ecole des beaux-arts de Paris (Ensba), a annoncé, mercredi 2 septembre, la Rue de Valois dans un communiqué. Il remplace Nicolas Bourriaud, évincé le 2 juillet.Lire aussi :Le limogeage du directeur des Beaux-Arts passe mal auprès des étudiantsAprès la polémique suscitée par Le Canard enchaîné, qui prédisait l’arrivée d’Eric de Chassey, directeur de la Villa Médicis, la ministre a voulu s’épargner une bronca des étudiants. Elle a souhaité éviter tout autant une fronde des enseignants, qui, pour la plupart, se réjouissent de la nouvelle. « Qu’un artiste prenne la direction des Beaux-Arts, c’est un geste symbolique fort », se félicite le sculpteur Emmanuel Saulnier. « Jean-Marc a une réputation telle qu’elle peut fédérer des artistes de renom autour de lui. L’école en a besoin », ajoute Didier Semin, professeur à l’Ensba.Lire aussi :Eric de Chassey candidat à la tête des Beaux-Arts pour parler du « fond » et pas des « rumeurs »Déjà candidat à ce poste en 2011, Jean-Marc Bustamante connaît bien la maison : il y enseigne depuis 1996. Professeur depuis sept ans à l’Académie des beaux-arts de Munich, il est aussi familier d’autres approches pédagogiques. Sa réputation d’artiste n’est plus à faire. Né à Toulouse d’un père équatorien et d’une mère anglaise, cet homme aux allures de condottiere se destinait à l’économie avant de s’adonner à la photographie. Assistant du photographe William Klein, associé pendant trois ans à l’artiste Bernard Bazile, Bustamante s’est taillé une réputation internationale, jusqu’à représenter la France à la Biennale de Venise en 2003.Entre 2012 et 2015, il fut également le commissaire du Printemps de septembre, à Toulouse, sous le libellé « Artist Come First ». Un mot d’ordre qu’il entend appliquer à l’école. « Jean-Marc a toujours su cultiver l’amitié d’artistes au travail extrêmement différent du sien, constate, beau joueur, Olivier Blanckart, candidat malheureux à la direction de l’Ensba. Ça s’est vu de manière magistrale lorsqu’il a dirigé le Printemps de septembre, où il a invité aussi bien Pascal Convert que Sarah Lucas ou Jorge Pardo. »Commentaires machistesSeul bémol, son âge, 63 ans. A deux ans de la retraite, peut-il vraiment mener les réformes de fond dont l’établissement a besoin ? « Je peux prendre des risques, m’amuser, précisément parce qu’à mon âge je ne fais pas carrière », réplique l’intéressé. Et d’égrener quelques pistes de réflexion : « On doit simplifier et mieux coordonner les choses. Les profs se croisent sans se connaître. Il faut se réunir davantage. Il faudra aussi plus de fermeté vis-à-vis de ceux qui veulent louer les espaces, faire revenir des enseignants de qualité, créer une prépa au sein de l’école… »La partie qui s’annonce ne sera pas de tout repos. « L’école est profondément démoralisée, sous-capitalisée, fragilisée jusque dans son édifice », reconnaît Emmanuel Saulnier.A deux ans de la retraite, M. Bustamante peut-il vraiment mener les réformes de fond dont l’établissement a besoin ?Jean-Marc Bustamante devra aussi faire oublier les petits commentaires machistes qu’il avait proférés en 2006 dans un entretien croisé avec Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou, et l’artiste Xavier Veilhan, dans le catalogue de l’exposition « Dionysiac ». Entre autres perles, il y affirmait que « l’homme a besoin de conquérir des territoires, la femme trouve son territoire et elle y reste… Les femmes cherchent un homme, un homme veut toutes les femmes. La femme, dès qu’elle a trouvé son territoire, elle y reste… Les hommes sont toujours dans la recherche de territoires vierges ».La riposte féminine fut cinglante. Dans une tribune publiée par Libération, l’écrivaine Marie Darrieussecq fustigeait « un discours insultant mais commode, immémorialement conventionnel ».« Mes propos étaient “limites”, je le regrette, admet-il aujourd’hui. Je sais que cette chose-là va me coller toute ma vie. Il n’y a pourtant qu’à regarder Le Printemps de Toulouse, j’ai invité des artistes femmes remarquables. Demandez aux étudiantes de mon atelier si je suis misogyne ! Heureusement que j’ai été nommé par une femme ministre ! » Certaines ne décolèrent toujours pas. Sur son blog « Le beau vice », la critique d’art Elisabeth Lebovici a annoncé sa promotion façon avis de décès : « Les féministes ont la douleur de vous faire part de la nomination de Jean-Marc Bustamante à l’Ecole des beaux-arts (et de celle de Muriel Mayette à la Villa Médicis). »Muriel Mayette à la Villa Medicis ?En effet, mercredi 2 septembre, dans la soirée, le site de Libération annonçait que, « selon [ses] informations », l’ancienne administratrice de la Comédie-Française allait succéder à Eric de Chassey, qui termine son deuxième mandat à la tête de l’Académie de France à Rome. Dans la foulée, plusieurs dizaines d’anciens pensionnaires et invités adressaient une lettre ouverte à Fleur Pellerin pour réclamer le maintien de l’actuel directeur.De fait, le nom de Muriel Mayette circule depuis plusieurs mois pour remplacer l’historien d’art, en poste depuis septembre 2009. Alimentée par Le Journal des arts, la rumeur d’un accord en ce sens entre le premier ministre, Manuel Valls, et son ami le journaliste Gérard Holtz, époux de Muriel Mayette, avait fait polémique début juillet. Tout comme les intentions prêtées à l’actrice Julie Gayet, soupçonnée de faire le jeu d’Eric de Chassey, dont l’épouse, Anne Consigny, serait proche de la comédienne, elle-même proche du chef de l’Etat… (Le Monde du 9 juillet).De fait, jeudi 3 septembre, au matin, la Rue de Valois démentait les informations de Libération et indiquait que « le nom du/de la président/e de la Villa sera annoncé à brève ou moyenne échéance ».Ce feuilleton-là, au moins, continue…Lire aussi :Valse des postes : de quoi veut-on rendre Julie Gayet coupable ?Roxana AzimiJournaliste au Monde Véronique Cauhapé Série sur TF1 à 20 h 55 Une série policière qui, malgré ses décors, manque parfois cruellement de relief.Un enfant ou une jeune fille disparaît, une enquête est lancée, qui fait resurgir le passé, chaque personne proche de la victime est, tour à tour, suspectée, puis blanchie… Cette même trame qui guide et unit les séries « The Killing », « Broadchurch », « Disparue » se trouve une fois de plus dans « Le Mystère du lac », petite dernière du genre que diffuse TF1.Sans aller jusqu’à dire qu’elle est celle de trop, on peut émettre le souhait qu’elle soit la dernière. Car cette nouvelle série, plutôt bien faite, malgré quelques faiblesses scénaristiques, souffre avant tout d’arriver après. Et donc de cueillir un téléspectateur suffisamment rompu au schéma pour réussir à le déjouer lui-même.Il n’empêche que, malgré les similitudes structurelles et narratives qui peuvent rattacher une série à une autre, il demeure toujours possible de faire œuvre originale. Notamment à partir des personnages dont il est primordial que le profil soit à même de marquer les esprits (donc de les captiver) et de donner son caractère singulier à la fiction. Or, de cette nécessité, « Le Mystère du lac » s’en acquitte plus ou moins bien.FadeCertes, le capitaine de police Lise Stocker possède ce qu’il faut de traumatisme pour rendre crédible la gravité qu’elle affiche. Mais quand celle-ci demeure l’unique couleur de son personnage, elle finit par le réduire au simple stéréotype. De même que paraît bien fade le personnage de Lannick Gautry, commissaire sans histoire. Cet homme sans passé ni traits psychologiques particuliers se voit réduit à exécuter l’enquête proprement. C’est un peu dans le même sens qu’agit le décor (le Var) : un bel étui dénué de toute dramaturgie. Contrairement à la fameuse plage et ses alentours de « Broadchurch » ou au cadre urbain et glauque de « The Killing ».Heureusement que compense la présence des parents détruits par la disparition de leur fille et de la mère de Lise qui, atteinte d’Alzheimer, brouille les pistes sans le vouloir (drôle et touchante Marie-Anne Chazel). Et que quelques personnages secondaires parviennent à intriguer plus que l’enquête elle-même. La série se regarde au fond avec plaisir, sans laisser de traces une fois l’affaire classée.« Le Mystère du lac », créée par Jeanne Le Guillou et Bruno Dega. Avec Barbara Schulz, Lannick Gautry, Armelle Deutsch(Fr., 2015, 6 × 52 min). Jeudi 3 septembre, à 20 h 55, sur TF1.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Film sur OCS Géants à 16 heures « Le Monocle noir », de Georges Lautner est un savoureux nanar qui vaut surtout pour le jeu de Paul Meurisse.Georges Lautner (1926-2013), avant de se rendre célèbre avec Les Tontons flingueurs (1963), connaîtra son premier grand succès public avec Le Monocle noir (1961), une parodie de film d’espionnage qui baigne dans une sombre atmosphère d’après-guerre : un groupe de personnages nostalgiques du bon vieux temps fasciste se retrouve au château du marquis de Villemaur, dont le spectacle son et lumière se donne sous les assauts des Walkyries de Richard Wagner. Le marquis ne jure que par Adolf tandis qu’un Italien soupire au souvenir de Benito, et qu’un Allemand promet l’imminent retour parmi eux d’un proche d’Hitler.A leur côté, un ancien militaire français, aveugle, l’œil gauche coiffé d’un monocle noir, feint de se réjouir de la situation. Mais il n’est naturellement autre qu’un agent secret infiltré, le commandant Théobald Dromard, avec pour mission de démasquer le complot.Dromard fut l’un des rôles les plus emblématiques de Paul Meurisse, qui l’incarnera dans deux autres numéros, L’Œil du monocle (1962) et Le monocle rit jaune (1964), le meilleur et le plus virtuosement parodique de la trilogie réalisée par Lautner. Ces deux derniers films bénéficient aussi beaucoup de la participation de Robert Dalban en sergent Poussin, l’adjoint franchouillard et grommelant de Dromard, alors que Jacques Marin, pittoresque mais moins mémorable, l’assiste en adjudant Trochu dans Le Monocle noir.Esprit du tempsLes dialogues de Pierre Laroche sont dans l’esprit de ceux de Michel Audiard (qui collaborera beaucoup avec Georges Lautner, mais seulement à partir des Tontons flingueurs). Ceux que trousse Jacques Robert pour L’Œil du monocle et Le monocle rit jaune suivent la même veine. Exemple avec cet échange entre deux personnages du Monocle noir : « Vous n’allez tout de même pas tuer un homme de sang-froid ! – Si en plus il faut se mettre en colère… »On pourrait parler de plagiat, à ceci près que le plagiat est l’emprunt d’un contenu et la parodie celui d’une manière. Mais il faut sûrement aussi y voir l’empreinte d’un esprit du temps, d’une langue propre aux comédies des années 1950-1960 dont Audiard sera l’un des orfèvres majeurs.Paul Meurisse joue sur le registre d’une urbanité très française, « grand genre » et un peu coincée ; il s’exprime par mercuriales cinglantes et pratique un humour extra dry et volontiers cryptique (« C’est une finesse… », précise Dromard chaque fois qu’un balourd ne comprend pas). Le pas et le port raides, et parfois sautillant, cet amateur de jolies femmes les séduit de sa voix au velours de baryton-basse et les conquiert avec l’emportement soudain des timides, les faisant chavirer dans ses bras, le dos impeccablement droit, comme s’il interprétait une figure de tango.Mais le commandant Dromard n’est pas James Bond : il ne se bat qu’à contrecœur, ne court, ne saute ni ne transpire ; son tir est parcimonieux, guindé, mais sûr ; il ne grille que rarement des cigarettes (réservées aux dames à qui il les présente dans un élégant étui) et préfère les longs havanes qu’il sort comme par magie de la poche de son veston quelles que soient les circonstances.Le Monocle noir est un délicieux nanar qui vaut surtout pour le jeu délicieusement surjoué de Meurisse, ses mines chiffonnées ou hautaines, ses imparfaits du subjonctif et son élégante raideur très Ancien Régime.« Le Monocle noir », de Georges Lautner. Avec Paul Meurrisse, Elga Andersen, Bernard Blier, Marie Dubois, Jacques Dufilho (Fr., 1961, 90 min), et en replay sur OCS Go. jeudi 3 septembre, à 16 heures, sur OCS GéantsRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Il y a quelques années, avait été évoquée l’annonce d’une reformation fracassante (mais finalement fracassée) de Téléphone pour trois concerts au Stade de France, prévus en 2012. Ce sera finalement dans la petite salle parisienne du Point éphémère que 300 privilégiés (soit 200 personnes de moins que pour le premier concert de Téléphone, donné le 12 novembre 1976 au Centre américain, à Paris) pourront assister, le 11 septembre, aux retrouvailles des chanteurs et guitaristes Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac et du batteur Richard Kolinka, qui, sous le nom des Insus, devraient reprendre le répertoire de leur groupe originel, resté depuis sa création, en 1976, et sa séparation, dix ans après, la plus populaire des formations rock françaises.Lire l’enquête publiée dans M, le magazine du Monde en 2012 : L’ego trop cher de TéléphoneC’est le journaliste de RTL2 Francis Zégut qui, le premier, a dévoilé sur son blog que le concert des inconnus Insus serait peut-être bien une surprise montée par ces trois figures mythiques du rock hexagonal, qui, sans l’aval de l’ancienne bassiste du groupe, Corine Marienneau – avec laquelle ils sont en froid –, ne pouvaient reprendre le nom de Téléphone.Sur le site du Point éphémère, l’annonce du concert des Insus est suivie d’un point d’interrogation rouge tacheté de blanc rappelant la typographie du groupe à ses débuts, avec cette légende : « S’il y a un concert rock à ne pas rater cette année, c’est celui-ci. » Le 27 août, l’ancien batteur de Téléphone, Richard Kolinka, écrivait sur sa page Facebook : « Il y a un concert de rock, le 11 septembre au Point éphémère, à ne pas rater… Il n’y a pas beaucoup de places, paraît-il. »Autre indice, révélé par RTL, la marque « Les Insus-portables » a été déposée à l’INPI (l’Institut national de la propriété intellectuelle) le 24 août par La Loupe II, une entreprise propriété de Jean-Louis Aubert.Campagne de rééditionsQue nous vaut ce concert surprise ? Depuis la séparation de Téléphone, on a souvent parlé de reformation. Malgré les disputes et bouderies, les anciens membres du groupe n’ont d’ailleurs pas arrêté de se côtoyer. Les apparitions scéniques des uns lors des concerts des autres ont été multiples. Le 26 mai 1994, Jean-Louis, Richard, Corine et Louis se sont même retrouvés tous les quatre sur scène lors d’un concert de Bertignac au Bataclan. Si des tensions particulières entre Corine Marienneau et Jean-Louis Aubert ont éloigné la bassiste de la bande, les trois autres musiciens se sont régulièrement retrouvés, comme à l’Olympia en 2005, ou sur le plateau de l’émission de France Télévisions « Taratata », fin 2006, pour interpréter ensemble une version de Ça (c’est vraiment toi).Devenues très insistantes, confirmées même un temps par Jean-Louis Aubert, les rumeurs de vraie reformation n’avaient finalement rien donné de concret à part un concert improvisé, le 10 décembre 2013, dans le petit club parisien du Bus Palladium, lors d’une fête privée organisée par le journaliste Philippe Dana. Sans préméditation, le trio – complété à la basse par le chanteur Axel Bauer – avait enflammé la salle pendant une petite heure à coups de reprises de La Bombe humaine, New York avec toi, Flipper ou Un autre monde.« Ils ne reforment rien du tout »Le plaisir intact de la communion ou d’un presque quarantième anniversaire suffit-il à expliquer le concert du quai de Valmy ? Corine Marienneau ne sera pas de la fête, mais l’ancienne bassiste essayait de fuir l’amertume, interrogée par RTL : « S’ils ont envie de rejouer ensemble, personne ne peut leur interdire ou leur reprocher, expliquait-elle, mais ils ne reforment rien du tout. Ils jouent ensemble. »« Je ne leur souhaite que du bien, poursuivait-elle, le monde va déjà tellement mal, on ne va pas se mettre à souhaiter du mal les uns envers les autres. Je leur souhaite de s’éclater. » Avant d’ajouter : « Je ne vous dirai pas que je ne trouve pas ça dommage qu’ils n’aient trouvé que ça comme solution, tant pis, c’est comme ça. »On notera aussi que l’événement « surprise » arrive en prélude d’une vaste campagne de rééditions remastérisées des cinq albums studio de Téléphone et de luxueux coffrets, publiés par Warner Music France en CD digipack et disques vinyles 180 gr, assortis de raretés et d’inédits.Ce live inattendu au Point éphémère sert donc parfaitement ce lancement, tout comme il servira sans doute celui, fin 2015, d’un album hommage, Ça c’est vraiment nous, constitué de reprises de Téléphone interprétées par des héritiers, tels Superbus, Vianey ou Gaëtan Roussel.Concert : Les Insus ?, le 11 septembre au Point éphémère, 200, quai de Valmy, Paris 10e. Tél. : 01-40-34-02-48. Complet. www.pointephemere.orgStéphane DavetJournaliste au Monde 03.09.2015 à 02h08 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h59 On l’avait découvert au volant de Choupette. L’acteur américain Dean Jones, vedette du film Un amour de Coccinelle est décédé mardi à Los Angeles, a-t-on appris mercredi 2 septembre. Le comédien, qui a joué dans une trentaine de films, était âgé de 84 ans et s’est éteint des suites de la maladie de Parkinson, selon son attaché de presse.Il avait connu son heure de gloire en tenant le rôle de Jim Douglas, dont la partenaire était une petite Volkswagen douée de raison qui a fait fondre le monde entier. Le succès de ce film devenu un classique de Disney avait engendré plusieurs suites, notamment La Coccinelle à Monte-Carlo (1977). Dean Jones avait également joué dans L’Espion aux pattes de velours (1965) ainsi que dans les séries « Sauvé par le gong » et « Arabesque ».Natif de l’Alabama, dans le sud des Etats-Unis, et ancien combattant dans la marine américaine, il avait donné la réplique à Joan Fontaine (Until they sail), Elvis Presley (Le Rock du bagne), et Jane Fonda (There Was a Little Girl). 02.09.2015 à 10h12 • Mis à jour le02.09.2015 à 10h21 En juin, le ministère japonais de la santé et du travail a rendu public le nombre de détenteurs du « Carnet de santé de victime de la bombe atomique ». Le pays a ainsi appris que l’on comptait en mars 183 519 survivants des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki – les hibakusha. En mars 1981, ils étaient 372 264. Leur moyenne d’âge est aujourd’hui supérieure à 80 ans. Un calcul sommaire permet donc de dire qu’une majorité des survivants actuels de la bombe atomique avait 10 ans environ lors des bombardements. Cette diminution du nombre des survivants de la bombe atomique, ainsi que leur grand âge, signifie que la mémoire directe des irradiés au sein de la société japonaise s’amenuise.Les armes atomiques n’ont pas seulement un immense pouvoir de destruction. Les énormes quantités de radioactivité qu’elles émettent, sans égard pour les frontières, contaminent toutes les ressources, voyagent en suspension dans l’air, retombent dans la mer, et contaminent les humains. Malheureusement, nombreux sont encore ceux qui, 70 ans après, vivent sans savoir quelles seraient les conséquences exactes si les bombes atomiques actuellement existantes étaient utilisées.Si ces armes n’existaient plus dans le monde du XXIe siècle, la disparition des survivants de la bombe ne serait pas un problème bien grave en soi. Or, on compte en fait aujourd’hui dans le monde plus de 15 000 têtes nucléaires. Et celles-ci sont pour la plupart d’une puissance très supérieure à celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki.Et nous, les Japonais, le savons-nous suffisamment ? Rien n’est moins sûr. Nous n’avons pas bien écouté la voix des irradiés. Certes, après la défaite, sous l’occupation des forces armées américaines, un contrôle de l’information était en place, mais avec la souveraineté recouvrée en 1952, un grand nombre de Japonais, décidés qu’ils étaient à s’engager dans la reconstruction, n’ont pas montré d’intérêt pour Hiroshima ou Nagasaki.Pour nombre de citoyens japonais, le sentiment d’horreur à l’encontre des armes atomiques a été inspiré non pas par les récits des attaques contre Hiroshima et Nagasaki, mais par le test de la bombe H réalisé par les Américains en 1954 sur l’atoll de Bikini. Un bateau de pêche japonais, le Daigo Fukuryû-maru, fut alors irradié, ce qui déclencha dans le pays un large mouvement contre les armements nucléaires. La rumeur se propagea, voulant que les « cendres de la mort » radioactives allaient retomber sur le Japon.« Bien fait! »Yôko Ôta, une écrivaine victime de la bombe d’Hiroshima, écrira à cette époque, dans une nouvelle intitulée Han-Hôrô (« Demi-vagabonds ») : « Après l’essai thermonucléaire, ce que l’on appelait les “cendres de la mort” retombèrent sur Tokyo. “Bien fait !”, j’ai pensé. Couverts de cendres de la mort, crevez donc voir dans l’effroi. Peut-être les frissons de votre cœur vous feront-ils comprendre à quel point l’angoisse du présent est à l’intérieur de l’âme humaine. »Ce mot, « Bien fait ! », fit scandale, et même ses collègues écrivains se détournèrent d’elle. Yôko Ôta, née en 1906, avait déjà publié des romans qui avaient été primés avant la guerre. Dans le Japon qui se préparait à l’affrontement, elle écrivait des romans bellicistes et s’était engagée dans des actions sympathisant avec l’invasion militaire japonaise en Chine. Irradiée lors de l’explosion de la bombe atomique d’Hiroshima à 41 ans, elle se mit à écrire de nombreux romans basés sur cette expérience afin d’en transmettre l’horreur. Mais on lui reprochait ses livres pro-militaristes de l’époque de la guerre, et son « Bien fait ! » la mit totalement à l’écart du milieu littéraire, jusqu’à sa mort en 1963.Yôko Ôta ressentait sans doute de la colère face au désintérêt rencontré par ses romans racontant son expérience de la bombe atomique. Un grand sentiment de solitude, de se sentir oubliée, moins de dix ans après la bombe, la hantait sans doute aussi.Shinoe Shôda, née en 1910, était une poète, survivante, elle aussi, d’Hiroshima. Elle est connue pour ses tanka, une forme de la poésie traditionnelle japonaise, dans lesquels elle revient sur ce bombardement. Dans l’un de ses recueils, publié en 1962, on trouve un poème intitulé « Qu’ils meurent tous ». Cette phrase était la réponse que lui avait faite une femme qui avait perdu sa fille unique et son mari pendant la guerre, et à qui elle avait demandé d’écrire quelque chose pour protester contre la guerre.« Quoi qu’on écrive tout est futile emporté/Dans le grand courant, laissez-les faire à leur guise/Dans une grande explosion/Tous les humains du monde/Qu’ils deviennent des graillons noircis/Et qu’ils meurent tous dit-elle, fixant un point de ses yeux vides/Du fond de ses yeux, sans fin, les larmes coulaient/Moi incapable de rien dire en silence je pleurais »Se taire et pleurerCe « Qu’ils meurent tous » fait entendre la même colère que celle de Yôko Ôta, un sentiment qui devait habiter de très nombreux hibakusha. Dix ou vingt ans après avoir été victimes de la bombe, les rescapés étaient mis de côté dans un coin de la société.Aujourd’hui, soixante-dix ans après la bombe, où en sont les survivants, devenus âgés ? Nombre d’entre eux ont vécu toute leur vie et meurent sans avoir parlé, ne serait-ce qu’une seule fois, de leur expérience. Deux sentiments s’entremêlent, d’un côté « le désir que quelqu’un écoute ma tragique expérience », et de l’autre, l’idée que « de toute façon personne ne me comprendra. »Ensuite, pour un certain nombre d’entre eux, la bombe atomique, il y a soixante-dix ans aujourd’hui, est un événement de leur enfance, qu’ils ont du mal à mettre en mots. La seule chose que nous pouvons faire devant eux, avec eux, c’est se taire et pleurer, et me vient alors un grand sentiment d’impuissance.Ceux qui comprennent le mieux l’horreur et l’effroi de la guerre sont les soldats qui ont été au front, et les peuples des Etats vaincus. Les habitants des pays vainqueurs, ou ceux qui ne connaissent rien d’un champ de bataille envisagent difficilement la véritable nature de la guerre.De même, ceux qui savent combien les armes atomiques sont des choses atroces et effroyables ne sont pas les scientifiques qui les ont développées, ni les dirigeants qui les ont utilisées, ni les membres de l’équipage des B29 qui les ont larguées, non, ce sont ceux qui étaient dessous, qui fuyaient sous le champignon atomique, les survivants. Les hibakusha qui n’ont jamais parlé, qui ont vécu dans le silence, sont nombreux, mais nombreux également sont ceux qui ont tenu à témoigner et à transmettre au futur leur expérience de survivants.Comprendre l’ampleurA dire vrai, après la guerre, la mémoire des survivants des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki a eu une réelle influence, notamment sur le plan littéraire. On peut encore parler de Tamiki Hara, le célèbre auteur de Natsu no hana (« Fleurs d’été »), ou de Kyôko Hayashi, qui fut irradiée à 14 ans et publia trente ans plus tard le roman Matsuri no ba (« Rituel de mort ») en mémoire de ses amis disparus, et qui continue depuis à écrire des livres pour les enfants dans lesquels elle décrit l’angoisse qui l’habite encore. D’autres, comme Masuji Ibuse, l’auteure de Pluie noire, ne sont pas eux-mêmes des hibakusha, mais ont écrit leurs livres en se basant sur les journaux et notes laissés par des victimes.Il est néanmoins difficile de dire si grâce à cette « littérature de la bombe atomique », les Japonais arrivent à comprendre l’ampleur de ce qui fut l’un des plus graves massacres de masse du XXe siècle.Chaque année, en août, lors des cérémonies commémoratives, le maire de Nagasaki, où je vis, prononce une « Déclaration de paix ». L’attention est grande pour les mots qui seront prononcés au point d’impact.L’enseignement pacifique est un sujet important pour tout le monde ici, et les jeunes générations montrent, elles, un grand intérêt aux récits de leurs parents ou grands parents victimes de la bombe. Une collégienne, née au XXIe siècle, a écrit l’histoire que sa grand-mère hibakusha lui a racontée. Cette femme a été irradiée alors qu’elle était encore dans le ventre de sa mère, on appelle ces victimes des « foetus-hibakusha ». Evidemment, elle n’a aucune mémoire des événements eux-mêmes, alors je me demandais quel récit pourrait en tirer sa petite-fille collégienne. Eh bien, c’était tout simplement extraordinaire.TransmettreElle a écouté et noté avec une grande attention tout ce que sa grand-mère lui a raconté sur les effets de la bombe, mais aussi sur la vie des survivants après la guerre, les malheurs, les angoisses, mais aussi les joies. L’expérience des hibakusha ne se limite pas au mois d’août 1945. La longue vie des victimes touchées par la radioactivité fait aussi partie de l’expérience des survivants. Le plus émouvant, c’est de voir la petite-fille collégienne d’aujourd’hui trouver enfin les mots pour dire l’expérience que les hibakusha eux-mêmes n’arrivaient pas à dire, et vraiment communiquer avec sa grand-mère.Mais parfois, on se sent impuissant à transmettre la réalité du danger, du fait que le système politique actuel nous place dans une situation complexe, où notre sécurité est garantie par un pays qui possède un énorme arsenal nucléaire.Or, toute activité humaine, la vie quotidienne, la politique, ne prend forme que par les mots avec lesquels on la communique. C’est seulement à partir du moment où la mémoire disparaissante de l’expérience de la bombe trouve des mots pour se dire, comme ceux qu’a écrits cette collégienne, que la complexité de la situation se dénoue enfin et que nous autres, de la génération suivante, pouvons faire un nouveau pas.Aujourd’hui, les survivants de la bombe devenant de plus en plus âgés et de moins en moins nombreux, il est capital d’écouter le récit de leur expérience personnelle, et transmettre cette expérience comme notre expérience à nous, comme l’a fait cette collégienne. « Au commencement était le verbe », cette vérité est éternelle (traduit du japonais par Patrick Honnoré).Seirai Yuichi (Directeur du Musée de la bombe atomique de Nagasaki)Né en 1958 à Nagasaki, Seirai Yuichi dirige le Musée de la bombe atomique de Nagasaki. Il est aussi l’auteur de plusieurs romans. En 2007, il a été récompensé du prix littéraire le plus prestigieux au Japon, le prix Tanizaki Jun’ichiro, pour son recueil de nouvelles Bakushin, non traduit en français. Daniel Psenny Le monde aime la production audiovisuelle française ! En 2014, les ventes de programmes (fictions, documentaires, films d’animation, jeux) ont atteint 153,8 millions d’euros, soit une augmentation de 12,1 % par rapport à 2013. « Un record historique », a déclaré Mathieu Bejot, délégué général de TV France International (TVFI), en commentant ces chiffres publiés, mardi 8 septembre 2015, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et TVFI, lors du 21e « Rendez‐Vous », qui se tient à Biarritz du 6 au 10 septembre.Quelles sont les productions qui se vendent le plus ?Avec 38,9 millions d’euros (+ 49,3 % par rapport à 2013), c’est la fiction qui a opéré, l’an passé, la plus forte progression à l’exportation pour la quatrième année consécutive. Son volume de ventes dépasse désormais celui du documentaire (+13,2 % à 34,9 millions d’euros) et elle s’installe comme le deuxième genre le plus vendu.L’animation reste le genre le plus exporté, avec 45 millions d’euros, soit 29,2 % du total des ventes, même si le chiffre d’affaires à l’international fléchit légèrement (‐ 3,9 %).Les ventes de formats (fiction, jeux, variétés) sont aussi en hausse (+3,5 % à 22,8 millions).La fiction française progresse ainsi fortement à l’international : +49,3 % à 38,9 millions d’euros.« C’est un mouvement de fond pour la fiction française, explique M. Bejot. Cette accélération a été importante en raison du tournage de nombreuses fictions en langue anglaise et grâce à la diversité des téléfilms et des séries. »Qui achète ?Les chaînes les plus consommatrices de programmes audiovisuels français sont celles d’Europe de l’Ouest (+7,8 %) et d’Amérique du Nord (+34,2 %).La fictionEn 2014, les ventes de fiction française à l’international enregistrent une forte progression (+49,3 % à 38,9 millions d’euros).L’Europe de l’Ouest confirme son statut de première zone d’exportation de fiction française avec une part de 60,5 % en 2014, contre 55,2 % en 2013. La zone germanophone devient le premier acheteur de fiction française devant la Belgique. Ainsi, les ventes de fiction sont multipliées par quatre à l’image de « Profilage » (54 x 52’) vendue par TF1 International aux allemands de ProSiebenSat.1 ou « Les Revenants » (8 x 52’) vendue à Super RTL.Les chaînes belges conservent leur appétence pour les programmes de fiction française comme la saison 3 de « Soda » (244 x 22’) qui a été vendue à RTL Belgique. A noter aussi la percée régulière de la fiction française sur le territoire anglo‐saxon à l’image de la vente de « Les Témoins » (6 x 52’) à Channel 4. Les ventes de fiction française en Amérique du Nord progressent fortement de 106,1 % pour atteindre 5,9 millions d’euros en 2014. Les Etats‐Unis sont particulièrement actifs (+209,1 %).La production de séries françaises en langue anglaise permet d’offrir des débouchés à la production de fictions telles que « Taxi Brooklyn » (12x45’– EuropaCorp TV) vendue à NBC. Les ventes concernent aussi des séries de catalogue comme « Maigret » (54 x 90’– Meska Productions) vendue à MHz Networks ou encore « Les Témoins » (6 x 52’– Cinétévé) vendue à Netflix.Le documentaireLes ventes de documentaire français à l’international augmentent de 13,2 % pour atteindre 34,9 millions d’euros en 2014. Le genre capte 22,7 % des recettes, contre 22,5 % en 2013. Les documentaires d’investigation sont très demandés.Les programmes unitaires historiques de prestige avec des moyens techniques innovants sont également prisés à l’image du Dernier Gaulois distribué par FranceTV distribution qui mixe animation 3D et prise de vue en extérieur.Les ventes de documentaires en Amérique du Nord augmentent fortement de 72,7 % à 7,7 millions d’euros en 2014 ainsi qu’en Asie, avec une progression de 9,4 % pour atteindre 5,1 millions d’euros en 2014.L’animationEn 2014, les ventes de programmes français d’animation à l’étranger diminuent après cinq années de hausse consécutive à 45 millions d’euros (‐3,9 % par rapport à 2013). La part du genre atteint 29,3 % des ventes totales. Bien qu’en baisse, le niveau de chiffre d’affaires de l’animation française reste à son deuxième meilleur niveau depuis dix ans après une année 2013 record.Les formats de 22 minutes et 26 minutes sont de moins en moins sollicités au profit de formats courts (7, 11 ou 13 minutes) plus en phase avec les nouveaux modes de consommation des enfants. « Les réseaux et les grandes chaînes jeunesse américaines (Cartoon Network, Disney…) se tournent régulièrement vers les programmes d’animation français à l’image de Spark ou NBC Kids », souligne l’étude. Ces dernières ont acheté « Zou » (104 x 11'), les « Lapins Crétins » (78 x 71') vendu par FranceTV distribution ou « Sally Bollywood » (104 x 13').Les formatsLes ventes de formats français (fiction, jeux et variétés) à l’étranger continuent leur croissance (+3,5 %), passant de 22,1 millions d’euros en 2013 à 22,8 millions en 2014. Le marché reste en progression et continue à séduire de nouveaux territoires : le Royaume‐Uni, la Belgique, l’Espagne et l’Italie renouvellent leurs achats.Le jeu et le divertissement sont traditionnellement recherchés, aussi bien des valeurs sûres comme « Des chiffres et des lettres » (France TV distribution) ou « Fort Boyard » (ALP), mais aussi des nouvelles écritures comme « Slam » (Effervescence Productions, vendu par Can’t Stop Media) vendu en Slovénie ou « Run & Buzz », vendu par Newen Distribution en Turquie, en Espagne, au Benelux et en Russie. Les émissions de divertissement portent aussi le marché comme « Les Enfants de la télé » vendue par Endemol.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet A partir de novembre, Sotheby’s dispersera aux enchères la collection de son ancien propriétaire et président, Alfred Taubman, décédé en avril. Et il ne s’agira rien de moins que de la plus importante collection privée jamais mise en vente.Une collection pléthorique découpée par époquesComme l’a annoncé le 3 septembre la maison de ventes, la dispersion sera répartie en plusieurs sessions cet automne et cet hiver à New York, avec une première vente dédiée aux « chefs-d’œuvres », le 4 novembre, une deuxième à l’art moderne et contemporain, le 5 novembre et une troisième à l’art américain, le 18 novembre. Une dernière vente, consacrée aux maîtres anciens, sera organisée le 27 janvier 2016.Sotheby’s donnera davantage de détails sur le contenu de ces ventes dans le courant du mois de septembre. Ce que l’on sait de la première promet déjà des records. Trois œuvres sont, en effet, estimées entre 25 et 35 millions chacune : Femme assise sur une chaise (1938), de Pablo Picasso, Untitled XXI (1976), de Willem de Kooning, et Portrait de Paulette Jourdain (1919), d’Amedeo Modigliani. Deux œuvres de Mark Rothko sont, par ailleurs, estimées entre 20 et 30 millions de dollars : Untitled (Lavender and Green) (1952) et N°6/Sienna, Orange on Wine (1962).L’ensemble de la collection mise en vente, qui comprend plus de 500 œuvres datant de l’antiquité à nos jours (Albrecht Dürer, Raphaël, Winslow Homer, Charles Burchfield, Egon Schiele, Jackson Pollock, Frank Stella…) est estimée à 500 millions de dollars (près de 450 millions d’euros). Elle devrait sans peine surpasser le précédent record établi par la vente Saint Laurent-Bergé par Christie’s, à Paris, en février 2009. A l’époque qualifiée de « vente du siècle », la dispersion de 730 lots, dont une trentaine de chefs-d’œuvres, avait rapporté 374 millions d’euros (dont deux bronzes chinois controversés, à 31 millions d’euros, qui n’avaient pas été payés).L’exposition des œuvres mises en vente débutera à New York à la fin octobre.La question des œuvres prêtées à DetroitParmi les pièces mises en vente figurent celles que le collectionneur avait prêtées à long terme au Detroit Institute of Arts (DIA). Si le musée reste discret sur les œuvres en question, le Detroit Free Press précise qu’il s’agit de huit peintures. Selon le Detroit News, sept d’entre elles sont des peintures baroques, dont Musical Company (1661), du peintre hollandais Hendrick Maertensz Sorgh.Le DIA fut au centre d’un débat passionné en 2014, alors que la ville de Detroit était en situation de banqueroute. La question de la vente de cette riche collection municipale fut posée. Finalement, une levée de fonds de 800 millions de dollars auprès de fondations, de grandes entreprises et de l’Etat du Michigan, appelée le « Grand Bargain », avait permis de sauver ce trésor artistique, constitué en grande partie grâce à des dons de collectionneurs de la ville.Lire : Les œuvres d’art de Detroit hypothéquées contre 3 milliards de dollars ? et Les constructeurs automobiles s’unissent pour sauver la collection d’art de DetroitSi Alfred Taubman avait seulement prêté ces œuvres à long terme, il avait, par ailleurs, fait des dons au musée, rappelle le Detroit News, notamment Small Landscape with Garden Door, de Paul Klee, une chaise de Charles Rennie Mackintosh et une sculpture de Raymond Duchamp-Villon, The Great Horse, installée en extérieur.Qui était A. Alfred Taubman ?Architecte de formation, cet entrepreneur du Michigan avait fait fortune en construisant des centres commerciaux dès les années 1950. Selon le site du Forbes Magazine, l’ensemble de ses actifs est estimé à 3,1 milliards de dollars (plus de 2,7 milliards d’euros).Collectionneur d’art passionné et avisé, il avait réparti sa large collection entre ses résidences, par catégories, rapporte le Detroit News : le modernisme dans sa maison contemporaine de la banlieue de Detroit, l’art britannique dans un appartement classique de Mayfair à Londres, les peintures de maîtres anciens à Palm Beach, et les dessins des maîtres anciens, ainsi que l’impressionnisme, dans sa résidence new-yorkaise.L’homme d’affaires a eu un rôle culturel et philanthropique important aux Etats-Unis tout au long de sa vie. Ses dons, qui s’élèvent à plusieurs centaines de millions, concernent les arts, l’éducation et la recherche médicale (sur les cellules souches ou la maladie de Charcot).Il est à l’origine du développement de Sotheby’s, maison de ventes qu’il avait rachetée en 1983. En 2002, il fut condamné pour entente illicite avec son concurrent, Christie’s, et purgea une peine de dix mois de prison, assortie d’une amende de 7,5 millions de dollars, même s’il a toujours clamé son innocence dans cette affaire. Sa famille n’est plus actionnaire majoritaire de la maison de ventes depuis 2005.L’homme d’affaires est décédé le 17 avril d’une crise cardiaque à son domicile du Michigan, à l’âge de 91 ans. Le produit des ventes aux enchères de sa collection d’art sera utilisé pour régler les frais de succession et financer la Fondation A. Alfred Taubman, qui poursuivra son travail philanthropique, a annoncé sa famille.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Triste début de saison pour l’Opéra de Paris qui vient de voir l’annulation de ses deux spectacles d’ouverture coup sur coup. Il s’agit certes de reprises – la production de Madama Butterfly, de Puccini, mise en scène de Bob Wilson, qui devait débuter samedi 5 septembre à l’Opéra Bastille, et celle de Platée, de Rameau, signée Laurent Pelly, sous la direction de Marc Minkowski, programmée lundi 7 septembre au Palais Garnier.Le préavis de grève avait été déposé le 9 juillet par le syndicat de la fonction publique FSU. Il concerne les six premières productions de la nouvelle saison de Stéphane Lissner (elle pourrait donc toucher le très attendu Moïse et Aaron, de Schoenberg par Romeo Castellucci, le 17 octobre). Le différend porte sur le doublement d’une prime de modulation et de variabilité horaires des techniciens et son intégration dans le calcul des retraites.Vendredi 4 septembre, la négociation entre les syndicats et la direction menée jusque dans l’après-midi n’ayant pas permis de lever l’appel à la grève, la direction de l’Opéra de Paris avait pris les devants en annulant le spectacle « sans attendre le dernier moment, par respect pour le public et pour toutes les équipes de l’établissement » (communiqué à l’AFP).Le 5 septembre, la répétition générale de Platée avait eu lieu normalement. Une nouvelle réunion de concertation s’est tenue, lundi 7 septembre au matin, entre les délégués syndicaux de la FSU et la direction. Mais « les propositions de la direction d’une revalorisation sur trois ans de la prime adressées par écrit dès la fin de cette réunion » n’ont pas empêché les salariés des équipes techniques du Palais Garnier de voter la grève à leur prise de service. La direction a annoncé son intention de poursuivre le dialogue avec une nouvelle rencontre prévue mardi 8 septembre.Période de rigueurCe n’est peut-être pas tout à fait un hasard si cette grève éclate au moment où le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, après une première année de transition où il a dû gérer la dernière saison de son prédécesseur, Nicolas Joel, présente sa première vraie programmation.L’ex-surintendant de La Scala de Milan a la réputation d’être un bon gestionnaire habile à la négociation (il a gagné ses galons de grand patron en 2003 au Festival d’Aix-en-Provence lors du conflit des intermittents du spectacle). Mais l’Opéra de Paris, qui possède deux maisons et compte quelque 2 000 salariés (1 500 emplois CDI et 329 CDD en 2014), doit faire face, lui aussi, à une période de rigueur (baisse des subventions).A l’heure où moult projets innovants tentent d’apporter un coup de jeune à l’Opéra de Paris (lancement d’une nouvelle Académie pour former aux métiers de l’opéra et du ballet, création très médiatisée d’une « troisième scène » numérique en direction d’un nouveau public via Internet), le conflit des techniciens semble renouer avec de vieux démons corporatistes. Sur les réseaux sociaux, on parle de sabotage.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Les musées font leur rentrée. Peinture, photographie, histoire(s) : voici une première sélection de grandes expositions parisiennes à ne pas manquer.« Osiris, mystères engloutis d’Egypte » à l’Institut du monde arabe Les mystères d’Osiris, célébrations initiatiques de vingt et un jours, honoraient la légende fondatrice de l’Egypte : celle d’Osiris, fils de la Terre et du Ciel, tué par son frère Seth, qui démembra son corps et en jeta les morceaux dans le Nil ; Isis, sœur-épouse d’Osiris, le reconstitua et lui rendit la vie avant de concevoir leurs fils, Horus, qui eut l’Egypte en héritage. L’Institut européen d’archéologie sous-marine a découvert près d’Alexandrie, dans deux cités submergées depuis le VIIIe siècle, de nombreux témoignages archéologiques de ces rituels, auxquels l’exposition proposera d’« initier » les visiteurs.« Osiris, mystères engloutis d’Egypte » à l’Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e. De 10,50 euros à 15,50 euros. Du 8 septembre 2015 au 31 janvier 2016.« Villa Flora, les temps enchantés » au Musée Marmottan-Monet Entre 1905 et 1936, le couple de collectionneurs suisses Arthur et Hedy Hahnloser-Bühler se passionne pour le mouvement nabi et le fauvisme, muant la Villa Flora, sa demeure de Winterthur, en un lieu de rencontre et de création pour les artistes de leur temps. Toiles, dessins ou sculptures de Pierre Bonnard, Paul Cézanne, Giovanni Giacometti, Ferdinand Hodler, Aristide Maillol, Edouard Manet, Henri-Charles Manguin, Albert Marquet, Henri Matisse, Odilon Redon, Pierre-Auguste Renoir, Félix-Edouard Vallotton, Vincent van Gogh ou Edouard Vuillard : un ensemble de soixante-quinze œuvres de leur exceptionnelle collection, témoin d’une époque, est montré pour la première fois en France.« Villa Flora, les temps enchantés » au Musée Marmottan-Monet, 2, rue Louis-Boilly, Paris 6e. De 6,50 euros à 11 euros. Du 10 septembre 2015 au 7 février 2016.« Florence, portraits à la cour des Médicis : Bronzino, Salviati, Pontormo » au Musée Jacquemart-André Au XVIe siècle à Florence, l’art du portrait, qui se fait miroir des mutations politiques et culturelles de la ville, connaît un âge d’or. Austérité de la période républicaine du début du Cinquecento, représentations héroïques lors des conflits amenant les Médicis à prendre le pouvoir sur Florence, en 1530, puis portraits de cour et d’artistes : le genre fut plébiscité par l’élite florentine. A travers une quarantaine d’œuvres, l’exposition s’intéresse à la façon dont les grands portraitistes de la ville ont expérimenté de nouvelles manières de représenter leurs contemporains, tandis que les modèles projetaient, à travers ces représentations, leur statut social aussi bien que leurs valeurs et aspirations, dans des mises en scène riches en symboles et en références.« Florence, portraits à la cour des Médicis » au Musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, Paris 8e. De 10 euros à 15 euros. Du 11 septembre au 25 janvier 2016.« Fragonard amoureux, galant et libertin » au Musée du Luxembourg Mettre en lumière l’œuvre de Fragonard à travers le prisme amoureux, c’est montrer toute l’étendue des approches de l’artiste sur la question : des compositions champêtres de ses débuts jusqu’aux allégories amoureuses de la fin de sa carrière, ses œuvres recèlent, sur près de cinq décennies, des scènes sensuelles, galantes, libertines, voire polissonnes, comme de délicates explorations du sentiment amoureux. Cet inlassable approfondissement de la thématique par l’artiste est présenté à travers une sélection de plus de quatre-vingts œuvres célèbres ou plus confidentielles, mises en regard avec les créations de ses contemporains, peintres ou écrivains qui ont nourri son inspiration et ses réflexions.« Fragonard amoureux, galant et libertin » au Musée du Luxembourg, 19, rue de Vaugirard, Paris 6e. De 7,50 euros à 12 euros. Du 16 septembre 2015 au 24 janvier 2016.« Take Me (I’m Yours) » à la Monnaie de Paris Après la « Chocolate Factory » de Paul McCarthy et le « Musée d’Art moderne » de Marcel Broodthaers, la Monnaie de Paris se lance dans un nouveau pari : reprendre une exposition imaginée par l’artiste Christian Boltanski et le critique d’art Hans Ulrich Obrist en 1995 à la Serpentine Gallery de Londres. Le duo est convié à renouveler cette expérience collective, participative et évolutive qui bouscule et interroge les rapports entre l’art et son public. Les visiteurs sont ainsi invités à manipuler et à emporter avec eux projets et idées de la trentaine d’artistes internationaux participants. Une dizaine étaient déjà de la partie il y a vingt ans (Gilbert & George, Douglas Gordon, Carsten Höller, Fabrice Hyber, Wolfgang Tillmans…). Ils sont rejoints par Philippe Parreno, Bertrand Lavier, Rirkrit Tiravanija ou encore Yoko Ono.« Take me (I’m Yours) » à la Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, Paris 6e. De 8 euros à 12 euros. Du 16 septembre au 8 novembre.« Une brève histoire de l’avenir » au Louvre Le livre de Jacques Attali Une brève histoire du monde (Fayard, 2006) a inspiré deux expositions complémentaires et concomitantes, à Paris et à Bruxelles, cet automne. Celle du Louvre choisit de faire dialoguer des œuvres de toutes les époques susceptibles d’éclairer notre regard sur l’avenir. Les arts, comme les sciences, sont convoqués pour repenser l’avenir à travers les civilisations ou les sociétés disparues, leurs moments d’avancée ou d’échec. Le parcours, rythmé par quatre grands ensembles (l’ordonnancement du monde, les grands empires, l’élargissement du monde et le monde d’aujourd’hui), rassemble quelque deux cents œuvres anciennes ainsi que des commandes, notamment à Chéri Samba, Ai Weiwei ou Camille Henrot. A Bruxelles, les Musées royaux de Belgique proposent une approche plus prospective, articulée autour de grandes questions sociétales, à l’échéance 2050.« Une brève histoire de l’avenir » au Louvre, Paris 1er. Entrée : 15 euros. Du 24 septembre 2015 au 4 janvier 2016.« 2050 : une brève histoire de l’avenir », aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 3, rue de la Régence, Bruxelles. De 8 euros à 14,50 euros. Du 11 septembre au 24 janvier 2016.« Splendeurs et misères, images de la prostitution, 1850-1910 » au Musée d’Orsay Pendant le Second Empire, puis à la Belle Epoque, la prostitution devint un phénomène imprégnant toutes les strates de la société parisienne. En observateurs de leur temps, peintres, écrivains et photographes ont rendu compte des multiples facettes de cette réalité sociale sulfureuse qui a nourri leur imagination et qui occupera une place centrale dans le développement de la peinture moderne. De l’univers des maisons closes, lieu de sociabilité comme de fantasme, à l’espace public où, sur les boulevards, au théâtre ou à l’opéra, les codes se font plus ambigus ; des simples brasseries et cafés-concerts au sommet social de ces pratiques avec les courtisanes, ou cocottes, femmes fatales entretenues qui sont elles-mêmes les clientes des artistes, à qui elles commandent leurs portraits.« Splendeurs et misères, images de la prostitution, 1850-1910 » au Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’Honneur, Paris 7e. De 8,50 euros à 11 euros. Du 22 septembre au 17 janvier 2016.« Elisabeth Louise Vigée Le Brun » au Grand Palais Portraitiste de renom, Elisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842) a traversé les soubresauts de l’histoire de France, de l’Ancien Régime à l’Empire. Cette première grande rétrospective qui lui est consacrée choisit d’appréhender au plus près son parcours hors du commun. Si le fait d’être une femme l’a empêchée d’élargir son champ au grand genre de son époque, la peinture d’histoire, sa détermination à dépasser les contraintes l’a amenée à renouveler l’art du portrait de façon très personnelle. Sa clientèle, d’abord bourgeoise, s’est étendue jusqu’à la cour et à Marie-Antoinette elle-même. La Révolution la poussera à l’exil. Elle vivra en Italie, en Autriche, en Russie, en Angleterre et en Suisse avant de rentrer à Paris. Au total, cent cinquante œuvres seront présentées dans cette exposition, qui voyagera au Metropolitan Museum de New York et au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa.« Elisabeth Louise Vigée Le Brun » au Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris 8e. De 9 euros à 13 euros. Du 23 septembre 2015 au 11 janvier 2016.« Dominique Gonzalez-Foerster, 1887-2058 » au Centre Pompidou Une exposition labyrinthique pour une biographie énigmatique. « Dominique Gonzalez-Foerster, 1887-2058 », la rétrospective prospective que le Centre Pompidou consacre à l’artiste française contemporaine (née en 1965), présente une trentaine d’œuvres, aussi bien en intérieur qu’en extérieur, et autant d’environnements plongeant les visiteurs de la fin du XIXe siècle jusque dans le futur, à travers des paysages ou des intérieurs tour à tour théâtraux, ludiques, introspectifs ou dystopiques. Des réalités parallèles, superposition de temps et d’espaces, traversés par des apparitions cinématographiques, littéraires et scientifiques. L’œuvre de l’artiste pourra s’y lire comme un portrait où il est tout autant question d’identité que de sensations, de fictions en suspens et de mémoires ouvertes.« Dominique Gonzalez-Foerster, 1887-2058 » au Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, Paris 4e. De 11 euros à 14 euros. Du 23 septembre 2015 au 1er février 2016.« Wifredo Lam » au Centre Pompidou Le Centre Pompidou consacre une rétrospective au Cubain Wifredo Lam (1902-1982), qui a occupé une place singulière dans l’art du XXe siècle, et dont l’œuvre complexe s’est inventée et articulée entre divers espaces géographiques et culturels, troublant parfois sa réception. Né d’un père chinois et d’une mère mulâtre descendante d’esclaves et d’Espagnols, le peintre est parti se former en Espagne, pays qu’il devra fuir pendant la guerre civile pour Paris, où il sera encouragé par Picasso, Michel Leiris et André Breton. L’Occupation le poussera à nouveau à partir, d’abord pour Marseille, puis vers Cuba après vingt années passées en Europe. L’artiste vivra mal ce retour forcé dans son pays natal, dominé par la corruption et la misère, et c’est dans un contexte de résistance culturelle aux dictatures comme à l’américanisation que ses rencontres à Cuba, aux Antilles et en Haïti lui feront redécouvrir la culture afro-cubaine qui nourrira son œuvre à partir des années 1940.« Wilfredo Lam » au Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, Paris 4e. De 11 euros à 14 euros. Du 30 septembre 2015 au 15 février 2016.Mais aussi…Parmi les actualités de septembre, noter aussi l’exposition consacrée au photographe canadien Jeff Wall, « Jeff Wall – Smaller Pictures » à la Fondation Cartier-Bresson (du 9 septembre au 20 décembre), l’invitation faite à l’artiste français Julien Prévieux, Prix Marcel-Duchamp 2014, par le Centre Pompidou, intitulée « L’histoire de la capture des mouvements » (du 23 septembre 2015 au 1er février 2016), l’exposition consacrée au travail du photojournaliste Jean-Pierre Laffont, « Tumultueuse Amérique », à la Maison européenne de la photographie (du 2 septembre au 31 octobre), ou encore « Chefs-d’œuvre d’Afrique », au Musée Dapper (du 30 septembre 2015 au 17 juillet 2016).Ce mois de septembre est aussi marqué par une réouverture à Paris, celle du Musée Rodin, après trois ans de travaux.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.09.2015 à 18h49 • Mis à jour le08.09.2015 à 07h13 Le musée, sept jours sur sept. A l’occasion de l’inauguration de l’exposition « Osiris, mystères engloutis d’Egypte », à l’Institut du monde arabe, lundi 7 septembre, François Hollande a annoncé l’ouverture quotidienne du Musée du Louvre, du Musée d’Orsay et du château de Versailles « dès cet automne ». Le jour d’ouverture supplémentaire sera réservé aux élèves des écoles, collèges et lycées. Les groupes scolaires pourront ainsi désormais visiter le lundi le musée d’Orsay et Versailles, et le Louvre le mardi.Selon des proches de M. Hollande, « des moyens spécifiques » ont été dégagés pour permettre une mise en œuvre de ces mesures à compter d’octobre ou novembre. Le président avait déjà émis le souhait d’une ouverture de ces trois grands sites tout au long de la semaine le 25 octobre 2014, lors de l’inauguration du Musée Picasso rénové, à Paris. Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde Sylvain Siclier Avec de la pop et du surf à Bordeaux et Darlene Love en route vers la plage, la sélection musicale de la semaine a un arrière-goût de vacances…UN VIDÉOCLIP : « Forbidden Nights », par Darlene LoveUn « Sha-la-la/Sha-la-la… » pour débuter. Des violons, des chœurs, une section de vents, une rythmique bien dans le temps et l’esprit des chansons pop que façonnait dans les années 1960 le producteur Phil Spector. Ce n’est pas maintenant avec Forbidden Nights que Darlene Love va révolutionner sa manière, elle qui fut choriste au sein de The Blossoms et de diverses productions de Spector qui accompagna aussi son envol en solo.Au volant d’une Cadillac rouge décapotable, modèle de 1961, en route vers le parc d’attraction et les plages d’Asbury Park (New Jersey), Darlene Love retrouve et croise copines et copains : ses choristes, mais aussi Joan Jett, Paul Shaffer et Bill Murray avec planches de surf, Elvis Costello (qui a composé la chanson) jouant au ballon, Steve Van Zandt et Bruce Springsteen, « spectoriens » et « loviens » convaincus de longue date, David Letterman, l’animateur de télévision, fidèle admirateur… Du soleil, des couleurs chaudes et 3 minutes 47 secondes de réjouissante nostalgie musicale. Un album de la chanteuse, produit par Van Zandt, est annoncé pour la mi-septembre.Voir la vidéo sur YouTubeUN FESTIVAL : Ocean Climax, à Bordeaux, des débats, des concerts, de la glisse… La première édition du festival Ocean Climax se tiendra du jeudi 10 au dimanche 13 septembre, à Bordeaux. Cette initiative de la Surfrider Foundation Europe – une fondation dédiée à la protection des lacs, des rivières, de l’océan, des vagues et du littoral – s’est pour l’occasion installée sur le site d’une ancienne caserne militaire, quai des Queyries, et organise des débats, des rencontres sur des thèmes écologiques ou scientifiques, des concerts, des démonstrations de sport de glisse, du street-art…Sont annoncés notamment Françoise Gaill, présidente du Conseil stratégique et scientifique de la flotte océanographique française, l’astrophysicien Hubert Reeves, des chercheurs, dont Lionel Guidi, des politiques (Alain Juppé, Ségolène Royal…). Pour la musique, il y aura de quoi satisfaire (presque) tous les goûts avec de l’électro (C2C, Vitalic, Etienne de Crécy…), de la pop et du rock (Peter von Poehl, Robin Foster, Citizens !, Allah-Las, Mars Red Sky…), du reagge (Tom Frager, Tiken Jah Fakoly)…Ocean Climax au Darwin Eco-Système, 87 quai des Queyries, Bordeaux. Du 10 au 13 septembre. De 19 euros à 31 euros, forfaits deux et trois jours, 56 euros et 70 euros. Accès libre aux conférences et débats.UN ALBUM : Des tubes pop arrangés pour grande formation jazz dans « Songs We Like A Lot », de John Hollenbeck Avec une équipe similaire à celle de son précédent album, Songs I Like a Lot, publié en 2013 et toujours un choix très exact de reprises, le batteur, compositeur, chef d’orchestre et arrangeur américain John Hollenbeck nous emporte à nouveau dans son univers musical, sophistiqué sur le plan du travail rythmique et harmonique, mais toujours en attention au développement mélodique le plus clair. Ornette Coleman, Queen ou Jimmy Webb était au programme du précédent disque. Cette fois, on y trouve Jimmy Web (Up, Up and Away, immense tube de l’année 1967), Cyndi Lauper (True Colors), Daft Punk (Get Lucky), ou encore Close To You, composition de Burt Bacharach et Hal David, que Dionne Warwick, The Carpenters, Dusty Springfield, Frank Sinatra ou encore Isaac Hayes portèrent à des sommets. A chaque fois, Hollenbeck, accompagné par le Frankfurt Radio Big Band et les voix de Theo Bleckmann et Kate McGarry, explore ces fantaisies pop sans en perdre la nature originelle tout en les réinventant, les transformant, pour en faire de superbes créations.« Songs We Like A Lot », de John Hollenbeck, 1 CD Sunnyside/Naïve.RESERVEZ VITE : King Crimson à l’Olympia du 20 au 22 septembre Parmi les vétérans du rock progressif britannique de la fin des années 1960 et du début des années 1970, le groupe King Crimson, comme Van Der Graaf Generator a toujours été considéré comme un peu à part. L’un et l’autre plus sombres, plus étranges, moins agréables à l’oreille aussi. Toujours actif et sous la direction de son fondateur en 1968, le guitariste et compositeur Robert Fripp, King Crimson a connu de nombreuses formes. Il est actuellement constitué de trois batteurs, en avant sur la scène, de deux guitaristes (Fripp et Jakko Jakszyk), du bassiste Tony Levin et du saxophoniste et flûtiste Mel Collins (présent en 1970 et 1971). Le groupe, en tournée européenne, affiche déjà complet sur de nombreuses dates.Pour ses seuls concerts français, King Crimson se produira trois fois à l’Olympia, à Paris. Si les places les moins chères (51 euros) et les plus chères (115 euros) sont épuisées ou en voie de l’être, il reste des billets aux tarifs intermédiaires, de 67,50 à 84 euros pour qui voudrait se laisser emporter par les combinaisons rythmiques et mélodiques, boucles, superpositions, fractures et relances d’une musique sans beaucoup d’équivalent.King Crimson à l’Olympia, Paris, du 20 au 22 septembre.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 05.09.2015 à 11h03 • Mis à jour le06.09.2015 à 21h11 | Stéphane Davet « When I see a man, I see a lion » tonne Yannis Philippakis dans la chanson titre de What Went Down, le nouvel album de Foals. Fauve trapu et tatoué aux boucles et au collier de barbe noirs, le chanteur du quintette d’Oxford a ce soir du mal à rugir.Les multiples interviews et sollicitations promotionnelles promises à un groupe à la popularité exponentielle et les premiers concerts de lancement de ce quatrième opus, sorti le 28 août, ont meurtri un larynx en constante recherche d’intensité.Avant un show prévu le 2 février, à l’Olympia, les Anglais sont venus saluer un millier de fans parisiens, le 4 septembre, sous le chapiteau de velours rouge du Cabaret sauvage. Le nom donné à ce Magic Mirror et son ancestrale fonction de parquet de bal conviennent bien à un groupe qui s’est d’abord fait connaître pour son incandescence scénique et sa façon de faire danser les riffs.Si le rugissement est en souffrance, les félins savent encore se battre et griffer. Leur nouvel album accentue d’ailleurs la lourdeur de leurs coups, plus que la vélocité de leurs déhanchements. L’intranquillité endémique de Philippakis s’y exprime souvent avec des guitares plombées d’une rage plus stoogienne.Morceau phare de What When Down, Mountains at my Gates équilibre magnifiquement cette tension électrique avec une fluidité plus funky et un refrain au lyrisme crève-cœur. Le reste du disque confirme pourtant le péché mignon d’un gang plus porté sur la performance physique, l’explosivité, que sur les nuances du songwriting.Transe chaloupéeLe concert rappelle pourtant que ce goût pour la fièvre s’est parfois exprimé avec agilité. A une époque où la scène dance-rock avait tendance à en rajouter dans la raideur post-punk, Foals a insufflé aux boucles cérébrales du math-rock, la sensualité de l’afro-beat.Au Cabaret Sauvage, le groupe brille particulièrement quand montées vertigineuses et distorsions hypnotiques sont aérées de trilles sautillants d’origine tropicales et de la transe chaloupée chère à Fela Kuti (My Number et le rappel final de Two Steps, Twice).Même en petite forme, l’ancien étudiant en littérature, fils d’un Grec et d’une Sud-Africaine, reste fidèle au rituel de la communion charnelle avec un public dans lequel il plonge, comme dans un bain en ébullition.Un peu comme dans le répertoire des Californiens rock et groovy des Red Hot Chili Peppers, quelques ballades décharnées (Spanish Sahara) suspendent le vacarme pour de beaux instants de mélancolie aérienne. Avant que le convoi ne reprenne implacablement sa route.Disque : What Went Down, de Foals, 1 CD Transgressive/Warner.Concert : le 2 février, à Paris, à l’Olympia. De 38,40 à 42,80 euros.Stéphane DavetJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Eblouissant début de saison ce 3 septembre à la Philharmonie de Paris qui ouvre le score avec l’Orchestre symphonique de Boston (BSO) et son jeune chef de 36 ans, le charismatique Andris Nelsons accompagné d’un invité de marque, la star du violoncelle, Yo-Yo Ma. Salle comble avec premier ministre (Manuel Valls) au balcon : rien ne semble infléchir le parfait amour que file la nouvelle salle de concerts de l’Est parisien avec son public. Un public dont l’on peut mesurer avec bonheur l’éclectisme : il applaudit encore entre les mouvements de symphonie. L’été a par ailleurs permis le dégagement de l’entrée du bâtiment et la mise en route de l’escalator à petite vitesse qui mène les mélomanes des jardins de la Villette aux sommets musicaux – ceux du bâtiment de Jean Nouvel sont toujours inaccessibles.On avait entendu Andris Nelsons conduire avec une impétuosité bouleversante la sombre Dixième symphonie op. 93 de Chostakovitch dans cette même Philharmonie le 10 mars dernier. L’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, porté aux limites de la folie, avait subjugué par son incandescente maestria. C’est dire si l’impatience qu’on a de l’entendre à nouveau par le jeune maître letton cette fois aux commandes de son Orchestre symphonique de Boston (lequel vient de prolonger son contrat jusqu’en 2022), avec lequel il vient précisément de la graver pour Deutsche Grammophon.Magnifique machine orchestraleLes Bostoniens effectuent actuellement leur première tournée européenne depuis huit ans. Ils font partie toujours partie des fameux « Big Five » américains et comptent parmi les dix meilleurs orchestres au monde. C’est peu dire que la réputation de cette magnifique machine orchestrale n’a rien d’usurpée. Difficile de résister à cette toison d’or polyphonique, à l’admirable qualité des timbres, la densité somptueuse du legato, la clarté des registres et l’acuité rythmique de pupitres virtuoses. Nelsons le bâtisseur de temple construit sa symphonie pierre par pierre. Le ton s’est assagi depuis les Néerlandais. Leur fiévreuse démesure a laissé place à une ferveur plus concentrée, à un désespoir plus contenu. Le très motorique deuxième mouvement, avec cuivres et percussions, tirera même notre premier ministre de la contemplation de son portable. Andris Nelsons mènera cette douloureuse apnée de la conscience vers sa résolution plus lumineuse tandis que résonne au sein du tissu orchestral la signature musicale de Chostakovitch, DSCH – ré, mi-bémol, do, si.Yo-Yo Ma conteur et poèteMais c’est du Don Quichotte de Richard Strauss, donné en première partie, que sera né l’éblouissement. Le long poème symphonique pour orchestre, alto et violoncelle, composé d’après le roman de Cervantès, sied particulièrement aux Américains, qui démontrent leur éclatante maîtrise. La direction décontractée et très calligraphiée d’Andris Nelsons (sa silhouette d’ours se dandinant, dansant, ou se redressant sur les pattes arrière, ses accoudements au bastingage derrière le podium) sert avec une imagination époustouflante les séduisantes « variations fantastiques sur un thème chevaleresque » de Strauss. Yo-Yo Ma, tour à tour conteur et poète, joue en chambriste, les yeux dans l’orchestre, cette partition qu’il connaît sur le bout de l’archet pour en avoir livré il y a quinze ans une version de référence avec le Boston Symphony Orchestra alors dirigé par Seiji Ozawa (l’album vient d’être remastérisé chez Sony Classical). A bientôt 60 ans (il est né à Paris le 7 octobre 1955), le grand violoncelliste américain prouve qu’il est toujours un artiste de premier plan tant lui sied cette musique fantasque et tendre, grotesque et malicieuse, qui mêle aux envolées lyriques du Chevalier à la Triste Figure les interjections cocasses voire potaches de son pragmatique écuyer Sancho Pança (l’excellent altiste solo Steven Ansell). Le grand Yo-Yo mourra dans un dernier soupir en léger glissando, le violoncelle inerte posé dans ses bras entrouverts.Philharmonie de Paris, Paris-19e. Prochains concerts avec Hélène Grimaud (piano) et l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction) les 9 et 10 septembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 60 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Christine Rousseau Magazine sur Paris Premières à 12 heures Alors que débute la Braderie de Lille, François-Régis Gaudry ouvre son carnet d’adresses gourmand et surprenant.Le premier week-end de septembre, des milliers de chineurs investissent les rues de Lille en quête de la bonne affaire, de l’objet unique, singulier ou improbable, qui viendra parfaire leur intérieur ou compléter une collection. Et comme les cent kilomètres de cette immense braderie – la plus grande d’Europe – ouvrent les appétits, nombreux sont ceux qui succombent aux incontournables moules-frites. Or, derrière les montagnes de coquilles qui s’amoncellent, se révèle plus d’un lieu pour mettre les papilles à la fête. Car la « belle endormie » que fut Lille a su, comme le dit si bien François-Régis Gaudry, se refaire une beauté dans l’assiette, loin des traditionnels welsh et carbonnade.Redoutablement appétissantPour s’en convaincre, il n’est qu’à mettre ses pas dans ceux de cet infatigable dénicheur et fin gourmet, qui distille bons plans et bonnes adresses, en trois temps, trois mouvements, chaque semaine, sous les coups de midi, dans son magazine dominical, si bien nommé Très très bon.Après une halte à la crémerie Delassic pour remplir son panier d’un Crayeux de Roncq – le maroilles, vous n’y couperez pas… – ou d’un Ecume de Wimereux – double crème qui mettra sans doute au supplice quelques amateurs de fromages –, M. Gaudry s’en va gaillardement les accorder avec quelques bières locales, sur les conseils avisés du patron des Bières de Célestin.Puis, le temps de faire s’affronter – et par là même de faire découvrir – deux jeunes chefs toqués de leur région, le voici déjà attablé, en compagnie d’une jeune blogueuse lilloise, au Bloempot, « restau-phénomène » où, dans une ambiance rustique et un poil hipster, sévit le médiatique, mais non moins talentueux et étoilé Florent Ladeyn, qui a été l’une des belles révélations de « Top Chef » 2013.Les amateurs de street-food et les becs sucrés ne sont pas oubliés grâce à ses deux chroniqueuses : Mina, qui teste le Tamper !, un coffee-shop - cantine où l’on joue « le plus possible » la carte du bio et du local ; et Elvira, qui passe au banc d’essai les célèbres gaufres de chez Meert.Riche, surprenant et redoutablement appétissant, ce menu express troussé avec verve et humour en vingt-huit minutes, séduit. Car, même si la formule du « carnet d’adresses gourmand » n’est pas nouvelle, M. Gaudry a su malicieusement la renouveler et, chemin faisant, la mettre au goût du jour. A sa manière, sans chichis ni envolées lyriques, simplement avec un art consommé de la curiosité et du partage.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Martine Delahaye Série sur Netflix « Narcos », ou l’invention du narcoterrorisme d’Etat par Pablo EscobarPour suivre les dix épisodes de « Narcos », nouvelle série de Netflix, mieux vaut s’intéresser a priori au trafic international de la drogue. Et oublier au plus vite la « boursouflure » sur laquelle s’ouvre son premier épisode : une introduction écrite sur « le réalisme magique ». Rien de commun, en réalité, entre la constitution d’un cartel de narcotrafiquants par le Colombien Pablo Escobar, que cette série reconstitue, et « le réalisme magique » que l’on considère comme l’une des marques de l’œuvre d’un autre Colombien, le Prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez (1927-2014)…Mieux vaut, enfin, pour pouvoir l’apprécier jusqu’à son terme, se préparer à une première moitié qui peut lasser de par son montage haché, ses séquences au rythme très nerveux et le recours à un récit en voix off relatant l’irrésistible ascension du personnage haut en couleur que fut Pablo Escobar. Pour autant, une fois les personnages et le décor installés, une fois l’information documentaire délivrée (notamment au travers d’images d’archives, sur les données géopolitiques en jeu entre Amérique du Sud et Amérique du Nord), « Narcos », dans sa deuxième partie, devient assez fascinante.Les années 1980Fascinante parce qu’elle nous transporte dans une époque révolue, les années 1980, celles de Reagan aux Etats-Unis, d’un Escobar à la veille de devenir un monstre sanguinaire pour les uns, un Robin des pauvres pour les autres ; et nous ramène aux débuts d’une lutte aux armes inégales entre services secrets américains et narcotrafiquants.Fascinante, aussi, parce que l’on passe peu à peu, au fil des épisodes, de l’aspect « reconstitution froide » de la constitution d’un marché de la cocaïne, à l’histoire incroyablement romanesque, bien que réelle, de la Colombie. Un pays qui d’un côté se voit pris en otage par un narcotrafiquant imposant de sidérants diktats à ses gouvernements successifs (allant jusqu’à éliminer les candidats à la présidentielle rétifs) et de l’autre se trouve incapable de lutter contre Pablo Escobar sans l’aide de l’Amérique du Nord (CIA, FBI…).L’histoire nous est contée par un agent de la DEA (Drug Enforcement Administration), Steve Murphy, nouvellement arrivé à Medellin pour seconder son collègue Javier Pena dans la surveillance des narcotrafiquants de la région (tous deux doubles fictifs de deux agents nord-américains ayant réellement existé). Or, dans la guerre du renseignement que se livrent forces de l’ordre et forces du mal, qui pour neutraliser Pablo Escobar, qui pour infiltrer des tonnes de cocaïne chaque jour aux Etats-Unis, l’agent colombien a l’avantage du terrain : son argent lui permet d’acheter à peu près tout le monde. Son leitmotiv auprès des réticents étant « De l’argent ou du plomb » (« Acceptez mon argent et que je fasse mes affaires, ou acceptez les conséquences de votre refus pour vous et votre famille »).Si la structure narrative de « Narcos » rappelle celle des Affranchis, de Martin Scorsese, comme l’a indiqué son réalisateur Jose Padilha, le récit hautement romanesque du narcoterroriste mégalomane Pablo Escobar (fort bien interprété par le Brésilien Wagner Moura) nous a surtout fait penser, en fin de série, à un autre mafieux, fictif celui-là : Tony Soprano…« Narcos », créée par Chris Brancato, Carlo Bernard et Doug Miro et réalisée par Jose Padilha. Avec Wagner Moura, Boyd Holbrook, Pedro Pascal (Etats-Unis, 2015, 10 x 52 min). Les dix épisodes sont tous disponibles.Martine DelahayeJournaliste au Monde Joël Morio La station, qui cultive sa différence musicale à travers des choix artistiques affirmés, entend, grâce à la radio numérique terrestre, élargir son auditoire.Près de trente ans après sa création, OÜI FM reste sur son créneau : le rock. Mais ses premiers auditeurs « purs et durs » ont sans doute aujourd’hui un peu de mal à reconnaître les morceaux diffusés par une des « historiques » de la bande FM. « Cette radio est née rock, elle est toujours rock. La seule nuance qu’il faut apporter, c’est qu’elle vit avec son temps. La notion de ce qui est rock n’est pas la même qu’il y a trente ans », explique Emmanuel Rials, le président de la station. « Pour un auditeur des années 1980, le rock c’était peut-être les Clash, les Rolling Stones, Noir Désir ou les Rita Mitsouko pour la partie française. Aujourd’hui, pour un auditeur de 20 ans, c’est aussi l’électro-rock ou l’électro-pop, comme Shaka Ponk ou The Avener. Il y a davantage de chapelles qu’au moment du lancement de la station, mais elles sont toutes compatibles, ce qui n’était pas le cas à l’époque. »Malgré la concurrence de stations comme RTL 2 ou RFM qui puisent aussi dans les classiques du rock, OÜI FM veut cultiver sa différence. « Nous diffusons toujours des morceaux emblématiques, ce que l’on appelle des pépites, mais ils sont intégrés au sein d’un courant musical rock pop et soul très moderne », indique M. Rials. Surtout, par rapport aux réseaux qui appartiennent à de grands groupes, OÜI FM, qui fêtera exactement ses 29 ans en février 2016, continue à faire de la radio à l’ancienne.« Le grand écart »« Nos concurrents peuvent dépenser 1 à 2 millions d’euros par an pour étudier des panels et savoir ce qu’il faut diffuser, je n’ai pas un tel budget. Ce que nous faisons, ce sont des choix artistiques. » Les partis pris peuvent apparaître clivants, mais ils sont totalement assumés. Sur OÜI FM, on peut entendre Metallica ou Motörhead dès le réveil ou écouter les 11 min 40 s de The End, des Doors. « Plus de 50 % de nos titres ne sont diffusés sur aucune autre radio », se félicite le directeur de la station.Alors que les musicales attendent 6 heures pour ouvrir leur tranche matinale, OÜI FM réveille ses auditeurs dès 5 h 30 cette saison. Son nouveau « Morning du matin » réunit désormais Caro et Jérôme, un jeune animateur venu de Saint-Etienne.Autre différence par rapport aux radios qui ciblent un auditoire particulier, le public de la station, entrée fin 2008 dans AWR, le groupe d’Arthur, est assez large. « Il a entre 20 et 50 ans. Nous avons autant d’auditeurs dont l’âge se situe entre 25 et 35 ans qu’entre 35 et 49 ans. C’est le grand écart. On se fiche de plaire davantage aux adultes. Notre désir est de plaire à ceux qui nous écoutent. »Révolution numériqueDiffusée pendant deux décennies uniquement en Ile-de-France, la radio a tardivement décidé de s’implanter dans tout l’Hexagone. Elle ne dispose que d’une vingtaine de fréquences, et encore, si l’on inclut celles qu’elle a obtenues en RNT (radio numérique terrestre) à Marseille et Nice. « Il est indispensable pour une radio comme OÜI FM de rayonner. Nous avons candidaté à chaque appel du Conseil supérieur de l’audiovisuel, mais les fréquences disponibles ne sont pas très nombreuses », observe avec philosophie Emmanuel Rials.OÜI FM compte bien sur la RNT pour étendre la couverture du territoire alors que certains experts la juge déjà mort-née. « Dans toute l’Europe, ça fonctionne. Dans certains pays, elle représente 40 % de l’audience, d’autres ont même décidé l’extinction de la radio analogique. Il ne faut pas regarder la RNT avec un prisme parisien. Lorsqu’elle arrivera dans des villes comme Bordeaux, ce sera une véritable révolution pour les auditeurs, qui pourront disposer d’une soixantaine de radios contre une vingtaine aujourd’hui. C’est génial d’être en Ile-de-France, il y a 55 radios, et il est difficile de ne pas trouver celle que l’on aime. Mais cela ne se passe pas ainsi partout. A Périgueux, par exemple, on a le choix entre 12 stations, dont 7 du service public. Un tiers de la population française reçoit moins de 10 radios », souligne-t-il.Concerts et festivalsOÜI FM table sur d’autres canaux pour se faire écouter : un site, une application téléchargeable sur les smartphones, « le seul problème, ce sont les opérateurs, car avec un forfait de 5 Go, vous ne pouvez écouter la radio qu’une heure et demie par mois », explique encore Emmanuel Rials. La radio compte également sur… la télévision pour se développer. « La radio filmée est destinée à cette génération qui a besoin d’images et regarde la musique sur YouTube. Cette télé diffusée sur le Web réunit 300 000 téléspectateurs chaque mois et nous avons presque atteint les 500 000 en août », affirme-t-il.Pour accroître sa notoriété, la station mise également sur des festivals. Pendant trois jours en juin, plus de 25 000 personnes sont venues assister chaque soir à des concerts gratuits place de la République à Paris. En hiver, OÜI FM propose « Bring the Noise », émission destinée aux amateurs de métal. Enfin, elle organise une fois par mois des sessions très privées qui sont ouvertes à une soixantaine d’auditeurs. La station prévoit de programmer des concerts dans toute la France cette saison. Histoire de ne pas décevoir son nouveau public de province.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire sur Arte à 17 h 35 Rachel Kahn et Olivier Lemaire reviennent sur l’histoire des spoliations opérées par les nazis.Méthodiquement, des centaines de milliers d’œuvres d’art ont été volées par les autorités nazies dans les pays occupés. Rien qu’en France, on estime à environ cent mille le nombre d’œuvres concernées. Sous l’égide de l’ERR, service spécialement créé pour l’occasion et, de fait, organe officiel de la spoliation, le processus du pillage a été méticuleux : certaines toiles étaient destinées à la collection personnelle du Führer, d’autres à celle, monumentale, d’Hermann Göring. Les musées et les ambassades allemandes se servaient ensuite.Conscients que l’art, considéré à leurs yeux comme « dégénéré » (de Chagall à Picasso en passant par Matisse ou Léger), avait une grande valeur marchande, les nazis mirent en place un système de vente lucratif. Collectionneur compulsif, accumulant des trésors spoliés à des marchands d’art juifs, Göring a un jour échangé quatre Matisse contre un Bruegel. Ce même Göring s’est rendu, en quelques mois, à plus de vingt reprises, au Musée du Jeu de paume, où étaient entreposés les trésors volés. Durant toute la guerre, le marché de l’art, à Paris, a été très actif. Les ventes se succédaient à Drouot, la collaboration artistique se portait à merveille et, comme le souligne un avocat spécialiste de la question, « tout le monde a profité de la spoliation ».« Très émouvant »Créée en novembre 1944, la Commission de récupération artistique a permis de restituer 45 400 tableaux à leurs propriétaires. Mais les autres, que sont-ils devenus ? Sobre et riche en témoignages, ce documentaire retrace le parcours étonnant de trois œuvres majeures ayant appartenu à des collectionneurs juifs : L’Homme à la guitare, de Georges Braque (collection Alphonse Kann), Soleil d’automne, d’Egon Schiele (collection Karl Grünwald), et Profil bleu devant la cheminée, d’Henri Matisse (collection Paul Rosenberg).Fasciné par l’art moderne dès les années 1920, le Britannique Alphonse Kann fuit Paris à l’arrivée des troupes allemandes. Dès octobre 1940, sa maison de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) est pillée, des œuvres majeures disparaissent. Mort à Londres en 1948, on ne saura jamais si Kann a pu remettre la main sur L’Homme à la guitare, tableau qui réapparaît en 1981 au Centre Pompidou ! Durant de longues années, les héritiers livreront une délicate bataille judiciaire pour le récupérer. L’Autrichien Karl Grünwald fuit lui aussi son pays et, en 1942, place Soleil d’automne dans un entrepôt à Strasbourg. Des décennies plus tard, le chef-d’œuvre réapparaîtra dans un modeste appartement de Mulhouse (Haut-Rhin)…La toile de Matisse, mise à l’abri dans un coffre d’une agence bancaire de Libourne (Gironde) par Paul Rosenberg, connaîtra elle aussi une destinée hors du commun. Lorsqu’il meurt en 1959, le célèbre marchand d’art ignore encore ce qu’est devenu ce tableau exceptionnel. Le voilà qui resurgit en 2012, prêté par une fondation privée norvégienne au Centre Pompidou ! « Retrouver une toile comme celle-là est très émouvant… Qu’est-ce qu’elle a vu passer, depuis qu’elle a été peinte dans l’atelier de Matisse ! », souligne Anne Sinclair, petite-fille de Paul Rosenberg. Présentée depuis longtemps dans un musée d’Oslo, la toile de Matisse quittera finalement la Norvège pour revenir aux héritiers. Un cas de figure assez rare, car, pour de nombreux conservateurs, une fois qu’un tableau est dans un musée, il ne doit en sortir sous aucun prétexte. Et peu importe qu’une famille en ait été spoliée.Spoliation nazie, trois chefs-d’œuvre miraculés, de Rachel Kahn et Olivier Lemaire (France, 2015, 54 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.08.2015 à 09h08 • Mis à jour le31.08.2015 à 12h01 | Francis Marmande Le jeudi 13 mai 1952, Raymond Borde déniche dans une « gueille » de Toulouse – les puces, à côté, c’est le salon des antiquaires du Louvre –, une copie de The Ring (Alfred Hitchcock, 1927). De cette trouvaille naît la cinémathèque de Toulouse. Recopiant le début de L’Extricable (éditions Joëlle Losfeld, 1963), je me suis trompé la semaine dernière. Raymond Borde n’a jamais écrit : « Nous sommes traversés. Les lendemains qui chantent sont des lendemains qui gueulent. » Il écrit : « Nous sommes transpercés. »Ni fautes de frappe, ni coquilles, jamais : même si vous prétendez, par un bobard comique, vous être assis sur vos lunettes. Il n’y a que des recadrages de l’inconscient. Entre « traversés » et « transpercés », vous avez toute la distance du poïélitique.Jeudi dernier, j’ai lu à haute voix les dix premières pages de L’Extricable. Je les ai lues à Uzeste Musical où jouait Archie Shepp et son carré magique (Portal, Lubat, Luc, Sclavis, Perrone, Minvielle, Corneloup, etc.).Uzeste Musical (Gironde) – comme le festival Météo (Haut-Rhin) –, a le chic de se délivrer du joli mot encombrant de « jazz ». À Météo, James Blood Ulmer, un des derniers bluesmen à n’avoir pas muté, tout en frayant avec l’avant-garde (Ornette Coleman, Julius Hemphill), affiche moins une liberté (ça, c’est pour les nigauds) qu’une humble souveraineté tranchante. Tous les bluesmen auraient fait de même, si l’industrie du disque et du cinéma ne s’étaient chargée de les recadrer (quel joli mot !).Les jeunes musiciennes ne se font aucun mouron. Du moins ont-elles entendu la leçon de James Blood Ulmer. Parfaitement vérifiable à l’écoute de Kid Wise – « indie pop sauvage & juvénile » (clip irrésistible) ; Azaar Boutique, « folklore imaginaire » de Julien Bouttard & Co ; ou encore, Louis Lubat et ses Gojats, « musique sauvagement jazzconcubine ». L’avenir existe. Il est joyeux.Tout l’été, je me suis étonné du nombre de camions anonymes sur les routes. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien contenir ? Des trente-cinq tonnes blancs comme un œuf, immatriculés sur la lune. Maintenant, je sais, même si le camion abandonné avec sa cargaison de réfugiés morts sur une autoroute autrichienne, était du genre décoré. Voir, le même jour, l’artiste néerlandaise Malene Dumas à Bâle, en Suisse, au Bayerleer, ça n’aide pas à être joyeux, mais ça permet de comprendre. Heureusement, Tinguely, toujours à Bâle : « Je veux faire de la mort un jeu vivant. » Trop tard, camarade ?Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Un été indien très jazz à La Villette, la tournée électro-planante d’Archive ou le grand retour de Motörhead : c’est la sélection musicale du Monde.UN ALBUM : « Bad Magic », de Motörhead Il est en couverture du numéro de septembre de Rock & Folk et sujet d’un entretien sur huit pages mené par Philippe Manœuvre, le rédacteur en chef du mensuel musical. Et Lemmy Kilmister, bassiste, chanteur, fondateur de Motörhead et l’une des références du heavy metal britannique depuis 1975, est manifestement en forme après des ennuis de santé à répétition en 2013 et 2014, qui avaient fait craindre à ses fans que le géant vacillait. « Je ne peux plus sautiller sur scène donc d’accord, je ne sautille plus. Mais ma voix est toujours là et mon jeu de basse est toujours là », dit-il. Un rien en deçà de leurs possibilités respectives lors du démarrage des concerts, mais sur disque, Motörhead (avec Phil Campbell à la guitare et Mikkey Dee à la batterie) tient toujours son rang. En témoigne ce Bad Magic tout chaud, puissant, guerrier, qui ne remet pas en cause la formule du groupe : du rock’n’roll sans fioritures, sur tempo rapide. Un 22e album en studio qu’emportent, entre autres propulsions, « Thunder & Lightning », « Shoot Out All of Your Lights » ou « Teach‘Em How To Bleed ».« Thunder & Lightning » par Motörhead, extrait de « Bad Magic » (UDR Music/Motörhead Music)UN FESTIVAL : Jazz à La Villette, du 3 au 13 septembre Chronologiquement, Jazz à La Villette est le dernier festival d’importance de l’été du jazz. Avec plus de 30 concerts, dont certains pour les enfants, répartis, du 3 au 13 septembre, sur plusieurs lieux du parc de La Villette, dans le 19e arrondissement parisien : la Grande Halle de La Villette, les salles de concerts de la Cité de la musique et de la Philharmonie, le Trabendo, le Cabaret sauvage. Et débord vers le cinéma MK2 du proche quai de Seine pour des projections, l’Atelier du plateau et la Dynamo de Banlieues bleues (à Pantin en Seine-Saint-Denis). Parmi les propositions de la manifestation, le saxophoniste Steve Coleman, pour trois concerts du 4 au 6 septembre, chacun avec une formation différente ; l’évocation de Nat King Cole par le chanteur Hugh Coltman (le 5 septembre) ; celle de Nina Simone par, notamment, Camille, Sandra Nkaké, Yael Naim, Sly Johnson et à nouveau Coltman (le 6) ; l’Acoustic Lousadzak du contrebassiste Claude Tchamitchian (les 6 et 7) ; le violoncelliste Vincent Ségal et le joueur de kora – une harpe-luth malienne – Ballaké Sissoko (le 9) ; le trio The Bad Plus qui jouera Ornette Coleman, avec en première partie le Supersonic de Thomas de Pourquery qui jouera Sun Râ (le 12) ; le trio Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier (le 12)…Jazz à La Villette, du 3 au 13 septembre, parc de La Villette et autres lieux. Tél. : 01 44 84 44 84 et 01 40 03 75 75. De 8 euros (programme enfants Jazz For Kids !) à 33 euros.RESERVEZ VITE : Archive visite la France du 14 au 31 octobre Le groupe Archive va passer une partie du mois d’octobre en France, précisément, du 14 au 30, avec son « restriction tour », du nom de son dernier album en date Restriction (PIAS). La formation londonienne, dont la musique emprunte autant au rock planant de la fin des années 1960 et du début des années 1970 qu’à l’électronique la plus en vogue, est attendue dans des salles à la capacité variable, de quelques centaines à moins de deux mille spectateurs jusqu’à des structures de type Zénith (Montpellier, le 17 octobre, Paris les 29 et 30). Plusieurs de ces concerts sont annoncés comme complets (Aéronef, à Lille, le 19 octobre ; La Vapeur, à Dijon, le 22 ; La Belle électrique, à Grenoble, le 23), d’autres pas loin de l’être. L’ensemble des lieux, dates et horaires est présenté sur le site Infoconcert.com et sur celui du producteur Alias.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.08.2015 à 20h45 • Mis à jour le31.08.2015 à 22h11 | Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Sylvain Siclier « C’est mon premier concert dans un festival français », annonce la chanteuse Marina Lambrini Diamandis, dite Marina & The Diamonds, en arrivant à 17h45 sur la Scène de la cascade, la deuxième plus importante en capacité d’accueil du festival Rock en Seine. Si les fans, qu’elle appelle ses diamonds, ses diamants, ont vite occupé les premiers rangs, pour la majeure partie du public du festival francilien, la jeune Galloise, qui fêtera ses 30 ans le 10 octobre, est plutôt une découverte.Précédée d’une réputation de phénomène au Royaume-Uni, après le succès de son single I Am Not a Robot, en 2010 et d’une plus récente série de vidéo-clips assez travaillés, Marina & The Diamonds brille par des tenues à la ville et à la scène un rien délirantes et amusantes.La lecture de quelques articles dans la presse musicale et généraliste britannique et l’écoute de ses chansons à l’orientation pop-variété laissaient supposer qu’elle pourrait tenir le rôle de la bizarrerie de la journée. Sur le plan du spectacle, on restera un peu sur sa faim. La jeune femme a bien un costume moulant, à motif zébré, des chaussures à talons compensées d’un rose flashy qui lui rende dans les 15 cm, des lunettes dans le même esprit, mais on a déjà vu largement plus dingo, sans même évoquer l’Américaine Lady Gaga. Marina & The Diamonds 💘 #rockenseine #res2015 #matd #marinaandthediamonds Une photo publiée par Simon Brazeilles (@simbrzls) le 29 Août 2015 à 10h27 PDTMusicalement, ses chansons à la scène sont dans un assez exact rendu des enregistrements en studio, interprétées par quatre musiciens, dont un claviériste qui déclenche des parties arrangées, des chœurs et des effets. Une musique plutôt dansante, qui donne envie de sauter sur place et lever les bras. Pas d’une folle originalité mais parfaitement réalisé dans le genre.Surtout, Marina & The Diamonds a une voix. Ce qui dans le domaine de la variété n’est pas rien. Elle la place bien, avec vibratos, sautes de notes dans le registre aigü et contrôle du souffle. Et perce, hors de la perfection du studio et sa recréation sur scène, un naturel vocal qui donne de la vie à sa prestation.Lire aussi :Rock en Seine : Miossec grandiose dans la tourmente, et FFS en évidences popVoir également le résumé visuel de la première journée du festivalSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 29.08.2015 à 18h07 • Mis à jour le31.08.2015 à 15h50 | Sylvain Siclier C’est un genre en soi, le groupe à guitares. L’expression est apparue dans la suite des années 1980 de la pop et du rock qui avaient sacralisé l’emploi de claviers et de machines. Il y a bien une claviériste pour accompagner, lors des concerts, le quintette britannique The Maccabees, formé en 2003. Mais avec ses deux guitaristes, Hugo Harry William White et Felix White, et son chanteur, Orlando Weeks, qui ne quitte pas sa propre six-cordes, c’est bien un groupe où l’instrument domine.Mais attention : il ne s’agit pas ici d’exploits solistes, de vélocité. Les trois compères, et même quatre, si l’on ajoute le bassiste Rupert Jarvis, font bloc, ensemble. Sans que ce « mur de son », que ne renierait pas le producteur américain Phil Spector, ne se révèle pesant. Par de légers décalages sur le même accord, un contre-chant tricoté avec finesse, une attention à l’harmonisation, The Maccabees emmène sa matière rock vers la pop. Ils ne sont pas les seuls, mais il y a un petit quelque chose d’indéfinissable qui fait la différence.Une approche lumineuse du rockSi le Royaume-Uni les fête assez régulièrement depuis la fin des années 2000, ils n’ont pas encore en France la même réputation. Les voici donc programmés à Rock en Seine, sur la Grande Scène, samedi 29 août, en ouverture de la deuxième journée du festival organisé au domaine national de Saint-Cloud.Avec grand soleil, en accord avec leur approche assez lumineuse du rock, qui passe aussi par le timbre dans les aigus d’Orlando Weeks. Et par ces chansons qui ont la simplicité et l’efficacité des hymnes rock, dont Marks To Prove It, arrivé à mi-parcours de leur prestation. Elle figure dans un nouvel album du même nom, publié fin juillet. Le quatrième de The Maccabees, et à ce jour leur plus abouti.Concert rediffusé durant six mois sur Culturebox, plateforme numérique culturelle du groupe France télévisions.Voir le visuel interactif sur Rock en SeineSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Il a d’abord pris les choses avec humour, dès la fin de sa première chanson, Bête, comme j’étais avant, en lançant « on va essayer de les couvrir, les vieux d’Offspring ». Mais tout au long de son concert, vendredi 28 août, en début de soirée, sur la Scène de l’industrie, Miossec, ses musiciens et le public, auront eu à subir la sonorisation poussée à fond du groupe américain, vétérans punk des années 1980, programmé au même moment sur la Grande Scène. Et même si Miossec ne dédaigne pas aller vers les envolées rock, son univers musical est aussi constitué de douceurs, d’émotions tendues, de contrastes.En cause, outre le volume cache-misère d’un The Offspring un rien fatigué, le nouvel aménagement de la Scène de l’industrie. Cette troisième scène du festival Rock en Seine avait été installée en 2005 dans un axe ouest (la scène) et est (le public), permettant des concerts en simultané avec la Grande Scène, mais offrant aux musiciens la vue sur le défilé constant des festivaliers sur le large passage qui traverse la partie basse du Domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Cette année, l’Industrie est dans un axe nord-dud. Le passage du public est fluidifié, la forme en cuvette de l’espace avec de légères pentes herbeuses permet d’accueillir plus de spectateurs. Mais du coup, dans les hauteurs de la scène, les musiciens prennent dorénavant de face la sonorisation de la Grande Scène.Mais il est fier, MiossecCe que l’on avait perçu, sans que cela se révèle exagérément gênant en début de festival à l’occasion d’autres concerts. Mais là ! La différence stylistique est trop marquée. Alors il résiste, Miossec, il ne cède pas, il ne change pas, au dernier moment, le répertoire qu’il présente, avec violoncelle, guitare, claviers et rythmique souple, pour imposer à son tour un son plus lourd, plus fort. Mais Le Plaisir, Les Poisons ou A l’attaque ! « une chanson contre le cancer » qui débute par « Je t’ai dans la peau/Je t’ai dans mon âme » sont définitivement abîmées.Et puis, Miossec qui a emporté au plus haut son A Montparnasse, semble abandonner. Le groupe quitte la scène alors qu’il pourrait jouer encore quelques minutes. Mais il est fier, Miossec. Et passé un léger flottement, il revient pour Brest, les blessures de l’exil et de la rupture amoureuse. Sa version originale en studio mettait les guitares en avant. Ici, Miossec insiste à en préserver, malgré la tourmente, la part la plus fragile. Deux heures avant, l’on était sorti de la foule compacte massée devant la Scène de la cascade le sourire aux lèvres, les légèretés pop-disco de FFS toutes fraîches dans les oreilles. FF pour Franz Ferdinand et S pour Sparks. La réunion du quartette écossais apparu au début des années 2000 et du duo des Californiens (de Los Angeles) formé, fin 1968, par les frères Mael, Ron et Russell. En points communs des accroches mélodiques évidentes, un goût pour la fantaisie du music-hall, une approche parfois opératique de la pop et du rock.FFS plus que bien rodéEn Europe depuis le 20 août, avec quasiment un concert chaque jour en festivals, FFS arrive plus que bien rodé. De leur album en commun, Franz Ferdinand et Sparks extraient huit des douze chansons, dont l’ouverture, Johnny Delusional, et le volontairement bien mal nommé dans leur cas Collaborations Don’t Work. Et ajoutent quelques reprises de chacun des deux : Do You Want To, Take Me Out pour Franz Ferdinand ; The Number One Song in Heaven – un peu réduite en durée par rapport à d’autres concerts –, This Town Ain’t Big Enough For Both of Us pour Sparks.Ce qui fonctionne parfaitement ici, c’est le plaisir manifeste pris par les musiciens. C’est cette distance totale avec l’idée de vouloir faire œuvre. C’est l’alliance vocale, avec des virevoltes, de Russell Mael et d’Alex Kapranos. C’est cette éternelle présence quasi immobile de Ron Mael aux claviers, son allure de gentleman d’une autre époque, avec petite moustache, cheveux courts, autour duquel s’agitent tous les autres. Et dont l’on sait, pour l’avoir vu à de nombreuses reprises, qu’il va soudainement se lever, faire un pas de danse désarticulé avant de reprendre sa pose. Effet garanti.Le concert de FFS est rediffusé durant six mois sur Culturebox, plateforme numérique culturelle du groupe France télévisions.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet « When I see a man, I see a lion » tonne Yannis Philippakis dans la chanson titre de What Went Down, le nouvel album de Foals. Fauve trapu et tatoué aux boucles et au collier de barbe noirs, le chanteur du quintette d’Oxford a ce soir du mal à rugir.Les multiples interviews et sollicitations promotionnelles promises à un groupe à la popularité exponentielle et les premiers concerts de lancement de ce quatrième opus, sorti le 28 août, ont meurtri un larynx en constante recherche d’intensité.Avant un show prévu le 2 février, à l’Olympia, les Anglais sont venus saluer un millier de fans parisiens, le 4 septembre, sous le chapiteau de velours rouge du Cabaret sauvage. Le nom donné à ce Magic Mirror et son ancestrale fonction de parquet de bal conviennent bien à un groupe qui s’est d’abord fait connaître pour son incandescence scénique et sa façon de faire danser les riffs.Si le rugissement est en souffrance, les félins savent encore se battre et griffer. Leur nouvel album accentue d’ailleurs la lourdeur de leurs coups, plus que la vélocité de leurs déhanchements. L’intranquillité endémique de Philippakis s’y exprime souvent avec des guitares plombées d’une rage plus stoogienne.Morceau phare de What When Down, Mountains at my Gates équilibre magnifiquement cette tension électrique avec une fluidité plus funky et un refrain au lyrisme crève-cœur. Le reste du disque confirme pourtant le péché mignon d’un gang plus porté sur la performance physique, l’explosivité, que sur les nuances du songwriting.Transe chaloupéeLe concert rappelle pourtant que ce goût pour la fièvre s’est parfois exprimé avec agilité. A une époque où la scène dance-rock avait tendance à en rajouter dans la raideur post-punk, Foals a insufflé aux boucles cérébrales du math-rock, la sensualité de l’afro-beat.Au Cabaret Sauvage, le groupe brille particulièrement quand montées vertigineuses et distorsions hypnotiques sont aérées de trilles sautillants d’origine tropicales et de la transe chaloupée chère à Fela Kuti (My Number et le rappel final de Two Steps, Twice).Même en petite forme, l’ancien étudiant en littérature, fils d’un Grec et d’une Sud-Africaine, reste fidèle au rituel de la communion charnelle avec un public dans lequel il plonge, comme dans un bain en ébullition.Un peu comme dans le répertoire des Californiens rock et groovy des Red Hot Chili Peppers, quelques ballades décharnées (Spanish Sahara) suspendent le vacarme pour de beaux instants de mélancolie aérienne. Avant que le convoi ne reprenne implacablement sa route.Disque : What Went Down de Foals, 1 CD Transgressive/WarnerConcert : le 2 février, à Paris, à l’Olympia. De 38,40 à 42,80 eurosStéphane DavetJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Eblouissant début de saison ce 3 septembre à la Philharmonie de Paris qui ouvre le score avec l’Orchestre symphonique de Boston (BSO) et son jeune chef de 36 ans, le charismatique Andris Nelsons accompagné d’un invité de marque, la star du violoncelle, Yo-Yo Ma. Salle comble avec premier ministre (Manuel Valls) au balcon : rien ne semble infléchir le parfait amour que file la nouvelle salle de concerts de l’Est parisien avec son public. Un public dont l’on peut mesurer avec bonheur l’éclectisme : il applaudit encore entre les mouvements de symphonie. L’été a par ailleurs permis le dégagement de l’entrée du bâtiment et la mise en route de l’escalator à petite vitesse qui mène les mélomanes des jardins de la Villette aux sommets musicaux – ceux du bâtiment de Jean Nouvel sont toujours inaccessibles.On avait entendu Andris Nelsons conduire avec une impétuosité bouleversante la sombre Dixième symphonie op. 93 de Chostakovitch dans cette même Philharmonie le 10 mars dernier. L’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, porté aux limites de la folie, avait subjugué par son incandescente maestria. C’est dire si l’impatience qu’on a de l’entendre à nouveau par le jeune maître letton cette fois aux commandes de son Orchestre symphonique de Boston (lequel vient de prolonger son contrat jusqu’en 2022), avec lequel il vient précisément de la graver pour Deutsche Grammophon.Magnifique machine orchestraleLes Bostoniens effectuent actuellement leur première tournée européenne depuis huit ans. Ils font partie toujours partie des fameux « Big Five » américains et comptent parmi les dix meilleurs orchestres au monde. C’est peu dire que la réputation de cette magnifique machine orchestrale n’a rien d’usurpée. Difficile de résister à cette toison d’or polyphonique, à l’admirable qualité des timbres, la densité somptueuse du legato, la clarté des registres et l’acuité rythmique de pupitres virtuoses. Nelsons le bâtisseur de temple construit sa symphonie pierre par pierre. Le ton s’est assagi depuis les Néerlandais. Leur fiévreuse démesure a laissé place à une ferveur plus concentrée, à un désespoir plus contenu. Le très motorique deuxième mouvement, avec cuivres et percussions, tirera même notre premier ministre de la contemplation de son portable. Andris Nelsons mènera cette douloureuse apnée de la conscience vers sa résolution plus lumineuse tandis que résonne au sein du tissu orchestral la signature musicale de Chostakovitch, DSCH – ré, mi-bémol, do, si.Yo-Yo Ma conteur et poèteMais c’est du Don Quichotte de Richard Strauss, donné en première partie, que sera né l’éblouissement. Le long poème symphonique pour orchestre, alto et violoncelle, composé d’après le roman de Cervantès, sied particulièrement aux Américains, qui démontrent leur éclatante maîtrise. La direction décontractée et très calligraphiée d’Andris Nelsons (sa silhouette d’ours se dandinant, dansant, ou se redressant sur les pattes arrière, ses accoudements au bastingage derrière le podium) sert avec une imagination époustouflante les séduisantes « variations fantastiques sur un thème chevaleresque » de Strauss. Yo-Yo Ma, tour à tour conteur et poète, joue en chambriste, les yeux dans l’orchestre, cette partition qu’il connaît sur le bout de l’archet pour en avoir livré il y a quinze ans une version de référence avec le Boston Symphony Orchestra alors dirigé par Seiji Ozawa (l’album vient d’être remastérisé chez Sony Classical). A bientôt 60 ans (il est né à Paris le 7 octobre 1955), le grand violoncelliste américain prouve qu’il est toujours un artiste de premier plan tant lui sied cette musique fantasque et tendre, grotesque et malicieuse, qui mêle aux envolées lyriques du Chevalier à la Triste Figure les interjections cocasses voire potaches de son pragmatique écuyer Sancho Pança (l’excellent altiste solo Steven Ansell). Le grand Yo-Yo mourra dans un dernier soupir en léger glissando, le violoncelle inerte posé dans ses bras entrouverts.Philharmonie de Paris, Paris-19e. Prochains concerts avec Hélène Grimaud (piano) et l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction) les 9 et 10 septembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 60 €. Philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Christine Rousseau Magazine sur Paris Premières à 12 heures Alors que débute la Braderie de Lille, François-Régis Gaudry ouvre son carnet d’adresses gourmand et surprenant.Le premier week-end de septembre, des milliers de chineurs investissent les rues de Lille en quête de la bonne affaire, de l’objet unique, singulier ou improbable, qui viendra parfaire leur intérieur ou compléter une collection. Et comme les cent kilomètres de cette immense braderie – la plus grande d’Europe – ouvrent les appétits, nombreux sont ceux qui succombent aux incontournables moules-frites. Or, derrière les montagnes de coquilles qui s’amoncellent, se révèle plus d’un lieu pour mettre les papilles à la fête. Car la « belle endormie » que fut Lille a su, comme le dit si bien François-Régis Gaudry, se refaire une beauté dans l’assiette, loin des traditionnels welsh et carbonnade.Redoutablement appétissantPour s’en convaincre, il n’est qu’à mettre ses pas dans ceux de cet infatigable dénicheur et fin gourmet, qui distille bons plans et bonnes adresses, en trois temps, trois mouvements, chaque semaine, sous les coups de midi, dans son magazine dominical, si bien nommé Très très bon.Après une halte à la crémerie Delassic pour remplir son panier d’un Crayeux de Roncq – le maroilles, vous n’y couperez pas… – ou d’un Ecume de Wimereux – double crème qui mettra sans doute au supplice quelques amateurs de fromages –, M. Gaudry s’en va gaillardement les accorder avec quelques bières locales, sur les conseils avisés du patron des Bières de Célestin.Puis, le temps de faire s’affronter – et par là même de faire découvrir – deux jeunes chefs toqués de leur région, le voici déjà attablé, en compagnie d’une jeune blogueuse lilloise, au Bloempot, « restau-phénomène » où, dans une ambiance rustique et un poil hipster, sévit le médiatique, mais non moins talentueux et étoilé Florent Ladeyn, qui a été l’une des belles révélations de « Top Chef » 2013.Les amateurs de street-food et les becs sucrés ne sont pas oubliés grâce à ses deux chroniqueuses : Mina, qui teste le Tamper !, un coffee-shop - cantine où l’on joue « le plus possible » la carte du bio et du local ; et Elvira, qui passe au banc d’essai les célèbres gaufres de chez Meert.Riche, surprenant et redoutablement appétissant, ce menu express troussé avec verve et humour en vingt-huit minutes, séduit. Car, même si la formule du « carnet d’adresses gourmand » n’est pas nouvelle, M. Gaudry a su malicieusement la renouveler et, chemin faisant, la mettre au goût du jour. A sa manière, sans chichis ni envolées lyriques, simplement avec un art consommé de la curiosité et du partage.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Martine Delahaye Série sur Netflix « Narcos », ou l’invention du narcoterrorisme d’Etat par Pablo EscobarPour suivre les dix épisodes de « Narcos », nouvelle série de Netflix, mieux vaut s’intéresser a priori au trafic international de la drogue. Et oublier au plus vite la « boursouflure » sur laquelle s’ouvre son premier épisode : une introduction écrite sur « le réalisme magique ». Rien de commun, en réalité, entre la constitution d’un cartel de narcotrafiquants par le Colombien Pablo Escobar, que cette série reconstitue, et « le réalisme magique » que l’on considère comme l’une des marques de l’œuvre d’un autre Colombien, le Prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez (1927-2014)…Mieux vaut, enfin, pour pouvoir l’apprécier jusqu’à son terme, se préparer à une première moitié qui peut lasser de par son montage haché, ses séquences au rythme très nerveux et le recours à un récit en voix off relatant l’irrésistible ascension du personnage haut en couleur que fut Pablo Escobar. Pour autant, une fois les personnages et le décor installés, une fois l’information documentaire délivrée (notamment au travers d’images d’archives, sur les données géopolitiques en jeu entre Amérique du Sud et Amérique du Nord), « Narcos », dans sa deuxième partie, devient assez fascinante.Les années 1980Fascinante parce qu’elle nous transporte dans une époque révolue, les années 1980, celles de Reagan aux Etats-Unis, d’un Escobar à la veille de devenir un monstre sanguinaire pour les uns, un Robin des pauvres pour les autres ; et nous ramène aux débuts d’une lutte aux armes inégales entre services secrets américains et narcotrafiquants.Fascinante, aussi, parce que l’on passe peu à peu, au fil des épisodes, de l’aspect « reconstitution froide » de la constitution d’un marché de la cocaïne, à l’histoire incroyablement romanesque, bien que réelle, de la Colombie. Un pays qui d’un côté se voit pris en otage par un narcotrafiquant imposant de sidérants diktats à ses gouvernements successifs (allant jusqu’à éliminer les candidats à la présidentielle rétifs) et de l’autre se trouve incapable de lutter contre Pablo Escobar sans l’aide de l’Amérique du Nord (CIA, FBI…).L’histoire nous est contée par un agent de la DEA (Drug Enforcement Administration), Steve Murphy, nouvellement arrivé à Medellin pour seconder son collègue Javier Pena dans la surveillance des narcotrafiquants de la région (tous deux doubles fictifs de deux agents nord-américains ayant réellement existé). Or, dans la guerre du renseignement que se livrent forces de l’ordre et forces du mal, qui pour neutraliser Pablo Escobar, qui pour infiltrer des tonnes de cocaïne chaque jour aux Etats-Unis, l’agent colombien a l’avantage du terrain : son argent lui permet d’acheter à peu près tout le monde. Son leitmotiv auprès des réticents étant « De l’argent ou du plomb » (« Acceptez mon argent et que je fasse mes affaires, ou acceptez les conséquences de votre refus pour vous et votre famille »).Si la structure narrative de « Narcos » rappelle celle des Affranchis, de Martin Scorsese, comme l’a indiqué son réalisateur Jose Padilha, le récit hautement romanesque du narcoterroriste mégalomane Pablo Escobar (fort bien interprété par le Brésilien Wagner Moura) nous a surtout fait penser, en fin de série, à un autre mafieux, fictif celui-là : Tony Soprano…« Narcos », créée par Chris Brancato, Carlo Bernard et Doug Miro et réalisée par Jose Padilha. Avec Wagner Moura, Boyd Holbrook, Pedro Pascal (Etats-Unis, 2015, 10 x 52 min). Les dix épisodes sont tous disponibles.Martine DelahayeJournaliste au Monde Alain Constant Documentaire sur Arte à 17 h 35 Rachel Kahn et Olivier Lemaire reviennent sur l’histoire des spoliations opérées par les nazis.Méthodiquement, des centaines de milliers d’œuvres d’art ont été volées par les autorités nazies dans les pays occupés. Rien qu’en France, on estime à environ cent mille le nombre d’œuvres concernées. Sous l’égide de l’ERR, service spécialement créé pour l’occasion et, de fait, organe officiel de la spoliation, le processus du pillage a été méticuleux : certaines toiles étaient destinées à la collection personnelle du Führer, d’autres à celle, monumentale, d’Hermann Göring. Les musées et les ambassades allemandes se servaient ensuite.Conscients que l’art, considéré à leurs yeux comme « dégénéré » (de Chagall à Picasso en passant par Matisse ou Léger), avait une grande valeur marchande, les nazis mirent en place un système de vente lucratif. Collectionneur compulsif, accumulant des trésors spoliés à des marchands d’art juifs, Göring a un jour échangé quatre Matisse contre un Bruegel. Ce même Göring s’est rendu, en quelques mois, à plus de vingt reprises, au Musée du Jeu de paume, où étaient entreposés les trésors volés. Durant toute la guerre, le marché de l’art, à Paris, a été très actif. Les ventes se succédaient à Drouot, la collaboration artistique se portait à merveille et, comme le souligne un avocat spécialiste de la question, « tout le monde a profité de la spoliation ».« Très émouvant »Créée en novembre 1944, la Commission de récupération artistique a permis de restituer 45 400 tableaux à leurs propriétaires. Mais les autres, que sont-ils devenus ? Sobre et riche en témoignages, ce documentaire retrace le parcours étonnant de trois œuvres majeures ayant appartenu à des collectionneurs juifs : L’Homme à la guitare, de Georges Braque (collection Alphonse Kann), Soleil d’automne, d’Egon Schiele (collection Karl Grünwald), et Profil bleu devant la cheminée, d’Henri Matisse (collection Paul Rosenberg).Fasciné par l’art moderne dès les années 1920, le Britannique Alphonse Kann fuit Paris à l’arrivée des troupes allemandes. Dès octobre 1940, sa maison de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) est pillée, des œuvres majeures disparaissent. Mort à Londres en 1948, on ne saura jamais si Kann a pu remettre la main sur L’Homme à la guitare, tableau qui réapparaît en 1981 au Centre Pompidou ! Durant de longues années, les héritiers livreront une délicate bataille judiciaire pour le récupérer. L’Autrichien Karl Grünwald fuit lui aussi son pays et, en 1942, place Soleil d’automne dans un entrepôt à Strasbourg. Des décennies plus tard, le chef-d’œuvre réapparaîtra dans un modeste appartement de Mulhouse (Haut-Rhin)…La toile de Matisse, mise à l’abri dans un coffre d’une agence bancaire de Libourne (Gironde) par Paul Rosenberg, connaîtra elle aussi une destinée hors du commun. Lorsqu’il meurt en 1959, le célèbre marchand d’art ignore encore ce qu’est devenu ce tableau exceptionnel. Le voilà qui resurgit en 2012, prêté par une fondation privée norvégienne au Centre Pompidou ! « Retrouver une toile comme celle-là est très émouvant… Qu’est-ce qu’elle a vu passer, depuis qu’elle a été peinte dans l’atelier de Matisse ! », souligne Anne Sinclair, petite-fille de Paul Rosenberg. Présentée depuis longtemps dans un musée d’Oslo, la toile de Matisse quittera finalement la Norvège pour revenir aux héritiers. Un cas de figure assez rare, car, pour de nombreux conservateurs, une fois qu’un tableau est dans un musée, il ne doit en sortir sous aucun prétexte. Et peu importe qu’une famille en ait été spoliée.Spoliation nazie, trois chefs-d’œuvre miraculés, de Rachel Kahn et Olivier Lemaire (France, 2015, 54 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin A Palmyre, en Syrie, trois des principales tours funéraires de la vallée des tombeaux de la cité antique, datant du premier siècle de notre ère, ont été détruites par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), comme le montrent les images satellites.Il s’agit des tombeaux des familles les plus riches parmi les grandes tribus qui contrôlaient le commerce caravanier, entre l’Euphrate et la Méditerranée. Les soies, coton, pierres précieuses, parfums, encens, provenant de Chine, d’Inde, de Perse, d’Arabie, étaient très prisés à Rome. Ces familles, dont les noms figurent sur les tours, finançaient les caravanes de centaines de dromadaires pour convoyer ces biens.Les hautes tours, en pierre de taille, visées sont les plus complètes et les plus décorées, avec leurs plafonds peints en guise de voûte céleste et leurs scènes de banquets animées par les bustes sculptés des défunts. Il s’agit des tours Elahbel, Jamblique et Khitôt, sur laquelle le patriarche est représenté avec sa femme et ses deux enfants. Jusqu’à cinq générations étaient réunies, dans chacune des tours-tombeaux, sur quatre étages, chacun pouvant contenir une quarantaine de défunts.L’opération de destruction radicale des vestiges de l’un des joyaux du Proche-Orient par l’EI suit son cours. Après la décapitation en place publique de l’ancien directeur du site archéologique, Khaled Al-Asaad, les destruction des temples de Baal (ou Bêl) et de Baalshamin, ce sont les tours funéraires ornées qui ont été rasées, sans doute à l’explosif.Lire aussi :A Palmyre, la destruction du temple de Baal est un crime de guerre intolérable pour l’UnescoLire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot (Perpignan, envoyée spéciale) et Emmanuelle Jardonnet A Perpignan, où sont réunis, jusqu’au 13 septembre, les photojournalistes de la planète pour le festival Visa pour l’image, l’emballement mondial dans la presse et les réseaux sociaux autour de la photo du petit Syrien noyé, Aylan Kurdi, a pris beaucoup de gens par surprise. Et en particulier, les photographes qui travaillent sur le sujet des migrants, pour qui cette image d’un enfant noyé n’est ni choquante ni extraordinaire, malheureusement.Lire aussi :« J’aimerais vraiment que ma photo puisse aider à changer le cours des choses »Giulio Piscitelli, qui expose à Visa des images sur « l’immigration et l’Europe-forteresse » qu’il a réunies pendant quatre ans dans une dizaine de pays, s’étonne : « J’ai vu des photos de corps sur la plage en Libye, dont des enfants, la semaine dernière encore. Pourquoi celle-ci ? Je ne sais pas, mais si, au milieu de la boulimie d’images actuelle, une photo peut éveiller les consciences, c’est tant mieux. »« Un enfant seul »Olivier Jobard, connu pour son travail de longue haleine sur les migrations, s’interroge aussi : « L’île de Kos a été le spot de l’été pour beaucoup de photographes, personne ne réagissait… peut-être que le sujet a mûri, tout simplement. » Ce photographe s’applique, depuis longtemps, à incarner ces histoires de migrations à travers des individus – comme ces cinq jeunes Afghans qu’il a accompagnés dans leur périple pendant quatre mois et qui font aujourd’hui l’objet d’un livre, Kotchok (Ed. Robert Laffont). « Mon idée est toujours de sortir les gens de la masse et de les individualiser. Cette image y est sans doute parvenue, en montrant un enfant seul, pas dans un bateau du style Radeau de la méduse, qui déborde de gens. » Ce sont plutôt les éditeurs photo et les iconographes qui reconnaissent le pouvoir émotionnel et symbolique de l’image. Olivier Laurent, qui dirige Lightbox, le site de photographie lié au magazine Time, l’a sélectionnée dans sa liste des photos les plus influentes de l’année. « La force de cette image, c’est l’innocence qu’elle dégage, dit-il. L’enfant semble dormir, il n’y a pas de violence apparente. Pour les gens qui la regardent, chez eux, ça pourrait être leur propre enfant qui dort dans son lit ».« Une émotion puissante »Dans une agence, une rédactrice photo renchérit : « Dès que je l’ai vue, j’ai été choquée. Je pense que si elle est si touchante pour les gens, en Europe, c’est que l’identification marche à plein : il a une culotte courte, des petits souliers, et aussi, il ne faut pas être hypocrite, il a la peau claire. C’est le “Petit Prince”… ».En Grande-Bretagne, pour la chef du service photo de The Independent, Sophie Batterbury, qui a publié l’image, la photo « est si simple et dit tant de choses. Il n’y a pas besoin d’explications, de légende, elle n’est pas équivoque. Et le corps de ce petit garçon n’a pas été abîmé, tout est presque normal, sauf qu’il est échoué sur une plage déserte, sans sa famille, la tête simplement posée sur le sable. Ce contraste crée une émotion puissante. Le cadrage, qui montre l’immensité de la plage nous montre à quel point il est jeune, petit et seul ». « Cette photo est nécessaire »Fallait-il montrer cette image, que peu de journaux, en France, ont décidé de publier en première page, la jugeant trop choquante ? Pour Jean-Francois Leroy, directeur du festival Visa pour l’image, qui l’a montrée lors d’une projection, mercredi 2 septembre au soir, après un débat avec son équipe, cela ne fait aucun doute. « Ce n’est pas la photo qui est dure, c’est la réalité qui est épouvantable. On a vu des corps de réfugiés en train de pourrir dans un camion, c’était beaucoup plus violent. Il faut arrêter de se voiler la face. Cette photo est nécessaire. »Lire aussi :Réfugiés : une photo pour ouvrir les yeuxEn Grande-Bretagne, le journal The Independent l’a mise en très grand sur sa Une, avec une légende accusatrice. « Ce n’est pas une décision qui a été prise a la légère, explique Sophie Batterbury. Et c’est une photo si forte qu’elle a impliqué pour nous de lui donner toute la place. Il n’y avait pas de demi-mesure possible. Cela correspondait aussi à notre sentiment : il faut faire quelque chose face à ce drame humain ».L’enthousiasme extrême des réseaux sociaux pour cette image plonge cependant pas mal de photographes dans la perplexité. « Est-ce qu’une photo est vraiment capable de changer les opinions durablement ?, s’interroge Olivier Jobard. Ce sont les mêmes tabloïds anglais, qui ont vomi sur l’invasion des migrants, qui publient maintenant cette photo, en misant sur l’émotion facile. Je ne sais pas si cette image va marquer, ou si l’effet retombera comme un soufflé ».Certains, à Perpignan, font le lien avec la photo de la petite fille brûlée par le napalm au Vietnam, faite en 1972 par Nick Ut. Mais Sophie Batterbury doute que l’image d’Aylan Kurdi devienne une icône : « Aujourd’hui, il y a tellement de photographies produites chaque jour qu’il y a moins de photos iconiques, qui symbolisent tout un moment. C’est l’époque qui veut ça. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteClaire Guillot (Perpignan, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sandrine Blanchard Elle pouvait aussi bien incarner une bourgeoise snob et égocentrique qu’une coiffeuse simplette écrivant à son chanteur préféré « mon Johnny je t’aime, mon Johnny je te veux ». Sylvie Joly, comédienne et humoriste admirée de ses paires pour avoir ouvert la voie d’un rire au féminin, est morte vendredi 4 septembre à l’âge de 80 ans d’un arrêt cardiaque à son domicile parisien. En 2010, dans les dernières pages de son autobiographie (C’est votre vrai nom ? Flammarion) elle avait révélé en quelques lignes être atteinte de la maladie de Parkinson.« Je suis née clown » répétait cette fille de bonne famille, deuxième d’une fratrie de huit enfants, renvoyée de sept institutions religieuses pour indiscipline et persuadée depuis son adolescence qu’elle avait « reçu du ciel le don de faire rire » et que telle était sa « mission sur terre ». A l’âge de 32 ans, elle change de vie, vend sa robe d’avocate, s’inscrit au Cours Simon, fréquente le petit conservatoire de Mireille et l’école Tania Balachova. Les études de droit, le barreau, c’était juste pour satisfaire ses parents.En attendant de pouvoir assouvir sa passion de la scène, Sylvie Joly devient commerçante, pionnière de la fringue d’occasion. Elle ouvre Le Saint-Frusquin, premier dépôt-vente de vêtements chics où se croisent Anouk Aimée et Brigitte Bardot. C’est grâce aux sketches que lui écrit sa sœur Fanny puis son frère Thierry que Sylvie Joly se lance, au tournant des années 1970, dans le one-woman-show. Cette admiratrice de Jacqueline Maillan devient l’une des premières femmes — avec Zouc, dans un autre registre — à créer un seule en scène.PionnièrePendant trois décennies, « la Joly », avec sa choucroute de boucles blondes, ses robes noires et ses boas de plumes roses, s’installe avec succès dans le paysage humoristique grâce à sa myriade de personnages désopilants, son franc-parler, sa capacité à transformer des situations banales en scènes drolatiques et des textes ciselés. À la fois pince-sans-rire et volcanique, elle est hilarante en femme méchante et râleuse dans cet « Après-diner » où elle dézingue le repas qu’elle vient de passer chez des amis ; et désopilante dans le rôle d’une comédienne pompeuse qui raconte son rôle de bourgeoise qui se gratte. « A Avignon, ça aurait pu durer toute la nuit. A la fin tout le monde se grattait, tout le monde grattait tout le monde, c’est énorme, c’est fantastique ».Parallèlement à sa carrière d’humoriste et à quelques pièces de théâtre (Ionesco, Tchekhov, Marivaux), elle tourne dans une bonne vingtaine de films (Calmos de Bertrand Blier, Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky, Les Misérables de Claude Lelouch, etc) et autant de téléfilms mais ne décroche jamais un « vrai » rôle. « Je ne comprends pas pourquoi je n’ai jamais eu un rôle au cinéma qui puisse se comparer à ce que je fais au théâtre, confie-t-elle dans Le Monde en 2002. Le seul que j’aurais aimé interpréter ces dernières années aurait été la belle-mère dans Un air de famille ».Novatrice, fantasque,originale. Hommage à la pionnière de l'humour féminin Sylvie Joly— anne_roumanoff (@Anne Roumanoff)require(["twitter/widgets"]);Cette grande bringue chic au regard mélancolique, reine de la caricature de ses contemporains, a fait naître des vocations. De Muriel Robin à Florence Foresti en passant par Anne Roumanoff, toutes citent Sylvie Joly parmi leurs sources d’inspiration. Mais il n’y a pas que les femmes humoristes qui disent merci à cette pionnière. Les hommes aussi lui doivent beaucoup. Lorsqu’il monte à Paris à 19 ans c’est à Sylvie Joly que Pierre Palmade fait lire ses premiers textes. Elle lui proposera de lui donner des cours et mettra en scène son premier spectacle. Des années plus tard c’est elle encore qui conseillera à Alex Lutz — qui fut le metteur en scène de son dernier spectacle La cerise sur le gâteau en 2005 — de se lancer dans le one man show.Sandrine BlanchardJournaliste au Monde SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.09.2015 à 19h19 • Mis à jour le04.09.2015 à 08h57 L’Académie de France, hébergée à la Villa Médicis, à Rome, depuis 1803, connaît sa nouvelle directrice. Il s’agit de Muriel Mayette, qui a été proposée par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé le ministère, jeudi 3 septembre. Elle succède à Eric de Chassey à ce poste prestigieux.Lire aussi :Echecs et Mayette à la Villa MédicisPremière femme nommée à la tête de la Villa Médicis, Murielle Mayette, âgée de 51 ans, avait déjà été la première femme à diriger la Comédie-Française, de 2006 à 2014. « Son savoir-faire, tout comme son expérience acquise à la tête de [la Comédie-Française] seront un atout important pour conduire le développement » de l’Académie de France à Rome, a déclaré le ministère.Une lettre ouverte incendiaireToutefois, cette nomination ne plaît pas à de nombreux artistes. Plusieurs dizaines d’entre eux et des universitaires ont signé, mercredi, une lettre ouverte à la ministre de la culture, publiée dans Libération, dans laquelle ils demandent le maintien à la tête de l’établissement d’Eric de Chassey, dont le deuxième mandat arrive à son terme.Lire aussi :Eric de Chassey, protégé de Julie Gayet ou historien d’art méritant ?« Nous apprenons que l’on s’apprête à nommer à sa place [d’Eric de Chassey] Muriel Mayette, qui ne connaît aucun des domaines artistiques et intellectuels représentés à la Villa », écrivent les signataires de la pétition, parmi lesquels figurent le cinéaste Philippe Garrel, l’actrice Clotilde Hesme ou l’écrivain Philippe Adam. Selon eux, M. de Chassay a fait entrer l’institution dans le XXIe siècle :« La Villa Médicis est devenue, sous l’impulsion d’Eric de Chassey, un véritable lieu pour la création, en organisant des expositions de grande qualité qui ont fait date. (…) Il a mené une politique en adéquation avec le XXIe siècle (…) et assaini l’administration et les dépenses, faisant sortir la Villa de décennies de pratiques féodales. »Les signataires rappellent également la fin du mandat de Murielle Mayette à la tête de la Comédie-Française. Contestée par la majorité de la troupe, critiquée pour son bilan et ses mises en scène, on lui reproche également un « manque d’ambition artistique ».Des soutiens politiques de poidsDe plus, Mme Mayette est soupçonnée d’affinités politiques, notamment avec Manuel Valls. Lors du festival d’Avignon le 19 juillet, le premier ministre aurait lâché : « Muriel Mayette aura un grand poste ». Un soutien de poids qui ne passe pas auprès des auteurs de la lettre ouverte, pour qui « elle ne peut être là que pour des mauvaises raisons ».Dans l’un des plus beaux palais de Rome, la Villa Médicis accueille, pour deux ans, vingt-cinq pensionnaires, dans une dizaine de disciplines, de la musique à la cuisine, mais pas le théâtre. Alain Beuve-Méry Pour l’édition, l’été s’est plutôt bien passé et les librairies françaises affichent même une progression de leurs chiffres d’affaires de 3,3 % depuis le début de l’année. Ceci est plutôt de bon augure, alors que démarre la saison des prix littéraires. Jeudi 3 septembre, l’Académie Goncourt, présidé par Bernard Pivot, a d’ailleurs rendu publique sa première sélection pour son prix qui sera remis dans deux mois, le mardi 3 novembre, au restaurant Drouant, à Paris.Cette sélection comprend quinze romans français ou francophones. Parmi eux, figurent les poids lourds de la rentrée : Christine Angot, auteur d’Un amour impossible (Flammarion) qui a déjà reçu un accueil critique nourri et très élogieux ; mais aussi Mathias Enard, avec Boussole (Actes Sud) ; Alain Mabanckou, auteur de Petit Piment (Seuil) ; Delphine De Vigan, dont D’après une histoire vraie (JC Lattès) est le premier roman publié depuis le grand succès rencontré par Rien ne s’oppose à la nuit, en 2011 ; ou encore Simon Liberati, dont le roman Eva (Flammarion) a fait l’objet, au cœur de l’été, d’une demande de retrait qui a été rejetée par la justice.Trois titres de GallimardLa liste des Goncourt comprend en outre trois titres d’auteurs confirmés de la maison Gallimard : Jean Hatzfeld, avec Un papa de sang, Hédi Kaddour, avec Les Prépondérants et Boualem Sansal, avec 2084. Elle accueille aussi Au pays du p’tit, de Nicolas Fargues, un des fidèles auteurs de Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L.)La navigatrice Isabelle Autissier, première femme à avoir accompli un tour du monde en compétition en 1991, figure également dans la sélection, avec Soudain, seuls (Stock), ainsi que l’ethnopsychiatre Tobie Nathan, pour Ce pays qui te ressemble (Stock). Un éditeur et romancier a été sélectionné : Denis Tillinac, auteur de Retiens ma nuit (Plon).Trois romanciers peut-être un peu moins connus du grand public viennent compléter cette liste de quinze ouvrages : Thomas B. Reverdy pour Il était une ville (Flammarion), Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) et Olivier Bleys, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (Albin Michel).Quatre romancières et onze auteurs masculinsLa sélection comprend quatre romancières et onze auteurs masculins. Aucun premier roman ne figure dans cette sélection, alors que repérer de nouveaux talents fait partie de l’héritage des Goncourt.En termes de maisons d’édition, les groupes Madrigall et Hachette se tirent la part du lion. Le premier place sept titres, trois chez Gallimard, deux chez Flammarion et deux chez P.O.L. Le second en détient quatre (trois chez Stock et un chez JC Lattès). Albin Michel, Le Seuil, Acte Sud et Plon ferment la marche avec un titre chacun.Parmi les grands absents de la sélection, figurent les éditions de Minuit, de L’Olivier ou encore Grasset. Laurent Binet, auteur de La Septième Fonction du langage (Grasset), qui a reçu, mardi 1er septembre, le prix du roman Fnac, n’a pas été retenu.Voici la première sélection du Goncourt par ordre alphabétique d’auteurs : - Christine Angot, Un amour impossible (Flammarion) - Isabelle Autissier, Soudain, seuls (Stock) - Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L.) - Olivier Bleys, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (Albin Michel) - Mathias Enard, Boussole (Actes Sud) - Nicolas Fargues, Au pays du p’tit (P.O.L.) - Jean Hatzfeld, Un papa de sang (Gallimard) - Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard) - Simon Liberati, Eva (Stock) - Alain Mabanckou, Petit piment (Seuil) - Tobie Nathan, Ce pays qui te ressemble (Stock) - Thomas B. Reverdy, Il était une ville (Flammarion) - Boualem Sansal, 2084 (Gallimard) - Denis Tillinac, Retiens ma nuit (Plon) - Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (JC Lattès)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot Nilufer Demir, 29 ans, travaille depuis douze ans pour l’agence turque DHA et elle est correspondante pour la région de Bodrum. Dans cette petite ville balnéaire et touristique plutôt chic, à l’Ouest de la Turquie, les réfugiés affluent, qui tentent la traversée vers l’île grecque de Kos, située à moins de cinq kilomètres. L’arrivée des réfugiés a changé le cours des choses – et son travail de photographe. La photographe turque ne s’attendait pas, cependant, à ce que sa photo d’un enfant syrien noyé, Aylan Kurdi, sur la plage, fasse le tour des réseaux sociaux et soit publiée par tous les grands journaux du monde. Nous l’avons jointe au téléphone, en Turquie.Lire aussi :Réfugiés : une photo pour ouvrir les yeuxOù se trouve la plage où a été trouvé le petit garçon ?La plage de Ali Hoca Burnu est une plage à l’écart de Bodrum. C’est un endroit d’où partent souvent les migrants, donc avec d’autres photographes, on y va chacun son tour pour voir ce qui se passe. Hier, c’était mon tour… Quand je suis arrivée le matin, vers 6 ou 7 heures, il y avait un groupe de Pakistanais. Je les ai rejoints et nous avons aperçu, un peu plus loin, quelque chose échoué sur la plage.En nous approchant, nous avons vu que c’était le corps d’un enfant. Il y avait d’autres corps, mais plus loin, à 100 ou 200 mètres. On a tout de suite vu qu’il était mort et qu’il n’y avait plus rien à faire.Avez-vous hésité à prendre cette photo ?J’ai été très choquée au départ, mais je me suis reprise très vite. Je me suis dit que je pouvais témoigner du drame que vivent ces gens. Il fallait que je prenne cette photo et je n’ai plus hésité. J’en ai même pris toute une série. J’étais triste car c’est le corps d’un enfant, mais ça aurait pu être le corps d’un adulte, et j’en ai photographié déjà plusieurs fois.L’homme qui tient l’enfant dans ses bras sur la photo est un gendarme, qui fait les premières constatations quand ce genre de choses arrive. Sur les premières images, on voit l’enfant tout seul, car le gendarme est arrivé quelques minutes après. Avez-vous eu conscience, au moment où vous l’avez prise, que c’était une photo si forte ?Non, pas du tout. Et aujourd’hui, j’ai un mélange de tristesse et de satisfaction… Je suis contente d’avoir pu montrer cette image à autant de gens, d’avoir témoigné, mais d’un autre côté, je préférerais que ce petit garçon soit encore en vie et que cette image ne fasse pas le tour du monde.Le retentissement de cette photo a été énorme, poussant François Hollande et Angela Merkel à faire des propositions à l’Union européenne sur l’accueil des réfugiés en Europe.Je n’aurais jamais cru qu’une photo puisse avoir de tels effets. J’aimerais vraiment qu’elle puisse aider à changer le cours des choses. Ces gens ont quitté un pays en guerre. Pour ma part, j’aimerais que tout le monde puisse vivre en paix chez soi, et que les gens ne soient pas forcés de fuir leur pays…Pourquoi cette photo, selon vous, a-t-elle pu autant émouvoir les gens, par rapport à toutes celles publiées avant sur le sujet ?Je ne sais pas. Peut-être que le monde, en fait, attendait une image qui puisse changer les choses, faire bouger. Peut-être que ma photo a été le déclic que le monde attendait. Et sans le faire exprès, j’y ai contribué, en étant au bon moment au bon endroit.TRADUCTION : Gül DüzyolClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Alain Altinoglu sera-t-il enfin le bon ? Après une année de vacance depuis le départ fracassant de Ludovic Morlot en décembre 2014, le Théâtre de la Monnaie vient d’officialiser la nomination du chef d’orchestre parisien à la direction musicale de la maison d’opéra bruxelloise, à partir de janvier 2016.A presque 40 ans (il est né à Alfortville, dans le Val-de-Marne, le 9 octobre 1975), le Français d’origine arménienne, formé au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, ajoute un nouveau défi à une carrière déjà bien remplie. Premier chef invité à l’Orchestre national de Montpellier, de 2007 à 2010, il n’a, en effet, jamais occupé le poste de chef permanent.Mais sa réputation de chef lyrique, forgée sur les grandes scènes internationales, de l’Opéra de Paris au Metropolitan Opera de New York, en passant par le Théâtre des Champs-Elysées, les opéras de San Francisco, Zurich, Londres, Vienne, Berlin, Munich, parle pour lui. Ce d’autant qu’il a fait, cet été, des débuts remarqués au Festival de Bayreuth dans Lohengrin, de Wagner – premier Français à diriger dans la salle mythique du Festspielhaus depuis Pierre Boulez.Programme d’austéritéAlain Altinoglu, dont les liens avec La Monnaie s’étaient visiblement resserrés depuis qu’il y a dirigé, en 2011, Cendrillon, de Massenet, sait qu’il ne vivra pas forcément un conte de fées. Le vénérable Théâtre royal, fondé en 1700, porté au-delà des frontières du royaume sous l’égide de directeurs charismatiques comme Gerard Mortier et Bernard Foccroulle, de danseurs et chorégraphes comme Maurice Béjart et Anne Teresa De Keersmaeker, n’a pas été épargné par le programme d’austérité du gouvernement fédéral belge. En décembre dernier, son directeur général, Peter de Caluwe, en poste depuis 2007, a dû se résoudre à réduire le nombre de productions (en supprimant notamment l’opéra baroque) et à abandonner les spectacles de danse.L’autre écueil vient des musiciens d’orchestre, qui ne se sont jamais remis du départ en 2008 de leur directeur musical, Kazushi Ono, exfiltré par Serge Dorny à l’Opéra national de Lyon. Ils n’ont pas fait de cadeau à Mark Wigglesworth qui lui a succédé. Pas plus qu’au Français Ludovic Morlot, arrivé en 2012 pour un mandat de cinq ans, démissionnaire au bout de trois.« Développer le rayonnement de La Monnaie »Mais Altinoglu est une chance pour les Bruxellois dont le niveau a beaucoup baissé ces dernières années. « Je suis impatient d’approfondir cette belle et forte relation de travail », a d’ailleurs assuré ce dernier dans un communiqué. « J’aspire à poursuivre une programmation innovante tant dans le domaine lyrique que symphonique et à développer le rayonnement de La Monnaie, qui a sa place parmi les maisons d’opéra les plus réputées et les plus performantes. »De son côté, Peter de Caluwe s’est réjoui de ce que « l’alchimie entre chef et musiciens ainsi que la qualité musicale » soient entre d’aussi bonnes mains. Il est de notoriété publique que les chanteurs adorent travailler avec cet excellent pianiste dont la formation de chef de chant reste pour eux un atout fondamental. Bruxelles ne devrait pas freiner l’irrésistible ascension de l’un de nos meilleurs chefs français : Alain Altinoglu sera dans la fosse de l’Opéra de Paris en mars 2016 pour la très attendue production de Iolanta/Casse-Noisette, de Tchaïkovski, dirigera en mai Pelléas et Mélisande, de Debussy à l’Opernhaus de Zurich, avant de faire ses débuts au Festival de Salzbourg durant l’été.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde 03.09.2015 à 09h19 • Mis à jour le04.09.2015 à 14h10 | Roxana Azimi C’est l’issue qu’on n’attendait pas. L’artiste Jean-Marc Bustamante a été « proposé » par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, pour diriger l’Ecole des beaux-arts de Paris (Ensba), a annoncé, mercredi 2 septembre, la Rue de Valois dans un communiqué. Il remplace Nicolas Bourriaud, évincé le 2 juillet.Lire aussi :Le limogeage du directeur des Beaux-Arts passe mal auprès des étudiantsAprès la polémique suscitée par Le Canard enchaîné, qui prédisait l’arrivée d’Eric de Chassey, directeur de la Villa Médicis, la ministre a voulu s’épargner une bronca des étudiants. Elle a souhaité éviter tout autant une fronde des enseignants, qui, pour la plupart, se réjouissent de la nouvelle. « Qu’un artiste prenne la direction des Beaux-Arts, c’est un geste symbolique fort », se félicite le sculpteur Emmanuel Saulnier. « Jean-Marc a une réputation telle qu’elle peut fédérer des artistes de renom autour de lui. L’école en a besoin », ajoute Didier Semin, professeur à l’Ensba.Lire aussi :Eric de Chassey candidat à la tête des Beaux-Arts pour parler du « fond » et pas des « rumeurs »Déjà candidat à ce poste en 2011, Jean-Marc Bustamante connaît bien la maison : il y enseigne depuis 1996. Professeur depuis sept ans à l’Académie des beaux-arts de Munich, il est aussi familier d’autres approches pédagogiques. Sa réputation d’artiste n’est plus à faire. Né à Toulouse d’un père équatorien et d’une mère anglaise, cet homme aux allures de condottiere se destinait à l’économie avant de s’adonner à la photographie. Assistant du photographe William Klein, associé pendant trois ans à l’artiste Bernard Bazile, Bustamante s’est taillé une réputation internationale, jusqu’à représenter la France à la Biennale de Venise en 2003.Entre 2012 et 2015, il fut également le commissaire du Printemps de septembre, à Toulouse, sous le libellé « Artist Come First ». Un mot d’ordre qu’il entend appliquer à l’école. « Jean-Marc a toujours su cultiver l’amitié d’artistes au travail extrêmement différent du sien, constate, beau joueur, Olivier Blanckart, candidat malheureux à la direction de l’Ensba. Ça s’est vu de manière magistrale lorsqu’il a dirigé le Printemps de septembre, où il a invité aussi bien Pascal Convert que Sarah Lucas ou Jorge Pardo. »Commentaires machistesSeul bémol, son âge, 63 ans. A deux ans de la retraite, peut-il vraiment mener les réformes de fond dont l’établissement a besoin ? « Je peux prendre des risques, m’amuser, précisément parce qu’à mon âge je ne fais pas carrière », réplique l’intéressé. Et d’égrener quelques pistes de réflexion : « On doit simplifier et mieux coordonner les choses. Les profs se croisent sans se connaître. Il faut se réunir davantage. Il faudra aussi plus de fermeté vis-à-vis de ceux qui veulent louer les espaces, faire revenir des enseignants de qualité, créer une prépa au sein de l’école… »La partie qui s’annonce ne sera pas de tout repos. « L’école est profondément démoralisée, sous-capitalisée, fragilisée jusque dans son édifice », reconnaît Emmanuel Saulnier.A deux ans de la retraite, M. Bustamante peut-il vraiment mener les réformes de fond dont l’établissement a besoin ?Jean-Marc Bustamante devra aussi faire oublier les petits commentaires machistes qu’il avait proférés en 2006 dans un entretien croisé avec Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou, et l’artiste Xavier Veilhan, dans le catalogue de l’exposition « Dionysiac ». Entre autres perles, il y affirmait que « l’homme a besoin de conquérir des territoires, la femme trouve son territoire et elle y reste… Les femmes cherchent un homme, un homme veut toutes les femmes. La femme, dès qu’elle a trouvé son territoire, elle y reste… Les hommes sont toujours dans la recherche de territoires vierges ».La riposte féminine fut cinglante. Dans une tribune publiée par Libération, l’écrivaine Marie Darrieussecq fustigeait « un discours insultant mais commode, immémorialement conventionnel ».« Mes propos étaient “limites”, je le regrette, admet-il aujourd’hui. Je sais que cette chose-là va me coller toute ma vie. Il n’y a pourtant qu’à regarder Le Printemps de Toulouse, j’ai invité des artistes femmes remarquables. Demandez aux étudiantes de mon atelier si je suis misogyne ! Heureusement que j’ai été nommé par une femme ministre ! » Certaines ne décolèrent toujours pas. Sur son blog « Le beau vice », la critique d’art Elisabeth Lebovici a annoncé sa promotion façon avis de décès : « Les féministes ont la douleur de vous faire part de la nomination de Jean-Marc Bustamante à l’Ecole des beaux-arts (et de celle de Muriel Mayette à la Villa Médicis). »Muriel Mayette à la Villa Medicis ?En effet, mercredi 2 septembre, dans la soirée, le site de Libération annonçait que, « selon [ses] informations », l’ancienne administratrice de la Comédie-Française allait succéder à Eric de Chassey, qui termine son deuxième mandat à la tête de l’Académie de France à Rome. Dans la foulée, plusieurs dizaines d’anciens pensionnaires et invités adressaient une lettre ouverte à Fleur Pellerin pour réclamer le maintien de l’actuel directeur.De fait, le nom de Muriel Mayette circule depuis plusieurs mois pour remplacer l’historien d’art, en poste depuis septembre 2009. Alimentée par Le Journal des arts, la rumeur d’un accord en ce sens entre le premier ministre, Manuel Valls, et son ami le journaliste Gérard Holtz, époux de Muriel Mayette, avait fait polémique début juillet. Tout comme les intentions prêtées à l’actrice Julie Gayet, soupçonnée de faire le jeu d’Eric de Chassey, dont l’épouse, Anne Consigny, serait proche de la comédienne, elle-même proche du chef de l’Etat… (Le Monde du 9 juillet).De fait, jeudi 3 septembre, au matin, la Rue de Valois démentait les informations de Libération et indiquait que « le nom du/de la président/e de la Villa sera annoncé à brève ou moyenne échéance ».Ce feuilleton-là, au moins, continue…Lire aussi :Valse des postes : de quoi veut-on rendre Julie Gayet coupable ?Roxana AzimiJournaliste au Monde Véronique Cauhapé Série sur TF1 à 20 h 55 Une série policière qui, malgré ses décors, manque parfois cruellement de relief.Un enfant ou une jeune fille disparaît, une enquête est lancée, qui fait resurgir le passé, chaque personne proche de la victime est, tour à tour, suspectée, puis blanchie… Cette même trame qui guide et unit les séries « The Killing », « Broadchurch », « Disparue » se trouve une fois de plus dans « Le Mystère du lac », petite dernière du genre que diffuse TF1.Sans aller jusqu’à dire qu’elle est celle de trop, on peut émettre le souhait qu’elle soit la dernière. Car cette nouvelle série, plutôt bien faite, malgré quelques faiblesses scénaristiques, souffre avant tout d’arriver après. Et donc de cueillir un téléspectateur suffisamment rompu au schéma pour réussir à le déjouer lui-même.Il n’empêche que, malgré les similitudes structurelles et narratives qui peuvent rattacher une série à une autre, il demeure toujours possible de faire œuvre originale. Notamment à partir des personnages dont il est primordial que le profil soit à même de marquer les esprits (donc de les captiver) et de donner son caractère singulier à la fiction. Or, de cette nécessité, « Le Mystère du lac » s’en acquitte plus ou moins bien.FadeCertes, le capitaine de police Lise Stocker possède ce qu’il faut de traumatisme pour rendre crédible la gravité qu’elle affiche. Mais quand celle-ci demeure l’unique couleur de son personnage, elle finit par le réduire au simple stéréotype. De même que paraît bien fade le personnage de Lannick Gautry, commissaire sans histoire. Cet homme sans passé ni traits psychologiques particuliers se voit réduit à exécuter l’enquête proprement. C’est un peu dans le même sens qu’agit le décor (le Var) : un bel étui dénué de toute dramaturgie. Contrairement à la fameuse plage et ses alentours de « Broadchurch » ou au cadre urbain et glauque de « The Killing ».Heureusement que compense la présence des parents détruits par la disparition de leur fille et de la mère de Lise qui, atteinte d’Alzheimer, brouille les pistes sans le vouloir (drôle et touchante Marie-Anne Chazel). Et que quelques personnages secondaires parviennent à intriguer plus que l’enquête elle-même. La série se regarde au fond avec plaisir, sans laisser de traces une fois l’affaire classée.« Le Mystère du lac », créée par Jeanne Le Guillou et Bruno Dega. Avec Barbara Schulz, Lannick Gautry, Armelle Deutsch(Fr., 2015, 6 × 52 min). Jeudi 3 septembre, à 20 h 55, sur TF1.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Film sur OCS Géants à 16 heures « Le Monocle noir », de Georges Lautner est un savoureux nanar qui vaut surtout pour le jeu de Paul Meurisse.Georges Lautner (1926-2013), avant de se rendre célèbre avec Les Tontons flingueurs (1963), connaîtra son premier grand succès public avec Le Monocle noir (1961), une parodie de film d’espionnage qui baigne dans une sombre atmosphère d’après-guerre : un groupe de personnages nostalgiques du bon vieux temps fasciste se retrouve au château du marquis de Villemaur, dont le spectacle son et lumière se donne sous les assauts des Walkyries de Richard Wagner. Le marquis ne jure que par Adolf tandis qu’un Italien soupire au souvenir de Benito, et qu’un Allemand promet l’imminent retour parmi eux d’un proche d’Hitler.A leur côté, un ancien militaire français, aveugle, l’œil gauche coiffé d’un monocle noir, feint de se réjouir de la situation. Mais il n’est naturellement autre qu’un agent secret infiltré, le commandant Théobald Dromard, avec pour mission de démasquer le complot.Dromard fut l’un des rôles les plus emblématiques de Paul Meurisse, qui l’incarnera dans deux autres numéros, L’Œil du monocle (1962) et Le monocle rit jaune (1964), le meilleur et le plus virtuosement parodique de la trilogie réalisée par Lautner. Ces deux derniers films bénéficient aussi beaucoup de la participation de Robert Dalban en sergent Poussin, l’adjoint franchouillard et grommelant de Dromard, alors que Jacques Marin, pittoresque mais moins mémorable, l’assiste en adjudant Trochu dans Le Monocle noir.Esprit du tempsLes dialogues de Pierre Laroche sont dans l’esprit de ceux de Michel Audiard (qui collaborera beaucoup avec Georges Lautner, mais seulement à partir des Tontons flingueurs). Ceux que trousse Jacques Robert pour L’Œil du monocle et Le monocle rit jaune suivent la même veine. Exemple avec cet échange entre deux personnages du Monocle noir : « Vous n’allez tout de même pas tuer un homme de sang-froid ! – Si en plus il faut se mettre en colère… »On pourrait parler de plagiat, à ceci près que le plagiat est l’emprunt d’un contenu et la parodie celui d’une manière. Mais il faut sûrement aussi y voir l’empreinte d’un esprit du temps, d’une langue propre aux comédies des années 1950-1960 dont Audiard sera l’un des orfèvres majeurs.Paul Meurisse joue sur le registre d’une urbanité très française, « grand genre » et un peu coincée ; il s’exprime par mercuriales cinglantes et pratique un humour extra dry et volontiers cryptique (« C’est une finesse… », précise Dromard chaque fois qu’un balourd ne comprend pas). Le pas et le port raides, et parfois sautillant, cet amateur de jolies femmes les séduit de sa voix au velours de baryton-basse et les conquiert avec l’emportement soudain des timides, les faisant chavirer dans ses bras, le dos impeccablement droit, comme s’il interprétait une figure de tango.Mais le commandant Dromard n’est pas James Bond : il ne se bat qu’à contrecœur, ne court, ne saute ni ne transpire ; son tir est parcimonieux, guindé, mais sûr ; il ne grille que rarement des cigarettes (réservées aux dames à qui il les présente dans un élégant étui) et préfère les longs havanes qu’il sort comme par magie de la poche de son veston quelles que soient les circonstances.Le Monocle noir est un délicieux nanar qui vaut surtout pour le jeu délicieusement surjoué de Meurisse, ses mines chiffonnées ou hautaines, ses imparfaits du subjonctif et son élégante raideur très Ancien Régime.« Le Monocle noir », de Georges Lautner. Avec Paul Meurrisse, Elga Andersen, Bernard Blier, Marie Dubois, Jacques Dufilho (Fr., 1961, 90 min), et en replay sur OCS Go. jeudi 3 septembre, à 16 heures, sur OCS GéantsRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Il y a quelques années, avait été évoquée l’annonce d’une reformation fracassante (mais finalement fracassée) de Téléphone pour trois concerts au Stade de France, prévus en 2012. Ce sera finalement dans la petite salle parisienne du Point éphémère que 300 privilégiés (soit 200 personnes de moins que pour le premier concert de Téléphone, donné le 12 novembre 1976 au Centre américain, à Paris) pourront assister, le 11 septembre, aux retrouvailles des chanteurs et guitaristes Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac et du batteur Richard Kolinka, qui, sous le nom des Insus, devraient reprendre le répertoire de leur groupe originel, resté depuis sa création, en 1976, et sa séparation, dix ans après, la plus populaire des formations rock françaises.Lire l’enquête publiée dans M, le magazine du Monde en 2012 : L’ego trop cher de TéléphoneC’est le journaliste de RTL2 Francis Zégut qui, le premier, a dévoilé sur son blog que le concert des inconnus Insus serait peut-être bien une surprise montée par ces trois figures mythiques du rock hexagonal, qui, sans l’aval de l’ancienne bassiste du groupe, Corine Marienneau – avec laquelle ils sont en froid –, ne pouvaient reprendre le nom de Téléphone.Sur le site du Point éphémère, l’annonce du concert des Insus est suivie d’un point d’interrogation rouge tacheté de blanc rappelant la typographie du groupe à ses débuts, avec cette légende : « S’il y a un concert rock à ne pas rater cette année, c’est celui-ci. » Le 27 août, l’ancien batteur de Téléphone, Richard Kolinka, écrivait sur sa page Facebook : « Il y a un concert de rock, le 11 septembre au Point éphémère, à ne pas rater… Il n’y a pas beaucoup de places, paraît-il. »Autre indice, révélé par RTL, la marque « Les Insus-portables » a été déposée à l’INPI (l’Institut national de la propriété intellectuelle) le 24 août par La Loupe II, une entreprise propriété de Jean-Louis Aubert.Campagne de rééditionsQue nous vaut ce concert surprise ? Depuis la séparation de Téléphone, on a souvent parlé de reformation. Malgré les disputes et bouderies, les anciens membres du groupe n’ont d’ailleurs pas arrêté de se côtoyer. Les apparitions scéniques des uns lors des concerts des autres ont été multiples. Le 26 mai 1994, Jean-Louis, Richard, Corine et Louis se sont même retrouvés tous les quatre sur scène lors d’un concert de Bertignac au Bataclan. Si des tensions particulières entre Corine Marienneau et Jean-Louis Aubert ont éloigné la bassiste de la bande, les trois autres musiciens se sont régulièrement retrouvés, comme à l’Olympia en 2005, ou sur le plateau de l’émission de France Télévisions « Taratata », fin 2006, pour interpréter ensemble une version de Ça (c’est vraiment toi).Devenues très insistantes, confirmées même un temps par Jean-Louis Aubert, les rumeurs de vraie reformation n’avaient finalement rien donné de concret à part un concert improvisé, le 10 décembre 2013, dans le petit club parisien du Bus Palladium, lors d’une fête privée organisée par le journaliste Philippe Dana. Sans préméditation, le trio – complété à la basse par le chanteur Axel Bauer – avait enflammé la salle pendant une petite heure à coups de reprises de La Bombe humaine, New York avec toi, Flipper ou Un autre monde.« Ils ne reforment rien du tout »Le plaisir intact de la communion ou d’un presque quarantième anniversaire suffit-il à expliquer le concert du quai de Valmy ? Corine Marienneau ne sera pas de la fête, mais l’ancienne bassiste essayait de fuir l’amertume, interrogée par RTL : « S’ils ont envie de rejouer ensemble, personne ne peut leur interdire ou leur reprocher, expliquait-elle, mais ils ne reforment rien du tout. Ils jouent ensemble. »« Je ne leur souhaite que du bien, poursuivait-elle, le monde va déjà tellement mal, on ne va pas se mettre à souhaiter du mal les uns envers les autres. Je leur souhaite de s’éclater. » Avant d’ajouter : « Je ne vous dirai pas que je ne trouve pas ça dommage qu’ils n’aient trouvé que ça comme solution, tant pis, c’est comme ça. »On notera aussi que l’événement « surprise » arrive en prélude d’une vaste campagne de rééditions remastérisées des cinq albums studio de Téléphone et de luxueux coffrets, publiés par Warner Music France en CD digipack et disques vinyles 180 gr, assortis de raretés et d’inédits.Ce live inattendu au Point éphémère sert donc parfaitement ce lancement, tout comme il servira sans doute celui, fin 2015, d’un album hommage, Ça c’est vraiment nous, constitué de reprises de Téléphone interprétées par des héritiers, tels Superbus, Vianey ou Gaëtan Roussel.Concert : Les Insus ?, le 11 septembre au Point éphémère, 200, quai de Valmy, Paris 10e. Tél. : 01-40-34-02-48. Complet. www.pointephemere.orgStéphane DavetJournaliste au Monde Fabienne Darge Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas exagérer –, mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec Comme une pierre qui…, le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement. 16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en être changée, définitivement.L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond et Sébastien Pouderoux ce spectacle on ne peut plus vivant et drôle, mix de concert et de représentation théâtrale, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique. Foirage en règleCar au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu. S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de ses camarades.Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965. Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller. Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.Un Dylan habité de l’intérieurVoilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français. Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».Comme une pierre qui…, d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond et Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, Paris-1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Du mercredi au dimanche à 18 h 30, jusqu’au 25 octobre. De 9 à 20 €. Durée : 1 h 10. www.comedie-francaise.frFabienne DargeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Dès l’automne 2013, alors que Bangerz allait être publié, Miley Cyrus avait indiqué qu’elle travaillait déjà sur un futur nouvel album. Il a fait son arrivée sous le titre Miley Cyrus and Her Dead Petz (… et ses animaux de compagnie morts) sur la plateforme suédoise de distribution de musique en ligne SoundCoud, le 30 août. Un disque financé par la chanteuse pour son label Smiley Miley Inc. Sont ainsi en accès libre, sur une page dédiée de SoundCloud et une autre sur le site officiel de la chanteuse, vingt-trois chansons pour une durée totale de plus de 90 minutes.Dont plus de la moitié est signée ou cosignée par des membres de The Flaming Lips, en particulier le chanteur Wayne Coyne et le multi-instrumentiste Steven Drozd – le neveu de Wayne Coyne, Dennis, est aussi de la partie, comme le guitariste Derek Brown, présent au sein du groupe depuis 2009. Rappelons qu’en matière de bizarreries, dans les textes comme la musique, d’expérimentations (ils ont enregistré une chanson d’une durée de 6 heures, une autre de 24 heures…), de dingueries spectaculaires lors de leurs concerts tout en sachant conserver une accroche pop, les Flaming Lips ont une sérieuse réputation. Les autres titres, une dizaine, ont été réalisés en collaboration avec des producteurs plus spécialisés dans le r’n’b et le hip-hop comme Oren Yoel ou Mike Will Made It, qui ont déjà travaillé avec la jeune femme, ou laissés à sa seule responsabilité.Lire aussi : Le show hypnotique des Flaming Lips Ex-idole des préadolescentsCette collaboration entre les Flaming Lips et l’ex-idole des préadolescents aux Etats-Unis, au temps où elle tenait le rôle principal de la série télévisée « Hannah Montana », gentillette histoire d’une lycéenne devenant une star de la pop, diffusée par The Disney Channel entre mars 2006 et janvier 2011, n’est toutefois pas une nouveauté. Tout avait commencé le 13 janvier 2014, lorsque Miley Cyrus avait souhaité à Wayne Coyne un bon anniversaire pour ses (alors) 53 ans par un message sur le réseau social Twitter : « happy birthday to one of my favorite artists OF alllllll time » (un joyeux anniversaire à l’un de mes artistes préférés de tous les temps).Miley Cyrus avait déjà pris ses distances par rapport à son image télévisée. Le disque Bangerz lui avait permis de passer de la variété à un mélange de pop, d’électro et de hip-hop, ses tenues de scènes étaient devenues de moins en moins prudes, comme son comportement à la scène et à la ville. On aurait pu en rester là, mais pour rendre la politesse à la déclaration d’admiration de Miley Cyrus, les Flaming Lips avaient participé à quelques concerts de la chanteuse en 2014. Et l’avaient conviée à participer à With a Little Help from My Fwends, recréation avec divers allumés camarades des Flaming Lips de l’album des Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Depuis, des échos dans la presse spécialisée, des messages sur les réseaux sociaux, avaient permis de suivre la progression du futur album de la chanteuse. De sept, on était passé à quatorze chansons, jusqu’à ces vingt-trois.Lire aussi : The Flaming Lips ou les Beatles sous acideRecyclage de sons passésAu menu, dans les textes, une célébration de l’herbe à fumer, des pilules pour en voir de toutes les couleurs, de l’hédonisme érotique et des évocations de nombreux animaux de compagnie de la chanteuse, dont Pablow le poisson-lune ou Floyd le chien. Un ensemble qui a du mal à tenir la distance sur la longueur. The Flaming Lips recyclent au profit de Miley Cyrus pas mal de sons et d’aventures passés et ce, dès le premier titre, Dooo It, déclinaison d’une précédente collaboration du groupe avec Yoko Ono en avril 2012, sous le titre Do It ! On retrouve aussi, dans Milky Milky Milk, Cyrus Skies ou Evil Is But A Shadow, des ambiances sombres venues des albums Embryonic (2009), The Terror (2013) ou de la longue pièce 24 Hour Song Skull (octobre 2011). Malgré ce manque d’inspiration et l’absence d’une vraie folie musicale, c’est par ces collaborations avec les Flaming Lips que Miley Cyrus and Her Dead Petz se distingue.Les compositions de la seule Miley Cyrus se révèlent, pour la plupart, insignifiantes. Avec des sonorités plus électro, un phrasé plus monotone (BB Talk, Fweaky, I’m So Drunk, I Forgive Yiew…), un détour du côté de ballades passe-partout avec une voix qui rappelle celle de Madonna (I Get So Scared, Lighter). On discerne aussi ici et là quelques « fuck ». Ce qui fera peut-être frémir aux Etats-Unis mais sonne d’abord comme un cliché.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 16.09.2015 à 17h37 • Mis à jour le17.09.2015 à 11h19 | Emmanuelle Jardonnet (Marseille) Chaque été depuis deux ans, le designer Ora-ïto convie un artiste sur le spectaculaire toit-terrasse de la Cité radieuse du Corbusier et dans l’ancien gymnase qui le coiffe, mués en lieux d’exposition – le MaMo, pour Marseille Modulor – pour des tête-à-tête avec le ciel marseillais. Après Xavier Veilhan en 2013, puis Daniel Buren en 2014, le choix du maître des lieux s’est, cette année, porté sur l’Américain Dan Graham.« La première édition était un hommage au Corbusier, l’été dernier a été le temps de l’émancipation, avec un espace destructuré. Aujourd’hui, le lieu peut fonctionner de manière autonome, et je cherchais quelqu’un capable de prendre le pouvoir dans un espace qui a un tel charisme », confie Ora-ïto. Du premier, on se souvient ainsi de l’immense buste bleu ciel de l’architecte dessinant sur sa table de travail, qui n’était autre que le toit du bâtiment lui-même. Du deuxième, d’un déploiement de formes et de couleurs qui venaient emplir et redessiner l’espace. Avec Dan Graham et ses architectures-sculptures tout en transparences, l’approche est assurément d’une autre nature, plus impalpable.« Entre l’abribus et la cabine téléphonique »Posées en extérieur, deux constructions se présentent sous forme de « pavillons », terme cher à l’artiste qui désigne ses structures à géométrie variable qui ressemblent à première vue à des cabanes urbaines un peu froides – « entre l’abribus et la cabine téléphonique », résume, l’œil facétieux sous le sourcil broussailleux, l’artiste de 73 ans.De ces postes d’observation (l’un doublement circulaire, Two Nodes, l’autre en forme de vague, Tight Squeeze), qui ont offert tout l’été des points de vue inédits sur Marseille, Dan Graham dit qu’ils sont des « contrepoints » à l’architecture panoptique telle que dénoncée par Foucault : ici point d’entrave à la vue, mais un jeu avec celle-ci. « Cette vision n’est pas aliénante, c’est une situation de plaisir. Et c’est ma conception de l’art public », explique-t-il en citant le sculpteur Alexander Calder et l’artiste Jean Dubuffet parmi ses « héros ». Le Corbusier n’en fait pas partie : « Je n’ai jamais aimé son travail, et pour moi ses grandes barres ressemblent à des prisons. Mais j’aime ce toit grand ouvert sur le ciel, et qui était destiné à la classe ouvrière. »Il faut pénétrer dans ces deux créations de verre et d’inox, au sol en bois, en ressortir, en faire le tour, s’en éloigner et y revenir pour constater leur étonnante capacité d’attraction, qui plonge, un peu par surprise, les visiteurs dans une contemplation active. On se surprend ainsi à guetter sa propre image et celle des autres, qui s’y superposent, se croisent ou s’échappent, entre l’anamorphose et l’hologramme. Les structures, minimalistes, se font labyrinthiques dans un jeu infini de reflets imprévisibles et de distorsions réjouissantes, au plus près des variations du temps et du paysage qui se déploient tout autour, de la mer aux collines de l’arrière-pays. Le titre de l’exposition, « Observatory / Playground » (observatoire / terrain de jeu), tient en cela toutes ses promesses.L’exposition marseillaise, Ora-ïto la présente comme « une rétrospective à l’intérieur, une futurspective à l’extérieur ». « Futurspective » puisque l’un des deux pavillons de verre créés au MaMo sera exposé sur la place Vendôme, en octobre, dans le cadre de la FIAC Hors les murs, là-même où Paul McCarthy, compatriote et ami de Dan Graham, avait déployé sa très éphémère sculpture gonflable verte – le fameux Tree, surnommé le « Plug anal » –, qui avait fait polémique l’an dernier.Skatepark kaléïdoscopiqueDans l’ancien gymnase, des maquettes attestent des grandes étapes du travail de l’artiste depuis les années 1970. Clinic for a Suburban Site (1978) fait partie de ses premiers projets, qui ont lancé sa réflexion sur les espaces habitables, ici un centre de santé, tandis que Skateboard Pavilion (1989), terrain de jeu coiffé d’un toit de verre à facettes, montre le début de l’utilisation généralisée par l’artiste du miroir à double face – tout à la fois réfléchissant et transparent –, comme sa volonté de tendre vers la sculpture abstraite, qui caractérise son travail aujourd’hui.Chez Dan Graham, l’art conceptuel se révèle sensuel, ludique, presque magique. Mais ses installations architecturales se veulent aussi des lieux théâtralisés où le public a conscience de lui-même. « Je pense que, pendant les années 1980, le musée est devenu une sorte de jardin pour les familles, où l’on va avec les enfants pour profiter de l’art. Puis, dans les années 1990, les musées ont largement développé les programmes éducatifs pour les enfants, et beaucoup de familles ouvrières ont eu accès à l’art, ce qui a été très intéressant pour mon travail », analyse l’artiste à l’allure enfantine malgré sa barbe blanche, et qui affiche ce jour-là une tête de tigre sur son tee-shirt et des langoustes bleues sur ses chaussettes. « Je dis toujours que je fais des attractions pour les enfants, qui peuvent s’y faire photographier par leurs parents. C’est une expérience pour toute la famille. Mon travail est sur le regard des gens et le temps, les changements. »Ora-ïto met en avant leur qualité poétique. « Dans les œuvres de Dan Graham, il y a beaucoup d’effets optiques, mais qui relèvent toujours de la surprise : contrairement à l’Op Art, il n’y a pas de théorie, de système, pas de règles, pas d’effets qu’on peut connaître à l’avance. Ces structures absorbent tout : paysage, soleil, nuages, les lumières qui scintillent la nuit… »Absorberont-elles aussi bien le ciel parisien depuis la place Vendôme ? L’artiste, qui a déjà conçu une œuvre pérenne à Paris, porte de Versailles, ne craint pas en tout cas une mésaventure à la Paul McCarthy, dont la sculpture avait été vandalisée. Il revient sur ce qui est pour lui un malentendu : « Le public français ne comprend pas que son œuvre parle d’un enfant qui a peur de Disney. Cette peur, c’est très anti-américain. Ce qui s’est passé ne m’a pas surpris : les Parisiens aiment les œuvres intellectuelles, où tout est mots. Or, son œuvre est très physique. Paul McCarthy, qui est une personne adorable, vient de l’Utah, de Salt Lake City. Il y a une incompréhension envers la culture américaine de la périphérie. Le problème de Paul, maintenant, c’est qu’il fait des œuvres qui sont trop grandes. Moi, en revanche, j’ai peur que la mienne paraisse petite, place Vendôme... » A juger sur pièce, du 21 au 25 octobre, au cœur de Paris.« Observatory / Playground », jusqu’au 20 septembre au MaMo, à Marseille, et « Dan Graham » jusqu’au 8 octobre à la galerie Marian Goodman, à Paris.Emmanuelle Jardonnet (Marseille)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.09.2015 à 16h18 • Mis à jour le17.09.2015 à 08h38 | Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne Guy Béart était né au Caire et vivait à Garches, dans les Hauts-de-Seine. A 80 ans, Guy Béart avait publié un nouvel album, Le Meilleur des choses, après onze ans d’un silence qui aurait pu avoir raison de sa carrière. Ce mercredi 16 septembre, frappé par une crise cardiaque, il est tombé en sortant de chez le coiffeur, à Garches, il n’a pu être réanimé.A 84 ans, en janvier 2015, il avait tenu l’Olympia pendant près de quatre heures, sans vouloir décoller de la scène, aidé par Julien Clerc ou par sa fille Emmanuelle Béart, affolant la twittosphère des amateurs de chansons française – admiration et moqueries confondues.Depuis Bal chez Temporel écrit en 1957, d’abord chanté par Patachou, l’auteur-compositeur avait écrit un chapitre entier de la chanson française (Qu’on est bien, Chandernagor, L’Eau vive, Suez, Les Grands Principes…) et accumulé un catalogue de près de 250 chansons. Guy Béart s’était parfois absenté, mais en vérité, il n’a jamais décroché. Il s’est parfois mis en retrait, pour cause de maladie (cancer avoué), mais aussi parce que le chat Guy était échaudé par les pratiques « des maisons de disques », majors ou labels indépendants, toutes dans le même sac.Lire aussi :Politiques et musiciens rendent hommage à Guy BéartLe chanteur et auteur-compositeur n’avait pas toujours bon caractère, c’est de notoriété publique. Et quand il brocardait les hommes pressés de l’industrie musicale, la radio et la télévision, cela donnait Télé Attila, une chanson déclinée à charge déclinée sur son ultime album, en 2010, en version longue (5’56) et en version courte (3’27) pour en rajouter une louche. La télévision, il l’avait pourtant pratiquée de l’autre côté du décor, en présentant « Bienvenue », créée en 1966, où il invita Jacques Duclos, Robert Boulin, Aragon, Devos, Brassens, Michel Simon ou Duke Ellington. Un rêve de télévision réalisé « sans fric » (en juin 1970, il avait enregistré vingt-deux émissions en un mois), expliquait-il au Monde en septembre 2003. C’est aussi à la télévision qu’il avait commis l’un de ses plus beaux esclandres, face à Serge Gainsbourg – « un petit-maître, à l’occasion plagiaire » – qui en bon Gainsbarre, l’avait traité de « blaireau » sur le plateau d’« Apostrophes », en 1986. Guy Béart n’avait pas supporté qu’on dise de la chanson française qu’elle était un art mineur.Ingénieurs des Ponts et chausséesNé le 16 juillet 1930 au Caire, en Egypte, comme Georges Moustaki, Claude François, Dalida ou Richard Anthony, il était le fils d’un expert-comptable qui voyageait à travers le monde par profession, entraînant sa famille vers la Grèce, Nice, le Liban, où le petit Guy Béhart (le h a sauté par la suite) passa son enfance, puis au Mexique et enfin à Paris, où il entre à 17 ans au lycée Henri IV. Guy Béart avait gardé de ces années de transhumance un attachement à l’Orient et des envies d’ailleurs, qu’il traduit dans une des chansons françaises les plus célèbres, L’Eau vive, hymne à la liberté composé pour le film militant (contre les barrages) de Jean Giono et François Villiers.Guy Béart, qui se voyait en troubadour rêveur fut dans un premier temps un bâtisseur, membre du prestigieux corps des Ingénieurs des Ponts et chaussées, spécialiste de l’étude des cristaux et de la fissuration du béton. Il écrit des pièces de théâtre, travaille de-ci de-là, et chante avec sa guitare pour les copains de La Colombe, un bistrot du Quartier latin, dirigé par Michel Valette. Le patron des Trois Baudets Jacques Canetti l’embauche dans son cabaret de Pigalle, avec Mouloudji, Brel, Devos, Pierre Dac et Francis Blanche.Guy Béart a une voix particulière, un ton, un accent chaud, et ses chansons sont déjà excellentes. En 1955, Brassens le reçoit et l’écoute dans sa loge du Théâtre de verdure de Nice en lâchant « une autre ! », après chaque chanson et en glissant à son copain Jacques Grello : « Ecoute ! Il sait les faire ! ». Zizi Jeanmaire, Patachou, Juliette Gréco, Yves Montand, Colette Renard, Marie Laforêt, Maurice Chevalier : tous adoptent le style Béart et l’interprètent. Avec Qu’on est bien, Le Quidam, Bal chez Temporel, Chandernagor, Le Chapeau, l’originalité de son talent éclate dès son premier disque 25 cm enregistré, à 27 ans, en présence de Boris Vian qui chantait dans les chœurs. « En 1957 j’étais une vedette, mais en 1963, le twist devant « régner sur le siècle », j’étais un has been. A 33 ans, je n’avais plus qu’un renom », confiait-il en septembre 2003 à notre confrère Robert Belleret. « Contrairement à Brel ou Brassens, je ne me destinais pas à la chanson, et, comme le succès a été immédiat, je n’ai pas connu les vaches maigres, je n’ai pas été obligé de me constituer un réseau ni un clan et je n’ai jamais eu à jouer un personnage ».« Les paroles et les musiques viennent du rêve. Je prends des notes pendant la nuit. Pas pratique pour garder une femme, car on la réveille », nous disait-il en 2010, alors qu’après quinze ans de retraite anticipée, il avait accumulé les cahiers, les notes, les projets : « une centaine. J’en ai gardé quarante, puis j’ai réuni les femmes que j’ai connues dans ma jeunesse, des amis, afin de sélectionner, et j’en ai enregistré douze dans mon home studio ». Il avait ensuite reçu chez lui les prétendants à l’édition d’un disque, de chez lui, une magnifique maison d’architecte, parce que « rhumatisant depuis quarante ans », il recevait dans son salon. Pour le voir, il fallait traverser le vestibule, ses alignements de pipes et de guitares, les salons encombrés de cartons d’archives, de livres, « tous vitaux », et de vidéos, avant d’arriver au canapé tigré du living à verrière.Une succession de transferts et de procéduresSa maison de Garches était un lieu de pèlerinage. Des grands noms des arts et de la musique, des hommes politiques, peut-être même son ami Georges Pompidou, ont plongé dans la piscine, pris le frais sous les arbres centenaires et admiré l’esthétique Bauhaus de cet édifice de 1 200 m2, ancienne demeure de l’ambassadeur d’Autriche. Guy Béart l’avait achetée en 1967, après le succès de Vive la rose, titre phare d’un album consacré à la reprise de chansons du patrimoine français.Sa carrière phonographique est une succession de transferts et de procédures, dont celle qui l’opposa à Philips de 1963 à 1978, afin de récupérer les droits de ses chansons. « J’ai monté ma maison d’édition, Espace, très tôt. Puis Philips a viré Canetti [qui y était directeur artistique]. J’ai emprunté des sous à la Banque de Paris et des Pays-Bas, et j’ai fondé l’Auto Production des Artistes au Micro, une structure autogérée par les artistes. J’ai présenté l’affaire à Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Claude François, Pierre Perret. Ils ont trouvé l’idée si bonne qu’ils ont tous créé leur propre société. » Il fonde alors Temporel, sa société de production phonographique, devenue Bienvenue.En conséquence, ses partenaires sont ses distributeurs, « un point c’est tout ». Cette déclaration d’indépendance lui a valu l’une de ses manies les plus visibles : fumer cigarette sur cigarette. « Je vivais avec Popy, une Franco-Américaine. J’avais du mal à obtenir des rendez-vous. Elle m’a convaincu que le métier exigeait cigare et whisky. Ça a marché, j’ai pu approcher Eddie Barclay et d’autres, puis je me suis mis à la pipe. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux L’Orchestre symphonique de Boston (Boston Symphony Orchestre, BSO) dirigé par son jeune chef de 36 ans, le charismatique Andris Nelsons, avait brillamment auguré, jeudi 3 septembre, de la nouvelle saison de la Philharmonie de Paris. Lundi 14 septembre, la saga des grands orchestres américains invités dans le nouvel auditorium de La Villette s’est poursuivie avec l’Orchestre symphonique de San Francisco (San Francisco Symphony) conduit par son directeur musical depuis vingt ans, Michael Tilson Thomas (alias MTT). En soliste, la pianiste prodige chinoise, Yuja Wang, star invitée des musiciens du SFS, ouvrait le concert, comme l’avait fait dix jours plus tôt avec les Bostoniens, le violoncelliste américain d’origine chinoise, Yo-Yo Ma. Un concerto, une symphonie, la formule, pour éculée, fait toujours recette comme en témoigne une Philharmonie de Paris qui ne désemplit pas.Le Quatrième concerto pour piano de Beethoven est un peu emblématique dans la jeune carrière de Yuja Wang : c’est avec lui que la virtuose chinoise a triomphé pour la première fois en Europe en 2003 (à Zurich), avant de faire des débuts fulgurants en Amérique du Nord (Ottawa), deux ans plus tard – elle remplaçait au pied levé le grand Radu Lupu.Une artiste des sonsPas sûr cependant que cette musique de l’introspection convienne si bien à ce petit bout de femme, boule de nerf sexy moulée dans un fourreau de strass argenté vertigineusement échancré dans le dos. Non que le piano de Miss Wang ne soit capable de tous les chants. C’est, en effet, une fine musicienne qui sait ce que moduler une phrase veut dire, une artiste des sons dont la palette, notamment dans le presque rien, est stupéfiante.Non, il s’agit plus d’une profondeur dans la respiration, d’une attention plus grande au silence, d’une empathie plus affirmée, que semble dédaigner le jeu impétueux de divine impatiente. La technique est toujours ahurissante (ce n’est pas pour rien qu’elle a été surnommée « doigts volants » en référence au film d’Ang Lee (2000), Tigre et Dragon), notamment dans les cadences. Celle du premier mouvement semble même prendre de vitesse la musique. Mais quel « Andante con moto » !Le combat inégal entre un piano David et l’orchestre Goliath est mené note à note. L’entêtement du clavier a fait reculer le tutti jusqu’au retranchement des cordes en pizzicatos. Yuja Wang libère son chant d’oiseau montant dans le soleil ivre d’un trille auquel l’orchestre n’osera répondre qu’à voix basse. Merveilleuse réconciliation que le troisième mouvement, rondo mutin et léger : la pianiste fait danser la musique, les San-Franciscains lui donnent l’accolade à chaque trait.Baguette minimalisteMichael Tilson Thomas et son Orchestre de San Francisco sont des mahlériens. Ils ont gravé, entre 2001 et 2009 pour le label discographique maison SFS Media, les neuf symphonies (plus l’« Adagio » de la Dixième), avant que l’intégrale ne paraisse en 2011 pour le centenaire de la mort du compositeur viennois. L’homme aux cheveux gris est un septuagénaire élégant à la baguette minimaliste. Il n’a pas hérité de la légendaire extraversion du bouillonnant Leonard Bernstein dont il fut, à la fois, l’élève et l’émule.Son Mahler est puissant, franc, solidement charpenté, très clair. Il n’appelle ni la démesure, encore moins le pathos ou l’amère dérision. Il y a même quelque chose de transparent dans la manière dont il déploie la lente suspension, traversée de météores, du début de « Allegro moderato » de la Symphonie n°1 « Titan ». Dont il en ménage les effets. Ce d’autant que les musiciens du San Francisco Symphony sont excellents (bois et cuivres), qu’ils s’adonnent à la volupté du Trio dans le deuxième mouvement ou jouent sans racolage la musique populaire convoquée par Mahler (tempo de valse, thème bohémien, fanfares militaires, musique de cabaret).Après la superbe marche funèbre du troisième mouvement sur le thème fameux de la comptine Bruder Jakob (Frère Jacques), le Finale, beaucoup plus ouvertement dramatique – irrésistibles montées en puissance suivies de dépressions. « MTT » dirige sans partition, laisse la musique disparaître dans les ombres noires, avant de ressurgir comme une bête féroce. Huit cors debout diront la victoire de la lumière dans une spectaculaire mais calme péroraison. La sagesse du maître américain dans Mahler a quelque chose d’un peu conjugal : la tranquille assurance du mariage, sans la fatigue des pantoufles et du quotidien.Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Prochains concerts avec l’Orchestre de Paris les 19 et 20 septembre. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 40 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Les jurés des prix Décembre et Médicis ont dévoilé leurs premières sélections pour leurs prix respectifs qui seront remis lundi 2 novembre, pour l’un, et jeudi 5 novembre, pour l’autre.Présidé cette année par Josyane Savigneau, journaliste au Monde, le prix Décembre, qui récompense un livre écrit en français, a présenté une première liste avec quatorze titres qui sont aussi bien des romans que des essais. Une deuxième sélection avec seulement trois ouvrages sera rendue publique, mardi 20 octobre.Parmi les romans sélectionnés, figurent Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion) et Eva, de Simon Liberati (Stock), tous deux présents sur la première liste du Goncourt. De même, les jurés ont retenu Jugan, de Jérôme Leroy (La Table ronde) et L’Autre Simenon, de Patrick Roegiers (Grasset), présents sur la première liste Roman du Renaudot, ainsi que trois noms qui figurent sur la liste Essai du Renaudot : Pierre Adrian, avec La Piste Pasolini (Les Equateurs), Judith Perrignon, avec Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste), et Gilles Sebhan, avec Retour à Duvert (Le Dilettante), tous trois édités par des petites maisons d’édition.Les jurés du prix Décembre ont aussi distingué quatre autres romans de la rentrée littéraire, écrits par Michaël Ferrier, avec Mémoires d’outre-mer (Gallimard), Juan Hernandez et Sébastien Rutes, pour Monarques (Albin Michel), Stéphanie Hochet, auteure d’Un roman anglais (Rivages), et Monica Sabolo, avec Crans-Montana (JC Lattès). La sélection fait la part belle aux essais littéraires avec trois titres : Flaubert à la Motte-Picquet, de Laure Murat (Flammarion), La Haine de la littérature, de William Marx (Minuit), et Adieu Montaigne, de Jean-Michel Delacomptée (Fayard).Dix-neuf éditeurs pour le MédicisLa liste du Médicis comprend quinze romans français et treize romans étrangers, pour un total de dix-neuf éditeurs cités. Gallimard est la maison la plus représentée, avec quatre romans français : Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour, et 2084, de Boualem Sansal, présents aussi dans la liste du Goncourt, mais aussi Pirates, de Fabrice Loi, et Ann, de Fabrice Guénier, paru en mars, plus un roman étranger D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds, de Jon Kalman Stefansson.Suivent les maisons Grasset et Le Seuil avec trois titres chacune, chaque fois, deux romans français et un étranger. Pour Grasset, Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig, et Anomalie des zones profondes du cerveau, de Laure Limongi, plus La Fiancée de Bruno Schulz, d’Agatha Tuszynska. Pour Le Seuil, Les Désœuvrés, un premier roman d’Aram Kebadjian, et Le Beau Temps, de Maryline Desbiolles, plus Un mauvais garçon, de Deepti Kapoor.On trouve également sur la liste du Médicis D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès), et Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (P.O.L), présentes sur la première sélection du Goncourt, ainsi que les romanciers Christophe Boltanski, pour La Cache (Stock), aussi repéré par le Renaudot, et Olivier Demangel pour 111, publié aux éditions de la Fanfare. Les jurés ont en outre distingué Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry, Effraction, d’Alain Defossé, et Antoine Mouton, pour Le Metteur en scène polonais (Bourgois).La deuxième sélection du prix Médicis ainsi que la première liste des essais seront révélées mercredi 7 octobre. En 2014, Antoine Volodine (Terminus radieux, Seuil), l’Australienne Lily Brett (Lola Bensky, La Grande Ourse) et Frédéric Pajak (Manifeste incertain 3, Noir sur blanc) avaient respectivement décroché le prix Médicis du roman français, du roman étranger et essai. Le prix Décembre avait distingué Elisabeth Roudinesco, pour sa biographie de Freud, Sigmund Freud, en son temps et dans le nôtre, parue chez Seuil.La sélection complète du prix MédicisRomans français- Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L)- Christophe Boltanski, La Cache (Stock)- Charles Dantzig, Histoire de l’amour et de la haine (Grasset)- Alain Defossé, Effraction (Fayard)- Olivier Demangel, 111 (Editions de la Fanfare)- Maryline Desbiolles, Le Beau Temps (Seuil)- Sophie Divry, Quand le diable sortit de la salle de bain (Notabilia)- Fabrice Guénier, Ann (Gallimard)- Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard)- Aram Kebadjian, Les Désœuvrés (Seuil)- Laure Limongi, Anomalie des zones profondes du cerveau (Grasset)- Fabrice Loi, Pirates (Gallimard)- Antoine Mouton, Le Metteur en scène polonais (Bourgois)- Boualem Sansal, 2084 (Gallimard)- Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (JC Lattès)Romans étrangers- Oya Baydar, Et ne reste que des cendres (Phébus)- Javier Cercas, L’Imposteur (Actes Sud)- Jane Gardam, Le Maître des apparences (JC Lattès)- Hakan Günday, Encore (Galaade)- Deepti Kapoor, Un mauvais garçon (Seuil)- Alessandro Mari, Les Folles Espérances (Albin Michel)- Eirikur Orn Norddahl, Illska (Métailié)- Anna North, Vie et mort de Sophie Stark (Autrement)- Joyce Carol Oates, Carthage (Philippe Rey)- Nathaniel Rich, Paris sur l’avenir (Editions du Sous-sol)- Robert Seethaler, Une vie entière (Sabine Wespieser)- Jon Kalman Stefansson, D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds (Gallimard)- Agatha Tuszynska, La Fiancée de Bruno Schulz (Grasset)La sélection complète du prix Décembre- Pierre Adrian, La Piste Pasolini (Les Equateurs)- Christine Angot, Un amour impossible (Flammarion)- Jean-Michel Delacomptée, Adieu Montaigne (Fayard)- Michaël Ferrier, Mémoires d’outre-mer (Gallimard)- Juan Hernandez et Sébastien Rutes, Monarques (Albin Michel)- Stéphanie Hochet, Un roman anglais (Rivages)- Jérôme Leroy, Jugan (La Table ronde)- Simon Liberati, Eva (Stock)- William Marx, La Haine de la littérature (Minuit)- Laure Murat, Flaubert à la Motte-Picquet (Flammarion)- Judith Perrignon, Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste)- Patrick Roegiers, L’Autre Simenon (Grasset)- Monica Sabolo, Crans-Montana (JC Lattès)- Gilles Sebhan, Retour à Duvert (Le Dilettante)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau et Marie-Aude Roux C’est parti ! La 3e Scène, espace numérique dédié à la création, mis en place par l’Opéra national de Paris, a ouvert mardi 15 septembre. Déjà en ligne, une vingtaine de petits films, signés par le gratin de la création contemporaine comme le plasticien Xavier Veilhan ou le cinéaste Mathieu Amalric, sont visibles. Cette plateforme au budget annoncé de deux millions d’euros, dont 50 % proviendraient du mécénat – l’un des partenaires, Van Cleef & Arpels, apparaît ainsi en première page sur le site –, est gratuite.A l’instar des deux autres scènes que sont l’Opéra Bastille et le Palais Garnier, ce troisième plateau entend défendre le lyrique et le ballet même si la danse domine largement pour le moment – un seul film est consacré au chant. Un déséquilibre prévisible : sous la houlette de Benjamin Millepied, directeur du ballet de l’Opéra de Paris, cette opération d’envergure a été confiée à Dimitri Chamblas, danseur et producteur, l’un de ses amis, comme le chorégraphe Boris Charmatz, depuis leur adolescence au Conservatoire de Lyon. Le profil et le parcours de Chamblas, interprète chez Mathilde Monnier par exemple, puis initiateur de sociétés de production comme Same Art, correspondent parfaitement à cette ligne numérique.Un espace vierge pour croiser les pratiquesLe parti-pris est clair : pas question d’être le porte-voix en images des spectacles d’opéra et de danse à l’affiche mais de dégager un espace vierge pour croiser les pratiques. Consommation Internet oblige, cette vitrine élégante et léchée fait dans les formats courts, l’esthétique clippée. Des cinéastes, des écrivains (bientôt Eric Reinhardt), des photographes (Denis Darzacq dans une série sur le handicap revu par les danseurs, peu convaincante), des plasticiens (Julien Prévieux, Prix Marcel Duchamp 2014) sont invités à poser leur regard sur la danse, au sens large, et plus précisément sur le ballet de l’Opéra de Paris.Ce qui provoque parfois des chocs finement dosés. Etoiles, I see you, une vidéo réalisée par Wendy Morgan avec le danseur de hip-hop américain Lil Buck – qui a, par ailleurs, participé à une pub pour les vêtements Rag & Bone avec Mikhaïl Baryshnikov –, réussit à tisser un lien léger et vif avec les peintures des étoiles historiques en médaillons sur le plafond du Foyer de la danse.Série d’hommages à chaque étoileValoriser les deux lieux-phares que sont le Palais Garnier et l’Opéra Bastille est au cœur de nombreuses productions. Si certains endroits sont connus comme les toits de Garnier et ses studios de répétitions, d’autres ne le sont pas du tout. Excitation de plonger, par exemple, dans ses sous-sols, avec ses incroyables cuves d’eau sombres, dans le cadre du film du plasticien Xavier Veilhan, Matching Numbers. Enigmatique, palpitante dans sa fluidité, cette déambulation, qui s’ouvre sur une meute de chiens de chasse menée par la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, envoûte avec son long ballet de machinerie-lumière devant la salle de l’Opéra Bastille vide.Cette inscription dans l’architecture, par ailleurs un motif classique de nombres de films de danse depuis quelques années, sert de cadre en or pour les danseurs de la troupe. La série d’hommages à chaque étoile signée par Millepied lui-même, fait dans la virgule (une minute et quelque) et donne envie d’y revenir. Atmosphérique, le portrait de Laura Bachman par Arnaud Uyttenhove s’amuse à incruster des archives de la télé japonaise sur Laura enfant et opère un hiatus malicieux. Nettement plus faible, le film de Rebecca Zlotowski avec l’actrice Kate Moran véhicule non seulement les clichés de l’autoritarisme des maîtres de ballet mais dérape dans une séance de spiritisme qui tombe comme un cheveu sur le chausson.L’opéra, grand oubliéMais l’opéra est le grand oublié de la 3e Scène. Une seule vidéo pour la voix, au titre idoine : C’est presque au bout du monde (le début de Youkali, le tango de Kurt Weill chanté à la fin). Mathieu Amalric a filmé comme un documentaire animalier – et c’est la partie la plus intéressante – le travail du son dans le corps d’une soprano. Entre douleur et jouissance, la mise en vibration, la lente (et pénible) ascension vers les aigus, bouche fermée, avant l’explosion de victoire : LA note puissamment projetée.Amateurs de la Castafiore, il faudra attendre : la belle Barbara Hannigan est l’une de nos chanteuses les plus fréquemment déshabillées sur une scène. Et pour cause, cette immense artiste possède un corps de rêve comme en témoignent quelques incrustations de la Lulu (de Berg) mise en scène par Krzysztof Warlikowski. En pointes et tutu (impossible de ne pas penser à Natalie Portman dans le Black Swan, de Darren Aronofsky), la blonde Canadienne y incarne en effet une… ballerine.Marie-Aude RouxJournaliste au MondeRosita BoisseauJournaliste au Monde 22.09.2015 à 12h57 • Mis à jour le22.09.2015 à 17h15 | Marine Messina et Frédéric Potet Neuf mois après l’attentat contre Charlie Hebdo et dix ans quasiment jour pour jour après le début de l’affaire des caricatures danoises, l’association Cartooning for Peace, qui milite pour la liberté d’expression à travers un réseau de dessinateurs de presse dans le monde, organisait, lundi 21 septembre, un colloque à Paris intitulé « Le dessin de presse dans tous ses états ». La journée a été marquée par l’échange – tendu – entre le dessinateur du Monde, Plantu (également président de Cartooning for Peace), et Riss, le directeur de la publication de Charlie Hebdo. Notoire dans le milieu des caricaturistes, la différence de ligne défendue par l’un et par l’autre ne pouvait pas apparaître plus clairement que cet après-midi là au Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui accueillait l’événement.Tout est parti de la projection, pendant le débat, d’un dessin du Danois Carsten Graabaek représentant Dieu, Yahvé et Mahomet regardant la Terre depuis un nuage : seul le visage du dernier a été « flouté », à la manière d’un reportage photographique. « On peut être plus malin que les intolérants. Il suffit de contourner l’interdit », a salué Plantu avant de se faire reprendre par Riss : « Non, l’interdit n’est pas contourné ici, il est respecté. » La discussion s’est alors envenimée, poliment, sur les questions de perception et de compréhension des dessins de presse dans le monde d’aujourd’hui. Prendre en compte le « ressenti »Pour Plantu, qui s’est toujours refusé à dessiner Mahomet, un caricaturiste doit prendre en compte le « ressenti » de ceux qui peuvent se sentir visés par un dessin. Du tac au tac, Riss lui a répondu qu’un « ressenti est totalement arbitraire » : « Moi aussi, j’ai un ressenti. Ce n’est pas pour cela que je vais l’imposer aux autres, c’est inacceptable. Il ne peut pas y avoir de critères émotifs. »Plantu : « Il y a des gens qui n’ont pas la même culture que nous et qui peuvent ne pas comprendre ce qu’on fait. Certains peuvent se sentir humiliés. L’exercice est casse-gueule. » Riss : « C’est une erreur. Un dessin, ce n’est pas fait que pour rigoler. Cela a aussi une dimension politique, cela permet d’appréhender la spécificité d’une époque. Le fait est qu’il y a aujourd’hui des types qui vivent dans la peur de Dieu et qui veulent la communiquer aux autres dans le but d’instaurer une société théocratique. Il ne faut pas se laisser impressionner par eux. »Parce qu’il a l’habitude d’intervenir en milieu scolaire, Plantu a alors insisté sur l’importance qu’il y a à expliquer son métier, notamment auprès des jeunes. « Il y a beaucoup d’enfants qui sont Charlie et il y en a beaucoup qui ne le sont pas », avait-il indiqué au début du débat, avant de rapporter une réflexion entendue dans une classe de 4e de la région parisienne : « S’ils sont morts, c’est bien faits pour eux » – à propos des dessinateurs de Charlie tombés sous les balles.- Il t’arrive d’aller dans les écoles ?, a demandé Plantu à son collègue.- Assez peu, a répondu Riss, l’un des survivants de la fusillade du 7 janvier (il vit depuis sous protection policière rapprochée).- Tu devrais venir aussi avec moi parler de ton métier dans le monde musulman, l’a relancé un peu plus tard le dessinateur du Monde.- Oui, oui… Et si je ne reviens pas ?, a soupiré son invité, provoquant des rires dans l’assistance.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteMarine MessinaJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Deezer, la start-up française pionnière dans l’écoute en ligne de musique (streaming) a décidé, mardi 22 septembre, d’ouvrir le processus qui conduira à son entrée en Bourse auprès d’Euronext à Paris, d’ici à la fin de l’année, si toutes les étapes du calendrier se font dans les temps. L’autorité des marchés financiers a reçu les documents ad hoc mardi, avant l’ouverture des cours.Depuis cet été bruissaient des rumeurs de levée de fonds auprès de partenaires privés ou d’appel à des capitaux frais en Bourse. C’est cette seconde option qui a été retenue par Hans-Holger Albrecht, le patron allemand arrivé au printemps à la tête de la start-up, et par Simon Baldeyrou, son directeur des opérations.Pour M. Albrecht, « le streaming est l’avenir de la musique ». Ce nouveau mode de consommation qui révolutionne les usages – la musique devient un produit distribué par abonnement, comme l’eau et le gaz – est en train de se généraliser. Il sera d’ici à cinq ans la première source de revenus des artistes et des producteurs de musique.Dans ce marché mondialisé il y a de la place pour cinq à sept acteurs de premier plan, et Deezer, fondé en 2007, compte bien en être. L’entreprise, qui emploie 300 personnes, entend même s’installer durablement dans le top 3, avec Spotify, le leader du marché d’origine suédoise, et le géant américain Apple qui s’est converti au streaming avec son service Apple Music au mois de juin.Lire aussi :Musique : le streaming en hausse, le CD en baisse, la niche vinyle se porte bienPartenariat avec OrangeCinq raisons poussent Deezer à croire en son destin. Elle est l’une des entreprises leaders, pionnières et indépendantes du streaming musical, souligne la direction, qui se dit prête à tirer avantage de la « révolution en cours » avec un « modèle économique qui repose sur des partenariats avec des opérateurs de télécoms ». Deezer a ainsi reconduit pour trois ans, en juillet, son partenariat avec Orange. « Deezer a la capacité de s’adapter à une forte croissance de la demande et entend mettre en œuvre une stratégie qui repose sur une très forte accélération de celle-ci. »La précédente augmentation de capital de l’entreprise remonte à octobre 2012, avec une prise de participation pour 100 millions d’euros d’Access Industries (70 millions sous forme d’argent frais et 30 millions d’achats d’actions), le fonds d’investissement détenu par l’homme d’affaires Len Blavatnik, également propriétaire de Warner Music. Avec 26 % du capital, il est le premier actionnaire de Deezer, devant Orange (11 %). Les trois majors de la musique – Universal, Sony et Warner – détiennent ensemble près de 20 % du capital, sans avoir de droits de vote.Lire aussi :Apple vient bouleverser la donne dans le streaming musicalLes fondateurs – Jonathan Benassaya, qui a quitté son poste en 2010, et l’ingénieur Daniel Marhely – possèdent aussi 20 % de l’entreprise. Ce dernier, à l’origine de l’algorithme de Deezer, n’a plus de fonction opérationnelle depuis juin, mais reste conseiller du président et membre du conseil d’administration. Les investisseurs historiques, Xavier Niel (actionnaire à titre privé du Monde), les frères Rosenblum, fondateurs de Pixmania et les fonds CM-CIC et Idinvest complètent l’actionnariat.La France, premier marché de l’entrepriseDepuis sa création, Deezer n’a levé que 85 millions d’euros et dispose encore de « 50 millions de trésorerie », selon sa direction. Mais aujourd’hui, dans le marché sans frontières de la musique dématérialisée, elle a sur son rival suédois un temps de retard, qu’il lui faut combler, d’où cette ouverture au marché.Spotify revendique 20 millions d’abonnés et 75 millions d’utilisateurs actifs, là où Deezer annonce 6,3 millions d’abonnés et 16 millions d’utilisateurs. Présente dans 180 pays, mais pas ou peu aux Etats-Unis, où elle a engagé une stratégie de niche, en signant avec quelques partenaires, comme Sonos, Deezer met à disposition un catalogue de 35 millions de titres.En 2014, la plate-forme a réalisé un chiffre d’affaires de 142 millions d’euros, en progression de 53 %. Cette année, le cap des 200 millions devrait être franchi. La France demeure le premier marché de la société, avec 74 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Une prédominance qui s’estompe depuis le premier semestre 2015. L’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Amérique latine sont les autres marchés stratégiques de la marque.Pour l’instant, l’entreprise perd de l’argent (en moyenne 20 millions d’euros par an). Elle compte être rentable à partir de 2018, lorsqu’elle aura atteint sa taille critique.De 300 millions d’euros en 2012, Deezer serait entrée dans le club fermé des « licornes », selon certains investisseurs. Ce terme désigne les entreprises valorisées 1 milliard d’euros, à l’instar de Blablacar. L’accueil des investisseurs à cette levée de fonds permettra de tester la foi du marché dans les perspectives de croissance du streaming musical.Lire aussi :Les catalogues de streaming musical se valent-ils tous ?Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.09.2015 à 06h50 18.09.2015 à 11h38 • Mis à jour le18.09.2015 à 12h06 Les inscriptions, dont certaines à caractère antisémite, sur Dirty Corner, la sculpture monumentale d’Anish Kapoor installée dans le parc du château de Versailles, vont être effacées « sous le contrôle de l’artiste », a annoncé l’établissement public.Surnommée « le vagin de la reine », la sculpture de 60 mètres de longueur à la connotation sexuelle évidente, a été vandalisée trois fois depuis juin, dont deux ces dernières semaines.L’artiste britannique d’origine indienne avait d’abord demandé à ce que les insultes antisémites ne soient pas retirées, car il estimait que désormais « ces mots infamants font partie » de l’œuvre. Il avait ensuite nuancé son propos, en disant qu’il « avait besoin de temps pour décider de les effacer ». Finalement, elles seront « dissimulées ».Le plasticien avait demandé à l’Etat, le 12 septembre, d’assurer la sécurité de sa sculpture jusqu’à la fin de son exposition au château de Versailles, le 1er novembre, et que les auteurs des dégradations soient retrouvés et poursuivis.Lire aussi :Enquête à Versailles après une troisième dégradation de l’œuvre d’Anish Kapoor 18.09.2015 à 10h07 • Mis à jour le21.09.2015 à 11h46 | Emilie Grangeray Elle a écrit un roman et une enquête. Lui les a mis en musique. “Les gens dans l’enveloppe” est né de la curiosité d’Isabelle Monnin pour un lot de photos de famille achetées sur eBay qu’Alex Beaupain a ensuite raconté en chansons. Interview croisée de ces deux amis d’enfance. A découvrir : quatre titres inédits de l’album.Qu’est-ce qui vous a pris d’acheter 250 photos sur Internet ?Isabelle Monnin : La réponse est terriblement banale. Parce qu’elles étaient à vendre ! Je venais de dîner chez un ami qui possède des photos amateurs, apprenant ainsi que des gens vendent des photos et qu’on peut les acheter. Le lendemain, je tape « photos de famille » sur eBay et tombe sur un lot de Polaroid vendu par un brocanteur. Je les achète sans savoir alors ce que j’en ferai. Sauf que je les aime tout de suite, parce que je les trouve familières, authentiques et fragiles, comme le sont les photos de famille.Comment est né le livre ?I.M. : Un an après l’achat, en mai 2013, j’ai l’idée, au réveil, de raconter la vie de ces gens. Et je sais faire deux choses : inventer (c’est mon côté romancière) et enquêter (dix-sept ans de journalisme). Je décide donc d’imaginer leurs vies à partir des photos puis, une fois le roman terminé, de les retrouver.Le roman terminé, vous dites avoir eu du mal à vous mettre à l’enquête, pourquoi ?I.M. : Commencer une enquête, c’est toujours compliqué, même si, dans le cas précis de ce livre, ce n’est pas une véritable enquête journalistique car je n’ai rien vérifié de ce qui m’a été dit. Il y avait aussi une incertitude mêlée à une certaine peur : allais-je retrouver les gens des photos et n’allaient-ils pas m’opposer un refus ? Enfin, cela signifiait aussi quitter mes personnages, et peut-être n’étais-je pas pressée de le faire. Roman, enquête, chansons : c’est un livre hybride ?I.M. : C’est vrai que j’ai l’impression d’avoir inventé quelque chose qui n’existait pas encore. Pourtant, j’avais très peur du côté gadget, ludique, couteau suisse. Pour moi, il s’agissait vraiment d’explorer les différents types de narration, et le disque qu’Alex a composé raconte aussi mes personnages. Il a même lu entre les lignes ce que je n’avais pas écrit.Alex Beaupain : Enthousiasmé par le projet d’Isabelle, je lui ai proposé d’écrire les chansons. Ce que j’ai fait en une semaine, lors de vacances que nous avons passées ensemble dans le Lubéron.Les gens des photos viennent de Clerval, à 60 kilomètres de Besançon où vous avez grandi tous les deux. Coïncidence ?A.B. : Sans tomber dans le mysticisme, c’est extrêmement troublant. Je pense que cela évoquait des choses de notre enfance, des paysages familiers, une espèce de mémoire souterraine.I.M. : Alex et moi venons du même monde. Nous partageons les mêmes codes, le rire, le chant, la table, mais aussi le goût de l’effort, la foi en l’éducation et la culture, et, en effet, ce sont des gens qui nous sont familiers. Ainsi, la Mamie Poulet de mon livre ressemble à ce que fut ma grand-mère. Dans le livre, vous évoquez votre sœur disparue : « Comme chaque fois qu’il m’arrive quelque chose d’important, je parlerai à ma sœur. C’est comme ça, elle et moi. Sa mort n’y change rien. » C’est finalement un livre très personnel.I.M. : Cela s’est imposé. Je ne savais pas quelle forme prendrait le récit de l’enquête. J’ai vite compris que c’était moralement compliqué de raconter des gens en me planquant, moi. J’ai donc décidé que le journal d’écriture dans lequel je prenais des notes pour moi deviendrait le texte. Lequel devient donc plus intime.L’envie de garder un lien avec les disparus traversait vos précédents livres « Les Vies extraordinaires d’Eugène » et « Daffodil Silver ». Les romans permettent-ils de lutter contre l’oubli, de ressusciter les absents ?I.M. : C’est vrai, c’est une obsession tout autant qu’une angoisse, j’imagine. Il est bien entendu vain de croire que l’on pourra faire revenir les disparus, voire les raconter entièrement et parfaitement. Pourtant il faut le faire. Pour moi, les livres sont pareils à des tombeaux, des endroits où l’on conserve des choses, des gens. En fait, je suis conservatrice ! (Rires.) Il y a aussi cette autre question : "À qui sont les photos de mon enveloppe ? À celui qui les a prises, à ceux qui figurent dessus, à moi qui les ai achetées ? "I.M. : Je suis en effet dépositaire de souvenirs qui ne m’appartiennent pas. Et je pense alors aux annuaires téléphoniques de Modiano, aux mille portraits du Kaddish de Boltanski. Encore une fois, c’est la même tentative de conserver des traces matérielles, même infimes, de ce qui fut.Vous évoquez la possibilité d’en faire une pièce, on rêverait d’un film à la Alain Resnais, est-ce prévu ?En chœur : Tout à fait ! On y travaille…M vous fait découvrir en exclusivité quatre titres d’Alex Beaupain :Les gens dans l’enveloppe, Livre, CD roman et enquête d’Isabelle Monnin, chansons d’Alex Beaupain, JC Lattès, 370 p., 22 €.Emilie GrangerayJournaliste au Monde 18.09.2015 à 06h47 Découvrir les mystères d’Osiris à l’Institut du monde arabe à Paris, danser au son de l’accordéon à Tulle ou faire une cure de Haydn à La Roche-Posay : voici les choix du « Monde ».Exposition. Osiris sortie du Nil, à l’Institut du monde arabe L’exposition à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris de vestiges – statues monumentales, coupes, bijoux, ex-voto, etc. – repêchés dans la baie d’Aboukir, au large du delta du Nil, trésors de l’antique Egypte, est un événement. Ces pièces proviennent de Thônis-Héracléion et Canope, ports prospères, engloutis depuis des millénaires. Le butin, sauvé des eaux, provient des fouilles sous-marines de Franck Goddio, président de l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM), qui a travaillé avec une équipe de soixante spécialistes pour localiser, explorer les cités perdues, en exhumer les vestiges et les restaurer. A l’IMA, les objets exposés disent l’importance du culte rendu à Osiris. Seul dieu vénéré dans toute l’Egypte affirme Hérodote. La procession nautique que la figure divine doit accomplir une fois l’an est rythmée, dans les vitrines, par des pièces inédites. Florence Evin« Osiris, Mystères engloutis d’Egypte », jusqu’au 31 janvier 2016, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 heures à 19 heures, le vendredi jusqu’à 21 h 30, le week-end jusqu’à 20 heures. Tarif : de 10, 50 à 15,50 euros. imarabe.orgPhotographie. Un camp de réfugiés vu de l’intérieur Le photographe Samuel Gratacap, lauréat du prix de la jeune création au BAL, à Paris, a passé plusieurs années à Choucha, en Tunisie : un camp de réfugiés où ont échoué jusqu’à 30 000 personnes ayant fui la guerre en Libye, et qui a fini par fermer en 2013, laissant sur le carreau des centaines d’entre eux. Mais comment traduire la situation par d’autres images que les habituelles enfilades de baraquements et les portraits habituels ? Dans ce lieu hostile, balayé par le vent du désert et régi par les règles de fer d’une administration humanitaire internationale, le photographe a d’abord donné à voir des mots : ceux d’espoir tracés sur le tissu des tentes, ceux de colère et de révolte qu’ont criés les réfugiés pour protester contre les conditions de vie et la lenteur des procédures – ils ouvrent l’exposition au BAL, à Paris. « J’ai cherché des photos qui aillent au-delà de la description », explique le photographe, qui a réussi à traduire en images l’inhumanité d’un « lieu de vie proprement invivable ». Claire Guillot« Empire », au BAL, 6, impasse de la Défense, Paris 18e arrondissement. Mo Place de Clichy. Tél. : 01-44-70-75-50. Tarifs : 6 € et 4 €. Jusqu’au 4 octobre. Livre Empire, ed. Le Bal/Filigranes, 124 p., 25 €.Théâtre. Un délicat cérémonial féminin, au Théâtre du Rond-Point « Princesse, vieille reine, tel est le destin des femmes », écrit Pascal Quignard. L’auteur de Tous les matins du monde fait la rentrée du Théâtre du Rond-Point, avec un texte écrit spécialement pour Marie Vialle. Depuis plusieurs années, il écrit des contes pour cette merveilleuse actrice. Cinq d’entre eux sont réunis ici, que Pascal Quignard a imaginés en rêvant sur « cinq merveilleuses robes : une longue tunique franque, une robe de soie de Chine longue et souple, un kimono japonais tout raide, un manteau de fourrure immense, une robe à crinoline Napoléon III ». De l’un à l’autre, qui racontent l’histoire de la fille de Charlemagne, la princesse Emmen, qui décida d’aimer le secrétaire du Palais et pour cela de le porter sur son dos à travers la neige, ou celle de l’amour impossible de la fille du gouverneur de la province d’Ise et du prince Nakahira, c’est à un délicat cérémonial du féminin que convie l’actrice. Un cérémonial qui n’exclut pas l’humour, et qui interroge les images et les destins de la féminité. Fabienne DargePrincesse Vieille Reine, de Pascal Quignard (éditions Galilée). Mise en scène et interprétation : Marie Vialle. Théâtre du Rond-Point, 2, bis av. Franklin-Roosevelt, Paris 8e arrondissement. Mo Franklin-Roosevelt. Tél. : 01-44-95-98-21. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 27 septembre. De 16 € à 29 €. Durée : 1 h 10. theatredurondpoint.frHumour. Sophia Aram fait son retour au Palais des Glaces à Paris On avait gardé un très bon souvenir du précédent spectacle de Sophia Aram, Crise de foi, qui mettait dos à dos les trois religions monothéistes. Elle revient au Palais des Glaces avec un nouveau « seul en scène », un peu trop marqué par son travail de chroniqueuse sur France Inter, où elle officie le matin depuis trois ans. C’est en effet quand elle oublie cette casquette que l’humoriste est à son meilleur. Dans son nouveau solo, au rythme parfois décousu, il y a la tante arabe qui se désespère de l’arrivée des bobos de l’autre côté du périph’(« On est plus chez nous, c’est une colonisation ») avec leur drôle de « maladie » qui leur interdit de manger du gluten. Ou ce djihadiste canadien qui se dit « contre les bonbons à base de gélatine de porc qui engraissent les dentistes juifs ». Sophia Aram ne cache ni ses sentiments ni ses colères et prend sa part dans le débat public. Sandrine BlanchardSophia Aram dans Le fond de l’air effraie, jusqu’au 2 janvier, du mardi au samedi à 20 heures au Palais des Glaces, 37, rue du Faubourg du Temple, Paris 10e arrondissement. Durée : 1 h 30. Tarifs : de 19 € à 36 €.Danse. Le temps d’aimer la danse, observatoire de tous les styles, à Biarritz A Biarritz, le festival Le temps d’aimer la danse, qui fête ses 25  ans, parie sur le plein air, jusqu’au 20 septembre. Si le style néoclassique colore la manifestation créée en 1991 par Jakes Abeberry, alors adjoint à la culture, cette identité n’empêche pas le Thierry Malandain, chorégraphe et directeur du festival et du Centre chorégraphique de Biarritz, de programmer à bras ouverts. L’éclectisme est la règle, avec une place réservée aux artistes installés en Aquitaine. La diversité se traduit d’abord en basque, avec des groupes de danse traditionnelle disséminés dans la ville. Dans les salles du Casino et du Colisée, la culbute esthétique se poursuit : baroque, contemporain, butô. Le Temps d’aimer la danse est un observatoire de styles ouvert à tous. Rosita BoisseauLe temps d’aimer la danse, à Biarritz jusqu’au 20 septembre. De 13,80 euros à 29,80 euros. letempsdaimer.comMusique. Les rois de l’accordéon ont rendez-vous à Tulle On l’appelle parfois le piano du pauvre mais les créateurs du festival Les Nuits de nacre ont préféré évoquer la matière qui en constitue les boutons dans l’intitulé de la manifestation consacrée à l’accordéon. Un festival organisé à Tulle (Corrèze) depuis le début des années 1980 et pour sa présente édition, du 17 au 20 septembre. Avec en « artiste fil rouge » Marcel Loeffler qui, outre plusieurs concerts, participera à des rencontres et conférences. Sont aussi attendus Marcel Azzola, Pascal Contet, Richard Galliano ou Christian Peschel, parmi les instrumentistes les plus connus, ce dernier perpétuant la tradition des bals. Et toute une nouvelle génération de musiciennes et musiciens dont Aurelie Gourbeyre, Bénédicte Grimal, Erwan Mellec, Antoine Alliese, Charles Kieny… en soliste ou au sein de formations qui voyagent aussi bien dans le jazz que le rock ou les musiques du monde. Sylvain SiclierLes Nuits de nacre, à Tulle (Corrèze), Théâtre des 7 Collines, salle Gus Viseur, salle Latreille, Magic Mirrors et divers lieux de la ville. Jusqu’au 20 septembre. De 5 € à 30 € pour les concerts payants, nombreux spectacles en accès libre.Classique. Haydn fêté à La Roche-PosayVoilà un festival au nom bien sympathique : Les vacances de Monsieur Haydn. Sa onzième édition se tiendra les 18, 19 et 20 septembre dans la jolie ville thermale de La Roche-Posay (Vienne). Autour de son fondateur, le violoncelliste Jérôme Pernoo, une douzaine de musiciens amis bien décidés à faire que la musique de chambre soit une fête. De Mozart (que Monsieur Haydn admirait) à Wagner (qu’il ne connut pas), de Schumann à Fauré, de Steve Reich à Guillaume Connesson, trois jours pour une cure intensive de musique. Soit huit concerts (payants) et, pour les boulimiques, 60 mini-concerts gratuits de 20 minutes. Pas vraiment des vacances ? Marie-Aude RouxLes Vacances de Monsieur Haydn. Casino de La Roche-Posay (Vienne). Les 17, 18 et 19 septembre. Tél. : 05-49-86-22-62. De 17 € à 22 €. Lesvacancesdemonsieurhaydn.com Fabienne Darge Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas exagérer –, mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec Comme une pierre qui…, le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement. 16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en être changée, définitivement.L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond ce spectacle, qu’elle a conçu avec Sébastien Pouderoux, mix de concert et de représentation théâtrale, on ne peut plus vivant et drôle, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique. Foirage en règleCar au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu. S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de ses camarades.Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965. Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller. Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.Un Dylan habité de l’intérieurVoilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français. Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».Comme une pierre qui…, d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond, avec Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, Paris-1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Du mercredi au dimanche à 18 h 30, jusqu’au 25 octobre. De 9 à 20 €. Durée : 1 h 10. www.comedie-francaise.frFabienne DargeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Dès l’automne 2013, alors que Bangerz allait être publié, Miley Cyrus avait indiqué qu’elle travaillait déjà sur un futur nouvel album. Il a fait son arrivée sous le titre Miley Cyrus and Her Dead Petz (… et ses animaux de compagnie morts) sur la plateforme suédoise de distribution de musique en ligne SoundCoud, le 30 août. Un disque financé par la chanteuse pour son label Smiley Miley Inc. Sont ainsi en accès libre, sur une page dédiée de SoundCloud et une autre sur le site officiel de la chanteuse, vingt-trois chansons pour une durée totale de plus de 90 minutes.Dont plus de la moitié est signée ou cosignée par des membres de The Flaming Lips, en particulier le chanteur Wayne Coyne et le multi-instrumentiste Steven Drozd – le neveu de Wayne Coyne, Dennis, est aussi de la partie, comme le guitariste Derek Brown, présent au sein du groupe depuis 2009. Rappelons qu’en matière de bizarreries, dans les textes comme la musique, d’expérimentations (ils ont enregistré une chanson d’une durée de 6 heures, une autre de 24 heures…), de dingueries spectaculaires lors de leurs concerts tout en sachant conserver une accroche pop, les Flaming Lips ont une sérieuse réputation. Les autres titres, une dizaine, ont été réalisés en collaboration avec des producteurs plus spécialisés dans le r’n’b et le hip-hop comme Oren Yoel ou Mike Will Made It, qui ont déjà travaillé avec la jeune femme, ou laissés à sa seule responsabilité.Lire aussi : Le show hypnotique des Flaming Lips Ex-idole des préadolescentsCette collaboration entre les Flaming Lips et l’ex-idole des préadolescents aux Etats-Unis, au temps où elle tenait le rôle principal de la série télévisée « Hannah Montana », gentillette histoire d’une lycéenne devenant une star de la pop, diffusée par The Disney Channel entre mars 2006 et janvier 2011, n’est toutefois pas une nouveauté. Tout avait commencé le 13 janvier 2014, lorsque Miley Cyrus avait souhaité à Wayne Coyne un bon anniversaire pour ses (alors) 53 ans par un message sur le réseau social Twitter : « happy birthday to one of my favorite artists OF alllllll time » (un joyeux anniversaire à l’un de mes artistes préférés de tous les temps).Miley Cyrus avait déjà pris ses distances par rapport à son image télévisée. Le disque Bangerz lui avait permis de passer de la variété à un mélange de pop, d’électro et de hip-hop, ses tenues de scènes étaient devenues de moins en moins prudes, comme son comportement à la scène et à la ville. On aurait pu en rester là, mais pour rendre la politesse à la déclaration d’admiration de Miley Cyrus, les Flaming Lips avaient participé à quelques concerts de la chanteuse en 2014. Et l’avaient conviée à participer à With a Little Help from My Fwends, recréation avec divers allumés camarades des Flaming Lips de l’album des Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Depuis, des échos dans la presse spécialisée, des messages sur les réseaux sociaux, avaient permis de suivre la progression du futur album de la chanteuse. De sept, on était passé à quatorze chansons, jusqu’à ces vingt-trois.Lire aussi : The Flaming Lips ou les Beatles sous acideRecyclage de sons passésAu menu, dans les textes, une célébration de l’herbe à fumer, des pilules pour en voir de toutes les couleurs, de l’hédonisme érotique et des évocations de nombreux animaux de compagnie de la chanteuse, dont Pablow le poisson-lune ou Floyd le chien. Un ensemble qui a du mal à tenir la distance sur la longueur. The Flaming Lips recyclent au profit de Miley Cyrus pas mal de sons et d’aventures passés et ce, dès le premier titre, Dooo It, déclinaison d’une précédente collaboration du groupe avec Yoko Ono en avril 2012, sous le titre Do It ! On retrouve aussi, dans Milky Milky Milk, Cyrus Skies ou Evil Is But A Shadow, des ambiances sombres venues des albums Embryonic (2009), The Terror (2013) ou de la longue pièce 24 Hour Song Skull (octobre 2011). Malgré ce manque d’inspiration et l’absence d’une vraie folie musicale, c’est par ces collaborations avec les Flaming Lips que Miley Cyrus and Her Dead Petz se distingue.Les compositions de la seule Miley Cyrus se révèlent, pour la plupart, insignifiantes. Avec des sonorités plus électro, un phrasé plus monotone (BB Talk, Fweaky, I’m So Drunk, I Forgive Yiew…), un détour du côté de ballades passe-partout avec une voix qui rappelle celle de Madonna (I Get So Scared, Lighter). On discerne aussi ici et là quelques « fuck ». Ce qui fera peut-être frémir aux Etats-Unis mais sonne d’abord comme un cliché.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sambat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.Avec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.Bouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Thomas Piketty : « C’est aux citoyens de faire pression sur leurs gouvernements » Jordi Savall, gambiste engagé Ray Kurzweil, le salarié de Google qui veut terrasser la morttous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime » a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Hirokazu Kore-eda. Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde Cristina Marino (Charleville-Mézières (Ardennes)) Si Cannes se transforme chaque année en capitale du cinéma en mai, Avignon en celle du théâtre en juillet ou encore Aurillac en rendez-vous international des spectacles de rue en août, Charleville-Mézières (Ardennes) est sans conteste la cité de la marionnette. Non seulement tous les deux ans, en septembre, avec le Festival mondial des théâtres de marionnettes, mais aussi tout au long de l’année grâce à plusieurs structures dédiées comme l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette (Esnam) et l’Institut international de la marionnette (IIM) dont elle dépend.Pour la 18e édition du Festival mondial des théâtres de marionnettes (du 18 au 27 septembre), dès son arrivée à la gare, le visiteur est accueilli par une série de grandes affiches de films célèbres détournées par le photographe Petr Kurecka pour son exposition « Puppet Fiction », qui dure le temps du festival.Les actrices Audrey Tautou (Amélie Poulain), Marion Cotillard (Edith Piaf), Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s), de Blake Edwards ou encore Uma Thurman dans Pulp Fiction, de Quentin Tarantino, ont le visage de Porshia, l’une des marionnettes fétiches en mousse de l’artiste d’origine brésilienne Duda Paiva, invité de cette édition 2015. En descendant du train, les festivaliers plongent ainsi d’emblée dans l’univers irréel de ces acteurs et actrices de chiffons (et de bien d’autres matières) qui envahissent la ville pendant ces dix jours. 580 représentations en dix joursEt c’est peu dire que Charleville-Mézières vit au rythme de ces créatures à fils. Le Festival mondial des théâtres de marionnettes, ce sont 115 compagnies venues de plus de 25 pays différents qui s’installent pour 580 représentations, dont 14 coproductions et 41 premières en France. Mais derrière ces chiffres se cache aussi une réalité au quotidien : pendant dix jours, tous les habitants de Charleville-Mézières mangent, dorment et parlent marionnettes, qu’ils soient bénévoles, commerçants, étudiants ou eux-mêmes artistes. Les vitrines des magasins du centre-ville cultivent l’ambiance à grand renfort de Guignols, Polichinelles et autres figures emblématiques des arts de la marionnette. En ville, les marionnettes semblent ne jamais faire relâche : il y a des spectacles presque toutes les heures chaque jour entre 10 heures et 23 heures. Et cela ne concerne que la programmation du « in », car le « off » attire dans les rues une multitude de micro-compagnies et d’artistes en tous genres venus tenter leur chance et récolter auprès des badauds quelques euros « au chapeau ». Pas un seul coin de rue où l’on ne croise de jour comme de nuit de courtes représentations, parfois faites de bric et de broc, parfois plus élaborées.La place Ducale au cœur du festivalLa place Ducale, version locale de la place des Vosges parisienne, devient une « cour des miracles » où se mêlent dans une confusion bariolée artistes de rue, festivaliers, camelots exposant des marionnettes de toutes tailles et qualités, vendeurs de gaufres, crêpes, sandwichs et autres. Elle est régulièrement envahie par des ribambelles d’enfants, vêtus de gilets jaune ou orange fluo portant les noms de leurs écoles, le festival mettant un point d’honneur à ouvrir largement ses portes aux scolaires. Sur la place, outre les désormais célèbres « Polichucales », des 5 à 7 quotidiens où se donnent rendez-vous des Polichinelles venus de tous les pays, la principale attraction est indéniablement la « performance poétique pour l’espace public » proposée par la compagnie Créature, originaire de Blagnac (Haute-Garonne), et baptisée Les Irréels. Soit douze petites cabanes qui se peuplent de créatures hybrides mi-humaines mi-animales aux noms évocateurs comme « La Lessiveuse de malheurs », « La Tisseuse de liens », « La Dorloteuse d’enfance » ou « Le Rafistoleur de mémoire ».Rompre avec l’image d’Epinal de GuignolDans le « in », le Festival mondial des théâtres de marionnettes veut rompre avec l’image d’Epinal traditionnelle, un peu ringarde et infantile, de Guignol et compagnie. Comme l’explique Anne-Françoise Cabanis, directrice du festival, « c’est bien dommage que la marionnette continue de véhiculer encore l’image réductrice de spectacle pour enfants ». Et ce alors qu’il y a « tant de spectacles de marionnettes formidables et surprenants à découvrir pour les adultes ». « Spectacle de marionnettes pour enfants ne rime pas avec spectacle niaiseux et infantilisant, martèle-t-elle. Bien au contraire, la création pour jeune public en la matière est innovante ». Assister en une seule journée à cinq spectacles d’affilée, soit un infime pourcentage des 580 représentations proposées pendant ces dix jours de festival, permet de se rendre compte de l’infinie richesse des sujets traités et des formes d’expression utilisées par les compagnies présentes pour cette 18e édition. Tout un univers sépare les sculptures éphémères en terre qui naissent, le temps d’une représentation de Count to One, sous les mains des artistes de la compagnie iranienne Yase Tamam, des marionnettes à taille humaine plus vraies que nature qui peuplent Le Rêve d’Anna, un spectacle proposé par la compagnie Trois-Six-Trente. Dans ce dernier, une fillette et un cheval blanc sont si criants de vérité que certains jeunes spectateurs se sont totalement laissés prendre par l’illusion, jusqu’à s’exclamer au début de la représentation : « Oh, regarde ! C’est un vrai cheval ! Comment ils ont fait pour le faire monter sur scène ? » De même, la marionnette géante à mi-chemin entre la pieuvre et la sirène, le monstre et la femme, dans Squid, de la compagnie Pseudonymo n’a pas grand-chose en commun avec les petites marionnettes du spectacle Les Nuits polaires, de la compagnie Les Anges au plafond, invitée de l’édition 2015 – elles tiennent dans l’igloo qui sert de salle de représentations. Ni avec celles de Schweinehund, d’Andy Gaukel et Myriame Larose : des pantins squelettiques d’environ 30 centimètres de hauteur aux visages grossièrement figurés, qui sont manipulés sur une simple table par deux marionnettistes vêtus de noir dont seules les mains restent visibles. A mi-chemin entre rêve et réalitéPar-delà ces différences, la magie de ces créatures de chiffons opère. Quand bien même les sujets abordés sont des plus sombres : la monstruosité et la perte d’identité dans Squid ; la guerre dans Count to One ; le chômage et les peurs de l’enfance dans Le Rêve d’Anna ; la dépression et la solitude dans Les Nuits polaires ; la déportation et l’extermination des homosexuels dans Schweinehund. Des spectacles à mille lieux de l’univers aseptisé d’un Guignol pour enfants mièvre et désuet. « La foisonnante et pertinente diversité de la marionnette envahit les scènes contemporaines pour questionner notre époque, ses crises et notre humanité, écrit d’ailleurs Anne-François Cabanis dans son texte d’introduction de la brochure du festival. Ni secondaire, ni marginale, ni annexe, la marionnette sait produire le sens et conduire la réflexion dont nous avons besoin pour raconter et comprendre le monde déstabilisant et en mutation dans lequel nous vivons. »Une première pierre posée par Fleur PellerinSigne que les créatures de chiffons et à fils ont durablement élu domicile à Charleville-Mézières, un nouveau bâtiment est en construction pour l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, en a posé la première pierre en ce vendredi 25 septembre, il devrait ouvrir ses portes à la rentrée 2016. Des rencontres professionnelles à l’échelle mondiale sont aussi régulièrement organisées dans la ville par l’Institut international de la marionnette.Un rayonnement mondial qui permet à Charleville Mézières de gommer l’image négative qu’en avait donnée au XIXe siècle l’un de ses plus célèbres enfants, Arthur Rimbaud (1854-1891). Le poète, qui la surnommait « Charlestown » en référence à son fondateur en 1606, Charles de Gonzague, écrivait à son sujet, dans une lettre à Georges Izambard datée du 25 août 1870 : « Ma ville natale est supérieurement idiote entre les petites villes de province ».18e Festival mondial des théâtres de marionnettes, à Charleville-Mézières (Ardennes), du 18 au 27 septembre 2015. www.festival-marionnette.comCristina Marino (Charleville-Mézières (Ardennes))Rédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Série documentaire sur Planète+ à 20 h 45 Joel Soler est allé à la rencontre des femmes de dictateur pour recueillir des souvenirs que rien n’entrave, pas même le remordsA voir le sourire affable de Nexhmije Hodja se figer, puis le corps de cette petite dame de 90 ans se raidir lorsque Joel Soler l’interroge sur le terme de « dictateur » accolé au nom de son époux, Enver Hodja – qui dirigea d’une main de fer l’Albanie de 1945 à sa mort, en 1985 –, on mesure les difficultés que le réalisateur a dû rencontrer pour mener à bien cette remarquable série documentaire (5 × 52 min) consacrée aux femmes des despotes. Mais aussi la diplomatie – et les ruses, sans doute – qu’il lui a fallu déployer pour parvenir à les approcher.Si certaines, comme Leïla Ben Ali et Michèle Duvalier, ont finalement choisi de ne pas apparaître, d’autres, en revanche, telles Imelda Marcos, Nexhmije Hodja ou Agathe Habyarimana, ont accepté d’évoquer longuement les heurs et malheurs de leur parcours. A défaut – et c’est l’un des points communs qui les unit – d’exprimer une once de culpabilité ou de remords quant à leur responsabilité directe ou indirecte.Ce qui rend d’autant plus stupéfiante, sinon dérangeante, cette série au long cours – fruit d’un travail de cinq ans – qui s’inscrit dans la lignée des précédents documentaires de Joel Soler consacrés à Saddam Hussein, Ben Laden ou encore Hitler. Déjà, il y explorait l’horreur de ces régimes autoritaires sous le prisme intimiste et familial.Discours monstrueuxOutre de brefs mais nécessaires rappels historiques, le réalisateur a choisi de thématiser son propos en classant ces « despot housewives » en « cinq familles » : « les grandes dépensières » (Imelda Marcos, Michèle Duvalier, Leïla Ben Ali…) ; « les impératrices rouges » (l’épouse de Mao Jiang Qing, Margot Honecker, Mira Milosevic…) ; « les cuisinières » ou femmes de l’ombre (Rachele Mussolini, Sajda Hussein ou Safya Khadafi) ; « les illusionnistes » et autres ambassadrices au charme vénéneux (Eva Peron, Jewel Taylor, Asma Al-Assad…) ; et, enfin, « les reines sans couronne » (Lucia Pinochet, Suzanne Moubarak…).Chacun des volets, dont on découvrira dimanche soir celui consacré aux grandes dépensières, est construit à partir d’un long entretien où l’on peut mesurer toute l’habileté de celle qui est interrogée. A pas de velours, elle avance au milieu de discours rodés, voire monstrueux par leur dénégation. Ces entretiens « fil rouge » étant eux-mêmes éclairés par des témoignages à charge ou à décharge des victimes et de proches.Si, lors du premier opus, les propos d’Imelda Marcos sur l’argent ou la beauté pouvaient « prêter » à sourire par leur caractère surréaliste, il n’en est pas de même avec Nexhmije Hodja, incarnation même de ces idéologues – devenues souvent les numéros deux du régime – à partir de laquelle Joel Soler dresse une généalogie de l’horreur. Est-ce sa posture d’aînée ou son « idéalisme » pur et dur ? Toujours est-il que l’épouse d’Enver Hodja n’a pas de mots assez durs contre certaines de ces sombres et sanguinaires homologues.Ainsi d’Elena Ceaucescu, trop « clinquante à son goût », de Jiang Qing, jugée « capricieuse » ou de Mira Milosevic dont elle se refuse de parler, en raison des actes criminels que cette dernière a poussé Slobodan Milosevic à commettre. Comment se juge « l’Araignée noire », qui s’apprête aujourd’hui comme une vieille dame presque ordinaire ? Evoquant sa rencontre avec Mère Teresa – figure communément admirée par ces femmes –, elle n’est pas loin de comparer son œuvre à la sienne, en ajoutant sereinement : « J’ai fait mon devoir et je suis très tranquille. »Despot Housewives, série écrite et réalisée par Joël Soler (Fr., 2015, 5 × 52 min). Dimanche 27 septembre à 20 h 45 sur Planète.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld L'acteur et réalisateur français en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.09.2015 à 13h31 • Mis à jour le25.09.2015 à 15h08 Déclarée volée en 2001 par le Centre Pompidou, La Coiffeuse (1911), de Pablo Picasso, a pu être été restituée au musée, jeudi 24 septembre, lors d’une cérémonie officielle. La disparition de l’œuvre avait été découverte en décembre 2000 à l’occasion d’une demande de prêt. Sa dernière apparition en public remontait à trois ans plus tôt, lors de l’exposition « Picasso und seine Sammlung », à la Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung de Munich.En décembre 2014, le tableau, empaqueté, a été intercepté à Newark, dans le New Jersey, grâce à la vigilance du service des douanes américaines. Accompagné de la mention « Joyeux Noël », il était déclaré comme un cadeau artisanal d’une valeur de 30 euros.Les douaniers ont été surpris de constater que le prix annoncé était moitié moins cher que le coût d’envoi du paquet. En outre, le colis Fedex, posté en Belgique le 17 décembre 2014, était à destination d’un entrepôt de stockage climatisé dans le Queens, une destination étrange pour une petite pièce d’artisanat.Aucune interpellation n’a été effectuéeOn ne sait rien, en revanche, de la façon dont le tableau a disparu des collections, ni sur l’expéditeur et le destinataire du paquet. Aucune interpellation n’a été effectuée. L’œuvre, qui apparaissait dans la base de données d’Interpol recensant les œuvres volées, a été estimé à 15 millions de dollars (13,4 millions d’euros). Elle avait pu être restituée à l’ambassade de France à Washington le 13 août 2015.Peinte à Paris en 1911, cette petite huile sur toile (33 cm × 46 cm) aux tons bruns et beiges est un exemple caractéristique du cubisme analytique mis en œuvre par Braque et Picasso en 1910, qui vise à reproduire un sujet à l’aide de formes géométriques simples, et repose sur une décomposition des volumes en facettes.Le tableau était entré dans les collections du Musée national d’art moderne en 1967, grâce au legs de Georges Salles, un des grands collectionneurs français du cubisme. Il avait également appartenu à l’illustre marchand parisien Ambroise Vollard dans les années 1940. Il avait fait partie de la présentation des collections modernes lors de l’ouverture du Centre Pompidou, en 1977.Exposé avant la fin de l’annéeLe tableau pourra de nouveau être exposé, après son passage par le service de la restauration du Centre Pompidou. Selon le président du Centre Pompidou, Serge Lasvignes, la toile a été « détériorée par le vol, les mauvaises conditions de conservation qu’elle a subies et les aléas rocambolesques de son expédition outre-Atlantique » et « doit faire désormais l’objet d’une soigneuse campagne de restauration ». « Le rentoilage a souffert » et il faut « combler les espaces où la matière picturale a disparu », a expliqué Véronique Sorano-Stedman, chef du service de restauration du Centre Pompidou.L’accrochage de l’œuvre au sein de la nouvelle présentation des collections modernes du Musée national d’art moderne est prévu pour la fin de 2015. Marie-Aude Roux //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique Il faut tendre l’oreille pour distinguer la douce voix de Jordi Savall dans le « continuum » des cigales. Une voix feutrée, dont le timbre voilé porte un deuil mélodieux, celui d’un enfant soprano devenu homme. « Je me suis cassé la voix et j’en ai toujours gardé une nostalgie, confie le musicien. J’avais été petit chanteur entre 7 et 14 ans. Il y a eu trois ans de vide, avant le violoncelle à 17 ans. »Le vide ? C’est l’époque des copains et du jazz, d’une fascination pour Elvis Presley. Jordi s’essaie à l’harmonica, à la guitare, à la percussion. « Un jour, plus tard, j’ai entendu le son de la viole de gambe et j’ai senti que cet instrument pouvait me rendre un lien avec quelque chose qui me manquait. » Le musicien de ce matin du monde est un peu fatigué devant sa tasse de thé vert. « Après les concerts, je ne peux jamais me coucher, souffle-t-il. C’est difficile de créer tant d’énergie et de laisser ensuite tout le monde en plan… »Il est à peine midi, ce 19 juillet, mais il fait déjà chaud à Fontfroide, l’ancienne abbaye cistercienne où le maître de musique a posé sa viole d’été en 2006 pour créer un festival symboliquement intitulé « Musique et Histoire » – pour un dialogue interculturel. Sa femme, la soprano Montserrat Figueras, disparue en novembre 2011, était alors à ses côtés. Après la mort de la chanteuse, beaucoup ont eu peur. Jordi Savall organisait avec ses deux enfants – sa fille, Arianna, chanteuse et harpiste, et son fils, Ferran, chanteur et luthiste – de poignants hommages auxquels il associait la voix enregistrée de la soprano, reconstituant le quatuor familial de l’album enregistré en 2004, au titre prémonitoire, Du temps et de l’instant.Mais la musique a continué : les cent cinquante concerts annuels qu’il joue et dirige, les magnifiques disques-livres qu’il produit avec son label Alia Vox, créé en 1997. Une femme aux boucles rousses est entrée dans sa vie, qui n’a pas effacé l’image de Montserrat aux longs cheveux noirs. « Il faut rester conscient que c’est un régal de vivre et de se réveiller le matin, glissera-t-il plus tard. Et si vous aimez quelqu’un, il faut le dire tout de suite. »Un spirituel athéeA 74 ans, le Catalan (né le 1er août 1941 à Igualada) semble hors d’atteinte du temps. A peine si sa belle tête patriarcale se creuse d’un trait de fusain plus sombre. Son autorité bienveillante et son maintien réservé, non moins que la longue écharpe rouge ou bleue qui lui fait comme une chasuble, en feraient la figure tutélaire de l’abbaye de Fontfroide si celle-ci n’avait renoncé depuis longtemps à ses aspirations religieuses. Jordi Savall est un spirituel athée, comme son père, républicain, qui préféra confier l’éducation de son enfant de 6 ans à une institution religieuse plutôt que de le mettre dans l’école publique.Quelle chance que d’assister tous les matins à la messe et, très vite, d’y chanter ! Fin de l’école à 14 ans – « J’étais un mauvais élève. Mon père m’a fait engager dans la petite fabrique de pulls où il travaillait. Cela a été une leçon de vie extraordinaire. J’y suis resté cinq ans, jusqu’à mon départ au service militaire. »Jordi Savall parle avec un plaisir intact de cette époque de sa vie, du choc reçu avec le Requiem de Mozart, qu’il découvre un soir, au hasard d’une répétition à l’école de musique de Barcelone. « C’était en hiver, il pleuvait, il faisait froid, j’avais une petite gabardine, une petite cigarette. J’étais ivre de joie. Je me suis dit : “Je vais économiser pour acheter un violoncelle.” » Jordi Savall rit doucement en relevant un col imaginaire (on ne lui savait pas ces airs à la Humphrey Bogart), mais reste plus discret sur sa rencontre, en 1965, avec Montserrat, violoncelliste, comme lui, au conservatoire de Barcelone, épousée trois ans plus tard après qu’elle l’aura introduit auprès de l’ensemble baroque catalan Ars Musicae, où joue son propre père.Galaxie baroqueDepuis vingt-cinq ans, la planète Jordi Savall occupe une telle place dans la galaxie baroque qu’on oublie parfois que le gambiste n’a enregistré son premier disque qu’en 1975, après dix ans de travail solitaire et un studieux exil à Bâle, en Suisse, où il étudie puis enseigne à l’Académie de musique ancienne. Qu’il a déjà 50 ans lorsque éclate, en 1991, le succès de Tous les matins du monde, le film aux sept Césars d’Alain Corneau (d’après le roman de Pascal Quignard), dont le Catalan a conçu et interprété la musique qui révélera au public la nostalgique sensualité de la viole de gambe, tombée en désuétude au XVIIIe siècle.A l’époque, Savall a créé, depuis 1974, l’ensemble instrumental Hesperion XX (rebaptisé « Hesperion XXI » au tournant du siècle), a réuni les chanteurs de La Capella Reial de Catalunya et a fondé l’orchestre Le Concert des nations, dont il finalise aujourd’hui la future résidence à la Saline royale d’Arc-et-Senans, dans le Doubs.Les méthodes de travail savalliennes ont toujours procédé d’une forme approfondie d’improvisation nomade« J’aimerais que mes musiciens continuent au-delà de moi. Ils ont appris à faire un son et cela peut survivre. Quant aux disques, j’ai en projet une nouvelle collection qui présentera des enregistrements dans lesquels je ne figure pas. » Faire vivre un son… On s’en étonnerait presque tant les méthodes de travail savalliennes ont toujours procédé d’une forme approfondie d’improvisation nomade. Ainsi ces Vêpres de la Vierge,de Monteverdi, rodées en concert durant deux ans avant d’être enregistrées en une nuit. Jordi Savall chérit ces heures où la fatigue défait les liens et brouille les repères, où l’on ne sent plus ses doigts. « Il s’agit d’esprit, de duende. Ce sont des expériences qu’on ne fait pas à 4 heures de l’après-midi, entre deux pauses syndicales ! », ironise-t-il.Même chose pour l’Eroica, de Beethoven. « A 7 heures du matin, on a enregistré la Marche funèbre la plus matinale et la plus tragique qui m’ait jamais été donné d’entendre ! »Très tôt, le musicien, dont le répertoire s’étend du Moyen Age à Beethoven (en témoigne un catalogue de quelque cent vingt albums), s’est tourné vers d’autres cultures. « La Catalogne porte dans ses gènes une connivence culturelle, spirituelle et humaine entre les mondes arabe, juif et chrétien. Jouer ces musiques, populaires ou savantes, a toujours été pour moi une démarche naturelle. » Un naturel converti à l’apostolat : depuis le début des années 2000, Jordi Savall, figure de proue des musiciens « historiquement informés », s’est mis au service d’une musique informée de l’Histoire.Ainsi les programmes conçus autour de figures historiques (Don Quichotte, Christophe Colomb, Jeanne d’Arc…) ou des lieux emblématiques (Jérusalem, Istanbul, l’Arménie, la Syrie). « L’histoire n’est pas toujours celle que l’on pense connaître, explique-t-il. Sa mémoire dans les livres reste abstraite. Par la musique, on peut la rendre vivante. Seule l’émotion nous rend comptables du monde dont nous avons hérité et responsables de celui que nous léguerons. »Jordi Savall a franchi un pas dans l’engagement, en publiant en 2012 Pro pacem (« pour la paix »), suivi en 2015 de Guerre et Paix. En même temps qu’il refusait le 30 octobre 2014 le Prix national de la musique en Espagne, stigmatisant « la grave incompétence » du gouvernement de Madrid en matière culturelle et son « manque d’intérêt pour défendre et promouvoir les arts » en Espagne, il bâtissait des Routes de l’esclavage, mêlant aux anciennes musiques d’Europe celles du Mexique, de la Colombie et du Brésil, mais aussi du Mali, du Maroc ou de Madagascar. « Le contact avec ces musiciens pour lesquels la musique est restée une façon de survivre est vital pour moi, assure-t-il.Grâce à eux, je joue mieux les Suites de Bach ou le Tombeau Les regrets, de Sainte-Colombe. » On le croit.Concerts au Festival européen de musique Renaissance, à Amboise (Indre-et-Loire), le 25 septembre. vinci-closluce.com. Puis au Festival d’Ambronay (Ain), le 26 septembre. ambronay.orgLire aussi :Conversation avec Jordi SavallRencontre publique au Palais Garnier, Paris 8e, dans le cadre du Monde Festival, le 27 septembre à 17 heures.Toute la programmation du Monde Festival ici. Par Marie-Aude Roux 24.09.2015 à 19h51 • Mis à jour le24.09.2015 à 20h21 Les murs du Louvre accueilleront-ils bientôt une nouvelle toile de Rembrandt ? La France est prête à acquérir pour 80 millions d’euros, pour le compte du Musée du Louvre, un des deux portraits peints par le maître hollandais mis en vente par la famille Rothschild, a annoncé jeudi 24 septembre le ministère de la culture.Cette proposition a été soumise aux propriétaires et « l’opération bénéficiera du mécénat exceptionnel de la Banque de France », précise le ministère. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, et son homologue des Pays-Bas, Jet Bussemaker, avaient adressé en juillet un courrier aux propriétaires leur proposant que le Louvre et le Rijksmuseum d’Amsterdam fassent chacun l’acquisition d’un tableau.Propriété de la famille Rothschild depuis plus d’un siècleLes deux toiles de Rembrandt (1606-1669) seraient présentées conjointement, en alternance, dans les deux musées. Le ministère souligne :« Grâce à ce mécénat et à l’action soutenue des institutions françaises en lien avec leurs partenaires néerlandais, Fleur Pellerin souhaite la confirmation prochaine de cette double acquisition au profit du Louvre et du Rijksmuseum, qui constitue une solution innovante renforçant la coopération culturelle entre la France et les Pays-Bas. »Lundi, le gouvernement néerlandais s’était dit disposé à financer l’achat d’un des portraits, tandis que le Rijksmuseum a entrepris de réunir les 80 millions d’euros nécessaires à l’acquisition de la deuxième toile.Propriété de la famille Rothschild depuis plus d’un siècle, les deux tableaux du maître hollandais, datés de 1634, représentent deux notables, Marten Soolmans et son épouse, Oopjen Coppit.Lire aussi :Rembrandt, maître en sa maison Sylvain Siclier D’abord publiée, dans la journée du mercredi 23 septembre, sur le site Internet du magazine musical britannique Ultimate Classic Rock puis reprise le matin du jeudi 24 septembre par nos confrères britanniques du quotidien généraliste The Guardian sur son propre site, en dépit d’un embargo avant 16 heures ce jeudi, l’annonce de la publication prochaine d’un important ensemble d’enregistrements de Bob Dylan a été confirmée officiellement, en fin d’après-midi, par la compagnie phonographique Columbia Records, l’un des labels de la major du disque Sony Music. Il s’agira du volume 12 de la collection « The Bootleg Series », consacrée à des enregistrements rares, inédits, parfois disponibles sur des publications pirates (d’où le nom « Bootleg Series ») du chanteur, guitariste, pianiste et auteur-compositeur américain.Intitulé The Cutting Edge 1965-1966, et prévu pour une sortie le 6 novembre, l’ensemble doit regrouper des versions de travail, des versions différentes et des inédits enregistrés en studio par Dylan et ses musiciens lors des séances pour les albums Bringing It All Back Home (mars 1965), Highway 61 One Revisited (août 1965) et Blonde On Blonde (mai 1966). Soit une période comprise entre janvier 1965 et mars 1966 qui aura vu passer Dylan du folk acoustique à une expression électrique.Parmi les raretés attendues par les amateurs sont annoncées les séances de Blonde On Blonde réalisées avec une partie des musiciens du groupe The Band à New York avant que Dylan ne décide de partir réenregistrer certaines chansons avec d’autres musiciens à Nashville.Une édition limitée « ultra de luxe »Cette sortie sera présentée, pour le grand public, sous la forme d’un double CD et d’un triple album vinyle, dans les deux cas avec une sélection de quelques-uns de ces enregistrements, sous le titre The Best of The Cutting Edge 1965-1966. Une version en 6 CD plus complète dite « deluxe edition » sera aussi commercialisée. Enfin la grosse affaire de cette publication prendra la forme d’un coffret de 18 CD, avec notamment toutes les séances qui auront abouti à la création du classique de Dylan Like A Rolling Stone. Mais, précise le communiqué, cette « édition limitée ultra de luxe » ne sera disponible qu’« exclusivement sur Bobdylan.com » et pressée à 5 000 exemplaires pour le monde entier. Avec 379 pistes, un livre de 170 pages, une réédition des 9 disques vinyles 45-tours publiés à l’époque, un certificat d’authenticité… Et la promesse que cet imposant ensemble ne connaîtra qu’une édition (« these will be the only copies of the collector’s edition ever manufactured »). Laquelle est proposée au prix de 599,99 dollars (533,75 euros).Bob Dylan sera en tournée européenne du 1er octobre (à Oslo, Norvège) au 22 novembre (à Milan, Italie). Avec trois concerts en France, deux au Palais des sports de Paris les 18 et 19 octobre et un au Zénith de Rouen, le 3 novembre. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne Face au succès de l’exposition «  Beauté Congo  », qui devait initialement se terminer le 15 novembre, la Fondation Cartier pour l’art contemporain a prolongé la manifestation jusqu’au 10 janvier  2016. Les visiteurs auront donc deux mois de plus pour découvrir, à Paris, cet échantillon d’une production artistique foisonnante, qui fait voisiner différentes formes de sensibilité sur une période allant du temps de la colonie belge jusqu’à l’actuelle République démocratique du Congo. D’abord, l’univers pictural congolais, avec ses stars, les peintures faussement naïves de Chéri Samba, les photos de la nuit kinoise, de Jean Depara, ou les magnifiques peintures animalières produites dans l’Atelier du Hangar, durant les années 1950. Ensuite, le son, puisque la Fondation a intégré à l’exposition un parcours musical d’une grande richesse.Lire aussi :De la colonie belge à la RDC, splendeur de l’art congolaisNouvelles rythmiquesL’initiative est pertinente, tant la musique congolaise urbaine, dite « rumba », a marqué la seconde moitié du XXe siècle, avec son lot de nouvelles rythmiques, de styles vestimentaires, de commentaires politiques. Cette ­musique dansante, née autour du Pool ­Malebo, la boucle du fleuve Congo qui sépare Kinshasa de Brazzaville, s’est alimentée des va-et-vient transatlantiques engendrés par les grandes découvertes du XVe siècle, puis par le trafic négrier. Plus que dans d’autres régions d’Afrique, le mouvement trouvait un terreau propice au Congo où, contrairement à ce qui se passait dans l’ancien empire mandingue (Mali, Guinée, Sénégal…) gouverné par le ­système des castes, la musique n’était pas ­réservée aux griots. Dans les villages, tout le monde avait donc le droit de chanter.L’Amérique latine, et particulièrement Cuba, va semer ses graines sur ce terreau démocra­tique, où les missionnaires avaient enraciné le goût des chorales. Dix ans plus tard, l’Afrique est inondée de disques dits «  GV  » – une référence du catalogue de disques cubains produits par la firme anglaise EMI, puis vendus à Brazzaville ou Léopoldville par les épiciers grecs, souvent originaires d’Egypte. Parmi eux, Nico Jeronimis, fondateur des éditions Ngoma, qui publièrent en 1948 le premier tube congolais, Marie Louise, composé par un mécanicien de bateaux du fleuve Congo, Antoine Wendo ­Kolosoy (1925-2008). «  Les Grecs ont été les premiers à commercer la musique cubaine et la rumba zaïroise. Certains étaient célèbres, comme Papadimitriu, propriétaire de grands magasins  », se souvient Ray Lema, pianiste et compositeur né en 1946 dans le Bas-Congo, qui a participé, du 17 au 19 septembre, à la Pan African Space Station (PASS)  : trois jours d’une passionnante web­radio conçue à la Fondation Cartier par la ­revue panafricaine Chimurenga, basée au Cap.Dans les vingt ans qui suivirent le début de la seconde guerre mondiale, le destin des Afriques se scella, et se dansa, accompagné par l’énergie des musiques voyageuses. Eugène Willy Pelgrims de Bigard, propriétaire de ­mines, y joua un rôle important dès la fin des années 1950. Il avait développé des usines de pressage de disques en Belgique, en France, aux Pays-Bas. Très vite, il monte un studio à Léopoldville, et commence à y enregistrer tout ce qui passe. Les bandes partent pour Paris (via le label Sofrason), Bruxelles (Fonior) ou Amsterdam (Dureco). Des fabriques de ­Pelgrims sortent des milliers de 45-tours qui repartent inonder les marchés de Brazza et Léopoldville, mais aussi de Dakar, Lomé, ­Bamako…EbullitionCette ébullition explique en partie la suprématie de la musique congolaise sur l’ensemble du continent. Le Camerounais Manu ­Dibango fut un pilier de ces studios où débarquaient des hommes politiques, des business­men mettant de l’argent sur la table pour être cités – ce qui nous vaut aujourd’hui les chapelets de noms énumérés dans certaines chansons. Rapidement, Radio Brazzaville, la puissante radio coloniale qui couvre presque toute l’Afrique, diffuse à tour de bras ces cha-cha-cha, charangas et rumbas, qui reviennent inonder leur continent d’origine après un ­détour par l’Europe. Et ça plaît dans les quartiers. L’une des grandes figures de l’époque est ­Joseph Kabasele, accompagné, à partir de 1956, de Tabu Ley Rochereau. Ensemble, ils ont créé une veine mélancolique, avec des mélodies lentes. «  Puis brusquement est ­apparu Franco [Franco Luambo, 1938-1989], explique Ray Lema. Un guitariste et chanteurqui sortait du quartier, pas éduqué, un style brut avec beaucoup d’ostinatos [les répétitions mélodiques et rythmiques]. Les gens du peuple adoraient ces lignes de guitare qui revenaient sans cesse, lancinantes.  »Joseph Kabaselé Tshamala, un homme instruit, fut l’un de ceux par qui la musique donna la main à la politique. Il est l’auteur d’Indépendance cha-cha, sorte d’hymne panafricain composé en 1960, au moment où le ­colonisateur belge ouvre la conférence de la Table ronde, à Bruxelles, après deux ans d’émeutes au Congo belge. C’est dans un chaos total, et sur fond d’exode de la population blanche, que le pays devient République du Congo, le 30 juin 1960. Fondateur de l’African Jazz, ­Joseph Kabaselé sera aussi secrétaire à l’information du gouvernement dirigé par le leader indépendantiste Patrice Lumumba, avant que celui-ci ne soit finalement assassiné en 1961, au Katanga. «  Grand Kallé  » paya cher cet ­engagement dont le général Mobutu (1930-1997), maître du Congo dès 1965, prit ­ombrage. « A chaque fois que nous réécoutons ­Indépendance cha-cha, remarque le journaliste sud-africainNtoné Edjabé, c’est très émouvant, car nous nous interrogeons sur ce qu’est devenue cette indépendance.  »Métissages sonoresDe Lumumba à Mobutu (devenu en 1965 président à vie), le plus grand pays d’Afrique vécut une indépendance agitée, sur fond de guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Dans ces remous naquit une Afrique créative et bouillonnante. D’allure ­romantique, faussement naïve, la rumba va accompagner cette mutation. «  La musique congolaise pourrait se limiter à deux mots, ­bolingo (“amour”), motema (“cœur”) ainsi qu’à ce qui les relie, ­libala (“mariage”), explique Bob White, professeur au département d’anthropologie à l’université de Montréal et auteur de Rumba Rules  : The Politics of Dance Music in Mobutu’s Zaïre (Duke University Press, 2008). Les chansons d’amour offrent un aperçu des relations complexes entre hommes et femmes à Kinshasa, où le nombre de femmes dans la population a été bas pendant des années. Les paroles ayant trait aux relations entre les sexes nous donnent une idée des ­contraintes familiales et du poids des traditions, de la difficulté à joindre les deux bouts, mais aussi de la nature arbitraire du pouvoir dans une région qui reste gangrenée par une logique de prédation, d’extraction et une gouvernance autoritaire.  »En dépit de toutes ces turbulences, les ­métissages sonores n’ont jamais cessé. Cette rumba congolaise déhanchée a ainsi reçu l’apport du jazz et de la soul américaine. En 1974, un célèbre combat de boxe organisé à Kinshasa entre le Blanc George Forman et le Noir Mohamed Ali rassemble des musiciens des deux rives  : James Brown ou Etta James d’un côté et, de l’autre, les groupes phares du Congo, Franco et l’OK Jazz ou encore Zaïko Langa Langa, l’orchestre qui a forgé la génération suivante, celle de Papa Wemba et des «  sapeurs  », les as de l’art vestimentaire. L’événement fut photographié par Oscar Memba Freitas, et immortalisé par le peintre Moke (1950-2001), que l’on peut découvrir à la Fondation Cartier. Elle a aussi donné lieu à un formidable reportage de l’écrivain Norman Mailer (Le Combat du siècle, Gallimard, rééd. «  Folio  », 2002). Plus ­récemment, la rumba a retraversé l’Atlantique, jusqu’à la Colombie. Dans les années 1980, ­raconte Ntoné Edjabé, «  une communauté du nord du pays qui écoutait des disques de soukouss, une variante de la rumba  » a créé un style baptisé champeta. Le balancier poursuivant son va-et-vient, le zouk, inventé à cette époque par le groupe guadeloupéen Kassav, a depuis totalement imprégné la variété africaine, et donc la rumba.Un peuple connectéLe peuple congolais est musical, observe Ray Lema. Il est aussi connecté, comme le montre un tableau de Monsengo Shula, Trio du 6e Continent, peint en 2014  : deux hommes, une femme, de la musique, des ordinateurs, une vraie tuyauterie. «  D’abord, il y a beaucoup de bars à Kinshasa, dit Ray Lema. Pour une raison inconnue, les haut-parleurs ont été positionnés vers l’extérieur et non ­dedans, sans ­limite de ­volume. Ce brouhaha fait donc partie de la vie du Congolais, qui est rythmée par un vacarme musical.  » Le musicien est retourné en 2011 dans un Congo qu’il avait quitté en 1979. «  J’avais été directeur du Ballet national, raconte-t-il, mais je suis tombé en disgrâce, quand Mobutu a voulu transformer la formation en Opéra national. Le thème imposé de la première création était Mobutu, et là, je ne pouvais pas.  » Du temps du Ballet national, Lema avait sillonné ce pays qui mesure quatre fois et ­demie la France, et compte 250 ethnies. «  Je me suis fondu dans cette diversité, qui était aussi musicale. Or, aujourd’hui, regrette-t-il, la rumba est devenue hégémonique.  »Cette omniprésence est aujourd’hui dénoncée par «  Les Combattants  »  : de jeunes Congolais de la diaspora, qui en sont venus, à Londres ou à Paris, à caillasser les stars de la musique congolaise moderne, Koffi Olomidé, Papa Wemba, Werrason, soupçonnés à la fois de soutenir le président de la République, Joseph Kabila, de véhiculer des images réductrices, les fesses qui tournent, les costards de frimeurs… tout en abusant des synthétiseurs.Lire aussi : Et pourtant ils créent dans le chaudron de KinshasaÀ VOIR « Beauté Congo. 1926-2015 » Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail, Paris 14e. Du mardi au dimanche, de 11 heures à 20 heures ; mardi, jusqu’à 22 heures. Jusqu’au 10 janvier 2016. www.fondation.cartier.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.09.2015 à 16h36 • Mis à jour le23.09.2015 à 18h35Alternative aux galeries, l'exposition d'art contemporain en plein air gagne du terrain. Notamment dans l'arrière-pays varois où marchands et collectionneurs dévoilent leurs pièces maîtresses.Par Marion Vignal Sans le code de la grille d'entrée, impossible d'accéder au Domaine des Charles dont les accès bordent la départementale, à la sortie du Muy, entre Draguignan et Fréjus. Il faut ensuite serpenter entre les villas et les piscines pour arriver jusqu'au parc de sculptures ouvert début juillet par le galeriste parisien Jean-Gabriel Mitterrand (neveu de François). Dans les sous-bois encore sauvages, entre les pins et les chênes-lièges, l'œil rebondit sur une grosse pomme dorée de Claude Lalanne, puis sur une fontaine bigarrée de Niki de Saint-Phalle, avant de croiser une silhouette couchée de Xavier Veilhan et une figure noire masquée de Not Vital.  Une quarantaine de pièces dessinent un parcours de 1,5 hectare dans la colline qui fait face à une maison en chantier confiée à l'expertise de l'architecte India Mahdavi. Ouvert sur rendez-vous à un cercle de professionnels et d'amateurs avertis, ce jardin privé se veut une simple vitrine du travail de la galerie Mitterrand. « Si ça peut nous amener du business tant mieux, le modèle de la galerie n'est plus viable, il faut exister autrement, reconnaît le marchand d'art Edward Mitterrand, fils de Jean-Gabriel et directeur artistique du domaine. Nous ne cherchions pas à nous installer dans un lotissement privé, mais ce terrain de 10 hectares nous a plu par son aspect pratique. Nous sommes à 3 kilomètres de l'autoroute, à 45 minutes de l'aéroport de Nice. Pour venir jusqu'ici, il n'y a pas de zones moches à traverser, ce qui était pour nous un critère indispensable. » Question de standing. Edward Mitterrand avance aussi l'atout de la proximité de lieux qui génèrent un nouveau tourisme culturel en Méditerranée : à Marseille, le MaMo (le centre d'art contemporain créé par le designer Ora-Ïto) et le MuCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) ; à Aix-en-Provence, le centre d'art contemporain du domaine viticole Château La Coste ; à Saint-Paul-de-Vence, l'incontournable Fondation Maeght ; sur l'île de Porquerolles, la Fondation Carmignac, dont l'ouverture est prévue à l'été 2016.  La fondation des Mitterrand n'est pas le seul haut lieu de l'art contemporain situé au Muy. Au début des années 1980, le marchand français d'origine napolitaine Enrico Navarra a été la première personnalité de l'art contemporain à s'y installer, au Domaine des Charles. « A l'époque, les terrains n'étaient pas chers du tout, raconte-t-il. La localisation était idéale. » Collectionneurs, hommes d'affaires et célébrités (Bono est un habitué) du monde entier atterrissent sur l'une des deux pistes d'hélicoptères de la propriété pour parler art au bord de la piscine, entourés d'œuvres de Keith Haring ou de Jean-Michel Basquiat, dont Navarra est un des spécialistes.La stratégie d'Enrico Navarra Des rendez-vous sous le soleil de la Méditerranée qui sont au cœur de sa stratégie de marchand au réseau tentaculaire. Sur un terrain attenant à sa propriété, il inaugurera bientôt la Villa Navarra, un bâtiment longiligne au toit en béton fibré conçu par l'architecte Rudy Ricciotti. Le lieu fera office de galerie d'exposition privée et de résidence d'artistes. Bientôt, la Villa Navarra sera surplombée par une autre pièce architecturale. Patrick Seguin, marchand de design réputé, grand ami de Navarra et spécialiste de Jean Prouvé, vient d'acheter le terrain de 40 hectares au-dessus de celui de son ami. Il attend avec impatience l'obtention de son permis de construire pour démarrer le chantier de la maison que lui a dessinée Jean Nouvel. Le galeriste promet un geste architectural fort, dans la tradition des grandes commandes privées. Edward Mitterrand décrypte : « Dans ce milieu, pour exister aujourd'hui, nous devons donner des signes de notre puissance. »  Le sculpteur Bernar Venet rêve lui aussi de marquer magistralement le territoire varois de son empreinte. Après l'ouverture au public de sa Fondation il y a un an, il espère obtenir de la municipalité du Muy un grand terrain vierge sur lequel il pourra créer une pièce de land-art de l'envergure du cratère de James Turrell en Arizona. Pour l'heure, il reçoit avec sa femme Diane dans son jardin, orné de ses grands arcs en acier et de majestueux pins parasols. C'est Enricco Navarra qui l'a convaincu, il y a vingt-six ans de venir s'installer dans la région, à un moment où il cherchait un lieu où entreposer ses monumentales sculptures en acier.“C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde”, Sabine Puget, galeriste Bernar Venet a ainsi acquis un vaste terrain comprenant un ancien moulin et une ancienne usine d'aiguillages de chemins de fer. Le couple en a fait un hymne à l'art contemporain, inspiré du site de Marfa créé par Donald Judd, au Texas. On peut y voir ses œuvres, sa collection d'art minimal, la chapelle dédiée à l'Américain Frank Stella et, en ce moment, deux installations de Jean Tinguely prêtées par le Musée de Bâle. Les œuvres de Bernar Venet sont aussi visibles un peu plus loin : ses sculptures en acier corten font partie des pièces maîtresses de la commanderie de Peyrassol, nichée un peu plus loin sur la N 7, entre Brignoles et Le Luc.  Ce domaine viticole envahi par l'art est l'œuvre de l'homme d'affaires Philippe Austruy. Ce collectionneur organise chaque année début juillet une fête pour ses amis : Bernar Venet et son épouse, les plasticiens Bertrand Lavier et Jean-Pierre Raynaud, l'ancien ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon, ainsi que de nombreux Belges (l'entrepreneur est naturalisé belge et sa femme a sa galerie à Bruxelles) qui apprécient autant l'art contemporain que le rosé provençal. C'est en 2001 que l'entrepreneur est tombé amoureux de cette commanderie templière du XIIIe siècle qu'il ne cesse depuis de restaurer, d'agrandir et d'embellir. Il s'est aussi fait la promesse d'y produire un jour du bon vin. C'est aujourd'hui chose faite. Peyrassol attire tout au long de l'année de nombreux visiteurs — public éclairé comme néophytes — qui viennent découvrir les chais (d'où sortent 450 000 bouteilles par an) et admirer un paysage de vignes surréaliste, ponctué d'œuvres signées César, Adami, Arman, Dubuffet, Tapiès...   Dans ce nouvel écosystème varois qui rassemble collectionneurs, artistes et marchands, on ne s'étonnera pas de croiser quelques architectes-décorateurs et paysagistes-satrs. Pierre Yovanovitch a ainsi passé trois ans à restaurer le château de Fabrègues, situé près d'Aups. L'architecte d'intérieur se concentre aujourd'hui sur les jardins avec l'aide de Louis Benech pour pouvoir ouvrir, un jour, l'extérieur du château au public où sont déjà installées, sans tapage, quelques sculptures acquises auprès de Sabine Puget, sa voisine de Fox-Amphoux. Jouxtée aux murs rouges toscans du château Barras, cette dernière a réussi, en dix ans, à faire de sa galerie une destination prisée des amateurs d'art. « C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde », explique cette ancienne galeriste parisienne. Depuis 2004, elle expose, de juin à octobre, de grandes signatures de l'art contemporain et des artistes de la jeune génération. A l'instar du sculpteur François Veil, « chasseur de pierres » qui assemble des roches et les fait pivoter, transformant le lourd en léger. Les pavillons rouges traversés par les vents, la petite chapelle recouverte de fresques contemporaines, le chêne centenaire qui étale ses branches dans le jardin comme un roi dans son domaine. Tout ici exalte un savoureux parfum de pinède et de sacré. Loin des va-et-vient des yachts et des hélicoptères, l'art murmure ici ses secrets en silence.  Domaine du Muy, jusqu'au 25 octobre, sur rendez-vous. www.domainedumuy.com Fondation Bernar Venet, Le Muy, sur rendez-vous. www.venetfoundation.org Villa Navarra, Le Muy, sur rendez-vous. Tél. : 01-45-61-91-91. Domaine de Peyrassol, Flassans. www.peyrassol.com Galerie Sabine Puget, Fox-Amphoux. www.galeriesabinepuget.com //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/361904', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); }); 02.09.2015 à 10h12 • Mis à jour le02.09.2015 à 10h21 En juin, le ministère japonais de la santé et du travail a rendu public le nombre de détenteurs du « Carnet de santé de victime de la bombe atomique ». Le pays a ainsi appris que l’on comptait en mars 183 519 survivants des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki – les hibakusha. En mars 1981, ils étaient 372 264. Leur moyenne d’âge est aujourd’hui supérieure à 80 ans. Un calcul sommaire permet donc de dire qu’une majorité des survivants actuels de la bombe atomique avait 10 ans environ lors des bombardements. Cette diminution du nombre des survivants de la bombe atomique, ainsi que leur grand âge, signifie que la mémoire directe des irradiés au sein de la société japonaise s’amenuise.Les armes atomiques n’ont pas seulement un immense pouvoir de destruction. Les énormes quantités de radioactivité qu’elles émettent, sans égard pour les frontières, contaminent toutes les ressources, voyagent en suspension dans l’air, retombent dans la mer, et contaminent les humains. Malheureusement, nombreux sont encore ceux qui, 70 ans après, vivent sans savoir quelles seraient les conséquences exactes si les bombes atomiques actuellement existantes étaient utilisées.Si ces armes n’existaient plus dans le monde du XXIe siècle, la disparition des survivants de la bombe ne serait pas un problème bien grave en soi. Or, on compte en fait aujourd’hui dans le monde plus de 15 000 têtes nucléaires. Et celles-ci sont pour la plupart d’une puissance très supérieure à celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki.Et nous, les Japonais, le savons-nous suffisamment ? Rien n’est moins sûr. Nous n’avons pas bien écouté la voix des irradiés. Certes, après la défaite, sous l’occupation des forces armées américaines, un contrôle de l’information était en place, mais avec la souveraineté recouvrée en 1952, un grand nombre de Japonais, décidés qu’ils étaient à s’engager dans la reconstruction, n’ont pas montré d’intérêt pour Hiroshima ou Nagasaki.Pour nombre de citoyens japonais, le sentiment d’horreur à l’encontre des armes atomiques a été inspiré non pas par les récits des attaques contre Hiroshima et Nagasaki, mais par le test de la bombe H réalisé par les Américains en 1954 sur l’atoll de Bikini. Un bateau de pêche japonais, le Daigo Fukuryû-maru, fut alors irradié, ce qui déclencha dans le pays un large mouvement contre les armements nucléaires. La rumeur se propagea, voulant que les « cendres de la mort » radioactives allaient retomber sur le Japon.« Bien fait! »Yôko Ôta, une écrivaine victime de la bombe d’Hiroshima, écrira à cette époque, dans une nouvelle intitulée Han-Hôrô (« Demi-vagabonds ») : « Après l’essai thermonucléaire, ce que l’on appelait les “cendres de la mort” retombèrent sur Tokyo. “Bien fait !”, j’ai pensé. Couverts de cendres de la mort, crevez donc voir dans l’effroi. Peut-être les frissons de votre cœur vous feront-ils comprendre à quel point l’angoisse du présent est à l’intérieur de l’âme humaine. »Ce mot, « Bien fait ! », fit scandale, et même ses collègues écrivains se détournèrent d’elle. Yôko Ôta, née en 1906, avait déjà publié des romans qui avaient été primés avant la guerre. Dans le Japon qui se préparait à l’affrontement, elle écrivait des romans bellicistes et s’était engagée dans des actions sympathisant avec l’invasion militaire japonaise en Chine. Irradiée lors de l’explosion de la bombe atomique d’Hiroshima à 41 ans, elle se mit à écrire de nombreux romans basés sur cette expérience afin d’en transmettre l’horreur. Mais on lui reprochait ses livres pro-militaristes de l’époque de la guerre, et son « Bien fait ! » la mit totalement à l’écart du milieu littéraire, jusqu’à sa mort en 1963.Yôko Ôta ressentait sans doute de la colère face au désintérêt rencontré par ses romans racontant son expérience de la bombe atomique. Un grand sentiment de solitude, de se sentir oubliée, moins de dix ans après la bombe, la hantait sans doute aussi.Shinoe Shôda, née en 1910, était une poète, survivante, elle aussi, d’Hiroshima. Elle est connue pour ses tanka, une forme de la poésie traditionnelle japonaise, dans lesquels elle revient sur ce bombardement. Dans l’un de ses recueils, publié en 1962, on trouve un poème intitulé « Qu’ils meurent tous ». Cette phrase était la réponse que lui avait faite une femme qui avait perdu sa fille unique et son mari pendant la guerre, et à qui elle avait demandé d’écrire quelque chose pour protester contre la guerre.« Quoi qu’on écrive tout est futile emporté/Dans le grand courant, laissez-les faire à leur guise/Dans une grande explosion/Tous les humains du monde/Qu’ils deviennent des graillons noircis/Et qu’ils meurent tous dit-elle, fixant un point de ses yeux vides/Du fond de ses yeux, sans fin, les larmes coulaient/Moi incapable de rien dire en silence je pleurais »Se taire et pleurerCe « Qu’ils meurent tous » fait entendre la même colère que celle de Yôko Ôta, un sentiment qui devait habiter de très nombreux hibakusha. Dix ou vingt ans après avoir été victimes de la bombe, les rescapés étaient mis de côté dans un coin de la société.Aujourd’hui, soixante-dix ans après la bombe, où en sont les survivants, devenus âgés ? Nombre d’entre eux ont vécu toute leur vie et meurent sans avoir parlé, ne serait-ce qu’une seule fois, de leur expérience. Deux sentiments s’entremêlent, d’un côté « le désir que quelqu’un écoute ma tragique expérience », et de l’autre, l’idée que « de toute façon personne ne me comprendra. »Ensuite, pour un certain nombre d’entre eux, la bombe atomique, il y a soixante-dix ans aujourd’hui, est un événement de leur enfance, qu’ils ont du mal à mettre en mots. La seule chose que nous pouvons faire devant eux, avec eux, c’est se taire et pleurer, et me vient alors un grand sentiment d’impuissance.Ceux qui comprennent le mieux l’horreur et l’effroi de la guerre sont les soldats qui ont été au front, et les peuples des Etats vaincus. Les habitants des pays vainqueurs, ou ceux qui ne connaissent rien d’un champ de bataille envisagent difficilement la véritable nature de la guerre.De même, ceux qui savent combien les armes atomiques sont des choses atroces et effroyables ne sont pas les scientifiques qui les ont développées, ni les dirigeants qui les ont utilisées, ni les membres de l’équipage des B29 qui les ont larguées, non, ce sont ceux qui étaient dessous, qui fuyaient sous le champignon atomique, les survivants. Les hibakusha qui n’ont jamais parlé, qui ont vécu dans le silence, sont nombreux, mais nombreux également sont ceux qui ont tenu à témoigner et à transmettre au futur leur expérience de survivants.Comprendre l’ampleurA dire vrai, après la guerre, la mémoire des survivants des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki a eu une réelle influence, notamment sur le plan littéraire. On peut encore parler de Tamiki Hara, le célèbre auteur de Natsu no hana (« Fleurs d’été »), ou de Kyôko Hayashi, qui fut irradiée à 14 ans et publia trente ans plus tard le roman Matsuri no ba (« Rituel de mort ») en mémoire de ses amis disparus, et qui continue depuis à écrire des livres pour les enfants dans lesquels elle décrit l’angoisse qui l’habite encore. D’autres, comme Masuji Ibuse, l’auteure de Pluie noire, ne sont pas eux-mêmes des hibakusha, mais ont écrit leurs livres en se basant sur les journaux et notes laissés par des victimes.Il est néanmoins difficile de dire si grâce à cette « littérature de la bombe atomique », les Japonais arrivent à comprendre l’ampleur de ce qui fut l’un des plus graves massacres de masse du XXe siècle.Chaque année, en août, lors des cérémonies commémoratives, le maire de Nagasaki, où je vis, prononce une « Déclaration de paix ». L’attention est grande pour les mots qui seront prononcés au point d’impact.L’enseignement pacifique est un sujet important pour tout le monde ici, et les jeunes générations montrent, elles, un grand intérêt aux récits de leurs parents ou grands parents victimes de la bombe. Une collégienne, née au XXIe siècle, a écrit l’histoire que sa grand-mère hibakusha lui a racontée. Cette femme a été irradiée alors qu’elle était encore dans le ventre de sa mère, on appelle ces victimes des « foetus-hibakusha ». Evidemment, elle n’a aucune mémoire des événements eux-mêmes, alors je me demandais quel récit pourrait en tirer sa petite-fille collégienne. Eh bien, c’était tout simplement extraordinaire.TransmettreElle a écouté et noté avec une grande attention tout ce que sa grand-mère lui a raconté sur les effets de la bombe, mais aussi sur la vie des survivants après la guerre, les malheurs, les angoisses, mais aussi les joies. L’expérience des hibakusha ne se limite pas au mois d’août 1945. La longue vie des victimes touchées par la radioactivité fait aussi partie de l’expérience des survivants. Le plus émouvant, c’est de voir la petite-fille collégienne d’aujourd’hui trouver enfin les mots pour dire l’expérience que les hibakusha eux-mêmes n’arrivaient pas à dire, et vraiment communiquer avec sa grand-mère.Mais parfois, on se sent impuissant à transmettre la réalité du danger, du fait que le système politique actuel nous place dans une situation complexe, où notre sécurité est garantie par un pays qui possède un énorme arsenal nucléaire.Or, toute activité humaine, la vie quotidienne, la politique, ne prend forme que par les mots avec lesquels on la communique. C’est seulement à partir du moment où la mémoire disparaissante de l’expérience de la bombe trouve des mots pour se dire, comme ceux qu’a écrits cette collégienne, que la complexité de la situation se dénoue enfin et que nous autres, de la génération suivante, pouvons faire un nouveau pas.Aujourd’hui, les survivants de la bombe devenant de plus en plus âgés et de moins en moins nombreux, il est capital d’écouter le récit de leur expérience personnelle, et transmettre cette expérience comme notre expérience à nous, comme l’a fait cette collégienne. « Au commencement était le verbe », cette vérité est éternelle (traduit du japonais par Patrick Honnoré).Seirai Yuichi (Directeur du Musée de la bombe atomique de Nagasaki)Né en 1958 à Nagasaki, Seirai Yuichi dirige le Musée de la bombe atomique de Nagasaki. Il est aussi l’auteur de plusieurs romans. En 2007, il a été récompensé du prix littéraire le plus prestigieux au Japon, le prix Tanizaki Jun’ichiro, pour son recueil de nouvelles Bakushin, non traduit en français. 02.09.2015 à 06h38 • Mis à jour le02.09.2015 à 07h17 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nicolas Truong Il est bien loin le temps où Saint-Just pouvait s’écrier que « le bonheur est une idée neuve en Europe ». Le rêve européen s’épuise dans la bureaucratie de l’ère post-démocratique. De la Syrie aux attentats contre Charlie, une fraction de la jeunesse préfère désormais la barbarie à l’ennui. La quête d’identité vire à la guerre des communautés. Et les actes de désertions intérieures se multiplient.Dans l’entreprise comme dans les partis, la déloyauté grandit. Et la France détient le triste record de consommation de psychotropes en Europe. Face à cette perte de sens, chacun, dans son couple, sa famille ou entouré de ses amis, se protège, se retrouve, se replie. Chacun cherche à préserver ces îlots de bonheur arrachés au nihilisme contemporain.Lire aussi :La leçon de bonheur d’Alain BadiouNe noircissons cependant pas trop le tableau. Les Français font – plus que d’autres – des enfants, signe de confiance en soi et en l’avenir. On vit en bien meilleure santé et beaucoup plus longtemps dans nos contrées. Sans compter que des élans collectifs viennent parfois redonner du moral aux citoyens atomisés. Et il est possible d’envisager le 11 janvier comme la manifestation d’une immense pulsion de vie, une envie de refuser le « viva la muerte » mondialisé.C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui aux philosophes de nous orienter dans nos vies, de nous guider dans le brouillard du temps présent. Mais de l’amour à la séparation, de la rencontre à l’engagement, de la maladie à la mort, quels chemins emprunter pour vivre une vie qui vaille la peine d’être vécue ? Invité aux Controverses du Monde en Avignon, Alain Badiou a plaidé pour une philosophie de la volonté face au climat de résignation qui domine l’époque. Car ce philosophe engagé tient à distinguer bonheur et satisfaction.La question des questionsLa satisfaction, ce n’est pas que la jouissance de la consommation. C’est la vie bien gérée, avec une bonne place dans la société, « une belle voiture et de belles vacances à l’étranger ». En un mot, tout ce à quoi il est normal d’aspirer. Le bonheur, c’est autre chose : « C’est découvrir que l’on est capable de quelque chose dont on ne se savait pas capable », à l’image de l’amoureux qui change sa vie pour l’être aimé.À l’aide d’exemples contemporains (de la crise grecque à l’ampleur des séparations au sein de notre nouveau désordre amoureux), Alain Badiou réactive le combat entre les sagesses antiques. D’un côté, le stoïcisme – ou même l’épicurisme – qui recommande d’accepter le monde tel qu’il est. De l’autre, le platonisme qui affirme qu’un soleil brille au-dessus du théâtre d’ombres de notre caverne, puisque, comme le dit Rimbaud, « la vraie vie est absente ».Comment vivre sa vie ? C’est peut-être la question des questions. Et il n’est pas étonnant qu’une maxime paternelle compte finalement davantage pour Badiou que toutes les théories conceptuelles : « Tu peux, donc tu dois. » C’est pourquoi les vertus capitales de cette conception du bonheur sont le courage et la fidélité. « Aie le courage de te servir de ta volonté pour qu’advienne cette puissance dont tu ne te sentais pas capable », tel pourrait être le nouvel impératif catégorique de nos temps désorientés.Nicolas TruongResponsable des pages Idées-DébatsSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Les deux photos satellites de Palmyre en Syrie, prises par UNOSA, les 27 et 31 août, montrant le temple de Baal, sanctuaire principal, laissent sans voix. Entre les deux dates, le joyau monumental de l’antique cité, dédié à Baal – le « Seigneur » en langue sémitique –, et sanctuarisé en 32 de notre ère, a été rasé par les djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI), qui sont maîtres de la ville depuis la fin mai. Il ne reste que l’encadrement de pierre de l’entrée principale… ouvrant sur le vide.« La destruction de Palmyre constitue un crime intolérable contre la civilisation mais n’effacera jamais 4 500 ans d’histoire…, affirme Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco. Chacune de ces attaques nous appelle à partager encore davantage le patrimoine de l’humanité, dans les musées, les écoles, les médias, à la maison. » Face à ce « crime de guerre », l’organisation onusienne — qui avait classé, en 1980, le site archéologique sur sa liste du patrimoine mondial —, réaffirme sa détermination à poursuivre une lutte sans merci , avec la mise en réseaux de milliers d’experts, contre le trafic illicite des objets culturels. Une des principales ressources de l’EI.Maamoun Abdulkarim, directeur des Antiquités et des musées de Syrie, redoutait le pire : « C’est une grande catastrophe pour notre patrimoine. J’avais dit que si la ville tombait dans les mains de ces groupes, elle serait dans une situation dramatique. Il est dommage que la communauté internationale soit restée sans réaction solide. J’avais lancé un appel pour dire que la bataille de Palmyre était une bataille culturelle pour l’ensemble du monde. » « On ne fait rien »Après la décapitation en place publique, le 18 août, de Khaled Al-Asaad, 81 ans, l’ancien directeur du site archéologique, puis la destruction, le 23 août, du petit temple de Baalshamin, divinité secondaire, ce saccage barbare signe une fois de plus l’éradication en marche menée par l’EI. Les djihadistes prônent la suppression de toutes traces de civilisation antérieure au temps de Mahomet. Le saccage de Palmyre se situe dans la lignée des destructions opérées au printemps en Irak, au Musée de Mossoul, et dans les cités antiques de Ninive, Nimroud, Hatra, en Irak, dont les frontières correspondent à l’ancienne Mésopotamie – avec une frange syrienne –, berceau de la civilisation, où est née l’écriture il y a cinq mille ans.« Rien ne les arrête, c’est leur logique, s’emporte Pierre Leriche, directeur de recherche au CNRS, responsable des fouilles de la mission archéologique française à Europos Doura sur l’Euphrate, à 300 kilomètres à l’est de Palmyre. Il n’y a pas de prise de conscience de l’opinion internationale. En Italie, on proteste, les drapeaux ont été mis en berne dans tous les musées. En France, on ne fait rien. ».Lire :Destruction des vestiges de Palmyre : « La sauvagerie de l’EI est totale »Oasis épanouie au centre de la Syrie en plein désert, Palmyre est l’ancienne Tadmor construite, dit la Bible, par Salomon. Pour Pierre Leriche, « les premiers vestiges palmyréniens dateraient même de l’âge du bronze moyen, vers 2400-2200 av. J.-C. ».Située aux franges de l’Empire romain d’Orient, Palmyre, à mi-chemin entre l’Euphrate et la Méditerranée, était du Ier siècle av. J.-C. au IIe siècle après, la plaque tournante du commerce entre l’Orient et l’Occident. Les tribus sémitiques locales convoyaient la soie, le coton, les épices, les pierres précieuses et l’encens. L’empereur romain Hadrien accorda à Palmyre, en 139, le statut de province romaine.« Pourquoi on a laissé faire ? »La construction de l’antique cité fut financée par les quatre principales tribus, farouchement indépendantes, riches de cet opulent commerce caravanier. Le sanctuaire de Baal fut consacré en l’an 32. Il fallu près d’un siècle pour le construire. L’architecture sémitique du site cohabite harmonieusement avec les colonnades et les portiques du vocabulaire classique gréco-romain. La représentation des divinités y est frontale comme le dicte l’art parthe. Les dieux, coiffés de casques et de tiares, sont montrés cuirassés, armés de sabre, évoquant les chevaliers du Moyen Age.Le grand temple de Baal, en pierres taillées, d’un beau calcaire doré, l’un des plus grands sanctuaires de l’Orient romain avec celui de Baalbek au Liban, est cerné d’une enceinte de 210 mètres de long sur 205 de côté, et entouré de 375 colonnes de dix-huit mètres de haut. Un podium magistral, un escalier monumental et des consoles sculptées d’une frise en relief mènent au sanctuaire, lui-même de 70 mètres de long sur 40 de façade.Sur les poutres historiées défilent, en bas-relief, des caravanes de dromadaires, des femmes voilées à la tunique drapée, des planètes et des astres, délicatement sculptés. Encadrant la cella, le saint des saints, deux thalamos – chapelles secrètes – étaient réservés au rituel des prêtres. Celui du sud est très orné, avec un plafond ciselé d’une rosace végétale. Tout a été détruit.Lire aussi :Les belles promesses de la France aux archéologues syriens et irakiens« Au delà de l’horreur de la destruction sauvage de vies humaines et de toute leur histoire, la vraie question est vraiment de savoir pourquoi on a laissé faire cela — gouvernement syrien et forces alliées — et s’il y aura une réaction au niveau politique ? », interroge l’archéologue Béatrice André Salvini. La conservatrice en chef du patrimoine, directrice honoraire du département des antiquités orientales du musée du Louvre, exprime ce que pense la communauté internationale scientifique interloquée qui se mobilise.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.08.2015 à 09h08 • Mis à jour le31.08.2015 à 12h01 | Francis Marmande Le jeudi 13 mai 1952, Raymond Borde déniche dans une « gueille » de Toulouse – les puces, à côté, c’est le salon des antiquaires du Louvre –, une copie de The Ring (Alfred Hitchcock, 1927). De cette trouvaille naît la cinémathèque de Toulouse. Recopiant le début de L’Extricable (éditions Joëlle Losfeld, 1963), je me suis trompé la semaine dernière. Raymond Borde n’a jamais écrit : « Nous sommes traversés. Les lendemains qui chantent sont des lendemains qui gueulent. » Il écrit : « Nous sommes transpercés. »Ni fautes de frappe, ni coquilles, jamais : même si vous prétendez, par un bobard comique, vous être assis sur vos lunettes. Il n’y a que des recadrages de l’inconscient. Entre « traversés » et « transpercés », vous avez toute la distance du poïélitique.Jeudi dernier, j’ai lu à haute voix les dix premières pages de L’Extricable. Je les ai lues à Uzeste Musical où jouait Archie Shepp et son carré magique (Portal, Lubat, Luc, Sclavis, Perrone, Minvielle, Corneloup, etc.).Uzeste Musical (Gironde) – comme le festival Météo (Haut-Rhin) –, a le chic de se délivrer du joli mot encombrant de « jazz ». À Météo, James Blood Ulmer, un des derniers bluesmen à n’avoir pas muté, tout en frayant avec l’avant-garde (Ornette Coleman, Julius Hemphill), affiche moins une liberté (ça, c’est pour les nigauds) qu’une humble souveraineté tranchante. Tous les bluesmen auraient fait de même, si l’industrie du disque et du cinéma ne s’étaient chargée de les recadrer (quel joli mot !).Les jeunes musiciennes ne se font aucun mouron. Du moins ont-elles entendu la leçon de James Blood Ulmer. Parfaitement vérifiable à l’écoute de Kid Wise – « indie pop sauvage & juvénile » (clip irrésistible) ; Azaar Boutique, « folklore imaginaire » de Julien Bouttard & Co ; ou encore, Louis Lubat et ses Gojats, « musique sauvagement jazzconcubine ». L’avenir existe. Il est joyeux.Tout l’été, je me suis étonné du nombre de camions anonymes sur les routes. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien contenir ? Des trente-cinq tonnes blancs comme un œuf, immatriculés sur la lune. Maintenant, je sais, même si le camion abandonné avec sa cargaison de réfugiés morts sur une autoroute autrichienne, était du genre décoré. Voir, le même jour, l’artiste néerlandaise Malene Dumas à Bâle, en Suisse, au Bayerleer, ça n’aide pas à être joyeux, mais ça permet de comprendre. Heureusement, Tinguely, toujours à Bâle : « Je veux faire de la mort un jeu vivant. » Trop tard, camarade ?Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Un été indien très jazz à La Villette, la tournée électro-planante d’Archive ou le grand retour de Motörhead : c’est la sélection musicale du Monde.UN ALBUM : « Bad Magic », de Motörhead Il est en couverture du numéro de septembre de Rock & Folk et sujet d’un entretien sur huit pages mené par Philippe Manœuvre, le rédacteur en chef du mensuel musical. Et Lemmy Kilmister, bassiste, chanteur, fondateur de Motörhead et l’une des références du heavy metal britannique depuis 1975, est manifestement en forme après des ennuis de santé à répétition en 2013 et 2014, qui avaient fait craindre à ses fans que le géant vacillait. « Je ne peux plus sautiller sur scène donc d’accord, je ne sautille plus. Mais ma voix est toujours là et mon jeu de basse est toujours là », dit-il. Un rien en deçà de leurs possibilités respectives lors du démarrage des concerts, mais sur disque, Motörhead (avec Phil Campbell à la guitare et Mikkey Dee à la batterie) tient toujours son rang. En témoigne ce Bad Magic tout chaud, puissant, guerrier, qui ne remet pas en cause la formule du groupe : du rock’n’roll sans fioritures, sur tempo rapide. Un 22e album en studio qu’emportent, entre autres propulsions, « Thunder & Lightning », « Shoot Out All of Your Lights » ou « Teach‘Em How To Bleed ».« Thunder & Lightning » par Motörhead, extrait de « Bad Magic » (UDR Music/Motörhead Music)UN FESTIVAL : Jazz à La Villette, du 3 au 13 septembre Chronologiquement, Jazz à La Villette est le dernier festival d’importance de l’été du jazz. Avec plus de 30 concerts, dont certains pour les enfants, répartis, du 3 au 13 septembre, sur plusieurs lieux du parc de La Villette, dans le 19e arrondissement parisien : la Grande Halle de La Villette, les salles de concerts de la Cité de la musique et de la Philharmonie, le Trabendo, le Cabaret sauvage. Et débord vers le cinéma MK2 du proche quai de Seine pour des projections, l’Atelier du plateau et la Dynamo de Banlieues bleues (à Pantin en Seine-Saint-Denis). Parmi les propositions de la manifestation, le saxophoniste Steve Coleman, pour trois concerts du 4 au 6 septembre, chacun avec une formation différente ; l’évocation de Nat King Cole par le chanteur Hugh Coltman (le 5 septembre) ; celle de Nina Simone par, notamment, Camille, Sandra Nkaké, Yael Naim, Sly Johnson et à nouveau Coltman (le 6) ; l’Acoustic Lousadzak du contrebassiste Claude Tchamitchian (les 6 et 7) ; le violoncelliste Vincent Ségal et le joueur de kora – une harpe-luth malienne – Ballaké Sissoko (le 9) ; le trio The Bad Plus qui jouera Ornette Coleman, avec en première partie le Supersonic de Thomas de Pourquery qui jouera Sun Râ (le 12) ; le trio Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier (le 12)…Jazz à La Villette, du 3 au 13 septembre, parc de La Villette et autres lieux. Tél. : 01 44 84 44 84 et 01 40 03 75 75. De 8 euros (programme enfants Jazz For Kids !) à 33 euros.RESERVEZ VITE : Archive visite la France du 14 au 31 octobre Le groupe Archive va passer une partie du mois d’octobre en France, précisément, du 14 au 30, avec son « restriction tour », du nom de son dernier album en date Restriction (PIAS). La formation londonienne, dont la musique emprunte autant au rock planant de la fin des années 1960 et du début des années 1970 qu’à l’électronique la plus en vogue, est attendue dans des salles à la capacité variable, de quelques centaines à moins de deux mille spectateurs jusqu’à des structures de type Zénith (Montpellier, le 17 octobre, Paris les 29 et 30). Plusieurs de ces concerts sont annoncés comme complets (Aéronef, à Lille, le 19 octobre ; La Vapeur, à Dijon, le 22 ; La Belle électrique, à Grenoble, le 23), d’autres pas loin de l’être. L’ensemble des lieux, dates et horaires est présenté sur le site Infoconcert.com et sur celui du producteur Alias.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Sylvain Siclier D’abord publiée, dans la journée du mercredi 23 septembre, sur le site Internet du magazine musical britannique Ultimate Classic Rock puis reprise le matin du jeudi 24 septembre par nos confrères britanniques du quotidien généraliste The Guardian sur son propre site, en dépit d’un embargo avant 16 heures ce jeudi, l’annonce de la publication prochaine d’un important ensemble d’enregistrements de Bob Dylan a été confirmée officiellement, en fin d’après-midi, par la compagnie phonographique Columbia Records, l’un des labels de la major du disque Sony Music. Il s’agira du volume 12 de la collection « The Bootleg Series », consacrée à des enregistrements rares, inédits, parfois disponibles sur des publications pirates (d’où le nom « Bootleg Series ») du chanteur, guitariste, pianiste et auteur-compositeur américain.Intitulé The Cutting Edge 1965-1966, et prévu pour une sortie le 6 novembre, l’ensemble doit regrouper des versions de travail, des versions différentes et des inédits enregistrés en studio par Dylan et ses musiciens lors des séances pour les albums Bringing It All Back Home (mars 1965), Highway 61 One Revisited (août 1965) et Blonde On Blonde (mai 1966). Soit une période comprise entre janvier 1965 et mars 1966 qui aura vu passer Dylan du folk acoustique à une expression électrique.Parmi les raretés attendues par les amateurs sont annoncées les séances de Blonde On Blonde réalisées avec une partie des musiciens du groupe The Band à New York avant que Dylan ne décide de partir réenregistrer certaines chansons avec d’autres musiciens à Nashville.Une édition limitée « ultra de luxe »Cette sortie sera présentée, pour le grand public, sous la forme d’un double CD et d’un triple album vinyle, dans les deux cas avec une sélection de quelques-uns de ces enregistrements, sous le titre The Best of The Cutting Edge 1965-1966. Une version en 6 CD plus complète dite « deluxe edition » sera aussi commercialisée. Enfin la grosse affaire de cette publication prendra la forme d’un coffret de 18 CD, avec notamment toutes les séances qui auront abouti à la création du classique de Dylan Like A Rolling Stone. Mais, précise le communiqué, cette « édition limitée ultra de luxe » ne sera disponible qu’« exclusivement sur Bobdylan.com » et pressée à 5 000 exemplaires pour le monde entier. Avec 379 pistes, un livre de 170 pages, une réédition des 9 disques vinyles 45-tours publiés à l’époque, un certificat d’authenticité… Et la promesse que cet imposant ensemble ne connaîtra qu’une édition (« these will be the only copies of the collector’s edition ever manufactured »). Laquelle est proposée au prix de 599,99 dollars (533,75 euros).Bob Dylan sera en tournée européenne du 1er octobre (à Oslo, Norvège) au 22 novembre (à Milan, Italie). Avec trois concerts en France, deux au Palais des sports de Paris les 18 et 19 octobre et un au Zénith de Rouen, le 3 novembre. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 23.09.2015 à 16h36 • Mis à jour le23.09.2015 à 18h35Alternative aux galeries, l'exposition d'art contemporain en plein air gagne du terrain. Notamment dans l'arrière-pays varois où marchands et collectionneurs dévoilent leurs pièces maîtresses.Par Marion Vignal Sans le code de la grille d'entrée, impossible d'accéder au Domaine des Charles dont les accès bordent la départementale, à la sortie du Muy, entre Draguignan et Fréjus. Il faut ensuite serpenter entre les villas et les piscines pour arriver jusqu'au parc de sculptures ouvert début juillet par le galeriste parisien Jean-Gabriel Mitterrand (neveu de François). Dans les sous-bois encore sauvages, entre les pins et les chênes-lièges, l'œil rebondit sur une grosse pomme dorée de Claude Lalanne, puis sur une fontaine bigarrée de Niki de Saint-Phalle, avant de croiser une silhouette couchée de Xavier Veilhan et une figure noire masquée de Not Vital.  Une quarantaine de pièces dessinent un parcours de 1,5 hectare dans la colline qui fait face à une maison en chantier confiée à l'expertise de l'architecte India Mahdavi. Ouvert sur rendez-vous à un cercle de professionnels et d'amateurs avertis, ce jardin privé se veut une simple vitrine du travail de la galerie Mitterrand. « Si ça peut nous amener du business tant mieux, le modèle de la galerie n'est plus viable, il faut exister autrement, reconnaît le marchand d'art Edward Mitterrand, fils de Jean-Gabriel et directeur artistique du domaine. Nous ne cherchions pas à nous installer dans un lotissement privé, mais ce terrain de 10 hectares nous a plu par son aspect pratique. Nous sommes à 3 kilomètres de l'autoroute, à 45 minutes de l'aéroport de Nice. Pour venir jusqu'ici, il n'y a pas de zones moches à traverser, ce qui était pour nous un critère indispensable. » Question de standing. Edward Mitterrand avance aussi l'atout de la proximité de lieux qui génèrent un nouveau tourisme culturel en Méditerranée : à Marseille, le MaMo (le centre d'art contemporain créé par le designer Ora-Ïto) et le MuCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) ; à Aix-en-Provence, le centre d'art contemporain du domaine viticole Château La Coste ; à Saint-Paul-de-Vence, l'incontournable Fondation Maeght ; sur l'île de Porquerolles, la Fondation Carmignac, dont l'ouverture est prévue à l'été 2016.  La fondation des Mitterrand n'est pas le seul haut lieu de l'art contemporain situé au Muy. Au début des années 1980, le marchand français d'origine napolitaine Enrico Navarra a été la première personnalité de l'art contemporain à s'y installer, au Domaine des Charles. « A l'époque, les terrains n'étaient pas chers du tout, raconte-t-il. La localisation était idéale. » Collectionneurs, hommes d'affaires et célébrités (Bono est un habitué) du monde entier atterrissent sur l'une des deux pistes d'hélicoptères de la propriété pour parler art au bord de la piscine, entourés d'œuvres de Keith Haring ou de Jean-Michel Basquiat, dont Navarra est un des spécialistes.La stratégie d'Enrico Navarra Des rendez-vous sous le soleil de la Méditerranée qui sont au cœur de sa stratégie de marchand au réseau tentaculaire. Sur un terrain attenant à sa propriété, il inaugurera bientôt la Villa Navarra, un bâtiment longiligne au toit en béton fibré conçu par l'architecte Rudy Ricciotti. Le lieu fera office de galerie d'exposition privée et de résidence d'artistes. Bientôt, la Villa Navarra sera surplombée par une autre pièce architecturale. Patrick Seguin, marchand de design réputé, grand ami de Navarra et spécialiste de Jean Prouvé, vient d'acheter le terrain de 40 hectares au-dessus de celui de son ami. Il attend avec impatience l'obtention de son permis de construire pour démarrer le chantier de la maison que lui a dessinée Jean Nouvel. Le galeriste promet un geste architectural fort, dans la tradition des grandes commandes privées. Edward Mitterrand décrypte : « Dans ce milieu, pour exister aujourd'hui, nous devons donner des signes de notre puissance. »  Le sculpteur Bernar Venet rêve lui aussi de marquer magistralement le territoire varois de son empreinte. Après l'ouverture au public de sa Fondation il y a un an, il espère obtenir de la municipalité du Muy un grand terrain vierge sur lequel il pourra créer une pièce de land-art de l'envergure du cratère de James Turrell en Arizona. Pour l'heure, il reçoit avec sa femme Diane dans son jardin, orné de ses grands arcs en acier et de majestueux pins parasols. C'est Enricco Navarra qui l'a convaincu, il y a vingt-six ans de venir s'installer dans la région, à un moment où il cherchait un lieu où entreposer ses monumentales sculptures en acier.“C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde”, Sabine Puget, galeriste Bernar Venet a ainsi acquis un vaste terrain comprenant un ancien moulin et une ancienne usine d'aiguillages de chemins de fer. Le couple en a fait un hymne à l'art contemporain, inspiré du site de Marfa créé par Donald Judd, au Texas. On peut y voir ses œuvres, sa collection d'art minimal, la chapelle dédiée à l'Américain Frank Stella et, en ce moment, deux installations de Jean Tinguely prêtées par le Musée de Bâle. Les œuvres de Bernar Venet sont aussi visibles un peu plus loin : ses sculptures en acier corten font partie des pièces maîtresses de la commanderie de Peyrassol, nichée un peu plus loin sur la N 7, entre Brignoles et Le Luc.  Ce domaine viticole envahi par l'art est l'œuvre de l'homme d'affaires Philippe Austruy. Ce collectionneur organise chaque année début juillet une fête pour ses amis : Bernar Venet et son épouse, les plasticiens Bertrand Lavier et Jean-Pierre Raynaud, l'ancien ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon, ainsi que de nombreux Belges (l'entrepreneur est naturalisé belge et sa femme a sa galerie à Bruxelles) qui apprécient autant l'art contemporain que le rosé provençal. C'est en 2001 que l'entrepreneur est tombé amoureux de cette commanderie templière du XIIIe siècle qu'il ne cesse depuis de restaurer, d'agrandir et d'embellir. Il s'est aussi fait la promesse d'y produire un jour du bon vin. C'est aujourd'hui chose faite. Peyrassol attire tout au long de l'année de nombreux visiteurs — public éclairé comme néophytes — qui viennent découvrir les chais (d'où sortent 450 000 bouteilles par an) et admirer un paysage de vignes surréaliste, ponctué d'œuvres signées César, Adami, Arman, Dubuffet, Tapiès...   Dans ce nouvel écosystème varois qui rassemble collectionneurs, artistes et marchands, on ne s'étonnera pas de croiser quelques architectes-décorateurs et paysagistes-satrs. Pierre Yovanovitch a ainsi passé trois ans à restaurer le château de Fabrègues, situé près d'Aups. L'architecte d'intérieur se concentre aujourd'hui sur les jardins avec l'aide de Louis Benech pour pouvoir ouvrir, un jour, l'extérieur du château au public où sont déjà installées, sans tapage, quelques sculptures acquises auprès de Sabine Puget, sa voisine de Fox-Amphoux. Jouxtée aux murs rouges toscans du château Barras, cette dernière a réussi, en dix ans, à faire de sa galerie une destination prisée des amateurs d'art. « C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde », explique cette ancienne galeriste parisienne. Depuis 2004, elle expose, de juin à octobre, de grandes signatures de l'art contemporain et des artistes de la jeune génération. A l'instar du sculpteur François Veil, « chasseur de pierres » qui assemble des roches et les fait pivoter, transformant le lourd en léger. Les pavillons rouges traversés par les vents, la petite chapelle recouverte de fresques contemporaines, le chêne centenaire qui étale ses branches dans le jardin comme un roi dans son domaine. Tout ici exalte un savoureux parfum de pinède et de sacré. Loin des va-et-vient des yachts et des hélicoptères, l'art murmure ici ses secrets en silence.  Domaine du Muy, jusqu'au 25 octobre, sur rendez-vous. www.domainedumuy.com Fondation Bernar Venet, Le Muy, sur rendez-vous. www.venetfoundation.org Villa Navarra, Le Muy, sur rendez-vous. Tél. : 01-45-61-91-91. Domaine de Peyrassol, Flassans. www.peyrassol.com Galerie Sabine Puget, Fox-Amphoux. www.galeriesabinepuget.com //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/361904', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); }); Collectif Nous, membres du collectif « Informer n’est pas un délit » et Reporters sans frontières (RSF), interpellons le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) parce que nous estimons que le principe d’indépendance éditoriale des médias, pilier de notre démocratie, a été, à de multiples reprises, piétiné par l’actionnaire principal du groupe Canal+, Vincent Bolloré.Le CSA, qui a le pouvoir de protéger cette indépendance, auditionne Vincent Bolloré ce jeudi 24 septembre. Face à l’ingérence de l’actionnaire dans la ligne éditoriale des chaînes du groupe Canal+, il est du devoir du CSA de demander des réponses aux questions essentielles suivantes :1- Pourquoi un documentaire consacré au Crédit mutuel et programmé par Canal+ le 18 mai 2015 a-t-il été censuré ?2- Pourquoi un documentaire inédit sur François Hollande et Nicolas Sarkozy programmé par Canal+ le 28 septembre 2015 vient-il d’être déprogrammé sans motif, et ce, au profit d’un film déjà diffusé ?3- Pourquoi un projet de documentaire sur la BNP Paribas, accepté par le comité d’investigation de Canal+, est-il actuellement « gelé » sur ordre de la direction de Canal+ ?4- Comment justifier qu’un reportage sur l’Olympique de Marseille, diffusé sur Canal+, ait été retiré du site Internet, au motif qu’« on ne se fâche pas avec ses partenaires », selon les propos tenus par Vincent Bolloré le 3 septembre dernier lors du comité d’entreprise ?5- Lors d’une réunion des délégués du personnel du 16 septembre, un membre de la direction, questionné sur les documentaires déprogrammés, a déclaré : « La direction tient avant tout à défendre les intérêts du groupe Canal+ et estime qu’il est donc préférable d’éviter certaines attaques frontales ou polémiques, à l’encontre de partenaires contractuels actuels ou futurs. »6- Allez-vous vous servir de Canal+ pour protéger les intérêts de vos « partenaires contractuels actuels ou futurs » ?7- Les intérêts de votre groupe sont-ils compatibles avec le respect de l’indépendance éditoriale d’un média ?8- Les intérêts du groupe Bolloré touchant de nombreux secteurs, notamment en Afrique, un journaliste de Canal+ ou d’i-Télé pourrait-il, par exemple, travailler en toute indépendance sur la prochaine élection présidentielle ivoirienne ou sur les conditions de travail dans les plantations contrôlées par la holding luxembourgeoise Socfin, dont Vincent Bolloré est actionnaire ?En 2002, sur demande du CSA, Jean-Marie Messier, alors actionnaire de Canal+, avait accepté qu’une charte garantissant l’indépendance éditoriale des chaînes du groupe soit annexée à la convention de Canal+. Aujourd’hui, nous demandons le même engagement à Vincent Bolloré et la même fermeté de la part du CSA.Fabrice Arfi (journaliste, Mediapart), Benoit Collombat (journaliste, Radio France), Christophe Deloire (secrétaire général de Reporters sans frontières), Élise Lucet (journaliste, France 2), Virginie Marquet (avocate). La liste complète des membres du collectif est disponible sur www.rsf.org.Collectif Josyane Savigneau Documentaire sur Arte à 22 h 45 Grâce à de nombreuses archives, la romancière et essayiste Chantal Thomas et son frère Thierry Thomas tracent un portrait éminemment sensible de l’auteur de « Mythologies »Le centenaire de Roland Barthes (12 novembre 1915-26 mars 1980) donne lieu, depuis le début de 2015, à de multiples publications et manifestations, dont fait partie ce documentaire de Chantal Thomas et Thierry Thomas. Le parti pris de ce film réjouira tous ceux qui sont souvent déçus par les documentaires sur les écrivains : peu de paroles de l’auteur, beaucoup de témoignages divers, et, au bout du compte, une impression étrange d’effacement de l’écrivain et de son œuvre.Ici, pour tracer le portrait de celui qui, selon Chantal Thomas, « fut à la fois un maître à penser et un marginal », un seul intervenant, Roland Barthes lui-même, à la télévision, mais aussi chez lui, dans une atmosphère plus intime. Il y a juste, en voix off, quelques propos de Chantal Thomas, pour préciser un repère biographique ou commenter brièvement un livre.En noir et blanc, un Roland Barthes assez timide répond aux questions de Pierre Desgraupes pour « Lectures pour tous ». Images d’une élégance perdue, à la fois du côté de l’intervieweur et de celui de l’interviewé. Une courtoisie d’un autre âge de la télévision. « Souvent j’écris pour être aimé, dit simplement Barthes. Mais on n’est jamais vraiment aimé pour son écriture. » Parlant de Mythologies (1957), le livre qui l’a fait connaître, il évoque le catch : « A une époque, je suis allé très souvent au catch », pour étudier sa chorégraphie, sa « mythologie ». Autre sujet, la DS 19 qui « a fonctionné comme un objet magique ». Mais que venait faire là l’abbé Pierre ? « J’ai essayé d’analyser l’iconographie de l’abbé Pierre. »Tous les entretiens, les plus formels comme les plus décontractés, justifient le sous-titre du film, « Le théâtre du langage », car Barthes rappelle son « obsession du langage » : « Cette obsession s’est exercée à travers des infidélités successives, des systèmes différents. » Avec Roland Barthes, jamais de langue de bois. Il cherche toujours à être précis, il se corrige, il améliore sa phrase. Chantal Thomas souligne, à raison, « sa détestation des stéréotypes, des fausses intelligences ».« Souvent j’écris pour être aimé. Mais on n’est jamais vraiment aimé pour son écriture. » Roland BarthesChez lui, il est détendu, près du piano – « J’adore déchiffrer de la musique ». Il évoque son enfance et son adolescence – «Je n’avais pas de milieu social, je n’étais rattaché qu’à ma mère. » Au lycée Montaigne, petit provincial déplacé, il était malheureux. Mais parce qu’il était « extrêmement sensibilisé au problème du fascisme », il est sorti de son isolement pour fonder, à 19 ans, avec quelques camarades, un groupe antifasciste après les émeutes de février 1934.La fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte sont marqués par la maladie, la tuberculose pulmonaire, et le sanatorium, avec « le tabou de la contagion », mais « l’expérience de l’amitié, l’expérience de la lecture ».Que dirait Barthes, dont Chantal Thomas précise combien il cloisonnait ses amitiés, du XXIe siècle ultra connecté où l’on réagit avant de penser ? Sans savoir ce que serait ce monde-là, il a répondu : « J’ai d’énormes démêlés avec le spontané. Ce que le spontané ramène à la surface, c’est toujours du banal. »A la télévision, fini les confidences musicales et biographiques. Barthes est sommé par Pierre Dumayet de dire ce qu’est un structuraliste : « Quelqu’un qui s’intéresse au fonctionnement de ces objets compliqués que sont par exemple les systèmes de signification. » On pouvait se douter que « ces objets compliqués » appliqués à la littérature n’allaient pas être du goût de l’université d’avant Mai-68. Quand Barthes publie son Sur Racine, en 1963, une polémique s’engage avec Raymond Picard. Barthes lui répond dans Critique et Vérité (1966). « Il fallait empêcher, dit-il, que cette image d’imposture critique puisse se solidifier. »Reconnu et célébréC’est le moment où il se lie avec Philippe Sollers et le groupe Tel Quel. Une amitié forte : « Si Tel Quel n’existait pas, je me sentirais manquer de souffle dans le milieu intellectuel français et parisien. » Roland Barthes a désormais ses soutiens. Il découvre le Japon, et écrit, selon Chantal Thomas « son premier livre heureux », L’Empire des signes. Il rappelle aussi son « attachement très corporel au Sud-Ouest, à sa lumière, ses odeurs », sa maison à Urt, près de Bayonne.Le combat a été rude pour que le 7 janvier 1977 Roland Barthes puisse prononcer sa leçon inaugurale au Collège de France. Personne ne pensait qu’il n’avait plus que trois ans à vivre, il était enfin reconnu et célébré, comme en témoigne son passage à « Apostrophes » pour Fragments d’un discours amoureux. Même si, logiquement, et avec beaucoup de délicatesse, le film va jusqu’à sa mort, on a envie de s’arrêter sur le plateau d’« Apostrophes », où Françoise Sagan écoute avec attention Barthes déclarer : « Je crois que “Je t’aime” veut toujours dire “Aime-moi”. » Roland Barthes (1915-1980). Le Théâtre du langage. Ecrit par Chantal Thomas et Thierry Thomas, réalisé par Thierry Thomas. Sous le même titre, un DVD de l’INA sort le 6 octobre, proposant, outre le film, les interventions de Barthes à la télévision (19,95 euros). Mercredi 23 septembre à 22 h 45 sur Arte.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Edelmann L’immobilier sort-il de la crise, ou bien est-ce plus esthétiquement l’architecture qui échappe aux conflits plombant de façon répétée la liberté créative des maîtres d’œuvre ? Déjà, l’été avait apporté sont lot de surprises avec la remise sur rail du projet Samaritaine conçu par l’agence japonaise Sanaa. La question des tours à Paris restait en suspens, véritable épouvantail des associations. Or Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a obtenu mardi 22 septembre auprès de la Ville de Paris le permis de construire pour son projet de tours Duo conçu par l’architecte Jean Nouvel.Voir le portfolio : Les tours à Paris, attention travaux !Sauf retournement toujours possible, les crispations suscitées par l’émergence de tours dans la capitale semblent s’atténuer. Déjà, le groupe Unibail s’était vu confier le 18 septembre la réalisation des tours Sisters, riches en formes galbées, dessinées par Christian de Portzamparc. Un projet de deux immeubles de grande hauteur (IGH, soit 50 m), qui se substitue à celui de la tour Phare signé par l’architecte américain Thom Mayne. Ce projet devait prendre place entre la Grande Arche et le CNIT, avec ses 300 mètres et 69 niveaux de bureaux, et devenir la plus haute tour de France. Restera à calculer les indemnités de l’architecte américain, lauréat du Pritzker Prize, comme le sont Nouvel et Portzamparc.Lire aussi :La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteLes tours Duo après la tour Phare et les tours Sisters. « La délivrance du permis de construire nous fait entrer dans une nouvelle phase de ce projet enthousiasmant », a déclaré dans un communiqué Meka Brunel, la vice-présidente exécutive pour l’Europe d’Ivanhoé Cambridge. Issues d’une « vision urbanistique réfléchie et concertée » et insérées dans la zone d’aménagement concertée (ZAC) Paris Rive Gauche, elles « apporteront, selon elle, leur pierre au rayonnement de Paris ».Lire aussi :La tour Triangle dans le vent des polémiquesFausses jumellesSituées dans le 13e arrondissement de la capitale, en bordure de la Seine et des voies ferrées, la première tour offrira 39 étages sur 180 mètres et la seconde, 27 étages sur 122 mètres. La destination de ces immeubles de grande hauteur est mixte : d’une part 96 100 m2 de bureaux, de l’autre, sur 12 000 m2, un hôtel, un restaurant bar avec une vue panoramique sur Paris, un auditorium, des commerces, un jardin et des terrasses végétalisées. Ils devraient être en outre les premiers en France à bénéficier du label d’excellence WELL (WELL Building Standard).Evoquant ces tours asymétriques, Jean Nouvel, qui a déjà réalisé à Paris l’Institut du monde arabe, la Fondation Cartier pour l’art contemporain, le Musée du quai Branly et la Philharmonie, parle d’une « composition architecturale lisible ». Malgré les remarques majoritairement négatives formulées par les riverains du quartier Bruneseau, selon les responsables d’associations, la commissaire enquêtrice Marie-Claire Eustache a rendu un avis favorable à la demande de permis de construire. « Le projet de construction des tours Duo soumis à enquête m’apparaît complet et bien maîtrisé dans ses différents aspects et impacts », résume-t-elle.Les crispations suscitées par l’émergence de tours dans la capitale semblent s’atténuerReste à s’interroger sur la valeur des deux ensembles de tours. Les fausses jumelles de Jean Nouvel apparaissent à l’acmé de la dissymétrie, sans la moindre concession à une possible douceur des formes. A l’inverse, le projet Portzamparc mise tout sur les courbes. Deux projets à l’opposé l’un de l’autre… Et qui se défendent par des arguments opposés.Les espaces de bureaux, chez Nouvel, seront « flexibles, adaptés aux nouveaux modes de management et de travail », et offriront « une large gamme de services associés » tels qu’un espace dédié au fitness, précise Ivanhoé Cambridge.Choisi en avril 2012 au terme d’une consultation internationale lancée par la Ville de Paris, Ivanhoé Cambridge est l’investisseur unique de ce projet dont le montant n’est pas divulgué. Il espère commencer les travaux au deuxième trimestre 2016, après commercialisation de la moitié des surfaces de bureaux.Frédéric EdelmannJournaliste au Monde 23.09.2015 à 06h46 • Mis à jour le23.09.2015 à 07h16 | Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jérôme Marin (San Francisco, correspondance) Il n’y a pas que de belles histoires dans la high-tech. La start-up Oyster ambitionnait de devenir le Netflix du livre numérique. Mais deux ans à peine après son ouverture, cette bibliothèque en ligne va bientôt fermer ses portes. « Le service s’arrêtera dans les prochains mois », précisent ses trois fondateurs, dans un message publié lundi 21 septembre sur le blog de la jeune entreprise.Oyster a été lancée en septembre 2013 aux Etats-Unis. Sa promesse : un accès illimité à un catalogue riche d’un million de livres. Pour dix dollars par mois (neuf euros), ses utilisateurs peuvent ainsi lire autant de titres qu’ils le souhaitent, sur leur tablette, leur smartphone ou leur ordinateur.Cette offre illimitée s’inspire du modèle mis en place par Netflix pour les films et les séries télévisées, et par Spotify pour la musique. Ces deux entreprises, leaders sur leur marché respectif, séduisent des dizaines de millions d’utilisateurs dans le monde. De son côté, Oyster n’a jamais véritablement réussi à décoller.La rémunération des auteurs et des éditeurs, un gouffre financierLa société new-yorkaise ne manquait pourtant pas d’ambitions. Elle se rêvait en nouveau Amazon, le géant du commerce en ligne qui a révolutionné le marché du livre avec l’introduction en 2007 de sa liseuse Kindle. « Nous voulons être la société qui va amener les livres numériques à la prochaine étape », lançait encore ses dirigeants en début d’année.Quelques mois après les débuts du service, Oyster avait levé 14 millions de dollars (12,5 millions d’euros) auprès d’investisseurs. Mais les frais engagés par la société, notamment pour rémunérer les auteurs et les éditeurs, ont fait fondre ce pactole. La société ne pouvait plus se permettre d’opérer à perte. « Nous avons réalisé d’importants progrès vers notre objectif de bâtir une manière plus simple de lire », se consolent désormais ses fondateurs.En deux ans, Oyster a en effet réussi à convaincre trois des cinq grandes maisons d’édition de rejoindre sa plate-forme. Mais pas le groupe français Hachette ni son rival anglo-saxon Penguin Random House. En ajoutant les éditeurs indépendants, le nombre d’ouvrages disponibles a été multiplié par dix : de 100 000 au lancement à un million, dont la saga Harry Potter.Prix élevé de l’abonnementCette forte progression masque cependant une importante lacune : les titres les plus récents ne sont pas présents. Consciente des limites de son catalogue, la start-up avait lancé, en avril, une boutique de livres numériques. Celle-ci propose toutes les nouveautés des cinq grands éditeurs.Autre handicap : le prix par abonnement. Dix dollars par mois, c’est un dollar de plus que Netflix, le populaire service de streaming, la lecture sans téléchargement. En moyenne, les Américains lisent une demi-heure par jour, selon les dernières statistiques du département du travail. Mais ils passent près de trois heures devant leur télévision.« Un modèle par abonnement pour les livres numériques n’est pas vraiment intéressant pour une grande partie des lecteurs, note le cabinet Enders Analysis. Les catalogues sont limités et les gens ne lisent pas suffisamment pour rendre ses offres rentables. »Selon Digital Book World, le prix moyen des versions électroniques des ouvrages à succès est inférieur à 7 dollars aux Etats-Unis. Cela signifie que pour rentrer dans ses frais, l’abonné doit lire plus de 17 livres par an. Or, 70 % des Américains lisent moins de 10 ouvrages par an, d’après une étude du Pew Research Center.Concurrence du Kindle Unlimited d’AmazonL’offre illimitée d’Oyster n’était donc intéressante que pour les gros lecteurs. Or, son modèle économique ne pouvait fonctionner que si les abonnés ne consommaient pas trop. La société reverse en effet quelques dollars aux ayants droit à chaque téléchargement. Plus un utilisateur lit, moins il est rentable, car les commissions à payer se rapprochent, voire dépassent le prix de l’abonnement.La situation était d’autant plus compliquée qu’Amazon a lancé un service concurrent en juillet 2014, baptisé Kindle Unlimited. Le géant du commerce en ligne est le leader incontesté du livre numérique. Sa bibliothèque numérique comptait en mai plus de dix fois le nombre d’abonnés d’Oyster, d’après les estimations du cabinet de recherche Codex Group.Dans leur message, les trois fondateurs d’Oyster évoquent « de nouvelles opportunités pour que [leur] vision se matérialise ». Cela se fera peut-être chez Google, qui a recruté une partie des équipes de la start-up. Selon le site spécialisé Recode, les fondateurs ont aussi rejoint la société de Mountain View. De quoi alimenter les spéculations sur l’arrivée d’une offre d’abonnement sur Google Play Books, sa librairie numérique.Jérôme Marin (San Francisco, correspondance)Journaliste au Monde 22.09.2015 à 19h15 • Mis à jour le23.09.2015 à 09h26 | Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau et Marie-Aude Roux C’est parti ! La 3e Scène, espace numérique dédié à la création, mis en place par l’Opéra national de Paris, a ouvert mardi 15 septembre. Déjà en ligne, une vingtaine de petits films, signés par le gratin de la création contemporaine comme le plasticien Xavier Veilhan ou le cinéaste Mathieu Amalric, sont visibles. Cette plateforme au budget annoncé de deux millions d’euros, dont 50 % proviendraient du mécénat – l’un des partenaires, Van Cleef & Arpels, apparaît ainsi en première page sur le site –, est gratuite.A l’instar des deux autres scènes que sont l’Opéra Bastille et le Palais Garnier, ce troisième plateau entend défendre le lyrique et le ballet même si la danse domine largement pour le moment – un seul film est consacré au chant. Un déséquilibre prévisible : sous la houlette de Benjamin Millepied, directeur du ballet de l’Opéra de Paris, cette opération d’envergure a été confiée à Dimitri Chamblas, danseur et producteur, l’un de ses amis, comme le chorégraphe Boris Charmatz, depuis leur adolescence au Conservatoire de Lyon. Le profil et le parcours de Chamblas, interprète chez Mathilde Monnier par exemple, puis initiateur de sociétés de production comme Same Art, correspondent parfaitement à cette ligne numérique.Un espace vierge pour croiser les pratiquesLe parti-pris est clair : pas question d’être le porte-voix en images des spectacles d’opéra et de danse à l’affiche mais de dégager un espace vierge pour croiser les pratiques. Consommation Internet oblige, cette vitrine élégante et léchée fait dans les formats courts, l’esthétique clippée. Des cinéastes, des écrivains (bientôt Eric Reinhardt), des photographes (Denis Darzacq dans une série sur le handicap revu par les danseurs, peu convaincante), des plasticiens (Julien Prévieux, Prix Marcel Duchamp 2014) sont invités à poser leur regard sur la danse, au sens large, et plus précisément sur le ballet de l’Opéra de Paris.Ce qui provoque parfois des chocs finement dosés. Etoiles, I see you, une vidéo réalisée par Wendy Morgan avec le danseur de hip-hop américain Lil Buck – qui a, par ailleurs, participé à une pub pour les vêtements Rag & Bone avec Mikhaïl Baryshnikov –, réussit à tisser un lien léger et vif avec les peintures des étoiles historiques en médaillons sur le plafond du Foyer de la danse.Série d’hommages à chaque étoileValoriser les deux lieux-phares que sont le Palais Garnier et l’Opéra Bastille est au cœur de nombreuses productions. Si certains endroits sont connus comme les toits de Garnier et ses studios de répétitions, d’autres ne le sont pas du tout. Excitation de plonger, par exemple, dans ses sous-sols, avec ses incroyables cuves d’eau sombres, dans le cadre du film du plasticien Xavier Veilhan, Matching Numbers. Enigmatique, palpitante dans sa fluidité, cette déambulation, qui s’ouvre sur une meute de chiens de chasse menée par la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, envoûte avec son long ballet de machinerie-lumière devant la salle de l’Opéra Bastille vide.Cette inscription dans l’architecture, par ailleurs un motif classique de nombres de films de danse depuis quelques années, sert de cadre en or pour les danseurs de la troupe. La série d’hommages à chaque étoile signée par Millepied lui-même, fait dans la virgule (une minute et quelque) et donne envie d’y revenir. Atmosphérique, le portrait de Laura Bachman par Arnaud Uyttenhove s’amuse à incruster des archives de la télé japonaise sur Laura enfant et opère un hiatus malicieux. Nettement plus faible, le film de Rebecca Zlotowski avec l’actrice Kate Moran véhicule non seulement les clichés de l’autoritarisme des maîtres de ballet mais dérape dans une séance de spiritisme qui tombe comme un cheveu sur le chausson.L’opéra, grand oubliéMais l’opéra est le grand oublié de la 3e Scène. Une seule vidéo pour la voix, au titre idoine : C’est presque au bout du monde (le début de Youkali, le tango de Kurt Weill chanté à la fin). Mathieu Amalric a filmé comme un documentaire animalier – et c’est la partie la plus intéressante – le travail du son dans le corps d’une soprano. Entre douleur et jouissance, la mise en vibration, la lente (et pénible) ascension vers les aigus, bouche fermée, avant l’explosion de victoire : LA note puissamment projetée.Amateurs de la Castafiore, il faudra attendre : la belle Barbara Hannigan est l’une de nos chanteuses les plus fréquemment déshabillées sur une scène. Et pour cause, cette immense artiste possède un corps de rêve comme en témoignent quelques incrustations de la Lulu (de Berg) mise en scène par Krzysztof Warlikowski. En pointes et tutu (impossible de ne pas penser à Natalie Portman dans le Black Swan, de Darren Aronofsky), la blonde Canadienne y incarne en effet une… ballerine.Marie-Aude RouxJournaliste au MondeRosita BoisseauJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Le Syndicat national de l’édition (SNE) a trouvé son héraut. Richard Malka, 47 ans, avocat de Charlie Hebdo, et auteur, à ses heures perdues de bandes dessinées, vient d’écrire pour le compte du syndicat, une plaquette percutante pour la défense du droit d’auteur, tel qu’il est défini aujourd’hui en France et au sein de l’Union européenne (UE). Ce matin, dès potron-minet, le bouillonnant juriste était déjà sur les ondes de France Inter, pour développer la panoplie de ses arguments contre la réforme voulue par la Commission européenne.Lire aussi :Touche pas à mon droit d’auteur !La plaquette s’intitule La gratuité, c’est le vol, reprenant le titre d’un rapport de Denis Olivennes, quand patron de la FNAC. Ce dernier réaffirmait son opposition à une culture gratuite, favorisée par Internet. Et pose ouvertement la question « 2015 : la fin du droit d’auteur ? » Deux menaces sont pointées : un projet de loi de la secrétaire d’Etat, chargée du numérique Axelle Lemaire et la réforme de la directive de 2001, régissant le droit d’auteur au sein de l’UE, notamment à partir des propositions faites par Julia Reda, l’unique députée européenne membre du Parti des pirates allemand qui a été chargée, en février, d’un rapport préparatoire sur le sujet.« Un mirage de la modernité »En un peu plus de 30 000 signes, Richard Malka argumente pour expliquer que « la remise en cause du droit d’auteur serait un mirage de la modernité ». Avec les projets de réforme en cours, le principal risque encouru par les auteurs est de voir leur rémunération être déconnectée à terme de leur travail, le succès d’un livre ne servant plus de valeur étalon. « C’est la menace du retour à l’Ancien régime où le bon vouloir du roi est remplacé par celui des grandes entreprises du Net : Google, Amazon, Apple. »Pour résumer ce que plaide M. Malka, il ne faut pas oublier que c’est l’émergence à la fin du XVIIIe siècle du droit d’auteur qui a permis aux écrivains de vivre de leur plume.Imprimée par le SNE, tirée à 50 000 exemplaires, la plaquette sera distribuée gratuitement (un paradoxe seulement en apparence) en librairie, à compter du jeudi 10 septembre. Ces derniers n’ont reçu aucune consigne particulière, mais libraires et éditeurs sont considérés par le SNE comme les intermédiaires les plus efficaces et le plus neutres pour garantir le succès d’un ouvrage.Par cette campagne, l’objectif est d’atteindre les clients des librairies, un public a priori déjà acquis, mais au-delà de faire prendre conscience des enjeux économiques qui sous tendent cette question et d’atteindre le grand public.Des exceptions dangereusesPour sensibiliser Bruxelles, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et surtout les services du commissaire européen chargé de créer un marché unique numérique, l’Estonien Andrus Ansip, le texte a été traduit en anglais « 2015 : the end of copyright ? Taking for free is stealing » et est disponible en version numérique, dans les deux langues sur le site auteursendanger.fr.Le SNE n’a, en revanche, pas été suffisamment réactif et il existe déjà d’autres sites « auteurs en danger » construits par les partisans du Net et de la gratuité et qui se moquent de l’initiative des éditeurs.Dans son texte, Richard Malka liste toutes les exceptions au droit d’auteur, contenues dans le projet de directive européenne et qui, si d’aventure étaient validées, conduiraient à vider le droit d’auteur de sa substance. Plusieurs exceptions partent d’intentions louables, comme l’exception pédagogique ou la possibilité pour les bibliothèques de procéder à des prêts numériques. Mais mal conçues ou mal cadrées, elles seront de véritables aspirateurs à contenu. D’autres, comme l’exception « data mining » (fouille de texte) ou celle du « fair use » sont directement importées des Etats-Unis et viennent des pratiques défendues par Google, Apple, Facebook ou Amazon (GAFA).Risques de censureMais il existe un deuxième axe sur lequel Richard Malka, avocat habitué à défendre les libertés publiques, révèle les aspects très néfastes des réformes en cours : des risques de censure, liées aux chartes édictées par les GAFA. Ainsi le livre pour enfants T’Choupi part en pique-nique (de Thierry Courtin, Nathan, 1999) a été censuré par Apple en raison du caractère « pornographique » de son titre.De même dans le cadre de l’application Izneo (qui rassemble la majeure partie de la production de BD française en numérique) un ouvrage de Lucky Luke a été interdit en France, car les personnages noirs étaient représentés avec des lèvres charnues.Richard Malka pose publiquement la question : avec ses chartes, Les Versets sataniques de Salman Rushdie, publiés en 1988, l’auraient-ils été aujourd’hui, sans avoir subis au préalable, les ciseaux d’Anastasie ?Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55f1b222bc873'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\n\u00ab 14 juin 2015. 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La Toilette \u2013 Vaisselle \u2013 Lessive non potable. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © LAURA GENZ\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab 5 juillet 2015. La Toilette \u2013 Vaisselle \u2013 Lessive non potable. \u00bb","source":"\u00a9 LAURA GENZ","index":3,"position":4,"total_count":10,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/09\/10\/dessins-de-refugies-par-laura-genz_4751690_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 10\r\n \r\n \r\n\u00ab 9 juillet 2015. Ils ont \u00e9vacu\u00e9 (Mairie \u2013 OFPRA \u2013 Emma\u00fcs). \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © LAURA GENZ\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab 9 juillet 2015. 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En Angleterre, le street artiste Banksy, originaire de Bristol, a ouvert, fin août, un parc d’attractions grinçant, Dismaland, à une trentaine de kilomètres de sa ville natale, en bord de mer, à Weston-super-Mare. On n’y voit pas que le carosse de Cendrillon accidenté. Dans la forteresse décrépite, le visiteur est accueilli par les forces de l’ordre, et il découvrira une barque remplie de passagers…Le réalisateur italo-américain Jonas Carpignano, 31 ans, a eu l’idée de reconstituer l’odyssée de deux jeunes africains en direction de l’Italie du Sud, où les attendent des patrons exploiteurs, le racisme, mais aussi heureusement quelques signes d’hospitalité. Révélé à Cannes, en mai 2015, Mediterranea, ce premier long-métrage inspiré d’histoires vécues est sorti en salles, en France, depuis le 2 septembre. Ce sont aussi les images « profondément choquantes des migrants de Lampedusa », nous dit Etienne Daho, qui ont donné naissance à Un nouveau printemps, l’un des titres de son dernier album, Les chansons de l’innocence retrouvée (EMI). « Ces jeunes gens, ces familles…, la détresse qui les contraint à quitter leur pays d’origine, quitte à trouver à leur arrivée, s’ils ne se noient pas, un rêve de liberté et de dignité en miettes », écrit le chanteur dans un court message.La colère s’exprime, aussi, à coup de déclarations tonitruantes : le chanteur irlandais Bob Geldof, interrogé sur la radio irlandaise RTE, s’est dit prêt à accueillir « trois familles immédiatement » dans son logement dans le Kent, et une autre dans son « appartement à Londres ». Evoquant les photos du petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque, il a déclaré : « Je les ai regardées avec un sentiment profond de honte et de trahison, par rapport à ce que nous sommes et à ce que nous souhaiterions être (…) C’est l’échec de ces politiques qui a conduit à ce déshonneur », a-t-il ajouté, dénonçant l’action des gouvernements européens. La star allemande Til Schweiger, comédien et réalisateur, a annoncé qu’il créait une fondation pour ouvrir en Basse-Saxe un foyer de premier accueil… Trois pétitions en FranceOn n’en est pas là, en France, mais pas moins de trois pétitions circulent. Publié dans le Journal du dimanche, le 6 septembre, un appel a été initié par l’humoriste Alex Lutz, regroupant soixante-six personnalités – Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Isabelle Adjani, Elsa Zylberstein… Ces artistes s’engagent à donner un cachet, ou plus, soit le salaire versé pour une représentation, à des associations soutenant les réfugiés (Cimade, France Terre d’asile…). « Il ne s’agit pas de dire “We are the World” », prévient Alex Lutz, qui transmet un sobre communiqué annonçant la création de l’association « Une main tendue, un cachet solidaire » : « Les signataires revendiquent le droit d’asile dans les pays en paix pour les victimes de la guerre et de la barbarie humaine », lit-on.Par ailleurs, des cinéastes et comédiens français, tels Arnaud Desplechin, Emmanuelle Béart, se sont ralliés à la pétition des « Filmmakers » lancée à l’échelle européenne, intitulée « For a Thousand Lives : Be Human », réunissant Jean-Pierre et Luc Dardenne, Isabella Rossellini, Cristian Mungiu, Aki Kaurismäki…En France, les artistes et les citoyens ont un « terrain » de choix, si l’on peut dire, pour apprécier l’accueil réservé aux réfugiés : depuis des mois, des centaines d’hommes et de femmes venus d’une douzaine de pays sont regroupés dans le nord de la capitale. C’est là que la mobilisation a commencé. Au début de l’été, une « lettre ouverte » à la maire de Paris, la socialiste Anne Hidalgo, a été publiée dans Télérama, le 9 juillet, dénonçait le sort des centaines de réfugiés qui « survivent » et « dorment encore sur les trottoirs de notre capitale ». Autant dire que le texte a fait sursauter la gauche. Il est signé par les comédiens Juliette Binoche, Omar Sy, les réalisateurs Michel Hazanavicius, Claire Simon, Laurent Cantet, Bruno Podalydès, Rithy Pahn, mais aussi l’écrivaine Virginie Despentes, les metteurs en scène Stanislas Nordey, Ariane Mnouchkine, la chanteuse Elli Medeiros, le groupe I AM, etc. Des « grands noms » pour les médiasUne autre lettre, celle des « 222 » a été lancée par des cinéastes qui soutenaient en simples citoyens les réfugiés regroupés à l’époque sous le métro aérien de La Chapelle − qui donnera son nom au collectif « La Chapelle en lutte ». Citons, entre autres : Valérie Osouf, auteure du documentaire L’Identité nationale (2013) ; Valérie Massadian, réalisatrice de Nana, Léopard d’or du premier film au Festival de Locarno, en 2011 ; Simone Bitton (Le Mur, sélectionné à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs, en 2004) ou encore Christophe Ruggia (La Tourmente, 2012). Très vite, ils en sont venus à cette conclusion : pour sensibiliser les médias, il faut des « grands noms ». « On a monté la pétition en 48 heures, on était agréablement surpris. Ariane Mnouchkine a répondu en cinq minutes, l’écrivaine Annie Ernaux aussi », raconte Christophe Ruggia, très impliqué dans le combat des personnes sans-papiers. L’enjeu, c’est aussi l’application du droit : « Il existe un texte qui s’appelle la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Juridiquement, aujourd’hui, l’Etat est en infraction », explique Valérie Massadian.Quelle triste image de Paris, déplorent-ils dans cette lettre ouverte : « Une femme enceinte, ayant quitté un centre de rétention pour accoucher à Lariboisière, a dû retourner à la rue avec son nourrisson de deux jours ». Début juin, ajoutent-ils, les réfugiés qui campaient sous le métro aérien ont été dispersés « dans une extrême violence par les forces de l’ordre ». Y a-t-il un directeur de lieu culturel qui pourrait accueillir les réfugiés ?, a lancé Valérie Osouf, sur sa page Facebook. Le 23 juin, trois membres du Collectif sont allés frapper à la porte du Centquatre, l’établissement artistique tout proche, dans le quartier Stalingrad. Le directeurJosé Manuel Gonsalves était absent ce jour-là, et son équipe a expliqué le protocole : l’occupation du Centquatre ne peut se faire qu’avec l’accord de la Ville de Paris, qui finance le lieu… La délégation a fait demi-tour. Halte à l’erranceDepuis trois mois, au total, les réfugiés ont été délogés une dizaine de fois, de la Halle Pajol, du jardin d’Eole, du square Jessaint, etc, en vue d’être admis dans des centres d’hébergement – la Ville de Paris parle de « mises à l’abri humanitaires » et souligne que 1 400 migrants ont été pris en charge depuis le 2 juin.Halte à l’errance, disent les artistes : la revendication principale des « 222 » est l’ouverture, à Paris, d’une Maison des migrants, qui serait « un sas entre l’arrivée en France et le placement des réfugiés dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ». Valérie Osouf s’explique : « La Mairie de Paris et les pouvoirs publics continuent à atomiser les exilés un peu partout en Île-de-France, dans des centres d’hébergement d’urgence inadaptés. C’est une stratégie d’invisibilisation. A contrario, nous souhaitons les rendre visibles et leur permettre, ensemble, d’accéder à leurs droits. Les réfugiés doivent pouvoir bénéficier d’un diagnostic médical, d’une orientation juridique, de cours de français, de formations professionnelles, et être acteurs de leurs parcours. Si ces hommes et ces femmes ont pu faire mille bornes à pied, ils sont capables de prendre leur destin en main ! ».Le 15 juillet, Anne Hidalgo répondait aux artistes dans le même hebdomadaire, sur l’air de « vous vous trompez de cible ». La politique de l’asile est « de la compétence de l’Etat », souligne-t-elle, et non de la ville. Les violences policières ? « J’ai condamné toute utilisation de la violence lors des évacuations des migrants », ajoute-t-elle, assurant les signataires de son « soutien ». La mobilisation des artistes, même critique, est précieuse pour la maire de Paris, car il y a une bataille à mener pour sensibiliser une opinion frileuse. Anne Hidalgo avait plaidé, elle aussi, en faveur de la création d’un grand centre d’accueil. Mais elle n’a pas été entendue, l’Etat redoutant « un Sangatte dans la capitale », explique son entourage.Besoin d’un lieuDepuis fin juillet, quelque trois cents réfugiés occupent le lycée Quarré – désaffecté, qui deviendra à terme une médiathèque – situé près de la place des Fêtes (Paris 19e), avec l’accord de la Ville. « Nous allons transformer le lycée Quarré en centre d’hébergement temporaire. Nous pouvons effectuer les travaux de sécurité en site occupé, sans évacuer les réfugiés », confirme Bruno Julliard, premier adjoint de la maire de Paris, chargé de la culture.Le lycée Quarré va-t-il devenir le symbole de la lutte, comme l’église Saint-Bernard le fut pour le combat des « sans-papiers », en 1996, dans le quartier de la Goutte-d’Or, en présence d’Emmanuel Béart et d’Ariane Mnouchkine ? Car une lutte a besoin d’un lieu. Certes, Saint-Bernard renvoie à une autre époque : la droite était au pouvoir, et les artistes faisaient figure d’alliés avec la gauche dans l’opposition. Ensuite, les réfugiés ne sont pas les sans-papiers : les premiers viennent tout juste d’arriver, sont encore traumatisés par leur périple et n’ont pas forcément envie d’affronter les forces de l’ordre ; les seconds sont installés en France, paient des impôts, sont prêts à se battre pour leurs droits. Mais les réfugiés de 2015 ont retenu la leçon de Saint-Bernard. Ils ont beau avoir été ballottés ici et là, le collectif a conservé le même nom, pour le symbole : « La Chapelle en lutte ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.09.2015 à 15h58 • Mis à jour le10.09.2015 à 11h54 | Frédéric Potet Ce n’est pas tous les jours qu’un auteur de bande dessinée, et même un auteur tout court, décide de faire mourir symboliquement une partie de ses personnages pour les besoins d’une histoire. Zep l’a fait. Afin de dénoncer le drame des réfugiés en Europe, le dessinateur et scénariste suisse a publié mercredi 9 septembre sur son blog (hébergé par Lemonde.fr) une longue page bouleversante où son héros Titeuf se retrouve plongé dans une situation de guerre puis de fuite. En décalage total avec le ton humoristique et potache de la série, la violence des scènes représentées a marqué les internautes qui ont beaucoup fait circuler cette page sur les réseaux sociaux.Lire le post de blog : Et la guerre surprit Titeuf au petit-déjeunerTout est parti d’un mail, envoyé lundi soir par la rédaction du Monde à plusieurs de ses dessinateurs-blogueurs leur demandant de réfléchir à un traitement de l’actualité liée à l’arrivée massive de migrants en Europe. « J’ai commencé les premières cases en dessin automatique. Le reste de l’histoire est venu d’une traite », raconte le Grand Prix d’Angoulême 2004, en confiant toutefois avoir dessiné cette séquence « en tremblant » et avec « la gorge serrée ». « Ces scènes n’ont pas été faciles à dessiner »La mort – symbolique, répétons-le – de ses personnages paraîtra sans doute insupportable aux yeux de ses plus jeunes lecteurs. Dès la troisième case, Titeuf voit ainsi son père enseveli sous les gravats après un bombardement. Son copain Manu est abattu sous ses yeux peu de temps après par un sniper. Sa maîtresse d’école est tuée sur le coup après que le bus scolaire eut sauté sur une mine. Toute aussi intenable est la fin de l’histoire où Titeuf, essayant de passer une frontière infranchissable, ne parvient pas à s’échapper d’un entrelacs de fils barbelés.« Ces scènes n’ont pas été faciles à dessiner, mais je crois qu’il fallait le faire. Je me suis dit que la mort de personnages familiers toucherait davantage que les images de réfugiés qui passent en boucle à la télé et qu’on ne veut pas regarder en raison de notre incroyable capacité au cynisme. »Zep n’a pas hésité, du coup, à bousculer une campagne de promotion battant son plein pour la sortie du tome 14 de Titeuf (Bienvenue en adolescence !, Glénat, 9,99 euros). Parmi les innombrables messages reçus sur son blog, plusieurs viennent d’enseignants demandant à pouvoir utiliser cette histoire pour évoquer en classe un drame qu’ils disent avoir du mal à aborder devant leurs élèves. « Bien sûr qu’ils le peuvent. Cette page est là pour tourner », appuie Zep qui se dit d’ailleurs prêt à l’offrir, pour sa communication, à une ONG travaillant en Syrie : « Si elle peut déclencher des choses, comme l’a fait la photo du petit garçon sur la plage, alors tant mieux. Ces gens en fuite [les réfugiés] ne sont pas des criminels. Ils ne viennent pas faire du tourisme en Europe. Ils appellent au secours. » Jeudi, journée spéciale sur Le Monde.fr #JourdemigrantsJeudi, la rédaction du Monde se mobilise avec près de trente reporteurs, en France, en Europe, en Afrique. De la frontière tuniso-libyenne à la gare de Munich, en Hongrie, en Macédoine ou sur l’île grecque de Lesbos, à Paris, à Lyon, à Marseille ou à Toulouse, ils décriront une journée parmi d’autres dans la vie de migrants.Retrouvez ces histoires, ces témoignages et les décryptages de nos journalistes lors de cette journée spéciale, dès 8 heures, jeudi 10 septembre, sur le live du Monde.fr, où nous répondrons également à vos questions, et sur Twitter et sur Instagram, avec le mot-clé #Jourdemigrants.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.09.2015 à 11h39 • Mis à jour le09.09.2015 à 15h29 | Alain Beuve-Méry Les jurés du prix Renaudot, présidé cette année par Jean-Noël Pancrazi, ont dévoilé, mardi 8 septembre, leur première sélection de dix-huit romans et huit essais pour les deux prix qu’ils remettront, le 3 novembre, et qui sont toujours annoncés dans la foulée du prix Goncourt, sur les premières marches de l’escalier, conduisant aux salons privés du restaurant Drouant à Paris, où les membres du jury délibèrent.Lire aussi :Angot, Enard et Liberati sur la liste du prix GoncourtLa liste des romans sélectionnés pour le prix Renaudot est un peu plus originale et diversifiée que celle du Goncourt, rendue publique, jeudi 3 septembre. Elle comprend aussi trois titres de plus. Trois valeurs sûres de la rentrée figurent sur les deux listes : Delphine de Vigan, avec D’après une histoire vraie (JC Lattès), Simon Liberati, pour Eva (Stock) et Boualem Sansal, auteur de 2084 (Gallimard). Mais Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion) ne figure pas dans la sélection du Renaudot.Ils ont, en revanche, retenu La Septième fonction du langage, de Laurent Binet, prix du roman FNAC et boudé par les Goncourt. De même, ils ont choisi Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig, aussi publié chez Grasset.Outre le Delphine de Vigan, ce jury qui ne comprend qu’une femme, Dominique Bona, sur ses dix membres, n ’a repéré que deux romans écrits par des femmes : Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L’Olivier) et Juste avant l’oubli, d’Alice Zeniter (Flammarion).Les Renaudot ont aussi distingué deux premiers romans : La Cache, du journaliste Christophe Boltanski (Stock) et Les Désœuvrés, d’Aram Kebadjian (Seuil).Plusieurs habitués des prix littérairesOn trouve aussi, dans la liste du Renaudot, plusieurs romanciers habitués des sélections des prix littéraires : Yves Bichet, avec L’Eté contraire (Mercure de France), Eric Holder, pour La Saison des bijoux et Cherif Madjalani, avec Villa des femmes, tous les deux au Seuil, Philippe Jaenada, présent avec La Petite Femelle (Julliard) et le belge Patrick Roegiers qui parle du frère d’un de ses illustres devanciers, L’autre Simenon (Grasset).Sont aussi retenus : Frank Maubert, avec Les uns contre les autres (Fayard), Jérôme Leroy, auteur de Jugan (La Table ronde) et Arnaud Leguern pour Adieu aux espadrilles (Le Rocher) Enfin, les jurés ont repêché un titre paru en mars, Ann, de Fabrice Guenier (Gallimard).Pour son prix Essais, le jury Renaudot a choisi deux titres parus à L’Iconoclaste qui fait, cette année, une rentrée très forte et originale : Il s’agit de Victor Hugo est mort, de Judith Perrignon et 1001 morceaux, de Jean-Michel Ribes. Ils ont aussi distingué La Piste Pasolini, de Pierre Adrian (Les Equateurs) et Retour à Duvert, de Gilles Sebhan (Le Dilettante).Serge Bramly est nommé pour La Transparence et le reflet (JC Lattès), ainsi que Patrick Besnier, auteur d’une biographie d’Heny de Régnier. Enfin, l’écrivain et dessinateur Frédéric Pajak est distingué pour Manifeste incertain 4 (Noir sur blanc) et Sony Labou Tansi clôt la sélection avec Encre, sueur, salive et sang (Seuil).Quinze maisons d’éditionDans ses sélections, le jury du Renaudot distingue quinze maisons d’éditions différentes, des traditionnelles Le Seuil (4 titres), Grasset (3 titres), Gallimard, Fayard, JC Lattès, Stock (2 titres), mais aussi des plus petites : L’Iconoclaste (2 titres), Les Equateurs, ou Le Dilettante, par exemple. En revanche, aucun titre d’Albin Michel ou d’Actes Sud ne figure dans les listes du Renaudot.Les deux prochaines sélections auront lieu les 6 et 27 octobre. En 2014, David Foenkinos avait été couronné pour Charlotte (Gallimard).Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.09.2015 à 06h50 18.09.2015 à 11h38 • Mis à jour le18.09.2015 à 12h06 Les inscriptions, dont certaines à caractère antisémite, sur Dirty Corner, la sculpture monumentale d’Anish Kapoor installée dans le parc du château de Versailles, vont être effacées « sous le contrôle de l’artiste », a annoncé l’établissement public.Surnommée « le vagin de la reine », la sculpture de 60 mètres de longueur à la connotation sexuelle évidente, a été vandalisée trois fois depuis juin, dont deux ces dernières semaines.L’artiste britannique d’origine indienne avait d’abord demandé à ce que les insultes antisémites ne soient pas retirées, car il estimait que désormais « ces mots infamants font partie » de l’œuvre. Il avait ensuite nuancé son propos, en disant qu’il « avait besoin de temps pour décider de les effacer ». Finalement, elles seront « dissimulées ».Le plasticien avait demandé à l’Etat, le 12 septembre, d’assurer la sécurité de sa sculpture jusqu’à la fin de son exposition au château de Versailles, le 1er novembre, et que les auteurs des dégradations soient retrouvés et poursuivis.Lire aussi :Enquête à Versailles après une troisième dégradation de l’œuvre d’Anish Kapoor 18.09.2015 à 10h07 • Mis à jour le21.09.2015 à 11h46 | Emilie Grangeray Elle a écrit un roman et une enquête. Lui les a mis en musique. “Les gens dans l’enveloppe” est né de la curiosité d’Isabelle Monnin pour un lot de photos de famille achetées sur eBay qu’Alex Beaupain a ensuite raconté en chansons. Interview croisée de ces deux amis d’enfance. A découvrir : quatre titres inédits de l’album.Qu’est-ce qui vous a pris d’acheter 250 photos sur Internet ?Isabelle Monnin : La réponse est terriblement banale. Parce qu’elles étaient à vendre ! Je venais de dîner chez un ami qui possède des photos amateurs, apprenant ainsi que des gens vendent des photos et qu’on peut les acheter. Le lendemain, je tape « photos de famille » sur eBay et tombe sur un lot de Polaroid vendu par un brocanteur. Je les achète sans savoir alors ce que j’en ferai. Sauf que je les aime tout de suite, parce que je les trouve familières, authentiques et fragiles, comme le sont les photos de famille.Comment est né le livre ?I.M. : Un an après l’achat, en mai 2013, j’ai l’idée, au réveil, de raconter la vie de ces gens. Et je sais faire deux choses : inventer (c’est mon côté romancière) et enquêter (dix-sept ans de journalisme). Je décide donc d’imaginer leurs vies à partir des photos puis, une fois le roman terminé, de les retrouver.Le roman terminé, vous dites avoir eu du mal à vous mettre à l’enquête, pourquoi ?I.M. : Commencer une enquête, c’est toujours compliqué, même si, dans le cas précis de ce livre, ce n’est pas une véritable enquête journalistique car je n’ai rien vérifié de ce qui m’a été dit. Il y avait aussi une incertitude mêlée à une certaine peur : allais-je retrouver les gens des photos et n’allaient-ils pas m’opposer un refus ? Enfin, cela signifiait aussi quitter mes personnages, et peut-être n’étais-je pas pressée de le faire. Roman, enquête, chansons : c’est un livre hybride ?I.M. : C’est vrai que j’ai l’impression d’avoir inventé quelque chose qui n’existait pas encore. Pourtant, j’avais très peur du côté gadget, ludique, couteau suisse. Pour moi, il s’agissait vraiment d’explorer les différents types de narration, et le disque qu’Alex a composé raconte aussi mes personnages. Il a même lu entre les lignes ce que je n’avais pas écrit.Alex Beaupain : Enthousiasmé par le projet d’Isabelle, je lui ai proposé d’écrire les chansons. Ce que j’ai fait en une semaine, lors de vacances que nous avons passées ensemble dans le Lubéron.Les gens des photos viennent de Clerval, à 60 kilomètres de Besançon où vous avez grandi tous les deux. Coïncidence ?A.B. : Sans tomber dans le mysticisme, c’est extrêmement troublant. Je pense que cela évoquait des choses de notre enfance, des paysages familiers, une espèce de mémoire souterraine.I.M. : Alex et moi venons du même monde. Nous partageons les mêmes codes, le rire, le chant, la table, mais aussi le goût de l’effort, la foi en l’éducation et la culture, et, en effet, ce sont des gens qui nous sont familiers. Ainsi, la Mamie Poulet de mon livre ressemble à ce que fut ma grand-mère. Dans le livre, vous évoquez votre sœur disparue : « Comme chaque fois qu’il m’arrive quelque chose d’important, je parlerai à ma sœur. C’est comme ça, elle et moi. Sa mort n’y change rien. » C’est finalement un livre très personnel.I.M. : Cela s’est imposé. Je ne savais pas quelle forme prendrait le récit de l’enquête. J’ai vite compris que c’était moralement compliqué de raconter des gens en me planquant, moi. J’ai donc décidé que le journal d’écriture dans lequel je prenais des notes pour moi deviendrait le texte. Lequel devient donc plus intime.L’envie de garder un lien avec les disparus traversait vos précédents livres « Les Vies extraordinaires d’Eugène » et « Daffodil Silver ». Les romans permettent-ils de lutter contre l’oubli, de ressusciter les absents ?I.M. : C’est vrai, c’est une obsession tout autant qu’une angoisse, j’imagine. Il est bien entendu vain de croire que l’on pourra faire revenir les disparus, voire les raconter entièrement et parfaitement. Pourtant il faut le faire. Pour moi, les livres sont pareils à des tombeaux, des endroits où l’on conserve des choses, des gens. En fait, je suis conservatrice ! (Rires.) Il y a aussi cette autre question : "À qui sont les photos de mon enveloppe ? À celui qui les a prises, à ceux qui figurent dessus, à moi qui les ai achetées ? "I.M. : Je suis en effet dépositaire de souvenirs qui ne m’appartiennent pas. Et je pense alors aux annuaires téléphoniques de Modiano, aux mille portraits du Kaddish de Boltanski. Encore une fois, c’est la même tentative de conserver des traces matérielles, même infimes, de ce qui fut.Vous évoquez la possibilité d’en faire une pièce, on rêverait d’un film à la Alain Resnais, est-ce prévu ?En chœur : Tout à fait ! On y travaille…M vous fait découvrir en exclusivité quatre titres d’Alex Beaupain :Les gens dans l’enveloppe, Livre, CD roman et enquête d’Isabelle Monnin, chansons d’Alex Beaupain, JC Lattès, 370 p., 22 €.Emilie GrangerayJournaliste au Monde 18.09.2015 à 06h47 Découvrir les mystères d’Osiris à l’Institut du monde arabe à Paris, danser au son de l’accordéon à Tulle ou faire une cure de Haydn à La Roche-Posay : voici les choix du « Monde ».Exposition. Osiris sortie du Nil, à l’Institut du monde arabe L’exposition à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris de vestiges – statues monumentales, coupes, bijoux, ex-voto, etc. – repêchés dans la baie d’Aboukir, au large du delta du Nil, trésors de l’antique Egypte, est un événement. Ces pièces proviennent de Thônis-Héracléion et Canope, ports prospères, engloutis depuis des millénaires. Le butin, sauvé des eaux, provient des fouilles sous-marines de Franck Goddio, président de l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM), qui a travaillé avec une équipe de soixante spécialistes pour localiser, explorer les cités perdues, en exhumer les vestiges et les restaurer. A l’IMA, les objets exposés disent l’importance du culte rendu à Osiris. Seul dieu vénéré dans toute l’Egypte affirme Hérodote. La procession nautique que la figure divine doit accomplir une fois l’an est rythmée, dans les vitrines, par des pièces inédites. Florence Evin« Osiris, Mystères engloutis d’Egypte », jusqu’au 31 janvier 2016, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 heures à 19 heures, le vendredi jusqu’à 21 h 30, le week-end jusqu’à 20 heures. Tarif : de 10, 50 à 15,50 euros. imarabe.orgPhotographie. Un camp de réfugiés vu de l’intérieur Le photographe Samuel Gratacap, lauréat du prix de la jeune création au BAL, à Paris, a passé plusieurs années à Choucha, en Tunisie : un camp de réfugiés où ont échoué jusqu’à 30 000 personnes ayant fui la guerre en Libye, et qui a fini par fermer en 2013, laissant sur le carreau des centaines d’entre eux. Mais comment traduire la situation par d’autres images que les habituelles enfilades de baraquements et les portraits habituels ? Dans ce lieu hostile, balayé par le vent du désert et régi par les règles de fer d’une administration humanitaire internationale, le photographe a d’abord donné à voir des mots : ceux d’espoir tracés sur le tissu des tentes, ceux de colère et de révolte qu’ont criés les réfugiés pour protester contre les conditions de vie et la lenteur des procédures – ils ouvrent l’exposition au BAL, à Paris. « J’ai cherché des photos qui aillent au-delà de la description », explique le photographe, qui a réussi à traduire en images l’inhumanité d’un « lieu de vie proprement invivable ». Claire Guillot« Empire », au BAL, 6, impasse de la Défense, Paris 18e arrondissement. Mo Place de Clichy. Tél. : 01-44-70-75-50. Tarifs : 6 € et 4 €. Jusqu’au 4 octobre. Livre Empire, ed. Le Bal/Filigranes, 124 p., 25 €.Théâtre. Un délicat cérémonial féminin, au Théâtre du Rond-Point « Princesse, vieille reine, tel est le destin des femmes », écrit Pascal Quignard. L’auteur de Tous les matins du monde fait la rentrée du Théâtre du Rond-Point, avec un texte écrit spécialement pour Marie Vialle. Depuis plusieurs années, il écrit des contes pour cette merveilleuse actrice. Cinq d’entre eux sont réunis ici, que Pascal Quignard a imaginés en rêvant sur « cinq merveilleuses robes : une longue tunique franque, une robe de soie de Chine longue et souple, un kimono japonais tout raide, un manteau de fourrure immense, une robe à crinoline Napoléon III ». De l’un à l’autre, qui racontent l’histoire de la fille de Charlemagne, la princesse Emmen, qui décida d’aimer le secrétaire du Palais et pour cela de le porter sur son dos à travers la neige, ou celle de l’amour impossible de la fille du gouverneur de la province d’Ise et du prince Nakahira, c’est à un délicat cérémonial du féminin que convie l’actrice. Un cérémonial qui n’exclut pas l’humour, et qui interroge les images et les destins de la féminité. Fabienne DargePrincesse Vieille Reine, de Pascal Quignard (éditions Galilée). Mise en scène et interprétation : Marie Vialle. Théâtre du Rond-Point, 2, bis av. Franklin-Roosevelt, Paris 8e arrondissement. Mo Franklin-Roosevelt. Tél. : 01-44-95-98-21. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 27 septembre. De 16 € à 29 €. Durée : 1 h 10. theatredurondpoint.frHumour. Sophia Aram fait son retour au Palais des Glaces à Paris On avait gardé un très bon souvenir du précédent spectacle de Sophia Aram, Crise de foi, qui mettait dos à dos les trois religions monothéistes. Elle revient au Palais des Glaces avec un nouveau « seul en scène », un peu trop marqué par son travail de chroniqueuse sur France Inter, où elle officie le matin depuis trois ans. C’est en effet quand elle oublie cette casquette que l’humoriste est à son meilleur. Dans son nouveau solo, au rythme parfois décousu, il y a la tante arabe qui se désespère de l’arrivée des bobos de l’autre côté du périph’(« On est plus chez nous, c’est une colonisation ») avec leur drôle de « maladie » qui leur interdit de manger du gluten. Ou ce djihadiste canadien qui se dit « contre les bonbons à base de gélatine de porc qui engraissent les dentistes juifs ». Sophia Aram ne cache ni ses sentiments ni ses colères et prend sa part dans le débat public. Sandrine BlanchardSophia Aram dans Le fond de l’air effraie, jusqu’au 2 janvier, du mardi au samedi à 20 heures au Palais des Glaces, 37, rue du Faubourg du Temple, Paris 10e arrondissement. Durée : 1 h 30. Tarifs : de 19 € à 36 €.Danse. Le temps d’aimer la danse, observatoire de tous les styles, à Biarritz A Biarritz, le festival Le temps d’aimer la danse, qui fête ses 25  ans, parie sur le plein air, jusqu’au 20 septembre. Si le style néoclassique colore la manifestation créée en 1991 par Jakes Abeberry, alors adjoint à la culture, cette identité n’empêche pas le Thierry Malandain, chorégraphe et directeur du festival et du Centre chorégraphique de Biarritz, de programmer à bras ouverts. L’éclectisme est la règle, avec une place réservée aux artistes installés en Aquitaine. La diversité se traduit d’abord en basque, avec des groupes de danse traditionnelle disséminés dans la ville. Dans les salles du Casino et du Colisée, la culbute esthétique se poursuit : baroque, contemporain, butô. Le Temps d’aimer la danse est un observatoire de styles ouvert à tous. Rosita BoisseauLe temps d’aimer la danse, à Biarritz jusqu’au 20 septembre. De 13,80 euros à 29,80 euros. letempsdaimer.comMusique. Les rois de l’accordéon ont rendez-vous à Tulle On l’appelle parfois le piano du pauvre mais les créateurs du festival Les Nuits de nacre ont préféré évoquer la matière qui en constitue les boutons dans l’intitulé de la manifestation consacrée à l’accordéon. Un festival organisé à Tulle (Corrèze) depuis le début des années 1980 et pour sa présente édition, du 17 au 20 septembre. Avec en « artiste fil rouge » Marcel Loeffler qui, outre plusieurs concerts, participera à des rencontres et conférences. Sont aussi attendus Marcel Azzola, Pascal Contet, Richard Galliano ou Christian Peschel, parmi les instrumentistes les plus connus, ce dernier perpétuant la tradition des bals. Et toute une nouvelle génération de musiciennes et musiciens dont Aurelie Gourbeyre, Bénédicte Grimal, Erwan Mellec, Antoine Alliese, Charles Kieny… en soliste ou au sein de formations qui voyagent aussi bien dans le jazz que le rock ou les musiques du monde. Sylvain SiclierLes Nuits de nacre, à Tulle (Corrèze), Théâtre des 7 Collines, salle Gus Viseur, salle Latreille, Magic Mirrors et divers lieux de la ville. Jusqu’au 20 septembre. De 5 € à 30 € pour les concerts payants, nombreux spectacles en accès libre.Classique. Haydn fêté à La Roche-PosayVoilà un festival au nom bien sympathique : Les vacances de Monsieur Haydn. Sa onzième édition se tiendra les 18, 19 et 20 septembre dans la jolie ville thermale de La Roche-Posay (Vienne). Autour de son fondateur, le violoncelliste Jérôme Pernoo, une douzaine de musiciens amis bien décidés à faire que la musique de chambre soit une fête. De Mozart (que Monsieur Haydn admirait) à Wagner (qu’il ne connut pas), de Schumann à Fauré, de Steve Reich à Guillaume Connesson, trois jours pour une cure intensive de musique. Soit huit concerts (payants) et, pour les boulimiques, 60 mini-concerts gratuits de 20 minutes. Pas vraiment des vacances ? Marie-Aude RouxLes Vacances de Monsieur Haydn. Casino de La Roche-Posay (Vienne). Les 17, 18 et 19 septembre. Tél. : 05-49-86-22-62. De 17 € à 22 €. Lesvacancesdemonsieurhaydn.com Fabienne Darge Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas exagérer –, mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec Comme une pierre qui…, le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement. 16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en être changée, définitivement.L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond ce spectacle, qu’elle a conçu avec Sébastien Pouderoux, mix de concert et de représentation théâtrale, on ne peut plus vivant et drôle, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique. Foirage en règleCar au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu. S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de ses camarades.Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965. Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller. Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.Un Dylan habité de l’intérieurVoilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français. Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».Comme une pierre qui…, d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond, avec Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, Paris-1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Du mercredi au dimanche à 18 h 30, jusqu’au 25 octobre. De 9 à 20 €. Durée : 1 h 10. www.comedie-francaise.frFabienne DargeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Dès l’automne 2013, alors que Bangerz allait être publié, Miley Cyrus avait indiqué qu’elle travaillait déjà sur un futur nouvel album. Il a fait son arrivée sous le titre Miley Cyrus and Her Dead Petz (… et ses animaux de compagnie morts) sur la plateforme suédoise de distribution de musique en ligne SoundCoud, le 30 août. Un disque financé par la chanteuse pour son label Smiley Miley Inc. Sont ainsi en accès libre, sur une page dédiée de SoundCloud et une autre sur le site officiel de la chanteuse, vingt-trois chansons pour une durée totale de plus de 90 minutes.Dont plus de la moitié est signée ou cosignée par des membres de The Flaming Lips, en particulier le chanteur Wayne Coyne et le multi-instrumentiste Steven Drozd – le neveu de Wayne Coyne, Dennis, est aussi de la partie, comme le guitariste Derek Brown, présent au sein du groupe depuis 2009. Rappelons qu’en matière de bizarreries, dans les textes comme la musique, d’expérimentations (ils ont enregistré une chanson d’une durée de 6 heures, une autre de 24 heures…), de dingueries spectaculaires lors de leurs concerts tout en sachant conserver une accroche pop, les Flaming Lips ont une sérieuse réputation. Les autres titres, une dizaine, ont été réalisés en collaboration avec des producteurs plus spécialisés dans le r’n’b et le hip-hop comme Oren Yoel ou Mike Will Made It, qui ont déjà travaillé avec la jeune femme, ou laissés à sa seule responsabilité.Lire aussi : Le show hypnotique des Flaming Lips Ex-idole des préadolescentsCette collaboration entre les Flaming Lips et l’ex-idole des préadolescents aux Etats-Unis, au temps où elle tenait le rôle principal de la série télévisée « Hannah Montana », gentillette histoire d’une lycéenne devenant une star de la pop, diffusée par The Disney Channel entre mars 2006 et janvier 2011, n’est toutefois pas une nouveauté. Tout avait commencé le 13 janvier 2014, lorsque Miley Cyrus avait souhaité à Wayne Coyne un bon anniversaire pour ses (alors) 53 ans par un message sur le réseau social Twitter : « happy birthday to one of my favorite artists OF alllllll time » (un joyeux anniversaire à l’un de mes artistes préférés de tous les temps).Miley Cyrus avait déjà pris ses distances par rapport à son image télévisée. Le disque Bangerz lui avait permis de passer de la variété à un mélange de pop, d’électro et de hip-hop, ses tenues de scènes étaient devenues de moins en moins prudes, comme son comportement à la scène et à la ville. On aurait pu en rester là, mais pour rendre la politesse à la déclaration d’admiration de Miley Cyrus, les Flaming Lips avaient participé à quelques concerts de la chanteuse en 2014. Et l’avaient conviée à participer à With a Little Help from My Fwends, recréation avec divers allumés camarades des Flaming Lips de l’album des Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Depuis, des échos dans la presse spécialisée, des messages sur les réseaux sociaux, avaient permis de suivre la progression du futur album de la chanteuse. De sept, on était passé à quatorze chansons, jusqu’à ces vingt-trois.Lire aussi : The Flaming Lips ou les Beatles sous acideRecyclage de sons passésAu menu, dans les textes, une célébration de l’herbe à fumer, des pilules pour en voir de toutes les couleurs, de l’hédonisme érotique et des évocations de nombreux animaux de compagnie de la chanteuse, dont Pablow le poisson-lune ou Floyd le chien. Un ensemble qui a du mal à tenir la distance sur la longueur. The Flaming Lips recyclent au profit de Miley Cyrus pas mal de sons et d’aventures passés et ce, dès le premier titre, Dooo It, déclinaison d’une précédente collaboration du groupe avec Yoko Ono en avril 2012, sous le titre Do It ! On retrouve aussi, dans Milky Milky Milk, Cyrus Skies ou Evil Is But A Shadow, des ambiances sombres venues des albums Embryonic (2009), The Terror (2013) ou de la longue pièce 24 Hour Song Skull (octobre 2011). Malgré ce manque d’inspiration et l’absence d’une vraie folie musicale, c’est par ces collaborations avec les Flaming Lips que Miley Cyrus and Her Dead Petz se distingue.Les compositions de la seule Miley Cyrus se révèlent, pour la plupart, insignifiantes. Avec des sonorités plus électro, un phrasé plus monotone (BB Talk, Fweaky, I’m So Drunk, I Forgive Yiew…), un détour du côté de ballades passe-partout avec une voix qui rappelle celle de Madonna (I Get So Scared, Lighter). On discerne aussi ici et là quelques « fuck ». Ce qui fera peut-être frémir aux Etats-Unis mais sonne d’abord comme un cliché.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 17.09.2015 à 06h57 • Mis à jour le20.09.2015 à 17h01 | Fabienne Darge //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Sheryl Sandberg, le féminisme version Silicon Valley Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique Projection de la version intégrale du « Mahabharata »tous les articles de la thématique Tel un maître zen, Peter Brook épure et concentre de plus en plus son théâtre. A 90 ans, il offre avec Battlefield, créé en première mondiale, mardi 15 septembre, en son théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, avant de partir pour une longue tournée internationale, un spectacle comme un geste parfait et suspendu, léger comme un souffle.Brook revient ici au Mahabharata, qu’il créa en 1985 au Festival d’Avignon, et qui fut un sommet de son œuvre. Avec Battlefield (« Champ de bataille »), il extrait de l’immense épopée indienne un petit épisode inédit.Lire aussi :« Le Mahabharata », ou l’Inde de nos rêvesLa pièce prend place à la fin de la guerre exterminatrice qui a décimé des centaines de milliers de guerriers. La Terre est une mer de boue sanglante. La guerre est née d’un conflit familial : l’opposition sans merci entre les cent frères Kauravas, dirigés par leur aîné Duryodhana, et leurs cinq cousins, les Pandavas, dirigés par leur aîné Yudhishtira. Les cent frères sont morts. Yudhishtira a gagné. Il doit maintenant devenir roi. Comment régner, comment vivre, comment reconstruire sur un sol jonché de cadavres ? Peter Brook est un malin, qui sait que notre époque sans mémoire réclame de l’art qu’il se justifie par son lien avec l’actualité. Alors, dans les entretiens qu’il a accordés avant la première, il a évoqué le contexte dans lequel nous baignons, la guerre en Syrie, le terrorisme.C’est pourtant un tout autre sujet, bien plus profond et intemporel, qui se dégage de ce délicat prélèvement sur les millions de vers du grand poème indien : la mort, la puissance de l’imaginaire et les structures archaïques que représentent les grands mythes universels. L’on apprendra que Duryodhana et Yudhishtira étaient frères, tous deux nés de la même reine qui, alors jeune princesse, fut aimée une nuit par le Soleil, et enfanta ce fils qu’elle abandonna au fil de l’eau, comme le fut Moïse. Des frères ennemis, un guerrier maudit qu’il faut bien enterrer, comme dans Antigone, un vieux roi aveugle s’enfonçant dans la forêt pour trouver la vérité de sa mort, comme dans Le Roi Lear, et la fragilité de la vie humaine où le destin de l’homme est d’être à la fois un ver de terre et un dieu…D’une simplicité magistraleDans ce spectacle où il enroule comme par jeu une histoire sur une autre, Peter Brook semble distiller la recherche de toute une vie : le théâtre comme sur une place de village en Afrique, le bruit et la fureur de l’épopée shakespearienne, le soubassement discret, mais jamais démenti, de la tragédie grecque. Tout cela avec une simplicité magistrale, que le sorcier Brook affine de spectacle en spectacle. L’espace sublime des Bouffes du Nord, ce « theatrum mundi » par excellence, magnifiquement éclairé par les lumières de Philippe Vialatte, est une caverne magique où le théâtre, conçu comme un art du conteur à têtes multiples, advient grâce à quelques morceaux d’étoffe et aux acteurs.Et ces acteurs, tels que le maître les a choisis et dirigés, avec un art consommé, apparaissent eux aussi comme une synthèse de toute sa recherche. Ils n’appartiennent pas, pourtant, à la bande historique du metteur en scène. L’Irlandais Sean O’Callaghan porte sur lui toute une histoire shakespearienne. Quant aux trois autres, Carole Karemera, Jared McNeill et Ery Nzaramba, Belges ou Britanniques d’origine africaine, ils incarnent tout ce parcours mené par Brook avec des comédiens issus du continent noir, qui représentent pour lui l’Acteur organique et universel par excellence.Il est là, le « champ de bataille » de Battlefield : un geste, une note suspendus, à l’image de celui du musicien Toshi Tsuchitori sur son tambour, qui clôt le spectacle. Peter Brook n’est pas venu saluer, comme il le fait toujours, en se glissant sur le plateau par une des petites portes latérales. Mais il était là, dans chaque microparticule de ce théâtre à qui il a donné son âme.Lire aussi :Peter Brook, du « Mahabharata » à « Battlefield »Battlefield, d’après le Mahabharata et la pièce de Jean-Claude Carrière. Adaptation et mise en scène : Peter Brook et Marie-Hélène Estienne. Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bd de La Chapelle, Paris 10e. Tél. : 01-46-07-34-50. Du mardi au samedi à 20 h 30 jusqu’au 17 octobre, dimanche 27 septembre à 20 heures, et les samedis 3, 10 et 17 octobre également à 15 h 30. De 14 à 30 €. Durée : 1 h 15. En anglais surtitré. www.bouffesdunord.comDécouvrez « Battlefield », samedi 26 septembre, dans le cadre du Monde Festival :Lire aussi :« Battlefield », le nouveau « Mahabharata » de Peter BrookChanger le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival. Par Fabienne Darge Emmanuelle Jardonnet (Marseille) Chaque été depuis deux ans, le designer Ora-ïto convie un artiste sur le spectaculaire toit-terrasse de la Cité radieuse du Corbusier et dans l’ancien gymnase qui le coiffe, mués en lieux d’exposition – le MaMo, pour Marseille Modulor – pour des tête-à-tête avec le ciel marseillais. Après Xavier Veilhan en 2013, puis Daniel Buren en 2014, le choix du maître des lieux s’est, cette année, porté sur l’Américain Dan Graham.« La première édition était un hommage au Corbusier, l’été dernier a été le temps de l’émancipation, avec un espace destructuré. Aujourd’hui, le lieu peut fonctionner de manière autonome, et je cherchais quelqu’un capable de prendre le pouvoir dans un espace qui a un tel charisme », confie Ora-ïto. Du premier, on se souvient ainsi de l’immense buste bleu ciel de l’architecte dessinant sur sa table de travail, qui n’était autre que le toit du bâtiment lui-même. Du deuxième, d’un déploiement de formes et de couleurs qui venaient emplir et redessiner l’espace. Avec Dan Graham et ses architectures-sculptures tout en transparences, l’approche est assurément d’une autre nature, plus impalpable.« Entre l’abribus et la cabine téléphonique »Posées en extérieur, deux constructions se présentent sous forme de « pavillons », terme cher à l’artiste qui désigne ses structures à géométrie variable qui ressemblent à première vue à des cabanes urbaines un peu froides – « entre l’abribus et la cabine téléphonique », résume, l’œil facétieux sous le sourcil broussailleux, l’artiste de 73 ans.De ces postes d’observation (l’un doublement circulaire, Two Nodes, l’autre en forme de vague, Tight Squeeze), qui ont offert tout l’été des points de vue inédits sur Marseille, Dan Graham dit qu’ils sont des « contrepoints » à l’architecture panoptique telle que dénoncée par Foucault : ici point d’entrave à la vue, mais un jeu avec celle-ci. « Cette vision n’est pas aliénante, c’est une situation de plaisir. Et c’est ma conception de l’art public », explique-t-il en citant le sculpteur Alexander Calder et l’artiste Jean Dubuffet parmi ses « héros ». Le Corbusier n’en fait pas partie : « Je n’ai jamais aimé son travail, et pour moi ses grandes barres ressemblent à des prisons. Mais j’aime ce toit grand ouvert sur le ciel, et qui était destiné à la classe ouvrière. »Il faut pénétrer dans ces deux créations de verre et d’inox, au sol en bois, en ressortir, en faire le tour, s’en éloigner et y revenir pour constater leur étonnante capacité d’attraction, qui plonge, un peu par surprise, les visiteurs dans une contemplation active. On se surprend ainsi à guetter sa propre image et celle des autres, qui s’y superposent, se croisent ou s’échappent, entre l’anamorphose et l’hologramme. Les structures, minimalistes, se font labyrinthiques dans un jeu infini de reflets imprévisibles et de distorsions réjouissantes, au plus près des variations du temps et du paysage qui se déploient tout autour, de la mer aux collines de l’arrière-pays. Le titre de l’exposition, « Observatory / Playground » (observatoire / terrain de jeu), tient en cela toutes ses promesses.L’exposition marseillaise, Ora-ïto la présente comme « une rétrospective à l’intérieur, une futurspective à l’extérieur ». « Futurspective » puisque l’un des deux pavillons de verre créés au MaMo sera exposé sur la place Vendôme, en octobre, dans le cadre de la FIAC Hors les murs, là-même où Paul McCarthy, compatriote et ami de Dan Graham, avait déployé sa très éphémère sculpture gonflable verte – le fameux Tree, surnommé le « Plug anal » –, qui avait fait polémique l’an dernier.Skatepark kaléïdoscopiqueDans l’ancien gymnase, des maquettes attestent des grandes étapes du travail de l’artiste depuis les années 1970. Clinic for a Suburban Site (1978) fait partie de ses premiers projets, qui ont lancé sa réflexion sur les espaces habitables, ici un centre de santé, tandis que Skateboard Pavilion (1989), terrain de jeu coiffé d’un toit de verre à facettes, montre le début de l’utilisation généralisée par l’artiste du miroir à double face – tout à la fois réfléchissant et transparent –, comme sa volonté de tendre vers la sculpture abstraite, qui caractérise son travail aujourd’hui.Chez Dan Graham, l’art conceptuel se révèle sensuel, ludique, presque magique. Mais ses installations architecturales se veulent aussi des lieux théâtralisés où le public a conscience de lui-même. « Je pense que, pendant les années 1980, le musée est devenu une sorte de jardin pour les familles, où l’on va avec les enfants pour profiter de l’art. Puis, dans les années 1990, les musées ont largement développé les programmes éducatifs pour les enfants, et beaucoup de familles ouvrières ont eu accès à l’art, ce qui a été très intéressant pour mon travail », analyse l’artiste à l’allure enfantine malgré sa barbe blanche, et qui affiche ce jour-là une tête de tigre sur son tee-shirt et des langoustes bleues sur ses chaussettes. « Je dis toujours que je fais des attractions pour les enfants, qui peuvent s’y faire photographier par leurs parents. C’est une expérience pour toute la famille. Mon travail est sur le regard des gens et le temps, les changements. »Ora-ïto met en avant leur qualité poétique. « Dans les œuvres de Dan Graham, il y a beaucoup d’effets optiques, mais qui relèvent toujours de la surprise : contrairement à l’Op Art, il n’y a pas de théorie, de système, pas de règles, pas d’effets qu’on peut connaître à l’avance. Ces structures absorbent tout : paysage, soleil, nuages, les lumières qui scintillent la nuit… »Absorberont-elles aussi bien le ciel parisien depuis la place Vendôme ? L’artiste, qui a déjà conçu une œuvre pérenne à Paris, porte de Versailles, ne craint pas en tout cas une mésaventure à la Paul McCarthy, dont la sculpture avait été vandalisée. Il revient sur ce qui est pour lui un malentendu : « Le public français ne comprend pas que son œuvre parle d’un enfant qui a peur de Disney. Cette peur, c’est très anti-américain. Ce qui s’est passé ne m’a pas surpris : les Parisiens aiment les œuvres intellectuelles, où tout est mots. Or, son œuvre est très physique. Paul McCarthy, qui est une personne adorable, vient de l’Utah, de Salt Lake City. Il y a une incompréhension envers la culture américaine de la périphérie. Le problème de Paul, maintenant, c’est qu’il fait des œuvres qui sont trop grandes. Moi, en revanche, j’ai peur que la mienne paraisse petite, place Vendôme... » A juger sur pièce, du 21 au 25 octobre, au cœur de Paris.« Observatory / Playground », jusqu’au 20 septembre au MaMo, à Marseille, et « Dan Graham » jusqu’au 8 octobre à la galerie Marian Goodman, à Paris.Emmanuelle Jardonnet (Marseille)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 18.09.2015 à 10h57 • Mis à jour le18.09.2015 à 14h35 Marc-André DalbavieSonnets. Sextine-Cyclus. Trois chansons populaires.Yuriy Mynenko (contre-ténor), Jean-Paul Fouchécourt (haute-contre), Orquestra Gulbenkian Lisbonne, Marc-André Dalbavie (direction). Il est loin le temps où le nom de Marc-André Dalbavie, né en 1961, était systématiquement cité par Pierre Boulez comme exemple du renouveau de la musique contemporaine. Investi dans les développements technologiques de l’Ircam après avoir assimilé l’héritage de la musique spectrale, le jeune compositeur représentait une sorte de voie consensuelle sur le terrain de l’innovation. Vingt ans plus tard, son langage – plus académique – a changé mais pas sa sensibilité de coloriste. A preuve, ces Sonnets (d’après Louise Labé) qui forment un cycle très prenant, porté par un véritable souffle de dramaturge et conçu dans les moindres détails – de timbre, d’harmonie, de phrasé – avec une délectation d’esthète. Moins personnel, Sextine-Cyclus (vaste partition inspirée des productions de troubadours) rappelle un peu les Folk Songs de Luciano Berio. Pierre Gervasoni1 CD Ame Son.Ensemble Correspondances, Sébastien DaucéLe Concert royal de la nuitJean de Cambefort, Antoine Boesset, Louis Constantin, Michel Lambert, Francesco Cavalli, Luigi Rossi & anonymes. Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé (direction). Et Louis XIV devint Roi-Soleil : le 23 février 1653, au lendemain de la Fronde, la fin du Ballet royal de la nuit vit apparaître un monarque de 15 ans paré d’attributs solaires. Un soulagement salvateur après une veille nocturne peuplée de terreurs (un sabbat méphitique et une figuration de l’enfer). Ne demeurait cependant que le livret et quelques bribes musicales de ce qui fut sans doute l’un des plus grands coups de pub de l’Histoire de France. Il a fallu trois ans au chef de l’Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé, pour opérer son patient travail de reconstitution (réécriture de parties manquantes) et de création : l’ajout dramaturgique de pages des premiers opéras italiens présentés en France (Orfeo, de Rossi, Ercole aman­te, de Cavalli). Le résultat inspire non seulement le respect mais l’enthousiasme. La parfaite cohésion et la grâce inventive des musiciens de l’Ensemble Correspondances (instrumentistes et chanteurs), l’attention inspirée de leur chef font de ce disque un important tribut aux commémorations du tricentenaire de la mort de Louis XIV. Royal aussi pour le moins, le somptueux livre-disque doté d’une iconographie foisonnante (magnifiques gravures de costumes) et d’un texte passionnant. Une version scénique serait même prévue pour 2017 : que demande le peuple ? Marie-Aude Roux1 livre-disque de 2 CD Harmonia Mundi.Keith RichardsCrosseyed Heart Keith Richards est suffisamment entré dans la légende pour qu’on lui pardonne tout, ou presque : sa voix n’est pas fameuse, ses facultés à papillonner sans pudeur agacent, tout autant ses efforts pour sans cesse refonder le mythe Rolling Stones par le blues – ici le titre joué à l’ancienne guitare-voix, Crosseyed Heart, heureusement placé en introduction de l’album. Avec ses rides, son bandana, ses vestes python et sa façon de fumer des cigarettes comme des joints (visuels vérifiables dans le livret), le guitariste a conçu avec le batteur new-yorkais Steve Jordan un disque qui devrait servir de preuve à la préséance du blues sur le rock.Il y a là une succession de redites balourdes, que Lover’s Plea, soul à souhait, quinzième et dernier titre de l’album, ne parvient pas à compenser. Même si la chanteuse Norah Jones déploie une nuance de bleu (Illusion) dans la grisaille, ou que Bobby Keys, le complice de toujours, y joue ses derniers solos de saxophone (il est mort peu après l’enregistrement). Keith Richards nous dit qu’il veut s’amuser sans qu’on lui casse les pieds. Quitte à aligner des banalités en première partie de jeu, avant une fin plus vertueuse, avec Substantial Damage (l’organiste Charles Hodges vient en renfort sur les grognements rauques du chanteur) ou la reprise gracieuse de l’incunable Goodnight Irene que Leadbelly a composé en 1932 – celle de Love Is Overdue du reggaeman jamaïcain Gregory Isaacs est ratée, mais Keith s’en fout. Véronique Mortaigne1 CD Mindless/Virgin/EMI.Richard HawleyHollow Meadows Depuis son premier mini-album (sept compositions) publié en avril 2001, le Britannique Richard Hawley fait entendre sa voix, basse, caressante, chaude et sa science de la guitare par des chansons lyriques, souvent sur un tempo tranquille. Hollow Meadows, son huitième album enregistré en studio, avance ainsi sans remise en question formelle d’un univers musical venu du rock, de la country et du folk. Et à nouveau l’on est pris par son intensité émotionnelle. Onze compositions pour lesquelles Hawley et Shez Sheridan, cosignataire de deux chansons (I Still Want You pour entrer dans le ravissement, What Love Means pour le clore), ont apporté leurs collections de guitares, créateurs d’un kaléidoscope de timbres dont les subtilités, les reliefs, les couleurs, la complémentarité entre l’acoustique et l’électrique se révèlent un peu plus à chaque écoute. Par endroits, le ton se fait un rien plus agressif (Which Way, Heart of Oak), ailleurs le soutien d’une section de cordes rappelle le traitement en envolées orchestrales de compositions précédentes. Avec toujours des évocations de lieux de sa ville, Sheffield, et des textes forts sur ces sentiments vitaux que sont l’attachement à la famille, l’amitié, la vie qui passe, l’amour, par des mots simples et touchants. Sylvain Siclier1 CD Parlophone Records/Warner Music.René Lacaille èk MarmailleGatir C’est une affaire de famille, de partage et de transmission. René Lacaille s’entoure de sa « marmaille », Marco et Oriane. Les gamins ont grandi, volent maintenant de leurs propres airs. Tous les trois réunis chantent et se partagent les instruments, plus quelques compositions, dans cet album cimenté par une complicité bon enfant (la manière d’être de toute une vie chez René Lacaille), cousu d’airs qui disent l’âme créole, les rythmes de La Réunion, de petites chansons sans manières, de mélodies joueuses et malicieuses. Assurément, René Lacaille se sent bien en famille, amis musiciens compris . On compte parmi les invités : Titi Robin (rebab), Denis Péan (voix), Richard Bourreau (violon), Jean-Pierre Niobé (bugle)… Son bien-être affleure tout au long de cet album dans lequel le chanteur accordéoniste reprend la guitare qu’il avait laissée tomber depuis quelques années. Il le dédie à son frère de cœur, disparu le 3 mai, l’homme de radio, journaliste et DJ Rémy Kolpa Kopoul. Patrick Labesse1 CD Do Bwa/L’Autre Distribution.Sylvain RiffletMechanics Comment ne pas penser aux répétitifs américains les plus réputés – Terry Riley, La Monte Young, Steve Reich ou Philip Glass dès qu’on met en œuvre boucles mélodiques et des motifs rythmiques fondés sur des mouvements simples. Ces noms viennent à l’esprit à l’écoute de Mechanics, du saxophoniste et clarinettiste Sylvain Rifflet. Avec ce petit plus de trouvailles, de fantaisies, de construction de l’album par des contrastes entre l’éthéré et le délié. Aux dialogues, superpositions et échanges de Rifflet avec la flûte (Jocelyn Mienniel), les percussions (Benjamin Flament), la guitare (Philippe Gordiani) s’ajoute l’utilisation de boîtes à musique, d’objets détournés pour produire des sons. Là aussi dans une approche talentueuse. Sylvain Siclier1 CD Jazz Village/Harmonia Mundi.      Emilie Grangeray Qu’est-ce qui vous a pris d’acheter 250 photos sur Internet ?Isabelle Monnin : La réponse est terriblement banale. Parce qu’elles étaient à vendre ! Je venais de dîner chez un ami qui possède des photos amateurs, apprenant ainsi que des gens vendent des photos et qu’on peut les acheter. Le lendemain, je tape « photos de famille » sur eBay et tombe sur un lot de Polaroid vendu par un brocanteur. Je les achète sans savoir alors ce que j’en ferai. Sauf que je les aime tout de suite, parce que je les trouve familières, authentiques et fragiles, comme le sont les photos de famille.Comment est né le livre ?I.M. : Un an après l’achat, en mai 2013, j’ai l’idée, au réveil, de raconter la vie de ces gens. Et je sais faire deux choses : inventer (c’est mon côté romancière) et enquêter (dix-sept ans de journalisme). Je décide donc d’imaginer leurs vies à partir des photos puis, une fois le roman terminé, de les retrouver.Le roman terminé, vous dites avoir eu du mal à vous mettre à l’enquête, pourquoi ?I.M. : Commencer une enquête, c’est toujours compliqué, même si, dans le cas précis de ce livre, ce n’est pas une véritable enquête journalistique car je n’ai rien vérifié de ce qui m’a été dit. Il y avait aussi une incertitude mêlée à une certaine peur : allais-je retrouver les gens des photos et n’allaient-ils pas m’opposer un refus ? Enfin, cela signifiait aussi quitter mes personnages, et peut-être n’étais-je pas pressée de le faire. Roman, enquête, chansons : c’est un livre hybride ?I.M. : C’est vrai que j’ai l’impression d’avoir inventé quelque chose qui n’existait pas encore. Pourtant, j’avais très peur du côté gadget, ludique, couteau suisse. Pour moi, il s’agissait vraiment d’explorer les différents types de narration, et le disque qu’Alex a composé raconte aussi mes personnages. Il a même lu entre les lignes ce que je n’avais pas écrit.Alex Beaupain : Enthousiasmé par le projet d’Isabelle, je lui ai proposé d’écrire les chansons. Ce que j’ai fait en une semaine, lors de vacances que nous avons passées ensemble dans le Lubéron.Les gens des photos viennent de Clerval, à 60 kilomètres de Besançon où vous avez grandi tous les deux. Coïncidence ?A.B. : Sans tomber dans le mysticisme, c’est extrêmement troublant. Je pense que cela évoquait des choses de notre enfance, des paysages familiers, une espèce de mémoire souterraine.I.M. : Alex et moi venons du même monde. Nous partageons les mêmes codes, le rire, le chant, la table, mais aussi le goût de l’effort, la foi en l’éducation et la culture, et, en effet, ce sont des gens qui nous sont familiers. Ainsi, la Mamie Poulet de mon livre ressemble à ce que fut ma grand-mère. Dans le livre, vous évoquez votre sœur disparue : « Comme chaque fois qu’il m’arrive quelque chose d’important, je parlerai à ma sœur. C’est comme ça, elle et moi. Sa mort n’y change rien. » C’est finalement un livre très personnel.I.M. : Cela s’est imposé. Je ne savais pas quelle forme prendrait le récit de l’enquête. J’ai vite compris que c’était moralement compliqué de raconter des gens en me planquant, moi. J’ai donc décidé que le journal d’écriture dans lequel je prenais des notes pour moi deviendrait le texte. Lequel devient donc plus intime.L’envie de garder un lien avec les disparus traversait vos précédents livres « Les Vies extraordinaires d’Eugène » et « Daffodil Silver ». Les romans permettent-ils de lutter contre l’oubli, de ressusciter les absents ?I.M. : C’est vrai, c’est une obsession tout autant qu’une angoisse, j’imagine. Il est bien entendu vain de croire que l’on pourra faire revenir les disparus, voire les raconter entièrement et parfaitement. Pourtant il faut le faire. Pour moi, les livres sont pareils à des tombeaux, des endroits où l’on conserve des choses, des gens. En fait, je suis conservatrice ! (Rires.) Il y a aussi cette autre question : "À qui sont les photos de mon enveloppe ? À celui qui les a prises, à ceux qui figurent dessus, à moi qui les ai achetées ? "I.M. : Je suis en effet dépositaire de souvenirs qui ne m’appartiennent pas. Et je pense alors aux annuaires téléphoniques de Modiano, aux mille portraits du Kaddish de Boltanski. Encore une fois, c’est la même tentative de conserver des traces matérielles, même infimes, de ce qui fut.Vous évoquez la possibilité d’en faire une pièce, on rêverait d’un film à la Alain Resnais, est-ce prévu ?En chœur : Tout à fait ! On y travaille…M vous fait découvrir en exclusivité quatre titres d’Alex Beaupain :Les gens dans l’enveloppe, Livre, CD roman et enquête d’Isabelle Monnin, chansons d’Alex Beaupain, JC Lattès, 370 p., 22 €.Emilie GrangerayJournaliste au Monde 18.09.2015 à 06h47 Découvrir les mystères d’Osiris à l’Institut du monde arabe à Paris, danser au son de l’accordéon à Tulle ou faire une cure de Haydn à La Roche-Posay : voici les choix du « Monde ».Exposition. Osiris sortie du Nil, à l’Institut du monde arabe L’exposition à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris de vestiges – statues monumentales, coupes, bijoux, ex-voto, etc. – repêchés dans la baie d’Aboukir, au large du delta du Nil, trésors de l’antique Egypte, est un événement. Ces pièces proviennent de Thônis-Héracléion et Canope, ports prospères, engloutis depuis des millénaires. Le butin, sauvé des eaux, provient des fouilles sous-marines de Franck Goddio, président de l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM), qui a travaillé avec une équipe de soixante spécialistes pour localiser, explorer les cités perdues, en exhumer les vestiges et les restaurer. A l’IMA, les objets exposés disent l’importance du culte rendu à Osiris. Seul dieu vénéré dans toute l’Egypte affirme Hérodote. La procession nautique que la figure divine doit accomplir une fois l’an est rythmée, dans les vitrines, par des pièces inédites. Florence Evin« Osiris, Mystères engloutis d’Egypte », jusqu’au 31 janvier 2016, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 heures à 19 heures, le vendredi jusqu’à 21 h 30, le week-end jusqu’à 20 heures. Tarif : de 10, 50 à 15,50 euros. imarabe.orgPhotographie. Un camp de réfugiés vu de l’intérieur Le photographe Samuel Gratacap, lauréat du prix de la jeune création au BAL, à Paris, a passé plusieurs années à Choucha, en Tunisie : un camp de réfugiés où ont échoué jusqu’à 30 000 personnes ayant fui la guerre en Libye, et qui a fini par fermer en 2013, laissant sur le carreau des centaines d’entre eux. Mais comment traduire la situation par d’autres images que les habituelles enfilades de baraquements et les portraits habituels ? Dans ce lieu hostile, balayé par le vent du désert et régi par les règles de fer d’une administration humanitaire internationale, le photographe a d’abord donné à voir des mots : ceux d’espoir tracés sur le tissu des tentes, ceux de colère et de révolte qu’ont criés les réfugiés pour protester contre les conditions de vie et la lenteur des procédures – ils ouvrent l’exposition au BAL, à Paris. « J’ai cherché des photos qui aillent au-delà de la description », explique le photographe, qui a réussi à traduire en images l’inhumanité d’un « lieu de vie proprement invivable ». Claire Guillot« Empire », au BAL, 6, impasse de la Défense, Paris 18e arrondissement. Mo Place de Clichy. Tél. : 01-44-70-75-50. Tarifs : 6 € et 4 €. Jusqu’au 4 octobre. Livre Empire, ed. Le Bal/Filigranes, 124 p., 25 €.Théâtre. Un délicat cérémonial féminin, au Théâtre du Rond-Point « Princesse, vieille reine, tel est le destin des femmes », écrit Pascal Quignard. L’auteur de Tous les matins du monde fait la rentrée du Théâtre du Rond-Point, avec un texte écrit spécialement pour Marie Vialle. Depuis plusieurs années, il écrit des contes pour cette merveilleuse actrice. Cinq d’entre eux sont réunis ici, que Pascal Quignard a imaginés en rêvant sur « cinq merveilleuses robes : une longue tunique franque, une robe de soie de Chine longue et souple, un kimono japonais tout raide, un manteau de fourrure immense, une robe à crinoline Napoléon III ». De l’un à l’autre, qui racontent l’histoire de la fille de Charlemagne, la princesse Emmen, qui décida d’aimer le secrétaire du Palais et pour cela de le porter sur son dos à travers la neige, ou celle de l’amour impossible de la fille du gouverneur de la province d’Ise et du prince Nakahira, c’est à un délicat cérémonial du féminin que convie l’actrice. Un cérémonial qui n’exclut pas l’humour, et qui interroge les images et les destins de la féminité. Fabienne DargePrincesse Vieille Reine, de Pascal Quignard (éditions Galilée). Mise en scène et interprétation : Marie Vialle. Théâtre du Rond-Point, 2, bis av. Franklin-Roosevelt, Paris 8e arrondissement. Mo Franklin-Roosevelt. Tél. : 01-44-95-98-21. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 27 septembre. De 16 € à 29 €. Durée : 1 h 10. theatredurondpoint.frHumour. Sophia Aram fait son retour au Palais des Glaces à Paris On avait gardé un très bon souvenir du précédent spectacle de Sophia Aram, Crise de foi, qui mettait dos à dos les trois religions monothéistes. Elle revient au Palais des Glaces avec un nouveau « seul en scène », un peu trop marqué par son travail de chroniqueuse sur France Inter, où elle officie le matin depuis trois ans. C’est en effet quand elle oublie cette casquette que l’humoriste est à son meilleur. Dans son nouveau solo, au rythme parfois décousu, il y a la tante arabe qui se désespère de l’arrivée des bobos de l’autre côté du périph’(« On est plus chez nous, c’est une colonisation ») avec leur drôle de « maladie » qui leur interdit de manger du gluten. Ou ce djihadiste canadien qui se dit « contre les bonbons à base de gélatine de porc qui engraissent les dentistes juifs ». Sophia Aram ne cache ni ses sentiments ni ses colères et prend sa part dans le débat public. Sandrine BlanchardSophia Aram dans Le fond de l’air effraie, jusqu’au 2 janvier, du mardi au samedi à 20 heures au Palais des Glaces, 37, rue du Faubourg du Temple, Paris 10e arrondissement. Durée : 1 h 30. Tarifs : de 19 € à 36 €.Danse. Le temps d’aimer la danse, observatoire de tous les styles, à Biarritz A Biarritz, le festival Le temps d’aimer la danse, qui fête ses 25  ans, parie sur le plein air, jusqu’au 20 septembre. Si le style néoclassique colore la manifestation créée en 1991 par Jakes Abeberry, alors adjoint à la culture, cette identité n’empêche pas le Thierry Malandain, chorégraphe et directeur du festival et du Centre chorégraphique de Biarritz, de programmer à bras ouverts. L’éclectisme est la règle, avec une place réservée aux artistes installés en Aquitaine. La diversité se traduit d’abord en basque, avec des groupes de danse traditionnelle disséminés dans la ville. Dans les salles du Casino et du Colisée, la culbute esthétique se poursuit : baroque, contemporain, butô. Le Temps d’aimer la danse est un observatoire de styles ouvert à tous. Rosita BoisseauLe temps d’aimer la danse, à Biarritz jusqu’au 20 septembre. De 13,80 euros à 29,80 euros. letempsdaimer.comMusique. Les rois de l’accordéon ont rendez-vous à Tulle On l’appelle parfois le piano du pauvre mais les créateurs du festival Les Nuits de nacre ont préféré évoquer la matière qui en constitue les boutons dans l’intitulé de la manifestation consacrée à l’accordéon. Un festival organisé à Tulle (Corrèze) depuis le début des années 1980 et pour sa présente édition, du 17 au 20 septembre. Avec en « artiste fil rouge » Marcel Loeffler qui, outre plusieurs concerts, participera à des rencontres et conférences. Sont aussi attendus Marcel Azzola, Pascal Contet, Richard Galliano ou Christian Peschel, parmi les instrumentistes les plus connus, ce dernier perpétuant la tradition des bals. Et toute une nouvelle génération de musiciennes et musiciens dont Aurelie Gourbeyre, Bénédicte Grimal, Erwan Mellec, Antoine Alliese, Charles Kieny… en soliste ou au sein de formations qui voyagent aussi bien dans le jazz que le rock ou les musiques du monde. Sylvain SiclierLes Nuits de nacre, à Tulle (Corrèze), Théâtre des 7 Collines, salle Gus Viseur, salle Latreille, Magic Mirrors et divers lieux de la ville. Jusqu’au 20 septembre. De 5 € à 30 € pour les concerts payants, nombreux spectacles en accès libre.Classique. Haydn fêté à La Roche-PosayVoilà un festival au nom bien sympathique : Les vacances de Monsieur Haydn. Sa onzième édition se tiendra les 18, 19 et 20 septembre dans la jolie ville thermale de La Roche-Posay (Vienne). Autour de son fondateur, le violoncelliste Jérôme Pernoo, une douzaine de musiciens amis bien décidés à faire que la musique de chambre soit une fête. De Mozart (que Monsieur Haydn admirait) à Wagner (qu’il ne connut pas), de Schumann à Fauré, de Steve Reich à Guillaume Connesson, trois jours pour une cure intensive de musique. Soit huit concerts (payants) et, pour les boulimiques, 60 mini-concerts gratuits de 20 minutes. Pas vraiment des vacances ? Marie-Aude RouxLes Vacances de Monsieur Haydn. Casino de La Roche-Posay (Vienne). Les 17, 18 et 19 septembre. Tél. : 05-49-86-22-62. De 17 € à 22 €. Lesvacancesdemonsieurhaydn.com Fabienne Darge Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas exagérer –, mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec Comme une pierre qui…, le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement. 16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en être changée, définitivement.L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond ce spectacle, qu’elle a conçu avec Sébastien Pouderoux, mix de concert et de représentation théâtrale, on ne peut plus vivant et drôle, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique. Foirage en règleCar au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu. S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de ses camarades.Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965. Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller. Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.Un Dylan habité de l’intérieurVoilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français. Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».Comme une pierre qui…, d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond, avec Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, Paris-1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Du mercredi au dimanche à 18 h 30, jusqu’au 25 octobre. De 9 à 20 €. Durée : 1 h 10. www.comedie-francaise.frFabienne DargeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Dès l’automne 2013, alors que Bangerz allait être publié, Miley Cyrus avait indiqué qu’elle travaillait déjà sur un futur nouvel album. Il a fait son arrivée sous le titre Miley Cyrus and Her Dead Petz (… et ses animaux de compagnie morts) sur la plateforme suédoise de distribution de musique en ligne SoundCoud, le 30 août. Un disque financé par la chanteuse pour son label Smiley Miley Inc. Sont ainsi en accès libre, sur une page dédiée de SoundCloud et une autre sur le site officiel de la chanteuse, vingt-trois chansons pour une durée totale de plus de 90 minutes.Dont plus de la moitié est signée ou cosignée par des membres de The Flaming Lips, en particulier le chanteur Wayne Coyne et le multi-instrumentiste Steven Drozd – le neveu de Wayne Coyne, Dennis, est aussi de la partie, comme le guitariste Derek Brown, présent au sein du groupe depuis 2009. Rappelons qu’en matière de bizarreries, dans les textes comme la musique, d’expérimentations (ils ont enregistré une chanson d’une durée de 6 heures, une autre de 24 heures…), de dingueries spectaculaires lors de leurs concerts tout en sachant conserver une accroche pop, les Flaming Lips ont une sérieuse réputation. Les autres titres, une dizaine, ont été réalisés en collaboration avec des producteurs plus spécialisés dans le r’n’b et le hip-hop comme Oren Yoel ou Mike Will Made It, qui ont déjà travaillé avec la jeune femme, ou laissés à sa seule responsabilité.Lire aussi : Le show hypnotique des Flaming Lips Ex-idole des préadolescentsCette collaboration entre les Flaming Lips et l’ex-idole des préadolescents aux Etats-Unis, au temps où elle tenait le rôle principal de la série télévisée « Hannah Montana », gentillette histoire d’une lycéenne devenant une star de la pop, diffusée par The Disney Channel entre mars 2006 et janvier 2011, n’est toutefois pas une nouveauté. Tout avait commencé le 13 janvier 2014, lorsque Miley Cyrus avait souhaité à Wayne Coyne un bon anniversaire pour ses (alors) 53 ans par un message sur le réseau social Twitter : « happy birthday to one of my favorite artists OF alllllll time » (un joyeux anniversaire à l’un de mes artistes préférés de tous les temps).Miley Cyrus avait déjà pris ses distances par rapport à son image télévisée. Le disque Bangerz lui avait permis de passer de la variété à un mélange de pop, d’électro et de hip-hop, ses tenues de scènes étaient devenues de moins en moins prudes, comme son comportement à la scène et à la ville. On aurait pu en rester là, mais pour rendre la politesse à la déclaration d’admiration de Miley Cyrus, les Flaming Lips avaient participé à quelques concerts de la chanteuse en 2014. Et l’avaient conviée à participer à With a Little Help from My Fwends, recréation avec divers allumés camarades des Flaming Lips de l’album des Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Depuis, des échos dans la presse spécialisée, des messages sur les réseaux sociaux, avaient permis de suivre la progression du futur album de la chanteuse. De sept, on était passé à quatorze chansons, jusqu’à ces vingt-trois.Lire aussi : The Flaming Lips ou les Beatles sous acideRecyclage de sons passésAu menu, dans les textes, une célébration de l’herbe à fumer, des pilules pour en voir de toutes les couleurs, de l’hédonisme érotique et des évocations de nombreux animaux de compagnie de la chanteuse, dont Pablow le poisson-lune ou Floyd le chien. Un ensemble qui a du mal à tenir la distance sur la longueur. The Flaming Lips recyclent au profit de Miley Cyrus pas mal de sons et d’aventures passés et ce, dès le premier titre, Dooo It, déclinaison d’une précédente collaboration du groupe avec Yoko Ono en avril 2012, sous le titre Do It ! On retrouve aussi, dans Milky Milky Milk, Cyrus Skies ou Evil Is But A Shadow, des ambiances sombres venues des albums Embryonic (2009), The Terror (2013) ou de la longue pièce 24 Hour Song Skull (octobre 2011). Malgré ce manque d’inspiration et l’absence d’une vraie folie musicale, c’est par ces collaborations avec les Flaming Lips que Miley Cyrus and Her Dead Petz se distingue.Les compositions de la seule Miley Cyrus se révèlent, pour la plupart, insignifiantes. Avec des sonorités plus électro, un phrasé plus monotone (BB Talk, Fweaky, I’m So Drunk, I Forgive Yiew…), un détour du côté de ballades passe-partout avec une voix qui rappelle celle de Madonna (I Get So Scared, Lighter). On discerne aussi ici et là quelques « fuck ». Ce qui fera peut-être frémir aux Etats-Unis mais sonne d’abord comme un cliché.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.09.2015 à 17h37 • Mis à jour le17.09.2015 à 11h19 | Emmanuelle Jardonnet (Marseille) Chaque été depuis deux ans, le designer Ora-ïto convie un artiste sur le spectaculaire toit-terrasse de la Cité radieuse du Corbusier et dans l’ancien gymnase qui le coiffe, mués en lieux d’exposition – le MaMo, pour Marseille Modulor – pour des tête-à-tête avec le ciel marseillais. Après Xavier Veilhan en 2013, puis Daniel Buren en 2014, le choix du maître des lieux s’est, cette année, porté sur l’Américain Dan Graham.« La première édition était un hommage au Corbusier, l’été dernier a été le temps de l’émancipation, avec un espace destructuré. Aujourd’hui, le lieu peut fonctionner de manière autonome, et je cherchais quelqu’un capable de prendre le pouvoir dans un espace qui a un tel charisme », confie Ora-ïto. Du premier, on se souvient ainsi de l’immense buste bleu ciel de l’architecte dessinant sur sa table de travail, qui n’était autre que le toit du bâtiment lui-même. Du deuxième, d’un déploiement de formes et de couleurs qui venaient emplir et redessiner l’espace. Avec Dan Graham et ses architectures-sculptures tout en transparences, l’approche est assurément d’une autre nature, plus impalpable.« Entre l’abribus et la cabine téléphonique »Posées en extérieur, deux constructions se présentent sous forme de « pavillons », terme cher à l’artiste qui désigne ses structures à géométrie variable qui ressemblent à première vue à des cabanes urbaines un peu froides – « entre l’abribus et la cabine téléphonique », résume, l’œil facétieux sous le sourcil broussailleux, l’artiste de 73 ans.De ces postes d’observation (l’un doublement circulaire, Two Nodes, l’autre en forme de vague, Tight Squeeze), qui ont offert tout l’été des points de vue inédits sur Marseille, Dan Graham dit qu’ils sont des « contrepoints » à l’architecture panoptique telle que dénoncée par Foucault : ici point d’entrave à la vue, mais un jeu avec celle-ci. « Cette vision n’est pas aliénante, c’est une situation de plaisir. Et c’est ma conception de l’art public », explique-t-il en citant le sculpteur Alexander Calder et l’artiste Jean Dubuffet parmi ses « héros ». Le Corbusier n’en fait pas partie : « Je n’ai jamais aimé son travail, et pour moi ses grandes barres ressemblent à des prisons. Mais j’aime ce toit grand ouvert sur le ciel, et qui était destiné à la classe ouvrière. »Il faut pénétrer dans ces deux créations de verre et d’inox, au sol en bois, en ressortir, en faire le tour, s’en éloigner et y revenir pour constater leur étonnante capacité d’attraction, qui plonge, un peu par surprise, les visiteurs dans une contemplation active. On se surprend ainsi à guetter sa propre image et celle des autres, qui s’y superposent, se croisent ou s’échappent, entre l’anamorphose et l’hologramme. Les structures, minimalistes, se font labyrinthiques dans un jeu infini de reflets imprévisibles et de distorsions réjouissantes, au plus près des variations du temps et du paysage qui se déploient tout autour, de la mer aux collines de l’arrière-pays. Le titre de l’exposition, « Observatory / Playground » (observatoire / terrain de jeu), tient en cela toutes ses promesses.L’exposition marseillaise, Ora-ïto la présente comme « une rétrospective à l’intérieur, une futurspective à l’extérieur ». « Futurspective » puisque l’un des deux pavillons de verre créés au MaMo sera exposé sur la place Vendôme, en octobre, dans le cadre de la FIAC Hors les murs, là-même où Paul McCarthy, compatriote et ami de Dan Graham, avait déployé sa très éphémère sculpture gonflable verte – le fameux Tree, surnommé le « Plug anal » –, qui avait fait polémique l’an dernier.Skatepark kaléïdoscopiqueDans l’ancien gymnase, des maquettes attestent des grandes étapes du travail de l’artiste depuis les années 1970. Clinic for a Suburban Site (1978) fait partie de ses premiers projets, qui ont lancé sa réflexion sur les espaces habitables, ici un centre de santé, tandis que Skateboard Pavilion (1989), terrain de jeu coiffé d’un toit de verre à facettes, montre le début de l’utilisation généralisée par l’artiste du miroir à double face – tout à la fois réfléchissant et transparent –, comme sa volonté de tendre vers la sculpture abstraite, qui caractérise son travail aujourd’hui.Chez Dan Graham, l’art conceptuel se révèle sensuel, ludique, presque magique. Mais ses installations architecturales se veulent aussi des lieux théâtralisés où le public a conscience de lui-même. « Je pense que, pendant les années 1980, le musée est devenu une sorte de jardin pour les familles, où l’on va avec les enfants pour profiter de l’art. Puis, dans les années 1990, les musées ont largement développé les programmes éducatifs pour les enfants, et beaucoup de familles ouvrières ont eu accès à l’art, ce qui a été très intéressant pour mon travail », analyse l’artiste à l’allure enfantine malgré sa barbe blanche, et qui affiche ce jour-là une tête de tigre sur son tee-shirt et des langoustes bleues sur ses chaussettes. « Je dis toujours que je fais des attractions pour les enfants, qui peuvent s’y faire photographier par leurs parents. C’est une expérience pour toute la famille. Mon travail est sur le regard des gens et le temps, les changements. »Ora-ïto met en avant leur qualité poétique. « Dans les œuvres de Dan Graham, il y a beaucoup d’effets optiques, mais qui relèvent toujours de la surprise : contrairement à l’Op Art, il n’y a pas de théorie, de système, pas de règles, pas d’effets qu’on peut connaître à l’avance. Ces structures absorbent tout : paysage, soleil, nuages, les lumières qui scintillent la nuit… »Absorberont-elles aussi bien le ciel parisien depuis la place Vendôme ? L’artiste, qui a déjà conçu une œuvre pérenne à Paris, porte de Versailles, ne craint pas en tout cas une mésaventure à la Paul McCarthy, dont la sculpture avait été vandalisée. Il revient sur ce qui est pour lui un malentendu : « Le public français ne comprend pas que son œuvre parle d’un enfant qui a peur de Disney. Cette peur, c’est très anti-américain. Ce qui s’est passé ne m’a pas surpris : les Parisiens aiment les œuvres intellectuelles, où tout est mots. Or, son œuvre est très physique. Paul McCarthy, qui est une personne adorable, vient de l’Utah, de Salt Lake City. Il y a une incompréhension envers la culture américaine de la périphérie. Le problème de Paul, maintenant, c’est qu’il fait des œuvres qui sont trop grandes. Moi, en revanche, j’ai peur que la mienne paraisse petite, place Vendôme... » A juger sur pièce, du 21 au 25 octobre, au cœur de Paris.« Observatory / Playground », jusqu’au 20 septembre au MaMo, à Marseille, et « Dan Graham » jusqu’au 8 octobre à la galerie Marian Goodman, à Paris.Emmanuelle Jardonnet (Marseille)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.09.2015 à 16h18 • Mis à jour le17.09.2015 à 08h38 | Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne Guy Béart était né au Caire et vivait à Garches, dans les Hauts-de-Seine. A 80 ans, Guy Béart avait publié un nouvel album, Le Meilleur des choses, après onze ans d’un silence qui aurait pu avoir raison de sa carrière. Ce mercredi 16 septembre, frappé par une crise cardiaque, il est tombé en sortant de chez le coiffeur, à Garches, il n’a pu être réanimé.A 84 ans, en janvier 2015, il avait tenu l’Olympia pendant près de quatre heures, sans vouloir décoller de la scène, aidé par Julien Clerc ou par sa fille Emmanuelle Béart, affolant la twittosphère des amateurs de chansons française – admiration et moqueries confondues.Depuis Bal chez Temporel écrit en 1957, d’abord chanté par Patachou, l’auteur-compositeur avait écrit un chapitre entier de la chanson française (Qu’on est bien, Chandernagor, L’Eau vive, Suez, Les Grands Principes…) et accumulé un catalogue de près de 250 chansons. Guy Béart s’était parfois absenté, mais en vérité, il n’a jamais décroché. Il s’est parfois mis en retrait, pour cause de maladie (cancer avoué), mais aussi parce que le chat Guy était échaudé par les pratiques « des maisons de disques », majors ou labels indépendants, toutes dans le même sac.Lire aussi :Politiques et musiciens rendent hommage à Guy BéartLe chanteur et auteur-compositeur n’avait pas toujours bon caractère, c’est de notoriété publique. Et quand il brocardait les hommes pressés de l’industrie musicale, la radio et la télévision, cela donnait Télé Attila, une chanson déclinée à charge déclinée sur son ultime album, en 2010, en version longue (5’56) et en version courte (3’27) pour en rajouter une louche. La télévision, il l’avait pourtant pratiquée de l’autre côté du décor, en présentant « Bienvenue », créée en 1966, où il invita Jacques Duclos, Robert Boulin, Aragon, Devos, Brassens, Michel Simon ou Duke Ellington. Un rêve de télévision réalisé « sans fric » (en juin 1970, il avait enregistré vingt-deux émissions en un mois), expliquait-il au Monde en septembre 2003. C’est aussi à la télévision qu’il avait commis l’un de ses plus beaux esclandres, face à Serge Gainsbourg – « un petit-maître, à l’occasion plagiaire » – qui en bon Gainsbarre, l’avait traité de « blaireau » sur le plateau d’« Apostrophes », en 1986. Guy Béart n’avait pas supporté qu’on dise de la chanson française qu’elle était un art mineur.Ingénieurs des Ponts et chausséesNé le 16 juillet 1930 au Caire, en Egypte, comme Georges Moustaki, Claude François, Dalida ou Richard Anthony, il était le fils d’un expert-comptable qui voyageait à travers le monde par profession, entraînant sa famille vers la Grèce, Nice, le Liban, où le petit Guy Béhart (le h a sauté par la suite) passa son enfance, puis au Mexique et enfin à Paris, où il entre à 17 ans au lycée Henri IV. Guy Béart avait gardé de ces années de transhumance un attachement à l’Orient et des envies d’ailleurs, qu’il traduit dans une des chansons françaises les plus célèbres, L’Eau vive, hymne à la liberté composé pour le film militant (contre les barrages) de Jean Giono et François Villiers.Guy Béart, qui se voyait en troubadour rêveur fut dans un premier temps un bâtisseur, membre du prestigieux corps des Ingénieurs des Ponts et chaussées, spécialiste de l’étude des cristaux et de la fissuration du béton. Il écrit des pièces de théâtre, travaille de-ci de-là, et chante avec sa guitare pour les copains de La Colombe, un bistrot du Quartier latin, dirigé par Michel Valette. Le patron des Trois Baudets Jacques Canetti l’embauche dans son cabaret de Pigalle, avec Mouloudji, Brel, Devos, Pierre Dac et Francis Blanche.Guy Béart a une voix particulière, un ton, un accent chaud, et ses chansons sont déjà excellentes. En 1955, Brassens le reçoit et l’écoute dans sa loge du Théâtre de verdure de Nice en lâchant « une autre ! », après chaque chanson et en glissant à son copain Jacques Grello : « Ecoute ! Il sait les faire ! ». Zizi Jeanmaire, Patachou, Juliette Gréco, Yves Montand, Colette Renard, Marie Laforêt, Maurice Chevalier : tous adoptent le style Béart et l’interprètent. Avec Qu’on est bien, Le Quidam, Bal chez Temporel, Chandernagor, Le Chapeau, l’originalité de son talent éclate dès son premier disque 25 cm enregistré, à 27 ans, en présence de Boris Vian qui chantait dans les chœurs. « En 1957 j’étais une vedette, mais en 1963, le twist devant « régner sur le siècle », j’étais un has been. A 33 ans, je n’avais plus qu’un renom », confiait-il en septembre 2003 à notre confrère Robert Belleret. « Contrairement à Brel ou Brassens, je ne me destinais pas à la chanson, et, comme le succès a été immédiat, je n’ai pas connu les vaches maigres, je n’ai pas été obligé de me constituer un réseau ni un clan et je n’ai jamais eu à jouer un personnage ».« Les paroles et les musiques viennent du rêve. Je prends des notes pendant la nuit. Pas pratique pour garder une femme, car on la réveille », nous disait-il en 2010, alors qu’après quinze ans de retraite anticipée, il avait accumulé les cahiers, les notes, les projets : « une centaine. J’en ai gardé quarante, puis j’ai réuni les femmes que j’ai connues dans ma jeunesse, des amis, afin de sélectionner, et j’en ai enregistré douze dans mon home studio ». Il avait ensuite reçu chez lui les prétendants à l’édition d’un disque, de chez lui, une magnifique maison d’architecte, parce que « rhumatisant depuis quarante ans », il recevait dans son salon. Pour le voir, il fallait traverser le vestibule, ses alignements de pipes et de guitares, les salons encombrés de cartons d’archives, de livres, « tous vitaux », et de vidéos, avant d’arriver au canapé tigré du living à verrière.Une succession de transferts et de procéduresSa maison de Garches était un lieu de pèlerinage. Des grands noms des arts et de la musique, des hommes politiques, peut-être même son ami Georges Pompidou, ont plongé dans la piscine, pris le frais sous les arbres centenaires et admiré l’esthétique Bauhaus de cet édifice de 1 200 m2, ancienne demeure de l’ambassadeur d’Autriche. Guy Béart l’avait achetée en 1967, après le succès de Vive la rose, titre phare d’un album consacré à la reprise de chansons du patrimoine français.Sa carrière phonographique est une succession de transferts et de procédures, dont celle qui l’opposa à Philips de 1963 à 1978, afin de récupérer les droits de ses chansons. « J’ai monté ma maison d’édition, Espace, très tôt. Puis Philips a viré Canetti [qui y était directeur artistique]. J’ai emprunté des sous à la Banque de Paris et des Pays-Bas, et j’ai fondé l’Auto Production des Artistes au Micro, une structure autogérée par les artistes. J’ai présenté l’affaire à Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Claude François, Pierre Perret. Ils ont trouvé l’idée si bonne qu’ils ont tous créé leur propre société. » Il fonde alors Temporel, sa société de production phonographique, devenue Bienvenue.En conséquence, ses partenaires sont ses distributeurs, « un point c’est tout ». Cette déclaration d’indépendance lui a valu l’une de ses manies les plus visibles : fumer cigarette sur cigarette. « Je vivais avec Popy, une Franco-Américaine. J’avais du mal à obtenir des rendez-vous. Elle m’a convaincu que le métier exigeait cigare et whisky. Ça a marché, j’ai pu approcher Eddie Barclay et d’autres, puis je me suis mis à la pipe. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux L’Orchestre symphonique de Boston (Boston Symphony Orchestre, BSO) dirigé par son jeune chef de 36 ans, le charismatique Andris Nelsons, avait brillamment auguré, jeudi 3 septembre, de la nouvelle saison de la Philharmonie de Paris. Lundi 14 septembre, la saga des grands orchestres américains invités dans le nouvel auditorium de La Villette s’est poursuivie avec l’Orchestre symphonique de San Francisco (San Francisco Symphony) conduit par son directeur musical depuis vingt ans, Michael Tilson Thomas (alias MTT). En soliste, la pianiste prodige chinoise, Yuja Wang, star invitée des musiciens du SFS, ouvrait le concert, comme l’avait fait dix jours plus tôt avec les Bostoniens, le violoncelliste américain d’origine chinoise, Yo-Yo Ma. Un concerto, une symphonie, la formule, pour éculée, fait toujours recette comme en témoigne une Philharmonie de Paris qui ne désemplit pas.Le Quatrième concerto pour piano de Beethoven est un peu emblématique dans la jeune carrière de Yuja Wang : c’est avec lui que la virtuose chinoise a triomphé pour la première fois en Europe en 2003 (à Zurich), avant de faire des débuts fulgurants en Amérique du Nord (Ottawa), deux ans plus tard – elle remplaçait au pied levé le grand Radu Lupu.Une artiste des sonsPas sûr cependant que cette musique de l’introspection convienne si bien à ce petit bout de femme, boule de nerf sexy moulée dans un fourreau de strass argenté vertigineusement échancré dans le dos. Non que le piano de Miss Wang ne soit capable de tous les chants. C’est, en effet, une fine musicienne qui sait ce que moduler une phrase veut dire, une artiste des sons dont la palette, notamment dans le presque rien, est stupéfiante.Non, il s’agit plus d’une profondeur dans la respiration, d’une attention plus grande au silence, d’une empathie plus affirmée, que semble dédaigner le jeu impétueux de divine impatiente. La technique est toujours ahurissante (ce n’est pas pour rien qu’elle a été surnommée « doigts volants » en référence au film d’Ang Lee (2000), Tigre et Dragon), notamment dans les cadences. Celle du premier mouvement semble même prendre de vitesse la musique. Mais quel « Andante con moto » !Le combat inégal entre un piano David et l’orchestre Goliath est mené note à note. L’entêtement du clavier a fait reculer le tutti jusqu’au retranchement des cordes en pizzicatos. Yuja Wang libère son chant d’oiseau montant dans le soleil ivre d’un trille auquel l’orchestre n’osera répondre qu’à voix basse. Merveilleuse réconciliation que le troisième mouvement, rondo mutin et léger : la pianiste fait danser la musique, les San-Franciscains lui donnent l’accolade à chaque trait.Baguette minimalisteMichael Tilson Thomas et son Orchestre de San Francisco sont des mahlériens. Ils ont gravé, entre 2001 et 2009 pour le label discographique maison SFS Media, les neuf symphonies (plus l’« Adagio » de la Dixième), avant que l’intégrale ne paraisse en 2011 pour le centenaire de la mort du compositeur viennois. L’homme aux cheveux gris est un septuagénaire élégant à la baguette minimaliste. Il n’a pas hérité de la légendaire extraversion du bouillonnant Leonard Bernstein dont il fut, à la fois, l’élève et l’émule.Son Mahler est puissant, franc, solidement charpenté, très clair. Il n’appelle ni la démesure, encore moins le pathos ou l’amère dérision. Il y a même quelque chose de transparent dans la manière dont il déploie la lente suspension, traversée de météores, du début de « Allegro moderato » de la Symphonie n°1 « Titan ». Dont il en ménage les effets. Ce d’autant que les musiciens du San Francisco Symphony sont excellents (bois et cuivres), qu’ils s’adonnent à la volupté du Trio dans le deuxième mouvement ou jouent sans racolage la musique populaire convoquée par Mahler (tempo de valse, thème bohémien, fanfares militaires, musique de cabaret).Après la superbe marche funèbre du troisième mouvement sur le thème fameux de la comptine Bruder Jakob (Frère Jacques), le Finale, beaucoup plus ouvertement dramatique – irrésistibles montées en puissance suivies de dépressions. « MTT » dirige sans partition, laisse la musique disparaître dans les ombres noires, avant de ressurgir comme une bête féroce. Huit cors debout diront la victoire de la lumière dans une spectaculaire mais calme péroraison. La sagesse du maître américain dans Mahler a quelque chose d’un peu conjugal : la tranquille assurance du mariage, sans la fatigue des pantoufles et du quotidien.Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Prochains concerts avec l’Orchestre de Paris les 19 et 20 septembre. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 40 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 18.09.2015 à 11h38 • Mis à jour le18.09.2015 à 12h06 Les inscriptions, dont certaines à caractère antisémite, sur Dirty Corner, la sculpture monumentale d’Anish Kapoor installée dans le parc du château de Versailles, vont être effacées « sous le contrôle de l’artiste », a annoncé l’établissement public.Surnommée « le vagin de la reine », la sculpture de 60 mètres de longueur à la connotation sexuelle évidente, a été vandalisée trois fois depuis juin, dont deux ces dernières semaines.L’artiste britannique d’origine indienne avait d’abord demandé à ce que les insultes antisémites ne soient pas retirées, car il estimait que désormais « ces mots infamants font partie » de l’œuvre. Il avait ensuite nuancé son propos, en disant qu’il « avait besoin de temps pour décider de les effacer ». Finalement, elles seront « dissimulées ».Le plasticien avait demandé à l’Etat, le 12 septembre, d’assurer la sécurité de sa sculpture jusqu’à la fin de son exposition au château de Versailles, le 1er novembre, et que les auteurs des dégradations soient retrouvés et poursuivis.Lire aussi :Enquête à Versailles après une troisième dégradation de l’œuvre d’Anish Kapoor 18.09.2015 à 10h07 • Mis à jour le18.09.2015 à 14h33 | Emilie Grangeray Qu’est-ce qui vous a pris d’acheter 250 photos sur Internet ?Isabelle Monnin : La réponse est terriblement banale. Parce qu’elles étaient à vendre ! Je venais de dîner chez un ami qui possède des photos amateurs, apprenant ainsi que des gens vendent des photos et qu’on peut les acheter. Le lendemain, je tape « photos de famille » sur eBay et tombe sur un lot de Polaroid vendu par un brocanteur. Je les achète sans savoir alors ce que j’en ferai. Sauf que je les aime tout de suite, parce que je les trouve familières, authentiques et fragiles, comme le sont les photos de famille.Comment est né le livre ?I.M. : Un an après l’achat, en mai 2013, j’ai l’idée, au réveil, de raconter la vie de ces gens. Et je sais faire deux choses : inventer (c’est mon côté romancière) et enquêter (dix-sept ans de journalisme). Je décide donc d’imaginer leurs vies à partir des photos puis, une fois le roman terminé, de les retrouver.Le roman terminé, vous dites avoir eu du mal à vous mettre à l’enquête, pourquoi ?I.M. : Commencer une enquête, c’est toujours compliqué, même si, dans le cas précis de ce livre, ce n’est pas une véritable enquête journalistique car je n’ai rien vérifié de ce qui m’a été dit. Il y avait aussi une incertitude mêlée à une certaine peur : allais-je retrouver les gens des photos et n’allaient-ils pas m’opposer un refus ? Enfin, cela signifiait aussi quitter mes personnages, et peut-être n’étais-je pas pressée de le faire. Roman, enquête, chansons : c’est un livre hybride ?I.M. : C’est vrai que j’ai l’impression d’avoir inventé quelque chose qui n’existait pas encore. Pourtant, j’avais très peur du côté gadget, ludique, couteau suisse. Pour moi, il s’agissait vraiment d’explorer les différents types de narration, et le disque qu’Alex a composé raconte aussi mes personnages. Il a même lu entre les lignes ce que je n’avais pas écrit.Alex Beaupain : Enthousiasmé par le projet d’Isabelle, je lui ai proposé d’écrire les chansons. Ce que j’ai fait en une semaine, lors de vacances que nous avons passées ensemble dans le Lubéron.Les gens des photos viennent de Clerval, à 60 kilomètres de Besançon où vous avez grandi tous les deux. Coïncidence ?A.B. : Sans tomber dans le mysticisme, c’est extrêmement troublant. Je pense que cela évoquait des choses de notre enfance, des paysages familiers, une espèce de mémoire souterraine.I.M. : Alex et moi venons du même monde. Nous partageons les mêmes codes, le rire, le chant, la table, mais aussi le goût de l’effort, la foi en l’éducation et la culture, et, en effet, ce sont des gens qui nous sont familiers. Ainsi, la Mamie Poulet de mon livre ressemble à ce que fut ma grand-mère. Dans le livre, vous évoquez votre sœur disparue : « Comme chaque fois qu’il m’arrive quelque chose d’important, je parlerai à ma sœur. C’est comme ça, elle et moi. Sa mort n’y change rien. » C’est finalement un livre très personnel.I.M. : Cela s’est imposé. Je ne savais pas quelle forme prendrait le récit de l’enquête. J’ai vite compris que c’était moralement compliqué de raconter des gens en me planquant, moi. J’ai donc décidé que le journal d’écriture dans lequel je prenais des notes pour moi deviendrait le texte. Lequel devient donc plus intime.L’envie de garder un lien avec les disparus traversait vos précédents livres « Les Vies extraordinaires d’Eugène » et « Daffodil Silver ». Les romans permettent-ils de lutter contre l’oubli, de ressusciter les absents ?I.M. : C’est vrai, c’est une obsession tout autant qu’une angoisse, j’imagine. Il est bien entendu vain de croire que l’on pourra faire revenir les disparus, voire les raconter entièrement et parfaitement. Pourtant il faut le faire. Pour moi, les livres sont pareils à des tombeaux, des endroits où l’on conserve des choses, des gens. En fait, je suis conservatrice ! (Rires.) Il y a aussi cette autre question : "À qui sont les photos de mon enveloppe ? À celui qui les a prises, à ceux qui figurent dessus, à moi qui les ai achetées ? "I.M. : Je suis en effet dépositaire de souvenirs qui ne m’appartiennent pas. Et je pense alors aux annuaires téléphoniques de Modiano, aux mille portraits du Kaddish de Boltanski. Encore une fois, c’est la même tentative de conserver des traces matérielles, même infimes, de ce qui fut.Vous évoquez la possibilité d’en faire une pièce, on rêverait d’un film à la Alain Resnais, est-ce prévu ?En chœur : Tout à fait ! On y travaille…M vous fait découvrir en exclusivité quatre titres d’Alex Beaupain :Les gens dans l’enveloppe, Livre, CD roman et enquête d’Isabelle Monnin, chansons d’Alex Beaupain, JC Lattès, 370 p., 22 €.Emilie GrangerayJournaliste au Monde 18.09.2015 à 06h47 Découvrir les mystères d’Osiris à l’Institut du monde arabe à Paris, danser au son de l’accordéon à Tulle ou faire une cure de Haydn à La Roche-Posay : voici les choix du « Monde ».Exposition. Osiris sortie du Nil, à l’Institut du monde arabe L’exposition à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris de vestiges – statues monumentales, coupes, bijoux, ex-voto, etc. – repêchés dans la baie d’Aboukir, au large du delta du Nil, trésors de l’antique Egypte, est un événement. Ces pièces proviennent de Thônis-Héracléion et Canope, ports prospères, engloutis depuis des millénaires. Le butin, sauvé des eaux, provient des fouilles sous-marines de Franck Goddio, président de l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM), qui a travaillé avec une équipe de soixante spécialistes pour localiser, explorer les cités perdues, en exhumer les vestiges et les restaurer. A l’IMA, les objets exposés disent l’importance du culte rendu à Osiris. Seul dieu vénéré dans toute l’Egypte affirme Hérodote. La procession nautique que la figure divine doit accomplir une fois l’an est rythmée, dans les vitrines, par des pièces inédites. Florence Evin« Osiris, Mystères engloutis d’Egypte », jusqu’au 31 janvier 2016, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 heures à 19 heures, le vendredi jusqu’à 21 h 30, le week-end jusqu’à 20 heures. Tarif : de 10, 50 à 15,50 euros. imarabe.orgPhotographie. Un camp de réfugiés vu de l’intérieur Le photographe Samuel Gratacap, lauréat du prix de la jeune création au BAL, à Paris, a passé plusieurs années à Choucha, en Tunisie : un camp de réfugiés où ont échoué jusqu’à 30 000 personnes ayant fui la guerre en Libye, et qui a fini par fermer en 2013, laissant sur le carreau des centaines d’entre eux. Mais comment traduire la situation par d’autres images que les habituelles enfilades de baraquements et les portraits habituels ? Dans ce lieu hostile, balayé par le vent du désert et régi par les règles de fer d’une administration humanitaire internationale, le photographe a d’abord donné à voir des mots : ceux d’espoir tracés sur le tissu des tentes, ceux de colère et de révolte qu’ont criés les réfugiés pour protester contre les conditions de vie et la lenteur des procédures – ils ouvrent l’exposition au BAL, à Paris. « J’ai cherché des photos qui aillent au-delà de la description », explique le photographe, qui a réussi à traduire en images l’inhumanité d’un « lieu de vie proprement invivable ». Claire Guillot« Empire », au BAL, 6, impasse de la Défense, Paris 18e arrondissement. Mo Place de Clichy. Tél. : 01-44-70-75-50. Tarifs : 6 € et 4 €. Jusqu’au 4 octobre. Livre Empire, ed. Le Bal/Filigranes, 124 p., 25 €.Théâtre. Un délicat cérémonial féminin, au Théâtre du Rond-Point « Princesse, vieille reine, tel est le destin des femmes », écrit Pascal Quignard. L’auteur de Tous les matins du monde fait la rentrée du Théâtre du Rond-Point, avec un texte écrit spécialement pour Marie Vialle. Depuis plusieurs années, il écrit des contes pour cette merveilleuse actrice. Cinq d’entre eux sont réunis ici, que Pascal Quignard a imaginés en rêvant sur « cinq merveilleuses robes : une longue tunique franque, une robe de soie de Chine longue et souple, un kimono japonais tout raide, un manteau de fourrure immense, une robe à crinoline Napoléon III ». De l’un à l’autre, qui racontent l’histoire de la fille de Charlemagne, la princesse Emmen, qui décida d’aimer le secrétaire du Palais et pour cela de le porter sur son dos à travers la neige, ou celle de l’amour impossible de la fille du gouverneur de la province d’Ise et du prince Nakahira, c’est à un délicat cérémonial du féminin que convie l’actrice. Un cérémonial qui n’exclut pas l’humour, et qui interroge les images et les destins de la féminité. Fabienne DargePrincesse Vieille Reine, de Pascal Quignard (éditions Galilée). Mise en scène et interprétation : Marie Vialle. Théâtre du Rond-Point, 2, bis av. Franklin-Roosevelt, Paris 8e arrondissement. Mo Franklin-Roosevelt. Tél. : 01-44-95-98-21. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 27 septembre. De 16 € à 29 €. Durée : 1 h 10. theatredurondpoint.frHumour. Sophia Aram fait son retour au Palais des Glaces à Paris On avait gardé un très bon souvenir du précédent spectacle de Sophia Aram, Crise de foi, qui mettait dos à dos les trois religions monothéistes. Elle revient au Palais des Glaces avec un nouveau « seul en scène », un peu trop marqué par son travail de chroniqueuse sur France Inter, où elle officie le matin depuis trois ans. C’est en effet quand elle oublie cette casquette que l’humoriste est à son meilleur. Dans son nouveau solo, au rythme parfois décousu, il y a la tante arabe qui se désespère de l’arrivée des bobos de l’autre côté du périph’(« On est plus chez nous, c’est une colonisation ») avec leur drôle de « maladie » qui leur interdit de manger du gluten. Ou ce djihadiste canadien qui se dit « contre les bonbons à base de gélatine de porc qui engraissent les dentistes juifs ». Sophia Aram ne cache ni ses sentiments ni ses colères et prend sa part dans le débat public. Sandrine BlanchardSophia Aram dans Le fond de l’air effraie, jusqu’au 2 janvier, du mardi au samedi à 20 heures au Palais des Glaces, 37, rue du Faubourg du Temple, Paris 10e arrondissement. Durée : 1 h 30. Tarifs : de 19 € à 36 €.Danse. Le temps d’aimer la danse, observatoire de tous les styles, à Biarritz A Biarritz, le festival Le temps d’aimer la danse, qui fête ses 25  ans, parie sur le plein air, jusqu’au 20 septembre. Si le style néoclassique colore la manifestation créée en 1991 par Jakes Abeberry, alors adjoint à la culture, cette identité n’empêche pas le Thierry Malandain, chorégraphe et directeur du festival et du Centre chorégraphique de Biarritz, de programmer à bras ouverts. L’éclectisme est la règle, avec une place réservée aux artistes installés en Aquitaine. La diversité se traduit d’abord en basque, avec des groupes de danse traditionnelle disséminés dans la ville. Dans les salles du Casino et du Colisée, la culbute esthétique se poursuit : baroque, contemporain, butô. Le Temps d’aimer la danse est un observatoire de styles ouvert à tous. Rosita BoisseauLe temps d’aimer la danse, à Biarritz jusqu’au 20 septembre. De 13,80 euros à 29,80 euros. letempsdaimer.comMusique. Les rois de l’accordéon ont rendez-vous à Tulle On l’appelle parfois le piano du pauvre mais les créateurs du festival Les Nuits de nacre ont préféré évoquer la matière qui en constitue les boutons dans l’intitulé de la manifestation consacrée à l’accordéon. Un festival organisé à Tulle (Corrèze) depuis le début des années 1980 et pour sa présente édition, du 17 au 20 septembre. Avec en « artiste fil rouge » Marcel Loeffler qui, outre plusieurs concerts, participera à des rencontres et conférences. Sont aussi attendus Marcel Azzola, Pascal Contet, Richard Galliano ou Christian Peschel, parmi les instrumentistes les plus connus, ce dernier perpétuant la tradition des bals. Et toute une nouvelle génération de musiciennes et musiciens dont Aurelie Gourbeyre, Bénédicte Grimal, Erwan Mellec, Antoine Alliese, Charles Kieny… en soliste ou au sein de formations qui voyagent aussi bien dans le jazz que le rock ou les musiques du monde. Sylvain SiclierLes Nuits de nacre, à Tulle (Corrèze), Théâtre des 7 Collines, salle Gus Viseur, salle Latreille, Magic Mirrors et divers lieux de la ville. Jusqu’au 20 septembre. De 5 € à 30 € pour les concerts payants, nombreux spectacles en accès libre.Classique. Haydn fêté à La Roche-PosayVoilà un festival au nom bien sympathique : Les vacances de Monsieur Haydn. Sa onzième édition se tiendra les 18, 19 et 20 septembre dans la jolie ville thermale de La Roche-Posay (Vienne). Autour de son fondateur, le violoncelliste Jérôme Pernoo, une douzaine de musiciens amis bien décidés à faire que la musique de chambre soit une fête. De Mozart (que Monsieur Haydn admirait) à Wagner (qu’il ne connut pas), de Schumann à Fauré, de Steve Reich à Guillaume Connesson, trois jours pour une cure intensive de musique. Soit huit concerts (payants) et, pour les boulimiques, 60 mini-concerts gratuits de 20 minutes. Pas vraiment des vacances ? Marie-Aude RouxLes Vacances de Monsieur Haydn. Casino de La Roche-Posay (Vienne). Les 17, 18 et 19 septembre. Tél. : 05-49-86-22-62. De 17 € à 22 €. Lesvacancesdemonsieurhaydn.com Fabienne Darge Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas exagérer –, mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec Comme une pierre qui…, le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement. 16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en être changée, définitivement.L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond ce spectacle, qu’elle a conçu avec Sébastien Pouderoux, mix de concert et de représentation théâtrale, on ne peut plus vivant et drôle, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique. Foirage en règleCar au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu. S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de ses camarades.Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965. Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller. Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.Un Dylan habité de l’intérieurVoilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français. Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».Comme une pierre qui…, d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond, avec Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, Paris-1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Du mercredi au dimanche à 18 h 30, jusqu’au 25 octobre. De 9 à 20 €. Durée : 1 h 10. www.comedie-francaise.frFabienne DargeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Dès l’automne 2013, alors que Bangerz allait être publié, Miley Cyrus avait indiqué qu’elle travaillait déjà sur un futur nouvel album. Il a fait son arrivée sous le titre Miley Cyrus and Her Dead Petz (… et ses animaux de compagnie morts) sur la plateforme suédoise de distribution de musique en ligne SoundCoud, le 30 août. Un disque financé par la chanteuse pour son label Smiley Miley Inc. Sont ainsi en accès libre, sur une page dédiée de SoundCloud et une autre sur le site officiel de la chanteuse, vingt-trois chansons pour une durée totale de plus de 90 minutes.Dont plus de la moitié est signée ou cosignée par des membres de The Flaming Lips, en particulier le chanteur Wayne Coyne et le multi-instrumentiste Steven Drozd – le neveu de Wayne Coyne, Dennis, est aussi de la partie, comme le guitariste Derek Brown, présent au sein du groupe depuis 2009. Rappelons qu’en matière de bizarreries, dans les textes comme la musique, d’expérimentations (ils ont enregistré une chanson d’une durée de 6 heures, une autre de 24 heures…), de dingueries spectaculaires lors de leurs concerts tout en sachant conserver une accroche pop, les Flaming Lips ont une sérieuse réputation. Les autres titres, une dizaine, ont été réalisés en collaboration avec des producteurs plus spécialisés dans le r’n’b et le hip-hop comme Oren Yoel ou Mike Will Made It, qui ont déjà travaillé avec la jeune femme, ou laissés à sa seule responsabilité.Lire aussi : Le show hypnotique des Flaming Lips Ex-idole des préadolescentsCette collaboration entre les Flaming Lips et l’ex-idole des préadolescents aux Etats-Unis, au temps où elle tenait le rôle principal de la série télévisée « Hannah Montana », gentillette histoire d’une lycéenne devenant une star de la pop, diffusée par The Disney Channel entre mars 2006 et janvier 2011, n’est toutefois pas une nouveauté. Tout avait commencé le 13 janvier 2014, lorsque Miley Cyrus avait souhaité à Wayne Coyne un bon anniversaire pour ses (alors) 53 ans par un message sur le réseau social Twitter : « happy birthday to one of my favorite artists OF alllllll time » (un joyeux anniversaire à l’un de mes artistes préférés de tous les temps).Miley Cyrus avait déjà pris ses distances par rapport à son image télévisée. Le disque Bangerz lui avait permis de passer de la variété à un mélange de pop, d’électro et de hip-hop, ses tenues de scènes étaient devenues de moins en moins prudes, comme son comportement à la scène et à la ville. On aurait pu en rester là, mais pour rendre la politesse à la déclaration d’admiration de Miley Cyrus, les Flaming Lips avaient participé à quelques concerts de la chanteuse en 2014. Et l’avaient conviée à participer à With a Little Help from My Fwends, recréation avec divers allumés camarades des Flaming Lips de l’album des Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Depuis, des échos dans la presse spécialisée, des messages sur les réseaux sociaux, avaient permis de suivre la progression du futur album de la chanteuse. De sept, on était passé à quatorze chansons, jusqu’à ces vingt-trois.Lire aussi : The Flaming Lips ou les Beatles sous acideRecyclage de sons passésAu menu, dans les textes, une célébration de l’herbe à fumer, des pilules pour en voir de toutes les couleurs, de l’hédonisme érotique et des évocations de nombreux animaux de compagnie de la chanteuse, dont Pablow le poisson-lune ou Floyd le chien. Un ensemble qui a du mal à tenir la distance sur la longueur. The Flaming Lips recyclent au profit de Miley Cyrus pas mal de sons et d’aventures passés et ce, dès le premier titre, Dooo It, déclinaison d’une précédente collaboration du groupe avec Yoko Ono en avril 2012, sous le titre Do It ! On retrouve aussi, dans Milky Milky Milk, Cyrus Skies ou Evil Is But A Shadow, des ambiances sombres venues des albums Embryonic (2009), The Terror (2013) ou de la longue pièce 24 Hour Song Skull (octobre 2011). Malgré ce manque d’inspiration et l’absence d’une vraie folie musicale, c’est par ces collaborations avec les Flaming Lips que Miley Cyrus and Her Dead Petz se distingue.Les compositions de la seule Miley Cyrus se révèlent, pour la plupart, insignifiantes. Avec des sonorités plus électro, un phrasé plus monotone (BB Talk, Fweaky, I’m So Drunk, I Forgive Yiew…), un détour du côté de ballades passe-partout avec une voix qui rappelle celle de Madonna (I Get So Scared, Lighter). On discerne aussi ici et là quelques « fuck ». Ce qui fera peut-être frémir aux Etats-Unis mais sonne d’abord comme un cliché.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 17.09.2015 à 06h57 • Mis à jour le20.09.2015 à 17h01 | Fabienne Darge //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Sheryl Sandberg, le féminisme version Silicon Valley Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique Projection de la version intégrale du « Mahabharata »tous les articles de la thématique Tel un maître zen, Peter Brook épure et concentre de plus en plus son théâtre. A 90 ans, il offre avec Battlefield, créé en première mondiale, mardi 15 septembre, en son théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, avant de partir pour une longue tournée internationale, un spectacle comme un geste parfait et suspendu, léger comme un souffle.Brook revient ici au Mahabharata, qu’il créa en 1985 au Festival d’Avignon, et qui fut un sommet de son œuvre. Avec Battlefield (« Champ de bataille »), il extrait de l’immense épopée indienne un petit épisode inédit.Lire aussi :« Le Mahabharata », ou l’Inde de nos rêvesLa pièce prend place à la fin de la guerre exterminatrice qui a décimé des centaines de milliers de guerriers. La Terre est une mer de boue sanglante. La guerre est née d’un conflit familial : l’opposition sans merci entre les cent frères Kauravas, dirigés par leur aîné Duryodhana, et leurs cinq cousins, les Pandavas, dirigés par leur aîné Yudhishtira. Les cent frères sont morts. Yudhishtira a gagné. Il doit maintenant devenir roi. Comment régner, comment vivre, comment reconstruire sur un sol jonché de cadavres ? Peter Brook est un malin, qui sait que notre époque sans mémoire réclame de l’art qu’il se justifie par son lien avec l’actualité. Alors, dans les entretiens qu’il a accordés avant la première, il a évoqué le contexte dans lequel nous baignons, la guerre en Syrie, le terrorisme.C’est pourtant un tout autre sujet, bien plus profond et intemporel, qui se dégage de ce délicat prélèvement sur les millions de vers du grand poème indien : la mort, la puissance de l’imaginaire et les structures archaïques que représentent les grands mythes universels. L’on apprendra que Duryodhana et Yudhishtira étaient frères, tous deux nés de la même reine qui, alors jeune princesse, fut aimée une nuit par le Soleil, et enfanta ce fils qu’elle abandonna au fil de l’eau, comme le fut Moïse. Des frères ennemis, un guerrier maudit qu’il faut bien enterrer, comme dans Antigone, un vieux roi aveugle s’enfonçant dans la forêt pour trouver la vérité de sa mort, comme dans Le Roi Lear, et la fragilité de la vie humaine où le destin de l’homme est d’être à la fois un ver de terre et un dieu…D’une simplicité magistraleDans ce spectacle où il enroule comme par jeu une histoire sur une autre, Peter Brook semble distiller la recherche de toute une vie : le théâtre comme sur une place de village en Afrique, le bruit et la fureur de l’épopée shakespearienne, le soubassement discret, mais jamais démenti, de la tragédie grecque. Tout cela avec une simplicité magistrale, que le sorcier Brook affine de spectacle en spectacle. L’espace sublime des Bouffes du Nord, ce « theatrum mundi » par excellence, magnifiquement éclairé par les lumières de Philippe Vialatte, est une caverne magique où le théâtre, conçu comme un art du conteur à têtes multiples, advient grâce à quelques morceaux d’étoffe et aux acteurs.Et ces acteurs, tels que le maître les a choisis et dirigés, avec un art consommé, apparaissent eux aussi comme une synthèse de toute sa recherche. Ils n’appartiennent pas, pourtant, à la bande historique du metteur en scène. L’Irlandais Sean O’Callaghan porte sur lui toute une histoire shakespearienne. Quant aux trois autres, Carole Karemera, Jared McNeill et Ery Nzaramba, Belges ou Britanniques d’origine africaine, ils incarnent tout ce parcours mené par Brook avec des comédiens issus du continent noir, qui représentent pour lui l’Acteur organique et universel par excellence.Il est là, le « champ de bataille » de Battlefield : un geste, une note suspendus, à l’image de celui du musicien Toshi Tsuchitori sur son tambour, qui clôt le spectacle. Peter Brook n’est pas venu saluer, comme il le fait toujours, en se glissant sur le plateau par une des petites portes latérales. Mais il était là, dans chaque microparticule de ce théâtre à qui il a donné son âme.Lire aussi :Peter Brook, du « Mahabharata » à « Battlefield »Battlefield, d’après le Mahabharata et la pièce de Jean-Claude Carrière. Adaptation et mise en scène : Peter Brook et Marie-Hélène Estienne. Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bd de La Chapelle, Paris 10e. Tél. : 01-46-07-34-50. Du mardi au samedi à 20 h 30 jusqu’au 17 octobre, dimanche 27 septembre à 20 heures, et les samedis 3, 10 et 17 octobre également à 15 h 30. De 14 à 30 €. Durée : 1 h 15. En anglais surtitré. www.bouffesdunord.comDécouvrez « Battlefield », samedi 26 septembre, dans le cadre du Monde Festival :Lire aussi :« Battlefield », le nouveau « Mahabharata » de Peter BrookChanger le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival. Par Fabienne Darge Emmanuelle Jardonnet (Marseille) Chaque été depuis deux ans, le designer Ora-ïto convie un artiste sur le spectaculaire toit-terrasse de la Cité radieuse du Corbusier et dans l’ancien gymnase qui le coiffe, mués en lieux d’exposition – le MaMo, pour Marseille Modulor – pour des tête-à-tête avec le ciel marseillais. Après Xavier Veilhan en 2013, puis Daniel Buren en 2014, le choix du maître des lieux s’est, cette année, porté sur l’Américain Dan Graham.« La première édition était un hommage au Corbusier, l’été dernier a été le temps de l’émancipation, avec un espace destructuré. Aujourd’hui, le lieu peut fonctionner de manière autonome, et je cherchais quelqu’un capable de prendre le pouvoir dans un espace qui a un tel charisme », confie Ora-ïto. Du premier, on se souvient ainsi de l’immense buste bleu ciel de l’architecte dessinant sur sa table de travail, qui n’était autre que le toit du bâtiment lui-même. Du deuxième, d’un déploiement de formes et de couleurs qui venaient emplir et redessiner l’espace. Avec Dan Graham et ses architectures-sculptures tout en transparences, l’approche est assurément d’une autre nature, plus impalpable.« Entre l’abribus et la cabine téléphonique »Posées en extérieur, deux constructions se présentent sous forme de « pavillons », terme cher à l’artiste qui désigne ses structures à géométrie variable qui ressemblent à première vue à des cabanes urbaines un peu froides – « entre l’abribus et la cabine téléphonique », résume, l’œil facétieux sous le sourcil broussailleux, l’artiste de 73 ans.De ces postes d’observation (l’un doublement circulaire, Two Nodes, l’autre en forme de vague, Tight Squeeze), qui ont offert tout l’été des points de vue inédits sur Marseille, Dan Graham dit qu’ils sont des « contrepoints » à l’architecture panoptique telle que dénoncée par Foucault : ici point d’entrave à la vue, mais un jeu avec celle-ci. « Cette vision n’est pas aliénante, c’est une situation de plaisir. Et c’est ma conception de l’art public », explique-t-il en citant le sculpteur Alexander Calder et l’artiste Jean Dubuffet parmi ses « héros ». Le Corbusier n’en fait pas partie : « Je n’ai jamais aimé son travail, et pour moi ses grandes barres ressemblent à des prisons. Mais j’aime ce toit grand ouvert sur le ciel, et qui était destiné à la classe ouvrière. »Il faut pénétrer dans ces deux créations de verre et d’inox, au sol en bois, en ressortir, en faire le tour, s’en éloigner et y revenir pour constater leur étonnante capacité d’attraction, qui plonge, un peu par surprise, les visiteurs dans une contemplation active. On se surprend ainsi à guetter sa propre image et celle des autres, qui s’y superposent, se croisent ou s’échappent, entre l’anamorphose et l’hologramme. Les structures, minimalistes, se font labyrinthiques dans un jeu infini de reflets imprévisibles et de distorsions réjouissantes, au plus près des variations du temps et du paysage qui se déploient tout autour, de la mer aux collines de l’arrière-pays. Le titre de l’exposition, « Observatory / Playground » (observatoire / terrain de jeu), tient en cela toutes ses promesses.L’exposition marseillaise, Ora-ïto la présente comme « une rétrospective à l’intérieur, une futurspective à l’extérieur ». « Futurspective » puisque l’un des deux pavillons de verre créés au MaMo sera exposé sur la place Vendôme, en octobre, dans le cadre de la FIAC Hors les murs, là-même où Paul McCarthy, compatriote et ami de Dan Graham, avait déployé sa très éphémère sculpture gonflable verte – le fameux Tree, surnommé le « Plug anal » –, qui avait fait polémique l’an dernier.Skatepark kaléïdoscopiqueDans l’ancien gymnase, des maquettes attestent des grandes étapes du travail de l’artiste depuis les années 1970. Clinic for a Suburban Site (1978) fait partie de ses premiers projets, qui ont lancé sa réflexion sur les espaces habitables, ici un centre de santé, tandis que Skateboard Pavilion (1989), terrain de jeu coiffé d’un toit de verre à facettes, montre le début de l’utilisation généralisée par l’artiste du miroir à double face – tout à la fois réfléchissant et transparent –, comme sa volonté de tendre vers la sculpture abstraite, qui caractérise son travail aujourd’hui.Chez Dan Graham, l’art conceptuel se révèle sensuel, ludique, presque magique. Mais ses installations architecturales se veulent aussi des lieux théâtralisés où le public a conscience de lui-même. « Je pense que, pendant les années 1980, le musée est devenu une sorte de jardin pour les familles, où l’on va avec les enfants pour profiter de l’art. Puis, dans les années 1990, les musées ont largement développé les programmes éducatifs pour les enfants, et beaucoup de familles ouvrières ont eu accès à l’art, ce qui a été très intéressant pour mon travail », analyse l’artiste à l’allure enfantine malgré sa barbe blanche, et qui affiche ce jour-là une tête de tigre sur son tee-shirt et des langoustes bleues sur ses chaussettes. « Je dis toujours que je fais des attractions pour les enfants, qui peuvent s’y faire photographier par leurs parents. C’est une expérience pour toute la famille. Mon travail est sur le regard des gens et le temps, les changements. »Ora-ïto met en avant leur qualité poétique. « Dans les œuvres de Dan Graham, il y a beaucoup d’effets optiques, mais qui relèvent toujours de la surprise : contrairement à l’Op Art, il n’y a pas de théorie, de système, pas de règles, pas d’effets qu’on peut connaître à l’avance. Ces structures absorbent tout : paysage, soleil, nuages, les lumières qui scintillent la nuit… »Absorberont-elles aussi bien le ciel parisien depuis la place Vendôme ? L’artiste, qui a déjà conçu une œuvre pérenne à Paris, porte de Versailles, ne craint pas en tout cas une mésaventure à la Paul McCarthy, dont la sculpture avait été vandalisée. Il revient sur ce qui est pour lui un malentendu : « Le public français ne comprend pas que son œuvre parle d’un enfant qui a peur de Disney. Cette peur, c’est très anti-américain. Ce qui s’est passé ne m’a pas surpris : les Parisiens aiment les œuvres intellectuelles, où tout est mots. Or, son œuvre est très physique. Paul McCarthy, qui est une personne adorable, vient de l’Utah, de Salt Lake City. Il y a une incompréhension envers la culture américaine de la périphérie. Le problème de Paul, maintenant, c’est qu’il fait des œuvres qui sont trop grandes. Moi, en revanche, j’ai peur que la mienne paraisse petite, place Vendôme... » A juger sur pièce, du 21 au 25 octobre, au cœur de Paris.« Observatory / Playground », jusqu’au 20 septembre au MaMo, à Marseille, et « Dan Graham » jusqu’au 8 octobre à la galerie Marian Goodman, à Paris.Emmanuelle Jardonnet (Marseille)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.09.2015 à 16h18 • Mis à jour le17.09.2015 à 08h38 | Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne Guy Béart était né au Caire et vivait à Garches, dans les Hauts-de-Seine. A 80 ans, Guy Béart avait publié un nouvel album, Le Meilleur des choses, après onze ans d’un silence qui aurait pu avoir raison de sa carrière. Ce mercredi 16 septembre, frappé par une crise cardiaque, il est tombé en sortant de chez le coiffeur, à Garches, il n’a pu être réanimé.A 84 ans, en janvier 2015, il avait tenu l’Olympia pendant près de quatre heures, sans vouloir décoller de la scène, aidé par Julien Clerc ou par sa fille Emmanuelle Béart, affolant la twittosphère des amateurs de chansons française – admiration et moqueries confondues.Depuis Bal chez Temporel écrit en 1957, d’abord chanté par Patachou, l’auteur-compositeur avait écrit un chapitre entier de la chanson française (Qu’on est bien, Chandernagor, L’Eau vive, Suez, Les Grands Principes…) et accumulé un catalogue de près de 250 chansons. Guy Béart s’était parfois absenté, mais en vérité, il n’a jamais décroché. Il s’est parfois mis en retrait, pour cause de maladie (cancer avoué), mais aussi parce que le chat Guy était échaudé par les pratiques « des maisons de disques », majors ou labels indépendants, toutes dans le même sac.Lire aussi :Politiques et musiciens rendent hommage à Guy BéartLe chanteur et auteur-compositeur n’avait pas toujours bon caractère, c’est de notoriété publique. Et quand il brocardait les hommes pressés de l’industrie musicale, la radio et la télévision, cela donnait Télé Attila, une chanson déclinée à charge déclinée sur son ultime album, en 2010, en version longue (5’56) et en version courte (3’27) pour en rajouter une louche. La télévision, il l’avait pourtant pratiquée de l’autre côté du décor, en présentant « Bienvenue », créée en 1966, où il invita Jacques Duclos, Robert Boulin, Aragon, Devos, Brassens, Michel Simon ou Duke Ellington. Un rêve de télévision réalisé « sans fric » (en juin 1970, il avait enregistré vingt-deux émissions en un mois), expliquait-il au Monde en septembre 2003. C’est aussi à la télévision qu’il avait commis l’un de ses plus beaux esclandres, face à Serge Gainsbourg – « un petit-maître, à l’occasion plagiaire » – qui en bon Gainsbarre, l’avait traité de « blaireau » sur le plateau d’« Apostrophes », en 1986. Guy Béart n’avait pas supporté qu’on dise de la chanson française qu’elle était un art mineur.Ingénieurs des Ponts et chausséesNé le 16 juillet 1930 au Caire, en Egypte, comme Georges Moustaki, Claude François, Dalida ou Richard Anthony, il était le fils d’un expert-comptable qui voyageait à travers le monde par profession, entraînant sa famille vers la Grèce, Nice, le Liban, où le petit Guy Béhart (le h a sauté par la suite) passa son enfance, puis au Mexique et enfin à Paris, où il entre à 17 ans au lycée Henri IV. Guy Béart avait gardé de ces années de transhumance un attachement à l’Orient et des envies d’ailleurs, qu’il traduit dans une des chansons françaises les plus célèbres, L’Eau vive, hymne à la liberté composé pour le film militant (contre les barrages) de Jean Giono et François Villiers.Guy Béart, qui se voyait en troubadour rêveur fut dans un premier temps un bâtisseur, membre du prestigieux corps des Ingénieurs des Ponts et chaussées, spécialiste de l’étude des cristaux et de la fissuration du béton. Il écrit des pièces de théâtre, travaille de-ci de-là, et chante avec sa guitare pour les copains de La Colombe, un bistrot du Quartier latin, dirigé par Michel Valette. Le patron des Trois Baudets Jacques Canetti l’embauche dans son cabaret de Pigalle, avec Mouloudji, Brel, Devos, Pierre Dac et Francis Blanche.Guy Béart a une voix particulière, un ton, un accent chaud, et ses chansons sont déjà excellentes. En 1955, Brassens le reçoit et l’écoute dans sa loge du Théâtre de verdure de Nice en lâchant « une autre ! », après chaque chanson et en glissant à son copain Jacques Grello : « Ecoute ! Il sait les faire ! ». Zizi Jeanmaire, Patachou, Juliette Gréco, Yves Montand, Colette Renard, Marie Laforêt, Maurice Chevalier : tous adoptent le style Béart et l’interprètent. Avec Qu’on est bien, Le Quidam, Bal chez Temporel, Chandernagor, Le Chapeau, l’originalité de son talent éclate dès son premier disque 25 cm enregistré, à 27 ans, en présence de Boris Vian qui chantait dans les chœurs. « En 1957 j’étais une vedette, mais en 1963, le twist devant « régner sur le siècle », j’étais un has been. A 33 ans, je n’avais plus qu’un renom », confiait-il en septembre 2003 à notre confrère Robert Belleret. « Contrairement à Brel ou Brassens, je ne me destinais pas à la chanson, et, comme le succès a été immédiat, je n’ai pas connu les vaches maigres, je n’ai pas été obligé de me constituer un réseau ni un clan et je n’ai jamais eu à jouer un personnage ».« Les paroles et les musiques viennent du rêve. Je prends des notes pendant la nuit. Pas pratique pour garder une femme, car on la réveille », nous disait-il en 2010, alors qu’après quinze ans de retraite anticipée, il avait accumulé les cahiers, les notes, les projets : « une centaine. J’en ai gardé quarante, puis j’ai réuni les femmes que j’ai connues dans ma jeunesse, des amis, afin de sélectionner, et j’en ai enregistré douze dans mon home studio ». Il avait ensuite reçu chez lui les prétendants à l’édition d’un disque, de chez lui, une magnifique maison d’architecte, parce que « rhumatisant depuis quarante ans », il recevait dans son salon. Pour le voir, il fallait traverser le vestibule, ses alignements de pipes et de guitares, les salons encombrés de cartons d’archives, de livres, « tous vitaux », et de vidéos, avant d’arriver au canapé tigré du living à verrière.Une succession de transferts et de procéduresSa maison de Garches était un lieu de pèlerinage. Des grands noms des arts et de la musique, des hommes politiques, peut-être même son ami Georges Pompidou, ont plongé dans la piscine, pris le frais sous les arbres centenaires et admiré l’esthétique Bauhaus de cet édifice de 1 200 m2, ancienne demeure de l’ambassadeur d’Autriche. Guy Béart l’avait achetée en 1967, après le succès de Vive la rose, titre phare d’un album consacré à la reprise de chansons du patrimoine français.Sa carrière phonographique est une succession de transferts et de procédures, dont celle qui l’opposa à Philips de 1963 à 1978, afin de récupérer les droits de ses chansons. « J’ai monté ma maison d’édition, Espace, très tôt. Puis Philips a viré Canetti [qui y était directeur artistique]. J’ai emprunté des sous à la Banque de Paris et des Pays-Bas, et j’ai fondé l’Auto Production des Artistes au Micro, une structure autogérée par les artistes. J’ai présenté l’affaire à Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Claude François, Pierre Perret. Ils ont trouvé l’idée si bonne qu’ils ont tous créé leur propre société. » Il fonde alors Temporel, sa société de production phonographique, devenue Bienvenue.En conséquence, ses partenaires sont ses distributeurs, « un point c’est tout ». Cette déclaration d’indépendance lui a valu l’une de ses manies les plus visibles : fumer cigarette sur cigarette. « Je vivais avec Popy, une Franco-Américaine. J’avais du mal à obtenir des rendez-vous. Elle m’a convaincu que le métier exigeait cigare et whisky. Ça a marché, j’ai pu approcher Eddie Barclay et d’autres, puis je me suis mis à la pipe. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld L'acteur et réalisateur français en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.09.2015 à 06h47 24.09.2015 à 17h51 • Mis à jour le24.09.2015 à 18h01 | Sylvain Siclier D’abord publiée, dans la journée du mercredi 23 septembre, sur le site Internet du magazine musical britannique Ultimate Classic Rock puis reprise le matin du jeudi 24 septembre par nos confrères britanniques du quotidien généraliste The Guardian sur son propre site, en dépit d’un embargo avant 16 heures ce jeudi, l’annonce de la publication prochaine d’un important ensemble d’enregistrements de Bob Dylan a été confirmée officiellement, en fin d’après-midi, par la compagnie phonographique Columbia Records, l’un des labels de la major du disque Sony Music. Il s’agira du volume 12 de la collection « The Bootleg Series », consacrée à des enregistrements rares, inédits, parfois disponibles sur des publications pirates (d’où le nom « Bootleg Series ») du chanteur, guitariste, pianiste et auteur-compositeur américain.Intitulé The Cutting Edge 1965-1966, et prévu pour une sortie le 6 novembre, l’ensemble doit regrouper des versions de travail, des versions différentes et des inédits enregistrés en studio par Dylan et ses musiciens lors des séances pour les albums Bringing It All Back Home (mars 1965), Highway 61 One Revisited (août 1965) et Blonde On Blonde (mai 1966). Soit une période comprise entre janvier 1965 et mars 1966 qui aura vu passer Dylan du folk acoustique à une expression électrique.Parmi les raretés attendues par les amateurs sont annoncées les séances de Blonde On Blonde réalisées avec une partie des musiciens du groupe The Band à New York avant que Dylan ne décide de partir réenregistrer certaines chansons avec d’autres musiciens à Nashville.Une édition limitée « ultra de luxe »Cette sortie sera présentée, pour le grand public, sous la forme d’un double CD et d’un triple album vinyle, dans les deux cas avec une sélection de quelques-uns de ces enregistrements, sous le titre The Best of The Cutting Edge 1965-1966. Une version en 6 CD plus complète dite « deluxe edition » sera aussi commercialisée. Enfin la grosse affaire de cette publication prendra la forme d’un coffret de 18 CD, avec notamment toutes les séances qui auront abouti à la création du classique de Dylan Like A Rolling Stone. Mais, précise le communiqué, cette « édition limitée ultra de luxe » ne sera disponible qu’« exclusivement sur Bobdylan.com » et pressée à 5 000 exemplaires pour le monde entier. Avec 379 pistes, un livre de 170 pages, une réédition des 9 disques vinyles 45-tours publiés à l’époque, un certificat d’authenticité… Et la promesse que cet imposant ensemble ne connaîtra qu’une édition (« these will be the only copies of the collector’s edition ever manufactured »). Laquelle est proposée au prix de 599,99 dollars (533,75 euros).Bob Dylan sera en tournée européenne du 1er octobre (à Oslo, Norvège) au 22 novembre (à Milan, Italie). Avec trois concerts en France, deux au Palais des sports de Paris les 18 et 19 octobre et un au Zénith de Rouen, le 3 novembre. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 23.09.2015 à 16h36 • Mis à jour le23.09.2015 à 18h35Alternative aux galeries, l'exposition d'art contemporain en plein air gagne du terrain. Notamment dans l'arrière-pays varois où marchands et collectionneurs dévoilent leurs pièces maîtresses.Par Marion Vignal Sans le code de la grille d'entrée, impossible d'accéder au Domaine des Charles dont les accès bordent la départementale, à la sortie du Muy, entre Draguignan et Fréjus. Il faut ensuite serpenter entre les villas et les piscines pour arriver jusqu'au parc de sculptures ouvert début juillet par le galeriste parisien Jean-Gabriel Mitterrand (neveu de François). Dans les sous-bois encore sauvages, entre les pins et les chênes-lièges, l'œil rebondit sur une grosse pomme dorée de Claude Lalanne, puis sur une fontaine bigarrée de Niki de Saint-Phalle, avant de croiser une silhouette couchée de Xavier Veilhan et une figure noire masquée de Not Vital.  Une quarantaine de pièces dessinent un parcours de 1,5 hectare dans la colline qui fait face à une maison en chantier confiée à l'expertise de l'architecte India Mahdavi. Ouvert sur rendez-vous à un cercle de professionnels et d'amateurs avertis, ce jardin privé se veut une simple vitrine du travail de la galerie Mitterrand. « Si ça peut nous amener du business tant mieux, le modèle de la galerie n'est plus viable, il faut exister autrement, reconnaît le marchand d'art Edward Mitterrand, fils de Jean-Gabriel et directeur artistique du domaine. Nous ne cherchions pas à nous installer dans un lotissement privé, mais ce terrain de 10 hectares nous a plu par son aspect pratique. Nous sommes à 3 kilomètres de l'autoroute, à 45 minutes de l'aéroport de Nice. Pour venir jusqu'ici, il n'y a pas de zones moches à traverser, ce qui était pour nous un critère indispensable. » Question de standing. Edward Mitterrand avance aussi l'atout de la proximité de lieux qui génèrent un nouveau tourisme culturel en Méditerranée : à Marseille, le MaMo (le centre d'art contemporain créé par le designer Ora-Ïto) et le MuCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) ; à Aix-en-Provence, le centre d'art contemporain du domaine viticole Château La Coste ; à Saint-Paul-de-Vence, l'incontournable Fondation Maeght ; sur l'île de Porquerolles, la Fondation Carmignac, dont l'ouverture est prévue à l'été 2016.  La fondation des Mitterrand n'est pas le seul haut lieu de l'art contemporain situé au Muy. Au début des années 1980, le marchand français d'origine napolitaine Enrico Navarra a été la première personnalité de l'art contemporain à s'y installer, au Domaine des Charles. « A l'époque, les terrains n'étaient pas chers du tout, raconte-t-il. La localisation était idéale. » Collectionneurs, hommes d'affaires et célébrités (Bono est un habitué) du monde entier atterrissent sur l'une des deux pistes d'hélicoptères de la propriété pour parler art au bord de la piscine, entourés d'œuvres de Keith Haring ou de Jean-Michel Basquiat, dont Navarra est un des spécialistes.La stratégie d'Enrico Navarra Des rendez-vous sous le soleil de la Méditerranée qui sont au cœur de sa stratégie de marchand au réseau tentaculaire. Sur un terrain attenant à sa propriété, il inaugurera bientôt la Villa Navarra, un bâtiment longiligne au toit en béton fibré conçu par l'architecte Rudy Ricciotti. Le lieu fera office de galerie d'exposition privée et de résidence d'artistes. Bientôt, la Villa Navarra sera surplombée par une autre pièce architecturale. Patrick Seguin, marchand de design réputé, grand ami de Navarra et spécialiste de Jean Prouvé, vient d'acheter le terrain de 40 hectares au-dessus de celui de son ami. Il attend avec impatience l'obtention de son permis de construire pour démarrer le chantier de la maison que lui a dessinée Jean Nouvel. Le galeriste promet un geste architectural fort, dans la tradition des grandes commandes privées. Edward Mitterrand décrypte : « Dans ce milieu, pour exister aujourd'hui, nous devons donner des signes de notre puissance. »  Le sculpteur Bernar Venet rêve lui aussi de marquer magistralement le territoire varois de son empreinte. Après l'ouverture au public de sa Fondation il y a un an, il espère obtenir de la municipalité du Muy un grand terrain vierge sur lequel il pourra créer une pièce de land-art de l'envergure du cratère de James Turrell en Arizona. Pour l'heure, il reçoit avec sa femme Diane dans son jardin, orné de ses grands arcs en acier et de majestueux pins parasols. C'est Enricco Navarra qui l'a convaincu, il y a vingt-six ans de venir s'installer dans la région, à un moment où il cherchait un lieu où entreposer ses monumentales sculptures en acier.“C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde”, Sabine Puget, galeriste Bernar Venet a ainsi acquis un vaste terrain comprenant un ancien moulin et une ancienne usine d'aiguillages de chemins de fer. Le couple en a fait un hymne à l'art contemporain, inspiré du site de Marfa créé par Donald Judd, au Texas. On peut y voir ses œuvres, sa collection d'art minimal, la chapelle dédiée à l'Américain Frank Stella et, en ce moment, deux installations de Jean Tinguely prêtées par le Musée de Bâle. Les œuvres de Bernar Venet sont aussi visibles un peu plus loin : ses sculptures en acier corten font partie des pièces maîtresses de la commanderie de Peyrassol, nichée un peu plus loin sur la N 7, entre Brignoles et Le Luc.  Ce domaine viticole envahi par l'art est l'œuvre de l'homme d'affaires Philippe Austruy. Ce collectionneur organise chaque année début juillet une fête pour ses amis : Bernar Venet et son épouse, les plasticiens Bertrand Lavier et Jean-Pierre Raynaud, l'ancien ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon, ainsi que de nombreux Belges (l'entrepreneur est naturalisé belge et sa femme a sa galerie à Bruxelles) qui apprécient autant l'art contemporain que le rosé provençal. C'est en 2001 que l'entrepreneur est tombé amoureux de cette commanderie templière du XIIIe siècle qu'il ne cesse depuis de restaurer, d'agrandir et d'embellir. Il s'est aussi fait la promesse d'y produire un jour du bon vin. C'est aujourd'hui chose faite. Peyrassol attire tout au long de l'année de nombreux visiteurs — public éclairé comme néophytes — qui viennent découvrir les chais (d'où sortent 450 000 bouteilles par an) et admirer un paysage de vignes surréaliste, ponctué d'œuvres signées César, Adami, Arman, Dubuffet, Tapiès...   Dans ce nouvel écosystème varois qui rassemble collectionneurs, artistes et marchands, on ne s'étonnera pas de croiser quelques architectes-décorateurs et paysagistes-satrs. Pierre Yovanovitch a ainsi passé trois ans à restaurer le château de Fabrègues, situé près d'Aups. L'architecte d'intérieur se concentre aujourd'hui sur les jardins avec l'aide de Louis Benech pour pouvoir ouvrir, un jour, l'extérieur du château au public où sont déjà installées, sans tapage, quelques sculptures acquises auprès de Sabine Puget, sa voisine de Fox-Amphoux. Jouxtée aux murs rouges toscans du château Barras, cette dernière a réussi, en dix ans, à faire de sa galerie une destination prisée des amateurs d'art. « C'était un pari. Etant à égale distance d'Aix, de Marseille ou de Nice, Fox-Amphoux devient, l'été, le centre du monde », explique cette ancienne galeriste parisienne. Depuis 2004, elle expose, de juin à octobre, de grandes signatures de l'art contemporain et des artistes de la jeune génération. A l'instar du sculpteur François Veil, « chasseur de pierres » qui assemble des roches et les fait pivoter, transformant le lourd en léger. Les pavillons rouges traversés par les vents, la petite chapelle recouverte de fresques contemporaines, le chêne centenaire qui étale ses branches dans le jardin comme un roi dans son domaine. Tout ici exalte un savoureux parfum de pinède et de sacré. Loin des va-et-vient des yachts et des hélicoptères, l'art murmure ici ses secrets en silence.  Domaine du Muy, jusqu'au 25 octobre, sur rendez-vous. www.domainedumuy.com Fondation Bernar Venet, Le Muy, sur rendez-vous. www.venetfoundation.org Villa Navarra, Le Muy, sur rendez-vous. Tél. : 01-45-61-91-91. Domaine de Peyrassol, Flassans. www.peyrassol.com Galerie Sabine Puget, Fox-Amphoux. www.galeriesabinepuget.com //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/361904', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); }); Collectif Nous, membres du collectif « Informer n’est pas un délit » et Reporters sans frontières (RSF), interpellons le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) parce que nous estimons que le principe d’indépendance éditoriale des médias, pilier de notre démocratie, a été, à de multiples reprises, piétiné par l’actionnaire principal du groupe Canal+, Vincent Bolloré.Le CSA, qui a le pouvoir de protéger cette indépendance, auditionne Vincent Bolloré ce jeudi 24 septembre. Face à l’ingérence de l’actionnaire dans la ligne éditoriale des chaînes du groupe Canal+, il est du devoir du CSA de demander des réponses aux questions essentielles suivantes :1- Pourquoi un documentaire consacré au Crédit mutuel et programmé par Canal+ le 18 mai 2015 a-t-il été censuré ?2- Pourquoi un documentaire inédit sur François Hollande et Nicolas Sarkozy programmé par Canal+ le 28 septembre 2015 vient-il d’être déprogrammé sans motif, et ce, au profit d’un film déjà diffusé ?3- Pourquoi un projet de documentaire sur la BNP Paribas, accepté par le comité d’investigation de Canal+, est-il actuellement « gelé » sur ordre de la direction de Canal+ ?4- Comment justifier qu’un reportage sur l’Olympique de Marseille, diffusé sur Canal+, ait été retiré du site Internet, au motif qu’« on ne se fâche pas avec ses partenaires », selon les propos tenus par Vincent Bolloré le 3 septembre dernier lors du comité d’entreprise ?5- Lors d’une réunion des délégués du personnel du 16 septembre, un membre de la direction, questionné sur les documentaires déprogrammés, a déclaré : « La direction tient avant tout à défendre les intérêts du groupe Canal+ et estime qu’il est donc préférable d’éviter certaines attaques frontales ou polémiques, à l’encontre de partenaires contractuels actuels ou futurs. »6- Allez-vous vous servir de Canal+ pour protéger les intérêts de vos « partenaires contractuels actuels ou futurs » ?7- Les intérêts de votre groupe sont-ils compatibles avec le respect de l’indépendance éditoriale d’un média ?8- Les intérêts du groupe Bolloré touchant de nombreux secteurs, notamment en Afrique, un journaliste de Canal+ ou d’i-Télé pourrait-il, par exemple, travailler en toute indépendance sur la prochaine élection présidentielle ivoirienne ou sur les conditions de travail dans les plantations contrôlées par la holding luxembourgeoise Socfin, dont Vincent Bolloré est actionnaire ?En 2002, sur demande du CSA, Jean-Marie Messier, alors actionnaire de Canal+, avait accepté qu’une charte garantissant l’indépendance éditoriale des chaînes du groupe soit annexée à la convention de Canal+. Aujourd’hui, nous demandons le même engagement à Vincent Bolloré et la même fermeté de la part du CSA.Fabrice Arfi (journaliste, Mediapart), Benoit Collombat (journaliste, Radio France), Christophe Deloire (secrétaire général de Reporters sans frontières), Élise Lucet (journaliste, France 2), Virginie Marquet (avocate). La liste complète des membres du collectif est disponible sur www.rsf.org.Collectif Josyane Savigneau Documentaire sur Arte à 22 h 45 Grâce à de nombreuses archives, la romancière et essayiste Chantal Thomas et son frère Thierry Thomas tracent un portrait éminemment sensible de l’auteur de « Mythologies »Le centenaire de Roland Barthes (12 novembre 1915-26 mars 1980) donne lieu, depuis le début de 2015, à de multiples publications et manifestations, dont fait partie ce documentaire de Chantal Thomas et Thierry Thomas. Le parti pris de ce film réjouira tous ceux qui sont souvent déçus par les documentaires sur les écrivains : peu de paroles de l’auteur, beaucoup de témoignages divers, et, au bout du compte, une impression étrange d’effacement de l’écrivain et de son œuvre.Ici, pour tracer le portrait de celui qui, selon Chantal Thomas, « fut à la fois un maître à penser et un marginal », un seul intervenant, Roland Barthes lui-même, à la télévision, mais aussi chez lui, dans une atmosphère plus intime. Il y a juste, en voix off, quelques propos de Chantal Thomas, pour préciser un repère biographique ou commenter brièvement un livre.En noir et blanc, un Roland Barthes assez timide répond aux questions de Pierre Desgraupes pour « Lectures pour tous ». Images d’une élégance perdue, à la fois du côté de l’intervieweur et de celui de l’interviewé. Une courtoisie d’un autre âge de la télévision. « Souvent j’écris pour être aimé, dit simplement Barthes. Mais on n’est jamais vraiment aimé pour son écriture. » Parlant de Mythologies (1957), le livre qui l’a fait connaître, il évoque le catch : « A une époque, je suis allé très souvent au catch », pour étudier sa chorégraphie, sa « mythologie ». Autre sujet, la DS 19 qui « a fonctionné comme un objet magique ». Mais que venait faire là l’abbé Pierre ? « J’ai essayé d’analyser l’iconographie de l’abbé Pierre. »Tous les entretiens, les plus formels comme les plus décontractés, justifient le sous-titre du film, « Le théâtre du langage », car Barthes rappelle son « obsession du langage » : « Cette obsession s’est exercée à travers des infidélités successives, des systèmes différents. » Avec Roland Barthes, jamais de langue de bois. Il cherche toujours à être précis, il se corrige, il améliore sa phrase. Chantal Thomas souligne, à raison, « sa détestation des stéréotypes, des fausses intelligences ».« Souvent j’écris pour être aimé. Mais on n’est jamais vraiment aimé pour son écriture. » Roland BarthesChez lui, il est détendu, près du piano – « J’adore déchiffrer de la musique ». Il évoque son enfance et son adolescence – «Je n’avais pas de milieu social, je n’étais rattaché qu’à ma mère. » Au lycée Montaigne, petit provincial déplacé, il était malheureux. Mais parce qu’il était « extrêmement sensibilisé au problème du fascisme », il est sorti de son isolement pour fonder, à 19 ans, avec quelques camarades, un groupe antifasciste après les émeutes de février 1934.La fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte sont marqués par la maladie, la tuberculose pulmonaire, et le sanatorium, avec « le tabou de la contagion », mais « l’expérience de l’amitié, l’expérience de la lecture ».Que dirait Barthes, dont Chantal Thomas précise combien il cloisonnait ses amitiés, du XXIe siècle ultra connecté où l’on réagit avant de penser ? Sans savoir ce que serait ce monde-là, il a répondu : « J’ai d’énormes démêlés avec le spontané. Ce que le spontané ramène à la surface, c’est toujours du banal. »A la télévision, fini les confidences musicales et biographiques. Barthes est sommé par Pierre Dumayet de dire ce qu’est un structuraliste : « Quelqu’un qui s’intéresse au fonctionnement de ces objets compliqués que sont par exemple les systèmes de signification. » On pouvait se douter que « ces objets compliqués » appliqués à la littérature n’allaient pas être du goût de l’université d’avant Mai-68. Quand Barthes publie son Sur Racine, en 1963, une polémique s’engage avec Raymond Picard. Barthes lui répond dans Critique et Vérité (1966). « Il fallait empêcher, dit-il, que cette image d’imposture critique puisse se solidifier. »Reconnu et célébréC’est le moment où il se lie avec Philippe Sollers et le groupe Tel Quel. Une amitié forte : « Si Tel Quel n’existait pas, je me sentirais manquer de souffle dans le milieu intellectuel français et parisien. » Roland Barthes a désormais ses soutiens. Il découvre le Japon, et écrit, selon Chantal Thomas « son premier livre heureux », L’Empire des signes. Il rappelle aussi son « attachement très corporel au Sud-Ouest, à sa lumière, ses odeurs », sa maison à Urt, près de Bayonne.Le combat a été rude pour que le 7 janvier 1977 Roland Barthes puisse prononcer sa leçon inaugurale au Collège de France. Personne ne pensait qu’il n’avait plus que trois ans à vivre, il était enfin reconnu et célébré, comme en témoigne son passage à « Apostrophes » pour Fragments d’un discours amoureux. Même si, logiquement, et avec beaucoup de délicatesse, le film va jusqu’à sa mort, on a envie de s’arrêter sur le plateau d’« Apostrophes », où Françoise Sagan écoute avec attention Barthes déclarer : « Je crois que “Je t’aime” veut toujours dire “Aime-moi”. » Roland Barthes (1915-1980). Le Théâtre du langage. Ecrit par Chantal Thomas et Thierry Thomas, réalisé par Thierry Thomas. Sous le même titre, un DVD de l’INA sort le 6 octobre, proposant, outre le film, les interventions de Barthes à la télévision (19,95 euros). Mercredi 23 septembre à 22 h 45 sur Arte.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Edelmann L’immobilier sort-il de la crise, ou bien est-ce plus esthétiquement l’architecture qui échappe aux conflits plombant de façon répétée la liberté créative des maîtres d’œuvre ? Déjà, l’été avait apporté sont lot de surprises avec la remise sur rail du projet Samaritaine conçu par l’agence japonaise Sanaa. La question des tours à Paris restait en suspens, véritable épouvantail des associations. Or Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a obtenu mardi 22 septembre auprès de la Ville de Paris le permis de construire pour son projet de tours Duo conçu par l’architecte Jean Nouvel.Voir le portfolio : Les tours à Paris, attention travaux !Sauf retournement toujours possible, les crispations suscitées par l’émergence de tours dans la capitale semblent s’atténuer. Déjà, le groupe Unibail s’était vu confier le 18 septembre la réalisation des tours Sisters, riches en formes galbées, dessinées par Christian de Portzamparc. Un projet de deux immeubles de grande hauteur (IGH, soit 50 m), qui se substitue à celui de la tour Phare signé par l’architecte américain Thom Mayne. Ce projet devait prendre place entre la Grande Arche et le CNIT, avec ses 300 mètres et 69 niveaux de bureaux, et devenir la plus haute tour de France. Restera à calculer les indemnités de l’architecte américain, lauréat du Pritzker Prize, comme le sont Nouvel et Portzamparc.Lire aussi :La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteLes tours Duo après la tour Phare et les tours Sisters. « La délivrance du permis de construire nous fait entrer dans une nouvelle phase de ce projet enthousiasmant », a déclaré dans un communiqué Meka Brunel, la vice-présidente exécutive pour l’Europe d’Ivanhoé Cambridge. Issues d’une « vision urbanistique réfléchie et concertée » et insérées dans la zone d’aménagement concertée (ZAC) Paris Rive Gauche, elles « apporteront, selon elle, leur pierre au rayonnement de Paris ».Lire aussi :La tour Triangle dans le vent des polémiquesFausses jumellesSituées dans le 13e arrondissement de la capitale, en bordure de la Seine et des voies ferrées, la première tour offrira 39 étages sur 180 mètres et la seconde, 27 étages sur 122 mètres. La destination de ces immeubles de grande hauteur est mixte : d’une part 96 100 m2 de bureaux, de l’autre, sur 12 000 m2, un hôtel, un restaurant bar avec une vue panoramique sur Paris, un auditorium, des commerces, un jardin et des terrasses végétalisées. Ils devraient être en outre les premiers en France à bénéficier du label d’excellence WELL (WELL Building Standard).Evoquant ces tours asymétriques, Jean Nouvel, qui a déjà réalisé à Paris l’Institut du monde arabe, la Fondation Cartier pour l’art contemporain, le Musée du quai Branly et la Philharmonie, parle d’une « composition architecturale lisible ». Malgré les remarques majoritairement négatives formulées par les riverains du quartier Bruneseau, selon les responsables d’associations, la commissaire enquêtrice Marie-Claire Eustache a rendu un avis favorable à la demande de permis de construire. « Le projet de construction des tours Duo soumis à enquête m’apparaît complet et bien maîtrisé dans ses différents aspects et impacts », résume-t-elle.Les crispations suscitées par l’émergence de tours dans la capitale semblent s’atténuerReste à s’interroger sur la valeur des deux ensembles de tours. Les fausses jumelles de Jean Nouvel apparaissent à l’acmé de la dissymétrie, sans la moindre concession à une possible douceur des formes. A l’inverse, le projet Portzamparc mise tout sur les courbes. Deux projets à l’opposé l’un de l’autre… Et qui se défendent par des arguments opposés.Les espaces de bureaux, chez Nouvel, seront « flexibles, adaptés aux nouveaux modes de management et de travail », et offriront « une large gamme de services associés » tels qu’un espace dédié au fitness, précise Ivanhoé Cambridge.Choisi en avril 2012 au terme d’une consultation internationale lancée par la Ville de Paris, Ivanhoé Cambridge est l’investisseur unique de ce projet dont le montant n’est pas divulgué. Il espère commencer les travaux au deuxième trimestre 2016, après commercialisation de la moitié des surfaces de bureaux.Frédéric EdelmannJournaliste au Monde 23.09.2015 à 06h46 • Mis à jour le23.09.2015 à 07h16 | Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Les jurés des prix Décembre et Médicis ont dévoilé leurs premières sélections pour leurs prix respectifs qui seront remis lundi 2 novembre, pour l’un, et jeudi 5 novembre, pour l’autre.Présidé cette année par Josyane Savigneau, journaliste au Monde, le prix Décembre, qui récompense un livre écrit en français, a présenté une première liste avec quatorze titres qui sont aussi bien des romans que des essais. Une deuxième sélection avec seulement trois ouvrages sera rendue publique, mardi 20 octobre.Parmi les romans sélectionnés, figurent Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion) et Eva, de Simon Liberati (Stock), tous deux présents sur la première liste du Goncourt. De même, les jurés ont retenu Jugan, de Jérôme Leroy (La Table ronde) et L’Autre Simenon, de Patrick Roegiers (Grasset), présents sur la première liste Roman du Renaudot, ainsi que trois noms qui figurent sur la liste Essai du Renaudot : Pierre Adrian, avec La Piste Pasolini (Les Equateurs), Judith Perrignon, avec Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste), et Gilles Sebhan, avec Retour à Duvert (Le Dilettante), tous trois édités par des petites maisons d’édition.Les jurés du prix Décembre ont aussi distingué quatre autres romans de la rentrée littéraire, écrits par Michaël Ferrier, avec Mémoires d’outre-mer (Gallimard), Juan Hernandez et Sébastien Rutes, pour Monarques (Albin Michel), Stéphanie Hochet, auteure d’Un roman anglais (Rivages), et Monica Sabolo, avec Crans-Montana (JC Lattès). La sélection fait la part belle aux essais littéraires avec trois titres : Relire, de Laure Murat (Flammarion), La Haine de la littérature, de William Marx (Minuit), et Adieu Montaigne, de Jean-Michel Delacomptée (Fayard).Dix-neuf éditeurs pour le MédicisLa liste du Médicis comprend quinze romans français et treize romans étrangers, pour un total de dix-neuf éditeurs cités. Gallimard est la maison la plus représentée, avec quatre romans français : Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour, et 2084, de Boualem Sansal, présents aussi dans la liste du Goncourt, mais aussi Pirates, de Fabrice Loi, et Ann, de Fabrice Guénier, paru en mars, plus un roman étranger D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds, de Jon Kalman Stefansson.Suivent les maisons Grasset et Le Seuil avec trois titres chacune, chaque fois, deux romans français et un étranger. Pour Grasset, Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig, et Anomalie des zones profondes du cerveau, de Laure Limongi, plus La Fiancée de Bruno Schulz, d’Agatha Tuszynska. Pour Le Seuil, Les Désœuvrés, un premier roman d’Aram Kebadjian, et Le Beau Temps, de Maryline Desbiolles, plus Un mauvais garçon, de Deepti Kapoor.On trouve également sur la liste du Médicis D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès), et Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (P.O.L), présentes sur la première sélection du Goncourt, ainsi que les romanciers Christophe Boltanski, pour La Cache (Stock), aussi repéré par le Renaudot, et Olivier Demangel pour 111, publié aux éditions de la Fanfare. Les jurés ont en outre distingué Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry, Effraction, d’Alain Defossé, et Antoine Mouton, pour Le Metteur en scène polonais (Bourgois).La deuxième sélection du prix Médicis ainsi que la première liste des essais seront révélées mercredi 7 octobre. En 2014, Antoine Volodine (Terminus radieux, Seuil), l’Australienne Lily Brett (Lola Bensky, La Grande Ourse) et Frédéric Pajak (Manifeste incertain 3, Noir sur blanc) avaient respectivement décroché le prix Médicis du roman français, du roman étranger et essai. Le prix Décembre avait distingué Elisabeth Roudinesco, pour sa biographie de Freud, Sigmund Freud, en son temps et dans le nôtre, parue chez Seuil.La sélection complète du prix MédicisRomans français- Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L)- Christophe Boltanski, La Cache (Stock)- Charles Dantzig, Histoire de l’amour et de la haine (Grasset)- Alain Defossé, Effraction (Fayard)- Olivier Demangel, 111 (Editions de la Fanfare)- Maryline Desbiolles, Le Beau Temps (Seuil)- Sophie Divry, Quand le diable sortit de la salle de bain (Notabilia)- Fabrice Guénier, Ann (Gallimard)- Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard)- Aram Kebadjian, Les Désœuvrés (Seuil)- Laure Limongi, Anomalie des zones profondes du cerveau (Grasset)- Fabrice Loi, Pirates (Gallimard)- Antoine Mouton, Le Metteur en scène polonais (Bourgois)- Boualem Sansal, 2084 (Gallimard)- Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (JC Lattès)Romans étrangers- Oya Baydar, Et ne reste que des cendres (Phébus)- Javier Cercas, L’Imposteur (Actes Sud)- Jane Gardam, Le Maître des apparences (JC Lattès)- Hakan Günday, Encore (Galaade)- Deepti Kapoor, Un mauvais garçon (Seuil)- Alessandro Mari, Les Folles Espérances (Albin Michel)- Eirikur Orn Norddahl, Illska (Métailié)- Anna North, Vie et mort de Sophie Stark (Autrement)- Joyce Carol Oates, Carthage (Philippe Rey)- Nathaniel Rich, Paris sur l’avenir (Editions du Sous-sol)- Robert Seethaler, Une vie entière (Sabine Wespieser)- Jon Kalman Stefansson, D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds (Gallimard)- Agatha Tuszynska, La Fiancée de Bruno Schulz (Grasset)La sélection complète du prix Décembre- Pierre Adrian, La Piste Pasolini (Les Equateurs)- Christine Angot, Un amour impossible (Flammarion)- Jean-Michel Delacomptée, Adieu Montaigne (Fayard)- Michaël Ferrier, Mémoires d’outre-mer (Gallimard)- Juan Hernandez et Sébastien Rutes, Monarques (Albin Michel)- Stéphanie Hochet, Un roman anglais (Rivages)- Jérôme Leroy, Jugan (La Table ronde)- Simon Liberati, Eva (Stock)- William Marx, La Haine de la littérature (Minuit)- Laure Murat, Relire (Flammarion)- Judith Perrignon, Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste)- Patrick Roegiers, L’Autre Simenon (Grasset)- Monica Sabolo, Crans-Montana (JC Lattès)- Gilles Sebhan, Retour à Duvert (Le Dilettante)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.09.2015 à 12h06 • Mis à jour le15.09.2015 à 14h23 | Harry Bellet Le transporteur d’art suisse Yves Bouvier a été mis en examen à Paris, lundi 14 septembre, par la juge Isabelle Rich-Flament. Le directeur de l’entreprise de stockage d’œuvres d’art Natural Le Coultre est soupçonné de recel, celui d’œuvres de Picasso que Catherine Hutin-Blay, la fille de Jacqueline, dernière épouse de l’artiste, déclare avoir été volées. Ces deux gouaches, Tête de femme et Espagnole à l’éventail, ont été vendues, ainsi que 58 dessins, par Yves Bouvier, qui agissait comme courtier, à une société appartenant à un milliardaire russe, résident monégasque, Dmitri Rybolovlev.Lire aussi :La justice suisse refuse de bloquer les comptes de l’homme d’affaires Yves BouvierCe dernier accuse, par ailleurs, Yves Bouvier devant les tribunaux monégasques de l’avoir escroqué. Ce serait lui qui a prévenu Catherine Hutin-Blay qu’il était en possession des dessins. Celle-ci les avait confiés à un autre marchand pour qu’il les stocke dans un entrepôt de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). La vente à Yves Bouvier serait intervenue, en 2010, sans qu’elle en ait connaissance, ni a fortiori donné son accord.Lire aussi :Yves Bouvier, l’homme d’affaires suisse qui jouait sur tous les tableauxEn toute bonne foiSelon le porte-parole d’Yves Bouvier, ce dernier a acquis ces deux gouaches en toute bonne foi, et en a réglé le paiement à un trust établi au Lichtenstein présenté comme appartenant à Catherine Hutin-Blay. L’avocat de cette dernière a toutefois affirmé dans un communiqué qu’elle n’était bénéficiaire d’aucun trust. « Si, à son corps défendant, alors qu’il s’est porté acquéreur d’œuvres d’art dont il connaissait la provenance et qui remplissaient tous les critères de “due diligence”, il s’avérait qu’il a été trompé, Yves Bouvier se retournera contre ceux qui l’ont trompé et remboursera le lésé », ajoute le porte-parole.Placé sous contrôle judiciaire à l’issue d’une heure et demie d’audition, Yves Bouvier s’est vu imposer une caution de 27 millions d’euros, correspondant à la somme déboursée par la société de Dmitri Rybolovlev, pour acquérir ces œuvres.Lire aussi :L’argent (de l’art) n’a pas d’odeurHarry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Delphine Ernotte n’a pas tardé à tirer les conséquences de l’arbitrage gouvernemental sur le financement de l’audiovisuel public, rendu dimanche 13 septembre. Fleur Pellerin, la ministre de la culture et de la communication, a annoncé une légère augmentation de la redevance et une progression de la taxe sur les opérateurs de télécommunications, mais écarté un retour de la publicité en soirée sur France Télévisions.Cet arbitrage « ne permettra pas d’augmenter à court terme les ressources de France Télévisions et je le regrette », a écrit la présidente de l’entreprise publique dans un message interne, lundi. Elle a également envoyé lundi une lettre aux administrateurs de l’entreprise dans laquelle elle prévoit « un déficit prévisionnel pour 2016 de l’ordre de - 50 millions, malgré la prise en compte d’hypothèses d’économies par rapport à 2015 », selon Le Figaro qui cite ce courrier.Lire aussi :Redevance : France Télévisions au « régime » regrette Delphine ErnotteProbablement pas d’Euro 2016Mme Ernotte a toujours indiqué qu’elle poursuivrait les efforts de maîtrise budgétaire menés par son prédécesseur. « Je vais m’attacher avec les équipes à construire un plan d’économies à l’exclusion de tout plan de départs », précise-t-elle dans son message interne. La préparation du budget 2016 va donc se faire en essayant d’identifier des poches d’économies nouvelles.D’ores et déjà, certains investissements semblent promis à être écartés. Selon nos informations, France Télévisions n’entendrait pas se positionner pour acquérir les droits de codiffusion d’onze rencontres de l’Euro 2016 de football, pour lesquels beIN Sports cherche un acquéreur.Par ailleurs, le feuilleton autour du financement de l’audiovisuel public semble avoir ouvert un débat qui se prolonge. Membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le député (LR) Franck Riester estime ainsi dans un entretien au Figaro, mardi 15 septembre, qu’« il faut créer une société commune à l’image de la BBC en rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et même Arte », financée par la redevance et dont le président serait nommé par le conseil d’administration.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.09.2015 à 09h30 • Mis à jour le15.09.2015 à 10h51 Le pendule de Foucault, qui au milieu du XIXe siècle avait apporté la preuve expérimentale de la rotation de la Terre, retourne au Panthéon à Paris après les travaux de restauration du dôme. C’est sous celui-ci, en 1851, que le physicien français Léon Foucault (1819-1868) avait mis en évidence le mouvement de notre planète lors d’une expérience publique de son pendule.Fixant au point le plus haut de la coupole une corde à piano de 14 dixièmes de millimètre fournie par Pleyel, Foucault y accrocha une lourde boule de laiton. Devant le public ébahi, la lente rotation du pendule démontra concrètement que Galilée avait raison : la Terre tourne.Cent soixante-quatre ans plus tard, le Centre des monuments nationaux (CMN) réinstalle le dispositif, une copie de l’original exposé au Musée des arts et métiers de Paris et réalisée en 1996, en suivant le même procédé.Ce matin, le #Panthéon s'apprête à accueillir, de nouveau, un instrument exceptionnel. De quoi s'agit-il ? #quiz http://t.co/a1qMoIFp7Y— leCMN (@le CMN)require(["twitter/widgets"]);Après quelques ajustements, la boule de 28 kg, qui se termine en pointe, effectuera, comme au siècle dernier, des allers et retours toutes les 16,5 secondes pendant six heures, laissant au sol, dans le sable humide, une empreinte circulaire. Une démonstration de mécanique céleste, aussi simple que spectaculaire, de la rotation de la Terre.Fin d’un chantier de deux ans« La remise en place du pendule de Foucault vient couronner la fin de la première phase de restauration du Panthéon, stabilisation des structures et restauration des couvertures », précise Delphine Christophe, directrice de la conservation des monuments et des collections du CMN.« C’était un chantier considérable de 19 millions d’euros sur deux ans, une vraie prouesse technique avec des échafaudages autoportants pour ne pas peser sur le Panthéon », souligne-t-elle. Depuis 2013, le Panthéon fait l’objet d’une ample restauration qui devrait courir sur une décennie pour un coût total d’environ 100 millions d’euros.La repose du pendule de Foucault marque la fin de la première phase de la restauration du #Panthéon. http://t.co/KkiuF4adnU— leCMN (@le CMN)require(["twitter/widgets"]);En 1988, le sémiologue et romancier italien Umberto Eco remet en vedette l’œuvre du scientifique avec son roman Le Pendule de Foucault, dans lequel il traitait des fausses illusions d’un monde devenu fou. Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Dagen L’artiste et écrivain Fred Deux est mort, mercredi 9 septembre, dans sa maison de La Châtre (Indre) à l’âge de 91 ans. Autant par sa vie que par son œuvre, il était un des créateurs les plus singuliers de la seconde moitié du XXe siècle en France.Il naît le 1er juillet 1924 à Boulogne-Billancourt dans une famille ouvrière. Son enfance est marquée par la plus profonde misère, dans un logement en sous-sol d’un immeuble proche de la Seine, que les eaux viennent souvent inonder. Elle est aussi marquée par la tuberlucose. Electricien, Fred Deux suit les cours du soir des Arts et Métiers en 1941-42, puis s’engage en 1943 dans le groupe FTP de son usine. Il rejoint un maquis du Doubs. En 1944, il s’enrôle dans les Forces françaises, dans une unité de Goums marocains, et combat dans les Vosges, en Alsace et en Allemagne.Démobilisé en 1947, il ne revient pas à l’usine, mais trouve une place dans une librairie à Marseille. C’est là que, meilleur lecteur que vendeur comme il le disait lui-même, il s’initie à la littérature et la poésie moderne, au surréalisme, à Bataille, à Sade. Là aussi qu’il découvre l’œuvre de Klee dans un livre, expérience capitale. Il se met alors lui-même au travail, premiers dessins à partir de taches de couleurs de peinture pour bicyclette et d’encres, fonde le « Sous-groupe surréaliste de Marseille » et trouve ses premiers interlocuteurs dans l’équipe des Cahiers du Sud.C’est dans cette revue qu’en 1951, Jean Cassou, alors directeur du Musée national d’art moderne, lui consacre un essai. Cassou l’a découvert peu auparavant grâce à celui qui n’est alors qu’un très jeune galeriste parisien, lui aussi épris de Klee, Karl Flinker. Cette même année, décisive pour lui, il rencontre Cécile Reims, graveur, qui a été la compagne de toute sa vie, a contribué à la diffusion de son œuvre par la gravure et que l’on ne peut, en pensée, séparer de lui.Un automatisme inconscientDès lors, Fred Deux n’est plus un autodidacte venu de loin, mais un artiste. Proche d’André Breton entre 1949 et 1954 et de sa galerie surréaliste L’Etoile scellée, qui l’expose alors, il fait d’un automatisme inconscient, ou très peu conscient, le principe de sa création. La tache, la coulure hasardeuse sur le papier, qui provoquent des développements imprévisibles, sont l’un des modes de cette expérimentation qui fait apparaître des formes, isolées ou agrégées, qui suggérent des éléments organiques, comme si Deux donnait à voir l’intérieur de son corps. L’autre mode de sa plongée dans ses profondeurs est le dessin, un dessin d’une minutie et d’une lenteur prodigieuses, à la pointe de ses crayons durs parfaitement aiguisés. L’indéfinissable, l’innommable prennent lentement forme, au fil d’un processus quasi hypnotique. Des mots, des sortes de poèmes brefs s’y inscrivent parfois.Fred Deux est, en effet, tout autant écrivain. Hospitalisé en 1957 dans un sanatorium pour une rechute de tuberlucose, il y écrit La Gana, roman autobiographique qu’il publie l’année suivante sous le pseudonyme de Jean Douassot grâce à son ami Maurice Nadeau. Il obtient le Prix de Mai. Jean Douassot publie ensuite, toujours chez Julliard, Sens Inverse (1960) et La Perruque (1969), puis, chez Losfeld, Nœud coulant en 1979. La quête autobiographique prend aussi la forme monumentale d’un récit au magnétophone enregistré entre 1963 et 1994 et édité sous le titre A Vif en 24 CD audio par André Dimanche en 1999. Chez le même éditeur paraît la même année Terre-Mère, journal tenu entre 1997 et 1998.Ramifications de formesUne introspection si rigoureuse s’accommode mal de trop de sociabilité inutile. En 1957, Cécile Reims et Fred Deux quittent Paris pour s’installer d’abord dans une ferme très reculée de l’Ain où les hivers se révèlent rudes, puis, en 1973, dans la campagne berrichonne. En 1985, ils s’installent enfin à La Châtre, dans une simple maison du bourg qui devient peu à peu une œuvre en elle-même, peuplée de collections d’outils rustiques, de sculptures africaines et d’objets de toutes sortes. C’est là que, durant trente ans, dans une petite pièce à l’étage, méticuleusement rangée, sur sa table, il trace et estompe des ramifications de formes où l’humain, l’animal, le végétal et le minéral se confondent. Lui rendre visite était une rencontre d’autant plus intense que l’énigme de sa création demeurait entière malgré les questions qui lui étaient posées et auxquelles il ne pouvait sincèrement répondre.Montrée par des marchands tels que Jeanne Bucher, Karl Flinker, Daniel Cordier, Bernard Gheerbrant, son œuvre est exposée au Centre national d’art contemporain en 1972, au Musée Cantini à Marseille en 1989, à Bochum et Essen en 1995, au Centre Pompidou en 2004. En 2001, Cécile Reims et Fred Deux donnent l’essentiel de leur collection personnelle ainsi que des ensembles de leurs créations au Musée Saint-Roche d’Issoudun, le plus proche de La Châtre, où se tient une rétrospective en 2014. Il serait légitime que d’autres la suivent.Fred Deux en quelques dates :1er juillet 1924 Naissance à Boulogne-Billancourt.1948-49 Premiers « dessins ».1958 Publication de La Gana, roman autobiographique.1985 Installation à La Châtre (Indre).9 septembre 2015 Mort à La Châtre.Philippe DagenJournaliste au Monde Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Dagen L’artiste et écrivain Fred Deux est mort, mercredi 9 septembre, dans sa maison de La Châtre (Indre) à l’âge de 91 ans. Autant par sa vie que par son œuvre, il était un des créateurs les plus singuliers de la seconde moitié du XXe siècle en France.Il naît le 1er juillet 1924 à Boulogne-Billancourt dans une famille ouvrière. Son enfance est marquée par la plus profonde misère, dans un logement en sous-sol d’un immeuble proche de la Seine, que les eaux viennent souvent inonder. Elle est aussi marquée par la tuberlucose. Electricien, Fred Deux suit les cours du soir des Arts et Métiers en 1941-42, puis s’engage en 1943 dans le groupe FTP de son usine. Il rejoint un maquis du Doubs. En 1944, il s’enrôle dans les Forces françaises, dans une unité de Goums marocains, et combat dans les Vosges, en Alsace et en Allemagne.Démobilisé en 1947, il ne revient pas à l’usine, mais trouve une place dans une librairie à Marseille. C’est là que, meilleur lecteur que vendeur comme il le disait lui-même, il s’initie à la littérature et la poésie moderne, au surréalisme, à Bataille, à Sade. Là aussi qu’il découvre l’œuvre de Klee dans un livre, expérience capitale. Il se met alors lui-même au travail, premiers dessins à partir de taches de couleurs de peinture pour bicyclette et d’encres, fonde le « Sous-groupe surréaliste de Marseille » et trouve ses premiers interlocuteurs dans l’équipe des Cahiers du Sud.C’est dans cette revue qu’en 1951, Jean Cassou, alors directeur du Musée national d’art moderne, lui consacre un essai. Cassou l’a découvert peu auparavant grâce à celui qui n’est alors qu’un très jeune galeriste parisien, lui aussi épris de Klee, Karl Flinker. Cette même année, décisive pour lui, il rencontre Cécile Reims, graveur, qui a été la compagne de toute sa vie, a contribué à la diffusion de son œuvre par la gravure et que l’on ne peut, en pensée, séparer de lui.Un automatisme inconscientDès lors, Fred Deux n’est plus un autodidacte venu de loin, mais un artiste. Proche d’André Breton entre 1949 et 1954 et de sa galerie surréaliste L’Etoile scellée, qui l’expose alors, il fait d’un automatisme inconscient, ou très peu conscient, le principe de sa création. La tache, la coulure hasardeuse sur le papier, qui provoquent des développements imprévisibles, sont l’un des modes de cette expérimentation qui fait apparaître des formes, isolées ou agrégées, qui suggérent des éléments organiques, comme si Deux donnait à voir l’intérieur de son corps. L’autre mode de sa plongée dans ses profondeurs est le dessin, un dessin d’une minutie et d’une lenteur prodigieuses, à la pointe de ses crayons durs parfaitement aiguisés. L’indéfinissable, l’innommable prennent lentement forme, au fil d’un processus quasi hypnotique. Des mots, des sortes de poèmes brefs s’y inscrivent parfois.Fred Deux est, en effet, tout autant écrivain. Hospitalisé en 1957 dans un sanatorium pour une rechute de tuberlucose, il y écrit La Gana, roman autobiographique qu’il publie l’année suivante sous le pseudonyme de Jean Douassot grâce à son ami Maurice Nadeau. Il obtient le Prix de Mai. Jean Douassot publie ensuite, toujours chez Julliard, Sens Inverse (1960) et La Perruque (1969), puis, chez Losfeld, Nœud coulant en 1979. La quête autobiographique prend aussi la forme monumentale d’un récit au magnétophone enregistré entre 1963 et 1994 et édité sous le titre A Vif en 24 CD audio par André Dimanche en 1999. Chez le même éditeur paraît la même année Terre-Mère, journal tenu entre 1997 et 1998.Ramifications de formesUne introspection si rigoureuse s’accommode mal de trop de sociabilité inutile. En 1957, Cécile Reims et Fred Deux quittent Paris pour s’installer d’abord dans une ferme très reculée de l’Ain où les hivers se révèlent rudes, puis, en 1973, dans la campagne berrichonne. En 1985, ils s’installent enfin à La Châtre, dans une simple maison du bourg qui devient peu à peu une œuvre en elle-même, peuplée de collections d’outils rustiques, de sculptures africaines et d’objets de toutes sortes. C’est là que, durant trente ans, dans une petite pièce à l’étage, méticuleusement rangée, sur sa table, il trace et estompe des ramifications de formes où l’humain, l’animal, le végétal et le minéral se confondent. Lui rendre visite était une rencontre d’autant plus intense que l’énigme de sa création demeurait entière malgré les questions qui lui étaient posées et auxquelles il ne pouvait sincèrement répondre.Montrée par des marchands tels que Jeanne Bucher, Karl Flinker, Daniel Cordier, Bernard Gheerbrant, son œuvre est exposée au Centre national d’art contemporain en 1972, au Musée Cantini à Marseille en 1989, à Bochum et Essen en 1995, au Centre Pompidou en 2004. En 2001, Cécile Reims et Fred Deux donnent l’essentiel de leur collection personnelle ainsi que des ensembles de leurs créations au Musée Saint-Roche d’Issoudun, le plus proche de La Châtre, où se tient une rétrospective en 2014. Il serait légitime que d’autres la suivent.Fred Deux en quelques dates :1er juillet 1924 Naissance à Boulogne-Billancourt.1948-49 Premiers « dessins ».1958 Publication de La Gana, roman autobiographique.1985 Installation à La Châtre (Indre).9 septembre 2015 Mort à La Châtre.Philippe DagenJournaliste au Monde Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.09.2015 à 05h31 • Mis à jour le13.09.2015 à 10h47 Le plasticien Anish Kapoor a demandé à l’Etat, samedi 12 septembre, d’assurer la sécurité de sa sculpture Dirty Corner – qui a subi plusieurs dégradations – jusqu’à la fin de son exposition au château de Versailles, le 1er novembre.« En cette époque périlleuse où les œuvres de tous les temps sont particulièrement visées par la haine, il est de notre devoir de maintenir la sculpture “Dirty Corner” au château Versailles jusqu’à la fin de l’exposition. »Anish Kapoor et son galeriste Kamel Mennour, qui a coproduit l’exposition du château de Versailles, demandent en conséquence à l’Etat « d’assumer son devoir et de protéger le travail de l’artiste qu’il invite » et « d’assurer la sécurité nécessaire à la protection des œuvres placées sous sa responsabilité ».Sculpture monumentalePlacée dans les jardins de Versailles depuis le 9 juin, la sculpture monumentale d’Anish Kapoor, une trompe d’acier de 60 mètres de longueur à la connotation sexuelle évidente, surnommée « le vagin de la reine », a été vandalisée à trois reprises. La dernière en date remonte à jeudi, un tag incitant à « respecter l’art », inscrit quatre jours après des graffitis antisémites.Lire aussi :Anish Kapoor : « Mais qu’est-ce qui se passe en France ? »« Nous sommes reconnaissants du soutien apporté à ce sujet par le président de la République, François Hollande, et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin », écrivent les deux hommes, qui appellent « les personnalités publiques à condamner les actes de violence envers l’art et la culture ». 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde 11.09.2015 à 19h16 • Mis à jour le13.09.2015 à 20h32 | Florence Evin Documentaire sur France 5 à 9 h 15 Olivier Horn a suivi l’archéologue français Jean-Baptiste Chevance dans sa quête d’une ancienne capitale de l’empire Khmer.Aux environs d’Angkor, capitale de l’empire khmer, au nord du Cambodge, la technologie du Lidar, laser embarqué en hélicoptère, a permis d’identifier la présence, sous un couvert forestier très dense, d’une première cité monumentale. Cette découverte se situe sur le plateau montagneux du Phnom Kulen, à une heure du site archéologique angkorien.Il s’agirait de l’ancienne capitale Mahendra Parvata, répertoriée depuis le XIXe siècle, et localisée par Philippe Stern, en 1936, alors qu’il découvrait, à moitié enfouis, des linteaux sculptés apparentés au style du Bakong, du IXe siècle, antérieurs à Angkor (capitale bâtie à partir du Xe siècle). La cité perdue pourrait être une première capitale oubliée.Folle quêteRetrouver cette cité perdue fut, depuis quinze ans, la seule préoccupation de l’archéologue Jean-Baptiste Chevance qui eut un vrai coup de foudre pour le massif et sa population aussi démunie qu’accueillante. Olivier Horn l’a suivi, dans sa vie quotidienne, sur cette montagne sacrée peuplée de paysans, vivant en autarcie, de culture sur brûlis et de chasse. Ces derniers ont fait leur, la folle quête de Jean-Baptiste Chevance.Longtemps cette région isolée est restée à l’écart. Jusqu’en 1996, le Kulen était un fief des Khmers rouges. En partant, ces derniers avaient miné l’ensemble du massif forestier. Une fois le déminage terminé, le repérage put commencer en suivant les indications des images laser. Elles révélent, sur trente kilomètres carrés, l’empreinte d’une ville avec ses larges avenues, son temple montagne, son palais royal, ses sanctuaires. Tout cela, étant invisible à l’œil nu. Sur les points clés, les fouilles permirent de délimiter le gigantisme de l’ancienne capitale dont les avenues mesuraient pas moins de soixante mètres de large.Passionnante immersionAprès une visite panoramique des grands temples angkoriens, les Bapuon, Angkor Vat, Ta Prom, etc., le spectateur escalade, sur les pas de Jean-Baptiste Chevance, le massif Kulen en quête du moindre indice sous les broussailles. Cette montagne sacrée, où prend sa source la rivière qui irrigue la plaine, est le château d’eau d’Angkor. Des milliers de lingas, symboles phalliques de Shiva, dieu du panthéon hindou adopté par les Khmers, ont été sculptés dans le lit de la rivière, figurant le Gange. C’est un lieu de pèlerinage ancien et toujours très actif.Ce documentaire passionnant propose une vraie immersion dans la vie quotidienne du paysan khmer. Il montre, aussi, toute la difficulté des fouilles archéologiques dans une végétation envahissante qui, non seulement recouvre, mais aussi emprisonne de ses racines tentaculaires le moindre vestige.Aux sources d’Angkor, d’Olivier Horn (Fr., 2015, 52 min). Dimanche 13 septembre à 9 h 15 sur France 5.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet (Caen, envoyé spécial) A l’intérieur du bus qui approche de Caen, jeudi soir 10 septembre, les flashes des smartphones crépitent pour immortaliser la scène. Deux motards de la police viennent de prendre « en escorte » le véhicule, parti de Paris trois heures plus tôt. A son bord, une trentaine de caricaturistes originaires de dix-huit pays, venus participer aux 5es Rencontres internationales des dessinateurs de presse du Mémorial de Caen. Quelques rires s’échappent des rangées.Huit mois après l’attentat contre Charlie Hebdo, un rassemblement de « cartoonistes », c’est aussi cela : une affaire de sécurité. La manifestation avait été annulée en février, un mois et demi avant son déroulement, par crainte des attentats. Le piratage répété du site Web du Mémorial et l’appréhension, après la fusillade de Copenhague (14 et 15 février), d’un grand nombre de dessinateurs invités avaient conduit le directeur du site, Stéphane Grimaldi, à repousser l’événement.Séances de dédicaces abandonnéesCe n’est pas une date dépourvue de symbolisme qui a été arrêtée pour son nouveau lancement : le 11 septembre. « Le Mémorial est le seul musée européen à avoir fait une exposition sur les attentats du World Trade Center. Vu que certains intellectuels, comme Michel Onfray [créateur de l’Université populaire de Caen], trouvent des points communs entre le 7 janvier et le 11 septembre [2001], il n’était pas illogique de choisir cette date », explique M. Grimaldi.Un dispositif sécuritaire « efficace et discret » a dû être mis en place. Préinscription obligatoire des visiteurs sur Internet, inspection des lieux par des démineurs, communication au dernier moment de la liste des dessinateurs invités… Rien n’a été laissé au hasard par les organisateurs, qui ont renoncé à faire se déplacer les caricaturistes en ville pour des conférences, comme lors des éditions précédentes. Toutes les « Rencontres » se dérouleront (jusqu’à dimanche) entre les murs du Mémorial, où les séances de dédicaces avec le public ont également été abandonnées.Du côté des dessinateurs, peu de défections ont été enregistrées, selon M. Grimaldi : « Trois, mais uniquement des personnes ne pouvant quitter leur pays, comme la Syrie. » D’autres ont fait le déplacement après avoir vaincu l’inquiétude qui les avait conduits à annuler leur voyage en début d’année. Ainsi le Colombien Vladdo, de l’hebdomadaire Semana Revista : « Mon ex-femme, avec qui j’ai un enfant, m’avait dissuadé de venir à l’époque, car elle avait peur qu’il m’arrive quelque chose. Cette fois-ci, je ne lui ai pas dit que je venais. » Un dilemne : continuer à dessiner ou pasComme Vladdo, la plupart des cartoonistes présents à Caen ont tous dû affronter des tempêtes, un jour ou l’autre, après des dessins mal compris ou peu flatteurs pour les puissants. Lui a récemment reçu des menaces de mort venant du pays voisin, le Venezuela, dont il a détourné les armoiries en représentant un cheval aussi famélique que l’économie nationale.Le Jordanien Osama Hajjaj a été la cible d’intimidations anonymes cette année après la publication dans le quotidien Al Arab Al Youm d’un dessin montrant un membre de l’Etat islamique utilisant son sabre ensanglanté comme une perche à selfie. Il y a une semaine, son employeur principal — une agence de publicité — lui a demandé de ne plus faire de dessins sur « la politique et la religion », sous peine de perdre son emploi. « Mon boss m’a dit : “Regarde ce qu’ils ont fait à Charlie Hebdo. Ils peuvent venir faire la même chose ici.” » C’est aussi pour cela qu’Hajjaj est venu à Caen : pour parler du dilemme qui le traverse — continuer à dessiner ou pas — avec des collègues dessinateurs originaires d’autres pays.« Il est important en ce moment d’échanger »« Il n’a sans doute jamais été aussi important qu’en ce moment de se rencontrer et d’échanger. Cela nous rend plus forts », estime Avi Katz, qui dessine pour le Jerusalem Report. « Parler de son métier avec des professionnels d’autres régions du monde est fondamental pour connaître les limites de ce qu’il est possible de faire aujourd’hui. Même dans un pays comme le mien, où ce genre de question ne devrait pas se poser, personne n’est à l’abri de voir un de ses dessins créer la polémique », témoigne Tjeerd Royaards, un dessinateur néerlandais ayant récemment subi les foudres de l’extrême droite après la diffusion d’une carte postale comparant les méthodes des djihadistes islamistes aux tortures qui existaient sous l’Inquisition. La profession aura d’autres occasions ces prochaines semaines de discuter de ces sujets. A la fin de septembre, la 34e édition de l’Humour vache se tiendra à Saint-Just-le-Martel (Haute-Vienne). Le 21 septembre, à Paris, l’association Cartooning for Peace, présidée par Plantu, dessinateur au Monde, organisera un colloque intitulé « Le dessin de presse dans tous ses Etats ». De sécurité, il sera aussi question ces jours-là. Fatalement.Frédéric Potet (Caen, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Jeudi 10 septembre, au soir, les djihadistes de l’Etat islamique mettaient en ligne, sur leur site de propagande Dabiq, les photos de la destruction du temple Bêl, le grand sanctuaire de Palmyre en Syrie, encore debout le 27 août, comme l’ont confirmé les images satellites d’Unosat. Le montage sophistiqué des photos (ci-dessous), mises en scène par l’EI, montre le transport d’énormes barils bleus bourrés d’explosif par une dizaine d’hommes, pour chaque charge ; puis la disposition de ces barils dans l’escalier du sanctuaire et, enfin, un tas de pierres : ce qui reste de ce joyau de blocs taillés, vieux de deux mille ans, réduit en morceaux. « Daech a fait exploser le temple Bêl trois jours de suite pour en venir à bout, précise au Monde le directeur général des antiquités et des musées de Syrie, l’archéologue Maamoun Abdulkarim. La troisième fois, ils ont bourré le temple d’explosifs. La ville moderne a été ébranlée par le souffle de l’explosion. La population a cru à un tremblement de terre. » Demeure l’enceinte extérieure, de deux cent mètres de côté, et sa porte principale. De la « cella », partie sacrée du temple, le saint du saint où siège le dieu Bêl, auquel seul le prêtre a accès, il ne subsiste que le portail d’entrée en pierre ouvragée, désormais ouvert sur le vide.Lire aussi :Destruction des vestiges de Palmyre : « La sauvagerie de l’EI est totale »Jusqu’où ira l’EI dans l’éradication de la « Perle du désert » syrienne, classée « Patrimoine mondial » de l’Unesco depuis 1980, l’un des plus beaux sites du Proche-Orient avec Baalbeck, au Liban, témoin des antiques civilisations ? Pourra-t-on restaurer les monuments phares détruits à l’explosif, en particulier le temple Bêl, dédié au « Seigneur », dieu suprême des tribus palmyréniennes ? Pourra-t-on remonter le petit temple Baalshamin, où le dieu de la fertilité était vénéré, réduit lui aussi à un amas de pierres éclatées, ou encore trois des plus hautes tours-tombeaux décorées de la nécropole rasées à l’explosif comme le montrent les images satellites ? « On refuse de pleurer sur le passé »Dans l’ancienne province de l’empire romain, ce sont les tribus sémitiques indépendantes, riches du commerce caravanier entre l’Euphrate et la Méditerranée, qui financèrent, au premier siècle de notre ère, la construction de ce joyau, en adoptant le vocabulaire architectural gréco-romain pour les temps forts du décor. Les colonnes à chapiteaux et portiques finement sculptés, comme la monumentalité de la cité desservie par une artère bordée d’une colonnade de 1 200 mètres, encore debout, ont fait la réputation millénaire de cette oasis du désert.« Même si Daech détruit tout Palmyre, il faudra reconstruire, affirme Maamoun Abdulkarim. Les archéologues ont une bonne expérience de la taille de pierre et des techniques utilisées par les missions française, allemande, suisse… L’excellente coopération européenne a été très utile. Mais nous ne savons pas quel est le pourcentage des dommages sur les blocs de pierre. Si la reconstruction s’impose, l’authenticité sera perdue. »Béatrice André-Salvini, directrice honoraire du département des Antiquités orientales du Louvre, attend des informations plus précises : « Je ne suis pas sûre que l’on puisse remonter les monuments de Palmyre si les pierres ont explosé, c’est un peu tôt pour le dire. Avec les nouvelles techniques, on peut probablement sauver pas mal de pierres, concède-t-elle. On ne peut pas faire du neuf, cela n’a pas de sens à notre époque. Il faudra, je crois, de toute façon, élever un mémorial aux martyres et à leur Histoire, avec les éclats de pierre inutilisables. »Etonnant état de conservationLa réaction d’indignation mondiale devant la destruction d’une des plus belles cités antiques du Proche-Orient s’explique par l’ampleur des vestiges et leur étonnant état de conservation. « Des vestiges authentiques largement restés debout, protégés par le sable, témoigne l’archéologue Christiane Delplace, qui a dirigé la mission archéologique française de Palmyre de 2001 à 2008. Il y a eu des consolidations, mais la structure elle-même a traversé les siècles. Même si les usages avaient changé : le sanctuaire du temple Bêl avait été transformé en église, puis en mosquée. Un village arabe s’était installé à l’intérieur même de l’enceinte. C’est sans doute ce qui a dû le protéger. »Les premiers dessins du temple Bêl, réalisés en 1785 par le Français Louis-François Cassas, précédèrent les fouilles de grande ampleur, relevés, plans et restaurations, réalisés sous la direction d’Henri Seyrig, directeur des Antiquités de Syrie et du Liban pendant le Mandat français (1920-1946) – jusqu’à son départ pour rejoindre le Général de Gaulle après l’Appel du 18 juin 1940. C’est le père de l’actrice Delphine Seyrig, « un grand monsieur qui a eu l’intuition de tout », affirme Christiane Delplace. « Tous les “fouilleurs” de Palmyre ont fait sauter sur leurs genoux la petite Delphine », ajoute-t-elle avec un sourire.Avec l’architecte Robert Amy à la manœuvre, Henri Seyrig, qui avait la conception scientifique du projet, a fait dégager le temple Bêl dans les années 1930, après avoir déménagé le village, qui avait squatté la cour d’enceinte de 200 mètres de côté. « Un projet ambitieux des Français », souligne Michel Al Maqdissi, ancien responsable des fouilles et des études archéologiques de Syrie de 2000 à 2012, qui fut le dernier à effectuer des fouilles en 2011, dans l’enceinte même du temple Bêl. Il a mis au jour, en bordure de la « cella », le sanctuaire lui-même, aujourd’hui détruit, un temple plus ancien du début du premier siècle, avec sa salle de banquet.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »« C’est parti pour toujours »« Les fondations des murs du temple Bêl s’enfoncent de quatorze à seize mètres sous terre pour tenir le poids du podium massif, typiquement oriental, sur lequel s’élève la “cella”, souligne Michel Al Maqdissi. Après deux mille ans, le temple était en très bon état. Les interventions de Robert Amy avaient été faites a minima. Il a restauré la “cella” et une partie de la colonnade. A l’époque, un travail de dix ans sur un monument debout ! », note-t-il.Face à la question de la reconstruction du temple Bêl détruit, Michel Al Maqdissi demeure dubitatif. « Les murs sont massifs, énormes, j’ai des doutes, avoue-t-il, conscient d’une sorte de mission impossible. C’est parti pour toujours. » L’archéologue ne fait pas le même constat pour le petit temple Baalshamin, plus facile à reconstruire avec des éléments nouveaux. Les carrières de pierre sont dans les environs de Palmyre. « On peut imaginer un scénario très triste, ajoute-t-il. On ira aux Etats-Unis voir des reconstitutions en 3D et des pièces originales. Les collectionneurs américains et ceux des pays du Golfe achètent en quantité. Les antiquités quittent le pays par la Turquie, le Liban, la Jordanie, et se vendent à Londres, Genève… » Selon les spécialistes, le pillage a été organisé de manière industrielle par l’EI, ce trafic illicite étant une de ses principales ressources.A Palmyre, « de nombreux bâtiments sont encore piégés, la grande arche triomphale, le théâtre… indique Maamoun Abdulkarim. On dira : “Ici, il y avait un site qui s’appelait Palmyre.” »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 11.09.2015 à 12h17 • Mis à jour le11.09.2015 à 13h02 //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Projection de la version intégrale du « Mahabharata » Des ateliers pour « habiter un monde qui change » La plate-forme numérique CALM connecte réfugiés et bénévolestous les articles de la thématique Rencontre entre Peter Brook et Jean-Claude Carrière, dimanche 27 septembre, à 17 heures, au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris. Le Monde Festival s’associe au Théâtre des Bouffes du Nord pour vous proposer, le lendemain de la projection de la version intégrale du Mahabharata de Peter Brook, une rencontre entre le metteur en scène et Jean-Claude Carrière.Réservations ici.Retrouvez toute la programmation du Monde Festival au Théâtre des Bouffes du Nord. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival. 18.09.2015 à 10h57 • Mis à jour le18.09.2015 à 14h35 Marc-André DalbavieSonnets. Sextine-Cyclus. Trois chansons populaires.Yuriy Mynenko (contre-ténor), Jean-Paul Fouchécourt (haute-contre), Orquestra Gulbenkian Lisbonne, Marc-André Dalbavie (direction). Il est loin le temps où le nom de Marc-André Dalbavie, né en 1961, était systématiquement cité par Pierre Boulez comme exemple du renouveau de la musique contemporaine. Investi dans les développements technologiques de l’Ircam après avoir assimilé l’héritage de la musique spectrale, le jeune compositeur représentait une sorte de voie consensuelle sur le terrain de l’innovation. Vingt ans plus tard, son langage – plus académique – a changé mais pas sa sensibilité de coloriste. A preuve, ces Sonnets (d’après Louise Labé) qui forment un cycle très prenant, porté par un véritable souffle de dramaturge et conçu dans les moindres détails – de timbre, d’harmonie, de phrasé – avec une délectation d’esthète. Moins personnel, Sextine-Cyclus (vaste partition inspirée des productions de troubadours) rappelle un peu les Folk Songs de Luciano Berio. Pierre Gervasoni1 CD Ame Son.Ensemble Correspondances, Sébastien DaucéLe Concert royal de la nuitJean de Cambefort, Antoine Boesset, Louis Constantin, Michel Lambert, Francesco Cavalli, Luigi Rossi & anonymes. Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé (direction). Et Louis XIV devint Roi-Soleil : le 23 février 1653, au lendemain de la Fronde, la fin du Ballet royal de la nuit vit apparaître un monarque de 15 ans paré d’attributs solaires. Un soulagement salvateur après une veille nocturne peuplée de terreurs (un sabbat méphitique et une figuration de l’enfer). Ne demeurait cependant que le livret et quelques bribes musicales de ce qui fut sans doute l’un des plus grands coups de pub de l’Histoire de France. Il a fallu trois ans au chef de l’Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé, pour opérer son patient travail de reconstitution (réécriture de parties manquantes) et de création : l’ajout dramaturgique de pages des premiers opéras italiens présentés en France (Orfeo, de Rossi, Ercole aman­te, de Cavalli). Le résultat inspire non seulement le respect mais l’enthousiasme. La parfaite cohésion et la grâce inventive des musiciens de l’Ensemble Correspondances (instrumentistes et chanteurs), l’attention inspirée de leur chef font de ce disque un important tribut aux commémorations du tricentenaire de la mort de Louis XIV. Royal aussi pour le moins, le somptueux livre-disque doté d’une iconographie foisonnante (magnifiques gravures de costumes) et d’un texte passionnant. Une version scénique serait même prévue pour 2017 : que demande le peuple ? Marie-Aude Roux1 livre-disque de 2 CD Harmonia Mundi.Keith RichardsCrosseyed Heart Keith Richards est suffisamment entré dans la légende pour qu’on lui pardonne tout, ou presque : sa voix n’est pas fameuse, ses facultés à papillonner sans pudeur agacent, tout autant ses efforts pour sans cesse refonder le mythe Rolling Stones par le blues – ici le titre joué à l’ancienne guitare-voix, Crosseyed Heart, heureusement placé en introduction de l’album. Avec ses rides, son bandana, ses vestes python et sa façon de fumer des cigarettes comme des joints (visuels vérifiables dans le livret), le guitariste a conçu avec le batteur new-yorkais Steve Jordan un disque qui devrait servir de preuve à la préséance du blues sur le rock.Il y a là une succession de redites balourdes, que Lover’s Plea, soul à souhait, quinzième et dernier titre de l’album, ne parvient pas à compenser. Même si la chanteuse Norah Jones déploie une nuance de bleu (Illusion) dans la grisaille, ou que Bobby Keys, le complice de toujours, y joue ses derniers solos de saxophone (il est mort peu après l’enregistrement). Keith Richards nous dit qu’il veut s’amuser sans qu’on lui casse les pieds. Quitte à aligner des banalités en première partie de jeu, avant une fin plus vertueuse, avec Substantial Damage (l’organiste Charles Hodges vient en renfort sur les grognements rauques du chanteur) ou la reprise gracieuse de l’incunable Goodnight Irene que Leadbelly a composé en 1932 – celle de Love Is Overdue du reggaeman jamaïcain Gregory Isaacs est ratée, mais Keith s’en fout. Véronique Mortaigne1 CD Mindless/Virgin/EMI.Richard HawleyHollow Meadows Depuis son premier mini-album (sept compositions) publié en avril 2001, le Britannique Richard Hawley fait entendre sa voix, basse, caressante, chaude et sa science de la guitare par des chansons lyriques, souvent sur un tempo tranquille. Hollow Meadows, son huitième album enregistré en studio, avance ainsi sans remise en question formelle d’un univers musical venu du rock, de la country et du folk. Et à nouveau l’on est pris par son intensité émotionnelle. Onze compositions pour lesquelles Hawley et Shez Sheridan, cosignataire de deux chansons (I Still Want You pour entrer dans le ravissement, What Love Means pour le clore), ont apporté leurs collections de guitares, créateurs d’un kaléidoscope de timbres dont les subtilités, les reliefs, les couleurs, la complémentarité entre l’acoustique et l’électrique se révèlent un peu plus à chaque écoute. Par endroits, le ton se fait un rien plus agressif (Which Way, Heart of Oak), ailleurs le soutien d’une section de cordes rappelle le traitement en envolées orchestrales de compositions précédentes. Avec toujours des évocations de lieux de sa ville, Sheffield, et des textes forts sur ces sentiments vitaux que sont l’attachement à la famille, l’amitié, la vie qui passe, l’amour, par des mots simples et touchants. Sylvain Siclier1 CD Parlophone Records/Warner Music.René Lacaille èk MarmailleGatir C’est une affaire de famille, de partage et de transmission. René Lacaille s’entoure de sa « marmaille », Marco et Oriane. Les gamins ont grandi, volent maintenant de leurs propres airs. Tous les trois réunis chantent et se partagent les instruments, plus quelques compositions, dans cet album cimenté par une complicité bon enfant (la manière d’être de toute une vie chez René Lacaille), cousu d’airs qui disent l’âme créole, les rythmes de La Réunion, de petites chansons sans manières, de mélodies joueuses et malicieuses. Assurément, René Lacaille se sent bien en famille, amis musiciens compris . On compte parmi les invités : Titi Robin (rebab), Denis Péan (voix), Richard Bourreau (violon), Jean-Pierre Niobé (bugle)… Son bien-être affleure tout au long de cet album dans lequel le chanteur accordéoniste reprend la guitare qu’il avait laissée tomber depuis quelques années. Il le dédie à son frère de cœur, disparu le 3 mai, l’homme de radio, journaliste et DJ Rémy Kolpa Kopoul. Patrick Labesse1 CD Do Bwa/L’Autre Distribution.Sylvain RiffletMechanics Comment ne pas penser aux répétitifs américains les plus réputés – Terry Riley, La Monte Young, Steve Reich ou Philip Glass dès qu’on met en œuvre boucles mélodiques et des motifs rythmiques fondés sur des mouvements simples. Ces noms viennent à l’esprit à l’écoute de Mechanics, du saxophoniste et clarinettiste Sylvain Rifflet. Avec ce petit plus de trouvailles, de fantaisies, de construction de l’album par des contrastes entre l’éthéré et le délié. Aux dialogues, superpositions et échanges de Rifflet avec la flûte (Jocelyn Mienniel), les percussions (Benjamin Flament), la guitare (Philippe Gordiani) s’ajoute l’utilisation de boîtes à musique, d’objets détournés pour produire des sons. Là aussi dans une approche talentueuse. Sylvain Siclier1 CD Jazz Village/Harmonia Mundi.      Emilie Grangeray Qu’est-ce qui vous a pris d’acheter 250 photos sur Internet ?Isabelle Monnin : La réponse est terriblement banale. Parce qu’elles étaient à vendre ! Je venais de dîner chez un ami qui possède des photos amateurs, apprenant ainsi que des gens vendent des photos et qu’on peut les acheter. Le lendemain, je tape « photos de famille » sur eBay et tombe sur un lot de Polaroid vendu par un brocanteur. Je les achète sans savoir alors ce que j’en ferai. Sauf que je les aime tout de suite, parce que je les trouve familières, authentiques et fragiles, comme le sont les photos de famille.Comment est né le livre ?I.M. : Un an après l’achat, en mai 2013, j’ai l’idée, au réveil, de raconter la vie de ces gens. Et je sais faire deux choses : inventer (c’est mon côté romancière) et enquêter (dix-sept ans de journalisme). Je décide donc d’imaginer leurs vies à partir des photos puis, une fois le roman terminé, de les retrouver.Le roman terminé, vous dites avoir eu du mal à vous mettre à l’enquête, pourquoi ?I.M. : Commencer une enquête, c’est toujours compliqué, même si, dans le cas précis de ce livre, ce n’est pas une véritable enquête journalistique car je n’ai rien vérifié de ce qui m’a été dit. Il y avait aussi une incertitude mêlée à une certaine peur : allais-je retrouver les gens des photos et n’allaient-ils pas m’opposer un refus ? Enfin, cela signifiait aussi quitter mes personnages, et peut-être n’étais-je pas pressée de le faire. Roman, enquête, chansons : c’est un livre hybride ?I.M. : C’est vrai que j’ai l’impression d’avoir inventé quelque chose qui n’existait pas encore. Pourtant, j’avais très peur du côté gadget, ludique, couteau suisse. Pour moi, il s’agissait vraiment d’explorer les différents types de narration, et le disque qu’Alex a composé raconte aussi mes personnages. Il a même lu entre les lignes ce que je n’avais pas écrit.Alex Beaupain : Enthousiasmé par le projet d’Isabelle, je lui ai proposé d’écrire les chansons. Ce que j’ai fait en une semaine, lors de vacances que nous avons passées ensemble dans le Lubéron.Les gens des photos viennent de Clerval, à 60 kilomètres de Besançon où vous avez grandi tous les deux. Coïncidence ?A.B. : Sans tomber dans le mysticisme, c’est extrêmement troublant. Je pense que cela évoquait des choses de notre enfance, des paysages familiers, une espèce de mémoire souterraine.I.M. : Alex et moi venons du même monde. Nous partageons les mêmes codes, le rire, le chant, la table, mais aussi le goût de l’effort, la foi en l’éducation et la culture, et, en effet, ce sont des gens qui nous sont familiers. Ainsi, la Mamie Poulet de mon livre ressemble à ce que fut ma grand-mère. Dans le livre, vous évoquez votre sœur disparue : « Comme chaque fois qu’il m’arrive quelque chose d’important, je parlerai à ma sœur. C’est comme ça, elle et moi. Sa mort n’y change rien. » C’est finalement un livre très personnel.I.M. : Cela s’est imposé. Je ne savais pas quelle forme prendrait le récit de l’enquête. J’ai vite compris que c’était moralement compliqué de raconter des gens en me planquant, moi. J’ai donc décidé que le journal d’écriture dans lequel je prenais des notes pour moi deviendrait le texte. Lequel devient donc plus intime.L’envie de garder un lien avec les disparus traversait vos précédents livres « Les Vies extraordinaires d’Eugène » et « Daffodil Silver ». Les romans permettent-ils de lutter contre l’oubli, de ressusciter les absents ?I.M. : C’est vrai, c’est une obsession tout autant qu’une angoisse, j’imagine. Il est bien entendu vain de croire que l’on pourra faire revenir les disparus, voire les raconter entièrement et parfaitement. Pourtant il faut le faire. Pour moi, les livres sont pareils à des tombeaux, des endroits où l’on conserve des choses, des gens. En fait, je suis conservatrice ! (Rires.) Il y a aussi cette autre question : "À qui sont les photos de mon enveloppe ? À celui qui les a prises, à ceux qui figurent dessus, à moi qui les ai achetées ? "I.M. : Je suis en effet dépositaire de souvenirs qui ne m’appartiennent pas. Et je pense alors aux annuaires téléphoniques de Modiano, aux mille portraits du Kaddish de Boltanski. Encore une fois, c’est la même tentative de conserver des traces matérielles, même infimes, de ce qui fut.Vous évoquez la possibilité d’en faire une pièce, on rêverait d’un film à la Alain Resnais, est-ce prévu ?En chœur : Tout à fait ! On y travaille…M vous fait découvrir en exclusivité quatre titres d’Alex Beaupain :Les gens dans l’enveloppe, Livre, CD roman et enquête d’Isabelle Monnin, chansons d’Alex Beaupain, JC Lattès, 370 p., 22 €.Emilie GrangerayJournaliste au Monde 18.09.2015 à 06h47 Découvrir les mystères d’Osiris à l’Institut du monde arabe à Paris, danser au son de l’accordéon à Tulle ou faire une cure de Haydn à La Roche-Posay : voici les choix du « Monde ».Exposition. Osiris sortie du Nil, à l’Institut du monde arabe L’exposition à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris de vestiges – statues monumentales, coupes, bijoux, ex-voto, etc. – repêchés dans la baie d’Aboukir, au large du delta du Nil, trésors de l’antique Egypte, est un événement. Ces pièces proviennent de Thônis-Héracléion et Canope, ports prospères, engloutis depuis des millénaires. Le butin, sauvé des eaux, provient des fouilles sous-marines de Franck Goddio, président de l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM), qui a travaillé avec une équipe de soixante spécialistes pour localiser, explorer les cités perdues, en exhumer les vestiges et les restaurer. A l’IMA, les objets exposés disent l’importance du culte rendu à Osiris. Seul dieu vénéré dans toute l’Egypte affirme Hérodote. La procession nautique que la figure divine doit accomplir une fois l’an est rythmée, dans les vitrines, par des pièces inédites. Florence Evin« Osiris, Mystères engloutis d’Egypte », jusqu’au 31 janvier 2016, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 heures à 19 heures, le vendredi jusqu’à 21 h 30, le week-end jusqu’à 20 heures. Tarif : de 10, 50 à 15,50 euros. imarabe.orgPhotographie. Un camp de réfugiés vu de l’intérieur Le photographe Samuel Gratacap, lauréat du prix de la jeune création au BAL, à Paris, a passé plusieurs années à Choucha, en Tunisie : un camp de réfugiés où ont échoué jusqu’à 30 000 personnes ayant fui la guerre en Libye, et qui a fini par fermer en 2013, laissant sur le carreau des centaines d’entre eux. Mais comment traduire la situation par d’autres images que les habituelles enfilades de baraquements et les portraits habituels ? Dans ce lieu hostile, balayé par le vent du désert et régi par les règles de fer d’une administration humanitaire internationale, le photographe a d’abord donné à voir des mots : ceux d’espoir tracés sur le tissu des tentes, ceux de colère et de révolte qu’ont criés les réfugiés pour protester contre les conditions de vie et la lenteur des procédures – ils ouvrent l’exposition au BAL, à Paris. « J’ai cherché des photos qui aillent au-delà de la description », explique le photographe, qui a réussi à traduire en images l’inhumanité d’un « lieu de vie proprement invivable ». Claire Guillot« Empire », au BAL, 6, impasse de la Défense, Paris 18e arrondissement. Mo Place de Clichy. Tél. : 01-44-70-75-50. Tarifs : 6 € et 4 €. Jusqu’au 4 octobre. Livre Empire, ed. Le Bal/Filigranes, 124 p., 25 €.Théâtre. Un délicat cérémonial féminin, au Théâtre du Rond-Point « Princesse, vieille reine, tel est le destin des femmes », écrit Pascal Quignard. L’auteur de Tous les matins du monde fait la rentrée du Théâtre du Rond-Point, avec un texte écrit spécialement pour Marie Vialle. Depuis plusieurs années, il écrit des contes pour cette merveilleuse actrice. Cinq d’entre eux sont réunis ici, que Pascal Quignard a imaginés en rêvant sur « cinq merveilleuses robes : une longue tunique franque, une robe de soie de Chine longue et souple, un kimono japonais tout raide, un manteau de fourrure immense, une robe à crinoline Napoléon III ». De l’un à l’autre, qui racontent l’histoire de la fille de Charlemagne, la princesse Emmen, qui décida d’aimer le secrétaire du Palais et pour cela de le porter sur son dos à travers la neige, ou celle de l’amour impossible de la fille du gouverneur de la province d’Ise et du prince Nakahira, c’est à un délicat cérémonial du féminin que convie l’actrice. Un cérémonial qui n’exclut pas l’humour, et qui interroge les images et les destins de la féminité. Fabienne DargePrincesse Vieille Reine, de Pascal Quignard (éditions Galilée). Mise en scène et interprétation : Marie Vialle. Théâtre du Rond-Point, 2, bis av. Franklin-Roosevelt, Paris 8e arrondissement. Mo Franklin-Roosevelt. Tél. : 01-44-95-98-21. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 27 septembre. De 16 € à 29 €. Durée : 1 h 10. theatredurondpoint.frHumour. Sophia Aram fait son retour au Palais des Glaces à Paris On avait gardé un très bon souvenir du précédent spectacle de Sophia Aram, Crise de foi, qui mettait dos à dos les trois religions monothéistes. Elle revient au Palais des Glaces avec un nouveau « seul en scène », un peu trop marqué par son travail de chroniqueuse sur France Inter, où elle officie le matin depuis trois ans. C’est en effet quand elle oublie cette casquette que l’humoriste est à son meilleur. Dans son nouveau solo, au rythme parfois décousu, il y a la tante arabe qui se désespère de l’arrivée des bobos de l’autre côté du périph’(« On est plus chez nous, c’est une colonisation ») avec leur drôle de « maladie » qui leur interdit de manger du gluten. Ou ce djihadiste canadien qui se dit « contre les bonbons à base de gélatine de porc qui engraissent les dentistes juifs ». Sophia Aram ne cache ni ses sentiments ni ses colères et prend sa part dans le débat public. Sandrine BlanchardSophia Aram dans Le fond de l’air effraie, jusqu’au 2 janvier, du mardi au samedi à 20 heures au Palais des Glaces, 37, rue du Faubourg du Temple, Paris 10e arrondissement. Durée : 1 h 30. Tarifs : de 19 € à 36 €.Danse. Le temps d’aimer la danse, observatoire de tous les styles, à Biarritz A Biarritz, le festival Le temps d’aimer la danse, qui fête ses 25  ans, parie sur le plein air, jusqu’au 20 septembre. Si le style néoclassique colore la manifestation créée en 1991 par Jakes Abeberry, alors adjoint à la culture, cette identité n’empêche pas le Thierry Malandain, chorégraphe et directeur du festival et du Centre chorégraphique de Biarritz, de programmer à bras ouverts. L’éclectisme est la règle, avec une place réservée aux artistes installés en Aquitaine. La diversité se traduit d’abord en basque, avec des groupes de danse traditionnelle disséminés dans la ville. Dans les salles du Casino et du Colisée, la culbute esthétique se poursuit : baroque, contemporain, butô. Le Temps d’aimer la danse est un observatoire de styles ouvert à tous. Rosita BoisseauLe temps d’aimer la danse, à Biarritz jusqu’au 20 septembre. De 13,80 euros à 29,80 euros. letempsdaimer.comMusique. Les rois de l’accordéon ont rendez-vous à Tulle On l’appelle parfois le piano du pauvre mais les créateurs du festival Les Nuits de nacre ont préféré évoquer la matière qui en constitue les boutons dans l’intitulé de la manifestation consacrée à l’accordéon. Un festival organisé à Tulle (Corrèze) depuis le début des années 1980 et pour sa présente édition, du 17 au 20 septembre. Avec en « artiste fil rouge » Marcel Loeffler qui, outre plusieurs concerts, participera à des rencontres et conférences. Sont aussi attendus Marcel Azzola, Pascal Contet, Richard Galliano ou Christian Peschel, parmi les instrumentistes les plus connus, ce dernier perpétuant la tradition des bals. Et toute une nouvelle génération de musiciennes et musiciens dont Aurelie Gourbeyre, Bénédicte Grimal, Erwan Mellec, Antoine Alliese, Charles Kieny… en soliste ou au sein de formations qui voyagent aussi bien dans le jazz que le rock ou les musiques du monde. Sylvain SiclierLes Nuits de nacre, à Tulle (Corrèze), Théâtre des 7 Collines, salle Gus Viseur, salle Latreille, Magic Mirrors et divers lieux de la ville. Jusqu’au 20 septembre. De 5 € à 30 € pour les concerts payants, nombreux spectacles en accès libre.Classique. Haydn fêté à La Roche-PosayVoilà un festival au nom bien sympathique : Les vacances de Monsieur Haydn. Sa onzième édition se tiendra les 18, 19 et 20 septembre dans la jolie ville thermale de La Roche-Posay (Vienne). Autour de son fondateur, le violoncelliste Jérôme Pernoo, une douzaine de musiciens amis bien décidés à faire que la musique de chambre soit une fête. De Mozart (que Monsieur Haydn admirait) à Wagner (qu’il ne connut pas), de Schumann à Fauré, de Steve Reich à Guillaume Connesson, trois jours pour une cure intensive de musique. Soit huit concerts (payants) et, pour les boulimiques, 60 mini-concerts gratuits de 20 minutes. Pas vraiment des vacances ? Marie-Aude RouxLes Vacances de Monsieur Haydn. Casino de La Roche-Posay (Vienne). Les 17, 18 et 19 septembre. Tél. : 05-49-86-22-62. De 17 € à 22 €. Lesvacancesdemonsieurhaydn.com Fabienne Darge Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas exagérer –, mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec Comme une pierre qui…, le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement. 16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en être changée, définitivement.L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond ce spectacle, qu’elle a conçu avec Sébastien Pouderoux, mix de concert et de représentation théâtrale, on ne peut plus vivant et drôle, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique. Foirage en règleCar au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu. S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de ses camarades.Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965. Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller. Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.Un Dylan habité de l’intérieurVoilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français. Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».Comme une pierre qui…, d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond, avec Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, Paris-1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Du mercredi au dimanche à 18 h 30, jusqu’au 25 octobre. De 9 à 20 €. Durée : 1 h 10. www.comedie-francaise.frFabienne DargeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Dès l’automne 2013, alors que Bangerz allait être publié, Miley Cyrus avait indiqué qu’elle travaillait déjà sur un futur nouvel album. Il a fait son arrivée sous le titre Miley Cyrus and Her Dead Petz (… et ses animaux de compagnie morts) sur la plateforme suédoise de distribution de musique en ligne SoundCoud, le 30 août. Un disque financé par la chanteuse pour son label Smiley Miley Inc. Sont ainsi en accès libre, sur une page dédiée de SoundCloud et une autre sur le site officiel de la chanteuse, vingt-trois chansons pour une durée totale de plus de 90 minutes.Dont plus de la moitié est signée ou cosignée par des membres de The Flaming Lips, en particulier le chanteur Wayne Coyne et le multi-instrumentiste Steven Drozd – le neveu de Wayne Coyne, Dennis, est aussi de la partie, comme le guitariste Derek Brown, présent au sein du groupe depuis 2009. Rappelons qu’en matière de bizarreries, dans les textes comme la musique, d’expérimentations (ils ont enregistré une chanson d’une durée de 6 heures, une autre de 24 heures…), de dingueries spectaculaires lors de leurs concerts tout en sachant conserver une accroche pop, les Flaming Lips ont une sérieuse réputation. Les autres titres, une dizaine, ont été réalisés en collaboration avec des producteurs plus spécialisés dans le r’n’b et le hip-hop comme Oren Yoel ou Mike Will Made It, qui ont déjà travaillé avec la jeune femme, ou laissés à sa seule responsabilité.Lire aussi : Le show hypnotique des Flaming Lips Ex-idole des préadolescentsCette collaboration entre les Flaming Lips et l’ex-idole des préadolescents aux Etats-Unis, au temps où elle tenait le rôle principal de la série télévisée « Hannah Montana », gentillette histoire d’une lycéenne devenant une star de la pop, diffusée par The Disney Channel entre mars 2006 et janvier 2011, n’est toutefois pas une nouveauté. Tout avait commencé le 13 janvier 2014, lorsque Miley Cyrus avait souhaité à Wayne Coyne un bon anniversaire pour ses (alors) 53 ans par un message sur le réseau social Twitter : « happy birthday to one of my favorite artists OF alllllll time » (un joyeux anniversaire à l’un de mes artistes préférés de tous les temps).Miley Cyrus avait déjà pris ses distances par rapport à son image télévisée. Le disque Bangerz lui avait permis de passer de la variété à un mélange de pop, d’électro et de hip-hop, ses tenues de scènes étaient devenues de moins en moins prudes, comme son comportement à la scène et à la ville. On aurait pu en rester là, mais pour rendre la politesse à la déclaration d’admiration de Miley Cyrus, les Flaming Lips avaient participé à quelques concerts de la chanteuse en 2014. Et l’avaient conviée à participer à With a Little Help from My Fwends, recréation avec divers allumés camarades des Flaming Lips de l’album des Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Depuis, des échos dans la presse spécialisée, des messages sur les réseaux sociaux, avaient permis de suivre la progression du futur album de la chanteuse. De sept, on était passé à quatorze chansons, jusqu’à ces vingt-trois.Lire aussi : The Flaming Lips ou les Beatles sous acideRecyclage de sons passésAu menu, dans les textes, une célébration de l’herbe à fumer, des pilules pour en voir de toutes les couleurs, de l’hédonisme érotique et des évocations de nombreux animaux de compagnie de la chanteuse, dont Pablow le poisson-lune ou Floyd le chien. Un ensemble qui a du mal à tenir la distance sur la longueur. The Flaming Lips recyclent au profit de Miley Cyrus pas mal de sons et d’aventures passés et ce, dès le premier titre, Dooo It, déclinaison d’une précédente collaboration du groupe avec Yoko Ono en avril 2012, sous le titre Do It ! On retrouve aussi, dans Milky Milky Milk, Cyrus Skies ou Evil Is But A Shadow, des ambiances sombres venues des albums Embryonic (2009), The Terror (2013) ou de la longue pièce 24 Hour Song Skull (octobre 2011). Malgré ce manque d’inspiration et l’absence d’une vraie folie musicale, c’est par ces collaborations avec les Flaming Lips que Miley Cyrus and Her Dead Petz se distingue.Les compositions de la seule Miley Cyrus se révèlent, pour la plupart, insignifiantes. Avec des sonorités plus électro, un phrasé plus monotone (BB Talk, Fweaky, I’m So Drunk, I Forgive Yiew…), un détour du côté de ballades passe-partout avec une voix qui rappelle celle de Madonna (I Get So Scared, Lighter). On discerne aussi ici et là quelques « fuck ». Ce qui fera peut-être frémir aux Etats-Unis mais sonne d’abord comme un cliché.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.09.2015 à 17h37 • Mis à jour le17.09.2015 à 11h19 | Emmanuelle Jardonnet (Marseille) Chaque été depuis deux ans, le designer Ora-ïto convie un artiste sur le spectaculaire toit-terrasse de la Cité radieuse du Corbusier et dans l’ancien gymnase qui le coiffe, mués en lieux d’exposition – le MaMo, pour Marseille Modulor – pour des tête-à-tête avec le ciel marseillais. Après Xavier Veilhan en 2013, puis Daniel Buren en 2014, le choix du maître des lieux s’est, cette année, porté sur l’Américain Dan Graham.« La première édition était un hommage au Corbusier, l’été dernier a été le temps de l’émancipation, avec un espace destructuré. Aujourd’hui, le lieu peut fonctionner de manière autonome, et je cherchais quelqu’un capable de prendre le pouvoir dans un espace qui a un tel charisme », confie Ora-ïto. Du premier, on se souvient ainsi de l’immense buste bleu ciel de l’architecte dessinant sur sa table de travail, qui n’était autre que le toit du bâtiment lui-même. Du deuxième, d’un déploiement de formes et de couleurs qui venaient emplir et redessiner l’espace. Avec Dan Graham et ses architectures-sculptures tout en transparences, l’approche est assurément d’une autre nature, plus impalpable.« Entre l’abribus et la cabine téléphonique »Posées en extérieur, deux constructions se présentent sous forme de « pavillons », terme cher à l’artiste qui désigne ses structures à géométrie variable qui ressemblent à première vue à des cabanes urbaines un peu froides – « entre l’abribus et la cabine téléphonique », résume, l’œil facétieux sous le sourcil broussailleux, l’artiste de 73 ans.De ces postes d’observation (l’un doublement circulaire, Two Nodes, l’autre en forme de vague, Tight Squeeze), qui ont offert tout l’été des points de vue inédits sur Marseille, Dan Graham dit qu’ils sont des « contrepoints » à l’architecture panoptique telle que dénoncée par Foucault : ici point d’entrave à la vue, mais un jeu avec celle-ci. « Cette vision n’est pas aliénante, c’est une situation de plaisir. Et c’est ma conception de l’art public », explique-t-il en citant le sculpteur Alexander Calder et l’artiste Jean Dubuffet parmi ses « héros ». Le Corbusier n’en fait pas partie : « Je n’ai jamais aimé son travail, et pour moi ses grandes barres ressemblent à des prisons. Mais j’aime ce toit grand ouvert sur le ciel, et qui était destiné à la classe ouvrière. »Il faut pénétrer dans ces deux créations de verre et d’inox, au sol en bois, en ressortir, en faire le tour, s’en éloigner et y revenir pour constater leur étonnante capacité d’attraction, qui plonge, un peu par surprise, les visiteurs dans une contemplation active. On se surprend ainsi à guetter sa propre image et celle des autres, qui s’y superposent, se croisent ou s’échappent, entre l’anamorphose et l’hologramme. Les structures, minimalistes, se font labyrinthiques dans un jeu infini de reflets imprévisibles et de distorsions réjouissantes, au plus près des variations du temps et du paysage qui se déploient tout autour, de la mer aux collines de l’arrière-pays. Le titre de l’exposition, « Observatory / Playground » (observatoire / terrain de jeu), tient en cela toutes ses promesses.L’exposition marseillaise, Ora-ïto la présente comme « une rétrospective à l’intérieur, une futurspective à l’extérieur ». « Futurspective » puisque l’un des deux pavillons de verre créés au MaMo sera exposé sur la place Vendôme, en octobre, dans le cadre de la FIAC Hors les murs, là-même où Paul McCarthy, compatriote et ami de Dan Graham, avait déployé sa très éphémère sculpture gonflable verte – le fameux Tree, surnommé le « Plug anal » –, qui avait fait polémique l’an dernier.Skatepark kaléïdoscopiqueDans l’ancien gymnase, des maquettes attestent des grandes étapes du travail de l’artiste depuis les années 1970. Clinic for a Suburban Site (1978) fait partie de ses premiers projets, qui ont lancé sa réflexion sur les espaces habitables, ici un centre de santé, tandis que Skateboard Pavilion (1989), terrain de jeu coiffé d’un toit de verre à facettes, montre le début de l’utilisation généralisée par l’artiste du miroir à double face – tout à la fois réfléchissant et transparent –, comme sa volonté de tendre vers la sculpture abstraite, qui caractérise son travail aujourd’hui.Chez Dan Graham, l’art conceptuel se révèle sensuel, ludique, presque magique. Mais ses installations architecturales se veulent aussi des lieux théâtralisés où le public a conscience de lui-même. « Je pense que, pendant les années 1980, le musée est devenu une sorte de jardin pour les familles, où l’on va avec les enfants pour profiter de l’art. Puis, dans les années 1990, les musées ont largement développé les programmes éducatifs pour les enfants, et beaucoup de familles ouvrières ont eu accès à l’art, ce qui a été très intéressant pour mon travail », analyse l’artiste à l’allure enfantine malgré sa barbe blanche, et qui affiche ce jour-là une tête de tigre sur son tee-shirt et des langoustes bleues sur ses chaussettes. « Je dis toujours que je fais des attractions pour les enfants, qui peuvent s’y faire photographier par leurs parents. C’est une expérience pour toute la famille. Mon travail est sur le regard des gens et le temps, les changements. »Ora-ïto met en avant leur qualité poétique. « Dans les œuvres de Dan Graham, il y a beaucoup d’effets optiques, mais qui relèvent toujours de la surprise : contrairement à l’Op Art, il n’y a pas de théorie, de système, pas de règles, pas d’effets qu’on peut connaître à l’avance. Ces structures absorbent tout : paysage, soleil, nuages, les lumières qui scintillent la nuit… »Absorberont-elles aussi bien le ciel parisien depuis la place Vendôme ? L’artiste, qui a déjà conçu une œuvre pérenne à Paris, porte de Versailles, ne craint pas en tout cas une mésaventure à la Paul McCarthy, dont la sculpture avait été vandalisée. Il revient sur ce qui est pour lui un malentendu : « Le public français ne comprend pas que son œuvre parle d’un enfant qui a peur de Disney. Cette peur, c’est très anti-américain. Ce qui s’est passé ne m’a pas surpris : les Parisiens aiment les œuvres intellectuelles, où tout est mots. Or, son œuvre est très physique. Paul McCarthy, qui est une personne adorable, vient de l’Utah, de Salt Lake City. Il y a une incompréhension envers la culture américaine de la périphérie. Le problème de Paul, maintenant, c’est qu’il fait des œuvres qui sont trop grandes. Moi, en revanche, j’ai peur que la mienne paraisse petite, place Vendôme... » A juger sur pièce, du 21 au 25 octobre, au cœur de Paris.« Observatory / Playground », jusqu’au 20 septembre au MaMo, à Marseille, et « Dan Graham » jusqu’au 8 octobre à la galerie Marian Goodman, à Paris.Emmanuelle Jardonnet (Marseille)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.09.2015 à 16h18 • Mis à jour le17.09.2015 à 08h38 | Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne Guy Béart était né au Caire et vivait à Garches, dans les Hauts-de-Seine. A 80 ans, Guy Béart avait publié un nouvel album, Le Meilleur des choses, après onze ans d’un silence qui aurait pu avoir raison de sa carrière. Ce mercredi 16 septembre, frappé par une crise cardiaque, il est tombé en sortant de chez le coiffeur, à Garches, il n’a pu être réanimé.A 84 ans, en janvier 2015, il avait tenu l’Olympia pendant près de quatre heures, sans vouloir décoller de la scène, aidé par Julien Clerc ou par sa fille Emmanuelle Béart, affolant la twittosphère des amateurs de chansons française – admiration et moqueries confondues.Depuis Bal chez Temporel écrit en 1957, d’abord chanté par Patachou, l’auteur-compositeur avait écrit un chapitre entier de la chanson française (Qu’on est bien, Chandernagor, L’Eau vive, Suez, Les Grands Principes…) et accumulé un catalogue de près de 250 chansons. Guy Béart s’était parfois absenté, mais en vérité, il n’a jamais décroché. Il s’est parfois mis en retrait, pour cause de maladie (cancer avoué), mais aussi parce que le chat Guy était échaudé par les pratiques « des maisons de disques », majors ou labels indépendants, toutes dans le même sac.Lire aussi :Politiques et musiciens rendent hommage à Guy BéartLe chanteur et auteur-compositeur n’avait pas toujours bon caractère, c’est de notoriété publique. Et quand il brocardait les hommes pressés de l’industrie musicale, la radio et la télévision, cela donnait Télé Attila, une chanson déclinée à charge déclinée sur son ultime album, en 2010, en version longue (5’56) et en version courte (3’27) pour en rajouter une louche. La télévision, il l’avait pourtant pratiquée de l’autre côté du décor, en présentant « Bienvenue », créée en 1966, où il invita Jacques Duclos, Robert Boulin, Aragon, Devos, Brassens, Michel Simon ou Duke Ellington. Un rêve de télévision réalisé « sans fric » (en juin 1970, il avait enregistré vingt-deux émissions en un mois), expliquait-il au Monde en septembre 2003. C’est aussi à la télévision qu’il avait commis l’un de ses plus beaux esclandres, face à Serge Gainsbourg – « un petit-maître, à l’occasion plagiaire » – qui en bon Gainsbarre, l’avait traité de « blaireau » sur le plateau d’« Apostrophes », en 1986. Guy Béart n’avait pas supporté qu’on dise de la chanson française qu’elle était un art mineur.Ingénieurs des Ponts et chausséesNé le 16 juillet 1930 au Caire, en Egypte, comme Georges Moustaki, Claude François, Dalida ou Richard Anthony, il était le fils d’un expert-comptable qui voyageait à travers le monde par profession, entraînant sa famille vers la Grèce, Nice, le Liban, où le petit Guy Béhart (le h a sauté par la suite) passa son enfance, puis au Mexique et enfin à Paris, où il entre à 17 ans au lycée Henri IV. Guy Béart avait gardé de ces années de transhumance un attachement à l’Orient et des envies d’ailleurs, qu’il traduit dans une des chansons françaises les plus célèbres, L’Eau vive, hymne à la liberté composé pour le film militant (contre les barrages) de Jean Giono et François Villiers.Guy Béart, qui se voyait en troubadour rêveur fut dans un premier temps un bâtisseur, membre du prestigieux corps des Ingénieurs des Ponts et chaussées, spécialiste de l’étude des cristaux et de la fissuration du béton. Il écrit des pièces de théâtre, travaille de-ci de-là, et chante avec sa guitare pour les copains de La Colombe, un bistrot du Quartier latin, dirigé par Michel Valette. Le patron des Trois Baudets Jacques Canetti l’embauche dans son cabaret de Pigalle, avec Mouloudji, Brel, Devos, Pierre Dac et Francis Blanche.Guy Béart a une voix particulière, un ton, un accent chaud, et ses chansons sont déjà excellentes. En 1955, Brassens le reçoit et l’écoute dans sa loge du Théâtre de verdure de Nice en lâchant « une autre ! », après chaque chanson et en glissant à son copain Jacques Grello : « Ecoute ! Il sait les faire ! ». Zizi Jeanmaire, Patachou, Juliette Gréco, Yves Montand, Colette Renard, Marie Laforêt, Maurice Chevalier : tous adoptent le style Béart et l’interprètent. Avec Qu’on est bien, Le Quidam, Bal chez Temporel, Chandernagor, Le Chapeau, l’originalité de son talent éclate dès son premier disque 25 cm enregistré, à 27 ans, en présence de Boris Vian qui chantait dans les chœurs. « En 1957 j’étais une vedette, mais en 1963, le twist devant « régner sur le siècle », j’étais un has been. A 33 ans, je n’avais plus qu’un renom », confiait-il en septembre 2003 à notre confrère Robert Belleret. « Contrairement à Brel ou Brassens, je ne me destinais pas à la chanson, et, comme le succès a été immédiat, je n’ai pas connu les vaches maigres, je n’ai pas été obligé de me constituer un réseau ni un clan et je n’ai jamais eu à jouer un personnage ».« Les paroles et les musiques viennent du rêve. Je prends des notes pendant la nuit. Pas pratique pour garder une femme, car on la réveille », nous disait-il en 2010, alors qu’après quinze ans de retraite anticipée, il avait accumulé les cahiers, les notes, les projets : « une centaine. J’en ai gardé quarante, puis j’ai réuni les femmes que j’ai connues dans ma jeunesse, des amis, afin de sélectionner, et j’en ai enregistré douze dans mon home studio ». Il avait ensuite reçu chez lui les prétendants à l’édition d’un disque, de chez lui, une magnifique maison d’architecte, parce que « rhumatisant depuis quarante ans », il recevait dans son salon. Pour le voir, il fallait traverser le vestibule, ses alignements de pipes et de guitares, les salons encombrés de cartons d’archives, de livres, « tous vitaux », et de vidéos, avant d’arriver au canapé tigré du living à verrière.Une succession de transferts et de procéduresSa maison de Garches était un lieu de pèlerinage. Des grands noms des arts et de la musique, des hommes politiques, peut-être même son ami Georges Pompidou, ont plongé dans la piscine, pris le frais sous les arbres centenaires et admiré l’esthétique Bauhaus de cet édifice de 1 200 m2, ancienne demeure de l’ambassadeur d’Autriche. Guy Béart l’avait achetée en 1967, après le succès de Vive la rose, titre phare d’un album consacré à la reprise de chansons du patrimoine français.Sa carrière phonographique est une succession de transferts et de procédures, dont celle qui l’opposa à Philips de 1963 à 1978, afin de récupérer les droits de ses chansons. « J’ai monté ma maison d’édition, Espace, très tôt. Puis Philips a viré Canetti [qui y était directeur artistique]. J’ai emprunté des sous à la Banque de Paris et des Pays-Bas, et j’ai fondé l’Auto Production des Artistes au Micro, une structure autogérée par les artistes. J’ai présenté l’affaire à Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Claude François, Pierre Perret. Ils ont trouvé l’idée si bonne qu’ils ont tous créé leur propre société. » Il fonde alors Temporel, sa société de production phonographique, devenue Bienvenue.En conséquence, ses partenaires sont ses distributeurs, « un point c’est tout ». Cette déclaration d’indépendance lui a valu l’une de ses manies les plus visibles : fumer cigarette sur cigarette. « Je vivais avec Popy, une Franco-Américaine. J’avais du mal à obtenir des rendez-vous. Elle m’a convaincu que le métier exigeait cigare et whisky. Ça a marché, j’ai pu approcher Eddie Barclay et d’autres, puis je me suis mis à la pipe. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux L’Orchestre symphonique de Boston (Boston Symphony Orchestre, BSO) dirigé par son jeune chef de 36 ans, le charismatique Andris Nelsons, avait brillamment auguré, jeudi 3 septembre, de la nouvelle saison de la Philharmonie de Paris. Lundi 14 septembre, la saga des grands orchestres américains invités dans le nouvel auditorium de La Villette s’est poursuivie avec l’Orchestre symphonique de San Francisco (San Francisco Symphony) conduit par son directeur musical depuis vingt ans, Michael Tilson Thomas (alias MTT). En soliste, la pianiste prodige chinoise, Yuja Wang, star invitée des musiciens du SFS, ouvrait le concert, comme l’avait fait dix jours plus tôt avec les Bostoniens, le violoncelliste américain d’origine chinoise, Yo-Yo Ma. Un concerto, une symphonie, la formule, pour éculée, fait toujours recette comme en témoigne une Philharmonie de Paris qui ne désemplit pas.Le Quatrième concerto pour piano de Beethoven est un peu emblématique dans la jeune carrière de Yuja Wang : c’est avec lui que la virtuose chinoise a triomphé pour la première fois en Europe en 2003 (à Zurich), avant de faire des débuts fulgurants en Amérique du Nord (Ottawa), deux ans plus tard – elle remplaçait au pied levé le grand Radu Lupu.Une artiste des sonsPas sûr cependant que cette musique de l’introspection convienne si bien à ce petit bout de femme, boule de nerf sexy moulée dans un fourreau de strass argenté vertigineusement échancré dans le dos. Non que le piano de Miss Wang ne soit capable de tous les chants. C’est, en effet, une fine musicienne qui sait ce que moduler une phrase veut dire, une artiste des sons dont la palette, notamment dans le presque rien, est stupéfiante.Non, il s’agit plus d’une profondeur dans la respiration, d’une attention plus grande au silence, d’une empathie plus affirmée, que semble dédaigner le jeu impétueux de divine impatiente. La technique est toujours ahurissante (ce n’est pas pour rien qu’elle a été surnommée « doigts volants » en référence au film d’Ang Lee (2000), Tigre et Dragon), notamment dans les cadences. Celle du premier mouvement semble même prendre de vitesse la musique. Mais quel « Andante con moto » !Le combat inégal entre un piano David et l’orchestre Goliath est mené note à note. L’entêtement du clavier a fait reculer le tutti jusqu’au retranchement des cordes en pizzicatos. Yuja Wang libère son chant d’oiseau montant dans le soleil ivre d’un trille auquel l’orchestre n’osera répondre qu’à voix basse. Merveilleuse réconciliation que le troisième mouvement, rondo mutin et léger : la pianiste fait danser la musique, les San-Franciscains lui donnent l’accolade à chaque trait.Baguette minimalisteMichael Tilson Thomas et son Orchestre de San Francisco sont des mahlériens. Ils ont gravé, entre 2001 et 2009 pour le label discographique maison SFS Media, les neuf symphonies (plus l’« Adagio » de la Dixième), avant que l’intégrale ne paraisse en 2011 pour le centenaire de la mort du compositeur viennois. L’homme aux cheveux gris est un septuagénaire élégant à la baguette minimaliste. Il n’a pas hérité de la légendaire extraversion du bouillonnant Leonard Bernstein dont il fut, à la fois, l’élève et l’émule.Son Mahler est puissant, franc, solidement charpenté, très clair. Il n’appelle ni la démesure, encore moins le pathos ou l’amère dérision. Il y a même quelque chose de transparent dans la manière dont il déploie la lente suspension, traversée de météores, du début de « Allegro moderato » de la Symphonie n°1 « Titan ». Dont il en ménage les effets. Ce d’autant que les musiciens du San Francisco Symphony sont excellents (bois et cuivres), qu’ils s’adonnent à la volupté du Trio dans le deuxième mouvement ou jouent sans racolage la musique populaire convoquée par Mahler (tempo de valse, thème bohémien, fanfares militaires, musique de cabaret).Après la superbe marche funèbre du troisième mouvement sur le thème fameux de la comptine Bruder Jakob (Frère Jacques), le Finale, beaucoup plus ouvertement dramatique – irrésistibles montées en puissance suivies de dépressions. « MTT » dirige sans partition, laisse la musique disparaître dans les ombres noires, avant de ressurgir comme une bête féroce. Huit cors debout diront la victoire de la lumière dans une spectaculaire mais calme péroraison. La sagesse du maître américain dans Mahler a quelque chose d’un peu conjugal : la tranquille assurance du mariage, sans la fatigue des pantoufles et du quotidien.Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Prochains concerts avec l’Orchestre de Paris les 19 et 20 septembre. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 40 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Alain Beuve-Méry Le timing est presque parfait. Juste avant que la discussion ne reprenne, mardi 29 septembre à l’Assemblée nationale sur le projet de loi, relatif à la liberté de création, et que celle-ci n’aborde les articles relatifs à la répartition des droits dans la musique, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a annoncé et salué la signature d’« un accord historique pour la filière musicale ». Un accord trouvé à la suite de la mission, confiée au conseiller maître à la Cour des comptes, Marc Schwartz. Le contenu détaillé de l’accord ne sera donné que vendredi 2 octobre, mais ses grandes lignes sont d’ores et déjà connues.La lettre de mission donnée à M. Schwartz, datée du 21 mai, fixait trois objectifs concernant l’exploitation numérique de la musique enregistrée : « favoriser la vitalité de l’ensemble des acteurs ; préserver la diversité de la création et de sa diffusion ; assurer une rémunération reflétant équitablement leur apport à la création de valeur. » Une « juste rémunération » des artistesPour la ministre, l’accord trouvé permet de garantir « cette juste rémunération », car « les producteurs s’engagent à partager avec les artistes tous les revenus reçus des services de musique en ligne et à leur garantir dans ce cadre, une rémunération minimale, en contrepartie de l’exploitation numérique de leurs enregistrements. » Un encadrement des règles de détermination de l’assiette de rémunération des artistes a aussi été trouvé.L’accord « permet, en outre, de renforcer la transparence de l’économie de la filière et d’améliorer l’exposition de la musique et de la diversité culturelle sur les plates-formes de musique en ligne », ajoute la ministre, dans son communiqué.Dans ces conditions, Patrick Bloche, rapporteur (PS) du projet de loi Liberté de création devrait retirer, en toute logique, l’amendement qui préconisait une gestion collective obligatoire pour la répartition des droits musicaux issus de l’exploitation numérique (streaming et téléchargement), en cas d’échec de la mission Schwartz.L’accord satisfait pleinement les producteurs de musique. Pour le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) « le partage de la valeur créée par les exploitations numériques fait l’objet d’engagements précis et donne la priorité aux discussions entre partenaires sociaux dans le cadre de la convention collective de l’édition phonographique ». De son côté, l’UPFI (producteurs indépendants) approuvent que « des engagements substantiels aient été ainsi souscrits volontairement par les producteurs de phonogrammes vis-à-vis des artistes interprètes concernant le partage de la valeur. »Consternation du côté de l’AdamiLes responsables de plate-forme de téléchargement ou d’écoute en ligne Spotify ou Deezer n’ont pas encore réagi, mais leur souhait de conserver comme interlocuteur unique les producteurs de musique est respecté.L’accord prévoit aussi la création d’un fonds de soutien à l’emploi des musiciens par les plus petites structures de production phonographique.Seule l’association La Guilde des artistes de la musique (GAM), créée en mars 2013 par Axel Baur, qui revendique 200 membres se dit favorable à l’accord. La GAM est notamment satisfaite des mesures concernant la transparence des comptes entre artistes principaux et maisons de disques.C’est, en revanche, la consternation du côté de l’Adami et la Spedidam, les deux principales sociétés de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes qui avait claqué, lundi 28 septembre, la porte de la mission Schwartz. « Les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées au sujet de la question essentielle de la rémunération des artistes et dont la portée est mondiale » , estime l’Adami. Pour Xavier, directeur des affaires juridiques de la Spedidam, « c’est une catastrophe, les artistes qui ne touchent pas de royalties vont encore perdre dix ans de rémunération. »Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Qui l’eût cru ? Qui aurait pu imaginer une journée aussi tranquille à l’Assemblée nationale, lundi 28 septembre, alors que démarrait l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la création artistique, à l’architecture et au patrimoine ? Pas de propos enflammés contre l’art contemporain, ni de véritable querelle sur l’article 1, aussi central que symbolique, qui stipule : « La création artistique est libre ». Adopté en trente minutes, un peu avant 20 heures, dans un Hémicycle qui comptait à peine une vingtaine de députés !Une personne qui aurait « débarqué » à l’Assemblée nationale, tel un Candide, n’aurait pas pu se douter que, depuis des mois, en France, des élus conservateurs ou d’extrême droite, ainsi que des associations, se battent pour empêcher la diffusion d’œuvres, dès lors que la sexualité ou le genre y sont abordés sans tabou. Sans doute l’opposition a-t-elle tenu certaines de ses troupes.Lire aussi :La liberté des artistes vaut bien une loiUn article 1 « nickel chrome »Il faut dire, aussi, que le rapporteur du projet de loi, Patrick Bloche (PS), veillait au grain : il avait pour mission de faire adopter un article 1 « nickel chrome », et de rejeter tout amendement qui aurait pu polluer la « pureté » de la phrase. La ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, a répété que « c’est dans la sobriété que cet article tire sa force ». La ministre a évoqué cette société « frileuse » qui « voudrait arrêter la marche du temps », entonne « le chant du repli » et « craint par-dessus tout l’effacement ».Convaincue que l’article 1 générera une jurisprudence nourrie devant les tribunaux, elle a tenu à réaffirmer la portée politique de son projet de loi : « Ils sont rares ces moments où la représentation nationale a l’occasion d’inscrire dans la loi de nouvelles libertés ». Sur son chemin de crête, plutôt miné, la ministre a ajouté : « La liberté de création n’est pas une liberté sans responsabilité ». Lire aussi :Fleur Pellerin : « Je veux lever les verrous pour l’accès aux œuvres »Tout juste a-t-on entendu Christian Kert (issu du groupe Les Républicains) s’en prendre au gouvernement qui a perdu du temps, dit-il, en introduisant en 2012 la soi-disant « théorie du genre » à l’école, au lieu de s’occuper de l’éducation artistique. « Ne cédez pas à la passion égalitaire ! », a-t-il lancé à Fleur Pellerin. Marie-George Buffet (Front de gauche) a dit son étonnement d’entendre un tel refrain.Puis les députés sont passés à autre chose. Les autres élus de l’opposition, tels François de Mazières ou Annie Genevard, ont surtout critiqué le contenu général du texte, ou déploré le manque de dialogue avec la majorité. La poignée d’élus de droite s’est abstenue plus qu’elle n’a voté contre les diverses dispositions.Les missions de la politiqueMais la ministre savait qu’elle devait faire un geste. Des députés de tous bords avaient fait part de leurs doutes quant à l’efficacité de l’article 1. La création est libre, très bien ! Mais n’est-ce pas au moment de leur diffusion que les œuvres sont attaquées ? Fleur Pellerin a donc présenté un amendement de dernière minute, que les parlementaires ont découvert en séance, et adopté dans la foulée : à l’article 2, qui définit les missions de la politique en faveur de la création artistique, il est précisé que cette politique a pour objectif de « garantir la liberté de diffusion artistique ».C’est un avertissement – ou une précision – à l’attention des élus locaux, qui se retrouvent parfois démunis devant telle demande d’annulation de spectacle, ou de fermeture d’exposition. « Il est important de mentionner que la priorité des collectivités publiques est de faire en sorte que la création artistique soit diffusée et puisse être vue par le plus large public possible », lit-on dans l’exposé de l’amendement n° 462 du gouvernement. Un peu plus tôt, Fleur Pellerin avait pu affirmer à la tribune : « Nous devons nous assurer que l’art puisse continuer à déranger ». Personne n’a crié au loup.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin L’ancien ministre de la culture, Jack Lang, exprime ses inquiétudes sur le projet de loi sur la création artistique, l’architecture et le patrimoine.Lire aussi :Les députés inscrivent la « liberté de la création artistique » dans la loiQue pensez-vous du projet de loi sur la création artistique, l’architecture, le patrimoine, en discussion actuellement à l’Assemblée nationale?Je ne suis pas contre, mais la Constitution de 1958 offre au gouvernement de larges pouvoirs réglementaires. Le texte a le mérite d’être technique et précis.L’article 1 de la loi stipule : « La création artistique est libre ». Est-ce suffisant ?C’est déjà écrit dans la Déclaration de 1789 qui proclame la liberté d’opinion, d’échange, de communication. La liberté artistique en découle pleinement, elle en est le fruit.Faut-il lier création et diffusion ?La vraie question est double. On ne peut pas séparer la création de son accès à la diffusion. Il y a eu la désastreuse jurisprudence Dieudonné qui a validé l’interdiction d’une manifestation sur des bases morales.Quels sont les points forts de la loi ?Le texte comporte de très bonnes dispositions sur l’architecture, l’archéologie, le renforcement des droits des artistes interprètes, d’un médiateur de la musique, de l’accès des personnes handicapées, la création d’un observatoire des opérateurs artistiques. Ou encore l’existence légale des FRAC.La création des « cités artistiques », avec un plan local d’urbanisme (PLU) armé d’un dispositif patrimonial se supplantant aux outils existants vous inquiète-t-elle ?Je m’interroge. Je comprends la volonté de simplification, les procédures se chevauchent, s’empilent en millefeuille. Mais je ne voudrais pas que l’Etat y perde des plumes. Je n’aurais pas remis en cause les « secteurs sauvegardés », les « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager » (ZPPAUP), les « aires de mises en valeur de l’architecture et du patrimoine » (AVAP).Lire aussi :La future « Cité historique » inquiète les défenseurs du patrimoineQue craignez-vous ?On avance que le contrôle de légalité exercé par le préfet sur le plan local d'urbanisme « patrimonial » (PLUP) constitue un garde-fou pour pallier cette flexibilité nouvelle sans pour autant préciser les modalités du soutien aux collectivités qu’il entend apporter. On connaît malheureusement les faiblesses du contrôle de légalité soumis aux appréciations politiques locales et nationales.C’est la notion même de patrimoine national que vous défendez ?Le patrimoine historique n’est pas la propriété d’une ville, d’un quartier, mais de la nation. C’est la vision de l’Abbé Grégoire, le « premier » ministre de la culture qui a ouvert le Louvre aux visiteurs, propagé la langue française, s’est opposé aux destructions patrimoniales, et qui disait : « J’ai inventé le mot vandalisme pour tuer la chose. »Y-a-t-il un risque d’affaiblissement du rôle de l’Etat ?La seule question que je me pose in fine est : l’Etat restera-t-il l’Etat ? Cela doit être une obsession. Je suis certain que la ministre Fleur Pellerin aura à cœur de sauvegarder la protection nationale. J’ai créé les Journées du patrimoine pour que les Français s’approprient ce bien collectif. L’Etat doit être pleinement préservé dans le maintien de ses responsabilités, scientifiques, techniques, juridiques, culturelles. Il faut un Etat volontaire.Lorsque j’ai fait classer (en 1990) les halles du Boulingrin à Reims – une construction de 1929 en béton, unique en Europe, menacée de destruction –, sur place, je me serais fait lyncher. Aujourd’hui, elle est restaurée, c’est devenu le cœur de la ville. Il y a les forces locales, les pressions, les lobbies. Il faut que l’Etat tienne bon, qu’il reste l’Etat.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Créer une structure unique pour l’audiovisuel public, France Médias, en 2020. C’est la proposition choc que font les sénateurs André Gattolin (écologiste, Hauts-de-Seine) et Jean-Pierre Leleux (Les Républicains, Alpes-Maritimes), dans un rapport qui prône « un nouveau modèle de financement de l’audiovisuel public », présenté mardi 29 septembre, et auquel Le Monde a pu accéder.Ce rapport constitue une contribution au débat qui agite le secteur. À court terme, la question est celle du financement de sociétés dont la situation financière est fragile (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, l’Institut national de l’audiovisuel…), alors que l’examen de la loi de finances 2016 doit s’engager au Parlement. Au-delà, il s’agit de trouver les moyens de sortir ces entreprises d’une situation permanente d’incertitude quant à leurs ressources et de les aider à s’autonomiser.Les sénateurs de la mission de contrôle commune à la commission des finances et à la commission de la culture rappellent d’abord quelques constats. Les ressources propres de ces entreprises stagnent, alors que la part de la contribution à l’audiovisuel public (la redevance, qui représente 3,7 milliards d’euros en 2015) dans leur budget augmente. Cela va à l’encontre de l’orientation politique générale qui les encourage à générer des recettes (publicité, diversification, etc.).A effectifs constants, les charges de personnel des sociétés d’audiovisuel public augmentent mécaniquement, et France Télévisions comme Radio France affichent, en 2015, un résultat négatif.Lire aussi :France TV et Radio France, les raisons d’un mariage dans l’information en continu« Contribution universelle » et « publicité raisonnable »Les sénateurs proposent de stabiliser les ressources en augmentant la redevance de deux euros (hors inflation) pendant deux ans, contre des engagements de réduction des dépenses. Cela permettrait d’éviter « le recours à l’endettement des sociétés ». Ils proposent qu’une partie de cette collecte soit affectée à une réserve de 150 millions d’euros destinée à répondre aux aléas et à « inciter aux mutualisations » entre sociétés de l’audiovisuel public.On peut penser, par exemple, au projet de chaîne d’information en continu de Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, qui planche sur le sujet en dialogue avec Radio France.Après 2017, les sénateurs proposent de remplacer la redevance par une « contribution forfaitaire universelle sur le modèle allemand ». Cela signifie que presque tous les foyers seraient concernés, alors qu’il n’y a aujourd’hui que 27 millions de Français redevables. Cette contribution tiendrait également compte des nouveaux usages (smartphones, tablettes, etc.)Autre innovation, la définition d’une sphère de « publicité raisonnable », « compatible avec les valeurs du service public », qui permette de « rétablir la possibilité de diffuser de la publicité en soirée sur les chaînes de France Télévisions » tout en « interdisant la publicité dans les plages horaires consacrées aux programmes destinés à la jeunesse ». Une proposition qui contraste avec l’arbitrage récemment exprimé par Fleur Pellerin de maintenir l’absence de publicité en soirée sur les écrans publics.Lire aussi :Redevance : France Télévisions au « régime » regrette Delphine ErnotteRemise en cause des engagements envers la productionLe retour de la publicité n’est pas le seul changement culturel que proposent les sénateurs. Ceux-ci entendent également rompre avec les équilibres actuels en « supprimant l’obligation faite à France Télévisions de garantir la diversité de la production, en particulier dans la fiction, qui favorise la dispersion de ses investissements et l’émiettement du secteur de la production ». Il s’agit d’une remise en cause du cahier des charges de l’entreprise publique, qui doit aujourd’hui consacrer 95 % de ses dépenses de création audiovisuelle à des sociétés de production externes.La part de production interne serait donc renforcée. Ce serait une rupture majeure pour le secteur de la production, dans lequel France Télévisions investit quelque 400 millions d’euros par an actuellement.Enfin, en 2020, le rapport préconise la création d’une structure de tête rassemblant les entreprises de l’audiovisuel public, France Médias, « pour favoriser les mutualisations, la polyvalence des personnels, le développement d’une marque commune et les investissements dans le numérique. » Son dirigeant serait nommé par un conseil d’administration où ne siégeraient pas les ministères de tutelle mais uniquement l’Agence des participations de l’Etat (APE). Cet organe serait aussi chargé de répartir le produit de la contribution universelle entre les différentes sociétés.« Un groupe unique de l’audiovisuel public bénéficiera de plus de marges de manœuvre financières et détiendra un meilleur pouvoir de négociation pour investir dans l’information, la création et le numérique », argumentent les sénateurs, qui visent notamment la « mutualisation des investissements des sociétés de l’audiovisuel public en vue du développement d’une plateforme numérique unique ». Un vœu qui fait écho à la volonté de rapprochement plusieurs fois exprimée par l’exécutif, mais qui va aussi beaucoup plus loin.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Lauriane Clément Documentaire sur France 5 à 20 h 40 La réalisatrice Claire Lajeunie rend compte du quotidien de femmes SDF et de leurs stratagèmes pour survivre. Elles s’appellent Katia, Myriam, Martine et Barbara. Ces femmes n’ont rien en commun, sinon qu’elles sont sans abri. Leur situation n’est pas si singulière. En effet, sur cinq SDF, deux sont des femmes, selon l’Insee. Femmes invisibles – Survivre dans la rue retrace avec pudeur leur histoire.Parmi les décorations de Noël qui ont fleuri dans Paris, Barbara fait la manche, son gros sac sur le dos. Voilà un an que cette jeune femme de 26 ans est sans toit. Que ce soit pour des ruptures familiales, des problèmes d’addiction ou des violences conjugales, il n’existe pas une seule raison de se retrouver à la rue. « C’est un tout », résume-t-elle.Sans misérabilismeEn posant des questions parfois très directes à ces femmes SDF, la réalisatrice Claire Lajeunie tente de comprendre leur quotidien ainsi que leurs stratagèmes pour survivre. Prendre une douche, se faire soigner, manger, autant de gestes qui nous paraissent anodins mais qui ressemblent pour elles à un parcours du combattant. Il y a bien des services d’aide proposés par des associations telles que Mobil’douche ou La Halte femmes qui les accueille toute la journée. Mais pour dormir, le manque de structures est criant et le numéro d’urgence du 115 n’arrive pas à gérer les 4 000 appels quotidiens. Katia, Myriam, Martine et Barbara n’ont pas d’autres choix que de passer leurs nuits dans les parkings et les bus nocturnes. Le film ne s’épanche pas sur les violences – sexuelles ou non – qu’elles ont pu subir, mais chacune a élaboré sa technique pour échapper aux regards.Désocialisées, ces femmes peinent à se réinsérer dans la société. Ainsi, il a fallu dix ans à Katia, 32 ans, pour décrocher de la drogue et retrouver un toit. Son cinquième enfant à naître est aujourd’hui son « nouveau départ ».Ce tournant, Barbara n’est pas encore parvenue à le prendre. Quatre mois après le début du tournage, on la retrouve à faire la manche. « J’ai besoin qu’on me prenne par la main », avoue-t-elle, les larmes aux yeux.Entre les entretiens durant lesquels ces femmes se révèlent dans leurs forces et fragilités et les plans plus larges qui montrent leur environnement quotidien, le film nous plonge dans cet univers de la précarité, sans misérabilisme aucun. Se tenant à juste distance, Claire Lajeunie redonne à sa manière, fine et délicate, une dignité à ces invisibles.Femmes invisibles – Survivre dans la rue, de Claire Lajeunie (France, 2015, 75 min).Lauriane Clément Alain Constant Documentaire sur Arte à 20 h 50 Retraçant l’histoire de cette matière, Kenichi Watanabe en révèle les enjeux scientifiques, militaires et géopolitiques.Mieux qu’un polar angoissant ou qu’un film d’anticipation bien ficelé, ce documentaire, aussi sobre dans la forme que solide sur le fond, fait froid dans le dos. Son auteur, Kenichi Watanabe, s’était déjà fait remarquer en 2013 avec Le Monde après Fukushima (2013). Cette fois, en retraçant l’histoire du plutonium et de ses usages, il ouvre en quelque sorte les portes de l’enfer. Car le plutonium, matière artificielle très dangereuse, est beaucoup plus nocif que l’uranium.Découvert au début des années 1940, il est produit à des fins militaires avec des moyens industriels considérables. Si la bombe atomique qui frappa Hiroshima était constituée d’uranium, celle qui ravagea Nagasaki contenait du plutonium. Depuis, le civil s’en est emparé mais, lorsqu’il s’agit d’un tel produit qui fait croire à l’homme qu’il peut maîtriser la matière, les enjeux ou projets militaires ne sont jamais loin.A l’aide de nombreux témoignages, de documents d’archives inédits, notamment américains, et en délimitant son enquête à trois terrains judicieusement choisis (le désert de Hanford, aux Etats-Unis, le site nucléaire de Rokkasho, au Japon, la pointe de la Hague, en France), Watanabe révèle les énormes enjeux scientifiques, industriels et géopolitiques liés au plutonium. Le réalisateur s’interroge également sur le passage du nucléaire militaire au nucléaire civil. « Je voulais faire de la géopolitique en partant de la question du nucléaire. Je me suis concentré sur le plutonium, de sa mise au point pendant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis pour la création de bombes atomiques jusqu’à son utilisation dans la production d’énergie. C’était aussi une manière d’alerter l’opinion sur son utilisation et son recyclage. »Le recyclage au cœur des débatsTout au long du film, la délicate question du recyclage est au cœur des débats. « Le plutonium est une matière diabolique, du fait de son extrême dangerosité. Selon moi, plus généralement, il y a urgence à reconnaître que le “recyclage” du combustible nucléaire est une technologie du passé et un système absurde qu’il faut combattre », estime Watanabe. Notamment parce que le recyclage produit une grande quantité de déchets qu’il faut enfouir. En polluant les mers, l’air, la terre, les déchets provoquent des drames humains et environnementaux. Très nocif, le plutonium émet plusieurs milliers de fois plus de radioactivité dans la nature qu’un réacteur nucléaire.A eux trois, le Japon, les Etats-Unis et la France possèdent plus de la moitié du parc nucléaire mondial. Hanford, situé dans l’Etat de Washington, est le plus grand site de stockage de déchets radioactifs du pays. Son histoire, débutée dans les années 1940, est passionnante. Mais pour celles et ceux qui vivent dans les environs, et dont certains témoignent face caméra, cancers et maladies graves sont au rendez-vous, rappelant qu’on ne voisine pas impunément avec le diable plutonium.A la Hague, dans le Cotentin, près de cinq mille personnes vivent du nucléaire. Composée de citoyens et de scientifiques et créée après le drame de Tchernobyl, en 1986, l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) effectue des prélèvements dans la région. « Dans les cours d’eau, sur terre, dans l’air, la contamination est permanente », souligne un scientifique. Au Japon, pays de l’apocalypse nucléaire et de Fukushima, l’usine de retraitement de Rokkasho n’a jamais fonctionné et symbolise l’impasse dans laquelle se trouve l’industrie nucléaire japonaise aujourd’hui.Terres nucléaires, une histoire du plutonium, de Kenichi Watanabe (France, 2015, 84 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.09.2015 à 17h02 • Mis à jour le28.09.2015 à 18h25 Olivier Blanckart, sculpteur, photographePorté par la ferveur post-Charlie, le Parlement s’apprête à examiner la loi « Liberté de création, architecture, patrimoine », qui entend « consacrer la liberté de création au même titre que la liberté d’expression, la liberté de la presse ou la liberté de l’enseignement ». Pourtant, avant même que le projet de loi ne soit débattu, le Conseil d’État avait, estimé le 2 juillet, que l’article 1er affirmant que « La création artistique est libre » « ne pouvait y trouver sa place » parce que cet article « n’est pas, par lui-même, normatif ». De là à imaginer que le projet, initialement axé sur l’architecture, le patrimoine et quelques autres sujets techniques, n’était qu’une loi de programmation culturelle hâtivement reconditionnée sous la bannière de la Liberté de création à la lumière des événements récents, il n’y a vraisemblablement qu’un pas.L’avis du Conseil d’État est-il si grave ? Libre, la création artistique l’est, de fait, depuis toujours — fut-ce au fin fond d’une grotte préhistorique, d’une prison ou d’une cellule psychiatrique. Ce qui est beaucoup moins libre en revanche, c’est la diffusion de l’art, car c’est à travers sa diffusion que son pouvoir se mesure et s’exerce : un pouvoir disputé. Sans se lancer dans la litanie stérile des affaires de censure, d’autocensure ou de quasi-censure qui ont défrayé la chronique de l’art contemporain en France ces dernières décennies, disons pour résumer que la liberté de création artistique est mal en point dans notre pays… et que le projet de loi censé y remédier est mal engagé. Pourquoi ?Menace par excès et par défautPrincipalement parce ce que la création artistique, si elle est libre par principe, se trouve, très prosaïquement confrontée à deux menaces inverses : un défaut général de loi d’une part, l’excès particulier d’une loi d’autre part. Le défaut de Loi, c’est l’absence d’un cadre juridique garantissant explicitement l’indépendance et l’immunité des lieux d’exposition artistique, ce qui engendre leur fragilité institutionnelle et judiciaire. Il existe ainsi un code de l’architecture, de l’urbanisme, du patrimoine, du cinéma, de la presse, de la propriété intellectuelle, du sport et même un code de la Légion d’honneur, mais il n’y a pas de code de la création artistique. L’excès de la loi, lui, s’exprime à travers les articles 227 23 & 24 du Code pénal.Autrefois, l’article 283 du Code pénal réprimait la « distribution, mise en vue, la distribution par un moyen quelconque, de tous imprimés, écrits, dessins, affiches, gravures, peintures, photographies, films ou clichés, matrices ou reproductions phonographiques, emblèmes, tous objets ou images contraires aux bonnes mœurs ». En réalité, cet article détaillé ne visait pas les œuvres d’art ou les expositions, mais principalement les entreprises crapuleuses intentionnelles : l’industrie pornographique. Lors de la rédaction du nouveau Code pénal en 1992 l’article, jugé obsolète, fut abrogé.Mais Charles Jolibois, un sénateur déjà renommé pour son hostilité à l’homosexualité et l’avortement parvint à faire adopter un nouvel article 227-24 qui réprime « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message (…) lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ». Surtout, en inscrivant ce nouvel article non plus au livre IV (des crimes et délits contre l’ordre public) mais au livre II du code pénal (des crimes et délits contre les personnes) il ouvrit des voies de recours judiciaires directes à toutes sortes d’associations de défense de la famille qui ne s’en sont pas privées pour attaquer principalement… des expositions.Un article de loi contre l’art contemporainL’article 227-24 est en effet inefficace contre la pornographie face au développement d’internet, et inopérant pour les délits par voie de presse ou audiovisuelle qui relèvent de codes spécifiques. C’est donc essentiellement l’art contemporain qui en subit les conséquences. Certes les poursuites engagées sur le fondement de cet article aboutissent assez rarement à des condamnations définitives. Mais, comme une épine infectée, il a progressivement gangrené notre sens commun de la liberté artistique. Faisant planer en permanence sur la création artistique un soupçon délétère, intolérable, l’article 227-24, au fil des affaires, a banalisé un contexte culturel de chasse à l’art qui a muté récemment en véritable fureur de lynchage collectif : en moins d’un an, un artiste a été agressé et son œuvre sabotée ; des dessinateurs ont été assassinés, et enfin il y a eu le saccage répété et antisémite de l’œuvre d’Anish Kapoor — un artiste pourtant aussi mollement décoratif que peu subversif.Illustration de cette furie destructrice, la sociologue Nathalie Heinich qui, depuis des années, semble d’être donné pour mission d’attaquer l’art contemporain, les artistes qui militent contre la censure, et, désormais, le nouveau projet de loi, avec une constance stupéfiante. Sous couvert d’un raisonnement « républicain » passablement perverti, son syllogisme est en effet toujours le même : les artistes, leurs œuvres et les lieux d’exposition sont des sujets de droit comme les autres, le projet de loi en cours de discussion, déclarait-elle récemment sur France-Culture, reviendrait donc à leur accorder l’impunité et à « rétablir pour les artistes un privilège aristocratique d’ancien régime ». Raisonnement trois fois pervers. Car ce prétendu privilège aristocratique des artistes n’a bien entendu jamais existé nulle part, sinon dans l’esprit de Nathalie Heinich. Ensuite les artistes, les œuvres et les lieux d’exposition ne réclament pas l’impunité, mais l’immunité dans le cadre clairement défini de leur activité artistique. Enfin, Nathalie Heinich dénie par de tels raisonnements toute dimension symbolique aux formes manifestées de l’esprit que sont les œuvres d’art.Il est pourtant facile de comprendre qu’une représentation sexuelle — un phallus en érection par exemple — n’a pas la même signification symbolique suivant qu’il sera « perçu » couvrant le chef d’un taureau ailé assyrien au British Museum, porté en gloire par la foule dans un Temple Shintô au Japon, détaillé savamment dans un amphi d’urologie, ou représenté par Mapplethorpe dans une galerie d’art, les vestiaires d’un sauna, ou à la sortie d’une école maternelle…Que faire ? C’est relativement simple. Le plus urgent serait d’abord d’annihiler la nocivité de l’article 227-24 en y substituant — sans même nécessairement l’abroger — une condition d’intentionnalité explicite d’attenter à la dignité humaine. Il faut ensuite s’atteler à codifier l’activité d’exposition et de diffusion des œuvres de création contemporaine d’une manière simple, claire, et qui garantisse non pas l’impunité (l’incitation au meurtre ou à la haine raciale est en effet légitimement passibles des foudres de la loi), mais l’immunité de la création artistique en tant que libre faculté d’exprimer et de faire partager des visions symboliques du monde : nécessité humaine reconnue comme vitale et consubstantielle, et qui constitue de ce fait un droit incontestable, méritant protection dans un cadre légalement défini — quitte à prévoir le cas échéant, comme c’est le cas pour le cinéma, certaines conditions limitatives d’accès.À plusieurs reprises ces dernières années, les artistes ont adressé des notes et des propositions allant dans ce sens au ministère de la culture. Pourtant, au moment même où l’on s’apprête à voter une loi manifestement bancale, et tandis que la violence contre l’art continue de se déchaîner, l’administration des arts plastiques fidèle à sa longue tradition d’arrogance bureaucratique, d’incompétence juridique, et de mépris artistique est plus que jamais murée dans son silence. Faudra-t-il en appeler directement à la ministre de la culture et au président de la République ? Emmanuelle Lequeux Elle a attendu ses 85 ans pour accéder à la notoriété ; elle a patienté jusqu’à 97 pour mourir. Née en 1918, Carol Rama, inconvenante plasticienne italienne, est décédée, vendredi 25 septembre, dans cet appartement turinois qu’elle n’avait jamais quitté, entourée de son capharnaüm de mille souvenirs. Admirée par Andy Warhol et Italo Calvino, proche de Man Ray, l’artiste à la tête perpétuellement couronnée d’une tresse blonde avait créé toute sa vie dans l’ombre, avant qu’un Lion d’or à la Biennale de Venise ne souligne enfin, en 2003, ses singuliers talents. Depuis, l’autodidacte était devenue la coqueluche d’artistes comme Cindy Sherman ou Maurizio Cattelan, ainsi que d’une certaine critique d’art férue de « gender studies ». Le public parisien l’a découverte au printemps avec la rétrospective que lui a consacré le Musée d’art moderne de la ville de Paris, en collaboration avec le Macba de Barcelone.Lire aussi :Carol Rama, la mamie indigne, enfin au muséeComment le XXe siècle avait-il pu se montrer si indifférent à cette œuvre ? Sans dieu ni maître, Carol Rama, sans doute, le dérangea. Trop excentrique et viscérale, vouée à un érotisme quasi-animal, volontairement marginale, sa peinture refusait de céder à la domination de la morale, autant qu’au bon goût de l’histoire de l’art officielle. Pour son ami le poète Edoardo Sanguinetti, elle préférait osciller « entre raffiné brut et cultivé naïf ». Sœur de lait de Louise Bourgeois, elle aussi ignorée longtemps, elle créait « avant tout pour [se] guérir ». Et n’obéissait qu’à un ordre : celui, scandaleux, du corps. Toutes de griffes et de sang, ses toiles ne cédèrent à aucun mouvement. Surréalisme, abstraction géométrique, pop art, sans oublier l’Arte povera bien sûr, dont Turin est le berceau: elle côtoya ces mouvements sans jamais se laisser enrôler.Des dessins « inconvenants »Dès ses 15 ans, Carol Rama est initiée à la plus extrême des libertés, celle de la folie, qu’elle côtoie en visitant sa mère à l’asile psychiatrique. « C’est à cette époque que j’ai commencé à faire des dessins inconvenants », racontait celle qu’un ami décrivit comme « maîtresse, diable et putain aux dehors de petite bourgeoise ». Au contact d’un de ses plus fidèles compères, le baroque designer et architecte turinois Carlo Mollino, elle aiguise sa haine de tout ordre établi. « Je n’ai pas eu besoin de modèle pour ma peinture, le sens du péché est mon maître », donnait-elle pour tout argument à son art. Et de poursuivre : « J’ai toujours été curieuse. Pour des raisons érotiques ».Au cœur de l’Italie fasciste des années 1930, elle produit une série de dessins réunis sous le label Appassionata : des corps féminins pénétrés de secrets et de serpents ; un déferlement d’aquarelle rose chair malade, silhouettes nues et handicapées. Quand arrive la fureur des années de guerre, marquées par le suicide de son père, elle poursuit dans sa peinture la quête du plaisir, même le plus inconvenant. Ainsi ne craint-elle pas de croquer un homme surpris dans la plus stricte intimité avec un ours. Dès sa première exposition, à Turin en 1945, elle est censurée. Mais ne cède rien.Un corps insupportable de désirDe plus en plus, les pigments se font magmas, les toiles volcans. Le corps se fragmente : phallus, anus et vagins, langues et oreilles, prothèses, aussi, envahissent toiles et dessins, en un art « viscéral concret » ou « porno brut », comme le définit le théoricien Paul B. Preciado, commissaire de sa rétrospective barcelonaise. Même quand, dans les années 1950, Carol Rama dévie vers l’abstraction géométrique, ses motifs restent organiques.Et au fil de la décennie suivante, le viscéral fait à nouveau une violente irruption. Tout coule et éclabousse, moisit, jaillit, s’atomise. Se fait glaire, plaie, menstrues : un matiérisme qui dit le trauma de la guerre. Puis elle va plus loin encore en contaminant ses tableaux de toutes sortes d’objets : ongles et dents, cheveux, fusibles et seringues, yeux d’animaux empaillés par dizaines, pneus de vélos comme les fabriquait son père… Sept décennies, pour dessiner les mille et unes figures d’un corps insupportable de désir.Emmanuelle LequeuxJournaliste au Monde 28.09.2015 à 09h48 • Mis à jour le28.09.2015 à 10h19 | Alain Beuve-Méry C’est officiel. PIAS, le label de musique belge devenu international, fondé et dirigé par Kenny Gates et Michel Lambot, devient propriétaire d’Harmonia Mundi, spécialiste reconnu dans les domaines du classique, du jazz, et de la world music. Annoncé en juin, l’accord doit être scellé au 1er octobre. Harmonia Mundi était à vendre depuis près de deux ans, ayant du mal à se remettre de la mort de son fondateur, Bernard Coutaz, alias « BC » (1922-2010).PIAS ne reprend que l’activité musicale d’Harmonia Mundi. Les activités de diffusion et de distribution de livres se situent hors de l’accord et continuent d’être dirigées par Benoît Coutaz, le fils du fondateur du label français.Âpres négociationsAvec ce rachat, PIAS fait l’acquisition d’une marque mondialement connue, détentrice de labels réputés comme « Le Chant du Monde », le plus vieux label phonographique français, ou encore « Jazz Village », connu des mélomanes mais également du grand public. Il entend accueillir le catalogue, l’expertise et les équipes d’Harmonia Mundi et redonner une deuxième vie à ce grand nom du patrimoine musical français.Pour Kenny Gates, « ce rachat correspond à une logique industrielle et romantique ». La complémentarité des catalogues entre les deux labels et les similitudes dans la manière de travailler et de concevoir l’avenir de la musique l’ont poussé à sauter le pas. « A vingt-cinq ans d’écart, il y a beaucoup de points communs entre l’aventure de Bernard Coutaz et la nôtre, qui a commencé en 1982 », précise le président de PIAS.PIAS assoit sa situation de plus gros acteur indépendant de la musique en EuropeUne similitude que l’on retrouve jusque dans les slogans de chacune de leurs maisons : « La musique, d’abord » pour Harmonia Mundi et « Music First » pour PIAS, qui distribue des artistes comme Jean-Louis Murat, Miossec, Agnès Obel, Arctic Monkeys, Texas, The Cranberries ou New Order…Par cette acquisition, PIAS assoit sa situation de plus gros acteur indépendant de la musique en Europe. Cela renforce son rôle au sein des réseaux Impala et Merlin qui, sur le plan politique et commercial, veillent au respect des équilibres entre majors du disque et labels « indés ». En grossissant, PIAS s’assure aussi une meilleure respectabilité dans les négociations, souvent âpres, sur la rémunération des artistes avec les géants de la musique en ligne que sont Apple et You Tube, mais aussi Spotify ou Deezer.« Du marketing intelligent »Face aux contractions du marché de la musique, « les survivants du péril digital », comme ils se nomment, font face à l’alternative suivante : « réduire la voilure » ou se développer, option choisie par la direction de PIAS.Bernard Coutaz abhorrait le terme marketing, mais afin d’assurer le développement des deux labels plus complémentaires que concurrents, il faudra, selon Kenny Gates « faire du marketing intelligent ».Le projet de reprise de PIAS était d’ailleurs celui qui avait les faveurs de la direction d’Harmonia Mundi. Le label belge s’est en effet engagé à reprendre une centaine de salariés du français. « Vu la différence de nos catalogues, il n’y a pas de risque de cannibalisation », précise Kenny Gates. « Nous allons mutuellement nous apprendre beaucoup de choses », poursuit-il. M. Gates se donne un an pour assurer un mariage réussi entre les deux labels. Son rêve est que « la valeur ajoutée de cette union permette d’obtenir un résultat supérieur et qu’un plus un fassent trois », alors que, par le passé, les fusions dans le secteur musical ont le plus souvent entraîné des pertes substantielles de valeur.Kenny Gates précise qu’il n’a pas de « plan capitalistique précis ». « Peut-être que l’on se plantera », ajoute-t-il. Présent en France depuis 1994, PIAS compte bien « devenir un acteur important du marché français » grâce au rachat d’Harmonia Mundi.Le montant de la transaction n’a pas été rendu public. Dans l’opération, PIAS reprend aussi les départements d’Harmonia Mundi à l’étranger, que ce soit aux Etats-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne et au Benelux. Le label renforce ainsi sa présence internationale avec seize filiales. En revanche, il ne reprend pas les magasins restants d’Harmonia Mundi qui sont des franchisés. Le chiffre d’affaires de PIAS devrait représenter annuellement autour de 130 millions d’euros.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Lequeux Volkswagen ? Il n’y a pas plus écolo ! C’est un peu ce que clamait le Museum of Modern Art (MoMA) de New York au printemps 2013, avec « Expo 1 »  : un projet certifié 100 % eco-friendly, consacré aux bouleversements climatiques vus par les artistes. Très confortablement sponsorisée par VW, selon un partenariat de long terme entre le musée et « das Auto », cette énorme exposition était comme un bébé que l’ouragan Sandy aurait fait dans le dos de New York. D’où « Expo 1 »  : soigner les plaies et rêver d’un avenir meilleur, plaidaient ses organisateurs.Rétroactivement, cette magnifique opération de greenwashing prend une autre teinte. Kolossal, le mensonge de la firme sur la performance environnementale de ses automobiles, révélé en début de semaine, fait voir sous un autre jour l’exposition orchestrée par deux maestros du milieu de l’art  : Klaus Biesenbach, directeur de PS1, l’annexe contemporaine du MoMA dans le Queens, qui accueillait l’exposition, et Hans-Ulrich Obrist, autre curateur star.Devenu mécène principal, VW a notamment soutenu l’exposition « Björk »A l’époque, les deux complices définissaient ainsi leur projet  : « Notre constat relève d’un optimisme noir. Ce qui signifie que l’humanité aura un futur, mais à condition d’agir. Dans cette perspective, “Expo 1” est surtout pour nous un lieu de pratiques sociales. » En effet, on n’y voyait pas seulement fondre des icebergs arrachés à la banquise par la conscience écologique du milieu, Olafur Eliasson, ou des carpes baguenauder dans la piscine construite par Meg Webster. « Expo 1 » se déclinait aussi sous la forme d’une école, d’un cinéma et d’un jardin sur le toit, avec panneaux solaires (pour alimenter la chambre froide du fragment de pôle Nord). Plus loin, sur Rockaway Beach, un dôme géodésique, également bâti grâce à VW, abritait différents projets d’architectes et de designers désireux de prévenir les catastrophes à venir.Hélas, aujourd’hui, l’optimisme s’est évanoui. Mais le MoMA a poursuivi son dialogue des plus féconds avec Volkswagen. Devenue mécène principal, l’entreprise a notamment soutenu l’exposition « Björk » et devrait porter celle consacrée aux artistes new-yorkais en 2016. Elle parraine aussi les actions éducatives du musée et son développement numérique. Un champ peut-être mieux adapté à son image  : ne vient-elle pas, avec ce logiciel destiné à falsifier le taux de pollution de ses véhicules, de prouver sa terrible inventivité informatique ?Emmanuelle LequeuxJournaliste au Monde Yann Plougastel Documentaire sur Arte à 22 H 35 La documentariste Elisabeth Kapnist éclaire d’une dimension toute shakespearienne le destin d’Orson Welles.De ce géant du 7e art, François Truffaut a dit qu’il était « le plus catholique des cinéastes ». Ce qui apparaît paradoxal pour un homme aux multiples facettes, qui, à 20 ans, à Paris, fut initié par Houdini à la prestidigitation, avant de se lancer dans la tauromachie en Espagne. Un de ses derniers films, F for Fake (dont le titre français est Vérités et Mensonges), qu’il a réalisé en 1973 avec l’aide de François Reichenbach, n’est pas par hasard une réflexion sur le cinéma comme art de l’illusion. En fait, Orson Welles (1915-1985), qui aurait eu 100 ans en mai, a construit à travers ses films un univers de masques et de désastres.On ne dira jamais assez combien des chefs-d’œuvre tels Citizen Kane (1941), La Dame de Shanghaï (1948), Dossier secret-Mr Arkadin (1955) ou La Soif du mal (1958) doivent à Shakespeare, dont les oscillations entre tragédie et comédie ont toujours fasciné Welles, qui s’est fait connaître à New York en mettant en scène à Harlem, en 1936, un Macbeth joué par des acteurs noirs. Shakespeare l’obsédait tellement qu’il adapta au cinéma Macbeth (1948), Othello (1952, couronné au Festival de Cannes) et Falstaff (1965), creusant sans cesse cette veine où le sublime côtoie le grotesque, le faux, le vrai…Dimension tragiqueElisabeth Kapnist, documentariste éclairée, qui a beaucoup réfléchi sur les rapports entre création et psychanalyse, est d’ailleurs partie de là pour construire son film, Orson Welles, autopsie d’une légende : « J’ai choisi d’éclairer la dimension shakespearienne de sa vie. Il y a quelque chose de tragique dans son destin : “J’ai commencé au sommet et, après, je n’ai fait que descendre”, déclarait-il. Son génie de metteur en scène de théâtre, puis de cinéaste, a été très vite contrarié, on a voulu faire plier le géant et ce qui m’intéressait, c’était de montrer comment il a résisté. »Drôle de vie en effet que celle de ce garçon trop doué qui, en 1938, à 23 ans, décroche la « une » de tous les quotidiens américains après avoir diffusé à la radio un faux bulletin d’information annonçant l’invasion par les Martiens de la côte est des Etats-unis, s’inspirant du roman La Guerre des mondes de H.G. Wells. Ce qui lui vaut de signer un contrat mirifique à Hollywood avec le studio RKO, lui laissant toute latitude pour réaliser trois films. Premier essai, Citizen Kane (1941), un des films les plus importants de l’histoire du cinéma, excusez du peu…Un esprit trop libre pour HollywoodEnsuite, ce ne fut qu’incompréhension, imbroglio, malentendu et ratage magnifique. Hollywood n’aimait pas vraiment les esprits trop libres et le lui fit savoir en modifiant le montage et la fin de La Splendeur des Amberson (1942) ou de La Soif du mal (1958), dans lequel Marlene Dietrich interprète une patronne de bordel. Du coup, pour tourner les films dont il rêvait loin des studios américains, Welles a dû faire l’acteur. Là, avouons-le, le pire (un James Bond, Casino Royale) côtoya le meilleur (Le Troisième Homme, de Carol Reed), mais lui permit de changer à chaque fois de nez (qu’il détestait, car petit et en trompette) et de gagner pas mal d’argent.Autre masque, autre désastre : les femmes. Marié trois fois (à des actrices : Virginia Nicholson, Rita Hayworth, Paola Mori) et infidèle patenté (Judy Garland, Marilyn Monroe, Jeanne Moreau…), cet ogre désinvolte et rieur avouait n’avoir jamais rien compris aux femmes. D’où sans doute, ultime masque et vaste sujet, l’homosexualité latente de la plupart de ses films.Orson Welles, autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (Fr, 2014, 55 min). Lundi 28 septembre, à 22 h 35, sur Arte.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet (Marseille) Chaque été depuis deux ans, le designer Ora-ïto convie un artiste sur le spectaculaire toit-terrasse de la Cité radieuse du Corbusier et dans l’ancien gymnase qui le coiffe, mués en lieux d’exposition – le MaMo, pour Marseille Modulor – pour des tête-à-tête avec le ciel marseillais. Après Xavier Veilhan en 2013, puis Daniel Buren en 2014, le choix du maître des lieux s’est, cette année, porté sur l’Américain Dan Graham.« La première édition était un hommage au Corbusier, l’été dernier a été le temps de l’émancipation, avec un espace destructuré. Aujourd’hui, le lieu peut fonctionner de manière autonome, et je cherchais quelqu’un capable de prendre le pouvoir dans un espace qui a un tel charisme », confie Ora-ïto. Du premier, on se souvient ainsi de l’immense buste bleu ciel de l’architecte dessinant sur sa table de travail, qui n’était autre que le toit du bâtiment lui-même. Du deuxième, d’un déploiement de formes et de couleurs qui venaient emplir et redessiner l’espace. Avec Dan Graham et ses architectures-sculptures tout en transparences, l’approche est assurément d’une autre nature, plus impalpable.« Entre l’abribus et la cabine téléphonique »Posées en extérieur, ses deux constructions se présentent sous forme de « pavillons », terme cher à l’artiste qui désigne ses structures à géométrie variable qui ressemblent à première vue à des cabanes urbaines un peu froides – « entre l’abribus et la cabine téléphonique », résume, l’œil facétieux sous le sourcil broussailleux, l’artiste de 73 ans.De ces postes d’observation (l’un doublement circulaire, Two Nodes, l’autre en forme de vague, Tight Squeeze), qui ont offert tout l’été des points de vue inédits sur Marseille, Dan Graham dit qu’ils sont des « contrepoints » à l’architecture panoptique telle que dénoncée par Foucault : ici point d’entrave à la vue, mais un jeu avec celle-ci. « Cette vision n’est pas aliénante, c’est une situation de plaisir. Et c’est ma conception de l’art public », explique-t-il en citant le sculpteur Alexander Calder et l’artiste Jean Dubuffet parmi ses « héros ». Le Corbusier n’en fait pas partie : « Je n’ai jamais aimé son travail, et pour moi ses grandes barres ressemblent à des prisons. Mais j’aime ce toit grand ouvert sur le ciel, et qui était destiné à la classe ouvrière. »Il faut pénétrer dans ces deux créations de verre et d’inox, au sol en bois, en ressortir, en faire le tour, s’en éloigner et y revenir pour constater leur étonnante capacité d’attraction, qui plonge, un peu par surprise, les visiteurs dans une contemplation active. On se surprend ainsi à guetter sa propre image et celle des autres, qui s’y superposent, se croisent ou s’échappent, entre l’anamorphose et l’hologramme. Les structures, minimalistes, se font labyrinthiques dans un jeu infini de reflets imprévisibles et de distorsions réjouissantes, au plus près des variations du temps et du paysage qui se déploient tout autour, de la mer aux collines de l’arrière-pays. Le titre de l’exposition, « Observatory / Playground » (observatoire / terrain de jeu), tient en cela toutes ses promesses.Skatepark kaléïdoscopiqueCette exposition, le designer-commissaire la présente comme « une rétrospective à l’intérieur, une futurspective à l’extérieur ». « Futurspective » puisque l’un des deux pavillons de verre créés au MaMo sera exposé sur la place Vendôme, en octobre, dans le cadre de la FIAC Hors-les-murs, là-même où Paul McCarthy, compatriote et ami de Dan Graham, avait déployé sa très éphémère sculpture gonflable verte – le fameux Tree, plus connu sous le nom de « Anal Plug » –, qui avait fait polémique l’an dernier.A l’intérieur, Ora-ïto et l’artiste ont installé des maquettes attestant des grandes étapes du travail de l’artiste depuis les années 1970. Clinic for a Suburban Site (1978) fait partie de ses premiers projets, qui ont lancé sa réflexion sur les espaces habitables, en l’occurrence celle d’un centre de santé. Skateboard Pavilion (1989), terrain de jeu coiffé d’un toit de verre à facettes, montre tant le début de l’utilisation généralisée par l’artiste du miroir à double face, tout à la fois réfléchissant et transparent, que sa volonté de tendre vers la sculpture abstraite. Ora-ïto avoue, d’ailleurs, rêver de donner jour à ce projet de skatepark kaléïdoscopique, qui n’a jamais été réalisé à taille réelle, dans le cadre d’un projet de résidence d’artistes sur l’île du Frioul, au large de Marseille.Yin et Yang (1998), qui rompt avec la rectitude des pavillons précédents et existe en taille réelle dans un hall de la prestigieuse université américaine MIT, parodie l’imagerie New Age en permettant aux visiteurs de déambuler dans ce symbole chinois devenu un cliché. Depuis les années 2000, on constate que les titres de ses œuvres se font plus descriptifs, comme Half Cylinder / Perforated Steel Triangular Enclosure (2008), qui marque le début de l’utilisation par l’artiste de plaques d’acier inoxydable perforées, idéales pour moirer encore un peu plus les reflets des pavillons.« Je fais des attractions pour les enfants »Chez Dan Graham, l’art conceptuel se révèle sensuel, ludique, presque magique. Mais ses installations architecturales se veulent aussi des lieux théâtralisés où le public a conscience de lui-même. « Je pense que, pendant les années 1980, le musée est devenu une sorte de jardin pour les familles, où l’on va avec les enfants pour profiter de l’art. Puis, dans les années 1990, les musées ont largement développé les programmes éducatifs pour les enfants, et beaucoup de familles ouvrières ont eu accès à l’art, ce qui a été très intéressant pour mon travail », analyse l’artiste à l’allure enfantine malgré sa barbe blanche, qui affiche ce jour-là une tête de tigre sur son tee-shirt et des langoustes bleues sur ses chaussettes. « Je dis toujours que je fais des attractions pour les enfants, qui peuvent s’y faire photographier par leurs parents. C’est une expérience pour toute la famille. Mon travail est sur le regard des gens et le temps, les changements. »Ora-ïto met en avant leur qualité poétique. « Dans les œuvres de Dan Graham, il y a beaucoup d’effets optiques, mais qui relèvent toujours de la surprise : contrairement à l’Op Art, il n’y a pas de théorie, de système, pas de règles, pas d’effets qu’on peut connaître à l’avance. Ces structures absorbent tout : paysage, soleil, nuages, les lumières qui scintillent la nuit… » Absorberont-elles aussi bien le ciel parisien depuis la place Vendôme ?L’artiste, qui a déjà conçu une œuvre pérenne à Paris, porte de Versailles, devant le Parc des expositions, ne craint pas en tout cas une mésaventure à la Paul McCarthy, dont la sculpture avait été vandalisée. Il revient sur ce qui est pour lui un malentendu : « Le public français ne comprend pas que son œuvre parle d’un enfant qui a peur de Disney. Cette peur, c’est très anti-américain. Ce qui s’est passé ne m’a pas surpris : les Parisiens aiment les œuvres intellectuelles, où tout est mots. Or, son œuvre est très physique. Paul McCarthy, qui est une personne adorable, vient de l’Utah, de Salt Lake City. Il y a une incompréhension envers la culture américaine de la périphérie. Le problème de Paul, maintenant, c’est qu’il fait des œuvres qui sont trop grandes. Moi, en revanche, j’ai peur que la mienne paraisse petite... » A juger sur pièces, du 21 au 25 octobre, au cœur de Paris.« Observatory / Playground », jusqu’au 20 septembre au MaMo, à Marseille, et « Dan Graham » jusqu’au 8 octobre à la galerie Marian Goodman, à Paris.Emmanuelle Jardonnet (Marseille)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.09.2015 à 16h18 • Mis à jour le16.09.2015 à 18h46 | Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Christoph Waltz et Bruce Dern, s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne Guy Béart était né au Caire et vivait à Garches, dans les Hauts-de-Seine. A 80 ans, Guy Béart avait publié un nouvel album, Le Meilleur des choses, après onze ans d’un silence qui aurait pu avoir raison de sa carrière. Ce mercredi 16 septembre, frappé par une crise cardiaque, il est tombé en sortant de chez le coiffeur, à Garches, il n’a pu être réanimé.A 84 ans, en janvier 2015, il avait tenu l’Olympia pendant près de quatre heures, sans vouloir décoller de la scène, aidé par Julien Clerc ou par sa fille Emmanuelle Béart, affolant la twittosphère des amateurs de chansons française – admiration et moqueries confondues.Depuis Bal chez Temporel écrit en 1957, d’abord chanté par Patachou, l’auteur-compositeur avait écrit un chapitre entier de la chanson française (Qu’on est bien, Chandernagor, L’Eau vive, Suez, Les Grands Principes…) et accumulé un catalogue de près de 250 chansons. Guy Béart s’était parfois absenté, mais en vérité, il n’a jamais décroché. Il s’est parfois mis en retrait, pour cause de maladie (cancer avoué), mais aussi parce que le chat Guy était échaudé par les pratiques « des maisons de disques », majors ou labels indépendants, toutes dans le même sac.Lire aussi :Politiques et musiciens rendent hommage à Guy BéartLe chanteur et auteur-compositeur n’avait pas toujours bon caractère, c’est de notoriété publique. Et quand il brocardait les hommes pressés de l’industrie musicale, la radio et la télévision, cela donnait Télé Attila, une chanson déclinée à charge déclinée sur son ultime album, en 2010, en version longue (5’56) et en version courte (3’27) pour en rajouter une louche. La télévision, il l’avait pourtant pratiquée de l’autre côté du décor, en présentant « Bienvenue », créée en 1966, où il invita Jacques Duclos, Robert Boulin, Aragon, Devos, Brassens, Michel Simon ou Duke Ellington. Un rêve de télévision réalisé « sans fric » (en juin 1970, il avait enregistré vingt-deux émissions en un mois), expliquait-il au Monde en septembre 2003. C’est aussi à la télévision qu’il avait commis l’un de ses plus beaux esclandres, face à Serge Gainsbourg – « un petit-maître, à l’occasion plagiaire » – qui en bon Gainsbarre, l’avait traité de « blaireau » sur le plateau d’« Apostrophes », en 1986. Guy Béart n’avait pas supporté qu’on dise de la chanson française qu’elle était un art mineur.Ingénieurs des Ponts et chausséesNé le 16 juillet 1930 au Caire, en Egypte, comme Georges Moustaki, Claude François, Dalida ou Richard Anthony, il était le fils d’un expert-comptable qui voyageait à travers le monde par profession, entraînant sa famille vers la Grèce, Nice, le Liban, où le petit Guy Béhart (le h a sauté par la suite) passa son enfance, puis au Mexique et enfin à Paris, où il entre à 17 ans au lycée Henri IV. Guy Béart avait gardé de ces années de transhumance un attachement à l’Orient et des envies d’ailleurs, qu’il traduit dans une des chansons françaises les plus célèbres, L’Eau vive, hymne à la liberté composé pour le film militant (contre les barrages) de Jean Giono et François Villiers.Guy Béart, qui se voyait en troubadour rêveur fut dans un premier temps un bâtisseur, membre du prestigieux corps des Ingénieurs des Ponts et chaussées, spécialiste de l’étude des cristaux et de la fissuration du béton. Il écrit des pièces de théâtre, travaille de-ci de-là, et chante avec sa guitare pour les copains de La Colombe, un bistrot du Quartier latin, dirigé par Michel Valette. Le patron des Trois Baudets Jacques Canetti l’embauche dans son cabaret de Pigalle, avec Mouloudji, Brel, Devos, Pierre Dac et Francis Blanche.Guy Béart a une voix particulière, un ton, un accent chaud, et ses chansons sont déjà excellentes. En 1955, Brassens le reçoit et l’écoute dans sa loge du Théâtre de verdure de Nice en lâchant « une autre ! », après chaque chanson et en glissant à son copain Jacques Grello : « Ecoute ! Il sait les faire ! ». Zizi Jeanmaire, Patachou, Juliette Gréco, Yves Montand, Colette Renard, Marie Laforêt, Maurice Chevalier : tous adoptent le style Béart et l’interprètent. Avec Qu’on est bien, Le Quidam, Bal chez Temporel, Chandernagor, Le Chapeau, l’originalité de son talent éclate dès son premier disque 25 cm enregistré, à 27 ans, en présence de Boris Vian qui chantait dans les chœurs. « En 1957 j’étais une vedette, mais en 1963, le twist devant « régner sur le siècle », j’étais un has been. A 33 ans, je n’avais plus qu’un renom », confiait-il en septembre 2003 à notre confrère Robert Belleret. « Contrairement à Brel ou Brassens, je ne me destinais pas à la chanson, et, comme le succès a été immédiat, je n’ai pas connu les vaches maigres, je n’ai pas été obligé de me constituer un réseau ni un clan et je n’ai jamais eu à jouer un personnage ».« Les paroles et les musiques viennent du rêve. Je prends des notes pendant la nuit. Pas pratique pour garder une femme, car on la réveille », nous disait-il en 2010, alors qu’après quinze ans de retraite anticipée, il avait accumulé les cahiers, les notes, les projets : « une centaine. J’en ai gardé quarante, puis j’ai réuni les femmes que j’ai connues dans ma jeunesse, des amis, afin de sélectionner, et j’en ai enregistré douze dans mon home studio ». Il avait ensuite reçu chez lui les prétendants à l’édition d’un disque, de chez lui, une magnifique maison d’architecte, parce que « rhumatisant depuis quarante ans », il recevait dans son salon. Pour le voir, il fallait traverser le vestibule, ses alignements de pipes et de guitares, les salons encombrés de cartons d’archives, de livres, « tous vitaux », et de vidéos, avant d’arriver au canapé tigré du living à verrière.Une succession de transferts et de procéduresSa maison de Garches était un lieu de pèlerinage. Des grands noms des arts et de la musique, des hommes politiques, peut-être même son ami Georges Pompidou, ont plongé dans la piscine, pris le frais sous les arbres centenaires et admiré l’esthétique Bauhaus de cet édifice de 1 200 m2, ancienne demeure de l’ambassadeur d’Autriche. Guy Béart l’avait achetée en 1967, après le succès de Vive la rose, titre phare d’un album consacré à la reprise de chansons du patrimoine français.Sa carrière phonographique est une succession de transferts et de procédures, dont celle qui l’opposa à Philips de 1963 à 1978, afin de récupérer les droits de ses chansons. « J’ai monté ma maison d’édition, Espace, très tôt. Puis Philips a viré Canetti [qui y était directeur artistique]. J’ai emprunté des sous à la Banque de Paris et des Pays-Bas, et j’ai fondé l’Auto Production des Artistes au Micro, une structure autogérée par les artistes. J’ai présenté l’affaire à Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Claude François, Pierre Perret. Ils ont trouvé l’idée si bonne qu’ils ont tous créé leur propre société. » Il fonde alors Temporel, sa société de production phonographique, devenue Bienvenue.En conséquence, ses partenaires sont ses distributeurs, « un point c’est tout ». Cette déclaration d’indépendance lui a valu l’une de ses manies les plus visibles : fumer cigarette sur cigarette. « Je vivais avec Popy, une Franco-Américaine. J’avais du mal à obtenir des rendez-vous. Elle m’a convaincu que le métier exigeait cigare et whisky. Ça a marché, j’ai pu approcher Eddie Barclay et d’autres, puis je me suis mis à la pipe. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux L’Orchestre symphonique de Boston (Boston Symphony Orchestre, BSO) dirigé par son jeune chef de 36 ans, le charismatique Andris Nelsons, avait brillamment auguré, jeudi 3 septembre, de la nouvelle saison de la Philharmonie de Paris. Lundi 14 septembre, la saga des grands orchestres américains invités dans le nouvel auditorium de La Villette s’est poursuivie avec l’Orchestre symphonique de San Francisco (San Francisco Symphony) conduit par son directeur musical depuis vingt ans, Michael Tilson Thomas (alias MTT). En soliste, la pianiste prodige chinoise, Yuja Wang, star invitée des musiciens du SFS, ouvrait le concert, comme l’avait fait dix jours plus tôt avec les Bostoniens, le violoncelliste américain d’origine chinoise, Yo-Yo Ma. Un concerto, une symphonie, la formule, pour éculée, fait toujours recette comme en témoigne une Philharmonie de Paris qui ne désemplit pas.Le Quatrième concerto pour piano de Beethoven est un peu emblématique dans la jeune carrière de Yuja Wang : c’est avec lui que la virtuose chinoise a triomphé pour la première fois en Europe en 2003 (à Zurich), avant de faire des débuts fulgurants en Amérique du Nord (Ottawa), deux ans plus tard – elle remplaçait au pied levé le grand Radu Lupu.Une artiste des sonsPas sûr cependant que cette musique de l’introspection convienne si bien à ce petit bout de femme, boule de nerf sexy moulée dans un fourreau de strass argenté vertigineusement échancré dans le dos. Non que le piano de Miss Wang ne soit capable de tous les chants. C’est, en effet, une fine musicienne qui sait ce que moduler une phrase veut dire, une artiste des sons dont la palette, notamment dans le presque rien, est stupéfiante.Non, il s’agit plus d’une profondeur dans la respiration, d’une attention plus grande au silence, d’une empathie plus affirmée, que semble dédaigner le jeu impétueux de divine impatiente. La technique est toujours ahurissante (ce n’est pas pour rien qu’elle a été surnommée « doigts volants » en référence au film d’Ang Lee (2000), Tigre et Dragon), notamment dans les cadences. Celle du premier mouvement semble même prendre de vitesse la musique. Mais quel « Andante con moto » !Le combat inégal entre un piano David et l’orchestre Goliath est mené note à note. L’entêtement du clavier a fait reculer le tutti jusqu’au retranchement des cordes en pizzicatos. Yuja Wang libère son chant d’oiseau montant dans le soleil ivre d’un trille auquel l’orchestre n’osera répondre qu’à voix basse. Merveilleuse réconciliation que le troisième mouvement, rondo mutin et léger : la pianiste fait danser la musique, les San-Franciscains lui donnent l’accolade à chaque trait.Baguette minimalisteMichael Tilson Thomas et son Orchestre de San Francisco sont des mahlériens. Ils ont gravé, entre 2001 et 2009 pour le label discographique maison SFS Media, les neuf symphonies (plus l’« Adagio » de la Dixième), avant que l’intégrale ne paraisse en 2011 pour le centenaire de la mort du compositeur viennois. L’homme aux cheveux gris est un septuagénaire élégant à la baguette minimaliste. Il n’a pas hérité de la légendaire extraversion du bouillonnant Leonard Bernstein dont il fut, à la fois, l’élève et l’émule.Son Mahler est puissant, franc, solidement charpenté, très clair. Il n’appelle ni la démesure, encore moins le pathos ou l’amère dérision. Il y a même quelque chose de transparent dans la manière dont il déploie la lente suspension, traversée de météores, du début de « Allegro moderato » de la Symphonie n°1 « Titan ». Dont il en ménage les effets. Ce d’autant que les musiciens du San Francisco Symphony sont excellents (bois et cuivres), qu’ils s’adonnent à la volupté du Trio dans le deuxième mouvement ou jouent sans racolage la musique populaire convoquée par Mahler (tempo de valse, thème bohémien, fanfares militaires, musique de cabaret).Après la superbe marche funèbre du troisième mouvement sur le thème fameux de la comptine Bruder Jakob (Frère Jacques), le Finale, beaucoup plus ouvertement dramatique – irrésistibles montées en puissance suivies de dépressions. « MTT » dirige sans partition, laisse la musique disparaître dans les ombres noires, avant de ressurgir comme une bête féroce. Huit cors debout diront la victoire de la lumière dans une spectaculaire mais calme péroraison. La sagesse du maître américain dans Mahler a quelque chose d’un peu conjugal : la tranquille assurance du mariage, sans la fatigue des pantoufles et du quotidien.Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Prochains concerts avec l’Orchestre de Paris les 19 et 20 septembre. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 40 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Florence Evin Néfertiti, épouse du pharaon Amenhotep IV, ou Akhenaton, est-elle la mère de Toutankhamon, reposant à ses côtés dans une chambre dérobée de son tombeau, en Haute Egypte ? Deux éminents égyptologues avancent des hypothèses qui bousculent tout ce que l’on sait de la grande époque pharaonienne, la dix-huitième dynastie, au XIVe siècle avant notre ère.Jusque-là, « on n’a jamais pu identifier, ni la momie de Néfertiti ni sa sépulture, reconnaît Guillemette Andreu-Lanoë, directrice honoraire du département des antiquités égyptiennes au Louvre. Il est tout à fait possible qu’elle soit la mère de Toutankhamon. Régulièrement, on fait des découvertes qui nous obligent à bousculer la chronologie ». Les textes manquent, les momies souvent réinhumées sont confondues.L’égyptologue français Marc Gabolde soutient, dans la biographie qu’il consacre à Toutankhamon, à paraître en octobre, que la mère de Toutankhamon serait Néfertiti. Selon lui : « Toutankhamon est le fruit des amours d’Akhenaton et de sa cousine Néfertiti, née de mariages entre cousins. Ce qui expliquerait que leurs ADN [décryptés entre 2008 et 2010] soient proches de ceux d’un frère et d’une sœur. » Un patrimoine génétique commun qui conduit Marc Gabolde à suggérer que «  la momie deNéfertiti serait celle de la tombe KV 35, dite de la Young Lady, de la Vallée des rois », à Karnak, l’ancienne Thèbes. Young Lady, souvent présentée comme la mère de Toutankhamon. Tandis que «  la momie d’Akhenaton est celle de la tombe KV 55, de la Vallée des rois ».Rapatriement des momiesAprès six filles, le couple Akhenaton-Néfertiti aurait donc eu un fils, Toutankhaton, en référence au dieu Aton vénéré par son père dans la nouvelle capitale Amarna, en Moyenne Egypte. Le jeune pharaon renoncera au monothéisme prôné par son père. Il revient à Thèbes sous le nom de Toutankhamon, réhabilitant le culte à Amon et régne à peine dix ans. Amarna est désertée comme capitale, ce qui expliquerait le rapatriement des momies royales à Thèbes. « Néfertiti serait morte, quelques mois avant la mort de son mari vers 1330-1329 av. J.-C. Elle n’a jamais été cette reine-pharaon qui a régné entre Akhenaton et le jeune Toutankhamon », assure M. Gabolde.Le Britannique Nicholas Reeves prétend, lui, que la sépulture de Néfertiti pourrait être localisée dans une chambre secrète à l’arrière du tombeau de Toutankhamon, dans la Vallée des rois. Une hypothèse établie à partir de la récente publication des images de la chambre funéraire (tombe KV 62) du jeune roi mort au début de son règne, vers 1318 av. J.-C. Sur les clichés, des traces verticales évoquent des cadres de portes dissimulées. « Cela signifie, écrit M. Reeves, le 23 juillet, dans un texte intitulé Le Tombeau de Néfertiti et diffusé sur le site academia.edu, que ces portes donnent accès à une pièce inexplorée de stockage et à une chambre funéraire antérieure et inviolée de la tombe originale, celle de Néfertiti. »L’idée, avancée par Nicholas Reeves, « n’a rien de farfelu », fait remarquer Marc Gabolde en souhaitant qu’il « ait partiellement raison et qu’une salle scellée avec les restes de la reine-pharaon se trouve derrière les peintures ». Mais la reine-pharaon, dont il est question serait, non pas Néfertiti, mais Mérytaton, sœur aînée de Toutankhamon, qui a régné avant lui. Le tombeau du jeune roi, aménagé à la hâte après son décès, serait même «  une réutilisation du caveau et d’une partie du mobilier en or de la reine-pharaon Mérytaton », avance le Français.Néfertiti, à la beauté légendaire, n’a pas fini de faire parler d’elle.Lire aussi :La splendeur des dieux sauvés des eauxFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Les jurés des prix Décembre et Médicis ont dévoilé leurs premières sélections pour leurs prix respectifs qui seront remis lundi 2 novembre, pour l’un, et jeudi 5 novembre, pour l’autre.Présidé cette année par Josyane Savigneau, journaliste au Monde, le prix Décembre, qui récompense un livre écrit en français, a présenté une première liste avec quatorze titres qui sont aussi bien des romans que des essais. Une deuxième sélection avec seulement trois ouvrages sera rendue publique, mardi 20 octobre.Parmi les romans sélectionnés, figurent Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion) et Eva, de Simon Liberati (Stock), tous deux présents sur la première liste du Goncourt. De même, les jurés ont retenu Jugan, de Jérôme Leroy (La Table ronde) et L’Autre Simenon, de Patrick Roegiers (Grasset), présents sur la première liste Roman du Renaudot, ainsi que trois noms qui figurent sur la liste Essai du Renaudot : Pierre Adrian, avec La Piste Pasolini (Les Equateurs), Judith Perrignon, avec Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste), et Gilles Sebhan, avec Retour à Duvert (Le Dilettante), tous trois édités par des petites maisons d’édition.Les jurés du prix Décembre ont aussi distingué quatre autres romans de la rentrée littéraire, écrits par Michaël Ferrier, avec Mémoires d’outre-mer (Gallimard), Juan Hernandez et Sébastien Rutes, pour Monarques (Albin Michel), Stéphanie Hochet, auteure d’Un roman anglais (Rivages), et Monica Sabolo, avec Crans-Montana (JC Lattès). La sélection fait la part belle aux essais littéraires avec trois titres : Flaubert à la Motte-Picquet, de Laure Murat (Flammarion), La Haine de la littérature, de William Marx (Minuit), et Adieu Montaigne, de Jean-Michel Delacomptée (Fayard).Dix-neuf éditeurs pour le MédicisLa liste du Médicis comprend quinze romans français et treize romans étrangers, pour un total de dix-neuf éditeurs cités. Gallimard est la maison la plus représentée, avec quatre romans français : Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour, et 2084, de Boualem Sansal, présents aussi dans la liste du Goncourt, mais aussi Pirates, de Fabrice Loi, et Ann, de Fabrice Guénier, paru en mars, plus un roman étranger D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds, de Jon Kalman Stefansson.Suivent les maisons Grasset et Le Seuil avec trois titres chacune, chaque fois, deux romans français et un étranger. Pour Grasset, Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig, et Anomalie des zones profondes du cerveau, de Laure Limongi, plus La Fiancée de Bruno Schulz, d’Agatha Tuszynska. Pour Le Seuil, Les Désœuvrés, un premier roman d’Aram Kebadjian, et Le Beau Temps, de Maryline Desbiolles, plus Un mauvais garçon, de Deepti Kapoor.On trouve également sur la liste du Médicis D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès), et Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai (P.O.L), présentes sur la première sélection du Goncourt, ainsi que les romanciers Christophe Boltanski, pour La Cache (Stock), aussi repéré par le Renaudot, et Olivier Demangel pour 111, publié aux éditions de la Fanfare. Les jurés ont en outre distingué Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry, Effraction, d’Alain Defossé, et Antoine Mouton, pour Le Metteur en scène polonais (Bourgois).La deuxième sélection du prix Médicis ainsi que la première liste des essais seront révélées mercredi 7 octobre. En 2014, Antoine Volodine (Terminus radieux, Seuil), l’Australienne Lily Brett (Lola Bensky, La Grande Ourse) et Frédéric Pajak (Manifeste incertain 3, Noir sur blanc) avaient respectivement décroché le prix Médicis du roman français, du roman étranger et essai. Le prix Décembre avait distingué Elisabeth Roudinesco, pour sa biographie de Freud, Sigmund Freud, en son temps et dans le nôtre, parue chez Seuil.La sélection complète du prix MédicisRomans français- Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L)- Christophe Boltanski, La Cache (Stock)- Charles Dantzig, Histoire de l’amour et de la haine (Grasset)- Alain Defossé, Effraction (Fayard)- Olivier Demangel, 111 (Editions de la Fanfare)- Maryline Desbiolles, Le Beau Temps (Seuil)- Sophie Divry, Quand le diable sortit de la salle de bain (Notabilia)- Fabrice Guénier, Ann (Gallimard)- Hédi Kaddour, Les Prépondérants (Gallimard)- Aram Kebadjian, Les Désœuvrés (Seuil)- Laure Limongi, Anomalie des zones profondes du cerveau (Grasset)- Fabrice Loi, Pirates (Gallimard)- Antoine Mouton, Le Metteur en scène polonais (Bourgois)- Boualem Sansal, 2084 (Gallimard)- Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (JC Lattès)Romans étrangers- Oya Baydar, Et ne reste que des cendres (Phébus)- Javier Cercas, L’Imposteur (Actes Sud)- Jane Gardam, Le Maître des apparences (JC Lattès)- Hakan Günday, Encore (Galaade)- Deepti Kapoor, Un mauvais garçon (Seuil)- Alessandro Mari, Les Folles Espérances (Albin Michel)- Eirikur Orn Norddahl, Illska (Métailié)- Anna North, Vie et mort de Sophie Stark (Autrement)- Joyce Carol Oates, Carthage (Philippe Rey)- Nathaniel Rich, Paris sur l’avenir (Editions du Sous-sol)- Robert Seethaler, Une vie entière (Sabine Wespieser)- Jon Kalman Stefansson, D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds (Gallimard)- Agatha Tuszynska, La Fiancée de Bruno Schulz (Grasset)La sélection complète du prix Décembre- Pierre Adrian, La Piste Pasolini (Les Equateurs)- Christine Angot, Un amour impossible (Flammarion)- Jean-Michel Delacomptée, Adieu Montaigne (Fayard)- Michaël Ferrier, Mémoires d’outre-mer (Gallimard)- Juan Hernandez et Sébastien Rutes, Monarques (Albin Michel)- Stéphanie Hochet, Un roman anglais (Rivages)- Jérôme Leroy, Jugan (La Table ronde)- Simon Liberati, Eva (Stock)- William Marx, La Haine de la littérature (Minuit)- Laure Murat, Flaubert à la Motte-Picquet (Flammarion)- Judith Perrignon, Victor Hugo est mort (L’Iconoclaste)- Patrick Roegiers, L’Autre Simenon (Grasset)- Monica Sabolo, Crans-Montana (JC Lattès)- Gilles Sebhan, Retour à Duvert (Le Dilettante)Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.09.2015 à 12h06 • Mis à jour le15.09.2015 à 14h23 | Harry Bellet Le transporteur d’art suisse Yves Bouvier a été mis en examen à Paris, lundi 14 septembre, par la juge Isabelle Rich-Flament. Le directeur de l’entreprise de stockage d’œuvres d’art Natural Le Coultre est soupçonné de recel, celui d’œuvres de Picasso que Catherine Hutin-Blay, la fille de Jacqueline, dernière épouse de l’artiste, déclare avoir été volées. Ces deux gouaches, Tête de femme et Espagnole à l’éventail, ont été vendues, ainsi que 58 dessins, par Yves Bouvier, qui agissait comme courtier, à une société appartenant à un milliardaire russe, résident monégasque, Dmitri Rybolovlev.Lire aussi :La justice suisse refuse de bloquer les comptes de l’homme d’affaires Yves BouvierCe dernier accuse, par ailleurs, Yves Bouvier devant les tribunaux monégasques de l’avoir escroqué. Ce serait lui qui a prévenu Catherine Hutin-Blay qu’il était en possession des dessins. Celle-ci les avait confiés à un autre marchand pour qu’il les stocke dans un entrepôt de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). La vente à Yves Bouvier serait intervenue, en 2010, sans qu’elle en ait connaissance, ni a fortiori donné son accord.Lire aussi :Yves Bouvier, l’homme d’affaires suisse qui jouait sur tous les tableauxEn toute bonne foiSelon le porte-parole d’Yves Bouvier, ce dernier a acquis ces deux gouaches en toute bonne foi, et en a réglé le paiement à un trust établi au Lichtenstein présenté comme appartenant à Catherine Hutin-Blay. L’avocat de cette dernière a toutefois affirmé dans un communiqué qu’elle n’était bénéficiaire d’aucun trust. « Si, à son corps défendant, alors qu’il s’est porté acquéreur d’œuvres d’art dont il connaissait la provenance et qui remplissaient tous les critères de “due diligence”, il s’avérait qu’il a été trompé, Yves Bouvier se retournera contre ceux qui l’ont trompé et remboursera le lésé », ajoute le porte-parole.Placé sous contrôle judiciaire à l’issue d’une heure et demie d’audition, Yves Bouvier s’est vu imposer une caution de 27 millions d’euros, correspondant à la somme déboursée par la société de Dmitri Rybolovlev, pour acquérir ces œuvres.Lire aussi :L’argent (de l’art) n’a pas d’odeurHarry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Delphine Ernotte n’a pas tardé à tirer les conséquences de l’arbitrage gouvernemental sur le financement de l’audiovisuel public, rendu dimanche 13 septembre. Fleur Pellerin, la ministre de la culture et de la communication, a annoncé une légère augmentation de la redevance et une progression de la taxe sur les opérateurs de télécommunications, mais écarté un retour de la publicité en soirée sur France Télévisions.Cet arbitrage « ne permettra pas d’augmenter à court terme les ressources de France Télévisions et je le regrette », a écrit la présidente de l’entreprise publique dans un message interne, lundi. Elle a également envoyé lundi une lettre aux administrateurs de l’entreprise dans laquelle elle prévoit « un déficit prévisionnel pour 2016 de l’ordre de - 50 millions, malgré la prise en compte d’hypothèses d’économies par rapport à 2015 », selon Le Figaro qui cite ce courrier.Lire aussi :Redevance : France Télévisions au « régime » regrette Delphine ErnotteProbablement pas d’Euro 2016Mme Ernotte a toujours indiqué qu’elle poursuivrait les efforts de maîtrise budgétaire menés par son prédécesseur. « Je vais m’attacher avec les équipes à construire un plan d’économies à l’exclusion de tout plan de départs », précise-t-elle dans son message interne. La préparation du budget 2016 va donc se faire en essayant d’identifier des poches d’économies nouvelles.D’ores et déjà, certains investissements semblent promis à être écartés. Selon nos informations, France Télévisions n’entendrait pas se positionner pour acquérir les droits de codiffusion d’onze rencontres de l’Euro 2016 de football, pour lesquels beIN Sports cherche un acquéreur.Par ailleurs, le feuilleton autour du financement de l’audiovisuel public semble avoir ouvert un débat qui se prolonge. Membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le député (LR) Franck Riester estime ainsi dans un entretien au Figaro, mardi 15 septembre, qu’« il faut créer une société commune à l’image de la BBC en rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et même Arte », financée par la redevance et dont le président serait nommé par le conseil d’administration.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot Nilufer Demir, 29 ans, est correspondante pour l’agence turque DHA pour la région de Bodrum. Dans cette petite ville balnéaire plutôt chic, les réfugiés qui tentent la traversée vers l’île grecque de Kos ont changé le cours des choses – et son travail de photographe. Elle ne s’attendait pas, cependant, à ce que sa photo d’un enfant syrien noyé, sur la plage, ait un tel retentissement. Nous l’avons jointe au téléphone, en Turquie.Lire aussi :Réfugiés : une photo pour ouvrir les yeuxOù se trouve la plage où a été trouvé le petit garçon ?La plage de Ali Hoca Burnu est une plage à l’écart de Bodrum. C’est un endroit d’où partent souvent les migrants, donc avec d’autres photographes, on y va chacun son tour pour voir ce qui se passe. Hier, c’était mon tour… Quand je suis arrivée le matin, vers 6 ou 7 heures, il y avait un groupe de Pakistanais. Je les ai rejoints et nous avons aperçu, un peu plus loin, quelque chose échoué sur la plage.En nous approchant, nous avons vu que c’était le corps d’un enfant. Il y avait d’autres corps, mais plus loin, à 100 ou 200 mètres. On a tout de suite vu qu’il était mort et qu’il n’y avait rien à faire.Avez-vous hésité à prendre cette photo ?J’ai été très choquée au départ, mais je me suis reprise très vite. Je me suis dit que je pouvais témoigner du drame que vivent ces gens. Il fallait que je prenne cette photo et je n’ai plus hésité. J’en ai même pris toute une série. J’étais triste car c’est le corps d’un enfant, mais ça aurait pu être le corps d’un adulte, et j’en ai photographié déjà.L’homme qui tient l’enfant sur la photo est un gendarme, qui fait les premières constatations quand ce genre de choses arrive. Dans les premières images, on voit l’enfant tout seul, car le gendarme est arrivé quelques minutes après. Avez-vous eu conscience que c’était une photo si forte ?Non, pas du tout. Et aujourd’hui, j’ai un mélange de tristesse et de satisfaction… Je suis contente d’avoir pu montrer cette image à autant de gens, d’avoir témoigné, et d’un autre côté, je préférerais que ce petit garçon soit encore en vie et que cette image ne fasse pas le tour du monde.Le retentissement de cette photo a été énorme, poussant François Hollande et Angela Merkel à prendre rendez-vous pour évoquer le sujet.Je n’aurais jamais cru qu’une photo ait de tels effets. J’aimerais vraiment qu’elle puisse aider à changer le cours des choses. Pour ma part, j’aimerais que tout le monde puisse vivre en paix chez soi, et que les gens ne soient pas forcés de fuir leur pays…Pourquoi cette photo, selon vous, a-t-elle pu autant émouvoir les gens, par rapport à toutes celles publiées avant sur le sujet ?Je ne sais pas. Peut-être que le monde, en fait, attendait une image qui puisse changer les choses, faire bouger. Peut-être que ma photo a été le déclic que le monde attendait. J’ai surtout été au bon moment au bon endroit.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Alain Altinoglu sera-t-il enfin le bon ? Après une année de vacance depuis le départ fracassant de Ludovic Morlot en décembre 2014, le Théâtre de la Monnaie vient d’officialiser la nomination du chef d’orchestre parisien à la direction musicale de la maison d’opéra bruxelloise, à partir de janvier 2016.A presque 40 ans (il est né à Alfortville, dans le Val-de-Marne, le 9 octobre 1975), le Français d’origine arménienne, formé au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, ajoute un nouveau défi à une carrière déjà bien remplie. Premier chef invité à l’Orchestre national de Montpellier, de 2007 à 2010, il n’a, en effet, jamais occupé le poste de chef permanent.Mais sa réputation de chef lyrique, forgée sur les grandes scènes internationales, de l’Opéra de Paris au Metropolitan Opera de New York, en passant par le Théâtre des Champs-Elysées, les opéras de San Francisco, Zurich, Londres, Vienne, Berlin, Munich, parle pour lui. Ce d’autant qu’il a fait, cet été, des débuts remarqués au Festival de Bayreuth dans Lohengrin, de Wagner – premier Français à diriger dans la salle mythique du Festspielhaus depuis Pierre Boulez.Programme d’austéritéAlain Altinoglu, dont les liens avec La Monnaie s’étaient visiblement resserrés depuis qu’il y a dirigé, en 2011, Cendrillon, de Massenet, sait qu’il ne vivra pas forcément un conte de fées. Le vénérable Théâtre royal, fondé en 1700, porté au-delà des frontières du royaume sous l’égide de directeurs charismatiques comme Gerard Mortier et Bernard Foccroulle, de danseurs et chorégraphes comme Maurice Béjart et Anne Teresa De Keersmaeker, n’a pas été épargné par le programme d’austérité du gouvernement fédéral belge. En décembre dernier, son directeur général, Peter de Caluwe, en poste depuis 2007, a dû se résoudre à réduire le nombre de productions (en supprimant notamment l’opéra baroque) et à abandonner les spectacles de danse.L’autre écueil vient des musiciens d’orchestre, qui ne se sont jamais remis du départ en 2008 de leur directeur musical, Kazushi Ono, exfiltré par Serge Dorny à l’Opéra national de Lyon. Ils n’ont pas fait de cadeau à Mark Wigglesworth qui lui a succédé. Pas plus qu’au Français Ludovic Morlot, arrivé en 2012 pour un mandat de cinq ans, démissionnaire au bout de trois.« Développer le rayonnement de La Monnaie »Mais Altinoglu est une chance pour les Bruxellois dont le niveau a beaucoup baissé ces dernières années. « Je suis impatient d’approfondir cette belle et forte relation de travail », a d’ailleurs assuré ce dernier dans un communiqué. « J’aspire à poursuivre une programmation innovante tant dans le domaine lyrique que symphonique et à développer le rayonnement de La Monnaie, qui a sa place parmi les maisons d’opéra les plus réputées et les plus performantes. »De son côté, Peter de Caluwe s’est réjoui de ce que « l’alchimie entre chef et musiciens ainsi que la qualité musicale » soient entre d’aussi bonnes mains. Il est de notoriété publique que les chanteurs adorent travailler avec cet excellent pianiste dont la formation de chef de chant reste pour eux un atout fondamental. Bruxelles ne devrait pas freiner l’irrésistible ascension de l’un de nos meilleurs chefs français : Alain Altinoglu sera dans la fosse de l’Opéra de Paris en mars 2016 pour la très attendue production de Iolanta/Casse-Noisette, de Tchaïkovski, dirigera en mai Pelléas et Mélisande, de Debussy à l’Opernhaus de Zurich, avant de faire ses débuts au Festival de Salzbourg durant l’été.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde 03.09.2015 à 09h19 • Mis à jour le03.09.2015 à 09h23 | Roxana Azimi C’est l’issue qu’on n’attendait pas. L’artiste Jean-Marc Bustamante a été « proposé » par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, pour diriger l’Ecole des beaux-arts de Paris (Ensba), a annoncé, mercredi 2 septembre, la Rue de Valois dans un communiqué. Il remplace Nicolas Bourriaud, évincé le 2 juillet.Lire aussi :Le limogeage du directeur des Beaux-Arts passe mal auprès des étudiantsAprès la polémique suscitée par Le Canard enchaîné, qui prédisait l’arrivée d’Eric de Chassey, directeur de la Villa Médicis, la ministre a voulu s’épargner une bronca des étudiants. Elle a souhaité éviter tout autant une fronde des enseignants, qui, pour la plupart, se réjouissent de la nouvelle. « Qu’un artiste prenne la direction des Beaux-Arts, c’est un geste symbolique fort », se félicite le sculpteur Emmanuel Saulnier. « Jean-Marc a une réputation telle qu’elle peut fédérer des artistes de renom autour de lui. L’école en a besoin », ajoute Didier Semin, professeur à l’Ensba.Lire aussi :Eric de Chassey candidat à la tête des Beaux-Arts pour parler du « fond » et pas des « rumeurs »Déjà candidat à ce poste en 2011, Jean-Marc Bustamante connaît bien la maison : il y enseigne depuis 1996. Professeur depuis sept ans à l’Académie des beaux-arts de Munich, il est aussi familier d’autres approches pédagogiques. Sa réputation d’artiste n’est plus à faire. Né à Toulouse d’un père équatorien et d’une mère anglaise, cet homme aux allures de condottiere se destinait à l’économie avant de s’adonner à la photographie. Assistant du photographe William Klein, associé pendant trois ans à l’artiste Bernard Bazile, Bustamante s’est taillé une réputation internationale, jusqu’à représenter la France à la Biennale de Venise en 2003.Entre 2012 et 2015, il fut également le commissaire du Printemps de septembre, à Toulouse, sous le libellé « Artist Come First ». Un mot d’ordre qu’il entend appliquer à l’école. « Jean-Marc a toujours su cultiver l’amitié d’artistes au travail extrêmement différent du sien, constate, beau joueur, Olivier Blanckart, candidat malheureux à la direction de l’Ensba. Ça s’est vu de manière magistrale lorsqu’il a dirigé le Printemps de septembre, où il a invité aussi bien Pascal Convert que Sarah Lucas ou Jorge Pardo. »Commentaires machistesSeul bémol, son âge, 63 ans. A deux ans de la retraite, peut-il vraiment mener les réformes de fond dont l’établissement a besoin ? « Je peux prendre des risques, m’amuser, précisément parce qu’à mon âge je ne fais pas carrière », réplique l’intéressé. Et d’égrener quelques pistes de réflexion : « On doit simplifier et mieux coordonner les choses. Les profs se croisent sans se connaître. Il faut se réunir davantage. Il faudra aussi plus de fermeté vis-à-vis de ceux qui veulent louer les espaces, faire revenir des enseignants de qualité, créer une prépa au sein de l’école… »La partie qui s’annonce ne sera pas de tout repos. « L’école est profondément démoralisée, sous-capitalisée, fragilisée jusque dans son édifice », reconnaît Emmanuel Saulnier.A deux ans de la retraite, M. Bustamante peut-il vraiment mener les réformes de fond dont l’établissement a besoin ?Jean-Marc Bustamante devra aussi faire oublier les petits commentaires machistes qu’il avait proférés en 2006 dans un entretien croisé avec Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou, et l’artiste Xavier Veilhan, dans le catalogue de l’exposition « Dionysiac ». Entre autres perles, il y affirmait que « l’homme a besoin de conquérir des territoires, la femme trouve son territoire et elle y reste… Les femmes cherchent un homme, un homme veut toutes les femmes. La femme, dès qu’elle a trouvé son territoire, elle y reste… Les hommes sont toujours dans la recherche de territoires vierges ».La riposte féminine fut cinglante. Dans une tribune publiée par Libération, l’écrivaine Marie Darrieussecq fustigeait « un discours insultant mais commode, immémorialement conventionnel ».« Mes propos étaient “limites”, je le regrette, admet-il aujourd’hui. Je sais que cette chose-là va me coller toute ma vie. Il n’y a pourtant qu’à regarder Le Printemps de Toulouse, j’ai invité des artistes femmes remarquables. Demandez aux étudiantes de mon atelier si je suis misogyne ! Heureusement que j’ai été nommé par une femme ministre ! » Certaines ne décolèrent toujours pas. Sur son blog « Le beau vice », la critique d’art Elisabeth Lebovici a annoncé sa promotion façon avis de décès : « Les féministes ont la douleur de vous faire part de la nomination de Jean-Marc Bustamante à l’Ecole des beaux-arts (et de celle de Muriel Mayette à la Villa Médicis). »Muriel Mayette à la Villa Medicis ?En effet, mercredi 2 septembre, dans la soirée, le site de Libération annonçait que, « selon [ses] informations », l’ancienne administratrice de la Comédie-Française allait succéder à Eric de Chassey, qui termine son deuxième mandat à la tête de l’Académie de France à Rome. Dans la foulée, plusieurs dizaines d’anciens pensionnaires et invités adressaient une lettre ouverte à Fleur Pellerin pour réclamer le maintien de l’actuel directeur.De fait, le nom de Muriel Mayette circule depuis plusieurs mois pour remplacer l’historien d’art, en poste depuis septembre 2009. Alimentée par Le Journal des arts, la rumeur d’un accord en ce sens entre le premier ministre, Manuel Valls, et son ami le journaliste Gérard Holtz, époux de Muriel Mayette, avait fait polémique début juillet. Tout comme les intentions prêtées à l’actrice Julie Gayet, soupçonnée de faire le jeu d’Eric de Chassey, dont l’épouse, Anne Consigny, serait proche de la comédienne, elle-même proche du chef de l’Etat… (Le Monde du 9 juillet).De fait, jeudi 3 septembre, au matin, la Rue de Valois démentait les informations de Libération et indiquait que « le nom du/de la président/e de la Villa sera annoncé à brève ou moyenne échéance ».Ce feuilleton-là, au moins, continue…Lire aussi :Valse des postes : de quoi veut-on rendre Julie Gayet coupable ?Roxana AzimiJournaliste au Monde Véronique Cauhapé Série sur TF1 à 20 h 55 Une série policière qui, malgré ses décors, manque parfois cruellement de relief.Un enfant ou une jeune fille disparaît, une enquête est lancée, qui fait resurgir le passé, chaque personne proche de la victime est, tour à tour, suspectée, puis blanchie… Cette même trame qui guide et unit les séries « The Killing », « Broadchurch », « Disparue » se trouve une fois de plus dans « Le Mystère du lac », petite dernière du genre que diffuse TF1.Sans aller jusqu’à dire qu’elle est celle de trop, on peut émettre le souhait qu’elle soit la dernière. Car cette nouvelle série, plutôt bien faite, malgré quelques faiblesses scénaristiques, souffre avant tout d’arriver après. Et donc de cueillir un téléspectateur suffisamment rompu au schéma pour réussir à le déjouer lui-même.Il n’empêche que, malgré les similitudes structurelles et narratives qui peuvent rattacher une série à une autre, il demeure toujours possible de faire œuvre originale. Notamment à partir des personnages dont il est primordial que le profil soit à même de marquer les esprits (donc de les captiver) et de donner son caractère singulier à la fiction. Or, de cette nécessité, « Le Mystère du lac » s’en acquitte plus ou moins bien.FadeCertes, le capitaine de police Lise Stocker possède ce qu’il faut de traumatisme pour rendre crédible la gravité qu’elle affiche. Mais quand celle-ci demeure l’unique couleur de son personnage, elle finit par le réduire au simple stéréotype. De même que paraît bien fade le personnage de Lannick Gautry, commissaire sans histoire. Cet homme sans passé ni traits psychologiques particuliers se voit réduit à exécuter l’enquête proprement. C’est un peu dans le même sens qu’agit le décor (le Var) : un bel étui dénué de toute dramaturgie. Contrairement à la fameuse plage et ses alentours de « Broadchurch » ou au cadre urbain et glauque de « The Killing ».Heureusement que compense la présence des parents détruits par la disparition de leur fille et de la mère de Lise qui, atteinte d’Alzheimer, brouille les pistes sans le vouloir (drôle et touchante Marie-Anne Chazel). Et que quelques personnages secondaires parviennent à intriguer plus que l’enquête elle-même. La série se regarde au fond avec plaisir, sans laisser de traces une fois l’affaire classée.« Le Mystère du lac », créée par Jeanne Le Guillou et Bruno Dega. Avec Barbara Schulz, Lannick Gautry, Armelle Deutsch(Fr., 2015, 6 × 52 min). Jeudi 3 septembre, à 20 h 55, sur TF1.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Film sur OCS Géants à 16 heures « Le Monocle noir », de Georges Lautner est un savoureux nanar qui vaut surtout pour le jeu de Paul Meurisse.Georges Lautner (1926-2013), avant de se rendre célèbre avec Les Tontons flingueurs (1963), connaîtra son premier grand succès public avec Le Monocle noir (1961), une parodie de film d’espionnage qui baigne dans une sombre atmosphère d’après-guerre : un groupe de personnages nostalgiques du bon vieux temps fasciste se retrouve au château du marquis de Villemaur, dont le spectacle son et lumière se donne sous les assauts des Walkyries de Richard Wagner. Le marquis ne jure que par Adolf tandis qu’un Italien soupire au souvenir de Benito, et qu’un Allemand promet l’imminent retour parmi eux d’un proche d’Hitler.A leur côté, un ancien militaire français, aveugle, l’œil gauche coiffé d’un monocle noir, feint de se réjouir de la situation. Mais il n’est naturellement autre qu’un agent secret infiltré, le commandant Théobald Dromard, avec pour mission de démasquer le complot.Dromard fut l’un des rôles les plus emblématiques de Paul Meurisse, qui l’incarnera dans deux autres numéros, L’Œil du monocle (1962) et Le monocle rit jaune (1964), le meilleur et le plus virtuosement parodique de la trilogie réalisée par Lautner. Ces deux derniers films bénéficient aussi beaucoup de la participation de Robert Dalban en sergent Poussin, l’adjoint franchouillard et grommelant de Dromard, alors que Jacques Marin, pittoresque mais moins mémorable, l’assiste en adjudant Trochu dans Le Monocle noir.Esprit du tempsLes dialogues de Pierre Laroche sont dans l’esprit de ceux de Michel Audiard (qui collaborera beaucoup avec Georges Lautner, mais seulement à partir des Tontons flingueurs). Ceux que trousse Jacques Robert pour L’Œil du monocle et Le monocle rit jaune suivent la même veine. Exemple avec cet échange entre deux personnages du Monocle noir : « Vous n’allez tout de même pas tuer un homme de sang-froid ! – Si en plus il faut se mettre en colère… »On pourrait parler de plagiat, à ceci près que le plagiat est l’emprunt d’un contenu et la parodie celui d’une manière. Mais il faut sûrement aussi y voir l’empreinte d’un esprit du temps, d’une langue propre aux comédies des années 1950-1960 dont Audiard sera l’un des orfèvres majeurs.Paul Meurisse joue sur le registre d’une urbanité très française, « grand genre » et un peu coincée ; il s’exprime par mercuriales cinglantes et pratique un humour extra dry et volontiers cryptique (« C’est une finesse… », précise Dromard chaque fois qu’un balourd ne comprend pas). Le pas et le port raides, et parfois sautillant, cet amateur de jolies femmes les séduit de sa voix au velours de baryton-basse et les conquiert avec l’emportement soudain des timides, les faisant chavirer dans ses bras, le dos impeccablement droit, comme s’il interprétait une figure de tango.Mais le commandant Dromard n’est pas James Bond : il ne se bat qu’à contrecœur, ne court, ne saute ni ne transpire ; son tir est parcimonieux, guindé, mais sûr ; il ne grille que rarement des cigarettes (réservées aux dames à qui il les présente dans un élégant étui) et préfère les longs havanes qu’il sort comme par magie de la poche de son veston quelles que soient les circonstances.Le Monocle noir est un délicieux nanar qui vaut surtout pour le jeu délicieusement surjoué de Meurisse, ses mines chiffonnées ou hautaines, ses imparfaits du subjonctif et son élégante raideur très Ancien Régime.« Le Monocle noir », de Georges Lautner. Avec Paul Meurrisse, Elga Andersen, Bernard Blier, Marie Dubois, Jacques Dufilho (Fr., 1961, 90 min), et en replay sur OCS Go. jeudi 3 septembre, à 16 heures, sur OCS GéantsRenaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Il y a quelques années, avait été évoquée l’annonce d’une reformation fracassante (mais finalement fracassée) de Téléphone pour trois concerts au Stade de France, prévus en 2012. Ce sera finalement dans la petite salle parisienne du Point éphémère que 300 privilégiés (soit 200 personnes de moins que pour le premier concert de Téléphone, donné le 12 novembre 1976 au Centre américain, à Paris) pourront assister, le 11 septembre, aux retrouvailles des chanteurs et guitaristes Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac et du batteur Richard Kolinka, qui, sous le nom des Insus, devraient reprendre le répertoire de leur groupe originel, resté depuis sa création, en 1976, et sa séparation, dix ans après, la plus populaire des formations rock françaises.Lire l’enquête publiée dans M, le magazine du Monde en 2012 : L’ego trop cher de TéléphoneC’est le journaliste de RTL2 Francis Zégut qui, le premier, a dévoilé sur son blog que le concert des inconnus Insus serait peut-être bien une surprise montée par ces trois figures mythiques du rock hexagonal, qui, sans l’aval de l’ancienne bassiste du groupe, Corine Marienneau – avec laquelle ils sont en froid –, ne pouvaient reprendre le nom de Téléphone.Sur le site du Point éphémère, l’annonce du concert des Insus est suivie d’un point d’interrogation rouge tacheté de blanc rappelant la typographie du groupe à ses débuts, avec cette légende : « S’il y a un concert rock à ne pas rater cette année, c’est celui-ci. » Le 27 août, l’ancien batteur de Téléphone, Richard Kolinka, écrivait sur sa page Facebook : « Il y a un concert de rock, le 11 septembre au Point éphémère, à ne pas rater… Il n’y a pas beaucoup de places, paraît-il. »Autre indice, révélé par RTL, la marque « Les Insus-portables » a été déposée à l’INPI (l’Institut national de la propriété intellectuelle) le 24 août par La Loupe II, une entreprise propriété de Jean-Louis Aubert.Campagne de rééditionsQue nous vaut ce concert surprise ? Depuis la séparation de Téléphone, on a souvent parlé de reformation. Malgré les disputes et bouderies, les anciens membres du groupe n’ont d’ailleurs pas arrêté de se côtoyer. Les apparitions scéniques des uns lors des concerts des autres ont été multiples. Le 26 mai 1994, Jean-Louis, Richard, Corine et Louis se sont même retrouvés tous les quatre sur scène lors d’un concert de Bertignac au Bataclan. Si des tensions particulières entre Corine Marienneau et Jean-Louis Aubert ont éloigné la bassiste de la bande, les trois autres musiciens se sont régulièrement retrouvés, comme à l’Olympia en 2005, ou sur le plateau de l’émission de France Télévisions « Taratata », fin 2006, pour interpréter ensemble une version de Ça (c’est vraiment toi).Devenues très insistantes, confirmées même un temps par Jean-Louis Aubert, les rumeurs de vraie reformation n’avaient finalement rien donné de concret à part un concert improvisé, le 10 décembre 2013, dans le petit club parisien du Bus Palladium, lors d’une fête privée organisée par le journaliste Philippe Dana. Sans préméditation, le trio – complété à la basse par le chanteur Axel Bauer – avait enflammé la salle pendant une petite heure à coups de reprises de La Bombe humaine, New York avec toi, Flipper ou Un autre monde.« Ils ne reforment rien du tout »Le plaisir intact de la communion ou d’un presque quarantième anniversaire suffit-il à expliquer le concert du quai de Valmy ? Corine Marienneau ne sera pas de la fête, mais l’ancienne bassiste essayait de fuir l’amertume, interrogée par RTL : « S’ils ont envie de rejouer ensemble, personne ne peut leur interdire ou leur reprocher, expliquait-elle, mais ils ne reforment rien du tout. Ils jouent ensemble. »« Je ne leur souhaite que du bien, poursuivait-elle, le monde va déjà tellement mal, on ne va pas se mettre à souhaiter du mal les uns envers les autres. Je leur souhaite de s’éclater. » Avant d’ajouter : « Je ne vous dirai pas que je ne trouve pas ça dommage qu’ils n’aient trouvé que ça comme solution, tant pis, c’est comme ça. »On notera aussi que l’événement « surprise » arrive en prélude d’une vaste campagne de rééditions remastérisées des cinq albums studio de Téléphone et de luxueux coffrets, publiés par Warner Music France en CD digipack et disques vinyles 180 gr, assortis de raretés et d’inédits.Ce live inattendu au Point éphémère sert donc parfaitement ce lancement, tout comme il servira sans doute celui, fin 2015, d’un album hommage, Ça c’est vraiment nous, constitué de reprises de Téléphone interprétées par des héritiers, tels Superbus, Vianey ou Gaëtan Roussel.Concert : Les Insus ?, le 11 septembre au Point éphémère, 200, quai de Valmy, Paris 10e. Tél. : 01-40-34-02-48. Complet. www.pointephemere.orgStéphane DavetJournaliste au Monde 03.09.2015 à 02h08 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h59 On l’avait découvert au volant de Choupette. L’acteur américain Dean Jones, vedette du film Un amour de Coccinelle est décédé mardi à Los Angeles, a-t-on appris mercredi 2 septembre. Le comédien, qui a joué dans une trentaine de films, était âgé de 84 ans et s’est éteint des suites de la maladie de Parkinson, selon son attaché de presse.Il avait connu son heure de gloire en tenant le rôle de Jim Douglas, dont la partenaire était une petite Volkswagen douée de raison qui a fait fondre le monde entier. Le succès de ce film devenu un classique de Disney avait engendré plusieurs suites, notamment La Coccinelle à Monte-Carlo (1977). Dean Jones avait également joué dans L’Espion aux pattes de velours (1965) ainsi que dans les séries « Sauvé par le gong » et « Arabesque ».Natif de l’Alabama, dans le sud des Etats-Unis, et ancien combattant dans la marine américaine, il avait donné la réplique à Joan Fontaine (Until they sail), Elvis Presley (Le Rock du bagne), et Jane Fonda (There Was a Little Girl). 02.09.2015 à 10h12 • Mis à jour le02.09.2015 à 10h21 En juin, le ministère japonais de la santé et du travail a rendu public le nombre de détenteurs du « Carnet de santé de victime de la bombe atomique ». Le pays a ainsi appris que l’on comptait en mars 183 519 survivants des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki – les hibakusha. En mars 1981, ils étaient 372 264. Leur moyenne d’âge est aujourd’hui supérieure à 80 ans. Un calcul sommaire permet donc de dire qu’une majorité des survivants actuels de la bombe atomique avait 10 ans environ lors des bombardements. Cette diminution du nombre des survivants de la bombe atomique, ainsi que leur grand âge, signifie que la mémoire directe des irradiés au sein de la société japonaise s’amenuise.Les armes atomiques n’ont pas seulement un immense pouvoir de destruction. Les énormes quantités de radioactivité qu’elles émettent, sans égard pour les frontières, contaminent toutes les ressources, voyagent en suspension dans l’air, retombent dans la mer, et contaminent les humains. Malheureusement, nombreux sont encore ceux qui, 70 ans après, vivent sans savoir quelles seraient les conséquences exactes si les bombes atomiques actuellement existantes étaient utilisées.Si ces armes n’existaient plus dans le monde du XXIe siècle, la disparition des survivants de la bombe ne serait pas un problème bien grave en soi. Or, on compte en fait aujourd’hui dans le monde plus de 15 000 têtes nucléaires. Et celles-ci sont pour la plupart d’une puissance très supérieure à celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki.Et nous, les Japonais, le savons-nous suffisamment ? Rien n’est moins sûr. Nous n’avons pas bien écouté la voix des irradiés. Certes, après la défaite, sous l’occupation des forces armées américaines, un contrôle de l’information était en place, mais avec la souveraineté recouvrée en 1952, un grand nombre de Japonais, décidés qu’ils étaient à s’engager dans la reconstruction, n’ont pas montré d’intérêt pour Hiroshima ou Nagasaki.Pour nombre de citoyens japonais, le sentiment d’horreur à l’encontre des armes atomiques a été inspiré non pas par les récits des attaques contre Hiroshima et Nagasaki, mais par le test de la bombe H réalisé par les Américains en 1954 sur l’atoll de Bikini. Un bateau de pêche japonais, le Daigo Fukuryû-maru, fut alors irradié, ce qui déclencha dans le pays un large mouvement contre les armements nucléaires. La rumeur se propagea, voulant que les « cendres de la mort » radioactives allaient retomber sur le Japon.« Bien fait! »Yôko Ôta, une écrivaine victime de la bombe d’Hiroshima, écrira à cette époque, dans une nouvelle intitulée Han-Hôrô (« Demi-vagabonds ») : « Après l’essai thermonucléaire, ce que l’on appelait les “cendres de la mort” retombèrent sur Tokyo. “Bien fait !”, j’ai pensé. Couverts de cendres de la mort, crevez donc voir dans l’effroi. Peut-être les frissons de votre cœur vous feront-ils comprendre à quel point l’angoisse du présent est à l’intérieur de l’âme humaine. »Ce mot, « Bien fait ! », fit scandale, et même ses collègues écrivains se détournèrent d’elle. Yôko Ôta, née en 1906, avait déjà publié des romans qui avaient été primés avant la guerre. Dans le Japon qui se préparait à l’affrontement, elle écrivait des romans bellicistes et s’était engagée dans des actions sympathisant avec l’invasion militaire japonaise en Chine. Irradiée lors de l’explosion de la bombe atomique d’Hiroshima à 41 ans, elle se mit à écrire de nombreux romans basés sur cette expérience afin d’en transmettre l’horreur. Mais on lui reprochait ses livres pro-militaristes de l’époque de la guerre, et son « Bien fait ! » la mit totalement à l’écart du milieu littéraire, jusqu’à sa mort en 1963.Yôko Ôta ressentait sans doute de la colère face au désintérêt rencontré par ses romans racontant son expérience de la bombe atomique. Un grand sentiment de solitude, de se sentir oubliée, moins de dix ans après la bombe, la hantait sans doute aussi.Shinoe Shôda, née en 1910, était une poète, survivante, elle aussi, d’Hiroshima. Elle est connue pour ses tanka, une forme de la poésie traditionnelle japonaise, dans lesquels elle revient sur ce bombardement. Dans l’un de ses recueils, publié en 1962, on trouve un poème intitulé « Qu’ils meurent tous ». Cette phrase était la réponse que lui avait faite une femme qui avait perdu sa fille unique et son mari pendant la guerre, et à qui elle avait demandé d’écrire quelque chose pour protester contre la guerre.« Quoi qu’on écrive tout est futile emporté/Dans le grand courant, laissez-les faire à leur guise/Dans une grande explosion/Tous les humains du monde/Qu’ils deviennent des graillons noircis/Et qu’ils meurent tous dit-elle, fixant un point de ses yeux vides/Du fond de ses yeux, sans fin, les larmes coulaient/Moi incapable de rien dire en silence je pleurais »Se taire et pleurerCe « Qu’ils meurent tous » fait entendre la même colère que celle de Yôko Ôta, un sentiment qui devait habiter de très nombreux hibakusha. Dix ou vingt ans après avoir été victimes de la bombe, les rescapés étaient mis de côté dans un coin de la société.Aujourd’hui, soixante-dix ans après la bombe, où en sont les survivants, devenus âgés ? Nombre d’entre eux ont vécu toute leur vie et meurent sans avoir parlé, ne serait-ce qu’une seule fois, de leur expérience. Deux sentiments s’entremêlent, d’un côté « le désir que quelqu’un écoute ma tragique expérience », et de l’autre, l’idée que « de toute façon personne ne me comprendra. »Ensuite, pour un certain nombre d’entre eux, la bombe atomique, il y a soixante-dix ans aujourd’hui, est un événement de leur enfance, qu’ils ont du mal à mettre en mots. La seule chose que nous pouvons faire devant eux, avec eux, c’est se taire et pleurer, et me vient alors un grand sentiment d’impuissance.Ceux qui comprennent le mieux l’horreur et l’effroi de la guerre sont les soldats qui ont été au front, et les peuples des Etats vaincus. Les habitants des pays vainqueurs, ou ceux qui ne connaissent rien d’un champ de bataille envisagent difficilement la véritable nature de la guerre.De même, ceux qui savent combien les armes atomiques sont des choses atroces et effroyables ne sont pas les scientifiques qui les ont développées, ni les dirigeants qui les ont utilisées, ni les membres de l’équipage des B29 qui les ont larguées, non, ce sont ceux qui étaient dessous, qui fuyaient sous le champignon atomique, les survivants. Les hibakusha qui n’ont jamais parlé, qui ont vécu dans le silence, sont nombreux, mais nombreux également sont ceux qui ont tenu à témoigner et à transmettre au futur leur expérience de survivants.Comprendre l’ampleurA dire vrai, après la guerre, la mémoire des survivants des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki a eu une réelle influence, notamment sur le plan littéraire. On peut encore parler de Tamiki Hara, le célèbre auteur de Natsu no hana (« Fleurs d’été »), ou de Kyôko Hayashi, qui fut irradiée à 14 ans et publia trente ans plus tard le roman Matsuri no ba (« Rituel de mort ») en mémoire de ses amis disparus, et qui continue depuis à écrire des livres pour les enfants dans lesquels elle décrit l’angoisse qui l’habite encore. D’autres, comme Masuji Ibuse, l’auteure de Pluie noire, ne sont pas eux-mêmes des hibakusha, mais ont écrit leurs livres en se basant sur les journaux et notes laissés par des victimes.Il est néanmoins difficile de dire si grâce à cette « littérature de la bombe atomique », les Japonais arrivent à comprendre l’ampleur de ce qui fut l’un des plus graves massacres de masse du XXe siècle.Chaque année, en août, lors des cérémonies commémoratives, le maire de Nagasaki, où je vis, prononce une « Déclaration de paix ». L’attention est grande pour les mots qui seront prononcés au point d’impact.L’enseignement pacifique est un sujet important pour tout le monde ici, et les jeunes générations montrent, elles, un grand intérêt aux récits de leurs parents ou grands parents victimes de la bombe. Une collégienne, née au XXIe siècle, a écrit l’histoire que sa grand-mère hibakusha lui a racontée. Cette femme a été irradiée alors qu’elle était encore dans le ventre de sa mère, on appelle ces victimes des « foetus-hibakusha ». Evidemment, elle n’a aucune mémoire des événements eux-mêmes, alors je me demandais quel récit pourrait en tirer sa petite-fille collégienne. Eh bien, c’était tout simplement extraordinaire.TransmettreElle a écouté et noté avec une grande attention tout ce que sa grand-mère lui a raconté sur les effets de la bombe, mais aussi sur la vie des survivants après la guerre, les malheurs, les angoisses, mais aussi les joies. L’expérience des hibakusha ne se limite pas au mois d’août 1945. La longue vie des victimes touchées par la radioactivité fait aussi partie de l’expérience des survivants. Le plus émouvant, c’est de voir la petite-fille collégienne d’aujourd’hui trouver enfin les mots pour dire l’expérience que les hibakusha eux-mêmes n’arrivaient pas à dire, et vraiment communiquer avec sa grand-mère.Mais parfois, on se sent impuissant à transmettre la réalité du danger, du fait que le système politique actuel nous place dans une situation complexe, où notre sécurité est garantie par un pays qui possède un énorme arsenal nucléaire.Or, toute activité humaine, la vie quotidienne, la politique, ne prend forme que par les mots avec lesquels on la communique. C’est seulement à partir du moment où la mémoire disparaissante de l’expérience de la bombe trouve des mots pour se dire, comme ceux qu’a écrits cette collégienne, que la complexité de la situation se dénoue enfin et que nous autres, de la génération suivante, pouvons faire un nouveau pas.Aujourd’hui, les survivants de la bombe devenant de plus en plus âgés et de moins en moins nombreux, il est capital d’écouter le récit de leur expérience personnelle, et transmettre cette expérience comme notre expérience à nous, comme l’a fait cette collégienne. « Au commencement était le verbe », cette vérité est éternelle (traduit du japonais par Patrick Honnoré).Seirai Yuichi (Directeur du Musée de la bombe atomique de Nagasaki)Né en 1958 à Nagasaki, Seirai Yuichi dirige le Musée de la bombe atomique de Nagasaki. Il est aussi l’auteur de plusieurs romans. En 2007, il a été récompensé du prix littéraire le plus prestigieux au Japon, le prix Tanizaki Jun’ichiro, pour son recueil de nouvelles Bakushin, non traduit en français. 02.09.2015 à 06h38 • Mis à jour le02.09.2015 à 07h17 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nicolas Truong Il est bien loin le temps où Saint-Just pouvait s’écrier que « le bonheur est une idée neuve en Europe ». Le rêve européen s’épuise dans la bureaucratie de l’ère post-démocratique. De la Syrie aux attentats contre Charlie, une fraction de la jeunesse préfère désormais la barbarie à l’ennui. La quête d’identité vire à la guerre des communautés. Et les actes de désertions intérieures se multiplient.Dans l’entreprise comme dans les partis, la déloyauté grandit. Et la France détient le triste record de consommation de psychotropes en Europe. Face à cette perte de sens, chacun, dans son couple, sa famille ou entouré de ses amis, se protège, se retrouve, se replie. Chacun cherche à préserver ces îlots de bonheur arrachés au nihilisme contemporain.Lire aussi :La leçon de bonheur d’Alain BadiouNe noircissons cependant pas trop le tableau. Les Français font – plus que d’autres – des enfants, signe de confiance en soi et en l’avenir. On vit en bien meilleure santé et beaucoup plus longtemps dans nos contrées. Sans compter que des élans collectifs viennent parfois redonner du moral aux citoyens atomisés. Et il est possible d’envisager le 11 janvier comme la manifestation d’une immense pulsion de vie, une envie de refuser le « viva la muerte » mondialisé.C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui aux philosophes de nous orienter dans nos vies, de nous guider dans le brouillard du temps présent. Mais de l’amour à la séparation, de la rencontre à l’engagement, de la maladie à la mort, quels chemins emprunter pour vivre une vie qui vaille la peine d’être vécue ? Invité aux Controverses du Monde en Avignon, Alain Badiou a plaidé pour une philosophie de la volonté face au climat de résignation qui domine l’époque. Car ce philosophe engagé tient à distinguer bonheur et satisfaction.La question des questionsLa satisfaction, ce n’est pas que la jouissance de la consommation. C’est la vie bien gérée, avec une bonne place dans la société, « une belle voiture et de belles vacances à l’étranger ». En un mot, tout ce à quoi il est normal d’aspirer. Le bonheur, c’est autre chose : « C’est découvrir que l’on est capable de quelque chose dont on ne se savait pas capable », à l’image de l’amoureux qui change sa vie pour l’être aimé.À l’aide d’exemples contemporains (de la crise grecque à l’ampleur des séparations au sein de notre nouveau désordre amoureux), Alain Badiou réactive le combat entre les sagesses antiques. D’un côté, le stoïcisme – ou même l’épicurisme – qui recommande d’accepter le monde tel qu’il est. De l’autre, le platonisme qui affirme qu’un soleil brille au-dessus du théâtre d’ombres de notre caverne, puisque, comme le dit Rimbaud, « la vraie vie est absente ».Comment vivre sa vie ? C’est peut-être la question des questions. Et il n’est pas étonnant qu’une maxime paternelle compte finalement davantage pour Badiou que toutes les théories conceptuelles : « Tu peux, donc tu dois. » C’est pourquoi les vertus capitales de cette conception du bonheur sont le courage et la fidélité. « Aie le courage de te servir de ta volonté pour qu’advienne cette puissance dont tu ne te sentais pas capable », tel pourrait être le nouvel impératif catégorique de nos temps désorientés.Nicolas TruongResponsable des pages Idées-DébatsSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde 07.09.2015 à 10h48 • Mis à jour le07.09.2015 à 11h13 | Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde Sylvain Siclier Avec de la pop et du surf à Bordeaux et Darlene Love en route vers la plage, la sélection musicale de la semaine a un arrière-goût de vacances…UN VIDÉOCLIP : « Forbidden Nights », par Darlene LoveUn « Sha-la-la/Sha-la-la… » pour débuter. Des violons, des chœurs, une section de vents, une rythmique bien dans le temps et l’esprit des chansons pop que façonnait dans les années 1960 le producteur Phil Spector. Ce n’est pas maintenant avec Forbidden Nights que Darlene Love va révolutionner sa manière, elle qui fut choriste au sein de The Blossoms et de diverses productions de Spector qui accompagna aussi son envol en solo.Au volant d’une Cadillac rouge décapotable, modèle de 1961, en route vers le parc d’attraction et les plages d’Asbury Park (New Jersey), Darlene Love retrouve et croise copines et copains : ses choristes, mais aussi Joan Jett, Paul Shaffer et Bill Murray avec planches de surf, Elvis Costello (qui a composé la chanson) jouant au ballon, Steve Van Zandt et Bruce Springsteen, « spectoriens » et « loviens » convaincus de longue date, David Letterman, l’animateur de télévision, fidèle admirateur… Du soleil, des couleurs chaudes et 3 minutes 47 secondes de réjouissante nostalgie musicale. Un album de la chanteuse, produit par Van Zandt, est annoncé pour la mi-septembre.Voir la vidéo sur YouTubeUN FESTIVAL : Ocean Climax, à Bordeaux, des débats, des concerts, de la glisse… La première édition du festival Ocean Climax se tiendra du jeudi 10 au dimanche 13 septembre, à Bordeaux. Cette initiative de la Surfrider Foundation Europe – une fondation dédiée à la protection des lacs, des rivières, de l’océan, des vagues et du littoral – s’est pour l’occasion installée sur le site d’une ancienne caserne militaire, quai des Queyries, et organise des débats, des rencontres sur des thèmes écologiques ou scientifiques, des concerts, des démonstrations de sport de glisse, du street-art…Sont annoncés notamment Françoise Gaill, présidente du Conseil stratégique et scientifique de la flotte océanographique française, l’astrophysicien Hubert Reeves, des chercheurs, dont Lionel Guidi, des politiques (Alain Juppé, Ségolène Royal…). Pour la musique, il y aura de quoi satisfaire (presque) tous les goûts avec de l’électro (C2C, Vitalic, Etienne de Crécy…), de la pop et du rock (Peter von Poehl, Robin Foster, Citizens !, Allah-Las, Mars Red Sky…), du reagge (Tom Frager, Tiken Jah Fakoly)…Ocean Climax au Darwin Eco-Système, 87 quai des Queyries, Bordeaux. Du 10 au 13 septembre. De 19 euros à 31 euros, forfaits deux et trois jours, 56 euros et 70 euros. Accès libre aux conférences et débats.UN ALBUM : Des tubes pop arrangés pour grande formation jazz dans « Songs We Like A Lot », de John Hollenbeck Avec une équipe similaire à celle de son précédent album, Songs I Like a Lot, publié en 2013 et toujours un choix très exact de reprises, le batteur, compositeur, chef d’orchestre et arrangeur américain John Hollenbeck nous emporte à nouveau dans son univers musical, sophistiqué sur le plan du travail rythmique et harmonique, mais toujours en attention au développement mélodique le plus clair. Ornette Coleman, Queen ou Jimmy Webb était au programme du précédent disque. Cette fois, on y trouve Jimmy Web (Up, Up and Away, immense tube de l’année 1967), Cyndi Lauper (True Colors), Daft Punk (Get Lucky), ou encore Close To You, composition de Burt Bacharach et Hal David, que Dionne Warwick, The Carpenters, Dusty Springfield, Frank Sinatra ou encore Isaac Hayes portèrent à des sommets. A chaque fois, Hollenbeck, accompagné par le Frankfurt Radio Big Band et les voix de Theo Bleckmann et Kate McGarry, explore ces fantaisies pop sans en perdre la nature originelle tout en les réinventant, les transformant, pour en faire de superbes créations.« Songs We Like A Lot », de John Hollenbeck, 1 CD Sunnyside/Naïve.RESERVEZ VITE : King Crimson à l’Olympia du 20 au 22 septembre Parmi les vétérans du rock progressif britannique de la fin des années 1960 et du début des années 1970, le groupe King Crimson, comme Van Der Graaf Generator a toujours été considéré comme un peu à part. L’un et l’autre plus sombres, plus étranges, moins agréables à l’oreille aussi. Toujours actif et sous la direction de son fondateur en 1968, le guitariste et compositeur Robert Fripp, King Crimson a connu de nombreuses formes. Il est actuellement constitué de trois batteurs, en avant sur la scène, de deux guitaristes (Fripp et Jakko Jakszyk), du bassiste Tony Levin et du saxophoniste et flûtiste Mel Collins (présent en 1970 et 1971). Le groupe, en tournée européenne, affiche déjà complet sur de nombreuses dates.Pour ses seuls concerts français, King Crimson se produira trois fois à l’Olympia, à Paris. Si les places les moins chères (51 euros) et les plus chères (115 euros) sont épuisées ou en voie de l’être, il reste des billets aux tarifs intermédiaires, de 67,50 à 84 euros pour qui voudrait se laisser emporter par les combinaisons rythmiques et mélodiques, boucles, superpositions, fractures et relances d’une musique sans beaucoup d’équivalent.King Crimson à l’Olympia, Paris, du 20 au 22 septembre.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 05.09.2015 à 11h03 • Mis à jour le06.09.2015 à 21h11 | Stéphane Davet « When I see a man, I see a lion » tonne Yannis Philippakis dans la chanson titre de What Went Down, le nouvel album de Foals. Fauve trapu et tatoué aux boucles et au collier de barbe noirs, le chanteur du quintette d’Oxford a ce soir du mal à rugir.Les multiples interviews et sollicitations promotionnelles promises à un groupe à la popularité exponentielle et les premiers concerts de lancement de ce quatrième opus, sorti le 28 août, ont meurtri un larynx en constante recherche d’intensité.Avant un show prévu le 2 février, à l’Olympia, les Anglais sont venus saluer un millier de fans parisiens, le 4 septembre, sous le chapiteau de velours rouge du Cabaret sauvage. Le nom donné à ce Magic Mirror et son ancestrale fonction de parquet de bal conviennent bien à un groupe qui s’est d’abord fait connaître pour son incandescence scénique et sa façon de faire danser les riffs.Si le rugissement est en souffrance, les félins savent encore se battre et griffer. Leur nouvel album accentue d’ailleurs la lourdeur de leurs coups, plus que la vélocité de leurs déhanchements. L’intranquillité endémique de Philippakis s’y exprime souvent avec des guitares plombées d’une rage plus stoogienne.Morceau phare de What When Down, Mountains at my Gates équilibre magnifiquement cette tension électrique avec une fluidité plus funky et un refrain au lyrisme crève-cœur. Le reste du disque confirme pourtant le péché mignon d’un gang plus porté sur la performance physique, l’explosivité, que sur les nuances du songwriting.Transe chaloupéeLe concert rappelle pourtant que ce goût pour la fièvre s’est parfois exprimé avec agilité. A une époque où la scène dance-rock avait tendance à en rajouter dans la raideur post-punk, Foals a insufflé aux boucles cérébrales du math-rock, la sensualité de l’afro-beat.Au Cabaret Sauvage, le groupe brille particulièrement quand montées vertigineuses et distorsions hypnotiques sont aérées de trilles sautillants d’origine tropicales et de la transe chaloupée chère à Fela Kuti (My Number et le rappel final de Two Steps, Twice).Même en petite forme, l’ancien étudiant en littérature, fils d’un Grec et d’une Sud-Africaine, reste fidèle au rituel de la communion charnelle avec un public dans lequel il plonge, comme dans un bain en ébullition.Un peu comme dans le répertoire des Californiens rock et groovy des Red Hot Chili Peppers, quelques ballades décharnées (Spanish Sahara) suspendent le vacarme pour de beaux instants de mélancolie aérienne. Avant que le convoi ne reprenne implacablement sa route.Disque : What Went Down, de Foals, 1 CD Transgressive/Warner.Concert : le 2 février, à Paris, à l’Olympia. De 38,40 à 42,80 euros.Stéphane DavetJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Eblouissant début de saison ce 3 septembre à la Philharmonie de Paris qui ouvre le score avec l’Orchestre symphonique de Boston (BSO) et son jeune chef de 36 ans, le charismatique Andris Nelsons accompagné d’un invité de marque, la star du violoncelle, Yo-Yo Ma. Salle comble avec premier ministre (Manuel Valls) au balcon : rien ne semble infléchir le parfait amour que file la nouvelle salle de concerts de l’Est parisien avec son public. Un public dont l’on peut mesurer avec bonheur l’éclectisme : il applaudit encore entre les mouvements de symphonie. L’été a par ailleurs permis le dégagement de l’entrée du bâtiment et la mise en route de l’escalator à petite vitesse qui mène les mélomanes des jardins de la Villette aux sommets musicaux – ceux du bâtiment de Jean Nouvel sont toujours inaccessibles.On avait entendu Andris Nelsons conduire avec une impétuosité bouleversante la sombre Dixième symphonie op. 93 de Chostakovitch dans cette même Philharmonie le 10 mars dernier. L’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, porté aux limites de la folie, avait subjugué par son incandescente maestria. C’est dire si l’impatience qu’on a de l’entendre à nouveau par le jeune maître letton cette fois aux commandes de son Orchestre symphonique de Boston (lequel vient de prolonger son contrat jusqu’en 2022), avec lequel il vient précisément de la graver pour Deutsche Grammophon.Magnifique machine orchestraleLes Bostoniens effectuent actuellement leur première tournée européenne depuis huit ans. Ils font partie toujours partie des fameux « Big Five » américains et comptent parmi les dix meilleurs orchestres au monde. C’est peu dire que la réputation de cette magnifique machine orchestrale n’a rien d’usurpée. Difficile de résister à cette toison d’or polyphonique, à l’admirable qualité des timbres, la densité somptueuse du legato, la clarté des registres et l’acuité rythmique de pupitres virtuoses. Nelsons le bâtisseur de temple construit sa symphonie pierre par pierre. Le ton s’est assagi depuis les Néerlandais. Leur fiévreuse démesure a laissé place à une ferveur plus concentrée, à un désespoir plus contenu. Le très motorique deuxième mouvement, avec cuivres et percussions, tirera même notre premier ministre de la contemplation de son portable. Andris Nelsons mènera cette douloureuse apnée de la conscience vers sa résolution plus lumineuse tandis que résonne au sein du tissu orchestral la signature musicale de Chostakovitch, DSCH – ré, mi-bémol, do, si.Yo-Yo Ma conteur et poèteMais c’est du Don Quichotte de Richard Strauss, donné en première partie, que sera né l’éblouissement. Le long poème symphonique pour orchestre, alto et violoncelle, composé d’après le roman de Cervantès, sied particulièrement aux Américains, qui démontrent leur éclatante maîtrise. La direction décontractée et très calligraphiée d’Andris Nelsons (sa silhouette d’ours se dandinant, dansant, ou se redressant sur les pattes arrière, ses accoudements au bastingage derrière le podium) sert avec une imagination époustouflante les séduisantes « variations fantastiques sur un thème chevaleresque » de Strauss. Yo-Yo Ma, tour à tour conteur et poète, joue en chambriste, les yeux dans l’orchestre, cette partition qu’il connaît sur le bout de l’archet pour en avoir livré il y a quinze ans une version de référence avec le Boston Symphony Orchestra alors dirigé par Seiji Ozawa (l’album vient d’être remastérisé chez Sony Classical). A bientôt 60 ans (il est né à Paris le 7 octobre 1955), le grand violoncelliste américain prouve qu’il est toujours un artiste de premier plan tant lui sied cette musique fantasque et tendre, grotesque et malicieuse, qui mêle aux envolées lyriques du Chevalier à la Triste Figure les interjections cocasses voire potaches de son pragmatique écuyer Sancho Pança (l’excellent altiste solo Steven Ansell). Le grand Yo-Yo mourra dans un dernier soupir en léger glissando, le violoncelle inerte posé dans ses bras entrouverts.Philharmonie de Paris, Paris-19e. Prochains concerts avec Hélène Grimaud (piano) et l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction) les 9 et 10 septembre à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 60 €. philharmoniedeparis.frMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Christine Rousseau Magazine sur Paris Premières à 12 heures Alors que débute la Braderie de Lille, François-Régis Gaudry ouvre son carnet d’adresses gourmand et surprenant.Le premier week-end de septembre, des milliers de chineurs investissent les rues de Lille en quête de la bonne affaire, de l’objet unique, singulier ou improbable, qui viendra parfaire leur intérieur ou compléter une collection. Et comme les cent kilomètres de cette immense braderie – la plus grande d’Europe – ouvrent les appétits, nombreux sont ceux qui succombent aux incontournables moules-frites. Or, derrière les montagnes de coquilles qui s’amoncellent, se révèle plus d’un lieu pour mettre les papilles à la fête. Car la « belle endormie » que fut Lille a su, comme le dit si bien François-Régis Gaudry, se refaire une beauté dans l’assiette, loin des traditionnels welsh et carbonnade.Redoutablement appétissantPour s’en convaincre, il n’est qu’à mettre ses pas dans ceux de cet infatigable dénicheur et fin gourmet, qui distille bons plans et bonnes adresses, en trois temps, trois mouvements, chaque semaine, sous les coups de midi, dans son magazine dominical, si bien nommé Très très bon.Après une halte à la crémerie Delassic pour remplir son panier d’un Crayeux de Roncq – le maroilles, vous n’y couperez pas… – ou d’un Ecume de Wimereux – double crème qui mettra sans doute au supplice quelques amateurs de fromages –, M. Gaudry s’en va gaillardement les accorder avec quelques bières locales, sur les conseils avisés du patron des Bières de Célestin.Puis, le temps de faire s’affronter – et par là même de faire découvrir – deux jeunes chefs toqués de leur région, le voici déjà attablé, en compagnie d’une jeune blogueuse lilloise, au Bloempot, « restau-phénomène » où, dans une ambiance rustique et un poil hipster, sévit le médiatique, mais non moins talentueux et étoilé Florent Ladeyn, qui a été l’une des belles révélations de « Top Chef » 2013.Les amateurs de street-food et les becs sucrés ne sont pas oubliés grâce à ses deux chroniqueuses : Mina, qui teste le Tamper !, un coffee-shop - cantine où l’on joue « le plus possible » la carte du bio et du local ; et Elvira, qui passe au banc d’essai les célèbres gaufres de chez Meert.Riche, surprenant et redoutablement appétissant, ce menu express troussé avec verve et humour en vingt-huit minutes, séduit. Car, même si la formule du « carnet d’adresses gourmand » n’est pas nouvelle, M. Gaudry a su malicieusement la renouveler et, chemin faisant, la mettre au goût du jour. A sa manière, sans chichis ni envolées lyriques, simplement avec un art consommé de la curiosité et du partage.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Martine Delahaye Série sur Netflix « Narcos », ou l’invention du narcoterrorisme d’Etat par Pablo EscobarPour suivre les dix épisodes de « Narcos », nouvelle série de Netflix, mieux vaut s’intéresser a priori au trafic international de la drogue. Et oublier au plus vite la « boursouflure » sur laquelle s’ouvre son premier épisode : une introduction écrite sur « le réalisme magique ». Rien de commun, en réalité, entre la constitution d’un cartel de narcotrafiquants par le Colombien Pablo Escobar, que cette série reconstitue, et « le réalisme magique » que l’on considère comme l’une des marques de l’œuvre d’un autre Colombien, le Prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez (1927-2014)…Mieux vaut, enfin, pour pouvoir l’apprécier jusqu’à son terme, se préparer à une première moitié qui peut lasser de par son montage haché, ses séquences au rythme très nerveux et le recours à un récit en voix off relatant l’irrésistible ascension du personnage haut en couleur que fut Pablo Escobar. Pour autant, une fois les personnages et le décor installés, une fois l’information documentaire délivrée (notamment au travers d’images d’archives, sur les données géopolitiques en jeu entre Amérique du Sud et Amérique du Nord), « Narcos », dans sa deuxième partie, devient assez fascinante.Les années 1980Fascinante parce qu’elle nous transporte dans une époque révolue, les années 1980, celles de Reagan aux Etats-Unis, d’un Escobar à la veille de devenir un monstre sanguinaire pour les uns, un Robin des pauvres pour les autres ; et nous ramène aux débuts d’une lutte aux armes inégales entre services secrets américains et narcotrafiquants.Fascinante, aussi, parce que l’on passe peu à peu, au fil des épisodes, de l’aspect « reconstitution froide » de la constitution d’un marché de la cocaïne, à l’histoire incroyablement romanesque, bien que réelle, de la Colombie. Un pays qui d’un côté se voit pris en otage par un narcotrafiquant imposant de sidérants diktats à ses gouvernements successifs (allant jusqu’à éliminer les candidats à la présidentielle rétifs) et de l’autre se trouve incapable de lutter contre Pablo Escobar sans l’aide de l’Amérique du Nord (CIA, FBI…).L’histoire nous est contée par un agent de la DEA (Drug Enforcement Administration), Steve Murphy, nouvellement arrivé à Medellin pour seconder son collègue Javier Pena dans la surveillance des narcotrafiquants de la région (tous deux doubles fictifs de deux agents nord-américains ayant réellement existé). Or, dans la guerre du renseignement que se livrent forces de l’ordre et forces du mal, qui pour neutraliser Pablo Escobar, qui pour infiltrer des tonnes de cocaïne chaque jour aux Etats-Unis, l’agent colombien a l’avantage du terrain : son argent lui permet d’acheter à peu près tout le monde. Son leitmotiv auprès des réticents étant « De l’argent ou du plomb » (« Acceptez mon argent et que je fasse mes affaires, ou acceptez les conséquences de votre refus pour vous et votre famille »).Si la structure narrative de « Narcos » rappelle celle des Affranchis, de Martin Scorsese, comme l’a indiqué son réalisateur Jose Padilha, le récit hautement romanesque du narcoterroriste mégalomane Pablo Escobar (fort bien interprété par le Brésilien Wagner Moura) nous a surtout fait penser, en fin de série, à un autre mafieux, fictif celui-là : Tony Soprano…« Narcos », créée par Chris Brancato, Carlo Bernard et Doug Miro et réalisée par Jose Padilha. Avec Wagner Moura, Boyd Holbrook, Pedro Pascal (Etats-Unis, 2015, 10 x 52 min). Les dix épisodes sont tous disponibles.Martine DelahayeJournaliste au Monde Joël Morio La station, qui cultive sa différence musicale à travers des choix artistiques affirmés, entend, grâce à la radio numérique terrestre, élargir son auditoire.Près de trente ans après sa création, OÜI FM reste sur son créneau : le rock. Mais ses premiers auditeurs « purs et durs » ont sans doute aujourd’hui un peu de mal à reconnaître les morceaux diffusés par une des « historiques » de la bande FM. « Cette radio est née rock, elle est toujours rock. La seule nuance qu’il faut apporter, c’est qu’elle vit avec son temps. La notion de ce qui est rock n’est pas la même qu’il y a trente ans », explique Emmanuel Rials, le président de la station. « Pour un auditeur des années 1980, le rock c’était peut-être les Clash, les Rolling Stones, Noir Désir ou les Rita Mitsouko pour la partie française. Aujourd’hui, pour un auditeur de 20 ans, c’est aussi l’électro-rock ou l’électro-pop, comme Shaka Ponk ou The Avener. Il y a davantage de chapelles qu’au moment du lancement de la station, mais elles sont toutes compatibles, ce qui n’était pas le cas à l’époque. »Malgré la concurrence de stations comme RTL 2 ou RFM qui puisent aussi dans les classiques du rock, OÜI FM veut cultiver sa différence. « Nous diffusons toujours des morceaux emblématiques, ce que l’on appelle des pépites, mais ils sont intégrés au sein d’un courant musical rock pop et soul très moderne », indique M. Rials. Surtout, par rapport aux réseaux qui appartiennent à de grands groupes, OÜI FM, qui fêtera exactement ses 29 ans en février 2016, continue à faire de la radio à l’ancienne.« Le grand écart »« Nos concurrents peuvent dépenser 1 à 2 millions d’euros par an pour étudier des panels et savoir ce qu’il faut diffuser, je n’ai pas un tel budget. Ce que nous faisons, ce sont des choix artistiques. » Les partis pris peuvent apparaître clivants, mais ils sont totalement assumés. Sur OÜI FM, on peut entendre Metallica ou Motörhead dès le réveil ou écouter les 11 min 40 s de The End, des Doors. « Plus de 50 % de nos titres ne sont diffusés sur aucune autre radio », se félicite le directeur de la station.Alors que les musicales attendent 6 heures pour ouvrir leur tranche matinale, OÜI FM réveille ses auditeurs dès 5 h 30 cette saison. Son nouveau « Morning du matin » réunit désormais Caro et Jérôme, un jeune animateur venu de Saint-Etienne.Autre différence par rapport aux radios qui ciblent un auditoire particulier, le public de la station, entrée fin 2008 dans AWR, le groupe d’Arthur, est assez large. « Il a entre 20 et 50 ans. Nous avons autant d’auditeurs dont l’âge se situe entre 25 et 35 ans qu’entre 35 et 49 ans. C’est le grand écart. On se fiche de plaire davantage aux adultes. Notre désir est de plaire à ceux qui nous écoutent. »Révolution numériqueDiffusée pendant deux décennies uniquement en Ile-de-France, la radio a tardivement décidé de s’implanter dans tout l’Hexagone. Elle ne dispose que d’une vingtaine de fréquences, et encore, si l’on inclut celles qu’elle a obtenues en RNT (radio numérique terrestre) à Marseille et Nice. « Il est indispensable pour une radio comme OÜI FM de rayonner. Nous avons candidaté à chaque appel du Conseil supérieur de l’audiovisuel, mais les fréquences disponibles ne sont pas très nombreuses », observe avec philosophie Emmanuel Rials.OÜI FM compte bien sur la RNT pour étendre la couverture du territoire alors que certains experts la juge déjà mort-née. « Dans toute l’Europe, ça fonctionne. Dans certains pays, elle représente 40 % de l’audience, d’autres ont même décidé l’extinction de la radio analogique. Il ne faut pas regarder la RNT avec un prisme parisien. Lorsqu’elle arrivera dans des villes comme Bordeaux, ce sera une véritable révolution pour les auditeurs, qui pourront disposer d’une soixantaine de radios contre une vingtaine aujourd’hui. C’est génial d’être en Ile-de-France, il y a 55 radios, et il est difficile de ne pas trouver celle que l’on aime. Mais cela ne se passe pas ainsi partout. A Périgueux, par exemple, on a le choix entre 12 stations, dont 7 du service public. Un tiers de la population française reçoit moins de 10 radios », souligne-t-il.Concerts et festivalsOÜI FM table sur d’autres canaux pour se faire écouter : un site, une application téléchargeable sur les smartphones, « le seul problème, ce sont les opérateurs, car avec un forfait de 5 Go, vous ne pouvez écouter la radio qu’une heure et demie par mois », explique encore Emmanuel Rials. La radio compte également sur… la télévision pour se développer. « La radio filmée est destinée à cette génération qui a besoin d’images et regarde la musique sur YouTube. Cette télé diffusée sur le Web réunit 300 000 téléspectateurs chaque mois et nous avons presque atteint les 500 000 en août », affirme-t-il.Pour accroître sa notoriété, la station mise également sur des festivals. Pendant trois jours en juin, plus de 25 000 personnes sont venues assister chaque soir à des concerts gratuits place de la République à Paris. En hiver, OÜI FM propose « Bring the Noise », émission destinée aux amateurs de métal. Enfin, elle organise une fois par mois des sessions très privées qui sont ouvertes à une soixantaine d’auditeurs. La station prévoit de programmer des concerts dans toute la France cette saison. Histoire de ne pas décevoir son nouveau public de province.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire sur Arte à 17 h 35 Rachel Kahn et Olivier Lemaire reviennent sur l’histoire des spoliations opérées par les nazis.Méthodiquement, des centaines de milliers d’œuvres d’art ont été volées par les autorités nazies dans les pays occupés. Rien qu’en France, on estime à environ cent mille le nombre d’œuvres concernées. Sous l’égide de l’ERR, service spécialement créé pour l’occasion et, de fait, organe officiel de la spoliation, le processus du pillage a été méticuleux : certaines toiles étaient destinées à la collection personnelle du Führer, d’autres à celle, monumentale, d’Hermann Göring. Les musées et les ambassades allemandes se servaient ensuite.Conscients que l’art, considéré à leurs yeux comme « dégénéré » (de Chagall à Picasso en passant par Matisse ou Léger), avait une grande valeur marchande, les nazis mirent en place un système de vente lucratif. Collectionneur compulsif, accumulant des trésors spoliés à des marchands d’art juifs, Göring a un jour échangé quatre Matisse contre un Bruegel. Ce même Göring s’est rendu, en quelques mois, à plus de vingt reprises, au Musée du Jeu de paume, où étaient entreposés les trésors volés. Durant toute la guerre, le marché de l’art, à Paris, a été très actif. Les ventes se succédaient à Drouot, la collaboration artistique se portait à merveille et, comme le souligne un avocat spécialiste de la question, « tout le monde a profité de la spoliation ».« Très émouvant »Créée en novembre 1944, la Commission de récupération artistique a permis de restituer 45 400 tableaux à leurs propriétaires. Mais les autres, que sont-ils devenus ? Sobre et riche en témoignages, ce documentaire retrace le parcours étonnant de trois œuvres majeures ayant appartenu à des collectionneurs juifs : L’Homme à la guitare, de Georges Braque (collection Alphonse Kann), Soleil d’automne, d’Egon Schiele (collection Karl Grünwald), et Profil bleu devant la cheminée, d’Henri Matisse (collection Paul Rosenberg).Fasciné par l’art moderne dès les années 1920, le Britannique Alphonse Kann fuit Paris à l’arrivée des troupes allemandes. Dès octobre 1940, sa maison de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) est pillée, des œuvres majeures disparaissent. Mort à Londres en 1948, on ne saura jamais si Kann a pu remettre la main sur L’Homme à la guitare, tableau qui réapparaît en 1981 au Centre Pompidou ! Durant de longues années, les héritiers livreront une délicate bataille judiciaire pour le récupérer. L’Autrichien Karl Grünwald fuit lui aussi son pays et, en 1942, place Soleil d’automne dans un entrepôt à Strasbourg. Des décennies plus tard, le chef-d’œuvre réapparaîtra dans un modeste appartement de Mulhouse (Haut-Rhin)…La toile de Matisse, mise à l’abri dans un coffre d’une agence bancaire de Libourne (Gironde) par Paul Rosenberg, connaîtra elle aussi une destinée hors du commun. Lorsqu’il meurt en 1959, le célèbre marchand d’art ignore encore ce qu’est devenu ce tableau exceptionnel. Le voilà qui resurgit en 2012, prêté par une fondation privée norvégienne au Centre Pompidou ! « Retrouver une toile comme celle-là est très émouvant… Qu’est-ce qu’elle a vu passer, depuis qu’elle a été peinte dans l’atelier de Matisse ! », souligne Anne Sinclair, petite-fille de Paul Rosenberg. Présentée depuis longtemps dans un musée d’Oslo, la toile de Matisse quittera finalement la Norvège pour revenir aux héritiers. Un cas de figure assez rare, car, pour de nombreux conservateurs, une fois qu’un tableau est dans un musée, il ne doit en sortir sous aucun prétexte. Et peu importe qu’une famille en ait été spoliée.Spoliation nazie, trois chefs-d’œuvre miraculés, de Rachel Kahn et Olivier Lemaire (France, 2015, 54 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Faut-il réaliser des pilotes pour les séries ? La question est revenue à l’ordre du jour depuis que Delphine Ernotte, la nouvelle présidente de France Télévisions, a confirmé, lundi 31 août, lors d’un déjeuner organisé par l’Association des journalistes médias, qu’elle souhaitait mettre en place sur le service public de nouvelles règles pour la commande des séries. En clair : commander des pilotes (premiers épisodes tests) dont la durée pourrait atteindre cinquante-deux minutes, soit la durée d’un épisode, comme cela se pratique depuis de nombreuses années aux Etats-Unis par les grands networks.Un engagement qu’elle avait pris en tant que candidate à la présidence du service public lors de son audition devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel. « Ce système ne s’appliquerait que pour quelques projets et dans les limites des finances de France Télévisions », prévient-on dans l’entourage de Delphine Ernotte. Comme en écho à ces propos, Alexandre Michelin, président du jury de sélection du Festival de la fiction TV qui aura lieu à La Rochelle du 9 au 13 septembre, constatait dans une tribune publiée par Le Monde le 1er septembre « qu’au moment où la fiction mondiale – américaine, danoise, anglaise, israélienne ou turque – vit un âge d’or (…), reconnaissons que notre audiovisuel demeure dans une incapacité structurelle à rebondir. Que les donneurs d’ordres prennent avec les artistes et les créateurs le risque économique et financier du renouvellement ».ScepticismeSi la mesure annoncée par Mme Ernotte était instaurée sur les chaînes de service public, ce serait une petite révolution dans les rapports souvent compliqués qui se sont développés au fil des ans entre producteurs et diffuseurs. Il est vrai qu’en France, une certaine frilosité s’est installée dans les chaînes du service public. Au-delà de la rigueur budgétaire, les responsables des unités de fictions s’appuient essentiellement sur les pitchs présentés par les auteurs et les producteurs pour décider la mise en production d’une série. Un dialogue qui vire souvent à de très longues négociations, sans pour autant aboutir à une certitude de pouvoir développer un projet.Or, avec le système du pilote de longue durée, les chaînes pourraient rapidement vérifier, avant tout engagement financier, la viabilité (ou pas) d’un projet. Ce serait en tout cas le meilleur moyen pour voir si l’intrigue peut tenir la route sur plusieurs épisodes et cela permettrait aux responsables de fictions de se donner une idée concrète du casting, des décors, de la mise en scène ou de la musique… « Voilà des années que l’on parle de modifier ces méthodes et c’est un signe très encourageant que la nouvelle présidente de France Télévisions s’empare du sujet », s’exclame Emmanuel Daucé, codirecteur du département création de séries télé à la Fémis et coproducteur de nombreuses séries dont « Un village français ». « Cette mesure permettrait à tous les auteurs et producteurs de sortir de cette pyramide de la peur et, surtout, de stopper cette machine infernale de négociations sans fin qui tuent le désir d’écriture et de création. Les responsables des unités de fictions ne peuvent plus se contenter de s’appuyer sur quelques lignes écrites sur du papier. Le texte est une démarche intellectuelle alors que l’image fabrique de l’émotion », poursuit-il.Lire aussi :Un dispositif propre à attirer les bons auteursUn enthousiasme partagé par de nombreux auteurs qui, pour la plupart, attendent souvent plusieurs années avant de se lancer dans l’écriture. « Même si personne ne peut prévoir le succès, le principe d’un pilote pour un créateur est fondamental. Il permet de vérifier le choix d’une intrigue et de visualiser si l’idée sur le papier peut devenir une œuvre, souligne la scénariste Anne Rambach, qui a participé à l’écriture de nombreuses séries dont « Candice Renoir », « Plus belle la vie » ou « Engrenages ». Le changement d’équipe à France Télévisions est sûrement une bonne occasion de mettre cette idée en pratique. D’autant plus que la courbe des audiences des fictions françaises est en forte hausse face aux séries américaines. Sur France 2, elles ont rencontré leur public. » Même écho de la part de Guilhem Cottet, délégué général de la Guilde des scénaristes, qui se « réjouit » de cette proposition. « Tout ce qui peut favoriser une prise de décision plus rapide est le bienvenu, plaide t-il. Il y a toutefois un modèle économique à trouver autour du pilote, qui passe, en premier lieu, par la mise en place de véritables ateliers d’écriture qui font défaut sur les séries. »Du côté des autres chaînes de télévision, on reste plutôt sceptique face à l’initiative de la présidente de France Télévisions. « C’est une question importante mais, à la différence des Etats-Unis, où les chaînes ont d’énormes capacités financières en matière de production, ce marché n’existe pas en France, souligne Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction sur Canal+. L’investissement financier dans un pilote sous la forme d’un épisode est économiquement impossible pour Canal, où l’on produit essentiellement des séries feuilletonnantes avec des épisodes qui avoisinent le million d’euros. »RéactivitéDu côté d’Arte, qui coproduit plusieurs séries réalisées par des auteurs, on se refuse à bouleverser le modèle économique. « Nous ne pratiquons pas la commande de pilotes et nous n’envisageons pas de le faire », indique Olivier Wotling, directeur de l’unité fiction de la chaîne franco-allemande, en soulignant que la diversité et la structure du tissu de producteurs en France ne permettent pas, pour le moment, une grande réactivité dans la mise en production rapide de séries.En attendant que le projet de Mme Ernotte voie le jour, France 2 et France 3 ne comptent pas relâcher leurs efforts sur le renouveau qu’elles ont su apporter à leurs séries qui connaissent des audiences particulièrement positives. « Avec une moyenne de 4 millions de téléspectateurs pour les fictions lancées en première partie de soirée, l’année a été exceptionnelle », s’est réjoui, mercredi 2 septembre, Thierry Sorel, directeur de l’unité de programmes fiction de France 2, lors de la présentation de la grille de rentrée. Il a d’ores et déjà annoncé la reconduction de nombreuses séries (« Les Petits Meurtres d’Agatha Christie », « Deux flics sur les docks », « Cherif », « Candice Renoir », « Nina », « Accusé »…) et l’arrivée de nouvelles productions qui devraient marquer la saison qui s’ouvre. Notamment, la série réalisée par Cédric Klapisch, « Dix pour cent », qui s’inspire de la vie de Dominique Besnehard, le célèbre agent de comédiens, et « Malaterra », adaptation française de « Broadchurch », dont les saisons 1 et 2 ont rencontré un très beau succès sur France 2.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin A Palmyre, en Syrie, trois des principales tours funéraires de la vallée des tombeaux de la cité antique, datant du premier siècle de notre ère, ont été détruites par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), comme le montrent les images satellites.Il s’agit des tombeaux des familles les plus riches parmi les grandes tribus qui contrôlaient le commerce caravanier, entre l’Euphrate et la Méditerranée. Les soies, coton, pierres précieuses, parfums, encens, provenant de Chine, d’Inde, de Perse, d’Arabie, étaient très prisés à Rome. Ces familles, dont les noms figurent sur les tours, finançaient les caravanes de centaines de dromadaires pour convoyer ces biens.Les hautes tours, en pierre de taille, visées sont les plus complètes et les plus décorées, avec leurs plafonds peints en guise de voûte céleste et leurs scènes de banquets animées par les bustes sculptés des défunts. Il s’agit des tours Elahbel, Jamblique et Khitôt, sur laquelle le patriarche est représenté avec sa femme et ses deux enfants. Jusqu’à cinq générations étaient réunies, dans chacune des tours-tombeaux, sur quatre étages, chacun pouvant contenir une quarantaine de défunts.L’opération de destruction radicale des vestiges de l’un des joyaux du Proche-Orient par l’EI suit son cours. Après la décapitation en place publique de l’ancien directeur du site archéologique, Khaled Al-Asaad, les destruction des temples de Baal (ou Bêl) et de Baalshamin, ce sont les tours funéraires ornées qui ont été rasées, sans doute à l’explosif.Lire aussi :A Palmyre, la destruction du temple de Baal est un crime de guerre intolérable pour l’UnescoLire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Dagen Libre depuis juillet, l’artiste chinois a supervisé l’exposition à la Royal Academy of Arts, une première depuis cinq ans.Le 22 juillet 2015, Ai Weiwei a mis en ligne une photographie le montrant avec, à la main, son passeport, que les autorités chinoises se sont enfin décidées à lui rendre, quatre ans après le lui avoir retiré, au printemps 2011. Une condamnation, officiellement, pour fraude fiscale. Mais ce motif n’expliquait pas les quatre-vingt-un jours d’incarcération que l’artiste venait de subir, sans procès, mais non sans mauvais traitements. Son véritable crime ? Dénoncer le comportement du gouvernement chinois après le tremblement de terre du Sichuan, le 12 mai 2008. Le pouvoir n’a jamais officiellement reconnu que des milliers d’enfants sont morts parce que les écoles où ils se trouvaient à l’instant du séisme avaient été construites avec des matériaux de mauvaise qualité et au mépris des normes de sécurité. C’est pour avoir publié sur son blog les noms de 5 000 de ces victimes de la corruption et de la négligence qu’Ai Weiwei est arrêté.Après avoir été un artiste plutôt en cour, il devient l’ennemi à faire taire. Mais comment y parvenir dans un monde connecté ? Bien qu’interdit de sortie du territoire et constamment surveillé par la police, il ne cesse de donner de ses nouvelles par Internet et met ainsi en ligne chaque jour durant plusieurs mois une photo de son vélo devant son atelier, des fleurs coupées dans son panier.Une libération politiqueEn 2012, la vidéo où il parodie la danse du titre Gangnam Style les poignets menottés, produite grâce à Anish Kapoor, est vue par des millions d’internautes. La censure n’est pas plus capable d’empêcher que des expositions de ses œuvres se tiennent en Europe et aux Etats-Unis. L’une d’elles a pour théâtre l’ancien pénitencier d’Alcatraz, dans la baie de San Francisco, de septembre 2014 à avril 2015 : un lieu parfaitement choisi pour un prisonnier. Est-ce en constatant l’inefficacité de ses mesures que le gouvernement chinois a préféré y mettre un terme le 22 juillet ? Ou pour donner un signe de « bonne volonté » quelques jours avant le choix de Pékin comme ville organisatrice des Jeux olympiques d’hiver 2022 ?La décision a, quoi qu’il en soit, fait le bonheur de la Royal Academy of Arts, qui l’a immédiatement fait connaître. La rétrospective Ai Weiwei qui se déroulera à partir du 19 septembre devait être, comme les précédentes, une exposition préparée à distance. Elle sera la première depuis plus de cinq ans dont l’artiste pourra diriger lui-même l’installation et à l’ouverture de laquelle il pourra participer. Très belle opération pour la Royal Academy. L’institution londonienne a immédiatement profité de cet avantage. Dans la vaste cour par laquelle on pénètre dans le bâtiment, Ai Weiwei a souhaité installer une version monumentale de sa pièce Tree, idée sur laquelle il travaille depuis 2009. Elle sera composée de huit arbres, chacun mesurant au moins sept mètres de haut et tous obtenus en assemblant des morceaux de bois collectés dans les campagnes du sud de la Chine et achetés par l’artiste sur le marché de Jingdezhen, capitale de la porcelaine.A partir de ces fragments de souches, de troncs et de branches, il s’agit pour lui de recomposer des arbres vraisemblables et, symboliquement, de rendre hommage à une nature de plus en plus dévastée. Le travail est long et délicat. Pour l’accomplir dans des délais si brefs, il manquait au budget de l’exposition 120 000 livres sterling (164 000 euros). Elles ont été réunies en peu de temps grâce à une campagne de crowdfunding lancée le 3 août sur Internet, dont Ai Weiwei est décidément l’un des virtuoses.L’influence de Marcel DuchampL’exposition elle-même s’inscrit dans la logique artistique et intellectuelle qui est la sienne depuis les années 1980, son long séjour de 1981 à 1993 à New York et sa découverte de l’art moderne occidental, alors qu’il était interdit de séjour dans son pays natal. Il a lui-même souvent déclaré combien est alors capitale pour lui l’œuvre de Marcel Duchamp. Il le répète aujourd’hui encore : « Je pense que Duchamp est l’artiste qui a le plus influé sur ma pratique artistique, peut-être le seul qui l’ait influencée. Nous tirons tous bénéfice de ce qu’il a fait, il n’y a aucun doute là-dessus. » Duchamp est l’inventeur du ready-made, objet commun pris dans la réalité et transféré, tel quel ou légèrement corrigé, dans l’espace de l’art.Ai Weiwei se sert de bicyclettes, de tables et de chaises en bois, de vases en terre cuite, de barres de fer. Il les accumule, les superpose, construit des grappes de vélos ou, simplement, aligne sur le sol des rangées de vases. Mais chacune de ces choses ordinaires doit être comprise comme une allusion ou une allégorie. La bicyclette est celle du prolétaire chinois tel que la propagande maoïste l’exaltait. La table est de style traditionnel, de même que les vases, et Ai Weiwei a brisé l’un d’eux devant un appareil photo en mémoire des ravages commis au temps de la Révolution culturelle. Sur ce point, il se sépare profondément de son maître Duchamp : il réinterprète le procédé du ready-made dans un sens narratif et symbolique, ce que l’auteur de Fontaine refusait absolument. Deux exemples, pris dans l’exposition. A première vue, Straight (2008-2012) est un ensemble de barres de métal sans le moindre intérêt et l’on peut se demander pourquoi Ai Weiwei a tenu à ce qu’il y en ait tant. La provenance et l’histoire de ces tiges nous éclairent. Elles faisaient partie des ruines des maisons effondrées du Sichuan, dont elles étaient supposées soutenir les structures. Ai Weiwei les a collectées clandestinement puis a redressé à la main celles qui étaient tordues. Straight n’est donc pas une collection de fers à béton, mais un hommage aux victimes et le rappel des fautes qui ont rendu les constructions du Sichuan si vulnérables. L’installation ne se comprend pas sans le récit de sa genèse.Il en est de même de Remains, qui est l’une de ses créations les plus récentes. Elle présente au regard une collection d’ossements humains, en réalité des copies en porcelaine d’une calotte crânienne, d’omoplates ou de vertèbres. Les os, qu’Ai Weiwei s’est refusé à montrer directement, sont ce qui reste d’un squelette retiré de façon clandestine du sol où il avait été enfoui : le sol d’un ancien camp de travail, de ceux dans lesquels le pouvoir maoïste a enfermé tous ses supposés « ennemis », parmi lesquels professeurs, savants et écrivains étaient en nombre. L’un d’eux était le poète Ai Qing, dénoncé pour dérive idéologique en 1958, exilé avec sa famille dans le Xinjiang, enfermé dans un camp de « rééducation » et accablé d’humiliations. Il y est resté jusqu’à la mort de Mao en 1976. Or, Ai Qing est le père d’Ai Weiwei, qui se souvient « avoir grandi dans le désert de Gobi ». La persécution de ses parents, ses souvenirs d’enfant exilé et les horreurs du communisme chinois : tels sont les sujets réels de Remains, sujets cryptés, sujets tragiques.D’autres œuvres sont plus immédiatement explicites, souvent dans le registre de la parodie absurde. Les caméras de vidéosurveillance, dont Ai Weiwei a fait sculpter des répliques en marbre blanc, renvoient à la vingtaine de caméras que la police a placées autour de son atelier pékinois pour mieux l’espionner. Quant aux vases aux styles imités de différentes périodes anciennes et qu’il expose badigeonnés de couleurs les faisant ressembler à des objets en plastique, ils sont une allusion directe à la production des fausses pièces archéologiques qui inondent le marché. Autant dire que l’exposition londonienne n’est pas de nature à améliorer les rapports entre Ai Weiwei et ceux qui aimeraient tant qu’il n’ait jamais existé.Ai Weiwei. Royal Academy of Arts, Burlington Gardens Site, London. Du 19 septembre au 13 décembre. www.royalacademy.org.uk Philippe DagenJournaliste au Monde Claire Guillot (Perpignan, envoyée spéciale) et Emmanuelle Jardonnet A Perpignan, où sont réunis, jusqu’au 13 septembre, les photojournalistes de la planète pour le festival Visa pour l’image, l’emballement mondial dans la presse et les réseaux sociaux autour de la photo du petit Syrien noyé, Aylan Kurdi, a pris beaucoup de gens par surprise. Et en particulier, les photographes qui travaillent sur le sujet des migrants, pour qui cette image d’un enfant noyé n’est ni choquante ni extraordinaire, malheureusement.Lire aussi :« J’aimerais vraiment que ma photo puisse aider à changer le cours des choses »Giulio Piscitelli, qui expose à Visa des images sur « l’immigration et l’Europe-forteresse » qu’il a réunies pendant quatre ans dans une dizaine de pays, s’étonne : « J’ai vu des photos de corps sur la plage en Libye, dont des enfants, la semaine dernière encore. Pourquoi celle-ci ? Je ne sais pas, mais si, au milieu de la boulimie d’images actuelle, une photo peut éveiller les consciences, c’est tant mieux. »« Un enfant seul »Olivier Jobard, connu pour son travail de longue haleine sur les migrations, s’interroge aussi : « L’île de Kos a été le spot de l’été pour beaucoup de photographes, personne ne réagissait… peut-être que le sujet a mûri, tout simplement. » Ce photographe s’applique, depuis longtemps, à incarner ces histoires de migrations à travers des individus – comme ces cinq jeunes Afghans qu’il a accompagnés dans leur périple pendant quatre mois et qui font aujourd’hui l’objet d’un livre, Kotchok (Ed. Robert Laffont). « Mon idée est toujours de sortir les gens de la masse et de les individualiser. Cette image y est sans doute parvenue, en montrant un enfant seul, pas dans un bateau du style Radeau de la méduse, qui déborde de gens. » Ce sont plutôt les éditeurs photo et les iconographes qui reconnaissent le pouvoir émotionnel et symbolique de l’image. Olivier Laurent, qui dirige Lightbox, le site de photographie lié au magazine Time, l’a sélectionnée dans sa liste des photos les plus influentes de l’année. « La force de cette image, c’est l’innocence qu’elle dégage, dit-il. L’enfant semble dormir, il n’y a pas de violence apparente. Pour les gens qui la regardent, chez eux, ça pourrait être leur propre enfant qui dort dans son lit ».« Une émotion puissante »Dans une agence, une rédactrice photo renchérit : « Dès que je l’ai vue, j’ai été choquée. Je pense que si elle est si touchante pour les gens, en Europe, c’est que l’identification marche à plein : il a une culotte courte, des petits souliers, et aussi, il ne faut pas être hypocrite, il a la peau claire. C’est le “Petit Prince”… ».En Grande-Bretagne, pour la chef du service photo de The Independent, Sophie Batterbury, qui a publié l’image, la photo « est si simple et dit tant de choses. Il n’y a pas besoin d’explications, de légende, elle n’est pas équivoque. Et le corps de ce petit garçon n’a pas été abîmé, tout est presque normal, sauf qu’il est échoué sur une plage déserte, sans sa famille, la tête simplement posée sur le sable. Ce contraste crée une émotion puissante. Le cadrage, qui montre l’immensité de la plage nous montre à quel point il est jeune, petit et seul ». « Cette photo est nécessaire »Fallait-il montrer cette image, que peu de journaux, en France, ont décidé de publier en première page, la jugeant trop choquante ? Pour Jean-Francois Leroy, directeur du festival Visa pour l’image, qui l’a montrée lors d’une projection, mercredi 2 septembre au soir, après un débat avec son équipe, cela ne fait aucun doute. « Ce n’est pas la photo qui est dure, c’est la réalité qui est épouvantable. On a vu des corps de réfugiés en train de pourrir dans un camion, c’était beaucoup plus violent. Il faut arrêter de se voiler la face. Cette photo est nécessaire. »Lire aussi :Réfugiés : une photo pour ouvrir les yeuxEn Grande-Bretagne, le journal The Independent l’a mise en très grand sur sa Une, avec une légende accusatrice. « Ce n’est pas une décision qui a été prise a la légère, explique Sophie Batterbury. Et c’est une photo si forte qu’elle a impliqué pour nous de lui donner toute la place. Il n’y avait pas de demi-mesure possible. Cela correspondait aussi à notre sentiment : il faut faire quelque chose face à ce drame humain ».L’enthousiasme extrême des réseaux sociaux pour cette image plonge cependant pas mal de photographes dans la perplexité. « Est-ce qu’une photo est vraiment capable de changer les opinions durablement ?, s’interroge Olivier Jobard. Ce sont les mêmes tabloïds anglais, qui ont vomi sur l’invasion des migrants, qui publient maintenant cette photo, en misant sur l’émotion facile. Je ne sais pas si cette image va marquer, ou si l’effet retombera comme un soufflé ».Certains, à Perpignan, font le lien avec la photo de la petite fille brûlée par le napalm au Vietnam, faite en 1972 par Nick Ut. Mais Sophie Batterbury doute que l’image d’Aylan Kurdi devienne une icône : « Aujourd’hui, il y a tellement de photographies produites chaque jour qu’il y a moins de photos iconiques, qui symbolisent tout un moment. C’est l’époque qui veut ça. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteClaire Guillot (Perpignan, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sandrine Blanchard Elle pouvait aussi bien incarner une bourgeoise snob et égocentrique qu’une coiffeuse simplette écrivant à son chanteur préféré « mon Johnny je t’aime, mon Johnny je te veux ». Sylvie Joly, comédienne et humoriste admirée de ses pairs pour avoir ouvert la voie d’un rire au féminin, est morte vendredi 4 septembre à l’âge de 80 ans d’un arrêt cardiaque à son domicile parisien. En 2010, dans les dernières pages de son autobiographie (C’est votre vrai nom ? Flammarion) elle avait révélé en quelques lignes être atteinte de la maladie de Parkinson.« Je suis née clown » répétait cette fille de bonne famille, deuxième d’une fratrie de huit enfants, renvoyée de sept institutions religieuses pour indiscipline et persuadée depuis son adolescence qu’elle avait « reçu du ciel le don de faire rire » et que telle était sa « mission sur terre ». A l’âge de 32 ans, elle change de vie, vend sa robe d’avocate, s’inscrit au Cours Simon, fréquente le petit conservatoire de Mireille et l’école Tania Balachova. Les études de droit, le barreau, c’était juste pour satisfaire ses parents.Lire : Pierre Palmade : « Sylvie Joly était une bourgeoise délinquante »En attendant de pouvoir assouvir sa passion de la scène, Sylvie Joly devient commerçante, pionnière de la fringue d’occasion. Elle ouvre Le Saint-Frusquin, premier dépôt-vente de vêtements chics où se croisent Anouk Aimée et Brigitte Bardot. C’est grâce aux sketches que lui écrit sa sœur Fanny puis son frère Thierry que Sylvie Joly se lance, au tournant des années 1970, dans le one-woman-show. Cette admiratrice de Jacqueline Maillan devient l’une des premières femmes – avec Zouc, dans un autre registre – à créer un seule en scène.PionnièrePendant trois décennies, « la Joly », avec sa choucroute de boucles blondes, ses robes noires et ses boas de plumes roses, s’installe avec succès dans le paysage humoristique grâce à sa myriade de personnages désopilants, son franc-parler, sa capacité à transformer des situations banales en scènes drolatiques et des textes ciselés. À la fois pince-sans-rire et volcanique, elle est hilarante en femme méchante et râleuse dans cet « Après-dîner » où elle dézingue le repas qu’elle vient de passer chez des amis ; et désopilante dans le rôle d’une comédienne pompeuse qui raconte son rôle de bourgeoise qui se gratte. « A Avignon, ça aurait pu durer toute la nuit. A la fin tout le monde se grattait, tout le monde grattait tout le monde, c’est énorme, c’est fantastique ».Parallèlement à sa carrière d’humoriste et à quelques pièces de théâtre (Ionesco, Tchekhov, Marivaux), elle tourne dans une bonne vingtaine de films (Calmos de Bertrand Blier, Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky, Les Misérables de Claude Lelouch, etc) et autant de téléfilms mais ne décroche jamais un « vrai » rôle. « Je ne comprends pas pourquoi je n’ai jamais eu un rôle au cinéma qui puisse se comparer à ce que je fais au théâtre, confie-t-elle dans Le Monde en 2002. Le seul que j’aurais aimé interpréter ces dernières années aurait été la belle-mère dans Un air de famille ».Novatrice, fantasque,originale. Hommage à la pionnière de l'humour féminin Sylvie Joly— anne_roumanoff (@Anne Roumanoff)require(["twitter/widgets"]);Cette grande bringue chic au regard mélancolique, reine de la caricature de ses contemporains, a fait naître des vocations. De Muriel Robin à Florence Foresti en passant par Anne Roumanoff, toutes citent Sylvie Joly parmi leurs sources d’inspiration. Mais il n’y a pas que les femmes humoristes qui disent merci à cette pionnière. Les hommes aussi lui doivent beaucoup. Lorsqu’il monte à Paris à 19 ans c’est à Sylvie Joly que Pierre Palmade fait lire ses premiers textes. Elle lui proposera de lui donner des cours et mettra en scène son premier spectacle. Des années plus tard c’est elle encore qui conseillera à Alex Lutz – qui fut le metteur en scène de son dernier spectacle La cerise sur le gâteau en 2005 – de se lancer dans le one man show.Sandrine BlanchardJournaliste au Monde SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.09.2015 à 19h19 • Mis à jour le04.09.2015 à 08h57 L’Académie de France, hébergée à la Villa Médicis, à Rome, depuis 1803, connaît sa nouvelle directrice. Il s’agit de Muriel Mayette, qui a été proposée par la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé le ministère, jeudi 3 septembre. Elle succède à Eric de Chassey à ce poste prestigieux.Lire aussi :Echecs et Mayette à la Villa MédicisPremière femme nommée à la tête de la Villa Médicis, Murielle Mayette, âgée de 51 ans, avait déjà été la première femme à diriger la Comédie-Française, de 2006 à 2014. « Son savoir-faire, tout comme son expérience acquise à la tête de [la Comédie-Française] seront un atout important pour conduire le développement » de l’Académie de France à Rome, a déclaré le ministère.Une lettre ouverte incendiaireToutefois, cette nomination ne plaît pas à de nombreux artistes. Plusieurs dizaines d’entre eux et des universitaires ont signé, mercredi, une lettre ouverte à la ministre de la culture, publiée dans Libération, dans laquelle ils demandent le maintien à la tête de l’établissement d’Eric de Chassey, dont le deuxième mandat arrive à son terme.Lire aussi :Eric de Chassey, protégé de Julie Gayet ou historien d’art méritant ?« Nous apprenons que l’on s’apprête à nommer à sa place [d’Eric de Chassey] Muriel Mayette, qui ne connaît aucun des domaines artistiques et intellectuels représentés à la Villa », écrivent les signataires de la pétition, parmi lesquels figurent le cinéaste Philippe Garrel, l’actrice Clotilde Hesme ou l’écrivain Philippe Adam. Selon eux, M. de Chassay a fait entrer l’institution dans le XXIe siècle :« La Villa Médicis est devenue, sous l’impulsion d’Eric de Chassey, un véritable lieu pour la création, en organisant des expositions de grande qualité qui ont fait date. (…) Il a mené une politique en adéquation avec le XXIe siècle (…) et assaini l’administration et les dépenses, faisant sortir la Villa de décennies de pratiques féodales. »Les signataires rappellent également la fin du mandat de Murielle Mayette à la tête de la Comédie-Française. Contestée par la majorité de la troupe, critiquée pour son bilan et ses mises en scène, on lui reproche également un « manque d’ambition artistique ».Des soutiens politiques de poidsDe plus, Mme Mayette est soupçonnée d’affinités politiques, notamment avec Manuel Valls. Lors du festival d’Avignon le 19 juillet, le premier ministre aurait lâché : « Muriel Mayette aura un grand poste ». Un soutien de poids qui ne passe pas auprès des auteurs de la lettre ouverte, pour qui « elle ne peut être là que pour des mauvaises raisons ».Dans l’un des plus beaux palais de Rome, la Villa Médicis accueille, pour deux ans, vingt-cinq pensionnaires, dans une dizaine de disciplines, de la musique à la cuisine, mais pas le théâtre. Claire Guillot C'est rarement la subtilité qui caractérise, d’ordinaire, les photos récompensées par le World Press, le prix le plus célèbre du photojournalisme : on y prime plutôt les effets spectaculaires, les sentiments exacerbés (douleur, tristesse), les actions fortes (bombardements, tueries, torture), l’hémoglobine… Y aurait-il comme une prise de conscience que ce genre d’images, certes très lisibles et efficaces, peut lasser ? Et qu’elles répondent rarement à la complexité des faits ?Comme pour répondre aux reproches faits depuis longtemps à cette imagerie répétitive et souvent pleine de clichés (riche/pauvre, victime/bourreau, mère à l'enfant ou « mater dolorosa »…), cette année, le World Press a décerné le titre de l'image de l'année à une photo sans action marquante, ni scène tragique. L'image de Mads Nissen, prise à Saint-Pétersbourg, montre un jeune couple homosexuel dans son intimité. Les poses, le clair-obscur et le décor (le drapé d'un rideau) font bien plus référence à la peinture hollandaise qu'à la photo de guerre. Les faits traités sont bien tragiques – la discrimination et la violence contre les homosexuels en Russie – mais ils sont illustrés par une image de tendresse et d’affection. « C'est une image très très subtile » a commenté Michelle McNally, présidente du jury, qui a qualifié la photo de « superbe scène ». Une photo qui montre non seulement le quotidien, mais qui a été prise dans un pays proche, pas sur le terrain d’une guerre lointaine. « C'est une chose qui manque souvent dans le photojournalisme, on a toujours l'impression qu'il faut chercher l'exotique », a commenté Donald Weber, autre membre du jury. Patrick Baz, de l’Agence France Presse, qui a également participé au jury, a insisté sur Twitter : « Ce prix parle d’amour et de haine, de paix et de guerre, et on n’a pas besoin de sang et de destructions pour décrire ça. »Lire aussi : le palmarès du World Press Photo 2015S'agirait-il d'une évolution durable ? Déjà, en 2014, le World Press avait récompensé une photo moins évidente que d'habitude, en évitant l’instant décisif et l’événement exceptionnel : on y voyait, dans une scène nocturne, des migrants lever leur téléphone portable en quête de réseau pour appeler leurs proches restés au pays. Le reste du temps, les photos de l’année du World Press font plutôt dans le spectaculaire. Les photos de sport particulièrement manipuléesAutre tendance forte en 2015 : la manipulation des images. Le jury, qui demande à tous les candidats présélectionnés d’envoyer les fichiers numériques « raw », c’est-à-dire avant toute retouche, pour les comparer avec les images soumises à la compétition, a eu des mots très durs sur la quantité de fichiers retouchés de façon excessive, et donc disqualifiés. Ce fut le cas d’une image sur cinq, soit 20 % !Le directeur général du World Press Photo, Lars Boering, a déclaré dans un communiqué : « Cette année, le jury a été très déçu de découvrir avec quelle légèreté les photographes ont traité leurs fichiers soumis à la compétition. Quand un élément a été ajouté ou retranché de l’image, cela nous a conduits à rejeter l’image en question. (...) Il semble que certains photographes ne peuvent résister à la tentation de rehausser leurs images soit en enlevant de petits détails pour “nettoyer” une image ou parfois à changer la tonalité de façon excessive, ce qui constitue un changement réel de l’image. Ces deux types de retouches compromettent l’intégrité de l’image. »Les retouches ont particulièrement affecté la section « sports », au point que le jury a renoncé à décerner le troisième prix de la catégorie « stories », faute de candidat « propre » (voir l’entretien de Lars Boering avec le British Journal of Photography, en anglais).Sens de l’image fausséUne tendance sur laquelle on peut émettre quelques hypothèses : peut-être le jury du World Press Photo est-il particulièrement sévère sur les retouches considérées comme « classiques » (couleurs réhaussées, ombres atténuées, etc.) ? On a du mal à le croire, vu que les membres sont issus de différents médias à travers le monde, avec des habitudes différentes.Ou alors peut-être les candidats au World Press ont-ils accentué les retouches dans l’espoir d’augmenter leurs chances d’être sélectionnés, sachant que le prix récompense des photos souvent parfaites techniquement ? Là encore, on peut en douter : ils savaient que leurs images seraient comparées aux fichiers originaux, et risquaient d’être disqualifiées car ces manipulations seraient considérées comme de la fraude.Ou enfin – hypothèse la plus probable, vu le nombre énorme d’images rejetées – les photographes ont pris l’habitude de retoucher leurs photos à un tel point et avec une telle facilité qu’ils ne semblent plus avoir conscience qu’ils faussent le sens de l’image. Ce qui ne laisse pas d’inquiéter sur ce qui nous est donné à voir du monde aujourd’hui. Comme s’il fallait, pour qu’elles retiennent notre attention dans le flot visuel qui nous noie, des images toujours plus léchées, toujours plus parfaites, toujours plus spectaculaires. Des images qui ressemblent plus aux jeux vidéo qu’à la réalité.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Let It Be », la messe est diteCette semaine : autour de l’album Let It Be (mai 1970).« Two of Us » (Lennon-McCartney), par Aimee Mann et Michael PennCette exquise ballade mélancolique a trouvé sa place sur bande originale du film I Am Sam. Ce mélodrame réalisé par Jessie Nelson a laissé derrière lui une jolie collection de reprises des Beatles, interprétées entre autres par les Black Crowes, Rufus Wainwright ou Ben Harper. Two of Us, chanson de couple s’il en est, est interprété par le frère et la belle-sœur de l’interprète principal du film, à savoir Michael Penn, Aimee Mann et Sean Penn.« Dig a Pony » (Lennon-McCartney), par Saint VincentAnnie Clark, qui se produit sous le nom de Saint Vincent, est aujourd’hui une icône magnifique et une auteure de premier plan. Avant d’accéder à ce statut, elle fut une guitare-héroïne exquise, comme le prouve cette interprétation en solo d’une composition de John Lennon, dont les lyrics procèdent de la tradition absurde de Glass Onion ou I Am The Walrus.« Across the Universe » (Lennon-McCartney), par David BowieCette chanson composée par John Lennon à l’époque de « l’album blanc » a attendu deux ans avant de trouver sa place sur Let It Be. Jamais les Beatles ne sont allés aussi loin dans l’expression naïve (pour ne pas dire benête) des philosophies orientales qui les fascinaient. En 1975, David Bowie, en pleine période funky s’en empare pour en donner une version passablement énervée (en phase avec l’hygiène de vie de l’époque), peut-être pour faire plaisir à son nouveau camarade de studio John Lennon avec qui il compose et enregistre Fame pendant les mêmes sessions.« I Me Mine » (Harrison), par Beth OrtonComme le montre le documentaire tourné par Michael Lindsay Hogg pendant les sessions d’enregistrement de Let It Be, les quatre garçons n’étaient pas très heureux. Ce collage de valse et de blues rapide, signé George Harrison en témoigne, et l’interprétation qu’en donne la chanteuse britannique Beth Orton accentue encore la sensation de déprime. Cette version a été enregistrée pour l’album Let It Be Revisited, compilé par le magazine Mojo, à qui cette rubrique est infiniment redevable. A ceci près que l’autre reprise enregistrée par Beth Orton à l’occasion, celle de Dig It, bribe de chanson improvisée dont on entend moins d’une minute, n’est pas disponible sur la toile.« Let It Be » (Lennon-McCartney), par Aretha FranklinLa « mother Mary » des lyrics de Paul McCartney n’est pas la sainte Vierge. Certes le futur partenaire de Kanye West est issu d’une famille irlandaise, mais c’est sa défunte maman à lui qui lui est apparue en rêve et pas celle du Messie. N’empêche que la progression harmonique et la mélodie relèvent du gospel. On ne sera donc pas surpris de voir la fille du révérend C.L. Franklin, Aretha, qui chantait si bien à la New Bethel Church de Detroit, reprendre Let It Be dès la sortie du titre, en 1970 sur son album This Girl’s In Love With You.« Maggie Mae » (traditionnel, arrangement Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par les « Quarrymen »Les guillemets qui entourent « Quarrymen » ci-dessus sont là pour signaler qu’il ne s’agit pas du groupe formé par John Lennon et Paul McCartney lors de leur rencontre en 1958 mais de son incarnation cinématographique, dans le film Nowhere Boy, récit de l’adolescence de John Lennon (Aaron Johnson) par la réalisatrice Sam Taylor-Wood, devenue depuis Sam Taylor-Johnson, qui vient de sortir très discrètement son deuxième film, Cinquante nuances de Grey. Nous ne « digreyssons » pas tant que ça puisque Maggie Mae est une chanson un peu salace des rues de Liverpool qui évoque les tribulations d’une fille de joie. L’enregistrement de Let It Be procédait d’un fantasme de retour aux sources, d’où l’exhumation de ce fragment folklorique.« I’ve Got A Feeling » (Lennon-McCartney), par BeckLà encore, une mise au point s’impose: ce Beck-là n’est pas le fils de monsieur et madame Hansen, mais un groupe de fiction, qui s’est formé entre les pages d’un manga écrit et dessiné à la fin du siècle dernier par Harold Sakuishi avant d’être adapté pour la télévision. Ces Beck de papier reprennent ici l’un des deux titres de Let It Be dont la signature Lennon-McCartney n’est pas une tromperie sur la marchandise. Comme A Day In The Life, I’ve Got A Feeling est l’assemblage de deux fragments de chanson, le début et le pont étant dûs à Paul McCartney, le fragment « Everybody’s had a hard year » à John Lennon.« One After 909 » (Lennon-McCartney), par Ricky NelsonComposée peu de temps après leur rencontre, One After 909 a été sortie du placard par Lennon et McCartney dans l’espoir, finalement vain, de retrouver l’enthousiasme des débuts. Le rockabilly un peu fruste de la chanson ne pouvait que séduire Ricky Nelson, ex-idole des jeunes devenu pilier de la musique country après avoir été supplanté dans le cœur des adolescentes par les quatre de Liverpool. La situation est assez ironique pour que l’on tolère la qualité médiocre de la vidéo.« The Long And Winding Road » (Lennon-McCartney), par Ray Charles and the Count Basie OrchestraDe toutes les chansons de Let It Be, celle-ci traîne la plus lourde charge de malheur. Sa mélodie et ses lyrics, signés McCartney respirent la lassitude, les regrets, les remords. Au moins l’auteur pouvait il se consoler en constatant qu’il était rarement parvenu à une telle sophistication. Mais son ami d’enfance s’en empara pour la confier à Phil Spector. Le producteur américain en noya le tragique sous des flots de cordes et de chœurs féminins indignes aussi bien de McCartney que de Spector. En guise d’expiation, en voici une version pour cuivres et Genius.« For You Blue » (Harrison), par Dhani HarrisonBlues simplet, mais délicat, For You Blue est ici interprété par le fils de l’auteur, avec une fidélité touchante et peut-être un peu inquiétante.« Get Back » (Lennon-McCartney), par Rod StewartLe « concert sur le toit » (de l’immeuble Apple, à Londres) se termine sur ce titre, un blues rapide signé McCartney, dont il existe plusieurs versions enregistrées. L’une d’elles reprend, pour s’en moquer, les délires racistes du politicien conservateur Enoch Powell, et les gens à qui il est enjoint de s’en retourner sont les immigrés pakistanais. Telle qu’on l’entend dans les différentes versions officielles (l’une sur le 45 tours dont la face B est Don’t Let Me Down, l’autre sur l’album Let It Be), il n’est question que de transsexuels, sur un arrangement d’une économie admirable, soutenu par le travail de Billy Preston au piano électrique. Six ans plus tard, Rod Stewart en fait un numéro pour concert de rock spectaculaire, tel qu’il s’en donnait au milieu des années 1970, ce qui témoigne, encore une fois de l’extraordinaire plasticité des compositions des Beatles.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, l'album d'une séparation annoncée.Avec son liséré noir et son titre en forme de formule liturgique, la pochette de Let It Be ressemble à un faire-part de décès. Le 8 mai 1970, date de la mise en vente de l'album, la nouvelle était éventée. Un mois plus tôt, Paul McCartney avait annoncé qu'il quittait le groupe. Associé au deuil qui frappa alors des millions de fans, renié par trois des Beatles furieux que John Lennon ait confié sans leur consentement la post-production du disque à Phil Spector, Let It Be croule sous les reproches.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Let It Be »Ce n'est même pas le dernier album des Fab Four. A une exception près, tous les titres avaient été enregistrés début 1969, avant que le groupe ne mette en boîte Abbey Road. Paul McCartney espérait alors remettre les Beatles en état de marche en répétant et en enregistrant en direct, comme à leurs débuts. Ce retour aux sources devait être immortalisé sur pellicule par les caméras de Michael Lindsay Hogg, qui se retrouva dans la situation inconfortable du témoin de l'accident. Les sessions furent interrompues plusieurs semaines durant après une violente dispute entre George Harrison et Paul McCartney. Après une réconciliation qui relevait de la pose de rustine, le groupe termina l'enregistrement par un concert improvisé sur le toit de l'immeuble d'Apple, interrompu par l'intervention de la police londonienne.Il n'est pas besoin de savoir tout de cette histoire pour entendre le malheur qui sourd d'une bonne moitié des chansons du plus triste album des Beatles : la lassitude résignée de The Long And Winding Road, l'une des plus belles mélodies de McCartney, l'examen de conscience impitoyable de I Me Mine, de Harrison (le seul titre enregistré en 1970, sans Lennon) et le gospel angoissé de Let It Be.Comme antidote à ce blues, on trouvera One After 909, l'une des premières chansons composées par Lennon et McCartney, le shuffle irrésistible de Get Back et les délicates harmonies de Two of Us, deux autres titres du futur partenaire de Kanye West. Car à part quelques jolies interventions à la guitare, la contribution de Lennon est réduite au minimum. Il avait quitté Les Beatles bien avant que Paul McCartney ait le courage (pour deux) d'en annoncer la fin.Thomas SotinelJournaliste au Monde Bruno Lesprit Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur l'inépuisable album sans titre de 1968.Trop forts, ces Beatles. Dix-huit mois après avoir enfanté Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, le premier concept-album de la pop, voilà qu'ils livrent, le 22 novembre 1968, son envers : l'anti-concept, ou le concept du non-concept. The Beatles, donc, curieux objet dépourvu de titre (mais sitôt baptisé « l'album blanc ») et renfermé dans une pochette minimaliste, un carré blanc à la Malevitch conçu par le designer Richard Hamilton. A l'intérieur, pas de portrait de groupe, mais quatre photos individuelles indiquant que chacun compte bien affirmer sa personnalité. Et un poster en forme de pêle-mêle.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « l'album blanc »Cette volonté de laisser tout le monde s'exprimer par ses compositions – même Ringo avec Don't Pass Me By – explique en partie que les Beatles proposent pour la première fois double ration : plus d'une heure et demie de musique et pas moins de trente chansons sans lien entre elles, passant du coq à l'âne et abordant des genres disparates. Si le folk et les boiseries forment la couleur dominante (Blackbird, I Will, Julia, Mother Nature's Son), l'auditeur passe du rock'n'roll des origines (Back in the USSR) au ska (Ob-La-Di, Ob-La-Da), d'un hard-rock pré-zeppelinien d'une sauvagerie inouïe (Helter Skelter) au jazz d'avant-guerre (Honey Pie), du rhythm'n'blues (Savoy Truffle) à la musique concrète (le collage expérimental de Revolution 9).La seule unité de ces titres est leur genèse puisqu'ils furent pour la plupart écrits lors du séjour du groupe à Rishikesh, au pied de l'Himalaya, dans l'ashram de leur gourou, Maharishi Mahesh Yogi. Au passage, le père de la méditation transcendantale reçoit de Lennon une volée de bois vert dans Sexy Sadie, pour avoir fait des avances à Mia Farrow lors du stage védique. Et à la sœur recluse de l'actrice est dédié le délicat Dear Prudence.Anarchique, enregistré dans un climat de tension exacerbé par la présence de Yoko Ono, ce kaléidoscope irradie pourtant et trouve sa cohérence dans la dispersion, une idée que reprendront Stevie Wonder avec Songs in the Key of Life (1976) puis Prince avec Sign O'The Times (1987).Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Le gouvernement a ouvert les « volets » de la maison de la culture, a dévoilé les plans pour 2015-2017, et les visiteurs attendent impatiemment l’évolution du chantier. Voilà ce que l’on pouvait dire, mercredi 11 février, à l’issue de la présentation du projet du gouvernement pour la démocratisation culturelle et l’accès aux arts, dès le plus jeune âge. En déplacement au collège Paul-Bert de Malakoff (Hauts-de-Seine), Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem ont annoncé leur « feuille de route » : il s’agit de coordonner les actions des deux ministères (culture et éducation) à « tous les échelons du territoire ». Le gouvernement sait qu’il est attendu au tournant. « Cette politique doit changer d’échelle pour aboutir à l’accès de tous les jeunes à la culture », lit-on dans le document interministériel validé en fin de journée.L’éducation artistique après « Charlie »La « maison » a trois volets. Le premier concerne l’éducation artistique et culturelle, inscrite dans la loi sur la refondation de l’école de 2013. Priorité est donnée « aux pratiques artistiques collectives dès le plus jeune âge sur les temps scolaire et périscolaire », pour favoriser le « vivre-ensemble ». Ainsi, le chant choral à l’école, les pratiques théâtrales, d’improvisation ou chorégraphiques, la reconnaissance des pratiques musicales des jeunes sont encouragées. Des « programmes d’incitation à la lecture et d’expression orale » seront mis en place avec les bibliothèques, dont Fleur Pellerin souhaite étendre l’ouverture le dimanche.Formation des enseignantsLa formation des enseignants sera renforcée, une journée des arts et de la culture à l’école sera instituée, dès ce printemps. Le budget sera renforcé, entre autres grâce au dégel de crédits pour la « transmission des savoirs ». La question est sensible : mercredi, pendant que les deux ministres rencontraient les collégiens de l’atelier théâtre, on apprenait que cet atelier, mené en partenariat avec le Théâtre 71 de Malakoff, était menacé financièrement…Le second volet de la « maison » concerne l’éducation aux médias et à l’information. Un mois après l’attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, le gouvernement estime qu’il est « impératif » pour chaque jeune de maîtriser la lecture, le décryptage de l’information et de l’image, dans les médias, sur Internet et les réseaux sociaux. La pratique de l’argumentation et du débat dans les classes sera développée dès l’école élémentaire. Le ministère veillera à ce « qu’au sein de chaque collège et chaque lycée, soit créé un média ».Projet de résidence artistiqueLe troisième volet concerne le projet de résidence artistique à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Mercredi 11 février, Fleur Pellerin a nommé Olivier Meneux « à la direction du projet de résidence artistique à Clichy-Montfermeil [connu sous l’ancien nom de Tour Utrillo] en faveur de la jeune création et fortement ancré sur son territoire ». Olivier Meneux est actuellement directeur de Ciclic, l’agence régionale du Centre pour le livre, l’image et le numérique. Il sera placé « auprès du cabinet de la ministre », et aura pour mission « de définir le projet de l’équipement culturel dans toutes ses composantes ».Rachetée par l’Etat en 2011, la Tour Utrillo, à cheval sur les communes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, était au départ pressentie pour accueillir la résidence artistique. Puis le projet a été mis en veille, avant d’être réactivé en 2013-2014. Depuis son arrivée, Fleur Pellerin l’a réorienté. Dans son communiqué du 11 février, la ministre annonce « la réalisation d’un équipement culturel de dimension métropolitaine ». Exit la réhabilitation de la Tour Utrillo. Le maire (PS) de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein, décrypte : « Des dernières réunions de pilotage, il ressort qu’un nouveau bâtiment sera construit, à proximité de la gare du Grand Paris, avec l’arrivée du tramway en 2018. Cette résidence n’ouvrira pas avant 2018, cela n’aurait pas de sens ». Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 14h50 • Mis à jour le12.02.2015 à 08h55 | Clarisse Fabre Dans les collèges « modèles » choisis par les ministres pour mettre en scène leurs annonces, se cache parfois le petit grain de sable qui vient brouiller le message. Mercredi 11 février, à 8 h 15, c’est au collège Paul-Bert de Malakoff, presqu’au bout de la ligne 13 du métro parisien, que Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem dévoilent leur « feuille de route » pour l’éducation artistique et culturelle.Cette fois-ci, tout le monde veut y croire ! Après l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, l’éducation à l’image, la liberté d’expression et la culture en général sont plus que jamais des chantiers prioritaires. La ministre de la culture et de la communication et la ministre de l’éducation nationale sont attendues au tournant, et au deuxième étage, en haut de l’escalier en lino orange.Des élèves de cinquième de l’atelier théâtre travaillent sur les « conflits parents-enfants chez Molière », avec la comédienne Sandy Boizard, elle-même envoyée par le Théâtre 71 tout proche (scène nationale de Malakoff). L’atelier a pu se nouer avec la professeure de français, Karin Levitre. Le tableau est parfaitement conforme aux « trois piliers » du projet ministériel : un, le projet a lieu pendant le temps scolaire, ou péri-scolaire ; deux, les enfants ont une pratique artistique ; trois, ils rencontrent des artistes. Les ministres applaudissent, Fleur Pellerin tweete :Avec @najatvb et les enfants de la classe de 5ème atelier théâtre à Malakoff : bravo aux comédiens en herbe ! http://t.co/pHTuaiQIIX— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);« Préserver la dimension qualitative »Mais l’on apprend que l’atelier est fragilisé pour des raisons budgétaires. Il aura sans doute une durée raccourcie durant cette année scolaire 2014-2015, du moins a-t-il démarré plus tard que prévu, à la veille des vacances de Noël. Les élèves auront-ils les quarante heures prévues, ou un peu moins ? « On tient ces dispositifs à bout de bras. On nous dit que l’éducation artistique doit toucher tous les élèves. Nous, on dit qu’il faut préserver la dimension qualitative », commente le directeur du Théâtre 71, Pierre-François Roussillon, avant de quitter l’établissement scolaire.Pendant ce temps, Jean Plantu parle du métier de dessinateur à des élèves issus de divers ateliers (photo, architecture). Qu’est-ce qu’un cliché ? A quelles conditions n’est-il pas humiliant ? « Notre boulot est de continuer à faire des dessins sur tout », explique-t-il, au nom de l’association Cartooning for Peace. Afin de renforcer l’éducation aux médias et à l’information, le gouvernement annonce, dans une brochure de huit pages, qu’il veillera à ce « qu’au sein de chaque collège et chaque lycée, soit créé un média ». C’est écrit en gras. Suit cette phrase, en caractère normal et non plus en gras : « Les moyens dédiés seront renforcés. » Une journée des arts et de la culture à l’écoleUn point presse informel a lieu en plein air. Les deux ministres assurent que l’éducation artistique fera l’objet d’un « pilotage commun ». On n’entend pas tout, les mots se perdent dans le barrage des caméras. Mais voici les principales annonces : afin que « tous les échelons » du territoire soient touchés, une réunion annuelle des recteurs et des directeurs régionaux des affaires culturelles (DRAC) aura lieu de façon décentralisée – c’est une « première », assure-t-on dans l’entourage de Najat Vallaud-Belkacem. Une enveloppe de huit millions d’euros supplémentaires sera allouée aux établissements, afin de développer des projets collectifs – comme les chorales, avec la création de l’opération « l’Ecole en chœur ».La formation des enseignants sera renforcée : des expérimentations auront lieu dès 2015, notamment entre l’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) d’Aix-Marseille, et le ballet Preljocaj. Des « formations croisées » entre acteurs culturels ou de l’éducation populaire, et enseignants seront organisées à l’échelle régionale, etc. Les programmes de lecture et d’expression orale seront renforcés en lien avec les bibliothèques et médiathèques. Enfin, une journée des arts et de la culture à l’école sera instituée dès cette année, au printemps. Ne reste plus qu’à connaître la date.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 09h52 • Mis à jour le13.02.2015 à 17h30 | Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale) A deux reprises, le temps s’est suspendu lors du procès Picasso, qui s’est tenu du mardi 10 au jeudi 12 février au tribunal de Grasse (Alpes-Maritimes). Une première fois à son ouverture, lorsque le président de l’audience a projeté les photographies de l’intégralité des œuvres dissimulées pendant près de quarante ans par le couple Le Guennec. Un inventaire visuel laissant découvrir à l’assistance 271 inédits du peintre datant de 1905 à 1932 : portraits de proches, scènes de plage, arlequins, chevaux, collages cubistes, peintures, carnets d’études, lithographies… Quarante minutes de silence absolu dans une salle pourtant bien pleine au premier jour d’audience. Il s’agissait pour le magistrat de commencer par présenter à chacun le corpus du délit reproché à l’ancien électricien de Picasso (1881-1973) et à son épouse par les héritiers Picasso, c’est-à-dire le « recel de biens volés », qui n’est pas touché par la prescription, contrairement au vol.Procès Picasso : l'ex-électricien face au clan familialUn second moment de grâce s’est imposé dans la soirée de la deuxième journée d’audience, lors de l’audition d’Anne Baldassari. L’approche tant scientifique que sensible des œuvres par la conservatrice, qui a longtemps dirigé le Musée Picasso à Paris, a soudainement redonné vie à ce que Pierre Le Guennec a pu présenter comme un « tas de vieux papiers », qui aurait été donné sans explications « un soir dans un couloir » en 1971 ou 1972 par Jacqueline Picasso (morte en 1986), avec l’accord du peintre, dans leur mas de Mougins. Car dans ce procès, les œuvres ont finalement paru davantage parler que les Le Guennec, mutiques face à leurs contradictions depuis le début de l’affaire, quand, en 2010, ils ont contacté la Picasso Administration pour tenter de faire authentifier leurs possessions, qu’ils avaient « oubliées ». Un ensemble représentant la plus importante découverte d’œuvres de Pablo Picasso depuis sa mort.Si chacun, famille, proches ou experts, a pu unanimement contester à la barre la possibilité d’un don aussi important, non dédicacé et non signé de la part de Picasso ou de Jacqueline, sa dernière épouse, le témoignage d’Anne Baldassari est venu éclairer la position de Picasso sur le sujet. « Je garde tout, on est ce que l’on garde », aurait-t-il déclaré à plusieurs reprises. « Mon œuvre est le journal de ma vie, ce n’est pas à moi de décider ce qui est bon ou mauvais. » Une philosophie aboutissant, selon la spécialiste, à un « archivage de son propre processus créatif » qui constitue encore aujourd’hui un « défi aux inventaires » : son œuvre, immense, rassemble quelque 70 000 pièces et 200 000 éléments d’archives.« Picasso a renoncé à divorcer d’Olga en 1935 quand il a compris qu’en étant marié sous le régime de la communauté, 50 % de ses œuvres allaient disparaître », précise encore Anne Baldassari. Un souci de conserver qui n’a cependant jamais empêché l’artiste de beaucoup donner : « Ce qu’il donne coïncide toujours à la chronologie de la relation, avec des œuvres de circonstance, mais il ne s’agit jamais d’œuvres de premier rang. » Or, analyse-t-elle, le lot d’œuvres Le Guennec s’étend sur trois décennies, « sans logique de destination qui donnerait du sens. Cela constitue un problème ». « Le Picasso que je connais ne se séparerait pas de ces œuvres, ce serait comme s’arracher la peau, a encore affirmé la conservatrice en chef. Elles constituent le laboratoire de sa création et de sa pensée. » « Picasso était un homme extrêmement généreux, qui peut toujours nous surprendre », a-t-elle nuancé, mais dans cette hypothèse de don, « tout converge vers une improbabilité. Ce sont des études très poussées, ce sont des œuvres en soi, il ne peut pas les avoir données ». «  Choses bizarres  »Pierre Le Guennec a par ailleurs réaffirmé avoir fait tout seul la classification et l’inventaire de cet ensemble. Or, dans cette affaire, Me Jean-Jacques Neuer, qui représente trois héritiers Picasso – Claude, Paloma et leur nièce Marina – s’étonne en effet que le septuagénaire, qui n’y connaît rien en art, comme il le dit lui-même, et qui n’a pas Internet, soit « capable de réaliser un inventaire, des descriptions scientifiques, de classer des œuvres, faire des sous-ensembles, alors même qu’il s’agit d’inédits dont on ne peut pas reproduire de notices ». Pour Me Neuer, quelqu’un lui a fourni ces détails techniques.Mme Baldassari confirme qu’« un néophyte n’est pas en mesure d’organiser un tel ordonnancement ». « Mais un conservateur n’aurait pas mélangé les périodes, n’aurait pas pris cette liberté, fait ces croisements », ajoute-t-elle, estimant qu’il s’agit « plutôt de la démarche d’un artiste, qui s’intéresse aux techniques, aux supports plus qu’à la chronologie ». Cette « approche fine », elle, la perçoit « comme la démarche de Picasso. » Elle évoque un classement en vue d’un inventaire lancé par l’artiste dans les années 1930 à 1950. Quant aux descriptifs des œuvres, dont plusieurs ont surpris l’accusation par leur niveau : « Techniquement, c’est compétent », affirme-t-elle, mais d’autres lui paraissent « naïfs ». Elle relève des fautes d’orthographe, des « choses bizarres » qui suscitent chez elle un « certain embarras ». Ont-ils pu être réalisés à plusieurs mains, complétés ? Elle ne l’exclut pas.« Préjudice de l’humanité »Le cas de la collection Maurice Bresnu, alias « Nounours », qui fut chauffeur des Picasso, a par le passé régulièrement occasionné de nombreux bras de fer avec les héritiers Picasso, ses œuvres ayant atterri chez des marchands d’art internationaux ou de prestigieuses ventes aux enchères, malgré leur provenance douteuse. Or, à peine Pierre Le Guennec avait-il révélé l’existence de ses 271 œuvres à la Picasso Administration en vue d’une authentification, en août 2010, qu’un généalogiste, venu témoigner lors des trois jours d’audience, avait révélé en novembre leur lien de parenté. Il avait en effet découvert une étrange coïncidence : l’ex-électricien a été désigné comme l’un des héritiers de la veuve Bresnu, qui était sa cousine, or dans l’héritage figuraient des œuvres de Picasso. Pierre Le Guennec avait caché être cousin avec Maurice Bresnu aux enquêteurs, au cours de l’information judiciaire, de même qu’il ne reconnaît pas de lien de cause à effet dans son entrée au service des Picasso, chez qui Maurice Bresnu était pourtant employé à l’époque. Me Neuer spécule que Pierre Le Guennec est manipulé par des marchands d’art peu scrupuleux, tentant d’écouler des œuvres volées en grande quantité par son cousin Maurice Bresnu. Cela expliquerait, selon lui, la violence de certaines attaques des Le Guennec au cours de l’instruction, tentant de porter atteinte à la mémoire ou à la filiation, à l’état civil de la famille Picasso. L’avocat a conclu sa plaidoirie en soulignant le caractère hors normes de ce procès qui s’est déroulé dans un climat très chaleureux sur le banc de la famille Picasso. « Le génie laisse de l’ADN traîner partout : ce procès fut picassien, surréaliste, incroyable. Il a permis au monde de voir que les Picasso sont une famille moderne, avec plusieurs femmes, plusieurs enfants, des disputes, comme une œuvre cubiste qui se recompose : c’est la plus belle œuvre cubiste posthume de Picasso », a-t-il lancé.Le souci de l’intérêt général a prévalu lors du réquisitoire. « Nous avons affaire à un délit particulier, au préjudice de l’humanité », a lancé le représentant du ministère public, Laurent Robert, estimant que le couple avait privé le monde entier et l’histoire de l’art de ces œuvres pendant quarante ans. Jugeant que les prévenus étaient « complètement dépassés par les conséquences de leurs actes, eux qui n’ont jamais été inquiétés par la justice, et n’ont pas gagné d’argent avec cette affaire », il requiert cinq ans d’emprisonnement assortis du sursis intégral – les prévenus encourraient cinq ans d’emprisonnement, et 375 000 euros ou la moitié de la valeur des biens recelés.Les conseils de la famille Picasso ont par ailleurs demandé que les œuvres soient restituées. Me Nardon, l’avocate de Catherine Hutin-Blay, la fille de Jacqueline, a pour sa part demandé 1 euro symbolique à chacun des époux Le Guennec au titre de dommages et intérêts. Le tribunal correctionnel de Grasse rendra sa décision le 20 mars.Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot C'est rarement la subtilité qui caractérise, d’ordinaire, les photos récompensées par le World Press, le prix le plus célèbre du photojournalisme : on y prime plutôt les effets spectaculaires, les sentiments exacerbés (douleur, tristesse), les actions fortes (bombardements, tueries, torture), l’hémoglobine… Y aurait-il comme une prise de conscience que ce genre d’images, certes très lisibles et efficaces, peut lasser ? Et qu’elles répondent rarement à la complexité des faits ?Comme pour répondre aux reproches faits depuis longtemps à cette imagerie répétitive et souvent pleine de clichés (riche/pauvre, victime/bourreau, mère à l'enfant ou « mater dolorosa »…), cette année, le World Press a décerné le titre de l'image de l'année à une photo sans action marquante, ni scène tragique. L'image de Mads Nissen, prise à Saint-Pétersbourg, montre un jeune couple homosexuel dans son intimité. Les poses, le clair-obscur et le décor (le drapé d'un rideau) font bien plus référence à la peinture hollandaise qu'à la photo de guerre. Les faits traités sont bien tragiques – la discrimination et la violence contre les homosexuels en Russie – mais ils sont illustrés par une image de tendresse et d’affection. « C'est une image très très subtile » a commenté Michelle McNally, présidente du jury, qui a qualifié la photo de « superbe scène ». Une photo qui montre non seulement le quotidien, mais qui a été prise dans un pays proche, pas sur le terrain d’une guerre lointaine. « C'est une chose qui manque souvent dans le photojournalisme, on a toujours l'impression qu'il faut chercher l'exotique », a commenté Donald Weber, autre membre du jury. Patrick Baz, de l’Agence France Presse, qui a également participé au jury, a insisté sur Twitter : « Ce prix parle d’amour et de haine, de paix et de guerre, et on n’a pas besoin de sang et de destructions pour décrire ça. »Lire aussi : le palmarès du World Press Photo 2015S'agirait-il d'une évolution durable ? Déjà, en 2014, le World Press avait récompensé une photo moins évidente que d'habitude, en évitant l’instant décisif et l’événement exceptionnel : on y voyait, dans une scène nocturne, des migrants lever leur téléphone portable en quête de réseau pour appeler leurs proches restés au pays. Le reste du temps, les photos de l’année du World Press font plutôt dans le spectaculaire. Les photos de sport particulièrement manipuléesAutre tendance forte en 2015 : la manipulation des images. Le jury, qui demande à tous les candidats présélectionnés d’envoyer les fichiers numériques « raw », c’est-à-dire avant toute retouche, pour les comparer avec les images soumises à la compétition, a eu des mots très durs sur la quantité de fichiers retouchés de façon excessive, et donc disqualifiés. Ce fut le cas d’une image sur cinq, soit 20 % !Le directeur général du World Press Photo, Lars Boering, a déclaré dans un communiqué : « Cette année, le jury a été très déçu de découvrir avec quelle légèreté les photographes ont traité leurs fichiers soumis à la compétition. Quand un élément a été ajouté ou retranché de l’image, cela nous a conduits à rejeter l’image en question. (...) Il semble que certains photographes ne peuvent résister à la tentation de rehausser leurs images soit en enlevant de petits détails pour “nettoyer” une image ou parfois à changer la tonalité de façon excessive, ce qui constitue un changement réel de l’image. Ces deux types de retouches compromettent l’intégrité de l’image. »Les retouches ont particulièrement affecté la section « sports », au point que le jury a renoncé à décerner le troisième prix de la catégorie « stories », faute de candidat « propre » (voir l’entretien de Lars Boering avec le British Journal of Photography, en anglais).Sens de l’image fausséUne tendance sur laquelle on peut émettre quelques hypothèses : peut-être le jury du World Press Photo est-il particulièrement sévère sur les retouches considérées comme « classiques » (couleurs réhaussées, ombres atténuées, etc.) ? On a du mal à le croire, vu que les membres sont issus de différents médias à travers le monde, avec des habitudes différentes.Ou alors peut-être les candidats au World Press ont-ils accentué les retouches dans l’espoir d’augmenter leurs chances d’être sélectionnés, sachant que le prix récompense des photos souvent parfaites techniquement ? Là encore, on peut en douter : ils savaient que leurs images seraient comparées aux fichiers originaux, et risquaient d’être disqualifiées car ces manipulations seraient considérées comme de la fraude.Ou enfin – hypothèse la plus probable, vu le nombre énorme d’images rejetées – les photographes ont pris l’habitude de retoucher leurs photos à un tel point et avec une telle facilité qu’ils ne semblent plus avoir conscience qu’ils faussent le sens de l’image. Ce qui ne laisse pas d’inquiéter sur ce qui nous est donné à voir du monde aujourd’hui. Comme s’il fallait, pour qu’elles retiennent notre attention dans le flot visuel qui nous noie, des images toujours plus léchées, toujours plus parfaites, toujours plus spectaculaires. Des images qui ressemblent plus aux jeux vidéo qu’à la réalité.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Let It Be », la messe est diteCette semaine : autour de l’album Let It Be (mai 1970).« Two of Us » (Lennon-McCartney), par Aimee Mann et Michael PennCette exquise ballade mélancolique a trouvé sa place sur bande originale du film I Am Sam. Ce mélodrame réalisé par Jessie Nelson a laissé derrière lui une jolie collection de reprises des Beatles, interprétées entre autres par les Black Crowes, Rufus Wainwright ou Ben Harper. Two of Us, chanson de couple s’il en est, est interprété par le frère et la belle-sœur de l’interprète principal du film, à savoir Michael Penn, Aimee Mann et Sean Penn.« Dig a Pony » (Lennon-McCartney), par Saint VincentAnnie Clark, qui se produit sous le nom de Saint Vincent, est aujourd’hui une icône magnifique et une auteure de premier plan. Avant d’accéder à ce statut, elle fut une guitare-héroïne exquise, comme le prouve cette interprétation en solo d’une composition de John Lennon, dont les lyrics procèdent de la tradition absurde de Glass Onion ou I Am The Walrus.« Across the Universe » (Lennon-McCartney), par David BowieCette chanson composée par John Lennon à l’époque de « l’album blanc » a attendu deux ans avant de trouver sa place sur Let It Be. Jamais les Beatles ne sont allés aussi loin dans l’expression naïve (pour ne pas dire benête) des philosophies orientales qui les fascinaient. En 1975, David Bowie, en pleine période funky s’en empare pour en donner une version passablement énervée (en phase avec l’hygiène de vie de l’époque), peut-être pour faire plaisir à son nouveau camarade de studio John Lennon avec qui il compose et enregistre Fame pendant les mêmes sessions.« I Me Mine » (Harrison), par Beth OrtonComme le montre le documentaire tourné par Michael Lindsay Hogg pendant les sessions d’enregistrement de Let It Be, les quatre garçons n’étaient pas très heureux. Ce collage de valse et de blues rapide, signé George Harrison en témoigne, et l’interprétation qu’en donne la chanteuse britannique Beth Orton accentue encore la sensation de déprime. Cette version a été enregistrée pour l’album Let It Be Revisited, compilé par le magazine Mojo, à qui cette rubrique est infiniment redevable. A ceci près que l’autre reprise enregistrée par Beth Orton à l’occasion, celle de Dig It, bribe de chanson improvisée dont on entend moins d’une minute, n’est pas disponible sur la toile.« Let It Be » (Lennon-McCartney), par Aretha FranklinLa « mother Mary » des lyrics de Paul McCartney n’est pas la sainte Vierge. Certes le futur partenaire de Kanye West est issu d’une famille irlandaise, mais c’est sa défunte maman à lui qui lui est apparue en rêve et pas celle du Messie. N’empêche que la progression harmonique et la mélodie relèvent du gospel. On ne sera donc pas surpris de voir la fille du révérend C.L. Franklin, Aretha, qui chantait si bien à la New Bethel Church de Detroit, reprendre Let It Be dès la sortie du titre, en 1970 sur son album This Girl’s In Love With You.« Maggie Mae » (traditionnel, arrangement Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par les « Quarrymen »Les guillemets qui entourent « Quarrymen » ci-dessus sont là pour signaler qu’il ne s’agit pas du groupe formé par John Lennon et Paul McCartney lors de leur rencontre en 1958 mais de son incarnation cinématographique, dans le film Nowhere Boy, récit de l’adolescence de John Lennon (Aaron Johnson) par la réalisatrice Sam Taylor-Wood, devenue depuis Sam Taylor-Johnson, qui vient de sortir très discrètement son deuxième film, Cinquante nuances de Grey. Nous ne « digreyssons » pas tant que ça puisque Maggie Mae est une chanson un peu salace des rues de Liverpool qui évoque les tribulations d’une fille de joie. L’enregistrement de Let It Be procédait d’un fantasme de retour aux sources, d’où l’exhumation de ce fragment folklorique.« I’ve Got A Feeling » (Lennon-McCartney), par BeckLà encore, une mise au point s’impose: ce Beck-là n’est pas le fils de monsieur et madame Hansen, mais un groupe de fiction, qui s’est formé entre les pages d’un manga écrit et dessiné à la fin du siècle dernier par Harold Sakuishi avant d’être adapté pour la télévision. Ces Beck de papier reprennent ici l’un des deux titres de Let It Be dont la signature Lennon-McCartney n’est pas une tromperie sur la marchandise. Comme A Day In The Life, I’ve Got A Feeling est l’assemblage de deux fragments de chanson, le début et le pont étant dûs à Paul McCartney, le fragment « Everybody’s had a hard year » à John Lennon.« One After 909 » (Lennon-McCartney), par Ricky NelsonComposée peu de temps après leur rencontre, One After 909 a été sortie du placard par Lennon et McCartney dans l’espoir, finalement vain, de retrouver l’enthousiasme des débuts. Le rockabilly un peu fruste de la chanson ne pouvait que séduire Ricky Nelson, ex-idole des jeunes devenu pilier de la musique country après avoir été supplanté dans le cœur des adolescentes par les quatre de Liverpool. La situation est assez ironique pour que l’on tolère la qualité médiocre de la vidéo.« The Long And Winding Road » (Lennon-McCartney), par Ray Charles and the Count Basie OrchestraDe toutes les chansons de Let It Be, celle-ci traîne la plus lourde charge de malheur. Sa mélodie et ses lyrics, signés McCartney respirent la lassitude, les regrets, les remords. Au moins l’auteur pouvait il se consoler en constatant qu’il était rarement parvenu à une telle sophistication. Mais son ami d’enfance s’en empara pour la confier à Phil Spector. Le producteur américain en noya le tragique sous des flots de cordes et de chœurs féminins indignes aussi bien de McCartney que de Spector. En guise d’expiation, en voici une version pour cuivres et Genius.« For You Blue » (Harrison), par Dhani HarrisonBlues simplet, mais délicat, For You Blue est ici interprété par le fils de l’auteur, avec une fidélité touchante et peut-être un peu inquiétante.« Get Back » (Lennon-McCartney), par Rod StewartLe « concert sur le toit » (de l’immeuble Apple, à Londres) se termine sur ce titre, un blues rapide signé McCartney, dont il existe plusieurs versions enregistrées. L’une d’elles reprend, pour s’en moquer, les délires racistes du politicien conservateur Enoch Powell, et les gens à qui il est enjoint de s’en retourner sont les immigrés pakistanais. Telle qu’on l’entend dans les différentes versions officielles (l’une sur le 45 tours dont la face B est Don’t Let Me Down, l’autre sur l’album Let It Be), il n’est question que de transsexuels, sur un arrangement d’une économie admirable, soutenu par le travail de Billy Preston au piano électrique. Six ans plus tard, Rod Stewart en fait un numéro pour concert de rock spectaculaire, tel qu’il s’en donnait au milieu des années 1970, ce qui témoigne, encore une fois de l’extraordinaire plasticité des compositions des Beatles.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, l'album d'une séparation annoncée.Avec son liséré noir et son titre en forme de formule liturgique, la pochette de Let It Be ressemble à un faire-part de décès. Le 8 mai 1970, date de la mise en vente de l'album, la nouvelle était éventée. Un mois plus tôt, Paul McCartney avait annoncé qu'il quittait le groupe. Associé au deuil qui frappa alors des millions de fans, renié par trois des Beatles furieux que John Lennon ait confié sans leur consentement la post-production du disque à Phil Spector, Let It Be croule sous les reproches.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Let It Be »Ce n'est même pas le dernier album des Fab Four. A une exception près, tous les titres avaient été enregistrés début 1969, avant que le groupe ne mette en boîte Abbey Road. Paul McCartney espérait alors remettre les Beatles en état de marche en répétant et en enregistrant en direct, comme à leurs débuts. Ce retour aux sources devait être immortalisé sur pellicule par les caméras de Michael Lindsay Hogg, qui se retrouva dans la situation inconfortable du témoin de l'accident. Les sessions furent interrompues plusieurs semaines durant après une violente dispute entre George Harrison et Paul McCartney. Après une réconciliation qui relevait de la pose de rustine, le groupe termina l'enregistrement par un concert improvisé sur le toit de l'immeuble d'Apple, interrompu par l'intervention de la police londonienne.Il n'est pas besoin de savoir tout de cette histoire pour entendre le malheur qui sourd d'une bonne moitié des chansons du plus triste album des Beatles : la lassitude résignée de The Long And Winding Road, l'une des plus belles mélodies de McCartney, l'examen de conscience impitoyable de I Me Mine, de Harrison (le seul titre enregistré en 1970, sans Lennon) et le gospel angoissé de Let It Be.Comme antidote à ce blues, on trouvera One After 909, l'une des premières chansons composées par Lennon et McCartney, le shuffle irrésistible de Get Back et les délicates harmonies de Two of Us, deux autres titres du futur partenaire de Kanye West. Car à part quelques jolies interventions à la guitare, la contribution de Lennon est réduite au minimum. Il avait quitté Les Beatles bien avant que Paul McCartney ait le courage (pour deux) d'en annoncer la fin.Thomas SotinelJournaliste au Monde Bruno Lesprit Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur l'inépuisable album sans titre de 1968.Trop forts, ces Beatles. Dix-huit mois après avoir enfanté Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, le premier concept-album de la pop, voilà qu'ils livrent, le 22 novembre 1968, son envers : l'anti-concept, ou le concept du non-concept. The Beatles, donc, curieux objet dépourvu de titre (mais sitôt baptisé « l'album blanc ») et renfermé dans une pochette minimaliste, un carré blanc à la Malevitch conçu par le designer Richard Hamilton. A l'intérieur, pas de portrait de groupe, mais quatre photos individuelles indiquant que chacun compte bien affirmer sa personnalité. Et un poster en forme de pêle-mêle.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « l'album blanc »Cette volonté de laisser tout le monde s'exprimer par ses compositions – même Ringo avec Don't Pass Me By – explique en partie que les Beatles proposent pour la première fois double ration : plus d'une heure et demie de musique et pas moins de trente chansons sans lien entre elles, passant du coq à l'âne et abordant des genres disparates. Si le folk et les boiseries forment la couleur dominante (Blackbird, I Will, Julia, Mother Nature's Son), l'auditeur passe du rock'n'roll des origines (Back in the USSR) au ska (Ob-La-Di, Ob-La-Da), d'un hard-rock pré-zeppelinien d'une sauvagerie inouïe (Helter Skelter) au jazz d'avant-guerre (Honey Pie), du rhythm'n'blues (Savoy Truffle) à la musique concrète (le collage expérimental de Revolution 9).La seule unité de ces titres est leur genèse puisqu'ils furent pour la plupart écrits lors du séjour du groupe à Rishikesh, au pied de l'Himalaya, dans l'ashram de leur gourou, Maharishi Mahesh Yogi. Au passage, le père de la méditation transcendantale reçoit de Lennon une volée de bois vert dans Sexy Sadie, pour avoir fait des avances à Mia Farrow lors du stage védique. Et à la sœur recluse de l'actrice est dédié le délicat Dear Prudence.Anarchique, enregistré dans un climat de tension exacerbé par la présence de Yoko Ono, ce kaléidoscope irradie pourtant et trouve sa cohérence dans la dispersion, une idée que reprendront Stevie Wonder avec Songs in the Key of Life (1976) puis Prince avec Sign O'The Times (1987).Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Le gouvernement a ouvert les « volets » de la maison de la culture, a dévoilé les plans pour 2015-2017, et les visiteurs attendent impatiemment l’évolution du chantier. Voilà ce que l’on pouvait dire, mercredi 11 février, à l’issue de la présentation du projet du gouvernement pour la démocratisation culturelle et l’accès aux arts, dès le plus jeune âge. En déplacement au collège Paul-Bert de Malakoff (Hauts-de-Seine), Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem ont annoncé leur « feuille de route » : il s’agit de coordonner les actions des deux ministères (culture et éducation) à « tous les échelons du territoire ». Le gouvernement sait qu’il est attendu au tournant. « Cette politique doit changer d’échelle pour aboutir à l’accès de tous les jeunes à la culture », lit-on dans le document interministériel validé en fin de journée.L’éducation artistique après « Charlie »La « maison » a trois volets. Le premier concerne l’éducation artistique et culturelle, inscrite dans la loi sur la refondation de l’école de 2013. Priorité est donnée « aux pratiques artistiques collectives dès le plus jeune âge sur les temps scolaire et périscolaire », pour favoriser le « vivre-ensemble ». Ainsi, le chant choral à l’école, les pratiques théâtrales, d’improvisation ou chorégraphiques, la reconnaissance des pratiques musicales des jeunes sont encouragées. Des « programmes d’incitation à la lecture et d’expression orale » seront mis en place avec les bibliothèques, dont Fleur Pellerin souhaite étendre l’ouverture le dimanche.Formation des enseignantsLa formation des enseignants sera renforcée, une journée des arts et de la culture à l’école sera instituée, dès ce printemps. Le budget sera renforcé, entre autres grâce au dégel de crédits pour la « transmission des savoirs ». La question est sensible : mercredi, pendant que les deux ministres rencontraient les collégiens de l’atelier théâtre, on apprenait que cet atelier, mené en partenariat avec le Théâtre 71 de Malakoff, était menacé financièrement…Le second volet de la « maison » concerne l’éducation aux médias et à l’information. Un mois après l’attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, le gouvernement estime qu’il est « impératif » pour chaque jeune de maîtriser la lecture, le décryptage de l’information et de l’image, dans les médias, sur Internet et les réseaux sociaux. La pratique de l’argumentation et du débat dans les classes sera développée dès l’école élémentaire. Le ministère veillera à ce « qu’au sein de chaque collège et chaque lycée, soit créé un média ».Projet de résidence artistiqueLe troisième volet concerne le projet de résidence artistique à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Mercredi 11 février, Fleur Pellerin a nommé Olivier Meneux « à la direction du projet de résidence artistique à Clichy-Montfermeil [connu sous l’ancien nom de Tour Utrillo] en faveur de la jeune création et fortement ancré sur son territoire ». Olivier Meneux est actuellement directeur de Ciclic, l’agence régionale du Centre pour le livre, l’image et le numérique. Il sera placé « auprès du cabinet de la ministre », et aura pour mission « de définir le projet de l’équipement culturel dans toutes ses composantes ».Rachetée par l’Etat en 2011, la Tour Utrillo, à cheval sur les communes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, était au départ pressentie pour accueillir la résidence artistique. Puis le projet a été mis en veille, avant d’être réactivé en 2013-2014. Depuis son arrivée, Fleur Pellerin l’a réorienté. Dans son communiqué du 11 février, la ministre annonce « la réalisation d’un équipement culturel de dimension métropolitaine ». Exit la réhabilitation de la Tour Utrillo. Le maire (PS) de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein, décrypte : « Des dernières réunions de pilotage, il ressort qu’un nouveau bâtiment sera construit, à proximité de la gare du Grand Paris, avec l’arrivée du tramway en 2018. Cette résidence n’ouvrira pas avant 2018, cela n’aurait pas de sens ». Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 14h50 • Mis à jour le11.02.2015 à 16h56 | Clarisse Fabre Dans les collèges « modèles » choisis par les ministres pour mettre en scène leurs annonces, se cache parfois le petit grain de sable qui vient brouiller le message. Mercredi 11 février, à 8 h 15, c’est au collège Paul-Bert de Malakoff, presqu’au bout de la ligne 13 du métro parisien, que Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem dévoilent leur « feuille de route » pour l’éducation artistique et culturelle.Cette fois-ci, tout le monde veut y croire ! Après l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, l’éducation à l’image, la liberté d’expression et la culture en général sont plus que jamais des chantiers prioritaires. La ministre de la culture et de la communication et la ministre de l’éducation nationale sont attendues au tournant, et au deuxième étage, en haut de l’escalier en lino orange.Des élèves de cinquième de l’atelier théâtre travaillent sur les « conflits parents-enfants chez Molière », avec la comédienne Sandy Boizard, elle-même envoyée par le Théâtre 71 tout proche (scène nationale de Malakoff). L’atelier a pu se nouer avec la professeure de français, Karin Levitre. Le tableau est parfaitement conforme aux « trois piliers » du projet ministériel : un, le projet a lieu pendant le temps scolaire, ou péri-scolaire ; deux, les enfants ont une pratique artistique ; trois, ils rencontrent des artistes. Les ministres applaudissent, Fleur Pellerin tweete :Avec @najatvb et les enfants de la classe de 5ème atelier théâtre à Malakoff : bravo aux comédiens en herbe ! http://t.co/pHTuaiQIIX— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);« Préserver la dimension qualitative »Mais l’on apprend que l’atelier est fragilisé pour des raisons budgétaires. Il aura sans doute une durée raccourcie durant cette année scolaire 2014-2015, du moins a-t-il démarré plus tard que prévu, à la veille des vacances de Noël. Les élèves auront-ils les quarante heures prévues, ou un peu moins ? « On tient ces dispositifs à bout de bras. On nous dit que l’éducation artistique doit toucher tous les élèves. Nous, on dit qu’il faut préserver la dimension qualitative », commente le directeur du Théâtre 71, Pierre-François Roussillon, avant de quitter l’établissement scolaire.Pendant ce temps, Jean Plantu parle du métier de dessinateur à des élèves issus de divers ateliers (photo, architecture). Qu’est-ce qu’un cliché ? A quelles conditions n’est-il pas humiliant ? « Notre boulot est de continuer à faire des dessins sur tout », explique-t-il, au nom de l’association Cartooning for Peace. Afin de renforcer l’éducation aux médias et à l’information, le gouvernement annonce, dans une brochure de huit pages, qu’il veillera à ce « qu’au sein de chaque collège et chaque lycée, soit créé un média ». C’est écrit en gras. Suit cette phrase, en caractère normal et non plus en gras : « Les moyens dédiés seront renforcés. » Une journée des arts et de la culture à l’écoleUn point presse informel a lieu en plein air. Les deux ministres assurent que l’éducation artistique fera l’objet d’un « pilotage commun ». On n’entend pas tout, les mots se perdent dans le barrage des caméras. Mais voici les principales annonces : afin que « tous les échelons » du territoire soient touchés, une réunion annuelle des recteurs et des directeurs régionaux des affaires culturelles (DRAC) aura lieu de façon décentralisée – c’est une « première », assure-t-on dans l’entourage de Najat Vallaud-Belkacem. Une enveloppe de huit millions d’euros supplémentaires sera allouée aux établissements, afin de développer des projets collectifs – comme les chorales, avec la création de l’opération « l’Ecole en chœur ».La formation des enseignants sera renforcée : des expérimentations auront lieu dès 2015, notamment entre l’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) d’Aix-Marseille, et le ballet Preljocaj. Des « formations croisées » entre acteurs culturels ou de l’éducation populaire, et enseignants seront organisées à l’échelle régionale, etc. Les programmes de lecture et d’expression orale seront renforcés en lien avec les bibliothèques et médiathèques. Enfin, une journée des arts et de la culture à l’école sera instituée dès cette année, au printemps. Ne reste plus qu’à connaître la date.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes)) Qu'il ait bénéficié d'un don exceptionnel ou qu'il ait purement et simplement volé ses employeurs, Pierre Le Guennec n'avait visiblement pas les épaules pour assumer les 271 œuvres de Picasso qu'il aurait cachées pendant près de quarante ans. Dans cette affaire, comme dans le procès, qui a débuté, mardi 10 février, pour trois jours à Grasse (Alpes-Maritimes), le rocambolesque l'a disputé au pathétique. Accusés de recel par le clan Picasso, l'ancien électricien du peintre, le sourcil broussailleux et le visage crispé, et son épouse, Danielle Le Guennec, qui n'a pas quitté son manteau noir rehaussé de fourrure, ont été grandement malmenés tout au long de cette première journée d'audience, créant un sentiment de malaise.Lire aussi : Picasso et les pique-assietteFace au couple de septuagénaires continuellement empêtré dans ses contradictions, le clan Picasso a, au contraire, affiché une solidarité rare. En tout cas, ses représentants en ce premier jour d'audience : Claude Ruiz-Picasso, stupéfiant de ressemblance avec son père, et qui gère, depuis 1989, la Picasso Administration, amenée à authentifier les œuvres du peintre ; sa demi-sœur Maya, exubérante octogénaire à la voix rocailleuse et Catherine Hutin-Blay, la fille de Jacqueline Roque, la dernière épouse de Picasso. Les trois autres héritiers parties civiles n'étaient pas présents en cette journée inaugurale : Paloma Ruiz-Picasso, la deuxième fille du peintre, et deux des petits-enfants de l'artiste : Marina et Bernard Ruiz-Picasso, les enfants de son fils aîné, Paulo, décédé. Perquisition au domicileLe président d'audience, Jean-Christophe Bruyère, a commencé la journée par un rappel des faits. Pierre Le Guennec est entré au service des Picasso au début des années 1970, soit environ trois ans avant la mort du peintre, puis a continué à travailler pour sa veuve jusqu'à la mort de celle-ci, en 1984. En 2010, il contacte Claude Picasso pour faire authentifier des œuvres, qu'il affirme avoir reçues en cadeau de la part du couple Pablo et Jacqueline Picasso. Après plusieurs courriers, Pierre Le Guennec et son épouse, Danielle, se rendent à Paris début septembre avec, dans une valise, 180 œuvres et 91 dessins rassemblés dans un carnet. Il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'œuvres de Picasso, mais leur détention est jugée douteuse. Le 23 septembre, au nom de l'ensemble des héritiers Picasso, Me Jean-Jacques Neuer dépose plainte pour vol et recel.Dans la foulée, le 5 octobre, l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) saisit les œuvres du couple lors d'une perquisition à leur domicile. Une information judiciaire est lancée en décembre pour recel puisqu'il y a prescription pour le vol. Puis coup de théâtre, un généalogiste alerte le conseil des Picasso. Chargé de rechercher les bénéficiaires d'un héritage, il a constaté une coïncidence troublante : l'un d'eux se trouve être Pierre Le Guennec et cet héritage implique des œuvres de Picasso. Il s'agit de l'héritage de la veuve de Maurice Bresnu, cousine de Pierre Le Guennec. Or, Maurice Bresnu est plus connu sous le surnom de « Nounours », le chauffeur et homme à tout faire de Picasso à la fin de sa vie. Les enquêteurs ont alors élargi leurs recherches au couple Bresnu, décédé, qui a été détenteur d'une large « collection » d'œuvres de l'artiste : une centaine de dessins, gouaches, pastels, céramiques ou objets personnels, dont la majorité a déjà été dispersée. En juin 2011, le couple Le Guennec sera, lui, mis en examen pour recel. Un silence quasi religieuxDans une salle d'audience exceptionnellement remplie pour le tribunal de Grasse, le président fait découvrir les photos de toutes les œuvres saisies chez les Le Guennec dans un silence quasi religieux, tandis que chacun découvre ces inédits de Picasso : portraits d'Olga, sa première femme, arlequins, nus, chevaux, études de mains, de pieds, paysages, huiles, lithographies signées, collages cubistes… Cet inventaire exhaustif ne dure pas moins de 40 minutes. Le président tient à préciser que ces œuvres n'ont jamais fait l'objet d'une expertise technique, malgré les estimations qu'il a pu lire dans la presse, avançant les sommes de 60 à 100 millions d'euros pour ces pièces, datant toutes de 1900 à 1932. Riche et hétéroclite, l'ensemble semble mal coller à la version répétée à l'envi par Pierre Le Guennec : Jacqueline lui aurait fait ce don du vivant de Picasso, un soir de 1972, dans un carton, en lui disant : « Tenez, c'est pour vous. »Sur ce point, les trois héritiers appelés à la barre sont formels. « A la rigueur, un de ces objets donné, pourquoi pas, mais un tel rassemblement, c'est renversant. On n'a jamais vu ça, cela montre qu'il y a un petit souci. D'autant que Picasso les avait conservés tout au long de sa vie », déclare Claude Picasso, faisant référence au fait que ce sont toutes des œuvres anciennes de Picasso. Pour le gérant de la Picasso Administration, elles sont « de grande qualité, et importantes pour l'histoire de l'art ». Certaines d'entre elles « permettent de comprendre des gestes, sa démarche » intellectuelle et créative, comme ses essais de dessin sans lever la mine. « Les collages sont des bijoux, et quelques études feraient sauter de joie les historiens d'art, de voir, par exemple, que dès les années 1920, il travaillait sur L'Enlèvement des Sabines de Poussin, qui lui a inspiré une grande série dans les années 1950. » « Il n'aurait jamais donné ça en vrac ». Et sa femme : « Dans son dos ? Non… » Un simple catalogue« On n'a jamais pu me faire avaler ça !, renchérit Maya, la fille de Marie-Thérèse. C'est comme si vous alliez à la boulangerie, que vous demandiez une baguette, et qu'on vous en donnait 271 ! » « Il adaptait les cadeaux qu'il faisait : femme, homme, vieux, moche… », détaille l'irrésistible enfant terrible. Picasso a d'ailleurs bien dédicacé une chose à M. Le Guennec : un simple catalogue d'exposition. « Et donner un portrait d'Olga ? Ah non… Des collages cubiste, ça m'étonnerait ! ». Et puis « Papa travaillait beaucoup, rien n'était des futilités, pourquoi aurait-il donné tout ça ? » Elle précise que l'artiste « ne donnait par ailleurs jamais sans dédicacer ».Comme Claude, elle non plus n'a pas connu les Le Guennec. Catherine, en revanche, l'a bien connu, lui. Pas madame, qui se présente pourtant comme une amie proche de sa mère, qu'elle a cotôyée « pendant treize ans ». Catherine suppose que c'était plus « une relation de sympathie que d'amitié », sa mère, dont elle était proche, ne lui en ayant jamais parlé. Quand Claude l'a prévenue des possessions surprise de cet « homme de confiance », elle est « tombée des nues » : « J'ai eu beaucoup de mal à le croire. » « Pablo avait une grande mémoire de ses œuvres, cette collection extraordinaire, il n'aurait jamais fait ça. A ma connaissance, il ne donnait jamais de grande quantité d'œuvres », précise la belle-fille de Picasso, qui se dit par ailleurs triste de la situation : « Ça me fait de la peine, c'était quelqu'un de très familier. » Elle dit avoir conseillé à Pierre Le Guennec de « donner les dessins » pour éviter un tel procès. Un faisceau d’indicesSi l'hypothèse est refusée en bloc par les proches de Picasso, c'est que le faisceau d'indices impose, selon eux, une évidence : ça ne peut être un don. En revanche, Catherine Hutin-Blay révèle comment les choses étaient stockées dans la villa Notre-Dame-de-Vie, à Mougins, où vivait le couple : « Les choses s'amoncelaient un peu partout, les œuvres n'étaient pas rangées dans des cartons. » Et Pierre Le Guennec avait « accès partout » lors de ses interventions.De leur côté, les prévenus tentent de faire bonne figure, mais accumulent incohérences, déclarations approximatives et changeantes sur les circonstances du don, sur son « oubli » pendant plusieurs décennies dans l'atelier-garage de Pierre Le Guennec. Celui-ci ne sait plus, notamment, comment il a été amené à travailler pour les Picasso, alors que « Nounours », qui a même été son témoin de mariage, était à l'époque au service du couple. En revanche, il se souvient très bien de son travail chez les Picasso. D'abord appelé pour une panne de four, il s'occupera par la suite de tous les problèmes électriques de leurs propriétés, et en particulier de vastes chantiers de sécurisation et de pose d'alarmes. Il affirme ne jamais parler des Picasso avec sa femme, ou même avec « Nounours« , dont il sait pourtant qu'il est propriétaire de plusieurs « toiles », qu'il a vues chez lui.Madame Le Guennec ne dit pas autre chose quand elle explique le plus sérieusement du monde : « Nous, nous sommes des gens qui ne parlons pas ! ». Comment explique-t-elle en revanche ses versions successives des faits ? « Tout s'est mélangé dans ma tête lors de la garde à vue », affirme-t-elle. Elle dit ne pas savoir ce qui lui est reproché, qu’elle et son mari ne s'y connaissent pas du tout en art. Pour ce dernier, d'ailleurs, les œuvres qu'il avait supposément reçues n'étaient que des « essais, morceaux déchirés, froissés, esquisses » sans grande valeur : « Ce n'est pas des tableaux ! » Ce qui expliquerait en partie qu'il les ait remisées sans plus y penser. Pour lui, assure-t-il, elles n'avaient qu'une valeur « affective », pas marchande. Deux petits appartementsCe qui étonne le président, c'est que lorsqu'il a besoin d'agent pour se reconvertir conducteur de taxi en 1983, et qu'il emprunte 540 000 francs à Jacqueline Picasso, celle-ci ne lui ait pas dit qu'il pouvait vendre l'une des œuvres dont elle lui avait fait don. De cet argent, on apprend en revanche que Catherine y a renoncé à la mort de sa mère : elle a trouvé une reconnaissance de dette, qu'elle a déchirée en estimant que cela ne la regardait pas. En revendant sa licence de taxi, cette somme permettra d'ailleurs à M. Le Guennec d'acheter deux petits appartements, à Cannes et à Cagnes. Est-il reconnaissant envers la famille Picasso, lui demandent leurs conseils ? « Oui, très », répond l'ancien employé. Pourtant, fait remarquer Me Neuer, les époux Le Guennec ont attaqué les héritiers Picasso en justice. Leur avocat, Me Gudin, a notamment riposté à l'affaire en contestant devant la justice la qualité d'héritiers des trois enfants de Picasso nés hors mariage : Claude, Maya et Paloma. Une démarche d'un autre temps qui n'avait pas abouti.Pourquoi, en 2009, a-t-il décidé de ressortir ses « vieux papiers » des cartons ?, s'interroge le parquet. M. Le Guennec explique qu'il était malade et devait subir une intervention : il a eu « peur » pour ses enfants s'il lui arrivait quelque chose. Peur de quoi ? Qu'ils aient des « soucis » pour les légitimer, qu'on leur demande un jour de justifier leur « provenance ». « Comme nous aujourd'hui dans ce tribunal… On a voulu leur éviter ça », explique son épouse. Il est suggéré par le parquet que l'exemple des Bresnu a pu leur faire croire qu'il y avait prescription, ou du moins qu'il était possible de faire authentifier les œuvres, puisque le couple était en quelque sorte « passé entre les gouttes ». Histoire de l’artEn tout cas, le professionnalisme de M. Le Guennec étonne beaucoup Me Neuer : l'archivage technique des œuvres, et surtout leur parfaite description, en 2009, en vue de leur authentification auprès de Claude Picasso. Pour appuyer son propos, il se livre à un interrogatoire sur les connaissances en histoire de l'art de M. Le Guennec. « Quelle est l'œuvre de Picasso la plus importante du MoMA ? », lui demande-t-il notamment. Pierre Le Guennec ne sait répondre. « Les Demoiselles d'Avignon, répond l'avocat. Vous ne le savez pas, en revanche, dans votre inventaire des œuvres fourni à la Picasso Administration, vous êtes capable de faire le parallèle entre un dessin en votre possession et L'Arlequin du MoMA… » Selon lui, la chose est claire : il s'est fait aider, malgré les contestations de l'ancien électricien, qui affirme s'être appuyé sur des « livres sur Picasso » dont il a fait l'acquisition.A la surprise générale, l'avocat met en évidence des liens entre les prévenus, leur conseil, Me Charles-Etienne Gudin, et la galerie suisse Jan Krugier, qui lui laisse croire en un plus vaste trafic d'œuvres de Picasso – il souligne que cette même galerie avait exposé des dessins de la collection Bresnu portant de fausses signatures. « Monsieur Le Guennec est un passeur, il a le rôle de la chèvre. Il ne s'agit pas ici d'un simple recel, mais du centre d'un trafic international », lance-t-il. Toujours selon lui, « l'enjeu n'est pas la récupération des œuvres, mais qu'on s'arrête à Le Guennec. Sa défense est pilotée depuis Genève, c'est la fin du mythe du petit électricien face à la succession Picasso ». Il annonce pour la suite : « Vous verrez ce qu'on a trouvé, qui va bien au-delà de tout ça. » Cela promet une seconde journée, consacrée à l'audition des témoins, tout aussi effervescente, mercredi.Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes))Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence du jury au grand complet.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Le palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 11.02.2015 à 08h01 • Mis à jour le11.02.2015 à 08h54 | Gilles Paris (Washington, correspondant) Les honneurs se sont abattus sur Jon Stewart aussi sûrement que l’opprobre a plu sur Brian Williams. Par un hasard improbable, l’annonce, mardi 10 février, du départ prochain de l’animateur vedette de la chaîne américaine Comedy Central, après seize ans de présentation d’une parodie de journal télévisé, a coïncidé avec la mise à pied sans salaire, pour six mois, de l’anchorman – « présentateur » – de NBC, coupable d’avoir pris quelque liberté avec la vérité. Une gifle pour cet héritier de la lignée autrefois prestigieuse mais désormais en péril des présentateurs des grands-messes des débuts de soirée.Comme l’avait remarqué la chroniqueuse du New York Times Maureen Dowd dans sa colonne dominicale du 8 février transformée en missile Hellfire contre Brian Williams, le premier des deux, pilier d’un « Daily Show » nocturne satirique et déjanté qui s’est imposé pendant près de seize ans comme un quasi-bréviaire de contre-culture médiatique, n’a pas été pour rien dans les déboires de la chaîne du second. Il a été, il est vrai, grandement aidé par le développement des réseaux sociaux, prompts à construire un discours alternatif à celui dispensé par les grands networks et que son émission quotidienne n’a cessé d’alimenter en mêlant farce paillarde et dissection impitoyable des travers de la politique américaine.Brian Williams ne peut s’en prendre qu’à lui-même pour avoir embelli un épisode de sa couverture de l’invasion de l’Irak par l’armée américaine en 2003 : avoir prétendu être à bord d’un hélicoptère contraint à un atterrissage d’urgence après avoir été touché par un tir de RPG, et plus encore pour avoir cru qu’un demi-aveu permettrait de masquer son mensonge. Mais il aurait sans doute été en meilleure position si NBC n’avait à s’inquiéter des chiffres d’audience en berne de ses émissions phare, qu’il s’agisse du journal d’information du soir comme le rendez-vous hebdomadaire « Meet the press ».La cible Fox NewsL’annonce du départ de Jon Stewart a sans doute ravi les conservateurs américains, régulièrement tournés en ridicule, même si l’animateur ne cache pas sa sympathie pour des francs-tireurs républicains de la stature d’un John McCain. En 2010, en pleine vague Tea Party, Jon Stewart et un autre animateur vedette de Comedy Central, Stephen Colbert, avaient réuni plus de 200 000 personnes à Washington lors d’un « rallye pour restaurer le bon sens ou la peur ». Ils égratignaient un rassemblement organisé plus tôt par un animateur vedette de la chaîne conservatrice Fox News, source inépuisable d’inspiration pour le « Daily Show ».Stephen Colbert était devenu vedette de son propre programme après avoir fait ses gammes comme bien d’autres auprès du maître du « Daily Show ». Son « Colbert Report » était une autre parodie de journal télévisé dans laquelle il incarnait un modèle de conservateur infatué et loufoque. Après avoir mis fin à l’aventure en décembre, avec tous les hommages comme Jon Stewart mardi, Stephen Colbert prendra en mai la succession de l’humoriste David Letterman à la tête du « Late Show », l’inoxydable programme du soir de CBS.Jon Stewart avait déjà déserté le « Daily Show » pour réaliser, en 2014, un film dramatique, Rosewater, adapté de l’histoire du journaliste iranien Maziar Bahari. Ce dernier avait été emprisonné et torturé en Iran, après un entretien accordé au « Daily Show » dans le cadre de la réélection mouvementée du président Mahmoud Ahmadinejad. Mardi, ni Comedy Central ni Jon Stewart ne donnaient d’indications sur le tour que ce dernier entendait donner à sa carrière. Gilles Paris (Washington, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.02.2015 à 17h53 • Mis à jour le10.02.2015 à 18h37 Un tableau attribué par certains experts à Leonard De Vinci, intitulé Portrait d'Isabella d'Este, a été saisi en Suisse sur demande de la justice italienne, a annoncé mardi 10 février le parquet italien. Une saisie qui relance la polémique sur l'authenticité de ce portrait.En octobre 2013, le quotidien italien Corriere della Sera avait annoncé que ce tableau avait été authentifié, se basant sur l'expertise de l'historien de l'art Carlo Pedretti. Directeur du centre des études vinciennes du Hammer Museum de Los Angeles, M. Pedretti, expert reconnu, est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'artiste. Le Louvre possède un dessin d'Isabelle d'Este par Vinci, mais les experts estimaient jusqu'ici que l'œuvre n'avait jamais été peinte.Ce tableau appartient à une famille italienne qui vit entre le centre de la péninsule et la partie germanophone de la Suisse, écrivait alors le Corriere. Leur collection (environ 400 œuvres) se trouve en Suisse depuis un siècle environ et sa majeure partie aurait été achetée par les grands-parents des actuels propriétaires, selon la même source. Selon le quotidien germanophone suisse Aargauer Zeitung, il s'agirait des héritiers de l'industriel et amateur d'art Peter Zai (1855-1936) qui vivait à Turgi, dans le canton d'Argovie. Mais l'autorité du professeur Pedretti ne réussit pas à convaincre tous les experts.« JE NE VOIS PAS LA MAIN DE LÉONARD »« Il s'agit sûrement d'une version d'atelier ou vraisemblablement plus tardive (XVIe ou XVIIe), tirée du portrait dessiné du Louvre », estimait à la même époque Jacques Franck, un autre expert, cité par Le Figaro. « Je ne vois pas la main de Léonard, même si c'est un document intéressant. Rien n'exclut qu'elle puisse être contemporaine de Léonard, mais j'en doute : les principales avanies subies par les œuvres graphiques du maître sont postérieures à sa mort, et le dessin du Louvre a été mutilé. Le portrait peint inclut ces manques », avait conclu M. Franck.Vrai ou faux Léonard, partiellement vrai et achevé par ses élèves, la prudence est désormais de mise dans l'attente de nouvelles expertises. Le parquet de Pesaro, à l'origine de la mise sous séquestre en raison d'une enquête compliquée concernant « l'exportation clandestine » du tableau mais également des « délits fiscaux et fraudes à l'assurance », évoque mardi dans son communiqué « une œuvre attribuée à Léonard de Vinci ». « Lorsque le tableau reviendra en Italie, le parquet ordonnera d'ultérieures expertises pour confirmer la paternité de l'œuvre », ajoute le parquet.Selon la justice italienne, « les négociations concernant la vente de l'œuvre étaient bien avancées et tournaient autour d'un montant de 120 millions d'euros » pour cette huile de 61 cm par 46,5.Lire aussi (en édition abonnés) : Tempête pour un crâne… attribué à Léonard de Vinci Florence Evin Jack Lang, président de l’Institut du Monde Arabe, réagit à la vidéo mise en scène par les djihadistes de Daech et diffusée sur Internet jeudi 26 février, montrant le saccage, au musée de Mossoul et sur le site de Ninive, en Irak, des statues et reliefs de pierre millénaires de l’empire assyrien. L’ancien ministre de la culture appelle au renforcement de la coalition internationale, notamment des pays arabes, contre les terroristes, qui utilisent la culture comme arme.En Irak, Daech frappe la culture en plein cœurAvec Daech, est-ce le retour de l’obscurantisme, d’une culture totalitaire apparentée au nazisme ?On a affaire à des fanatiques qui ont pour ambition d’instaurer un ordre dictatorial et totalitaire : un seul chef, une seule philosophie. Tout le reste est impie, doit être massacré, dilapidé, détruit. Ils se sont mis à l’écart de l’humain, en adoptant une idéologie de destruction de l’humain. Leurs méthodes sont les mêmes que celles des nazis, qui s’attaquaient autant à la pensée qu’aux êtres humains eux-mêmes, avec les autodafés, les camps de concentration. Les nazis, c’est la suppression de toute pensée, hormis celle d’Hitler.En remontant le temps, peut-on évoquer l’Inquisition ?Les terroristes fanatiques se drapent dans les oripeaux de l’islam, qu’ils trahissent. Cela rappelle l’Inquisition, lorsque Isabelle La Catholique, fanatique, chassa les juifs et les musulmans d’Espagne, ceux qui refusaient de se convertir. Tout signe religieux autre que chrétien fut détruit. Il y a probablement eu aussi des califats dans l’histoire de la conquête qui ont agi de la sorte. Chasser les idoles, ce n’est pas nouveau.Comment cerner les racines du mal ?Ça ne change rien de rechercher les racines du mal, quand les Occidentaux prennent de grands airs. On oublie que Monsieur Bush a enclenché la déstabilisation de l’Irak : la destruction a été suivie par l’installation d’un gouvernement intolérant, d’une grande cruauté, qui a mis à l’écart les sunnites. Daech est le fruit amer de Bush et de Saddam.A Mossoul, le nettoyage culturel s’étend des bibliothèques aux mausoléesAux yeux des terroristes, la culture est-elle l’arme la plus efficace pour toucher un large public ?Cette entreprise criminelle, totalitaire, lucrative, cynique, utilise le système terroriste qu’on a connu à différentes périodes de l’histoire – sous le régime stalinien, notamment –, pour mettre en scène, en ligne, les destructions d’œuvres d’art et les diffuser mondialement avec une véritable science médiatique. C’est un phénomène complètement nouveau. Elle cherche à terroriser le monde par des actes, des images, des comportements qui peuvent faire peur, jusqu’à la capitulation.La communauté internationale, notamment arabe, en fait-elle assez ?La situation est monstrueuse. Que faire ? Face à cela, il ne faut accepter aucune concession, d’aucune sorte. Tout signe de faiblesse fait leur jeu. Un demi doigt dans cet engrenage, accepter de battre en retraite, ne serait-ce que d’un millimètre, donneraient raison à des gens qui utilisent le terrorisme pour imposer un ordre totalitaire absolu. En France, il ne faut pas céder d’un pouce. La monstruosité est telle qu’elle finira par susciter, y compris chez certains naïfs qui se sont laissés abuser, une coalition. Celle de l’ensemble des pays arabes s’amplifie.Destructions d’œuvres d’art : « C’est un djihad mené contre le passé »Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.02.2015 à 19h33 • Mis à jour le27.02.2015 à 23h34 Timbuktu sera bien en compétition au Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Burkina Faso. Après plusieurs jours d'atermoiements et de rumeurs annonçant comme quasi certain le retrait du film d'Abderrahmane Sissako du programme pour des raisons de sécurité, décision a été prise de faire concourir le long-métrage récemment plébiscité aux Césars.« Le gouvernement du Burkina Faso a décidé de la diffusion de Timbuktu », a déclaré, vendredi 27 février, à la radio nationale Jean-Claude Dioma, le ministre de la culture burkinabè, alors que le Fespaco s'ouvre samedi. « Mais pour accompagner cela, des mesures sécuritaires renforcées vont être prises », a-t-il poursuivi, faisant état de « risques » que les autorités avaient d'abord dû évaluer avant de trancher sur la projection du film.Lire aussi (édition abonnés) : Fespaco : « Timbuktu » n'est plus en Afrique« PAS MAL DE PROBLÈMES SÉCURITAIRES »« Il y a pas mal de problèmes sécuritaires qui se posent [autour de] Timbuktu », confiait, jeudi, M. Dioma. S'il affirmait « ne pas avoir eu vent de menaces sur le Burkina ou sur des quelconques intérêts », il y a, soulignait-il, « des menaces partout où les islamistes pensent qu'on est en train de toucher à des aspects de leur croyance ».Abderrahmane Sissako avait milité pour la programmation de son film au Fespaco. « D'abord, je n'ai rien entendu sur les menaces qui pèseraient sur moi », a-t-il expliqué au Monde. « Je peux rester moins longtemps que prévu et je ne traînerai pas dans les maquis [les restaurants populaires]. Ce serait dommage d'annuler, si une projection du film avait un sens, c'était bien celle de Ouagadougou. »Fondé en 1969, le Fespaco, un des principaux festivals de cinéma d'Afrique, se tient tous les deux ans au Burkina Faso. Au moins 12 000 festivaliers, dont 5 000 étrangers, sont attendus pour la 24e édition de cette manifestation populaire. Gabriel Coutagne Une polémique en a chassé une autre. Cette année encore, le World Press Photo avait soulevé la question de la retouche en photographie, en annonçant avoir rejeté près de 20 % des photographies présentées au jury du prestigieux prix. Mais c’était sans compter sur une autre affaire, révélée mercredi 25 février par le site Our Age Is 13, spécialiste de l’actualité photographique.Dans un courrier adressé à la présidence du jury du World Press Photo, et que Le Monde a pu consulter, la mairie de Charleroi « demande de retirer le prix qui a été accordé à M. [Giovanni] Troilo à la lumière de notre argumentation et de nos explications ». En cause, une série d’images, très sombre, qui montre différents personnages, présentés comme des Carolorégiens, dans des situations décrivant une misère sociale et morale, ou s’adonnant à des pratiques sexuelles libertines.L’auteur, Giovanni Troilo, est un photographe italien travaillant habituellement dans les domaines de la mode et de publicité. Il a été récompensé dans la catégorie « sujets contemporains », pour un projet intitulé The Dark Heart of Europe. Le photographe présente son travail sur son site :« Aujourd’hui, le malaise social s’insère dans la vie des citoyens [de Charleroi]. Les routes, qui étaient à l’époque propres et fleuries, sont aujourd’hui abandonnées et en mauvais état. Les usines ferment et la végétation reprend ses droits dans les vieux quartiers industriels. Une sexualité perverse et malade, la haine raciale, une obésité névrotique, l’abus d’antidépresseurs semblent être les seuls remèdes pour surmonter ce malaise endémique. »« UNE ATTEINTE À LA PROFESSION DE PHOTOJOURNALISTE » Dans les jours qui ont suivi l’annonce du prix, le 12 février, « plusieurs personnes, dont des photographes, ont réagi sur les réseaux sociaux », raconte Molly Benn, rédactrice en chef du site Our Age Is 13.@lesoir WPressPhoto 2015.Le misérabiliste "Dark heart of Europe" sur #charleroi primé. http://t.co/kB9S3QJoDC http://t.co/Zuo3UR9XXz— Humbert_Tesla (@Umberto di Tesla)require(["twitter/widgets"]);Parmi eux, le photojournaliste belge Thomas Vanden Driessche s’était interrogé sur ce qu’il considère comme une dérive du photojournalisme.Triste... Ou peut-être un nouveau point de départ pour s'interroger sur les dérives d'un certain photojournalisme... http://t.co/DzCvURFeHd— thomasvdd (@T. Vanden Driessche)require(["twitter/widgets"]);« C’est en tant que photojournaliste que je me suis senti concerné par ce prix », explique au Monde Thomas Vanden Driessche. Sa question a alimenté le vif débat sur les réseaux sociaux, auquel ont pris part photographes et habitants de Charleroi. « Nous avons d’abord été contactés par plusieurs photographes », confirme la mairie de la ville. Si le souci principal de la municipalité est bien d’en défendre la réputation, l’argument pour convaincre le World Press Photo de retirer ce prix est journalistique.« Nous considérons le sujet du photographe, construit de toutes pièces, tant comme une atteinte à la ville et aux habitants de Charleroi que comme une atteinte à la profession de photojournaliste en tant que telle », dénonce dans sa lettre le bourgmestre de la ville, Paul Magnette (PS), en fonction depuis juillet 2014. « Le caractère falsifié et mensonger des légendes, la manipulation de la réalité, la construction d’images chocs mises en scène par le photographe, malhonnêtes […] trahissent les bases de l’éthique journalistique », poursuit l’élu.Le recours à la mise en scène est parfois légitime dans un projet documentaire, notamment lorsque l’on réalise un portrait, mais le World Press Photo, dans un document disponible en ligne, précise qu’une image ne doit pas faire l’objet d’une mise en scène ou d’une reconstitution. De plus, certaines imprécisions dans les légendes posent problème.UN RÉCIT PERSONNEL Le rendu de ce portrait et sa légende suggèrent que cette personne vit recluse chez elle pour fuir la violence de son quartier. Thomas Vanden Driessche souligne pourtant « qu’il s’agit de Philippe G., une personnalité bien connue à Charleroi […]. Il habite dans un quartier populaire mais relativement paisible. Sa maison est également un bar à vin ». Sur son profil Facebook, le modèle raconte le moment de la prise de vue :« Le photographe m’a demandé de poser pour lui, dans mon intérieur, et a demandé à ce que je sois torse nu, ce qui ne m’a nullement dérangé, n’ayant aucun complexe par rapport à mon physique. Les deux artistes étaient sympathiques et ne cachaient pas qu’ils mettraient en scène leurs photos, disant clairement qu’ils ne faisaient pas un reportage, mais un travail photo. Par contre, je m’insurge contre le terme d’“obésité névrotique”, qui, s’il peut qualifier d’autres personnes que je ne connais pas, n’est absolument pas mon cas. »De son côté, Giovanni Troilo ne semble pour l’instant pas trop inquiet de la polémique, comme le rapporte un blog du quotidien italien La Repubblica : « Je m’attendais aux polémiques, et ils n’ont pas été tendres… Mais je n’imaginais pas des réactions de ce genre. Je comprends l’ambiance, ils cherchent à promouvoir une image neuve de la ville [Charleroi], et dire certaines choses dérange. »Le photographe se défend, présentant son projet comme un récit personnel plutôt que comme un reportage au sens strict. Pour lui, ce travail rend compte de choses « qu[’il a] vues, qu[’il] conna[ît], dont [il] sai[t] qu’elles existent », tout en concédant, en creux, que certaines images sont mises en scène : « Il y a aussi des photos où [les personnes] ne posent pas, la dame avec la tête inclinée sur la table est véritablement une personne dans un hospice, c’est une amie de ma tante. La police était vraiment en train de charger… »Le World Press Photo n’a pas encore donné suite au courrier du bourgmestre, mais il a annoncé le 26 février qu’une enquête avait été ouverte. Giovanni Troilo reconnaît en conclusion de l’interview accordée à La Repubblica qu’il va devoir fournir des explications.Gabriel CoutagneJournaliste au Monde Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... 27.02.2015 à 15h06 • Mis à jour le27.02.2015 à 15h59 | Francine Aizicovici Le Grand-Duché du Luxembourg manque à ses obligations en matière de prévention des abus du recours aux contrats à durée déterminée (CDD) pour les intermittents du spectacle. C’est ce que décide la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 26 février, indique l’Agence d’informations sociales AEF. La Cour avait été saisie d’un recours en manquement dirigé par la Commission européenne contre le Luxembourg.Le code du travail luxembourgeois prévoit que, comme en France, la durée maximale d’un CDD ne peut dépasser vingt-quatre mois, renouvellement compris. Il prévoit les cas de recours au CDD pour des « tâches précises et non durables » telles que le « remplacement d’un salarié temporairement absent », « l’emploi à caractère saisonnier », etc.« Il ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise », précise le code du travail du Grand-Duché. Toutefois, une dérogation est prévue « pour les intermittents du spectacle » : leurs CDD « peuvent être renouvelés plus de deux fois, même pour une durée totale dépassant vingt‑quatre mois, sans être considérés comme contrats de travail à durée indéterminée ».Ce qui, selon la CJUE, constitue un manquement aux obligations prévues par l’accord-cadre européen de 1999 annexé à la directive sur le travail à durée déterminée de la même année. En vue de la prévention des abus, l’accord-cadre dispose notamment que le renouvellement des CDD doit être justifié par une « raison objective » permettant de vérifier si ces contrats correspondent à un besoin véritable.La loi française pas très différenteOr, la Cour constate que la loi luxembourgeoise autorise les employeurs à conclure ces CDD avec les intermittents y compris pour des besoins permanents et durables. Le Luxembourg avait invoqué un arrêt antérieur qui, selon lui, considère que la situation des intermittents serait caractérisée par l’existence de « raisons objectives », au sens de l’accord-cadre et de la jurisprudence de la Cour.En particulier, ces travailleurs participeraient à des projets individuels et limités dans le temps et une certaine flexibilité ainsi que des avantages sociaux résulteraient de la possibilité, pour un employeur, de renouveler des contrats à durée déterminée avec ces mêmes travailleurs. Un argument balayé par la Cour européenne.La loi française n’est pas très différente de la loi luxembourgeoise. Elle prévoit une quinzaine de secteurs d’activités, dont celui des spectacles, « dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».Toutefois, le fait qu’un emploi pourvu en CDD successifs est conclu dans l’un de ces secteurs n’exclut pas, qu’en cas de litige, l’employeur devra démontrer au juge le caractère temporaire de ce poste. C’est qu’affirment depuis plusieurs années des arrêts de la Chambre sociale et la chambre criminelle de la Cour de cassation.Francine AizicoviciJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Ce n’est pas une divine surprise, ce sont plutôt de vraies raisons d’espérer. La Fnac, qui s’est fortement transformée depuis cinq ans, voit enfin les effets positifs de cette mutation et juge que son modèle économique est à terme viable. En 2014, le premier distributeur français de produits culturels et technologiques a enrayé la dégradation de ses ventes.Son chiffre d’affaires s’est stabilisé à 3,9 milliards d’euros, contre une baisse de 3,1 % en 2013. Sur le second semestre de 2014, son activité a même crû de 0,9 %. Sur l’exercice 2014, la Fnac a multiplié son bénéfice net par trois, qui est passé de 15 à 41 millions d’euros, après des pertes de 142 millions en 2012, selon les chiffres rendus publics, jeudi 27 février.Arrivé à la tête du groupe en 2011, Alexandre Bompard estime qu’« aujourd’hui, tous les indicateurs sont au vert ». Après une année 2013, marquée par la sortie du groupe Kering (ex-PPR) et l’entrée en Bourse de l’enseigne culturelle, qui a amorcé le redressement de l’entreprise, « 2014 vient consolider notre modèle », estime-t-il, avant une phase de développement prévue pour 2015.Le livre en tête des ventesLa France représente toujours 70 % des ventes du distributeur. Sur les marchés étrangers où il est présent, le groupe est plutôt à la peine, à l’exception de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) où les ventes ont progressé de 0,7 %, à 659 millions d’euros, tirées en partie par des ouvertures de magasins. Le Brésil a en revanche chuté (– 11,3 %) dans un contexte de consommation ralentie, de même la Suisse et la Belgique se sont repliées de 2,6 % sur l’année.La Fnac ne donne plus d’information concernant la répartition de ses ventes par familles de produits. Mais le livre reste, à ce jour, le premier produit culturel vendu par l’enseigne. En 2013, le chiffre d’affaires qu’elle réalisait en France dans ce secteur s’élevait à 452 millions d’euros. Depuis, la Fnac est passée de 108 à 112 points de vente dans l’Hexagone dont 27 franchisés avec aussi deux espaces « Culture et loisirs » du groupe Intermarché. Cette alliance stratégique avec Intermarché va se renforcer en 2015, avec l’ouverture d’un troisième espace de ce type, en mars.De fait, la santé recouvrée de la Fnac repose en partie sur la bonne résistance du marché du livre, en France, mais c’est plus par la mise en place de nouveaux produits et par l’«omnicanalité » (c’est-à-dire qui associe différents canaux de distribution) que la Fnac explique les raisons de son retour à la croissance. En 2014, les cinq nouvelles familles de produits (petit électroménager, art de la table, jeux et jouets, papeterie, téléphonie et objets connectés) ont représenté 11 % des ventes totales, contre 6 %, il y a cinq ans. Ainsi la Fnac a vendu près de 600 000 téléphones mobiles sans abonnement en 2014.Une dérogation pour ouvrir le dimancheAu moment où des géants du Net, comme Amazon et Google, amorcent un virage avec l’acquisition de magasins physiques, la Fnac considère que cette évolution valide sa stratégie élaborée en 2011 de devenir le principal distributeur culturel multicanal en France, avec à la fois une forte présence dans l’e-commerce, mais aussi le maintien de magasins physiques et la volonté de mettre l’accent sur les magasins de proximité.La Fnac souligne que ses ventes omnicales ont représenté, en 2014, plus de 35 % des ventes Internet du groupe en France, contre 29 % en 2013. Fnac.com occupe la deuxième place de site d’e-commerce, ex aequo avec Cdiscount, derrière Amazon. A noter qu’en 2014, la Fnac n’a fait aucun plan de restructuration, en France.Pour l’avenir, Alexandre Bompard se montre plutôt optimiste et mise sur la poursuite de ces axes de croissance. Dans un entretien accordé, vendredi 27 février, au Figaro, le PDG de la Fnac se fait l’avocat d’« une dérogation pour le secteur de la culture qui permettrait à la Fnac d’ouvrir tous les dimanches ». Un joli pavé dans la marre, alors que la loi Macron vient tout juste d’être adoptée au forceps, mais qui a sa logique économique : dès lors que 35 % des ventes culturelles se font en ligne, M. Bompard considère que cette décision serait salutaire pour renforcer les acteurs français de la distribution culturelle.>> Lire aussi : Plaidoyer du patron de la FNAC pour le travail dominicalAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Ce sera finalement en octobre. Les 5es Rencontres internationales du dessin de presse organisées par le Mémorial de Caen auront bel et bien lieu, mais à l’automne, et non les 10 et 11 avril comme initialement prévu. Après avoir annoncé, jeudi 26 février, que la manifestation était annulée au printemps pour des raisons de sécurité, le directeur du site, Stéphane Grimaldi, a confié, vendredi 27 février, au Monde, que ce rassemblement d’une quarantaine de caricaturistes du monde entier se tiendrait six mois plus tard, en octobre, donc : « Cela fait quarante-huit heures que nous cherchions une autre date. C’est fait. Cela va nous laisser le temps pour reconfigurer notre événement. »Un certain nombre d’indices avait incité la direction du Mémorial à repousser ces Rencontres. Tout d’abord, le piratage – à six reprises depuis l’attaque contre Charlie Hebdo – du site Internet du musée. Celui-ci s’est notamment trouvé hors service pendant deux jours en janvier après avoir été visé par des hackers se présentant comme des islamistes tunisiens. Ensuite, les fusillades de Copenhague, les 14 et 15 février, ont eu pour effet de diffuser un sentiment d’inquiétude parmi certains des dessinateurs invités, en particulier étrangers. Si un seul des 44 auteurs attendus avait annulé sa venue, M. Grimaldi dit avoir reçu plusieurs courriers faisant part d’une vive appréhension.400 000 visiteurs chaque annéeLe Mémorial s’est enfin rendu compte que la sécurisation de la manifestation tenait de la gageure. Plusieurs interventions de caricaturistes devaient, en effet, se tenir à l’« extérieur » du site, en particulier à l’université de Caen et dans des lycées. « Cela devenait ingérable », explique M. Grimaldi. Quant au site lui-même, qui accueille chaque année 400 000 visiteurs, sa configuration rend impossible un filtrage total des allées et venues, comme ont pu le constater certains observateurs en accueillant, fin janvier, le 18e Concours de plaidoiries des lycéens pour les droits de l’homme. Ce report des Rencontres internationales du dessin de presse fait écho à la décision des autorités belges, le 21 janvier, d’annuler une exposition consacrée à Charlie Hebdo au Musée Hergé de Louvain-la-Neuve. Le bourgmestre de la ville et les forces de police avaient alors estimé que sa tenue pouvait faire courir un risque au personnel du musée et à la population de la commune.En Belgique, le Musée Hergé renonce à rendre hommage à « Charlie Hebdo »Aucun incident à AngoulêmeAucune reculade, en revanche, n’a eu lieu au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, dont la 42e édition s’est déroulée fin janvier. Montées à la hâte, deux expositions ont rendu hommage au journal satirique : l’une à l’intérieur même de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image ; l’autre dans les rues de la cité charentaise où des affiches représentant des « unes » de Charlie Hebdo – assez osées pour certaines – avaient été collées sur les panneaux électoraux. Aucun incident n’a été signalé. Pendant le festival, les autorités locales ont également rebaptisé la place des Halles en « place Charlie pour la défense de la liberté d’expression ».Festival d’Angoulême : une année particulièreD’hommage aux caricaturistes disparus, il sera également question fin septembre à l’Humour vache, un festival consacré au dessin de presse organisé depuis trente-quatre ans à Saint-Just-le-Martel, un village de Haute-Vienne. Cabu, Wolinski, Charb et Tignous, tués dans les attentats des 7, 8 et 9 janvier, étaient des habitués de cette manifestation qui offre chaque année à son lauréat l’équivalent financier d’une vache en chair et en os. « Nous n’avons pas encore décidé de la forme que prendrait cet hommage, indique au Monde le responsable de la manifestation, Gérard Vandenbroucke. J’ai souhaité respecter une période de distanciation, au moins le temps que Charlie reparaisse, avant d’en parler aux familles des victimes. »Mines plombéesLe site Internet de l’Humour vache avait été piraté après l’affaire des caricatures danoises de 2005. Aucun signe, aucune menace, aucun message n’est arrivé au siège de l’association depuis la tuerie de Charlie Hebdo, sinon des « témoignages de sympathie ». « Il est vrai qu’on n’a encore rien annoncé de notre programme, c’est peut-être pour cela qu’on nous laisse tranquilles, ironise M. Vandenbroucke. Il va de soi que notre thématique, cette année, tournera autour de la liberté d’expression. »Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », la BD solidaireFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Revolver », pilule psychédéliqueCette semaine : autour de l’album Revolver (août 1966).« Taxman » (Harrison), par The Power StationSeule composition de George Harrison (1943-2001) à ouvrir un album des Beatles, Taxman a été écrite par le plus discret des Beatles en réaction à l’institution d’une supertaxe de 95 % pour les revenus les plus élevés (« Should five per cent appear too small/Be thankful I don’t take it all/Cos I’m the taxman/Yeah I’m the taxman », « Si 5 % te semble trop peu/Sois heureux que je ne prenne pas tout »). Cette « protest song » sur des problèmes de riches a généré une quarantaine de reprises. Dont celle d’un supergroupe du milieu des années 1980, The Power Station, constitué du chanteur Robert Palmer (1949-2003), du guitariste Andy Taylor et du bassiste John Taylor, membre du groupe Duran Duran, et du batteur de Chic, Tony Thompson (1954-2003), sous la houlette du bassiste et producteur de Chic, Bernard Edwards (1952-1996). The Power Station s’est reformé en 1996 le temps d’un album, Living In Fear, avec Edwards à la basse – Taylor avait travaillé sur les compositions et les arrangements mais avait quitté le groupe peu avant les séances d’enregistrement. Outre la reprise de Taxman, l’album proposait Let’s Get It On de Marvin Gaye (1939-1984). Edwards devait mourir, en avril, quelques mois avant la sortie du disque en septembre 1996. « Eleanor Rigby » (Lennon-McCartney), par The Four TopsAvec son double quatuor à cordes en soutien des harmonies vocales de Paul McCartney (qui assure le chant principal), John Lennon (1940-1980) et George Harrison, Eleanor Rigby a souvent donné lieu à des reprises qui en rajoutent dans le « symphonisme » (la plus grosse cavalerie dans le genre étant due au groupe américain de hard-rock progressif Kansas). Si le chanteur brésilien Caetano Veloso l’a abordé sobrement, c’est au groupe vocal soul The Four Tops, l’une des formations les plus en vue de Motown dans les années 1960 et le début des années 1970, que l’on doit cette superbe version. Produite par Norman Whitfield (1940-2008), qui travailla en particulier avec l’autre grande formation vocale masculine de Motown, The Temptations, elle figure dans l’album Now !, publié en 1969, qui se concluait par une reprise tout aussi inventive de The Fool On The Hill, l’une des chansons des Beatles de la fin 1967 présente sur Magical Mystery Tour. « I’m Only Sleeping » (Lennon-McCartney), par LoboNé Roland Kent LaVoie, en 1943, Lobo est connu des amateurs pour ses premiers albums country-folk-pop au début des années 1970 pour la compagnie phonographique Big Tree. Un ensemble de bonne facture (Introducing Lobo, en 1971, avec le tube Me and You and a Dog Named Boo, Calumet en 1973, A Cowboy Afraid Of Horses, en 1975…) parmi lesquels son quatrième album, Just A Singer, en 1974, dont est tiré I’m Only Sleeping, qui donna aussi lieu à un 45-tours. Aux effets de sons inversés sur les guitares et le traitement façon sitar de la guitare acoustique développé par les Beatles, Lobo a substitué un discret contre-chant aux claviers qui fait beaucoup dans la réussite de son adaptation. « Love You To » (Harrison), par BongwaterPremière chanson des Beatles à traduire clairement l’intérêt du groupe, plus exactement celui de George Harrison, pour la musique indienne, Love You To a donné lieu à une poignée de reprises. Du thème original joué par Harrison aux guitares et au sitar (instrument qu’il avait déjà utilisé dans la chanson Norwegian Wood (This Bird Has Flown) en octobre 1965), Ringo Starr au tambourin et par les musiciens indiens d’un ensemble traditionnel, le groupe de rock expérimental new-yorkais Bongwater a fait une éruption sonore. Elle se trouve sur Double Bummer (Shimmy Disc, 1989), le disque le plus intéressant de ce groupe actif du milieu des années 1980 à 1992. Un double album bourré de références, avec des chansons qui évoquent Frank Sinatra (1915-1998), David Bowie, le reggae, et des reprises dont You Did It Again de Kevin Ayers (1944-2013), Dazzed and Confused de Led Zeppelin chanté en cantonais et un doublé Beatles avec, outre ce Love You To, la chanson Rain. « Here, There and Everywhere » (Lennon-McCartney), par Claudine Longet et sous le titre « Se Mai Te Scantassi di Me » par Laura LucaCette douce ballade, dont Paul McCartney dira qu’elle devait beaucoup aux modulations vocales des Beach Boys, a plus particulièrement suscité des vocations chez les chanteuses, dont Céline Dion, Bobbie Gentry (créatrice du tube Ode to Billie Joe, qui mena l’album du même nom à détrôner à l’été 1967 des classements des meilleures ventes aux Etats-Unis le Sgt Pepper’s des Beatles), Emmylou Harris… Et puis il y a Claudine Longet et Laura Luca. Difficile de choisir entre les deux, d’où cette double présentation.Parisienne partie vivre aux Etats-Unis dans les années 1960, Claudine Longet a joué dans le film psychédélico-catastrophe The Party (1968), de Blake Edwards (1922-2010) avec Peter Sellers (1925-1980), et enregistré entre 1967 et 1972 plusieurs albums essentiellement pop constitués de reprises. Dont, parmi d’autres hommages aux Beatles, Here, There and Everywhere dans l’album Claudine (A & M Records, 1967). L’Italienne Laura Luca, chanteuse, pianiste et guitariste, a été révélée au grand public italien avec la chanson Domani Domani lors de la 28e édition du Festival de Sanremo. Une chanson que l’on trouve dans son premier album pour Dischi Riccordi, en 1979, Se Mai Ti Stancassi di Me, titre de son adaptation d’Here, There and Everywhere. De l’intimité pop de ses débuts, Laura Luca est passée, au début des années 1980, à une approche plus rock (elle reprendra notamment Get Back des Beatles) puis à une variété plus passe-partout.  « Yellow Submarine » (Lennon-McCartney), sous le titre « Un p’tit sous-marin jaune » par Les Nouveaux BaronetsEn plus de sa présence sur l’album Revolver, le sous-marin jaune des Beatles figurait en face B du single Eleanor Rigby. Chanté par Ringo Starr, Yellow Submarine se retrouvera aussi dans la bande-son du film d’animation du même nom en 1968 et dans l’album lié au film en 1969. Ce qui fait beaucoup pour une chanson que l’on peut considérer comme mineure dans le répertoire des Beatles. Elle donna généralement lieu à des reprises pas très sérieuses, dans l’esprit de l’original. En France, le sous-marin est devenu vert pour une question de rime, quelques semaines après la sortie de la chanson des Beatles, dans son adaptation par Jean Broussolle pour Les Compagnons de la chanson, dont il était le parolier. Maurice Chevalier (1888-1972) le chantera tout aussi vert dans sa reprise de la reprise ainsi que le duo Jean-Marie & Raoul, pour qui ce qui importe dans le sous-marin, ce sont les marins. C’est aux Canadiens francophones du trio Les Nouveaux Baronets (anciennement Les Baronets à leur formation en 1961) que l’on doit le respect de la couleur jaune du sous-marin dans une adaptation, en 1966, par René Angélil, futur agent artistique et mari de Céline Dion. Si la couleur reste, le sous-marin a perdu en taille devenant Un p’tit sous-marin jaune. « She Said She Said » (Lennon-McCartney), par The FeeliesLe duo malin de blues rock The Black Keys (Dan Auerbach, guitare et chant, Patrick Carney, batterie) avait mis au cœur de son premier album, The Big Come Up (Alive Records, 2002), une version sans fioritures et directe de She Said She Said, l’une des envolées psychédéliques de Revolver. Paul McCartney absent lors des séances d’enregistrement, c’est George Harrison qui tient la basse. Le groupe de blues rock et d’improvisations Gov’t Mule, copain de Grateful Dead et de l’Allman Brothers Band, l’a traité comme prétexte à des échanges solistes un peu vains. Le groupe post punk américain The Feelies en a lui enregistré une version plus classiquement proche de l’arrangement original, sans effets sonores et menant à un final dynamique, qui dans ce cas restait le meilleur moyen d’aborder cette chanson. A trouver sur le 45-tours No One Knows (Coyote/Twin/Tone, 1986) qui accompagnait The Good Earth, deuxième album du groupe, leur meilleur. « Good Day Sunshine » (Lennon-McCartney), par LuluClaudine Longet, déjà évoquée pour sa reprise d’Here, There and Everywhere, avait un autre extrait de Revolver à son répertoire, cette ritournelle joyeuse, très Eté de l’amour 1966 (« bonjour soleil »), qui ouvrait la face B de l’album des Beatles. Mais, de la dizaine de reprises notables, c’est celle de Lulu (née Marie McDonald McLaughlin Lawrie en 1948) qui domine. Par son traitement soul (avec la section de vents The Memphis Horns), le phrasé crâneur, un rien crapule de la chanteuse et actrice écossaise. Sa version venait au début de son album Melody Fair (Atco, 1970) produit et arrangé, comme le précédent New Routes, par Jerry Wexler (1917-2008), Tom Dowd (1925-2002) et Arif Mardin (1932-2006) qui, en matière de soul avaient, ensemble ou séparément, quelques lettres de noblesse, dont Aretha Franklin, Roberta Flack, Wilson Pickett (1941-2006), Ray Charles (1930-2004) ou une autre Britannique sublimement tombée dans le genre, Dusty Springfield (1939-1999). Rappelons que Lulu enregistra, en 1974, deux reprises d’une autre fierté de la pop britannique, David Bowie, The Man Who Sold The World et Watch That Man, collaboration sans suite qui avait été amorcée, fin 1973, par un duo encore officiellement inédit pour la chanson Dodo. « And Your Bird Can Sing » (Lennon-McCartney), par The JamDe la quarantaine de versions recensées, celle des Anglais de The Jam s’impose, d’un rien, devant celle des Californiens de The Flamin’Groovies (quand le groupe, en 1984, n’avait pourtant plus grand-chose à voir avec son formidable envol du début des années 1970). Dans leur moment de gloire, entre 1977 et 1982, The Jam mené par le guitariste et chanteur Paul Weller, avec le bassiste et chanteur Bruce Foxton et le batteur Rick Buckler, constitue avec The Clash l’une des formations de pointe du renouveau rock britannique – comme Oasis, Blur, Pulp ou Suede en seront les dépositaires dans les années 1990. Sous l’influence de The Who, de la soul de Motown et du psychédélisme, combinés à l’énergie punk. Leur reprise de And Your Bird Can Sing a été publiée sur Extras, compilation de raretés, de faces B de 45-tours et d’inédits publiée en 1992 par Polydor, où l’on trouvait aussi des hommages à Curtis Mayfield (1942-1999), The Who, The Small Faces, James Brown (1933-2006) ou The Chi-Lites. « For No One » (Lennon-McCartney), par Emmylou HarrisLa chanteuse de country et de folk américaine Emmylou Harris avait repris Here, There and Everywhere dans son album Elite Hotel, le troisième de sa carrière, publié en décembre 1975 par Reprise Records, dans un accompagnement délicat de cordes, avec un harmonica lointain. Avec For No One, elle avait déjà fêté les Beatles de Revolver dans son précédent disque, Pieces of The Sky, publié en février 1975 chez Reprise Records, dans une interprétation encore plus frémissante, là aussi dans un écrin de cordes brumeuses. « Doctor Robert » (Lennon-McCartney), par Luke TempleLe casse-tête du sujet Revolver ? Trouver une reprise de Doctor Robert. Le docteur en question, pourvoyeur de divers cocktails vitaminés bien relevés en amphétamines, a été délaissé dans le catalogue des reprises des Beatles et les quelques adaptations n’ont pas mené bien loin. Heureusement, le chanteur, guitariste américain et peintre Luke Temple, qui en dehors de sa carrière en solo, est membre du groupe Here We Go Magic, a été parmi les musiciens sélectionnés par le magazine musical britannique Mojo en juillet 2006 pour le disque Revolver Reloaded, recréation, à partir de reprises, de l’album Revolver. Luke Temple ralentit le tempo, insère des motifs rythmiques de percussions et quelques touches sonores pour transformer la chanson des Beatles en une inquiétante comptine. « I Want to Tell You » (Harisson), par Ted NugentC’est au très conservateur, défenseur du droit des citoyens américains de posséder une arme et cible régulière des activistes anti-chasse Ted Nugent, guitariste et chanteur, que l’on doit cette efficace reprise d’une chanson du pacifiste et végétarien George Harrison. Présente dans l’album State of Shock (Epic, mai 1979), elle renforce la rythmique énergique et basique de l’original, donne de l’espace aux guitares pour avancer vers une partie soliste typique de Nugent, déliée et saturée. « Got To Get You Into My Life » (Lennon-McCartney), par Blood Sweat and TearsDans un esprit soul évident, Got To Get You Into My Life est inséparable de ses riffs par un ensemble de vents (saxophones et trompettes). Suscitant une soixantaine de reprises, c’est surtout lorsque cette propulsion est conservée qu’il fonctionne. Ce dont ne se sont pas éloignés Cliff Bennett avec The Rebel Rousers, qui l’enregistre pour un 45-tours au moment même de la sortie de Revolver, en août 1966, la chanteuse de jazz Carmen McRae (1920-1994) en avril 1967, Johnny Hallyday, dans l’adaptation en décembre 1966 par Long Chris, Je veux te graver dans ma vie, Diana Ross & The Supremes avec The Temptations en 1968 (les violons sont traités comme des vents), The Four Tops en 1969, Ella Fitzgerald (1917-1996) en 1969 dans son disque Ella (Reprise Records) dans laquelle la « First Lady of Jazz » revenait aussi sur quelques classiques soul comme Get Ready, Ooo Baby Baby ou Knock On Wood… Dans le genre section de vents imposante, Earth Wind & Fire a réussi son coup en 1978. On lui préférera cependant le traitement par Blood Sweat & Tears en avril 1975 sur l’album New City (Columbia Records), non seulement pour l’arrangement des trompettes, saxophones et trombones, mais pour la voix du chanteur David Clayton-Thomas, qui revenait alors au sein de la formation après une absence de quatre ans. « Tomorrow Never Knows » (Lennon-McCartney), par 801Des interprètes aussi différents que Phil Collins, Dweezil Zappa, le pianiste de jazz Herbie Hancock, le bluesman Junior Parker (1932-1971), les groupes Living Colour, The Jaywalkers, Los Lobos ou les héros du rock allemand planant Tangerine Dream ont été emportés par les boucles rythmiques et mélodiques de l’hypnotisant Tomorrow Never Knows qui vient conclure l’album Revolver. Tout comme le groupe 801, éphémère réunion en 1976-1977 de Brian Eno (chant, claviers, effets sonores), Phil Manzanera (guitare, chant), tous deux passés par Roxy Music, le bassiste Bill McCormick (Matching Mole avec Robert Wyatt), le claviériste Francis Monkman (Curved Air), le guitariste Lloyd Watson – pour l’album 801 Live, chez Polydor, enregistré en public, dont est tirée cette reprise – et le batteur Simon Philips.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur le toxique album de 1966.« Si Rubber Soul était l'album de l'herbe, Revolver est celui de l'acide », reconnaissait John Lennon. Témoignages de l'évolution de leur consommation de drogues, ces disques affirmaient surtout un stupéfiant crescendo : les Beatles et la pop basculaient dans l'âge adulte et le monde de l'art.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Revolver »Rubber Soul, sorti en décembre 1965, avait étonné par sa diversité et ses expériences orchestrales. Publié en août 1966, Revolver accélérait radicalement ce processus, en embarquant dans un tournoiement psychédélique.Tomorrow Never Knows donne le ton de l'aventure. Premier titre enregistré, à partir d'avril 1966, dans les studios d'EMI, il fait figure de conclusion hallucinée de l'album. Sur un texte de John Lennon inspiré d'un livre coécrit par le gourou du LSD, Timothy Leary, le groupe se livre à une orgie d'innovations sonores. Le producteur George Martin, en traducteur de fantasmes, a déployé boucles de bandes magnétiques et effets de production. La voix de Lennon se transforme, disait-il, en un « dalaï-lama chantant du plus haut sommet du monde ». Le rire de McCartney se mue en cris de mouettes, les guitares sont inversées et torturées...Paul McCartney se surpasseSi d'autres morceaux ont poussé avec des psychotropes pour fertilisants (I'm Only Sleeping, Love You To, signé par un Harrison de plus en plus fasciné par l'Inde), Revolver resplendit aussi d'une efficacité préservée (le sarcastique Taxman, le radieux Good Day Sunshine, l'enfantin Yellow Submarine...) et d'une inspiration mélodique au sommet.Paul McCartney se surpasse, en particulier, en terme de délicatesse harmonique et de refrains brise-cœur avec Here, There and Everywhere, For No One ou Eleanor Rigby. Evocation émouvante des solitaires anonymes, cette dernière bouleverse aussi par la présence dramatique d'un quatuor à cordes.Une preuve du talent d'arrangeur de George Martin, mais également le résultat des initiatives d'un jeune ingénieur du son, Geoff Eymerick. En rapprochant les micros des violons, mais aussi en rendant plus percutants la basse de Paul, la batterie de Ringo ou la guitare de George, le garçon participait de manière décisive au tranchant caractéristique de Revolver. Un mélange d'imagination libérée et de classe électrique, parfaitement incarné par la mythique pochette noir et blanc dessinée par Klaus Voorman.Stéphane DavetJournaliste au Monde 26.02.2015 à 21h12 • Mis à jour le27.02.2015 à 17h43 | Alexandra Bogaert Un taureau ailé à cinq pattes attaqué à la masse. Des statues de l'époque hellénistique jetées à terre, brisées. Des bas-reliefs brisés au marteau-piqueur. L'Etat islamique a diffusé jeudi 26 février une nouvelle vidéo de propagande montrant, pour la première fois, des destructions d'œuvres d'art.Selon les djihadistes, la vidéo a été tournée dans le musée de Mossoul, le deuxième plus important d'Irak. Les cartels des sculptures, datées du VIIe siècle avant J.-C., y sont filmés en gros plan. Certaines statues sont des répliques en plâtre d'originaux. « Ce sont celles qui se brisent facilement, explique Cheikhmous Ali, docteur en archéologie du Proche-Orient ancien à l'université de Strasbourg et fondateur de l'Association pour la protection de l'archéologie syrienne (APSA). Celles qui sont attaquées au marteau-piqueur sont authentiques, et perdues à jamais. » Dans la vidéo, un homme non identifié, qui s'exprime en arabe classique, s'adresse ainsi aux musulmans :« Musulmans, ces reliques que vous voyez derrière moi sont les idoles qui étaient vénérées à la place d'Allah il y a des siècles. »Le film de cinq minutes s'achève sur des destructions dans un autre site archéologique, qui pourrait être celui de Ninive, ancienne capitale de l'empire chrétien d'Assyrie.Lire l'entretien avec l'historienne Véronique Grandpierre : « En Irak, le califat détruit le patrimoine de la Mésopotamie au nom d'un monde nouveau » UNE VIDÉO EN COURS D'AUTHENTIFICATIONJeudi en fin de journée, Axel Plathe, chef du bureau de l'Unesco pour l'Irak, installé à Amman, en Jordanie, s'est dit « révolté » par ce qu'il a vu. Il a chargé le directeur des musées d'Irak d'identifier les pièces endommagées, ce qui pourrait prendre « plusieurs heures ou plusieurs jours ».« Si ce que nous y voyons est vrai, cela constitue une attaque directe de l'identité irakienne, que l'on peut comparer à l'attaque les bouddhas de Bamiyan, en Afghanistan, par les talibans », a expliqué au Monde le spécialiste de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture.Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, a saisi le président du Conseil de sécurité des Nations unies afin qu'une réunion soit tenue prochainement au sujet de la protection de « l'héritage culturel » de l'Irak.The winged bulls featured on Iraq currency since the 1950's are gone forever. http://t.co/IOhn8loOdy— Ihsan (@Thawra_city)require(["twitter/widgets"]);« SOIF DE DESTRUCTION » « C'est un jour triste pour les archéologues », a réagi pour sa part Cheikhmous Ali. « Ces pièces font partie de la mémoire de l'humanité. La soif de destruction des islamistes n'a pas de limite », regrette-t-il.Samir Abdulac en a « les larmes aux yeux ». Pour le secrétaire général d'Icomos (Conseil international des monuments et des sites, International Council on Monuments and Sites), une organisation non gouvernementale œuvrant à la conservation des monuments et des sites historiques dans le monde, « c'est un moment à classer dans les pires de l'histoire de l'archéologie ».« Les islamistes sont allés au bout de l'horreur en montrant l'égorgement d'un homme, puis de deux, puis de dix, en diffusant des images de personnes mises en cage, brûlées. Ils doivent désormais changer de registre pour atteindre les esprits et faire réagir l'opinion publique. »Axel Plathe partage ce point de vue :« C'est une mise en scène choquante de destructions, comme ils ont mis en scène des assassinats. Que les œuvres aient vraiment été détruites ou pas, reste la force de ces images qui nous choquent, nous manipulent, et nous renvoient à notre impuissance. »Alexandra Bogaert 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. Jean-Jacques Larrochelle Les noms des cinq finalistes du Prix d’architecture Mies van der Rohe ont été communiqués, mercredi 25 février, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à la maison de l’Europe de Londres. Les projets lauréats sont le Musée d’art de Ravensburg (Allemagne), réalisé par l’agence allemande Lederer Ragnarsdóttir Oei, le Musée maritime d’Elseneur (Danemark), conçu par les Danois de BIG (Bjarke Ingels Group), les chais de la maison Antinori en Toscane, signés par les Italiens d’Archea Associati, la salle philharmonique de Szczecin (Pologne), élaborée par les Italos-espagnols de Barozzi/Veiga, et le centre pour étudiants de Saw Swee Hock à Londres, dessiné par les Irlandais O’Donnell+Tuomey. Afin de se faire une idée plus précise des réalisations, les membres du jury prévoient de visiter au cours des prochaines semaines les cinq projets finalistes, et d’échanger directement avec leurs différents usagers. Le 7 mai, les architectes présenteront leurs projets lors d’une cérémonie qui se tiendra à Barcelone avant la délibération et la proclamation du vainqueur par le jury dès le lendemain. Tous les deux ans depuis 1987Le Prix de l'Union européenne pour l'architecture contemporaine, plus connu sous le nom de Prix Mies van der Rohe, est l’une des principales distinctions architecturales de dimension internationale. Il a pour but, selon ses promoteurs, de « faire connaître et de récompenser la production architecturale de qualité en Europe ».Décerné tous les deux ans depuis 1987, il est le fruit d’un partenariat égal entre la Commission européenne, le Parlement européen et la Fondation Mies van der Rohe à Barcelone. Cette dernière a été créée en 1983 à l’initiative de la mairie de la cité catalane dans le but de reconstruire le pavillon allemand, conçu par l’architecte Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) pour l'exposition internationale de Barcelone en 1929. 420 candidats au totalPour chaque édition, le jury sélectionne deux projets : le premier reçoit le Prix de l'Union européenne pour l'architecture contemporaine en raison de ses qualités conceptuelles, techniques et de construction ; le second reçoit la mention spéciale « Jeune architecte ».Le jury sélectionne également l’ensemble des travaux des finalistes qui seront inclus à la fois dans un catalogue et dans le cadre d’une exposition présentée dans les locaux de la Fondation Mies van der Rohe. Une autre exposition mettant en valeur la totalité des 420 candidats ayant participé au concours sera, en outre, présentée à l'Ecole d'architecture de Barcelone (ETSAB) jusqu'au 19 mars.Le Prix Mies van der Rohe consiste en une bourse de 60 000 euros tandis que la mention spéciale est dotée de 20 000 euros. A partir de 2015, un stage « Jeune talent » permettra à un architecte récemment diplômé de travailler dans le bureau du lauréat du prix pendant un an. Le concours est ouvert à tous les projets réalisés en Europe sur une période de deux ans précédant l'attribution du prix. Parmi les précédents lauréats, figurent notamment le Portugais Alvaro Siza pour la Banque Borgès et fils de Vila do Conde (1988), le Français Dominique Perrault pour la Bibliothèque nationale de France à Paris (1996), l’Irako-anglaise Zaha Hadid pour le parking et le terminus d’Hoenheim nord à Strasbourg (2003) et les Norvégiens de Snohetta pour l’Opéra national de Norvège à Oslo (2009).Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel == FOR NEWSPAPERS, INTERNET, TELCOS & TELEVISION USE ONLY == == FOR NEWSPAPERS, INTERNET, TELCOS & TELEVISION USE ONLY ==Entre ses onze Grammys, son Oscar de la meilleure chanson composée pour un film (Things Have Changed, dans Wonder Boys), son Golden Globe, sa légion d’honneur, Bob Dylan, 72 ans, n’en est plus à une récompense près. C’est pourquoi la remise du trophée Musicares, le 6 février, à Los Angeles, ne semblait pas devoir marquer particulièrement le parcours de l’auteur de A Hard Rain’s A Gonna Fall. Mais ce soir-là, alors qu’on lui remettait un objet d’art célébrant sa contribution à une organisation qui aide les musiciens malades et nécessiteux, Bob Dylan s’est mis à parler, et à parler. Pendant plus d’une demi-heure, il a tracé une petite cartographie de la musique populaire américaine, reliant ses chansons à leurs ancêtres. Il a distribué bons et mauvais points aux artistes qui ont repris ses titres, il a évoqué ses rencontres et s’est défendu de chanter en croassant. Bref, Bob Dylan, le plus secret des musiciens s’est épanché en public comme il l’avait rarement fait.Le Los Angeles Times a publié la transcription intégrale de ses propos et on y trouvera autant de richesses que dans un chapitre des Chroniques, les mémoires de Bob Dylan dont un seul tome a été publié à ce jour. Après avoir été présenté sur scène par l’ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter, Bob Dylan a commencé par évoquer quelques-unes des personnalités qui l’ont mis en selle, il y a plus d’un demi-siècle, lorsqu’il est arrivé à New York : le talent scout du label CBS, John Hammond (qui avant de découvrir Bob Dylan avait signé les contrats de Count Basie et Aretha Franklin), l’éditeur Lou Levy. Le poète s’est souvenu que ce dernier lui avait dit que ses chansons étaient « soit en avance, soit en retard sur leur temps ». « Il m’a dit que si j’étais en avance - et il n'en était pas vraiment sûr - il faudrait entre trois et cinq ans au public pour me rattraper. Et c’est ce qui s’est passé ».Souvent cruelLe ton du discours de Bob Dylan n’est pas à la modestie, elle n’a jamais été le fort de l’artiste. La lucidité lui va mieux et il a consacré de longues minutes à établir la parenté entre les classiques du folk et du blues et ses compositions. « Les chansons ne sont pas apparues par magie, je ne les ai pas fabriquées à partir de rien. J’ai appris à écrire des paroles en écoutant des chansons folk. Et je les ai jouées (…) je n’ai rien chanté d’autre que des folk songs, et elles m’ont ouvert le code pour tout ce qui est de bonne chasse, tout ce qui appartient à tout le monde.Si vous aviez chanté John Henry aussi souvent que moi – John Henry was a steel-driving man/Died with a hammer in his hand/John Henry said a man ain’t nothin but a man/Before I let that stea drill drive me down/I’ll die with my hammer in my hand. Si vous aviez chanté cette chanson aussi souvent que moi, vous aussi, vous auriez écrit “How many roads must a man walk down” » (le premier vers de Blowin’In the Wind). Poursuivant ce jeu, Dylan a rapproché le classique du blues Key to the Highway de Highway 61 Revisited et la vieille chanson de cow-boy The Old Chisholm Trail de Masters of War.Tout en se défendant de dire du mal de qui que ce soit, Bob Dylan, qui fut souvent cruel au fil des ans (voir le traitement qu’il réserve à Donovan Leitch dans Don’t Look Back, le documentaire de D.A. Pennebaker) a aussi dit « Les Byrds, les Turtles, Sonny and Cher ... ils ont transformé certaines de mes chansons en succès de hit-parade, mais je n’étais pas un auteur de chansons pop, et ce n’est pas vraiment ce que je voulais être. Mais c’est bien que ce soit arrivé. Leurs versions de mes chansons étaient comme des publicités ». Ce qui a dû ravir Roger McGuinn, des Byrds, qui fut le premier des adorateurs de Bob Dylan.« Je mutile mes mélodies »Mais ce dernier n’a pas été avare de compliments pour d’autres artistes, de Nina Simone à Jimi Hendrix (« il a pris de petites chansons que j’avais faites, auxquelles personne ne prêtait attention et les a envoyées aux limites de la stratosphère »), aux Staples Singers ou à Joan Baez (« une femme d’une honnêteté dévastatrice »). Au fil de cette divagation inspirée et sans doute très calculée, on a appris que Bob Dylan n’aimait pas Jerry Lieber et Mike Stoller (les auteurs de dizaines de classiques du rock) mais qu’il révérait leur collègue Doc Pomus, qu’il préférait Sam Phillips, le fondateur du label Sun (celui d’Elvis Presley et Johnny Cash) à Ahmet Ertegun qui, lui, avait fondé Atlantic.Il a aussi défendu sa voix: « les critiques disent que je mutile mes mélodies, que je rends mes chansons méconnaissables. Vraiment ?  (…) Sam Cooke [chanteur de rhythm’n’blues à la voix d’ange] a répondu ceci quand on lui a dit qu’il avait une belle voix : “c’est très gentil à vous, mais les voix ne doivent pas être jugées en fonction de leur joliesse. Elles ne comptent que si elles vous convainquent qu’elles disent la vérité” ».Bob Dylan a terminé en rendant hommage à un obscur pionnier du rock’n’roll, Bill Riley, créateur de Red Hot qui a dépendu, à la fin de sa vie, de l’assistance de Musicares. « C’était un héros pour moi, j’avais 15 ou 16 ans quand j’ai entendu Red Hot, et j’en suis encore impressionné ».Auparavant, Jack White, Nora Jones, Sheryl Crow avaient interprété des titres de Dylan. Seule cette dernière a eu droit à une mention dans ce discours qui est déjà entré dans le canon des dylanologues. Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre La déconstruction du paysage culturel continue, cette fois-ci à Tourcoing, dans le Nord, l’une des nombreuses villes conquises par la droite en mars 2014. Et l’ouvrage en question est le Théâtre du Nord. Basé à Lille et à Tourcoing, ce Centre dramatique national (CDN) est dirigé par le metteur en scène Christophe Rauck. Son logo représente justement trois briques : la première pour le théâtre situé sur la Grand’Place de Lille ; la deuxième pour la salle de spectacle et berceau du CDN à Tourcoing, L’Idéal ; la troisième pour l’Ecole du Nord, à Lille, qui forme des comédiens. Sans oublier l’atelier de fabrication de décors, également situé à Tourcoing.Le maire, l’UMP Gérald Darmanin, assume sans complexe : c’est lui qui prend le téléphone pour expliquer au Monde les raisons qui le poussent à retirer au CDN la totalité de la subvention de la ville, soit 76 250 euros. Ce retrait peut paraître faible au regard des 3,9 millions d’euros de fonds publics reçus par le Théâtre du Nord : celui-ci est soutenu par l’Etat (1,7 million d’euros), la région (1,6 million d’euros), la ville de Lille (504 969 euros) et jusque-là, Tourcoing donc. « Notre choix ne met pas en péril le Théâtre du Nord », répète Gérald Darmanin. Et la région Nord-Pas-de-Calais, aux mains des socialistes, a elle-même diminué de 170 000 euros son soutien au CDN, en janvier 2014, alors que Christophe Rauck prenait ses fonctions.Un manque-à-gagner d’environ 140 000 eurosIl n’empêche : par ce geste, le nouveau maire de Tourcoing touche au symbole de la décentralisation culturelle et des financements croisés : si cette décision est entérinée, comme prévu, le 14 février, lors du vote du budget de la ville, le CDN perdra un partenaire. De plus, Gérald Darmanin envisage à l’avenir de louer au CDN l’atelier de construction de décors de Tourcoing, jusque-là mis à disposition gratuitement (au terme d’une convention). Le montant du « bail » reste à définir mais le bâtiment est valorisé à hauteur de 63 460 euros. Au total, le CDN pourrait donc subir un manque-à-gagner d’environ 140 000 euros. Le Théâtre du Nord organise une conférence de presse, lundi 9 février, car il s’agit aussi de répondre aux propos jugés hostiles et mensongers de l’élu.Le premier argument du maire est d’ordre financier. « Comme ailleurs, nous souffrons à Tourcoing de la baisse de la dotation de l’Etat aux collectivités locales. Et j’hérite d’une ville endettée de 144 millions d’euros. Avec une population pauvre, puisque 25 % des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté ». Voilà pour le contexte. Le deuxième motif est d’ordre politique : Gérald Darmanin ne décolère pas contre l’Etat, lequel « a supprimé son soutien au Conservatoire de Tourcoing et à celui de Roubaix, alors qu’il l’a maintenu à Lille ». Il n’y en a que pour Lille, proteste l’élu qui conclut : « J’ai donc choisi de soutenir les structures de la ville. J’ai maintenu pour 2015 les subventions aux lieux culturels tourquennois, comme le centre du Fresnoy dédié à l’image, l’Atelier lyrique, etc. ».Enfin, et surtout, le maire critique la gestion du CDN. « Je ne connais pas le nombre d’actions culturelles menées par le Théâtre du Nord, je ne sais pas combien de jeunes de la ville en bénéficient. En revanche, je sais que le Centre de création théâtrale, La Virgule à Tourcoing, touche 463 enfants, dont 50 % de Tourquennois », compare le maire. Pour finir, Gérald Darmanin estime que le Théâtre du Nord a de réelles marges d’économie… « Il suffit de regarder le compte des salaires du directeur et de son équipe », glisse-t-il.« Pour certains élus, nous sommes des danseuses ! »Joint par téléphone, dimanche soir, 8 février, Christophe Rauck fait part de sa consternation. « Pour certains élus, nous sommes des danseuses ! J’ai rencontré le maire, le 5 février. Pendant vingt minutes, c’était un match de boxe », raconte-t-il, en rendant coup pour coup : « Tout d’abord, il est faux de dire que nous n’avons communiqué aucun chiffre. Le maire a toutes les données. Et c’est faux de dire qu’il ne se passe rien sur le territoire. L’Idéal, à Tourcoing, est situé dans un quartier populaire, excentré. Nous travaillons avec les établissements scolaires alentour, et avec la médiathèque Andrée Chédid qui vient d’ouvrir. Nous avons fait du porte-à-porte chez les habitants pour qu’ils viennent aux représentations de la rentrée ».La ville a déserté, selon lui : « En janvier, nous avons eu une discussion sur le projet avec toutes les tutelles, mais la ville de Tourcoing n’est pas venue. Si on se bouche les oreilles et si on ferme les yeux, alors on ne peut pas savoir comment travaille le Théâtre du Nord ». Le fonctionnement du CDN – l’ouverture du bâtiment, les salaires des 39 permanents, etc. – absorbe 50 % des subventions, dit-il. « On est en train de diminuer la masse salariale, parce qu’il y a moins d’argent. Et tout l’argent n’est pas pour moi ! Dans un CDN, il y a des artistes associés. Et quand on ne joue pas à Tourcoing, on prête le lieu à des compagnies ».Enfin, dit-il, c’est grâce aux subventions que l’atelier de décors peut fabriquer à coût moindre, à l’usage du CDN et d’autres compagnies de la région. « C’est le seul atelier de décors dans le Nord de la France. Il emploie des permanents et des intermittents, serruriers, ébénistes… C’est de cet atelier qu’est sorti le décor du spectacle de Matthieu Roy, Même les chevaliers tombent dans l’oubli, créé à Avignon en 2014. En résumé, l’atelier rayonne. En face, on a un maire qui brandit le slogan étriqué « Tourcoing aux Tourquennois ». Cela ne fait pas un projet ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 08.02.2015 à 18h37 • Mis à jour le09.02.2015 à 10h32 | Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial)) Au septième film, Terrence Malick s’en fut à Hollywood. A la manière d’un Roland Barthes qui serait devenu pour l’occasion cinéaste américain, le réalisateur du Nouveau Monde s’est essayé à l’exercice périlleux des « Mythologies ». De Los Angeles à Las Vegas en passant par le désert, il a filmé, beaucoup filmé, avant de se livrer à un étonnant travail de collage. Au final, le film s’appelle Knight of Cups. Ses premiers spectateurs berlinois n’en sont pas encore revenus.Ce « chevalier de coupes », c’est Rick (Christian Bale). Un « Hollywoodien » comme il y en a tant, attendant ce jour où les astres voudront bien faire de lui une star. Au tarot, jeu auquel Malick se réfère explicitement, ce serait paraît-il une personnalité qui idéalise l’amour, calme et douce, attentive aux autres. Rick serait plutôt du genre chevalier à la coupe qui se cherche ; un héros tourmenté qui voudrait bien donner un sens à sa vie.Avec Knight of Cups, Malick poursuit l’exploration de l’Amérique qu’il avait initiée dans La Balade sauvage, Les Moissons du Ciel et, bien sûr, Le Nouveau Monde. Et si le Hollywood qu’il dépeint rappelle de loin celui de Cronenberg (Mass to the stars) ou de Paul Schrader (The Canyons), il faut tout de suite ajouter ceci : personne ne filme comme Malick, personne ne monte comme Malick, personne ne met en voix et en musique ses films comme Malick.Lumière naturelleL’image ? Signée Emmanuel Lubezki, elle n’est faite qu’en lumière naturelle, quel que soit le matériau filmique choisi. Le montage image tient à la fois du chapitrage et du collage. Il est indissociable du montage son où, comme souvent chez Malick, les voix off tiennent une place prépondérante. Rien à voir avec celles, guidant le spectateur, de François Truffaut ou de Woody Allen. Qu’il s’agisse de Rick ou de certaines des femmes qu’il a aimées (interprétées en particulier par Cate Blanchett et Natalie Portman), leurs voix off éclairent leurs états d’âme. Ouvrent des pistes comme autant de voies intérieures.Knight of Cups est un film totalement « malickien ». Et si, par instants, il flirte du côté du cliché, c’est pour signifier quelque chose dont Malick n’a pas forcément l’habitude. Une « party » hollywoodienne ? Il réquisitionne une splendide maison de stars, y entasse des centaines de figurants et demande à Antonio Banderas de faire son cabot. Corrosif et hilarant !Dûment chapitré – « La lune », « Le pendu », « L’ermite », « Le jugement », « La tour », « Mort », « Liberté »… – Knight of Cups explore un certain nombre de lieux typiques de Los Angeles (Sunset boulevard et ses boîtes de strip-tease, Hollywood et ses studios, Venice, Santa Monica) et de Las Vegas. Comme si Malick, non content d’avoir fait du Malick, avait voulu ajouter une petite touche documentaire teintée de Fellini.Toujours aussi ambivalent, alternant espoir et mélancolie, l’auteur de La ligne rouge se demande, cartes en main, si l’avenir est écrit quelque part. Sa quête parmi la faune hollywoodienne et dans le monde en toc de Las Vegas n’ayant rien donné, son héros n’a plus qu’à partir vagabonder dans le désert, sous la voûte céleste. Et, qui sait, en chemin, peut-être Rick parviendra-t-il à trouver un sens à sa vie.Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial))Journaliste au Monde Laurent Carpentier Ils sont une centaine à être venus au rendez-vous à l’Institut du monde arabe à Paris, bravant le vent frileux qui exaspère les doigts et rosit les joues. Graphistes, grapheurs, citoyens en tout genre… A midi trente, dimanche 8 février, à l’heure où ces oiseaux de nuit sont le plus souvent encore au lit et quand leurs concitoyens mangent le gigot familial, ils sont venus chercher des affiches, des seaux de colle et des pinceaux pour tapisser Paris d’un seul mot d’ordre : « Coexist ». Un mot-slogan tracé de manière stylisée : le croissant de l’Islam à la place du C, l’étoile de David pour le X, et une croix pour le T.C’est en traçant cette inscription sur un mur, près de la porte Dorée à Paris, huit jours plus tôt, que le street artiste Combo, barbu sans religion, s’est fait rouer de coups. C’est pour ne pas en rester là qu’il a appelé sur sa page Facebook à ce happening collectif. Jack Lang, patron du lieu, a offert l’hospitalité à l’Institut du monde arabe (IMA). Les réseaux sociaux ont fait le reste. Et c’est triomphant et enthousiaste que, sous l’œil des caméras, Combo et ses acolytes collent sur les fenêtres de l’immeuble construit par Jean Nouvel, le premier exemplaire du « Coexist ».Un désir de rencontre« Pour moi, la paix est quelque chose d’essentiel pour l’humanité, souffle Céline, assistante de vie à domicile, qui a fait le trajet depuis Orsay en banlieue Sud. « Je suis chrétienne d’origine, même si je ne pratique plus. J’étais invitée à un colloque à Lille ce week-end sur le thème “coexister”. Ce n’était pas possible de ne pas être ici aujourd’hui. » Passé le moment protocolaire, chacun prend ses affiches, un grand seau, un pinceau, se rassemble pour former des groupes qui s’éparpillent dans Paris. Mehdi, commercial, Johanna, assistante, Pascale et Raphaël partent vers Beaubourg, Châtelet, Hôtel de ville… « Qui veut venir avec nous ? », demandent-ils à la cantonade. « On va là où il y a du monde… » Coexister dans un désir de rencontre et de confrontation. La question de l’altérité posée dans cette action douce et symbolique.Sophie Courade, historienne de l’art de formation, enseigne la communication en BTS dans des établissements privés. « Depuis les événements de janvier, je n’en reviens pas, pas un seul de mes élèves n’a ouvert un Charlie. Le rapport à la presse n’existe pas. Je les ai fait travailler sur le Coexist, comme je les avais fait travailler sur Banksy ou Zoo Project. » Ses élèves ne sont pas là. Elle oui, avec deux amis qui ont déjà des affiches sous le bras, prêts à aller coller. Didier Eclimont aussi est dans la communication, à la tête de sa socité Delix, il est venu avec sa fille Juliette, qui étudie à l’université la gestion et la protection de la nature. « Où est-ce qu’on va ? Ça te dit République, papa ? »Pacifique ramdam, « Dji-art »Combo est satisfait. Cinq cents affiches ont été distribuées. Il a été entendu. Plus qu’il ne l’imaginait. L’article du Monde, mercredi dernier, a fait le tour des réseaux sociaux. « Depuis trois jours, mon téléphone sonne sans cesse. Je n’ai même pas pu répondre vendredi à mes parents qui voulaient me souhaiter un bon anniversaire, sourit-il. Mais non, ce “Coexist” n’est pas une marque déposée, hausse des épaules Clément, son ami et néanmoins agent – mère juive, père arabe. L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle, c’est l’utilisation qu’il en a faite qui est importante ! »La bande à Mamadou, Jeanne et Sabrina, a rallié Justin de Lyon et Antonin de Grenoble, qui étudient tous les deux le design au Lycée Léonard de Vinci à Villefontaine, dans l’Isère. Eux foncent vers le nord. Jusqu’à porte de Saint-Ouen. « Et s’il nous en reste, on les collera demain à La Courneuve, aux 4 000… », assure Jeanne. Son association YMCIA (Young Municipal Council International Action) y a ses bureaux. L’œil mal réveillé sous son sweat à capuche, mais passablement émerveillé par ce pacifique ramdam, un grapheur s’étonne, reprenant les mots de Combo qu’il a découverts sur Facebook : « C’est le ''Dji-art'' ! »« Je suis pour le monde des Bisounours », rit Sabrina, qui n’a ni la langue dans sa poche ni l’énergie en berne. Community Manager sur des sites de grosses entreprises françaises, elle brandit le pinceau à colle pour désigner le petit groupe qui s’égaye sur le parvis de l’IMA : « L’homme, l’humanité, c’est si important… Pourquoi faut-il que nous ayons besoin de drames pour que tout le monde se rapproche ? »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial) « La Reine de la Berlinale » titrait ce samedi matin en une le quotidien berlinois Der Tagesspiegel. A en juger par le nombre de photographes et de cameramen qui entourent Nicole Kidman, ce titre n’est guère usurpé. Reste à savoir s’il est mérité au vu de sa prestation dans Queen of the Desert, le nouveau film de Werner Herzog.Quelle mouche du désert arabo-persan a bien pu piquer le « père » d’Aguirre, de Kaspar Hauser, de Nosferatu et autre Fitzcarraldo pour s’être laissé entraîner dans une pareille histoire ? Une histoire qui, ne serait-ce qu’à cause du sujet – la vie de l’aventurière, photographe et espionne Gertrude Bell (1868-1926) – le confronte inévitablement au célébrissime Lawrence d’Arabie de David Lean.Se débrouillant comme il peut d’un casting digne d’une superproduction hollywoodienne (Nicole Kidman, James Franco, Damian Lewis ou Robert Pattinson, impayable en T. E. Lawrence), Werner Herzog s’en tient à un académisme de bonne facture. Quant à Nicole Kidman, gageons qu’elle ne rejoindra pas Aguirre et les autres au chapitre des grands marginaux solitaires de Werner Herzog.Aléas et imprévusPour dénicher une perle rare en ce premier week-end berlinois, il fallait aller fureter du côté du cinéma… guatémaltèque. Présenté en compétition, Ixcanul, a été réalisé par Jayro Bustamante. Né en 1977 au Guatemala, ce cinéaste avait fait (un tout petit peu) parler de lui lorsqu’il avait présenté il y a deux ans Cuandu Sea Grande au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et aujourd’hui ce premier long-métrage, applaudi à l’issue de la projection de presse.  Maria, l’héroïne du film, est une jeune fille de 17 ans. Elle vit avec ses parents dans une petite maison sans eau ni électricitéE et travaille avec eux dans une plantation de café. Son idée fixe : partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. En attendant, il faut survivre. Déjouer les projets de ses parents qui aimeraient bien la voir épouser Ignacio, le propriétaire de la plantation. Convaincre son ami Pepe de partir avec elle aux Etats-Unis.Mais rien ne se passera comme elle l’aurait souhaité. Elle tombe enceinte de Pepe, mais ce jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre avant d’être transportée en urgence par Ignacio à l’hôpital de la ville. Il faudra en définitive que Maria touche du doigt le fond de l’horreur - son bébé a tout simplement « disparu » - pour qu’elle aperçoive, enfin, une lueur d’espoir. Aussi imparfaite, aussi injuste soit-elle, sa vie vaut tout de même d’être vécue.Audace formellePour son premier long-métrage, Jayro Bustamante fait preuve d’une audace formelle assez stupéfiante. Sa science du plan séquence, en particulier, ferait pâlir de jalousie bien des cinéastes chevronnés. Qu’il s’agisse de cette scène où l’on voit une truie gravide prendre une cuite au rhum, ou de ces magnifiques séquences à flanc de volcan, sa maîtrise du cadre est impressionnante. Une maîtrise que l’on retrouve également dans le long plan nocturne qui voit Maria se donner à Pepe contre une balustrade en bois. Ou encore dans ces scènes de bains de vapeur que Maria et sa mère prennent ensemble, nues, lovées l’une contre l’autre.La plupart des acteurs parlent la langue des Cakchiquel, ces Mayas vivant dans les montagnes de l’ouest de Guatemala. C’est peu dire qu’ils sont remarquables, à commencer par Maria Mercedes Coroy (Maria).Par-delà son propos éminemment politique, Ixcanul est un film d’une universalité bouleversante. Dans les deux plans serrés face caméra qui ouvrent et terminent le film, Maria nous observe, avec un regard fixe qui dit nous vivons tous au-dessous du volcan.En attendant la présentation attendue, dimanche 8 février, du nouvel opus de Terrence Malick, a été aussi projetée une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, tournée par Benoît Jacquot (sortie le 1er avril). Un ton en dessous de l’extraordinaire livre d’Octave Mirbeau, en dépit d’une jolie performance de Léa Seydoux.Parmi les film notables, il faut noter Victoria, du réalisateur allemand Sebastian Schipper. Une « fureur de vivre » à la mode berlinoise mettant aux prises une jeune Espagnole arrivée dans la capitale allemande trois mois auparavant et quatre gaillards désœuvrés. C’est un peu long, usant parfois un peu trop de la caméra à l’épaule, mais il y a là une énergie assez incroyable.Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial)Journaliste au Monde 06.02.2015 à 15h53 • Mis à jour le09.02.2015 à 07h45 THÉÂTRE« Retour à Reims » : On ne choisit pas ses parents… Elle rêvait d’être institutrice et a travaillé comme femme de ménage et ouvrière. Lui, refusant le destin qui lui était assigné, a fait de brillantes études, a quitté Reims pour Paris. Trente ans après, le fils et la mère se retrouvent à l’occasion de la mort du père et déroulent leur vie autour d’un carton de photos. De l’essai autobiographique du sociologue Didier Eribon, Retour à Reims, livre introspectif sur ses origines sociales, le metteur en scène Laurent Hatat tire un face-à-face poignant entre un fils et sa mère, et conduit chaque spectateur à s’interroger sur sa propre histoire familiale.Maison des métallos à ParisLire aussi : « Retour à Reims » : une douloureuse ascension socialeMUSIQUELes chansons cocasses et sautillantes de Renan Luce Le chanteur auteur et compositeur est en tournée à travers la France pour présenter au public son dernier album, sorti en 2014, D’une tonne à un tout petit pois. De nouvelles historiettes qu’il trousse à sa manière, avec poésie et malice, au rythme sautillant, égrenées en concert au milieu d’anciens titres devenus des standards – La Lettre ou Repentis – immanquablement repris en cœur par un fan-club très féminin.Théâtre Charles Dullin au Grand-Quevilly Lire aussi : Renan Luce revient avec de nouvelles petites histoiresARTDaniel Buren dessine un immense tableau abstrait à Strasbourg Sous et sur l’immense verrière de 1500 mètres carrés du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, le plasticien Daniel Buren a déployé une farandole de couleurs. L’extérieur du bâtiment s’en trouve métamorphosé, transformé en immense tableau abstrait en plein air. À l’intérieur, une sorte de Meccano attend le visiteur, avec ses cubes, ronds et triangles composant un labyrinthe de formes où l’on prendra plaisir à se perdre.Musée d’art moderne et contemporain à StrasbourgDaniel Buren retombe dans l’enfance de l’artARTJeff Koons, le choc des formes et des couleurs L’affluence des débuts passée, c’est le bon moment pour visiter sans être bousculé la vaste exposition que le centre Pompidou consacre à l’Américain Jeff Koons. Présentée de manière chronologique, très aérée, la rétrospective réunit toutes ses séries, chacune représentée par quelques œuvres intelligemment choisies. Matériaux, formes, textures, couleurs se télescopent grâce à un accrochage qui permet une vision panoramique, traversant les époques.Centre Pompidou à ParisJeff Koons au Centre Pompidou : un miroir grossissant du monde occidentalCINÉMA« Les Jours d’avant » : l’éclosion d’un talent algérien A 38 ans et après deux courts-métrages, Karim Moussaoui livre un premier moyen-métrage (47 minutes), inspiré de sa propre jeunesse algérienne, dans les années 1990. Tandis que la guerre civile déchire le pays, un garçon et une fille, fréquentant le même lycée de Sidi Moussa, tombent amoureux. Mais inexorablement, ils passent l’un à côté de l’autre. Une situation a priori banale, mais vécue dans une société qui explose de l’intérieur. Magnifique et délicat, Les Jours d’avant a été remarqué dans de nombreux festivals où il a été présenté.Les « jours J » de Karim MoussaouiCINÉMA« Gus petit oiseau, grand voyage » : un dessin animé aérien Orphelin, l’oisillon Gus vit dans la crainte du vaste monde jusqu’à ce qu’une coccinelle l’oblige à jouer les guides surdoués pour oiseaux migrateurs. Premier long métrage d’animation des studios français teamTO, ce film, joliment mis en musique, charmera autant les tout petits que les plus grands.« Gus petit oiseau, grand voyage »: migrons dans la bonne humeurPHOTOGRAPHIEPieter Hugo, les paradoxes de l’Afrique du Sud Allergique au « politiquement correct », le Sud-Africain Pieter Hugo se plaît à mettre en lumière, grâce à son objectif, les marges et les paradoxes de la société sud-africaine, et tente de traduire en images les évolutions de son pays. Ses photographies se lisent souvent à plusieurs niveaux, et l’on y devine parfois un humour féroce.Pieter Hugo, l’Afrique du sud en demi-teinteFondation Henri Cartier-Bresson à ParisART« Fashion Mix » : étoffes de tous pays et de toutes couleurs Azzedine Alaïa, Issey Miyake, Yohji Yamamoto, Elsa Schiaparelli… Ils sont artisans et créateurs, viennent du monde entier, et ont dessiné depuis plusieurs décennies la mode française, haute couture comme prêt-à-porter. Le Musée de l’histoire de l’immigration réunit une centaine de pièces exceptionnelles, issues pour la plupart des collections du Palais Galliera à Paris, représentatives de ces apports venus de tous horizons.Musée de l’histoire de l'immigration, à Paris« Fashion mix » : la géostratégie de la modeARCHITECTUREViollet-le-Duc : un théoricien du bâti L’œuvre d’Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), architecte, théoricien et restaurateur, qui imprima sa marque à la France du XIXe siècle, continue d’être une référence pour les professionnels. L’exposition que lui consacre la Cité de l’architecture et du patrimoine vise surtout à montrer le caractère visionnaire de ce bâtisseur, qui ne s’intéressait pas qu’à la construction mais aussi aux phénomènes géologiques et botaniques et à la zoologie.Cité de l’architecture et du patrimoine, à ParisViollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesTHÉÂTRELe professeur Rollin gagné par la gravité Philosophe de l’absurde, François Rollin revient sur un terrain plus terre à terre, poussé en cela par l’actualité. Dans son dernier spectacle, actuellement donné à l’Européen à Paris, des thèmes tels que l’homophobie, l’immigration, le rejet de l’autre, s’invitent sur scène, au milieu des habituelles questions décalées auxquelles le « professeur » se fait fort de répondre. Ce qu’il pourfend avant tout, c’est la bien-pensance. Un Rollin toujours drôle mais aussi grave et parfois dérangeant.L’Européen à ParisLire aussi : Le professeur Rollin règle ses comptes avec la bien-pensance Emmanuelle Jardonnet Ses souvenirs de son grand-père, Pablo Picasso ? Ils remontent à l’époque où, petite fille pauvre, elle se revoit faire le pied de grue devant les grilles de la villa du maître, à Cannes, lorsque son père, Paulo Picasso, l’emmenait pour réclamer des subsides à son propre père. « La Californie », cette grande villa du XIXe siècle, c’est ironiquement à elle, Marina Picasso, parmi la multitude d’héritiers, qu’elle est revenue. Elle avait alors une vingtaine d’années, et son premier geste a été de retourner vers le mur toutes les œuvres dont elle a aussi hérité de l’artiste. Par pur ressentiment, a-t-elle confié au New York Times.Le poids de son héritage, elle s’en était déjà en partie délesté psychologiquement en publiant ses mémoires en 2001, Picasso : mon grand-père, où elle révélait, après quinze ans de thérapie, ses vérités sur un clan désuni et la peine que lui a causée l’indifférence de son grand-père. A 64 ans, elle fait aujourd’hui savoir qu’elle se prépare à un détachement plus matériel, sonnant et trébuchant, de ses racines : la mise en vente de nombreuses œuvres de Picasso restées en sa possession.Ventes directesCe n’est en soi pas tout à fait une nouveauté : comme les autres héritiers du peintre, Marina Picasso se déleste régulièrement d’œuvres, pour vivre et financer ses projets. Depuis la mort, en 2008, de son marchand, le Suisse Jan Krugier, qui s’était chargé de la mise en vente de la plupart de ses pièces les plus prestigieuses, elle a tenté plusieurs stratégies sur le marché de l’art, rappelle le New York Times. En 2013, elle a ainsi mis aux enchères conjointement deux peintures de premier plan (dont Femme assise en robe grise, vendu 6,8 millions de dollars), puis en 2014, elle a présenté toute une collection de dessins de nu – dans les deux cas chez Sotheby’s.Lire : Deux Picasso vendus pour près de 6 millions d'eurosAfin de rompre avec toute tradition familiale, l’héritière envisage cette fois de gérer ses futures ventes à sa manière : en se passant des intermédiaires et de leurs commissions. Ainsi compte-t-elle céder en vente directe « au cas par cas, selon ses besoins ». Par cette prise en main, elle semble vouloir accélérer le mouvement, ce qui ne va pas sans nourrir craintes et fantasmes dans le milieu – la plus grande peur étant qu’elle inonde le marché, faisant baisser les prix au passage.Si elle n’a pas de liste prédéfinie des pièces qu’elle compte vendre, Marina Picasso se prononce sur deux choses : la rumeur selon laquelle elle va vendre la villa du peintre est fausse ; par ailleurs, elle sait quel est le premier tableau dont elle souhaite se débarrasser aujourd’hui : La Famille, un grand portrait de sa propre famille peint en 1935 sur un fond désertique – dans un style réaliste assez inhabituel. « Il est symbolique car je suis née dans une grande famille, mais cette famille n’en était en réalité pas une », a confié l’héritière.« Je n’avais pas de grand-père »Son père était le fils de Picasso et de sa première femme, la danseuse russe Olga Khokhlova. Selon elle, celui-ci servait à Picasso de chauffeur ou d’homme à tout faire. Puis ses parents se sont séparés : « J’ai très peu vu mon père. Je n’avais pas de grand-père. » Marina Picasso assure qu’elle ne possède aucune photo d’elle en compagnie de son grand-père, et qu’elle n’a pas eu la moindre de ses œuvres avant sa mort. Elle se souvient qu’il lui arrivait de lui dessiner des fleurs sur des feuilles en papier, mais on ne la laissait pas les garder.Olivier Widmaier Picasso, un autre petit-fils de Picasso – issu de sa liaison avec Marie-Thérèse Walter –, et lui aussi auteur d’une biographie (beaucoup plus positive) de Picasso, dit comprendre la colère de sa parente, mais relativise les faits : « Soyons honnêtes, Picasso n’était pas le seul responsable de cette situation. Sa mère avait la garde exclusive des enfants. Il ne voulait pas lui donner de l’argent parce qu’il s’inquiétait qu’elle ne l’utilise pas pour ses enfants. Il a donc plutôt payé leur scolarité directement. »A sa mort, en 1973, à l’âge de 91 ans, Picasso a laissé derrière lui quelque 50 000 œuvres et une « famille » composée de quatre enfants et huit petits-enfants, ainsi que des femmes et des muses, entre lesquels les batailles furent âpres lors du partage de ses biens. Cette sensation d’être mise au ban de la famille s’est encore accrue chez Marina Picasso lorsque Jacqueline Roque, la seconde femme de l’artiste, a interdit à son frère, Pablito, de se rendre aux obsèques de son grand-père. Quelques jours plus tard, celui-ci se suicidait, à 24 ans, en ingérant de l’eau de Javel.« Un héritage dépourvu d’amour »Picasso n’avait pas laissé de testament. A l’issue des luttes d’héritage, un cinquième de ses biens furent finalement attribués à Marina Picasso, rappelle le New York Times – soit 10 000 œuvres : quelque 300 tableaux, et des céramiques, dessins, esquisses ou sculptures. « Les gens me disent que je devrais être contente d’avoir touché cet héritage, et je le suis. Mais c’est un héritage dépourvu d’amour », explique-t-elle. « Cela a été très difficile de porter ce célèbre nom et d’avoir eu autant de difficultés financières. Je pense que c’est pour cela que j’ai développé une fibre humaine et le besoin d’aider les autres. »L’argent tiré de ce pesant héritage, elle compte d’ailleurs l’utiliser pour développer ses actions philanthropes en France, en Suisse et au Vietnam. Cette mère de cinq enfants, dont trois adoptés au Vietnam, a fait don en 2014 de 1,5 million d’euros à la Fondation Hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France, dont une partie finance une unité d’urgence psychiatrique pour adolescents à Marseille. Elle est également impliquée dans un projet d’aide aux personnes âgées hospitalisées pour de longs séjours, précise le New York Times.« Désormais, je vis au présent, dit-elle. Le passé est derrière moi. Mais je n’oublierai jamais, jamais. Je respecte mon grand-père et sa stature en tant qu’artiste. J’étais sa petite-fille et son héritière, mais je n’ai jamais eu de place dans son cœur. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Le marché français de l’« entertainment » (musique, vidéos, jeux vidéo, livres…) souffre. Les dépenses des ménages dans ce domaine ont reculé de 4,6 % en 2014, à 7,2 milliards d’euros, selon les données communiquées, jeudi 5 février, par le cabinet d’études GFK.La hausse des achats « dématérialisés » (1,13 milliard d’euros au total, en hausse de 6 %) ne compense pas le déclin des achats des supports physiques (6,07 milliards d’euros au total). En 2013, les ventes « dématérialisées » avaient progressé de 23 %.Les livres représentent 55 % du marché de l’entertainment, et les loisir interactifs le reste : les jeux vidéos comptent pour 22 % des dépenses, la vidéo pour 15 %, la musique pour 8 %.À lui seul, le streaming, que ce soit pour écouter de la musique ou regarder des documents vidéos, représente 37 % des achats « dématérialisés ».Les achats de vidéos reculent de 10 %Le premier loisir plébiscité par les Français est le cinéma (62 % d’entre eux). Ce dernier se porte mieux que le secteur de la vidéo : les ventes dans ce dernier domaine sont en recul de 10 %. Aujourd’hui, une bonne année cinéma n’induit pas forcément une bonne année vidéo.Le marché de la vidéo est passé de 2,4 milliards d’euros en 2004 à 800 millions d’euros en 2014.La baisse des dépenses dans la vidéo est de 14 % pour les achats de supports physiques et de 8 % pour les achats numériques.Les achats de DVD classiques représentent 76 % du marché de la vidéo physique, alors que le Blu-Ray plafonne à 24 % : ce dernier ne prend pas dans la population.En France, on compte 11,2 millions de lecteurs de DVD installés, contre 1,5 million de lecteurs Blu-ray. Le prix du Blu-Ray est jugé trop cher (23 euros en moyenne).La VOD (vidéo à la demande) a vu ses ventes passer de 152 millions d’euros en 2010 à 259 millions d’euros en 2014.Elle devrait encore croître cette année, alors que les achats de supports physiques baisseraient encore de 15 %.Le marché des jeux vidéos est en croissance : + 3 %, à 2,6 milliards d’euros. Les achats de jeux sur supports physiques sont notamment en progression de 1 %, à 1,9 milliard d’euros. Il s’agit du seul marché physique qui affiche une hausse.Le marché de la musique reste difficile. Les ventes s’élèvent à 786 millions d’euros. Le streaming (150 millions d’euros) l’emporte sur le téléchargement (97 millions d’euros). Et le marché du CD poursuit son déclin (490 millions).Le livre est toujours en repliLe marché du livre en France a accusé un nouveau repli en 2014. Les ventes, tous types de supports confondus, sont en recul de 1,1%, selon les chiffres de la société d’études GfK, communiqués jeudi 5 février.Doucement, mais inexorablement, le marché du livre s'effrite depuis trois ans. En 2013, il avait enregistré un recul de 2,7 %, passant symboliquement, pour la première fois, sous le seuil des 4 milliards d'euros, pour atteindre 3,9 milliards.Ce sont les ventes de livres « physiques » qui reculent toujours : en 2014, elles ont baissé pour la quatrième année consécutive, relève GfK.Les ventes de livres numérique progressent, mais leur croissance est « plus faible qu’attendue », pointe le cabinet d’études, et cette hausse ne vient « compenser que partiellement » le repli du livre « papier ».Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le ministère de la culture et de la communication a transmis, mercredi 3 février, un communiqué précisant les contours du dispositif que l’institution souhaite mettre en place au profit de l’architecture et des architectes. La ministre Fleur Pellerin « a tenu à réaffirmer avec force, dès le mois d’octobre, l’importance de l’architecture dans les enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés ». Parmi les thématiques mises en exergue : l’amélioration du cadre de vie, la ville de demain, la transition énergétique, le logement, la création, mais aussi le rayonnement de la France, tant sur le plan culturel qu’économique.La stratégie pour l’architecture est « un outil de pilotage de la politique publique dans ce domaine », précise le communiqué. Elle s'appuie notamment sur les travaux menés par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, dont le président-rapporteur est le député (groupe SRC) Patrick Bloche. Pendant six mois, à compter de janvier 2014, une « Mission d’information sur la création architecturale » a permis que soient auditionnées une cinquantaine de personnalités impliquées dans l’univers de la construction : architectes, urbanistes, paysagistes, constructeurs, groupement professionnels, journalistes, etc.A l’issue de ces rencontres, un rapport a été publié le 2 juillet 2014. La conclusion de ce copieux document de 150 pages consiste en un « plaidoyer, en trente six propositions, pour une création architecturale du quotidien au service d’un aménagement durable du territoire ». Le « Rapport de la concertation sur l’enseignement et la recherche en architecture », qui avait été remis le 8 avril 2013 par le député (PS) Vincent Feltesse, compte également parmi les sources du ministère.« Le rôle citoyen de l’architecture »Cette stratégie, affirme la rue de Valois, « se construira au travers d’un dialogue étroit avec le conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) ». La profession est confrontée à une baisse drastique de son activité et un sentiment durable de mise à l’écart. L’ambition de cette démarche, insiste Fleur Pellerin, « est de réaffirmer la valeur ajoutée de l’architecture pour la société et celle de la profession d’architecte dans l’économie de la construction et de la création, en France et sur le plan international », mais aussi « de conforter le rôle citoyen de l’architecture au service de tous ».Le ministère de la culture et de la communication met en place trois groupes de réflexion thématiques qui seront pilotés par des professionnels, Grands Prix nationaux d’architecture ou d’urbanisme et par des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap). Les travaux du groupe « Mobiliser et sensibiliser » seront conduits par les architectes Frédéric Bonnet et Boris Bouchet ; la rapporteure en sera Hélène Riblet, inspectrice du patrimoine. Le groupe « Innover » sera porté par les architectes Marc Barani et Marie Zawistowski, et par l’association « Bellastock ». Lorenzo Diez, directeur de l’école nationale supérieure d’architecture de Nancy, en sera le rapporteur. Enfin, les architectes Paul Chemetov et Lucie Niney animeront le groupe « Développer », dont l’architecte conseil de l’Etat, Christine Edeikins, sera la rapporteure. Francis Nordemann, architecte DPLG, est chargé d’animer l’ensemble de ces travaux. Le ministère prévoit de les restituer au mois de juin.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 05.02.2015 à 18h05 • Mis à jour le06.02.2015 à 11h36 | Emmanuelle Jardonnet Ses souvenirs de son grand-père, Pablo Picasso ? Ils remontent à l’époque où, petite fille pauvre, elle se revoit faire le pied de grue devant les grilles de la villa du maître, à Cannes, lorsque son père, Paulo Picasso, l’emmenait pour réclamer des subsides à son propre père. « La Californie », cette grande villa du XIXe siècle, c’est ironiquement à elle, Marina Picasso, parmi la multitude d’héritiers, qu’elle est revenue. Elle avait alors une vingtaine d’années, et son premier geste a été de retourner vers le mur toutes les œuvres dont elle a aussi hérité de l’artiste. Par pur ressentiment, a-t-elle confié au New York Times.Le poids de son héritage, elle s’en était déjà en partie délesté psychologiquement en publiant ses mémoires en 2001, Picasso : mon grand-père, où elle révélait, après quinze ans de thérapie, ses vérités sur un clan désuni et la peine que lui a causée l’indifférence de son grand-père. A 64 ans, elle fait aujourd’hui savoir qu’elle se prépare à un détachement plus matériel, sonnant et trébuchant, de ses racines : la mise en vente de nombreuses œuvres de Picasso restées en sa possession.Ventes directesCe n’est en soi pas tout à fait une nouveauté : comme les autres héritiers du peintre, Marina Picasso se déleste régulièrement d’œuvres, pour vivre et financer ses projets. Depuis la mort, en 2008, de son marchand, le Suisse Jan Krugier, qui s’était chargé de la mise en vente de la plupart de ses pièces les plus prestigieuses, elle a tenté plusieurs stratégies sur le marché de l’art, rappelle le New York Times. En 2013, elle a ainsi mis aux enchères conjointement deux peintures de premier plan (dont Femme assise en robe grise, vendu 6,8 millions de dollars), puis en 2014, elle a présenté toute une collection de dessins de nu – dans les deux cas chez Sotheby’s.Lire : Deux Picasso vendus pour près de 6 millions d'eurosAfin de rompre avec toute tradition familiale, l’héritière envisage cette fois de gérer ses futures ventes à sa manière : en se passant des intermédiaires et de leurs commissions. Ainsi compte-t-elle céder en vente directe « au cas par cas, selon ses besoins ». Par cette prise en main, elle semble vouloir accélérer le mouvement, ce qui ne va pas sans nourrir craintes et fantasmes dans le milieu – la plus grande peur étant qu’elle inonde le marché, faisant baisser les prix au passage.Si elle n’a pas de liste prédéfinie des pièces qu’elle compte vendre, Marina Picasso se prononce sur deux choses : la rumeur selon laquelle elle va vendre la villa du peintre est fausse ; par ailleurs, elle sait quel est le premier tableau dont elle souhaite se débarrasser aujourd’hui : La Famille, un grand portrait de sa propre famille peint en 1935 sur un fond désertique – dans un style réaliste assez inhabituel. « Il est symbolique car je suis née dans une grande famille, mais cette famille n’en était en réalité pas une », a confié l’héritière.« Je n’avais pas de grand-père »Son père était le fils de Picasso et de sa première femme, la danseuse russe Olga Khokhlova. Selon elle, celui-ci servait à Picasso de chauffeur ou d’homme à tout faire. Puis ses parents se sont séparés : « J’ai très peu vu mon père. Je n’avais pas de grand-père. » Marina Picasso assure qu’elle ne possède aucune photo d’elle en compagnie de son grand-père, et qu’elle n’a pas eu la moindre de ses œuvres avant sa mort. Elle se souvient qu’il lui arrivait de lui dessiner des fleurs sur des feuilles en papier, mais on ne la laissait pas les garder.Olivier Widmaier Picasso, un autre petit-fils de Picasso – issu de sa liaison avec Marie-Thérèse Walter –, et lui aussi auteur d’une biographie (beaucoup plus positive) de Picasso, dit comprendre la colère de sa parente, mais relativise les faits : « Soyons honnêtes, Picasso n’était pas le seul responsable de cette situation. Sa mère avait la garde exclusive des enfants. Il ne voulait pas lui donner de l’argent parce qu’il s’inquiétait qu’elle ne l’utilise pas pour ses enfants. Il a donc plutôt payé leur scolarité directement. »A sa mort, en 1973, à l’âge de 91 ans, Picasso a laissé derrière lui quelque 50 000 œuvres et une « famille » composée de quatre enfants et huit petits-enfants, ainsi que des femmes et des muses, entre lesquels les batailles furent âpres lors du partage de ses biens. Cette sensation d’être mise au ban de la famille s’est encore accrue chez Marina Picasso lorsque Jacqueline Roque, la seconde femme de l’artiste, a interdit à son frère, Pablito, de se rendre aux obsèques de son grand-père. Quelques jours plus tard, celui-ci se suicidait, à 24 ans, en ingérant de l’eau de Javel.« Un héritage dépourvu d’amour »Picasso n’avait pas laissé de testament. A l’issue des luttes d’héritage, un cinquième de ses biens furent finalement attribués à Marina Picasso, rappelle le New York Times – soit 10 000 œuvres : quelque 300 tableaux, et des céramiques, dessins, esquisses ou sculptures. « Les gens me disent que je devrais être contente d’avoir touché cet héritage, et je le suis. Mais c’est un héritage dépourvu d’amour », explique-t-elle. « Cela a été très difficile de porter ce célèbre nom et d’avoir eu autant de difficultés financières. Je pense que c’est pour cela que j’ai développé une fibre humaine et le besoin d’aider les autres. »L’argent tiré de ce pesant héritage, elle compte d’ailleurs l’utiliser pour développer ses actions philanthropes en France, en Suisse et au Vietnam. Cette mère de cinq enfants, dont trois adoptés au Vietnam, a fait don en 2014 de 1,5 million d’euros à la Fondation Hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France, dont une partie finance une unité d’urgence psychiatrique pour adolescents à Marseille. Elle est également impliquée dans un projet d’aide aux personnes âgées hospitalisées pour de longs séjours, précise le New York Times.« Désormais, je vis au présent, dit-elle. Le passé est derrière moi. Mais je n’oublierai jamais, jamais. Je respecte mon grand-père et sa stature en tant qu’artiste. J’étais sa petite-fille et son héritière, mais je n’ai jamais eu de place dans son cœur. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Le marché français de l’« entertainment » (musique, vidéos, jeux vidéo, livres…) souffre. Les dépenses des ménages dans ce domaine ont reculé de 4,6 % en 2014, à 7,2 milliards d’euros, selon les données communiquées, jeudi 5 février, par le cabinet d’études GFK.La hausse des achats « dématérialisés » (1,13 milliard d’euros au total, en hausse de 6 %) ne compense pas le déclin des achats des supports physiques (6,07 milliards d’euros au total). En 2013, les ventes « dématérialisées » avaient progressé de 23 %.Les livres représentent 55 % du marché de l’entertainment, et les loisir interactifs le reste : les jeux vidéos comptent pour 22 % des dépenses, la vidéo pour 15 %, la musique pour 8 %.À lui seul, le streaming, que ce soit pour écouter de la musique ou regarder des documents vidéos, représente 37 % des achats « dématérialisés ».Les achats de vidéos reculent de 10 %Le premier loisir plébiscité par les Français est le cinéma (62 % d’entre eux). Ce dernier se porte mieux que le secteur de la vidéo : les ventes dans ce dernier domaine sont en recul de 10 %. Aujourd’hui, une bonne année cinéma n’induit pas forcément une bonne année vidéo.Le marché de la vidéo est passé de 2,4 milliards d’euros en 2004 à 800 millions d’euros en 2014.La baisse des dépenses dans la vidéo est de 14 % pour les achats de supports physiques et de 8 % pour les achats numériques.Les achats de DVD classiques représentent 76 % du marché de la vidéo physique, alors que le Blu-Ray plafonne à 24 % : ce dernier ne prend pas dans la population.En France, on compte 11,2 millions de lecteurs de DVD installés, contre 1,5 million de lecteurs Blu-ray. Le prix du Blu-Ray est jugé trop cher (23 euros en moyenne).La VOD (vidéo à la demande) a vu ses ventes passer de 152 millions d’euros en 2010 à 259 millions d’euros en 2014.Elle devrait encore croître cette année, alors que les achats de supports physiques baisseraient encore de 15 %.Le marché des jeux vidéos est en croissance : + 3 %, à 2,6 milliards d’euros. Les achats de jeux sur supports physiques sont notamment en progression de 1 %, à 1,9 milliard d’euros. Il s’agit du seul marché physique qui affiche une hausse.Le marché de la musique reste difficile. Les ventes s’élèvent à 786 millions d’euros. Le streaming (150 millions d’euros) l’emporte sur le téléchargement (97 millions d’euros). Et le marché du CD poursuit son déclin (490 millions).Le livre est toujours en repliLe marché du livre en France a accusé un nouveau repli en 2014. Les ventes, tous types de supports confondus, sont en recul de 1,1%, selon les chiffres de la société d’études GfK, communiqués jeudi 5 février.Doucement, mais inexorablement, le marché du livre s'effrite depuis trois ans. En 2013, il avait enregistré un recul de 2,7 %, passant symboliquement, pour la première fois, sous le seuil des 4 milliards d'euros, pour atteindre 3,9 milliards.Ce sont les ventes de livres « physiques » qui reculent toujours : en 2014, elles ont baissé pour la quatrième année consécutive, relève GfK.Les ventes de livres numérique progressent, mais leur croissance est « plus faible qu’attendue », pointe le cabinet d’études, et cette hausse ne vient « compenser que partiellement » le repli du livre « papier ».Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le ministère de la culture et de la communication a transmis, mercredi 3 février, un communiqué précisant les contours du dispositif que l’institution souhaite mettre en place au profit de l’architecture et des architectes. La ministre Fleur Pellerin « a tenu à réaffirmer avec force, dès le mois d’octobre, l’importance de l’architecture dans les enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés ». Parmi les thématiques mises en exergue : l’amélioration du cadre de vie, la ville de demain, la transition énergétique, le logement, la création, mais aussi le rayonnement de la France, tant sur le plan culturel qu’économique.La stratégie pour l’architecture est « un outil de pilotage de la politique publique dans ce domaine », précise le communiqué. Elle s'appuie notamment sur les travaux menés par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, dont le président-rapporteur est le député (groupe SRC) Patrick Bloche. Pendant six mois, à compter de janvier 2014, une « Mission d’information sur la création architecturale » a permis que soient auditionnées une cinquantaine de personnalités impliquées dans l’univers de la construction : architectes, urbanistes, paysagistes, constructeurs, groupement professionnels, journalistes, etc.A l’issue de ces rencontres, un rapport a été publié le 2 juillet 2014. La conclusion de ce copieux document de 150 pages consiste en un « plaidoyer, en trente six propositions, pour une création architecturale du quotidien au service d’un aménagement durable du territoire ». Le « Rapport de la concertation sur l’enseignement et la recherche en architecture », qui avait été remis le 8 avril 2013 par le député (PS) Vincent Feltesse, compte également parmi les sources du ministère.« Le rôle citoyen de l’architecture »Cette stratégie, affirme la rue de Valois, « se construira au travers d’un dialogue étroit avec le conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) ». La profession est confrontée à une baisse drastique de son activité et un sentiment durable de mise à l’écart. L’ambition de cette démarche, insiste Fleur Pellerin, « est de réaffirmer la valeur ajoutée de l’architecture pour la société et celle de la profession d’architecte dans l’économie de la construction et de la création, en France et sur le plan international », mais aussi « de conforter le rôle citoyen de l’architecture au service de tous ».Le ministère de la culture et de la communication met en place trois groupes de réflexion thématiques qui seront pilotés par des professionnels, Grands Prix nationaux d’architecture ou d’urbanisme et par des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap). Les travaux du groupe « Mobiliser et sensibiliser » seront conduits par les architectes Frédéric Bonnet et Boris Bouchet ; la rapporteure en sera Hélène Riblet, inspectrice du patrimoine. Le groupe « Innover » sera porté par les architectes Marc Barani et Marie Zawistowski, et par l’association « Bellastock ». Lorenzo Diez, directeur de l’école nationale supérieure d’architecture de Nancy, en sera le rapporteur. Enfin, les architectes Paul Chemetov et Lucie Niney animeront le groupe « Développer », dont l’architecte conseil de l’Etat, Christine Edeikins, sera la rapporteure. Francis Nordemann, architecte DPLG, est chargé d’animer l’ensemble de ces travaux. Le ministère prévoit de les restituer au mois de juin.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 05.02.2015 à 16h05 • Mis à jour le06.02.2015 à 08h53 | Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles « L’album blanc », cocktail hypnotique Cette semaine : autour de l’album The Beatles (novembre 1968). « Back in the U.S.S.R. » (Lennon-McCartney), par Sigourney WeaverCette chanson 100 % rock’n’roll de Paul McCartney ouvrant l’« album blanc », premier et unique double-album des Beatles du temps de leur activité, multiplie les références musicales. De son titre, un décalque du Back in The U.S.A. de Chuck Berry, à la citation de Georgia on My Mind, standard de Hoagy Carmichael et Stuart Gorrell popularisé par Ray Charles, le tout mâtiné de chœurs parodiant les Beach Boys. Simple et plaisante à jouer, elle a été logiquement interprétée en 1987 par le chanteur et pianiste new-yorkais Billy Joel à Moscou et Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) lors de sa tournée dans l’Union soviétique de Mikhaïl Gorbatchev. Plus inattendue est la version que donne en 2001 la délicieuse Sigourney Weaver dans la comédie de David Mirkin, Beautés empoisonnées. La femme fatale s’amuse de son audace sur fond de violons et de balalaïkas, devant un Gene Hackman ahuri. « Dear Prudence » (Lennon-McCartney), par Siouxsee & The BansheesLa qualité du répertoire des Beatles était telle que les chansons qui n’avaient pas été mises en avant pouvaient devenir des tubes majeurs pour les autres artistes. Ainsi du délicat Dear Prudence, écrit par John Lennon lors du séjour en Inde chez le Maharishi Yogi à l’attention de la sœur recluse de l’actrice Mia Farrow. Le groupe londonien post-punk Siouxsie & The Banshees (avec comme figure de proue Siouxsie Sioux, une ancienne du Bromley Contingent, la troupe qui suivait les Sex Pistols), s’en empare en 1983 pour obtenir son plus gros succès, une lecture à la fois reconnaissable et personnelle qui grimpera jusqu’à la troisième place des classements britanniques et sera incorporée aux rééditions de l’album Hyaena. A noter que la guitare est entre les mains de Robert Smith, le démiurge de The Cure, alors également membre des Banshees après l’éviction pour alcoolisme de l’Ecossais John McGeoch, ancien de Magazine et de Visage. « Glass Onion » (Lennon-McCartney), par Arif MardinCette chanson en forme d’auto citations (de Strawberry Fields Forever, I Am The Walrus, The Fool on The Hill, Fixing a Hole et même Lady Madonna, sorti en single en mars 1968) a été largement dédaignée par les repreneurs. Dès 1970, le producteur d’origine turque Arif Mardin, l’un des piliers de la maison de disques Atlantic avec les frères Ertegun, l’adaptait dans une version instrumentale pour son premier album solo, titré Glass Onion. Homme de jazz, Mardin sera ensuite derrière le virage disco des Bee Gees avec l’album Main Course en 1975 puis le succès planétaire de Come Away With Me, premier opus de Norah Jones, en 2002. « Ob-la-di, Ob-la-da » (Lennon-McCartney), par The MarmaladeCette scie que John Lennon exécrait (il l’aurait qualifiée de « musique de grand-mère de merde ») et qui est restée un sujet de sarcasmes envers McCartney (qui ne devait d’ailleurs l’interpréter que rarement sur scène, et pas avant… 2009), a pourtant joui d’une immense popularité auprès des enfants et des esprits guillerets et optimistes. Tentative de rocksteady (un hybride jamaïcain, à mi-chemin du ska et du rhythm’n’blues), elle fit le bonheur immédiat de The Marmalade, un quintette de Glasgow, qui obtint un numéro un dans les classements britanniques début 1969, le premier de l’histoire pour un groupe écossais. Depuis, son succès ne s’est jamais démenti avec des versions de Celia Cruz, Jimmy Cliff ou de No Doubt, revivalistes américains du ska. « Wild Honey Pie » (Lennon-McCartney), par PixiesReprendre cet interlude inférieur à une minute, expérimental et dissonant, presque sans paroles, entièrement composé et interprété par McCartney (peut-être pour compenser la légèreté d’Ob-la-di-da) est une gageure. Les Pixies de Boston (Massachusetts), rois du rock alternatif à la fin des années 1980, relèvent pourtant le gant en 1988 devant les micros de la BBC dans le cadre des fameuses sessions animées par John Peel. Leur version sera commercialisée dix ans plus tard dans l’album Pixies at the BBC (4AD). L’agressivité de l’original sied à merveille à Black Francis et sa complice Kim Deal. Comme s’il avait été écrit en pensant aux Pixies, vingt ans avant leur formation. « The Continuing Story of Bungalow Bill » (Lennon-McCartney), par Dawn Kinnard & Ron Sexsmith En 2008, pour célébrer les quarante ans du « White Album », le magazine britannique et patrimonial de rock Mojo, propose avec son numéro 178, un CD de 15 reprises. Aujourd’hui banalisé dans la presse rock, ce genre d’exercice a un défaut principal : ce sont la plupart du temps des seconds couteaux de la scène dite « indé » qui s’y collent, quand ce ne sont pas des inconnus. Cette version de Bungalow Bill, chanson écrite par Lennon en Inde autour d’une chasse au tigre, fait néanmoins exception puisqu’elle est interprétée par le Canadien Ron Sexsmith, l’un des plus talentueux héritiers de McCartney, accompagné de Dawn Kinnard, une consœur de Nashville (Tennessee). « While My Guitar Gently Weeps » (Harrison), par Wu Tang ClanLe premier morceau de George Harrison sur l’« album blanc » est aussi le plus impressionnant qu’il avait alors composé. Pour lui donner toutes ses chances, il convia même son ami Eric Clapton afin d’exécuter le solo, l’un des très rares cas d’intervention de musicien extérieur dans la discographie des Beatles. Près de quarante ans plus tard, la mélodie de la chanson structure The Heart Gently Weeps, des rappeurs new-yorkais de Wu-Tang Clan, qui utilise un sample, non de l’original mais de l’interprétation exécutée en 1973 par le guitariste de jazz Jimmy Ponder. Le fils de George Harrison, Dhani, a été convié à jouer de la guitare acoustique sur ce titre de l’album 8 Diagrams (2007). « Happiness is a Warm Gun » (Lennon-McCartney), par U2Constitué de trois sections, ce titre de John Lennon, qui a pu être interprété comme une ode au sexe ou à l’héroïne, est l’une des plus éclatantes réussites du double album, et l’un des rares efforts collectifs, la tendance du projet étant plutôt à l’expression de chaque individualité. Après avoir placé Helter Skelter en ouverture de son live Rattle And Hum (1987), précédé d’une désolante introduction de son chanteur Bono (« C’est une chanson que Charles Manson a volée aux Beatles. Nous la lui reprenons »), U2 récidive dix ans plus tard avec Happiness is A Warm Gun, proposé avec le single Last Night On Earth. Alors en pleine phase électro, les Irlandais s’autorisent à déstructurer avec autant de vanité que de vacuité leur victime. Incontestablement, l’une des pires reprises d’un titre des Beatles, cover bands (groupes spécialisés dans les reprises) et orchestres de patronage compris. « Martha My Dear » (Lennon-McCartney), par Ambrose SladeInspirée à Paul McCartney par sa chienne Bobtail, cette ballade qui annonce déjà chez son auteur la période Wings, son groupe post-Beatles, est aussitôt accaparée par ses compatriotes d’Ambrose Slade qui deviendront Slade et connaîtront un immense succès insulaire lors de la vague glam rock du début des années 1970, avec David Bowie ou T. Rex. Mais pour Beginnings, leur premier album publié en mai 1969, les garçons de Wolverhampton ne sont parvenus à écrire que quatre chansons et doivent largement piocher dans le répertoire des autres. Les Beatles constituant évidemment une facilité. « I’m So Tired » (Lennon-McCartney), par Kasabian Ce groupe de britpop, dans la lignée d’Oasis, n’a rien trouvé de plus malin que de se baptiser du nom de Linda Kasabian, membre de la « famille Manson », tristement célèbre pour ses meurtres perpétrés à l’été 1969 à Los Angeles, sur ordre du gourou hippie Charles Manson. Celui-ci prétendait d’ailleurs avoir été inspiré par des messages messianiques qu’il aurait décelés dans plusieurs chansons de l’« album blanc ». Les trentenaires passéistes de Kasabian commettent en 2011 cette reprise acoustique et déjà épuisée d’I’m So Tired dans le studio de la radio australienne Triple J. On relève que le chanteur Tom Meighan, fan autoproclamé des Beatles, a tout de même besoin d’une antisèche. Début de l’interprétation à 52 secondes. « Blackbird » (Lennon-McCartney), par Brad MehldauLe niveau se redresse spectaculairement avec cette interprétation vagabonde, par le pianiste américain Brad Mehldau, de Blackbird, comptine folk jouée en picking par Paul McCartney en l’honneur de l’activiste politique américaine Angela Davis. Cette version est présente sur The Art of The Trio, Vol. 1 (Warner Bros. Records, 1997), deuxième album en tant que leader de celui qui est devenu l’une des plus grandes stars du jazz actuel. Mehldau est familier du répertoire des Beatles et surtout de leur « White Album » puisqu’il a également joué Dear Prudence, Martha My Dear et Mother’s Nature Son. « Piggies » (Harrison), par Luis Eduardo AuteUne rareté apparue sur l’album Harrisongs 2, hommage de musiciens espagnols au plus discret des Fab Four, sorti en 2003 sur le label Grabaciones en el mar, après un premier volume paru en 2000. Le coup de chapeau devient posthume puisque George le jardinier s’était entre-temps éteint le 29 novembre 2001 à Los Angeles. Né en 1943, Luis Eduardo Aute est un auteur-compositeur, cinéaste et poète. Cet album hommage peut être commandé sur le site du label et la chanson, qui ne figure ni sur YouTube et DailyMotion, est notamment écoutable sur le site de Deezer et sur celui de Spotify. « Rocky Raccoon » (Lennon-McCartney), par Lena Horne et Gabor SzaboConçue par McCartney comme une ballade de country & western ne lésinant pas au passage sur les clichés, Rocky Raccoon est métamorphosée dès 1970 en fantaisie soul sudiste par la chanteuse et actrice américaine Lena Horne, alors accompagnée par le magistral guitariste hongrois Gabor Szabo. Cette version épatante ouvre l’album du duo, Lena & Gabor, commercialisé en 1970 chez Skye, label co-fondé par Szabo, puis réédité en 1971 chez Buddha Records sous le titre Watch What Happens. Une curiosité hautement recommandable comprenant trois autres relectures du répertoire des Beatles : Something, In My Life et The Fool On The Hill. « Don’t Pass Me By » (Starkey), par The Georgia SatellitesAvec son crin-crin pas toujours juste et sa mélodie poussive, cette chanson, la première écrite par Ringo Starr (de son vrai nom Richard Starkey, utilisé pour les crédits), parait bien faiblarde dans la profusion qu’offre le double album. Le titre (« Ne m’ignore pas ») proviendrait d’une plaisanterie de McCartney à l’adresse de Ringo lors d’un échange à la BBC. On aurait alors demandé au batteur s’il avait composé une chanson… Don’t Pass Me By a fini par faire le bonheur des Georgia Satellites, formation de rock sudiste basée à Atlanta, qui l’inclut sur son deuxième album, Open All Night, en 1988. Au piano, un contemporain des Beatles, Ian McLagan, ancien des Small Faces et des Faces. « Why Don’t We Do It In The Road ? » (Lennon-McCartney), par Lowell FulsonA priori simple à reprendre : deux lignes de texte (« Pourquoi ne pas le faire dans la rue ? Personne ne nous regardera »), inspirées à Paul McCartney par la vision de deux singes copulant en Inde, et une structure basique de blues. Le guitariste Lowell Fulson, roi du blues West Coast et auteur de Three O’Clock Blues ou de Reconsider Baby, n’hésite pas et glisse sa version sur son album In a Heavy Bag (Jewel Records, 1970). En proposant, plus puritain, de prolonger les ébats « dans la voiture » puis « dans la maison ». « I Will » (Lennon-McCartney), par Art GarfunkelRavissante lovesong que Laurent Voulzy a certainement écouté plus souvent qu’à son tour, I Will devait tôt ou tard être entonnée par la voix d’angelot d’Art Garfunkel. Le compère de Paul Simon ne l’interprète pas avant 1996, lors de deux concerts new-yorkais documentés dans le live Across America. Il proposera une version studio en 1997 sur l’album Songs From a Parent Child. « Julia » (Lennon-McCartney), par Medeski, Martin, Scofield & WoodIl devrait être interdit de s’emparer de cette chanson d’une traumatisante délicatesse, adressée par John Lennon à sa mère, morte renversée par la voiture d’un policier saoul alors que l’adolescent venait de fonder les Quarrymen. Si personnelle que le Beatle l’interpréta seul avec sa guitare sur l’« album blanc ». Le trio new-yorkais d’improvisateurs formé par l’organiste John Medeski, le bassiste-contrebassiste Chris Wood et le batteur Billy Martin, rejoint par le guitariste John Scofield (ancien accompagnateur de Miles Davis) s’en tire avec cette version instrumentale – présente sur l’album Out Louder (2006) –, très proche de l’esprit de McLemore Avenue, l’hommage à Abbey Road de Booker T & The MG’s, paru dès 1970. « Birthday » (Lennon-McCartney), par Underground SunshineSalut au rock’n’roll des origines à partir d’un riff simplissime et efficace, Birthday permet à Underground Sunshine, un groupe de rock garage du Wisconsin de faire une furtive apparition dans les classements à l’été 1969, avec au premier plan un orgue qui n’est pas sans rappeler celui de Charly Oleg. Après quoi, on n’entendra plus jamais parler de ces garçons. Paru sur le tout aussi disparu label américain Intrepid Records, qui publia une trentaine de 45-tours entre 1969 et 1970. « Yer Blues » (Lennon-McCartney), par Lucky PetersonCe blues à tendance suicidaire de Lennon enregistré en prise directe par les Beatles est sans surprise investi par un spécialiste, le guitariste et organiste américain Lucky Peterson. La version en tout point conforme à ce qu’on peut en attendre, et donc plutôt décevante, a été livrée en 2002 sur The Blues White Album, hommage des représentants du genre, comme l’harmoniciste Charlie Musselwhite. « Mother’s Nature Son » (Lennon-McCartney), par Harry NilssonConnu essentiellement pour deux reprises (Everybody’s Talking et Without You), Harry Nilsson (1941-1994) demeure l’un des plus grands talents ignorés (et hélas gâchés) de la pop. On peut lui accorder une confiance aveugle quand il chante les Beatles comme l’attestait sa version de She’s Leaving Home, sélectionnée pour les reprises de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Même subtilité pour Mother’s Nature Son, extraite de son troisième opus Harry, paru en août 1969. « Everybody’s Got Something To Hide Except Me and My Monkey » (Lennon-McCartney), par The Feelies Groupe aujourd’hui culte (ce qui signifie qu’il passa jadis globalement inaperçu, sinon de quelques critiques musicaux), The Feelies livrèrent cette excellente version sur leur premier album, paru chez Stiff en 1980. Ces étudiants du New Jersey, héritiers du Velvet Underground et de la déflagration punk, se distinguaient déjà par des choix peu évidents de reprises puisqu’en ce qui concerne les Beatles, ils remirent cela quatre ans plus tard avec Love You To, la première tentative de raga de George Harrison sur l’album Revolver (1966). « Sexy Sadie » (Lennon-McCartney), par Paul WellerDerrière cette mélodie irrésistible et ces chœurs de romance se cache une des chansons les plus vachardes de John Lennon, qui règle ici ses comptes avec le Maharishi Yogi. L’ancien leader de The Jam et de Style Council Paul Weller, dit le « Modfather », en propose en 1995 une relecture sans grande conviction en face B de son single Out Of The Sinking, aujourd’hui disponible sur l’édition « deluxe » de l’album Stanley Road – dont la pochette est ornée d’une photo d’identité de Lennon jeune. Weller et les Beatles : l’association est si évidente qu’elle ne peut fonctionner. « Helter Skelter » (Lennon-McCartney), par Mötley CrüeConstamment décrié par ses détracteurs comme un chanteur de variétés, Paul McCartney a voulu montrer de quel bois il se chauffait. Ou plutôt de quel métal. Car Helter Skelter, parue avant le premier album de Led Zeppelin, est l’une des pierres fondatrices du hard-rock, un acte d’une sauvagerie inouïe qui amène Ringo Starr à se plaindre de ses « ampoules aux doigts », cri que l’on entend en clôture de la chanson. Il en existe aussi une prise de près d’une demi-heure qui n’a jamais publiée. Conséquence inévitable, les métalleux de tous poils se sont précipités sur ce classique, idéal pour les rappels, têtes secouées et jambes écartées. Et donc Mötley Crüe, quatre Pieds nickelés peroxydés qui défrayèrent la chronique à Los Angeles dans les années 1980 pour leur consommation de drogues et de groupies. Ils l’utilisèrent même comme single pour leur album Shout At The Devil, l’une des plus grosses ventes de hard-rock de l’époque. Ce que n’avait pas fait pas deux ans plus tôt la chanteuse new-yorkaise Pat Benatar, qui plaça Helter Skelter en conclusion de son troisième album, Precious Times. Cela ne l’empêcha pas de trôner au sommet des classements américains. « Long, Long, Long » (Harrison), par Kelly De MartinoCe titre mystique de George Harrison, qui repose les oreilles après celui qui l’a précédé, a été peu repris sinon par la chanteuse américaine Kelly De Martino. Cette version, que l’on qualifiera, selon les goûts, de joliment atmosphérique ou de proprement soporifique, est extraite de l’album Honest, publié par le label français Village vert en 2008. « Revolution 1 » (Lennon-McCartney), par GrandaddyAttention ! Trois versions de Revolution existent. La plus connue est celle qui n’est pas suivie d’un numéro, la « prolétarienne » avec cris et guitares saturées, sortie en single. La n°1, qui nous intéresse ici, est « bourgeoise », acoustique au départ, mollement secouée ensuite par des cuivres et des chœurs parodiques (« chou bidou wah ! »). La redoutable 9e, très éloignée de Beethoven, est traitée ci-dessous. La version que propose le groupe californien Grandaddy est celle qui s’approche le plus de Revolution 1 même si la mélodie se perd en route. Elle fut enregistrée pour les besoins du film Sam, je suis Sam, de Jessie Nelson, un pénible mélo sorti en 2001 avec Sean Penn et Michelle Pfeiffer. La bande-son ne comprenait que des chansons des Beatles qui durent être toutes réinterprétées quand il s’avéra que la facture, pour l’utilisation des originaux, serait astronomique. « Honey Pie » (Lennon-McCartney), par The Golden Gate QuartetFormé en 1934, le plus célèbre ensemble vocal de gospel et de negro spiritual est tout à son aise avec cet hommage de McCartney au bon music-hall britannique d’antan, pour lequel les Beatles ajoutèrent des craquements de sillons. Cette version apparut en 1969 sur un 45-tours de quatre titres avec l’Ave Maria des amoureux, publié par Columbia. On peut la retrouver sur l’anthologie Platinum (Parlophone, 2009). « Savoy Truffle » (Harrison), par Ella FitzgeraldL’une des rares tentatives par les Beatles d’intrusion dans le rhythm’n’blues avec l’adjonction de saxophones. Récompensée d’une incroyable reprise par Ella Fitzgerald en personne, placée en 1969 en face B de son single I’ll Never Fall in Love Again, l’un des cristaux taillés par Burt Bacharach. Les deux chansons figurent dans l’album Ella, le premier enregistré par la Lady du jazz pour le label Reprise Records et produit par Richard Perry, qui travailla aussi avec Harry Nilsson. Ella comporte un autre titre des Beatles, le cuivré Got To Get You Into My Life. « Cry, Baby, Cry » (Lennon-McCartney), par Throwing MusesMené par les chanteuses Kristin Hersh et Tanya Donelly, Throwing Muses est un groupe post-punk américain, actif dans les années 1980 et 1990. Cette reprise apparut en 1991 en face B de leur single Not Too Soon. Elle semblait pratiquement obligée puisque le groupe avait écrit une chanson nommée Cry, Baby, Cry quatre ans plus tôt. « Revolution 9 » (Lennon-McCartney), par Kurt Hoffman’s Band Of WeedsReprendre Revolution 9, ce collage de musique concrète concocté par John Lennon et Yoko Ono pour embêter McCartney, quelle idée ? Sachant que les possesseurs de l’« album blanc » ne l’ont écouté généralement qu’une fois dans leur vie. On saluera donc la performance en public du Kurt Hoffman’s Band Of Weeds, documentée en 1992 sur l’album Downtown Does The Beatles Live At The Knitting Factory, la Knitting Factory étant un club réputé pour héberger l’avant-garde du jazz expérimental new-yorkais. Cette version, qui a déjà l’avantage d’être beaucoup plus courte que l’original, est tout à fait surprenante. Emplie de cuivres, elle swingue. « Good Night » (Lennon-McCartney), par The CarpentersLa berceuse qui referme le double blanc, écrite par Lennon pour son fils Julian et chantée par Ringo Starr sur une orchestration grandiose évoquant Ennio Morricone, est un délice pour les amateurs d’easy listening. Barbra Streisand la chante dès 1969 sur l’album What About Today ?, avec Honey Pie et With A Little Help From My Friends. Il est a priori difficile de faire apprécier le résultat à de jeunes oreilles. Plus accessible et plus poignante est la version qu’en font cette même année The Carpenters, duo constitué d’un frère et d’une sœur, qui allaient connaître un succès phénoménal au début de la décennie suivante – (They Long To Be) Close To You, For All We Know, Yesterday Once More, etc. – après avoir lancé leur carrière par une reprise de Ticket To Ride Longtemps inédite, cette lecture étonnamment sobre a été révélée en 1991 sur le coffret From The Top. Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle Unibail-Rodamco travaille activement avec la Ville de Paris à remanier le projet de tour Triangle, rejeté par un vote du Conseil de Paris le lundi 17 novembre 2014, espérant son adoption au printemps, a déclaré le groupe immobilier, mercredi 3 février à la presse. « Nous avons bon espoir d'un vote positif, en avril, ou un peu plus tard. Nous ne sommes pas à un mois près. S'il faut prendre un ou deux mois de plus pour convaincre, nous le ferons », a déclaré Christophe Cuvillier, le président du directoire, en marge de la publication des résultats annuels.Le 22 janvier, l'adjoint de la maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS), avait indiqué que le projet amendé pourrait repasser devant le Conseil de Paris au mois d'avril. « Nous travaillons à des modifications, notamment à la possibilité d'inclure un hôtel », a ajouté M. Cuvillier sans plus de précisions, indiquant que « le programme, en cours de finalisation, sera présenté à la Ville de Paris ». Dans sa mouture initiale, le projet de tour Triangle comportait un hôtel à son sommet, dont la faisabilité s’était avérée risquée.Lire aussi: La mairie de Paris invite les promoteurs de la tour Triangle à amender leur projetLa municipalité travaille avec le groupe sur ce nouveau projet, et Unibail-Rodamco espère cette fois « convaincre les conseillers qui n'étaient pas d'accord » avec la première version. Selon la Ville de Paris, « le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, à bulletin secret, dont la maire Anne Hidalgo (PS) a contesté la validité auprès du Tribunal administratif, de nombreux élu(e)s ayant ostensiblement exhibé leurs bulletins.Les deux parties ne sont plus liéesCe vote au scrutin secret, obtenu par Madame Hidalgo après l’accord de plus du tiers des conseillers présents lors de la délibération du lundi 17 novembre 2014, fait par ailleurs l’objet d’une question prioritaire de constitutionalité (QPC) soumise par Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP). L’élue et son groupe contestent le « point du règlement intérieur du conseil de Paris permettant à une minorité d'imposer un scrutin secret à la majorité ».Cette procédure contestant un article du code général des collectivités locales, transmise par le tribunal administratif au Conseil d’Etat, voire au delà au Conseil constitutionnel, serait de nature à considérablement repousser l’hypothèse d’un Conseil de Paris sur ce sujet au printemps. Pour M. Cuvillier, que le vote soit déclaré irrégulier ou pas au plan juridique ne change rien, car « il faut de toutes façons un nouveau vote, sur un autre projet, ou un projet amendé ».Le contrat liant Unibail-Rodamco à la Ville de Paris pour la construction de cette tour de 180 mètres, prévue au coeur du Parc des expositions de la porte de Versailles (Paris 15e), pour un investissement de 520 millions d'euros, ayant expiré le 31 décembre 2014, les deux parties ne sont plus liées par un projet devenu caduc, a-t-il précisé. La foncière dit avoir, à ce stade, retiré la tour Triangle de son portefeuille de projets en développement.Lire aussi : La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet #Noodle 👧 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 10h24 PSTUn groupe virtuel est-il plus facile à reformer qu’un quatuor de chair et d’os ? Le dessinateur Jamie Hewlett, cofondateur de Gorillaz avec le chanteur-compositeur Damon Albarn, a confirmé la renaissance du gang né sous ses crayons, en postant sur son compte Instagram trois nouveaux croquis de ses héros, accompagnés d’un « Yes, Gorillaz returns ».La rumeur courait déjà l’an dernier, quand Damon Albarn, alors auteur d’un album – Everyday Robots – et d’une tournée solo, avait laissé entendre, dans un premier temps, qu’un nouvel album de Gorillaz était envisageable, avant de confier, quelques semaines après, qu’il s’était mis à écrire de nouveaux morceaux pour ce projet. Une belle surprise pour les fans de Murdoc, 2 D, Russel et Noodle, qui, après la sortie du quatrième album du groupe, The Fall (2011), avaient cru comprendre qu’une fâcherie entre Albarn et Hewlett avait compromis l’avenir de Gorillaz. #Murdoc in colour🚬🍷 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 11h36 PSTLaboratoire visuel et musicalNé au début des années 2000, ce quatuor virtuel était pourtant devenu un des plus passionnants laboratoires musicaux et visuels de la pop de la décennie. Créé avec l’aide de Jamie Hewlett, devenu une référence de la bande dessinée britannique, à la fin des années 1980 (la série Tank Girl), Gorillaz avait permis à Damon Albarn, leader du groupe Blur, de s’échapper des contraintes de son image de star de la britpop et de se libérer musicalement, en brassant une mosaïque de styles (dub, rap, electro, mélodies rock, latines ou orientales) avec une très efficace inventivité. Après quatre albums, une série de tubes (Clint Eastwood, Dare, Dirty Harry...) et plusieurs tournées, ce projet intégrant de nombreux invités (Lou Reed, Bobby Womack, De La Soul, Snoop Dogg...) semblait hors course après le départ de Hewlett et son équipe du petit immeuble de bureaux et studio, qu’ils partageaient avec Albarn à l’ouest de Londres.Après avoir longtemps dit qu’un album de Gorillaz n’était pas envisageable avant que paraisse un nouvel album de Blur, le chanteur semble avoir remisé le disque des anciens rivaux d’Oasis pour se consacrer, après son bel album solo, à la résurrection de son groupe de BD. L’insatiable musicien a aussi pris le temps de composer un nouveau spectacle musical, wonder.land, inspiré du livre Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll, dont la première devrait être présenté en juillet 2015 au Manchester International Festival.Stéphane DavetJournaliste au Monde Stéphanie Binet (Port-au-Prince (Haïti), envoyée spéciale) « Oxmo Puccino, 40 ans, rappeur pendant longtemps, aujourd’hui “poétiseur” et ambassadeur de l’Unicef. » Voila comment se présente le Parisien le 16 janvier, à Port-au-Prince, devant une assemblée d’adolescents haïtiens. L’artiste a forgé ce néologisme, « poétiseur », contraction de poète et de synthétiseur, pour parler de son métier de conteur, d’écrivain, de chansonnier. Avec le trompettiste Ibrahim Maalouf, il joue à la Philharmonie de Paris, du 5 au 8 février, leur adaptation d’Alice au pays des merveilles, créée en 2011 au Festival d’Ile-de-France.Trois semaines plus tôt, il est en Haïti pour sa troisième mission sur le terrain avec l’ONG qu’il a rejointe en 2009. Port-au-Prince est alors en ébullition. Il n’y a plus de gouvernement, des manifestants demandent la démission du président Michel Martelly, et l’ONU a fait passer son niveau de sécurité à trois sur une échelle de cinq. Cinq ans après le tremblement de terre qui a coûté la vie à 220 000 personnes, le pays est encore fébrile.Oxmo Puccino est là, notamment, pour constater les résultats obtenus contre la malnutrition et aider à la scolarisation des enfants. Marié à une Guadeloupéenne, avec qui il est parent d’une petite fille de 6 ans, le rappeur vient souvent dans l’île voisine des Caraïbes. Mais à Haïti, c’est un peu le Mali de ses parents qu’il retrouve : « C’est la même ambiance dans les rues, la même misère, mais ce n’est pas comparable, ce ne sont pas les mêmes raisons, pas les mêmes histoires, confie l’artiste, qui n’a connu le ... Marie LechnerJamais Transmediale n'aura connu pareille affluence. Installé à la Haus der Kulturen der Welt, bâtiment situé dans le Tiergarten à Berlin et surnommé « l'huître enceinte » en raison de sa forme, le festival des cultures numériques qui a succédé au festival d'art vidéo créé en 1988 est devenu un rendez-vous international majeur des artistes, chercheurs et activistes du Web, attirant un public toujours plus large dans ses expos, ateliers et conférences.Prolongeant l'édition passée, plombée par les révélations d'Edward Snowden sur l'espionnage massif des citoyens par la NSA au nom de la lutte contre le terrorisme, le thème de cette année, « Capture All » – « enregistrez tout »), la devise de l'ancien directeur de la NSA – n'était guère plus optimiste. La surveillance des communications par les gouvernements (relancée avec l'attentat à Charlie Hebdo) n'est qu'une facette de la collecte illimitée et de l'exploitation systématique des données par les voraces mastodontes du Net. Facebook, qui a vu son bénéfice quasiment doubler en 2014, a mis à jour ses conditions d'utilisation vendredi, lui permettant d'améliorer encore le ciblage publicitaire de ses utilisateurs et d'affiner les informations les concernant, en suivant leurs mouvements non seulement à l'intérieur du réseau social mais également ailleurs sur le Web. Dans son poème de 1967 All Watched over by Machines of Loving Grace, cité à plusieurs reprises durant le festival comme pour prendre la mesure du fossé qui nous sépare des premières utopies du cyberespace nées dans la contre-culture hippie, Richard Brautigan décrit un paradis électronique, un écosystème autorégulé, où « les mammifères et les ordinateurs vivent ensemble dans une harmonie mutuellement programmée ». « J'aime penser (il faut qu'il en soit ainsi) à une écologie cybernétique où nous sommes libérés de tout travail, retournés à la nature, réunis avec nos frères et sœurs mammifères, sous la surveillance bienveillante des machines de grâce et d'amour. » A l'ère de l'anthropocène, de la crise écologique et de la surveillance généralisée, il semblerait que quelque chose ait mal tourné...All watched over... est aussi le titre d'une série documentaire qu'Adam Curtis a réalisé pour la BBC en 2011, où il montre comment les humains ont été progressivement colonisés par les machines qu'ils ont construites, depuis les technophiles années 1990 et la croyance fervente selon laquelle les ordinateurs et Internet permettraient de créer un monde plus démocratique, à l'avènement d'un nouveau type de capitalisme global piloté par des algorithmes.On retrouve ces thèmes dans World Brain, film-essai décliné en webdocumentaire de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon projeté en avant-première à Transmediale, qui interroge la place de l'homme au sein de ces systèmes de plus en plus automatisés. Les technologies n'ont fait depuis que renforcer leur étreinte, avec l'explosion du Big Data – les gigantesques corpus de données récoltées et analysées par entreprises et Etats. Le festival questionne cette logique du « capture all », consistant à aspirer les moindres parcelles de nos vies dans les datacenters hermétiques répartis autour du globe, livrées en pâture aux algorithmes.L'idéologie dominante voudrait que non seulement la productivité de l'économie, mais également celle des individus, soient éternellement optimisées, tandis que s'érodent les frontières entre travail et vie privée, comme le suggère l'impressionnante bannière tricotée de Sam Meech. PunchCard Economy confronte le slogan des huit heures (de travail, de loisir, de sommeil...), revendication historique des mouvements ouvriers, aux conditions des travailleurs du numérique. Punchcard Economy - making of from Sam Meech on Vimeo.Après avoir numérisé les connaissances, puis quantifié et marchandisé nos relations avec les autres (par nos clics, liens, « like », tweet, chat, etc.), les technologies dites « réflexives » s'apprêtent à investir un autre champ : notre relation à nous-même. La multiplication d'objets « wearable » (montres, bracelets...) portés à même le corps et mesurant nos données biométriques, et son lot d'applications ludiques de fitness ou de régime, permet désormais une forme d'auto-coaching promu par le mouvement quantified self qui vise à mieux se connaître pour mieux se changer (plutôt que de changer la société).Lire dans Nos émotionsMesurer les réactions du corps pour déceler nos émotions les plus intimes est aussi l'objectif de l'affective computing, domaine de la science informatique en plein essor sur laquelle s'appuie un nombre grandissant de start-up, comme le soulignait l'artiste et chercheuse en neuroscience Pinar Yoldas lors du débat « Devices of affective surveillance » (« Objets de la surveillance affective »). Emanation du Media Lab du Massachusetts Institute of Technology, Affectiva a développé un logiciel capable d'analyser en direct les infimes nuances de nos expressions faciales et de déduire nos émotions à la lecture d'une vidéo en ligne via la webcam.Publicitaires et fournisseurs de services sont les premiers intéressés par cette détection qui permet d'ajuster ou de renforcer l'intensité des contenus proposés. Mais ses applications intéressent également la police, les assureurs, les employeurs... Affectiva dit avoir mesuré sept milliards de réactions émotionnelles à partir de 2,4 millions de vidéos de visages dans quatre-vingts pays. De quoi entraîner ses algorithmes lancés à la recherche de motifs permettant de prédire et d'influencer les comportements et affects à grande échelle.Sa concurrente, la firme californienne Emotient, propose elle de classer les photos en fonction des émotions. Le site promotionnel de RealEyes.it, qui se présente comme le « Google des émotions », prétend déceler les réactions « inconscientes » des utilisateurs. Son argument de vente est on ne peut plus clair : « Plus les gens ressentent, plus ils dépensent », faisant fi des questions éthiques comme : peut-on révéler les émotions des gens sans leur accord, et surtout qu'en est-il des erreurs d'interprétation ? L'une des préoccupations récurrentes exprimées durant le festival est cette foi excessive dans le pouvoir des algorithmes, dans leur efficacité et dans la totale transparence de la société des métadonnées. « Il y a cette idée que les big data donnent un accès direct à la réalité, qu'ils sont totalement objectifs, équitables, que la nature va parler par elle-même, sans transcription, sans médiation, institutionnelle ou politique », avance la juriste Antoinette Rouvroy.Des données privatisées  Aujourd'hui, ces modèles prédictifs basés sur d'importants volumes de données se généralisent dans les domaine économiques, sociaux et politique, avec le risque d'une « gouvernementalité algorithmique », telle que décrite par Antoinette Rouvroy, soit « une stratégie de neutralisation de l'incertitude – et, en particulier, de l'incertitude générée par la spontanéité des comportements humains ». Or, ces boîtes noires que sont les algorithmes ont tendance à oublier leur propre biais, estime le philosophe et théoricien Matteo Pasquinelli, prenant pour exemple la finance haute fréquence, où les algorithmes « influencent le domaine précis qu'ils sont censés mesurer ».Face à cette impasse, les stratégies artistiques divergent : résister à la datafication ? Ou accélérer ses tendances ? Le designer Mushon Zer-Aviv prône l'obfuscation, « arme des faibles » avec le projet collectif Ad Nauseam, qui clique sur toutes les annonces publicitaires rencontrées en ligne afin « d'obscurcir le profil de recherche ». Refusant son statut de « data-esclave », l'artiste Jennifer Lyn Morone a fait de sa propre personne une entreprise, enregistrée au Delaware, auto-exploitant l'intégralité des données qu'elle génère (biologiques, intellectuelles, comportement offline, online...) pour en tirer profit, suggérant ironiquement que seule cette forme de « capitalisme extrême » permettrait de retrouver un peu de pouvoir sur ses données.D'autres initiatives (réunies au sein de la liste de diffusion off.networks) appellent à s'extraire du « cloud » en développant des réseaux offline. Quant à l'artiste américaine Heather Dewey-Hagborg, elle promet rien de moins que l'invisibilité. Connue pour ses portraits 3D d'anonymes qu'elle recompose à partir d'ADN trouvé dans un cheveu ou sur un mégot, elle présentait son nouveau projet, constitué de deux produits à vaporiser pour éliminer ses traces ADN. La recette est disponible librement sur la nouvelle plateforme biononymous.me, première pierre pour réclamer la protection de la vie privée biologique.En dépit de l'engagement de certains projets, on ne peut que constater l'asymétrie radicale de pouvoirs et de moyens entre les individus et ceux qui possèdent les infrastructures. Pour le critique superstar du Net, Evgeny Morozov, il est urgent de réinvestir le combat politique. Le problème, d'après lui, n'est pas la prolifération des données, mais le fait qu'elles sont aujourd'hui dans les mains d'entreprises privées. Par conséquent, « elles ne sont pas au service du bien commun mais de la maximisation des profits. Il faut réclamer la propriété de ses données et on ne peut le faire en tant qu'artiste, activiste ou hackeur. Il faut capturer le pouvoir, il faut aller se faire élire. »Lire : « On devrait traiter la Silicon Valley avec la même suspicion que Wall Street » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Marie LechnerJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard « C’est une question d’équilibre entre les principes de transparence, d’égalité et de protection », résume au Monde Olivier Schrameck, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Mercredi 4 février, l’autorité a présenté la méthodologie qu’elle a retenue pour la nomination du prochain président de France Télévisions, à laquelle elle doit procéder d’ici au 22 mai.Avec un changement de taille par rapport à la procédure appliquée lors de la nomination de Mathieu Gallet à la tête de Radio France, début 2014 : cette fois, « le Conseil établira une liste restreinte de candidats qu’il auditionnera », mais « cette liste sera rendue publique à la condition qu’aucun des candidats retenus ne s’y oppose auprès du président », selon le CSA.Il suffira donc qu’un seul des postulants à la succession de Rémy Pflimlin refuse que son nom soit rendu public pour que la liste entière reste secrète – une hypothèse hautement probable. Alors que dans le cas de Radio France, le CSA avait publié, avant les auditions, la liste des six candidats présélectionnés.Pourquoi ce changement de règles, au risque de réduire la transparence quant à une nomination sensible et souvent décrite comme politique, ou d’être taxé d’« opacité », comme l’a glissé à chaud au Monde, dès mercredi, un dirigeant du secteur audiovisuel ?C’est que le CSA a tiré les leçons de la procédure Radio France. « Dans l’ensemble, celle-ci a bien fonctionné, explique M. Schrameck. Mais force est de constater que les six candidats retenus pour les auditions étaient – à l’exception du président sortant et du président d’un syndicat de radios, le Sirti – soit des responsables publics, soit des personnes sans emploi. Or, le collège du CSA ne souhaitait pas adopter une procédure qui dissuaderait des candidats ayant des responsabilités dans le secteur privé. »Le cas d’Alexandre Bompard, qui avait dû quitter Europe 1 après avoir été sollicité pour présider France Télévisions en 2010, reste dans les mémoires. Le CSA se doit de « choisir parmi les compétences les plus riches et les plus étendues », souligne son président, « sans courir le risque d’exclure une catégorie de candidats ». Enfin, il ne peut recourir à une présélection par un de ses membres, car au plan légal, « la procédure doit mettre tous les membres du collège dans la même situation ».Pour espérer attirer des profils variés, et notamment des dirigeants en poste dans de grands groupes privés, il faut donc leur assurer qu’ils ne courent pas le risque de perdre leur emploi dans l’hypothèse où leur candidature n’aboutirait pas. Parmi les hauts cadres du secteur, seul Denis Olivennes (Lagardère Active) s’est à ce jour exprimé, pour assurer qu’il ne serait pas candidat.« Alchimie équilibrée »« A première vue, cette procédure me semble de nature à respecter l’anonymat des candidats qui souhaiteraient l’être, a commenté au Monde un dirigeant du secteur audiovisuel, qui préfère ne pas être cité. A deux réserves près : d’une part, le degré de confidentialité des huit membres du collège ; et d’autre part, l’après-désignation : n’y aura-t-il pas un moment où les langues se délieront ? » « C’est un progrès, a confirmé un autre. Mais la procédure oblige encore à faire acte de candidature. Et sa confidentialité repose sur l’étanchéité des huit membres du conseil… donc je ne suis pas sûr que ce soit si différent du passé. »Aucune procédure ne pourra en effet garantir l’absence de fuite dans la presse. Même si les huit membres du collège seront interdits de contacts – autres que les auditions – avec les candidats retenus à partir du 1er avril, date d’ouverture des enveloppes de candidature.« La procédure est contraire à la nécessaire publicité des projets des candidats retenus », dénonce sur Twitter Serge Cimino, reporter à France 3 et membre de la section SNJ (Syndicat national des journalistes) de France Télévisions, seul candidat déclaré à ce jour. Tout en reconnaissant qu’aucun texte n’oblige le CSA à diffuser les projets des candidats.Au Parlement, ces nouvelles dispositions semblent avoir convaincu, à droite comme à gauche. « Si le CSA estime qu’il vaut mieux que les noms ne soient pas connus, cela ne me choque pas », indique Franck Riester, député (UMP) et membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. « C’est une alchimie bien équilibrée, déclare de son côté Patrick Bloche, le président (PS) de cette commission, au Figaro. M. Schrameck ne pourra pas être accusé de mettre en place une procédure opaque. Et d’un autre côté (…), il ne se prive pas d’ouvrir le champ des compétences. » « Si on veut avoir des candidatures libres, il faut qu’elles soient libres de tous côtés », reconnaît, au Sénat, Jean-Pierre Leleux, membre (UMP) de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.« Ce sera peut-être un poisson d’avril », plaisante l’actuel PDG, Rémy Pflimlin, en référence à la date d’ouverture des enveloppes. M. Pflimlin ne s’est pas encore prononcé sur sa propre candidature. Il se dit « au travail », loin de ces questions procédurales, et dans l’attente du rapport que le gouvernement doit publier, fin février, sur la redéfinition des missions de l’entreprise publique. Mercredi encore, le PDG était auditionné au Sénat dans le cadre d’une table ronde sur l’avenir de France Télévisions. L’occasion pour lui de défendre son bilan, mais aussi de plaider pour une indépendance renforcée et une plus grande « continuité » dans la gouvernance de l’entreprise. Sans préciser si cette continuité incluait à ses yeux l’identité de son président.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Après une entrée en matière axée sur l’architecture et l’art contemporain, la Fondation Louis-Vuitton a révélé lundi le luxueux contenu de sa prochaine exposition, à caractère historique, cette fois. Intitulée « Les Clefs d’une passion », cette exposition se tiendra du 1er avril au 6 juillet. Il s’agira de « la troisième phase d’inauguration » de la Fondation, après deux précédents accrochages dédiés à la collection de Bernard Arnault.Cette exposition réunira un « choix restreint d’œuvres majeures, fondatrices de la modernité, qui ont contribué à changer le cours de l’histoire de l’art du XXe siècle », de Mondrian, Malevitch, Rothko, Delaunay, Léger, Picabia, Munch, Dix, Giacometti, Matisse, ou encore Kupka et Severini. « La Fondation a vocation à s’intéresser à l’art contemporain, a déclaré Suzanne Pagé, sa directrice artistique, au New York Times. Mais elle ne veut pas ignorer l’histoire de l’art, telle qu’on peut la voir dans ces œuvres, qui continuent à être des références vitales pour les artistes aujourd’hui. »« Le Cri » : un tour de forceCe que l’on sait pour l’instant de ces œuvres de premier ordre, c’est qu’elles incluent La Danse (1910) d’Henri Matisse, qui n’a pas été vu à Paris depuis une quinzaine d’années, Le Grand Déjeuner (1921) de Fernand Léger, No 46 (1957) de Mark Rothko, et Le Cri (1910 ?) d’Edvard Munch. Le New York Times allonge la liste de deux indiscrétions côté prêts américains : la Colonne sans fin de Constantin Brancusi, La Femme aux cheveux jaunes de Pablo Picasso.Elles seront prêtées par des institutions muséales majeures du monde entier : le musée de l’Ermitage (Saint Pétersbourg), la Tate Modern (Londres), le MoMA (New York), le Munch Museet (Oslo), le Guggenheim (New York), le Gemeentemuseum (La Haye), le Musée Pouchkine (Moscou), le Kröller Müller (Otterlo), le State Russian Museum (Saint-Pétersbourg), le MNAM-Centre Pompidou (Paris), la Kunsthaus (Zurich) ou encore le MOCA (Los Angeles).Le Figaro relève un tour de force particulier au millieu de ces collaborations : le prêt par le Munch Museet de son célèbre Cri, d’Edvard Munch (1863-1944), portrait grimaçant et mortifère par lequel le peintre norvégien a communiqué l’angoisse existentielle et le désespoir de l’homme moderne (il en existe cinq versions au total). Après les vols de la version du Nasjonal Museet en 1994, puis de celle abritée par le Munch Museet en 2004, les deux tableaux avaient finalement été retrouvés par la police norvégienne en 2006. Depuis, ces deux versions pour lesquelles les foules se déplacent jusqu’à Oslo ne voyageaient plus... Jusqu’à maintenant. Le Centre Pompidou, qui avait dédié une rétrospective à Edvard Munch à l’automne 2011, avait pour sa part dû se passer de cette icône.Ce privilège en rappelle un autre au Figaro : lorsque Frank Gehry, l’architecte de la Fondation Louis-Vuitton, avait assisté au vernissage du lieu, fin octobre 2014, alors même qu’il ne s’était pas rendu à celui de l’exposition que lui consacrait Beaubourg au même moment (« Pour cause d'âge, de fatigue et de non concordances des dates »). Le musée parisien reste en tout cas beau joueur face à son concurrent privé, puisqu’il sera l’un des prêteurs des œuvres présentées dans « Clefs d’une passion ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Quand, en 1963, un journaliste américain interrogea Harper Lee sur l'état d'avancement de son deuxième roman, l'écrivaine, alors âgée de 37 ans, répondit dans un soupir : « J'espère être encore de ce monde quand il sera publié. » Elle l'est encore, cinquante-deux ans plus tard, pour s'associer à la nouvelle que des millions de lecteurs attendaient depuis cette époque, et qui a été délivrée, mardi 3 février : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (1960) ne restera finalement pas dans l'histoire comme l'unique roman de cette grande représentante du Sud américain, ainsi que chacun avait fini par se résoudre à le croire. La maison d'édition Harper a annoncé dans un communiqué qu'elle fera paraître à l'été prochain Go Set a Watchman (« Va, place un guetteur », citation du livre d'Esaïe, 21.6). Tirage de départ : deux millions d'exemplaires, pour un ouvrage de 304 pages.Il ne s'agit pas d'un livre que Harper Lee aurait passé cinq décennies à écrire : Go Set a Watchman a été rédigé au mitan des années 1950, avant Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, dont il est la matrice, tout en racontant des événements postérieurs. Son personnage principal est une femme adulte, Scout, qui vit à New York et retourne voir son père en Alabama, où elle a grandi ; dans le communiqué de Harper, l'écrivaine explique que l'éditeur auquel elle présenta le texte à la fin des années 1950, « enthousiasmé par les flashbacks dans l'enfance de Scout », la persuada d'écrire un roman du point de vue de Scout petite. « J'étais une débutante, et j'ai fait ce qui m'était demandé », poursuit-elle, tout en disant qu'elle voyait à l'époque dans le texte initial « une réalisation acceptable ». Elle en avait oublié l'existence jusqu'à ce qu'il soit retrouvé cet automne par son avocate, Tonja Carter, accroché à un tapuscrit original de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. « Après avoir beaucoup réfléchi et hésité, je l'ai fait lire à une poignée de personnes de confiance, et j'ai été ravie d'apprendre qu'ils jugeaient le texte digne d'être publié. »Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (qui porte ce titre en France depuis 2005 et sa reparution chez De Fallois, après avoir été Quand meurt le rossignol, au Livre contemporain, en 1961, et Alouette, je te plumerai, chez Julliard, en 1989) est situé dans l'Alabama des années 1930. Le père de la jeune Scout, Atticus Finch, y est un avocat intègre, qui défend un homme noir injustement accusé du viol d'une femme blanche.PRIX PULITZERSa narration généreuse, empreinte d'humour, sa grande richesse, ont fait de ce roman sur le racisme, la lutte des classes et la vie dans un petit village du Sud profond un classique instantané, récompensé en 1961 par le prix Pulitzer, adapté au cinéma la même année par Robert Mulligan – le film Du Silence et des ombres a valu à Gregory Peck un Oscar pour son interprétation d'Atticus –, avant d'être étudié dans les lycées américains, vendu à 30 millions d'exemplaires pour sa seule version orginale, et traduit dans quarante langues.Ce succès, l'un des plus importants de l'histoire de la littérature, fit immédiatement peser sur l'auteure de 34 ans une pression terrible, dans l'attente de son deuxième livre. En 1964, Harper Lee déclarait à un journaliste n'avoir plus aucune confiance en elle : « Je n'ai jamais eu autant la trouille que maintenant .» Ce fut du reste l'un de ses derniers entretiens : cette année là, Harper Lee cessa de parler à la presse – sans pour autant se draper dans le mystère façon JD Salinger –, ce qui attisa la curiosité et les spéculations. D'autant que son nom fut associé à un autre livre au succès monstre : De Sang Froid (1966), de Truman Capote, son ami d'enfance (il apparaît dans Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur). A partir de l'hiver 1959-1960, Harper Lee avait effectué avec lui toute l'enquête sur le meurtre d'une famille de Hollocomb par deux hommes ; quand le livre parut, elle fut seulement remerciée en apparaissant comme dédicataire, sans autre mention de son implication. Cet effacement de son rôle et le triomphe de son ami l'auraient profondément blessée. Quelle qu'en soit la raison, « sa plume s'est figée », comme l'a dit son éditeur, Tay Hohoff, à son biographe, Charles J. Shields. Et Tay Hohoff a fini par cesser d'attendre qu'elle lui livre la suite d'un roman entamé au début des années 1960, The Long Goodbye (Le Long Adieu).Harper Lee n'en tomba pour autant jamais dans l'oubli ; en 2007, elle se vit remettre par George Bush la Presidential Medal of Freedom, la plus haute distiction que puisse recevoir un civil américain ; mais elle ne prononça pas de discours à cette occasion. Les éditions Harper ont d'ailleurs déjà prévenu que Harper Lee n'assurerait pas la promotion de Go Set a Watchman, qui paraîtra le 14 juillet, cinquante-cinq ans presque jour pour jour après Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie LechnerJamais Transmediale n'aura connu pareille affluence. Installé à la Haus der Kulturen der Welt, bâtiment situé dans le Tiergarten à Berlin et surnommé « l'huître enceinte » en raison de sa forme, le festival des cultures numériques qui a succédé au festival d'art vidéo créé en 1988 est devenu un rendez-vous international majeur des artistes, chercheurs et activistes du Web, attirant un public toujours plus large dans ses expos, ateliers et conférences.Prolongeant l'édition passée, plombée par les révélations d'Edward Snowden sur l'espionnage massif des citoyens par la NSA au nom de la lutte contre le terrorisme, le thème de cette année, « Capture All » – « enregistrez tout »), la devise de l'ancien directeur de la NSA – n'était guère plus optimiste. La surveillance des communications par les gouvernements (relancée avec l'attentat à Charlie Hebdo) n'est qu'une facette de la collecte illimitée et de l'exploitation systématique des données par les voraces mastodontes du Net. Facebook, qui a vu son bénéfice quasiment doubler en 2014, a mis à jour ses conditions d'utilisation vendredi, lui permettant d'améliorer encore le ciblage publicitaire de ses utilisateurs et d'affiner les informations les concernant, en suivant leurs mouvements non seulement à l'intérieur du réseau social mais également ailleurs sur le Web. Dans son poème de 1967 All Watched over by Machines of Loving Grace, cité à plusieurs reprises durant le festival comme pour prendre la mesure du fossé qui nous sépare des premières utopies du cyberespace nées dans la contre-culture hippie, Richard Brautigan décrit un paradis électronique, un écosystème autorégulé, où « les mammifères et les ordinateurs vivent ensemble dans une harmonie mutuellement programmée ». « J'aime penser (il faut qu'il en soit ainsi) à une écologie cybernétique où nous sommes libérés de tout travail, retournés à la nature, réunis avec nos frères et sœurs mammifères, sous la surveillance bienveillante des machines de grâce et d'amour. » A l'ère de l'anthropocène, de la crise écologique et de la surveillance généralisée, il semblerait que quelque chose ait mal tourné...All watched over... est aussi le titre d'une série documentaire qu'Adam Curtis a réalisé pour la BBC en 2011, où il montre comment les humains ont été progressivement colonisés par les machines qu'ils ont construites, depuis les technophiles années 1990 et la croyance fervente selon laquelle les ordinateurs et Internet permettraient de créer un monde plus démocratique, à l'avènement d'un nouveau type de capitalisme global piloté par des algorithmes.On retrouve ces thèmes dans World Brain, film-essai décliné en webdocumentaire de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon projeté en avant-première à Transmediale, qui interroge la place de l'homme au sein de ces systèmes de plus en plus automatisés. Les technologies n'ont fait depuis que renforcer leur étreinte, avec l'explosion du Big Data – les gigantesques corpus de données récoltées et analysées par entreprises et Etats. Le festival questionne cette logique du « capture all », consistant à aspirer les moindres parcelles de nos vies dans les datacenters hermétiques répartis autour du globe, livrées en pâture aux algorithmes.L'idéologie dominante voudrait que non seulement la productivité de l'économie, mais également celle des individus, soient éternellement optimisées, tandis que s'érodent les frontières entre travail et vie privée, comme le suggère l'impressionnante bannière tricotée de Sam Meech. PunchCard Economy confronte le slogan des huit heures (de travail, de loisir, de sommeil...), revendication historique des mouvements ouvriers, aux conditions des travailleurs du numérique. Punchcard Economy - making of from Sam Meech on Vimeo.Après avoir numérisé les connaissances, puis quantifié et marchandisé nos relations avec les autres (par nos clics, liens, « like », tweet, chat, etc.), les technologies dites « réflexives » s'apprêtent à investir un autre champ : notre relation à nous-même. La multiplication d'objets « wearable » (montres, bracelets...) portés à même le corps et mesurant nos données biométriques, et son lot d'applications ludiques de fitness ou de régime, permet désormais une forme d'auto-coaching promu par le mouvement quantified self qui vise à mieux se connaître pour mieux se changer (plutôt que de changer la société).Lire dans Nos émotionsMesurer les réactions du corps pour déceler nos émotions les plus intimes est aussi l'objectif de l'affective computing, domaine de la science informatique en plein essor sur laquelle s'appuie un nombre grandissant de start-up, comme le soulignait l'artiste et chercheuse en neuroscience Pinar Yoldas lors du débat « Devices of affective surveillance » (« Objets de la surveillance affective »). Emanation du Media Lab du Massachusetts Institute of Technology, Affectiva a développé un logiciel capable d'analyser en direct les infimes nuances de nos expressions faciales et de déduire nos émotions à la lecture d'une vidéo en ligne via la webcam.Publicitaires et fournisseurs de services sont les premiers intéressés par cette détection qui permet d'ajuster ou de renforcer l'intensité des contenus proposés. Mais ses applications intéressent également la police, les assureurs, les employeurs... Affectiva dit avoir mesuré sept milliards de réactions émotionnelles à partir de 2,4 millions de vidéos de visages dans quatre-vingts pays. De quoi entraîner ses algorithmes lancés à la recherche de motifs permettant de prédire et d'influencer les comportements et affects à grande échelle.Sa concurrente, la firme californienne Emotient, propose elle de classer les photos en fonction des émotions. Le site promotionnel de RealEyes.it, qui se présente comme le « Google des émotions », prétend déceler les réactions « inconscientes » des utilisateurs. Son argument de vente est on ne peut plus clair : « Plus les gens ressentent, plus ils dépensent », faisant fi des questions éthiques comme : peut-on révéler les émotions des gens sans leur accord, et surtout qu'en est-il des erreurs d'interprétation ? L'une des préoccupations récurrentes exprimées durant le festival est cette foi excessive dans le pouvoir des algorithmes, dans leur efficacité et dans la totale transparence de la société des métadonnées. « Il y a cette idée que les big data donnent un accès direct à la réalité, qu'ils sont totalement objectifs, équitables, que la nature va parler par elle-même, sans transcription, sans médiation, institutionnelle ou politique », avance la juriste Antoinette Rouvroy.Des données privatisées  Aujourd'hui, ces modèles prédictifs basés sur d'importants volumes de données se généralisent dans les domaine économiques, sociaux et politique, avec le risque d'une « gouvernementalité algorithmique », telle que décrite par Antoinette Rouvroy, soit « une stratégie de neutralisation de l'incertitude – et, en particulier, de l'incertitude générée par la spontanéité des comportements humains ». Or, ces boîtes noires que sont les algorithmes ont tendance à oublier leur propre biais, estime le philosophe et théoricien Matteo Pasquinelli, prenant pour exemple la finance haute fréquence, où les algorithmes « influencent le domaine précis qu'ils sont censés mesurer ».Face à cette impasse, les stratégies artistiques divergent : résister à la datafication ? Ou accélérer ses tendances ? Le designer Mushon Zer-Aviv prône l'obfuscation, « arme des faibles » avec le projet collectif Ad Nauseam, qui clique sur toutes les annonces publicitaires rencontrées en ligne afin « d'obscurcir le profil de recherche ». Refusant son statut de « data-esclave », l'artiste Jennifer Lyn Morone a fait de sa propre personne une entreprise, enregistrée au Delaware, auto-exploitant l'intégralité des données qu'elle génère (biologiques, intellectuelles, comportement offline, online...) pour en tirer profit, suggérant ironiquement que seule cette forme de « capitalisme extrême » permettrait de retrouver un peu de pouvoir sur ses données.D'autres initiatives (réunies au sein de la liste de diffusion off.networks) appellent à s'extraire du « cloud » en développant des réseaux offline. Quant à l'artiste américaine Heather Dewey-Hagborg, elle promet rien de moins que l'invisibilité. Connue pour ses portraits 3D d'anonymes qu'elle recompose à partir d'ADN trouvé dans un cheveu ou sur un mégot, elle présentait son nouveau projet, constitué de deux produits à vaporiser pour éliminer ses traces ADN. La recette est disponible librement sur la nouvelle plateforme biononymous.me, première pierre pour réclamer la protection de la vie privée biologique.En dépit de l'engagement de certains projets, on ne peut que constater l'asymétrie radicale de pouvoirs et de moyens entre les individus et ceux qui possèdent les infrastructures. Pour le critique superstar du Net, Evgeny Morozov, il est urgent de réinvestir le combat politique. Le problème, d'après lui, n'est pas la prolifération des données, mais le fait qu'elles sont aujourd'hui dans les mains d'entreprises privées. Par conséquent, « elles ne sont pas au service du bien commun mais de la maximisation des profits. Il faut réclamer la propriété de ses données et on ne peut le faire en tant qu'artiste, activiste ou hackeur. Il faut capturer le pouvoir, il faut aller se faire élire. »Lire : « On devrait traiter la Silicon Valley avec la même suspicion que Wall Street » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Marie LechnerJournaliste au Monde Alexandre Piquard et Alexis Delcambre Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a annoncé, mercredi 4 février, la méthodologie retenue pour la nomination du prochain président de France Télévisions, à laquelle il doit procéder entre le 22 avril et le 22 mai : « Le conseil établira une liste restreinte de candidats qu’il auditionnera », mais « cette liste sera rendue publique à la condition qu’aucun des candidats retenus ne s’y oppose auprès du président », écrit le CSA. L’actuel président est Rémy Pflimlin et son mandat prend fin le 22 août 2015.Renforcer la confidentialitéIl suffira qu’un seul des candidats sélectionnés refuse que son nom soit rendu public pour que la liste entière reste secrète, précise le CSA au Monde. C’est un usage qui existe déjà dans les règlements de différends, qui peuvent rester confidentiels si l’une des deux parties le souhaite, ajoute l’institution pour justifier son choix.Cette procédure inédite vise à renforcer la confidentialité, dans l’espoir de ne pas décourager des candidats occupant des postes de premier plan dans le secteur privé. En effet, certains pourraient avoir peur de perdre leur emploi en briguant la présidence de France Télévisions, sans pour autant obtenir le poste in fine.« Nécessaire publicité des projets »Or cette quête de discrétion se heurte potentiellement à un autre principe : celui de la transparence quant à une nomination sensible et souvent décrite comme politique. « La procédure est contraire à la nécessaire publicité des projets des candidats retenus », a dénoncé sur Twitter Serge Cimino, reporter à France 3 et membre de la section SNJ (syndicat national des journalistes) de France Télévisions, seul candidat déclaré à ce jour. Tout en reconnaissant qu’aucun texte n’oblige le CSA à diffuser les projets des candidats.Lire : Présidence de France Télévisions, le casse-tête du CSA « Si le CSA estime qu’il vaut mieux que les noms ne soient pas connus, cela ne me choque pas », explique au Monde Franck Riester, député (UMP) membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Tout en voyant, sur le fond, un « conflit d’intérêt » dans le fait que le CSA soit à la fois l’autorité de nomination du président de France Télévisions et son autorité de régulation.Même son de cloche au Sénat, où Jean-Pierre Leleux, membre (UMP) de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, rappelle que le CSA est indépendant quant au choix de cette procédure et reconnaît que « si on veut avoir des candidatures libres, il faut qu’elles soient libres de tous côtés ». « Mais il est probable que tout se passera de façon confidentielle », relève-t-il.Pas de contacts entre candidats et membres du collègeCette procédure rend en effet très probable l’hypothèse que la liste des candidats retenus ne soit pas publiée. Mais il restera difficile pour l’autorité de s’assurer qu’il n’y aura aucune fuite dans la presse…« A première vue, cette procédure me semble de nature à respecter l’anonymat des candidats qui souhaiteraient l’être, réagit un dirigeant du secteur audiovisuel. A deux réserves près : d’une part, le degré de confidentialité des huit membres du collège ; et d’autre part, l’après-désignation : n’y aura-t-il pas un moment où les langues se délieront ? »Les candidatures seront reçues au siège, sous pli unique à l’attention du président du CSA, revêtu de la mention « Procédure de nomination à la présidence de France Télévisions – Personnel et confidentiel », à compter du lundi 9 mars et jusqu’au jeudi 26 mars, explique le communiqué.Le Conseil procédera à l’ouverture des enveloppes le mercredi 1er avril et publiera le nombre de candidats. Ensuite, le CSA « établira une liste restreinte de candidats qu’il auditionnera », explique-t-il. Ces auditions ne seront pas publiques, en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2000.Dernière précision, qui marque un changement par rapport à la procédure de nomination du président de Radio France, Mathieu Gallet, début 2014, les huit membres du collège du CSA n’auront plus de contacts avec les candidats retenus à partir du 1er avril.M. Pflimlin défend la « continuité »« Ce sera peut-être un poisson d’avril », plaisante l’actuel PDG, Rémy Pflimlin, au sujet de sa propre candidature - sur laquelle il ne s’est pas encore prononcé. M. Pflimlin se veut « au travail », loin de ces questions procédurales, et dans l’attente du rapport que le gouvernement doit publier, fin février, sur la stratégie qui sera celle de l’entreprise publique.Lire : France Télévisions : premières tensions autour de la succession à la présidence Mercredi encore, le PDG était auditionné au Sénat dans le cadre d’une table ronde sur l’avenir de France Télévisions. L’occasion pour lui de défendre son bilan, mais aussi de plaider pour une indépendance renforcée et une plus grande « continuité » dans la gouvernance de l’entreprise. Sans préciser si cette continuité incluait à ses yeux l’identité de son président.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Après une entrée en matière axée sur l’architecture et l’art contemporain, la Fondation Louis-Vuitton a révélé lundi le luxueux contenu de sa prochaine exposition, à caractère historique, cette fois. Intitulée « Les Clefs d’une passion », cette exposition se tiendra du 1er avril au 6 juillet. Il s’agira de « la troisième phase d’inauguration » de la Fondation, après deux précédents accrochages dédiés à la collection de Bernard Arnaud.Cette exposition réunira un « choix restreint d’œuvres majeures, fondatrices de la modernité, qui ont contribué à changer le cours de l’histoire de l’art du XXe siècle », de Mondrian, Malevitch, Rothko, Delaunay, Léger, Picabia, Munch, Dix, Giacometti, Matisse, ou encore Kupka et Severini. « La Fondation a vocation à s’intéresser à l’art contemporain, a déclaré Suzanne Pagé, sa directrice artistique, au New York Times. Mais elle ne veut pas ignorer l’histoire de l’art, telle qu’on peut la voir dans ces œuvres, qui continuent à être des références vitales pour les artistes aujourd’hui. »« Le Cri » : un tour de forceCe que l’on sait pour l’instant de ces œuvres de premier ordre, c’est qu’elles incluent La Danse (1910) d’Henri Matisse, qui n’a pas été vu à Paris depuis une quinzaine d’années, Le Grand Déjeuner (1921) de Fernand Léger, No 46 (1957) de Mark Rothko, et Le Cri (1910 ?) d’Edvard Munch. Le New York Times allonge la liste de deux indiscrétions côté prêts américains : la Colonne sans fin de Constantin Brancusi, La Femme aux cheveux jaunes de Pablo Picasso.Elles seront prêtées par des institutions muséales majeures du monde entier : le musée de l’Ermitage (Saint Pétersbourg), la Tate Modern (Londres), le MoMA (New York), le Munch Museet (Oslo), le Guggenheim (New York), le Gemeentemuseum (La Haye), le Musée Pouchkine (Moscou), le Kröller Müller (Otterlo), le State Russian Museum (Saint-Pétersbourg), le MNAM-Centre Pompidou (Paris), la Kunsthaus (Zurich) ou encore le MOCA (Los Angeles).Le Figaro relève un tour de force particulier au millieu de ces collaborations : le prêt par le Munch Museet de son célèbre Cri, d’Edvard Munch (1863-1944), portrait grimaçant et mortifère par lequel le peintre norvégien a communiqué l’angoisse existentielle et le désespoir de l’homme moderne (il en existe cinq versions au total). Après les vols de la version du Nasjonal Museet en 1994, puis de celle abritée par le Munch Museet en 2004, les deux tableaux avaient finalement été retrouvés par la police norvégienne en 2006. Depuis, ces deux versions pour lesquelles les foules se déplacent jusqu’à Oslo ne voyageaient plus... Jusqu’à maintenant. Le Centre Pompidou, qui avait dédié une rétrospective à Edvard Munch à l’automne 2011, avait pour sa part dû se passer de cette icône.Ce privilège en rappelle un autre au Figaro : lorsque Frank Gehry, l’architecte de la Fondation Louis-Vuitton, avait assisté au vernissage du lieu, fin octobre 2014, alors même qu’il ne s’était pas rendu à celui de l’exposition que lui consacrait Beaubourg au même moment (« Pour cause d'âge, de fatigue et de non concordances des dates »). Le musée parisien reste en tout cas beau joueur face à son concurrent privé, puisqu’il sera l’un des prêteurs des œuvres présentées dans « Clefs d’une passion ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Quand, en 1963, un journaliste américain interrogea Harper Lee sur l'état d'avancement de son deuxième roman, l'écrivaine, alors âgée de 37 ans, répondit dans un soupir : « J'espère être encore de ce monde quand il sera publié. » Elle l'est encore, cinquante-deux ans plus tard, pour s'associer à la nouvelle que des millions de lecteurs attendaient depuis cette époque, et qui a été délivrée, mardi 3 février : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (1960) ne restera finalement pas dans l'histoire comme l'unique roman de cette grande représentante du Sud américain, ainsi que chacun avait fini par se résoudre à le croire. La maison d'édition Harper a annoncé dans un communiqué qu'elle fera paraître à l'été prochain Go Set a Watchman (« Va, place un guetteur », citation du livre d'Esaïe, 21.6). Tirage de départ : deux millions d'exemplaires, pour un ouvrage de 304 pages.Il ne s'agit pas d'un livre que Harper Lee aurait passé cinq décennies à écrire : Go Set a Watchman a été rédigé au mitan des années 1950, avant Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, dont il est la matrice, tout en racontant des événements postérieurs. Son personnage principal est une femme adulte, Scout, qui vit à New York et retourne voir son père en Alabama, où elle a grandi ; dans le communiqué de Harper, l'écrivaine explique que l'éditeur auquel elle présenta le texte à la fin des années 1950, « enthousiasmé par les flashbacks dans l'enfance de Scout », la persuada d'écrire un roman du point de vue de Scout petite. « J'étais une débutante, et j'ai fait ce qui m'était demandé », poursuit-elle, tout en disant qu'elle voyait à l'époque dans le texte initial « une réalisation acceptable ». Elle en avait oublié l'existence jusqu'à ce qu'il soit retrouvé cet automne par son avocate, Tonja Carter, accroché à un tapuscrit original de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. « Après avoir beaucoup réfléchi et hésité, je l'ai fait lire à une poignée de personnes de confiance, et j'ai été ravie d'apprendre qu'ils jugeaient le texte digne d'être publié. »Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (qui porte ce titre en France depuis 2005 et sa reparution chez De Fallois, après avoir été Quand meurt le rossignol, au Livre contemporain, en 1961, et Alouette, je te plumerai, chez Julliard, en 1989) est situé dans l'Alabama des années 1930. Le père de la jeune Scout, Atticus Finch, y est un avocat intègre, qui défend un homme noir injustement accusé du viol d'une femme blanche.PRIX PULITZERSa narration généreuse, empreinte d'humour, sa grande richesse, ont fait de ce roman sur le racisme, la lutte des classes et la vie dans un petit village du Sud profond un classique instantané, récompensé en 1961 par le prix Pulitzer, adapté au cinéma la même année par Robert Mulligan – le film Du Silence et des ombres a valu à Gregory Peck un Oscar pour son interprétation d'Atticus –, avant d'être étudié dans les lycées américains, vendu à 30 millions d'exemplaires pour sa seule version orginale, et traduit dans quarante langues.Ce succès, l'un des plus importants de l'histoire de la littérature, fit immédiatement peser sur l'auteure de 34 ans une pression terrible, dans l'attente de son deuxième livre. En 1964, Harper Lee déclarait à un journaliste n'avoir plus aucune confiance en elle : « Je n'ai jamais eu autant la trouille que maintenant .» Ce fut du reste l'un de ses derniers entretiens : cette année là, Harper Lee cessa de parler à la presse – sans pour autant se draper dans le mystère façon JD Salinger –, ce qui attisa la curiosité et les spéculations. D'autant que son nom fut associé à un autre livre au succès monstre : De Sang Froid (1966), de Truman Capote, son ami d'enfance (il apparaît dans Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur). A partir de l'hiver 1959-1960, Harper Lee avait effectué avec lui toute l'enquête sur le meurtre d'une famille de Hollocomb par deux hommes ; quand le livre parut, elle fut seulement remerciée en apparaissant comme dédicataire, sans autre mention de son implication. Cet effacement de son rôle et le triomphe de son ami l'auraient profondément blessée. Quelle qu'en soit la raison, « sa plume s'est figée », comme l'a dit son éditeur, Tay Hohoff, à son biographe, Charles J. Shields. Et Tay Hohoff a fini par cesser d'attendre qu'elle lui livre la suite d'un roman entamé au début des années 1960, The Long Goodbye (Le Long Adieu).Harper Lee n'en tomba pour autant jamais dans l'oubli ; en 2007, elle se vit remettre par George Bush la Presidential Medal of Freedom, la plus haute distiction que puisse recevoir un civil américain ; mais elle ne prononça pas de discours à cette occasion. Les éditions Harper ont d'ailleurs déjà prévenu que Harper Lee n'assurerait pas la promotion de Go Set a Watchman, qui paraîtra le 14 juillet, cinquante-cinq ans presque jour pour jour après Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard et Alexis Delcambre L’année 2015 sera, pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), celle d’un choix lourd : il doit en effet désigner le président de France Télévisions, entre le 22 avril et le 22 mai.Mais avant ces dates, le CSA affronte un dilemme, sur la procédure à suivre pour choisir ce président - ou cette présidente. Comment rendre le processus plus confidentiel, afin d’attirer les meilleurs candidats, sans pour autant le rendre opaque ?Des pistes sont envisagées, dont celle de ne pas publier le nom des candidats qui seront retenus pour être auditionnés. Autre point : que faire en cas d’égalité des votes, le Conseil comptant désormais huit membres, contre neuf lors de la procédure pour Radio France. Les différentes options sont désormais entre les mains des « sages » et le Conseil doit trancher, mercredi 4 février, cette question épineuse.Rassurer les candidats du privéDans ses vœux du 27 janvier, le président du CSA, Olivier Schrameck, a fait une discrète allusion à cette « procédure que nous aurons collectivement à adopter, compte tenu de l’expérience de la désignation du président de Radio France ». En clair, c’est une référence à un problème récurrent, ravivé à l’occasion de la procédure qui couronna finalement Mathieu Gallet, en 2014 : l’absence de candidats venus du secteur privé.Les profils des candidats à Radio France étaient presque tous issus de la sphère publique et n’occupant pas de poste équivalent dans des médias de taille comparable. Dans le cas de France Télévisions, ce débat est rallumé, notamment depuis que des rumeurs de presse ont évoqué des candidats potentiels issus de grands groupes privés (Christopher Baldelli de RTL, Rodolphe Belmer de Canal+ ou encore Denis Olivennes de Lagardère active), non confirmées.Pour attirer ce type de profil - si telle était l’intention du CSA -, il faudrait pouvoir leur assurer qu’ils ne courent pas le risque de perdre leur emploi actuel dans l’hypothèse où leur candidature, une fois publique, n’aboutirait pas. Le cas d’Alexandre Bompard, qui avait dû quitter Europe 1 après avoir été sollicité pour présider France Télévisions en 2010, reste dans les mémoires.Certains au CSA se demandent donc s’il n’est pas possible d’assurer aux candidats une plus grande confidentialité. Les solutions sont loin d’être évidentes, car la procédure est strictement encadrée par différents textes légaux. Ainsi, l’idée de mandater un membre du collège - son président ou un autre - pour présélectionner des candidats, un temps évoquée, ne tient pas. Elle se heurte notamment au principe de collégialité des décisions - sans parler de l’attachement des conseillers à leurs prérogatives. « Cela ne pourra pas de faire en petit comité dans un coin », prévient l’un d’eux.Prévenir les fuitesUne piste semble toutefois envisagée : celle de ne pas publier la « shortlist » des candidats qui auront été retenus pour être auditionnés par le collège. Lors de la sélection du président de Radio France, six profils avaient été retenus et leurs noms dévoilés par le CSA.Un autre levier intéresse au sein du CSA : le calendrier. Plus celui-ci est resserré, plus sera limité le risque de fuites dans la presse, pense-t-on.Ces options rencontrent toutefois encore des obstacles. D’abord, certains peuvent rétorquer que limiter la transparence sur le nom des candidats peut alimenter le soupçon de partialité sur une nomination très sensible. Ou celui d’une décision partisane, les patrons de l’audiovisuel public ayant été un temps choisis par le président de la République lui-même.À l’inverse, le choix de ne pas diffuser les noms retenus par le CSA pour audition peut sembler vain. « Dans tous les cas, le CSA ne pourra jamais garantir à un cadre de l’audiovisuel privé une confidentialité totale, tout simplement parce que la décision est collégiale », estime l’un d’eux.Le président Schrameck a plusieurs fois insisté sur l’importance de prévenir les fuites dans la presse. Si cette insistance a globalement porté ses fruits, elle n’a pas empêché un incident majeur, en novembre 2014, avec la publication dans la presse d’une version intermédiaire du bilan quadriennal de France Télévisions.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Suivre sa pente pourvu que cela soit en montant. Tel est le chemin qu’aimerait emprunter le marché de la musique enregistrée. Mais, après une année 2013 positive, la première après une décennie de crise, les comptes ont de nouveau viré au rouge en 2014. Le chiffre d’affaires de la musique en France a fléchi de 5,3 % pour atteindre 570,6 millions d’euros en 2014, contre 603,2 millions en 2013.Hors droits voisins perçus sur la diffusion sur les radios, sur les chaînes de télévision, dans les lieux publics et sur la copie privée qui s’élèvent à 112 millions d’euros, le recul atteint même 7 %, selon les chiffres rendus publics, mardi 3 janvier, par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP).Et pourtant, le SNEP qui représente les majors de la musique (Universal, Warner, Sony, etc.), soit 80 % du marché français, veut croire à une révolution des usages. La croissance du streaming (l’écoute de musique sans téléchargement) qui a progressé de 34 % en 2014 constitue, selon le syndicat, le prélude à un nouveau modèle économique prometteur. Le marché physique représente encore 71 % du marché. Son repli de 11 % en 2014, tout comme celui du téléchargement à l’acte (– 14 %) sont les deux facteurs qui expliquent la baisse généralisée de l’industrie du disque. Mais « quelque chose est en train de changer et nous assistons à une restructuration du marché autour du streaming », estime Guillaume Leblanc, délégué général du SNEP. « Le téléchargement s’effondre et le streaming monte en flèche, il y a bien un nouveau modèle qui est en train d’émerger », assure Thierry Chassagne, PDG de Warner Music France.De fait, en 2014, les courbes des revenus se sont inversées pour la première fois entre les deux modes d’écoute de musique dématérialisée en France. Le streaming a rapporté 73 millions d’euros en 2014 et représente 55 % du marché numérique, contre 40 % pour le téléchargement, avec une recette de 54 millions d’euros. Cette baisse traduit un essoufflement du modèle mis en place par Apple avec iTunes. La firme américaine qui a racheté, en mai 2014, Beats, pour 3 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros), entend d’ailleurs devenir un des acteurs majeurs du streaming musical en promouvant lui aussi la lecture en flux.16 % du marché total de la musiqueEn 2014, le marché numérique a progressé de 3,5 points pour atteindre 29 %. A lui seul, le streaming représente 16 % du marché total de la musique, alors que ce mode de consommation de la musique n’a que 7 ans et que ses principaux acteurs sur le marché français (Deezer, Spotify, Qobuz, etc.) sont encore en quête de notoriété auprès du grand public. Pour Yves Riesel, patron de Qobuz, « 2015 sera l’année ou le marché français va s’ouvrir à la concurrence » avec la fin programmée, en juillet, de l’offre liée entre Orange et Deezer.Le modèle de l’abonnement devrait à terme supplanter celui du téléchargement. Pour Pascal Nègre, le patron d’Universal Music France, « la musique est en train de connaître sa quatrième révolution numérique. Après la piraterie, les sonneries téléphoniques et le modèle iTunes, la musique change à nouveau de paradigme avec l’avènement du streaming qui consiste à payer pour un usage et non pour une possession », poursuit-il.Un chiffre traduit ce basculement : 12 milliards de titres ont été écoutés sur les plates-formes de streaming audio en 2014, contre 8,6 milliards l’année précédente, soit une progression de 40 %. Et cela n’inclut pas le visionnage de vidéos musicales sur YouTube ou Dailymotion. Avec près de 11 millions de streamers, c’est 16 % de la population française qui a basculé.Monétiser cette offreEn France, le nombre d’abonnés à un service de streaming audio a grimpé en un an de 1,44 million en 2013 à 2 millions en 2014. Mais, pour que le modèle devienne dominant et surtout rentable économiquement pour les majors comme pour les artistes, il faudrait arriver à 8 ou 10 millions d’abonnés payants.Le deuxième enjeu majeur pour le secteur est d’élever le consentement à payer des amateurs de musique qui se sont habitués pendant plus d’une décennie à écouter sans payer. « Il faut persuader le consommateur que, pour quelques euros de plus, ils auront accès à un service nettement supérieur », explique Stéphane Le Tavernier, PDG de Sony Music France et président du SNEP. L’offre légale en ligne comprend désormais 30 millions de titres, mais les enjeux à venir sont doubles : monétiser cette offre et assurer une meilleure segmentation du marché afin d’atteindre tous les publics.Bonne tenue de la production francophonePour l’année écoulée, les producteurs de musique affichent un deuxième motif de satisfaction, avec la bonne tenue de la production locale et francophone qui assure les trois quarts des revenus des maisons de disques (hors classique). Un chiffre en hausse de 6 % par rapport à 2012. Le nombre d’albums francophones commercialisés est en hausse de 17 % avec 242 albums contre 207 en 2013. En 2014, il y a eu 119 nouvelles signatures d’artistes contre 79 contrats rendus, ce qui fait un solde positif de 40 artistes.Malgré un marché qui s’est fortement restreint, les producteurs de musique dans les majors ou chez les indépendants ont de fait continué à développer de nouveaux artistes. Les dix albums les plus vendus en 2014 concernent des artistes produits localement et chantant en français, avec un mélange d’artistes confirmés Souchon, Voulzy, Julien Clerc Johnny Hallyday, mais aussi Stromae, Indila, Kendji Girac, Fauve, Christine & the Queens.Pour le marché français, 2014 a aussi vu l’achèvement de l’intégration d’EMI et de son principal label Parlophone, au sein de Warner Music France, avec les restructurations afférentes. C’est seulement à partir du printemps 2014 que la major s’est remise à produire des disques. Avec un marché stabilisé qui comprend désormais trois majors et des indépendants, mais surtout avec un modèle économique (le streaming) reposant sur un nouvel usage qui a le vent en poupe, les producteurs de musique espèrent enfin surmonter la révolution numérique qui leur a fait perdre 65 % de leur valeur, sur les quinze dernières années.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 02.02.2015 à 20h48 • Mis à jour le03.02.2015 à 09h50 | Cédric Pietralunga Record battu ! La couverture originale de L’Etoile mystérieuse, le dixième album des Aventures de Tintin, a été vendue 2,5 millions d’euros lors de la Brafa (Brussels Antiques and Fine Art Fair), une importante foire d’art et d’antiquités, dont la soixantième édition s’est tenue à Bruxelles du 24 janvier au 1er février.C’est presque deux fois plus que le précédent record pour une couverture signée Hergé : en 2012, la gouache qui ornait les premiers albums de Tintin en Amérique avait trouvé preneur à 1,3 million d’euros (frais inclus) lors d’une vacation de la maison Artcurial.« C’est la plus grosse vente de ma carrière, s’enthousiasme Alain Huberty, cofondateur de la galerie belge Huberty-Breyne, qui a réalisé la transaction. J’ai été contacté par un cabinet d’avocats anglais, je ne connais pas l’acheteur. C’est un peu curieux mais cela correspond aux pratiques à ce niveau de prix. »L’attrait croissant pour la BD des collectionneursCe dessin de Hergé est, il est vrai, l’une des quatre seules couvertures de Tintin détenues en collection privée. Les dix-neuf autres appartiennent à Fanny Rodwell, la seconde femme du dessinateur belge, même si la fondation Moulinsart, qui gère les droits de l’œuvre de Hergé, refuse de confirmer ce chiffre. Or, Mme Rodwell, aujourd’hui âgée de 80 ans, a toujours exclu de vendre ne serait-ce qu’un croquis de son illustre mari, en tout cas de son vivant.Réalisé à l’encre de Chine, au format 30 x 41 centimètres, le dessin vendu à la Brafa est utilisé en couverture de l’album depuis 1942, date de la première parution de L’Etoile mystérieuse. On y voit Tintin et Milou sursauter devant l’apparition d’un champignon géant, touché par une météorite composée d’un métal inconnu aux pouvoirs extraordinaires.Cette vente illustre l’attrait croissant des collectionneurs d’art pour la bande dessinée et pour Hergé en particulier. Depuis quelques années, la cote de l’auteur belge décédé en 1983 ne cesse de grimper. Le 14 décembre, une couverture du Petit Vingtième représentant une scène du Sceptre d’Ottokar a ainsi été adjugée 539 880 euros (frais inclus) lors d’une vente aux enchères organisée par Millon, du jamais-vu.De même, le record mondial de la plus grosse transaction pour une oeuvre de bande dessinée est détenu depuis mai par une illustration de Hergé utilisée dans les pages de garde des albums de Tintin. Réalisée en 1937 et représentant le héros dans 34 situations, elle a été vendue 2,65 millions d’euros (frais inclus) à un collectionneur américain par la maison Artcurial.« Mais cet engouement ne se résume pas à Hergé, de nombreux autres auteurs intéressent aujourd’hui les collectionneurs », précise M. Huberty. De fait, le galeriste assure avoir vendu près d’une centaine d’oeuvres présentées sur son stand à la Brafa. Une planche des Tigres volants signée Victor Hubinon a ainsi été cédée 35000 euros et une autre de Robert Crumb, issue de l’album The Book of Mr Natural, a trouvé preneur pour 14000 euros.Une toile réalisée par Philippe Geluck, l’auteur star du Chat, a également été vendue 21000 euros. De nombreuses oeuvres de François Avril, dont le travail se situe à la frontière de la peinture et de la bande dessinée, ont aussi été achetées, avec notamment une toile acquise pour 14000 euros.Cédric PietralungaJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier En juin 1970, la parution du double album Self Portrait de Bob Dylan avait suscité l’incompréhension d’une partie de la critique musicale. Constitué de reprises (dont Let It Be Me, adaptation de Je t’appartiens de Gilbert Bécaud et Pierre Delanoë, The Boxer de Paul Simon, Blue Moon de Lorenz Hart et Richard Rodgers…), d’instrumentaux, d’extraits du concert de Dylan à l’Ile de Wight, en Angleterre, le 31 août 1969,et de quelques compositions. Où était le héros du folk, le poète de la contre-culture et de la révolution électrique dans ce fourre-tout ? Et surtout, horreur !, chanté dans un style crooner country identifié au conservatisme stylistique – pourtant déjà amorcé dans l’album précédent, Nashville Skyline.Depuis, Self Portrait a été réhabilité, avec parfois autant d’excès qu’il avait été honni, et Dylan peut aujourd’hui en toute quiétude, et même avec le salut enthousiaste de la presse anglo-saxonne, proposer Shadows in The Night. Soit un album entièrement constitué de reprises de chansons enregistrées par Frank Sinatra des années 1940 au début des années 1950, avec un petit saut temporel en 1957. Ce Sinatra, c’est celui qui a fait ses débuts au milieu des années 1930 au sein des orchestres d’Harry James et Tommy Dorsey, devenu une vedette à part entière lorsqu’il est signé par Columbia Records en 1943 pour une période de neuf ans. Grand orchestre, cordes, chœurs sont mis en jeu pour accompagner sa voix de velours et ses romances chavirantes. Le saut temporel, c’est lorsque Sinatra, passé chez Capitol Records, enregistre pour la première fois avec l’arrangeur Gordon Jenkins et non plus Nelson Riddle.Un propos instrumental sobreDe ce faste orchestral, Dylan s’éloigne avec un propos instrumental sobre, guitare acoustique et légèrement électrifiée, avec contrebasse, petit ensemble de vents (trombone, trompette, cor) par endroits, étirement des notes à la guitare pedal steel, jeux aux balais à la batterie… Sur un tempo dominant de ballade, parfois abordé plus lentement que ne l’avait fait Sinatra, Dylan avance dans la courbe mélodique, prononce les mots, s’en régale, timbre à peine rauque. On est, sinon à des années-lumière, en tout cas, loin de ce qu’est devenue sa voix avec le temps, en particulier lors des concerts.Ce soin vocal – certes relatif, il y a bien ici et là des dérapages dans la justesse – autant que l’interprétation musicale très exacte du petit ensemble, donne un aspect respectueux à l’album. Le répertoire va et vient entre des succès de Sinatra et des thèmes plus secrets, commençant par I’m A Fool To Want You, composition de Sinatra, Jack Wolf et Joel Herron enregistrée en mars 1951, jusqu’à That Lucky Old Sun, dont Sinatra s’empara en septembre 1949 alors que Frankie Laine venait d’en faire un numéro 1 des ventes. De l’un à l’autre, The Night We Called It A Day, Stay With Me, Some Enchanting Evening ou What I’ll Do sont des choix érudits.Concision et distanceAu-delà de l’hommage, on retrouve aussi ici ce vers quoi Dylan est régulièrement allé, ce rapport à un passé musical formateur, du blues des origines au jazz, des airs traditionnels aux racines rock’n’roll. Abordé dès ses débuts avec une majorité de reprises de standards du folk et du blues dans son premier album, en 1962. Affirmé dans Self Portrait, dont l’album Dylan, en 1973, proposa des chutes. Exploré en partie, mais pour le coup par-dessus la jambe, dans Down in The Groove (1988). Dans le dépouillement du solo, avec guitare et harmonica avec le doublé de folk traditionnel Good as I Been To You (1992) et World Gone Wrong (1993). Jusqu’à Christmas in The Heart, recueil de chansons de Noël paru en 2009. Le Sinatra de Dylan se révélant le plus réussi par sa concision et sa distance avec l’exercice de style.Shadows in The Night, de Bob Dylan, 1 CD Columbia Records/Sony Music.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 01.02.2015 à 20h13 • Mis à jour le03.02.2015 à 11h10 | Alexis Delcambre Plus de musique, un ancrage clair dans les cultures urbaines et une grille simplifiée : ce sont les ingrédients du nouveau Mouv’ qu’a lancé Radio France, lundi 2 février à 6 heures.Sous la direction de Bruno Laforestrie, ancien patron de la radio Generations, l’antenne promet de s’adapter « aux attentes musicales des 15-30 ans en se positionnant fortement sur le hip-hop et l’électro », et d’user d’un « ton inédit et singulier » en s’inspirant des « différentes formes d’expression de la rue, véritable vivier de talents et de langages ».« C’est une radio qui va parler le langage des jeunes et employer leurs codes », décrit Mathieu Gallet, PDG de Radio France. Un jeu sur la langue sera ainsi proposé : « Dictées dans la cité », en lointain hommage à Bernard Pivot. Les auditeurs pourront aussi prendre la parole en laissant un message sur le « Rapondeur ».Selon ses concepteurs, la musique revient au centre du projet : elle occupera 75 % du temps d’antenne, contre 50 % actuellement. La radio ambitionne de servir de tremplin à de jeunes talents dont la diffusion se fait actuellement sur les réseaux sociaux.Favoriser la circulation des contenusLa grille est simplifiée, avec des tranches de trois heures qui remplacent les multiples rendez-vous de la formule précédente. Points saillants : le « Good Morning Cefran » (6-9 heures), présenté par l’animateur Pascal Cefran ; « Mouv’Express » entre 12 et 16 heures ; et le magazine « 20#20 », présenté par Guillaume Tatu à 20 h 20, qui abordera « les grands problématiques de la jeunesse : marché du travail, drogue, sexualité… », selon M. Gallet.Sur Internet, une nouvelle version du site va être proposée. Surtout, Mouv’ – sa nouvelle appellation – favorisera la circulation de ses contenus, pour qu’ils puissent être facilement partageables sur les réseaux sociaux ou les grandes plates-formes comme YouTube.Cette relance du Mouv’– la troisième en trois ans – est censée répondre à l’échec actuel de la station. Créée il y a dix-huit ans, devenue au début des années 2000 une incarnation de « l’esprit rock », avant de s’égarer dans une succession de nouvelles formules, elle atteint péniblement 200 000 auditeurs cumulés, soit une part de marché inférieure à 0,5 %.C’est un problème pour un groupe qui veut en faire un canal de recrutement de nouveaux auditeurs et qui, par ailleurs, est désormais en situation déficitaire – avec 21 millions d’euros manquants au budget 2015. La direction de Radio France espère remonter à au moins 1 % de part d’audience d’ici à fin 2016 et assume que, dans le cas contraire, il faudra « revoir le modèle » – comprendre arrêter l’exploitation sur la bande FM.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême) Riad Sattouf a reçu le Fauve d’or du meilleur album dimanche pour le premier tome de L’Arabe du futur, seulement cinq ans après l’avoir obtenu pour le tome 3 des aventures de son héros protéiné Pascal Brutal. Publié chez un nouveau venu sur le marché de l’édition, Allary éditions, L’Arabe du futur est un récit autobiographique dans lequel l’auteur raconte une courte période de son enfance, où ses parents ont emménagé dans la Libye du général Kadhafi puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad. En gestation depuis le déclenchement, il y a quatre ans, de la guerre en Syrie (le pays natal de son père), ce roman graphique prévu en trois tomes se terminera en 2016 avec le récit de l’exil en France d’une partie de sa famille, originaire de Homs. Notre collaboratrice Cathia Engelbach, chroniqueuse au blog Les Petits Miquets, avait rédigé la critique suivante en décembre dernier à propos de ce livre :Lui, c’est Riad, petit bout d’homme de 2 ans, rejeton autoproclamé « parfait » d’une mère bretonne, dont il a hérité la chevelure blonde, et d’un père syrien issu d’un milieu paysan très pauvre. Suite à une thèse de doctorat en histoire contemporaine à la Sorbonne, ce dernier embarque femme et enfant dans la Libye de Kadhafi, puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad en 1984. Obsédé par l’idée d’un panarabisme progressiste, sa transhumance au Moyen-Orient se fait avec cette pensée unique érigée en marotte : épousseter le monde arabe de tout obscurantisme religieux et faire de l’éducation l’accès royal aux lettres dorées de « l’arabe du futur ».Pour Riad Sattouf, rompu à l’exercice des saynètes caustiques, par bulles (le père de l’antihéros à la testostérone amphigourique Pascal Brutal, c’est lui) ou par écrans interposés (le film Les Beaux Gosses, c’est lui aussi), l’idée de ce récit remonte au début de la guerre civile syrienne, en mars 2011. L’incursion de l’histoire personnelle dans la grande histoire donne une dimension sociologique à l’album à travers l’œil naïf de l’enfant qu’il était. Par accumulation de micro-tableaux faussement anecdotiques, tantôt persifleurs, tantôt ubuesques, il confirme que l’autobiographie est l’un des parents riches de la bande dessinée actuelle.A lire également : Riad Sattouf, retour à la ligneLe jury a par ailleurs attribué son prix spécial à Chris Ware pour son livre-monde Building Stories (Delcourt) et le prix de la meilleure série à Lastman (Casterman), le manga français du trio Bastien Vivès, Mickaël Sanlaville et Balak. Le Japonais Katsuhiro Otomo, créateur de la série « Akira », avait été désigné jeudi Grand prix 2015 pour l’ensemble de son œuvre. Les autres principaux prix :- Prix révélation : Yekini le roi des arènes (FLBLB), par Lisa Lugrin et Clément Xavier- Prix du patrimoine : San Mao (Fei Editions), par Zhang Leping- Prix du public : Les Vieux fourneaux (Dargaud), par Wilfrid Lupano et Paul Cauuet- Prix du polar : Petites coupures à Shioguni (Philippe Picquier), par Florent Chavouet- Prix jeunesse : Les Royaumes du Nord, tome 1 (Gallimard), par Clément Oubrerie et Stéphane Melchior.Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial) « La Reine de la Berlinale » titrait ce samedi matin en une le quotidien berlinois Der Tagesspiegel. A en juger par le nombre de photographes et de cameramen qui entourent Nicole Kidman, ce titre n’est guère usurpé. Reste à savoir s’il est mérité au vu de sa prestation dans Queen of the Desert, le nouveau film de Werner Herzog.Quelle mouche du désert arabo-persan a bien pu piquer le « père » d’Aguirre, de Kaspar Hauser, de Nosferatu et autre Fitzcarraldo pour s’être laissé entraîner dans une pareille histoire ? Une histoire qui, ne serait-ce qu’à cause du sujet – la vie de l’aventurière, photographe et espionne Gertrude Bell (1868-1926) – le confronte inévitablement au célébrissime Lawrence d’Arabie de David Lean.Se débrouillant comme il peut d’un casting digne d’une superproduction hollywoodienne (Nicole Kidman, James Franco, Damian Lewis ou Robert Pattinson, impayable en T. E. Lawrence), Werner Herzog s’en tient à un académisme de bonne facture. Quant à Nicole Kidman, gageons qu’elle ne rejoindra pas Aguirre et les autres au chapitre des grands marginaux solitaires de Werner Herzog.Aléas et imprévusPour dénicher une perle rare en ce premier week-end berlinois, il fallait aller fureter du côté du cinéma… guatémaltèque. Présenté en compétition, Ixcanul, a été réalisé par Jayro Bustamante. Né en 1977 au Guatemala, ce cinéaste avait fait (un tout petit peu) parler de lui lorsqu’il avait présenté il y a deux ans Cuandu Sea Grande au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et aujourd’hui ce premier long-métrage, applaudi à l’issue de la projection de presse.  Maria, l’héroïne du film, est une jeune fille de 17 ans. Elle vit avec ses parents dans une petite maison sans eau ni électricitéE et travaille avec eux dans une plantation de café. Son idée fixe : partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. En attendant, il faut survivre. Déjouer les projets de ses parents qui aimeraient bien la voir épouser Ignacio, le propriétaire de la plantation. Convaincre son ami Pepe de partir avec elle aux Etats-Unis.Mais rien ne se passera comme elle l’aurait souhaité. Elle tombe enceinte de Pepe, mais ce jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre avant d’être transportée en urgence par Ignacio à l’hôpital de la ville. Il faudra en définitive que Maria touche du doigt le fond de l’horreur - son bébé a tout simplement « disparu » - pour qu’elle aperçoive, enfin, une lueur d’espoir. Aussi imparfaite, aussi injuste soit-elle, sa vie vaut tout de même d’être vécue.Audace formellePour son premier long-métrage, Jayro Bustamante fait preuve d’une audace formelle assez stupéfiante. Sa science du plan séquence, en particulier, ferait pâlir de jalousie bien des cinéastes chevronnés. Qu’il s’agisse de cette scène où l’on voit une truie gravide prendre une cuite au rhum, ou de ces magnifiques séquences à flanc de volcan, sa maîtrise du cadre est impressionnante. Une maîtrise que l’on retrouve également dans le long plan nocturne qui voit Maria se donner à Pepe contre une balustrade en bois. Ou encore dans ces scènes de bains de vapeur que Maria et sa mère prennent ensemble, nues, lovées l’une contre l’autre.La plupart des acteurs parlent la langue des Cakchiquel, ces Mayas vivant dans les montagnes de l’ouest de Guatemala. C’est peu dire qu’ils sont remarquables, à commencer par Maria Mercedes Coroy (Maria).Par-delà son propos éminemment politique, Ixcanul est un film d’une universalité bouleversante. Dans les deux plans serrés face caméra qui ouvrent et terminent le film, Maria nous observe, avec un regard fixe qui dit nous vivons tous au-dessous du volcan.En attendant la présentation attendue, dimanche 8 février, du nouvel opus de Terrence Malick, a été aussi projetée une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, tournée par Benoît Jacquot (sortie le 1er avril). Un ton en dessous de l’extraordinaire livre d’Octave Mirbeau, en dépit d’une jolie performance de Léa Seydoux.Parmi les film notables, il faut noter Victoria, du réalisateur allemand Sebastian Schipper. Une « fureur de vivre » à la mode berlinoise mettant aux prises une jeune Espagnole arrivée dans la capitale allemande trois mois auparavant et quatre gaillards désœuvrés. C’est un peu long, usant parfois un peu trop de la caméra à l’épaule, mais il y a là une énergie assez incroyable.Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial)Journaliste au Monde 05.02.2015 à 18h05 • Mis à jour le06.02.2015 à 11h36 | Emmanuelle Jardonnet Ses souvenirs de son grand-père, Pablo Picasso ? Ils remontent à l’époque où, petite fille pauvre, elle se revoit faire le pied de grue devant les grilles de la villa du maître, à Cannes, lorsque son père, Paulo Picasso, l’emmenait pour réclamer des subsides à son propre père. « La Californie », cette grande villa du XIXe siècle, c’est ironiquement à elle, Marina Picasso, parmi la multitude d’héritiers, qu’elle est revenue. Elle avait alors une vingtaine d’années, et son premier geste a été de retourner vers le mur toutes les œuvres dont elle a aussi hérité de l’artiste. Par pur ressentiment, a-t-elle confié au New York Times.Le poids de son héritage, elle s’en était déjà en partie délesté psychologiquement en publiant ses mémoires en 2001, Picasso : mon grand-père, où elle révélait, après quinze ans de thérapie, ses vérités sur un clan désuni et la peine que lui a causée l’indifférence de son grand-père. A 64 ans, elle fait aujourd’hui savoir qu’elle se prépare à un détachement plus matériel, sonnant et trébuchant, de ses racines : la mise en vente de nombreuses œuvres de Picasso restées en sa possession.Ventes directesCe n’est en soi pas tout à fait une nouveauté : comme les autres héritiers du peintre, Marina Picasso se déleste régulièrement d’œuvres, pour vivre et financer ses projets. Depuis la mort, en 2008, de son marchand, le Suisse Jan Krugier, qui s’était chargé de la mise en vente de la plupart de ses pièces les plus prestigieuses, elle a tenté plusieurs stratégies sur le marché de l’art, rappelle le New York Times. En 2013, elle a ainsi mis aux enchères conjointement deux peintures de premier plan (dont Femme assise en robe grise, vendu 6,8 millions de dollars), puis en 2014, elle a présenté toute une collection de dessins de nu – dans les deux cas chez Sotheby’s.Lire : Deux Picasso vendus pour près de 6 millions d'eurosAfin de rompre avec toute tradition familiale, l’héritière envisage cette fois de gérer ses futures ventes à sa manière : en se passant des intermédiaires et de leurs commissions. Ainsi compte-t-elle céder en vente directe « au cas par cas, selon ses besoins ». Par cette prise en main, elle semble vouloir accélérer le mouvement, ce qui ne va pas sans nourrir craintes et fantasmes dans le milieu – la plus grande peur étant qu’elle inonde le marché, faisant baisser les prix au passage.Si elle n’a pas de liste prédéfinie des pièces qu’elle compte vendre, Marina Picasso se prononce sur deux choses : la rumeur selon laquelle elle va vendre la villa du peintre est fausse ; par ailleurs, elle sait quel est le premier tableau dont elle souhaite se débarrasser aujourd’hui : La Famille, un grand portrait de sa propre famille peint en 1935 sur un fond désertique – dans un style réaliste assez inhabituel. « Il est symbolique car je suis née dans une grande famille, mais cette famille n’en était en réalité pas une », a confié l’héritière.« Je n’avais pas de grand-père »Son père était le fils de Picasso et de sa première femme, la danseuse russe Olga Khokhlova. Selon elle, celui-ci servait à Picasso de chauffeur ou d’homme à tout faire. Puis ses parents se sont séparés : « J’ai très peu vu mon père. Je n’avais pas de grand-père. » Marina Picasso assure qu’elle ne possède aucune photo d’elle en compagnie de son grand-père, et qu’elle n’a pas eu la moindre de ses œuvres avant sa mort. Elle se souvient qu’il lui arrivait de lui dessiner des fleurs sur des feuilles en papier, mais on ne la laissait pas les garder.Olivier Widmaier Picasso, un autre petit-fils de Picasso – issu de sa liaison avec Marie-Thérèse Walter –, et lui aussi auteur d’une biographie (beaucoup plus positive) de Picasso, dit comprendre la colère de sa parente, mais relativise les faits : « Soyons honnêtes, Picasso n’était pas le seul responsable de cette situation. Sa mère avait la garde exclusive des enfants. Il ne voulait pas lui donner de l’argent parce qu’il s’inquiétait qu’elle ne l’utilise pas pour ses enfants. Il a donc plutôt payé leur scolarité directement. »A sa mort, en 1973, à l’âge de 91 ans, Picasso a laissé derrière lui quelque 50 000 œuvres et une « famille » composée de quatre enfants et huit petits-enfants, ainsi que des femmes et des muses, entre lesquels les batailles furent âpres lors du partage de ses biens. Cette sensation d’être mise au ban de la famille s’est encore accrue chez Marina Picasso lorsque Jacqueline Roque, la seconde femme de l’artiste, a interdit à son frère, Pablito, de se rendre aux obsèques de son grand-père. Quelques jours plus tard, celui-ci se suicidait, à 24 ans, en ingérant de l’eau de Javel.« Un héritage dépourvu d’amour »Picasso n’avait pas laissé de testament. A l’issue des luttes d’héritage, un cinquième de ses biens furent finalement attribués à Marina Picasso, rappelle le New York Times – soit 10 000 œuvres : quelque 300 tableaux, et des céramiques, dessins, esquisses ou sculptures. « Les gens me disent que je devrais être contente d’avoir touché cet héritage, et je le suis. Mais c’est un héritage dépourvu d’amour », explique-t-elle. « Cela a été très difficile de porter ce célèbre nom et d’avoir eu autant de difficultés financières. Je pense que c’est pour cela que j’ai développé une fibre humaine et le besoin d’aider les autres. »L’argent tiré de ce pesant héritage, elle compte d’ailleurs l’utiliser pour développer ses actions philanthropes en France, en Suisse et au Vietnam. Cette mère de cinq enfants, dont trois adoptés au Vietnam, a fait don en 2014 de 1,5 million d’euros à la Fondation Hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France, dont une partie finance une unité d’urgence psychiatrique pour adolescents à Marseille. Elle est également impliquée dans un projet d’aide aux personnes âgées hospitalisées pour de longs séjours, précise le New York Times.« Désormais, je vis au présent, dit-elle. Le passé est derrière moi. Mais je n’oublierai jamais, jamais. Je respecte mon grand-père et sa stature en tant qu’artiste. J’étais sa petite-fille et son héritière, mais je n’ai jamais eu de place dans son cœur. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Le marché français de l’« entertainment » (musique, vidéos, jeux vidéo, livres…) souffre. Les dépenses des ménages dans ce domaine ont reculé de 4,6 % en 2014, à 7,2 milliards d’euros, selon les données communiquées, jeudi 5 février, par le cabinet d’études GFK.La hausse des achats « dématérialisés » (1,13 milliard d’euros au total, en hausse de 6 %) ne compense pas le déclin des achats des supports physiques (6,07 milliards d’euros au total). En 2013, les ventes « dématérialisées » avaient progressé de 23 %.Les livres représentent 55 % du marché de l’entertainment, et les loisir interactifs le reste : les jeux vidéos comptent pour 22 % des dépenses, la vidéo pour 15 %, la musique pour 8 %.À lui seul, le streaming, que ce soit pour écouter de la musique ou regarder des documents vidéos, représente 37 % des achats « dématérialisés ».Les achats de vidéos reculent de 10 %Le premier loisir plébiscité par les Français est le cinéma (62 % d’entre eux). Ce dernier se porte mieux que le secteur de la vidéo : les ventes dans ce dernier domaine sont en recul de 10 %. Aujourd’hui, une bonne année cinéma n’induit pas forcément une bonne année vidéo.Le marché de la vidéo est passé de 2,4 milliards d’euros en 2004 à 800 millions d’euros en 2014.La baisse des dépenses dans la vidéo est de 14 % pour les achats de supports physiques et de 8 % pour les achats numériques.Les achats de DVD classiques représentent 76 % du marché de la vidéo physique, alors que le Blu-Ray plafonne à 24 % : ce dernier ne prend pas dans la population.En France, on compte 11,2 millions de lecteurs de DVD installés, contre 1,5 million de lecteurs Blu-ray. Le prix du Blu-Ray est jugé trop cher (23 euros en moyenne).La VOD (vidéo à la demande) a vu ses ventes passer de 152 millions d’euros en 2010 à 259 millions d’euros en 2014.Elle devrait encore croître cette année, alors que les achats de supports physiques baisseraient encore de 15 %.Le marché des jeux vidéos est en croissance : + 3 %, à 2,6 milliards d’euros. Les achats de jeux sur supports physiques sont notamment en progression de 1 %, à 1,9 milliard d’euros. Il s’agit du seul marché physique qui affiche une hausse.Le marché de la musique reste difficile. Les ventes s’élèvent à 786 millions d’euros. Le streaming (150 millions d’euros) l’emporte sur le téléchargement (97 millions d’euros). Et le marché du CD poursuit son déclin (490 millions).Le livre est toujours en repliLe marché du livre en France a accusé un nouveau repli en 2014. Les ventes, tous types de supports confondus, sont en recul de 1,1%, selon les chiffres de la société d’études GfK, communiqués jeudi 5 février.Doucement, mais inexorablement, le marché du livre s'effrite depuis trois ans. En 2013, il avait enregistré un recul de 2,7 %, passant symboliquement, pour la première fois, sous le seuil des 4 milliards d'euros, pour atteindre 3,9 milliards.Ce sont les ventes de livres « physiques » qui reculent toujours : en 2014, elles ont baissé pour la quatrième année consécutive, relève GfK.Les ventes de livres numérique progressent, mais leur croissance est « plus faible qu’attendue », pointe le cabinet d’études, et cette hausse ne vient « compenser que partiellement » le repli du livre « papier ».Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le ministère de la culture et de la communication a transmis, mercredi 3 février, un communiqué précisant les contours du dispositif que l’institution souhaite mettre en place au profit de l’architecture et des architectes. La ministre Fleur Pellerin « a tenu à réaffirmer avec force, dès le mois d’octobre, l’importance de l’architecture dans les enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés ». Parmi les thématiques mises en exergue : l’amélioration du cadre de vie, la ville de demain, la transition énergétique, le logement, la création, mais aussi le rayonnement de la France, tant sur le plan culturel qu’économique.La stratégie pour l’architecture est « un outil de pilotage de la politique publique dans ce domaine », précise le communiqué. Elle s'appuie notamment sur les travaux menés par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, dont le président-rapporteur est le député (groupe SRC) Patrick Bloche. Pendant six mois, à compter de janvier 2014, une « Mission d’information sur la création architecturale » a permis que soient auditionnées une cinquantaine de personnalités impliquées dans l’univers de la construction : architectes, urbanistes, paysagistes, constructeurs, groupement professionnels, journalistes, etc.A l’issue de ces rencontres, un rapport a été publié le 2 juillet 2014. La conclusion de ce copieux document de 150 pages consiste en un « plaidoyer, en trente six propositions, pour une création architecturale du quotidien au service d’un aménagement durable du territoire ». Le « Rapport de la concertation sur l’enseignement et la recherche en architecture », qui avait été remis le 8 avril 2013 par le député (PS) Vincent Feltesse, compte également parmi les sources du ministère.« Le rôle citoyen de l’architecture »Cette stratégie, affirme la rue de Valois, « se construira au travers d’un dialogue étroit avec le conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) ». La profession est confrontée à une baisse drastique de son activité et un sentiment durable de mise à l’écart. L’ambition de cette démarche, insiste Fleur Pellerin, « est de réaffirmer la valeur ajoutée de l’architecture pour la société et celle de la profession d’architecte dans l’économie de la construction et de la création, en France et sur le plan international », mais aussi « de conforter le rôle citoyen de l’architecture au service de tous ».Le ministère de la culture et de la communication met en place trois groupes de réflexion thématiques qui seront pilotés par des professionnels, Grands Prix nationaux d’architecture ou d’urbanisme et par des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap). Les travaux du groupe « Mobiliser et sensibiliser » seront conduits par les architectes Frédéric Bonnet et Boris Bouchet ; la rapporteure en sera Hélène Riblet, inspectrice du patrimoine. Le groupe « Innover » sera porté par les architectes Marc Barani et Marie Zawistowski, et par l’association « Bellastock ». Lorenzo Diez, directeur de l’école nationale supérieure d’architecture de Nancy, en sera le rapporteur. Enfin, les architectes Paul Chemetov et Lucie Niney animeront le groupe « Développer », dont l’architecte conseil de l’Etat, Christine Edeikins, sera la rapporteure. Francis Nordemann, architecte DPLG, est chargé d’animer l’ensemble de ces travaux. Le ministère prévoit de les restituer au mois de juin.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 05.02.2015 à 16h05 • Mis à jour le06.02.2015 à 08h53 | Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles « L’album blanc », cocktail hypnotique Cette semaine : autour de l’album The Beatles (novembre 1968). « Back in the U.S.S.R. » (Lennon-McCartney), par Sigourney WeaverCette chanson 100 % rock’n’roll de Paul McCartney ouvrant l’« album blanc », premier et unique double-album des Beatles du temps de leur activité, multiplie les références musicales. De son titre, un décalque du Back in The U.S.A. de Chuck Berry, à la citation de Georgia on My Mind, standard de Hoagy Carmichael et Stuart Gorrell popularisé par Ray Charles, le tout mâtiné de chœurs parodiant les Beach Boys. Simple et plaisante à jouer, elle a été logiquement interprétée en 1987 par le chanteur et pianiste new-yorkais Billy Joel à Moscou et Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) lors de sa tournée dans l’Union soviétique de Mikhaïl Gorbatchev. Plus inattendue est la version que donne en 2001 la délicieuse Sigourney Weaver dans la comédie de David Mirkin, Beautés empoisonnées. La femme fatale s’amuse de son audace sur fond de violons et de balalaïkas, devant un Gene Hackman ahuri. « Dear Prudence » (Lennon-McCartney), par Siouxsee & The BansheesLa qualité du répertoire des Beatles était telle que les chansons qui n’avaient pas été mises en avant pouvaient devenir des tubes majeurs pour les autres artistes. Ainsi du délicat Dear Prudence, écrit par John Lennon lors du séjour en Inde chez le Maharishi Yogi à l’attention de la sœur recluse de l’actrice Mia Farrow. Le groupe londonien post-punk Siouxsie & The Banshees (avec comme figure de proue Siouxsie Sioux, une ancienne du Bromley Contingent, la troupe qui suivait les Sex Pistols), s’en empare en 1983 pour obtenir son plus gros succès, une lecture à la fois reconnaissable et personnelle qui grimpera jusqu’à la troisième place des classements britanniques et sera incorporée aux rééditions de l’album Hyaena. A noter que la guitare est entre les mains de Robert Smith, le démiurge de The Cure, alors également membre des Banshees après l’éviction pour alcoolisme de l’Ecossais John McGeoch, ancien de Magazine et de Visage. « Glass Onion » (Lennon-McCartney), par Arif MardinCette chanson en forme d’auto citations (de Strawberry Fields Forever, I Am The Walrus, The Fool on The Hill, Fixing a Hole et même Lady Madonna, sorti en single en mars 1968) a été largement dédaignée par les repreneurs. Dès 1970, le producteur d’origine turque Arif Mardin, l’un des piliers de la maison de disques Atlantic avec les frères Ertegun, l’adaptait dans une version instrumentale pour son premier album solo, titré Glass Onion. Homme de jazz, Mardin sera ensuite derrière le virage disco des Bee Gees avec l’album Main Course en 1975 puis le succès planétaire de Come Away With Me, premier opus de Norah Jones, en 2002. « Ob-la-di, Ob-la-da » (Lennon-McCartney), par The MarmaladeCette scie que John Lennon exécrait (il l’aurait qualifiée de « musique de grand-mère de merde ») et qui est restée un sujet de sarcasmes envers McCartney (qui ne devait d’ailleurs l’interpréter que rarement sur scène, et pas avant… 2009), a pourtant joui d’une immense popularité auprès des enfants et des esprits guillerets et optimistes. Tentative de rocksteady (un hybride jamaïcain, à mi-chemin du ska et du rhythm’n’blues), elle fit le bonheur immédiat de The Marmalade, un quintette de Glasgow, qui obtint un numéro un dans les classements britanniques début 1969, le premier de l’histoire pour un groupe écossais. Depuis, son succès ne s’est jamais démenti avec des versions de Celia Cruz, Jimmy Cliff ou de No Doubt, revivalistes américains du ska. « Wild Honey Pie » (Lennon-McCartney), par PixiesReprendre cet interlude inférieur à une minute, expérimental et dissonant, presque sans paroles, entièrement composé et interprété par McCartney (peut-être pour compenser la légèreté d’Ob-la-di-da) est une gageure. Les Pixies de Boston (Massachusetts), rois du rock alternatif à la fin des années 1980, relèvent pourtant le gant en 1988 devant les micros de la BBC dans le cadre des fameuses sessions animées par John Peel. Leur version sera commercialisée dix ans plus tard dans l’album Pixies at the BBC (4AD). L’agressivité de l’original sied à merveille à Black Francis et sa complice Kim Deal. Comme s’il avait été écrit en pensant aux Pixies, vingt ans avant leur formation. « The Continuing Story of Bungalow Bill » (Lennon-McCartney), par Dawn Kinnard & Ron Sexsmith En 2008, pour célébrer les quarante ans du « White Album », le magazine britannique et patrimonial de rock Mojo, propose avec son numéro 178, un CD de 15 reprises. Aujourd’hui banalisé dans la presse rock, ce genre d’exercice a un défaut principal : ce sont la plupart du temps des seconds couteaux de la scène dite « indé » qui s’y collent, quand ce ne sont pas des inconnus. Cette version de Bungalow Bill, chanson écrite par Lennon en Inde autour d’une chasse au tigre, fait néanmoins exception puisqu’elle est interprétée par le Canadien Ron Sexsmith, l’un des plus talentueux héritiers de McCartney, accompagné de Dawn Kinnard, une consœur de Nashville (Tennessee). « While My Guitar Gently Weeps » (Harrison), par Wu Tang ClanLe premier morceau de George Harrison sur l’« album blanc » est aussi le plus impressionnant qu’il avait alors composé. Pour lui donner toutes ses chances, il convia même son ami Eric Clapton afin d’exécuter le solo, l’un des très rares cas d’intervention de musicien extérieur dans la discographie des Beatles. Près de quarante ans plus tard, la mélodie de la chanson structure The Heart Gently Weeps, des rappeurs new-yorkais de Wu-Tang Clan, qui utilise un sample, non de l’original mais de l’interprétation exécutée en 1973 par le guitariste de jazz Jimmy Ponder. Le fils de George Harrison, Dhani, a été convié à jouer de la guitare acoustique sur ce titre de l’album 8 Diagrams (2007). « Happiness is a Warm Gun » (Lennon-McCartney), par U2Constitué de trois sections, ce titre de John Lennon, qui a pu être interprété comme une ode au sexe ou à l’héroïne, est l’une des plus éclatantes réussites du double album, et l’un des rares efforts collectifs, la tendance du projet étant plutôt à l’expression de chaque individualité. Après avoir placé Helter Skelter en ouverture de son live Rattle And Hum (1987), précédé d’une désolante introduction de son chanteur Bono (« C’est une chanson que Charles Manson a volée aux Beatles. Nous la lui reprenons »), U2 récidive dix ans plus tard avec Happiness is A Warm Gun, proposé avec le single Last Night On Earth. Alors en pleine phase électro, les Irlandais s’autorisent à déstructurer avec autant de vanité que de vacuité leur victime. Incontestablement, l’une des pires reprises d’un titre des Beatles, cover bands (groupes spécialisés dans les reprises) et orchestres de patronage compris. « Martha My Dear » (Lennon-McCartney), par Ambrose SladeInspirée à Paul McCartney par sa chienne Bobtail, cette ballade qui annonce déjà chez son auteur la période Wings, son groupe post-Beatles, est aussitôt accaparée par ses compatriotes d’Ambrose Slade qui deviendront Slade et connaîtront un immense succès insulaire lors de la vague glam rock du début des années 1970, avec David Bowie ou T. Rex. Mais pour Beginnings, leur premier album publié en mai 1969, les garçons de Wolverhampton ne sont parvenus à écrire que quatre chansons et doivent largement piocher dans le répertoire des autres. Les Beatles constituant évidemment une facilité. « I’m So Tired » (Lennon-McCartney), par Kasabian Ce groupe de britpop, dans la lignée d’Oasis, n’a rien trouvé de plus malin que de se baptiser du nom de Linda Kasabian, membre de la « famille Manson », tristement célèbre pour ses meurtres perpétrés à l’été 1969 à Los Angeles, sur ordre du gourou hippie Charles Manson. Celui-ci prétendait d’ailleurs avoir été inspiré par des messages messianiques qu’il aurait décelés dans plusieurs chansons de l’« album blanc ». Les trentenaires passéistes de Kasabian commettent en 2011 cette reprise acoustique et déjà épuisée d’I’m So Tired dans le studio de la radio australienne Triple J. On relève que le chanteur Tom Meighan, fan autoproclamé des Beatles, a tout de même besoin d’une antisèche. Début de l’interprétation à 52 secondes. « Blackbird » (Lennon-McCartney), par Brad MehldauLe niveau se redresse spectaculairement avec cette interprétation vagabonde, par le pianiste américain Brad Mehldau, de Blackbird, comptine folk jouée en picking par Paul McCartney en l’honneur de l’activiste politique américaine Angela Davis. Cette version est présente sur The Art of The Trio, Vol. 1 (Warner Bros. Records, 1997), deuxième album en tant que leader de celui qui est devenu l’une des plus grandes stars du jazz actuel. Mehldau est familier du répertoire des Beatles et surtout de leur « White Album » puisqu’il a également joué Dear Prudence, Martha My Dear et Mother’s Nature Son. « Piggies » (Harrison), par Luis Eduardo AuteUne rareté apparue sur l’album Harrisongs 2, hommage de musiciens espagnols au plus discret des Fab Four, sorti en 2003 sur le label Grabaciones en el mar, après un premier volume paru en 2000. Le coup de chapeau devient posthume puisque George le jardinier s’était entre-temps éteint le 29 novembre 2001 à Los Angeles. Né en 1943, Luis Eduardo Aute est un auteur-compositeur, cinéaste et poète. Cet album hommage peut être commandé sur le site du label et la chanson, qui ne figure ni sur YouTube et DailyMotion, est notamment écoutable sur le site de Deezer et sur celui de Spotify. « Rocky Raccoon » (Lennon-McCartney), par Lena Horne et Gabor SzaboConçue par McCartney comme une ballade de country & western ne lésinant pas au passage sur les clichés, Rocky Raccoon est métamorphosée dès 1970 en fantaisie soul sudiste par la chanteuse et actrice américaine Lena Horne, alors accompagnée par le magistral guitariste hongrois Gabor Szabo. Cette version épatante ouvre l’album du duo, Lena & Gabor, commercialisé en 1970 chez Skye, label co-fondé par Szabo, puis réédité en 1971 chez Buddha Records sous le titre Watch What Happens. Une curiosité hautement recommandable comprenant trois autres relectures du répertoire des Beatles : Something, In My Life et The Fool On The Hill. « Don’t Pass Me By » (Starkey), par The Georgia SatellitesAvec son crin-crin pas toujours juste et sa mélodie poussive, cette chanson, la première écrite par Ringo Starr (de son vrai nom Richard Starkey, utilisé pour les crédits), parait bien faiblarde dans la profusion qu’offre le double album. Le titre (« Ne m’ignore pas ») proviendrait d’une plaisanterie de McCartney à l’adresse de Ringo lors d’un échange à la BBC. On aurait alors demandé au batteur s’il avait composé une chanson… Don’t Pass Me By a fini par faire le bonheur des Georgia Satellites, formation de rock sudiste basée à Atlanta, qui l’inclut sur son deuxième album, Open All Night, en 1988. Au piano, un contemporain des Beatles, Ian McLagan, ancien des Small Faces et des Faces. « Why Don’t We Do It In The Road ? » (Lennon-McCartney), par Lowell FulsonA priori simple à reprendre : deux lignes de texte (« Pourquoi ne pas le faire dans la rue ? Personne ne nous regardera »), inspirées à Paul McCartney par la vision de deux singes copulant en Inde, et une structure basique de blues. Le guitariste Lowell Fulson, roi du blues West Coast et auteur de Three O’Clock Blues ou de Reconsider Baby, n’hésite pas et glisse sa version sur son album In a Heavy Bag (Jewel Records, 1970). En proposant, plus puritain, de prolonger les ébats « dans la voiture » puis « dans la maison ». « I Will » (Lennon-McCartney), par Art GarfunkelRavissante lovesong que Laurent Voulzy a certainement écouté plus souvent qu’à son tour, I Will devait tôt ou tard être entonnée par la voix d’angelot d’Art Garfunkel. Le compère de Paul Simon ne l’interprète pas avant 1996, lors de deux concerts new-yorkais documentés dans le live Across America. Il proposera une version studio en 1997 sur l’album Songs From a Parent Child. « Julia » (Lennon-McCartney), par Medeski, Martin, Scofield & WoodIl devrait être interdit de s’emparer de cette chanson d’une traumatisante délicatesse, adressée par John Lennon à sa mère, morte renversée par la voiture d’un policier saoul alors que l’adolescent venait de fonder les Quarrymen. Si personnelle que le Beatle l’interpréta seul avec sa guitare sur l’« album blanc ». Le trio new-yorkais d’improvisateurs formé par l’organiste John Medeski, le bassiste-contrebassiste Chris Wood et le batteur Billy Martin, rejoint par le guitariste John Scofield (ancien accompagnateur de Miles Davis) s’en tire avec cette version instrumentale – présente sur l’album Out Louder (2006) –, très proche de l’esprit de McLemore Avenue, l’hommage à Abbey Road de Booker T & The MG’s, paru dès 1970. « Birthday » (Lennon-McCartney), par Underground SunshineSalut au rock’n’roll des origines à partir d’un riff simplissime et efficace, Birthday permet à Underground Sunshine, un groupe de rock garage du Wisconsin de faire une furtive apparition dans les classements à l’été 1969, avec au premier plan un orgue qui n’est pas sans rappeler celui de Charly Oleg. Après quoi, on n’entendra plus jamais parler de ces garçons. Paru sur le tout aussi disparu label américain Intrepid Records, qui publia une trentaine de 45-tours entre 1969 et 1970. « Yer Blues » (Lennon-McCartney), par Lucky PetersonCe blues à tendance suicidaire de Lennon enregistré en prise directe par les Beatles est sans surprise investi par un spécialiste, le guitariste et organiste américain Lucky Peterson. La version en tout point conforme à ce qu’on peut en attendre, et donc plutôt décevante, a été livrée en 2002 sur The Blues White Album, hommage des représentants du genre, comme l’harmoniciste Charlie Musselwhite. « Mother’s Nature Son » (Lennon-McCartney), par Harry NilssonConnu essentiellement pour deux reprises (Everybody’s Talking et Without You), Harry Nilsson (1941-1994) demeure l’un des plus grands talents ignorés (et hélas gâchés) de la pop. On peut lui accorder une confiance aveugle quand il chante les Beatles comme l’attestait sa version de She’s Leaving Home, sélectionnée pour les reprises de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Même subtilité pour Mother’s Nature Son, extraite de son troisième opus Harry, paru en août 1969. « Everybody’s Got Something To Hide Except Me and My Monkey » (Lennon-McCartney), par The Feelies Groupe aujourd’hui culte (ce qui signifie qu’il passa jadis globalement inaperçu, sinon de quelques critiques musicaux), The Feelies livrèrent cette excellente version sur leur premier album, paru chez Stiff en 1980. Ces étudiants du New Jersey, héritiers du Velvet Underground et de la déflagration punk, se distinguaient déjà par des choix peu évidents de reprises puisqu’en ce qui concerne les Beatles, ils remirent cela quatre ans plus tard avec Love You To, la première tentative de raga de George Harrison sur l’album Revolver (1966). « Sexy Sadie » (Lennon-McCartney), par Paul WellerDerrière cette mélodie irrésistible et ces chœurs de romance se cache une des chansons les plus vachardes de John Lennon, qui règle ici ses comptes avec le Maharishi Yogi. L’ancien leader de The Jam et de Style Council Paul Weller, dit le « Modfather », en propose en 1995 une relecture sans grande conviction en face B de son single Out Of The Sinking, aujourd’hui disponible sur l’édition « deluxe » de l’album Stanley Road – dont la pochette est ornée d’une photo d’identité de Lennon jeune. Weller et les Beatles : l’association est si évidente qu’elle ne peut fonctionner. « Helter Skelter » (Lennon-McCartney), par Mötley CrüeConstamment décrié par ses détracteurs comme un chanteur de variétés, Paul McCartney a voulu montrer de quel bois il se chauffait. Ou plutôt de quel métal. Car Helter Skelter, parue avant le premier album de Led Zeppelin, est l’une des pierres fondatrices du hard-rock, un acte d’une sauvagerie inouïe qui amène Ringo Starr à se plaindre de ses « ampoules aux doigts », cri que l’on entend en clôture de la chanson. Il en existe aussi une prise de près d’une demi-heure qui n’a jamais publiée. Conséquence inévitable, les métalleux de tous poils se sont précipités sur ce classique, idéal pour les rappels, têtes secouées et jambes écartées. Et donc Mötley Crüe, quatre Pieds nickelés peroxydés qui défrayèrent la chronique à Los Angeles dans les années 1980 pour leur consommation de drogues et de groupies. Ils l’utilisèrent même comme single pour leur album Shout At The Devil, l’une des plus grosses ventes de hard-rock de l’époque. Ce que n’avait pas fait pas deux ans plus tôt la chanteuse new-yorkaise Pat Benatar, qui plaça Helter Skelter en conclusion de son troisième album, Precious Times. Cela ne l’empêcha pas de trôner au sommet des classements américains. « Long, Long, Long » (Harrison), par Kelly De MartinoCe titre mystique de George Harrison, qui repose les oreilles après celui qui l’a précédé, a été peu repris sinon par la chanteuse américaine Kelly De Martino. Cette version, que l’on qualifiera, selon les goûts, de joliment atmosphérique ou de proprement soporifique, est extraite de l’album Honest, publié par le label français Village vert en 2008. « Revolution 1 » (Lennon-McCartney), par GrandaddyAttention ! Trois versions de Revolution existent. La plus connue est celle qui n’est pas suivie d’un numéro, la « prolétarienne » avec cris et guitares saturées, sortie en single. La n°1, qui nous intéresse ici, est « bourgeoise », acoustique au départ, mollement secouée ensuite par des cuivres et des chœurs parodiques (« chou bidou wah ! »). La redoutable 9e, très éloignée de Beethoven, est traitée ci-dessous. La version que propose le groupe californien Grandaddy est celle qui s’approche le plus de Revolution 1 même si la mélodie se perd en route. Elle fut enregistrée pour les besoins du film Sam, je suis Sam, de Jessie Nelson, un pénible mélo sorti en 2001 avec Sean Penn et Michelle Pfeiffer. La bande-son ne comprenait que des chansons des Beatles qui durent être toutes réinterprétées quand il s’avéra que la facture, pour l’utilisation des originaux, serait astronomique. « Honey Pie » (Lennon-McCartney), par The Golden Gate QuartetFormé en 1934, le plus célèbre ensemble vocal de gospel et de negro spiritual est tout à son aise avec cet hommage de McCartney au bon music-hall britannique d’antan, pour lequel les Beatles ajoutèrent des craquements de sillons. Cette version apparut en 1969 sur un 45-tours de quatre titres avec l’Ave Maria des amoureux, publié par Columbia. On peut la retrouver sur l’anthologie Platinum (Parlophone, 2009). « Savoy Truffle » (Harrison), par Ella FitzgeraldL’une des rares tentatives par les Beatles d’intrusion dans le rhythm’n’blues avec l’adjonction de saxophones. Récompensée d’une incroyable reprise par Ella Fitzgerald en personne, placée en 1969 en face B de son single I’ll Never Fall in Love Again, l’un des cristaux taillés par Burt Bacharach. Les deux chansons figurent dans l’album Ella, le premier enregistré par la Lady du jazz pour le label Reprise Records et produit par Richard Perry, qui travailla aussi avec Harry Nilsson. Ella comporte un autre titre des Beatles, le cuivré Got To Get You Into My Life. « Cry, Baby, Cry » (Lennon-McCartney), par Throwing MusesMené par les chanteuses Kristin Hersh et Tanya Donelly, Throwing Muses est un groupe post-punk américain, actif dans les années 1980 et 1990. Cette reprise apparut en 1991 en face B de leur single Not Too Soon. Elle semblait pratiquement obligée puisque le groupe avait écrit une chanson nommée Cry, Baby, Cry quatre ans plus tôt. « Revolution 9 » (Lennon-McCartney), par Kurt Hoffman’s Band Of WeedsReprendre Revolution 9, ce collage de musique concrète concocté par John Lennon et Yoko Ono pour embêter McCartney, quelle idée ? Sachant que les possesseurs de l’« album blanc » ne l’ont écouté généralement qu’une fois dans leur vie. On saluera donc la performance en public du Kurt Hoffman’s Band Of Weeds, documentée en 1992 sur l’album Downtown Does The Beatles Live At The Knitting Factory, la Knitting Factory étant un club réputé pour héberger l’avant-garde du jazz expérimental new-yorkais. Cette version, qui a déjà l’avantage d’être beaucoup plus courte que l’original, est tout à fait surprenante. Emplie de cuivres, elle swingue. « Good Night » (Lennon-McCartney), par The CarpentersLa berceuse qui referme le double blanc, écrite par Lennon pour son fils Julian et chantée par Ringo Starr sur une orchestration grandiose évoquant Ennio Morricone, est un délice pour les amateurs d’easy listening. Barbra Streisand la chante dès 1969 sur l’album What About Today ?, avec Honey Pie et With A Little Help From My Friends. Il est a priori difficile de faire apprécier le résultat à de jeunes oreilles. Plus accessible et plus poignante est la version qu’en font cette même année The Carpenters, duo constitué d’un frère et d’une sœur, qui allaient connaître un succès phénoménal au début de la décennie suivante – (They Long To Be) Close To You, For All We Know, Yesterday Once More, etc. – après avoir lancé leur carrière par une reprise de Ticket To Ride Longtemps inédite, cette lecture étonnamment sobre a été révélée en 1991 sur le coffret From The Top. Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle Unibail-Rodamco travaille activement avec la Ville de Paris à remanier le projet de tour Triangle, rejeté par un vote du Conseil de Paris le lundi 17 novembre 2014, espérant son adoption au printemps, a déclaré le groupe immobilier, mercredi 3 février à la presse. « Nous avons bon espoir d'un vote positif, en avril, ou un peu plus tard. Nous ne sommes pas à un mois près. S'il faut prendre un ou deux mois de plus pour convaincre, nous le ferons », a déclaré Christophe Cuvillier, le président du directoire, en marge de la publication des résultats annuels.Le 22 janvier, l'adjoint de la maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS), avait indiqué que le projet amendé pourrait repasser devant le Conseil de Paris au mois d'avril. « Nous travaillons à des modifications, notamment à la possibilité d'inclure un hôtel », a ajouté M. Cuvillier sans plus de précisions, indiquant que « le programme, en cours de finalisation, sera présenté à la Ville de Paris ». Dans sa mouture initiale, le projet de tour Triangle comportait un hôtel à son sommet, dont la faisabilité s’était avérée risquée.Lire aussi: La mairie de Paris invite les promoteurs de la tour Triangle à amender leur projetLa municipalité travaille avec le groupe sur ce nouveau projet, et Unibail-Rodamco espère cette fois « convaincre les conseillers qui n'étaient pas d'accord » avec la première version. Selon la Ville de Paris, « le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, à bulletin secret, dont la maire Anne Hidalgo (PS) a contesté la validité auprès du Tribunal administratif, de nombreux élu(e)s ayant ostensiblement exhibé leurs bulletins.Les deux parties ne sont plus liéesCe vote au scrutin secret, obtenu par Madame Hidalgo après l’accord de plus du tiers des conseillers présents lors de la délibération du lundi 17 novembre 2014, fait par ailleurs l’objet d’une question prioritaire de constitutionalité (QPC) soumise par Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP). L’élue et son groupe contestent le « point du règlement intérieur du conseil de Paris permettant à une minorité d'imposer un scrutin secret à la majorité ».Cette procédure contestant un article du code général des collectivités locales, transmise par le tribunal administratif au Conseil d’Etat, voire au delà au Conseil constitutionnel, serait de nature à considérablement repousser l’hypothèse d’un Conseil de Paris sur ce sujet au printemps. Pour M. Cuvillier, que le vote soit déclaré irrégulier ou pas au plan juridique ne change rien, car « il faut de toutes façons un nouveau vote, sur un autre projet, ou un projet amendé ».Le contrat liant Unibail-Rodamco à la Ville de Paris pour la construction de cette tour de 180 mètres, prévue au coeur du Parc des expositions de la porte de Versailles (Paris 15e), pour un investissement de 520 millions d'euros, ayant expiré le 31 décembre 2014, les deux parties ne sont plus liées par un projet devenu caduc, a-t-il précisé. La foncière dit avoir, à ce stade, retiré la tour Triangle de son portefeuille de projets en développement.Lire aussi : La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet #Noodle 👧 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 10h24 PSTUn groupe virtuel est-il plus facile à reformer qu’un quatuor de chair et d’os ? Le dessinateur Jamie Hewlett, cofondateur de Gorillaz avec le chanteur-compositeur Damon Albarn, a confirmé la renaissance du gang né sous ses crayons, en postant sur son compte Instagram trois nouveaux croquis de ses héros, accompagnés d’un « Yes, Gorillaz returns ».La rumeur courait déjà l’an dernier, quand Damon Albarn, alors auteur d’un album – Everyday Robots – et d’une tournée solo, avait laissé entendre, dans un premier temps, qu’un nouvel album de Gorillaz était envisageable, avant de confier, quelques semaines après, qu’il s’était mis à écrire de nouveaux morceaux pour ce projet. Une belle surprise pour les fans de Murdoc, 2 D, Russel et Noodle, qui, après la sortie du quatrième album du groupe, The Fall (2011), avaient cru comprendre qu’une fâcherie entre Albarn et Hewlett avait compromis l’avenir de Gorillaz. #Murdoc in colour🚬🍷 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 11h36 PSTLaboratoire visuel et musicalNé au début des années 2000, ce quatuor virtuel était pourtant devenu un des plus passionnants laboratoires musicaux et visuels de la pop de la décennie. Créé avec l’aide de Jamie Hewlett, devenu une référence de la bande dessinée britannique, à la fin des années 1980 (la série Tank Girl), Gorillaz avait permis à Damon Albarn, leader du groupe Blur, de s’échapper des contraintes de son image de star de la britpop et de se libérer musicalement, en brassant une mosaïque de styles (dub, rap, electro, mélodies rock, latines ou orientales) avec une très efficace inventivité. Après quatre albums, une série de tubes (Clint Eastwood, Dare, Dirty Harry...) et plusieurs tournées, ce projet intégrant de nombreux invités (Lou Reed, Bobby Womack, De La Soul, Snoop Dogg...) semblait hors course après le départ de Hewlett et son équipe du petit immeuble de bureaux et studio, qu’ils partageaient avec Albarn à l’ouest de Londres.Après avoir longtemps dit qu’un album de Gorillaz n’était pas envisageable avant que paraisse un nouvel album de Blur, le chanteur semble avoir remisé le disque des anciens rivaux d’Oasis pour se consacrer, après son bel album solo, à la résurrection de son groupe de BD. L’insatiable musicien a aussi pris le temps de composer un nouveau spectacle musical, wonder.land, inspiré du livre Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll, dont la première devrait être présenté en juillet 2015 au Manchester International Festival.Stéphane DavetJournaliste au Monde Stéphanie Binet (Port-au-Prince (Haïti), envoyée spéciale) « Oxmo Puccino, 40 ans, rappeur pendant longtemps, aujourd’hui “poétiseur” et ambassadeur de l’Unicef. » Voila comment se présente le Parisien le 16 janvier, à Port-au-Prince, devant une assemblée d’adolescents haïtiens. L’artiste a forgé ce néologisme, « poétiseur », contraction de poète et de synthétiseur, pour parler de son métier de conteur, d’écrivain, de chansonnier. Avec le trompettiste Ibrahim Maalouf, il joue à la Philharmonie de Paris, du 5 au 8 février, leur adaptation d’Alice au pays des merveilles, créée en 2011 au Festival d’Ile-de-France.Trois semaines plus tôt, il est en Haïti pour sa troisième mission sur le terrain avec l’ONG qu’il a rejointe en 2009. Port-au-Prince est alors en ébullition. Il n’y a plus de gouvernement, des manifestants demandent la démission du président Michel Martelly, et l’ONU a fait passer son niveau de sécurité à trois sur une échelle de cinq. Cinq ans après le tremblement de terre qui a coûté la vie à 220 000 personnes, le pays est encore fébrile.Oxmo Puccino est là, notamment, pour constater les résultats obtenus contre la malnutrition et aider à la scolarisation des enfants. Marié à une Guadeloupéenne, avec qui il est parent d’une petite fille de 6 ans, le rappeur vient souvent dans l’île voisine des Caraïbes. Mais à Haïti, c’est un peu le Mali de ses parents qu’il retrouve : « C’est la même ambiance dans les rues, la même misère, mais ce n’est pas comparable, ce ne sont pas les mêmes raisons, pas les mêmes histoires, confie l’artiste, qui n’a connu le ... Catherine Simon En France on ne le sait pas encore, mais Chimamanda Ngozi Adichie est une star. Ses livres sont traduits dans trente langues et son nouveau roman, Americanah, dont la version française vient de paraître, s’est déjà vendu à plus de 500 000 exemplaires aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Elle est jeune (37 ans), elle est noire (née au Nigeria), elle est femme : un oiseau rare chez les stars des lettres.Son propre père, James Nwoye Adichie, universitaire émérite, n’a pas non plus réalisé tout de suite. Quand on lui a dit que son écrivaine de fille, qui vit dans le Maryland (Etats-Unis) quand elle n’est pas à Lagos, avait été adoubée par Beyoncé – la chanson Flawless (2014) utilise des extraits de son texte-manifeste, Nous sommes tous des féministes, à paraître en Folio le 26 février –, l’ancien professeur a demandé, surpris : « Beyoncé ? Est-ce un homme ou une femme ? » Chimamanda Ngozi Adichie, en racontant l’histoire, éclate d’un grand rire tendre. Echarpe couleur saumon accordée à ses boucles d’oreilles, regard profond et port de reine, elle assure, sans barguigner, la promotion de son ­roman en France.Elle est arrivée en avance dans les salons des éditions Gallimard. A posé son manteau rouge vif sur le canapé. Et s’est ensuite pliée, en vieille habituée des médias, au rituel de l’interview, aux suggestions du vidéaste (du Monde.fr), aux exigences de Léa Crespi, la photographe. Chimamanda Ngozi Adichie connaît les codes, ceux de la bienséance et de l’humilité. Un long apprentissage. « J’étais préparée à essuyer l’indifférence : les agents [littéraires] avaient été tellement nombreux à m’expliquer, en rejetant le manuscrit [de L’Hibiscus pourpre, son premier roman], que le Nigeria n’intéressait personne… », rappelle-t-elle, surson site, Chimamanda.com. Finalement publié en octobre 2003, le livre figure, l’année suivante, dans la liste des sélectionnés du prestigieux Orange Prize for Fiction, et il est couronné, en 2005, par le prix du meilleur premier roman du Commonwealth. Pour un coup d’essai… A l’époque, la jeune écrivaine n’a pas 30 ans. La tête lui tourne-t-elle ?« Elle eut un élan de triomphe. Pourtant, elle n’avait jamais imaginé une telle réussite, ni été animée d’une ambition bien définie », écrit-elle dans Americanah, décrivant son héroïne, Ifemelu, émigrée aux Etats-Unis. Après une éternité de galère, Ifemelu est devenue une blogueuse à succès et une conférencière rondement payée. Mais elle comprend vite que les Américains, qui accourent à ses interventions publiques, ne la lisent pas. Ils sont blancs. S’ils viennent, c’est pour la voir, pas pour qu’elle mette en cause leurs préjugés. Ils ont entendu dire qu’elle « était la “première blogueuse” en matière de race », sujet sensible aux Etats-Unis – voilà tout ! Ifemelu s’adapte. Elle se met « à dire ce qu’ils avaient envie d’entendre, rien de ce qu’elle écrirait jamais sur son blog, parce qu’elle savait que les gens qui lisaient son blog n’étaient pas les mêmes que ceux qui assistaient à ses ateliers sur le multiculturalisme ».Humour caustique Romancière à succès, Chimamanda Ngozi Adichie aime les clins d’œil – jusqu’à un certain point. Vous ne lui ferez pas dire qu’elle est Ifemelu. « Il y a un peu de moi chez Ifemelu, mais autant que chez Obinze », finit-elle par lâcher, évoquant le deuxième personnage important, masculin celui-là. Livre d’aventures dans tous les sens du terme, Americanah (mot familier des Nigérians pour désigner quelqu’un qui s’est « américanisé ») raconte une histoire d’émigrés et une histoire d’amour, le tout finissant bien – sans guimauve d’aucune sorte. Roman d’initiation, carnet de voyage, satire sociale, Americanah est un peu tout cela. Mieux que tout cela : c’est un livre qui captive, fait sourire. Et réfléchir. Une rareté. A travers les années américaines d’Ifemelu – qui voient l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis – et celles, londoniennes, d’Obinze, Chimamanda Ngozi Adichie examine, avec un humour caustique et un sens du détail impressionnant, la question de la race et du racisme. Usant d’une langue élégamment classique, elle ne perd pas une miette des corps, des gestes, des ­pensées intimes et muettes de ses frères humains.Dans Americanah comme dans ses précédents romans, en particulier dans L’Autre Moitié du soleil (Gallimard, 2008), sur la guerre du Biafra (1967-1970), Chimamanda Ngozi Adichie s’inspire de sa propre histoire et de son expérience personnelle. Membre de l’importante communauté igbo, cette fille de la classe moyenne supérieure, née dans une famille d’universitaires, a grandi à Nsukka, dans le sud-est du Nigeria. Elle est la cinquième enfant d’une fratrie de six.Après avoir commencé à étudier sur place, elle part aux Etats-Unis, à l’âge de 19 ans, et rejoint l’université de Philadelphie. A l’image de son héroïne. « Les Africains ont toujours voyagé. Pour ma génération, comme pour celle de mon père, partir à l’étranger n’est pas un événement. C’est un privilège, certes. Mais, dans les milieux aisés, cela se fait couramment », souligne l’écrivaine. Le terme d’« afropolitain » ­ (inventé en 2005 par la romancière britannique Taiye Selasi, voir « Le Monde des livres » du 5 décembre 2014), très peu pour elle ! « Pourquoi imposer aux Africains un mot particulier, lorsqu’ils ne font que ce que tout le monde fait : ils voyagent, ils sont modernes, ils inventent ? », s’agace-t-elle. Ecrire ses livres en anglais (langue officielle du Nigeria) n’en est pas moins, là encore, elle le reconnaît volontiers, un atout phénoménal. « L’anglais a pris, peu ou prou, la place qu’occupait le français il y a deux siècles », sourit Chimamanda Ngozi Adichie.« Quand une phrase ne coule pas bien, je la murmure en igbo », aime pourtant à dire l’auteure d’Autour de ton cou (Gallimard, 2013). Dans ce beau recueil de nouvelles, on croise, durant une émeute au Nigeria, deux femmes que le hasard a conduit à se réfugier dans la même cache. L’une est une vendeuse d’oignons, musulmane ; l’autre une étudiante, chrétienne. Vieille histoire, tristes fractures – que l’actualité confirme, marquée par la prochaine élection présidentielle (le 14 février), sur fond de massacres signés Boko Haram. « Au Nigeria, l’islam fait partie de l’histoire ancienne du pays », souligne Chimamanda Ngozi Adichie. Les tueurs de Boko Haram ? « Une version extrémiste de l’islam », dit-elle. « On ne sait pas ce qu’ils veulent. Ils massacrent, ils violent – les chrétiens comme les musulmans. » Guerre du Biafra mise à part, ce qui se passe aujourd’hui est « le moment le plus violent » de l’histoire du Nigeria, estime la romancière. Critique vis-à-vis de l’actuel président nigérian, Jonathan Goodluck, elle n’a pas hésité à dénoncer la répression, commune en Afrique, à l’encontre des homosexuels. « Elle est militante, mais pas kitsch. Elle pense qu’on peut changer le monde », commente Mona de Pracontal, qui a traduit les premiers livres de Chimamanda Ngozi Adichie.Pays de lecteurs et d’écrivains, parmi lesquels Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature en 1986, le Nigeria jouit d’une vieille et riche tradition littéraire. Dans la nouvelle génération, Helon Habila et Sefi Atta (Actes Sud) ont déjà leurs cercles de fidèles. Chinelo Okparanta, devenue, elle aussi, une « Americanah », fait paraître, ces jours-ci, un premier livre épatant, Le Bonheur comme l’eau (Zoé, 240 p., 20 €). Chimamanda Ngozi Adichie, elle, poursuit sur sa lancée. Impériale, raffinée. Trouvant les mots justes pour écrire, noir sur blanc, ce qui ne l’a jamais été. En France, on ne le sait pas encore, mais ­Chimamanda Ngozi Adichie est, d’abord et surtout, une immense écrivaine.Parcours1977 Chimamanda Ngozi Adichie naît à Enugu (Nigeria).1996 Elle part poursuivre ses études universitaires aux Etats-Unis.2003 L’Hibiscus pourpre (Anne Carrière, 2004).2006 L’Autre Moitié du soleil ­ (Gallimard, 2008).2009 Autour de ton cou, recueil de nouvelles (Gallimard, 2013).2013-2015 Americanah s’est vendu, en langue anglaise, à un demi-million d’exemplaires.Critique. Une « Noire non américaine » Catherine SimonJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême) Riad Sattouf a reçu le Fauve d’or du meilleur album dimanche pour le premier tome de L’Arabe du futur, seulement cinq ans après avoir l’obtenu pour le tome 3 des aventures de son héros protéiné Pascal Brutal. Publié chez un nouveau venu sur le marché de l’édition, Allary éditions, L’Arabe du futur est un récit autobiographique dans lequel l’auteur raconte une courte période de son enfance, où ses parents ont emménagé dans la Libye du général Kadhafi puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad. En gestation depuis le déclenchement, il y a quatre ans, de la guerre en Syrie (le pays natal de son père), ce roman graphique prévu en trois tomes se terminera en 2016 avec le récit de l’exil en France d’une partie de sa famille, originaire de Homs. Notre collaboratrice Cathia Engelbach, chroniqueuse au blog Les Petits Miquets, avait rédigé la critique suivante en décembre dernier à propos de ce livre :Lui, c’est Riad, petit bout d’homme de 2 ans, rejeton autoproclamé « parfait » d’une mère bretonne, dont il a hérité la chevelure blonde, et d’un père syrien issu d’un milieu paysan très pauvre. Suite à une thèse de doctorat en histoire contemporaine à la Sorbonne, ce dernier embarque femme et enfant dans la Libye de Kadhafi, puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad en 1984. Obsédé par l’idée d’un panarabisme progressiste, sa transhumance au Moyen-Orient se fait avec cette pensée unique érigée en marotte : épousseter le monde arabe de tout obscurantisme religieux et faire de l’éducation l’accès royal aux lettres dorées de « l’arabe du futur ».Pour Riad Sattouf, rompu à l’exercice des saynètes caustiques, par bulles (le père de l’antihéros à la testostérone amphigourique Pascal Brutal, c’est lui) ou par écrans interposés (le film Les Beaux Gosses, c’est lui aussi), l’idée de ce récit remonte au début de la guerre civile syrienne, en mars 2011. L’incursion de l’histoire personnelle dans la grande histoire donne une dimension sociologique à l’album à travers l’œil naïf de l’enfant qu’il était. Par accumulation de micro-tableaux faussement anecdotiques, tantôt persifleurs, tantôt ubuesques, il confirme que l’autobiographie est l’un des parents riches de la bande dessinée actuelle.A lire également : Riad Sattouf, retour à la ligneLe jury a par ailleurs attribué son prix spécial à Chris Ware pour son livre-monde Building Stories (Delcourt) et le prix de la meilleure série à Lastman (Casterman), le manga français du trio Bastien Vivès, Mickaël Sanlaville et Balak. Le Japonais Katsuhiro Otomo, créateur de la série « Akira », avait été désigné jeudi Grand prix 2015 pour l’ensemble de son œuvre. Les autres principaux prix :- Prix révélation : Yekini le roi des arènes (FLBLB), par Lisa Lugrin et Clément Xavier- Prix du patrimoine : San Mao (Fei Editions), par Zhang Leping- Prix du public : Les Vieux fourneaux (Dargaud), par Wilfrid Lupano et Paul Cauuet- Prix du polar : Petites coupures à Shioguni (Philippe Picquier), par Florent Chavouet- Prix jeunesse : Les Royaumes du Nord, tome 1 (Gallimard), par Clément Oubrerie et Stéphane Melchior.Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.02.2015 à 02h18 • Mis à jour le01.02.2015 à 11h56 José Manuel Lara, président du groupe d'édition espagnol Planeta, qui possède le français Editis, est mort samedi 31 janvier, à l'âge de 68 ans à Barcelone.Celui qui avait commencé sa carrière aux éditions Librairie Larousse (devenues Larousse) à Paris, en 1963, était parvenu à transformer l'entreprise créée par son père en un véritable empire, très présent en Amérique latine.« JE VEUX ÊTRE COMME HACHETTE »« Je veux être comme Hachette », avait-il déclaré dans les années 1970. Ses acquisitions au fil des années de maisons d'édition, journaux, chaînes de radio et de télévision et sociétés de production et de distribution dans le cinéma, lui avaient finalement valu d'être comparé au magnat australien Rupert Murdoch. José Manuel Lara avait pris la succession de son père à sa mort, en 2003. En mars 2009, il  avait été nommé président de la maison d'édition française Editis (La Découverte, les Editions du Cherche-Midi...), dont Planeta avait pris le contrôle dix mois auparavant.Passionné de football, M. Lara a été jusqu'en 2009 l'actionnaire principal de l'Espanyol Barcelone. Il était aussi un adversaire résolu de l'indépendance de la région : « Si la Catalogne était indépendante, le groupe Planeta devrait s'en aller », avait-il menacé en 2012, quand le mouvement pro-indépendance prenait de l'essor. Il était marié et père de quatre enfants. Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial) Cinq cents personnes environ ont pris part, samedi dans les rues d’Angoulême, à la marche des « auteurs pour la création », en marge du Festival international de la bande dessinée. Regroupés derrière une banderole sur laquelle était écrit « Sans les auteurs, plus de BD. Les auteurs plus qu’à poil », les professionnels du 9e art entendaient protester contre la précarisation grandissante de leur métier, incarnée par un projet d’augmentation de cotisation de retraite complémentaire. Obligatoire à partir de l’an prochain, celle-ci ponctionnerait les auteurs de l’équivalent d’un mois de salaire, alors que la grande majorité d’entre eux ne gagne pas le smic. Il est 14 h 30 quand le cortège s’élance depuis la place du Champ-de-mars, devant le « Monde des bulles », l’un des principaux espaces du FIBD. Longtemps réputé pour son individualisme et son manque d’organisation, le petit monde de la bande dessinée a à cœur de démontrer le contraire, même s’il apparaît vite évident qu’il n’a pas l’habitude de ce genre de rassemblement. L’ambiance est bon enfant ; elle va vite devenir potache, en raison, notamment, de l’absence de slogans préalablement préparés.« Trouvez-nous un slogan ! »Au premier rang, Lewis Trondheim et Fabrice Neaud s’improvisent en meneurs de troupe. « Trouvez-nous un slogan ! », lance le premier. Dans un épanchement continu de franche rigolade suivront des « Ils sont méchants, pas nous », « Le soleil est avec nous » et autres « CRS = Tendresse ». A mi-chemin, le rédacteur en chef de Fluide Glacial, Yan Lindingre, harangue la foule d’un ton gaullien, depuis la fenêtre d’un immeuble du centre-ville : « Auteurs de BD, je vous ai compris. »Moins d’une heure après son départ, le cortège arrive à son point d’arrivée, l’Hôtel de ville d’Angoulême, au fronton duquel a été accrochée une banderole énumérant les noms des victimes des attentats des 7 et 9 janvier. Parole est alors donnée au scénariste Fabien Velhmann.« A l’heure où, dans notre profession, certains se prennent à douter, se demandent si ce qu’ils font a un sens, s’il y a encore le moindre intérêt à faire nos petites cases à la con, nos petites BD tout seul dans notre coin, ces meurtres constituent une violente et aberrante piqûre de rappel : il faut croire que dessiner peut parfois avoir du poids, puisqu’on peut se faire tuer pour ça, déclare-t-il. Le paradoxe absolu de cette situation, c’est qu’alors même que l’on voit fleurir partout les preuves d’un puissant attachement au dessin, à la liberté d’expression et à la culture, notre profession se porte mal, nous obligeant aujourd’hui à manifester notre colère. »« Colère »L’objet de ladite « colère » est une lettre du président du conseil d’administration du Régime de retraite complémentaire des artistes et auteurs professionnels (RAAP) de mai 2014 annonçant une réforme du système existant, dont les modalités feraient diminuer de 8 % les revenus des cotisants. La mesure a provoqué un tollé au sein de la profession, en partie rassemblée au sein du groupement bande dessinée du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC).Las des débats infructueux depuis six mois, le mouvement a décidé de s’adresser directement au chef de l’Etat, François Hollande. « Nous vous demandons, monsieur le président, de prendre vos responsabilités et de négocier avec les véritables partenaires sociaux : les organisations représentatives des auteurs et artistes, a lancé Fabien Vehlmann. Monsieur le président, faut-il vous rappeler que les auteurs et les artistes, outre leur importance symbolique et culturelle, sont aussi à l’origine d’une richesse économique qui confère à leur secteur la troisième place de contributeur au PIB, devant l’industrie automobile ? »Un temps pressenti, François Hollande ne viendra finalement pas à Angoulême pendant le festival. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, sera là en revanche dimanche. Il y a de fortes chances pour qu’elle soit interpellée sur le sujet.Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Moomin, c’est un peu le Babar finlandais, le Snoopy scandinave, une sorte de Hello Kitty qui serait doté d’une vie riche d’échanges et de questionnements. S’il est besoin aujourd’hui d’introduire ce petit « troll », hippopotame blanc aux yeux ronds grand ouverts sur le monde, devenu une référence graphique et littéraire dans le nord de l’Europe et au Japon, c’est qu’entre la France et Moomin, il y a eu comme un rendez-vous manqué.Figure finlandaise, la romancière, illustratrice, peintre et caricaturiste Tove Jansson (1914-2001) – prononcer « touvé yansson » – a créé son personnage et la ribambelle de créatures peuplant son univers en 1945. Les aventures de ses trolls ont rencontré un succès immédiat, transformant un premier roman illustré pour enfants en une saga qui s’est doublée d’aventures en « comic strips » dans la presse. En tout, plus de 10 millions de livres, traduits dans 44 langues, ont été vendus dans le monde – une « moominmania » restée cependant très confidentielle en France.« Un jalon important de la BD »« Cette œuvre, méconnue du public français, méritait depuis longtemps un éclairage, estime Jean-Philippe Martin, l’un des commissaires de l’exposition consacrée aux Moomins à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême. C’est un jalon important de la BD, qui a nourri l’imaginaire de nombreux artistes, dont Hayao Miyazaki ou Bill Watterson. » Le projet, lancé il y a quatre ans, a pourtant failli être abandonné. Il aura fallu la perspective du centenaire de la naissance de l’auteur en 2014, les 70 ans de la création de la série en 2015 et la préparation d’un film d’animation franco-finlandais, Les Moomins sur la Riviera, sorti en 2014 en Finlande et attendu le 4 février en France, pour qu’il soit relancé. « Nous avions une fenêtre, c’était maintenant ou jamais ! », résume le commissaire.Le Monde magique des Moomins, qui s’installe pour plus de huit mois au bord de la Charente, propose des focus sur certains aspects de cette folle aventure et les différentes facettes du travail de Tove Jansson. L’exposition se présente de façon séduisante comme une immersion grandeur nature dans la Vallée des Moomins. Sur le sol, des chemins inspirés par la cartographie des lieux dessinée par l’auteur invitent à la déambulation et mènent tous à la maison bleue de la famille Moomin, dont l’intérieur est aménagé en salle de projection pour les plus petits.Au fil du parcours, des espaces semi-clos proposent autant de mini-expositions, abordant tour à tour l’univers visuel romanesque, celui, graphique, en noir et blanc, de la bande-dessinée, ou le phénomène Moomins lui-même, qui a entraîné la création de multiples produits dérivés de qualité (jeux et jouets, affiches, disques, motifs de papier-peint, vaisselle, calendriers de l’Avent, etc.). Une de ces alcôves, où tout est exposé à hauteur d’enfant, est aussi dédiée à l’art de Tove Jansson en dehors des Moomins, de la caricature à la peinture abstraite. Folklore nordique revisitéQuelle est donc cette magie qui opère depuis tant de décennies auprès des enfants comme des adultes ? Tove Jansson l’a reconnu elle-même : la création des Moomins est une réaction plus ou moins consciente à la seconde guerre mondiale, avec l’envie de créer un monde permettant d’échapper à la rudesse de l’époque, qui avait laissé la Finlande ravagée. Une invitation à l’évasion qui revisite l’imaginaire et le folklore nordique. Les trolls, créatures des forêts et des montagnes souvent effrayantes, ont pris avec les Moomins, être amicaux et sensibles, une dimension plus humaniste et fraternelle.Divers dangers viennent bousculer l’équilibre de leur paisible vallée, forçant la famille et ses amis à partir dans des aventures impromptues et drôlatiques. Le ton faussement léger et insouciant permet d’aborder, l’air de rien, des réflexions sur la nature, la vie en société, les rencontres, l’amour, l’amitié, la mélancolie… Selon le commissaire Jean-Pierre Mercier, c’est l’« universalité du propos » qui explique l’engouement durable pour les Moomins. « Son message était : vivez en paix, cultivez votre jardin, rêvez », résume Xavier Picard, le réalisateur des Moomins sur la Riviera, qui est pour sa part tombé « amoureux » des Moomins en les découvrant au Japon.« Comic strips » dans la presse« Tove lisait beaucoup de littérature et de philosophie, et savait observer, capter les caractères », raconte sa nièce Sophie Jansson, qui dirige aujourd’hui la branche culturelle de Oy Moomins Characters Ltd, société commerciale détentrice des droits sur l’œuvre. Issue d’une famille d’artistes, Tove Jansson vivait une vie alternative, ayant choisi très jeune de ne pas se marier ni avoir d’enfant et de dédier sa vie à l’art. « C’était une femme libre et merveilleuse. Elle aimait jouer, elle était comme un enfant sans être un enfant. Elle avait le don de ne pas catégoriser les gens par âge, et elle considérait les enfants à égalité avec elle », analyse Sophie Jansson. C’est certainement cette qualité de savoir toucher tous les âges qui lui a permis de créer un univers parlant aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Si les romans pour enfants ont lancé le personnage, la notoriété des Moomins s’est d’ailleurs largement étendue grâce à la BD, visant un public plus mature. C’est la presse finlandaise qui a commencé à publier ses savoureux « comic strips », mais c’est la presse britannique qui va opérer un basculement : à partir de 1954, le London Evening News, tiré à 12 millions d’exemplaires dans le monde, publie quotidiennement ses vignettes pendant près de quinze ans. Accaparée par son personnage alors qu’elle souhaitait se consacrer à d’autres travaux, Tove Jansson demandera à son frère Lars de prendre la relève des strips. A eux deux, ils ont fait évoluer les Moomins et leur pratique graphique jusqu’en 1975.Edition en France relancée en 2007Que s’est-il donc passé pour que la magie finlandaise n’opère pas réellement en France jusqu’ici ? Les éditions Nathan ont commencé à faire traduire les romans dans les années 1980, puis l’une des plus populaires séries d’animation adaptées de l’univers des Moomins a été diffusée dans les années 1990 à la télévision française. « Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas eu de continuité dans les publications », explique le commissaire. Nathan se serait brouillé avec ses traducteurs, ce qui a bloqué la situation et les droits pendant de nombreuses années.Les éditions jeunesse Le Petit Lézard ont finalement réussi à relancer l’édition des Moomins, en commençant par les BD – le premier tome, édité en 2007, avait remporté d’ailleurs le prix du patrimoine au Festival d’Angoulême 2008. Puis ont renoué avec les traducteurs d’origine, le couple franco-suédois Kersti et Pierre Chaplet, pour reprendre la publication des romans et faire évoluer leur traduction. Il a peut-être aussi manqué un vrai déclic. L’exposition finit sur les coulisses des Moomins sur la Riviera, qui est déjà un grand succès en Finlande. Il s’agit de la première adaptation pour le grand écran basée sur les « comic strips ». C’est aussi la version la plus traditionnelle et fidèle aux dessins originaux. A voir si la « magie » opérera et si le dessin animé emportera l’adhésion d’un large public en France.Foisonnement de personnalitésEn quittant l’exposition, on regrette seulement qu’il n’y ait pas de véritable galerie de portraits de la population des Moomins. Certes, on retrouve les principaux personnages, mais sans réel point d’entrée dans le foisonnement de leurs personnalités, liens ou manies, au-delà de l’immature et paresseux Sniff et du dévouement de Mamma Moomin.Les présentations ne sont pas vraiment faites avec Little My, petite rousse à chignon insolente et farceuse, imaginée par l’auteur en écho à sa propre enfance, le Renaclerican, le meilleur ami philosophe et migrateur de Moomin, avec sa pipe et son grand chapeau, la coquette Mademoiselle Snork et son frère, mais aussi l’effrayante Courabou, Tou-ticki, inspirée par la compagne de Tove Jansson, puis tout un tas de personnages secondaires rencontrés au gré des voyages : Boines au grand nez, Chassebés aux oreilles poilues, monomaniques Hémules, le méchant Fourmilion, les dépressifs Filifolles, les fameux Hatifnattes, sortes de fantômes pleins de doigts qui se déplacent en groupe et produisent de l’électricité, sans parler des Zbors, Misalines, Scroutons, brigands et extra-terrestres…« Le Monde magique des Moomins ». Musée de la bande dessinée, quai de la Charente, Angoulême. Du 28 janvier au 4 octobre, relâche du 18 mai au 19 juin afin de préserver les œuvres les plus fragiles. Ateliers pour les enfants autour de l’exposition. www.citebd.org et www.bdangouleme.comEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 09h18 • Mis à jour le30.01.2015 à 11h14 | Jean-Jacques Larrochelle A l’image des « Gérard de la télévision », cérémonie de remise de prix attribués aux pires émissions du PAF et à ceux qui les animent, les Parpaings d’or de l’architecture parviennent, sur le même principe, à garder leur sérieux tout en s’amusant, à moins que ce ne soit l’inverse. Sachant que toute expression humoristique possède sa part de vérité, les lauréat(e)s épinglé(e)s par ces grinçantes distinctions ont toutes les raisons de ne pas en rire. De manière plutôt diplomatique, ils (elles) choisissent, le plus souvent, de s’en accommoder en venant chercher eux (elles)-mêmes leurs prix.L’édition 2014 des Parpaings d’or de l’architecture, dont les résultats ont été communiqués en ligne mercredi 28 janvier, leur auront épargné cette douloureuse démarche : la manifestation, faute de temps et d’argent, n’a donné lieu à aucune cérémonie. La précédente avait été organisée dans la péniche Louise-Catherine, un ancien chaland réaménagé en 1929 par Le Corbusier, amarrée au quai d’Austerlitz dans le 13e arrondissement de Paris.Actualité politiqueCette année, le ton de la manifestation ayant de surcroît sensiblement durci, on imagine mal comment Elisabeth de Portzamparc, seule nommée au Parpaing d’or de l’architecte qui bénéficie le mieux des réseaux de son mari, ou Jean Nouvel, l’auteur de la Philharmonie de Paris (Parpaing d’or du projet déjà là lors des Premiers parpaings d’or, mais toujours pas terminé, et même qu’on va pouvoir encore se foutre d’eux l’an prochain si ça continue comme ça) auraient pu accepter de venir récupérer leurs trophées sans s’exposer au risque d’une sérieuse disgrâce. L’actualité, la plus sérieuse, s’est toutefois invitée, qui n’a pas épargné certains acteurs de la vie politique. Ainsi, Le Parpaing d’or du maire élu en mars dernier qui, par pure réaction partisane et électoraliste, a décidé de gaspiller des centaines de milliers d’euros d’études en sacrifiant un projet utile a été décerné à l’arrêt de la production de logements par les maires de droite en Île-de-France. Ou comment une brève saillie vaut parfois mieux qu’un long discours.« Il n’y en aura pas l’an prochain »Selon son promoteur, le site Web L’Abeille et l’architecte, le concours a, cette année, suscité quelque 25 000 pages vues. Bien que ce score soit inférieur à ceux des années précédentes, le nombre de votes a, quant à lui, augmenté, soit quelque 35 000 participants internautes ayant répondu aux dix-huit questions permettant d’établir les différents palmarès. Ces chiffres s’expliquent, selon L’Abeille et l’architecte, par un moindre intérêt porté par les médias « grand public » à la manifestation. Il est vrai qu’une connaissance minimale des rites du milieu de l’architecture (ses complicités, ses tics, ses égos, son jargon, ses coups bas…) est parfois requise pour saisir certaines nuances introduites dans les questions.« La conclusion est donc simple, explique l’architecte Jérôme-Olivier Delb, maître d’œuvre de l’opération. Les Parpaings d’or de l’architecture intéressent beaucoup plus les architectes que les gens, ils perdent ainsi l’intérêt qu’ils avaient, c’est-à-dire : décloisonner une profession qui a tendance à rester dans l’entre-soi, à se regarder le nombril et ne pas regarder ailleurs pour ne pas que l’autre regarde chez nous et évidemment [puisse] rire de nous. » Après ce relatif revers, il admet que la périodicité annuelle des Parpaings puisse ne « pas être très opportune ». Et de conclure qu’« il n’y en aura donc pas l’an prochain. » Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Son duo avec Kanye West n'est que le dernier en date. Johnny Cash, Stevie Wonder, Michael Jackson, Eric Clapton… Depuis la séparation des Beatles, Paul McCartney a multiplié les tandems. Pour le meilleur ou pour le pire. « Who the fuck is Paul McCartney ? » Beaucoup ont démenti depuis, assurant qu'il ne s'agissait que de plaisanteries, mais ce Jour de l'an nous a quand même filé un coup de vieux. Avec un sens du happening dont les stars de la pop 2.0 ne peuvent plus se passer, le rappeur Kanye West avait dévoilé, par surprise, sur Internet, dans la nuit du 31 décembre, son nouveau single, Only One, enregistré en duo avec l'ancien Beatles.Lire aussi : Rihanna, Paul McCartney et Kanye West en trioQuelques heures plus tard, plusieurs générations s'étranglaient devant les tweets de certains jeunes admirateurs de cette icône du R'n'B se demandant qui était le monsieur assis à côté de Kanye sur la photo noir et blanc posté par leur idole. « C'est pour cela que j'aime Kanye, assurait (sans rire ?) l'un d'eux, il met en lumière des artistes inconnus. »Le temps était-il passé aussi vite pour creuser un tel fossé ? La classe YouTube était-elle aussi coupée d'un monde qui, hier encore, vibrait à l'unisson des mélodies du créateur de Yesterday ? Que faisaient les parents ? Que faisait Obama (pourtant aperçu, à Washington, en 2010, vocalisant Hey Jude avec l'ex-Fab Four), pour que Sir Paul McCartney – 72 ans – ait besoin d'un duo avec un rappeur pour se faire connaître des enfants du XXIe siècle ? Ou n'était-ce pas après tout Kanye West qui cherchait à élargir son public et à se faire adouber, entrant du même coup dans les mocassins d'une autre idole planétaire, Michael Jackson, lui-même jadis couronné King of Pop par le serviteur de Sa Majesté ? Car cet art du duo aux multiples fonctions – amicales, artistiques, marketing… – a déjà été beaucoup pratiqué par McCartney.Complainte dénudée, à la voix légèrement distordue par l'Auto-Tune (un logiciel souvent utilisé par le rappeur) et aux claviers minimalistes pianotés par le septuagénaire, Only One laissera-t-elle autant de traces que quelques autres célèbres collaborations ? Le morceau – annoncé comme le premier d'une série de compositions signées par les deux stars – possède déjà sa part de légende. Enregistrée dans une petite maison de Los Angeles, la chanson aurait été soufflée à Kanye – dans un état second – par sa mère, décédée en 2007. « Ma maman me parlait et, à travers moi, parlait à ma fille », expliquait le chanteur dans un communiqué. Enfonçant le clou émotionnel, Kim Kardashian – la pulpeuse Mme Kanye West – assure d'ailleurs pleurer à chaque écoute. West est en tout cas le troisième chanteur afro-américain avec lequel Paul McCartney connaît le succès. De huit ans son cadet, Stevie Wonder fut le premier à triompher avec l'ancien Beatles. Sortie en mars 1982, deux ans après l'assassinat de John Lennon, la chanson Ebony and Ivory posait cette question clé : « Ebène et ivoire vivent en parfaite harmonie sur le clavier de mon piano – Oh, Seigneur, pourquoi pas nous ? » Souvent parodiée – et régulièrement classée parmi les pires duos de l'histoire –, cette ballade sirupeuse (parue dans l'album de McCartney, Tug of War) toucha suffisamment de monde pour rester quatre semaines au sommet des charts britanniques et sept semaines au top des ventes américaines, devenant ainsi le plus grand succès de la carrière post-Beatles de « Macca ».Admiration mutuelle avec Michael JacksonLa même année et dans le même registre sucré, les collaborations entre l'homme de Liverpool et Michael Jackson marquèrent aussi l'histoire. Une admiration mutuelle avait failli provoquer un premier duo à la fin des années 1970, mais Michael avait finalement enregistré en solo une chanson de Paul, Girlfriend, sur l'album Off the Wall. En 1982, le titre The Girl is Mine sera le premier single tiré d'un disque de légende, Thriller, appelé à devenir l'album le plus vendu au monde. « Il y avait une dimension symbolique incroyable à voir le futur King of Pop faire appel à celui qui incarnait ce titre depuis les années 1960 », estime le journaliste Olivier Cachin, biographe français de Michael Jackson (Michael Jackson. Pop Life, Ed. Alphée).Symbolisé par des clips rayonnant de bonne humeur, ce partenariat quasi fraternel se prolongera avec la chanson The Man et le tube Say Say Say (supérieur au mièvre The Girl is Mine), dans l'album de McCartney Pipes of Peace (1983), avant que leur relation ne tourne au vinaigre, lorsque Michael Jackson rachètera les droits des Beatles, un nez et à la barbe de son compère.Heureusement, beaucoup d'autres duos enregistrés par l'ancien Beatle témoignent de plus solides amitiés. Qu'il s'agisse de ses apparitions aux côtés de ses premiers complices, George Harrison (All Those Years Ago, en hommage à John Lennon) ou Ringo Starr (sur une demi-douzaine d'albums de ce dernier) ou de son plaisir de jouer et chanter avec de vieux camarades. Certains célèbres : Eric Clapton, Donovan, Yusuf Islam, alias Cat Stevens, Lulu ou Brian Wilson, pour le duo A Friend Like You (2004), trente-sept ans après avoir été enregistré mangeant des carottes dans un album des Beach Boys… D'autres moins, tel le bassiste Klaus Voormann (I'm in Love Again, en 2009), également dessinateur de la pochette de l'album Revolver des Beatles. Fidélité à ses idoles d'adolescenceAutre constante dans le parcours de duettiste de « Macca », sa fidélité à ses idoles d'adolescence, ceux qui formèrent le gamin de Liverpool à l'excitation du rock'n'roll. S'il a souvent repris en solo des classiques de ce vieux répertoire, il a aussi chanté en tandem, avec Allen Toussaint, I Want to Walk You Home de Fats Domino, ou avec Carl Perkins (My Old Friend, Get in), l'auteur de Blue Suede Shoes, tout en ne sachant pas dire non à Johnny Cash (le country kitsch New Moon Over Jamaica). « Nous passions Noël en voisins à la Jamaïque, il m'a proposé d'écrire ensemble une chanson, racontait l'Anglais en 1988. Qui suis-je pour refuser quelque chose à Johnny Cash ? »Quand on le voit avec ces pionniers, McCartney arbore le même sourire de gamin que celui affiché par ses propres admirateurs lorsqu'il joue à leurs côtés. Ne pas hésiter, pour s'en convaincre, à regarder sur YouTube la vidéo du concert de Bruce Springsteen à Hyde Park, en 2012, où le Boss accueille d'un rire émerveillé l'ancien bassiste des Beatles pour reprendre I Saw Her Standing There et Twist & Shout (« J'attendais ça depuis cinquante ans ! »).Même sensation au visionnage des images du septuagénaire entouré des membres survivants de Nirvana, le batteur Dave Grohl et le bassiste Kris Novoselic, à l'occasion d'un concert donné à Seattle, en 2013. Outre quelques classiques (Get Back, Long Tall Sally…), ce groupe surpuissant jouait une composition originale, Cut Me Some Slack, cosignée à l'occasion d'un documentaire, Sound City, réalisé par Dave Grohl. Ce titre très électrique valut d'ailleurs à ses auteurs le Grammy Award de la meilleure chanson rock en 2014. Vieille alchimie avec Elvis CostelloSi, à l'instar de ses morceaux avec Stevie Wonder ou Michael Jackson, certains duos flattent son profil « doux, drôle et sympathique » jusqu'à la mièvrerie, l'interprète de Michelle et Helter Skelter est sans doute meilleur quand un partenaire aiguise son tranchant rock, comme pouvait le faire John Lennon au sein des Fab Four.Ce fut sans doute le secret de la réussite de sa collaboration avec Elvis Costello dans leurs albums respectifs, l'excellent Flowers in the Dirt de McCartney, et Spike de Costello, tous deux parus en 1989. « Angry young man » de la new wave anglaise, ce Londonien d'origine irlandaise ayant vécu à Liverpool ressuscitait une vieille alchimie. « Comme John, Elvis Costello est capable de me dire qu'il n'aime pas ce que je fais, analysait McCartney, en 1989. Sa voix légèrement éraillée, ses dehors un peu agressifs, ses talents d'auteur sarcastique provoquent avec moi un contraste qui nous ramène naturellement aux Beatles. » Et un duo qui signait alors Lennon/McCartney. Stéphane DavetJournaliste au Monde Clémentine Gallot Sébastien Barrier est un conteur volubile. Son spectacle arrosé, Savoir enfin qui nous buvons, consacre les bienfaits du vin naturel à travers l'histoire de vignerons du Val de Loire : « Ce sont des ivresses différentes, plus folles, qui font moins mal le lendemain. Un nouvel alcoolisme plus sain. » Ce soliste du théâtre de rue a d'abord roulé sa bosse, pendant une dizaine d'années, sous les traits de Ronan Tablentec, son avatar « foutraque » de marin pêcheur breton. « A la fin, ça me collait à la peau ! », s'amuse-t-il.C'est par ce biais que cet ancien circassien rencontre un jour des viticulteurs aux pratiques naturelles et conçoit l'idée d'un nouveau spectacle. « Je n'étais pas grand connaisseur de vins, mais déjà amateur d'ivresse », se souvient-il. Depuis, il parcourt l'Hexagone avec sa performance-conférence. Cette narration œnologique titille les papilles et la curiosité des spectateurs attablés pour ces soirées « In vino veritas ». Car le marathon dure au moins six heures. Jusqu'à la lie.Clémentine GallotJournaliste au Monde Yann Plougastel Sam Millar n'est pas n'importe qui. Membre de l'IRA, la branche armée du mouvement de libération de l'Irlande du Nord, il a passé huit ans dans la sinistre prison de Long Kesh dans les années 1970. Quelques années plus tard, exilé aux Etats-Unis, il braque la Brinks à Rochester, dans l'Etat de New York. Butin : 7,5 millions de dollars. Résultat : soixante mois de prison… Gracié par Bill Clinton, il revient à Belfast et se lance dans l'écriture de romans noirs. Après On the Brinks (2003), récit autobiographique de son casse, il entame, avec Les Chiens de Belfast (2014), la chronique des enquêtes de Karl Kane, un détective privé qui ressemble au Philip Marlowe de Chandler.Le Cannibale de Crumlin Road est le deuxième épisode de ses aventures. En pleine vague de chaleur sur Belfast, un tueur en série boulotte le foie et les reins de ses victimes… Lorsque Katie, la fille de Kane, disparaît, le détective voit rouge. Alternant scènes d'une violence inouïe et dialogues d'une ironie corrosive, Sam Millar réussit le tour de force d'allumer de belles lumières dans un monde de ténèbres. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau Ils sont frères, chorégraphes, travaillent ensemble depuis 1997 et ont déjà une vingtaine de pièces derrière eux. Christian et François Ben Aïm ont toujours tout fait au coude-à-coude depuis leur adolescence – époque à laquelle ils ont découvert le mime, le théâtre et la danse. Depuis, ils poursuivent leur carrière au Canada, puis en France, et se sont taillé un nom à quatre mains. Tantôt proche d'une danse-théâtre narrative, tantôt pur jeu abstrait, toujours pleine d'appétit pour le mouvement, leur danse ne manque pas de munitions.Ils confient « ne plus savoir s'ils sont frères ou chorégraphes d'abord, tout en respectant toujours le lien familial ». Dans leur nouvelle pièce pour huit interprètes, La Légèreté des tempêtes, les deux chorégraphes et danseurs se sont penchés sur le thème du désir. Trois violoncellistes, un chanteur, tous en live, soutiennent le geste vibrant des Ben Aïm qui tournent parallèlement deux pièces plus anciennes, La Forêt ébouriffée et Valse en trois temps. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Frédéric Potet Il n'est sans doute pas inutile, par les temps qui courent, de lire ou de relire Chaval (1915-1968), dessinateur humoristique ayant inspiré la plupart des grands caricaturistes français, de Sempé à Reiser, en passant par Gébé, Bosc et Cabu, tombé sous les balles le 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo. Cet adepte d'un burlesque triste façon Buster Keaton n'avait pas son pareil pour déclencher chez le lecteur ce fugace éclair d'étonnement et de fantaisie qui fait la force du dessin, ici exécuté à coups de traits au cordeau.Chez Chaval, les boute-en-train sont cafardeux, les ventriloques souffrent d'angine et les durs à cuire vendent des caramels mous au coin des rues. Un astronaute pas fier boit un coup avec un cul-terreux. Un maître-nageur fait semblant de lire plutôt que de sauver un nageur de la noyade. Occupés à contempler un éléphant sur un vélo, des messieurs en imper tournent la tête pour regarder au loin une jolie fille. Tout cela est féroce, désabusé, vaguement mélancolique et terriblement inventif. Cette compilation de deux cents dessins – parfois rares ou oubliés – fait suite à un premier recueil, sorti il y a deux ans, Les hommes sont des cons. Tout un programme.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Le café est-il meilleur lorsque le bar qui le sert est lui-même en forme de mug ? Pas sûr. Mais l'établissement en question, avec sa poignée géante et sa couleur rouge pétard, a l'avantage d'être facile à repérer… et rigolo. En collectant dans son livre Duck (canard) les images d'épicerie-bouteille de lait, de voiture-baleine et de cygne-paquebot, Olivier Cablat invite à un grand voyage en Absurdie. Mi-sérieux, mi-moqueur, cet amateur d'imagerie populaire a cherché dans le monde entier, et surtout dans l'océan d'Internet, des images semblant donner raison à un livre d'architecture qui a fait date, Learning From Las Vegas (1972). Celui-ci classait les bâtiments commerciaux en deux types, les « canards » (immeubles symboles qui montrent ce qu'ils renferment) et les « sheds décorés » (constructions anonymes ornées de panneaux explicatifs). Olivier Cablat, forcément, s'est penché sur les premiers, bien plus esthétiques. On aurait aimé savoir d'où viennent ces drôles de constructions touchantes et grandiloquentes, qui les ont fabriquées et pourquoi. Mais l'artiste a préféré gommer le texte comme le contexte et les isoler dans les pages, comme des insectes d'une même famille qui auraient subi une évolution darwinienne, passant au fil des ans de la rôtisserie-canard à la montgolfière-titi. Ce qui donne un livre un peu raide, un catalogue pince-sans-rire des exceptions charmantes qui ponctuent notre monde. Car il faut bien le reconnaître, malheureusement : aujourd'hui, les cubes anonymes et fonctionnels ont vaincu les canards boîteux et charmants. Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi Baptiser votre exposition « Cocteau contemporain », n'est-ce pas provocateur ?Quand j'ai fait l'exposition Cocteau au Centre Pompidou en 2003, j'ai été étonné de l'intérêt que portaient les jeunes à cette figure. L'artiste Alice Anderson m'a révélé qu'une part considérable de ses bricolages de films avait été inspirée par lui. Et ce constat s'est imposé en préparant l'exposition à la galerie Coullaud & Koulinsky. Hélène Delprat l'a toujours adoré, Françoise Pétrovitch m'en a parlé aussi. Ces plasticiens se reconnaissent dans La Belle et la Bête, un film pervers, transgenre, qui traite de la métamorphose, un thème qu'encourage aujourd'hui le numérique. Cocteau est contemporain car il a posé des questions qui sont actuelles.Comment expliquez-vous ce regain d'intérêt ?Le temps qui passe joue en sa faveur. On oublie ses erreurs momentanées, ses maladresses, le texte trop élogieux sur le sculpteur nazi Arno Breker. Je vois aussi une autre raison : un artiste aujourd'hui se qualifie d'artiste, qu'il fasse de la sculpture, de la vidéo ou du dessin. Cela rejoint Cocteau et son aptitude à changer de style. Quoi qu'il fît, il se déclarait poète, quand il écrivait des pièces de théâtre, jouait de la batterie ou entraînait des boxeurs. Je crois que les créateurs d'aujourd'hui peuvent se retrouver dans cette façon qu'avait Cocteau de tout surplomber par la poésie.Revient-on à Cocteau comme on regarde à nouveau Salvador Dalí, un artiste qui a, lui aussi, connu grandeur et décadence et que le Centre Pompidou a réhabilité ?Oui, ils sont de la même génération et profondément parallèles. Ces artistes n'avaient pas de honte à emprunter aux nouveaux supports de représentation. Ils aimaient tous les deux les médias.Ce retour est-il aussi lié à la fin du mythe de l'avant-garde ?Cocteau s'est moqué des avant-gardes en les imitant. Aujourd'hui, on n'a que faire d'une avant-garde qui ne regarde pas en arrière. Voyez la mode qui recycle, reprend, réemploie. Regardez tous ces artistes qui utilisent l'archive dans leur travail, sans avoir peur qu'on les accuse de ne pas être modernes.Malgré tout, votre exposition « Cocteau » au Centre Pompidou vous avait valu des critiques…Certes… Les clichés, notamment sur l'Occupation, sont têtus. On lui a beaucoup reproché son côté mondain à l'époque, la futilité qu'il avait érigée au rang d'art. Mais on a oublié que ses pièces avaient été interdites par les nazis alors qu'on jouait Sartre. Et qu'il avait tout fait pour sauver le poète Max Jacob, détenu à Drancy. Par ailleurs, c'est vrai que son œuvre s'éteint mal. Il est moins bon à la fin, incontestablement. Moi-même, je ne l'ai aimé que tardivement. Mais j'avais constaté que des cinéastes comme Godard, Rivette ou Truffaut l'admiraient. Ils avaient un livre en tête, Les Enfants terribles, et aussi le journal de tournage de La Belle et la Bête. Beaucoup de gens aimaient Cocteau mais ils n'osaient pas le dire. Roxana AzimiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Ses souvenirs de son grand-père, Pablo Picasso ? Ils remontent à l’époque où, petite fille pauvre, elle se revoit faire le pied de grue devant les grilles de la villa du maître, à Cannes, lorsque son père, Paulo Picasso, l’emmenait pour réclamer des subsides à son propre père. « La Californie », cette grande villa du XIXe siècle, c’est ironiquement à elle, Marina Picasso, parmi la multitude d’héritiers, qu’elle est revenue. Elle avait alors une vingtaine d’années, et son premier geste a été de retourner vers le mur toutes les œuvres dont elle a aussi hérité de l’artiste. Par pur ressentiment, a-t-elle confié au New York Times.Le poids de son héritage, elle s’en était déjà en partie délesté psychologiquement en publiant ses mémoires en 2001, Picasso : mon grand-père, où elle révélait, après quinze ans de thérapie, ses vérités sur un clan désuni et la peine que lui a causée l’indifférence de son grand-père. A 64 ans, elle fait aujourd’hui savoir qu’elle se prépare à un détachement plus matériel, sonnant et trébuchant, de ses racines : la mise en vente de nombreuses œuvres de Picasso restées en sa possession.Ventes directesCe n’est en soi pas tout à fait une nouveauté : comme les autres héritiers du peintre, Marina Picasso se déleste régulièrement d’œuvres, pour vivre et financer ses projets. Depuis la mort, en 2008, de son marchand, le Suisse Jan Krugier, qui s’était chargé de la mise en vente de la plupart de ses pièces les plus prestigieuses, elle a tenté plusieurs stratégies sur le marché de l’art, rappelle le New York Times. En 2013, elle a ainsi mis aux enchères conjointement deux peintures de premier plan (dont Femme assise en robe grise, vendu 6,8 millions de dollars), puis en 2014, elle a présenté toute une collection de dessins de nu – dans les deux cas chez Sotheby’s.Lire : Deux Picasso vendus pour près de 6 millions d'eurosAfin de rompre avec toute tradition familiale, l’héritière envisage cette fois de gérer ses futures ventes à sa manière : en se passant des intermédiaires et de leurs commissions. Ainsi compte-t-elle céder en vente directe « au cas par cas, selon ses besoins ». Par cette prise en main, elle semble vouloir accélérer le mouvement, ce qui ne va pas sans nourrir craintes et fantasmes dans le milieu – la plus grande peur étant qu’elle inonde le marché, faisant baisser les prix au passage.Si elle n’a pas de liste prédéfinie des pièces qu’elle compte vendre, Marina Picasso se prononce sur deux choses : la rumeur selon laquelle elle va vendre la villa du peintre est fausse ; par ailleurs, elle sait quel est le premier tableau dont elle souhaite se débarrasser aujourd’hui : La Famille, un grand portrait de sa propre famille peint en 1935 sur un fond désertique – dans un style réaliste assez inhabituel. « Il est symbolique car je suis née dans une grande famille, mais cette famille n’en était en réalité pas une », a confié l’héritière.« Je n’avais pas de grand-père »Son père était le fils de Picasso et de sa première femme, la danseuse russe Olga Khokhlova. Selon elle, celui-ci servait à Picasso de chauffeur ou d’homme à tout faire. Puis ses parents se sont séparés : « J’ai très peu vu mon père. Je n’avais pas de grand-père. » Marina Picasso assure qu’elle ne possède aucune photo d’elle en compagnie de son grand-père, et qu’elle n’a pas eu la moindre de ses œuvres avant sa mort. Elle se souvient qu’il lui arrivait de lui dessiner des fleurs sur des feuilles en papier, mais on ne la laissait pas les garder.Olivier Widmaier Picasso, un autre petit-fils de Picasso – issu de sa liaison avec Marie-Thérèse Walter –, et lui aussi auteur d’une biographie (beaucoup plus positive) de Picasso, dit comprendre la colère de sa parente, mais relativise les faits : « Soyons honnêtes, Picasso n’était pas le seul responsable de cette situation. Sa mère avait la garde exclusive des enfants. Il ne voulait pas lui donner de l’argent parce qu’il s’inquiétait qu’elle ne l’utilise pas pour ses enfants. Il a donc plutôt payé leur scolarité directement. »A sa mort, en 1973, à l’âge de 91 ans, Picasso a laissé derrière lui quelque 50 000 œuvres et une « famille » composée de quatre enfants et huit arrière-petits-enfants, ainsi que des femmes et des muses, entre lesquels les batailles furent âpres lors du partage de ses biens. Cette sensation d’être mise au ban de la famille s’est encore accrue chez Marina Picasso lorsque Jacqueline Roque, la seconde femme de l’artiste, a interdit à son frère, Pablito, de se rendre aux obsèques de son grand-père. Quelques jours plus tard, celui-ci se suicidait, à 24 ans, en ingérant de l’eau de Javel.Quelque 10 000 œuvresPicasso n’avait pas laissé de testament. A l’issue des luttes d’héritage, un cinquième de ses biens furent finalement attribués à Marina Picasso, rappelle le New York Times – soit 10 000 œuvres : quelque 300 tableaux, et des céramiques, dessins, esquisses ou sculptures. « Les gens me disent que je devrais être contente d’avoir touché cet héritage, et je le suis. Mais c’est un héritage dépourvu d’amour », explique-t-elle. « Cela a été très difficile de porter ce célèbre nom et d’avoir eu autant de difficultés financières. Je pense que c’est pour cela que j’ai développé une fibre humaine et le besoin d’aider les autres. »L’argent tiré de ce pesant héritage, elle compte d’ailleurs l’utiliser pour développer ses actions philanthropes en France, en Suisse et au Vietnam. Cette mère de cinq enfants, dont trois adoptés au Vietnam, a fait don en 2014 de 1,5 million d’euros à la Fondation Hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France, dont une partie finance une unité d’urgence psychiatrique pour adolescents à Marseille. Elle est également impliquée dans un projet d’aide aux personnes âgées hospitalisées pour de longs séjours, précise le New York Times.« Désormais, je vis au présent, dit-elle. Le passé est derrière moi. Mais je n’oublierai jamais, jamais. Je respecte mon grand-père et sa stature en tant qu’artiste. J’étais sa petite-fille et son héritière, mais je n’ai jamais eu de place dans son cœur. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Le marché français de l’« entertainment » (musique, vidéos, jeux vidéo, livres…) souffre. Les dépenses des ménages dans ce domaine ont reculé de 4,6 % en 2014, à 7,2 milliards d’euros, selon les données communiquées, jeudi 5 février, par le cabinet d’études GFK.La hausse des achats « dématérialisés » (1,13 milliard d’euros au total, en hausse de 6 %) ne compense pas le déclin des achats des supports physiques (6,07 milliards d’euros au total). En 2013, les ventes « dématérialisées » avaient progressé de 23 %.Les loisirs « interactifs » représentent 55 % du marché de l’entertainment : les jeux vidéos comptent notamment pour 22 % des dépenses, la vidéo pour 15 %, la musique pour 8 %.À lui seul, le streaming, que ce soit pour écouter de la musique ou regarder des documents vidéos, représente 37 % des achats « dématérialisés ».Les achats de vidéos reculent de 10 %Le premier loisir plébiscité par les Français est le cinéma (62 % d’entre eux). Ce dernier se porte mieux que le secteur de la vidéo : les ventes dans ce dernier domaine sont en recul de 10 %. Aujourd’hui, une bonne année cinéma n’induit pas forcément une bonne année vidéo.Le marché de la vidéo est passé de 2,4 milliards d’euros en 2004 à 800 millions d’euros en 2014.La baisse des dépenses dans la vidéo est de 14 % pour les achats de supports physiques et de 8 % pour les achats numériques.Les achats de DVD classiques représentent 76 % du marché de la vidéo physique, alors que le Blue-Ray plafonne à 24 % : ce dernier ne prend pas dans la population.En France, on compte 11,2 millions de lecteurs de DVD installés, contre 1,5 million de lecteurs Blue-ray. Le prix du Blue-Ray est jugé trop cher (23 euros en moyenne).La VOD (vidéo à la demande) a vu ses ventes passer de 152 millions d’euros en 2010 à 259 millions d’euros en 2014.Elle devrait encore croître cette année, alors que les achats de supports physiques baisseraient encore de 15 %.Le marché des jeux vidéos est en croissance : + 3 %, à 2,6 milliards d’euros. Les achats de jeux sur supports physiques sont notamment en progression de 1 %, à 1,9 milliard d’euros. Il s’agit du seul marché physique qui affiche une hausse.Le marché de la musique reste difficile. Les ventes s’élèvent à 786 millions d’euros. Le streaming (150 millions d’euros) l’emporte sur le téléchargement (97 millions d’euros). Et le marché du CD poursuit son déclin (490 millions).Le livre est toujours en repliLe marché du livre en France a accusé un nouveau repli en 2014. Les ventes, tous types de supports confondus, sont en recul de 1,1%, selon les chiffres de la société d’études GfK, communiqués jeudi 5 février.Doucement, mais inexorablement, le marché du livre s'effrite depuis trois ans. En 2013, il avait enregistré un recul de 2,7 %, passant symboliquement, pour la première fois, sous le seuil des 4 milliards d'euros, pour atteindre 3,9 milliards.Ce sont les ventes de livres « physiques » qui reculent toujours : en 2014, elles ont baissé pour la quatrième année consécutive, relève GfK.Les ventes de livres numérique progressent, mais leur croissance est « plus faible qu’attendue », pointe le cabinet d’études, et cette hausse ne vient « compenser que partiellement » le repli du livre « papier ».Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le ministère de la culture et de la communication a transmis, mercredi 3 février, un communiqué précisant les contours du dispositif que l’institution souhaite mettre en place au profit de l’architecture et des architectes. La Ministre Fleur Pellerin « a tenu à réaffirmer avec force, dès le mois d’octobre, l’importance de l’architecture dans les enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés. » Parmi les thématiques mises en exergue : l’amélioration du cadre de vie, la ville de demain, la transition énergétique, le logement, la création, mais aussi le rayonnement de la France, tant sur le plan culturel qu’économique.La stratégie pour l’architecture est « un outil de pilotage de la politique publique dans ce domaine », précise le communiqué. Elle s'appuie notamment sur les travaux menés par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale dont le président-rapporteur est le député (groupe SRC) Patrick Bloche. Pendant six mois à compter de janvier 2014, une « Mission d’information sur la création architecturale » a permis que soient auditionnées une cinquantaine de personnalités impliquées dans l’univers de la construction: architectes, urbanistes, paysagistes, constructeurs, groupement professionnels, journalistes, etc.A l’issue de ces rencontres, un rapport a été publié le 2 juillet 2014. La conclusion de ce copieux document de 150 pages consiste en un « plaidoyer, en trente six propositions, pour une création architecturale du quotidien au service d’un aménagement durable du territoire ». Le « Rapport de la concertation sur l’enseignement et la recherche en architecture », qui avait été remis le 8 avril 2013 par le député (PS) Vincent Feltesse compte également parmi les sources du ministère.« Le rôle citoyen de l’architecture »Cette stratégie, affirme la rue de Valois « se construira au travers d’un dialogue étroit avec le conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) ». La profession est confrontée à une baisse drastique de son activité et un sentiment durable de mise à l’écart. L’ambition de cette démarche, insiste Fleur Pellerin, « est de réaffirmer la valeur ajoutée de l’architecture pour la société et celle de la profession d’architecte dans l’économie de la construction et de la création, en France et sur le plan international », mais aussi « de conforter le rôle citoyen de l’architecture au service de tous. »Le ministère de la culture et de la communication met en place trois groupes de réflexion thématiques qui seront pilotés par des professionnels, Grands Prix nationaux d’architecture ou d’urbanisme et par des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap). Les travaux du groupe « Mobiliser et sensibiliser » seront conduits par les architectes Frédéric Bonnet et Boris Bouchet ; la rapporteure en sera Hélène Riblet, inspectrice du patrimoine. Le groupe « Innover », sera porté par les architectes Marc Barani et Marie Zawistowski, et par l’association « Bellastock ». Lorenzo Diez, directeur de l’école nationale supérieure d’architecture de Nancy en sera le rapporteur. Enfin, les architectes Paul Chemetov et Lucie Niney animeront le groupe « Développer », dont l’architecte conseil de l’Etat, Christine Edeikins, sera la rapporteure. Francis Nordemann, architecte DPLG, est chargé d’animer l’ensemble de ces travaux. Le ministère prévoit de les restituer au mois de juin.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 05.02.2015 à 16h05 • Mis à jour le05.02.2015 à 16h39   Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises. Lire aussi : The Beatles « L’album blanc », cocktail hypnotique  Cette semaine : autour de l’album The Beatles (novembre 1968). « Back in the U.S.S.R. » (Lennon-McCartney), par Sigourney WeaverCette chanson 100 % rock’n’roll de Paul McCartney ouvrant l’« album blanc », premier et unique double-album des Beatles du temps de leur activité, multiplie les références musicales. De son titre, un décalque du Back in The U.S.A. de Chuck Berry, à la citation de Georgia on My Mind, standard de Hoagy Carmichael et Stuart Gorrell popularisé par Ray Charles, le tout mâtiné de chœurs parodiant les Beach Boys. Simple et plaisante à jouer, elle a été logiquement interprétée en 1987 par le chanteur et pianiste new-yorkais Billy Joel à Moscou et Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) lors de sa tournée dans l’Union soviétique de Mikhaïl Gorbatchev. Plus inattendue est la version que donne en 2001 la délicieuse Sigourney Weaver dans la comédie de David Mirkin, Beautés empoisonnées. La femme fatale s’amuse de son audace sur fond de violons et de balalaïkas, devant un Gene Hackman ahuri. « Dear Prudence » (Lennon-McCartney), par Siouxsee & The BansheesLa qualité du répertoire des Beatles était telle que les chansons qui n’avaient pas été mises en avant pouvaient devenir des tubes majeurs pour les autres artistes. Ainsi du délicat Dear Prudence, écrit par John Lennon lors du séjour en Inde chez le Maharishi Yogi à l’attention de la sœur recluse de l’actrice Mia Farrow. Le groupe londonien post-punk Siouxsie & The Banshees (avec comme figure de proue Siouxsie Sioux, une ancienne du Bromley Contingent, la troupe qui suivait les Sex Pistols), s’en empare en 1983 pour obtenir son plus gros succès, une lecture à la fois reconnaissable et personnelle qui grimpera jusqu’à la troisième place des classements britanniques et sera incorporée aux rééditions de l’album Hyaena. A noter que la guitare est entre les mains de Robert Smith, le démiurge de The Cure, alors également membre des Banshees après l’éviction pour alcoolisme de l’Ecossais John McGeoch, ancien de Magazine et de Visage. « Glass Onion » (Lennon-McCartney), par Arif MardinCette chanson en forme d’auto citations (de Strawberry Fields Forever, I Am The Walrus, The Fool on The Hill, Fixing a Hole et même Lady Madonna, sorti en single en mars 1968) a été largement dédaignée par les repreneurs. Dès 1970, le producteur d’origine turque Arif Mardin, l’un des piliers de la maison de disques Atlantic avec les frères Ertegun, l’adaptait dans une version instrumentale pour son premier album solo, titré Glass Onion. Homme de jazz, Mardin sera ensuite derrière le virage disco des Bee Gees avec l’album Main Course en 1975 puis le succès planétaire de Come Away With Me, premier opus de Norah Jones, en 2002. « Ob-la-di, Ob-la-da » (Lennon-McCartney), par The MarmaladeCette scie que John Lennon exécrait (il l’aurait qualifiée de « musique de grand-mère de merde ») et qui est restée un sujet de sarcasmes envers McCartney (qui ne devait d’ailleurs l’interpréter que rarement sur scène, et pas avant… 2009), a pourtant joui d’une immense popularité auprès des enfants et des esprits guillerets et optimistes. Tentative de rocksteady (un hybride jamaïcain, à mi-chemin du ska et du rhythm’n’blues), elle fit le bonheur immédiat de The Marmalade, un quintette de Glasgow, qui obtint un numéro un dans les classements britanniques début 1969, le premier de l’histoire pour un groupe écossais. Depuis, son succès ne s’est jamais démenti avec des versions de Celia Cruz, Jimmy Cliff ou de No Doubt, revivalistes américains du ska. « Wild Honey Pie » (Lennon-McCartney), par PixiesReprendre cet interlude inférieur à une minute, expérimental et dissonant, presque sans paroles, entièrement composé et interprété par McCartney (peut-être pour compenser la légèreté d’Ob-la-di-da) est une gageure. Les Pixies de Boston (Massachusetts), rois du rock alternatif à la fin des années 1980, relèvent pourtant le gant en 1988 devant les micros de la BBC dans le cadre des fameuses sessions animées par John Peel. Leur version sera commercialisée dix ans plus tard dans l’album Pixies at the BBC (4AD). L’agressivité de l’original sied à merveille à Black Francis et sa complice Kim Deal. Comme s’il avait été écrit en pensant aux Pixies, vingt ans avant leur formation. « The Continuing Story of Bungalow Bill » (Lennon-McCartney), par Dawn Kinnard & Ron Sexsmith En 2008, pour célébrer les quarante ans du « White Album », le magazine britannique et patrimonial de rock Mojo, propose avec son numéro 178, un CD de 15 reprises. Aujourd’hui banalisé dans la presse rock, ce genre d’exercice a un défaut principal : ce sont la plupart du temps des seconds couteaux de la scène dite « indé » qui s’y collent, quand ce ne sont pas des inconnus. Cette version de Bungalow Bill, chanson écrite par Lennon en Inde autour d’une chasse au tigre, fait néanmoins exception puisqu’elle est interprétée par le Canadien Ron Sexsmith, l’un des plus talentueux héritiers de McCartney, accompagné de Dawn Kinnard, une consœur de Nashville (Tennessee). « While My Guitar Gently Weeps » (Harrison), par Wu Tang ClanLe premier morceau de George Harrison sur l’« album blanc » est aussi le plus impressionnant qu’il avait alors composé. Pour lui donner toutes ses chances, il convia même son ami Eric Clapton afin d’exécuter le solo, l’un des très rares cas d’intervention de musicien extérieur dans la discographie des Beatles. Près de quarante ans plus tard, la mélodie de la chanson structure The Heart Gently Weeps, des rappeurs new-yorkais de Wu-Tang Clan, qui utilise un sample, non de l’original mais de l’interprétation exécutée en 1973 par le guitariste de jazz Jimmy Ponder. Le fils de George Harrison, Dhani, a été convié à jouer de la guitare acoustique sur ce titre de l’album 8 Diagrams (2007). « Happiness is a Warm Gun » (Lennon-McCartney), par U2Constitué de trois sections, ce titre de John Lennon, qui a pu être interprété comme une ode au sexe ou à l’héroïne, est l’une des plus éclatantes réussites du double album, et l’un des rares efforts collectifs, la tendance du projet étant plutôt à l’expression de chaque individualité. Après avoir placé Helter Skelter en ouverture de son live Rattle And Hum (1987), précédé d’une désolante introduction de son chanteur Bono (« C’est une chanson que Charles Manson a volée aux Beatles. Nous la lui reprenons »), U2 récidive dix ans plus tard avec Happiness is A Warm Gun, proposé avec le single Last Night On Earth. Alors en pleine phase électro, les Irlandais s’autorisent à déstructurer avec autant de vanité que de vacuité leur victime. Incontestablement, l’une des pires reprises d’un titre des Beatles, cover bands (groupes spécialisés dans les reprises) et orchestres de patronage compris. « Martha My Dear » (Lennon-McCartney), par Ambrose SladeInspirée à Paul McCartney par sa chienne Bobtail, cette ballade qui annonce déjà chez son auteur la période Wings, son groupe post-Beatles, est aussitôt accaparée par ses compatriotes d’Ambrose Slade qui deviendront Slade et connaîtront un immense succès insulaire lors de la vague glam rock du début des années 1970, avec David Bowie ou T. Rex. Mais pour Beginnings, leur premier album publié en mai 1969, les garçons de Wolverhampton ne sont parvenus à écrire que quatre chansons et doivent largement piocher dans le répertoire des autres. Les Beatles constituant évidemment une facilité. « I’m So Tired » (Lennon-McCartney), par Kasabian Ce groupe de britpop, dans la lignée d’Oasis, n’a rien trouvé de plus malin que de se baptiser du nom de Linda Kasabian, membre de la « famille Manson », tristement célèbre pour ses meurtres perpétrés à l’été 1969 à Los Angeles, sur ordre du gourou hippie Charles Manson. Celui-ci prétendait d’ailleurs avoir été inspiré par des messages messianiques qu’il aurait décelés dans plusieurs chansons de l’« album blanc ». Les trentenaires passéistes de Kasabian commettent en 2011 cette reprise acoustique et déjà épuisée d’I’m So Tired dans le studio de la radio australienne Triple J. On relève que le chanteur Tom Meighan, fan autoproclamé des Beatles, a tout de même besoin d’une antisèche. Début de l’interprétation à 52 secondes. « Blackbird » (Lennon-McCartney), par Brad MehldauLe niveau se redresse spectaculairement avec cette interprétation vagabonde, par le pianiste américain Brad Mehldau, de Blackbird, comptine folk jouée en picking par Paul McCartney en l’honneur de l’activiste politique américaine Angela Davis. Cette version est présente sur The Art of The Trio, Vol. 1 (Warner Bros. Records, 1997), deuxième album en tant que leader de celui qui est devenu l’une des plus grandes stars du jazz actuel. Mehldau est familier du répertoire des Beatles et surtout de leur « White Album » puisqu’il a également joué Dear Prudence, Martha My Dear et Mother’s Nature Son. « Piggies » (Harrison), par Luis Eduardo AuteUne rareté apparue sur l’album Harrisongs 2, hommage de musiciens espagnols au plus discret des Fab Four, sorti en 2003 sur le label Grabaciones en el mar, après un premier volume paru en 2000. Le coup de chapeau devient posthume puisque George le jardinier s’était entre-temps éteint le 29 novembre 2001 à Los Angeles. Né en 1943, Luis Eduardo Aute est un auteur-compositeur, cinéaste et poète. Cet album hommage peut être commandé sur le site du label et la chanson, qui ne figure ni sur YouTube et DailyMotion, est notamment écoutable sur le site de Deezer et sur celui de Spotify. « Rocky Raccoon » (Lennon-McCartney), par Lena Horne et Gabor SzaboConçue par McCartney comme une ballade de country & western ne lésinant pas au passage sur les clichés, Rocky Raccoon est métamorphosée dès 1970 en fantaisie soul sudiste par la chanteuse et actrice américaine Lena Horne, alors accompagnée par le magistral guitariste hongrois Gabor Szabo. Cette version épatante ouvre l’album du duo, Lena & Gabor, commercialisé en 1970 chez Skye, label co-fondé par Szabo, puis réédité en 1971 chez Buddha Records sous le titre Watch What Happens. Une curiosité hautement recommandable comprenant trois autres relectures du répertoire des Beatles : Something, In My Life et The Fool On The Hill. « Don’t Pass Me By » (Starkey), par The Georgia SatellitesAvec son crin-crin pas toujours juste et sa mélodie poussive, cette chanson, la première écrite par Ringo Starr (de son vrai nom Richard Starkey, utilisé pour les crédits), parait bien faiblarde dans la profusion qu’offre le double album. Le titre (« Ne m’ignore pas ») proviendrait d’une plaisanterie de McCartney à l’adresse de Ringo lors d’un échange à la BBC. On aurait alors demandé au batteur s’il avait composé une chanson… Don’t Pass Me By a fini par faire le bonheur des Georgia Satellites, formation de rock sudiste basée à Atlanta, qui l’inclut sur son deuxième album, Open All Night, en 1988. Au piano, un contemporain des Beatles, Ian McLagan, ancien des Small Faces et des Faces. « Why Don’t We Do It In The Road ? » (Lennon-McCartney), par Lowell FulsonA priori simple à reprendre : deux lignes de texte (« Pourquoi ne pas le faire dans la rue ? Personne ne nous regardera »), inspirées à Paul McCartney par la vision de deux singes copulant en Inde, et une structure basique de blues. Le guitariste Lowell Fulson, roi du blues West Coast et auteur de Three O’Clock Blues ou de Reconsider Baby, n’hésite pas et glisse sa version sur son album In a Heavy Bag (Jewel Records, 1970). En proposant, plus puritain, de prolonger les ébats « dans la voiture » puis « dans la maison ». « I Will » (Lennon-McCartney), par Art GarfunkelRavissante lovesong que Laurent Voulzy a certainement écouté plus souvent qu’à son tour, I Will devait tôt ou tard être entonnée par la voix d’angelot d’Art Garfunkel. Le compère de Paul Simon ne l’interprète pas avant 1996, lors de deux concerts new-yorkais documentés dans le live Across America. Il proposera une version studio en 1997 sur l’album Songs From a Parent Child. « Julia » (Lennon-McCartney), par Medeski, Martin, Scofield & WoodIl devrait être interdit de s’emparer de cette chanson d’une traumatisante délicatesse, adressée par John Lennon à sa mère, morte renversée par la voiture d’un policier saoul alors que l’adolescent venait de fonder les Quarrymen. Si personnelle que le Beatle l’interpréta seul avec sa guitare sur l’« album blanc ». Le trio new-yorkais d’improvisateurs formé par l’organiste John Medeski, le bassiste-contrebassiste Chris Wood et le batteur Billy Martin, rejoint par le guitariste John Scofield (ancien accompagnateur de Miles Davis) s’en tire avec cette version instrumentale – présente sur l’album Out Louder (2006) –, très proche de l’esprit de McLemore Avenue, l’hommage à Abbey Road de Booker T & The MG’s, paru dès 1970. « Birthday » (Lennon-McCartney), par Underground SunshineSalut au rock’n’roll des origines à partir d’un riff simplissime et efficace, Birthday permet à Underground Sunshine, un groupe de rock garage du Wisconsin de faire une furtive apparition dans les classements à l’été 1969, avec au premier plan un orgue qui n’est pas sans rappeler celui de Charly Oleg. Après quoi, on n’entendra plus jamais parler de ces garçons. Paru sur le tout aussi disparu label américain Intrepid Records, qui publia une trentaine de 45-tours entre 1969 et 1970. « Yer Blues » (Lennon-McCartney), par Lucky PetersonCe blues à tendance suicidaire de Lennon enregistré en prise directe par les Beatles est sans surprise investi par un spécialiste, le guitariste et organiste américain Lucky Peterson. La version en tout point conforme à ce qu’on peut en attendre, et donc plutôt décevante, a été livrée en 2002 sur The Blues White Album, hommage des représentants du genre, comme l’harmoniciste Charlie Musselwhite. « Mother’s Nature Son » (Lennon-McCartney), par Harry NilssonConnu essentiellement pour deux reprises (Everybody’s Talking et Without You), Harry Nilsson (1941-1994) demeure l’un des plus grands talents ignorés (et hélas gâchés) de la pop. On peut lui accorder une confiance aveugle quand il chante les Beatles comme l’attestait sa version de She’s Leaving Home, sélectionnée pour les reprises de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Même subtilité pour Mother’s Nature Son, extraite de son troisième opus Harry, paru en août 1969. « Everybody’s Got Something To Hide Except Me and My Monkey » (Lennon-McCartney), par The Feelies Groupe aujourd’hui culte (ce qui signifie qu’il passa jadis globalement inaperçu, sinon de quelques critiques musicaux), The Feelies livrèrent cette excellente version sur leur premier album, paru chez Stiff en 1980. Ces étudiants du New Jersey, héritiers du Velvet Underground et de la déflagration punk, se distinguaient déjà par des choix peu évidents de reprises puisqu’en ce qui concerne les Beatles, ils remirent cela quatre ans plus tard avec Love You To, la première tentative de raga de George Harrison sur l’album Revolver (1966). « Sexy Sadie » (Lennon-McCartney), par Paul WellerDerrière cette mélodie irrésistible et ces chœurs de romance se cache une des chansons les plus vachardes de John Lennon, qui règle ici ses comptes avec le Maharishi Yogi. L’ancien leader de The Jam et de Style Council Paul Weller, dit le « Modfather », en propose en 1995 une relecture sans grande conviction en face B de son single Out Of The Sinking, aujourd’hui disponible sur l’édition « deluxe » de l’album Stanley Road – dont la pochette est ornée d’une photo d’identité de Lennon jeune. Weller et les Beatles : l’association est si évidente qu’elle ne peut fonctionner. « Helter Skelter » (Lennon-McCartney), par Mötley CrüeConstamment décrié par ses détracteurs comme un chanteur de variétés, Paul McCartney a voulu montrer de quel bois il se chauffait. Ou plutôt de quel métal. Car Helter Skelter, parue avant le premier album de Led Zeppelin, est l’une des pierres fondatrices du hard-rock, un acte d’une sauvagerie inouïe qui amène Ringo Starr à se plaindre de ses « ampoules aux doigts », cri que l’on entend en clôture de la chanson. Il en existe aussi une prise de près d’une demi-heure qui n’a jamais publiée. Conséquence inévitable, les métalleux de tous poils se sont précipités sur ce classique, idéal pour les rappels, têtes secouées et jambes écartées. Et donc Mötley Crüe, quatre Pieds nickelés peroxydés qui défrayèrent la chronique à Los Angeles dans les années 1980 pour leur consommation de drogues et de groupies. Ils l’utilisèrent même comme single pour leur album Shout At The Devil, l’une des plus grosses ventes de hard-rock de l’époque. Ce que n’avait pas fait pas deux ans plus tôt la chanteuse new-yorkaise Pat Benatar, qui plaça Helter Skelter en conclusion de son troisième album, Precious Times. Cela ne l’empêcha pas de trôner au sommet des classements américains. « Long, Long, Long » (Harrison), par Kelly De MartinoCe titre mystique de George Harrison, qui repose les oreilles après celui qui l’a précédé, a été peu repris sinon par la chanteuse américaine Kelly De Martino. Cette version, que l’on qualifiera, selon les goûts, de joliment atmosphérique ou de proprement soporifique, est extraite de l’album Honest, publié par le label français Village vert en 2008. « Revolution 1 » (Lennon-McCartney), par GrandaddyAttention ! Trois versions de Revolution existent. La plus connue est celle qui n’est pas suivie d’un numéro, la « prolétarienne » avec cris et guitares saturées, sortie en single. La n°1, qui nous intéresse ici, est « bourgeoise », acoustique au départ, mollement secouée ensuite par des cuivres et des chœurs parodiques (« chou bidou wah ! »). La redoutable 9e, très éloignée de Beethoven, est traitée ci-dessous. La version que propose le groupe californien Grandaddy est celle qui s’approche le plus de Revolution 1 même si la mélodie se perd en route. Elle fut enregistrée pour les besoins du film Sam, je suis Sam, de Jessie Nelson, un pénible mélo sorti en 2001 avec Sean Penn et Michelle Pfeiffer. La bande-son ne comprenait que des chansons des Beatles qui durent être toutes réinterprétées quand il s’avéra que la facture, pour l’utilisation des originaux, serait astronomique. « Honey Pie » (Lennon-McCartney), par The Golden Gate QuartetFormé en 1934, le plus célèbre ensemble vocal de gospel et de negro spiritual est tout à son aise avec cet hommage de McCartney au bon music-hall britannique d’antan, pour lequel les Beatles ajoutèrent des craquements de sillons. Cette version apparut en 1969 sur un 45-tours de quatre titres avec l’Ave Maria des amoureux, publié par Columbia. On peut la retrouver sur l’anthologie Platinum (Parlophone, 2009). « Savoy Truffle » (Harrison), par Ella FitzgeraldL’une des rares tentatives par les Beatles d’intrusion dans le rhythm’n’blues avec l’adjonction de saxophones. Récompensée d’une incroyable reprise par Ella Fitzgerald en personne, placée en 1969 en face B de son single I’ll Never Fall in Love Again, l’un des cristaux taillés par Burt Bacharach. Les deux chansons figurent dans l’album Ella, le premier enregistré par la Lady du jazz pour le label Reprise Records et produit par Richard Perry, qui travailla aussi avec Harry Nilsson. Ella comporte un autre titre des Beatles, le cuivré Got To Get You Into My Life. « Cry, Baby, Cry » (Lennon-McCartney), par Throwing MusesMené par les chanteuses Kristin Hersh et Tanya Donelly, Throwing Muses est un groupe post-punk américain, actif dans les années 1980 et 1990. Cette reprise apparut en 1991 en face B de leur single Not Too Soon. Elle semblait pratiquement obligée puisque le groupe avait écrit une chanson nommée Cry, Baby, Cry quatre ans plus tôt. « Revolution 9 » (Lennon-McCartney), par Kurt Hoffman’s Band Of WeedsReprendre Revolution 9, ce collage de musique concrète concocté par John Lennon et Yoko Ono pour embêter McCartney, quelle idée ? Sachant que les possesseurs de l’« album blanc » ne l’ont écouté généralement qu’une fois dans leur vie. On saluera donc la performance en public du Kurt Hoffman’s Band Of Weeds, documentée en 1992 sur l’album Downtown Does The Beatles Live At The Knitting Factory, la Knitting Factory étant un club réputé pour héberger l’avant-garde du jazz expérimental new-yorkais. Cette version, qui a déjà l’avantage d’être beaucoup plus courte que l’original, est tout à fait surprenante. Emplie de cuivres, elle swingue. « Good Night » (Lennon-McCartney), par The CarpentersLa berceuse qui referme le double blanc, écrite par Lennon pour son fils Julian et chantée par Ringo Starr sur une orchestration grandiose évoquant Ennio Morricone, est un délice pour les amateurs d’easy listening. Barbra Streisand la chante dès 1969 sur l’album What About Today ?, avec Honey Pie et With A Little Help From My Friends. Il est a priori difficile de faire apprécier le résultat à de jeunes oreilles. Plus accessible et plus poignante est la version qu’en font cette même année The Carpenters, duo constitué d’un frère et d’une sœur, qui allaient connaître un succès phénoménal au début de la décennie suivante – (They Long To Be) Close To You, For All We Know, Yesterday Once More, etc. – après avoir lancé leur carrière par une reprise de Ticket To Ride Longtemps inédite, cette lecture étonnamment sobre a été révélée en 1991 sur le coffret From The Top.                       Jean-Jacques Larrochelle Unibail-Rodamco travaille activement avec la Ville de Paris à remanier le projet de tour Triangle, rejeté par un vote du Conseil de Paris le lundi 17 novembre 2014, espérant son adoption au printemps, a déclaré le groupe immobilier, mercredi 3 février à la presse. « Nous avons bon espoir d'un vote positif, en avril, ou un peu plus tard. Nous ne sommes pas à un mois près. S'il faut prendre un ou deux mois de plus pour convaincre, nous le ferons », a déclaré Christophe Cuvillier, le président du directoire, en marge de la publication des résultats annuels.Le 22 janvier, l'adjoint de la maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS) avait indiqué que le projet amendé pourrait repasser devant le Conseil de Paris au mois d'avril. « Nous travaillons à des modifications, notamment à la possibilité d'inclure un hôtel », a ajouté M. Cuvillier sans plus de précisions, indiquant que « le programme, en cours de finalisation, sera présenté à la Ville de Paris ». Dans sa mouture initiale, le projet de tour Triangle comportait un hôtel à son sommet dont la faisabilité s’était avérée risquée.Lire aussi: La mairie de Paris invite les promoteurs de la tour Triangle à amender leur projetLa municipalité travaille avec le groupe sur ce nouveau projet, et Unibail-Rodamco espère cette fois « convaincre les conseillers qui n'étaient pas d'accord » avec la première version. Selon la Ville de Paris, « le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, à bulletin secret, dont la maire Anne Hidalgo (PS) a contesté la validité auprès du Tribunal administratif, de nombreux élu(e)s ayant ostensiblement exhibé leurs bulletins.Les deux parties ne sont plus liéesCe vote au scrutin secret, obtenu par Madame Hidalgo après l’accord de plus du tiers des conseillers présents lors de la délibération du lundi 17 novembre 2014, fait par ailleurs l’objet d’une question prioritaire de constitutionalité (QPC) soumise par Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP). L’élue et son groupe contestent le « point du règlement intérieur du conseil de Paris permettant à une minorité d'imposer un scrutin secret à la majorité ».Cette procédure contestant un article du code général des collectivités locales, transmise par le tribunal administratif au Conseil d’Etat, voire au delà au Conseil constitutionnel, serait de nature à considérablement repousser l’hypothèse d’un Conseil de Paris sur ce sujet au printemps. Pour M. Cuvillier, que le vote soit déclaré irrégulier ou pas au plan juridique, ne change rien, car « il faut de toutes façons un nouveau vote, sur un autre projet, ou un projet amendé ».Le contrat liant Unibail-Rodamco à la Ville de Paris pour la construction de cette tour de 180 mètres, prévue au coeur du Parc des expositions de la porte de Versailles (Paris 15e), pour un investissement de 520 millions d'euros, ayant expiré le 31 décembre 2014, les deux parties ne sont plus liées par un projet devenu caduc, a-t-il précisé. La foncière dit avoir, à ce stade, retiré la tour Triangle de son portefeuille de projets en développement.Lire aussi : La tour Triangle dans le vent des polémiques  Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet #Noodle 👧 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 10h24 PSTUn groupe virtuel est-il plus facile à reformer qu’un quatuor de chair et d’os ? Le dessinateur Jamie Hewlett, cofondateur de Gorillaz avec le chanteur-compositeur Damon Albarn, a confirmé la renaissance du gang né sous ses crayons, en postant sur son compte Instagram trois nouveaux croquis de ses héros, accompagnés d’un « Yes, Gorillaz returns ».La rumeur courait déjà l’an dernier, quand Damon Albarn, alors auteur d’un album - Everyday Robots - et d’une tournée solo, avait laissé entendre, dans un premier temps, qu’un nouvel album de Gorillaz était envisageable, avant de confier, quelques semaines après, qu’il s’était mis à écrire de nouveaux morceaux pour ce projet. Une belle surprise pour les fans de Murdoc, 2 D, Russel et Noodle, qui, après la sortie du quatrième album du groupe, The Fall (2011), avaient cru comprendre qu’une fâcherie entre Albarn et Hewlett avait compromis l’avenir de Gorillaz. #Murdoc in colour🚬🍷 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 11h36 PSTLaboratoire visuel et musical Né au début des années 2000, ce quatuor virtuel était pourtant devenu un des plus passionnants laboratoires musicaux et visuels de la pop de la décennie. Créé avec l’aide de Jamie Hewlett, devenu une référence de la bande dessinée britannique, à la fin des années 1980 (la série Tank Girl), Gorillaz avait permis à Damon Albarn, leader du groupe Blur, de s’échapper des contraintes de son image de star de la britpop et de se libérer musicalement, en brassant une mosaïque de styles (dub, rap, electro, mélodies rock, latines ou orientales) avec une très efficace inventivité. Après quatre albums, une série de tubes (Clint Eastwood, Dare, Dirty Harry...) et plusieurs tournées, ce projet intégrant de nombreux invités (Lou Reed, Bobby Womack, De La Soul, Snoop Dogg...) semblait hors course après le départ de Hewlett et son équipe du petit immeuble de bureaux et studio, qu’ils partageaient avec Albarn à l’ouest de Londres.Après avoir longtemps dit qu’un album de Gorillaz n’était pas envisageable avant que paraisse un nouvel album de Blur, le chanteur semble avoir remisé le disque des anciens rivaux d’Oasis pour se consacrer, après son bel album solo, à la résurrection de son groupe de BD. L’insatiable musicien a aussi pris le temps de composer un nouveau spectacle musical, wonder.land, inspiré du livre Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll, dont la première devrait être présenté en juillet 2015 au Manchester International Festival.Stéphane DavetJournaliste au Monde Stéphanie Binet (Port-au-Prince (Haïti), envoyée spéciale) « Oxmo Puccino, 40 ans, rappeur pendant longtemps, aujourd’hui “poétiseur” et ambassadeur de l’Unicef. » Voila comment se présente le Parisien le 16 janvier, à Port-au-Prince, devant une assemblée d’adolescents haïtiens. L’artiste a forgé ce néologisme, « poétiseur », contraction de poète et de synthétiseur, pour parler de son métier de conteur, d’écrivain, de chansonnier. Avec le trompettiste Ibrahim Maalouf, il joue à la Philharmonie de Paris, du 5 au 8 février, leur adaptation d’Alice au pays des merveilles, créée en 2011 au Festival d’Ile-de-France.Trois semaines plus tôt, il est en Haïti pour sa troisième mission sur le terrain avec l’ONG qu’il a rejointe en 2009. Port-au-Prince est alors en ébullition. Il n’y a plus de gouvernement, des manifestants demandent la démission du président Michel Martelly, et l’ONU a fait passer son niveau de sécurité à trois sur une échelle de cinq. Cinq ans après le tremblement de terre qui a coûté la vie à 220 000 personnes, le pays est encore fébrile.Oxmo Puccino est là, notamment, pour constater les résultats obtenus contre la malnutrition et aider à la scolarisation des enfants. Marié à une Guadeloupéenne, avec qui il est parent d’une petite fille de 6 ans, le rappeur vient souvent dans l’île voisine des Caraïbes. Mais à Haïti, c’est un peu le Mali de ses parents qu’il retrouve : « C’est la même ambiance dans les rues, la même misère, mais ce n’est pas comparable, ce ne sont pas les mêmes raisons, pas les mêmes histoires, confie l’artiste, qui n’a connu le ... Marie LechnerJamais Transmediale n'aura connu pareille affluence. Installé à la Haus der Kulturen der Welt, bâtiment situé dans le Tiergarten à Berlin et surnommé « l'huître enceinte » en raison de sa forme, le festival des cultures numériques qui a succédé au festival d'art vidéo créé en 1988 est devenu un rendez-vous international majeur des artistes, chercheurs et activistes du Web, attirant un public toujours plus large dans ses expos, ateliers et conférences.Prolongeant l'édition passée, plombée par les révélations d'Edward Snowden sur l'espionnage massif des citoyens par la NSA au nom de la lutte contre le terrorisme, le thème de cette année, « Capture All » – « enregistrez tout »), la devise de l'ancien directeur de la NSA – n'était guère plus optimiste. La surveillance des communications par les gouvernements (relancée avec l'attentat à Charlie Hebdo) n'est qu'une facette de la collecte illimitée et de l'exploitation systématique des données par les voraces mastodontes du Net. Facebook, qui a vu son bénéfice quasiment doubler en 2014, a mis à jour ses conditions d'utilisation vendredi, lui permettant d'améliorer encore le ciblage publicitaire de ses utilisateurs et d'affiner les informations les concernant, en suivant leurs mouvements non seulement à l'intérieur du réseau social mais également ailleurs sur le Web. Dans son poème de 1967 All Watched over by Machines of Loving Grace, cité à plusieurs reprises durant le festival comme pour prendre la mesure du fossé qui nous sépare des premières utopies du cyberespace nées dans la contre-culture hippie, Richard Brautigan décrit un paradis électronique, un écosystème autorégulé, où « les mammifères et les ordinateurs vivent ensemble dans une harmonie mutuellement programmée ». « J'aime penser (il faut qu'il en soit ainsi) à une écologie cybernétique où nous sommes libérés de tout travail, retournés à la nature, réunis avec nos frères et sœurs mammifères, sous la surveillance bienveillante des machines de grâce et d'amour. » A l'ère de l'anthropocène, de la crise écologique et de la surveillance généralisée, il semblerait que quelque chose ait mal tourné...All watched over... est aussi le titre d'une série documentaire qu'Adam Curtis a réalisé pour la BBC en 2011, où il montre comment les humains ont été progressivement colonisés par les machines qu'ils ont construites, depuis les technophiles années 1990 et la croyance fervente selon laquelle les ordinateurs et Internet permettraient de créer un monde plus démocratique, à l'avènement d'un nouveau type de capitalisme global piloté par des algorithmes.On retrouve ces thèmes dans World Brain, film-essai décliné en webdocumentaire de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon projeté en avant-première à Transmediale, qui interroge la place de l'homme au sein de ces systèmes de plus en plus automatisés. Les technologies n'ont fait depuis que renforcer leur étreinte, avec l'explosion du Big Data – les gigantesques corpus de données récoltées et analysées par entreprises et Etats. Le festival questionne cette logique du « capture all », consistant à aspirer les moindres parcelles de nos vies dans les datacenters hermétiques répartis autour du globe, livrées en pâture aux algorithmes.L'idéologie dominante voudrait que non seulement la productivité de l'économie, mais également celle des individus, soient éternellement optimisées, tandis que s'érodent les frontières entre travail et vie privée, comme le suggère l'impressionnante bannière tricotée de Sam Meech. PunchCard Economy confronte le slogan des huit heures (de travail, de loisir, de sommeil...), revendication historique des mouvements ouvriers, aux conditions des travailleurs du numérique. Punchcard Economy - making of from Sam Meech on Vimeo.Après avoir numérisé les connaissances, puis quantifié et marchandisé nos relations avec les autres (par nos clics, liens, « like », tweet, chat, etc.), les technologies dites « réflexives » s'apprêtent à investir un autre champ : notre relation à nous-même. La multiplication d'objets « wearable » (montres, bracelets...) portés à même le corps et mesurant nos données biométriques, et son lot d'applications ludiques de fitness ou de régime, permet désormais une forme d'auto-coaching promu par le mouvement quantified self qui vise à mieux se connaître pour mieux se changer (plutôt que de changer la société).Lire dans Nos émotionsMesurer les réactions du corps pour déceler nos émotions les plus intimes est aussi l'objectif de l'affective computing, domaine de la science informatique en plein essor sur laquelle s'appuie un nombre grandissant de start-up, comme le soulignait l'artiste et chercheuse en neuroscience Pinar Yoldas lors du débat « Devices of affective surveillance » (« Objets de la surveillance affective »). Emanation du Media Lab du Massachusetts Institute of Technology, Affectiva a développé un logiciel capable d'analyser en direct les infimes nuances de nos expressions faciales et de déduire nos émotions à la lecture d'une vidéo en ligne via la webcam.Publicitaires et fournisseurs de services sont les premiers intéressés par cette détection qui permet d'ajuster ou de renforcer l'intensité des contenus proposés. Mais ses applications intéressent également la police, les assureurs, les employeurs... Affectiva dit avoir mesuré sept milliards de réactions émotionnelles à partir de 2,4 millions de vidéos de visages dans quatre-vingts pays. De quoi entraîner ses algorithmes lancés à la recherche de motifs permettant de prédire et d'influencer les comportements et affects à grande échelle.Sa concurrente, la firme californienne Emotient, propose elle de classer les photos en fonction des émotions. Le site promotionnel de RealEyes.it, qui se présente comme le « Google des émotions », prétend déceler les réactions « inconscientes » des utilisateurs. Son argument de vente est on ne peut plus clair : « Plus les gens ressentent, plus ils dépensent », faisant fi des questions éthiques comme : peut-on révéler les émotions des gens sans leur accord, et surtout qu'en est-il des erreurs d'interprétation ? L'une des préoccupations récurrentes exprimées durant le festival est cette foi excessive dans le pouvoir des algorithmes, dans leur efficacité et dans la totale transparence de la société des métadonnées. « Il y a cette idée que les big data donnent un accès direct à la réalité, qu'ils sont totalement objectifs, équitables, que la nature va parler par elle-même, sans transcription, sans médiation, institutionnelle ou politique », avance la juriste Antoinette Rouvroy.Des données privatisées  Aujourd'hui, ces modèles prédictifs basés sur d'importants volumes de données se généralisent dans les domaine économiques, sociaux et politique, avec le risque d'une « gouvernementalité algorithmique », telle que décrite par Antoinette Rouvroy, soit « une stratégie de neutralisation de l'incertitude – et, en particulier, de l'incertitude générée par la spontanéité des comportements humains ». Or, ces boîtes noires que sont les algorithmes ont tendance à oublier leur propre biais, estime le philosophe et théoricien Matteo Pasquinelli, prenant pour exemple la finance haute fréquence, où les algorithmes « influencent le domaine précis qu'ils sont censés mesurer ».Face à cette impasse, les stratégies artistiques divergent : résister à la datafication ? Ou accélérer ses tendances ? Le designer Mushon Zer-Aviv prône l'obfuscation, « arme des faibles » avec le projet collectif Ad Nauseam, qui clique sur toutes les annonces publicitaires rencontrées en ligne afin « d'obscurcir le profil de recherche ». Refusant son statut de « data-esclave », l'artiste Jennifer Lyn Morone a fait de sa propre personne une entreprise, enregistrée au Delaware, auto-exploitant l'intégralité des données qu'elle génère (biologiques, intellectuelles, comportement offline, online...) pour en tirer profit, suggérant ironiquement que seule cette forme de « capitalisme extrême » permettrait de retrouver un peu de pouvoir sur ses données.D'autres initiatives (réunies au sein de la liste de diffusion off.networks) appellent à s'extraire du « cloud » en développant des réseaux offline. Quant à l'artiste américaine Heather Dewey-Hagborg, elle promet rien de moins que l'invisibilité. Connue pour ses portraits 3D d'anonymes qu'elle recompose à partir d'ADN trouvé dans un cheveu ou sur un mégot, elle présentait son nouveau projet, constitué de deux produits à vaporiser pour éliminer ses traces ADN. La recette est disponible librement sur la nouvelle plateforme biononymous.me, première pierre pour réclamer la protection de la vie privée biologique.En dépit de l'engagement de certains projets, on ne peut que constater l'asymétrie radicale de pouvoirs et de moyens entre les individus et ceux qui possèdent les infrastructures. Pour le critique superstar du Net, Evgeny Morozov, il est urgent de réinvestir le combat politique. Le problème, d'après lui, n'est pas la prolifération des données, mais le fait qu'elles sont aujourd'hui dans les mains d'entreprises privées. Par conséquent, « elles ne sont pas au service du bien commun mais de la maximisation des profits. Il faut réclamer la propriété de ses données et on ne peut le faire en tant qu'artiste, activiste ou hackeur. Il faut capturer le pouvoir, il faut aller se faire élire. »Lire : « On devrait traiter la Silicon Valley avec la même suspicion que Wall Street » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Marie LechnerJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard « C’est une question d’équilibre entre les principes de transparence, d’égalité et de protection », résume au Monde Olivier Schrameck, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Mercredi 4 février, l’autorité a présenté la méthodologie qu’elle a retenue pour la nomination du prochain président de France Télévisions, à laquelle elle doit procéder d’ici au 22 mai.Avec un changement de taille par rapport à la procédure appliquée lors de la nomination de Mathieu Gallet à la tête de Radio France, début 2014 : cette fois, « le Conseil établira une liste restreinte de candidats qu’il auditionnera », mais « cette liste sera rendue publique à la condition qu’aucun des candidats retenus ne s’y oppose auprès du président », selon le CSA.Il suffira donc qu’un seul des postulants à la succession de Rémy Pflimlin refuse que son nom soit rendu public pour que la liste entière reste secrète – une hypothèse hautement probable. Alors que dans le cas de Radio France, le CSA avait publié, avant les auditions, la liste des six candidats présélectionnés.Pourquoi ce changement de règles, au risque de réduire la transparence quant à une nomination sensible et souvent décrite comme politique, ou d’être taxé d’« opacité », comme l’a glissé à chaud au Monde, dès mercredi, un dirigeant du secteur audiovisuel ?C’est que le CSA a tiré les leçons de la procédure Radio France. « Dans l’ensemble, celle-ci a bien fonctionné, explique M. Schrameck. Mais force est de constater que les six candidats retenus pour les auditions étaient – à l’exception du président sortant et du président d’un syndicat de radios, le Sirti – soit des responsables publics, soit des personnes sans emploi. Or, le collège du CSA ne souhaitait pas adopter une procédure qui dissuaderait des candidats ayant des responsabilités dans le secteur privé. »Le cas d’Alexandre Bompard, qui avait dû quitter Europe 1 après avoir été sollicité pour présider France Télévisions en 2010, reste dans les mémoires. Le CSA se doit de « choisir parmi les compétences les plus riches et les plus étendues », souligne son président, « sans courir le risque d’exclure une catégorie de candidats ». Enfin, il ne peut recourir à une présélection par un de ses membres, car au plan légal, « la procédure doit mettre tous les membres du collège dans la même situation ».Pour espérer attirer des profils variés, et notamment des dirigeants en poste dans de grands groupes privés, il faut donc leur assurer qu’ils ne courent pas le risque de perdre leur emploi dans l’hypothèse où leur candidature n’aboutirait pas. Parmi les hauts cadres du secteur, seul Denis Olivennes (Lagardère Active) s’est à ce jour exprimé, pour assurer qu’il ne serait pas candidat.« Alchimie équilibrée »« A première vue, cette procédure me semble de nature à respecter l’anonymat des candidats qui souhaiteraient l’être, a commenté au Monde un dirigeant du secteur audiovisuel, qui préfère ne pas être cité. A deux réserves près : d’une part, le degré de confidentialité des huit membres du collège ; et d’autre part, l’après-désignation : n’y aura-t-il pas un moment où les langues se délieront ? » « C’est un progrès, a confirmé un autre. Mais la procédure oblige encore à faire acte de candidature. Et sa confidentialité repose sur l’étanchéité des huit membres du conseil… donc je ne suis pas sûr que ce soit si différent du passé. »Aucune procédure ne pourra en effet garantir l’absence de fuite dans la presse. Même si les huit membres du collège seront interdits de contacts – autres que les auditions – avec les candidats retenus à partir du 1er avril, date d’ouverture des enveloppes de candidature.« La procédure est contraire à la nécessaire publicité des projets des candidats retenus », dénonce sur Twitter Serge Cimino, reporter à France 3 et membre de la section SNJ (Syndicat national des journalistes) de France Télévisions, seul candidat déclaré à ce jour. Tout en reconnaissant qu’aucun texte n’oblige le CSA à diffuser les projets des candidats.Au Parlement, ces nouvelles dispositions semblent avoir convaincu, à droite comme à gauche. « Si le CSA estime qu’il vaut mieux que les noms ne soient pas connus, cela ne me choque pas », indique Franck Riester, député (UMP) et membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. « C’est une alchimie bien équilibrée, déclare de son côté Patrick Bloche, le président (PS) de cette commission, au Figaro. M. Schrameck ne pourra pas être accusé de mettre en place une procédure opaque. Et d’un autre côté (…), il ne se prive pas d’ouvrir le champ des compétences. » « Si on veut avoir des candidatures libres, il faut qu’elles soient libres de tous côtés », reconnaît, au Sénat, Jean-Pierre Leleux, membre (UMP) de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.« Ce sera peut-être un poisson d’avril », plaisante l’actuel PDG, Rémy Pflimlin, en référence à la date d’ouverture des enveloppes. M. Pflimlin ne s’est pas encore prononcé sur sa propre candidature. Il se dit « au travail », loin de ces questions procédurales, et dans l’attente du rapport que le gouvernement doit publier, fin février, sur la redéfinition des missions de l’entreprise publique. Mercredi encore, le PDG était auditionné au Sénat dans le cadre d’une table ronde sur l’avenir de France Télévisions. L’occasion pour lui de défendre son bilan, mais aussi de plaider pour une indépendance renforcée et une plus grande « continuité » dans la gouvernance de l’entreprise. Sans préciser si cette continuité incluait à ses yeux l’identité de son président.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Après une entrée en matière axée sur l’architecture et l’art contemporain, la Fondation Louis-Vuitton a révélé lundi le luxueux contenu de sa prochaine exposition, à caractère historique, cette fois. Intitulée « Les Clefs d’une passion », cette exposition se tiendra du 1er avril au 6 juillet. Il s’agira de « la troisième phase d’inauguration » de la Fondation, après deux précédents accrochages dédiés à la collection de Bernard Arnault.Cette exposition réunira un « choix restreint d’œuvres majeures, fondatrices de la modernité, qui ont contribué à changer le cours de l’histoire de l’art du XXe siècle », de Mondrian, Malevitch, Rothko, Delaunay, Léger, Picabia, Munch, Dix, Giacometti, Matisse, ou encore Kupka et Severini. « La Fondation a vocation à s’intéresser à l’art contemporain, a déclaré Suzanne Pagé, sa directrice artistique, au New York Times. Mais elle ne veut pas ignorer l’histoire de l’art, telle qu’on peut la voir dans ces œuvres, qui continuent à être des références vitales pour les artistes aujourd’hui. »« Le Cri » : un tour de forceCe que l’on sait pour l’instant de ces œuvres de premier ordre, c’est qu’elles incluent La Danse (1910) d’Henri Matisse, qui n’a pas été vu à Paris depuis une quinzaine d’années, Le Grand Déjeuner (1921) de Fernand Léger, No 46 (1957) de Mark Rothko, et Le Cri (1910 ?) d’Edvard Munch. Le New York Times allonge la liste de deux indiscrétions côté prêts américains : la Colonne sans fin de Constantin Brancusi, La Femme aux cheveux jaunes de Pablo Picasso.Elles seront prêtées par des institutions muséales majeures du monde entier : le musée de l’Ermitage (Saint Pétersbourg), la Tate Modern (Londres), le MoMA (New York), le Munch Museet (Oslo), le Guggenheim (New York), le Gemeentemuseum (La Haye), le Musée Pouchkine (Moscou), le Kröller Müller (Otterlo), le State Russian Museum (Saint-Pétersbourg), le MNAM-Centre Pompidou (Paris), la Kunsthaus (Zurich) ou encore le MOCA (Los Angeles).Le Figaro relève un tour de force particulier au millieu de ces collaborations : le prêt par le Munch Museet de son célèbre Cri, d’Edvard Munch (1863-1944), portrait grimaçant et mortifère par lequel le peintre norvégien a communiqué l’angoisse existentielle et le désespoir de l’homme moderne (il en existe cinq versions au total). Après les vols de la version du Nasjonal Museet en 1994, puis de celle abritée par le Munch Museet en 2004, les deux tableaux avaient finalement été retrouvés par la police norvégienne en 2006. Depuis, ces deux versions pour lesquelles les foules se déplacent jusqu’à Oslo ne voyageaient plus... Jusqu’à maintenant. Le Centre Pompidou, qui avait dédié une rétrospective à Edvard Munch à l’automne 2011, avait pour sa part dû se passer de cette icône.Ce privilège en rappelle un autre au Figaro : lorsque Frank Gehry, l’architecte de la Fondation Louis-Vuitton, avait assisté au vernissage du lieu, fin octobre 2014, alors même qu’il ne s’était pas rendu à celui de l’exposition que lui consacrait Beaubourg au même moment (« Pour cause d'âge, de fatigue et de non concordances des dates »). Le musée parisien reste en tout cas beau joueur face à son concurrent privé, puisqu’il sera l’un des prêteurs des œuvres présentées dans « Clefs d’une passion ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Quand, en 1963, un journaliste américain interrogea Harper Lee sur l'état d'avancement de son deuxième roman, l'écrivaine, alors âgée de 37 ans, répondit dans un soupir : « J'espère être encore de ce monde quand il sera publié. » Elle l'est encore, cinquante-deux ans plus tard, pour s'associer à la nouvelle que des millions de lecteurs attendaient depuis cette époque, et qui a été délivrée, mardi 3 février : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (1960) ne restera finalement pas dans l'histoire comme l'unique roman de cette grande représentante du Sud américain, ainsi que chacun avait fini par se résoudre à le croire. La maison d'édition Harper a annoncé dans un communiqué qu'elle fera paraître à l'été prochain Go Set a Watchman (« Va, place un guetteur », citation du livre d'Esaïe, 21.6). Tirage de départ : deux millions d'exemplaires, pour un ouvrage de 304 pages.Il ne s'agit pas d'un livre que Harper Lee aurait passé cinq décennies à écrire : Go Set a Watchman a été rédigé au mitan des années 1950, avant Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, dont il est la matrice, tout en racontant des événements postérieurs. Son personnage principal est une femme adulte, Scout, qui vit à New York et retourne voir son père en Alabama, où elle a grandi ; dans le communiqué de Harper, l'écrivaine explique que l'éditeur auquel elle présenta le texte à la fin des années 1950, « enthousiasmé par les flashbacks dans l'enfance de Scout », la persuada d'écrire un roman du point de vue de Scout petite. « J'étais une débutante, et j'ai fait ce qui m'était demandé », poursuit-elle, tout en disant qu'elle voyait à l'époque dans le texte initial « une réalisation acceptable ». Elle en avait oublié l'existence jusqu'à ce qu'il soit retrouvé cet automne par son avocate, Tonja Carter, accroché à un tapuscrit original de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. « Après avoir beaucoup réfléchi et hésité, je l'ai fait lire à une poignée de personnes de confiance, et j'ai été ravie d'apprendre qu'ils jugeaient le texte digne d'être publié. »Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (qui porte ce titre en France depuis 2005 et sa reparution chez De Fallois, après avoir été Quand meurt le rossignol, au Livre contemporain, en 1961, et Alouette, je te plumerai, chez Julliard, en 1989) est situé dans l'Alabama des années 1930. Le père de la jeune Scout, Atticus Finch, y est un avocat intègre, qui défend un homme noir injustement accusé du viol d'une femme blanche.PRIX PULITZERSa narration généreuse, empreinte d'humour, sa grande richesse, ont fait de ce roman sur le racisme, la lutte des classes et la vie dans un petit village du Sud profond un classique instantané, récompensé en 1961 par le prix Pulitzer, adapté au cinéma la même année par Robert Mulligan – le film Du Silence et des ombres a valu à Gregory Peck un Oscar pour son interprétation d'Atticus –, avant d'être étudié dans les lycées américains, vendu à 30 millions d'exemplaires pour sa seule version orginale, et traduit dans quarante langues.Ce succès, l'un des plus importants de l'histoire de la littérature, fit immédiatement peser sur l'auteure de 34 ans une pression terrible, dans l'attente de son deuxième livre. En 1964, Harper Lee déclarait à un journaliste n'avoir plus aucune confiance en elle : « Je n'ai jamais eu autant la trouille que maintenant .» Ce fut du reste l'un de ses derniers entretiens : cette année là, Harper Lee cessa de parler à la presse – sans pour autant se draper dans le mystère façon JD Salinger –, ce qui attisa la curiosité et les spéculations. D'autant que son nom fut associé à un autre livre au succès monstre : De Sang Froid (1966), de Truman Capote, son ami d'enfance (il apparaît dans Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur). A partir de l'hiver 1959-1960, Harper Lee avait effectué avec lui toute l'enquête sur le meurtre d'une famille de Hollocomb par deux hommes ; quand le livre parut, elle fut seulement remerciée en apparaissant comme dédicataire, sans autre mention de son implication. Cet effacement de son rôle et le triomphe de son ami l'auraient profondément blessée. Quelle qu'en soit la raison, « sa plume s'est figée », comme l'a dit son éditeur, Tay Hohoff, à son biographe, Charles J. Shields. Et Tay Hohoff a fini par cesser d'attendre qu'elle lui livre la suite d'un roman entamé au début des années 1960, The Long Goodbye (Le Long Adieu).Harper Lee n'en tomba pour autant jamais dans l'oubli ; en 2007, elle se vit remettre par George Bush la Presidential Medal of Freedom, la plus haute distiction que puisse recevoir un civil américain ; mais elle ne prononça pas de discours à cette occasion. Les éditions Harper ont d'ailleurs déjà prévenu que Harper Lee n'assurerait pas la promotion de Go Set a Watchman, qui paraîtra le 14 juillet, cinquante-cinq ans presque jour pour jour après Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard et Alexis Delcambre L’année 2015 sera, pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), celle d’un choix lourd : il doit en effet désigner le président de France Télévisions, entre le 22 avril et le 22 mai.Mais avant ces dates, le CSA affronte un dilemme, sur la procédure à suivre pour choisir ce président - ou cette présidente. Comment rendre le processus plus confidentiel, afin d’attirer les meilleurs candidats, sans pour autant le rendre opaque ?Des pistes sont envisagées, dont celle de ne pas publier le nom des candidats qui seront retenus pour être auditionnés. Autre point : que faire en cas d’égalité des votes, le Conseil comptant désormais huit membres, contre neuf lors de la procédure pour Radio France. Les différentes options sont désormais entre les mains des « sages » et le Conseil doit trancher, mercredi 4 février, cette question épineuse.Rassurer les candidats du privéDans ses vœux du 27 janvier, le président du CSA, Olivier Schrameck, a fait une discrète allusion à cette « procédure que nous aurons collectivement à adopter, compte tenu de l’expérience de la désignation du président de Radio France ». En clair, c’est une référence à un problème récurrent, ravivé à l’occasion de la procédure qui couronna finalement Mathieu Gallet, en 2014 : l’absence de candidats venus du secteur privé.Les profils des candidats à Radio France étaient presque tous issus de la sphère publique et n’occupant pas de poste équivalent dans des médias de taille comparable. Dans le cas de France Télévisions, ce débat est rallumé, notamment depuis que des rumeurs de presse ont évoqué des candidats potentiels issus de grands groupes privés (Christopher Baldelli de RTL, Rodolphe Belmer de Canal+ ou encore Denis Olivennes de Lagardère active), non confirmées.Pour attirer ce type de profil - si telle était l’intention du CSA -, il faudrait pouvoir leur assurer qu’ils ne courent pas le risque de perdre leur emploi actuel dans l’hypothèse où leur candidature, une fois publique, n’aboutirait pas. Le cas d’Alexandre Bompard, qui avait dû quitter Europe 1 après avoir été sollicité pour présider France Télévisions en 2010, reste dans les mémoires.Certains au CSA se demandent donc s’il n’est pas possible d’assurer aux candidats une plus grande confidentialité. Les solutions sont loin d’être évidentes, car la procédure est strictement encadrée par différents textes légaux. Ainsi, l’idée de mandater un membre du collège - son président ou un autre - pour présélectionner des candidats, un temps évoquée, ne tient pas. Elle se heurte notamment au principe de collégialité des décisions - sans parler de l’attachement des conseillers à leurs prérogatives. « Cela ne pourra pas de faire en petit comité dans un coin », prévient l’un d’eux.Prévenir les fuitesUne piste semble toutefois envisagée : celle de ne pas publier la « shortlist » des candidats qui auront été retenus pour être auditionnés par le collège. Lors de la sélection du président de Radio France, six profils avaient été retenus et leurs noms dévoilés par le CSA.Un autre levier intéresse au sein du CSA : le calendrier. Plus celui-ci est resserré, plus sera limité le risque de fuites dans la presse, pense-t-on.Ces options rencontrent toutefois encore des obstacles. D’abord, certains peuvent rétorquer que limiter la transparence sur le nom des candidats peut alimenter le soupçon de partialité sur une nomination très sensible. Ou celui d’une décision partisane, les patrons de l’audiovisuel public ayant été un temps choisis par le président de la République lui-même.À l’inverse, le choix de ne pas diffuser les noms retenus par le CSA pour audition peut sembler vain. « Dans tous les cas, le CSA ne pourra jamais garantir à un cadre de l’audiovisuel privé une confidentialité totale, tout simplement parce que la décision est collégiale », estime l’un d’eux.Le président Schrameck a plusieurs fois insisté sur l’importance de prévenir les fuites dans la presse. Si cette insistance a globalement porté ses fruits, elle n’a pas empêché un incident majeur, en novembre 2014, avec la publication dans la presse d’une version intermédiaire du bilan quadriennal de France Télévisions.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Marc Allégret, Alfred Hitchcock, Vincente Minnelli, Jacques Tourneur, Jacques Becker, Charles Vidor, Claude Autant-Lara, Edouard Molinaro… : Louis Jourdan pouvait s’enorgueillir d’avoir tourné avec tous ces metteurs en scène, et bien d’autres encore. Plus connu aux Etats-Unis qu’en France, cet éternel jeune premier – version beau ténébreux – est mort, vendredi 13 février à son domicile californien de Beverly Hills, à l’âge de 93 ans.Louis Gendre – son vrai nom – était né à Marseille le 19 juin 1921. Avant de monter à Paris, en 1938, et d’y intégrer le Cours Simon, il avait passé le plus clair de son temps à Cannes, où son père fut le propriétaire du Grand Hôtel. Quelques rôles au théâtre ici et là, et le voilà, un an plus tard, décrochant son premier rôle au cinéma, aux côtés de Charles Boyer, dans Le Corsaire, un film inachevé de Marc Allégret.Pendant l’Occupation, Louis Jourdan gagne la zone sud, joue dans une dizaine de films de peu d’importance et s’engage la Résistance (son père fut arrêté par la Gestapo).Peu après la Libération, de retour à Paris, il reçoit une lettre. L’agent du grand producteur hollywoodien David O. Selznick désire le voir. A la clé, un rôle dans Le Procès Paradine, un film que s’apprête à tourner Alfred Hitchcock.Jourdan ne sait évidemment pas qu’Hitchcock avait en tête un tout autre casting. Non seulement, il aurait préféré Laurence Olivier à Gregory Peck, mais, dira-t-il plus tard à Truffaut, cette idée de confier à Louis Jourdan le rôle de ce domestique misogyne aimé jusqu’à la mort par la femme de son patron était « la pire erreur de la distribution ». « Malheureusement, ajouta « Hitch », Selznick avait pris sous contrat Alida Valli dont il croyait qu’elle serait une seconde Ingrid Bergman, et il avait également sous contrat Louis Jourdan, alors il a fallu que je les utilise. Tout cela a considérablement affadi l’histoire. » Il n’empêche : Le Procès Paradine valut à Louis Jourdan une popularité immédiate auprès du public américain.Rodolphe dans « Madame Bovary »Son film suivant, peut-être le plus beau qu’il ait tourné, fut Lettre d’une inconnue, de Max Ophuls. Dans les décors somptueux de la Vienne impériale, il interprétait le rôle d’un pianiste virtuose, Stefan Brand, dont tombait amoureuse la belle Liza Berndle (Joan Fontaine).Partageant son temps entre Paris et Hollywood, celui qui représente désormais le « french lover » aux Etats-Unis tourne ensuite énormément. Une curiosité : en 1949, dans Madame Bovary, de Vincente Minnelli, il joue le rôle de Rodolphe, aux côtés de James Mason et de Van Heflin.La véritable consécration, ce sera presque dix ans plus tard, en 1958, lorsque Louis Jourdan joue le rôle de Gaston Lachaille dans Gigi, un autre film de Vincente Minnelli. Ses partenaires sont Leslie Caron et Maurice Chevalier. Neuf Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, seront décernés à cette merveilleuse adaptation de la nouvelle éponyme de Colette.Lorsqu’il revient travailler en France, Louis Jourdan tourne avec Jacques Becker (Rue de l’Estrapade, 1953) ou encore avec Claude Autant-Lara (Le comte de Monte-Cristo, 1961). Dans ce dernier film, souvent diffusé à la télévision, il est un Edmond Dantès tout à fait convainquant.Chevelure brune, menton volontaire, un air vaguement mélancolique et mystérieux rehaussé par une élégance vestimentaire jamais prise en défaut, Louis Jourdan a aussi bien joué des personnages sympathiques que des méchants. En 1954, à Broadway, il avait interprété au théâtre une adaptation de L’Immoraliste, d’André Gide. Parmi les autres interprètes de cette pièce, outre Géraldine Page, figurait un jeune acteur débutant : James Dean.Vers la fin de sa carrière, en 1982, Louis Jourdan tourna avec Wes Craven dans La créature du marais (Swamp Thing). Un an plus tard, il était au générique d’Octopussy, le 13e opus de la série des James Bond, réalisé par John Glen. Il y interprète Kamal Kahn, cet homme richissime qui fait l’acquisition du très convoité œuf de Fabergé…A la télévision, Louis Jourdan fit, en 1978, une apparition dans « Columbo ». Un an auparavant, à la BBC, sous la direction de Philip Saville, il avait été un formidable Count Dracula.Signe de sa renommée aux Etats-Unis, Louis Jourdan est un des rares acteurs à avoir deux étoiles à son nom sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard.Franck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Drôle d’année pour le cinéma français. Les investisseurs ont été prudents, frileux, même : trois films d’un budget supérieur à 15 millions d’euros en 2014 contre 12 et 18 en 2013 et 2012, 36 longs-métrages qui ont coûté plus de 10 millions contre 48 l’année précédente. En revanche, on a compté 61 films d’un budget compris entre deux et quatre millions, contre 47 et 46 les deux années précédentes.Cette extrême prudence a payé. La part de marché des films français a grimpé à 44 % et la rentabilité des films en salles s’est améliorée. L’hebdomadaire professionnel Le Film français, qui publie ces statistiques dans son édition du 13 février a calculé que 42 films avaient atteint un taux d’amortissement de 25 % après leur exploitation en salles, contre 30 en moyenne ces dernières années.Au terme de leur carrière en salles, cinq films ont rapporté plus à leurs producteurs que ce qu’ils y avaient investi : trois comédies – Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron, qui a engrangé 300 % des 12,79 millions d’euros de son budget ; La Famille Bélier, d’Eric Lartigau (231 %, 7,55 millions) ; Babysitting, de Philippe Lachau et Nicolas Benamou (211 %, 3,48 millions) – suivies de deux documentaires – La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (148 %, 400 000 euros) et Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter (113 %, 50 000 euros). Ce groupe de tête réunit donc des films qui ont compté leurs spectateurs par millions (12 pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et par milliers (18 pour le film de Nossiter). « Lucy », production française la plus rentable en 2014La méthode retenue par nos confrères du Film français consiste à déduire des recettes en salles la part revenant aux exploitants et aux distributeurs pour obtenir les sommes revenant aux producteurs. Il faut rappeler que les ventes de tickets ne représentent qu’une partie des revenus de l’industrie cinématographique. Les films prévendus aux chaînes (l’immense majorité des productions françaises) peuvent compter sur la somme versée par celles-ci pour la diffusion sur petit écran, ventes de DVD (de moins en moins), et VàD (de plus en plus) doivent aussi être prises en compte.Enfin, les ventes à l’étranger sont une source de recettes indispensables. Dans le classement du Film français, le plus gros budget de l’année (49 millions d’euros), Lucy n’affiche que 33 % de taux d’amortissement mais le succès du film de Luc Besson dans le monde entier en a fait la production française la plus rentable de l’année.70 films avec un amortissement inférieur à 5 %Dans l’ensemble, les professionnels estiment qu’il faut que les recettes en salles se situent entre un quart et un tiers du budget d’un film pour que les producteurs puissent espérer recouvrer finalement leur investissement. C’est loin d’être le cas de tous les films. Soixante-dix longs-métrages ont un taux d’amortissement inférieur à 5 %, ce qui, là encore, recouvre des réalités très différentes.Avec moins de 70 000 spectateurs, The Search, de Michel Hazanavicius n’a rapporté que 1,06 % des 20,6 millions d’euros de son budget, pendant que les 12 000 spectateurs du Gaby Baby Doll, de Sophie Letourneur, qui avait coûté 1,56 million, ont porté son taux d’amortissement à 2,41 %.Parmi les grosses productions qui ont raté de loin le seuil de rentabilité, on compte aussi Benoît Brisefer, de Manuel Pradal, 8,3 millions d’euros de budget, 4,6 % de taux d’amortissement, Un illustre inconnu, de Mathieu Delaporte, (12,74 millions d’euros, 2,52 %) ou Grace de Monaco, d’Olivier Dahan, (25,2 millions, 3,68 %).Belle performance pour « Timbuktu »En haut de ce tableau, le succès n’est pas forcément allé aux plus grosses productions. Outre les documentaires déjà cités, on remarque la très belle performance du Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, 2,32 millions de budget et 95,13 % de taux d’amortissement, alors que l’exploitation du film est toujours en cours. Hippocrate, de Thomas Lilti, Lulu femme nue, de Solveig Anspach ou Les Combattants, de Thomas Calley peuvent aussi se prévaloir d’un taux supérieur à 50 %.Les trois millions d’entrées de Samba, d’Olivier Nakache et Eric Toledano ont permis au film de se classer quatrième de ce classement, avec un taux d’amortissement de 63 %. C’est dix fois moins que les 600 % d’Intouchables.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.02.2015 à 22h44 • Mis à jour le16.02.2015 à 10h06 L'acteur français Louis Jourdan est mort samedi 14 février à l'âge de 93 ans, dans sa maison de Beverly Hills, à Los Angeles en Californie, a précisé dimanche son biographe officiel, Olivier Minne. Ce dernier, également animateur à France Télévisions, a estimé que le comédien « était le dernier french lover d'Hollywood comme l'ont été Maurice Chevalier et Jean-Pierre Aumont ». L'homme a fait toute sa carrière aux Etats-Unis. M. Minne, qui prépare avec la famille de l'acteur un livre et un documentaire sur sa vie, a ajouté : « Il incarnait l'élégance française. »« C'était un homme orchestre, acteur mais aussi animateur de télévision avec de grands shows avec Judy Garland et Franck Sinatra et Jerry Lewis. Il a joué aussi au théâtre et a été mannequin notamment pour Pierre Cardin », a-t-il enfin fait valoir.« J'ÉTAIS LE CLICHÉ FRANÇAIS »Né Louis Robert Gendre à Marseille, l'acteur était un habitué des rôles de « beau gosse » dans les films d'Hollywood, mais il avait aussi joué le méchant dans Octopussy en 1983, de la série des James Bond. Il avait fait ses débuts à l'écran en France en 1939 en enchaînant les comédies romantiques avant que ne survienne la seconde guerre mondiale. Mettant sa carrière entre parenthèses, il entrait alors dans la Résistance.Appelé par le producteur David O. Selnick à Hollywood, il entre au casting d'un film d'Alfred Hitchcock, Le Procès Paradine (The Paradine Case) en 1947 et décide de rester aux Etats-Unis. Il y joue dans nombre de longs-métrages dont le plus célèbre, Gigi de Vicente Minnelli en 1958, aux côtés de Leslie Caron et Maurice Chevalier.L'acteur, qui affirmait ne jamais regarder ses films, avait estimé que Hollywood avait « créé une image. J'étais le cliché français ». Sa dernière apparition à l'écran remonte à 1992, dans Year of the Comet de Peter Yates. Louis Jourdan, qui avait été décoré de la Légion d'honneur en 2010 à Los Angeles, où il s'était retiré, avait deux étoiles sur le Hollywood « Walk of Fame », la fameuse promenade des acteurs célèbres. 14.02.2015 à 04h08 • Mis à jour le14.02.2015 à 16h45 Une photo de famille transgénérationnelle de la chanson française. C'est l'image que le public retiendra de la 30e édition des Victoires de la musique, qui s'est déroulée dans la soirée du vendredi 13 février, où le triomphe des artistes « modernes »,  s'est accompagné du sacre des « classiques ».Grande favorite de la soirée avec cinq nominations au total, Héloïse Letissier, alias Christine & the Queens, n'a finalement glané que deux trophées : la jeune femme de 26 ans, honorée du titre d'interprète féminine de l'année, a également été récompensée pour le clip-vidéo de son titre Saint Claude.Côté masculin, Julien Doré, a soufflé la vedette à Calogero et surtout Johnny Hallyday, 71 ans, souvent nommé rarement récompensé dans cette catégorie reine. A 32 ans, l'ex-pensionnaire de la Nouvelle Star décroche sa troisième Victoire.Calogero se console avec son sacre dans la catégorie chanson de l'année, la seule décernée par le vote du public, pour le titre Un jour au mauvais endroit sur le drame d'Echirolles, deux jeunes lynchés en 2012 dans la banlieue grenobloise.LES INSÉPARABLES SOUCHON ET VOULZY Le duo The Dø repart avec le prix de l'album rock pour son troisième opus, « Shake, Shook, Shaken ». La mystérieuse Indila, artiste féminine ayant vendu le plus de disques en 2014 en France avec son premier album « Mini World », et le longiligne Benjamin Clementine, un pianiste londonien adopté par la France, ont eux été récompensés dans les catégories révélations album et scène.Le prodige belge, Stromae, grand gagnant de l'édition précédente avec trois titres, a de nouveau été primé lors en 2015 pour son spectacle, « Racine Carrée tour », joué toute l'année dernière.A l'instar de Daft Punk aux Grammy Awards 2014, le musicien électro Cascadeur est venu chercher sa Victoire de la musique en gardant sur la tête le casque blanc frappé d'une étoile rouge qu'il porte sur scène depuis ses débuts en 2011.Akhenaton, leader d'IAM, a été récompensé dans la catégorie album de musiques urbaines pour « Je suis en vie ». « Rivière noire » complète le palmarès, côté opus de musiques du monde.Le triomphe des « jeunes pousses » n'a pas complètement occulté celui des artistes confirmés. Le premier album en duo des inséparables Alain Souchon, 70 ans, et Laurent Voulzy, 66 ans, a été sacré dans la catégorie album de chansons.La soirée a, enfin, été ponctuée de plusieurs rétrospectives par genres musicaux conclues par un live, avec David Guetta pour l'électro, Jean-Louis Aubert pour le rock, IAM pour les musiques urbaines et Rachid Taha en compagnie de Catherine Ringer pour la séquence musiques du monde. Tous ont reçu une Victoire d'honneur. Josyane Savigneau Romancière, journaliste, polémiste, personne naguère très en vue dans le Paris littéraire, Geneviève Dormann, née le 24 septembre 1933, est morte vendredi 13 février à Paris, à l’âge de 81 ans.Son père, Maurice Dormann (1878-1947), d’abord typographe, était devenu directeur de l’imprimerie du journal Le Réveil d’Etampes. Grièvement blessé et mutilé pendant la Grande Guerre, en 1916, il s’était beaucoup occupé, après la guerre, des blessés. Il a été député radical indépendant de Seine-et-Oise de 1928 à 1936, puis sénateur de 1936 à 1940.Les journaux et la politique étaient donc présents très tôt dans la vie de Geneviève Dormann. Elle a aimé le journalisme, qu’elle a exercé notamment au Point, à Marie Claire et à la radio. Mais, dès 1957, elle a commencé une carrière d’écrivaine, d’abord avec un recueil de nouvelles, La Première Pierre (Seuil), puis avec des romans, une quinzaine en tout, jusqu’à Adieu, phénomène (Albin Michel, 1999).Esprit qui se voulait libre, elle aimait les voyages, l’aventure. C’était une belle femme blonde, séduisante, courtisée. Elle a été, des années 1960 aux années 1990, une figure du journalisme et de la littérature qui laissait rarement indifférent. Elle se revendiquait comme une femme de caractère, insolente, impétueuse, et ayant à l’extrême le goût de la polémique. Elle tenait volontiers des propos provocateurs, voire injurieux, qui partaient certainement d’une conviction, mais qui étaient d’abord faits pour choquer. Elle se disait « maurrassienne », « pour les élites et contre le suffrage universel ».« Anticommuniste, antiféministe, anti… »« Certains l’appellent Doberman, écrivait Pierre Assouline dans Lire en mai 1989. Non qu’elle ait un caractère de chien. Mais ses philippiques sont souvent perçues comme des aboiements. C’est qu’elle ne mâche pas ses mots, la Dormann. Anticommuniste, anticonformiste, antiféministe, anti… beaucoup de choses ! Elle a en elle une inépuisable capacité de refus. A l’ère du consensus, il en faut moins pour se singulariser. »De ses philippiques douteuses, on préférerait oublier sa participation au n° 80 du Crapouillot en 1985 et son fameux « les juifs m’emmerdent », qui avait suscité notamment une réponse lapidaire – « Et comment, Madame Dormann, et comment ! » – de Guy Konopnicki, dans Information juive.Dans un très long entretien à Lire en 1989, elle fustigeait la droite, censée être sa famille politique : « Elle est inexistante. Elle m’emmerde. Elle n’ose pas prendre les voix du Front national. » Elle se disait « pas du tout européenne », mais « d’un clocher ».« Ce livre [“Le Bal du dodo”], je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs »Dans un entretien à Elle, quinze ans plus tôt, en 1974, elle s’en prenait, cela n’étonnera personne, au féminisme et à Simone de Beauvoir : « Je ne me gâtais pas le tempérament à lire Beauvoir. Des heureuses qui ne l’ont jamais lue, j’en vois : elles sont assises à une terrasse des Champs-Elysées pendant mes heures ouvrables. Pas l’air froissé par l’oppression masculine. »En 1989 encore, l’annonce du Grand Prix du roman de l’Académie française, qui lui avait été attribué pour Le Bal du dodo (Albin Michel), avait été relayée dans Le Monde avec une certaine ironie. Il est certain qu’il y avait cette année-là des livres plus attrayants que cette histoire qui s’étire sur 370 pages, dans une île Maurice où des jeunes gens trop épris vont être séparés – on peut préférer Paul et Virginie. Geneviève Dormann elle-même, avec son amour de la provocation, avait fait une quatrième de couverture propre à susciter la moquerie, affirmant : « Ce livre, je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs. »Si l’on veut relire Geneviève Dormann, on peut aller plutôt du côté de Fleur de péché (Seuil, Grand prix de la ville de Paris 1980) ou du Roman de Sophie Trébuchet (Albin Michel, prix Kléber-Haedens 1983), où elle ressuscite avec bonheur la figure de la mère de Victor Hugo. Et pour garder le meilleur souvenir de Geneviève Dormann, il faut lire son essai biographique sur Colette, Amoureuse Colette (Herscher, 1984), un album où de magnifiques photos ont été rassemblées par Sylvie Delassus, et l’hommage de Geneviève Dormann à une femme qu’elle admirait et dont elle était une lectrice passionnée.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier En juin 1970, la parution du double album Self Portrait de Bob Dylan avait suscité l’incompréhension d’une partie de la critique musicale. Constitué de reprises (dont Let It Be Me, adaptation de Je t’appartiens de Gilbert Bécaud et Pierre Delanoë, The Boxer de Paul Simon, Blue Moon de Lorenz Hart et Richard Rodgers…), d’instrumentaux, d’extraits du concert de Dylan à l’Ile de Wight, en Angleterre, le 31 août 1969,et de quelques compositions. Où était le héros du folk, le poète de la contre-culture et de la révolution électrique dans ce fourre-tout ? Et surtout, horreur !, chanté dans un style crooner country identifié au conservatisme stylistique – pourtant déjà amorcé dans l’album précédent, Nashville Skyline.Depuis, Self Portrait a été réhabilité, avec parfois autant d’excès qu’il avait été honni, et Dylan peut aujourd’hui en toute quiétude, et même avec le salut enthousiaste de la presse anglo-saxonne, proposer Shadows in The Night. Soit un album entièrement constitué de reprises de chansons enregistrées par Frank Sinatra des années 1940 au début des années 1950, avec un petit saut temporel en 1957. Ce Sinatra, c’est celui qui a fait ses débuts au milieu des années 1930 au sein des orchestres d’Harry James et Tommy Dorsey, devenu une vedette à part entière lorsqu’il est signé par Columbia Records en 1943 pour une période de neuf ans. Grand orchestre, cordes, chœurs sont mis en jeu pour accompagner sa voix de velours et ses romances chavirantes. Le saut temporel, c’est lorsque Sinatra, passé chez Capitol Records, enregistre pour la première fois avec l’arrangeur Gordon Jenkins et non plus Nelson Riddle.Un propos instrumental sobreDe ce faste orchestral, Dylan s’éloigne avec un propos instrumental sobre, guitare acoustique et légèrement électrifiée, avec contrebasse, petit ensemble de vents (trombone, trompette, cor) par endroits, étirement des notes à la guitare pedal steel, jeux aux balais à la batterie… Sur un tempo dominant de ballade, parfois abordé plus lentement que ne l’avait fait Sinatra, Dylan avance dans la courbe mélodique, prononce les mots, s’en régale, timbre à peine rauque. On est, sinon à des années-lumière, en tout cas, loin de ce qu’est devenue sa voix avec le temps, en particulier lors des concerts.Ce soin vocal – certes relatif, il y a bien ici et là des dérapages dans la justesse – autant que l’interprétation musicale très exacte du petit ensemble, donne un aspect respectueux à l’album. Le répertoire va et vient entre des succès de Sinatra et des thèmes plus secrets, commençant par I’m A Fool To Want You, composition de Sinatra, Jack Wolf et Joel Herron enregistrée en mars 1951, jusqu’à That Lucky Old Sun, dont Sinatra s’empara en septembre 1949 alors que Frankie Laine venait d’en faire un numéro 1 des ventes. De l’un à l’autre, The Night We Called It A Day, Stay With Me, Some Enchanting Evening ou What I’ll Do sont des choix érudits.Concision et distanceAu-delà de l’hommage, on retrouve aussi ici ce vers quoi Dylan est régulièrement allé, ce rapport à un passé musical formateur, du blues des origines au jazz, des airs traditionnels aux racines rock’n’roll. Abordé dès ses débuts avec une majorité de reprises de standards du folk et du blues dans son premier album, en 1962. Affirmé dans Self Portrait, dont l’album Dylan, en 1973, proposa des chutes. Exploré en partie, mais pour le coup par-dessus la jambe, dans Down in The Groove (1988). Dans le dépouillement du solo, avec guitare et harmonica avec le doublé de folk traditionnel Good as I Been To You (1992) et World Gone Wrong (1993). Jusqu’à Christmas in The Heart, recueil de chansons de Noël paru en 2009. Le Sinatra de Dylan se révélant le plus réussi par sa concision et sa distance avec l’exercice de style.Shadows in The Night, de Bob Dylan, 1 CD Columbia Records/Sony Music.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 01.02.2015 à 20h13 • Mis à jour le02.02.2015 à 16h16 | Alexis Delcambre Plus de musique, un ancrage clair dans les cultures urbaines et une grille simplifiée : ce sont les ingrédients du nouveau « Mouv’» que lance Radio France, lundi 2 février à 6 heures.Sous la direction de Bruno Laforestrie, ancien patron de la radio Générations, l’antenne promet de s’adapter « aux attentes musicales des 15-30 ans en se positionnant fortement sur le hip-hop et l’électro », et d’user d’un « ton inédit et singulier » en s’inspirant des « différentes formes d’expressions de la rue, véritable vivier de talents et de langages ».« C’est une radio qui va parler le langage des jeunes et employer leurs codes », décrit Mathieu Gallet, PDG de Radio France. Un jeu sur la langue sera ainsi proposé : « Dictées dans la Cité », en lointain hommage à Bernard Pivot. Les auditeurs pourront aussi prendre la parole, à travers un « Rapondeur ».Selon ses concepteurs, la musique revient au centre du projet : elle occupera 75 % du temps d’antenne, contre 50 % actuellement. La radio ambitionne de servir de tremplin à de jeunes talents dont la diffusion se fait actuellement sur les réseaux sociaux.La grille est simplifiée, avec des tranches de 3 heures qui remplacent les multiples rendez-vous de la formule précédente. Points saillants : le « Good morning Cefran » (6-9 heures) présenté par l’animateur Pascal Cefran ; « Mouv’Express » entre 12 et 16 heures ; et le magazine « 20#20 » présenté par Guillaume Tatu à 20h20, qui abordera « les grands problématiques de la jeunesse : marché du travail, drogue, sexualité… », selon M. Gallet.Sur Internet, une nouvelle version du site va être proposée. Surtout, « Mouv’» - sa nouvelle appellation - favorisera la circulation de ses contenus, pour qu’ils puissent être facilement partageables sur les réseaux sociaux ou les grandes plates-formes comme Youtube.Cette relance du Mouv’- la troisième en trois ans - est censée répondre à l’échec actuel de la station. Créée il y a 18 ans, devenue au début des années 2000 une incarnation de « l’esprit rock », avant de s’égarer dans une succession de nouvelles formules, elle atteint péniblement 200 000 auditeurs cumulés, soit une part de marché inférieure à 0,5 %.C’est un problème pour un groupe qui veut en faire un canal de recrutement de nouveaux auditeurs et qui, par ailleurs, est désormais en situation déficitaire - avec 21 millions d’euros manquants au budget 2015. La direction de Radio France espère remonter à au moins 1 % de part d’audience d’ici fin 2016 et assume que dans le cas contraire, il faudra « revoir le modèle » - comprendre arrêter l’exploitation sur la bande FM.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême) Riad Sattouf a reçu le Fauve d’or du meilleur album dimanche pour le premier tome de L’Arabe du futur, seulement cinq ans après l’avoir obtenu pour le tome 3 des aventures de son héros protéiné Pascal Brutal. Publié chez un nouveau venu sur le marché de l’édition, Allary éditions, L’Arabe du futur est un récit autobiographique dans lequel l’auteur raconte une courte période de son enfance, où ses parents ont emménagé dans la Libye du général Kadhafi puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad. En gestation depuis le déclenchement, il y a quatre ans, de la guerre en Syrie (le pays natal de son père), ce roman graphique prévu en trois tomes se terminera en 2016 avec le récit de l’exil en France d’une partie de sa famille, originaire de Homs. Notre collaboratrice Cathia Engelbach, chroniqueuse au blog Les Petits Miquets, avait rédigé la critique suivante en décembre dernier à propos de ce livre :Lui, c’est Riad, petit bout d’homme de 2 ans, rejeton autoproclamé « parfait » d’une mère bretonne, dont il a hérité la chevelure blonde, et d’un père syrien issu d’un milieu paysan très pauvre. Suite à une thèse de doctorat en histoire contemporaine à la Sorbonne, ce dernier embarque femme et enfant dans la Libye de Kadhafi, puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad en 1984. Obsédé par l’idée d’un panarabisme progressiste, sa transhumance au Moyen-Orient se fait avec cette pensée unique érigée en marotte : épousseter le monde arabe de tout obscurantisme religieux et faire de l’éducation l’accès royal aux lettres dorées de « l’arabe du futur ».Pour Riad Sattouf, rompu à l’exercice des saynètes caustiques, par bulles (le père de l’antihéros à la testostérone amphigourique Pascal Brutal, c’est lui) ou par écrans interposés (le film Les Beaux Gosses, c’est lui aussi), l’idée de ce récit remonte au début de la guerre civile syrienne, en mars 2011. L’incursion de l’histoire personnelle dans la grande histoire donne une dimension sociologique à l’album à travers l’œil naïf de l’enfant qu’il était. Par accumulation de micro-tableaux faussement anecdotiques, tantôt persifleurs, tantôt ubuesques, il confirme que l’autobiographie est l’un des parents riches de la bande dessinée actuelle.A lire également : Riad Sattouf, retour à la ligneLe jury a par ailleurs attribué son prix spécial à Chris Ware pour son livre-monde Building Stories (Delcourt) et le prix de la meilleure série à Lastman (Casterman), le manga français du trio Bastien Vivès, Mickaël Sanlaville et Balak. Le Japonais Katsuhiro Otomo, créateur de la série « Akira », avait été désigné jeudi Grand prix 2015 pour l’ensemble de son œuvre. Les autres principaux prix :- Prix révélation : Yekini le roi des arènes (FLBLB), par Lisa Lugrin et Clément Xavier- Prix du patrimoine : San Mao (Fei Editions), par Zhang Leping- Prix du public : Les Vieux fourneaux (Dargaud), par Wilfrid Lupano et Paul Cauuet- Prix du polar : Petites coupures à Shioguni (Philippe Picquier), par Florent Chavouet- Prix jeunesse : Les Royaumes du Nord, tome 1 (Gallimard), par Clément Oubrerie et Stéphane Melchior.Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.02.2015 à 02h18 • Mis à jour le01.02.2015 à 20h17 José Manuel Lara, président du groupe d'édition espagnol Planeta, qui possède le français Editis, est mort samedi 31 janvier, à l'âge de 68 ans à Barcelone.Celui qui avait commencé sa carrière aux éditions Librairie Larousse (devenues Larousse) à Paris, en 1963, était parvenu à transformer l'entreprise créée par son père en un véritable empire, très présent en Amérique latine.« JE VEUX ÊTRE COMME HACHETTE »« Je veux être comme Hachette », avait-il déclaré dans les années 1970. Ses acquisitions au fil des années de maisons d'édition, journaux, chaînes de radio et de télévision et sociétés de production et de distribution dans le cinéma, lui avaient finalement valu d'être comparé au magnat australien Rupert Murdoch. José Manuel Lara avait pris la succession de son père à sa mort, en 2003. En mars 2009, il  avait été nommé président de la maison d'édition française Editis (La Découverte, les Editions du Cherche-Midi...), dont Planeta avait pris le contrôle dix mois auparavant.Passionné de football, M. Lara a été jusqu'en 2009 l'actionnaire principal de l'Espanyol Barcelone. Il était aussi un adversaire résolu de l'indépendance de la région : « Si la Catalogne était indépendante, le groupe Planeta devrait s'en aller », avait-il menacé en 2012, quand le mouvement pro-indépendance prenait de l'essor. Il était marié et père de quatre enfants. Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial) Cinq cents personnes environ ont pris part, samedi dans les rues d’Angoulême, à la marche des « auteurs pour la création », en marge du Festival international de la bande dessinée. Regroupés derrière une banderole sur laquelle était écrit « Sans les auteurs, plus de BD. Les auteurs plus qu’à poil », les professionnels du 9e art entendaient protester contre la précarisation grandissante de leur métier, incarnée par un projet d’augmentation de cotisation de retraite complémentaire. Obligatoire à partir de l’an prochain, celle-ci ponctionnerait les auteurs de l’équivalent d’un mois de salaire, alors que la grande majorité d’entre eux ne gagne pas le smic. Il est 14 h 30 quand le cortège s’élance depuis la place du Champ-de-mars, devant le « Monde des bulles », l’un des principaux espaces du FIBD. Longtemps réputé pour son individualisme et son manque d’organisation, le petit monde de la bande dessinée a à cœur de démontrer le contraire, même s’il apparaît vite évident qu’il n’a pas l’habitude de ce genre de rassemblement. L’ambiance est bon enfant ; elle va vite devenir potache, en raison, notamment, de l’absence de slogans préalablement préparés.« Trouvez-nous un slogan ! »Au premier rang, Lewis Trondheim et Fabrice Neaud s’improvisent en meneurs de troupe. « Trouvez-nous un slogan ! », lance le premier. Dans un épanchement continu de franche rigolade suivront des « Ils sont méchants, pas nous », « Le soleil est avec nous » et autres « CRS = Tendresse ». A mi-chemin, le rédacteur en chef de Fluide Glacial, Yan Lindingre, harangue la foule d’un ton gaullien, depuis la fenêtre d’un immeuble du centre-ville : « Auteurs de BD, je vous ai compris. »Moins d’une heure après son départ, le cortège arrive à son point d’arrivée, l’Hôtel de ville d’Angoulême, au fronton duquel a été accrochée une banderole énumérant les noms des victimes des attentats des 7 et 9 janvier. Parole est alors donnée au scénariste Fabien Velhmann.« A l’heure où, dans notre profession, certains se prennent à douter, se demandent si ce qu’ils font a un sens, s’il y a encore le moindre intérêt à faire nos petites cases à la con, nos petites BD tout seul dans notre coin, ces meurtres constituent une violente et aberrante piqûre de rappel : il faut croire que dessiner peut parfois avoir du poids, puisqu’on peut se faire tuer pour ça, déclare-t-il. Le paradoxe absolu de cette situation, c’est qu’alors même que l’on voit fleurir partout les preuves d’un puissant attachement au dessin, à la liberté d’expression et à la culture, notre profession se porte mal, nous obligeant aujourd’hui à manifester notre colère. »« Colère »L’objet de ladite « colère » est une lettre du président du conseil d’administration du Régime de retraite complémentaire des artistes et auteurs professionnels (RAAP) de mai 2014 annonçant une réforme du système existant, dont les modalités feraient diminuer de 8 % les revenus des cotisants. La mesure a provoqué un tollé au sein de la profession, en partie rassemblée au sein du groupement bande dessinée du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC).Las des débats infructueux depuis six mois, le mouvement a décidé de s’adresser directement au chef de l’Etat, François Hollande. « Nous vous demandons, monsieur le président, de prendre vos responsabilités et de négocier avec les véritables partenaires sociaux : les organisations représentatives des auteurs et artistes, a lancé Fabien Vehlmann. Monsieur le président, faut-il vous rappeler que les auteurs et les artistes, outre leur importance symbolique et culturelle, sont aussi à l’origine d’une richesse économique qui confère à leur secteur la troisième place de contributeur au PIB, devant l’industrie automobile ? »Un temps pressenti, François Hollande ne viendra finalement pas à Angoulême pendant le festival. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, sera là en revanche dimanche. Il y a de fortes chances pour qu’elle soit interpellée sur le sujet.Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Moomin, c’est un peu le Babar finlandais, le Snoopy scandinave, une sorte de Hello Kitty qui serait doté d’une vie riche d’échanges et de questionnements. S’il est besoin aujourd’hui d’introduire ce petit « troll », hippopotame blanc aux yeux ronds grand ouverts sur le monde, devenu une référence graphique et littéraire dans le nord de l’Europe et au Japon, c’est qu’entre la France et Moomin, il y a eu comme un rendez-vous manqué.Figure finlandaise, la romancière, illustratrice, peintre et caricaturiste Tove Jansson (1914-2001) – prononcer « touvé yansson » – a créé son personnage et la ribambelle de créatures peuplant son univers en 1945. Les aventures de ses trolls ont rencontré un succès immédiat, transformant un premier roman illustré pour enfants en une saga qui s’est doublée d’aventures en « comic strips » dans la presse. En tout, plus de 10 millions de livres, traduits dans 44 langues, ont été vendus dans le monde – une « moominmania » restée cependant très confidentielle en France.« Un jalon important de la BD »« Cette œuvre, méconnue du public français, méritait depuis longtemps un éclairage, estime Jean-Philippe Martin, l’un des commissaires de l’exposition consacrée aux Moomins à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême. C’est un jalon important de la BD, qui a nourri l’imaginaire de nombreux artistes, dont Hayao Miyazaki ou Bill Watterson. » Le projet, lancé il y a quatre ans, a pourtant failli être abandonné. Il aura fallu la perspective du centenaire de la naissance de l’auteur en 2014, les 70 ans de la création de la série en 2015 et la préparation d’un film d’animation franco-finlandais, Les Moomins sur la Riviera, sorti en 2014 en Finlande et attendu le 4 février en France, pour qu’il soit relancé. « Nous avions une fenêtre, c’était maintenant ou jamais ! », résume le commissaire.Le Monde magique des Moomins, qui s’installe pour plus de huit mois au bord de la Charente, propose des focus sur certains aspects de cette folle aventure et les différentes facettes du travail de Tove Jansson. L’exposition se présente de façon séduisante comme une immersion grandeur nature dans la Vallée des Moomins. Sur le sol, des chemins inspirés par la cartographie des lieux dessinée par l’auteur invitent à la déambulation et mènent tous à la maison bleue de la famille Moomin, dont l’intérieur est aménagé en salle de projection pour les plus petits.Au fil du parcours, des espaces semi-clos proposent autant de mini-expositions, abordant tour à tour l’univers visuel romanesque, celui, graphique, en noir et blanc, de la bande-dessinée, ou le phénomène Moomins lui-même, qui a entraîné la création de multiples produits dérivés de qualité (jeux et jouets, affiches, disques, motifs de papier-peint, vaisselle, calendriers de l’Avent, etc.). Une de ces alcôves, où tout est exposé à hauteur d’enfant, est aussi dédiée à l’art de Tove Jansson en dehors des Moomins, de la caricature à la peinture abstraite. Folklore nordique revisitéQuelle est donc cette magie qui opère depuis tant de décennies auprès des enfants comme des adultes ? Tove Jansson l’a reconnu elle-même : la création des Moomins est une réaction plus ou moins consciente à la seconde guerre mondiale, avec l’envie de créer un monde permettant d’échapper à la rudesse de l’époque, qui avait laissé la Finlande ravagée. Une invitation à l’évasion qui revisite l’imaginaire et le folklore nordique. Les trolls, créatures des forêts et des montagnes souvent effrayantes, ont pris avec les Moomins, être amicaux et sensibles, une dimension plus humaniste et fraternelle.Divers dangers viennent bousculer l’équilibre de leur paisible vallée, forçant la famille et ses amis à partir dans des aventures impromptues et drôlatiques. Le ton faussement léger et insouciant permet d’aborder, l’air de rien, des réflexions sur la nature, la vie en société, les rencontres, l’amour, l’amitié, la mélancolie… Selon le commissaire Jean-Pierre Mercier, c’est l’« universalité du propos » qui explique l’engouement durable pour les Moomins. « Son message était : vivez en paix, cultivez votre jardin, rêvez », résume Xavier Picard, le réalisateur des Moomins sur la Riviera, qui est pour sa part tombé « amoureux » des Moomins en les découvrant au Japon.« Comic strips » dans la presse« Tove lisait beaucoup de littérature et de philosophie, et savait observer, capter les caractères », raconte sa nièce Sophie Jansson, qui dirige aujourd’hui la branche culturelle de Oy Moomins Characters Ltd, société commerciale détentrice des droits sur l’œuvre. Issue d’une famille d’artistes, Tove Jansson vivait une vie alternative, ayant choisi très jeune de ne pas se marier ni avoir d’enfant et de dédier sa vie à l’art. « C’était une femme libre et merveilleuse. Elle aimait jouer, elle était comme un enfant sans être un enfant. Elle avait le don de ne pas catégoriser les gens par âge, et elle considérait les enfants à égalité avec elle », analyse Sophie Jansson. C’est certainement cette qualité de savoir toucher tous les âges qui lui a permis de créer un univers parlant aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Si les romans pour enfants ont lancé le personnage, la notoriété des Moomins s’est d’ailleurs largement étendue grâce à la BD, visant un public plus mature. C’est la presse finlandaise qui a commencé à publier ses savoureux « comic strips », mais c’est la presse britannique qui va opérer un basculement : à partir de 1954, le London Evening News, tiré à 12 millions d’exemplaires dans le monde, publie quotidiennement ses vignettes pendant près de quinze ans. Accaparée par son personnage alors qu’elle souhaitait se consacrer à d’autres travaux, Tove Jansson demandera à son frère Lars de prendre la relève des strips. A eux deux, ils ont fait évoluer les Moomins et leur pratique graphique jusqu’en 1975.Edition en France relancée en 2007Que s’est-il donc passé pour que la magie finlandaise n’opère pas réellement en France jusqu’ici ? Les éditions Nathan ont commencé à faire traduire les romans dans les années 1980, puis l’une des plus populaires séries d’animation adaptées de l’univers des Moomins a été diffusée dans les années 1990 à la télévision française. « Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas eu de continuité dans les publications », explique le commissaire. Nathan se serait brouillé avec ses traducteurs, ce qui a bloqué la situation et les droits pendant de nombreuses années.Les éditions jeunesse Le Petit Lézard ont finalement réussi à relancer l’édition des Moomins, en commençant par les BD – le premier tome, édité en 2007, avait remporté d’ailleurs le prix du patrimoine au Festival d’Angoulême 2008. Puis ont renoué avec les traducteurs d’origine, le couple franco-suédois Kersti et Pierre Chaplet, pour reprendre la publication des romans et faire évoluer leur traduction. Il a peut-être aussi manqué un vrai déclic. L’exposition finit sur les coulisses des Moomins sur la Riviera, qui est déjà un grand succès en Finlande. Il s’agit de la première adaptation pour le grand écran basée sur les « comic strips ». C’est aussi la version la plus traditionnelle et fidèle aux dessins originaux. A voir si la « magie » opérera et si le dessin animé emportera l’adhésion d’un large public en France.Foisonnement de personnalitésEn quittant l’exposition, on regrette seulement qu’il n’y ait pas de véritable galerie de portraits de la population des Moomins. Certes, on retrouve les principaux personnages, mais sans réel point d’entrée dans le foisonnement de leurs personnalités, liens ou manies, au-delà de l’immature et paresseux Sniff et du dévouement de Mamma Moomin.Les présentations ne sont pas vraiment faites avec Little My, petite rousse à chignon insolente et farceuse, imaginée par l’auteur en écho à sa propre enfance, le Renaclerican, le meilleur ami philosophe et migrateur de Moomin, avec sa pipe et son grand chapeau, la coquette Mademoiselle Snork et son frère, mais aussi l’effrayante Courabou, Tou-ticki, inspirée par la compagne de Tove Jansson, puis tout un tas de personnages secondaires rencontrés au gré des voyages : Boines au grand nez, Chassebés aux oreilles poilues, monomaniques Hémules, le méchant Fourmilion, les dépressifs Filifolles, les fameux Hatifnattes, sortes de fantômes pleins de doigts qui se déplacent en groupe et produisent de l’électricité, sans parler des Zbors, Misalines, Scroutons, brigands et extra-terrestres…« Le Monde magique des Moomins ». Musée de la bande dessinée, quai de la Charente, Angoulême. Du 28 janvier au 4 octobre, relâche du 18 mai au 19 juin afin de préserver les œuvres les plus fragiles. Ateliers pour les enfants autour de l’exposition. www.citebd.org et www.bdangouleme.comEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 09h18 • Mis à jour le30.01.2015 à 11h14 | Jean-Jacques Larrochelle A l’image des « Gérard de la télévision », cérémonie de remise de prix attribués aux pires émissions du PAF et à ceux qui les animent, les Parpaings d’or de l’architecture parviennent, sur le même principe, à garder leur sérieux tout en s’amusant, à moins que ce ne soit l’inverse. Sachant que toute expression humoristique possède sa part de vérité, les lauréat(e)s épinglé(e)s par ces grinçantes distinctions ont toutes les raisons de ne pas en rire. De manière plutôt diplomatique, ils (elles) choisissent, le plus souvent, de s’en accommoder en venant chercher eux (elles)-mêmes leurs prix.L’édition 2014 des Parpaings d’or de l’architecture, dont les résultats ont été communiqués en ligne mercredi 28 janvier, leur auront épargné cette douloureuse démarche : la manifestation, faute de temps et d’argent, n’a donné lieu à aucune cérémonie. La précédente avait été organisée dans la péniche Louise-Catherine, un ancien chaland réaménagé en 1929 par Le Corbusier, amarrée au quai d’Austerlitz dans le 13e arrondissement de Paris.Actualité politiqueCette année, le ton de la manifestation ayant de surcroît sensiblement durci, on imagine mal comment Elisabeth de Portzamparc, seule nommée au Parpaing d’or de l’architecte qui bénéficie le mieux des réseaux de son mari, ou Jean Nouvel, l’auteur de la Philharmonie de Paris (Parpaing d’or du projet déjà là lors des Premiers parpaings d’or, mais toujours pas terminé, et même qu’on va pouvoir encore se foutre d’eux l’an prochain si ça continue comme ça) auraient pu accepter de venir récupérer leurs trophées sans s’exposer au risque d’une sérieuse disgrâce. L’actualité, la plus sérieuse, s’est toutefois invitée, qui n’a pas épargné certains acteurs de la vie politique. Ainsi, Le Parpaing d’or du maire élu en mars dernier qui, par pure réaction partisane et électoraliste, a décidé de gaspiller des centaines de milliers d’euros d’études en sacrifiant un projet utile a été décerné à l’arrêt de la production de logements par les maires de droite en Île-de-France. Ou comment une brève saillie vaut parfois mieux qu’un long discours.« Il n’y en aura pas l’an prochain »Selon son promoteur, le site Web L’Abeille et l’architecte, le concours a, cette année, suscité quelque 25 000 pages vues. Bien que ce score soit inférieur à ceux des années précédentes, le nombre de votes a, quant à lui, augmenté, soit quelque 35 000 participants internautes ayant répondu aux dix-huit questions permettant d’établir les différents palmarès. Ces chiffres s’expliquent, selon L’Abeille et l’architecte, par un moindre intérêt porté par les médias « grand public » à la manifestation. Il est vrai qu’une connaissance minimale des rites du milieu de l’architecture (ses complicités, ses tics, ses égos, son jargon, ses coups bas…) est parfois requise pour saisir certaines nuances introduites dans les questions.« La conclusion est donc simple, explique l’architecte Jérôme-Olivier Delb, maître d’œuvre de l’opération. Les Parpaings d’or de l’architecture intéressent beaucoup plus les architectes que les gens, ils perdent ainsi l’intérêt qu’ils avaient, c’est-à-dire : décloisonner une profession qui a tendance à rester dans l’entre-soi, à se regarder le nombril et ne pas regarder ailleurs pour ne pas que l’autre regarde chez nous et évidemment [puisse] rire de nous. » Après ce relatif revers, il admet que la périodicité annuelle des Parpaings puisse ne « pas être très opportune ». Et de conclure qu’« il n’y en aura donc pas l’an prochain. » Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Son duo avec Kanye West n'est que le dernier en date. Johnny Cash, Stevie Wonder, Michael Jackson, Eric Clapton… Depuis la séparation des Beatles, Paul McCartney a multiplié les tandems. Pour le meilleur ou pour le pire. « Who the fuck is Paul McCartney ? » Beaucoup ont démenti depuis, assurant qu'il ne s'agissait que de plaisanteries, mais ce Jour de l'an nous a quand même filé un coup de vieux. Avec un sens du happening dont les stars de la pop 2.0 ne peuvent plus se passer, le rappeur Kanye West avait dévoilé, par surprise, sur Internet, dans la nuit du 31 décembre, son nouveau single, Only One, enregistré en duo avec l'ancien Beatles.Lire aussi : Rihanna, Paul McCartney et Kanye West en trioQuelques heures plus tard, plusieurs générations s'étranglaient devant les tweets de certains jeunes admirateurs de cette icône du R'n'B se demandant qui était le monsieur assis à côté de Kanye sur la photo noir et blanc posté par leur idole. « C'est pour cela que j'aime Kanye, assurait (sans rire ?) l'un d'eux, il met en lumière des artistes inconnus. »Le temps était-il passé aussi vite pour creuser un tel fossé ? La classe YouTube était-elle aussi coupée d'un monde qui, hier encore, vibrait à l'unisson des mélodies du créateur de Yesterday ? Que faisaient les parents ? Que faisait Obama (pourtant aperçu, à Washington, en 2010, vocalisant Hey Jude avec l'ex-Fab Four), pour que Sir Paul McCartney – 72 ans – ait besoin d'un duo avec un rappeur pour se faire connaître des enfants du XXIe siècle ? Ou n'était-ce pas après tout Kanye West qui cherchait à élargir son public et à se faire adouber, entrant du même coup dans les mocassins d'une autre idole planétaire, Michael Jackson, lui-même jadis couronné King of Pop par le serviteur de Sa Majesté ? Car cet art du duo aux multiples fonctions – amicales, artistiques, marketing… – a déjà été beaucoup pratiqué par McCartney.Complainte dénudée, à la voix légèrement distordue par l'Auto-Tune (un logiciel souvent utilisé par le rappeur) et aux claviers minimalistes pianotés par le septuagénaire, Only One laissera-t-elle autant de traces que quelques autres célèbres collaborations ? Le morceau – annoncé comme le premier d'une série de compositions signées par les deux stars – possède déjà sa part de légende. Enregistrée dans une petite maison de Los Angeles, la chanson aurait été soufflée à Kanye – dans un état second – par sa mère, décédée en 2007. « Ma maman me parlait et, à travers moi, parlait à ma fille », expliquait le chanteur dans un communiqué. Enfonçant le clou émotionnel, Kim Kardashian – la pulpeuse Mme Kanye West – assure d'ailleurs pleurer à chaque écoute. West est en tout cas le troisième chanteur afro-américain avec lequel Paul McCartney connaît le succès. De huit ans son cadet, Stevie Wonder fut le premier à triompher avec l'ancien Beatles. Sortie en mars 1982, deux ans après l'assassinat de John Lennon, la chanson Ebony and Ivory posait cette question clé : « Ebène et ivoire vivent en parfaite harmonie sur le clavier de mon piano – Oh, Seigneur, pourquoi pas nous ? » Souvent parodiée – et régulièrement classée parmi les pires duos de l'histoire –, cette ballade sirupeuse (parue dans l'album de McCartney, Tug of War) toucha suffisamment de monde pour rester quatre semaines au sommet des charts britanniques et sept semaines au top des ventes américaines, devenant ainsi le plus grand succès de la carrière post-Beatles de « Macca ».Admiration mutuelle avec Michael JacksonLa même année et dans le même registre sucré, les collaborations entre l'homme de Liverpool et Michael Jackson marquèrent aussi l'histoire. Une admiration mutuelle avait failli provoquer un premier duo à la fin des années 1970, mais Michael avait finalement enregistré en solo une chanson de Paul, Girlfriend, sur l'album Off the Wall. En 1982, le titre The Girl is Mine sera le premier single tiré d'un disque de légende, Thriller, appelé à devenir l'album le plus vendu au monde. « Il y avait une dimension symbolique incroyable à voir le futur King of Pop faire appel à celui qui incarnait ce titre depuis les années 1960 », estime le journaliste Olivier Cachin, biographe français de Michael Jackson (Michael Jackson. Pop Life, Ed. Alphée).Symbolisé par des clips rayonnant de bonne humeur, ce partenariat quasi fraternel se prolongera avec la chanson The Man et le tube Say Say Say (supérieur au mièvre The Girl is Mine), dans l'album de McCartney Pipes of Peace (1983), avant que leur relation ne tourne au vinaigre, lorsque Michael Jackson rachètera les droits des Beatles, un nez et à la barbe de son compère.Heureusement, beaucoup d'autres duos enregistrés par l'ancien Beatle témoignent de plus solides amitiés. Qu'il s'agisse de ses apparitions aux côtés de ses premiers complices, George Harrison (All Those Years Ago, en hommage à John Lennon) ou Ringo Starr (sur une demi-douzaine d'albums de ce dernier) ou de son plaisir de jouer et chanter avec de vieux camarades. Certains célèbres : Eric Clapton, Donovan, Yusuf Islam, alias Cat Stevens, Lulu ou Brian Wilson, pour le duo A Friend Like You (2004), trente-sept ans après avoir été enregistré mangeant des carottes dans un album des Beach Boys… D'autres moins, tel le bassiste Klaus Voormann (I'm in Love Again, en 2009), également dessinateur de la pochette de l'album Revolver des Beatles. Fidélité à ses idoles d'adolescenceAutre constante dans le parcours de duettiste de « Macca », sa fidélité à ses idoles d'adolescence, ceux qui formèrent le gamin de Liverpool à l'excitation du rock'n'roll. S'il a souvent repris en solo des classiques de ce vieux répertoire, il a aussi chanté en tandem, avec Allen Toussaint, I Want to Walk You Home de Fats Domino, ou avec Carl Perkins (My Old Friend, Get in), l'auteur de Blue Suede Shoes, tout en ne sachant pas dire non à Johnny Cash (le country kitsch New Moon Over Jamaica). « Nous passions Noël en voisins à la Jamaïque, il m'a proposé d'écrire ensemble une chanson, racontait l'Anglais en 1988. Qui suis-je pour refuser quelque chose à Johnny Cash ? »Quand on le voit avec ces pionniers, McCartney arbore le même sourire de gamin que celui affiché par ses propres admirateurs lorsqu'il joue à leurs côtés. Ne pas hésiter, pour s'en convaincre, à regarder sur YouTube la vidéo du concert de Bruce Springsteen à Hyde Park, en 2012, où le Boss accueille d'un rire émerveillé l'ancien bassiste des Beatles pour reprendre I Saw Her Standing There et Twist & Shout (« J'attendais ça depuis cinquante ans ! »).Même sensation au visionnage des images du septuagénaire entouré des membres survivants de Nirvana, le batteur Dave Grohl et le bassiste Kris Novoselic, à l'occasion d'un concert donné à Seattle, en 2013. Outre quelques classiques (Get Back, Long Tall Sally…), ce groupe surpuissant jouait une composition originale, Cut Me Some Slack, cosignée à l'occasion d'un documentaire, Sound City, réalisé par Dave Grohl. Ce titre très électrique valut d'ailleurs à ses auteurs le Grammy Award de la meilleure chanson rock en 2014. Vieille alchimie avec Elvis CostelloSi, à l'instar de ses morceaux avec Stevie Wonder ou Michael Jackson, certains duos flattent son profil « doux, drôle et sympathique » jusqu'à la mièvrerie, l'interprète de Michelle et Helter Skelter est sans doute meilleur quand un partenaire aiguise son tranchant rock, comme pouvait le faire John Lennon au sein des Fab Four.Ce fut sans doute le secret de la réussite de sa collaboration avec Elvis Costello dans leurs albums respectifs, l'excellent Flowers in the Dirt de McCartney, et Spike de Costello, tous deux parus en 1989. « Angry young man » de la new wave anglaise, ce Londonien d'origine irlandaise ayant vécu à Liverpool ressuscitait une vieille alchimie. « Comme John, Elvis Costello est capable de me dire qu'il n'aime pas ce que je fais, analysait McCartney, en 1989. Sa voix légèrement éraillée, ses dehors un peu agressifs, ses talents d'auteur sarcastique provoquent avec moi un contraste qui nous ramène naturellement aux Beatles. » Et un duo qui signait alors Lennon/McCartney. Stéphane DavetJournaliste au Monde Clémentine Gallot Sébastien Barrier est un conteur volubile. Son spectacle arrosé, Savoir enfin qui nous buvons, consacre les bienfaits du vin naturel à travers l'histoire de vignerons du Val de Loire : « Ce sont des ivresses différentes, plus folles, qui font moins mal le lendemain. Un nouvel alcoolisme plus sain. » Ce soliste du théâtre de rue a d'abord roulé sa bosse, pendant une dizaine d'années, sous les traits de Ronan Tablentec, son avatar « foutraque » de marin pêcheur breton. « A la fin, ça me collait à la peau ! », s'amuse-t-il.C'est par ce biais que cet ancien circassien rencontre un jour des viticulteurs aux pratiques naturelles et conçoit l'idée d'un nouveau spectacle. « Je n'étais pas grand connaisseur de vins, mais déjà amateur d'ivresse », se souvient-il. Depuis, il parcourt l'Hexagone avec sa performance-conférence. Cette narration œnologique titille les papilles et la curiosité des spectateurs attablés pour ces soirées « In vino veritas ». Car le marathon dure au moins six heures. Jusqu'à la lie.Clémentine GallotJournaliste au Monde Yann Plougastel Sam Millar n'est pas n'importe qui. Membre de l'IRA, la branche armée du mouvement de libération de l'Irlande du Nord, il a passé huit ans dans la sinistre prison de Long Kesh dans les années 1970. Quelques années plus tard, exilé aux Etats-Unis, il braque la Brinks à Rochester, dans l'Etat de New York. Butin : 7,5 millions de dollars. Résultat : soixante mois de prison… Gracié par Bill Clinton, il revient à Belfast et se lance dans l'écriture de romans noirs. Après On the Brinks (2003), récit autobiographique de son casse, il entame, avec Les Chiens de Belfast (2014), la chronique des enquêtes de Karl Kane, un détective privé qui ressemble au Philip Marlowe de Chandler.Le Cannibale de Crumlin Road est le deuxième épisode de ses aventures. En pleine vague de chaleur sur Belfast, un tueur en série boulotte le foie et les reins de ses victimes… Lorsque Katie, la fille de Kane, disparaît, le détective voit rouge. Alternant scènes d'une violence inouïe et dialogues d'une ironie corrosive, Sam Millar réussit le tour de force d'allumer de belles lumières dans un monde de ténèbres. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.02.2015 à 17h25 • Mis à jour le10.02.2015 à 17h50 Le succès est européen pour Soumisson. Le roman de Michel Houellebecq caracole en tête des ventes en France depuis sa sortie le 7 janvier, mais aussi en Allemagne et en Italie où il est paru mi-janvier.« Etre en tête des ventes dans trois pays européens en même temps, c'est du jamais vu de mémoire d'éditeur », a affirmé mardi Flammarion. « Houellebecq a même détrôné en Italie le dernier Umberto Eco », relève l'éditeur français.Tiré à 250 000 exemplaires dans l'Hexagone, Soumission a été numéro un des ventes, toutes catégories confondues, dès la première semaine. En Allemagne, où l'auteur a poursuivi son marathon médiatique – interrompu en France après l'attentat contre Charlie Hebdo – Soumission (Unterwerfung en allemand) est paru le 16 janvier chez Dumont Buchverlag.Accusé d'islamophobie par certains de ses détracteurs, le roman, qqui décrit une France islamisée en 2022 après l'élection à la présidentielle du chef d'un parti musulman, a été unanimement salué par la critique outre-Rhin, avec des comparaisons pour le moins flatteuses. Die Welt a ainsi fait référence à Céline, l'auteur de Voyage au bout de la nuit, le quotidien affirmant par ailleurs que Soumission n'était en aucun cas raciste ni islamophobe.Lire aussi (en édition abonnés) : Michel Houellebecq sort de son silence au pays de PegidaRÉSONANCE AVEC PEGIDAAprès un premier tirage de 100 000 exemplaires, Dumont a effectué cinq retirages et a imprimé à ce jour 270 000 exemplaires du roman, a précisé mardi son éditeur allemand. Les manifestations islamophobes impulsées par le mouvement Pegida en Allemagne ont sans doute donné une résonance particulière à ce livre, estime son éditeur.En Italie, Soumission (Sottomissione en italien) est sorti le 15 janvier. Dès la semaine suivante, son éditeur Bompiani annonçait avoir vendu plus de 200 000 exemplaires du roman de Michel Houellebecq, un auteur culte dans ce pays. « Nous n'avons jamais vu ça », a reconnu Elisabetta Sgarbi, directrice éditoriale de Bompiani, dans Courrier international.La Possibilité d'une île s'était écoulé en Italie à 100 000 exemplaires, toutes éditions confondues, et La Carte et le territoire, prix Goncourt 2010, à 45 000. La critique transalpine a été moins unanime. Dans La Repubblica du 20 janvier, l'écrivain Alessandro Baricco a ainsi jugé le livre raté.Lire aussi notre critique (en édition abonnés) : « Soumission », ambigu et pervers Christine Rousseau Après « Viol, elles se manifestent », la journaliste de Capa propose un film manifeste percutant pour dénoncer le harcèlement scolaire (mardi 10 février à 22 h 26 sur France 2).Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser ce sujet ?Tout est parti, en 2014, du témoignage à la radio de Nora Fraisse. J’étais en train d’habiller ma fille quand ses propos m’ont glacée. Je me suis aussitôt identifiée à cette femme, à la fois digne et anéantie par le suicide de sa fille, qui prenait la parole pour elle et tous les enfants victimes de harcèlement scolaire. Arrivée à Capa, j’en ai aussitôt parlé à ma productrice qui avait également entendu ce témoignage. Nous sommes convenues d’enquêter. Et là, très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un décalage entre le chiffre inouï des victimes – 1,2 million d’enfants – et la méconnaissance de ce phénomène, voire son déni. Face à cela, j’ai souhaité faire entendre la parole de tous ces jeunes qui s’étaient tus pendant si longtemps, par honte, par peur des représailles, par peur d’être incompris.La forme de ce film-manifeste – celle d’un combat collectif – a permis à nombre d’entre eux d’accepter de parler à visage découvert, tête haute, regard droit pour dénoncer le harcèlement qu’ils avaient vécu.Comment s’est opérée la rencontre avec ces adolescents ?L’idée, avec Alix Mounou qui a travaillé avec moi, était de faire connaître au plus grand nombre qu’un documentaire était en cours d’élaboration afin que ceux qui le souhaitent prennent contact avec nous. Ensuite, nous avons rencontré une centaine d’adolescents avec lesquels nous avons parlé. Nous leur avons proposé soit de témoigner à visage découvert, soit de se montrer seulement au début du film. S’ils n’étaient pas encore prêts à cela, ils pouvaient également prolonger le combat en signant le manifeste que nous avons mis en ligne.Lors de ce travail, j’ai fait particulièrement attention aux mineurs. En effet, je me suis assurée qu’il s’agissait d’un combat familial – d’où la présence de leurs parents dans le film. Et auprès du personnel médical, pour ceux qui étaient suivis, que cette exposition ne leur soit pas préjudiciable, mais au contraire puisse les aider.Pourquoi avoir choisi pour décor un lycée parisien un peu désuet ? Nous voulions un lieu unique pour montrer que nous sommes tous égaux devant le harcèlement scolaire. Cet établissement nous a plu par la grandeur qu’il dégage et, en même temps, dans les salles de classe, on voit que les murs sont dégradés… Je trouvais cela symbolique de ce que raconte ce film : à la fois un endroit merveilleux qui doit le demeurer et non devenir parfois, comme le racontent les enfants, un lieu abandonné.Quelle fut la plus grande difficulté lors de la réalisation ?Ma priorité était qu’ils soient entendus non comme des victimes mais comme des acteurs d’un problème de santé publique qu’il faut combattre. M’assurer que cette prise de parole ne les fragilise pas davantage était mon souci majeur. Je ne vous cache pas que ce fut lourd et difficile sur le tournage, mais nous avons pris le temps, afin de ne pas les bousculer. Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. On s’arrêtait quand il y avait trop d’émotion. L’objectif étant de les mettre en valeur et que leur parole soit la plus simple, la plus percutante possible. Ce film, nous l’avons fait, main dans la main.Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?C’est en parlant avec tous ces jeunes que se sont dessinés les chapitres du film. Si chaque histoire est individuelle, les mécanismes ainsi que les conséquences sont les mêmes. J’avais envie que cela sonne comme une sorte de chœur.En quoi « Viol, elles se manifestent » et « Souffre-douleurs, ils se manifestent » diffèrent-ils de vos autres documentaires ?Le côté militant, certainement. J’ai la chance de faire un métier qui me permet de m’indigner et d’en faire quelque chose d’utile. Dans ces films, je propose à ceux que j’interviewe de devenir davantage acteurs du documentaire.Est-il prévu que votre film soit projeté dans les écoles ?Pour l’instant non, mais je le souhaite vivement, afin qu’il devienne un outil pédagogique. Ce film a pour ambition de nommer les choses pour que les victimes puissent enfin parler ; de sensibiliser les familles de victimes, les bourreaux de manière à ce qu’ils se rendent compte de leur acte et des conséquences, mais aussi tous les responsables des réseaux sociaux. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous. Ce film est là pour interpeller tout le monde. L’agence Capa a d’ailleurs accepté que le film soit visible sur Francetv-Pluzz, pendant un mois. Ce qui montre bien notre désir que ce documentaire vive bien au-delà de sa diffusion. Ce n’est pas un aboutissement, mais le début de quelque chose.Quel est votre prochain film-combat ?Je suis encore tellement habitée par celui-ci qu’il m’est difficile de me projeter dans un autre. Pour l’heure, il est important de l’accompagner. Bien sûr, j’ai plein de sujets d’indignation, mais je ne sais pas si cela prendra la forme d’un film-manifeste, car je ne voudrais pas banaliser cette forme.Le harcèlement scolaire par ceux qui l’ont subiFrance Télévisions a mis en ligne une plateforme comportant, outre un manifeste, un appel à témoignages ainsi que des informations pratiques. www.francetv.fr/temoignages/harcelement-scolaire/Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harold Thibault (Shanghaï, correspondance) Wang Jianlin, magnat de l’immobilier chinois, est venu au secteur du divertissement presque par hasard. Il fallait des cinémas au dernier étage de ses centres commerciaux pour y attirer les clients, il décida donc de se lancer dans la gestion de salles obscures. Il devint le premier exploitant de salles de la planète en acquérant, en 2012, pour 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros), les cinémas américains AMC.C’est désormais le net ralentissement du marché immobilier en Chine qui le pousse à s’intéresser au marché du divertissement en Europe. Mardi 10 février, son groupe, Wanda, a annoncé l’acquisition, pour 1,05 milliard d’euros, d’un géant suisse du marketing sportif : Infront, 500 employés, gère les droits médiatiques de quantité de clubs de football, dont ceux de Lille OSC, de Milan AC ou de la sélection nationale allemande, ainsi que de la fédération italienne.Infront se charge également de la diffusion de la Coupe du monde en Asie, coopère avec la Fédération internationale de ski, ainsi qu’avec de nombreuses courses cyclistes. Le suisse est présent en Chine dans la diffusion du basket-ball, sport le plus populaire auprès des jeunes.« La société pourra notamment aider la Chine à se positionner mieux lors des appels d’offres pour les événements sportifs majeurs, car elle est déjà impliquée dans le calendrier, l’organisation, le marketing et les prestations de service d’un large éventail d’événements internationaux », a commenté Wang Jianlin, mardi matin à Pékin.Infront, créé en 2003 par Robert Louis-Dreyfus et devenu le deuxième acteur mondial du marketing sportif, avait été acquis en 2011 pour environ 550 millions d’euros par le fonds Bridgepoint, qui réalise donc une belle plus-value. Par cette opération, a justifié Wang Jianlin, Wanda « sera en position d’accroître son influence dans l’industrie du sport mondiale et d’aider à relever le niveau de compétitivité dans le sport chinois ».M. Wang, qui fut en 2013 l’homme le plus riche de Chine mais n’est plus aujourd’hui qu’au quatrième rang, du fait du ralentissement du marché immobilier, est lui-même un passionné de football. Il a été propriétaire, de 1994 à 2000, du club Shide de Dalian, ville du nord-est chinois où ont débuté ses affaires avant qu’il ne s’installe à Pékin. En janvier 2015, M. Wang avait racheté 20 % du club Atletico Madrid, une opération à 45 millions d’euros.Accueil mitigé à la Bourse de HongKong pour le chinois WandaWang Jianlin, 60 ans, a indiqué à plusieurs reprises son intention de ne plus se contenter de gérer centres commerciaux et hôtels de luxe en Chine, un marché saturé ces derniers trimestres. Il s’intéresse désormais à l’immobilier à l’étranger, notamment en Europe où les coûts de financement sont plus faibles qu’en Chine.Projets immobiliers en AustralieIl a ainsi acquis à la banque Santander un gratte-ciel de Madrid pour 265 millions d’euros en 2014. A Londres, il développe un important projet d’hôtel de luxe associé à une galerie commerçante et a fait part à David Cameron, le premier ministre britannique, de son ambition d’investir jusqu’à 3 milliards de livres dans la capitale britannique à l’avenir.Il a déjà annoncé son intention de dépenser l’équivalent de 1,4 milliard d’euros dans des projets immobiliers en Australie, dont un important complexe hôtelier. En 2013, il évoquait également un projet d’hôtel et de centre commercial à Paris mais celui-ci ne s’est pas encore matérialisé. Il compte au cours de la décennie disposer d’hôtels de luxe dans les plus grandes métropoles du monde, s’appuyant notamment sur la venue de touristes chinois.Son autre ambition est de devenir un acteur incontournable du divertissement, à l’heure où les familles chinoises commencent à en consommer davantage. Il fait construire des studios de cinéma géants dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), où il s’était offert en septembre 2013 la venue de stars de Hollywood, de Leonard Di Caprio à Nicole Kidman.Silence, on tourne à Chinawood !M. Wang entend aussi prendre l’aval en matière de parcs à thèmes, en ouvrant treize parcs au cours des trois prochaines années, alors que Pékin insiste sur la nécessité de développer la consommation intérieure.L’ouverture d’un premier parc Disneyland en Chine continentale a récemment été repoussée au premier trimestre 2016 mais Wanda est de son côté parvenu à inaugurer dès le début décembre 2014, dans la ville de Wuhan (centre), son spectacle Han Show, un théâtre mêlant acrobaties et nouvelles technologies, auquel il a associé le directeur artistique Franco Dragone, qui a longtemps travaillé avec le Cirque du Soleil.Le chinois Wanda rêve de s’offrir les studios Lions Gate, producteur des « Hunger Games »Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre L’information est presque passée inaperçue. Le Festival du film de Vendôme (Loir-et-Cher), l’un des spots du court-métrage avec Clermont-Ferrand, Brives ou Pantin, n’aura plus lieu. La vingt-troisième édition s’est tenue du 5 au 12 décembre 2014, rassemblant plus de onze mille spectateurs et couronnant du Grand Prix le court-métrage de Davy Shou, Cambodia 2099 (dévoilé à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2014) : au Cambodge, à Phnom Penh, deux amis se racontent les rêves qu’ils ont faits la veille. Le Prix spécial du jury est allé à Jean-Gabriel Périot, et à son film au titre évocateur : Si jamais nous devons disparaître, ce sera sans inquiétude mais en combattant jusqu’à la fin. C’est l’inverse qui s’est produit, à Vendôme : l’arrêt du festival du film n’a pas fait de vagues, du moins dans les médias, mais l’annonce a eu un effet anxiogène dans la profession…L’équipe, elle, a compris qu’une page se tournait. Le festival était piloté par l’agence Ciclic, un établissement public de coopération culturelle (EPCC) dédié au livre, à l’image et à la culture numérique. L’agence a été créée en 1991 par Jean-Raymond Garcia et Philippe Germain, deux pionniers persuadés – à juste titre – que les régions seraient appelées à jouer un rôle important dans la production des films « courts ». La Haute-Normandie et la Bretagne avaient ouvert la voie. Aujourd’hui, presque toutes les régions soutiennent ces formats, qui révèlent (entre autres) les nouveaux talents.Un arbitrage budgétaireLe Festival du film de Vendôme ne fait pas les frais de la réforme territoriale, car la région Centre n’est pas appelée à fusionner en 2016, à l’inverse de Rhône-Alpes ou de l’Aquitaine. Sa suppression relève d’un choix stratégique, doublé d’un arbitrage budgétaire : la région Centre a décidé d’orienter son soutien en direction du cinéma d’animation, en finançant à 80 % un lieu de résidence, Image Image, qui sera piloté par Ciclic et ouvrira ses portes à l’automne. Après quinze d’années d’expérience, les résidences d’animation à Ciclic déménagent dans les anciennes écuries militaires du quartier Rochambeau, à Vendôme : deux plateaux de tournage de 40 mètres carré chacun, des bureaux de production, des espaces d’hébergement…L’ancienne maire de Vendôme, la socialiste Catherine Lockhart, avait soutenu ce projet, en vue de « spécialiser la politique culturelle sur l’image et l’animation », explique-t-elle au Monde. « Une vingtaine d’équipes artistiques seront accueillies chaque année. Et nous soutiendrons la production d’une quinzaine de courts-métrages d’animation par an, contre six ou sept aujourd’hui », détaille le patron de Ciclic, Olivier Meneux. L’arrêt du festival est également lié à des difficultés budgétaires : il y a deux ans, le conseil général du Loir-et-Cher s’était retiré du financement. Et la ville de Vendôme avait manifesté dernièrement des difficultés… Sollicité à hauteur de 100 000 euros, pour l’année 2015, le nouveau maire UMP, Pascal Brindeau, n’a engagé que 54 000 euros.« Le festival devenait trop lourd à porter pour la région. Nous avons considéré que la manifestation avait vécu, du point de vue du financement. Mais je ne dis pas que l’arrêt du festival n’est pas un problème », nuance Olivier Meneux. L’agence Ciclic va augmenter son soutien aux courts-métrages, ajoute-t-il, en privilégiant l’animation plutôt que la fiction. Parmi ses trophées, Ciclic cite La Petite Casserole d’Anatole, d’Eric Montchaud : l’auteur y avait été accueilli en résidence et voilà que son court est sélectionné aux Césars 2015.« Ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles »Emilie Parey, la déléguée générale du festival, qui assurait la programmation, encaisse « la triste nouvelle » mais croit en l’avenir. « Les deux permanents du festival ne sont pas licenciés. Il va falloir réinventer avec les moyens qui sont les nôtres, continuer d’accompagner l’émergence. Notre envie a toujours été de ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles. » Sous-entendu, l’équipe va continuer à défricher. Il reste l’empreinte des cinéastes sélectionnés au festival, ou primés, tels Alain Guiraudie, Joachim Lafosse, Bouli Lanners, Sophie Letourneur, les frères Larrieu, Yolande Moreau…Ou encore Momoko Seto, la jeune réalisatrice née à Tokyo, qui avait été accueillie à Ciclic pour le tournage de Planet Z, et faisait partie du jury de l’édition 2014. « J’ai un lien fort avec le festival et Vendôme, j’y ai même rencontré mon mari, vous pouvez l’écrire ! », raconte-t-elle, lundi 9 février, avant de s’envoler pour la Berlinale, où elle accompagne son dernier court en compétition, Planet Sigma.Les bons souvenirs donnent envie de continuer. Entre autres, celui-ci : « Vendôme est la ville natale d’Alain Cavalier. Un jour, le cinéaste a fait un beau cadeau aux jeunes festivaliers. Il est venu leur parler de cinéma, les a filmés. Puis le film a été projeté en soirée de clôture », raconte Anne Berrou, l’attachée de presse du festival. L’éducation à l’image va continuer, et le critique des Cahiers du Cinéma, Thierry Méranger, y est très attaché ! Enseignant au lycée Rotrou, à Dreux, il accompagnait ses élèves en option cinéma au Festival du film de Vendôme. « Les jeunes sont très investis. Le festival, c’était aussi cinquante jeunes à plein temps pendant huit jours. Vendôme a aussi popularisé les ateliers de programmation : les lycéens visionnent quinze ou vingt courts en amont et concoctent une programmation officielle d’une heure et trente minutes. » Mais il s’interroge : « En se privant de son vaisseau amiral, Vendôme ne va-t-elle pas perdre en visibilité ? »Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Entre ses onze Grammys, son Oscar de la meilleure chanson composée pour un film (Things Have Changed, dans Wonder Boys), son Golden Globe, sa légion d’honneur, Bob Dylan, 72 ans, n’en est plus à une récompense près. C’est pourquoi la remise du trophée Musicares, le 6 février, à Los Angeles, ne semblait pas devoir marquer particulièrement le parcours de l’auteur de A Hard Rain’s A Gonna Fall. Mais ce soir-là, alors qu’on lui remettait un objet d’art célébrant sa contribution à une organisation qui aide les musiciens malades et nécessiteux, Bob Dylan s’est mis à parler, et à parler. Pendant plus d’une demi-heure, il a tracé une petite cartographie de la musique populaire américaine, reliant ses chansons à leurs ancêtres. Il a distribué bons et mauvais points aux artistes qui ont repris ses titres, il a évoqué ses rencontres et s’est défendu de chanter en croassant. Bref, Bob Dylan, le plus secret des musiciens s’est épanché en public comme il l’avait rarement fait.Le Los Angeles Times a publié la transcription intégrale de ses propos et on y trouvera autant de richesses que dans un chapitre des Chroniques, les mémoires de Bob Dylan dont un seul tome a été publié à ce jour. Après avoir été présenté sur scène par l’ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter, Bob Dylan a commencé par évoquer quelques-unes des personnalités qui l’ont mis en selle, il y a plus d’un demi-siècle, lorsqu’il est arrivé à New York : le talent scout du label CBS, John Hammond (qui avant de découvrir Bob Dylan avait signé les contrats de Count Basie et Aretha Franklin), l’éditeur Lou Levy. Le poète s’est souvenu que ce dernier lui avait dit que ses chansons étaient « soit en avance, soit en retard sur leur temps ». « Il m’a dit que si j’étais en avance – et il n'en était pas vraiment sûr – il faudrait entre trois et cinq ans au public pour me rattraper. Et c’est ce qui s’est passé ».Souvent cruelLe ton du discours de Bob Dylan n’est pas à la modestie, elle n’a jamais été le fort de l’artiste. La lucidité lui va mieux et il a consacré de longues minutes à établir la parenté entre les classiques du folk et du blues et ses compositions. « Les chansons ne sont pas apparues par magie, je ne les ai pas fabriquées à partir de rien. J’ai appris à écrire des paroles en écoutant des chansons folk. Et je les ai jouées (…) je n’ai rien chanté d’autre que des folk songs, et elles m’ont ouvert le code pour tout ce qui est de bonne chasse, tout ce qui appartient à tout le monde.Si vous aviez chanté John Henry aussi souvent que moi – John Henry was a steel-driving man/Died with a hammer in his hand/John Henry said a man ain’t nothin but a man/Before I let that stea drill drive me down/I’ll die with my hammer in my hand. Si vous aviez chanté cette chanson aussi souvent que moi, vous aussi, vous auriez écrit “How many roads must a man walk down” » (le premier vers de Blowin’ in the Wind). Poursuivant ce jeu, Dylan a rapproché le classique du blues Key to the Highway de Highway 61 Revisited et la vieille chanson de cow-boy The Old Chisholm Trail de Masters of War.Tout en se défendant de dire du mal de qui que ce soit, Bob Dylan, qui fut souvent cruel au fil des ans (voir le traitement qu’il réserve à Donovan Leitch dans Don’t Look Back, le documentaire de D.A. Pennebaker) a aussi dit « Les Byrds, les Turtles, Sonny and Cher… ils ont transformé certaines de mes chansons en succès de hit-parade, mais je n’étais pas un auteur de chansons pop, et ce n’est pas vraiment ce que je voulais être. Mais c’est bien que ce soit arrivé. Leurs versions de mes chansons étaient comme des publicités ». Ce qui a dû ravir Roger McGuinn, des Byrds, qui fut le premier des adorateurs de Bob Dylan.« Je mutile mes mélodies »Mais ce dernier n’a pas été avare de compliments pour d’autres artistes, de Nina Simone à Jimi Hendrix (« il a pris de petites chansons que j’avais faites, auxquelles personne ne prêtait attention et les a envoyées aux limites de la stratosphère »), aux Staples Singers ou à Joan Baez (« une femme d’une honnêteté dévastatrice »). Au fil de cette divagation inspirée et sans doute très calculée, on a appris que Bob Dylan n’aimait pas Jerry Lieber et Mike Stoller (les auteurs de dizaines de classiques du rock) mais qu’il révérait leur collègue Doc Pomus, qu’il préférait Sam Phillips, le fondateur du label Sun (celui d’Elvis Presley et Johnny Cash) à Ahmet Ertegun qui, lui, avait fondé Atlantic.Il a aussi défendu sa voix : « les critiques disent que je mutile mes mélodies, que je rends mes chansons méconnaissables. Vraiment ?  (…) Sam Cooke [chanteur de rhythm’n’blues à la voix d’ange] a répondu ceci quand on lui a dit qu’il avait une belle voix : “c’est très gentil à vous, mais les voix ne doivent pas être jugées en fonction de leur joliesse. Elles ne comptent que si elles vous convainquent qu’elles disent la vérité” ».Bob Dylan a terminé en rendant hommage à un obscur pionnier du rock’n’roll, Bill Riley, créateur de Red Hot qui a dépendu, à la fin de sa vie, de l’assistance de Musicares. « C’était un héros pour moi, j’avais 15 ou 16 ans quand j’ai entendu Red Hot, et j’en suis encore impressionné ».Auparavant, Jack White, Nora Jones, Sheryl Crow avaient interprété des titres de Dylan. Seule cette dernière a eu droit à une mention dans ce discours qui est déjà entré dans le canon des dylanologues.Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre La déconstruction du paysage culturel continue, cette fois-ci à Tourcoing, dans le Nord, l’une des nombreuses villes conquises par la droite en mars 2014. Et l’ouvrage en question est le Théâtre du Nord. Basé à Lille et à Tourcoing, ce Centre dramatique national (CDN) est dirigé par le metteur en scène Christophe Rauck. Son logo représente justement trois briques : la première pour le théâtre situé sur la Grand’Place de Lille ; la deuxième pour la salle de spectacle et berceau du CDN à Tourcoing, L’Idéal ; la troisième pour l’Ecole du Nord, à Lille, qui forme des comédiens. Sans oublier l’atelier de fabrication de décors, également situé à Tourcoing.Le maire, l’UMP Gérald Darmanin, assume sans complexe : c’est lui qui prend le téléphone pour expliquer au Monde les raisons qui le poussent à retirer au CDN la totalité de la subvention de la ville, soit 76 250 euros. Ce retrait peut paraître faible au regard des 3,9 millions d’euros de fonds publics reçus par le Théâtre du Nord : celui-ci est soutenu par l’Etat (1,7 million d’euros), la région (1,6 million d’euros), la ville de Lille (504 969 euros) et jusque-là, Tourcoing donc. « Notre choix ne met pas en péril le Théâtre du Nord », répète Gérald Darmanin. Et la région Nord-Pas-de-Calais, aux mains des socialistes, a elle-même diminué de 170 000 euros son soutien au CDN, en janvier 2014, alors que Christophe Rauck prenait ses fonctions.Un manque-à-gagner d’environ 140 000 eurosIl n’empêche : par ce geste, le nouveau maire de Tourcoing touche au symbole de la décentralisation culturelle et des financements croisés : si cette décision est entérinée, comme prévu, le 14 février, lors du vote du budget de la ville, le CDN perdra un partenaire. De plus, Gérald Darmanin envisage à l’avenir de louer au CDN l’atelier de construction de décors de Tourcoing, jusque-là mis à disposition gratuitement (au terme d’une convention). Le montant du « bail » reste à définir mais le bâtiment est valorisé à hauteur de 63 460 euros. Au total, le CDN pourrait donc subir un manque-à-gagner d’environ 140 000 euros. Le Théâtre du Nord organise une conférence de presse, lundi 9 février, car il s’agit aussi de répondre aux propos jugés hostiles et mensongers de l’élu.Le premier argument du maire est d’ordre financier. « Comme ailleurs, nous souffrons à Tourcoing de la baisse de la dotation de l’Etat aux collectivités locales. Et j’hérite d’une ville endettée de 144 millions d’euros. Avec une population pauvre, puisque 25 % des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté ». Voilà pour le contexte. Le deuxième motif est d’ordre politique : Gérald Darmanin ne décolère pas contre l’Etat, lequel « a supprimé son soutien au Conservatoire de Tourcoing et à celui de Roubaix, alors qu’il l’a maintenu à Lille ». Il n’y en a que pour Lille, proteste l’élu qui conclut : « J’ai donc choisi de soutenir les structures de la ville. J’ai maintenu pour 2015 les subventions aux lieux culturels tourquennois, comme le centre du Fresnoy dédié à l’image, l’Atelier lyrique, etc. ».Enfin, et surtout, le maire critique la gestion du CDN. « Je ne connais pas le nombre d’actions culturelles menées par le Théâtre du Nord, je ne sais pas combien de jeunes de la ville en bénéficient. En revanche, je sais que le Centre de création théâtrale, La Virgule à Tourcoing, touche 463 enfants, dont 50 % de Tourquennois », compare le maire. Pour finir, Gérald Darmanin estime que le Théâtre du Nord a de réelles marges d’économie… « Il suffit de regarder le compte des salaires du directeur et de son équipe », glisse-t-il.« Pour certains élus, nous sommes des danseuses ! »Joint par téléphone, dimanche soir, 8 février, Christophe Rauck fait part de sa consternation. « Pour certains élus, nous sommes des danseuses ! J’ai rencontré le maire, le 5 février. Pendant vingt minutes, c’était un match de boxe », raconte-t-il, en rendant coup pour coup : « Tout d’abord, il est faux de dire que nous n’avons communiqué aucun chiffre. Le maire a toutes les données. Et c’est faux de dire qu’il ne se passe rien sur le territoire. L’Idéal, à Tourcoing, est situé dans un quartier populaire, excentré. Nous travaillons avec les établissements scolaires alentour, et avec la médiathèque Andrée Chédid qui vient d’ouvrir. Nous avons fait du porte-à-porte chez les habitants pour qu’ils viennent aux représentations de la rentrée ».La ville a déserté, selon lui : « En janvier, nous avons eu une discussion sur le projet avec toutes les tutelles, mais la ville de Tourcoing n’est pas venue. Si on se bouche les oreilles et si on ferme les yeux, alors on ne peut pas savoir comment travaille le Théâtre du Nord ». Le fonctionnement du CDN – l’ouverture du bâtiment, les salaires des 39 permanents, etc. – absorbe 50 % des subventions, dit-il. « On est en train de diminuer la masse salariale, parce qu’il y a moins d’argent. Et tout l’argent n’est pas pour moi ! Dans un CDN, il y a des artistes associés. Et quand on ne joue pas à Tourcoing, on prête le lieu à des compagnies ».Enfin, dit-il, c’est grâce aux subventions que l’atelier de décors peut fabriquer à coût moindre, à l’usage du CDN et d’autres compagnies de la région. « C’est le seul atelier de décors dans le Nord de la France. Il emploie des permanents et des intermittents, serruriers, ébénistes… C’est de cet atelier qu’est sorti le décor du spectacle de Matthieu Roy, Même les chevaliers tombent dans l’oubli, créé à Avignon en 2014. En résumé, l’atelier rayonne. En face, on a un maire qui brandit le slogan étriqué « Tourcoing aux Tourquennois ». Cela ne fait pas un projet ».Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 08.02.2015 à 18h37 • Mis à jour le09.02.2015 à 10h32 | Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial)) Au septième film, Terrence Malick s’en fut à Hollywood. A la manière d’un Roland Barthes qui serait devenu pour l’occasion cinéaste américain, le réalisateur du Nouveau Monde s’est essayé à l’exercice périlleux des « Mythologies ». De Los Angeles à Las Vegas en passant par le désert, il a filmé, beaucoup filmé, avant de se livrer à un étonnant travail de collage. Au final, le film s’appelle Knight of Cups. Ses premiers spectateurs berlinois n’en sont pas encore revenus.Ce « chevalier de coupes », c’est Rick (Christian Bale). Un « Hollywoodien » comme il y en a tant, attendant ce jour où les astres voudront bien faire de lui une star. Au tarot, jeu auquel Malick se réfère explicitement, ce serait paraît-il une personnalité qui idéalise l’amour, calme et douce, attentive aux autres. Rick serait plutôt du genre chevalier à la coupe qui se cherche ; un héros tourmenté qui voudrait bien donner un sens à sa vie.Avec Knight of Cups, Malick poursuit l’exploration de l’Amérique qu’il avait initiée dans La Balade sauvage, Les Moissons du Ciel et, bien sûr, Le Nouveau Monde. Et si le Hollywood qu’il dépeint rappelle de loin celui de Cronenberg (Mass to the stars) ou de Paul Schrader (The Canyons), il faut tout de suite ajouter ceci : personne ne filme comme Malick, personne ne monte comme Malick, personne ne met en voix et en musique ses films comme Malick.Lumière naturelleL’image ? Signée Emmanuel Lubezki, elle n’est faite qu’en lumière naturelle, quel que soit le matériau filmique choisi. Le montage image tient à la fois du chapitrage et du collage. Il est indissociable du montage son où, comme souvent chez Malick, les voix off tiennent une place prépondérante. Rien à voir avec celles, guidant le spectateur, de François Truffaut ou de Woody Allen. Qu’il s’agisse de Rick ou de certaines des femmes qu’il a aimées (interprétées en particulier par Cate Blanchett et Natalie Portman), leurs voix off éclairent leurs états d’âme. Ouvrent des pistes comme autant de voies intérieures.Knight of Cups est un film totalement « malickien ». Et si, par instants, il flirte du côté du cliché, c’est pour signifier quelque chose dont Malick n’a pas forcément l’habitude. Une « party » hollywoodienne ? Il réquisitionne une splendide maison de stars, y entasse des centaines de figurants et demande à Antonio Banderas de faire son cabot. Corrosif et hilarant !Dûment chapitré – « La lune », « Le pendu », « L’ermite », « Le jugement », « La tour », « Mort », « Liberté »… – Knight of Cups explore un certain nombre de lieux typiques de Los Angeles (Sunset boulevard et ses boîtes de strip-tease, Hollywood et ses studios, Venice, Santa Monica) et de Las Vegas. Comme si Malick, non content d’avoir fait du Malick, avait voulu ajouter une petite touche documentaire teintée de Fellini.Toujours aussi ambivalent, alternant espoir et mélancolie, l’auteur de La ligne rouge se demande, cartes en main, si l’avenir est écrit quelque part. Sa quête parmi la faune hollywoodienne et dans le monde en toc de Las Vegas n’ayant rien donné, son héros n’a plus qu’à partir vagabonder dans le désert, sous la voûte céleste. Et, qui sait, en chemin, peut-être Rick parviendra-t-il à trouver un sens à sa vie.Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial))Journaliste au Monde Laurent Carpentier Ils sont une centaine à être venus au rendez-vous à l’Institut du monde arabe à Paris, bravant le vent frileux qui exaspère les doigts et rosit les joues. Graphistes, grapheurs, citoyens en tout genre… A midi trente, dimanche 8 février, à l’heure où ces oiseaux de nuit sont le plus souvent encore au lit et quand leurs concitoyens mangent le gigot familial, ils sont venus chercher des affiches, des seaux de colle et des pinceaux pour tapisser Paris d’un seul mot d’ordre : « Coexist ». Un mot-slogan tracé de manière stylisée : le croissant de l’Islam à la place du C, l’étoile de David pour le X, et une croix pour le T.C’est en traçant cette inscription sur un mur, près de la porte Dorée à Paris, huit jours plus tôt, que le street artiste Combo, barbu sans religion, s’est fait rouer de coups. C’est pour ne pas en rester là qu’il a appelé sur sa page Facebook à ce happening collectif. Jack Lang, patron du lieu, a offert l’hospitalité à l’Institut du monde arabe (IMA). Les réseaux sociaux ont fait le reste. Et c’est triomphant et enthousiaste que, sous l’œil des caméras, Combo et ses acolytes collent sur les fenêtres de l’immeuble construit par Jean Nouvel, le premier exemplaire du « Coexist ».Un désir de rencontre« Pour moi, la paix est quelque chose d’essentiel pour l’humanité, souffle Céline, assistante de vie à domicile, qui a fait le trajet depuis Orsay en banlieue Sud. « Je suis chrétienne d’origine, même si je ne pratique plus. J’étais invitée à un colloque à Lille ce week-end sur le thème “coexister”. Ce n’était pas possible de ne pas être ici aujourd’hui. » Passé le moment protocolaire, chacun prend ses affiches, un grand seau, un pinceau, se rassemble pour former des groupes qui s’éparpillent dans Paris. Mehdi, commercial, Johanna, assistante, Pascale et Raphaël partent vers Beaubourg, Châtelet, Hôtel de ville… « Qui veut venir avec nous ? », demandent-ils à la cantonade. « On va là où il y a du monde… » Coexister dans un désir de rencontre et de confrontation. La question de l’altérité posée dans cette action douce et symbolique.Sophie Courade, historienne de l’art de formation, enseigne la communication en BTS dans des établissements privés. « Depuis les événements de janvier, je n’en reviens pas, pas un seul de mes élèves n’a ouvert un Charlie. Le rapport à la presse n’existe pas. Je les ai fait travailler sur le Coexist, comme je les avais fait travailler sur Banksy ou Zoo Project. » Ses élèves ne sont pas là. Elle oui, avec deux amis qui ont déjà des affiches sous le bras, prêts à aller coller. Didier Eclimont aussi est dans la communication, à la tête de sa socité Delix, il est venu avec sa fille Juliette, qui étudie à l’université la gestion et la protection de la nature. « Où est-ce qu’on va ? Ça te dit République, papa ? »Pacifique ramdam, « Dji-art »Combo est satisfait. Cinq cents affiches ont été distribuées. Il a été entendu. Plus qu’il ne l’imaginait. L’article du Monde, mercredi dernier, a fait le tour des réseaux sociaux. « Depuis trois jours, mon téléphone sonne sans cesse. Je n’ai même pas pu répondre vendredi à mes parents qui voulaient me souhaiter un bon anniversaire, sourit-il. Mais non, ce “Coexist” n’est pas une marque déposée, hausse des épaules Clément, son ami et néanmoins agent – mère juive, père arabe. L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle, c’est l’utilisation qu’il en a faite qui est importante ! »La bande à Mamadou, Jeanne et Sabrina, a rallié Justin de Lyon et Antonin de Grenoble, qui étudient tous les deux le design au Lycée Léonard de Vinci à Villefontaine, dans l’Isère. Eux foncent vers le nord. Jusqu’à porte de Saint-Ouen. « Et s’il nous en reste, on les collera demain à La Courneuve, aux 4 000… », assure Jeanne. Son association YMCIA (Young Municipal Council International Action) y a ses bureaux. L’œil mal réveillé sous son sweat à capuche, mais passablement émerveillé par ce pacifique ramdam, un grapheur s’étonne, reprenant les mots de Combo qu’il a découverts sur Facebook : « C’est le ''Dji-art'' ! »« Je suis pour le monde des Bisounours », rit Sabrina, qui n’a ni la langue dans sa poche ni l’énergie en berne. Community Manager sur des sites de grosses entreprises françaises, elle brandit le pinceau à colle pour désigner le petit groupe qui s’égaye sur le parvis de l’IMA : « L’homme, l’humanité, c’est si important… Pourquoi faut-il que nous ayons besoin de drames pour que tout le monde se rapproche ? »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial) « La Reine de la Berlinale » titrait ce samedi matin en une le quotidien berlinois Der Tagesspiegel. A en juger par le nombre de photographes et de cameramen qui entourent Nicole Kidman, ce titre n’est guère usurpé. Reste à savoir s’il est mérité au vu de sa prestation dans Queen of the Desert, le nouveau film de Werner Herzog.Quelle mouche du désert arabo-persan a bien pu piquer le « père » d’Aguirre, de Kaspar Hauser, de Nosferatu et autre Fitzcarraldo pour s’être laissé entraîner dans une pareille histoire ? Une histoire qui, ne serait-ce qu’à cause du sujet – la vie de l’aventurière, photographe et espionne Gertrude Bell (1868-1926) – le confronte inévitablement au célébrissime Lawrence d’Arabie de David Lean.Se débrouillant comme il peut d’un casting digne d’une superproduction hollywoodienne (Nicole Kidman, James Franco, Damian Lewis ou Robert Pattinson, impayable en T. E. Lawrence), Werner Herzog s’en tient à un académisme de bonne facture. Quant à Nicole Kidman, gageons qu’elle ne rejoindra pas Aguirre et les autres au chapitre des grands marginaux solitaires de Werner Herzog.Aléas et imprévusPour dénicher une perle rare en ce premier week-end berlinois, il fallait aller fureter du côté du cinéma… guatémaltèque. Présenté en compétition, Ixcanul, a été réalisé par Jayro Bustamante. Né en 1977 au Guatemala, ce cinéaste avait fait (un tout petit peu) parler de lui lorsqu’il avait présenté il y a deux ans Cuandu Sea Grande au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et aujourd’hui ce premier long-métrage, applaudi à l’issue de la projection de presse.  Maria, l’héroïne du film, est une jeune fille de 17 ans. Elle vit avec ses parents dans une petite maison sans eau ni électricitéE et travaille avec eux dans une plantation de café. Son idée fixe : partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. En attendant, il faut survivre. Déjouer les projets de ses parents qui aimeraient bien la voir épouser Ignacio, le propriétaire de la plantation. Convaincre son ami Pepe de partir avec elle aux Etats-Unis.Mais rien ne se passera comme elle l’aurait souhaité. Elle tombe enceinte de Pepe, mais ce jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre avant d’être transportée en urgence par Ignacio à l’hôpital de la ville. Il faudra en définitive que Maria touche du doigt le fond de l’horreur - son bébé a tout simplement « disparu » - pour qu’elle aperçoive, enfin, une lueur d’espoir. Aussi imparfaite, aussi injuste soit-elle, sa vie vaut tout de même d’être vécue.Audace formellePour son premier long-métrage, Jayro Bustamante fait preuve d’une audace formelle assez stupéfiante. Sa science du plan séquence, en particulier, ferait pâlir de jalousie bien des cinéastes chevronnés. Qu’il s’agisse de cette scène où l’on voit une truie gravide prendre une cuite au rhum, ou de ces magnifiques séquences à flanc de volcan, sa maîtrise du cadre est impressionnante. Une maîtrise que l’on retrouve également dans le long plan nocturne qui voit Maria se donner à Pepe contre une balustrade en bois. Ou encore dans ces scènes de bains de vapeur que Maria et sa mère prennent ensemble, nues, lovées l’une contre l’autre.La plupart des acteurs parlent la langue des Cakchiquel, ces Mayas vivant dans les montagnes de l’ouest de Guatemala. C’est peu dire qu’ils sont remarquables, à commencer par Maria Mercedes Coroy (Maria).Par-delà son propos éminemment politique, Ixcanul est un film d’une universalité bouleversante. Dans les deux plans serrés face caméra qui ouvrent et terminent le film, Maria nous observe, avec un regard fixe qui dit nous vivons tous au-dessous du volcan.En attendant la présentation attendue, dimanche 8 février, du nouvel opus de Terrence Malick, a été aussi projetée une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, tournée par Benoît Jacquot (sortie le 1er avril). Un ton en dessous de l’extraordinaire livre d’Octave Mirbeau, en dépit d’une jolie performance de Léa Seydoux.Parmi les film notables, il faut noter Victoria, du réalisateur allemand Sebastian Schipper. Une « fureur de vivre » à la mode berlinoise mettant aux prises une jeune Espagnole arrivée dans la capitale allemande trois mois auparavant et quatre gaillards désœuvrés. C’est un peu long, usant parfois un peu trop de la caméra à l’épaule, mais il y a là une énergie assez incroyable.Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial)Journaliste au Monde Cristina Marino Pour sa cinquième édition, le festival de cinéma français en ligne, MyFrenchFilmFestival, organisé du 16 janvier au 16 février par Unifrance Films, l'organisme chargé de la promotion de la production cinématographique hexagonale à l'étranger, a dû faire face à une contrainte extérieure de taille : la censure mise en place au début de l’année par les autorités sur la diffusion d'œuvres étrangères sur les plateformes de VOD en Chine.Comme l'explique Xavier Lardoux, directeur général adjoint d'Unifrance Films : « Nous avions noué, comme l'année dernière, un partenariat renforcé avec la plus grande plateforme de VOD en Chine, Youku Tudou, mais la réglementation chinoise a brutalement évolué, non pas au 1er mars 2015 comme initialement prévu, mais dès janvier, avant même le début du festival en ligne. Les autorités de Pékin ont décidé d'étendre à la diffusion des films étrangers sur Internet les mêmes règles de contingentement que dans les salles. Du coup, les spectateurs chinois, frustrés de ne pas pouvoir voir facilement des films français en salles, qui se tournaient jusque là vers Internet, n'ont pas pu le faire cette année. »Ainsi, les chiffres de visionnage, qui avaient été considérablement boostés par les internautes chinois en 2014 (3, 5 millions de visionnages), sont retombés à un niveau moindre pour cette édition. Mais si l'on retire la Chine des statistiques de connexion, les résultats du 5e MyFrenchFilmFestival.com sont plutôt bons et en hausse par rapport à l'année précédente avec un total de 560 000 visionnages sur un mois (contre 380 000 en 2014, sans compter la Chine) pour le site du festival lui-même et les 26 plateformes partenaires à travers le monde.Lire aussi : Quatre millions de spectateurs en ligne pour le quatrième MyFrenchFilmFestivalAmérique latine et Europe de l’Est en têteFace à la défection de la Chine, ce sont les pays d'Amérique latine (Mexique et Brésil en première et deuxième positions, Colombie en cinquième place) et ceux d'Europe de l'Est, en particulier la Pologne (en quatrième position avec 150 000 visionnages), la Russie et l'Ukraine (avec 100 000 visionnages), qui ont le plus ardemment participé à la manifestation. Du coup, logiquement, parmi les 13 langues proposées pour le visionnage des films, l'espagnol arrive en premier, suivi de l'anglais, du portugais et du français. Pour Xavier Lardoux, « le multilinguisme constitue l’un des investissements importants de MyFrenchFilmFestival. Et c’est une bonne chose qu’il n’y ait pas seulement l’anglais parmi les langues de visionnage des films ».La plateforme MyFrenchFilmFestival.com a enregistré, quant à elle, 730 000 visites en provenance de 207 pays (contre 205 en 2014) et près de 3 millions de pages vues. 137 000 internautes se sont inscrits directement sur cette plateforme (pour 250 000 visionnages), 272 000 sont devenus fans de la page Facebook du festival, soit 50 % de plus qu'en 2014. La bande-annonce du festival réalisée cette année par le président du jury, Michel Gondry, a cumulé, à elle seule, 2,2 millions de visionnages.Au-delà du simple événementiel, à savoir la diffusion en ligne pendant un mois de vingt films (dix longs et dix courts) avec, à la clé, la remise de trois prix (voir le palmarès en fin d’article), Xavier Lardoux tient à souligner l’objectif du festival sur le long terme: « renforcer durablement la présence des films français sur les plateformes de VOD à travers le monde et permettre ainsi à tous les spectateurs qui n’ont pas accès à ces films en salles, même dans des grandes villes comme Houston au Texas, de pouvoir les voir sur Internet. » Et d’évoquer l’idée de voir s’installer sur toutes les grandes plateformes de VOD un « French Corner », un espace permanent dédié à la production cinématographique hexagonale.Des royalties pour les exportateursPour les films les plus visionnés durant cette 5e édition, notamment Hippocrate, de Thomas Lilti, Respire, de Mélanie Laurent, Eastern Boys, de Robin Campillo et Une place sur la Terre, de Fabienne Godet, les retombées du festival sont doubles. Tout d’abord, cela leur offre « une visibilité à l’étranger », un « rayonnement culturel » plus important, notamment pour des longs-métrages qui n’avaient pas encore été achetés à l’étranger (et ce pour diverses raisons, premier ou deuxième film, réalisateur et casting peu ou pas connus, etc.). Mais la diffusion pendant un mois sur le site du festival et les plateformes partenaires génère aussi des recettes pour les exportateurs de ces films, entre 10 000 et 20 000 euros.Par ailleurs, l’achat des droits de diffusion des cinq films primés (trois longs et deux courts) par trois compagnies aériennes partenaires de MyFrenchFilmFestival, Air France, Air Canada et ANA (compagnie japonaise), constitue une source supplémentaire de revenus. Et au-delà de l’aspect purement économique, tout cela concourt à un seul et même objectif, selon Xavier Lardoux, « accroître le nombre des spectateurs pour ces films francais, que ce soit sur les plateformes de VOD sur Internet ou à bord des avions ».MyFrenchFilmFestival souffle ses cinq bougies Le palmarès de MyFrenchFilmFestival 2015 :Prix Chopard du jury des cinéastes, présidé par Michel Gondry avec Joachim Lafosse (Belgique) et Nadav Lapid (Israël) : Hippocrate, de Thomas Lilti (la critique du Monde)Avec une dotation de 15 000 euros pour le réalisateur, l'exportateur et le producteur du film.Prix Lacoste du public (plus de 15 000 votes comptabilisés) : - Long-métrage : Une place sur la Terre, de Fabienne Godet (la critique du Monde) - Court-métrage : La Bûche de Noël, de Stéphane Aubier et Vincent Patar (coproduction belge)  Prix de la presse internationale (décerné par six journalistes cinéma étrangers) : - Long-métrage : Respire, de Mélanie Laurent (la critique du Monde) - Court-métrage : Extrasystole, d'Alice DouardL'ensemble des cinq films primés seront diffusés à bord des avions Air France pour une durée de six mois dès l'été 2015.« Le Monde » partenaire de MyFrenchFilmFestivalComme les années précédentes, Le Monde est partenaire de l’édition 2015 de MyFrenchFilmFestival et les internautes du Monde.fr ont eu la possibilité de gagner des codes d'accès à la manifestation en ligne.Cristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Corine Lesnes (San Francisco, correspondante) Son dernier film en date, American Sniper, s'annonce comme le plus grand succès de sa carrière, avec près de 300 millions de dollars de recettes sur le marché américain. A 84 ans, Clint Eastwood a réussi à faire un film commercial (quatre nominations aux oscars) sur la guerre en Irak. Basé sur la véritable histoire du soldat d'élite Chris Kyle, dont le tableau de chasse s'élève à plus de 255 Irakiens, le film est porté aux nues par le camp « patriotique » qui avait soutenu l'invasion de 2003. La mort du « sniper », abattu à 38 ans par un soldat atteint de stress post-traumatique, a donné une aura à celui que ses camarades appelaient déjà « Légende » de son vivant.Lire aussi la critique (en éditions abonnés) : « American Sniper » : voir le monde à travers la lunette d’un fusilClint Eastwood a reçu Le Monde au club-house du golf près de chez lui à Carmel, villégiature huppée de Californie du Nord. Le metteur en scène assure que son film a des aspects anti-guerre. Les critiques lui reprochent de glorifier le soldat Kyle, sinon la guerre. Et d'éviter la question des responsabilités de ceux qui l'ont engagée.Lire aussi (en éditions abonnés) : Droits civiques, Irak : les Oscars secoués par les polémiquesVous êtes surpris par le succès du film ?Quand on se lance dans un film, on ne sait jamais comment ça va tourner. A la fin, la seule chose que l'on puisse dire est : cela correspond à ce que je voulais faire. Il n'y a pas de règles, et je crois qu'il n'y a pas non plus d'experts capables de prédire ce qui va plaire ou pas. Ce qui m'a attiré dans cette histoire est que ce n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier. Il y a aussi un aspect anti-guerre. Le scénario autorise le doute : sur le bien-fondé de notre présence en Irak et sur le fait de risquer des vies. J'aime bien avoir différents points de vue dans une histoire. Les gens peuvent en retirer ce qu'ils veulent. Pourquoi ce film résonne-t-il autant actuellement ?Ce qui joue probablement, c'est l'inquiétude dans le monde entier par rapport au terrorisme, y compris les événements récents à Paris. Les gens réalisent que le monde est de plus en plus dangereux. Le gouvernement américain, à commencer par le président, se fait des illusions. Ils ont l'air de penser que c'est juste un accident, un petit groupe de gens. Mais ils sont plus nombreux qu'ils ne le pensent.Il y a eu pas mal de films sur la guerre en Irak ou en Afghanistan. Mais c'était seulement sur la guerre. Ici, ce n'est pas seulement un film de guerre. C'est aussi sur la famille du soldat, ses doutes, l'angoisse de ne jamais savoir s'il va revenir ou pas. Quand on tourne une histoire de guerre, c'est toujours spectaculaire. Combattre entraîne des émotions intenses. Ce film montre les deux aspects : la bataille, et la difficulté de revenir à la maison voir la famille, les enfants… Ce sont ces conflits intérieurs qui rendent les histoires intéressantes. Pas les histoires où les personnages sont héroïques de la première à la dernière minute. Le film a relancé l'affrontement entre le camp anti-guerre et les « patriotes » qui défendent les actions de Chris Kyle, le sniper aux 255 morts irakiens. La virulence des réactions ne montre-t-elle pas que les leçons de la guerre n'ont pas été tirées aux Etats-Unis ?Je n'étais pas un grand partisan de la guerre en Irak. A l'époque, je me disais, « Saddam Hussein est un type horrible mais il y a tellement de pays qui sont dirigés par un bad guy : on sait quand on commence mais quand est-ce qu'on s'arrête ? » C'était pareil pour l'Afghanistan : les Britanniques ont essayé d'intervenir il y a longtemps et ils n'ont pas réussi. Les Russes l'ont tenté pendant dix ans, et ça n'a pas marché non plus. Et eux, ils avaient moins de problèmes d'accès que nous, qui avons dû payer un pays qui ne nous aime pas comme le Pakistan 1 milliard de dollars par an pour transiter par son territoire. Tout cela n'a pas de sens. Et maintenant ? Est-ce que la guerre en valait la peine ?Si c'est pour y aller pendant peu de temps et se retirer aussitôt pour faire autre chose, c'est sacrifier beaucoup de vies pour pas grand-chose. Il me semble qu'il y a toujours des gens qui sont pour et des gens qui sont contre. Même pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup de gens étaient opposés à ce que les Etats-Unis se mêlent d'aller aider l'Europe puisque, nous, nous vivons ici. C'était une vision simpliste. Il y a un grand retour de bâton maintenant aux Etats-Unis par rapport à la guerre. Les gens sont préoccupés par le fait que les soldats de retour du conflit ne sont pas bien traités ou sont mal soignés ou incompris. Dans le film, Bradley Cooper voit les gens qui regardent le sport à la télé, et il se dit : « Il y a une guerre là-bas et tout le monde s'en fiche. » Ce n'est pas que les gens s'en fichent délibérément, mais ils sont occupés ; la guerre dure depuis trop longtemps.Chris Kyle est rentré d'Irak en 2009. La semaine dernière, Barack Obama a demandé au Congrès l'autorisation de recourir à la force contre l'Etat islamique. Voilà les Etats-Unis de retour en Irak. A quoi ont servi les faits d'armes du sniper ?J'apprécie les hommes et les femmes qui sont volontaires pour aller faire ce travail. J'espère juste qu'ils ne sont pas exposés au danger pour des raisons de politique politicienne ou d'ambitions personnelles.Les critiques vous reprochent de glorifier le tireur sans aborder la question des responsabilités. Qui les envoie ces soldats ?Je ne sais pas qui les envoie. Je ne blâme personne. Chacun pense qu'il agit pour des raisons humanitaires. J'ai toujours eu des doutes sur l'idée d'apporter la démocratie dans les autres pays. Ce n'est peut-être pas le système qu'ils veulent ou qui leur convient. Je ne pense pas que nous devrions prendre des décisions pour le monde entier. J'ai toujours penché du côté libertarien : pour un gouvernement plus petit et qui laisse les gens en paix.Lire l'intégralité de l'entretien (en édition abonnés) : Clint Eastwood : « “American Sniper” n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier »Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)Correspondante du Monde aux Etats-Unis basée à San FranciscoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Marc Allégret, Alfred Hitchcock, Vincente Minnelli, Jacques Tourneur, Jacques Becker, Charles Vidor, Claude Autant-Lara, Edouard Molinaro… : Louis Jourdan pouvait s’enorgueillir d’avoir tourné avec tous ces metteurs en scène, et bien d’autres encore. Plus connu aux Etats-Unis qu’en France, cet éternel jeune premier – version beau ténébreux – est mort, vendredi 13 février à son domicile californien de Beverly Hills, à l’âge de 93 ans.Louis Gendre – son vrai nom – était né à Marseille le 19 juin 1921. Avant de monter à Paris, en 1938, et d’y intégrer le Cours Simon, il avait passé le plus clair de son temps à Cannes, où son père fut le propriétaire du Grand Hôtel. Quelques rôles au théâtre ici et là, et le voilà, un an plus tard, décrochant son premier rôle au cinéma, aux côtés de Charles Boyer, dans Le Corsaire, un film inachevé de Marc Allégret.Pendant l’Occupation, Louis Jourdan gagne la zone sud, joue dans une dizaine de films de peu d’importance et s’engage la Résistance (son père fut arrêté par la Gestapo).Peu après la Libération, de retour à Paris, il reçoit une lettre. L’agent du grand producteur hollywoodien David O. Selznick désire le voir. A la clé, un rôle dans Le Procès Paradine, un film que s’apprête à tourner Alfred Hitchcock.Jourdan ne sait évidemment pas qu’Hitchcock avait en tête un tout autre casting. Non seulement, il aurait préféré Laurence Olivier à Gregory Peck, mais, dira-t-il plus tard à Truffaut, cette idée de confier à Louis Jourdan le rôle de ce domestique misogyne aimé jusqu’à la mort par la femme de son patron était « la pire erreur de la distribution ». « Malheureusement, ajouta « Hitch », Selznick avait pris sous contrat Alida Valli dont il croyait qu’elle serait une seconde Ingrid Bergman, et il avait également sous contrat Louis Jourdan, alors il a fallu que je les utilise. Tout cela a considérablement affadi l’histoire. » Il n’empêche : Le Procès Paradine valut à Louis Jourdan une popularité immédiate auprès du public américain.Rodolphe dans « Madame Bovary »Son film suivant, peut-être le plus beau qu’il ait tourné, fut Lettre d’une inconnue, de Max Ophuls. Dans les décors somptueux de la Vienne impériale, il interprétait le rôle d’un pianiste virtuose, Stefan Brand, dont tombait amoureuse la belle Liza Berndle (Joan Fontaine).Partageant son temps entre Paris et Hollywood, celui qui représente désormais le « french lover » aux Etats-Unis tourne ensuite énormément. Une curiosité : en 1949, dans Madame Bovary, de Vincente Minnelli, il joue le rôle de Rodolphe, aux côtés de James Mason et de Van Heflin.La véritable consécration, ce sera presque dix ans plus tard, en 1958, lorsque Louis Jourdan joue le rôle de Gaston Lachaille dans Gigi, un autre film de Vincente Minnelli. Ses partenaires sont Leslie Caron et Maurice Chevalier. Neuf Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, seront décernés à cette merveilleuse adaptation de la nouvelle éponyme de Colette.Lorsqu’il revient travailler en France, Louis Jourdan tourne avec Jacques Becker (Rue de l’Estrapade, 1953) ou encore avec Claude Autant-Lara (Le comte de Monte-Cristo, 1961). Dans ce dernier film, souvent diffusé à la télévision, il est un Edmond Dantès tout à fait convainquant.Chevelure brune, menton volontaire, un air vaguement mélancolique et mystérieux rehaussé par une élégance vestimentaire jamais prise en défaut, Louis Jourdan a aussi bien joué des personnages sympathiques que des méchants. En 1954, à Broadway, il avait interprété au théâtre une adaptation de L’Immoraliste, d’André Gide. Parmi les autres interprètes de cette pièce, outre Géraldine Page, figurait un jeune acteur débutant : James Dean.Vers la fin de sa carrière, en 1982, Louis Jourdan tourna avec Wes Craven dans La créature du marais (Swamp Thing). Un an plus tard, il était au générique d’Octopussy, le 13e opus de la série des James Bond, réalisé par John Glen. Il y interprète Kamal Kahn, cet homme richissime qui fait l’acquisition du très convoité œuf de Fabergé…A la télévision, Louis Jourdan fit, en 1978, une apparition dans « Columbo ». Un an auparavant, à la BBC, sous la direction de Philip Saville, il avait été un formidable Count Dracula.Signe de sa renommée aux Etats-Unis, Louis Jourdan est un des rares acteurs à avoir deux étoiles à son nom sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard.Franck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Drôle d’année pour le cinéma français. Les investisseurs ont été prudents, frileux, même : trois films d’un budget supérieur à 15 millions d’euros en 2014 contre 12 et 18 en 2013 et 2012, 36 longs-métrages qui ont coûté plus de 10 millions contre 48 l’année précédente. En revanche, on a compté 61 films d’un budget compris entre deux et quatre millions, contre 47 et 46 les deux années précédentes.Cette extrême prudence a payé. La part de marché des films français a grimpé à 44 % et la rentabilité des films en salles s’est améliorée. L’hebdomadaire professionnel Le Film français, qui publie ces statistiques dans son édition du 13 février a calculé que 42 films avaient atteint un taux d’amortissement de 25 % après leur exploitation en salles, contre 30 en moyenne ces dernières années.Au terme de leur carrière en salles, cinq films ont rapporté plus à leurs producteurs que ce qu’ils y avaient investi : trois comédies – Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron, qui a engrangé 300 % des 12,79 millions d’euros de son budget ; La Famille Bélier, d’Eric Lartigau (231 %, 7,55 millions) ; Babysitting, de Philippe Lachau et Nicolas Benamou (211 %, 3,48 millions) – suivies de deux documentaires – La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (148 %, 400 000 euros) et Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter (113 %, 50 000 euros). Ce groupe de tête réunit donc des films qui ont compté leurs spectateurs par millions (12 pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et par milliers (18 pour le film de Nossiter). « Lucy », production française la plus rentable en 2014La méthode retenue par nos confrères du Film français consiste à déduire des recettes en salles la part revenant aux exploitants et aux distributeurs pour obtenir les sommes revenant aux producteurs. Il faut rappeler que les ventes de tickets ne représentent qu’une partie des revenus de l’industrie cinématographique. Les films prévendus aux chaînes (l’immense majorité des productions françaises) peuvent compter sur la somme versée par celles-ci pour la diffusion sur petit écran, ventes de DVD (de moins en moins), et VàD (de plus en plus) doivent aussi être prises en compte.Enfin, les ventes à l’étranger sont une source de recettes indispensables. Dans le classement du Film français, le plus gros budget de l’année (49 millions d’euros), Lucy n’affiche que 33 % de taux d’amortissement mais le succès du film de Luc Besson dans le monde entier en a fait la production française la plus rentable de l’année.70 films avec un amortissement inférieur à 5 %Dans l’ensemble, les professionnels estiment qu’il faut que les recettes en salles se situent entre un quart et un tiers du budget d’un film pour que les producteurs puissent espérer recouvrer finalement leur investissement. C’est loin d’être le cas de tous les films. Soixante-dix longs-métrages ont un taux d’amortissement inférieur à 5 %, ce qui, là encore, recouvre des réalités très différentes.Avec moins de 70 000 spectateurs, The Search, de Michel Hazanavicius n’a rapporté que 1,06 % des 20,6 millions d’euros de son budget, pendant que les 12 000 spectateurs du Gaby Baby Doll, de Sophie Letourneur, qui avait coûté 1,56 million, ont porté son taux d’amortissement à 2,41 %.Parmi les grosses productions qui ont raté de loin le seuil de rentabilité, on compte aussi Benoît Brisefer, de Manuel Pradal, 8,3 millions d’euros de budget, 4,6 % de taux d’amortissement, Un illustre inconnu, de Mathieu Delaporte, (12,74 millions d’euros, 2,52 %) ou Grace de Monaco, d’Olivier Dahan, (25,2 millions, 3,68 %).Belle performance pour « Timbuktu »En haut de ce tableau, le succès n’est pas forcément allé aux plus grosses productions. Outre les documentaires déjà cités, on remarque la très belle performance du Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, 2,32 millions de budget et 95,13 % de taux d’amortissement, alors que l’exploitation du film est toujours en cours. Hippocrate, de Thomas Lilti, Lulu femme nue, de Solveig Anspach ou Les Combattants, de Thomas Calley peuvent aussi se prévaloir d’un taux supérieur à 50 %.Les trois millions d’entrées de Samba, d’Olivier Nakache et Eric Toledano ont permis au film de se classer quatrième de ce classement, avec un taux d’amortissement de 63 %. C’est dix fois moins que les 600 % d’Intouchables.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.02.2015 à 22h44 • Mis à jour le16.02.2015 à 10h06 L'acteur français Louis Jourdan est mort samedi 14 février à l'âge de 93 ans, dans sa maison de Beverly Hills, à Los Angeles en Californie, a précisé dimanche son biographe officiel, Olivier Minne. Ce dernier, également animateur à France Télévisions, a estimé que le comédien « était le dernier french lover d'Hollywood comme l'ont été Maurice Chevalier et Jean-Pierre Aumont ». L'homme a fait toute sa carrière aux Etats-Unis. M. Minne, qui prépare avec la famille de l'acteur un livre et un documentaire sur sa vie, a ajouté : « Il incarnait l'élégance française. »« C'était un homme orchestre, acteur mais aussi animateur de télévision avec de grands shows avec Judy Garland et Franck Sinatra et Jerry Lewis. Il a joué aussi au théâtre et a été mannequin notamment pour Pierre Cardin », a-t-il enfin fait valoir.« J'ÉTAIS LE CLICHÉ FRANÇAIS »Né Louis Robert Gendre à Marseille, l'acteur était un habitué des rôles de « beau gosse » dans les films d'Hollywood, mais il avait aussi joué le méchant dans Octopussy en 1983, de la série des James Bond. Il avait fait ses débuts à l'écran en France en 1939 en enchaînant les comédies romantiques avant que ne survienne la seconde guerre mondiale. Mettant sa carrière entre parenthèses, il entrait alors dans la Résistance.Appelé par le producteur David O. Selnick à Hollywood, il entre au casting d'un film d'Alfred Hitchcock, Le Procès Paradine (The Paradine Case) en 1947 et décide de rester aux Etats-Unis. Il y joue dans nombre de longs-métrages dont le plus célèbre, Gigi de Vicente Minnelli en 1958, aux côtés de Leslie Caron et Maurice Chevalier.L'acteur, qui affirmait ne jamais regarder ses films, avait estimé que Hollywood avait « créé une image. J'étais le cliché français ». Sa dernière apparition à l'écran remonte à 1992, dans Year of the Comet de Peter Yates. Louis Jourdan, qui avait été décoré de la Légion d'honneur en 2010 à Los Angeles, où il s'était retiré, avait deux étoiles sur le Hollywood « Walk of Fame », la fameuse promenade des acteurs célèbres. 14.02.2015 à 04h08 • Mis à jour le14.02.2015 à 16h45 Une photo de famille transgénérationnelle de la chanson française. C'est l'image que le public retiendra de la 30e édition des Victoires de la musique, qui s'est déroulée dans la soirée du vendredi 13 février, où le triomphe des artistes « modernes »,  s'est accompagné du sacre des « classiques ».Grande favorite de la soirée avec cinq nominations au total, Héloïse Letissier, alias Christine & the Queens, n'a finalement glané que deux trophées : la jeune femme de 26 ans, honorée du titre d'interprète féminine de l'année, a également été récompensée pour le clip-vidéo de son titre Saint Claude.Côté masculin, Julien Doré, a soufflé la vedette à Calogero et surtout Johnny Hallyday, 71 ans, souvent nommé rarement récompensé dans cette catégorie reine. A 32 ans, l'ex-pensionnaire de la Nouvelle Star décroche sa troisième Victoire.Calogero se console avec son sacre dans la catégorie chanson de l'année, la seule décernée par le vote du public, pour le titre Un jour au mauvais endroit sur le drame d'Echirolles, deux jeunes lynchés en 2012 dans la banlieue grenobloise.LES INSÉPARABLES SOUCHON ET VOULZY Le duo The Dø repart avec le prix de l'album rock pour son troisième opus, « Shake, Shook, Shaken ». La mystérieuse Indila, artiste féminine ayant vendu le plus de disques en 2014 en France avec son premier album « Mini World », et le longiligne Benjamin Clementine, un pianiste londonien adopté par la France, ont eux été récompensés dans les catégories révélations album et scène.Le prodige belge, Stromae, grand gagnant de l'édition précédente avec trois titres, a de nouveau été primé lors en 2015 pour son spectacle, « Racine Carrée tour », joué toute l'année dernière.A l'instar de Daft Punk aux Grammy Awards 2014, le musicien électro Cascadeur est venu chercher sa Victoire de la musique en gardant sur la tête le casque blanc frappé d'une étoile rouge qu'il porte sur scène depuis ses débuts en 2011.Akhenaton, leader d'IAM, a été récompensé dans la catégorie album de musiques urbaines pour « Je suis en vie ». « Rivière noire » complète le palmarès, côté opus de musiques du monde.Le triomphe des « jeunes pousses » n'a pas complètement occulté celui des artistes confirmés. Le premier album en duo des inséparables Alain Souchon, 70 ans, et Laurent Voulzy, 66 ans, a été sacré dans la catégorie album de chansons.La soirée a, enfin, été ponctuée de plusieurs rétrospectives par genres musicaux conclues par un live, avec David Guetta pour l'électro, Jean-Louis Aubert pour le rock, IAM pour les musiques urbaines et Rachid Taha en compagnie de Catherine Ringer pour la séquence musiques du monde. Tous ont reçu une Victoire d'honneur. Josyane Savigneau Romancière, journaliste, polémiste, personne naguère très en vue dans le Paris littéraire, Geneviève Dormann, née le 24 septembre 1933, est morte vendredi 13 février à Paris, à l’âge de 81 ans.Son père, Maurice Dormann (1878-1947), d’abord typographe, était devenu directeur de l’imprimerie du journal Le Réveil d’Etampes. Grièvement blessé et mutilé pendant la Grande Guerre, en 1916, il s’était beaucoup occupé, après la guerre, des blessés. Il a été député radical indépendant de Seine-et-Oise de 1928 à 1936, puis sénateur de 1936 à 1940.Les journaux et la politique étaient donc présents très tôt dans la vie de Geneviève Dormann. Elle a aimé le journalisme, qu’elle a exercé notamment au Point, à Marie Claire et à la radio. Mais, dès 1957, elle a commencé une carrière d’écrivaine, d’abord avec un recueil de nouvelles, La Première Pierre (Seuil), puis avec des romans, une quinzaine en tout, jusqu’à Adieu, phénomène (Albin Michel, 1999).Esprit qui se voulait libre, elle aimait les voyages, l’aventure. C’était une belle femme blonde, séduisante, courtisée. Elle a été, des années 1960 aux années 1990, une figure du journalisme et de la littérature qui laissait rarement indifférent. Elle se revendiquait comme une femme de caractère, insolente, impétueuse, et ayant à l’extrême le goût de la polémique. Elle tenait volontiers des propos provocateurs, voire injurieux, qui partaient certainement d’une conviction, mais qui étaient d’abord faits pour choquer. Elle se disait « maurrassienne », « pour les élites et contre le suffrage universel ».« Anticommuniste, antiféministe, anti… »« Certains l’appellent Doberman, écrivait Pierre Assouline dans Lire en mai 1989. Non qu’elle ait un caractère de chien. Mais ses philippiques sont souvent perçues comme des aboiements. C’est qu’elle ne mâche pas ses mots, la Dormann. Anticommuniste, anticonformiste, antiféministe, anti… beaucoup de choses ! Elle a en elle une inépuisable capacité de refus. A l’ère du consensus, il en faut moins pour se singulariser. »De ses philippiques douteuses, on préférerait oublier sa participation au n° 80 du Crapouillot en 1985 et son fameux « les juifs m’emmerdent », qui avait suscité notamment une réponse lapidaire – « Et comment, Madame Dormann, et comment ! » – de Guy Konopnicki, dans Information juive.Dans un très long entretien à Lire en 1989, elle fustigeait la droite, censée être sa famille politique : « Elle est inexistante. Elle m’emmerde. Elle n’ose pas prendre les voix du Front national. » Elle se disait « pas du tout européenne », mais « d’un clocher ».« Ce livre [“Le Bal du dodo”], je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs »Dans un entretien à Elle, quinze ans plus tôt, en 1974, elle s’en prenait, cela n’étonnera personne, au féminisme et à Simone de Beauvoir : « Je ne me gâtais pas le tempérament à lire Beauvoir. Des heureuses qui ne l’ont jamais lue, j’en vois : elles sont assises à une terrasse des Champs-Elysées pendant mes heures ouvrables. Pas l’air froissé par l’oppression masculine. »En 1989 encore, l’annonce du Grand Prix du roman de l’Académie française, qui lui avait été attribué pour Le Bal du dodo (Albin Michel), avait été relayée dans Le Monde avec une certaine ironie. Il est certain qu’il y avait cette année-là des livres plus attrayants que cette histoire qui s’étire sur 370 pages, dans une île Maurice où des jeunes gens trop épris vont être séparés – on peut préférer Paul et Virginie. Geneviève Dormann elle-même, avec son amour de la provocation, avait fait une quatrième de couverture propre à susciter la moquerie, affirmant : « Ce livre, je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs. »Si l’on veut relire Geneviève Dormann, on peut aller plutôt du côté de Fleur de péché (Seuil, Grand prix de la ville de Paris 1980) ou du Roman de Sophie Trébuchet (Albin Michel, prix Kléber-Haedens 1983), où elle ressuscite avec bonheur la figure de la mère de Victor Hugo. Et pour garder le meilleur souvenir de Geneviève Dormann, il faut lire son essai biographique sur Colette, Amoureuse Colette (Herscher, 1984), un album où de magnifiques photos ont été rassemblées par Sylvie Delassus, et l’hommage de Geneviève Dormann à une femme qu’elle admirait et dont elle était une lectrice passionnée.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 09h52 • Mis à jour le15.02.2015 à 14h10 | Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale) A deux reprises, le temps s’est suspendu lors du procès Picasso, qui s’est tenu du mardi 10 au jeudi 12 février au tribunal de Grasse (Alpes-Maritimes). Une première fois à son ouverture, lorsque le président de l’audience a projeté les photographies de l’intégralité des œuvres dissimulées pendant près de quarante ans par le couple Le Guennec. Un inventaire visuel laissant découvrir à l’assistance 271 inédits du peintre datant de 1905 à 1932 : portraits de proches, scènes de plage, arlequins, chevaux, collages cubistes, peintures, carnets d’études, lithographies… Quarante minutes de silence absolu dans une salle pourtant bien pleine au premier jour d’audience. Il s’agissait pour le magistrat de commencer par présenter à chacun le corpus du délit reproché à l’ancien électricien de Picasso (1881-1973) et à son épouse par les héritiers Picasso, c’est-à-dire le « recel de biens volés », qui n’est pas touché par la prescription, contrairement au vol.Procès Picasso : l'ex-électricien face au clan familialUn second moment de grâce s’est imposé dans la soirée de la deuxième journée d’audience, lors de l’audition d’Anne Baldassari. L’approche tant scientifique que sensible des œuvres par la conservatrice, qui a longtemps dirigé le Musée Picasso à Paris, a soudainement redonné vie à ce que Pierre Le Guennec a pu présenter comme un « tas de vieux papiers », qui aurait été donné sans explications « un soir dans un couloir » en 1971 ou 1972 par Jacqueline Picasso (morte en 1986), avec l’accord du peintre, dans leur mas de Mougins. Car dans ce procès, les œuvres ont finalement paru davantage parler que les Le Guennec, mutiques face à leurs contradictions depuis le début de l’affaire, quand, en 2010, ils ont contacté la Picasso Administration pour tenter de faire authentifier leurs possessions, qu’ils avaient « oubliées ». Un ensemble représentant la plus importante découverte d’œuvres de Pablo Picasso depuis sa mort.Si chacun, famille, proches ou experts, a pu unanimement contester à la barre la possibilité d’un don aussi important, non dédicacé et non signé de la part de Picasso ou de Jacqueline, sa dernière épouse, le témoignage d’Anne Baldassari est venu éclairer la position de Picasso sur le sujet. « Je garde tout, on est ce que l’on garde », aurait-t-il déclaré à plusieurs reprises. « Mon œuvre est le journal de ma vie, ce n’est pas à moi de décider ce qui est bon ou mauvais. » Une philosophie aboutissant, selon la spécialiste, à un « archivage de son propre processus créatif » qui constitue encore aujourd’hui un « défi aux inventaires » : son œuvre, immense, rassemble quelque 70 000 pièces et 200 000 éléments d’archives.« Picasso a renoncé à divorcer d’Olga en 1935 quand il a compris qu’en étant marié sous le régime de la communauté, 50 % de ses œuvres allaient disparaître », précise encore Anne Baldassari. Un souci de conserver qui n’a cependant jamais empêché l’artiste de beaucoup donner : « Ce qu’il donne coïncide toujours à la chronologie de la relation, avec des œuvres de circonstance, mais il ne s’agit jamais d’œuvres de premier rang. » Or, analyse-t-elle, le lot d’œuvres Le Guennec s’étend sur trois décennies, « sans logique de destination qui donnerait du sens. Cela constitue un problème ». « Le Picasso que je connais ne se séparerait pas de ces œuvres, ce serait comme s’arracher la peau, a encore affirmé la conservatrice en chef. Elles constituent le laboratoire de sa création et de sa pensée. » « Picasso était un homme extrêmement généreux, qui peut toujours nous surprendre », a-t-elle nuancé, mais dans cette hypothèse de don, « tout converge vers une improbabilité. Ce sont des études très poussées, ce sont des œuvres en soi, il ne peut pas les avoir données ». «  Choses bizarres  »Pierre Le Guennec a par ailleurs réaffirmé avoir fait tout seul la classification et l’inventaire de cet ensemble. Or, dans cette affaire, Me Jean-Jacques Neuer, qui représente trois héritiers Picasso – Claude, Paloma et leur nièce Marina – s’étonne en effet que le septuagénaire, qui n’y connaît rien en art, comme il le dit lui-même, et qui n’a pas Internet, soit « capable de réaliser un inventaire, des descriptions scientifiques, de classer des œuvres, faire des sous-ensembles, alors même qu’il s’agit d’inédits dont on ne peut pas reproduire de notices ». Pour Me Neuer, quelqu’un lui a fourni ces détails techniques.Mme Baldassari confirme qu’« un néophyte n’est pas en mesure d’organiser un tel ordonnancement ». « Mais un conservateur n’aurait pas mélangé les périodes, n’aurait pas pris cette liberté, fait ces croisements », ajoute-t-elle, estimant qu’il s’agit « plutôt de la démarche d’un artiste, qui s’intéresse aux techniques, aux supports plus qu’à la chronologie ». Cette « approche fine », elle, la perçoit « comme la démarche de Picasso. » Elle évoque un classement en vue d’un inventaire lancé par l’artiste dans les années 1930 à 1950. Quant aux descriptifs des œuvres, dont plusieurs ont surpris l’accusation par leur niveau : « Techniquement, c’est compétent », affirme-t-elle, mais d’autres lui paraissent « naïfs ». Elle relève des fautes d’orthographe, des « choses bizarres » qui suscitent chez elle un « certain embarras ». Ont-ils pu être réalisés à plusieurs mains, complétés ? Elle ne l’exclut pas.« Préjudice de l’humanité »Le cas de la collection Maurice Bresnu, alias « Nounours », qui fut chauffeur des Picasso, a par le passé régulièrement occasionné de nombreux bras de fer avec les héritiers Picasso, ses œuvres ayant atterri chez des marchands d’art internationaux ou de prestigieuses ventes aux enchères, malgré leur provenance douteuse. Or, à peine Pierre Le Guennec avait-il révélé l’existence de ses 271 œuvres à la Picasso Administration en vue d’une authentification, en août 2010, qu’un généalogiste, venu témoigner lors des trois jours d’audience, avait révélé en novembre leur lien de parenté. Il avait en effet découvert une étrange coïncidence : l’ex-électricien a été désigné comme l’un des héritiers de la veuve Bresnu, qui était sa cousine, or dans l’héritage figuraient des œuvres de Picasso. Pierre Le Guennec avait caché être cousin avec Maurice Bresnu aux enquêteurs, au cours de l’information judiciaire, de même qu’il ne reconnaît pas de lien de cause à effet dans son entrée au service des Picasso, chez qui Maurice Bresnu était pourtant employé à l’époque. Me Neuer spécule que Pierre Le Guennec est manipulé par des marchands d’art peu scrupuleux, tentant d’écouler des œuvres volées en grande quantité par son cousin Maurice Bresnu. Cela expliquerait, selon lui, la violence de certaines attaques des Le Guennec au cours de l’instruction, tentant de porter atteinte à la mémoire ou à la filiation, à l’état civil de la famille Picasso. L’avocat a conclu sa plaidoirie en soulignant le caractère hors normes de ce procès qui s’est déroulé dans un climat très chaleureux sur le banc de la famille Picasso. « Le génie laisse de l’ADN traîner partout : ce procès fut picassien, surréaliste, incroyable. Il a permis au monde de voir que les Picasso sont une famille moderne, avec plusieurs femmes, plusieurs enfants, des disputes, comme une œuvre cubiste qui se recompose : c’est la plus belle œuvre cubiste posthume de Picasso », a-t-il lancé.Le souci de l’intérêt général a prévalu lors du réquisitoire. « Nous avons affaire à un délit particulier, au préjudice de l’humanité », a lancé le représentant du ministère public, Laurent Robert, estimant que le couple avait privé le monde entier et l’histoire de l’art de ces œuvres pendant quarante ans. Jugeant que les prévenus étaient « complètement dépassés par les conséquences de leurs actes, eux qui n’ont jamais été inquiétés par la justice, et n’ont pas gagné d’argent avec cette affaire », il requiert cinq ans d’emprisonnement assortis du sursis intégral – les prévenus encourraient cinq ans d’emprisonnement, et 375 000 euros ou la moitié de la valeur des biens recelés.Les conseils de la famille Picasso ont par ailleurs demandé que les œuvres soient restituées. Me Nardon, l’avocate de Catherine Hutin-Blay, la fille de Jacqueline, a pour sa part demandé 1 euro symbolique à chacun des époux Le Guennec au titre de dommages et intérêts. Le tribunal correctionnel de Grasse rendra sa décision le 20 mars.Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot C'est rarement la subtilité qui caractérise, d’ordinaire, les photos récompensées par le World Press, le prix le plus célèbre du photojournalisme : on y prime plutôt les effets spectaculaires, les sentiments exacerbés (douleur, tristesse), les actions fortes (bombardements, tueries, torture), l’hémoglobine… Y aurait-il comme une prise de conscience que ce genre d’images, certes très lisibles et efficaces, peut lasser ? Et qu’elles répondent rarement à la complexité des faits ?Comme pour répondre aux reproches faits depuis longtemps à cette imagerie répétitive et souvent pleine de clichés (riche/pauvre, victime/bourreau, mère à l'enfant ou « mater dolorosa »…), cette année, le World Press a décerné le titre de l'image de l'année à une photo sans action marquante, ni scène tragique. L'image de Mads Nissen, prise à Saint-Pétersbourg, montre un jeune couple homosexuel dans son intimité. Les poses, le clair-obscur et le décor (le drapé d'un rideau) font bien plus référence à la peinture hollandaise qu'à la photo de guerre. Les faits traités sont bien tragiques – la discrimination et la violence contre les homosexuels en Russie – mais ils sont illustrés par une image de tendresse et d’affection. « C'est une image très très subtile » a commenté Michelle McNally, présidente du jury, qui a qualifié la photo de « superbe scène ». Une photo qui montre non seulement le quotidien, mais qui a été prise dans un pays proche, pas sur le terrain d’une guerre lointaine. « C'est une chose qui manque souvent dans le photojournalisme, on a toujours l'impression qu'il faut chercher l'exotique », a commenté Donald Weber, autre membre du jury. Patrick Baz, de l’Agence France Presse, qui a également participé au jury, a insisté sur Twitter : « Ce prix parle d’amour et de haine, de paix et de guerre, et on n’a pas besoin de sang et de destructions pour décrire ça. »Lire aussi : le palmarès du World Press Photo 2015S'agirait-il d'une évolution durable ? Déjà, en 2014, le World Press avait récompensé une photo moins évidente que d'habitude, en évitant l’instant décisif et l’événement exceptionnel : on y voyait, dans une scène nocturne, des migrants lever leur téléphone portable en quête de réseau pour appeler leurs proches restés au pays. Le reste du temps, les photos de l’année du World Press font plutôt dans le spectaculaire. Les photos de sport particulièrement manipuléesAutre tendance forte en 2015 : la manipulation des images. Le jury, qui demande à tous les candidats présélectionnés d’envoyer les fichiers numériques « raw », c’est-à-dire avant toute retouche, pour les comparer avec les images soumises à la compétition, a eu des mots très durs sur la quantité de fichiers retouchés de façon excessive, et donc disqualifiés. Ce fut le cas d’une image sur cinq, soit 20 % !Le directeur général du World Press Photo, Lars Boering, a déclaré dans un communiqué : « Cette année, le jury a été très déçu de découvrir avec quelle légèreté les photographes ont traité leurs fichiers soumis à la compétition. Quand un élément a été ajouté ou retranché de l’image, cela nous a conduits à rejeter l’image en question. (...) Il semble que certains photographes ne peuvent résister à la tentation de rehausser leurs images soit en enlevant de petits détails pour “nettoyer” une image ou parfois à changer la tonalité de façon excessive, ce qui constitue un changement réel de l’image. Ces deux types de retouches compromettent l’intégrité de l’image. »Les retouches ont particulièrement affecté la section « sports », au point que le jury a renoncé à décerner le troisième prix de la catégorie « stories », faute de candidat « propre » (voir l’entretien de Lars Boering avec le British Journal of Photography, en anglais).Sens de l’image fausséUne tendance sur laquelle on peut émettre quelques hypothèses : peut-être le jury du World Press Photo est-il particulièrement sévère sur les retouches considérées comme « classiques » (couleurs réhaussées, ombres atténuées, etc.) ? On a du mal à le croire, vu que les membres sont issus de différents médias à travers le monde, avec des habitudes différentes.Ou alors peut-être les candidats au World Press ont-ils accentué les retouches dans l’espoir d’augmenter leurs chances d’être sélectionnés, sachant que le prix récompense des photos souvent parfaites techniquement ? Là encore, on peut en douter : ils savaient que leurs images seraient comparées aux fichiers originaux, et risquaient d’être disqualifiées car ces manipulations seraient considérées comme de la fraude.Ou enfin – hypothèse la plus probable, vu le nombre énorme d’images rejetées – les photographes ont pris l’habitude de retoucher leurs photos à un tel point et avec une telle facilité qu’ils ne semblent plus avoir conscience qu’ils faussent le sens de l’image. Ce qui ne laisse pas d’inquiéter sur ce qui nous est donné à voir du monde aujourd’hui. Comme s’il fallait, pour qu’elles retiennent notre attention dans le flot visuel qui nous noie, des images toujours plus léchées, toujours plus parfaites, toujours plus spectaculaires. Des images qui ressemblent plus aux jeux vidéo qu’à la réalité.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Let It Be », la messe est diteCette semaine : autour de l’album Let It Be (mai 1970).« Two of Us » (Lennon-McCartney), par Aimee Mann et Michael PennCette exquise ballade mélancolique a trouvé sa place sur bande originale du film I Am Sam. Ce mélodrame réalisé par Jessie Nelson a laissé derrière lui une jolie collection de reprises des Beatles, interprétées entre autres par les Black Crowes, Rufus Wainwright ou Ben Harper. Two of Us, chanson de couple s’il en est, est interprété par le frère et la belle-sœur de l’interprète principal du film, à savoir Michael Penn, Aimee Mann et Sean Penn.« Dig a Pony » (Lennon-McCartney), par Saint VincentAnnie Clark, qui se produit sous le nom de Saint Vincent, est aujourd’hui une icône magnifique et une auteure de premier plan. Avant d’accéder à ce statut, elle fut une guitare-héroïne exquise, comme le prouve cette interprétation en solo d’une composition de John Lennon, dont les lyrics procèdent de la tradition absurde de Glass Onion ou I Am The Walrus.« Across the Universe » (Lennon-McCartney), par David BowieCette chanson composée par John Lennon à l’époque de « l’album blanc » a attendu deux ans avant de trouver sa place sur Let It Be. Jamais les Beatles ne sont allés aussi loin dans l’expression naïve (pour ne pas dire benête) des philosophies orientales qui les fascinaient. En 1975, David Bowie, en pleine période funky s’en empare pour en donner une version passablement énervée (en phase avec l’hygiène de vie de l’époque), peut-être pour faire plaisir à son nouveau camarade de studio John Lennon avec qui il compose et enregistre Fame pendant les mêmes sessions.« I Me Mine » (Harrison), par Beth OrtonComme le montre le documentaire tourné par Michael Lindsay Hogg pendant les sessions d’enregistrement de Let It Be, les quatre garçons n’étaient pas très heureux. Ce collage de valse et de blues rapide, signé George Harrison en témoigne, et l’interprétation qu’en donne la chanteuse britannique Beth Orton accentue encore la sensation de déprime. Cette version a été enregistrée pour l’album Let It Be Revisited, compilé par le magazine Mojo, à qui cette rubrique est infiniment redevable. A ceci près que l’autre reprise enregistrée par Beth Orton à l’occasion, celle de Dig It, bribe de chanson improvisée dont on entend moins d’une minute, n’est pas disponible sur la toile.« Let It Be » (Lennon-McCartney), par Aretha FranklinLa « mother Mary » des lyrics de Paul McCartney n’est pas la sainte Vierge. Certes le futur partenaire de Kanye West est issu d’une famille irlandaise, mais c’est sa défunte maman à lui qui lui est apparue en rêve et pas celle du Messie. N’empêche que la progression harmonique et la mélodie relèvent du gospel. On ne sera donc pas surpris de voir la fille du révérend C.L. Franklin, Aretha, qui chantait si bien à la New Bethel Church de Detroit, reprendre Let It Be dès la sortie du titre, en 1970 sur son album This Girl’s In Love With You.« Maggie Mae » (traditionnel, arrangement Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par les « Quarrymen »Les guillemets qui entourent « Quarrymen » ci-dessus sont là pour signaler qu’il ne s’agit pas du groupe formé par John Lennon et Paul McCartney lors de leur rencontre en 1958 mais de son incarnation cinématographique, dans le film Nowhere Boy, récit de l’adolescence de John Lennon (Aaron Johnson) par la réalisatrice Sam Taylor-Wood, devenue depuis Sam Taylor-Johnson, qui vient de sortir très discrètement son deuxième film, Cinquante nuances de Grey. Nous ne « digreyssons » pas tant que ça puisque Maggie Mae est une chanson un peu salace des rues de Liverpool qui évoque les tribulations d’une fille de joie. L’enregistrement de Let It Be procédait d’un fantasme de retour aux sources, d’où l’exhumation de ce fragment folklorique.« I’ve Got A Feeling » (Lennon-McCartney), par BeckLà encore, une mise au point s’impose: ce Beck-là n’est pas le fils de monsieur et madame Hansen, mais un groupe de fiction, qui s’est formé entre les pages d’un manga écrit et dessiné à la fin du siècle dernier par Harold Sakuishi avant d’être adapté pour la télévision. Ces Beck de papier reprennent ici l’un des deux titres de Let It Be dont la signature Lennon-McCartney n’est pas une tromperie sur la marchandise. Comme A Day In The Life, I’ve Got A Feeling est l’assemblage de deux fragments de chanson, le début et le pont étant dûs à Paul McCartney, le fragment « Everybody’s had a hard year » à John Lennon.« One After 909 » (Lennon-McCartney), par Ricky NelsonComposée peu de temps après leur rencontre, One After 909 a été sortie du placard par Lennon et McCartney dans l’espoir, finalement vain, de retrouver l’enthousiasme des débuts. Le rockabilly un peu fruste de la chanson ne pouvait que séduire Ricky Nelson, ex-idole des jeunes devenu pilier de la musique country après avoir été supplanté dans le cœur des adolescentes par les quatre de Liverpool. La situation est assez ironique pour que l’on tolère la qualité médiocre de la vidéo.« The Long And Winding Road » (Lennon-McCartney), par Ray Charles and the Count Basie OrchestraDe toutes les chansons de Let It Be, celle-ci traîne la plus lourde charge de malheur. Sa mélodie et ses lyrics, signés McCartney respirent la lassitude, les regrets, les remords. Au moins l’auteur pouvait il se consoler en constatant qu’il était rarement parvenu à une telle sophistication. Mais son ami d’enfance s’en empara pour la confier à Phil Spector. Le producteur américain en noya le tragique sous des flots de cordes et de chœurs féminins indignes aussi bien de McCartney que de Spector. En guise d’expiation, en voici une version pour cuivres et Genius.« For You Blue » (Harrison), par Dhani HarrisonBlues simplet, mais délicat, For You Blue est ici interprété par le fils de l’auteur, avec une fidélité touchante et peut-être un peu inquiétante.« Get Back » (Lennon-McCartney), par Rod StewartLe « concert sur le toit » (de l’immeuble Apple, à Londres) se termine sur ce titre, un blues rapide signé McCartney, dont il existe plusieurs versions enregistrées. L’une d’elles reprend, pour s’en moquer, les délires racistes du politicien conservateur Enoch Powell, et les gens à qui il est enjoint de s’en retourner sont les immigrés pakistanais. Telle qu’on l’entend dans les différentes versions officielles (l’une sur le 45 tours dont la face B est Don’t Let Me Down, l’autre sur l’album Let It Be), il n’est question que de transsexuels, sur un arrangement d’une économie admirable, soutenu par le travail de Billy Preston au piano électrique. Six ans plus tard, Rod Stewart en fait un numéro pour concert de rock spectaculaire, tel qu’il s’en donnait au milieu des années 1970, ce qui témoigne, encore une fois de l’extraordinaire plasticité des compositions des Beatles.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, l'album d'une séparation annoncée.Avec son liséré noir et son titre en forme de formule liturgique, la pochette de Let It Be ressemble à un faire-part de décès. Le 8 mai 1970, date de la mise en vente de l'album, la nouvelle était éventée. Un mois plus tôt, Paul McCartney avait annoncé qu'il quittait le groupe. Associé au deuil qui frappa alors des millions de fans, renié par trois des Beatles furieux que John Lennon ait confié sans leur consentement la post-production du disque à Phil Spector, Let It Be croule sous les reproches.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Let It Be »Ce n'est même pas le dernier album des Fab Four. A une exception près, tous les titres avaient été enregistrés début 1969, avant que le groupe ne mette en boîte Abbey Road. Paul McCartney espérait alors remettre les Beatles en état de marche en répétant et en enregistrant en direct, comme à leurs débuts. Ce retour aux sources devait être immortalisé sur pellicule par les caméras de Michael Lindsay Hogg, qui se retrouva dans la situation inconfortable du témoin de l'accident. Les sessions furent interrompues plusieurs semaines durant après une violente dispute entre George Harrison et Paul McCartney. Après une réconciliation qui relevait de la pose de rustine, le groupe termina l'enregistrement par un concert improvisé sur le toit de l'immeuble d'Apple, interrompu par l'intervention de la police londonienne.Il n'est pas besoin de savoir tout de cette histoire pour entendre le malheur qui sourd d'une bonne moitié des chansons du plus triste album des Beatles : la lassitude résignée de The Long And Winding Road, l'une des plus belles mélodies de McCartney, l'examen de conscience impitoyable de I Me Mine, de Harrison (le seul titre enregistré en 1970, sans Lennon) et le gospel angoissé de Let It Be.Comme antidote à ce blues, on trouvera One After 909, l'une des premières chansons composées par Lennon et McCartney, le shuffle irrésistible de Get Back et les délicates harmonies de Two of Us, deux autres titres du futur partenaire de Kanye West. Car à part quelques jolies interventions à la guitare, la contribution de Lennon est réduite au minimum. Il avait quitté Les Beatles bien avant que Paul McCartney ait le courage (pour deux) d'en annoncer la fin.Thomas SotinelJournaliste au Monde Bruno Lesprit Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur l'inépuisable album sans titre de 1968.Trop forts, ces Beatles. Dix-huit mois après avoir enfanté Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, le premier concept-album de la pop, voilà qu'ils livrent, le 22 novembre 1968, son envers : l'anti-concept, ou le concept du non-concept. The Beatles, donc, curieux objet dépourvu de titre (mais sitôt baptisé « l'album blanc ») et renfermé dans une pochette minimaliste, un carré blanc à la Malevitch conçu par le designer Richard Hamilton. A l'intérieur, pas de portrait de groupe, mais quatre photos individuelles indiquant que chacun compte bien affirmer sa personnalité. Et un poster en forme de pêle-mêle.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « l'album blanc »Cette volonté de laisser tout le monde s'exprimer par ses compositions – même Ringo avec Don't Pass Me By – explique en partie que les Beatles proposent pour la première fois double ration : plus d'une heure et demie de musique et pas moins de trente chansons sans lien entre elles, passant du coq à l'âne et abordant des genres disparates. Si le folk et les boiseries forment la couleur dominante (Blackbird, I Will, Julia, Mother Nature's Son), l'auditeur passe du rock'n'roll des origines (Back in the USSR) au ska (Ob-La-Di, Ob-La-Da), d'un hard-rock pré-zeppelinien d'une sauvagerie inouïe (Helter Skelter) au jazz d'avant-guerre (Honey Pie), du rhythm'n'blues (Savoy Truffle) à la musique concrète (le collage expérimental de Revolution 9).La seule unité de ces titres est leur genèse puisqu'ils furent pour la plupart écrits lors du séjour du groupe à Rishikesh, au pied de l'Himalaya, dans l'ashram de leur gourou, Maharishi Mahesh Yogi. Au passage, le père de la méditation transcendantale reçoit de Lennon une volée de bois vert dans Sexy Sadie, pour avoir fait des avances à Mia Farrow lors du stage védique. Et à la sœur recluse de l'actrice est dédié le délicat Dear Prudence.Anarchique, enregistré dans un climat de tension exacerbé par la présence de Yoko Ono, ce kaléidoscope irradie pourtant et trouve sa cohérence dans la dispersion, une idée que reprendront Stevie Wonder avec Songs in the Key of Life (1976) puis Prince avec Sign O'The Times (1987).Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.02.2015 à 16h54 • Mis à jour le14.02.2015 à 11h40 | Josyane Savigneau Romancière, journaliste, polémiste, personne naguère très en vue dans le Paris littéraire, Geneviève Dormann, née le 24 septembre 1933, est morte vendredi 13 février à Paris, à l’âge de 81 ans.Son père, Maurice Dormann (1878-1947), d’abord typographe, était devenu directeur de l’imprimerie du journal Le Réveil d’Etampes. Grièvement blessé et mutilé pendant la Grande Guerre, en 1916, il s’était beaucoup occupé, après la guerre, des blessés. Il a été député radical indépendant de Seine-et-Oise de 1928 à 1936, puis sénateur de 1936 à 1940.Les journaux et la politique étaient donc présents très tôt dans la vie de Geneviève Dormann. Elle a aimé le journalisme, qu’elle a exercé notamment au Point, à Marie Claire et à la radio. Mais, dès 1957, elle a commencé une carrière d’écrivaine, d’abord avec un recueil de nouvelles, La Première Pierre (Seuil), puis avec des romans, une quinzaine en tout, jusqu’à Adieu, phénomène (Albin Michel, 1999).Esprit qui se voulait libre, elle aimait les voyages, l’aventure. C’était une belle femme blonde, séduisante, courtisée. Elle a été, des années 1960 aux années 1990, une figure du journalisme et de la littérature qui laissait rarement indifférent. Elle se revendiquait comme une femme de caractère, insolente, impétueuse, et ayant à l’extrême le goût de la polémique. Elle tenait volontiers des propos provocateurs, voire injurieux, qui partaient certainement d’une conviction, mais qui étaient d’abord faits pour choquer. Elle se disait « maurrassienne », « pour les élites et contre le suffrage universel ».« Anticommuniste, antiféministe, anti… »« Certains l’appellent Doberman, écrivait Pierre Assouline dans Lire en mai 1989. Non qu’elle ait un caractère de chien. Mais ses philippiques sont souvent perçues comme des aboiements. C’est qu’elle ne mâche pas ses mots, la Dormann. Anticommuniste, anticonformiste, antiféministe, anti… beaucoup de choses ! Elle a en elle une inépuisable capacité de refus. A l’ère du consensus, il en faut moins pour se singulariser. »De ses philippiques douteuses, on préférerait oublier sa participation au n° 80 du Crapouillot en 1985 et son fameux « les juifs m’emmerdent », qui avait suscité notamment une réponse lapidaire – « Et comment, Madame Dormann, et comment ! » – de Guy Konopnicki, dans Information juive.Dans un très long entretien à Lire en 1989, elle fustigeait la droite, censée être sa famille politique : « Elle est inexistante. Elle m’emmerde. Elle n’ose pas prendre les voix du Front national. » Elle se disait « pas du tout européenne », mais « d’un clocher ».« Ce livre [“Le Bal du dodo”], je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs »Dans un entretien à Elle, quinze ans plus tôt, en 1974, elle s’en prenait, cela n’étonnera personne, au féminisme et à Simone de Beauvoir : « Je ne me gâtais pas le tempérament à lire Beauvoir. Des heureuses qui ne l’ont jamais lue, j’en vois : elles sont assises à une terrasse des Champs-Elysées pendant mes heures ouvrables. Pas l’air froissé par l’oppression masculine. »En 1989 encore, l’annonce du Grand Prix du roman de l’Académie française, qui lui avait été attribué pour Le Bal du dodo (Albin Michel), avait été relayée dans Le Monde avec une certaine ironie. Il est certain qu’il y avait cette année-là des livres plus attrayants que cette histoire qui s’étire sur 370 pages, dans une île Maurice où des jeunes gens trop épris vont être séparés – on peut préférer Paul et Virginie. Geneviève Dormann elle-même, avec son amour de la provocation, avait fait une quatrième de couverture propre à susciter la moquerie, affirmant : « Ce livre, je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs. »Si l’on veut relire Geneviève Dormann, on peut aller plutôt du côté de Fleur de péché (Seuil, Grand prix de la ville de Paris 1980) ou du Roman de Sophie Trébuchet (Albin Michel, prix Kléber-Haedens 1983), où elle ressuscite avec bonheur la figure de la mère de Victor Hugo. Et pour garder le meilleur souvenir de Geneviève Dormann, il faut lire son essai biographique sur Colette, Amoureuse Colette (Herscher, 1984), un album où de magnifiques photos ont été rassemblées par Sylvie Delassus, et l’hommage de Geneviève Dormann à une femme qu’elle admirait et dont elle était une lectrice passionnée.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 09h52 • Mis à jour le13.02.2015 à 17h30 | Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale) A deux reprises, le temps s’est suspendu lors du procès Picasso, qui s’est tenu du mardi 10 au jeudi 12 février au tribunal de Grasse (Alpes-Maritimes). Une première fois à son ouverture, lorsque le président de l’audience a projeté les photographies de l’intégralité des œuvres dissimulées pendant près de quarante ans par le couple Le Guennec. Un inventaire visuel laissant découvrir à l’assistance 271 inédits du peintre datant de 1905 à 1932 : portraits de proches, scènes de plage, arlequins, chevaux, collages cubistes, peintures, carnets d’études, lithographies… Quarante minutes de silence absolu dans une salle pourtant bien pleine au premier jour d’audience. Il s’agissait pour le magistrat de commencer par présenter à chacun le corpus du délit reproché à l’ancien électricien de Picasso (1881-1973) et à son épouse par les héritiers Picasso, c’est-à-dire le « recel de biens volés », qui n’est pas touché par la prescription, contrairement au vol.Procès Picasso : l'ex-électricien face au clan familialUn second moment de grâce s’est imposé dans la soirée de la deuxième journée d’audience, lors de l’audition d’Anne Baldassari. L’approche tant scientifique que sensible des œuvres par la conservatrice, qui a longtemps dirigé le Musée Picasso à Paris, a soudainement redonné vie à ce que Pierre Le Guennec a pu présenter comme un « tas de vieux papiers », qui aurait été donné sans explications « un soir dans un couloir » en 1971 ou 1972 par Jacqueline Picasso (morte en 1986), avec l’accord du peintre, dans leur mas de Mougins. Car dans ce procès, les œuvres ont finalement paru davantage parler que les Le Guennec, mutiques face à leurs contradictions depuis le début de l’affaire, quand, en 2010, ils ont contacté la Picasso Administration pour tenter de faire authentifier leurs possessions, qu’ils avaient « oubliées ». Un ensemble représentant la plus importante découverte d’œuvres de Pablo Picasso depuis sa mort.Si chacun, famille, proches ou experts, a pu unanimement contester à la barre la possibilité d’un don aussi important, non dédicacé et non signé de la part de Picasso ou de Jacqueline, sa dernière épouse, le témoignage d’Anne Baldassari est venu éclairer la position de Picasso sur le sujet. « Je garde tout, on est ce que l’on garde », aurait-t-il déclaré à plusieurs reprises. « Mon œuvre est le journal de ma vie, ce n’est pas à moi de décider ce qui est bon ou mauvais. » Une philosophie aboutissant, selon la spécialiste, à un « archivage de son propre processus créatif » qui constitue encore aujourd’hui un « défi aux inventaires » : son œuvre, immense, rassemble quelque 70 000 pièces et 200 000 éléments d’archives.« Picasso a renoncé à divorcer d’Olga en 1935 quand il a compris qu’en étant marié sous le régime de la communauté, 50 % de ses œuvres allaient disparaître », précise encore Anne Baldassari. Un souci de conserver qui n’a cependant jamais empêché l’artiste de beaucoup donner : « Ce qu’il donne coïncide toujours à la chronologie de la relation, avec des œuvres de circonstance, mais il ne s’agit jamais d’œuvres de premier rang. » Or, analyse-t-elle, le lot d’œuvres Le Guennec s’étend sur trois décennies, « sans logique de destination qui donnerait du sens. Cela constitue un problème ». « Le Picasso que je connais ne se séparerait pas de ces œuvres, ce serait comme s’arracher la peau, a encore affirmé la conservatrice en chef. Elles constituent le laboratoire de sa création et de sa pensée. » « Picasso était un homme extrêmement généreux, qui peut toujours nous surprendre », a-t-elle nuancé, mais dans cette hypothèse de don, « tout converge vers une improbabilité. Ce sont des études très poussées, ce sont des œuvres en soi, il ne peut pas les avoir données ». «  Choses bizarres  »Pierre Le Guennec a par ailleurs réaffirmé avoir fait tout seul la classification et l’inventaire de cet ensemble. Or, dans cette affaire, Me Jean-Jacques Neuer, qui représente trois héritiers Picasso – Claude, Paloma et leur nièce Marina – s’étonne en effet que le septuagénaire, qui n’y connaît rien en art, comme il le dit lui-même, et qui n’a pas Internet, soit « capable de réaliser un inventaire, des descriptions scientifiques, de classer des œuvres, faire des sous-ensembles, alors même qu’il s’agit d’inédits dont on ne peut pas reproduire de notices ». Pour Me Neuer, quelqu’un lui a fourni ces détails techniques.Mme Baldassari confirme qu’« un néophyte n’est pas en mesure d’organiser un tel ordonnancement ». « Mais un conservateur n’aurait pas mélangé les périodes, n’aurait pas pris cette liberté, fait ces croisements », ajoute-t-elle, estimant qu’il s’agit « plutôt de la démarche d’un artiste, qui s’intéresse aux techniques, aux supports plus qu’à la chronologie ». Cette « approche fine », elle, la perçoit « comme la démarche de Picasso. » Elle évoque un classement en vue d’un inventaire lancé par l’artiste dans les années 1930 à 1950. Quant aux descriptifs des œuvres, dont plusieurs ont surpris l’accusation par leur niveau : « Techniquement, c’est compétent », affirme-t-elle, mais d’autres lui paraissent « naïfs ». Elle relève des fautes d’orthographe, des « choses bizarres » qui suscitent chez elle un « certain embarras ». Ont-ils pu être réalisés à plusieurs mains, complétés ? Elle ne l’exclut pas.« Préjudice de l’humanité »Le cas de la collection Maurice Bresnu, alias « Nounours », qui fut chauffeur des Picasso, a par le passé régulièrement occasionné de nombreux bras de fer avec les héritiers Picasso, ses œuvres ayant atterri chez des marchands d’art internationaux ou de prestigieuses ventes aux enchères, malgré leur provenance douteuse. Or, à peine Pierre Le Guennec avait-il révélé l’existence de ses 271 œuvres à la Picasso Administration en vue d’une authentification, en août 2010, qu’un généalogiste, venu témoigner lors des trois jours d’audience, avait révélé en novembre leur lien de parenté. Il avait en effet découvert une étrange coïncidence : l’ex-électricien a été désigné comme l’un des héritiers de la veuve Bresnu, qui était sa cousine, or dans l’héritage figuraient des œuvres de Picasso. Pierre Le Guennec avait caché être cousin avec Maurice Bresnu aux enquêteurs, au cours de l’information judiciaire, de même qu’il ne reconnaît pas de lien de cause à effet dans son entrée au service des Picasso, chez qui Maurice Bresnu était pourtant employé à l’époque. Me Neuer spécule que Pierre Le Guennec est manipulé par des marchands d’art peu scrupuleux, tentant d’écouler des œuvres volées en grande quantité par son cousin Maurice Bresnu. Cela expliquerait, selon lui, la violence de certaines attaques des Le Guennec au cours de l’instruction, tentant de porter atteinte à la mémoire ou à la filiation, à l’état civil de la famille Picasso. L’avocat a conclu sa plaidoirie en soulignant le caractère hors normes de ce procès qui s’est déroulé dans un climat très chaleureux sur le banc de la famille Picasso. « Le génie laisse de l’ADN traîner partout : ce procès fut picassien, surréaliste, incroyable. Il a permis au monde de voir que les Picasso sont une famille moderne, avec plusieurs femmes, plusieurs enfants, des disputes, comme une œuvre cubiste qui se recompose : c’est la plus belle œuvre cubiste posthume de Picasso », a-t-il lancé.Le souci de l’intérêt général a prévalu lors du réquisitoire. « Nous avons affaire à un délit particulier, au préjudice de l’humanité », a lancé le représentant du ministère public, Laurent Robert, estimant que le couple avait privé le monde entier et l’histoire de l’art de ces œuvres pendant quarante ans. Jugeant que les prévenus étaient « complètement dépassés par les conséquences de leurs actes, eux qui n’ont jamais été inquiétés par la justice, et n’ont pas gagné d’argent avec cette affaire », il requiert cinq ans d’emprisonnement assortis du sursis intégral – les prévenus encourraient cinq ans d’emprisonnement, et 375 000 euros ou la moitié de la valeur des biens recelés.Les conseils de la famille Picasso ont par ailleurs demandé que les œuvres soient restituées. Me Nardon, l’avocate de Catherine Hutin-Blay, la fille de Jacqueline, a pour sa part demandé 1 euro symbolique à chacun des époux Le Guennec au titre de dommages et intérêts. Le tribunal correctionnel de Grasse rendra sa décision le 20 mars.Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot C'est rarement la subtilité qui caractérise, d’ordinaire, les photos récompensées par le World Press, le prix le plus célèbre du photojournalisme : on y prime plutôt les effets spectaculaires, les sentiments exacerbés (douleur, tristesse), les actions fortes (bombardements, tueries, torture), l’hémoglobine… Y aurait-il comme une prise de conscience que ce genre d’images, certes très lisibles et efficaces, peut lasser ? Et qu’elles répondent rarement à la complexité des faits ?Comme pour répondre aux reproches faits depuis longtemps à cette imagerie répétitive et souvent pleine de clichés (riche/pauvre, victime/bourreau, mère à l'enfant ou « mater dolorosa »…), cette année, le World Press a décerné le titre de l'image de l'année à une photo sans action marquante, ni scène tragique. L'image de Mads Nissen, prise à Saint-Pétersbourg, montre un jeune couple homosexuel dans son intimité. Les poses, le clair-obscur et le décor (le drapé d'un rideau) font bien plus référence à la peinture hollandaise qu'à la photo de guerre. Les faits traités sont bien tragiques – la discrimination et la violence contre les homosexuels en Russie – mais ils sont illustrés par une image de tendresse et d’affection. « C'est une image très très subtile » a commenté Michelle McNally, présidente du jury, qui a qualifié la photo de « superbe scène ». Une photo qui montre non seulement le quotidien, mais qui a été prise dans un pays proche, pas sur le terrain d’une guerre lointaine. « C'est une chose qui manque souvent dans le photojournalisme, on a toujours l'impression qu'il faut chercher l'exotique », a commenté Donald Weber, autre membre du jury. Patrick Baz, de l’Agence France Presse, qui a également participé au jury, a insisté sur Twitter : « Ce prix parle d’amour et de haine, de paix et de guerre, et on n’a pas besoin de sang et de destructions pour décrire ça. »Lire aussi : le palmarès du World Press Photo 2015S'agirait-il d'une évolution durable ? Déjà, en 2014, le World Press avait récompensé une photo moins évidente que d'habitude, en évitant l’instant décisif et l’événement exceptionnel : on y voyait, dans une scène nocturne, des migrants lever leur téléphone portable en quête de réseau pour appeler leurs proches restés au pays. Le reste du temps, les photos de l’année du World Press font plutôt dans le spectaculaire. Les photos de sport particulièrement manipuléesAutre tendance forte en 2015 : la manipulation des images. Le jury, qui demande à tous les candidats présélectionnés d’envoyer les fichiers numériques « raw », c’est-à-dire avant toute retouche, pour les comparer avec les images soumises à la compétition, a eu des mots très durs sur la quantité de fichiers retouchés de façon excessive, et donc disqualifiés. Ce fut le cas d’une image sur cinq, soit 20 % !Le directeur général du World Press Photo, Lars Boering, a déclaré dans un communiqué : « Cette année, le jury a été très déçu de découvrir avec quelle légèreté les photographes ont traité leurs fichiers soumis à la compétition. Quand un élément a été ajouté ou retranché de l’image, cela nous a conduits à rejeter l’image en question. (...) Il semble que certains photographes ne peuvent résister à la tentation de rehausser leurs images soit en enlevant de petits détails pour “nettoyer” une image ou parfois à changer la tonalité de façon excessive, ce qui constitue un changement réel de l’image. Ces deux types de retouches compromettent l’intégrité de l’image. »Les retouches ont particulièrement affecté la section « sports », au point que le jury a renoncé à décerner le troisième prix de la catégorie « stories », faute de candidat « propre » (voir l’entretien de Lars Boering avec le British Journal of Photography, en anglais).Sens de l’image fausséUne tendance sur laquelle on peut émettre quelques hypothèses : peut-être le jury du World Press Photo est-il particulièrement sévère sur les retouches considérées comme « classiques » (couleurs réhaussées, ombres atténuées, etc.) ? On a du mal à le croire, vu que les membres sont issus de différents médias à travers le monde, avec des habitudes différentes.Ou alors peut-être les candidats au World Press ont-ils accentué les retouches dans l’espoir d’augmenter leurs chances d’être sélectionnés, sachant que le prix récompense des photos souvent parfaites techniquement ? Là encore, on peut en douter : ils savaient que leurs images seraient comparées aux fichiers originaux, et risquaient d’être disqualifiées car ces manipulations seraient considérées comme de la fraude.Ou enfin – hypothèse la plus probable, vu le nombre énorme d’images rejetées – les photographes ont pris l’habitude de retoucher leurs photos à un tel point et avec une telle facilité qu’ils ne semblent plus avoir conscience qu’ils faussent le sens de l’image. Ce qui ne laisse pas d’inquiéter sur ce qui nous est donné à voir du monde aujourd’hui. Comme s’il fallait, pour qu’elles retiennent notre attention dans le flot visuel qui nous noie, des images toujours plus léchées, toujours plus parfaites, toujours plus spectaculaires. Des images qui ressemblent plus aux jeux vidéo qu’à la réalité.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Let It Be », la messe est diteCette semaine : autour de l’album Let It Be (mai 1970).« Two of Us » (Lennon-McCartney), par Aimee Mann et Michael PennCette exquise ballade mélancolique a trouvé sa place sur bande originale du film I Am Sam. Ce mélodrame réalisé par Jessie Nelson a laissé derrière lui une jolie collection de reprises des Beatles, interprétées entre autres par les Black Crowes, Rufus Wainwright ou Ben Harper. Two of Us, chanson de couple s’il en est, est interprété par le frère et la belle-sœur de l’interprète principal du film, à savoir Michael Penn, Aimee Mann et Sean Penn.« Dig a Pony » (Lennon-McCartney), par Saint VincentAnnie Clark, qui se produit sous le nom de Saint Vincent, est aujourd’hui une icône magnifique et une auteure de premier plan. Avant d’accéder à ce statut, elle fut une guitare-héroïne exquise, comme le prouve cette interprétation en solo d’une composition de John Lennon, dont les lyrics procèdent de la tradition absurde de Glass Onion ou I Am The Walrus.« Across the Universe » (Lennon-McCartney), par David BowieCette chanson composée par John Lennon à l’époque de « l’album blanc » a attendu deux ans avant de trouver sa place sur Let It Be. Jamais les Beatles ne sont allés aussi loin dans l’expression naïve (pour ne pas dire benête) des philosophies orientales qui les fascinaient. En 1975, David Bowie, en pleine période funky s’en empare pour en donner une version passablement énervée (en phase avec l’hygiène de vie de l’époque), peut-être pour faire plaisir à son nouveau camarade de studio John Lennon avec qui il compose et enregistre Fame pendant les mêmes sessions.« I Me Mine » (Harrison), par Beth OrtonComme le montre le documentaire tourné par Michael Lindsay Hogg pendant les sessions d’enregistrement de Let It Be, les quatre garçons n’étaient pas très heureux. Ce collage de valse et de blues rapide, signé George Harrison en témoigne, et l’interprétation qu’en donne la chanteuse britannique Beth Orton accentue encore la sensation de déprime. Cette version a été enregistrée pour l’album Let It Be Revisited, compilé par le magazine Mojo, à qui cette rubrique est infiniment redevable. A ceci près que l’autre reprise enregistrée par Beth Orton à l’occasion, celle de Dig It, bribe de chanson improvisée dont on entend moins d’une minute, n’est pas disponible sur la toile.« Let It Be » (Lennon-McCartney), par Aretha FranklinLa « mother Mary » des lyrics de Paul McCartney n’est pas la sainte Vierge. Certes le futur partenaire de Kanye West est issu d’une famille irlandaise, mais c’est sa défunte maman à lui qui lui est apparue en rêve et pas celle du Messie. N’empêche que la progression harmonique et la mélodie relèvent du gospel. On ne sera donc pas surpris de voir la fille du révérend C.L. Franklin, Aretha, qui chantait si bien à la New Bethel Church de Detroit, reprendre Let It Be dès la sortie du titre, en 1970 sur son album This Girl’s In Love With You.« Maggie Mae » (traditionnel, arrangement Lennon-McCartney-Harrison-Starkey), par les « Quarrymen »Les guillemets qui entourent « Quarrymen » ci-dessus sont là pour signaler qu’il ne s’agit pas du groupe formé par John Lennon et Paul McCartney lors de leur rencontre en 1958 mais de son incarnation cinématographique, dans le film Nowhere Boy, récit de l’adolescence de John Lennon (Aaron Johnson) par la réalisatrice Sam Taylor-Wood, devenue depuis Sam Taylor-Johnson, qui vient de sortir très discrètement son deuxième film, Cinquante nuances de Grey. Nous ne « digreyssons » pas tant que ça puisque Maggie Mae est une chanson un peu salace des rues de Liverpool qui évoque les tribulations d’une fille de joie. L’enregistrement de Let It Be procédait d’un fantasme de retour aux sources, d’où l’exhumation de ce fragment folklorique.« I’ve Got A Feeling » (Lennon-McCartney), par BeckLà encore, une mise au point s’impose: ce Beck-là n’est pas le fils de monsieur et madame Hansen, mais un groupe de fiction, qui s’est formé entre les pages d’un manga écrit et dessiné à la fin du siècle dernier par Harold Sakuishi avant d’être adapté pour la télévision. Ces Beck de papier reprennent ici l’un des deux titres de Let It Be dont la signature Lennon-McCartney n’est pas une tromperie sur la marchandise. Comme A Day In The Life, I’ve Got A Feeling est l’assemblage de deux fragments de chanson, le début et le pont étant dûs à Paul McCartney, le fragment « Everybody’s had a hard year » à John Lennon.« One After 909 » (Lennon-McCartney), par Ricky NelsonComposée peu de temps après leur rencontre, One After 909 a été sortie du placard par Lennon et McCartney dans l’espoir, finalement vain, de retrouver l’enthousiasme des débuts. Le rockabilly un peu fruste de la chanson ne pouvait que séduire Ricky Nelson, ex-idole des jeunes devenu pilier de la musique country après avoir été supplanté dans le cœur des adolescentes par les quatre de Liverpool. La situation est assez ironique pour que l’on tolère la qualité médiocre de la vidéo.« The Long And Winding Road » (Lennon-McCartney), par Ray Charles and the Count Basie OrchestraDe toutes les chansons de Let It Be, celle-ci traîne la plus lourde charge de malheur. Sa mélodie et ses lyrics, signés McCartney respirent la lassitude, les regrets, les remords. Au moins l’auteur pouvait il se consoler en constatant qu’il était rarement parvenu à une telle sophistication. Mais son ami d’enfance s’en empara pour la confier à Phil Spector. Le producteur américain en noya le tragique sous des flots de cordes et de chœurs féminins indignes aussi bien de McCartney que de Spector. En guise d’expiation, en voici une version pour cuivres et Genius.« For You Blue » (Harrison), par Dhani HarrisonBlues simplet, mais délicat, For You Blue est ici interprété par le fils de l’auteur, avec une fidélité touchante et peut-être un peu inquiétante.« Get Back » (Lennon-McCartney), par Rod StewartLe « concert sur le toit » (de l’immeuble Apple, à Londres) se termine sur ce titre, un blues rapide signé McCartney, dont il existe plusieurs versions enregistrées. L’une d’elles reprend, pour s’en moquer, les délires racistes du politicien conservateur Enoch Powell, et les gens à qui il est enjoint de s’en retourner sont les immigrés pakistanais. Telle qu’on l’entend dans les différentes versions officielles (l’une sur le 45 tours dont la face B est Don’t Let Me Down, l’autre sur l’album Let It Be), il n’est question que de transsexuels, sur un arrangement d’une économie admirable, soutenu par le travail de Billy Preston au piano électrique. Six ans plus tard, Rod Stewart en fait un numéro pour concert de rock spectaculaire, tel qu’il s’en donnait au milieu des années 1970, ce qui témoigne, encore une fois de l’extraordinaire plasticité des compositions des Beatles.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Le Monde » propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, l'album d'une séparation annoncée.Avec son liséré noir et son titre en forme de formule liturgique, la pochette de Let It Be ressemble à un faire-part de décès. Le 8 mai 1970, date de la mise en vente de l'album, la nouvelle était éventée. Un mois plus tôt, Paul McCartney avait annoncé qu'il quittait le groupe. Associé au deuil qui frappa alors des millions de fans, renié par trois des Beatles furieux que John Lennon ait confié sans leur consentement la post-production du disque à Phil Spector, Let It Be croule sous les reproches.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Let It Be »Ce n'est même pas le dernier album des Fab Four. A une exception près, tous les titres avaient été enregistrés début 1969, avant que le groupe ne mette en boîte Abbey Road. Paul McCartney espérait alors remettre les Beatles en état de marche en répétant et en enregistrant en direct, comme à leurs débuts. Ce retour aux sources devait être immortalisé sur pellicule par les caméras de Michael Lindsay Hogg, qui se retrouva dans la situation inconfortable du témoin de l'accident. Les sessions furent interrompues plusieurs semaines durant après une violente dispute entre George Harrison et Paul McCartney. Après une réconciliation qui relevait de la pose de rustine, le groupe termina l'enregistrement par un concert improvisé sur le toit de l'immeuble d'Apple, interrompu par l'intervention de la police londonienne.Il n'est pas besoin de savoir tout de cette histoire pour entendre le malheur qui sourd d'une bonne moitié des chansons du plus triste album des Beatles : la lassitude résignée de The Long And Winding Road, l'une des plus belles mélodies de McCartney, l'examen de conscience impitoyable de I Me Mine, de Harrison (le seul titre enregistré en 1970, sans Lennon) et le gospel angoissé de Let It Be.Comme antidote à ce blues, on trouvera One After 909, l'une des premières chansons composées par Lennon et McCartney, le shuffle irrésistible de Get Back et les délicates harmonies de Two of Us, deux autres titres du futur partenaire de Kanye West. Car à part quelques jolies interventions à la guitare, la contribution de Lennon est réduite au minimum. Il avait quitté Les Beatles bien avant que Paul McCartney ait le courage (pour deux) d'en annoncer la fin.Thomas SotinelJournaliste au Monde Bruno Lesprit Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur l'inépuisable album sans titre de 1968.Trop forts, ces Beatles. Dix-huit mois après avoir enfanté Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, le premier concept-album de la pop, voilà qu'ils livrent, le 22 novembre 1968, son envers : l'anti-concept, ou le concept du non-concept. The Beatles, donc, curieux objet dépourvu de titre (mais sitôt baptisé « l'album blanc ») et renfermé dans une pochette minimaliste, un carré blanc à la Malevitch conçu par le designer Richard Hamilton. A l'intérieur, pas de portrait de groupe, mais quatre photos individuelles indiquant que chacun compte bien affirmer sa personnalité. Et un poster en forme de pêle-mêle.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « l'album blanc »Cette volonté de laisser tout le monde s'exprimer par ses compositions – même Ringo avec Don't Pass Me By – explique en partie que les Beatles proposent pour la première fois double ration : plus d'une heure et demie de musique et pas moins de trente chansons sans lien entre elles, passant du coq à l'âne et abordant des genres disparates. Si le folk et les boiseries forment la couleur dominante (Blackbird, I Will, Julia, Mother Nature's Son), l'auditeur passe du rock'n'roll des origines (Back in the USSR) au ska (Ob-La-Di, Ob-La-Da), d'un hard-rock pré-zeppelinien d'une sauvagerie inouïe (Helter Skelter) au jazz d'avant-guerre (Honey Pie), du rhythm'n'blues (Savoy Truffle) à la musique concrète (le collage expérimental de Revolution 9).La seule unité de ces titres est leur genèse puisqu'ils furent pour la plupart écrits lors du séjour du groupe à Rishikesh, au pied de l'Himalaya, dans l'ashram de leur gourou, Maharishi Mahesh Yogi. Au passage, le père de la méditation transcendantale reçoit de Lennon une volée de bois vert dans Sexy Sadie, pour avoir fait des avances à Mia Farrow lors du stage védique. Et à la sœur recluse de l'actrice est dédié le délicat Dear Prudence.Anarchique, enregistré dans un climat de tension exacerbé par la présence de Yoko Ono, ce kaléidoscope irradie pourtant et trouve sa cohérence dans la dispersion, une idée que reprendront Stevie Wonder avec Songs in the Key of Life (1976) puis Prince avec Sign O'The Times (1987).Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Le gouvernement a ouvert les « volets » de la maison de la culture, a dévoilé les plans pour 2015-2017, et les visiteurs attendent impatiemment l’évolution du chantier. Voilà ce que l’on pouvait dire, mercredi 11 février, à l’issue de la présentation du projet du gouvernement pour la démocratisation culturelle et l’accès aux arts, dès le plus jeune âge. En déplacement au collège Paul-Bert de Malakoff (Hauts-de-Seine), Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem ont annoncé leur « feuille de route » : il s’agit de coordonner les actions des deux ministères (culture et éducation) à « tous les échelons du territoire ». Le gouvernement sait qu’il est attendu au tournant. « Cette politique doit changer d’échelle pour aboutir à l’accès de tous les jeunes à la culture », lit-on dans le document interministériel validé en fin de journée.L’éducation artistique après « Charlie »La « maison » a trois volets. Le premier concerne l’éducation artistique et culturelle, inscrite dans la loi sur la refondation de l’école de 2013. Priorité est donnée « aux pratiques artistiques collectives dès le plus jeune âge sur les temps scolaire et périscolaire », pour favoriser le « vivre-ensemble ». Ainsi, le chant choral à l’école, les pratiques théâtrales, d’improvisation ou chorégraphiques, la reconnaissance des pratiques musicales des jeunes sont encouragées. Des « programmes d’incitation à la lecture et d’expression orale » seront mis en place avec les bibliothèques, dont Fleur Pellerin souhaite étendre l’ouverture le dimanche.Formation des enseignantsLa formation des enseignants sera renforcée, une journée des arts et de la culture à l’école sera instituée, dès ce printemps. Le budget sera renforcé, entre autres grâce au dégel de crédits pour la « transmission des savoirs ». La question est sensible : mercredi, pendant que les deux ministres rencontraient les collégiens de l’atelier théâtre, on apprenait que cet atelier, mené en partenariat avec le Théâtre 71 de Malakoff, était menacé financièrement…Le second volet de la « maison » concerne l’éducation aux médias et à l’information. Un mois après l’attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, le gouvernement estime qu’il est « impératif » pour chaque jeune de maîtriser la lecture, le décryptage de l’information et de l’image, dans les médias, sur Internet et les réseaux sociaux. La pratique de l’argumentation et du débat dans les classes sera développée dès l’école élémentaire. Le ministère veillera à ce « qu’au sein de chaque collège et chaque lycée, soit créé un média ».Projet de résidence artistiqueLe troisième volet concerne le projet de résidence artistique à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Mercredi 11 février, Fleur Pellerin a nommé Olivier Meneux « à la direction du projet de résidence artistique à Clichy-Montfermeil [connu sous l’ancien nom de Tour Utrillo] en faveur de la jeune création et fortement ancré sur son territoire ». Olivier Meneux est actuellement directeur de Ciclic, l’agence régionale du Centre pour le livre, l’image et le numérique. Il sera placé « auprès du cabinet de la ministre », et aura pour mission « de définir le projet de l’équipement culturel dans toutes ses composantes ».Rachetée par l’Etat en 2011, la Tour Utrillo, à cheval sur les communes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, était au départ pressentie pour accueillir la résidence artistique. Puis le projet a été mis en veille, avant d’être réactivé en 2013-2014. Depuis son arrivée, Fleur Pellerin l’a réorienté. Dans son communiqué du 11 février, la ministre annonce « la réalisation d’un équipement culturel de dimension métropolitaine ». Exit la réhabilitation de la Tour Utrillo. Le maire (PS) de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein, décrypte : « Des dernières réunions de pilotage, il ressort qu’un nouveau bâtiment sera construit, à proximité de la gare du Grand Paris, avec l’arrivée du tramway en 2018. Cette résidence n’ouvrira pas avant 2018, cela n’aurait pas de sens ». Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre Une fois de plus, le maire de Grenoble, Eric Piolle, et son adjointe à la culture, Corinne Bernard, font un pas de côté : la nouvelle équipe Europe Ecologie-Les Verts, élue en mars 2014, a pris le monde de la culture à rebrousse-poil, en supprimant notamment la subvention de la ville aux Musiciens du Louvre Grenoble, orchestre fondé en 1982 par Marc Minkowski. Aujourd’hui, c’est le Centre chorégraphique national (CCN) de Grenoble, l’un des dix-neuf CCN du territoire, qui se trouve dans l’œil du cyclone. Sujet sensible puisqu’il s’agit d’un CCN historique, inauguré en 1984 par Jack Lang et toujours dirigé par son fondateur, le chorégraphe Jean-Claude Gallotta – lequel va quitter ses fonctions fin 2015. Le maire de Grenoble est partisan d’une fusion du CCN avec la MC2, l’une des plus grosses scènes nationales.A Grenoble, exit la fusion du CCN avec la Maison de la cultureAprès avoir étudié le scénario de fusion, la ministre de la culture et de la communication a annoncé qu’elle y renonçait, lundi 16 février. Aussitôt, le 17 février, Eric Piolle et Corinne Bernard ont adressé une lettre à Fleur Pellerin pour dire leur « déception » : ce projet, écrivent-ils, « avait pour objectif de régénérer l’outil au service des chorégraphes ». Corinne Bernard explique au Monde pourquoi il faut revoir la gouvernance du CCN grenoblois.Fleur Pellerin renonce à fusionner le Centre chorégraphique de Grenoble avec la scène nationale, dite MC2. C’est une surprise ?Cela va faire trois ans que le projet de fusion est à l’étude. Et nous y travaillons avec Eric Piolle, depuis notre arrivée il y a un an. En tant qu’adjointe à la culture, je préside le conseil d’administration de la MC2 aux côtés de son directeur, Jean-Paul Angot. En décembre 2014, Jean-Paul Angot a présenté un premier projet de fusion, qui n’a pas convaincu ; puis, en février, il nous en a soumis un deuxième, qui a retenu toute notre attention. Ce « hub » pour la danse, dont Rachid Ouramdane aurait été le directeur artistique, consistait à créer un grand pôle chorégraphique au sein de la MC2. Il aurait été ouvert à divers chorégraphes, dans un esprit collégial. Jean-Claude Gallotta y aurait eu sa place, avec sa compagnie, ce qui permettait de gérer sa sortie du CCN.Selon vous, le label de « Centre chorégraphique » est un concept dépassé, à Grenoble…A Grenoble, le label CCN n’a pas le même sens qu’ailleurs. Le territoire est singulier, et riche de son histoire : Jean-Claude Gallotta y a créé le groupe Emile Dubois, en 1979. Il a fondé l’un des tout premiers CCN, il y a trente ans, et il en est toujours le directeur. Inaugurée en 1968, la Maison de la culture, rebaptisée MC2, a permis aux Grenoblois de découvrir la danse contemporaine avec Maurice Béjart.Le contexte est, par ailleurs, très favorable à l’émergence de nouvelles expressions, avec les chorégraphes Cathy Cambet, Sylvie Guillermin, Anne-Marie Pascoli, François Veyrunes, le Centre de développement chorégraphique de Christiane Blaise, la scène conventionnée La Rampe, à Echirolles, etc. Avec tous ces acteurs, mais aussi avec d’autres figures, comme Maguy Marin, on pouvait inventer une nouvelle forme de soutien à la danse et aux artistes. La ministre a tranché, et préfère rester sur le modèle du CCN… Nous, nous pensons que le CCN doit rayonner plus loin que Grenoble. Mais le débat continue : un nouveau conseil d’administration est prévu le 23 mars.Peut-on rayonner plus avec moins de moyens ? La ville de Grenoble a réduit le budget de la culture…L’Etat a réduit sa dotation, et la ville de Grenoble a perdu six millions d’euros. Le budget culture reste le troisième de la ville, par son importance financière, mais il est en baisse de 8 %, soit un manque à gagner de 600 000 euros. Les Musiciens du Louvre en ont supporté les deux-tiers, car nous leur avons retiré 438 000 euros. Mais nous pensons qu’ils ont les reins suffisamment solides : leur budget s’élève à 3,6 millions, et nous leur avons proposé de les accompagner sur ce passage de 3,6 à 3,2 millions d’euros de budget. Ils ont préféré l’option médiatique… A l’échelle de la ville, il reste encore 160 000 euros de coupe à « répartir » dans la culture. J’ai réuni les acteurs, hier, mercredi 18 février, pour imaginer de nouvelles formes d’interventions artistiques et de résidences.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet et Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Help ! », un son plus mûrCette semaine : autour de l’album Help ! (août 1965).« Help ! » (Lennon-McCartney), par Deep PurpleDerrière l’élan euphorique de cet hymne pop pouvaient se décrypter les angoisses d’un John Lennon (1940-1980) miné par l’hystérie de la Beatlemania. Contrairement aux punks anglais de The Damned qui, en 1976, doperont leur (très recommandable) version aux amphétamines, la première incarnation du groupe britannique Deep Purple avec le chanteur Rod Evans, avait souligné le potentiel dépressif de ce texte en le plongeant dans les psychotropes. Ralentie en mode psychédélique, nappée par l’orgue de Jon Lord (1941-2012), cette reprise figure dans le premier album de ces pionniers du hard rock, Shades of Deep Purple, paru d’abord aux Etats-Unis en juillet 1968. Le groupe en a proposé une version légèrement plus courte dans un vidéo-clip promotionnel, cette reprise ayant un temps été envisagée pour sortir en single, avant que les responsables de la maison de disques ne préfèrent une autre reprise, celle de Hush, de Joe South (1940-2012), qui donnera à Deep Purple son premier succès.« The Night Before » (Lennon-McCartney), par Restless HeartEnregistrée en deux prises, le 17 février 1965, cette chanson écrite par Paul McCartney joue d’une mélancolie primesautière, illustrée dans le film Help ! par une interprétation sur la base militaire de Salisbury Plain, où les Beatles, encerclés (ou protégés) par l’armée, jouent avec le site mégalithique de Stonehenge en toile de fond. Malgré son entrain communicatif, le morceau ne semble pas avoir fait l’objet de reprises très notables. Sélectionnons tout de même cette version de Restless Heart, guidée par un violon fringant et publiée en 2004 dans l’album Still Restless, qui marqua le retour phonographique du groupe de country rock américain après une « retraite » d’une dizaine d’années.« You’ve Got to Hide Your Love Away » (Lennon-McCartney), par Eddie VedderVoix phare du mouvement grunge au sein du groupe Pearl Jam, Eddie Vedder, grand admirateur de Neil Young, s’est aussi signalé plusieurs fois en chanteur « beatlemaniaque ». On l’a ainsi entendu interpréter sur scène I’ve Just Seen a Face, Blackbird ou, lors de l’édition 2011 du concert caritatif Bridge School Benefit organisé par Young, You’ve Got to Hide Your Love Away. Eddie Vedder s’était aussi approprié cette chanson en studio à l’occasion de la bande originale du film I Am Sam (2001), de Jessie Wilson, entièrement constituée de reprises des Beatles (par Nick Cave, Aimee Mann, Rufus Wainwright…). L’intensité dramatique de son chant éraillé creuse la face sombre d’un Lennon tiraillé ici par le doute et la paranoïa : « Everywhere/People stare/Each and everyday/I can hear laugh at me » (« Partout les gens me fixent du regard/Tous les jours/Je les entends se moquer de moi »).« I Need You » (Harrison), par Tom Petty & The HeartbreakersPrivé de morceaux lors des deux albums précédents (A Hard Day’s Night, juillet 1964 et Beatles For Sale, décembre 1964), George Harrison casait deux compositions dans Help !, dont le carillonnant I Need You, figurant dans le film et, donc, sur la face A du disque. Le 29 novembre 2002, son ami, le chanteur et guitariste américain Tom Petty reprenait ce titre à l’occasion du Concert for George, donné au Royal Albert Hall de Londres en hommage à Harrison, mort le 29 novembre 2001, à l’âge de 58 ans. Le concert donna un disque et un film, réalisé par David Leland. A la guitare 12 cordes acoustique, accompagné par son groupe historique, les Heartbreakers, Petty interprète la chanson comme s’il s’agissait d’un morceau des Traveling Wilburys, la formation impromptue qu’il avait montée, à la fin des années 1980, avec Jeff Lyne, Bob Dylan, Roy Orbison (1936-1988) et George Harrison.« Another Girl » (Lennon-McCartney), par Aaron ThomasLa cinquième chanson de l’album Help ! n’a donné lieu qu’à une petite dizaine de reprises, dont une instrumentale par le George Martin Orchestra, du nom du producteur des Beatles et une par Andrew Lubman, à trouver sur le site The Beatles Complete on Ukulele, qui a réunit entre le 20 janvier 2009 et 31 juillet 2012, l’ensemble du répertoire des Beatles joué au ukulélé. Quelques tribute bands, formations spécialisées dans l’interprétation d’un groupe vedette, ont aussi mis la chanson à leur répertoire, dont les Allemands de The Punkles (Beatles façon punk), les Espagnols de The Beats ou les Américains de Beatlesgras, trio de musique bluegrass – l’un des styles de la country – mené par le guitariste Dave Walser (qui a formé un autre groupe Sgt Pepper’s Lonely Bluegrass Band). Tout cela se révélant guère probant, on distinguera du coup la version acoustique et sobre du chanteur, guitariste et claviériste espagnol Aaron Thomas qui participait au concert caritatif Help ! For Haiti, organisé au Galileo, à Madrid, le 9 février 2010, à la suite du tremblement de terre qui dévasta l’île en janvier 2010.« You’re Going to Lose That Girl » (Lennon-McCartney), par Anya MarinaMagnifique exemple des jeux d’harmonies vocales dont étaient capables les « Fab Four », cette chanson originellement chantée par l’éraillement moqueur de John Lennon, auquel répondaient les voix de Paul McCartney et George Harrison, retrouve une nouvelle vie dans l’absolu dépouillement. Enregistrée, en 2012, par une New-Yorkaise méconnue, la chanteuse et pianiste Anya Marina (auteur, cette année-là, d’un joli album, Felony Flats), cette version touche par son intimisme et son feulement taquin.« Ticket To Ride » (Lennon-McCartney), par The CarpentersAux versions creusant l’excitation électrique (laissez-vous tenter par les reprises des Américains d’Hüsker Dü et des Liverpuldiens d’Echo & the Bunnymen) de l’un des plus entraînants tubes des Beatles, pourquoi ne pas préférer les arrangements romantiques du duo formé par Karen Carpenter (1950-1983) et son frère Richard, baignant d’une sombre pureté, ce que Lennon considérait comme un titre précurseur du heavy-metal ? Cette reprise figure sur le premier album des Carpenters, d’abord publié en octobre 1969 sous le titre Offering guère remarqué alors, même avec le choix de la chanson des Beatles comme single. L’immense succès de la reprise de (They Long To Be) Close to You, de Burt Bacharach et Hal David (1921-2012) par le frère et la sœur en mai 1970 et l’album qui suivit donna une deuxième vie à Offering, réédité quelques mois plus tard sous le titre… Ticket To Ride.« Act Naturally » (Russell-Morrison), par Buck Owens & His Buckaroos et par Buck Owens et Ringo StarrAprès avoir jugé trop faible la chanson, If You’ve Got Trouble, que Lennon et McCartney avait réservée à Ringo Starr, les Beatles se reportèrent, à la suggestion de leur batteur, fan de country, sur ce morceau de Johnny Russell (1940-2001) et Voni Morrison, qui avait connu, en 1963, un premier succès américain avec Buck Owens (1929-2006). Au début des années 1960, ce dernier avait révolutionné la country en y insufflant une bonne dose de rockabilly et le tranchant du honky tonk. Ringo s’illustra ensuite particulièrement en loser faisant l’apologie du « jouer naturel ».En 1989, Buck Owens et Ringo Starr ont interprété en duo Act Naturally dans un vidéo-clip ayant pour cadre le tournage d’un film de western que nous ne résistons pas à vous proposer (la musique débute à 1 minute 20 après une scène d’introduction). La profession se montra enthousiaste, le duo recevant une nomination aux Grammy Awards pour la « meilleure collaboration vocale country » et une de la Country Music Association pour « événement vocal de l’année ». Enregistrée le 27 mars 1989 aux studios Abbey Road à Londres, la collaboration Starr-Owens figure sur un disque de Buck Owens publié par Capitol Records en février 1990. L’album s’intitulant naturellement Act Naturally.« It’s Only Love » (Lennon-McCartney), par Bryan FerryChanson faiblarde de la face B de Help !, ouvertement détestée par son auteur principal, John Lennon, It’s Only Love, prit soudain de l’allure par la voix du crooner glam, Bryan Ferry, figurant dans le premier album solo, Let’s Stick Together (1976), de celui qui était encore le leader de Roxy Music. Sections de cuivres, roucoulements et paillettes habillent une reprise supérieure à l’originale.« You Like Me Too Much » (Harrison)/« Une fille pour deux garçons », par Les (Faux) FrèresEncore moins prisée au chapitre des reprises qu’Another Girl, la deuxième chanson de George Harrison retenue pour l’album Help ! n’a connu que cinq ou six interprétations, dont l’une du groupe Glycerine que l’on trouvera sur la compilation hommage Harrisongs 2, sortie en 2003 sur le label Grabaciones en el mar. C’est surtout celle du groupe suisse francophone Les (Faux) Frères que l’on retiendra. La création de la formation remonte à 1958, dans l’inspiration des Everly Brothers, réputés pour leur travail d’harmonies vocales, mais c’est surtout entre 1963 et 1968 que le groupe mené par les chanteurs et guitaristes George Schaefer et Jean-Pierre Ska a connu un relatif succès avec une série de 45-tours pour les maisons Vogue et Barclay, plusieurs passages remarqués dans l’émission télévisée « Age tendre et têtes de bois ». Leur adaptation de la chanson d’Harrison, publiée en 45-tours 4 titres par Barclay en 1966, devient Une fille pour deux garçons, fidèle à l’arrangement original et dont on ne saura pas à la fin qui des deux la belle aura choisi. On remarquera sur ce vidéo-clip en noir-et-blanc l’absence du pianiste du groupe à l’image, palliée par un gros plan sur la guitare lors de l’introduction pianistique. Et l’utilisation par le bassiste du même modèle 500/1 de la marque Höfner que Paul McCartney. On peut aussi trouver cette reprise sur une compilation, publiée par Evasion musique, consacrée au groupe et à George Schaefer et Jean-Pierre Ska.« Tell Me What You See » (Lennon-McCartney), par Jacob’s TroubleDe l’aveu même des Beatles à l’époque et par la suite, l’album Help ! a été construit, une fois les chansons sélectionnées pour le film et publiées en face A, en partie avec des compositions plus faibles, qui auraient nécessité plus de travail et de peaufinage. Sa face B en particulier, hormis la chanson Yesterday, n’a guère suscité de vocations en matière de reprises. De Tell Me What You See, on aura repéré, outre la présence sur le site The Beatles Complete on Ukulele d’une jolie version par William Thaumatrope et David Barratt, l’existence d’une reprise par le groupe écossais Teenage Fanclub. Elle figurait dans une compilation du magazine musical britannique Uncut publiée en juillet 2001 (Uncut : Why Don’t We Do It in the Road ? 24 Amazing Cover Of Classic Beatles Songs). Si elle circule, rarement, sur des sites P2P, elle n’apparaît pas sur YouTube et Dailymotion ou les sites légaux de streaming Spotify et Deezer. Il faudra donc se contenter ici d’une reprise assez neuneu d’un groupe américain de rock chrétien dans les années 1990, Jacob’s Trouble, qui a été inspiré par la fraîche ingénuité de cette chanson de remplissage. Une version parue, en 1989, dans leur premier album, Door into Summer, où l’on croisait aussi des chansons des Monkees et qui, à partir d’un montage d’archives filmées du groupe servit à confectionner leur vidéo-clip.« I’ve Just Seen a Face » (Lennon-McCartney), par Arlo GuthrieSouvent nourries d’influences country, les chansons des Beatles ont régulièrement été célébrées par les enfants – et les rebelles – de Nashville. Fils de l’icône folk Woody Guthrie (1912-1967), Arlo Guthrie donne ici, au banjo, une version bluegrass et ultra dynamique de cette chanson dont Paul McCartney reconnaissait lui-même qu’elle devait beaucoup au country & western. Au début de ce document (dont il n’existe que des traces de qualité moyenne) filmé dans les années 1970 lors d’un concert, on peut voir l’autre pionnier du folk américain Pete Seeger (1919-2014), accroupi en bord de scène.« Yesterday » (Lennon-McCartney), par Marvin GayeChanson record du catalogue des Beatles avec plus de 3 000 reprises enregistrées, Yesterday, chef-d’œuvre de Paul McCartney (toujours crédité au duo Lennon-McCartney) n’a pourtant pas été surpassée, même par ses plus fameux interprètes (Ray Charles, Frank Sinatra, Elvis Presley, Marianne Faithful, Placido Domingo, Joan Baez…). La faute souvent à une emphase mélancolique, pourtant magnifiquement évitée par les Beatles et le quatuor de cordes arrangé par George Martin. Publiée en janvier 1970, par Marvin Gaye (1939-1984) sur son album, That’s The Way Love Is, cette version, produite par Norman Whitfield (1940-2008), réussit le miracle de conjuguer élans orchestraux et élégance vocale avec une classe aérienne. Presque aussi remarquable que la voix de ténor de Marvin Gaye, la guitare de Joe Messina, pilier des Funk Brothers, les musiciens de session du label Motown, fait planer ce Yesterday au sommet.« Dizzy Miss Lizzy » (Williams), par Larry WilliamsAct Naturally et Dizzy Miss Lizzy sont les dernières reprises à apparaître dans un album des Beatles – l’on trouvera toutefois dans l’album Let It Be, en 1970, un fragment d’une reprise du traditionnel Maggie Mae. Empruntée à Larry Williams (1935-1980), dont ils avaient l’habitude de reprendre Bad Boy et Slow Down, Dizzy Miss Lizzy, qui vient en conclusion de l’album Help !, prouve une nouvelle fois le plaisir sauvage avec lequel les garçons de Liverpool investissaient les classiques du rock’n’roll. Originaire de La Nouvelle-Orléans, chanteur et pianiste noir au style proche de celui de Little Richard, Larry Williams connut plusieurs succès à la fin des années 1950 pour le label Specialty, avant qu’une vie dissolue ne freine sa carrière. Avec le Plastic Ono Band et en solo, John Lennon interpréta, outre Dizzy Miss Lizzy, plusieurs autres de ses chansons (Just Because, Bonny Moronie).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteStéphane DavetJournaliste au Monde Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. cette semaine, retour sur un disque qui marque une étape majeure dans leur évolution.En 1965, un an après la sortie du faux documentaire en noir et blanc A Hard Day's Night, la fantaisie colorée du film Help ! – également réalisé par l'Américain Richard Lester – plongeait les garçons dans le vent dans une comédie, prétexte à de nouvelles pépites. Une fois encore, un 33-tours prenait le nom du film, avec, face A, sept morceaux de la bande originale et, face B, sept autres n'y figurant pas. Enregistré de février à juin 1965, entre concerts et tournages, l'album témoigne d'une inspiration souvent en feu.Lire aussi : Les Beatles : les reprises d’« Help ! »Au-delà de l'allant mélodique de titres comme Another Girl, You're Going To Lose That Girl, The Night Before ou I Need You (qui permettait à George Harrison de s'affirmer comme compositeur), Help ! annonce une étape majeure dans l'évolution du groupe. A l'instar des tendres flûtes concluant You've Got to Hide Your Love Away, on remarque ici, pour la première fois, la présence d'instrumentistes extérieurs, illustrant une recherche sonore qui n'ira qu'en s'accélérant.Autre moment-clé, le rythme et le riff de Ticket to Ride, qui feront dire à John Lennon que ce titre fut précurseur du heavy metal. Lennon en profitait aussi pour signer, avec la chanson-titre, le meilleur texte de sa jeune carrière. Sous l'euphorie de ce nouveau hit, perçait le malaise d'un chanteur guitariste supportant de plus en plus mal – au point d'appeler « au secours ! » – l'absurdité de la Beatlemania. Le texte reflétait aussi l'influence croissante de Bob Dylan sur un auteur s'apprêtant à assumer des ambitions poétiques.Plus faible que la face A, la face B de l'album contient pourtant un morceau de légende. Venue en rêve à Paul McCartney, en janvier 1964, la mélodie de Yesterday eut longtemps pour nom de code « Scrambled Eggs » (œufs brouillés), avant que le bassiste n'écrive une évocation de l'échec amoureux appelée à devenir universelle. Joué à la guitare, accompagnée de cordes mélancoliques arrangées par George Martin, Yesterday se démarquait tant du répertoire des Beatles qu'elle ne fut pas retenue pour la BO du film. Avant de devenir, avec près de 3 000 interprétations, l'un des titres les plus chantés de l'histoire.Stéphane DavetJournaliste au Monde 19.02.2015 à 12h36 • Mis à jour le19.02.2015 à 13h11 | Alain Beuve-Méry Sus à Amazon ! La médiatrice du livre, Laurence Engel, a estimé, dans un avis rendu public, jeudi 19 février, que les offres d’abonnement donnant un accès illimité aux livres numériques, comme celle nommée Kindle Unlimited, proposée par Amazon depuis décembre 2014, contrevenait à la loi française sur le prix unique du livre numérique, votée en 2011.Cette décision était très attendue par les éditeurs français, toujours sur la défensive face aux initiatives du géant américain, mais chez lesquels les avis sur le sujet commencent toutefois un peu à diverger.Amazon lance son forfait lecture en FrancePourquoi cet avis est-il rendu aujourd’hui ?Cet avis d’une trentaine de pages, le premier de la médiatrice du livre, ex-directrice de cabinet d’Aurélie Filippetti est une réponse à la saisine, faite en décembre 2014, par Fleur Pellerin, actuelle ministre de la culture, à la suite de la commercialisation par Amazon de son offre de lecture en illimité.Le géant américain a en effet lancé, en juillet 2014, sur son propre sol, le service Kindle unlimited, qui propose pour 9,99 euros par mois, un accès à près de 700 000 ouvrages à 99 % en anglais, et depuis le décline dans les différents pays où il est implanté.La médiatrice du livre devait répondre à deux questions principales, qui agitent le monde de l’édition depuis décembre 2014 : la loi de 2011 sur le prix du livre numérique s’applique-t-elle aux offres d’abonnement ? Et si oui, les offres d’abonnement illimité la respectent-elles ?Quelle est la réalité des services d’abonnement illimité en France ?Outre Amazon, deux autres acteurs hexagonaux, ont tenté d’émerger sur ce marché balbutiant : il s’agit de Youboox, créé en octobre 2012 et de YouScribe, lancé en mai 2014 par Juan Pirlot de Corbion, ex-fondateur du site Chapitre, revendu ensuite à France Loisirs.A l’instar de ce qui se fait pour la musique et le cinéma, le concept est d’offrir au consommateur, un forfait illimité de lecture, moyennant un abonnement mensuel de quelques euros.Que dit la loi française ?La France défend comme principe que l’éditeur doit avoir la maîtrise du prix des livres que ceux-ci soient édités en version papier ou numérique. Une règle dont le distributeur Amazon essaie en revanche de s’affranchir par tous les moyens.Dans son avis, la médiatrice du livre souligne que « la loi du 26 mai 2011 s’applique bien aux offres de location de livres et en particulier aux services de lecture numérique par abonnement. »«  Dès lors, poursuit-elle, les offres d’abonnement dont le prix n’est pas fixé par l’éditeur ou dont le prix fixé par l’éditeur n’est pas porté à la connaissance de l’ensemble des détaillants ainsi que des usagers, contreviennent aux dispositions législatives.»Dans ces conditions, Laurence Engel rappelle que « ni l’abonnement dans son principe, ni évidement le streaming ne sont interdits par la loi », mais que ce sont aux offres commerciales actuellement proposées de se mettre en conformité avec la réglementation française.La position française est-elle partagée en Europe ?La France est, à ce jour, le seul pays à s’être prononcé contre ce nouveau type d’offre commerciale de lecture.« Le cadre de régulation qui prévaut en France pour le secteur du livre, à la fois souple et robuste, est la garantie d’un marché équilibré et d’une offre diverse. Dans un environnement dynamique, il ne constitue pas un frein à l’innovation et doit être préservé », défend Mme Engel.Ce propos est essentiellement à destination des autorités de Bruxelles qui voient d’un mauvais œil les règles du marché français, jugées trop protectionnistes à leurs yeux.Pour contester le bien fondé des règles nationales, la Commission européenne pourrait s’appuyer sur le montant du chiffre d’affaires du livre numérique, qui reste marginal en France en 2014 : 64 millions d’euros, soit 1,6 % du chiffre d’affaires total du secteur en valeur, et 2,4 % en volume, selon les chiffres de l’institut GfK.Quelle est la position des éditeurs ?A ce stade, les conclusions de Mme Engel répondent à un débat dans une large mesure théorique.En effet, les grandes maisons d’éditions ont, dans leur immense majorité, refusé de confier à Amazon leur catalogue pour l’usage des services de lecture en illimité. Que ce soient leurs nouveautés ou leur fond.Mais des divergences sont récemment apparues entre les éditeurs de BD d’une part, qui sont favorables aux forfaits de lecture et se sont notamment associés dans la plate-forme de BD numérique en ligne Izneo, et les trois principaux éditeurs français d’autre part, Hachette, Editis et Madrigall, partisans d’un statu quo.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre C’est une année 2014 ambivalente qui s’achève pour le groupe TF1. Plutôt bonne en audience, mais plus nuancée en termes financiers, comme l’ont révélé ses résultats de l’année 2014, présentés jeudi 19 février.Leader du paysage français, la chaîne TF1 a enregistré 95 des 100 plus fortes audiences de télévision en 2014. Avec les trois autres chaînes gratuites du groupe (HD1, NT1, TMC), la part d’audience du groupe s’est élevée à 28,7 %, quasiment stable par rapport à 2013 (– 0,2 %). Et le groupe touche un tiers (32,7 %) de sa cible commerciale prioritaire, la fameuse « femme de moins de 50 ans responsables des achats ».Fidèle à sa stratégie de réduction des coûts, le groupe a atteint cette performance avec une économie de 26,4 millions d’euros sur le coût des programmes hors événements sportifs. Mais cette économie a été complètement gommée par le coût exceptionnel de la Coupe du monde de football 2014 au Brésil, à hauteur de 73,7 millions d’euros.Efficace en termes d’audience – avec notamment le quart de finale Allemagne-France –, cette dépense « impacte » fortement le résultat opérationnel du groupe, comme le reconnaît le directeur général adjoint finances du groupe, Philippe Denery. Celui-ci s’est dégradé de 20,6 %, à 116,5 millions d’euros, alors que le résultat net des activités poursuivies est stable à 103 millions d’euros.TF1 paye donc chèrement le maintien de son statut de « leader », qui implique qu’il accueille des événements rassembleurs du type de la Coupe du monde de football.LCI, l’autre source de pertesL’année 2014 a aussi été celle du repli du marché publicitaire. Les recettes apportées par les annonceurs ont reculé de 1,2 %, à 1,57 milliard d’euros. Et cela malgré une augmentation du nombre de spots diffusés. « La durée de publicité diffusée s’est inscrite en forte hausse pour l’ensemble des acteurs, maintenant une pression constante sur les prix », reconnaît TF1.Autre source de pertes : l’offre payante, avec notamment la chaîne d’information LCI que le groupe n’a pas réussi à faire passer en gratuit en 2014, dont la performance s’est établie à 125,2 millions d’euros, en baisse de 5,2 %.En revanche, les autres activités – droits, services aux consommateurs, téléshopping, vidéos – progressent de 7,3 %, à 516,3 millions d’euros. L’essentiel de cette progression a été apporté par la revente d’une partie des droits de la Coupe du monde de football 2014 à BeIN Sports, pour 30 millions. Cela permet d’aboutir à un chiffre d’affaires global de 2,09 milliards d’euros, en légère progression par rapport à 2013 (+ 0,8 %).Si le résultat net progresse de 257 millions, à 419 millions d’euros, cela est essentiellement dû à la cession de la chaîne payante Eurosport à l’américain Discovery, dont la plus-value compte pour 267 millions dans ce résultat.A l’issue de cette cession, le groupe se retrouve avec une trésorerie nette de 497 millions d’euros. Il a décidé de verser un dividende exceptionnel et de procéder à un rachat d’actions. Mais le solde pourra être employé pour des investissements ou des acquisitions.D’éventuelles opérations pourraient donc animer une année 2015 sur laquelle le groupe, une fois n’est pas coutume, s’aventure à un pronostic : « La conjonction de facteurs économiques plus favorables (…) pourrait entraîner une stabilisation du marché net de la publicité télévisuelle. »Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.02.2015 à 19h02 • Mis à jour le18.02.2015 à 19h18 | Paul Benkimoun De passage à Paris au Duc des Lombards, lundi 16 et mardi 17 février, avec son quartet, le saxophoniste alto Miguel Zenon confirme tout le bien que ses neuf albums en leader ont inspiré. A 38 ans, le Portoricain établi à New York est en pleine maturité. Sonorité vive, sinueuse, allègre, maîtrise instrumentale irréprochable, ce compositeur prolifique propose une musique qui sort des sentiers battus. Rompant avec le recours au matériel des standards – à sa lettre comme à ses structures – et puisant dans ses racines, il donne à entendre un jazz chantant à la fois complexe rythmiquement et d’une parfaite fluidité.Sa musique est servie par des musiciens avec lesquels Miguel Zenon joue de longue date (depuis quinze ans pour le pianiste Luis Perdomo et le contrebassiste Hans Glawischnig – remplacé pour cette tournée par Jorge Roeder –, et dix ans pour le batteur Henry Cole). Autant dire que l’entente entre les intrépides interprètes de ces musiques accidentées a de quoi faire pâlir d’envie bien des formations.Par ces temps où les questions d’identité sont au premier plan, Miguel Zenon s’est adressé à d’autres Portoricains de New York en leur demandant : « ¿ De Dónde Vienes? » (« D’où viens-tu ? »). Ces entretiens figurent dans son dernier disque Identities are Changeable (« Les identités sont changeantes »), intercalés entre les morceaux interprétés par le quartet, augmenté d’un big band. Lors de ses concerts au Duc des Lombards, Miguel Zenon a interprété plusieurs de ces thèmes : Same Flight, Second Generation Lullaby, First Language…Musique en quelque sorte pixelliséeExposés intrigants, longues improvisations où le public se laisse entraîner par cette musique en quelque sorte pixellisée. Elle offre, en effet, le paradoxe de couches mutiples de lignes mélodiques et de rythmes différents, composant une étonnante et dansante image sonore. Le secret réside sans doute dans la volonté qu’a Miguel Zenon d’explorer le folklore musical portoricain avec lequel il a grandi, « composé par des gens qui n’avaient pas nécessairement une formation très poussée », glisse-t-il , avant d’ajouter : « Plus j’en fais usage, plus cela me paraît naturel. » Cette combinaison d’une approche intellectuelle et d’émotions exprimées en toute liberté est précisément ce que Miguel Zenon dit avoir trouvé dans le jazz et qui l’a déterminé à en faire sa musique.D’emblée, Miguel Zenon a choisi comme instrument le saxophone alto « parce que quelqu’un dans ma famille en possédait un », raconte-t-il. Après une éducation musicale consacrée à la musique classique, entamée à 11 ans à San Juan, la capitale de Porto Rico, l’adolescent commence à jouer de la musique de danse, sans pour autant être encore décidé à faire une carrière de musicien. La rencontre du jazz à travers des amis débouche sur la révélation : Charlie Parker. Près de cinquante ans après la disparition de « Bird », l’impact sur des jeunes musiciens demeure.Créativité exceptionnelleDeux ans au Berklee College of Music de Boston, où le pianiste panaméen Danilo Perez le prend sous son aile. Il lui présente d’autres musiciens de jazz latino-américains comme son aîné de neuf ans le saxophoniste ténor David Sanchez, portoricain lui aussi, que Miguel Zenon retrouve lorsqu’il vient s’établir à New York en 1998 et qui lui ouvrira beaucoup de portes.Contrairement à la manière dont la rencontre entre jazz et musique latine s’est produite dans les années 1950 (Dizzy Gillespie et Chano Pozo, Charlie Parker et Machito) – « C’était deux mondes séparés qui avaient de la curiosité l’un pour l’autre », explique Miguel Zenon –, l’amalgame aujourd’hui est plus intime et plus vaste, englobant d’autres musiques latines que celles de style afro-cubain. Chez lui, aucun hiatus entre ce que sa musique doit au jazz et ce dont elle est redevable à la culture latino-américaine. Avec sa créativité exceptionnelle, c’est ce qui fait de Miguel Zenon l’une des voix les plus originales du jazz d’aujourd’hui.Miguel Zenon, Identities are Changeable, 1 CD Miel Music.Le Miguel Zenon Quartet joue mercredi 18 février au Pannonica, à Nantes. Tél. : 02-51-72-10-10.Paul BenkimounJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour sa cinquième édition, le festival de cinéma français en ligne, MyFrenchFilmFestival, organisé du 16 janvier au 16 février par Unifrance Films, l'organisme chargé de la promotion de la production cinématographique hexagonale à l'étranger, a dû faire face à une contrainte extérieure de taille : la censure mise en place au début de l’année par les autorités sur la diffusion d'œuvres étrangères sur les plateformes de VOD en Chine.Comme l'explique Xavier Lardoux, directeur général adjoint d'Unifrance Films : « Nous avions noué, comme l'année dernière, un partenariat renforcé avec la plus grande plateforme de VOD en Chine, Youku Tudou, mais la réglementation chinoise a brutalement évolué, non pas au 1er mars 2015 comme initialement prévu, mais dès janvier, avant même le début du festival en ligne. Les autorités de Pékin ont décidé d'étendre à la diffusion des films étrangers sur Internet les mêmes règles de contingentement que dans les salles. Du coup, les spectateurs chinois, frustrés de ne pas pouvoir voir facilement des films français en salles, qui se tournaient jusque là vers Internet, n'ont pas pu le faire cette année. »Ainsi, les chiffres de visionnage, qui avaient été considérablement boostés par les internautes chinois en 2014 (3, 5 millions de visionnages), sont retombés à un niveau moindre pour cette édition. Mais si l'on retire la Chine des statistiques de connexion, les résultats du 5e MyFrenchFilmFestival.com sont plutôt bons et en hausse par rapport à l'année précédente avec un total de 560 000 visionnages sur un mois (contre 380 000 en 2014, sans compter la Chine) pour le site du festival lui-même et les 26 plateformes partenaires à travers le monde.Lire aussi : Quatre millions de spectateurs en ligne pour le quatrième MyFrenchFilmFestivalAmérique latine et Europe de l’Est en têteFace à la défection de la Chine, ce sont les pays d'Amérique latine (Mexique et Brésil en première et deuxième positions, Colombie en cinquième place) et ceux d'Europe de l'Est, en particulier la Pologne (en quatrième position avec 150 000 visionnages), la Russie et l'Ukraine (avec 100 000 visionnages), qui ont le plus ardemment participé à la manifestation. Du coup, logiquement, parmi les 13 langues proposées pour le visionnage des films, l'espagnol arrive en premier, suivi de l'anglais, du portugais et du français. Pour Xavier Lardoux, « le multilinguisme constitue l’un des investissements importants de MyFrenchFilmFestival. Et c’est une bonne chose qu’il n’y ait pas seulement l’anglais parmi les langues de visionnage des films ».La plateforme MyFrenchFilmFestival.com a enregistré, quant à elle, 730 000 visites en provenance de 207 pays (contre 205 en 2014) et près de 3 millions de pages vues. 137 000 internautes se sont inscrits directement sur cette plateforme (pour 250 000 visionnages), 272 000 sont devenus fans de la page Facebook du festival, soit 50 % de plus qu'en 2014. La bande-annonce du festival réalisée cette année par le président du jury, Michel Gondry, a cumulé, à elle seule, 2,2 millions de visionnages.Au-delà du simple événementiel, à savoir la diffusion en ligne pendant un mois de vingt films (dix longs et dix courts) avec, à la clé, la remise de trois prix (voir le palmarès en fin d’article), Xavier Lardoux tient à souligner l’objectif du festival sur le long terme: « renforcer durablement la présence des films français sur les plateformes de VOD à travers le monde et permettre ainsi à tous les spectateurs qui n’ont pas accès à ces films en salles, même dans des grandes villes comme Houston au Texas, de pouvoir les voir sur Internet. » Et d’évoquer l’idée de voir s’installer sur toutes les grandes plateformes de VOD un « French Corner », un espace permanent dédié à la production cinématographique hexagonale.Des royalties pour les exportateursPour les films les plus visionnés durant cette 5e édition, notamment Hippocrate, de Thomas Lilti, Respire, de Mélanie Laurent, Eastern Boys, de Robin Campillo et Une place sur la Terre, de Fabienne Godet, les retombées du festival sont doubles. Tout d’abord, cela leur offre « une visibilité à l’étranger », un « rayonnement culturel » plus important, notamment pour des longs-métrages qui n’avaient pas encore été achetés à l’étranger (et ce pour diverses raisons, premier ou deuxième film, réalisateur et casting peu ou pas connus, etc.). Mais la diffusion pendant un mois sur le site du festival et les plateformes partenaires génère aussi des recettes pour les exportateurs de ces films, entre 10 000 et 20 000 euros.Par ailleurs, l’achat des droits de diffusion des cinq films primés (trois longs et deux courts) par trois compagnies aériennes partenaires de MyFrenchFilmFestival, Air France, Air Canada et ANA (compagnie japonaise), constitue une source supplémentaire de revenus. Et au-delà de l’aspect purement économique, tout cela concourt à un seul et même objectif, selon Xavier Lardoux, « accroître le nombre des spectateurs pour ces films francais, que ce soit sur les plateformes de VOD sur Internet ou à bord des avions ».MyFrenchFilmFestival souffle ses cinq bougies Le palmarès de MyFrenchFilmFestival 2015 :Prix Chopard du jury des cinéastes, présidé par Michel Gondry avec Joachim Lafosse (Belgique) et Nadav Lapid (Israël) : Hippocrate, de Thomas Lilti (la critique du Monde)Avec une dotation de 15 000 euros pour le réalisateur, l'exportateur et le producteur du film.Prix Lacoste du public (plus de 15 000 votes comptabilisés) : - Long-métrage : Une place sur la Terre, de Fabienne Godet (la critique du Monde) - Court-métrage : La Bûche de Noël, de Stéphane Aubier et Vincent Patar (coproduction belge)  Prix de la presse internationale (décerné par six journalistes cinéma étrangers) : - Long-métrage : Respire, de Mélanie Laurent (la critique du Monde) - Court-métrage : Extrasystole, d'Alice DouardL'ensemble des cinq films primés seront diffusés à bord des avions Air France pour une durée de six mois dès l'été 2015.« Le Monde » partenaire de MyFrenchFilmFestivalComme les années précédentes, Le Monde est partenaire de l’édition 2015 de MyFrenchFilmFestival et les internautes du Monde.fr ont eu la possibilité de gagner des codes d'accès à la manifestation en ligne.Cristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Corine Lesnes (San Francisco, correspondante) Son dernier film en date, American Sniper, s'annonce comme le plus grand succès de sa carrière, avec près de 300 millions de dollars de recettes sur le marché américain. A 84 ans, Clint Eastwood a réussi à faire un film commercial (quatre nominations aux oscars) sur la guerre en Irak. Basé sur la véritable histoire du soldat d'élite Chris Kyle, dont le tableau de chasse s'élève à plus de 255 Irakiens, le film est porté aux nues par le camp « patriotique » qui avait soutenu l'invasion de 2003. La mort du « sniper », abattu à 38 ans par un soldat atteint de stress post-traumatique, a donné une aura à celui que ses camarades appelaient déjà « Légende » de son vivant.Lire aussi la critique (en éditions abonnés) : « American Sniper » : voir le monde à travers la lunette d’un fusilClint Eastwood a reçu Le Monde au club-house du golf près de chez lui à Carmel, villégiature huppée de Californie du Nord. Le metteur en scène assure que son film a des aspects anti-guerre. Les critiques lui reprochent de glorifier le soldat Kyle, sinon la guerre. Et d'éviter la question des responsabilités de ceux qui l'ont engagée.Lire aussi (en éditions abonnés) : Droits civiques, Irak : les Oscars secoués par les polémiquesVous êtes surpris par le succès du film ?Quand on se lance dans un film, on ne sait jamais comment ça va tourner. A la fin, la seule chose que l'on puisse dire est : cela correspond à ce que je voulais faire. Il n'y a pas de règles, et je crois qu'il n'y a pas non plus d'experts capables de prédire ce qui va plaire ou pas. Ce qui m'a attiré dans cette histoire est que ce n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier. Il y a aussi un aspect anti-guerre. Le scénario autorise le doute : sur le bien-fondé de notre présence en Irak et sur le fait de risquer des vies. J'aime bien avoir différents points de vue dans une histoire. Les gens peuvent en retirer ce qu'ils veulent. Pourquoi ce film résonne-t-il autant actuellement ?Ce qui joue probablement, c'est l'inquiétude dans le monde entier par rapport au terrorisme, y compris les événements récents à Paris. Les gens réalisent que le monde est de plus en plus dangereux. Le gouvernement américain, à commencer par le président, se fait des illusions. Ils ont l'air de penser que c'est juste un accident, un petit groupe de gens. Mais ils sont plus nombreux qu'ils ne le pensent.Il y a eu pas mal de films sur la guerre en Irak ou en Afghanistan. Mais c'était seulement sur la guerre. Ici, ce n'est pas seulement un film de guerre. C'est aussi sur la famille du soldat, ses doutes, l'angoisse de ne jamais savoir s'il va revenir ou pas. Quand on tourne une histoire de guerre, c'est toujours spectaculaire. Combattre entraîne des émotions intenses. Ce film montre les deux aspects : la bataille, et la difficulté de revenir à la maison voir la famille, les enfants… Ce sont ces conflits intérieurs qui rendent les histoires intéressantes. Pas les histoires où les personnages sont héroïques de la première à la dernière minute. Le film a relancé l'affrontement entre le camp anti-guerre et les « patriotes » qui défendent les actions de Chris Kyle, le sniper aux 255 morts irakiens. La virulence des réactions ne montre-t-elle pas que les leçons de la guerre n'ont pas été tirées aux Etats-Unis ?Je n'étais pas un grand partisan de la guerre en Irak. A l'époque, je me disais, « Saddam Hussein est un type horrible mais il y a tellement de pays qui sont dirigés par un bad guy : on sait quand on commence mais quand est-ce qu'on s'arrête ? » C'était pareil pour l'Afghanistan : les Britanniques ont essayé d'intervenir il y a longtemps et ils n'ont pas réussi. Les Russes l'ont tenté pendant dix ans, et ça n'a pas marché non plus. Et eux, ils avaient moins de problèmes d'accès que nous, qui avons dû payer un pays qui ne nous aime pas comme le Pakistan 1 milliard de dollars par an pour transiter par son territoire. Tout cela n'a pas de sens. Et maintenant ? Est-ce que la guerre en valait la peine ?Si c'est pour y aller pendant peu de temps et se retirer aussitôt pour faire autre chose, c'est sacrifier beaucoup de vies pour pas grand-chose. Il me semble qu'il y a toujours des gens qui sont pour et des gens qui sont contre. Même pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup de gens étaient opposés à ce que les Etats-Unis se mêlent d'aller aider l'Europe puisque, nous, nous vivons ici. C'était une vision simpliste. Il y a un grand retour de bâton maintenant aux Etats-Unis par rapport à la guerre. Les gens sont préoccupés par le fait que les soldats de retour du conflit ne sont pas bien traités ou sont mal soignés ou incompris. Dans le film, Bradley Cooper voit les gens qui regardent le sport à la télé, et il se dit : « Il y a une guerre là-bas et tout le monde s'en fiche. » Ce n'est pas que les gens s'en fichent délibérément, mais ils sont occupés ; la guerre dure depuis trop longtemps.Chris Kyle est rentré d'Irak en 2009. La semaine dernière, Barack Obama a demandé au Congrès l'autorisation de recourir à la force contre l'Etat islamique. Voilà les Etats-Unis de retour en Irak. A quoi ont servi les faits d'armes du sniper ?J'apprécie les hommes et les femmes qui sont volontaires pour aller faire ce travail. J'espère juste qu'ils ne sont pas exposés au danger pour des raisons de politique politicienne ou d'ambitions personnelles.Les critiques vous reprochent de glorifier le tireur sans aborder la question des responsabilités. Qui les envoie ces soldats ?Je ne sais pas qui les envoie. Je ne blâme personne. Chacun pense qu'il agit pour des raisons humanitaires. J'ai toujours eu des doutes sur l'idée d'apporter la démocratie dans les autres pays. Ce n'est peut-être pas le système qu'ils veulent ou qui leur convient. Je ne pense pas que nous devrions prendre des décisions pour le monde entier. J'ai toujours penché du côté libertarien : pour un gouvernement plus petit et qui laisse les gens en paix.Lire l'intégralité de l'entretien (en édition abonnés) : Clint Eastwood : « “American Sniper” n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier »Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)Correspondante du Monde aux Etats-Unis basée à San FranciscoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Drôle d’année pour le cinéma français. Les investisseurs ont été prudents, frileux, même : trois films d’un budget supérieur à 15 millions d’euros en 2014 contre 12 et 18 en 2013 et 2012, 36 longs-métrages qui ont coûté plus de 10 millions contre 48 l’année précédente. En revanche, on a compté 61 films d’un budget compris entre deux et quatre millions, contre 47 et 46 les deux années précédentes.Cette extrême prudence a payé. La part de marché des films français a grimpé à 44 % et la rentabilité des films en salles s’est améliorée. L’hebdomadaire professionnel Le Film français, qui publie ces statistiques dans son édition du 13 février a calculé que 42 films avaient atteint un taux d’amortissement de 25 % après leur exploitation en salles, contre 30 en moyenne ces dernières années.Au terme de leur carrière en salles, cinq films ont rapporté plus à leurs producteurs que ce qu’ils y avaient investi : trois comédies – Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron, qui a engrangé 300 % des 12,79 millions d’euros de son budget ; La Famille Bélier, d’Eric Lartigau (231 %, 7,55 millions) ; Babysitting, de Philippe Lachau et Nicolas Benamou (211 %, 3,48 millions) – suivies de deux documentaires – La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (148 %, 400 000 euros) et Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter (113 %, 50 000 euros). Ce groupe de tête réunit donc des films qui ont compté leurs spectateurs par millions (12 pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et par milliers (18 pour le film de Nossiter). « Lucy », production française la plus rentable en 2014La méthode retenue par nos confrères du Film français consiste à déduire des recettes en salles la part revenant aux exploitants et aux distributeurs pour obtenir les sommes revenant aux producteurs. Il faut rappeler que les ventes de tickets ne représentent qu’une partie des revenus de l’industrie cinématographique. Les films prévendus aux chaînes (l’immense majorité des productions françaises) peuvent compter sur la somme versée par celles-ci pour la diffusion sur petit écran, ventes de DVD (de moins en moins), et VàD (de plus en plus) doivent aussi être prises en compte.Enfin, les ventes à l’étranger sont une source de recettes indispensables. Dans le classement du Film français, le plus gros budget de l’année (49 millions d’euros), Lucy n’affiche que 33 % de taux d’amortissement mais le succès du film de Luc Besson dans le monde entier en a fait la production française la plus rentable de l’année.70 films avec un amortissement inférieur à 5 %Dans l’ensemble, les professionnels estiment qu’il faut que les recettes en salles se situent entre un quart et un tiers du budget d’un film pour que les producteurs puissent espérer recouvrer finalement leur investissement. C’est loin d’être le cas de tous les films. Soixante-dix longs-métrages ont un taux d’amortissement inférieur à 5 %, ce qui, là encore, recouvre des réalités très différentes.Avec moins de 70 000 spectateurs, The Search, de Michel Hazanavicius n’a rapporté que 1,06 % des 20,6 millions d’euros de son budget, pendant que les 12 000 spectateurs du Gaby Baby Doll, de Sophie Letourneur, qui avait coûté 1,56 million, ont porté son taux d’amortissement à 2,41 %.Parmi les grosses productions qui ont raté de loin le seuil de rentabilité, on compte aussi Benoît Brisefer, de Manuel Pradal, 8,3 millions d’euros de budget, 4,6 % de taux d’amortissement, Un illustre inconnu, de Mathieu Delaporte, (12,74 millions d’euros, 2,52 %) ou Grace de Monaco, d’Olivier Dahan, (25,2 millions, 3,68 %).Belle performance pour « Timbuktu »En haut de ce tableau, le succès n’est pas forcément allé aux plus grosses productions. Outre les documentaires déjà cités, on remarque la très belle performance du Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, 2,32 millions de budget et 95,13 % de taux d’amortissement, alors que l’exploitation du film est toujours en cours. Hippocrate, de Thomas Lilti, Lulu femme nue, de Solveig Anspach ou Les Combattants, de Thomas Calley peuvent aussi se prévaloir d’un taux supérieur à 50 %.Les trois millions d’entrées de Samba, d’Olivier Nakache et Eric Toledano ont permis au film de se classer quatrième de ce classement, avec un taux d’amortissement de 63 %. C’est dix fois moins que les 600 % d’Intouchables.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.02.2015 à 22h44 • Mis à jour le16.02.2015 à 10h06 L'acteur français Louis Jourdan est mort samedi 14 février à l'âge de 93 ans, dans sa maison de Beverly Hills, à Los Angeles en Californie, a précisé dimanche son biographe officiel, Olivier Minne. Ce dernier, également animateur à France Télévisions, a estimé que le comédien « était le dernier french lover d'Hollywood comme l'ont été Maurice Chevalier et Jean-Pierre Aumont ». L'homme a fait toute sa carrière aux Etats-Unis. M. Minne, qui prépare avec la famille de l'acteur un livre et un documentaire sur sa vie, a ajouté : « Il incarnait l'élégance française. »« C'était un homme orchestre, acteur mais aussi animateur de télévision avec de grands shows avec Judy Garland et Franck Sinatra et Jerry Lewis. Il a joué aussi au théâtre et a été mannequin notamment pour Pierre Cardin », a-t-il enfin fait valoir.« J'ÉTAIS LE CLICHÉ FRANÇAIS »Né Louis Robert Gendre à Marseille, l'acteur était un habitué des rôles de « beau gosse » dans les films d'Hollywood, mais il avait aussi joué le méchant dans Octopussy en 1983, de la série des James Bond. Il avait fait ses débuts à l'écran en France en 1939 en enchaînant les comédies romantiques avant que ne survienne la seconde guerre mondiale. Mettant sa carrière entre parenthèses, il entrait alors dans la Résistance.Appelé par le producteur David O. Selnick à Hollywood, il entre au casting d'un film d'Alfred Hitchcock, Le Procès Paradine (The Paradine Case) en 1947 et décide de rester aux Etats-Unis. Il y joue dans nombre de longs-métrages dont le plus célèbre, Gigi de Vicente Minnelli en 1958, aux côtés de Leslie Caron et Maurice Chevalier.L'acteur, qui affirmait ne jamais regarder ses films, avait estimé que Hollywood avait « créé une image. J'étais le cliché français ». Sa dernière apparition à l'écran remonte à 1992, dans Year of the Comet de Peter Yates. Louis Jourdan, qui avait été décoré de la Légion d'honneur en 2010 à Los Angeles, où il s'était retiré, avait deux étoiles sur le Hollywood « Walk of Fame », la fameuse promenade des acteurs célèbres. 14.02.2015 à 04h08 • Mis à jour le14.02.2015 à 16h45 Une photo de famille transgénérationnelle de la chanson française. C'est l'image que le public retiendra de la 30e édition des Victoires de la musique, qui s'est déroulée dans la soirée du vendredi 13 février, où le triomphe des artistes « modernes »,  s'est accompagné du sacre des « classiques ».Grande favorite de la soirée avec cinq nominations au total, Héloïse Letissier, alias Christine & the Queens, n'a finalement glané que deux trophées : la jeune femme de 26 ans, honorée du titre d'interprète féminine de l'année, a également été récompensée pour le clip-vidéo de son titre Saint Claude.Côté masculin, Julien Doré, a soufflé la vedette à Calogero et surtout Johnny Hallyday, 71 ans, souvent nommé rarement récompensé dans cette catégorie reine. A 32 ans, l'ex-pensionnaire de la Nouvelle Star décroche sa troisième Victoire.Calogero se console avec son sacre dans la catégorie chanson de l'année, la seule décernée par le vote du public, pour le titre Un jour au mauvais endroit sur le drame d'Echirolles, deux jeunes lynchés en 2012 dans la banlieue grenobloise.LES INSÉPARABLES SOUCHON ET VOULZY Le duo The Dø repart avec le prix de l'album rock pour son troisième opus, « Shake, Shook, Shaken ». La mystérieuse Indila, artiste féminine ayant vendu le plus de disques en 2014 en France avec son premier album « Mini World », et le longiligne Benjamin Clementine, un pianiste londonien adopté par la France, ont eux été récompensés dans les catégories révélations album et scène.Le prodige belge, Stromae, grand gagnant de l'édition précédente avec trois titres, a de nouveau été primé lors en 2015 pour son spectacle, « Racine Carrée tour », joué toute l'année dernière.A l'instar de Daft Punk aux Grammy Awards 2014, le musicien électro Cascadeur est venu chercher sa Victoire de la musique en gardant sur la tête le casque blanc frappé d'une étoile rouge qu'il porte sur scène depuis ses débuts en 2011.Akhenaton, leader d'IAM, a été récompensé dans la catégorie album de musiques urbaines pour « Je suis en vie ». « Rivière noire » complète le palmarès, côté opus de musiques du monde.Le triomphe des « jeunes pousses » n'a pas complètement occulté celui des artistes confirmés. Le premier album en duo des inséparables Alain Souchon, 70 ans, et Laurent Voulzy, 66 ans, a été sacré dans la catégorie album de chansons.La soirée a, enfin, été ponctuée de plusieurs rétrospectives par genres musicaux conclues par un live, avec David Guetta pour l'électro, Jean-Louis Aubert pour le rock, IAM pour les musiques urbaines et Rachid Taha en compagnie de Catherine Ringer pour la séquence musiques du monde. Tous ont reçu une Victoire d'honneur. Josyane Savigneau Romancière, journaliste, polémiste, personne naguère très en vue dans le Paris littéraire, Geneviève Dormann, née le 24 septembre 1933, est morte vendredi 13 février à Paris, à l’âge de 81 ans.Son père, Maurice Dormann (1878-1947), d’abord typographe, était devenu directeur de l’imprimerie du journal Le Réveil d’Etampes. Grièvement blessé et mutilé pendant la Grande Guerre, en 1916, il s’était beaucoup occupé, après la guerre, des blessés. Il a été député radical indépendant de Seine-et-Oise de 1928 à 1936, puis sénateur de 1936 à 1940.Les journaux et la politique étaient donc présents très tôt dans la vie de Geneviève Dormann. Elle a aimé le journalisme, qu’elle a exercé notamment au Point, à Marie Claire et à la radio. Mais, dès 1957, elle a commencé une carrière d’écrivaine, d’abord avec un recueil de nouvelles, La Première Pierre (Seuil), puis avec des romans, une quinzaine en tout, jusqu’à Adieu, phénomène (Albin Michel, 1999).Esprit qui se voulait libre, elle aimait les voyages, l’aventure. C’était une belle femme blonde, séduisante, courtisée. Elle a été, des années 1960 aux années 1990, une figure du journalisme et de la littérature qui laissait rarement indifférent. Elle se revendiquait comme une femme de caractère, insolente, impétueuse, et ayant à l’extrême le goût de la polémique. Elle tenait volontiers des propos provocateurs, voire injurieux, qui partaient certainement d’une conviction, mais qui étaient d’abord faits pour choquer. Elle se disait « maurrassienne », « pour les élites et contre le suffrage universel ».« Anticommuniste, antiféministe, anti… »« Certains l’appellent Doberman, écrivait Pierre Assouline dans Lire en mai 1989. Non qu’elle ait un caractère de chien. Mais ses philippiques sont souvent perçues comme des aboiements. C’est qu’elle ne mâche pas ses mots, la Dormann. Anticommuniste, anticonformiste, antiféministe, anti… beaucoup de choses ! Elle a en elle une inépuisable capacité de refus. A l’ère du consensus, il en faut moins pour se singulariser. »De ses philippiques douteuses, on préférerait oublier sa participation au n° 80 du Crapouillot en 1985 et son fameux « les juifs m’emmerdent », qui avait suscité notamment une réponse lapidaire – « Et comment, Madame Dormann, et comment ! » – de Guy Konopnicki, dans Information juive.Dans un très long entretien à Lire en 1989, elle fustigeait la droite, censée être sa famille politique : « Elle est inexistante. Elle m’emmerde. Elle n’ose pas prendre les voix du Front national. » Elle se disait « pas du tout européenne », mais « d’un clocher ».« Ce livre [“Le Bal du dodo”], je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs »Dans un entretien à Elle, quinze ans plus tôt, en 1974, elle s’en prenait, cela n’étonnera personne, au féminisme et à Simone de Beauvoir : « Je ne me gâtais pas le tempérament à lire Beauvoir. Des heureuses qui ne l’ont jamais lue, j’en vois : elles sont assises à une terrasse des Champs-Elysées pendant mes heures ouvrables. Pas l’air froissé par l’oppression masculine. »En 1989 encore, l’annonce du Grand Prix du roman de l’Académie française, qui lui avait été attribué pour Le Bal du dodo (Albin Michel), avait été relayée dans Le Monde avec une certaine ironie. Il est certain qu’il y avait cette année-là des livres plus attrayants que cette histoire qui s’étire sur 370 pages, dans une île Maurice où des jeunes gens trop épris vont être séparés – on peut préférer Paul et Virginie. Geneviève Dormann elle-même, avec son amour de la provocation, avait fait une quatrième de couverture propre à susciter la moquerie, affirmant : « Ce livre, je l’ai écrit toute seule, à la main, sans nègres ni ordinateurs, en m’appliquant pour m’amuser et distraire mes lecteurs. »Si l’on veut relire Geneviève Dormann, on peut aller plutôt du côté de Fleur de péché (Seuil, Grand prix de la ville de Paris 1980) ou du Roman de Sophie Trébuchet (Albin Michel, prix Kléber-Haedens 1983), où elle ressuscite avec bonheur la figure de la mère de Victor Hugo. Et pour garder le meilleur souvenir de Geneviève Dormann, il faut lire son essai biographique sur Colette, Amoureuse Colette (Herscher, 1984), un album où de magnifiques photos ont été rassemblées par Sylvie Delassus, et l’hommage de Geneviève Dormann à une femme qu’elle admirait et dont elle était une lectrice passionnée.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 09h52 • Mis à jour le15.02.2015 à 14h10 | Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale) A deux reprises, le temps s’est suspendu lors du procès Picasso, qui s’est tenu du mardi 10 au jeudi 12 février au tribunal de Grasse (Alpes-Maritimes). Une première fois à son ouverture, lorsque le président de l’audience a projeté les photographies de l’intégralité des œuvres dissimulées pendant près de quarante ans par le couple Le Guennec. Un inventaire visuel laissant découvrir à l’assistance 271 inédits du peintre datant de 1905 à 1932 : portraits de proches, scènes de plage, arlequins, chevaux, collages cubistes, peintures, carnets d’études, lithographies… Quarante minutes de silence absolu dans une salle pourtant bien pleine au premier jour d’audience. Il s’agissait pour le magistrat de commencer par présenter à chacun le corpus du délit reproché à l’ancien électricien de Picasso (1881-1973) et à son épouse par les héritiers Picasso, c’est-à-dire le « recel de biens volés », qui n’est pas touché par la prescription, contrairement au vol.Procès Picasso : l'ex-électricien face au clan familialUn second moment de grâce s’est imposé dans la soirée de la deuxième journée d’audience, lors de l’audition d’Anne Baldassari. L’approche tant scientifique que sensible des œuvres par la conservatrice, qui a longtemps dirigé le Musée Picasso à Paris, a soudainement redonné vie à ce que Pierre Le Guennec a pu présenter comme un « tas de vieux papiers », qui aurait été donné sans explications « un soir dans un couloir » en 1971 ou 1972 par Jacqueline Picasso (morte en 1986), avec l’accord du peintre, dans leur mas de Mougins. Car dans ce procès, les œuvres ont finalement paru davantage parler que les Le Guennec, mutiques face à leurs contradictions depuis le début de l’affaire, quand, en 2010, ils ont contacté la Picasso Administration pour tenter de faire authentifier leurs possessions, qu’ils avaient « oubliées ». Un ensemble représentant la plus importante découverte d’œuvres de Pablo Picasso depuis sa mort.Si chacun, famille, proches ou experts, a pu unanimement contester à la barre la possibilité d’un don aussi important, non dédicacé et non signé de la part de Picasso ou de Jacqueline, sa dernière épouse, le témoignage d’Anne Baldassari est venu éclairer la position de Picasso sur le sujet. « Je garde tout, on est ce que l’on garde », aurait-t-il déclaré à plusieurs reprises. « Mon œuvre est le journal de ma vie, ce n’est pas à moi de décider ce qui est bon ou mauvais. » Une philosophie aboutissant, selon la spécialiste, à un « archivage de son propre processus créatif » qui constitue encore aujourd’hui un « défi aux inventaires » : son œuvre, immense, rassemble quelque 70 000 pièces et 200 000 éléments d’archives.« Picasso a renoncé à divorcer d’Olga en 1935 quand il a compris qu’en étant marié sous le régime de la communauté, 50 % de ses œuvres allaient disparaître », précise encore Anne Baldassari. Un souci de conserver qui n’a cependant jamais empêché l’artiste de beaucoup donner : « Ce qu’il donne coïncide toujours à la chronologie de la relation, avec des œuvres de circonstance, mais il ne s’agit jamais d’œuvres de premier rang. » Or, analyse-t-elle, le lot d’œuvres Le Guennec s’étend sur trois décennies, « sans logique de destination qui donnerait du sens. Cela constitue un problème ». « Le Picasso que je connais ne se séparerait pas de ces œuvres, ce serait comme s’arracher la peau, a encore affirmé la conservatrice en chef. Elles constituent le laboratoire de sa création et de sa pensée. » « Picasso était un homme extrêmement généreux, qui peut toujours nous surprendre », a-t-elle nuancé, mais dans cette hypothèse de don, « tout converge vers une improbabilité. Ce sont des études très poussées, ce sont des œuvres en soi, il ne peut pas les avoir données ». «  Choses bizarres  »Pierre Le Guennec a par ailleurs réaffirmé avoir fait tout seul la classification et l’inventaire de cet ensemble. Or, dans cette affaire, Me Jean-Jacques Neuer, qui représente trois héritiers Picasso – Claude, Paloma et leur nièce Marina – s’étonne en effet que le septuagénaire, qui n’y connaît rien en art, comme il le dit lui-même, et qui n’a pas Internet, soit « capable de réaliser un inventaire, des descriptions scientifiques, de classer des œuvres, faire des sous-ensembles, alors même qu’il s’agit d’inédits dont on ne peut pas reproduire de notices ». Pour Me Neuer, quelqu’un lui a fourni ces détails techniques.Mme Baldassari confirme qu’« un néophyte n’est pas en mesure d’organiser un tel ordonnancement ». « Mais un conservateur n’aurait pas mélangé les périodes, n’aurait pas pris cette liberté, fait ces croisements », ajoute-t-elle, estimant qu’il s’agit « plutôt de la démarche d’un artiste, qui s’intéresse aux techniques, aux supports plus qu’à la chronologie ». Cette « approche fine », elle, la perçoit « comme la démarche de Picasso. » Elle évoque un classement en vue d’un inventaire lancé par l’artiste dans les années 1930 à 1950. Quant aux descriptifs des œuvres, dont plusieurs ont surpris l’accusation par leur niveau : « Techniquement, c’est compétent », affirme-t-elle, mais d’autres lui paraissent « naïfs ». Elle relève des fautes d’orthographe, des « choses bizarres » qui suscitent chez elle un « certain embarras ». Ont-ils pu être réalisés à plusieurs mains, complétés ? Elle ne l’exclut pas.« Préjudice de l’humanité »Le cas de la collection Maurice Bresnu, alias « Nounours », qui fut chauffeur des Picasso, a par le passé régulièrement occasionné de nombreux bras de fer avec les héritiers Picasso, ses œuvres ayant atterri chez des marchands d’art internationaux ou de prestigieuses ventes aux enchères, malgré leur provenance douteuse. Or, à peine Pierre Le Guennec avait-il révélé l’existence de ses 271 œuvres à la Picasso Administration en vue d’une authentification, en août 2010, qu’un généalogiste, venu témoigner lors des trois jours d’audience, avait révélé en novembre leur lien de parenté. Il avait en effet découvert une étrange coïncidence : l’ex-électricien a été désigné comme l’un des héritiers de la veuve Bresnu, qui était sa cousine, or dans l’héritage figuraient des œuvres de Picasso. Pierre Le Guennec avait caché être cousin avec Maurice Bresnu aux enquêteurs, au cours de l’information judiciaire, de même qu’il ne reconnaît pas de lien de cause à effet dans son entrée au service des Picasso, chez qui Maurice Bresnu était pourtant employé à l’époque. Me Neuer spécule que Pierre Le Guennec est manipulé par des marchands d’art peu scrupuleux, tentant d’écouler des œuvres volées en grande quantité par son cousin Maurice Bresnu. Cela expliquerait, selon lui, la violence de certaines attaques des Le Guennec au cours de l’instruction, tentant de porter atteinte à la mémoire ou à la filiation, à l’état civil de la famille Picasso. L’avocat a conclu sa plaidoirie en soulignant le caractère hors normes de ce procès qui s’est déroulé dans un climat très chaleureux sur le banc de la famille Picasso. « Le génie laisse de l’ADN traîner partout : ce procès fut picassien, surréaliste, incroyable. Il a permis au monde de voir que les Picasso sont une famille moderne, avec plusieurs femmes, plusieurs enfants, des disputes, comme une œuvre cubiste qui se recompose : c’est la plus belle œuvre cubiste posthume de Picasso », a-t-il lancé.Le souci de l’intérêt général a prévalu lors du réquisitoire. « Nous avons affaire à un délit particulier, au préjudice de l’humanité », a lancé le représentant du ministère public, Laurent Robert, estimant que le couple avait privé le monde entier et l’histoire de l’art de ces œuvres pendant quarante ans. Jugeant que les prévenus étaient « complètement dépassés par les conséquences de leurs actes, eux qui n’ont jamais été inquiétés par la justice, et n’ont pas gagné d’argent avec cette affaire », il requiert cinq ans d’emprisonnement assortis du sursis intégral – les prévenus encourraient cinq ans d’emprisonnement, et 375 000 euros ou la moitié de la valeur des biens recelés.Les conseils de la famille Picasso ont par ailleurs demandé que les œuvres soient restituées. Me Nardon, l’avocate de Catherine Hutin-Blay, la fille de Jacqueline, a pour sa part demandé 1 euro symbolique à chacun des époux Le Guennec au titre de dommages et intérêts. Le tribunal correctionnel de Grasse rendra sa décision le 20 mars.Emmanuelle Jardonnet (Grasse (Alpes-Maritimes), envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot C'est rarement la subtilité qui caractérise, d’ordinaire, les photos récompensées par le World Press, le prix le plus célèbre du photojournalisme : on y prime plutôt les effets spectaculaires, les sentiments exacerbés (douleur, tristesse), les actions fortes (bombardements, tueries, torture), l’hémoglobine… Y aurait-il comme une prise de conscience que ce genre d’images, certes très lisibles et efficaces, peut lasser ? Et qu’elles répondent rarement à la complexité des faits ?Comme pour répondre aux reproches faits depuis longtemps à cette imagerie répétitive et souvent pleine de clichés (riche/pauvre, victime/bourreau, mère à l'enfant ou « mater dolorosa »…), cette année, le World Press a décerné le titre de l'image de l'année à une photo sans action marquante, ni scène tragique. L'image de Mads Nissen, prise à Saint-Pétersbourg, montre un jeune couple homosexuel dans son intimité. Les poses, le clair-obscur et le décor (le drapé d'un rideau) font bien plus référence à la peinture hollandaise qu'à la photo de guerre. Les faits traités sont bien tragiques – la discrimination et la violence contre les homosexuels en Russie – mais ils sont illustrés par une image de tendresse et d’affection. « C'est une image très très subtile » a commenté Michelle McNally, présidente du jury, qui a qualifié la photo de « superbe scène ». Une photo qui montre non seulement le quotidien, mais qui a été prise dans un pays proche, pas sur le terrain d’une guerre lointaine. « C'est une chose qui manque souvent dans le photojournalisme, on a toujours l'impression qu'il faut chercher l'exotique », a commenté Donald Weber, autre membre du jury. Patrick Baz, de l’Agence France Presse, qui a également participé au jury, a insisté sur Twitter : « Ce prix parle d’amour et de haine, de paix et de guerre, et on n’a pas besoin de sang et de destructions pour décrire ça. »Lire aussi : le palmarès du World Press Photo 2015S'agirait-il d'une évolution durable ? Déjà, en 2014, le World Press avait récompensé une photo moins évidente que d'habitude, en évitant l’instant décisif et l’événement exceptionnel : on y voyait, dans une scène nocturne, des migrants lever leur téléphone portable en quête de réseau pour appeler leurs proches restés au pays. Le reste du temps, les photos de l’année du World Press font plutôt dans le spectaculaire. Les photos de sport particulièrement manipuléesAutre tendance forte en 2015 : la manipulation des images. Le jury, qui demande à tous les candidats présélectionnés d’envoyer les fichiers numériques « raw », c’est-à-dire avant toute retouche, pour les comparer avec les images soumises à la compétition, a eu des mots très durs sur la quantité de fichiers retouchés de façon excessive, et donc disqualifiés. Ce fut le cas d’une image sur cinq, soit 20 % !Le directeur général du World Press Photo, Lars Boering, a déclaré dans un communiqué : « Cette année, le jury a été très déçu de découvrir avec quelle légèreté les photographes ont traité leurs fichiers soumis à la compétition. Quand un élément a été ajouté ou retranché de l’image, cela nous a conduits à rejeter l’image en question. (...) Il semble que certains photographes ne peuvent résister à la tentation de rehausser leurs images soit en enlevant de petits détails pour “nettoyer” une image ou parfois à changer la tonalité de façon excessive, ce qui constitue un changement réel de l’image. Ces deux types de retouches compromettent l’intégrité de l’image. »Les retouches ont particulièrement affecté la section « sports », au point que le jury a renoncé à décerner le troisième prix de la catégorie « stories », faute de candidat « propre » (voir l’entretien de Lars Boering avec le British Journal of Photography, en anglais).Sens de l’image fausséUne tendance sur laquelle on peut émettre quelques hypothèses : peut-être le jury du World Press Photo est-il particulièrement sévère sur les retouches considérées comme « classiques » (couleurs réhaussées, ombres atténuées, etc.) ? On a du mal à le croire, vu que les membres sont issus de différents médias à travers le monde, avec des habitudes différentes.Ou alors peut-être les candidats au World Press ont-ils accentué les retouches dans l’espoir d’augmenter leurs chances d’être sélectionnés, sachant que le prix récompense des photos souvent parfaites techniquement ? Là encore, on peut en douter : ils savaient que leurs images seraient comparées aux fichiers originaux, et risquaient d’être disqualifiées car ces manipulations seraient considérées comme de la fraude.Ou enfin – hypothèse la plus probable, vu le nombre énorme d’images rejetées – les photographes ont pris l’habitude de retoucher leurs photos à un tel point et avec une telle facilité qu’ils ne semblent plus avoir conscience qu’ils faussent le sens de l’image. Ce qui ne laisse pas d’inquiéter sur ce qui nous est donné à voir du monde aujourd’hui. Comme s’il fallait, pour qu’elles retiennent notre attention dans le flot visuel qui nous noie, des images toujours plus léchées, toujours plus parfaites, toujours plus spectaculaires. Des images qui ressemblent plus aux jeux vidéo qu’à la réalité.Lire aussi le post de blog : les photos retouchées du World PressClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.02.2015 à 17h28 • Mis à jour le03.02.2015 à 17h31 | Alexandre Piquard et Alexis Delcambre L’année 2015 sera, pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), celle d’un choix lourd : il doit en effet désigner le président de France Télévisions, entre le 22 avril et le 22 mai.Mais avant ces dates, le CSA affronte un dilemme, sur la procédure à suivre pour choisir ce président - ou cette présidente. Comment rendre le processus plus confidentiel, afin d’attirer les meilleurs candidats, sans pour autant le rendre opaque ?Des pistes sont envisagées, dont celle de ne pas publier le nom des candidats qui seront retenus pour être auditionnés. Autre point : que faire en cas d’égalité des votes, le Conseil comptant désormais huit membres, contre neuf lors de la procédure pour Radio France. Les différentes options sont désormais entre les mains des « sages » et le Conseil doit trancher, mercredi 4 février, cette question épineuse.Rassurer les candidats du privéDans ses vœux du 27 janvier, le président du CSA, Olivier Schrameck, a fait une discrète allusion à cette « procédure que nous aurons collectivement à adopter, compte tenu de l’expérience de la désignation du président de Radio France ». En clair, c’est une référence à un problème récurrent, ravivé à l’occasion de la procédure qui couronna finalement Mathieu Gallet, en 2014 : l’absence de candidats venus du secteur privé.Les profils des candidats à Radio France étaient presque tous issus de la sphère publique et n’occupant pas de poste équivalent dans des médias de taille comparable. Dans le cas de France Télévisions, ce débat est rallumé, notamment depuis que des rumeurs de presse ont évoqué des candidats potentiels issus de grands groupes privés (Christopher Baldelli de RTL, Rodolphe Belmer de Canal+ ou encore Denis Olivennes de Lagardère active), non confirmées.Pour attirer ce type de profil - si telle était l’intention du CSA -, il faudrait pouvoir leur assurer qu’ils ne courent pas le risque de perdre leur emploi actuel dans l’hypothèse où leur candidature, une fois publique, n’aboutirait pas. Le cas d’Alexandre Bompard, qui avait dû quitter Europe 1 après avoir été sollicité pour présider France Télévisions en 2010, reste dans les mémoires.Certains au CSA se demandent donc s’il n’est pas possible d’assurer aux candidats une plus grande confidentialité. Les solutions sont loin d’être évidentes, car la procédure est strictement encadrée par différents textes légaux. Ainsi, l’idée de mandater un membre du collège - son président ou un autre - pour présélectionner des candidats, un temps évoquée, ne tient pas. Elle se heurte notamment au principe de collégialité des décisions - sans parler de l’attachement des conseillers à leurs prérogatives. « Cela ne pourra pas de faire en petit comité dans un coin », prévient l’un d’eux.Prévenir les fuitesUne piste semble toutefois envisagée : celle de ne pas publier la « shortlist » des candidats qui auront été retenus pour être auditionnés par le collège. Lors de la sélection du président de Radio France, six profils avaient été retenus et leurs noms dévoilés par le CSA.Un autre levier intéresse au sein du CSA : le calendrier. Plus celui-ci est resserré, plus sera limité le risque de fuites dans la presse, pense-t-on.Ces options rencontrent toutefois encore des obstacles. D’abord, certains peuvent rétorquer que limiter la transparence sur le nom des candidats peut alimenter le soupçon de partialité sur une nomination très sensible. Ou celui d’une décision partisane, les patrons de l’audiovisuel public ayant été un temps choisis par le président de la République lui-même.À l’inverse, le choix de ne pas diffuser les noms retenus par le CSA pour audition peut sembler vain. « Dans tous les cas, le CSA ne pourra jamais garantir à un cadre de l’audiovisuel privé une confidentialité totale, tout simplement parce que la décision est collégiale », estime l’un d’eux.Le président Schrameck a plusieurs fois insisté sur l’importance de prévenir les fuites dans la presse. Si cette insistance a globalement porté ses fruits, elle n’a pas empêché un incident majeur, en novembre 2014, avec la publication dans la presse d’une version intermédiaire du bilan quadriennal de France Télévisions.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Suivre sa pente pourvu que cela soit en montant. Tel est le chemin qu’aimerait emprunter le marché de la musique enregistrée. Mais, après une année 2013 positive, la première après une décennie de crise, les comptes ont de nouveau viré au rouge en 2014. Le chiffre d’affaires de la musique en France a fléchi de 5,3 % pour atteindre 570,6 millions d’euros en 2014, contre 603,2 millions en 2013.Hors droits voisins perçus sur la diffusion sur les radios, sur les chaînes de télévision, dans les lieux publics et sur la copie privée qui s’élèvent à 112 millions d’euros, le recul atteint même 7 %, selon les chiffres rendus publics, mardi 3 janvier, par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP).Et pourtant, le SNEP qui représente les majors de la musique (Universal, Warner, Sony, etc.), soit 80 % du marché français, veut croire à une révolution des usages. La croissance du streaming (l’écoute de musique sans téléchargement) qui a progressé de 34 % en 2014 constitue, selon le syndicat, le prélude à un nouveau modèle économique prometteur. Le marché physique représente encore 71 % du marché. Son repli de 11 % en 2014, tout comme celui du téléchargement à l’acte (– 14 %) sont les deux facteurs qui expliquent la baisse généralisée de l’industrie du disque. Mais « quelque chose est en train de changer et nous assistons à une restructuration du marché autour du streaming », estime Guillaume Leblanc, délégué général du SNEP. « Le téléchargement s’effondre et le streaming monte en flèche, il y a bien un nouveau modèle qui est en train d’émerger », assure Thierry Chassagne, PDG de Warner Music France.De fait, en 2014, les courbes des revenus se sont inversées pour la première fois entre les deux modes d’écoute de musique dématérialisée en France. Le streaming a rapporté 73 millions d’euros en 2014 et représente 55 % du marché numérique, contre 40 % pour le téléchargement, avec une recette de 54 millions d’euros. Cette baisse traduit un essoufflement du modèle mis en place par Apple avec iTunes. La firme américaine qui a racheté, en mai 2014, Beats, pour 3 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros), entend d’ailleurs devenir un des acteurs majeurs du streaming musical en promouvant lui aussi la lecture en flux.16 % du marché total de la musiqueEn 2014, le marché numérique a progressé de 3,5 points pour atteindre 29 %. A lui seul, le streaming représente 16 % du marché total de la musique, alors que ce mode de consommation de la musique n’a que 7 ans et que ses principaux acteurs sur le marché français (Deezer, Spotify, Qobuz, etc.) sont encore en quête de notoriété auprès du grand public. Pour Yves Riesel, patron de Qobuz, « 2015 sera l’année ou le marché français va s’ouvrir à la concurrence » avec la fin programmée, en juillet, de l’offre liée entre Orange et Deezer.Le modèle de l’abonnement devrait à terme supplanter celui du téléchargement. Pour Pascal Nègre, le patron d’Universal Music France, « la musique est en train de connaître sa quatrième révolution numérique. Après la piraterie, les sonneries téléphoniques et le modèle iTunes, la musique change à nouveau de paradigme avec l’avènement du streaming qui consiste à payer pour un usage et non pour une possession », poursuit-il.Un chiffre traduit ce basculement : 12 milliards de titres ont été écoutés sur les plates-formes de streaming audio en 2014, contre 8,6 milliards l’année précédente, soit une progression de 40 %. Et cela n’inclut pas le visionnage de vidéos musicales sur YouTube ou Dailymotion. Avec près de 11 millions de streamers, c’est 16 % de la population française qui a basculé.Monétiser cette offreEn France, le nombre d’abonnés à un service de streaming audio a grimpé en un an de 1,44 million en 2013 à 2 millions en 2014. Mais, pour que le modèle devienne dominant et surtout rentable économiquement pour les majors comme pour les artistes, il faudrait arriver à 8 ou 10 millions d’abonnés payants.Le deuxième enjeu majeur pour le secteur est d’élever le consentement à payer des amateurs de musique qui se sont habitués pendant plus d’une décennie à écouter sans payer. « Il faut persuader le consommateur que, pour quelques euros de plus, ils auront accès à un service nettement supérieur », explique Stéphane Le Tavernier, PDG de Sony Music France et président du SNEP. L’offre légale en ligne comprend désormais 30 millions de titres, mais les enjeux à venir sont doubles : monétiser cette offre et assurer une meilleure segmentation du marché afin d’atteindre tous les publics.Bonne tenue de la production francophonePour l’année écoulée, les producteurs de musique affichent un deuxième motif de satisfaction, avec la bonne tenue de la production locale et francophone qui assure les trois quarts des revenus des maisons de disques (hors classique). Un chiffre en hausse de 6 % par rapport à 2012. Le nombre d’albums francophones commercialisés est en hausse de 17 % avec 242 albums contre 207 en 2013. En 2014, il y a eu 119 nouvelles signatures d’artistes contre 79 contrats rendus, ce qui fait un solde positif de 40 artistes.Malgré un marché qui s’est fortement restreint, les producteurs de musique dans les majors ou chez les indépendants ont de fait continué à développer de nouveaux artistes. Les dix albums les plus vendus en 2014 concernent des artistes produits localement et chantant en français, avec un mélange d’artistes confirmés Souchon, Voulzy, Julien Clerc Johnny Hallyday, mais aussi Stromae, Indila, Kendji Girac, Fauve, Christine & the Queens.Pour le marché français, 2014 a aussi vu l’achèvement de l’intégration d’EMI et de son principal label Parlophone, au sein de Warner Music France, avec les restructurations afférentes. C’est seulement à partir du printemps 2014 que la major s’est remise à produire des disques. Avec un marché stabilisé qui comprend désormais trois majors et des indépendants, mais surtout avec un modèle économique (le streaming) reposant sur un nouvel usage qui a le vent en poupe, les producteurs de musique espèrent enfin surmonter la révolution numérique qui leur a fait perdre 65 % de leur valeur, sur les quinze dernières années.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 02.02.2015 à 20h48 • Mis à jour le03.02.2015 à 09h50 | Cédric Pietralunga Record battu ! La couverture originale de L’Etoile mystérieuse, le dixième album des Aventures de Tintin, a été vendue 2,5 millions d’euros lors de la Brafa (Brussels Antiques and Fine Art Fair), une importante foire d’art et d’antiquités, dont la soixantième édition s’est tenue à Bruxelles du 24 janvier au 1er février.C’est presque deux fois plus que le précédent record pour une couverture signée Hergé : en 2012, la gouache qui ornait les premiers albums de Tintin en Amérique avait trouvé preneur à 1,3 million d’euros (frais inclus) lors d’une vacation de la maison Artcurial.« C’est la plus grosse vente de ma carrière, s’enthousiasme Alain Huberty, cofondateur de la galerie belge Huberty-Breyne, qui a réalisé la transaction. J’ai été contacté par un cabinet d’avocats anglais, je ne connais pas l’acheteur. C’est un peu curieux mais cela correspond aux pratiques à ce niveau de prix. »L’attrait croissant pour la BD des collectionneursCe dessin de Hergé est, il est vrai, l’une des quatre seules couvertures de Tintin détenues en collection privée. Les dix-neuf autres appartiennent à Fanny Rodwell, la seconde femme du dessinateur belge, même si la fondation Moulinsart, qui gère les droits de l’œuvre de Hergé, refuse de confirmer ce chiffre. Or, Mme Rodwell, aujourd’hui âgée de 80 ans, a toujours exclu de vendre ne serait-ce qu’un croquis de son illustre mari, en tout cas de son vivant.Réalisé à l’encre de Chine, au format 30 x 41 centimètres, le dessin vendu à la Brafa est utilisé en couverture de l’album depuis 1942, date de la première parution de L’Etoile mystérieuse. On y voit Tintin et Milou sursauter devant l’apparition d’un champignon géant, touché par une météorite composée d’un métal inconnu aux pouvoirs extraordinaires.Cette vente illustre l’attrait croissant des collectionneurs d’art pour la bande dessinée et pour Hergé en particulier. Depuis quelques années, la cote de l’auteur belge décédé en 1983 ne cesse de grimper. Le 14 décembre, une couverture du Petit Vingtième représentant une scène du Sceptre d’Ottokar a ainsi été adjugée 539 880 euros (frais inclus) lors d’une vente aux enchères organisée par Millon, du jamais-vu.De même, le record mondial de la plus grosse transaction pour une oeuvre de bande dessinée est détenu depuis mai par une illustration de Hergé utilisée dans les pages de garde des albums de Tintin. Réalisée en 1937 et représentant le héros dans 34 situations, elle a été vendue 2,65 millions d’euros (frais inclus) à un collectionneur américain par la maison Artcurial.« Mais cet engouement ne se résume pas à Hergé, de nombreux autres auteurs intéressent aujourd’hui les collectionneurs », précise M. Huberty. De fait, le galeriste assure avoir vendu près d’une centaine d’oeuvres présentées sur son stand à la Brafa. Une planche des Tigres volants signée Victor Hubinon a ainsi été cédée 35000 euros et une autre de Robert Crumb, issue de l’album The Book of Mr Natural, a trouvé preneur pour 14000 euros.Une toile réalisée par Philippe Geluck, l’auteur star du Chat, a également été vendue 21000 euros. De nombreuses oeuvres de François Avril, dont le travail se situe à la frontière de la peinture et de la bande dessinée, ont aussi été achetées, avec notamment une toile acquise pour 14000 euros.Cédric PietralungaJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier En juin 1970, la parution du double album Self Portrait de Bob Dylan avait suscité l’incompréhension d’une partie de la critique musicale. Constitué de reprises (dont Let It Be Me, adaptation de Je t’appartiens de Gilbert Bécaud et Pierre Delanoë, The Boxer de Paul Simon, Blue Moon de Lorenz Hart et Richard Rodgers…), d’instrumentaux, d’extraits du concert de Dylan à l’Ile de Wight, en Angleterre, le 31 août 1969,et de quelques compositions. Où était le héros du folk, le poète de la contre-culture et de la révolution électrique dans ce fourre-tout ? Et surtout, horreur !, chanté dans un style crooner country identifié au conservatisme stylistique – pourtant déjà amorcé dans l’album précédent, Nashville Skyline.Depuis, Self Portrait a été réhabilité, avec parfois autant d’excès qu’il avait été honni, et Dylan peut aujourd’hui en toute quiétude, et même avec le salut enthousiaste de la presse anglo-saxonne, proposer Shadows in The Night. Soit un album entièrement constitué de reprises de chansons enregistrées par Frank Sinatra des années 1940 au début des années 1950, avec un petit saut temporel en 1957. Ce Sinatra, c’est celui qui a fait ses débuts au milieu des années 1930 au sein des orchestres d’Harry James et Tommy Dorsey, devenu une vedette à part entière lorsqu’il est signé par Columbia Records en 1943 pour une période de neuf ans. Grand orchestre, cordes, chœurs sont mis en jeu pour accompagner sa voix de velours et ses romances chavirantes. Le saut temporel, c’est lorsque Sinatra, passé chez Capitol Records, enregistre pour la première fois avec l’arrangeur Gordon Jenkins et non plus Nelson Riddle.Un propos instrumental sobreDe ce faste orchestral, Dylan s’éloigne avec un propos instrumental sobre, guitare acoustique et légèrement électrifiée, avec contrebasse, petit ensemble de vents (trombone, trompette, cor) par endroits, étirement des notes à la guitare pedal steel, jeux aux balais à la batterie… Sur un tempo dominant de ballade, parfois abordé plus lentement que ne l’avait fait Sinatra, Dylan avance dans la courbe mélodique, prononce les mots, s’en régale, timbre à peine rauque. On est, sinon à des années-lumière, en tout cas, loin de ce qu’est devenue sa voix avec le temps, en particulier lors des concerts.Ce soin vocal – certes relatif, il y a bien ici et là des dérapages dans la justesse – autant que l’interprétation musicale très exacte du petit ensemble, donne un aspect respectueux à l’album. Le répertoire va et vient entre des succès de Sinatra et des thèmes plus secrets, commençant par I’m A Fool To Want You, composition de Sinatra, Jack Wolf et Joel Herron enregistrée en mars 1951, jusqu’à That Lucky Old Sun, dont Sinatra s’empara en septembre 1949 alors que Frankie Laine venait d’en faire un numéro 1 des ventes. De l’un à l’autre, The Night We Called It A Day, Stay With Me, Some Enchanting Evening ou What I’ll Do sont des choix érudits.Concision et distanceAu-delà de l’hommage, on retrouve aussi ici ce vers quoi Dylan est régulièrement allé, ce rapport à un passé musical formateur, du blues des origines au jazz, des airs traditionnels aux racines rock’n’roll. Abordé dès ses débuts avec une majorité de reprises de standards du folk et du blues dans son premier album, en 1962. Affirmé dans Self Portrait, dont l’album Dylan, en 1973, proposa des chutes. Exploré en partie, mais pour le coup par-dessus la jambe, dans Down in The Groove (1988). Dans le dépouillement du solo, avec guitare et harmonica avec le doublé de folk traditionnel Good as I Been To You (1992) et World Gone Wrong (1993). Jusqu’à Christmas in The Heart, recueil de chansons de Noël paru en 2009. Le Sinatra de Dylan se révélant le plus réussi par sa concision et sa distance avec l’exercice de style.Shadows in The Night, de Bob Dylan, 1 CD Columbia Records/Sony Music.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 01.02.2015 à 20h13 • Mis à jour le03.02.2015 à 11h10 | Alexis Delcambre Plus de musique, un ancrage clair dans les cultures urbaines et une grille simplifiée : ce sont les ingrédients du nouveau Mouv’ qu’a lancé Radio France, lundi 2 février à 6 heures.Sous la direction de Bruno Laforestrie, ancien patron de la radio Generations, l’antenne promet de s’adapter « aux attentes musicales des 15-30 ans en se positionnant fortement sur le hip-hop et l’électro », et d’user d’un « ton inédit et singulier » en s’inspirant des « différentes formes d’expression de la rue, véritable vivier de talents et de langages ».« C’est une radio qui va parler le langage des jeunes et employer leurs codes », décrit Mathieu Gallet, PDG de Radio France. Un jeu sur la langue sera ainsi proposé : « Dictées dans la cité », en lointain hommage à Bernard Pivot. Les auditeurs pourront aussi prendre la parole en laissant un message sur le « Rapondeur ».Selon ses concepteurs, la musique revient au centre du projet : elle occupera 75 % du temps d’antenne, contre 50 % actuellement. La radio ambitionne de servir de tremplin à de jeunes talents dont la diffusion se fait actuellement sur les réseaux sociaux.Favoriser la circulation des contenusLa grille est simplifiée, avec des tranches de trois heures qui remplacent les multiples rendez-vous de la formule précédente. Points saillants : le « Good Morning Cefran » (6-9 heures), présenté par l’animateur Pascal Cefran ; « Mouv’Express » entre 12 et 16 heures ; et le magazine « 20#20 », présenté par Guillaume Tatu à 20 h 20, qui abordera « les grands problématiques de la jeunesse : marché du travail, drogue, sexualité… », selon M. Gallet.Sur Internet, une nouvelle version du site va être proposée. Surtout, Mouv’ – sa nouvelle appellation – favorisera la circulation de ses contenus, pour qu’ils puissent être facilement partageables sur les réseaux sociaux ou les grandes plates-formes comme YouTube.Cette relance du Mouv’– la troisième en trois ans – est censée répondre à l’échec actuel de la station. Créée il y a dix-huit ans, devenue au début des années 2000 une incarnation de « l’esprit rock », avant de s’égarer dans une succession de nouvelles formules, elle atteint péniblement 200 000 auditeurs cumulés, soit une part de marché inférieure à 0,5 %.C’est un problème pour un groupe qui veut en faire un canal de recrutement de nouveaux auditeurs et qui, par ailleurs, est désormais en situation déficitaire – avec 21 millions d’euros manquants au budget 2015. La direction de Radio France espère remonter à au moins 1 % de part d’audience d’ici à fin 2016 et assume que, dans le cas contraire, il faudra « revoir le modèle » – comprendre arrêter l’exploitation sur la bande FM.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême) Riad Sattouf a reçu le Fauve d’or du meilleur album dimanche pour le premier tome de L’Arabe du futur, seulement cinq ans après l’avoir obtenu pour le tome 3 des aventures de son héros protéiné Pascal Brutal. Publié chez un nouveau venu sur le marché de l’édition, Allary éditions, L’Arabe du futur est un récit autobiographique dans lequel l’auteur raconte une courte période de son enfance, où ses parents ont emménagé dans la Libye du général Kadhafi puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad. En gestation depuis le déclenchement, il y a quatre ans, de la guerre en Syrie (le pays natal de son père), ce roman graphique prévu en trois tomes se terminera en 2016 avec le récit de l’exil en France d’une partie de sa famille, originaire de Homs. Notre collaboratrice Cathia Engelbach, chroniqueuse au blog Les Petits Miquets, avait rédigé la critique suivante en décembre dernier à propos de ce livre :Lui, c’est Riad, petit bout d’homme de 2 ans, rejeton autoproclamé « parfait » d’une mère bretonne, dont il a hérité la chevelure blonde, et d’un père syrien issu d’un milieu paysan très pauvre. Suite à une thèse de doctorat en histoire contemporaine à la Sorbonne, ce dernier embarque femme et enfant dans la Libye de Kadhafi, puis dans la Syrie d’Hafez Al-Assad en 1984. Obsédé par l’idée d’un panarabisme progressiste, sa transhumance au Moyen-Orient se fait avec cette pensée unique érigée en marotte : épousseter le monde arabe de tout obscurantisme religieux et faire de l’éducation l’accès royal aux lettres dorées de « l’arabe du futur ».Pour Riad Sattouf, rompu à l’exercice des saynètes caustiques, par bulles (le père de l’antihéros à la testostérone amphigourique Pascal Brutal, c’est lui) ou par écrans interposés (le film Les Beaux Gosses, c’est lui aussi), l’idée de ce récit remonte au début de la guerre civile syrienne, en mars 2011. L’incursion de l’histoire personnelle dans la grande histoire donne une dimension sociologique à l’album à travers l’œil naïf de l’enfant qu’il était. Par accumulation de micro-tableaux faussement anecdotiques, tantôt persifleurs, tantôt ubuesques, il confirme que l’autobiographie est l’un des parents riches de la bande dessinée actuelle.A lire également : Riad Sattouf, retour à la ligneLe jury a par ailleurs attribué son prix spécial à Chris Ware pour son livre-monde Building Stories (Delcourt) et le prix de la meilleure série à Lastman (Casterman), le manga français du trio Bastien Vivès, Mickaël Sanlaville et Balak. Le Japonais Katsuhiro Otomo, créateur de la série « Akira », avait été désigné jeudi Grand prix 2015 pour l’ensemble de son œuvre. Les autres principaux prix :- Prix révélation : Yekini le roi des arènes (FLBLB), par Lisa Lugrin et Clément Xavier- Prix du patrimoine : San Mao (Fei Editions), par Zhang Leping- Prix du public : Les Vieux fourneaux (Dargaud), par Wilfrid Lupano et Paul Cauuet- Prix du polar : Petites coupures à Shioguni (Philippe Picquier), par Florent Chavouet- Prix jeunesse : Les Royaumes du Nord, tome 1 (Gallimard), par Clément Oubrerie et Stéphane Melchior.Frédéric Potet (envoyé spécial à Angoulême)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.02.2015 à 02h18 • Mis à jour le01.02.2015 à 20h17 José Manuel Lara, président du groupe d'édition espagnol Planeta, qui possède le français Editis, est mort samedi 31 janvier, à l'âge de 68 ans à Barcelone.Celui qui avait commencé sa carrière aux éditions Librairie Larousse (devenues Larousse) à Paris, en 1963, était parvenu à transformer l'entreprise créée par son père en un véritable empire, très présent en Amérique latine.« JE VEUX ÊTRE COMME HACHETTE »« Je veux être comme Hachette », avait-il déclaré dans les années 1970. Ses acquisitions au fil des années de maisons d'édition, journaux, chaînes de radio et de télévision et sociétés de production et de distribution dans le cinéma, lui avaient finalement valu d'être comparé au magnat australien Rupert Murdoch. José Manuel Lara avait pris la succession de son père à sa mort, en 2003. En mars 2009, il  avait été nommé président de la maison d'édition française Editis (La Découverte, les Editions du Cherche-Midi...), dont Planeta avait pris le contrôle dix mois auparavant.Passionné de football, M. Lara a été jusqu'en 2009 l'actionnaire principal de l'Espanyol Barcelone. Il était aussi un adversaire résolu de l'indépendance de la région : « Si la Catalogne était indépendante, le groupe Planeta devrait s'en aller », avait-il menacé en 2012, quand le mouvement pro-indépendance prenait de l'essor. Il était marié et père de quatre enfants. Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial) Cinq cents personnes environ ont pris part, samedi dans les rues d’Angoulême, à la marche des « auteurs pour la création », en marge du Festival international de la bande dessinée. Regroupés derrière une banderole sur laquelle était écrit « Sans les auteurs, plus de BD. Les auteurs plus qu’à poil », les professionnels du 9e art entendaient protester contre la précarisation grandissante de leur métier, incarnée par un projet d’augmentation de cotisation de retraite complémentaire. Obligatoire à partir de l’an prochain, celle-ci ponctionnerait les auteurs de l’équivalent d’un mois de salaire, alors que la grande majorité d’entre eux ne gagne pas le smic. Il est 14 h 30 quand le cortège s’élance depuis la place du Champ-de-mars, devant le « Monde des bulles », l’un des principaux espaces du FIBD. Longtemps réputé pour son individualisme et son manque d’organisation, le petit monde de la bande dessinée a à cœur de démontrer le contraire, même s’il apparaît vite évident qu’il n’a pas l’habitude de ce genre de rassemblement. L’ambiance est bon enfant ; elle va vite devenir potache, en raison, notamment, de l’absence de slogans préalablement préparés.« Trouvez-nous un slogan ! »Au premier rang, Lewis Trondheim et Fabrice Neaud s’improvisent en meneurs de troupe. « Trouvez-nous un slogan ! », lance le premier. Dans un épanchement continu de franche rigolade suivront des « Ils sont méchants, pas nous », « Le soleil est avec nous » et autres « CRS = Tendresse ». A mi-chemin, le rédacteur en chef de Fluide Glacial, Yan Lindingre, harangue la foule d’un ton gaullien, depuis la fenêtre d’un immeuble du centre-ville : « Auteurs de BD, je vous ai compris. »Moins d’une heure après son départ, le cortège arrive à son point d’arrivée, l’Hôtel de ville d’Angoulême, au fronton duquel a été accrochée une banderole énumérant les noms des victimes des attentats des 7 et 9 janvier. Parole est alors donnée au scénariste Fabien Velhmann.« A l’heure où, dans notre profession, certains se prennent à douter, se demandent si ce qu’ils font a un sens, s’il y a encore le moindre intérêt à faire nos petites cases à la con, nos petites BD tout seul dans notre coin, ces meurtres constituent une violente et aberrante piqûre de rappel : il faut croire que dessiner peut parfois avoir du poids, puisqu’on peut se faire tuer pour ça, déclare-t-il. Le paradoxe absolu de cette situation, c’est qu’alors même que l’on voit fleurir partout les preuves d’un puissant attachement au dessin, à la liberté d’expression et à la culture, notre profession se porte mal, nous obligeant aujourd’hui à manifester notre colère. »« Colère »L’objet de ladite « colère » est une lettre du président du conseil d’administration du Régime de retraite complémentaire des artistes et auteurs professionnels (RAAP) de mai 2014 annonçant une réforme du système existant, dont les modalités feraient diminuer de 8 % les revenus des cotisants. La mesure a provoqué un tollé au sein de la profession, en partie rassemblée au sein du groupement bande dessinée du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC).Las des débats infructueux depuis six mois, le mouvement a décidé de s’adresser directement au chef de l’Etat, François Hollande. « Nous vous demandons, monsieur le président, de prendre vos responsabilités et de négocier avec les véritables partenaires sociaux : les organisations représentatives des auteurs et artistes, a lancé Fabien Vehlmann. Monsieur le président, faut-il vous rappeler que les auteurs et les artistes, outre leur importance symbolique et culturelle, sont aussi à l’origine d’une richesse économique qui confère à leur secteur la troisième place de contributeur au PIB, devant l’industrie automobile ? »Un temps pressenti, François Hollande ne viendra finalement pas à Angoulême pendant le festival. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, sera là en revanche dimanche. Il y a de fortes chances pour qu’elle soit interpellée sur le sujet.Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.02.2015 à 18h05 • Mis à jour le06.02.2015 à 11h36 | Emmanuelle Jardonnet Ses souvenirs de son grand-père, Pablo Picasso ? Ils remontent à l’époque où, petite fille pauvre, elle se revoit faire le pied de grue devant les grilles de la villa du maître, à Cannes, lorsque son père, Paulo Picasso, l’emmenait pour réclamer des subsides à son propre père. « La Californie », cette grande villa du XIXe siècle, c’est ironiquement à elle, Marina Picasso, parmi la multitude d’héritiers, qu’elle est revenue. Elle avait alors une vingtaine d’années, et son premier geste a été de retourner vers le mur toutes les œuvres dont elle a aussi hérité de l’artiste. Par pur ressentiment, a-t-elle confié au New York Times.Le poids de son héritage, elle s’en était déjà en partie délesté psychologiquement en publiant ses mémoires en 2001, Picasso : mon grand-père, où elle révélait, après quinze ans de thérapie, ses vérités sur un clan désuni et la peine que lui a causée l’indifférence de son grand-père. A 64 ans, elle fait aujourd’hui savoir qu’elle se prépare à un détachement plus matériel, sonnant et trébuchant, de ses racines : la mise en vente de nombreuses œuvres de Picasso restées en sa possession.Ventes directesCe n’est en soi pas tout à fait une nouveauté : comme les autres héritiers du peintre, Marina Picasso se déleste régulièrement d’œuvres, pour vivre et financer ses projets. Depuis la mort, en 2008, de son marchand, le Suisse Jan Krugier, qui s’était chargé de la mise en vente de la plupart de ses pièces les plus prestigieuses, elle a tenté plusieurs stratégies sur le marché de l’art, rappelle le New York Times. En 2013, elle a ainsi mis aux enchères conjointement deux peintures de premier plan (dont Femme assise en robe grise, vendu 6,8 millions de dollars), puis en 2014, elle a présenté toute une collection de dessins de nu – dans les deux cas chez Sotheby’s.Lire : Deux Picasso vendus pour près de 6 millions d'eurosAfin de rompre avec toute tradition familiale, l’héritière envisage cette fois de gérer ses futures ventes à sa manière : en se passant des intermédiaires et de leurs commissions. Ainsi compte-t-elle céder en vente directe « au cas par cas, selon ses besoins ». Par cette prise en main, elle semble vouloir accélérer le mouvement, ce qui ne va pas sans nourrir craintes et fantasmes dans le milieu – la plus grande peur étant qu’elle inonde le marché, faisant baisser les prix au passage.Si elle n’a pas de liste prédéfinie des pièces qu’elle compte vendre, Marina Picasso se prononce sur deux choses : la rumeur selon laquelle elle va vendre la villa du peintre est fausse ; par ailleurs, elle sait quel est le premier tableau dont elle souhaite se débarrasser aujourd’hui : La Famille, un grand portrait de sa propre famille peint en 1935 sur un fond désertique – dans un style réaliste assez inhabituel. « Il est symbolique car je suis née dans une grande famille, mais cette famille n’en était en réalité pas une », a confié l’héritière.« Je n’avais pas de grand-père »Son père était le fils de Picasso et de sa première femme, la danseuse russe Olga Khokhlova. Selon elle, celui-ci servait à Picasso de chauffeur ou d’homme à tout faire. Puis ses parents se sont séparés : « J’ai très peu vu mon père. Je n’avais pas de grand-père. » Marina Picasso assure qu’elle ne possède aucune photo d’elle en compagnie de son grand-père, et qu’elle n’a pas eu la moindre de ses œuvres avant sa mort. Elle se souvient qu’il lui arrivait de lui dessiner des fleurs sur des feuilles en papier, mais on ne la laissait pas les garder.Olivier Widmaier Picasso, un autre petit-fils de Picasso – issu de sa liaison avec Marie-Thérèse Walter –, et lui aussi auteur d’une biographie (beaucoup plus positive) de Picasso, dit comprendre la colère de sa parente, mais relativise les faits : « Soyons honnêtes, Picasso n’était pas le seul responsable de cette situation. Sa mère avait la garde exclusive des enfants. Il ne voulait pas lui donner de l’argent parce qu’il s’inquiétait qu’elle ne l’utilise pas pour ses enfants. Il a donc plutôt payé leur scolarité directement. »A sa mort, en 1973, à l’âge de 91 ans, Picasso a laissé derrière lui quelque 50 000 œuvres et une « famille » composée de quatre enfants et huit petits-enfants, ainsi que des femmes et des muses, entre lesquels les batailles furent âpres lors du partage de ses biens. Cette sensation d’être mise au ban de la famille s’est encore accrue chez Marina Picasso lorsque Jacqueline Roque, la seconde femme de l’artiste, a interdit à son frère, Pablito, de se rendre aux obsèques de son grand-père. Quelques jours plus tard, celui-ci se suicidait, à 24 ans, en ingérant de l’eau de Javel.« Un héritage dépourvu d’amour »Picasso n’avait pas laissé de testament. A l’issue des luttes d’héritage, un cinquième de ses biens furent finalement attribués à Marina Picasso, rappelle le New York Times – soit 10 000 œuvres : quelque 300 tableaux, et des céramiques, dessins, esquisses ou sculptures. « Les gens me disent que je devrais être contente d’avoir touché cet héritage, et je le suis. Mais c’est un héritage dépourvu d’amour », explique-t-elle. « Cela a été très difficile de porter ce célèbre nom et d’avoir eu autant de difficultés financières. Je pense que c’est pour cela que j’ai développé une fibre humaine et le besoin d’aider les autres. »L’argent tiré de ce pesant héritage, elle compte d’ailleurs l’utiliser pour développer ses actions philanthropes en France, en Suisse et au Vietnam. Cette mère de cinq enfants, dont trois adoptés au Vietnam, a fait don en 2014 de 1,5 million d’euros à la Fondation Hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France, dont une partie finance une unité d’urgence psychiatrique pour adolescents à Marseille. Elle est également impliquée dans un projet d’aide aux personnes âgées hospitalisées pour de longs séjours, précise le New York Times.« Désormais, je vis au présent, dit-elle. Le passé est derrière moi. Mais je n’oublierai jamais, jamais. Je respecte mon grand-père et sa stature en tant qu’artiste. J’étais sa petite-fille et son héritière, mais je n’ai jamais eu de place dans son cœur. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Le marché français de l’« entertainment » (musique, vidéos, jeux vidéo, livres…) souffre. Les dépenses des ménages dans ce domaine ont reculé de 4,6 % en 2014, à 7,2 milliards d’euros, selon les données communiquées, jeudi 5 février, par le cabinet d’études GFK.La hausse des achats « dématérialisés » (1,13 milliard d’euros au total, en hausse de 6 %) ne compense pas le déclin des achats des supports physiques (6,07 milliards d’euros au total). En 2013, les ventes « dématérialisées » avaient progressé de 23 %.Les livres représentent 55 % du marché de l’entertainment, et les loisir interactifs le reste : les jeux vidéos comptent pour 22 % des dépenses, la vidéo pour 15 %, la musique pour 8 %.À lui seul, le streaming, que ce soit pour écouter de la musique ou regarder des documents vidéos, représente 37 % des achats « dématérialisés ».Les achats de vidéos reculent de 10 %Le premier loisir plébiscité par les Français est le cinéma (62 % d’entre eux). Ce dernier se porte mieux que le secteur de la vidéo : les ventes dans ce dernier domaine sont en recul de 10 %. Aujourd’hui, une bonne année cinéma n’induit pas forcément une bonne année vidéo.Le marché de la vidéo est passé de 2,4 milliards d’euros en 2004 à 800 millions d’euros en 2014.La baisse des dépenses dans la vidéo est de 14 % pour les achats de supports physiques et de 8 % pour les achats numériques.Les achats de DVD classiques représentent 76 % du marché de la vidéo physique, alors que le Blu-Ray plafonne à 24 % : ce dernier ne prend pas dans la population.En France, on compte 11,2 millions de lecteurs de DVD installés, contre 1,5 million de lecteurs Blu-ray. Le prix du Blu-Ray est jugé trop cher (23 euros en moyenne).La VOD (vidéo à la demande) a vu ses ventes passer de 152 millions d’euros en 2010 à 259 millions d’euros en 2014.Elle devrait encore croître cette année, alors que les achats de supports physiques baisseraient encore de 15 %.Le marché des jeux vidéos est en croissance : + 3 %, à 2,6 milliards d’euros. Les achats de jeux sur supports physiques sont notamment en progression de 1 %, à 1,9 milliard d’euros. Il s’agit du seul marché physique qui affiche une hausse.Le marché de la musique reste difficile. Les ventes s’élèvent à 786 millions d’euros. Le streaming (150 millions d’euros) l’emporte sur le téléchargement (97 millions d’euros). Et le marché du CD poursuit son déclin (490 millions).Le livre est toujours en repliLe marché du livre en France a accusé un nouveau repli en 2014. Les ventes, tous types de supports confondus, sont en recul de 1,1%, selon les chiffres de la société d’études GfK, communiqués jeudi 5 février.Doucement, mais inexorablement, le marché du livre s'effrite depuis trois ans. En 2013, il avait enregistré un recul de 2,7 %, passant symboliquement, pour la première fois, sous le seuil des 4 milliards d'euros, pour atteindre 3,9 milliards.Ce sont les ventes de livres « physiques » qui reculent toujours : en 2014, elles ont baissé pour la quatrième année consécutive, relève GfK.Les ventes de livres numérique progressent, mais leur croissance est « plus faible qu’attendue », pointe le cabinet d’études, et cette hausse ne vient « compenser que partiellement » le repli du livre « papier ».Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le ministère de la culture et de la communication a transmis, mercredi 3 février, un communiqué précisant les contours du dispositif que l’institution souhaite mettre en place au profit de l’architecture et des architectes. La ministre Fleur Pellerin « a tenu à réaffirmer avec force, dès le mois d’octobre, l’importance de l’architecture dans les enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés ». Parmi les thématiques mises en exergue : l’amélioration du cadre de vie, la ville de demain, la transition énergétique, le logement, la création, mais aussi le rayonnement de la France, tant sur le plan culturel qu’économique.La stratégie pour l’architecture est « un outil de pilotage de la politique publique dans ce domaine », précise le communiqué. Elle s'appuie notamment sur les travaux menés par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, dont le président-rapporteur est le député (groupe SRC) Patrick Bloche. Pendant six mois, à compter de janvier 2014, une « Mission d’information sur la création architecturale » a permis que soient auditionnées une cinquantaine de personnalités impliquées dans l’univers de la construction : architectes, urbanistes, paysagistes, constructeurs, groupement professionnels, journalistes, etc.A l’issue de ces rencontres, un rapport a été publié le 2 juillet 2014. La conclusion de ce copieux document de 150 pages consiste en un « plaidoyer, en trente six propositions, pour une création architecturale du quotidien au service d’un aménagement durable du territoire ». Le « Rapport de la concertation sur l’enseignement et la recherche en architecture », qui avait été remis le 8 avril 2013 par le député (PS) Vincent Feltesse, compte également parmi les sources du ministère.« Le rôle citoyen de l’architecture »Cette stratégie, affirme la rue de Valois, « se construira au travers d’un dialogue étroit avec le conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) ». La profession est confrontée à une baisse drastique de son activité et un sentiment durable de mise à l’écart. L’ambition de cette démarche, insiste Fleur Pellerin, « est de réaffirmer la valeur ajoutée de l’architecture pour la société et celle de la profession d’architecte dans l’économie de la construction et de la création, en France et sur le plan international », mais aussi « de conforter le rôle citoyen de l’architecture au service de tous ».Le ministère de la culture et de la communication met en place trois groupes de réflexion thématiques qui seront pilotés par des professionnels, Grands Prix nationaux d’architecture ou d’urbanisme et par des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap). Les travaux du groupe « Mobiliser et sensibiliser » seront conduits par les architectes Frédéric Bonnet et Boris Bouchet ; la rapporteure en sera Hélène Riblet, inspectrice du patrimoine. Le groupe « Innover » sera porté par les architectes Marc Barani et Marie Zawistowski, et par l’association « Bellastock ». Lorenzo Diez, directeur de l’école nationale supérieure d’architecture de Nancy, en sera le rapporteur. Enfin, les architectes Paul Chemetov et Lucie Niney animeront le groupe « Développer », dont l’architecte conseil de l’Etat, Christine Edeikins, sera la rapporteure. Francis Nordemann, architecte DPLG, est chargé d’animer l’ensemble de ces travaux. Le ministère prévoit de les restituer au mois de juin.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 05.02.2015 à 16h05 • Mis à jour le06.02.2015 à 08h53 | Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles « L’album blanc », cocktail hypnotique Cette semaine : autour de l’album The Beatles (novembre 1968). « Back in the U.S.S.R. » (Lennon-McCartney), par Sigourney WeaverCette chanson 100 % rock’n’roll de Paul McCartney ouvrant l’« album blanc », premier et unique double-album des Beatles du temps de leur activité, multiplie les références musicales. De son titre, un décalque du Back in The U.S.A. de Chuck Berry, à la citation de Georgia on My Mind, standard de Hoagy Carmichael et Stuart Gorrell popularisé par Ray Charles, le tout mâtiné de chœurs parodiant les Beach Boys. Simple et plaisante à jouer, elle a été logiquement interprétée en 1987 par le chanteur et pianiste new-yorkais Billy Joel à Moscou et Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) lors de sa tournée dans l’Union soviétique de Mikhaïl Gorbatchev. Plus inattendue est la version que donne en 2001 la délicieuse Sigourney Weaver dans la comédie de David Mirkin, Beautés empoisonnées. La femme fatale s’amuse de son audace sur fond de violons et de balalaïkas, devant un Gene Hackman ahuri. « Dear Prudence » (Lennon-McCartney), par Siouxsee & The BansheesLa qualité du répertoire des Beatles était telle que les chansons qui n’avaient pas été mises en avant pouvaient devenir des tubes majeurs pour les autres artistes. Ainsi du délicat Dear Prudence, écrit par John Lennon lors du séjour en Inde chez le Maharishi Yogi à l’attention de la sœur recluse de l’actrice Mia Farrow. Le groupe londonien post-punk Siouxsie & The Banshees (avec comme figure de proue Siouxsie Sioux, une ancienne du Bromley Contingent, la troupe qui suivait les Sex Pistols), s’en empare en 1983 pour obtenir son plus gros succès, une lecture à la fois reconnaissable et personnelle qui grimpera jusqu’à la troisième place des classements britanniques et sera incorporée aux rééditions de l’album Hyaena. A noter que la guitare est entre les mains de Robert Smith, le démiurge de The Cure, alors également membre des Banshees après l’éviction pour alcoolisme de l’Ecossais John McGeoch, ancien de Magazine et de Visage. « Glass Onion » (Lennon-McCartney), par Arif MardinCette chanson en forme d’auto citations (de Strawberry Fields Forever, I Am The Walrus, The Fool on The Hill, Fixing a Hole et même Lady Madonna, sorti en single en mars 1968) a été largement dédaignée par les repreneurs. Dès 1970, le producteur d’origine turque Arif Mardin, l’un des piliers de la maison de disques Atlantic avec les frères Ertegun, l’adaptait dans une version instrumentale pour son premier album solo, titré Glass Onion. Homme de jazz, Mardin sera ensuite derrière le virage disco des Bee Gees avec l’album Main Course en 1975 puis le succès planétaire de Come Away With Me, premier opus de Norah Jones, en 2002. « Ob-la-di, Ob-la-da » (Lennon-McCartney), par The MarmaladeCette scie que John Lennon exécrait (il l’aurait qualifiée de « musique de grand-mère de merde ») et qui est restée un sujet de sarcasmes envers McCartney (qui ne devait d’ailleurs l’interpréter que rarement sur scène, et pas avant… 2009), a pourtant joui d’une immense popularité auprès des enfants et des esprits guillerets et optimistes. Tentative de rocksteady (un hybride jamaïcain, à mi-chemin du ska et du rhythm’n’blues), elle fit le bonheur immédiat de The Marmalade, un quintette de Glasgow, qui obtint un numéro un dans les classements britanniques début 1969, le premier de l’histoire pour un groupe écossais. Depuis, son succès ne s’est jamais démenti avec des versions de Celia Cruz, Jimmy Cliff ou de No Doubt, revivalistes américains du ska. « Wild Honey Pie » (Lennon-McCartney), par PixiesReprendre cet interlude inférieur à une minute, expérimental et dissonant, presque sans paroles, entièrement composé et interprété par McCartney (peut-être pour compenser la légèreté d’Ob-la-di-da) est une gageure. Les Pixies de Boston (Massachusetts), rois du rock alternatif à la fin des années 1980, relèvent pourtant le gant en 1988 devant les micros de la BBC dans le cadre des fameuses sessions animées par John Peel. Leur version sera commercialisée dix ans plus tard dans l’album Pixies at the BBC (4AD). L’agressivité de l’original sied à merveille à Black Francis et sa complice Kim Deal. Comme s’il avait été écrit en pensant aux Pixies, vingt ans avant leur formation. « The Continuing Story of Bungalow Bill » (Lennon-McCartney), par Dawn Kinnard & Ron Sexsmith En 2008, pour célébrer les quarante ans du « White Album », le magazine britannique et patrimonial de rock Mojo, propose avec son numéro 178, un CD de 15 reprises. Aujourd’hui banalisé dans la presse rock, ce genre d’exercice a un défaut principal : ce sont la plupart du temps des seconds couteaux de la scène dite « indé » qui s’y collent, quand ce ne sont pas des inconnus. Cette version de Bungalow Bill, chanson écrite par Lennon en Inde autour d’une chasse au tigre, fait néanmoins exception puisqu’elle est interprétée par le Canadien Ron Sexsmith, l’un des plus talentueux héritiers de McCartney, accompagné de Dawn Kinnard, une consœur de Nashville (Tennessee). « While My Guitar Gently Weeps » (Harrison), par Wu Tang ClanLe premier morceau de George Harrison sur l’« album blanc » est aussi le plus impressionnant qu’il avait alors composé. Pour lui donner toutes ses chances, il convia même son ami Eric Clapton afin d’exécuter le solo, l’un des très rares cas d’intervention de musicien extérieur dans la discographie des Beatles. Près de quarante ans plus tard, la mélodie de la chanson structure The Heart Gently Weeps, des rappeurs new-yorkais de Wu-Tang Clan, qui utilise un sample, non de l’original mais de l’interprétation exécutée en 1973 par le guitariste de jazz Jimmy Ponder. Le fils de George Harrison, Dhani, a été convié à jouer de la guitare acoustique sur ce titre de l’album 8 Diagrams (2007). « Happiness is a Warm Gun » (Lennon-McCartney), par U2Constitué de trois sections, ce titre de John Lennon, qui a pu être interprété comme une ode au sexe ou à l’héroïne, est l’une des plus éclatantes réussites du double album, et l’un des rares efforts collectifs, la tendance du projet étant plutôt à l’expression de chaque individualité. Après avoir placé Helter Skelter en ouverture de son live Rattle And Hum (1987), précédé d’une désolante introduction de son chanteur Bono (« C’est une chanson que Charles Manson a volée aux Beatles. Nous la lui reprenons »), U2 récidive dix ans plus tard avec Happiness is A Warm Gun, proposé avec le single Last Night On Earth. Alors en pleine phase électro, les Irlandais s’autorisent à déstructurer avec autant de vanité que de vacuité leur victime. Incontestablement, l’une des pires reprises d’un titre des Beatles, cover bands (groupes spécialisés dans les reprises) et orchestres de patronage compris. « Martha My Dear » (Lennon-McCartney), par Ambrose SladeInspirée à Paul McCartney par sa chienne Bobtail, cette ballade qui annonce déjà chez son auteur la période Wings, son groupe post-Beatles, est aussitôt accaparée par ses compatriotes d’Ambrose Slade qui deviendront Slade et connaîtront un immense succès insulaire lors de la vague glam rock du début des années 1970, avec David Bowie ou T. Rex. Mais pour Beginnings, leur premier album publié en mai 1969, les garçons de Wolverhampton ne sont parvenus à écrire que quatre chansons et doivent largement piocher dans le répertoire des autres. Les Beatles constituant évidemment une facilité. « I’m So Tired » (Lennon-McCartney), par Kasabian Ce groupe de britpop, dans la lignée d’Oasis, n’a rien trouvé de plus malin que de se baptiser du nom de Linda Kasabian, membre de la « famille Manson », tristement célèbre pour ses meurtres perpétrés à l’été 1969 à Los Angeles, sur ordre du gourou hippie Charles Manson. Celui-ci prétendait d’ailleurs avoir été inspiré par des messages messianiques qu’il aurait décelés dans plusieurs chansons de l’« album blanc ». Les trentenaires passéistes de Kasabian commettent en 2011 cette reprise acoustique et déjà épuisée d’I’m So Tired dans le studio de la radio australienne Triple J. On relève que le chanteur Tom Meighan, fan autoproclamé des Beatles, a tout de même besoin d’une antisèche. Début de l’interprétation à 52 secondes. « Blackbird » (Lennon-McCartney), par Brad MehldauLe niveau se redresse spectaculairement avec cette interprétation vagabonde, par le pianiste américain Brad Mehldau, de Blackbird, comptine folk jouée en picking par Paul McCartney en l’honneur de l’activiste politique américaine Angela Davis. Cette version est présente sur The Art of The Trio, Vol. 1 (Warner Bros. Records, 1997), deuxième album en tant que leader de celui qui est devenu l’une des plus grandes stars du jazz actuel. Mehldau est familier du répertoire des Beatles et surtout de leur « White Album » puisqu’il a également joué Dear Prudence, Martha My Dear et Mother’s Nature Son. « Piggies » (Harrison), par Luis Eduardo AuteUne rareté apparue sur l’album Harrisongs 2, hommage de musiciens espagnols au plus discret des Fab Four, sorti en 2003 sur le label Grabaciones en el mar, après un premier volume paru en 2000. Le coup de chapeau devient posthume puisque George le jardinier s’était entre-temps éteint le 29 novembre 2001 à Los Angeles. Né en 1943, Luis Eduardo Aute est un auteur-compositeur, cinéaste et poète. Cet album hommage peut être commandé sur le site du label et la chanson, qui ne figure ni sur YouTube et DailyMotion, est notamment écoutable sur le site de Deezer et sur celui de Spotify. « Rocky Raccoon » (Lennon-McCartney), par Lena Horne et Gabor SzaboConçue par McCartney comme une ballade de country & western ne lésinant pas au passage sur les clichés, Rocky Raccoon est métamorphosée dès 1970 en fantaisie soul sudiste par la chanteuse et actrice américaine Lena Horne, alors accompagnée par le magistral guitariste hongrois Gabor Szabo. Cette version épatante ouvre l’album du duo, Lena & Gabor, commercialisé en 1970 chez Skye, label co-fondé par Szabo, puis réédité en 1971 chez Buddha Records sous le titre Watch What Happens. Une curiosité hautement recommandable comprenant trois autres relectures du répertoire des Beatles : Something, In My Life et The Fool On The Hill. « Don’t Pass Me By » (Starkey), par The Georgia SatellitesAvec son crin-crin pas toujours juste et sa mélodie poussive, cette chanson, la première écrite par Ringo Starr (de son vrai nom Richard Starkey, utilisé pour les crédits), parait bien faiblarde dans la profusion qu’offre le double album. Le titre (« Ne m’ignore pas ») proviendrait d’une plaisanterie de McCartney à l’adresse de Ringo lors d’un échange à la BBC. On aurait alors demandé au batteur s’il avait composé une chanson… Don’t Pass Me By a fini par faire le bonheur des Georgia Satellites, formation de rock sudiste basée à Atlanta, qui l’inclut sur son deuxième album, Open All Night, en 1988. Au piano, un contemporain des Beatles, Ian McLagan, ancien des Small Faces et des Faces. « Why Don’t We Do It In The Road ? » (Lennon-McCartney), par Lowell FulsonA priori simple à reprendre : deux lignes de texte (« Pourquoi ne pas le faire dans la rue ? Personne ne nous regardera »), inspirées à Paul McCartney par la vision de deux singes copulant en Inde, et une structure basique de blues. Le guitariste Lowell Fulson, roi du blues West Coast et auteur de Three O’Clock Blues ou de Reconsider Baby, n’hésite pas et glisse sa version sur son album In a Heavy Bag (Jewel Records, 1970). En proposant, plus puritain, de prolonger les ébats « dans la voiture » puis « dans la maison ». « I Will » (Lennon-McCartney), par Art GarfunkelRavissante lovesong que Laurent Voulzy a certainement écouté plus souvent qu’à son tour, I Will devait tôt ou tard être entonnée par la voix d’angelot d’Art Garfunkel. Le compère de Paul Simon ne l’interprète pas avant 1996, lors de deux concerts new-yorkais documentés dans le live Across America. Il proposera une version studio en 1997 sur l’album Songs From a Parent Child. « Julia » (Lennon-McCartney), par Medeski, Martin, Scofield & WoodIl devrait être interdit de s’emparer de cette chanson d’une traumatisante délicatesse, adressée par John Lennon à sa mère, morte renversée par la voiture d’un policier saoul alors que l’adolescent venait de fonder les Quarrymen. Si personnelle que le Beatle l’interpréta seul avec sa guitare sur l’« album blanc ». Le trio new-yorkais d’improvisateurs formé par l’organiste John Medeski, le bassiste-contrebassiste Chris Wood et le batteur Billy Martin, rejoint par le guitariste John Scofield (ancien accompagnateur de Miles Davis) s’en tire avec cette version instrumentale – présente sur l’album Out Louder (2006) –, très proche de l’esprit de McLemore Avenue, l’hommage à Abbey Road de Booker T & The MG’s, paru dès 1970. « Birthday » (Lennon-McCartney), par Underground SunshineSalut au rock’n’roll des origines à partir d’un riff simplissime et efficace, Birthday permet à Underground Sunshine, un groupe de rock garage du Wisconsin de faire une furtive apparition dans les classements à l’été 1969, avec au premier plan un orgue qui n’est pas sans rappeler celui de Charly Oleg. Après quoi, on n’entendra plus jamais parler de ces garçons. Paru sur le tout aussi disparu label américain Intrepid Records, qui publia une trentaine de 45-tours entre 1969 et 1970. « Yer Blues » (Lennon-McCartney), par Lucky PetersonCe blues à tendance suicidaire de Lennon enregistré en prise directe par les Beatles est sans surprise investi par un spécialiste, le guitariste et organiste américain Lucky Peterson. La version en tout point conforme à ce qu’on peut en attendre, et donc plutôt décevante, a été livrée en 2002 sur The Blues White Album, hommage des représentants du genre, comme l’harmoniciste Charlie Musselwhite. « Mother’s Nature Son » (Lennon-McCartney), par Harry NilssonConnu essentiellement pour deux reprises (Everybody’s Talking et Without You), Harry Nilsson (1941-1994) demeure l’un des plus grands talents ignorés (et hélas gâchés) de la pop. On peut lui accorder une confiance aveugle quand il chante les Beatles comme l’attestait sa version de She’s Leaving Home, sélectionnée pour les reprises de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Même subtilité pour Mother’s Nature Son, extraite de son troisième opus Harry, paru en août 1969. « Everybody’s Got Something To Hide Except Me and My Monkey » (Lennon-McCartney), par The Feelies Groupe aujourd’hui culte (ce qui signifie qu’il passa jadis globalement inaperçu, sinon de quelques critiques musicaux), The Feelies livrèrent cette excellente version sur leur premier album, paru chez Stiff en 1980. Ces étudiants du New Jersey, héritiers du Velvet Underground et de la déflagration punk, se distinguaient déjà par des choix peu évidents de reprises puisqu’en ce qui concerne les Beatles, ils remirent cela quatre ans plus tard avec Love You To, la première tentative de raga de George Harrison sur l’album Revolver (1966). « Sexy Sadie » (Lennon-McCartney), par Paul WellerDerrière cette mélodie irrésistible et ces chœurs de romance se cache une des chansons les plus vachardes de John Lennon, qui règle ici ses comptes avec le Maharishi Yogi. L’ancien leader de The Jam et de Style Council Paul Weller, dit le « Modfather », en propose en 1995 une relecture sans grande conviction en face B de son single Out Of The Sinking, aujourd’hui disponible sur l’édition « deluxe » de l’album Stanley Road – dont la pochette est ornée d’une photo d’identité de Lennon jeune. Weller et les Beatles : l’association est si évidente qu’elle ne peut fonctionner. « Helter Skelter » (Lennon-McCartney), par Mötley CrüeConstamment décrié par ses détracteurs comme un chanteur de variétés, Paul McCartney a voulu montrer de quel bois il se chauffait. Ou plutôt de quel métal. Car Helter Skelter, parue avant le premier album de Led Zeppelin, est l’une des pierres fondatrices du hard-rock, un acte d’une sauvagerie inouïe qui amène Ringo Starr à se plaindre de ses « ampoules aux doigts », cri que l’on entend en clôture de la chanson. Il en existe aussi une prise de près d’une demi-heure qui n’a jamais publiée. Conséquence inévitable, les métalleux de tous poils se sont précipités sur ce classique, idéal pour les rappels, têtes secouées et jambes écartées. Et donc Mötley Crüe, quatre Pieds nickelés peroxydés qui défrayèrent la chronique à Los Angeles dans les années 1980 pour leur consommation de drogues et de groupies. Ils l’utilisèrent même comme single pour leur album Shout At The Devil, l’une des plus grosses ventes de hard-rock de l’époque. Ce que n’avait pas fait pas deux ans plus tôt la chanteuse new-yorkaise Pat Benatar, qui plaça Helter Skelter en conclusion de son troisième album, Precious Times. Cela ne l’empêcha pas de trôner au sommet des classements américains. « Long, Long, Long » (Harrison), par Kelly De MartinoCe titre mystique de George Harrison, qui repose les oreilles après celui qui l’a précédé, a été peu repris sinon par la chanteuse américaine Kelly De Martino. Cette version, que l’on qualifiera, selon les goûts, de joliment atmosphérique ou de proprement soporifique, est extraite de l’album Honest, publié par le label français Village vert en 2008. « Revolution 1 » (Lennon-McCartney), par GrandaddyAttention ! Trois versions de Revolution existent. La plus connue est celle qui n’est pas suivie d’un numéro, la « prolétarienne » avec cris et guitares saturées, sortie en single. La n°1, qui nous intéresse ici, est « bourgeoise », acoustique au départ, mollement secouée ensuite par des cuivres et des chœurs parodiques (« chou bidou wah ! »). La redoutable 9e, très éloignée de Beethoven, est traitée ci-dessous. La version que propose le groupe californien Grandaddy est celle qui s’approche le plus de Revolution 1 même si la mélodie se perd en route. Elle fut enregistrée pour les besoins du film Sam, je suis Sam, de Jessie Nelson, un pénible mélo sorti en 2001 avec Sean Penn et Michelle Pfeiffer. La bande-son ne comprenait que des chansons des Beatles qui durent être toutes réinterprétées quand il s’avéra que la facture, pour l’utilisation des originaux, serait astronomique. « Honey Pie » (Lennon-McCartney), par The Golden Gate QuartetFormé en 1934, le plus célèbre ensemble vocal de gospel et de negro spiritual est tout à son aise avec cet hommage de McCartney au bon music-hall britannique d’antan, pour lequel les Beatles ajoutèrent des craquements de sillons. Cette version apparut en 1969 sur un 45-tours de quatre titres avec l’Ave Maria des amoureux, publié par Columbia. On peut la retrouver sur l’anthologie Platinum (Parlophone, 2009). « Savoy Truffle » (Harrison), par Ella FitzgeraldL’une des rares tentatives par les Beatles d’intrusion dans le rhythm’n’blues avec l’adjonction de saxophones. Récompensée d’une incroyable reprise par Ella Fitzgerald en personne, placée en 1969 en face B de son single I’ll Never Fall in Love Again, l’un des cristaux taillés par Burt Bacharach. Les deux chansons figurent dans l’album Ella, le premier enregistré par la Lady du jazz pour le label Reprise Records et produit par Richard Perry, qui travailla aussi avec Harry Nilsson. Ella comporte un autre titre des Beatles, le cuivré Got To Get You Into My Life. « Cry, Baby, Cry » (Lennon-McCartney), par Throwing MusesMené par les chanteuses Kristin Hersh et Tanya Donelly, Throwing Muses est un groupe post-punk américain, actif dans les années 1980 et 1990. Cette reprise apparut en 1991 en face B de leur single Not Too Soon. Elle semblait pratiquement obligée puisque le groupe avait écrit une chanson nommée Cry, Baby, Cry quatre ans plus tôt. « Revolution 9 » (Lennon-McCartney), par Kurt Hoffman’s Band Of WeedsReprendre Revolution 9, ce collage de musique concrète concocté par John Lennon et Yoko Ono pour embêter McCartney, quelle idée ? Sachant que les possesseurs de l’« album blanc » ne l’ont écouté généralement qu’une fois dans leur vie. On saluera donc la performance en public du Kurt Hoffman’s Band Of Weeds, documentée en 1992 sur l’album Downtown Does The Beatles Live At The Knitting Factory, la Knitting Factory étant un club réputé pour héberger l’avant-garde du jazz expérimental new-yorkais. Cette version, qui a déjà l’avantage d’être beaucoup plus courte que l’original, est tout à fait surprenante. Emplie de cuivres, elle swingue. « Good Night » (Lennon-McCartney), par The CarpentersLa berceuse qui referme le double blanc, écrite par Lennon pour son fils Julian et chantée par Ringo Starr sur une orchestration grandiose évoquant Ennio Morricone, est un délice pour les amateurs d’easy listening. Barbra Streisand la chante dès 1969 sur l’album What About Today ?, avec Honey Pie et With A Little Help From My Friends. Il est a priori difficile de faire apprécier le résultat à de jeunes oreilles. Plus accessible et plus poignante est la version qu’en font cette même année The Carpenters, duo constitué d’un frère et d’une sœur, qui allaient connaître un succès phénoménal au début de la décennie suivante – (They Long To Be) Close To You, For All We Know, Yesterday Once More, etc. – après avoir lancé leur carrière par une reprise de Ticket To Ride Longtemps inédite, cette lecture étonnamment sobre a été révélée en 1991 sur le coffret From The Top. Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Jacques Larrochelle Unibail-Rodamco travaille activement avec la Ville de Paris à remanier le projet de tour Triangle, rejeté par un vote du Conseil de Paris le lundi 17 novembre 2014, espérant son adoption au printemps, a déclaré le groupe immobilier, mercredi 3 février à la presse. « Nous avons bon espoir d'un vote positif, en avril, ou un peu plus tard. Nous ne sommes pas à un mois près. S'il faut prendre un ou deux mois de plus pour convaincre, nous le ferons », a déclaré Christophe Cuvillier, le président du directoire, en marge de la publication des résultats annuels.Le 22 janvier, l'adjoint de la maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS), avait indiqué que le projet amendé pourrait repasser devant le Conseil de Paris au mois d'avril. « Nous travaillons à des modifications, notamment à la possibilité d'inclure un hôtel », a ajouté M. Cuvillier sans plus de précisions, indiquant que « le programme, en cours de finalisation, sera présenté à la Ville de Paris ». Dans sa mouture initiale, le projet de tour Triangle comportait un hôtel à son sommet, dont la faisabilité s’était avérée risquée.Lire aussi: La mairie de Paris invite les promoteurs de la tour Triangle à amender leur projetLa municipalité travaille avec le groupe sur ce nouveau projet, et Unibail-Rodamco espère cette fois « convaincre les conseillers qui n'étaient pas d'accord » avec la première version. Selon la Ville de Paris, « le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, à bulletin secret, dont la maire Anne Hidalgo (PS) a contesté la validité auprès du Tribunal administratif, de nombreux élu(e)s ayant ostensiblement exhibé leurs bulletins.Les deux parties ne sont plus liéesCe vote au scrutin secret, obtenu par Madame Hidalgo après l’accord de plus du tiers des conseillers présents lors de la délibération du lundi 17 novembre 2014, fait par ailleurs l’objet d’une question prioritaire de constitutionalité (QPC) soumise par Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP). L’élue et son groupe contestent le « point du règlement intérieur du conseil de Paris permettant à une minorité d'imposer un scrutin secret à la majorité ».Cette procédure contestant un article du code général des collectivités locales, transmise par le tribunal administratif au Conseil d’Etat, voire au delà au Conseil constitutionnel, serait de nature à considérablement repousser l’hypothèse d’un Conseil de Paris sur ce sujet au printemps. Pour M. Cuvillier, que le vote soit déclaré irrégulier ou pas au plan juridique ne change rien, car « il faut de toutes façons un nouveau vote, sur un autre projet, ou un projet amendé ».Le contrat liant Unibail-Rodamco à la Ville de Paris pour la construction de cette tour de 180 mètres, prévue au coeur du Parc des expositions de la porte de Versailles (Paris 15e), pour un investissement de 520 millions d'euros, ayant expiré le 31 décembre 2014, les deux parties ne sont plus liées par un projet devenu caduc, a-t-il précisé. La foncière dit avoir, à ce stade, retiré la tour Triangle de son portefeuille de projets en développement.Lire aussi : La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet #Noodle 👧 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 10h24 PSTUn groupe virtuel est-il plus facile à reformer qu’un quatuor de chair et d’os ? Le dessinateur Jamie Hewlett, cofondateur de Gorillaz avec le chanteur-compositeur Damon Albarn, a confirmé la renaissance du gang né sous ses crayons, en postant sur son compte Instagram trois nouveaux croquis de ses héros, accompagnés d’un « Yes, Gorillaz returns ».La rumeur courait déjà l’an dernier, quand Damon Albarn, alors auteur d’un album – Everyday Robots – et d’une tournée solo, avait laissé entendre, dans un premier temps, qu’un nouvel album de Gorillaz était envisageable, avant de confier, quelques semaines après, qu’il s’était mis à écrire de nouveaux morceaux pour ce projet. Une belle surprise pour les fans de Murdoc, 2 D, Russel et Noodle, qui, après la sortie du quatrième album du groupe, The Fall (2011), avaient cru comprendre qu’une fâcherie entre Albarn et Hewlett avait compromis l’avenir de Gorillaz. #Murdoc in colour🚬🍷 Une photo publiée par hewll (@hewll) le 30 Janv. 2015 à 11h36 PSTLaboratoire visuel et musicalNé au début des années 2000, ce quatuor virtuel était pourtant devenu un des plus passionnants laboratoires musicaux et visuels de la pop de la décennie. Créé avec l’aide de Jamie Hewlett, devenu une référence de la bande dessinée britannique, à la fin des années 1980 (la série Tank Girl), Gorillaz avait permis à Damon Albarn, leader du groupe Blur, de s’échapper des contraintes de son image de star de la britpop et de se libérer musicalement, en brassant une mosaïque de styles (dub, rap, electro, mélodies rock, latines ou orientales) avec une très efficace inventivité. Après quatre albums, une série de tubes (Clint Eastwood, Dare, Dirty Harry...) et plusieurs tournées, ce projet intégrant de nombreux invités (Lou Reed, Bobby Womack, De La Soul, Snoop Dogg...) semblait hors course après le départ de Hewlett et son équipe du petit immeuble de bureaux et studio, qu’ils partageaient avec Albarn à l’ouest de Londres.Après avoir longtemps dit qu’un album de Gorillaz n’était pas envisageable avant que paraisse un nouvel album de Blur, le chanteur semble avoir remisé le disque des anciens rivaux d’Oasis pour se consacrer, après son bel album solo, à la résurrection de son groupe de BD. L’insatiable musicien a aussi pris le temps de composer un nouveau spectacle musical, wonder.land, inspiré du livre Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll, dont la première devrait être présenté en juillet 2015 au Manchester International Festival.Stéphane DavetJournaliste au Monde Stéphanie Binet (Port-au-Prince (Haïti), envoyée spéciale) « Oxmo Puccino, 40 ans, rappeur pendant longtemps, aujourd’hui “poétiseur” et ambassadeur de l’Unicef. » Voila comment se présente le Parisien le 16 janvier, à Port-au-Prince, devant une assemblée d’adolescents haïtiens. L’artiste a forgé ce néologisme, « poétiseur », contraction de poète et de synthétiseur, pour parler de son métier de conteur, d’écrivain, de chansonnier. Avec le trompettiste Ibrahim Maalouf, il joue à la Philharmonie de Paris, du 5 au 8 février, leur adaptation d’Alice au pays des merveilles, créée en 2011 au Festival d’Ile-de-France.Trois semaines plus tôt, il est en Haïti pour sa troisième mission sur le terrain avec l’ONG qu’il a rejointe en 2009. Port-au-Prince est alors en ébullition. Il n’y a plus de gouvernement, des manifestants demandent la démission du président Michel Martelly, et l’ONU a fait passer son niveau de sécurité à trois sur une échelle de cinq. Cinq ans après le tremblement de terre qui a coûté la vie à 220 000 personnes, le pays est encore fébrile.Oxmo Puccino est là, notamment, pour constater les résultats obtenus contre la malnutrition et aider à la scolarisation des enfants. Marié à une Guadeloupéenne, avec qui il est parent d’une petite fille de 6 ans, le rappeur vient souvent dans l’île voisine des Caraïbes. Mais à Haïti, c’est un peu le Mali de ses parents qu’il retrouve : « C’est la même ambiance dans les rues, la même misère, mais ce n’est pas comparable, ce ne sont pas les mêmes raisons, pas les mêmes histoires, confie l’artiste, qui n’a connu le ... Marie LechnerJamais Transmediale n'aura connu pareille affluence. Installé à la Haus der Kulturen der Welt, bâtiment situé dans le Tiergarten à Berlin et surnommé « l'huître enceinte » en raison de sa forme, le festival des cultures numériques qui a succédé au festival d'art vidéo créé en 1988 est devenu un rendez-vous international majeur des artistes, chercheurs et activistes du Web, attirant un public toujours plus large dans ses expos, ateliers et conférences.Prolongeant l'édition passée, plombée par les révélations d'Edward Snowden sur l'espionnage massif des citoyens par la NSA au nom de la lutte contre le terrorisme, le thème de cette année, « Capture All » – « enregistrez tout »), la devise de l'ancien directeur de la NSA – n'était guère plus optimiste. La surveillance des communications par les gouvernements (relancée avec l'attentat à Charlie Hebdo) n'est qu'une facette de la collecte illimitée et de l'exploitation systématique des données par les voraces mastodontes du Net. Facebook, qui a vu son bénéfice quasiment doubler en 2014, a mis à jour ses conditions d'utilisation vendredi, lui permettant d'améliorer encore le ciblage publicitaire de ses utilisateurs et d'affiner les informations les concernant, en suivant leurs mouvements non seulement à l'intérieur du réseau social mais également ailleurs sur le Web. Dans son poème de 1967 All Watched over by Machines of Loving Grace, cité à plusieurs reprises durant le festival comme pour prendre la mesure du fossé qui nous sépare des premières utopies du cyberespace nées dans la contre-culture hippie, Richard Brautigan décrit un paradis électronique, un écosystème autorégulé, où « les mammifères et les ordinateurs vivent ensemble dans une harmonie mutuellement programmée ». « J'aime penser (il faut qu'il en soit ainsi) à une écologie cybernétique où nous sommes libérés de tout travail, retournés à la nature, réunis avec nos frères et sœurs mammifères, sous la surveillance bienveillante des machines de grâce et d'amour. » A l'ère de l'anthropocène, de la crise écologique et de la surveillance généralisée, il semblerait que quelque chose ait mal tourné...All watched over... est aussi le titre d'une série documentaire qu'Adam Curtis a réalisé pour la BBC en 2011, où il montre comment les humains ont été progressivement colonisés par les machines qu'ils ont construites, depuis les technophiles années 1990 et la croyance fervente selon laquelle les ordinateurs et Internet permettraient de créer un monde plus démocratique, à l'avènement d'un nouveau type de capitalisme global piloté par des algorithmes.On retrouve ces thèmes dans World Brain, film-essai décliné en webdocumentaire de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon projeté en avant-première à Transmediale, qui interroge la place de l'homme au sein de ces systèmes de plus en plus automatisés. Les technologies n'ont fait depuis que renforcer leur étreinte, avec l'explosion du Big Data – les gigantesques corpus de données récoltées et analysées par entreprises et Etats. Le festival questionne cette logique du « capture all », consistant à aspirer les moindres parcelles de nos vies dans les datacenters hermétiques répartis autour du globe, livrées en pâture aux algorithmes.L'idéologie dominante voudrait que non seulement la productivité de l'économie, mais également celle des individus, soient éternellement optimisées, tandis que s'érodent les frontières entre travail et vie privée, comme le suggère l'impressionnante bannière tricotée de Sam Meech. PunchCard Economy confronte le slogan des huit heures (de travail, de loisir, de sommeil...), revendication historique des mouvements ouvriers, aux conditions des travailleurs du numérique. Punchcard Economy - making of from Sam Meech on Vimeo.Après avoir numérisé les connaissances, puis quantifié et marchandisé nos relations avec les autres (par nos clics, liens, « like », tweet, chat, etc.), les technologies dites « réflexives » s'apprêtent à investir un autre champ : notre relation à nous-même. La multiplication d'objets « wearable » (montres, bracelets...) portés à même le corps et mesurant nos données biométriques, et son lot d'applications ludiques de fitness ou de régime, permet désormais une forme d'auto-coaching promu par le mouvement quantified self qui vise à mieux se connaître pour mieux se changer (plutôt que de changer la société).Lire dans Nos émotionsMesurer les réactions du corps pour déceler nos émotions les plus intimes est aussi l'objectif de l'affective computing, domaine de la science informatique en plein essor sur laquelle s'appuie un nombre grandissant de start-up, comme le soulignait l'artiste et chercheuse en neuroscience Pinar Yoldas lors du débat « Devices of affective surveillance » (« Objets de la surveillance affective »). Emanation du Media Lab du Massachusetts Institute of Technology, Affectiva a développé un logiciel capable d'analyser en direct les infimes nuances de nos expressions faciales et de déduire nos émotions à la lecture d'une vidéo en ligne via la webcam.Publicitaires et fournisseurs de services sont les premiers intéressés par cette détection qui permet d'ajuster ou de renforcer l'intensité des contenus proposés. Mais ses applications intéressent également la police, les assureurs, les employeurs... Affectiva dit avoir mesuré sept milliards de réactions émotionnelles à partir de 2,4 millions de vidéos de visages dans quatre-vingts pays. De quoi entraîner ses algorithmes lancés à la recherche de motifs permettant de prédire et d'influencer les comportements et affects à grande échelle.Sa concurrente, la firme californienne Emotient, propose elle de classer les photos en fonction des émotions. Le site promotionnel de RealEyes.it, qui se présente comme le « Google des émotions », prétend déceler les réactions « inconscientes » des utilisateurs. Son argument de vente est on ne peut plus clair : « Plus les gens ressentent, plus ils dépensent », faisant fi des questions éthiques comme : peut-on révéler les émotions des gens sans leur accord, et surtout qu'en est-il des erreurs d'interprétation ? L'une des préoccupations récurrentes exprimées durant le festival est cette foi excessive dans le pouvoir des algorithmes, dans leur efficacité et dans la totale transparence de la société des métadonnées. « Il y a cette idée que les big data donnent un accès direct à la réalité, qu'ils sont totalement objectifs, équitables, que la nature va parler par elle-même, sans transcription, sans médiation, institutionnelle ou politique », avance la juriste Antoinette Rouvroy.Des données privatisées  Aujourd'hui, ces modèles prédictifs basés sur d'importants volumes de données se généralisent dans les domaine économiques, sociaux et politique, avec le risque d'une « gouvernementalité algorithmique », telle que décrite par Antoinette Rouvroy, soit « une stratégie de neutralisation de l'incertitude – et, en particulier, de l'incertitude générée par la spontanéité des comportements humains ». Or, ces boîtes noires que sont les algorithmes ont tendance à oublier leur propre biais, estime le philosophe et théoricien Matteo Pasquinelli, prenant pour exemple la finance haute fréquence, où les algorithmes « influencent le domaine précis qu'ils sont censés mesurer ».Face à cette impasse, les stratégies artistiques divergent : résister à la datafication ? Ou accélérer ses tendances ? Le designer Mushon Zer-Aviv prône l'obfuscation, « arme des faibles » avec le projet collectif Ad Nauseam, qui clique sur toutes les annonces publicitaires rencontrées en ligne afin « d'obscurcir le profil de recherche ». Refusant son statut de « data-esclave », l'artiste Jennifer Lyn Morone a fait de sa propre personne une entreprise, enregistrée au Delaware, auto-exploitant l'intégralité des données qu'elle génère (biologiques, intellectuelles, comportement offline, online...) pour en tirer profit, suggérant ironiquement que seule cette forme de « capitalisme extrême » permettrait de retrouver un peu de pouvoir sur ses données.D'autres initiatives (réunies au sein de la liste de diffusion off.networks) appellent à s'extraire du « cloud » en développant des réseaux offline. Quant à l'artiste américaine Heather Dewey-Hagborg, elle promet rien de moins que l'invisibilité. Connue pour ses portraits 3D d'anonymes qu'elle recompose à partir d'ADN trouvé dans un cheveu ou sur un mégot, elle présentait son nouveau projet, constitué de deux produits à vaporiser pour éliminer ses traces ADN. La recette est disponible librement sur la nouvelle plateforme biononymous.me, première pierre pour réclamer la protection de la vie privée biologique.En dépit de l'engagement de certains projets, on ne peut que constater l'asymétrie radicale de pouvoirs et de moyens entre les individus et ceux qui possèdent les infrastructures. Pour le critique superstar du Net, Evgeny Morozov, il est urgent de réinvestir le combat politique. Le problème, d'après lui, n'est pas la prolifération des données, mais le fait qu'elles sont aujourd'hui dans les mains d'entreprises privées. Par conséquent, « elles ne sont pas au service du bien commun mais de la maximisation des profits. Il faut réclamer la propriété de ses données et on ne peut le faire en tant qu'artiste, activiste ou hackeur. Il faut capturer le pouvoir, il faut aller se faire élire. »Lire : « On devrait traiter la Silicon Valley avec la même suspicion que Wall Street » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Marie LechnerJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard « C’est une question d’équilibre entre les principes de transparence, d’égalité et de protection », résume au Monde Olivier Schrameck, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Mercredi 4 février, l’autorité a présenté la méthodologie qu’elle a retenue pour la nomination du prochain président de France Télévisions, à laquelle elle doit procéder d’ici au 22 mai.Avec un changement de taille par rapport à la procédure appliquée lors de la nomination de Mathieu Gallet à la tête de Radio France, début 2014 : cette fois, « le Conseil établira une liste restreinte de candidats qu’il auditionnera », mais « cette liste sera rendue publique à la condition qu’aucun des candidats retenus ne s’y oppose auprès du président », selon le CSA.Il suffira donc qu’un seul des postulants à la succession de Rémy Pflimlin refuse que son nom soit rendu public pour que la liste entière reste secrète – une hypothèse hautement probable. Alors que dans le cas de Radio France, le CSA avait publié, avant les auditions, la liste des six candidats présélectionnés.Pourquoi ce changement de règles, au risque de réduire la transparence quant à une nomination sensible et souvent décrite comme politique, ou d’être taxé d’« opacité », comme l’a glissé à chaud au Monde, dès mercredi, un dirigeant du secteur audiovisuel ?C’est que le CSA a tiré les leçons de la procédure Radio France. « Dans l’ensemble, celle-ci a bien fonctionné, explique M. Schrameck. Mais force est de constater que les six candidats retenus pour les auditions étaient – à l’exception du président sortant et du président d’un syndicat de radios, le Sirti – soit des responsables publics, soit des personnes sans emploi. Or, le collège du CSA ne souhaitait pas adopter une procédure qui dissuaderait des candidats ayant des responsabilités dans le secteur privé. »Le cas d’Alexandre Bompard, qui avait dû quitter Europe 1 après avoir été sollicité pour présider France Télévisions en 2010, reste dans les mémoires. Le CSA se doit de « choisir parmi les compétences les plus riches et les plus étendues », souligne son président, « sans courir le risque d’exclure une catégorie de candidats ». Enfin, il ne peut recourir à une présélection par un de ses membres, car au plan légal, « la procédure doit mettre tous les membres du collège dans la même situation ».Pour espérer attirer des profils variés, et notamment des dirigeants en poste dans de grands groupes privés, il faut donc leur assurer qu’ils ne courent pas le risque de perdre leur emploi dans l’hypothèse où leur candidature n’aboutirait pas. Parmi les hauts cadres du secteur, seul Denis Olivennes (Lagardère Active) s’est à ce jour exprimé, pour assurer qu’il ne serait pas candidat.« Alchimie équilibrée »« A première vue, cette procédure me semble de nature à respecter l’anonymat des candidats qui souhaiteraient l’être, a commenté au Monde un dirigeant du secteur audiovisuel, qui préfère ne pas être cité. A deux réserves près : d’une part, le degré de confidentialité des huit membres du collège ; et d’autre part, l’après-désignation : n’y aura-t-il pas un moment où les langues se délieront ? » « C’est un progrès, a confirmé un autre. Mais la procédure oblige encore à faire acte de candidature. Et sa confidentialité repose sur l’étanchéité des huit membres du conseil… donc je ne suis pas sûr que ce soit si différent du passé. »Aucune procédure ne pourra en effet garantir l’absence de fuite dans la presse. Même si les huit membres du collège seront interdits de contacts – autres que les auditions – avec les candidats retenus à partir du 1er avril, date d’ouverture des enveloppes de candidature.« La procédure est contraire à la nécessaire publicité des projets des candidats retenus », dénonce sur Twitter Serge Cimino, reporter à France 3 et membre de la section SNJ (Syndicat national des journalistes) de France Télévisions, seul candidat déclaré à ce jour. Tout en reconnaissant qu’aucun texte n’oblige le CSA à diffuser les projets des candidats.Au Parlement, ces nouvelles dispositions semblent avoir convaincu, à droite comme à gauche. « Si le CSA estime qu’il vaut mieux que les noms ne soient pas connus, cela ne me choque pas », indique Franck Riester, député (UMP) et membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. « C’est une alchimie bien équilibrée, déclare de son côté Patrick Bloche, le président (PS) de cette commission, au Figaro. M. Schrameck ne pourra pas être accusé de mettre en place une procédure opaque. Et d’un autre côté (…), il ne se prive pas d’ouvrir le champ des compétences. » « Si on veut avoir des candidatures libres, il faut qu’elles soient libres de tous côtés », reconnaît, au Sénat, Jean-Pierre Leleux, membre (UMP) de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.« Ce sera peut-être un poisson d’avril », plaisante l’actuel PDG, Rémy Pflimlin, en référence à la date d’ouverture des enveloppes. M. Pflimlin ne s’est pas encore prononcé sur sa propre candidature. Il se dit « au travail », loin de ces questions procédurales, et dans l’attente du rapport que le gouvernement doit publier, fin février, sur la redéfinition des missions de l’entreprise publique. Mercredi encore, le PDG était auditionné au Sénat dans le cadre d’une table ronde sur l’avenir de France Télévisions. L’occasion pour lui de défendre son bilan, mais aussi de plaider pour une indépendance renforcée et une plus grande « continuité » dans la gouvernance de l’entreprise. Sans préciser si cette continuité incluait à ses yeux l’identité de son président.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Après une entrée en matière axée sur l’architecture et l’art contemporain, la Fondation Louis-Vuitton a révélé lundi le luxueux contenu de sa prochaine exposition, à caractère historique, cette fois. Intitulée « Les Clefs d’une passion », cette exposition se tiendra du 1er avril au 6 juillet. Il s’agira de « la troisième phase d’inauguration » de la Fondation, après deux précédents accrochages dédiés à la collection de Bernard Arnault.Cette exposition réunira un « choix restreint d’œuvres majeures, fondatrices de la modernité, qui ont contribué à changer le cours de l’histoire de l’art du XXe siècle », de Mondrian, Malevitch, Rothko, Delaunay, Léger, Picabia, Munch, Dix, Giacometti, Matisse, ou encore Kupka et Severini. « La Fondation a vocation à s’intéresser à l’art contemporain, a déclaré Suzanne Pagé, sa directrice artistique, au New York Times. Mais elle ne veut pas ignorer l’histoire de l’art, telle qu’on peut la voir dans ces œuvres, qui continuent à être des références vitales pour les artistes aujourd’hui. »« Le Cri » : un tour de forceCe que l’on sait pour l’instant de ces œuvres de premier ordre, c’est qu’elles incluent La Danse (1910) d’Henri Matisse, qui n’a pas été vu à Paris depuis une quinzaine d’années, Le Grand Déjeuner (1921) de Fernand Léger, No 46 (1957) de Mark Rothko, et Le Cri (1910 ?) d’Edvard Munch. Le New York Times allonge la liste de deux indiscrétions côté prêts américains : la Colonne sans fin de Constantin Brancusi, La Femme aux cheveux jaunes de Pablo Picasso.Elles seront prêtées par des institutions muséales majeures du monde entier : le musée de l’Ermitage (Saint Pétersbourg), la Tate Modern (Londres), le MoMA (New York), le Munch Museet (Oslo), le Guggenheim (New York), le Gemeentemuseum (La Haye), le Musée Pouchkine (Moscou), le Kröller Müller (Otterlo), le State Russian Museum (Saint-Pétersbourg), le MNAM-Centre Pompidou (Paris), la Kunsthaus (Zurich) ou encore le MOCA (Los Angeles).Le Figaro relève un tour de force particulier au millieu de ces collaborations : le prêt par le Munch Museet de son célèbre Cri, d’Edvard Munch (1863-1944), portrait grimaçant et mortifère par lequel le peintre norvégien a communiqué l’angoisse existentielle et le désespoir de l’homme moderne (il en existe cinq versions au total). Après les vols de la version du Nasjonal Museet en 1994, puis de celle abritée par le Munch Museet en 2004, les deux tableaux avaient finalement été retrouvés par la police norvégienne en 2006. Depuis, ces deux versions pour lesquelles les foules se déplacent jusqu’à Oslo ne voyageaient plus... Jusqu’à maintenant. Le Centre Pompidou, qui avait dédié une rétrospective à Edvard Munch à l’automne 2011, avait pour sa part dû se passer de cette icône.Ce privilège en rappelle un autre au Figaro : lorsque Frank Gehry, l’architecte de la Fondation Louis-Vuitton, avait assisté au vernissage du lieu, fin octobre 2014, alors même qu’il ne s’était pas rendu à celui de l’exposition que lui consacrait Beaubourg au même moment (« Pour cause d'âge, de fatigue et de non concordances des dates »). Le musée parisien reste en tout cas beau joueur face à son concurrent privé, puisqu’il sera l’un des prêteurs des œuvres présentées dans « Clefs d’une passion ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Mathilde Damgé Mort le 24 janvier 1965, il y a 50 ans, Winston Churchill a été mis à l'honneur cette semaine par les autorités britanniques qui ont appelé les internautes à livrer leurs citations préférées du « Vieux Lion » sur Twitter :What are your favourite #ChurchillQuotes? Here I talk about mine - I hope you'll share yours to mark #Churchill2015:— David Cameron (@David_Cameron)require(["twitter/widgets"]);Problème, parmi les nombreuses citations qui lui sont attribuées, plusieurs le sont à tort.Biographe zéléComme pour nombre de célébrités, Winston Churchill n'a pas dit tout ce qu'on lui attribue. Souvent, les citations sont devenues des aphorismes après avoir été reformulées par un biographe zélé. L'Américain Richard Langworth, ami de la fille benjamine de Winston Churchill, Mary, répertorie ces fausses citations dans le cadre des travaux menés par le Churchill Centre, basé dans l'Illinois.Par exemple, Le Dernier Lion, de l'historien William Manchester, regorge de ces bons mots qu'on ne retrouve cités nulle part ailleurs, comme :« Le gouvernement avait le choix entre la guerre et le déshonneur ; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre. »Cette pique aurait été adressée à Neville Chamberlain, alors premier ministre, juste après la conférence de Munich, en 1938.Rien ne vient l'attester, hormis le livre de M. Manchester. Selon Richard Langworth, il s'agirait plutôt de la réécriture d'une phrase extraite d'une lettre à Lloyd George. Churchill, qui doit son ascension politique à cet ancien premier ministre, lui écrit juste avant la conférence : « J'ai l'impression que nous allons devoir choisir pendant les prochaines semaines entre la guerre et le déshonneur, et j'ai assez peu de doute sur l'issue de ce choix. »L'art de la citationParfois, Winston Churchill, fin lettré, ne fait que citer, sans le préciser, d'autres auteurs, comme dans le trait d'esprit suivant :« J'ai des goûts simples, je me contente du meilleur. »C'est ce que Winston Churchill aurait dit au directeur de l'hôtel Plaza à New York, en 1929 ou en 1931. Mais il est probable qu'il faisait référence à la pièce de son ami George Bernard Shaw, La Commandante Barbara, qui date de 1905 : « Je connais les gens comme Adolphus, calmes, simples, raffinés, poétiques – qui se contentent du meilleur ! »Ou encore :« Le courage est la plus grande des vertus car c'est celle qui présuppose toutes les autres. »Ici, Churchill citait Samuel Johnson, l'un des principaux hommes de lettres britanniques, auquel James Boswell attribue cette phrase dans sa biographie de l'auteur du XVIIIe siècle.« Je vais faire un long discours aujourd'hui ; je n'ai pas eu le temps d'en préparer un court. »Si l'homme d'Etat a un jour prononcé cette phrase, il ne faisait que reprendre Blaise Pascal : « Je n'ai fait celle-ci plus longue que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte » (Les Provinciales, 16e lettre).Vrai charisme, fausse paternitéIl arrive que la paternité de certaines citations ait été tout bonnement refusée à de moins célèbres orateurs que le charismatique chef d'Etat... au profit de ce dernier :« La croix la plus lourde que j'ai jamais eue à porter est la croix de Lorraine. »Cette référence à l'influence du général de Gaulle (à l'initiative de ce symbole de la France libre sous l'occupation) est en fait un mot du général Edward Spears, représentant en France de Winston Churchill.Autre citation mal attribuée, reprise sur la page Facebook d'Eric Zemmour :« Les fascistes d'aujourd'hui seront les antifascistes de demain. »Il s'agirait en fait de la phrase d'un homme politique américain controversé, Huey Long, qui aurait déclaré : « Quand le fascisme arrivera aux Etats-Unis, on l'appellera antifascisme ! »Des inventions de toutes pièces ?Enfin, dernier cas, et non le moins rare, la citation dont il est impossible de garantir qu'elle vient vraiment de Churchill.« Bien que j'aie été présent [à ma naissance], je n'ai pas de souvenir clair des événements qui y ont abouti. »Ou encore :« Ne me parlez pas de traditions dans la marine. Il n'y a que le rhum, la sodomie et le fouet. »Premier lord de l'amirauté, Winston Churchill ne tenait probablement pas ces propos, même s'il connaissait les expressions grivoises de la marine.Ou enfin, cette formule, repris dans une publicité pour le fabricant d'armes Lockheed Martin : « Nous gagnons notre vie avec ce que nous recevons, mais nous lui donnons un sens avec ce que nous offrons. » Un bel aphorisme... probablement créé de toutes pièces.Mathilde DamgéDe l'éco, du décryptage et une pincée de dataSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet « La vie s’arrête où commence la zone de confort », déclame Katerine Gierac, lundi 26 janvier, face au public parisien de La Cigale. Après trois albums de rock francophone, enregistrés depuis 2006, l’écorchée longiligne (1,80 m), plus connue sous le nom de Mademoiselle K, a opté cette fois pour la langue de Patti Smith et Courtney Love, dans son nouvel opus, Hungry Dirty Baby. Pas dans le but de mieux s’exporter ou de favoriser des exercices de style, mais pour se rapprocher de l’essence d’un genre musical, synonyme pour elle de mise à nu.Après avoir élargi son groupe au rythme de disques se rapprochant de plus en plus de la chanson (Jouer dehors en 2011), la chanteuse et guitariste parisienne a réduit sa formation à un « power trio ». On le sait depuis le Jimi Hendrix Experience, The Jam, Police, Nirvana ou Placebo, la sobriété de la formule guitare-basse-batterie offre peu d’autre choix que l’intensité.Ce lundi 26 janvier, la fille d’émigré polonais, aux faux airs de Chrissie Hynde, n’est entourée que de son complice de toujours, le guitariste Pierre-Antoine Combart, dit Peter, et d’un nouveau batteur, Colin Russell. Dès les premières frappes de Glory, on perçoit que ce dépouillement de moyens dessine une tension plus brute et convulsive.Les rockeuses semblent aujourd’hui une espèce en voie de disparition. Comme si la « post-modernité » d’une époque dominée par le second degré, n’autorisait guère la sincérité à vif comme mode d’expression. Pantalon de cuir noir, torse comme maculé de peintures de guerre, Mademoiselle K ne conçoit le chant et les riffs que comme les matériaux de sa vérité. Jusqu’à l’inflexibilité.En réaction au veto de ce qui était jusque-là sa maison de disques (EMI), face à ses envies de textes anglophones, Katerine Gierac a préféré créer son propre label, Kravache – « parce qu’on ne peut pas se laisser aller » – pour autoproduire son nouvel album. Pour cette aventure, elle a « sacrifié une histoire d’amour et (ses) économies », confie-t-elle sur scène. Jusqu’au-boutiste, elle s’est immergée plusieurs mois entre New York et Londres, perfectionnant son anglais pour éviter l’écueil du mauvais accent et une écriture figée dans le cliché.Les manques et les conflits de la vie amoureuseDe fait, disque et performance scénique souffrent peu des maladresses linguistiques. Surtout, la jeune femme continue d’autant s’impliquer dans ses textes. Si, en anglais, l’éraillement teigneux de sa voix affleure moins qu’en français, ses chansons enragent de la même façon du côté des frustrations, désirs, manques et conflits de la vie amoureuse. Entre filles, mais pas seulement (« I could be a boy, I could be a girl »). Même si l’hymne le plus sexuellement cru du disque – Hungry Dirty Baby – s’inspire du film d’Abdellatif Kechiche, La Vie d’Adèle.La dame, ancienne étudiante en musicologie, jongle avec guitare, basse et claviers, pour un rock en trio oscillant entre tension robotique, envolée glam, distorsion grunge et comptine mélodique (le single R U Swimming, baignant dans une ambiance très Strokes).L’insolent C la mort, seul titre en français de l’album, se révèle aussi un des plus efficaces. A la plus grande joie de son public, Mademoiselle K reprend dans la foulée quelques-uns de ses premiers succès – Ça me vexe, Jouer dehors, Jalouse –, rappelant que ses refrains s’approchaient souvent de la franchise naïve de Téléphone (ou Jean-Louis Aubert). Ravie et soulagée de la communion, la chanteuse pouvait alors se libérer et plonger dans la foule.Prochains concerts : le 5 février, à Hérouville ; le 6, à Boulogne-sur-Mer ; le 7, à Beauvais ; le 13, à Rouen ; le 14, à Lille ; le 24, à Toulouse ; le 25, à Montpellier ; le 26, à Lyon ; le 27, à Marseille ; le 5 mars, à Rennes ; le 7, à Ris-Orangis ; le 12, à Bordeaux ; le 13, à Limoges ; le 27, à Villeneuve-la-Garenne ; le 28, à Poligny. Plus de dates sur le site www.mademoisellek.frStéphane DavetJournaliste au Monde 26.01.2015 à 12h52 • Mis à jour le26.01.2015 à 17h20 | Sylvain Siclier Le chanteur Demis Roussos, ancien membre du groupe de rock progressif Aphrodite’s Child, actif de la fin des années 1960 à 1971, avant une carrière solo dans la variété est mort, dans la nuit de samedi 24 au dimanche 25 janvier, dans un hôpital privé d’Athènes (Grèce). L’information a été diffusée par sa famille, lundi 26 janvier, sans précisions sur les causes de sa mort. Il était âgé de 68 ans.Né le 15 juin 1946 à Alexandrie (Egypte), Artémios Ventouris Rousos avait appris le chant au sein du Chœur de l’Eglise orthodoxe grecque d’Alexandrie. Il apprend aussi la guitare, la basse et la trompette. En 1961, sa famille décide de retourner vivre en Grèce et s’installe à Athènes. C’est là que Demis Roussos, qui a pris ce nom d’artiste plus proche des consonances anglo-saxonnes, fait ses débuts, dans des groupes de reprises, dont l’un s’appelle The Idols. D’abord guitariste et bassiste, il se met au chant, voix aiguë, caressante. Il rencontre le claviériste Vangélis Papathanassíou, qui fait partie d’un groupe de jazz The Forminks. Ils vont fonder en 1967 avec le batteur Lucas Sideras et le guitariste Silver Koulouris le groupe Aphrodite’s Child.Aux reprises le groupe commence à ajouter des compositions assez marquées par la musique classique et le courant du rock symphonique en plein essor avec des groupes comme Procol Harum (Whiter Shade of Pale), The Moody Blues (Nights In White Satin) ou Wallace Collection (Daydream). En mars 1968 le groupe décide de se rendre à Londres, mais faute de papiers en règle est bloqué par les services douaniers. La formation, sans Koulouris, qui doit faire son service militaire, se retrouve à Paris. Alors que la capitale commence à être secouée par les bientôt événements de mai 1968, le groupe fait la connaissance de Boris Bergman (futur collaborateur d’Alain Bashung) qui va écrire les paroles, en anglais, du premier album du groupe, End of The World, pour la division française du label Mercury, alors distribué par Philips.Une carrière solo plus proche de la chanson popParmi les neufs compositions de l’album (musique de Vangelis, textes de Bergman), souvent dans des ambiances pop psychédéliques (The Grass Is No Green ou Day of The Fool, proches de Pink Floyd), avec quelques éléments de musiques traditionnelles grecques ou orientales (Mister Thomas, Valley of Sadness) il y a leur premier grand succès, Rain And Tears. Inspiré musicalement par le Canon en ré majeur de Johann Christoph Pachelbel (1653-1706), la chanson devient l’un des slows de l’été les plus diffusés en Europe. Le successeur d’End Of The World, l’album It’s Five O’Clock, publié en décembre 1969, avec pour l’essentiel des textes de Richard Francis, se révèle par endroits plus pop et fantaisiste (Take Your Time, Such A Funny Night…), avec une inspiration Beatles et des éléments proches du jazz (Funky Mary). Il débute par la chanson-titre, deuxième gros succès du groupe, à nouveau un slow à coloration symphonique.VIDÉO : « It’s Five O Clock », par Aphrodite’s Child, extrait de l’album du même nom publié en 1969En juin 1972, alors que le groupe n’existe plus, paraît le double album 666, publié par la compagnie phonographique Vertigo, sans tubes, bien plus expérimental et varié dans ses approches musicales (récitatifs, bruitages…), avec des passages planants qui annoncent le parcours soliste de Vangelis (il va composer notamment de nombreuses musiques de films dont Les Chariots de feu et Blade Runner). Cet album concept sur des thèmes bibliques, en particulier tirés de L’Apocalypse de Jean, a été conçu par le cinéaste et écrivain Costas Ferris qui en signe les textes. Enregistré à l’hiver 1970-1971 à Paris, c’est le seul qui permette d’entendre le guitariste Silver Koulouris en plus du trio. La participation sur l’un des morceaux, Infinity, de l’actrice et chanteuse Irene Papas dans des halètements et cris qui évoquent l’orgasme, provoquera à l’époque quelques émois – l’album sera longtemps interdit à la vente en Espagne.VIDÉO (audio seulement) : « The Four Horsemen », par Aphrodite’s Child, extrait de l’album « 666 » publié en 1972Après Aphrodite’s Child, la carrière solo de Demis Roussos sera plus proche de la chanson pop et de la variété. En juin 1971 c’est d’abord We Shall Dance, pas très loin dans la forme des deux tubes du groupe qu’il vient de quitter (orgue, clavecin, tempo lent) qui fait de Demis Roussos une vedette en Europe puis My Reason, à l’été 1972 avec chœur et motif de folklore grec traditionnel. Les succès suivants jusqu’à la fin des années 1970 seront construits sur ce modèle. Un peu d’exotisme, une mélodie pour romance et déclaration d’amour donneront Forever And Ever, Good Bye My Love Good Bye, My Only Fascination, Lovely Lady of Arcadia… Certains titres sont enregistrés aussi en espagnol ou en allemand, là où comme en France, Demis Roussos est devenu une vedette.A partir des années 1980, s’il continue d’enregistrer régulièrement, il sera moins présent dans les classements des meilleures ventes – Quand je t’aime en 1987 et On écrit sur les murs, en 1989 restent ses derniers tubes en français – son nom comme son style restant attachés, en France, à la chanson de variété des années 1970. Il continuait de se produire sur scène, plutôt sur un circuit de tournées nostalgiques des années 1970 et 1980. En 2009, il avait enregistré un album après plusieurs années de silence phonographique. Interrogée par la radio RTL, sa compatriote, la chanteuse Nana Mouskouri, a déclaré : « Il avait une superbe voix (…) C’était un artiste, un ami, j’espère qu’il est dans un monde meilleur. »VIDÉO : « My Reason », par Demis Roussos, lors d’un programme télévisé en 1972Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Mons (Belgique), envoyé spécial) « Mons 2015, c’est la démonstration qu’une ville de taille moyenne peut accueillir un événement comme celui-là ; on est capables de grandes choses. » Celui qui parle est le véritable artisan d’un projet auquel aucun de ses concitoyens ne croyait vraiment lorsqu’il l’a imaginé, en 2001. Elio Di Rupo, bourgmestre (maire) de la ville de Mons, président du PS et ex-premier ministre, voulait que son « projet de ville » débouche sur un grand événement. Il a pu savourer sa victoire, samedi 24 janvier.Funambule de la politique, ce sexagénaire toujours souriant en public, travailleur inflexible en privé, a transformé le visage de son vieux parti, qui ne voulait pas changer. Et il a relancé cette ville de 95 000 âmes, qui périclitait, pleurant son passé charbonnier révolu. Grâce à ses nombreux relais, il est parvenu à vaincre sa concurrente flamande, Malines, et sa rivale wallonne, Liège. Et il a drainé quelque 85 % de subventions publiques pour assurer un budget de 70 millions d’euros à ... Laurent Carpentier (Mons (Belgique), envoyé spécial) Quand les portes de la collégiale Sainte Waudru se sont ouvertes, la foule qui était massée à l’intérieur a découvert en bas du parvis la procession féerique d’une autre foule plus grande encore. Mille capes argentées – distribuées contre le froid – scintillant sous le reflet de la lune, des lumières, des flammes, du cuivre, des fanfares déployées partout dans la ville. Mons 2015, capitale de la culture. 100 000 personnes qui, pour son lancement, sont venues de partout, et surtout du Borinage, cette région minière sinistrée de l’ouest de la Belgique qui fut autrefois le terreau de la révolution industrielle.Quelques instants plus tôt, ce samedi 24 janvier, dans la collégiale, Philippe, roi des Belges, la reine Mathilde, une palanquée de ministres et une cohorte d’artistes avaient écouté sagement Elio Di Rupo, le bourgmestre de la ville, ex-premier ministre et leader du parti socialiste, lancer les festivités, pendant qu’un homme ailé arrimé à une petite montgolfière naviguait dans les hauteurs de la nef.Une identité restauréeDe fait, les artistes sont partout, ce soir dans la ville, comme tout au long de l’année où on attend 2 millions de visiteurs pour quelque 300 manifestations. « En 2015, je suis Montois. Et toi ? » Le slogan parle de lui-même : expositions, spectacles, tous racontent la même quête d’une identité restaurée. Charlotte Benedetti, la commissaire de « Mons Superstar », cite Hannah Arendt (« Bien que les hommes doivent mourir, ils ne sont pas nés pour mourir mais pour innover… ») pour parler de ces 17 Montois q... Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.01.2015 à 04h25 • Mis à jour le26.01.2015 à 08h10 Le musicien allemand Edgar Froese, dont le groupe Tangerine Dream avait créé un son futuriste qui allait marquer des générations d'artistes électroniques, est décédé à l'âge de 70 ans, a annoncé son fils vendredi 23 janvier.Ce dernier, qui avait rejoint son père au sein de la formation musicale, a précisé qu'il était mort subitement, mardi, à Vienne (Autriche) d'une embolie pulmonaire.« Un jour Edgar a dit : “Il n'y a pas de mort, il y a juste un changement de notre adresse cosmique”. Edgar, cela nous réconforte un tout petit peu », ont déclaré les autres membres du groupe dans un communiqué.Froese avait choqué le monde musical au début des années 1970 en utilisant des synthétiseurs pour générer une atmosphère de transe minimaliste. Celle-ci n'avait que peu à voir avec le rock qui dominait alors les ondes.SURRÉALISMENé le 6 juin 1944 dans ce qui est aujourd'hui la ville russe de Sovetsk, il avait étudié à Berlin-ouest. Sa vie a basculé quand il a été invité à jouer en Espagne, dans la villa du peintre Salvador Dali, un de ses héros, en 1967.Cette rencontre l'a poussé à transposer une sorte de surréalisme dans sa musique. Dans une interview donnée des années après, Froese avait raconté que Dali lui avait dit : « Presque tout est possible dans l'art tant que tu crois fermement en ce que tu fais ».Froese s'était ensuite lié à plusieurs musiciens berlinois pour former Tangerine Dream, un groupe qui a décollé après avoir attiré l'attention du présentateur radio britannique John Peel, qui fut longtemps une figure de l'industrie musicale. Le groupe avait signé peu après avec le label Virgin de Richard Branson.Lire aussi en édition abonnés : Quand le « krautrock » allemand annonçait les sons d'aujourd'huiDe cette collaboration était sorti en 1974 « Phaedra », album fondateur du genre électronique dont l'atmosphère psychédélique avait été comparée par certains critiques à un voyage dans l'espace. L'opus était entré dans le top 20 en Grande-Bretagne, mais avait reçu un accueil plus mitigé en Allemagne. Jean-Jacques Larrochelle Un projet légèrement amendé de la tour Triangle, immeuble de grande hauteur dont la construction est envisagée porte de Versailles dans le 15e arrondissement de Paris, pourrait repasser devant le Conseil de Paris en avril, a indiqué, jeudi 22 janvier, l'adjoint au maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS).Le lundi 17 novembre 2014, le Conseil de Paris avait rejeté ce projet de 500 millions d’euros porté par Unibail-Rodamco, premier groupe coté de l'immobilier commercial en Europe. 78 conseillers de Paris (PS, PC, PRG) avaient voté pour, mais 83 (UMP-UDI-Modem, écologistes et PG) s’étaient exprimés contre. Arguant du non respect de la procédure qui devait se dérouler à bulletin secret – certains élus ayant exhibé leur bulletin avant de le glisser dans l’urne –, la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS) avait saisi le tribunal administratif pour invalider le vote. Celui-ci ne s’est pas encore prononcé.La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteL’élue a chargé M. Missika de remettre l'ouvrage sur le métier. L’adjoint au maire a invité Unibail à revoir sa copie de manière à proposer un projet qui fasse plus largement consensus auprès des conseillers de Paris, explique l’AFP. Plusieurs élus de la droite et du centre avaient expliqué au cours des débats qu'ils n'étaient pas hostiles au projet de tour en soi mais qu'ils jugeaient son « contenu » – pour l’essentiel des bureaux – insatisfaisant.Une « nouvelle programmation » pour mi-févrierInterrogé par l'AFP, un porte-parole d'Unibail a confirmé que le groupe réfléchissait à une « nouvelle programmation », qui devrait être présentée aux élus « mi-février ». Elle prévoit que la surface hors-bureaux puisse dépasser 20 % de la surface totale de 80 000 m² de planchers. Sous couvert d'anonymat, un responsable a précisé qu'Unibail réfléchissait à l'installation d'un hôtel, à celle d'un incubateur d'entreprise, et à « l'agrandissement du centre social » que doit accueillir le gratte-ciel de 180 m. Evoquée au tout début du projet, la possibilité de construire un hôtel quatre étoiles au sommet de la tour avait été abandonnée, notamment en raison de la faible rentabilité économique de l'ensemble.La Ville de Paris a toutefois émis, jeudi 22 janvier au soir, des réserves sur le calendrier évoqué par M. Missika. « Le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, a fait valoir un porte-parole. « Avril, c'est court », a ajouté cette source.La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 12.01.2015 à 09h34 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h01 Boyhood a été sacré meilleur film dramatique aux Golden Globes dimanche 11 janvier lors d'une cérémonie marquée par de vibrants hommages aux victimes des attentats de Paris. Certaines stars, comme George Clooney, arboraient des badges « Je suis Charlie ». Beaucoup d'autres ont brandi ces trois mots imprimés sur fond noir devant les photographes, à leur arrivée sur le tapis rouge des Golden Globes Awards.Les attentats de Paris « nous ont rappelé à tous qu'il faut veiller à la liberté d'expression, qu'il est très difficile d'entretenir cet idéal mais qu'il faut s'y efforcer », a déclaré la comédienne Helen Mirren, qui portait un stylo bleu éclatant sur le rouge de sa robe. Tout au long de la soirée, de vibrants hommages ont été rendus aux 17 victimes des attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l'Hyper Casher de la porte de Vincennes. « Aujourd'hui était une journée extraordinaire, il y avait des millions de personnes dans la rue pas seulement à Paris mais aussi dans le monde entier », a déclaré la star hollywoodienne George Clooney en recevant le prix Cecil DeMille, honorant sa carrière et son engagement humanitaire. « Nous ne marcherons pas dans la peur. Nous ne le ferons pas... Alors,  je suis Charlie », a-t-il dit en français. Dans la salle de presse, il a aussi espéré que les attentats en France ne vont pas alimenter un sentiment antimusulman.« Nous devons être unis face à quiconque voudrait réprimer la liberté d'expression, partout, de la Corée du Nord à Paris », a déclaré en début de soirée, Theo Kingma, président de l'HFPA (la Hollywood Foreign Press Association), suscitant une ovation debout. Une allusion à l'attaque informatique subie par Sony Pictures pour faire annuler la sortie du film parodique The Interview (L'interview qui tue !), attribuée par les Etats-Unis à Pyongyang.« NOUS CÉLÉBRONS LES FILMS APPROUVÉS PAR LA CORÉE DU NORD »Le promu Boyhood rivalisait notamment avec Une merveilleuse histoire du temps, Imitation Game, Foxcatcher et Selma. Dans la catégorie comédie, c'est Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, qui a reçu le principal prix, battant ainsi le favori Birdman, d'Alejandro Iñárritu, reparti avec deux prix, dont celui du meilleur scénario. Son acteur principal, Michael Keaton, a été sacré meilleur acteur dans une comédie pour le rôle d'un ex-comédien de films de super-héros qui tente de renouer avec la gloire au théâtre.Parmi les multiples prix remis dimanche, le Britannique Eddie Redmayne a été sacré meilleur acteur dans un film dramatique pour Une merveilleuse histoire du temps, sur le cosmologue de génie paralysé Stephen Hawking. Julianne Moore a, quant à elle, été primée pour son interprétation dans Still Alice d'une femme malade d'Alzheimer.Les comédiennes Tina Fey et Amy Poehler, maîtresses de cérémonie pour la troisième et dernière fois, n'ont cessé lors de la soirée de faire allusion à l'attaque informatique de Sony Pictures. « Aujourd'hui, nous célébrons tous les films de cinéma et télévision qui ont été approuvés par la Corée du Nord », ont-elles lancé, tandis qu'une pseudo-militaire nord-coréenne s'est levée pour faire un selfie avec Meryl Streep avant de monter sur scène faire un prétendu discours.Parmi les autres lauréats, J.K. Simmons a gagné le Globe du meilleur second rôle masculin pour Whiplash, le long-métrage russe Leviathan celui du meilleur film étranger. En télévision, Transparent d'Amazon a été sacré meilleure série comique, un premier Globe pour le géant du commerce en ligne. Quant à The Affair, l'histoire d'une liaison extramaritale torride, elle a reçu le prix équivalent pour une série dramatique. Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde 11.01.2015 à 17h20 • Mis à jour le12.01.2015 à 13h10 | Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin En cours d’exécution sur toute la hauteur de la façade du parvis de l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, le message « Nous sommes tous Charlie » s’affichera en lettres rouges de trois mètres de haut, en arabe et en français, à l’initiave bénévole du galeriste Mehdi Ben Cheikh. Ainsi en a décidéJack Lang, le président de l’IMA, institut qui réunit vingt-deux pays arabes – à l'exception, pour l’heure, de la Syrie. « Tous les pays, dans l’ensemble me suivent, affirme l’ancien ministre de la culture. Tous sont contre les islamistes. »Et Jack Lang d’inviter « le maximum de gens de toutes confessions et provenances à participer [comme lui], à la manifestation de dimanche, événement puissant et beau d’unité nationale. L’abomination a provoqué un fabuleux réveil de la société. Les citoyens apportent un souffle d’esprit, une force d’âme. Tous les sceptiques sont balayés, c’est bouleversant. »Par téléphone, alors qu’il est dans le métro – « plus que jamais en ce moment », dit-il –, le président de l’IMA précise qu’il a reçu « des messages de tous les ministres de la culture et de l’éducation des pays arabes, de partout, avec ceux des intellectuels et des écrivains. Une réaction de solidarité, d’émotion, qui est très forte dans ce malheur. Il y a un sursaut, non seulement en France mais dans ces pays où il y a une volonté collective de lutter contre toutes les formes de terrorisme quelles que soient les raisons des gouvernements ou des sociétés. »Jack Lang ajoute : « François Hollande m’a confirmé, ce matin samedi, qu’il inaugurerait, jeudi 15 octobre, le symposium sur les Renouveaux du monde arabe, prévu de longue date à l’IMA. Il est important de dire que ce monde n’est pas seulement le fanatisme ou Daech mais des sociétés en mouvement qui parient sur le savoir, l’intelligence, l’innovation, la liberté, la création. Cet événement vient à point nommé, alors que la violence s’est exprimée avec sauvagerie. » Il réunira pendant deux jours une centaine de personnalités des vingt et un pays du monde arabe, intellectuels, femmes et hommes d’actions, économistes, banquiers, pour un débat autour de l’entrepreneuriat, l’éducation, l’énergie, comme de la question des villes et de la voix des femmes, etc.« La liberté d’expression est en vérité un bien fragile et mortel »Vendredi 9 janvier, à six heures du soir, réunis dans la salle du conseil de l’IMA, « beaucoup d’intellectuels et d’artistes marocains n’ont pu s’empêcher de pleurer d’émotion, alors qu’ils avaient demandé une minute de silence », raconte Jack lang. L’exposition consacrée au Maroc contemporain, qui reçoit plus de mille visiteurs chaque jour, illustre la liberté d’expression de quelque quatre-vingts artistes vivants. Souvent très jeunes, hommes et femmes, représentés à travers leurs œuvres –peintures, sculptures, vidéos, installations, design, architecture, mode – dénoncent le fanatisme religieux, l’intolérance, l’exclusion, la corruption, et revendiquent la place des femmes dans la société. Une exposition prolongée jusqu’au 1er mars, comme les rencontres, débats, spectacles quotidiens qui l’accompagnent.« La liberté d’expression, conquise génération après génération, qu’on croit éternellement établie, est en vérité un bien fragile et mortel. C’est l’air qu’on respire, on s’y habitue comme si elle était conquise pour toujours. Elle peut être mise à mort. On a assisté à la décapitation d’une idée, d’une histoire. Charlie Hebdo incarne la rue, l’humour, la finesse, la drôlerie, la tendresse. Parmi les raisons de la mobilisation de toute la société, c’est le caractère insupportable de la mise à mort de la liberté, d’une équipe, d’une histoire qui prime », insiste Jack Lang.L’ancien ministre est convaincu de l’urgence du travail de fond à entreprendre pour dissiper les amalgames, jusque dans les écoles, les prisons.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Le directeur de l’école affiche une mine ultra concentrée, tandis que les enfants quittent le bâtiment. Vendredi 9 janvier, 15 heures : les chaînes d’information commentent en boucle la prise d’otages de la porte de Vincennes, à Paris. Ici, on est proche de la porte de Pantin, et dans quelques minutes, un spectacle va commencer. La presse est admise à condition de ne pas nommer l’école, ne pas interviewer d’enfants ni les prendre en photo. Normalement, les élèves de l’atelier théâtre devaient se rendre, à 15 heures, au Théâtre Paris-Villette (19e arrondissement), pour découvrir L’Enfance de Mammame, chorégraphie de Jean-Claude Gallotta. Ce spectacle s’inscrit dans le cadre du parcours « enfance et jeunesse » initié par le Théâtre de la Ville. Mais, après l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, le plan Vigipirate a été durci et les sorties scolaires annulées.Alors ce sont les artistes qui sont venus dans cette école d’un quartier populaire. Un danseur s’échauffe au sol, travaille ses écarts, dans une salle qui ressemble à un gymnase. Gallotta lui-même est passé ce matin. Il a fallu adapter le spectacle, improviser un espace : des tapis de gym ont été dressés en fond de salle, et voilà un paravent ! Derrière, c’est la loge. Devant, ce sera la scène.Les petits de CP et de CE1 sont prêts, assis sur les bancs. « Bonjour ! », lance Valérie Dassonville, qui dirige le Paris-Villette avec Adrien de Van. « Bonjour ! », répond la joyeuse troupe. Valérie Dassonville n’a pas le temps de finir sa phrase, une petite fille évoque « l’attentat » qui les empêche de sortir. Le spectacle peut commencer.Drôle de tribuLes Mammame sont une drôle de tribu : ils aiment danser, au point qu’ils en deviennent tristes quand ils s’arrêtent. Le projecteur est leur soleil... Un lutin au bonnet blanc, pompon neigeux, introduit un à un les personnages. Chacun incarne une danse, classique, urbaine, contemporaine, danse de la grande sirène et danse de la terre...C’est l’heure du repas, une immense nappe blanche flotte dans l’air, les Mammame « boivent de l’humour et mangent de la gentillesse ». Troublant rappel au réel, à ces dessins de Charlie Hebdo qui pouvaient susciter un rire féroce et ont coûté la vie à douze personnes... Et si on buvait tous de l’humour ?Après le spectacle, les neuf danseurs s’assoient en face des petits. Des questions ? Une envie surtout : que la danseuse fasse un grand écart. Et hop... C’est parfois simple la vie. C’était une heure et quelques de grâce.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sandrine Blanchard Parmi les humoristes, Nicolas Bedos est l’un des rares à accepter de livrer son sentiment sur les attentats qui ont secoué Paris et leurs conséquences sur la liberté de rire de tout. Polémiste et écrivain, le fils de Guy Bedos ne s’interdit aucun sujet et revendique le droit à l’insolence. Il avait provoqué une controverse lors de sa chronique virulente, en janvier 2014 sur France 2, contre Dieudonné. Et auparavant, en 2010, lorsqu’il s’était moqué de la politique israélienne. Il redoute aujourd’hui l’émergence d’une « censure préventive ».Vous avez renoncé à faire une chronique ce samedi 10 janvier lors de l’émission de Laurent Ruquier, « On n’est pas couché » sur France 2. Pourquoi ? Depuis le jour du drame, j’étais partagé entre l’envie de faire place au silence afin de laisser l’émotion nous envahir et celle d’honorer la mémoire de mes camarades Wolinski, Cabu et Tignous. Ils n’auraient pas aimé que l’on se censure, que l’on freine le combat de l’impertinence et que leur mort installe une atmosphère de solennité. Le recueillement national est salutaire, mais n’oublions pas que ces gens ne reposaient jamais la plume satirique, même dans des moments de très grande émotion. Souvenons-nous de la manière dont ils ont traité le 11 septembre ou le carnage de Mohamed Merah.Jeudi, lors de l’enregistrement, je m’étais grimé en Houellebecq. Je m’apprêtais à faire une satire de sa posture d’artiste dispensé d’affect et d’opinion personnelle… Et puis le malaise, le sentiment d’indécence médiatique, se sont emparés de moi. Je me suis dit « ta gueule », je me suis levé et je suis parti. Je regrette ce réflexe car je reste convaincu que le plus bel hommage qu’on puisse rendre à Charlie, c’est de continuer le boulot. Parce que rire, se moquer, c’est résister, c’est vivre. Il ne faut pas étouffer le nez de clown sous un mouchoir blanc. Quels étaient vos liens avec les gens de Charlie ?Ils envoyaient fréquemment des signes de soutien et de sympathie – et c’était réciproque - dans les moments où l’on se sentait très seul face à la polémique. Je pouvais compter sur eux quand - et cela m’est arrivé souvent - je me retrouvais confronté à une cabale bien-pensante. Lorsqu’on s’attaquait soit à Israël, soit à la séduction exercée par Dieudonné sur les jeunes de banlieue ; quand la twittosphère s’emballait, que les associations commençaient à vous chercher des tares, que la censure pointait le bout de son nez, des gens comme Charb ou Wolinski n’étaient jamais très loin pour envoyer un texto et dire « continue, gars ».Qu’est-ce que représente pour vous l’attentat du 7 janvier ?Pour moi c’est le début d’une « guerre » extrêmement brouillonne, dangereuse, soumise au populisme de Le Pen et Zemmour. Avec le risque que les satiristes et les médias s’autocensurent par peur de se faire tirer une balle dans la tête ! Mais je retiens aussi la communion internationale en faveur de la liberté d’expression. Il va falloir être précis, tout dire, ne mentir ni aux Français effrayés par l’islam, ni aux musulmans qui pourraient se sentir exclus devant l’hagiographie qu’on fait actuellement de Charlie Hebdo.Pleurer la bande Charlie n’empêche pas de rappeler son combat offensif, quasi hebdomadaire, à l’encontre des symboles islamiques. Non, Charlie n’était pas un repaire de déconneurs bon enfants. Et alors ? J’étais de tout cœur avec eux. Mais nier l’obsession satirique de Charb concernant l’Islam serait une provocation à l’égard des jeunes musulmans - ceux-là même qui, jamais, n’ont souhaité une telle barbarie. Charlie avait le droit - et le devoir - de concentrer son vitriol sur l’Islam radical mais on ne peut pas dire qu’il était un journal satirique classique. C’est faire de l’angélisme, du politiquement correct, et ça risque d’attiser le sentiment d’exclusion des jeunes musulmans. Qui pourraient se dire : « S’ils ne reconnaissent pas que certains dessins étaient extrêmement véhéments, alors j’emmerde Charlie et la France ».Le 7 janvier, un journal courageux sur un combat dangereux a été flingué par la caricature de ce qu’ils dénonçaient. Voilà ce que c’est, cet attentat. Il n’y a pas de graduation dans la liberté d’expression. J’étais pour ces caricatures tout en remarquant - de par la répétition de leurs attaques - que Charlie prenait des risques considérables.Pourquoi avoir choisi de vous grimer en Michel Houellebecq pour un projet de chronique post 7 janvier ?La canonisation littéraire de Houellebecq commence à me faire sourire. Relisons Echenoz, Handke ou Roth pour relativiser la valeur formelle de Houellebecq. C’est un malin dépressif, dans la lignée de certains artistes contemporains : Il use, plus ou moins habilement, de la distance ironique pour mieux disséminer un certain nombre de ses névroses idéologiques. Comme pour Dieudonné, chez Houellebecq, l’art et l’humour ont bon dos. De plus, pour les esprits primaires et binaires, le massacre de Charlie est une formidable consécration des thèses de Le Pen, Zemmour, Finkielkraut… et de Houellebecq, dans son dernier roman. Ces néoréacs, névrosés, paranos, inconscients et amers, ont volé la vedette du politiquement incorrect aux progressistes de gauche. Car la gauche s’est vautrée dans le mensonge par omission et dans le consensus. Elle s’est aveuglée sur l’inquiétude provoquée par l’islam, et elle a offert un boulevard aux réacs. Ceux-là osent s’emparer des sujets qui fâchent, ce qui les rend attractifs – voire télégéniques. La gauche doit reconnaître la désorientation des Français face au mariage gay ou au dogme religieux. On vient de flinguer une bande d’anarchistes de gauche car ils se moquaient de l’intolérance religieuse. Et qui est en train de bouffer le gâteau de la révolte ? Des petits-bourgeois xénophobes.Le frappant télescopage entre la sortie du livre de Houellebecq et l’attentat contre « Charlie Hebdo »Vous en voulez beaucoup à la gauche… Le problème de la gauche – qu’il s’agisse des politiques, des intellos ou des artistes - c’est qu’elle a tendance à ne s’adresser qu’à ceux qui sont déjà d’accord avec elle. Ce qui compte, aujourd’hui, ce sont tous les autres ! Par exemple, un récent sondage estime que 77 % des Français ont un problème avec l’Islam. Quand j’ai fait ma chronique sur Dieudonné dans laquelle je me moquais, outrancièrement, d’un jeune de banlieue, toute une partie de mes amis de gauche m’est tombée dessus en me disant « oh, tu n’aurais pas dû, ce n’est pas bien ». Ça veut dire quoi « ce n’est pas bien ? » On ne peut plus se moquer de certains jeunes de banlieue sous prétexte qu’on comprend le facteur social et psychologique de leur désarroi ? Donc on ne peut plus parodier certains gosses de riches sans mépriser l’argent ? Les pros israéliens sans être antisémites ?Au contraire, il ne faut pas laisser le terrain de la critique du gouvernement israélien et de la culture dite « de banlieue » aux racistes patentés. Le fait que je milite contre les discriminations et prône les bienfaits de l’immigration ne me dispense pas d’être lucide sur certains monstres. Réveillons-nous. Ce n’est pas en niant un problème qu’on le règle. Il est urgent de faire de la pédagogie pour expliquer la différence entre un musulman et un islamiste radical.Vous avez reçu à plusieurs reprises des menaces suite à vos chroniques. Vous est-il arrivé d’avoir peur ? Bien sûr j’ai eu très peur. J’ai couru à la sortie d’un cinéma, j’ai été coursé trois fois en sortant de chez moi par des gars qui criaient « Vive Dieudo ! Je vais te tuer ! », je suis allé habiter ailleurs. Il y a des personnes qui ont posté sur Twitter : « j’espère que Nicolas Bedos sera le prochain sur la liste ». Qu’il s’agisse d’Allah ou de Dieudonné, on est face à des jeunes qui se sont passé le mot : faut leur faire la peau.Serez-vous dimanche à la marche républicaine ? Oui. Je crois beaucoup aux symboles. Ne serait-ce qu’à l’égard de nos gamins. Ils n’oublieront jamais ce jour-là. Cela marquera très sainement leur conscience. J’ai pleuré devant les images de rassemblement, ce monde entier qui a défendu l’humour, l’impertinence.Avez-vous le sentiment que les événements actuels vont sonner le glas de l’impertinence et de la provocation, entraîner une autocensure ? C’est exactement ce qui se passe. Le pire est annoncé. Avant, la censure était d’ordre opportuniste, elle intervenait pour protéger contre la charge des politiques et des associations, lorsqu’on craignait de perdre des lecteurs ou de l’audimat. Demain, ils vont nous censurer au nom de notre propre intégrité physique. Si la semaine prochaine, je me fous de la gueule des islamistes radicaux chez Ruquier, il est possible que je sois censuré par ma chaîne parce qu’elle craindra, à raison, que le plateau soit infiltré par trois tarés tirant à vue. La censure sera défensive. Au nom d’une forme de paix sociale, de plus en plus de médias vont avoir la trouille. Il y a trop d’interdits en France, disons la vérité. Pour que Charb, Cabu et les autres ne soient pas morts pour rien, laissez-nous l’ouvrir et risquer notre peau. Quitte à ce qu’on ne puisse plus aller pisser sans être accompagnés par trois agents de sécurité. Si l’on n’est pas suicidaire, il ne faut pas faire ce métier.Sandrine BlanchardJournaliste au Monde SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Un prix « Charlie de la liberté d’expression » devrait être créé à l’occasion du Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême dont la 42e édition aura lieu du 29 janvier au 1er février. Réunis jeudi 8 janvier à Paris, au lendemain de la tuerie ayant eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo, les organisateurs de la manifestation ont lancé l’idée de cette distinction qui devrait ensuite être décernée, chaque année, à un dessinateur – de presse et/ou de bande dessinée – ne pouvant pas exercer son métier en toute liberté. « Ce prix cessera d’être remis le jour où tous les dessinateurs du monde pourront s’exprimer librement, c’est dire qu’il a de l’avenir », a confié au Monde le délégué général du FIBD. Plusieurs autres initiatives ont également été envisagées par les organisateurs du festival, notamment un « concert dessiné » exceptionnel qui rassembleraient, pendant une prestation musicale du compositeur Areski Belkacem, de nombreux dessinateurs français et internationaux. Plantu, caricaturiste du Monde et créateur de l’association Cartooning for Peace, a été sollicité pour imaginer un scénario lors de cette soirée. Une table ronde sur la thématique de la liberté de la presse, réunissant des dessinateurs et des responsables d’organes médiatiques, est également en préparation. Idem d’une exposition en extérieur reproduisant une sélection des meilleures « unes » de Charlie Hebdo. Un « appel à dessiner » via Facebook« Si Charlie Hebdo est une singularité française, le festival d’Angoulême en est une aussi. Nous ne pouvions pas rester sans rien faire », indique Franck Bondoux. Le FIBD a d’ores et déjà lancé un « appel à dessiner » via une page Facebook : 300 dessins, issus de 15 pays différents, ont été envoyés par des amateurs en une seule journée mais aussi par des bédéistes professionnels. Une délégation du festival sera par ailleurs présente dimanche à la marche républicaine prévue à Paris entre les places de la République et de la Nation derrière une banderole où sa mascotte – un petit fauve à oreilles pointues créé par Lewis Trondheim – affirme « être Charlie » lui aussi. La réunion de jeudi a aussi abordé la question de la sécurité. La préfecture de Charente a fait savoir qu’elle renforcerait les effectifs policiers qu’elle déploie habituellement pendant la manifestation et a encouragé les organisateurs à faire de même avec les vigiles qui filtrent les entrées des différents lieux de rassemblement et d’exposition. « Après une tragédie pareille, la question que le monde de la bande dessinée doit se poser est simple : doit-on sombrer dans l’autocensure et raser les murs ou continuer à se rassembler et discuter comme on l’a toujours fait ?, assène Franck Bondoux. La meilleure réponse que puissent donner les amoureux du dessin est que cette édition du festival batte des records de fréquentation. » La manifestation accueille environ 200 000 visiteurs chaque année. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Fabienne Darge et Brigitte Salino Les journalistes de la rubrique Scènes du Monde vous proposent une sélection de pièces et des festivals, de janvier à mars 2015.La Bête dans la jungle Ecrite en 1962 par Marguerite Duras, d'après une nouvelle de Henry James, la pièce a triomphé à sa création, en 1981, avec Sami Frey et Delphine Seyrig dirigés par Alfredo Arias. Célie Pauthe, la directrice du centre dramatique national de Besançon, offre une nouvelle mise en scène, avec John Arnold, Mélodie Richard et Valérie Dréville, l'une de nos plus grandes actrices.Centre dramatique national de Besançon, du 15 au 22 janvier.Le Pouvoir des folies théâtrales En 2013, Jan Fabre a re-créé, pour le Festival d'Avignon, cette pièce fondatrice de son répertoire : une mise à nu, aux sens propre et figuré, du théâtre et des corps qui l'habitent, avec leurs sueurs, leurs larmes et leurs cris. Un spectacle excessif, scandé par la musique de Wim Mertens.Théâtre de Gennevilliers, du 6 au 12 février.Reims Scènes d'Europe « Guerre et paix » : un thème en pleine actualité guide l'édition 2015 de ce festival interdisciplinaire organisé par la Comédie de Reims et d'autres scènes de la ville. On y verra une adaptation de A l'ouest, rien de nouveau, d'Eric-Maria Remarque, par Luk Peceval, on y entendra parler de Maïdan, de trafic d'armes, du fascisme italien, d'une bombe humaine… et de la nécessité de réparer les vivantsComédie de Reims, du 5 au 21 février.Les Larmes amères de Petra von Kant Un des meilleurs théâtres privés parisiens met à l'affiche Rainer Werner Fassbinder, avec cette pièce, qui fut aussi un film, sur l'amour-monstre de femmes entre elles. Thierry de Peretti dirige Zoé Schellenberg, Valeria Bruni Tedeschi et Kate Moran, l’actrice américaine qui dansait les diagonales de Lucinda Childs, dans la re-création de Einstein on the Beach, de Bob Wilson, en 2014.Théâtre de l’Œuvre à Paris, à partir du 12 février.Das Weisse vom Ei (Une île flottante) Eugène Labiche et Christoph Marthaler, ou la rencontre de deux grands. A partir de La Poudre aux yeux et de Un mouton à l'entresol, du maître français du vaudeville, le maître suisse de la mise en scène concocte un spectacle sur le mariage bourgeois. Avec sûrement, au rendez-vous, ce mélange unique de rire et de mélancolie qui signe la marque Marthaler.Odéon-Théâtre de l'Europe à Paris, du 11 au 29 mars.Toujours la tempête Une distribution de première grandeur, avec en particulier Laurent Stocker, Dominique Reymond, Nada Strancar et Dominique Valadié, pour la création d’une pièce de Peter Handke à découvrir, dans la mise en scène d'Alain Françon, qui aborde pour la première fois l'œuvre de l'écrivain autrichien.Odéon-Théâtre de l'Europe à Paris, du 4 mars au 2 avril.Splendid’s Arthur Nauzyciel, le directeur du Centre dramatique national d’Orléans, met en scène cette pièce mal connue de Jean Genet avec les mêmes comédiens américains que dans son Julius Caesar, qui avait fortement impressionné en 2008. Un bel acteur français, Xavier Gallais, les accompagne dans ce ballet de gangsters face à la mort.Centre dramatique national d’Orléans, du 14 au 16 janvier, puis tournée (Tours, Lille, Bourges, Reims…) jusqu’à fin avril.Les EstivantsDans cette pièce, une de ses plus belles, Maxime Gorki met en scène un monde crépusculaire, au seuil d’une nouvelle ère. Gérard Desarthe, qui fut l’acteur-fétiche de Patrice Chéreau, dirige les comédiens du Français, parmi lesquels Anne Kessler, Loïc Corbery, Hervé Pierre, Thierry Hancisse…Comédie-Française à Paris, du 7 février au 25 mai.IvanovLuc Bondy, le directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, s’attaque à Ivanov, la deuxième grande pièce de Tchekhov, avec une distribution éblouissante : Marina Hands, qui fait enfin son retour au théâtre, Micha Lescot, Marcel Bozonnet, Ariel Garcia Valdes, Christiane Cohendy, Marie Vialle…Odéon-Théâtre de l’Europe à Paris, du 29 janvier au 1er mars et du 7 avril au 3 mai.Ceux qui restentLe Théâtre de la Ville reprend ce spectacle remarquable, créé en mars 2014 au Monfort-Théâtre, construit par l’auteur et metteur en scène David Lescot à partir des témoignages de deux survivants du ghetto de Varsovie, Paul Felenbok et Wlodka Blit-Robertson. Du théâtre-document d’une intensité et d’une justesse rares, notamment grâce à ses deux acteurs, Marie Desgranges et Antoine Mathieu.Théâtre de la Ville à Paris, du 3 au 21 mars.Mary Stuart Le Belge Ivo Van Hove, qui est devenu un des plus grands metteurs en scène européens, arrive à Créteil avec une Mary Stuart à ne pas rater. Dans ce drame historique de Friedrich Schiller, l’héroïne tragique est incarnée par la grande comédienne flamande Katelijne Damen. On retrouvera ensuite Ivo Van Hove au Théâtre de la Ville, en avril, avec une Antigone créée, en anglais, avec Juliette Binoche.Maison des arts de Créteil, du 26 au 28 mars.Le Standard idéalLa MC93 de Bobigny étant en travaux, le toujours passionnant festival Le Standard idéal se déploie sur plusieurs théâtre de Paris et de Seine-Saint-Denis, avec un riche programme : les Italiens Toni et Peppe Servillo, le Russe Lev Dodine avec son Gaudeamus et une sublime Cerisaie, l’Ukrainien Vladyslav Troitskyi, l’extraordinaire actrice chinoise Zeng Jingping et son théâtre du Liyuan…MC93 de Bobigny hors les murs (Théâtre Gérard-Philipe/Saint-Denis, Monfort Théâtre, Nouveau Théâtre de Montreuil…), du 3 mars à début juillet.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteFabienne DargeJournaliste au Monde Rosita Boisseau Olivier Dubois Un an après sa nomination au Ballet du Nord, l’hyperactif Olivier Dubois poursuit sa collection de Sacre du Printemps, sur la musique d’Igor Stravinski. Après Prêt à baiser (2012), long french kiss à bouche que veux-tu, voilà Sacre #2 avec la danseuse et chorégraphe Germaine Acogny, 70 ans, « l’élue noire » mythique de Maurice Béjart, à l’affiche le 27 mars, à Roubaix. Un solo dédiée aux racines, à la transe, à l’Afrique.Mon élue noire, Sacre #2, Le Colisée, Roubaix, le 27 mars.Angelin PreljocajPas question de serrer Angelin Preljocaj sur la seule étagère des beaux ballets narratifs type Blanche-Neige. Le voilà de nouveau dans son laboratoire gestuel dont il présente régulièrement le résultat depuis 2004, sous le titre d’Empty Moves. Aujourd’hui composée de trois parties, cette pièce pour quatre interprètes, à l’affiche du Théâtre de la Ville, à Paris, s’obsède sur l’écriture, rien que l’écriture du geste. Elle s’appuie sur la performance vocale et musicale, Empty Words, du compositeur John Cage, pour envoyer valser toutes les attentes autres que celle de la langue des corps.Théâtre de la Ville à Paris, du 17 au 28 février.Pierre RigalVoilà donc le chorégraphe contemporain Pierre Rigal sous les ors du Palais Garnier pour sa première collaboration avec les danseurs de l’Opéra national de Paris. Pour l’occasion, Rigal se penche sur le sens du mot Salut, qu’il entend décortiquer sous tous ses aspects. Seize danseurs, dont deux étoiles Jérémie Bélingard et Benjamin Pech, prêtent main forte à Rigal dans son entreprise.Opéra de Paris, Palais Garnier, du 3 au 20 février.Philippe DecoufléAprès la comédie musicale Contact, Philippe Decouflé persiste avec WIEBO, un spectacle pop-rock entièrement placé sous l’influence de la star David Bowie. Imaginé comme un concert live, avec un orchestre dirigé par Pierre Le Bourgeois, des chanteurs comme Sophie Hunger et Jehnny Beth, mais aussi des circassiens et des danseurs, WIEBO profite évidemment de quinze chansons tubissimes de Bowie dont Space Oddity, Life on Mars ou Let’s Dance. Le spectacle sera sur scène mais aussi dans la salle.Philharmonie de Paris, du 3 au 8 mars.Ambra SenatoreUn profil sage de princesse aux cheveux longs pour un esprit malicieux d’artiste qui aime donner du fil à retordre. L’Italienne Ambra Senatore aime les pochettes-surprises et en propose une nouvelle baptisée Aringa rossa. Toujours en biais, à coups de fragments et avec un grand sens de l’ellipse, elle s’attache cette fois à la fantaisie intime des êtres pour en faire jaillir un cocktail secoué de situations toutes plus éberluantes les unes que les autres.Théâtre de la Ville à Paris, du 11 au 14 février.Biennale d’art flamenco Le gratin de la scène flamenca contemporaine a rendez-vous à la Biennale d’art flamenco pilotée par le Théâtre national de Chaillot. Parmi les stars féminines très attendues, l’audacieuse Rocio Molina, la nerveuse Rafaela Carrasco à la tête du Ballet flamenco de Andalucia mais encore les jeunes artistes Patricia Guerrero ou Eduardo Guerrero. La chanteuse Esperanza Fernandez sera également de la partie.Théâtre national de Chaillot à Paris, du 12 au 22 mars.Anniversaire des Centres chorégraphiques nationauxTrente bougies pour les Centres chorégraphiques nationaux apparus au début des années 1980. Au nombre de dix-neuf aujourd’hui, ces CCN sont devenus les socles d’un paysage artistique de premier plan. Pour fêter çà, les directeurs d’hier et d’aujourd’hui – Jean-Claude Gallotta, Carolyn Carlson, Angelin Preljocaj, Mathilde Monnier, José Montalvo, Dominique Hervieu… – se retrouvent l’espace d’un soir pour un splendide gâteau de danses au Théâtre de Chaillot.Théâtre national de Chaillot à Paris, le 19 février.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Rosita Boisseau Chloé Moglia Le sens de la suspension et du vertige de la trapéziste et danseuse Chloé Moglia lui donne l’imagination d’accessoires et d’installations planantes. Celle de sa nouvelle pièce pour un trio d’acrobates, Aléas, déroule une quarantaine de mètres de fils d’acier pour dessiner un espace aérien dans lequel il fait bon se jeter. A l’affiche du Centquatre, à Paris, Chloé Moglia, qui a créé sa compagnie Rhizome en 2009, cherche plus que jamais des réponses à une question essentielle : pour quelles raisons a-t-elle choisi de passer sa vie suspendue en l’air ?Le 104 à Paris, du 10 au 15 février.Jérôme ThomasLe maître du jonglage Jérôme Thomas met en piste le spectacle de fin d’études, toujours très attendu, des onze jeunes artistes de la 26° promotion du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne. Intitulée Over the Cloud, à l’affiche de la Villette, cette production entend relever avec singularité le double challenge de cette fin de parcours : valoriser chaque circassien tout en présentant un vrai spectacle. Un défi dont le gourmand Jérôme Thomas, en parfait chef de troupe, ne devrait faire qu’une bouchée.Centre national des arts du cirque, parc de la Villette (Paris 19e), du 28 janvier au 22 février.SpringToujours les bras ouverts pour les jeunes metteurs en scène de cirque comme par exemple, Fragan Gehlker, expert en corde, dont le spectacle Le Vide est un bijou, ou encore Jean-Baptiste André qui crée un duo intitulé Pleurage et scintillement, la manifestation pilotée par La Brèche, à Cherbourg, affiche aussi une surprise : la rencontre d’experts en jonglage, les Gandini Juggling, et du danseur classique du Royal Ballet, Ludovic Ondiviela dans 4X4.Festival Spring, en Basse-Normandie, du 6 au 31 mars.Rosita BoisseauJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 21h31 • Mis à jour le13.01.2015 à 12h47 | Frédéric Potet Charlie Hebdo succédera-t-il à Bill Watterson, le créateur de Calvin et Hobbes, au palmarès des Grands prix de la ville d’Angoulême ? Un petit groupe de scénaristes et de dessinateurs a lancé une pétition sur Internet, ce lundi 12 janvier, pour que cette prestigieuse distinction – remise chaque année pendant le Festival international de la bande dessinée à un auteur pour l’ensemble de son œuvre – soit exceptionnellement attribuée à l’hebdomadaire satirique, fin janvier à l’occasion de la 42e édition de la manifestation.« Il aurait été indécent de ne pas proposer cette initiative, explique Gwen de Bonneval, l’un de ses instigateurs. Notre idée n’est pas de chercher à récupérer l’esprit de Charlie Hebdo, mais d’accompagner ses dessinateurs afin qu’ils aient la part belle pour l’édition du festival l’an prochain. Donner le Grand prix à quelqu’un cette année nous semblerait dérisoire et absurde. Le décerner d’office à Charlie n’est pas grand-chose en revanche, et c’est la moindre des choses. »Dans l’esprit des pétitionnaires (parmi lesquels on trouve Etienne Davodeau, Pascal Rabaté, Cyril Pedrosa, Alfred, Fabien Vehlmann), cette attribution à titre « exceptionnel » supposerait de s’exonérer du mode de scrutin en vigueur consistant à faire voter l’ensemble des auteurs francophones professionnels avant le festival à partir d’une liste préétablie d’une vingtaine de noms (les favoris s’appellent Chris Ware, Katsuhiro Otomo, Alan Moore…).Pour voir le jour, ce projet devra évidemment obtenir l’assentiment de la direction du festival, ce qui n’est pas gagné. Celle-ci a en effet lancé une idée similaire en fin de semaine dernière en annonçant la création d’un « prix Charlie de la liberté d’expression », destiné aux caricaturistes opprimés dans leur pays.L’avis des auteurs de Charlie Hebdo – qui sortiront mercredi un numéro historique tiré à 3 millions d’exemplaires – pèsera également lourdement dans la balance, tant pour l’une que pour l’autre initiative. Deux dessinateurs ayant participé à la grande aventure du journal humoristique figurent déjà au palmarès des Grands prix de la ville d’Angoulême : Georges Wolinski et Willem, récompensés en 2005 et 2013. « Plus il y a de prix, mieux c'est. Surtout si les lauréats sont vivants », estime sobrement ce dernier.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 12.01.2015 à 09h34 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h01 Boyhood a été sacré meilleur film dramatique aux Golden Globes dimanche 11 janvier lors d'une cérémonie marquée par de vibrants hommages aux victimes des attentats de Paris. Certaines stars, comme George Clooney, arboraient des badges « Je suis Charlie ». Beaucoup d'autres ont brandi ces trois mots imprimés sur fond noir devant les photographes, à leur arrivée sur le tapis rouge des Golden Globes Awards.Les attentats de Paris « nous ont rappelé à tous qu'il faut veiller à la liberté d'expression, qu'il est très difficile d'entretenir cet idéal mais qu'il faut s'y efforcer », a déclaré la comédienne Helen Mirren, qui portait un stylo bleu éclatant sur le rouge de sa robe. Tout au long de la soirée, de vibrants hommages ont été rendus aux 17 victimes des attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l'Hyper Casher de la porte de Vincennes. « Aujourd'hui était une journée extraordinaire, il y avait des millions de personnes dans la rue pas seulement à Paris mais aussi dans le monde entier », a déclaré la star hollywoodienne George Clooney en recevant le prix Cecil DeMille, honorant sa carrière et son engagement humanitaire. « Nous ne marcherons pas dans la peur. Nous ne le ferons pas... Alors,  je suis Charlie », a-t-il dit en français. Dans la salle de presse, il a aussi espéré que les attentats en France ne vont pas alimenter un sentiment antimusulman.« Nous devons être unis face à quiconque voudrait réprimer la liberté d'expression, partout, de la Corée du Nord à Paris », a déclaré en début de soirée, Theo Kingma, président de l'HFPA (la Hollywood Foreign Press Association), suscitant une ovation debout. Une allusion à l'attaque informatique subie par Sony Pictures pour faire annuler la sortie du film parodique The Interview (L'interview qui tue !), attribuée par les Etats-Unis à Pyongyang.« NOUS CÉLÉBRONS LES FILMS APPROUVÉS PAR LA CORÉE DU NORD »Le promu Boyhood rivalisait notamment avec Une merveilleuse histoire du temps, Imitation Game, Foxcatcher et Selma. Dans la catégorie comédie, c'est Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, qui a reçu le principal prix, battant ainsi le favori Birdman, d'Alejandro Iñárritu, reparti avec deux prix, dont celui du meilleur scénario. Son acteur principal, Michael Keaton, a été sacré meilleur acteur dans une comédie pour le rôle d'un ex-comédien de films de super-héros qui tente de renouer avec la gloire au théâtre.Parmi les multiples prix remis dimanche, le Britannique Eddie Redmayne a été sacré meilleur acteur dans un film dramatique pour Une merveilleuse histoire du temps, sur le cosmologue de génie paralysé Stephen Hawking. Julianne Moore a, quant à elle, été primée pour son interprétation dans Still Alice d'une femme malade d'Alzheimer.Les comédiennes Tina Fey et Amy Poehler, maîtresses de cérémonie pour la troisième et dernière fois, n'ont cessé lors de la soirée de faire allusion à l'attaque informatique de Sony Pictures. « Aujourd'hui, nous célébrons tous les films de cinéma et télévision qui ont été approuvés par la Corée du Nord », ont-elles lancé, tandis qu'une pseudo-militaire nord-coréenne s'est levée pour faire un selfie avec Meryl Streep avant de monter sur scène faire un prétendu discours.Parmi les autres lauréats, J.K. Simmons a gagné le Globe du meilleur second rôle masculin pour Whiplash, le long-métrage russe Leviathan celui du meilleur film étranger. En télévision, Transparent d'Amazon a été sacré meilleure série comique, un premier Globe pour le géant du commerce en ligne. Quant à The Affair, l'histoire d'une liaison extramaritale torride, elle a reçu le prix équivalent pour une série dramatique. Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde 11.01.2015 à 17h20 • Mis à jour le13.01.2015 à 10h20 | Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Un projet légèrement amendé de la tour Triangle, immeuble de grande hauteur dont la construction est envisagée porte de Versailles dans le 15e arrondissement de Paris, pourrait repasser devant le Conseil de Paris en avril, a indiqué, jeudi 22 janvier, l'adjoint au maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS).Le lundi 17 novembre 2014, le Conseil de Paris avait rejeté ce projet de 500 millions d’euros porté par Unibail-Rodamco, premier groupe coté de l'immobilier commercial en Europe. 78 conseillers de Paris (PS, PC, PRG) avaient voté pour, mais 83 (UMP-UDI-Modem, écologistes et PG) s’étaient exprimés contre. Arguant du non respect de la procédure qui devait se dérouler à bulletin secret – certains élus ayant exhibé leur bulletin avant de le glisser dans l’urne –, la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS) avait saisi le tribunal administratif pour invalider le vote. Celui-ci ne s’est pas encore prononcé.La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteL’élue a chargé M. Missika de remettre l'ouvrage sur le métier. L’adjoint au maire a invité Unibail à revoir sa copie de manière à proposer un projet qui fasse plus largement consensus auprès des conseillers de Paris, explique l’AFP. Plusieurs élus de la droite et du centre avaient expliqué au cours des débats qu'ils n'étaient pas hostiles au projet de tour en soi mais qu'ils jugeaient son « contenu » – pour l’essentiel des bureaux – insatisfaisant.Une « nouvelle programmation » pour mi-févrierInterrogé par l'AFP, un porte-parole d'Unibail a confirmé que le groupe réfléchissait à une « nouvelle programmation », qui devrait être présentée aux élus « mi-février ». Elle prévoit que la surface hors-bureaux puisse dépasser 20 % de la surface totale de 80 000 m² de planchers. Sous couvert d'anonymat, un responsable a précisé qu'Unibail réfléchissait à l'installation d'un hôtel, à celle d'un incubateur d'entreprise, et à « l'agrandissement du centre social » que doit accueillir le gratte-ciel de 180 m. Evoquée au tout début du projet, la possibilité de construire un hôtel quatre étoiles au sommet de la tour avait été abandonnée, notamment en raison de la faible rentabilité économique de l'ensemble.La Ville de Paris a toutefois émis, jeudi 22 janvier au soir, des réserves sur le calendrier évoqué par M. Missika. « Le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, a fait valoir un porte-parole. « Avril, c'est court », a ajouté cette source.La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Des femmes polygames à la tête d’un Etat militaire, des hommes obligés de porter le voile… Riad Sattouf inverse les genres dans un conte burlesque qui dénonce les oppressions (vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ Cinéma).Imaginez un monde où les femmes auraient les attributs des hommes : tenue vestimentaire, gestuelle, pouvoir politique, économique, domestique… Et les hommes ceux des femmes. Projetez cette image dans une dictature militaire fondée sur un solide culte de la personnalité, verrouillée par une doctrine religieuse d’Etat, et vous aurez le contexte de Jacky au royaume des filles.En partie tournée en studio, en costumes, avec une brochette d’acteurs célèbres, cette dystopie se déroule dans un pays imaginaire dont les habitants parlent un sabir étrange, se nourrissent d’une bouillie blanche distribuée par voie de robinets, idolâtrent des chevaux nains… Vêtues d’uniformes militaires, les femmes cumulent plusieurs maris qui ont à charge de les satisfaire sexuellement et de s’occuper des tâches ménagères. Les hommes, eux, ne sortent pas sans leurs « voileries », sortes de burqas qui les recouvrent de la tête aux pieds. Les plus âgés vivent dans la crainte de leur épouse, les plus jeunes dans l’attente d’une demande en mariage.Burlesque noir audacieuxMais Jacky (Vincent Lacoste) a d’autres ambitions. Courtisé par toutes les filles de son village, il refuse leurs avances car son cœur bat pour la colonelle, l’héritière du trône qu’interprète Charlotte Gainsbourg. Quand celle-ci lance un bal pour se choisir un mari parmi les garçons du pays, il veut saisir sa chance, comme le fit en son temps Cendrillon.Dépouillé par sa famille adoptive du billet de bal que lui avait acheté sa mère avant de mourir, il se déguise en fille pour infiltrer la cérémonie, et séduire la colonelle, poussant un cran plus loin le jeu de permutation des genres sur lequel repose le film.En une succession de tableaux, le film déploie un burlesque noir audacieux, à défaut d’être toujours drôle. Le résultat, inégal, traduit l’attitude de Riad Sattouf vis-à-vis de son film, alliage de grande ambition fictionnelle, et graphique, avec une forme de décontraction potache qui trouve sa pleine expression dans un invraisemblable dernier plan, totalement bricolé et violemment subversif.En résulte un sentiment de fraîcheur qui tranche avec le professionnalisme moutonnier dont témoignent tant de comédies populaires françaises. Il donne d’autant plus envie de pardonner au film ses défauts que la mise en scène sert une critique virulente de toutes les oppressions à commencer par celle du conformisme.Jacky au royaume des filles, de Riad Sattouf. Avec Vincent Lacoste, Noémie Lvovsky, Didier Bourdon, Charlotte Gainsbourg (France, 2014, 90 min). Vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ CinémaIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.01.2015 à 08h33 • Mis à jour le23.01.2015 à 13h37 | Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur leur chef-d'œuvre psychédélique sorti en 1967.A part pour quelques grognons, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est considéré comme un monument. Huitième album des Beatles, il est devenu pour le plus large public le symbole du son de l'année 1967, période hautement psychédélique. Un assemblage de chansons ouvrant bien grandes les portes de l'imagination, par leur traitement musical et sonore autant que par leurs textes. Un collage fantasque avec fanfares, cordes et instruments venus de la musique classique, riffs de guitare, envolées de claviers, musique indienne, voix déformées, effets façon musique concrète et bruits les plus divers…Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Sgt. Pepper's »De l'introduction très rock du morceau Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band à l'accord final de l'épique A Day In The Life qui s'éteint dans des harmoniques de plusieurs pianos et d'un harmonium, plus de sept cents heures d'enregistrement auront été nécessaires, entre le 24 novembre 1966 et le 21 avril 1967. A l'époque, personne ne passe autant de temps sur un disque. Revolver, l'album précédent des Beatles, avait déjà nécessité plus de deux mois de travail, de début avril à fin juin 1966, mais avec des périodes d'interruption, notamment pour des concerts. Pour Sgt. Pepper's, le groupe élit quasiment domicile dans les studios d'EMI, au 3 Abbey Road à Londres. Les Beatles ont décidé d'arrêter les concerts – ultime date, le 29 août 1966, au Candlestick Park de San Francisco –, ont la volonté de créer in situ, de faire de chaque chanson un terrain d'expérimentation.Le résultat, publié le 1er juin 1967, est à la hauteur de leurs espérances. Treize chansons différentes, qui forment pourtant un tout cohérent, s'enchaînent d'un même élan. Chacune constitue un voyage surprenant par l'instrumentation, une séquence d'accords inattendue, le jeu avec les technologies (mixage, placement stéréophonique)… Et surtout, là où, chez d'autres, le souci de recherche et d'expérimental s'arrête à la surface, l'écriture n'oublie jamais l'impact mélodique : Lucy In The Sky With Diamonds, Getting Better, She's Leaving Home ou A Day In The Life sont les exemples d'une réussite intemporelle.M Le magazine du Monde daté du 31 janvier 2015 sera consacré aux Beatles.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Rosita Boisseau Dorothée Munyaneza avait 12 ans lorsqu'elle s'est enfuie sur les routes du Rwanda pour échapper au génocide. Elle en a 31 aujourd'hui, est devenue chanteuse, danseuse, actrice et mère. Fascinante interprète des spectacles du chorégraphe François Verret depuis 2006, elle a commencé à écrire un texte pour donner forme et voix à des souvenirs sanglants, « faire face à une perte immense ». Elle en extrait aujourd'hui le canevas de son premier spectacle, Samedi détente, du nom de l'émission de radio qu'elle écoutait, gamine, avant 1994. « C'est un titre paradoxalement lumineux, qui me semblait plus juste pour évoquer l'indicible et essayer de me souvenir d'abord de la vie, de mes amis lorsqu'ils étaient vivants. » Vingt ans après le génocide, Dorothée Munyaneza se risque sur ses propres traces. Elle n'est pas toute seule : le musicien Alain Mahé et la danseuse ivoirienne Nadia Beugré sont là pour lui prêter main-forte. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Roxana Azimi De son vivant, ses peintures de jeunes filles alanguies choquaient. Quatorze ans après sa mort, les galeries se les arrachent. Mais son œuvre, exposée à la galerie Gagosian, à Paris, n'a rien perdu de sa trouble séduction. Le poète Antonin Artaud disait de la peinture de Balthasar Klossowski de Rola – alias Balthus – qu'elle sentait « la peste, la tempête, les épidémies ». A-t-elle perdu aujourd'hui cette fragrance vénéneuse pour que la galerie Gagosian lui consacre une grande exposition à Paris après celle, en 2013, de ses Polaroid à New York ? Avouons-le, le marché est souvent puritain. Il plébiscite une œuvre vidée de tout soupçon, en l'occurrence pédophilique, seulement lorsque les milliardaires peuvent l'afficher en toute quiétude comme un trophée. Hier scandaleux, le peintre d'adolescentes alanguies aux poses suggestives serait-il aujourd'hui fréquentable ?A vrai dire, l'artiste décédé en 2001 a toujours été Janus, sulfureux et rassurant à la fois. Son tableau le plus inconvenant, La Leçon de guitare de 1934, avait été refusé par le MoMA de New York : on y voit une fillette, la jupe retroussée dévoilant son pubis, prête à pincer le téton d'une femme plus âgée. Le public, lui, fera la queue devant cette toile exposée à la galerie Pierre Matisse. Recrutés dans le milieu du show-biz (Tony Curtis, Bono) ou des affaires (Stavros Niarchos, Giovanni Agnelli), ses collectionneurs s'arrachent sa parcimonieuse production. Pourquoi tant d'empressement ?Parce que Balthus est moins choquant que troublant. « Il ne suscite pas de gêne mais de l'inquiétude », abonde l'historien d'art Didier Semin, qui voit en lui l'un des dix génies du xxe siècle. Le photographe japonais Araki le dit bien : « Balthus touche avec le regard et jamais avec les doigts. » S'il peint des lolitas aux poses insolentes, c'est moins dans l'esprit prédateur d'un Humbert Humbert que par nostalgie pour ce moment magique où l'on quitte l'enfance sans tomber dans le conformisme de l'adulte. Mais voilà, notre regard reste vissé sur la petite culotte, projection de tous les fantasmes. « Une chambre de Barbe-Bleue »Pourtant tout ici n'est que peinture. « Sa grandeur, c'est d'avoir récupéré les archétypes de la peinture depuis le XIIIe siècle et d'en avoir fait des images modernes qui n'ont pas l'air de pastiches », remarque Didier Semin. Et d'ajouter : « Ses tableaux sont des maisons hantées avec beaucoup de fantômes, c'est la mémoire de plusieurs siècles de peinture. » La bravade est d'autant plus sourde qu'elle se love dans une facture classique, minutieusement ciselée, mille fois repassée au tamis. Balthus mettait parfois des années à peaufiner une toile.C'est bien cette maturation lente qui incommode. « Balthus dérange car il entretient savamment le mystère de son atelier en en interdisant l'accès, remarque le commissaire d'exposition suisse Dominique Radrizzani. Ses modèles ont beau protester qu'il ne s'y passe rien d'équivoque, Balthus s'est créé une chambre de Barbe-Bleue. » Vivant en châtelain dans sa retraite de Rossinière, en Suisse, il cultivait secrets et mensonges. Sa vie était déjà un roman, celui d'un enfant précoce qui signe à 12 ans son premier livre illustré, l'histoire du chat Mitsou, préfacé par le poète Rainer Maria Rilke, alors amant de sa mère. Son entourage d'adulte ? Artaud, Giacometti, Camus, excusez du peu. Mais au roman, Balthus préfère le mythe. Français d'origine polonaise et russe, il niera sa judéité. S'inventant une filiation avec lord Byron, il ajoutera même une particule aristocratique – de Rola – à son nom.La photo comme aide-mémoirePrès de quinze ans après sa mort, il sème toujours le trouble. Moins prudes que leurs aînés, les trentenaires sont sous le charme. « Ma génération trouve que c'est la classe. C'est élégant, confie Jean-Olivier Desprès, codirecteur de la galerie Gagosian à Paris. C'est comme de la peinture ancienne : on passe des heures à la décoder. » Pour Didier Semin, le regain d'intérêt que connaît Balthus, et dont bénéficie aussi son frère, l'écrivain et peintre Pierre Klossowski, s'expliquerait par une « nostalgie pour un âge où l'on pouvait appeler un chat un chat ».Mais les bigots ont encore le dernier mot. En 2014, une exposition de Polaroid de Balthus fut annulée au Musée Folkwang d'Essen. Sans doute pour de mauvaises raisons. Car ce qui devrait poser problème dans ces clichés, que Gagosian expose aussi à Paris, ce n'est pas tant leur contenu – des paysages et des adolescentes assoupies – que leur statut. « Balthus n'aurait pas souhaité qu'on présente ces Polaroid comme des œuvres, estime Dominique Radrizzani. Ce sont des notations mécaniques de lumière, auxquelles le peintre a recours au moment où ses yeux et sa main ne lui permettent plus de dessiner. » Pour ce grand classique, l'intelligence passait par la main. La photo n'a valeur que d'aide-mémoire. Roxana AzimiJournaliste au Monde Emilie Grangeray Luc Bondy met en scène Ivanov, de Tchekhov, à L'Odéon-Théâtre de l'Europe qu'il dirige depuis mars 2012. Il nous parle de son amour des textes et des comédiens : Marina Hands, Michel Bozonnet, Micha Lescot… Vous avez monté une soixantaine de spectacles, et seulement deux Tchekhov (Platonov et La Mouette)…C'est vrai, même si, bizarrement, j'ai l'impression que je l'ai monté souvent. Tchekhov, c'est tout un monde, c'est Shakespeare et Beckett réunis. C'est un auteur formidable, à l'incroyable dramaturgie. J'aime le relire : ses nouvelles, sa correspondance ou encore les notes de son voyage sur l'île de Sakhaline sur les conditions des bagnards. Mais Tchekhov, c'est aussi pour moi un homme très généreux et un être humain assez remarquable.Pourquoi Ivanov ?C'est un texte qui m'intéresse depuis longtemps. Une pièce de jeunesse, mais dans laquelle la structure et les thèmes tchekhoviens sont déjà présents. A 35 ans, Ivanov n'en peut plus. S'il vivait aujourd'hui, on dirait qu'il fait un burn-out.Justement, Tchekhov a écrit deux versions de sa pièce . Laquelle avez-vous décidé de mettre en scène ? La première – que je trouve plus moderne, dans laquelle Ivanov s'effondre, épuisé. Pour moi, la seconde, dans laquelle il se tire une balle dans la tête, est beaucoup plus conventionnelle. J'ai choisi une fin beckettienne : un personnage qui se suicide, c'est psychologique ; un personnage qui finit, c'est ontologique ! Représentant juif d'une culture Mitteleuropa du XXe siècle, vous travaillez comme un talmudiste qui relit le même texte pour atteindre des couches de plus en plus secrètes…Je pense en effet que, s'il y a une vérité qui surgit, ce n'est pas parce que tout a été aplani, bien au contraire, mais parce que tout a été fouillé. Pour moi, Ivanov est aussi une pièce sur l'antisémitisme – ce qu'on appelait, avant l'Holocauste, l'antisémitisme de salon. Ivanov a épousé Sarah qui, parce que convertie par amour, se fait déshériter et qu'il menace de traiter de « sale juive ». On sait d'ailleurs que Tchekhov était un ardent dreyfusard – ce qui était alors assez inhabituel en Russie.Vous avez repris de nombreux comédiens de votre Tartuffe : Victoire du Bois, Yannik Landrein, Micha Lescot...Oui, c'est une espèce de troupe que j'ai créée, et l'alchimie entre les acteurs est pour moi essentielle. J'ai une chance énorme. Ils sont tous parfaits, c'est-à-dire tout à fait eux-mêmes. Je ne crois pas à la notion de personnage. Je ne pars d'ailleurs jamais d'un personnage, mais de quelqu'un qui peut le rejoindre à partir de ce qu'il est, lui.Vous êtes à mi-parcours de votre mandat à l'Odéon. Pouvez-vous esquisser un premier bilan ? Le théâtre est rempli et l'on refuse des abonnés (au nombre de 12 000) pour ne pas jouer à guichet fermé. Par ailleurs, les spectacles sont joués plus longtemps, soixante fois minimum, et cela afin que les productions soient amorties et vues par un plus grand nombre.Emilie GrangerayJournaliste au Monde Claire Guillot Que signifie « être de quelque part » ? Quelle responsabilité a-t-on envers l'histoire de son propre pays ? En tant que Sud-Africain blanc, témoin de la fin de l'apartheid, le photographe Pieter Hugo s'est toujours posé ces questions. Mais elles se sont manifestées de façon beaucoup plus aiguë depuis que ce géant blond aux yeux bleus a fondé sa propre famille. « Je me sens sud-africain. Et je me suis demandé quelle est ma relation à cet endroit. » Pendant huit ans, sous le titre « Kin », qu'on pourrait traduire par « proche », il a accumulé des images, comme pour un portrait de la société sud-africaine et de lui-même, peint à travers les gens qui forment son entourage, ceux qu'il aime ou ceux qu'il croise, et qu'il mêle à des vues d'intérieur et quelques paysages.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-54c1f73d1624f'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\nParc de Green Point Common, Le Cap, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Parc de Green Point Common, Le Cap, 2013","source":"Pieter 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5 \/ 10\r\n \r\n \r\nDaniela Beukman, Milnerton, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Daniela Beukman, Milnerton, 2013","source":"Pieter Hugo","index":4,"position":5,"total_count":10,"item_lie":null,"link":"\/afrique\/portfolio\/2015\/01\/21\/la-melancolie-sud-africaine-dans-les-images-de-pieter-hugo_4560217_3212_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 10\r\n \r\n \r\nP\u00e9ripherie de Pretoria, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"P\u00e9ripherie de Pretoria, 2013","source":"Pieter 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nation ».Lire aussi la critique : Pieter Hugo, l’Afrique du sud en demi-teinte Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Yann Plougastel Au Cap, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Derrière les murs des villas sécurisées, où les Blancs se protègent des Noirs, il se passe des affaires étranges qui en disent long sur l'échec de la société arc-en-ciel rêvée par Nelson Mandela. Depuis Mélanges de sangs, en 2009, Roger Smith, qui travailla d'abord comme réalisateur et producteur de cinéma, porte un regard amer sur la société sud-africaine.Dans le diabolique Pièges et sacrifices, son cinquième roman traduit en français, il nous raconte l'histoire de Mike Lane, un libraire plutôt à l'aise qui, avec sa femme Evelyn, tente de maquiller le meurtre, dans leur propre maison, d'une jeune fille par leur abruti de fils, en accusant le fils noir de leur employée de maison… A travers la figure de Mike Lane, homme cultivé mais faible, Roger Smith nous montre avec âpreté la déliquescence d'un monde qui a perdu tout espoir de rédemption Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux A peine remise de son inauguration, la Philharmonie de Paris accueille en grande pompe l'Orchestre Simon Bolivar. Cette formation est dirigée depuis 1999 par l'une des baguettes les mieux cotées du moment, le charismatique et talentueux chef vénézuélien Gustavo Dudamel, également patron, à 33 ans et depuis 2009, de l'Orchestre philharmonique de Los Angeles.Dans la besace symphonique de ces preux du Sistema – l'exemplaire système d'éducation du Venezuela, fondé sur la pratique instrumentale comme alternative à la violence –, la Cinquième Symphonie de Beethoven ainsi que des morceaux choisis du Ring wagnérien (24 janvier), puis le typique Tres versiones sinfonicas, du compositeur cubain Julian Orbon, avant la Cinquième Symphonie de Mahler (25 janvier). Dans le nouvel écrin symphonique parisien, deux concerts à haute valeur musicale emmenés avec une fougue communicative par des musiciens de tempérament.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Yann Plougastel En décembre 2014, ces quatre garçons du désert ont enflammé les Transmusicales de Rennes avec leur mélange de blues de la Genèse, de rock du futur et de musique africaine de toujours. En septembre 2013, le morceau Soubour, issu de la compilation Maison des jeunes, réalisée à Bamako par Damon Albarn et Brian Eno, avait déjà attiré l'attention sur le très électrique Songhoy Blues. Depuis, la rumeur a grandi grâce au clip, particulièrement réussi, d'Al Hassidi Terei, titre annonçant la sortie de leur premier album, Music in Exile, produit par Nick Zinner, le guitariste de Yeah Yeah Yeah…Ils viennent de Tombouctou et de Gao, qu'ils ont quittés en 2012, au moment de l'invasion du nord du Mali par les groupes djihadistes. Refusant de se plier à l'interdiction de jouer de la musique, ils ont migré à Bamako pour continuer à exercer leur passion. C'est là que Damon Albarn les a entendus, tombant sous le charme de morceaux qui évoquent à la fois Ali Farka Touré, John Lee Hooker et B.B. King.Leur nom, Songhoy Blues, renvoie directement aux Songhaï, ce peuple métis à la frontière de l'Afrique blanche et de l'Afrique noire qui, au XVe siècle, bâtit un empire s'étendant le long du fleuve Niger, du Mali au Nigeria aujourd'hui. Ces musiciens se revendiquent donc d'une culture bien particulière, où le désert joue un rôle primordial. Et, en même temps, ils s'inscrivent dans une modernité tout aussi dansante que décoiffante… Retenez bien leur nom. Ils symbolisent l'envol de l'Afrique d'aujourd'hui.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux, détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Sgt. Pepper’s », accords majeursCette semaine : autour de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967).« Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » (Lennon-McCartney), par Jimi Hendrix ExperienceDimanche 4 juin 1967, The Jimi Hendrix Experience, mené par le guitariste Jimi Hendrix (1942-1970) avec Noel Redding (basse, 1945-2003) et Mitch Mitchell (batterie, 1946-2008), joue au Saville Theatre de Londres. Dans le public, deux Beatles, Paul McCartney et George Harrison (1943-2001), qui découvrent une reprise de la chanson Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band par le trio électrique. L’album des Beatles du même nom est sorti le 1er juin. Hendrix gardera la chanson à son répertoire – il la jouait encore lors son dernier concert en Angleterre, à l’Ile de Wight le 31 août 1970, trois semaines avant sa mort, le 18 septembre. La version que nous présentons a été filmée lors d’un concert le 22 décembre 1967 à l’Olympia Exhibition Hall de Londres, à l’occasion d’un festival d’une journée (et une nuit) auquel ont notamment participé Pink Floyd, Traffic, The Move, Soft Machine et Eric Burdon. Hendrix prévient : « Attention les oreilles ! »« With A Little Help From My Friends » (Lennon-McCartney), par Sérgio MendesParmi les reprises de la deuxième chanson de l’album, composée par Lennon et McCartney et chantée par Ringo Starr, la version de Joe Cocker (1944-2014) est probablement la plus célèbre. Elle mène le chanteur de Sheffield au succès, en particulier lorsqu’il l’interprète dimanche 17 août 1969, en ouverture de la troisième journée du festival Woodstock Music & Art Fair. Moins réputée, mais signe, parmi de nombreux autres, de l’intérêt régulier des musiciens brésiliens pour les Beatles, voici celle, façon bossa, du pianiste, arrangeur et chanteur Sérgio Mendes avec son groupe Brasil’66. Duo vocal avec Janis Hanssen, l’une des deux chanteuses, avec Lani Hall, de Brasil’66. Extrait du troisième et dernier album de Mendès avec Brasil’66, Look Around (A & M, Records, mars 1968).« Lucy In The Sky With Diamonds » (Lennon-McCartney), par Elton JohnLe pianiste, chanteur et auteur-compositeur Elton John publie en novembre 1974 un 45-tours (DJM Records) sur lequel figure en face A sa version de Lucy In The Sky With Diamonds. D’une durée de plus de 6 minutes, elle ne diffère guère de l’original par son traitement, avec toutefois un arrangement instrumental et des variations un rien reggae au milieu. En face B, Elton John est resté proche des Beatles puisqu’il reprend la chanson One Day (At A Time), de John Lennon (1940-1980), qui figure sur l’album Mind Games, paru en novembre 1973.« Getting Better » (Lennon-McCartney), par The Wedding PresentPublié en octobre 1987, le premier album de The Wedding Present, groupe de Leeds (Angleterre) mené par le chanteur David Gedge et le guitariste Peter Solowka, s’intitule George Best, nom du joueur de football irlandais (1946-2005), star de l’équipe Manchester United dans les années 1960 et fierté de l’Irlande du Nord, qui figure en photographie sur la pochette. L’album original contient douze chansons. La reprise de Getting Better par The Wedding Present a été enregistrée début 1988 lors de séances pour des 45-tours. A trouver dans la réédition augmentée en CD de l’album en 1997 diffusée par le label Pearls From The Past.« Fixing A Hole » (Lennon-McCartney), par Electric Würms/The Flaming LipsAprès avoir revu des albums de King Crimson, The Stone Roses ou Pink Floyd avec divers camarades plus ou moins aussi allumés et fantasques qu’eux, le groupe psyché-pop The Flaming Lips, formé à Oklahoma City en 1983, s’est intéressé à Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band en compagnie de My Morning Jacket, Myley Cyrus, Moby, Phantogram, Foxygen etc. Publié le 27 octobre 2014, With a Little Help from My Fwends (Warner Bros.) reprend l’intégralité de l’album dans l’ordre de sa construction originelle. Parmi les réussites, la chanson Fixing A Hole interprétée par Electric Würms, qui regroupe Linear Downfall, le quartette néo-psyché de Nashville, et deux membres de The Flaming Lips, le guitariste Steven Drozd et le chanteur Wayne Coyne.« She’s Leaving Home » (Lennon-McCartney), par Harry NilssonClavecin, hautbois, cordes, etc. : tout y est dans cette interprétation respecteuse de She’s Leaving Home par Harry Nilsson (1941-1994), le grand copain américain des Beatles, concoctée pour son album Pandemonium Shadow Show (RCA, décembre 1967), qui contient aussi une reprise de You Can’t do That, face B de leur 45-tours Can’t Buy Me Love (juillet 1964). Lors d’une conférence de presse annonçant, en 1968, la création de leur société Apple Corps Ltd., Lennon et McCartney avait présenté Nilsson comme leur artiste préféré, avant que Ringo Starr ne l’embringue dans de nombreuses virées – de l’album Son of Schmilsson (1972) au film Son of Dracula (1974), de Freddie Francis…« Being For The Benefit of Mr Kite ! » (Lennon-McCartney), par Easy Star All-StarsEasy Star All-Stars, collectif de musiciens de reggae new-yorkais dirigé par le producteur, arrangeur et guitariste Michael Goldwasser, fondateur en 1996 du label Easy Star Records, a adapté pour la scène ou au disque plusieurs albums et chansons de l’histoire de la pop et du rock. L’intégralité de Dark Side of The Moon de Pink Floyd devenu Dub Side of the Moon en 2003, des chansons d’Ok Computer, de Radiohead ou l’album Thriller, de Michael Jackson en 2012. En 2009 paraît Easy Star’s Lonely Hearts Dub Band (2009) avec des invités comme U Roy, Luciano ou Steel Pulse. Le chanteur anglais Ranking Rogers (The Beat, General Public) est la voix lead de cette version reggae de Being For The Benefit of Mr Kite !« Within You, Without You » (Harrison), par Sonic YouthL’unique composition de George Harrison dans l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band est interprétée par un ensemble de musiciens traditionnels indiens, un ensemble de cordes et Harrison au chant et au sitar. Très influencée par la musique classique indienne, la chanson ouvrait la face B de l’album 33-tours. Cette reprise par le groupe punk-arty-expérimental Sonic Youth, fondé à New York en 1981, figurait dans la compilation Sgt. Pepper Knew My Father produite en 1988 par le magazine britannique New Musical Express, en faveur de la structure d’aide par téléphones aux enfants, ChildLine.« When I’m Sixty-Four » (Lennon-McCartney), par Georgie FameClaviériste et chanteur anglais, Georgie Fame connu son plus gros succès avec le groupe The Blue Flames, qui accompagna d’abord Billy Fury, avec une reprise de Yeh, Yeh (Columbia, décembre 1964), composition de Rodgers Grant, Pat Patrick et Jon Hendricks. Sa carrière solo débutera à l’été 1966. En 1968, l’album The Third Face of Fame (CBS), avec entre autres le guitariste John McLaughlin, le pianiste Arthur Greenslade, les saxophonistes Ronnie Scott et Tony Coe, réunit des reprises comme The Ballad of Bonnie & Clyde, Someone To Watch Over Me, St. James Infirmary, Mellow Yellow ou cette interprétation de When I’m Sixty-Four proche de l’ambiance jazz de l’original.Signalons l’existence d’une adaptation en français par Marcel Amont, qui, pour des raisons d’euphonie, a transformé le sixty-four (64 ans) originel en quarante-cinq dans sa reprise intitulée Dans 45 ans. Enregistrée l’année de la sortie de Sgt. Pepper’s, cette rareté a été publiée en CD dans l’un des volumes de La France et les Beatles (Magic Records), compilation qui regroupe des versions françaises des chansons des Beatles dans les années 1960.« Lovely Rita » (Lennon-McCartney), par Fats DominoLe pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans, Fats Domino a régulièrement mis des chansons des Beatles à son répertoire dont Lady Madonna et Lovely Rita qui figurent toutes deux sur l’album Fats Is Back sorti en 1968 sur Reprise Records et produit par Richard Perry qui faisait là ses premières armes (on le retrouvera ensuite auprès d’Harry Nilsson, Barbra Streisand, Carly Simon, Ringo Starr pour le meilleur album solo du batteur des Beatles, Ringo, en 1973, The Pointer Sisters, Rod Stewart…). A l’époque, John Lennon aurait déclaré préférer cette interprétation de Fats Domino à celle des Beatles.« Good Morning Good Morning » (Lennon-McCartney), par The Bee Gees, Peter Frampton et Paul NicholasEn 1978, le producteur Roger Stigwwood proposa une adaptation cinématographique d’une comédie musicale mise en scène par Tom O’Horgan intitulée Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band on the Road. Devenu pour le cinéma Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (le film), réalisé par Michael Schultz (dont le film le plus connu est Car Wash, 1976), a été un échec commercial et critique. Si aucun des Beatles n’y participa, il eut pour conseiller artistique directeur musical et producteur de la bande-son le « cinquième Beatles », George Martin. Les nouvelles versions des chansons de Sgt. Pepper’s ainsi que de l’album Abbey Road (septembre 1969) ont pour interprètes The Bee Gees (les Beatles australiens, qui venaient de renouer avec le succès planétaire mondial avec Saturday Night Fever), le guitariste Peter Frampton, Aerosmith, Earth Wind and Fire, Alice Cooper, Billy Preston, la section de vents de Tower of Power…« Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » (Lennon-McCartney), par Gilberto GilL’album des Beatles débutait par la chanson-titre, qui revenait, dans une version plus courte, juste avant la chanson finale A Day In The Life. D’où cette présence d’une deuxième reprise, après celle de Jimi Hendrix. Cette fois, c’est le chanteur brésilien Gilberto Gil qui est à l’honneur. Voix et guitare, mimaliste et dépouillée, son interprétation est tirée de la réédition en 1998 de son album Gilberto Gil (connu aussi sous le titre de Nêga), publié en 1971 par la division brésilienne de la compagnie néerlandaise Philips et enregistré au Chappel’s Studio à Londres.« A Day In The Life » (Lennon-McCartney), par Neil Young & The Electric BandLors de la plupart des concert de sa tournée européenne en 2008 puis en Amérique du Nord ainsi que tout au long de la tournée 2009, Neil Young concluait ses concerts avec une version bruitisto-épique de A Day In The Life. Telle celle jouée lors du festival de Glastonbury, sur la scène Pyramid, le 26 juin 2009 et filmée par la BBC. Il existe aussi un film amateur de bonne qualité de la venue (surprise ?) de Paul McCartney auprès de Neil Young à Hyde Park, le lendemain.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Le projet « Prison Map » gagne en visibilité, or rendre visible la prison est tout son propos. Son concepteur, Josh Begley, 30 ans, est un « data artist » et depuis peu journaliste pour The Intercept, un magazine en ligne créé il y a près d’un an pour présenter les documents sur la NSA révélés par Edward Snowden, et qui est spécialisé dans les enquêtes sur la surveillance globale par les Etats-Unis.L’élaboration de cette œuvre numérique remonte à 2012, lorsque le New-Yorkais était encore étudiant en « télécommunications interactives » à New York University (NYU). Si elle attire l’attention aujourd’hui, c’est qu’elle sera présentée en février à New York dans le cadre d’une exposition intitulée « Prison Obscura », s’intéressant à la représentation des prisons américaines.Méga-système carcéralJosh Begley a le don de rendre saillants les sujets sensibles, ceux sur lesquels les autorités américaines tentent de se faire discrètes. Son goût pour la transparence paradoxale, à la fois légale et clandestine, l’amène à trouver dans les données accessibles une façon de rendre compte d’une réalité dérangeante. C’est ainsi qu’il s’est intéressé au méga-système carcéral américain.L’artiste est parti du constat qu’il est très difficile de disposer d’informations sur le sujet, alors même que les Etats-Unis détiennent le record mondial du taux d’emprisonnement, avec 2,2 millions de personnes derrière les barreaux en 2012, soit près d’un Américain sur cent (0,7 %). C’est ce décalage entre un phénomène massif et un vide de représentation globale qui lui a donné l’envie de montrer le paysage de l’univers carcéral par un assemblage exhaustif de photos. « Qu’est-ce que cela implique d’avoir 5 000 ou 6 000 personnes enfermées au même endroit ? A quoi ressemblent ces espaces carcéraux ? Comment transforment-ils leur environnement naturel (ou sont-ils transformés par lui ) ? », sont parmi les questions qu’il souhaitait soulever. OmniscientPour réaliser sa collecte photographique, l’auteur s’est basé sur des travaux rassemblant les données géographiques des prisons. Un travail minutieux qui a permis de recenser et situer les prisons fédérales et d’Etat, les prisons locales, les centres de détention et les établissements à gestion privée. Soit au total 4916 établissements pénitentiaires, dont les images satellite ont été collectées sur Google Map à travers le pays. Josh Begley en a sélectionné 700 spécimens permettant de visualiser cette composante de la société américaine dans un hypnotique patchwork de vues aériennes sur lequel il est possible d’agrandir chaque photo.Cet angle de vue inédit et omniscient sur les déclinaisons architecturales et l’organisation spatiale des prisons a une suite. En 2014, Josh Begley a en effet fait le lien, dans son travail, entre le taux d’incarcération de chaque Etat américain et du reste du monde. Le graphique (intitulé « States of Incarceration: The Global Context »), s’il est moins esthétique que « Prison Map », est tout aussi saisissant : on y visualise la masse carcérale par ordre décroissant, avec 37 Etats américains devançant individuellement tous les pays. Puis le reste des 50 Etats américains s’intercale avec les pays les plus répressifs, au premier rang desquels Cuba, le Rwanda, la Russie, le Salvador, l’Azerbaïdjan, le Panama et la Thaïlande. Le champion toutes catégories est la Louisiane (1351 détenus pour 100 000 habitants), tandis que l’Etat américain ayant le taux le plus bas est le Vermont (254), loin devant la France (98).Chaque attaque par drone notifiée par un « push »Ces deux projets s’inscrivent dans le cadre d’une collaboration artistique avec le Prison Policy Initiative (PPI), un think tank s’intéressant à la politique publique américaine sur la question de la justice criminelle et de ses dérives. Cette association, qui mène de nombreuses recherches, fait régulièrement appel à des artistes. Josh Begley avait d’ailleurs créé un autre graphique pour eux en 2012 sur la privation des droits civiques (« Disenfranchisement info graphic »), qui montrait que les Etats qui ont exclu le plus de personnes du droit de vote ont été les plus décisifs dans l’élection présidentielle de 2012.Le travail de Josh Begley avait eu un large retentissement début 2014, lorsqu’il avait lancé Metadata+, une appli d’iPhone qu’Apple a fini par publier après deux ans de refus, et dont le principe est de produire une notification « push » pour chaque frappe américaine par drone. L’artiste numérique a également mis en place son corollaire sur Twitter : le compte Dronestream, qui référence chacune des attaques signalées dans la presse depuis 2002 (avec à chaque fois un bilan des morts et des blessés).La série « Prison Map » sera exposée dans le cadre de l’exposition « Prison Obscura », conçue par Pete Brook, à l’école d’arts appliqués Parsons à New York, du 5 février au 17 avril.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin En cours d’exécution sur toute la hauteur de la façade du parvis de l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, le message « Nous sommes tous Charlie » s’affichera en lettres rouges de trois mètres de haut, en arabe et en français, à l’initiave bénévole du galeriste Mehdi Ben Cheikh. Ainsi en a décidéJack Lang, le président de l’IMA, institut qui réunit vingt-deux pays arabes – à l'exception, pour l’heure, de la Syrie. « Tous les pays, dans l’ensemble me suivent, affirme l’ancien ministre de la culture. Tous sont contre les islamistes. »Et Jack Lang d’inviter « le maximum de gens de toutes confessions et provenances à participer [comme lui], à la manifestation de dimanche, événement puissant et beau d’unité nationale. L’abomination a provoqué un fabuleux réveil de la société. Les citoyens apportent un souffle d’esprit, une force d’âme. Tous les sceptiques sont balayés, c’est bouleversant. »Par téléphone, alors qu’il est dans le métro – « plus que jamais en ce moment », dit-il –, le président de l’IMA précise qu’il a reçu « des messages de tous les ministres de la culture et de l’éducation des pays arabes, de partout, avec ceux des intellectuels et des écrivains. Une réaction de solidarité, d’émotion, qui est très forte dans ce malheur. Il y a un sursaut, non seulement en France mais dans ces pays où il y a une volonté collective de lutter contre toutes les formes de terrorisme quelles que soient les raisons des gouvernements ou des sociétés. »Jack Lang ajoute : « François Hollande m’a confirmé, ce matin samedi, qu’il inaugurerait, jeudi 15 octobre, le symposium sur les Renouveaux du monde arabe, prévu de longue date à l’IMA. Il est important de dire que ce monde n’est pas seulement le fanatisme ou Daech mais des sociétés en mouvement qui parient sur le savoir, l’intelligence, l’innovation, la liberté, la création. Cet événement vient à point nommé, alors que la violence s’est exprimée avec sauvagerie. » Il réunira pendant deux jours une centaine de personnalités des vingt et un pays du monde arabe, intellectuels, femmes et hommes d’actions, économistes, banquiers, pour un débat autour de l’entrepreneuriat, l’éducation, l’énergie, comme de la question des villes et de la voix des femmes, etc.« La liberté d’expression est en vérité un bien fragile et mortel »Vendredi 9 janvier, à six heures du soir, réunis dans la salle du conseil de l’IMA, « beaucoup d’intellectuels et d’artistes marocains n’ont pu s’empêcher de pleurer d’émotion, alors qu’ils avaient demandé une minute de silence », raconte Jack lang. L’exposition consacrée au Maroc contemporain, qui reçoit plus de mille visiteurs chaque jour, illustre la liberté d’expression de quelque quatre-vingts artistes vivants. Souvent très jeunes, hommes et femmes, représentés à travers leurs œuvres –peintures, sculptures, vidéos, installations, design, architecture, mode – dénoncent le fanatisme religieux, l’intolérance, l’exclusion, la corruption, et revendiquent la place des femmes dans la société. Une exposition prolongée jusqu’au 1er mars, comme les rencontres, débats, spectacles quotidiens qui l’accompagnent.« La liberté d’expression, conquise génération après génération, qu’on croit éternellement établie, est en vérité un bien fragile et mortel. C’est l’air qu’on respire, on s’y habitue comme si elle était conquise pour toujours. Elle peut être mise à mort. On a assisté à la décapitation d’une idée, d’une histoire. Charlie Hebdo incarne la rue, l’humour, la finesse, la drôlerie, la tendresse. Parmi les raisons de la mobilisation de toute la société, c’est le caractère insupportable de la mise à mort de la liberté, d’une équipe, d’une histoire qui prime », insiste Jack Lang.L’ancien ministre est convaincu de l’urgence du travail de fond à entreprendre pour dissiper les amalgames, jusque dans les écoles, les prisons.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Le directeur de l’école affiche une mine ultra concentrée, tandis que les enfants quittent le bâtiment. Vendredi 9 janvier, 15 heures : les chaînes d’information commentent en boucle la prise d’otages de la porte de Vincennes, à Paris. Ici, on est proche de la porte de Pantin, et dans quelques minutes, un spectacle va commencer. La presse est admise à condition de ne pas nommer l’école, ne pas interviewer d’enfants ni les prendre en photo. Normalement, les élèves de l’atelier théâtre devaient se rendre, à 15 heures, au Théâtre Paris-Villette (19e arrondissement), pour découvrir L’Enfance de Mammame, chorégraphie de Jean-Claude Gallotta. Ce spectacle s’inscrit dans le cadre du parcours « enfance et jeunesse » initié par le Théâtre de la Ville. Mais, après l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, le plan Vigipirate a été durci et les sorties scolaires annulées.Alors ce sont les artistes qui sont venus dans cette école d’un quartier populaire. Un danseur s’échauffe au sol, travaille ses écarts, dans une salle qui ressemble à un gymnase. Gallotta lui-même est passé ce matin. Il a fallu adapter le spectacle, improviser un espace : des tapis de gym ont été dressés en fond de salle, et voilà un paravent ! Derrière, c’est la loge. Devant, ce sera la scène.Les petits de CP et de CE1 sont prêts, assis sur les bancs. « Bonjour ! », lance Valérie Dassonville, qui dirige le Paris-Villette avec Adrien de Van. « Bonjour ! », répond la joyeuse troupe. Valérie Dassonville n’a pas le temps de finir sa phrase, une petite fille évoque « l’attentat » qui les empêche de sortir. Le spectacle peut commencer.Drôle de tribuLes Mammame sont une drôle de tribu : ils aiment danser, au point qu’ils en deviennent tristes quand ils s’arrêtent. Le projecteur est leur soleil... Un lutin au bonnet blanc, pompon neigeux, introduit un à un les personnages. Chacun incarne une danse, classique, urbaine, contemporaine, danse de la grande sirène et danse de la terre...C’est l’heure du repas, une immense nappe blanche flotte dans l’air, les Mammame « boivent de l’humour et mangent de la gentillesse ». Troublant rappel au réel, à ces dessins de Charlie Hebdo qui pouvaient susciter un rire féroce et ont coûté la vie à douze personnes... Et si on buvait tous de l’humour ?Après le spectacle, les neuf danseurs s’assoient en face des petits. Des questions ? Une envie surtout : que la danseuse fasse un grand écart. Et hop... C’est parfois simple la vie. C’était une heure et quelques de grâce.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sandrine Blanchard Parmi les humoristes, Nicolas Bedos est l’un des rares à accepter de livrer son sentiment sur les attentats qui ont secoué Paris et leurs conséquences sur la liberté de rire de tout. Polémiste et écrivain, le fils de Guy Bedos ne s’interdit aucun sujet et revendique le droit à l’insolence. Il avait provoqué une controverse lors de sa chronique virulente, en janvier 2014 sur France 2, contre Dieudonné. Et auparavant, en 2010, lorsqu’il s’était moqué de la politique israélienne. Il redoute aujourd’hui l’émergence d’une « censure préventive ».Vous avez renoncé à faire une chronique ce samedi 10 janvier lors de l’émission de Laurent Ruquier, « On n’est pas couché » sur France 2. Pourquoi ? Depuis le jour du drame, j’étais partagé entre l’envie de faire place au silence afin de laisser l’émotion nous envahir et celle d’honorer la mémoire de mes camarades Wolinski, Cabu et Tignous. Ils n’auraient pas aimé que l’on se censure, que l’on freine le combat de l’impertinence et que leur mort installe une atmosphère de solennité. Le recueillement national est salutaire, mais n’oublions pas que ces gens ne reposaient jamais la plume satirique, même dans des moments de très grande émotion. Souvenons-nous de la manière dont ils ont traité le 11 septembre ou le carnage de Mohamed Merah.Jeudi, lors de l’enregistrement, je m’étais grimé en Houellebecq. Je m’apprêtais à faire une satire de sa posture d’artiste dispensé d’affect et d’opinion personnelle… Et puis le malaise, le sentiment d’indécence médiatique, se sont emparés de moi. Je me suis dit « ta gueule », je me suis levé et je suis parti. Je regrette ce réflexe car je reste convaincu que le plus bel hommage qu’on puisse rendre à Charlie, c’est de continuer le boulot. Parce que rire, se moquer, c’est résister, c’est vivre. Il ne faut pas étouffer le nez de clown sous un mouchoir blanc. Quels étaient vos liens avec les gens de Charlie ?Ils envoyaient fréquemment des signes de soutien et de sympathie – et c’était réciproque - dans les moments où l’on se sentait très seul face à la polémique. Je pouvais compter sur eux quand - et cela m’est arrivé souvent - je me retrouvais confronté à une cabale bien-pensante. Lorsqu’on s’attaquait soit à Israël, soit à la séduction exercée par Dieudonné sur les jeunes de banlieue ; quand la twittosphère s’emballait, que les associations commençaient à vous chercher des tares, que la censure pointait le bout de son nez, des gens comme Charb ou Wolinski n’étaient jamais très loin pour envoyer un texto et dire « continue, gars ».Qu’est-ce que représente pour vous l’attentat du 7 janvier ?Pour moi c’est le début d’une « guerre » extrêmement brouillonne, dangereuse, soumise au populisme de Le Pen et Zemmour. Avec le risque que les satiristes et les médias s’autocensurent par peur de se faire tirer une balle dans la tête ! Mais je retiens aussi la communion internationale en faveur de la liberté d’expression. Il va falloir être précis, tout dire, ne mentir ni aux Français effrayés par l’islam, ni aux musulmans qui pourraient se sentir exclus devant l’hagiographie qu’on fait actuellement de Charlie Hebdo.Pleurer la bande Charlie n’empêche pas de rappeler son combat offensif, quasi hebdomadaire, à l’encontre des symboles islamiques. Non, Charlie n’était pas un repaire de déconneurs bon enfants. Et alors ? J’étais de tout cœur avec eux. Mais nier l’obsession satirique de Charb concernant l’Islam serait une provocation à l’égard des jeunes musulmans - ceux-là même qui, jamais, n’ont souhaité une telle barbarie. Charlie avait le droit - et le devoir - de concentrer son vitriol sur l’Islam radical mais on ne peut pas dire qu’il était un journal satirique classique. C’est faire de l’angélisme, du politiquement correct, et ça risque d’attiser le sentiment d’exclusion des jeunes musulmans. Qui pourraient se dire : « S’ils ne reconnaissent pas que certains dessins étaient extrêmement véhéments, alors j’emmerde Charlie et la France ».Le 7 janvier, un journal courageux sur un combat dangereux a été flingué par la caricature de ce qu’ils dénonçaient. Voilà ce que c’est, cet attentat. Il n’y a pas de graduation dans la liberté d’expression. J’étais pour ces caricatures tout en remarquant - de par la répétition de leurs attaques - que Charlie prenait des risques considérables.Pourquoi avoir choisi de vous grimer en Michel Houellebecq pour un projet de chronique post 7 janvier ?La canonisation littéraire de Houellebecq commence à me faire sourire. Relisons Echenoz, Handke ou Roth pour relativiser la valeur formelle de Houellebecq. C’est un malin dépressif, dans la lignée de certains artistes contemporains : Il use, plus ou moins habilement, de la distance ironique pour mieux disséminer un certain nombre de ses névroses idéologiques. Comme pour Dieudonné, chez Houellebecq, l’art et l’humour ont bon dos. De plus, pour les esprits primaires et binaires, le massacre de Charlie est une formidable consécration des thèses de Le Pen, Zemmour, Finkielkraut… et de Houellebecq, dans son dernier roman. Ces néoréacs, névrosés, paranos, inconscients et amers, ont volé la vedette du politiquement incorrect aux progressistes de gauche. Car la gauche s’est vautrée dans le mensonge par omission et dans le consensus. Elle s’est aveuglée sur l’inquiétude provoquée par l’islam, et elle a offert un boulevard aux réacs. Ceux-là osent s’emparer des sujets qui fâchent, ce qui les rend attractifs – voire télégéniques. La gauche doit reconnaître la désorientation des Français face au mariage gay ou au dogme religieux. On vient de flinguer une bande d’anarchistes de gauche car ils se moquaient de l’intolérance religieuse. Et qui est en train de bouffer le gâteau de la révolte ? Des petits-bourgeois xénophobes.Le frappant télescopage entre la sortie du livre de Houellebecq et l’attentat contre « Charlie Hebdo »Vous en voulez beaucoup à la gauche… Le problème de la gauche – qu’il s’agisse des politiques, des intellos ou des artistes - c’est qu’elle a tendance à ne s’adresser qu’à ceux qui sont déjà d’accord avec elle. Ce qui compte, aujourd’hui, ce sont tous les autres ! Par exemple, un récent sondage estime que 77 % des Français ont un problème avec l’Islam. Quand j’ai fait ma chronique sur Dieudonné dans laquelle je me moquais, outrancièrement, d’un jeune de banlieue, toute une partie de mes amis de gauche m’est tombée dessus en me disant « oh, tu n’aurais pas dû, ce n’est pas bien ». Ça veut dire quoi « ce n’est pas bien ? » On ne peut plus se moquer de certains jeunes de banlieue sous prétexte qu’on comprend le facteur social et psychologique de leur désarroi ? Donc on ne peut plus parodier certains gosses de riches sans mépriser l’argent ? Les pros israéliens sans être antisémites ?Au contraire, il ne faut pas laisser le terrain de la critique du gouvernement israélien et de la culture dite « de banlieue » aux racistes patentés. Le fait que je milite contre les discriminations et prône les bienfaits de l’immigration ne me dispense pas d’être lucide sur certains monstres. Réveillons-nous. Ce n’est pas en niant un problème qu’on le règle. Il est urgent de faire de la pédagogie pour expliquer la différence entre un musulman et un islamiste radical.Vous avez reçu à plusieurs reprises des menaces suite à vos chroniques. Vous est-il arrivé d’avoir peur ? Bien sûr j’ai eu très peur. J’ai couru à la sortie d’un cinéma, j’ai été coursé trois fois en sortant de chez moi par des gars qui criaient « Vive Dieudo ! Je vais te tuer ! », je suis allé habiter ailleurs. Il y a des personnes qui ont posté sur Twitter : « j’espère que Nicolas Bedos sera le prochain sur la liste ». Qu’il s’agisse d’Allah ou de Dieudonné, on est face à des jeunes qui se sont passé le mot : faut leur faire la peau.Serez-vous dimanche à la marche républicaine ? Oui. Je crois beaucoup aux symboles. Ne serait-ce qu’à l’égard de nos gamins. Ils n’oublieront jamais ce jour-là. Cela marquera très sainement leur conscience. J’ai pleuré devant les images de rassemblement, ce monde entier qui a défendu l’humour, l’impertinence.Avez-vous le sentiment que les événements actuels vont sonner le glas de l’impertinence et de la provocation, entraîner une autocensure ? C’est exactement ce qui se passe. Le pire est annoncé. Avant, la censure était d’ordre opportuniste, elle intervenait pour protéger contre la charge des politiques et des associations, lorsqu’on craignait de perdre des lecteurs ou de l’audimat. Demain, ils vont nous censurer au nom de notre propre intégrité physique. Si la semaine prochaine, je me fous de la gueule des islamistes radicaux chez Ruquier, il est possible que je sois censuré par ma chaîne parce qu’elle craindra, à raison, que le plateau soit infiltré par trois tarés tirant à vue. La censure sera défensive. Au nom d’une forme de paix sociale, de plus en plus de médias vont avoir la trouille. Il y a trop d’interdits en France, disons la vérité. Pour que Charb, Cabu et les autres ne soient pas morts pour rien, laissez-nous l’ouvrir et risquer notre peau. Quitte à ce qu’on ne puisse plus aller pisser sans être accompagnés par trois agents de sécurité. Si l’on n’est pas suicidaire, il ne faut pas faire ce métier.Sandrine BlanchardJournaliste au Monde SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Un prix « Charlie de la liberté d’expression » devrait être créé à l’occasion du Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême dont la 42e édition aura lieu du 29 janvier au 1er février. Réunis jeudi 8 janvier à Paris, au lendemain de la tuerie ayant eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo, les organisateurs de la manifestation ont lancé l’idée de cette distinction qui devrait ensuite être décernée, chaque année, à un dessinateur – de presse et/ou de bande dessinée – ne pouvant pas exercer son métier en toute liberté. « Ce prix cessera d’être remis le jour où tous les dessinateurs du monde pourront s’exprimer librement, c’est dire qu’il a de l’avenir », a confié au Monde le délégué général du FIBD. Plusieurs autres initiatives ont également été envisagées par les organisateurs du festival, notamment un « concert dessiné » exceptionnel qui rassembleraient, pendant une prestation musicale du compositeur Areski Belkacem, de nombreux dessinateurs français et internationaux. Plantu, caricaturiste du Monde et créateur de l’association Cartooning for Peace, a été sollicité pour imaginer un scénario lors de cette soirée. Une table ronde sur la thématique de la liberté de la presse, réunissant des dessinateurs et des responsables d’organes médiatiques, est également en préparation. Idem d’une exposition en extérieur reproduisant une sélection des meilleures « unes » de Charlie Hebdo. Un « appel à dessiner » via Facebook« Si Charlie Hebdo est une singularité française, le festival d’Angoulême en est une aussi. Nous ne pouvions pas rester sans rien faire », indique Franck Bondoux. Le FIBD a d’ores et déjà lancé un « appel à dessiner » via une page Facebook : 300 dessins, issus de 15 pays différents, ont été envoyés par des amateurs en une seule journée mais aussi par des bédéistes professionnels. Une délégation du festival sera par ailleurs présente dimanche à la marche républicaine prévue à Paris entre les places de la République et de la Nation derrière une banderole où sa mascotte – un petit fauve à oreilles pointues créé par Lewis Trondheim – affirme « être Charlie » lui aussi. La réunion de jeudi a aussi abordé la question de la sécurité. La préfecture de Charente a fait savoir qu’elle renforcerait les effectifs policiers qu’elle déploie habituellement pendant la manifestation et a encouragé les organisateurs à faire de même avec les vigiles qui filtrent les entrées des différents lieux de rassemblement et d’exposition. « Après une tragédie pareille, la question que le monde de la bande dessinée doit se poser est simple : doit-on sombrer dans l’autocensure et raser les murs ou continuer à se rassembler et discuter comme on l’a toujours fait ?, assène Franck Bondoux. La meilleure réponse que puissent donner les amoureux du dessin est que cette édition du festival batte des records de fréquentation. » La manifestation accueille environ 200 000 visiteurs chaque année. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Rosita Boisseau Dans « Le Miroir de Jade », œuvre personnelle co-créé avec son amie, la chorégraphe Raja Shakarna, l'actrice danse bien plus qu'elle ne parle.Dans Le Miroir de Jade, Sandrine Bonnaire danse bien plus qu'elle ne parle. Elle y incarne une femme brisée, loin des sourires francs qu'elle affiche hors de la scène. Pourtant, cette œuvre personnelle, co-créée avec son amie, la chorégraphe Raja Shakarna, fait écho à sa propre vie. Sandrine Bonnaire est une femme qui sourit. En largeur, franchement. Grande bouche élastique qui lui mange le visage dans un éclair de joie. Son nouveau rôle dans Le Miroir de Jade – une pièce chorégraphique co-signée avec Raja Shakarna – en est l'opposé. Les cheveux devant le visage, la moue basse : « Jade tente de se reconstruire après un coma, de retrouver la vie, la lumière, explique la comédienne, cigarette à la main, dans la petite cantine du Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, où elle répétait pendant tout le mois de décembre. C'est un personnage très positif. »Pour raconter cette histoire de réparation et de résilience, Sandrine Bonnaire se lance dans une nouvelle aventure. Après avoir chanté Duo d'anges heureux avec Jacques Higelin et réalisé un portrait-documentaire du chanteur, la voilà qui se risque pour la première fois à danser sur scène. « La danse, son travail sur le corps, me semblait le meilleur moyen d'incarner cette femme qui ne parle pas, poursuit-elle. Avec Raja, que je connais depuis l'âge de 10 ans, nous avons décidé de réaliser ensemble ce projet dont nous parlions depuis trois ans. » Elle ajoute : « Il y a plein d'artistes qui ne seront jamais mis en lumière. J'avais envie de faire connaître Raja au public. Si la pièce est ratée, ça ne changera rien à notre amitié qui dure depuis trente-sept ans. »« Moi, je voulais être danseuse »Les couches et sous-couches de ce spectacle courageux sont multiples. Une densité qui explique la force secrète qui en émane. C'est avec Raja que Sandrine Bonnaire a commencé à danser. « Nous habitions toutes les deux à Grigny, dans l'Essonne, et j'allais chez elle lors des fêtes du Ramadan, se souvient-elle. Elle rêvait de faire du théâtre et est devenue professeure de danse orientale ; moi, je voulais être danseuse. »C'est au gré de ses tournages que Sandrine Bonnaire a testé tous les styles, se forgeant une silhouette fine et réactive. « J'ai d'abord pris des cours de danse classique lorsque j'avais 23 ans pour me rassurer sur scène, se souvient-elle. Je devais jouer La Bonne Ame du Se-Tchouan de Bertolt Brecht, mis en scène par Bernard Sobel, et cela m'a beaucoup aidée. J'ai adoré ça. S'occuper de son corps, c'est tout de même formidable. » Et d'enchaîner ensuite avec l'apprentissage de la capoeira au Brésil, du tango en Argentine, et même de la danse traditionnelle indonésienne, à Bali. « Je suis un peu raide du torse tout de même, précise-t-elle. Avec Raja, nous travaillons beaucoup les courbes et les ondulations. »Un être détruit, vidéLa contempler lors d'une répétition en vieux peignoir jaune effiloché donne une idée de son engagement. Prostrée, cassée en deux ou à quatre pattes, elle avance collée au sol. Vision d'un être détruit, vidé. « Nous avons élaboré cette partition ensemble, pour et sur Sandrine, précise Raja Shakarna. Nous racontons une histoire avec le corps, un corps centré, qui va retrouver son équilibre. »Pour l'interpréter, Sandrine Bonnaire, qui a renoué avec la scène depuis L'Odeur des planches en 2014, n'est pas allée chercher très loin de chez elle. En 2000, elle a été victime d'une agression extrêmement brutale qui l'a laissée sur le carreau. « Et nous avons comme par hasard commencé les répétitions le 27 novembre, le même jour où ça m'est arrivé… », glisse-t-elle rêveuse. « Evidemment, cela fait partie du spectacle, poursuit-elle. Il y a quelque chose d'un peu thérapeutique. J'ai encore beaucoup de mal à me laisser tomber en arrière par exemple. Mais il y a une vraie distance entre Jade et moi. » Sourire énorme, Sandrine Bonnaire ne se retourne sur sa vie que pour mieux foncer.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Roxana Azimi Loris Gréaud a longtemps été une intranquille combustion. Aujourd'hui, le jeune Français a acquis en maturité, en sérénité, en muscles aussi. Propulsé tôt, à 23 ans, sur la scène hexagonale, il est le premier créateur invité à occuper l'intégralité du Musée Dallas Contemporary, au Texas, à partir du 18 janvier. L'artiste trentenaire a beau sembler apaisé, il a gardé un sens de la démesure qui lui fait aimer les défis prométhéens : occuper en 2008 les 4 000 m2 du Palais de Tokyo à Paris ; exposer simultanément cinq ans plus tard au Louvre et au Centre Pompidou, réunir David Lynch et Charlotte Rampling dans un court-métrage, The Snorks… Hyperactif, ambitieux, longtemps provocateur, Loris Gréaud en fait-il trop ? « Je vis chaque projet comme si c'était le dernier », reconnaît-il. Le Rastignac pressé d'atteindre les sommets masque une mélancolie macérée dans une banlieue parisienne bétonnée. D'une enfance pas folichonne naît une volonté d'en découdre. Expulsé de plusieurs établissements, le bagarreur s'adonne à la musique en montant un groupe underground, Triphage. Dans la journée, il suit une école de dessin technique, participe à un atelier de cinéma expérimental, avant de passer le concours des Beaux-Arts de Cergy. Tout juste en deuxième année, le prodige participe à l'ouverture du Plateau, l'espace d'exposition de la Frac d'Ile-de-France. Deux jours avant de passer son diplôme, il expose à la galerie gb agency, à Paris, avant de migrer chez Yvon Lambert et de rejoindre dans la foulée la Pace Gallery à New York. Pétri de l'univers junky de William Burroughs et de science-fiction façon J.G. Ballard, Gréaud brouille les frontières entre le réel et le virtuel : nano-sculptures invisibles à l'œil nu, tentative de télétransportation, concert pour les poissons abyssaux… « Une œuvre d'art, ce n'est pas éclairant, ça complexifie le regard sur le monde, confie-t-il. L'art, c'est ce qui rend les choses opaques. » A Dallas, il orchestrera pour le vernissage un vandalisme contrôlé, chorégraphié, laissant pendant trois mois un champ de ruines et de sculptures fracassées, comme après un cataclysme. Son credo ? Repousser les limites, de l'institution, de la galerie, ou de sa propre santé. On l'aura cru étoile filante, Icare se brûlant les ailes. Mais le phénix rebondit toujours, puissance mille.Roxana AzimiJournaliste au Monde Frédéric Potet Dernier-né d'une lignée d'ogres patibulaires, le jeune Petit se nomme ainsi en raison de sa taille très inférieure aux canons familiaux. La faute aux unions consanguines qui affectent depuis plusieurs générations cette dynastie de géants condamnés à être de plus en plus petits. Promis à la mort par son père, l'enfant est confié secrètement par sa mère à une grand-tante elle-même répudiée en raison de l'amour qu'elle porte aux humains – la pitance habituelle de tout ogre qui se respecte. Missionné pour régénérer l'espèce, Petit n'aura d'autre choix, à l'adolescence, que s'accoupler à une humaine, précisément…A rebrousse-poil des histoires de princes et de princesses fatalement faits l'un pour l'autre, cet anticonte mêlant bande dessinée et textes illustrés traite astucieusement du déterminisme familial et de l'omnipotence au sein des sociétés monarchiques. Son traitement graphique évoque à la fois les ambiances à la Tim Burton et le Gulliver des frères Fleischer. Transfuge du cinéma d'animation, Bertrand Gatignol a, pour le coup, des doigts de fée. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde Clémentine Gallot Rodolphe Dana ne cache pas sa fierté. Il vient de fêter les 10 ans de son collectif d'acteurs Les Possédés. Avec neuf anciens camarades du cours Florent, il a posé les jalons d'une création collective et horizontale dans laquelle chacun joue et s'investit à la fois dans la dramaturgie, les décors et les costumes. Avec eux, il a mis en scène Jean-Luc Lagarce et John Cheever, mais aussi et surtout Tchekhov. « J'aime sa manière de traiter l'humanité, sans juger ses personnages, glisse-t-il. On y croise toujours les mêmes fondamentaux, l'argent, la nourriture, l'amour… Des choses intemporelles qui expliquent qu'il soit encore autant joué à l'heure actuelle. »Le collectif retrouve ce mois-ci le dramaturge russe avec Platonov, au Théâtre de la Colline. Œuvre chorale de jeunesse composée à 18 ans, la pièce met en scène le désœuvrement d'un microcosme. A la barre de ce naufrage annoncé, Dana lui-même joue « ce fou de Platonov » aux côtés d'Emmanuelle Devos (invitée), impériale en Anna Petrovna, et de l'hilarant Christophe Paou, inquiétant moustachu de L'Inconnu du lac, d'Alain Guiraudie. Pour Dana, Platonov, le perturbateur qui envoûte toute une communauté, se révèle au fil du jeu « un être profondément paradoxal. Alors que le nihilisme arrive, c'est, au fond, le dernier héros du romantisme ». Clémentine GallotJournaliste au Monde Stéphane Davet Une voix radicalement androgyne, une chanson – One Day/Reckoning Song – remixée en tube mondial (par le DJ allemand Wankelmut) et des concerts déboussolants d'énergie avaient fait triompher l'album Different Pulses et transformé Asaf Avidan en phénomène inattendu de 2013. Première sortie événement de 2015, son second album solo, Gold Shadow, confirme brillamment que le talent du chanteur israélien à la coupe iroquoise ne se limite pas au beau bizarre. Certes, les aigus de sa voix, sur le fil du rasoir entre passion brûlante et sensualité glacée, n'ont pas fini de nous troubler. Mais on saluera aussi l'ambition d'un disque décidé à creuser toutes les tensions, ombres et impasses de l'aventure amoureuse.Unifiées par un parti pris d'élégance et de sobriété, ces douze chansons illustrent les variations sentimentales avec une réjouissante diversité stylistique (pop des années 1950, jazz années 1930, rock anguleux, ballade folk, blues primitif, reggae…). Auteur-compositeur aux mélodies raffinées, l'interprète multiplie les voyages temporels et transgenres, incarnant avec autant d'émotion et de crédibilité des doubles de Bob Dylan (Over My Head), Leonard Cohen (Labyrinth Song), Bob Marley (Little Parcels of an Endless Time), Howlin' Wolf (Bang Bang), Billie Holiday (Gold Shadow) ou Shirley Bassey (My Tunnels are Long and Dark).Stéphane DavetJournaliste au Monde Yann Plougastel L'inspecteur Jack Caffery est de retour. Et toujours aussi obsédé par la mort de son jeune frère Ewan, sans doute tué par un redoutable pédophile… Au cours de ses précédentes enquêtes, Caffery a côtoyé l'horreur plus souvent qu'à son tour. Dans Viscères, sa septième aventure, notre inspecteur migraineux est confronté au meurtre particulièrement odieux d'une famille entière dans leur résidence secondaire, une vaste maison victorienne juchée sur une colline des Mendip Hills, dans le Somerset. Il est secondé une fois de plus par le Marcheur, un vagabond à l'intelligence redoutable.Mo Hayder, une des reines britanniques de l'effroi, réussit encore à nous entraîner dans un monde de peurs et d'obsessions, où le pire n'est jamais loin. Depuis Birdman et Tokyo, cette jolie quinquagénaire installée à Bath aligne avec talent les intrigues où des âmes tumultueuses se livrent à des sévices inouïs. Viscères, son dixième roman, ne déroge pas à la règle. Mais, dans le genre, c'est un must. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial) Cinq cents personnes environ ont pris part, samedi dans les rues d’Angoulême, à la marche des « auteurs pour la création », en marge du Festival international de la bande dessinée. Regroupés derrière une banderole sur laquelle était écrit « Sans les auteurs, plus de BD. Les auteurs plus qu’à poil », les professionnels du 9e art entendaient protester contre la précarisation grandissante de leur métier, incarnée par un projet d’augmentation de cotisation de retraite complémentaire. Obligatoire à partir de l’an prochain, celle-ci ponctionnerait les auteurs de l’équivalent d’un mois de salaire, alors que la grande majorité d’entre eux ne gagne pas le smic. Il est 14 h 30 quand le cortège s’élance depuis la place du Champ-de-mars, devant le « Monde des bulles », l’un des principaux espaces du FIBD. Longtemps réputé pour son individualisme et son manque d’organisation, le petit monde de la bande dessinée a à cœur de démontrer le contraire, même s’il apparaît vite évident qu’il n’a pas l’habitude de ce genre de rassemblement. L’ambiance est bon enfant ; elle va vite devenir potache, en raison, notamment, de l’absence de slogans préalablement préparés.« Trouvez-nous un slogan ! »Au premier rang, Lewis Trondheim et Fabrice Neaud s’improvisent en meneurs de troupe. « Trouvez-nous un slogan ! », lance le premier. Dans un épanchement continu de franche rigolade suivront des « Ils sont méchants, pas nous », « Le soleil est avec nous » et autres « CRS = Tendresse ». A mi-chemin, le rédacteur en chef de Fluide Glacial, Yan Lindingre, harangue la foule d’un ton gaullien, depuis la fenêtre d’un immeuble du centre-ville : « Auteurs de BD, je vous ai compris. »Moins d’une heure après son départ, le cortège arrive à son point d’arrivée, l’Hôtel de ville d’Angoulême, au fronton duquel a été accrochée une banderole énumérant les noms des victimes des attentats des 7 et 9 janvier. Parole est alors donnée au scénariste Fabien Velhmann.« A l’heure où, dans notre profession, certains se prennent à douter, se demandent si ce qu’ils font a un sens, s’il y a encore le moindre intérêt à faire nos petites cases à la con, nos petites BD tout seul dans notre coin, ces meurtres constituent une violente et aberrante piqûre de rappel : il faut croire que dessiner peut parfois avoir du poids, puisqu’on peut se faire tuer pour ça, déclare-t-il. Le paradoxe absolu de cette situation, c’est qu’alors même que l’on voit fleurir partout les preuves d’un puissant attachement au dessin, à la liberté d’expression et à la culture, notre profession se porte mal, nous obligeant aujourd’hui à manifester notre colère. »« Colère »L’objet de ladite « colère » est une lettre du président du conseil d’administration du Régime de retraite complémentaire des artistes et auteurs professionnels (RAAP) de mai 2014 annonçant une réforme du système existant, dont les modalités feraient diminuer de 8 % les revenus des cotisants. La mesure a provoqué un tollé au sein de la profession, en partie rassemblée au sein du groupement bande dessinée du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC).Las des débats infructueux depuis six mois, le mouvement a décidé de s’adresser directement au chef de l’Etat, François Hollande. « Nous vous demandons, monsieur le président, de prendre vos responsabilités et de négocier avec les véritables partenaires sociaux : les organisations représentatives des auteurs et artistes, a lancé Fabien Vehlmann. Monsieur le président, faut-il vous rappeler que les auteurs et les artistes, outre leur importance symbolique et culturelle, sont aussi à l’origine d’une richesse économique qui confère à leur secteur la troisième place de contributeur au PIB, devant l’industrie automobile ? »Un temps pressenti, François Hollande ne viendra finalement pas à Angoulême pendant le festival. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, sera là en revanche dimanche. Il y a de fortes chances pour qu’elle soit interpellée sur le sujet.Frédéric Potet (Angoulême, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Moomin, c’est un peu le Babar finlandais, le Snoopy scandinave, une sorte de Hello Kitty qui serait doté d’une vie riche d’échanges et de questionnements. S’il est besoin aujourd’hui d’introduire ce petit « troll », hippopotame blanc aux yeux ronds grand ouverts sur le monde, devenu une référence graphique et littéraire dans le nord de l’Europe et au Japon, c’est qu’entre la France et Moomin, il y a eu comme un rendez-vous manqué.Figure finlandaise, la romancière, illustratrice, peintre et caricaturiste Tove Jansson (1914-2001) – prononcer « touvé yansson » – a créé son personnage et la ribambelle de créatures peuplant son univers en 1945. Les aventures de ses trolls ont rencontré un succès immédiat, transformant un premier roman illustré pour enfants en une saga qui s’est doublée d’aventures en « comic strips » dans la presse. En tout, plus de 10 millions de livres, traduits dans 44 langues, ont été vendus dans le monde – une « moominmania » restée cependant très confidentielle en France.« Un jalon important de la BD »« Cette œuvre, méconnue du public français, méritait depuis longtemps un éclairage, estime Jean-Philippe Martin, l’un des commissaires de l’exposition consacrée aux Moomins à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême. C’est un jalon important de la BD, qui a nourri l’imaginaire de nombreux artistes, dont Hayao Miyazaki ou Bill Watterson. » Le projet, lancé il y a quatre ans, a pourtant failli être abandonné. Il aura fallu la perspective du centenaire de la naissance de l’auteur en 2014, les 70 ans de la création de la série en 2015 et la préparation d’un film d’animation franco-finlandais, Les Moomins sur la Riviera, sorti en 2014 en Finlande et attendu le 4 février en France, pour qu’il soit relancé. « Nous avions une fenêtre, c’était maintenant ou jamais ! », résume le commissaire.Le Monde magique des Moomins, qui s’installe pour plus de huit mois au bord de la Charente, propose des focus sur certains aspects de cette folle aventure et les différentes facettes du travail de Tove Jansson. L’exposition se présente de façon séduisante comme une immersion grandeur nature dans la Vallée des Moomins. Sur le sol, des chemins inspirés par la cartographie des lieux dessinée par l’auteur invitent à la déambulation et mènent tous à la maison bleue de la famille Moomin, dont l’intérieur est aménagé en salle de projection pour les plus petits.Au fil du parcours, des espaces semi-clos proposent autant de mini-expositions, abordant tour à tour l’univers visuel romanesque, celui, graphique, en noir et blanc, de la bande-dessinée, ou le phénomène Moomins lui-même, qui a entraîné la création de multiples produits dérivés de qualité (jeux et jouets, affiches, disques, motifs de papier-peint, vaisselle, calendriers de l’Avent, etc.). Une de ces alcôves, où tout est exposé à hauteur d’enfant, est aussi dédiée à l’art de Tove Jansson en dehors des Moomins, de la caricature à la peinture abstraite. Folklore nordique revisitéQuelle est donc cette magie qui opère depuis tant de décennies auprès des enfants comme des adultes ? Tove Jansson l’a reconnu elle-même : la création des Moomins est une réaction plus ou moins consciente à la seconde guerre mondiale, avec l’envie de créer un monde permettant d’échapper à la rudesse de l’époque, qui avait laissé la Finlande ravagée. Une invitation à l’évasion qui revisite l’imaginaire et le folklore nordique. Les trolls, créatures des forêts et des montagnes souvent effrayantes, ont pris avec les Moomins, être amicaux et sensibles, une dimension plus humaniste et fraternelle.Divers dangers viennent bousculer l’équilibre de leur paisible vallée, forçant la famille et ses amis à partir dans des aventures impromptues et drôlatiques. Le ton faussement léger et insouciant permet d’aborder, l’air de rien, des réflexions sur la nature, la vie en société, les rencontres, l’amour, l’amitié, la mélancolie… Selon le commissaire Jean-Pierre Mercier, c’est l’« universalité du propos » qui explique l’engouement durable pour les Moomins. « Son message était : vivez en paix, cultivez votre jardin, rêvez », résume Xavier Picard, le réalisateur des Moomins sur la Riviera, qui est pour sa part tombé « amoureux » des Moomins en les découvrant au Japon.« Comic strips » dans la presse« Tove lisait beaucoup de littérature et de philosophie, et savait observer, capter les caractères », raconte sa nièce Sophie Jansson, qui dirige aujourd’hui la branche culturelle de Oy Moomins Characters Ltd, société commerciale détentrice des droits sur l’œuvre. Issue d’une famille d’artistes, Tove Jansson vivait une vie alternative, ayant choisi très jeune de ne pas se marier ni avoir d’enfant et de dédier sa vie à l’art. « C’était une femme libre et merveilleuse. Elle aimait jouer, elle était comme un enfant sans être un enfant. Elle avait le don de ne pas catégoriser les gens par âge, et elle considérait les enfants à égalité avec elle », analyse Sophie Jansson. C’est certainement cette qualité de savoir toucher tous les âges qui lui a permis de créer un univers parlant aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Si les romans pour enfants ont lancé le personnage, la notoriété des Moomins s’est d’ailleurs largement étendue grâce à la BD, visant un public plus mature. C’est la presse finlandaise qui a commencé à publier ses savoureux « comic strips », mais c’est la presse britannique qui va opérer un basculement : à partir de 1954, le London Evening News, tiré à 12 millions d’exemplaires dans le monde, publie quotidiennement ses vignettes pendant près de quinze ans. Accaparée par son personnage alors qu’elle souhaitait se consacrer à d’autres travaux, Tove Jansson demandera à son frère Lars de prendre la relève des strips. A eux deux, ils ont fait évoluer les Moomins et leur pratique graphique jusqu’en 1975.Edition en France relancée en 2007Que s’est-il donc passé pour que la magie finlandaise n’opère pas réellement en France jusqu’ici ? Les éditions Nathan ont commencé à faire traduire les romans dans les années 1980, puis l’une des plus populaires séries d’animation adaptées de l’univers des Moomins a été diffusée dans les années 1990 à la télévision française. « Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas eu de continuité dans les publications », explique le commissaire. Nathan se serait brouillé avec ses traducteurs, ce qui a bloqué la situation et les droits pendant de nombreuses années.Les éditions jeunesse Le Petit Lézard ont finalement réussi à relancer l’édition des Moomins, en commençant par les BD – le premier tome, édité en 2007, avait remporté d’ailleurs le prix du patrimoine au Festival d’Angoulême 2008. Puis ont renoué avec les traducteurs d’origine, le couple franco-suédois Kersti et Pierre Chaplet, pour reprendre la publication des romans et faire évoluer leur traduction. Il a peut-être aussi manqué un vrai déclic. L’exposition finit sur les coulisses des Moomins sur la Riviera, qui est déjà un grand succès en Finlande. Il s’agit de la première adaptation pour le grand écran basée sur les « comic strips ». C’est aussi la version la plus traditionnelle et fidèle aux dessins originaux. A voir si la « magie » opérera et si le dessin animé emportera l’adhésion d’un large public en France.Foisonnement de personnalitésEn quittant l’exposition, on regrette seulement qu’il n’y ait pas de véritable galerie de portraits de la population des Moomins. Certes, on retrouve les principaux personnages, mais sans réel point d’entrée dans le foisonnement de leurs personnalités, liens ou manies, au-delà de l’immature et paresseux Sniff et du dévouement de Mamma Moomin.Les présentations ne sont pas vraiment faites avec Little My, petite rousse à chignon insolente et farceuse, imaginée par l’auteur en écho à sa propre enfance, le Renaclerican, le meilleur ami philosophe et migrateur de Moomin, avec sa pipe et son grand chapeau, la coquette Mademoiselle Snork et son frère, mais aussi l’effrayante Courabou, Tou-ticki, inspirée par la compagne de Tove Jansson, puis tout un tas de personnages secondaires rencontrés au gré des voyages : Boines au grand nez, Chassebés aux oreilles poilues, monomaniques Hémules, le méchant Fourmilion, les dépressifs Filifolles, les fameux Hatifnattes, sortes de fantômes pleins de doigts qui se déplacent en groupe et produisent de l’électricité, sans parler des Zbors, Misalines, Scroutons, brigands et extra-terrestres…« Le Monde magique des Moomins ». Musée de la bande dessinée, quai de la Charente, Angoulême. Du 28 janvier au 4 octobre, relâche du 18 mai au 19 juin afin de préserver les œuvres les plus fragiles. Ateliers pour les enfants autour de l’exposition. www.citebd.org et www.bdangouleme.comEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 09h18 • Mis à jour le30.01.2015 à 11h14 | Jean-Jacques Larrochelle A l’image des « Gérard de la télévision », cérémonie de remise de prix attribués aux pires émissions du PAF et à ceux qui les animent, les Parpaings d’or de l’architecture parviennent, sur le même principe, à garder leur sérieux tout en s’amusant, à moins que ce ne soit l’inverse. Sachant que toute expression humoristique possède sa part de vérité, les lauréat(e)s épinglé(e)s par ces grinçantes distinctions ont toutes les raisons de ne pas en rire. De manière plutôt diplomatique, ils (elles) choisissent, le plus souvent, de s’en accommoder en venant chercher eux (elles)-mêmes leurs prix.L’édition 2014 des Parpaings d’or de l’architecture, dont les résultats ont été communiqués en ligne mercredi 28 janvier, leur auront épargné cette douloureuse démarche : la manifestation, faute de temps et d’argent, n’a donné lieu à aucune cérémonie. La précédente avait été organisée dans la péniche Louise-Catherine, un ancien chaland réaménagé en 1929 par Le Corbusier, amarrée au quai d’Austerlitz dans le 13e arrondissement de Paris.Actualité politiqueCette année, le ton de la manifestation ayant de surcroît sensiblement durci, on imagine mal comment Elisabeth de Portzamparc, seule nommée au Parpaing d’or de l’architecte qui bénéficie le mieux des réseaux de son mari, ou Jean Nouvel, l’auteur de la Philharmonie de Paris (Parpaing d’or du projet déjà là lors des Premiers parpaings d’or, mais toujours pas terminé, et même qu’on va pouvoir encore se foutre d’eux l’an prochain si ça continue comme ça) auraient pu accepter de venir récupérer leurs trophées sans s’exposer au risque d’une sérieuse disgrâce. L’actualité, la plus sérieuse, s’est toutefois invitée, qui n’a pas épargné certains acteurs de la vie politique. Ainsi, Le Parpaing d’or du maire élu en mars dernier qui, par pure réaction partisane et électoraliste, a décidé de gaspiller des centaines de milliers d’euros d’études en sacrifiant un projet utile a été décerné à l’arrêt de la production de logements par les maires de droite en Île-de-France. Ou comment une brève saillie vaut parfois mieux qu’un long discours.« Il n’y en aura pas l’an prochain »Selon son promoteur, le site Web L’Abeille et l’architecte, le concours a, cette année, suscité quelque 25 000 pages vues. Bien que ce score soit inférieur à ceux des années précédentes, le nombre de votes a, quant à lui, augmenté, soit quelque 35 000 participants internautes ayant répondu aux dix-huit questions permettant d’établir les différents palmarès. Ces chiffres s’expliquent, selon L’Abeille et l’architecte, par un moindre intérêt porté par les médias « grand public » à la manifestation. Il est vrai qu’une connaissance minimale des rites du milieu de l’architecture (ses complicités, ses tics, ses égos, son jargon, ses coups bas…) est parfois requise pour saisir certaines nuances introduites dans les questions.« La conclusion est donc simple, explique l’architecte Jérôme-Olivier Delb, maître d’œuvre de l’opération. Les Parpaings d’or de l’architecture intéressent beaucoup plus les architectes que les gens, ils perdent ainsi l’intérêt qu’ils avaient, c’est-à-dire : décloisonner une profession qui a tendance à rester dans l’entre-soi, à se regarder le nombril et ne pas regarder ailleurs pour ne pas que l’autre regarde chez nous et évidemment [puisse] rire de nous. » Après ce relatif revers, il admet que la périodicité annuelle des Parpaings puisse ne « pas être très opportune ». Et de conclure qu’« il n’y en aura donc pas l’an prochain. » Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Son duo avec Kanye West n'est que le dernier en date. Johnny Cash, Stevie Wonder, Michael Jackson, Eric Clapton… Depuis la séparation des Beatles, Paul McCartney a multiplié les tandems. Pour le meilleur ou pour le pire. « Who the fuck is Paul McCartney ? » Beaucoup ont démenti depuis, assurant qu'il ne s'agissait que de plaisanteries, mais ce Jour de l'an nous a quand même filé un coup de vieux. Avec un sens du happening dont les stars de la pop 2.0 ne peuvent plus se passer, le rappeur Kanye West avait dévoilé, par surprise, sur Internet, dans la nuit du 31 décembre, son nouveau single, Only One, enregistré en duo avec l'ancien Beatles.Lire aussi : Rihanna, Paul McCartney et Kanye West en trioQuelques heures plus tard, plusieurs générations s'étranglaient devant les tweets de certains jeunes admirateurs de cette icône du R'n'B se demandant qui était le monsieur assis à côté de Kanye sur la photo noir et blanc posté par leur idole. « C'est pour cela que j'aime Kanye, assurait (sans rire ?) l'un d'eux, il met en lumière des artistes inconnus. »Le temps était-il passé aussi vite pour creuser un tel fossé ? La classe YouTube était-elle aussi coupée d'un monde qui, hier encore, vibrait à l'unisson des mélodies du créateur de Yesterday ? Que faisaient les parents ? Que faisait Obama (pourtant aperçu, à Washington, en 2010, vocalisant Hey Jude avec l'ex-Fab Four), pour que Sir Paul McCartney – 72 ans – ait besoin d'un duo avec un rappeur pour se faire connaître des enfants du XXIe siècle ? Ou n'était-ce pas après tout Kanye West qui cherchait à élargir son public et à se faire adouber, entrant du même coup dans les mocassins d'une autre idole planétaire, Michael Jackson, lui-même jadis couronné King of Pop par le serviteur de Sa Majesté ? Car cet art du duo aux multiples fonctions – amicales, artistiques, marketing… – a déjà été beaucoup pratiqué par McCartney.Complainte dénudée, à la voix légèrement distordue par l'Auto-Tune (un logiciel souvent utilisé par le rappeur) et aux claviers minimalistes pianotés par le septuagénaire, Only One laissera-t-elle autant de traces que quelques autres célèbres collaborations ? Le morceau – annoncé comme le premier d'une série de compositions signées par les deux stars – possède déjà sa part de légende. Enregistrée dans une petite maison de Los Angeles, la chanson aurait été soufflée à Kanye – dans un état second – par sa mère, décédée en 2007. « Ma maman me parlait et, à travers moi, parlait à ma fille », expliquait le chanteur dans un communiqué. Enfonçant le clou émotionnel, Kim Kardashian – la pulpeuse Mme Kanye West – assure d'ailleurs pleurer à chaque écoute. West est en tout cas le troisième chanteur afro-américain avec lequel Paul McCartney connaît le succès. De huit ans son cadet, Stevie Wonder fut le premier à triompher avec l'ancien Beatles. Sortie en mars 1982, deux ans après l'assassinat de John Lennon, la chanson Ebony and Ivory posait cette question clé : « Ebène et ivoire vivent en parfaite harmonie sur le clavier de mon piano – Oh, Seigneur, pourquoi pas nous ? » Souvent parodiée – et régulièrement classée parmi les pires duos de l'histoire –, cette ballade sirupeuse (parue dans l'album de McCartney, Tug of War) toucha suffisamment de monde pour rester quatre semaines au sommet des charts britanniques et sept semaines au top des ventes américaines, devenant ainsi le plus grand succès de la carrière post-Beatles de « Macca ».Admiration mutuelle avec Michael JacksonLa même année et dans le même registre sucré, les collaborations entre l'homme de Liverpool et Michael Jackson marquèrent aussi l'histoire. Une admiration mutuelle avait failli provoquer un premier duo à la fin des années 1970, mais Michael avait finalement enregistré en solo une chanson de Paul, Girlfriend, sur l'album Off the Wall. En 1982, le titre The Girl is Mine sera le premier single tiré d'un disque de légende, Thriller, appelé à devenir l'album le plus vendu au monde. « Il y avait une dimension symbolique incroyable à voir le futur King of Pop faire appel à celui qui incarnait ce titre depuis les années 1960 », estime le journaliste Olivier Cachin, biographe français de Michael Jackson (Michael Jackson. Pop Life, Ed. Alphée).Symbolisé par des clips rayonnant de bonne humeur, ce partenariat quasi fraternel se prolongera avec la chanson The Man et le tube Say Say Say (supérieur au mièvre The Girl is Mine), dans l'album de McCartney Pipes of Peace (1983), avant que leur relation ne tourne au vinaigre, lorsque Michael Jackson rachètera les droits des Beatles, un nez et à la barbe de son compère.Heureusement, beaucoup d'autres duos enregistrés par l'ancien Beatle témoignent de plus solides amitiés. Qu'il s'agisse de ses apparitions aux côtés de ses premiers complices, George Harrison (All Those Years Ago, en hommage à John Lennon) ou Ringo Starr (sur une demi-douzaine d'albums de ce dernier) ou de son plaisir de jouer et chanter avec de vieux camarades. Certains célèbres : Eric Clapton, Donovan, Yusuf Islam, alias Cat Stevens, Lulu ou Brian Wilson, pour le duo A Friend Like You (2004), trente-sept ans après avoir été enregistré mangeant des carottes dans un album des Beach Boys… D'autres moins, tel le bassiste Klaus Voormann (I'm in Love Again, en 2009), également dessinateur de la pochette de l'album Revolver des Beatles. Fidélité à ses idoles d'adolescenceAutre constante dans le parcours de duettiste de « Macca », sa fidélité à ses idoles d'adolescence, ceux qui formèrent le gamin de Liverpool à l'excitation du rock'n'roll. S'il a souvent repris en solo des classiques de ce vieux répertoire, il a aussi chanté en tandem, avec Allen Toussaint, I Want to Walk You Home de Fats Domino, ou avec Carl Perkins (My Old Friend, Get in), l'auteur de Blue Suede Shoes, tout en ne sachant pas dire non à Johnny Cash (le country kitsch New Moon Over Jamaica). « Nous passions Noël en voisins à la Jamaïque, il m'a proposé d'écrire ensemble une chanson, racontait l'Anglais en 1988. Qui suis-je pour refuser quelque chose à Johnny Cash ? »Quand on le voit avec ces pionniers, McCartney arbore le même sourire de gamin que celui affiché par ses propres admirateurs lorsqu'il joue à leurs côtés. Ne pas hésiter, pour s'en convaincre, à regarder sur YouTube la vidéo du concert de Bruce Springsteen à Hyde Park, en 2012, où le Boss accueille d'un rire émerveillé l'ancien bassiste des Beatles pour reprendre I Saw Her Standing There et Twist & Shout (« J'attendais ça depuis cinquante ans ! »).Même sensation au visionnage des images du septuagénaire entouré des membres survivants de Nirvana, le batteur Dave Grohl et le bassiste Kris Novoselic, à l'occasion d'un concert donné à Seattle, en 2013. Outre quelques classiques (Get Back, Long Tall Sally…), ce groupe surpuissant jouait une composition originale, Cut Me Some Slack, cosignée à l'occasion d'un documentaire, Sound City, réalisé par Dave Grohl. Ce titre très électrique valut d'ailleurs à ses auteurs le Grammy Award de la meilleure chanson rock en 2014. Vieille alchimie avec Elvis CostelloSi, à l'instar de ses morceaux avec Stevie Wonder ou Michael Jackson, certains duos flattent son profil « doux, drôle et sympathique » jusqu'à la mièvrerie, l'interprète de Michelle et Helter Skelter est sans doute meilleur quand un partenaire aiguise son tranchant rock, comme pouvait le faire John Lennon au sein des Fab Four.Ce fut sans doute le secret de la réussite de sa collaboration avec Elvis Costello dans leurs albums respectifs, l'excellent Flowers in the Dirt de McCartney, et Spike de Costello, tous deux parus en 1989. « Angry young man » de la new wave anglaise, ce Londonien d'origine irlandaise ayant vécu à Liverpool ressuscitait une vieille alchimie. « Comme John, Elvis Costello est capable de me dire qu'il n'aime pas ce que je fais, analysait McCartney, en 1989. Sa voix légèrement éraillée, ses dehors un peu agressifs, ses talents d'auteur sarcastique provoquent avec moi un contraste qui nous ramène naturellement aux Beatles. » Et un duo qui signait alors Lennon/McCartney. Stéphane DavetJournaliste au Monde Clémentine Gallot Sébastien Barrier est un conteur volubile. Son spectacle arrosé, Savoir enfin qui nous buvons, consacre les bienfaits du vin naturel à travers l'histoire de vignerons du Val de Loire : « Ce sont des ivresses différentes, plus folles, qui font moins mal le lendemain. Un nouvel alcoolisme plus sain. » Ce soliste du théâtre de rue a d'abord roulé sa bosse, pendant une dizaine d'années, sous les traits de Ronan Tablentec, son avatar « foutraque » de marin pêcheur breton. « A la fin, ça me collait à la peau ! », s'amuse-t-il.C'est par ce biais que cet ancien circassien rencontre un jour des viticulteurs aux pratiques naturelles et conçoit l'idée d'un nouveau spectacle. « Je n'étais pas grand connaisseur de vins, mais déjà amateur d'ivresse », se souvient-il. Depuis, il parcourt l'Hexagone avec sa performance-conférence. Cette narration œnologique titille les papilles et la curiosité des spectateurs attablés pour ces soirées « In vino veritas ». Car le marathon dure au moins six heures. Jusqu'à la lie.Clémentine GallotJournaliste au Monde Yann Plougastel Sam Millar n'est pas n'importe qui. Membre de l'IRA, la branche armée du mouvement de libération de l'Irlande du Nord, il a passé huit ans dans la sinistre prison de Long Kesh dans les années 1970. Quelques années plus tard, exilé aux Etats-Unis, il braque la Brinks à Rochester, dans l'Etat de New York. Butin : 7,5 millions de dollars. Résultat : soixante mois de prison… Gracié par Bill Clinton, il revient à Belfast et se lance dans l'écriture de romans noirs. Après On the Brinks (2003), récit autobiographique de son casse, il entame, avec Les Chiens de Belfast (2014), la chronique des enquêtes de Karl Kane, un détective privé qui ressemble au Philip Marlowe de Chandler.Le Cannibale de Crumlin Road est le deuxième épisode de ses aventures. En pleine vague de chaleur sur Belfast, un tueur en série boulotte le foie et les reins de ses victimes… Lorsque Katie, la fille de Kane, disparaît, le détective voit rouge. Alternant scènes d'une violence inouïe et dialogues d'une ironie corrosive, Sam Millar réussit le tour de force d'allumer de belles lumières dans un monde de ténèbres. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau Ils sont frères, chorégraphes, travaillent ensemble depuis 1997 et ont déjà une vingtaine de pièces derrière eux. Christian et François Ben Aïm ont toujours tout fait au coude-à-coude depuis leur adolescence – époque à laquelle ils ont découvert le mime, le théâtre et la danse. Depuis, ils poursuivent leur carrière au Canada, puis en France, et se sont taillé un nom à quatre mains. Tantôt proche d'une danse-théâtre narrative, tantôt pur jeu abstrait, toujours pleine d'appétit pour le mouvement, leur danse ne manque pas de munitions.Ils confient « ne plus savoir s'ils sont frères ou chorégraphes d'abord, tout en respectant toujours le lien familial ». Dans leur nouvelle pièce pour huit interprètes, La Légèreté des tempêtes, les deux chorégraphes et danseurs se sont penchés sur le thème du désir. Trois violoncellistes, un chanteur, tous en live, soutiennent le geste vibrant des Ben Aïm qui tournent parallèlement deux pièces plus anciennes, La Forêt ébouriffée et Valse en trois temps. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Frédéric Potet Il n'est sans doute pas inutile, par les temps qui courent, de lire ou de relire Chaval (1915-1968), dessinateur humoristique ayant inspiré la plupart des grands caricaturistes français, de Sempé à Reiser, en passant par Gébé, Bosc et Cabu, tombé sous les balles le 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo. Cet adepte d'un burlesque triste façon Buster Keaton n'avait pas son pareil pour déclencher chez le lecteur ce fugace éclair d'étonnement et de fantaisie qui fait la force du dessin, ici exécuté à coups de traits au cordeau.Chez Chaval, les boute-en-train sont cafardeux, les ventriloques souffrent d'angine et les durs à cuire vendent des caramels mous au coin des rues. Un astronaute pas fier boit un coup avec un cul-terreux. Un maître-nageur fait semblant de lire plutôt que de sauver un nageur de la noyade. Occupés à contempler un éléphant sur un vélo, des messieurs en imper tournent la tête pour regarder au loin une jolie fille. Tout cela est féroce, désabusé, vaguement mélancolique et terriblement inventif. Cette compilation de deux cents dessins – parfois rares ou oubliés – fait suite à un premier recueil, sorti il y a deux ans, Les hommes sont des cons. Tout un programme.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Le café est-il meilleur lorsque le bar qui le sert est lui-même en forme de mug ? Pas sûr. Mais l'établissement en question, avec sa poignée géante et sa couleur rouge pétard, a l'avantage d'être facile à repérer… et rigolo. En collectant dans son livre Duck (canard) les images d'épicerie-bouteille de lait, de voiture-baleine et de cygne-paquebot, Olivier Cablat invite à un grand voyage en Absurdie. Mi-sérieux, mi-moqueur, cet amateur d'imagerie populaire a cherché dans le monde entier, et surtout dans l'océan d'Internet, des images semblant donner raison à un livre d'architecture qui a fait date, Learning From Las Vegas (1972). Celui-ci classait les bâtiments commerciaux en deux types, les « canards » (immeubles symboles qui montrent ce qu'ils renferment) et les « sheds décorés » (constructions anonymes ornées de panneaux explicatifs). Olivier Cablat, forcément, s'est penché sur les premiers, bien plus esthétiques. On aurait aimé savoir d'où viennent ces drôles de constructions touchantes et grandiloquentes, qui les ont fabriquées et pourquoi. Mais l'artiste a préféré gommer le texte comme le contexte et les isoler dans les pages, comme des insectes d'une même famille qui auraient subi une évolution darwinienne, passant au fil des ans de la rôtisserie-canard à la montgolfière-titi. Ce qui donne un livre un peu raide, un catalogue pince-sans-rire des exceptions charmantes qui ponctuent notre monde. Car il faut bien le reconnaître, malheureusement : aujourd'hui, les cubes anonymes et fonctionnels ont vaincu les canards boîteux et charmants. Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi Baptiser votre exposition « Cocteau contemporain », n'est-ce pas provocateur ?Quand j'ai fait l'exposition Cocteau au Centre Pompidou en 2003, j'ai été étonné de l'intérêt que portaient les jeunes à cette figure. L'artiste Alice Anderson m'a révélé qu'une part considérable de ses bricolages de films avait été inspirée par lui. Et ce constat s'est imposé en préparant l'exposition à la galerie Coullaud & Koulinsky. Hélène Delprat l'a toujours adoré, Françoise Pétrovitch m'en a parlé aussi. Ces plasticiens se reconnaissent dans La Belle et la Bête, un film pervers, transgenre, qui traite de la métamorphose, un thème qu'encourage aujourd'hui le numérique. Cocteau est contemporain car il a posé des questions qui sont actuelles.Comment expliquez-vous ce regain d'intérêt ?Le temps qui passe joue en sa faveur. On oublie ses erreurs momentanées, ses maladresses, le texte trop élogieux sur le sculpteur nazi Arno Breker. Je vois aussi une autre raison : un artiste aujourd'hui se qualifie d'artiste, qu'il fasse de la sculpture, de la vidéo ou du dessin. Cela rejoint Cocteau et son aptitude à changer de style. Quoi qu'il fît, il se déclarait poète, quand il écrivait des pièces de théâtre, jouait de la batterie ou entraînait des boxeurs. Je crois que les créateurs d'aujourd'hui peuvent se retrouver dans cette façon qu'avait Cocteau de tout surplomber par la poésie.Revient-on à Cocteau comme on regarde à nouveau Salvador Dalí, un artiste qui a, lui aussi, connu grandeur et décadence et que le Centre Pompidou a réhabilité ?Oui, ils sont de la même génération et profondément parallèles. Ces artistes n'avaient pas de honte à emprunter aux nouveaux supports de représentation. Ils aimaient tous les deux les médias.Ce retour est-il aussi lié à la fin du mythe de l'avant-garde ?Cocteau s'est moqué des avant-gardes en les imitant. Aujourd'hui, on n'a que faire d'une avant-garde qui ne regarde pas en arrière. Voyez la mode qui recycle, reprend, réemploie. Regardez tous ces artistes qui utilisent l'archive dans leur travail, sans avoir peur qu'on les accuse de ne pas être modernes.Malgré tout, votre exposition « Cocteau » au Centre Pompidou vous avait valu des critiques…Certes… Les clichés, notamment sur l'Occupation, sont têtus. On lui a beaucoup reproché son côté mondain à l'époque, la futilité qu'il avait érigée au rang d'art. Mais on a oublié que ses pièces avaient été interdites par les nazis alors qu'on jouait Sartre. Et qu'il avait tout fait pour sauver le poète Max Jacob, détenu à Drancy. Par ailleurs, c'est vrai que son œuvre s'éteint mal. Il est moins bon à la fin, incontestablement. Moi-même, je ne l'ai aimé que tardivement. Mais j'avais constaté que des cinéastes comme Godard, Rivette ou Truffaut l'admiraient. Ils avaient un livre en tête, Les Enfants terribles, et aussi le journal de tournage de La Belle et la Bête. Beaucoup de gens aimaient Cocteau mais ils n'osaient pas le dire. Roxana AzimiJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet « Enfin ! », soupireront tous les amateurs de mangas japonais. Jamais, en 42 ans d’existence, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême n’avait en effet attribué sa plus haute distinction à un auteur nippon. C’est chose faite : Katsuhiro Otomo s’est vu décerner, ce jeudi 29 janvier, le Grand Prix de la ville d’Angoulême pour l’ensemble de son œuvre, après le deuxième tour d’un scrutin organisé auprès de 2 000 professionnels francophones. Il succède à l’Américain Bill Watterson, le créateur de Calvin et Hobbes.Cinq raisons de ne pas rater le Festival d’AngoulêmeAttendue après le premier tour où il était arrivé en tête devant le Britannique Alan Moore et le Belge Hermann, sa désignation ne fait pas que « rectifier » un palmarès qui a oublié de sacrer, du temps de son vivant, Osamu Tezuka (Astro Boy), le « Dieu du manga », et qui s’est contenté d’offrir à Akira Toriyama (Dragon Ball) un insipide lot de consolation en 2013 (baptisé « prix du 40e anniversaire »). Elle consacre aussi « artistiquement » la place qu’occupe déjà la bande dessinée japonaise sur le marché hexagonal. Environ 1 500 mangas japonais sont traduits chaque année en français, soit 37 % de l’ensemble des sorties du secteur. C’est considérable, et Katsuhiro Otomo n’y est pas pour rien.Dessinateur, scénariste, cinéaste, affichiste, le natif de la préfecture de Miyagi est souvent présenté, à tort, comme l’auteur d’une œuvre unique, Akira. Saga futuriste au long cours (2 200 planches, huit ans de publication hebdomadaire au Japon), ce récit post-apocalyptique mettant en scène des jeunes bikers désœuvrés et ultraviolents a ensuite été adapté par Otomo lui-même en film d’animation. Son succès – quinze ans après l’apparition de Goldorak et de Candy à la télévision française – a largement favorisé l’implantation dans notre pays de la pop culture japonaise, incarnée depuis par Dragon Ball, Naruto, One Piece, Super Mario, Zelda et autres Pokemon.Rarement un auteur de bande dessinée aura en tout cas tissé autant de liens avec le cinéma – sauf peut-être Tezuka, l’idole de jeunesse d’Otomo. Celui-ci n’a que 17 ans quand il rejoint les éditions Kodansha comme illustrateur, et deux de plus quand il publie sa première bande dessinée, The Gun Report, une adaptation très librement inspirée d’une nouvelle de Prospère Mérimée, Mateo Falcone (1829). Suivront plusieurs recueils d’histoires courtes, quelques récits plus consistants et des séries au succès modeste…Influence colossaleJusqu’à son premier manga à l’effet « coup de poing » : Domu (1980-1981), un thriller anxiogène traitant de la perte des illusions pendant l’enfance, qui préfigurera l’avènement d’Akira. Traduit bien plus tard en français (1991-1992) sous le titre de Rêves d’enfant par les Humanoïdes associés, ce récit sombre et fantastique reste une leçon de narration et de cadrages, qui témoigne de l’attirance irrésistible d’Otomo pour le 7e art.Son dessin réaliste, voire ultra-réaliste, impressionne par sa force et son intensité, mais par sa facture aussi, très européenneUn an à peine après la fin de Domu, Akira est lancé dans la même publication, Young Magazine, et fait l’effet d’une bombe au Japon. Le dessin réaliste, pour ne pas dire ultra-réaliste, d’Otomo impressionne par sa force et son intensité, mais par sa facture aussi, très européenne. Le mangaka est un fan transi de Jean Giraud, alias Mœbius, qui va lui-même devenir un admirateur absolu d’Otomo.Au milieu d’une production japonaise hyper-stéréotypée, Akira va aussi trancher par la violence de ses héros embarqués dans un engrenage de rebondissements agités, sur fond de parapsychologie et de climat post-nucléaire. De nombreux lecteurs y verront une métaphore des inquiétudes et du manque de confiance de la jeunesse japonaise des années 1980. Peu disert quand il s’agit de parler de son œuvre, Otomo n’ira jamais aussi loin dans l’interprétation. Une seule certitude : le dessinateur a « tué le père » – le grand Tezuka – avec cette œuvre subversive et exigeante.A la fin des années 1980, alors que la série touche à sa fin, l’éditeur français Jacques Glénat se rend à Tokyo dans l’espoir d’y exporter ses collections. Il en revient « bredouille » dit-il, mais avec Akira sous le bras, dans une version adaptée dans le sens de lecture occidental et mise en couleur par l’éditeur américain Marvel. Glénat commence alors à publier la série sous la forme de fascicules vendus en kiosques tous les quinze jours. Il fait même de la publicité sur les colonnes Morris à Paris et passe un partenariat avec Libération : « Ce fut un bide total », se souvient-il. La sortie du film et la publication du manga en albums cartonnés, vendus cette fois en librairie, s’avéreront en revanche un succès que les rééditions ne démentiront jamais.Après Akira, Otomo va progressivement s’éloigner du dessin, mais pas du manga. Il écrit plusieurs scénarios pour d’autres illustrateurs nippons, et se lance dans la production de films d’animation dont le plus important en termes de budget sera Steamboy (2004), une uchronie technologique se déroulant dans l’Angleterre du XIXe siècle. D’autres réalisations suivront : Freedom Project (2006), Mushishi (2007), Short Pieces (2013). Mais jamais Otomo ne retrouvera un succès comparable à celui rencontré avec son œuvre-maîtresse : « C’est comme si Akira l’avait complètement vidé par la suite », indique Jacques Glénat.Son influence n’en demeure pas moins colossale aujourd’hui encore dans le milieu du manga, mais aussi chez de nombreux dessinateurs européens. Bastien Vivès (Le Goût du chlore, Polina, Last Man) n’a pas oublié le court extrait d’Akira qu’il avait vu à la télévision alors qu’il avait 10 ans : « Cela m’avait traumatisé. Il y avait de la violence, de la drogue, du sexe… Les héros - des ados - y parlaient d’interdits et de problématiques d’adultes. »Vivès n’a vu le film dans son entier qu’une fois jeune adulte, à la veille d’entrer à l’école d’animation des Gobelins (Paris 13e). Il a depuis lu et relu la série en album. « S’il fallait associer un mot au dessin d’Otomo, ce serait “puissance”. Quand il fait s’écrouler un immeuble, on y est. Idem quand un des personnages de Domu se tranche la gorge avec un cutter. Quelle force ! »Nommé chevalier de l’ordre des arts et des lettres en 2005, Katsuhiro Otomo a également sorti des art-books à destination de ses fans ces dernières années, laissant entrevoir l’espoir qu’il pourrait bientôt reprendre le crayon, et donc la bande dessinée. Qui sait : rejoindre aujourd’hui un palmarès où figure son « autre » maître éternel, Mœbius, l’y incitera peut-être.Lire aussi : A quand un manga Prix d'Angoulême ?Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Moomin, c’est un peu le Babar finlandais, le Snoopy scandinave, une sorte de Hello Kitty qui serait doté d’une vie riche d’échanges et de questionnements. S’il est besoin aujourd’hui d’introduire ce petit hippopotame blanc aux yeux ronds grand ouverts sur le monde, devenu une référence graphique et littéraire dans le nord de l’Europe et au Japon, c’est qu’entre la France et Moomin, il y a eu comme un rendez-vous manqué.Figure finlandaise, la romancière, illustratrice, peintre et caricaturiste Tove Jansson (1914-2001) – prononcer « touvé yansson » – a créé son personnage et la ribambelle de créatures peuplant son univers en 1945. Les aventures de ses « trolls » ont rencontré un succès immédiat, transformant un premier roman illustré pour enfants en une saga qui s’est doublée d’aventures en « comic strips » dans la presse. En tout, plus de 10 millions de livres, traduits dans 44 langues, ont été vendus dans le monde – une « moominmania » restée cependant très confidentielle en France.« Un jalon important de la BD »« Cette œuvre, méconnue du public français, méritait depuis longtemps un éclairage, estime Jean-Philippe Martin, l’un des commissaires de l’exposition consacrée aux Moomins à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême. C’est un jalon important de la BD, qui a nourri l’imaginaire de nombreux artistes, dont Hayao Miyazaki ou Bill Watterson. » Le projet, lancé il y a quatre ans, a pourtant failli être abandonné. Il aura fallu la perspective du centenaire de la naissance de l’auteur en 2014, les 70 ans de la création de la série en 2015 et la préparation d’un film d’animation franco-finlandais, Les Moomins sur la Riviera, sorti en 2014 en Finlande et attendu le 4 février en France, pour qu’il soit relancé. « Nous avions une fenêtre, c’était maintenant ou jamais ! », résume le commissaire.Le Monde magique des Moomins, qui s’installe pour plus de huit mois au bord de la Charente, propose des focus sur certains aspects de cette folle aventure et les différentes facettes du travail de Tove Jansson. L’exposition se présente de façon séduisante comme une immersion grandeur nature dans la Vallée des Moomins. Sur le sol, des chemins inspirés par la cartographie des lieux dessinée par l’auteur invitent à la déambulation et mènent tous à la maison bleue de la famille Moomin, dont l’intérieur est aménagé en salle de projection pour les plus petits.Au fil du parcours, des espaces semi-clos proposent autant de mini-expositions, abordant tour à tour l’univers visuel romanesque, celui, graphique, en noir et blanc, de la bande-dessinée, ou le phénomène Moomins lui-même, qui a entraîné la création de multiples produits dérivés de qualité (jeux et jouets, affiches, disques, motifs de papier-peint, vaisselle, calendriers de l’Avent, etc.). Une de ces alcôves, où tout est exposé à hauteur d’enfant, est aussi dédiée à l’art de Tove Jansson en dehors des Moomins, de la caricature à la peinture abstraite.Folklore nordique revisitéQuelle est donc cette magie qui opère depuis tant de décennies auprès des enfants comme des adultes ? Tove Jansson l’a reconnu elle-même : la création des Moomins est une réaction plus ou moins consciente à la seconde guerre mondiale, avec l’envie de créer un monde permettant d’échapper à la rudesse de l’époque, qui avait laissé la Finlande ravagée. Une invitation à l’évasion qui revisite l’imaginaire et le folklore nordique. Les trolls, créatures des forêts et des montagnes souvent effrayantes, ont pris avec les Moomins, être amicaux et sensibles, une dimension plus humaniste et fraternelle.Divers dangers viennent bousculer l’équilibre de leur paisible vallée, forçant la famille et ses amis à partir dans des aventures impromptues et drôlatiques. Le ton faussement léger et insouciant permet d’aborder, l’air de rien, des réflexions sur la nature, la vie en société, les rencontres, l’amour, l’amitié, la mélancolie… Selon le commissaire Jean-Pierre Mercier, c’est l’« universalité du propos » qui explique l’engouement durable pour les Moomins. « Son message était : vivez en paix, cultivez votre jardin, rêvez », résume Xavier Picard, le réalisateur des Moomins sur la Riviera, qui est pour sa part tombé « amoureux » des Moomins en les découvrant au Japon.« Comic strips » dans la presse« Tove lisait beaucoup de littérature et de philosophie, et savait observer, capter les caractères », raconte sa nièce Sophie Jansson, qui dirige aujourd’hui la branche culturelle de Oy Moomins Characters Ltd, société commerciale détentrice des droits sur l’œuvre. Issue d’une famille d’artistes, Tove Jansson vivait une vie alternative, ayant choisi très jeune de ne pas se marier ni avoir d’enfant et de dédier sa vie à l’art. « C’était une femme libre et merveilleuse. Elle aimait jouer, elle était comme un enfant sans être un enfant. Elle avait le don de ne pas catégoriser les gens par âge, et elle considérait les enfants à égalité avec elle », analyse Sophie Jansson.C’est certainement cette qualité de savoir toucher tous les âges qui lui a permis de créer un univers parlant aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Si les romans pour enfants ont lancé le personnage, la notoriété des Moomins s’est d’ailleurs largement étendue grâce à la BD, visant un public plus mature. C’est la presse finlandaise qui a commencé à publier ses savoureux « comic strips », mais c’est la presse britannique qui va opérer un basculement : à partir de 1954, le London Evening News, tiré à 12 millions d’exemplaires dans le monde, publie quotidiennement ses vignettes pendant près de quinze ans. Accaparée par son personnage alors qu’elle souhaitait se consacrer à d’autres travaux, Tove Jansson demandera à son frère Lars de prendre la relève des strips. A eux deux, ils ont fait évoluer les Moomins et leur pratique graphique jusqu’en 1975. Edition en France relancée en 2007Que s’est-il donc passé pour que la magie finlandaise n’opère pas réellement en France jusqu’ici ? Les éditions Nathan ont commencé à faire traduire les romans dans les années 1980, puis l’une des plus populaires séries d’animation adaptées de l’univers des Moomins a été diffusée dans les années 1990 à la télévision française. « Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas eu de continuité dans les publications », explique le commissaire. Nathan se serait brouillé avec ses traducteurs, ce qui a bloqué la situation et les droits pendant de nombreuses années.Les éditions jeunesse Le Petit Lézard ont finalement réussi à relancer l’édition des Moomins, en commençant par les BD – le premier tome, édité en 2007, avait remporté d’ailleurs le prix du patrimoine au Festival d’Angoulême 2008. Puis ont renoué avec les traducteurs d’origine, le couple franco-suédois Kersti et Pierre Chaplet, pour reprendre la publication des romans et faire évoluer leur traduction.Il a peut-être aussi manqué un vrai déclic. L’exposition finit sur les coulisses des Moomins sur la Riviera, qui est déjà un grand succès en Finlande. Il s’agit de la première adaptation pour le grand écran basée sur les « comic strips ». C’est aussi la version la plus traditionnelle et fidèle aux dessins originaux. A voir si la « magie » opérera et si le dessin animé emportera l’adhésion d’un large public en France.Foisonnement de personnalitésEn quittant l’exposition, on regrette seulement qu’il n’y ait pas de véritable galerie de portraits de la population des Moomins. Certes, on retrouve les principaux personnages, mais sans réel point d’entrée dans le foisonnement de leurs personnalités, liens ou manies, au-delà de l’immature et paresseux Sniff et du dévouement de Mamma Moomin.Les présentations ne sont pas vraiment faites avec Little My, petite rousse à chignon insolente et farceuse, imaginée par l’auteur en écho à sa propre enfance, le Renaclerican, le meilleur ami philosophe et migrateur de Moomin, avec sa pipe et son grand chapeau, la coquette Mademoiselle Snork et son frère, mais aussi l’effrayante Courabou, Tou-ticki, inspirée par la compagne de Tove Jansson, puis tout un tas de personnages secondaires rencontrés au gré des voyages : Boines au grand nez, Chassebés aux oreilles poilues, monomaniques Hémules, le méchant Fourmilion, les dépressifs Filifolles, les fameux Hatifnattes, sortes de fantômes pleins de doigts qui se déplacent en groupe et produisent de l’électricité, sans parler des Zbors, Misalines, Scroutons, brigands et extra-terrestres…« Le Monde magique des Moomins ». Musée de la bande dessinée, quai de la Charente, Angoulême. Du 28 janvier au 4 octobre, relâche du 18 mai au 19 juin afin de préserver les œuvres les plus fragiles. Ateliers pour les enfants autour de l’exposition. www.citebd.org et www.bdangouleme.comEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 09h18 • Mis à jour le30.01.2015 à 11h14 | Jean-Jacques Larrochelle A l’image des « Gérard de la télévision », cérémonie de remise de prix attribués aux pires émissions du PAF et à ceux qui les animent, les Parpaings d’or de l’architecture parviennent, sur le même principe, à garder leur sérieux tout en s’amusant, à moins que ce ne soit l’inverse. Sachant que toute expression humoristique possède sa part de vérité, les lauréat(e)s épinglé(e)s par ces grinçantes distinctions ont toutes les raisons de ne pas en rire. De manière plutôt diplomatique, ils (elles) choisissent, le plus souvent, de s’en accommoder en venant chercher eux (elles)-mêmes leurs prix.L’édition 2014 des Parpaings d’or de l’architecture, dont les résultats ont été communiqués en ligne mercredi 28 janvier, leur auront épargné cette douloureuse démarche : la manifestation, faute de temps et d’argent, n’a donné lieu à aucune cérémonie. La précédente avait été organisée dans la péniche Louise-Catherine, un ancien chaland réaménagé en 1929 par Le Corbusier, amarrée au quai d’Austerlitz dans le 13e arrondissement de Paris.Actualité politiqueCette année, le ton de la manifestation ayant de surcroît sensiblement durci, on imagine mal comment Elisabeth de Portzamparc, seule nommée au Parpaing d’or de l’architecte qui bénéficie le mieux des réseaux de son mari, ou Jean Nouvel, l’auteur de la Philharmonie de Paris (Parpaing d’or du projet déjà là lors des Premiers parpaings d’or, mais toujours pas terminé, et même qu’on va pouvoir encore se foutre d’eux l’an prochain si ça continue comme ça) auraient pu accepter de venir récupérer leurs trophées sans s’exposer au risque d’une sérieuse disgrâce. L’actualité, la plus sérieuse, s’est toutefois invitée, qui n’a pas épargné certains acteurs de la vie politique. Ainsi, Le Parpaing d’or du maire élu en mars dernier qui, par pure réaction partisane et électoraliste, a décidé de gaspiller des centaines de milliers d’euros d’études en sacrifiant un projet utile a été décerné à l’arrêt de la production de logements par les maires de droite en Île-de-France. Ou comment une brève saillie vaut parfois mieux qu’un long discours.« Il n’y en aura pas l’an prochain »Selon son promoteur, le site Web L’Abeille et l’architecte, le concours a, cette année, suscité quelque 25 000 pages vues. Bien que ce score soit inférieur à ceux des années précédentes, le nombre de votes a, quant à lui, augmenté, soit quelque 35 000 participants internautes ayant répondu aux dix-huit questions permettant d’établir les différents palmarès. Ces chiffres s’expliquent, selon L’Abeille et l’architecte, par un moindre intérêt porté par les médias « grand public » à la manifestation. Il est vrai qu’une connaissance minimale des rites du milieu de l’architecture (ses complicités, ses tics, ses égos, son jargon, ses coups bas…) est parfois requise pour saisir certaines nuances introduites dans les questions.« La conclusion est donc simple, explique l’architecte Jérôme-Olivier Delb, maître d’œuvre de l’opération. Les Parpaings d’or de l’architecture intéressent beaucoup plus les architectes que les gens, ils perdent ainsi l’intérêt qu’ils avaient, c’est-à-dire : décloisonner une profession qui a tendance à rester dans l’entre-soi, à se regarder le nombril et ne pas regarder ailleurs pour ne pas que l’autre regarde chez nous et évidemment [puisse] rire de nous. » Après ce relatif revers, il admet que la périodicité annuelle des Parpaings puisse ne « pas être très opportune ». Et de conclure qu’« il n’y en aura donc pas l’an prochain. » Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Son duo avec Kanye West n'est que le dernier en date. Johnny Cash, Stevie Wonder, Michael Jackson, Eric Clapton… Depuis la séparation des Beatles, Paul McCartney a multiplié les tandems. Pour le meilleur ou pour le pire. « Who the fuck is Paul McCartney ? » Beaucoup ont démenti depuis, assurant qu'il ne s'agissait que de plaisanteries, mais ce Jour de l'an nous a quand même filé un coup de vieux. Avec un sens du happening dont les stars de la pop 2.0 ne peuvent plus se passer, le rappeur Kanye West avait dévoilé, par surprise, sur Internet, dans la nuit du 31 décembre, son nouveau single, Only One, enregistré en duo avec l'ancien Beatles.Lire aussi : Rihanna, Paul McCartney et Kanye West en trioQuelques heures plus tard, plusieurs générations s'étranglaient devant les tweets de certains jeunes admirateurs de cette icône du R'n'B se demandant qui était le monsieur assis à côté de Kanye sur la photo noir et blanc posté par leur idole. « C'est pour cela que j'aime Kanye, assurait (sans rire ?) l'un d'eux, il met en lumière des artistes inconnus. »Le temps était-il passé aussi vite pour creuser un tel fossé ? La classe YouTube était-elle aussi coupée d'un monde qui, hier encore, vibrait à l'unisson des mélodies du créateur de Yesterday ? Que faisaient les parents ? Que faisait Obama (pourtant aperçu, à Washington, en 2010, vocalisant Hey Jude avec l'ex-Fab Four), pour que Sir Paul McCartney – 72 ans – ait besoin d'un duo avec un rappeur pour se faire connaître des enfants du XXIe siècle ? Ou n'était-ce pas après tout Kanye West qui cherchait à élargir son public et à se faire adouber, entrant du même coup dans les mocassins d'une autre idole planétaire, Michael Jackson, lui-même jadis couronné King of Pop par le serviteur de Sa Majesté ? Car cet art du duo aux multiples fonctions – amicales, artistiques, marketing… – a déjà été beaucoup pratiqué par McCartney.Complainte dénudée, à la voix légèrement distordue par l'Auto-Tune (un logiciel souvent utilisé par le rappeur) et aux claviers minimalistes pianotés par le septuagénaire, Only One laissera-t-elle autant de traces que quelques autres célèbres collaborations ? Le morceau – annoncé comme le premier d'une série de compositions signées par les deux stars – possède déjà sa part de légende. Enregistrée dans une petite maison de Los Angeles, la chanson aurait été soufflée à Kanye – dans un état second – par sa mère, décédée en 2007. « Ma maman me parlait et, à travers moi, parlait à ma fille », expliquait le chanteur dans un communiqué. Enfonçant le clou émotionnel, Kim Kardashian – la pulpeuse Mme Kanye West – assure d'ailleurs pleurer à chaque écoute. West est en tout cas le troisième chanteur afro-américain avec lequel Paul McCartney connaît le succès. De huit ans son cadet, Stevie Wonder fut le premier à triompher avec l'ancien Beatles. Sortie en mars 1982, deux ans après l'assassinat de John Lennon, la chanson Ebony and Ivory posait cette question clé : « Ebène et ivoire vivent en parfaite harmonie sur le clavier de mon piano – Oh, Seigneur, pourquoi pas nous ? » Souvent parodiée – et régulièrement classée parmi les pires duos de l'histoire –, cette ballade sirupeuse (parue dans l'album de McCartney, Tug of War) toucha suffisamment de monde pour rester quatre semaines au sommet des charts britanniques et sept semaines au top des ventes américaines, devenant ainsi le plus grand succès de la carrière post-Beatles de « Macca ».Admiration mutuelle avec Michael JacksonLa même année et dans le même registre sucré, les collaborations entre l'homme de Liverpool et Michael Jackson marquèrent aussi l'histoire. Une admiration mutuelle avait failli provoquer un premier duo à la fin des années 1970, mais Michael avait finalement enregistré en solo une chanson de Paul, Girlfriend, sur l'album Off the Wall. En 1982, le titre The Girl is Mine sera le premier single tiré d'un disque de légende, Thriller, appelé à devenir l'album le plus vendu au monde. « Il y avait une dimension symbolique incroyable à voir le futur King of Pop faire appel à celui qui incarnait ce titre depuis les années 1960 », estime le journaliste Olivier Cachin, biographe français de Michael Jackson (Michael Jackson. Pop Life, Ed. Alphée).Symbolisé par des clips rayonnant de bonne humeur, ce partenariat quasi fraternel se prolongera avec la chanson The Man et le tube Say Say Say (supérieur au mièvre The Girl is Mine), dans l'album de McCartney Pipes of Peace (1983), avant que leur relation ne tourne au vinaigre, lorsque Michael Jackson rachètera les droits des Beatles, un nez et à la barbe de son compère.Heureusement, beaucoup d'autres duos enregistrés par l'ancien Beatle témoignent de plus solides amitiés. Qu'il s'agisse de ses apparitions aux côtés de ses premiers complices, George Harrison (All Those Years Ago, en hommage à John Lennon) ou Ringo Starr (sur une demi-douzaine d'albums de ce dernier) ou de son plaisir de jouer et chanter avec de vieux camarades. Certains célèbres : Eric Clapton, Donovan, Yusuf Islam, alias Cat Stevens, Lulu ou Brian Wilson, pour le duo A Friend Like You (2004), trente-sept ans après avoir été enregistré mangeant des carottes dans un album des Beach Boys… D'autres moins, tel le bassiste Klaus Voormann (I'm in Love Again, en 2009), également dessinateur de la pochette de l'album Revolver des Beatles. Fidélité à ses idoles d'adolescenceAutre constante dans le parcours de duettiste de « Macca », sa fidélité à ses idoles d'adolescence, ceux qui formèrent le gamin de Liverpool à l'excitation du rock'n'roll. S'il a souvent repris en solo des classiques de ce vieux répertoire, il a aussi chanté en tandem, avec Allen Toussaint, I Want to Walk You Home de Fats Domino, ou avec Carl Perkins (My Old Friend, Get in), l'auteur de Blue Suede Shoes, tout en ne sachant pas dire non à Johnny Cash (le country kitsch New Moon Over Jamaica). « Nous passions Noël en voisins à la Jamaïque, il m'a proposé d'écrire ensemble une chanson, racontait l'Anglais en 1988. Qui suis-je pour refuser quelque chose à Johnny Cash ? »Quand on le voit avec ces pionniers, McCartney arbore le même sourire de gamin que celui affiché par ses propres admirateurs lorsqu'il joue à leurs côtés. Ne pas hésiter, pour s'en convaincre, à regarder sur YouTube la vidéo du concert de Bruce Springsteen à Hyde Park, en 2012, où le Boss accueille d'un rire émerveillé l'ancien bassiste des Beatles pour reprendre I Saw Her Standing There et Twist & Shout (« J'attendais ça depuis cinquante ans ! »).Même sensation au visionnage des images du septuagénaire entouré des membres survivants de Nirvana, le batteur Dave Grohl et le bassiste Kris Novoselic, à l'occasion d'un concert donné à Seattle, en 2013. Outre quelques classiques (Get Back, Long Tall Sally…), ce groupe surpuissant jouait une composition originale, Cut Me Some Slack, cosignée à l'occasion d'un documentaire, Sound City, réalisé par Dave Grohl. Ce titre très électrique valut d'ailleurs à ses auteurs le Grammy Award de la meilleure chanson rock en 2014. Vieille alchimie avec Elvis CostelloSi, à l'instar de ses morceaux avec Stevie Wonder ou Michael Jackson, certains duos flattent son profil « doux, drôle et sympathique » jusqu'à la mièvrerie, l'interprète de Michelle et Helter Skelter est sans doute meilleur quand un partenaire aiguise son tranchant rock, comme pouvait le faire John Lennon au sein des Fab Four.Ce fut sans doute le secret de la réussite de sa collaboration avec Elvis Costello dans leurs albums respectifs, l'excellent Flowers in the Dirt de McCartney, et Spike de Costello, tous deux parus en 1989. « Angry young man » de la new wave anglaise, ce Londonien d'origine irlandaise ayant vécu à Liverpool ressuscitait une vieille alchimie. « Comme John, Elvis Costello est capable de me dire qu'il n'aime pas ce que je fais, analysait McCartney, en 1989. Sa voix légèrement éraillée, ses dehors un peu agressifs, ses talents d'auteur sarcastique provoquent avec moi un contraste qui nous ramène naturellement aux Beatles. » Et un duo qui signait alors Lennon/McCartney. Stéphane DavetJournaliste au Monde Clémentine Gallot Sébastien Barrier est un conteur volubile. Son spectacle arrosé, Savoir enfin qui nous buvons, consacre les bienfaits du vin naturel à travers l'histoire de vignerons du Val de Loire : « Ce sont des ivresses différentes, plus folles, qui font moins mal le lendemain. Un nouvel alcoolisme plus sain. » Ce soliste du théâtre de rue a d'abord roulé sa bosse, pendant une dizaine d'années, sous les traits de Ronan Tablentec, son avatar « foutraque » de marin pêcheur breton. « A la fin, ça me collait à la peau ! », s'amuse-t-il.C'est par ce biais que cet ancien circassien rencontre un jour des viticulteurs aux pratiques naturelles et conçoit l'idée d'un nouveau spectacle. « Je n'étais pas grand connaisseur de vins, mais déjà amateur d'ivresse », se souvient-il. Depuis, il parcourt l'Hexagone avec sa performance-conférence. Cette narration œnologique titille les papilles et la curiosité des spectateurs attablés pour ces soirées « In vino veritas ». Car le marathon dure au moins six heures. Jusqu'à la lie.Clémentine GallotJournaliste au Monde Yann Plougastel Sam Millar n'est pas n'importe qui. Membre de l'IRA, la branche armée du mouvement de libération de l'Irlande du Nord, il a passé huit ans dans la sinistre prison de Long Kesh dans les années 1970. Quelques années plus tard, exilé aux Etats-Unis, il braque la Brinks à Rochester, dans l'Etat de New York. Butin : 7,5 millions de dollars. Résultat : soixante mois de prison… Gracié par Bill Clinton, il revient à Belfast et se lance dans l'écriture de romans noirs. Après On the Brinks (2003), récit autobiographique de son casse, il entame, avec Les Chiens de Belfast (2014), la chronique des enquêtes de Karl Kane, un détective privé qui ressemble au Philip Marlowe de Chandler.Le Cannibale de Crumlin Road est le deuxième épisode de ses aventures. En pleine vague de chaleur sur Belfast, un tueur en série boulotte le foie et les reins de ses victimes… Lorsque Katie, la fille de Kane, disparaît, le détective voit rouge. Alternant scènes d'une violence inouïe et dialogues d'une ironie corrosive, Sam Millar réussit le tour de force d'allumer de belles lumières dans un monde de ténèbres. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau Ils sont frères, chorégraphes, travaillent ensemble depuis 1997 et ont déjà une vingtaine de pièces derrière eux. Christian et François Ben Aïm ont toujours tout fait au coude-à-coude depuis leur adolescence – époque à laquelle ils ont découvert le mime, le théâtre et la danse. Depuis, ils poursuivent leur carrière au Canada, puis en France, et se sont taillé un nom à quatre mains. Tantôt proche d'une danse-théâtre narrative, tantôt pur jeu abstrait, toujours pleine d'appétit pour le mouvement, leur danse ne manque pas de munitions.Ils confient « ne plus savoir s'ils sont frères ou chorégraphes d'abord, tout en respectant toujours le lien familial ». Dans leur nouvelle pièce pour huit interprètes, La Légèreté des tempêtes, les deux chorégraphes et danseurs se sont penchés sur le thème du désir. Trois violoncellistes, un chanteur, tous en live, soutiennent le geste vibrant des Ben Aïm qui tournent parallèlement deux pièces plus anciennes, La Forêt ébouriffée et Valse en trois temps. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Frédéric Potet Il n'est sans doute pas inutile, par les temps qui courent, de lire ou de relire Chaval (1915-1968), dessinateur humoristique ayant inspiré la plupart des grands caricaturistes français, de Sempé à Reiser, en passant par Gébé, Bosc et Cabu, tombé sous les balles le 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo. Cet adepte d'un burlesque triste façon Buster Keaton n'avait pas son pareil pour déclencher chez le lecteur ce fugace éclair d'étonnement et de fantaisie qui fait la force du dessin, ici exécuté à coups de traits au cordeau.Chez Chaval, les boute-en-train sont cafardeux, les ventriloques souffrent d'angine et les durs à cuire vendent des caramels mous au coin des rues. Un astronaute pas fier boit un coup avec un cul-terreux. Un maître-nageur fait semblant de lire plutôt que de sauver un nageur de la noyade. Occupés à contempler un éléphant sur un vélo, des messieurs en imper tournent la tête pour regarder au loin une jolie fille. Tout cela est féroce, désabusé, vaguement mélancolique et terriblement inventif. Cette compilation de deux cents dessins – parfois rares ou oubliés – fait suite à un premier recueil, sorti il y a deux ans, Les hommes sont des cons. Tout un programme.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Le café est-il meilleur lorsque le bar qui le sert est lui-même en forme de mug ? Pas sûr. Mais l'établissement en question, avec sa poignée géante et sa couleur rouge pétard, a l'avantage d'être facile à repérer… et rigolo. En collectant dans son livre Duck (canard) les images d'épicerie-bouteille de lait, de voiture-baleine et de cygne-paquebot, Olivier Cablat invite à un grand voyage en Absurdie. Mi-sérieux, mi-moqueur, cet amateur d'imagerie populaire a cherché dans le monde entier, et surtout dans l'océan d'Internet, des images semblant donner raison à un livre d'architecture qui a fait date, Learning From Las Vegas (1972). Celui-ci classait les bâtiments commerciaux en deux types, les « canards » (immeubles symboles qui montrent ce qu'ils renferment) et les « sheds décorés » (constructions anonymes ornées de panneaux explicatifs). Olivier Cablat, forcément, s'est penché sur les premiers, bien plus esthétiques. On aurait aimé savoir d'où viennent ces drôles de constructions touchantes et grandiloquentes, qui les ont fabriquées et pourquoi. Mais l'artiste a préféré gommer le texte comme le contexte et les isoler dans les pages, comme des insectes d'une même famille qui auraient subi une évolution darwinienne, passant au fil des ans de la rôtisserie-canard à la montgolfière-titi. Ce qui donne un livre un peu raide, un catalogue pince-sans-rire des exceptions charmantes qui ponctuent notre monde. Car il faut bien le reconnaître, malheureusement : aujourd'hui, les cubes anonymes et fonctionnels ont vaincu les canards boîteux et charmants. Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi Baptiser votre exposition « Cocteau contemporain », n'est-ce pas provocateur ?Quand j'ai fait l'exposition Cocteau au Centre Pompidou en 2003, j'ai été étonné de l'intérêt que portaient les jeunes à cette figure. L'artiste Alice Anderson m'a révélé qu'une part considérable de ses bricolages de films avait été inspirée par lui. Et ce constat s'est imposé en préparant l'exposition à la galerie Coullaud & Koulinsky. Hélène Delprat l'a toujours adoré, Françoise Pétrovitch m'en a parlé aussi. Ces plasticiens se reconnaissent dans La Belle et la Bête, un film pervers, transgenre, qui traite de la métamorphose, un thème qu'encourage aujourd'hui le numérique. Cocteau est contemporain car il a posé des questions qui sont actuelles.Comment expliquez-vous ce regain d'intérêt ?Le temps qui passe joue en sa faveur. On oublie ses erreurs momentanées, ses maladresses, le texte trop élogieux sur le sculpteur nazi Arno Breker. Je vois aussi une autre raison : un artiste aujourd'hui se qualifie d'artiste, qu'il fasse de la sculpture, de la vidéo ou du dessin. Cela rejoint Cocteau et son aptitude à changer de style. Quoi qu'il fît, il se déclarait poète, quand il écrivait des pièces de théâtre, jouait de la batterie ou entraînait des boxeurs. Je crois que les créateurs d'aujourd'hui peuvent se retrouver dans cette façon qu'avait Cocteau de tout surplomber par la poésie.Revient-on à Cocteau comme on regarde à nouveau Salvador Dalí, un artiste qui a, lui aussi, connu grandeur et décadence et que le Centre Pompidou a réhabilité ?Oui, ils sont de la même génération et profondément parallèles. Ces artistes n'avaient pas de honte à emprunter aux nouveaux supports de représentation. Ils aimaient tous les deux les médias.Ce retour est-il aussi lié à la fin du mythe de l'avant-garde ?Cocteau s'est moqué des avant-gardes en les imitant. Aujourd'hui, on n'a que faire d'une avant-garde qui ne regarde pas en arrière. Voyez la mode qui recycle, reprend, réemploie. Regardez tous ces artistes qui utilisent l'archive dans leur travail, sans avoir peur qu'on les accuse de ne pas être modernes.Malgré tout, votre exposition « Cocteau » au Centre Pompidou vous avait valu des critiques…Certes… Les clichés, notamment sur l'Occupation, sont têtus. On lui a beaucoup reproché son côté mondain à l'époque, la futilité qu'il avait érigée au rang d'art. Mais on a oublié que ses pièces avaient été interdites par les nazis alors qu'on jouait Sartre. Et qu'il avait tout fait pour sauver le poète Max Jacob, détenu à Drancy. Par ailleurs, c'est vrai que son œuvre s'éteint mal. Il est moins bon à la fin, incontestablement. Moi-même, je ne l'ai aimé que tardivement. Mais j'avais constaté que des cinéastes comme Godard, Rivette ou Truffaut l'admiraient. Ils avaient un livre en tête, Les Enfants terribles, et aussi le journal de tournage de La Belle et la Bête. Beaucoup de gens aimaient Cocteau mais ils n'osaient pas le dire. Roxana AzimiJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet « Enfin ! », soupireront tous les amateurs de mangas japonais. Jamais, en 42 ans d’existence, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême n’avait en effet attribué sa plus haute distinction à un auteur nippon. C’est chose faite : Katsuhiro Otomo s’est vu décerner, ce jeudi 29 janvier, le Grand Prix de la ville d’Angoulême pour l’ensemble de son œuvre, après le deuxième tour d’un scrutin organisé auprès de 2 000 professionnels francophones. Il succède à l’Américain Bill Watterson, le créateur de Calvin et Hobbes.Cinq raisons de ne pas rater le Festival d’AngoulêmeAttendue après le premier tour où il était arrivé en tête devant le Britannique Alan Moore et le Belge Hermann, sa désignation ne fait pas que « rectifier » un palmarès qui a oublié de sacrer, du temps de son vivant, Osamu Tezuka (Astro Boy), le « Dieu du manga », et qui s’est contenté d’offrir à Akira Toriyama (Dragon Ball) un insipide lot de consolation en 2013 (baptisé « prix du 40e anniversaire »). Elle consacre aussi « artistiquement » la place qu’occupe déjà la bande dessinée japonaise sur le marché hexagonal. Environ 1 500 mangas japonais sont traduits chaque année en français, soit 37 % de l’ensemble des sorties du secteur. C’est considérable, et Katsuhiro Otomo n’y est pas pour rien.Dessinateur, scénariste, cinéaste, affichiste, le natif de la préfecture de Miyagi est souvent présenté, à tort, comme l’auteur d’une œuvre unique, Akira. Saga futuriste au long cours (2 200 planches, huit ans de publication hebdomadaire au Japon), ce récit post-apocalyptique mettant en scène des jeunes bikers désœuvrés et ultraviolents a ensuite été adapté par Otomo lui-même en film d’animation. Son succès – quinze ans après l’apparition de Goldorak et de Candy à la télévision française – a largement favorisé l’implantation dans notre pays de la pop culture japonaise, incarnée depuis par Dragon Ball, Naruto, One Piece, Super Mario, Zelda et autres Pokemon.Rarement un auteur de bande dessinée aura en tout cas tissé autant de liens avec le cinéma – sauf peut-être Tezuka, l’idole de jeunesse d’Otomo. Celui-ci n’a que 17 ans quand il rejoint les éditions Kodansha comme illustrateur, et deux de plus quand il publie sa première bande dessinée, The Gun Report, une adaptation très librement inspirée d’une nouvelle de Prospère Mérimée, Mateo Falcone (1829). Suivront plusieurs recueils d’histoires courtes, quelques récits plus consistants et des séries au succès modeste…Influence colossaleJusqu’à son premier manga à l’effet « coup de poing » : Domu (1980-1981), un thriller anxiogène traitant de la perte des illusions pendant l’enfance, qui préfigurera l’avènement d’Akira. Traduit bien plus tard en français (1991-1992) sous le titre de Rêves d’enfant par les Humanoïdes associés, ce récit sombre et fantastique reste une leçon de narration et de cadrages, qui témoigne de l’attirance irrésistible d’Otomo pour le 7e art.Son dessin réaliste, voire ultra-réaliste, impressionne par sa force et son intensité, mais par sa facture aussi, très européenneUn an à peine après la fin de Domu, Akira est lancé dans la même publication, Young Magazine, et fait l’effet d’une bombe au Japon. Le dessin réaliste, pour ne pas dire ultra-réaliste, d’Otomo impressionne par sa force et son intensité, mais par sa facture aussi, très européenne. Le mangaka est un fan transi de Jean Giraud, alias Mœbius, qui va lui-même devenir un admirateur absolu d’Otomo.Au milieu d’une production japonaise hyper-stéréotypée, Akira va aussi trancher par la violence de ses héros embarqués dans un engrenage de rebondissements agités, sur fond de parapsychologie et de climat post-nucléaire. De nombreux lecteurs y verront une métaphore des inquiétudes et du manque de confiance de la jeunesse japonaise des années 1980. Peu disert quand il s’agit de parler de son œuvre, Otomo n’ira jamais aussi loin dans l’interprétation. Une seule certitude : le dessinateur a « tué le père » – le grand Tezuka – avec cette œuvre subversive et exigeante.A la fin des années 1980, alors que la série touche à sa fin, l’éditeur français Jacques Glénat se rend à Tokyo dans l’espoir d’y exporter ses collections. Il en revient « bredouille » dit-il, mais avec Akira sous le bras, dans une version adaptée dans le sens de lecture occidental et mise en couleur par l’éditeur américain Marvel. Glénat commence alors à publier la série sous la forme de fascicules vendus en kiosques tous les quinze jours. Il fait même de la publicité sur les colonnes Morris à Paris et passe un partenariat avec Libération : « Ce fut un bide total », se souvient-il. La sortie du film et la publication du manga en albums cartonnés, vendus cette fois en librairie, s’avéreront en revanche un succès que les rééditions ne démentiront jamais.Après Akira, Otomo va progressivement s’éloigner du dessin, mais pas du manga. Il écrit plusieurs scénarios pour d’autres illustrateurs nippons, et se lance dans la production de films d’animation dont le plus important en termes de budget sera Steamboy (2004), une uchronie technologique se déroulant dans l’Angleterre du XIXe siècle. D’autres réalisations suivront : Freedom Project (2006), Mushishi (2007), Short Pieces (2013). Mais jamais Otomo ne retrouvera un succès comparable à celui rencontré avec son œuvre-maîtresse : « C’est comme si Akira l’avait complètement vidé par la suite », indique Jacques Glénat.Son influence n’en demeure pas moins colossale aujourd’hui encore dans le milieu du manga, mais aussi chez de nombreux dessinateurs européens. Bastien Vivès (Le Goût du chlore, Polina, Last Man) n’a pas oublié le court extrait d’Akira qu’il avait vu à la télévision alors qu’il avait 10 ans : « Cela m’avait traumatisé. Il y avait de la violence, de la drogue, du sexe… Les héros - des ados - y parlaient d’interdits et de problématiques d’adultes. »Vivès n’a vu le film dans son entier qu’une fois jeune adulte, à la veille d’entrer à l’école d’animation des Gobelins (Paris 13e). Il a depuis lu et relu la série en album. « S’il fallait associer un mot au dessin d’Otomo, ce serait “puissance”. Quand il fait s’écrouler un immeuble, on y est. Idem quand un des personnages de Domu se tranche la gorge avec un cutter. Quelle force ! »Nommé chevalier de l’ordre des arts et des lettres en 2005, Katsuhiro Otomo a également sorti des art-books à destination de ses fans ces dernières années, laissant entrevoir l’espoir qu’il pourrait bientôt reprendre le crayon, et donc la bande dessinée. Qui sait : rejoindre aujourd’hui un palmarès où figure son « autre » maître éternel, Mœbius, l’y incitera peut-être.Lire aussi : A quand un manga Prix d'Angoulême ?Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.01.2015 à 19h25 • Mis à jour le29.01.2015 à 23h38 A l'appel de l'intersyndicale de France Télévisions, un mouvement de grève de techniciens a perturbé, jeudi 29 janvier, le « 12/13 » de France 3 et le « 13 heures » de France 2, qui ont été réalisés depuis la régie, sur des plateaux plus réduits.Les JT du soir – « 19/20 » de France 3 et « 20 heures » de France 2 – devraient également être modifiés, selon la direction et les syndicats. La grève se terminera à minuit.RTT RÉDUITE ET SALLE DE MIXAGE SUPPRIMÉELe mouvement de grève a concerné, pour les éditions de la mi-journée, 20,5 % des effectifs, soit 41 grévistes sur les 200 techniciens concernés par l'appel à la grève, indique la direction de France Télévisions.Le conflit porte sur des projets de réorganisation interne concernant notamment les professions de monteurs et mixeurs. Les syndicats s'inquiètent également de la diminution des RTT et de la suppression d'une salle de mixage. « Il faut continuer à obtenir les gains d'efficacité que la construction de l'“entreprise unique” est censée produire », a affirmé en réponse la direction de France Télévisions.Lire aussi : Le CSA prépare un bilan sévère de la présidence Pflimlin à France Télévisions 28.01.2015 à 16h32 • Mis à jour le28.01.2015 à 16h41 | Sylvain Siclier Après le duo, le trio. Dans la nuit du 31 décembre 2014 au 1er janvier 2015, un duo sur une chanson au titre un peu contradictoire d'Only One (« mon unique ») entre Paul McCartney et Kanye West, avait été diffusé. L'ancien bassiste et chanteur des Beatles, star planétaire de la pop depuis le début des années 1960 et le producteur et interprète star du R'n'B, dont la carrière remonte au début des années 2000, chantant ensemble, cela avait secoué les réseaux sociaux, en particulier avec des messages de fans de Kanye West se demandant qui donc était ce monsieur McCartney.Cette fois, c'est Rihanna, autre star de la pop et du R'n'B, originaire de La Barbade, qui vient rejoindre les deux musiciens en proposant à ses fans une nouvelle chanson, Four Five Seconds, dont elle est l'interprète principale en compagnie de McCartney, à la guitare, et West, qui intervient sur deux couplets et le refrain final.Four Five Seconds a été annoncée par un tweet de la chanteuse (« Un aperçu de ma nouvelle musique ») et sur son compte Facebook, samedi 24 janvier – après que West en avait annoncé l'existence le 22 janvier lors de sa participation au iHeartMedia Music Summit à Burbank (Californie) –, accompagnée d'une photographie en noir et blanc des trois protagonistes.FIRST GLIMPSE AT MY NEW MUSIC!!!---> http://t.co/8bsJSvxVp6— rihanna (@Rihanna)require(["twitter/widgets"]);La chanson, avec un arrangement minimal à la guitare et un pont avec un orgue, est assez éloignée des productions habituelles de Rihanna et de Kanye West. Elle pourrait aussi servir d'annonce à la parution prochaine du huitième album studio de la chanteuse, pour l'heure intitulé #R8. Signe du succès de Four Five Seconds, la composition a suscité de nombreuses reprises quelques heures après sa publication. Des musiciens amateurs, filles et garçons, généralement seuls à la guitare mais aussi sous forme de trios dont un entièrement féminin avec accompagnement au ukulélé.VIDÉO (audio seulement) : «  Four Five Seconds » (2015), par Rihanna, Kanye West et Paul McCartneySylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Disparu à 90 ans le 1er avril 2014, le médiéviste Jacques Le Goff occupait une place unique dans le champ de sa discipline. Par son parcours, mais surtout par la singularité de ses approches, sa façon de concilier le temps long cher à Fernand Braudel et d'autres temporalités dont il a su tisser les liens, échappant à la tentation du dogme pour toujours s'inscrire au plus près de l'humain.Lire aussi : Jacques Le Goff, mort d'un « ogre historien »Près d'un an après sa mort, la Bibliothèque nationale de France (BNF), en partenariat avec l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), que Jacques Le Goff fonda à partir de la VIe section de l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) et dont il assura la présidence de 1975 à 1977, a tenu à rendre hommage à l'érudit et au penseur, comme à l'homme engagé et au passeur infatigable. Consacrée à Conjurer la peur, le bel essai de Patrick Boucheron sur le bon gouvernement à Sienne, la dernière émission des « Lundis de l'Histoire », qu'il anima pendant plus de 45 ans sur France Culture, fut diffusée le 31 mars, quelques heures seulement avant son décès.Une œuvre novatriceDes quatre tables rondes – dont deux ont été confiées à des médiévistes (Patrick Boucheron et Didier Lett) –, on retiendra la singularité résolue de l'œuvre. Si novatrice qu'elle a prolongé les réticences de certaines écoles nationales à emprunter les voies ouvertes par les héritiers de Marc Bloch et Lucien Febvre – ce que l'on appelle par commodité « l'Ecole des Annales ».Les invités étaient nombreux, des piliers de l'EHESS (Alain Touraine, Jacques Revel, Marc Augé, Alain Boureau, André Burguière) aux témoins émouvants des premiers séminaires de Le Goff (Christiane Klapisch-Zuber), des compagnons de longue date (Pierre Nora pour l'édition, Michèle Perrot pour la radio, Krzysztof Pomian pour l'âme polonaise de Jacques) ou d'autres plus récemment croisés (Michel Pastoureau, que les conseils de Le Goff guident encore, ou Aurélien Gros, qui eut la charge de la correspondance du médiéviste reclus, la fidèle Christine Bonnefoy se réservant la prise en note des derniers manuscrits quand le rythme de l'écriture l'imposa).Mais si, naturellement, la parole de Jean-Claude Schmitt rappela à quel point Le Goff, si sensible à l'objet et à l'outil, au silence des sources aussi, renouvela le questionnaire de la documentation de l'historien, si Marc Augé pointa le goût de Le Goff pour les continuités et les tournants plutôt que pour les ruptures, voie singulière par rapport à Febvre ou Foucault, les deux fortes contributions de Sylvain Piron sur la vision du temps et d’Etienne Anheim sur le concept d'« histoire totale » ont montré qu'en marge de la mémoire et des évocations intimes, la stature de Le Goff est déjà un sujet d'histoire et une adresse de méthode pour les générations qui ne le croiseront que dans les livres.Si au regard de l'histoire comme des autres sciences humaines, il y a bien un « moment Le Goff », où s'invente réellement l'anthropologie historique, avec l'entrelacs des curiosités et des compétences qui bousculent tous les usages académiques (et là, comment ne pas mentionner, autre lecteur de Marcel Mauss et de Louis Gernet, Jean-Pierre Vernant qui dialogua si bien avec Le Goff ?), on peine à mesurer aujourd'hui les résistances que le chantier Le Goff a pu rencontrer.Un engagement profondément européenAinsi a-t-on pu apprécier les indices sur le rayonnement international de l'œuvre qu'apporta la troisième table ronde. On se doutait de l'engagement profondément européen de Jacques Le Goff – il anima la collection « Faire l'Europe », qui visait à sortir simultanément dans cinq langues et bien plus de pays les textes phares de l'historiographie européenne.Au fil des interventions (l'Italienne Carla Casagrande, indissociable de sa collègue Silvana Vecchio, le Polonais Jurek Pysiak, le Hongrois Gabor Klaniczay, pour l'Allemagne, Pierre Monnet, et, pour le monde anglo-saxon, l'Américain Patrick Geary), astucieusement organisées selon la chronologie du succès des traductions de Le Goff, on mesura l'enthousiasme suscité dès la fin des années 1950 par la singularité provocatrice du jeune médiéviste – fort d'un titre au caractère anachronique résolument volontaire, comme le rappela Alain Boureau, Les Intellectuels au Moyen Age, paru en 1957, fut accessible aux lecteurs italiens dès 1959 et s'imposa comme la plus recommandable des introductions à l'histoire de la pensée médiévale dans un pays où le petit livre dépassa la trentaine de rééditions.Sur plus d'un demi-siècle, l'enthousiasme ne cessa de grandir et ce « succès énorme » autorise même à parler d'« amour solide et durable » entre Le Goff et son public transalpin. Même adhésion passionnelle pour les Polonais qui considèrent qu'il a fallu Le Goff pour que leur pays ait une place dans la médiévistique européenne. Ses voyages dès la fin des années 1950, les moments d'enseignement à Varsovie qu'il assura ponctuellement jusqu'en 1995, les liens personnels si forts qu'il entretint avec Aleksander Gieysztor et Bronislaw Geremek – le maître et le frère – sans même évoquer la place de cœur que le pays occupe puisque l'épouse de Jacques, Hanka, était polonaise, expliquent la révérence envers le médiéviste français. Même constat en Hongrie, où le même programme d'ouverture à l'Est, prôné par Fernand Braudel, conduit Le Goff au mitan des années 1960. S'en suit un réel foyer d'échanges et de complicité que l'Atelier d'histoire sociale ouvert à Budapest à la fin des années 1970 symbolise.Des réticences chez les Allemands et Anglos-SaxonsLe son est différent du côté de la médiévistique allemande. Si le rythme des traductions finit par s'accélérer, à l'origine, il faut jusqu'à trois décennies pour que certains des premiers livres de Le Goff soient accessibles outre-Rhin. Et encore, le terme « civilisation », essentiel pour comprendre la somme parue chez Arthaud en 1964, La Civilisation de l'Occident médiéval, devient-il « Kultur » comme le mot « Europe » remplace l'« Occident ». C'est que la démarche anthropologique de l'œuvre heurte autant qu'elle contrarie les priorités de l'école allemande où la question de l’Etat et des identités régionales, comme la place du Grand homme, ne se retrouvent pas dans la vision de Le Goff. Ce long Moyen Age reste terra incognita en Allemagne et comme naguère Marc Bloch, le regard de Le Goff suscite fascination et réticence, comme si l'anthropologie historique menaçait trop directement les traditions philosophique et philologique des écoles allemandes.Même distance dans le monde anglo-saxon qui n'épargne ni dédain ni condescendance devant un chantier si étranger au positivisme en vogue chez les Anglais. Il est vrai, rappelle Patrick Geary, que « l'histoire médiévale n'a jamais fait partie des Belles Lettres en anglais. » Les comptes-rendus savants, souvent tardifs, ne comprennent ni n'admettent les options de Le Goff, qui incarne même pour certains, le « vice de l'Ecole des Annales ». Il faut attendre le Saint Louis, salué pour sa méditation profonde sur la façon de faire l'histoire, pour que les œillères vacillent.Vu de France, on n'a plus guère conscience de la « révolution Le Goff », tant la longévité de l'homme, la vitalité de sa production, la force d'entraînement qui fut la sienne pour imposer les audaces et les innovations, ont installé sa pensée dans notre paysage intellectuel. Par delà la dimension commémorative, une journée comme celle du mardi 27 janvier remet au centre l'essentiel : l'art d'une pensée qui réinvente l'Histoire en interrogeant inlassablement ses enjeux, ses outils et ses leçons.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.01.2015 à 18h46 • Mis à jour le27.01.2015 à 20h27 | Emmanuelle Jardonnet Après l’attentat contre Charlie Hebdo, alors que la question du tabou de la représentation du prophète était analysée dans les médias par des historiens de l’art et des religions, le Victoria & Albert Museum (V&A) avait affirmé de pas posséder d’image de Mahomet dans ses collections, consacrées aux arts décoratifs. C’était compter sans la vigilance d’un spécialiste américain, qui a trouvé la trace d’un poster iranien représentant Mahomet dans le catalogue numérique du musée. Une image qui a subitement disparu de sa base de données accessible en ligne.The Observer, journal du dimanche britannique associé au Guardian, qui rapporte cette histoire, a pu obtenir une réaction de l’institution londonienne sur cette double dissimulation – qui, selon la logique de l’« effet Streisand », a pour conséquence d’attirer l’attention sur l’image aujourd’hui.Lire aussi : Dans quelles conditions l'islam autorise-t-il la représentation du prophète ?Forcé de reconnaître la manipulation de sa base de données (Internet a gardé la trace de ce poster discrètement retiré), le V&A a déclaré qu’il s’agissait d’une « erreur honnête » : « Malheureusement, nous avons eu tort de dire qu’il n’y avait pas d’œuvre montrant le prophète Mahomet dans les collections du V&A », a reconnu Olivia Colling, la responsable du service de presse du musée, dans un mail, invoquant des raisons de sécurité. Cette porte-parole explique que l’équipe de sécurité a pris cette décision face au « niveau d’alerte élevé » dans ce prestigieux musée installé au cœur de Londres, et qui dispose d’une galerie dédiée aux arts islamiques.L’épaule dénudée du prophèteLe poster iranien en question date des années 1990. Cette surprenante image, qui montre le prophète une épaule dénudée, illustre un épisode de l’adolescence de Mahomet : lors d’un voyage vers ce qui est aujourd’hui la Syrie, un moine chrétien, Bahira, avait reconnu sur l’épaule du jeune homme la marque de la prophétie. Le gouvernement iranien a récemment tenté de limiter la diffusion de cette représentation populaire, vendue un peu partout dans le pays, rappelait récemment Le Monde.fr.La même image apparaissait en 2013 dans une exposition du Tropenmuseum, musée ethnographique d’Amsterdam, au côté d’une icône chrétienne, relève The Observer. Interrogée par le quotidien, Mirjam Shatanawi, l’une des conservatrices du musée, a expliqué ce choix : « Nous savions que cela pouvait poser problème, mais nous avions décidé de prendre ce risque car il est important de raconter cette histoire. Ces images permettent d’ouvrir les yeux et sont un exemple puissant que l’islam est plus divers et différent que ce que beaucoup imaginent. »La spécialiste des arts de l’islam renchérit : « Si des musulmans se sentent offensés par des images réalisées par d’autres musulmans vénérant le prophète, je ne suis pas sûre que le musée devrait choisir de ne pas les montrer. Cela reviendrait à préférer une interprétation de l’islam à une autre. Ces images n’ont pas été faites pour manquer de respect, mais au contraire pour honorer le prophète. » L’historienne des religions Ingvild Flaskerud, qui travaille à l’université d’Oslo, ne dit pas autre chose : « En ne montrant pas ces images, on privilégie certaines interprétations de l’islam et on en marginalise d’autres. Ce n’est pas qu’une question universitaire, c’est aussi une question démocratique. »Invisible à cause des peursL’autocensure alarme les universitaires également en ce qu’elle entrave la compréhension des arts islamiques. L’historienne de l’art Christiane Gruber, qui travaille à l’université du Michigan, s’inquiète que les représentations de Mahomet puissent devenir invisibles « dans les lieux de culture et de savoir » à cause de peurs. « C’est une honte et une perte terrible pour le patrimoine artistique mondial, partagé par tous », a-t-elle répondu au quotidien britannique.The Observer rapporte que le conseil musulman de Grande-Bretagne a été sollicité pour savoir s’il considérait les représentations de Mahomet offensantes ou s’il s’opposerait à leur exposition au public, mais indique qu’il n’a pas souhaité se prononcer sur la question.The Observer n’a retrouvé aucune trace d’exposition au public de manuscrits sur lesquels le prophète est représenté dans les bibliothèques et musées britanniques, hormis à la British Library, qui a présenté une exposition sur le sacré en 2007. Mais il s’agissait d’une image montrant le visage du prophète voilé, une occultation plastique qui peut également se concrétiser par une flamme ou une auréole dans la tradition ottomane.Récemment, en 2014, la bibliothèque d’Edimbourg a exposé un manuscrit contenant de nombreuses images de Mahomet sans cependant en montrer aucune. L’institution n’a pas souhaité expliquer pourquoi. En revanche, des représentations sont référencées et visibles sur son site Internet.Met, BNF, Louvre...D’autres portraits du prophète ont été montrés dans des expositions en Europe comme aux Etats-Unis sans causer de problème. A New York, le Met (Metropolitan Museum of Art) possède plusieurs représentations anciennes, qui sont visibles sur sa base de données en ligne. L’une d’entre elle est d’ailleurs actuellement exposée, si l’on en croit les indications de son site. A Paris, la BNF (Bibliothèque nationale de France) avait montré certaines images dans son exposition sur l’islam de 2011 sans que cela ne pose problème (elles sont toujours disponibles en ligne).Le Musée du Louvre possède, quant à lui, une page de manuscrit de l’époque ottomane où apparaît le prophète, le visage recouvert d’un voile – que l’établissement avait montrée en septembre 2012 lors de l’ouverture du département des arts de l’islam, rappelait récemment la conservatrice Sophie Makariou.Le zèle du V&A s’inscrit dans un contexte plus général d’autocensure des institutions en Grande-Bretagne. Les médias britanniques s’étaient, en effet, dans leur ensemble, montrés réticents à reproduire les caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo : le Financial Times avait décrit la « une » du journal sans la dévoiler, la BBC s’était abstenue, et la chaîne Sky News avait, pour ne pas « offenser » ses téléspectateurs, interrompu une interview menée avec Caroline Fourest lorsque celle-ci avait brandi le journal satirique français .Pour sa part, The Observer précise en gras au début de son texte : « Attention, cet article contient l’image du prophète Mahomet, qui pourrait offenser certaines personnes. » Une précaution qui avait également été adoptée par le Guardian lors de la parution du premier numéro de Charlie Hebdo post-attentats, alors que le quotidien avait fait le choix de montrer la caricature.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Mathilde Damgé Mort le 24 janvier 1965, il y a 50 ans, Winston Churchill a été mis à l'honneur cette semaine par les autorités britanniques qui ont appelé les internautes à livrer leurs citations préférées du « Vieux Lion » sur Twitter :What are your favourite #ChurchillQuotes? Here I talk about mine - I hope you'll share yours to mark #Churchill2015:— David Cameron (@David_Cameron)require(["twitter/widgets"]);Problème, parmi les nombreuses citations qui lui sont attribuées, plusieurs le sont à tort.Biographe zéléComme pour nombre de célébrités, Winston Churchill n'a pas dit tout ce qu'on lui attribue. Souvent, les citations sont devenues des aphorismes après avoir été reformulées par un biographe zélé. L'Américain Richard Langworth, ami de la fille benjamine de Winston Churchill, Mary, répertorie ces fausses citations dans le cadre des travaux menés par le Churchill Centre, basé dans l'Illinois.Par exemple, Le Dernier Lion, de l'historien William Manchester, regorge de ces bons mots qu'on ne retrouve cités nulle part ailleurs, comme :« Le gouvernement avait le choix entre la guerre et le déshonneur ; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre. »Cette pique aurait été adressée à Neville Chamberlain, alors premier ministre, juste après la conférence de Munich, en 1938.Rien ne vient l'attester, hormis le livre de M. Manchester. Selon Richard Langworth, il s'agirait plutôt de la réécriture d'une phrase extraite d'une lettre à Lloyd George. Churchill, qui doit son ascension politique à cet ancien premier ministre, lui écrit juste avant la conférence : « J'ai l'impression que nous allons devoir choisir pendant les prochaines semaines entre la guerre et le déshonneur, et j'ai assez peu de doute sur l'issue de ce choix. »L'art de la citationParfois, Winston Churchill, fin lettré, ne fait que citer, sans le préciser, d'autres auteurs, comme dans le trait d'esprit suivant :« J'ai des goûts simples, je me contente du meilleur. »C'est ce que Winston Churchill aurait dit au directeur de l'hôtel Plaza à New York, en 1929 ou en 1931. Mais il est probable qu'il faisait référence à la pièce de son ami George Bernard Shaw, La Commandante Barbara, qui date de 1905 : « Je connais les gens comme Adolphus, calmes, simples, raffinés, poétiques – qui se contentent du meilleur ! »Ou encore :« Le courage est la plus grande des vertus car c'est celle qui présuppose toutes les autres. »Ici, Churchill citait Samuel Johnson, l'un des principaux hommes de lettres britanniques, auquel James Boswell attribue cette phrase dans sa biographie de l'auteur du XVIIIe siècle.« Je vais faire un long discours aujourd'hui ; je n'ai pas eu le temps d'en préparer un court. »Si l'homme d'Etat a un jour prononcé cette phrase, il ne faisait que reprendre Blaise Pascal : « Je n'ai fait celle-ci plus longue que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte » (Les Provinciales, 16e lettre).Vrai charisme, fausse paternitéIl arrive que la paternité de certaines citations ait été tout bonnement refusée à de moins célèbres orateurs que le charismatique chef d'Etat... au profit de ce dernier :« La croix la plus lourde que j'ai jamais eue à porter est la croix de Lorraine. »Cette référence à l'influence du général de Gaulle (à l'initiative de ce symbole de la France libre sous l'occupation) est en fait un mot du général Edward Spears, représentant en France de Winston Churchill.Autre citation mal attribuée, reprise sur la page Facebook d'Eric Zemmour :« Les fascistes d'aujourd'hui seront les antifascistes de demain. »Il s'agirait en fait de la phrase d'un homme politique américain controversé, Huey Long, qui aurait déclaré : « Quand le fascisme arrivera aux Etats-Unis, on l'appellera antifascisme ! »Des inventions de toutes pièces ?Enfin, dernier cas, et non le moins rare, la citation dont il est impossible de garantir qu'elle vient vraiment de Churchill.« Bien que j'aie été présent [à ma naissance], je n'ai pas de souvenir clair des événements qui y ont abouti. »Ou encore :« Ne me parlez pas de traditions dans la marine. Il n'y a que le rhum, la sodomie et le fouet. »Premier lord de l'amirauté, Winston Churchill ne tenait probablement pas ces propos, même s'il connaissait les expressions grivoises de la marine.Ou enfin, cette formule, repris dans une publicité pour le fabricant d'armes Lockheed Martin : « Nous gagnons notre vie avec ce que nous recevons, mais nous lui donnons un sens avec ce que nous offrons. » Un bel aphorisme... probablement créé de toutes pièces.Mathilde DamgéDe l'éco, du décryptage et une pincée de dataSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet « La vie commence où s’arrête la zone de confort », déclame Katerine Gierac, lundi 26 janvier, face au public parisien de La Cigale. Après trois albums de rock francophone, enregistrés depuis 2006, l’écorchée longiligne (1,80 m), plus connue sous le nom de Mademoiselle K, a opté cette fois pour la langue de Patti Smith et Courtney Love, dans son nouvel opus, Hungry Dirty Baby. Pas dans le but de mieux s’exporter ou de favoriser des exercices de style, mais pour se rapprocher de l’essence d’un genre musical, synonyme pour elle de mise à nu.Après avoir élargi son groupe au rythme de disques se rapprochant de plus en plus de la chanson (Jouer dehors en 2011), la chanteuse et guitariste parisienne a réduit sa formation à un « power trio ». On le sait depuis le Jimi Hendrix Experience, The Jam, Police, Nirvana ou Placebo, la sobriété de la formule guitare-basse-batterie offre peu d’autre choix que l’intensité.Ce lundi 26 janvier, la fille d’émigré polonais, aux faux airs de Chrissie Hynde, n’est entourée que de son complice de toujours, le guitariste Pierre-Antoine Combart, dit Peter, et d’un nouveau batteur, Colin Russell. Dès les premières frappes de Glory, on perçoit que ce dépouillement de moyens dessine une tension plus brute et convulsive.Les rockeuses semblent aujourd’hui une espèce en voie de disparition. Comme si la « post-modernité » d’une époque dominée par le second degré, n’autorisait guère la sincérité à vif comme mode d’expression. Pantalon de cuir noir, torse comme maculé de peintures de guerre, Mademoiselle K ne conçoit le chant et les riffs que comme les matériaux de sa vérité. Jusqu’à l’inflexibilité.En réaction au veto de ce qui était jusque-là sa maison de disques (EMI), face à ses envies de textes anglophones, Katerine Gierac a préféré créer son propre label, Kravache – « parce qu’on ne peut pas se laisser aller » – pour autoproduire son nouvel album. Pour cette aventure, elle a « sacrifié une histoire d’amour et (ses) économies », confie-t-elle sur scène. Jusqu’au-boutiste, elle s’est immergée plusieurs mois entre New York et Londres, perfectionnant son anglais pour éviter l’écueil du mauvais accent et une écriture figée dans le cliché.Les manques et les conflits de la vie amoureuseDe fait, disque et performance scénique souffrent peu des maladresses linguistiques. Surtout, la jeune femme continue d’autant s’impliquer dans ses textes. Si, en anglais, l’éraillement teigneux de sa voix affleure moins qu’en français, ses chansons enragent de la même façon du côté des frustrations, désirs, manques et conflits de la vie amoureuse. Entre filles, mais pas seulement (« I could be a boy, I could be a girl »). Même si l’hymne le plus sexuellement cru du disque – Hungry Dirty Baby – s’inspire du film d’Abdellatif Kechiche, La Vie d’Adèle.La dame, ancienne étudiante en musicologie, jongle avec guitare, basse et claviers, pour un rock en trio oscillant entre tension robotique, envolée glam, distorsion grunge et comptine mélodique (le single R U Swimming, baignant dans une ambiance très Strokes).L’insolent C la mort, seul titre en français de l’album, se révèle aussi un des plus efficaces. A la plus grande joie de son public, Mademoiselle K reprend dans la foulée quelques-uns de ses premiers succès – Ça me vexe, Jouer dehors, Jalouse –, rappelant que ses refrains s’approchaient souvent de la franchise naïve de Téléphone (ou Jean-Louis Aubert). Ravie et soulagée de la communion, la chanteuse pouvait alors se libérer et plonger dans la foule.Prochains concerts : le 5 février, à Hérouville ; le 6, à Boulogne-sur-Mer ; le 7, à Beauvais ; le 13, à Rouen ; le 14, à Lille ; le 24, à Toulouse ; le 25, à Montpellier ; le 26, à Lyon ; le 27, à Marseille ; le 5 mars, à Rennes ; le 7, à Ris-Orangis ; le 12, à Bordeaux ; le 13, à Limoges ; le 27, à Villeneuve-la-Garenne ; le 28, à Poligny. Plus de dates sur le site www.mademoisellek.frStéphane DavetJournaliste au Monde 26.01.2015 à 12h52 • Mis à jour le26.01.2015 à 17h20 | Sylvain Siclier Le chanteur Demis Roussos, ancien membre du groupe de rock progressif Aphrodite’s Child, actif de la fin des années 1960 à 1971, avant une carrière solo dans la variété est mort, dans la nuit de samedi 24 au dimanche 25 janvier, dans un hôpital privé d’Athènes (Grèce). L’information a été diffusée par sa famille, lundi 26 janvier, sans précisions sur les causes de sa mort. Il était âgé de 68 ans.Né le 15 juin 1946 à Alexandrie (Egypte), Artémios Ventouris Rousos avait appris le chant au sein du Chœur de l’Eglise orthodoxe grecque d’Alexandrie. Il apprend aussi la guitare, la basse et la trompette. En 1961, sa famille décide de retourner vivre en Grèce et s’installe à Athènes. C’est là que Demis Roussos, qui a pris ce nom d’artiste plus proche des consonances anglo-saxonnes, fait ses débuts, dans des groupes de reprises, dont l’un s’appelle The Idols. D’abord guitariste et bassiste, il se met au chant, voix aiguë, caressante. Il rencontre le claviériste Vangélis Papathanassíou, qui fait partie d’un groupe de jazz The Forminks. Ils vont fonder en 1967 avec le batteur Lucas Sideras et le guitariste Silver Koulouris le groupe Aphrodite’s Child.Aux reprises le groupe commence à ajouter des compositions assez marquées par la musique classique et le courant du rock symphonique en plein essor avec des groupes comme Procol Harum (Whiter Shade of Pale), The Moody Blues (Nights In White Satin) ou Wallace Collection (Daydream). En mars 1968 le groupe décide de se rendre à Londres, mais faute de papiers en règle est bloqué par les services douaniers. La formation, sans Koulouris, qui doit faire son service militaire, se retrouve à Paris. Alors que la capitale commence à être secouée par les bientôt événements de mai 1968, le groupe fait la connaissance de Boris Bergman (futur collaborateur d’Alain Bashung) qui va écrire les paroles, en anglais, du premier album du groupe, End of The World, pour la division française du label Mercury, alors distribué par Philips.Une carrière solo plus proche de la chanson popParmi les neufs compositions de l’album (musique de Vangelis, textes de Bergman), souvent dans des ambiances pop psychédéliques (The Grass Is No Green ou Day of The Fool, proches de Pink Floyd), avec quelques éléments de musiques traditionnelles grecques ou orientales (Mister Thomas, Valley of Sadness) il y a leur premier grand succès, Rain And Tears. Inspiré musicalement par le Canon en ré majeur de Johann Christoph Pachelbel (1653-1706), la chanson devient l’un des slows de l’été les plus diffusés en Europe. Le successeur d’End Of The World, l’album It’s Five O’Clock, publié en décembre 1969, avec pour l’essentiel des textes de Richard Francis, se révèle par endroits plus pop et fantaisiste (Take Your Time, Such A Funny Night…), avec une inspiration Beatles et des éléments proches du jazz (Funky Mary). Il débute par la chanson-titre, deuxième gros succès du groupe, à nouveau un slow à coloration symphonique.VIDÉO : « It’s Five O Clock », par Aphrodite’s Child, extrait de l’album du même nom publié en 1969En juin 1972, alors que le groupe n’existe plus, paraît le double album 666, publié par la compagnie phonographique Vertigo, sans tubes, bien plus expérimental et varié dans ses approches musicales (récitatifs, bruitages…), avec des passages planants qui annoncent le parcours soliste de Vangelis (il va composer notamment de nombreuses musiques de films dont Les Chariots de feu et Blade Runner). Cet album concept sur des thèmes bibliques, en particulier tirés de L’Apocalypse de Jean, a été conçu par le cinéaste et écrivain Costas Ferris qui en signe les textes. Enregistré à l’hiver 1970-1971 à Paris, c’est le seul qui permette d’entendre le guitariste Silver Koulouris en plus du trio. La participation sur l’un des morceaux, Infinity, de l’actrice et chanteuse Irene Papas dans des halètements et cris qui évoquent l’orgasme, provoquera à l’époque quelques émois – l’album sera longtemps interdit à la vente en Espagne.VIDÉO (audio seulement) : « The Four Horsemen », par Aphrodite’s Child, extrait de l’album « 666 » publié en 1972Après Aphrodite’s Child, la carrière solo de Demis Roussos sera plus proche de la chanson pop et de la variété. En juin 1971 c’est d’abord We Shall Dance, pas très loin dans la forme des deux tubes du groupe qu’il vient de quitter (orgue, clavecin, tempo lent) qui fait de Demis Roussos une vedette en Europe puis My Reason, à l’été 1972 avec chœur et motif de folklore grec traditionnel. Les succès suivants jusqu’à la fin des années 1970 seront construits sur ce modèle. Un peu d’exotisme, une mélodie pour romance et déclaration d’amour donneront Forever And Ever, Good Bye My Love Good Bye, My Only Fascination, Lovely Lady of Arcadia… Certains titres sont enregistrés aussi en espagnol ou en allemand, là où comme en France, Demis Roussos est devenu une vedette.A partir des années 1980, s’il continue d’enregistrer régulièrement, il sera moins présent dans les classements des meilleures ventes – Quand je t’aime en 1987 et On écrit sur les murs, en 1989 restent ses derniers tubes en français – son nom comme son style restant attachés, en France, à la chanson de variété des années 1970. Il continuait de se produire sur scène, plutôt sur un circuit de tournées nostalgiques des années 1970 et 1980. En 2009, il avait enregistré un album après plusieurs années de silence phonographique. Interrogée par la radio RTL, sa compatriote, la chanteuse Nana Mouskouri, a déclaré : « Il avait une superbe voix (…) C’était un artiste, un ami, j’espère qu’il est dans un monde meilleur. »VIDÉO : « My Reason », par Demis Roussos, lors d’un programme télévisé en 1972Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Mons (Belgique), envoyé spécial) « Mons 2015, c’est la démonstration qu’une ville de taille moyenne peut accueillir un événement comme celui-là ; on est capables de grandes choses. » Celui qui parle est le véritable artisan d’un projet auquel aucun de ses concitoyens ne croyait vraiment lorsqu’il l’a imaginé, en 2001. Elio Di Rupo, bourgmestre (maire) de la ville de Mons, président du PS et ex-premier ministre, voulait que son « projet de ville » débouche sur un grand événement. Il a pu savourer sa victoire, samedi 24 janvier.Funambule de la politique, ce sexagénaire toujours souriant en public, travailleur inflexible en privé, a transformé le visage de son vieux parti, qui ne voulait pas changer. Et il a relancé cette ville de 95 000 âmes, qui périclitait, pleurant son passé charbonnier révolu. Grâce à ses nombreux relais, il est parvenu à vaincre sa concurrente flamande, Malines, et sa rivale wallonne, Liège. Et il a drainé quelque 85 % de subventions publiques pour assurer un budget de 70 millions d’euros à ... Laurent Carpentier (Mons (Belgique), envoyé spécial) Quand les portes de la collégiale Sainte Waudru se sont ouvertes, la foule qui était massée à l’intérieur a découvert en bas du parvis la procession féerique d’une autre foule plus grande encore. Mille capes argentées – distribuées contre le froid – scintillant sous le reflet de la lune, des lumières, des flammes, du cuivre, des fanfares déployées partout dans la ville. Mons 2015, capitale de la culture. 100 000 personnes qui, pour son lancement, sont venues de partout, et surtout du Borinage, cette région minière sinistrée de l’ouest de la Belgique qui fut autrefois le terreau de la révolution industrielle.Quelques instants plus tôt, ce samedi 24 janvier, dans la collégiale, Philippe, roi des Belges, la reine Mathilde, une palanquée de ministres et une cohorte d’artistes avaient écouté sagement Elio Di Rupo, le bourgmestre de la ville, ex-premier ministre et leader du parti socialiste, lancer les festivités, pendant qu’un homme ailé arrimé à une petite montgolfière naviguait dans les hauteurs de la nef.Une identité restauréeDe fait, les artistes sont partout, ce soir dans la ville, comme tout au long de l’année où on attend 2 millions de visiteurs pour quelque 300 manifestations. « En 2015, je suis Montois. Et toi ? » Le slogan parle de lui-même : expositions, spectacles, tous racontent la même quête d’une identité restaurée. Charlotte Benedetti, la commissaire de « Mons Superstar », cite Hannah Arendt (« Bien que les hommes doivent mourir, ils ne sont pas nés pour mourir mais pour innover… ») pour parler de ces 17 Montois q... Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera quant à lui Caricaturistes, les fantassins de la démocratie, le film de Radhu Mihaelanu sur les dessinateurs de presse, présenté au dernier festival de Cannes et qui est par ailleurs diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence de l'auteur, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris. Forum des Images, 2, rue du cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Hommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Un prix « Charlie de la liberté d’expression » devrait être créé à l’occasion du Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême dont la 42e édition aura lieu du 29 janvier au 1er février. Réunis jeudi 8 janvier à Paris, au lendemain de la tuerie ayant eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo, les organisateurs de la manifestation ont lancé l’idée de cette distinction qui devrait ensuite être décernée, chaque année, à un dessinateur – de presse et/ou de bande dessinée – ne pouvant pas exercer son métier en toute liberté. « Ce prix cessera d’être remis le jour où tous les dessinateurs du monde pourront s’exprimer librement, c’est dire qu’il a de l’avenir », a confié au Monde le délégué général du FIBD. Plusieurs autres initiatives ont également été envisagées par les organisateurs du festival, notamment un « concert dessiné » exceptionnel qui rassembleraient, pendant une prestation musicale du compositeur Areski Belkacem, de nombreux dessinateurs français et internationaux. Plantu, caricaturiste du Monde et créateur de l’association Cartooning for Peace, a été sollicité pour imaginer un scénario lors de cette soirée. Une table ronde sur la thématique de la liberté de la presse, réunissant des dessinateurs et des responsables d’organes médiatiques, est également en préparation. Idem d’une exposition en extérieur reproduisant une sélection des meilleures « unes » de Charlie Hebdo. Un « appel à dessiner » via Facebook« Si Charlie Hebdo est une singularité française, le festival d’Angoulême en est une aussi. Nous ne pouvions pas rester sans rien faire », indique Franck Bondoux. Le FIBD a d’ores et déjà lancé un « appel à dessiner » via une page Facebook : 300 dessins, issus de 15 pays différents, ont été envoyés par des amateurs en une seule journée mais aussi par des bédéistes professionnels. Une délégation du festival sera par ailleurs présente dimanche à la marche républicaine prévue à Paris entre les places de la République et de la Nation derrière une banderole où sa mascotte – un petit fauve à oreilles pointues créé par Lewis Trondheim – affirme « être Charlie » lui aussi. La réunion de jeudi a aussi abordé la question de la sécurité. La préfecture de Charente a fait savoir qu’elle renforcerait les effectifs policiers qu’elle déploie habituellement pendant la manifestation et a encouragé les organisateurs à faire de même avec les vigiles qui filtrent les entrées des différents lieux de rassemblement et d’exposition. « Après une tragédie pareille, la question que le monde de la bande dessinée doit se poser est simple : doit-on sombrer dans l’autocensure et raser les murs ou continuer à se rassembler et discuter comme on l’a toujours fait ?, assène Franck Bondoux. La meilleure réponse que puissent donner les amoureux du dessin est que cette édition du festival batte des records de fréquentation. » La manifestation accueille environ 200 000 visiteurs chaque année. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Rosita Boisseau Dans « Le Miroir de Jade », œuvre personnelle co-créé avec son amie, la chorégraphe Raja Shakarna, l'actrice danse bien plus qu'elle ne parle.Dans Le Miroir de Jade, Sandrine Bonnaire danse bien plus qu'elle ne parle. Elle y incarne une femme brisée, loin des sourires francs qu'elle affiche hors de la scène. Pourtant, cette œuvre personnelle, co-créée avec son amie, la chorégraphe Raja Shakarna, fait écho à sa propre vie. Sandrine Bonnaire est une femme qui sourit. En largeur, franchement. Grande bouche élastique qui lui mange le visage dans un éclair de joie. Son nouveau rôle dans Le Miroir de Jade – une pièce chorégraphique co-signée avec Raja Shakarna – en est l'opposé. Les cheveux devant le visage, la moue basse : « Jade tente de se reconstruire après un coma, de retrouver la vie, la lumière, explique la comédienne, cigarette à la main, dans la petite cantine du Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, où elle répétait pendant tout le mois de décembre. C'est un personnage très positif. »Pour raconter cette histoire de réparation et de résilience, Sandrine Bonnaire se lance dans une nouvelle aventure. Après avoir chanté Duo d'anges heureux avec Jacques Higelin et réalisé un portrait-documentaire du chanteur, la voilà qui se risque pour la première fois à danser sur scène. « La danse, son travail sur le corps, me semblait le meilleur moyen d'incarner cette femme qui ne parle pas, poursuit-elle. Avec Raja, que je connais depuis l'âge de 10 ans, nous avons décidé de réaliser ensemble ce projet dont nous parlions depuis trois ans. » Elle ajoute : « Il y a plein d'artistes qui ne seront jamais mis en lumière. J'avais envie de faire connaître Raja au public. Si la pièce est ratée, ça ne changera rien à notre amitié qui dure depuis trente-sept ans. »« Moi, je voulais être danseuse »Les couches et sous-couches de ce spectacle courageux sont multiples. Une densité qui explique la force secrète qui en émane. C'est avec Raja que Sandrine Bonnaire a commencé à danser. « Nous habitions toutes les deux à Grigny, dans l'Essonne, et j'allais chez elle lors des fêtes du Ramadan, se souvient-elle. Elle rêvait de faire du théâtre et est devenue professeure de danse orientale ; moi, je voulais être danseuse. »C'est au gré de ses tournages que Sandrine Bonnaire a testé tous les styles, se forgeant une silhouette fine et réactive. « J'ai d'abord pris des cours de danse classique lorsque j'avais 23 ans pour me rassurer sur scène, se souvient-elle. Je devais jouer La Bonne Ame du Se-Tchouan de Bertolt Brecht, mis en scène par Bernard Sobel, et cela m'a beaucoup aidée. J'ai adoré ça. S'occuper de son corps, c'est tout de même formidable. » Et d'enchaîner ensuite avec l'apprentissage de la capoeira au Brésil, du tango en Argentine, et même de la danse traditionnelle indonésienne, à Bali. « Je suis un peu raide du torse tout de même, précise-t-elle. Avec Raja, nous travaillons beaucoup les courbes et les ondulations. »Un être détruit, vidéLa contempler lors d'une répétition en vieux peignoir jaune effiloché donne une idée de son engagement. Prostrée, cassée en deux ou à quatre pattes, elle avance collée au sol. Vision d'un être détruit, vidé. « Nous avons élaboré cette partition ensemble, pour et sur Sandrine, précise Raja Shakarna. Nous racontons une histoire avec le corps, un corps centré, qui va retrouver son équilibre. »Pour l'interpréter, Sandrine Bonnaire, qui a renoué avec la scène depuis L'Odeur des planches en 2014, n'est pas allée chercher très loin de chez elle. En 2000, elle a été victime d'une agression extrêmement brutale qui l'a laissée sur le carreau. « Et nous avons comme par hasard commencé les répétitions le 27 novembre, le même jour où ça m'est arrivé… », glisse-t-elle rêveuse. « Evidemment, cela fait partie du spectacle, poursuit-elle. Il y a quelque chose d'un peu thérapeutique. J'ai encore beaucoup de mal à me laisser tomber en arrière par exemple. Mais il y a une vraie distance entre Jade et moi. » Sourire énorme, Sandrine Bonnaire ne se retourne sur sa vie que pour mieux foncer.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Roxana Azimi Loris Gréaud a longtemps été une intranquille combustion. Aujourd'hui, le jeune Français a acquis en maturité, en sérénité, en muscles aussi. Propulsé tôt, à 23 ans, sur la scène hexagonale, il est le premier créateur invité à occuper l'intégralité du Musée Dallas Contemporary, au Texas, à partir du 18 janvier. L'artiste trentenaire a beau sembler apaisé, il a gardé un sens de la démesure qui lui fait aimer les défis prométhéens : occuper en 2008 les 4 000 m2 du Palais de Tokyo à Paris ; exposer simultanément cinq ans plus tard au Louvre et au Centre Pompidou, réunir David Lynch et Charlotte Rampling dans un court-métrage, The Snorks… Hyperactif, ambitieux, longtemps provocateur, Loris Gréaud en fait-il trop ? « Je vis chaque projet comme si c'était le dernier », reconnaît-il. Le Rastignac pressé d'atteindre les sommets masque une mélancolie macérée dans une banlieue parisienne bétonnée. D'une enfance pas folichonne naît une volonté d'en découdre. Expulsé de plusieurs établissements, le bagarreur s'adonne à la musique en montant un groupe underground, Triphage. Dans la journée, il suit une école de dessin technique, participe à un atelier de cinéma expérimental, avant de passer le concours des Beaux-Arts de Cergy. Tout juste en deuxième année, le prodige participe à l'ouverture du Plateau, l'espace d'exposition de la Frac d'Ile-de-France. Deux jours avant de passer son diplôme, il expose à la galerie gb agency, à Paris, avant de migrer chez Yvon Lambert et de rejoindre dans la foulée la Pace Gallery à New York. Pétri de l'univers junky de William Burroughs et de science-fiction façon J.G. Ballard, Gréaud brouille les frontières entre le réel et le virtuel : nano-sculptures invisibles à l'œil nu, tentative de télétransportation, concert pour les poissons abyssaux… « Une œuvre d'art, ce n'est pas éclairant, ça complexifie le regard sur le monde, confie-t-il. L'art, c'est ce qui rend les choses opaques. » A Dallas, il orchestrera pour le vernissage un vandalisme contrôlé, chorégraphié, laissant pendant trois mois un champ de ruines et de sculptures fracassées, comme après un cataclysme. Son credo ? Repousser les limites, de l'institution, de la galerie, ou de sa propre santé. On l'aura cru étoile filante, Icare se brûlant les ailes. Mais le phénix rebondit toujours, puissance mille.Roxana AzimiJournaliste au Monde Frédéric Potet Dernier-né d'une lignée d'ogres patibulaires, le jeune Petit se nomme ainsi en raison de sa taille très inférieure aux canons familiaux. La faute aux unions consanguines qui affectent depuis plusieurs générations cette dynastie de géants condamnés à être de plus en plus petits. Promis à la mort par son père, l'enfant est confié secrètement par sa mère à une grand-tante elle-même répudiée en raison de l'amour qu'elle porte aux humains – la pitance habituelle de tout ogre qui se respecte. Missionné pour régénérer l'espèce, Petit n'aura d'autre choix, à l'adolescence, que s'accoupler à une humaine, précisément…A rebrousse-poil des histoires de princes et de princesses fatalement faits l'un pour l'autre, cet anticonte mêlant bande dessinée et textes illustrés traite astucieusement du déterminisme familial et de l'omnipotence au sein des sociétés monarchiques. Son traitement graphique évoque à la fois les ambiances à la Tim Burton et le Gulliver des frères Fleischer. Transfuge du cinéma d'animation, Bertrand Gatignol a, pour le coup, des doigts de fée. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde Clémentine Gallot Rodolphe Dana ne cache pas sa fierté. Il vient de fêter les 10 ans de son collectif d'acteurs Les Possédés. Avec neuf anciens camarades du cours Florent, il a posé les jalons d'une création collective et horizontale dans laquelle chacun joue et s'investit à la fois dans la dramaturgie, les décors et les costumes. Avec eux, il a mis en scène Jean-Luc Lagarce et John Cheever, mais aussi et surtout Tchekhov. « J'aime sa manière de traiter l'humanité, sans juger ses personnages, glisse-t-il. On y croise toujours les mêmes fondamentaux, l'argent, la nourriture, l'amour… Des choses intemporelles qui expliquent qu'il soit encore autant joué à l'heure actuelle. »Le collectif retrouve ce mois-ci le dramaturge russe avec Platonov, au Théâtre de la Colline. Œuvre chorale de jeunesse composée à 18 ans, la pièce met en scène le désœuvrement d'un microcosme. A la barre de ce naufrage annoncé, Dana lui-même joue « ce fou de Platonov » aux côtés d'Emmanuelle Devos (invitée), impériale en Anna Petrovna, et de l'hilarant Christophe Paou, inquiétant moustachu de L'Inconnu du lac, d'Alain Guiraudie. Pour Dana, Platonov, le perturbateur qui envoûte toute une communauté, se révèle au fil du jeu « un être profondément paradoxal. Alors que le nihilisme arrive, c'est, au fond, le dernier héros du romantisme ». Clémentine GallotJournaliste au Monde Stéphane Davet Une voix radicalement androgyne, une chanson – One Day/Reckoning Song – remixée en tube mondial (par le DJ allemand Wankelmut) et des concerts déboussolants d'énergie avaient fait triompher l'album Different Pulses et transformé Asaf Avidan en phénomène inattendu de 2013. Première sortie événement de 2015, son second album solo, Gold Shadow, confirme brillamment que le talent du chanteur israélien à la coupe iroquoise ne se limite pas au beau bizarre. Certes, les aigus de sa voix, sur le fil du rasoir entre passion brûlante et sensualité glacée, n'ont pas fini de nous troubler. Mais on saluera aussi l'ambition d'un disque décidé à creuser toutes les tensions, ombres et impasses de l'aventure amoureuse.Unifiées par un parti pris d'élégance et de sobriété, ces douze chansons illustrent les variations sentimentales avec une réjouissante diversité stylistique (pop des années 1950, jazz années 1930, rock anguleux, ballade folk, blues primitif, reggae…). Auteur-compositeur aux mélodies raffinées, l'interprète multiplie les voyages temporels et transgenres, incarnant avec autant d'émotion et de crédibilité des doubles de Bob Dylan (Over My Head), Leonard Cohen (Labyrinth Song), Bob Marley (Little Parcels of an Endless Time), Howlin' Wolf (Bang Bang), Billie Holiday (Gold Shadow) ou Shirley Bassey (My Tunnels are Long and Dark).Stéphane DavetJournaliste au Monde Yann Plougastel L'inspecteur Jack Caffery est de retour. Et toujours aussi obsédé par la mort de son jeune frère Ewan, sans doute tué par un redoutable pédophile… Au cours de ses précédentes enquêtes, Caffery a côtoyé l'horreur plus souvent qu'à son tour. Dans Viscères, sa septième aventure, notre inspecteur migraineux est confronté au meurtre particulièrement odieux d'une famille entière dans leur résidence secondaire, une vaste maison victorienne juchée sur une colline des Mendip Hills, dans le Somerset. Il est secondé une fois de plus par le Marcheur, un vagabond à l'intelligence redoutable.Mo Hayder, une des reines britanniques de l'effroi, réussit encore à nous entraîner dans un monde de peurs et d'obsessions, où le pire n'est jamais loin. Depuis Birdman et Tokyo, cette jolie quinquagénaire installée à Bath aligne avec talent les intrigues où des âmes tumultueuses se livrent à des sévices inouïs. Viscères, son dixième roman, ne déroge pas à la règle. Mais, dans le genre, c'est un must. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot Difficile d'imaginer que le cheval fut aussi omniprésent que l'est aujourd'hui la voiture. Moyen de déplacement et instrument de distinction sociale, il étendait son empire sur toute la société française. Les images du florissant et chic studio Delton, qui s'était spécialisé dans la photographie équestre, témoignent de cette époque, du Second Empire à la guerre de 1914, où on ne posait pas devant sa Maserati mais devant son tout nouvel équipage. Le Musée de la chasse et de la nature de Paris, toujours inventif, expose des images étonnantes : les people de l'époque qui posent à cheval – de Mata Hari au roi de Prusse en passant par Abd el-Kader –, le luxe de certaines voitures et l'apparition des premières photos de courses de chevaux, réalisées grâce à l'invention du zoopraxiscope, qui permet de décomposer le mouvement. Une exposition historique passionnante, ponctuée de quelques travaux contemporains bienvenus et d'objets d'époque. Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.01.2015 à 15h17 • Mis à jour le07.01.2015 à 15h34 | Clarisse Fabre Mathieu Grégoire, sociologue, a suivi en tant qu’expert indépendant, avec l’économiste Jean-Paul Guillot, les chiffrages visant à évaluer les modèles alternatifs d’indemnisation des intermittents du spectacle, menés sous la houlette de l’Unedic, qui prescrit les règles d’assurance-chômage. Auteur de l’ouvrage intitulé Les intermittents du spectacle. Enjeux d’un siècle de luttes (La Dispute, 2013), il raconte dans quelles conditions les travaux ont été menés.Intermittents du spectacle : Manuel Valls veut sanctuariser le régime en l'inscrivant dans la loiLe travail d’expertise sur les intermittents a-t-il pu s’exercer en toute indépendance ?Oui, en fin de compte. En France, quand un organisme comme l’Insee fournit des statistiques, les chiffres émanent de fonctionnaires indépendants du pouvoir. Cette indépendance n’existe pas à l’Unedic, qui est alternativement présidée par la CFDT et le Medef. A ce titre, on a pu dire que cet organisme était juge et partie sur les intermittents. Mais l’Unedic a accepté de jouer le jeu. Pour la première fois, on a pu mener une évaluation plus démocratique.Les modèles alternatifs, avec retour aux 507 heures en douze mois, sont-ils viables ?En tout cas, on serait loin d’avoir une horde d’intermittents qui arrivent dans les annexes 8 et 10, comme cela a été martelé… On a réalisé une simulation « toutes choses égales par ailleurs ». Autrement dit, si on applique les 507 heures en douze mois sur les effectifs présents en 2012 et 2013, soit environ 110 000 personnes, que se passe-t-il ? On a étudié deux scénarios : le premier générerait entre 3 250 et 3 500 intermittents supplémentaires ; et le second, plus strict, en générerait entre 2 200 et 2 400 supplémentaires.Au total, le surcoût pour l’assurance-chômage serait compris entre 36 et 38 millions d’euros. D’autres modèles, gardant le principe des 507 heures en douze mois, ont été présentés par la Coordination, la CGT-Spectacle ou le syndicat d’employeurs Syndeac.Les propositions de la Coordination permettent de réaliser des économies car elles prévoient un plafond des indemnisations de chômage qui varient avec l’évolution des revenus : schématiquement, plus les salaires sont élevés, plus l’indemnité diminue.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.01.2015 à 11h31 • Mis à jour le08.01.2015 à 12h05 | Clarisse Fabre Les 507 heures en douze mois, slogan de la Coordination des intermittents et précaires (CIP) depuis le conflit de 2003, c’est économiquement possible ! Mais reste à savoir si ce modèle alternatif d’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle sera, dans les faits, politiquement faisable.On ne saurait mieux résumer la situation alors que les « trois sages » ont remis leur rapport au premier ministre, mercredi 8 janvier, à 10 heures du matin. Le 24 juin 2014, Manuel Valls confiait une mission de concertation au député Jean-Patrick Gille, à l’ancienne codirectrice du Festival d’Avignon, Hortense Archambault, et à l’ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle.Alors que le monde de la culture ne décolérait pas contre l’accord du 22 mars 2014 sur l’assurance-chômage, il s’agissait de sortir des crises à répétition et de trouver un cadre pérenne aux annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unedic.Dans sa hotte de Noël, le trio formule trois propositions que Manuel Valls va retenir et préciser lors de sa conférence de presse à Matignon, mercredi matin : la première consiste à inscrire dans la loi le principe d’un régime spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle.« Les annexes 8 et 10 demeurent dans la solidarité interprofessionnelle, et on ne crée pas de caisse autonome. En revanche, on inscrit le principe du régime spécifique dans la loi pour écarter toute menace sur sa disparition », indique Jean-Patrick Gille.Deuxièmement, les auteurs préconisent une nouvelle gouvernance : les partenaires sociaux détermineraient « l’enveloppe financière » des annexes 8 et 10 – en clair, le montant d’économies à réaliser –, mais laisseraient le soin aux professionnels du spectacle de fixer les règles.Enfin, ils plaident pour la création d’un fond pour l’emploi, lequel serait abondé par l’Etat, afin de structurer le secteur, favoriser la diffusion. Contacté par Le Monde, l’entourage du premier ministre ajoute qu’il sera demandé aux partenaires sociaux de préciser, dans chaque secteur, la liste des métiers éligibles aux contrats d’intermittence, d’ici à la fin de l’année 2015. « Faute de quoi, une liste sera arrêtée par décret », prévient-on à Matignon.« Guerre » des chiffresQuelle doit être la philosophie d’un régime d’indemnisation pour des professionnels qui alternent des périodes de travail (préparation d’un spectacle, tournage d’un film, concert…) et de chômage, auprès de différents employeurs ? Le régime spécifique, loin d’être un privilège, vise à compenser la précarité de leur activité.Le trio d’experts, dans son rapport intitulé « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », souligne que le retour aux 507 heures en douze mois « n’est plus un tabou » – alors que, depuis onze ans, le régime a été durci sans générer d’économies (à l’heure actuelle, les artistes doivent réaliser 507 heures en 10,5 mois, et les techniciens 507 heures en dix mois, pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation).« L’hypothèse d’un retour à un système de date anniversaire, associé à une période de référence de douze mois, doit pouvoir faire l’objet d’un examen dépassionné dans le cadre des futures négociations de l’assurance-chômage. C’est une revendication essentielle sur laquelle une large partie des interlocuteurs s’accordent au niveau professionnel, qui va dans le sens d’un cadre plus stable et plus sécurisant pour les salariés intermittents », écrivent les auteurs du rapport.Les travaux menés depuis six mois auront permis de mettre autour de la table des acteurs qui ne s’adressaient plus la parole, sauf pour mener la « guerre » des chiffres. Depuis la réforme contestée du 26 juin 2003, la Coordination – ainsi que la CGT-Spectacle, avec des nuances – clamait qu’un autre modèle était possible. En réponse, l’Unedic, alternativement présidée par le Medef et la CFDT, publiait des estimations démontant cet argumentaire.« Esprit de revanche »Or, la même Unedic a été mise à contribution dans le cadre de la mission de concertation, afin d’évaluer toutes les pistes de réforme, de manière inédite, c’est-à-dire en puisant dans sa formidable base de données. Pour rassurer les sceptiques ont été associés à ces travaux deux experts indépendants, Jean-Paul Guillot, économiste et auteur de deux rapports sur l’intermittence, et Mathieu Grégoire, maître de conférences en sociologie à l’université d’Amiens. Il en ressort, entre autres nombreux résultats, qu’un retour aux 507 heures en douze mois, « toutes choses égales par ailleurs », entraînerait un surcoût évalué entre 35 et 40 millions d’euros – loin des 170 millions d’euros avancés par l’Unedic en juin 2014.Mathieu Grégoire, sociologue : « L’Unedic a accepté de jouer le jeu »D’autres modèles ont été évalués, à la demande de la Coordination, de la CGT-Spectacle ou du syndicat d’employeurs, le Syndeac. Et il apparaît que la proposition de la Coordination est la plus économe : « Lors de la synthèse des travaux, en décembre 2014, au Conseil économique et social, à Paris, on a pu sentir la surprise des participants : le modèle de la Coordination génère les économies escomptées par les partenaires sociaux, à savoir une centaine de millions d’euros. Et son savant calcul de l’indemnisation journalière est vertueux, car il évite les effets de seuil », constate Jean-Patrick Gille. Mais l’heure n’est pas à fanfaronner : « On n’est pas dans un esprit de revanche », confirme Samuel Churin, porte-parole de la Coordination.Aux cinquante-deux pages du rapport s’ajoute un passionnant volume d’annexes (450 pages !), rempli de tableaux. Une belle tentative d’évaluation démocratique, qui témoigne par ailleurs de la complexité du dossier. Car il suffit de toucher à un paramètre pour ébranler l’édifice.Les opposants peuvent s’engouffrer dans la brèche. Ainsi, la numéro deux de la CFDT, Véronique Descacq, récuse l’estimation des 507 heures en douze mois : « Ces chiffres sont des mensonges qui ne tiennent pas compte des effets comportementaux », déclare-t-elle au Monde. Autrement dit, une réforme entraînerait, selon elle, des changements de comportements qui ne manqueraient pas d’alourdir les comptes de l’Unedic. La perspective que les partenaires sociaux renégocient sans tarder les annexes 8 et 10 n’est pas gagnée. Sachant que l’accord sera de toute façon renégocié en 2016. « On ne négociera pas avant 2016 », ajoute Véronique Descacq. En aparté, les auteurs du rapport estiment que le climat n’est pas mûr : il y aurait encore trop de divisions.Le contexteActuellement, les artistes doivent réaliser 507 heures en 10,5 mois, et les techniciens 507 heures en 10 mois, pour être éligibles au régime spécifique d’assurance-chômage. Ce modèle est hérité d’un accord de juin 2003 qui visait à durcir l’accès au régime, et a déclenché la colère des intermittents. L’accord du 22 mars 2014 a reconduit ce dispositif. De l’avis général, depuis onze ans, cette réforme a entraîné une précarisation croissante des salariés intermittents, sans permettre de réaliser des économies. Les intermittents ne prônent pas un retour pur et simple au dispositif antérieur à 2003, qui générait des effets pervers, mais militent pour les 507 heures en douze mois, avec examen des dossiers à date fixe, afin de sécuriser l’accès à l’indemnisation, et moyennant des mesures visant à réaliser des économies (plafonnement des indemnités, etc.).Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 06.01.2015 à 05h09 • Mis à jour le06.01.2015 à 07h37 Il est connu pour sa discrétion. Hauruki Murakami est sans doute l'un des auteurs les plus populaires du Japon. Mais, au grand dam de ses lecteurs, il fuit les plateaux de télévision, les studios de radio et n'accorde qu'avec parcimonie des entretiens à la presse écrite. L'annonce faite lundi 5 janvier par sa maison d'édition ne manquera pas de ravir les adeptes de son œuvre.Le 15 janvier, un site Internet temporaire va en effet leur donner la possibilité de dialoguer avec le romancier de 1Q84. Haruki Murakami répondra « dans la mesure du possible » aux questions qui lui seront posées par le biais de cette plate-forme, baptisée « Murakami-san no tokoro » (« l'espace de M. Murakami »).PAS D'UTILITÉ DES RÉSEAUX SOCIAUXDans une entrevue récente avec une journaliste de l'Agence France-Presse à Tokyo, l'écrivain indiquait trouver Internet « très pratique » pour vérifier des informations, mais avait souligné « ne pas utiliser les réseaux sociaux car n'en ayant aucunement l'utilité ». Et le sexagénaire d'ajouter : « Je ne lis jamais les critiques de mes livres faites par les lecteurs. Ce qui m'importe, c'est d'écrire des livres qui soient encore lus dans dix ou quinze ans. »L'auteur de Kafka sur le rivage, La Ballade de l'impossible ou encore Underground vend des romans et essais par millions au Japon et dans le monde. Ses ouvrages sont traduits dans une quarantaine de langues. Son dernier roman, L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, paru en 2013 dans l'archipel nippon, a été publié courant 2014 en Europe et aux Etats-Unis. Depuis, il a sorti dans son pays natal un recueil de nouvelles intitulé Les Hommes qui n'ont pas de femme.Lire aussi en édition abonnés la critique de L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage : Le nouvel Haruki Murakami, un concentré de virtuosités 05.01.2015 à 15h37 • Mis à jour le05.01.2015 à 17h33 C'est un nouveau coup d'arrêt aux travaux de la Samaritaine. La cour administrative d'appel de Paris a stoppé, lundi 5 janvier, le chantier de rénovation du célèbre grand magasin en confirmant l'annulation du permis de construire.Plusieurs fois mis en sursis par des décisions de justice, les travaux avaient brièvement repris depuis la mi-octobre, à la faveur de la suspension des effets du jugement prononcé par le tribunal administratif de Paris le 13 mai 2014.LVMH VA SAISIR LE CONSEIL D'ÉTATA la suite de cette décision, le groupe de luxe français LVMH, propriétaire de la Samaritaine, a annoncé son intention de saisir le Conseil d'Etat. Le chantier prendra « autant de mois de retard » qu'il en faudra au Conseil d'Etat pour trancher, a expliqué un porte-parole de LVMH, ajoutant que le groupe de luxe et la Mairie de Paris envisagent de demander un sursis à exécution qui permettrait au chantier de continuer.La Ville de Paris, qui défend le projet porté par le groupe, a également fait part de son intention de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.QUALITÉS ARCHITECTURALESA la mi-mai, le tribunal administratif avait estimé que, malgré ses qualités architecturales, le projet ne s'insérait pas dans le quartier, plutôt homogène et principalement constitué d'immeubles de pierre de taille. Plus particulièrement, la façade ondulante en verre prévue par LVMH apparaissait « dissonante », les immeubles parisiens en pierre étant « variés mais traditionnels ».Le projet prévoit en effet pour le nouvel édifice un habillage de verre transparent, doté d'ondulations verticales de taille variable et sur lequel figurent des points blancs dont la densité va croissante de bas en haut. Le rideau de verre viendrait ainsi dégrader un ensemble considéré comme « le prototype architectural » du Paris haussmannien, selon la commission du Vieux-Paris, qui a émis un avis défavorable au projet. Cette section de la rue de Rivoli, la première percée entreprise sous le Second Empire, suscite d'autant plus l'inquiétude que deux des trois bâtiments préhaussmanniens datant de 1852 dans cette rue ont déjà été démolis.Lire (édition abonnés) : Le projet de la Samaritaine se résume à de l'empaquetageRESPECT DU PLAN LOCAL D'URBANISMELe tribunal administratif avait été saisi par deux associations, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) et SOS-Paris, qui faisaient valoir que cette façade en verre conçue par l'agence japonaise Sanaa ne respecte pas les règles du plan local d'urbanisme (PLU), lequel impose que les « constructions nouvelles doivent s'insérer dans le paysage par leur volume, leurs matériaux, leur aspect ».L'architecture extérieure du nouveau bâtiment prévu dans le projet « ne répond pas à l'obligation d'insertion de la construction projetée dans le tissu urbain environnant », selon les dispositions du plan local d'urbanisme de Paris, a considéré la cour administrative d'appel dans son arrêt.L'îlot de la Samaritaine, fermé depuis 2005, fait l'objet d'une rénovation importante prévoyant la création d'un nouvel espace comprenant des commerces, un hôtel de luxe, des bureaux, une centaine de logements sociaux et une crèche. Le projet de LVMH implique un investissement d'environ 460 millions d'euros et la création de plus de 2 100 emplois.Lire (édition abonnés) : Façade tout en transparence pour les uns, « rideau de douche » pour les autres 04.01.2015 à 18h11 • Mis à jour le05.01.2015 à 09h00 |Thomas Sotinel Résistant sous l'occupation, emprisonné pour son premier film, passé du côté du FLN pendant la guerre d'Algérie, membre du groupe Medvedkine après mai 1968, défenseur de l'autonomie bretonne, le cinéaste René Vautier est mort le 4 janvier en Bretagne. Il avait 86 ans.Le grand public a pris conscience de son existence en 1972, lorsque Avoir vingt ans dans les Aurès a été présenté à Cannes, à la Semaine de la critique. Le film racontait la désertion d'un soldat français en Algérie qui refusait l'exécution sommaire d'un prisonnier algérien. Mais ce n'est pas l'histoire de René Vautier. Il a passé le conflit algérien de l'autre côté, son itinéraire l'ayant porté depuis longtemps dans le camp des colonisés.Né le 15 janvier 1928 à Camaret, dans le Finistère, ce fils d'ouvrier rejoint la Résistance en 1943. Après la guerre, il suit les cours de l'IDHEC et adhère au parti communiste. En 1950, la Ligue de l'enseignement le charge de réaliser un film sur l'éducation française en Afrique subsaharienne. Vautier détourne la commande et évoque une réalité méconnue : le travail forcé, les violences des autorités coloniales contre les populations entre la Côte d'Ivoire et le Mali. Le film qu'il rapporte de ce que l'on appelait alors l'A.O.F., Afrique 50, est non seulement censuré (il le restera quarante ans), mais vaut à son auteur une condamnation à un an de prison, exécutée dans les prisons militaires.UN FOCUS SUR L'ALGÉRIEAu moment du déclenchement du conflit algérien, René Vautier part pour l'Afrique du Nord, d'abord pour la Tunisie, où il tourne deux courts métrages avant de gagner l'Algérie, aux côtés de maquis du FLN. Il y tourne deux documentaires, Une nation, l'Algérie, aujourd'hui perdu et L'Algérie en flammes. Cette collaboration lui vaut d'être poursuivi par les autorités françaises et René Vautier reste en exil jusqu'en 1966.Peu après son retour en France, il rejoint en 1967 le groupe Medvedkine formé à Besançon autour de Chris Marker. Cette coopérative destinée à donner une image cinématographique des luttes ouvrières inspire René Vautier qui s'établit finalement en Bretagne où il fonde l'Unité de production cinématographique de Bretagne.C'est dans ce cadre qu'il produit ses deux longs métrages de fiction Avoir vingt ans dans les Aurès et La Folle de Toujane (1973). D'Avoir vingt ans, Louis Marcorelles dira dans ces colonnes qu'il s'agit du « film le plus libre, le moins conformiste que nous ayons vu en France depuis longtemps ». Le cinéaste tourne aussi des documentaires sur les luttes ouvrières Quand tu disais Valéry (1975) ou Quand les Femmes ont pris la colère (1976) coréalisé avec Soazig Chappedelaine.En 1972, René Vautier entre en grève de la faim après que le refus d'un visa d'exploitation pour le film Octobre à Paris, réalisé par Jacques Panijel après le massacre des manifestants algériens à Paris le 17 octobre 1961. Vautier voulait enfin sortir le film à travers sa société de distribution, et ne cesse sa grève qu'après avoir reçu du ministre de la culture de l'époque, Jacques Duhamel, l'assurance que les critères politiques n'entreront plus en ligne de compte dans les décisions de la commission de contrôle cinématographique.En 1981, l'UPCB ferme, faute de financement, mais René Vautier ne cesse pas pour autant de tourner, des films sur les essais nucléaires dans le Pacifique, sur l'immigration, sur la Résistance. En 1985, lors du procès qui oppose Le Canard enchaîné à Jean-Marie Le Pen au sujet des tortures infligées par ce dernier pendant la guerre d'Algérie, l'hebdomadaire produit le témoignage d'une des victimes du lieutenant Le Pen, Ali Rouchaï que le cinéaste a tourné à Alger. René Vautier est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages dont Caméra citoyenne - Mémoires, publié en 1988.Lire notre interview avec René Vautier datant de 2007 : "Je filme ce que je vois, ce que je sais, ce qui est vrai"Thomas SotinelJournaliste au Monde 04.01.2015 à 12h28 • Mis à jour le04.01.2015 à 12h42 Le trompettiste et compositeur français Ivan Jullien est mort le 3 janvier, selon son entourage qui a fait circuler l'information. Il avait 80 ans. Il commence comme trompettiste dans les années 50 pour devenir ensuite l'un des plus grands arrangeurs français, il travaille avec des artistes français et étrangers comme Claude Nougaro, Charles Aznavour, Elton John, Henri Salvador et de très nombreux autres.Il arrange plusieurs bandes originales de films comme « Une homme et une femme », « Le soleil des voyoux » et en compose d'autres, comme celles de « Ronde de nuit » et « Tir groupé ».Pendant de nombreuses années, il anime aussi une classe d'arrangement au CIM. Il a co-écrit le « Traité de l'arrangement » en huit volumes, qui traite notamment de musique classique mais aussi de jazz, de musique contemporaine et de films. Il monte plusieurs grands orchestres de jazz depuis les années 60 (notamment le Paris Jazz All Stars) et en 2009, se met à nouveau à la tête d'une formation.  Big Band Ivan Jullien en concert a Levallois-Perret, fevrier 2011. from AVUTV/ on Vimeo.En 20003, les Victoires de la musique le récompensent pour l'ensemble de son œuvre. Puis en 2009, il reçoit le Grand prix Sacem du jazz.  03.01.2015 à 06h38 • Mis à jour le03.01.2015 à 12h55 Comment se déroule les séances d'enregistrement d'un album ? Certains mélomanes que la question taraudait pourront bientôt y répondre. Car à compter du 16 janvier, c'est bien en public la chanteuse britannique PJ Harvey enregistrera son neuvième opus. Les spectateurs suivront les sessions de miss Polly derrière une vitre sans tain dans un studio spécialement aménagé au Somerset House de Londres.L'événement, baptisé « Recording In Progress », doit durer quatre semaines entre le 16 janvier et le 14 février. Proposé à un tarif de 15 livres (34,5 euros) pour la séance de 45 minutes, il affichait déjà complet quelques heures seulement après son annonce.« Les visiteurs vont pouvoir vivre exactement ce qui se passe en studio en voyant Harvey, ses musiciens et ses producteurs de longue date, Flood et John Parish, à l'œuvre dans leur cheminement créatif vers un album », a expliqué un représentant du Somerset House, ce haut-lieu de la création à Londres.« Je souhaite que Recording In Progress fonctionne comme une exposition dans une galerie. J'espère que les visiteurs pourront saisir le flux et l'énergie du processus d'enregistrement », a de son côté souligné la chanteuse, dont le dernier album, Let England Shake, remonte à 2011. Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne, par un système de quotas, le nombre de films étrangers distribués sur son territoire.Ce quota, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’astérisques) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros ***2 - Breakup Buddies : 156 M€ ***3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ ***7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ ***9 - The Breakup Guru : 88 M€ ***10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ ***13 - Back in Time : 77,5 M€ ***14 - The Man from Macau : 70 M€ ***15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ ***17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ ***19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.01.2015 à 13h39 • Mis à jour le02.01.2015 à 15h47 Les Français ont plébiscité les salles obscures en 2014, avec des chiffres de fréquentation exceptionnels. Plus de 208 millions de tickets de cinéma ont été vendus en France ces douze derniers mois, une augmentation de 7,7 % par rapport à 2013, a annoncé vendredi 2 janvier le Centre national du cinéma. Derrière 2011, qui reste encore indépassée grâce au succès d'Intouchables, 2014 devient ainsi la deuxième meilleure année.if (!window.jQuery) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1420200363437 .graphe").css("height", 450)$("#container_1420200363437 .title").empty()if ("La fréquentation des salles de cinéma françaises"!= ""){2011 et 2014, meilleures années depuis 1967")}$("#container_1420200363437 .subtitle").empty()if ("Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires"!= ""){Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires.")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1420200363437 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9quentation_cin%C3%A9matographique#cite_ref-17", _blank ); 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La comédie Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu est largement en tête avec 12,3 millions d'entrées.Lire : « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? » dans le Top 10 français des films les plus vusLire aussi la critique du film : Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racistesC'est aussi une comédie qui occupe la deuxième place du podium avec Supercondriaque, menée par Dany Boon, qui a rassemblé 5,3 millions de spectateurs. Lire (édition abonnés) : « Supercondriaque » : Dany Boon, malade en manque d'imaginaireLe film Lucy, de Luc Besson, arrive en troisième place du box-office 2014. Malgré une distribution de stars hollywoodiennes, ce film est bel et bien une production française, qui a attiré dans les salles pas moins de 5,2 millions de personnes. Lire : « Lucy », de Luc Besson, plus gros succès français à l'étrangerGrâce à ces immenses succès, la part de marché des films français est passée de 33,8 % en 2013 à 44 % en 2014. Celle des films américains, par contre, a reculé de neuf points.Lire : Le cinéma français tire la fréquentation des salles vers le haut Maxime Vaudano L'économiste Thomas Piketty a brisé jeudi 1er janvier la routine de la traditionnelle promotion de début d'année de la Légion d'honneur en refusant sa nomination comme chevalier, estimant que ce n'est pas « le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable ».Un refus loin d'être inédit, qui a de nouveau placé l'institution bicentenaire sous le feu des projecteurs... et de vos questions.Lire la synthèse : Modiano, Tirole et Mimie Mathy dans la promotion de la Légion d'honneur1. Doit-on demander la Légion d'honneur pour l'obtenir ?Non, comme l'expliquait déjà Rue89 en 2009 : il est impossible de se porter candidat à un grade de la légion d'honneur. C'est une tierce personne qui doit proposer votre nom.Soit un ministre, qui reçoit généralement des propositions des préfets, des élus ou des associations (c'est le cas pour Thomas Piketty, dont le nom a été proposé par Geneviève Fioraso, secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche)Soit 50 citoyens, grâce à la procédure d'initiative citoyenne introduite en 2008Par le biais de ces deux procédures, près de 4 000 dossiers sont constitués chaque année puis étudiés par le conseil de l'ordre de la Légion d'honneur, qui sélectionne ensuite quelque 3 000 lauréats, avant l'approbation définitive du président de la République, qui signe de sa main les décrets.Participez à la discussion : Doit-on forcément accepter une Légion d'honneur ?2. Peut-on la refuser ?Oui. En général, pour éviter un incident diplomatique, les potentiels décorés sont avertis en amont. Cela n'a pas été le cas pour Thomas Piketty, qui n'a pas été prévenu, comme l'a indiqué la rue de Grenelle. Son nom apparaît donc bien dans les décrets parus le 1er janvier au Journal officiel.Lire également notre décryptage : pourquoi le livre de Piketty est un succès aux Etats-UnisIl n'est pas pour autant décoré à son corps défendant. Pour entrer officiellement dans l'ordre de la Légion d'honneur, il faut en effet se faire remettre physiquement la décoration – une cérémonie à laquelle l'économiste devrait refuser de participer.Voir le portfolio : Comme Thomas Piketty, ils ont refusé la Légion d'honneurImage précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-54a6c59f41d3b'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\nLe compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. Donnez-moi mon argent\u00a0!\u00a0\u00bb\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Le compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. 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Le couple n'a toutefois pas \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 l'hommage post-mortem, puisqu'il repose dans le sanctuaire du Panth\u00e9on.\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Pierre et Marie Curie ont \u00e9t\u00e9 plus sobres dans leur mani\u00e8re de repousser la prestigieuse distinction\u00a0: \u00ab\u00a0En sciences, nous devons nous int\u00e9resser aux choses, non aux personnes\u00a0\u00bb, justifiait Marie Curie. \u00ab\u00a0Je n'en vois pas la n\u00e9cessit\u00e9\u00a0\u00bb, avait pour sa part comment\u00e9 Pierre Curie. 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En 1945, Jean-Paul Sartre argue de la libert\u00e9 : \u00ab\u00a0L'\u00e9crivain doit refuser de se laisser transformer en institution, m\u00eame si cela a lieu sous les formes les plus honorables, comme c'est le cas. \u00bb Il refusera \u00e9galement le prix Nobel de litt\u00e9rature en 1964.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Les \u00e9crivains et philosophes Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, ci-dessus sur la plage de Copacabana, \u00e0 Rio de Janeiro, en 1960, ont aussi dit non \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur. 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A ceux qui la lui proposaient, il r\u00e9pondit en 1949, dans un article, qu'ils pouvaient \u00ab\u00a0se la carrer dans le train\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'\u00e9crivain et dramaturge Marcel Aym\u00e9 a adopt\u00e9 une posture plus directe. 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Le chanteur-compositeur Georges Brassens, ici en 1972, a consacr\u00e9 une satire \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur, dans laquelle il d\u00e9nonce \u00ab\u00a0le fatal insigne qui ne pardonne pas\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Ce petit hochet \u00e0 la boutonni\u00e8re\/Vous le condamne \u00e0 de bonnes mani\u00e8res\/Car \u00e7a la fout mal avec la rosette\/De t\u00e2ter, flatter, des filles les appas\u2026 \u00bb. 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On n'est pas forc\u00e9ment content d'\u00eatre reconnu par des gens qu'on n'estime pas.\u00a0\u00bb\r\nCr\u00e9dits : AFP\/ALAIN JULIEN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"En 2013, l'auteur et dessinateur de bande dessin\u00e9e Jacques Tardi expliquait ainsi son refus\u00a0: \u00ab\u00a0Je ne suis pas int\u00e9ress\u00e9, je ne demande rien et je n'ai jamais rien demand\u00e9. 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Sur quel critère peut-on l'obtenir ?L'ordre de la Légion précise dans son code que la décoration récompense « des mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes », tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de définition stricte ou de liste exhaustive desdits mérites. « C'est la mission du conseil de l'ordre de juger, à partir des éléments de carrière qui lui sont donnés et selon la jurisprudence de l'ordre », précise l'institution.Pour être décoré, il vaut mieux en tout cas posséder la nationalité française (les étrangers peuvent être distingués s'ils ont rendu des services à la France ou occupent des fonctions importantes, mais ne sont pas membres de plein droit de l'institution), cumuler au moins vingt ans d'activité (sauf cas exceptionnel, comme un exploit sportif ou militaire), avoir un casier judiciaire vierge et « une bonne moralité » (une enquête est diligentée sur ce plan avant chaque attribution).Contrairement aux idées reçues, il y a moins de légionnaires qu'avant. Créé par Napoléon en 1802, l'ordre a vu le nombre de ses membres exploser avec les grands conflits militaires du XXe siècle. Il a ainsi connu jusqu'à 300 000 membres en 1962. Comme le racontait en 2012 la revue Charles, le général De Gaulle a alors décidé d'agir pour éviter que la décoration ne se galvaude. Un quota de 125 000 légionnaires vivants est alors fixé, et une nouvelle décoration (l'ordre national du mérite) est créée comme lot de consolation.Le nombre de légionnaires en vie est à peu près stable depuis une dizaine d'années : il tourne désormais autour de 92 000.4. Quels avantages confère-t-elle ?Tout d'abord, on peut bien sûr porter la décoration au ruban rouge à la boutonnière, comme les 92 000 autres décorés, et faire apparaître son grade après sa signature dans les papiers officiels.Ensuite, on peut adhérer à la société des membres de la Légion d'honneur, un réseau de 55 000 sociétaires qui se donne pour mission de « concourir au prestige de l'ordre national de la Légion d'honneur et contribuer au rayonnement des valeurs et de la culture de la France sur le territoire national comme à l'étranger ».Contrairement à certaines rumeurs, la Légion d'honneur ne rapporte pas d'argent, au contraire. Comme le rappelle Francetvinfo, les décorés doivent s'acquitter depuis 2003 de droits de chancellerie (de 20,28 euros pour un simple chevalier à 101,38 euros pour les grand-croix) pour l'expédition de leur diplôme. Ils doivent en outre acheter leur décoration auprès d'un joaillier spécialisé ou de la monnaie de Paris (75 euros pour le modèle réduit, 180 euros pour la décoration standard et jusqu'à 990 euros pour la plaque de grand-croix). De quoi engouffrer rapidement le maigre traitement que propose l'institution à ses membres. La « somme symbolique héritage de l'histoire »– entre 6,10 euros par an pour les chevaliers et 36,59 euros pour les grand-croix – n'est souvent même pas réclamée par les décorés (ou reversée à la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur, pour aider les légionnaires dans le besoin, explique L'Express).Entrer dans la famille de la Légion d'honneur ouvre également le droit à votre descendance féminine (jusqu'aux arrière-petites-filles) de candidater dans les prestigieuses maisons d'éducation de l'institution : Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) pour le collège, puis Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour le lycée et le post-bac (BTS et classes préparatoires). Mais l'acceptation n'est pas systématique : en 2011, seules 55 places étaient disponibles au lycée de Saint-Denis, pour près de 400 demandes, comme le rapportait L'Etudiant.fr.En revanche, il est formellement interdit aux membres de votre entourage d'arborer votre étoile à cinq branches : le port illégal de décoration est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.5. Peut-on la perdre ?Oui. Un légionnaire peut être déchu de sa décoration en cas de condamnation pénale, de déchéance de la nationalité française ou s'il « a commis des actes contraires à l'honneur ou de nature à nuire aux intérêts de la France ».C'est ce qui est arrivé à Maurice Papon, déchu en 1999 de l'ordre de commandant de la Légion d'honneur après sa condamnation définitive pour crime contre l'humanité, en raison de son implication dans la déportation de Juifs sous le régime de Vichy. Malgré les protestations, l'ancien ministre a toutefois continué d'arborer la décoration à sa boutonnière jusque dans sa dernière demeure, puisqu'il a été enterré avec sa Légion d'honneur. Ce type de mesure reste extrêmement rare. La dernière date de janvier 2013, quand François Hollande a décidé d'exclure de l'ordre Jean-François Collin, un ancien membre de l'Organisation de l'armée secrète (OAS), décoré deux ans plus tôt comme mutilé de guerre en Algérie.Maxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.12.2014 à 16h32 • Mis à jour le31.12.2014 à 17h06 |Julie Clarini C’est l’histoire d’un roman d’anticipation à diffusion anticipée. Depuis trois jours, le nouveau livre de Michel Houellebecq, Soumission, circule illégalement en ligne alors que sa sortie en librairie est prévue le 7 janvier.L’intrigue, modèle de provocation habilement calculée, a été abondamment commentée dans la presse, attisant probablement la curiosité des internautes. Le décor est planté dès le début du récit : le second tour de l’élection présidentielle oppose Marine le Pen au chef du Parti de la fraternité musulmane, lequel s’installe, au terme de quelques tractations et remous politiques, à l’Elysée, plongeant le pays dans la léthargie. Consentant à se convertir à l’islam, le héros du livre, professeur de faculté, poursuit son enseignement à la Sorbonne.UNE PREMIÈRE EN FRANCEChez Flammarion, on se borne à faire savoir que cette mise à disposition illégale est en cours de traitement par les services juridiques. Un piratage avant commercialisation est évidemment une très mauvaise nouvelle pour un éditeur, et un fait sans précédent en France. Récemment, l’ouvrage de Valérie Trierweiler Merci pour ce moment (Les Arènes) a fait les frais d’un piratage hors norme, estimé à des dizaines de milliers d’exemplaires, mais après un premier succès en librairie.On date le premier exemple d’une sortie illégale, précédant l’officielle, de 2004, à l’occasion du dernier livre de Gabriel Garcia Marquez : l’ouvrage, Mémoire de mes putains tristes, était disponible sur les trottoirs de Bogota avant de l’être en librairie. A l’époque, le contenu de l’ouvrage avait voyagé par CD-ROM.Dans le cas de l’ouvrage de Michel Houellebecq, les versions numériques disponibles sous format MOBi et ePUB sont facilement accessibles. Le premier document à avoir fuité fut, d’après le site ActuaLitté, un PDF obtenu à partir du scan d’une version papier. Des indices qui rendent plausible l’hypothèse d’une numérisation d’un exemplaire de presse, d’autant plus que les premiers jeux d’épreuves sont arrivés dans les rédactions autour du 15 décembre.ÉLECTROCHOCC’était peut-être la chance sur laquelle l’édition comptait : son public est moins jeune, moins technophile, que celui de la musique, si bien que des piratages de cette nature sont restés des cas rares. Il se pourrait néanmoins que cette affaire fasse figure d’électrochoc. Cet automne, le Syndicat national de l’édition (SNE) rappelait qu’aux termes de la loi du 21 juin 2004, les éditeurs peuvent s’adresser à l’hébergeur d’un site pour l’informer de la présence de contrefaçons accessibles via ce site et lui demander de les retirer.Cette procédure dite de « notification et retrait » est efficace pour obtenir le retrait immédiat des contenus, mais, comme le note le SNE lui-même, « cette solution montre des limites, les mêmes contenus peuvent réapparaître aussi rapidement qu’ils ont été retirés ». En mars 2014, aux Asisses du livre numérique, Florent Souillot, responsable du développement numérique aux éditions Flammarion, et chargé du développement de la plate-forme de distribution Eden Livres, déclarait que « le groupe Flammarion en est actuellement à une vingtaine, une trentaine de notifications par mois ». Le rythme devrait s’accélérer dès les jours à venir.Julie ClariniJournaliste au Monde Clarisse Fabre Mathieu Grégoire, sociologue, a suivi en tant qu’expert indépendant, avec l’économiste Jean-Paul Guillot, les chiffrages visant à évaluer les modèles alternatifs d’indemnisation des intermittents du spectacle, menés sous la houlette de l’Unedic, qui prescrit les règles d’assurance-chômage. Auteur de l’ouvrage intitulé Les intermittents du spectacle. Enjeux d’un siècle de luttes (La Dispute, 2013), il raconte dans quelles conditions les travaux ont été menés.Intermittents du spectacle : Manuel Valls veut sanctuariser le régime en l'inscrivant dans la loiLe travail d’expertise sur les intermittents a-t-il pu s’exercer en toute indépendance ?Oui, en fin de compte. En France, quand un organisme comme l’Insee fournit des statistiques, les chiffres émanent de fonctionnaires indépendants du pouvoir. Cette indépendance n’existe pas à l’Unedic, qui est alternativement présidée par la CFDT et le Medef. A ce titre, on a pu dire que cet organisme était juge et partie sur les intermittents. Mais l’Unedic a accepté de jouer le jeu. Pour la première fois, on a pu mener une évaluation plus démocratique.Les modèles alternatifs, avec retour aux 507 heures en douze mois, sont-ils viables ?En tout cas, on serait loin d’avoir une horde d’intermittents qui arrivent dans les annexes 8 et 10, comme cela a été martelé… On a réalisé une simulation « toutes choses égales par ailleurs ». Autrement dit, si on applique les 507 heures en douze mois sur les effectifs présents en 2012 et 2013, soit environ 110 000 personnes, que se passe-t-il ? On a étudié deux scénarios : le premier générerait entre 3 250 et 3 500 intermittents supplémentaires ; et le second, plus strict, en générerait entre 2 200 et 2 400 supplémentaires.Au total, le surcoût pour l’assurance-chômage serait compris entre 36 et 38 millions d’euros. D’autres modèles, gardant le principe des 507 heures en douze mois, ont été présentés par la Coordination, la CGT-Spectacle ou le syndicat d’employeurs Syndeac.Les propositions de la Coordination permettent de réaliser des économies car elles prévoient un plafond des indemnisations de chômage qui varient avec l’évolution des revenus : schématiquement, plus les salaires sont élevés, plus l’indemnité diminue.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.01.2015 à 11h31 • Mis à jour le08.01.2015 à 12h05 | Clarisse Fabre Les 507 heures en douze mois, slogan de la Coordination des intermittents et précaires (CIP) depuis le conflit de 2003, c’est économiquement possible ! Mais reste à savoir si ce modèle alternatif d’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle sera, dans les faits, politiquement faisable.On ne saurait mieux résumer la situation alors que les « trois sages » ont remis leur rapport au premier ministre, mercredi 8 janvier, à 10 heures du matin. Le 24 juin 2014, Manuel Valls confiait une mission de concertation au député Jean-Patrick Gille, à l’ancienne codirectrice du Festival d’Avignon, Hortense Archambault, et à l’ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle.Alors que le monde de la culture ne décolérait pas contre l’accord du 22 mars 2014 sur l’assurance-chômage, il s’agissait de sortir des crises à répétition et de trouver un cadre pérenne aux annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unedic.Dans sa hotte de Noël, le trio formule trois propositions que Manuel Valls va retenir et préciser lors de sa conférence de presse à Matignon, mercredi matin : la première consiste à inscrire dans la loi le principe d’un régime spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle.« Les annexes 8 et 10 demeurent dans la solidarité interprofessionnelle, et on ne crée pas de caisse autonome. En revanche, on inscrit le principe du régime spécifique dans la loi pour écarter toute menace sur sa disparition », indique Jean-Patrick Gille.Deuxièmement, les auteurs préconisent une nouvelle gouvernance : les partenaires sociaux détermineraient « l’enveloppe financière » des annexes 8 et 10 – en clair, le montant d’économies à réaliser –, mais laisseraient le soin aux professionnels du spectacle de fixer les règles.Enfin, ils plaident pour la création d’un fond pour l’emploi, lequel serait abondé par l’Etat, afin de structurer le secteur, favoriser la diffusion. Contacté par Le Monde, l’entourage du premier ministre ajoute qu’il sera demandé aux partenaires sociaux de préciser, dans chaque secteur, la liste des métiers éligibles aux contrats d’intermittence, d’ici à la fin de l’année 2015. « Faute de quoi, une liste sera arrêtée par décret », prévient-on à Matignon.« Guerre » des chiffresQuelle doit être la philosophie d’un régime d’indemnisation pour des professionnels qui alternent des périodes de travail (préparation d’un spectacle, tournage d’un film, concert…) et de chômage, auprès de différents employeurs ? Le régime spécifique, loin d’être un privilège, vise à compenser la précarité de leur activité.Le trio d’experts, dans son rapport intitulé « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », souligne que le retour aux 507 heures en douze mois « n’est plus un tabou » – alors que, depuis onze ans, le régime a été durci sans générer d’économies (à l’heure actuelle, les artistes doivent réaliser 507 heures en 10,5 mois, et les techniciens 507 heures en dix mois, pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation).« L’hypothèse d’un retour à un système de date anniversaire, associé à une période de référence de douze mois, doit pouvoir faire l’objet d’un examen dépassionné dans le cadre des futures négociations de l’assurance-chômage. C’est une revendication essentielle sur laquelle une large partie des interlocuteurs s’accordent au niveau professionnel, qui va dans le sens d’un cadre plus stable et plus sécurisant pour les salariés intermittents », écrivent les auteurs du rapport.Les travaux menés depuis six mois auront permis de mettre autour de la table des acteurs qui ne s’adressaient plus la parole, sauf pour mener la « guerre » des chiffres. Depuis la réforme contestée du 26 juin 2003, la Coordination – ainsi que la CGT-Spectacle, avec des nuances – clamait qu’un autre modèle était possible. En réponse, l’Unedic, alternativement présidée par le Medef et la CFDT, publiait des estimations démontant cet argumentaire.« Esprit de revanche »Or, la même Unedic a été mise à contribution dans le cadre de la mission de concertation, afin d’évaluer toutes les pistes de réforme, de manière inédite, c’est-à-dire en puisant dans sa formidable base de données. Pour rassurer les sceptiques ont été associés à ces travaux deux experts indépendants, Jean-Paul Guillot, économiste et auteur de deux rapports sur l’intermittence, et Mathieu Grégoire, maître de conférences en sociologie à l’université d’Amiens. Il en ressort, entre autres nombreux résultats, qu’un retour aux 507 heures en douze mois, « toutes choses égales par ailleurs », entraînerait un surcoût évalué entre 35 et 40 millions d’euros – loin des 170 millions d’euros avancés par l’Unedic en juin 2014.Mathieu Grégoire, sociologue : « L’Unedic a accepté de jouer le jeu »D’autres modèles ont été évalués, à la demande de la Coordination, de la CGT-Spectacle ou du syndicat d’employeurs, le Syndeac. Et il apparaît que la proposition de la Coordination est la plus économe : « Lors de la synthèse des travaux, en décembre 2014, au Conseil économique et social, à Paris, on a pu sentir la surprise des participants : le modèle de la Coordination génère les économies escomptées par les partenaires sociaux, à savoir une centaine de millions d’euros. Et son savant calcul de l’indemnisation journalière est vertueux, car il évite les effets de seuil », constate Jean-Patrick Gille. Mais l’heure n’est pas à fanfaronner : « On n’est pas dans un esprit de revanche », confirme Samuel Churin, porte-parole de la Coordination.Aux cinquante-deux pages du rapport s’ajoute un passionnant volume d’annexes (450 pages !), rempli de tableaux. Une belle tentative d’évaluation démocratique, qui témoigne par ailleurs de la complexité du dossier. Car il suffit de toucher à un paramètre pour ébranler l’édifice.Les opposants peuvent s’engouffrer dans la brèche. Ainsi, la numéro deux de la CFDT, Véronique Descacq, récuse l’estimation des 507 heures en douze mois : « Ces chiffres sont des mensonges qui ne tiennent pas compte des effets comportementaux », déclare-t-elle au Monde. Autrement dit, une réforme entraînerait, selon elle, des changements de comportements qui ne manqueraient pas d’alourdir les comptes de l’Unedic. La perspective que les partenaires sociaux renégocient sans tarder les annexes 8 et 10 n’est pas gagnée. Sachant que l’accord sera de toute façon renégocié en 2016. « On ne négociera pas avant 2016 », ajoute Véronique Descacq. En aparté, les auteurs du rapport estiment que le climat n’est pas mûr : il y aurait encore trop de divisions.Le contexteActuellement, les artistes doivent réaliser 507 heures en 10,5 mois, et les techniciens 507 heures en 10 mois, pour être éligibles au régime spécifique d’assurance-chômage. Ce modèle est hérité d’un accord de juin 2003 qui visait à durcir l’accès au régime, et a déclenché la colère des intermittents. L’accord du 22 mars 2014 a reconduit ce dispositif. De l’avis général, depuis onze ans, cette réforme a entraîné une précarisation croissante des salariés intermittents, sans permettre de réaliser des économies. Les intermittents ne prônent pas un retour pur et simple au dispositif antérieur à 2003, qui générait des effets pervers, mais militent pour les 507 heures en douze mois, avec examen des dossiers à date fixe, afin de sécuriser l’accès à l’indemnisation, et moyennant des mesures visant à réaliser des économies (plafonnement des indemnités, etc.).Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 06.01.2015 à 18h08 • Mis à jour le07.01.2015 à 09h41 | Emmanuelle Jardonnet (avec Sylvain Siclier) Une « Lettre à François Hollande » attribuée à Michel Sardou est partagée sur les réseaux sociaux depuis dimanche 4 décembre. L’intéressé a fait savoir dès lundi que c’était un faux sur son compte Facebook : (function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/en_US/all.js#xfbml=1"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs); }(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Post by Michel Sardou.Mardi matin, le chanteur diffusait un communiqué de presse succint pour dénoncer « une lettre ordurière et xénophobe », se déclarant « indigné » qu’on ait pu lui attribuer ces « propos infamants ». Il y précise qu’il « tient à exprimer son total désaccord sur les idées que contient ce brûlot ». Pierre Cordier, son attaché de presse, affirme qu’une plainte a été déposée auprès de la préfecture de police de Paris pour tenter de remonter à la source de ce « hoax » (canular).« Arrêtez tout, arrêtons d'être cons ! »Tout en propos haineux et raccourcis racistes, la lettre débute par : « Moi, l'Islam, je m'en tape le coquillard », et se conclut par : « En matière de culture, de civilisation, de valeurs, de religion, on a déjà ce qu'il faut en magasin, tu vois, et on n'a pas envie de changer. Clair ? T'as compris bonhomme ou il te faut un dessin ? ». Le ton ferait presque penser à un pastiche, sauf qu’aucun humour ou double-sens ne vient étayer cette possibilité. Le ou les auteurs de la lettre semble(nt) plutôt avoir voulu utiliser la notoriété du chanteur pour exposer leurs opinions au plus grand nombre.Si elle a pu semer le doute, et donc être autant partagée, c’est que cette lettre paraît faire écho à des propos tenus par le chanteur il y a quelques semaines, le 10 décembre, au Figaro (article payant). Interrogé sur l'interdiction d'une crèche dans un lieu public, Michel Sardou s'indignait : « On va peut-être interdire les bûches de Noël, aussi ? Au nom de la laïcité, détruisons les églises pendant qu'on y est, faisons de la cathédrale de Chartres une grande HLM. Supprimons le kippour, le ramadan. C'est n'importe quoi ! Je vais défiler tout seul de la Nation à République avec une pancarte “Arrêtez tout, arrêtons d'être cons !” » Dans cette même interview, où il déclarait : « La politique, je m'en tape ! », Michel Sardou se défendait d’être réactionnaire, se définissant plutôt comme « un homme libre, un anarchiste ».Le répertoire de Michel Sardou est actuellement mis sur le devant de la scène par La Famille Bélier, comédie d’Eric Lartigau sortie le 17 décembre, qui s’annonce comme le succès de l’hiver au cinéma. Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien/Aujourd'hui en France publié le 21 décembre, le chanteur est plébiscité par une majorité de Français, qui le considèrent à 88 % comme « un monument de la chanson française ». Mais il devrait selon eux moins parler politique : les personnes interrogées jugeaient à 55 % qu’il a tort de parler politique et sont, le plus souvent, en désaccord (65 %) avec ses prises de position.« Fiction »Depuis ses débuts à la fin des années 1960, Michel Sardou a régulièrement été au centre de polémiques. Par le choix de certaines chansons, qui évoquent des thèmes de type sujet de société, il se voit reprocher d'être populiste et nationaliste (J'habite en France, Les Bals populaires, Le temps de colonies...), homophobe (Le Rire du sergent), en faveur de la peine de mort (Je suis pour), anti-communiste (Vladimir Illitch) ou sexiste (Villes de solitude, Je vais t'aimer...).Dans un autre entretien accordé au Figaro, le 12 février 2012, il revenait sur ces diverses accusations, se définissant d’abord comme un interprète : « Quand je chante l'amour, on ne se demande pas si le texte est autobiographique. Alors qu'on m'identifie facilement à des paroles dérangeantes. En réalité, je joue un rôle, comme un comique ou un acteur. A aucun moment je ne pense à moi sur scène ou en studio. Chaque chanson est une petite fiction. »Emmanuelle Jardonnet (avec Sylvain Siclier)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 06.01.2015 à 11h33 • Mis à jour le06.01.2015 à 15h19 Edito du « Monde ». Pendant des décennies, personne n’a ignoré ce slogan publicitaire : « On trouve tout à la Samaritaine. » Le grand magasin de la rue de Rivoli, à Paris, a fermé ses portes en 2005. Mais le slogan reste parfaitement valable. On continue à tout trouver à la Samaritaine – en particulier ce cocktail de conservatisme, de juridisme et de frilosité qui accueille et entrave, plus que jamais, tout projet architectural un peu ambitieux dans la capitale.L’histoire est, hélas, aussi exemplaire que consternante. Rachetés par le groupe LVMH, les bâtiments de la « Samar » font l’objet, depuis des années, d’un important projet de réaménagement comprenant, sur 70 000 m2, un centre commercial, un hôtel de luxe, des logements sociaux et une crèche. Confié à la prestigieuse agence d’architecture japonaise Sanaa, ce projet a obtenu deux permis de construire, l’un pour la façade côté Seine, l’autre pour la façade de la rue de Rivoli. Il est soutenu par la Ville de Paris, les architectes des Bâtiments de France et le ministère de la culture. A terme, il devrait générer quelque 2 000 emplois.Mais il est combattu avec acharnement par deux associations – la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France et SOS Paris –, qui contestent, en particulier, le projet de façade rue de Rivoli, au nom du plan local d’urbanisme, qui impose l’insertion dans le paysage des constructions nouvelles. Ces plaideurs viennent de remporter une indéniable victoire juridique. En mai 2014, déjà, le tribunal administratif de Paris avait annulé le permis de construire, au motif qu’il ne respecterait pas le « tissu urbain existant ». En octobre, la cour administrative de Paris avait annulé cette décision et autorisé la reprise des travaux.Mais, réunie en formation plénière, cette même cour vient, à nouveau, le 5 janvier, d’invalider ce permis de construire. Se posant en arbitre des élégances architecturales et de la conservation du patrimoine, la cour estime que la façade en peau de verre ondulée proposée par Sanaa rompt l’alignement et la facture des façades haussmanniennes environnantes.Cette polémique serait clochemerlesque si elle n’était cruellement symptomatique de la tétanie architecturale parisienne. Il y a deux mois, c’était le projet de tour Triangle, à la porte de Versailles, qui était bloqué. Trop haute, trop coûteuse, trop en rupture avec le quartier, avaient plaidé des associations de riverains, soutenues en l’occurrence, et pour des raisons purement politiques, par la droite et les écologistes au Conseil de Paris. A la Samaritaine, c’est une façade qui est en cause. Et dès qu’un projet d’immeuble dépasse la hauteur canonique de 37 mètres, élus, riverains, associations de tout poil s’insurgent, contestent, condamnent et retardent les chantiers.La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un vote« On ne peut pas vouloir que Paris devienne une seconde Venise », disait récemment, dans ces colonnes, l’architecte Christian de Portzamparc. On souhaite, au contraire, qu’à l’instar de Londres ou de Berlin, elle reste une ville vivante, où se construit l’avenir.Christian de Portzamparc : « On ne peut pas vouloir que Paris devienne une seconde Venise » 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique 31.12.2014 à 16h32 • Mis à jour le31.12.2014 à 17h06 |Julie Clarini C’est l’histoire d’un roman d’anticipation à diffusion anticipée. Depuis trois jours, le nouveau livre de Michel Houellebecq, Soumission, circule illégalement en ligne alors que sa sortie en librairie est prévue le 7 janvier.L’intrigue, modèle de provocation habilement calculée, a été abondamment commentée dans la presse, attisant probablement la curiosité des internautes. Le décor est planté dès le début du récit : le second tour de l’élection présidentielle oppose Marine le Pen au chef du Parti de la fraternité musulmane, lequel s’installe, au terme de quelques tractations et remous politiques, à l’Elysée, plongeant le pays dans la léthargie. Consentant à se convertir à l’islam, le héros du livre, professeur de faculté, poursuit son enseignement à la Sorbonne.UNE PREMIÈRE EN FRANCEChez Flammarion, on se borne à faire savoir que cette mise à disposition illégale est en cours de traitement par les services juridiques. Un piratage avant commercialisation est évidemment une très mauvaise nouvelle pour un éditeur, et un fait sans précédent en France. Récemment, l’ouvrage de Valérie Trierweiler Merci pour ce moment (Les Arènes) a fait les frais d’un piratage hors norme, estimé à des dizaines de milliers d’exemplaires, mais après un premier succès en librairie.On date le premier exemple d’une sortie illégale, précédant l’officielle, de 2004, à l’occasion du dernier livre de Gabriel Garcia Marquez : l’ouvrage, Mémoire de mes putains tristes, était disponible sur les trottoirs de Bogota avant de l’être en librairie. A l’époque, le contenu de l’ouvrage avait voyagé par CD-ROM.Dans le cas de l’ouvrage de Michel Houellebecq, les versions numériques disponibles sous format MOBi et ePUB sont facilement accessibles. Le premier document à avoir fuité fut, d’après le site ActuaLitté, un PDF obtenu à partir du scan d’une version papier. Des indices qui rendent plausible l’hypothèse d’une numérisation d’un exemplaire de presse, d’autant plus que les premiers jeux d’épreuves sont arrivés dans les rédactions autour du 15 décembre.ÉLECTROCHOCC’était peut-être la chance sur laquelle l’édition comptait : son public est moins jeune, moins technophile, que celui de la musique, si bien que des piratages de cette nature sont restés des cas rares. Il se pourrait néanmoins que cette affaire fasse figure d’électrochoc. Cet automne, le Syndicat national de l’édition (SNE) rappelait qu’aux termes de la loi du 21 juin 2004, les éditeurs peuvent s’adresser à l’hébergeur d’un site pour l’informer de la présence de contrefaçons accessibles via ce site et lui demander de les retirer.Cette procédure dite de « notification et retrait » est efficace pour obtenir le retrait immédiat des contenus, mais, comme le note le SNE lui-même, « cette solution montre des limites, les mêmes contenus peuvent réapparaître aussi rapidement qu’ils ont été retirés ». En mars 2014, aux Asisses du livre numérique, Florent Souillot, responsable du développement numérique aux éditions Flammarion, et chargé du développement de la plate-forme de distribution Eden Livres, déclarait que « le groupe Flammarion en est actuellement à une vingtaine, une trentaine de notifications par mois ». Le rythme devrait s’accélérer dès les jours à venir.Julie ClariniJournaliste au Monde 31.12.2014 à 10h49 • Mis à jour le31.12.2014 à 11h47 |Macha Séry, Catherine Simon, Nicolas Weill, Nils C. Ahl, Florence Noiville, Raphaëlle Leyris, Julie Clarini, Roger-Pol Droit et Monique Petillon LittératureLes Aventures d’Augie March (The Adventures of Augie March) et Le Don de Humboldt (Humboldt’s Gift), de Saul Bellow, traduits de l’anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer, Gallimard, « Quarto », 1 004 p., 34,90 €.Il nous manque un Saul Bellow (1915-2005), aujourd’hui, dans le paysage des lettres nord-américaines. Un écrivain qui ne serait pas seulement un immense créateur épris de vie, mais aussi un penseur sagace, un ironiste, un provocateur, un womanizer, un persifleur et même, allez, une irrésistible langue de vipère. Saul Bellow – qui, pendant plusieurs décennies, régna sur les lettres américaines, et dont les ouvrages, d’Herzog (1964) au Don de Humboldt (1975), ont tant marqué le roman outre-Atlantique –, était tout cela à la fois. Et en même temps détaché, planant au-dessus de la mêlée. « Ne craignez pas de vous payer ma tête », nous avait-il dit, lorsque en 1995, nous l’avions rencontré dans le Vermont pour lui « tirer le portrait ». « Ne craignez pas de vous payer ma tête. Je suis un vieux chêne qui se moque des clous ! » Après Herzog et La Planète de Mr. Sammler (réunis en « Quarto » en 2012), les éditions Gallimard nous donnent la chance de replonger dans l’univers de ce « vieux chêne », fils de juifs russes émigrés, né en 1915 au Québec et mort en 2005 couvert de prix (Nobel, Pulitzer, National Book Award, Booker…). Avec Les Aventures d’Augie March, écrit à Paris et paru aux Etats-Unis en 1953, Bellow narre la dure découverte du monde par un enfant. Nous sommes à Chicago, dans un quartier pauvre où se côtoient juifs et Polonais, et où toutes sortes de gens qui « veulent du bien » au jeune Augie font des projets pour lui. Sans comprendre que lui, Augie, n’aime qu’une seule chose, son indépendance et sa liberté. L’indépendance, l’intégrité sont aussi des thèmes du Don de Humboldt, paru vingt ans plus tard. Humboldt est un écrivain dont la célébrité a passé. Entre-temps, son protégé Charlie Citrine a percé au point de gagner « des monceaux de fric ». Malade, ulcéré, Humboldt raisonne – de façon pas toujours objective mais éminemment actuelle – sur les relations entre création artistique et argent. Intégralement et élégamment retraduits par Michel Lederer, ces deux grands textes sont précédés par des souvenirs et confessions de Bellow recueillis Philip Roth, le tout formant un régal d’intelligence.Florence Noiville Les Choix secrets, d’Hervé Bel, Le Livre de poche, 336 p., 7,10 €.Marie est une vieille femme dans une vieille maison, quelque part en France. Amours flétries, espoirs déçus, confite dans l’envie et la jalousie, elle passe sa vieillesse dans l’aigreur, à se souvenir et à se mentir. Pendant ce temps, son mari tousse et s’étouffe. La narration oscille entre deux points de vue, plus ou moins distants, faisant alterner le passé, trop bref, et le présent, très long. Le lecteur assiste au lent triomphe ambigu de la méchanceté. Deuxième roman d’Hervé Bel, Les Choix secrets est réjouissant parce qu’impitoyable avec son personnage. Une confirmation.Nils C. Ahl Le Dilemme du prisonnier (Prisoner’s Dilemma), de Richard Powers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Yves Pellegrin, 10/18, 526 p., 9,10 €.Comment des enfants peuvent-ils se construire quand leur père est inexistant ? Comment la vie s’organise-t-elle autour d’un « centre absent » ? Magnifique portrait de père sur fond de famille dysfonctionnelle, ce roman revisite un demi-siècle d’histoire américaine, de l’exposition universelle de New York (1939) aux essais nucléaires de Los Alamos en passant par Disneyland et l’industrie du divertissement. Par l’un des meilleurs écrivains américains vivants.Fl. N. Les Cheveux-vapeur du coiffeur. Petit Précis des mots communs sublimés par les écrivains, anthologie constituée par Véronique Jacob, illustrations de Marie Assénat, Folio, « Entre guillemets », 198 p., 7,40 €.Voici une ribambelle de petits morceaux très bien choisis. Le principe est simple : de « Asperge » (selon Proust) à « Souvenirs d’école » (selon Perec), et de « Carcasse » (selon Alexis Jenni) à « Parmesan » (selon Alberto Savinio), tout indique comme dit Gary que « les mots ont des oreilles ». Ils sont à l’écoute et rendent des sons particuliers selon l’écrivain qui les définit. En toute drôlerie et subjectivité bien sûr. Un dictionnaire pas banal sous la houlette de la talentueuse Véronique Jacob.Fl. N. Le Sac de Couffignal et Ames malhonnêtes (The Gutting of Couffignal et Crooked Souls), de Dashiell Hammett, traduit de l’américain par Janine Hérisson et Henri Robillot, traduction révisée par Nathalie Beunat, Folio, « Bilingue », 208 p., 8,40 €.Quel bonheur que ces Folios bilingues ! Qu’il s’agisse de Barrico en italien ou de Woolf en anglais, le lecteur amoureux des langues ne cesse de passer de l’une à l’autre, jouant à faire du thème, s’essayant à la version. Rien de plus ludique avec la prose rapide et sèche de Dashiell Hammett. Le père du roman noir américain offre ici deux nouvelles policières dans le style des années 1920. Suspense à foison et régal de dialogues.Fl. N. Résolutions pour l’époque où je deviendrai vieux, et autres opuscules humoristiques, de Jonathan Swift, traduit de l’anglais (Irlande) par Léon de Wailly, présenté par Eric Chevillard, Flammarion, « GF », 312 p., 7 €.Un vieil homme assommant et donneur de leçons, voilà ce que l’auteur des Voyages de Gulliver décidément n’est pas. Ses Résolutions pour l’époque où je deviendrai vieux ne font pas prendre une ride à ce classique. Car Jonathan Swift manie l’ironie avec sérieux comme il empoigne avec humour des sujets pleins de gravité, preuve en est, parmi les plaisants opuscules ici réunis, la fameuse Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents : être mangés par leurs parents.Julie Clarini Pour trois couronnes, de François Garde, Folio, 352 p., 7,50 €.Tout commence par un manuscrit trouvé parmi les papiers d’un défunt homme d’affaires. Mandaté par la veuve pour comprendre s’il s’agit d’un récit autobiographique, Philippe Zafar enquête des Etats-Unis jusqu’à une ancienne colonie française (fictive). François Garde fait ainsi de l’analyse de texte le ressort d’un palpitant roman d’aventures où se mêlent autant de foi dans les vertus du genre que de malice dans la façon d’en réactiver les codes.Raphaëlle Leyris Le Monde libre (The Free World), de David Bezmozgis, traduit de l’anglais (Canada) par Elisabeth Peellaert, 10/18, 432 p., 8,80 €.Du grand-père communiste au cadet séducteur, voici la famille Krasnansky. Nous sommes à Rome en 1978, après que Brejnev a entrouvert le rideau de fer. Comme nombre de juifs venus d’URSS, les Krasnansky attendent un visa pour le Canada. Ils l’attendront des mois… Entre chronique familiale et réflexion sur l’Union soviétique, ce premier roman confirme le talent de l’écrivain-cinéaste David Bezmozgis – né à Riga en 1973 et émigré lui aussi au Canada avec sa famille à l’âge de 6 ans – qui conte non sans humour la grande épopée du shtetl jusqu’au « monde libre ».Fl. N. Le Roi en jaune (The King in Yellow), de Robert W. Chambers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Thill, Le Livre de poche, 384 p., 8,90 €.Paru initialement aux Etats-Unis en 1895, ce recueil du prolifique Robert W. Chambers vient d’être réédité à la faveur du succès rencontré par la série télé « True Detective », bientôt sur Canal+. Les premiers épisodes l’évoquent, en effet, brièvement, rappelant, à propos du tueur en série sataniste que pourchassent les deux inspecteurs, la légende d’un livre maudit parce qu’il plonge ses lecteurs dans un univers de folie, thème des nouvelles rassemblées ici… Mais plutôt qu’une réelle source d’inspiration pour le scénariste Nic Pizzolatto, comme le laisse entendre le bandeau noir ceignant l’ouvrage, il faut lire Le Roi en jaune pour ce qu’il est : un beau et rare spécimen de fantastique surnaturel, qui a influencé H. P. Lovecraft.Macha Séry Les Derniers Jours de Smokey Nelson, de Catherine Mavrikakis, 10/18, 312 p., 7,50 €.Dans ce roman venu d’Amérique, résonnent, inoubliables, trois voix puissantes et solitaires : celle de Sydney Blanchard, un Noir, accusé à tort du massacre d’une famille de Blancs ; celle de Pearl Watanabe, femme de chambre d’origine asiatique, témoin des crimes perpétrés, une nuit de 1989, dans un motel d’Atlanta ; celle de Ray Ryan, enfin, père d’une des victimes, religieux fanatique, à qui Dieu a promis vengeance. Le racisme, la peine de mort, la tragédie des vivants que poursuivent, inlassables, les fantômes du passé – c’est tout cela qui mijote et explose dans ce récit polyphonique, l’un des plus forts de la romancière Catherine Mavrikakis, née en 1961 à Chicago et installée à Montréal, à qui l’on doit Le Ciel de Bay City (Sabine Wespieser, 2009). Du grand art.Catherine Simon EssaisLe Parler de soi, de Vincent Descombes, Folio, « Essais », inédit, 428 p., 8,90 €.Le « césarien » est une langue fictive, mais spéciale : le pronom « je » n’y existe pas. Comme Jules César dans La Guerre des Gaules, on ne s’y exprime qu’à la troisième personne. Il reste possible de parler de soi, mais pas de s’attribuer états d’âme, introspection et identité subjective. C’est de cet exemple que part le philosophe Vincent Descombes, dans ce magistral recueil inédit, pour mener l’enquête sur la naissance du moi.Comment est-on passé, dans la philosophie, du « je » des langues courantes (non césariennes…) aux considérations sur le « moi », sa nature, ses capacités et ses actions, entre amour-propre et conscience de soi ? Comment le « moi » peut-il concilier les fonctions de la première et de la troisième personne ? Les multiples analyses rassemblées ici tournent autour de ces questions, abordées tour à tour du point de vue de la grammaire philosophique, de l’histoire du sujet moderne, de la relation dialogique, de la croyance – entre autres.Au fil de cette série de textes – certains déjà publiés, d’autres inédits – qui prolongent sa réflexion sur l’identité dans le sillage de Wittgenstein et de la philosophie analytique, Vincent Descombes jette un regard aigu sur la pensée contemporaine. Et aussi une partie de la littérature. Car les liens ne manquent pas entre la subjectivité des philosophes et l’égotisme des romanciers.Roger-Pol Droit Histoire des mouvements sociaux en France. De 1814 à nos jours, sous la direction de Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky, La Découverte, « Poche », 800 p., 16,50 €.Les mille et une figures de la contestation qui surgissent dans cette riche histoire des luttes sociales – du soldat boulangiste au militant antinucléaire, du vigneron à la féministe – semblent rendre bien illusoire toute tentative de classification raisonnée. Révolution, insurrection ou mouvement social ? Qu’importe, en prenant un parti « fondamentalement historique », cet ouvrage collectif restitue les grandes mobilisations de la société française, de gauche comme de droite, les unes et les autres rejouant une partie nouvelle sur le terrain de la tradition.Julie Clarini  Au prêt sur gage, de Pauline Peretz, Seuil, « Raconter la vie », 80 p., 5,90 €.On y croise pauvres et riches, Français et immigrés. C’est un monde composé par l’urgence mais tout sauf irréfléchi. Pourvu qu’elles aient quelques bijoux en or, le mont-de-piété, aujourd’hui le Crédit municipal de Paris, sis au cœur du Marais, offre aux femmes, les principales clientes, une petite marge de manœuvre, une liberté prise à l’insu des banques et des maris. Le reportage de l’historienne Pauline Peretz ouvre les portes d’une institution loin d’être désuète.J. Cl. Mémoire de ma mémoire, de Gérard Chaliand, Points, 120 p., 5,20 €.Longtemps, « ces visages de vieilles, vêtues de noir, ressassant un passé de désastre », lui ont fait horreur. Gérard Chaliand, géostratège, spécialiste des conflits armés, a mis plusieurs décennies avant de venir, avec ce bref et superbe récit, s’incliner devant son passé : celui de sa famille, décimée, dispersée, chassée d’Anatolie par la soldatesque ottomane, comme le furent, en cette année 1915, des centaines de milliers de familles arméniennes. A la fois livre d’histoire, poème épique, journal intime, Mémoire de ma mémoire est l’une des évocations les plus fortes de la tragédie arménienne.Catherine Simon Léon l’Africain (Trickster Travels. A Sixteenth-Century Muslim between Worlds), de Natalie Zemon Davis, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Letellier, Petite Bibliothèque Payot, « Histoire », 504 p., 11 €.Fondatrice de l’histoire culturelle, l’Américaine Natalie Zemon Davis s’est attachée tout au long de son œuvre à la perméabilité des identités et aux « passeurs » entre les civilisations et les situations les plus antagonistes. Hassan Al-Wazzan, fascinant lettré originaire de Grenade, ambassadeur du sultan de Fès, au début du XVIe siècle, en fut un, malgré lui, lorsqu’il fut capturé en 1518 par un pirate espagnol et « offert » au pape Léon X. Devenu Jean Léon l’Africain (Yuhanna Al-Assad) après sa conversion au christianisme, il sera l’auteur d’une Description de l’Afrique, avant de revenir en terre d’Islam où sa trace se perd après 1532. Cette biographie d’un personnage sur lequel on reste fort peu renseigné est un chef-d’œuvre de restitution d’une époque et d’un itinéraire, retracés par le contexte de la Renaissance et de l’humanisme.Nicolas Weill Penser entre les langues, d’Heinz Wismann, Champs, « Essais », 308 p., 11 €.Loin dêtre seulement obstacle à la communication, l’écart entre les langues est ce qui stimule la pensée, déclenche la réflexion, ouvre des perspectives inédites. Le philologue et philosophe Heinz Wismann, né en 1935, a passé sa vie entre l’allemand, sa langue maternelle, le français, sa langue d’adoption, et le grec ancien. Il tisse dans l’excellent Penser entre les langues des éléments de son autobiographie intellectuelle et des réflexions sur la fécondité des voyages singuliers menant d’une syntaxe à une autre.R.-P. D. La Pensée du roman, de Thomas Pavel, Gallimard, Folio, « Essais », inédit, 660 p., 10 €.Non, l’histoire du roman n’est pas réductible à l’innovation des techniques littéraires, au contexte social ou au jaillissement créatif des génies qui l’illustrent, depuis la période hellénistique jusqu’à nos jours. Car celle-ci, ainsi que le démontre le spécialiste de littérature comparée de l’université de Princeton (New Jersey), Thomas Pavel, est traversée par une pensée en forme de projet aux résultats multiples : « Rendre l’idéal visible au sein du monde transitoire, fragile, imparfait, des rapports humains. » A travers l’étude d’œuvres allant du « réalisme idéaliste » du Pamela, de Samuel Richardson (1689-1761), jusqu’au « scepticisme moral » d’un Flaubert et l’indéchiffrabilité du monde d’un Kafka, cet immense parcours d’érudition se lit avec la légèreté d’une fiction.Nicolas Weill La Barbe. La politique sur le fil du rasoir, de Xavier Mauduit, Les Belles Lettres, « Tibi », 144 p., 9 €.La barbe a réapparu mais les politiques de sexe masculin ne cèdent pas à la mode : le signe d’une fracture entre le peuple et les élites ? Les choses sont un poil plus subtiles, défend Xavier Mauduit dans un dialogue totalement anachronique et particulièrement piquant avec Julien l’Apostat, l’empereur dont la barbe fut objet de railleries. Parce que « l’histoire de France a été écrite avec du poil au menton », on parcourt les siècles et on s’instruit. En méditant : est-ce le fait d’y penser en se rasant qui condamne nos hommes politiques à rester glabres ?J. Cl. Claude Lévi-Strauss. Les Cahiers de L’Herne, sous la direction de Michel Izard et Yves-Jean Harder, Champs, « Classiques », 422 p., 10 €.On trouve dans cette reprise du Cahier de L’Herne publié en 2004 sous la direction de Michel Izard bon nombre de textes rares de Claude Lévi-Strauss (1908-2009. Certains sont inattendus ou surprenants, comme ce compte rendu de Voyage au bout de la nuit, datant de 1933, ou cette étude sur « Les Chats » de Baudelaire, écrite à quatre mains avec Roman Jakobson. La qualité et de la diversité des contributions rassemblées dans cette version de poche sont remarquables. Signées des meilleurs spécialistes, elles couvrent pratiquement tous les registres et les aspects de la vie et de l’œuvre, des années 1930 au temps du structuralisme, en passant par New York.R.-P. D. La Folie Baudelaire, de Roberto Calasso, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, Folio, 496 p., 9 €« La Folie Baudelaire » : voici un « singulier kiosque », « à la pointe extrême du Kamchatka romantique », où Sainte-Beuve situait Charles Baudelaire. C’est autour de ce point focal que se déploie l’éblouissant ouvrage de l’essayiste italien Roberto Calasso. Sept vastes chapitres, confirmant une ampleur de vue exceptionnelle : « Il y a une vague Baudelaire qui traverse tout. Elle a son origine avant lui et elle se propage au-delà de n’importe quel obstacle. » Fascinante analyse, où des fulgurances éclairent « l’obscurité naturelle des choses » ; où les cheminements vers le « fond de l’Inconnu » sont toujours aimantés par la tentation de l’absolu.Monique PetillonMacha SéryJournaliste au MondeCatherine SimonJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteNicolas WeillJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteNils C. AhlJournaliste au MondeFlorence NoivilleJournaliste au MondeRaphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJulie ClariniJournaliste au MondeRoger-Pol DroitJournaliste au MondeMonique PetillonJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’année 2014 a été riche en grandes expositions à Paris. Télérama a dressé la liste de celles ayant attiré le plus de visiteurs sous forme d’un top 30 (voir ci-dessous). « Van Gogh-Artaud, le suicidé de la société » au Musée d’Orsay, « Henri Cartier-Bresson » au Centre Georges-Pompidou et « Star Wars Identities » à la Cité du cinéma arrivent en tête de ce classement, avec respectivement 654 291, 424 535 et 400 000 visiteurs.Parmi ces expositions phare, il faut noter que certaines ne sont pas encore terminées, n’offrant donc que des chiffres temporaires. On pense bien sûr à la rétrospective Jeff Koons, commencée tardivement, à la fin novembre, et qui court jusqu’au 27 avril. Elle ne se situe pour l’instant qu’en 21e position, alors qu’elle a déjà battu un record de fréquentation de Beaubourg : en dix-sept jours, l’exposition avait déjà attiré 112 844 visiteurs, devançant l’exposition « Dali », précédent record de fréquentation du musée, qui avait séduit 111 028 personnes sur la même durée en 2013. Au total, la rétrospective « Dali » avait attiré 840 000 curieux en 2013.A lire : Van Gogh-Artaud, l’électrochocSuccès des rétrospectives et des arts populairesArrivée en tête du classement, l’exposition « Van Gogh-Artaud » a par ailleurs battu le record de fréquentation du Musée d’Orsay, avec une moyenne journalière de 6 374 personnes. A noter que la moyenne de 6 638 visiteurs par jour de la rétrospective Koons est supérieure, laissant augurer une très possible première position finale pour cette dernière, qui bénéficie par ailleurs d’une poignée de jours supplémentaires par rapport à la première. Télérama précise également que le Musée Rodin a battu son record de fréquentation avec l’exposition « Mapplethorpe-Rodin », qui a attiré 166 437 visiteurs.Hormis le succès des rétrospectives (Van Gogh, Cartier-Bresson, Niki de Saint Phalle, Gustave Doré, Martial Raysse, Marcel Duchamp, Hokusai, Jeff Koons, Garry Winogrand, Lucio Fontana…), Télérama relève également l’essor des expositions célébrant la culture populaire, qui attirent un nouveau public dans les musées.En quatrième place, l’exposition itinérante venue du Canada « Star Wars Identities » à la Cité du Cinéma comptabilise ainsi 400 000 fans de La Guerre des étoiles, tandis que près de 250 000 visiteurs se sont rendus à la Cité des Sciences pour « Jeu vidéo l’expo » (9e), même si cette exposition a bénéficié d’une durée de présentation très longue (10 mois, avec une prolongation due à son succès, contre 4 à 5 mois pour les autres).Le Musée Art Ludique, ouvert fin 2013 et dédié à l’art de la BD, du cinéma, de l’animation et des jeux vidéos, affiche pour sa part ses deux premières expositions dans ce top 30 : « Pixar, 25 ans d’animation » (15e) et « L’Art des superhéros de Marvel » (13e).Le Top 30 avec en italique, les expositions en cours :1. Van Gogh-Artaud, Le suicidé de la société – Musée d’Orsay (11 mars- 6 juillet) : 654 291 2. Henri Cartier-Bresson – Centre Georges-Pompidou (12 février-9juin) : 424 535 3. Star Wars Identities – Cité du Cinéma (15 février-5 octobre) : 400 000 4. Niki de Saint Phalle – Grand Palais (17 septembre-2 fév.) : 350 000 5. Gustave Doré, L’imaginaire au pouvoir – Musée d’Orsay (18 février-11 mai) : 304 801 6. Martial Raysse – Centre Georges Pompidou (14 mai-22 septembre) : 260 000 6 ex aequo. Il était une fois l’Orient-Express – Institut du monde arabe (04 avril-31 août) : 260 000 8. Marcel Duchamp. La peinture, même – Centre Georges Pompidou (24 septembre-5 janv.) : 250 000 9. Jeu vidéo l’expo – Cité des sciences et de l’industrie (22 octobre 2013-24 août) : 248 402 10. Les Archives du rêve (…) Werner Spies – Musée d’Orsay (26 mars-30 juin) : 220 222 11. Hokusai – Grand Palais (1er oct-20 novembre, 1 déc.-18 janvier) : 210 000 12. Paris 1900 – Petit Palais (2 avril-17 août) : 203 180 13. L'Art des superhéros de Marvel – Art ludique (22 mars-7 septembre) : 200 000 14. Le Kâma Sûtra : spiritualité et érotisme dans l’art indien – Pinacothèque de Paris (2 octobre-11 janvier) : 200 000 15. Pixar, 25 ans d’animation – Art ludique (16 novembre 2013-2 mars) : 180 000 16. Indiens des plaines – Musée du quai Branly (8 avril-20 juillet) : 176 142 17. Mapplethorpe-Rodin – Musée Rodin (8 avril-21 septembre) : 166 437 18. Les années 50 – Palais Galliera (12 juillet-2 novembre) : 135 000 19. Louvre Abu Dhabi – Louvre (2 mai-28 juillet) : 132 135 20. Inside – Palais de Tokyo (20 octobre-11 janvier) : plus de 130 000 21. Jeff Koons – Centre Georges Pompidou (26 novembre-27 mars) : 112 844 22. Poliakoff – Musée d’art moderne (18 octobre 2013-23 février) : 96 714 23. Maroc médiéval – Louvre (17 octobre-19 janvier) : 90 000 24. Blumenfeld – Jeu de Paume (15 octobre 2013-26 janvier) : 83 400 25. Garry Winogrand » – Jeu de Paume (14 oct.-8 fév.) : 80 800 26. Great Black Music – Cité de la Musique (11 mars-24 août) : 80 000 27. Baccarat, la légende du cristal – Petit Palais (15 octobre-4 janvier) : 80 000 28. Lucio Fontana – Musée d’art moderne (25 avril-24 août) : 73 949 29. America Latina – Fondation Cartier (24 mai-29 septembre) : 70 883 30. David Lynch/Joan Fontcuberta – Maison européenne de la photographie (15 janvier-16 mars) : 45 500Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.12.2014 à 16h15 |Emmanuelle Jardonnet Chaque année depuis 2008, le Château de Versailles invite un artiste contemporain à venir dialoguer avec l’architecture, les jardins ou les œuvres des grands artistes de l’époque baroque – Jules Hardouin-Mansart, André Le Nôtre, Charles Le Brun, Jacques-Ange Gabriel… L’institution a révélé il y a quelques jours le nom de l’artiste choisi pour 2015 : le Britannique d’origine indienne Anish Kapoor, qui investira les lieux de juin à octobre.Anish Kapoor, 60 ans, sera ainsi le 8e artiste à intervenir dans les différents espaces du domaine, après l’Américain Jeff Koons en 2008, le Français Xavier Veilhan en 2009, le Japonais Takashi Murakami en 2010, le Français Bernar Venet en 2011, la portugaise Joana Vasconcelos en 2012, l’Italien Giuseppe Penone en 2013, et l’artiste coréen Lee Ufan cette année.A lire : Jeff Koons honore Louis XIV, Questions autour de l’exposition Jeff Koons au château de Versailles, La recette de Xavier Veilhan pour occuper le château de Versailles, Polémique avant l’exposition Murakami à Versailles et Un Versailles pour petites filles en fleursMais aussi : Courbes d’acier en jeu de piste à Versailles, Joana Vasconcelos, une femme un peu trop libre pour la cour du Roi-Soleil, Giuseppe Penone parsème Versailles d’arbres, de marbres, et autres traces et Lee Ufan : « Il fallait surmonter la perfection de Versailles »« S’adapter »Ce programme avait été lancé par Jean-Jacques Aillagon lorsqu’il était à la tête de l’institution. « Il n’est jamais facile de choisir un artiste pour Versailles, ce n’est ni un musée, ou une galerie ou un espace d’exposition », a déclaré à la presse Catherine Pégard, actuelle administratrice en chef du château. Anish Kapoor a été choisi « car il y a quelque chose chez lui dans le détail pour s’adapter ».La capacité de l’artiste de déplacer les foules, en France en particulier, a certainement dû jouer en sa faveur. En 2011, il avait été choisi pour réaliser l’exposition « Monumenta », qui a lieu chaque année sous la Nef du Grand Palais, à Paris. Son Léviathan était une immense structure gonflable dont les 18 tonnes de PVC emplissaient l’espace monumental, et à l’intérieur de laquelle le public était invité à pénétrer, avait attiré plus de visiteurs, lors de ses six semaines d’exposition, que toutes les autres éditions de la manifestation, soit plus de 277 000 visiteurs.A l’occasion des Jeux Olympiques de Londres, en 2012, Anish Kapoor avait conçu l’ArcelorMittal Orbit, une tour en métal de 115 mètres de haut devenue la plus haute sculpture du pays. Le sculpteur avait par ailleurs représenté la Grande-Bretagne à la Biennale de Venise en 1990, avant de remporter le prestigieux Turner Prize l’année suivante.A lire : Reflets dans les sphères rouges d’Anish Kapoor et « Monumenta » 2007-2014, la démesure par six Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi La profession craint que la loi sur la simplification de la vie des entreprises ne se traduise par une perte de compétencesRien ne va plus chez les guides-conférenciers. Le 17 décembre, ils ont manifesté place du Palais-Royal, près du ministère de la culture, à Paris. L’objet de leur colère ? Un article de la loi sur la simplification de la vie des entreprises, en examen au Sénat. Le texte prévoit la suppression de certains régimes d’autorisation préalable au profit de régimes déclaratifs. Ce qui, reporté au statut du guide-conférencier, reviendrait à bouleverser une profession fragile.Pour exercer, il fallait à ce jour une formation qualifiante (licence professionnelle ou master), et la maîtrise d’au moins deux langues étrangères. Demain, l’accès pourrait s’élargir à d’autres profils et à des guides extra-Européens qui n’auraient plus qu’à s’inscrire sur un registre.« On vide le terme de “guide-conférencier” de son sens. On déqualifie les gens qualifiés », s’insurge Armelle Villepelet, présidente de la Fédération nationale des guides-interprètes et conférenciers. « On nous sort de grandes phrases sur la qualité du tourisme. Mais comment quelqu’un qui ne vit pas en France pourrait aussi bien guider que nous ? », s’interroge Sophie Bigogne, qui a lancé le collectif Sauvons la profession des guides-interprètes et conférenciers. Et de préciser, pour contrer les accusations de corporatisme : « Il n’y a pas de numerus clausus, c’est l’un des métiers où il y a le plus d’étrangers en activité. Des gens qui vivent en France et qui savent de quoi ils parlent. »Un savoir mal rétribuéUn savoir chichement rétribué. Les revenus nets annuels des guides parisiens s’échelonnent de 10 000 euros à 20 000 euros net. Salariés ou poussés à adopter le statut d’autoentrepreneur, ils sont à la merci des donneurs d’ordres, qui fixent dates des interventions et tarifs. « On nous associe aux professions libérales, mais on n’a rien de nantis, soupire Sophie Bigogne. Onne sait jamais combien on va gagner à la fin du mois. » A cette précarité s’ajoutent les aléas économico-politiques.Guide russophone depuis dix-sept ans, Catherine Gay est au chômage : depuis la chute du rouble, les Russes sont aux abonnés absents. « Le marché est déjà très concurrentiel. Nous avions perdu depuis 1992 la voie publique, où tout le monde peut officier comme guide. Demain, ce sera la même chose avec les musées », s’inquiète-t-elle. Même anxiété chez les guides-interprètes en chinois  : « si le registre est accessible aux membres des Etats extracommunautaires, les accompagnateurs de groupe vont nous remplacer avec une qualité de service médiocre ».Rue de Valois, on se veut rassurant. « Nous défendons cette profession et nous prenons ses revendications au sérieux », assure-t-on à la direction générale du patrimoine, qui a créé un groupe de travail avec le ministère du tourisme pour élaborer les décrets d’application de cette loi. Et d’insister : « Nous avons du poids dans la négociation, car sans culture il n’y a pas de tourisme. Nous allons y associer les représentants des professionnels. Il n’est pas question de brader les compétences. Au contraire, on va favoriser des dispositifs de formation continue. »Dimanche 28 décembre, sur Europe 1, Thierry Mandon, secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification, a déclaré qu’il fallait «  regarder la situation des guides conférenciers  ». Et d’ajouter  : « Je n’ai pas le sentiment que la volonté d’Emmanuel Macron [ministre de l’économie] soit de baisser le niveau de qualité. Il n’y a pas d’avenir pour l’économie française dans le low-cost. C’est l’inverse. Le grand projet pour la France, c’est la qualité partout  ».Roxana AzimiJournaliste au Monde Laurent Carpentier Jeune « grand commis de l’Etat » version ENA, le directeur de cabinet de Fleur Pellerin est, comme elle, branché sur le numérique« Matteo Renzi, le président du Conseil italien, incarne cette nouvelle génération politique qui émerge en Europe, comme Emmanuel Macron ou Fleur Pellerin. Une manière moins formatée de dire les choses, il y va, il fonce… Les images qu’ils utilisent parlent aux jeunes de moins de 40 ans. » Fabrice Bakhouche, le nouveau numéro deux du ministère de la culture, a une particularité dans son CV : après trois ans au Quai d’Orsay, à l’ENA et à la Cour des comptes où il suit l’audiovisuel public, trois ans à Bercy – « le cœur de l’Etat, je voulais apprendre comment ces gens travaillent, les comprendre » –, l’AFP, dont il a été directeur général adjoint avant de rejoindre le cabinet du premier ministre Jean-Marc Ayrault, ce jeune « grand commis de l’Etat » a été détaché par le gouvernement socialiste comme conseiller auprès de l’équipe au pouvoir à Rome.Comme Fleur Pellerin ou Emmanuel Macron qu’il cite, Fabrice Bakhouche est quarantenaire ; comme eux, c’est un « techno ». Il pourrait le prendre comme un reproche ; son intelligence lui évite de se cacher derrière son petit doigt : « Aujourd’hui, la complexité du monde est telle que, si on ne maîtrise pas les dossiers dans le détail, on n’est pas pertinent politiquement. Que ce soit sur la question de l’intermittence, avec ses mécanismes compliqués, ou du droit d’auteur, la directive européenne sur laquelle nous allons devoir mener combat à Bruxelles… »Premier de la classeQuid du souffle charismatique porté par un Malraux ou un Lang ? Quid de la société civile que Mitterrand fit entrer dans son gouvernement ? N’y a-t-il pas là matière à ce reproche souvent exprimé d’un ministère où la question des moyens finit par primer sur celle du but ? « Dans les années 1960 ou même 1980, la situation économique n’était peut-être pas si compliquée… », tente celui qui, à Matignon, était un des gardiens («  pas extrêmement populaire Rue de Valois  ») de la rigueur budgétaire.Les yeux marron, une tête bien faite sur un corps élancé, l’homme est sympathique et humble. « Vous voulez faire un portrait de moi, un directeur de cabinet ? Mais ça ne se fait pas… » Le service de l’Etat dans le sang. Côté paternel, juif algérien rapatrié à Montpellier, fonctionnaire des impôts ; côté maternel, un arrière-grand-père républicain espagnol qui a participé à la rédaction de la Constitution de la IIe République espagnole en 1931 et dont il a retrouvé récemment une photo faite par Robert Capa.Du coup, l’information parue dans Le Monde (édition du 20 novembre) relayant les calculs du député socialiste René Dosière selon lesquels les conseillers de la Rue de Valois seraient les plus grassement payés des membres de cabinets ministériels l’a fait sauter de sa chaise. Lui qui vient d’arriver a voulu vérifier.«  C’est un calcul compliqué, parce qu’il y a plusieurs types de statuts, des contractuels, des hauts fonctionnaires qui, comme moi pour la Cour des comptes dont je suis détaché, touchent leur salaire de base et un complément, ce qu’on appelle l’ISP, l’indemnité pour sujétions particulières…La vérité, c’est qu’on est dans la moyenne. Mais cet article nous a fait beaucoup de mal. Les syndicats s’en sont emparés. On a l’air de s’en mettre plein les poches en période de vaches maigres… » Et lui, combien ? Un regard de la conseillère à la communication lui rappelle que, comme il l’a dit en riant, Bakhouche en arabe veut dire « muet ».Un pied à la Villa MédicisA l’ENA, ce premier de la classe en a rencontré une autre, l’Italienne Claudia Ferrazzi, sa femme. Ceci explique cela : après trois ans au Louvre comme administratrice générale adjointe, elle est nommée à la Villa Médicis à Rome pour seconder Eric de Chassey. Le couple et leurs deux petites filles y emménagent en 2013. Le jour, auprès du gouvernement italien, Fabrice Bakhouche travaille sur le numérique et le financement de l’innovation des PME ; le soir, à la Villa Médicis, il fraternise avec les artistes de passage.Fleur Pellerin, qui avait déjà convaincu ce jeune fabiusien de rallier la cause de Ségolène Royal après les primaires de 2007, n’aura aucun mal à rappeler auprès d’elle ce vieux camarade de Sciences Po et de la Cour des comptes, à sa nomination Rue de Valois. Leurs profils sont identiques, ils tiennent les mêmes discours et accordent au numérique la même place essentielle, génération « techno » oblige. Il y a un mois, Fabrice Bakhouche a donc pris une chambre sous les toits, dans le 13e, se contentant de filer à Rome dès qu’on lui en laisse un peu l’occasion.« Il est clair que si on devait recréer la Villa Médicis aujourd’hui, on ne le ferait pas là-bas. Du temps de Louis XIV, Rome était le lieu où envoyer nos artistes. Aujourd’hui, le cœur battant de la création, ce serait sans doute New York, Shanghaï ou Hong­kong. Reste cette beauté extrêmement puissante, qui est comme une source. » Il soupire et se plonge dans une pile de dossiers sans odeurs. Bizarrement il sourit.Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 05.01.2015 à 15h37 • Mis à jour le05.01.2015 à 17h33 C'est un nouveau coup d'arrêt aux travaux de la Samaritaine. La cour administrative d'appel de Paris a stoppé, lundi 5 janvier, le chantier de rénovation du célèbre grand magasin en confirmant l'annulation du permis de construire.Plusieurs fois mis en sursis par des décisions de justice, les travaux avaient brièvement repris depuis la mi-octobre, à la faveur de la suspension des effets du jugement prononcé par le tribunal administratif de Paris le 13 mai 2014.LVMH VA SAISIR LE CONSEIL D'ÉTATA la suite de cette décision, le groupe de luxe français LVMH, propriétaire de la Samaritaine, a annoncé son intention de saisir le Conseil d'Etat. Le chantier prendra « autant de mois de retard » qu'il en faudra au Conseil d'Etat pour trancher, a expliqué un porte-parole de LVMH, ajoutant que le groupe de luxe et la Mairie de Paris envisagent de demander un sursis à exécution qui permettrait au chantier de continuer.La Ville de Paris, qui défend le projet porté par le groupe, a également fait part de son intention de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.QUALITÉS ARCHITECTURALESA la mi-mai, le tribunal administratif avait estimé que, malgré ses qualités architecturales, le projet ne s'insérait pas dans le quartier, plutôt homogène et principalement constitué d'immeubles de pierre de taille. Plus particulièrement, la façade ondulante en verre prévue par LVMH apparaissait « dissonante », les immeubles parisiens en pierre étant « variés mais traditionnels ».Le projet prévoit en effet pour le nouvel édifice un habillage de verre transparent, doté d'ondulations verticales de taille variable et sur lequel figurent des points blancs dont la densité va croissante de bas en haut. Le rideau de verre viendrait ainsi dégrader un ensemble considéré comme « le prototype architectural » du Paris haussmannien, selon la commission du Vieux-Paris, qui a émis un avis défavorable au projet. Cette section de la rue de Rivoli, la première percée entreprise sous le Second Empire, suscite d'autant plus l'inquiétude que deux des trois bâtiments préhaussmanniens datant de 1852 dans cette rue ont déjà été démolis.Lire (édition abonnés) : Le projet de la Samaritaine se résume à de l'empaquetageRESPECT DU PLAN LOCAL D'URBANISMELe tribunal administratif avait été saisi par deux associations, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) et SOS-Paris, qui faisaient valoir que cette façade en verre conçue par l'agence japonaise Sanaa ne respecte pas les règles du plan local d'urbanisme (PLU), lequel impose que les « constructions nouvelles doivent s'insérer dans le paysage par leur volume, leurs matériaux, leur aspect ».L'architecture extérieure du nouveau bâtiment prévu dans le projet « ne répond pas à l'obligation d'insertion de la construction projetée dans le tissu urbain environnant », selon les dispositions du plan local d'urbanisme de Paris, a considéré la cour administrative d'appel dans son arrêt.L'îlot de la Samaritaine, fermé depuis 2005, fait l'objet d'une rénovation importante prévoyant la création d'un nouvel espace comprenant des commerces, un hôtel de luxe, des bureaux, une centaine de logements sociaux et une crèche. Le projet de LVMH implique un investissement d'environ 460 millions d'euros et la création de plus de 2 100 emplois.Lire (édition abonnés) : Façade tout en transparence pour les uns, « rideau de douche » pour les autres Thomas Sotinel Résistant sous l'occupation, emprisonné pour son premier film, passé du côté du FLN pendant la guerre d'Algérie, membre du groupe Medvedkine après mai 1968, défenseur de l'autonomie bretonne, le cinéaste René Vautier est mort le 4 janvier en Bretagne. Il avait 86 ans.Le grand public a pris conscience de son existence en 1972, lorsque Avoir vingt ans dans les Aurès a été présenté à Cannes, à la Semaine de la critique. Le film racontait la désertion d'un soldat français en Algérie qui refusait l'exécution sommaire d'un prisonnier algérien. Mais ce n'est pas l'histoire de René Vautier. Il a passé le conflit algérien de l'autre côté, son itinéraire l'ayant porté depuis longtemps dans le camp des colonisés.Né le 15 janvier 1928 à Camaret, dans le Finistère, ce fils d'ouvrier rejoint la Résistance en 1943. Après la guerre, il suit les cours de l'IDHEC et adhère au parti communiste. En 1950, la Ligue de l'enseignement le charge de réaliser un film sur l'éducation française en Afrique subsaharienne. Vautier détourne la commande et évoque une réalité méconnue : le travail forcé, les violences des autorités coloniales contre les populations entre la Côte d'Ivoire et le Mali. Le film qu'il rapporte de ce que l'on appelait alors l'A.O.F., Afrique 50, est non seulement censuré (il le restera quarante ans), mais vaut à son auteur une condamnation à un an de prison, exécutée dans les prisons militaires.UN FOCUS SUR L'ALGÉRIEAu moment du déclenchement du conflit algérien, René Vautier part pour l'Afrique du Nord, d'abord pour la Tunisie, où il tourne deux courts métrages avant de gagner l'Algérie, aux côtés de maquis du FLN. Il y tourne deux documentaires, Une nation, l'Algérie, aujourd'hui perdu et L'Algérie en flammes. Cette collaboration lui vaut d'être poursuivi par les autorités françaises et René Vautier reste en exil jusqu'en 1966.Peu après son retour en France, il rejoint en 1967 le groupe Medvedkine formé à Besançon autour de Chris Marker. Cette coopérative destinée à donner une image cinématographique des luttes ouvrières inspire René Vautier qui s'établit finalement en Bretagne où il fonde l'Unité de production cinématographique de Bretagne.C'est dans ce cadre qu'il produit ses deux longs métrages de fiction Avoir vingt ans dans les Aurès et La Folle de Toujane (1973). D'Avoir vingt ans, Louis Marcorelles dira dans ces colonnes qu'il s'agit du « film le plus libre, le moins conformiste que nous ayons vu en France depuis longtemps ». Le cinéaste tourne aussi des documentaires sur les luttes ouvrières Quand tu disais Valéry (1975) ou Quand les Femmes ont pris la colère (1976) coréalisé avec Soazig Chappedelaine.En 1972, René Vautier entre en grève de la faim après que le refus d'un visa d'exploitation pour le film Octobre à Paris, réalisé par Jacques Panijel après le massacre des manifestants algériens à Paris le 17 octobre 1961. Vautier voulait enfin sortir le film à travers sa société de distribution, et ne cesse sa grève qu'après avoir reçu du ministre de la culture de l'époque, Jacques Duhamel, l'assurance que les critères politiques n'entreront plus en ligne de compte dans les décisions de la commission de contrôle cinématographique.En 1981, l'UPCB ferme, faute de financement, mais René Vautier ne cesse pas pour autant de tourner, des films sur les essais nucléaires dans le Pacifique, sur l'immigration, sur la Résistance. En 1985, lors du procès qui oppose Le Canard enchaîné à Jean-Marie Le Pen au sujet des tortures infligées par ce dernier pendant la guerre d'Algérie, l'hebdomadaire produit le témoignage d'une des victimes du lieutenant Le Pen, Ali Rouchaï que le cinéaste a tourné à Alger. René Vautier est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages dont Caméra citoyenne - Mémoires, publié en 1988.Lire notre interview avec René Vautier datant de 2007 : "Je filme ce que je vois, ce que je sais, ce qui est vrai"Thomas SotinelJournaliste au Monde 03.01.2015 à 16h59 • Mis à jour le03.01.2015 à 17h59 Le livre n'est pas encore sorti en librairie, mais il fait déjà beaucoup parler de lui. Soumission, le 6e roman de Michel Houellebecq, qui paraît le 7 janvier chez Flammarion, met à l'Elysée le chef d'un parti musulman, élu au second tour de la présidentielle de 2022 face à Marine Le Pen, grâce au soutien du PS et de l'UMP. De la provocation ? Non, assure l'écrivain, dans une interview menée par le journaliste de France Culture Sylvain Bourmeau, et parue samedi 3 janvier dans la revue littéraire trimestrielle anglophone Paris Review :« Je procède à une accélération de l'Histoire mais, non, je ne peux pas dire que c'est une provocation dans la mesure où je ne dis pas de choses que je pense foncièrement fausses, juste pour énerver. Je condense une évolution à mon avis vraisemblable. »Lire aussi : Le prochain livre de Michel Houellebecq déjà disponible (illégalement) en ligneA supposer que « les musulmans réussissent à s'entendre entre eux (...), cela prendrait certainement des dizaines d'années » pour qu'ils accèdent au pouvoir en France, concède l'auteur.« UN PARTI MUSULMAN EST UNE IDÉE QUI S'IMPOSE »Michel Houellebecq, qui a longtemps vécu en Irlande avant de s'installer de nouveau en France, se dit frappé « des énormes changements » constatés dans le pays, et en Occident. « C'est l'une des raisons qui m'ont conduit à écrire » ce livre, explique-t-il.Cette fiction est-elle une satire ? « Non. Très partiellement, c'est une satire des journalistes politiques tout au plus, un petit peu des hommes politiques aussi à vrai dire. Les personnages principaux, non. » Michel Houellebecq reconnaît toutefois jouer sur la peur : « J'utilise le fait de faire peur. En fait, on ne sait pas bien de quoi on a peur, si c'est des identitaires ou des musulmans. Tout reste dans l'ombre. »« J'ai essayé de me mettre à la place d'un musulman, et je me suis rendu compte qu'ils étaient en réalité dans une situation totalement schizophrénique (...) Que peut bien faire un musulman qui veut voter ? Il n'est pas représenté du tout. Il serait faux de dire que c'est une religion qui n'a pas de conséquences politiques (...). Donc, à mon avis, un parti musulman est une idée qui s'impose. » 02.01.2015 à 17h54 • Mis à jour le05.01.2015 à 15h22 |Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.01.2015 à 13h39 • Mis à jour le02.01.2015 à 15h47 Les Français ont plébiscité les salles obscures en 2014, avec des chiffres de fréquentation exceptionnels. Plus de 208 millions de tickets de cinéma ont été vendus en France ces douze derniers mois, une augmentation de 7,7 % par rapport à 2013, a annoncé vendredi 2 janvier le Centre national du cinéma. Derrière 2011, qui reste encore indépassée grâce au succès d'Intouchables, 2014 devient ainsi la deuxième meilleure année.if (!window.jQuery) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1420200363437 .graphe").css("height", 450)$("#container_1420200363437 .title").empty()if ("La fréquentation des salles de cinéma françaises"!= ""){2011 et 2014, meilleures années depuis 1967")}$("#container_1420200363437 .subtitle").empty()if ("Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires"!= ""){Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires.")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1420200363437 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9quentation_cin%C3%A9matographique#cite_ref-17", _blank ); 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La comédie Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu est largement en tête avec 12,3 millions d'entrées.Lire : « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? » dans le Top 10 français des films les plus vusLire aussi la critique du film : Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racistesC'est aussi une comédie qui occupe la deuxième place du podium avec Supercondriaque, menée par Dany Boon, qui a rassemblé 5,3 millions de spectateurs. Lire (édition abonnés) : « Supercondriaque » : Dany Boon, malade en manque d'imaginaireLe film Lucy, de Luc Besson, arrive en troisième place du box-office 2014. Malgré une distribution de stars hollywoodiennes, ce film est bel et bien une production française, qui a attiré dans les salles pas moins de 5,2 millions de personnes. Lire : « Lucy », de Luc Besson, plus gros succès français à l'étrangerGrâce à ces immenses succès, la part de marché des films français est passée de 33,8 % en 2013 à 44 % en 2014. Celle des films américains, par contre, a reculé de neuf points.Lire : Le cinéma français tire la fréquentation des salles vers le haut Maxime Vaudano L'économiste Thomas Piketty a brisé jeudi 1er janvier la routine de la traditionnelle promotion de début d'année de la Légion d'honneur en refusant sa nomination comme chevalier, estimant que ce n'est pas « le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable ».Un refus loin d'être inédit, qui a de nouveau placé l'institution bicentenaire sous le feu des projecteurs... et de vos questions.Lire la synthèse : Modiano, Tirole et Mimie Mathy dans la promotion de la Légion d'honneur1. Doit-on demander la Légion d'honneur pour l'obtenir ?Non, comme l'expliquait déjà Rue89 en 2009 : il est impossible de se porter candidat à un grade de la légion d'honneur. C'est une tierce personne qui doit proposer votre nom.Soit un ministre, qui reçoit généralement des propositions des préfets, des élus ou des associations (c'est le cas pour Thomas Piketty, dont le nom a été proposé par Geneviève Fioraso, secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche)Soit 50 citoyens, grâce à la procédure d'initiative citoyenne introduite en 2008Par le biais de ces deux procédures, près de 4 000 dossiers sont constitués chaque année puis étudiés par le conseil de l'ordre de la Légion d'honneur, qui sélectionne ensuite quelque 3 000 lauréats, avant l'approbation définitive du président de la République, qui signe de sa main les décrets.Participez à la discussion : Doit-on forcément accepter une Légion d'honneur ?2. Peut-on la refuser ?Oui. En général, pour éviter un incident diplomatique, les potentiels décorés sont avertis en amont. Cela n'a pas été le cas pour Thomas Piketty, qui n'a pas été prévenu, comme l'a indiqué la rue de Grenelle. Son nom apparaît donc bien dans les décrets parus le 1er janvier au Journal officiel.Lire également notre décryptage : pourquoi le livre de Piketty est un succès aux Etats-UnisIl n'est pas pour autant décoré à son corps défendant. Pour entrer officiellement dans l'ordre de la Légion d'honneur, il faut en effet se faire remettre physiquement la décoration – une cérémonie à laquelle l'économiste devrait refuser de participer.Voir le portfolio : Comme Thomas Piketty, ils ont refusé la Légion d'honneurImage précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-54aa9e0ae20de'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\nLe compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. Donnez-moi mon argent\u00a0!\u00a0\u00bb\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Le compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. 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Le couple n'a toutefois pas \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 l'hommage post-mortem, puisqu'il repose dans le sanctuaire du Panth\u00e9on.\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Pierre et Marie Curie ont \u00e9t\u00e9 plus sobres dans leur mani\u00e8re de repousser la prestigieuse distinction\u00a0: \u00ab\u00a0En sciences, nous devons nous int\u00e9resser aux choses, non aux personnes\u00a0\u00bb, justifiait Marie Curie. \u00ab\u00a0Je n'en vois pas la n\u00e9cessit\u00e9\u00a0\u00bb, avait pour sa part comment\u00e9 Pierre Curie. 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En 1945, Jean-Paul Sartre argue de la libert\u00e9 : \u00ab\u00a0L'\u00e9crivain doit refuser de se laisser transformer en institution, m\u00eame si cela a lieu sous les formes les plus honorables, comme c'est le cas. \u00bb Il refusera \u00e9galement le prix Nobel de litt\u00e9rature en 1964.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Les \u00e9crivains et philosophes Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, ci-dessus sur la plage de Copacabana, \u00e0 Rio de Janeiro, en 1960, ont aussi dit non \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur. 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A ceux qui la lui proposaient, il r\u00e9pondit en 1949, dans un article, qu'ils pouvaient \u00ab\u00a0se la carrer dans le train\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'\u00e9crivain et dramaturge Marcel Aym\u00e9 a adopt\u00e9 une posture plus directe. 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Le chanteur-compositeur Georges Brassens, ici en 1972, a consacr\u00e9 une satire \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur, dans laquelle il d\u00e9nonce \u00ab\u00a0le fatal insigne qui ne pardonne pas\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Ce petit hochet \u00e0 la boutonni\u00e8re\/Vous le condamne \u00e0 de bonnes mani\u00e8res\/Car \u00e7a la fout mal avec la rosette\/De t\u00e2ter, flatter, des filles les appas\u2026 \u00bb. 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On n'est pas forc\u00e9ment content d'\u00eatre reconnu par des gens qu'on n'estime pas.\u00a0\u00bb\r\nCr\u00e9dits : AFP\/ALAIN JULIEN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"En 2013, l'auteur et dessinateur de bande dessin\u00e9e Jacques Tardi expliquait ainsi son refus\u00a0: \u00ab\u00a0Je ne suis pas int\u00e9ress\u00e9, je ne demande rien et je n'ai jamais rien demand\u00e9. 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Sur quel critère peut-on l'obtenir ?L'ordre de la Légion précise dans son code que la décoration récompense « des mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes », tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de définition stricte ou de liste exhaustive desdits mérites. « C'est la mission du conseil de l'ordre de juger, à partir des éléments de carrière qui lui sont donnés et selon la jurisprudence de l'ordre », précise l'institution.Pour être décoré, il vaut mieux en tout cas posséder la nationalité française (les étrangers peuvent être distingués s'ils ont rendu des services à la France ou occupent des fonctions importantes, mais ne sont pas membres de plein droit de l'institution), cumuler au moins vingt ans d'activité (sauf cas exceptionnel, comme un exploit sportif ou militaire), avoir un casier judiciaire vierge et « une bonne moralité » (une enquête est diligentée sur ce plan avant chaque attribution).Contrairement aux idées reçues, il y a moins de légionnaires qu'avant. Créé par Napoléon en 1802, l'ordre a vu le nombre de ses membres exploser avec les grands conflits militaires du XXe siècle. Il a ainsi connu jusqu'à 300 000 membres en 1962. Comme le racontait en 2012 la revue Charles, le général De Gaulle a alors décidé d'agir pour éviter que la décoration ne se galvaude. Un quota de 125 000 légionnaires vivants est alors fixé, et une nouvelle décoration (l'ordre national du mérite) est créée comme lot de consolation.Le nombre de légionnaires en vie est à peu près stable depuis une dizaine d'années : il tourne désormais autour de 92 000.4. Quels avantages confère-t-elle ?Tout d'abord, on peut bien sûr porter la décoration au ruban rouge à la boutonnière, comme les 92 000 autres décorés, et faire apparaître son grade après sa signature dans les papiers officiels.Ensuite, on peut adhérer à la société des membres de la Légion d'honneur, un réseau de 55 000 sociétaires qui se donne pour mission de « concourir au prestige de l'ordre national de la Légion d'honneur et contribuer au rayonnement des valeurs et de la culture de la France sur le territoire national comme à l'étranger ».Contrairement à certaines rumeurs, la Légion d'honneur ne rapporte pas d'argent, au contraire. Comme le rappelle Francetvinfo, les décorés doivent s'acquitter depuis 2003 de droits de chancellerie (de 20,28 euros pour un simple chevalier à 101,38 euros pour les grand-croix) pour l'expédition de leur diplôme. Ils doivent en outre acheter leur décoration auprès d'un joaillier spécialisé ou de la monnaie de Paris (75 euros pour le modèle réduit, 180 euros pour la décoration standard et jusqu'à 990 euros pour la plaque de grand-croix). De quoi engouffrer rapidement le maigre traitement que propose l'institution à ses membres. La « somme symbolique héritage de l'histoire »– entre 6,10 euros par an pour les chevaliers et 36,59 euros pour les grand-croix – n'est souvent même pas réclamée par les décorés (ou reversée à la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur, pour aider les légionnaires dans le besoin, explique L'Express).Entrer dans la famille de la Légion d'honneur ouvre également le droit à votre descendance féminine (jusqu'aux arrière-petites-filles) de candidater dans les prestigieuses maisons d'éducation de l'institution : Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) pour le collège, puis Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour le lycée et le post-bac (BTS et classes préparatoires). Mais l'acceptation n'est pas systématique : en 2011, seules 55 places étaient disponibles au lycée de Saint-Denis, pour près de 400 demandes, comme le rapportait L'Etudiant.fr.En revanche, il est formellement interdit aux membres de votre entourage d'arborer votre étoile à cinq branches : le port illégal de décoration est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.5. Peut-on la perdre ?Oui. Un légionnaire peut être déchu de sa décoration en cas de condamnation pénale, de déchéance de la nationalité française ou s'il « a commis des actes contraires à l'honneur ou de nature à nuire aux intérêts de la France ».C'est ce qui est arrivé à Maurice Papon, déchu en 1999 de l'ordre de commandant de la Légion d'honneur après sa condamnation définitive pour crime contre l'humanité, en raison de son implication dans la déportation de Juifs sous le régime de Vichy. Malgré les protestations, l'ancien ministre a toutefois continué d'arborer la décoration à sa boutonnière jusque dans sa dernière demeure, puisqu'il a été enterré avec sa Légion d'honneur. Ce type de mesure reste extrêmement rare. La dernière date de janvier 2013, quand François Hollande a décidé d'exclure de l'ordre Jean-François Collin, un ancien membre de l'Organisation de l'armée secrète (OAS), décoré deux ans plus tôt comme mutilé de guerre en Algérie.Maxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux, détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Cette semaine : autour de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967).« Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » (Lennon-McCartney), par Jimi Hendrix ExperienceDimanche 4 juin 1967, The Jimi Hendrix Experience, mené par le guitariste Jimi Hendrix (1942-1970) avec Noel Redding (basse, 1945-2003) et Mitch Mitchell (batterie, 1946-2008), joue au Saville Theatre de Londres. Dans le public, deux Beatles, Paul McCartney et George Harrison (1943-2001), qui découvrent une reprise de la chanson Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band par le trio électrique. L’album des Beatles du même nom est sorti le 1er juin. Hendrix gardera la chanson à son répertoire – il la jouait encore lors son dernier concert en Angleterre, à l’Ile de Wight le 31 août 1970, trois semaines avant sa mort, le 18 septembre. La version que nous présentons a été filmée lors d’un concert le 22 décembre 1967 à l’Olympia Exhibition Hall de Londres, à l’occasion d’un festival d’une journée (et une nuit) auquel ont notamment participé Pink Floyd, Traffic, The Move, Soft Machine et Eric Burdon. Hendrix prévient : « Attention les oreilles ! »« With A Little Help From My Friends » (Lennon-McCartney), par Sérgio MendesParmi les reprises de la deuxième chanson de l’album, composée par Lennon et McCartney et chantée par Ringo Starr, la version de Joe Cocker (1944-2014) est probablement la plus célèbre. Elle mène le chanteur de Sheffield au succès, en particulier lorsqu’il l’interprète dimanche 17 août 1969, en ouverture de la troisième journée du festival Woodstock Music & Art Fair. Moins réputée, mais signe, parmi de nombreux autres, de l’intérêt régulier des musiciens brésiliens pour les Beatles, voici celle, façon bossa, du pianiste, arrangeur et chanteur Sérgio Mendes avec son groupe Brasil’66. Duo vocal avec Janis Hanssen, l’une des deux chanteuses, avec Lani Hall, de Brasil’66. Extrait du troisième et dernier album de Mendès avec Brasil’66, Look Around (A & M, Records, mars 1968).« Lucy In The Sky With Diamonds » (Lennon-McCartney), par Elton JohnLe pianiste, chanteur et auteur-compositeur Elton John publie en novembre 1974 un 45-tours (DJM Records) sur lequel figure en face A sa version de Lucy In The Sky With Diamonds. D’une durée de plus de 6 minutes, elle ne diffère guère de l’original par son traitement, avec toutefois un arrangement instrumental et des variations un rien reggae au milieu. En face B, Elton John est resté proche des Beatles puisqu’il reprend la chanson One Day (At A Time), de John Lennon (1940-1980), qui figure sur l’album Mind Games, paru en novembre 1973.« Getting Better » (Lennon-McCartney), par The Wedding PresentPublié en octobre 1987, le premier album de The Wedding Present, groupe de Leeds (Angleterre) mené par le chanteur David Gedge et le guitariste Peter Solowka, s’intitule George Best, nom du joueur de football irlandais (1946-2005), star de l’équipe Manchester United dans les années 1960 et fierté de l’Irlande du Nord, qui figure en photographie sur la pochette. L’album original contient douze chansons. La reprise de Getting Better par The Wedding Present a été enregistrée début 1988 lors de séances pour des 45-tours. A trouver dans la réédition augmentée en CD de l’album en 1997 (Pearls From The Past).« Fixing A Hole » (Lennon-McCartney), par Electric Würms/The Flaming LipsAprès avoir revu des albums de King Crimson, The Stone Roses ou Pink Floyd avec divers camarades plus ou moins aussi allumés et fantasques qu’eux, le groupe psyché-pop The Flaming Lips, formé à Oklahoma City en 1983, s’est intéressé à Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band en compagnie de My Morning Jacket, Myley Cyrus, Moby, Phantogram, Foxygen etc. Publié le 27 octobre 2014, With a Little Help from My Fwends (Warner Bros.) reprend l’intégralité de l’album dans l’ordre de sa construction originelle. Parmi les réussites, la chanson Fixing A Hole interprétée par Electric Würms, qui regroupe Linear Downfall, le quartette néo-psyché de Nashville, et deux membres de The Flaming Lips, le guitariste Steven Drozd et le chanteur Wayne Coyne.« She’s Leaving Home » (Lennon-McCartney), par Harry NilssonClavecin, hautbois, cordes, etc. : tout y est dans cette interprétation respecteuse de She’s Leaving Home par Harry Nilsson (1941-1994), le grand copain américain des Beatles, concoctée pour son album Pandemonium Shadow Show (RCA, décembre 1967), qui contient aussi une reprise de You Can’t do That, face B de leur 45-tours Can’t Buy Me Love (juillet 1964). Lors d’une conférence de presse annonçant, en 1968, la création de leur société Apple Corps Ltd., Lennon et McCartney avait présenté Nilsson comme leur artiste préféré, avant que Ringo Starr ne l’embringue dans de nombreuses virées – de l’album Son of Schmilsson (1972) au film Son of Dracula (1974), de Freddie Francis…« Within You, Without You » (Harrison), par Sonic YouthL’unique composition de George Harrison dans l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band est interprétée par un ensemble de musicien traditionnels indiens, un ensemble de cordes et Harrison au chant et au sitar. Très influencée par la musique classique indienne, la chanson ouvrait la face B de l’album 33-tours. Cette reprise par le groupe punk-arty-expérimental Sonic Youth, fondé à New York en 1981, figurait dans la compilation Sgt. Pepper Knew My Father produite en 1988 par le magazine britannique New Musical Express, en faveur de la structure d’aide par téléphones aux enfants ChildLine.« Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » (Lennon-McCartney), par Gilberto GilL’album des Beatles débutait par la chanson-titre, qui revenait, dans une version plus courte, juste avant la chanson finale A Day In The Life. D’où cette présence d’une deuxième reprise, après celle de Jimi Hendrix. Cette fois, c’est le chanteur brésilien Gilberto Gil qui est à l’honneur. Voix et guitare, mimaliste et dépouillée, son interprétation est tirée de la réédition en 1998 de son album Gilberto Gil (connu aussi sous le titre de Nêga), publié en 1971 par la division brésilienne de la compagnie néerlandaise Philips et enregistré au Chappel’s Studio à Londres.« A Day In The Life » (Lennon-McCartney), par Neil Young & The Electric BandLors de la plupart des concert de sa tournée européenne en 2008 puis en Amérique du Nord ainsi que tout au long de la tournée 2009, Neil Young concluait ses concerts avec une version bruitisto-épique de A Day In The Life. Telle celle jouée lors du festival de Glastonbury, sur la scène Pyramid, le 26 juin 2009 et filmée par la BBC. Il existe aussi un film amateur de bonne qualité de la venue (surprise ?) de Paul McCartney auprès de Neil Young à Hyde Park, le lendemain.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Le projet « Prison Map » gagne en visibilité, or rendre visible la prison est tout son propos. Son concepteur, Josh Begley, 30 ans, est un « data artist » et depuis peu journaliste pour The Intercept, un magazine en ligne créé il y a près d’un an pour présenter les documents sur la NSA révélés par Edward Snowden, et qui est spécialisé dans les enquêtes sur la surveillance globale par les Etats-Unis.L’élaboration de cette œuvre numérique remonte à 2012, lorsque le New-Yorkais était encore étudiant en « télécommunications interactives » à New York University (NYU). Si elle attire l’attention aujourd’hui, c’est qu’elle sera présentée en février à New York dans le cadre d’une exposition intitulée « Prison Obscura », s’intéressant à la représentation des prisons américaines.Méga-système carcéralJosh Begley a le don de rendre saillants les sujets sensibles, ceux sur lesquels les autorités américaines tentent de se faire discrètes. Son goût pour la transparence paradoxale, à la fois légale et clandestine, l’amène à trouver dans les données accessibles une façon de rendre compte d’une réalité dérangeante. C’est ainsi qu’il s’est intéressé au méga-système carcéral américain.L’artiste est parti du constat qu’il est très difficile de disposer d’informations sur le sujet, alors même que les Etats-Unis détiennent le record mondial du taux d’emprisonnement, avec 2,2 millions de personnes derrière les barreaux en 2012, soit près d’un Américain sur cent (0,7 %). C’est ce décalage entre un phénomène massif et un vide de représentation globale qui lui a donné l’envie de montrer le paysage de l’univers carcéral par un assemblage exhaustif de photos. « Qu’est-ce que cela implique d’avoir 5 000 ou 6 000 personnes enfermées au même endroit ? A quoi ressemblent ces espaces carcéraux ? Comment transforment-ils leur environnement naturel (ou sont-ils transformés par lui ) ? », sont parmi les questions qu’il souhaitait soulever. OmniscientPour réaliser sa collecte photographique, l’auteur s’est basé sur des travaux rassemblant les données géographiques des prisons. Un travail minutieux qui a permis de recenser et situer les prisons fédérales et d’Etat, les prisons locales, les centres de détention et les établissements à gestion privée. Soit au total 4916 établissements pénitentiaires, dont les images satellite ont été collectées sur Google Map à travers le pays. Josh Begley en a sélectionné 700 spécimens permettant de visualiser cette composante de la société américaine dans un hypnotique patchwork de vues aériennes sur lequel il est possible d’agrandir chaque photo.Cet angle de vue inédit et omniscient sur les déclinaisons architecturales et l’organisation spatiale des prisons a une suite. En 2014, Josh Begley a en effet fait le lien, dans son travail, entre le taux d’incarcération de chaque Etat américain et du reste du monde. Le graphique (intitulé « States of Incarceration: The Global Context »), s’il est moins esthétique que « Prison Map », est tout aussi saisissant : on y visualise la masse carcérale par ordre décroissant, avec 37 Etats américains devançant individuellement tous les pays. Puis le reste des 50 Etats américains s’intercale avec les pays les plus répressifs, au premier rang desquels Cuba, le Rwanda, la Russie, le Salvador, l’Azerbaïdjan, le Panama et la Thaïlande. Le champion toutes catégories est la Louisiane (1351 détenus pour 100 000 habitants), tandis que l’Etat américain ayant le taux le plus bas est le Vermont (254), loin devant la France (98).Chaque attaque par drone notifiée par un « push »Ces deux projets s’inscrivent dans le cadre d’une collaboration artistique avec le Prison Policy Initiative (PPI), un think tank s’intéressant à la politique publique américaine sur la question de la justice criminelle et de ses dérives. Cette association, qui mène de nombreuses recherches, fait régulièrement appel à des artistes. Josh Begley avait d’ailleurs créé un autre graphique pour eux en 2012 sur la privation des droits civiques (« Disenfranchisement info graphic »), qui montrait que les Etats qui ont exclu le plus de personnes du droit de vote ont été les plus décisifs dans l’élection présidentielle de 2012.Le travail de Josh Begley avait eu un large retentissement début 2014, lorsqu’il avait lancé Metadata+, une appli d’iPhone qu’Apple a fini par publier après deux ans de refus, et dont le principe est de produire une notification « push » pour chaque frappe américaine par drone. L’artiste numérique a également mis en place son corollaire sur Twitter : le compte Dronestream, qui référence chacune des attaques signalées dans la presse depuis 2002 (avec à chaque fois un bilan des morts et des blessés).La série « Prison Map » sera exposée dans le cadre de l’exposition « Prison Obscura », conçue par Pete Brook, à l’école d’arts appliqués Parsons à New York, du 5 février au 17 avril.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste William Audureau Pistolets-lasers, costumes en lycra colorés, oreilles de lapin et robots rondouillards : à travers une mise en scène résolument « eighties », le théâtre du Châtelet revisite à partir du jeudi 22 janvier l'un des opéras de jeunesse de Mozart, Il Re pastore, l'histoire simple et légère d'un berger qui renonce au pouvoir pour rester avec sa bien-aimée. Son scénographe, Nicolas Buffe, un français de 36 ans exilé au Japon, explique comment il s'est approprié la culture d'une génération pour revisiter une pièce méconnue. Pourquoi avoir choisi l'univers de la science-fiction ?Nous avons beaucoup tergiversé, avant de choisir la science-fiction par rapport au personnage d'Alexandre et à ses nombreuses conquêtes territoriales. Rester dans un cadre historique aurait peut-être été un peu plan-plan. On a pensé à Dark Vador, qui est une sorte d'empereur intergalactique, et nous nous sommes dit que choisir un cadre spatial donnerait à l'opéra une ampleur et un souffle nouveaux. Mozart s'y prête très bien, les thèmes universels s'adaptent à n'importe quel cadre. Après tout, Star Wars [de George Lucas] lui-même, qui passe pour un pur film de science-fiction, s'inspire de films de samouraï d'Akira Kurosawa.Quelles ont été vos principales sources ?Il y en a eu plein. J'aime beaucoup mêler les influences d'origines et d'époques différentes dans mes travaux. Il y a bien sûr Star Wars, les animés japonais comme Gurren Lagann, Evangelion, plein de séries de super-héros japonais de type sentai [combats de super-héros à la Bioman ou Power Rangers] ou tokusatsu [séries TV à effets spéciaux], surtout X-Or, Tetsujin, un vieux dessin animé japonais, Ghost in the Shell, un peu Blade Runner quelque part, etc. La liste est longue.Il faut aussi citer des jeux vidéo comme Final Fantasy, et du côté du Club Dorothée [émission pour la jeunesse des années 1980], Albator, Capitaine Flam ou encore Ulysse 31, des références qui sont évidentes et qui parlent aux trentenaires, une génération qui a connu l'âge d'or de l'animation japonaise. J'ai d'autres références qui sont plus récentes ou moins connues, et ne parleront pas forcément à tout le monde, comme Gurren Lagann, qui fait partie des grandes séries de science-fiction. Les Gardiens de la galaxie, et à travers eux l'univers Marvel, tous ces personnages aux couleurs un peu particulières, ou Toy Story, du côté de Pixar. Le personnage principal de la pièce, Aminta, est petit, dans un costume rouge et blanc, avec une casquette rouge. Il semble évoquer un croisement entre Mario, le plombier de Nintendo, et Seiya, le héros des Chevaliers du Zodiaque. Ce sont les références qui sont derrière ?Clairement. L'influence de Nintendo et des Chevaliers du Zodiaque est manifeste. Aminta est quelqu'un de sincère, qui reste lui-même, même en devenant roi. C'est un modèle de stabilité, et il fallait chercher des références du côté des héros qui ont cette forme de stabilité. Mario est parfait pour ça, et le fait que le rôle soit tenu par une femme donnait en outre un aspect enfantin. Et puis, la casquette permettait de donner un côté travailleur, dans la mesure où Aminta est un berger au début de l'histoire originale, avant de devenir un noble.Ce qui fonctionne justement dans la pièce, c'est la résonance entre la naïveté de l'œuvre de Mozart et des héros de dessins animés. Comment expliquez-vous cette alchimie ?Effectivement, c'est une œuvre très naïve, avec des personnages qui sont d'un seul tenant, aucun véritable méchant, et une histoire qui se résout d'un coup de baguette magique, et cela colle avec les dessins animés japonais. Pour moi, ce sont des œuvres que je traite à égal avec les œuvres classiques. Je suis contre l'espèce de snobisme selon laquelle la sous-culture ne serait pas au niveau des autres. Il y a des choses intéressantes à prendre partout.Le choix de l'opéra était imposé. Quelles contraintes cela vous a posé par rapport à votre sensibilité artistique ?La principale était liée au déroulé de l'histoire, qui est très linéaire avec un dénouement abrupt. L'autre difficulté était de donner une identité propre à chaque personnage, alors que ceux-ci sont assez simples, et qu'ils sont tous finalement assez gentils. C'est pratique quand un personnage a un caractère très net, là il a fallu les différencier et cela a pris du temps. La pièce va souvent dans un registre comique, voire potache, alors que le texte se contente d'être léger. Pourquoi ? Il y a la volonté de rester dans quelque chose de léger. Le côté trop grave était tellement ténu, cela me semblait difficile à creuser. Ce n'est pas une tragédie, mais un divertissement, et c'est plus simple de divertir le public avec quelques notes d'humour.En assistant à cette version d'Il Re pastore, on en viendrait presque parfois à regretter qu'il ne soit pas en japonais. Vous auriez aimé ?C'est vrai que cela pourrait être pas mal, plus exotique ! Cela me plairait bien, d'autant que je trouve que le japonais a une sonorité proche de l'italien. Mais les fans de Mozart seraient devenus dingues. Mais c'est en titillant les œuvres qu'on arrive à leur donner une nouvelle jeunesse.Il Re pastore, du 22 janvier au 1er février, au Théâtre du Châtelet, à Paris. //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', 'desktop']); require(["lmd/core/advert/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });William AudureauJournaliste au Monde Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) Le Musée Hergé de Louvain-la-Neuve, en Belgique, a décidé d’annuler le vernissage d’une exposition qui devait être consacrée à la caricature et à Charlie Hebdo. La manifestation devait avoir lieu jeudi 22 janvier et a été supprimée compte tenu des menaces terroristes pesant sur le pays, dont le seuil d’alerte a été relevé – au niveau 3 sur une échelle de 4 – après des attentats déjoués et le démantèlement d’un réseau djihadiste à Verviers et à Bruxelles.« L’encre doit couler, pas le sang »Une réunion entre la police et le bourgmestre (maire) de la ville universitaire de Louvain-la-Neuve a eu lieu au cours des dernières heures et ont été évoqués des risques potentiels pour les riverains et le personnel du musée. Avertis de la nécessité de renforcer la surveillance à l’entrée et dans la salle, les responsables ont décidé de ne pas ouvrir l’exposition. « Le Musée Hergé n’est pas là pour attiser le feu. On va laisser passer quelques jours pour réfléchir », a expliqué Nick Rodwell, le deuxième mari de la veuve d’Hergé, patron de la société Moulinsart qui gère les droits du créateur de Tintin et a créé le Musée en 2009.Le parcours devait s’ouvrir avec un mur couvert d’impacts dessiné par Hergé et orné d’un slogan : « L’encre doit couler, pas le sang ». Portraits, dessins et premières pages de Charlie Hebdo devaient commémorer la mémoire des personnes assassinées, dont Wolinski, que le créateur de Tintin avait notamment côtoyé au festival d’Angoulême. Des dessinateurs belges ont immédiatement déploré cette annulation. Ils sont d’autant plus inquiets qu’elle fait suite à d’autres décisions semblables. Un débat sur les attentats a été annulé dans la région de Liège et une exposition à Bruxelles sur la censure, supprimée.Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Le télécrochet promet d’être à la hauteur avec des candidats dont le niveau ne cesse de progresser (jeudi 22 janvier à 20 h 50 sur D8)C’est le grand soir pour les onze finalistes de « Nouvelle star ». Après les épreuves du casting et du théâtre, les candidats du télécrochet de D8 vont affronter le stress du direct, du vote du jury et du public et l’élimination, à chaque fin d’émission, de l’un d’entre eux. Pour prévenir toute mauvaise surprise – comme souvent au cours du premier « prime » –, la production a imaginé cette année « l’épreuve du feu ». Cette émission diffusée il y a une semaine et tournée dans les conditions du direct a permis de ne garder que les chanteurs les mieux armés pour arpenter la scène de l’arche Saint-Germain et « éviter l’effet lapin ébloui dans les phares d’une voiture », raconte Benjamin Castaldi.Ce dernier retrouve la présentation de ce concours, qu’il a incarné pendant les trois premières saisons et une partie de la quatrième. « C’est une émission que j’ai beaucoup portée au début et avec laquelle je n’ai que des bons souvenirs. Je serai de nouveau le lien entre le jury, ce que les gens ont ressenti et les candidats », promet l’animateur venu de TF1.« Fondamentaux musicaux »Pour supporter la comparaison avec « The Voice », devenue la référence en matière de télécrochet, la production ne veut plus de fausses notes. « Les gens ont envie que l’on revienne aux fondamentaux musicaux », observe André Manoukian, le juré vétéran de l’émission, qui sera accompagné, pour cette onzième saison, des chanteurs Sinclair et Elodie Frégé ainsi que du musicien et producteur Yarol Poupaud. « Le niveau musical des candidats monte année après année, se félicite André Manoukian. On demande aux participants un vrai style et d’être capable de chanter quelque chose qui n’est pas de leur univers. » De quoi assurer le spectacle, et les audiences.Après un démarrage en demi-teinte, le public a trouvé le chemin de la 8. « Toutes les grosses émissions enregistrent des baisses qui sont plus mécaniques qu’autre chose. La rediffusion le dimanche sur D17 marche bien, le replay n’a jamais aussi bien fonctionné », se rassure Benjamin Castaldi. A la suite de l’échec de « Rising Star », le télécrochet de M6 pour lequel les votes s’effectuaient uniquement électroniquement, la production a décidé de maintenir le choix des candidats via des SMS surtaxés. « Tout le monde n’est pas sur les réseaux sociaux », justifie l’animateur. La sélection pourra néanmoins se faire gratuitement sur Twitter.« Nouvelle Star », jeudi 22 janvier à 20 h 50 sur D8.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet La Salle des Mariannes du Palais Bourbon s’est enrichie d’une nouvelle représentation, mercredi 21 janvier. Au milieu de la collection de bustes, la nouvelle venue détonne, comme son créateur, l’artiste graffeur américain JonOne, venu la présenter vêtu d’un blouson recouvert de lettrages fluo au milieu de députés et convives en costumes et tailleurs stricts.L’œuvre, intitulée Liberté, Egalité, Fraternité, est une réinterprétation de La Liberté guidant le Peuple, d’Eugène Delacroix, façon street art, sur une large toile de près de deux mètres sur trois. Sa présentation a été précédée d’un court making off où l’on voit l’artiste graffer la devise française sur toute la surface blanche du tableau à la peinture bleue, puis de colorer certaines parties en rouge, avant d’enrichir ces couleurs nationales d’autres teintes. L’ultime étape de la composition a été révélée par le dévoilement du tableau : l’artiste y a fait apparaître l’allégorie de Delacroix par un effet de pochoir inversé, ayant recouvert sa composition de blanc hormis les silhouettes du célèbre tableau.« Liberté » doublement symboliqueJonOne, Américain d’origine dominicaine né à Harlem, est installé depuis près de trente ans à Paris. Ce pionnier du street art de 51 ans à l’allure très juvénile a débuté dans le monde du graffiti adolescent, en taguant sur les murs et les métros de New York. Introduire cette culture urbaine au cœur de la République était symbolique, les récents événements exacerbent encore le propos :« Cette toile a été commandée à l’artiste bien avant les odieux attentats barbares du 7 janvier, et avant la journée du 11 janvier, qui vit l’esprit de la liberté, le désir de liberté, prendre d’assaut toutes les rues de France, dans nos villes, dans nos quartiers, partout où battait un cœur de citoyen », a déclaré le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. La toile arrive ainsi pour lui à un « terrible moment, mais aussi le meilleur pour afficher [cette] Liberté », qui montre, selon l’élu socialiste, « que la France ne craint rien quand elle est fidèle à l’ardeur du combat social » : « Elle nous rappelle que la France ne craint rien, ni personne, ni aucune tyrannie quand, comme on le voit ici, elle se retourne pour regarder le peuple, pour y prendre ses ordres, et pour ne jamais reculer. »La rueAu-delà du symbole républicain, avec JonOne, c’est « la rue [qui] s’invite au Palais-Bourbon », a également souligné l’élu, qui fut ministre de la ville sous le gouvernement Jospin : « La rue avec ses techniques, ses moyens d’expression, la rue avec sa beauté. Dans la rue, on veut dire des choses que l’art, ailleurs, ne dit pas encore. »Expression d’une certaine « révolte », « cet art », dont il salue le caractère « universel », « a gagné, il a su conquérir ses lettres de noblesse à la pointe de la bombe aérosol », a encore déclaré le député PS de Seine-Saint-Denis, rendant au passage hommage à la richesse artistique de son département. Voir le président de l’Assemblée évoquer l’esthétique de l’urgence due au jeu du chat et de la souris entre graffeurs et policiers ne manquait pas de saveur – comme d’observer le classicisme du cadre doré choisi pour accrocher la toile.L’appel à JonOne qui, au-delà de son statut de pionnier du street-art et de son succès en tant que peintre en salles des ventes, est connu pour son engagement social et caritatif, notamment en faveur de la Fondation Abbé-Pierre, est une initiative de Claude Bartolone. L’homme politique avait découvert son travail il y a trois ans par hasard en Corse, avant de se rendre compte que l’atelier de l’artiste, qu’il souhaitait rencontrer, se trouvait à quelques centaines de mètres de son domicile, aux Lilas. Fervent admirateur de ses compositions, l’élu les décrit comme des « explosions de couleurs et de sentiments, entre une ivresse expressionniste et une abstraction qui invite à la pensée et à l’émotion. »« Il y a une générosité dans le street art »De son côté, l’artiste explique avoir choisi de représenter Marianne brandissant le drapeau tricolore comme une image de « la jeunesse, l’avenir, l’espoir ». Il se considère membre d’« une génération qui doit combattre pour une liberté, celle de créer les conditions d’un avenir meilleur, malgré les difficultés que beaucoup de gens traversent, surtout le fléau de la pauvreté. »Lorsqu’on lui demande s’il ne trouve pas un peu étrange de voir ses graffitis dans ce lieu si solennel, au milieu des dorures et du marbre, l’artiste rappelle le fondement de sa démarche : « Si j’ai choisi de m’exprimer dans la rue par le graffiti, c’était dans une volonté de faire changer les choses, de faire entendre autre chose, une colère, sans haine. Il y a une générosité dans le street art, et ici je vois une générosité dans les deux sens : des personnes qui ne connaissent pas le graffiti et cette culture vont pouvoir les regarder autrement. »Le public aura un accès limité à l’œuvre. Selon les modalités habituelles des visites du Palais Bourbon, forcément drastiques, il faut réserver au moins trois mois à l’avance par l’intermédiaire d’un député. Des visites groupées au compte-gouttes qui permettent par ailleurs de découvrir les autres œuvres d’art contemporain des lieux : de Pierre Alechinsky, Vincent Barré, Fabienne Verdier, Walter de Maria ou Hervé di Rosa.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Du début du phénomène, en 1963, à la fin du groupe, en 1970, retour sur le traitement réservé aux Fab Four dans nos pages, à l'occasion du supplément spécial.Le premier article consacré aux Beatles dans Le Monde a été publié le 12 décembre 1963. De Londres, Henri Pierre présente un étrange phénomène : « Des milliers de jeunes assiègent leurs hôtels, veillent des jours et des nuits aux portes des théâtres, et parfois livrent bataille à la police, (…) des jeunes filles s’évanouissent ou entrent en convulsions (…) et ce n’est pas le premier ministre qu’une foule dense attend à l’aérodrome, mais George, John, Ringo et Paul. » Depuis, selon la base de données du journal, il y a eu 2 698 « éléments » comportant l’expression « Beatles ». De la brève à de longs articles. Les Rolling Stones bénéficient de 1 882 entrées, Bob Dylan de 1 418, et les Beach Boys, rivaux du côté américain, sont mentionnés 419 fois. De cet article inaugural à « La fin des Beatles », par Martin Even, en date du 29 août 1970, les Beatles sont dans nos pages à 168 reprises. Le rock et la pop prendront place dans Le Monde de manière plus marquée à partir des années 1970, et c’est surtout hors de la rubrique Culture que le groupe est évoqué (parfois sous le nom Beattles avec deux t). Par exemple en Economie, où « selon la Banque Barclay (…), les “Beatles” constituent une exportation invisible qui contribue grandement à l’équilibre de la balance des paiements en Grande-Bretagne » (26 février 1964). Leur présence boursière est un « éclatant succès, mercredi à la Bourse de Londres, où 1 250 000 actions de la Northern Songs Company (NSC), qui a l’exclusivité de la vente de leurs chansons, ont été entièrement souscrites deux jours avant la clôture de l’émission » (19 février 1965).Le service Etranger annonce leur décoration de l’ordre de l’Empire britannique par la reine Elizabeth qui, « à l’occasion de son anniversaire (…), a publié une nouvelle liste d’honneur de mille huit cents noms, dont ceux des quatre chanteurs de “yé-yé” sont sûrement les plus connus » (14 juin 1965). Des papiers sur les pays du bloc communiste mentionnent l’impact des Beatles (ou du jazz). Ainsi, commentant des manifestations à la suite d’un match de football Autriche-RDA, à Leipzig, le journaliste écrit que « cet épisode constitue le premier heurt violent entre les autorités et une jeunesse qui fait de l’engouement pour les Beatles une protestation sociale » (10 novembre 1965). Leur dernière tournée aux Etats-Unis, en août 1966, passe par le suivi des réactions hostiles après la déclaration de John Lennon : « Nous sommes plus populaires que Jésus, maintenant. »« Plus fracassants que le métro aérien »Qui dit Beatles dit souvent « des cheveux à la… » : dans un papier du 1er février 1965, lors des obsèques de Winston Churchill, le 24 janvier 1965, pour caractériser l’acteur Laurent Terzieff (« Des yeux gris vert de chat, une coiffure “Beatles”, mais négligée… », Claude Fléouter, 11 novembre 1965) ; ou dans une chronique mode de Nathalie Mont-Servan (10 février 1966)… Suprême honneur, Robert Escarpit, qui a un billet quotidien, mentionne le groupe à deux reprises (3 septembre 1965 et 28 octobre 1965).Le compte rendu de leur activité artistique se révèle minoritaire. Pas de chroniques de disques à l’époque dans Le Monde, pour les tenants de la « pop music », comme nous l’appelons. Claude Sarraute verra (à défaut d’entendre) le groupe lors de leurs concerts à Paris. A L’Olympia, d’abord : « Enfin les Beatles, quatre chevaliers du « rock » (…). Le bruit, dans ce temple du twist, atteint alors à la fureur (…). Les Beatles passent au-dessus de nos têtes courbées, plus fracassants que le métro aérien » (18 janvier 1964). Puis au Palais des sports, pas plus convaincue. « Imaginez une salle comble, une sono dont la violence enlève toute possibilité de distinguer un air d’un autre air ; imaginez cinq mille jeunes gens en délire » (22 juin 1965).Le cinéma leur sera plus favorable. Jean de Baroncelli est allé voir Quatre garçons dans le vent, réalisé par Richard Lester. « Les Beatles, qui incarnent leurs propres personnages, se moquent gentiment d’eux-mêmes (…). Les chansons réjouiront les amateurs : ce sont d’ores et déjà des succès “classiques” (21 septembre 1964). Il apprécie aussi Help !, à nouveau par Richard Lester : « Je dirai simplement qu’ils m’ont paru être déjà de très adroits comédiens et qu’ils jouent à merveille le jeu puéril qui leur est assigné. Plus intéressant est le spectacle réalisé par Richard Lester en leur honneur. Spectacle raffiné, luxueux, et qui doit certainement beaucoup au chef opérateur, David Watkins » (2 octobre 1965).Jacques Michel, pour sa part, est ravi par Yellow Submarine, le film d’animation dirigé par George Dunning. « L’histoire, où règnent l’humour basé sur l’absurde et l’incroyable décrit en détail, est constamment débordée par les valeurs visuelles du film. Le vrai sujet, c’est peut-être la couleur, l’invention colorée et ses ordonnances graphiques » (31 mai 1969). Claude Fléouter, en revanche, ne sera guère tendre avec Let It Be : « Sans une étincelle de vie, le film en couleurs de Michael-Lindsay Hogg est entièrement axé sur une répétition des Beatles (…). Et ce qui se réduit en fait à un vieux film de télévision trace cruellement – et involontairement – le portrait de quatre vieux rois fainéants » (2 juillet 1970). Jusqu’au constat final de Martin Even : « Dix ans de carrière et de succès, (…) initiateurs de la vague pop et de la plupart des tendances qu’on lui a connues, même s’ils ne furent, en fait, le plus souvent que des vulgarisateurs. (…) Quoi qu’il en soit, (…) leurs disques et leurs films (…) resteront le témoignage d’une génération et des années 1960.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.01.2015 à 17h31 • Mis à jour le21.01.2015 à 18h57 | Sylvain Siclier L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd).  Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel C’est un processus désormais classique : un(e) artiste de renom annonce la sortie de son album. Des fans trop enthousiastes, des pirates mal intentionnés ou des collaborateurs missionnés en répandent quelques morceaux sur des sites plus ou moins fiables. Et l’artiste est obligé d’avancer la date de sortie. Dernier exemple en date, Björk, qui, le 14 janvier, annonçait fièrement sur son site la sortie de Vulnicura, neuf titres dont six produits par Arca, DJ et producteur vénézuélien, qui a travaillé, entre autres, avec Kanye West et FKA Twigs.L’ex-chanteuse des Sugarcubes devait ensuite décrire, toujours sur bjork.com, Vulnicura comme « un album de rupture avec une chronologie émotionnelle plutôt exacte : trois chansons avant la rupture, trois chansons après ».Aussitôt, des titres circulaient sur la Toile et, dès le 20 janvier, Björk annonçait la sortie de Vulnicura en téléchargement iTunes payant. Dans l’après-midi du 21 janvier, l’album était disponible sur la plupart des sites nationaux d’iTunes (Royaume-Uni, Etats-Unis, Danemark, Italie…) mais pas en France, où iTunes n’annonce même pas la sortie de l’album. Le label Because, qui devait sortir l’album en France, y a renoncé.Une solution risquéeLe site spécialisé hasitleaked.com, tout entier consacré à la pratique illégale de la fuite musicale, pose très sérieusement la question : une fuite 71 jours avant la sortie d’un disque le condamne-t-il ? Si la révélation d’une poignée de titres dans les jours qui précèdent la mise en vente d’un album peut servir de mise en bouche, il est impossible de laisser des titres en téléchargement gratuit pendant une longue période sans décourager les acheteurs.Sur les sites spécialisés dans la musique comme Pitchfork, la sortie précipitée du disque de Björk est signalée sans que les raisons en soient précisées. Par le passé, certains artistes, comme Caribou ou Arcade Fire, et leurs labels, avaient préféré mettre les disques piratés à la disposition du public, en streaming. Björk et sa maison de disques, One Little Indian, ont préféré la solution de la sortie anticipée, risquée pour une artiste dont la notoriété excède de loin aujourd’hui ses ventes de disques.Thomas SotinelJournaliste au Monde 26.01.2015 à 12h52 • Mis à jour le26.01.2015 à 17h20 | Sylvain Siclier Le chanteur Demis Roussos, ancien membre du groupe de rock progressif Aphrodite’s Child, actif de la fin des années 1960 à 1971, avant une carrière solo dans la variété est mort, dans la nuit de samedi 24 au dimanche 25 janvier, dans un hôpital privé d’Athènes (Grèce). L’information a été diffusée par sa famille, lundi 26 janvier, sans précisions sur les causes de sa mort. Il était âgé de 68 ans.Né le 15 juin 1946 à Alexandrie (Egypte), Artémios Ventouris Rousos avait appris le chant au sein du Chœur de l’Eglise orthodoxe grecque d’Alexandrie. Il apprend aussi la guitare, la basse et la trompette. En 1961, sa famille décide de retourner vivre en Grèce et s’installe à Athènes. C’est là que Demis Roussos, qui a pris ce nom d’artiste plus proche des consonances anglo-saxonnes, fait ses débuts, dans des groupes de reprises, dont l’un s’appelle The Idols. D’abord guitariste et bassiste, il se met au chant, voix aiguë, caressante. Il rencontre le claviériste Vangélis Papathanassíou, qui fait partie d’un groupe de jazz The Forminks. Ils vont fonder en 1967 avec le batteur Lucas Sideras et le guitariste Silver Koulouris le groupe Aphrodite’s Child.Aux reprises le groupe commence à ajouter des compositions assez marquées par la musique classique et le courant du rock symphonique en plein essor avec des groupes comme Procol Harum (Whiter Shade of Pale), The Moody Blues (Nights In White Satin) ou Wallace Collection (Daydream). En mars 1968 le groupe décide de se rendre à Londres, mais faute de papiers en règle est bloqué par les services douaniers. La formation, sans Koulouris, qui doit faire son service militaire, se retrouve à Paris. Alors que la capitale commence à être secouée par les bientôt événements de mai 1968, le groupe fait la connaissance de Boris Bergman (futur collaborateur d’Alain Bashung) qui va écrire les paroles, en anglais, du premier album du groupe, End of The World, pour la division française du label Mercury, alors distribué par Philips.Une carrière solo plus proche de la chanson popParmi les neufs compositions de l’album (musique de Vangelis, textes de Bergman), souvent dans des ambiances pop psychédéliques (The Grass Is No Green ou Day of The Fool, proches de Pink Floyd), avec quelques éléments de musiques traditionnelles grecques ou orientales (Mister Thomas, Valley of Sadness) il y a leur premier grand succès, Rain And Tears. Inspiré musicalement par le Canon en ré majeur de Johann Christoph Pachelbel (1653-1706), la chanson devient l’un des slows de l’été les plus diffusés en Europe. Le successeur d’End Of The World, l’album It’s Five O’Clock, publié en décembre 1969, avec pour l’essentiel des textes de Richard Francis, se révèle par endroits plus pop et fantaisiste (Take Your Time, Such A Funny Night…), avec une inspiration Beatles et des éléments proches du jazz (Funky Mary). Il débute par la chanson-titre, deuxième gros succès du groupe, à nouveau un slow à coloration symphonique.VIDÉO : « It’s Five O Clock », par Aphrodite’s Child, extrait de l’album du même nom publié en 1969En juin 1972, alors que le groupe n’existe plus, paraît le double album 666, publié par la compagnie phonographique Vertigo, sans tubes, bien plus expérimental et varié dans ses approches musicales (récitatifs, bruitages…), avec des passages planants qui annoncent le parcours soliste de Vangelis (il va composer notamment de nombreuses musiques de films dont Les Chariots de feu et Blade Runner). Cet album concept sur des thèmes bibliques, en particulier tirés de L’Apocalypse de Jean, a été conçu par le cinéaste et écrivain Costas Ferris qui en signe les textes. Enregistré à l’hiver 1970-1971 à Paris, c’est le seul qui permette d’entendre le guitariste Silver Koulouris en plus du trio. La participation sur l’un des morceaux, Infinity, de l’actrice et chanteuse Irene Papas dans des halètements et cris qui évoquent l’orgasme, provoquera à l’époque quelques émois – l’album sera longtemps interdit à la vente en Espagne.VIDÉO (audio seulement) : « The Four Horsemen », par Aphrodite’s Child, extrait de l’album « 666 » publié en 1972Après Aphrodite’s Child, la carrière solo de Demis Roussos sera plus proche de la chanson pop et de la variété. En juin 1971 c’est d’abord We Shall Dance, pas très loin dans la forme des deux tubes du groupe qu’il vient de quitter (orgue, clavecin, tempo lent) qui fait de Demis Roussos une vedette en Europe puis My Reason, à l’été 1972 avec chœur et motif de folklore grec traditionnel. Les succès suivants jusqu’à la fin des années 1970 seront construits sur ce modèle. Un peu d’exotisme, une mélodie pour romance et déclaration d’amour donneront Forever And Ever, Good Bye My Love Good Bye, My Only Fascination, Lovely Lady of Arcadia… Certains titres sont enregistrés aussi en espagnol ou en allemand, là où comme en France, Demis Roussos est devenu une vedette.A partir des années 1980, s’il continue d’enregistrer régulièrement, il sera moins présent dans les classements des meilleures ventes – Quand je t’aime en 1987 et On écrit sur les murs, en 1989 restent ses derniers tubes en français – son nom comme son style restant attachés, en France, à la chanson de variété des années 1970. Il continuait de se produire sur scène, plutôt sur un circuit de tournées nostalgiques des années 1970 et 1980. En 2009, il avait enregistré un album après plusieurs années de silence phonographique. Interrogée par la radio RTL, sa compatriote, la chanteuse Nana Mouskouri, a déclaré : « Il avait une superbe voix (…) C’était un artiste, un ami, j’espère qu’il est dans un monde meilleur. »VIDÉO : « My Reason », par Demis Roussos, lors d’un programme télévisé en 1972Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Jean-Pierre Stroobants (Mons (Belgique), envoyé spécial) « Mons 2015, c’est la démonstration qu’une ville de taille moyenne peut accueillir un événement comme celui-là ; on est capables de grandes choses. » Celui qui parle est le véritable artisan d’un projet auquel aucun de ses concitoyens ne croyait vraiment lorsqu’il l’a imaginé, en 2001. Elio Di Rupo, bourgmestre (maire) de la ville de Mons, président du PS et ex-premier ministre, voulait que son « projet de ville » débouche sur un grand événement. Il a pu savourer sa victoire, samedi 24 janvier.Funambule de la politique, ce sexagénaire toujours souriant en public, travailleur inflexible en privé, a transformé le visage de son vieux parti, qui ne voulait pas changer. Et il a relancé cette ville de 95 000 âmes, qui périclitait, pleurant son passé charbonnier révolu. Grâce à ses nombreux relais, il est parvenu à vaincre sa concurrente flamande, Malines, et sa rivale wallonne, Liège. Et il a drainé quelque 85 % de subventions publiques pour assurer un budget de 70 millions d’euros à ... Laurent Carpentier (Mons (Belgique), envoyé spécial) Quand les portes de la collégiale Sainte Waudru se sont ouvertes, la foule qui était massée à l’intérieur a découvert en bas du parvis la procession féerique d’une autre foule plus grande encore. Mille capes argentées – distribuées contre le froid – scintillant sous le reflet de la lune, des lumières, des flammes, du cuivre, des fanfares déployées partout dans la ville. Mons 2015, capitale de la culture. 100 000 personnes qui, pour son lancement, sont venues de partout, et surtout du Borinage, cette région minière sinistrée de l’ouest de la Belgique qui fut autrefois le terreau de la révolution industrielle.Quelques instants plus tôt, ce samedi 24 janvier, dans la collégiale, Philippe, roi des Belges, la reine Mathilde, une palanquée de ministres et une cohorte d’artistes avaient écouté sagement Elio Di Rupo, le bourgmestre de la ville, ex-premier ministre et leader du parti socialiste, lancer les festivités, pendant qu’un homme ailé arrimé à une petite montgolfière naviguait dans les hauteurs de la nef.Une identité restauréeDe fait, les artistes sont partout, ce soir dans la ville, comme tout au long de l’année où on attend 2 millions de visiteurs pour quelque 300 manifestations. « En 2015, je suis Montois. Et toi ? » Le slogan parle de lui-même : expositions, spectacles, tous racontent la même quête d’une identité restaurée. Charlotte Benedetti, la commissaire de « Mons Superstar », cite Hannah Arendt (« Bien que les hommes doivent mourir, ils ne sont pas nés pour mourir mais pour innover… ») pour parler de ces 17 Montois q... Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances d’artistes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques pour questionner les codes de la fête : dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre.Pour cette édition anniversaire, le centre Pompidou a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.01.2015 à 04h25 • Mis à jour le26.01.2015 à 08h10 Le musicien allemand Edgar Froese, dont le groupe Tangerine Dream avait créé un son futuriste qui allait marquer des générations d'artistes électroniques, est décédé à l'âge de 70 ans, a annoncé son fils vendredi 23 janvier.Ce dernier, qui avait rejoint son père au sein de la formation musicale, a précisé qu'il était mort subitement, mardi, à Vienne (Autriche) d'une embolie pulmonaire.« Un jour Edgar a dit : “Il n'y a pas de mort, il y a juste un changement de notre adresse cosmique”. Edgar, cela nous réconforte un tout petit peu », ont déclaré les autres membres du groupe dans un communiqué.Froese avait choqué le monde musical au début des années 1970 en utilisant des synthétiseurs pour générer une atmosphère de transe minimaliste. Celle-ci n'avait que peu à voir avec le rock qui dominait alors les ondes.SURRÉALISMENé le 6 juin 1944 dans ce qui est aujourd'hui la ville russe de Sovetsk, il avait étudié à Berlin-ouest. Sa vie a basculé quand il a été invité à jouer en Espagne, dans la villa du peintre Salvador Dali, un de ses héros, en 1967.Cette rencontre l'a poussé à transposer une sorte de surréalisme dans sa musique. Dans une interview donnée des années après, Froese avait raconté que Dali lui avait dit : « Presque tout est possible dans l'art tant que tu crois fermement en ce que tu fais ».Froese s'était ensuite lié à plusieurs musiciens berlinois pour former Tangerine Dream, un groupe qui a décollé après avoir attiré l'attention du présentateur radio britannique John Peel, qui fut longtemps une figure de l'industrie musicale. Le groupe avait signé peu après avec le label Virgin de Richard Branson.Lire aussi en édition abonnés : Quand le « krautrock » allemand annonçait les sons d'aujourd'huiDe cette collaboration était sorti en 1974 « Phaedra », album fondateur du genre électronique dont l'atmosphère psychédélique avait été comparée par certains critiques à un voyage dans l'espace. L'opus était entré dans le top 20 en Grande-Bretagne, mais avait reçu un accueil plus mitigé en Allemagne. Jean-Jacques Larrochelle Un projet légèrement amendé de la tour Triangle, immeuble de grande hauteur dont la construction est envisagée porte de Versailles dans le 15e arrondissement de Paris, pourrait repasser devant le Conseil de Paris en avril, a indiqué, jeudi 22 janvier, l'adjoint au maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS).Le lundi 17 novembre 2014, le Conseil de Paris avait rejeté ce projet de 500 millions d’euros porté par Unibail-Rodamco, premier groupe coté de l'immobilier commercial en Europe. 78 conseillers de Paris (PS, PC, PRG) avaient voté pour, mais 83 (UMP-UDI-Modem, écologistes et PG) s’étaient exprimés contre. Arguant du non respect de la procédure qui devait se dérouler à bulletin secret – certains élus ayant exhibé leur bulletin avant de le glisser dans l’urne –, la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS) avait saisi le tribunal administratif pour invalider le vote. Celui-ci ne s’est pas encore prononcé.La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteL’élue a chargé M. Missika de remettre l'ouvrage sur le métier. L’adjoint au maire a invité Unibail à revoir sa copie de manière à proposer un projet qui fasse plus largement consensus auprès des conseillers de Paris, explique l’AFP. Plusieurs élus de la droite et du centre avaient expliqué au cours des débats qu'ils n'étaient pas hostiles au projet de tour en soi mais qu'ils jugeaient son « contenu » – pour l’essentiel des bureaux – insatisfaisant.Une « nouvelle programmation » pour mi-févrierInterrogé par l'AFP, un porte-parole d'Unibail a confirmé que le groupe réfléchissait à une « nouvelle programmation », qui devrait être présentée aux élus « mi-février ». Elle prévoit que la surface hors-bureaux puisse dépasser 20 % de la surface totale de 80 000 m² de planchers. Sous couvert d'anonymat, un responsable a précisé qu'Unibail réfléchissait à l'installation d'un hôtel, à celle d'un incubateur d'entreprise, et à « l'agrandissement du centre social » que doit accueillir le gratte-ciel de 180 m. Evoquée au tout début du projet, la possibilité de construire un hôtel quatre étoiles au sommet de la tour avait été abandonnée, notamment en raison de la faible rentabilité économique de l'ensemble.La Ville de Paris a toutefois émis, jeudi 22 janvier au soir, des réserves sur le calendrier évoqué par M. Missika. « Le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, a fait valoir un porte-parole. « Avril, c'est court », a ajouté cette source.La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Des femmes polygames à la tête d’un Etat militaire, des hommes obligés de porter le voile… Riad Sattouf inverse les genres dans un conte burlesque qui dénonce les oppressions (vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ Cinéma).Imaginez un monde où les femmes auraient les attributs des hommes : tenue vestimentaire, gestuelle, pouvoir politique, économique, domestique… Et les hommes ceux des femmes. Projetez cette image dans une dictature militaire fondée sur un solide culte de la personnalité, verrouillée par une doctrine religieuse d’Etat, et vous aurez le contexte de Jacky au royaume des filles.En partie tournée en studio, en costumes, avec une brochette d’acteurs célèbres, cette dystopie se déroule dans un pays imaginaire dont les habitants parlent un sabir étrange, se nourrissent d’une bouillie blanche distribuée par voie de robinets, idolâtrent des chevaux nains… Vêtues d’uniformes militaires, les femmes cumulent plusieurs maris qui ont à charge de les satisfaire sexuellement et de s’occuper des tâches ménagères. Les hommes, eux, ne sortent pas sans leurs « voileries », sortes de burqas qui les recouvrent de la tête aux pieds. Les plus âgés vivent dans la crainte de leur épouse, les plus jeunes dans l’attente d’une demande en mariage.Burlesque noir audacieuxMais Jacky (Vincent Lacoste) a d’autres ambitions. Courtisé par toutes les filles de son village, il refuse leurs avances car son cœur bat pour la colonelle, l’héritière du trône qu’interprète Charlotte Gainsbourg. Quand celle-ci lance un bal pour se choisir un mari parmi les garçons du pays, il veut saisir sa chance, comme le fit en son temps Cendrillon.Dépouillé par sa famille adoptive du billet de bal que lui avait acheté sa mère avant de mourir, il se déguise en fille pour infiltrer la cérémonie, et séduire la colonelle, poussant un cran plus loin le jeu de permutation des genres sur lequel repose le film.En une succession de tableaux, le film déploie un burlesque noir audacieux, à défaut d’être toujours drôle. Le résultat, inégal, traduit l’attitude de Riad Sattouf vis-à-vis de son film, alliage de grande ambition fictionnelle, et graphique, avec une forme de décontraction potache qui trouve sa pleine expression dans un invraisemblable dernier plan, totalement bricolé et violemment subversif.En résulte un sentiment de fraîcheur qui tranche avec le professionnalisme moutonnier dont témoignent tant de comédies populaires françaises. Il donne d’autant plus envie de pardonner au film ses défauts que la mise en scène sert une critique virulente de toutes les oppressions à commencer par celle du conformisme.Jacky au royaume des filles, de Riad Sattouf. Avec Vincent Lacoste, Noémie Lvovsky, Didier Bourdon, Charlotte Gainsbourg (France, 2014, 90 min). Vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ CinémaIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.01.2015 à 08h33 • Mis à jour le23.01.2015 à 13h37 | Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur leur chef-d'œuvre psychédélique sorti en 1967.A part pour quelques grognons, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est considéré comme un monument. Huitième album des Beatles, il est devenu pour le plus large public le symbole du son de l'année 1967, période hautement psychédélique. Un assemblage de chansons ouvrant bien grandes les portes de l'imagination, par leur traitement musical et sonore autant que par leurs textes. Un collage fantasque avec fanfares, cordes et instruments venus de la musique classique, riffs de guitare, envolées de claviers, musique indienne, voix déformées, effets façon musique concrète et bruits les plus divers…Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Sgt. Pepper's »De l'introduction très rock du morceau Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band à l'accord final de l'épique A Day In The Life qui s'éteint dans des harmoniques de plusieurs pianos et d'un harmonium, plus de sept cents heures d'enregistrement auront été nécessaires, entre le 24 novembre 1966 et le 21 avril 1967. A l'époque, personne ne passe autant de temps sur un disque. Revolver, l'album précédent des Beatles, avait déjà nécessité plus de deux mois de travail, de début avril à fin juin 1966, mais avec des périodes d'interruption, notamment pour des concerts. Pour Sgt. Pepper's, le groupe élit quasiment domicile dans les studios d'EMI, au 3 Abbey Road à Londres. Les Beatles ont décidé d'arrêter les concerts – ultime date, le 29 août 1966, au Candlestick Park de San Francisco –, ont la volonté de créer in situ, de faire de chaque chanson un terrain d'expérimentation.Le résultat, publié le 1er juin 1967, est à la hauteur de leurs espérances. Treize chansons différentes, qui forment pourtant un tout cohérent, s'enchaînent d'un même élan. Chacune constitue un voyage surprenant par l'instrumentation, une séquence d'accords inattendue, le jeu avec les technologies (mixage, placement stéréophonique)… Et surtout, là où, chez d'autres, le souci de recherche et d'expérimental s'arrête à la surface, l'écriture n'oublie jamais l'impact mélodique : Lucy In The Sky With Diamonds, Getting Better, She's Leaving Home ou A Day In The Life sont les exemples d'une réussite intemporelle.M Le magazine du Monde daté du 31 janvier 2015 sera consacré aux Beatles.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Rosita Boisseau Dorothée Munyaneza avait 12 ans lorsqu'elle s'est enfuie sur les routes du Rwanda pour échapper au génocide. Elle en a 31 aujourd'hui, est devenue chanteuse, danseuse, actrice et mère. Fascinante interprète des spectacles du chorégraphe François Verret depuis 2006, elle a commencé à écrire un texte pour donner forme et voix à des souvenirs sanglants, « faire face à une perte immense ». Elle en extrait aujourd'hui le canevas de son premier spectacle, Samedi détente, du nom de l'émission de radio qu'elle écoutait, gamine, avant 1994. « C'est un titre paradoxalement lumineux, qui me semblait plus juste pour évoquer l'indicible et essayer de me souvenir d'abord de la vie, de mes amis lorsqu'ils étaient vivants. » Vingt ans après le génocide, Dorothée Munyaneza se risque sur ses propres traces. Elle n'est pas toute seule : le musicien Alain Mahé et la danseuse ivoirienne Nadia Beugré sont là pour lui prêter main-forte. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne, par un système de quotas, le nombre de films étrangers distribués sur son territoire.Ce quota, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’astérisques) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros ***2 - Breakup Buddies : 156 M€ ***3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ ***7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ ***9 - The Breakup Guru : 88 M€ ***10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ ***13 - Back in Time : 77,5 M€ ***14 - The Man from Macau : 70 M€ ***15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ ***17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ ***19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.01.2015 à 13h39 • Mis à jour le02.01.2015 à 15h47 Les Français ont plébiscité les salles obscures en 2014, avec des chiffres de fréquentation exceptionnels. Plus de 208 millions de tickets de cinéma ont été vendus en France ces douze derniers mois, une augmentation de 7,7 % par rapport à 2013, a annoncé vendredi 2 janvier le Centre national du cinéma. Derrière 2011, qui reste encore indépassée grâce au succès d'Intouchables, 2014 devient ainsi la deuxième meilleure année.if (!window.jQuery) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1420200363437 .graphe").css("height", 450)$("#container_1420200363437 .title").empty()if ("La fréquentation des salles de cinéma françaises"!= ""){2011 et 2014, meilleures années depuis 1967")}$("#container_1420200363437 .subtitle").empty()if ("Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires"!= ""){Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires.")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1420200363437 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9quentation_cin%C3%A9matographique#cite_ref-17", _blank ); 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La comédie Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu est largement en tête avec 12,3 millions d'entrées.Lire : « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? » dans le Top 10 français des films les plus vusLire aussi la critique du film : Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racistesC'est aussi une comédie qui occupe la deuxième place du podium avec Supercondriaque, menée par Dany Boon, qui a rassemblé 5,3 millions de spectateurs. Lire (édition abonnés) : « Supercondriaque » : Dany Boon, malade en manque d'imaginaireLe film Lucy, de Luc Besson, arrive en troisième place du box-office 2014. Malgré une distribution de stars hollywoodiennes, ce film est bel et bien une production française, qui a attiré dans les salles pas moins de 5,2 millions de personnes. Lire : « Lucy », de Luc Besson, plus gros succès français à l'étrangerGrâce à ces immenses succès, la part de marché des films français est passée de 33,8 % en 2013 à 44 % en 2014. Celle des films américains, par contre, a reculé de neuf points.Lire : Le cinéma français tire la fréquentation des salles vers le haut Maxime Vaudano L'économiste Thomas Piketty a brisé jeudi 1er janvier la routine de la traditionnelle promotion de début d'année de la Légion d'honneur en refusant sa nomination comme chevalier, estimant que ce n'est pas « le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable ».Un refus loin d'être inédit, qui a de nouveau placé l'institution bicentenaire sous le feu des projecteurs... et de vos questions.Lire la synthèse : Modiano, Tirole et Mimie Mathy dans la promotion de la Légion d'honneur1. Doit-on demander la Légion d'honneur pour l'obtenir ?Non, comme l'expliquait déjà Rue89 en 2009 : il est impossible de se porter candidat à un grade de la légion d'honneur. C'est une tierce personne qui doit proposer votre nom.Soit un ministre, qui reçoit généralement des propositions des préfets, des élus ou des associations (c'est le cas pour Thomas Piketty, dont le nom a été proposé par Geneviève Fioraso, secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche)Soit 50 citoyens, grâce à la procédure d'initiative citoyenne introduite en 2008Par le biais de ces deux procédures, près de 4 000 dossiers sont constitués chaque année puis étudiés par le conseil de l'ordre de la Légion d'honneur, qui sélectionne ensuite quelque 3 000 lauréats, avant l'approbation définitive du président de la République, qui signe de sa main les décrets.Participez à la discussion : Doit-on forcément accepter une Légion d'honneur ?2. Peut-on la refuser ?Oui. En général, pour éviter un incident diplomatique, les potentiels décorés sont avertis en amont. Cela n'a pas été le cas pour Thomas Piketty, qui n'a pas été prévenu, comme l'a indiqué la rue de Grenelle. Son nom apparaît donc bien dans les décrets parus le 1er janvier au Journal officiel.Lire également notre décryptage : pourquoi le livre de Piketty est un succès aux Etats-UnisIl n'est pas pour autant décoré à son corps défendant. Pour entrer officiellement dans l'ordre de la Légion d'honneur, il faut en effet se faire remettre physiquement la décoration – une cérémonie à laquelle l'économiste devrait refuser de participer.Voir le portfolio : Comme Thomas Piketty, ils ont refusé la Légion d'honneurImage précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-54a6c59f41d3b'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\nLe compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. Donnez-moi mon argent\u00a0!\u00a0\u00bb\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Le compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. 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Le couple n'a toutefois pas \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 l'hommage post-mortem, puisqu'il repose dans le sanctuaire du Panth\u00e9on.\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Pierre et Marie Curie ont \u00e9t\u00e9 plus sobres dans leur mani\u00e8re de repousser la prestigieuse distinction\u00a0: \u00ab\u00a0En sciences, nous devons nous int\u00e9resser aux choses, non aux personnes\u00a0\u00bb, justifiait Marie Curie. \u00ab\u00a0Je n'en vois pas la n\u00e9cessit\u00e9\u00a0\u00bb, avait pour sa part comment\u00e9 Pierre Curie. 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En 1945, Jean-Paul Sartre argue de la libert\u00e9 : \u00ab\u00a0L'\u00e9crivain doit refuser de se laisser transformer en institution, m\u00eame si cela a lieu sous les formes les plus honorables, comme c'est le cas. \u00bb Il refusera \u00e9galement le prix Nobel de litt\u00e9rature en 1964.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Les \u00e9crivains et philosophes Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, ci-dessus sur la plage de Copacabana, \u00e0 Rio de Janeiro, en 1960, ont aussi dit non \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur. 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A ceux qui la lui proposaient, il r\u00e9pondit en 1949, dans un article, qu'ils pouvaient \u00ab\u00a0se la carrer dans le train\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'\u00e9crivain et dramaturge Marcel Aym\u00e9 a adopt\u00e9 une posture plus directe. 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Le chanteur-compositeur Georges Brassens, ici en 1972, a consacr\u00e9 une satire \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur, dans laquelle il d\u00e9nonce \u00ab\u00a0le fatal insigne qui ne pardonne pas\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Ce petit hochet \u00e0 la boutonni\u00e8re\/Vous le condamne \u00e0 de bonnes mani\u00e8res\/Car \u00e7a la fout mal avec la rosette\/De t\u00e2ter, flatter, des filles les appas\u2026 \u00bb. 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On n'est pas forc\u00e9ment content d'\u00eatre reconnu par des gens qu'on n'estime pas.\u00a0\u00bb\r\nCr\u00e9dits : AFP\/ALAIN JULIEN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"En 2013, l'auteur et dessinateur de bande dessin\u00e9e Jacques Tardi expliquait ainsi son refus\u00a0: \u00ab\u00a0Je ne suis pas int\u00e9ress\u00e9, je ne demande rien et je n'ai jamais rien demand\u00e9. 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Sur quel critère peut-on l'obtenir ?L'ordre de la Légion précise dans son code que la décoration récompense « des mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes », tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de définition stricte ou de liste exhaustive desdits mérites. « C'est la mission du conseil de l'ordre de juger, à partir des éléments de carrière qui lui sont donnés et selon la jurisprudence de l'ordre », précise l'institution.Pour être décoré, il vaut mieux en tout cas posséder la nationalité française (les étrangers peuvent être distingués s'ils ont rendu des services à la France ou occupent des fonctions importantes, mais ne sont pas membres de plein droit de l'institution), cumuler au moins vingt ans d'activité (sauf cas exceptionnel, comme un exploit sportif ou militaire), avoir un casier judiciaire vierge et « une bonne moralité » (une enquête est diligentée sur ce plan avant chaque attribution).Contrairement aux idées reçues, il y a moins de légionnaires qu'avant. Créé par Napoléon en 1802, l'ordre a vu le nombre de ses membres exploser avec les grands conflits militaires du XXe siècle. Il a ainsi connu jusqu'à 300 000 membres en 1962. Comme le racontait en 2012 la revue Charles, le général De Gaulle a alors décidé d'agir pour éviter que la décoration ne se galvaude. Un quota de 125 000 légionnaires vivants est alors fixé, et une nouvelle décoration (l'ordre national du mérite) est créée comme lot de consolation.Le nombre de légionnaires en vie est à peu près stable depuis une dizaine d'années : il tourne désormais autour de 92 000.4. Quels avantages confère-t-elle ?Tout d'abord, on peut bien sûr porter la décoration au ruban rouge à la boutonnière, comme les 92 000 autres décorés, et faire apparaître son grade après sa signature dans les papiers officiels.Ensuite, on peut adhérer à la société des membres de la Légion d'honneur, un réseau de 55 000 sociétaires qui se donne pour mission de « concourir au prestige de l'ordre national de la Légion d'honneur et contribuer au rayonnement des valeurs et de la culture de la France sur le territoire national comme à l'étranger ».Contrairement à certaines rumeurs, la Légion d'honneur ne rapporte pas d'argent, au contraire. Comme le rappelle Francetvinfo, les décorés doivent s'acquitter depuis 2003 de droits de chancellerie (de 20,28 euros pour un simple chevalier à 101,38 euros pour les grand-croix) pour l'expédition de leur diplôme. Ils doivent en outre acheter leur décoration auprès d'un joaillier spécialisé ou de la monnaie de Paris (75 euros pour le modèle réduit, 180 euros pour la décoration standard et jusqu'à 990 euros pour la plaque de grand-croix). De quoi engouffrer rapidement le maigre traitement que propose l'institution à ses membres. La « somme symbolique héritage de l'histoire »– entre 6,10 euros par an pour les chevaliers et 36,59 euros pour les grand-croix – n'est souvent même pas réclamée par les décorés (ou reversée à la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur, pour aider les légionnaires dans le besoin, explique L'Express).Entrer dans la famille de la Légion d'honneur ouvre également le droit à votre descendance féminine (jusqu'aux arrière-petites-filles) de candidater dans les prestigieuses maisons d'éducation de l'institution : Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) pour le collège, puis Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour le lycée et le post-bac (BTS et classes préparatoires). Mais l'acceptation n'est pas systématique : en 2011, seules 55 places étaient disponibles au lycée de Saint-Denis, pour près de 400 demandes, comme le rapportait L'Etudiant.fr.En revanche, il est formellement interdit aux membres de votre entourage d'arborer votre étoile à cinq branches : le port illégal de décoration est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.5. Peut-on la perdre ?Oui. Un légionnaire peut être déchu de sa décoration en cas de condamnation pénale, de déchéance de la nationalité française ou s'il « a commis des actes contraires à l'honneur ou de nature à nuire aux intérêts de la France ».C'est ce qui est arrivé à Maurice Papon, déchu en 1999 de l'ordre de commandant de la Légion d'honneur après sa condamnation définitive pour crime contre l'humanité, en raison de son implication dans la déportation de Juifs sous le régime de Vichy. Malgré les protestations, l'ancien ministre a toutefois continué d'arborer la décoration à sa boutonnière jusque dans sa dernière demeure, puisqu'il a été enterré avec sa Légion d'honneur. Ce type de mesure reste extrêmement rare. La dernière date de janvier 2013, quand François Hollande a décidé d'exclure de l'ordre Jean-François Collin, un ancien membre de l'Organisation de l'armée secrète (OAS), décoré deux ans plus tôt comme mutilé de guerre en Algérie.Maxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.12.2014 à 16h32 • Mis à jour le31.12.2014 à 17h06 |Julie Clarini C’est l’histoire d’un roman d’anticipation à diffusion anticipée. Depuis trois jours, le nouveau livre de Michel Houellebecq, Soumission, circule illégalement en ligne alors que sa sortie en librairie est prévue le 7 janvier.L’intrigue, modèle de provocation habilement calculée, a été abondamment commentée dans la presse, attisant probablement la curiosité des internautes. Le décor est planté dès le début du récit : le second tour de l’élection présidentielle oppose Marine le Pen au chef du Parti de la fraternité musulmane, lequel s’installe, au terme de quelques tractations et remous politiques, à l’Elysée, plongeant le pays dans la léthargie. Consentant à se convertir à l’islam, le héros du livre, professeur de faculté, poursuit son enseignement à la Sorbonne.UNE PREMIÈRE EN FRANCEChez Flammarion, on se borne à faire savoir que cette mise à disposition illégale est en cours de traitement par les services juridiques. Un piratage avant commercialisation est évidemment une très mauvaise nouvelle pour un éditeur, et un fait sans précédent en France. Récemment, l’ouvrage de Valérie Trierweiler Merci pour ce moment (Les Arènes) a fait les frais d’un piratage hors norme, estimé à des dizaines de milliers d’exemplaires, mais après un premier succès en librairie.On date le premier exemple d’une sortie illégale, précédant l’officielle, de 2004, à l’occasion du dernier livre de Gabriel Garcia Marquez : l’ouvrage, Mémoire de mes putains tristes, était disponible sur les trottoirs de Bogota avant de l’être en librairie. A l’époque, le contenu de l’ouvrage avait voyagé par CD-ROM.Dans le cas de l’ouvrage de Michel Houellebecq, les versions numériques disponibles sous format MOBi et ePUB sont facilement accessibles. Le premier document à avoir fuité fut, d’après le site ActuaLitté, un PDF obtenu à partir du scan d’une version papier. Des indices qui rendent plausible l’hypothèse d’une numérisation d’un exemplaire de presse, d’autant plus que les premiers jeux d’épreuves sont arrivés dans les rédactions autour du 15 décembre.ÉLECTROCHOCC’était peut-être la chance sur laquelle l’édition comptait : son public est moins jeune, moins technophile, que celui de la musique, si bien que des piratages de cette nature sont restés des cas rares. Il se pourrait néanmoins que cette affaire fasse figure d’électrochoc. Cet automne, le Syndicat national de l’édition (SNE) rappelait qu’aux termes de la loi du 21 juin 2004, les éditeurs peuvent s’adresser à l’hébergeur d’un site pour l’informer de la présence de contrefaçons accessibles via ce site et lui demander de les retirer.Cette procédure dite de « notification et retrait » est efficace pour obtenir le retrait immédiat des contenus, mais, comme le note le SNE lui-même, « cette solution montre des limites, les mêmes contenus peuvent réapparaître aussi rapidement qu’ils ont été retirés ». En mars 2014, aux Asisses du livre numérique, Florent Souillot, responsable du développement numérique aux éditions Flammarion, et chargé du développement de la plate-forme de distribution Eden Livres, déclarait que « le groupe Flammarion en est actuellement à une vingtaine, une trentaine de notifications par mois ». Le rythme devrait s’accélérer dès les jours à venir.Julie ClariniJournaliste au Monde 31.12.2014 à 10h49 • Mis à jour le31.12.2014 à 11h47 |Macha Séry, Catherine Simon, Nicolas Weill, Nils C. Ahl, Florence Noiville, Raphaëlle Leyris, Julie Clarini, Roger-Pol Droit et Monique Petillon LittératureLes Aventures d’Augie March (The Adventures of Augie March) et Le Don de Humboldt (Humboldt’s Gift), de Saul Bellow, traduits de l’anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer, Gallimard, « Quarto », 1 004 p., 34,90 €.Il nous manque un Saul Bellow (1915-2005), aujourd’hui, dans le paysage des lettres nord-américaines. Un écrivain qui ne serait pas seulement un immense créateur épris de vie, mais aussi un penseur sagace, un ironiste, un provocateur, un womanizer, un persifleur et même, allez, une irrésistible langue de vipère. Saul Bellow – qui, pendant plusieurs décennies, régna sur les lettres américaines, et dont les ouvrages, d’Herzog (1964) au Don de Humboldt (1975), ont tant marqué le roman outre-Atlantique –, était tout cela à la fois. Et en même temps détaché, planant au-dessus de la mêlée. « Ne craignez pas de vous payer ma tête », nous avait-il dit, lorsque en 1995, nous l’avions rencontré dans le Vermont pour lui « tirer le portrait ». « Ne craignez pas de vous payer ma tête. Je suis un vieux chêne qui se moque des clous ! » Après Herzog et La Planète de Mr. Sammler (réunis en « Quarto » en 2012), les éditions Gallimard nous donnent la chance de replonger dans l’univers de ce « vieux chêne », fils de juifs russes émigrés, né en 1915 au Québec et mort en 2005 couvert de prix (Nobel, Pulitzer, National Book Award, Booker…). Avec Les Aventures d’Augie March, écrit à Paris et paru aux Etats-Unis en 1953, Bellow narre la dure découverte du monde par un enfant. Nous sommes à Chicago, dans un quartier pauvre où se côtoient juifs et Polonais, et où toutes sortes de gens qui « veulent du bien » au jeune Augie font des projets pour lui. Sans comprendre que lui, Augie, n’aime qu’une seule chose, son indépendance et sa liberté. L’indépendance, l’intégrité sont aussi des thèmes du Don de Humboldt, paru vingt ans plus tard. Humboldt est un écrivain dont la célébrité a passé. Entre-temps, son protégé Charlie Citrine a percé au point de gagner « des monceaux de fric ». Malade, ulcéré, Humboldt raisonne – de façon pas toujours objective mais éminemment actuelle – sur les relations entre création artistique et argent. Intégralement et élégamment retraduits par Michel Lederer, ces deux grands textes sont précédés par des souvenirs et confessions de Bellow recueillis Philip Roth, le tout formant un régal d’intelligence.Florence Noiville Les Choix secrets, d’Hervé Bel, Le Livre de poche, 336 p., 7,10 €.Marie est une vieille femme dans une vieille maison, quelque part en France. Amours flétries, espoirs déçus, confite dans l’envie et la jalousie, elle passe sa vieillesse dans l’aigreur, à se souvenir et à se mentir. Pendant ce temps, son mari tousse et s’étouffe. La narration oscille entre deux points de vue, plus ou moins distants, faisant alterner le passé, trop bref, et le présent, très long. Le lecteur assiste au lent triomphe ambigu de la méchanceté. Deuxième roman d’Hervé Bel, Les Choix secrets est réjouissant parce qu’impitoyable avec son personnage. Une confirmation.Nils C. Ahl Le Dilemme du prisonnier (Prisoner’s Dilemma), de Richard Powers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Yves Pellegrin, 10/18, 526 p., 9,10 €.Comment des enfants peuvent-ils se construire quand leur père est inexistant ? Comment la vie s’organise-t-elle autour d’un « centre absent » ? Magnifique portrait de père sur fond de famille dysfonctionnelle, ce roman revisite un demi-siècle d’histoire américaine, de l’exposition universelle de New York (1939) aux essais nucléaires de Los Alamos en passant par Disneyland et l’industrie du divertissement. Par l’un des meilleurs écrivains américains vivants.Fl. N. Les Cheveux-vapeur du coiffeur. Petit Précis des mots communs sublimés par les écrivains, anthologie constituée par Véronique Jacob, illustrations de Marie Assénat, Folio, « Entre guillemets », 198 p., 7,40 €.Voici une ribambelle de petits morceaux très bien choisis. Le principe est simple : de « Asperge » (selon Proust) à « Souvenirs d’école » (selon Perec), et de « Carcasse » (selon Alexis Jenni) à « Parmesan » (selon Alberto Savinio), tout indique comme dit Gary que « les mots ont des oreilles ». Ils sont à l’écoute et rendent des sons particuliers selon l’écrivain qui les définit. En toute drôlerie et subjectivité bien sûr. Un dictionnaire pas banal sous la houlette de la talentueuse Véronique Jacob.Fl. N. Le Sac de Couffignal et Ames malhonnêtes (The Gutting of Couffignal et Crooked Souls), de Dashiell Hammett, traduit de l’américain par Janine Hérisson et Henri Robillot, traduction révisée par Nathalie Beunat, Folio, « Bilingue », 208 p., 8,40 €.Quel bonheur que ces Folios bilingues ! Qu’il s’agisse de Barrico en italien ou de Woolf en anglais, le lecteur amoureux des langues ne cesse de passer de l’une à l’autre, jouant à faire du thème, s’essayant à la version. Rien de plus ludique avec la prose rapide et sèche de Dashiell Hammett. Le père du roman noir américain offre ici deux nouvelles policières dans le style des années 1920. Suspense à foison et régal de dialogues.Fl. N. Résolutions pour l’époque où je deviendrai vieux, et autres opuscules humoristiques, de Jonathan Swift, traduit de l’anglais (Irlande) par Léon de Wailly, présenté par Eric Chevillard, Flammarion, « GF », 312 p., 7 €.Un vieil homme assommant et donneur de leçons, voilà ce que l’auteur des Voyages de Gulliver décidément n’est pas. Ses Résolutions pour l’époque où je deviendrai vieux ne font pas prendre une ride à ce classique. Car Jonathan Swift manie l’ironie avec sérieux comme il empoigne avec humour des sujets pleins de gravité, preuve en est, parmi les plaisants opuscules ici réunis, la fameuse Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents : être mangés par leurs parents.Julie Clarini Pour trois couronnes, de François Garde, Folio, 352 p., 7,50 €.Tout commence par un manuscrit trouvé parmi les papiers d’un défunt homme d’affaires. Mandaté par la veuve pour comprendre s’il s’agit d’un récit autobiographique, Philippe Zafar enquête des Etats-Unis jusqu’à une ancienne colonie française (fictive). François Garde fait ainsi de l’analyse de texte le ressort d’un palpitant roman d’aventures où se mêlent autant de foi dans les vertus du genre que de malice dans la façon d’en réactiver les codes.Raphaëlle Leyris Le Monde libre (The Free World), de David Bezmozgis, traduit de l’anglais (Canada) par Elisabeth Peellaert, 10/18, 432 p., 8,80 €.Du grand-père communiste au cadet séducteur, voici la famille Krasnansky. Nous sommes à Rome en 1978, après que Brejnev a entrouvert le rideau de fer. Comme nombre de juifs venus d’URSS, les Krasnansky attendent un visa pour le Canada. Ils l’attendront des mois… Entre chronique familiale et réflexion sur l’Union soviétique, ce premier roman confirme le talent de l’écrivain-cinéaste David Bezmozgis – né à Riga en 1973 et émigré lui aussi au Canada avec sa famille à l’âge de 6 ans – qui conte non sans humour la grande épopée du shtetl jusqu’au « monde libre ».Fl. N. Le Roi en jaune (The King in Yellow), de Robert W. Chambers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Thill, Le Livre de poche, 384 p., 8,90 €.Paru initialement aux Etats-Unis en 1895, ce recueil du prolifique Robert W. Chambers vient d’être réédité à la faveur du succès rencontré par la série télé « True Detective », bientôt sur Canal+. Les premiers épisodes l’évoquent, en effet, brièvement, rappelant, à propos du tueur en série sataniste que pourchassent les deux inspecteurs, la légende d’un livre maudit parce qu’il plonge ses lecteurs dans un univers de folie, thème des nouvelles rassemblées ici… Mais plutôt qu’une réelle source d’inspiration pour le scénariste Nic Pizzolatto, comme le laisse entendre le bandeau noir ceignant l’ouvrage, il faut lire Le Roi en jaune pour ce qu’il est : un beau et rare spécimen de fantastique surnaturel, qui a influencé H. P. Lovecraft.Macha Séry Les Derniers Jours de Smokey Nelson, de Catherine Mavrikakis, 10/18, 312 p., 7,50 €.Dans ce roman venu d’Amérique, résonnent, inoubliables, trois voix puissantes et solitaires : celle de Sydney Blanchard, un Noir, accusé à tort du massacre d’une famille de Blancs ; celle de Pearl Watanabe, femme de chambre d’origine asiatique, témoin des crimes perpétrés, une nuit de 1989, dans un motel d’Atlanta ; celle de Ray Ryan, enfin, père d’une des victimes, religieux fanatique, à qui Dieu a promis vengeance. Le racisme, la peine de mort, la tragédie des vivants que poursuivent, inlassables, les fantômes du passé – c’est tout cela qui mijote et explose dans ce récit polyphonique, l’un des plus forts de la romancière Catherine Mavrikakis, née en 1961 à Chicago et installée à Montréal, à qui l’on doit Le Ciel de Bay City (Sabine Wespieser, 2009). Du grand art.Catherine Simon EssaisLe Parler de soi, de Vincent Descombes, Folio, « Essais », inédit, 428 p., 8,90 €.Le « césarien » est une langue fictive, mais spéciale : le pronom « je » n’y existe pas. Comme Jules César dans La Guerre des Gaules, on ne s’y exprime qu’à la troisième personne. Il reste possible de parler de soi, mais pas de s’attribuer états d’âme, introspection et identité subjective. C’est de cet exemple que part le philosophe Vincent Descombes, dans ce magistral recueil inédit, pour mener l’enquête sur la naissance du moi.Comment est-on passé, dans la philosophie, du « je » des langues courantes (non césariennes…) aux considérations sur le « moi », sa nature, ses capacités et ses actions, entre amour-propre et conscience de soi ? Comment le « moi » peut-il concilier les fonctions de la première et de la troisième personne ? Les multiples analyses rassemblées ici tournent autour de ces questions, abordées tour à tour du point de vue de la grammaire philosophique, de l’histoire du sujet moderne, de la relation dialogique, de la croyance – entre autres.Au fil de cette série de textes – certains déjà publiés, d’autres inédits – qui prolongent sa réflexion sur l’identité dans le sillage de Wittgenstein et de la philosophie analytique, Vincent Descombes jette un regard aigu sur la pensée contemporaine. Et aussi une partie de la littérature. Car les liens ne manquent pas entre la subjectivité des philosophes et l’égotisme des romanciers.Roger-Pol Droit Histoire des mouvements sociaux en France. De 1814 à nos jours, sous la direction de Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky, La Découverte, « Poche », 800 p., 16,50 €.Les mille et une figures de la contestation qui surgissent dans cette riche histoire des luttes sociales – du soldat boulangiste au militant antinucléaire, du vigneron à la féministe – semblent rendre bien illusoire toute tentative de classification raisonnée. Révolution, insurrection ou mouvement social ? Qu’importe, en prenant un parti « fondamentalement historique », cet ouvrage collectif restitue les grandes mobilisations de la société française, de gauche comme de droite, les unes et les autres rejouant une partie nouvelle sur le terrain de la tradition.Julie Clarini  Au prêt sur gage, de Pauline Peretz, Seuil, « Raconter la vie », 80 p., 5,90 €.On y croise pauvres et riches, Français et immigrés. C’est un monde composé par l’urgence mais tout sauf irréfléchi. Pourvu qu’elles aient quelques bijoux en or, le mont-de-piété, aujourd’hui le Crédit municipal de Paris, sis au cœur du Marais, offre aux femmes, les principales clientes, une petite marge de manœuvre, une liberté prise à l’insu des banques et des maris. Le reportage de l’historienne Pauline Peretz ouvre les portes d’une institution loin d’être désuète.J. Cl. Mémoire de ma mémoire, de Gérard Chaliand, Points, 120 p., 5,20 €.Longtemps, « ces visages de vieilles, vêtues de noir, ressassant un passé de désastre », lui ont fait horreur. Gérard Chaliand, géostratège, spécialiste des conflits armés, a mis plusieurs décennies avant de venir, avec ce bref et superbe récit, s’incliner devant son passé : celui de sa famille, décimée, dispersée, chassée d’Anatolie par la soldatesque ottomane, comme le furent, en cette année 1915, des centaines de milliers de familles arméniennes. A la fois livre d’histoire, poème épique, journal intime, Mémoire de ma mémoire est l’une des évocations les plus fortes de la tragédie arménienne.Catherine Simon Léon l’Africain (Trickster Travels. A Sixteenth-Century Muslim between Worlds), de Natalie Zemon Davis, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Letellier, Petite Bibliothèque Payot, « Histoire », 504 p., 11 €.Fondatrice de l’histoire culturelle, l’Américaine Natalie Zemon Davis s’est attachée tout au long de son œuvre à la perméabilité des identités et aux « passeurs » entre les civilisations et les situations les plus antagonistes. Hassan Al-Wazzan, fascinant lettré originaire de Grenade, ambassadeur du sultan de Fès, au début du XVIe siècle, en fut un, malgré lui, lorsqu’il fut capturé en 1518 par un pirate espagnol et « offert » au pape Léon X. Devenu Jean Léon l’Africain (Yuhanna Al-Assad) après sa conversion au christianisme, il sera l’auteur d’une Description de l’Afrique, avant de revenir en terre d’Islam où sa trace se perd après 1532. Cette biographie d’un personnage sur lequel on reste fort peu renseigné est un chef-d’œuvre de restitution d’une époque et d’un itinéraire, retracés par le contexte de la Renaissance et de l’humanisme.Nicolas Weill Penser entre les langues, d’Heinz Wismann, Champs, « Essais », 308 p., 11 €.Loin dêtre seulement obstacle à la communication, l’écart entre les langues est ce qui stimule la pensée, déclenche la réflexion, ouvre des perspectives inédites. Le philologue et philosophe Heinz Wismann, né en 1935, a passé sa vie entre l’allemand, sa langue maternelle, le français, sa langue d’adoption, et le grec ancien. Il tisse dans l’excellent Penser entre les langues des éléments de son autobiographie intellectuelle et des réflexions sur la fécondité des voyages singuliers menant d’une syntaxe à une autre.R.-P. D. La Pensée du roman, de Thomas Pavel, Gallimard, Folio, « Essais », inédit, 660 p., 10 €.Non, l’histoire du roman n’est pas réductible à l’innovation des techniques littéraires, au contexte social ou au jaillissement créatif des génies qui l’illustrent, depuis la période hellénistique jusqu’à nos jours. Car celle-ci, ainsi que le démontre le spécialiste de littérature comparée de l’université de Princeton (New Jersey), Thomas Pavel, est traversée par une pensée en forme de projet aux résultats multiples : « Rendre l’idéal visible au sein du monde transitoire, fragile, imparfait, des rapports humains. » A travers l’étude d’œuvres allant du « réalisme idéaliste » du Pamela, de Samuel Richardson (1689-1761), jusqu’au « scepticisme moral » d’un Flaubert et l’indéchiffrabilité du monde d’un Kafka, cet immense parcours d’érudition se lit avec la légèreté d’une fiction.Nicolas Weill La Barbe. La politique sur le fil du rasoir, de Xavier Mauduit, Les Belles Lettres, « Tibi », 144 p., 9 €.La barbe a réapparu mais les politiques de sexe masculin ne cèdent pas à la mode : le signe d’une fracture entre le peuple et les élites ? Les choses sont un poil plus subtiles, défend Xavier Mauduit dans un dialogue totalement anachronique et particulièrement piquant avec Julien l’Apostat, l’empereur dont la barbe fut objet de railleries. Parce que « l’histoire de France a été écrite avec du poil au menton », on parcourt les siècles et on s’instruit. En méditant : est-ce le fait d’y penser en se rasant qui condamne nos hommes politiques à rester glabres ?J. Cl. Claude Lévi-Strauss. Les Cahiers de L’Herne, sous la direction de Michel Izard et Yves-Jean Harder, Champs, « Classiques », 422 p., 10 €.On trouve dans cette reprise du Cahier de L’Herne publié en 2004 sous la direction de Michel Izard bon nombre de textes rares de Claude Lévi-Strauss (1908-2009. Certains sont inattendus ou surprenants, comme ce compte rendu de Voyage au bout de la nuit, datant de 1933, ou cette étude sur « Les Chats » de Baudelaire, écrite à quatre mains avec Roman Jakobson. La qualité et de la diversité des contributions rassemblées dans cette version de poche sont remarquables. Signées des meilleurs spécialistes, elles couvrent pratiquement tous les registres et les aspects de la vie et de l’œuvre, des années 1930 au temps du structuralisme, en passant par New York.R.-P. D. La Folie Baudelaire, de Roberto Calasso, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, Folio, 496 p., 9 €« La Folie Baudelaire » : voici un « singulier kiosque », « à la pointe extrême du Kamchatka romantique », où Sainte-Beuve situait Charles Baudelaire. C’est autour de ce point focal que se déploie l’éblouissant ouvrage de l’essayiste italien Roberto Calasso. Sept vastes chapitres, confirmant une ampleur de vue exceptionnelle : « Il y a une vague Baudelaire qui traverse tout. Elle a son origine avant lui et elle se propage au-delà de n’importe quel obstacle. » Fascinante analyse, où des fulgurances éclairent « l’obscurité naturelle des choses » ; où les cheminements vers le « fond de l’Inconnu » sont toujours aimantés par la tentation de l’absolu.Monique PetillonMacha SéryJournaliste au MondeCatherine SimonJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteNicolas WeillJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteNils C. AhlJournaliste au MondeFlorence NoivilleJournaliste au MondeRaphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJulie ClariniJournaliste au MondeRoger-Pol DroitJournaliste au MondeMonique PetillonJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’année 2014 a été riche en grandes expositions à Paris. Télérama a dressé la liste de celles ayant attiré le plus de visiteurs sous forme d’un top 30 (voir ci-dessous). « Van Gogh-Artaud, le suicidé de la société » au Musée d’Orsay, « Henri Cartier-Bresson » au Centre Georges-Pompidou et « Star Wars Identities » à la Cité du cinéma arrivent en tête de ce classement, avec respectivement 654 291, 424 535 et 400 000 visiteurs.Parmi ces expositions phare, il faut noter que certaines ne sont pas encore terminées, n’offrant donc que des chiffres temporaires. On pense bien sûr à la rétrospective Jeff Koons, commencée tardivement, à la fin novembre, et qui court jusqu’au 27 avril. Elle ne se situe pour l’instant qu’en 21e position, alors qu’elle a déjà battu un record de fréquentation de Beaubourg : en dix-sept jours, l’exposition avait déjà attiré 112 844 visiteurs, devançant l’exposition « Dali », précédent record de fréquentation du musée, qui avait séduit 111 028 personnes sur la même durée en 2013. Au total, la rétrospective « Dali » avait attiré 840 000 curieux en 2013.A lire : Van Gogh-Artaud, l’électrochocSuccès des rétrospectives et des arts populairesArrivée en tête du classement, l’exposition « Van Gogh-Artaud » a par ailleurs battu le record de fréquentation du Musée d’Orsay, avec une moyenne journalière de 6 374 personnes. A noter que la moyenne de 6 638 visiteurs par jour de la rétrospective Koons est supérieure, laissant augurer une très possible première position finale pour cette dernière, qui bénéficie par ailleurs d’une poignée de jours supplémentaires par rapport à la première. Télérama précise également que le Musée Rodin a battu son record de fréquentation avec l’exposition « Mapplethorpe-Rodin », qui a attiré 166 437 visiteurs.Hormis le succès des rétrospectives (Van Gogh, Cartier-Bresson, Niki de Saint Phalle, Gustave Doré, Martial Raysse, Marcel Duchamp, Hokusai, Jeff Koons, Garry Winogrand, Lucio Fontana…), Télérama relève également l’essor des expositions célébrant la culture populaire, qui attirent un nouveau public dans les musées.En quatrième place, l’exposition itinérante venue du Canada « Star Wars Identities » à la Cité du Cinéma comptabilise ainsi 400 000 fans de La Guerre des étoiles, tandis que près de 250 000 visiteurs se sont rendus à la Cité des Sciences pour « Jeu vidéo l’expo » (9e), même si cette exposition a bénéficié d’une durée de présentation très longue (10 mois, avec une prolongation due à son succès, contre 4 à 5 mois pour les autres).Le Musée Art Ludique, ouvert fin 2013 et dédié à l’art de la BD, du cinéma, de l’animation et des jeux vidéos, affiche pour sa part ses deux premières expositions dans ce top 30 : « Pixar, 25 ans d’animation » (15e) et « L’Art des superhéros de Marvel » (13e).Le Top 30 avec en italique, les expositions en cours :1. Van Gogh-Artaud, Le suicidé de la société – Musée d’Orsay (11 mars- 6 juillet) : 654 291 2. Henri Cartier-Bresson – Centre Georges-Pompidou (12 février-9juin) : 424 535 3. Star Wars Identities – Cité du Cinéma (15 février-5 octobre) : 400 000 4. Niki de Saint Phalle – Grand Palais (17 septembre-2 fév.) : 350 000 5. Gustave Doré, L’imaginaire au pouvoir – Musée d’Orsay (18 février-11 mai) : 304 801 6. Martial Raysse – Centre Georges Pompidou (14 mai-22 septembre) : 260 000 6 ex aequo. Il était une fois l’Orient-Express – Institut du monde arabe (04 avril-31 août) : 260 000 8. Marcel Duchamp. La peinture, même – Centre Georges Pompidou (24 septembre-5 janv.) : 250 000 9. Jeu vidéo l’expo – Cité des sciences et de l’industrie (22 octobre 2013-24 août) : 248 402 10. Les Archives du rêve (…) Werner Spies – Musée d’Orsay (26 mars-30 juin) : 220 222 11. Hokusai – Grand Palais (1er oct-20 novembre, 1 déc.-18 janvier) : 210 000 12. Paris 1900 – Petit Palais (2 avril-17 août) : 203 180 13. L'Art des superhéros de Marvel – Art ludique (22 mars-7 septembre) : 200 000 14. Le Kâma Sûtra : spiritualité et érotisme dans l’art indien – Pinacothèque de Paris (2 octobre-11 janvier) : 200 000 15. Pixar, 25 ans d’animation – Art ludique (16 novembre 2013-2 mars) : 180 000 16. Indiens des plaines – Musée du quai Branly (8 avril-20 juillet) : 176 142 17. Mapplethorpe-Rodin – Musée Rodin (8 avril-21 septembre) : 166 437 18. Les années 50 – Palais Galliera (12 juillet-2 novembre) : 135 000 19. Louvre Abu Dhabi – Louvre (2 mai-28 juillet) : 132 135 20. Inside – Palais de Tokyo (20 octobre-11 janvier) : plus de 130 000 21. Jeff Koons – Centre Georges Pompidou (26 novembre-27 mars) : 112 844 22. Poliakoff – Musée d’art moderne (18 octobre 2013-23 février) : 96 714 23. Maroc médiéval – Louvre (17 octobre-19 janvier) : 90 000 24. Blumenfeld – Jeu de Paume (15 octobre 2013-26 janvier) : 83 400 25. Garry Winogrand » – Jeu de Paume (14 oct.-8 fév.) : 80 800 26. Great Black Music – Cité de la Musique (11 mars-24 août) : 80 000 27. Baccarat, la légende du cristal – Petit Palais (15 octobre-4 janvier) : 80 000 28. Lucio Fontana – Musée d’art moderne (25 avril-24 août) : 73 949 29. America Latina – Fondation Cartier (24 mai-29 septembre) : 70 883 30. David Lynch/Joan Fontcuberta – Maison européenne de la photographie (15 janvier-16 mars) : 45 500Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.12.2014 à 16h15 |Emmanuelle Jardonnet Chaque année depuis 2008, le Château de Versailles invite un artiste contemporain à venir dialoguer avec l’architecture, les jardins ou les œuvres des grands artistes de l’époque baroque – Jules Hardouin-Mansart, André Le Nôtre, Charles Le Brun, Jacques-Ange Gabriel… L’institution a révélé il y a quelques jours le nom de l’artiste choisi pour 2015 : le Britannique d’origine indienne Anish Kapoor, qui investira les lieux de juin à octobre.Anish Kapoor, 60 ans, sera ainsi le 8e artiste à intervenir dans les différents espaces du domaine, après l’Américain Jeff Koons en 2008, le Français Xavier Veilhan en 2009, le Japonais Takashi Murakami en 2010, le Français Bernar Venet en 2011, la portugaise Joana Vasconcelos en 2012, l’Italien Giuseppe Penone en 2013, et l’artiste coréen Lee Ufan cette année.A lire : Jeff Koons honore Louis XIV, Questions autour de l’exposition Jeff Koons au château de Versailles, La recette de Xavier Veilhan pour occuper le château de Versailles, Polémique avant l’exposition Murakami à Versailles et Un Versailles pour petites filles en fleursMais aussi : Courbes d’acier en jeu de piste à Versailles, Joana Vasconcelos, une femme un peu trop libre pour la cour du Roi-Soleil, Giuseppe Penone parsème Versailles d’arbres, de marbres, et autres traces et Lee Ufan : « Il fallait surmonter la perfection de Versailles »« S’adapter »Ce programme avait été lancé par Jean-Jacques Aillagon lorsqu’il était à la tête de l’institution. « Il n’est jamais facile de choisir un artiste pour Versailles, ce n’est ni un musée, ou une galerie ou un espace d’exposition », a déclaré à la presse Catherine Pégard, actuelle administratrice en chef du château. Anish Kapoor a été choisi « car il y a quelque chose chez lui dans le détail pour s’adapter ».La capacité de l’artiste de déplacer les foules, en France en particulier, a certainement dû jouer en sa faveur. En 2011, il avait été choisi pour réaliser l’exposition « Monumenta », qui a lieu chaque année sous la Nef du Grand Palais, à Paris. Son Léviathan était une immense structure gonflable dont les 18 tonnes de PVC emplissaient l’espace monumental, et à l’intérieur de laquelle le public était invité à pénétrer, avait attiré plus de visiteurs, lors de ses six semaines d’exposition, que toutes les autres éditions de la manifestation, soit plus de 277 000 visiteurs.A l’occasion des Jeux Olympiques de Londres, en 2012, Anish Kapoor avait conçu l’ArcelorMittal Orbit, une tour en métal de 115 mètres de haut devenue la plus haute sculpture du pays. Le sculpteur avait par ailleurs représenté la Grande-Bretagne à la Biennale de Venise en 1990, avant de remporter le prestigieux Turner Prize l’année suivante.A lire : Reflets dans les sphères rouges d’Anish Kapoor et « Monumenta » 2007-2014, la démesure par six Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.01.2015 à 04h25 • Mis à jour le24.01.2015 à 04h27 Le musicien allemand Edgar Froese, dont le groupe Tangerine Dream avait créé un son futuriste qui allait marquer des générations d'artistes électroniques, est décédé à l'âge de 70 ans, a annoncé son fils vendredi 23 janvier.Ce dernier, qui avait rejoint son père au sein de la formation musicale, a précisé qu'il était mort subitement, mardi, à Vienne (Autriche) d'une embolie pulmonaire.« Un jour Edgar a dit : “Il n'y a pas de mort, il y a juste un changement de notre adresse cosmique”. Edgar, cela nous réconforte un tout petit peu », ont déclaré les autres membres du groupe dans un communiqué.Froese avait choqué le monde musical au début des années 1970 en utilisant des synthétiseurs pour générer une atmosphère de transe minimaliste. Celle-ci n'avait que peu à voir avec le rock qui dominait alors les ondes.SURRÉALISMENé le 6 juin 1944 dans ce qui est aujourd'hui la ville russe de Sovetsk, il avait étudié à Berlin-ouest. Sa vie a basculé quand il a été invité à jouer en Espagne, dans la villa du peintre Salvador Dali, un de ses héros, en 1967.Cette rencontre l'a poussé à transposer une sorte de surréalisme dans sa musique. Dans une interview donnée des années après, Froese avait raconté que Dali lui avait dit : « Presque tout est possible dans l'art tant que tu crois fermement en ce que tu fais ».Froese s'était ensuite lié à plusieurs musiciens berlinois pour former Tangerine Dream, un groupe qui a décollé après avoir attiré l'attention du présentateur radio britannique John Peel, qui fut longtemps une figure de l'industrie musicale. Le groupe avait signé peu après avec le label Virgin de Richard Branson.Lire aussi en édition abonnés : Quand le « krautrock » allemand annonçait les sons d'aujourd'huiDe cette collaboration était sorti en 1974 « Phaedra », album fondateur du genre électronique dont l'atmosphère psychédélique avait été comparée par certains critiques à un voyage dans l'espace. L'opus était entré dans le top 20 en Grande-Bretagne, mais avait reçu un accueil plus mitigé en Allemagne. Jean-Jacques Larrochelle Un projet légèrement amendé de la tour Triangle, immeuble de grande hauteur dont la construction est envisagée porte de Versailles dans le 15e arrondissement de Paris, pourrait repasser devant le Conseil de Paris en avril, a indiqué, jeudi 22 janvier, l'adjoint au maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS).Le lundi 17 novembre 2014, le Conseil de Paris avait rejeté ce projet de 500 millions d’euros porté par Unibail-Rodamco, premier groupe coté de l'immobilier commercial en Europe. 78 conseillers de Paris (PS, PC, PRG) avaient voté pour, mais 83 (UMP-UDI-Modem, écologistes et PG) s’étaient exprimés contre. Arguant du non respect de la procédure qui devait se dérouler à bulletin secret – certains élus ayant exhibé leur bulletin avant de le glisser dans l’urne –, la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS) avait saisi le tribunal administratif pour invalider le vote. Celui-ci ne s’est pas encore prononcé.La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteL’élue a chargé M. Missika de remettre l'ouvrage sur le métier. L’adjoint au maire a invité Unibail à revoir sa copie de manière à proposer un projet qui fasse plus largement consensus auprès des conseillers de Paris, explique l’AFP. Plusieurs élus de la droite et du centre avaient expliqué au cours des débats qu'ils n'étaient pas hostiles au projet de tour en soi mais qu'ils jugeaient son « contenu » – pour l’essentiel des bureaux – insatisfaisant.Une « nouvelle programmation » pour mi-févrierInterrogé par l'AFP, un porte-parole d'Unibail a confirmé que le groupe réfléchissait à une « nouvelle programmation », qui devrait être présentée aux élus « mi-février ». Elle prévoit que la surface hors-bureaux puisse dépasser 20 % de la surface totale de 80 000 m² de planchers. Sous couvert d'anonymat, un responsable a précisé qu'Unibail réfléchissait à l'installation d'un hôtel, à celle d'un incubateur d'entreprise, et à « l'agrandissement du centre social » que doit accueillir le gratte-ciel de 180 m. Evoquée au tout début du projet, la possibilité de construire un hôtel quatre étoiles au sommet de la tour avait été abandonnée, notamment en raison de la faible rentabilité économique de l'ensemble.La Ville de Paris a toutefois émis, jeudi 22 janvier au soir, des réserves sur le calendrier évoqué par M. Missika. « Le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, a fait valoir un porte-parole. « Avril, c'est court », a ajouté cette source.La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Des femmes polygames à la tête d’un Etat militaire, des hommes obligés de porter le voile… Riad Sattouf inverse les genres dans un conte burlesque qui dénonce les oppressions (vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ Cinéma).Imaginez un monde où les femmes auraient les attributs des hommes : tenue vestimentaire, gestuelle, pouvoir politique, économique, domestique… Et les hommes ceux des femmes. Projetez cette image dans une dictature militaire fondée sur un solide culte de la personnalité, verrouillée par une doctrine religieuse d’Etat, et vous aurez le contexte de Jacky au royaume des filles.En partie tournée en studio, en costumes, avec une brochette d’acteurs célèbres, cette dystopie se déroule dans un pays imaginaire dont les habitants parlent un sabir étrange, se nourrissent d’une bouillie blanche distribuée par voie de robinets, idolâtrent des chevaux nains… Vêtues d’uniformes militaires, les femmes cumulent plusieurs maris qui ont à charge de les satisfaire sexuellement et de s’occuper des tâches ménagères. Les hommes, eux, ne sortent pas sans leurs « voileries », sortes de burqas qui les recouvrent de la tête aux pieds. Les plus âgés vivent dans la crainte de leur épouse, les plus jeunes dans l’attente d’une demande en mariage.Burlesque noir audacieuxMais Jacky (Vincent Lacoste) a d’autres ambitions. Courtisé par toutes les filles de son village, il refuse leurs avances car son cœur bat pour la colonelle, l’héritière du trône qu’interprète Charlotte Gainsbourg. Quand celle-ci lance un bal pour se choisir un mari parmi les garçons du pays, il veut saisir sa chance, comme le fit en son temps Cendrillon.Dépouillé par sa famille adoptive du billet de bal que lui avait acheté sa mère avant de mourir, il se déguise en fille pour infiltrer la cérémonie, et séduire la colonelle, poussant un cran plus loin le jeu de permutation des genres sur lequel repose le film.En une succession de tableaux, le film déploie un burlesque noir audacieux, à défaut d’être toujours drôle. Le résultat, inégal, traduit l’attitude de Riad Sattouf vis-à-vis de son film, alliage de grande ambition fictionnelle, et graphique, avec une forme de décontraction potache qui trouve sa pleine expression dans un invraisemblable dernier plan, totalement bricolé et violemment subversif.En résulte un sentiment de fraîcheur qui tranche avec le professionnalisme moutonnier dont témoignent tant de comédies populaires françaises. Il donne d’autant plus envie de pardonner au film ses défauts que la mise en scène sert une critique virulente de toutes les oppressions à commencer par celle du conformisme.Jacky au royaume des filles, de Riad Sattouf. Avec Vincent Lacoste, Noémie Lvovsky, Didier Bourdon, Charlotte Gainsbourg (France, 2014, 90 min). Vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ CinémaIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.01.2015 à 08h33 • Mis à jour le23.01.2015 à 13h37 | Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur leur chef-d'œuvre psychédélique sorti en 1967.A part pour quelques grognons, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est considéré comme un monument. Huitième album des Beatles, il est devenu pour le plus large public le symbole du son de l'année 1967, période hautement psychédélique. Un assemblage de chansons ouvrant bien grandes les portes de l'imagination, par leur traitement musical et sonore autant que par leurs textes. Un collage fantasque avec fanfares, cordes et instruments venus de la musique classique, riffs de guitare, envolées de claviers, musique indienne, voix déformées, effets façon musique concrète et bruits les plus divers…Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Sgt. Pepper's »De l'introduction très rock du morceau Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band à l'accord final de l'épique A Day In The Life qui s'éteint dans des harmoniques de plusieurs pianos et d'un harmonium, plus de sept cents heures d'enregistrement auront été nécessaires, entre le 24 novembre 1966 et le 21 avril 1967. A l'époque, personne ne passe autant de temps sur un disque. Revolver, l'album précédent des Beatles, avait déjà nécessité plus de deux mois de travail, de début avril à fin juin 1966, mais avec des périodes d'interruption, notamment pour des concerts. Pour Sgt. Pepper's, le groupe élit quasiment domicile dans les studios d'EMI, au 3 Abbey Road à Londres. Les Beatles ont décidé d'arrêter les concerts – ultime date, le 29 août 1966, au Candlestick Park de San Francisco –, ont la volonté de créer in situ, de faire de chaque chanson un terrain d'expérimentation.Le résultat, publié le 1er juin 1967, est à la hauteur de leurs espérances. Treize chansons différentes, qui forment pourtant un tout cohérent, s'enchaînent d'un même élan. Chacune constitue un voyage surprenant par l'instrumentation, une séquence d'accords inattendue, le jeu avec les technologies (mixage, placement stéréophonique)… Et surtout, là où, chez d'autres, le souci de recherche et d'expérimental s'arrête à la surface, l'écriture n'oublie jamais l'impact mélodique : Lucy In The Sky With Diamonds, Getting Better, She's Leaving Home ou A Day In The Life sont les exemples d'une réussite intemporelle.M Le magazine du Monde daté du 31 janvier 2015 sera consacré aux Beatles.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Rosita Boisseau Dorothée Munyaneza avait 12 ans lorsqu'elle s'est enfuie sur les routes du Rwanda pour échapper au génocide. Elle en a 31 aujourd'hui, est devenue chanteuse, danseuse, actrice et mère. Fascinante interprète des spectacles du chorégraphe François Verret depuis 2006, elle a commencé à écrire un texte pour donner forme et voix à des souvenirs sanglants, « faire face à une perte immense ». Elle en extrait aujourd'hui le canevas de son premier spectacle, Samedi détente, du nom de l'émission de radio qu'elle écoutait, gamine, avant 1994. « C'est un titre paradoxalement lumineux, qui me semblait plus juste pour évoquer l'indicible et essayer de me souvenir d'abord de la vie, de mes amis lorsqu'ils étaient vivants. » Vingt ans après le génocide, Dorothée Munyaneza se risque sur ses propres traces. Elle n'est pas toute seule : le musicien Alain Mahé et la danseuse ivoirienne Nadia Beugré sont là pour lui prêter main-forte. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Roxana Azimi De son vivant, ses peintures de jeunes filles alanguies choquaient. Quatorze ans après sa mort, les galeries se les arrachent. Mais son œuvre, exposée à la galerie Gagosian, à Paris, n'a rien perdu de sa trouble séduction. Le poète Antonin Artaud disait de la peinture de Balthasar Klossowski de Rola – alias Balthus – qu'elle sentait « la peste, la tempête, les épidémies ». A-t-elle perdu aujourd'hui cette fragrance vénéneuse pour que la galerie Gagosian lui consacre une grande exposition à Paris après celle, en 2013, de ses Polaroid à New York ? Avouons-le, le marché est souvent puritain. Il plébiscite une œuvre vidée de tout soupçon, en l'occurrence pédophilique, seulement lorsque les milliardaires peuvent l'afficher en toute quiétude comme un trophée. Hier scandaleux, le peintre d'adolescentes alanguies aux poses suggestives serait-il aujourd'hui fréquentable ?A vrai dire, l'artiste décédé en 2001 a toujours été Janus, sulfureux et rassurant à la fois. Son tableau le plus inconvenant, La Leçon de guitare de 1934, avait été refusé par le MoMA de New York : on y voit une fillette, la jupe retroussée dévoilant son pubis, prête à pincer le téton d'une femme plus âgée. Le public, lui, fera la queue devant cette toile exposée à la galerie Pierre Matisse. Recrutés dans le milieu du show-biz (Tony Curtis, Bono) ou des affaires (Stavros Niarchos, Giovanni Agnelli), ses collectionneurs s'arrachent sa parcimonieuse production. Pourquoi tant d'empressement ?Parce que Balthus est moins choquant que troublant. « Il ne suscite pas de gêne mais de l'inquiétude », abonde l'historien d'art Didier Semin, qui voit en lui l'un des dix génies du xxe siècle. Le photographe japonais Araki le dit bien : « Balthus touche avec le regard et jamais avec les doigts. » S'il peint des lolitas aux poses insolentes, c'est moins dans l'esprit prédateur d'un Humbert Humbert que par nostalgie pour ce moment magique où l'on quitte l'enfance sans tomber dans le conformisme de l'adulte. Mais voilà, notre regard reste vissé sur la petite culotte, projection de tous les fantasmes. « Une chambre de Barbe-Bleue »Pourtant tout ici n'est que peinture. « Sa grandeur, c'est d'avoir récupéré les archétypes de la peinture depuis le XIIIe siècle et d'en avoir fait des images modernes qui n'ont pas l'air de pastiches », remarque Didier Semin. Et d'ajouter : « Ses tableaux sont des maisons hantées avec beaucoup de fantômes, c'est la mémoire de plusieurs siècles de peinture. » La bravade est d'autant plus sourde qu'elle se love dans une facture classique, minutieusement ciselée, mille fois repassée au tamis. Balthus mettait parfois des années à peaufiner une toile.C'est bien cette maturation lente qui incommode. « Balthus dérange car il entretient savamment le mystère de son atelier en en interdisant l'accès, remarque le commissaire d'exposition suisse Dominique Radrizzani. Ses modèles ont beau protester qu'il ne s'y passe rien d'équivoque, Balthus s'est créé une chambre de Barbe-Bleue. » Vivant en châtelain dans sa retraite de Rossinière, en Suisse, il cultivait secrets et mensonges. Sa vie était déjà un roman, celui d'un enfant précoce qui signe à 12 ans son premier livre illustré, l'histoire du chat Mitsou, préfacé par le poète Rainer Maria Rilke, alors amant de sa mère. Son entourage d'adulte ? Artaud, Giacometti, Camus, excusez du peu. Mais au roman, Balthus préfère le mythe. Français d'origine polonaise et russe, il niera sa judéité. S'inventant une filiation avec lord Byron, il ajoutera même une particule aristocratique – de Rola – à son nom.La photo comme aide-mémoirePrès de quinze ans après sa mort, il sème toujours le trouble. Moins prudes que leurs aînés, les trentenaires sont sous le charme. « Ma génération trouve que c'est la classe. C'est élégant, confie Jean-Olivier Desprès, codirecteur de la galerie Gagosian à Paris. C'est comme de la peinture ancienne : on passe des heures à la décoder. » Pour Didier Semin, le regain d'intérêt que connaît Balthus, et dont bénéficie aussi son frère, l'écrivain et peintre Pierre Klossowski, s'expliquerait par une « nostalgie pour un âge où l'on pouvait appeler un chat un chat ».Mais les bigots ont encore le dernier mot. En 2014, une exposition de Polaroid de Balthus fut annulée au Musée Folkwang d'Essen. Sans doute pour de mauvaises raisons. Car ce qui devrait poser problème dans ces clichés, que Gagosian expose aussi à Paris, ce n'est pas tant leur contenu – des paysages et des adolescentes assoupies – que leur statut. « Balthus n'aurait pas souhaité qu'on présente ces Polaroid comme des œuvres, estime Dominique Radrizzani. Ce sont des notations mécaniques de lumière, auxquelles le peintre a recours au moment où ses yeux et sa main ne lui permettent plus de dessiner. » Pour ce grand classique, l'intelligence passait par la main. La photo n'a valeur que d'aide-mémoire. Roxana AzimiJournaliste au Monde Emilie Grangeray Luc Bondy met en scène Ivanov, de Tchekhov, à L'Odéon-Théâtre de l'Europe qu'il dirige depuis mars 2012. Il nous parle de son amour des textes et des comédiens : Marina Hands, Michel Bozonnet, Micha Lescot… Vous avez monté une soixantaine de spectacles, et seulement deux Tchekhov (Platonov et La Mouette)…C'est vrai, même si, bizarrement, j'ai l'impression que je l'ai monté souvent. Tchekhov, c'est tout un monde, c'est Shakespeare et Beckett réunis. C'est un auteur formidable, à l'incroyable dramaturgie. J'aime le relire : ses nouvelles, sa correspondance ou encore les notes de son voyage sur l'île de Sakhaline sur les conditions des bagnards. Mais Tchekhov, c'est aussi pour moi un homme très généreux et un être humain assez remarquable.Pourquoi Ivanov ?C'est un texte qui m'intéresse depuis longtemps. Une pièce de jeunesse, mais dans laquelle la structure et les thèmes tchekhoviens sont déjà présents. A 35 ans, Ivanov n'en peut plus. S'il vivait aujourd'hui, on dirait qu'il fait un burn-out.Justement, Tchekhov a écrit deux versions de sa pièce . Laquelle avez-vous décidé de mettre en scène ? La première – que je trouve plus moderne, dans laquelle Ivanov s'effondre, épuisé. Pour moi, la seconde, dans laquelle il se tire une balle dans la tête, est beaucoup plus conventionnelle. J'ai choisi une fin beckettienne : un personnage qui se suicide, c'est psychologique ; un personnage qui finit, c'est ontologique ! Représentant juif d'une culture Mitteleuropa du XXe siècle, vous travaillez comme un talmudiste qui relit le même texte pour atteindre des couches de plus en plus secrètes…Je pense en effet que, s'il y a une vérité qui surgit, ce n'est pas parce que tout a été aplani, bien au contraire, mais parce que tout a été fouillé. Pour moi, Ivanov est aussi une pièce sur l'antisémitisme – ce qu'on appelait, avant l'Holocauste, l'antisémitisme de salon. Ivanov a épousé Sarah qui, parce que convertie par amour, se fait déshériter et qu'il menace de traiter de « sale juive ». On sait d'ailleurs que Tchekhov était un ardent dreyfusard – ce qui était alors assez inhabituel en Russie.Vous avez repris de nombreux comédiens de votre Tartuffe : Victoire du Bois, Yannik Landrein, Micha Lescot...Oui, c'est une espèce de troupe que j'ai créée, et l'alchimie entre les acteurs est pour moi essentielle. J'ai une chance énorme. Ils sont tous parfaits, c'est-à-dire tout à fait eux-mêmes. Je ne crois pas à la notion de personnage. Je ne pars d'ailleurs jamais d'un personnage, mais de quelqu'un qui peut le rejoindre à partir de ce qu'il est, lui.Vous êtes à mi-parcours de votre mandat à l'Odéon. Pouvez-vous esquisser un premier bilan ? Le théâtre est rempli et l'on refuse des abonnés (au nombre de 12 000) pour ne pas jouer à guichet fermé. Par ailleurs, les spectacles sont joués plus longtemps, soixante fois minimum, et cela afin que les productions soient amorties et vues par un plus grand nombre.Emilie GrangerayJournaliste au Monde Claire Guillot Que signifie « être de quelque part » ? Quelle responsabilité a-t-on envers l'histoire de son propre pays ? En tant que Sud-Africain blanc, témoin de la fin de l'apartheid, le photographe Pieter Hugo s'est toujours posé ces questions. Mais elles se sont manifestées de façon beaucoup plus aiguë depuis que ce géant blond aux yeux bleus a fondé sa propre famille. « Je me sens sud-africain. Et je me suis demandé quelle est ma relation à cet endroit. » Pendant huit ans, sous le titre « Kin », qu'on pourrait traduire par « proche », il a accumulé des images, comme pour un portrait de la société sud-africaine et de lui-même, peint à travers les gens qui forment son entourage, ceux qu'il aime ou ceux qu'il croise, et qu'il mêle à des vues d'intérieur et quelques paysages.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-54c1f73d1624f'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\nParc de Green Point Common, Le Cap, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Parc de Green Point Common, Le Cap, 2013","source":"Pieter 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5 \/ 10\r\n \r\n \r\nDaniela Beukman, Milnerton, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Daniela Beukman, Milnerton, 2013","source":"Pieter Hugo","index":4,"position":5,"total_count":10,"item_lie":null,"link":"\/afrique\/portfolio\/2015\/01\/21\/la-melancolie-sud-africaine-dans-les-images-de-pieter-hugo_4560217_3212_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 10\r\n \r\n \r\nP\u00e9ripherie de Pretoria, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"P\u00e9ripherie de Pretoria, 2013","source":"Pieter 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nation ».Lire aussi la critique : Pieter Hugo, l’Afrique du sud en demi-teinte Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Yann Plougastel Au Cap, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Derrière les murs des villas sécurisées, où les Blancs se protègent des Noirs, il se passe des affaires étranges qui en disent long sur l'échec de la société arc-en-ciel rêvée par Nelson Mandela. Depuis Mélanges de sangs, en 2009, Roger Smith, qui travailla d'abord comme réalisateur et producteur de cinéma, porte un regard amer sur la société sud-africaine.Dans le diabolique Pièges et sacrifices, son cinquième roman traduit en français, il nous raconte l'histoire de Mike Lane, un libraire plutôt à l'aise qui, avec sa femme Evelyn, tente de maquiller le meurtre, dans leur propre maison, d'une jeune fille par leur abruti de fils, en accusant le fils noir de leur employée de maison… A travers la figure de Mike Lane, homme cultivé mais faible, Roger Smith nous montre avec âpreté la déliquescence d'un monde qui a perdu tout espoir de rédemption Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux A peine remise de son inauguration, la Philharmonie de Paris accueille en grande pompe l'Orchestre Simon Bolivar. Cette formation est dirigée depuis 1999 par l'une des baguettes les mieux cotées du moment, le charismatique et talentueux chef vénézuélien Gustavo Dudamel, également patron, à 33 ans et depuis 2009, de l'Orchestre philharmonique de Los Angeles.Dans la besace symphonique de ces preux du Sistema – l'exemplaire système d'éducation du Venezuela, fondé sur la pratique instrumentale comme alternative à la violence –, la Cinquième Symphonie de Beethoven ainsi que des morceaux choisis du Ring wagnérien (24 janvier), puis le typique Tres versiones sinfonicas, du compositeur cubain Julian Orbon, avant la Cinquième Symphonie de Mahler (25 janvier). Dans le nouvel écrin symphonique parisien, deux concerts à haute valeur musicale emmenés avec une fougue communicative par des musiciens de tempérament.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Yann Plougastel En décembre 2014, ces quatre garçons du désert ont enflammé les Transmusicales de Rennes avec leur mélange de blues de la Genèse, de rock du futur et de musique africaine de toujours. En septembre 2013, le morceau Soubour, issu de la compilation Maison des jeunes, réalisée à Bamako par Damon Albarn et Brian Eno, avait déjà attiré l'attention sur le très électrique Songhoy Blues. Depuis, la rumeur a grandi grâce au clip, particulièrement réussi, d'Al Hassidi Terei, titre annonçant la sortie de leur premier album, Music in Exile, produit par Nick Zinner, le guitariste de Yeah Yeah Yeah…Ils viennent de Tombouctou et de Gao, qu'ils ont quittés en 2012, au moment de l'invasion du nord du Mali par les groupes djihadistes. Refusant de se plier à l'interdiction de jouer de la musique, ils ont migré à Bamako pour continuer à exercer leur passion. C'est là que Damon Albarn les a entendus, tombant sous le charme de morceaux qui évoquent à la fois Ali Farka Touré, John Lee Hooker et B.B. King.Leur nom, Songhoy Blues, renvoie directement aux Songhaï, ce peuple métis à la frontière de l'Afrique blanche et de l'Afrique noire qui, au XVe siècle, bâtit un empire s'étendant le long du fleuve Niger, du Mali au Nigeria aujourd'hui. Ces musiciens se revendiquent donc d'une culture bien particulière, où le désert joue un rôle primordial. Et, en même temps, ils s'inscrivent dans une modernité tout aussi dansante que décoiffante… Retenez bien leur nom. Ils symbolisent l'envol de l'Afrique d'aujourd'hui.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Le directeur de l’école affiche une mine ultra concentrée, tandis que les enfants quittent le bâtiment. Vendredi 9 janvier, 15 heures : les chaînes d’information commentent en boucle la prise d’otages de la porte de Vincennes, à Paris. Ici, on est proche de la porte de Pantin, et dans quelques minutes, un spectacle va commencer. La presse est admise à condition de ne pas nommer l’école, ne pas interviewer d’enfants ni les prendre en photo. Normalement, les élèves de l’atelier théâtre devaient se rendre, à 15 heures, au Théâtre Paris-Villette (19e arrondissement), pour découvrir L’Enfance de Mammame, chorégraphie de Jean-Claude Gallotta. Ce spectacle s’inscrit dans le cadre du parcours « enfance et jeunesse » initié par le Théâtre de la Ville. Mais, après l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, le 7 janvier, le plan Vigipirate a été durci et les sorties scolaires annulées.Alors ce sont les artistes qui sont venus dans cette école d’un quartier populaire. Un danseur s’échauffe au sol, travaille ses écarts, dans une salle qui ressemble à un gymnase. Gallotta lui-même est passé ce matin. Il a fallu adapter le spectacle, improviser un espace : des tapis de gym ont été dressés en fond de salle, et voilà un paravent ! Derrière, c’est la loge. Devant, ce sera la scène.Les petits de CP et de CE1 sont prêts, assis sur les bancs. « Bonjour ! », lance Valérie Dassonville, qui dirige le Paris-Villette avec Adrien de Van. « Bonjour ! », répond la joyeuse troupe. Valérie Dassonville n’a pas le temps de finir sa phrase, une petite fille évoque « l’attentat » qui les empêche de sortir. Le spectacle peut commencer.Drôle de tribuLes Mammame sont une drôle de tribu : ils aiment danser, au point qu’ils en deviennent tristes quand ils s’arrêtent. Le projecteur est leur soleil... Un lutin au bonnet blanc, pompon neigeux, introduit un à un les personnages. Chacun incarne une danse, classique, urbaine, contemporaine, danse de la grande sirène et danse de la terre...C’est l’heure du repas, une immense nappe blanche flotte dans l’air, les Mammame « boivent de l’humour et mangent de la gentillesse ». Troublant rappel au réel, à ces dessins de Charlie Hebdo qui pouvaient susciter un rire féroce et ont coûté la vie à douze personnes... Et si on buvait tous de l’humour ?Après le spectacle, les neuf danseurs s’assoient en face des petits. Des questions ? Une envie surtout : que la danseuse fasse un grand écart. Et hop... C’est parfois simple la vie. C’était une heure et quelques de grâce.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.01.2015 à 11h27 • Mis à jour le10.01.2015 à 13h36 | Sandrine Blanchard Parmi les humoristes, Nicolas Bedos est l’un des rares à accepter de livrer son sentiment sur les attentats qui ont secoué Paris et leurs conséquences sur la liberté de rire de tout. Polémiste et écrivain, le fils de Guy Bedos ne s’interdit aucun sujet et revendique le droit à l’insolence. Il avait provoqué une controverse lors de sa chronique virulente, en janvier 2014 sur France 2, contre Dieudonné. Et auparavant, en 2010, lorsqu’il s’était moqué de la politique israélienne. Il redoute aujourd’hui l’émergence d’une « censure préventive ».Vous avez renoncé à faire une chronique ce samedi 10 janvier lors de l’émission de Laurent Ruquier, « On n’est pas couché » sur France 2. Pourquoi ? Depuis le jour du drame, j’étais partagé entre l’envie de faire place au silence afin de laisser l’émotion nous envahir et celle d’honorer la mémoire de mes camarades Wolinski, Cabu et Tignous. Ils n’auraient pas aimé que l’on se censure, que l’on freine le combat de l’impertinence et que leur mort installe une atmosphère de solennité. Le recueillement national est salutaire, mais n’oublions pas que ces gens ne reposaient jamais la plume satirique, même dans des moments de très grande émotion. Souvenons-nous de la manière dont ils ont traité le 11 septembre ou le carnage de Mohamed Merah.Jeudi, lors de l’enregistrement, je m’étais grimé en Houellebecq. Je m’apprêtais à faire une satire de sa posture d’artiste dispensé d’affect et d’opinion personnelle… Et puis le malaise, le sentiment d’indécence médiatique, se sont emparés de moi. Je me suis dit « ta gueule », je me suis levé et je suis parti. Je regrette ce réflexe car je reste convaincu que le plus bel hommage qu’on puisse rendre à Charlie, c’est de continuer le boulot. Parce que rire, se moquer, c’est résister, c’est vivre. Il ne faut pas étouffer le nez de clown sous un mouchoir blanc. Quels étaient vos liens avec les gens de Charlie ?Ils envoyaient fréquemment des signes de soutien et de sympathie – et c’était réciproque - dans les moments où l’on se sentait très seul face à la polémique. Je pouvais compter sur eux quand - et cela m’est arrivé souvent - je me retrouvais confronté à une cabale bien-pensante. Lorsqu’on s’attaquait soit à Israël, soit à la séduction exercée par Dieudonné sur les jeunes de banlieue ; quand la twittosphère s’emballait, que les associations commençaient à vous chercher des tares, que la censure pointait le bout de son nez, des gens comme Charb ou Wolinski n’étaient jamais très loin pour envoyer un texto et dire « continue, gars ».Qu’est-ce que représente pour vous l’attentat du 7 janvier ?Pour moi c’est le début d’une « guerre » extrêmement brouillonne, dangereuse, soumise au populisme de Le Pen et Zemmour. Avec le risque que les satiristes et les médias s’autocensurent par peur de se faire tirer une balle dans la tête ! Mais je retiens aussi la communion internationale en faveur de la liberté d’expression. Il va falloir être précis, tout dire, ne mentir ni aux Français effrayés par l’islam, ni aux musulmans qui pourraient se sentir exclus devant l’hagiographie qu’on fait actuellement de Charlie Hebdo.Pleurer la bande Charlie n’empêche pas de rappeler son combat offensif, quasi hebdomadaire, à l’encontre des symboles islamiques. Non, Charlie n’était pas un repaire de déconneurs bon enfants. Et alors ? J’étais de tout cœur avec eux. Mais nier l’obsession satirique de Charb concernant l’Islam serait une provocation à l’égard des jeunes musulmans - ceux-là même qui, jamais, n’ont souhaité une telle barbarie. Charlie avait le droit - et le devoir - de concentrer son vitriol sur l’Islam radical mais on ne peut pas dire qu’il était un journal satirique classique. C’est faire de l’angélisme, du politiquement correct, et ça risque d’attiser le sentiment d’exclusion des jeunes musulmans. Qui pourraient se dire : « S’ils ne reconnaissent pas que certains dessins étaient extrêmement véhéments, alors j’emmerde Charlie et la France ».Le 7 janvier, un journal courageux sur un combat dangereux a été flingué par la caricature de ce qu’ils dénonçaient. Voilà ce que c’est, cet attentat. Il n’y a pas de graduation dans la liberté d’expression. J’étais pour ces caricatures tout en remarquant - de par la répétition de leurs attaques - que Charlie prenait des risques considérables.Pourquoi avoir choisi de vous grimer en Michel Houellebecq pour un projet de chronique post 7 janvier ?La canonisation littéraire de Houellebecq commence à me faire sourire. Relisons Echenoz, Handke ou Roth pour relativiser la valeur formelle de Houellebecq. C’est un malin dépressif, dans la lignée de certains artistes contemporains : Il use, plus ou moins habilement, de la distance ironique pour mieux disséminer un certain nombre de ses névroses idéologiques. Comme pour Dieudonné, chez Houellebecq, l’art et l’humour ont bon dos. De plus, pour les esprits primaires et binaires, le massacre de Charlie est une formidable consécration des thèses de Le Pen, Zemmour, Finkielkraut… et de Houellebecq, dans son dernier roman. Ces néoréacs, névrosés, paranos, inconscients et amers, ont volé la vedette du politiquement incorrect aux progressistes de gauche. Car la gauche s’est vautrée dans le mensonge par omission et dans le consensus. Elle s’est aveuglée sur l’inquiétude provoquée par l’islam, et elle a offert un boulevard aux réacs. Ceux-là osent s’emparer des sujets qui fâchent, ce qui les rend attractifs – voire télégéniques. La gauche doit reconnaître la désorientation des Français face au mariage gay ou au dogme religieux. On vient de flinguer une bande d’anarchistes de gauche car ils se moquaient de l’intolérance religieuse. Et qui est en train de bouffer le gâteau de la révolte ? Des petits-bourgeois xénophobes.Le frappant télescopage entre la sortie du livre de Houellebecq et l’attentat contre « Charlie Hebdo »Vous en voulez beaucoup à la gauche… Le problème de la gauche – qu’il s’agisse des politiques, des intellos ou des artistes - c’est qu’elle a tendance à ne s’adresser qu’à ceux qui sont déjà d’accord avec elle. Ce qui compte, aujourd’hui, ce sont tous les autres ! Par exemple, un récent sondage estime que 77 % des Français ont un problème avec l’Islam. Quand j’ai fait ma chronique sur Dieudonné dans laquelle je me moquais, outrancièrement, d’un jeune de banlieue, toute une partie de mes amis de gauche m’est tombée dessus en me disant « oh, tu n’aurais pas dû, ce n’est pas bien ». Ça veut dire quoi « ce n’est pas bien ? » On ne peut plus se moquer de certains jeunes de banlieue sous prétexte qu’on comprend le facteur social et psychologique de leur désarroi ? Donc on ne peut plus parodier certains gosses de riches sans mépriser l’argent ? Les pros israéliens sans être antisémites ?Au contraire, il ne faut pas laisser le terrain de la critique du gouvernement israélien et de la culture dite « de banlieue » aux racistes patentés. Le fait que je milite contre les discriminations et prône les bienfaits de l’immigration ne me dispense pas d’être lucide sur certains monstres. Réveillons-nous. Ce n’est pas en niant un problème qu’on le règle. Il est urgent de faire de la pédagogie pour expliquer la différence entre un musulman et un islamiste radical.Vous avez reçu à plusieurs reprises des menaces suite à vos chroniques. Vous est-il arrivé d’avoir peur ? Bien sûr j’ai eu très peur. J’ai couru à la sortie d’un cinéma, j’ai été coursé trois fois en sortant de chez moi par des gars qui criaient « Vive Dieudo ! Je vais te tuer ! », je suis allé habiter ailleurs. Il y a des personnes qui ont posté sur Twitter : « j’espère que Nicolas Bedos sera le prochain sur la liste ». Qu’il s’agisse d’Allah ou de Dieudonné, on est face à des jeunes qui se sont passé le mot : faut leur faire la peau.Serez-vous dimanche à la marche républicaine ? Oui. Je crois beaucoup aux symboles. Ne serait-ce qu’à l’égard de nos gamins. Ils n’oublieront jamais ce jour-là. Cela marquera très sainement leur conscience. J’ai pleuré devant les images de rassemblement, ce monde entier qui a défendu l’humour, l’impertinence.Avez-vous le sentiment que les événements actuels vont sonner le glas de l’impertinence et de la provocation, entraîner une autocensure ? C’est exactement ce qui se passe. Le pire est annoncé. Avant, la censure était d’ordre opportuniste, elle intervenait pour protéger contre la charge des politiques et des associations, lorsqu’on craignait de perdre des lecteurs ou de l’audimat. Demain, ils vont nous censurer au nom de notre propre intégrité physique. Si la semaine prochaine, je me fous de la gueule des islamistes radicaux chez Ruquier, il est possible que je sois censuré par ma chaîne parce qu’elle craindra, à raison, que le plateau soit infiltré par trois tarés tirant à vue. La censure sera défensive. Au nom d’une forme de paix sociale, de plus en plus de médias vont avoir la trouille. Il y a trop d’interdits en France, disons la vérité. Pour que Charb, Cabu et les autres ne soient pas morts pour rien, laissez-nous l’ouvrir et risquer notre peau. Quitte à ce qu’on ne puisse plus aller pisser sans être accompagnés par trois agents de sécurité. Si l’on n’est pas suicidaire, il ne faut pas faire ce métier.Sandrine BlanchardJournaliste au Monde SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Un prix « Charlie de la liberté d’expression » devrait être créé à l’occasion du Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême dont la 42e édition aura lieu du 29 janvier au 1er février. Réunis jeudi 8 janvier à Paris, au lendemain de la tuerie ayant eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo, les organisateurs de la manifestation ont lancé l’idée de cette distinction qui devrait ensuite être décernée, chaque année, à un dessinateur – de presse et/ou de bande dessinée – ne pouvant pas exercer son métier en toute liberté. « Ce prix cessera d’être remis le jour où tous les dessinateurs du monde pourront s’exprimer librement, c’est dire qu’il a de l’avenir », a confié au Monde le délégué général du FIBD. Plusieurs autres initiatives ont également été envisagées par les organisateurs du festival, notamment un « concert dessiné » exceptionnel qui rassembleraient, pendant une prestation musicale du compositeur Areski Belkacem, de nombreux dessinateurs français et internationaux. Plantu, caricaturiste du Monde et créateur de l’association Cartooning for Peace, a été sollicité pour imaginer un scénario lors de cette soirée. Une table ronde sur la thématique de la liberté de la presse, réunissant des dessinateurs et des responsables d’organes médiatiques, est également en préparation. Idem d’une exposition en extérieur reproduisant une sélection des meilleures « unes » de Charlie Hebdo. Un « appel à dessiner » via Facebook« Si Charlie Hebdo est une singularité française, le festival d’Angoulême en est une aussi. Nous ne pouvions pas rester sans rien faire », indique Franck Bondoux. Le FIBD a d’ores et déjà lancé un « appel à dessiner » via une page Facebook : 300 dessins, issus de 15 pays différents, ont été envoyés par des amateurs en une seule journée mais aussi par des bédéistes professionnels. Une délégation du festival sera par ailleurs présente dimanche à la marche républicaine prévue à Paris entre les places de la République et de la Nation derrière une banderole où sa mascotte – un petit fauve à oreilles pointues créé par Lewis Trondheim – affirme « être Charlie » lui aussi. La réunion de jeudi a aussi abordé la question de la sécurité. La préfecture de Charente a fait savoir qu’elle renforcerait les effectifs policiers qu’elle déploie habituellement pendant la manifestation et a encouragé les organisateurs à faire de même avec les vigiles qui filtrent les entrées des différents lieux de rassemblement et d’exposition. « Après une tragédie pareille, la question que le monde de la bande dessinée doit se poser est simple : doit-on sombrer dans l’autocensure et raser les murs ou continuer à se rassembler et discuter comme on l’a toujours fait ?, assène Franck Bondoux. La meilleure réponse que puissent donner les amoureux du dessin est que cette édition du festival batte des records de fréquentation. » La manifestation accueille environ 200 000 visiteurs chaque année. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Rosita Boisseau Dans « Le Miroir de Jade », œuvre personnelle co-créé avec son amie, la chorégraphe Raja Shakarna, l'actrice danse bien plus qu'elle ne parle.Dans Le Miroir de Jade, Sandrine Bonnaire danse bien plus qu'elle ne parle. Elle y incarne une femme brisée, loin des sourires francs qu'elle affiche hors de la scène. Pourtant, cette œuvre personnelle, co-créée avec son amie, la chorégraphe Raja Shakarna, fait écho à sa propre vie. Sandrine Bonnaire est une femme qui sourit. En largeur, franchement. Grande bouche élastique qui lui mange le visage dans un éclair de joie. Son nouveau rôle dans Le Miroir de Jade – une pièce chorégraphique co-signée avec Raja Shakarna – en est l'opposé. Les cheveux devant le visage, la moue basse : « Jade tente de se reconstruire après un coma, de retrouver la vie, la lumière, explique la comédienne, cigarette à la main, dans la petite cantine du Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, où elle répétait pendant tout le mois de décembre. C'est un personnage très positif. »Pour raconter cette histoire de réparation et de résilience, Sandrine Bonnaire se lance dans une nouvelle aventure. Après avoir chanté Duo d'anges heureux avec Jacques Higelin et réalisé un portrait-documentaire du chanteur, la voilà qui se risque pour la première fois à danser sur scène. « La danse, son travail sur le corps, me semblait le meilleur moyen d'incarner cette femme qui ne parle pas, poursuit-elle. Avec Raja, que je connais depuis l'âge de 10 ans, nous avons décidé de réaliser ensemble ce projet dont nous parlions depuis trois ans. » Elle ajoute : « Il y a plein d'artistes qui ne seront jamais mis en lumière. J'avais envie de faire connaître Raja au public. Si la pièce est ratée, ça ne changera rien à notre amitié qui dure depuis trente-sept ans. »« Moi, je voulais être danseuse »Les couches et sous-couches de ce spectacle courageux sont multiples. Une densité qui explique la force secrète qui en émane. C'est avec Raja que Sandrine Bonnaire a commencé à danser. « Nous habitions toutes les deux à Grigny, dans l'Essonne, et j'allais chez elle lors des fêtes du Ramadan, se souvient-elle. Elle rêvait de faire du théâtre et est devenue professeure de danse orientale ; moi, je voulais être danseuse. »C'est au gré de ses tournages que Sandrine Bonnaire a testé tous les styles, se forgeant une silhouette fine et réactive. « J'ai d'abord pris des cours de danse classique lorsque j'avais 23 ans pour me rassurer sur scène, se souvient-elle. Je devais jouer La Bonne Ame du Se-Tchouan de Bertolt Brecht, mis en scène par Bernard Sobel, et cela m'a beaucoup aidée. J'ai adoré ça. S'occuper de son corps, c'est tout de même formidable. » Et d'enchaîner ensuite avec l'apprentissage de la capoeira au Brésil, du tango en Argentine, et même de la danse traditionnelle indonésienne, à Bali. « Je suis un peu raide du torse tout de même, précise-t-elle. Avec Raja, nous travaillons beaucoup les courbes et les ondulations. »Un être détruit, vidéLa contempler lors d'une répétition en vieux peignoir jaune effiloché donne une idée de son engagement. Prostrée, cassée en deux ou à quatre pattes, elle avance collée au sol. Vision d'un être détruit, vidé. « Nous avons élaboré cette partition ensemble, pour et sur Sandrine, précise Raja Shakarna. Nous racontons une histoire avec le corps, un corps centré, qui va retrouver son équilibre. »Pour l'interpréter, Sandrine Bonnaire, qui a renoué avec la scène depuis L'Odeur des planches en 2014, n'est pas allée chercher très loin de chez elle. En 2000, elle a été victime d'une agression extrêmement brutale qui l'a laissée sur le carreau. « Et nous avons comme par hasard commencé les répétitions le 27 novembre, le même jour où ça m'est arrivé… », glisse-t-elle rêveuse. « Evidemment, cela fait partie du spectacle, poursuit-elle. Il y a quelque chose d'un peu thérapeutique. J'ai encore beaucoup de mal à me laisser tomber en arrière par exemple. Mais il y a une vraie distance entre Jade et moi. » Sourire énorme, Sandrine Bonnaire ne se retourne sur sa vie que pour mieux foncer.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Roxana Azimi Loris Gréaud a longtemps été une intranquille combustion. Aujourd'hui, le jeune Français a acquis en maturité, en sérénité, en muscles aussi. Propulsé tôt, à 23 ans, sur la scène hexagonale, il est le premier créateur invité à occuper l'intégralité du Musée Dallas Contemporary, au Texas, à partir du 18 janvier. L'artiste trentenaire a beau sembler apaisé, il a gardé un sens de la démesure qui lui fait aimer les défis prométhéens : occuper en 2008 les 4 000 m2 du Palais de Tokyo à Paris ; exposer simultanément cinq ans plus tard au Louvre et au Centre Pompidou, réunir David Lynch et Charlotte Rampling dans un court-métrage, The Snorks… Hyperactif, ambitieux, longtemps provocateur, Loris Gréaud en fait-il trop ? « Je vis chaque projet comme si c'était le dernier », reconnaît-il. Le Rastignac pressé d'atteindre les sommets masque une mélancolie macérée dans une banlieue parisienne bétonnée. D'une enfance pas folichonne naît une volonté d'en découdre. Expulsé de plusieurs établissements, le bagarreur s'adonne à la musique en montant un groupe underground, Triphage. Dans la journée, il suit une école de dessin technique, participe à un atelier de cinéma expérimental, avant de passer le concours des Beaux-Arts de Cergy. Tout juste en deuxième année, le prodige participe à l'ouverture du Plateau, l'espace d'exposition de la Frac d'Ile-de-France. Deux jours avant de passer son diplôme, il expose à la galerie gb agency, à Paris, avant de migrer chez Yvon Lambert et de rejoindre dans la foulée la Pace Gallery à New York. Pétri de l'univers junky de William Burroughs et de science-fiction façon J.G. Ballard, Gréaud brouille les frontières entre le réel et le virtuel : nano-sculptures invisibles à l'œil nu, tentative de télétransportation, concert pour les poissons abyssaux… « Une œuvre d'art, ce n'est pas éclairant, ça complexifie le regard sur le monde, confie-t-il. L'art, c'est ce qui rend les choses opaques. » A Dallas, il orchestrera pour le vernissage un vandalisme contrôlé, chorégraphié, laissant pendant trois mois un champ de ruines et de sculptures fracassées, comme après un cataclysme. Son credo ? Repousser les limites, de l'institution, de la galerie, ou de sa propre santé. On l'aura cru étoile filante, Icare se brûlant les ailes. Mais le phénix rebondit toujours, puissance mille.Roxana AzimiJournaliste au Monde Frédéric Potet Dernier-né d'une lignée d'ogres patibulaires, le jeune Petit se nomme ainsi en raison de sa taille très inférieure aux canons familiaux. La faute aux unions consanguines qui affectent depuis plusieurs générations cette dynastie de géants condamnés à être de plus en plus petits. Promis à la mort par son père, l'enfant est confié secrètement par sa mère à une grand-tante elle-même répudiée en raison de l'amour qu'elle porte aux humains – la pitance habituelle de tout ogre qui se respecte. Missionné pour régénérer l'espèce, Petit n'aura d'autre choix, à l'adolescence, que s'accoupler à une humaine, précisément…A rebrousse-poil des histoires de princes et de princesses fatalement faits l'un pour l'autre, cet anticonte mêlant bande dessinée et textes illustrés traite astucieusement du déterminisme familial et de l'omnipotence au sein des sociétés monarchiques. Son traitement graphique évoque à la fois les ambiances à la Tim Burton et le Gulliver des frères Fleischer. Transfuge du cinéma d'animation, Bertrand Gatignol a, pour le coup, des doigts de fée. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde Clémentine Gallot Rodolphe Dana ne cache pas sa fierté. Il vient de fêter les 10 ans de son collectif d'acteurs Les Possédés. Avec neuf anciens camarades du cours Florent, il a posé les jalons d'une création collective et horizontale dans laquelle chacun joue et s'investit à la fois dans la dramaturgie, les décors et les costumes. Avec eux, il a mis en scène Jean-Luc Lagarce et John Cheever, mais aussi et surtout Tchekhov. « J'aime sa manière de traiter l'humanité, sans juger ses personnages, glisse-t-il. On y croise toujours les mêmes fondamentaux, l'argent, la nourriture, l'amour… Des choses intemporelles qui expliquent qu'il soit encore autant joué à l'heure actuelle. »Le collectif retrouve ce mois-ci le dramaturge russe avec Platonov, au Théâtre de la Colline. Œuvre chorale de jeunesse composée à 18 ans, la pièce met en scène le désœuvrement d'un microcosme. A la barre de ce naufrage annoncé, Dana lui-même joue « ce fou de Platonov » aux côtés d'Emmanuelle Devos (invitée), impériale en Anna Petrovna, et de l'hilarant Christophe Paou, inquiétant moustachu de L'Inconnu du lac, d'Alain Guiraudie. Pour Dana, Platonov, le perturbateur qui envoûte toute une communauté, se révèle au fil du jeu « un être profondément paradoxal. Alors que le nihilisme arrive, c'est, au fond, le dernier héros du romantisme ». Clémentine GallotJournaliste au Monde Stéphane Davet Une voix radicalement androgyne, une chanson – One Day/Reckoning Song – remixée en tube mondial (par le DJ allemand Wankelmut) et des concerts déboussolants d'énergie avaient fait triompher l'album Different Pulses et transformé Asaf Avidan en phénomène inattendu de 2013. Première sortie événement de 2015, son second album solo, Gold Shadow, confirme brillamment que le talent du chanteur israélien à la coupe iroquoise ne se limite pas au beau bizarre. Certes, les aigus de sa voix, sur le fil du rasoir entre passion brûlante et sensualité glacée, n'ont pas fini de nous troubler. Mais on saluera aussi l'ambition d'un disque décidé à creuser toutes les tensions, ombres et impasses de l'aventure amoureuse.Unifiées par un parti pris d'élégance et de sobriété, ces douze chansons illustrent les variations sentimentales avec une réjouissante diversité stylistique (pop des années 1950, jazz années 1930, rock anguleux, ballade folk, blues primitif, reggae…). Auteur-compositeur aux mélodies raffinées, l'interprète multiplie les voyages temporels et transgenres, incarnant avec autant d'émotion et de crédibilité des doubles de Bob Dylan (Over My Head), Leonard Cohen (Labyrinth Song), Bob Marley (Little Parcels of an Endless Time), Howlin' Wolf (Bang Bang), Billie Holiday (Gold Shadow) ou Shirley Bassey (My Tunnels are Long and Dark).Stéphane DavetJournaliste au Monde Yann Plougastel L'inspecteur Jack Caffery est de retour. Et toujours aussi obsédé par la mort de son jeune frère Ewan, sans doute tué par un redoutable pédophile… Au cours de ses précédentes enquêtes, Caffery a côtoyé l'horreur plus souvent qu'à son tour. Dans Viscères, sa septième aventure, notre inspecteur migraineux est confronté au meurtre particulièrement odieux d'une famille entière dans leur résidence secondaire, une vaste maison victorienne juchée sur une colline des Mendip Hills, dans le Somerset. Il est secondé une fois de plus par le Marcheur, un vagabond à l'intelligence redoutable.Mo Hayder, une des reines britanniques de l'effroi, réussit encore à nous entraîner dans un monde de peurs et d'obsessions, où le pire n'est jamais loin. Depuis Birdman et Tokyo, cette jolie quinquagénaire installée à Bath aligne avec talent les intrigues où des âmes tumultueuses se livrent à des sévices inouïs. Viscères, son dixième roman, ne déroge pas à la règle. Mais, dans le genre, c'est un must. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot Difficile d'imaginer que le cheval fut aussi omniprésent que l'est aujourd'hui la voiture. Moyen de déplacement et instrument de distinction sociale, il étendait son empire sur toute la société française. Les images du florissant et chic studio Delton, qui s'était spécialisé dans la photographie équestre, témoignent de cette époque, du Second Empire à la guerre de 1914, où on ne posait pas devant sa Maserati mais devant son tout nouvel équipage. Le Musée de la chasse et de la nature de Paris, toujours inventif, expose des images étonnantes : les people de l'époque qui posent à cheval – de Mata Hari au roi de Prusse en passant par Abd el-Kader –, le luxe de certaines voitures et l'apparition des premières photos de courses de chevaux, réalisées grâce à l'invention du zoopraxiscope, qui permet de décomposer le mouvement. Une exposition historique passionnante, ponctuée de quelques travaux contemporains bienvenus et d'objets d'époque. Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.01.2015 à 15h17 • Mis à jour le07.01.2015 à 15h34 | Clarisse Fabre Mathieu Grégoire, sociologue, a suivi en tant qu’expert indépendant, avec l’économiste Jean-Paul Guillot, les chiffrages visant à évaluer les modèles alternatifs d’indemnisation des intermittents du spectacle, menés sous la houlette de l’Unedic, qui prescrit les règles d’assurance-chômage. Auteur de l’ouvrage intitulé Les intermittents du spectacle. Enjeux d’un siècle de luttes (La Dispute, 2013), il raconte dans quelles conditions les travaux ont été menés.Intermittents du spectacle : Manuel Valls veut sanctuariser le régime en l'inscrivant dans la loiLe travail d’expertise sur les intermittents a-t-il pu s’exercer en toute indépendance ?Oui, en fin de compte. En France, quand un organisme comme l’Insee fournit des statistiques, les chiffres émanent de fonctionnaires indépendants du pouvoir. Cette indépendance n’existe pas à l’Unedic, qui est alternativement présidée par la CFDT et le Medef. A ce titre, on a pu dire que cet organisme était juge et partie sur les intermittents. Mais l’Unedic a accepté de jouer le jeu. Pour la première fois, on a pu mener une évaluation plus démocratique.Les modèles alternatifs, avec retour aux 507 heures en douze mois, sont-ils viables ?En tout cas, on serait loin d’avoir une horde d’intermittents qui arrivent dans les annexes 8 et 10, comme cela a été martelé… On a réalisé une simulation « toutes choses égales par ailleurs ». Autrement dit, si on applique les 507 heures en douze mois sur les effectifs présents en 2012 et 2013, soit environ 110 000 personnes, que se passe-t-il ? On a étudié deux scénarios : le premier générerait entre 3 250 et 3 500 intermittents supplémentaires ; et le second, plus strict, en générerait entre 2 200 et 2 400 supplémentaires.Au total, le surcoût pour l’assurance-chômage serait compris entre 36 et 38 millions d’euros. D’autres modèles, gardant le principe des 507 heures en douze mois, ont été présentés par la Coordination, la CGT-Spectacle ou le syndicat d’employeurs Syndeac.Les propositions de la Coordination permettent de réaliser des économies car elles prévoient un plafond des indemnisations de chômage qui varient avec l’évolution des revenus : schématiquement, plus les salaires sont élevés, plus l’indemnité diminue.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le premier article consacré aux Beatles dans Le Monde a été publié le 12 décembre 1963. De Londres, Henri Pierre présente un étrange phénomène : « Des milliers de jeunes assiègent leurs hôtels, veillent des jours et des nuits aux portes des théâtres, et parfois livrent bataille à la police, (…) des jeunes filles s’évanouissent ou entrent en convulsions (…) et ce n’est pas le premier ministre qu’une foule dense attend à l’aérodrome, mais George, John, Ringo et Paul. » Depuis, selon la base de données du journal, il y a eu 2 698 « éléments » comportant l’expression « Beatles ». De la brève à de longs articles. Les Rolling Stones bénéficient de 1 882 entrées, Bob Dylan de 1 418, et les Beach Boys, rivaux du côté américain, sont mentionnés 419 fois. De cet article inaugural à « La fin des Beatles », par Martin Even, en date du 29 août 1970, les Beatles sont dans nos pages à 168 reprises. Le rock et la pop prendront place dans Le Monde de manière plus marquée à partir des années 1970, et c’est surtout hors de la rubrique Culture que le groupe est évoqué (parfois sous le nom Beattles avec deux t). Par exemple en Economie, où « selon la Banque Barclay (…), les “Beatles” constituent une exportation invisible qui contribue grandement à l’équilibre de la balance des paiements en Grande-Bretagne » (26 février 1964). Leur présence boursière est un « éclatant succès, mercredi à la Bourse de Londres, où 1 250 000 actions de la Northern Songs Company (NSC), qui a l’exclusivité de la vente de leurs chansons, ont été entièrement souscrites deux jours avant la clôture de l’émission » (19 février 1965).Le service Etranger annonce leur décoration de l’ordre de l’Empire britannique par la reine Elizabeth qui, « à l’occasion de son anniversaire (…), a publié une nouvelle liste d’honneur de mille huit cents noms, dont ceux des quatre chanteurs de “yé-yé” sont sûrement les plus connus » (14 juin 1965). Des papiers sur les pays du bloc communiste mentionnent l’impact des Beatles (ou du jazz). Ainsi, commentant des manifestations à la suite d’un match de football Autriche-RDA, à Leipzig, le journaliste écrit que « cet épisode constitue le premier heurt violent entre les autorités et une jeunesse qui fait de l’engouement pour les Beatles une protestation sociale » (10 novembre 1965). Leur dernière tournée aux Etats-Unis, en août 1966, passe par le suivi des réactions hostiles après la déclaration de John Lennon : « Nous sommes plus populaires que Jésus, maintenant. »« Plus fracassants que le métro aérien »Qui dit Beatles dit souvent « des cheveux à la… » : dans un papier du 1er février 1965, lors des obsèques de Winston Churchill, le 24 janvier 1965, pour caractériser l’acteur Laurent Terzieff (« Des yeux gris vert de chat, une coiffure “Beatles”, mais négligée… », Claude Fléouter, 11 novembre 1965) ; ou dans une chronique mode de Nathalie Mont-Servan (10 février 1966)… Suprême honneur, Robert Escarpit, qui a un billet quotidien, mentionne le groupe à deux reprises (3 septembre 1965 et 28 octobre 1965).Le compte rendu de leur activité artistique se révèle minoritaire. Pas de chroniques de disques à l’époque dans Le Monde, pour les tenants de la « pop music », comme nous l’appelons. Claude Sarraute verra (à défaut d’entendre) le groupe lors de leurs concerts à Paris. A L’Olympia, d’abord : « Enfin les Beatles, quatre chevaliers du « rock » (…). Le bruit, dans ce temple du twist, atteint alors à la fureur (…). Les Beatles passent au-dessus de nos têtes courbées, plus fracassants que le métro aérien » (18 janvier 1964). Puis au Palais des sports, pas plus convaincue. « Imaginez une salle comble, une sono dont la violence enlève toute possibilité de distinguer un air d’un autre air ; imaginez cinq mille jeunes gens en délire » (22 juin 1965).Le cinéma leur sera plus favorable. Jean de Baroncelli est allé voir Quatre garçons dans le vent, réalisé par Richard Lester. « Les Beatles, qui incarnent leurs propres personnages, se moquent gentiment d’eux-mêmes (…). Les chansons réjouiront les amateurs : ce sont d’ores et déjà des succès “classiques” (21 septembre 1964). Il apprécie aussi Help !, à nouveau par Richard Lester : « Je dirai simplement qu’ils m’ont paru être déjà de très adroits comédiens et qu’ils jouent à merveille le jeu puéril qui leur est assigné. Plus intéressant est le spectacle réalisé par Richard Lester en leur honneur. Spectacle raffiné, luxueux, et qui doit certainement beaucoup au chef opérateur, David Watkins » (2 octobre 1965).Jacques Michel, pour sa part, est ravi par Yellow Submarine, le film d’animation dirigé par George Dunning. « L’histoire, où règnent l’humour basé sur l’absurde et l’incroyable décrit en détail, est constamment débordée par les valeurs visuelles du film. Le vrai sujet, c’est peut-être la couleur, l’invention colorée et ses ordonnances graphiques » (31 mai 1969). Claude Fléouter, en revanche, ne sera guère tendre avec Let It Be : « Sans une étincelle de vie, le film en couleurs de Michael-Lindsay Hogg est entièrement axé sur une répétition des Beatles (…). Et ce qui se réduit en fait à un vieux film de télévision trace cruellement – et involontairement – le portrait de quatre vieux rois fainéants » (2 juillet 1970). Jusqu’au constat final de Martin Even : « Dix ans de carrière et de succès, (…) initiateurs de la vague pop et de la plupart des tendances qu’on lui a connues, même s’ils ne furent, en fait, le plus souvent que des vulgarisateurs. (…) Quoi qu’il en soit, (…) leurs disques et leurs films (…) resteront le témoignage d’une génération et des années 1960.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.01.2015 à 17h31 • Mis à jour le21.01.2015 à 18h57 | Sylvain Siclier L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd).  Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel C’est un processus désormais classique : un(e) artiste de renom annonce la sortie de son album. Des fans trop enthousiastes, des pirates mal intentionnés ou des collaborateurs missionnés en répandent quelques morceaux sur des sites plus ou moins fiables. Et l’artiste est obligé d’avancer la date de sortie. Dernier exemple en date, Björk, qui, le 14 janvier, annonçait fièrement sur son site la sortie de Vulnicura, neuf titres dont six produits par Arca, DJ et producteur vénézuélien, qui a travaillé, entre autres, avec Kanye West et FKA Twigs.L’ex-chanteuse des Sugarcubes devait ensuite décrire, toujours sur bjork.com, Vulnicura comme « un album de rupture avec une chronologie émotionnelle plutôt exacte : trois chansons avant la rupture, trois chansons après ».Aussitôt, des titres circulaient sur la Toile et, dès le 20 janvier, Björk annonçait la sortie de Vulnicura en téléchargement iTunes payant. Dans l’après-midi du 21 janvier, l’album était disponible sur la plupart des sites nationaux d’iTunes (Royaume-Uni, Etats-Unis, Danemark, Italie…) mais pas en France, où iTunes n’annonce même pas la sortie de l’album. Le label Because, qui devait sortir l’album en France, y a renoncé.Une solution risquéeLe site spécialisé hasitleaked.com, tout entier consacré à la pratique illégale de la fuite musicale, pose très sérieusement la question : une fuite 71 jours avant la sortie d’un disque le condamne-t-il ? Si la révélation d’une poignée de titres dans les jours qui précèdent la mise en vente d’un album peut servir de mise en bouche, il est impossible de laisser des titres en téléchargement gratuit pendant une longue période sans décourager les acheteurs.Sur les sites spécialisés dans la musique comme Pitchfork, la sortie précipitée du disque de Björk est signalée sans que les raisons en soient précisées. Par le passé, certains artistes, comme Caribou ou Arcade Fire, et leurs labels, avaient préféré mettre les disques piratés à la disposition du public, en streaming. Björk et sa maison de disques, One Little Indian, ont préféré la solution de la sortie anticipée, risquée pour une artiste dont la notoriété excède de loin aujourd’hui ses ventes de disques.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Qui sont ces oiseaux migrateurs dont le plumage, généralement noir, contraste avec un habitat naturel aux murs blancs ? Combien sont-ils à se rassembler en Suisse en juin (Art Basel) et à mettre le cap sur Londres, puis Paris en octobre (Frieze Art Fair, la FIAC), à passer un été sur deux en Italie (Biennale de Venise), à faire éventuellement un crochet par l’Asie en mars (Art Basel Hongkong) et à se réchauffer enfin en Floride en décembre (Art Basel Miami Beach) ? La métaphore ornithologique filée par le New York Times colle bien à l’entité mystérieuse des grands collectionneurs d’art contemporain qui surplombent le marché, mais sur lesquels personne n’avait encore livré d’étude globale et systématique.Larry’s List, un site Internet basé à Hongkong qui compile et analyse des données depuis 2012, a ouvert la voie à une approche rationalisée et chiffrée du monde de l’art contemporain et de ses riches protagonistes. Le site, dont le nom paraît être un clin d’œil au plus célèbre et puissant des galeristes new-yorkais, Larry Gagosian, a été fondé par deux jeunes Allemands, Magnus Resch et Christoph Noe, et rassemble des informations collectées par une équipe de 25 spécialistes du marché de l’art implantés dans vingt pays et se basant sur des données libres d’accès de plus de 27 000 sources. Il vient de publier son tout premier rapport, de 72 pages, que le NYT passe en revue.Age moyen de 59 ansOn y apprend pêle-mêle que l’âge moyen d’un grand collectionneur est de 59 ans, et qu’il s’agit d’un homme dans 71 % des cas. Que les Etats-Unis en détiennent de loin le plus grand nombre, soit 25 %, suivis par l’Allemagne, 8 %, puis par la Grande-Bretagne et la Chine, avec 7 % chacun. Que les villes concentrant le plus de grands collectionneurs sont New York (9 % du total), Londres (6 %) et São Paulo (3 %). Ou encore que les puissances émergentes, la Chine, l’Inde et le Brésil, se partagent désormais 15 % des collectionneurs.Le rapport établit bien sûr une définition de ce que désigne l’expression de « grand collectionneur » d’art contemporain : elle concerne les collectionneurs déjà en possession d’un nombre significatif d’œuvres, qui effectuent régulièrement des achats dans les grandes foires mondiales, et disposent d’au moins un million de dollars (860 000 euros) sur leur compte en banque. Soit au total quelque 8 000 à 10 000 individus.Le site en référence, en fait, 3 111 parmi les plus « visibles », mais le rapport estime qu’il en existe environ 7 000 autres qui sont actifs sur le marché tout en étant moins détectables. Ce chiffre de 10 000 paraît bas, si l’on se réfère au dernier rapport de Capgemini et RBC Wealth Management sur les personnes les plus riches dans le monde, qui en identifie 13,8 millions en 2014. « Apprendre que le boom actuel du marché de l’art se base sur les dépenses de seulement 0,07 % des personnes qui peuvent se le permettre donne à réfléchir », souligne le New York Times, qui indique, par ailleurs, que les conseillers financiers des grandes fortunes les incitent à ne pas consacrer plus de 5 % de leur fortune à cette passion.Pouvoir disproportionnéCe petit nombre de grands collectionneurs révèle leur pouvoir disproportionné. « Les collectionneurs ont beaucoup plus d’influence qu’il y a vingt ans, et leur influence continue d’augmenter, explique Magnus Resch au New York Times. De plus en plus d’entre eux ouvrent leurs propres espaces et prennent un rôle grandissant dans les musées, influençant leurs choix. Ils font, par ailleurs, monter les enchères sur leurs artistes préférés. »Selon le rapport, le nombre de musées d’art contemporain privés est en effet en hausse – 72 % des espaces d’exposition privés ont d’ailleurs été fondés après 2000. Il en existerait désormais 350, ouverts dans 46 pays. Une fois de plus, les Etats-Unis mènent cette tendance avec 48 structures, pour 45 en Allemagne, et 17 en Chine – dont six à Pékin.Les politiques fiscales des Etats-Unis et d’Allemagne ont encouragé les collectionneurs à construire des musées ouverts au public. The Broad, un musée de quelque 120 000 m2 en construction à Los Angeles, qui va exposer, à partir de l’automne, la collection du milliardaire et philanthrope Eli Broad (ayant fait fortune dans la construction et l’assurance, avec Kaufman & Broad et SunAmerica), sera l’exemple le plus spectaculaire de création en 2015.Le rapport avance par ailleurs que 37 % des grands collectionneurs sont déjà actifs dans un ou plusieurs musées publics. Or, si les collectionneurs s’investissent dans les musées, publics ou privés, c’est parce que cela leur permet notamment d’acheter les œuvres d’art les plus recherchées : les galeries donnent, en effet, la priorité aux collectionneurs exposant leurs œuvres au public.La Suisse et la Russie moins visiblesSi le rapport abonde d’informations, il reste lacunaire. Contre toute attente, la Suisse, qui accueille la plus grande des foires d’art contemporain au monde, Art Basel, ne figure pas dans le top 10 des pays ayant le plus de grands collectionneurs, pas plus que la Russie. Ces anomalies s’expliquent simplement par la discrétion des collectionneurs locaux : « La Suisse dispose d’une base de collectionneurs immense, mais ils ne sont pas visibles, explique M. Resch. Ces gens ne parlent tout simplement pas de leurs collections. » De la même manière, les riches Russes ne communiquent pas sur le sujet.Comme tous les analystes du marché de l’art, Larry’s List voit en la Chine le principal pays en expansion. Mais ses données font apparaître que les collectionneurs chinois sont encore réticents à acheter des œuvres internationales. Le top 10 des artistes les plus collectionnés en Chine sont tous chinois. Et Ai Weiwei, la seule star internationale de l’art contemporain chinois, n’y figure pas. Le numéro 1 chinois, l’artiste Zeng Fanzhi, n’apparaît en revanche qu’au 61e rang mondial, 60 places derrière Andy Warhol. A voir, donc, si le goût des collectionneurs chinois s’internationalisera, ou bien si le marché chinois réussira à faire émerger la prochaine grande star de l’art contemporain.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Denis Cosnard Dora Bruder, cette jeune fille juive dont Patrick Modiano a tenté de reconstituer l'histoire dans un de ses livres les plus poignants, aura bientôt une promenade à son nom à Paris. C'est ce qu'a annoncé la maire de la capitale, Anne Hidalgo, lundi 19 janvier, lors d'une soirée d'hommage public à l'écrivain au Théâtre de la Ville.Après l'attribution du prix Nobel de littérature 2014 à Modiano, « j'ai relu un certain nombre de vos livres, a déclaré la maire s'adressant à l'auteur présent sur scène. Dora Bruder m'a énormément émue. J'ai décidé de donner ce nom à une rue de Paris, dans le 18e arrondissement ». C'est l'arrondissement, précisément, où vivait Dora Bruder. Elle habitait 41, boulevard Ornano, près de la porte de Clignancourt.Le lieu a été choisi : il s'agit d'un terre-plein situé entre la rue Leibnitz et la rue Belliard, dans ce quartier entre la porte de Clignancourt et celle de Saint-Ouen. La proposition de la maire sera soumise à la commission de dénomination qui se réunit le 5 février.  UNE PETITE ANNONCEEn décembre 1988, Patrick Modiano est frappé, en feuilletant un vieux Paris-Soir de 1941, par une petite annonce : les parents de Dora Bruder recherchent leur fille de 15 ans. « Un mètre cinquante-cinq, visage ovale, yeux gris marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux. » Elle a disparu. Une fugue. Des années durant, l'écrivain est hanté par cette silhouette qui lui rappelle sa propre adolescence. « Moi aussi, j'ai fait des fugues, comme on en fait tous vers 14-15 ans. Je me suis senti un peu solidaire », a-t-il confié lundi soir.Avec l'aide de Serge Klarsfeld, il se lance alors sur les traces de Dora Bruder. Elles mènent au camp d'internement de Drancy, puis à Auschwitz, où la jeune fugueuse a finie gazée, en 1943. Le résultat de son enquête tient dans ce livre, Dora Bruder, publié chez Gallimard en 1997. Sans doute le plus fort de tous ceux signés par l'écrivain. A travers ces pages, il cherche Dora, mais aussi son propre père, Albert Modiano, qui se cachait également dans le Paris de cette époque noire.En choisissant de donner le nom de Dora Bruder à un lieu de Paris – sous réserve que le conseil municipal vote le projet –, Anne Hidalgo rend évidemment hommage au lauréat du prix Nobel, dont l'œuvre est nourrie par cette ville, de La Place de l'Etoile (1968) à Paris tendresse (1990). Mais elle prolonge aussi le travail de Modiano et de Klarsfeld, qui ont voulu arracher Dora Bruder et bien d'autres à l'oubli qui les menaçait. Entre un livre majeur et une promenade à son nom, Dora Bruder ne pourra pas disparaître de sitôt des mémoires.Lire : Modiano à Stockholm : « Le romancier est une sorte de voyant »Denis CosnardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.01.2015 à 14h47 • Mis à jour le16.01.2015 à 16h16 | Laurent Carpentier C’est une idée de geek. Du 16 au 31 janvier, à Paris, une bande d’allumés a décidé de créer un Festival du domaine public pour célébrer ces créateurs dont les œuvres tombent, soixante-dix ans après leur mort, dans le pot commun. « Cette année, on a une belle moisson. Tous les auteurs morts en 1944. Munch, Kandinsky, Jean Giraudoux, Mondrian, Maillol, Romain Rolland, Glenn Miller… Enfin, lui, c’est plus compliqué. C’est un Américain… », s’enthousiasme Alexis Kauffmann. Autant de réappropriations possibles, de rééditions libres, de samples (échantillons) autorisés, cela vaut bien une fête.A force de se frotter sur le Net aux questions de droits d’auteur, ce prof de maths, fondateur de Framasoft, réseau dédié aux logiciels libres, a fini par se passionner pour la question vécue comme une aubaine : « Saint-Exupéry aussi est mort en 1944, mais il était “mort pour la France”. La loi accorde, dans ce cas-là, un bonus de trente ans supplémentaires aux ayants droit. Ça complique les choses : en Belgique, il n’est en effet bien évidemment pas “mort pour la France”… Du coup, on peut y sortir de nouvelles éditions du Petit Prince ou les publier libres de droits, sur le Net. »« Laisser libre cours à la création »De ce sujet juridique, Alexis Kauffmann et sa complice Véronique Boukali ont finalement imaginé, au début de l’été, faire un événement culturel. Vingt-sept célébrations essaimées dans Paris : spectacles, conférences, « grande fête du remix »… Le 25 janvier, à l’église Saint-Merri, un concert de la pianiste Kimiko Ishizaka, qui a mis, sitôt enregistrées, ses interprétations de Bach et de Chopin dans le domaine public ; le 31, à l’université Paris-VIII, une conférence sur Romain Rolland ; le 29, à l’Ecole normale de la rue d’Ulm, « musiques publiques »… La Cité de l’architecture, la BNF et le très fermé Musée du barreau de Paris sont de la partie. Du cinéma également, avec notamment, le 30 janvier, à la Gaîté lyrique, une version colorisée du Fantômas (1913) de Louis Feuillade que l’artiste orléanais Shoï Extrasystole sonorise de ses samples électro.Rien de très spectaculaire, un festival fait « en mode artisanal », dans les interstices, avec les moyens du bord. Mais un festival néanmoins. Dans les frimas de janvier, parce que les œuvres sont « libérées » le 1er janvier suivant l’année du décès de l’auteur. « On a pris l’habitude de fêter les centenaires, alors que les 70 ans avec le basculement des œuvres dans le domaine public sont beaucoup plus signifiants, poursuit, imperturbable, son initiateur. Au-delà de la redécouverte des artistes, c’est d’abord l’occasion de laisser libre cours à la création. On parle à la jeune génération qui est celle du remix. » Un petit festival au grand conceptQui dit « domaine public » ne dit pas faire tout et n’importe quoi. Certains pays comme les Etats-Unis sont tout d’abord régis par le système du copyright : droits commerciaux liés à l’œuvre et non à l’auteur. Les films prennent en compte les droits d’auteur du réalisateur, du producteur, du scénariste, du compositeur… En ce qui concerne les photos, le droit à l’image n’est pas effacé. Et puis une œuvre continue d’appartenir physiquement à son propriétaire, qui peut en maîtriser l’usage. « Il faut que les institutions jouent le jeu. Si au Louvre, on peut utiliser son appareil photo, le Musée d’Orsay l’interdit, quant à Beaubourg – que nous avions contacté pour Kandinsky –, rien ne dit qu’ils mettront des œuvres en haute définition à disposition du public. »Enfin, le droit moral subsiste. On pourra publier librement des images des célèbres statues de Maillol qui trônent au Carrousel du Louvre, mais on ne pourra pas y faire de photos trop suggestives, au risque de provoquer l’ire des héritiers, et un procès, comme ce fut le cas l’an passé pour Terry Richardson avec Laetitia Casta. Tout ça ne désarme pas notre prof de maths devenu patron de ce petit festival au grand concept, qui doit ruminer quelque part cette phrase de Romain Rolland tirée de Jean-Christophe, son lénifiant best-seller : « Un héros, c’est celui qui fait ce qu’il peut. Les autres ne le font pas. »Lire aussi : Poser sur les Maillol des Tuileries peut coûter très cher (même si l'on est Laetitia Casta) Festival du domaine public, à Paris, 27 événements, 20 lieux. Jusqu’au 31 janvier. festivaldomainepublic.orgLaurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Scénariste de bandes dessinées qui prennent le temps de digérer l'histoire, Fabien Nury sera, fin janvier, au centre d'une exposition au Festival d'Angoulême, où planera l'ombre des dessinateurs de Charlie Hebdo. Fabien Nury a deux très bonnes raisons de se rendre cette année au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême. La première est l'exposition qui lui est consacrée à l'Espace Franquin. Très peu de « purs » scénaristes – sinon des monstres sacrés ayant pour nom Jacques Lob, René Goscinny ou Jean-Michel Charlier – ont en effet eu l'honneur d'un accrochage depuis que la manifestation a été créée voici quarante-deux ans.La seconde est liée aux événements tragiques qui ont endeuillé le 9e art le 7 janvier. Même s'il ne connaissait pas personnellement les caricaturistes de Charlie Hebdo tombés sous les balles, et même si le dessin de presse est un genre très éloigné du sien, Fabien Nury se « doi[t] d'être là », dit-il. Avec un mot d'ordre que d'autres auteurs ne manqueront pas de défendre pendant le festival : « Il faut maintenant laisser au deuil la possibilité de devenir privé. Il y a un temps pour le drame, un temps pour l'action judiciaire et l'action politique, un temps pour les médias et les commémorations. Il y a aussi un temps pour la solennité. On a beaucoup fait sonner les cloches en hommage aux disparus. Il ne faudrait pas transformer en totems ces immenses dessinateurs car rien ne leur aurait autant déplu. »Un certain sens du professionnalismeFabien Nury est une voix qu'il faut écouter avec attention dans le petit monde de la bande dessinée francophone. L'ancien concepteur rédacteur de vidéos publicitaires est devenu, en seulement dix ans, à 38 ans, le scénariste le plus demandé du secteur. S'il réfute le terme de « bankable », Nury préfère mettre en avant un certain sens du professionnalisme : « Je ne garantis jamais qu'un livre sera un succès ou pas. Uniquement qu'il sera écrit sérieusement et qu'il sera fait correctement sur le plan technique. »Cette vision du métier, plus proche de l'artisanat que de la création artistique, ne l'a pas empêché de construire une œuvre pétrie de chair et de complexité dans des genres aussi différents que le western, le polar, l'aventure ou le récit d'espionnage. La fiction, chez lui, s'entremêle par ailleurs souvent avec l'histoire réelle pour les besoins de récits qu'il est difficile d'interrompre une fois commencés.Ainsi de « Il était une fois en France » (Glénat), sa série à succès (avec le dessinateur Sylvain Vallée) racontant le destin d'un ferrailleur juif qui fut à la fois collaborateur et résistant pendant la seconde guerre mondiale. Un personnage à la Nury dont l'ambiguïté rappelle d'autres antihéros portant sa marque, qu'ils soient gangster (Tyler Cross), baroudeurs (l'aristocrate et le mauvais garçon de « L'Or et le sang »), détective privé (Silas Corey)… Dans un marché de l'édition en manque de confiance à cause de la crise, Fabien Nury est surtout le scénariste qui « rassure » avec ses histoires de facture relativement classique et à la construction sans faille, pour ne pas dire « carrée ». « J'évolue dans des genres qui ne poussent pas beaucoup à l'improvisation, admet-il. Je n'ai pas développé l'esprit du feuilletoniste qui construit ses scénarios au fur et à mesure dans des genres favorisant les “accidents”, comme la comédie ou l'étude de caractères. Disons que je suis plus hippopotame que gazelle. Cela dit, dans le polar, il vaut mieux savoir au début qui a tué qui avant d'écrire la première ligne. »Influence du cinémaL'influence du cinéma transparaît tellement chez ce fan de Sergio Leone et d'Alan J. Pakula (réalisateur des Hommes du président) que le 7e art n'en finit pas de lui passer commande de scénarios pour des projets qui, au final, n'aboutissent pas. Par manque de financement le plus souvent : « J'ai dû en écrire entre dix et quinze », estime-t-il. Le plus simple serait de passer un jour derrière une caméra, ce qu'il prévoit de faire d'ici quelques années en mettant lui-même en scène « Il était une fois en France ».Entre-temps, Fabien Nury aura travaillé à de nombreux albums, à raison de trois ou quatre par an en moyenne. Ses prochains projets mettront en scène des braqueurs de banque préparant un larcin en juin 1940, puis des mercenaires impliqués dans l'indépendance du Katanga, au Congo, en 1960.Et le présent ? Le réel d'aujourd'hui ? « L'actualité, ce n'est pas mon truc », s'excuse-t-il. La folie de djihadistes, armés jusqu'aux dents, assassinant des symboles de la liberté d'expression constituerait pourtant un thème de choix pour un scénariste à ce point passionné par les contradictions humaines. « Je suis sidéré par le niveau d'abrutissement et d'endoctrinement qu'il faut atteindre pour commettre ce qu'ils ont commis, dit-il en parlant des frères Kouachi et d'Amedy Coulibaly. Il y a un délire de puissance chez ces gens dont on se demande s'ils auraient fait la même chose si les médias n'existaient pas. »Sans doute faudra-t-il à Fabien Nury que le train de l'histoire passe sur ces événements pour qu'il s'en empare un jour. Rien ne presse… Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clémentine Gallot Acteur, scénariste, musicien, Jason Schwartzman est l'enfant chéri du cinéma indépendant américain. A 34 ans, il incarne un écrivain acariâtre dans Listen up Philip, d'Alex Ross Perry. Ce personnage d'écrivain atrabilaire, Philip, est-il très éloigné de vous ?Ce n'est rien de le dire. A tel point qu'en lisant le scénario, j'ai été choqué : « Comment peut-on traiter les gens ainsi ? » Philip prend toutes les mauvaises décisions et dit tout ce qu'il ne faut pas. C'est un personnage qui rappelle, entre autres, celui de Jean dans Nous ne vieillirons pas ensemble, de Maurice Pialat, un récit de disputes et de la lente désintégration d'une passion.D'où vient votre prédisposition à la comédie ?J'ai grandi en regardant les comédies de Steve Martin et Bill Murray, comme SOS Fantômes, Trois Amigos. Nous allions au cinéma le week-end, mes parents nous déposaient et, sur le chemin du retour, chacun rejouait ses scènes préférées. A partir du moment où nous avons eu le câble, j'ai eu accès à des films très bizarres. J'aimais aussi Amadeus, de Milos Forman, où Mozart a les cheveux roses : pour la première fois, un film historique me parlait.En tant que comédien, vous êtes-vous inspiré des idoles de votre enfance ? Il m'arrive de lire des interviews d'acteurs qui disent s'inspirer d'autres comédiens mais ce n'est pas mon cas. D'ailleurs, bien qu'ayant grandi à Los Angeles, ce métier ne m'a jamais fait rêver. Quand j'étais petit, j'allais chez le coiffeur des enfants stars : sur les murs s'étalaient des photos de ces gamins habillés en astronautes ou en cow-boys et je me disais, « ces gars vivent sur une autre planète ».Vous destiniez-vous logiquement à une carrière d'artiste ?Ma mère [l'actrice italienne Talia Shire, Ndlr] regardait beaucoup de films en noir et blanc, mais sa culture cinématographique s'arrêtait à 1972… Adolescent, je suis devenu copain avec un garçon qui organisait un petit ciné-club dans son salon : il montrait des films très atypiques de Ken Russell ou de Neil Young, ce qui m'a sans doute sensibilisé au cinéma. Mais Hollywood m'a toujours paru trop grand, trop impressionnant : je me suis donc plutôt lancé dans la musique [avec son groupe Phantom Planet, Ndlr], que l'on pouvait pratiquer à la maison. C'était une activité plus intime. Je regardais les clips sur MTV, je trouvais que les musiciens étaient les gens les plus cool.Quels rapports entretenez-vous avec Wes Anderson, qui vous a découvert et avec lequel vous travaillez régulièrement ? Wes est mon meilleur ami, mon frère et mon mentor. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Il est très cinéphile, c'est un lecteur vorace. Lorsqu'il m'a choisi pour jouer dans son film Rushmore [1998, avec Bill Murray, Ndlr], il avait 28 ans et moi 17. Je l'ai retrouvé à Houston, au Texas, où il m'a montré la série des Antoine Doinel, Les 400 Coups, Baisers volés, de François Truffaut. Jean-Pierre Léaud est resté mon acteur préféré, alors que je ne parle pas français. J'aime son charisme, son langage corporel dans Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, et dans La Maman et la Putain, de Jean Eustache.Vous avez coécrit avec votre cousin Roman Coppola une série pour Amazon, « Mozart in the Jungle », un récit initiatique.La musique classique me fascine car je la connais mal, c'est un environnement très intimidant ! Notre série propose une porte d'entrée dans ce monde à travers le point de vue d'une jeune hautboïste. Nous voulions raconter le quotidien des musiciens à notre manière, qui est à la fois réaliste, absurde, et invraisemblable.La musique est-elle toujours votre premier amour ?J'ai eu un enfant récemment, j'ai donc moins de temps à y consacrer. Mais je continue de composer des chansons tous les jours. Cela fait partie de mon quotidien, comme d'autres font la cuisine.Clémentine GallotJournaliste au Monde Claire Guillot A l'Hôtel de Ville, deux histoires se croisent : celle de Paris, et celle de l'agence Magnum Photos, dont les membres n'ont cessé de mitrailler la capitale française. L'exposition « Paris Magnum » commence avant même la création de l'agence, en 1947, par George Rodger, David Seymour, Robert Capa, Bill Vandivert et Henri Cartier-Bresson. On plonge dans des photos historiques et marquantes qui montrent les grèves de 1936 ou les congés payés vus par Cartier-Bresson. Si, au début de l'agence, les photographes collent à l'actualité parisienne de la Libération à Mai 68, les images se font au fur et à mesure plus subjectives, la couleur débarque, le regard devient flou ou grinçant. Car la télévision a remplacé les photographes pour l'actualité chaude, et ces derniers trouvent des sujets plus décalés, plus pensés. C'est Martin Parr et ses couleurs acides, Pinkhassov et ses mosaïques fugitives : un kaléidoscope qui fait éclater la ville en des dizaines de petits morceaux et autant de regards.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Rosita Boisseau Aurélien Bory enchaîne les succès depuis plus de quatorze ans. A la tête de la Compagnie 111, ce metteur en scène et circassien de 43 ans présente six spectacles en tournée (sur la petite dizaine qu'il a créés) dans le monde entier. L'ancien jongleur a bâti son identité en mêlant son geste artistique à des scénographies imposantes mais pleines de malice, comme les parois coulissantes de Plan B (2003).Entre danse et théâtre, il a su aussi ouvrir des voies plus insolites. Du côté du cirque avec par exemple Azimut (2013) et ses constructions humaines. Et du côté de la danse dans Plexus (2012), avec la Japonaise Kaori Ito, ou Questcequetudeviens ? (2008), avec la flamenca Stéphanie Fuster. Car dans le creux des décors les plus massifs, Bory sait aussi saisir au vol la délicatesse d'un interprète. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Philippe Dagen Etre l'un des artistes en vue de « Haïti » au Grand Palais n'apaise pas Mario Benjamin. Il admet qu'en évitant l'exhaustivité, l'exposition n'est pas la « grosse soupe » qu'il redoutait. Mais il se demande – ou feint de se demander – pourquoi, à 50 ans tout juste, après avoir participé à des manifestations prestigieuses, il ne réussit toujours pas « à vivre de son art ». « J'ai vu l'exposition Jeff Koons : c'est extrêmement moche, mais je préférerais avoir ses problèmes que les miens. » Entendez : des problèmes de riche.Pourquoi reste-t-il au seuil du grand théâtre de l'art actuel ?, demande-t-il. L'intensité de ses toiles, « autoportraits extrêmement subjectifs », ferait-elle peur à ceux qui confondent Haïti et art « naïf » ? La netteté de ses propos n'arrange rien.Il se dit « psychotique », raconte s'être pris pour le Christ ou Bouddha et analyse avec une distance critique précise ses internements. « Le délire me désinhibe, me donne une grande liberté, très propice à la création. » Une telle voix, une lucidité si paradoxale sont exceptionnelles.Philippe DagenJournaliste au Monde Yann Plougastel En 2015, la « Série Noire » fêtera ses 70 ans. Au même moment, les commémorations du 70e anniversaire de la Libération battront leur plein… Elsa Marpeau – dont nous avions aimé Les Yeux des morts (2010), Black Bloc (2012) et L'Expatriée (2013), publiés par « Série Noire » –, réussit la gageure de rassembler ces deux événements.Et ils oublieront la colère revient sur un des épisodes les plus sinistres de la Libération : des résistants tondirent des femmes accusées de collaboration « horizontale ». Dans l'Yonne, entre 1944 et aujourd'hui, entre Marianne et Garance, se tissent d'étranges liens. La première est une paysanne disparue à la Libération après avoir été « tondue ». La seconde, jeune gendarme d'aujourd'hui, enquête sur le meurtre d'un professeur d'histoire, obsédé par la violence que le corps social peut exercer sur le corps des femmes…Remarquable réflexion sur les spectres du passé et le besoin cyclique de vengeance du monde actuel, Et ils oublieront la colère est aussi un sacré bon roman noir, à l'intrigue impeccable. Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Fin 2014, un coffret rassemblant leurs sept albums – Start Together 1994-2006 – rappelait à quel point les demoiselles de Sleater-Kinney, largement ignorées du public français, avaient électrisé la scène rock indé américaine, devenant une inspiration pour les furies en herbe, au même titre que Hole, PJ Harvey, Bikini Kill ou The Breeders.Incarnation du mouvement punk féministe – baptisé riot grrrl – prospérant, en particulier, dans les villes d'Olympia (Washington) et de Portland (Oregon) au milieu des années 1990, le trio formé par Corin Tucker (voix, guitare), Carrie Browstein (guitare, voix) et Janet Weiss (batterie) réglait son compte au machisme ambiant à coups de six cordes surtendues.Dix ans après son dernier album, le groupe a suffisamment rechargé ses batteries pour livrer un successeur – No Cities to Love – à la hauteur de son impétueuse légende. Gorgées de guitares barbelées et de nerfs à vif, ces mélodies et leur plume acide retrouvent toute leur urgence.Stéphane DavetJournaliste au Monde Frédéric Potet C'est une des photos de guerre les plus célèbres au monde : des jumeaux de 12 ans aux yeux tristes tirent sur une cigarette. Ils sont immortalisés peu de temps après une prise d'otages massive en Thaïlande, dont ils furent les auteurs en janvier 2000. Dotés selon la légende de pouvoirs surnaturels les rendant invincibles, les frères Johnny et Luther Htoo étaient alors à la tête d'une organisation rebelle appelée l'Armée de Dieu. Elle réunissait une centaine de réfugiés issus de la minorité Karen, opposée à la junte militaire de Birmanie. Ce cliché d'un photographe d'Associated Press (Achipart Weerawong) a servi de point de départ à un trio d'auteurs israéliens composé des dessinateurs Tomer et Asaf Hanuka – eux-mêmes jumeaux – et de l'écrivain Boaz Lavie. Aucunement journalistique, leur histoire balance entre le film d'action, le récit d'espionnage et le conte fantastique.S'y croisent, outre des enfants-soldats faisant bien plus que leur âge, des agents secrets américains, des statues géantes douées de vie et un dragon protecteur nourrissant bien des fantasmes. On se croirait entre Bob Morane et David Lynch, mais aussi chez Katsuhiro Otomo, « père » de nombreux enfants atteints de télékinésie (Akira, Rêves d'enfant). Quand la fiction, poussée à son extrême, se met au service de la réalité pour mieux discerner l'indicible. Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Samuel Blumenfeld Devant la caméra de Fritz Lang, dans Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), l'un des derniers grands films américains du réalisateur allemand, une tache. Nommément, Glenn Ford, un comédien sous contrat avec le studio Columbia. Une vedette au rabais allouée aux productions les moins prestigieuses de la compagnie. Un piètre acteur qui avait pourtant trouvé le moyen d'atterrir, à son insu, dans plusieurs chefs-d'œuvre : Gilda, de Charles Vidor, dans un rôle d'homosexuel refoulé, face à Rita Hayworth et son légendaire strip-tease, 3 h 10 pour Yuma, de Delmer Daves et, donc, Règlement de comptes.Le physique même de Glenn Ford participe de ce paradoxe d'un homme sans talent à la carrière hors normes : un nez en trompette, presque porcin et, pourtant, une indéniable allure de beau gosse. Ford accrochait l'œil, alors qu'on aurait dû tourner la tête. D'ailleurs, dans Règlement de comptes, lorsque Gloria Graham lâche au comédien qu'il est à peu près « aussi romantique qu'une paire de menottes », le spectateur ne peut qu'opiner de la tête. Pourtant, Glenn Ford est l'acteur idéal. Il est à ce point sans aspérités qu'il facilite l'identification du spectateur.Pouvoir manipulateurDans ce film décrivant la collusion entre le chef d'une organisation criminelle, les autorités municipales et la police, Lang prolonge sa réflexion obsessionnelle sur le pouvoir manipulateur. Une démarche qui fait écho à l'Amérique des années 1950. Pas seulement celle du maccarthysme, mais aussi du comité Kefauver, qui avait lancé au Sénat une grande enquête sur le crime organisé. De quoi nourrir la vision paranoïaque d'un pays menacé de contagion par le gangstérisme. Hantise qui complétait celle du fameux péril rouge.Pour décrire un système de corruption généralisée contre lequel un flic en rupture de ban décide de se dresser, seul, le réalisateur s'appuie sur l'iconographie habituelle du genre. Mais l'idée d'un personnage en lutte contre le mal, lancé dans un combat moral et philosophique, place ce film de gangsters du côté de la métaphysique. Il est alors d'autant plus frappant que cette croisade soit menée par ce comédien ordinaire. Fritz Lang prétendait s'identifier à ce rôle : son combat contre la terre entière rappelait au metteur en scène la manière dont il avait dû, en 1933, quitter l'Allemagne nazie du jour au lendemain. En fait, le modèle le plus vraisemblable du réalisateur dans Règlement de comptes serait l'homme de main incarné par Lee Marvin. Notamment la manière dont il balance une tasse de café brûlant au visage de Gloria Graham dans la scène la plus célèbre du film. Loin de l'image d'intellectuel allemand à monocle, Fritz Lang était un cinéaste impulsif. Ses personnages obéissent d'abord à leurs pulsions. Or la violence de Règlement de comptes – dès l'explosion qui coûte la vie à l'épouse de Glenn Ford – relève de l'humeur, du geste énervé, jamais réfléchi, ce qui la rend d'autant plus choquante. Le spectateur a l'impression de recevoir à chaque plan une tasse de café en pleine figure.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.01.2015 à 14h59 • Mis à jour le15.01.2015 à 15h11 | Emmanuelle Jardonnet Chaque soir à la nuit tombée, depuis début décembre, l’église Saint-Eustache se pare d’un intrigant vitrail cinématographique, qui interpelle silencieusement les passants du quartier Montorgueil. Visible depuis l’extérieur comme depuis l’intérieur, cette installation vidéo imaginée par l’artiste franco-britannique Leonora Hamill est projetée sur les vitres de la porte centrale de l’édifice, celle qui s’ouvre sur le chantier des Halles.Sur les huit carreaux utilisés comme autant d’écrans, les images se combinent façon split screen. Cette mosaïque en mouvement s’articule autour de trois types de plans : des plans très graphiques d’activité humaine filmés dans l’église, des détails architecturaux du bâtiment et la présence énigmatique d’un cerf évoluant dans l’édifice. Chacun de ces motifs semble avoir sa logique propre tout en entrant en résonance avec les deux autres, dans une combinaison à la fois contemplative et hypnotique.Boltanski, Viola, Gonzales-Torres« J’adore observer les choses de très près », confie l’énergique Leonora Hamill. La jeune femme a en effet beaucoup observé le petit monde de l’église Saint-Eustache lorsqu’on lui a proposé de créer une œuvre in situ. Il s’agissait pour l’église de répondre à la demande du diocèse de Paris invitant les églises à se parer d’œuvres pour la période de Noël. « J’avais carte blanche. La seule directive était d’ouvrir l’intérieur vers l’extérieur. » La commande vient aussi réaffirmer l’attachement de Saint-Eustache à l’art contemporain, alors que l’église a déjà exposé des installations de Christian Boltanski (1994), Bill Viola (2010) ou Félix Gonzales-Torres (2013).La vidéaste, qui lors de ses études en histoire de l’art s’est passionnée pour la Renaissance italienne, avoue avoir « toujours adoré les églises et les rituels ». Vivant entre Londres et New York, Leonora Hamill était venue en repérages à Saint-Eustache une semaine à la fin mars dernier, ce qui lui avait donné l’occasion d’observer de très près l’une des spécificités de cette église dirigée par les prêtres de l’Oratoire : la distribution de soupe le soir en hiver. Elle a spontanément « aidé à la soupe » donnée chaque soir devant l’entrée du parvis ouest : « Accueil, sel, poivre, croutons. »L’immersion dans ce moment de partage a été décisive. « J’ai cherché un paramètre conceptuel pour rendre compte de ces personnes qui vont à la soupe sans les identifier, par respect. » Pour cela, l’artiste s’est intéressée aux déplacements de chacun, bénévoles comme bénéficiaires de la soupe, retraçant et reproduisant leurs cheminements de façon schématique à échelle réduite, comme des épures. Puis elle a étendu cette approche aux différents groupes de personnes se rendant dans l’église : prêtres, paroissiens et même touristes venus découvrir ce lieu chargé d’histoire(s) et d’œuvres, dont la plus populaire est sans doute La Vie de Jésus, le tryptique de Keith Haring.Déambulations codéesLes tracés des déplacements ainsi retranscrits, l’artiste les a fait « rejouer » par une vingtaine de performeurs. « Ces chorégraphies minimales ne traduisent pas une réalité documentaire du lieu, mais l’essence sociale de Saint-Eustache, c’est à dire l’énergie collective propre à ce lieu, qui est plus qu’un lieu de culte. »Ces tracés humains, à la fois abstraits et incarnés, l’artiste les a mis en scène sur un même espace géométrique filmé en surplomb : sur la grande rosace du chœur de l’église. « En visitant l’église, j’avais été frappée par la beauté de ce sol en marbre situé à l’emplacement de l’ancienne chapelle Sainte-Agnès, où a été édifiée l’église », explique l’artiste, qui a placé cette scène circulaire au cœur de son dispositif visuel.Sur les huit écrans s’associant volontiers par deux ou quatre pour composer une même image, ces déambulations codées sont ponctuées par l’irruption de deux autres types de plans venant perturber la fixité et la symétrie du cadre. D’abord par des détails architecturaux que la caméra a saisis dans des perspectives inédites, souvent vertigineuses, comme les voûtes en plein cintre de l’église ou l’orgue monumental, filmés en contre-plongée.Cerf sur le qui-viveAutre élément perturbateur : l’apparition du cerf, filmé à hauteur d’homme, et qui, lui, ne respecte aucun tracé prédéfini dans l’église. L’animal est une référence directe à saint Eustache, qui s’est converti au christianisme par le biais d’un cerf miraculeux, et dont le symbole orne de multiples décors de l’édifice. Cette irruption de la nature, « presque magique, fait surgir un imaginaire » explique l’artiste, qui ne cache pas que le tournage fut compliqué. L’animal sur le qui-vive vient aussi réinsuffler une spontanéïté dans les plans plus conceptuels.Les images, tournées en 35 mm, traduisent une approche cinématographique du lieu qui incite à y chercher une trame, une ébauche de narration. « La statue filmée de dos dans son alcôve par un travelling vertical ou les travellings avant dans le bâtiment ont été conçus en référence à des scènes de L’Année dernière à Marienbad [d’Alain Resnais] », précise l’artiste. D’autres mouvements de caméra sont inspirés du Mépris de Godard, « notamment le moment où on découvre la villa de Malaparte ». « Les images de ces films sont tellement belles, on s’est fait plaisir avec Ghasem Ebrahimian, le directeur de la photographie », confie-t-elle, enthousiasmée par l’expérience.Cette capture singulière de l’esprit du lieu est visible à Saint-Eustache jusqu’au dimanche 18 janvier inclus. L’artiste espère ensuite pouvoir faire voyager son œuvre.Furtherance (cheminement), boucle de 8 minutes. Installation vidéo réalisée grâce à la participation de Rubis mécénat. Horaires de projection modifiés par le niveau actuel du plan Vigipirate : de 16 heures à à 19 h 30. Eglise Saint-Eustache, rue Rambuteau 75001 ParisEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sandrine Blanchard « Cette histoire est sidérante et absurde » : le dessinateur Stéphane Trapier ne décolère pas après le refus de la société JCDecaux de poser, sur les colonnes Morris, l’affiche du spectacle de Patrick Timsit. L’humoriste sera sur la scène du Théâtre du Rond-Point à Paris, à compter du mardi 20 janvier, dans On ne peut pas rire de tout. « JC Decaux se couche. C’est du politiquement correct précautionneux, c’est le contraire de ce qu’il faut faire », considère Stéphane Trapier.L’afficheur a signifié, mercredi 14 janvier, à la direction du théâtre ainsi qu’à Gilbert Coullier, producteur de l’humoriste, que son comité de déontologie n’acceptait pas ce visuel et qu’il devait être « retravaillé ». « On y voit Patrick Timsit tenir un obus dans les bras, cela peut heurter, dans la rue, la sensibilité de personnes déjà éprouvées par les événements tragiques de la semaine dernière », justifie-t-on chez JCDecaux.Ce comité, composé de représentants des différentes directions de l’entreprise (juridique, commerciale, marketing, communication, etc.) est chargé de s’assurer que les campagnes affichées sur les réseaux JCDecaux sont « conformes aux principes détaillés dans le Code de Déontologie Affichage », indique la société. Il a refusé « à l’unanimité » le visuel estimant qu’en matière de « responsabilité sociale », il ne respectait pas les critères suivants : « La publicité ne doit pas exploiter le sentiment de peur ; elle ne doit contenir aucune incitation ni cautionner un comportement illicite ou répréhensible ; elle doit proscrire toute déclaration ou représentation visuelle susceptible de générer des craintes irrationnelles ou infondées ». « C’est comme si la censure était pire qu’avant »« C’est grotesque, estime Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point, à Paris. Cette affiche, évidemment humoristique, a déjà largement été diffusée à la télévision et dans les médias, dans la brochure et sur la façade du théâtre sans que personne ne s’en soit offusqué ni avant ni après les événements tragiques que nous venons de vivre. » Surtout, ajoute Jean-Michel Ribes – inquiet de ce réflexe de « panique » et de « frilosité » –, « ce dessin n’a rien d’offensant ni d’impertinent, c’est simplement de la drôlerie. On n’a pas chié dans un tabernacle ! ». Patrick Timsit, lui, n’est « même pas énervé », tant cette histoire le désespère. « Ces gens de JCDecaux sont paumés, perdus, ils voient le mal partout, que peut-on faire pour eux ? », s’interroge-t-il en souriant. « Ce que j’ai dans les bras sur cette affiche c’est comme une fusée de Tintin », ajoute-t-il. Quant à son spectacle le comédien est « pour l’heure, sûr de garder le bonsoir du début et le merci d’être venu de la fin », blague-t-il.Stéphane Trapier a réalisé, dans la nuit de mercredi 14 à jeudi 15 janvier, une nouvelle affiche représentant Patrick Timsit en train de danser et de faire un clin d’œil, sans obus dans les bras. « Cette histoire est grave, ce n’est surtout pas le moment d’interdire ce genre de dessin », déplore le dessinateur.« Nous avons reçu cette demande de JCDecaux sans aucune consultation préalable », regrette Jean-Michel Ribes. « À quoi sert le combat en faveur de la liberté d’expression après le drame de Charlie si c’est pour en arriver là ? C’est comme si la censure était pire qu’avant », s’inquiète le directeur du théâtre. Sandrine BlanchardJournaliste au Monde SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Qui sont ces oiseaux migrateurs dont le plumage, généralement noir, contraste avec un habitat naturel aux murs blancs ? Combien sont-ils à se rassembler en Suisse en juin (Art Basel) et à mettre le cap sur Londres, puis Paris en octobre (Frieze Art Fair, la FIAC), à passer un été sur deux en Italie (Biennale de Venise), à faire éventuellement un crochet par l’Asie en mars (Art Basel Hongkong) et à se réchauffer enfin en Floride en décembre (Art Basel Miami Beach) ? La métaphore ornithologique filée par le New York Times colle bien à l’entité mystérieuse des grands collectionneurs d’art contemporain qui surplombent le marché, mais sur lesquels personne n’avait encore livré d’étude globale et systématique.Larry’s List, un site Internet basé à Hongkong qui compile et analyse des données depuis 2012, a ouvert la voie à une approche rationalisée et chiffrée du monde de l’art contemporain et de ses riches protagonistes. Le site, dont le nom paraît être un clin d’œil au plus célèbre et puissant des galeristes new-yorkais, Larry Gagosian, a été fondé par deux jeunes Allemands, Magnus Resch et Christoph Noe, et rassemble des informations collectées par une équipe de 25 spécialistes du marché de l’art implantés dans vingt pays et se basant sur des données libres d’accès de plus de 27 000 sources. Il vient de publier son tout premier rapport, de 72 pages, que le NYT passe en revue.Age moyen de 59 ansOn y apprend pêle-mêle que l’âge moyen d’un grand collectionneur est de 59 ans, et qu’il s’agit d’un homme dans 71 % des cas. Que les Etats-Unis en détiennent de loin le plus grand nombre, soit 25 %, suivis par l’Allemagne, 8 %, puis par la Grande-Bretagne et la Chine, avec 7 % chacun. Que les villes concentrant le plus de grands collectionneurs sont New York (9 % du total), Londres (6 %) et São Paulo (3 %). Ou encore que les puissances émergentes, la Chine, l’Inde et le Brésil, se partagent désormais 15 % des collectionneurs.Le rapport établit bien sûr une définition de ce que désigne l’expression de « grand collectionneur » d’art contemporain : elle concerne les collectionneurs déjà en possession d’un nombre significatif d’œuvres, qui effectuent régulièrement des achats dans les grandes foires mondiales, et disposent d’au moins un million de dollars (860 000 euros) sur leur compte en banque. Soit au total quelque 8 000 à 10 000 individus.Le site en référence, en fait, 3 111 parmi les plus « visibles », mais le rapport estime qu’il en existe environ 7 000 autres qui sont actifs sur le marché tout en étant moins détectables. Ce chiffre de 10 000 paraît bas, si l’on se réfère au dernier rapport de Capgemini et RBC Wealth Management sur les personnes les plus riches dans le monde, qui en identifie 13,8 millions en 2014. « Apprendre que le boom actuel du marché de l’art se base sur les dépenses de seulement 0,07 % des personnes qui peuvent se le permettre donne à réfléchir », souligne le New York Times, qui indique, par ailleurs, que les conseillers financiers des grandes fortunes les incitent à ne pas consacrer plus de 5 % de leur fortune à cette passion.Pouvoir disproportionnéCe petit nombre de grands collectionneurs révèle leur pouvoir disproportionné. « Les collectionneurs ont beaucoup plus d’influence qu’il y a vingt ans, et leur influence continue d’augmenter, explique Magnus Resch au New York Times. De plus en plus d’entre eux ouvrent leurs propres espaces et prennent un rôle grandissant dans les musées, influençant leurs choix. Ils font, par ailleurs, monter les enchères sur leurs artistes préférés. »Selon le rapport, le nombre de musées d’art contemporain privés est en effet en hausse – 72 % des espaces d’exposition privés ont d’ailleurs été fondés après 2000. Il en existerait désormais 350, ouverts dans 46 pays. Une fois de plus, les Etats-Unis mènent cette tendance avec 48 structures, pour 45 en Allemagne, et 17 en Chine – dont six à Pékin.Les politiques fiscales des Etats-Unis et d’Allemagne ont encouragé les collectionneurs à construire des musées ouverts au public. The Broad, un musée de quelque 120 000 m2 en construction à Los Angeles, qui va exposer, à partir de l’automne, la collection du milliardaire et philanthrope Eli Broad (ayant fait fortune dans la construction et l’assurance, avec Kaufman & Broad et SunAmerica), sera l’exemple le plus spectaculaire de création en 2015.Le rapport avance par ailleurs que 37 % des grands collectionneurs sont déjà actifs dans un ou plusieurs musées publics. Or, si les collectionneurs s’investissent dans les musées, publics ou privés, c’est parce que cela leur permet notamment d’acheter les œuvres d’art les plus recherchées : les galeries donnent, en effet, la priorité aux collectionneurs exposant leurs œuvres au public.La Suisse et la Russie moins visiblesSi le rapport abonde d’informations, il reste lacunaire. Contre toute attente, la Suisse, qui accueille la plus grande des foires d’art contemporain au monde, Art Basel, ne figure pas dans le top 10 des pays ayant le plus de grands collectionneurs, pas plus que la Russie. Ces anomalies s’expliquent simplement par la discrétion des collectionneurs locaux : « La Suisse dispose d’une base de collectionneurs immense, mais ils ne sont pas visibles, explique M. Resch. Ces gens ne parlent tout simplement pas de leurs collections. » De la même manière, les riches Russes ne communiquent pas sur le sujet.Comme tous les analystes du marché de l’art, Larry’s List voit en la Chine le principal pays en expansion. Mais ses données font apparaître que les collectionneurs chinois sont encore réticents à acheter des œuvres internationales. Le top 10 des artistes les plus collectionnés en Chine sont tous chinois. Et Ai Weiwei, la seule star internationale de l’art contemporain chinois, n’y figure pas. Le numéro 1 chinois, l’artiste Zeng Fanzhi, n’apparaît en revanche qu’au 61e rang mondial, 60 places derrière Andy Warhol. A voir, donc, si le goût des collectionneurs chinois s’internationalisera, ou bien si le marché chinois réussira à faire émerger la prochaine grande star de l’art contemporain.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Denis Cosnard Dora Bruder, cette jeune fille juive dont Patrick Modiano a tenté de reconstituer l'histoire dans un de ses livres les plus poignants, aura bientôt une promenade à son nom à Paris. C'est ce qu'a annoncé la maire de la capitale, Anne Hidalgo, lundi 19 janvier, lors d'une soirée d'hommage public à l'écrivain au Théâtre de la Ville.Après l'attribution du prix Nobel de littérature 2014 à Modiano, « j'ai relu un certain nombre de vos livres, a déclaré la maire s'adressant à l'auteur présent sur scène. Dora Bruder m'a énormément émue. J'ai décidé de donner ce nom à une rue de Paris, dans le 18e arrondissement ». C'est l'arrondissement, précisément, où vivait Dora Bruder. Elle habitait 41, boulevard Ornano, près de la porte de Clignancourt.Le lieu a été choisi : il s'agit d'un terre-plein situé entre la rue Leibnitz et la rue Belliard, dans ce quartier entre la porte de Clignancourt et celle de Saint-Ouen. La proposition de la maire sera soumise à la commission de dénomination qui se réunit le 5 février.  UNE PETITE ANNONCEEn décembre 1988, Patrick Modiano est frappé, en feuilletant un vieux Paris-Soir de 1941, par une petite annonce : les parents de Dora Bruder recherchent leur fille de 15 ans. « Un mètre cinquante-cinq, visage ovale, yeux gris marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux. » Elle a disparu. Une fugue. Des années durant, l'écrivain est hanté par cette silhouette qui lui rappelle sa propre adolescence. « Moi aussi, j'ai fait des fugues, comme on en fait tous vers 14-15 ans. Je me suis senti un peu solidaire », a-t-il confié lundi soir.Avec l'aide de Serge Klarsfeld, il se lance alors sur les traces de Dora Bruder. Elles mènent au camp d'internement de Drancy, puis à Auschwitz, où la jeune fugueuse a finie gazée, en 1943. Le résultat de son enquête tient dans ce livre, Dora Bruder, publié chez Gallimard en 1997. Sans doute le plus fort de tous ceux signés par l'écrivain. A travers ces pages, il cherche Dora, mais aussi son propre père, Albert Modiano, qui se cachait également dans le Paris de cette époque noire.En choisissant de donner le nom de Dora Bruder à un lieu de Paris – sous réserve que le conseil municipal vote le projet –, Anne Hidalgo rend évidemment hommage au lauréat du prix Nobel, dont l'œuvre est nourrie par cette ville, de La Place de l'Etoile (1968) à Paris tendresse (1990). Mais elle prolonge aussi le travail de Modiano et de Klarsfeld, qui ont voulu arracher Dora Bruder et bien d'autres à l'oubli qui les menaçait. Entre un livre majeur et une promenade à son nom, Dora Bruder ne pourra pas disparaître de sitôt des mémoires.Lire : Modiano à Stockholm : « Le romancier est une sorte de voyant »Denis CosnardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Stéphane Davet (Groningue (Pays-Bas)) Du 14 au 17 janvier, 345 groupes et chanteurs ont joué devant près de 40 000 spectateurs – dont plus de 3 000 professionnels de la musique – dans une cinquantaine de lieux de Groningue, la grande ville universitaire du nord des Pays-Bas, à l’occasion de la 29e édition du festival Eurosonic. Chaque année, ce « showcase festival », véritable marché du spectacle rock et pop, est l’occasion de découvrir une myriade de jeunes talents qui feront l’actualité des mois à venir. Voici une petite sélection de nos paris 2015 repérés là-bas.Mountain BikeConsidéré, à Bruxelles, comme un des groupes les plus excitants de ces derniers mois, ce quatuor franco-belge a démontré une réjouissante capacité à électriser ses mélodies pop de riffs sales et têtus. Leurs allures de joyeux lurons – débarquant en slip, habillés de longs maillots de basket vintage – collent à une désinvolture qui n’oublie pas que le rock n’est rien sans l’urgence. Mené par Etienne, Perpignanais haut comme trois pommes mais au charisme malicieux, Mountain Bike file à toute blinde sur le parcours accidenté d’un premier album éponyme, plus proche des confrères américains de Parquet Courts que du plat pays.LåpsleyAvec le duo de jumelles françaises de Ibeyi, qui ont aussi impressionné à Eurosonic, Holly Lapsley Fletcher est l’autre signature récente du prestigieux label XL Recordings (Adele, The XX…). Originaire des rives de la Mersey, région hautement mélomane du nord de l’Angleterre, cette jeune fille blonde nourrie de hip hop, de r’n’b, d’electro et de pop, porte d’une voix puissante et claire narrations du quotidien et dérives amoureuses. Accompagné de deux garçons, l’un aux claviers, l’autre aux machines, comme Hannah Reid de London Grammar, Låpsley et ses mélodies romantiques n’échapperont pas à cette comparaison.Ibeyi, les jumelles sur lesquelles se focalise EurosonicDj. Flugvél og GeimskipParmi une impressionnante colonie islandaise présente à Groningue (parmi lesquels les excellents Mammüt et le folk singer Junius Meyvant), cette joyeuse petite sorcière a fait son effet. Malgré un nom imprononçable et des textes dans la langue d’Eric le Rouge, on a craqué pour sa façon de se bricoler, seule sur scène, un univers poétique au rythme de beats ludiques, de sons de vieux synthés, de mélodies et d’histoires parfois rêveuses, parfois cauchemardesques. Conteuse étrange, entre les morceaux, elle brûle du papier d’Arménie, bidouille ses bijoux lumineux et nous emporte sur sa planète electro-acid.Jack GarrattAlors que notre tolérance pour les crooners post James Blake commence à arriver à saturation, on fera une dernière exception pour ce Londonien de 23 ans, découvert dans le planétarium de Groningue. Sous le dôme étoilé, on s’est laissé prendre par l’onirisme de ce multi-instrumentiste porté par une voix soul, blanche, à l’intensité spectrale. Seul sur scène, passant des machines électro à une guitare écorchée, le garçon possède une élégance émotionnelle qui devrait toucher.SoakCe petit bout de Nord-Irlandaise n’a beau être âgé que de 18 ans, son nom circule depuis presque trois ans parmi les promesses de demain. Sur la belle scène du théâtre de Stadsschouwburg, la petite folkeuse de Derry a de nouveau saisi par sa mélancolie à vif, sa capacité d’incarnation, son charisme de « girl next door », plus proche des héros des films de Ken Loach que des icônes diaphanes de la guitare acoustique. Son premier album, prévu en avril, est attendu avec impatience.EBBA Awards :Comme chaque année, le festival Eurosonic est l’occasion de décerner, lors d’une émission télévisée animée par le Britannique Jools Holland, les European Border Breakers Awards (EBBA), récompensant les talents d’Europe ayant connu un succès commercial hors de leurs frontières. Cette année, les lauréats ont été la Belge Mélanie de Biasio, les Hollandais de The Common Linets, la Danoise Mø, les Autrichiens de Klangkarussel, les Allemands de Milky Chance, l’Irlandais Hozier, le Norvégien Todd Terje, la Suédoise Tove Lo, l’Anglais John Newman et la Française Indila. Un Awards du « meilleur artiste de festival » a aussi été décerné au groupe londonien Jungle.Stéphane Davet (Groningue (Pays-Bas))Journaliste au Monde 19.01.2015 à 09h06 | Philippe Dagen Kader Attia est l’auteur de nombreuses œuvres à caractère politique et historique. Il travaille actuellement sur le thème de la « réparation », aussi bien à propos des gueules cassées de 14-18 que des objets africains réparés par le bricolage. Il est aussi connu aussi pour Ghosts, une installation sur le thème du voile et de la prière. Sa dernière exposition traitait entre autres du pillage du musée du Caire, sous le titre Arab Spring. Contacté par Le Monde, l’artiste réagit aux récents attentats.« Les événements des derniers jours confirment à mon sens l’importance de la notion de réparation. Ils sont le résultat des différentes blessures de nos sociétés. Qu’elles soient religieuses, politiques, culturelles, historiques, les blessures sont là, car on ne les a pas traitées. Aucune politique de post-colonisation n’a permis de réparer, ou tout simplement d’expliquer, les blessures et traumatismes, l’humiliation, le sentiment de spoliation de plusieurs générations d’immigrés, dont les ancêtres ont payé de leur vie – soit expropriés et affamés, soit engagés dans les armées coloniales, soit déracinés – ce qui me semble être encore un mal profond.Bien sûr, il est difficile d’expliquer des actes aussi barbares que l’attaque d’un comité de rédaction à la kalashnikov, mais les raisons qui les sous-tendent sont nombreuses, dépassant souvent même leurs auteurs. On ne peut plus nier que des comportements aussi extrêmes ne peuvent venir que d’un profond désespoir, d’un besoin d’exister dans une société dont on est exclu économiquement, culturellement et surtout politiquement. Les différents gouvernements ont baissé les bras et abandonné une partie de leurs concitoyens dans des zones de non droit, loin des pôles économiques. La misère et surtout le manque d’éducation, d’espoir, d’horizon, ont creusé le lit des extrémismes dans les couches les plus pauvres, rendant tous ces jeunes perméables aux manipulateurs dont ils sont les objets et les agents de mort. L’ignorance est le lit de la haine de l’autre et de la violence. Or, suite à l’abandon de l’importance du projet éducatif dans nos sociétés contemporaines, un univers “pandorien” s’est approprié le désir d’être informé que tout jeune manifeste à l’aube de l’âge adulte. Cet univers est un hydre à plusieurs têtes : les “autoroutes de l’information”.Aujourd’hui, c’est un monstre qui crée des monstres. Des virus informatiques aux virus psychologiques. L’absence de considération, de contrôle, d’éthique sur l’incommensurable potentiel hégémonique de l’Internet et des autres réseaux numériques en fait le véritable danger du vivre ensemble avec nos différences. Car la propagande qui y sévit stigmatise et manipule, du matin au soir, les esprits fragiles abandonnés par le système socio-politique inique et déliquescent, aliéné à l’aveuglement de la consommation à tout prix. “Je consomme donc je suis” ; nouvelle croyance d’un épanouissement par procuration, en plein marasme psychologique, à l’orée d’un XXIe siècle à peine commencé.Félix Guattari pensait que le futur serait la fin des croyances : de toutes les croyances, des plus sacrées aux plus profanes, et bien je crois que nous sommes en plein dedans, avec en tête de gondole la fin de la croyance en l’éducation. Les gosses n’ont plus de repères éthiques…J’avoue que je suis assez pessimiste pour l’avenir, car le résultat de ce refus de l’Occident de faire face à ses erreurs ne conduit qu’à une radicalisation grandissante, quelles que soient la religion ou les idées politiques (il n’y a qu’à voir les scores des partis extrémistes et la montée de l’islamophobie dans les pays occidentaux). Mais – heureusement il y a toujours un “mais” – il y a peut-être un espoir… On a tout de même été tous agréablement surpris et émus de voir des images de la marche de dimanche montrant des drapeaux de tous les pays côte à côte, et de l’unité internationale en réaction à l’atrocité. Espérons que tout cela ne sera pas vain. »Philippe DagenJournaliste au Monde Brigitte Salino Il a suffi de quelques spectacles, comme Au moins j'aurai laissé un beau cadavre, d'après Hamlet, ou Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer, d'après Dostoïevski, pour que Vincent Macaigne (36 ans) s'impose comme un des fers de lance de la nouvelle génération de metteurs en scène. Souvent traité de « trash », son théâtre se nourrit de provocations. Acteur en vue, par ailleurs, du jeune cinéma français, il réagit aux récents attentats, pour Le Monde.« La liberté dans l'art n'a pas de limites et ne doit pas en avoir. Mais les chemins de la liberté ne sont pas toujours simples, l'Histoire nous le prouve : quand Le Caravage mettait de la lumière sur des prostituées, au XVIe siècle, c'était considéré comme scandaleux. Aujourd'hui, Le Caravage est dans les musées, et il ne fait plus scandale.La responsabilité dans l'art, elle, est grande. Elle repose sur une éducation, qui permet de donner un regard critique aux spectateurs, et d'ouvrir le débat. Cette éducation, qui était le grand enjeu d'André Malraux, s'est un peu perdue.Il ne faut pas perdre de vue que la France est un pays très ouvert, en matière de liberté artistique. Ce n'est pas le cas d'autres pays. Et cela, on ne se le rappelle pas assez. Quoi qu'il en soit, on peut enterrer un pays, mais on ne peut pas arrêter la parole des gens. »Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Dagen Hervé Télémaque fut l’un des fondateurs du mouvement de la Figuration Narrative. Auteur d’œuvres très satiriques sur les colonialismes, les impérialismes, il présente une rétrospective au Centre Pompidou, à partir du 25 février. Pour Le Monde, l’artiste réagit aux récents attentats.« Quand Pancho ou Plantu dessinent Sarko, nous sommes tout près, la proximité est totale. Avec l'Islam, la distance est immense. Nous ne connaissons pas véritablement, on ne se comprend pas et l'incompréhension est réciproque. Il suffit de voir les réactions au nouveau numéro de Charlie : c'est encore une totale incompréhension.Le deuxième point : à mes yeux, ce qui se passe est l'un des signes de la fin de la domination économique et idéologique de l'Occident sur le monde. Le premier signe en a été la fermeture du canal de Suez par Nasser, le dernier le massacre des dessinateurs. Le geste de Nasser était symbolique autant qu'économique, et annonçait déjà la fin de la domination de l'Occident chrétien. »Philippe DagenJournaliste au Monde Brigitte Salino A 33 ans, Jean Bellorini est le plus jeune directeur de théâtre de France. Dès le début de sa première saison au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, le metteur en scène a affronté, à l'automne 2014, une violente polémique, avec Exhibit B, la performance du Sud-Africain Brett Bailey. Pour Le Monde, il réagit aux récents attentats.« La liberté est une valeur essentielle, qu'il faut préserver. Je l'ai ressenti avec Exhibit B. Je savais en programmant cette performance qu'elle susciterait le débat, même si je n'avais pas conscience de l'ampleur et de la violence des réactions qu'elle allait susciter. En tant que directeur de théâtre, il me semble très important d'assurer une diversité dans une programmation, et de faire cohabiter Exhibit B avec d'autres spectacles.En tant que metteur en scène, je suis plutôt un adepte du rassemblement. Dans tous les cas, je pense que le rôle de l'artiste est d'être un éclaireur, un phare. Il a pour responsabilité de réanimer la culture, de redonner des mots, de la langue et de la réflexion à tout homme. Particulièrement, et encore plus aujourd'hui, où il faut résister au raccourci du monde du slogan, qui est totalitaire, et redynamiser le débat, ce qu'on a un peu oublié de faire, au cours des dernières années. »Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Dagen Stéphane Pencréac’h, peintre et sculpteur, a exposé au Musée d’art moderne et contemporain de Nice (Mamac) « Peinture d’histoire », quatre grands tableaux sur les révolutions arabes, qui seront montrés à l’Institut du monde arabe à partir du 5 mai. Pour Le Monde, il réagit aux récents attentats.« Les événements dramatiques qui se sont produits, et la force émotionnelle de la réaction populaire, sont sans conteste historiques. L’art est en lui-même un processus historique qui a toujours été capable de se saisir de l’histoire, justement. Quand j’ai fait les grands tableaux sur les Printemps arabes, c’était dans cet état d’esprit, au-delà même d’un engagement.Ce qui est arrivé est dans la continuité tragique de ces grands bouleversements du monde arabe, et plus largement musulman – et il ne faut pas oublier que des millions de manifestants des révolutions arabes se soulevaient aussi contre cette folie.Il me paraît évident qu’il faut en rendre compte par l’art, d’autant plus que ces attaques ont pris pour symbole hallucinant l’assassinat d’artistes. Il faut transformer cette charge symbolique : la force de l’image le permet, c’est en ce sens qu’il faut comprendre la brillante couverture de Charlie Hebdo cette semaine. Je ne vois pas d’autre solution pour moi que de faire une œuvre, un tableau, de ces journées. »Philippe DagenJournaliste au Monde Philippe Dagen Pascal Convert, artiste français, a beaucoup travaillé à partir de photographies célèbres – la « Pieta » du Kosovo, la « Madone » de Benthala. Il a signé des films et sculptures sur la résistance, et est l’auteur du monument aux fusillés du Mont Valérien. Pour « Le Monde », il réagit aux récents attentats.« Il est difficile de parler quand tant a déjà été dit, répété, asséné avec des certitudes qui seront contredites demain par les faits. Alors rire, oui, sûrement, quand on découvre que la première grande décision en terme d'éducation a été d'annoncer la création d'un enseignement moral et civique, dans toutes les classes, de l’école primaire à la classe de terminale et dans toutes les séries du lycée. Autant donner raison à Zemmour, Soral et Houellebecq qui font porter la responsabilité de l'échec économique de la France à sa décadence sociale et morale. Des cours de morale et civisme, il en faudrait certainement, non pas à destination des collégiens et lycéens, mais pour certaines élites, y compris politiques, quand elles piétinent les devoirs de leur mission de service public.Alors que, depuis l'attaque contre Charlie Hebdo, plus personne ne peut ignorer que l'image est au cœur de la guerre actuelle, et que c'est une arme manipulée à la quasi perfection par l'islamisme radical, la morale et le civisme seraient les remèdes permettant à la jeunesse de se prémunir contre l'endoctrinement et le fanatisme ? On rêve. Ou plutôt on pleure. Mais pas de rire.Pour atténuer le goût léger d'eau de Vichy de cette proposition, le ministère a indiqué du bout du crayon que cet enseignement “intégrera de manière transversale une éducation aux médias”. De la même manière que les services de renseignement ont échoué dans l'affaire Mohammed Merah par une concurrence entre services, le conflit qui oppose au sein même de l'éducation nationale culture visuelle et culture de l'écrit, au bénéfice systématique de cette dernière, a conduit à un échec total de l'éducation à l'image.Le culte de l'écrit et des grands écrivains, car il s'agit bien en France d'un culte, nous a aveuglés. Au point que nous avons laissé le champ libre à des experts de la propagande par l'image, qui savent que nos enfants sont addicts aux écrans et passent trois heures quotidienne devant des images. On peut se consoler en se disant qu'ils parlent mieux anglais grâce aux clips de rap. Savent-ils pour autant mieux analyser les caractéristiques iconiques de la mise en scène vidéo de martyr d'Amedy Coulibaly, qu'ils ont regardée à n'en pas douter sur Internet ? Rien n'est moins sûr. Les caricatures satiriques de Charlie Hebdo avaient le très grand mérite de les mettre au jour.Si l'heure est à la révolution, il en est une pacifique : celle de mettre fin au culte de l'écrit dans l'enseignement – culte qui participe à la reproduction des élites –, pour enfin mettre au premier plan l'étude de la culture majeure du XXe et du XXIe siècle, celle de l'image. »Philippe DagenJournaliste au Monde Philippe Dagen Christian Boltanski, plasticien français, est l’auteur de nombreuses œuvres marquées par la Shoah. Joint par Le Monde, il avoue sa difficulté à réagir aux attentats.« Ces événements m’ont bouleversé, mais je ne peux pas en parler. Le chagrin et la pitié. Je pense qu'un artiste doit s’exprimer par ses œuvres. Je suis en ce moment à Palma, où je fais une grande installation dans un marché du XVe siècle. Il faut continuer. »Philippe DagenJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances d’artistes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques pour questionner les codes de la fête : dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre.Pour cette édition anniversaire, le centre Pompidou a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmatrices : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.01.2015 à 04h25 • Mis à jour le24.01.2015 à 04h27 Le musicien allemand Edgar Froese, dont le groupe Tangerine Dream avait créé un son futuriste qui allait marquer des générations d'artistes électroniques, est décédé à l'âge de 70 ans, a annoncé son fils vendredi 23 janvier.Ce dernier, qui avait rejoint son père au sein de la formation musicale, a précisé qu'il était mort subitement, mardi, à Vienne (Autriche) d'une embolie pulmonaire.« Un jour Edgar a dit : “Il n'y a pas de mort, il y a juste un changement de notre adresse cosmique”. Edgar, cela nous réconforte un tout petit peu », ont déclaré les autres membres du groupe dans un communiqué.Froese avait choqué le monde musical au début des années 1970 en utilisant des synthétiseurs pour générer une atmosphère de transe minimaliste. Celle-ci n'avait que peu à voir avec le rock qui dominait alors les ondes.SURRÉALISMENé le 6 juin 1944 dans ce qui est aujourd'hui la ville russe de Sovetsk, il avait étudié à Berlin-ouest. Sa vie a basculé quand il a été invité à jouer en Espagne, dans la villa du peintre Salvador Dali, un de ses héros, en 1967.Cette rencontre l'a poussé à transposer une sorte de surréalisme dans sa musique. Dans une interview donnée des années après, Froese avait raconté que Dali lui avait dit : « Presque tout est possible dans l'art tant que tu crois fermement en ce que tu fais ».Froese s'était ensuite lié à plusieurs musiciens berlinois pour former Tangerine Dream, un groupe qui a décollé après avoir attiré l'attention du présentateur radio britannique John Peel, qui fut longtemps une figure de l'industrie musicale. Le groupe avait signé peu après avec le label Virgin de Richard Branson.Lire aussi en édition abonnés : Quand le « krautrock » allemand annonçait les sons d'aujourd'huiDe cette collaboration était sorti en 1974 « Phaedra », album fondateur du genre électronique dont l'atmosphère psychédélique avait été comparée par certains critiques à un voyage dans l'espace. L'opus était entré dans le top 20 en Grande-Bretagne, mais avait reçu un accueil plus mitigé en Allemagne. Jean-Jacques Larrochelle Un projet légèrement amendé de la tour Triangle, immeuble de grande hauteur dont la construction est envisagée porte de Versailles dans le 15e arrondissement de Paris, pourrait repasser devant le Conseil de Paris en avril, a indiqué, jeudi 22 janvier, l'adjoint au maire de Paris en charge de l'urbanisme, Jean-Louis Missika (apparenté PS).Le lundi 17 novembre 2014, le Conseil de Paris avait rejeté ce projet de 500 millions d’euros porté par Unibail-Rodamco, premier groupe coté de l'immobilier commercial en Europe. 78 conseillers de Paris (PS, PC, PRG) avaient voté pour, mais 83 (UMP-UDI-Modem, écologistes et PG) s’étaient exprimés contre. Arguant du non respect de la procédure qui devait se dérouler à bulletin secret – certains élus ayant exhibé leur bulletin avant de le glisser dans l’urne –, la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS) avait saisi le tribunal administratif pour invalider le vote. Celui-ci ne s’est pas encore prononcé.La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un voteL’élue a chargé M. Missika de remettre l'ouvrage sur le métier. L’adjoint au maire a invité Unibail à revoir sa copie de manière à proposer un projet qui fasse plus largement consensus auprès des conseillers de Paris, explique l’AFP. Plusieurs élus de la droite et du centre avaient expliqué au cours des débats qu'ils n'étaient pas hostiles au projet de tour en soi mais qu'ils jugeaient son « contenu » – pour l’essentiel des bureaux – insatisfaisant.Une « nouvelle programmation » pour mi-févrierInterrogé par l'AFP, un porte-parole d'Unibail a confirmé que le groupe réfléchissait à une « nouvelle programmation », qui devrait être présentée aux élus « mi-février ». Elle prévoit que la surface hors-bureaux puisse dépasser 20 % de la surface totale de 80 000 m² de planchers. Sous couvert d'anonymat, un responsable a précisé qu'Unibail réfléchissait à l'installation d'un hôtel, à celle d'un incubateur d'entreprise, et à « l'agrandissement du centre social » que doit accueillir le gratte-ciel de 180 m. Evoquée au tout début du projet, la possibilité de construire un hôtel quatre étoiles au sommet de la tour avait été abandonnée, notamment en raison de la faible rentabilité économique de l'ensemble.La Ville de Paris a toutefois émis, jeudi 22 janvier au soir, des réserves sur le calendrier évoqué par M. Missika. « Le préalable à la présentation devant le Conseil de Paris, c'est la décision du tribunal administratif » sur le premier vote, a fait valoir un porte-parole. « Avril, c'est court », a ajouté cette source.La tour Triangle dans le vent des polémiquesJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Des femmes polygames à la tête d’un Etat militaire, des hommes obligés de porter le voile… Riad Sattouf inverse les genres dans un conte burlesque qui dénonce les oppressions (vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ Cinéma).Imaginez un monde où les femmes auraient les attributs des hommes : tenue vestimentaire, gestuelle, pouvoir politique, économique, domestique… Et les hommes ceux des femmes. Projetez cette image dans une dictature militaire fondée sur un solide culte de la personnalité, verrouillée par une doctrine religieuse d’Etat, et vous aurez le contexte de Jacky au royaume des filles.En partie tournée en studio, en costumes, avec une brochette d’acteurs célèbres, cette dystopie se déroule dans un pays imaginaire dont les habitants parlent un sabir étrange, se nourrissent d’une bouillie blanche distribuée par voie de robinets, idolâtrent des chevaux nains… Vêtues d’uniformes militaires, les femmes cumulent plusieurs maris qui ont à charge de les satisfaire sexuellement et de s’occuper des tâches ménagères. Les hommes, eux, ne sortent pas sans leurs « voileries », sortes de burqas qui les recouvrent de la tête aux pieds. Les plus âgés vivent dans la crainte de leur épouse, les plus jeunes dans l’attente d’une demande en mariage.Burlesque noir audacieuxMais Jacky (Vincent Lacoste) a d’autres ambitions. Courtisé par toutes les filles de son village, il refuse leurs avances car son cœur bat pour la colonelle, l’héritière du trône qu’interprète Charlotte Gainsbourg. Quand celle-ci lance un bal pour se choisir un mari parmi les garçons du pays, il veut saisir sa chance, comme le fit en son temps Cendrillon.Dépouillé par sa famille adoptive du billet de bal que lui avait acheté sa mère avant de mourir, il se déguise en fille pour infiltrer la cérémonie, et séduire la colonelle, poussant un cran plus loin le jeu de permutation des genres sur lequel repose le film.En une succession de tableaux, le film déploie un burlesque noir audacieux, à défaut d’être toujours drôle. Le résultat, inégal, traduit l’attitude de Riad Sattouf vis-à-vis de son film, alliage de grande ambition fictionnelle, et graphique, avec une forme de décontraction potache qui trouve sa pleine expression dans un invraisemblable dernier plan, totalement bricolé et violemment subversif.En résulte un sentiment de fraîcheur qui tranche avec le professionnalisme moutonnier dont témoignent tant de comédies populaires françaises. Il donne d’autant plus envie de pardonner au film ses défauts que la mise en scène sert une critique virulente de toutes les oppressions à commencer par celle du conformisme.Jacky au royaume des filles, de Riad Sattouf. Avec Vincent Lacoste, Noémie Lvovsky, Didier Bourdon, Charlotte Gainsbourg (France, 2014, 90 min). Vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Canal+ CinémaIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.01.2015 à 08h33 • Mis à jour le23.01.2015 à 13h37 | Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur leur chef-d'œuvre psychédélique sorti en 1967.A part pour quelques grognons, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est considéré comme un monument. Huitième album des Beatles, il est devenu pour le plus large public le symbole du son de l'année 1967, période hautement psychédélique. Un assemblage de chansons ouvrant bien grandes les portes de l'imagination, par leur traitement musical et sonore autant que par leurs textes. Un collage fantasque avec fanfares, cordes et instruments venus de la musique classique, riffs de guitare, envolées de claviers, musique indienne, voix déformées, effets façon musique concrète et bruits les plus divers…Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Sgt. Pepper's »De l'introduction très rock du morceau Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band à l'accord final de l'épique A Day In The Life qui s'éteint dans des harmoniques de plusieurs pianos et d'un harmonium, plus de sept cents heures d'enregistrement auront été nécessaires, entre le 24 novembre 1966 et le 21 avril 1967. A l'époque, personne ne passe autant de temps sur un disque. Revolver, l'album précédent des Beatles, avait déjà nécessité plus de deux mois de travail, de début avril à fin juin 1966, mais avec des périodes d'interruption, notamment pour des concerts. Pour Sgt. Pepper's, le groupe élit quasiment domicile dans les studios d'EMI, au 3 Abbey Road à Londres. Les Beatles ont décidé d'arrêter les concerts – ultime date, le 29 août 1966, au Candlestick Park de San Francisco –, ont la volonté de créer in situ, de faire de chaque chanson un terrain d'expérimentation.Le résultat, publié le 1er juin 1967, est à la hauteur de leurs espérances. Treize chansons différentes, qui forment pourtant un tout cohérent, s'enchaînent d'un même élan. Chacune constitue un voyage surprenant par l'instrumentation, une séquence d'accords inattendue, le jeu avec les technologies (mixage, placement stéréophonique)… Et surtout, là où, chez d'autres, le souci de recherche et d'expérimental s'arrête à la surface, l'écriture n'oublie jamais l'impact mélodique : Lucy In The Sky With Diamonds, Getting Better, She's Leaving Home ou A Day In The Life sont les exemples d'une réussite intemporelle.M Le magazine du Monde daté du 31 janvier 2015 sera consacré aux Beatles.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Rosita Boisseau Dorothée Munyaneza avait 12 ans lorsqu'elle s'est enfuie sur les routes du Rwanda pour échapper au génocide. Elle en a 31 aujourd'hui, est devenue chanteuse, danseuse, actrice et mère. Fascinante interprète des spectacles du chorégraphe François Verret depuis 2006, elle a commencé à écrire un texte pour donner forme et voix à des souvenirs sanglants, « faire face à une perte immense ». Elle en extrait aujourd'hui le canevas de son premier spectacle, Samedi détente, du nom de l'émission de radio qu'elle écoutait, gamine, avant 1994. « C'est un titre paradoxalement lumineux, qui me semblait plus juste pour évoquer l'indicible et essayer de me souvenir d'abord de la vie, de mes amis lorsqu'ils étaient vivants. » Vingt ans après le génocide, Dorothée Munyaneza se risque sur ses propres traces. Elle n'est pas toute seule : le musicien Alain Mahé et la danseuse ivoirienne Nadia Beugré sont là pour lui prêter main-forte. Rosita BoisseauJournaliste au Monde Roxana Azimi De son vivant, ses peintures de jeunes filles alanguies choquaient. Quatorze ans après sa mort, les galeries se les arrachent. Mais son œuvre, exposée à la galerie Gagosian, à Paris, n'a rien perdu de sa trouble séduction. Le poète Antonin Artaud disait de la peinture de Balthasar Klossowski de Rola – alias Balthus – qu'elle sentait « la peste, la tempête, les épidémies ». A-t-elle perdu aujourd'hui cette fragrance vénéneuse pour que la galerie Gagosian lui consacre une grande exposition à Paris après celle, en 2013, de ses Polaroid à New York ? Avouons-le, le marché est souvent puritain. Il plébiscite une œuvre vidée de tout soupçon, en l'occurrence pédophilique, seulement lorsque les milliardaires peuvent l'afficher en toute quiétude comme un trophée. Hier scandaleux, le peintre d'adolescentes alanguies aux poses suggestives serait-il aujourd'hui fréquentable ?A vrai dire, l'artiste décédé en 2001 a toujours été Janus, sulfureux et rassurant à la fois. Son tableau le plus inconvenant, La Leçon de guitare de 1934, avait été refusé par le MoMA de New York : on y voit une fillette, la jupe retroussée dévoilant son pubis, prête à pincer le téton d'une femme plus âgée. Le public, lui, fera la queue devant cette toile exposée à la galerie Pierre Matisse. Recrutés dans le milieu du show-biz (Tony Curtis, Bono) ou des affaires (Stavros Niarchos, Giovanni Agnelli), ses collectionneurs s'arrachent sa parcimonieuse production. Pourquoi tant d'empressement ?Parce que Balthus est moins choquant que troublant. « Il ne suscite pas de gêne mais de l'inquiétude », abonde l'historien d'art Didier Semin, qui voit en lui l'un des dix génies du xxe siècle. Le photographe japonais Araki le dit bien : « Balthus touche avec le regard et jamais avec les doigts. » S'il peint des lolitas aux poses insolentes, c'est moins dans l'esprit prédateur d'un Humbert Humbert que par nostalgie pour ce moment magique où l'on quitte l'enfance sans tomber dans le conformisme de l'adulte. Mais voilà, notre regard reste vissé sur la petite culotte, projection de tous les fantasmes. « Une chambre de Barbe-Bleue »Pourtant tout ici n'est que peinture. « Sa grandeur, c'est d'avoir récupéré les archétypes de la peinture depuis le XIIIe siècle et d'en avoir fait des images modernes qui n'ont pas l'air de pastiches », remarque Didier Semin. Et d'ajouter : « Ses tableaux sont des maisons hantées avec beaucoup de fantômes, c'est la mémoire de plusieurs siècles de peinture. » La bravade est d'autant plus sourde qu'elle se love dans une facture classique, minutieusement ciselée, mille fois repassée au tamis. Balthus mettait parfois des années à peaufiner une toile.C'est bien cette maturation lente qui incommode. « Balthus dérange car il entretient savamment le mystère de son atelier en en interdisant l'accès, remarque le commissaire d'exposition suisse Dominique Radrizzani. Ses modèles ont beau protester qu'il ne s'y passe rien d'équivoque, Balthus s'est créé une chambre de Barbe-Bleue. » Vivant en châtelain dans sa retraite de Rossinière, en Suisse, il cultivait secrets et mensonges. Sa vie était déjà un roman, celui d'un enfant précoce qui signe à 12 ans son premier livre illustré, l'histoire du chat Mitsou, préfacé par le poète Rainer Maria Rilke, alors amant de sa mère. Son entourage d'adulte ? Artaud, Giacometti, Camus, excusez du peu. Mais au roman, Balthus préfère le mythe. Français d'origine polonaise et russe, il niera sa judéité. S'inventant une filiation avec lord Byron, il ajoutera même une particule aristocratique – de Rola – à son nom.La photo comme aide-mémoirePrès de quinze ans après sa mort, il sème toujours le trouble. Moins prudes que leurs aînés, les trentenaires sont sous le charme. « Ma génération trouve que c'est la classe. C'est élégant, confie Jean-Olivier Desprès, codirecteur de la galerie Gagosian à Paris. C'est comme de la peinture ancienne : on passe des heures à la décoder. » Pour Didier Semin, le regain d'intérêt que connaît Balthus, et dont bénéficie aussi son frère, l'écrivain et peintre Pierre Klossowski, s'expliquerait par une « nostalgie pour un âge où l'on pouvait appeler un chat un chat ».Mais les bigots ont encore le dernier mot. En 2014, une exposition de Polaroid de Balthus fut annulée au Musée Folkwang d'Essen. Sans doute pour de mauvaises raisons. Car ce qui devrait poser problème dans ces clichés, que Gagosian expose aussi à Paris, ce n'est pas tant leur contenu – des paysages et des adolescentes assoupies – que leur statut. « Balthus n'aurait pas souhaité qu'on présente ces Polaroid comme des œuvres, estime Dominique Radrizzani. Ce sont des notations mécaniques de lumière, auxquelles le peintre a recours au moment où ses yeux et sa main ne lui permettent plus de dessiner. » Pour ce grand classique, l'intelligence passait par la main. La photo n'a valeur que d'aide-mémoire. Roxana AzimiJournaliste au Monde Emilie Grangeray Luc Bondy met en scène Ivanov, de Tchekhov, à L'Odéon-Théâtre de l'Europe qu'il dirige depuis mars 2012. Il nous parle de son amour des textes et des comédiens : Marina Hands, Michel Bozonnet, Micha Lescot… Vous avez monté une soixantaine de spectacles, et seulement deux Tchekhov (Platonov et La Mouette)…C'est vrai, même si, bizarrement, j'ai l'impression que je l'ai monté souvent. Tchekhov, c'est tout un monde, c'est Shakespeare et Beckett réunis. C'est un auteur formidable, à l'incroyable dramaturgie. J'aime le relire : ses nouvelles, sa correspondance ou encore les notes de son voyage sur l'île de Sakhaline sur les conditions des bagnards. Mais Tchekhov, c'est aussi pour moi un homme très généreux et un être humain assez remarquable.Pourquoi Ivanov ?C'est un texte qui m'intéresse depuis longtemps. Une pièce de jeunesse, mais dans laquelle la structure et les thèmes tchekhoviens sont déjà présents. A 35 ans, Ivanov n'en peut plus. S'il vivait aujourd'hui, on dirait qu'il fait un burn-out.Justement, Tchekhov a écrit deux versions de sa pièce . Laquelle avez-vous décidé de mettre en scène ? La première – que je trouve plus moderne, dans laquelle Ivanov s'effondre, épuisé. Pour moi, la seconde, dans laquelle il se tire une balle dans la tête, est beaucoup plus conventionnelle. J'ai choisi une fin beckettienne : un personnage qui se suicide, c'est psychologique ; un personnage qui finit, c'est ontologique ! Représentant juif d'une culture Mitteleuropa du XXe siècle, vous travaillez comme un talmudiste qui relit le même texte pour atteindre des couches de plus en plus secrètes…Je pense en effet que, s'il y a une vérité qui surgit, ce n'est pas parce que tout a été aplani, bien au contraire, mais parce que tout a été fouillé. Pour moi, Ivanov est aussi une pièce sur l'antisémitisme – ce qu'on appelait, avant l'Holocauste, l'antisémitisme de salon. Ivanov a épousé Sarah qui, parce que convertie par amour, se fait déshériter et qu'il menace de traiter de « sale juive ». On sait d'ailleurs que Tchekhov était un ardent dreyfusard – ce qui était alors assez inhabituel en Russie.Vous avez repris de nombreux comédiens de votre Tartuffe : Victoire du Bois, Yannik Landrein, Micha Lescot...Oui, c'est une espèce de troupe que j'ai créée, et l'alchimie entre les acteurs est pour moi essentielle. J'ai une chance énorme. Ils sont tous parfaits, c'est-à-dire tout à fait eux-mêmes. Je ne crois pas à la notion de personnage. Je ne pars d'ailleurs jamais d'un personnage, mais de quelqu'un qui peut le rejoindre à partir de ce qu'il est, lui.Vous êtes à mi-parcours de votre mandat à l'Odéon. Pouvez-vous esquisser un premier bilan ? Le théâtre est rempli et l'on refuse des abonnés (au nombre de 12 000) pour ne pas jouer à guichet fermé. Par ailleurs, les spectacles sont joués plus longtemps, soixante fois minimum, et cela afin que les productions soient amorties et vues par un plus grand nombre.Emilie GrangerayJournaliste au Monde Claire Guillot Que signifie « être de quelque part » ? Quelle responsabilité a-t-on envers l'histoire de son propre pays ? En tant que Sud-Africain blanc, témoin de la fin de l'apartheid, le photographe Pieter Hugo s'est toujours posé ces questions. Mais elles se sont manifestées de façon beaucoup plus aiguë depuis que ce géant blond aux yeux bleus a fondé sa propre famille. « Je me sens sud-africain. Et je me suis demandé quelle est ma relation à cet endroit. » Pendant huit ans, sous le titre « Kin », qu'on pourrait traduire par « proche », il a accumulé des images, comme pour un portrait de la société sud-africaine et de lui-même, peint à travers les gens qui forment son entourage, ceux qu'il aime ou ceux qu'il croise, et qu'il mêle à des vues d'intérieur et quelques paysages.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-54c1f73d1624f'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\nParc de Green Point Common, Le Cap, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Parc de Green Point Common, Le Cap, 2013","source":"Pieter 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5 \/ 10\r\n \r\n \r\nDaniela Beukman, Milnerton, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Daniela Beukman, Milnerton, 2013","source":"Pieter Hugo","index":4,"position":5,"total_count":10,"item_lie":null,"link":"\/afrique\/portfolio\/2015\/01\/21\/la-melancolie-sud-africaine-dans-les-images-de-pieter-hugo_4560217_3212_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 10\r\n \r\n \r\nP\u00e9ripherie de Pretoria, 2013\r\nCr\u00e9dits : Pieter Hugo\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"P\u00e9ripherie de Pretoria, 2013","source":"Pieter 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nation ».Lire aussi la critique : Pieter Hugo, l’Afrique du sud en demi-teinte Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Yann Plougastel Au Cap, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Derrière les murs des villas sécurisées, où les Blancs se protègent des Noirs, il se passe des affaires étranges qui en disent long sur l'échec de la société arc-en-ciel rêvée par Nelson Mandela. Depuis Mélanges de sangs, en 2009, Roger Smith, qui travailla d'abord comme réalisateur et producteur de cinéma, porte un regard amer sur la société sud-africaine.Dans le diabolique Pièges et sacrifices, son cinquième roman traduit en français, il nous raconte l'histoire de Mike Lane, un libraire plutôt à l'aise qui, avec sa femme Evelyn, tente de maquiller le meurtre, dans leur propre maison, d'une jeune fille par leur abruti de fils, en accusant le fils noir de leur employée de maison… A travers la figure de Mike Lane, homme cultivé mais faible, Roger Smith nous montre avec âpreté la déliquescence d'un monde qui a perdu tout espoir de rédemption Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux A peine remise de son inauguration, la Philharmonie de Paris accueille en grande pompe l'Orchestre Simon Bolivar. Cette formation est dirigée depuis 1999 par l'une des baguettes les mieux cotées du moment, le charismatique et talentueux chef vénézuélien Gustavo Dudamel, également patron, à 33 ans et depuis 2009, de l'Orchestre philharmonique de Los Angeles.Dans la besace symphonique de ces preux du Sistema – l'exemplaire système d'éducation du Venezuela, fondé sur la pratique instrumentale comme alternative à la violence –, la Cinquième Symphonie de Beethoven ainsi que des morceaux choisis du Ring wagnérien (24 janvier), puis le typique Tres versiones sinfonicas, du compositeur cubain Julian Orbon, avant la Cinquième Symphonie de Mahler (25 janvier). Dans le nouvel écrin symphonique parisien, deux concerts à haute valeur musicale emmenés avec une fougue communicative par des musiciens de tempérament.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Stéphane Davet Durant l’été 2013, le groupe Frànçois & the Atlas Mountains a profité d’une tournée de dix jours en Afrique, organisée par les Instituts français de Dakar (Sénégal), de Cotonou (Bénin), de Ouagadougou (Burkina Faso) et Addis-Abeba (Ethiopie), pour collaborer avec des musiciens locaux.Lire aussi : Frànçois & the Atlas Mountains, l’appel de la forêtDe ce périple, le groupe a ramené des photos, des dessins, des textes et quatre chansons, enregistrées sur place. Autant de documents rassemblés dans un grand format interactif, baptisé L’Homme tranquille, que LeMonde.fr sera heureux de vous présenter en exclusivité, mardi 20 janvier, en lien avec le lancement, le 19 janvier, de sa chaîne Afrique. Dans le même temps, la maison de disque de Frànçois & the Atlas Mountains, Domino Records, publiera un EP regroupant ces quatre morceaux, également intitulé L’Homme tranquille, disponible en téléchargement digital le 20 janvier et en vinyle le 2 février.Pour patienter, nous vous proposons le clip d’un de ces quatre titres, Ayan Filé, enregistré à Ouagadougou avec les Burkinabés « Papa » Djiga Boubacar (au n’goni, une forme de oud ouest-africain), Luc Kyenbreogo (au n’goni basse) et Sanou Darra (au chant et au balafon, le xylophone local).Groove gracileNé d’une jam, construite autour d’une esquisse musicale écrite par François Marry, à propos d’un Européen rêvant d’un voyage en Afrique, le morceau rayonne d’un groove gracile et de sonorités lumineuses. Les premiers albums du groupe – en particulier E Volo Love (2012) et le magnifique Piano Ombre (2014) – avaient témoigné de racines plongeant autant dans la pop et l’indie-rock que dans la sensualité d’influences africaines, du blues malien d’Ali Farka Touré jusqu’aux rythmes du funk éthiopien.Lire aussi : Frànçois & the Atlas Mountains trempe sa pop dans l’eau miraculeuseAvec Ayan Filé, et dans tout L’Homme tranquille, François Marry, le percussionniste Amaury Ranger et leurs complices des Atlas Mountains ont transformé leurs fantasmes en une expérience vécue avec grâce. Dont le prolongement sera bientôt une série de concerts (le 20 janvier, à Lannion ; le 22, à Lens ; le 24, à Saint-Cloud), avec leurs amis africains.Stéphane DavetJournaliste au Monde Alexis Delcambre Le 15 janvier devait marquer la relance du Mouv’, l’antenne de Radio France destiné aux jeunes. Mais cet événement a été « repoussé », selon le PDG de l’entreprise publique, Mathieu Gallet. La date est désormais fixée au 2 février.Il ne s’agit pas que d’une forme de discrétion après les attentats survenus en France du 7 au 9 janvier. Selon M. Gallet, « les causes de ces événements », s’ils « valident pleinement qu’une radio publique s’adresse à un public jeune », doivent aussi conduire à repenser en partie le projet mené par Bruno Laforestrie.Même si la future antenne sera « à 75 % musicale », il y a pour M. Gallet « quelque chose à trouver » du côté des « émissions de débat » pour favoriser le « lien social » et le « sentiment d’appartenance nationale », comme suite à ces événements impossibles à ignorer.Le PDG s’est également montré réservé sur l’opportunité d’une soirée de lancement mettant en avant les musiques urbaines - le nouveau positionnement du Mouv’ -, dès lors qu’« une partie des artistes de cette scène ont été aux abonnés absents ces derniers jours ».Il n’empêche que le projet est dans sa dernière ligne droite et qu’une grille « zéro » est déjà en phase de test. Le logo est également prêt. « Rendez-vous le 2 février à 6 heures », promet la direction de Radio France.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 14.01.2015 à 11h01 • Mis à jour le14.01.2015 à 16h03 | Alexis Delcambre NRJ à nouveau en tête, RTL en progression, les antennes de Radio France dans le vert et Europe 1 qui dévisse : tels sont les enseignements de la vague de résultats d’audience des radios pour la période novembre - décembre 2014, publiée mercredi 14 janvier par Médiamétrie.Si la musicale NRJ est en baisse de 0,3 point sur un an, à 12,5 % d’audience cumulée, elle redevient sur cette vague la première radio de France, selon ce critère, faisant oublier des chiffres de rentrée décevants (11,5 %) et mis sur le compte d’un « aléa statistique ». Ses têtes d’affiche - Manu le matin et Cauet le soir - enregistrent notamment des audiences record, à respectivement 3,48 millions et 1,66 million d’auditeurs cumulés. La matinale de Manu est même l’émission la plus écoutée entre 6 et 9 heures chez les moins de 65 ans.En revanche, selon l’autre critère, celui de la part d’audience, c’est RTL qui domine, avec 11,7 % de « PDA » et 12,2 % d’audience cumulée - une forte hausse d’un point par rapport à fin 2013, soit un gain de 579 000 auditeurs. Après une saison en retrait, RTL confirme sa très bonne rentrée et voit notamment son émission phare « Les Grosses têtes » progresser sous la houlette de Laurent Ruquier et atteindre 15,5% de part d’audience. « Nous sommes en très grande forme », se félicite le président de RTL Radio, Christopher Baldelli. La matinale d’Yves Calvi progresse également sur un an, alors qu’elle était en baisse à la rentrée. Ses autres nouveautés, « La Curiosité est un vilain défaut » et « RTL Grand soir », sont également en hausse.Le retour de France InfoLa deuxième généraliste est France Inter, qui remonte à 10,5 % d’audience cumulée (+0,2 point sur un an) et confirme se réinstaller au-dessus de la barre des 10 %. La matinale de Patrick Cohen reste la première de France entre 7h30 et 8h30. Un succès qui n’est pas isolé à Radio France : France Bleu retrouve un niveau élevé d’audience cumulée (7,9 %, +0,7 point), France Culture confirme son niveau record à 2,2 % et France Musique se redresse à 1,6 % (+0,3 point). Avec plus de 14 millions d’auditeurs, le groupe Radio France enregistre sa meilleure audience depuis novembre - décembre 2012.Mais l’évolution la plus significative est sans doute celle de France Info, qui a enfin enrayé la dynamique baissière qu’elle subissait depuis le printemps 2012. À 8,1 % d’audience cumulée, la station progresse à la fois sur un an (+0,1 point) et par rapport à la vague de rentrée (+0,2 point). Signe que la réforme portée par son directeur, Laurent Guimier, destinée à repositionner l’antenne sur le direct, commence à porter ses fruits.« Notre antenne progresse de façon homogène », souligne celui-ci, tout en pointant le besoin d’améliorer les résultats entre 8 et 9 heures. Info se paye même le luxe de doubler RMC (7,9 % d’audience cumulée), dont l’essoufflement se confirme, bien qu’elle reste la première généraliste chez les moins de 50 ans.Mais la baisse la plus spectaculaire affecte Europe 1. La station de Lagardère baisse de 0,7 point à 8,7 % d’audience cumulée, l’un de ses plus faibles niveaux. Cela représente une perte de 388 000 auditeurs en un an. « Cette vague revêt pour nous un caractère atypique », a commenté la station. Le départ de Laurent Ruquier pour RTL, à l’intersaison, alors que celui-ci était la locomotive de l’antenne d’Europe 1, semble avoir durablement affecté la station : sur un an, le créneau actuellement occupé par son successeur, Cyril Hanouna, perd 367 000 auditeurs, soit 45% d’audience. « Les Pieds dans le plat » ont toutefois gagné 31 000 auditeurs depuis la rentrée, mais l’humoriste est désormais aussi concurrencé par France Inter et Charline Vanhoenacker. Autre baisse, celle de la matinale de Thomas Sotto, qui perd 134 000 auditeurs sur un an.« C’est une vague décevante, assume Fabien Namias, le directeur d’Europe 1. Mais nous nous attendions à des difficultés avec le départ de Laurent Ruquier. Nos auditeurs sont parfois allés picorer ailleurs, mais j’ai toutes les raisons de penser qu’ils vont revenir. Quant à Cyril Hanouna, il a besoin de temps. »Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Pierre Gervasoni et Marie-Aude Roux Festival Présences 2015 à Radio France Double retour aux sources pour le festival de création musicale de Radio France à l’occasion de sa 25e édition. Présences réintègre la Maison de la Radio après plusieurs années d’errance parisienne pour cause de rénovation de l’auditorium. En programmant une majorité de compositeurs nés entre l’Alaska et la Terre de feu, la manifestation renoue avec la thématique américaine qui a constitué sa première affiche, en 1991. A l’instar de Thierry Pécou, souvent inspiré par la civilisation amérindienne, quelques Français seront aussi de l’aventure.Maison de Radio France, Paris 16e. Tél. : 01-56-40-15-16. Du 6 au 21 février.Roméo et Juliette à LyonPédagogue vénéré par des compositeurs devenus à leur tour – tels Klaus Huber ou Ysang Yun – des maîtres recherchés, Boris Blacher (1903-1975) est surtout connu en dehors de son Allemagne natale par ses Variations sur un thème de Paganini. Le brio, généralement orchestral, constitue sa marque et le renouvellement, entre classicisme et modernité, son idéal. A vérifier avec Roméo et Juliette (1943), opéra de chambre qui fut toujours cher à son cœur.Théâtre de la Croix-Rousse. Production de l’Opéra de Lyon. Tél. : 04-69-85-54-54. Du 24 février au 4 mars.Solaris au Théâtre des Champs-ElyséesLe titre et la trame de ce nouvel opéra proviennent d’un best-seller de la littérature de science-fiction (livré en 1961 par le Polonais Stanislas Lem) dont se sont emparés les cinéastes Andreï Tarkovski et Steven Soderbergh. Aux commandes de la création d’aujourd’hui, figure une équipe nipponne (le jeune Dai Fujikura pour la musique, le chevronné Saburo Teshigawara pour la mise en scène) qui garantit métier et créativité.Théâtre des Champs-Elysées, Paris 8e. Tél. : 01-49-52-50-50. Les 5 et 7 mars.La Philharmonie de Paris C’est l’événement incontournable de cette rentrée 2015 : l’ouverture de la Philharmonie de Paris, Porte de Pantin, après quelque trente ans de polémiques et d’atermoiements et une dernière ligne droite de tous les dangers. Les enthousiastes acquis à la cause de cet auditorium du XXIe siècle comme les chagrinés de la Salle Pleyel désertée par la musique classique y trouveront leur compte en matière de splendeurs symphoniques dès le grand week-end d’inauguration qui se déroulera du 14 au 18 janvier.Lire aussi : tous nos articles sur la Philharmonie de ParisPhilharmonie de Paris, Paris 19e. Tél. : 01-44-84-44-84.La Folle Journée de Nantes Elle court, elle court la Folle Journée de Nantes, dont la 21e édition, du 28 janvier au 1er février, ne déroge pas à l’utopie du partage qui présida à sa création par René Martin en 1995. Le succès de ces noces populaires de la musique classique avec un public mélomane ou non ne devrait pas se démentir, ce d’autant qu’il pose cette année au travers de la passionnante thématique « Passions de l’âme, passions du cœur », l’une des questions fondamentales qui sous-tend toute œuvre musicale.Cité internationale des Congrès, Nantes (44). Tél. : 08-92-70-52-05. Du 28 janvier au 1er février. follejournee.frFestival Les Jardins mystérieux à LyonTemps fort de la programmation lyrique lyonnaise, le festival instauré par Serge Dorny au cœur de sa saison. Trois opéras présentés sous une même thématique, cette année, la poétique des Jardins mystérieux : une nouvelle production du chef-d’œuvre de Franz Schreker, Les Stigmatisés (Die Gezeichneten), musique au post-wagnérisme luxuriant écrite en 1918 et mise en scène par David Boesch (du 13 au 28 mars) ; suivra l’Orphée et Eurydice, de Gluck, un mythe de l’adieu et de la séparation sous la régie du trublion d’origine hongroise, David Marton (du 14 au 29 mars) ; enfin, la création française du Jardin englouti, du compositeur et plasticien néerlandais Michel Van der Aa, un voyage initiatique entre le rêve, la vie et la mort (15 au 20 mars), présenté cette fois au TNP de Villeurbanne.Opéra de Lyon. Tél. : 04-69-85-54-54. Du 13 au 29 mars.Les Fêtes vénitiennes à l’Opéra ComiqueCes « fêtes » marqueront le retour de William Christie dans la fosse de l’Opéra Comique, où il avait dû laisser la baguette à son fidèle Paul Agnew pour défendre les couleurs très « Fashion Week » de la Platée de Rameau vue par Robert Carsen. Entouré par la fine fleur du jeune chant français, le patron des Arts Florissants, désormais en pleine forme, retrouvera son complice canadien dans les splendeurs du chef-d’œuvre d’André Campra (1660-1744), homme d’église amoureux du théâtre et accessoirement chaînon manquant entre Lully et Rameau.Opéra Comique, Paris 2e. Tél. : 08-25-01-01-23. Du 26 janvier au 2 février.Le Petit Prince au Théâtre du ChâteletCréé à l’Opéra de Lausanne le 5 novembre 2014, Le Petit Prince, de Michael Levinas, a atterri à l’Opéra de Lille début décembre avant de continuer sa route au Grand Théâtre de Genève en janvier puis au Théâtre du Châtelet, à Paris, du 9 au 12 février. Composé d’après le livre d’Antoine de Saint-Exupéry, le quatrième opéra du compositeur français est une planète habitée de « grâce mozartienne » et de « messages tragiques », née dans la mise à nue d’une enfance retrouvée, rejointe par la mise en scène poétique de Lilo Baur.Théâtre du Châtelet, Paris 1er. Tél. : 01-40- 28-28-40. Du 9 au 12 février.Le Cid à l’Opéra national de ParisMonté pour Robert Alagna en juin 2011 à l’Opéra de Marseille, Le Cid de Massenet arrive cette année à l’Opéra de Paris. Roberto Alagna est toujours de la partie pour rendre justice à cette musique qui requiert style et puissance, verve et intelligibilité, panache et sensibilité. La mise en scène de Charles Roubaud, malgré une inutile transposition des conflits entre chrétiens et musulmans à l’époque franquiste, est simple et efficace. Mais on attend surtout la direction de Michel Plasson, un familier de cette partition, encline, comme Rodrigue, à avoir « du cœur ».Palais Garnier, Paris 9e. Tél. : 08-92-89-90-90. Du 27 mars au 21 avril.L’Orchestre de la Tonhalle de Zurich à ToulouseProgramme alléchant pour la venue du plus ancien des orchestres symphoniques suisses, celui de la Tonhalle de Zurich, sous la direction de son nouveau patron, le talentueux chef français Lionel Bringuier. Le Niçois de 28 ans a pris la pianiste chinoise Yuja Wang en résidence : nul doute que l’exécution du Concerto n° 3 pour piano et orchestre de Rachmaninov sera époustouflante. Quant à L’Oiseau de feu, de Stravinski, et La Valse, de Ravel, dont Bringuier doit enregistrer l’intégrale symphonique chez Deutsche Grammophon, ils devraient rutiler de tous leurs feux orchestraux.Halle aux grains, Toulouse (31). Tél. : 05-61-21-09-00. Le 2 mars. grandsinterpretes.comMarie-Aude RouxJournaliste au MondePierre GervasoniJournaliste au Monde Fabienne Darge Plus de soixante ans après sa création, sa mise en scène de La Leçon, d’Eugène Ionesco, est toujours à l’affiche du Théâtre de la Huchette, à Paris : Marcel Cuvelier, metteur en scène et comédien est mort, mardi 6 janvier à Paris. Il avait 90 ans. Son visage est familier à nombre de spectateurs de cinéma, où il a fréquemment joué les seconds rôles élégants et subtils, et de télévision, pour sa participation notamment aux « Cinq Dernières minutes » et à « Vidocq ». Né le 14 mai 1924 à Glageon (Nord), Marcel Cuvelier était avant tout un homme de théâtre. Formé à la fin des années 1940 à l’école du Vieux-Colombier, il signe dès le printemps 1950 sa première mise en scène : Nous avons les mains rouges, de Jean Meckert. Mais c’est surtout par sa rencontre avec Eugène Ionesco qu’il entre dans l’histoire du théâtre, en 1951.Il crée, d’abord au Théâtre de poche puis au Théâtre de la Huchette, La Leçon, en collaboration avec l’auteur, et joue dans La Cantatrice chauve, mise en scène par Nicolas Bataille. Grâce à lui, grâce à sa femme, Thérèse Quentin, qui y a également beaucoup joué, et grâce à sa fille, Marie Cuvelier, qui aujourd’hui y interprète le rôle de l’élève dans La Leçon, la Huchette est resté encore et toujours « le » théâtre d’Eugène Ionesco, celui où l’on peut voir en permanence les deux pièces les plus célèbres de l’auteur franco-roumain. Marcel Cuvelier ne cessera par ailleurs de reprendre une autre pièce de Ionesco, Le Roi se meurt.Ce goût pour les auteurs contemporains a aussi amené Marcel Cuvelier à découvrir Jean-Claude Grumberg : « comédien, Jean-Claude Grumberg avait dans ses tiroirs une première pièce. Cuvelier la lut, l’aima et, sur un coup de tête, décida de la monter avec trois sous et trois copains », racontait Claude Sarraute dans nos colonnes, en février 1968, lors de la création de Demain une fenêtre sur rue. Puis Marcel Cuvelier a créé L’Augmentation, de Georges Perec, en 1970.Molière du meilleur comédien dans un second rôle en 2000Il est resté également dans les mémoires pour son « admirable Oblomov, épuisé de paresse » (toujours selon Claude Sarraute), au Studio des Champs-Elysées, en 1963. Ensuite il y eut, parmi beaucoup d’autres spectacles, Zoo Story, d’Edward Albee, avec Daniel Emilfork et Laurent Terzieff, en 1966, et un long compagnonnage avec Roger Planchon, et avec Tchekhov, qui avait inspiré à Marcel Cuvelier deux spectacles, Ma femme (1985) et Le Domaine des femmes (1999).En 2000, Marcel Cuvelier s’était vu décerner le Molière du meilleur comédien dans un second rôle pour Mon père avait raison, de Sacha Guitry, mis en scène par Jean-Claude Brialy. On croise aussi sa présence singulièrement pince-sans-rire dans des films comme Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958), La Vérité, d’Henri-Georges Clouzot (1960), Le Combat dans l’île, d’Alain Cavalier (1962), La guerre est finie (1966) et Stavisky (1974), d’Alain Resnais, L’Aveu (1970), de Costa-Gavras…Quant à la télévision, Marcel Cuvelier y a joué, du début des années 1960 au milieu des années 2000, dans un nombre incalculable de « dramatiques », comme on disait alors, et de séries, des « Cinq Dernières Minutes » aux « Enquêtes du commissaire Maigret » en passant par son travail régulier avec Marcel Bluwal, qu’il s’agisse des « Nouvelles Aventures de Vidocq » ou de l’adaptation de Mesure pour mesure, de Shakespeare.Fabienne DargeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet A Paris, la première éclosion d’expositions de l’année est précédée d’une réouverture : celle du Musée national Gustave Moreau. Après d’importants travaux de rénovation et d’extension, les salles fermées au public depuis 2002 rouvriront à la visite dès le 22 janvier, une occasion de se replonger dans l’œuvre du peintre symboliste dans ce qui fut à la fois sa maison et son atelier.Voici une sélection des grandes expositions à venir, de février à la fin mars, dans leur ordre d’ouverture :La toilette dans tous ses états au Musée MarmottanLes scènes de toilette dépeintes au fil des siècles traduisent les rites de la propreté de chaque époque, entre gestuelle et espaces dédiés, mais aussi un érotisme latent. « La toilette, naissance de l’intime » réunit au Musée Marmottan une centaine d’œuvres d’artistes du XVe siècle à aujourd’hui, avec des tableaux, sculptures, estampes ou photographies de Dürer, Georges de La Tour, François Boucher, Manet, Berthe Morisot, Degas, Toulouse Lautrec… Du 12 février au 5 juillet.Le Palais de Tokyo magnétisé par TakisLe Palais de Tokyo rend hommage au sculpteur grec Takis, installé à Paris depuis les années 1950, et qui fêtera ses 90 ans cette année. L’artiste, qui crée des œuvres hybrides, entre art, philosophie, sciences et technologies numériques, déploiera dans le musée les formes mystérieuses de ses « Champs magnétiques ». L’exposition, qui rassemblera une cinquantaine d’œuvres, est la plus importante à être dédiée à son travail depuis celle du Jeu de Paume en 1993. Du 18 février au 17 mai.Aux mêmes dates, le musée présentera « Le bord des mondes », qui interrogera l’essence de la création artistique en explorant les territoires à la lisière de l’art, de la création et de l’invention.Les bas-fonds du baroque au Petit PalaisLa Rome du début du XVIIe siècle, le Seicento, fut le théâtre de l’affirmation de la puissance de l’Eglise à travers les arts et l’architecture. Mais les jeunes artistes qui convergeaient alors de toute l’Europe pour s’y former découvrirent aussi le tumulte de sa vie populaire, entre beuveries, orgies et meurtres. L’exposition « Les bas-fonds du baroque - la Rome du vice et de la misère », qui avait été présentée à la Villa Médicis à l’automne (lire : Scènes de débauche à la Villa Médicis), sera ici enrichie de nouveaux prêts. Du 24 février au 24 mai.Les radioscopies très cérébrales de Taryn Simon au Jeu de PaumeLe travail très conceptuel de l’Américaine Taryn Simon a déjà été exposé à Paris lors de l’ouverture de la Fondation Vuitton. Ses pièces, qui reposent sur des recherches et études méthodiques, mêlant photographies, textes, témoignages, cartographies ou vidéos, examinent la production et la circulation de la pensée, la structure et le poids du secret ou encore la précarité des mécanismes de survie. Du 24 février au 17 mai.La grande rétrospective Télémaque au Centre PompidouC’est une rétrospective inédite que le Centre Pompidou consacre au peintre français d’origine haïtienne Hervé Télémaque. L’exposition retrace son parcours de la fin des années 1950 à nos jours, à travers plus de 70 peintures, dessins, collages ou assemblages. L’artiste, qui fut l’un des organisateurs de « Mythologies quotidiennes », exposition qui lança en 1964 le mouvement de la figuration narrative, sait comme personne rendre surprenants et charger de sens les choses et les objets les plus banals. Du 25 février au 18 mai.Au début du printemps, l’exposition « Qu’est-ce que la photographie ? » rassemblera par ailleurs à Beaubourg des créateurs pour lesquels la photographie est elle-même le sujet de l’œuvre : Brassaï, André Kertész, Dennis Oppenheim, Man Ray, Jeff Wall, Edouard Boubat, Robert Morris… Du 4 mars au 3 juin.David Bowie à la Philharmonie de ParisLa Philharmonie de Paris consacrera son exposition inaugurale à David Bowie. « David Bowie is », exposition itinérante, a déjà été présenté à Londres en 2013 et à Chicago en 2014. Elle retrace l’itinéraire artistique hors normes et les multiples métamorphoses d’un artiste inclassable qui, entre Londres, New York et Berlin, a exploré le glam rock, le funk, la soul, le disco ou l’électro. L’univers du chanteur est restitué à travers plus de 300 objets, manuscrits, costumes de scène, clips, films ou photographies. Du 3 mars au 31 mai.La folie Fornasetti au Musée des Arts décoratifsA travers plus de 1 000 pièces, la rétrospective « Piero Fornasetti : la folie pratique » présentera les différentes facettes de ce peintre, imprimeur, designer et décorateur d’intérieur milanais (1913-1988) qui a fait de l’ornement poétique et fantaisiste, entre trompe-l’œil, jeux d’illusion et univers théâtralisé, sa marque de fabrique. Du 11 mars au 14 juin.Le Fresnoy et François 1er cohabiteront à la BNFLieu d’expérimentation et de recherche unique en son genre, le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, qui accueille chaque année de jeunes artistes du monde entier, a fait don de l’ensemble de sa production à la BnF, soit plus de 600 films réalisés entre 1998 et 2013. « Le Fresnoy, mémoire de l’imagination » propose d’en découvrir une sélection emblématique. L’exposition s’accompagnera d’un week-end de tables rondes et de rencontres dédiées à l’univers de création du Fresnoy. Du 3 mars au 12 avril.En 1515, la fameuse bataille de Marignan, en Italie, fut la première victoire du jeune roi François Ier, dès la première année de son règne. A l’occasion du 500e anniversaire de cet événement, l’exposition « François Ier, pouvoir et image » s’intéresse aux différentes représentations de ce monarque, présenté comme un roi chevalier, « très chrétien », administrateur de son royaume, poète, lettré et mécène, en étudiant la constitution de son image tout au long de son règne. Du 24 mars au 21 juin.Bruce Nauman inédit à la Fondation CartierBruce Nauman, aujourd’hui âgé de 73 ans, développe, depuis la fin des années 1960, une œuvre inclassable proche de l’art conceptuel et minimal. Le travail de l’artiste californien avait fait l’objet d’une rétrospective au Centre Pompidou en 1997. L’exposition de la Fondation Cartier rassemble un ensemble de huit œuvres jamais montrées en France, entre grandes installations immersives, performances et vidéos spectaculaires. Du 15 mars au 21 juin.Le rayonnement des Tudor au Musée du LuxembourgLes Tudor, qui ont régné entre 1485 et 1603, sont devenus des figures légendaires de la Renaissance anglaise. L’exposition, qui s’appuie en partie sur des prêts de la National Portrait Gallery, s’intéressera surtout à leur aura en France, depuis les échanges artistiques et diplomatiques entre les deux pays tout au long du XVIe siècle, jusqu’à l’attrait des peintres et dramaturges français du XIXe siècle pour les membres de cette dynastie. Du 16 mars au 19 juillet.Le monde selon Bonnard au Musée d’OrsayAvec pour constantes la légèreté, l’humour, la lumière et la couleur, Pierre Bonnard (1967-1947) a abordé tous les genres et toutes les techniques (peinture, dessin, estampe, art décoratif, gravure, sculpture, photographie). Du portrait à la nature morte, de la scène intime au sujet pastoral, du paysage urbain au décor antique, cette rétrospective s’attachera à détailler sa quête de l’harmonie. Conçue par le Musée d’Orsay, « Pierre Bonnard, peindre l’Arcadie » partira ensuite à Madrid et à San Francisco. Du 17 mars au 19 juillet.Velázquez en dialogue avec son temps au Grand PalaisPour cette première grande rétrospective parisienne consacrée à Diego Velázquez (1599- 1660), le plus célèbre des peintres du Siècle d’or espagnol, le Grand Palais montrera son œuvre en dialogue avec de nombreuses toiles d’artistes de son temps. Entre paysages, portraits et peintures d’histoire, elle s’intéressera aussi aux variations de styles et de sujets dans les premières compositions de l’artiste. Du 25 mars au 13 juillet.Des baisers de toute nature au Musée MaillolAprès les violences des Borgia, radical changement de ton au Musée Maillol, avec « Le baiser dans l’art, de la Renaissance à nos jours ». Le répertoire de ce simple geste esquissé dans des œuvres tant allégoriques que religieuses, historiques ou fantastiques, est vaste. L’exposition, qui s’intéressera à la portée artistique de ces représentations dans la sculpture, la BD, la peinture ou le cinéma, présentera une centaine d’œuvres, et autant de baisers de Fragonard, Picasso, Chagall, Brancusi ou David Lynch… Du 25 mars au 26 juillet.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde Sylvain Siclier et Stéphane Davet Les journalistes de la rubrique Musiques du Monde vous proposent une sélection d’événements musicaux, de janvier à mars 2015.Anthony Braxton au festival Sons d'hiver Les occasions de voir et entendre le saxophoniste et compositeur américain Anthony Braxton ne sont pas si fréquentes. Musicien symbole des explorations autour et avec le jazz, du rapport entre les musiciens dans le processus de l’improvisation collective, plus ou moins préparée, il ouvrira le festival Sons d’hiver, vendredi 23  janvier. Avec lui, la guitariste Mary Halvorson, le multi-instrumentiste (cornet, trompette, trombone…) Taylor Ho Bynum et le saxophoniste et électroacousticien James Fei. Sons d’hiver est prévu dans une douzaine de villes du Val-de-Marne jusqu’au 15 février.Espace culturel André-Malraux du Kremlin-Bicêtre, vendredi 23 janvier, à 20 h 30. De 15 € à 20 €. Tél. : 01-46-87-31-31.D’Angelo au Palais des congrèsLe retour surprise au disque le 16 décembre 2014 du chanteur D’Angelo avec Black Messiah, a ravi ses fans, dans l’attente depuis presque quinze ans d’un successeur à l’album Voodoo (janvier 2000), qui en son temps et encore aujourd’hui, se révèle l’une des plus fortes réussites en matière de fusion entre la soul des années 1970, le funk et le jazz. Tout aussi absent sur scène, D’Angelo s’y est remis depuis 2012. Sa nouvelle tournée, The Second Coming Tour, débute par l’Europe, avec passage pour une unique date en France dans le confort du Palais des congrès à Paris.Palais des congrès, Paris, lundi 16 février, à 20 heures. De 56,50 € à 89,50 €.VIDÉO (audio seulement) : la chanson « Another Life » par D’Angelo, extraite de l’album « Black Messiah ».Véronique Sanson à l’OlympiaPublié en septembre 1974, Le Maudit a été le premier des trois albums de Véronique Sanson associés à sa période américaine (elle a vécu en Amérique du Nord de 1972 à 1980). La chanteuse et pianiste en remet le répertoire à l’honneur ainsi que celui de Vancouver (enregistré à Londres, publié en février 1976) et Hollywood (octobre 1977). Un retour aux années 1970 que le public considère positivement, une partie des soirées à l’Olympia affichant déjà complet.Olympia, Paris, du mardi 3 février au vendredi 13  février, à 20 h 30. De 47 € à 80 €.VIDÉO (audio seulement) : la chanson « Bernard’s Song (Il est de nulle part) », par Véronique Sanson, extraite de l’album « Hollywood ».Stephan Eicher en tournée Seul en scène, pas tout à fait. Pour son nouveau spectacle, qui débute au Théâtre Sorano, de Toulouse, s’installe plusieurs jours aux Bouffes du Nord, à Paris et tourne jusqu’à mi-avril, Stephan Eicher sera accompagné par Die Automaten, un ensemble d’instruments (piano, percussions, machines…) mécaniques. Des chansons d’hier, de plus récentes de son superbe disque L’Envolée, des nouveautés et toujours ce voyage mélodique dans diverses langues du chanteur, le bernois, une variante du suisse alémanique, le français, l'anglais, l'italien, l'espagnol.Théâtre Sorano, Toulouse, samedi 17 janvier. De 8 € à 18 €. Espace Carpeaux, Courbevoie, mardi 20 janvier, à 20 h 45. De 29 € à 34 €. Bouffes du Nord, Paris, du mardi 17 février au samedi 21 février, à 20 h 30. De 28 € à 35 €. Ensemble des dates de la tournée.Avishai Cohen à l’Olympia Si les voix du jazz actuel trouvent aisément place dans des salles de taille moyenne, les instrumentistes y sont plus rares. Signe du statut du contrebassiste israélien, qui fit ses débuts dans les années 1990 auprès du pianiste Chick Corea, le voici à nouveau programmé dans le plus prestigieux music-hall parisien. Il avait, en effet, affiché complet en novembre 2013, accompagné d’une formation de cordes. Cette fois, ce sera en trio avec le pianiste Nitai Hershkovit et le batteur Daniel Dor. Le même trio qui se produira, deux jours après, au Grand Angle, de Voiron (Isère), le 3 avril.Olympia, Paris, mercredi 1er avril, à 20 h 30. De 30 € à 65 €.Ed Sheeran en tournéeOn peut le trouver trop lisse, d’un romantisme calibré pour les demoiselles en fleur, mais difficile de nier que derrière ses allures de poupon tatoué, l’Anglais Ed Sheeran met sa voix puissante au service de mélodies mariant efficacement intensité folk, séduction pop et groove hip hop. X, son deuxième album, a multiplié les hits (Sing, Don’t…) comme d’autres les petits pains.Le 30 janvier, au Galaxie d’Amneville ; le 1er février, au Zénith de Clermont-Ferrand ; le 2, au Zénith de Paris ; le 3, au Zénith de Nantes. www.edsheeran.comThe Black Keys à Lyon et au Zénith de ParisD’abord militants d’un blues au minimalisme rêche, les Black Keys ont petit à petit enrichi leurs chansons d’influences soul, glam et pop, sous l’influence de leur complice producteur Brian Burton, alias Danger Mouse. Gorgé de lyrisme mélancolique, l’album, Turn Blue, est le principal carburant de cette nouvelle tournée.Le 7 mars, à Lyon, Halle Tony Garnier ; le 9 et le 19, au Zénith de Paris. www.theblackkeys.comAsaf Avidan en tournée Le rocker israélien à la voix radicalement androgyne était devenu le phénomène inattendu de l’année 2013. A sortir le 16 janvier, son second opus, Gold Shadow, confirme son aptitude à virevolter avec classe entre Dylan et Billie Holiday, Leonard Cohen et Shirley Bassey. Des variations et une énergie qui font aussi d’Asaf Avidan, une bête de scène.Le 18 mars, au Zénith de Paris ; le 19, à Tours ; le 21, à Clermont-Ferrand ; le 23, à Toulouse ; le 24, à Marseille ; le 27, à Lyon ; le 30, à Strasbourg. www.asafavidanmusic.comBenjamin Clementine en tournéeAutre album événement de la rentrée 2015, At Least For Now, premier opus de Benjamin Clementine, s’est nourri des histoires douloureuses et sensuelles de sa jeune vie de ce Londonien révélé dans le métro parisien. Une autobiographie musicale qu’il sait retranscrire sur scène, derrière son piano, avec un lyrisme à vif au croisement de Brel, Nina Simone et Screamin’ Jay Hawkins.Le 5 mars, à Hérouville-Saint-Clair ; le 6, à Lille ; le 10, à Marseille ; le 12, à Ramonville ; le 13, à Mérignac ; le 14, à Nîmes ; le 17, à Lyon ; le 19, à Paris, au Trianon ; le 21, à Rouen. www.facebook.com/benjaminclementineNoel Gallagher’s High Flying Birds au Zénith de ParisAprès la débandade du groupe Beady Eye, mené puis séparé par son frère cadet, Liam Gallagher, le guitariste Noel Gallagher poursuit sa carrière solo avec un deuxième album, le nostalgique Chasing Yesterday, et une tournée qui devrait recycler les vieux tubes d’Oasis.Le 12 mars, au Zénith de Paris. www.noelgallagher.comSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteStéphane DavetJournaliste au Monde Fabienne Darge et Brigitte Salino Les journalistes de la rubrique Scènes du Monde vous proposent une sélection de pièces et des festivals, de janvier à mars 2015.La Bête dans la jungle Ecrite en 1962 par Marguerite Duras, d'après une nouvelle de Henry James, la pièce a triomphé à sa création, en 1981, avec Sami Frey et Delphine Seyrig dirigés par Alfredo Arias. Célie Pauthe, la directrice du centre dramatique national de Besançon, offre une nouvelle mise en scène, avec John Arnold, Mélodie Richard et Valérie Dréville, l'une de nos plus grandes actrices.Centre dramatique national de Besançon, du 15 au 22 janvier.Le Pouvoir des folies théâtrales En 2013, Jan Fabre a re-créé, pour le Festival d'Avignon, cette pièce fondatrice de son répertoire : une mise à nu, aux sens propre et figuré, du théâtre et des corps qui l'habitent, avec leurs sueurs, leurs larmes et leurs cris. Un spectacle excessif, scandé par la musique de Wim Mertens.Théâtre de Gennevilliers, du 6 au 12 février.Reims Scènes d'Europe « Guerre et paix » : un thème en pleine actualité guide l'édition 2015 de ce festival interdisciplinaire organisé par la Comédie de Reims et d'autres scènes de la ville. On y verra une adaptation de A l'ouest, rien de nouveau, d'Eric-Maria Remarque, par Luk Peceval, on y entendra parler de Maïdan, de trafic d'armes, du fascisme italien, d'une bombe humaine… et de la nécessité de réparer les vivantsComédie de Reims, du 5 au 21 février.Les Larmes amères de Petra von Kant Un des meilleurs théâtres privés parisiens met à l'affiche Rainer Werner Fassbinder, avec cette pièce, qui fut aussi un film, sur l'amour-monstre de femmes entre elles. Thierry de Peretti dirige Zoé Schellenberg, Valeria Bruni Tedeschi et Kate Moran, l’actrice américaine qui dansait les diagonales de Lucinda Childs, dans la re-création de Einstein on the Beach, de Bob Wilson, en 2014.Théâtre de l’Œuvre à Paris, à partir du 12 février.Das Weisse vom Ei (Une île flottante) Eugène Labiche et Christoph Marthaler, ou la rencontre de deux grands. A partir de La Poudre aux yeux et de Un mouton à l'entresol, du maître français du vaudeville, le maître suisse de la mise en scène concocte un spectacle sur le mariage bourgeois. Avec sûrement, au rendez-vous, ce mélange unique de rire et de mélancolie qui signe la marque Marthaler.Odéon-Théâtre de l'Europe à Paris, du 11 au 29 mars.Toujours la tempête Une distribution de première grandeur, avec en particulier Laurent Stocker, Dominique Reymond, Nada Strancar et Dominique Valadié, pour la création d’une pièce de Peter Handke à découvrir, dans la mise en scène d'Alain Françon, qui aborde pour la première fois l'œuvre de l'écrivain autrichien.Odéon-Théâtre de l'Europe à Paris, du 4 mars au 2 avril.Splendid’s Arthur Nauzyciel, le directeur du Centre dramatique national d’Orléans, met en scène cette pièce mal connue de Jean Genet avec les mêmes comédiens américains que dans son Julius Caesar, qui avait fortement impressionné en 2008. Un bel acteur français, Xavier Gallais, les accompagne dans ce ballet de gangsters face à la mort.Centre dramatique national d’Orléans, du 14 au 16 janvier, puis tournée (Tours, Lille, Bourges, Reims…) jusqu’à fin avril.Les EstivantsDans cette pièce, une de ses plus belles, Maxime Gorki met en scène un monde crépusculaire, au seuil d’une nouvelle ère. Gérard Desarthe, qui fut l’acteur-fétiche de Patrice Chéreau, dirige les comédiens du Français, parmi lesquels Anne Kessler, Loïc Corbery, Hervé Pierre, Thierry Hancisse…Comédie-Française à Paris, du 7 février au 25 mai.IvanovLuc Bondy, le directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, s’attaque à Ivanov, la deuxième grande pièce de Tchekhov, avec une distribution éblouissante : Marina Hands, qui fait enfin son retour au théâtre, Micha Lescot, Marcel Bozonnet, Ariel Garcia Valdes, Christiane Cohendy, Marie Vialle…Odéon-Théâtre de l’Europe à Paris, du 29 janvier au 1er mars et du 7 avril au 3 mai.Ceux qui restentLe Théâtre de la Ville reprend ce spectacle remarquable, créé en mars 2014 au Monfort-Théâtre, construit par l’auteur et metteur en scène David Lescot à partir des témoignages de deux survivants du ghetto de Varsovie, Paul Felenbok et Wlodka Blit-Robertson. Du théâtre-document d’une intensité et d’une justesse rares, notamment grâce à ses deux acteurs, Marie Desgranges et Antoine Mathieu.Théâtre de la Ville à Paris, du 3 au 21 mars.Mary Stuart Le Belge Ivo Van Hove, qui est devenu un des plus grands metteurs en scène européens, arrive à Créteil avec une Mary Stuart à ne pas rater. Dans ce drame historique de Friedrich Schiller, l’héroïne tragique est incarnée par la grande comédienne flamande Katelijne Damen. On retrouvera ensuite Ivo Van Hove au Théâtre de la Ville, en avril, avec une Antigone créée, en anglais, avec Juliette Binoche.Maison des arts de Créteil, du 26 au 28 mars.Le Standard idéalLa MC93 de Bobigny étant en travaux, le toujours passionnant festival Le Standard idéal se déploie sur plusieurs théâtre de Paris et de Seine-Saint-Denis, avec un riche programme : les Italiens Toni et Peppe Servillo, le Russe Lev Dodine avec son Gaudeamus et une sublime Cerisaie, l’Ukrainien Vladyslav Troitskyi, l’extraordinaire actrice chinoise Zeng Jingping et son théâtre du Liyuan…MC93 de Bobigny hors les murs (Théâtre Gérard-Philipe/Saint-Denis, Monfort Théâtre, Nouveau Théâtre de Montreuil…), du 3 mars à début juillet.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteFabienne DargeJournaliste au Monde Rosita Boisseau Olivier Dubois Un an après sa nomination au Ballet du Nord, l’hyperactif Olivier Dubois poursuit sa collection de Sacre du Printemps, sur la musique d’Igor Stravinski. Après Prêt à baiser (2012), long french kiss à bouche que veux-tu, voilà Sacre #2 avec la danseuse et chorégraphe Germaine Acogny, 70 ans, « l’élue noire » mythique de Maurice Béjart, à l’affiche le 27 mars, à Roubaix. Un solo dédiée aux racines, à la transe, à l’Afrique.Mon élue noire, Sacre #2, Le Colisée, Roubaix, le 27 mars.Angelin Preljocaj Pas question de serrer Angelin Preljocaj sur la seule étagère des beaux ballets narratifs type Blanche-Neige. Le voilà de nouveau dans son laboratoire gestuel dont il présente régulièrement le résultat depuis 2004, sous le titre d’Empty Moves. Aujourd’hui composée de trois parties, cette pièce pour quatre interprètes, à l’affiche du Théâtre de la Ville, à Paris, s’obsède sur l’écriture, rien que l’écriture du geste. Elle s’appuie sur la performance vocale et musicale, Empty Words, du compositeur John Cage, pour envoyer valser toutes les attentes autres que celle de la langue des corps.Théâtre de la Ville à Paris, du 17 au 28 février.Pierre Rigal Voilà donc le chorégraphe contemporain Pierre Rigal sous les ors du Palais Garnier pour sa première collaboration avec les danseurs de l’Opéra national de Paris. Pour l’occasion, Rigal se penche sur le sens du mot Salut, qu’il entend décortiquer sous tous ses aspects. Seize danseurs, dont deux étoiles Jérémie Bélingard et Benjamin Pech, prêtent main forte à Rigal dans son entreprise.Opéra de Paris, Palais Garnier, du 3 au 20 février.Philippe Decouflé Après la comédie musicale Contact, Philippe Decouflé persiste avec WIEBO, un spectacle pop-rock entièrement placé sous l’influence de la star David Bowie. Imaginé comme un concert live, avec un orchestre dirigé par Pierre Le Bourgeois, des chanteurs comme Sophie Hunger et Jehnny Beth, mais aussi des circassiens et des danseurs, WIEBO profite évidemment de quinze chansons tubissimes de Bowie dont Space Oddity, Life on Mars ou Let’s Dance. Le spectacle sera sur scène mais aussi dans la salle.Philharmonie de Paris, du 3 au 8 mars.Ambra Senatore Un profil sage de princesse aux cheveux longs pour un esprit malicieux d’artiste qui aime donner du fil à retordre. L’Italienne Ambra Senatore aime les pochettes-surprises et en propose une nouvelle baptisée Aringa rossa. Toujours en biais, à coups de fragments et avec un grand sens de l’ellipse, elle s’attache cette fois à la fantaisie intime des êtres pour en faire jaillir un cocktail secoué de situations toutes plus éberluantes les unes que les autres.Théâtre de la Ville à Paris, du 11 au 14 février.Biennale d’art flamenco Le gratin de la scène flamenca contemporaine a rendez-vous à la Biennale d’art flamenco pilotée par le Théâtre national de Chaillot. Parmi les stars féminines très attendues, l’audacieuse Rocio Molina, la nerveuse Rafaela Carrasco à la tête du Ballet flamenco de Andalucia mais encore les jeunes artistes Patricia Guerrero ou Eduardo Guerrero. La chanteuse Esperanza Fernandez sera également de la partie.Théâtre national de Chaillot à Paris, du 12 au 22 mars.Anniversaire des Centres chorégraphiques nationaux Trente bougies pour les Centres chorégraphiques nationaux apparus au début des années 1980. Au nombre de dix-neuf aujourd’hui, ces CCN sont devenus les socles d’un paysage artistique de premier plan. Pour fêter çà, les directeurs d’hier et d’aujourd’hui – Jean-Claude Gallotta, Carolyn Carlson, Angelin Preljocaj, Mathilde Monnier, José Montalvo, Dominique Hervieu… – se retrouvent l’espace d’un soir pour un splendide gâteau de danses au Théâtre de Chaillot.Théâtre national de Chaillot à Paris, le 19 février.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Rosita Boisseau Chloé Moglia Le sens de la suspension et du vertige de la trapéziste et danseuse Chloé Moglia lui donne l’imagination d’accessoires et d’installations planantes. Celle de sa nouvelle pièce pour un trio d’acrobates, Aléas, déroule une quarantaine de mètres de fils d’acier pour dessiner un espace aérien dans lequel il fait bon se jeter. A l’affiche du Centquatre, à Paris, Chloé Moglia, qui a créé sa compagnie Rhizome en 2009, cherche plus que jamais des réponses à une question essentielle : pour quelles raisons a-t-elle choisi de passer sa vie suspendue en l’air ?Le 104 à Paris, du 10 au 15 février.Jérôme Thomas Le maître du jonglage Jérôme Thomas met en piste le spectacle de fin d’études, toujours très attendu, des onze jeunes artistes de la 26° promotion du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne. Intitulée Over the Cloud, à l’affiche de la Villette, cette production entend relever avec singularité le double challenge de cette fin de parcours : valoriser chaque circassien tout en présentant un vrai spectacle. Un défi dont le gourmand Jérôme Thomas, en parfait chef de troupe, ne devrait faire qu’une bouchée.Centre national des arts du cirque, parc de la Villette (Paris 19e), du 28 janvier au 22 février.Festival Spring Toujours les bras ouverts pour les jeunes metteurs en scène de cirque comme par exemple, Fragan Gehlker, expert en corde, dont le spectacle Le Vide est un bijou, ou encore Jean-Baptiste André qui crée un duo intitulé Pleurage et scintillement, la manifestation pilotée par La Brèche, à Cherbourg, affiche aussi une surprise : la rencontre d’experts en jonglage, les Gandini Juggling, et du danseur classique du Royal Ballet, Ludovic Ondiviela dans 4X4.Festival Spring, en Basse-Normandie, du 6 au 31 mars.Rosita BoisseauJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 21h31 • Mis à jour le13.01.2015 à 12h47 | Frédéric Potet Charlie Hebdo succédera-t-il à Bill Watterson, le créateur de Calvin et Hobbes, au palmarès des Grands prix de la ville d’Angoulême ? Un petit groupe de scénaristes et de dessinateurs a lancé une pétition sur Internet, ce lundi 12 janvier, pour que cette prestigieuse distinction – remise chaque année pendant le Festival international de la bande dessinée à un auteur pour l’ensemble de son œuvre – soit exceptionnellement attribuée à l’hebdomadaire satirique, fin janvier à l’occasion de la 42e édition de la manifestation.« Il aurait été indécent de ne pas proposer cette initiative, explique Gwen de Bonneval, l’un de ses instigateurs. Notre idée n’est pas de chercher à récupérer l’esprit de Charlie Hebdo, mais d’accompagner ses dessinateurs afin qu’ils aient la part belle pour l’édition du festival l’an prochain. Donner le Grand prix à quelqu’un cette année nous semblerait dérisoire et absurde. Le décerner d’office à Charlie n’est pas grand-chose en revanche, et c’est la moindre des choses. »Dans l’esprit des pétitionnaires (parmi lesquels on trouve Etienne Davodeau, Pascal Rabaté, Cyril Pedrosa, Alfred, Fabien Vehlmann), cette attribution à titre « exceptionnel » supposerait de s’exonérer du mode de scrutin en vigueur consistant à faire voter l’ensemble des auteurs francophones professionnels avant le festival à partir d’une liste préétablie d’une vingtaine de noms (les favoris s’appellent Chris Ware, Katsuhiro Otomo, Alan Moore…).Pour voir le jour, ce projet devra évidemment obtenir l’assentiment de la direction du festival, ce qui n’est pas gagné. Celle-ci a en effet lancé une idée similaire en fin de semaine dernière en annonçant la création d’un « prix Charlie de la liberté d’expression », destiné aux caricaturistes opprimés dans leur pays.L’avis des auteurs de Charlie Hebdo – qui sortiront mercredi un numéro historique tiré à 3 millions d’exemplaires – pèsera également lourdement dans la balance, tant pour l’une que pour l’autre initiative. Deux dessinateurs ayant participé à la grande aventure du journal humoristique figurent déjà au palmarès des Grands prix de la ville d’Angoulême : Georges Wolinski et Willem, récompensés en 2005 et 2013. « Plus il y a de prix, mieux c'est. Surtout si les lauréats sont vivants », estime sobrement ce dernier.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 16h40 • Mis à jour le19.01.2015 à 16h56 | Stéphane Davet (Groningue (Pays-Bas)) Du 14 au 17 janvier, 345 groupes et chanteurs ont joué devant près de 40 000 spectateurs – dont plus de 3 000 professionnels de la musique – dans une cinquantaine de lieux de Groningue, la grande ville universitaire du nord des Pays-Bas, à l’occasion de la 29e édition du festival Eurosonic. Chaque année, ce « showcase festival », véritable marché du spectacle rock et pop, est l’occasion de découvrir une myriade de jeunes talents qui feront l’actualité des mois à venir. Voici une petite sélection de nos paris 2015 repérés là-bas.Mountain BikeConsidéré, à Bruxelles, comme un des groupes les plus excitants de ces derniers mois, ce quatuor franco-belge a démontré une réjouissante capacité à électriser ses mélodies pop de riffs sales et têtus. Leurs allures de joyeux lurons – débarquant en slip, habillés de longs maillots de basket vintage – collent à une désinvolture qui n’oublie pas que le rock n’est rien sans l’urgence. Mené par Etienne, Perpignanais haut comme trois pommes mais au charisme malicieux, Mountain Bike file à toute blinde sur le parcours accidenté d’un premier album éponyme, plus proche des confrères américains de Parquet Courts que du plat pays.LåpsleyAvec le duo de jumelles françaises de Ibeyi, qui ont aussi impressionné à Eurosonic, Holly Lapsley Fletcher est l’autre signature récente du prestigieux label XL Recordings (Adele, The XX…). Originaire des rives de la Mersey, région hautement mélomane du nord de l’Angleterre, cette jeune fille blonde nourrie de hip hop, de r’n’b, d’electro et de pop, porte d’une voix puissante et claire narrations du quotidien et dérives amoureuses. Accompagné de deux garçons, l’un aux claviers, l’autre aux machines, comme Hannah Reid de London Grammar, Låpsley et ses mélodies romantiques n’échapperont pas à cette comparaison.Ibeyi, les jumelles sur lesquelles se focalise EurosonicDj. Flugvél og GeimskipParmi une impressionnante colonie islandaise présente à Groningue (parmi lesquels les excellents Mammüt et le folk singer Junius Meyvant), cette joyeuse petite sorcière a fait son effet. Malgré un nom imprononçable et des textes dans la langue d’Eric le Rouge, on a craqué pour sa façon de se bricoler, seule sur scène, un univers poétique au rythme de beats ludiques, de sons de vieux synthés, de mélodies et d’histoires parfois rêveuses, parfois cauchemardesques. Conteuse étrange, entre les morceaux, elle brûle du papier d’Arménie, bidouille ses bijoux lumineux et nous emporte sur sa planète electro-acid.Jack GarrattAlors que notre tolérance pour les crooners post James Blake commence à arriver à saturation, on fera une dernière exception pour ce Londonien de 23 ans, découvert dans le planétarium de Groningue. Sous le dôme étoilé, on s’est laissé prendre par l’onirisme de ce multi-instrumentiste porté par une voix soul, blanche, à l’intensité spectrale. Seul sur scène, passant des machines électro à une guitare écorchée, le garçon possède une élégance émotionnelle qui devrait toucher.SoakCe petit bout de Nord-Irlandaise n’a beau être âgé que de 18 ans, son nom circule depuis presque trois ans parmi les promesses de demain. Sur la belle scène du théâtre de Stadsschouwburg, la petite folkeuse de Derry a de nouveau saisi par sa mélancolie à vif, sa capacité d’incarnation, son charisme de « girl next door », plus proche des héros des films de Ken Loach que des icônes diaphanes de la guitare acoustique. Son premier album, prévu en avril, est attendu avec impatience.EBBA Awards :Comme chaque année, le festival Eurosonic est l’occasion de décerner, lors d’une émission télévisée animée par le Britannique Jools Holland, les European Border Breakers Awards (EBBA), récompensant les talents d’Europe ayant connu un succès commercial hors de leurs frontières. Cette année, les lauréats ont été la Belge Mélanie de Biasio, les Hollandais de The Common Linets, la Danoise Mø, les Autrichiens de Klangkarussel, les Allemands de Milky Chance, l’Irlandais Hozier, le Norvégien Todd Terje, la Suédoise Tove Lo, l’Anglais John Newman et la Française Indila. Un Awards du « meilleur artiste de festival » a aussi été décerné au groupe londonien Jungle.Stéphane Davet (Groningue (Pays-Bas))Journaliste au Monde 19.01.2015 à 09h06 | Philippe Dagen Kader Attia est l’auteur de nombreuses œuvres à caractère politique et historique. Il travaille actuellement sur le thème de la « réparation », aussi bien à propos des gueules cassées de 14-18 que des objets africains réparés par le bricolage. Il est aussi connu aussi pour Ghosts, une installation sur le thème du voile et de la prière. Sa dernière exposition traitait entre autres du pillage du musée du Caire, sous le titre Arab Spring. Contacté par Le Monde, l’artiste réagit aux récents attentats.« Les événements des derniers jours confirment à mon sens l’importance de la notion de réparation. Ils sont le résultat des différentes blessures de nos sociétés. Qu’elles soient religieuses, politiques, culturelles, historiques, les blessures sont là, car on ne les a pas traitées. Aucune politique de post-colonisation n’a permis de réparer, ou tout simplement d’expliquer, les blessures et traumatismes, l’humiliation, le sentiment de spoliation de plusieurs générations d’immigrés, dont les ancêtres ont payé de leur vie – soit expropriés et affamés, soit engagés dans les armées coloniales, soit déracinés – ce qui me semble être encore un mal profond.Bien sûr, il est difficile d’expliquer des actes aussi barbares que l’attaque d’un comité de rédaction à la kalashnikov, mais les raisons qui les sous-tendent sont nombreuses, dépassant souvent même leurs auteurs. On ne peut plus nier que des comportements aussi extrêmes ne peuvent venir que d’un profond désespoir, d’un besoin d’exister dans une société dont on est exclu économiquement, culturellement et surtout politiquement. Les différents gouvernements ont baissé les bras et abandonné une partie de leurs concitoyens dans des zones de non droit, loin des pôles économiques. La misère et surtout le manque d’éducation, d’espoir, d’horizon, ont creusé le lit des extrémismes dans les couches les plus pauvres, rendant tous ces jeunes perméables aux manipulateurs dont ils sont les objets et les agents de mort. L’ignorance est le lit de la haine de l’autre et de la violence. Or, suite à l’abandon de l’importance du projet éducatif dans nos sociétés contemporaines, un univers “pandorien” s’est approprié le désir d’être informé que tout jeune manifeste à l’aube de l’âge adulte. Cet univers est un hydre à plusieurs têtes : les “autoroutes de l’information”.Aujourd’hui, c’est un monstre qui crée des monstres. Des virus informatiques aux virus psychologiques. L’absence de considération, de contrôle, d’éthique sur l’incommensurable potentiel hégémonique de l’Internet et des autres réseaux numériques en fait le véritable danger du vivre ensemble avec nos différences. Car la propagande qui y sévit stigmatise et manipule, du matin au soir, les esprits fragiles abandonnés par le système socio-politique inique et déliquescent, aliéné à l’aveuglement de la consommation à tout prix. “Je consomme donc je suis” ; nouvelle croyance d’un épanouissement par procuration, en plein marasme psychologique, à l’orée d’un XXIe siècle à peine commencé.Félix Guattari pensait que le futur serait la fin des croyances : de toutes les croyances, des plus sacrées aux plus profanes, et bien je crois que nous sommes en plein dedans, avec en tête de gondole la fin de la croyance en l’éducation. Les gosses n’ont plus de repères éthiques…J’avoue que je suis assez pessimiste pour l’avenir, car le résultat de ce refus de l’Occident de faire face à ses erreurs ne conduit qu’à une radicalisation grandissante, quelles que soient la religion ou les idées politiques (il n’y a qu’à voir les scores des partis extrémistes et la montée de l’islamophobie dans les pays occidentaux). Mais – heureusement il y a toujours un “mais” – il y a peut-être un espoir… On a tout de même été tous agréablement surpris et émus de voir des images de la marche de dimanche montrant des drapeaux de tous les pays côte à côte, et de l’unité internationale en réaction à l’atrocité. Espérons que tout cela ne sera pas vain. »Philippe DagenJournaliste au Monde Brigitte Salino Il a suffi de quelques spectacles, comme Au moins j'aurai laissé un beau cadavre, d'après Hamlet, ou Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer, d'après Dostoïevski, pour que Vincent Macaigne (36 ans) s'impose comme un des fers de lance de la nouvelle génération de metteurs en scène. Souvent traité de « trash », son théâtre se nourrit de provocations. Acteur en vue, par ailleurs, du jeune cinéma français, il réagit aux récents attentats, pour Le Monde.« La liberté dans l'art n'a pas de limites et ne doit pas en avoir. Mais les chemins de la liberté ne sont pas toujours simples, l'Histoire nous le prouve : quand Le Caravage mettait de la lumière sur des prostituées, au XVIe siècle, c'était considéré comme scandaleux. Aujourd'hui, Le Caravage est dans les musées, et il ne fait plus scandale.La responsabilité dans l'art, elle, est grande. Elle repose sur une éducation, qui permet de donner un regard critique aux spectateurs, et d'ouvrir le débat. Cette éducation, qui était le grand enjeu d'André Malraux, s'est un peu perdue.Il ne faut pas perdre de vue que la France est un pays très ouvert, en matière de liberté artistique. Ce n'est pas le cas d'autres pays. Et cela, on ne se le rappelle pas assez. Quoi qu'il en soit, on peut enterrer un pays, mais on ne peut pas arrêter la parole des gens. »Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Dagen Hervé Télémaque fut l’un des fondateurs du mouvement de la Figuration Narrative. Auteur d’œuvres très satiriques sur les colonialismes, les impérialismes, il présente une rétrospective au Centre Pompidou, à partir du 25 février. Pour Le Monde, l’artiste réagit aux récents attentats.« Quand Pancho ou Plantu dessinent Sarko, nous sommes tout près, la proximité est totale. Avec l'Islam, la distance est immense. Nous ne connaissons pas véritablement, on ne se comprend pas et l'incompréhension est réciproque. Il suffit de voir les réactions au nouveau numéro de Charlie : c'est encore une totale incompréhension.Le deuxième point : à mes yeux, ce qui se passe est l'un des signes de la fin de la domination économique et idéologique de l'Occident sur le monde. Le premier signe en a été la fermeture du canal de Suez par Nasser, le dernier le massacre des dessinateurs. Le geste de Nasser était symbolique autant qu'économique, et annonçait déjà la fin de la domination de l'Occident chrétien. »Philippe DagenJournaliste au Monde Brigitte Salino A 33 ans, Jean Bellorini est le plus jeune directeur de théâtre de France. Dès le début de sa première saison au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, le metteur en scène a affronté, à l'automne 2014, une violente polémique, avec Exhibit B, la performance du Sud-Africain Brett Bailey. Pour Le Monde, il réagit aux récents attentats.« La liberté est une valeur essentielle, qu'il faut préserver. Je l'ai ressenti avec Exhibit B. Je savais en programmant cette performance qu'elle susciterait le débat, même si je n'avais pas conscience de l'ampleur et de la violence des réactions qu'elle allait susciter. En tant que directeur de théâtre, il me semble très important d'assurer une diversité dans une programmation, et de faire cohabiter Exhibit B avec d'autres spectacles.En tant que metteur en scène, je suis plutôt un adepte du rassemblement. Dans tous les cas, je pense que le rôle de l'artiste est d'être un éclaireur, un phare. Il a pour responsabilité de réanimer la culture, de redonner des mots, de la langue et de la réflexion à tout homme. Particulièrement, et encore plus aujourd'hui, où il faut résister au raccourci du monde du slogan, qui est totalitaire, et redynamiser le débat, ce qu'on a un peu oublié de faire, au cours des dernières années. »Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Dagen Stéphane Pencréac’h, peintre et sculpteur, a exposé au Musée d’art moderne et contemporain de Nice (Mamac) « Peinture d’histoire », quatre grands tableaux sur les révolutions arabes, qui seront montrés à l’Institut du monde arabe à partir du 5 mai. Pour Le Monde, il réagit aux récents attentats.« Les événements dramatiques qui se sont produits, et la force émotionnelle de la réaction populaire, sont sans conteste historiques. L’art est en lui-même un processus historique qui a toujours été capable de se saisir de l’histoire, justement. Quand j’ai fait les grands tableaux sur les Printemps arabes, c’était dans cet état d’esprit, au-delà même d’un engagement.Ce qui est arrivé est dans la continuité tragique de ces grands bouleversements du monde arabe, et plus largement musulman – et il ne faut pas oublier que des millions de manifestants des révolutions arabes se soulevaient aussi contre cette folie.Il me paraît évident qu’il faut en rendre compte par l’art, d’autant plus que ces attaques ont pris pour symbole hallucinant l’assassinat d’artistes. Il faut transformer cette charge symbolique : la force de l’image le permet, c’est en ce sens qu’il faut comprendre la brillante couverture de Charlie Hebdo cette semaine. Je ne vois pas d’autre solution pour moi que de faire une œuvre, un tableau, de ces journées. »Philippe DagenJournaliste au Monde Philippe Dagen Pascal Convert, artiste français, a beaucoup travaillé à partir de photographies célèbres – la « Pieta » du Kosovo, la « Madone » de Benthala. Il a signé des films et sculptures sur la résistance, et est l’auteur du monument aux fusillés du Mont Valérien. Pour « Le Monde », il réagit aux récents attentats.« Il est difficile de parler quand tant a déjà été dit, répété, asséné avec des certitudes qui seront contredites demain par les faits. Alors rire, oui, sûrement, quand on découvre que la première grande décision en terme d'éducation a été d'annoncer la création d'un enseignement moral et civique, dans toutes les classes, de l’école primaire à la classe de terminale et dans toutes les séries du lycée. Autant donner raison à Zemmour, Soral et Houellebecq qui font porter la responsabilité de l'échec économique de la France à sa décadence sociale et morale. Des cours de morale et civisme, il en faudrait certainement, non pas à destination des collégiens et lycéens, mais pour certaines élites, y compris politiques, quand elles piétinent les devoirs de leur mission de service public.Alors que, depuis l'attaque contre Charlie Hebdo, plus personne ne peut ignorer que l'image est au cœur de la guerre actuelle, et que c'est une arme manipulée à la quasi perfection par l'islamisme radical, la morale et le civisme seraient les remèdes permettant à la jeunesse de se prémunir contre l'endoctrinement et le fanatisme ? On rêve. Ou plutôt on pleure. Mais pas de rire.Pour atténuer le goût léger d'eau de Vichy de cette proposition, le ministère a indiqué du bout du crayon que cet enseignement “intégrera de manière transversale une éducation aux médias”. De la même manière que les services de renseignement ont échoué dans l'affaire Mohammed Merah par une concurrence entre services, le conflit qui oppose au sein même de l'éducation nationale culture visuelle et culture de l'écrit, au bénéfice systématique de cette dernière, a conduit à un échec total de l'éducation à l'image.Le culte de l'écrit et des grands écrivains, car il s'agit bien en France d'un culte, nous a aveuglés. Au point que nous avons laissé le champ libre à des experts de la propagande par l'image, qui savent que nos enfants sont addicts aux écrans et passent trois heures quotidienne devant des images. On peut se consoler en se disant qu'ils parlent mieux anglais grâce aux clips de rap. Savent-ils pour autant mieux analyser les caractéristiques iconiques de la mise en scène vidéo de martyr d'Amedy Coulibaly, qu'ils ont regardée à n'en pas douter sur Internet ? Rien n'est moins sûr. Les caricatures satiriques de Charlie Hebdo avaient le très grand mérite de les mettre au jour.Si l'heure est à la révolution, il en est une pacifique : celle de mettre fin au culte de l'écrit dans l'enseignement – culte qui participe à la reproduction des élites –, pour enfin mettre au premier plan l'étude de la culture majeure du XXe et du XXIe siècle, celle de l'image. »Philippe DagenJournaliste au Monde Philippe Dagen Christian Boltanski, plasticien français, est l’auteur de nombreuses œuvres marquées par la Shoah. Joint par Le Monde, il avoue sa difficulté à réagir aux attentats.« Ces événements m’ont bouleversé, mais je ne peux pas en parler. Le chagrin et la pitié. Je pense qu'un artiste doit s’exprimer par ses œuvres. Je suis en ce moment à Palma, où je fais une grande installation dans un marché du XVe siècle. Il faut continuer. »Philippe DagenJournaliste au Monde Rosita Boisseau Chorégraphe et metteur en scène français, François Verret réagit aux récents attentats, pour Le Monde.« Il me semble que nous vivons une bataille liée au langage. Une des phrases de mon nouveau spectacle, Rhapsodie démente, est la suivante : “Pourquoi ton rapport au langage me fait si mal, pourquoi ?” Il y a une grande fragilité et un grand danger à aller trop vite aujourd’hui. Il faut, en tant qu’artiste, beaucoup de sang-froid, de tact, de prudence aussi, pour exprimer un enjeu critique sur le monde.Je me sens personnellement archi-responsable de ce je choisis comme mots, par exemple sur un plateau. Avec mon équipe, nous pesons tout, ce qui est dit, ce qui ne l’est pas, ce qui est sous-entendu, qui parle, quelle est la situation, dans quelle “contextualisation” une phrase surgit, quel est le rapport entre explicite et implicite… C’est notre responsabilité.La phrase, toujours dans la pièce, “le terrorisme est un business” résulte d’un choix. Une ellipse ou un trait souligné trois fois sont pesés. Je ne revendique pas l’irresponsabilité de l’artiste, ni son droit à l’irresponsabilité. Il y a des limites pour moi à la liberté d’expression, en particulier sur le terrain du sacré. Le “no limits” me semble absurde et dangereux. Il est nécessaire d’avoir une sorte de distance, de respect, de mesure.Je pense souvent à cette phrase de Salman Rushdie : “La modernité, c’est l’exploration permanente de l’espace du doute.” Les actions extrêmes, comme celles des terroristes, nous apprennent le risque de tout bétonner dans des certitudes absolues. Elles sont dangereuses. Il est vital de maintenir une distance critique avec des sujets comme celui de la religion. »Rosita BoisseauJournaliste au Monde Rosita Boisseau Danseur et chorégraphe belgo-marocain, Sidi Larbi Cherkaoui réagit pour Le Monde aux récents attentats.« Ce qui arrive à la communauté musulmane me touche beaucoup. Je suis belgo-marocain, élevé dans la religion. Je me sens de plus en plus relié à cette communauté, et je crains l’amalgame qui est en train d’arriver. Les agressions contre les mosquées sont horribles. Dans ma rue, à Anvers, il y a beaucoup de musulmans, et ils sont la majorité qui font leur vie tout simplement. Que deux ou trois terroristes fassent payer le reste de la communauté est très injuste. Il ne faut pas confondre la religion et la criminalité. Celle-ci est malheureusement en train de se développer, pour des raisons politiques et économiques. On vit aussi une crise d’éducation, qui est la nôtre, pas seulement celle de ces gens-là.Lorsque, dans mon premier spectacle, Rien de rien, en 2000, j’ai mis en scène une mosquée avec, sur le mur, cette phrase en arabe : “L’interdit attise les envies”, je prenais la responsabilité d’être moi-même, et de me présenter au public en tant qu’homme et homosexuel. J’étais très jeune, je désirais prendre ma place. Je voulais être honnête et transparent, être accepté. Je l’ai été. De nombreux musulmans m’ont dit que j’avais le droit de faire ça.Peu à peu, dans mes pièces, je suis devenu moins brutal. Dans Apocrifu, je remets en question les Ecritures en dansant avec les livres sacrés, la Bible, le Coran et la Thorah. J’ai choisi de traiter le sujet avec humour, un certain détachement et à travers une chorégraphie de gestes. Je crois que c’est devenu ma façon de faire : délivrer un message de façon homéopathique, pour qu’il s’avale tranquillement. A la fin de l’opéra Shell Shock, de Nicolas Lens et Nick Cave, sur le thème de la première guerre mondiale, il y a une image qui est proche de ce que j’aime faire aujourd’hui. Un enfant est debout avec un châle palestinien et une arme : il pleure la mort de ses parents. L’image est adoucie, mais révèle pourtant la vérité. Elle fait mal, mais il faut qu’on se confronte avec la vérité. C’est ma responsabilité d’artiste. Pas question de céder à la censure. J’aurais honte de vivre dans un pays où l’on n’aurait pas le droit de dessiner. On a le droit de tout faire, on doit aussi accepter que ça ne plaise pas à tous. Se moquer de la religion peut être traumatique. Mais il faut trouver un droit de réponse qui ne soit pas celui du terrorisme, préférer je crois un discours qui puisse réconcilier plutôt qu’attaquer. »Rosita BoisseauJournaliste au Monde Rosita Boisseau Le chorégraphe israélien réagit, pour Le Monde, aux attentats.« En tant qu’artiste, je pense qu’il est de notre responsabilité de prendre position sur les bouleversements du monde dans lequel nous travaillons. Ces changements sont le pouls de la société, que nous devons sentir et refléter. Il semble que notre voix, celle d’observateurs, est cruciale pour le débat critique. Il est aussi important d’assumer la responsabilité totale de ce que nous mettons sur scène et de faire en sorte que notre position soit particulièrement précise. C’est seulement en clarifiant notre but que nous pouvons supporter le combat pluraliste.Mes deux récentes pièces, l’installation-vidéo Capture Practice et le spectacle Archives, sont basées sur les archives de B’tselem – le centre d’information israélien sur les droits de l’homme dans les territoires occupés. Ils jettent un éclairage sur la réalité trouble de la violation des droits des Palestiniens. Exposer publiquement ces images de B’tselem en Israël a entraîné des controverses, ce qui pour moi conforte mon acte. Cela renvoie une image troublante de ma propre société qui m’intéresse beaucoup. J’expose une réalité ignorée à ma communauté, tout en la questionnant. »Rosita BoisseauJournaliste au Monde Fabienne Darge Acteur, humoriste et écrivain, Fellag, le « Charlot algérien », est en tournée dans l’Hexagone avec son dernier spectacle, un « cooking show » intitulé Petits Chocs des civilisations. Il vit en France depuis 1994 : cette année-là, il a fui la terreur que faisait régner dans son pays le Front islamique du salut (FIS), dont il était une des principales cibles, avec ses spectacles, immensément populaires, qui se moquaient de tout. Pour Le Monde, il réagit aux récents attentats.« La nature a donné à l’homme la fabuleuse faculté de se débarrasser par le rire de toutes les menaces – concrètes ou fantasmées – qui pèsent sur lui. Par ce procédé plaisant, jouissif, il régule ses émotions, retrouve son équilibre psychique, rassemble ses molécules… La façon de rire des choses diffère d’un groupe social à un autre. Il est le produit de l’histoire du groupe en général et de l’individu en particulier. Plus l’histoire de l’homme évolue et se complexifie, plus le rire s’adapte et s’enrichit.A l’échelle humaine, on peut dire que les premiers croquis qui ont fait rire les hommes ont été dessinés il y a plus de trente mille ans sur les parois des grottes. Là, on est au premier degré du rire : on a peur du tigre, “l’artiste” dessine le tigre, la tribu se marre et elle peut dormir tranquille. Trente mille ans après, pour aller vite, on peut dire que ceux qui ont poussé au plus loin le rire cathartique par la caricature, ce sont les artistes de Charlie Hebdo.Avec Charlie, on est passé de l’humour au second degré, acquis depuis un certain temps déjà, à un degré supérieur. On est au troisième degré, on nage quasiment dans la quatrième dimension. Jusque-là, tout va plus ou moins bien… Jusqu’au jour où l’immense Pierre Desproges a mis le holà en disant qu’on ne peut pas rire de tout avec n’importe qui. Et n’importe qui, c’est beaucoup de monde. C’est-à-dire tous ceux qui, pour des tas de mauvaises raisons historiques, sociales, politiques, n’ont pas eu la chance d’accéder à la lecture au premier degré, et encore moins au second. Et il faut toujours se méfier des individus ou des groupes qui n’ont pas le sens du second degré. Ils sont revêches et susceptibles. Il suffit que le terreau s’y prête pour les remonter bien comme il ne faudrait pas, leur désigner une cible et c’est le désastre…Je lis Charlie Hebdo depuis Hara-Kiri. Je connaissais Cabu, Wolinski et Charb, pas les autres, mais j’admirais leur travail. Ils étaient d’une immense gentillesse, d’une belle vraie humanité. Leur assassinat m’a glacé d’effroi. C’est un cataclysme. Je les pleure, je les regrette. Il y aura désormais un trou noir que nul ne peut combler, car il a fallu une conjonction de hasards, une alchimie qui a poussé sur un lit de liberté d’expression et de laïcité et des décennies de travail, de courage, pour former une bande de rigolards comme celle-là. »Fabienne DargeJournaliste au Monde Brigitte Salino Rodrigo Garcia, metteur en scène hispano-argentin, directeur du Centre dramatique national de Montpellier, manie souvent la provocation dans ses pièces de théâtre, proches de la performance. Pour Le Monde, il réagit aux attentats.« “Jusqu’où va la liberté d’expression d’un artiste ?”, me demandez-vous. “Jusqu’où va mon imagination” pourrait être une réponse mais, tout bien regardé, c’est un énoncé en partie faux. Parce que, qu’on le veuille ou non, nous subissons une pression sociale constante et que l’autocensure de l’artiste travaille en profondeur, comme une sorte de bactérie.Quand je parle de cette bactérie présente dans l’inconscient de l’artiste, je suppose que tous ceux que me lisent ici ne se sentent pas concernés. Ils diront certainement : “A moi, ça ne m’arrive pas.” Quand je suggère qu’il n’est pas possible d’exercer sa liberté, je me réfère à un problème philosophique classique, que tout le monde connaît. Tout ce que nous pourrons imaginer et exprimer offensera toujours quelqu’un. Si je t’offre une fleur, il est possible que cela t’offense, ou que cela offense une tierce personne.J’ai revu dernièrement le film d’Agnès Varda, Le Bonheur. Un homme fait usage de sa liberté – aimer une autre femme et en même temps continuer à aimer son épouse, la mère de ses enfants – et ceci conduit au suicide d’un être humain – l’épouse. Ce film me touche, et maintenant je sais pourquoi ; parce que ça nous parle d’un problème essentiel et insoluble. Il y a la morale, produit d’une société déterminée, il y a le remords, il y a l’idée de faute, il y a le mirage du sens commun… Ce sont des poids, comme des plombs de pêche, qui conditionnent notre liberté de mouvement.“Où commence la responsabilité ?”, me demandez-vous ensuite. La responsabilité repose sur le sens commun, et comme le sens commun n’existe pas, cette question n’a pas non plus de réponse. La responsabilité est peut-être, quelquefois, une cellule cancérigène pour la liberté.Platon ne pourrait pas être d’accord, il mettrait dans la bouche de Socrate que la liberté – dans son cas la liberté des hommes libres, pas de ceux qui naissent esclaves ! – est liée à la vertu, et il trouverait certainement le moyen d’argumenter que la responsabilité est aussi une vertu. Moi, je n’ai jamais partagé cette entéléchie, cette idée de vertu, lorsque j’étais adolescent je la trouvais incompréhensible, aujourd’hui je trouve ça simplement fumeux.Je mettrais en avant deux choses : la part imprévisible de l’homme, et le fardeau qu’il lui faut porter : l’éducation et la culture qui lui sont propres. Pour les créateurs des dessins de Charlie Hebdo – à qui je serai toujours reconnaissant pour leur Une courageuse au moment où ma pièce Golgota Picnic était présentée à Paris au milieu d’attaques de fanatiques religieux –, leur responsabilité est d’attaquer avec humour là où ils voient l’injustice ou l’idiotie.Pour les assassins de Charlie Hebdo, leur responsabilité, aussi incroyable et atroce que cela nous paraisse, c’était d’entrer dans cette pièce et d’aller jusqu’au bout de cette boucherie effroyable et vile. L’être humain m’a toujours fait peur. J’aimerais que dieu existe, qu’il nous donne un lieu et une heure, qu’il s’asseye avec nous et nous explique un peu tout ça. »Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Patrick Labesse Joint par Le Monde, le musicien franco-anglais a choisi de réagir par un dessin aux attentats.« J’ai cherché les mots justes sans les trouver. Ma main de peintre est plus éloquente que ma main d’auteur. J’ai donc créé cette image. J’ai peur d’un monde où nos mains ne seraient pas libres de tracer nos pensées. » Patrick LabesseJournaliste au Monde Patrick Labesse Joint par Le Monde, le musicien franco-libanais réagit aux attentats.« La liberté de création ne s’arrête nulle part. Elle ne doit pas avoir de limite. Elle n’est absolument pas négociable. Et encore moins lorsqu’elle nous dérange. Voilà la seule chose que je peux vous exprimer, au-delà de mon indignation à chaque fois qu’elle est menacée. Je suis choqué de constater qu’il y a encore dans notre démocratie, censée être lumineuse – au moins depuis trois siècles… –, des esprits obscurs qui chercheraient à s’en débarrasser complètement, ou partiellement, en fonction de ce qui les arrange.Cependant, je dois vous avouer mon scepticisme à certains égards. L’opinion publique, forte d’une communion sans précédent, risque aussi de déraper. Les excès sont partout, et en tant qu’arabe – je ne suis pas “que” arabe, car je suis un citoyen français avant tout –, je constate une montée exponentielle des attitudes désagréables, voire nauséabondes, quand elles ne sont pas franchement xénophobes, anti-arabes, autour de moi, dans les médias, mais aussi dans le milieu artistique.Je pense alors à Oscar Wilde qui disait : “L’opinion publique est celle de ceux qui n’ont pas d’idées.” Donc j’espère vivement que la France saura se munir de cet atout majeur qu’est le discernement, qu’elle sait brandir tant qu’il est temps, et qu’elle ne cédera pas à un autre genre de fondamentalisme. Celui dicté insidieusement par une volonté certes populaire, mais désastreuse, d’un peuple qui pense réclamer justice, mais qui crie vengeance. Car ce jour-là, la liberté de création ne signifiera plus rien, puisqu’elle sera au service de l’opinion publique et qu’elle ne nous dérangera plus. »Patrick LabesseJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphane Davet Mantra au psychédélisme aérien, Je suis la montagne avait été, fin 2013, une introduction délicieusement séduisante à l’univers de Moodoïd. Mercredi 28 janvier, les boucles de guitares 12 cordes, qui planaient en altitude dans ce premier EP, ouvrent moelleusement le concert parisien du groupe, donné à la Gaîté lyrique.Comme depuis leurs débuts, Pablo Padovani, leader de 25 ans, et ses quatre musiciennes parient sur l’onirisme glamour pour amplifier leur fantasmagorie musicale. Costume doré et courtes robes de strass se prolongent en un maquillage spectaculairement pailleté, barrant le haut des visages tels des masques étoilés.Cela suffira-t-il à nous transporter ? Après son idéal coup d’essai, Moodoïd avait publié, en 2014, un premier album, Le Monde Möö, moins facile à dompter. Les premières écoutes laissaient en effet entendre une inspiration tellement préoccupée d’anticonformiste et de brassage, qu’elle semblait se perdre dans des enchevêtrements dignes des exercices les plus casse-bonbons du rock progressif. Chansons excentriquesSur scène, les maladresses d’un groupe manquant de cohésion et d’un chanteur manquant de justesse ne facilitaient pas l’assimilation de cette complexité. En quelques mois pourtant, beaucoup de concerts ont coulé sous les ponts, en France et à l’étranger. Pour leur premier show en tête d’affiche dans la capitale, les Parisiens prouvent vite l’étendue de leurs progrès.Maîtrise des sons et des voix va désormais de pair avec les désirs d’évasion. Et cette cohérence nouvelle, bien mise en valeur par les jeux de lumière, permet de clarifier les méandres de leurs chansons excentriques.Les mélodies et rythmes à tiroirs de morceaux comme Les garçons veulent de la magie ou Les Oiseaux se transforment ainsi en un parcours ludique. Petit prince gracieux de son Monde Möö, Pablo Padovani s’impose en Willy Wonka d’une chocolaterie où les friandises musicales tombent en cascades, sans craindre les mélanges de saveurs.Sarabande bollywoodienneLoin des sentiers battus du revival psychédélique, le chanteur-guitariste aux textes essentiellement francophones, habille de danses funky une rectitude heavy-metal (Machine Métal), projette la fantaisie lyrique d’un Polnareff dans un labyrinthe afro-beat (Bongo Bongo Club), érotise une candeur enfantine de couleur orientale (Les Chemins de traverse).Partagée parfois par d’autres musiciens – le guitariste Benjamin Glibert du groupe Aquaserge, mais aussi un percussionniste, un clarinettiste, un joueur de saz (un luth turc)… –, cette luxuriance trouve sans doute sa source dans une enfance baignée par l’influence multiculturelle d’un père, le saxophoniste Jean-Marc Padovani, grand nom du jazz transfrontalier.Pour se reposer de croisements, flirtant parfois avec l’overdose, des ballades plus limpides, comme le gainsbourien Bleu est le feu ou l’exquis La Lune, sont les bienvenues. Avant que la sarabande bollywoodienne de De folie pure, animée par une ribambelle de fans montés sur scène, permette à la Gaîté lyrique de bien porter son nom.Sur le Web : moodoid.comStéphane DavetJournaliste au Monde Marie-Aude Roux (Genève (Suisse), envoyée spéciale) La nouvelle production d’Iphigénie en Tauride, de Gluck, présentée dimanche 25 janvier à l’Opéra de Genève, a de quoi laisser perplexe. Le metteur en scène, Lukas Hemleb, a-t-il voulu en découdre avec la sempiternelle question qui parcourt l’histoire du théâtre lyrique et met en situation de rivalité théâtre et musique ?La proposition scénique du metteur en scène allemand convoque, en effet, sur le plateau, un syncrétisme coloré : aux codes vestimentaires orientaux et masques du Nô (la Tauride n’est autre que l’actuelle Crimée) se superpose un peuple de marionnettes grandeur nature qui doublonnent chacun des protagonistes. C’est ainsi que les quatre personnages principaux ont tous une effigie à leur image – Iphigénie, bien sûr, mais aussi Oreste, Pylade et Thoas – chacune animée par deux marionnettistes. Quant aux éléments du chœur, anonymes et interchangeables, ils sont maniés par les chanteurs eux-mêmes, porteurs de leur propre figuration en masque blanc et robe noire.Chant relégué au second planCes manipulations omniprésentes qui singent de mimétiques combats externes et internes, relèguent, qu’on le veuille ou non, le chant au second plan, alors même que la musique de Gluck leur a conféré une vérité et une humanité au plus près des mouvements de l’âme et du cœur. Car les temps sont durs pour les Atrides. Ainsi Iphigénie, exilée d’Aulide en Tauride où elle est devenue la grande prêtresse de Diane qui lui sauva la vie alors qu’elle allait mourir sous le couteau de son père Agamemnon. Contrainte de sacrifier à son tour son propre frère Oreste au même titre que chaque étranger abordant au rivage des Scythes, elle éprouve, sans le savoir, la douloureuse loi des liens du sang. Celui-ci, poursuivi par les Euménides, souhaite pourtant une mort expiatoire du meurtre de sa mère Clytemnestre, mais il veut plus encore sauver son ami Pylade. Iphigénie se refusera d’obéir aux lois du terrible roi des Scythes, Thoas, tandis que Pylade préfère mourir que de vivre sans Oreste. Après bien des affres, frère et sœur finiront par se reconnaître. Les trois Grecs délivrés, une fois le tyran éliminé, regagneront Mycènes.Situations cocassesLe procédé scénique s’épuise rapidement, donnant lieu à des situations cocasses parce qu’insuffisamment maîtrisées, comme lorsque les chanteurs se voient « attaqués » ou poursuivis par eux-mêmes. Le clou reste la substance flasque tombant des cintres au moment présumé du sacrifice d’Oreste, relayé par les racines pourrissantes du temple d’Artémis comme arraché du sol, d’où s’égouttent de gros paquets s’écrasant au sol dans un bruit de bouse. La chute sanguinolente et purulente de la Maison Atrides.Quel dommage de n’avoir pas su donner à Iphigénie sa place unique. La difficulté du rôle a nécessité que les six représentations soient réparties entre deux chanteuses : la magnifique Anna Caterina Antonacci est en alternance avec Mireille Delunsch, magistrale Iphigénie de deux productions avec Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre Grenoble, une première version au disque en 2001 pour Archiv Produktion, une seconde, parue en DVD en 2013 chez Arthaus Musik dans la mise en scène de Pierre Audi.Voix ampleMais c’est l’Italienne qui ouvre le bal tragique de Tauride. La mezzo possède une aura que renforce sa silhouette découplée, sa lourde chevelure brune nattée. La voix est ample, la prosodie raffinée, même lorsque l’Orchestre de la Suisse Romande, peu enclin à la nuance, ajoute à son malheur dans le plus célèbre air de la partition : « O malheureuse Iphigénie ! »Le reste de la distribution, fors le Pylade assez joliment modulé de Steve Davislim, n’est pas à la hauteur. Que ce soit l’Oreste brut de décoffrage de Bruno Taddia ou, pire en encore, le Thoas rugueux et ingrat d’Alexey Tikhomirov. Sous la direction solide mais sans inspiration d’Harmut Haenchen, le Chœur du Grand Théâtre de Genève aura rempli sans démériter la mission écrasante que lui a confiée Gluck, revenu aux sources vives de la tragédie grecque.Iphigénie en Tauride, de Gluck. Avec Anna Caterina Antonacci (25 et 29 janvier, 2 et 4 février) et Mireille Delunsch (27 et 31 janvier), Bruno Taddia, Steve Davislim, Alexey Tikhomirov, Julienne Walker, Lukas Hemleb (mise en scène), Alexander Polzin (décors), Andrea Schmidt-Futterer (costumes), Marion Hewlett (lumières), Orchestre de la Suisse Romande, Chœur du Grand Théâtre de Genève, Harmut Haenchen (direction). Grand Théâtre de Genève (Suisse). Jusqu’au 2 février. Tél. : 00-41-22-322-50-51. De 26 CHF à 259 CHF. geneveopera.chMarie-Aude Roux (Genève (Suisse), envoyée spéciale)Journaliste au Monde Bruno Lesprit Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, retour sur leur dernier album enregistré, étalon-or de la pop.The End. Le divorce est annoncé à la fin de Abbey Road, pénultième album publié par les Beatles en septembre 1969, mais dernier enregistré. Les mots de la fin sont écrits au recto de l'iconique pochette montrant la bande des quatre traverser le passage piéton devant les studios londoniens où fut réalisée une bonne partie de son oeuvre. Sur sillons, The End achève le grandiose medley opératique qui conclut la face B.La séparation des chemins est illustrée par une succession de solos : le premier jamais exécuté par Ringo Starr, puis le bouquet final, feu croisé des guitares de Paul McCartney, George Harrison et John Lennon. Après quoi, le silence… accidentellement rompu par le premier « morceau caché » de l'histoire et leur plus courte chanson, Her Majesty, une vingtaine de secondes de comptine folk et d'irrévérence envers la reine. « Sa Majesté est une fille plutôt sympa, mais elle n'a pas grand-chose à dire », chantonne benoîtement Paul dans un ultime pied de nez.Lire aussi : Les Beatles : les reprises d’« Abbey Road »Après le fiasco des sessions du futur Let It Be, le groupe a pressenti l'épilogue. Alors, à l'été 1969, il cesse de se chamailler et conclut un armistice en ouvrant son propos par un appel au rassemblement (Come Together). Plus loin, les timbres de John, Paul et George harmonisent encore pour la cause de Because. Abbey Road doit être leur Everest, le « toit du monde » servant d'ailleurs de titre de travail. Il sera surtout l'étalon-or de la pop pour les décennies à venir. Grâce à l'utilisation d'une console 8 pistes, le son est révolutionnaire, ample et symphonique. Et spatial par l'adjonction d'un synthétiseur, le préhistorique Moog.C'est donc une Nef des fous dont McCartney est le timonier et Harrison le brillant second, apportant ses deux plus belles chansons, Something et Here Comes the Sun. Le capitaine Lennon, alors héroïnomane, est dans la cale, absorbé par Yoko Ono et la paix dans le monde. Mais quand il en sort, il envoie du lourd, l'addiction sexuelle (ou autre) de I Want You (She's So Heavy), qui réunit les quatre en studio pour la dernière fois. Un blues classique virant en maelström cosmique. Et, pour l'auditeur, une métaphore possible du manque que va provoquer leur séparation.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, la quasi-totalité des compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux, détournements, contemporaines de leurs créations par les Fab Four ou revues des décennies plus tard. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Abbey Road », notes de finCette semaine : autour de l’album Abbey Road (septembre 1969).« Come Together » (Lennon-McCartney), par Dandy & The IsraelitesLe groove syncopé de Come Together devait fatalement attirer l’attention des artistes de soul, de Ike & Tina Turner, qui s’en emparèrent aussitôt, à Michael Jackson. Mais leurs versions sont largement supplantées en originalité par celle de Dandy & The Israelites, des Jamaïcains établis à Londres, qui s’autorisèrent dès 1969 de rebaptiser le titre Let’s Come Together et de transformer la chanson en reggae chaloupé. Publié en 45-tours par la compagnie phonographique Downtown et régulièrement réédité sur des compilations.« Something » (Harrison), par Frank SinatraFrank Sinatra, qui n’était pas réputé pour ses compliments, décréta qu’il s’agissait de « la meilleure chanson d’amour jamais écrite » et de sa préférée de… Lennon & McCartney. George Harrison ne prit pas ombrage de cette méprise mais indiqua perfidement que parmi la centaine de reprises que Something avait suscitées, sa faveur allait à celle de James Brown. Le crooner italo-américain intégra cette perle dès 1970 à son répertoire en rajoutant des cordes et en alanguissant le tempo. Ce qui n’améliora pas sa cote auprès des fans des Beatles.« Maxwell’s Silver Hammer » (Lennon-McCartney), par Gérard Saint-PaulDétestée par John Lennon qui fit tout pour que Paul McCartney ne puisse la publier en single, cette pièce tragi-absurde a été par la suite largement dédaignée par les musiciens. La France devait évidemment se distinguer grâce à Gérard Saint-Paul, ancien chanteur des Dauphins, des twisteurs originaires d’Oran. En 1970, il proposa un album de (très) libres adaptations, 10 Hits de Lennon & McCartney publié par Disc’AZ. Dans cet ensemble Bang Bang Maxwell demeurait toutefois bien plus fidèle à l’esprit de l’original que Come Together, devenu… C’est beau Paris ou Get Back transformé en Rentre Jojo à la maison.« Oh ! Darling » (Lennon-McCartney), par Vanessa Paradis On reste en France avec cette version de Oh ! Darling interprétée par Vanessa Paradis en 1996 lors d’un concert caritatif et privé diffusé par Canal+. L’ex-Lolita avait pris un virage anglophile et rock quatre ans plus tôt en publiant un album entièrement confectionné par Lenny Kravitz, un obsédé du rétro psychédélique. Elle n’hésitait pas lors de cette soirée à investir Get Of Off My Cloud, des Rolling Stones, ou All Day And All of the Night, des Kinks. Ballade de supplication amoureuse dans l’esprit des années 1950, Oh ! Darling correspond mieux à ses cordes. « Paul McCartney a dû en faire à Linda un jour (…), glisse la chanteuse en présentation. Et là ça m’amuse bien, pour une fois, c’est une fille qui prend la place du macho ». « Octopus’s Garden » (Starkey), par Reparata & The DelronsGirl Group new-yorkais qui connut son quart d’heure de célébrité en 1968 avec le tube Captain of Your Ship, en faisant déjà usage d’efforts sonores de navigation, Reparata & The Delrons jeta naturellement son dévolu sur Octopus’s Garden, dont le thème et les bruitages aquatiques lui semblaient naturellement destinés. Cette chanson était la deuxième que parvint à composer Ringo Starr (de son vrai nom Richard Starkey, utilisé pour les crédits) après le laborieux Dont’Pass Me By sur l’« album blanc ». Le batteur choisit cette fois de rester ludique, sinon enfantin, dans la lignée évidente de Yellow Submarine. Publiée par la compagnie phonographique britannique Dart Records en single en février 1972, la version facétieuse et poppy de Reparata & The Delrons passa à peu près inaperçue.« I Want You (She’s So Heavy) » (Lennon-McCartney), par Noir DésirAprès avoir intégré à son répertoire scénique Helter Skelter, hard-rock pré-zeppelinien hurlé par Paul McCartney sur le « White Album », le groupe de Bertrand Cantat s’en prit à une autre pièce violente des Beatles, I Want You (She’s So Heavy), la dernière chanson qui réunit les quatre en studio en août 1969. Cette version est proposée en 1992 dans l’édition en single de Tostaky (le continent), le tube éponyme de l’album bruitiste des Bordelais, alors très influencés par les extrémistes de Rage Against The Machine et de Fugazi. Le début laisse craindre que Cantat souffre d’une extinction d’une voix. Noir Désir évacue ensuite la construction complexe de l’original et notamment toute sa partie blues, écourte un texte qui se réduit pourtant à dix-sept mots, pour se concentrer sur le final et son crescendo obsessionnel d’arpèges dissonants. Etirée en concert, I Want You prend la place d’Helter Skelter pour le final chamanique de Noir Désir, comme le montre cet extrait du concert donné par le groupe aux Eurockéennes de Belfort en 1997.« Here Comes The Sun » (Harrison), par Nina SimoneDécidément, les mélodies de George Harrison attirent les gens du jazz. Après Sinatra avec Something, c’est la prêtresse Nina Simone qui s’approprie Here Comes The Sun, l’autre joyau harrisonien d’Abbey Road, qu’elle place en ouverture d’un album de reprises publié par RCA-Victor en septembre 1971, au côté de Just Like a Woman de Bob Dylan ou de My Way, l’adaptation par Paul Anka et popularisée par Sinatra du Comme d’habitude de Claude François. Le piano se substitue au picking de la guitare acoustique et un orchestre de cordes au synthétiseur Moog. En 1968, la chanteuse américaine avait publié un single courant sur les deux faces, Revolution, qui fut interprété comme une réponse critique et radicale à la chanson du même nom des Beatles, dénoncée par l’ultra-gauche de l’époque pour sa frilosité, sinon sa lâcheté.« Because » (Lennon-McCartney), par Elliott Smith Jeune homme incurablement dépressif et beatlemaniaque, le regretté Elliott Smith, mort en 2003 à l’âge de 34 ans, avait grandi avec l’« album blanc » comme compagnon d’enfance. Pour le film American Beauty (1999), de Sam Mendes, le Werther pop-folk de Portland (Oregon) livre une version de Because, très fidèle et respectueuse de la structure et des harmonies vocales, l’une des plus belles réussites du trio de vocalistes Lennon-McCartney-Harrison. Elliott Smith s’autorise pourtant à sabrer l’introduction au harpischord (clavecin électrique), un décalque de la Sonate au Clair de lune de Beethoven, pour entrer directement dans la chanson a cappella.« You Never Give Me Your Money » (Lennon-McCartney), par Sarah VaughanIl existe aussi une version de cette ballade de McCartney par la chanteuse de cabaret britannique Paloma Faith, mais il a été jugé préférable d’épargner cette médiocrité au lecteur/auditeur. A la place, une valeur sûre, Sarah Vaughan qui démontrerait, après Sinatra et Nina Simone, qu’Abbey Road est peut-être un disque de jazz (le compositeur et pianiste britannique Mike Westbrook en proposa aussi une relecture intégrale en 1989). L’extrait est tiré de l’album Songs of the Beatles, enregistré en 1977 par « la Divine » et publié quatre ans plus tard. Comme l’indique son titre, il est entièrement consacré au répertoire (plutôt tardif) du groupe britannique, avec trois autres chansons d’Abbey Road : Come Together, I Want You (She’s So Heavy) et Something. Les arrangements ne sont malheureusement pas toujours du meilleur goût. Sarah Vaughan est en effet accompagnée, entre autres, par les frères Porcaro (Steve aux synthétiseurs et Jeff à la batterie) qui vont bientôt se faire connaître dans le monde entier avec leur groupe Toto.« Sun King » (Lennon-McCartney), par GomezLes Bee Gees, des abonnés aux reprises des Beatles, ont commis en 1976 une relecture très Walt Disney de cet autre tour de force vocal d’Abbey Road pour le film documentaire All This And World War II, consacré au second conflit mondial et dont la bande-son était exclusivement composée de reprises du groupe de Liverpool. Plus surprenante est la tentative de Gomez, entité « indé » de Southport, dans le Merseyside, la région d’origine des Beatles, récompensée en 1998 du Mercury Prize pour son premier album, Bring It On. Cette version est apparue sur Abbey Road Now !, une interprétation contemporaine de l’album par des insulaires, livrée en 2009 avec le magazine britannique patrimonial de rock Mojo.« Mean Mr. Mustard » (Lennon-McCartney), par BeatallicaIl existe curieusement un groupe sud-africain, spécialisé dans l’animation des soirées, qui répond à ce nom d’une chanson mineure de John Lennon ayant suscité peu d’envies de reprises. Sinon celle de Beatallica, improbable quatuor de Milwaukee (Wisconsin) entièrement voué à l’association des créations des Beatles avec celles de Metallica, par la technique du mash-up, la fusion de deux morceaux, voire plus. C’est ainsi que Beatallica a réalisé en 2013 l’album Abbey Load (Load étant un disque de Metallica, pour comprendre ce truculent jeu de mots), un monstre de Frankenstein. Les farceurs ont toutefois été contraints par Sony/ATV Music Publishing, détenteur des droits d’édition des Beatles, de ne pas modifier les textes originaux. Ils durent donc abandonner leur version initiale, une recréation sous le titre de Mean Mr. Mustaine, clin d’œil à Dave Mustaine, membre fondateur puis limogé de Metallica, puis leader du rival de thrash metal Megadeth. Beatallica a toutefois pu incorporer des éléments de l’apocalyptique The Four Horsemen, présent sur l’album de Metallica Kill’Em All (1983). La force des grands répertoires est de pouvoir subir tous les outrages.A 26 mn et 3 secondes de la vidéo (audio seulement) de l’album entier.« Polythene Pam » (Lennon-McCartney), par Atom & His Package Enchaînée avec Mean Mr Mustard, cette deuxième miniature lennonienne n’est pas non plus devenue un standard. On relève cette tentative d’Atom & His Package, projet post-punk synthétique et confidentiel du démiurge américain Adam Goren. Rebaptisée P. P. (Doo Doo), cette version de Polythene Pam conclut en 1999 l’album Making Love, un recueil de faces B et de raretés. Absente des sites d’hébergement de vidéos en ligne YouTube ou Dailymotion.« She Came in Through The Bathroom Window » (Lennon-McCartney), par Joe CockerMort le 22 décembre 2014, Joe Cocker devint une star du jour au lendemain grâce à son interprétation épileptique de With a Little Help From My Friend lors du festival de Woodstock, en août 1969, un « hymne soul » selon McCartney, fort attristé par cette disparition. Cinq ans plus tôt, Cocker avait déjà fixé son choix sur une chanson des Beatles pour son premier single avec I’ll Cry Instead. Et son deuxième album, Joe Cocker !, publié en novembre 1969, comportait deux reprises d’Abbey Road, les chansons Something et She Came in Through The Bathroom Window. Le gosier du plombier de Sheffield fait encore merveille, dans une veine musicale blues-rock sudiste très proche de Delaney & Bonnie, un duo mixte autour duquel gravitèrent les futurs Dominos d’Eric Clapton (présents en 1970 sur le triple album All Things Must Pass, de George Harrison) ou le pianiste Leon Russell. Ce barbu à la longue tignasse coiffée d’un haut de forme devint d’ailleurs accompagnateur de Joe Cocker à partir de cet album, puis sur l’épique tournée Mad Dogs & Englishmen.« Golden Slumbers/Carry That Weight/The End » (Lennon-McCartney), par Booker T. & The MG’sPiliers de la maison Stax, l’emblématique label de soul de Memphis (Otis Redding, Sam & Dave, Isaac Hayes, etc.), le groupe instrumental Booker T. & The MG’s, célèbre pour Green Onions, décida avec l’album McLemore Avenue de rendre un hommage exclusif au génie d’Abbey Road, sept mois seulement après sa parution. Sorti en avril 1970, avec une pochette (traversée de passage piéton) et un titre (nom de rue) en formes de clin d’œil au modèle, le projet s’octroie quelques fantaisies puisqu’il débute par la fin, par le medley Golden Slumbers/Carry that Weight/The End, auxquels l’organiste Booker T., le guitariste Steve Cropper, le bassiste Duck Dunn et le batteur Al Jackson Jr. se permettent d’adjoindre Here Comes The Sun et Come Together. L’admiration que vouait les MG’s aux Beatles était réciproque. Pour les sessions de Revolver (1966), ces derniers projetèrent même de se transporter au Tennessee pour enregistrer au studio Stax, qui fut réservé pour deux semaines après une visite de leur manager Brian Epstein. Cet environnement aurait à l’évidence convenu pour le cuivré Got To Get You Into My Life. L’affaire fut abandonnée pour des raisons de sécurité et les quatre se replièrent sur leur base londonienne, les studios d’EMI à Abbey Road.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Petit accident industriel de ce début d’année, Vulnicura, le neuvième album studio de Björk, dont la parution était prévue le 20 mars, est sorti dans la précipitation après que son contenu a fuité sur Internet. Distribué en exclusivité sur iTunes, avant une publication « physique » que son label One Little Indian réorganise en catastrophe, ce disque nous arrive sans prévenir. Ce qui n’est pas plus mal.Piratée, Björk sort son album en toute hâteDepuis plusieurs années, la chanteuse islandaise a, en effet, tendance à accompagner ses enregistrements d’une panoplie de concepts et gadgets, qui, au lieu d’enrichir ses compositions, finissent par les parasiter. Ou à en camoufler les points faibles. Dernier exemple en date, son album Biophilia (2011) et sa cohorte de trouvailles multimédia peinaient à cacher la froideur émotionnelle et la pauvreté mélodique des chansons.La relation de Björk avec l’artiste contemporain Matthew Barney, depuis le début des années 2000, avait peut-être amplifié cette tendance à la sophistication dialectique de ses créations. Sans y avoir été trop préparé, on découvre que sa séparation avec le peintre-vidéaste-sculpteur-photographe américain a, cette fois, nourri l’inspiration de Vulnicura.Impact viscéral des émotionsGrand classique thématique, le « breakup album » a généré quelques chef-d’œuvres de l’histoire de la pop : Blue, de Joni Mitchell, Blood on the Tracks, de Bob Dylan, The Boatman’s Call, de Nick Cave, 808’s & Heartbreak, de Kanye West, For Emma, Forever Ago, de Bon Iver…Ce disque est-il destiné à ce Panthéon ? Cette rupture a, en tout cas, le mérite de reconnecter la madone de l’avant-garde avec la réalité des relations humaines, avec l’impact viscéral des émotions. Album étymologiquement thérapeutique – du latin « vulnus », « blessure » et « cura », « soin » –, Vulnicura voit, en effet, l’Islandaise décrypter cet échec amoureux avec la précision d’une anthropologue autant qu’avec la passion d’une femme meurtrie.Processus de guérisonLes morceaux se présentent ainsi sous la forme d’un récit chronologique, de 11 mois avant à 9 mois après cette séparation. En terme d’écriture, ce processus de guérison peut donner des résultats saisissants, à l’image de History of Touches, où Björk ressent en un instant tous les contacts physiques qui ont rythmé leur vie amoureuse.Psychologiques, autant que sentimentaux et charnels, ces textes ne signent pas pour autant un retour de la chanteuse à un format traditionnel. Peu de titres consoleront ici les nostalgiques de Human Behaviour, All Is Full of Love, Bachelorette, Isobel, Play Dead ou Hidden Place, quand l’Islandaise n’opposait pas audace formelle et art du couplet-refrain.Sons visionnairesLe début de Vulnicura laisse pourtant croire à une accessibilité presque retrouvée. Dans Stonemilker, puis Lionsong, les incantations de la soprano s’accompagnent d’orchestrations de cordes quasi romantiques. Perçant sous ce flot voluptueux, une électronique indocile perturbe la mélancolie de stries acides et de perturbante arythmie.Si un orchestre islandais se charge des violons, c’est un jeune Vénézuélien, Alejandro Ghersi, qui pilote les machines. Sous le nom d’Arca, il s’est taillé une réputation de producteur de pointe aux côtés de Kanye West et de FKA Twigs. Il s’ajoute ainsi au tableau de chasse (Mark Bell, Timbaland, Matmos, Howie B…), d’une Björk toujours à l’affût de sons visionnaires. Cet alliage electro/acoustique rappelle celui d’un autre album de la dame, Vespertine (2001), disque intimiste, où se côtoyaient déjà arrangements pour orchestre de chambre et expérimentations robotiques.Blues arctiqueMais celle qui, à partir du 8 mars, verra une vaste rétrospective de son œuvre musicale et visuelle présentée au MoMA de New York, extrêmise encore ce parti pris dans des morceaux dont la longueur (généralement, entre 6 et 10 minutes) ne facilite pas l’assimilation. D’abord caressantes, cordes et machines se font ensuite les métaphores stridentes et anguleuses de ce blues arctique.Entre fascination (l’orientalisant Notget, l’intense humanité du chant et l’architecture de Black Lake) et migraines (les éprouvantes circonvolutions de Mouth Mantra, les échanges maniérés d’Atom Dance avec le vieux complice, Antony Hegarty), Vulnicura exigera une patience inversement proportionnelle au temps qu’il a fallu pour le faire fuiter.Vulnicura, 1 CD One Little Indian. bjork.com et www.indian.co.ukStéphane DavetJournaliste au Monde Frédéric Potet Vingt et un jours ont passé entre la tuerie de Charlie Hebdo et le Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême qui débute ce jeudi 29 janvier. Une telle proximité rend très particulière la 42e édition de la manifestation, la plus importante en Europe consacrée au 9e art. Angoulême sera naturellement très « Charlie » cette année, mais pas que. Petit tour d’horizon des moments forts attendus. 1. Charlie, encore et toujoursLa vague d’émotion qui a submergé le pays après l’attentat perpétré contre l’hebdomadaire satirique repartira-t-elle de plus belle sur les bords de la Charente ? La chose n’est pas impossible, d’autant que le festival a prévu un certain nombre d’hommages aux dessinateurs tombés sous les balles (Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré). Le plus significatif est l’exposition consacrée à Charlie Hebdo, visible à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Celle-ci se prolonge en extérieur avec une sélection des meilleures « unes » publiées par le magazine créé en 1970.Alors qu’un collectif d’auteurs réclamait que le Grand Prix soit décerné d’office et exceptionnellement à Charlie Hebdo cette année, la direction du festival est finalement restée sur son projet initial : la création d’un « prix de la liberté d’expression », dont le premier lauréat sera évidemment le journal satirique.Les principaux éditeurs du secteur devraient, eux, faire la promotion d’un livre collectif en hommage aux victimes – ouvrage réunissant 170 dessins choisis à partir de quelque 800 réalisations reçues ou vues sur Internet. A noter que le dessin spécialement fait par Albert Uderzo n’en sera pas. Celui-ci représente Astérix clamer « Moi aussi je suis un Charlie » tout en décochant un puissant ramponneau à un personnage dont on ne voit que les chaussures : des babouches, en lieu et place des traditionnelles sandales romaines. Afin d’éviter toute mauvaise interprétation, l’équipe éditoriale commune a préféré ne pas retenir le dessin d’Uderzo, 87 ans, qui n’avait pas repris les crayons depuis cinq ans. A l’origine du projet, la section BD du Syndicat national de l’édition (SNE) avance néanmoins une autre explication : « Tous les hommages dessinés représentant des personnages récurents de la bande dessinée ont été rejetés sans distinction », ce qui fut aussi le cas de Lucky Luke, Boule et Bill et autres Schtroumpfs.Les événements de début janvier, enfin, auront également pour conséquence un renforcement de la sécurité sur les différents sites (bulles, salles d’exposition, espace public…). A la demande de la préfecture de Charente, la direction du festival a dû doubler voire tripler ses effectifs de vigiles dans certains lieux. La manifestation pense voir augmenter sa fréquentation cette année (250 000 entrées payantes habituellement). Un temps pressenti, le président François Hollande ne devrait finalement pas venir à Angoulême. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, est, elle, attendue dimanche.Lire : « Même le terroriste en moi est déprimé », par Emmanuel Guibert2. Calvin et Hobbes au rendez-vousComme prévu, il ne sera pas là. L’Américain Bill Watterson ayant fait le vœu il y a vingt ans de s’éloigner de la vie publique, sa présence au festival d’Angoulême, qui l’a honoré d’un Grand Prix l’an dernier, aurait tenu du miracle. Le créateur de Calvin et Hobbes a néanmoins réalisé l’affiche de la 42e édition. Pour la première fois, celle-ci a l’aspect d’une planche de bande dessinée. Watterson est aussi l’objet d’une exposition inédite initialement conçue par le Billy Ireland Cartoon Library & Museum de Colombus (Ohio) autour de 200 documents. Une belle consolation : voir des originaux de Calvin et Hobbes est presque aussi rare que d’apercevoir son créateur en chair et en os.Lire : Bill Watterson, dessinateur de presseLire le post de blog : L’hommage de Zep et de Titeuf à Calvin et Hobbes3. D’autres belles exposDifficile de faire la fine bouche devant le choix des autres auteurs à qui une exposition est consacrée cette année à Angoulême. L’Américain Jack Kirby (mort en 1994), le Japonais Jiro Taniguchi et le scénariste français Fabien Nury (Il était une fois en France, Tyler Cross…) sont les têtes d’affiche d’un programme éclectique qui n’a pas oublié la bande dessinée de jeunesse avec Anna et Froga (d’Anouk Ricard) et les Moomins (de la Finlandaise Tove Jansson) et qui saluera les adieux d’Alex Barbier à la bande dessinée. Une exposition sensorielle et déjantée consacrée à Kinky et Cosy, les jumelles infernales créées par le Belge Nix, devait connaître un joli succès. Nous vous proposons de lire en exclusivité une quarantaine de strips tirés du dernier album de cette série au fort pouvoir sur les zygomatiques.Lire : Fabien Nury, bulles noires4. Un Grand Prix très attenduQui de Kasuhiro Otomo, d’Alan Moore ou d’Hermann – arrivés en tête du premier tour d’un scrutin organisé auprès des « professionnels de la profession » – sera désigné Grand Prix de la ville d’Angoulême ce jeudi soir ? Le premier serait le premier Japonais à recevoir cette distinction, ce qui ne serait pas un mal pour un festival qui se targue de sa dimension internationale. Le second – Britannique de nationalité – se trouverait dans le même cas et serait également le premier « pur » scénariste à être sacré. Le dernier, enfin, serait le quatrième Belge à figurer au palmarès (après Franquin, Jijé et François Schuiten). Il serait aussi, disons le sans détour, le choix le moins audacieux des trois.Le favori s’appelle Otomo. Egalement cinéaste, le créateur d’Akira et de Steamboy est considéré comme le plus grand auteur de manga vivant, avec Akira Toriyama (Dragon Ball).5. Des dédicaces malgré toutLa particularité du festival d’Angoulême est d’être à la fois une manifestation artistique – avec des expositions, des conférences, des projections… – et un salon où les éditeurs occupent des stands qui forment une librairie géante. Ceux-ci se déplacent généralement avec des bataillons d’auteurs venus signer leurs albums de l’année. Une « grève » des dédicaces est néanmoins attendue, samedi après-midi : les auteurs ont prévu l’organisation d’une « marche » dans les rues de la préfecture de Charente afin de protester contre la précarisation de la profession.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.01.2015 à 18h09 • Mis à jour le 28.01.2015 à 18h36Abonnez-vousà partir de 1 €data-url="http://campus.lemonde.fr/campus/article/2015/01/28/une-ecole-de-manga-bac-5-ouvrira-en-septembre_4565084_4401467.html"data-title="Human Academy, la première école de manga à délivrer un bac + 5"data-picture="http://s2.lemde.fr/image/2015/01/28/400x300/4565081_7_1042_en-septembre-2015-la-premiere-ecole-de-manga-d_202de883dcfd997a8c5c7776b02de6a1.jpg" Partager data-href="http://campus.lemonde.fr/campus/article/2015/01/28/une-ecole-de-manga-bac-5-ouvrira-en-septembre_4565084_4401467.html" data-layout="standard" data-action="recommend" data-show-faces="false" Human Academy, « l'école japonaise de manga, dessin animé, jeux vidéo », débarque en France à la rentrée 2015.  En provenance directe de l'archipel nippon, où elle compte dix-neuf écoles, elle s'installera à Angoulême, capitale de la bande dessinée, et a été annoncée à la veille de l'ouverture de son célèbre festival de BD. Elle partagera d'ailleurs le bâtiment de la Cité internationale de la bande dessinée, qui regroupe une bibliothèque de mangas et de bande dessinées, ainsi qu'un cinéma.Le cursus, accessible aux diplômés d'un bac + 3, durera deux années, gratifiées d'un diplôme national d'arts et techniques (DNAT), reconnu par l'Etat, équivalent à un bac + 5. Les apprentis mangakas se formeront au dessin japonais, à la scénarisation et à différents modes d'expression artistique. Des stages en entreprise et des voyages d'études au Japon sont prévus. L'objectif est de former des professionnels dans les milieux du dessin, de la bande dessinée, de l'édition, du graphisme, de l'animation ou encore de l'écriture de scénarios.Cette formation pourra accueillir 40 élèves, sélectionnés d'abord sur un portfolio et une lettre de motivation, puis sur concours écrit et oral. Les épreuves sont ouvertes aux détenteurs d'un bac + 3 dans les domaines de l'art, de l'animation ou des jeux vidéo. Les dates sont d'ores et déjà sur le site de la Human Academy. Les frais de scolarité s'élèveront à 7 000 euros par an.Inès Belgacem width="314" height="157" alt="" src="http://s2.lemde.fr/image/2015/01/29/314x157/4566531_3_2725_2015-01-28-aa4dfc8-27830-1ofrs1z_09df7625cac48de922e9f484a4386213.jpg" Les classements, obsession risquée des universités A Pittsburgh, aux Etats-Unis, « Another mother » propose de laver votre linge, faire votre vaisselle ou encore vous livrer un kit de survie en période d'examens. width="314" height="157" alt="Des fiches méthodologiques pour réussir son bac" src="http://s2.lemde.fr/image/2015/01/29/314x157/4566420_3_6c0c_des-fiches-methodologiques-pour-reussir-son-bac_9f033098cc3d1012ff83114908932375.jpg" Des fiches méthodologiques pour réussir le bac et les concours Le rectorat de Paris propose aux élèves, à partir de la seconde jusqu'au BTS et à la prépa, des entraînements intensifs axés sur l'oral en anglais, allemand et espagnol. width="314" height="157" alt="Comment se préparer à l'oral de TPE" src="http://s2.lemde.fr/image/2015/01/29/314x157/4566350_3_76f1_comment-se-preparer-a-l-oral-de-tpe_83bdee8adae1e5aefc043f79db4fd5e0.jpg" Dix conseils pour préparer l'oral des TPE Sylvain Siclier Après le duo, le trio. Dans la nuit du 31 décembre 2014 au 1er janvier 2015, un duo sur une chanson au titre un peu contradictoire d'Only One (« mon unique ») entre Paul McCartney et Kanye West, avait été diffusé. L'ancien bassiste et chanteur des Beatles, star planétaire de la pop depuis le début des années 1960 et le producteur et interprète star du R'n'B, dont la carrière remonte au début des années 2000, chantant ensemble, cela avait secoué les réseaux sociaux, en particulier avec des messages de fans de Kanye West se demandant qui donc était ce monsieur McCartney.Cette fois, c'est Rihanna, autre star de la pop et du R'n'B, originaire de La Barbade, qui vient rejoindre les deux musiciens en proposant à ses fans une nouvelle chanson, Four Five Seconds, dont elle est l'interprète principale en compagnie de McCartney, à la guitare, et West, qui intervient sur deux couplets et le refrain final.Four Five Seconds a été annoncée par un tweet de la chanteuse (« Un aperçu de ma nouvelle musique ») et sur son compte Facebook, samedi 24 janvier – après que West en avait annoncé l'existence le 22 janvier lors de sa participation au iHeartMedia Music Summit à Burbank (Californie) –, accompagnée d'une photographie en noir et blanc des trois protagonistes.FIRST GLIMPSE AT MY NEW MUSIC!!!---> http://t.co/8bsJSvxVp6— rihanna (@Rihanna)require(["twitter/widgets"]);La chanson, avec un arrangement minimal à la guitare et un pont avec un orgue, est assez éloignée des productions habituelles de Rihanna et de Kanye West. Elle pourrait aussi servir d'annonce à la parution prochaine du huitième album studio de la chanteuse, pour l'heure intitulé #R8. Signe du succès de Four Five Seconds, la composition a suscité de nombreuses reprises quelques heures après sa publication. Des musiciens amateurs, filles et garçons, généralement seuls à la guitare mais aussi sous forme de trios dont un entièrement féminin avec accompagnement au ukulélé.VIDÉO (audio seulement) : «  Four Five Seconds » (2015), par Rihanna, Kanye West et Paul McCartneySylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Disparu à 90 ans le 1er avril 2014, le médiéviste Jacques Le Goff occupait une place unique dans le champ de sa discipline. Par son parcours, mais surtout par la singularité de ses approches, sa façon de concilier le temps long cher à Fernand Braudel et d'autres temporalités dont il a su tisser les liens, échappant à la tentation du dogme pour toujours s'inscrire au plus près de l'humain.Lire aussi : Jacques Le Goff, mort d'un « ogre historien »Près d'un an après sa mort, la Bibliothèque nationale de France (BNF), en partenariat avec l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), que Jacques Le Goff fonda à partir de la VIe section de l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) et dont il assura la présidence de 1975 à 1977, a tenu à rendre hommage à l'érudit et au penseur, comme à l'homme engagé et au passeur infatigable. Consacrée à Conjurer la peur, le bel essai de Patrick Boucheron sur le bon gouvernement à Sienne, la dernière émission des « Lundis de l'Histoire », qu'il anima pendant plus de 45 ans sur France Culture, fut diffusée le 31 mars, quelques heures seulement avant son décès.Une œuvre novatriceDes quatre tables rondes – dont deux ont été confiées à des médiévistes (Patrick Boucheron et Didier Lett) –, on retiendra la singularité résolue de l'œuvre. Si novatrice qu'elle a prolongé les réticences de certaines écoles nationales à emprunter les voies ouvertes par les héritiers de Marc Bloch et Lucien Febvre – ce que l'on appelle par commodité « l'Ecole des Annales ».Les invités étaient nombreux, des piliers de l'EHESS (Alain Touraine, Jacques Revel, Marc Augé, Alain Boureau, André Burguière) aux témoins émouvants des premiers séminaires de Le Goff (Christiane Klapisch-Zuber), des compagnons de longue date (Pierre Nora pour l'édition, Michèle Perrot pour la radio, Krzysztof Pomian pour l'âme polonaise de Jacques) ou d'autres plus récemment croisés (Michel Pastoureau, que les conseils de Le Goff guident encore, ou Aurélien Gros, qui eut la charge de la correspondance du médiéviste reclus, la fidèle Christine Bonnefoy se réservant la prise en note des derniers manuscrits quand le rythme de l'écriture l'imposa).Mais si, naturellement, la parole de Jean-Claude Schmitt rappela à quel point Le Goff, si sensible à l'objet et à l'outil, au silence des sources aussi, renouvela le questionnaire de la documentation de l'historien, si Marc Augé pointa le goût de Le Goff pour les continuités et les tournants plutôt que pour les ruptures, voie singulière par rapport à Febvre ou Foucault, les deux fortes contributions de Sylvain Piron sur la vision du temps et d’Etienne Anheim sur le concept d'« histoire totale » ont montré qu'en marge de la mémoire et des évocations intimes, la stature de Le Goff est déjà un sujet d'histoire et une adresse de méthode pour les générations qui ne le croiseront que dans les livres.Si au regard de l'histoire comme des autres sciences humaines, il y a bien un « moment Le Goff », où s'invente réellement l'anthropologie historique, avec l'entrelacs des curiosités et des compétences qui bousculent tous les usages académiques (et là, comment ne pas mentionner, autre lecteur de Marcel Mauss et de Louis Gernet, Jean-Pierre Vernant qui dialogua si bien avec Le Goff ?), on peine à mesurer aujourd'hui les résistances que le chantier Le Goff a pu rencontrer.Un engagement profondément européenAinsi a-t-on pu apprécier les indices sur le rayonnement international de l'œuvre qu'apporta la troisième table ronde. On se doutait de l'engagement profondément européen de Jacques Le Goff – il anima la collection « Faire l'Europe », qui visait à sortir simultanément dans cinq langues et bien plus de pays les textes phares de l'historiographie européenne.Au fil des interventions (l'Italienne Carla Casagrande, indissociable de sa collègue Silvana Vecchio, le Polonais Jurek Pysiak, le Hongrois Gabor Klaniczay, pour l'Allemagne, Pierre Monnet, et, pour le monde anglo-saxon, l'Américain Patrick Geary), astucieusement organisées selon la chronologie du succès des traductions de Le Goff, on mesura l'enthousiasme suscité dès la fin des années 1950 par la singularité provocatrice du jeune médiéviste – fort d'un titre au caractère anachronique résolument volontaire, comme le rappela Alain Boureau, Les Intellectuels au Moyen Age, paru en 1957, fut accessible aux lecteurs italiens dès 1959 et s'imposa comme la plus recommandable des introductions à l'histoire de la pensée médiévale dans un pays où le petit livre dépassa la trentaine de rééditions.Sur plus d'un demi-siècle, l'enthousiasme ne cessa de grandir et ce « succès énorme » autorise même à parler d'« amour solide et durable » entre Le Goff et son public transalpin. Même adhésion passionnelle pour les Polonais qui considèrent qu'il a fallu Le Goff pour que leur pays ait une place dans la médiévistique européenne. Ses voyages dès la fin des années 1950, les moments d'enseignement à Varsovie qu'il assura ponctuellement jusqu'en 1995, les liens personnels si forts qu'il entretint avec Aleksander Gieysztor et Bronislaw Geremek – le maître et le frère – sans même évoquer la place de cœur que le pays occupe puisque l'épouse de Jacques, Hanka, était polonaise, expliquent la révérence envers le médiéviste français. Même constat en Hongrie, où le même programme d'ouverture à l'Est, prôné par Fernand Braudel, conduit Le Goff au mitan des années 1960. S'en suit un réel foyer d'échanges et de complicité que l'Atelier d'histoire sociale ouvert à Budapest à la fin des années 1970 symbolise.Des réticences chez les Allemands et Anglos-SaxonsLe son est différent du côté de la médiévistique allemande. Si le rythme des traductions finit par s'accélérer, à l'origine, il faut jusqu'à trois décennies pour que certains des premiers livres de Le Goff soient accessibles outre-Rhin. Et encore, le terme « civilisation », essentiel pour comprendre la somme parue chez Arthaud en 1964, La Civilisation de l'Occident médiéval, devient-il « Kultur » comme le mot « Europe » remplace l'« Occident ». C'est que la démarche anthropologique de l'œuvre heurte autant qu'elle contrarie les priorités de l'école allemande où la question de l’Etat et des identités régionales, comme la place du Grand homme, ne se retrouvent pas dans la vision de Le Goff. Ce long Moyen Age reste terra incognita en Allemagne et comme naguère Marc Bloch, le regard de Le Goff suscite fascination et réticence, comme si l'anthropologie historique menaçait trop directement les traditions philosophique et philologique des écoles allemandes.Même distance dans le monde anglo-saxon qui n'épargne ni dédain ni condescendance devant un chantier si étranger au positivisme en vogue chez les Anglais. Il est vrai, rappelle Patrick Geary, que « l'histoire médiévale n'a jamais fait partie des Belles Lettres en anglais. » Les comptes-rendus savants, souvent tardifs, ne comprennent ni n'admettent les options de Le Goff, qui incarne même pour certains, le « vice de l'Ecole des Annales ». Il faut attendre le Saint Louis, salué pour sa méditation profonde sur la façon de faire l'histoire, pour que les œillères vacillent.Vu de France, on n'a plus guère conscience de la « révolution Le Goff », tant la longévité de l'homme, la vitalité de sa production, la force d'entraînement qui fut la sienne pour imposer les audaces et les innovations, ont installé sa pensée dans notre paysage intellectuel. Par delà la dimension commémorative, une journée comme celle du mardi 27 janvier remet au centre l'essentiel : l'art d'une pensée qui réinvente l'Histoire en interrogeant inlassablement ses enjeux, ses outils et ses leçons.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Frédéric Potet Il y a ceux que les « événements » ont littéralement tétanisés. Et ceux, à l’inverse, qui se sont noyés dans le travail, façon exutoire. Les premiers n’ont pas touché à leurs crayons pendant plusieurs jours. Les seconds n’ont pas arrêté de dessiner, comme en réponse à un besoin. La tuerie perpétrée dans les locaux de Charlie Hebdo, le 7 janvier, n’a pas fait que provoquer un émoi considérable dans le milieu des « dessinateurs » au sens large. Elle a remué la corporation jusque dans sa relation au dessin, cette représentation du monde faite avec trois fois rien mais qui peut aller jusqu’à mettre en danger la vie de ­celles et ceux qui le pratiquent.Alors que des querelles intestines ont agité le milieu de la bande dessinée sur la nature du prix à décerner au journal satirique pendant le Festival d’Angoulême, qui débute jeudi 29 janvier (voir Le Monde du 17 janvier), le métier n’en finit pas de s’interroger. Y aura-t-il un « avant » et un « après » Charlie ? Quelle place le dessin – politique, d’humour, d’illustration ou de bande dessinée – occupera-t-il demain dans les journaux qui en ont tant publié ces derniers temps ? Et quelle image restera-t-il des dessinateurs, ces nouveaux héros des temps modernes, dès que sera retombée l’effervescence médiatique ?« Du jour au lendemain, on nous a placés sur un piédestal avec l’étendard de la liberté d’expression entre les mains, alors que personne ne parle jamais de nous en temps normal et que le métier se précarise. Je dois avouer que cela m’a un peu gonflé », ronc... Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.01.2015 à 06h38 • Mis à jour le03.01.2015 à 12h55 Comment se déroule les séances d'enregistrement d'un album ? Certains mélomanes que la question taraudait pourront bientôt y répondre. Car à compter du 16 janvier, c'est bien en public la chanteuse britannique PJ Harvey enregistrera son neuvième opus. Les spectateurs suivront les sessions de miss Polly derrière une vitre sans tain dans un studio spécialement aménagé au Somerset House de Londres.L'événement, baptisé « Recording In Progress », doit durer quatre semaines entre le 16 janvier et le 14 février. Proposé à un tarif de 15 livres (34,5 euros) pour la séance de 45 minutes, il affichait déjà complet quelques heures seulement après son annonce.« Les visiteurs vont pouvoir vivre exactement ce qui se passe en studio en voyant Harvey, ses musiciens et ses producteurs de longue date, Flood et John Parish, à l'œuvre dans leur cheminement créatif vers un album », a expliqué un représentant du Somerset House, ce haut-lieu de la création à Londres.« Je souhaite que Recording In Progress fonctionne comme une exposition dans une galerie. J'espère que les visiteurs pourront saisir le flux et l'énergie du processus d'enregistrement », a de son côté souligné la chanteuse, dont le dernier album, Let England Shake, remonte à 2011. Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne, par un système de quotas, le nombre de films étrangers distribués sur son territoire.Ce quota, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’astérisques) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros ***2 - Breakup Buddies : 156 M€ ***3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ ***7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ ***9 - The Breakup Guru : 88 M€ ***10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ ***13 - Back in Time : 77,5 M€ ***14 - The Man from Macau : 70 M€ ***15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ ***17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ ***19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.01.2015 à 13h39 • Mis à jour le02.01.2015 à 15h47 Les Français ont plébiscité les salles obscures en 2014, avec des chiffres de fréquentation exceptionnels. Plus de 208 millions de tickets de cinéma ont été vendus en France ces douze derniers mois, une augmentation de 7,7 % par rapport à 2013, a annoncé vendredi 2 janvier le Centre national du cinéma. Derrière 2011, qui reste encore indépassée grâce au succès d'Intouchables, 2014 devient ainsi la deuxième meilleure année.if (!window.jQuery) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1420200363437 .graphe").css("height", 450)$("#container_1420200363437 .title").empty()if ("La fréquentation des salles de cinéma françaises"!= ""){2011 et 2014, meilleures années depuis 1967")}$("#container_1420200363437 .subtitle").empty()if ("Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires"!= ""){Les chiffres pour 2014 sont encore provisoires.")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1420200363437 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9quentation_cin%C3%A9matographique#cite_ref-17", _blank ); 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La comédie Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu est largement en tête avec 12,3 millions d'entrées.Lire : « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? » dans le Top 10 français des films les plus vusLire aussi la critique du film : Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racistesC'est aussi une comédie qui occupe la deuxième place du podium avec Supercondriaque, menée par Dany Boon, qui a rassemblé 5,3 millions de spectateurs. Lire (édition abonnés) : « Supercondriaque » : Dany Boon, malade en manque d'imaginaireLe film Lucy, de Luc Besson, arrive en troisième place du box-office 2014. Malgré une distribution de stars hollywoodiennes, ce film est bel et bien une production française, qui a attiré dans les salles pas moins de 5,2 millions de personnes. Lire : « Lucy », de Luc Besson, plus gros succès français à l'étrangerGrâce à ces immenses succès, la part de marché des films français est passée de 33,8 % en 2013 à 44 % en 2014. Celle des films américains, par contre, a reculé de neuf points.Lire : Le cinéma français tire la fréquentation des salles vers le haut Maxime Vaudano L'économiste Thomas Piketty a brisé jeudi 1er janvier la routine de la traditionnelle promotion de début d'année de la Légion d'honneur en refusant sa nomination comme chevalier, estimant que ce n'est pas « le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable ».Un refus loin d'être inédit, qui a de nouveau placé l'institution bicentenaire sous le feu des projecteurs... et de vos questions.Lire la synthèse : Modiano, Tirole et Mimie Mathy dans la promotion de la Légion d'honneur1. Doit-on demander la Légion d'honneur pour l'obtenir ?Non, comme l'expliquait déjà Rue89 en 2009 : il est impossible de se porter candidat à un grade de la légion d'honneur. C'est une tierce personne qui doit proposer votre nom.Soit un ministre, qui reçoit généralement des propositions des préfets, des élus ou des associations (c'est le cas pour Thomas Piketty, dont le nom a été proposé par Geneviève Fioraso, secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche)Soit 50 citoyens, grâce à la procédure d'initiative citoyenne introduite en 2008Par le biais de ces deux procédures, près de 4 000 dossiers sont constitués chaque année puis étudiés par le conseil de l'ordre de la Légion d'honneur, qui sélectionne ensuite quelque 3 000 lauréats, avant l'approbation définitive du président de la République, qui signe de sa main les décrets.Participez à la discussion : Doit-on forcément accepter une Légion d'honneur ?2. Peut-on la refuser ?Oui. En général, pour éviter un incident diplomatique, les potentiels décorés sont avertis en amont. Cela n'a pas été le cas pour Thomas Piketty, qui n'a pas été prévenu, comme l'a indiqué la rue de Grenelle. Son nom apparaît donc bien dans les décrets parus le 1er janvier au Journal officiel.Lire également notre décryptage : pourquoi le livre de Piketty est un succès aux Etats-UnisIl n'est pas pour autant décoré à son corps défendant. Pour entrer officiellement dans l'ordre de la Légion d'honneur, il faut en effet se faire remettre physiquement la décoration – une cérémonie à laquelle l'économiste devrait refuser de participer.Voir le portfolio : Comme Thomas Piketty, ils ont refusé la Légion d'honneurImage précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-54a6c59f41d3b'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\nLe compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. Donnez-moi mon argent\u00a0!\u00a0\u00bb\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Le compositeur Hector Berlioz, ici c\u00e9l\u00e9br\u00e9 par des artistes russes en 1953, \u00e0 Moscou, \u00e0 l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, a refus\u00e9 la L\u00e9gion d'honneur en 1864. Celui auquel l'Etat d\u00e9sargent\u00e9 entendait payer une messe de Requiem avec le ruban rouge au lieu de lui verser les 3\u00a0000 francs promis s'\u00e9tait alors emport\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Je me fous de votre croix. 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Le couple n'a toutefois pas \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 l'hommage post-mortem, puisqu'il repose dans le sanctuaire du Panth\u00e9on.\r\n\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Pierre et Marie Curie ont \u00e9t\u00e9 plus sobres dans leur mani\u00e8re de repousser la prestigieuse distinction\u00a0: \u00ab\u00a0En sciences, nous devons nous int\u00e9resser aux choses, non aux personnes\u00a0\u00bb, justifiait Marie Curie. \u00ab\u00a0Je n'en vois pas la n\u00e9cessit\u00e9\u00a0\u00bb, avait pour sa part comment\u00e9 Pierre Curie. 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En 1945, Jean-Paul Sartre argue de la libert\u00e9 : \u00ab\u00a0L'\u00e9crivain doit refuser de se laisser transformer en institution, m\u00eame si cela a lieu sous les formes les plus honorables, comme c'est le cas. \u00bb Il refusera \u00e9galement le prix Nobel de litt\u00e9rature en 1964.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Les \u00e9crivains et philosophes Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, ci-dessus sur la plage de Copacabana, \u00e0 Rio de Janeiro, en 1960, ont aussi dit non \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur. 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A ceux qui la lui proposaient, il r\u00e9pondit en 1949, dans un article, qu'ils pouvaient \u00ab\u00a0se la carrer dans le train\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\/STF\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'\u00e9crivain et dramaturge Marcel Aym\u00e9 a adopt\u00e9 une posture plus directe. 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Le chanteur-compositeur Georges Brassens, ici en 1972, a consacr\u00e9 une satire \u00e0 la L\u00e9gion d'honneur, dans laquelle il d\u00e9nonce \u00ab\u00a0le fatal insigne qui ne pardonne pas\u00a0\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : AFP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Ce petit hochet \u00e0 la boutonni\u00e8re\/Vous le condamne \u00e0 de bonnes mani\u00e8res\/Car \u00e7a la fout mal avec la rosette\/De t\u00e2ter, flatter, des filles les appas\u2026 \u00bb. 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On n'est pas forc\u00e9ment content d'\u00eatre reconnu par des gens qu'on n'estime pas.\u00a0\u00bb\r\nCr\u00e9dits : AFP\/ALAIN JULIEN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"En 2013, l'auteur et dessinateur de bande dessin\u00e9e Jacques Tardi expliquait ainsi son refus\u00a0: \u00ab\u00a0Je ne suis pas int\u00e9ress\u00e9, je ne demande rien et je n'ai jamais rien demand\u00e9. 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Sur quel critère peut-on l'obtenir ?L'ordre de la Légion précise dans son code que la décoration récompense « des mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes », tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de définition stricte ou de liste exhaustive desdits mérites. « C'est la mission du conseil de l'ordre de juger, à partir des éléments de carrière qui lui sont donnés et selon la jurisprudence de l'ordre », précise l'institution.Pour être décoré, il vaut mieux en tout cas posséder la nationalité française (les étrangers peuvent être distingués s'ils ont rendu des services à la France ou occupent des fonctions importantes, mais ne sont pas membres de plein droit de l'institution), cumuler au moins vingt ans d'activité (sauf cas exceptionnel, comme un exploit sportif ou militaire), avoir un casier judiciaire vierge et « une bonne moralité » (une enquête est diligentée sur ce plan avant chaque attribution).Contrairement aux idées reçues, il y a moins de légionnaires qu'avant. Créé par Napoléon en 1802, l'ordre a vu le nombre de ses membres exploser avec les grands conflits militaires du XXe siècle. Il a ainsi connu jusqu'à 300 000 membres en 1962. Comme le racontait en 2012 la revue Charles, le général De Gaulle a alors décidé d'agir pour éviter que la décoration ne se galvaude. Un quota de 125 000 légionnaires vivants est alors fixé, et une nouvelle décoration (l'ordre national du mérite) est créée comme lot de consolation.Le nombre de légionnaires en vie est à peu près stable depuis une dizaine d'années : il tourne désormais autour de 92 000.4. Quels avantages confère-t-elle ?Tout d'abord, on peut bien sûr porter la décoration au ruban rouge à la boutonnière, comme les 92 000 autres décorés, et faire apparaître son grade après sa signature dans les papiers officiels.Ensuite, on peut adhérer à la société des membres de la Légion d'honneur, un réseau de 55 000 sociétaires qui se donne pour mission de « concourir au prestige de l'ordre national de la Légion d'honneur et contribuer au rayonnement des valeurs et de la culture de la France sur le territoire national comme à l'étranger ».Contrairement à certaines rumeurs, la Légion d'honneur ne rapporte pas d'argent, au contraire. Comme le rappelle Francetvinfo, les décorés doivent s'acquitter depuis 2003 de droits de chancellerie (de 20,28 euros pour un simple chevalier à 101,38 euros pour les grand-croix) pour l'expédition de leur diplôme. Ils doivent en outre acheter leur décoration auprès d'un joaillier spécialisé ou de la monnaie de Paris (75 euros pour le modèle réduit, 180 euros pour la décoration standard et jusqu'à 990 euros pour la plaque de grand-croix). De quoi engouffrer rapidement le maigre traitement que propose l'institution à ses membres. La « somme symbolique héritage de l'histoire »– entre 6,10 euros par an pour les chevaliers et 36,59 euros pour les grand-croix – n'est souvent même pas réclamée par les décorés (ou reversée à la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur, pour aider les légionnaires dans le besoin, explique L'Express).Entrer dans la famille de la Légion d'honneur ouvre également le droit à votre descendance féminine (jusqu'aux arrière-petites-filles) de candidater dans les prestigieuses maisons d'éducation de l'institution : Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) pour le collège, puis Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour le lycée et le post-bac (BTS et classes préparatoires). Mais l'acceptation n'est pas systématique : en 2011, seules 55 places étaient disponibles au lycée de Saint-Denis, pour près de 400 demandes, comme le rapportait L'Etudiant.fr.En revanche, il est formellement interdit aux membres de votre entourage d'arborer votre étoile à cinq branches : le port illégal de décoration est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.5. Peut-on la perdre ?Oui. Un légionnaire peut être déchu de sa décoration en cas de condamnation pénale, de déchéance de la nationalité française ou s'il « a commis des actes contraires à l'honneur ou de nature à nuire aux intérêts de la France ».C'est ce qui est arrivé à Maurice Papon, déchu en 1999 de l'ordre de commandant de la Légion d'honneur après sa condamnation définitive pour crime contre l'humanité, en raison de son implication dans la déportation de Juifs sous le régime de Vichy. Malgré les protestations, l'ancien ministre a toutefois continué d'arborer la décoration à sa boutonnière jusque dans sa dernière demeure, puisqu'il a été enterré avec sa Légion d'honneur. Ce type de mesure reste extrêmement rare. La dernière date de janvier 2013, quand François Hollande a décidé d'exclure de l'ordre Jean-François Collin, un ancien membre de l'Organisation de l'armée secrète (OAS), décoré deux ans plus tôt comme mutilé de guerre en Algérie.Maxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.12.2014 à 16h32 • Mis à jour le31.12.2014 à 17h06 |Julie Clarini C’est l’histoire d’un roman d’anticipation à diffusion anticipée. Depuis trois jours, le nouveau livre de Michel Houellebecq, Soumission, circule illégalement en ligne alors que sa sortie en librairie est prévue le 7 janvier.L’intrigue, modèle de provocation habilement calculée, a été abondamment commentée dans la presse, attisant probablement la curiosité des internautes. Le décor est planté dès le début du récit : le second tour de l’élection présidentielle oppose Marine le Pen au chef du Parti de la fraternité musulmane, lequel s’installe, au terme de quelques tractations et remous politiques, à l’Elysée, plongeant le pays dans la léthargie. Consentant à se convertir à l’islam, le héros du livre, professeur de faculté, poursuit son enseignement à la Sorbonne.UNE PREMIÈRE EN FRANCEChez Flammarion, on se borne à faire savoir que cette mise à disposition illégale est en cours de traitement par les services juridiques. Un piratage avant commercialisation est évidemment une très mauvaise nouvelle pour un éditeur, et un fait sans précédent en France. Récemment, l’ouvrage de Valérie Trierweiler Merci pour ce moment (Les Arènes) a fait les frais d’un piratage hors norme, estimé à des dizaines de milliers d’exemplaires, mais après un premier succès en librairie.On date le premier exemple d’une sortie illégale, précédant l’officielle, de 2004, à l’occasion du dernier livre de Gabriel Garcia Marquez : l’ouvrage, Mémoire de mes putains tristes, était disponible sur les trottoirs de Bogota avant de l’être en librairie. A l’époque, le contenu de l’ouvrage avait voyagé par CD-ROM.Dans le cas de l’ouvrage de Michel Houellebecq, les versions numériques disponibles sous format MOBi et ePUB sont facilement accessibles. Le premier document à avoir fuité fut, d’après le site ActuaLitté, un PDF obtenu à partir du scan d’une version papier. Des indices qui rendent plausible l’hypothèse d’une numérisation d’un exemplaire de presse, d’autant plus que les premiers jeux d’épreuves sont arrivés dans les rédactions autour du 15 décembre.ÉLECTROCHOCC’était peut-être la chance sur laquelle l’édition comptait : son public est moins jeune, moins technophile, que celui de la musique, si bien que des piratages de cette nature sont restés des cas rares. Il se pourrait néanmoins que cette affaire fasse figure d’électrochoc. Cet automne, le Syndicat national de l’édition (SNE) rappelait qu’aux termes de la loi du 21 juin 2004, les éditeurs peuvent s’adresser à l’hébergeur d’un site pour l’informer de la présence de contrefaçons accessibles via ce site et lui demander de les retirer.Cette procédure dite de « notification et retrait » est efficace pour obtenir le retrait immédiat des contenus, mais, comme le note le SNE lui-même, « cette solution montre des limites, les mêmes contenus peuvent réapparaître aussi rapidement qu’ils ont été retirés ». En mars 2014, aux Asisses du livre numérique, Florent Souillot, responsable du développement numérique aux éditions Flammarion, et chargé du développement de la plate-forme de distribution Eden Livres, déclarait que « le groupe Flammarion en est actuellement à une vingtaine, une trentaine de notifications par mois ». Le rythme devrait s’accélérer dès les jours à venir.Julie ClariniJournaliste au Monde 31.12.2014 à 10h49 • Mis à jour le31.12.2014 à 11h47 |Macha Séry, Catherine Simon, Nicolas Weill, Nils C. Ahl, Florence Noiville, Raphaëlle Leyris, Julie Clarini, Roger-Pol Droit et Monique Petillon LittératureLes Aventures d’Augie March (The Adventures of Augie March) et Le Don de Humboldt (Humboldt’s Gift), de Saul Bellow, traduits de l’anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer, Gallimard, « Quarto », 1 004 p., 34,90 €.Il nous manque un Saul Bellow (1915-2005), aujourd’hui, dans le paysage des lettres nord-américaines. Un écrivain qui ne serait pas seulement un immense créateur épris de vie, mais aussi un penseur sagace, un ironiste, un provocateur, un womanizer, un persifleur et même, allez, une irrésistible langue de vipère. Saul Bellow – qui, pendant plusieurs décennies, régna sur les lettres américaines, et dont les ouvrages, d’Herzog (1964) au Don de Humboldt (1975), ont tant marqué le roman outre-Atlantique –, était tout cela à la fois. Et en même temps détaché, planant au-dessus de la mêlée. « Ne craignez pas de vous payer ma tête », nous avait-il dit, lorsque en 1995, nous l’avions rencontré dans le Vermont pour lui « tirer le portrait ». « Ne craignez pas de vous payer ma tête. Je suis un vieux chêne qui se moque des clous ! » Après Herzog et La Planète de Mr. Sammler (réunis en « Quarto » en 2012), les éditions Gallimard nous donnent la chance de replonger dans l’univers de ce « vieux chêne », fils de juifs russes émigrés, né en 1915 au Québec et mort en 2005 couvert de prix (Nobel, Pulitzer, National Book Award, Booker…). Avec Les Aventures d’Augie March, écrit à Paris et paru aux Etats-Unis en 1953, Bellow narre la dure découverte du monde par un enfant. Nous sommes à Chicago, dans un quartier pauvre où se côtoient juifs et Polonais, et où toutes sortes de gens qui « veulent du bien » au jeune Augie font des projets pour lui. Sans comprendre que lui, Augie, n’aime qu’une seule chose, son indépendance et sa liberté. L’indépendance, l’intégrité sont aussi des thèmes du Don de Humboldt, paru vingt ans plus tard. Humboldt est un écrivain dont la célébrité a passé. Entre-temps, son protégé Charlie Citrine a percé au point de gagner « des monceaux de fric ». Malade, ulcéré, Humboldt raisonne – de façon pas toujours objective mais éminemment actuelle – sur les relations entre création artistique et argent. Intégralement et élégamment retraduits par Michel Lederer, ces deux grands textes sont précédés par des souvenirs et confessions de Bellow recueillis Philip Roth, le tout formant un régal d’intelligence.Florence Noiville Les Choix secrets, d’Hervé Bel, Le Livre de poche, 336 p., 7,10 €.Marie est une vieille femme dans une vieille maison, quelque part en France. Amours flétries, espoirs déçus, confite dans l’envie et la jalousie, elle passe sa vieillesse dans l’aigreur, à se souvenir et à se mentir. Pendant ce temps, son mari tousse et s’étouffe. La narration oscille entre deux points de vue, plus ou moins distants, faisant alterner le passé, trop bref, et le présent, très long. Le lecteur assiste au lent triomphe ambigu de la méchanceté. Deuxième roman d’Hervé Bel, Les Choix secrets est réjouissant parce qu’impitoyable avec son personnage. Une confirmation.Nils C. Ahl Le Dilemme du prisonnier (Prisoner’s Dilemma), de Richard Powers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Yves Pellegrin, 10/18, 526 p., 9,10 €.Comment des enfants peuvent-ils se construire quand leur père est inexistant ? Comment la vie s’organise-t-elle autour d’un « centre absent » ? Magnifique portrait de père sur fond de famille dysfonctionnelle, ce roman revisite un demi-siècle d’histoire américaine, de l’exposition universelle de New York (1939) aux essais nucléaires de Los Alamos en passant par Disneyland et l’industrie du divertissement. Par l’un des meilleurs écrivains américains vivants.Fl. N. Les Cheveux-vapeur du coiffeur. Petit Précis des mots communs sublimés par les écrivains, anthologie constituée par Véronique Jacob, illustrations de Marie Assénat, Folio, « Entre guillemets », 198 p., 7,40 €.Voici une ribambelle de petits morceaux très bien choisis. Le principe est simple : de « Asperge » (selon Proust) à « Souvenirs d’école » (selon Perec), et de « Carcasse » (selon Alexis Jenni) à « Parmesan » (selon Alberto Savinio), tout indique comme dit Gary que « les mots ont des oreilles ». Ils sont à l’écoute et rendent des sons particuliers selon l’écrivain qui les définit. En toute drôlerie et subjectivité bien sûr. Un dictionnaire pas banal sous la houlette de la talentueuse Véronique Jacob.Fl. N. Le Sac de Couffignal et Ames malhonnêtes (The Gutting of Couffignal et Crooked Souls), de Dashiell Hammett, traduit de l’américain par Janine Hérisson et Henri Robillot, traduction révisée par Nathalie Beunat, Folio, « Bilingue », 208 p., 8,40 €.Quel bonheur que ces Folios bilingues ! Qu’il s’agisse de Barrico en italien ou de Woolf en anglais, le lecteur amoureux des langues ne cesse de passer de l’une à l’autre, jouant à faire du thème, s’essayant à la version. Rien de plus ludique avec la prose rapide et sèche de Dashiell Hammett. Le père du roman noir américain offre ici deux nouvelles policières dans le style des années 1920. Suspense à foison et régal de dialogues.Fl. N. Résolutions pour l’époque où je deviendrai vieux, et autres opuscules humoristiques, de Jonathan Swift, traduit de l’anglais (Irlande) par Léon de Wailly, présenté par Eric Chevillard, Flammarion, « GF », 312 p., 7 €.Un vieil homme assommant et donneur de leçons, voilà ce que l’auteur des Voyages de Gulliver décidément n’est pas. Ses Résolutions pour l’époque où je deviendrai vieux ne font pas prendre une ride à ce classique. Car Jonathan Swift manie l’ironie avec sérieux comme il empoigne avec humour des sujets pleins de gravité, preuve en est, parmi les plaisants opuscules ici réunis, la fameuse Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents : être mangés par leurs parents.Julie Clarini Pour trois couronnes, de François Garde, Folio, 352 p., 7,50 €.Tout commence par un manuscrit trouvé parmi les papiers d’un défunt homme d’affaires. Mandaté par la veuve pour comprendre s’il s’agit d’un récit autobiographique, Philippe Zafar enquête des Etats-Unis jusqu’à une ancienne colonie française (fictive). François Garde fait ainsi de l’analyse de texte le ressort d’un palpitant roman d’aventures où se mêlent autant de foi dans les vertus du genre que de malice dans la façon d’en réactiver les codes.Raphaëlle Leyris Le Monde libre (The Free World), de David Bezmozgis, traduit de l’anglais (Canada) par Elisabeth Peellaert, 10/18, 432 p., 8,80 €.Du grand-père communiste au cadet séducteur, voici la famille Krasnansky. Nous sommes à Rome en 1978, après que Brejnev a entrouvert le rideau de fer. Comme nombre de juifs venus d’URSS, les Krasnansky attendent un visa pour le Canada. Ils l’attendront des mois… Entre chronique familiale et réflexion sur l’Union soviétique, ce premier roman confirme le talent de l’écrivain-cinéaste David Bezmozgis – né à Riga en 1973 et émigré lui aussi au Canada avec sa famille à l’âge de 6 ans – qui conte non sans humour la grande épopée du shtetl jusqu’au « monde libre ».Fl. N. Le Roi en jaune (The King in Yellow), de Robert W. Chambers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Thill, Le Livre de poche, 384 p., 8,90 €.Paru initialement aux Etats-Unis en 1895, ce recueil du prolifique Robert W. Chambers vient d’être réédité à la faveur du succès rencontré par la série télé « True Detective », bientôt sur Canal+. Les premiers épisodes l’évoquent, en effet, brièvement, rappelant, à propos du tueur en série sataniste que pourchassent les deux inspecteurs, la légende d’un livre maudit parce qu’il plonge ses lecteurs dans un univers de folie, thème des nouvelles rassemblées ici… Mais plutôt qu’une réelle source d’inspiration pour le scénariste Nic Pizzolatto, comme le laisse entendre le bandeau noir ceignant l’ouvrage, il faut lire Le Roi en jaune pour ce qu’il est : un beau et rare spécimen de fantastique surnaturel, qui a influencé H. P. Lovecraft.Macha Séry Les Derniers Jours de Smokey Nelson, de Catherine Mavrikakis, 10/18, 312 p., 7,50 €.Dans ce roman venu d’Amérique, résonnent, inoubliables, trois voix puissantes et solitaires : celle de Sydney Blanchard, un Noir, accusé à tort du massacre d’une famille de Blancs ; celle de Pearl Watanabe, femme de chambre d’origine asiatique, témoin des crimes perpétrés, une nuit de 1989, dans un motel d’Atlanta ; celle de Ray Ryan, enfin, père d’une des victimes, religieux fanatique, à qui Dieu a promis vengeance. Le racisme, la peine de mort, la tragédie des vivants que poursuivent, inlassables, les fantômes du passé – c’est tout cela qui mijote et explose dans ce récit polyphonique, l’un des plus forts de la romancière Catherine Mavrikakis, née en 1961 à Chicago et installée à Montréal, à qui l’on doit Le Ciel de Bay City (Sabine Wespieser, 2009). Du grand art.Catherine Simon EssaisLe Parler de soi, de Vincent Descombes, Folio, « Essais », inédit, 428 p., 8,90 €.Le « césarien » est une langue fictive, mais spéciale : le pronom « je » n’y existe pas. Comme Jules César dans La Guerre des Gaules, on ne s’y exprime qu’à la troisième personne. Il reste possible de parler de soi, mais pas de s’attribuer états d’âme, introspection et identité subjective. C’est de cet exemple que part le philosophe Vincent Descombes, dans ce magistral recueil inédit, pour mener l’enquête sur la naissance du moi.Comment est-on passé, dans la philosophie, du « je » des langues courantes (non césariennes…) aux considérations sur le « moi », sa nature, ses capacités et ses actions, entre amour-propre et conscience de soi ? Comment le « moi » peut-il concilier les fonctions de la première et de la troisième personne ? Les multiples analyses rassemblées ici tournent autour de ces questions, abordées tour à tour du point de vue de la grammaire philosophique, de l’histoire du sujet moderne, de la relation dialogique, de la croyance – entre autres.Au fil de cette série de textes – certains déjà publiés, d’autres inédits – qui prolongent sa réflexion sur l’identité dans le sillage de Wittgenstein et de la philosophie analytique, Vincent Descombes jette un regard aigu sur la pensée contemporaine. Et aussi une partie de la littérature. Car les liens ne manquent pas entre la subjectivité des philosophes et l’égotisme des romanciers.Roger-Pol Droit Histoire des mouvements sociaux en France. De 1814 à nos jours, sous la direction de Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky, La Découverte, « Poche », 800 p., 16,50 €.Les mille et une figures de la contestation qui surgissent dans cette riche histoire des luttes sociales – du soldat boulangiste au militant antinucléaire, du vigneron à la féministe – semblent rendre bien illusoire toute tentative de classification raisonnée. Révolution, insurrection ou mouvement social ? Qu’importe, en prenant un parti « fondamentalement historique », cet ouvrage collectif restitue les grandes mobilisations de la société française, de gauche comme de droite, les unes et les autres rejouant une partie nouvelle sur le terrain de la tradition.Julie Clarini  Au prêt sur gage, de Pauline Peretz, Seuil, « Raconter la vie », 80 p., 5,90 €.On y croise pauvres et riches, Français et immigrés. C’est un monde composé par l’urgence mais tout sauf irréfléchi. Pourvu qu’elles aient quelques bijoux en or, le mont-de-piété, aujourd’hui le Crédit municipal de Paris, sis au cœur du Marais, offre aux femmes, les principales clientes, une petite marge de manœuvre, une liberté prise à l’insu des banques et des maris. Le reportage de l’historienne Pauline Peretz ouvre les portes d’une institution loin d’être désuète.J. Cl. Mémoire de ma mémoire, de Gérard Chaliand, Points, 120 p., 5,20 €.Longtemps, « ces visages de vieilles, vêtues de noir, ressassant un passé de désastre », lui ont fait horreur. Gérard Chaliand, géostratège, spécialiste des conflits armés, a mis plusieurs décennies avant de venir, avec ce bref et superbe récit, s’incliner devant son passé : celui de sa famille, décimée, dispersée, chassée d’Anatolie par la soldatesque ottomane, comme le furent, en cette année 1915, des centaines de milliers de familles arméniennes. A la fois livre d’histoire, poème épique, journal intime, Mémoire de ma mémoire est l’une des évocations les plus fortes de la tragédie arménienne.Catherine Simon Léon l’Africain (Trickster Travels. A Sixteenth-Century Muslim between Worlds), de Natalie Zemon Davis, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Letellier, Petite Bibliothèque Payot, « Histoire », 504 p., 11 €.Fondatrice de l’histoire culturelle, l’Américaine Natalie Zemon Davis s’est attachée tout au long de son œuvre à la perméabilité des identités et aux « passeurs » entre les civilisations et les situations les plus antagonistes. Hassan Al-Wazzan, fascinant lettré originaire de Grenade, ambassadeur du sultan de Fès, au début du XVIe siècle, en fut un, malgré lui, lorsqu’il fut capturé en 1518 par un pirate espagnol et « offert » au pape Léon X. Devenu Jean Léon l’Africain (Yuhanna Al-Assad) après sa conversion au christianisme, il sera l’auteur d’une Description de l’Afrique, avant de revenir en terre d’Islam où sa trace se perd après 1532. Cette biographie d’un personnage sur lequel on reste fort peu renseigné est un chef-d’œuvre de restitution d’une époque et d’un itinéraire, retracés par le contexte de la Renaissance et de l’humanisme.Nicolas Weill Penser entre les langues, d’Heinz Wismann, Champs, « Essais », 308 p., 11 €.Loin dêtre seulement obstacle à la communication, l’écart entre les langues est ce qui stimule la pensée, déclenche la réflexion, ouvre des perspectives inédites. Le philologue et philosophe Heinz Wismann, né en 1935, a passé sa vie entre l’allemand, sa langue maternelle, le français, sa langue d’adoption, et le grec ancien. Il tisse dans l’excellent Penser entre les langues des éléments de son autobiographie intellectuelle et des réflexions sur la fécondité des voyages singuliers menant d’une syntaxe à une autre.R.-P. D. La Pensée du roman, de Thomas Pavel, Gallimard, Folio, « Essais », inédit, 660 p., 10 €.Non, l’histoire du roman n’est pas réductible à l’innovation des techniques littéraires, au contexte social ou au jaillissement créatif des génies qui l’illustrent, depuis la période hellénistique jusqu’à nos jours. Car celle-ci, ainsi que le démontre le spécialiste de littérature comparée de l’université de Princeton (New Jersey), Thomas Pavel, est traversée par une pensée en forme de projet aux résultats multiples : « Rendre l’idéal visible au sein du monde transitoire, fragile, imparfait, des rapports humains. » A travers l’étude d’œuvres allant du « réalisme idéaliste » du Pamela, de Samuel Richardson (1689-1761), jusqu’au « scepticisme moral » d’un Flaubert et l’indéchiffrabilité du monde d’un Kafka, cet immense parcours d’érudition se lit avec la légèreté d’une fiction.Nicolas Weill La Barbe. La politique sur le fil du rasoir, de Xavier Mauduit, Les Belles Lettres, « Tibi », 144 p., 9 €.La barbe a réapparu mais les politiques de sexe masculin ne cèdent pas à la mode : le signe d’une fracture entre le peuple et les élites ? Les choses sont un poil plus subtiles, défend Xavier Mauduit dans un dialogue totalement anachronique et particulièrement piquant avec Julien l’Apostat, l’empereur dont la barbe fut objet de railleries. Parce que « l’histoire de France a été écrite avec du poil au menton », on parcourt les siècles et on s’instruit. En méditant : est-ce le fait d’y penser en se rasant qui condamne nos hommes politiques à rester glabres ?J. Cl. Claude Lévi-Strauss. Les Cahiers de L’Herne, sous la direction de Michel Izard et Yves-Jean Harder, Champs, « Classiques », 422 p., 10 €.On trouve dans cette reprise du Cahier de L’Herne publié en 2004 sous la direction de Michel Izard bon nombre de textes rares de Claude Lévi-Strauss (1908-2009. Certains sont inattendus ou surprenants, comme ce compte rendu de Voyage au bout de la nuit, datant de 1933, ou cette étude sur « Les Chats » de Baudelaire, écrite à quatre mains avec Roman Jakobson. La qualité et de la diversité des contributions rassemblées dans cette version de poche sont remarquables. Signées des meilleurs spécialistes, elles couvrent pratiquement tous les registres et les aspects de la vie et de l’œuvre, des années 1930 au temps du structuralisme, en passant par New York.R.-P. D. La Folie Baudelaire, de Roberto Calasso, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, Folio, 496 p., 9 €« La Folie Baudelaire » : voici un « singulier kiosque », « à la pointe extrême du Kamchatka romantique », où Sainte-Beuve situait Charles Baudelaire. C’est autour de ce point focal que se déploie l’éblouissant ouvrage de l’essayiste italien Roberto Calasso. Sept vastes chapitres, confirmant une ampleur de vue exceptionnelle : « Il y a une vague Baudelaire qui traverse tout. Elle a son origine avant lui et elle se propage au-delà de n’importe quel obstacle. » Fascinante analyse, où des fulgurances éclairent « l’obscurité naturelle des choses » ; où les cheminements vers le « fond de l’Inconnu » sont toujours aimantés par la tentation de l’absolu.Monique PetillonMacha SéryJournaliste au MondeCatherine SimonJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteNicolas WeillJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteNils C. AhlJournaliste au MondeFlorence NoivilleJournaliste au MondeRaphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJulie ClariniJournaliste au MondeRoger-Pol DroitJournaliste au MondeMonique PetillonJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’année 2014 a été riche en grandes expositions à Paris. Télérama a dressé la liste de celles ayant attiré le plus de visiteurs sous forme d’un top 30 (voir ci-dessous). « Van Gogh-Artaud, le suicidé de la société » au Musée d’Orsay, « Henri Cartier-Bresson » au Centre Georges-Pompidou et « Star Wars Identities » à la Cité du cinéma arrivent en tête de ce classement, avec respectivement 654 291, 424 535 et 400 000 visiteurs.Parmi ces expositions phare, il faut noter que certaines ne sont pas encore terminées, n’offrant donc que des chiffres temporaires. On pense bien sûr à la rétrospective Jeff Koons, commencée tardivement, à la fin novembre, et qui court jusqu’au 27 avril. Elle ne se situe pour l’instant qu’en 21e position, alors qu’elle a déjà battu un record de fréquentation de Beaubourg : en dix-sept jours, l’exposition avait déjà attiré 112 844 visiteurs, devançant l’exposition « Dali », précédent record de fréquentation du musée, qui avait séduit 111 028 personnes sur la même durée en 2013. Au total, la rétrospective « Dali » avait attiré 840 000 curieux en 2013.A lire : Van Gogh-Artaud, l’électrochocSuccès des rétrospectives et des arts populairesArrivée en tête du classement, l’exposition « Van Gogh-Artaud » a par ailleurs battu le record de fréquentation du Musée d’Orsay, avec une moyenne journalière de 6 374 personnes. A noter que la moyenne de 6 638 visiteurs par jour de la rétrospective Koons est supérieure, laissant augurer une très possible première position finale pour cette dernière, qui bénéficie par ailleurs d’une poignée de jours supplémentaires par rapport à la première. Télérama précise également que le Musée Rodin a battu son record de fréquentation avec l’exposition « Mapplethorpe-Rodin », qui a attiré 166 437 visiteurs.Hormis le succès des rétrospectives (Van Gogh, Cartier-Bresson, Niki de Saint Phalle, Gustave Doré, Martial Raysse, Marcel Duchamp, Hokusai, Jeff Koons, Garry Winogrand, Lucio Fontana…), Télérama relève également l’essor des expositions célébrant la culture populaire, qui attirent un nouveau public dans les musées.En quatrième place, l’exposition itinérante venue du Canada « Star Wars Identities » à la Cité du Cinéma comptabilise ainsi 400 000 fans de La Guerre des étoiles, tandis que près de 250 000 visiteurs se sont rendus à la Cité des Sciences pour « Jeu vidéo l’expo » (9e), même si cette exposition a bénéficié d’une durée de présentation très longue (10 mois, avec une prolongation due à son succès, contre 4 à 5 mois pour les autres).Le Musée Art Ludique, ouvert fin 2013 et dédié à l’art de la BD, du cinéma, de l’animation et des jeux vidéos, affiche pour sa part ses deux premières expositions dans ce top 30 : « Pixar, 25 ans d’animation » (15e) et « L’Art des superhéros de Marvel » (13e).Le Top 30 avec en italique, les expositions en cours :1. Van Gogh-Artaud, Le suicidé de la société – Musée d’Orsay (11 mars- 6 juillet) : 654 291 2. Henri Cartier-Bresson – Centre Georges-Pompidou (12 février-9juin) : 424 535 3. Star Wars Identities – Cité du Cinéma (15 février-5 octobre) : 400 000 4. Niki de Saint Phalle – Grand Palais (17 septembre-2 fév.) : 350 000 5. Gustave Doré, L’imaginaire au pouvoir – Musée d’Orsay (18 février-11 mai) : 304 801 6. Martial Raysse – Centre Georges Pompidou (14 mai-22 septembre) : 260 000 6 ex aequo. Il était une fois l’Orient-Express – Institut du monde arabe (04 avril-31 août) : 260 000 8. Marcel Duchamp. La peinture, même – Centre Georges Pompidou (24 septembre-5 janv.) : 250 000 9. Jeu vidéo l’expo – Cité des sciences et de l’industrie (22 octobre 2013-24 août) : 248 402 10. Les Archives du rêve (…) Werner Spies – Musée d’Orsay (26 mars-30 juin) : 220 222 11. Hokusai – Grand Palais (1er oct-20 novembre, 1 déc.-18 janvier) : 210 000 12. Paris 1900 – Petit Palais (2 avril-17 août) : 203 180 13. L'Art des superhéros de Marvel – Art ludique (22 mars-7 septembre) : 200 000 14. Le Kâma Sûtra : spiritualité et érotisme dans l’art indien – Pinacothèque de Paris (2 octobre-11 janvier) : 200 000 15. Pixar, 25 ans d’animation – Art ludique (16 novembre 2013-2 mars) : 180 000 16. Indiens des plaines – Musée du quai Branly (8 avril-20 juillet) : 176 142 17. Mapplethorpe-Rodin – Musée Rodin (8 avril-21 septembre) : 166 437 18. Les années 50 – Palais Galliera (12 juillet-2 novembre) : 135 000 19. Louvre Abu Dhabi – Louvre (2 mai-28 juillet) : 132 135 20. Inside – Palais de Tokyo (20 octobre-11 janvier) : plus de 130 000 21. Jeff Koons – Centre Georges Pompidou (26 novembre-27 mars) : 112 844 22. Poliakoff – Musée d’art moderne (18 octobre 2013-23 février) : 96 714 23. Maroc médiéval – Louvre (17 octobre-19 janvier) : 90 000 24. Blumenfeld – Jeu de Paume (15 octobre 2013-26 janvier) : 83 400 25. Garry Winogrand » – Jeu de Paume (14 oct.-8 fév.) : 80 800 26. Great Black Music – Cité de la Musique (11 mars-24 août) : 80 000 27. Baccarat, la légende du cristal – Petit Palais (15 octobre-4 janvier) : 80 000 28. Lucio Fontana – Musée d’art moderne (25 avril-24 août) : 73 949 29. America Latina – Fondation Cartier (24 mai-29 septembre) : 70 883 30. David Lynch/Joan Fontcuberta – Maison européenne de la photographie (15 janvier-16 mars) : 45 500Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.12.2014 à 16h15 |Emmanuelle Jardonnet Chaque année depuis 2008, le Château de Versailles invite un artiste contemporain à venir dialoguer avec l’architecture, les jardins ou les œuvres des grands artistes de l’époque baroque – Jules Hardouin-Mansart, André Le Nôtre, Charles Le Brun, Jacques-Ange Gabriel… L’institution a révélé il y a quelques jours le nom de l’artiste choisi pour 2015 : le Britannique d’origine indienne Anish Kapoor, qui investira les lieux de juin à octobre.Anish Kapoor, 60 ans, sera ainsi le 8e artiste à intervenir dans les différents espaces du domaine, après l’Américain Jeff Koons en 2008, le Français Xavier Veilhan en 2009, le Japonais Takashi Murakami en 2010, le Français Bernar Venet en 2011, la portugaise Joana Vasconcelos en 2012, l’Italien Giuseppe Penone en 2013, et l’artiste coréen Lee Ufan cette année.A lire : Jeff Koons honore Louis XIV, Questions autour de l’exposition Jeff Koons au château de Versailles, La recette de Xavier Veilhan pour occuper le château de Versailles, Polémique avant l’exposition Murakami à Versailles et Un Versailles pour petites filles en fleursMais aussi : Courbes d’acier en jeu de piste à Versailles, Joana Vasconcelos, une femme un peu trop libre pour la cour du Roi-Soleil, Giuseppe Penone parsème Versailles d’arbres, de marbres, et autres traces et Lee Ufan : « Il fallait surmonter la perfection de Versailles »« S’adapter »Ce programme avait été lancé par Jean-Jacques Aillagon lorsqu’il était à la tête de l’institution. « Il n’est jamais facile de choisir un artiste pour Versailles, ce n’est ni un musée, ou une galerie ou un espace d’exposition », a déclaré à la presse Catherine Pégard, actuelle administratrice en chef du château. Anish Kapoor a été choisi « car il y a quelque chose chez lui dans le détail pour s’adapter ».La capacité de l’artiste de déplacer les foules, en France en particulier, a certainement dû jouer en sa faveur. En 2011, il avait été choisi pour réaliser l’exposition « Monumenta », qui a lieu chaque année sous la Nef du Grand Palais, à Paris. Son Léviathan était une immense structure gonflable dont les 18 tonnes de PVC emplissaient l’espace monumental, et à l’intérieur de laquelle le public était invité à pénétrer, avait attiré plus de visiteurs, lors de ses six semaines d’exposition, que toutes les autres éditions de la manifestation, soit plus de 277 000 visiteurs.A l’occasion des Jeux Olympiques de Londres, en 2012, Anish Kapoor avait conçu l’ArcelorMittal Orbit, une tour en métal de 115 mètres de haut devenue la plus haute sculpture du pays. Le sculpteur avait par ailleurs représenté la Grande-Bretagne à la Biennale de Venise en 1990, avant de remporter le prestigieux Turner Prize l’année suivante.A lire : Reflets dans les sphères rouges d’Anish Kapoor et « Monumenta » 2007-2014, la démesure par six Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre Mathieu Grégoire, sociologue, a suivi en tant qu’expert indépendant, avec l’économiste Jean-Paul Guillot, les chiffrages visant à évaluer les modèles alternatifs d’indemnisation des intermittents du spectacle, menés sous la houlette de l’Unedic, qui prescrit les règles d’assurance-chômage. Auteur de l’ouvrage intitulé Les intermittents du spectacle. Enjeux d’un siècle de luttes (La Dispute, 2013), il raconte dans quelles conditions les travaux ont été menés.Intermittents du spectacle : Manuel Valls veut sanctuariser le régime en l'inscrivant dans la loiLe travail d’expertise sur les intermittents a-t-il pu s’exercer en toute indépendance ?Oui, en fin de compte. En France, quand un organisme comme l’Insee fournit des statistiques, les chiffres émanent de fonctionnaires indépendants du pouvoir. Cette indépendance n’existe pas à l’Unedic, qui est alternativement présidée par la CFDT et le Medef. A ce titre, on a pu dire que cet organisme était juge et partie sur les intermittents. Mais l’Unedic a accepté de jouer le jeu. Pour la première fois, on a pu mener une évaluation plus démocratique.Les modèles alternatifs, avec retour aux 507 heures en douze mois, sont-ils viables ?En tout cas, on serait loin d’avoir une horde d’intermittents qui arrivent dans les annexes 8 et 10, comme cela a été martelé… On a réalisé une simulation « toutes choses égales par ailleurs ». Autrement dit, si on applique les 507 heures en douze mois sur les effectifs présents en 2012 et 2013, soit environ 110 000 personnes, que se passe-t-il ? On a étudié deux scénarios : le premier générerait entre 3 250 et 3 500 intermittents supplémentaires ; et le second, plus strict, en générerait entre 2 200 et 2 400 supplémentaires.Au total, le surcoût pour l’assurance-chômage serait compris entre 36 et 38 millions d’euros. D’autres modèles, gardant le principe des 507 heures en douze mois, ont été présentés par la Coordination, la CGT-Spectacle ou le syndicat d’employeurs Syndeac.Les propositions de la Coordination permettent de réaliser des économies car elles prévoient un plafond des indemnisations de chômage qui varient avec l’évolution des revenus : schématiquement, plus les salaires sont élevés, plus l’indemnité diminue.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.01.2015 à 11h31 • Mis à jour le07.01.2015 à 16h59 | Clarisse Fabre Les 507 heures en douze mois, slogan de la Coordination des intermittents et précaires (CIP) depuis le conflit de 2003, c’est économiquement possible ! Mais reste à savoir si ce modèle alternatif d’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle sera, dans les faits, politiquement faisable.On ne saurait mieux résumer la situation alors que les « trois sages » ont remis leur rapport au premier ministre, mercredi 8 janvier, à 10 heures du matin. Le 24 juin 2014, Manuel Valls confiait une mission de concertation au député Jean-Patrick Gille, à l’ancienne codirectrice du Festival d’Avignon, Hortense Archambault, et à l’ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle.Alors que le monde de la culture ne décolérait pas contre l’accord du 22 mars 2014 sur l’assurance-chômage, il s’agissait de sortir des crises à répétition et de trouver un cadre pérenne aux annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unedic.Dans sa hotte de Noël, le trio formule trois propositions que Manuel Valls va retenir et préciser lors de sa conférence de presse à Matignon, mercredi matin : la première consiste à inscrire dans la loi le principe d’un régime spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle.« Les annexes 8 et 10 demeurent dans la solidarité interprofessionnelle, et on ne crée pas de caisse autonome. En revanche, on inscrit le principe du régime spécifique dans la loi pour écarter toute menace sur sa disparition », indique Jean-Patrick Gille.Deuxièmement, les auteurs préconisent une nouvelle gouvernance : les partenaires sociaux détermineraient « l’enveloppe financière » des annexes 8 et 10 – en clair, le montant d’économies à réaliser –, mais laisseraient le soin aux professionnels du spectacle de fixer les règles.Enfin, ils plaident pour la création d’un fond pour l’emploi, lequel serait abondé par l’Etat, afin de structurer le secteur, favoriser la diffusion. Contacté par Le Monde, l’entourage du premier ministre ajoute qu’il sera demandé aux partenaires sociaux de préciser, dans chaque secteur, la liste des métiers éligibles aux contrats d’intermittence, d’ici à la fin de l’année 2015. « Faute de quoi, une liste sera arrêtée par décret », prévient-on à Matignon.« Guerre » des chiffresQuelle doit être la philosophie d’un régime d’indemnisation pour des professionnels qui alternent des périodes de travail (préparation d’un spectacle, tournage d’un film, concert…) et de chômage, auprès de différents employeurs ? Le régime spécifique, loin d’être un privilège, vise à compenser la précarité de leur activité.Le trio d’experts, dans son rapport intitulé « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », souligne que le retour aux 507 heures en douze mois « n’est plus un tabou » – alors que, depuis onze ans, le régime a été durci sans générer d’économies (à l’heure actuelle, les artistes doivent réaliser 507 heures en 10,5 mois, et les techniciens 507 heures en dix mois, pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation).« L’hypothèse d’un retour à un système de date anniversaire, associé à une période de référence de douze mois, doit pouvoir faire l’objet d’un examen dépassionné dans le cadre des futures négociations de l’assurance-chômage. C’est une revendication essentielle sur laquelle une large partie des interlocuteurs s’accordent au niveau professionnel, qui va dans le sens d’un cadre plus stable et plus sécurisant pour les salariés intermittents », écrivent les auteurs du rapport.Les travaux menés depuis six mois auront permis de mettre autour de la table des acteurs qui ne s’adressaient plus la parole, sauf pour mener la « guerre » des chiffres. Depuis la réforme contestée du 26 juin 2003, la Coordination – ainsi que la CGT-Spectacle, avec des nuances – clamait qu’un autre modèle était possible. En réponse, l’Unedic, alternativement présidée par le Medef et la CFDT, publiait des estimations démontant cet argumentaire.« Esprit de revanche »Or, la même Unedic a été mise à contribution dans le cadre de la mission de concertation, afin d’évaluer toutes les pistes de réforme, de manière inédite, c’est-à-dire en puisant dans sa formidable base de données. Pour rassurer les sceptiques ont été associés à ces travaux deux experts indépendants, Jean-Paul Guillot, économiste et auteur de deux rapports sur l’intermittence, et Mathieu Grégoire, maître de conférences en sociologie à l’université d’Amiens. Il en ressort, entre autres nombreux résultats, qu’un retour aux 507 heures en douze mois, « toutes choses égales par ailleurs », entraînerait un surcoût évalué entre 35 et 40 millions d’euros – loin des 170 millions d’euros avancés par l’Unedic en juin 2014.Mathieu Grégoire, sociologue : « L’Unedic a accepté de jouer le jeu »D’autres modèles ont été évalués, à la demande de la Coordination, de la CGT-Spectacle ou du syndicat d’employeurs, le Syndeac. Et il apparaît que la proposition de la Coordination est la plus économe : « Lors de la synthèse des travaux, en décembre 2014, au Conseil économique et social, à Paris, on a pu sentir la surprise des participants : le modèle de la Coordination génère les économies escomptées par les partenaires sociaux, à savoir une centaine de millions d’euros. Et son savant calcul de l’indemnisation journalière est vertueux, car il évite les effets de seuil », constate Jean-Patrick Gille. Mais l’heure n’est pas à fanfaronner : « On n’est pas dans un esprit de revanche », confirme Samuel Churin, porte-parole de la Coordination.Aux cinquante-deux pages du rapport s’ajoute un passionnant volume d’annexes (450 pages !), rempli de tableaux. Une belle tentative d’évaluation démocratique, qui témoigne par ailleurs de la complexité du dossier. Car il suffit de toucher à un paramètre pour ébranler l’édifice.Les opposants peuvent s’engouffrer dans la brèche. Ainsi, la numéro deux de la CFDT, Véronique Descacq, récuse l’estimation des 507 heures en douze mois : « Ces chiffres sont des mensonges qui ne tiennent pas compte des effets comportementaux », déclare-t-elle au Monde. Autrement dit, une réforme entraînerait, selon elle, des changements de comportements qui ne manqueraient pas d’alourdir les comptes de l’Unedic. La perspective que les partenaires sociaux renégocient sans tarder les annexes 8 et 10 n’est pas gagnée. Sachant que l’accord sera de toute façon renégocié en 2016. « On ne négociera pas avant 2016 », ajoute Véronique Descacq. En aparté, les auteurs du rapport estiment que le climat n’est pas mûr : il y aurait encore trop de divisions.Le contexteActuellement, les artistes doivent réaliser 507 heures en 10,5 mois, et les techniciens 507 heures en 10 mois, pour être éligibles au régime spécifique d’assurance-chômage. Ce modèle est hérité d’un accord de juin 2003 qui visait à durcir l’accès au régime, et a déclenché la colère des intermittents. L’accord du 22 mars 2014 a reconduit ce dispositif. De l’avis général, depuis onze ans, cette réforme a entraîné une précarisation croissante des salariés intermittents, sans permettre de réaliser des économies. Les intermittents ne prônent pas un retour pur et simple au dispositif antérieur à 2003, qui générait des effets pervers, mais militent pour les 507 heures en douze mois, avec examen des dossiers à date fixe, afin de sécuriser l’accès à l’indemnisation, et moyennant des mesures visant à réaliser des économies (plafonnement des indemnités, etc.).Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 06.01.2015 à 18h08 • Mis à jour le07.01.2015 à 09h41 | Emmanuelle Jardonnet (avec Sylvain Siclier) Une « Lettre à François Hollande » attribuée à Michel Sardou est partagée sur les réseaux sociaux depuis dimanche 4 décembre. L’intéressé a fait savoir dès lundi que c’était un faux sur son compte Facebook : (function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/en_US/all.js#xfbml=1"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs); }(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Post by Michel Sardou.Mardi matin, le chanteur diffusait un communiqué de presse succint pour dénoncer « une lettre ordurière et xénophobe », se déclarant « indigné » qu’on ait pu lui attribuer ces « propos infamants ». Il y précise qu’il « tient à exprimer son total désaccord sur les idées que contient ce brûlot ». Pierre Cordier, son attaché de presse, affirme qu’une plainte a été déposée auprès de la préfecture de police de Paris pour tenter de remonter à la source de ce « hoax » (canular).« Arrêtez tout, arrêtons d'être cons ! »Tout en propos haineux et raccourcis racistes, la lettre débute par : « Moi, l'Islam, je m'en tape le coquillard », et se conclut par : « En matière de culture, de civilisation, de valeurs, de religion, on a déjà ce qu'il faut en magasin, tu vois, et on n'a pas envie de changer. Clair ? T'as compris bonhomme ou il te faut un dessin ? ». Le ton ferait presque penser à un pastiche, sauf qu’aucun humour ou double-sens ne vient étayer cette possibilité. Le ou les auteurs de la lettre semble(nt) plutôt avoir voulu utiliser la notoriété du chanteur pour exposer leurs opinions au plus grand nombre.Si elle a pu semer le doute, et donc être autant partagée, c’est que cette lettre paraît faire écho à des propos tenus par le chanteur il y a quelques semaines, le 10 décembre, au Figaro (article payant). Interrogé sur l'interdiction d'une crèche dans un lieu public, Michel Sardou s'indignait : « On va peut-être interdire les bûches de Noël, aussi ? Au nom de la laïcité, détruisons les églises pendant qu'on y est, faisons de la cathédrale de Chartres une grande HLM. Supprimons le kippour, le ramadan. C'est n'importe quoi ! Je vais défiler tout seul de la Nation à République avec une pancarte “Arrêtez tout, arrêtons d'être cons !” » Dans cette même interview, où il déclarait : « La politique, je m'en tape ! », Michel Sardou se défendait d’être réactionnaire, se définissant plutôt comme « un homme libre, un anarchiste ».Le répertoire de Michel Sardou est actuellement mis sur le devant de la scène par La Famille Bélier, comédie d’Eric Lartigau sortie le 17 décembre, qui s’annonce comme le succès de l’hiver au cinéma. Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien/Aujourd'hui en France publié le 21 décembre, le chanteur est plébiscité par une majorité de Français, qui le considèrent à 88 % comme « un monument de la chanson française ». Mais il devrait selon eux moins parler politique : les personnes interrogées jugeaient à 55 % qu’il a tort de parler politique et sont, le plus souvent, en désaccord (65 %) avec ses prises de position.« Fiction »Depuis ses débuts à la fin des années 1960, Michel Sardou a régulièrement été au centre de polémiques. Par le choix de certaines chansons, qui évoquent des thèmes de type sujet de société, il se voit reprocher d'être populiste et nationaliste (J'habite en France, Les Bals populaires, Le temps de colonies...), homophobe (Le Rire du sergent), en faveur de la peine de mort (Je suis pour), anti-communiste (Vladimir Illitch) ou sexiste (Villes de solitude, Je vais t'aimer...).Dans un autre entretien accordé au Figaro, le 12 février 2012, il revenait sur ces diverses accusations, se définissant d’abord comme un interprète : « Quand je chante l'amour, on ne se demande pas si le texte est autobiographique. Alors qu'on m'identifie facilement à des paroles dérangeantes. En réalité, je joue un rôle, comme un comique ou un acteur. A aucun moment je ne pense à moi sur scène ou en studio. Chaque chanson est une petite fiction. »Emmanuelle Jardonnet (avec Sylvain Siclier)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 06.01.2015 à 11h33 • Mis à jour le06.01.2015 à 15h19 Edito du « Monde ». Pendant des décennies, personne n’a ignoré ce slogan publicitaire : « On trouve tout à la Samaritaine. » Le grand magasin de la rue de Rivoli, à Paris, a fermé ses portes en 2005. Mais le slogan reste parfaitement valable. On continue à tout trouver à la Samaritaine – en particulier ce cocktail de conservatisme, de juridisme et de frilosité qui accueille et entrave, plus que jamais, tout projet architectural un peu ambitieux dans la capitale.L’histoire est, hélas, aussi exemplaire que consternante. Rachetés par le groupe LVMH, les bâtiments de la « Samar » font l’objet, depuis des années, d’un important projet de réaménagement comprenant, sur 70 000 m2, un centre commercial, un hôtel de luxe, des logements sociaux et une crèche. Confié à la prestigieuse agence d’architecture japonaise Sanaa, ce projet a obtenu deux permis de construire, l’un pour la façade côté Seine, l’autre pour la façade de la rue de Rivoli. Il est soutenu par la Ville de Paris, les architectes des Bâtiments de France et le ministère de la culture. A terme, il devrait générer quelque 2 000 emplois.Mais il est combattu avec acharnement par deux associations – la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France et SOS Paris –, qui contestent, en particulier, le projet de façade rue de Rivoli, au nom du plan local d’urbanisme, qui impose l’insertion dans le paysage des constructions nouvelles. Ces plaideurs viennent de remporter une indéniable victoire juridique. En mai 2014, déjà, le tribunal administratif de Paris avait annulé le permis de construire, au motif qu’il ne respecterait pas le « tissu urbain existant ». En octobre, la cour administrative de Paris avait annulé cette décision et autorisé la reprise des travaux.Mais, réunie en formation plénière, cette même cour vient, à nouveau, le 5 janvier, d’invalider ce permis de construire. Se posant en arbitre des élégances architecturales et de la conservation du patrimoine, la cour estime que la façade en peau de verre ondulée proposée par Sanaa rompt l’alignement et la facture des façades haussmanniennes environnantes.Cette polémique serait clochemerlesque si elle n’était cruellement symptomatique de la tétanie architecturale parisienne. Il y a deux mois, c’était le projet de tour Triangle, à la porte de Versailles, qui était bloqué. Trop haute, trop coûteuse, trop en rupture avec le quartier, avaient plaidé des associations de riverains, soutenues en l’occurrence, et pour des raisons purement politiques, par la droite et les écologistes au Conseil de Paris. A la Samaritaine, c’est une façade qui est en cause. Et dès qu’un projet d’immeuble dépasse la hauteur canonique de 37 mètres, élus, riverains, associations de tout poil s’insurgent, contestent, condamnent et retardent les chantiers.La tour Triangle se casse le nez sur le secret d’un vote« On ne peut pas vouloir que Paris devienne une seconde Venise », disait récemment, dans ces colonnes, l’architecte Christian de Portzamparc. On souhaite, au contraire, qu’à l’instar de Londres ou de Berlin, elle reste une ville vivante, où se construit l’avenir.Christian de Portzamparc : « On ne peut pas vouloir que Paris devienne une seconde Venise » 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique 27.08.2015 à 09h51 • Mis à jour le27.08.2015 à 13h44 | Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Francis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin)) Pas à un paradoxe près, le festival Météo à Mulhouse ouvre ses portes par le blues. « Blues attitude » et corps compris, en la personne de James Blood Ulmer : coiffe africaine, complet, boots écaillées, monture de lunettes dans la même tonalité blonde que sa Gibson millésimée 1962. Voilà quelques années qu’il ne voyage plus avec son trésor, la Byrdland noire 1953 avec laquelle il accompagnait Ornette Coleman dès 1971.De quoi remettre en place tous les clichetons – et sur le blues, et sur le jazz, et sur le free jazz. Ce qui a toujours marqué l’objectif du remarquable festival Météo, à qui il faudrait, Sisyphe de la musique improvisée, inlassablement faire ses preuves. Un exemple ? Les stages de Météo sont confiés à Beñat Achiary, vocaliste des vallées, et Fred Frith, aventurier de la six–cordes. Les connaisseurs apprécieront : pour qui prendrait Météo pour un festival de « djazz », ce serait comme confier naguère le stage de poterie à Basquiat et Rebeyrolle.Rodolphe Burger et la bande de StrasbourgJames Blood Ulmer est né le 2 février 1942 à Saint Matthews, Caroline du Sud. Guitariste et chanteur de blues, ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il fend l’orthodoxie de transgression. Tous le font, en vérité, mais l’industrie du disque et du spectacle se chargent de les recadrer. Lui, il est rare de l’entendre en solo. Exercice que lui a offert pour la première fois Rodolphe Burger, chanteur et guitariste de Kat Onoma, la bande de Strasbourg.L’épouse autrichienne de James Blood Ulmer guide ses pas. Rodolphe Burger l’escorte : ils ont joué ensemble. Là encore, on n’est plus dans les espaces à deux dimensions plan-plan. Diplômé en philosophie, Rodolphe Burger a animé un séminaire très suivi, au collège de philosophie, sur « la question du lyrisme ». Sinon, c’est un type au sourire très doux, un corps de bûcheron au visage d’ange.A la guitare, il a un jeu d’Edelweiss, le sublime planeur millésimé 1962 comme la Gibson de notre bluesman, et l’amour des réverbérations : accompagnant aussi bien Eugène Savitzkaya, qu’Erik Truffaz, Bashung, Alferi, Higelin, Teyssot-Gay ou James Blood Ulmer. A Sainte-Marie-aux-Mines, il crée en 2000 le festival C’est dans la vallée, confrontant musiques électroniques, blues, jazz, rock, tout ce qui échappe. En mars 2010, il donne son Cantique des cantiques & hommage à Mahmoud Darwich, pour Bashung et le poète palestinien ensemble. Bluesman des profondeurs du sudToutes ces digressions pour saisir la philosophie, je pèse mes mots, qui préside à Météo depuis quarante ans, sous la houlette de Paul Kanitzer, puis Adrien Chiquet, et, désormais, Fabien Simon. Météo, un des signes culturels majeurs de Mulhouse avec le musée de l’automobile et celui du train : son ouverture par James Blood Ulmer en solo a valeur de signe.Sans doute, sa carrière classique plaide pour lui – Jazz Messengers, d’Art Blakey, John Patton ou Larry Young, organistes B3, Joe Henderson –, mais on y croise aussi Rashied Ali, le dernier batteur de Coltrane, Paul Bley, l’initiateur majeur, Sam Rivers ou Julius Hemphill.Sans qu’il change rien à son jeu de bluesman des profondeurs du sud (Charleston, dont on a péniblement eu à parler ces derniers temps, est une des grandes villes de la Caroline du Sud), James Blood Ulmer est pourtant de quatre cents coups atypiques. Notamment aux côtés d’Ornette Coleman, dont la pratique, de l’« harmolodie », théorie qui continue de faire rire les demi-niais, lui va comme un gant. La musique traquée à la source de la pensée, à sa vitesse même, et par temps de chance, capable de la rattraper. Voir Free Jazz, d’Ornette Coleman en double quartet, et toute la musique palpitante de ces soixante dernières années. Voix rauque et veloutéeEn une longue suite de douze chansons, style de récitatif à la voix rauque et veloutée, James Blood Ulmer enchaîne My Woman, Harmolodic Kisses (pour Ornette), Devil (pour Robert Johnson), quelques airs cruellement autobiographiques avec le sourire (It’s a Damn Shame, Where did All The Girls Come from), un fragment d’histoire, méli-mêlo de compositions de Muddy Waters, B.B. King et Eric Clapton (Survivors of the Hurricane), plus deux mystères, President of Hell et Are You Glad to be in America. Tout d’une tension et d’un trait impressionnants, la grâce même, surtout dans un petit théâtre à l’italienne (Théâtre de la Sinne), l’écrin adéquat.Ulmer, c’est de cette trempe. La vérité, l’atroce et douce vérité du blues, dans un recueil aux airs de Fleurs du Mal, avec Ornette et Rodolphe Burger en épigraphe. Le blues, c’est la forme sophistiquée la plus simple d’apparence et la plus productive du monde. Comme le sonnet, de Shakespeare à Marcel Thiry. Pas de jazz sans le blues, même s’il y a du blues sans jazz. Qu’il porte à bout de bras Météo, dont la fermentation remonte aux années 1968 et la première édition (en 1986), Jazz à Mulhouse, est la meilleure nouvelle des derniers festivals de l’été. Ici défilent les défricheurs de toute l’Europe du nord, les Britanniques, les bizarres, les extravagants, les hétérodoxes, ceux qui ont la peau dure et la langue hors la poche, les sans étiquettes, les trublions, les turbulents, comme un ciel d’Alsace : cette promesse de la météo.Concerts dans plusieurs salles : Okkyoung Lee Solo (violoncelle) à la Chapelle Saint-Jean à 12 h 30, Olivier Benoit et Guionnet duo + Martin Brandlamyr solo à l’Entrepôt (17 h 30 et 18 h 30), soirée free (Rebetika, Evan Parker, Barry Guy, Caspar Brötsmann) à l’ineffable Noumatrouff, salle rock (27 août) ; Evan Parker electroacoustic Nonet, Fred Frith & Lotte Anker, James Chance & Les Contortions (28 août) ; Fred Frith, Barry Guy, Daniella Cativelli, Samuel Düshler, plus Onom Agemo & The Disco Jumpers à partir de minuit (29 août). www.festival-meteo.frFrancis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin))Journaliste au Monde Macha Séry Double plaisir de la franchise. Il serait tentant de honnir la suite de la saga Millénium. Par prévention contre l’auteur, David Lagercrantz, qui aurait impudemment mis ses pas dans ceux d’un fantôme, le dénommé Stieg Larsson. Quand les ayants droit d’Agatha Christie ont attendu près de quarante pour autoriser une nouvelle aventure d’Hercule Poirot (Meurtres en majuscules, de Sophie Hannah, Le Masque, 2014), ceux du journaliste et écrivain suédois Stieg Larsson, mort d’une crise cardiaque en 2004, ont sauté le pas, à peine onze ans plus tard.En outre, les décisionnaires de ce prolongement romanesque sont les héritiers légaux mais illégitimes, motivés sans doute par le profit, quoiqu’ils aient affirmé qu’ils reverseraient les droits d’auteur à Expo, la revue que Larsson avait cofondé avec sa compagne Eva Gabrielsson dont il a partagé la vie pendant trente-deux ans. Spoliée, faute d’être mariée, des fruits du succès que constitua, après sa mort, la publication de la trilogie Millénium (80 millions d’exemplaires vendus dans le monde), qui lança la vogue pour le polar nordique, elle fut surtout privée de toute autorité morale sur l’œuvre d’un homme dont elle avait partagé idéaux et passions.Lire aussi :Eva Gabrielsson : « L’œuvre de Stieg Larsson, une industrie »Lisbeth Salander à l’assaut de la NSAPar solidarité, une partie de l’intelligentsia suédoise appelle, de ce fait, à boycotter ce quatrième tome, qui sort, ce jeudi 27 août, simultanément dans trente pays. Sauf que, sauf que… Ce qui ne me tue pas (presque un slogan pour conjurer les critiques et les anathèmes), de David Lagercrantz, est un livre réussi. Tout en se tenant écarté de l’imitation stylistique, il ne trahit pas l’univers romanesque de Stieg Larsson. On retrouve ici la révolte contre l’injustice, la quête de vérité face à un mensonge soigneusement entretenu, le devoir de transparence face à l’opacité des réseaux criminels et des conspirations politiques.Lagercrantz a choisi comme trame principale l’espionnage technico-industriel et la surveillance électromagnétique (téléphone et Internet), conduits à grande échelle par l’organisme fédéral du renseignement américain, la National Security Agency (NSA), dont Lisbeth Salander va pirater l’intranet. Elle va, autrement dit, voler l’or de Fort Knox. Les « grandes oreilles » des Etats-Unis enregistrent chaque jour vingt millions de messages échangés à travers le monde. Or, « celui qui surveille le peuple finit à son tour par être surveillé par le peuple », prévient l’héroïne. Autre motivation : s’approprier les données dont l’agence de contre-espionnage dispose pour pister un réseau criminel.La même révolteIl fallait, pour réussir l’hommage à Stieg Larsson, un sujet fort, ancré dans l’actualité et le débat d’idées. Si différents soient-ils, Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist, tels qu’on les a découverts il y a dix ans, partagent la même révolte et un fort sentiment de responsabilité citoyenne. Doit-on sacrifier une partie de nos libertés individuelles par peur du terrorisme ? Qui est en mesure de garantir que l’exploitation des données ainsi obtenues ne sera pas frauduleuse, voire meurtrière ?Ici, un éminent chercheur suédois, spécialiste de l’intelligence artificielle, petit génie des codes-sources et des réseaux neuronaux, idole des geeks, quitte précipitamment la Silicon Valley et rentre au pays. La raison ? S’occuper de son fils de 8 ans, lourdement handicapé, qu’il a délaissé de nombreuses années. Il omet de se formuler à lui-même qu’il fuit les tracas. Il a en effet découvert que, dans la société pour laquelle il travaille, certains spécialistes ne sont ni plus ni moins des voleurs et des plagiaires, liés à une organisation criminelle.« Assis sur une bombe »Avec la complicité d’hommes politiques, pour attiser les conflits sociaux et les tensions communautaires, les chefs de ce mystérieux réseau emploient sur le terrain d’anciens soldats d’élite. A terme, ils envisagent de porter atteinte aux intérêts économiques nationaux. En clair, l’homme est « assis sur une bombe ». La nuit où il doit rencontrer Mikael Blomkvist afin de lui faire part de ses inquiétudes, il est trop tard. Il vient d’être abattu à son domicile et son ordinateur confisqué.Outre une narration efficace, David Lagercrantz manie bien l’entrelacs de scènes et l’alternance des points de vue. Il brosse également des portraits convaincants. L’un des plus touchants est celui du garçonnet, autiste, reclus dans son mutisme et unique témoin du meurtre de son père.L’auteur de l’autobiographie de ZlatanDavid Lagercrantz, l’auteur de ce thriller, a une carrière de romancier en Suède, mais n’a jamais été traduit à ce titre en France. Il s’est surtout taillé un nom en signant Moi Zlatan Ibrahimovic. Mon histoire racontée à David Lagercrantz (JC Lattès, 2013), autobiographie du joueur vedette du PSG qui fut en lice pour le… Goncourt suédois et s’exporta partout.Une suite littéraire envoie toujours des signaux contraires. D’un coté, les romanciers qui s’y emploient, admirateurs de l’œuvre de leur aîné(e), trouvent là un moyen de payer leur dette en reprenant le flambeau. De l’autre, c’est aussi reconnaître que l’art est industrie, que Millénium est, de facto, devenue une marque déclinable, à l’écrit comme à l’écran.SoulagementEn ce sens (commercial), il y a précisément un plaisir de la franchise : conjuguer les retrouvailles, donc le connu, à la découverte d’une intrigue imprévisible, ici souvent haletante. Les fans d’un écrivain éprouvent une singulière satisfaction lorsqu’ils reçoivent, après un long silence, des nouvelles de personnages aimés.Comment ne pas continuer d’adorer le tandem d’intransigeants formés par la punkette, hackeuse de génie, et la gloire vieillissante du journalisme d’investigation ? Lagercrantz va même plus loin en remettant en scène – presqu’en selle – des caractères secondaires, auxquels on s’est aussi attaché : la rédactrice en chef Erica Berger, l’inspecteur Jan Bublanski (qui a pris du grade) et sa proche partenaire Sonja Modig, le policier Hans Faste, le procureur Richard Ekström, Plague de la Hacker Republic...Au passage, le romancier poursuit l’interrogation sur l’évolution de la presse écrite amorcée par son modèle. De nouveau mais autrement – onze ans ont passé –, elle prend la forme d’un combat de David contre Goliath. Comment préserver son intégrité journalistique à l’heure de l’influence toute-puissante des réseaux sociaux, de la progression des sujets people et du déclin quasi-inexorable des journaux ? Une seule issue : la qualité de l’information.Quand s’ouvre Ce qui ne me tue pas, la revue Millenium, qui porte haut les couleurs de l’enquête au long cours et du journalisme narratif, a été recapitalisée par un empire médiatique, fait de chaînes de télé et de tabloïds, qui détient en échange 30 % des parts du journal. Il serait temps d’entreprendre des réformes, d’être plus tempérant, de songer à la conversion numérique. Peut-être serait-il aussi temps, laissent entendre les nouveaux patrons, que Mikael Blomkvist, cet empêcheur de tourner en rond, admiré mais finalement has-been, prenne du champ.Dans Ce qui ne me tue pas, le journaliste-détective prend un malin plaisir à prouver le contraire, nouvelle enquête et nouveau scoop à la clé. Qu’on ne s’inquiète pas pour eux : Mikael Blomqvist est un dur à cuire et Lisbeth Salander une redoutable pugiliste.Millénium 4. Ce qui ne me tue pas (Det son inte ödar oss), de David Lagercrantz, traduit du suédois par Huge Roel-Rousson, Actes Sud, « Actes noirs », 490 p., 23 €.RepèresStieg Larsson (1954-2004). Militant d’extrême gauche (il rencontre Eva Gabrielsson à 18 ans lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam), il se forme au journalisme dans des publications trotskistes.En 1995, il établit la Fondation Expo dans le but d’étudier et de dénoncer les progrès de l’extrême droite en Suède. Il en dirige la revue, Expo. Son influence peut se mesurer aux nombreuses et sérieuses menaces de mort qu’il reçoit dès lors.L’écriture de thrillers, a-t-il pu dire, est pour lui un moyen de se détendre.Il meurt à 50 ans d’une crise cardiaque, laissant, achevés mais non publiés, trois tomes de la série Millénium, sur dix qu’il aurait envisagé d’écrire. 2005-2007 Parution en Suède des trois tomes de Millénium, qui mettent en scène les investigations du journaliste Mikael Blomkvist et d’une jeune femme hors du commun, Lisbeth Salander.2006-2007 La trilogie paraît en France, chez Actes Sud.2008-2009 Elle paraît en anglais.2009 Millénium est adapté au cinéma en Suède (avec Michael Nyqvist et Noomi Rapace).2011 Sortie de l’adaptation américaine du premier tome de Millénium (réalisé par David Fincher, avec Daniel Craig et Rooney Mara).Début 2015 Selon Time Magazine, les ventes mondiales de la trilogie ont atteint 80 millions d’exemplaires.Août 2015 Parution mondiale de Millénium 4. Ce qui ne me tue pas, de David Lagercrantz (en France chez Actes Sud).Macha SéryJournaliste au Monde Renaud Machart Série sur Canal+ à 20 h 58 Adaptée de la trilogie de Blake Crouch, la série « Wayward Pines » est un superbe alliage d’horreur et de science-fiction.Ethan Burke, agent fédéral américain, part à la recherche d’une collègue mystérieusement disparue alors qu’elle enquêtait à Wayward Pines, petite ville provinciale charmante et proprette de l’Idaho. Victime d’un accident d’automobile, Ethan se retrouve à l’hôpital de Wayward Pines, sans téléphone portable, ni effets personnels. Alors qu’il tente de les récupérer, il se rend compte qu’il est prisonnier de ce qui se révèle peu à peu être une inquiétante citadelle peuplée d’étranges habitants sous le joug d’une puissance supérieure et passablement fascisante.Ethan découvre bientôt les sept règles de ce trompeur « paradis chez soi » : « Profitez de la vie ; soyez heureux ; travaillez dur ; répondez toujours au téléphone ; ne parlez pas du passé ; ne parlez pas de votre vie d’avant ; n’essayez pas de partir. » Monstres, angoisse et science-fiction sont les adjuvants-chefs de ces dix épisodes, conçus par Chad Hodge d’après la trilogie de l’auteur américain Blake Crouch (dont le premier tome est publié par J’ai Lu, traduit de l’anglais par Patrick Imbert, 286 p., 14,90 euros) et partiellement produits et réalisés par M. Night Shyamalan (réalisateur du Sixième sens, sorti en 1999). Canal+ n’a pas raté son coup de rentrée : « Wayward Pines » est scotchante, à tout point de vue, et remarquablement interprétée, notamment par Matt Dillon (Ethan Burke), qui fait un retour marquant à l’écran.Terrifiants possiblesEvidemment « Wayward Pines » lance d’éloquents clins d’œil à des séries aux thématiques connexes. Avant tout au « Prisonnier » (1967-1968), de George Markstein et Patrick McGoohan : un agent secret est enlevé, après avoir été gazé, et se retrouve dans un village aux apparences idylliques, festives et bariolées, mais dont il ne parvient pas à s’échapper. Les auvents à rayures, la fête foraine, le plan des lieux (bordés de montagnes), l’amphithéâtre scolaire, le poste de surveillance filmée sont, dans « Wayward Pines », d’évidents signes d’hommage à la légendaire série britannique. Et, comme Numéro 6, le héros du « Prisonnier », Ethan revient toujours à son point de départ, quelles que soient les ruses dont témoigne son art consommé de la fugue.Impossible de ne pas penser non plus à « Lost » (2004-2010), de J. J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber, mais il est une autre production télévisée, plus récente, qui aura marqué l’auteur de la trilogie littéraire et ses adaptateurs. Blake Crouch écrit, en postface du premier tome de Wayward Pines : « Le 8 avril 1990, “Twin Peaks”, la série culte de Mark Frost et David Lynch, a débarqué sur les écrans de télévision. (…) J’avais 12 ans, et je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti en regardant cette série décalée, située dans une ville inquiétante, où rien ne semblait à sa place. »L’écrivain nord-américain dit, ensuite, sa frustration générée par la « fin abrupte » de « Twin Peaks » ; celle de « Wayward Pines » ne l’est pas moins. Mais elle offre, en guise de coda lourde de terrifiants possibles, l’éventualité d’une saison supplémentaire. M. Night Shyamalan, interrogé le 23 juillet par Deadline.com, ne promet, ni n’exclut : « Nous pensons à quelque chose et en avons discuté. C’est tout ce que je dirai. »On déconseillera de lire ledit entretien, qui contient cet avertissement nommé « Spoiler Alert » : « Cet article contient des détails sur l’épisode final de “Wayward Pines”. » Pas celui-ci.« Wayward Pines », de Chad Hodge et M. Night Shyamalan. Avec Matt Dillon, Carla Gugino, Melissa Leo (EU, 2015, 10 × 42 min). Jeudi 27 août, à 20 h 58, sur Canal+.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.08.2015 à 11h15 Claude Cabanes, ancien rédacteur en chef de L’Humanité, est mort mardi 25 août à l’âge de 79 ans des suites d’un cancer, ont annoncé son fils et l’actuel directeur du journal communiste, Patrick Le Hyaric.« Pour nous, c’est une des grandes figures de L’Humanité qui part. C’étaient une voix et un style particulier. Il ciselait les mots et les utilisait comme des armes, au bon sens du terme », a déclaré Patrick Le Hyaric à propos de cet homme « chaleureux, très cultivé et toujours à l’affût de l’information ».Né le 29 avril 1936 à Toulouse, Claude Cabanes, licencié en droit, adhère au Parti communiste français en 1962, au lendemain de la guerre d’Algérie, qui l’a profondément révolté. Il devient permanent du parti en 1968. Puis il entre en 1971 comme rédacteur à l’hebdomadaire communiste L’Humanité Dimanche, dont il sera successivement chef du service culturel (1973), adjoint au chef du service politique (1975), puis rédacteur en chef adjoint (1976).Plume militanteDeux ans plus tard, Claude Cabanes assume les mêmes fonctions au quotidien L’Humanité, avant d’être nommé, à la fin de 1981, chef du service culturel des deux publications du PCF.En 1984, Claude Cabanes remplace René Andrieu comme rédacteur en chef. Il le sera durant seize ans, avant d’être écarté, à la fin de 2000, au moment où le collège exécutif du PCF décide un plan de restructuration du journal, en proie à de sérieuses difficultés financières.Connu pour sa plume militante, au service du parti, Claude Cabanes a souvent été qualifié de sectaire par ses détracteurs. Passionné par les mots et par l’écrit en général, il était devenu en 2000 éditorialiste et chroniqueur. Il a publié un livre d’inspiration autobiographique, Le Siècle dans la peau (2005), et un Eloge de la vulgarité (2011).Lire l'interview de Claude Cabanes à propos de son premier roman en 2005 Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Martine Delahaye Série sur TF1 à 20 h 50 La saison 2 de « Blacklist » s’offre comme un divertissement plutôt répétitif Cela devait faire quelque vingt-cinq ans que l’ex-agent gouvernemental Raymond Reddington était devenu l’un des hommes les plus recherchés du pays. Jusqu’à ce qu’un jour, inopinément, en tout début de première saison, il se livre lui-même au FBI, pour faire une offre qui ne se refuse pas : il aidera le « Bureau » à découvrir les réseaux mafieux les plus secrets et les terroristes les plus ingénieux (avec lesquels il a sans doute opéré par le passé, dans le monde entier), si et seulement si on le laisse épauler la toute jeune recrue de l’Agence, Elizabeth Keen, spécialiste du profilage…Après moult réticences, bluffé par l’exactitude des premiers renseignements fournis par Reddington (dit « Red », ou le « concierge du crime »), le FBI accepte son « marché », et va s’appuyer sur sa longue fréquentation des criminels de l’ombre pour s’attaquer à l’un d’entre eux à chaque épisode ou presque, en saison 1 comme en saison 2. Ray Reddington a en effet en tête une très longue « liste noire » de personnages qui tirent les ficelles du monde en sous-main, ou qui menacent l’intégrité du continent, et qu’il a intérêt, tout autant que le FBI, à neutraliser ou à faire disparaître. Quant aux raisons qui l’amènent à vouloir travailler en duo avec une jeune profileuse inexpérimentée, la série continue de les distiller au compte-gouttes en cette saison 2, nouant un suspense au long cours sur ce qui lie ces deux personnages (serait-il son père ? ne serait-elle qu’un jouet qu’il peut manipuler à sa guise ?)…Souvent risibleLes affiches de « The Blacklist », avec l’acteur James Spader (interprète de Ray Reddington) en gros plan, inondaient les rues de New York, à la fin de l’été 2013, pour annoncer le lancement de la première saison. Il faut dire que le réseau télévisé NBC misait beaucoup sur ce nouveau feuilleton pour s’assurer vingt-deux semaines de belles rentrées publicitaires. Or la saison 1 fut un succès, aux Etats-Unis mais aussi en France, lorsque TF1 diffusa la première saison un an plus tard, à l’automne 2014. Réintitulée « Blacklist » par la Une, la série a même connu un pic de visionnages de rattrapage, en France, à la mi-saison. Il faut dire que TF1 diffusant trois épisodes de « Blacklist » à la suite (le troisième se terminant vers 23 h 30…), de plus en plus de spectateurs suivent ce dernier épisode en différé, dans la semaine qui suit.Plus encore que la saison 1, cette deuxième saison se veut un pur divertissement, ses intrigues cherchant à imiter le savoir-faire des créateurs de « 24 heures chrono », et son rythme obligeant à renoncer à toute attente de réalisme et même à tout sens critique. Plus encore qu’en première saison, les événements s’enchaînent à grande vitesse, les agents du FBI devinant eux-mêmes en un éclair les objectifs et les cibles des criminels recherchés, et Ray Reddington ayant un tel don de divination autant que d’ubiquité que cela en devient souvent risible.Si l’on apprend un tout petit peu plus, au cours de cette saison 2, sur les liens qui peuvent avoir existé entre Reddington et l’agent du FBI Elizabeth Keen, si certains personnages deviennent attachants à mesure de leur approfondissement, on remarquera surtout combien, comme dans nombre d’autres séries américaines, le plus grand ennemi des Américains ne vient pas d’un sol étranger, mais bien de l’intérieur de ses institutions…« Blacklist », saison 2, série créée par Jon Bokenkamp. Avec James Spader, Megan Boone, Diego Klattenhoff, Ryan Eggold, Harry Lennix (EU, 2013, 22 x 42 min). Trois épisodes par soirée le mercredi. A 20 h 55, sur TF1.Martine DelahayeJournaliste au Monde 26.08.2015 à 09h19 • Mis à jour le26.08.2015 à 09h42 Le premier texte en prose de l’auteur du Seigneur des anneaux, John Ronald Reuel Tolkien, paraitra jeudi 26 août au Royaume-Uni, aux éditions HarperCollins. Cette nouvelle inachevée, annonciatrice de ses ouvrages les plus connus, a été écrite entre 1914 et 1915, alors que J.R.R. Tolkien était encore étudiant à l’université d’Oxford.The Story of Kullervo s’inspire du destin tragique dudit Kullervo, un personnage légendaire finnois. Passionné par les langues anciennes, le jeune Tolkien s’était intéressé à un recueil d’anciens récits finnois, le Kalevala, où est relatée cette histoire.Avec ce récit, « c’est la première fois que J.R.R. Tolkien, jusqu’alors un poète, se lance dans l’écriture d’un texte en prose », explique Vincent Ferré, professeur de littérature comparée à l’université Paris-Est. « On peut dire que Tolkien fait ses gammes », estime ce spécialiste de l’auteur, qui voit dans ce texte « un exercice de style de jeunesse ». « Il laissera finalement ce récit de côté, sans l’achever, pour passer à l’écriture de textes plus personnels et originaux. »Sa « première œuvre mythique en prose »L’Histoire de Kullervo avait été publiée en 2010 dans le journal académique Tolkien Studies par l’universitaire Verlyn Flieger, qui l’avait recopiée du manuscrit écrit au crayon par Tolkien et conservé à la célèbre bibliothèque Bodleian, à Oxford. Après avoir demandé l’accord des héritiers de Tolkien, Mme Flieger a travaillé avec l’éditeur des œuvres de Tolkien, HarperCollins, pour élaborer cette édition qui contient également des notes de l’écrivain. Elle sera publiée fin octobre aux Etats-Unis.« C’est sa première œuvre mythique en prose et donc un précurseur de tout ce qui vient après. C’est aussi indéniablement son œuvre la plus sombre, qui préfigure les aspects les plus ténébreux de son monde inventé », explique-t-elle.Kullervo est ainsi « l’une des sources de Turin Turambar, un personnage central dans la mythologie de Tolkien, futur héros des “Enfants de Hurin” et d’un des chapitres du “Silmarillion” : les deux sont maudits, leur père a connu un destin tragique, victime d’un personnage puissant aux pouvoirs magiques », explique M. Ferré. Le Silmarillion, qui fut publié en 1977 à titre posthume, est une saga dans le cadre de laquelle s’inscrivent les histoires du Hobbit et du Seigneur des anneaux.Plusieurs autres manuscrits de Tolkien ont été publiés ces dernières années, dont Les Enfants de Hurin en 2007, La Légende de Sigurd et Gudrún en 2009 et La Chute d’Arthur en 2013. D’après Mme Flieger, il existe encore beaucoup d’écrits de l’auteur non publiés et conservés à la Bodleian, principalement « ses conférences et notes de lectures ainsi que des écrits plus courts ».Lire : Tolkien : mythologie des Anneaux Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Piquer (Madrid, correspondance) Entreposé au musée Reina Sofia depuis le 11 août, le tableau de Picasso Tête de jeune fille – confisqué au banquier espagnol Jaime Botin, suspecté de vouloir le vendre en Suisse malgré l’interdiction de Madrid – attend que la justice espagnole se décide sur son sort. « On ne sait pas pour combien de temps. Pour l’instant, il reste ici bien emballé » pendant que la Guardia Civil mène son enquête, explique l’une des porte-parole du musée madrilène.L’affaire commence le 31 juillet. La douane française saisit l’œuvre dans le port de Calvi (Haute-Corse), alertée la veille par le dépôt à Bastia d’une demande d’autorisation d’exportation vers la Suisse.La justice espagnole considère le tableau comme un « trésor national qui ne peut en aucun cas être sorti du pays »Le tableau, d’une valeur estimée à 25 millions d’euros, se trouvait à bord de l’Adix, un superbe trois-mâts de 65 mètres de longueur, battant pavillon britannique, propriété de M. Botin par le biais d’une compagnie domiciliée à Guernesey. Le banquier n’était pas présent à bord du yacht et le capitaine du navire n’a pu présenter qu’un document d’évaluation de l’œuvre. Dépêchés sur place, des policiers espagnols et une conservatrice du musée ont récupéré le tableau, onze jours plus tard.Cela faisait déjà plusieurs mois que l’unité de la Guardia Civil chargée de la protection du patrimoine surveillait l’Adix, voilier d’habitude ancré au port espagnol de Valence. Depuis mai, l’Audience nationale, l’une des plus hautes cours de justice espagnoles, considérait le tableau comme « un trésor national qui ne pouvait en aucun cas être sorti d’Espagne », un bien culturel « inexportable » car « il n’en existe pas de similaire » dans le pays.Tournant crucialPicasso peint la Tête de jeune fille en 1906, pendant la période dite de « Gosol », un petit village des Pyrénées catalanes où l’artiste s’installe durant quelques mois avec sa compagne, Fernande Olivier. Il commence tout juste à vivre de son travail et vient de vendre Famille d’acrobates avec un singe à Leo Stein, qui lui achètera d’autres œuvres. Ces ventes lui permettront de sortir de la misère du Bateau-Lavoir, l’immeuble dans lequel il habitait à Paris.« Le tableau est en bon état, confirme le musée Reina Sofia, il a été examiné lorsque les agents espagnols l’ont récupéré en Corse. » Le musée, où est exposé le tableau Guernica, ne cache pas qu’il aimerait bien conserver l’œuvre, même s’il n’en a pas fait la demande officielle.Difficile de savoir ce qui a le plus choqué les Espagnols dans cette histoire : qu’une œuvre majeure de Picasso soit restée pendant si longtemps à bord d’un yacht ; ou que l’un des membres de la famille Botin, la grande dynastie de banquiers espagnols – M. Botin, 79 ans, est l’oncle d’Ana Patricia Botin, l’actuelle présidente du Santander, la première institution financière du pays –, ait essayé de l’envoyer en Suisse, malgré l’interdiction de Madrid.Le contentieux remonte à décembre 2012. C’est alors que la maison de vente aux enchères Christie’s demande, au nom de M. Botin, la sortie du tableau pour pouvoir le vendre à Londres. En juillet 2013, le ministère de la culture espagnol refuse et déclare que le bien ne peut être exporté car il illustre « une étape de Picasso clairement influencée par l’art ibérique ». Un tournant crucial « non seulement pour le cubisme mais pour l’évolution postérieure de la peinture du XXe siècle ».ContradictionUne loi espagnole de 1985 indique que l’Etat peut « récupérer des biens illégalement exportés » s’ils sont inscrits au registre du Patrimoine historique, ce qui n’est pas le cas du tableau de la Tête de jeune fille.C’est ce que critiquent les avocats du M. Botin, soutenant que le tableau n’a pas été officiellement déclaré « comme faisant partie du Patrimoine ». Il ne serait pas soumis au droit espagnol, car il a été acheté à Londres en 1977. Ils ajoutent que, « depuis des années, le tableau se trouve en permanence à bord d’un bateau à pavillon britannique, qui constitue un territoire étranger à tous les effets, même quand il accoste dans des ports espagnols ».Les autorités de Madrid rejettent ces arguments et rappellent que M. Botin n’a acheté son voilier qu’à la fin des années 1990.Si les avocats « disent que le tableau a été acheté à l’étranger et qu’il y a toujours demeuré, pourquoi ont-ils demandé un permis d’exportation ? C’est une énorme contradiction, indique Javier Garcia Fernandez, professeur de droit constitutionnel à l’université Complutense de Madrid, au quotidien numérique El Confidencial. A partir du moment où l’on sollicite une autorisation pour exporter un bien, qu’on se la voit refuser et que l’on mène l’affaire devant un tribunal espagnol, on reconnaît qu’il appartient à l’Espagne ».Isabelle Piquer (Madrid, correspondance)Journaliste au Monde 25.08.2015 à 18h11 • Mis à jour le26.08.2015 à 06h55 | Alexis Delcambre Sandrine Treiner, 50 ans, présente à France Culture depuis 2010, a été choisie, mardi 25 août, pour succéder à Olivier Poivre d’Arvor, évincé de la direction de la chaîne publique en juillet.Comment se porte France Culture, un mois et demi après l’éviction de votre prédécesseur, Olivier Poivre d’Arvor ?La chaîne s’est tout simplement remise à faire de la radio. L’année a été lourde pour les antennes, avec beaucoup de fatigue et de tensions accumulées. Cela nous a donné le désir de se remettre au cœur de notre pratique. Notre grille d’été a été marquée par de beaux moments de radio : des séries d’été, de grandes traversées... dans une sorte de calme après la tempête.Olivier Poivre d’Arvor est parti dans des conditions houleuses...Je suis arrivée à France Culture il y a cinq ans car il est venu me chercher. Je lui dois mon arrivée et les cinq années où j’ai appris ce qui me permet aujourd’hui d’être directrice. Nous formions une équipe très soudée, avec de bons résultats. Au-delà de la rupture avec Olivier Poivre d’Arvor, la confiance a été donnée à la continuité.Il y avait d’autres choix ?Je l’ignore, et j’ai passé l’été à travailler pour que l’antenne soit bonne.Comment voulez-vous désormais faire évoluer France Culture ?Ce qui est formidable dans notre chaîne, c’est qu’on sait qui on est, pourquoi on existe et pourquoi on fait ce qu’on fait. Cela nous autorise des pas de côté par rapport à nos champs identitaires. C’est ce qui éclaire nos choix pour cette rentrée. Ainsi le duo que forment entre 19 et 20 heures Martin Quenehen et Mathilde Serrell : d’un côté une voix présente depuis longtemps à l’antenne, et de l’autre quelqu’un venant bousculer cette évidence, issue d’un autre univers, plus jeune et décalé, celui de Radio Nova.Vous allez devoir vous passer de Marc Voinchet, qui quitte la matinale pour la direction de France Musique...Il ne pouvait en effet pas faire les deux ! Le succès de notre matinale est avant tout lié à notre approche distanciée de l’actualité. Si on prend du recul, nous avons eu un excellent matinalier avec Nicolas Demorand. Quand il est parti, Ali Baddou l’a remplacé et a renforcé la matinale. Puis ce fut au tour de Marc. Alors je n’ai pas de doute sur le fait que Guillaume Erner contribuera à développer encore ce rendez-vous. Il vient de France Inter mais il incarne pleinement l’esprit de France Culture, il a son brevet en sciences sociales et aime aussi vagabonder !Après avoir atteint un record, à 2,3 %, l’audience cumulée de France Culture a baissé au printemps, à 1,8 %. Inquiétant ?Nous avons été la station la plus touchée par la grève de mars-avril, en restant à l’arrêt 28 jours. Ils est donc normal que la mesure d’audience ait été touchée. En réalité, si on regarde la période de sondage Médiamétrie, après la grève, notre audience était remontée à un niveau comparable à celui de janvier/mars.A vos yeux, qu’a révélé cette grève si suivie à France Culture ?Avant tout un état d’inquiétude. Les médias sont des révélateurs de la société qui les entoure et nous avons été touchés à notre tour par la peur du déclassement. En interne, le conflit a montré la nécessité de revoir des éléments d’organisation, de circulation de l’information, d’association des personnels et des partenaires sociaux aux projets du groupe.Toute la direction s’est depuis attelée à améliorer les choses. Enfin, au delà de la question budgétaire, la grève a pointé la question du sens, qui agite tous les médias. Nous sommes en plein tournant, en train de définir ce que nous ferons dans vingt ans. Cela soulève naturellement des interrogations.Vous allez devenir directrice de chaîne dans une entreprise encore fragile, où un plan de départs volontaires se prépare, sous l’autorité d’un président parfois contesté... Vous avez hésité ?Le fait que la direction soit confiée à une femme qui a toujours été une auditrice de France Culture, qui a la passion de cette chaîne chevillée au corps, ça ne se discute pas. C’est un signal et j’y réponds avec enthousiasme. Je suis très attachée au service public. Nous avons un rôle à jouer dans la société actuelle et c’est ce qui compte. Et j’ai confiance dans l’avenir de cette maison.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 12.08.2015 à 06h50 • Mis à jour le12.08.2015 à 07h36 | Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde 11.08.2015 à 06h33 • Mis à jour le11.08.2015 à 11h28 | Sandrine Marques Ce soir à 22 h 30, sur Canal+ Cinéma Tate Taylor, à la réalisation de « Get on Up », et Mick Jagger, à la production, ramènent James Brown d’entre les morts Septembre 1988. James Brown, le parrain du funk, débarque, fusil au poing, dans un séminaire d’assureurs. Sous influence, il terrorise l’assemblée, au motif d’un crime de lèse-majesté qu’il n’entend pas laisser impuni : un quidam a utilisé ses toilettes. L’anecdote prête à sourire, mais cette irruption musclée a valu à l’interprète du mythique Get Up (I Feel Like Being a) Sex Machine (qui a inspiré le titre du film) deux ans de prison.C’est avec cet épisode fameux de la vie de « Mister Dynamite » que s’ouvre l’énergique biopic de Tate Taylor. Une armada de policiers lancée à ses trousses, James Brown file de la Géorgie en Caroline du Sud, où il est arrêté. Que sa fuite s’achève dans l’Etat qui l’a vu naître et grandir trace instantanément la ligne complexe d’un destin. Ce retour aux origines s’accompagne d’un flash-back (le premier d’une longue série) qui nous ramène à sa prime jeunesse. Enfant chétif, il habitait une bicoque délabrée, au milieu des bois. Dans un climat familial instable, il a connu la faim, les violences et l’abandon. Confié aux bons soins d’une mère maquerelle, il découvre le gospel et se met à chanter. Mais, après avoir volé un costume, il est condamné à une dizaine d’années de prison.Puissance vocale inégaléeLa trajectoire fulgurante qui allait être la sienne aurait pu s’arrêter là, s’il n’avait bénéficié de l’intervention du musicien Bobby Byrd (Nelsan Ellis). Venu donner un concert dans l’établissement pénitentiaire où Brown croupissait, la voix et le sort de ce dernier l’émeuvent. Il se porte garant du jeune prodige et l’intègre à son groupe, The Famous Flames. Brown en devient le leader, au mitan des années 1950. Mais, devenus les employés de « M. Brown », les musiciens bafoués jettent l’éponge. Bobby Byrd finira par revenir. Vocaliste, ami, collaborateur, il va être le témoin privilégié des débordements incontrôlés qui émailleront l’existence hors du commun de Brown.On croyait le genre du biopic éventé, il avait encore des visions capiteuses à nous offrir. Financé par le puissant producteur Brian Grazer et Mick Jagger, Get on Up s’affranchit des pesanteurs associées à l’exercice du portrait. Le film ne se délecte pas plus de la gloire que des aspects sombres de la personnalité du showman de génie. Le spectacle n’est pas là, mais sur scène, accroché aux pas du chanteur qui inventa le « mashed potatoes », cette danse qui a électrisé les foules.Et pour rendre justice à son groove unique, à sa puissance vocale inégalée, à son sens du beat frénétique, Tate Taylor a reconstitué dans le détail la plupart des chorégraphies de James Brown. Ce que permettent d’apprécier de parcimonieuses images d’archives insérées au cœur des scènes de fiction. Ce n’est pas là la moindre originalité du film.Tate Taylor mélange les temporalités et orchestre de subtils échos, des résonances secrètes, en forme de vibrations primitives. De ces moments de vie mixés, passés au filtre d’un montage qui semble cheminer par association libre, naît une forme musicale très « free », galvanisée par une énergie contagieuse. La musique tient le haut de l’affiche dans ce film qui tranche avec les pompes à affects emperruquées, affiliées au genre. Chadwick Boseman, qui a eu la lourde tâche d’endosser les tenues moulantes et bariolées du « Godfather of Soul », n’a pas misé sur ces artifices pour parvenir à se hisser à la hauteur du mythe. Sa prestation ultraphysique embrase de bout en bout Get on Up.Get on Up, de Tate Taylor. Avec Chadwick Boseman, Nelsan Ellis, Viola Davis (EU, 2014, 140 min). Mardi 11 août, sur Canal+ Cinéma, à 22 h 30.Sandrine MarquesJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Personne dans le milieu de la bande dessinée ne connaissait son nom ni son prénom. L’homme ne répondait que par un pseudonyme emprunté au monde animal : Coyote. C’était là sa seule coquetterie de grand gaillard barbu aux bras tatoués : sa véritable identité (Philippe Escafre) devait rester un mystère.Pilier de la bande dessinée humoristique à la façon du magazine Fluide glacial dont il fut un collaborateur pendant dix ans, le dessinateur et scénariste est mort dimanche 9 août à Toulouse des suites d’un accident cardiaque. Il était le créateur de la série à succès Litteul Kévin. Il avait 52 ans.Né le 9 octobre 1962 à Rodez, Coyote a exercé plusieurs métiers avant d’embrasser la carrière d’auteur. Peintre sur automobile, puis graveur dans le funéraire, puis créateur de modèles pour un tatoueur toulousain, il commence à réaliser divers travaux publicitaires après avoir gagné un concours de dessin organisé par La Dépêche du Midi. Suivront des illustrations, et ses toutes premières bandes dessinées dans des ouvrages collectifs publiés par l’éditeur Vent d’Ouest.C’est toutefois par le biais de sa grande passion – la moto – qu’il va pouvoir vivre pleinement de son dessin. A la fin des années 1980, Coyote intègre plusieurs revues spécialisées, telles que Hot Cycles, US Cycles, Bike for Ever et Freeway. Ce fan (et propriétaire) de Harley-Davidson ne le sait pas encore mais l’univers de la moto va s’avérer une véritable niche pour les créateurs de bande dessinée, comme en témoignera le succès phénoménal de la saga Joe Bar Team, lancée par Christian Debarre dans la revue Moto Journal en 1989.Coyote, dont la vie a basculé à l’âge de 11 ans en regardant Easy Rider (1969), de Dennis Hopper, donne d’abord naissance dans Freeway à Mammouth & Piston, une série racontant les pérégrinations motorisées d’un biker au look de Viking et de son animal de compagnie, un rat. Son dessin « élastique », très inspiré de celui de son idole Marcel Gotlib, n’a pas échappé à la rédaction de Fluide glacial qui l’invite à rejoindre son sommaire en 1990.Cornaqué par Gotlib (qu’il vouvoiera pendant quatre ans) et Jean Solé (qui lui apprendra les ficelles du métier), Coyote y crée un personnage éphémère, « Bébert, clochard et philosophe » (inspiré d’un SDF toulousain), avant de lancer en 1991 la série Litteul Kévin, du nom d’un petit garçon chevauchant une Harley-Davidson conçue à sa taille.« Vrai faux dur »Inspirée de sa vie personnelle (son fils s’appelle Kevin), cette chronique familiale – le père biker, Chacal, et la mère à la plastique de pin-up, Sophie, y jouent des rôles à plein temps – va devenir, avec Les Bidochon, de Christian Binet, l’une des principales séries de Fluide glacial qui en publiera sept albums avant que Coyote ne décide de claquer la porte du magazine en 2005.Réfugié au Lombard, il y réalisera trois autres albums, selon le même principe : des histoires courtes en noir et blanc, truffées de gags et de jeux de mots – mais aussi traversées d’une véritable tendresse dans les relations entre le fils et ses parents. Comme il l’expliquait parfois, la moto n’était qu’« un personnage secondaire, voire tertiaire » dans ses histoires – ce qui n’empêchait pas une partie de son public de lui réclamer des dessins de grosses cylindrées.Lui-même « vrai faux dur » derrière ses lunettes noires et son blouson clouté, Coyote a créé deux autres séries. L’une, en tant que scénariste du dessinateur Eric Cartier : Diégo de la S.P.A (trois albums chez Fluide glacial). L’autre, comme dessinateur de la scénariste Nini Bombardier : Les Voisins du 109 (deux albums au Lombard), une chronique humoristique et sociale entre voisins de paliers.Réconcilié avec Fluide glacial, Coyote collaborait de nouveau avec le magazine de ses débuts. Dans le dernier numéro, daté d’août, il a dessiné la pin-up du mois sous les traits d’une femme bien en chair tatouée de la tête au pied d’un seul et même motif : la coccinelle de Marcel Gotlib. L’ultime hommage de l’élève à son maître.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Pobre de mi/Pobre de mi/Les Fêtes de Bayonne sont déjà finies…Cap sur Millas (Pyrénées-Orientales) où se tient le Salon du livre taurin – livres écrits par des taureaux. Ce qui n’est pas sans rappeler le formidable traité d’esthétique féline, par Burton Silver et Heather Busch : Why Cats Paint (1994).Pour la route : un randonneur (parisien), flic de son état, s’élance d’un pas vif pour une randonnée dans les Pyrénées. Soudain, au sommet de l’Urzumu, il avise un paysan qui garde un vieux taureau : « Dites-moi, mon brave ? Vous avez l’heure, s’il vous plaît ? »Oui, bon, ça va. L’histoire date du temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître… Je sais pertinemment, que croyez-vous, que les paysans aujourd’hui sont fringués comme les ingénieurs d’Objectif Lune (Tintin et Milou). Endettés pour vingt ans, ce sont des fonctionnaires européens dont l’Europe se joue. Ils sont étranglés par les réglementations, la grande distribution, les banques et le triple jeu de la FNSEA qu’ils idolâtrent.Reprenons. Assis devant les cieux, le béret large comme une soucoupe volante, le bâton à la main, le vieux paysan répond à son rythme : « Quelle heure, Monsieur ? Je vais vous dirrre. » Il soupèse les couilles du taureau et lâche : « 9 heures moins 2. » Merci, à bientôt, tout ça, le flic est scié. Et vaguement contrarié.Le soir, il revient. Le paysan est toujours là sous son béret, on dirait un gros cèpe immobile, éternel. La randonnée du fin limier a été tout à fait normalement gâchée (la nature d’une randonnée, c’est d’être gâchée : par la pluie, la chute, les chaussures, la guêpe, les ampoules, une merde de chien, la mauvaise humeur, la vertu, la randonnée). Il s’est épuisé en raisonnements hypothético-déductifs sur les facultés divinatrices du paysan. Exténué et dégoulinant d’atrabile : « Et ce soir, l’ami ? Quelle heure est-il ? »Le gros cèpe soupèse vespéralement les couilles du taureau, prend l’air illuminé : « 19 h 15, Monsieur. » Le fin limier est raide ! « Dites-moi ? Comment devinez-vous l’heure en soupesant les couilles de votre taureau ? »« Très simplement, Monsieur. En les soulevant, je peux voir l’horloge du clocher. »Vaches aux longs cilsTout cela pour dire au fin limier qui – sous pseudonyme embêtant de « Corbeau 1942 » – a cru bon sur la toile, après mon article enflammé (Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient : elles sont beaucoup mieux), de dévoiler le pot aux roses : « Après une longue enquête, tout s’explique, j’ai découvert que F.M. était de Bayonne. » Ça, c’est du Sherlock Holmes ! Ça me rappelle cette « Alouette Diablotine » (autre pseudo de nigaud) qui m’avait traité, dans Le Monde, d’« esthète bayonnais »… Mais qu’est-ce qu’ils ont ?Lire aussi :Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient : elles sont mieuxRetour au calme : du côté de Navarrenx, on brûle encore à l’acide les cornes des blondes d’Aquitaine, les plus jolies vaches du monde, avec leurs longs cils pleins de mouches. Elles ont l’air bête. J’en souffre, comme je souffre à Sœix, dans la vallée d’Aspe. Les génisses du lycée des métiers de la montagne sont affublées de fausses clochettes électroniques (exaspérantes). Comme ces faux zoziaux et fausses cigales que vous pouvez installer dans votre magasin de napperons et poubelles de table. Ce qui les trahit, c’est la régularité électronique du rythme.Oloron (Pyrénées-Atlantiques) est une très jolie ville de montagne trop tranquille. Comme pour la napalmiser, des baffles diffusent en boucle une abrutissante variétoche américaine (voir clochettes). C’est le 6 août. Bonjour Hiroshima. Heureusement que Thierry Frederiksson, en sa Petite Librairie (16 rue de la Cathédrale), a toujours un Toulouse-la-Rose à me fourguer : « Estompes jargonnaises. Derniers poèmes pour la déroute » (Ed. L’une & l’autre).Tarbes n’est pas plus gaie qu’Oloron, mais nettement moins jolie. Au Rex, hôtel dessiné par Philippe Stark, vous pouvez rencontrer, pendant le festival Jazz In Marciac (Gers), tous les musiciens de la terre, dans une ambiance de fête.Partout, l’insurrection, les anarchistes et le jazz vous sauvent de la tristesse. Toulouse-la-Rose : « Il faut un début à tout/Et rien à la fin. »Francis MarmandeJournaliste au Monde Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 13.08.2015 à 06h45 • Mis à jour le13.08.2015 à 07h24 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde 11.08.2015 à 06h33 • Mis à jour le11.08.2015 à 11h28 | Sandrine Marques Ce soir à 22 h 30, sur Canal+ Cinéma Tate Taylor, à la réalisation de « Get on Up », et Mick Jagger, à la production, ramènent James Brown d’entre les morts Septembre 1988. James Brown, le parrain du funk, débarque, fusil au poing, dans un séminaire d’assureurs. Sous influence, il terrorise l’assemblée, au motif d’un crime de lèse-majesté qu’il n’entend pas laisser impuni : un quidam a utilisé ses toilettes. L’anecdote prête à sourire, mais cette irruption musclée a valu à l’interprète du mythique Get Up (I Feel Like Being a) Sex Machine (qui a inspiré le titre du film) deux ans de prison.C’est avec cet épisode fameux de la vie de « Mister Dynamite » que s’ouvre l’énergique biopic de Tate Taylor. Une armada de policiers lancée à ses trousses, James Brown file de la Géorgie en Caroline du Sud, où il est arrêté. Que sa fuite s’achève dans l’Etat qui l’a vu naître et grandir trace instantanément la ligne complexe d’un destin. Ce retour aux origines s’accompagne d’un flash-back (le premier d’une longue série) qui nous ramène à sa prime jeunesse. Enfant chétif, il habitait une bicoque délabrée, au milieu des bois. Dans un climat familial instable, il a connu la faim, les violences et l’abandon. Confié aux bons soins d’une mère maquerelle, il découvre le gospel et se met à chanter. Mais, après avoir volé un costume, il est condamné à une dizaine d’années de prison.Puissance vocale inégaléeLa trajectoire fulgurante qui allait être la sienne aurait pu s’arrêter là, s’il n’avait bénéficié de l’intervention du musicien Bobby Byrd (Nelsan Ellis). Venu donner un concert dans l’établissement pénitentiaire où Brown croupissait, la voix et le sort de ce dernier l’émeuvent. Il se porte garant du jeune prodige et l’intègre à son groupe, The Famous Flames. Brown en devient le leader, au mitan des années 1950. Mais, devenus les employés de « M. Brown », les musiciens bafoués jettent l’éponge. Bobby Byrd finira par revenir. Vocaliste, ami, collaborateur, il va être le témoin privilégié des débordements incontrôlés qui émailleront l’existence hors du commun de Brown.On croyait le genre du biopic éventé, il avait encore des visions capiteuses à nous offrir. Financé par le puissant producteur Brian Grazer et Mick Jagger, Get on Up s’affranchit des pesanteurs associées à l’exercice du portrait. Le film ne se délecte pas plus de la gloire que des aspects sombres de la personnalité du showman de génie. Le spectacle n’est pas là, mais sur scène, accroché aux pas du chanteur qui inventa le « mashed potatoes », cette danse qui a électrisé les foules.Et pour rendre justice à son groove unique, à sa puissance vocale inégalée, à son sens du beat frénétique, Tate Taylor a reconstitué dans le détail la plupart des chorégraphies de James Brown. Ce que permettent d’apprécier de parcimonieuses images d’archives insérées au cœur des scènes de fiction. Ce n’est pas là la moindre originalité du film.Tate Taylor mélange les temporalités et orchestre de subtils échos, des résonances secrètes, en forme de vibrations primitives. De ces moments de vie mixés, passés au filtre d’un montage qui semble cheminer par association libre, naît une forme musicale très « free », galvanisée par une énergie contagieuse. La musique tient le haut de l’affiche dans ce film qui tranche avec les pompes à affects emperruquées, affiliées au genre. Chadwick Boseman, qui a eu la lourde tâche d’endosser les tenues moulantes et bariolées du « Godfather of Soul », n’a pas misé sur ces artifices pour parvenir à se hisser à la hauteur du mythe. Sa prestation ultraphysique embrase de bout en bout Get on Up.Get on Up, de Tate Taylor. Avec Chadwick Boseman, Nelsan Ellis, Viola Davis (EU, 2014, 140 min). Mardi 11 août, sur Canal+ Cinéma, à 22 h 30.Sandrine MarquesJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Ariane Chemin //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Garry Kasparov - Deep Blue : échec et bug Six vies de Michel Houellebecq (6/6) : Un objet de collection Six vies de Michel Houellebecq (6/6) : 7 janvier, la collision tragiquetous les articles de la thématique On voulait raconter l’univers d’un écrivain, on se retrouve devant un secret-défense. Furieux que Le Monde engage, cet été, une série d’articles dont il n’a pas l’initiative, Michel Houellebecq nous a répondu, le 26 juin : « Je refuse de vous parler et je demande aux gens que je connais d’adopter la même attitude. »En copie de son mail, le Tout-Paris, des philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray en passant par l’écrivain Frédéric Beigbeder. Consigne leur est donnée, si Le Monde persévérait dans son entreprise, de ne pas hésiter à « porter plainte au civil » : « La procédure judiciaire est finalement simple, et plutôt lucrative. » Et d’ajouter qu’il a décidé de se confier au Figaro Magazine (hebdomadaire que, dans son livre avec BHL, Ennemis publics, il n’hésitait pas pourtant à traiter aimablement de « torchon »),« demand[ant] aux gens qu’[il] connaît de faire le même choix ».Ce n’est pas la première fois que Michel Houellebecq tente d’intimider la presse. En 2005, un journaliste passé par l’AFP puis par Le Point (et aujourd’hui à L’Obs), Denis Demonpion, demande à s’entretenir avec l’écrivain. Il veut écrire sa biographie. Tout est fait pour l’en dissuader. Raphaël Sorin, qui édite alors Houellebecq, propose au journaliste d’« insérer les remarques » de son auteur, « après lecture, en appels de notes », comme l’avaient fait, explique-t-il avec Houellebecq au futur biographe, Malraux ou Schopenhauer. Refus du journaliste. « Les entretiens sont pour moi un exercice très décevant, plaide Houellebecq par mail, en vain. J’ai l’impression que ce que je dis n’a aucun intérêt. » Puis Houellebecq écrit au reporter pour lui faire croire qu’il va publier son autobiographie avant la sortie de sa « bio ».Ses désirs sont des ordresHouellebecq non autorisé paraît en 2005 chez Maren Sell (une édition augmentée est en cours d’écriture). Denis Demonpion a mis la main sur l’acte d’état civil de l’écrivain, qui s’était rajeuni de deux ans, et a « retrouvé » sa mère, que son fils disait morte (elle s’est éteinte le 7 mai 2010). Evidemment, un homme de l’imaginaire a le droit de mentir : de Nietzsche à Céline, c’est presque une spécialité. Mais Houellebecq devient comme fou. Il bannit de sa vie ceux qui ont raconté leurs souvenirs, tel l’écrivain Dominique Noguez, pourtant l’un de ses alliés les plus dévoués. « Je regrette (…) de ne pas avoir (…) tenté sur l’auteur de la biographie un peu d’intimidation physique », confiera, en 2008, Houellebecq à BHL. Depuis, l’ouvrage est régulièrement cité par les universitaires et dans les actes de colloques consacrés à l’écrivain, auxquels il assiste carnet à la main, au premier rang.« Je me souviens que, lorsque le livre était paru, Michel avait été finalement soulagé, comme si son vrai secret n’avait pas été percé », raconte aujourd’hui l’éditeur Raphaël Sorin. « Il y a à l’évidence plusieurs points sensibles dans sa vie, sourit Maren Sell, l’éditrice de Houellebecq non autorisé, mais j’ai constaté que cet homme crée autour de lui des climats de dépendance, positive ou négative. » Ses désirs sont des ordres. « Si je vous parle, je perds mon job… », explique-t-on chez Flammarion. Teresa Cremisi, son éditrice ad vitam aeternam, comme le puissant agent de l’écrivain, François Samuelson, prennent des airs désolés : « Il peut [vous] quitter à jamais pour une ombre au tableau… » « Pour ne pas mettre en danger la santé de Michel », son ancienne compagne Marie-Pierre Gauthier est contrainte de décommander le deuxième rendez-vous. Le réalisateur de l’épatant Enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux, annule l’entretien prévu d’un texto : « Que ne ferait-on pas pour un ami… » Jusqu’à ces universitaires qui s’exécutent, « navrés ». Une vraie scène de… Soumission. Ci-dessous, retrouvez les liens vers les six volets de notre série écrite par Ariane Chemin La tour et le territoire 1/6Si l’on s’envolait de quelques étages pour raconter Houellebecq ? Pour gagner les hauteurs du Chinatown parisien, d’où il contrôle le ballet du Tout-Paris.Extrait :Une tour haute comme un gratte-ciel, dans le XIIIe arrondissement de Paris. De ce sémaphore seventies, l’écrivain a fait son refuge. (...) Du haut de sa tour, l’écrivain pourrait dominer Paris. Profiter d’un « panorama exceptionnel», comme disent les agences immobilières, petites annonces et autres notices qu’il aime tant décortiquer. Mais l’appartement regarde davantage vers le périphérique que vers la capitale. « Il m’a expliqué qu’il ne voulait apercevoir aucun monument parisien », raconte le journaliste Sylvain Bourmeau, qui fut longtemps son confident. En Irlande, il s’était installé dans un lotissement sans âme, plein d’étranges sens giratoires, près de l’aéroport de Shannon. De son autre logement, un ancien bed and breakfast (« The White House »), on apercevait à peine la mer. En Espagne, où il a poursuivi ses douze années d’exil, « son bureau était installé au sous-sol » de l’appartement, confie Marie-Pierre Gauthier, sa seconde épouse, dont il est séparé.Dans le monde, hors du monde : Houellebecq raffole des contradictions. Houellebecq est un déménageur qui aime les paysages de la banalité, « le seul à les raconter et en voir le romantisme, comme Tarkovski au cinéma ou Caspar Friedrich dans ses peintures », dit Arielle Dombasle, son amie. A son retour en France, il y a trois ans, il a écumé les Citadines de la capitale. Les appart-hôtels sont des logements pour sédentaires-nomades un peu perdus, les palaces de la post-modernité, au fond, pour artistes qui hésitent entre marge et intégration. Ceux de la place d’Italie et de la rue Esquirol toute proche lui avaient particulièrement plu. « Le bord du périph, c’est pratique : je prends ma bagnole et je file », explique le romancier à ses amis. Lire l’intégralité de l’articleUn gourou à « 20 ans » 2/6Retour sur une période méconnue de la vie de Michel Houellebecq : celle de « 20 ans », le magazine « pour filles extra-averties ».Extrait :« A 20 ans, le magazine pour jeune filles, on raffole des pseudos : l’esprit potache des années 1980, comme sur les radios libres. Isabelle Chazot signe « Isabel Catolic » et Liberati, « Paul Pote ». Mais pas d’alias pour la nouvelle recrue. C’est sous son nom, Houellebecq, ce patronyme venu d’une famille de paysans et de pêcheurs du Nord-Cotentin mais son vrai nom d’écrivain, qu’il se résout, en décembre 1995, à donner au magazine un texte sur la fête, repris plus tard par ses soins dans son recueil Interventions 2 (Flammarion, 2009) : « Le but de la fête est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misérables et promis à la mort. Autrement dit, de nous transformer en animaux. C’est pourquoi le primitif a un sens de la fête très développé. » Ah, quels ravages ont dû faire les « boums » adolescentes et les slows amoureux sur un jeune Houellebecq, observateur douloureux de couples enlacés comme Tisserand, le héros d’Extension…20 ans est devenu branché, comme Les Inrocks, et cela lui convient. « J’ai été depuis le début soutenu par des médias tendance : 20 ans, Technikart, toute une mouvance Canal+, glisse Houellebecq en janvier 1999 dans un entretien à la NRF. Ces gens ne sont nullement stupides. » Le mensuel ne rate aucune occasion d’ouvrir ses colonnes à l’écrivain totem. « Quand on est un gros rat, même un gros rat en décapotable, on ne ramasse rien, répond-il ainsi à Isabelle Chazot qui l’interroge sur les exclus de la drague. Les gens ne cherchent même pas le plaisir sexuel, mais plutôt la gratification narcissique ; la reconnaissance de leur valeur érotique par le désir d’autrui. » » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : un homme d’ordre et de loiLe procès verbal 3/6« L’islam, la religion la plus con… » En 2001, ces mots du romancier font scandale. Un an plus tard, il est au cœur d’un procès. Le spectacle est autant dans le prétoire que dans la salle des témoins.Extrait :« En cette fin d’été, on se presse sous les boiseries et les hautes croisées de la « dix-septième » comme pour une première de théâtre. Houellebecq joue à guichets complets. Les caméras de CNN et d’Al-Jazira restent à la porte, les écrivains Régine Desforges et Gabriel Matzneff s’asseoient sur les bancs encaustiqués. Michel Houellebecq ne se retourne pas sur les supporteurs de Bruno Mégret qui portent sur leurs tee-shirts une Marianne baillonnée. « Ouiche… » « J’aurais un peu tendance à dire »… « Si vous voulez… » Le romancier répond laconiquement aux questions du président du tribunal, le souriant Nicolas Bonnal, un peu intimidé : c’est l’une de ses premières audiences à la 17e, après la figure du commandeur Montfort, qui avait régné dix ans sur ce salon des lettres où la courtoisie et le verbe sont rois. Comme Louis de Funès, comme Fabrice Luchini, Houellebecq transforme de sa seule voix la banalité du quotidien en épopée burlesque.- « Vous êtes écrivain ?– Dans le meilleur des cas, oui… », répond-il en posant le doigt sur ses lèvres. Les questions glissent sur lui telle l’eau sur la vitre : c’est comme si on demandait son avis sur l’islam à un clone de ses romans. « Je ne suis pas un intellectuel à la Sartre », dit-il. « Me demander un avis sur un sujet, quand on me connaît, c’est absurde, parce que je change d’avis assez fréquemment », ajoute-t-il. » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : à Jérusalem, « une crise de folie inouïe » Le corps à l’ouvrage 4/6Coiffure, dents, métamorphoses… On parle beaucoup du visage de l’écrivain. Mais son corps en dit au fond davantage. Et chaque roman se lit aussi comme un bulletin de santé.Extrait : « Muscles et esprit gymnaste sont arrivés d’une autre manière, plus directe, plus personnelle, plus brutale. A l’automne 2014, pour la première fois, Michel Houellebecq offre son corps aux spectateurs. Cours de free fight avec ses ravisseurs dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq, de Guillaume Nicloux, d’abord, puis danse solitaire en cycliste au sommet des montagnes chez Gustave Kervern et Benoît Delépine (Near Death Experience) : une vraie leçon d’anatomie. Il est le seul acteur ou presque et se tient de dos, les bras en croix. Pas de parka floue, pas de jean flottant ou de velours à pinces : il offre au spectateur ses cuisses et son dos moulés dans un cuissard de cycliste et un maillot Lycra. Un corps frêle, mais tonique et musclé, des mollets fuselés, presque les canons apolloniens seuls tolérés par les magazines.D’ordinaire, c’est le visage de Michel Houellebecq qui fait la « une » des journaux. La partie commentée de son corps, à chaque apparition de la star. Réseaux sociaux, romans et journaux intimes de ses contemporains (de Philippe Muray à Stéphane Zagdanski), chacun y va de sa description et de son commentaire. A qui ressemble-t-il ? Paul Léautaud, ce clochard des lettres atrabilaire, ou Antonin Artaud, l’auteur duThéâtre et son double, qui de son propre corps avait fait un spectacle et le prolongement de son œuvre ? Françoise Sagan, comme dit la blogosphère ? Céline, à cause de la coupe et de la ligne de ses pantalons ? La chercheuse Agathe Novak-Lechevalier lui avait fait un jour remarquer que, sur la couverture de Poésie, aux éditions J’ai lu, il cultivait une ressemblance avec Baudelaire. « J’ai aussi une ressemblance avec Hugo période Guernesey, lui a répondu Houellebecq. Sauf qu’il a l’air plus dingue que moi. » » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : un livre, et au lit !Trois jours et deux nuits au monastère 5/6Suivant pas à pas Huysmans, l’auteur de « Soumission » a passé quelques jours à l’abbaye de Ligugé, en décembre 2013. Il n’y a pas trouvé Dieu, mais les moines ne l’ont pas oublié.Extrait :« Quand Michel Houellebecq se présente à la porterie de l’abbaye, ce soir d’hiver 2013, le Père Vincent, qui l’accueille, le prend d’abord pour un SDF. Il s’apprête d’ailleurs à diriger l’écrivain vers le dortoir de quatre lits réservé aux vagabonds, dans la tradition et l’esprit de saint Martin, qui avait déchiré son manteau en deux pour le donner aux pauvres. Les moines racontent la scène en riant. Heureusement le Père Joël arrive en courant, haute taille, grand sourire sous sa calvitie « de Pierre Moscovici » – c’est le détail cocasse que Houellebecq retient de lui dans Soumission. (...)Durant son séjour, Houellebecq s’acquitte consciencieusement de sa vie bénédictine. Il déjeune avec les moines, à la table qui, au milieu de la salle voûtée, est réservée aux hôtes masculins de passage. L’abbaye a gardé de l’époque de Huysmans le goût de la bonne chère. Un vrai trois-étoiles Ligugé : légumes bio du potager, vins fins à chaque repas. Tierces, sextes, nones, vêpres, complies, l’écrivain se rend à plusieurs offices, mais les vitraux ne l’inspirent pas. L’église moderne (que les moines ont préféré à l’ancienne, où se rendait Huysmans, sur la place du village) ressemble, écrit-il dans Soumission, au « centre commercial Super-Passy de la rue de l’Annonciation ». » Lire l’intégralité de l’article 7 janvier, la collision tragique 6/6Alors que Michel Houellebecq commence en fanfare la promotion de Soumission, les frères Kouachi font irruption dans la rédaction de Charlie Hebdo. Au moment même où elle était en train de rire et de se disputer au sujet du romancier…Extrait :En septembre 2014, il avait remporté un succès inattendu avec un petit essai, Houellebecq économiste, où il expliquait que, si Balzac avait été le romancier de la bourgeoisie et du capitalisme triomphants, l’auteur d’Extension du domaine de la lutte était celui de la finance et d’un modèle économique en plein déclin.Il admirait Houellebecq comme une groupie et depuis si longtemps ! « Je le revois encore il y a quelques années, raconte le romancier toulousain Christian Authier, devant la Maison de la radio, qui me récitait des passages entiers et les plus beaux aphorismes des romans de Houellebecq. » C’était presque comme s’il avait écrit cet essai pour forcer une amitié. Son éditrice chez Flammarion, Noëlle Meimaroglou (aujourd’hui directrice littéraire chez Fayard), finit par arracher à Teresa Cremisi un rendez-vous avec l’auteur des Particules, à l’été 2014. Houellebecq économiste était achevé, mais qu’importe ! « Ce fut la rencontre de son année, raconte Dominique Seux. Je ne l’ai pas vu une fois entre septembre et sa mort sans qu’il me parle de Houellebecq. » Maris était l’homme des coups de foudre amicaux, Houellebecq est celui des amitiés séquentielles. Quelques dîners avant Noël avaient suffi pour échafauder quelques projets, un débat ensemble en mars : après le 7 janvier, en tout cas.Michel Houellebecq, sur le plateau du journal télévisé de France 2, le 6 janvier.Sur le nouveau calendrier de 2015, toute la critique littéraire a entouré cette date de rouge. Personne ne sait encore que ce sera un jour noir pour Charlie, pour la liberté de pensée, pour la France et l’esprit des Lumières, mais nul n’ignore que c’est le jour de parution du « nouveau-livre-évènement-de-Michel-Houellebecq », Soumission. Lire l’intégralité de l’article Lire aussi :Etre houellebecquisé ou ne pas l’être Ariane Chemin 20.08.2015 à 21h10 • Mis à jour le21.08.2015 à 09h25 L’important incendie qui s’est déclaré, pour une raison encore inconnue, dans la nuit de mercredi à jeudi 20 août à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, repousse « à une date encore indéterminée » l’ouverture prévue le 15 octobre du centre commercial Vill’Up.Le feu, qui a mobilisé 120 pompiers et une trentaine d’engins, a pris dans une partie du bâtiment qui était en travaux, et donc pas protégée par une alarme. « Ce sont des palettes, des cartons, des cloisons en placoplâtre, des faux plafonds, des gaines électriques » qui ont brûlé, selon les pompiers. Une surface de 10 000 m² a été touchée.Le futur cinéma Pathé fortement endommagéLe projet Vill’up, accolé au musée de la Villette, dans le nord-est de Paris, se présente comme un centre commercial d’un nouveau genre, misant essentiellement sur les loisirs. Il doit accueillir sur 25 000 m2 une cinquantaine de boutiques et de restaurants, un cinéma de seize salles, un laser game et un dispositif de chute libre. Maurice Bansay, PDG de l’exploitant Apsys, a déclaré que l’ouverture du complexe était « différée à une date encore indéterminée ».Lire (en édition abonnés) : Fini les galeries marchandes, vive les centres de loisirsLes dégâts liés au feu se sont concentrés sur le multiplexe Pathé, en particulier dans le hall et dans deux salles de projection. Le reste des dégradations est surtout dû à l’eau déversée pour éteindre l’incendie. Un audit du site est en cours pour dresser un bilan complet. « C’est à l’intérieur de notre travée qu’est parti l’incendie – la Cité des sciences n’a pas été endommagée, explique Maurice Bansay. Mais seule l’enquête pourra permettre de déterminer avec précision les causes du sinistre. »La création du complexe installé dans une aile non exploitée de la Cité des sciences a coûté 110 millions d’euros. Les travaux de construction, qui avaient commencé il y a plus de deux ans, étaient presque terminés. Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial) Mardi 18 août. La 38e Hestejada de las arts (« festivité des arts ») à Uzeste (Gironde) est lancée. Colline sud du château de Roquetaillade, feu d’artifice, opéra, intitulé Fraternité. Devise de la République, version Bernard Lubat, énergumène, artiste poïélitique, meneur de bande, batteur psycho-tripe : « Liberté », on connaît, ça sert un peu à tout, et surtout au reste. « Egalité », on est loin du compte. « Fraternité », personne ne s’en occupe.La compagnie Lubat au complet, plutôt augmentée, avec son inusable Fabrice Vieira, guitare et direction musicale, Lubat père (claviers) et Lubat fils (grand batteur, désormais), au four et au moulin et, en guest-star tout là-haut sur la colline, complet croisé, cravate bleu de guesde, chapeau très strict, Monsieur Archie Shepp. C’est un habitué des lieux.La figure charismatique de la « New Thing », icône de la musique afro-américaine, poète activiste, dramaturge, immense bluesman poussé au soleil de John Coltrane et adulé en Europe, Archibald Shepp est né en 1937 à Fort Lauderdale (Floride). Il est, avec Michel Portal, Sylvain Luc, Patrick Auzier, François Corneloup, André Minvielle, Marc Perrone, Louis Sclavis, Monique Chemillier-Gendreau, Laure Duthilleul, Marcel Trillat, plus une douzaine d’inspirés, plus ou moins géniaux, plus ou moins faiseurs, le cœur nucléaire d’Uzeste. L’équipe première à géométrie variable. Un jour, on parlera de Lubat comme on le fait de Jean Vilar ou d’Ariane Mnouchkine. Autorité et rayonnement compris. Tout le monde prétendra alors être allé à Uzeste, avoir connu cette ambiance de délire et d’invention. De désenchantement et d’exaltation. C’est faux. On vous le dit, c’est faux.Uzeste musical ? L’art comme activité de connaissance et de lumière (voir éducation populaire) ; l’inconnaissance, voilà le fléau ; la liberté artistique comme oxygène philosophique ; le marché nous a donné le mauvais goût de la musique, sucrée à mort, industrialisée, radioactive à souhait. Effet inverse, vous trouverez à Uzeste et alentour plus de concerts emballants, de prestations déconcertantes, de concertantes prestigieuses qu’ailleurs. Ailleurs où tout est tendu vers le nombre, la satisfaction des élus, l’abjecte volonté de plaire.Rien n’est à l’heureMardi 18 août, 22 h 21. Une fois n’est pas coutume à Uzeste, un « opérartifice très rare » – un acte, une action, une délibération, un débat, un joyeux bordel, une fête, un bal, une polyphonie aux airs de « catastrophe apprivoisée » (Cocteau à propos du jazz), bref, tout sauf un « concert de festival » – commence en retard. A cause du public. Comme les voitures n’arrêtent pas de monter, la foule de se presser, la fraîcheur de s’installer, le ciel de s’étoiler, la Hestejada de fraterniser, Fraternité est d’un poil retardé.Depuis l’an 685, la même famille habite à Roquetaillade, situé entre Langon et Bazas, forteresse exemplaire d’Aquitaine, perfectionnée par celui dont il ne convient plus, j’espère, de s’offusquer : le grand Viollet-le-Duc. La visite dure une heure. Pour en revenir à Uzeste musical, le retard est ici endémique. Il faut dire que le programme, dans le style des repas de mariage autour de Bazas, du 16 au 23 août, est réglé comme du papier à musique, presque comme un emploi du temps en cure de thalassothérapie, mais rien n’est à l’heure.Le 18 août, tout a démarré (10 h 30, enfin, 10 h 45) après un verre, par un débat entre syndicalistes, acteurs, « approximatifs » et « spect-acteurs ». Puis, petite soif, apéro. Après quoi, Voix-Off, un documentaire de Yann Gaonac’h sur une proposition de la CGT (attention, ici, terre de « cocommunistes », dit Lubat), deux duos de deux, une exploration numérique par Marc Chemillier (ordinateur et trompette de Paolo Chatet), performance de Véronique Aubouy (tentative de résumer la Recherche en une heure), une conférence d’anthropologie, une réflexion d’Archie Shepp (De quoi le jazz est-il ce nom ?), re-apéro, et première fusée dans le cosmos.Aux entrées, les « bénévoles » font les bénévoles : bruyants, importants, serviables, mignons comme des cœurs, bavards comme des pies, inutiles, précieux, indifférents à la musique, partout pareil.Feux d’artifice pour rirePoint zéro (22 h 21) : les artificiers (la Cie Pyr’Ozié) montent derrière leur porte-voix vers la scène (366 secondes). Décor, le château. Voûte étoilée comme celle de Montserrat où André Masson et Georges Bataille, en 1934, connurent une extase. Ne manquent que les orages désirés. Il se lèvent.Les douze artificiers arpentent la colline, c’est déjà tout un drame médiéval. Ils allument le pré sur fond de mascleta (détonations et pétarades de guerre). Les musicos entrent en transe, sur fond de « bataille de comètes » (langue technique d’artificier) et de grosses bombes. Musique réglée par Bernard Lubat, sur éclairage progressif de « pots de flammes » (silice). Ici, la fiche technique, la partition, dit sobrement : pour le côté « pyro », « fontaines et cascades », « bombes à paillettes or ». Partition : « free ».Salve bleu, blanc, rouge, quatre salves de cœurs et quatre de détonations. Lubat scande dans les fumées de toutes les couleurs : « fraternité, fraterminé, fraterminable… » Inconscient sonore et visuel, les nuits de Damas, de Lattaquié, d’Alep où j’ai vécu. Pensée pour ceux qui s’enfuient, se réfugient, s’exilent. Amour des feux d’artifice pour rire. Ils font peur aussi.Tableau 7 : Shepp le magnifique entre pour la première fois. Solo. « Atmosphère embrasée plus final clignotant ». Plus tard, ce ne sont que fontaines, cascades, gros « tir frisson » pour en finir. Retour au calme : sur fumeroles et couleurs douces, deux voix s’élèvent. Lucie Fouquet et Juliette Kapla, cantatrices, sur une œuvre du compositeur baroque bien connu, Leonardo Leo (1694-1744). « Pyro rouge », énormes boules de feu, cantatrices, Lubat, bouquet final, énorme chorus ensemble et Archie Shepp chante un blues terrible sur fond d’embrasement rouge. Peur, joie, apothéose, Révolution, fraternité. La vie ? C’est l’éternité allée avec le feu. On ne croit plus en rien, c’est ce qui nous tient debout, ensemble, extricables, plus sûrs de l’espoir que jamais.Initiatives coco-libertaires en rase campagne38 ans que ça dure. 38 ans de créations éblouissantes. 38 ans d’initiatives coco-libertaires en rase campagne. 38 ans que tout le monde connaît la folie Uzeste. 38 ans que ceux qui n’y ont pas mis les pieds continuent à confondre Uzeste en Gironde et l’Uzès de Madame de Sévigné : Uzeste, c’est l’autre, un village charmant de la Haute-Lande où tout le monde dansait à la Libération, en 1945, lorsqu’est né Bernard Lubat. Son père, Alban, jouait pour le bal, et Marie sa mère faisait les omelettes aux cèpes. Leur estaminet existe encore, avec son graphisme, ses mots d’ordre libertaires, dadaïstes, poïélitiques.Comme écrivait Matisse à son fils, en 1913 : « Si chacun avait fait son métier comme Picasso et moi – adaptez : Lubat et Vieira, Portal, Auzier, Laure, etc. –, on n’en serait pas là. »Les Auzier, père et fille, artificiers diplômésFraternité, feu d’artifice et opéra, est placé sous la direction artistique de Margot Auzier, fille de Patrick Auzier. Lequel, puisqu’il jouait du trombone de façon très personnelle, s’est lancé sans appui dans la pyrotechnie. Ses feux d’artifice étaient très réputés, filaient des frissons et semblaient démarrer par le bouquet, continuer par le bouquet, finir par le bouquet. A force, la préfecture lui a accordé son diplôme, puisqu’il pratiquait. Installant des feux de la Saint-André qui couraient dans le public sous les cris d’effroi et de joie. Déclenchant un festival pyrotechnique à Châteauvallon (Var), l’année de la grande canicule (1976). Côté musique : Michel Portal, Bernard Lubat, Beb Guérin et Léon Francioli.Sous sa houlette, sa fille Margot, 24 ans, qu’on a connue toute petite déjà, prend le relais : « Le diplôme, c’est un peu de formation, énormément de législation, et pas mal d’apprentissage sur le terrain. Titulaire du niveau 2, je peux donc être directrice artistique. Pour un feu opéra, il s’agit d’écrire en commun, concevoir, prévoir les effets. Tout dépend du site, du vent, du climat, de l’humidité, et de cent autres impondérables.Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas “répéter”. Les tableaux aériens, le rythme, les effets, on voit ce que ça donne au moment d’appuyer sur le bouton. Je fais une dizaine de feux par an, Patrick continue de travailler avec moi, mais lui, il vient d’une tout autre époque. La sécurité reste évidemment au cœur de l’acte : la surveillance de l’ascension, de l’explosion, des temps et des tempos.Un feu, c’est toujours puissant, impressionnant, ça crée des émotions, des tensions. J’aime beaucoup les “frissons”, les “clignotants”, les “feux qui retombent en poussière verte”, les “parapluies”, et le “soleil”. Ces deux dernières pièces viennent d’Espagne. Le reste, nous l’achetons à trois fournisseurs. Un feu comme celui du 18 août à Roquetaillade coûte 10 000 euros, TTC, salaires et frais de déplacements compris. Il a duré 1 h 05. On a multiplié les effets, mais le plus délicat reste d’harmoniser le feu avec la musique. On aurait pu faire mieux, je suis contente, mais pas très satisfaite. »F. M.Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial)Journaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol) La rumeur, qui prenait de l’ampleur depuis le début de la semaine, était devenue une certitude au regard du faisceau d’indices concordant et malgré le secret remarquablement bien gardé pour un projet de cette ampleur. Le plus célèbre et à la fois le plus anonyme des artistes de rue, le Britannique Banksy, originaire de Bristol, a concocté un nouveau coup d’éclat à une trentaine de kilomètres de sa ville natale, en bord de mer, à Weston-super-Mare. L’artiste a dévoilé, jeudi 20 août dans la matinée, le programme et le principe de son Bemusement Park (« parc de la perplexité »), qui prend le contre-pied des parcs Disney pour offrir une vision moins flatteuse de la société. « La nouvelle attraction touristique la plus décevante de Grande-Bretagne », prévient le slogan qui accompagne un montage volontiers grotesque. Comme attendu, l’annonce en a été faite sur un site Internet consacré à l’ambitieuse opération : dismaland.co.uk, qui donne les grandes lignes de l’organisation et du programme de l’opération, qui sera ouverte pendant cinq semaines, du 22 août au 27 septembre.Priorité est donnée aux locaux de la petite ville balnéaire tombée en désuétude de Weston-super-Mare, soudain devenue the place to be : les habitants pourront visiter le parc dès vendredi. Le site renvoie pour eux vers la presse locale, qui a pu avoir accès aux informations sous embargo, comme le journal Mercury. Une soirée de lancement sur invitation aura lieu vendredi soir. En bord de plagePour les autres, il faudra attendre vendredi matin l’ouverture de la billetterie en ligne, qui proposera des tickets (au prix de 3 livres (4,20 euros) par personne) jusqu’à dix jours à l’avance. Sur place, quelques billets seront vendus chaque jour en complément. Chacun aura la possibilité de réserver une entrée en journée, de 11 heures à 18 heures, ou en soirée, de 19 heures à 23 heures. Chaque jour, 4 000 visiteurs auront accès au site, large espace en bord de plage connu sous le nom de « Tropicana », qui offrait jusqu’à il y a une quinzaine d’années une piscine en plein air.Cinquante-huit artistes participent à ce très attractif parc d’attractions, exposition hors norme dont le commissaire est Banksy lui-même. Parmi les grands noms, hormis Banksy : l’artiste contemporain Damien Hirst, également originaire de Bristol, ou encore l’artiste américain Mike Ross, dont la sculpture, dépassant depuis quelques jours des murs de Dismaland, avait déjà été identifiée. Créée à partir de deux camions de transport de pétrole, Big Rig Jig, sculpture en forme de S (de dollar), que les visiteurs peuvent escalader de l’intérieur, avait, en effet, été un des moments forts du festival d’art alternatif Burning Man, dans le désert du Nevada, en 2007. On notera qu’aucun artiste français ne figure parmi les participants. Les réjouissances se prolongent sur scène, avec cinq dates de concert annoncées, en plus de soirées mises en musique par des DJ chaque samedi soir. Le duo de rappeurs américains Run the Jewels se produira le 5 septembre. Le 25 septembre, Massive Attack, fameux groupe bristolien, qui avait lancé le trip-hop dans les années 1990, partagera notamment l’affiche avec Pussy Riot, le groupe de punk russe et féministe que ses déboires avec Vladimir Poutine ont érigé en icône de la contestation.Une petite note en bas de la page d’accueil du site précise que bien que le parc soit ouvert à « toute la famille », « l’état du lieu, l’usage intensif de stroboscopes et l’imagerie des œuvres ne sont pas adaptés aux jeunes enfants ». Les seules choses « strictement interdites » sont « les bombes de peinture, les marqueurs, les couteaux et les avocats de Disneyland ».Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet Métal lourd, le tungstène possède deux caractéristiques principales : sa couleur, qui varie du presque noir au blanc ; sa température de fusion, très élevée. En donnant le nom de cet élément à son nouvel album, Marcello Quintanilha promet donc d’emblée un récit à l’image de la société brésilienne, ­métissée et brûlante, qu’il a quittée il y a une dizaine d’années afin d’exercer son métier en Espagne.Le prétexte est, ici, un fait divers banal : dans la baie de Salvador de Bahia, deux hommes pêchent à la dynamite en toute impunité. Deux autres hommes, unis par une relation mystérieuse, observent la scène depuis un ancien fort militaire : un retraité de l’armée et un petit trafiquant. Un troisième duo, composé d’un superflic et de sa fiancée, se mêle bientôt à ­l’affaire.Porté par des dialogues truculents, ce récit construit comme un thriller à tiroirs tient davantage de la comédie sociale. En émergent des thèmes récurrents dans le Brésil d’aujourd’hui, tels que la banalisation de la violence ou la précarité des classes moyennes. La rupture n’est jamais loin : ce qui est dur casse ­facilement – comme le tungstène. Frédéric PotetTungstène, de Marcello Quintanilha, traduit du portugais (Brésil) par Marie Zeni et Christine Zonzon, Çà et là, 184 p., 20 €(en librairie le 25 août).Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.08.2015 à 06h42 • Mis à jour le19.08.2015 à 11h35 | Martine Delahaye Documentaire à 20 h 40 sur Histoire Dans « Marylin, dernières séances », Patrick Jeudy et Michel Schneider racontent les relations hors normes de l’actrice avec son ultime psychanalyste.Suicidée ou victime d’une overdose, Marilyn Monroe, le 4 août 1962 ? Peu importe. Dans son roman Marilyn, dernières séances (Grasset, prix Interallié 2006), aussi passionnant que documenté, Michel Schneider, psychanalyste et écrivain, montre combien la gosse Norma Jeane Mortenson, transfigurée en « Marilyn » pour l’écran, était depuis bien longtemps engagée dans une lutte désespérée contre la sensation d’inconsistance, d’anéantissement, d’inexistence.L’adaptation de son livre en documentaire, coécrit avec le réalisateur Patrick Jeudy, se concentre sur les trente derniers mois de la vie de l’actrice  : à partir du moment où, en janvier 1960, à bout de souffle, elle fait appel au psychanalyste d’Hollywood Ralph Greenson. Et où s’engage, entre elle et cet intellectuel freudien, une étrange thérapie « par l’amour ».Elle lui avait demandé de l’aider à se lever, à tenir ses engagements, à aimer : de l’aider à ne pas mourir… « J’appartiens à la peur », lui avait-elle confié. Il sera tout à son attention jour et nuit, l’entourant comme une enfant en détresse.« Droguée du freudisme »Mais difficile de narrer l’intimité de la relation entre une patiente et son psychanalyste en images. Pourtant, « si incroyable que ça puisse paraître », précise le réalisateur Patrick Jeudy, on découvre encore régulièrement de nouveaux films ou photos d’elle : « Parfois des petites choses insignifiantes (…). Quant au film, gentiment érotique, où on la voit se tortiller nue, il n’est peut-être pas authentique. »Hormis les premières minutes du film, qui peuvent paraître confuses, Marilyn, dernières séances rend avec tact les éclats du passé de l’actrice, les facettes de l’aspect désaxé de sa personnalité et son côté « droguée du freudisme » – elle eut trois psychanalystes avant Ralph Greenson. Ne manquez pas l’intégralité de la fameuse séquence « Happy Birthday Mister President », qui en dit bien plus long que les quelques mots qu’elle susurre, ou les images du baptême du fils de Clark Gable (alors décédé), où elle apparaît habillée pour un enterrement… « Cela vous donne une petite idée de sa dérive », précise Patrick Jeudy.« Marilyn. Dernières séances », de Patrick Jeudy et Michel Schneider (Fr., 2009, 90 minutes). Mercredi 19 août sur Histoire à 20 h 40.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 11.08.2015 à 06h33 • Mis à jour le11.08.2015 à 11h28 | Sandrine Marques Ce soir à 22 h 30, sur Canal+ Cinéma Tate Taylor, à la réalisation de « Get on Up », et Mick Jagger, à la production, ramènent James Brown d’entre les morts Septembre 1988. James Brown, le parrain du funk, débarque, fusil au poing, dans un séminaire d’assureurs. Sous influence, il terrorise l’assemblée, au motif d’un crime de lèse-majesté qu’il n’entend pas laisser impuni : un quidam a utilisé ses toilettes. L’anecdote prête à sourire, mais cette irruption musclée a valu à l’interprète du mythique Get Up (I Feel Like Being a) Sex Machine (qui a inspiré le titre du film) deux ans de prison.C’est avec cet épisode fameux de la vie de « Mister Dynamite » que s’ouvre l’énergique biopic de Tate Taylor. Une armada de policiers lancée à ses trousses, James Brown file de la Géorgie en Caroline du Sud, où il est arrêté. Que sa fuite s’achève dans l’Etat qui l’a vu naître et grandir trace instantanément la ligne complexe d’un destin. Ce retour aux origines s’accompagne d’un flash-back (le premier d’une longue série) qui nous ramène à sa prime jeunesse. Enfant chétif, il habitait une bicoque délabrée, au milieu des bois. Dans un climat familial instable, il a connu la faim, les violences et l’abandon. Confié aux bons soins d’une mère maquerelle, il découvre le gospel et se met à chanter. Mais, après avoir volé un costume, il est condamné à une dizaine d’années de prison.Puissance vocale inégaléeLa trajectoire fulgurante qui allait être la sienne aurait pu s’arrêter là, s’il n’avait bénéficié de l’intervention du musicien Bobby Byrd (Nelsan Ellis). Venu donner un concert dans l’établissement pénitentiaire où Brown croupissait, la voix et le sort de ce dernier l’émeuvent. Il se porte garant du jeune prodige et l’intègre à son groupe, The Famous Flames. Brown en devient le leader, au mitan des années 1950. Mais, devenus les employés de « M. Brown », les musiciens bafoués jettent l’éponge. Bobby Byrd finira par revenir. Vocaliste, ami, collaborateur, il va être le témoin privilégié des débordements incontrôlés qui émailleront l’existence hors du commun de Brown.On croyait le genre du biopic éventé, il avait encore des visions capiteuses à nous offrir. Financé par le puissant producteur Brian Grazer et Mick Jagger, Get on Up s’affranchit des pesanteurs associées à l’exercice du portrait. Le film ne se délecte pas plus de la gloire que des aspects sombres de la personnalité du showman de génie. Le spectacle n’est pas là, mais sur scène, accroché aux pas du chanteur qui inventa le « mashed potatoes », cette danse qui a électrisé les foules.Et pour rendre justice à son groove unique, à sa puissance vocale inégalée, à son sens du beat frénétique, Tate Taylor a reconstitué dans le détail la plupart des chorégraphies de James Brown. Ce que permettent d’apprécier de parcimonieuses images d’archives insérées au cœur des scènes de fiction. Ce n’est pas là la moindre originalité du film.Tate Taylor mélange les temporalités et orchestre de subtils échos, des résonances secrètes, en forme de vibrations primitives. De ces moments de vie mixés, passés au filtre d’un montage qui semble cheminer par association libre, naît une forme musicale très « free », galvanisée par une énergie contagieuse. La musique tient le haut de l’affiche dans ce film qui tranche avec les pompes à affects emperruquées, affiliées au genre. Chadwick Boseman, qui a eu la lourde tâche d’endosser les tenues moulantes et bariolées du « Godfather of Soul », n’a pas misé sur ces artifices pour parvenir à se hisser à la hauteur du mythe. Sa prestation ultraphysique embrase de bout en bout Get on Up.Get on Up, de Tate Taylor. Avec Chadwick Boseman, Nelsan Ellis, Viola Davis (EU, 2014, 140 min). Mardi 11 août, sur Canal+ Cinéma, à 22 h 30.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Personne dans le milieu de la bande dessinée ne connaissait son nom ni son prénom. L’homme ne répondait que par un pseudonyme emprunté au monde animal : Coyote. C’était là sa seule coquetterie de grand gaillard barbu aux bras tatoués : sa véritable identité (Philippe Escafre) devait rester un mystère.Pilier de la bande dessinée humoristique à la façon du magazine Fluide glacial dont il fut un collaborateur pendant dix ans, le dessinateur et scénariste est mort dimanche 9 août à Toulouse des suites d’un accident cardiaque. Il était le créateur de la série à succès Litteul Kévin. Il avait 52 ans.Né le 9 octobre 1962 à Rodez, Coyote a exercé plusieurs métiers avant d’embrasser la carrière d’auteur. Peintre sur automobile, puis graveur dans le funéraire, puis créateur de modèles pour un tatoueur toulousain, il commence à réaliser divers travaux publicitaires après avoir gagné un concours de dessin organisé par La Dépêche du Midi. Suivront des illustrations, et ses toutes premières bandes dessinées dans des ouvrages collectifs publiés par l’éditeur Vent d’Ouest.C’est toutefois par le biais de sa grande passion – la moto – qu’il va pouvoir vivre pleinement de son dessin. A la fin des années 1980, Coyote intègre plusieurs revues spécialisées, telles que Hot Cycles, US Cycles, Bike for Ever et Freeway. Ce fan (et propriétaire) de Harley-Davidson ne le sait pas encore mais l’univers de la moto va s’avérer une véritable niche pour les créateurs de bande dessinée, comme en témoignera le succès phénoménal de la saga Joe Bar Team, lancée par Christian Debarre dans la revue Moto Journal en 1989.Coyote, dont la vie a basculé à l’âge de 11 ans en regardant Easy Rider (1969), de Dennis Hopper, donne d’abord naissance dans Freeway à Mammouth & Piston, une série racontant les pérégrinations motorisées d’un biker au look de Viking et de son animal de compagnie, un rat. Son dessin « élastique », très inspiré de celui de son idole Marcel Gotlib, n’a pas échappé à la rédaction de Fluide glacial qui l’invite à rejoindre son sommaire en 1990.Cornaqué par Gotlib (qu’il vouvoiera pendant quatre ans) et Jean Solé (qui lui apprendra les ficelles du métier), Coyote y crée un personnage éphémère, « Bébert, clochard et philosophe » (inspiré d’un SDF toulousain), avant de lancer en 1991 la série Litteul Kévin, du nom d’un petit garçon chevauchant une Harley-Davidson conçue à sa taille.« Vrai faux dur »Inspirée de sa vie personnelle (son fils s’appelle Kevin), cette chronique familiale – le père biker, Chacal, et la mère à la plastique de pin-up, Sophie, y jouent des rôles à plein temps – va devenir, avec Les Bidochon, de Christian Binet, l’une des principales séries de Fluide glacial qui en publiera sept albums avant que Coyote ne décide de claquer la porte du magazine en 2005.Réfugié au Lombard, il y réalisera trois autres albums, selon le même principe : des histoires courtes en noir et blanc, truffées de gags et de jeux de mots – mais aussi traversées d’une véritable tendresse dans les relations entre le fils et ses parents. Comme il l’expliquait parfois, la moto n’était qu’« un personnage secondaire, voire tertiaire » dans ses histoires – ce qui n’empêchait pas une partie de son public de lui réclamer des dessins de grosses cylindrées.Lui-même « vrai faux dur » derrière ses lunettes noires et son blouson clouté, Coyote a créé deux autres séries. L’une, en tant que scénariste du dessinateur Eric Cartier : Diégo de la S.P.A (trois albums chez Fluide glacial). L’autre, comme dessinateur de la scénariste Nini Bombardier : Les Voisins du 109 (deux albums au Lombard), une chronique humoristique et sociale entre voisins de paliers.Réconcilié avec Fluide glacial, Coyote collaborait de nouveau avec le magazine de ses débuts. Dans le dernier numéro, daté d’août, il a dessiné la pin-up du mois sous les traits d’une femme bien en chair tatouée de la tête au pied d’un seul et même motif : la coccinelle de Marcel Gotlib. L’ultime hommage de l’élève à son maître.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Pobre de mi/Pobre de mi/Les Fêtes de Bayonne sont déjà finies…Cap sur Millas (Pyrénées-Orientales) où se tient le Salon du livre taurin – livres écrits par des taureaux. Ce qui n’est pas sans rappeler le formidable traité d’esthétique féline, par Burton Silver et Heather Busch : Why Cats Paint (1994).Pour la route : un randonneur (parisien), flic de son état, s’élance d’un pas vif pour une randonnée dans les Pyrénées. Soudain, au sommet de l’Urzumu, il avise un paysan qui garde un vieux taureau : « Dites-moi, mon brave ? Vous avez l’heure, s’il vous plaît ? »Oui, bon, ça va. L’histoire date du temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître… Je sais pertinemment, que croyez-vous, que les paysans aujourd’hui sont fringués comme les ingénieurs d’Objectif Lune (Tintin et Milou). Endettés pour vingt ans, ce sont des fonctionnaires européens dont l’Europe se joue. Ils sont étranglés par les réglementations, la grande distribution, les banques et le triple jeu de la FNSEA qu’ils idolâtrent.Reprenons. Assis devant les cieux, le béret large comme une soucoupe volante, le bâton à la main, le vieux paysan répond à son rythme : « Quelle heure, Monsieur ? Je vais vous dirrre. » Il soupèse les couilles du taureau et lâche : « 9 heures moins 2. » Merci, à bientôt, tout ça, le flic est scié. Et vaguement contrarié.Le soir, il revient. Le paysan est toujours là sous son béret, on dirait un gros cèpe immobile, éternel. La randonnée du fin limier a été tout à fait normalement gâchée (la nature d’une randonnée, c’est d’être gâchée : par la pluie, la chute, les chaussures, la guêpe, les ampoules, une merde de chien, la mauvaise humeur, la vertu, la randonnée). Il s’est épuisé en raisonnements hypothético-déductifs sur les facultés divinatrices du paysan. Exténué et dégoulinant d’atrabile : « Et ce soir, l’ami ? Quelle heure est-il ? »Le gros cèpe soupèse vespéralement les couilles du taureau, prend l’air illuminé : « 19 h 15, Monsieur. » Le fin limier est raide ! « Dites-moi ? Comment devinez-vous l’heure en soupesant les couilles de votre taureau ? »« Très simplement, Monsieur. En les soulevant, je peux voir l’horloge du clocher. »Vaches aux longs cilsTout cela pour dire au fin limier qui – sous pseudonyme embêtant de « Corbeau 1942 » – a cru bon sur la toile, après mon article enflammé (Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient : elles sont beaucoup mieux), de dévoiler le pot aux roses : « Après une longue enquête, tout s’explique, j’ai découvert que F.M. était de Bayonne. » Ça, c’est du Sherlock Holmes ! Ça me rappelle cette « Alouette Diablotine » (autre pseudo de nigaud) qui m’avait traité, dans Le Monde, d’« esthète bayonnais »… Mais qu’est-ce qu’ils ont ?Lire aussi :Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient : elles sont mieuxRetour au calme : du côté de Navarrenx, on brûle encore à l’acide les cornes des blondes d’Aquitaine, les plus jolies vaches du monde, avec leurs longs cils pleins de mouches. Elles ont l’air bête. J’en souffre, comme je souffre à Sœix, dans la vallée d’Aspe. Les génisses du lycée des métiers de la montagne sont affublées de fausses clochettes électroniques (exaspérantes). Comme ces faux zoziaux et fausses cigales que vous pouvez installer dans votre magasin de napperons et poubelles de table. Ce qui les trahit, c’est la régularité électronique du rythme.Oloron (Pyrénées-Atlantiques) est une très jolie ville de montagne trop tranquille. Comme pour la napalmiser, des baffles diffusent en boucle une abrutissante variétoche américaine (voir clochettes). C’est le 6 août. Bonjour Hiroshima. Heureusement que Thierry Frederiksson, en sa Petite Librairie (16 rue de la Cathédrale), a toujours un Toulouse-la-Rose à me fourguer : « Estompes jargonnaises. Derniers poèmes pour la déroute » (Ed. L’une & l’autre).Tarbes n’est pas plus gaie qu’Oloron, mais nettement moins jolie. Au Rex, hôtel dessiné par Philippe Stark, vous pouvez rencontrer, pendant le festival Jazz In Marciac (Gers), tous les musiciens de la terre, dans une ambiance de fête.Partout, l’insurrection, les anarchistes et le jazz vous sauvent de la tristesse. Toulouse-la-Rose : « Il faut un début à tout/Et rien à la fin. »Francis MarmandeJournaliste au Monde Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 08.08.2015 à 13h20 • Mis à jour le08.08.2015 à 23h24 | Elvire Camus (Marin County, envoyée spéciale) Un potager, un verger, une petite ferme, une piscine, des jardins, un centre communautaire et quelque 224 logements à loyer modéré, le tout niché au cœur de l’une des vallées les plus bucoliques de la Californie. Lorsque George Lucas a fait savoir qu’il avait l’intention de convertir une petite partie des terres qu’il possède dans le comté de Marin, au nord de San Francisco, en un lotissement réservé aux seniors et aux travailleurs qui perçoivent un faible revenu, le père de Star Wars a déclaré vouloir faire « quelque chose de gentil pour les habitants de Marin ».Le peu de détails pour l’instant connus du projet que le milliardaire souhaite développer à ses frais sur sa propriété de Grady Ranch, une ancienne ferme de sapins de Noël acquise dans les années 1970, à côté du fameux Skywalker Ranch où il a construit ses studios de cinéma, suffit à faire rêver des dizaines de professions à bas salaire qui n’ont pas les moyens de se loger dans le comté qu’ils contribuent à faire vivre, tant l’immobilier y est devenu inaccessible.Le boom de la high-tech et de ses employés très bien payés, qui enflamme les prix à San Francisco, de l’autre côté du Golden Gate Bridge, se propage au reste de la région. En avril, le prix de vente médian d’une maison est passé à 1 million de dollars à Marin et le prix de l’immobilier (vente et location) a augmenté de 13 % en un an. A titre de comparaison, à l’échelle nationale, les loyers augmentent de 4 à 6 % par an environ. « Je pense que Marin est un exemple frappant de ce qui se passe dans toute la Baie de San Francisco : les prix de nos logements sont bien supérieurs à ce que les personnes qui travaillent ici ont les moyens de se payer. Nous n’avons pas encore atteint les niveaux de San Francisco, mais les hausses sont spectaculaires », explique Leelee Thomas, en charge du développement urbain pour le comté de 258 000 habitants.Logements inaccessiblesPersonnel médical, professeurs, policiers, employés administratifs sont parmi les professions les plus touchées. Comme la moitié des employés du comté, Thom Tucker, père célibataire de 38 ans, n’habite pas à Marin. Il passe en moyenne deux heures par jour dans sa voiture, à faire la navette entre son domicile et son bureau. « Les logements à Marin sont inaccessibles. Je viens, certes, d’un milieu modeste, mais je travaille dur et j’aimerais pouvoir vivre là où je travaille. »Philip Thomas, 51 ans, est dans la même situation. Pour gagner du temps, il a investi dans une moto. En deux-roues, il ne passe « que » 50 minutes matin et soir sur la route. L’hiver, en voiture, il passe près de 2 h 30 par jour dans les embouteillages. « J’adore mon travail, mais ça devient trop compliqué pour moi, je suis en train de réfléchir à quitter mon poste pour aller travailler dans le comté de Solano (à l’est), où j’habite. »En plus de l’aspect financier, les opportunités sont rares dans le comté qui construit le moins de logements de la région. Selon le dernier rapport sur l’habitat à Marin, « des habitations plus petites, à des prix de vente modérés, sont nécessaires pour répondre aux besoins des célibataires, des seniors et des familles à faible revenu ». Aujourd’hui 12 000 personnes sont sur liste d’attente pour obtenir un « affordable housing », littéralement « logement abordable ».C’est ce type de logement subventionné que veut construire George Lucas à Grady Ranch. Selon la loi américaine, il s’agit d’habitations dont le loyer ou le paiement du prêt ne doit pas dépasser 30 % du revenu total d’un foyer. Pour y prétendre, il faut répondre à des critères financiers : un travailleur qui gagne moins de 80 % du revenu médian de la région — environ 133 390 dollars par an pour un couple en 2013, soit 121 640 euros, à Marin — peut s’inscrire sur liste d’attente, un senior doit lui gagner entre 30 et 60 % du revenu médian. Alors oui, le projet semble répondre à un besoin important. Mais cette annonce faite en 2012 et concrétisée au mois d’avril par la soumission d’une « pré-application » (sorte de brouillon de projet) au gouvernement local ne réjouit pas tous les résidents de Marin County. Les voisins de Grady Ranch sont fermement opposés à la construction de ce lotissement à côté de chez eux. Damon Connolly, l’élu qui représente la zone géographique où le projet doit voir le jour, craint qu’il ne dénature la région. Il estime notamment que le nombre d’habitations prévues est trop important : avec 224 unités, il s’agirait du plus gros lotissement du comté. « Il faut que les gens qui travaillent à Marin puissent pouvoir y vivre, mais cela ne veut pas dire que tous les projets sont valables. La communauté a fait part d’inquiétudes légitimes et je veillerai à ce qu’elles soient prises en compte », explique-t-il.« Ecolos » avant l’heureEn réalité, il est très compliqué d’entreprendre le moindre développement immobilier ou urbain à Marin. Vers la fin des années 1950, alors que la banlieue de San Francisco, principal bassin d’emploi de la région, étaient en pleine expansion, une poignée d’habitants de Marin soutenus par quelques politiciens se sont battus contre le développement de centres commerciaux, autoroutes et autres lotissements que nombre de promoteurs rêvaient de voir pousser sur ce bout de terre idéalement situé.Parmi les principales batailles menées, celle qui sera le plus citée au cours de notre enquête est « la guerre des autoroutes », lorsque, au début des années 1970, un petit nombre d’hommes et de femmes — qualifiés d’« écolos », considérés à l’époque comme étant plus dangereux que les communistes — sont parvenus à faire annuler la construction de plus de 1 600 km d’axes routiers à Marin, dont environ 320 km le long des côtes. L’objectif était de multiplier par cinq le nombre de résidents en quarante ans. Au lieu de cela, combat après combat, le mouvement finira par obtenir, en 1973, le classement de plus de 80 % de la superficie de Marin en terrains inconstructibles, réservés à l’agriculture ou transformés en parcs naturels ouverts au public.Aujourd’hui, quand le brouillard, généralement accroché au pont, vous laisse l’appréhender, la traversée du Golden Gate Bridge depuis San Francisco permet à elle seule de comprendre le combat de ces militants. Sur le pont, peu à peu, la ville s’efface pour laisser place aux falaises verdoyantes qui se jettent dans la mer. Une fois à Marin, une seule autoroute dessert les principales villes de la région. Pour le reste, les axes sinueux permettent d’entrevoir l’océan Pacifique à chaque virage, quand ils ne longent pas les forêts de séquoias. Mais chaque victoire a son revers de médaille. « Plus de 80 % de Marin est protégé de façon permanente, ce qui est formidable, mais la contrepartie est que nous payons le prix fort, notamment en termes de diversité », explique Steve Kinsey, élu qui représente les habitants de West Marin, la zone la plus préservée. Etant donné le peu de terres disponibles à la construction, le prix de l’immobilier, déjà affecté par le développement de San Francisco, a encore grimpé. Les foyers modestes ont été poussés en dehors du comté tandis que les familles plus aisées, attirées par le cadre de vie exceptionnel si près de la ville, y ont construit leur résidence secondaire ou principale, transformant progressivement Marin en le comté le plus riche de la Californie en termes de revenu par habitant et le cinquième plus riche du pays.Mais Grady Ranch n’est pas inconstructible. La propriété se trouve justement dans les moins de 20 % de terres réservées au développement de logements. Selon la loi, plus de 300 logements peuvent y être érigés. « Le projet de M. Lucas est un immense cadeau pour notre communauté qui a besoin de plus de logements à bas coût, et il est cohérent avec les objectifs historiques que nous avons pour la région », commente M. Kinsey. Autour de la propriété, de nombreuses habitations jalonnent d’ailleurs la vallée. Le voisin immédiat du ranch est une immense villa protégée par un portail automatique en bois, en face se trouve la résidence d’un des membres du groupe Metallica, plus à l’est encore se trouvent un lotissement et quelques unités de logement pour les seniors. Dès lors, l’opposition est difficile à justifier, mais elle n’est pas inexistante pour autant.Lire aussi :George Lucas : « l’empire du mal » pour ses voisins« Volontaires pour le ghetto »Les réserves formulées à l’encontre du projet vont des détails pratiques — comme le fait que les seniors seraient loin d’un centre de soin (l’axe qui dessert le ranch n’est pas relié par une ligne de bus) — aux préoccupations environnementales — plus de résidents veut dire plus de trafic routier, donc plus de pollution — aux attaques directes contre « ceux » qui pourraient s’y installer. Lors d’une réunion au sujet du réaménagement de certaines zones de Marin, dont Grady Ranch, une mère de famille et agente immobilière a pris la parole pour exprimer son opposition au projet : « On dirait que tu as fait de nous des volontaires pour le ghetto », lance-t-elle à l’élue locale de l’époque, Susan Adams, aujourd’hui remplacée par Damon Connolly. Autour d’elle, certains, choqués, la sifflent, d’autres l’applaudissent.Cette réflexion, Tina Stolberg qui travaille à Marin depuis onze ans en a eu vent. A 58 ans, cette bibliothécaire scolaire approche de la retraite, et c’est la vente de sa maison qui lui permettra de joindre les deux bouts une fois qu’elle ne percevra plus de salaire, prévoit-elle. Or, Mme Stolberg est bien consciente qu’elle ne retrouvera pas de logement à Marin si elle quitte son domicile, c’est pour cette raison qu’elle s’est inscrite sur liste d’attente pour le futur lotissement de Grady Ranch. Si le projet voit effectivement le jour, qu’elle remplit les conditions financières et que son casier judiciaire est vierge, elle fera partie des candidats potentiels qui seront sélectionnés par tirage au sort. « J’ai entendu des commentaires du genre : “ce projet va amener des gens qui ne sont pas de chez nous.” Mais c’est faux, nous travaillons très dur nous payons des impôts. Je ne comprends tout simplement pas d’où vient tout ce venin. Je pense que ces gens-là sont ignorants. » Anne-Marie, infirmière de 55 ans, s’est également inscrite sur liste d’attente. Pour elle, qui vit et travaille à Marin depuis que sa famille s’y est installée dans les années 1940, l’opposition féroce à ce genre de projet est la preuve que le coin a changé. « Je me rappelle quand Marin était habitée par des familles de la classe populaire, ça n’était pas comme ça. Aujourd’hui, le message est “si tu ne peux pas vivre ici, tant pis pour toi” », estime-t-elle.Save Marinwood, l’un des principaux groupes contre le projet de logements à Grady Ranch, assure ne pas être opposé aux logements sociaux de manière générale, pourvu qu’ils remplissent une série de critères. « Nous ne sommes pas contre la construction d’habitations à loyer modéré, surtout pour les seniors, comme le Rotary Village Senior Center de Lucas Valley qui est bien situé, ne comporte pas trop d’unités, ne dénature pas le paysage et est financièrement responsable », détaille Stephen Nestel, pour Save Marinwood.Selon Jonathan Rothwell, membre du programme de politique urbaine du Brookings Institute, ce genre d’argument est souvent évoqué lorsqu’un projet de développement supplémentaire est envisagé dans des zones périurbaines :« Les propriétaires vont citer des arguments environnementaux pour préserver les espaces verts, en général demander un statut particulier pour les zones non développées afin de s’assurer qu’elles ne le soient jamais, ou que leur développement se fasse au terme de nombreuses années de débat politique. Cet argument peut finir par bloquer le développement de logements à loyer modéré et exacerber la ségrégation entre les classes sociales et les races. » Dans le cas de Grady Ranch, un groupe de résidents réclame depuis peu le statut de « California scenic highway » pour la route qui dessert la propriété de M. Lucas, ce statut limiterait le développement autour de l’axe. Mais Stephen Nestel est persuadé que le projet verra le jour, peu importent les moyens déployés : « L’argent de George Lucas fait bouger beaucoup de choses à Marin. »25 % de chancesOr, rien n’est moins sûr. Après la pré-application, une version finale du projet doit être déposée devant le conseil d’administration du comté. Il sera non seulement soumis au vote des représentants du public, mais surtout confronté aux problèmes pratiques qu’il faudra impérativement résoudre pour pouvoir lancer les premiers travaux. Le principal étant l’acheminement de l’eau en période de sécheresse historique en Californie. Il n’est pas garanti que l’organisme chargé de distribuer la ressource accepte de le faire pour plus de 200 logements supplémentaires.PEP Housing, l’organisme à but non lucratif auquel George Lucas a confié son projet, après qu’il a remporté un appel d’offres, est très confiant étant donné l’immense avantage dont il bénéficie. « M. Lucas donne les terres et l’argent pour développer sa propriété. Selon mon expérience, c’est sans précédent », assure Mary Stompe, directrice de PEP Housing. Aux Etats-Unis, les logements à loyer modéré sont financés par un patchwork de sources d’argent venant pour une petite partie des gouvernements, mais surtout d’organismes à but non lucratif ou de fonds privés. Le dernier projet développé par PEP Housing comptait 13 unités de logements réservés aux seniors, 19 sources de financement différentes et a mis sept ans à sortir de terre.Thomas Peters, président de la Marin County Foundation, dont une des activités est la construction et la gestion de logements sociaux, est moins optimiste. Selon lui, le projet n’a que 25 % de chances de voir le jour, en raison des autorisations qu’il reste encore à obtenir mais aussi du pouvoir de nuisance des voisins. « Mais c’est un solide 25 %, car il est mené par un homme de l’importance de M. Lucas dont la terre a été attribuée, il y a des années, à la construction de logements », précise-t-il en souriant. « Ça serait formidable que ce projet se réalise, c’est une question de justice. Et même si 200 habitations ne vont pas résoudre la crise du logement à Marin, il pourrait lancer une série de projets qui, en cumulé, pourront faire la différence. »Elvire Camus (Marin County, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Marches, « protest songs », manifestes... « Peace’n’Pop » propose une vaste traversée dans un demi-siècle de contre-culture pacifiste (dimanche 9 août, à 22 h 35, sur Arte).L’apocalypse nucléaire d’il y a soixante-dix ans n’a pas mis un terme à la folie destructrice des hommes. Et, depuis 1950, les conflits armés ne manquent pas en ce bas monde. A partir de la guerre de Corée mais surtout avec le long conflit du Vietnam, nombreux ont été les artistes à chanter, écrire, dessiner ou manifester avec les anonymes pour s’opposer aux politiques belliqueuses des gouvernements.En France, Le Déserteur, de Boris Vian, sorti en 1954 à la fin du conflit en Indochine, est rapidement devenu un tube pacifiste. Aux Etats-Unis, l’envoi de dizaines de milliers de jeunes gens au Vietnam a réveillé les consciences, fait descendre des foules immenses dans les rues et permis à de jeunes artistes prometteurs, Bob Dylan ou Joan Baez en tête, de lutter en musique pour la paix.Aujourd’hui, les protest songs se font plus rares et les mobilisations contre la guerre, le péril atomique ou les violences raciales sont moins massives que pendant la longue période allant de la guerre du Vietnam à la chute du mur de Berlin, mais un bon nombre d’artistes restent mobilisés. Parmi ceux interrogés dans « Peace’n’Pop », le saxophoniste Joshua Redman émet un point de vue intéressant, quoiqu’un brin naïf : « Je ne sais pas si la musique peut être un contre-modèle à la confrontation guerrière, mais elle génère mutuellement un sens de l’empathie. Pour moi, toute bonne musique est une forme de paix. » Des tubes mémorablesVedettes du folk, rappeurs, rock stars ou divas soul, les chanteurs et musiciens sont nombreux à témoigner dans ce documentaire allemand divisé en deux parties (1950-1979, Faites l’amour pas la guerre ! suivi de 1979-2015, Paix et culture pop). Tout au long de ces deux épisodes, c’est plus d’un demi-siècle d’histoire culturelle et politique qui défile sous nos yeux.Mais si les musiciens et chanteurs sont mis en vedette, permettant ainsi d’écouter des extraits de tubes mémorables (de Blowin’ in the Wind, de Dylan, à Give Peace a Chance, de Lennon, en passant par What’s Going on, de Marvin Gaye, entre autres), ils ne sont pas les seuls artistes à témoigner de leur engagement contre les conflits armés. Des écrivains réputés comme le Gallois Ken Follett, le Britannique Hanif Kureishi ou le Français Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011 pour L’Art français de la guerre, Gallimard) décortiquent avec précision cette culture pop pacifiste. Plutôt pessimiste, Hanif Kureishi estime que « les immenses manifs contre la guerre en Irak dans les rues de Londres n’ont hélas servi à rien… On peut parler d’un clash entre l’extrémisme islamique et le capitalisme néolibéral. Près de chez nous, en Europe, il y a la guerre en Ukraine et je vois ressurgir le fascisme en Grèce, en Hongrie… »Si la volonté pacifiste n’a pas disparu, elle est aujourd’hui morcelée. Il y a moins de mobilisation générale, mais des multitudes d’espaces sur le Web où les artistes expriment leurs sentiments à travers des chansons ou des dessins. Face aux pacifistes, les Etats ne restent pas inactifs.Dès les années 1980, Ronald Reagan encourageait les jeunes amateurs de jeux vidéo à s’engager dans l’armée. Depuis longtemps, le complexe militaro-industriel américain investit beaucoup d’argent dans le divertissement. A travers les jeux vidéo guerriers ou des films du type Top Gun, on peut inciter des jeunes à faire la guerre.1950-1979, faites l’amour pas la guerre  ; 1979-2015, paix et culture pop, de Christian Bettges (Allemagne, 2015, 2 × 52 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Martine Delahaye Jaume Banacolocha, PDG de Diagonal TV (groupe Endemol), une des plus importantes maisons de production de fictions en Espagne, travaille aussi bien avec la télévision publique (TVE) que la chaîne commerciale Antena 3 (groupe Atresmedia).L’Espagne est-elle une grande adepte des séries ?Oui, nous sommes un pays de séries. Nous disposons d’un vivier important de très bons scénaristes de télévision. Peu sont auteurs-réalisateurs, mais les réalisateurs de cinéma sont intrigués par les séries et tendent de plus en plus à s’y intéresser.A Diagonal TV, nous avons produit notre première série quotidienne en 1984, pour la télévision publique catalane, TV3 ; ce n’est donc pas nouveau. Ensuite, l’engouement pour la créativité dont font preuve les séries américaines n’a fait que renforcer l’intérêt des Espagnols pour la fiction.Toujours est-il qu’en soirée comme en journée avec les telenovelas, la fiction espagnole est presque toujours leader. La seule chose qui ait changé, depuis quelques années, c’est que nous osons plus de choses innovantes, que nous prenons plus de risques, avec des thrillers et des séries d’époque notamment : nos fictions sont plus complexes et diversifiées, et ça plaît au public.Lire aussi :Le filon des « Bracelets rouges »La crise financière a-t-elle rebattu les cartes ?La Télévision de Catalogne, par exemple, était souvent pionnière pour lancer de nouveaux formats de séries. Or depuis deux ou trois ans, son budget fiction a beaucoup diminué.Plus largement, l’Espagne produisait beaucoup de téléfilms, des unitaires, jusqu’en 2006. Dorénavant, nous en achetons à la France ou à l’Allemagne, mais ceux-ci passent très tard le samedi soir, car ils n’ont jamais fait une très bonne audience. D’ailleurs, les chaînes, qui doivent verser 5 % de leur chiffre d’affaires pour aider le cinéma, intégraient leurs téléfilms dans ces 5 % ; mais c’est fini, elles ne se servent même plus de ce fonds pour les téléfilms, tout va au cinéma. Aujourd’hui, l’Espagne produit surtout des mini-séries, souvent de deux épisodes diffusés à la suite, et, de plus en plus, de quatre ou six épisodes.Ce qui est frappant, c’est qu’avant la crise, la chaîne privée Antena 3 s’adressait avant tout aux jeunes, ceux qui regardent « Les Simpsons » par exemple, ainsi qu’à ceux qui ont 45 ans et plus. A cette époque, les jeunes regardaient la télévision et disposaient d’argent qu’ils dépensaient facilement. Aujourd’hui qu’ils sont sur leurs tablettes et n’intéressent plus les publicitaires, il faut plutôt concevoir des séries pour les 45 ans et plus, qui ont remboursé leur maison et ont, donc, un vrai pouvoir d’achat ; des adultes qui recherchent des séries plus difficiles que les très jeunes. Vu le coût important des séries historiques, n’est-il pas étonnant que la chaîne publique TVE se soit engagée avec vous sur une série comme « Isabel », sur la vie d’Isabelle la Catholique (trois saisons déjà diffusées) et sur celle de Charles Quint, attendue pour la rentrée ?En toute modestie, il faut savoir que nous avions ouvert la voie avec « La Senora », pour TVE en 2008, une série historique qui avait éveillé l’intérêt des maisons de production pour ce genre ; si bien que, depuis, presque tout le monde a voulu faire sa propre série historique, pas médiévale, mais sur le temps passé.Certes, ce genre de série est très cher à produire, mais il faut reconnaître qu’on en fait peu de ce type. Sur la première saison d’« Isabel », d’ailleurs, nous avons perdu de l’argent ; mais nous avions le projet de faire des économies d’échelle grâce aux saisons 2 et 3. Et puis nous nous en sommes tenus à tout tourner en intérieur. Les batailles, les Espagnols savent que personne ne les réalise mieux que les Américains ; donc pas la peine de tenter de se mesurer à eux. Nous avons raconté l’aboutissement des batailles, mais sans les montrer.Mais nous avons filmé en détail tout ce qui se passait dans le palais, les couloirs et les chambres à coucher, en investissant beaucoup sur les décors et les costumes, car « Isabel » était une série de prestige. Elle a rencontré un immense succès en Espagne, mais aussi en Amérique latine. N’oublions pas que c’est Isabel qui accepta de financer l’expédition de Christophe Colomb…N’a-t-il pas été difficile de convaincre TVE de poursuivre avec une série sur le règne de son petit-fils, Charles Quint ?Avec « Carlos, Rey Emperador », en fait, nous avons lancé quelque chose de totalement nouveau.De manière générale, coproduire est très difficile en Espagne, parce que la tradition veut que les chaînes espagnoles assument seules le coût des programmes et en gardent tous les droits d’exploitation.Mais, cette fois, c’était notre projet, pour lequel nous visions l’international puisque l’histoire de Charles Quint concerne notamment l’Allemagne, les Flandres, la France avec François Ier comme ennemi irréconciliable, etc. Nous avons proposé à TVE non pas de financer le tout, mais d’y participer, sachant que nous mènerions le projet nous-mêmes, pour une unique saison de 17 épisodes, et que nous y mettrions des fonds propres, avec une participation de la chaîne de Catalogne et du ministère catalan de la culture. Cela ne s’était jamais fait jusqu’ici en Espagne. C’est vraiment un nouveau modèle ! Et c’est encore une série historique que vous allez tourner prochainement ?Pour la chaîne privée Antena 3, cette fois-ci, nous nous lançons dans une coproduction internationale en adaptant le roman d’Ildefonso Falcones, La Cathédrale de la mer, paru à Barcelone en 2006, et devenu un best-seller mondial. Cette fiction en huit épisodes racontera la construction de la basilique Sainte-Marie-de-la-Mer, qui s’est déroulée au XIVe siècle à Barcelone et qui, aujourd’hui encore, reste le symbole de la foi du petit peuple et des pêcheurs, parce qu’ils participèrent à sa construction, à l’époque. Nous le ferons au travers des yeux d’un personnage, depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte. Le tournage débutera à la fin de 2015, avec des partenaires espagnols, allemands, et peut-être français ou italiens. C’est pour nous un très grand projet.Prochain article: la Belgique.Lire aussi :La France prête à entrer dans la course aux sériesLire aussi :L’Italie : la force de la traditionLire aussi :L’Allemagne veut s’exporter Martine DelahayeJournaliste au Monde Stéphanie Binet (Los Angeles) La sortie du troisième et dernier album de Dr. Dre, Compton, est un événement mondial mais pas local. A Los Angeles, le 6 août, à une heure de la diffusion de ses nouveaux morceaux sur la plate-forme musicale Apple, personne n’est bouleversé par l’annonce faite par le rappeur lui-même le 31 juillet, sur l’antenne de la radio numérique Beats1, de l’arrivée de son nouveau disque, en digital le 7 août, en physique le 21 août.Dans un magasin de téléphonie mobile, un employé résume l’état d’esprit ambiant : « Depuis 2001 [son disque sorti en 1999], il nous bassine avec ça. A force de l’attendre depuis seize ans, on ne l’attend plus. » Dre a, en effet, tellement retardé la sortie de son projet Detox qu’il a fini par le jeter à la poubelle. « Pas assez bon », de son propre aveu. A South Central et Watts, où le premier disque de Dr. Dre, The Chronic, fut considéré, à sa sortie en décembre 1992, comme la bande-son de ces quartiers noirs et latinos, même réaction. « A 18 heures, on a autre chose à faire qu’écouter un album sur un mobile en Wi-Fi. Et on n’a pas tous des iPhone. On rentre du boulot après des heures d’embouteillages. On se repose avant de se préparer pour le lendemain », résume une habitante.Lire aussi :Dr. Dre : le rappeur entrepreneurLes radios de Los Angeles, privées, elles, de cette exclusivité, préfèrent parler de la sortie prochaine du film Straight Outta Compton, consacré à son groupe N.W.A, fondé par Dr. Dre et Eazy E. Ce dernier, figure tutélaire de la ville, dealer des rues et membre du gang des Crips, avait réussi à défier le FBI avec son label, Ruthless Records, qu’il avait créé avec son manager, Jerry Heller, avant de mourir du sida en 1995. C’est cette histoire que raconte le film et c’est son tournage qui a convaincu Dr. Dre, coproducteur du film, de retourner en studio. L’homme d’affaires de 2015, âgé de 50 ans, s’est senti défié par le rappeur de 1988, jeune, culotté, sans peur.Mais Compton, nouvel album de Dr. Dre, n’est pourtant pas la bande originale du film Straight Outta Compton comme annoncé, mais regroupe les musiques inspirées par le long-métrage, pratique courante dans le rap des années 1990. En 1995, La Haine, de Matthieu Kassovitz, avait eu aussi son album La Haine, musiques inspirées du film. Sur le sien, Dre invite tous ses anciens poulains (Snoop Dogg, Eminem, The Game, Xzibit, exception faite de 50 Cent) et ses nouvelles plumes (Kendrick Lamar, Jon Connor, King Mez, Justus). C’est avec les deux derniers que le producteur a écrit la majeure partie des titres. Il ne reprend pas la narration du film mais raconte en quoi sa ville, Compton, a été une telle source d’inspiration pour toute sa carrière.Ouverture en fanfareLa pochette de son album pose déjà l’argumentaire. Le point de vue vient de Compton, les lettres d’Hollywood au-dessus de Beachwood Canyon ont été remplacées par celles de la commune au sud de South Central. La pochette est une vue aérienne vers les gratte-ciel de Downtown à partir des quartiers pauvres, inversant le regard des auditeurs, plutôt habitués à voir la ville à partir des hauteurs de Mulholland Drive. Le graphiste s’est arrangé avec la géographie locale : il n’y a pas de colline à Compton, juste un alignement de maisons.L’album s’ouvre en fanfare sur une réinterprétation de la musique d’Universal Pictures. Une voix off, cérémonieuse, fait l’éloge de cette ville idéalisée par les Afro-Américains qui fuyaient la ségrégation du sud des Etats Unis dans les années 1950 : « Compton, c’était le rêve américain, la Californie ensoleillée, avec les palmiers dans la cour, le camping-car, le bateau… » Un rêve qui a tourné au cauchemar, continue encore la voix, « où, même si quatre conseillers municipaux sur cinq sont noirs, aucun n’a réussi à enrayer la criminalité et la paupérisation. Avec 47 meurtres l’an passé, Compton est une des villes les plus criminelles en densité par habitant ».Les trois morceaux les plus inspirésCette belle intro est cependant gâchée par un excès de jeunisme du rappeur, qui après seize ans d’absence adopte la manière de rapper, très actuelle et surfaite, du sud des Etats-Unis, le trap. Il l’abandonne heureusement sur le reste de l’album. Ce premier morceau, Talk About It, introduit aussi ses deux nouveaux espoirs, King Mez, de Caroline du Nord, et Justus, rappeur blanc de Dallas, qui citent une des rimes les plus célèbres de The Notorious B.I.G., rappeur new-yorkais, un temps rival de la Côte ouest, et assassiné à Los Angeles, It Was All a Dream (« c’était tout un rêve »). Il faut attendre le deuxième titre pour retrouver la qualité de la production de Dr. Dre avec Genocide, qui mêle un toast ragga de l’Anglaise Marsha Ambrosius du groupe Floetry et la dextérité de celui qui va l’accompagner sur trois des morceaux les plus inspirés du disque : Kendrick Lamar.Ainsi sur Darkside/Gone, la même équipe rend un bel hommage à Eazy-E. King Mez, lui, remet les pendules à l’heure sur le mythe des rappeurs gangsters : « Non, je n’ai jamais vendu de drogue, mais je sais qui en a. » Dre ne rappe finalement en solo que sur un seul des seize titres de l’album, le dernier. Pour le reste, en bon producteur, il s’attache plutôt à déstabiliser ses partenaires de ces vingt dernières années : musique plus rock pour les anciens, Ice Cube et Snoop Dogg, jazz pour The Game… Il signe, de plus, une belle collaboration avec DJ Premier, son homologue de la Côte est, pour Animals. Du bon Dr. Dre, inattendu, joué dès le lendemain de la diffusion sur Apple sur bon nombre d’autoradios. Le mythe tient encore la route. Vendredi 7 août, dans l’après-midi, les lettres de Compton étaient dessinées dans le ciel de Los Angeles par des avions publicitaires.Stéphanie Binet (Los Angeles)Journaliste au Monde 31.08.2015 à 09h08 • Mis à jour le31.08.2015 à 12h01 | Francis Marmande Le jeudi 13 mai 1952, Raymond Borde déniche dans une « gueille » de Toulouse – les puces, à côté, c’est le salon des antiquaires du Louvre –, une copie de The Ring (Alfred Hitchcock, 1927). De cette trouvaille naît la cinémathèque de Toulouse. Recopiant le début de L’Extricable (éditions Joëlle Losfeld, 1963), je me suis trompé la semaine dernière. Raymond Borde n’a jamais écrit : « Nous sommes traversés. Les lendemains qui chantent sont des lendemains qui gueulent. » Il écrit : « Nous sommes transpercés. »Ni fautes de frappe, ni coquilles, jamais : même si vous prétendez, par un bobard comique, vous être assis sur vos lunettes. Il n’y a que des recadrages de l’inconscient. Entre « traversés » et « transpercés », vous avez toute la distance du poïélitique.Jeudi dernier, j’ai lu à haute voix les dix premières pages de L’Extricable. Je les ai lues à Uzeste Musical où jouait Archie Shepp et son carré magique (Portal, Lubat, Luc, Sclavis, Perrone, Minvielle, Corneloup, etc.).Uzeste Musical (Gironde) – comme le festival Météo (Haut-Rhin) –, a le chic de se délivrer du joli mot encombrant de « jazz ». À Météo, James Blood Ulmer, un des derniers bluesmen à n’avoir pas muté, tout en frayant avec l’avant-garde (Ornette Coleman, Julius Hemphill), affiche moins une liberté (ça, c’est pour les nigauds) qu’une humble souveraineté tranchante. Tous les bluesmen auraient fait de même, si l’industrie du disque et du cinéma ne s’étaient chargée de les recadrer (quel joli mot !).Les jeunes musiciennes ne se font aucun mouron. Du moins ont-elles entendu la leçon de James Blood Ulmer. Parfaitement vérifiable à l’écoute de Kid Wise – « indie pop sauvage & juvénile » (clip irrésistible) ; Azaar Boutique, « folklore imaginaire » de Julien Bouttard & Co ; ou encore, Louis Lubat et ses Gojats, « musique sauvagement jazzconcubine ». L’avenir existe. Il est joyeux.Tout l’été, je me suis étonné du nombre de camions anonymes sur les routes. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien contenir ? Des trente-cinq tonnes blancs comme un œuf, immatriculés sur la lune. Maintenant, je sais, même si le camion abandonné avec sa cargaison de réfugiés morts sur une autoroute autrichienne, était du genre décoré. Voir, le même jour, l’artiste néerlandaise Malene Dumas à Bâle, en Suisse, au Bayerleer, ça n’aide pas à être joyeux, mais ça permet de comprendre. Heureusement, Tinguely, toujours à Bâle : « Je veux faire de la mort un jeu vivant. » Trop tard, camarade ?Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Un été indien très jazz à La Villette, la tournée électro-planante d’Archive ou le grand retour de Motörhead : c’est la sélection musicale du Monde.UN ALBUM : « Bad Magic », de Motörhead Il est en couverture du numéro de septembre de Rock & Folk et sujet d’un entretien sur huit pages mené par Philippe Manœuvre, le rédacteur en chef du mensuel musical. Et Lemmy Kilmister, bassiste, chanteur, fondateur de Motörhead et l’une des références du heavy metal britannique depuis 1975, est manifestement en forme après des ennuis de santé à répétition en 2013 et 2014, qui avaient fait craindre à ses fans que le géant vacillait. « Je ne peux plus sautiller sur scène donc d’accord, je ne sautille plus. Mais ma voix est toujours là et mon jeu de basse est toujours là », dit-il. Un rien en deçà de leurs possibilités respectives lors du démarrage des concerts, mais sur disque, Motörhead (avec Phil Campbell à la guitare et Mikkey Dee à la batterie) tient toujours son rang. En témoigne ce Bad Magic tout chaud, puissant, guerrier, qui ne remet pas en cause la formule du groupe : du rock’n’roll sans fioritures, sur tempo rapide. Un 22e album en studio qu’emportent, entre autres propulsions, « Thunder & Lightning », « Shoot Out All of Your Lights » ou « Teach‘Em How To Bleed ».« Thunder & Lightning » par Motörhead, extrait de « Bad Magic » (UDR Music/Motörhead Music)UN FESTIVAL : Jazz à La Villette, du 3 au 13 septembre Chronologiquement, Jazz à La Villette est le dernier festival d’importance de l’été du jazz. Avec plus de 30 concerts, dont certains pour les enfants, répartis, du 3 au 13 septembre, sur plusieurs lieux du parc de La Villette, dans le 19e arrondissement parisien : la Grande Halle de La Villette, les salles de concerts de la Cité de la musique et de la Philharmonie, le Trabendo, le Cabaret sauvage. Et débord vers le cinéma MK2 du proche quai de Seine pour des projections, l’Atelier du plateau et la Dynamo de Banlieues bleues (à Pantin en Seine-Saint-Denis). Parmi les propositions de la manifestation, le saxophoniste Steve Coleman, pour trois concerts du 4 au 6 septembre, chacun avec une formation différente ; l’évocation de Nat King Cole par le chanteur Hugh Coltman (le 5 septembre) ; celle de Nina Simone par, notamment, Camille, Sandra Nkaké, Yael Naim, Sly Johnson et à nouveau Coltman (le 6) ; l’Acoustic Lousadzak du contrebassiste Claude Tchamitchian (les 6 et 7) ; le violoncelliste Vincent Ségal et le joueur de kora – une harpe-luth malienne – Ballaké Sissoko (le 9) ; le trio The Bad Plus qui jouera Ornette Coleman, avec en première partie le Supersonic de Thomas de Pourquery qui jouera Sun Râ (le 12) ; le trio Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier (le 12)…Jazz à La Villette, du 3 au 13 septembre, parc de La Villette et autres lieux. Tél. : 01 44 84 44 84 et 01 40 03 75 75. De 8 euros (programme enfants Jazz For Kids !) à 33 euros.RESERVEZ VITE : Archive visite la France du 14 au 31 octobre Le groupe Archive va passer une partie du mois d’octobre en France, précisément, du 14 au 30, avec son « restriction tour », du nom de son dernier album en date Restriction (PIAS). La formation londonienne, dont la musique emprunte autant au rock planant de la fin des années 1960 et du début des années 1970 qu’à l’électronique la plus en vogue, est attendue dans des salles à la capacité variable, de quelques centaines à moins de deux mille spectateurs jusqu’à des structures de type Zénith (Montpellier, le 17 octobre, Paris les 29 et 30). Plusieurs de ces concerts sont annoncés comme complets (Aéronef, à Lille, le 19 octobre ; La Vapeur, à Dijon, le 22 ; La Belle électrique, à Grenoble, le 23), d’autres pas loin de l’être. L’ensemble des lieux, dates et horaires est présenté sur le site Infoconcert.com et sur celui du producteur Alias.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget.Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.08.2015 à 20h45 • Mis à jour le31.08.2015 à 12h22 | Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Sylvain Siclier « C’est mon premier concert dans un festival français », annonce la chanteuse Marina Lambrini Diamandis, dite Marina & The Diamonds, en arrivant à 17h45 sur la Scène de la cascade, la deuxième plus importante en capacité d’accueil du festival Rock en Seine. Si les fans, qu’elle appelle ses diamonds, ses diamants, ont vite occupé les premiers rangs, pour la majeure partie du public du festival francilien, la jeune Galloise, qui fêtera ses 30 ans le 10 octobre, est plutôt une découverte.Précédée d’une réputation de phénomène au Royaume-Uni, après le succès de son single I Am Not a Robot, en 2010 et d’une plus récente série de vidéo-clips assez travaillés, Marina & The Diamonds brille par des tenues à la ville et à la scène un rien délirantes et amusantes.La lecture de quelques articles dans la presse musicale et généraliste britannique et l’écoute de ses chansons à l’orientation pop-variété laissaient supposer qu’elle pourrait tenir le rôle de la bizarrerie de la journée. Sur le plan du spectacle, on restera un peu sur sa faim. La jeune femme a bien un costume moulant, à motif zébré, des chaussures à talons compensées d’un rose flashy qui lui rende dans les 15 cm, des lunettes dans le même esprit, mais on a déjà vu largement plus dingo, sans même évoquer l’Américaine Lady Gaga. Marina & The Diamonds 💘 #rockenseine #res2015 #matd #marinaandthediamonds Une photo publiée par Simon Brazeilles (@simbrzls) le 29 Août 2015 à 10h27 PDTMusicalement, ses chansons à la scène sont dans un assez exact rendu des enregistrements en studio, interprétées par quatre musiciens, dont un claviériste qui déclenche des parties arrangées, des chœurs et des effets. Une musique plutôt dansante, qui donne envie de sauter sur place et lever les bras. Pas d’une folle originalité mais parfaitement réalisé dans le genre.Surtout, Marina & The Diamonds a une voix. Ce qui dans le domaine de la variété n’est pas rien. Elle la place bien, avec vibratos, sautes de notes dans le registre aigü et contrôle du souffle. Et perce, hors de la perfection du studio et sa recréation sur scène, un naturel vocal qui donne de la vie à sa prestation.Lire aussi :Rock en Seine : Miossec grandiose dans la tourmente, et FFS en évidences popVoir également le résumé visuel de la première journée du festivalSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 29.08.2015 à 18h07 • Mis à jour le31.08.2015 à 15h50 | Sylvain Siclier C’est un genre en soi, le groupe à guitares. L’expression est apparue dans la suite des années 1980 de la pop et du rock qui avaient sacralisé l’emploi de claviers et de machines. Il y a bien une claviériste pour accompagner, lors des concerts, le quintette britannique The Maccabees, formé en 2003. Mais avec ses deux guitaristes, Hugo Harry William White et Felix White, et son chanteur, Orlando Weeks, qui ne quitte pas sa propre six-cordes, c’est bien un groupe où l’instrument domine.Mais attention : il ne s’agit pas ici d’exploits solistes, de vélocité. Les trois compères, et même quatre, si l’on ajoute le bassiste Rupert Jarvis, font bloc, ensemble. Sans que ce « mur de son », que ne renierait pas le producteur américain Phil Spector, ne se révèle pesant. Par de légers décalages sur le même accord, un contre-chant tricoté avec finesse, une attention à l’harmonisation, The Maccabees emmène sa matière rock vers la pop. Ils ne sont pas les seuls, mais il y a un petit quelque chose d’indéfinissable qui fait la différence.Une approche lumineuse du rockSi le Royaume-Uni les fête assez régulièrement depuis la fin des années 2000, ils n’ont pas encore en France la même réputation. Les voici donc programmés à Rock en Seine, sur la Grande Scène, samedi 29 août, en ouverture de la deuxième journée du festival organisé au domaine national de Saint-Cloud.Avec grand soleil, en accord avec leur approche assez lumineuse du rock, qui passe aussi par le timbre dans les aigus d’Orlando Weeks. Et par ces chansons qui ont la simplicité et l’efficacité des hymnes rock, dont Marks To Prove It, arrivé à mi-parcours de leur prestation. Elle figure dans un nouvel album du même nom, publié fin juillet. Le quatrième de The Maccabees, et à ce jour leur plus abouti.Concert rediffusé durant six mois sur Culturebox, plateforme numérique culturelle du groupe France télévisions.Voir le visuel interactif sur Rock en SeineSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Il a d’abord pris les choses avec humour, dès la fin de sa première chanson, Bête, comme j’étais avant, en lançant « on va essayer de les couvrir, les vieux d’Offspring ». Mais tout au long de son concert, vendredi 28 août, en début de soirée, sur la Scène de l’industrie, Miossec, ses musiciens et le public, auront eu à subir la sonorisation poussée à fond du groupe américain, vétérans punk des années 1980, programmé au même moment sur la Grande Scène. Et même si Miossec ne dédaigne pas aller vers les envolées rock, son univers musical est aussi constitué de douceurs, d’émotions tendues, de contrastes.En cause, outre le volume cache-misère d’un The Offspring un rien fatigué, le nouvel aménagement de la Scène de l’industrie. Cette troisième scène du festival Rock en Seine avait été installée en 2005 dans un axe ouest (la scène) et est (le public), permettant des concerts en simultané avec la Grande Scène, mais offrant aux musiciens la vue sur le défilé constant des festivaliers sur le large passage qui traverse la partie basse du Domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Cette année, l’Industrie est dans un axe nord-dud. Le passage du public est fluidifié, la forme en cuvette de l’espace avec de légères pentes herbeuses permet d’accueillir plus de spectateurs. Mais du coup, dans les hauteurs de la scène, les musiciens prennent dorénavant de face la sonorisation de la Grande Scène.Mais il est fier, MiossecCe que l’on avait perçu, sans que cela se révèle exagérément gênant en début de festival à l’occasion d’autres concerts. Mais là ! La différence stylistique est trop marquée. Alors il résiste, Miossec, il ne cède pas, il ne change pas, au dernier moment, le répertoire qu’il présente, avec violoncelle, guitare, claviers et rythmique souple, pour imposer à son tour un son plus lourd, plus fort. Mais Le Plaisir, Les Poisons ou A l’attaque ! « une chanson contre le cancer » qui débute par « Je t’ai dans la peau/Je t’ai dans mon âme » sont définitivement abîmées.Et puis, Miossec qui a emporté au plus haut son A Montparnasse, semble abandonner. Le groupe quitte la scène alors qu’il pourrait jouer encore quelques minutes. Mais il est fier, Miossec. Et passé un léger flottement, il revient pour Brest, les blessures de l’exil et de la rupture amoureuse. Sa version originale en studio mettait les guitares en avant. Ici, Miossec insiste à en préserver, malgré la tourmente, la part la plus fragile. Deux heures avant, l’on était sorti de la foule compacte massée devant la Scène de la cascade le sourire aux lèvres, les légèretés pop-disco de FFS toutes fraîches dans les oreilles. FF pour Franz Ferdinand et S pour Sparks. La réunion du quartette écossais apparu au début des années 2000 et du duo des Californiens (de Los Angeles) formé, fin 1968, par les frères Mael, Ron et Russell. En points communs des accroches mélodiques évidentes, un goût pour la fantaisie du music-hall, une approche parfois opératique de la pop et du rock.FFS plus que bien rodéEn Europe depuis le 20 août, avec quasiment un concert chaque jour en festivals, FFS arrive plus que bien rodé. De leur album en commun, Franz Ferdinand et Sparks extraient huit des douze chansons, dont l’ouverture, Johnny Delusional, et le volontairement bien mal nommé dans leur cas Collaborations Don’t Work. Et ajoutent quelques reprises de chacun des deux : Do You Want To, Take Me Out pour Franz Ferdinand ; The Number One Song in Heaven – un peu réduite en durée par rapport à d’autres concerts –, This Town Ain’t Big Enough For Both of Us pour Sparks.Ce qui fonctionne parfaitement ici, c’est le plaisir manifeste pris par les musiciens. C’est cette distance totale avec l’idée de vouloir faire œuvre. C’est l’alliance vocale, avec des virevoltes, de Russell Mael et d’Alex Kapranos. C’est cette éternelle présence quasi immobile de Ron Mael aux claviers, son allure de gentleman d’une autre époque, avec petite moustache, cheveux courts, autour duquel s’agitent tous les autres. Et dont l’on sait, pour l’avoir vu à de nombreuses reprises, qu’il va soudainement se lever, faire un pas de danse désarticulé avant de reprendre sa pose. Effet garanti.Le concert de FFS est rediffusé durant six mois sur Culturebox, plateforme numérique culturelle du groupe France télévisions.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Vendredi 28 août, par le seul recours à une fantaisie country jouée au banjo durant deux minutes, John Butler a transformé l’étendue herbeuse devant la grande scène du festival Rock en Seine en grand espace non pas américain, mais australien. Peu après, le même John Butler va tenir silencieux la bonne dizaine de milliers de festivaliers durant un long moment grâce à sa guitare à douze cordes, avant qu’une ovation ne vienne le récompenser pour sa virtuosité évidente, mais surtout pour la musicalité.Jeu collectifDepuis le début des années 2000, le guitariste et chanteur australien se produit le plus souvent en trio accompagné d’un bassiste et d’un batteur, avec un répertoire dont l’ancrage est à trouver dans la country, le folk-rock, avec un rien de funk, et parfois une petite virée reggae. Les gros plans de la captation diffusée sur les écrans des deux côtés de la scène montrent une main droite aux ongles épais et longs. La prise de main gauche dessine des muscles qui doivent avoir la densité de l’acier trempé. Son glissé au bottleneck – un tube de verre ou d’acier qui recouvre l’un des doigts, pour un effet d’allongement du son – est des plus emballants. Et s’il y a aux pieds du musicien un appareillage de pédales d’effets, c’est bien par le corps, les doigts tous mis en jeu, que surgit la musique.Aux côtés de Butler, on trouve le bassiste, contrebassiste et un peu claviériste Byron Luiters et le batteur Grant Gerathy. Dans la tradition des jam bands (terme qui désigne les formations rock qui, comme dans le jazz, insèrent de plus ou moins longues parties improvisées), le jeu est collectif, le solo pris par l’un ou l’autre au gré de ce que l’environnement, le moment, appelle. Loin de laisser filer les choses durant des heures ou de s’appuyer sur des chansons bien construites, le trio fait la différence dans un domaine qui se laisse souvent aller à la complaisance.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 28.08.2015 à 10h21 | Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier   « C’est mon premier concert dans un festival français », annonce la chanteuse Marina Lambrini Diamandis, dite Marina & The Diamonds, en arrivant à 17h45 sur la Scène de la cascade, la deuxième plus importante en capacité d’accueil du festival Rock en Seine. Si les fans, qu’elle appelle ses diamonds, ses diamants, ont vite occupé les premiers rangs, pour la majeure partie du public du festival francilien, la jeune Galloise, qui fêtera ses 30 ans le 10 octobre, est plutôt une découverte.Précédée d’une réputation de phénomène au Royaume-Uni, après le succès de son single I Am Not a Robot, en 2010 et d’une plus récente série de vidéo-clips assez travaillés, Marina & The Diamonds brille par des tenues à la ville et à la scène un rien délirantes et amusantes.La lecture de quelques articles dans la presse musicale et généraliste britannique et l’écoute de ses chansons à l’orientation pop-variété laissaient supposer qu’elle pourrait tenir le rôle de la bizarrerie de la journée. Sur le plan du spectacle, on restera un peu sur sa faim. La jeune femme a bien un costume moulant, à motif zébré, des chaussures à talons compensées d’un rose flashy qui lui rende dans les 15 cm, des lunettes dans le même esprit, mais on a déjà vu largement plus dingo, sans même évoquer l’Américaine Lady Gaga. Marina & The Diamonds 💘 #rockenseine #res2015 #matd #marinaandthediamonds Une photo publiée par Simon Brazeilles (@simbrzls) le 29 Août 2015 à 10h27 PDTMusicalement, ses chansons à la scène sont dans un assez exact rendu des enregistrements en studio, interprétées par quatre musiciens, dont un claviériste qui déclenche des parties arrangées, des chœurs et des effets. Une musique plutôt dansante, qui donne envie de sauter sur place et lever les bras. Pas d’une folle originalité mais parfaitement réalisé dans le genre.Surtout, Marina & The Diamonds a une voix. Ce qui dans le domaine de la variété n’est pas rien. Elle la place bien, avec vibratos, sautes de notes dans le registre aigü et contrôle du souffle. Et perce, hors de la perfection du studio et sa recréation sur scène, un naturel vocal qui donne de la vie à sa prestation.Lire aussi :Rock en Seine : Miossec grandiose dans la tourmente, et FFS en évidences popVoir également le résumé visuel de la première journée du festivalSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 29.08.2015 à 18h07 | Sylvain Siclier C’est un genre en soi, le groupe à guitares. L’expression est apparue dans la suite des années 1980 de la pop et du rock qui avaient sacralisé l’emploi de claviers et de machines. Il y a bien une claviériste pour accompagner, lors des concerts, le quintette britannique The Maccabees, formé en 2003. Mais avec ses deux guitaristes, Hugo Harry William White et Felix White, et son chanteur, Orlando Weeks, qui ne quitte pas sa propre six-cordes, c’est bien un groupe où l’instrument domine.Mais attention : il ne s’agit pas ici d’exploits solistes, de vélocité. Les trois compères, et même quatre, si l’on ajoute le bassiste Rupert Jarvis, font bloc, ensemble. Sans que ce « mur de son », que ne renierait pas le producteur américain Phil Spector, ne se révèle pesant. Par de légers décalages sur le même accord, un contre-chant tricoté avec finesse, une attention à l’harmonisation, The Maccabees emmène sa matière rock vers la pop. Ils ne sont pas les seuls, mais il y a un petit quelque chose d’indéfinissable qui fait la différence.Une approche lumineuse du rockSi le Royaume-Uni les fête assez régulièrement depuis la fin des années 2000, ils n’ont pas encore en France la même réputation. Les voici donc programmés à Rock en Seine, sur la Grande Scène, samedi 29 août, en ouverture de la deuxième journée du festival organisé au domaine national de Saint-Cloud.Avec grand soleil, en accord avec leur approche assez lumineuse du rock, qui passe aussi par le timbre dans les aigus d’Orlando Weeks. Et par ces chansons qui ont la simplicité et l’efficacité des hymnes rock, dont Marks To Prove It, arrivé à mi-parcours de leur prestation. Elle figure dans un nouvel album du même nom, publié fin juillet. Le quatrième de The Maccabees, et à ce jour leur plus abouti.Concert rediffusé durant six mois sur Culturebox, plateforme numérique culturelle du groupe France télévisions.Voir le visuel interactif sur Rock en SeineSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Il a d’abord pris les choses avec humour, dès la fin de sa première chanson, Bête, comme j’étais avant, en lançant « on va essayer de les couvrir, les vieux d’Offspring ». Mais tout au long de son concert, vendredi 28 août, en début de soirée, sur la Scène de l’industrie, Miossec, ses musiciens et le public, auront eu à subir la sonorisation poussée à fond du groupe américain, vétérans punk des années 1980, programmé au même moment sur la Grande Scène. Et même si Miossec ne dédaigne pas aller vers les envolées rock, son univers musical est aussi constitué de douceurs, d’émotions tendues, de contrastes.En cause, outre le volume cache-misère d’un The Offspring un rien fatigué, le nouvel aménagement de la Scène de l’industrie. Cette troisième scène du festival Rock en Seine avait été installée en 2005 dans un axe ouest (la scène) et est (le public), permettant des concerts en simultané avec la Grande Scène, mais offrant aux musiciens la vue sur le défilé constant des festivaliers sur le large passage qui traverse la partie basse du Domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Cette année, l’Industrie est dans un axe nord-dud. Le passage du public est fluidifié, la forme en cuvette de l’espace avec de légères pentes herbeuses permet d’accueillir plus de spectateurs. Mais du coup, dans les hauteurs de la scène, les musiciens prennent dorénavant de face la sonorisation de la Grande Scène.Mais il est fier, MiossecCe que l’on avait perçu, sans que cela se révèle exagérément gênant en début de festival à l’occasion d’autres concerts. Mais là ! La différence stylistique est trop marquée. Alors il résiste, Miossec, il ne cède pas, il ne change pas, au dernier moment, le répertoire qu’il présente, avec violoncelle, guitare, claviers et rythmique souple, pour imposer à son tour un son plus lourd, plus fort. Mais Le Plaisir, Les Poisons ou A l’attaque ! « une chanson contre le cancer » qui débute par « Je t’ai dans la peau/Je t’ai dans mon âme » sont définitivement abîmées.Et puis, Miossec qui a emporté au plus haut son A Montparnasse, semble abandonner. Le groupe quitte la scène alors qu’il pourrait jouer encore quelques minutes. Mais il est fier, Miossec. Et passé un léger flottement, il revient pour Brest, les blessures de l’exil et de la rupture amoureuse. Sa version originale en studio mettait les guitares en avant. Ici, Miossec insiste à en préserver, malgré la tourmente, la part la plus fragile. Deux heures avant, l’on était sorti de la foule compacte massée devant la Scène de la cascade le sourire aux lèvres, les légèretés pop-disco de FFS toutes fraîches dans les oreilles. FF pour Franz Ferdinand et S pour Sparks. La réunion du quartette écossais apparu au début des années 2000 et du duo des Californiens (de Los Angeles) formé, fin 1968, par les frères Mael, Ron et Russell. En points communs des accroches mélodiques évidentes, un goût pour la fantaisie du music-hall, une approche parfois opératique de la pop et du rock.FFS plus que bien rodéEn Europe depuis le 20 août, avec quasiment un concert chaque jour en festivals, FFS arrive plus que bien rodé. De leur album en commun, Franz Ferdinand et Sparks extraient huit des douze chansons, dont l’ouverture, Johnny Delusional, et le volontairement bien mal nommé dans leur cas Collaborations Don’t Work. Et ajoutent quelques reprises de chacun des deux : Do You Want To, Take Me Out pour Franz Ferdinand ; The Number One Song in Heaven – un peu réduite en durée par rapport à d’autres concerts –, This Town Ain’t Big Enough For Both of Us pour Sparks.Ce qui fonctionne parfaitement ici, c’est le plaisir manifeste pris par les musiciens. C’est cette distance totale avec l’idée de vouloir faire œuvre. C’est l’alliance vocale, avec des virevoltes, de Russell Mael et d’Alex Kapranos. C’est cette éternelle présence quasi immobile de Ron Mael aux claviers, son allure de gentleman d’une autre époque, avec petite moustache, cheveux courts, autour duquel s’agitent tous les autres. Et dont l’on sait, pour l’avoir vu à de nombreuses reprises, qu’il va soudainement se lever, faire un pas de danse désarticulé avant de reprendre sa pose. Effet garanti.Le concert de FFS est rediffusé durant six mois sur Culturebox, plateforme numérique culturelle du groupe France télévisions.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Vendredi 28 août, par le seul recours à une fantaisie country jouée au banjo durant deux minutes, John Butler a transformé l’étendue herbeuse devant la grande scène du festival Rock en Seine en grand espace non pas américain, mais australien. Peu après, le même John Butler va tenir silencieux la bonne dizaine de milliers de festivaliers durant un long moment grâce à sa guitare à douze cordes, avant qu’une ovation ne vienne le récompenser pour sa virtuosité évidente, mais surtout pour la musicalité.Jeu collectifDepuis le début des années 2000, le guitariste et chanteur australien se produit le plus souvent en trio accompagné d’un bassiste et d’un batteur, avec un répertoire dont l’ancrage est à trouver dans la country, le folk-rock, avec un rien de funk, et parfois une petite virée reggae. Les gros plans de la captation diffusée sur les écrans des deux côtés de la scène montrent une main droite aux ongles épais et longs. La prise de main gauche dessine des muscles qui doivent avoir la densité de l’acier trempé. Son glissé au bottleneck – un tube de verre ou d’acier qui recouvre l’un des doigts, pour un effet d’allongement du son – est des plus emballants. Et s’il y a aux pieds du musicien un appareillage de pédales d’effets, c’est bien par le corps, les doigts tous mis en jeu, que surgit la musique.Aux côtés de Butler, on trouve le bassiste, contrebassiste et un peu claviériste Byron Luiters et le batteur Grant Gerathy. Dans la tradition des jam bands (terme qui désigne les formations rock qui, comme dans le jazz, insèrent de plus ou moins longues parties improvisées), le jeu est collectif, le solo pris par l’un ou l’autre au gré de ce que l’environnement, le moment, appelle. Loin de laisser filer les choses durant des heures ou de s’appuyer sur des chansons bien construites, le trio fait la différence dans un domaine qui se laisse souvent aller à la complaisance.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 28.08.2015 à 10h21 | Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Ce mois d’août aura décidément été chargé en déclarations et annonces concernant Michel Houellebecq. Mais la dernière en date est venue alléger une atmosphère plutôt lourde en polémiques : l’écrivain concevra une exposition au Palais de Tokyo à l’été 2016.Ce nouveau projet a été annoncé, mercredi 26 août dans la soirée, par Jean de Loisy, le président du centre d’art contemporain parisien, lors d’une présentation générale de la programmation des prochains mois. Baptisée « Rester vivant », titre qui reprend celui d’un des premiers essais de l’écrivain, publié en 1991, l’exposition se tiendra du 23 juin au 12 septembre 2016 et se déploiera sur 1 500 m².Un roman « cinématique »Ce ne sera pas une exposition « sur » Michel Houellebecq, prévient Jean de Loisy, mais « une exposition inventée par lui, composée de photos, mais aussi d’installations et de films, ainsi que d’invitations à de nombreux artistes, comme Iggy Pop ou Robert Combas. »« Ce sera le monde de Michel Houellebecq, vous passerez de salle en salle et un roman va se constituer dans votre tête, accompagné par des images et des sons. Vous aurez traversé une aventure de Michel Houellebecq », a encore détaillé le président du Palais de Tokyo, qui qualifie ce futur dispositif de « cinématique ».Toujours selon Jean de Loisy, qui connaît l’écrivain « depuis vingt-cinq ans », ce dernier est « un des artistes les plus marquants en photo ». Il ne s’agira d’ailleurs pas de la première exposition de celui qui multiplie les incursions dans tous les domaines artistiques – à la fois romancier, poète et essayiste, mais également réalisateur (La Possibilité d’une île, en 2008), acteur (dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq, de Guillaume Nicloux, et Near Death Experience, de Gustave Kervern et Benoît Delépine, deux films sortis en 2014) ou encore chanteur (Présence humaine, en collaboration avec Bertrand Burgalat, en 2000).Une précédente expositionDe novembre 2014 à janvier 2015, l’artiste avait, en effet, présenté « Before Landing » au Pavillon Carré de Baudouin, espace culturel géré par la mairie du 20e arrondissement de Paris, une exposition qui faisait écho à la vision satirique de la France développée dans La Carte et le Territoire, son roman prix Goncourt 2010.Lire la critique de l’exposition : Houellebecq photographe, sans ménagement pour le territoireElle avait été fermée le 8 janvier, au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo, qui était aussi le jour de la sortie de son dernier roman, Soumission, particulièrement sujet à controverses.Cette annonce est donc venue en quelque sorte refermer une parenthèse estivale qui fut éminemment plus polémique. Alors que deux grandes séries lui ont été consacrées dans la presse, tout au long du mois d’août – un ensemble de cinq entretiens réalisés par Le Figaro Magazine, et les « Six vies de Michel Houellebecq », une longue enquête du Monde –, il aura multiplié les attaques contre ce travail explorant son univers et les moments clés de sa vie, suscitant l’incompréhension.Lire aussi la série « Six vies de Michel Houellebecq » : La tour et le territoire (1/6), Un gourou à « 20 ans » (2/6), Le procès verbal (3/6), Le corps à l’ouvrage (4/6), Trois jours et deux nuits au monastère (5/6) et 7 janvier, la collision tragique (6/6)Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Mardi 25 août – au lendemain d’une série de drames à Palmyre, en Syrie, avec la décapitation de Khaled Al-Asaad, ancien directeur du site archéologique, et la destruction à l’explosif du temple de Baalshamin, par les djihadistes de l’Etat islamique (EI) – François Hollande réitérait la volonté de la France exprimée, six mois plus tôt au Louvre, de « tout faire » pour « protéger les trésors » du patrimoine syrien et irakien. « Comment agir ? [Que] pouvons-nous faire pour la sauvegarde du patrimoine et de la culture ? », avait-il alors demandé à Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée parisien, en le chargeant d’une mission d’expertise.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »Aux ambassadeurs, réunis mardi pour leur rendez-vous annuel de fin d’été, M. Hollande répétait l’engagement pris le 18 mars, après les destructions des antiques cités de Nimroud et Hatra en Irak, l’ancienne Mésopotamie. M. Hollande s’était aussi engagé à ce que « les jeunes archéologues puissent poursuivre leur travail en étroite collaboration avec les universités françaises. La France accueillera ainsi des doctorants irakiens qui viendront compléter leur cursus et leurs travaux de recherche ».Lire aussi :A Palmyre, le temple de Baalshamin détruit à l’explosif par les djihadistes Enjeu prioritaireCinq mois plus tard, ce sont les tracasseries administratives liées aux permis de séjour des scientifiques accueillis en France, dans le cadre de travaux de recherche ou de stages, qui freinent cette coopération.Vincent Guichard, directeur général du Centre d’archéologie européenne de Bibracte, dans le Morvan, s’en désole : « Aucune procédure n’est organisée, on dépend de personnes de bonne volonté. » Sans anges gardiens, les dossiers n’aboutissent pas. « L’afflux des collègues scientifiques du Moyen-Orient est d’une telle ampleur que nos moyens ne suffisent pas, et il n’y a pas assez de postes sur les budgets. On fait du bricolage », reconnaît M. Guichard.Le cas d’Houmam Saad, brillant archéologue syrien de 36 ans, auteur d’une thèse intitulée « Représentation humaine dans les tombes de Palmyre », est édifiant. En avril 2014, il est accueilli au Louvre au sein du département des Antiquités orientales, pour un stage de six mois, grâce à une bourse du ministère de la culture. L’archéologue a ensuite poursuivi ses recherches, pendant neuf mois, au laboratoire d’archéologie Aoroc de l’Ecole normale supérieure (ENS). Pour repousser son retour en Syrie, il vient d’obtenir un nouveau contrat à l’université de Paris-IV.Mais le parcours du combattant de M. Saad n’est pas terminé. Malgré un visa scientifique, qui l’autorise à travailler, et son contrat de travail, il doit renouveler tous les deux mois les formalités de permis de séjour. A chaque fois, les services de l’immigration le font revenir pour des documents manquants.Béatrice André-Salvini (département des antiquités orientales du Louvre) : « Il est très important qu’il ne manque pas toute une génération de spécialistes en Syrie »Comme si les injonctions du président français étaient restées lettre morte. Le caractère interministériel de la décision présidentielle semble ignoré. Vincent Guichard le regrette : « Ces scientifiques sont à notre disposition pour lutter contre le trafic illicite international nourri par le pillage sauvage des sites archéologiques, ils connaissent parfaitement les collections d’objets de l’Antiquité. » L’enjeu est prioritaire pour M. Hollande.Pour Béatrice André-Salvini, directrice honoraire du département des antiquités orientales du Louvre, la collaboration entre les équipes françaises, syriennes et irakiennes est un enrichissement pour les scientifiques des trois pays. Cette spécialiste, qui a arpenté la région pendant plus de trente ans, rappelle que les liens noués entre les personnels scientifiques des deux pays avec la France ne datent pas d’hier.« En 2009-2010, un très gros programme de coopération avec la Syrie a été signé au niveau des musées et de la recherche, rappelle-t-elle. Au Louvre, les trois stagiaires accueillis en 2014 ont participé totalement à la vie du musée. Il faut continuer à former les jeunes. Il est très important qu’il ne manque pas toute une génération de spécialistes en Syrie. Et cela permet de jeter les bases d’une collaboration encore plus étroite. Le régime politique n’influe pas sur la culture. Le patrimoine, c’est le patrimoine. »L’archéologue francophone Maamoun Abdulkarim, directeur général des antiquités et des musées syriens, qui a fait sa thèse en France sur « Les Villes mortes de la Syrie du Nord », est aujourd’hui salué par la communauté scientifique internationale pour son courage et son travail de mise à l’abri des collections des musées syriens. « Il reste debout et il continue à défendre corps et âme le patrimoine culturel de son pays », clame Mounir Bouchenaki, directeur du Centre régional arabe pour le Patrimoine mondial de l’Unesco.Lire aussi :Destruction des vestiges de Palmyre : « La sauvagerie de l’EI est totale » Numérisation du patrimoine antique en dangerDans la lettre de mission d’expertise adressée à M. Martinez, M. Hollande précise : « Les conflits qui ravagent aujourd’hui la Syrie ou l’Irak ont des conséquences irrémédiables sur des patrimoines parfois millénaires (…) des biens communs de l’humanité. La France est déjà mobilisée. (…) Mais il faut aller plus loin (…), je souhaite (…) des recommandations concrètes et opérationnelles sur les initiatives et actions que la France devrait, selon vous, engager. »Le rapport de M. Martinez et ses propositions sont attendus en octobre. D’ores et déjà, le patron du Louvre a lancé un projet de numérisation du patrimoine antique en danger de la Syrie et de l’Irak, financé par le ministère de la culture, sous la direction de Francis Johannès, directeur de recherche au CNRS. Deux doctorants, Louise Quillien et Mustapha Djabellaoui, ont été chargés de numériser les œuvres majeures des collections mésopotamiennes du Louvre, dont le Code d’Hammourabi, l’un des tout premiers codes législatifs de l’Histoire. La même opération pourrait être réalisée au Musée national irakien de Bagdad.Ce travail, commencé par les Allemands, constituerait un premier pas vers la numérisation de toutes les archives de fouilles et trésors de l’ancienne Mésopotamie, dispersés dans le monde entier. Reste à protéger les sites eux-mêmes de la destruction, un objectif qui ne mobilise pas la coalition internationale qui lutte contre l’EI.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.08.2015 à 13h14 • Mis à jour le28.08.2015 à 07h25 Préparé dans le plus grand secret, entaché d’une guerre de succession, vilipendé par l’intelligentsia suédoise… Le quatrième tome de la saga Millénium, qui paraît jeudi 27 août dans une trentaine de pays, n’est pas sorti dans la discrétion.En filigrane de cette nouvelle querelle littéraire, l’héritage moral et financier du journaliste et écrivain suédois, Stieg Larsson, mort d’une crise cardiaque en 2004. Il n’aura pas connu le succès phénoménal qu’a rencontré son œuvre – 80 millions d’exemplaires vendus et plusieurs adaptations cinématographiques. Ce quatrième tome a été écrit par un autre auteur, David Lagercrantz, dans un mystère savamment entretenu.Lire la critique :« Ce qui ne me tue pas », le retour réussi de la saga « Millénium »Une sortie sous haute sécuritéLa maison d’édition Norstedts a tout fait pour éviter que des pages du livre ne fuitent avant sa sortie officielle. « On a vu la manière dont Sony Pictures a été piraté en 2014 et on ne voulait pas l’être », a expliqué à l’AFP une porte-parole de l’éditeur, Linda Altrov Berg. David Lagercrantz a donc dû utiliser deux ordinateurs pour concevoir son manuscrit : l’un connecté à Internet, pour effectuer des recherches, et l’autre sans connexion, pour rédiger sans risque de piratage. Il affirme même, dans les colonnes du Point, avoir imaginé avec son éditeur un « langage codé » pour échanger par SMS.Une fois le livre écrit, seules quelques personnes ont eu accès au manuscrit, après avoir signé des accords de confidentialité. Le livre a été envoyé par coursier aux traducteurs et aux maisons d’édition à l’étranger – hors de question de les transmettre par voie numérique. Les traducteurs eux-mêmes ont été contraints de travailler sur des ordinateurs non connectés. Aucune information n’a filtré sur le contenu du livre jusqu’au jour de sa sortie.Des conditions strictes, qui ont « augmenté le coût », a souligné la porte-parole de l’éditeur. Mais la médiatisation de ces conditions de sécurité, savamment orchestrée, répond aussi aux exigences d’une vaste opération de communication, renforçant l’attente entourant cette sortie.La fronde des critiques littéraires Si ces grandes manœuvres seront peut-être couronnées de succès en librairie, elles ont clairement agacé plusieurs critiques littéraires, frustrés de ne disposer d’aucune information sur l’ouvrage avant sa sortie. Seuls quelques rares journalistes ont été autorisés à lire le livre de cinq cents pages avant jeudi, les autres devant se contenter d’un court résumé de l’histoire.Le quotidien de référence danois Politiken a notamment refusé un entretien avec l’auteur, au motif que son journaliste n’avait pas eu l’autorisation de lire le livre avant. « Normalement, nous ne parlons jamais à un auteur avant d’avoir d’abord lu son livre. Nous voyons cela comme faisant partie de notre éthique professionnelle », a expliqué le chef de rubrique culture de Politiken, Jes Stein Pedersen, à la radio suédoise SR.Un point de vue auquel n’est pas insensible l’auteur lui-même. Dans un entretien au quotidien suédois Göteborgs-Posten, David Lagercrantz évoque une situation « absurde » :« Je suis du côté des journalistes, là-dessus. J’ai moi-même un passé de reporter et je suis habitué à être de votre côté de la barrière. Je serais moi-même bien emmerdé pour savoir si j’aurais accepté ces conditions-là. »Guerre de successionCes nouvelles polémiques viennent s’ajouter au conflit qui agite, depuis quelques années, l’entourage de l’auteur des trois premiers volumes, Stieg Larsson. Son ancienne compagne, Eva Gabrielsson – avec qui il a vécu une trentaine d’années jusqu’à sa mort – a été écartée de sa succession, au motif que tous deux n’étaient pas mariés. Le père et le frère de l’écrivain, Erland et Joakim Larsson, sont ses héritiers officiels et ont pu bénéficier des fruits du succès de la trilogie Millénium.Malgré plusieurs tentatives de négociation avec la famille de Stieg Larsson, Eva Gabrielsson a échoué à trouver un terrain d’entente. Dans un entretien au Monde, elle clarifiait sa démarche :« J’insiste, car je ne veux pas d’ambiguïté, je demandais uniquement la gestion des droits moraux de l’œuvre de Stieg afin qu’elle ne devienne pas une industrie. Je n’ai jamais voulu en être propriétaire. »Opposée à la publication du quatrième tome de « Millénium », elle dénonce une simple opération commerciale :« J’imagine que Norstedts, l’éditeur suédois, avait désespérément besoin d’argent, malgré l’énorme profit engendré par “Millénium”. […] On dit que les héros doivent continuer à vivre. Mais c’est des conneries, parce qu’en fait, c’est une histoire d’argent. On a une maison d’édition qui a besoin d’argent et un écrivain qui n’a rien d’autre à écrire que de copier les autres. »La famille de Stieg Larsson a annoncé que sa part des recettes serait entièrement reversée au magazine antifasciste Expo, créé par Stieg Larsson.Eva Gabrielsson a, en outre, déploré que David Lagercrantz ait été retenu pour rédiger ce quatrième tome. Issu des milieux aisés, il n’aurait, selon elle, aucun point commun avec Stieg Larsson, militant d’extrême gauche, antifasciste et d’origine provinciale. « Mon cœur saigne pour elle et tout ce qu’elle a vécu, a répondu David Lagercrantz. Mais ça ne sert à rien de me transformer en cliché au prétexte que je viens des beaux quartiers. »Lire aussi :Eva Gabrielsson : « Je ne voulais pas que “Millénium” devienne une industrie »L’intelligentsia suédoise boycotte « le pillage d’une tombe » En Suède, plusieurs personnalités se sont ralliées au combat d’Eva Gabrielsson et ont appelé au boycott du quatrième tome. L’auteure suédoise Kristina Ohlson a ainsi qualifié cette parution de « dégueulasse » tandis que, dans le quotidien suédois Dagens Nyheter, des amis d’enfance de Stieg Larsson ont évoqué « le pillage d’une tombe ».L’éditeur s’est défendu de ternir la mémoire de Stieg Larsson, David Lagercrantz n’ayant, selon la porte-parole de Norstedts, rien d’un « nègre qui a imité la voix de Stieg. C’est son livre à lui ». Quant à l’accusation de ne s’intéresser qu’à l’appât du gain, Mme Altrov Berg a répondu : « Chaque maison d’édition dans le monde publie des livres pour gagner de l’argent. Ce ne sont pas des entreprises de bienfaisance. » Nostedts affirme ne pas avoir encore réfléchi à la possibilité d’un tome 5. En attendant, 2,7 millions d’exemplaires du tome 4 ont déjà été imprimés. Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 27.08.2015 à 09h22 • Mis à jour le27.08.2015 à 09h31 | Francis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin)) Pas à un paradoxe près, le festival Météo à Mulhouse ouvre ses portes par le blues. « Blues attitude » et corps compris, en la personne de James Blood Ulmer : coiffe africaine, complet, boots écaillées, monture de lunettes dans la même tonalité blonde que sa Gibson millésimée 1962. Voilà quelques années qu’il ne voyage plus avec son trésor, la Byrdland noire 1953 avec laquelle il accompagnait Ornette Coleman dès 1971.De quoi remettre en place tous les clichetons – et sur le blues, et sur le jazz, et sur le free jazz. Ce qui a toujours marqué l’objectif du remarquable festival Météo, à qui il faudrait, Sisyphe de la musique improvisée, inlassablement faire ses preuves. Un exemple ? Les stages de Météo sont confiés à Beñat Achiary, vocaliste des vallées, et Fred Frith, aventurier de la six–cordes. Les connaisseurs apprécieront : pour qui prendrait Météo pour un festival de « djazz », ce serait comme confier naguère le stage de poterie à Basquiat et Rebeyrolle.Rodolphe Burger et la bande de StrasbourgJames Blood Ulmer est né le 2 février 1942 à Saint Matthews, Caroline du Sud. Guitariste et chanteur de blues, ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il fend l’orthodoxie de transgression. Tous le font, en vérité, mais l’industrie du disque et du spectacle se chargent de les recadrer. Lui, il est rare de l’entendre en solo. Exercice que lui a offert pour la première fois Rodolphe Burger, chanteur et guitariste de Kat Onoma, la bande de Strasbourg.L’épouse autrichienne de James Blood Ulmer guide ses pas. Rodolphe Burger l’escorte : ils ont joué ensemble. Là encore, on n’est plus dans les espaces à deux dimensions plan-plan. Diplômé en philosophie, Rodolphe Burger a animé un séminaire très suivi, au collège de philosophie, sur « la question du lyrisme ». Sinon, c’est un type au sourire très doux, un corps de bûcheron au visage d’ange.A la guitare, il a un jeu d’Edelweiss, le sublime planeur millésimé 1962 comme la Gibson de notre bluesman, et l’amour des réverbérations : accompagnant aussi bien Eugène Savitzkaya, qu’Erik Truffaz, Bashung, Alferi, Higelin, Teyssot-Gay ou James Blood Ulmer. A Sainte-Marie-aux-Mines, il crée en 2000 le festival C’est dans la vallée, confrontant musiques électroniques, blues, jazz, rock, tout ce qui échappe. En mars 2010, il donne son Cantique des cantiques & hommage à Mahmoud Darwich, pour Bashung et le poète palestinien ensemble. Bluesman des profondeurs du sudToutes ces digressions pour saisir la philosophie, je pèse mes mots, qui préside à Météo depuis quarante ans, sous la houlette de Paul Kanitzer, puis Adrien Chiquet, et, désormais, Fabien Simon. Météo, un des signes culturels majeurs de Mulhouse avec le musée de l’automobile et celui du train : son ouverture par James Blood Ulmer en solo a valeur de signe.Sans doute, sa carrière classique plaide pour lui – Jazz Messengers, d’Art Blakey, John Patton ou Larry Young, organistes B3, Joe Henderson –, mais on y croise aussi Rashied Ali, le dernier batteur de Coltrane, Paul Bley, l’initiateur majeur, Sam Rivers ou Julius Hemphill.Sans qu’il change rien à son jeu de bluesman des profondeurs du sud (Charleston, dont on a péniblement eu à parler ces derniers temps, est une des grandes villes de la Caroline du Sud), James Blood Ulmer est pourtant de quatre cents coups atypiques. Notamment aux côtés d’Ornette Coleman, dont la pratique, de l’« harmolodie », théorie qui continue de faire rire les demi-niais, lui va comme un gant. La musique traquée à la source de la pensée, à sa vitesse même, et par temps de chance, capable de la rattraper. Voir Free Jazz, d’Ornette Coleman en double quartet, et toute la musique palpitante de ces soixante dernières années. Voix rauque et veloutéeEn une longue suite de douze chansons, style de récitatif à la voix rauque et veloutée, James Blood Ulmer enchaîne My Woman, Harmolodic Kisses (pour Ornette), Devil (pour Robert Johnson), quelques airs cruellement autobiographiques avec le sourire (It’s a Damn Shame, Where did All The Girls Come from), un fragment d’histoire, méli-mêlo de compositions de Muddy Waters, B.B. King et Eric Clapton (Survivors of the Hurricane), plus deux mystères, President of Hell et Are You Glad to be in America. Tout d’une tension et d’un trait impressionnants, la grâce même, surtout dans un petit théâtre à l’italienne (Théâtre de la Sinne), l’écrin adéquat.Ulmer, c’est de cette trempe. La vérité, l’atroce et douce vérité du blues, dans un recueil aux airs de Fleurs du Mal, avec Ornette et Rodolphe Burger en épigraphe. Le blues, c’est la forme sophistiquée la plus simple d’apparence et la plus productive du monde. Comme le sonnet, de Shakespeare à Marcel Thiry. Pas de jazz sans le blues, même s’il y a du blues sans jazz. Qu’il porte à bout de bras Météo, dont la fermentation remonte aux années 1968 et la première édition (en 1986), Jazz à Mulhouse, est la meilleure nouvelle des derniers festivals de l’été. Ici défilent les défricheurs de toute l’Europe du nord, les Britanniques, les bizarres, les extravagants, les hétérodoxes, ceux qui ont la peau dure et la langue hors la poche, les sans étiquettes, les trublions, les turbulents, comme un ciel d’Alsace : cette promesse de la météo.Concerts dans plusieurs salles : Okkyoung Lee Solo (violoncelle) à la Chapelle Saint-Jean à 12 h 30, Olivier Benoit et Guionnet duo + Martin Brandlamyr solo à l’Entrepôt (17 h 30 et 18 h 30), soirée free (Rebetika, Evan Parker, Barry Guy, Caspar Brötsmann) à l’ineffable Noumatrouff, salle rock (27 août) ; Evan Parker electroacoustic Nonet, Fred Frith & Lotte Anker, James Chance & Les Contortions (28 août) ; Fred Frith, Barry Guy, Daniella Cativelli, Samuel Düshler, plus Onom Agemo & The Disco Jumpers à partir de minuit (29 août). www.festival-meteo.frFrancis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin))Journaliste au Monde 28.08.2015 à 10h21 | Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Ce mois d’août aura décidément été chargé en déclarations et annonces concernant Michel Houellebecq. Mais la dernière en date est venue alléger une atmosphère plutôt lourde en polémiques : l’écrivain concevra une exposition au Palais de Tokyo à l’été 2016.Ce nouveau projet a été annoncé, mercredi 26 août dans la soirée, par Jean de Loisy, le président du centre d’art contemporain parisien, lors d’une présentation générale de la programmation des prochains mois. Baptisée « Rester vivant », titre qui reprend celui d’un des premiers essais de l’écrivain, publié en 1991, l’exposition se tiendra du 23 juin au 12 septembre 2016 et se déploiera sur 1 500 m².Un roman « cinématique »Ce ne sera pas une exposition « sur » Michel Houellebecq, prévient Jean de Loisy, mais « une exposition inventée par lui, composée de photos, mais aussi d’installations et de films, ainsi que d’invitations à de nombreux artistes, comme Iggy Pop ou Robert Combas. »« Ce sera le monde de Michel Houellebecq, vous passerez de salle en salle et un roman va se constituer dans votre tête, accompagné par des images et des sons. Vous aurez traversé une aventure de Michel Houellebecq », a encore détaillé le président du Palais de Tokyo, qui qualifie ce futur dispositif de « cinématique ».Toujours selon Jean de Loisy, qui connaît l’écrivain « depuis vingt-cinq ans », ce dernier est « un des artistes les plus marquants en photo ». Il ne s’agira d’ailleurs pas de la première exposition de celui qui multiplie les incursions dans tous les domaines artistiques – à la fois romancier, poète et essayiste, mais également réalisateur (La Possibilité d’une île, en 2008), acteur (dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq, de Guillaume Nicloux, et Near Death Experience, de Gustave Kervern et Benoît Delépine, deux films sortis en 2014) ou encore chanteur (Présence humaine, en collaboration avec Bertrand Burgalat, en 2000).Une précédente expositionDe novembre 2014 à janvier 2015, l’artiste avait, en effet, présenté « Before Landing » au Pavillon Carré de Baudouin, espace culturel géré par la mairie du 20e arrondissement de Paris, une exposition qui faisait écho à la vision satirique de la France développée dans La Carte et le Territoire, son roman prix Goncourt 2010.Lire la critique de l’exposition : Houellebecq photographe, sans ménagement pour le territoireElle avait été fermée le 8 janvier, au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo, qui était aussi le jour de la sortie de son dernier roman, Soumission, particulièrement sujet à controverses.Cette annonce est donc venue en quelque sorte refermer une parenthèse estivale qui fut éminemment plus polémique. Alors que deux grandes séries lui ont été consacrées dans la presse, tout au long du mois d’août – un ensemble de cinq entretiens réalisés par Le Figaro Magazine, et les « Six vies de Michel Houellebecq », une longue enquête du Monde –, il aura multiplié les attaques contre ce travail explorant son univers et les moments clés de sa vie, suscitant l’incompréhension.Lire aussi la série « Six vies de Michel Houellebecq » : La tour et le territoire (1/6), Un gourou à « 20 ans » (2/6), Le procès verbal (3/6), Le corps à l’ouvrage (4/6), Trois jours et deux nuits au monastère (5/6) et 7 janvier, la collision tragique (6/6)Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Mardi 25 août – au lendemain d’une série de drames à Palmyre, en Syrie, avec la décapitation de Khaled Al-Asaad, ancien directeur du site archéologique, et la destruction à l’explosif du temple de Baalshamin, par les djihadistes de l’Etat islamique (EI) – François Hollande réitérait la volonté de la France exprimée, six mois plus tôt au Louvre, de « tout faire » pour « protéger les trésors » du patrimoine syrien et irakien. « Comment agir ? [Que] pouvons-nous faire pour la sauvegarde du patrimoine et de la culture ? », avait-il alors demandé à Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée parisien, en le chargeant d’une mission d’expertise.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »Aux ambassadeurs, réunis mardi pour leur rendez-vous annuel de fin d’été, M. Hollande répétait l’engagement pris le 18 mars, après les destructions des antiques cités de Nimroud et Hatra en Irak, l’ancienne Mésopotamie. M. Hollande s’était aussi engagé à ce que « les jeunes archéologues puissent poursuivre leur travail en étroite collaboration avec les universités françaises. La France accueillera ainsi des doctorants irakiens qui viendront compléter leur cursus et leurs travaux de recherche ».Lire aussi :A Palmyre, le temple de Baalshamin détruit à l’explosif par les djihadistes Enjeu prioritaireCinq mois plus tard, ce sont les tracasseries administratives liées aux permis de séjour des scientifiques accueillis en France, dans le cadre de travaux de recherche ou de stages, qui freinent cette coopération.Vincent Guichard, directeur général du Centre d’archéologie européenne de Bibracte, dans le Morvan, s’en désole : « Aucune procédure n’est organisée, on dépend de personnes de bonne volonté. » Sans anges gardiens, les dossiers n’aboutissent pas. « L’afflux des collègues scientifiques du Moyen-Orient est d’une telle ampleur que nos moyens ne suffisent pas, et il n’y a pas assez de postes sur les budgets. On fait du bricolage », reconnaît M. Guichard.Le cas d’Houmam Saad, brillant archéologue syrien de 36 ans, auteur d’une thèse intitulée « Représentation humaine dans les tombes de Palmyre », est édifiant. En avril 2014, il est accueilli au Louvre au sein du département des Antiquités orientales, pour un stage de six mois, grâce à une bourse du ministère de la culture. L’archéologue a ensuite poursuivi ses recherches, pendant neuf mois, au laboratoire d’archéologie Aoroc de l’Ecole normale supérieure (ENS). Pour repousser son retour en Syrie, il vient d’obtenir un nouveau contrat à l’université de Paris-IV.Mais le parcours du combattant de M. Saad n’est pas terminé. Malgré un visa scientifique, qui l’autorise à travailler, et son contrat de travail, il doit renouveler tous les deux mois les formalités de permis de séjour. A chaque fois, les services de l’immigration le font revenir pour des documents manquants.Béatrice André-Salvini (département des antiquités orientales du Louvre) : « Il est très important qu’il ne manque pas toute une génération de spécialistes en Syrie »Comme si les injonctions du président français étaient restées lettre morte. Le caractère interministériel de la décision présidentielle semble ignoré. Vincent Guichard le regrette : « Ces scientifiques sont à notre disposition pour lutter contre le trafic illicite international nourri par le pillage sauvage des sites archéologiques, ils connaissent parfaitement les collections d’objets de l’Antiquité. » L’enjeu est prioritaire pour M. Hollande.Pour Béatrice André-Salvini, directrice honoraire du département des antiquités orientales du Louvre, la collaboration entre les équipes françaises, syriennes et irakiennes est un enrichissement pour les scientifiques des trois pays. Cette spécialiste, qui a arpenté la région pendant plus de trente ans, rappelle que les liens noués entre les personnels scientifiques des deux pays avec la France ne datent pas d’hier.« En 2009-2010, un très gros programme de coopération avec la Syrie a été signé au niveau des musées et de la recherche, rappelle-t-elle. Au Louvre, les trois stagiaires accueillis en 2014 ont participé totalement à la vie du musée. Il faut continuer à former les jeunes. Il est très important qu’il ne manque pas toute une génération de spécialistes en Syrie. Et cela permet de jeter les bases d’une collaboration encore plus étroite. Le régime politique n’influe pas sur la culture. Le patrimoine, c’est le patrimoine. »L’archéologue francophone Maamoun Abdulkarim, directeur général des antiquités et des musées syriens, qui a fait sa thèse en France sur « Les Villes mortes de la Syrie du Nord », est aujourd’hui salué par la communauté scientifique internationale pour son courage et son travail de mise à l’abri des collections des musées syriens. « Il reste debout et il continue à défendre corps et âme le patrimoine culturel de son pays », clame Mounir Bouchenaki, directeur du Centre régional arabe pour le Patrimoine mondial de l’Unesco.Lire aussi :Destruction des vestiges de Palmyre : « La sauvagerie de l’EI est totale » Numérisation du patrimoine antique en dangerDans la lettre de mission d’expertise adressée à M. Martinez, M. Hollande précise : « Les conflits qui ravagent aujourd’hui la Syrie ou l’Irak ont des conséquences irrémédiables sur des patrimoines parfois millénaires (…) des biens communs de l’humanité. La France est déjà mobilisée. (…) Mais il faut aller plus loin (…), je souhaite (…) des recommandations concrètes et opérationnelles sur les initiatives et actions que la France devrait, selon vous, engager. »Le rapport de M. Martinez et ses propositions sont attendus en octobre. D’ores et déjà, le patron du Louvre a lancé un projet de numérisation du patrimoine antique en danger de la Syrie et de l’Irak, financé par le ministère de la culture, sous la direction de Francis Johannès, directeur de recherche au CNRS. Deux doctorants, Louise Quillien et Mustapha Djabellaoui, ont été chargés de numériser les œuvres majeures des collections mésopotamiennes du Louvre, dont le Code d’Hammourabi, l’un des tout premiers codes législatifs de l’Histoire. La même opération pourrait être réalisée au Musée national irakien de Bagdad.Ce travail, commencé par les Allemands, constituerait un premier pas vers la numérisation de toutes les archives de fouilles et trésors de l’ancienne Mésopotamie, dispersés dans le monde entier. Reste à protéger les sites eux-mêmes de la destruction, un objectif qui ne mobilise pas la coalition internationale qui lutte contre l’EI.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.08.2015 à 13h14 • Mis à jour le28.08.2015 à 07h25 Préparé dans le plus grand secret, entaché d’une guerre de succession, vilipendé par l’intelligentsia suédoise… Le quatrième tome de la saga Millénium, qui paraît jeudi 27 août dans une trentaine de pays, n’est pas sorti dans la discrétion.En filigrane de cette nouvelle querelle littéraire, l’héritage moral et financier du journaliste et écrivain suédois, Stieg Larsson, mort d’une crise cardiaque en 2004. Il n’aura pas connu le succès phénoménal qu’a rencontré son œuvre – 80 millions d’exemplaires vendus et plusieurs adaptations cinématographiques. Ce quatrième tome a été écrit par un autre auteur, David Lagercrantz, dans un mystère savamment entretenu.Lire la critique :« Ce qui ne me tue pas », le retour réussi de la saga « Millénium »Une sortie sous haute sécuritéLa maison d’édition Norstedts a tout fait pour éviter que des pages du livre ne fuitent avant sa sortie officielle. « On a vu la manière dont Sony Pictures a été piraté en 2014 et on ne voulait pas l’être », a expliqué à l’AFP une porte-parole de l’éditeur, Linda Altrov Berg. David Lagercrantz a donc dû utiliser deux ordinateurs pour concevoir son manuscrit : l’un connecté à Internet, pour effectuer des recherches, et l’autre sans connexion, pour rédiger sans risque de piratage. Il affirme même, dans les colonnes du Point, avoir imaginé avec son éditeur un « langage codé » pour échanger par SMS.Une fois le livre écrit, seules quelques personnes ont eu accès au manuscrit, après avoir signé des accords de confidentialité. Le livre a été envoyé par coursier aux traducteurs et aux maisons d’édition à l’étranger – hors de question de les transmettre par voie numérique. Les traducteurs eux-mêmes ont été contraints de travailler sur des ordinateurs non connectés. Aucune information n’a filtré sur le contenu du livre jusqu’au jour de sa sortie.Des conditions strictes, qui ont « augmenté le coût », a souligné la porte-parole de l’éditeur. Mais la médiatisation de ces conditions de sécurité, savamment orchestrée, répond aussi aux exigences d’une vaste opération de communication, renforçant l’attente entourant cette sortie.La fronde des critiques littéraires Si ces grandes manœuvres seront peut-être couronnées de succès en librairie, elles ont clairement agacé plusieurs critiques littéraires, frustrés de ne disposer d’aucune information sur l’ouvrage avant sa sortie. Seuls quelques rares journalistes ont été autorisés à lire le livre de cinq cents pages avant jeudi, les autres devant se contenter d’un court résumé de l’histoire.Le quotidien de référence danois Politiken a notamment refusé un entretien avec l’auteur, au motif que son journaliste n’avait pas eu l’autorisation de lire le livre avant. « Normalement, nous ne parlons jamais à un auteur avant d’avoir d’abord lu son livre. Nous voyons cela comme faisant partie de notre éthique professionnelle », a expliqué le chef de rubrique culture de Politiken, Jes Stein Pedersen, à la radio suédoise SR.Un point de vue auquel n’est pas insensible l’auteur lui-même. Dans un entretien au quotidien suédois Göteborgs-Posten, David Lagercrantz évoque une situation « absurde » :« Je suis du côté des journalistes, là-dessus. J’ai moi-même un passé de reporter et je suis habitué à être de votre côté de la barrière. Je serais moi-même bien emmerdé pour savoir si j’aurais accepté ces conditions-là. »Guerre de successionCes nouvelles polémiques viennent s’ajouter au conflit qui agite, depuis quelques années, l’entourage de l’auteur des trois premiers volumes, Stieg Larsson. Son ancienne compagne, Eva Gabrielsson – avec qui il a vécu une trentaine d’années jusqu’à sa mort – a été écartée de sa succession, au motif que tous deux n’étaient pas mariés. Le père et le frère de l’écrivain, Erland et Joakim Larsson, sont ses héritiers officiels et ont pu bénéficier des fruits du succès de la trilogie Millénium.Malgré plusieurs tentatives de négociation avec la famille de Stieg Larsson, Eva Gabrielsson a échoué à trouver un terrain d’entente. Dans un entretien au Monde, elle clarifiait sa démarche :« J’insiste, car je ne veux pas d’ambiguïté, je demandais uniquement la gestion des droits moraux de l’œuvre de Stieg afin qu’elle ne devienne pas une industrie. Je n’ai jamais voulu en être propriétaire. »Opposée à la publication du quatrième tome de « Millénium », elle dénonce une simple opération commerciale :« J’imagine que Norstedts, l’éditeur suédois, avait désespérément besoin d’argent, malgré l’énorme profit engendré par “Millénium”. […] On dit que les héros doivent continuer à vivre. Mais c’est des conneries, parce qu’en fait, c’est une histoire d’argent. On a une maison d’édition qui a besoin d’argent et un écrivain qui n’a rien d’autre à écrire que de copier les autres. »La famille de Stieg Larsson a annoncé que sa part des recettes serait entièrement reversée au magazine antifasciste Expo, créé par Stieg Larsson.Eva Gabrielsson a, en outre, déploré que David Lagercrantz ait été retenu pour rédiger ce quatrième tome. Issu des milieux aisés, il n’aurait, selon elle, aucun point commun avec Stieg Larsson, militant d’extrême gauche, antifasciste et d’origine provinciale. « Mon cœur saigne pour elle et tout ce qu’elle a vécu, a répondu David Lagercrantz. Mais ça ne sert à rien de me transformer en cliché au prétexte que je viens des beaux quartiers. »Lire aussi :Eva Gabrielsson : « Je ne voulais pas que “Millénium” devienne une industrie »L’intelligentsia suédoise boycotte « le pillage d’une tombe » En Suède, plusieurs personnalités se sont ralliées au combat d’Eva Gabrielsson et ont appelé au boycott du quatrième tome. L’auteure suédoise Kristina Ohlson a ainsi qualifié cette parution de « dégueulasse » tandis que, dans le quotidien suédois Dagens Nyheter, des amis d’enfance de Stieg Larsson ont évoqué « le pillage d’une tombe ».L’éditeur s’est défendu de ternir la mémoire de Stieg Larsson, David Lagercrantz n’ayant, selon la porte-parole de Norstedts, rien d’un « nègre qui a imité la voix de Stieg. C’est son livre à lui ». Quant à l’accusation de ne s’intéresser qu’à l’appât du gain, Mme Altrov Berg a répondu : « Chaque maison d’édition dans le monde publie des livres pour gagner de l’argent. Ce ne sont pas des entreprises de bienfaisance. » Nostedts affirme ne pas avoir encore réfléchi à la possibilité d’un tome 5. En attendant, 2,7 millions d’exemplaires du tome 4 ont déjà été imprimés. Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 27.08.2015 à 09h22 • Mis à jour le27.08.2015 à 09h31 | Francis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin)) Pas à un paradoxe près, le festival Météo à Mulhouse ouvre ses portes par le blues. « Blues attitude » et corps compris, en la personne de James Blood Ulmer : coiffe africaine, complet, boots écaillées, monture de lunettes dans la même tonalité blonde que sa Gibson millésimée 1962. Voilà quelques années qu’il ne voyage plus avec son trésor, la Byrdland noire 1953 avec laquelle il accompagnait Ornette Coleman dès 1971.De quoi remettre en place tous les clichetons – et sur le blues, et sur le jazz, et sur le free jazz. Ce qui a toujours marqué l’objectif du remarquable festival Météo, à qui il faudrait, Sisyphe de la musique improvisée, inlassablement faire ses preuves. Un exemple ? Les stages de Météo sont confiés à Beñat Achiary, vocaliste des vallées, et Fred Frith, aventurier de la six–cordes. Les connaisseurs apprécieront : pour qui prendrait Météo pour un festival de « djazz », ce serait comme confier naguère le stage de poterie à Basquiat et Rebeyrolle.Rodolphe Burger et la bande de StrasbourgJames Blood Ulmer est né le 2 février 1942 à Saint Matthews, Caroline du Sud. Guitariste et chanteur de blues, ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il fend l’orthodoxie de transgression. Tous le font, en vérité, mais l’industrie du disque et du spectacle se chargent de les recadrer. Lui, il est rare de l’entendre en solo. Exercice que lui a offert pour la première fois Rodolphe Burger, chanteur et guitariste de Kat Onoma, la bande de Strasbourg.L’épouse autrichienne de James Blood Ulmer guide ses pas. Rodolphe Burger l’escorte : ils ont joué ensemble. Là encore, on n’est plus dans les espaces à deux dimensions plan-plan. Diplômé en philosophie, Rodolphe Burger a animé un séminaire très suivi, au collège de philosophie, sur « la question du lyrisme ». Sinon, c’est un type au sourire très doux, un corps de bûcheron au visage d’ange.A la guitare, il a un jeu d’Edelweiss, le sublime planeur millésimé 1962 comme la Gibson de notre bluesman, et l’amour des réverbérations : accompagnant aussi bien Eugène Savitzkaya, qu’Erik Truffaz, Bashung, Alferi, Higelin, Teyssot-Gay ou James Blood Ulmer. A Sainte-Marie-aux-Mines, il crée en 2000 le festival C’est dans la vallée, confrontant musiques électroniques, blues, jazz, rock, tout ce qui échappe. En mars 2010, il donne son Cantique des cantiques & hommage à Mahmoud Darwich, pour Bashung et le poète palestinien ensemble. Bluesman des profondeurs du sudToutes ces digressions pour saisir la philosophie, je pèse mes mots, qui préside à Météo depuis quarante ans, sous la houlette de Paul Kanitzer, puis Adrien Chiquet, et, désormais, Fabien Simon. Météo, un des signes culturels majeurs de Mulhouse avec le musée de l’automobile et celui du train : son ouverture par James Blood Ulmer en solo a valeur de signe.Sans doute, sa carrière classique plaide pour lui – Jazz Messengers, d’Art Blakey, John Patton ou Larry Young, organistes B3, Joe Henderson –, mais on y croise aussi Rashied Ali, le dernier batteur de Coltrane, Paul Bley, l’initiateur majeur, Sam Rivers ou Julius Hemphill.Sans qu’il change rien à son jeu de bluesman des profondeurs du sud (Charleston, dont on a péniblement eu à parler ces derniers temps, est une des grandes villes de la Caroline du Sud), James Blood Ulmer est pourtant de quatre cents coups atypiques. Notamment aux côtés d’Ornette Coleman, dont la pratique, de l’« harmolodie », théorie qui continue de faire rire les demi-niais, lui va comme un gant. La musique traquée à la source de la pensée, à sa vitesse même, et par temps de chance, capable de la rattraper. Voir Free Jazz, d’Ornette Coleman en double quartet, et toute la musique palpitante de ces soixante dernières années. Voix rauque et veloutéeEn une longue suite de douze chansons, style de récitatif à la voix rauque et veloutée, James Blood Ulmer enchaîne My Woman, Harmolodic Kisses (pour Ornette), Devil (pour Robert Johnson), quelques airs cruellement autobiographiques avec le sourire (It’s a Damn Shame, Where did All The Girls Come from), un fragment d’histoire, méli-mêlo de compositions de Muddy Waters, B.B. King et Eric Clapton (Survivors of the Hurricane), plus deux mystères, President of Hell et Are You Glad to be in America. Tout d’une tension et d’un trait impressionnants, la grâce même, surtout dans un petit théâtre à l’italienne (Théâtre de la Sinne), l’écrin adéquat.Ulmer, c’est de cette trempe. La vérité, l’atroce et douce vérité du blues, dans un recueil aux airs de Fleurs du Mal, avec Ornette et Rodolphe Burger en épigraphe. Le blues, c’est la forme sophistiquée la plus simple d’apparence et la plus productive du monde. Comme le sonnet, de Shakespeare à Marcel Thiry. Pas de jazz sans le blues, même s’il y a du blues sans jazz. Qu’il porte à bout de bras Météo, dont la fermentation remonte aux années 1968 et la première édition (en 1986), Jazz à Mulhouse, est la meilleure nouvelle des derniers festivals de l’été. Ici défilent les défricheurs de toute l’Europe du nord, les Britanniques, les bizarres, les extravagants, les hétérodoxes, ceux qui ont la peau dure et la langue hors la poche, les sans étiquettes, les trublions, les turbulents, comme un ciel d’Alsace : cette promesse de la météo.Concerts dans plusieurs salles : Okkyoung Lee Solo (violoncelle) à la Chapelle Saint-Jean à 12 h 30, Olivier Benoit et Guionnet duo + Martin Brandlamyr solo à l’Entrepôt (17 h 30 et 18 h 30), soirée free (Rebetika, Evan Parker, Barry Guy, Caspar Brötsmann) à l’ineffable Noumatrouff, salle rock (27 août) ; Evan Parker electroacoustic Nonet, Fred Frith & Lotte Anker, James Chance & Les Contortions (28 août) ; Fred Frith, Barry Guy, Daniella Cativelli, Samuel Düshler, plus Onom Agemo & The Disco Jumpers à partir de minuit (29 août). www.festival-meteo.frFrancis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin))Journaliste au Monde Macha Séry Double plaisir de la franchise. Il serait tentant de honnir la suite de la saga Millénium. Par prévention contre l’auteur, David Lagercrantz, qui aurait impudemment mis ses pas dans ceux d’un fantôme, le dénommé Stieg Larsson. Quand les ayants droit d’Agatha Christie ont attendu près de quarante pour autoriser une nouvelle aventure d’Hercule Poirot (Meurtres en majuscules, de Sophie Hannah, Le Masque, 2014), ceux du journaliste et écrivain suédois Stieg Larsson, mort d’une crise cardiaque en 2004, ont sauté le pas, à peine onze ans plus tard.En outre, les décisionnaires de ce prolongement romanesque sont les héritiers légaux mais illégitimes, motivés sans doute par le profit, quoiqu’ils aient affirmé qu’ils reverseraient les droits d’auteur à Expo, la revue que Larsson avait cofondée avec sa compagne, Eva Gabrielsson, dont il a partagé la vie pendant trente-deux ans. Spoliée, faute d’être mariée, des fruits du succès que constitua, après sa mort, la publication de la trilogie Millénium (80 millions d’exemplaires vendus dans le monde), qui lança la vogue pour le polar nordique, elle fut surtout privée de toute autorité morale sur l’œuvre d’un homme dont elle avait partagé idéaux et passions.Lire aussi :Eva Gabrielsson : « Je ne voulais pas que “Millénium” devienne une industrie »Lisbeth Salander à l’assaut de la NSAPar solidarité, une partie de l’intelligentsia suédoise appelle, de ce fait, à boycotter ce quatrième tome, qui sort jeudi 27 août simultanément dans trente pays. Sauf que, sauf que… Ce qui ne me tue pas (presque un slogan pour conjurer les critiques et les anathèmes), de David Lagercrantz, est un livre réussi. Tout en se tenant écarté de l’imitation stylistique, il ne trahit pas l’univers romanesque de Stieg Larsson. On retrouve ici la révolte contre l’injustice, la quête de vérité face à un mensonge soigneusement entretenu, le devoir de transparence face à l’opacité des réseaux criminels et des conspirations politiques.Lagercrantz a choisi comme trame principale l’espionnage technico-industriel et la surveillance électromagnétique (téléphone et Internet), conduits à grande échelle par l’organisme fédéral du renseignement américain, la National Security Agency (NSA), dont Lisbeth Salander va pirater l’intranet. Elle va, autrement dit, voler l’or de Fort Knox. Les « grandes oreilles » des Etats-Unis enregistrent chaque jour vingt millions de messages échangés à travers le monde. Or, « celui qui surveille le peuple finit à son tour par être surveillé par le peuple », prévient l’héroïne. Autre motivation : s’approprier les données dont l’agence de contre-espionnage dispose pour pister un réseau criminel.La même révolteIl fallait, pour réussir l’hommage à Stieg Larsson, un sujet fort, ancré dans l’actualité et le débat d’idées. Si différents soient-ils, Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist, tels qu’on les a découverts il y a dix ans, partagent la même révolte et un fort sentiment de responsabilité citoyenne. Doit-on sacrifier une partie de nos libertés individuelles par peur du terrorisme ? Qui est en mesure de garantir que l’exploitation des données ainsi obtenues ne sera pas frauduleuse, voire meurtrière ?Ici, un éminent chercheur suédois, spécialiste de l’intelligence artificielle, petit génie des codes-sources et des réseaux neuronaux, idole des geeks, quitte précipitamment la Silicon Valley et rentre au pays. La raison ? S’occuper de son fils de 8 ans, lourdement handicapé, qu’il a délaissé de nombreuses années. Il omet de se formuler à lui-même qu’il fuit les tracas. Il a en effet découvert que, dans la société pour laquelle il travaille, certains spécialistes ne sont ni plus ni moins des voleurs et des plagiaires, liés à une organisation criminelle.« Assis sur une bombe »Avec la complicité d’hommes politiques, pour attiser les conflits sociaux et les tensions communautaires, les chefs de ce mystérieux réseau emploient sur le terrain d’anciens soldats d’élite. A terme, ils envisagent de porter atteinte aux intérêts économiques nationaux. En clair, l’homme est « assis sur une bombe ». La nuit où il doit rencontrer Mikael Blomkvist afin de lui faire part de ses inquiétudes, il est trop tard. Il vient d’être abattu à son domicile et son ordinateur confisqué.Outre une narration efficace, David Lagercrantz manie bien l’entrelacs de scènes et l’alternance des points de vue. Il brosse également des portraits convaincants. L’un des plus touchants est celui du garçonnet, autiste, reclus dans son mutisme et unique témoin du meurtre de son père.L’auteur de l’autobiographie de ZlatanDavid Lagercrantz, l’auteur de ce thriller, a une carrière de romancier en Suède, mais n’a jamais été traduit à ce titre en France. Il s’est surtout taillé un nom en signant Moi Zlatan Ibrahimovic. Mon histoire racontée à David Lagercrantz (JC Lattès, 2013), autobiographie du joueur vedette du PSG, qui fut en lice pour le… Goncourt suédois et s’exporta partout.Une suite littéraire envoie toujours des signaux contraires. D’un coté, les romanciers qui s’y emploient, admirateurs de l’œuvre de leur aîné(e), trouvent là un moyen de payer leur dette en reprenant le flambeau. De l’autre, c’est aussi reconnaître que l’art est industrie, que Millénium est, de facto, devenue une marque déclinable, à l’écrit comme à l’écran.SoulagementEn ce sens (commercial), il y a précisément un plaisir de la franchise : conjuguer les retrouvailles, donc le connu, à la découverte d’une intrigue imprévisible, ici souvent haletante. Les fans d’un écrivain éprouvent une singulière satisfaction lorsqu’ils reçoivent, après un long silence, des nouvelles de personnages aimés.Comment ne pas continuer d’adorer le tandem d’intransigeants formés par la punkette, hackeuse de génie, et la gloire vieillissante du journalisme d’investigation ? Lagercrantz va même plus loin en remettant en scène — presque en selle — des caractères secondaires, auxquels on s’est aussi attaché : la rédactrice en chef Erica Berger, l’inspecteur Jan Bublanski (qui a pris du grade) et sa proche partenaire Sonja Modig, le policier Hans Faste, le procureur Richard Ekström, Plague de la Hacker Republic...Au passage, le romancier poursuit l’interrogation sur l’évolution de la presse écrite amorcée par son modèle. De nouveau mais autrement — onze ans ont passé —, elle prend la forme d’un combat de David contre Goliath. Comment préserver son intégrité journalistique à l’heure de l’influence toute-puissante des réseaux sociaux, de la progression des sujets people et du déclin quasi inexorable des journaux ? Une seule issue : la qualité de l’information.Quand s’ouvre Ce qui ne me tue pas, la revue Millenium, qui porte haut les couleurs de l’enquête au long cours et du journalisme narratif, a été recapitalisée par un empire médiatique, fait de chaînes de télé et de tabloïds, qui détient en échange 30 % des parts du journal. Il serait temps d’entreprendre des réformes, d’être plus tempérant, de songer à la conversion numérique. Peut-être serait-il aussi temps, laissent entendre les nouveaux patrons, que Mikael Blomkvist, cet empêcheur de tourner en rond, admiré mais finalement has been, prenne du champ.Dans Ce qui ne me tue pas, le journaliste-détective prend un malin plaisir à prouver le contraire, nouvelle enquête et nouveau scoop à la clé. Qu’on ne s’inquiète pas pour eux : Mikael Blomqvist est un dur à cuire et Lisbeth Salander une redoutable pugiliste.Millénium 4. Ce qui ne me tue pas (Det som inte dödar oss), de David Lagercrantz, traduit du suédois par Huge Roel-Rousson, Actes Sud, « Actes noirs », 490 p., 23 €.RepèresStieg Larsson (1954-2004). Militant d’extrême gauche (il rencontre Eva Gabrielsson à 18 ans lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam), il se forme au journalisme dans des publications trotskistes.En 1995, il établit la Fondation Expo dans le but d’étudier et de dénoncer les progrès de l’extrême droite en Suède. Il en dirige la revue, Expo. Son influence peut se mesurer aux nombreuses et sérieuses menaces de mort qu’il reçoit dès lors.L’écriture de thrillers, a-t-il pu dire, est pour lui un moyen de se détendre.Il meurt à 50 ans d’une crise cardiaque, laissant, achevés mais non publiés, trois tomes de la série Millénium, sur dix qu’il aurait envisagé d’écrire. 2005-2007 Parution en Suède des trois tomes de Millénium, qui mettent en scène les investigations du journaliste Mikael Blomkvist et d’une jeune femme hors du commun, Lisbeth Salander.2006-2007 La trilogie paraît en France, chez Actes Sud.2008-2009 Elle paraît en anglais.2009 Millénium est adapté au cinéma en Suède (avec Michael Nyqvist et Noomi Rapace).2011 Sortie de l’adaptation américaine du premier tome de Millénium (réalisé par David Fincher, avec Daniel Craig et Rooney Mara).Début 2015 Selon Time Magazine, les ventes mondiales de la trilogie ont atteint 80 millions d’exemplaires.Août 2015 Parution mondiale de Millénium 4. Ce qui ne me tue pas, de David Lagercrantz (en France chez Actes Sud).Macha SéryJournaliste au Monde Sylvain Siclier Plus de soixante chanteuses, chanteurs et groupes sont annoncés pour la 13e édition de Rock en Seine, qui a lieu du vendredi 28 au dimanche 30 août, sur cinq scènes installées dans la partie basse du Domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). A l’image des visuels de son affiche et de son site Internet, le festival proposera, au-delà des concerts, une thématique sur la jungle avec animations, ateliers, exposition photographique, fruit d’une collaboration avec le Parc zoologique de Paris et le Muséum national d’histoire naturelle.Lire aussi :Rock en Seine : Natalie Prass, le Poucet de Saint-CloudVague néopsychédéliqueEt puisque jungle il y a, à tout seigneur tout honneur, voici le collectif britannique Jungle, qui œuvre du côté de la soul et du funk, avec la touche électro de rigueur (dimanche), qui prend tout son intérêt à la scène. Ce qui pourrait être le cas de Shamir, 20 ans, né à Las Vegas, en plus électro et hip-hop, apparu en 2014. La presse anglo-saxonne le voit comme un croisement entre Michael Jackson et Prince (samedi).Au rayon découverte et dans la vague néopsychédélique, qui traverse régulièrement les allées du festival, citons Forever Pavot (samedi), projet tenté par des ambiances cinéma mené par Emile Sorin. Genre que pratiquent aussi le Néerlandais Jacco Gardner (vendredi 28), qui affola les amateurs avec l’album Cabinet of Curiosities en 2013, et les Australiens de Tame Impala, qui ont acquis un quasi-statut de chefs de file de ce renouveau (dimanche). Les Britanniques The Maccabees, groupe formé en 2003 – année de création du festival –, seront la première étape du programme éminemment rock, dans sa forme la plus proche des fondamentaux, de la journée de samedi sur la Grande Scène (Stereophonics, Interpol, The Libertines).Et puis, il y a Etienne Daho, rare dans d’imposants festivals de plein air, mais qui, de l’avis de tous ceux qui l’auront vu aux Eurockéennes de Belfort, à Beauregard, au Paleo ou au Cabaret vert, y a manifestement pris goût. Rock en Seine sera, samedi, le dernier de son périple estival.Rock en Seine, Domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Du 28 (complet) au 30 août. 49 euros par jour. Informations sur Rockenseine.comSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Série sur Canal+ à 20 h 58 Adaptée de la trilogie de Blake Crouch, la série « Wayward Pines » est un superbe alliage d’horreur et de science-fiction.Ethan Burke, agent fédéral américain, part à la recherche d’une collègue mystérieusement disparue alors qu’elle enquêtait à Wayward Pines, petite ville provinciale charmante et proprette de l’Idaho. Victime d’un accident d’automobile, Ethan se retrouve à l’hôpital de Wayward Pines, sans téléphone portable, ni effets personnels. Alors qu’il tente de les récupérer, il se rend compte qu’il est prisonnier de ce qui se révèle peu à peu être une inquiétante citadelle peuplée d’étranges habitants sous le joug d’une puissance supérieure et passablement fascisante.Ethan découvre bientôt les sept règles de ce trompeur « paradis chez soi » : « Profitez de la vie ; soyez heureux ; travaillez dur ; répondez toujours au téléphone ; ne parlez pas du passé ; ne parlez pas de votre vie d’avant ; n’essayez pas de partir. » Monstres, angoisse et science-fiction sont les adjuvants-chefs de ces dix épisodes, conçus par Chad Hodge d’après la trilogie de l’auteur américain Blake Crouch (dont le premier tome est publié par J’ai Lu, traduit de l’anglais par Patrick Imbert, 286 p., 14,90 euros) et partiellement produits et réalisés par M. Night Shyamalan (réalisateur du Sixième sens, sorti en 1999). Canal+ n’a pas raté son coup de rentrée : « Wayward Pines » est scotchante, à tout point de vue, et remarquablement interprétée, notamment par Matt Dillon (Ethan Burke), qui fait un retour marquant à l’écran.Terrifiants possiblesEvidemment « Wayward Pines » lance d’éloquents clins d’œil à des séries aux thématiques connexes. Avant tout au « Prisonnier » (1967-1968), de George Markstein et Patrick McGoohan : un agent secret est enlevé, après avoir été gazé, et se retrouve dans un village aux apparences idylliques, festives et bariolées, mais dont il ne parvient pas à s’échapper. Les auvents à rayures, la fête foraine, le plan des lieux (bordés de montagnes), l’amphithéâtre scolaire, le poste de surveillance filmée sont, dans « Wayward Pines », d’évidents signes d’hommage à la légendaire série britannique. Et, comme Numéro 6, le héros du « Prisonnier », Ethan revient toujours à son point de départ, quelles que soient les ruses dont témoigne son art consommé de la fugue.Impossible de ne pas penser non plus à « Lost » (2004-2010), de J. J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber, mais il est une autre production télévisée, plus récente, qui aura marqué l’auteur de la trilogie littéraire et ses adaptateurs. Blake Crouch écrit, en postface du premier tome de Wayward Pines : « Le 8 avril 1990, “Twin Peaks”, la série culte de Mark Frost et David Lynch, a débarqué sur les écrans de télévision. (…) J’avais 12 ans, et je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti en regardant cette série décalée, située dans une ville inquiétante, où rien ne semblait à sa place. »L’écrivain nord-américain dit, ensuite, sa frustration générée par la « fin abrupte » de « Twin Peaks » ; celle de « Wayward Pines » ne l’est pas moins. Mais elle offre, en guise de coda lourde de terrifiants possibles, l’éventualité d’une saison supplémentaire. M. Night Shyamalan, interrogé le 23 juillet par Deadline.com, ne promet, ni n’exclut : « Nous pensons à quelque chose et en avons discuté. C’est tout ce que je dirai. »On déconseillera de lire ledit entretien, qui contient cet avertissement nommé « Spoiler Alert » : « Cet article contient des détails sur l’épisode final de “Wayward Pines”. » Pas celui-ci.« Wayward Pines », de Chad Hodge et M. Night Shyamalan. Avec Matt Dillon, Carla Gugino, Melissa Leo (EU, 2015, 10 × 42 min). Jeudi 27 août, à 20 h 58, sur Canal+.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.08.2015 à 17h26 • Mis à jour le28.08.2015 à 13h18 | Jean Birnbaum //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Michel Houellebecq prépare une exposition au Palais de Tokyo pour l’été 2016 Un monde qui change… sous l’œil et les crayons du cartographe Objets connectés : enfer ou paradis ?tous les articles de la thématique A l’occasion de la parution d’Un amour impossible qui rend justice à la figure de sa mère face à la domination incestueuse du père, Christine Angot revient sur la place de ce nouveau roman dans son itinéraire littéraire. L’écrivaine sera l’invitée du Monde Festival dimanche 27 septembre à l’Opéra Bastille lors d’une rencontre avec le rappeur Youssoupha, animée par Jean Birnbaum, sur le thème « Scander le monde ».Lire aussi :Angot, l’envers de l’enferA l’horizon d’« Un amour impos­sible », il y a la question de l’inceste, déjà cruciale dans « L’Inceste » (Stock, 1999) et « Une semaine de vacances » (Flammarion, 2012). Vous ­rôdez autour d’un même événement, mais avec des approches différentes. ­Pourriez-vous les définir ?L’Inceste, ce serait la déclaration. Mais ça ne suffit pas de déclarer. Il faut définir. Qu’est-ce qu’on y connaît aux mots ? Une semaine de vacances, c’est la définition. Tout le livre n’est qu’une définition du mot « inceste », et « domination ». Ensuite, il faut dire ce que les uns et les autres ont fait, le père a fait ça, la mère a fait ça, comment la société s’est disposée autour, avec Un amour impossible, on a l’explication.Expliquer et aussi s’expliquer, au sens du défi. Votre livre rend justice à la ­figure de la mère, et plus généralement à celle de la femme, pour lui ­rendre une voix…Souvent, dans les livres, ce qu’on pourrait appeler le savoir féminin est absent. Qu’on soit homme ou femme, on peut en avoir une connaissance ou une ignorance. Moi, je m’efforce de faire en sorte que ce savoir-là remplisse la page. C’est indéfinissable le savoir féminin. C’est… on le voit dans le regard de certaines femmes, d’autres n’en veulent pas, elles veulent vivre au royaume du savoir mas­culin. Le savoir féminin, ça n’a rien à voir avec le discours féminin, et c’est lié à la gaieté intense qu’on a à être une fille. C’est marrant d’être une fille. Et cette gaieté, on essaye de nous la retirer. Le savoir féminin, c’est être indifférent à cette tentative, le vrai viol c’est ça.
Chez la mère de la narratrice, cela passe également, et peut-être d’abord, par une volonté de reprendre la main, une force de décider… Elle décide beaucoup, dans le livre…Vous avez raison. L’homme lui propose une toute petite place, qu’elle ne veut pas prendre. Elle veut l’amour, mais elle veut le respect aussi. Il ne le lui offre pas. Elle le cherche du côté du travail. Le travail des femmes commence tout juste alors. Quand j’étais à l’école, j’étais la seule de ma classe dont la mère travaillait. Elle prend beaucoup de ses décisions en ­fonction de ça, être respectée. Elle s’appuie sur le travail, sur le droit, faire re­connaître sa fille par exemple, bref sur les soi-disant progrès sociaux de son temps. Là aussi, elle se fait avoir. Quand vous avez besoin d’aller chercher la justice, ça veut dire que c’est déjà mort, évidemment. Elle, elle y croit.
Pure illusion ? En lisant le livre, on a pourtant la conviction que votre écriture est un acte de confiance dans la liberté, dans sa liberté…La liberté, si elle est concédée par la société, c’est un leurre. Tous les repères que cette femme s’était construits tombent et s’avèrent inefficaces. Mais à la fin, sa fille lui dit : « Tu es quelqu’un de bien maman. » Voilà. Ça, ça existe. Et elle se souvient de son jardin, des moments où elle cueillait des cerises et des brassées de ­lilas. Et que ce qui compte, c’est aujour­d’hui et maintenant. Même si, aujour­d’hui et maintenant, elle a 83 ans. Donc ça va pas durer longtemps, aujourd’hui et maintenant. Ça ne fait rien. La liberté est là. Je vais employer un mot niais, elle est dans son cœur. C’est ce que j’ai voulu restituer. Derrière les phrases écrites, il y a des phrases non écrites, qu’on entend quand même, dans son propre cœur justement. Elle n’a pas une pensée plate, c’est une personne.
C’est quelqu’un, même. A la lecture, sa liberté paraît plus forte que celle que vous semblez lui accorder en ce ­moment…Je vous décris mon point de vue. Dans le livre, c’est plus fort. Mais quand même… je crois qu’on peut lui reprocher d’avoir fait confiance aux institutions, aux lois, au droit… Je ne dis pas que ce n’est rien. Mais leur faire confiance, c’est une folie. Qu’on ne me demande pas à moi de leur faire confiance. Ils sont incapables de recueillir le vrai, une parole vraie, le maximum de leur compétence, c’est le témoignage. Autant dire la soumission à la question.
Cette question de la confiance donne son poids d’ambivalence au personnage du père. Malgré la domination et le viol, il en sort moins haïssable que d’« Une semaine de vacances ». Jusqu’au bout, par exemple, la mère lui maintient une forme de fidélité. Elle dit qu’elle a été heureuse avec lui. Comme si, pour le comprendre, vous-même aviez encore besoin de poser sur lui un regard d’empathie…
On n’est pas obligé de passer par l’empathie pour comprendre quelqu’un ou un personnage, on peut utiliser l’antipathie, quand on est rendu fou par la haine, on développe aussi une acuité. La mère a un reliquat d’amour, mais c’est un reliquat, peut-être une relique. Tout dépend si les questions que vous posez, vous les posez à l’auteur ou à la narratrice. L’auteur, elle, elle vous dit : « Moi je n’aime pas le personnage du père », c’est tout. La narratrice n’humilie pas le père, elle le néglige, « tu ne nous intéresses pas ». La honte de la mère repose sur le fait qu’elle n’a pas su ou pu protéger sa fille. Ça, la société ne le pardonne pas aux femmes. La faiblesse d’un homme émeut. Celle d’une femme fait honte. C’est le cliché de la mère complice.
En même temps, pour creuser cette question de l’ambivalence, on passe une partie du livre à se demander pourquoi la mère n’a jamais porté plainte contre ce père violeur…Les délais de prescription en droit, c’est un peu comme les délais de garantie quand vous achetez une machine à laver ou un téléphone. Ils sont calculés de façon à tomber juste après le moment où la personne a rassemblé son énergie pour parler. Il n’aurait pas été condamné. Je vous le dis. Ma mère ne l’a pas fait, mais je suis allée au commissariat, moi. Je sais de quoi je parle. Tout ça est nourri quand même, je vois aussi comment les choses fonctionnent en vrai. Il n’en est pas question dans le livre, mais j’y suis allée, juste avant mes 28 ans, avant la prescription. J’ai été très bien reçue par le commissaire. J’ai dit : « Voilà ce qui m’est arrivé, je voudrais porter plainte. » Il m’a dit : « Je peux tout à fait le convoquer, mais ne vous ­faites pas d’illusions, vu l’ancienneté des faits, ce sera compliqué de faire établir la vérité, il ne sera pas condamné. Ça lui fera une petite frayeur, mais il repartira tranquille parce qu’on n’arrivera pas à prouver. Il faut que vous le sachiez. » J’ai dit : « Très bien, alors, vous voyez, je vais m’en aller, parce que si en plus il faut que je supporte un non-lieu, ce n’est pas possible. » Alors, je vous le dis, il n’y a qu’une seule chose de valable, c’est la littérature. La justice, la police, ce n’est rien. Il n’y a pas de vérité dans ces trucs-là. C’est ce que dit l’auteur de ce livre. Il n’y a pas de vérité hors de la littérature. Dans la police, la justice, l’éducation nationale… il y a des morceaux de vérité. Comme dit Lacan : « Je dis toujours la vérité, pas toute… » Eh bien nous, les écrivains, on la dit, toute.L’actrice américaine Louise Brooks ­disait en substance   : les hommes cruels ne courent pas les rues, si vous en trouvez un, ne le lâchez pas. ­Séduction de la perversion…Ce sont eux de toute façon qui ne vous lâchent pas. Mais oui, c’est énorme, la séduction de la perversion. Les pervers sont des petits malins. Ils donnent une impression de puissance à la proie. Leur bêtise, c’est leur sentiment de supériorité. Ce sont de grands naïfs. Il n’y a pas plus naïf qu’un pervers. Dès qu’ils voient que ça mord, ils croient qu’on les aime ! Que c’est leur succès personnel. Non, c’est le succès de leur mécanisme. Alors, oui, la perversion, c’est la séduction ! Donc, pas de séduction ! Le charme, l’amour, l’érotisme peuvent quand même passer par beaucoup d’autres choses que cette mécanique. Je la connais, j’ai fait un tour assez complet, j’ai bien vu les tours et détours. Celui qui s’adore, celui qui se déteste et qui en fait tout un discours, etc. Ça ne m’intéresse plus. Mais c’est une mécanique tout à fait au point, on peut être pris dedans. Puis, une fois qu’on s’est dit  : « Ah ben oui d’accord, c’est une mécanique, ça ne m’intéresse pas », c’est fini, complètement.Dans son livre sur « La Domination masculine » (Seuil, 1998), Pierre ­Bourdieu a un curieux post-scriptum consacré à l’amour. Après avoir longuement décrit les mécanismes sociaux qui enserrent le destin féminin, il explique soudain que l’amour est une « île enchantée », où les rapports de force sociaux sont ­levés… Tout le contraire de votre « Amour impossible » ?Oui, c’est à l’envers. Bourdieu s’intéresse au social et, une fois qu’il a décrypté le social, il vient à l’amour. Moi je suis écrivain, je ne fais pas ce chemin-là. Je prends le sentiment, je regarde, et qu’est-ce que je trouve à l’intérieur ? Comme partout les oppositions sociales, les conflits, y compris dans cet amour entre mère et fille. Si oasis il y a, elle devrait être là ! Eh bien pas du tout. Même votre rapport avec votre mère peut être abîmé par la dureté sociale, vous êtes mal à l’aise quand elle parle, etc. Toutes les vies sont différentes, mais les sentiments sont les mêmes. C’est pour ça qu’on peut faire des romans, d’ailleurs, et c’est génial. Tout le monde s’y reconnaît. Donc, mon chemin est l’inverse de celui de Bourdieu. Pas seulement dans la pensée, dans ce que je regarde. Quand il compare, dans Les Règles de l’art [Seuil,‎ 1992], le rapport de la sociologie et de la littérature à la vérité, il dit que le rapport à la vérité de la sociologie est plus sérieux. Evidemment, je pense le contraire.On peut considérer le pouvoir comme l’un des grands thèmes du livre. Le pouvoir tel qu’il affleure à même la langue. Le pouvoir qui vous impose son discours pour vous fermer la bouche, mais aussi le pouvoir qui oblige ceux qu’il domine à s’exprimer… Le personnage du père incarne bien ces deux faces du pouvoir en tant qu’il s’empare du langage lui-même…Donner la parole à l’autre, c’est ça. C’est ne pas laisser l’autre parler à son moment, ou ne pas parler. C’est faire en sorte que l’autre ait peur de sa propre parole. Pas de ce qu’il va dire ! Quelqu’un à qui on donne la parole, tout d’un coup n’a plus rien à dire. Donner la parole aux gens, c’est faire en sorte qu’ils aient la tête vide. Ça se voit très bien, tous les jours, dans toutes les émissions de télé où l’on ne cesse de tendre le micro à des gens en leur disant de parler librement. C’est faire en sorte que la personne se sente obnubilée par ce qu’elle pourrait dire et n’y arrive plus… C’est une vraie terreur. On croit que toutes les classes sociales ne partagent pas ça. Que ceux qui sont éduqués ne sont pas concernés. Mais bien sûr que si. Quand on maîtrise mal les instruments du langage, c’est difficile, parce qu’on parle mal. Mais c’est un problème aussi, de parler bien ! On est enfermé par son bien-parler. Son accent de classe. Dans un cas comme dans l’autre, on est piégé par le langage.La question du pouvoir, c’est aussi la question de votre pouvoir, du pouvoir de toute écriture. Comment vous ­débrouillez-vous avec votre pouvoir ?Vous voulez qu’on parle du pouvoir de mon écriture, là, maintenant ? Je ne vois pas comment y répondre. Ce n’est pas une question seulement technique, c’est la question de la vie. Mon écriture, elle n’est pas dans ma poche, hein ! Je ne la possède pas. C’est une impuissance au contraire. Si je fais ça, c’est parce que je n’ai pas pu faire autre chose. Donc, à la base de ça, il y a quand même une forme d’échec monumental. Il y a ne pas savoir. Le pouvoir de l’écriture ne cesse de s’en ­aller, ne cesse de mourir. Je n’en dispose pas. Ce n’est pas un don. Je n’ai aucun don ! En revanche, j’ai un désir, ça oui. Un désir d’écriture. C’est l’écriture qui a un pouvoir sur moi. Par l’attraction qu’elle exerce sur moi. Et j’ai une volonté. Une volonté dingue. Ça prend beaucoup de temps d’identifier quelque chose d’intéressant. Mais une fois que je l’ai identifié, alors, là, vraiment, je ne lâche pas. Christine Ango sera l’invitée du Monde Festival dimanche 27 septembre à l’Opéra Bastille (Amphithéâtre) lors d’une rencontre avec le rappeur Youssoupha, animée par Jean Birnbaum, sur le thème « Scander le monde ».Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Jean Birnbaum 26.08.2015 à 10h30 • Mis à jour le26.08.2015 à 10h31 | Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Martine Delahaye Série sur TF1 à 20 h 50 La saison 2 de « Blacklist » s’offre comme un divertissement plutôt répétitif Cela devait faire quelque vingt-cinq ans que l’ex-agent gouvernemental Raymond Reddington était devenu l’un des hommes les plus recherchés du pays. Jusqu’à ce qu’un jour, inopinément, en tout début de première saison, il se livre lui-même au FBI, pour faire une offre qui ne se refuse pas : il aidera le « Bureau » à découvrir les réseaux mafieux les plus secrets et les terroristes les plus ingénieux (avec lesquels il a sans doute opéré par le passé, dans le monde entier), si et seulement si on le laisse épauler la toute jeune recrue de l’Agence, Elizabeth Keen, spécialiste du profilage…Après moult réticences, bluffé par l’exactitude des premiers renseignements fournis par Reddington (dit « Red », ou le « concierge du crime »), le FBI accepte son « marché », et va s’appuyer sur sa longue fréquentation des criminels de l’ombre pour s’attaquer à l’un d’entre eux à chaque épisode ou presque, en saison 1 comme en saison 2. Ray Reddington a en effet en tête une très longue « liste noire » de personnages qui tirent les ficelles du monde en sous-main, ou qui menacent l’intégrité du continent, et qu’il a intérêt, tout autant que le FBI, à neutraliser ou à faire disparaître. Quant aux raisons qui l’amènent à vouloir travailler en duo avec une jeune profileuse inexpérimentée, la série continue de les distiller au compte-gouttes en cette saison 2, nouant un suspense au long cours sur ce qui lie ces deux personnages (serait-il son père ? ne serait-elle qu’un jouet qu’il peut manipuler à sa guise ?)…Souvent risibleLes affiches de « The Blacklist », avec l’acteur James Spader (interprète de Ray Reddington) en gros plan, inondaient les rues de New York, à la fin de l’été 2013, pour annoncer le lancement de la première saison. Il faut dire que le réseau télévisé NBC misait beaucoup sur ce nouveau feuilleton pour s’assurer vingt-deux semaines de belles rentrées publicitaires. Or la saison 1 fut un succès, aux Etats-Unis mais aussi en France, lorsque TF1 diffusa la première saison un an plus tard, à l’automne 2014. Réintitulée « Blacklist » par la Une, la série a même connu un pic de visionnages de rattrapage, en France, à la mi-saison. Il faut dire que TF1 diffusant trois épisodes de « Blacklist » à la suite (le troisième se terminant vers 23 h 30…), de plus en plus de spectateurs suivent ce dernier épisode en différé, dans la semaine qui suit.Plus encore que la saison 1, cette deuxième saison se veut un pur divertissement, ses intrigues cherchant à imiter le savoir-faire des créateurs de « 24 heures chrono », et son rythme obligeant à renoncer à toute attente de réalisme et même à tout sens critique. Plus encore qu’en première saison, les événements s’enchaînent à grande vitesse, les agents du FBI devinant eux-mêmes en un éclair les objectifs et les cibles des criminels recherchés, et Ray Reddington ayant un tel don de divination autant que d’ubiquité que cela en devient souvent risible.Si l’on apprend un tout petit peu plus, au cours de cette saison 2, sur les liens qui peuvent avoir existé entre Reddington et l’agent du FBI Elizabeth Keen, si certains personnages deviennent attachants à mesure de leur approfondissement, on remarquera surtout combien, comme dans nombre d’autres séries américaines, le plus grand ennemi des Américains ne vient pas d’un sol étranger, mais bien de l’intérieur de ses institutions…« Blacklist », saison 2, série créée par Jon Bokenkamp. Avec James Spader, Megan Boone, Diego Klattenhoff, Ryan Eggold, Harry Lennix (EU, 2013, 22 x 42 min). Trois épisodes par soirée le mercredi. A 20 h 55, sur TF1.Martine DelahayeJournaliste au Monde 06.08.2015 à 11h02 • Mis à jour le06.08.2015 à 13h35 | Daniel Psenny Politique, cette deuxième saison de « Real Humans » voit les robots revendiquer une égalité de droits avec les humains (jeudi 6 août, à 23 h 50, sur Arte).Ce nouvel opus de la série suédoise créée par Lars Lundström se déroule toujours dans une petite ville suédoise semblable à n’importe quelle ville européenne, où les humains continuent de cohabiter avec les robots, les premiers exploitant au mieux les seconds.Nouveau prolétariat rechargeable et programmable avec une clé USB, les « hubots » s’intègrent de mieux en mieux dans la société, malgré un virus informatique qui les transforme en machines dangereuses et incontrôlables. Au point que certains robots humanoïdes, en quête d’un code leur permettant de se libérer de leur condition de machine, commencent à revendiquer une égalité de droits avec les humains…Cette demande de vivre-ensemble est au centre de cette saison, la rendant plus complexe dans le récit et plus politique dans son approche. Si la résistance de quelques humains s’organise à travers une société secrète, les « Real Humans », eux, résistent à leur manière. Derrière ce combat, le scénariste a glissé, sous forme de métaphores, tous les thèmes qui secouent les nations européennes : la discrimination, le rapport au travail, la différence de classe, l’égalité hommes-femmes, la place des minorités, la liberté sexuelle…« Critique sociale »Libéré des dogmes de la science-fiction – qu’il ne revendique d’ailleurs pas pour cette série –, Lars Lundström oriente son récit vers le thriller et le fantastique. Petit à petit, le robot échappe à son créateur et, au-delà des péripéties narratives, le scénariste entame une réflexion sur l’être humain.« “Real Humans” est la critique sociale la plus pertinente du monde des séries, loin devant celles des Américains », dit le journaliste Nils Ahl, auteur avec Benjamin Fau d’un Dictionnaire des séries télévisées (éd. Philippe Rey, 2011). Pourtant, lors de son lancement, en 2012, « Real Humans » n’a pas connu une très bonne audience en Suède. En revanche, les télévisions européennes se sont précipitées sur cette série que les Britanniques ont adaptée à leur manière avec un droit de regard artistique pour Lars Lundström. Et Arte, qui a acheté la série en lisant juste le « pitch » (l’histoire écrite en quelques lignes), attend avec impatience la troisième saison. Et nous avec…Real Humans, saison 2, créée par Lars Lundström (Suède, 2014, 10 × 46 min). Avec Lisette Pagler, Marie Robertson, Pia Halvorsen… Jeudi 6 août, à 23 h 50, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Arte rediffuse la minisérie britannique « Secret State » qui dépeint les arcanes d’un scandale politico-financier (jeudi 6 août, à 20 h 50, sur Arte).Nul ne se plaindra qu’Arte rediffuse la minisérie britannique de quatre épisodes de 44 minutes « Secret State » (2012), inspirée du roman A Very British Coup (1982), de Chris Mullin, un ancien homme politique, ministre des gouvernements de Tony Blair : récompensée d’un Emmy Award, elle est d’une grande qualité d’écriture, de jeu et de réalisation.La série traite d’un scandale politico-financier alors que, au moment où se produit l’explosion d’une usine pétrochimique dans le nord de l’Angleterre (qui fait 19 victimes, dont un enfant, et près d’une centaine de blessés), le premier ministre britannique meurt dans l’explosion de l’avion qui le ramène des Etats-Unis. Son adjoint, le vice-premier ministre, Tom Dawkins, se voit confier les rênes du pouvoir au 10 Downing Street, mais aussi, lui qui n’est pas l’un des requins qui infestent les eaux du pouvoir politique, par son parti l’investiture aux élections législatives, qu’il remporte.L’homme, dépeint par les uns comme un humaniste qui sait parler au peuple, et par les autres comme un dangereux marxiste aux utopies d’un autre temps, va se trouver engagé dans un chemin semé de chausse-trapes, de compromissions, de jeux de pouvoir (à l’extérieur et à l’intérieur de son propre parti, que l’on devine être celui des travaillistes, entre les services de renseignement) ainsi que d’enjeux géo-politico-financiers, qui vont jusqu’au crime.Visage tendu et regard mélancoliqueEvidemment, cette série croise dans des eaux plus que familières, et l’on ne peut s’empêcher d’y déceler un petit air de déjà-vu – d’autant que la chaîne britannique Channel Four avait déjà diffusé, en 1988, une première série, A Very British Coup, inspirée du même livre. Et il manque peut-être à « Secret State » la concision d’un long-métrage ou, à l’inverse, le développement des personnages que permettrait une série plus longue.Mais l’un des points forts de ce drame, tourné à Londres sous un ciel de plomb, est la présence, dans le rôle principal du premier ministre Tom Dawkins, de Gabriel Byrne. L’acteur, né en 1950, qui a commencé sa carrière dans une série télévisée en Irlande, son pays natal, est une figure récurrente du cinéma anglo-saxon : il a joué dans de grandes productions comme dans des films d’auteur (les frères Coen, Mike Newell, Wim Wenders, etc.). A la télévision, son incarnation d’un psychanalyste dans la remarquable série « In Treatment » (« En analyse »), adaptation de la série télévisée israélienne « Betipul », de 2008 à 2010, a imposé la finesse de son jeu et sa stature de comédien : Byrne obtiendra justement en 2009 le Golden Globe du meilleur acteur dans une série télévisée dramatique.Il traverse les quatre épisodes de « Secret State » avec un visage tendu et le regard mélancolique et désabusé de celui qui a tout compris, qui sait que sa marge de manœuvre est minime et que sa vérité est soumise à la suspicion cynique du monde politique alentour. Au cours du quatrième et dernier épisode, Tom Dawkins fait cette confidence à la journaliste avec laquelle il tisse des liens privilégiés (elle lui transmet des informations qui lui permettent de comprendre la situation dans laquelle il est plongé dès sa prise de fonctions) : « On est au sommet, et c’est alors qu’on se rend compte qu’on n’est qu’à mi-chemin… »Secret state, créée par Robert Jones. Avec Gabriel Byrne, Charles Dance, Gina McKee (4 X 42 minutes).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 06.08.2015 à 08h40 • Mis à jour le06.08.2015 à 09h21 | Julie Clarini Robert Conquest est mort à l’âge de 98 ans, à Palo Alto (Californie), lundi 3 août. Un livre a particulièrement compté dans la carrière de cet historien né en Angleterre et installé aux Etats-Unis dans les années 1980 : celui qu’il a consacré, en 1968, aux purges staliniennes (1937-1938), La Grande Terreur. Avec une lucidité qui fait dire à son confrère Timothy Garton Ash qu’il fut « Soljenitsyne avant Soljenitsyne », Robert Conquest y reconstitue, de manière détaillée, notamment grâce aux témoignages des survivants, la trame générale de la Grande Terreur, insistant sur son degré de centralisation, sur la paranoïa de Staline et le nombre effroyable de victimes fixé par lui à 20 millions, qu’il s’agisse de mort par exécution, de famine ou dans les camps de travail. Ce livre pionnier, traduit dans une vingtaine de langues, est devenu une référence majeure pour les historiens de l’URSS, lançant de nouveaux débats sur la nature du régime stalinien.Avec cet ouvrage, Conquest s’affirme comme l’un des meilleurs spécialistes de l’empire soviétique. Parmi ses nombreuses publications – une vingtaine –, Moissons sanglantes, en 1986, démontre à nouveau sa perspicacité d’historien. Ce premier livre sur la Grande Famine qui dévasta l’Ukraine (1932-1933) établit, pour la première fois, la responsabilité pleine et entière de Staline dans les millions de morts qu’elle provoqua. « Encore une fois, Robert Conquest a irrévocablement démontré l’ampleur colossale des horreurs staliniennes. Il a correctement identifié leurs origines dans la pensée et les pratiques marxistes et pointé du doigt la cohorte des naïfs européens qui ont relayé les mensonges soviétiques, à l’époque de Staline et dans les décennies qui ont suivi », disait Stephen Kotkin, chercheur à l’Institut Hoover et professeur d’histoire à l’université de Princeton.Proche de Margaret ThatcherEn effet, Robert Conquest ne ménage pas ses critiques à l’encontre des intellectuels occidentaux pour ce qu’il considérait comme de l’aveuglement devant le stalinisme (Bernard Shaw, Jean-Paul Sartre…). Farouche anti-communiste, pro-américain, il soutient, pendant la guerre froide, une politique ferme à l’égard de Moscou et des pays satellites. En 1967, il signe un appel collectif dans The Times pour défendre la politique menée par le gouvernement américain dans la guerre du Vietnam. Observateur engagé, il est également proche de Margaret Thatcher qui le consulte régulièrement sur la ligne à tenir face aux Soviétiques.La chute de l’URSS ouvre pour lui une nouvelle ère, celle, à ses yeux, de son triomphe : l’ouverture des archives soviétiques confirme une partie de ses thèses. Quand il est question, en 1990, d’une nouvelle édition de La Grande Terreur, Conquest suggère un titre : « I Told You So, You Fucking Fools » (« Je vous l’avais bien dit, bande de cons »). Même si quelques-unes de ses hypothèses sont abandonnées et d’autres encore discutées, la grande majorité des historiens saluent aujourd’hui sa sagacité. Que doit-elle à l’expérience ? Pendant ses études à Oxford et en France, à Grenoble – sa famille, prospère, vit entre l’Angleterre et le Sud de la France –, le jeune Conquest est membre du Parti communiste de Grande-Bretagne. Il prend vite ses distances, cependant, et s’engage, pendant la seconde guerre mondiale, en tant qu’officier du renseignement. En poste en Bulgarie – pays dont il maîtrise la langue –, il s’installe de ce côté-là du Rideau de fer pendant plusieurs années, y restant après la fin de la guerre, puis rejoint, dans les années 1950, l’Information Research Department, créé par l’Intelligence Service pour « collecter et synthétiser des informations fiables sur les méfaits du communisme ».Un poète anglaisCe fut toutefois à une autre activité, bien loin de celle d’espion ou d’historien, que Robert Conquest dut sa première reconnaissance publique : la poésie. Dès 1937, il publie des recueils de vers. Dans les années 1950, il est l’une des figures du cercle « The Movement », avec Kingsley Amis et Philip Larkin. Le dernier ouvrage portant sa signature fut du reste, en 2009, une anthologie de ses poèmes, parue sous le titre Penultimata. C’est ainsi que cet intellectuel volontiers provocateur, au cœur des polémiques les plus chaudes de sa discipline, resta toute sa vie un poète anglais.Julie ClariniJournaliste au Monde 05.08.2015 à 16h35 • Mis à jour le06.08.2015 à 07h17 | Frédéric Potet Depuis deux ans, Didier Conrad est le dessinateur d’Astérix. Il partage un point commun avec Uderzo, le ­cocréateur du ­célèbre Gaulois : comme lui, il a publié ses premiers dessins à 14 ans. Embauché comme « grouillot » à la ­Société parisienne d’édition, ­Uderzo avait réussi à placer une ­illustration dans l’hebdomadaire ­Junior, en 1941. Conrad a, lui, été l’un des premiers lauréats de Carte ­blanche, un concours lancé par Spirou auprès de ses lecteurs.C’était en 1974 : deux ­pages mettant en scène un personnage qui tente de devenir un héros de bande dessinée avaient été retenues par le ­magazine belge, toujours en quête de talents. « Nul doute qu’en travaillant plus avant son trait actuel, éliminant les ­faiblesses de débutant, se rodant dans les vieilles ­ficelles de dessinateur, il n’arrive à faire d’ici quelques années une œuvre originale et ­efficace », indiquait un texte d’accompagnement.Humour parodiqueLancée neuf mois plus tôt par le ­rédacteur en chef de Spirou, Thierry Martens, Carte blanchea vu débuter Bernard Hislaire, ­Philippe Bercovici, André Geerts ou le scénariste Yann avec qui ­Conrad réalisera un sommet d’humour parodique, Les Innommables (14 tomes entre 1983 et 2004). « Le choix était simple pour rentrer dans le métier à l’époque : soit tu devenais assistant dans un studio professionnel, mais il fallait pour cela vivre à Bruxelles ou Paris, soit tu commençais à ­publier », se ­souvient le dessinateur.Conrad n’est pas devenu pro tout de suite, malgré « trois ou quatre » autres Cartes blanches dans Spirou. Sous la pression de sa mère qui le rêve ingénieur, il envisage des études scientifiques auxquelles il renonce vite, puis entre aux Beaux-Arts où il ne reste que trois mois pour cause d’ennui profond. A 19 ans, il fait son retour dans ­Spirou avec une série appelée « Jason » (sur un scénario de Mythic) et, à 22 ans, il commence à ­gagner sa vie. « C’est un métier qu’on ­apprend sur le tas. Il faut publier un minimum de 200 à 300 pages pour comprendre comme ça marche vraiment. Mes “études”, je les ai ­faites dans Spirou », raconte-t-il.Tout sauf un boulot “normal”Et la vocation ? Celle-ci ne lui est pas venue à la seule lecture de Franquin et Uderzo – les idoles de sa jeunesse. Un ouvrage « technique » a eu beaucoup d’influence sur lui : Comment on devient créateur de bandes dessinées (Marabout, 1969, réédition Niffle, 2014). L’auteur, Philippe Vandooren, y interrogeait Franquin et Jijé sur les facettes du métier : quel type de plumes utiliser, quel format privilégier, qu’est-ce qu’un « bleu »… « J’avais 11 ans. C’est ce livre qui m’a fait prendre conscience qu’on pouvait vivre de la BD. C’était parfait pour moi qui ne me voyais pas faire un boulot “normal” dans un bureau… »En 1974, sa mère est hospitalisée alors qu’il se lance dans ses deux planches pour Spirou. Son père n’est déjà plus là. « J’avais peur de me retrouver orphelin. Faire cette BD m’a aidé à penser à autre chose », dit-il en se rappelant le chèque reçu pour cette première publication : 500 francs (382 euros actuels). « Je ne comprenais pas comment un métier si formidable pouvait payer si peu », s’en amuse-t-il. En la matière, les choses ont quelque peu changé pour lui.Retrouvez les premières œuvres de Conrad sur le blog « Les petits miquets » : Bandedessinee.blog.lemonde.frFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Henri Barbaret, 49 ans, numéro deux du Musée du Louvre, a été nommé directeur général du Mobilier national. Cette institution publique regroupe les manufactures nationales de tapisseries des Gobelins, de Beauvais, des tapis de la Savonnerie, des dentelles d’Alençon et du Puy, ainsi que le Mobilier national lui-même, sorte de garde-meubles de la République, riche de collections centenaires, chargé de meubler les palais de la nation, comme les ambassades et consulats à l’étranger.Après avoir été directeur général de la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’énarque, conseiller à la Cour des comptes, était entré, en 2007, au Louvre, comme administrateur général adjoint. Il devenait, en 2009, patron de la direction générale de l’établissement public du Louvre (2 300 salariés, 235 millions d’euros de budget), en charge de sa gestion financière, du pilotage des relations sociales, du suivi des grands projets – Louvre-Lens, création du département des arts de l’islam, Louvre-Abou Dhabi – et des questions de sécurité et de maintenance du plus grand bâtiment de la capitale, d’une surface de 200 000 m2.« Une proposition passionnante »« Il est très difficile de quitter le Louvre, une grande maison, reconnaît Henri Barbaret. Depuis huit ans, les grands projets se sont enchaînés, c’était une histoire sans fin. » Au Mobilier national, le poste était vacant depuis la fin 2014, et le départ à la retraite du normalien Bertrand Schotter qui, pendant onze ans, avait administré avec passion et efficacité cette prestigieuse maison créée par Colbert en 1663.« C’était une proposition passionnante, une ouverture et une responsabilité nouvelles », argumente M. Barbaret, qui prend la tête de l’institution, un service à compétence nationale (SCN). Ce sont « des défis différents, des changements stratégiques de perspective, avec les enjeux d’un établissement culturel, patrimonial. Le Mobilier national et les manufactures ont un potentiel, des savoir-faire, des collections de mobilier, insuffisamment connus », plaide-t-il. Il veut les faire rayonner. Le directeur général, qui a pris ses fonctions le 10 juillet, annonce « une stratégie globale afin d’ouvrir l’institution sur le vaste monde par une politique de prêts, d’expositions, d’éditions de meubles en stimulant la recherche et la création dans les ateliers ».L’institution est ancrée très clairement dans le passé, ne serait-ce que par ses collections de tapisseries et de mobilier. « Soyons ambitieux. Il n’y a pas de limites. Il faut valoriser ce qui existe et doper encore les commandes contemporaines au service des artistes. Tous les grands designers français ont reçu des commandes de mobilier. » Le directeur général veut aller encore plus loin, organiser des expositions en France et à l’étranger. Et ouvrir au public le fabuleux site des Gobelins, un village de lissiers datant du XVIIe siècle avec ses ateliers de haute lisse, son laboratoire de teintures des laines et soies, sa chapelle, la maison de Charles Le Brun, le premier directeur de la manufacture, et ses pavés usés par les siècles.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Dans « un kilomètre à pied », Bradley Mayhew nous entraîne au coeur des paysages époustouflants de la verte Erin (mercredi 5 août, à 19 heures, sur Arte).La marche est à la mode. Et la randonnée connaît, pour de multiples raisons, un succès grandissant, un peu partout dans le monde. Pas étonnant, donc, à ce qu’une chaîne comme Arte décide de programmer, en cette période estivale, une série documentaire consacrée à ce phénomène de société et aux plus beaux sentiers de randonnée à travers toute l’Europe.La durée de chaque épisode (43 min) est bien calibrée, ni trop courte ni trop longue. A chaque voyage, le guide n’est autre que le sympathique Bradley Mayhew, célèbre voyageur britannique, auteur de nombreux guides touristiques et randonneur confirmé. Le choix des destinations a été effectué avec soin et de la côte amalfitaine aux difficiles chemins crétois, en passant par la côte escarpée aux environs de Majorque, l’Andalousie, le Dorset, la Cornouailles ou les chemins de Saint-Olaf en Norvège, les images valent le détour. Mais la randonnée la plus époustouflante en matière de paysages est sans doute celle qui mène Mayhew et son cameraman dans le sud-ouest de l’Irlande.Déchaînement de couleursLà, que ce soit sur le Dingle Way, avec sa vue époustouflante sur l’Atlantique, ou sur le Kerry Way, plus long sentier pédestre de l’île, on a soudain l’impression d’être au cœur du monde. Montagnes baignées de lumière, falaises spectaculaires, plages désertes se succèdent dans un déchaînement de couleurs toutes plus sublimes les unes que les autres. Avec ce ciel irlandais, si changeant et si beau. Et le soir, après l’effort parfois rude, la chaleur des pubs où musiciens et danseurs viennent faire la fête permet d’oublier la fatigue.Accompagné sur certains trajets par des guides locaux qui enrichissent le documentaire d’anecdotes, Mayhew en prend plein la vue pendant ses deux semaines de marche. De Tralee au petit village de Sneem, où Charles de Gaulle fut chaleureusement accueilli durant plus d’un mois en mai et juin 1969, des plages désertes aux chemins de pèlerinage, des tourbières aux étendues des somptueux parcs nationaux, des forts circulaires celtes aux anciennes routes du beurre, le routard britannique ne cache pas son enthousiasme. « Personne ne peut résister à ce pays ! A la beauté des paysages et à la gentillesse de ses habitants », s’exclame-t-il, des étoiles dans les yeux.Pour qu’un citoyen de Sa Gracieuse Majesté lance un tel cri du cœur sur cette terre irlandaise, c’est que le coin en vaut la peine.« Un kilomètre à pied… » : Les chemins du comté de Kerry, de Jörg Daniel Hissen (France-Allemagne, 2014, 43 min). Mercredi 5 août, à 19 heures, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande (Bayonne (Pyrénées-Atlantiques)) Les Fêtes de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), qui se sont tenues du 29 juillet au 2 août, sont très festives. Depuis leur création, en 1932, un très palpable désir de noirceur rôde autour de leur exubérance. On aimerait que ça se passe mal. Dès 1933, un quotidien titrait : « Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient. » Déjà ?La vérité, c’est qu’elles sont infiniment mieux. Pendant que des festivals, plus ou moins culturels, peinent à gonfler leurs chiffres, Bayonne ne sait plus comment contenir l’affluence qu’elle inspire. Dans la nuit du vendredi 31 juillet au samedi 1er août, près d’un million de « festayres » ont déboulé de partout dans la petite ville suréquipée pour prévenir tout pépin. On a signalé vingt-six vols à la tire, cinq plaintes déposées. Sur un millier de contrôles d’alcoolémie aux sorties de la ville, un peu moins de 4 % se sont révélés positifs.Petit mémento : un chien mord un gendarme, c’est un incident. Un gendarme mord un chien, coco, ça devient chaud. A la Txalaparta, le bar des LGBT, on danse contre les agressions sexistes. En face, trois gaïteros (bombardes à double anche) entrent à « l’Ecole publique du Petit-Bayonne », menacée de fermeture. Un peu plus loin, protestation contre les conditions d’internement des prisonniers politiques. Les Fêtes, ce n’est pas l’oubli de la vie. C’est son accélération.Lire sur Les Décodeurs :Les fêtes de Bayonne ne sont-elles qu’une beuverie à ciel ouvert ?Du genre strictLes Fêtes appartiennent à ceux qui les font. Ici, on « fait » les Fêtes. L’auteur de ces lignes « fait » les Fêtes depuis 1949. Il a quitté Bayonne en 1962, rien n’y fait. Puissant marqueur de vie. A chacun sa chance. Le dimanche 2 août, banquet républicain sur le trottoir des irrésistibles Briand, les frères Prévert de la boucherie–charcuterie. Animation musicale, El Pafin’ Hot de Mimizan, une des 102 bandas ou chorales qui animent les Fêtes. Incroyable élévation du niveau musical. Les Fêtes ont cette chance unique, elles ne sont pas un « festival ».Au coin de la rue Port-Neuf, La Batut, percus de la Vallée d’Aspe, sous la houlette de ce phénomène d’Alain Larribet. L’après-midi, aux arènes, Zamarrito, le quatrième taureau de l’élevage Montalvo, plus qu’impressionnant – ici, on ne plaisante pas avec le taureau –, saute dans la contre-piste (le callejon) réservé aux acteurs, aux professionnels et à la presse.Le callejon de Bayonne est du genre strict. Malgré les précautions, deux blessés très sérieux : le photographe Roger Martin et Dominique Perron, président des Clubs taurins. Un chroniqueur doit savoir anticiper. Celui du Monde ne s’en lave pas les mains, mais enfin, toujours est-il que, présent au callejon, il venait de le quitter pour se laver les siennes.Lire aussi :L’été poïélitique de Francis Marmande, vol. 4Francis Marmande (Bayonne (Pyrénées-Atlantiques))Journaliste au Monde Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde 04.08.2015 à 22h56 • Mis à jour le05.08.2015 à 08h20 | Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde Daniel Psenny Au fil d’une enquête fouillée, Olivier Toscer revient sur les liens entretenus pendant vingt ans par le Cavaliere avec la Mafia (mardi 4 août, à 22 h 50, sur France 3).Bien que Silvio Berlusconi ait toujours réussi à passer à travers les mailles du filet judiciaire, ses liens avec Cosa Nostra, la Mafia sicilienne, ont été établis de façon certaine par les nombreux juges chargés d’enquêter sur ses affaires. Des relations d’ailleurs confirmées par plusieurs repentis affirmant que c’est à travers son plus proche collaborateur, Marcello Dell’Utri, Sicilien de souche, que Silvio Berlusconi a bénéficié de la protection et de la bienveillance de la Mafia en échange de « bons procédés » entre l’homme le plus riche d’Italie et les boss de Cosa Nostra.Argent saleDans son documentaire réalisé comme une enquête policière, Olivier Toscer est allé à la rencontre de nombreux témoins (magistrats, repentis de la Mafia, proches collaborateurs de Berlusconi) qui racontent comment et pourquoi l’ascension de l’homme d’affaires n’a pu se faire sans l’appui de Cosa Nostra et de la classe politique des années 1980, balayée ensuite par l’opération « Mains propres ».L’évidence est que l’argent sale plane sur tout le parcours de Silvio Berlusconi. Il y a d’abord, à la fin des années 1970, ces énormes investissements dans le complexe immobilier Milano 2, dans la banlieue de la capitale lombarde, dont les enquêtes judiciaires ont montré qu’ils ont été réalisés grâce à l’argent noir de la Mafia. Il y a ensuite la création de son empire médiatique et publicitaire bâti à l’aide de complicités politiques et, une nouvelle fois, de fonds douteux.Et, surtout, son ascension politique bien vue par la Mafia à qui Silvio Berlusconi, à la tête de son propre parti, Forza Italia, avait promis une nouvelle législation sur les repentis au cas où il arriverait au pouvoir. « Il est vrai que Forza Italia a eu beaucoup de succès en Sicile, souligne Roberto Scarpinato, procureur général à Palerme. Dans toutes nos enquêtes, nous avons noté que tous les chefs de Cosa Nostra avaient ordonné de voter pour ce parti. »La France n’a pas été épargnée par Berlusconi. En février 1986, rappelle Olivier Toscer, François Mitterrand, alors président de la République, lui avait confié La Cinq sur les conseils de son ami Bettino Craxi, le président socialiste du Conseil italien, qui avait beaucoup œuvré pour que Berlusconi devienne le roi de la télévision privée. Malgré l’argent qui coulait à flots, en quelques mois, la chaîne a été au bord de la faillite avant de sombrer en 1992. Personne n’a su (ou voulu savoir) d’où venait l’argent.Berlusconi et la Mafia, scandales à l’italienne, d’Olivier Toscer (France, 2015, 55 min). Mardi 4 août, à 22 h 50, sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Soixante-dix ans après le bombardement sur Hiroshima, le documentaire de Lucy van Beek renouvelle le regard sur un drame dont les ondes de choc perdurent encore (mardi 4 août, à 20 h 55, sur Arte). Les cigales se font entendre, le soleil brille et il fait déjà très chaud à Hiroshima en cette matinée du lundi 6 août 1945. La ville a été jusqu’à présent épargnée par les raids aériens américains qui font des ravages à travers tout le pays, provoquant notamment la mort de 100 000 personnes à Tokyo, lors du bombardement le plus meurtrier de la seconde guerre mondiale, effectué dans la nuit du 9 au 10 mars 1945.A 8 h 15, un bombardier B-29, baptisé Enola Gay, survole Hiroshima avant de larguer un chargement inhabituel. La bombe atomique explosera quarante-cinq secondes plus tard, à environ 600 mètres au-dessus de la ville, causant, dans les secondes qui ont suivi, la mort immédiate de 80 000 personnes environ.Sur un kilomètre et demi autour du point d’impact, la température est cinq fois plus élevée qu’à la surface du soleil. Et ce n’est que le début du cauchemar pour des dizaines de milliers d’autres victimes irradiées, brûlées, contaminées. Une minute après l’explosion, un nuage en forme de champignon, composé de gaz, de particules radioactives et de débris s’élève jusqu’à atteindre 17 000 mètres. Plus tard, la pluie arrive. Une pluie noire, qui éteint les flammes des incendies, mais qui, formée dans le nuage mortel, va elle aussi se révéler destructrice. L’ère atomique génère de nouvelles façons de mourir. Parfois lentes, toujours douloureuses.Les jours d’aprèsCet épisode tragique a été maintes fois étudié. Mais la force de ce documentaire britannique inédit est d’aller bien au-delà, de poser un regard neuf sur l’événement et de lever plusieurs zones d’ombre. Le film nous offre une enquête minutieuse à l’aide de nombreux témoignages de Japonais ayant vécu l’horreur, de scientifiques américains, d’historiens, et d’un témoin de choix en la personne du docteur Shuntaro Hida, 27 ans à l’époque, et qui a passé sa vie à soigner les victimes de la bombe atomique.Pourquoi Hiroshima a-t-elle été choisie ? Quelles sont les véritables raisons qui ont poussé les Américains à déclencher l’apocalypse nucléaire ? Le peuple japonais était-il prêt à la capitulation avant de subir la foudre atomique ? Les scientifiques américains étaient-ils d’accord pour que leurs recherches soient mises en pratique de cette manière ? Les enfants orphelins d’Hiroshima ont-ils été pris en main par la mafia locale ? Les autorités américaines ont-elles caché des informations sur les conditions sanitaires ?Ce documentaire répond à toutes ces interrogations. Ainsi apprend-on que la première cible choisie n’était pas Hiroshima, mais Kyoto. La ville fut sauvée in extremis par l’intervention d’Henry Stimson, secrétaire américain à la guerre, celui-ci refusant de sacrifier les richesses culturelles de Kyoto. Sur la liste des trois cibles potentielles, Hiroshima était en deuxième position, Niigata en troisième.Passionnant, ce documentaire s’attarde avec raison sur les jours qui ont suivi l’apocalypse. Les odeurs, le silence absolu, les rues jonchées de cadavres et de victimes agonisantes. Mais aussi la vie qui, dès le 10 août, reprend, avec des trams qui fonctionnent, des banques qui ouvrent, des écoliers qui suivent la classe en plein air. Tout cela dans un inhabituel climat d’anarchie, avec des gamins orphelins pris en charge par des gangs mafieux, obligés de vendre de la drogue pour survivre.Soixante-dix ans après cette catastrophe, les survivants font toujours figure de pestiférés dans une société japonaise terrorisée par les irradiés.Hiroshima, la véritable histoire, de Lucy van Beek (Royaume-Uni, 2015, 90 min). Mardi 4 août, à 20 h 55, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.08.2015 à 06h20 03.08.2015 à 10h51 | Francis Marmande Écoutez, si j’étais (vraiment) moderne, je chanterais à tue-tête, je sais le faire, avec l’accent et la voix de clairon : « Je vais aux fêtes de Bayonne/Chanter et danser/Rire et m’amuser… », etc. Ou je relirais Michel Leiris, qui donne dans son Journal (1946) une description charmante de fêtes qui ne le sont pas moins.Pure question poïélitique. Mon premier grand voyage, c’est Bayonne – Calais d’une traite, mon père était increvable, pour visiter en courant l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958 (l’Atomium, le Spoutnik, l’élégant pavillon français, la télé en couleur chez les Américains avec un orchestre de jazz en veste rouge).Ce soir, 30 juillet, je vous écris de Paris, Belleville. Je viens de passer trois jours au fantastique festival de Vannes (Morbihan) : Vincent Ségal, Roy Hargrove, Dave Holland au sommet.Demain, « je véééé aux fêtes de Bayôôône », comme je ne manque pas d’y aller depuis 1949 – j’avais 4 ans, je faisais « Japonais amateur » sur un char du corso fleuri.D’accord : j’ai quitté Bayonne en 1962. La question, c’est que Bayonne et les fêtes, elles, ne vous quittent jamais. Vous avez comme ça des villes terribles, de puissantes sirènes, pour qui l’on se jouerait la vie.Pourquoi les fêtes ?Pour leur évidence musicale, leurs chansons connes, leurs chants basques sublimes, leurs excès, leur évidence, leur gentillesse hirsute qui vous manque toute l’année.« Mais ce ne sont que bitures express, jeux de con, et vapeurs méphitiques…– Sans doute…– Les violences sexuelles se multiplient…– C’est abominable, et je ne sais l’interpréter.– Mais alors ?– Rien… Laissez-moi… J’y retourne. »Je croise les vieux copains de l’école laïque des quartiers Nord, on déparle, on dégoise, on boit un coup (ou deux).Je ne sais plus rien du génie d’idiotie parfois limite des fêtes. Les fêtes, c’est la nuit et le jour. Je sais que le jour est charmant. La nuit, ça s’aggrave grave. « Le journal », comme on dit ici (Sud-Ouest), raconte, dans un style irrésistible – Olivier Darrioumerle – les jeux stupides, dangereux, sadomaso, les gamins qui plongent dans la Nive et ces improvisations qui laissent ahuri.M’en voudrez-vous ? Je songe à ces garçons, filles et enfants, que l’on nomme les « migrants » de Calais, les « nuées » (maudit Cameron !), alors qu’ils sont exilés ou réfugiés politiques.Je les écoute.Ils tentent le coup. Rampent sous la Manche, s’accrochent au train, se font électrocuter, gauler par la police, ils jouent le tout pour le tout, onze morts depuis juin, prêts à recommencer demain.« Comparer l’incomparable… Vous êtes gonflé.– Allez vous faire fiche : à quoi bon comparer, si c’est juste pour comparer ce qui se compare ? » Je ne compare pas, je songe. Courir, frémir, ramper, sauter, se la jouer, eux, ils le font pour de vrai, non ? J’y songe, c’est tout. Je ne peux interpréter. Ciao !Francis MarmandeJournaliste au Monde 03.08.2015 à 06h35 • Mis à jour le03.08.2015 à 11h01 | Véronique Mortaigne UN COFFRET : Gainsbourg & The RevolutionariesEn janvier 1979, déjà « Gainsbarre », Serge Gainsbourg débarquait à Kingston (Jamaïque) pour y mener une expérience unique : l’habillage de la chanson française en dub, version allongée du reggae. S’en suivra le scandale de Aux armes et cætera, une Marseillaise que des soldats parachutistes ne supporteront pas de voir transformée en promenade nonchalante dans la cruauté de l’histoire de France. Avec Sly Dunbar aux percussions, Robbie Shakespeare à la basse, The I Threes aux chœurs (trois chanteuses dont Rita Marley) ou encore Radcliffe « Dougie » Bryan à la guitare, il forme un groupe, The Revolutionaries, pour habiller Lola Rastaquouère ou La Javanaise. Ensemble, ils portent l’album Aux armes et cætera en scène, et notamment au Palace, à Paris, en décembre 1979. Puis la vie privée de Serge Gainsbourg vire au naufrage quand Jane Birkin le quitte. En 1981, Gainsbourg reprend son expérience caribéenne. Il part avec Bambou, sa nouvelle compagne, à Nassau (Bahamas) afin d’enregistrer Mauvaises nouvelles des étoiles.Voici l’histoire racontée dans un coffret de trois CD conçu par Philippe Lerichomme, garant du patrimoine Gainsbourg, et Bruno Blum, expert en musique jamaïcaine. Gainsbourg & The Revolutionaries comporte huit versions inédites, qui permettent de comprendre le travail de fond réalisé par le compositeur français. Pour les vrais amateurs de dub, Bruno Blum a joué les prolongations avec un second coffret de 3 CD, toujours aussi bien illustré, de remixes des chansons reggae de Gainsbourg. Gainsbourg In Dub mérite une exploration estivale, et que vive le patrimoine ! Gainsbourg & The Revolutionaries, un coffret de 3 CD Mercury/UniversalUN FESTIVAL : Fiest’A SèteLe décor des festivités vaut à lui seul le déplacement : le Théâtre de la mer, taillé dans un ancien fort et dans la roche, où regarder la scène en contrebas équivaut à sonder l’horizon de la mer Méditerranée. On regarde les musiciens, la Lune, les bateaux qui sortent du port, et le voyage peut commencer. Ibeyi et Yaël Naim le premier soir (2 août) puis le vétéran, costaud et cuivré, de la musique moderne éthiopienne, Mahmoud Ahmed. Salif Keita déplace le public vers l’Afrique de l’Ouest. Il a reformé son orchestre historique Les Ambassadeurs, qui animèrent les clubs et les hôtels du Mali à la Côte d’Ivoire et qui furent des épicentres de la diffusion des musiques afro-cubaines. Fiest’A Sète revient d’ailleurs sur Cuba, avec Chucho Valdès, avant un retour au Nigeria avec Tony Allen, et un passage en terre klezmer (David Krakauer). Une musique dans chaque port, pour se sentir l’âme vagabonde.Fiest’A Sète, à Sète, du 2 au 8 août, 30 euros (pass multiples de 78 à 130 euros). Tél. : 04 67 74 48 44. www. fiestasete.comUN CLIP : « Black Lake », de BjörkLa chanteuse islandaise se fait rare cet été. Elle a présenté la version scénique de son album Vulnicura pour la première fois aux Nuits de Fourvière à Lyon en juillet, après une prestation festivalière (avec rappels de ses plus grands tubes) à Manchester, au Royaume-Uni. Elle sera à la Route du Rock de Saint-Malo le 15 août, mais sa rigueur et ses exigences scéniques méritent qu’on prévoie à l’avance. Les vidéos et les effets graphiques tiennent une place de choix dans l’univers de Björk. Vulnicura est l’album de la déroute amoureuse et de la rédemption (autobiographique à la suite de sa rupture avec son compagnon, l’artiste plasticien Matthew Barney). Blake Lake est un long clip qui a été commandé à Björk par le MoMa de New York qui lui consacrait ce printemps une exposition (par ailleurs descendue en flamme par l’hebdomadaire The New Yorker). Réalisé par Andrew Thomas Huang, le clip a été mis en ligne.UNE RADIO : Pedro’s Broadcasting BasementPour échapper aux formats habituels, découvrir sans hésiter à rompre avec ses habitudes, il faut se brancher sur PBB, la webradio montée par un homme seul, mais d’expérience, Laurent Garnier, qui définit son projet comme un « laboratoire ». Bien sûr, le musicien français restitue le résultat de longues heures d’écoute de morceaux inédits qui lui sont envoyés de partout, reflet de la vitalité des musiques électroniques mondiales, et il y mêle des coups de cœur plus anciens. Pedro’s Broadcasting Basement (PBB, Pedro étant son pseudonyme du temps où il mixait à l’Hacienda de Manchester) marche à la surprise, souffle le chaud (du funk, du blues) et le froid (de la techno dure) et c’est plein d’humour. Sans pub ni parlote.http://www.pedrobroadcast.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Arte propose deux documentaires sur les iconiques Jimi Hendrix et Jim Morrison (samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte).Jimi Hendrix, guitariste de génie, et Jim Morrison, chanteur charismatique des Doors, restent les deux grandes figures légendaires de la musique pop-rock des années 1970. Leur inventivité et leur extravagance mêlant psychédélisme et poésie ont révolutionné la scène musicale dans un monde et une époque encore remués par les révoltes étudiantes. Tous deux morts à l’âge de 27 ans – le premier à Londres d’une overdose ; le second à Paris d’une crise cardiaque – ont rejoint « le club des 27 » dans lequel on retrouve Brian Jones, Janis Joplin, Kurt Cobain et, depuis 2011, Amy Winehouse, eux aussi décédés dans leur vingt-septième année.Génie sur scèneDans le cadre de son excellent « Summer of Peace », Arte offre une soirée composée de deux documentaires qui permettent de (re)découvrir la courte vie de Jimi Hendrix et l’univers poétique de Jim Morrison à travers un rare film consacré aux Doors. Si les deux musiciens avaient des styles bien différents, ils se rejoignaient dans le génie lorsqu’ils étaient sur scène.Avec Hear my Train a Comin’ (un blues écrit par Hendrix en 1967), Bob Smeaton dresse un portrait intime du guitariste où archives inédites (notamment sa toute dernière apparition scénique, sur l’île de Fehmarn, en Allemagne, le 6 septembre 1970, douze jours avant sa mort) et témoignages se succèdent avec en toile de fond la plupart des concerts de celui que tous les musiciens considèrent comme le plus grand guitariste de l’histoire du rock.De sa première guitare sèche offerte par son père lorsqu’il avait 15 ans à sa réinterprétation hallucinée de l’hymne américain à Woodstock, en 1969, en passant par le fameux concert du Finsbury Astoria à Londres en 1965 où il brûla sa guitare, le réalisateur retrace l’itinéraire de Jimi Hendrix, étoile filante du rock, introverti à la ville et guitariste époustouflant à la scène, jouant aussi bien avec ses dents et sa langue qu’avec sa main gauche…Roi de l’improvisation à la technique instinctive, de l’effet larsen et de la pédale wah-wah, il a tout de suite surpris de nombreux musiciens qui, à l’instar de Little Richard, l’ont vite vu comme un rival à écarter. Dans le film au montage soigné et bien rythmé, ses amis et musiciens toujours vivants (partenaires du Jimi Hendrix Expérience, Billy Cox ou Paul McCartney) témoignent sur son long et difficile périple avant qu’il n’accède à la reconnaissance et la notoriété. C’est passionnant.Tout comme ce petit documentaire consacré aux Doors, diffusé à la suite du portrait d’Hendrix. Restauré et remastérisé, il est depuis peu disponible après une longue bataille juridique qui bloquait sa diffusion. C’est l’unique document consacré au groupe fondé par Jim Morrison en 1965 avec l’organiste Ray Manzarek. Tourné pendant cinq mois en 1968 dans une vingtaine de villes des Etats-Unis et autoproduit par les Doors, ce document expérimental et plutôt déroutant a été filmé par Paul Ferrara, lors de la préparation de leur troisième album studio, Waiting for the Sun. Le réalisateur, qui fut un camarade de classe de Jim Morrison lorsqu’il était étudiant en cinéma à Los Angeles, filme le chanteur au plus près.Des vingt-trois heures de rushes réduites à quarante minutes, on découvre ainsi les coulisses des concerts souvent délirants et le charisme du chanteur au visage d’ange comme lors d’un concert où on le voit transcendé en chantant This is the End.Hear my Train a Comin’, de Bob Smeaton (EU, 2013, 90 min) et Feast of Friends, de Paul Ferrara et les Doors (EU, 1968, 40 min). Samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elvire Camus (San Francisco, envoyée spéciale) Un potager, un verger, une petite ferme, une piscine, des jardins, un centre communautaire et quelque 224 logements à loyer modéré, le tout niché au cœur de l’une des vallées les plus bucoliques de la Californie. Lorsque George Lucas a fait savoir qu’il avait l’intention de convertir une petite partie des terres qu’il possède dans le comté de Marin, au nord de San Francisco, en un lotissement réservé aux seniors et aux travailleurs qui perçoivent un faible revenu, le père de Star Wars a déclaré vouloir faire « quelque chose de gentil pour les habitants de Marin ».Le peu de détails pour l’instant connus du projet que le milliardaire souhaite développer à ses frais sur sa propriété de Grady Ranch, une ancienne ferme de sapins de Noël acquise dans les années 1970, à côté du fameux Skywalker Ranch où il a construit ses studios de cinéma, suffit à faire rêver des dizaines de professions à bas salaire qui n’ont pas les moyens de se loger dans le comté qu’ils contribuent à faire vivre, tant l’immobilier y est devenu inaccessible.Le boom de la high-tech et de ses employés très bien payés, qui enflamme les prix à San Francisco, de l’autre côté du Golden Gate Bridge, se propage au reste de la région. En avril, le prix de vente médian d’une maison est passé à 1 million de dollars à Marin et le prix de l’immobilier (vente et location) a augmenté de 13 % en un an. A titre de comparaison, à l’échelle nationale, les loyers augmentent de 4 à 6 % par an environ. « Je pense que Marin est un exemple frappant de ce qui se passe dans toute la Baie de San Francisco : les prix de nos logements sont bien supérieurs à ce que les personnes qui travaillent ici ont les moyens de se payer. Nous n’avons pas encore atteint les niveaux de San Francisco, mais les hausses sont spectaculaires », explique Leelee Thomas, en charge du développement urbain pour le comté de 258 000 habitants.Logements inaccessiblesPersonnel médical, professeurs, policiers, employés administratifs sont parmi les professions les plus touchées. Comme la moitié des employés du comté, Thom Tucker, père célibataire de 38 ans, n’habite pas à Marin. Il passe en moyenne deux heures par jour dans sa voiture, à faire la navette entre son domicile et son bureau. « Les logements à Marin sont inaccessibles. Je viens, certes, d’un milieu modeste, mais je travaille dur et j’aimerais pouvoir vivre là où je travaille. »Philip Thomas, 51 ans, est dans la même situation. Pour gagner du temps, il a investi dans une moto. En deux-roues, il ne passe « que » 50 minutes matin et soir sur la route. L’hiver, en voiture, il passe près de 2 h 30 par jour dans les embouteillages. « J’adore mon travail, mais ça devient trop compliqué pour moi, je suis en train de réfléchir à quitter mon poste pour aller travailler dans le comté de Solano (à l’est), où j’habite. »En plus de l’aspect financier, les opportunités sont rares dans le comté qui construit le moins de logements de la région. Selon le dernier rapport sur l’habitat à Marin, « des habitations plus petites, à des prix de vente modérés, sont nécessaires pour répondre aux besoins des célibataires, des seniors et des familles à faible revenu ». Aujourd’hui 12 000 personnes sont sur liste d’attente pour obtenir un « affordable housing », littéralement « logement abordable ».C’est ce type de logement subventionné que veut construire George Lucas à Grady Ranch. Selon la loi américaine, il s’agit d’habitations dont le loyer ou le paiement du prêt ne doit pas dépasser 30 % du revenu total d’un foyer. Pour y prétendre, il faut répondre à des critères financiers : un travailleur qui gagne moins de 80 % du revenu médian de la région — environ 133 390 dollars par an pour un couple en 2013, soit 121 640 euros, à Marin — peut s’inscrire sur liste d’attente, un senior doit lui gagner entre 30 et 60 % du revenu médian. Alors oui, le projet semble répondre à un besoin important. Mais cette annonce faite en 2012 et concrétisée au mois d’avril par la soumission d’une « pré-application » (sorte de brouillon de projet) au gouvernement local ne réjouit pas tous les résidents de Marin County. Les voisins de Grady Ranch sont fermement opposés à la construction de ce lotissement à côté de chez eux. Damon Connolly, l’élu qui représente la zone géographique où le projet doit voir le jour, craint qu’il ne dénature la région. Il estime notamment que le nombre d’habitations prévues est trop important : avec 224 unités, il s’agirait du plus gros lotissement du comté. « Il faut que les gens qui travaillent à Marin puissent pouvoir y vivre, mais cela ne veut pas dire que tous les projets sont valables. La communauté a fait part d’inquiétudes légitimes et je veillerai à ce qu’elles soient prises en compte », explique-t-il.« Ecolos » avant l’heureEn réalité, il est très compliqué d’entreprendre le moindre développement immobilier ou urbain à Marin. Vers la fin des années 1950, alors que la banlieue de San Francisco, principal bassin d’emploi de la région, étaient en pleine expansion, une poignée d’habitants de Marin soutenus par quelques politiciens se sont battus contre le développement de centres commerciaux, autoroutes et autres lotissements que nombre de promoteurs rêvaient de voir pousser sur ce bout de terre idéalement situé.Parmi les principales batailles menées, celle qui sera le plus citée au cours de notre enquête est « la guerre des autoroutes », lorsque, au début des années 1970, un petit nombre d’hommes et de femmes — qualifiés d’« écolos », considérés à l’époque comme étant plus dangereux que les communistes — sont parvenus à faire annuler la construction de plus de 1 600 km d’axes routiers à Marin, dont environ 320 km le long des côtes. L’objectif était de multiplier par cinq le nombre de résidents en quarante ans. Au lieu de cela, combat après combat, le mouvement finira par obtenir, en 1973, le classement de plus de 80 % de la superficie de Marin en terrains inconstructibles, réservés à l’agriculture ou transformés en parcs naturels ouverts au public.Aujourd’hui, quand le brouillard, généralement accroché au pont, vous laisse l’appréhender, la traversée du Golden Gate Bridge depuis San Francisco permet à elle seule de comprendre le combat de ces militants. Sur le pont, peu à peu, la ville s’efface pour laisser place aux falaises verdoyantes qui se jettent dans la mer. Une fois à Marin, une seule autoroute dessert les principales villes de la région. Pour le reste, les axes sinueux permettent d’entrevoir l’océan Pacifique à chaque virage, quand ils ne longent pas les forêts de séquoias. Mais chaque victoire a son revers de médaille. « Plus de 80 % de Marin est protégé de façon permanente, ce qui est formidable, mais la contrepartie est que nous payons le prix fort, notamment en termes de diversité », explique Steve Kinsey, élu qui représente les habitants de West Marin, la zone la plus préservée. Etant donné le peu de terres disponibles à la construction, le prix de l’immobilier, déjà affecté par le développement de San Francisco, a encore grimpé. Les foyers modestes ont été poussés en dehors du comté tandis que les familles plus aisées, attirées par le cadre de vie exceptionnel si près de la ville, y ont construit leur résidence secondaire ou principale, transformant progressivement Marin en le comté le plus riche de la Californie en termes de revenu par habitant et le cinquième plus riche du pays.Mais Grady Ranch n’est pas inconstructible. La propriété se trouve justement dans les moins de 20 % de terres réservées au développement de logements. Selon la loi, plus de 300 logements peuvent y être érigés. « Le projet de M. Lucas est un immense cadeau pour notre communauté qui a besoin de plus de logements à bas coût, et il est cohérent avec les objectifs historiques que nous avons pour la région », commente M. Kinsey. Autour de la propriété, de nombreuses habitations jalonnent d’ailleurs la vallée. Le voisin immédiat du ranch est une immense villa protégée par un portail automatique en bois, en face se trouve la résidence d’un des membres du groupe Metallica, plus à l’est encore se trouvent un lotissement et quelques unités de logement pour les seniors. Dès lors, l’opposition est difficile à justifier, mais elle n’est pas inexistante pour autant.« Volontaires pour le ghetto »Les réserves formulées à l’encontre du projet vont des détails pratiques — comme le fait que les seniors seraient loin d’un centre de soin (l’axe qui dessert le ranch n’est pas relié par une ligne de bus) — aux préoccupations environnementales — plus de résidents veut dire plus de trafic routier, donc plus de pollution — aux attaques directes contre « ceux » qui pourraient s’y installer. Lors d’une réunion au sujet du réaménagement de certaines zones de Marin, dont Grady Ranch, une mère de famille et agente immobilière a pris la parole pour exprimer son opposition au projet : « On dirait que tu as fait de nous des volontaires pour le ghetto », lance-t-elle à l’élue locale de l’époque, Susan Adams, aujourd’hui remplacée par Damon Connolly. Autour d’elle, certains, choqués, la sifflent, d’autres l’applaudissent.Cette réflexion, Tina Stolberg qui travaille à Marin depuis onze ans en a eu vent. A 58 ans, cette bibliothécaire scolaire approche de la retraite, et c’est la vente de sa maison qui lui permettra de joindre les deux bouts une fois qu’elle ne percevra plus de salaire, prévoit-elle. Or, Mme Stolberg est bien consciente qu’elle ne retrouvera pas de logement à Marin si elle quitte son domicile, c’est pour cette raison qu’elle s’est inscrite sur liste d’attente pour le futur lotissement de Grady Ranch. Si le projet voit effectivement le jour, qu’elle remplit les conditions financières et que son casier judiciaire est vierge, elle fera partie des candidats potentiels qui seront sélectionnés par tirage au sort. « J’ai entendu des commentaires du genre : “ce projet va amener des gens qui ne sont pas de chez nous.” Mais c’est faux, nous travaillons très dur nous payons des impôts. Je ne comprends tout simplement pas d’où vient tout ce venin. Je pense que ces gens-là sont ignorants. » Anne-Marie, infirmière de 55 ans, s’est également inscrite sur liste d’attente. Pour elle, qui vit et travaille à Marin depuis que sa famille s’y est installée dans les années 1940, l’opposition féroce à ce genre de projet est la preuve que le coin a changé. « Je me rappelle quand Marin était habitée par des familles de la classe populaire, ça n’était pas comme ça. Aujourd’hui, le message est “si tu ne peux pas vivre ici, tant pis pour toi” », estime-t-elle.Save Marinwood, l’un des principaux groupes contre le projet de logements à Grady Ranch, assure ne pas être opposé aux logements sociaux de manière générale, pourvu qu’ils remplissent une série de critères. « Nous ne sommes pas contre la construction d’habitations à loyer modéré, surtout pour les seniors, comme le Rotary Village Senior Center de Lucas Valley qui est bien situé, ne comporte pas trop d’unités, ne dénature pas le paysage et est financièrement responsable », détaille Stephen Nestel, pour Save Marinwood.Lire aussi :George Lucas : « l’empire du mal » pour ses voisinsSelon Jonathan Rothwell, membre du programme de politique urbaine du Brookings Institute, ce genre d’argument est souvent évoqué lorsqu’un projet de développement supplémentaire est envisagé dans des zones périurbaines :« Les propriétaires vont citer des arguments environnementaux pour préserver les espaces verts, en général demander un statut particulier pour les zones non développées afin de s’assurer qu’elles ne le soient jamais, ou que leur développement se fasse au terme de nombreuses années de débat politique. Cet argument peut finir par bloquer le développement de logements à loyer modéré et exacerber la ségrégation entre les classes sociales et les races. » Dans le cas de Grady Ranch, un groupe de résidents réclame depuis peu le statut de « California scenic highway » pour la route qui dessert la propriété de M. Lucas, ce statut limiterait le développement autour de l’axe. Mais Stephen Nestel est persuadé que le projet verra le jour, peu importent les moyens déployés : « L’argent de George Lucas fait bouger beaucoup de choses à Marin. »25 % de chancesOr, rien n’est moins sûr. Après la pré-application, une version finale du projet doit être déposée devant le conseil d’administration du comté. Il sera non seulement soumis au vote des représentants du public, mais surtout confronté aux problèmes pratiques qu’il faudra impérativement résoudre pour pouvoir lancer les premiers travaux. Le principal étant l’acheminement de l’eau en période de sécheresse historique en Californie. Il n’est pas garanti que l’organisme chargé de distribuer la ressource accepte de le faire pour plus de 200 logements supplémentaires.PEP Housing, l’organisme à but non lucratif auquel George Lucas a confié son projet, après qu’il a remporté un appel d’offres, est très confiant étant donné l’immense avantage dont il bénéficie. « M. Lucas donne les terres et l’argent pour développer sa propriété. Selon mon expérience, c’est sans précédent », assure Mary Stompe, directrice de PEP Housing. Aux Etats-Unis, les logements à loyer modéré sont financés par un patchwork de sources d’argent venant pour une petite partie des gouvernements, mais surtout d’organismes à but non lucratif ou de fonds privés. Le dernier projet développé par PEP Housing comptait 13 unités de logements réservés aux seniors, 19 sources de financement différentes et a mis sept ans à sortir de terre.Thomas Peters, président de la Marin County Foundation, dont une des activités est la construction et la gestion de logements sociaux, est moins optimiste. Selon lui, le projet n’a que 25 % de chances de voir le jour, en raison des autorisations qu’il reste encore à obtenir mais aussi du pouvoir de nuisance des voisins. « Mais c’est un solide 25 %, car il est mené par un homme de l’importance de M. Lucas dont la terre a été attribuée, il y a des années, à la construction de logements », précise-t-il en souriant. « Ça serait formidable que ce projet se réalise, c’est une question de justice. Et même si 200 habitations ne vont pas résoudre la crise du logement à Marin, il pourrait lancer une série de projets qui, en cumulé, pourront faire la différence. »Elvire Camus (San Francisco, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Marches, « protest songs », manifestes... « Peace’n’Pop » propose une vaste traversée dans un demi-siècle de contre-culture pacifiste (dimanche 9 août, à 22 h 35, sur Arte).L’apocalypse nucléaire d’il y a soixante-dix ans n’a pas mis un terme à la folie destructrice des hommes. Et, depuis 1950, les conflits armés ne manquent pas en ce bas monde. A partir de la guerre de Corée mais surtout avec le long conflit du Vietnam, nombreux ont été les artistes à chanter, écrire, dessiner ou manifester avec les anonymes pour s’opposer aux politiques belliqueuses des gouvernements.En France, Le Déserteur, de Boris Vian, sorti en 1954 à la fin du conflit en Indochine, est rapidement devenu un tube pacifiste. Aux Etats-Unis, l’envoi de dizaines de milliers de jeunes gens au Vietnam a réveillé les consciences, fait descendre des foules immenses dans les rues et permis à de jeunes artistes prometteurs, Bob Dylan ou Joan Baez en tête, de lutter en musique pour la paix.Aujourd’hui, les protest songs se font plus rares et les mobilisations contre la guerre, le péril atomique ou les violences raciales sont moins massives que pendant la longue période allant de la guerre du Vietnam à la chute du mur de Berlin, mais un bon nombre d’artistes restent mobilisés. Parmi ceux interrogés dans « Peace’n’Pop », le saxophoniste Joshua Redman émet un point de vue intéressant, quoiqu’un brin naïf : « Je ne sais pas si la musique peut être un contre-modèle à la confrontation guerrière, mais elle génère mutuellement un sens de l’empathie. Pour moi, toute bonne musique est une forme de paix. » Des tubes mémorablesVedettes du folk, rappeurs, rock stars ou divas soul, les chanteurs et musiciens sont nombreux à témoigner dans ce documentaire allemand divisé en deux parties (1950-1979, Faites l’amour pas la guerre ! suivi de 1979-2015, Paix et culture pop). Tout au long de ces deux épisodes, c’est plus d’un demi-siècle d’histoire culturelle et politique qui défile sous nos yeux.Mais si les musiciens et chanteurs sont mis en vedette, permettant ainsi d’écouter des extraits de tubes mémorables (de Blowin’ in the Wind, de Dylan, à Give Peace a Chance, de Lennon, en passant par What’s Going on, de Marvin Gaye, entre autres), ils ne sont pas les seuls artistes à témoigner de leur engagement contre les conflits armés. Des écrivains réputés comme le Gallois Ken Follett, le Britannique Hanif Kureishi ou le Français Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011 pour L’Art français de la guerre, Gallimard) décortiquent avec précision cette culture pop pacifiste. Plutôt pessimiste, Hanif Kureishi estime que « les immenses manifs contre la guerre en Irak dans les rues de Londres n’ont hélas servi à rien… On peut parler d’un clash entre l’extrémisme islamique et le capitalisme néolibéral. Près de chez nous, en Europe, il y a la guerre en Ukraine et je vois ressurgir le fascisme en Grèce, en Hongrie… »Si la volonté pacifiste n’a pas disparu, elle est aujourd’hui morcelée. Il y a moins de mobilisation générale, mais des multitudes d’espaces sur le Web où les artistes expriment leurs sentiments à travers des chansons ou des dessins. Face aux pacifistes, les Etats ne restent pas inactifs.Dès les années 1980, Ronald Reagan encourageait les jeunes amateurs de jeux vidéo à s’engager dans l’armée. Depuis longtemps, le complexe militaro-industriel américain investit beaucoup d’argent dans le divertissement. A travers les jeux vidéo guerriers ou des films du type Top Gun, on peut inciter des jeunes à faire la guerre.1950-1979, faites l’amour pas la guerre  ; 1979-2015, paix et culture pop, de Christian Bettges (Allemagne, 2015, 2 × 52 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphanie Binet (Los Angeles) La sortie du troisième et dernier album de Dr. Dre, Compton, est un événement mondial mais pas local. A Los Angeles, le 6 août, à une heure de la diffusion de ses nouveaux morceaux sur la plate-forme musicale Apple, personne n’est bouleversé par l’annonce faite par le rappeur lui-même le 31 juillet, sur l’antenne de la radio numérique Beats1, de l’arrivée de son nouveau disque, en digital le 7 août, en physique le 21 août.Dans un magasin de téléphonie mobile, un employé résume l’état d’esprit ambiant : « Depuis 2001 [son disque sorti en 1999], il nous bassine avec ça. A force de l’attendre depuis seize ans, on ne l’attend plus. » Dre a, en effet, tellement retardé la sortie de son projet Detox qu’il a fini par le jeter à la poubelle. « Pas assez bon », de son propre aveu. A South Central et Watts, où le premier disque de Dr. Dre, The Chronic, fut considéré, à sa sortie en décembre 1992, comme la bande-son de ces quartiers noirs et latinos, même réaction. « A 18 heures, on a autre chose à faire qu’écouter un album sur un mobile en Wi-Fi. Et on n’a pas tous des iPhone. On rentre du boulot après des heures d’embouteillages. On se repose avant de se préparer pour le lendemain », résume une habitante.Lire aussi :Dr. Dre : le rappeur entrepreneurLes radios de Los Angeles, privées, elles, de cette exclusivité, préfèrent parler de la sortie prochaine du film Straight Outta Compton, consacré à son groupe N.W.A, fondé par Dr. Dre et Eazy E. Ce dernier, figure tutélaire de la ville, dealer des rues et membre du gang des Crips, avait réussi à défier le FBI avec son label, Ruthless Records, qu’il avait créé avec son manager, Jerry Heller, avant de mourir du sida en 1995. C’est cette histoire que raconte le film et c’est son tournage qui a convaincu Dr. Dre, coproducteur du film, de retourner en studio. L’homme d’affaires de 2015, âgé de 50 ans, s’est senti défié par le rappeur de 1988, jeune, culotté, sans peur.Mais Compton, nouvel album de Dr. Dre, n’est pourtant pas la bande originale du film Straight Outta Compton comme annoncé, mais regroupe les musiques inspirées par le long-métrage, pratique courante dans le rap des années 1990. En 1995, La Haine, de Matthieu Kassovitz, avait eu aussi son album La Haine, musiques inspirées du film. Sur le sien, Dre invite tous ses anciens poulains (Snoop Dogg, Eminem, The Game, Xzibit, exception faite de 50 Cent) et ses nouvelles plumes (Kendrick Lamar, Jon Connor, King Mez, Justus). C’est avec les deux derniers que le producteur a écrit la majeure partie des titres. Il ne reprend pas la narration du film mais raconte en quoi sa ville, Compton, a été une telle source d’inspiration pour toute sa carrière.Ouverture en fanfareLa pochette de son album pose déjà l’argumentaire. Le point de vue vient de Compton, les lettres d’Hollywood au-dessus de Beachwood Canyon ont été remplacées par celles de la commune au sud de South Central. La pochette est une vue aérienne vers les gratte-ciel de Downtown à partir des quartiers pauvres, inversant le regard des auditeurs, plutôt habitués à voir la ville à partir des hauteurs de Mulholland Drive. Le graphiste s’est arrangé avec la géographie locale : il n’y a pas de colline à Compton, juste un alignement de maisons.L’album s’ouvre en fanfare sur une réinterprétation de la musique d’Universal Pictures. Une voix off, cérémonieuse, fait l’éloge de cette ville idéalisée par les Afro-Américains qui fuyaient la ségrégation du sud des Etats Unis dans les années 1950 : « Compton, c’était le rêve américain, la Californie ensoleillée, avec les palmiers dans la cour, le camping-car, le bateau… » Un rêve qui a tourné au cauchemar, continue encore la voix, « où, même si quatre conseillers municipaux sur cinq sont noirs, aucun n’a réussi à enrayer la criminalité et la paupérisation. Avec 47 meurtres l’an passé, Compton est une des villes les plus criminelles en densité par habitant ».Les trois morceaux les plus inspirésCette belle intro est cependant gâchée par un excès de jeunisme du rappeur, qui après seize ans d’absence adopte la manière de rapper, très actuelle et surfaite, du sud des Etats-Unis, le trap. Il l’abandonne heureusement sur le reste de l’album. Ce premier morceau, Talk About It, introduit aussi ses deux nouveaux espoirs, King Mez, de Caroline du Nord, et Justus, rappeur blanc de Dallas, qui citent une des rimes les plus célèbres de The Notorious B.I.G., rappeur new-yorkais, un temps rival de la Côte ouest, et assassiné à Los Angeles, It Was All a Dream (« c’était tout un rêve »). Il faut attendre le deuxième titre pour retrouver la qualité de la production de Dr. Dre avec Genocide, qui mêle un toast ragga de l’Anglaise Marsha Ambrosius du groupe Floetry et la dextérité de celui qui va l’accompagner sur trois des morceaux les plus inspirés du disque : Kendrick Lamar.Ainsi sur Darkside/Gone, la même équipe rend un bel hommage à Eazy-E. King Mez, lui, remet les pendules à l’heure sur le mythe des rappeurs gangsters : « Non, je n’ai jamais vendu de drogue, mais je sais qui en a. » Dre ne rappe finalement en solo que sur un seul des seize titres de l’album, le dernier. Pour le reste, en bon producteur, il s’attache plutôt à déstabiliser ses partenaires de ces vingt dernières années : musique plus rock pour les anciens, Ice Cube et Snoop Dogg, jazz pour The Game… Il signe, de plus, une belle collaboration avec DJ Premier, son homologue de la Côte est, pour Animals. Du bon Dr. Dre, inattendu, joué dès le lendemain de la diffusion sur Apple sur bon nombre d’autoradios. Le mythe tient encore la route. Vendredi 7 août, dans l’après-midi, les lettres de Compton étaient dessinées dans le ciel de Los Angeles par des avions publicitaires.Stéphanie Binet (Los Angeles)Journaliste au Monde 07.08.2015 à 17h42 | Renaud Machart « Les Clés de l’orchestre » analyse l’une des pièces maîtresses du répertoire symphonique du XXe siècle (dimanche 9 août, à 22 h 50, sur France 5).Tandis que France 2 propose, pendant l’été, « La Boîte à musique », une série d’émissions pour le grand public consacrées à la musique classique, France 5 diffuse quatre numéros d’une série pédagogique de plus haut niveau, « Les Clés de l’orchestre », également animée par Jean-François Zygel : celui-ci décryptera Casse-Noisette, de Piotr Ilitch Tchaïkovski (le 30 août), La Mer et le Prélude à l’après-midi d’un faune, de Claude Debussy (le 23 août), la Symphonie n° 9, de Dimitri Chostakovitch (le 16 août), après s’être intéressé, le 9 août, à la grande pièce symphonique Des canyons aux étoiles, d’Olivier Messiaen (1908-1992). Il est à saluer que le cycle commence avec l’œuvre la moins « abordable » de celles traitées cet été.Teintes fauvesSi le pianiste, compositeur et improvisateur se laisse aller à l’anecdote (toujours signifiante) dans « La Boîte à musique », devant trois invités le plus souvent « novices », le voici, dans le cadre des « Clés de l’orchestre », plus proche de l’esprit de ses fameuses « Leçons de musique » à la mairie du 20e, à Paris (reportées sur DVD par Naïve). Cette fois devant l’Orchestre philharmonique de Radio France, qui illustre son propos par des exemples dirigés par Jean Deroyer, Zygel tient au public du Théâtre du Châtelet des propos approfondis, mais accessibles.Des canyons aux étoiles est une vaste composition (environ 90 minutes) écrite par Messiaen en réponse à une commande de la mécène Alice Tully pour la célébration du bicentenaire de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. Messiaen fut tellement impressionné par le Bryce Canyon, dans l’Utah, qu’il visita en 1972, qu’il décida de faire de sa pièce une correspondance musicale des paysages grandioses qu’il y découvrit.Comme Dieu était en toute chose pour Messiaen, il est au centre de ces Canyons aux étoiles ; comme les oiseaux étaient ses maîtres en musique, le chant dûment noté de ceux qu’il entendit là-bas s’y ébat ; comme le compositeur associait les accords à des couleurs, la partition éclabousse l’auditeur de teintes fauves. Tout cela explicité à merveille par Zygel : le novice ne s’y perdra point et le mélomane aguerri découvrira d’autres cheminements au sein de cette œuvre foisonnante.Les Clés de l’orchestre, Des canyons aux étoiles, d’Olivier Messiaen, réalisé par Philippe Béziat (Fr., 2014, 95 min).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.08.2015 à 12h37 • Mis à jour le07.08.2015 à 12h48 Avec Bruce Springsteen et une « standing ovation », l’humoriste américain Jon Stewart a tourné la page, jeudi 6 août, du « Daily Show », l’émission télévisée grâce à laquelle il s’était imposé, durant seize ans, comme le roi de la satire politique et médiatique aux Etats-Unis.Pour cette émission exceptionnelle d’une heure, plusieurs célébrités avaient enregistré des vidéos d’adieu très brèves, plus ou moins drôles, dont Hillary Clinton, le secrétaire d’Etat John Kerry, le sénateur John McCain, ou l’animateur de Fox News Bill O’Reilly, une des cibles préférées de Stewart.Des comédiens lancés par le « Daily Show » y ont aussi fait une apparition, dont John Oliver, Steve Carell ou Stephen Colbert, qui a salué « un grand artiste et un homme bon », auquel, a-t-il dit, « nous devons beaucoup ».La Maison Blanche a également tweeté ce que le président Obama avait dit à Jon Stewart sur son plateau le 21 juillet : « Je publie un nouveau décret. Jon Stewart ne peut pas quitter l’émission. »"I’m issuing a new executive order—that Jon Stewart cannot leave the show" —@POTUS: http://t.co/l1IEX8pKpR #JonVoyage http://t.co/jlqvb2uL5Q— WhiteHouse (@The White House)require(["twitter/widgets"]);Mais l’humoriste l’a fait, refusant de prononcer un quelconque « adieu » ou « au revoir », préférant parler d’une pause dans la conversation, restant flou sur ce qu’il comptait faire ensuite. Le « Daily Show » sera repris en septembre par le comédien sud-africain Trevor Noah.« Carrefour de la politique, du journalisme et du divertissement » Impitoyable, drôle, résolument à gauche avec un humour typiquement new-yorkais, Stewart avait commencé à présenter le « Daily Show » sur Comedy Central en 1999, une parodie de journal télévisé de trente minutes, quatre soirs par semaine, et s’était rapidement fait une place unique dans le paysage audiovisuel américain.« Il s’était taillé, au fil des années, une place unique au carrefour de la politique, du divertissement et du journalisme », explique Stephen Collinson, de la chaîne CNN, qui titre son article d’adieu : « Comment Jon Stewart a changé la politique. »De nombreux éditorialistes, une caste qui l’a longtemps méprisé, lui rendent aujourd’hui hommage, comme Meredith Blake, du Los Angeles Times :« Quand Jon Stewart a fait ses débuts au “Daily Show” en janvier 1999, l’idée qu’un comédien, alors connu pour quelques talk-shows à courte durée de vie ou des rôles secondaires dans des films à oublier, aurait l’oreille d’un président avait tout d’une blague.Mais, alors qu’il quitte le programme de Comedy Central, quatre campagnes présidentielles et près de 2 600 épisodes plus tard, il part plus que comme l’un des humoristes les plus accomplis de sa génération. Bien qu’il répugne à l’admettre, les commentaires et la satire de Jon Stewart ont fait de lui une des voix les plus influentes dans la politique américaine. »S’il s’est autant démarqué, c’est grâce à son style inimitable. « La comédie a fait de Jon Stewart le journaliste ayant le plus la confiance du public, assure Elahe Izadi, du Washington Post. « Bien qu’il ne se soit jamais présenté comme un vrai journaliste, il avait compris que les gens aiment consommer l’information grâce à l’humour. Ce n’est pas une mauvaise chose, le “Daily Show” tranchait avec la manière traditionnelle de rendre compte de l’actualité : nuancée, en donnant la parole aux deux camps. »Il a ainsi profité d’un désaveu du public pour les médias traditionnels. « Depuis que Jon Stewart a commencé au “Daily Show”, il y a seize ans, la confiance du pays dans les médias et le gouvernement a chuté », remarque John Koblin, du New York Times.« Sa marque de fabrique, des fausses informations, a prospéré dans ce vide et a fait de lui l’un des plus vivifiants critiques médiatiques, politiques et culturels. Il a attiré une génération de téléspectateurs prêts à accepter un personnage singulier dont les exagérations avaient, selon eux, plus de vérité que les programmes traditionnels. »« Un guide constant pour certains Américains »Selon Stephen Collinson, de CNN, « il a été un guide constant pour certains Américains à travers les quinze premières années tumultueuses du XXIe siècle ». Sa première émission après le 11 septembre 2001 est restée dans les mémoires quand, incapable de contenir ses larmes, il avait demandé aux téléspectateurs : « Est-ce que ça va ? »L’année précédente, l’élection présidentielle et sa conclusion à suspense, où les voix avaient dû être recomptées avant de voir George W. Bush être désigné vainqueur, l’avaient amené au premier plan. Il moquait alors « Indecision 2000 ».Plus tard, ses critiques répétées sur a guerre en Irak alimentent les doutes de certains Américains.Une audience en déclinMais, après seize ans d’émission, l’audience a décliné. Elle a atteint 1,3 million de téléspectateurs par jour en moyenne, le plus bas score depuis 2005. L’audience parmi les 18-49 ans, à 725 000 par soir, est au plus bas depuis onze ans, selon les données de Nielsen citées par le New York Times. Thomas Kent, éditorialiste à l’agence Associated Press, nuance les éloges tressés par ses confrères :« Oui, le journalisme a une dette envers Jon Stewart. Des millions de personnes l’ont suivi pour du divertissement mais ont, grâce à lui, appris beaucoup sur le monde. […] Mais si la plupart des journalistes peignent souvent le monde en gris, Jon Stewart le voyait habituellement en noir et blanc. » Lui qui pourfendait certains médias, et en premier lieu Fox News et CNN, « il dépendait de reportages nuancés faits par d’autres, qui parcourent le monde pour couvrir l’actualité, parfois à leurs périls, enquêtent, révèlent des affaires ». « Le commentaire, notamment satirique, connaît un grand succès. Mais il aura toujours besoin des fondamentaux : des sources solides pour du journalisme nuancé et rapide », conclut Thomas Kent.Lire aussi :Jon Stewart, visage d’une révolution médiatique Véronique Cauhapé Une adaptation âpre et tendue de « La Mort de Belle », de George Simenon (vendredi 7 août, à 20 h 55, sur France 2).Simon (Bruno Solo) n’aime pas sortir. Professeur de mathématiques, il a préféré, ce soir-là, rester chez lui pour corriger des copies, tandis que sa femme, Christine (Delphine Rollin), est allée passer la soirée chez des amis. Ayant bu plusieurs verres de whisky et s’étant perdu dans la contemplation de son train électrique, Simon n’a entendu aucun bruit suspect alors qu’au premier étage de sa maison, Belle Sherman, une jeune Britannique hébergée par le couple, se faisait étrangler dans sa chambre, aux alentours d’une heure du matin.Dans le monde petit-bourgeois auquel Simon a accédé par son mariage sans jamais s’y être senti accepté, les regards deviennent soupçonneux à l’égard de cet homme aux origines modestes, solitaire et secret. L’isolement dans lequel se retranche alors Simon réveille des névroses qui ne tardent pas à le submerger, jusqu’à lui faire commettre l’irréparable.Adapté de La Mort de Belle, roman écrit par Georges Simenon en 1951, le téléfilm de Denis Malleval, Jusqu’à l’enfer, installe de façon étrangement calme un climat oppressant autour de l’enfermement d’un personnage, dans une petite ville de province d’abord, et sur lui-même ensuite.Violence souterraineTendue par une violence souterraine, cette fiction lorgne du côté de Chabrol, et plus particulièrement celui de la période Landru, La Femme infidèle, Le Boucher. Même pesanteur du soupçon, même inquiétude discrète, mêmes tensions contraires parcourant les personnages.Bruno Solo trouve là l’un de ses plus beaux rôles dramatiques. Le défi était énorme, il l’a cependant relevé sans hésiter, conscient du cadeau qui lui était offert de porter ce personnage d’homme ordinaire et fragile que la fatalité écrase. Car Simenon – et ce n’est pas le moindre mérite du téléfilm que de nous le faire ressentir – est un écrivain du tragique. Un auteur hanté par la nature humaine, qui n’a cessé de créer des êtres aliénés par leur destin, prisonniers de leurs instincts. C’est bien ce type de personnage qu’interprète Bruno Solo, méconnaissable dans cette terreur ahurie qu’exprime son visage : un Simon qui a fait taire ses démons jusqu’au jour où un événement l’arrache au cocon familial.Jusqu’à l’enfer, de Denis Malleval (France, 2009, 90 min). Avec Bruno Solo, Delphine Rollin, Yvon Back, Jacques Spiesser. Vendredi 7 août, à 20 h 55, sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant De leur préparation à leur envol dans l’espace, récit de la mission menée par les astronautes Alexander Gerst et Gregory Wiseman à bord de la Station spatiale internationale (vendredi 7 août, à 23 h 50, sur Arte).Quelle est l’odeur de l’espace ? Pour répondre à cette question inhabituelle, il faut avoir eu le privilège de s’offrir une petite sortie orbitale dans l’infini. L’astronaute allemand Alexander Gerst fait partie de ceux qui, après des années d’intenses préparations physique et technique, s’est retrouvé à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Et qui, solidement harnaché, s’est offert le luxe de flotter quelques heures dans le cosmos. « L’odeur de l’espace ? On dirait un peu celle des noix. Une odeur très forte »,avoue-t-il de retour de mission avec des étoiles dans les yeux.Si vous faites partie de celles et ceux qui ont aimé le film Gravity (sept Oscars en 2014), sur les aventures de deux membres (George Clooney et Sandra Bullock) d’une mission spatiale ballottés dans l’espace, certaines images (en 3D) de ce documentaire allemand inédit vous rappelleront de bons souvenirs. Mais au-delà de la fascination qu’exercent sur le Terrien lambda les images d’astronautes au boulot dans le cosmos, l’intérêt de ce documentaire est aussi de décortiquer les énormes moyens mis en œuvre pour envoyer des hommes dans l’espace durant cent soixante-cinq jours, période durant laquelle ils effectueront de précieuses expériences en apesanteur.Quatre ans d’entraînementBien avant de s’envoyer en l’air dans l’infini et de passer quelques mois à bord de la Station spatiale internationale, Alexander Gerts et l’Américain Gregory Wiseman se sont rendus à Houston (Texas), siège de la NASA, où ils se sont préparés durant près de quatre ans, apprenant entre autres comment survivre dans l’espace. Equipés de casques de simulation ou plongés durant six heures en combinaison spatiale dans la plus grande piscine couverte du monde, les deux astronautes, devenus complices, ont souffert. Mais le jeu en valait la chandelle.Après Houston, direction la banlieue de Moscou et la célèbre Cité des étoiles. Plongés dans une centrifugeuse géante, les deux hommes y ont subi des contraintes physiques extrêmes. Enfin, direction le cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan), où, dans la nuit du 28 mai, le vaisseau Soyouz décolle pour un voyage aussi long qu’extraordinaire.La vie quotidienne en apesanteur n’est pas de tout repos. Il n’y a évidemment ni haut ni bas, aller aux toilettes demande une certaine expérience, se laver les dents ou se glisser dans un sac de couchage (fixé au mur) aussi. En l’absence de gravité, les organismes souffrent. Pour éviter la fonte musculaire, deux heures de sport par jour sont nécessaires.Plus que les images toujours aussi sublimes de la Terre vue d’en haut, c’est le quotidien de ces astronautes rassemblés pendant des mois dans un espace confiné qui donne sa force au film. Les émotions ressenties par ces hommes préparés à tout sont aussi partagées par ceux restés sur la planète bleue. « Vu d’ici, on réalise que les ressources terrestres sont restreintes », souligne un membre de la mission, regardant défiler en contrebas les continents terrestres.Mais les plus grandes émotions sont celles vécues hors de la cabine, pendant les quelques heures passées à flotter dans l’espace et à réparer ce qui doit l’être. « Lorsque le Soleil s’est levé, le côté gauche de ma combinaison m’a donné chaud alors que l’autre était froid ! Voir la Terre à travers seulement deux millimètres de Plexiglas, c’est vraiment génial. Tout le monde devrait avoir le droit de vivre ça. »Gravité zéro, mission dans l’espace, de Jürgen Hansen (Allemagne, 2015, 55 min). Vendredi 7 août, à 23 h 50, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.08.2015 à 06h43 • Mis à jour le07.08.2015 à 07h46 Les héros en pâte à modeler d’Aardman à Paris, des trésors du XXe siècle à Grenoble, la celtitude célébrée à Lorient : voici les choix du « Monde » pour ce week-end estival.DE LA PÂTE À MODELER : Wallace, Gromit, Shaun et les autres au Musée d’art ludique Les retardataires, ou ceux qui sont de passage à Paris cet été, ont jusqu’à la fin août pour plonger dans l’univers des studios Aardman. Le Musée d’art ludique, posé en bord de Seine, dans le 13e arrondissement de Paris, offre en effet aux amateurs des films sortis de ce fabuleux labo d’animation britannique d’en découvrir les coulisses. Wallace, son chien Gromit, Shaun le mouton, les volailles de Chicken Run ainsi que les accessoires farfelus utilisés pour les folles aventures de ces personnages en pâte à modeler sont exposés dans les décors d’origine. Aquarelles, carnets de croquis et story-boards révèlent la genèse des films, dont des extraits sont projetés tout au long de la visite. Sylvie Kerviel« Aardman, l’art qui prend forme ». Musée d’art ludique, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Artludique.com. Jusqu’au 30 août. De 10 à 15,50 euros.DE LA MUSIQUE : Un bain de culture celte à Lorient Créé il y a quarante-cinq ans dans le but de promouvoir la culture bretonne et, au-delà, celle des terres celtes, le Festival interceltique de Lorient, qui se déroule du 7 au 16 août, a choisi cette année de mettre à l’honneur la Cornouailles et l’île de Man. Seront ainsi présents les 3 Daft Monkeys, la fanfare du Camborne Town Band et les Aggie Boys Choir, tous venus du comté d’Angleterre, ainsi que le groupe Aon Teanga, les Caarjyn Cooidjagh ou le trio Barrule, originaires de l’île située en mer d’Irlande. Ils croiseront sur les scènes morbihannaises les fidèles de la manifestation, tels les bagadou de Lorient, de Vannes et de Lann-Bihoué, le Galicien Carlos Nuñez, de retour après six ans d’absence, ou encore Denez Prigent. S. Ke.Festival interceltique de Lorient (Morbihan). Jusqu’au 16 août. De 8 euros (la place) à 150 euros (forfait six jours). Festival-interceltique.bzhUN SPECTACLE : Satchie Noro se plie en quatre pour refermer Paris quartier d’étéParis quartier d’été remballe ses tréteaux. Ce week-end est donc la dernière occasion de profiter des spectacles encore à l’affiche. Parmi ceux-ci, Origami, de Satchie Noro et Silvain Ohl, présenté aux Berges du port du Gros-Caillou, dans le 7e arrondissement. La danseuse et chorégraphe franco-japonaise, qui aime se produire dans les lieux les plus improbables, et le constructeur et acteur français se sont inspirés de la technique de pliage pour leur performance d’art acrobatique. La jeune femme évolue sur un conteneur de tôle ondulée divisé en trois morceaux, pliant et tordant son corps en fonction de la géométrie du support. Renversant, dans tous les sens du terme. S.Ke.« Origami », Les Berges, port du Gros-Caillou, Paris 7e. GratuitUNE EXPOSITION : Des trésors du XXe siècle au Musée de Grenoble Ce sont près de 150 œuvres picturales, sculpturales, graphiques ou photographiques qu’a réunies le Musée de Grenoble pour son exposition estivale centrée sur les acquisitions faites par l’établissement depuis dix ans. Le XXe siècle y est bien représenté : l’exposition s’offre le luxe de s’ouvrir par un dessin de Bonnard, une toile passablement pornographique du fauve Charles Camoin et un papier collé de Picasso, un Verre, de 1914. Suivent des ensembles consacrés à Gaston Chaissac – une peinture et des dessins délicieux –, à Mario Merz – dont une peinture inattendue de 1960 un peu à la Dubuffet – et à Sigmar Polke. L’attention portée par le musée à l’art en Allemagne se vérifie devant Gerhard Richter, Wolfgang Laib ou Thomas Schütte. De même, côté Italie et arte povera, une installation monumentale de Giuseppe Penone répond aux Merz. Philippe Dagen« De Picasso à Warhol, une décennie d’acquisitions », Musée de Grenoble, 5, place Lavalette, Grenoble (38). Du mercredi au lundi, de 10 heures à 18 h 30. 8 euros. Jusqu’au 31 août. 06.08.2015 à 13h21 Qui a dit que les jeunes ne lisaient pas assez ? Cette semaine a lieu le troisième marathon littéraire de la communauté « BookTube », un ensemble de chaînes YouTube anglophones consacrées à la lecture. A la faveur des vacances d’été, les participants doivent lire sept livres en une semaine, du 3 au 9 août. Au cours du « BookTubeAThon », ils devront partager des vidéos de leurs étapes journalières, exposer leurs difficultés, répondre à des défis. A la fin du marathon, les organisateurs éliront les meilleures vidéos.L’âge moyen des participants, en grande majorité des filles, ne dépasse pas 25 ans. Si les romans grand public tiennent une bonne place dans les textes choisis par les lecteurs, cela ne les empêche pas d’inclure des livres plus originaux. Romans graphiques et littérature étrangère figurent ainsi dans la sélection d’Ariel Bissett, l’une des organisatrices. Elle raconte avoir commencé et annoté assidûment son exemplaire traduit en anglais de L’Etranger, d’Albert Camus.Si le principe des « défis lecture » existe depuis longtemps dans les écoles, cette communauté de web-lecteurs est autrement plus large qu’une salle de classe : la Canadienne Ariel Bissett peut s’enorgueillir de 70 000 abonnés sur YouTube. Une participante, qui tient la chaîne abookutupia, dépasse les 190 000 abonnés. Relayé sur Twitter, Facebook et Instagram, le projet BookTubeAThon est un évènement parmi les lecteurs connectés.« Le pendant intello des vidéos de beauté »Mais il n’est pas le seul marathon lecture organisé via les réseaux sociaux. Grâce aux communautés en ligne (Goodreads pour les anglophones, Babelio en France), de multiples défis fédèrent les amateurs. Pour les francophones, il existe le French ReadAThon, dont l’édition d’été s’est déroulée au mois de juillet sur YouTube, mais aussi le Weekend à 1 000, où les participants doivent lire 1 000 pages en un week-end. Les marathons thématiques se développent, comme le Continent ReadAThon, pour s’obliger à découvrir chaque mois des auteurs étrangers.Comment expliquer le succès de vidéos sur la lecture, une activité par essence solitaire et subjective ? La vidéaste québecoise Ina Mihalache, créatrice de la chaîne de vidéos existentielles Solange Te Parle, participe au BookTubeAThon depuis Paris. Pour elle, c’est précisément l’ouverture sur l’intimité qui attire les participants : « Les vidéos de livres sont le pendant intello des vidéos de beauté », ces conseils pour se maquiller et se coiffer qui génèrent des millions de vues sur YouTube. « Ce sont en majorité des femmes qui les produisent, et la scénographie est similaire, dans l’intimité de la chambre. »Paradoxalement, c’est aussi l’espace infini d’Internet qui plaît aux amateurs de livres : « Naviguer sur BookTube est une sensation proche de ce que l’on éprouve en entrant dans une bibliothèque, commente Ina Mihalache. On se retrouve face à une somme de volumes, de connaissances et de voix soudain accessibles ». Pour sa part, la vidéaste a établi un programme de lecture bien éloigné des polars populaires choisis par la plupart de ses consœurs anglo-saxonnes. Au troisième jour du défi, elle avait déjà terminé les Carnets du sous-sol, de Dostoïevski, le Journal d’un morphinomane (anonyme) et En kit, de Laure Naimski. Pour le reste de la semaine, sont programmés, entre autres, Georges Perec et Henri Michaux.Violaine Morin Daniel Psenny Politique, cette deuxième saison de « Real Humans » voit les robots revendiquer une égalité de droits avec les humains (jeudi 6 août, à 23 h 50, sur Arte).Ce nouvel opus de la série suédoise créée par Lars Lundström se déroule toujours dans une petite ville suédoise semblable à n’importe quelle ville européenne, où les humains continuent de cohabiter avec les robots, les premiers exploitant au mieux les seconds.Nouveau prolétariat rechargeable et programmable avec une clé USB, les « hubots » s’intègrent de mieux en mieux dans la société, malgré un virus informatique qui les transforme en machines dangereuses et incontrôlables. Au point que certains robots humanoïdes, en quête d’un code leur permettant de se libérer de leur condition de machine, commencent à revendiquer une égalité de droits avec les humains…Cette demande de vivre-ensemble est au centre de cette saison, la rendant plus complexe dans le récit et plus politique dans son approche. Si la résistance de quelques humains s’organise à travers une société secrète, les « Real Humans », eux, résistent à leur manière. Derrière ce combat, le scénariste a glissé, sous forme de métaphores, tous les thèmes qui secouent les nations européennes : la discrimination, le rapport au travail, la différence de classe, l’égalité hommes-femmes, la place des minorités, la liberté sexuelle…« Critique sociale »Libéré des dogmes de la science-fiction – qu’il ne revendique d’ailleurs pas pour cette série –, Lars Lundström oriente son récit vers le thriller et le fantastique. Petit à petit, le robot échappe à son créateur et, au-delà des péripéties narratives, le scénariste entame une réflexion sur l’être humain.« “Real Humans” est la critique sociale la plus pertinente du monde des séries, loin devant celles des Américains », dit le journaliste Nils Ahl, auteur avec Benjamin Fau d’un Dictionnaire des séries télévisées (éd. Philippe Rey, 2011). Pourtant, lors de son lancement, en 2012, « Real Humans » n’a pas connu une très bonne audience en Suède. En revanche, les télévisions européennes se sont précipitées sur cette série que les Britanniques ont adaptée à leur manière avec un droit de regard artistique pour Lars Lundström. Et Arte, qui a acheté la série en lisant juste le « pitch » (l’histoire écrite en quelques lignes), attend avec impatience la troisième saison. Et nous avec…Real Humans, saison 2, créée par Lars Lundström (Suède, 2014, 10 × 46 min). Avec Lisette Pagler, Marie Robertson, Pia Halvorsen… Jeudi 6 août, à 23 h 50, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Arte rediffuse la minisérie britannique « Secret State » qui dépeint les arcanes d’un scandale politico-financier (jeudi 6 août, à 20 h 50, sur Arte).Nul ne se plaindra qu’Arte rediffuse la minisérie britannique de quatre épisodes de 44 minutes « Secret State » (2012), inspirée du roman A Very British Coup (1982), de Chris Mullin, un ancien homme politique, ministre des gouvernements de Tony Blair : récompensée d’un Emmy Award, elle est d’une grande qualité d’écriture, de jeu et de réalisation.La série traite d’un scandale politico-financier alors que, au moment où se produit l’explosion d’une usine pétrochimique dans le nord de l’Angleterre (qui fait 19 victimes, dont un enfant, et près d’une centaine de blessés), le premier ministre britannique meurt dans l’explosion de l’avion qui le ramène des Etats-Unis. Son adjoint, le vice-premier ministre, Tom Dawkins, se voit confier les rênes du pouvoir au 10 Downing Street, mais aussi, lui qui n’est pas l’un des requins qui infestent les eaux du pouvoir politique, par son parti l’investiture aux élections législatives, qu’il remporte.L’homme, dépeint par les uns comme un humaniste qui sait parler au peuple, et par les autres comme un dangereux marxiste aux utopies d’un autre temps, va se trouver engagé dans un chemin semé de chausse-trapes, de compromissions, de jeux de pouvoir (à l’extérieur et à l’intérieur de son propre parti, que l’on devine être celui des travaillistes, entre les services de renseignement) ainsi que d’enjeux géo-politico-financiers, qui vont jusqu’au crime.Visage tendu et regard mélancoliqueEvidemment, cette série croise dans des eaux plus que familières, et l’on ne peut s’empêcher d’y déceler un petit air de déjà-vu – d’autant que la chaîne britannique Channel Four avait déjà diffusé, en 1988, une première série, A Very British Coup, inspirée du même livre. Et il manque peut-être à « Secret State » la concision d’un long-métrage ou, à l’inverse, le développement des personnages que permettrait une série plus longue.Mais l’un des points forts de ce drame, tourné à Londres sous un ciel de plomb, est la présence, dans le rôle principal du premier ministre Tom Dawkins, de Gabriel Byrne. L’acteur, né en 1950, qui a commencé sa carrière dans une série télévisée en Irlande, son pays natal, est une figure récurrente du cinéma anglo-saxon : il a joué dans de grandes productions comme dans des films d’auteur (les frères Coen, Mike Newell, Wim Wenders, etc.). A la télévision, son incarnation d’un psychanalyste dans la remarquable série « In Treatment » (« En analyse »), adaptation de la série télévisée israélienne « Betipul », de 2008 à 2010, a imposé la finesse de son jeu et sa stature de comédien : Byrne obtiendra justement en 2009 le Golden Globe du meilleur acteur dans une série télévisée dramatique.Il traverse les quatre épisodes de « Secret State » avec un visage tendu et le regard mélancolique et désabusé de celui qui a tout compris, qui sait que sa marge de manœuvre est minime et que sa vérité est soumise à la suspicion cynique du monde politique alentour. Au cours du quatrième et dernier épisode, Tom Dawkins fait cette confidence à la journaliste avec laquelle il tisse des liens privilégiés (elle lui transmet des informations qui lui permettent de comprendre la situation dans laquelle il est plongé dès sa prise de fonctions) : « On est au sommet, et c’est alors qu’on se rend compte qu’on n’est qu’à mi-chemin… »Secret state, créée par Robert Jones. Avec Gabriel Byrne, Charles Dance, Gina McKee (4 X 42 minutes).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Arte propose deux documentaires sur les iconiques Jimi Hendrix et Jim Morrison (samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte).Jimi Hendrix, guitariste de génie, et Jim Morrison, chanteur charismatique des Doors, restent les deux grandes figures légendaires de la musique pop-rock des années 1970. Leur inventivité et leur extravagance mêlant psychédélisme et poésie ont révolutionné la scène musicale dans un monde et une époque encore remués par les révoltes étudiantes. Tous deux morts à l’âge de 27 ans – le premier à Londres d’une overdose ; le second à Paris d’une crise cardiaque – ont rejoint « le club des 27 » dans lequel on retrouve Brian Jones, Janis Joplin, Kurt Cobain et, depuis 2011, Amy Winehouse, eux aussi décédés dans leur vingt-septième année.Génie sur scèneDans le cadre de son excellent « Summer of Peace », Arte offre une soirée composée de deux documentaires qui permettent de (re)découvrir la courte vie de Jimi Hendrix et l’univers poétique de Jim Morrison à travers un rare film consacré aux Doors. Si les deux musiciens avaient des styles bien différents, ils se rejoignaient dans le génie lorsqu’ils étaient sur scène.Avec Hear my Train a Comin’ (un blues écrit par Hendrix en 1967), Bob Smeaton dresse un portrait intime du guitariste où archives inédites (notamment sa toute dernière apparition scénique, sur l’île de Fehmarn, en Allemagne, le 6 septembre 1970, douze jours avant sa mort) et témoignages se succèdent avec en toile de fond la plupart des concerts de celui que tous les musiciens considèrent comme le plus grand guitariste de l’histoire du rock.De sa première guitare sèche offerte par son père lorsqu’il avait 15 ans à sa réinterprétation hallucinée de l’hymne américain à Woodstock, en 1969, en passant par le fameux concert du Finsbury Astoria à Londres en 1965 où il brûla sa guitare, le réalisateur retrace l’itinéraire de Jimi Hendrix, étoile filante du rock, introverti à la ville et guitariste époustouflant à la scène, jouant aussi bien avec ses dents et sa langue qu’avec sa main gauche…Roi de l’improvisation à la technique instinctive, de l’effet larsen et de la pédale wah-wah, il a tout de suite surpris de nombreux musiciens qui, à l’instar de Little Richard, l’ont vite vu comme un rival à écarter. Dans le film au montage soigné et bien rythmé, ses amis et musiciens toujours vivants (partenaires du Jimi Hendrix Expérience, Billy Cox ou Paul McCartney) témoignent sur son long et difficile périple avant qu’il n’accède à la reconnaissance et la notoriété. C’est passionnant.Tout comme ce petit documentaire consacré aux Doors, diffusé à la suite du portrait d’Hendrix. Restauré et remastérisé, il est depuis peu disponible après une longue bataille juridique qui bloquait sa diffusion. C’est l’unique document consacré au groupe fondé par Jim Morrison en 1965 avec l’organiste Ray Manzarek. Tourné pendant cinq mois en 1968 dans une vingtaine de villes des Etats-Unis et autoproduit par les Doors, ce document expérimental et plutôt déroutant a été filmé par Paul Ferrara, lors de la préparation de leur troisième album studio, Waiting for the Sun. Le réalisateur, qui fut un camarade de classe de Jim Morrison lorsqu’il était étudiant en cinéma à Los Angeles, filme le chanteur au plus près.Des vingt-trois heures de rushes réduites à quarante minutes, on découvre ainsi les coulisses des concerts souvent délirants et le charisme du chanteur au visage d’ange comme lors d’un concert où on le voit transcendé en chantant This is the End.Hear my Train a Comin’, de Bob Smeaton (EU, 2013, 90 min) et Feast of Friends, de Paul Ferrara et les Doors (EU, 1968, 40 min). Samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 06h43 • Mis à jour le01.08.2015 à 10h27 | Florence Aubenas //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Tatiana Levha, la cuisine en toute liberté Au Chelsea Hotel, sur les traces de Patti Smith William Gibson, inventeur du cyberespacetous les articles de la thématique Florent Massot s’est installé au lit et il a pris le manuscrit. Baise-moi, ça s’appelle. L’auteur porte un prénom de fille et, forcément, ça excite davantage Massot que si c’était écrit par un taulard dépressif. D’habitude, Massot, jeune éditeur fauché, publie des albums sur les cultures de la rue, pas des romans. Dans celui-là, aucun érotisme. C’est du sexe, du cul, un livre trempé de porno où deux femmes partent en cavale à travers la France des sous-préfectures. Elles tuent, elles baisent, elles se défoncent, à fond et consciencieusement. Elles aiment ça. Le choc est là, le premier en tout cas. On est en 1993, neuf éditeurs ont déjà refusé Baise-moi. Virginie Despentes elle-même a lâché l’affaire. De toute façon, son ordinateur a avalé le texte, il ne reste que la copie passée à Massot, par un ami. Quand il la publie, les librairies non plus n’en veulent pas.Cet été 2015, il est vingt-deux ans plus tard, soit une génération. Les sex-toys s’achètent dans des supermarchés, les actrices X sont invitées à Cannes et le magazine GQ titre sur « Le nouvel âge du sexe », où des chercheurs dissertent du « devenir porn de la société tout entière » grâce aux nouvelles technologies. Un jour, Despentes recevra le prix Nobel (pour les paris, s’adresser à l’écrivain Laurent Chalumeau) et les jeunes filles qui s’offrent aujourd’hui en France le risque de la liberté devraient toutes lui payer un Coca Zéro, du côté des Buttes-Chaumont. « Tu es chaman, tu as fait avancer la société à coups de pompe dans le cul », lui disait Philippe Manœuvre, patron de Rock & Folk, à l’époque où ils ont vécu ensemble et avant qu’elle ne parte avec des femmes. Sur le balcon, ils fumaient et buvaient des nuits entières, se demandant par quelle grâce un bouquin pareil vous tombe dessus, sorti comme un cri, en un mois. Il conviendrait à ce stade d’envoyer les violons, mais l’histoire possède aussi une face amère, ses légendes et ses sales coups.Ça démarre au ralenti, début des années 1990, odeur de bière au petit matin dans des endroits où on ne se souvient pas toujours s’être endormi. Despentes fait partie de la petite troupe cavalant autour des Bérurier Noir et leurs concerts, deux types post-punk, guitare saturée et boîte à rythmes. Baise-moi est exclu des circuits officiels ? « Et alors ? Ça nous paraissait normal d’être des parias, voire glorieux », dit BB Coyotte, graphiste. Le livre se met à cheminer dans le réseau rock alternatif, les fanzines, les squats, les cafés où Florent Massot le diffuse lui-même, à vélo.« Quelque chose d’unique »Dans cette mouvance, les filles traînent dans les mêmes endroits pourris que les hommes. Elles gazent les contrôleurs de la RATP et se font taper aux manifestations. Elles dirigent leurs propres groupes. Elles s’imposent, massivement, grandes gueules, envoyant se coucher la pin-up que l’imagerie classique du rock cantonne à la figuration à l’arrière des motos. Il y a Karine, par exemple, qui deviendra plus tard Eric. Ou Betty, qui pose nue, montrant un sein, parfois deux, sortant le couteau au besoin. Elle préfère ça que travailler. « La libération des femmes nous semblait l’héritage majeur des seventies, mais sclérosé », dit Herr Sang. Lui a fondé New Wave, fanzine de référence et tient une boutique de cinéphilie. « On voulait une révolte au-delà des choses connues, une autre identité féminine, ne pas être jugé selon sa pratique sexuelle. Baise-moi était en plein là-dedans. »Pendant des mois, le livre tourne à 1 000, 2 000 exemplaires dans ce milieu fermé. Autant dire que rien de ce qu’on y lit n’étonne, ni le sexe, ni la poisse, ni la colère, ni le viol d’une des cavaleuses. Une chanson des Bérus s’appelle Hélène et le sang, une copine qui s’est fait violer justement, « comme beaucoup des filles que je connaissais alors », dit Marsu, le manageur. C’est arrivé à Despentes aussi. Elle avait 17 ans. Aux psys, elle balance systématiquement, comme un bras d’honneur : « Ça ne m’a pas marquée plus que ça. »Pour la sortie de Baise-moi, elle s’est surtout concentrée sur la liste de ceux à qui l’envoyer, dix noms, pas plus, mais vitaux, comme s’il n’était écrit que pour eux. Patrick Eudeline arrive en tête, fascination numéro un, héros hors limites, dandy, junky, critique rock, chanteur chantant faux, obsessionnel de la nostalgie. Aujourd’hui attablé chez un cafetier grognon de banlieue, Eudeline, 60 ans, paraît fragile et particulièrement dans la dèche. Sa splendeur intrépide reste intacte. « Beaucoup de filles voulaient me rencontrer, vous vous en doutez. »Eudeline vient des années 1970, quand les copines faisaient du strip-tease à Pigalle dans les baraques foraines en guise de transgression. « On regardait des pornos aussi, mais pour les scènes entre celles de sexe, pas pour le X. » Même lui, Baise-moi le choque, mais il lui trouve « quelque chose d’unique ». Despentes et Eudeline se retrouvent à Belleville. Ils se racontent leurs « trucs les plus farfelus ». Il la suspecte d’abord d’en rajouter, quand elle dit avoir été pute occasionnelle, sur le Minitel rose entre les petits boulots et le baby-sitting. Pute ? Cette fille costaude avec son grand rire punk ? Elle paraît plus étonnée que lui : « Il n’y a pas 50 façons de trouver de l’argent, non ? » Il n’arrive pas à démêler chez elle l’innocence de la fureur. « On est resté trois jours ensemble, mais je ne veux pas être indiscret. »Eudeline aime perdre pied. Il chronique le bouquin. Les quotidiens s’y mettent. Thierry Ardisson le programme sur le câble. Les ventes sautent à 40 000. Il atterrit chez Laurent Chalumeau, à Canal+, première chaîne à diffuser du porno dans les années 1980 et en faire le phénomène branché du samedi soir. « Despentes est incapable d’écrire une phrase où il ne se passe rien, une très grande artiste », siffle Chalumeau. Il se précipite à la programmation. « On l’invite, ça va cartonner », annonce Canal+ à l’éditeur Massot. « Vous avez de quoi en tirer 15 000 de plus ? » On est en décembre 1995, Baise-moi va en faire des centaines de milliers.Comme un bras d’honneurA l’époque, Despentes chronique des vidéos X pour un magazine spécialisé, rideaux tirés à cause des voisins, dans un deux-pièces où elle cohabite avec Ann Scott. Scott a été un peu mannequin, grande famille, en pleine love story avec Sextoy, DJette du Pulp, la boîte lesbienne où elle fait entrer Despentes. Elles écrivent aussi, toutes les deux, persuadées chacune de voir en l’autre le véritable talent (c’est toujours le cas), se nourrissant d’une fascination réciproque devant le même menu chez McDo, parce qu’elles n’ont pas de quoi en prendre deux, la pute et le top model, occasionnels l’une comme l’autre. « Sa phrase, c’était : “Il faut mettre ses tripes sur la table”, dit Scott. Elle m’appelait “Madame” et disait : “Moi, je suis la femme des bois.” »Sans transition, la femme des bois est propulsée de la bulle alternative à l’arène surexposée des médias. Tout le monde la veut, maintenant, sans trop savoir comment manier l’engin, ni le livre ni la fille. Aux journalistes, elle continue de raconter sans manière avoir été pute « avec autant de plaisir que j’avais eu à le faire », dit Despentes aujourd’hui. La plupart s’emparent d’elle, en font « une victime des bas-fonds que la réussite va sauver de la drogue et de la prostitution », se souvient Massot. D’autres, au contraire, floutent l’épisode. « Ça me touchait, je voyais qu’ils voulaient me protéger », reprend Despentes.Elle sort un nouveau livre, et un autre. Quand les éditions Grasset l’approchent, elle croit deviner « des vieux tournant autour de [s]on cul ». Il faut qu’Ann Scott lui explique que c’est une vraie chance à saisir. Massot, lui, a fait faillite, sombrant avec le trésor de Baise-moi. Despentes pense réaliser un film, sans sexe, mais joué par des hardeuses, Coralie Trinh Thi surtout. Trinh Thi possède un peu la même ambivalence, punk option gothique, surnommée « l’Intello » dans le X, mais fière de raconter que La Princesse et la Pute, son premier rôle, a cartonné au hot-parade. Certains collègues rient dans son dos quand elle revendique « oser prendre son pied sur un tournage et oser le dire ». Personne ne veut du film de Despentes. « Pas assez du Despentes. »En revanche, Philippe Godeau accepte de la produire quand elle propose de tourner Baise-moi, caméra à l’épaule et sexe non simulé. Despentes a 30 ans alors, Trinh Thi, 25. Elles seront coréalisatrices, deux actrices X joueront les cavaleuses. Au montage, on leur propose d’ouvrir le film sur la scène du viol. Le viol comme point de départ ? « On ne voulait pas que ça apparaisse comme une justification morale à la dérive des filles », se souvient Trinh Thi. C’est non. Même si Despentes a commencé « à vieillir avec ça, la sensation insupportable qu’en une nuit, tout avait basculé. Et j’ai jamais voulu l’admettre que j’étais vulnérable à ce point-là, juste parce que j’ai une chatte ».Baise-moi tient trois jours dans soixante salles en France avant le carnage, en juillet 2000, démoli par le milieu du cinéma, les associations féministes autant que catholiques, les militants néo-FN ou Le Nouvel Observateur, qui exige : « Sexe, violence, le droit d’interdire ». Et c’est interdit, tout de suite : le Conseil d’Etat fabrique, sur mesure, une barrière pour les « moins de 18 ans » (utilisée quinze fois depuis). Les portes se referment de nouveau, comme si on se rendait soudain compte que la charge explosive de Baise-moi était toujours là. « Dans un livre, quelque chose reste classe, personne n’aurait osé le censurer, dit Despentes. Là, on pouvait nous jeter : “Vous êtes des putes.” » Et Trinh Thi : « Ce n’est pas le porno qui tue, c’est quand on le quitte. On se retrouve dans le monde réel avec des gens qui ne comprennent pas pourquoi on a fait ça. Ils nous veulent soit coupable, soit victime. Aujourd’hui, le porno est partout, les codes ont changé, mais ils restent des codes. »Six ans plus tard, dans King Kong Théorie, Despentes revient sur le viol. « J’imagine toujours pouvoir liquider l’événement (…). Impossible, il est fondateur, de ce que je suis en tant qu’écrivain, en tant que femme qui n’en est plus tout à fait une. C’est à la fois ce qui me défigure et ce qui me constitue. » La photo date des années 1990, on voit Despentes jouer dans un éphémère groupe de hip-hop. Elle en avait envoyé une cassette à Massot aussi. L’éditeur avait refusé celle-là. « Trop soft. » Pendant les répétitions, Juan, le bassiste, hurlait toujours une même vieille blague : « Baise-moi, baise-moi. » C’est ce que crie la petite fille dans une scène culte de L’Exorciste.Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25-26 et 27 septembre et à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festivalFlorence Aubenas Florence Evin Jeu de chaises musicales à la tête des institutions et établissements publics. Les nominations tombent par décrets en cette fin juillet. Au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Bruno David, 60 ans, est nommé président. Une annonce qui clôt la réforme des statuts de l’établissement public engagée il y a plus de deux ans. En effet, le nouveau président du MNHN, « choisi parmi les personnalités scientifiques », assurera la direction de l’établissement, « assisté d’un conseil scientifique qui dirigera le Muséum, assisté de directeurs généraux délégués, l’un en charge des ressources humaines, financières et de l’administration générale, l’autre en charge des collections » comme le stipule le décret paru au Journal officiel du 2 octobre 2014.La nomination de Bruno David comme PDG signe le retour en force des scientifiques du sérail au pilotage exécutif de l’institution pluridisciplinaire regroupant douze sites en France. Et cela, à l’heure où les grandes rénovations engagées ces dernières années arrivent à leur terme avec la réouverture, le 17 octobre, du Musée de l’Homme – après celles, en 2014, du Parc zoologique de Vincennes et, au Jardin des plantes, de la Galerie de minéralogie et de géologie, de la Galerie des enfants, des Grandes Serres et de l’Herbier national, la plus grande collection de la planète.« Emerveiller pour instruire »« Je suis fier d’accéder à la présidence d’une institution aussi prestigieuse que le Muséum dont le rôle est de fasciner, émerveiller pour instruire, indique Bruno David. Nous sommes au bord d’une rupture environnementale majeure comme en témoigne la préparation de la COP 21 cet automne à Paris. Eveiller la curiosité, promouvoir une culture de la nature appuyée sur des connaissances scientifiques, s’inscrire dans une démarche de sciences naturelles avec l’Homme, tel est mon engagement à la tête de cette institution. »Directeur de recherche au CNRS où il est entré en1981, Bruno David a pris, en 1995, la direction du laboratoire de paléontologie du CNRS à Dijon. En trois mandats, il a développé la structure Biogéosciences devenue une véritable interface entre sciences de la Terre et sciences de la vie. Il fut aussi directeur-adjoint scientifique de l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS où il est toujours chargé de mission. Dans la foulée de ce parcours initial de paléontologue, le spécialiste des faunes anciennes du Crétacé a effectué une reconversion vers la biologie marine. Ses recherches portent sur la biodiversité abordée à partir de modèles fossiles et actuels.Cette nomination supprime, de fait, le poste de directeur général, occupé depuis quatre ans par Thomas Grenon. Désormais, Bruno David assurera cette fonction assisté de deux directeurs adjoints. « Ce n’est pas une surprise. Comme à l’Inrap et au CNRS, l’Etat fusionne les rôles de directeur général et de président », indique Gilles Bœuf, l’ancien président du MNHN qui dit n’avoir eu « aucune envie de se charger de l’administration ». « Le MNHN est un organisme de recherche scientifique qui a aussi à gérer un établissement muséographique (lequel a reçu 4 millions de visiteurs payants sur ses différents sites en 2014, et quelque six millions de promeneurs au Jardin des plantes). Chaque objet est d’abord un objet de recherche, un objet d’étude, la grande différence avec un musée d’art. Mais un musée très fréquenté est très difficile à gérer. J’aurais préféré que l’on conserve la dualité. Chacun son métier. Il y avait de la place pour deux. »Une institution à la dérive en 2000L’histoire récente, avec quinze ans de direction générale qui ont sauvé de l’abîme le MNHN, allait dans ce sens. Car, à l’aube de l’an 2000, l’institution, quatre fois centenaire, placée sous la tutelle de deux ministères – celui de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’environnement, du développement durable et de l’écologie – était à la dérive. Au point que la Cour des comptes a sonné l’alarme.En 2002, après trois ans d’administration provisoire, un premier directeur général, Bertrand-Pierre Galey, était nommé pour redresser les finances et mettre de l’ordre dans la gouvernance de l’institution forte de 1 800 agents. Précisons que la complexité structurelle du MNHN est liée à ses multiples missions : recherche fondamentale et appliquée – avec 450 chercheurs –, conservation et enrichissement des collections issues du patrimoine naturel et culturel, enseignement, expertise, valorisation, diffusion des connaissances, action éducatrice et culturelle à l’intention de tous les publics.Thomas Grenon a succédé en 2010 à Bertrand-Pierre Galey, qui y avait effectué deux mandats de quatre ans. Polytechnicien, ingénieur des mines, qui avait à son palmarès la direction générale de grands établissements – de la Réunion des musées nationaux avec les Galeries d’expositions du Grand Palais à la Cité des sciences et de l’industrie – Thomas Grenon a continué de redresser les comptes et assuré la réouverture après travaux, du Parc zoologique de Vincennes et celle à venir, cet automne, du Musée de l’Homme. En 2014, avec les subventions des tutelles (37 %) – en baisse de 10 millions d’euros par rapport à 2013 –, les recettes du MNHN se montaient à 113,1 millions d’euros, contre 116,3 millions d’euros de dépenses (dont 30 % d’investissement).Thomas Grenon, directeur général au terme de son mandat, briguait le poste de président du MNHN. La Commission scientifique chargée de la sélection en a décidé autrement. Sur six candidatures présentées, elle a émis, à la surprise générale, un seul avis. Son choix s’est porté sur Bruno David, un grand scientifique sans passé de gestionnaire mais qui connaît bien la maison pour avoir présidé pendant six ans le Conseil scientifique du MNHN. Il prendra ses fonctions le 1er septembre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.07.2015 à 17h27 • Mis à jour le30.07.2015 à 09h10 | Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Paris, Texas », un drame du remariage arrangé en forme de road-movie (mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte).Voir Paris, Texas trente ans après sa sortie, c’est accepter le poids de trois décennies de clichés. Wim Wenders et Robby Müller, respectivement réalisateur et chef opérateur de la Palme d’or 1984, ont été si inventifs, si bien en prise avec l’inconscient collectif que les images du film sont presque immédiatement devenues des lieux communs : le rapace en gros plan, perché sur un rocher du désert ; le type un peu décavé et son petit garçon dans un pick-up bon pour la casse ; la fille blonde en pull angora dans un peep-show… Tout a servi à des générations de publicitaires, de réalisateurs de vidéos musicales, de cinéastes en panne d’imagination.Perdre la paroleLe début du film, l’alternance de plans larges sur le paysage désertique et serrés sur le visage d’Harry Dean Stanton, qui avance péniblement, s’est si durablement imprimé sur les rétines que l’on a peut-être oublié ce qu’était Paris, Texas. Un drame du remariage arrangé en forme de road-movie.L’homme qu’incarne Harry Dean Stanton s’appelle Travis. Quand il émerge du désert, il a perdu la parole et la mémoire. Son frère Walt (Dean Stockwell) vient le chercher afin de le ramener chez lui, à Los Angeles, où il vit avec Anne (Aurore Clément), son épouse française, et Hunter (Hunter Carson), le fils que Travis a eu avec Jane, une très jeune femme qui a, elle aussi, disparu.Avant que le film ne reprenne la route, il s’arrête longuement à Los Angeles. La musique de Ry Cooder y change. Les longs traits de slide guitar font place à de délicats motifs d’inspiration mexicaine, les grands espaces du western aux lotissements de la sitcom. Wim Wenders a confié le scénario à Sam Shepard, avant de demander une adaptation à L. M. Kit Carson.Poète de la famille, qu’il aime casser et recomposer, Shepard manie le stéréotype au point de flirter avec le mélodrame. De leur côté, Wim Wenders et Robby Müller sont décidés à donner leur interprétation de l’iconographie américaine. C’est à peine s’ils citent quelques cinéastes classiques, se préoccupant plus de photographie et de peinture. Les ambiances verdâtres de certains intérieurs doivent tout à Edward Hopper. Chaque plan offre un nouveau point de vue sur des scènes familières, sans jamais recourir à un excès d’artifices.Paris, Texas, de Wim Wenders. Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, (GB-Fr.-All., 1984, 145 min). Mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde 28.07.2015 à 15h22 • Mis à jour le29.07.2015 à 17h40 Le film de superhéros Ant-Man (L’Homme-fourmi) a conservé sa première place du box-office en Amérique du Nord au cours du week-end passé. Mêmes si ses recettes se sont un peu essoufflées après deux semaines d’exploitation (106,1 millions de dollars, soit 96,1 millions d’euros, quand même au total !) – et même si en France le film est devancé par Minions –, Ant-Man est une nouvelle illustration de la force de frappe des studios Marvel et, par-delà, de la bonne santé de Walt Disney Studios Entertainment et du groupe Walt Disney en général.C’est d’ailleurs bien pour redonner un nouveau souffle à ses productions que la firme de Mickey avait racheté en 2009, pour 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros), l’éditeur de comic books Marvel Entertainement et sa filiale de production cinématographique, Marvel Studios. Pour la première fois depuis plus de dix ans, le chiffre d’affaires de Disney était en baisse et, si elle voulait continuer à grandir, l’entreprise devait trouver de nouveaux relais de croissance.Pour Walt Disney Studios Entertainment (production et distribution de films), cela passait par la conquête d’un public plus large, à travers la mise en scène de nouveaux personnages, aussi iconiques et intemporels que Mickey, Donald et compagnie. C’est qu’a apporté Marvel : Marvel Entertainement disposait d’un catalogue de figures entrées dans la culture populaire, comme Spider-Man ou les X-men ; Marvel Studios disposait, depuis le milieu des années 2000, des droits d’adaptation de certaines de ces figures, comme Iron-Man et Hulk – les premiers films consacrés à ces deux personnages avaient été des succès en 2008.Lire aussi :« Ant-Man » ne convaincra ni les geeks ni les entomologistesConsécrationEn rejoignant Disney, les studios Marvel ont disposé des moyens de poursuivre cette politique de réacquisition des droits de leurs personnages et de création de multiples films de superhéros, aux intrigues interconnectées. Pour la branche cinéma de Disney, Marvel Studios s’est rapidement révélé être un inépuisable créateur de contenus capables de s’installer au sommet du box-office mondial : Iron Man, Thor et Captain America, sortis sur les écrans en 2010 et 2011, ont rapporté respectivement 624 millions de dollars, 449 millions et 371 millions, doublant voire triplant leur budget initial.« Les films Marvel puisent largement leur inspiration dans le patrimoine écrit de la BD, ce qui a immédiatement séduit les fans de comic books. Mais leurs scénarios sont également travaillés pour parler à une cible plus large et familiale, notamment en intégrant une bonne dose d’humour et de second degré », explique Phillippe Guedj, spécialiste de l’univers Marvel et auteur de « Marvel Univers », un documentaire qui sera diffusé sur Ciné + Frisson, à l’automne.Le couple Disney-Marvel a connu la consécration en 2012, avec Avengers, production pharaonique de 220 millions de dollars, qui réunit les superhéros de la franchise le temps d’un long-métrage. Avengers est devenu le troisième film le plus lucratif de tous les temps (1,5 milliard de dollars de revenus).DominationÀ l’issue de cette première phase, au cours de laquelle le groupe aura engrangé plus de 2 milliards de dollars de revenus, Disney a enclenché la « phase 2 » de cet univers cinématographique Marvel, avec six nouveaux films, sortis entre 2013 et 2015. Le parti pris aura été « de concevoir chacun des films comme un épisode d’une grande saga, dont les scénarios sont interdépendants les uns les autres », explique Phillippe Guedj, une connexion devant « stimuler le public et attirer sa curiosité vers d’autres films Marvel ».Sur ce terrain, Marvel a démontré son efficacité, établissant sa domination sur le box-office mondial. Cette « phase 2 «, savant mélange de suites à succès (le troisième épisode d’Iron Man, les seconds volets de Thor, Captain America et Avengers) et de nouveautés (Guardians of the Galaxy, Ant-Man) a permis à Disney de dégager 4,7 milliards de dollars de recettes entre 2013 et 2015.Le succès de Marvel a été d’autant plus important pour Disney que les propres studios du groupe ont accusé des revers. Le film d’animation Milo sur Mars (2011), doté d’un budget de 150 millions de dollars a été un échec. John Carter (2012), sur lequel Disney avait misé pas moins de 350 millions de dollars, n’a dégagé que 284 millions de recettes.Marvel et ses superhéros sont également une source tout aussi rémunératrice pour la vente de produits dérivés (jouets, accessoires, vente de droits de diffusion de dessins animés). Le chiffre d’affaires de cette branche chez Disney, qui fluctuait entre 2 et 2,5 milliards de dollars depuis le début des années 2000, n’a cessé de croître depuis 2009, pour atteindre 3,9 milliards de dollars en 2014. Depuis 2012, ce succès est aussi imputable à LucasFilm (racheté pour 4 milliards de dollars), qui a permis de s’emparer de la très populaire licence Star Wars.ConcurrenceEn 2014, Marvel a annoncé la « phase 3 » de son univers cinématographique, prévue entre 2016 et 2019. Pas moins de dix films sont programmés. La domination des studios risque néanmoins d’être mise à mal par l’offensive de deux concurrents : DC comics, notamment détenteur de Batman et Superman, et dont le catalogue de superhéros appartient à la Warner Bros ; et la 20th Century Fox, qui détient la licence de certains héros Marvel, comme les X-men ou les 4 Fantastiques.Les studios Warner ont annoncé dix films entre 2016-2020, dont le très attendu Batman v Superman : Dawn of Justice (prévu le 23 mars 2016 en France). Le concept d’univers partagé de Marvel, aux intrigues liées, où les héros se croisent, devrait être repris par son principal rival. La 20th Century Fox a elle aussi annoncé plusieurs films mettant en scène des superhéros sur la même période. DiversificationCe planning conduit à se demander si la surreprésentation des héros costumés au cinéma ne va pas finir par provoquer un phénomène de saturation. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Même si « le second degré, qui caractérise les films Marvel, lasse certains spectateurs », comme le relève Philippe Guedj, qui prévient : « le tandem Warner-DC a tout intérêt à se différencier en adoptant un ton plus sérieux, plus iconique, qui aura pour trame de fond des problématiques contemporaines. » Au regard de Man of Steel (2013), qui contait les origines de Superman, et de la bande-annonce de Batman vs Superman, il semble que Warner se dirige vers des longs-métrages plus sombres et a priori plus segmentants.Le couple Disney-Marvel mise, lui, sur la diversité pour se différencier. Au menu de sa « phase 3 » on retrouvera une superhéroïne, Captain Marvel et un héros africain, Black Panther. « Depuis nos débuts, nous sommes une entreprise avant-gardiste qui a su diversifier ses contenus », confiait, il y a quelques semaines, Kevin Feige, le PDG. Un principe qui a établi le succès de la firme dans les comics : surnommée « La maison des idées », Marvel s’est imposée depuis les années 1960 comme l’un des acteurs majeurs de la BD américaine à travers sa capacité à se réinventer et à proposer des histoires ancrées dans la modernité.Adrien Candau Alain Beuve-Méry Cela s’appelle tout simplement Grey et cela coûte 17 euros pour 556 pages. Le quatrième volet des aventures érotiques du milliardaire Christian Grey et de l’étudiante Anastasia Steele, rédigé par l’auteure britannique E.L. James, paraît, mardi 28 juillet, aux éditions Jean-Claude Lattès.Avec un tirage prévu de 400 000 exemplaires pour la France – 500 000 exemplaires en incluant la Belgique, la Suisse et le Canada – il s’agit, pour l’heure, de la sortie la plus massive de l’année. Avant les gros tirages de la rentrée littéraire et surtout la parution du 36e album d’Astérix, Le papyrus de César, prévue pour le 22 octobre.Le succès devrait forcément être au rendez-vous. La France n’a, en effet, pas échappé au raz-de-marée éditorial de cette romance sirupeuse, parue à partir de 2012. Les trois premiers volumes, Cinquante nuances de Grey, Cinquante plus sombres, Cinquante plus claires se sont écoulés au total, toutes éditions confondues, à 7,2 millions d’exemplaires.C’est grâce au flair et à l’absence de préjugés d’Isabelle Laffont, patronne des éditions Lattès, que le groupe Hachette a réalisé cette excellente opération commerciale. Le chiffre d’affaires de Lattès en 2013 a même correspondu au chiffre d’affaires cumulé des quatre autres maisons littéraires d’Hachette Livre (Grasset, Fayard, Stock et Calmann-Lévy).Paru le 18 juin aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le 4e volume, qui raconte l’histoire de l’étudiante et du milliardaire du point de vue de Christian, a été numéro un des ventes pendant quatre semaines avant d’être détrôné par Go Set a Watchman (« Va et poste une sentinelle ») de Harper Lee, l’auteur du best-seller Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.Trois livres, 125 millions d’exemplaires vendusGrey s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires, en langue anglaise. Le tirage a quant à lui dépassé les deux millions. Le livre est aussi sorti le 3 juillet en Espagne et le 16 juillet en Italie, où la trilogie avait rencontré un grand succès.La trilogie d’origine s’est vendu à plus de 125 millions d’exemplaires dans le monde. L’adaptation au cinéma du premier tome a rapporté 570 millions d’euros. Un deuxième film devrait sortir sur grand écran, en février 2017.Initialement prévue pour le 10 septembre, la sortie de Grey, cinquante nuances de Grey par Christian, a été avancée au 28 juillet. Pour réaliser cette prouesse – le livre est paru en langue anglaise le 18 juin –, il a fallu mobiliser une équipe de trois traducteurs : la québécoise Denyse Beaulieu, ainsi que Dominique Defert et Carole Delporte.En septembre 2014, la rentrée littéraire avait été bousculée par le lancement surprise de Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiller, publié aux éditions des Arènes. Le titre de l’ex-compagne du chef de l’Etat avait capté une grande partie du lectorat qui, traditionnellement, achète les titres parus fin août début septembre.C’est pour échapper à ce dilemme et parce que Lattès publie à la rentrée le nouveau roman de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, sur laquelle la maison nourrit de grands espoirs qu’elle a avancé la publication de Grey.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Depuis deux ans, Didier Conrad est le dessinateur d’Astérix. Il partage un point commun avec Uderzo, le ­cocréateur du ­célèbre Gaulois : comme lui, il a publié ses premiers dessins à 14 ans. Embauché comme « grouillot » à la ­Société parisienne d’édition, ­Uderzo avait réussi à placer une ­illustration dans l’hebdomadaire ­Junior, en 1941. Conrad a, lui, été l’un des premiers lauréats de Carte ­blanche, un concours lancé par Spirou auprès de ses lecteurs.C’était en 1974 : deux ­pages mettant en scène un personnage qui tente de devenir un héros de bande dessinée avaient été retenues par le ­magazine belge, toujours en quête de talents. « Nul doute qu’en travaillant plus avant son trait actuel, éliminant les ­faiblesses de débutant, se rodant dans les vieilles ­ficelles de dessinateur, il n’arrive à faire d’ici quelques années une œuvre originale et ­efficace », indiquait un texte d’accompagnement.Humour parodiqueLancée neuf mois plus tôt par le ­rédacteur en chef de Spirou, Thierry Martens, Carte blanchea vu débuter Bernard Hislaire, ­Philippe Bercovici, André Geerts ou le scénariste Yann avec qui ­Conrad réalisera un sommet d’humour parodique, Les Innommables (14 tomes entre 1983 et 2004). « Le choix était simple pour rentrer dans le métier à l’époque : soit tu devenais assistant dans un studio professionnel, mais il fallait pour cela vivre à Bruxelles ou Paris, soit tu commençais à ­publier », se ­souvient le dessinateur.Conrad n’est pas devenu pro tout de suite, malgré « trois ou quatre » autres Cartes blanches dans Spirou. Sous la pression de sa mère qui le rêve ingénieur, il envisage des études scientifiques auxquelles il renonce vite, puis entre aux Beaux-Arts où il ne reste que trois mois pour cause d’ennui profond. A 19 ans, il fait son retour dans ­Spirou avec une série appelée « Jason » (sur un scénario de Mythic) et, à 22 ans, il commence à ­gagner sa vie. « C’est un métier qu’on ­apprend sur le tas. Il faut publier un minimum de 200 à 300 pages pour comprendre comme ça marche vraiment. Mes “études”, je les ai ­faites dans Spirou », raconte-t-il.Tout sauf un boulot “normal”Et la vocation ? Celle-ci ne lui est pas venue à la seule lecture de Franquin et Uderzo – les idoles de sa jeunesse. Un ouvrage « technique » a eu beaucoup d’influence sur lui : Comment on devient créateur de bandes dessinées (Marabout, 1969, réédition Niffle, 2014). L’auteur, Philippe Vandooren, y interrogeait Franquin et Jijé sur les facettes du métier : quel type de plumes utiliser, quel format privilégier, qu’est-ce qu’un « bleu »… « J’avais 11 ans. C’est ce livre qui m’a fait prendre conscience qu’on pouvait vivre de la BD. C’était parfait pour moi qui ne me voyais pas faire un boulot “normal” dans un bureau… »En 1974, sa mère est hospitalisée alors qu’il se lance dans ses deux planches pour Spirou. Son père n’est déjà plus là. « J’avais peur de me retrouver orphelin. Faire cette BD m’a aidé à penser à autre chose », dit-il en se rappelant le chèque reçu pour cette première publication : 500 francs (382 euros actuels). « Je ne comprenais pas comment un métier si formidable pouvait payer si peu », s’en amuse-t-il. En la matière, les choses ont quelque peu changé pour lui.Retrouvez les premières œuvres de Conrad sur le blog « Les petits miquets » : Bandedessinee. blog.lemonde. frFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Henri Barbaret, 49 ans, numéro deux du Musée du Louvre, a été nommé directeur général du Mobilier national. Cette institution publique regroupe les manufactures nationales de tapisseries des Gobelins, de Beauvais, des tapis de la Savonnerie, des dentelles d’Alençon et du Puy, ainsi que le Mobilier national lui-même, sorte de garde-meubles de la République, riche de collections centenaires, chargé de meubler les palais de la nation, comme les ambassades et consulats à l’étranger.Après avoir été directeur général de la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’énarque, conseiller à la Cour des comptes, était entré, en 2007, au Louvre, comme administrateur général adjoint. Il devenait, en 2009, patron de la direction générale de l’établissement public du Louvre (2 300 salariés, 235 millions d’euros de budget), en charge de sa gestion financière, du pilotage des relations sociales, du suivi des grands projets – Louvre-Lens, création du département des arts de l’islam, Louvre-Abou Dhabi – et des questions de sécurité et de maintenance du plus grand bâtiment de la capitale, d’une surface de 200 000 m2.« Une proposition passionnante »« Il est très difficile de quitter le Louvre, une grande maison, reconnaît Henri Barbaret. Depuis huit ans, les grands projets se sont enchaînés, c’était une histoire sans fin. » Au Mobilier national, le poste était vacant depuis la fin 2014, et le départ à la retraite du normalien Bertrand Schotter qui, pendant onze ans, avait administré avec passion et efficacité cette prestigieuse maison créée par Colbert en 1663.« C’était une proposition passionnante, une ouverture et une responsabilité nouvelles », argumente M. Barbaret, qui prend la tête de l’institution, un service à compétence nationale (SCN). Ce sont « des défis différents, des changements stratégiques de perspective, avec les enjeux d’un établissement culturel, patrimonial. Le Mobilier national et les manufactures ont un potentiel, des savoir-faire, des collections de mobilier, insuffisamment connus », plaide-t-il. Il veut les faire rayonner. Le directeur général, qui a pris ses fonctions le 10 juillet, annonce « une stratégie globale afin d’ouvrir l’institution sur le vaste monde par une politique de prêts, d’expositions, d’éditions de meubles en stimulant la recherche et la création dans les ateliers ».L’institution est ancrée très clairement dans le passé, ne serait-ce que par ses fabuleuses collections de tapisseries et de mobilier. « Soyons ambitieux. Il n’y a pas de limites. Il faut valoriser ce qui existe et doper encore les commandes contemporaines au service des artistes. Tous les grands designers français ont reçu des commandes de mobilier. » Le directeur général veut aller encore plus loin, organiser des expositions en France et à l’étranger. Et ouvrir au public le fabuleux site des Gobelins, un village de lissiers datant du XVIIe siècle avec ses ateliers de haute lisse, son laboratoire de teintures des laines et soies, sa chapelle, la maison de Charles Le Brun, le premier directeur de la manufacture, et ses pavés usés par les siècles.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Dans « un kilomètre à pied », Bradley Mayhew nous entraîne au coeur des paysages époustouflants de la verte Erin (mercredi 5 août, à 19 heures, sur Arte).La marche est à la mode. Et la randonnée connaît, pour de multiples raisons, un succès grandissant, un peu partout dans le monde. Pas étonnant, donc, à ce qu’une chaîne comme Arte décide de programmer, en cette période estivale, une série documentaire consacrée à ce phénomène de société et aux plus beaux sentiers de randonnée à travers toute l’Europe.La durée de chaque épisode (43 min) est bien calibrée, ni trop courte ni trop longue. A chaque voyage, le guide n’est autre que le sympathique Bradley Mayhew, célèbre voyageur britannique, auteur de nombreux guides touristiques et randonneur confirmé. Le choix des destinations a été effectué avec soin et de la côte amalfitaine aux difficiles chemins crétois, en passant par la côte escarpée aux environs de Majorque, l’Andalousie, le Dorset, la Cornouailles ou les chemins de Saint-Olaf en Norvège, les images valent le détour. Mais la randonnée la plus époustouflante en matière de paysages est sans doute celle qui mène Mayhew et son cameraman dans le sud-ouest de l’Irlande.Déchaînement de couleursLà, que ce soit sur le Dingle Way, avec sa vue époustouflante sur l’Atlantique, ou sur le Kerry Way, plus long sentier pédestre de l’île, on a soudain l’impression d’être au cœur du monde. Montagnes baignées de lumière, falaises spectaculaires, plages désertes se succèdent dans un déchaînement de couleurs toutes plus sublimes les unes que les autres. Avec ce ciel irlandais, si changeant et si beau. Et le soir, après l’effort parfois rude, la chaleur des pubs où musiciens et danseurs viennent faire la fête permet d’oublier la fatigue.Accompagné sur certains trajets par des guides locaux qui enrichissent le documentaire d’anecdotes, Mayhew en prend plein la vue pendant ses deux semaines de marche. De Tralee au petit village de Sneem, où Charles de Gaulle fut chaleureusement accueilli durant plus d’un mois en mai et juin 1969, des plages désertes aux chemins de pèlerinage, des tourbières aux étendues des somptueux parcs nationaux, des forts circulaires celtes aux anciennes routes du beurre, le routard britannique ne cache pas son enthousiasme. « Personne ne peut résister à ce pays ! A la beauté des paysages et à la gentillesse de ses habitants », s’exclame-t-il, des étoiles dans les yeux.Pour qu’un citoyen de Sa Gracieuse Majesté lance un tel cri du cœur sur cette terre irlandaise, c’est que le coin en vaut la peine.« Un kilomètre à pied… » : Les chemins du comté de Kerry, de Jörg Daniel Hissen (France-Allemagne, 2014, 43 min). Mercredi 5 août, à 19 heures, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande (Bayonne (Pyrénées-Atlantiques)) Les Fêtes de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), qui se sont tenues du 29 juillet au 2 août, sont très festives. Depuis leur création, en 1932, un très palpable désir de noirceur rôde autour de leur exubérance. On aimerait que ça se passe mal. Dès 1933, un quotidien titrait : « Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient. » Déjà ?La vérité, c’est qu’elles sont infiniment mieux. Pendant que des festivals, plus ou moins culturels, peinent à gonfler leurs chiffres, Bayonne ne sait plus comment contenir l’affluence qu’elle inspire. Dans la nuit du vendredi 31 juillet au samedi 1er août, près d’un million de « festayres » ont déboulé de partout dans la petite ville suréquipée pour prévenir tout pépin. On a signalé vingt-six vols à la tire, cinq plaintes déposées. Sur un millier de contrôles d’alcoolémie aux sorties de la ville, un peu moins de 4 % se sont révélés positifs.Petit mémento : un chien mord un gendarme, c’est un incident. Un gendarme mord un chien, coco, ça devient chaud. A la Txalaparta, le bar des LGBT, on danse contre les agressions sexistes. En face, trois gaïteros (bombardes à double anche) entrent à « l’Ecole publique du Petit-Bayonne », menacée de fermeture. Un peu plus loin, protestation contre les conditions d’internement des prisonniers politiques. Les Fêtes, ce n’est pas l’oubli de la vie. C’est son accélération.Lire sur Les Décodeurs :Les fêtes de Bayonne ne sont-elles qu’une beuverie à ciel ouvert ?Du genre strictLes Fêtes appartiennent à ceux qui les font. Ici, on « fait » les Fêtes. L’auteur de ces lignes « fait » les Fêtes depuis 1949. Il a quitté Bayonne en 1962, rien n’y fait. Puissant marqueur de vie. A chacun sa chance. Le dimanche 2 août, banquet républicain sur le trottoir des irrésistibles Briand, les frères Prévert de la boucherie–charcuterie. Animation musicale, El Pafin’ Hot de Mimizan, une des 102 bandas ou chorales qui animent les Fêtes. Incroyable élévation du niveau musical. Les Fêtes ont cette chance unique, elles ne sont pas un « festival ».Au coin de la rue Port-Neuf, La Batut, percus de la Vallée d’Aspe, sous la houlette de ce phénomène d’Alain Larribet. L’après-midi, aux arènes, Zamarrito, le quatrième taureau de l’élevage Montalvo, plus qu’impressionnant – ici, on ne plaisante pas avec le taureau –, saute dans la contre-piste (le callejon) réservé aux acteurs, aux professionnels et à la presse.Le callejon de Bayonne est du genre strict. Malgré les précautions, deux blessés très sérieux : le photographe Roger Martin et Dominique Perron, président des Clubs taurins. Un chroniqueur doit savoir anticiper. Celui du Monde ne s’en lave pas les mains, mais enfin, toujours est-il que, présent au callejon, il venait de le quitter pour se laver les siennes.Lire aussi :L’été poïélitique de Francis Marmande, vol. 4Francis Marmande (Bayonne (Pyrénées-Atlantiques))Journaliste au Monde Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde 04.08.2015 à 22h56 • Mis à jour le05.08.2015 à 08h20 | Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde Daniel Psenny Au fil d’une enquête fouillée, Olivier Toscer revient sur les liens entretenus pendant vingt ans par le Cavaliere avec la Mafia (mardi 4 août, à 22 h 50, sur France 3).Bien que Silvio Berlusconi ait toujours réussi à passer à travers les mailles du filet judiciaire, ses liens avec Cosa Nostra, la Mafia sicilienne, ont été établis de façon certaine par les nombreux juges chargés d’enquêter sur ses affaires. Des relations d’ailleurs confirmées par plusieurs repentis affirmant que c’est à travers son plus proche collaborateur, Marcello Dell’Utri, Sicilien de souche, que Silvio Berlusconi a bénéficié de la protection et de la bienveillance de la Mafia en échange de « bons procédés » entre l’homme le plus riche d’Italie et les boss de Cosa Nostra.Argent saleDans son documentaire réalisé comme une enquête policière, Olivier Toscer est allé à la rencontre de nombreux témoins (magistrats, repentis de la Mafia, proches collaborateurs de Berlusconi) qui racontent comment et pourquoi l’ascension de l’homme d’affaires n’a pu se faire sans l’appui de Cosa Nostra et de la classe politique des années 1980, balayée ensuite par l’opération « Mains propres ».L’évidence est que l’argent sale plane sur tout le parcours de Silvio Berlusconi. Il y a d’abord, à la fin des années 1970, ces énormes investissements dans le complexe immobilier Milano 2, dans la banlieue de la capitale lombarde, dont les enquêtes judiciaires ont montré qu’ils ont été réalisés grâce à l’argent noir de la Mafia. Il y a ensuite la création de son empire médiatique et publicitaire bâti à l’aide de complicités politiques et, une nouvelle fois, de fonds douteux.Et, surtout, son ascension politique bien vue par la Mafia à qui Silvio Berlusconi, à la tête de son propre parti, Forza Italia, avait promis une nouvelle législation sur les repentis au cas où il arriverait au pouvoir. « Il est vrai que Forza Italia a eu beaucoup de succès en Sicile, souligne Roberto Scarpinato, procureur général à Palerme. Dans toutes nos enquêtes, nous avons noté que tous les chefs de Cosa Nostra avaient ordonné de voter pour ce parti. »La France n’a pas été épargnée par Berlusconi. En février 1986, rappelle Olivier Toscer, François Mitterrand, alors président de la République, lui avait confié La Cinq sur les conseils de son ami Bettino Craxi, le président socialiste du Conseil italien, qui avait beaucoup œuvré pour que Berlusconi devienne le roi de la télévision privée. Malgré l’argent qui coulait à flots, en quelques mois, la chaîne a été au bord de la faillite avant de sombrer en 1992. Personne n’a su (ou voulu savoir) d’où venait l’argent.Berlusconi et la Mafia, scandales à l’italienne, d’Olivier Toscer (France, 2015, 55 min). Mardi 4 août, à 22 h 50, sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Soixante-dix ans après le bombardement sur Hiroshima, le documentaire de Lucy van Beek renouvelle le regard sur un drame dont les ondes de choc perdurent encore (mardi 4 août, à 20 h 55, sur Arte). Les cigales se font entendre, le soleil brille et il fait déjà très chaud à Hiroshima en cette matinée du lundi 6 août 1945. La ville a été jusqu’à présent épargnée par les raids aériens américains qui font des ravages à travers tout le pays, provoquant notamment la mort de 100 000 personnes à Tokyo, lors du bombardement le plus meurtrier de la seconde guerre mondiale, effectué dans la nuit du 9 au 10 mars 1945.A 8 h 15, un bombardier B-29, baptisé Enola Gay, survole Hiroshima avant de larguer un chargement inhabituel. La bombe atomique explosera quarante-cinq secondes plus tard, à environ 600 mètres au-dessus de la ville, causant, dans les secondes qui ont suivi, la mort immédiate de 80 000 personnes environ.Sur un kilomètre et demi autour du point d’impact, la température est cinq fois plus élevée qu’à la surface du soleil. Et ce n’est que le début du cauchemar pour des dizaines de milliers d’autres victimes irradiées, brûlées, contaminées. Une minute après l’explosion, un nuage en forme de champignon, composé de gaz, de particules radioactives et de débris s’élève jusqu’à atteindre 17 000 mètres. Plus tard, la pluie arrive. Une pluie noire, qui éteint les flammes des incendies, mais qui, formée dans le nuage mortel, va elle aussi se révéler destructrice. L’ère atomique génère de nouvelles façons de mourir. Parfois lentes, toujours douloureuses.Les jours d’aprèsCet épisode tragique a été maintes fois étudié. Mais la force de ce documentaire britannique inédit est d’aller bien au-delà, de poser un regard neuf sur l’événement et de lever plusieurs zones d’ombre. Le film nous offre une enquête minutieuse à l’aide de nombreux témoignages de Japonais ayant vécu l’horreur, de scientifiques américains, d’historiens, et d’un témoin de choix en la personne du docteur Shuntaro Hida, 27 ans à l’époque, et qui a passé sa vie à soigner les victimes de la bombe atomique.Pourquoi Hiroshima a-t-elle été choisie ? Quelles sont les véritables raisons qui ont poussé les Américains à déclencher l’apocalypse nucléaire ? Le peuple japonais était-il prêt à la capitulation avant de subir la foudre atomique ? Les scientifiques américains étaient-ils d’accord pour que leurs recherches soient mises en pratique de cette manière ? Les enfants orphelins d’Hiroshima ont-ils été pris en main par la mafia locale ? Les autorités américaines ont-elles caché des informations sur les conditions sanitaires ?Ce documentaire répond à toutes ces interrogations. Ainsi apprend-on que la première cible choisie n’était pas Hiroshima, mais Kyoto. La ville fut sauvée in extremis par l’intervention d’Henry Stimson, secrétaire américain à la guerre, celui-ci refusant de sacrifier les richesses culturelles de Kyoto. Sur la liste des trois cibles potentielles, Hiroshima était en deuxième position, Niigata en troisième.Passionnant, ce documentaire s’attarde avec raison sur les jours qui ont suivi l’apocalypse. Les odeurs, le silence absolu, les rues jonchées de cadavres et de victimes agonisantes. Mais aussi la vie qui, dès le 10 août, reprend, avec des trams qui fonctionnent, des banques qui ouvrent, des écoliers qui suivent la classe en plein air. Tout cela dans un inhabituel climat d’anarchie, avec des gamins orphelins pris en charge par des gangs mafieux, obligés de vendre de la drogue pour survivre.Soixante-dix ans après cette catastrophe, les survivants font toujours figure de pestiférés dans une société japonaise terrorisée par les irradiés.Hiroshima, la véritable histoire, de Lucy van Beek (Royaume-Uni, 2015, 90 min). Mardi 4 août, à 20 h 55, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.08.2015 à 06h20 03.08.2015 à 10h51 • Mis à jour le05.08.2015 à 08h25 | Francis Marmande Écoutez, si j’étais (vraiment) moderne, je chanterais à tue-tête, je sais le faire, avec l’accent et la voix de clairon : « Je vais aux fêtes de Bayonne/Chanter et danser/Rire et m’amuser… », etc. Ou je relirais Michel Leiris, qui donne dans son Journal (1946) une description charmante de fêtes qui ne le sont pas moins.Pure question poïélitique. Mon premier grand voyage, c’est Bayonne – Calais d’une traite, mon père était increvable, pour visiter en courant l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958 (l’Atomium, le Spoutnik, l’élégant pavillon français, la télé en couleur chez les Américains avec un orchestre de jazz en veste rouge).Ce soir, 30 juillet, je vous écris de Paris, Belleville. Je viens de passer trois jours au fantastique festival de Vannes (Morbihan) : Vincent Ségal, Roy Hargrove, Dave Holland au sommet.Demain, « je véééé aux fêtes de Bayôôône », comme je ne manque pas d’y aller depuis 1949 – j’avais 4 ans, je faisais « Japonais amateur » sur un char du corso fleuri.D’accord : j’ai quitté Bayonne en 1962. La question, c’est que Bayonne et les fêtes, elles, ne vous quittent jamais. Vous avez comme ça des villes terribles, de puissantes sirènes, pour qui l’on se jouerait la vie.Pourquoi les fêtes ?Pour leur évidence musicale, leurs chansons connes, leurs chants basques sublimes, leurs excès, leur évidence, leur gentillesse hirsute qui vous manque toute l’année.« Mais ce ne sont que bitures express, jeux de con, et vapeurs méphitiques…– Sans doute…– Les violences sexuelles se multiplient…– C’est abominable, et je ne sais l’interpréter.– Mais alors ?– Rien… Laissez-moi… J’y retourne. »Je croise les vieux copains de l’école laïque des quartiers Nord, on déparle, on dégoise, on boit un coup (ou deux).Je ne sais plus rien du génie d’idiotie parfois limite des fêtes. Les fêtes, c’est la nuit et le jour. Je sais que le jour est charmant. La nuit, ça s’aggrave grave. « Le journal », comme on dit ici (Sud-Ouest), raconte, dans un style irrésistible – Olivier Darrioumerle – les jeux stupides, dangereux, sadomaso, les gamins qui plongent dans la Nive et ces improvisations qui laissent ahuri.M’en voudrez-vous ? Je songe à ces garçons, filles et enfants, que l’on nomme les « migrants » de Calais, les « nuées » (maudit Cameron !), alors qu’ils sont exilés ou réfugiés politiques.Je les écoute.Ils tentent le coup. Rampent sous la Manche, s’accrochent au train, se font électrocuter, gauler par la police, ils jouent le tout pour le tout, onze morts depuis juin, prêts à recommencer demain.« Comparer l’incomparable… Vous êtes gonflé.– Allez vous faire fiche : à quoi bon comparer, si c’est juste pour comparer ce qui se compare ? » Je ne compare pas, je songe. Courir, frémir, ramper, sauter, se la jouer, eux, ils le font pour de vrai, non ? J’y songe, c’est tout. Je ne peux interpréter. Ciao !Francis MarmandeJournaliste au Monde 17.08.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.08.2015 à 07h27 | Sylvain Siclier La saison des festivals se poursuit, avec deux occasions de profiter d’artistes de premier plan dans un cadre aux prises avec la nature, sur l’île de Ré comme dans les Ardennes.UN VIDÉOCLIP : « Perfect Couples » par Belle and SebastianSi son neuvième album studio et dernier album en date, Girls in Peacetime Want to Dance (Matador Records) est sorti en janvier 2015, le groupe Belle and Sebastian vient d’en proposer récemment (fin juillet) un nouvel extrait. Sous la forme d’un superbe vidéoclip, réalisé par Oscar Sansom, la chanson « Perfect Couples » se révèle assez hypnotique. Passée une trentaine de secondes avec des plans sur divers instruments de percussions, nous nous retrouvons face à une pièce avec un tapis rond, deux chaises, un petit bar de salon, une fenêtre ouvrant vers un jardin… Les lieux vont peu à peu être occupés par plusieurs personnages. D’abord une jeune femme, dans d’étranges mouvements qui trouveront leur explication au cours des entrées et des sorties des autres protagonistes. Cette chorégraphie de Sarah Swire, fondée sur la répétition des gestes, met en jeu une quinzaine d’interprètes. A chacun de voir le clip d’abord comme un tout, puis de suivre à loisir l’un ou l’autre des danseurs qui finiront par quitter les lieux.« Perfect Couples », par Belle and Sebastian. Réalisé par Oscar Sansom, chorégraphie de Sarah Swire.DEUX FESTIVALS : Jazz au phare, sur l’île de Ré, et Le Cabaret vert à Charleville-Mézières Au bout du bout de l’île de Ré (Charente-Maritime), dans la commune de Saint-Clément-des-Baleines, il y a un phare, chanté par Claude Nougaro. A proximité, plusieurs cafés. Autant de lieux où se déroule le festival Jazz au phare, dont la sixième édition est organisée du 16 au 19 août 2015. Son directeur artistique s’appelle Jean-Michel Proust. Cet homme de radio (production et animation), journaliste et musicien (saxophone, composition), a concocté un programme de belle allure : Tânia Maria et Eliane Elias le lundi 17 ; les formations des saxophonistes Xavier Richardeau et Michel Pastre, du trompettiste Fabien Mary et du pianiste Pierre Christophe mardi 18 et mercredi 19 ; le chanteur Michel Jonasz en duo avec le pianiste Jean-Yves D’Angelo le mardi 18 ; et enfin la chanteuse Molly Johnson et le pianiste Monty Alexander le 19 août…Jazz au phare, à Saint-Clément-des-Baleines, sur l’île de Ré (Charente-Maritime), jusqu’au 19 août. De 30 euros à 42 euros, nombreux concerts en accès libre. Novateur en matière de développement durable (produits locaux, village associatif) et de recyclage écologique, le festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes) a connu sa première édition en 2005. Sur deux jours, à la mi-septembre, s’étaient succédé Jacques Higelin, Mano Solo ou encore Mass Hysteria. Depuis, l’événement a lieu à la fin du mois août, il se déroule sur quatre jours, et il a reçu nombre de figures du rock, de la pop, du rap ou du reggae. Le tout en centre-ville – ce qui n’est pas si courant pour une manifestation qui a accueilli 90 000 spectateurs en 2014 – sur un site, le square Bayard, en prise avec la nature. Cette année, du jeudi 20 au dimanche 23 août, le festival annonce plus de quarante artistes, parmi lesquels Fuzz, Christine and The Queens, Etienne Daho, Paul Kalkbrenner, The Shoes, Jurassic 5, The Chemical Brothers, Selah Sue, Limp Bizkit, Hubert-Félix Thiéfaine…Festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes), du 20 au 23 août. 34 € par jour, 6 € dimanche.RÉSERVEZ VITE : Rickie Lee Jones aux Bouffes du Nord, à Paris, lundi 19 octobreElle a beau ne pas vouloir être ramenée à cette seule chanson, pour beaucoup l’Américaine Rickie Lee Jones est d’abord l’interprète de Chuck E’s in Love. Son gros succès de l’année 1979 a parfois été remis à son répertoire de concerts ces dernières années, mais sa tournée actuelle (qui, pour l’Europe, ne fait qu’un petit tour en Allemagne et en France) repose toutefois sur une bonne dizaine de chansons de son nouvel album, The Other Side of Desire, sorti en juin. L’occasion de retrouver la voix de Rickie Lee Jones, du plus fragile à l’énergie grondante et ses atmosphères pop, folk, blues et jazz.Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de La Chapelle, Paris 10e. Tél. : 01 46 07 34 50. Lundi 19 octobre, à 20 heures. De 40 euros à 51 euros.La chanson « Jimmy Choos » par Rickie Lee Jones, extraite de son album « The Other Side of Desire ».Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Je vous ai laissés sur la route de Millas (Pyrénées-Orientales) et sa charmante féria. Sans doute croyez-vous que ces bérets grands comme des soucoupes volantes n’existent pas. Eh bien, figurez-vous, le fromager gaulliste du marché d’Oloron (tous les vendredis : phénoménal concert naturel de voix, de timbres et d’accents), son frère, le boucher communiste, et mes cousins sans – op., itou, tous portent le béret. Beau comme une soucoupe volante. Un ovni a été photographié à 17 kilomètres de Millas le 30 mars dernier. À l’instant où je vous écris, lundi 17 août, 0 h 43, un aéronef à hélice, je sais reconnaître, fait des ronds sur Paris. N’insistons pas.Une soucoupe volante venue de Mars repère un petit aérodrome (blague millésimée 1958, je suis en 3e). L’aire d’atterrissage se trouve en France, mais la soucoupe n’en sait rien. Bref arrêt stationnaire dans la plus grande prudence, histoire de contacter quelque Terrien. Le Martien tiré à la courte paille, descend à pas comptés et s’avance vers trois Terriens qui lui semblent placides. Notre Martien se méfie (ça, le « notre », c’est pour faire conteur populaire). Midi, temps radieux. L’aérodrome est désert. Au fait, ce n’est pas un aérodrome, les Martiens peuvent se gourer, c’est la station-service Caltex, à l’entrée de Millas, à la pause, en 1958, entre midi et deux heures (je brode).Notre Martien donc, approche en tapinois. Il communique avec la soucoupe : « Ici Agent X 23, je marche lentement vers trois Terriens qui se tiennent immobiles… J’exécute nos signaux de paix… Ils ne bougent pas… Oh ! Message urgent au central : les Terriens sont exactement comme nous ! Hallucinant ! Exactement. Mais, pour une raison qui m’échappe encore, ils se plantent la bite dans l’oreille droite… »Oui, bon ça va, je ne vous demande pas d’applaudir. Je sais qu’il est navrant de narrer des blagues par écrit. Ou d’ailleurs, tout court. Comme raconter un dessin de Sempé (Reiser, Willem, Pessin)… Je m’en passerais bien, si cela ne renvoyait à on ne sait quoi de trop vrai.Un Soulages sur négatifSous son béret en style de soucoupe, le fromager d’Oloron est unique. Stand d’une nudité totale. Trois pans de mur blancs comme un Soulages sur négatif. Pas une affiche. Pas de pub. Pas la moindre photo de Lescun et ses brebis. Rien : juste sa balance, le meilleur fromage du monde et son béret. Il roule ses r en style de gave des montagnes : « En 1946, De Gaulle avait prrroposé un statut à l’Algérie dont personne n’a voulu. Aujourrrrd’hui, je vois un pays du Maghrrrreb qui peut prrrrendrrre le pouvoirrr en France. » Bigre.Halte à Marciac (Gers), pour entendre Enrico Rava, ami de cœur, et sous chapiteau, Salif Keita. Derniers échanges avec Denis Capdegelle, le responsable de la station de Météo France, sur le site même du festival. Zone d’orages et de grosses pluies. J’aime son savoir, sa parole, ses écrans magiques, les cartes, son discours. La météo, tout le monde en est fou : science populaire, horoscope sur ordinateur, récits du ciel, promesse de l’avenir. Surtout, irremplaçable : la possibilité de l’erreur.La fleuriste de Millas, elle, à l’autre bout de la chaîne des Pyrénées : « Les nouveaux lotissements ? C’est pour les cas sociaux… » Je risque un : « Vous voulez dire qu’il s’agit de logements sociaux ? » Elle emballe le Thelocactus – ma fleur préférée avec le bignonia : « Oui, bon, enfin, c’est pas pour nous. C’est pour les autresss… Comment ça, les autres ? Vous n’êtes pas allés dans la rue aux Gitans ? » Louis Aliot a sa maison par ici, et à Millas, pas de liste FN. « Ecole maternelle de la République », rue Jean-Jaurès, rue Mirabeau, rue Danton, Médiathèque François-Mitterrand, ça en ferait, des noms à changer.Deux ouvriers du bâtiment me rapprochent du centre : « Ah, vous habitez pas loin du carreleur ? Il est trrrès bien, le carreleur, un peu communiste, mais bon… » Je croise le carreleur. Sur quoi diable, porte le « un peu » ? Sur le marxisme, ou sur le léninisme ? Tranquille : « Je ne suis pas communiste, je le deviens. » Toujours à Millas, Yves Charnet, poète, auteur du formidable Quatre boules de jazz, Nougasongs (Ed. Alter Ego) me rappelle. Il aime les phrases de l’année, celle du milliardaire Warren Buffett : « Il y a bien une lutte des classes, d’ailleurs c’est la mienne qui est en train de la gagner ! »Free, salsa et gauchismePuisque je suis de passage à Paris (l’aéronef continue de faire le malin), j’irai revoir Port-au-Prince dimanche 4 janvier, le film de Marthouret, au Reflet Médicis. Sorti sans grand soutien le 29 juillet (voir la note d’Isabelle Regnier dans le journal), bien reçu par une partie de la critique, discuté aussi, il est de ces films dont la personnalité me prend : réel sensible ; horrible complexité simplette des « événements » (les élections en Haïti, le 4 janvier 2014, en plein bicentenaire de l’Indépendance) ; flegme anxieux des Maîtres sur leur terrasse ; abjection possible des damnés de la terre (le mauvais frère) ; la vieille dame, Cassandre aveugle ; un perroquet très chiant (il sait tout, évidemment) ; justesse de la lumière et des décors (Sylvie Fennec) ; tempo sans chantage…Carnet du Monde : avis de décès de Jean-Luc Fraisse (7 août). Jean-Luc Fraisse, le fondateur avec son épouse, Nicole, de l’incroyable Chapelle des Lombards. Free, salsa, gauchisme et musique cubaine. Toute une histoire : les « autres » années 80. Pour eux, j’avais dessiné un T-shirt (passons…). C’est chez Nicole et Jean-Luc que j’ai vu pour la dernière fois Pierre Goldman (assassinat le lendemain, 20 septembre 1979, signé Honneur de la Police). Il jouait des congas avec Azuquita qui jouera pour lui au Père-Lachaise.Sur la route d’Aix-en-Provence, mais c’est une autre histoire, Rachid, le taximan, me dit : « Il faut vivre dans l’instant. Tout ça se juge au dernier soupir, quand on se dit : Ai-je vécu ? » Je sais que je suis dix fois trop long. Mais je ne vais quand même pas sucrer l’histoire de la soucoupe, non ? Et puis, c’est bientôt fini.Francis MarmandeJournaliste au Monde Ariane Chemin //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Imaginer le monde de demain, par Omar Victor Diop E-fanorona, la « fierté » de l’île Rouge Six vies de Michel Houellebecq (1/6) : la tour et le territoiretous les articles de la thématique On voulait raconter l’univers d’un écrivain, on se retrouve devant un secret-défense. Furieux que Le Monde engage, cet été, une série d’articles dont il n’a pas l’initiative, Michel Houellebecq nous a répondu, le 26 juin : « Je refuse de vous parler et je demande aux gens que je connais d’adopter la même attitude. »En copie de son mail, le Tout-Paris, des philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray en passant par l’écrivain Frédéric Beigbeder. Consigne leur est donnée, si Le Monde persévérait dans son entreprise, de ne pas hésiter à « porter plainte au civil » : « La procédure judiciaire est finalement simple, et plutôt lucrative. » Et d’ajouter qu’il a décidé de se confier au Figaro Magazine (hebdomadaire que, dans son livre avec BHL, Ennemis publics, il n’hésitait pas pourtant à traiter aimablement de « torchon »),« demand[ant] aux gens qu’[il] connaît de faire le même choix ».Ce n’est pas la première fois que Michel Houellebecq tente d’intimider la presse. En 2005, un journaliste passé par l’AFP puis par Le Point (et aujourd’hui à L’Obs), Denis Demonpion, demande à s’entretenir avec l’écrivain. Il veut écrire sa biographie. Tout est fait pour l’en dissuader. Raphaël Sorin, qui édite alors Houellebecq, propose au journaliste d’« insérer les remarques » de son auteur, « après lecture, en appels de notes », comme l’avaient fait, explique-t-il avec Houellebecq au futur biographe, Malraux ou Schopenhauer. Refus du journaliste. « Les entretiens sont pour moi un exercice très décevant, plaide Houellebecq par mail, en vain. J’ai l’impression que ce que je dis n’a aucun intérêt. » Puis Houellebecq écrit au reporter pour lui faire croire qu’il va publier son autobiographie avant la sortie de sa « bio ».Lire le premier épisode de notre série :Six vies de Michel Houellebecq (1/6) : la tour et le territoireSes désirs sont des ordresHouellebecq non autorisé paraît en 2005 chez Maren Sell (une édition augmentée est en cours d’écriture). Denis Demonpion a mis la main sur l’acte d’état civil de l’écrivain, qui s’était rajeuni de deux ans, et a « retrouvé » sa mère, que son fils disait morte (elle s’est éteinte le 7 mai 2010). Evidemment, un homme de l’imaginaire a le droit de mentir : de Nietzsche à Céline, c’est presque une spécialité. Mais Houellebecq devient comme fou. Il bannit de sa vie ceux qui ont raconté leurs souvenirs, tel l’écrivain Dominique Noguez, pourtant l’un de ses alliés les plus dévoués. « Je regrette (…) de ne pas avoir (…) tenté sur l’auteur de la biographie un peu d’intimidation physique », confiera, en 2008, Houellebecq à BHL. Depuis, l’ouvrage est régulièrement cité par les universitaires et dans les actes de colloques consacrés à l’écrivain, auxquels il assiste carnet à la main, au premier rang.« Je me souviens que, lorsque le livre était paru, Michel avait été finalement soulagé, comme si son vrai secret n’avait pas été percé », raconte aujourd’hui l’éditeur Raphaël Sorin. « Il y a à l’évidence plusieurs points sensibles dans sa vie, sourit Maren Sell, l’éditrice de Houellebecq non autorisé, mais j’ai constaté que cet homme crée autour de lui des climats de dépendance, positive ou négative. » Ses désirs sont des ordres. « Si je vous parle, je perds mon job… », explique-t-on chez Flammarion. Teresa Cremisi, son éditrice ad vitam aeternam, comme le puissant agent de l’écrivain, François Samuelson, prennent des airs désolés : « Il peut [vous] quitter à jamais pour une ombre au tableau… » « Pour ne pas mettre en danger la santé de Michel », son ancienne compagne Marie-Pierre Gauthier est contrainte de décommander le deuxième rendez-vous. Le réalisateur de l’épatant Enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux, annule l’entretien prévu d’un texto : « Que ne ferait-on pas pour un ami… » Jusqu’à ces universitaires qui s’exécutent, « navrés ». Une vraie scène de… Soumission.Ariane Chemin Florence Noiville Il disait : « Si je n’écris pas, je ne vois rien, je suis vide. » Décapante, sans concession, sa plume avait fait de lui l’une des plus grandes voix de la littérature espagnole. L’écrivain et critique littéraire Rafael Chirbes est mort samedi 15 août d’un cancer fulgurant du poumon. Il était âgé de 66 ans.Sur le rivage, son septième roman traduit en français — par Denise Laroutis, sa fidèle et excellente traductrice —, était sorti en janvier aux éditions Rivages. Il restera l’un des éblouissements de l’année. Chirbes n’était pas seulement un styliste génial, un écrivain dont la prose pleine de sève vous précipite dans des cascades de mots et d’images, des accès de colère et des élans d’humanité. Il avait aussi le don d’aller jusqu’au bout de ce qu’il voulait dire. Le courage d’écrire noir sur blanc ce que les gens font mais ne disent pas. En exergue à Sur le rivage, il avait d’ailleurs placé cette phrase de Diderot dans Jacques le fataliste : « F… tez comme des ânes débâtés ; mais permettez que je dise le mot f… tre ; je vous passe l’action, passez-moi le mot. »Le peintre de la débâcle européenne actuelleDans presque tous ses livres, Chirbes disait le rêve politique brisé. Son désenchantement était celui de tous ceux qui, après le régime de Franco, avaient vu « la grande illusion démocratique » s’effacer devant ce qu’il appelait « la grande occasion mercantile ». Dans Tableau de chasse (Rivages, 1998), il campe un père franquiste essuyant le dédain de son fils pour s’être enrichi sous la guerre civile. Dans Les Vieux Amis (Rivages, 2006), il montre les désillusions d’ex-communistes aigris ou confits dans la richesse. Tandis que dans Crémation (Rivages, 2009), il épingle la financiarisation des années 1980, la spéculation immobilière, la corruption, les inégalités, la paupérisation… D’Ivan Repila à Pau Miro en passant par Isaac Rosa ou Sara Mesa, tous les jeunes talents de la littérature ibérique en conviennent : Rafael Chirbes était « le » grand écrivain de la crise espagnole. Et bien au-delà. Le peintre de la débâcle européenne actuelle.Né en 1949 près de Valence, Chirbes avait perdu son père, cheminot, à l’âge de 4 ans. Sa mère, modeste garde-barrière, ne pouvant s’occuper de lui, le jeune et précoce Rafael avait été envoyé dans un établissement pour orphelins du chemin de fer. A Avila d’abord, puis à Léon et à Salamanque. Dans ces endroits austères — il décrivait des pensionnats froids dans des paysages granitiques enneigés —, l’écriture n’allait pas tarder à devenir son seul refuge.En janvier, Chirbes était passé à Paris. Nous l’avions rencontré, près de Notre-Dame, et il ne cachait pas son émotion. « J’ai vécu un an en France en 1969, racontait-il dans un français parfait. A 20 ans, j’ai quitté l’Espagne franquiste, irrespirable, pour le Paris d’alors, le Paris des intellectuels qui à l’époque faisait rêver. Je voulais respirer, lire Marx, Lénine, Sartre, aller au cinéma voir Le Cuirassé Potemkine et La Bataille d’Alger. » Il disait aussi comment, pendant la transition démocratique, il s’était senti « mal à l’aise » dans son pays. Après des études d’histoire, il avait refait ses valises, direction la France puis le Maroc. Il était devenu libraire, professeur, secrétaire de rédaction dans la presse du cœur, critique gastronomique, critique littéraire… sans jamais abandonner l’écriture romanesque.Lire aussi :Rafael Chirbes, les pépites et la boue« Je n’aime pas qu’on me cajole »« Si je devais trouver une formule, je dirais qu’il est l’écrivain des ombres », résume joliment son éditrice chez Rivages, Nathalie Zberro. « Par exemple, Franco en lui-même ne l’intéresse pas. C’est l’ombre qu’il a continué à projeter sur son pays qui devient un sujet pour Chirbes. Quelle est la portée intime de l’événement ? Que signifie vivre, aimer ou rire après la dictature ? Quelles sont les implications profondes, humaines, dans la conscience de chacun ? »L’œuvre de Chirbes est totale. Elle parle d’histoire, de faille économique, mais aussi de sexualité, d’amour, des bars qui sont les derniers lieux du lien social, de la décomposition des cadavres, de la mémoire qui s’effrite comme les illusions politiques. « “Chirbes contra Chirbes”, c’est ainsi qu’il définissait sa position de romancier, ajoute Nathalie Zberro. La gauche bien sûr, mais aussi le camp d’en face. Il se faisait un devoir de traiter avec la même acuité tous les sujets qui passaient par le filtre de sa création. Il ne voulait pas devenir le symbole d’un parti et prenait garde d’éviter les cases réductrices, de cultiver les paradoxes. » Chirbes disait d’ailleurs : « Quand je lis un livre, je n’aime pas qu’on me cajole comme un chat. Mais si on me prend à rebrousse-poil, alors, là, ça commence à m’intéresser. »Florence NoivilleJournaliste au Monde 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine), envoyé spécial) En mai et juin 2008, le groupe américain Sparks des frères Ron et Russell Mael avait joué sur scène, à Londres, l’ensemble de ses albums dans l’ordre chronologique. Un par soirée, soit vingt et un concerts pour autant de disques, depuis le premier, sous le nom Halfnelson, produit par Todd Rundgren et sorti en 1971, jusqu’à leur dernier d’alors. Sparks poussait ainsi au plus loin cette vogue qui depuis quelque temps menait de nombreux groupes à interpréter sur scène leurs enregistrements les plus connus dans leur intégralité. Ces derniers temps, Patti Smith joue ainsi Horses, sorti en décembre 1975, et The Rolling Stones ont refait Sticky Fingers, qui date d’avril 1971.A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), c’est plus modestement et en accord avec sa ligne rock indépendant que La Route du rock a commencé sa 25e édition, jeudi 13 août, avec la présentation de Neon Golden de The Notwist. Un concert organisé à La Nouvelle Vague, salle un peu à l’écart du centre-ville.Sorti en janvier 2002, le cinquième album du groupe allemand a été un peu celui de leur révélation à un public plus large, tout en restant assez spécialisé. Ceux qui sont à La Nouvelle Vague en connaissent dans leur majorité le contenu. Et réagissent de manière positive à une interprétation qui tout en collant à l’original densifie, réinterprète parfois les dix compositions de l’album. En bonus la chanson « Different Cars and Trains » s’insère dans la chanson-titre « Neon Golden » pour ce qui restera le moment le plus mémorable de ce retour au passé de The Notwist, dans sa part pop et rock, un rien psychédélique, parsemée de striures électroniques. Avec la prestation toujours habitée, troublante, partant dans des improvisations vocales qui sont autant d’histoires de son quotidien, du tendre au tragique, du chanteur et guitariste Mark Kozelek, venu avec son groupe Sun Kil Moon, le festival prenait ainsi un fier envol.Vidéo de la chanson « Pick Up The Phone », extraite de l’album « Neon Golden » (2002) de The NotwistLe lendemain, vendredi 14 août, direction le fort de Saint-Père, à une vingtaine de minutes en bus au nord de Saint-Malo, lieu principal de La Route du rock jusqu’au 16 août. D’abord pour y vérifier le résultat des nécessaires travaux d’aménagement du site faits depuis le début de l’année. Avec son sous-sol en terre argileuse qui retient l’eau, la grande cour du fort et ses abords devenaient une baignoire boueuse dès qu’il y avait de fortes précipitations. Le creusement du sol, qui a été empierré, et l’installation de fosses de collectage des eaux étaient les principaux chantiers, avec la pose de conduits enterrés permettant de faire passer des câbles techniques.La journée de vendredi ayant connu des pluies régulières depuis le matin jusqu’à la fin de l’après-midi, un évident très gros mieux était constaté. Si le chemin qui mène au fort reste glissant et que quelques flaques subsistent sur le site, l’essentiel de la surface qui accueille les deux scènes et les boutiques est nettement mieux praticable. Des travaux qui ne concernent d’ailleurs pas que les festivaliers, mais qui bénéficieront aux visiteurs à l’année du fort, dont la commune souhaite développer les possibilités (concerts réguliers, foires commerciales…).Les organisateurs ont aussi repensé la géographie du site festivalier. Et notamment le goulot d’étranglement que constituait la petite scène, dite « des remparts », qui avait été installée sur la droite de la grande scène, près de l’entrée/sortie du public. Elle lui fait désormais face, avec un double passage plus large qui permet une fluidité des déplacements. On passe ainsi aisément de Wand, qui ouvrait la soirée de vendredi, au Thurston Moore Band, de Fuzz à Algiers puis à Timber Timbre, etc.Wand, donc, quartette californien pour le premier concert de sa tournée européenne, qui se révéla plutôt brouillon dans une option beaucoup de bruit pour pas grand-chose de très probant. Seul mérite, celui de donner la couleur musicale de la première partie de la soirée. Guitares en avant, rythmique très rock avec ensuite le groupe de Thurston Moore puis Fuzz et Girl Band. Moore, cofondateur de Sonic Youth (1981-2011) peut désormais figurer en sorte de parrain de nombre de groupes donnant dans le trio stylistique garage-punk-grunge. L’expérience en plus, l’attention aussi au geste musicien, dans une approche rock presque classique (« Forevermore », « The Best Day »…). Le finale d’« Aphrodite » sera, lui, c’est dommage, trop long et redondant dans ses effets bruitistes, évocation guère utile du passé le plus furieux des premiers temps de Sonic Youth.La chanson « The Best Day », extraite de l’album du même nom de Thurston Moore, paru en octobre 2014Le groupe Fuzz de Ty Segall, où il joue de la batterie, laisse, lui, perplexe. Le multi-instrumentiste et chanteur californien apparu au milieu des années 2000 enregistre beaucoup, multiplie les projets, explore de nombreux styles. Là, dans un gros son, lourd, avec excès d’effets de déformation de la voix, de la guitare et de la basse, Fuzz accumule des citations des univers musicaux de Jimi Hendrix et des précurseurs britanniques du heavy metal Black Sabbath. Sans rien en faire, ce qui est vite lassant d’inintérêt.Tout le contraire d’Algiers, groupe venu d’Atlanta, qui d’une certaine manière constitue un prologue à la seconde partie de la soirée, plus électro (Ratatat, Rone). Ici, le travail sur les formes musicales, la confrontation des genres aboutit à un propos créatif. Avec des éléments de gospel et de soul qui viennent nourrir des plages sombres, tendues et des éclats punk. En point de mire, le chanteur Franklin James Fisher, corps musicien, et le bassiste Ryan Mahan, qui se frappe la poitrine, déambulent. Scéniquement intense et le moment le plus fort de la nuit.La vidéo de la chanson « Black Eunuch », d’Algiers, extraite de leur album « Algiers », sorti en juinLa Route du rock, à Saint-Malo et Saint-Père. Prochains concerts : Foals, The Soft Moon, Lindstrom, Hinds, Daniel Avery… le 15 août ; Father John Misty, Savages, Ride, The Districts… le 16 août. 39,50 € par jour.Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine), envoyé spécial)Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 15h02 | Alain Constant Documentaire, à 23 h 20, sur ArteRetour sur l’étonnante tournée 1987 de Billy Joel en Union soviétique (samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte). A l’époque, le mur de Berlin n’était pas encore tombé, Gorbatchev était au pouvoir depuis seulement deux ans et le rock anglo-saxon n’avait pas vraiment bonne presse en Union soviétique. Aux Etats-Unis, Billy Joel, pianiste et chanteur super­star aux millions de disques vendus, décide de tenter une aventure inédite : effectuer une tournée en URSS. Aucun rocker yankee (ou prétendu tel) n’avait joué au pays des Soviets.Il y avait bien eu un musicien américain fêté comme un héros à Moscou en pleine guerre froide, mais il s’agissait de Van Cliburn, pianiste classique, vainqueur du concours Tchaïkovski en 1958 !Musique et politiqueLe premier Américain à tenter de faire se déhancher les foules soviétiques en direct sera donc Billy Joel, en 1987. Cet étonnant documentaire relate avec minutie et pas mal d’émotion cette aventure mêlant étroitement musique et politique. « A l’époque, comme beaucoup d’Américains, j’avais peur de l’URSS et de ses habitants. Je croyais qu’ils n’avaient qu’une idée en tête : détruire les Etats-Unis ! », avoue l’intéressé. Quelques jours avant le grand départ, Billy Joel est obligé de justifier un tel projet auprès de l’opinion publique américaine, lors d’une conférence de presse tenue à New York. Œuvrer pour le rapprochement entre Américains et Soviétiques à travers des concerts de rock ? Pourquoi pas. Mais la star accepte à une condition : pouvoir venir en famille, avec son épouse et sa fille. Condition acceptée par les autorités soviétiques. Ne lésinant pas sur les moyens techniques (les mêmes que ceux de sa gigantesque tournée européenne), l’équipe de production ne passe pas inaperçue en URSS : les seize camions semi-remorques, les tonnes de matériel et les 130 membres de la tournée font chavirer les foules.Première étape : Tbilissi, en Géorgie. L’accueil est très chaleureux, la famille Joel se balade sur les marchés, visite un monastère et, lors du premier concert, le public, d’abord intimidé, se laisse peu à peu aller. Seconde étape : Moscou, où trois dates sont prévues en cette fin juillet 1987. Le premier concert est délicat : les premiers rangs sont occupés par des officiels qui restent de marbre alors que le fond de la salle ne boude pas son plaisir. Au bout de trois chansons, les premiers rangs s’éclaircissent, des jeunes prennent leurs places et la folie commence. « Billy aimait foutre la merde, bousculer l’ordre établi. il a pris un micro sans fil, est allé au fond de la salle, chauffant le public. C’était sa manière à lui de dire “lâchez-vous, c’est de la musique !” » Les concerts suivants à Moscou puis ceux de Leningrad vont confirmer ce que les nombreux témoignages recueillis dans ce documentaire laissent entendre : cette tournée dépasse de loin le simple événement culturel. Les concerts tournent au délire, de jeunes soldats se déhanchent et envoient valser leurs casquettes sur scène et Billy Joel, à la fois ému et excité, donne le meilleur de lui-même. Au fil des concerts, il parle de plus en plus au public avec, à ses côtés, le jeune Oleg, un traducteur indépendant que la star a imposé en lieu et place de l’habituel traducteur officiel. « Il a ouvert une brèche. Les concerts donnés par Billy et ses musiciens en URSS ont fait exploser les barrières mentales », assure un témoin.Billy Joel au pays des Soviets, de Jim Brown (Russie, 2013, 75 min). Samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 14h52 | Josyane Savigneau Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10Une passionnante traversée met à « mâle » bien des clichés et des contre-vérités.Dix heures pour en finir avec les clichés sur Simone de Beauvoir (1908-1986) : intellectuelle froide, hautaine, raisonneuse, voix péremptoire… Et pour contredire les propos d’un homme – on se demande pourquoi il n’est pas nommé – qui la « déteste ». C’est une mauvaise romancière, « le garde-chiourme de Sartre », et elle a écrit un livre « dégueulasse », La Cérémonie des adieux. Ou ceux d’un autre homme – on reconnaît la voix de Michel Onfray – pour qui Sartre et Beauvoir ne se sont jamais intéressés à qui que ce soit et n’avaient qu’un but : « laisser leur nom dans l’histoire ».Christine Lecerf et sa réalisatrice Christine Diger avaient donc fort à faire, en cinq chapitres : « Une jeune fille rangée », « Naissance d’une écrivaine », « L’Amérique au jour le jour », « La Force des choses », « Le Deuxième sexe ». Le défi était excitant et le résultat est passionnant. On découvre une Simone de Beauvoir généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout ». Les extraits d’entretiens sont pertinents, tout comme le choix des textes, qui font entendre la phrase de Beauvoir et à eux seuls mettent à mal bien des calomnies dont elle est encore victime. En revanche, l’habillage musical quasi constant est parfois pénible.Construction de la libertéLa première émission, « Une jeune fille rangée », est particulièrement réussie, car à travers les témoignages d’amis (Gérard Bonal, Madeleine Gobeil), de Sylvie Le Bon de Beauvoir (sa fille adoptive) et de Claude Lanzmann (qui a vécu plusieurs années avec elle), on voit comment, après ce qu’elle nommait « le bonheur de berceau » – une enfance heureuse –, Simone de Beauvoir veut construire sa liberté : « Je ne me suis pas révoltée au jour le jour, dit-elle, mais j’ai gardé un très grand dégoût par la suite pour ces institutions bourgeoises. Une espèce de bêtise m’a sauté aux yeux. J’ai voulu m’en dégager. Je voulais inventer ma vie. »« Inventer sa vie », c’était devenir écrivaine, et, dans sa relation avec Sartre, échapper aux stéréotypes du couple marié. Ils étaient plutôt « un binôme », comme l’indique l’écrivaine américaine Siri Hustvedt, dont le témoignage est l’un des plus enthousiastes, avec celui de la féministe Kate Millett. Siri Hustvedt admire « toute cette joie que Simone de Beauvoir prenait aux choses ».« Même si elle détestait l’Amérique, un pays exaspérant », selon Kate Millett, « elle se délectait de l’Amérique, comme l’enfant d’une friandise ». L’Amérique, c’est avant tout son histoire d’amour avec le romancier Nelson Algren (1909-1981). Ils se sont écrit de 1947 à 1963 et, grâce à Sylvie Le Bon de Beauvoir, on a pu lire les lettres de Beauvoir, qu’elle a déchiffrées et traduites. Elle avait aussi traduit les lettres d’Algren, mais ses ayants droit ont interdit la publication. Dans la troisième émission, on a un beau et émouvant portrait d’Algren, par ses amis.Pour parler de cet amour, prendre pour guide Irène Frain, qui a romancé cette histoire dans un Beauvoir in love excessivement sentimental, n’était peut-être pas le choix le plus judicieux. On pourra préférer les points de vue moins enflammés de Pascale Fautrier, Fabrice Rozié ou Jean-Louis Jeannelle, qui tous trois ont travaillé sur Beauvoir.Dans son livre autobiographique La Force des choses, quelques mots, « combien j’ai été flouée », ont fait couler de l’encre. On entend ici enfin la réponse de Beauvoir à tous ceux qui en ont déduit – avec jubilation – qu’elle avait raté sa vie : « Je suis très contente de ma vie. Mais il y a un moment où, quand on se retourne, une vie, même réussie, est d’une certaine manière un échec. » « Il y a une qualité d’absolu qu’on ne peut pas atteindre. »On découvreune femme généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout »Comment parler du Deuxième Sexe après tout ce qui a été dit et écrit depuis 1949 ? Christine Lecerf a trouvé une réponse habile en laissant la parole à Sheila Malovany-Chevallier et Constance Borde, qui ont fait une nouvelle traduction du livre – jadis amputé de 20 % – en anglais. Elles ont pris tant de plaisir à ce travail que c’est un bonheur de les écouter. Toutefois, dans cette dernière émission, on regrettera l’absence de certaines féministes françaises, en premier lieu de Liliane Kandel.Comme on s’étonne de ne pas entendre, en dix heures, Danièle Sallenave, auteure d’un remarquable Castor de guerre, et qui aurait pu répondre à Annie Ernaux qui, comme toujours, insiste sur la différence sociale entre Beauvoir et la jeune lectrice qu’elle était. Pour Sallenave, la leçon de Beauvoir est que, quel que soit le milieu auquel on appartient, il faut s’en arracher pour inventer sa liberté.Heureusement, Elisabeth Badinter rappelle à quel point Beauvoir a « ouvert les portes de la prison ». « Elle est universaliste, elle récuse le mode de complémentarité entre hommes et femmes qui va revenir plus tard. Je me rattache à son modèle, qui est minoritaire aujourd’hui. » En effet, au terme de cette aventure de la liberté qu’est la vie de Beauvoir, on se demande si, vingt-neuf ans après sa mort, les portes de la prison ne sont pas en train de se refermer.« Grande traversée : Simone de Beauvoir, absolument », de Christine Lecerf. Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Documentaire sur Arte à 13 h 35 Michael Wadleigh a filmé ce qui est demeuré le plus mythique des concerts : Woodstock.Trois heures et demie de pur bonheur télévisuel ? On y est presque avec ce film de Michael Wadleigh datant de 1970 et consacré au mythique rassemblement de Woodstock. Durant trois jours, du 17 au 19 août 1969, le plus grand festival de musique jamais organisé réunit, dans un immense champ du comté de Bethel, dans le nord de l’Etat de New York, des centaines de milliers de jeunes.Les organisateurs en attendaient 200 000, ils seront près d’un demi-million, attirés par une programmation musicale haut de gamme, mais aussi par la volonté de vivre une aventure collective sortant de l’ordinaire.Emouvants, drôlesWoodstock devient le lieu rêvé pour planer, faire l’amour, danser, prendre une leçon de yoga collective, se promener à poil ou jouer dans la boue avec les enfants en bas âge, eux aussi très nombreux.A la manière d’un documentaire, avec un écran souvent divisé en deux qui permet de multiplier les points de vue, Wadleigh et son équipe (dont le jeune Martin Scorsese) vont et viennent au milieu de la foule, effectuent des micros-trottoirs (ou plutôt des micros-champs), filment au plus près le bonheur d’une jeunesse américaine chevelue et pas encore rentrée dans le rang. La beauté des corps, les sourires, les rires, les galères, l’entraide, tout y passe. Sur l’immense scène, on lance régulièrement des messages à caractère personnel.Janis Joplin, Santana, The Who...Les stars de la contre-culture, mais pas seulement, sont venues et la plupart sont émues face à une telle marée humaine. Mais plus que les extraits de concerts de Janis Joplin, des Who ou de Santana, plus que les solos de Jimi Hendrix ou les délires du batteur de Country Joe and the Fish, ce sont les témoignages des jeunes qui font la force de ce film unique.Souvent émouvants, drôles, d’une lucidité féroce sur la société capitaliste, ces gamins racontent leurs vies, leurs relations amoureuses, leur bonheur d’être si nombreux. Certains font sagement la queue pour utiliser les téléphones mis à leur disposition et rassurer les parents. D’autres jouent les penseurs face caméra, comme ce blondinet : « Ces gens viennent ici pour avoir l’impression d’être quelque part. Tout le monde est à la recherche d’une réponse là où il n’y en a pas… »Woodstock, Three Days of Peace and Music, de Michael Wadleigh (Etats-Unis, 1970, 225 min). Vendredi 14 août, à 13 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart  « Docu-série » à 22 h 50 sur E ! La série « Appelez-moi Caitlyn », sur E !, narre la transition d’homme à femme voulue par l’ancien champion olympique Bruce Jenner.Le 30 juillet 1976, Bruce Jenner, 26 ans, devenait un héros pour son pays, les Etats-Unis, en gagnant aux Jeux olympiques de Montréal la médaille d’or du décathlon. Dans les années qui suivirent, on le vit à la télévision américaine commenter les sports, prêter son nom et son visage à différentes campagnes de publicité. Puis Jenner disparut plus ou moins de la sphère publique, divorçant, se remariant et jouant les (plus ou moins) bons pères de famille auprès de ses quatre enfants.Mais Jenner a un lourd secret qu’il révèle à ses deux épouses : depuis l’enfance, il s’est toujours senti femme. A nouveau divorcé, il prend des hormones et songe à une transition sexuelle que l’époque n’encourage guère. Cependant, Jenner est toujours hétérosexuel et rencontre Kris Kardashian, qui allait devenir sa troisième épouse.Cette femme d’affaires avisée et ambitieuse sera à l’origine de « L’Incroyable Famille Kardashian », une indiscrète et vulgaire série de télé-réalité tournée au sein même de sa famille, lancée en 2007 par la chaîne E ! et depuis diffusée dans le monde entier. Bruce Jenner y apparaît, mais les vedettes en sont surtout son épouse et ses trois belles-filles, Kim, Khloé et Kourtney Kardashian. La série rend compte des hauts et des bas des relations familiales : la séparation des époux Jenner, leur divorce et le « secret de Bruce » sont inévitablement évoqués. Les paparazzis ont d’ailleurs déjà fait « fuiter » détails graveleux et photos indiscrètes.Coming out médiatiqueJenner n’a plus le choix : il lui faut rendre publique sa transition. Ce sera fait, le 24 avril, sur ABC : pendant deux heures, devant près de 17 millions de téléspectateurs, Dyane Sawyer, journaliste vedette de la chaîne, confesse l’ancien champion olympique, qui annonce officiellement sa décision de devenir femme.L’émission fait partie d’un plan médiatique soigneusement conçu : le 1er juin, Vanity Fair montre Jenner en couverture, transformé miraculeusement en vamp, après une augmentation mammaire complétant un régime d’hormones féminines. Le cliché de la photographe vedette Annie Leibovitz est titré : « Je m’appelle Caitlyn. »En juillet, E ! lance une nouvelle émission, « I am Cait », qui filme la nouvelle vie de Caitlyn Jenner. Présenté comme une « docu-série », le programme menaçait cependant d’être modelé sur le navrant principe de « L’Incroyable Famille Kardashian ». Mais Jenner et ses producteurs ont eu l’intelligence d’échapper au bête voyeurisme : Caitlyn Jenner s’y montre au service de la communauté transgenre nord-américaine, évoque les cas dramatiques de suicide chez de jeunes transexuels, les problèmes de chômage dans la communauté (14 %, plus que le double du taux de chômage de la population générale). Elle s’entoure pour ce faire de parents d’enfants transgenres, de transexuels hétérosexuels et homosexuels fameux (l’actrice Candis Cayne, l’universitaire Jennifer Finney Boylan) ou non.Jenner reste campée sur quelques idées réactionnaires conformes à son affiliation politique auprès du Parti républicain (elle se demande si les aides apportées aux transexuels ne les découragent pas de chercher du travail, ce qui horrifie naturellement celles qui n’ont eu pour survivre que le recours à la prostitution). Mais il semble que Caitlyn, dont la transformation physique est époustouflante, et sa série – suivie par un énorme public – puissent contre toute attente diffuser la cause méconnue des transexuel(le)s.Appelez-moi Caitlyn, chaque vendredi sur E !, à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 20.08.2015 à 21h10 • Mis à jour le21.08.2015 à 09h25 L’important incendie qui s’est déclaré, pour une raison encore inconnue, dans la nuit de mercredi à jeudi 20 août à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, repousse « à une date encore indéterminée » l’ouverture prévue le 15 octobre du centre commercial Vill’Up.Le feu, qui a mobilisé 120 pompiers et une trentaine d’engins, a pris dans une partie du bâtiment qui était en travaux, et donc pas protégée par une alarme. « Ce sont des palettes, des cartons, des cloisons en placoplâtre, des faux plafonds, des gaines électriques » qui ont brûlé, selon les pompiers. Une surface de 10 000 m² a été touchée.Le futur cinéma Pathé fortement endommagéLe projet Vill’up, accolé au musée de la Villette, dans le nord-est de Paris, se présente comme un centre commercial d’un nouveau genre, misant essentiellement sur les loisirs. Il doit accueillir sur 25 000 m2 une cinquantaine de boutiques et de restaurants, un cinéma de seize salles, un laser game et un dispositif de chute libre. Maurice Bansay, PDG de l’exploitant Apsys, a déclaré que l’ouverture du complexe était « différée à une date encore indéterminée ».Lire (en édition abonnés) : Fini les galeries marchandes, vive les centres de loisirsLes dégâts liés au feu se sont concentrés sur le multiplexe Pathé, en particulier dans le hall et dans deux salles de projection. Le reste des dégradations est surtout dû à l’eau déversée pour éteindre l’incendie. Un audit du site est en cours pour dresser un bilan complet. « C’est à l’intérieur de notre travée qu’est parti l’incendie – la Cité des sciences n’a pas été endommagée, explique Maurice Bansay. Mais seule l’enquête pourra permettre de déterminer avec précision les causes du sinistre. »La création du complexe installé dans une aile non exploitée de la Cité des sciences a coûté 110 millions d’euros. Les travaux de construction, qui avaient commencé il y a plus de deux ans, étaient presque terminés. Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial) Mardi 18 août. La 38e Hestejada de las arts (« festivité des arts ») à Uzeste (Gironde) est lancée. Colline sud du château de Roquetaillade, feu d’artifice, opéra, intitulé Fraternité. Devise de la République, version Bernard Lubat, énergumène, artiste poïélitique, meneur de bande, batteur psycho-tripe : « Liberté », on connaît, ça sert un peu à tout, et surtout au reste. « Egalité », on est loin du compte. « Fraternité », personne ne s’en occupe.La compagnie Lubat au complet, plutôt augmentée, avec son inusable Fabrice Vieira, guitare et direction musicale, Lubat père (claviers) et Lubat fils (grand batteur, désormais), au four et au moulin et, en guest-star tout là-haut sur la colline, complet croisé, cravate bleu de guesde, chapeau très strict, Monsieur Archie Shepp. C’est un habitué des lieux.La figure charismatique de la « New Thing », icône de la musique afro-américaine, poète activiste, dramaturge, immense bluesman poussé au soleil de John Coltrane et adulé en Europe, Archibald Shepp est né en 1937 à Fort Lauderdale (Floride). Il est, avec Michel Portal, Sylvain Luc, Patrick Auzier, François Corneloup, André Minvielle, Marc Perrone, Louis Sclavis, Monique Chemillier-Gendreau, Laure Duthilleul, Marcel Trillat, plus une douzaine d’inspirés, plus ou moins géniaux, plus ou moins faiseurs, le cœur nucléaire d’Uzeste. L’équipe première à géométrie variable. Un jour, on parlera de Lubat comme on le fait de Jean Vilar ou d’Ariane Mnouchkine. Autorité et rayonnement compris. Tout le monde prétendra alors être allé à Uzeste, avoir connu cette ambiance de délire et d’invention. De désenchantement et d’exaltation. C’est faux. On vous le dit, c’est faux.Uzeste musical ? L’art comme activité de connaissance et de lumière (voir éducation populaire) ; l’inconnaissance, voilà le fléau ; la liberté artistique comme oxygène philosophique ; le marché nous a donné le mauvais goût de la musique, sucrée à mort, industrialisée, radioactive à souhait. Effet inverse, vous trouverez à Uzeste et alentour plus de concerts emballants, de prestations déconcertantes, de concertantes prestigieuses qu’ailleurs. Ailleurs où tout est tendu vers le nombre, la satisfaction des élus, l’abjecte volonté de plaire.Rien n’est à l’heureMardi 18 août, 22 h 21. Une fois n’est pas coutume à Uzeste, un « opérartifice très rare » – un acte, une action, une délibération, un débat, un joyeux bordel, une fête, un bal, une polyphonie aux airs de « catastrophe apprivoisée » (Cocteau à propos du jazz), bref, tout sauf un « concert de festival » – commence en retard. A cause du public. Comme les voitures n’arrêtent pas de monter, la foule de se presser, la fraîcheur de s’installer, le ciel de s’étoiler, la Hestejada de fraterniser, Fraternité est d’un poil retardé.Depuis l’an 685, la même famille habite à Roquetaillade, situé entre Langon et Bazas, forteresse exemplaire d’Aquitaine, perfectionnée par celui dont il ne convient plus, j’espère, de s’offusquer : le grand Viollet-le-Duc. La visite dure une heure. Pour en revenir à Uzeste musical, le retard est ici endémique. Il faut dire que le programme, dans le style des repas de mariage autour de Bazas, du 16 au 23 août, est réglé comme du papier à musique, presque comme un emploi du temps en cure de thalassothérapie, mais rien n’est à l’heure.Le 18 août, tout a démarré (10 h 30, enfin, 10 h 45) après un verre, par un débat entre syndicalistes, acteurs, « approximatifs » et « spect-acteurs ». Puis, petite soif, apéro. Après quoi, Voix-Off, un documentaire de Yann Gaonac’h sur une proposition de la CGT (attention, ici, terre de « cocommunistes », dit Lubat), deux duos de deux, une exploration numérique par Marc Chemillier (ordinateur et trompette de Paolo Chatet), performance de Véronique Aubouy (tentative de résumer la Recherche en une heure), une conférence d’anthropologie, une réflexion d’Archie Shepp (De quoi le jazz est-il ce nom ?), re-apéro, et première fusée dans le cosmos.Aux entrées, les « bénévoles » font les bénévoles : bruyants, importants, serviables, mignons comme des cœurs, bavards comme des pies, inutiles, précieux, indifférents à la musique, partout pareil.Feux d’artifice pour rirePoint zéro (22 h 21) : les artificiers (la Cie Pyr’Ozié) montent derrière leur porte-voix vers la scène (366 secondes). Décor, le château. Voûte étoilée comme celle de Montserrat où André Masson et Georges Bataille, en 1934, connurent une extase. Ne manquent que les orages désirés. Il se lèvent.Les douze artificiers arpentent la colline, c’est déjà tout un drame médiéval. Ils allument le pré sur fond de mascleta (détonations et pétarades de guerre). Les musicos entrent en transe, sur fond de « bataille de comètes » (langue technique d’artificier) et de grosses bombes. Musique réglée par Bernard Lubat, sur éclairage progressif de « pots de flammes » (silice). Ici, la fiche technique, la partition, dit sobrement : pour le côté « pyro », « fontaines et cascades », « bombes à paillettes or ». Partition : « free ».Salve bleu, blanc, rouge, quatre salves de cœurs et quatre de détonations. Lubat scande dans les fumées de toutes les couleurs : « fraternité, fraterminé, fraterminable… » Inconscient sonore et visuel, les nuits de Damas, de Lattaquié, d’Alep où j’ai vécu. Pensée pour ceux qui s’enfuient, se réfugient, s’exilent. Amour des feux d’artifice pour rire. Ils font peur aussi.Tableau 7 : Shepp le magnifique entre pour la première fois. Solo. « Atmosphère embrasée plus final clignotant ». Plus tard, ce ne sont que fontaines, cascades, gros « tir frisson » pour en finir. Retour au calme : sur fumeroles et couleurs douces, deux voix s’élèvent. Lucie Fouquet et Juliette Kapla, cantatrices, sur une œuvre du compositeur baroque bien connu, Leonardo Leo (1694-1744). « Pyro rouge », énormes boules de feu, cantatrices, Lubat, bouquet final, énorme chorus ensemble et Archie Shepp chante un blues terrible sur fond d’embrasement rouge. Peur, joie, apothéose, Révolution, fraternité. La vie ? C’est l’éternité allée avec le feu. On ne croit plus en rien, c’est ce qui nous tient debout, ensemble, extricables, plus sûrs de l’espoir que jamais.Initiatives coco-libertaires en rase campagne38 ans que ça dure. 38 ans de créations éblouissantes. 38 ans d’initiatives coco-libertaires en rase campagne. 38 ans que tout le monde connaît la folie Uzeste. 38 ans que ceux qui n’y ont pas mis les pieds continuent à confondre Uzeste en Gironde et l’Uzès de Madame de Sévigné : Uzeste, c’est l’autre, un village charmant de la Haute-Lande où tout le monde dansait à la Libération, en 1945, lorsqu’est né Bernard Lubat. Son père, Alban, jouait pour le bal, et Marie sa mère faisait les omelettes aux cèpes. Leur estaminet existe encore, avec son graphisme, ses mots d’ordre libertaires, dadaïstes, poïélitiques.Comme écrivait Matisse à son fils, en 1913 : « Si chacun avait fait son métier comme Picasso et moi – adaptez : Lubat et Vieira, Portal, Auzier, Laure, etc. –, on n’en serait pas là. »Les Auzier, père et fille, artificiers diplômésFraternité, feu d’artifice et opéra, est placé sous la direction artistique de Margot Auzier, fille de Patrick Auzier. Lequel, puisqu’il jouait du trombone de façon très personnelle, s’est lancé sans appui dans la pyrotechnie. Ses feux d’artifice étaient très réputés, filaient des frissons et semblaient démarrer par le bouquet, continuer par le bouquet, finir par le bouquet. A force, la préfecture lui a accordé son diplôme, puisqu’il pratiquait. Installant des feux de la Saint-André qui couraient dans le public sous les cris d’effroi et de joie. Déclenchant un festival pyrotechnique à Châteauvallon (Var), l’année de la grande canicule (1976). Côté musique : Michel Portal, Bernard Lubat, Beb Guérin et Léon Francioli.Sous sa houlette, sa fille Margot, 24 ans, qu’on a connue toute petite déjà, prend le relais : « Le diplôme, c’est un peu de formation, énormément de législation, et pas mal d’apprentissage sur le terrain. Titulaire du niveau 2, je peux donc être directrice artistique. Pour un feu opéra, il s’agit d’écrire en commun, concevoir, prévoir les effets. Tout dépend du site, du vent, du climat, de l’humidité, et de cent autres impondérables.Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas “répéter”. Les tableaux aériens, le rythme, les effets, on voit ce que ça donne au moment d’appuyer sur le bouton. Je fais une dizaine de feux par an, Patrick continue de travailler avec moi, mais lui, il vient d’une tout autre époque. La sécurité reste évidemment au cœur de l’acte : la surveillance de l’ascension, de l’explosion, des temps et des tempos.Un feu, c’est toujours puissant, impressionnant, ça crée des émotions, des tensions. J’aime beaucoup les “frissons”, les “clignotants”, les “feux qui retombent en poussière verte”, les “parapluies”, et le “soleil”. Ces deux dernières pièces viennent d’Espagne. Le reste, nous l’achetons à trois fournisseurs. Un feu comme celui du 18 août à Roquetaillade coûte 10 000 euros, TTC, salaires et frais de déplacements compris. Il a duré 1 h 05. On a multiplié les effets, mais le plus délicat reste d’harmoniser le feu avec la musique. On aurait pu faire mieux, je suis contente, mais pas très satisfaite. »F. M.Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial)Journaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol) La rumeur, qui prenait de l’ampleur depuis le début de la semaine, était devenue une certitude au regard du faisceau d’indices concordant et malgré le secret remarquablement bien gardé pour un projet de cette ampleur. Le plus célèbre et à la fois le plus anonyme des artistes de rue, le Britannique Banksy, originaire de Bristol, a concocté un nouveau coup d’éclat à une trentaine de kilomètres de sa ville natale, en bord de mer, à Weston-super-Mare. L’artiste a dévoilé, jeudi 20 août dans la matinée, le programme et le principe de son Bemusement Park (« parc de la perplexité »), qui prend le contre-pied des parcs Disney pour offrir une vision moins flatteuse de la société. « La nouvelle attraction touristique la plus décevante de Grande-Bretagne », prévient le slogan qui accompagne un montage volontiers grotesque. Comme attendu, l’annonce en a été faite sur un site Internet consacré à l’ambitieuse opération : dismaland.co.uk, qui donne les grandes lignes de l’organisation et du programme de l’opération, qui sera ouverte pendant cinq semaines, du 22 août au 27 septembre.Priorité est donnée aux locaux de la petite ville balnéaire tombée en désuétude de Weston-super-Mare, soudain devenue the place to be : les habitants pourront visiter le parc dès vendredi. Le site renvoie pour eux vers la presse locale, qui a pu avoir accès aux informations sous embargo, comme le journal Mercury. Une soirée de lancement sur invitation aura lieu vendredi soir. En bord de plagePour les autres, il faudra attendre vendredi matin l’ouverture de la billetterie en ligne, qui proposera des tickets (au prix de 3 livres (4,20 euros) par personne) jusqu’à dix jours à l’avance. Sur place, quelques billets seront vendus chaque jour en complément. Chacun aura la possibilité de réserver une entrée en journée, de 11 heures à 18 heures, ou en soirée, de 19 heures à 23 heures. Chaque jour, 4 000 visiteurs auront accès au site, large espace en bord de plage connu sous le nom de « Tropicana », qui offrait jusqu’à il y a une quinzaine d’années une piscine en plein air.Cinquante-huit artistes participent à ce très attractif parc d’attractions, exposition hors norme dont le commissaire est Banksy lui-même. Parmi les grands noms, hormis Banksy : l’artiste contemporain Damien Hirst, également originaire de Bristol, ou encore l’artiste américain Mike Ross, dont la sculpture, dépassant depuis quelques jours des murs de Dismaland, avait déjà été identifiée. Créée à partir de deux camions de transport de pétrole, Big Rig Jig, sculpture en forme de S (de dollar), que les visiteurs peuvent escalader de l’intérieur, avait, en effet, été un des moments forts du festival d’art alternatif Burning Man, dans le désert du Nevada, en 2007. On notera qu’aucun artiste français ne figure parmi les participants. Les réjouissances se prolongent sur scène, avec cinq dates de concert annoncées, en plus de soirées mises en musique par des DJ chaque samedi soir. Le duo de rappeurs américains Run the Jewels se produira le 5 septembre. Le 25 septembre, Massive Attack, fameux groupe bristolien, qui avait lancé le trip-hop dans les années 1990, partagera notamment l’affiche avec Pussy Riot, le groupe de punk russe et féministe que ses déboires avec Vladimir Poutine ont érigé en icône de la contestation.Une petite note en bas de la page d’accueil du site précise que bien que le parc soit ouvert à « toute la famille », « l’état du lieu, l’usage intensif de stroboscopes et l’imagerie des œuvres ne sont pas adaptés aux jeunes enfants ». Les seules choses « strictement interdites » sont « les bombes de peinture, les marqueurs, les couteaux et les avocats de Disneyland ».Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet Métal lourd, le tungstène possède deux caractéristiques principales : sa couleur, qui varie du presque noir au blanc ; sa température de fusion, très élevée. En donnant le nom de cet élément à son nouvel album, Marcello Quintanilha promet donc d’emblée un récit à l’image de la société brésilienne, ­métissée et brûlante, qu’il a quittée il y a une dizaine d’années afin d’exercer son métier en Espagne.Le prétexte est, ici, un fait divers banal : dans la baie de Salvador de Bahia, deux hommes pêchent à la dynamite en toute impunité. Deux autres hommes, unis par une relation mystérieuse, observent la scène depuis un ancien fort militaire : un retraité de l’armée et un petit trafiquant. Un troisième duo, composé d’un superflic et de sa fiancée, se mêle bientôt à ­l’affaire.Porté par des dialogues truculents, ce récit construit comme un thriller à tiroirs tient davantage de la comédie sociale. En émergent des thèmes récurrents dans le Brésil d’aujourd’hui, tels que la banalisation de la violence ou la précarité des classes moyennes. La rupture n’est jamais loin : ce qui est dur casse ­facilement – comme le tungstène. Frédéric PotetTungstène, de Marcello Quintanilha, traduit du portugais (Brésil) par Marie Zeni et Christine Zonzon, Çà et là, 184 p., 20 €(en librairie le 25 août).Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.08.2015 à 06h42 • Mis à jour le19.08.2015 à 11h35 | Martine Delahaye Documentaire à 20 h 40 sur Histoire Dans « Marylin, dernières séances », Patrick Jeudy et Michel Schneider racontent les relations hors normes de l’actrice avec son ultime psychanalyste.Suicidée ou victime d’une overdose, Marilyn Monroe, le 4 août 1962 ? Peu importe. Dans son roman Marilyn, dernières séances (Grasset, prix Interallié 2006), aussi passionnant que documenté, Michel Schneider, psychanalyste et écrivain, montre combien la gosse Norma Jeane Mortenson, transfigurée en « Marilyn » pour l’écran, était depuis bien longtemps engagée dans une lutte désespérée contre la sensation d’inconsistance, d’anéantissement, d’inexistence.L’adaptation de son livre en documentaire, coécrit avec le réalisateur Patrick Jeudy, se concentre sur les trente derniers mois de la vie de l’actrice  : à partir du moment où, en janvier 1960, à bout de souffle, elle fait appel au psychanalyste d’Hollywood Ralph Greenson. Et où s’engage, entre elle et cet intellectuel freudien, une étrange thérapie « par l’amour ».Elle lui avait demandé de l’aider à se lever, à tenir ses engagements, à aimer : de l’aider à ne pas mourir… « J’appartiens à la peur », lui avait-elle confié. Il sera tout à son attention jour et nuit, l’entourant comme une enfant en détresse.« Droguée du freudisme »Mais difficile de narrer l’intimité de la relation entre une patiente et son psychanalyste en images. Pourtant, « si incroyable que ça puisse paraître », précise le réalisateur Patrick Jeudy, on découvre encore régulièrement de nouveaux films ou photos d’elle : « Parfois des petites choses insignifiantes (…). Quant au film, gentiment érotique, où on la voit se tortiller nue, il n’est peut-être pas authentique. »Hormis les premières minutes du film, qui peuvent paraître confuses, Marilyn, dernières séances rend avec tact les éclats du passé de l’actrice, les facettes de l’aspect désaxé de sa personnalité et son côté « droguée du freudisme » – elle eut trois psychanalystes avant Ralph Greenson. Ne manquez pas l’intégralité de la fameuse séquence « Happy Birthday Mister President », qui en dit bien plus long que les quelques mots qu’elle susurre, ou les images du baptême du fils de Clark Gable (alors décédé), où elle apparaît habillée pour un enterrement… « Cela vous donne une petite idée de sa dérive », précise Patrick Jeudy.« Marilyn. Dernières séances », de Patrick Jeudy et Michel Schneider (Fr., 2009, 90 minutes). Mercredi 19 août sur Histoire à 20 h 40.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 26.08.2015 à 10h30 • Mis à jour le26.08.2015 à 10h31 | Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Martine Delahaye Série sur TF1 à 20 h 50 La saison 2 de « Blacklist » s’offre comme un divertissement plutôt répétitif Cela devait faire quelque vingt-cinq ans que l’ex-agent gouvernemental Raymond Reddington était devenu l’un des hommes les plus recherchés du pays. Jusqu’à ce qu’un jour, inopinément, en tout début de première saison, il se livre lui-même au FBI, pour faire une offre qui ne se refuse pas : il aidera le « Bureau » à découvrir les réseaux mafieux les plus secrets et les terroristes les plus ingénieux (avec lesquels il a sans doute opéré par le passé, dans le monde entier), si et seulement si on le laisse épauler la toute jeune recrue de l’Agence, Elizabeth Keen, spécialiste du profilage…Après moult réticences, bluffé par l’exactitude des premiers renseignements fournis par Reddington (dit « Red », ou le « concierge du crime »), le FBI accepte son « marché », et va s’appuyer sur sa longue fréquentation des criminels de l’ombre pour s’attaquer à l’un d’entre eux à chaque épisode ou presque, en saison 1 comme en saison 2. Ray Reddington a en effet en tête une très longue « liste noire » de personnages qui tirent les ficelles du monde en sous-main, ou qui menacent l’intégrité du continent, et qu’il a intérêt, tout autant que le FBI, à neutraliser ou à faire disparaître. Quant aux raisons qui l’amènent à vouloir travailler en duo avec une jeune profileuse inexpérimentée, la série continue de les distiller au compte-gouttes en cette saison 2, nouant un suspense au long cours sur ce qui lie ces deux personnages (serait-il son père ? ne serait-elle qu’un jouet qu’il peut manipuler à sa guise ?)…Souvent risibleLes affiches de « The Blacklist », avec l’acteur James Spader (interprète de Ray Reddington) en gros plan, inondaient les rues de New York, à la fin de l’été 2013, pour annoncer le lancement de la première saison. Il faut dire que le réseau télévisé NBC misait beaucoup sur ce nouveau feuilleton pour s’assurer vingt-deux semaines de belles rentrées publicitaires. Or la saison 1 fut un succès, aux Etats-Unis mais aussi en France, lorsque TF1 diffusa la première saison un an plus tard, à l’automne 2014. Réintitulée « Blacklist » par la Une, la série a même connu un pic de visionnages de rattrapage, en France, à la mi-saison. Il faut dire que TF1 diffusant trois épisodes de « Blacklist » à la suite (le troisième se terminant vers 23 h 30…), de plus en plus de spectateurs suivent ce dernier épisode en différé, dans la semaine qui suit.Plus encore que la saison 1, cette deuxième saison se veut un pur divertissement, ses intrigues cherchant à imiter le savoir-faire des créateurs de « 24 heures chrono », et son rythme obligeant à renoncer à toute attente de réalisme et même à tout sens critique. Plus encore qu’en première saison, les événements s’enchaînent à grande vitesse, les agents du FBI devinant eux-mêmes en un éclair les objectifs et les cibles des criminels recherchés, et Ray Reddington ayant un tel don de divination autant que d’ubiquité que cela en devient souvent risible.Si l’on apprend un tout petit peu plus, au cours de cette saison 2, sur les liens qui peuvent avoir existé entre Reddington et l’agent du FBI Elizabeth Keen, si certains personnages deviennent attachants à mesure de leur approfondissement, on remarquera surtout combien, comme dans nombre d’autres séries américaines, le plus grand ennemi des Américains ne vient pas d’un sol étranger, mais bien de l’intérieur de ses institutions…« Blacklist », saison 2, série créée par Jon Bokenkamp. Avec James Spader, Megan Boone, Diego Klattenhoff, Ryan Eggold, Harry Lennix (EU, 2013, 22 x 42 min). Trois épisodes par soirée le mercredi. A 20 h 55, sur TF1.Martine DelahayeJournaliste au Monde 26.08.2015 à 09h19 • Mis à jour le26.08.2015 à 09h42 Le premier texte en prose de l’auteur du Seigneur des anneaux, John Ronald Reuel Tolkien, paraitra jeudi 26 août au Royaume-Uni, aux éditions HarperCollins. Cette nouvelle inachevée, annonciatrice de ses ouvrages les plus connus, a été écrite entre 1914 et 1915, alors que J.R.R. Tolkien était encore étudiant à l’université d’Oxford.The Story of Kullervo s’inspire du destin tragique dudit Kullervo, un personnage légendaire finnois. Passionné par les langues anciennes, le jeune Tolkien s’était intéressé à un recueil d’anciens récits finnois, le Kalevala, où est relatée cette histoire.Avec ce récit, « c’est la première fois que J.R.R. Tolkien, jusqu’alors un poète, se lance dans l’écriture d’un texte en prose », explique Vincent Ferré, professeur de littérature comparée à l’université Paris-Est. « On peut dire que Tolkien fait ses gammes », estime ce spécialiste de l’auteur, qui voit dans ce texte « un exercice de style de jeunesse ». « Il laissera finalement ce récit de côté, sans l’achever, pour passer à l’écriture de textes plus personnels et originaux. »Sa « première œuvre mythique en prose »L’Histoire de Kullervo avait été publiée en 2010 dans le journal académique Tolkien Studies par l’universitaire Verlyn Flieger, qui l’avait recopiée du manuscrit écrit au crayon par Tolkien et conservé à la célèbre bibliothèque Bodleian, à Oxford. Après avoir demandé l’accord des héritiers de Tolkien, Mme Flieger a travaillé avec l’éditeur des œuvres de Tolkien, HarperCollins, pour élaborer cette édition qui contient également des notes de l’écrivain. Elle sera publiée fin octobre aux Etats-Unis.« C’est sa première œuvre mythique en prose et donc un précurseur de tout ce qui vient après. C’est aussi indéniablement son œuvre la plus sombre, qui préfigure les aspects les plus ténébreux de son monde inventé », explique-t-elle.Kullervo est ainsi « l’une des sources de Turin Turambar, un personnage central dans la mythologie de Tolkien, futur héros des “Enfants de Hurin” et d’un des chapitres du “Silmarillion” : les deux sont maudits, leur père a connu un destin tragique, victime d’un personnage puissant aux pouvoirs magiques », explique M. Ferré. Le Silmarillion, qui fut publié en 1977 à titre posthume, est une saga dans le cadre de laquelle s’inscrivent les histoires du Hobbit et du Seigneur des anneaux.Plusieurs autres manuscrits de Tolkien ont été publiés ces dernières années, dont Les Enfants de Hurin en 2007, La Légende de Sigurd et Gudrún en 2009 et La Chute d’Arthur en 2013. D’après Mme Flieger, il existe encore beaucoup d’écrits de l’auteur non publiés et conservés à la Bodleian, principalement « ses conférences et notes de lectures ainsi que des écrits plus courts ».Lire : Tolkien : mythologie des Anneaux Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.08.2015 à 18h11 • Mis à jour le26.08.2015 à 06h55 | Alexis Delcambre Sandrine Treiner, 50 ans, présente à France Culture depuis 2010, a été choisie, mardi 25 août, pour succéder à Olivier Poivre d’Arvor, évincé de la direction de la chaîne publique en juillet.Comment se porte France Culture, un mois et demi après l’éviction de votre prédécesseur, Olivier Poivre d’Arvor ?La chaîne s’est tout simplement remise à faire de la radio. L’année a été lourde pour les antennes, avec beaucoup de fatigue et de tensions accumulées. Cela nous a donné le désir de se remettre au cœur de notre pratique. Notre grille d’été a été marquée par de beaux moments de radio : des séries d’été, de grandes traversées... dans une sorte de calme après la tempête.Olivier Poivre d’Arvor est parti dans des conditions houleuses...Je suis arrivée à France Culture il y a cinq ans car il est venu me chercher. Je lui dois mon arrivée et les cinq années où j’ai appris ce qui me permet aujourd’hui d’être directrice. Nous formions une équipe très soudée, avec de bons résultats. Au-delà de la rupture avec Olivier Poivre d’Arvor, la confiance a été donnée à la continuité.Il y avait d’autres choix ?Je l’ignore, et j’ai passé l’été à travailler pour que l’antenne soit bonne.Comment voulez-vous désormais faire évoluer France Culture ?Ce qui est formidable dans notre chaîne, c’est qu’on sait qui on est, pourquoi on existe et pourquoi on fait ce qu’on fait. Cela nous autorise des pas de côté par rapport à nos champs identitaires. C’est ce qui éclaire nos choix pour cette rentrée. Ainsi le duo que forment entre 19 et 20 heures Martin Quenehen et Mathilde Serrell : d’un côté une voix présente depuis longtemps à l’antenne, et de l’autre quelqu’un venant bousculer cette évidence, issue d’un autre univers, plus jeune et décalé, celui de Radio Nova.Vous allez devoir vous passer de Marc Voinchet, qui quitte la matinale pour la direction de France Musique...Il ne pouvait en effet pas faire les deux ! Le succès de notre matinale est avant tout lié à notre approche distanciée de l’actualité. Si on prend du recul, nous avons eu un excellent matinalier avec Nicolas Demorand. Quand il est parti, Ali Baddou l’a remplacé et a renforcé la matinale. Puis ce fut au tour de Marc. Alors je n’ai pas de doute sur le fait que Guillaume Erner contribuera à développer encore ce rendez-vous. Il vient de France Inter mais il incarne pleinement l’esprit de France Culture, il a son brevet en sciences sociales et aime aussi vagabonder !Après avoir atteint un record, à 2,3 %, l’audience cumulée de France Culture a baissé au printemps, à 1,8 %. Inquiétant ?Nous avons été la station la plus touchée par la grève de mars-avril, en restant à l’arrêt 28 jours. Ils est donc normal que la mesure d’audience ait été touchée. En réalité, si on regarde la période de sondage Médiamétrie, après la grève, notre audience était remontée à un niveau comparable à celui de janvier/mars.A vos yeux, qu’a révélé cette grève si suivie à France Culture ?Avant tout un état d’inquiétude. Les médias sont des révélateurs de la société qui les entoure et nous avons été touchés à notre tour par la peur du déclassement. En interne, le conflit a montré la nécessité de revoir des éléments d’organisation, de circulation de l’information, d’association des personnels et des partenaires sociaux aux projets du groupe.Toute la direction s’est depuis attelée à améliorer les choses. Enfin, au delà de la question budgétaire, la grève a pointé la question du sens, qui agite tous les médias. Nous sommes en plein tournant, en train de définir ce que nous ferons dans vingt ans. Cela soulève naturellement des interrogations.Vous allez devenir directrice de chaîne dans une entreprise encore fragile, où un plan de départs volontaires se prépare, sous l’autorité d’un président parfois contesté... Vous avez hésité ?Le fait que la direction soit confiée à une femme qui a toujours été une auditrice de France Culture, qui a la passion de cette chaîne chevillée au corps, ça ne se discute pas. C’est un signal et j’y réponds avec enthousiasme. Je suis très attachée au service public. Nous avons un rôle à jouer dans la société actuelle et c’est ce qui compte. Et j’ai confiance dans l’avenir de cette maison.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart France 2 diffuse deux opéras produits par le Théâtre du Châtelet, à Paris : une catastrophe et un chef d’œuvre (mardi 25 août, à 00 h 30 et 2 h 00, sur France 2).Opéras, mardi 25 août, à 00 h 30 et 2 h 00, sur France 2Le Théâtre du Châtelet, à Paris, est devenu, depuis que Jean-Luc Choplin en a pris les commandes en 2006, un lieu d’expériences lyriques. S’il a installé la comédie musicale anglo-saxonne au centre de sa programmation, donnant les premières françaises d’ouvrages de Stephen Sondheim notamment, le vibrionnant directeur a voulu renouveler le répertoire, non pas en commandant des partitions nouvelles à des compositeurs de l’avant-garde savante, mais à des musiciens venus d’horizons différents. Avec le projet non dissimulé de renouveler et de rajeunir le public de l’opéra.C’est ainsi qu’on aura vu, au Châtelet, Sting et Elvis Costello dans Welcome to the Voice (2008), de Muriel Teodori et Steve Nieve, ainsi que Damon Albarn, auteur d’un opéra pop, Monkey, Journey to the West (2007)… Plus récemment, M. Choplin a demandé au compositeur nord-américain Michael Torke de produire Pop’pea, une version « pop » de l’opéra Le Couronnement de Poppée (1642), de Claudio Monteverdi, production filmée par France 2 en 2013, et que celle-ci diffuse dans le cadre de ses « Nuits d’été ».Horreur absolueInterprété par des chanteurs d’expression non lyrique (Benjamin Biolay, Marc Almond, Carl Barât) pour la plupart d’entre eux, joué par des synthétiseurs, des guitares et une percussion en gros sabots, l’ensemble est une horreur absolue. Ce qu’il reste de la partition de Monteverdi est défiguré par une chappe de rock-pop-rap bien épaisse et fait penser à un délicat plat de légumes croquants englué sous une couche de béchamel et de fromage gratiné. Le seul élément viable est la scénographie finement potache du vidéaste Pierrick Sorin.On recommandera en revanche la captation de l’opéra de John Adams, Nixon in China (1987). Ce « docu-opéra », qui relate la visite historique du président américain Richard Nixon en Chine, en 1972, a relancé la mode des ouvrages inspirés par des faits contemporains. Exigeante, poétique, sarcastique, bien mise en scène par un Chinois, Chen Shi-Zheng (qui avait signé le beau et fameux Pavillon aux pivoines), l’œuvre est assurément un classique contemporain essentiel, qui intéressera les oreilles novices comme les plus savantes. Sans sauce rock et pseudo-populaire.Pop’pea, de Michael Torke, d’après Monteverdi. Nixon in China, de John Adams. Mardi 25 août, à 00 h 30 et 2 h 00, sur France 2.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre C’est finalement la continuité qui prévaut à France Culture, un mois et demi après l’éviction houleuse de son directeur Olivier Poivre d’Arvor. L’actuelle directrice par intérim de l’antenne publique, Sandrine Treiner, a été nommée directrice, mardi 25 août. Ce sera donc elle qui présentera la nouvelle grille de la chaîne, mercredi, lors de la conférence de rentrée de Radio France.Sandrine Treiner, 50 ans, est présente à France Culture depuis 2010, comme conseillère de programmes puis directrice adjointe en charge des programmes. Elle était devenue directrice par intérim en juillet. Mais le président de Radio France, Mathieu Gallet, s’était donné le temps de la réflexion, en estimant que « France Culture intéresse des personnalités de talent ».Lire l'entretien :Mathieu Gallet : « On ne peut pas être dans la maison tout en la critiquant »Dans ses nouvelles fonctions, Sandrine Treiner devra accompagner la nouvelle grille de France Culture, marquée par le changement de voix de la matinale, où Guillaume Erner (ex-France Inter) remplace Marc Voinchet, devenu directeur de France Musique.Après une saison marquée par un record à 2,3 % d’audience cumulée en janvier-mars 2015, France Culture a reculé à 1,8 % au printemps, payant notamment la longue grève de Radio France. La chaîne doit également soutenir un développement numérique encore timide et désormais piloté par Florent Latrive (ex-Libération).Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 24.08.2015 à 17h12 • Mis à jour le24.08.2015 à 20h59 | Florence Evin Joint, lundi 24 août, par téléphone à Damas, Maamoun Abdulkarim, directeur général des antiquités et des musées de Syrie, est très pessimiste sur l’avenir du site archéologique de l’antique Palmyre – classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1980 et placé sur la liste en péril en 2013 – aux mains de l’Etat islamique (EI).Lire aussi :A Palmyre, le temple de Baalshamin détruit à l’explosif par les djihadistesAprès la décapitation en public, mardi 18 août, du très respecté Khaled-Al Asaad, 81 ans, qui a dirigé, de 1963 à 2003, la mise en valeur de la cité millénaire, et après la destruction, dimanche 23 août, du temple Baalshamin, dédié au dieu de la fertilité, « père » protecteur des habitants de cette oasis du désert, l’avenir des vestiges monumentaux de l’opulent carrefour caravanier des premiers siècles de notre ère est bien sombre.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »« Leur sauvagerie est totale »« Pourquoi cela ?, interroge M. Abdulkarim. C’est la vengeance, ils avaient promis [en mai, lors de la prise de la ville] de ne pas toucher le site archéologique. Ils n’ont pas tenu parole », se révolte-t-il. « Leur sauvagerie est totale, comme l’autorisation donnée il y a un mois d’opérer des fouilles clandestines sur les ruines antiques. Le musée a été transformé en prison et en tribunal. On doit se préparer à recevoir d’autres images, pires. On ne doit pas être pessimiste, on doit être uni. »La communauté locale a-t-elle les moyens de réagir ? « Non, 80 % de la population a quitté la ville. On est trop faible. On ne peut rien faire. On attend que la ville soit libérée. » Sont en danger : le grand temple Bel, la colonnade de 1 200 mètres, l’agora, le camp de Dioclétien, le théâtre, les bains, ou encore l’immense nécropole dont les tours à reliefs impressionnent. L’un des plus grands sanctuaires de l’Orient romain, avec Baalbeck au Liban, mémoire de la civilisation sémitique, foyer culturel de l’antiquité, est menacé.Pillage systématiqueEn 2013, à la tribune de l’Unesco, M. Abdulkarim, lançait un cri d’alarme en exhibant la carte d’une cinquantaine de sites archéologiques de premier plan et de treize centres urbains et sites historiques en danger. Alep, le Krak des Chevaliers, le vieux Damas, ou encore Bosra, ont été déclarés en péril. En plein désert, proche de l’Euphrate, les monuments de Doura Europos, antique forteresse de l’armée romaine, dont l’archéologue Pierre Leriche dirige les fouilles, ont été détruits et le site a été intégralement pillé.C’est pareil à Mari, la vaste cité mésopotamienne. L’EI y a organisé un pillage systématique avec les outils qui étaient entreposés dans la maison de fouilles et prélevé 20 % du butin. Une « économie » de l’archéologie que les djihadistes ont mis en place pour alimenter le marché parallèle illicite des antiquités. Une des principales ressources financières de l’EI avec le pétrole.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Arte propose deux documentaires sur les iconiques Jimi Hendrix et Jim Morrison (samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte).Jimi Hendrix, guitariste de génie, et Jim Morrison, chanteur charismatique des Doors, restent les deux grandes figures légendaires de la musique pop-rock des années 1970. Leur inventivité et leur extravagance mêlant psychédélisme et poésie ont révolutionné la scène musicale dans un monde et une époque encore remués par les révoltes étudiantes. Tous deux morts à l’âge de 27 ans – le premier à Londres d’une overdose ; le second à Paris d’une crise cardiaque – ont rejoint « le club des 27 » dans lequel on retrouve Brian Jones, Janis Joplin, Kurt Cobain et, depuis 2011, Amy Winehouse, eux aussi décédés dans leur vingt-septième année.Génie sur scèneDans le cadre de son excellent « Summer of Peace », Arte offre une soirée composée de deux documentaires qui permettent de (re)découvrir la courte vie de Jimi Hendrix et l’univers poétique de Jim Morrison à travers un rare film consacré aux Doors. Si les deux musiciens avaient des styles bien différents, ils se rejoignaient dans le génie lorsqu’ils étaient sur scène.Avec Hear my Train a Comin’ (un blues écrit par Hendrix en 1967), Bob Smeaton dresse un portrait intime du guitariste où archives inédites (notamment sa toute dernière apparition scénique, sur l’île de Fehmarn, en Allemagne, le 6 septembre 1970, douze jours avant sa mort) et témoignages se succèdent avec en toile de fond la plupart des concerts de celui que tous les musiciens considèrent comme le plus grand guitariste de l’histoire du rock.De sa première guitare sèche offerte par son père lorsqu’il avait 15 ans à sa réinterprétation hallucinée de l’hymne américain à Woodstock, en 1969, en passant par le fameux concert du Finsbury Astoria à Londres en 1965 où il brûla sa guitare, le réalisateur retrace l’itinéraire de Jimi Hendrix, étoile filante du rock, introverti à la ville et guitariste époustouflant à la scène, jouant aussi bien avec ses dents et sa langue qu’avec sa main gauche…Roi de l’improvisation à la technique instinctive, de l’effet larsen et de la pédale wah-wah, il a tout de suite surpris de nombreux musiciens qui, à l’instar de Little Richard, l’ont vite vu comme un rival à écarter. Dans le film au montage soigné et bien rythmé, ses amis et musiciens toujours vivants (partenaires du Jimi Hendrix Expérience, Billy Cox ou Paul McCartney) témoignent sur son long et difficile périple avant qu’il n’accède à la reconnaissance et la notoriété. C’est passionnant.Tout comme ce petit documentaire consacré aux Doors, diffusé à la suite du portrait d’Hendrix. Restauré et remastérisé, il est depuis peu disponible après une longue bataille juridique qui bloquait sa diffusion. C’est l’unique document consacré au groupe fondé par Jim Morrison en 1965 avec l’organiste Ray Manzarek. Tourné pendant cinq mois en 1968 dans une vingtaine de villes des Etats-Unis et autoproduit par les Doors, ce document expérimental et plutôt déroutant a été filmé par Paul Ferrara, lors de la préparation de leur troisième album studio, Waiting for the Sun. Le réalisateur, qui fut un camarade de classe de Jim Morrison lorsqu’il était étudiant en cinéma à Los Angeles, filme le chanteur au plus près.Des vingt-trois heures de rushes réduites à quarante minutes, on découvre ainsi les coulisses des concerts souvent délirants et le charisme du chanteur au visage d’ange comme lors d’un concert où on le voit transcendé en chantant This is the End.Hear my Train a Comin’, de Bob Smeaton (EU, 2013, 90 min) et Feast of Friends, de Paul Ferrara et les Doors (EU, 1968, 40 min). Samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 06h43 • Mis à jour le01.08.2015 à 10h27 | Florence Aubenas //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Tatiana Levha, la cuisine en toute liberté Au Chelsea Hotel, sur les traces de Patti Smith William Gibson, inventeur du cyberespacetous les articles de la thématique Florent Massot s’est installé au lit et il a pris le manuscrit. Baise-moi, ça s’appelle. L’auteur porte un prénom de fille et, forcément, ça excite davantage Massot que si c’était écrit par un taulard dépressif. D’habitude, Massot, jeune éditeur fauché, publie des albums sur les cultures de la rue, pas des romans. Dans celui-là, aucun érotisme. C’est du sexe, du cul, un livre trempé de porno où deux femmes partent en cavale à travers la France des sous-préfectures. Elles tuent, elles baisent, elles se défoncent, à fond et consciencieusement. Elles aiment ça. Le choc est là, le premier en tout cas. On est en 1993, neuf éditeurs ont déjà refusé Baise-moi. Virginie Despentes elle-même a lâché l’affaire. De toute façon, son ordinateur a avalé le texte, il ne reste que la copie passée à Massot, par un ami. Quand il la publie, les librairies non plus n’en veulent pas.Cet été 2015, il est vingt-deux ans plus tard, soit une génération. Les sex-toys s’achètent dans des supermarchés, les actrices X sont invitées à Cannes et le magazine GQ titre sur « Le nouvel âge du sexe », où des chercheurs dissertent du « devenir porn de la société tout entière » grâce aux nouvelles technologies. Un jour, Despentes recevra le prix Nobel (pour les paris, s’adresser à l’écrivain Laurent Chalumeau) et les jeunes filles qui s’offrent aujourd’hui en France le risque de la liberté devraient toutes lui payer un Coca Zéro, du côté des Buttes-Chaumont. « Tu es chaman, tu as fait avancer la société à coups de pompe dans le cul », lui disait Philippe Manœuvre, patron de Rock & Folk, à l’époque où ils ont vécu ensemble et avant qu’elle ne parte avec des femmes. Sur le balcon, ils fumaient et buvaient des nuits entières, se demandant par quelle grâce un bouquin pareil vous tombe dessus, sorti comme un cri, en un mois. Il conviendrait à ce stade d’envoyer les violons, mais l’histoire possède aussi une face amère, ses légendes et ses sales coups.Ça démarre au ralenti, début des années 1990, odeur de bière au petit matin dans des endroits où on ne se souvient pas toujours s’être endormi. Despentes fait partie de la petite troupe cavalant autour des Bérurier Noir et leurs concerts, deux types post-punk, guitare saturée et boîte à rythmes. Baise-moi est exclu des circuits officiels ? « Et alors ? Ça nous paraissait normal d’être des parias, voire glorieux », dit BB Coyotte, graphiste. Le livre se met à cheminer dans le réseau rock alternatif, les fanzines, les squats, les cafés où Florent Massot le diffuse lui-même, à vélo.« Quelque chose d’unique »Dans cette mouvance, les filles traînent dans les mêmes endroits pourris que les hommes. Elles gazent les contrôleurs de la RATP et se font taper aux manifestations. Elles dirigent leurs propres groupes. Elles s’imposent, massivement, grandes gueules, envoyant se coucher la pin-up que l’imagerie classique du rock cantonne à la figuration à l’arrière des motos. Il y a Karine, par exemple, qui deviendra plus tard Eric. Ou Betty, qui pose nue, montrant un sein, parfois deux, sortant le couteau au besoin. Elle préfère ça que travailler. « La libération des femmes nous semblait l’héritage majeur des seventies, mais sclérosé », dit Herr Sang. Lui a fondé New Wave, fanzine de référence et tient une boutique de cinéphilie. « On voulait une révolte au-delà des choses connues, une autre identité féminine, ne pas être jugé selon sa pratique sexuelle. Baise-moi était en plein là-dedans. »Pendant des mois, le livre tourne à 1 000, 2 000 exemplaires dans ce milieu fermé. Autant dire que rien de ce qu’on y lit n’étonne, ni le sexe, ni la poisse, ni la colère, ni le viol d’une des cavaleuses. Une chanson des Bérus s’appelle Hélène et le sang, une copine qui s’est fait violer justement, « comme beaucoup des filles que je connaissais alors », dit Marsu, le manageur. C’est arrivé à Despentes aussi. Elle avait 17 ans. Aux psys, elle balance systématiquement, comme un bras d’honneur : « Ça ne m’a pas marquée plus que ça. »Pour la sortie de Baise-moi, elle s’est surtout concentrée sur la liste de ceux à qui l’envoyer, dix noms, pas plus, mais vitaux, comme s’il n’était écrit que pour eux. Patrick Eudeline arrive en tête, fascination numéro un, héros hors limites, dandy, junky, critique rock, chanteur chantant faux, obsessionnel de la nostalgie. Aujourd’hui attablé chez un cafetier grognon de banlieue, Eudeline, 60 ans, paraît fragile et particulièrement dans la dèche. Sa splendeur intrépide reste intacte. « Beaucoup de filles voulaient me rencontrer, vous vous en doutez. »Eudeline vient des années 1970, quand les copines faisaient du strip-tease à Pigalle dans les baraques foraines en guise de transgression. « On regardait des pornos aussi, mais pour les scènes entre celles de sexe, pas pour le X. » Même lui, Baise-moi le choque, mais il lui trouve « quelque chose d’unique ». Despentes et Eudeline se retrouvent à Belleville. Ils se racontent leurs « trucs les plus farfelus ». Il la suspecte d’abord d’en rajouter, quand elle dit avoir été pute occasionnelle, sur le Minitel rose entre les petits boulots et le baby-sitting. Pute ? Cette fille costaude avec son grand rire punk ? Elle paraît plus étonnée que lui : « Il n’y a pas 50 façons de trouver de l’argent, non ? » Il n’arrive pas à démêler chez elle l’innocence de la fureur. « On est resté trois jours ensemble, mais je ne veux pas être indiscret. »Eudeline aime perdre pied. Il chronique le bouquin. Les quotidiens s’y mettent. Thierry Ardisson le programme sur le câble. Les ventes sautent à 40 000. Il atterrit chez Laurent Chalumeau, à Canal+, première chaîne à diffuser du porno dans les années 1980 et en faire le phénomène branché du samedi soir. « Despentes est incapable d’écrire une phrase où il ne se passe rien, une très grande artiste », siffle Chalumeau. Il se précipite à la programmation. « On l’invite, ça va cartonner », annonce Canal+ à l’éditeur Massot. « Vous avez de quoi en tirer 15 000 de plus ? » On est en décembre 1995, Baise-moi va en faire des centaines de milliers.Comme un bras d’honneurA l’époque, Despentes chronique des vidéos X pour un magazine spécialisé, rideaux tirés à cause des voisins, dans un deux-pièces où elle cohabite avec Ann Scott. Scott a été un peu mannequin, grande famille, en pleine love story avec Sextoy, DJette du Pulp, la boîte lesbienne où elle fait entrer Despentes. Elles écrivent aussi, toutes les deux, persuadées chacune de voir en l’autre le véritable talent (c’est toujours le cas), se nourrissant d’une fascination réciproque devant le même menu chez McDo, parce qu’elles n’ont pas de quoi en prendre deux, la pute et le top model, occasionnels l’une comme l’autre. « Sa phrase, c’était : “Il faut mettre ses tripes sur la table”, dit Scott. Elle m’appelait “Madame” et disait : “Moi, je suis la femme des bois.” »Sans transition, la femme des bois est propulsée de la bulle alternative à l’arène surexposée des médias. Tout le monde la veut, maintenant, sans trop savoir comment manier l’engin, ni le livre ni la fille. Aux journalistes, elle continue de raconter sans manière avoir été pute « avec autant de plaisir que j’avais eu à le faire », dit Despentes aujourd’hui. La plupart s’emparent d’elle, en font « une victime des bas-fonds que la réussite va sauver de la drogue et de la prostitution », se souvient Massot. D’autres, au contraire, floutent l’épisode. « Ça me touchait, je voyais qu’ils voulaient me protéger », reprend Despentes.Elle sort un nouveau livre, et un autre. Quand les éditions Grasset l’approchent, elle croit deviner « des vieux tournant autour de [s]on cul ». Il faut qu’Ann Scott lui explique que c’est une vraie chance à saisir. Massot, lui, a fait faillite, sombrant avec le trésor de Baise-moi. Despentes pense réaliser un film, sans sexe, mais joué par des hardeuses, Coralie Trinh Thi surtout. Trinh Thi possède un peu la même ambivalence, punk option gothique, surnommée « l’Intello » dans le X, mais fière de raconter que La Princesse et la Pute, son premier rôle, a cartonné au hot-parade. Certains collègues rient dans son dos quand elle revendique « oser prendre son pied sur un tournage et oser le dire ». Personne ne veut du film de Despentes. « Pas assez du Despentes. »En revanche, Philippe Godeau accepte de la produire quand elle propose de tourner Baise-moi, caméra à l’épaule et sexe non simulé. Despentes a 30 ans alors, Trinh Thi, 25. Elles seront coréalisatrices, deux actrices X joueront les cavaleuses. Au montage, on leur propose d’ouvrir le film sur la scène du viol. Le viol comme point de départ ? « On ne voulait pas que ça apparaisse comme une justification morale à la dérive des filles », se souvient Trinh Thi. C’est non. Même si Despentes a commencé « à vieillir avec ça, la sensation insupportable qu’en une nuit, tout avait basculé. Et j’ai jamais voulu l’admettre que j’étais vulnérable à ce point-là, juste parce que j’ai une chatte ».Baise-moi tient trois jours dans soixante salles en France avant le carnage, en juillet 2000, démoli par le milieu du cinéma, les associations féministes autant que catholiques, les militants néo-FN ou Le Nouvel Observateur, qui exige : « Sexe, violence, le droit d’interdire ». Et c’est interdit, tout de suite : le Conseil d’Etat fabrique, sur mesure, une barrière pour les « moins de 18 ans » (utilisée quinze fois depuis). Les portes se referment de nouveau, comme si on se rendait soudain compte que la charge explosive de Baise-moi était toujours là. « Dans un livre, quelque chose reste classe, personne n’aurait osé le censurer, dit Despentes. Là, on pouvait nous jeter : “Vous êtes des putes.” » Et Trinh Thi : « Ce n’est pas le porno qui tue, c’est quand on le quitte. On se retrouve dans le monde réel avec des gens qui ne comprennent pas pourquoi on a fait ça. Ils nous veulent soit coupable, soit victime. Aujourd’hui, le porno est partout, les codes ont changé, mais ils restent des codes. »Six ans plus tard, dans King Kong Théorie, Despentes revient sur le viol. « J’imagine toujours pouvoir liquider l’événement (…). Impossible, il est fondateur, de ce que je suis en tant qu’écrivain, en tant que femme qui n’en est plus tout à fait une. C’est à la fois ce qui me défigure et ce qui me constitue. » La photo date des années 1990, on voit Despentes jouer dans un éphémère groupe de hip-hop. Elle en avait envoyé une cassette à Massot aussi. L’éditeur avait refusé celle-là. « Trop soft. » Pendant les répétitions, Juan, le bassiste, hurlait toujours une même vieille blague : « Baise-moi, baise-moi. » C’est ce que crie la petite fille dans une scène culte de L’Exorciste.Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25-26 et 27 septembre et à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festivalFlorence Aubenas Florence Evin Jeu de chaises musicales à la tête des institutions et établissements publics. Les nominations tombent par décrets en cette fin juillet. Au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Bruno David, 60 ans, est nommé président. Une annonce qui clôt la réforme des statuts de l’établissement public engagée il y a plus de deux ans. En effet, le nouveau président du MNHN, « choisi parmi les personnalités scientifiques », assurera la direction de l’établissement, « assisté d’un conseil scientifique qui dirigera le Muséum, assisté de directeurs généraux délégués, l’un en charge des ressources humaines, financières et de l’administration générale, l’autre en charge des collections » comme le stipule le décret paru au Journal officiel du 2 octobre 2014.La nomination de Bruno David comme PDG signe le retour en force des scientifiques du sérail au pilotage exécutif de l’institution pluridisciplinaire regroupant douze sites en France. Et cela, à l’heure où les grandes rénovations engagées ces dernières années arrivent à leur terme avec la réouverture, le 17 octobre, du Musée de l’Homme – après celles, en 2014, du Parc zoologique de Vincennes et, au Jardin des plantes, de la Galerie de minéralogie et de géologie, de la Galerie des enfants, des Grandes Serres et de l’Herbier national, la plus grande collection de la planète.« Emerveiller pour instruire »« Je suis fier d’accéder à la présidence d’une institution aussi prestigieuse que le Muséum dont le rôle est de fasciner, émerveiller pour instruire, indique Bruno David. Nous sommes au bord d’une rupture environnementale majeure comme en témoigne la préparation de la COP 21 cet automne à Paris. Eveiller la curiosité, promouvoir une culture de la nature appuyée sur des connaissances scientifiques, s’inscrire dans une démarche de sciences naturelles avec l’Homme, tel est mon engagement à la tête de cette institution. »Directeur de recherche au CNRS où il est entré en1981, Bruno David a pris, en 1995, la direction du laboratoire de paléontologie du CNRS à Dijon. En trois mandats, il a développé la structure Biogéosciences devenue une véritable interface entre sciences de la Terre et sciences de la vie. Il fut aussi directeur-adjoint scientifique de l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS où il est toujours chargé de mission. Dans la foulée de ce parcours initial de paléontologue, le spécialiste des faunes anciennes du Crétacé a effectué une reconversion vers la biologie marine. Ses recherches portent sur la biodiversité abordée à partir de modèles fossiles et actuels.Cette nomination supprime, de fait, le poste de directeur général, occupé depuis quatre ans par Thomas Grenon. Désormais, Bruno David assurera cette fonction assisté de deux directeurs adjoints. « Ce n’est pas une surprise. Comme à l’Inrap et au CNRS, l’Etat fusionne les rôles de directeur général et de président », indique Gilles Bœuf, l’ancien président du MNHN qui dit n’avoir eu « aucune envie de se charger de l’administration ». « Le MNHN est un organisme de recherche scientifique qui a aussi à gérer un établissement muséographique (lequel a reçu 4 millions de visiteurs payants sur ses différents sites en 2014, et quelque six millions de promeneurs au Jardin des plantes). Chaque objet est d’abord un objet de recherche, un objet d’étude, la grande différence avec un musée d’art. Mais un musée très fréquenté est très difficile à gérer. J’aurais préféré que l’on conserve la dualité. Chacun son métier. Il y avait de la place pour deux. »Une institution à la dérive en 2000L’histoire récente, avec quinze ans de direction générale qui ont sauvé de l’abîme le MNHN, allait dans ce sens. Car, à l’aube de l’an 2000, l’institution, quatre fois centenaire, placée sous la tutelle de deux ministères – celui de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’environnement, du développement durable et de l’écologie – était à la dérive. Au point que la Cour des comptes a sonné l’alarme.En 2002, après trois ans d’administration provisoire, un premier directeur général, Bertrand-Pierre Galey, était nommé pour redresser les finances et mettre de l’ordre dans la gouvernance de l’institution forte de 1 800 agents. Précisons que la complexité structurelle du MNHN est liée à ses multiples missions : recherche fondamentale et appliquée – avec 450 chercheurs –, conservation et enrichissement des collections issues du patrimoine naturel et culturel, enseignement, expertise, valorisation, diffusion des connaissances, action éducatrice et culturelle à l’intention de tous les publics.Thomas Grenon a succédé en 2010 à Bertrand-Pierre Galey, qui y avait effectué deux mandats de quatre ans. Polytechnicien, ingénieur des mines, qui avait à son palmarès la direction générale de grands établissements – de la Réunion des musées nationaux avec les Galeries d’expositions du Grand Palais à la Cité des sciences et de l’industrie – Thomas Grenon a continué de redresser les comptes et assuré la réouverture après travaux, du Parc zoologique de Vincennes et celle à venir, cet automne, du Musée de l’Homme. En 2014, avec les subventions des tutelles (37 %) – en baisse de 10 millions d’euros par rapport à 2013 –, les recettes du MNHN se montaient à 113,1 millions d’euros, contre 116,3 millions d’euros de dépenses (dont 30 % d’investissement).Thomas Grenon, directeur général au terme de son mandat, briguait le poste de président du MNHN. La Commission scientifique chargée de la sélection en a décidé autrement. Sur six candidatures présentées, elle a émis, à la surprise générale, un seul avis. Son choix s’est porté sur Bruno David, un grand scientifique sans passé de gestionnaire mais qui connaît bien la maison pour avoir présidé pendant six ans le Conseil scientifique du MNHN. Il prendra ses fonctions le 1er septembre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.07.2015 à 17h27 • Mis à jour le30.07.2015 à 09h10 | Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Paris, Texas », un drame du remariage arrangé en forme de road-movie (mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte).Voir Paris, Texas trente ans après sa sortie, c’est accepter le poids de trois décennies de clichés. Wim Wenders et Robby Müller, respectivement réalisateur et chef opérateur de la Palme d’or 1984, ont été si inventifs, si bien en prise avec l’inconscient collectif que les images du film sont presque immédiatement devenues des lieux communs : le rapace en gros plan, perché sur un rocher du désert ; le type un peu décavé et son petit garçon dans un pick-up bon pour la casse ; la fille blonde en pull angora dans un peep-show… Tout a servi à des générations de publicitaires, de réalisateurs de vidéos musicales, de cinéastes en panne d’imagination.Perdre la paroleLe début du film, l’alternance de plans larges sur le paysage désertique et serrés sur le visage d’Harry Dean Stanton, qui avance péniblement, s’est si durablement imprimé sur les rétines que l’on a peut-être oublié ce qu’était Paris, Texas. Un drame du remariage arrangé en forme de road-movie.L’homme qu’incarne Harry Dean Stanton s’appelle Travis. Quand il émerge du désert, il a perdu la parole et la mémoire. Son frère Walt (Dean Stockwell) vient le chercher afin de le ramener chez lui, à Los Angeles, où il vit avec Anne (Aurore Clément), son épouse française, et Hunter (Hunter Carson), le fils que Travis a eu avec Jane, une très jeune femme qui a, elle aussi, disparu.Avant que le film ne reprenne la route, il s’arrête longuement à Los Angeles. La musique de Ry Cooder y change. Les longs traits de slide guitar font place à de délicats motifs d’inspiration mexicaine, les grands espaces du western aux lotissements de la sitcom. Wim Wenders a confié le scénario à Sam Shepard, avant de demander une adaptation à L. M. Kit Carson.Poète de la famille, qu’il aime casser et recomposer, Shepard manie le stéréotype au point de flirter avec le mélodrame. De leur côté, Wim Wenders et Robby Müller sont décidés à donner leur interprétation de l’iconographie américaine. C’est à peine s’ils citent quelques cinéastes classiques, se préoccupant plus de photographie et de peinture. Les ambiances verdâtres de certains intérieurs doivent tout à Edward Hopper. Chaque plan offre un nouveau point de vue sur des scènes familières, sans jamais recourir à un excès d’artifices.Paris, Texas, de Wim Wenders. Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, (GB-Fr.-All., 1984, 145 min). Mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde 28.07.2015 à 15h22 • Mis à jour le29.07.2015 à 17h40 Le film de superhéros Ant-Man (L’Homme-fourmi) a conservé sa première place du box-office en Amérique du Nord au cours du week-end passé. Mêmes si ses recettes se sont un peu essoufflées après deux semaines d’exploitation (106,1 millions de dollars, soit 96,1 millions d’euros, quand même au total !) – et même si en France le film est devancé par Minions –, Ant-Man est une nouvelle illustration de la force de frappe des studios Marvel et, par-delà, de la bonne santé de Walt Disney Studios Entertainment et du groupe Walt Disney en général.C’est d’ailleurs bien pour redonner un nouveau souffle à ses productions que la firme de Mickey avait racheté en 2009, pour 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros), l’éditeur de comic books Marvel Entertainement et sa filiale de production cinématographique, Marvel Studios. Pour la première fois depuis plus de dix ans, le chiffre d’affaires de Disney était en baisse et, si elle voulait continuer à grandir, l’entreprise devait trouver de nouveaux relais de croissance.Pour Walt Disney Studios Entertainment (production et distribution de films), cela passait par la conquête d’un public plus large, à travers la mise en scène de nouveaux personnages, aussi iconiques et intemporels que Mickey, Donald et compagnie. C’est qu’a apporté Marvel : Marvel Entertainement disposait d’un catalogue de figures entrées dans la culture populaire, comme Spider-Man ou les X-men ; Marvel Studios disposait, depuis le milieu des années 2000, des droits d’adaptation de certaines de ces figures, comme Iron-Man et Hulk – les premiers films consacrés à ces deux personnages avaient été des succès en 2008.Lire aussi :« Ant-Man » ne convaincra ni les geeks ni les entomologistesConsécrationEn rejoignant Disney, les studios Marvel ont disposé des moyens de poursuivre cette politique de réacquisition des droits de leurs personnages et de création de multiples films de superhéros, aux intrigues interconnectées. Pour la branche cinéma de Disney, Marvel Studios s’est rapidement révélé être un inépuisable créateur de contenus capables de s’installer au sommet du box-office mondial : Iron Man, Thor et Captain America, sortis sur les écrans en 2010 et 2011, ont rapporté respectivement 624 millions de dollars, 449 millions et 371 millions, doublant voire triplant leur budget initial.« Les films Marvel puisent largement leur inspiration dans le patrimoine écrit de la BD, ce qui a immédiatement séduit les fans de comic books. Mais leurs scénarios sont également travaillés pour parler à une cible plus large et familiale, notamment en intégrant une bonne dose d’humour et de second degré », explique Phillippe Guedj, spécialiste de l’univers Marvel et auteur de « Marvel Univers », un documentaire qui sera diffusé sur Ciné + Frisson, à l’automne.Le couple Disney-Marvel a connu la consécration en 2012, avec Avengers, production pharaonique de 220 millions de dollars, qui réunit les superhéros de la franchise le temps d’un long-métrage. Avengers est devenu le troisième film le plus lucratif de tous les temps (1,5 milliard de dollars de revenus).DominationÀ l’issue de cette première phase, au cours de laquelle le groupe aura engrangé plus de 2 milliards de dollars de revenus, Disney a enclenché la « phase 2 » de cet univers cinématographique Marvel, avec six nouveaux films, sortis entre 2013 et 2015. Le parti pris aura été « de concevoir chacun des films comme un épisode d’une grande saga, dont les scénarios sont interdépendants les uns les autres », explique Phillippe Guedj, une connexion devant « stimuler le public et attirer sa curiosité vers d’autres films Marvel ».Sur ce terrain, Marvel a démontré son efficacité, établissant sa domination sur le box-office mondial. Cette « phase 2 «, savant mélange de suites à succès (le troisième épisode d’Iron Man, les seconds volets de Thor, Captain America et Avengers) et de nouveautés (Guardians of the Galaxy, Ant-Man) a permis à Disney de dégager 4,7 milliards de dollars de recettes entre 2013 et 2015.Le succès de Marvel a été d’autant plus important pour Disney que les propres studios du groupe ont accusé des revers. Le film d’animation Milo sur Mars (2011), doté d’un budget de 150 millions de dollars a été un échec. John Carter (2012), sur lequel Disney avait misé pas moins de 350 millions de dollars, n’a dégagé que 284 millions de recettes.Marvel et ses superhéros sont également une source tout aussi rémunératrice pour la vente de produits dérivés (jouets, accessoires, vente de droits de diffusion de dessins animés). Le chiffre d’affaires de cette branche chez Disney, qui fluctuait entre 2 et 2,5 milliards de dollars depuis le début des années 2000, n’a cessé de croître depuis 2009, pour atteindre 3,9 milliards de dollars en 2014. Depuis 2012, ce succès est aussi imputable à LucasFilm (racheté pour 4 milliards de dollars), qui a permis de s’emparer de la très populaire licence Star Wars.ConcurrenceEn 2014, Marvel a annoncé la « phase 3 » de son univers cinématographique, prévue entre 2016 et 2019. Pas moins de dix films sont programmés. La domination des studios risque néanmoins d’être mise à mal par l’offensive de deux concurrents : DC comics, notamment détenteur de Batman et Superman, et dont le catalogue de superhéros appartient à la Warner Bros ; et la 20th Century Fox, qui détient la licence de certains héros Marvel, comme les X-men ou les 4 Fantastiques.Les studios Warner ont annoncé dix films entre 2016-2020, dont le très attendu Batman v Superman : Dawn of Justice (prévu le 23 mars 2016 en France). Le concept d’univers partagé de Marvel, aux intrigues liées, où les héros se croisent, devrait être repris par son principal rival. La 20th Century Fox a elle aussi annoncé plusieurs films mettant en scène des superhéros sur la même période. DiversificationCe planning conduit à se demander si la surreprésentation des héros costumés au cinéma ne va pas finir par provoquer un phénomène de saturation. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Même si « le second degré, qui caractérise les films Marvel, lasse certains spectateurs », comme le relève Philippe Guedj, qui prévient : « le tandem Warner-DC a tout intérêt à se différencier en adoptant un ton plus sérieux, plus iconique, qui aura pour trame de fond des problématiques contemporaines. » Au regard de Man of Steel (2013), qui contait les origines de Superman, et de la bande-annonce de Batman vs Superman, il semble que Warner se dirige vers des longs-métrages plus sombres et a priori plus segmentants.Le couple Disney-Marvel mise, lui, sur la diversité pour se différencier. Au menu de sa « phase 3 » on retrouvera une superhéroïne, Captain Marvel et un héros africain, Black Panther. « Depuis nos débuts, nous sommes une entreprise avant-gardiste qui a su diversifier ses contenus », confiait, il y a quelques semaines, Kevin Feige, le PDG. Un principe qui a établi le succès de la firme dans les comics : surnommée « La maison des idées », Marvel s’est imposée depuis les années 1960 comme l’un des acteurs majeurs de la BD américaine à travers sa capacité à se réinventer et à proposer des histoires ancrées dans la modernité.Adrien Candau Alain Beuve-Méry Cela s’appelle tout simplement Grey et cela coûte 17 euros pour 556 pages. Le quatrième volet des aventures érotiques du milliardaire Christian Grey et de l’étudiante Anastasia Steele, rédigé par l’auteure britannique E.L. James, paraît, mardi 28 juillet, aux éditions Jean-Claude Lattès.Avec un tirage prévu de 400 000 exemplaires pour la France – 500 000 exemplaires en incluant la Belgique, la Suisse et le Canada – il s’agit, pour l’heure, de la sortie la plus massive de l’année. Avant les gros tirages de la rentrée littéraire et surtout la parution du 36e album d’Astérix, Le papyrus de César, prévue pour le 22 octobre.Le succès devrait forcément être au rendez-vous. La France n’a, en effet, pas échappé au raz-de-marée éditorial de cette romance sirupeuse, parue à partir de 2012. Les trois premiers volumes, Cinquante nuances de Grey, Cinquante plus sombres, Cinquante plus claires se sont écoulés au total, toutes éditions confondues, à 7,2 millions d’exemplaires.C’est grâce au flair et à l’absence de préjugés d’Isabelle Laffont, patronne des éditions Lattès, que le groupe Hachette a réalisé cette excellente opération commerciale. Le chiffre d’affaires de Lattès en 2013 a même correspondu au chiffre d’affaires cumulé des quatre autres maisons littéraires d’Hachette Livre (Grasset, Fayard, Stock et Calmann-Lévy).Paru le 18 juin aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le 4e volume, qui raconte l’histoire de l’étudiante et du milliardaire du point de vue de Christian, a été numéro un des ventes pendant quatre semaines avant d’être détrôné par Go Set a Watchman (« Va et poste une sentinelle ») de Harper Lee, l’auteur du best-seller Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.Trois livres, 125 millions d’exemplaires vendusGrey s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires, en langue anglaise. Le tirage a quant à lui dépassé les deux millions. Le livre est aussi sorti le 3 juillet en Espagne et le 16 juillet en Italie, où la trilogie avait rencontré un grand succès.La trilogie d’origine s’est vendu à plus de 125 millions d’exemplaires dans le monde. L’adaptation au cinéma du premier tome a rapporté 570 millions d’euros. Un deuxième film devrait sortir sur grand écran, en février 2017.Initialement prévue pour le 10 septembre, la sortie de Grey, cinquante nuances de Grey par Christian, a été avancée au 28 juillet. Pour réaliser cette prouesse – le livre est paru en langue anglaise le 18 juin –, il a fallu mobiliser une équipe de trois traducteurs : la québécoise Denyse Beaulieu, ainsi que Dominique Defert et Carole Delporte.En septembre 2014, la rentrée littéraire avait été bousculée par le lancement surprise de Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiller, publié aux éditions des Arènes. Le titre de l’ex-compagne du chef de l’Etat avait capté une grande partie du lectorat qui, traditionnellement, achète les titres parus fin août début septembre.C’est pour échapper à ce dilemme et parce que Lattès publie à la rentrée le nouveau roman de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, sur laquelle la maison nourrit de grands espoirs qu’elle a avancé la publication de Grey.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin Joint, lundi 24 août, par téléphone à Damas, Maamoun Abdulkarim, directeur général des antiquités et des musées de Syrie, est très pessimiste sur l’avenir du site archéologique de l’antique Palmyre – classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1980 et placé sur la liste en péril en 2013 – aux mains de l’Etat islamique (EI).Lire aussi :A Palmyre, le temple de Baalshamin détruit à l’explosif par les djihadistesAprès la décapitation en public, mardi 18 août, du très respecté Khaled-Al Asaad, 81 ans, qui a dirigé, de 1963 à 2003, la mise en valeur de la cité millénaire, et après la destruction, dimanche 23 août, du temple Baalshamin, dédié au dieu de la fertilité, « père » protecteur des habitants de cette oasis du désert, l’avenir des vestiges monumentaux de l’opulent carrefour caravanier des premiers siècles de notre ère est bien sombre.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »« Leur sauvagerie est totale »« Pourquoi cela ?, interroge M. Abdulkarim. C’est la vengeance, ils avaient promis [en mai, lors de la prise de la ville] de ne pas toucher le site archéologique. Ils n’ont pas tenu parole », se révolte-t-il. « Leur sauvagerie est totale, comme l’autorisation donnée il y a un mois d’opérer des fouilles clandestines sur les ruines antiques. Le musée a été transformé en prison et en tribunal. On doit se préparer à recevoir d’autres images, pires. On ne doit pas être pessimiste, on doit être uni. »La communauté locale a-t-elle les moyens de réagir ? « Non, 80 % de la population a quitté la ville. On est trop faible. On ne peut rien faire. On attend que la ville soit libérée. » Sont en danger : le grand temple Bel, la colonnade de 1 200 mètres, l’agora, le camp de Dioclétien, le théâtre, les bains, ou encore l’immense nécropole dont les tours à reliefs impressionnent. L’un des plus grands sanctuaires de l’Orient romain, avec Baalbeck au Liban, mémoire de la civilisation sémitique, foyer culturel de l’antiquité, est menacé.Pillage systématiqueEn 2013, à la tribune de l’Unesco, M. Abdulkarim, lançait un cri d’alarme en exhibant la carte d’une cinquantaine de sites archéologiques de premier plan et de treize centres urbains et sites historiques en danger. Alep, le Krak des Chevaliers, le vieux Damas, ou encore Bosra, ont été déclarés en péril. En plein désert, proche de l’Euphrate, les monuments de Doura Europos, antique forteresse de l’armée romaine, dont l’archéologue Pierre Leriche dirige les fouilles, ont été détruits et le site a été intégralement pillé.C’est pareil à Mari, la vaste cité mésopotamienne. L’EI y a organisé un pillage systématique avec les outils qui étaient entreposés dans la maison de fouilles et prélevé 20 % du butin. Une « économie » de l’archéologie que les djihadistes ont mis en place pour alimenter le marché parallèle illicite des antiquités. Une des principales ressources financières de l’EI avec le pétrole.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Un festival mulhousien et un album soul raviront vos oreilles cette semaine, dans l’attente d’un festival parisien à l’automne et de la sortie d’un remarquable album de world music.UN ALBUM : « Woman », de Jill ScottLa chanteuse et actrice Jill Scott est apparue au début des années 2000, dans le sillage de quelques représentants du renouveau soul comme The Roots (de Philadelphie, comme elle), D’Angelo ou Erykah Badu. Elle a enregistré quatre albums en studios, publiés entre 2000 et 2011, auxquels vient de s’ajouter Woman. Seize chansons, dont quatorze de sa plume, sans débordement d’invités (juste BJ The Chicago Kid pour la dernière chanson). Un parler-chanter avec accompagnement rythmique tendu dans Wild Cookie pour entrer dans l’album, une montée plus fournie dans Prepared, avec section de vents, voix en vagues et déjà Run Run Run, dans l’énergie soul à l’ancienne, qui irrigue aussi Closure ou Coming to You. Ailleurs c’est un son plus psyché façon début années 1970 (Lighthouse, Cruisin’, Say Thank You avec sa guitare en effets fuzz), une part gospel (You Don’t Know, Back together)… Et si Jill Scott approche par endroits des ambiances plus contemporaines, elles sont menées sans perdre d’oreille l’ancrage dans les classiques soul. Tout cela vocalement au plus exact, direct et d’une aisance naturelle.« Woman », de Jill Scott, 1 CD Blues Babe Records Atlantic/Warner Music.« Can’t Wait », extrait de l’album « Woman », de Jill Scott. « Back Together », extrait de l’album « Woman », de Jill Scott.UN FESTIVAL : Improvisations et expérimentations au Météo Mulhouse Music Festival du 25 au 29 août Plus de trente ans que cela persiste et signe. A Mulhouse, fin août, un festival (d’abord sous le nom de Jazz à Mulhouse) propose des musiques et des artistes qui ne courent pas les allées de la plupart des manifestations estivales. Du jazz issu de la free music européenne, des expérimentations sonores liées ou pas à l’électroacoustique, une approche artistique qui passe souvent par l’improvisation, des échappées rock quand celui-ci s’élance dans des aventures stylistiquement proches. Le programme, toujours copieux, qui débute à 12 h 30 (sauf le premier jour, à 18 heures) emmène souvent loin dans la nuit. Pour sa présente édition, du 25 au 29 août, sont notamment annoncés James Blood Ulmer, l’imposant Surnatural Orchestra, Beñat Achiary, Eve Risser, Okkyung Lee, Akira Sakata, James Chance, Fred Frith, Evan Parker, Barry Guy, Paul Lytton, Caspar Brötzmann, Michel Doneda… Des habitués, des nouveaux venus.Météo Mulhouse Music Festival, au Théâtre de la Sinne, Chapelle Saint-Jean, La Filature, L’Entrepôt, le Noumatrouff… du 25 au 29 août. De 5 euros à 20 euros, forfait intégral 75 euros, nombreux concerts en accès libre.UN VIDÉOCLIP : « Passa Quatro », par le duo Ballaké Sissoko et Vincent SegalLe joueur de kora, harpe en calebasse à chevalet et à 21 cordes, Ballaké Sissoko et le violoncelliste Vincent Segal ont formé à la fin des années 2000 un duo créatif, rencontre de leurs cultures et pratiques artistiques respectives. Musiques d’Afrique, dont celles du Mali, terre de Ballaké Sissoko, chansons, pop, jazz… Ils avaient enregistré un premier album Chamber Music (NoFormat !), en 2009, des « chemins intimistes où il fait bon se perdre », comme l’indiquait à l’époque notre collègue Patrick Labesse. Les deux complices se retrouvent aujourd’hui pour Musique de nuit (NoFormat !), dont la parution est annoncée pour le 4 septembre. Un album que l’on découvrira alors mais que précède la récente mise en ligne d’un vidéoclip de la composition Passa Quatro. Depuis le fleuve Niger, qui traverse Bamako, où a été enregistré l’album, l’on voit des rives de terre ocre occupées par des planches, objets… passent des hommes et des femmes, des bateaux. Au loin de petits immeubles. Un précieux moment de lenteur.« Musique de nuit », de Ballaké Sissoko et Vincent Segal, No Format !. Sortie le 4 septembre.RÉSERVEZ VITE : Thom Yorke, le 30 octobre et Laurent Garnier le 31, au Pitchfork Music Festival de Paris La venue de Björk devait être l’un des événements du Pitchfork Music Festival, organisé à Paris du 29 au 30 octobre, à La Grande Halle de la Villette. Mais la chanteuse islandaise a annoncé début août qu’elle avait décidé d’annuler ses passages dans divers festivals (dont La Route du rock, à Saint-Malo, le 15 août). « Conflit d’agenda » avait vite précisé son management avant que la chanteuse ne mette en avant, quelques jours plus tard, que l’interprétation de ses nouvelles chansons sur scène s’était révélée trop « intense ». D’où l’annulation. Explication que chacun jugera plus ou moins convaincante – les responsables des différents festivals concernés, eux, ont penché vers le moins. Foals avait remplacé Björk à La Route du rock. Pour le Pitchfork, les organisateurs viennent d’annoncer deux remplaçants aux dates prévues : Thom Yorke, le chanteur et leader de Radiohead, qui viendra en solo le 30 octobre et le producteur et DJ Laurent Garnier, le 31. Si les forfaits trois jours à prix réduit pour le festival parisien sont épuisés, il reste des billets à la journée et des forfaits trois jours à prix normal.Pitchfork Music Festival Paris, Grande Halle de La Villette, du 29 au 31 octobre. 54 euros par jour, forfaits trois jours 120 euros.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 24.08.2015 à 06h49 • Mis à jour le24.08.2015 à 16h04 | Emmanuelle Jardonnet (Weston-super-Mare (Royaume-Uni), envoyée spéciale) Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55db24e79560a'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\nL'installation de Bill Barminski, \"Security Screening Room\", \u00e0 l'entr\u00e9e de l'exposition.\r\nCr\u00e9dits : VIRGINIE NOEL POUR "LE MONDE"\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'installation de Bill Barminski, \"Security Screening Room\", \u00e0 l'entr\u00e9e de l'exposition.","source":"VIRGINIE NOEL POUR \"LE 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leurs flashs.\r\nCr\u00e9dits : VIRGINIE NOEL POUR "LE MONDE"\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\"Cendrillon accident\u00e9e\" conna\u00eet le destin de Lady Di : son carrosse s\u2019est renvers\u00e9, et des paparazzis motards bombardent la sc\u00e8ne de leurs flashs.","source":"VIRGINIE NOEL POUR \"LE MONDE\"","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/08\/24\/bienvenue-dans-le-parc-d-attractions-de-banksy_4735256_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\nDes visiteurs se font prendre en photo devant le ch\u00e2teau.\r\nCr\u00e9dits : VIRGINIE NOEL POUR "LE MONDE"\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Des visiteurs se font prendre en photo devant le ch\u00e2teau.","source":"VIRGINIE NOEL POUR \"LE 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Avant d’avoir la moindre idée de l’événement qui se tramait dans le plus grand secret depuis des mois, les regards des curieux du monde entier étaient depuis quelques jours braqués sur cette petite cité balnéaire endormie du Somerset, au sud-ouest de l’Angleterre, à une trentaine de kilomètres de Bristol. Des indices laissaient penser que Banksy l’avait élue comme théâtre d’un nouveau projet. L’hypothèse a électrisé les réseaux sociaux.Jeudi 20 août au matin, le voile était officiellement levé : le plus célèbre et mystérieux des artistes urbains annonçait sur Internet l’ouverture dès le lendemain de Dismaland (mélange de Disneyland et de lugubre), son « Bemusement Park » (jeu de mot entre parc d’attractions et perplexité). Et la modeste Weston-super-Mare devenait, à la grande surprise de ses habitants, the place to be. Une destination convoitée qui se présente pourtant comme « le nouveau parc d’attractions le plus décevant de Grande-Bretagne ! », et « un festival artistique, d’attractions foraines et d’anarchisme de bas niveau », comme le précise le plan des lieux avec cette tournure d’esprit savoureusement provocatrice devenue la marque de fabrique de l’artiste. « Un souvenir d’enfance »Le choix de cette ville pour imaginer son parc désenchanté n’était pas tout à fait un hasard. Sur ce même site, large promontoire en pierre sur la plage, existait une piscine, le Tropicana, fermée il y a une quinzaine d’années. Enfant, quand Weston-super-Mare était encore une destination populaire du week-end pour les habitants de Bristol, le jeune Banksy la fréquentait. « Il vient faire revivre un souvenir d’enfance, qu’il partage avec beaucoup de monde ici », explique son ami Inkie, figure du graffiti à Bristol.Dans un entretien au magazine d’art urbain Juxtapoz, Banksy explique que ce public de locaux, qui ne fréquente pas les musées dans leur majorité, est aussi, pour lui, « le public parfait » pour découvrir les œuvres de la cinquantaine d’artistes qu’il a choisi de présenter. « Banksy n’a pas fait d’école d’art, c’est une personne du peuple, et il continue à s’adresser à tout un chacun dans ses œuvres. L’art est pour lui une plate-forme pour commenter notre société », souligne Rob Dean, qui dirige Where The Wall, une structure consacrée  à la culture du street art à Bristol. L’inauguration, vendredi 21 août, illustrait parfaitement l’immense spectre de son public, avec la session de la journée réservée aux locaux et la session du soir réservée aux invités triés sur le volet, venus du monde entier, galeristes, artistes, collectionneurs. La première a attiré des gens de tous âges, dont certains ont campé sur place pour être sûrs d’avoir l’une des mille entrées en avant-première, comme Terry Hatt, sémillant octogénaire en costume à motifs Union Jack. « C’est fantastique pour nous d’avoir une exposition qui parle de la société contemporaine, plutôt que des peintures anciennes. Ça nous parle d’aujourd’hui, du monde globalisé », explique James, 31 ans, qui a affronté la nuit avec une chapka. « Ce qui me plaît, chez Banksy, c’est que cela incite toujours à réfléchir. Il montre la face sombre des choses, ce que l’on n’a pas envie de voir, c’est courageux », estime Shane, travailleur social de 40 ans.Spectacle de désolationA 11 heures, le public pénètre dans l’enceinte, découvrant un parc d’attractions en fin de course. Les haut-parleurs diffusent une musique hawaïenne fatiguée entrecoupée de fausses annonces, enregistrements vocaux de slogans politico-poétiques de l’artiste américaine Jenny Holzer. L’agence de « prêt d’argent de poche », qui propose des prêts aux enfants, risquant de les endetter à vie, elle, est bien pimpante.Les agents du lieu, qui arborent des oreilles de Mickey, sont visiblement tous en dépression. « Ah, c’est tellement juste !, s’amuse Maya, 18 ans. Je me sentais exactement comme ça quand je travaillais dans un supermarché », explique-t-elle tout en jouant au minigolf dans un environnement pollué, sur les restes d’une station-service. Au centre de ce spectacle de désolation, une sculpture de la Petite Sirène – dont l’image est déformée comme si on en perdait le signal – trône dans les restes de l’ancienne piscine, transformée en douves-égouts d’un château de conte de fées en ruines. Le plan incite à le visiter « afin de voir ce que cela fait d’être une vraie princesse ». A l’intérieur, Cendrillon a le destin de Lady Di : son carrosse s’est renversé, et des paparazzis motards bombardent la scène de leurs flashs. Ce parc, Banksy l’a voulu à l’image de la société : « C’est décousu, incohérent et narcissique, donc peut-être qu’on y est presque. » Mais derrière le chaos apparent, l’exposition est extrêmement bien pensée et organisée. Les œuvres en plein air, les plus interactives, sont parmi les plus potaches. La grande roue tourne à l’envers ; dans le carrousel, un ouvrier transforme des petits chevaux de bois en lasagnes, la pêche aux canards se pratique dans une marée noire… Un soldat de La Guerre des étoiles s’est visiblement trompé de parc d’attractions, et sanglote. C’est pour cet espace ludique et cruel que Banksy a imaginé l’une des œuvres les plus frappantes : un bassin de petits bateaux télécommandés surchargés de migrants, entourés de noyés.Fidèle à l’esprit du street artTout autour, des tentes ou des bus donnent lieu à de petites expositions. Comme celle, très politique et documentée, vouée au design et à la logistique de la surveillance. Ou une yourte transformée en galerie de la poésie de la contestation. Le cinéma en plein air propose une sélection de courts-métrages d’animation poétiques, dont un irrésistible cours de relaxation politiquement incorrect. Molly, septuagénaire, s’attarde dans la tente « Le Sommeil de la raison », cabinet de curiosités aussi oniriques que monstrueuses, où domine la fameuse licorne de Damien Hirst, dans son aquarium de formol. « Je ne suis pas très fan de street art à la base, mais tout cela est très intelligent, cela permet de regarder les choses autrement, et il y a tellement d’artistes différents ! », confie-t-elle. D’ailleurs, est-ce encore du street art ? Non, déclare Banksy à Juxtapoz. Pour son ami Inkie, le concept de l’exposition reste fidèle à l’esprit du street art : « C’est un élargissement du propos : ouvrir l’esprit des gens. Pour moi, c’est encore du street art dans le sens où le concept est anarchiste, punk, anti-establishment. Tout cela est né dans la rue, mais c’est le niveau supérieur. » L’intérieur du bâtiment qui longe tout l’espace se présente comme une suite de galeries, avec de bonnes conditions pour découvrir les œuvres, installations, et peintures, de grande taille. On recroise James, qu’on a failli ne pas reconnaître sans sa chapka. « C’est encore mieux que ce que j’espérais », confie-t-il songeur et concentré.« Have a dismal day… », souhaite avec une voix lasse l’hôtesse aux visiteurs se dirigeant vers la sortie. S’il est lugubre et déprimant, à l’image de notre monde chaotique, le paradis perdu de Banksy n’en est pas moins galvanisant. Le sourire est sur tous les visages. Une célébrité à l’identité secrèteGrands coups et coûts font la réputation du mystérieux graffeur britannique. Les derniers tours de force de Banksy ont été une intervention nocturne dans la ville de Gaza en début d’année pour réaliser plusieurs peintures sur des ruines, notamment un grand chaton blanc. Façon aussi ironique qu’efficace pour attirer l’attention mondiale sur la situation humanitaire dans le territoire. Fin 2013, il avait fait irruption dans les rues de New York pour une résidence sauvage d’un mois, où il imaginait chaque jour une œuvre en dialogue avec la ville. Célèbre pour ses pochoirs en noir et blanc, il crée aussi des installations et des sculptures, et les ventes de ses œuvres atteignent des records dans le street art. Il est également l’auteur du génial mockumentaire (faux documentaire) Faites le mur ! Si son identité est toujours restée secrète, on sait qu’il a grandi à Bristol, qu’il a une quarantaine d’années et qu’il affectionne les déguisements pour ne pas être reconnu.« Dismaland », Marine Parade, à Weston-super-Mare (Somerset). Jusqu’au 27 septembre, de 11 heures à 23 heures. 3 livres sterling (4,15 euros).Emmanuelle Jardonnet (Weston-super-Mare (Royaume-Uni), envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Elle a trouvé le temps long… Après six mois de campagne puis quatre mois de « tuilage » avec l’équipe en place, Delphine Ernotte-Cunci, 49 ans, ancienne patronne d’Orange France, succède à Rémy Pflimlin à la tête de France Télévisions, lundi 24 août. Elle a mis un premier pied dans son bureau samedi, mais la passation de pouvoir a lieu ce lundi, à 10 heures, lors d’une prise de parole devant cent cinquante cadres dirigeants de l’entreprise d’audiovisuel public.Son arrivée à France Télévisions a donné lieu à beaucoup d’articles et de commentaires, mais l’intéressée ne s’est jusqu’ici pas exprimée. Elle est attendue. Le choix du Conseil supérieur de l’audiovisuel de la nommer, le 23 avril, a suscité des contestations (deux plaintes et deux recours au Conseil d’Etat demeurent). Depuis, au cours des quatre derniers mois, elle a consulté en interne et en externe — avec le lot de rumeurs afférent — pour former son équipe, dont elle officialise l’organigramme ce lundi.On y trouve des recrues externes (Stéphane Sitbon-Gomez, ancien directeur de cabinet de l’écologiste Cécile Duflot ; Vincent Meslet, directeur de France 2, venu d’Arte ; Caroline Got, directrice de la stratégie et des programmes, issue du groupe TF1 et de France Télévisions ; ou Michel Field, directeur de France 5, ancien de LCI, Europe 1 et France Télévisions) et des promotions internes (dont Pascal Golomer, le directeur de l’information, remplaçant de Thierry Thuillier, ou Arnaud Lesaunier, le directeur des ressources humaines), ainsi que quelques confirmations de l’équipe précédente (Dana Hastier, directrice de France 3, ou Tiphaine de Raguenel, à France 4).Chaîne publique d’information en continuQuelques jours avant sa prise de fonction, une dernière nomination a créé des remous à la direction des rédactions de l’entreprise : celle de Germain Dagognet, ancien de TF1 et de LCI, souvent décrit comme homme de réseau. Il a été recruté comme numéro deux de l’information, alors que ce n’était pas le choix initial de Pascal Golomer. Le nouveau venu travaillera sous sa responsabilité et s’occupera du chantier de la chaîne publique d’information en continu que Delphine Ernotte veut lancer a depuis précisé son entourage. Un projet assez sensible, à deux ans de la présidentielle, mais central pour la nouvelle présidente, qui veut que cette chaîne soit lancée en septembre 2016 sur les supports numériques, et ensuite éventuellement sur un canal hertzien, ce qui n’est pas acquis.Delphine Ernotte a la chance — peut-être à double tranchant — de trouver un groupe qui se félicite ces derniers mois de ses bonnes audiences dans le domaine de l’information ou de la fiction. Mais plusieurs autres défis sont dans le projet de Delphine Ernotte : continuer la fusion des rédactions de France 2 et France 3 — une réforme déjà engagée, mais qui génère des oppositions en interne ; favoriser le dialogue social avec des « assises » de l’entreprise ; poursuivre le développement numérique ; faire de France Télévisions un fer de lance de la création audiovisuelle française, y compris à l’export. Tout en faisant face à des ressources publiques plutôt en baisse, ce qui suppose de faire encore des économies ou de trouver de nouvelles recettes, par la refonte de la redevance, la vente de droits de production ou la publicité. Delphine Ernotte se dit impatiente de prendre ses fonctions. Elle a de quoi s’occuper.@apiquardpiquard@lemonde.frRetrouvez l’entretien exclusif avec Delphine Ernotte-Cunci dans l’édition du Monde du mardi 25 août.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Ariane Chemin //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique La réponse du « Monde » à Michel Houellebecq L’entreprise, facteur de progrès social ? Garry Kasparov - Deep Blue : échec et bugtous les articles de la thématique On voulait raconter l’univers d’un écrivain, on se retrouve devant un secret-défense. Furieux que Le Monde engage, cet été, une série d’articles dont il n’a pas l’initiative, Michel Houellebecq nous a répondu, le 26 juin : « Je refuse de vous parler et je demande aux gens que je connais d’adopter la même attitude. »En copie de son mail, le Tout-Paris, des philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray en passant par l’écrivain Frédéric Beigbeder. Consigne leur est donnée, si Le Monde persévérait dans son entreprise, de ne pas hésiter à « porter plainte au civil » : « La procédure judiciaire est finalement simple, et plutôt lucrative. » Et d’ajouter qu’il a décidé de se confier au Figaro Magazine (hebdomadaire que, dans son livre avec BHL, Ennemis publics, il n’hésitait pas pourtant à traiter aimablement de « torchon »),« demand[ant] aux gens qu’[il] connaît de faire le même choix ».Ce n’est pas la première fois que Michel Houellebecq tente d’intimider la presse. En 2005, un journaliste passé par l’AFP puis par Le Point (et aujourd’hui à L’Obs), Denis Demonpion, demande à s’entretenir avec l’écrivain. Il veut écrire sa biographie. Tout est fait pour l’en dissuader. Raphaël Sorin, qui édite alors Houellebecq, propose au journaliste d’« insérer les remarques » de son auteur, « après lecture, en appels de notes », comme l’avaient fait, explique-t-il avec Houellebecq au futur biographe, Malraux ou Schopenhauer. Refus du journaliste. « Les entretiens sont pour moi un exercice très décevant, plaide Houellebecq par mail, en vain. J’ai l’impression que ce que je dis n’a aucun intérêt. » Puis Houellebecq écrit au reporter pour lui faire croire qu’il va publier son autobiographie avant la sortie de sa « bio ».Ses désirs sont des ordresHouellebecq non autorisé paraît en 2005 chez Maren Sell (une édition augmentée est en cours d’écriture). Denis Demonpion a mis la main sur l’acte d’état civil de l’écrivain, qui s’était rajeuni de deux ans, et a « retrouvé » sa mère, que son fils disait morte (elle s’est éteinte le 7 mai 2010). Evidemment, un homme de l’imaginaire a le droit de mentir : de Nietzsche à Céline, c’est presque une spécialité. Mais Houellebecq devient comme fou. Il bannit de sa vie ceux qui ont raconté leurs souvenirs, tel l’écrivain Dominique Noguez, pourtant l’un de ses alliés les plus dévoués. « Je regrette (…) de ne pas avoir (…) tenté sur l’auteur de la biographie un peu d’intimidation physique », confiera, en 2008, Houellebecq à BHL. Depuis, l’ouvrage est régulièrement cité par les universitaires et dans les actes de colloques consacrés à l’écrivain, auxquels il assiste carnet à la main, au premier rang.« Je me souviens que, lorsque le livre était paru, Michel avait été finalement soulagé, comme si son vrai secret n’avait pas été percé », raconte aujourd’hui l’éditeur Raphaël Sorin. « Il y a à l’évidence plusieurs points sensibles dans sa vie, sourit Maren Sell, l’éditrice de Houellebecq non autorisé, mais j’ai constaté que cet homme crée autour de lui des climats de dépendance, positive ou négative. » Ses désirs sont des ordres. « Si je vous parle, je perds mon job… », explique-t-on chez Flammarion. Teresa Cremisi, son éditrice ad vitam aeternam, comme le puissant agent de l’écrivain, François Samuelson, prennent des airs désolés : « Il peut [vous] quitter à jamais pour une ombre au tableau… » « Pour ne pas mettre en danger la santé de Michel », son ancienne compagne Marie-Pierre Gauthier est contrainte de décommander le deuxième rendez-vous. Le réalisateur de l’épatant Enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux, annule l’entretien prévu d’un texto : « Que ne ferait-on pas pour un ami… » Jusqu’à ces universitaires qui s’exécutent, « navrés ». Une vraie scène de… Soumission. Ci-dessous, retrouvez les liens vers les six volets de notre série écrite par Ariane Chemin La tour et le territoire 1/6Si l’on s’envolait de quelques étages pour raconter Houellebecq ? Pour gagner les hauteurs du Chinatown parisien, d’où il contrôle le ballet du Tout-Paris.Extrait :Une tour haute comme un gratte-ciel, dans le XIIIe arrondissement de Paris. De ce sémaphore seventies, l’écrivain a fait son refuge. (...) Du haut de sa tour, l’écrivain pourrait dominer Paris. Profiter d’un « panorama exceptionnel», comme disent les agences immobilières, petites annonces et autres notices qu’il aime tant décortiquer. Mais l’appartement regarde davantage vers le périphérique que vers la capitale. « Il m’a expliqué qu’il ne voulait apercevoir aucun monument parisien », raconte le journaliste Sylvain Bourmeau, qui fut longtemps son confident. En Irlande, il s’était installé dans un lotissement sans âme, plein d’étranges sens giratoires, près de l’aéroport de Shannon. De son autre logement, un ancien bed and breakfast (« The White House »), on apercevait à peine la mer. En Espagne, où il a poursuivi ses douze années d’exil, « son bureau était installé au sous-sol » de l’appartement, confie Marie-Pierre Gauthier, sa seconde épouse, dont il est séparé.Dans le monde, hors du monde : Houellebecq raffole des contradictions. Houellebecq est un déménageur qui aime les paysages de la banalité, « le seul à les raconter et en voir le romantisme, comme Tarkovski au cinéma ou Caspar Friedrich dans ses peintures », dit Arielle Dombasle, son amie. A son retour en France, il y a trois ans, il a écumé les Citadines de la capitale. Les appart-hôtels sont des logements pour sédentaires-nomades un peu perdus, les palaces de la post-modernité, au fond, pour artistes qui hésitent entre marge et intégration. Ceux de la place d’Italie et de la rue Esquirol toute proche lui avaient particulièrement plu. « Le bord du périph, c’est pratique : je prends ma bagnole et je file », explique le romancier à ses amis. Lire l’intégralité de l’articleUn gourou à « 20 ans » 2/6Retour sur une période méconnue de la vie de Michel Houellebecq : celle de « 20 ans », le magazine « pour filles extra-averties ».Extrait :« A 20 ans, le magazine pour jeune filles, on raffole des pseudos : l’esprit potache des années 1980, comme sur les radios libres. Isabelle Chazot signe « Isabel Catolic » et Liberati, « Paul Pote ». Mais pas d’alias pour la nouvelle recrue. C’est sous son nom, Houellebecq, ce patronyme venu d’une famille de paysans et de pêcheurs du Nord-Cotentin mais son vrai nom d’écrivain, qu’il se résout, en décembre 1995, à donner au magazine un texte sur la fête, repris plus tard par ses soins dans son recueil Interventions 2 (Flammarion, 2009) : « Le but de la fête est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misérables et promis à la mort. Autrement dit, de nous transformer en animaux. C’est pourquoi le primitif a un sens de la fête très développé. » Ah, quels ravages ont dû faire les « boums » adolescentes et les slows amoureux sur un jeune Houellebecq, observateur douloureux de couples enlacés comme Tisserand, le héros d’Extension…20 ans est devenu branché, comme Les Inrocks, et cela lui convient. « J’ai été depuis le début soutenu par des médias tendance : 20 ans, Technikart, toute une mouvance Canal+, glisse Houellebecq en janvier 1999 dans un entretien à la NRF. Ces gens ne sont nullement stupides. » Le mensuel ne rate aucune occasion d’ouvrir ses colonnes à l’écrivain totem. « Quand on est un gros rat, même un gros rat en décapotable, on ne ramasse rien, répond-il ainsi à Isabelle Chazot qui l’interroge sur les exclus de la drague. Les gens ne cherchent même pas le plaisir sexuel, mais plutôt la gratification narcissique ; la reconnaissance de leur valeur érotique par le désir d’autrui. » » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : un homme d’ordre et de loiLe procès verbal 3/6« L’islam, la religion la plus con… » En 2001, ces mots du romancier font scandale. Un an plus tard, il est au cœur d’un procès. Le spectacle est autant dans le prétoire que dans la salle des témoins.Extrait :« En cette fin d’été, on se presse sous les boiseries et les hautes croisées de la « dix-septième » comme pour une première de théâtre. Houellebecq joue à guichets complets. Les caméras de CNN et d’Al-Jazira restent à la porte, les écrivains Régine Desforges et Gabriel Matzneff s’asseoient sur les bancs encaustiqués. Michel Houellebecq ne se retourne pas sur les supporteurs de Bruno Mégret qui portent sur leurs tee-shirts une Marianne baillonnée. « Ouiche… » « J’aurais un peu tendance à dire »… « Si vous voulez… » Le romancier répond laconiquement aux questions du président du tribunal, le souriant Nicolas Bonnal, un peu intimidé : c’est l’une de ses premières audiences à la 17e, après la figure du commandeur Montfort, qui avait régné dix ans sur ce salon des lettres où la courtoisie et le verbe sont rois. Comme Louis de Funès, comme Fabrice Luchini, Houellebecq transforme de sa seule voix la banalité du quotidien en épopée burlesque.- « Vous êtes écrivain ?– Dans le meilleur des cas, oui… », répond-il en posant le doigt sur ses lèvres. Les questions glissent sur lui telle l’eau sur la vitre : c’est comme si on demandait son avis sur l’islam à un clone de ses romans. « Je ne suis pas un intellectuel à la Sartre », dit-il. « Me demander un avis sur un sujet, quand on me connaît, c’est absurde, parce que je change d’avis assez fréquemment », ajoute-t-il. » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : à Jérusalem, « une crise de folie inouïe » Le corps à l’ouvrage 4/6Coiffure, dents, métamorphoses… On parle beaucoup du visage de l’écrivain. Mais son corps en dit au fond davantage. Et chaque roman se lit aussi comme un bulletin de santé.Extrait : « Muscles et esprit gymnaste sont arrivés d’une autre manière, plus directe, plus personnelle, plus brutale. A l’automne 2014, pour la première fois, Michel Houellebecq offre son corps aux spectateurs. Cours de free fight avec ses ravisseurs dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq, de Guillaume Nicloux, d’abord, puis danse solitaire en cycliste au sommet des montagnes chez Gustave Kervern et Benoît Delépine (Near Death Experience) : une vraie leçon d’anatomie. Il est le seul acteur ou presque et se tient de dos, les bras en croix. Pas de parka floue, pas de jean flottant ou de velours à pinces : il offre au spectateur ses cuisses et son dos moulés dans un cuissard de cycliste et un maillot Lycra. Un corps frêle, mais tonique et musclé, des mollets fuselés, presque les canons apolloniens seuls tolérés par les magazines.D’ordinaire, c’est le visage de Michel Houellebecq qui fait la « une » des journaux. La partie commentée de son corps, à chaque apparition de la star. Réseaux sociaux, romans et journaux intimes de ses contemporains (de Philippe Muray à Stéphane Zagdanski), chacun y va de sa description et de son commentaire. A qui ressemble-t-il ? Paul Léautaud, ce clochard des lettres atrabilaire, ou Antonin Artaud, l’auteur duThéâtre et son double, qui de son propre corps avait fait un spectacle et le prolongement de son œuvre ? Françoise Sagan, comme dit la blogosphère ? Céline, à cause de la coupe et de la ligne de ses pantalons ? La chercheuse Agathe Novak-Lechevalier lui avait fait un jour remarquer que, sur la couverture de Poésie, aux éditions J’ai lu, il cultivait une ressemblance avec Baudelaire. « J’ai aussi une ressemblance avec Hugo période Guernesey, lui a répondu Houellebecq. Sauf qu’il a l’air plus dingue que moi. » » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : un livre, et au lit !Trois jours et deux nuits au monastère 5/6Suivant pas à pas Huysmans, l’auteur de « Soumission » a passé quelques jours à l’abbaye de Ligugé, en décembre 2013. Il n’y a pas trouvé Dieu, mais les moines ne l’ont pas oublié.Extrait :« Quand Michel Houellebecq se présente à la porterie de l’abbaye, ce soir d’hiver 2013, le Père Vincent, qui l’accueille, le prend d’abord pour un SDF. Il s’apprête d’ailleurs à diriger l’écrivain vers le dortoir de quatre lits réservé aux vagabonds, dans la tradition et l’esprit de saint Martin, qui avait déchiré son manteau en deux pour le donner aux pauvres. Les moines racontent la scène en riant. Heureusement le Père Joël arrive en courant, haute taille, grand sourire sous sa calvitie « de Pierre Moscovici » – c’est le détail cocasse que Houellebecq retient de lui dans Soumission. (...)Durant son séjour, Houellebecq s’acquitte consciencieusement de sa vie bénédictine. Il déjeune avec les moines, à la table qui, au milieu de la salle voûtée, est réservée aux hôtes masculins de passage. L’abbaye a gardé de l’époque de Huysmans le goût de la bonne chère. Un vrai trois-étoiles Ligugé : légumes bio du potager, vins fins à chaque repas. Tierces, sextes, nones, vêpres, complies, l’écrivain se rend à plusieurs offices, mais les vitraux ne l’inspirent pas. L’église moderne (que les moines ont préféré à l’ancienne, où se rendait Huysmans, sur la place du village) ressemble, écrit-il dans Soumission, au « centre commercial Super-Passy de la rue de l’Annonciation ». » Lire l’intégralité de l’article 7 janvier, la collision tragique 6/6Alors que Michel Houellebecq commence en fanfare la promotion de Soumission, les frères Kouachi font irruption dans la rédaction de Charlie Hebdo. Au moment même où elle était en train de rire et de se disputer au sujet du romancier…Extrait :En septembre 2014, il avait remporté un succès inattendu avec un petit essai, Houellebecq économiste, où il expliquait que, si Balzac avait été le romancier de la bourgeoisie et du capitalisme triomphants, l’auteur d’Extension du domaine de la lutte était celui de la finance et d’un modèle économique en plein déclin.Il admirait Houellebecq comme une groupie et depuis si longtemps ! « Je le revois encore il y a quelques années, raconte le romancier toulousain Christian Authier, devant la Maison de la radio, qui me récitait des passages entiers et les plus beaux aphorismes des romans de Houellebecq. » C’était presque comme s’il avait écrit cet essai pour forcer une amitié. Son éditrice chez Flammarion, Noëlle Meimaroglou (aujourd’hui directrice littéraire chez Fayard), finit par arracher à Teresa Cremisi un rendez-vous avec l’auteur des Particules, à l’été 2014. Houellebecq économiste était achevé, mais qu’importe ! « Ce fut la rencontre de son année, raconte Dominique Seux. Je ne l’ai pas vu une fois entre septembre et sa mort sans qu’il me parle de Houellebecq. » Maris était l’homme des coups de foudre amicaux, Houellebecq est celui des amitiés séquentielles. Quelques dîners avant Noël avaient suffi pour échafauder quelques projets, un débat ensemble en mars : après le 7 janvier, en tout cas.Michel Houellebecq, sur le plateau du journal télévisé de France 2, le 6 janvier.Sur le nouveau calendrier de 2015, toute la critique littéraire a entouré cette date de rouge. Personne ne sait encore que ce sera un jour noir pour Charlie, pour la liberté de pensée, pour la France et l’esprit des Lumières, mais nul n’ignore que c’est le jour de parution du « nouveau-livre-évènement-de-Michel-Houellebecq », Soumission. Lire l’intégralité de l’article Lire aussi :Etre houellebecquisé ou ne pas l’être Ariane Chemin Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.08.2015 à 06h45 • Mis à jour le21.08.2015 à 07h14 Ce week-end, Le Monde vous propose des sorties très jazzy, dans le Clunisois comme à Paris, mais aussi du cirque, de la peinture italienne, etc.DE L’ART : Naples, dans le sillage du Caravage Il aura suffi qu’il séjourne à Naples, au tout début du XVIIe siècle, pour en réveiller la scène artistique. Poursuivi pour meurtre, le Caravage se réfugie dans la cité portuaire (alors territoire espagnol) entre 1606 et 1610 et engage à lui seul une révolution. C’est ce que montre la magnifique exposition « L’Age d’or de la peinture à Naples, de Ribera à Giordano », présentée jusqu’au 11 octobre au Musée Fabre, à Montpellier, dans l’Hérault. Une centaine de toiles témoignent de l’effet radical que la découverte des œuvres du Caravage – nouveauté des attitudes, simplicité des cadrages à mi-corps, puissance expressive des figures et des lumières – crée sur les ateliers napolitains. Philippe Dagen« L’Age d’or de la peinture à Naples, de Ribera à Giordano », Musée Fabre, 39, bd Bonne-Nouvelle, Montpellier. Jusqu’au 11 octobre.UNE EXPOSITION : L’Asie derrrière les masques Ce sont les derniers jours pour profiter de la magnifique exposition intitulée « Du Nô à Mata Hari », que propose, jusqu’au 31 août, le Musée national des arts asiatiques-Guimet à Paris. Le parcours permet de contempler les costumes du kathakali indien ou ceux du nô japonais, les masques du khon thaïlandais et du ­barong balinais, mais aussi de les mettre en relation. La confrontation provoque un véritable choc esthétique  : il est rare de trouver rassemblées, quasiment en vis-à-vis, ces formes théâtrales souvent très anciennes d’une infinie complexité et d’une grande beauté. La géographie de l’exposition, qui rassemble près de 300 objets, masques, ­ombres, costumes, films, s’étend de l’Inde au Japon, de la Thaïlande à la Chine, en ­déployant un faisceau d’informations concrètes. Les mises en scène simples et élégantes de ces formes théâtrales, dont certaines sont classées au Patrimoine ­culturel immatériel de l’humanité, créent un cercle de postures et de couleurs très excitant. Un véritable spectacle. Rosita Boisseau« Du Nô à Mata Hari. 2 000 ans de théâtre en Asie », Musée Guimet, 6, place d’Iéna, Paris 16e. Tél. : 01 56 52 53 00. Du mercredi au lundi, de 10 heures à 18 heures. Jusqu’au 31 août.UN SPECTACLE : Le sorcier Bartabas à AuchAprès avoir été présenté à Lyon aux Nuits de Fourvière, le spectacle de Bartabas « On achève bien les anges » fait escale à Auch, dans le Gers, jusqu’au 9 septembre. Des anges et des bouchers, des ailes et des chapelets de saucisses, de l’azur et du sang. Bartabas touille un élixir de sorcier dans cette pièce pour dix cavaliers, six musiciens et trente-cinq chevaux. Un spectacle stupéfiant, dans lequel Bartabas s’offre la place de la vedette en solo du danseur étoile, valorisé par son corps de ballet d’écuyers et de chevaux. Ses neufs soli, chacun avec une monture différente, sont rythmés par les tableaux de groupe épatants et les rondes de l’orchestre fanfaronnant de clowns-bouchers-musiciens. R. Bo.« On achève bien les anges », de Bartabas, CIRCa pôle national des arts du cirque, allée des Arts, Auch (32). Tél. : 05 62 61 65 00. Jusqu’au 9 septembre. De 29 à 35 euros.DE LA MUSIQUE : Le festival Jazz campus en Clunisois, derniers jours Commencé samedi 15 août, le festival Jazz campus en Clunisois, fondé en 1977 sous le nom de Festival de jazz de Cluny et mené depuis sa création par le contrebassiste et compositeur Didier Levallet, se terminera, samedi 22 août, par une « une relecture » d’Escalator Over the Hill, de Carla Bley, sur des textes et poèmes de Paul Haines. Œuvre réputée de la pianiste et compositrice américaine, conçue entre 1968 et 1971 et enregistrée avec une trentaine de musiciens (Jack Bruce, Gato Barbieri, Linda Rondstadt, Don Cherry, Michael Mantler, John McLaughlin, Enrico Rava…), Escalator Over the Hill (JCOA-Watt, 1971) mêle des éléments de jazz, de rock et de musiques du monde. Au Théâtre des arts de Cluny ils seront neuf pour faire revivre cette partition, dont le saxophoniste Jean Aussanaire, le guitariste Alain Blesing, la pianiste Perrine Mansuy… Avant cette soirée de clôture, le festival aura accueilli, vendredi 21 août, aux Haras nationaux, à l’abbaye et au Théâtre de Cluny, les duos Baptiste Sarat (bugle) et Franck Boyron (trombone), Christine Bertocchi (voix) et Guillaume Orti (saxophones) et le septette Papanosh pour un programme consacré à Charles Mingus. Sylvain SiclierJazz campus en Clunisois, derniers concerts, vendredi 21 et samedi 22 août, dans différents lieux de Cluny (Saône-et-Loire) et Matour. De 5 euros à 20 euros, accès libre à certains concerts.Du jazz dans le quartier des Halles, à ParisAu mois d’août, le jazz a encore quelques lieux actifs à Paris, en particulier dans le quartier des Halles, où Le Duc des Lombards, Le Baiser salé et le Sunset-Sunside ne prennent pas de vacances et continuent de proposer un programme de belle allure. Ce week-end, on pourra ainsi entendre le guitariste Biréli Lagrène, avec le pianiste Antonio Farao, le contrebassiste Eddie Gomez et le batteur Lenny White au Duc des Lombards (vendredi 21 août, à 19 h 30 et 21 h 30, de 40 euros à 92 euros – formule entrée club + repas), suivre au Baiser salé l’hommage du percussionniste François Constantin à B.B. King, avec le guitariste Amar Sundy (vendredi 21 et samedi 22, à 21 h 30, entrée libre, consommations) et enfin retrouver le pianiste Baptiste Trotignon en quartette avec le saxophoniste Mark Turner au Sunside (vendredi 21 et samedi 22, à 21 heures, 30 euros). S. Si.Le Duc des Lombards, 42, rue des Lombards, Paris 1er, tél. : 01-42-33-22-88 ; Le Baiser salé, 58, rue des Lombards, tél. : 01-42-33-37-71 ; Sunset-Sunside, 60, rue des Lombards, tél. : 01-40-26-46-60. 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial) Mardi 18 août. La 38e Hestejada de las arts (« festivité des arts ») à Uzeste (Gironde) est lancée. Colline sud du château de Roquetaillade, feu d’artifice, opéra, intitulé Fraternité. Devise de la République, version Bernard Lubat, énergumène, artiste poïélitique, meneur de bande, batteur psycho-tripe : « Liberté », on connaît, ça sert un peu à tout, et surtout au reste. « Egalité », on est loin du compte. « Fraternité », personne ne s’en occupe.La compagnie Lubat au complet, plutôt augmentée, avec son inusable Fabrice Vieira, guitare et direction musicale, Lubat père (claviers) et Lubat fils (grand batteur, désormais), au four et au moulin et, en guest-star tout là-haut sur la colline, complet croisé, cravate bleu de guesde, chapeau très strict, Monsieur Archie Shepp. C’est un habitué des lieux.La figure charismatique de la « New Thing », icône de la musique afro-américaine, poète activiste, dramaturge, immense bluesman poussé au soleil de John Coltrane et adulé en Europe, Archibald Shepp est né en 1937 à Fort Lauderdale (Floride). Il est, avec Michel Portal, Sylvain Luc, Patrick Auzier, François Corneloup, André Minvielle, Marc Perrone, Louis Sclavis, Monique Chemillier-Gendreau, Laure Duthilleul, Marcel Trillat, plus une douzaine d’inspirés, plus ou moins géniaux, plus ou moins faiseurs, le cœur nucléaire d’Uzeste. L’équipe première à géométrie variable. Un jour, on parlera de Lubat comme on le fait de Jean Vilar ou d’Ariane Mnouchkine. Autorité et rayonnement compris. Tout le monde prétendra alors être allé à Uzeste, avoir connu cette ambiance de délire et d’invention. De désenchantement et d’exaltation. C’est faux. On vous le dit, c’est faux.Uzeste musical ? L’art comme activité de connaissance et de lumière (voir éducation populaire) ; l’inconnaissance, voilà le fléau ; la liberté artistique comme oxygène philosophique ; le marché nous a donné le mauvais goût de la musique, sucrée à mort, industrialisée, radioactive à souhait. Effet inverse, vous trouverez à Uzeste et alentour plus de concerts emballants, de prestations déconcertantes, de concertantes prestigieuses qu’ailleurs. Ailleurs où tout est tendu vers le nombre, la satisfaction des élus, l’abjecte volonté de plaire.Rien n’est à l’heureMardi 18 août, 22 h 21. Une fois n’est pas coutume à Uzeste, un « opérartifice très rare » – un acte, une action, une délibération, un débat, un joyeux bordel, une fête, un bal, une polyphonie aux airs de « catastrophe apprivoisée » (Cocteau à propos du jazz), bref, tout sauf un « concert de festival » – commence en retard. A cause du public. Comme les voitures n’arrêtent pas de monter, la foule de se presser, la fraîcheur de s’installer, le ciel de s’étoiler, la Hestejada de fraterniser, Fraternité est d’un poil retardé.Depuis l’an 685, la même famille habite à Roquetaillade, situé entre Langon et Bazas, forteresse exemplaire d’Aquitaine, perfectionnée par celui dont il ne convient plus, j’espère, de s’offusquer : le grand Viollet-le-Duc. La visite dure une heure. Pour en revenir à Uzeste musical, le retard est ici endémique. Il faut dire que le programme, dans le style des repas de mariage autour de Bazas, du 16 au 23 août, est réglé comme du papier à musique, presque comme un emploi du temps en cure de thalassothérapie, mais rien n’est à l’heure.Le 18 août, tout a démarré (10 h 30, enfin, 10 h 45) après un verre, par un débat entre syndicalistes, acteurs, « approximatifs » et « spect-acteurs ». Puis, petite soif, apéro. Après quoi, Voix-Off, un documentaire de Yann Gaonac’h sur une proposition de la CGT (attention, ici, terre de « cocommunistes », dit Lubat), deux duos de deux, une exploration numérique par Marc Chemillier (ordinateur et trompette de Paolo Chatet), performance de Véronique Aubouy (tentative de résumer la Recherche en une heure), une conférence d’anthropologie, une réflexion d’Archie Shepp (De quoi le jazz est-il ce nom ?), re-apéro, et première fusée dans le cosmos.Aux entrées, les « bénévoles » font les bénévoles : bruyants, importants, serviables, mignons comme des cœurs, bavards comme des pies, inutiles, précieux, indifférents à la musique, partout pareil.Feux d’artifice pour rirePoint zéro (22 h 21) : les artificiers (la Cie Pyr’Ozié) montent derrière leur porte-voix vers la scène (366 secondes). Décor, le château. Voûte étoilée comme celle de Montserrat où André Masson et Georges Bataille, en 1934, connurent une extase. Ne manquent que les orages désirés. Il se lèvent.Les douze artificiers arpentent la colline, c’est déjà tout un drame médiéval. Ils allument le pré sur fond de mascleta (détonations et pétarades de guerre). Les musicos entrent en transe, sur fond de « bataille de comètes » (langue technique d’artificier) et de grosses bombes. Musique réglée par Bernard Lubat, sur éclairage progressif de « pots de flammes » (silice). Ici, la fiche technique, la partition, dit sobrement : pour le côté « pyro », « fontaines et cascades », « bombes à paillettes or ». Partition : « free ».Salve bleu, blanc, rouge, quatre salves de cœurs et quatre de détonations. Lubat scande dans les fumées de toutes les couleurs : « fraternité, fraterminé, fraterminable… » Inconscient sonore et visuel, les nuits de Damas, de Lattaquié, d’Alep où j’ai vécu. Pensée pour ceux qui s’enfuient, se réfugient, s’exilent. Amour des feux d’artifice pour rire. Ils font peur aussi.Tableau 7 : Shepp le magnifique entre pour la première fois. Solo. « Atmosphère embrasée plus final clignotant ». Plus tard, ce ne sont que fontaines, cascades, gros « tir frisson » pour en finir. Retour au calme : sur fumeroles et couleurs douces, deux voix s’élèvent. Lucie Fouquet et Juliette Kapla, cantatrices, sur une œuvre du compositeur baroque bien connu, Leonardo Leo (1694-1744). « Pyro rouge », énormes boules de feu, cantatrices, Lubat, bouquet final, énorme chorus ensemble et Archie Shepp chante un blues terrible sur fond d’embrasement rouge. Peur, joie, apothéose, Révolution, fraternité. La vie ? C’est l’éternité allée avec le feu. On ne croit plus en rien, c’est ce qui nous tient debout, ensemble, extricables, plus sûrs de l’espoir que jamais.Initiatives coco-libertaires en rase campagne38 ans que ça dure. 38 ans de créations éblouissantes. 38 ans d’initiatives coco-libertaires en rase campagne. 38 ans que tout le monde connaît la folie Uzeste. 38 ans que ceux qui n’y ont pas mis les pieds continuent à confondre Uzeste en Gironde et l’Uzès de Madame de Sévigné : Uzeste, c’est l’autre, un village charmant de la Haute-Lande où tout le monde dansait à la Libération, en 1945, lorsqu’est né Bernard Lubat. Son père, Alban, jouait pour le bal, et Marie sa mère faisait les omelettes aux cèpes. Leur estaminet existe encore, avec son graphisme, ses mots d’ordre libertaires, dadaïstes, poïélitiques.Comme écrivait Matisse à son fils, en 1913 : « Si chacun avait fait son métier comme Picasso et moi – adaptez : Lubat et Vieira, Portal, Auzier, Laure, etc. –, on n’en serait pas là. »Les Auzier, père et fille, artificiers diplômésFraternité, feu d’artifice et opéra, est placé sous la direction artistique de Margot Auzier, fille de Patrick Auzier. Lequel, puisqu’il jouait du trombone de façon très personnelle, s’est lancé sans appui dans la pyrotechnie. Ses feux d’artifice étaient très réputés, filaient des frissons et semblaient démarrer par le bouquet, continuer par le bouquet, finir par le bouquet. A force, la préfecture lui a accordé son diplôme, puisqu’il pratiquait. Installant des feux de la Saint-André qui couraient dans le public sous les cris d’effroi et de joie. Déclenchant un festival pyrotechnique à Châteauvallon (Var), l’année de la grande canicule (1976). Côté musique : Michel Portal, Bernard Lubat, Beb Guérin et Léon Francioli.Sous sa houlette, sa fille Margot, 24 ans, qu’on a connue toute petite déjà, prend le relais : « Le diplôme, c’est un peu de formation, énormément de législation, et pas mal d’apprentissage sur le terrain. Titulaire du niveau 2, je peux donc être directrice artistique. Pour un feu opéra, il s’agit d’écrire en commun, concevoir, prévoir les effets. Tout dépend du site, du vent, du climat, de l’humidité, et de cent autres impondérables.Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas “répéter”. Les tableaux aériens, le rythme, les effets, on voit ce que ça donne au moment d’appuyer sur le bouton. Je fais une dizaine de feux par an, Patrick continue de travailler avec moi, mais lui, il vient d’une tout autre époque. La sécurité reste évidemment au cœur de l’acte : la surveillance de l’ascension, de l’explosion, des temps et des tempos.Un feu, c’est toujours puissant, impressionnant, ça crée des émotions, des tensions. J’aime beaucoup les “frissons”, les “clignotants”, les “feux qui retombent en poussière verte”, les “parapluies”, et le “soleil”. Ces deux dernières pièces viennent d’Espagne. Le reste, nous l’achetons à trois fournisseurs. Un feu comme celui du 18 août à Roquetaillade coûte 10 000 euros, TTC, salaires et frais de déplacements compris. Il a duré 1 h 05. On a multiplié les effets, mais le plus délicat reste d’harmoniser le feu avec la musique. On aurait pu faire mieux, je suis contente, mais pas très satisfaite. »F. M.Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial)Journaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol) La rumeur, qui prenait de l’ampleur depuis le début de la semaine, était devenue une certitude au regard du faisceau d’indices concordant et malgré le secret remarquablement bien gardé pour un projet de cette ampleur. Le plus célèbre et à la fois le plus anonyme des artistes de rue, le Britannique Banksy, originaire de Bristol, a concocté un nouveau coup d’éclat à une trentaine de kilomètres de sa ville natale, en bord de mer, à Weston-super-Mare. L’artiste a dévoilé, jeudi 20 août dans la matinée, le programme et le principe de son Bemusement Park (« parc de la perplexité »), qui prend le contre-pied des parcs Disney pour offrir une vision moins flatteuse de la société. « La nouvelle attraction touristique la plus décevante de Grande-Bretagne », prévient le slogan qui accompagne un montage volontiers grotesque. Comme attendu, l’annonce en a été faite sur un site Internet consacré à l’ambitieuse opération : dismaland.co.uk, qui donne les grandes lignes de l’organisation et du programme de l’opération, qui sera ouverte pendant cinq semaines, du 22 août au 27 septembre.Priorité est donnée aux locaux de la petite ville balnéaire tombée en désuétude de Weston-super-Mare, soudain devenue the place to be : les habitants pourront visiter le parc dès vendredi. Le site renvoie pour eux vers la presse locale, qui a pu avoir accès aux informations sous embargo, comme le journal Mercury. Une soirée de lancement sur invitation aura lieu vendredi soir. En bord de plagePour les autres, il faudra attendre vendredi matin l’ouverture de la billetterie en ligne, qui proposera des tickets (au prix de 3 livres (4,20 euros) par personne) jusqu’à dix jours à l’avance. Sur place, quelques billets seront vendus chaque jour en complément. Chacun aura la possibilité de réserver une entrée en journée, de 11 heures à 18 heures, ou en soirée, de 19 heures à 23 heures. Chaque jour, 4 000 visiteurs auront accès au site, large espace en bord de plage connu sous le nom de « Tropicana », qui offrait jusqu’à il y a une quinzaine d’années une piscine en plein air.Cinquante-huit artistes participent à ce très attractif parc d’attractions, exposition hors norme dont le commissaire est Banksy lui-même. Parmi les grands noms, hormis Banksy : l’artiste contemporain Damien Hirst, également originaire de Bristol, ou encore l’artiste américain Mike Ross, dont la sculpture, dépassant depuis quelques jours des murs de Dismaland, avait déjà été identifiée. Créée à partir de deux camions de transport de pétrole, Big Rig Jig, sculpture en forme de S (de dollar), que les visiteurs peuvent escalader de l’intérieur, avait, en effet, été un des moments forts du festival d’art alternatif Burning Man, dans le désert du Nevada, en 2007. On notera qu’aucun artiste français ne figure parmi les participants. Les réjouissances se prolongent sur scène, avec cinq dates de concert annoncées, en plus de soirées mises en musique par des DJ chaque samedi soir. Le duo de rappeurs américains Run the Jewels se produira le 5 septembre. Le 25 septembre, Massive Attack, fameux groupe bristolien, qui avait lancé le trip-hop dans les années 1990, partagera notamment l’affiche avec Pussy Riot, le groupe de punk russe et féministe que ses déboires avec Vladimir Poutine ont érigé en icône de la contestation.Une petite note en bas de la page d’accueil du site précise que bien que le parc soit ouvert à « toute la famille », « l’état du lieu, l’usage intensif de stroboscopes et l’imagerie des œuvres ne sont pas adaptés aux jeunes enfants ». Les seules choses « strictement interdites » sont « les bombes de peinture, les marqueurs, les couteaux et les avocats de Disneyland ».Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet Métal lourd, le tungstène possède deux caractéristiques principales : sa couleur, qui varie du presque noir au blanc ; sa température de fusion, très élevée. En donnant le nom de cet élément à son nouvel album, Marcello Quintanilha promet donc d’emblée un récit à l’image de la société brésilienne, ­métissée et brûlante, qu’il a quittée il y a une dizaine d’années afin d’exercer son métier en Espagne.Le prétexte est, ici, un fait divers banal : dans la baie de Salvador de Bahia, deux hommes pêchent à la dynamite en toute impunité. Deux autres hommes, unis par une relation mystérieuse, observent la scène depuis un ancien fort militaire : un retraité de l’armée et un petit trafiquant. Un troisième duo, composé d’un superflic et de sa fiancée, se mêle bientôt à ­l’affaire.Porté par des dialogues truculents, ce récit construit comme un thriller à tiroirs tient davantage de la comédie sociale. En émergent des thèmes récurrents dans le Brésil d’aujourd’hui, tels que la banalisation de la violence ou la précarité des classes moyennes. La rupture n’est jamais loin : ce qui est dur casse ­facilement – comme le tungstène. Frédéric PotetTungstène, de Marcello Quintanilha, traduit du portugais (Brésil) par Marie Zeni et Christine Zonzon, Çà et là, 184 p., 20 €(en librairie le 25 août).Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Personne dans le milieu de la bande dessinée ne connaissait son nom ni son prénom. L’homme ne répondait que par un pseudonyme emprunté au monde animal : Coyote. C’était là sa seule coquetterie de grand gaillard barbu aux bras tatoués : sa véritable identité (Philippe Escafre) devait rester un mystère.Pilier de la bande dessinée humoristique à la façon du magazine Fluide glacial dont il fut un collaborateur pendant dix ans, le dessinateur et scénariste est mort dimanche 9 août à Toulouse des suites d’un accident cardiaque. Il était le créateur de la série à succès Litteul Kévin. Il avait 52 ans.Né le 9 octobre 1962 à Rodez, Coyote a exercé plusieurs métiers avant d’embrasser la carrière d’auteur. Peintre sur automobile, puis graveur dans le funéraire, puis créateur de modèles pour un tatoueur toulousain, il commence à réaliser divers travaux publicitaires après avoir gagné un concours de dessin organisé par La Dépêche du Midi. Suivront des illustrations, et ses toutes premières bandes dessinées dans des ouvrages collectifs publiés par l’éditeur Vent d’Ouest.C’est toutefois par le biais de sa grande passion – la moto – qu’il va pouvoir vivre pleinement de son dessin. A la fin des années 1980, Coyote intègre plusieurs revues spécialisées, telles que Hot Cycles, US Cycles, Bike for Ever et Freeway. Ce fan (et propriétaire) de Harley-Davidson ne le sait pas encore mais l’univers de la moto va s’avérer une véritable niche pour les créateurs de bande dessinée, comme en témoignera le succès phénoménal de la saga Joe Bar Team, lancée par Christian Debarre dans la revue Moto Journal en 1989.Coyote, dont la vie a basculé à l’âge de 11 ans en regardant Easy Rider (1969), de Dennis Hopper, donne d’abord naissance dans Freeway à Mammouth & Piston, une série racontant les pérégrinations motorisées d’un biker au look de Viking et de son animal de compagnie, un rat. Son dessin « élastique », très inspiré de celui de son idole Marcel Gotlib, n’a pas échappé à la rédaction de Fluide glacial qui l’invite à rejoindre son sommaire en 1990.Cornaqué par Gotlib (qu’il vouvoiera pendant quatre ans) et Jean Solé (qui lui apprendra les ficelles du métier), Coyote y crée un personnage éphémère, « Bébert, clochard et philosophe » (inspiré d’un SDF toulousain), avant de lancer en 1991 la série Litteul Kévin, du nom d’un petit garçon chevauchant une Harley-Davidson conçue à sa taille.« Vrai faux dur »Inspirée de sa vie personnelle (son fils s’appelle Kevin), cette chronique familiale – le père biker, Chacal, et la mère à la plastique de pin-up, Sophie, y jouent des rôles à plein temps – va devenir, avec Les Bidochon, de Christian Binet, l’une des principales séries de Fluide glacial qui en publiera sept albums avant que Coyote ne décide de claquer la porte du magazine en 2005.Réfugié au Lombard, il y réalisera trois autres albums, selon le même principe : des histoires courtes en noir et blanc, truffées de gags et de jeux de mots – mais aussi traversées d’une véritable tendresse dans les relations entre le fils et ses parents. Comme il l’expliquait parfois, la moto n’était qu’« un personnage secondaire, voire tertiaire » dans ses histoires – ce qui n’empêchait pas une partie de son public de lui réclamer des dessins de grosses cylindrées.Lui-même « vrai faux dur » derrière ses lunettes noires et son blouson clouté, Coyote a créé deux autres séries. L’une, en tant que scénariste du dessinateur Eric Cartier : Diégo de la S.P.A (trois albums chez Fluide glacial). L’autre, comme dessinateur de la scénariste Nini Bombardier : Les Voisins du 109 (deux albums au Lombard), une chronique humoristique et sociale entre voisins de paliers.Réconcilié avec Fluide glacial, Coyote collaborait de nouveau avec le magazine de ses débuts. Dans le dernier numéro, daté d’août, il a dessiné la pin-up du mois sous les traits d’une femme bien en chair tatouée de la tête au pied d’un seul et même motif : la coccinelle de Marcel Gotlib. L’ultime hommage de l’élève à son maître.Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Pobre de mi/Pobre de mi/Les Fêtes de Bayonne sont déjà finies…Cap sur Millas (Pyrénées-Orientales) où se tient le Salon du livre taurin – livres écrits par des taureaux. Ce qui n’est pas sans rappeler le formidable traité d’esthétique féline, par Burton Silver et Heather Busch : Why Cats Paint (1994).Pour la route : un randonneur (parisien), flic de son état, s’élance d’un pas vif pour une randonnée dans les Pyrénées. Soudain, au sommet de l’Urzumu, il avise un paysan qui garde un vieux taureau : « Dites-moi, mon brave ? Vous avez l’heure, s’il vous plaît ? »Oui, bon, ça va. L’histoire date du temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître… Je sais pertinemment, que croyez-vous, que les paysans aujourd’hui sont fringués comme les ingénieurs d’Objectif Lune (Tintin et Milou). Endettés pour vingt ans, ce sont des fonctionnaires européens dont l’Europe se joue. Ils sont étranglés par les réglementations, la grande distribution, les banques et le triple jeu de la FNSEA qu’ils idolâtrent.Reprenons. Assis devant les cieux, le béret large comme une soucoupe volante, le bâton à la main, le vieux paysan répond à son rythme : « Quelle heure, Monsieur ? Je vais vous dirrre. » Il soupèse les couilles du taureau et lâche : « 9 heures moins 2. » Merci, à bientôt, tout ça, le flic est scié. Et vaguement contrarié.Le soir, il revient. Le paysan est toujours là sous son béret, on dirait un gros cèpe immobile, éternel. La randonnée du fin limier a été tout à fait normalement gâchée (la nature d’une randonnée, c’est d’être gâchée : par la pluie, la chute, les chaussures, la guêpe, les ampoules, une merde de chien, la mauvaise humeur, la vertu, la randonnée). Il s’est épuisé en raisonnements hypothético-déductifs sur les facultés divinatrices du paysan. Exténué et dégoulinant d’atrabile : « Et ce soir, l’ami ? Quelle heure est-il ? »Le gros cèpe soupèse vespéralement les couilles du taureau, prend l’air illuminé : « 19 h 15, Monsieur. » Le fin limier est raide ! « Dites-moi ? Comment devinez-vous l’heure en soupesant les couilles de votre taureau ? »« Très simplement, Monsieur. En les soulevant, je peux voir l’horloge du clocher. »Vaches aux longs cilsTout cela pour dire au fin limier qui – sous pseudonyme embêtant de « Corbeau 1942 » – a cru bon sur la toile, après mon article enflammé (Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient : elles sont beaucoup mieux), de dévoiler le pot aux roses : « Après une longue enquête, tout s’explique, j’ai découvert que F.M. était de Bayonne. » Ça, c’est du Sherlock Holmes ! Ça me rappelle cette « Alouette Diablotine » (autre pseudo de nigaud) qui m’avait traité, dans Le Monde, d’« esthète bayonnais »… Mais qu’est-ce qu’ils ont ?Lire aussi :Les Fêtes de Bayonne ne sont plus ce qu’elles étaient : elles sont mieuxRetour au calme : du côté de Navarrenx, on brûle encore à l’acide les cornes des blondes d’Aquitaine, les plus jolies vaches du monde, avec leurs longs cils pleins de mouches. Elles ont l’air bête. J’en souffre, comme je souffre à Sœix, dans la vallée d’Aspe. Les génisses du lycée des métiers de la montagne sont affublées de fausses clochettes électroniques (exaspérantes). Comme ces faux zoziaux et fausses cigales que vous pouvez installer dans votre magasin de napperons et poubelles de table. Ce qui les trahit, c’est la régularité électronique du rythme.Oloron (Pyrénées-Atlantiques) est une très jolie ville de montagne trop tranquille. Comme pour la napalmiser, des baffles diffusent en boucle une abrutissante variétoche américaine (voir clochettes). C’est le 6 août. Bonjour Hiroshima. Heureusement que Thierry Frederiksson, en sa Petite Librairie (16 rue de la Cathédrale), a toujours un Toulouse-la-Rose à me fourguer : « Estompes jargonnaises. Derniers poèmes pour la déroute » (Ed. L’une & l’autre).Tarbes n’est pas plus gaie qu’Oloron, mais nettement moins jolie. Au Rex, hôtel dessiné par Philippe Stark, vous pouvez rencontrer, pendant le festival Jazz In Marciac (Gers), tous les musiciens de la terre, dans une ambiance de fête.Partout, l’insurrection, les anarchistes et le jazz vous sauvent de la tristesse. Toulouse-la-Rose : « Il faut un début à tout/Et rien à la fin. »Francis MarmandeJournaliste au Monde Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 08.08.2015 à 13h20 • Mis à jour le08.08.2015 à 23h24 | Elvire Camus (Marin County, envoyée spéciale) Un potager, un verger, une petite ferme, une piscine, des jardins, un centre communautaire et quelque 224 logements à loyer modéré, le tout niché au cœur de l’une des vallées les plus bucoliques de la Californie. Lorsque George Lucas a fait savoir qu’il avait l’intention de convertir une petite partie des terres qu’il possède dans le comté de Marin, au nord de San Francisco, en un lotissement réservé aux seniors et aux travailleurs qui perçoivent un faible revenu, le père de Star Wars a déclaré vouloir faire « quelque chose de gentil pour les habitants de Marin ».Le peu de détails pour l’instant connus du projet que le milliardaire souhaite développer à ses frais sur sa propriété de Grady Ranch, une ancienne ferme de sapins de Noël acquise dans les années 1970, à côté du fameux Skywalker Ranch où il a construit ses studios de cinéma, suffit à faire rêver des dizaines de professions à bas salaire qui n’ont pas les moyens de se loger dans le comté qu’ils contribuent à faire vivre, tant l’immobilier y est devenu inaccessible.Le boom de la high-tech et de ses employés très bien payés, qui enflamme les prix à San Francisco, de l’autre côté du Golden Gate Bridge, se propage au reste de la région. En avril, le prix de vente médian d’une maison est passé à 1 million de dollars à Marin et le prix de l’immobilier (vente et location) a augmenté de 13 % en un an. A titre de comparaison, à l’échelle nationale, les loyers augmentent de 4 à 6 % par an environ. « Je pense que Marin est un exemple frappant de ce qui se passe dans toute la Baie de San Francisco : les prix de nos logements sont bien supérieurs à ce que les personnes qui travaillent ici ont les moyens de se payer. Nous n’avons pas encore atteint les niveaux de San Francisco, mais les hausses sont spectaculaires », explique Leelee Thomas, en charge du développement urbain pour le comté de 258 000 habitants.Logements inaccessiblesPersonnel médical, professeurs, policiers, employés administratifs sont parmi les professions les plus touchées. Comme la moitié des employés du comté, Thom Tucker, père célibataire de 38 ans, n’habite pas à Marin. Il passe en moyenne deux heures par jour dans sa voiture, à faire la navette entre son domicile et son bureau. « Les logements à Marin sont inaccessibles. Je viens, certes, d’un milieu modeste, mais je travaille dur et j’aimerais pouvoir vivre là où je travaille. »Philip Thomas, 51 ans, est dans la même situation. Pour gagner du temps, il a investi dans une moto. En deux-roues, il ne passe « que » 50 minutes matin et soir sur la route. L’hiver, en voiture, il passe près de 2 h 30 par jour dans les embouteillages. « J’adore mon travail, mais ça devient trop compliqué pour moi, je suis en train de réfléchir à quitter mon poste pour aller travailler dans le comté de Solano (à l’est), où j’habite. »En plus de l’aspect financier, les opportunités sont rares dans le comté qui construit le moins de logements de la région. Selon le dernier rapport sur l’habitat à Marin, « des habitations plus petites, à des prix de vente modérés, sont nécessaires pour répondre aux besoins des célibataires, des seniors et des familles à faible revenu ». Aujourd’hui 12 000 personnes sont sur liste d’attente pour obtenir un « affordable housing », littéralement « logement abordable ».C’est ce type de logement subventionné que veut construire George Lucas à Grady Ranch. Selon la loi américaine, il s’agit d’habitations dont le loyer ou le paiement du prêt ne doit pas dépasser 30 % du revenu total d’un foyer. Pour y prétendre, il faut répondre à des critères financiers : un travailleur qui gagne moins de 80 % du revenu médian de la région — environ 133 390 dollars par an pour un couple en 2013, soit 121 640 euros, à Marin — peut s’inscrire sur liste d’attente, un senior doit lui gagner entre 30 et 60 % du revenu médian. Alors oui, le projet semble répondre à un besoin important. Mais cette annonce faite en 2012 et concrétisée au mois d’avril par la soumission d’une « pré-application » (sorte de brouillon de projet) au gouvernement local ne réjouit pas tous les résidents de Marin County. Les voisins de Grady Ranch sont fermement opposés à la construction de ce lotissement à côté de chez eux. Damon Connolly, l’élu qui représente la zone géographique où le projet doit voir le jour, craint qu’il ne dénature la région. Il estime notamment que le nombre d’habitations prévues est trop important : avec 224 unités, il s’agirait du plus gros lotissement du comté. « Il faut que les gens qui travaillent à Marin puissent pouvoir y vivre, mais cela ne veut pas dire que tous les projets sont valables. La communauté a fait part d’inquiétudes légitimes et je veillerai à ce qu’elles soient prises en compte », explique-t-il.« Ecolos » avant l’heureEn réalité, il est très compliqué d’entreprendre le moindre développement immobilier ou urbain à Marin. Vers la fin des années 1950, alors que la banlieue de San Francisco, principal bassin d’emploi de la région, étaient en pleine expansion, une poignée d’habitants de Marin soutenus par quelques politiciens se sont battus contre le développement de centres commerciaux, autoroutes et autres lotissements que nombre de promoteurs rêvaient de voir pousser sur ce bout de terre idéalement situé.Parmi les principales batailles menées, celle qui sera le plus citée au cours de notre enquête est « la guerre des autoroutes », lorsque, au début des années 1970, un petit nombre d’hommes et de femmes — qualifiés d’« écolos », considérés à l’époque comme étant plus dangereux que les communistes — sont parvenus à faire annuler la construction de plus de 1 600 km d’axes routiers à Marin, dont environ 320 km le long des côtes. L’objectif était de multiplier par cinq le nombre de résidents en quarante ans. Au lieu de cela, combat après combat, le mouvement finira par obtenir, en 1973, le classement de plus de 80 % de la superficie de Marin en terrains inconstructibles, réservés à l’agriculture ou transformés en parcs naturels ouverts au public.Aujourd’hui, quand le brouillard, généralement accroché au pont, vous laisse l’appréhender, la traversée du Golden Gate Bridge depuis San Francisco permet à elle seule de comprendre le combat de ces militants. Sur le pont, peu à peu, la ville s’efface pour laisser place aux falaises verdoyantes qui se jettent dans la mer. Une fois à Marin, une seule autoroute dessert les principales villes de la région. Pour le reste, les axes sinueux permettent d’entrevoir l’océan Pacifique à chaque virage, quand ils ne longent pas les forêts de séquoias. Mais chaque victoire a son revers de médaille. « Plus de 80 % de Marin est protégé de façon permanente, ce qui est formidable, mais la contrepartie est que nous payons le prix fort, notamment en termes de diversité », explique Steve Kinsey, élu qui représente les habitants de West Marin, la zone la plus préservée. Etant donné le peu de terres disponibles à la construction, le prix de l’immobilier, déjà affecté par le développement de San Francisco, a encore grimpé. Les foyers modestes ont été poussés en dehors du comté tandis que les familles plus aisées, attirées par le cadre de vie exceptionnel si près de la ville, y ont construit leur résidence secondaire ou principale, transformant progressivement Marin en le comté le plus riche de la Californie en termes de revenu par habitant et le cinquième plus riche du pays.Mais Grady Ranch n’est pas inconstructible. La propriété se trouve justement dans les moins de 20 % de terres réservées au développement de logements. Selon la loi, plus de 300 logements peuvent y être érigés. « Le projet de M. Lucas est un immense cadeau pour notre communauté qui a besoin de plus de logements à bas coût, et il est cohérent avec les objectifs historiques que nous avons pour la région », commente M. Kinsey. Autour de la propriété, de nombreuses habitations jalonnent d’ailleurs la vallée. Le voisin immédiat du ranch est une immense villa protégée par un portail automatique en bois, en face se trouve la résidence d’un des membres du groupe Metallica, plus à l’est encore se trouvent un lotissement et quelques unités de logement pour les seniors. Dès lors, l’opposition est difficile à justifier, mais elle n’est pas inexistante pour autant.Lire aussi :George Lucas : « l’empire du mal » pour ses voisins« Volontaires pour le ghetto »Les réserves formulées à l’encontre du projet vont des détails pratiques — comme le fait que les seniors seraient loin d’un centre de soin (l’axe qui dessert le ranch n’est pas relié par une ligne de bus) — aux préoccupations environnementales — plus de résidents veut dire plus de trafic routier, donc plus de pollution — aux attaques directes contre « ceux » qui pourraient s’y installer. Lors d’une réunion au sujet du réaménagement de certaines zones de Marin, dont Grady Ranch, une mère de famille et agente immobilière a pris la parole pour exprimer son opposition au projet : « On dirait que tu as fait de nous des volontaires pour le ghetto », lance-t-elle à l’élue locale de l’époque, Susan Adams, aujourd’hui remplacée par Damon Connolly. Autour d’elle, certains, choqués, la sifflent, d’autres l’applaudissent.Cette réflexion, Tina Stolberg qui travaille à Marin depuis onze ans en a eu vent. A 58 ans, cette bibliothécaire scolaire approche de la retraite, et c’est la vente de sa maison qui lui permettra de joindre les deux bouts une fois qu’elle ne percevra plus de salaire, prévoit-elle. Or, Mme Stolberg est bien consciente qu’elle ne retrouvera pas de logement à Marin si elle quitte son domicile, c’est pour cette raison qu’elle s’est inscrite sur liste d’attente pour le futur lotissement de Grady Ranch. Si le projet voit effectivement le jour, qu’elle remplit les conditions financières et que son casier judiciaire est vierge, elle fera partie des candidats potentiels qui seront sélectionnés par tirage au sort. « J’ai entendu des commentaires du genre : “ce projet va amener des gens qui ne sont pas de chez nous.” Mais c’est faux, nous travaillons très dur nous payons des impôts. Je ne comprends tout simplement pas d’où vient tout ce venin. Je pense que ces gens-là sont ignorants. » Anne-Marie, infirmière de 55 ans, s’est également inscrite sur liste d’attente. Pour elle, qui vit et travaille à Marin depuis que sa famille s’y est installée dans les années 1940, l’opposition féroce à ce genre de projet est la preuve que le coin a changé. « Je me rappelle quand Marin était habitée par des familles de la classe populaire, ça n’était pas comme ça. Aujourd’hui, le message est “si tu ne peux pas vivre ici, tant pis pour toi” », estime-t-elle.Save Marinwood, l’un des principaux groupes contre le projet de logements à Grady Ranch, assure ne pas être opposé aux logements sociaux de manière générale, pourvu qu’ils remplissent une série de critères. « Nous ne sommes pas contre la construction d’habitations à loyer modéré, surtout pour les seniors, comme le Rotary Village Senior Center de Lucas Valley qui est bien situé, ne comporte pas trop d’unités, ne dénature pas le paysage et est financièrement responsable », détaille Stephen Nestel, pour Save Marinwood.Selon Jonathan Rothwell, membre du programme de politique urbaine du Brookings Institute, ce genre d’argument est souvent évoqué lorsqu’un projet de développement supplémentaire est envisagé dans des zones périurbaines :« Les propriétaires vont citer des arguments environnementaux pour préserver les espaces verts, en général demander un statut particulier pour les zones non développées afin de s’assurer qu’elles ne le soient jamais, ou que leur développement se fasse au terme de nombreuses années de débat politique. Cet argument peut finir par bloquer le développement de logements à loyer modéré et exacerber la ségrégation entre les classes sociales et les races. » Dans le cas de Grady Ranch, un groupe de résidents réclame depuis peu le statut de « California scenic highway » pour la route qui dessert la propriété de M. Lucas, ce statut limiterait le développement autour de l’axe. Mais Stephen Nestel est persuadé que le projet verra le jour, peu importent les moyens déployés : « L’argent de George Lucas fait bouger beaucoup de choses à Marin. »25 % de chancesOr, rien n’est moins sûr. Après la pré-application, une version finale du projet doit être déposée devant le conseil d’administration du comté. Il sera non seulement soumis au vote des représentants du public, mais surtout confronté aux problèmes pratiques qu’il faudra impérativement résoudre pour pouvoir lancer les premiers travaux. Le principal étant l’acheminement de l’eau en période de sécheresse historique en Californie. Il n’est pas garanti que l’organisme chargé de distribuer la ressource accepte de le faire pour plus de 200 logements supplémentaires.PEP Housing, l’organisme à but non lucratif auquel George Lucas a confié son projet, après qu’il a remporté un appel d’offres, est très confiant étant donné l’immense avantage dont il bénéficie. « M. Lucas donne les terres et l’argent pour développer sa propriété. Selon mon expérience, c’est sans précédent », assure Mary Stompe, directrice de PEP Housing. Aux Etats-Unis, les logements à loyer modéré sont financés par un patchwork de sources d’argent venant pour une petite partie des gouvernements, mais surtout d’organismes à but non lucratif ou de fonds privés. Le dernier projet développé par PEP Housing comptait 13 unités de logements réservés aux seniors, 19 sources de financement différentes et a mis sept ans à sortir de terre.Thomas Peters, président de la Marin County Foundation, dont une des activités est la construction et la gestion de logements sociaux, est moins optimiste. Selon lui, le projet n’a que 25 % de chances de voir le jour, en raison des autorisations qu’il reste encore à obtenir mais aussi du pouvoir de nuisance des voisins. « Mais c’est un solide 25 %, car il est mené par un homme de l’importance de M. Lucas dont la terre a été attribuée, il y a des années, à la construction de logements », précise-t-il en souriant. « Ça serait formidable que ce projet se réalise, c’est une question de justice. Et même si 200 habitations ne vont pas résoudre la crise du logement à Marin, il pourrait lancer une série de projets qui, en cumulé, pourront faire la différence. »Elvire Camus (Marin County, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Marches, « protest songs », manifestes... « Peace’n’Pop » propose une vaste traversée dans un demi-siècle de contre-culture pacifiste (dimanche 9 août, à 22 h 35, sur Arte).L’apocalypse nucléaire d’il y a soixante-dix ans n’a pas mis un terme à la folie destructrice des hommes. Et, depuis 1950, les conflits armés ne manquent pas en ce bas monde. A partir de la guerre de Corée mais surtout avec le long conflit du Vietnam, nombreux ont été les artistes à chanter, écrire, dessiner ou manifester avec les anonymes pour s’opposer aux politiques belliqueuses des gouvernements.En France, Le Déserteur, de Boris Vian, sorti en 1954 à la fin du conflit en Indochine, est rapidement devenu un tube pacifiste. Aux Etats-Unis, l’envoi de dizaines de milliers de jeunes gens au Vietnam a réveillé les consciences, fait descendre des foules immenses dans les rues et permis à de jeunes artistes prometteurs, Bob Dylan ou Joan Baez en tête, de lutter en musique pour la paix.Aujourd’hui, les protest songs se font plus rares et les mobilisations contre la guerre, le péril atomique ou les violences raciales sont moins massives que pendant la longue période allant de la guerre du Vietnam à la chute du mur de Berlin, mais un bon nombre d’artistes restent mobilisés. Parmi ceux interrogés dans « Peace’n’Pop », le saxophoniste Joshua Redman émet un point de vue intéressant, quoiqu’un brin naïf : « Je ne sais pas si la musique peut être un contre-modèle à la confrontation guerrière, mais elle génère mutuellement un sens de l’empathie. Pour moi, toute bonne musique est une forme de paix. » Des tubes mémorablesVedettes du folk, rappeurs, rock stars ou divas soul, les chanteurs et musiciens sont nombreux à témoigner dans ce documentaire allemand divisé en deux parties (1950-1979, Faites l’amour pas la guerre ! suivi de 1979-2015, Paix et culture pop). Tout au long de ces deux épisodes, c’est plus d’un demi-siècle d’histoire culturelle et politique qui défile sous nos yeux.Mais si les musiciens et chanteurs sont mis en vedette, permettant ainsi d’écouter des extraits de tubes mémorables (de Blowin’ in the Wind, de Dylan, à Give Peace a Chance, de Lennon, en passant par What’s Going on, de Marvin Gaye, entre autres), ils ne sont pas les seuls artistes à témoigner de leur engagement contre les conflits armés. Des écrivains réputés comme le Gallois Ken Follett, le Britannique Hanif Kureishi ou le Français Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011 pour L’Art français de la guerre, Gallimard) décortiquent avec précision cette culture pop pacifiste. Plutôt pessimiste, Hanif Kureishi estime que « les immenses manifs contre la guerre en Irak dans les rues de Londres n’ont hélas servi à rien… On peut parler d’un clash entre l’extrémisme islamique et le capitalisme néolibéral. Près de chez nous, en Europe, il y a la guerre en Ukraine et je vois ressurgir le fascisme en Grèce, en Hongrie… »Si la volonté pacifiste n’a pas disparu, elle est aujourd’hui morcelée. Il y a moins de mobilisation générale, mais des multitudes d’espaces sur le Web où les artistes expriment leurs sentiments à travers des chansons ou des dessins. Face aux pacifistes, les Etats ne restent pas inactifs.Dès les années 1980, Ronald Reagan encourageait les jeunes amateurs de jeux vidéo à s’engager dans l’armée. Depuis longtemps, le complexe militaro-industriel américain investit beaucoup d’argent dans le divertissement. A travers les jeux vidéo guerriers ou des films du type Top Gun, on peut inciter des jeunes à faire la guerre.1950-1979, faites l’amour pas la guerre  ; 1979-2015, paix et culture pop, de Christian Bettges (Allemagne, 2015, 2 × 52 min).Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Martine Delahaye Jaume Banacolocha, PDG de Diagonal TV (groupe Endemol), une des plus importantes maisons de production de fictions en Espagne, travaille aussi bien avec la télévision publique (TVE) que la chaîne commerciale Antena 3 (groupe Atresmedia).L’Espagne est-elle une grande adepte des séries ?Oui, nous sommes un pays de séries. Nous disposons d’un vivier important de très bons scénaristes de télévision. Peu sont auteurs-réalisateurs, mais les réalisateurs de cinéma sont intrigués par les séries et tendent de plus en plus à s’y intéresser.A Diagonal TV, nous avons produit notre première série quotidienne en 1984, pour la télévision publique catalane, TV3 ; ce n’est donc pas nouveau. Ensuite, l’engouement pour la créativité dont font preuve les séries américaines n’a fait que renforcer l’intérêt des Espagnols pour la fiction.Toujours est-il qu’en soirée comme en journée avec les telenovelas, la fiction espagnole est presque toujours leader. La seule chose qui ait changé, depuis quelques années, c’est que nous osons plus de choses innovantes, que nous prenons plus de risques, avec des thrillers et des séries d’époque notamment : nos fictions sont plus complexes et diversifiées, et ça plaît au public.Lire aussi :Le filon des « Bracelets rouges »La crise financière a-t-elle rebattu les cartes ?La Télévision de Catalogne, par exemple, était souvent pionnière pour lancer de nouveaux formats de séries. Or depuis deux ou trois ans, son budget fiction a beaucoup diminué.Plus largement, l’Espagne produisait beaucoup de téléfilms, des unitaires, jusqu’en 2006. Dorénavant, nous en achetons à la France ou à l’Allemagne, mais ceux-ci passent très tard le samedi soir, car ils n’ont jamais fait une très bonne audience. D’ailleurs, les chaînes, qui doivent verser 5 % de leur chiffre d’affaires pour aider le cinéma, intégraient leurs téléfilms dans ces 5 % ; mais c’est fini, elles ne se servent même plus de ce fonds pour les téléfilms, tout va au cinéma. Aujourd’hui, l’Espagne produit surtout des mini-séries, souvent de deux épisodes diffusés à la suite, et, de plus en plus, de quatre ou six épisodes.Ce qui est frappant, c’est qu’avant la crise, la chaîne privée Antena 3 s’adressait avant tout aux jeunes, ceux qui regardent « Les Simpsons » par exemple, ainsi qu’à ceux qui ont 45 ans et plus. A cette époque, les jeunes regardaient la télévision et disposaient d’argent qu’ils dépensaient facilement. Aujourd’hui qu’ils sont sur leurs tablettes et n’intéressent plus les publicitaires, il faut plutôt concevoir des séries pour les 45 ans et plus, qui ont remboursé leur maison et ont, donc, un vrai pouvoir d’achat ; des adultes qui recherchent des séries plus difficiles que les très jeunes. Vu le coût important des séries historiques, n’est-il pas étonnant que la chaîne publique TVE se soit engagée avec vous sur une série comme « Isabel », sur la vie d’Isabelle la Catholique (trois saisons déjà diffusées) et sur celle de Charles Quint, attendue pour la rentrée ?En toute modestie, il faut savoir que nous avions ouvert la voie avec « La Senora », pour TVE en 2008, une série historique qui avait éveillé l’intérêt des maisons de production pour ce genre ; si bien que, depuis, presque tout le monde a voulu faire sa propre série historique, pas médiévale, mais sur le temps passé.Certes, ce genre de série est très cher à produire, mais il faut reconnaître qu’on en fait peu de ce type. Sur la première saison d’« Isabel », d’ailleurs, nous avons perdu de l’argent ; mais nous avions le projet de faire des économies d’échelle grâce aux saisons 2 et 3. Et puis nous nous en sommes tenus à tout tourner en intérieur. Les batailles, les Espagnols savent que personne ne les réalise mieux que les Américains ; donc pas la peine de tenter de se mesurer à eux. Nous avons raconté l’aboutissement des batailles, mais sans les montrer.Mais nous avons filmé en détail tout ce qui se passait dans le palais, les couloirs et les chambres à coucher, en investissant beaucoup sur les décors et les costumes, car « Isabel » était une série de prestige. Elle a rencontré un immense succès en Espagne, mais aussi en Amérique latine. N’oublions pas que c’est Isabel qui accepta de financer l’expédition de Christophe Colomb…N’a-t-il pas été difficile de convaincre TVE de poursuivre avec une série sur le règne de son petit-fils, Charles Quint ?Avec « Carlos, Rey Emperador », en fait, nous avons lancé quelque chose de totalement nouveau.De manière générale, coproduire est très difficile en Espagne, parce que la tradition veut que les chaînes espagnoles assument seules le coût des programmes et en gardent tous les droits d’exploitation.Mais, cette fois, c’était notre projet, pour lequel nous visions l’international puisque l’histoire de Charles Quint concerne notamment l’Allemagne, les Flandres, la France avec François Ier comme ennemi irréconciliable, etc. Nous avons proposé à TVE non pas de financer le tout, mais d’y participer, sachant que nous mènerions le projet nous-mêmes, pour une unique saison de 17 épisodes, et que nous y mettrions des fonds propres, avec une participation de la chaîne de Catalogne et du ministère catalan de la culture. Cela ne s’était jamais fait jusqu’ici en Espagne. C’est vraiment un nouveau modèle ! Et c’est encore une série historique que vous allez tourner prochainement ?Pour la chaîne privée Antena 3, cette fois-ci, nous nous lançons dans une coproduction internationale en adaptant le roman d’Ildefonso Falcones, La Cathédrale de la mer, paru à Barcelone en 2006, et devenu un best-seller mondial. Cette fiction en huit épisodes racontera la construction de la basilique Sainte-Marie-de-la-Mer, qui s’est déroulée au XIVe siècle à Barcelone et qui, aujourd’hui encore, reste le symbole de la foi du petit peuple et des pêcheurs, parce qu’ils participèrent à sa construction, à l’époque. Nous le ferons au travers des yeux d’un personnage, depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte. Le tournage débutera à la fin de 2015, avec des partenaires espagnols, allemands, et peut-être français ou italiens. C’est pour nous un très grand projet.Prochain article: la Belgique.Lire aussi :La France prête à entrer dans la course aux sériesLire aussi :L’Italie : la force de la traditionLire aussi :L’Allemagne veut s’exporter Martine DelahayeJournaliste au Monde Stéphanie Binet (Los Angeles) La sortie du troisième et dernier album de Dr. Dre, Compton, est un événement mondial mais pas local. A Los Angeles, le 6 août, à une heure de la diffusion de ses nouveaux morceaux sur la plate-forme musicale Apple, personne n’est bouleversé par l’annonce faite par le rappeur lui-même le 31 juillet, sur l’antenne de la radio numérique Beats1, de l’arrivée de son nouveau disque, en digital le 7 août, en physique le 21 août.Dans un magasin de téléphonie mobile, un employé résume l’état d’esprit ambiant : « Depuis 2001 [son disque sorti en 1999], il nous bassine avec ça. A force de l’attendre depuis seize ans, on ne l’attend plus. » Dre a, en effet, tellement retardé la sortie de son projet Detox qu’il a fini par le jeter à la poubelle. « Pas assez bon », de son propre aveu. A South Central et Watts, où le premier disque de Dr. Dre, The Chronic, fut considéré, à sa sortie en décembre 1992, comme la bande-son de ces quartiers noirs et latinos, même réaction. « A 18 heures, on a autre chose à faire qu’écouter un album sur un mobile en Wi-Fi. Et on n’a pas tous des iPhone. On rentre du boulot après des heures d’embouteillages. On se repose avant de se préparer pour le lendemain », résume une habitante.Lire aussi :Dr. Dre : le rappeur entrepreneurLes radios de Los Angeles, privées, elles, de cette exclusivité, préfèrent parler de la sortie prochaine du film Straight Outta Compton, consacré à son groupe N.W.A, fondé par Dr. Dre et Eazy E. Ce dernier, figure tutélaire de la ville, dealer des rues et membre du gang des Crips, avait réussi à défier le FBI avec son label, Ruthless Records, qu’il avait créé avec son manager, Jerry Heller, avant de mourir du sida en 1995. C’est cette histoire que raconte le film et c’est son tournage qui a convaincu Dr. Dre, coproducteur du film, de retourner en studio. L’homme d’affaires de 2015, âgé de 50 ans, s’est senti défié par le rappeur de 1988, jeune, culotté, sans peur.Mais Compton, nouvel album de Dr. Dre, n’est pourtant pas la bande originale du film Straight Outta Compton comme annoncé, mais regroupe les musiques inspirées par le long-métrage, pratique courante dans le rap des années 1990. En 1995, La Haine, de Matthieu Kassovitz, avait eu aussi son album La Haine, musiques inspirées du film. Sur le sien, Dre invite tous ses anciens poulains (Snoop Dogg, Eminem, The Game, Xzibit, exception faite de 50 Cent) et ses nouvelles plumes (Kendrick Lamar, Jon Connor, King Mez, Justus). C’est avec les deux derniers que le producteur a écrit la majeure partie des titres. Il ne reprend pas la narration du film mais raconte en quoi sa ville, Compton, a été une telle source d’inspiration pour toute sa carrière.Ouverture en fanfareLa pochette de son album pose déjà l’argumentaire. Le point de vue vient de Compton, les lettres d’Hollywood au-dessus de Beachwood Canyon ont été remplacées par celles de la commune au sud de South Central. La pochette est une vue aérienne vers les gratte-ciel de Downtown à partir des quartiers pauvres, inversant le regard des auditeurs, plutôt habitués à voir la ville à partir des hauteurs de Mulholland Drive. Le graphiste s’est arrangé avec la géographie locale : il n’y a pas de colline à Compton, juste un alignement de maisons.L’album s’ouvre en fanfare sur une réinterprétation de la musique d’Universal Pictures. Une voix off, cérémonieuse, fait l’éloge de cette ville idéalisée par les Afro-Américains qui fuyaient la ségrégation du sud des Etats Unis dans les années 1950 : « Compton, c’était le rêve américain, la Californie ensoleillée, avec les palmiers dans la cour, le camping-car, le bateau… » Un rêve qui a tourné au cauchemar, continue encore la voix, « où, même si quatre conseillers municipaux sur cinq sont noirs, aucun n’a réussi à enrayer la criminalité et la paupérisation. Avec 47 meurtres l’an passé, Compton est une des villes les plus criminelles en densité par habitant ».Les trois morceaux les plus inspirésCette belle intro est cependant gâchée par un excès de jeunisme du rappeur, qui après seize ans d’absence adopte la manière de rapper, très actuelle et surfaite, du sud des Etats-Unis, le trap. Il l’abandonne heureusement sur le reste de l’album. Ce premier morceau, Talk About It, introduit aussi ses deux nouveaux espoirs, King Mez, de Caroline du Nord, et Justus, rappeur blanc de Dallas, qui citent une des rimes les plus célèbres de The Notorious B.I.G., rappeur new-yorkais, un temps rival de la Côte ouest, et assassiné à Los Angeles, It Was All a Dream (« c’était tout un rêve »). Il faut attendre le deuxième titre pour retrouver la qualité de la production de Dr. Dre avec Genocide, qui mêle un toast ragga de l’Anglaise Marsha Ambrosius du groupe Floetry et la dextérité de celui qui va l’accompagner sur trois des morceaux les plus inspirés du disque : Kendrick Lamar.Ainsi sur Darkside/Gone, la même équipe rend un bel hommage à Eazy-E. King Mez, lui, remet les pendules à l’heure sur le mythe des rappeurs gangsters : « Non, je n’ai jamais vendu de drogue, mais je sais qui en a. » Dre ne rappe finalement en solo que sur un seul des seize titres de l’album, le dernier. Pour le reste, en bon producteur, il s’attache plutôt à déstabiliser ses partenaires de ces vingt dernières années : musique plus rock pour les anciens, Ice Cube et Snoop Dogg, jazz pour The Game… Il signe, de plus, une belle collaboration avec DJ Premier, son homologue de la Côte est, pour Animals. Du bon Dr. Dre, inattendu, joué dès le lendemain de la diffusion sur Apple sur bon nombre d’autoradios. Le mythe tient encore la route. Vendredi 7 août, dans l’après-midi, les lettres de Compton étaient dessinées dans le ciel de Los Angeles par des avions publicitaires.Stéphanie Binet (Los Angeles)Journaliste au Monde 07.08.2015 à 17h42 • Mis à jour le10.08.2015 à 10h56 | Renaud Machart « Les Clés de l’orchestre » analyse l’une des pièces maîtresses du répertoire symphonique du XXe siècle (dimanche 9 août, à 22 h 50, sur France 5).Tandis que France 2 propose, pendant l’été, « La Boîte à musique », une série d’émissions pour le grand public consacrées à la musique classique, France 5 diffuse quatre numéros d’une série pédagogique de plus haut niveau, « Les Clés de l’orchestre », également animée par Jean-François Zygel : celui-ci décryptera Casse-Noisette, de Piotr Ilitch Tchaïkovski (le 30 août), La Mer et le Prélude à l’après-midi d’un faune, de Claude Debussy (le 23 août), la Symphonie n° 9, de Dimitri Chostakovitch (le 16 août), après s’être intéressé, le 9 août, à la grande pièce symphonique Des canyons aux étoiles, d’Olivier Messiaen (1908-1992). Il est à saluer que le cycle commence avec l’œuvre la moins « abordable » de celles traitées cet été.Teintes fauvesSi le pianiste, compositeur et improvisateur se laisse aller à l’anecdote (toujours signifiante) dans « La Boîte à musique », devant trois invités le plus souvent « novices », le voici, dans le cadre des « Clés de l’orchestre », plus proche de l’esprit de ses fameuses « Leçons de musique » à la mairie du 20e, à Paris (reportées sur DVD par Naïve). Cette fois devant l’Orchestre philharmonique de Radio France, qui illustre son propos par des exemples dirigés par Jean Deroyer, Zygel tient au public du Théâtre du Châtelet des propos approfondis, mais accessibles.Des canyons aux étoiles est une vaste composition (environ 90 minutes) écrite par Messiaen en réponse à une commande de la mécène Alice Tully pour la célébration du bicentenaire de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. Messiaen fut tellement impressionné par le Bryce Canyon, dans l’Utah, qu’il visita en 1972, qu’il décida de faire de sa pièce une correspondance musicale des paysages grandioses qu’il y découvrit.Comme Dieu était en toute chose pour Messiaen, il est au centre de ces Canyons aux étoiles ; comme les oiseaux étaient ses maîtres en musique, le chant dûment noté de ceux qu’il entendit là-bas s’y ébat ; comme le compositeur associait les accords à des couleurs, la partition éclabousse l’auditeur de teintes fauves. Tout cela explicité à merveille par Zygel : le novice ne s’y perdra point et le mélomane aguerri découvrira d’autres cheminements au sein de cette œuvre foisonnante.Les Clés de l’orchestre, Des canyons aux étoiles, d’Olivier Messiaen, réalisé par Philippe Béziat (Fr., 2014, 95 min).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.08.2015 à 12h37 • Mis à jour le07.08.2015 à 12h48 Avec Bruce Springsteen et une « standing ovation », l’humoriste américain Jon Stewart a tourné la page, jeudi 6 août, du « Daily Show », l’émission télévisée grâce à laquelle il s’était imposé, durant seize ans, comme le roi de la satire politique et médiatique aux Etats-Unis.Pour cette émission exceptionnelle d’une heure, plusieurs célébrités avaient enregistré des vidéos d’adieu très brèves, plus ou moins drôles, dont Hillary Clinton, le secrétaire d’Etat John Kerry, le sénateur John McCain, ou l’animateur de Fox News Bill O’Reilly, une des cibles préférées de Stewart.Des comédiens lancés par le « Daily Show » y ont aussi fait une apparition, dont John Oliver, Steve Carell ou Stephen Colbert, qui a salué « un grand artiste et un homme bon », auquel, a-t-il dit, « nous devons beaucoup ».La Maison Blanche a également tweeté ce que le président Obama avait dit à Jon Stewart sur son plateau le 21 juillet : « Je publie un nouveau décret. Jon Stewart ne peut pas quitter l’émission. »"I’m issuing a new executive order—that Jon Stewart cannot leave the show" —@POTUS: http://t.co/l1IEX8pKpR #JonVoyage http://t.co/jlqvb2uL5Q— WhiteHouse (@The White House)require(["twitter/widgets"]);Mais l’humoriste l’a fait, refusant de prononcer un quelconque « adieu » ou « au revoir », préférant parler d’une pause dans la conversation, restant flou sur ce qu’il comptait faire ensuite. Le « Daily Show » sera repris en septembre par le comédien sud-africain Trevor Noah.« Carrefour de la politique, du journalisme et du divertissement » Impitoyable, drôle, résolument à gauche avec un humour typiquement new-yorkais, Stewart avait commencé à présenter le « Daily Show » sur Comedy Central en 1999, une parodie de journal télévisé de trente minutes, quatre soirs par semaine, et s’était rapidement fait une place unique dans le paysage audiovisuel américain.« Il s’était taillé, au fil des années, une place unique au carrefour de la politique, du divertissement et du journalisme », explique Stephen Collinson, de la chaîne CNN, qui titre son article d’adieu : « Comment Jon Stewart a changé la politique. »De nombreux éditorialistes, une caste qui l’a longtemps méprisé, lui rendent aujourd’hui hommage, comme Meredith Blake, du Los Angeles Times :« Quand Jon Stewart a fait ses débuts au “Daily Show” en janvier 1999, l’idée qu’un comédien, alors connu pour quelques talk-shows à courte durée de vie ou des rôles secondaires dans des films à oublier, aurait l’oreille d’un président avait tout d’une blague.Mais, alors qu’il quitte le programme de Comedy Central, quatre campagnes présidentielles et près de 2 600 épisodes plus tard, il part plus que comme l’un des humoristes les plus accomplis de sa génération. Bien qu’il répugne à l’admettre, les commentaires et la satire de Jon Stewart ont fait de lui une des voix les plus influentes dans la politique américaine. »S’il s’est autant démarqué, c’est grâce à son style inimitable. « La comédie a fait de Jon Stewart le journaliste ayant le plus la confiance du public, assure Elahe Izadi, du Washington Post. « Bien qu’il ne se soit jamais présenté comme un vrai journaliste, il avait compris que les gens aiment consommer l’information grâce à l’humour. Ce n’est pas une mauvaise chose, le “Daily Show” tranchait avec la manière traditionnelle de rendre compte de l’actualité : nuancée, en donnant la parole aux deux camps. »Il a ainsi profité d’un désaveu du public pour les médias traditionnels. « Depuis que Jon Stewart a commencé au “Daily Show”, il y a seize ans, la confiance du pays dans les médias et le gouvernement a chuté », remarque John Koblin, du New York Times.« Sa marque de fabrique, des fausses informations, a prospéré dans ce vide et a fait de lui l’un des plus vivifiants critiques médiatiques, politiques et culturels. Il a attiré une génération de téléspectateurs prêts à accepter un personnage singulier dont les exagérations avaient, selon eux, plus de vérité que les programmes traditionnels. »« Un guide constant pour certains Américains »Selon Stephen Collinson, de CNN, « il a été un guide constant pour certains Américains à travers les quinze premières années tumultueuses du XXIe siècle ». Sa première émission après le 11 septembre 2001 est restée dans les mémoires quand, incapable de contenir ses larmes, il avait demandé aux téléspectateurs : « Est-ce que ça va ? »L’année précédente, l’élection présidentielle et sa conclusion à suspense, où les voix avaient dû être recomptées avant de voir George W. Bush être désigné vainqueur, l’avaient amené au premier plan. Il moquait alors « Indecision 2000 ».Plus tard, ses critiques répétées sur a guerre en Irak alimentent les doutes de certains Américains.Une audience en déclinMais, après seize ans d’émission, l’audience a décliné. Elle a atteint 1,3 million de téléspectateurs par jour en moyenne, le plus bas score depuis 2005. L’audience parmi les 18-49 ans, à 725 000 par soir, est au plus bas depuis onze ans, selon les données de Nielsen citées par le New York Times. Thomas Kent, éditorialiste à l’agence Associated Press, nuance les éloges tressés par ses confrères :« Oui, le journalisme a une dette envers Jon Stewart. Des millions de personnes l’ont suivi pour du divertissement mais ont, grâce à lui, appris beaucoup sur le monde. […] Mais si la plupart des journalistes peignent souvent le monde en gris, Jon Stewart le voyait habituellement en noir et blanc. » Lui qui pourfendait certains médias, et en premier lieu Fox News et CNN, « il dépendait de reportages nuancés faits par d’autres, qui parcourent le monde pour couvrir l’actualité, parfois à leurs périls, enquêtent, révèlent des affaires ». « Le commentaire, notamment satirique, connaît un grand succès. Mais il aura toujours besoin des fondamentaux : des sources solides pour du journalisme nuancé et rapide », conclut Thomas Kent.Lire aussi :Jon Stewart, visage d’une révolution médiatique 20.08.2015 à 21h10 • Mis à jour le21.08.2015 à 09h25 L’important incendie qui s’est déclaré, pour une raison encore inconnue, dans la nuit de mercredi à jeudi 20 août à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, repousse « à une date encore indéterminée » l’ouverture prévue le 15 octobre du centre commercial Vill’Up.Le feu, qui a mobilisé 120 pompiers et une trentaine d’engins, a pris dans une partie du bâtiment qui était en travaux, et donc pas protégée par une alarme. « Ce sont des palettes, des cartons, des cloisons en placoplâtre, des faux plafonds, des gaines électriques » qui ont brûlé, selon les pompiers. Une surface de 10 000 m² a été touchée.Le futur cinéma Pathé fortement endommagéLe projet Vill’up, accolé au musée de la Villette, dans le nord-est de Paris, se présente comme un centre commercial d’un nouveau genre, misant essentiellement sur les loisirs. Il doit accueillir sur 25 000 m2 une cinquantaine de boutiques et de restaurants, un cinéma de seize salles, un laser game et un dispositif de chute libre. Maurice Bansay, PDG de l’exploitant Apsys, a déclaré que l’ouverture du complexe était « différée à une date encore indéterminée ».Lire (en édition abonnés) : Fini les galeries marchandes, vive les centres de loisirsLes dégâts liés au feu se sont concentrés sur le multiplexe Pathé, en particulier dans le hall et dans deux salles de projection. Le reste des dégradations est surtout dû à l’eau déversée pour éteindre l’incendie. Un audit du site est en cours pour dresser un bilan complet. « C’est à l’intérieur de notre travée qu’est parti l’incendie – la Cité des sciences n’a pas été endommagée, explique Maurice Bansay. Mais seule l’enquête pourra permettre de déterminer avec précision les causes du sinistre. »La création du complexe installé dans une aile non exploitée de la Cité des sciences a coûté 110 millions d’euros. Les travaux de construction, qui avaient commencé il y a plus de deux ans, étaient presque terminés. Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial) Mardi 18 août. La 38e Hestejada de las arts (« festivité des arts ») à Uzeste (Gironde) est lancée. Colline sud du château de Roquetaillade, feu d’artifice, opéra, intitulé Fraternité. Devise de la République, version Bernard Lubat, énergumène, artiste poïélitique, meneur de bande, batteur psycho-tripe : « Liberté », on connaît, ça sert un peu à tout, et surtout au reste. « Egalité », on est loin du compte. « Fraternité », personne ne s’en occupe.La compagnie Lubat au complet, plutôt augmentée, avec son inusable Fabrice Vieira, guitare et direction musicale, Lubat père (claviers) et Lubat fils (grand batteur, désormais), au four et au moulin et, en guest-star tout là-haut sur la colline, complet croisé, cravate bleu de guesde, chapeau très strict, Monsieur Archie Shepp. C’est un habitué des lieux.La figure charismatique de la « New Thing », icône de la musique afro-américaine, poète activiste, dramaturge, immense bluesman poussé au soleil de John Coltrane et adulé en Europe, Archibald Shepp est né en 1937 à Fort Lauderdale (Floride). Il est, avec Michel Portal, Sylvain Luc, Patrick Auzier, François Corneloup, André Minvielle, Marc Perrone, Louis Sclavis, Monique Chemillier-Gendreau, Laure Duthilleul, Marcel Trillat, plus une douzaine d’inspirés, plus ou moins géniaux, plus ou moins faiseurs, le cœur nucléaire d’Uzeste. L’équipe première à géométrie variable. Un jour, on parlera de Lubat comme on le fait de Jean Vilar ou d’Ariane Mnouchkine. Autorité et rayonnement compris. Tout le monde prétendra alors être allé à Uzeste, avoir connu cette ambiance de délire et d’invention. De désenchantement et d’exaltation. C’est faux. On vous le dit, c’est faux.Uzeste musical ? L’art comme activité de connaissance et de lumière (voir éducation populaire) ; l’inconnaissance, voilà le fléau ; la liberté artistique comme oxygène philosophique ; le marché nous a donné le mauvais goût de la musique, sucrée à mort, industrialisée, radioactive à souhait. Effet inverse, vous trouverez à Uzeste et alentour plus de concerts emballants, de prestations déconcertantes, de concertantes prestigieuses qu’ailleurs. Ailleurs où tout est tendu vers le nombre, la satisfaction des élus, l’abjecte volonté de plaire.Rien n’est à l’heureMardi 18 août, 22 h 21. Une fois n’est pas coutume à Uzeste, un « opérartifice très rare » – un acte, une action, une délibération, un débat, un joyeux bordel, une fête, un bal, une polyphonie aux airs de « catastrophe apprivoisée » (Cocteau à propos du jazz), bref, tout sauf un « concert de festival » – commence en retard. A cause du public. Comme les voitures n’arrêtent pas de monter, la foule de se presser, la fraîcheur de s’installer, le ciel de s’étoiler, la Hestejada de fraterniser, Fraternité est d’un poil retardé.Depuis l’an 685, la même famille habite à Roquetaillade, situé entre Langon et Bazas, forteresse exemplaire d’Aquitaine, perfectionnée par celui dont il ne convient plus, j’espère, de s’offusquer : le grand Viollet-le-Duc. La visite dure une heure. Pour en revenir à Uzeste musical, le retard est ici endémique. Il faut dire que le programme, dans le style des repas de mariage autour de Bazas, du 16 au 23 août, est réglé comme du papier à musique, presque comme un emploi du temps en cure de thalassothérapie, mais rien n’est à l’heure.Le 18 août, tout a démarré (10 h 30, enfin, 10 h 45) après un verre, par un débat entre syndicalistes, acteurs, « approximatifs » et « spect-acteurs ». Puis, petite soif, apéro. Après quoi, Voix-Off, un documentaire de Yann Gaonac’h sur une proposition de la CGT (attention, ici, terre de « cocommunistes », dit Lubat), deux duos de deux, une exploration numérique par Marc Chemillier (ordinateur et trompette de Paolo Chatet), performance de Véronique Aubouy (tentative de résumer la Recherche en une heure), une conférence d’anthropologie, une réflexion d’Archie Shepp (De quoi le jazz est-il ce nom ?), re-apéro, et première fusée dans le cosmos.Aux entrées, les « bénévoles » font les bénévoles : bruyants, importants, serviables, mignons comme des cœurs, bavards comme des pies, inutiles, précieux, indifférents à la musique, partout pareil.Feux d’artifice pour rirePoint zéro (22 h 21) : les artificiers (la Cie Pyr’Ozié) montent derrière leur porte-voix vers la scène (366 secondes). Décor, le château. Voûte étoilée comme celle de Montserrat où André Masson et Georges Bataille, en 1934, connurent une extase. Ne manquent que les orages désirés. Il se lèvent.Les douze artificiers arpentent la colline, c’est déjà tout un drame médiéval. Ils allument le pré sur fond de mascleta (détonations et pétarades de guerre). Les musicos entrent en transe, sur fond de « bataille de comètes » (langue technique d’artificier) et de grosses bombes. Musique réglée par Bernard Lubat, sur éclairage progressif de « pots de flammes » (silice). Ici, la fiche technique, la partition, dit sobrement : pour le côté « pyro », « fontaines et cascades », « bombes à paillettes or ». Partition : « free ».Salve bleu, blanc, rouge, quatre salves de cœurs et quatre de détonations. Lubat scande dans les fumées de toutes les couleurs : « fraternité, fraterminé, fraterminable… » Inconscient sonore et visuel, les nuits de Damas, de Lattaquié, d’Alep où j’ai vécu. Pensée pour ceux qui s’enfuient, se réfugient, s’exilent. Amour des feux d’artifice pour rire. Ils font peur aussi.Tableau 7 : Shepp le magnifique entre pour la première fois. Solo. « Atmosphère embrasée plus final clignotant ». Plus tard, ce ne sont que fontaines, cascades, gros « tir frisson » pour en finir. Retour au calme : sur fumeroles et couleurs douces, deux voix s’élèvent. Lucie Fouquet et Juliette Kapla, cantatrices, sur une œuvre du compositeur baroque bien connu, Leonardo Leo (1694-1744). « Pyro rouge », énormes boules de feu, cantatrices, Lubat, bouquet final, énorme chorus ensemble et Archie Shepp chante un blues terrible sur fond d’embrasement rouge. Peur, joie, apothéose, Révolution, fraternité. La vie ? C’est l’éternité allée avec le feu. On ne croit plus en rien, c’est ce qui nous tient debout, ensemble, extricables, plus sûrs de l’espoir que jamais.Initiatives coco-libertaires en rase campagne38 ans que ça dure. 38 ans de créations éblouissantes. 38 ans d’initiatives coco-libertaires en rase campagne. 38 ans que tout le monde connaît la folie Uzeste. 38 ans que ceux qui n’y ont pas mis les pieds continuent à confondre Uzeste en Gironde et l’Uzès de Madame de Sévigné : Uzeste, c’est l’autre, un village charmant de la Haute-Lande où tout le monde dansait à la Libération, en 1945, lorsqu’est né Bernard Lubat. Son père, Alban, jouait pour le bal, et Marie sa mère faisait les omelettes aux cèpes. Leur estaminet existe encore, avec son graphisme, ses mots d’ordre libertaires, dadaïstes, poïélitiques.Comme écrivait Matisse à son fils, en 1913 : « Si chacun avait fait son métier comme Picasso et moi – adaptez : Lubat et Vieira, Portal, Auzier, Laure, etc. –, on n’en serait pas là. »Les Auzier, père et fille, artificiers diplômésFraternité, feu d’artifice et opéra, est placé sous la direction artistique de Margot Auzier, fille de Patrick Auzier. Lequel, puisqu’il jouait du trombone de façon très personnelle, s’est lancé sans appui dans la pyrotechnie. Ses feux d’artifice étaient très réputés, filaient des frissons et semblaient démarrer par le bouquet, continuer par le bouquet, finir par le bouquet. A force, la préfecture lui a accordé son diplôme, puisqu’il pratiquait. Installant des feux de la Saint-André qui couraient dans le public sous les cris d’effroi et de joie. Déclenchant un festival pyrotechnique à Châteauvallon (Var), l’année de la grande canicule (1976). Côté musique : Michel Portal, Bernard Lubat, Beb Guérin et Léon Francioli.Sous sa houlette, sa fille Margot, 24 ans, qu’on a connue toute petite déjà, prend le relais : « Le diplôme, c’est un peu de formation, énormément de législation, et pas mal d’apprentissage sur le terrain. Titulaire du niveau 2, je peux donc être directrice artistique. Pour un feu opéra, il s’agit d’écrire en commun, concevoir, prévoir les effets. Tout dépend du site, du vent, du climat, de l’humidité, et de cent autres impondérables.Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas “répéter”. Les tableaux aériens, le rythme, les effets, on voit ce que ça donne au moment d’appuyer sur le bouton. Je fais une dizaine de feux par an, Patrick continue de travailler avec moi, mais lui, il vient d’une tout autre époque. La sécurité reste évidemment au cœur de l’acte : la surveillance de l’ascension, de l’explosion, des temps et des tempos.Un feu, c’est toujours puissant, impressionnant, ça crée des émotions, des tensions. J’aime beaucoup les “frissons”, les “clignotants”, les “feux qui retombent en poussière verte”, les “parapluies”, et le “soleil”. Ces deux dernières pièces viennent d’Espagne. Le reste, nous l’achetons à trois fournisseurs. Un feu comme celui du 18 août à Roquetaillade coûte 10 000 euros, TTC, salaires et frais de déplacements compris. Il a duré 1 h 05. On a multiplié les effets, mais le plus délicat reste d’harmoniser le feu avec la musique. On aurait pu faire mieux, je suis contente, mais pas très satisfaite. »F. M.Francis Marmande (Uzeste (Gironde), envoyé spécial)Journaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol) La rumeur, qui prenait de l’ampleur depuis le début de la semaine, était devenue une certitude au regard du faisceau d’indices concordant et malgré le secret remarquablement bien gardé pour un projet de cette ampleur. Le plus célèbre et à la fois le plus anonyme des artistes de rue, le Britannique Banksy, originaire de Bristol, a concocté un nouveau coup d’éclat à une trentaine de kilomètres de sa ville natale, en bord de mer, à Weston-super-Mare. L’artiste a dévoilé, jeudi 20 août dans la matinée, le programme et le principe de son Bemusement Park (« parc de la perplexité »), qui prend le contre-pied des parcs Disney pour offrir une vision moins flatteuse de la société. « La nouvelle attraction touristique la plus décevante de Grande-Bretagne », prévient le slogan qui accompagne un montage volontiers grotesque. Comme attendu, l’annonce en a été faite sur un site Internet consacré à l’ambitieuse opération : dismaland.co.uk, qui donne les grandes lignes de l’organisation et du programme de l’opération, qui sera ouverte pendant cinq semaines, du 22 août au 27 septembre.Priorité est donnée aux locaux de la petite ville balnéaire tombée en désuétude de Weston-super-Mare, soudain devenue the place to be : les habitants pourront visiter le parc dès vendredi. Le site renvoie pour eux vers la presse locale, qui a pu avoir accès aux informations sous embargo, comme le journal Mercury. Une soirée de lancement sur invitation aura lieu vendredi soir. En bord de plagePour les autres, il faudra attendre vendredi matin l’ouverture de la billetterie en ligne, qui proposera des tickets (au prix de 3 livres (4,20 euros) par personne) jusqu’à dix jours à l’avance. Sur place, quelques billets seront vendus chaque jour en complément. Chacun aura la possibilité de réserver une entrée en journée, de 11 heures à 18 heures, ou en soirée, de 19 heures à 23 heures. Chaque jour, 4 000 visiteurs auront accès au site, large espace en bord de plage connu sous le nom de « Tropicana », qui offrait jusqu’à il y a une quinzaine d’années une piscine en plein air.Cinquante-huit artistes participent à ce très attractif parc d’attractions, exposition hors norme dont le commissaire est Banksy lui-même. Parmi les grands noms, hormis Banksy : l’artiste contemporain Damien Hirst, également originaire de Bristol, ou encore l’artiste américain Mike Ross, dont la sculpture, dépassant depuis quelques jours des murs de Dismaland, avait déjà été identifiée. Créée à partir de deux camions de transport de pétrole, Big Rig Jig, sculpture en forme de S (de dollar), que les visiteurs peuvent escalader de l’intérieur, avait, en effet, été un des moments forts du festival d’art alternatif Burning Man, dans le désert du Nevada, en 2007. On notera qu’aucun artiste français ne figure parmi les participants. Les réjouissances se prolongent sur scène, avec cinq dates de concert annoncées, en plus de soirées mises en musique par des DJ chaque samedi soir. Le duo de rappeurs américains Run the Jewels se produira le 5 septembre. Le 25 septembre, Massive Attack, fameux groupe bristolien, qui avait lancé le trip-hop dans les années 1990, partagera notamment l’affiche avec Pussy Riot, le groupe de punk russe et féministe que ses déboires avec Vladimir Poutine ont érigé en icône de la contestation.Une petite note en bas de la page d’accueil du site précise que bien que le parc soit ouvert à « toute la famille », « l’état du lieu, l’usage intensif de stroboscopes et l’imagerie des œuvres ne sont pas adaptés aux jeunes enfants ». Les seules choses « strictement interdites » sont « les bombes de peinture, les marqueurs, les couteaux et les avocats de Disneyland ».Emmanuelle Jardonnet (Envoyée spéciale à Bristol)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet Métal lourd, le tungstène possède deux caractéristiques principales : sa couleur, qui varie du presque noir au blanc ; sa température de fusion, très élevée. En donnant le nom de cet élément à son nouvel album, Marcello Quintanilha promet donc d’emblée un récit à l’image de la société brésilienne, ­métissée et brûlante, qu’il a quittée il y a une dizaine d’années afin d’exercer son métier en Espagne.Le prétexte est, ici, un fait divers banal : dans la baie de Salvador de Bahia, deux hommes pêchent à la dynamite en toute impunité. Deux autres hommes, unis par une relation mystérieuse, observent la scène depuis un ancien fort militaire : un retraité de l’armée et un petit trafiquant. Un troisième duo, composé d’un superflic et de sa fiancée, se mêle bientôt à ­l’affaire.Porté par des dialogues truculents, ce récit construit comme un thriller à tiroirs tient davantage de la comédie sociale. En émergent des thèmes récurrents dans le Brésil d’aujourd’hui, tels que la banalisation de la violence ou la précarité des classes moyennes. La rupture n’est jamais loin : ce qui est dur casse ­facilement – comme le tungstène. Frédéric PotetTungstène, de Marcello Quintanilha, traduit du portugais (Brésil) par Marie Zeni et Christine Zonzon, Çà et là, 184 p., 20 €(en librairie le 25 août).Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.08.2015 à 06h42 • Mis à jour le19.08.2015 à 11h35 | Martine Delahaye Documentaire à 20 h 40 sur Histoire Dans « Marylin, dernières séances », Patrick Jeudy et Michel Schneider racontent les relations hors normes de l’actrice avec son ultime psychanalyste.Suicidée ou victime d’une overdose, Marilyn Monroe, le 4 août 1962 ? Peu importe. Dans son roman Marilyn, dernières séances (Grasset, prix Interallié 2006), aussi passionnant que documenté, Michel Schneider, psychanalyste et écrivain, montre combien la gosse Norma Jeane Mortenson, transfigurée en « Marilyn » pour l’écran, était depuis bien longtemps engagée dans une lutte désespérée contre la sensation d’inconsistance, d’anéantissement, d’inexistence.L’adaptation de son livre en documentaire, coécrit avec le réalisateur Patrick Jeudy, se concentre sur les trente derniers mois de la vie de l’actrice  : à partir du moment où, en janvier 1960, à bout de souffle, elle fait appel au psychanalyste d’Hollywood Ralph Greenson. Et où s’engage, entre elle et cet intellectuel freudien, une étrange thérapie « par l’amour ».Elle lui avait demandé de l’aider à se lever, à tenir ses engagements, à aimer : de l’aider à ne pas mourir… « J’appartiens à la peur », lui avait-elle confié. Il sera tout à son attention jour et nuit, l’entourant comme une enfant en détresse.« Droguée du freudisme »Mais difficile de narrer l’intimité de la relation entre une patiente et son psychanalyste en images. Pourtant, « si incroyable que ça puisse paraître », précise le réalisateur Patrick Jeudy, on découvre encore régulièrement de nouveaux films ou photos d’elle : « Parfois des petites choses insignifiantes (…). Quant au film, gentiment érotique, où on la voit se tortiller nue, il n’est peut-être pas authentique. »Hormis les premières minutes du film, qui peuvent paraître confuses, Marilyn, dernières séances rend avec tact les éclats du passé de l’actrice, les facettes de l’aspect désaxé de sa personnalité et son côté « droguée du freudisme » – elle eut trois psychanalystes avant Ralph Greenson. Ne manquez pas l’intégralité de la fameuse séquence « Happy Birthday Mister President », qui en dit bien plus long que les quelques mots qu’elle susurre, ou les images du baptême du fils de Clark Gable (alors décédé), où elle apparaît habillée pour un enterrement… « Cela vous donne une petite idée de sa dérive », précise Patrick Jeudy.« Marilyn. Dernières séances », de Patrick Jeudy et Michel Schneider (Fr., 2009, 90 minutes). Mercredi 19 août sur Histoire à 20 h 40.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 17.08.2015 à 06h44 • Mis à jour le18.08.2015 à 11h26 | Sylvain Siclier La saison des festivals se poursuit, avec deux occasions de profiter d’artistes de premier plan dans un cadre aux prises avec la nature, sur l’île de Ré comme dans les Ardennes.UN VIDÉOCLIP : « Perfect Couples » par Belle and SebastianSi son neuvième album studio et dernier album en date, Girls in Peacetime Want to Dance (Matador Records) est sorti en janvier 2015, le groupe Belle and Sebastian vient d’en proposer récemment (fin juillet) un nouvel extrait. Sous la forme d’un superbe vidéoclip, réalisé par Oscar Sansom, la chanson « Perfect Couples » se révèle assez hypnotique. Passée une trentaine de secondes avec des plans sur divers instruments de percussions, nous nous retrouvons face à une pièce avec un tapis rond, deux chaises, un petit bar de salon, une fenêtre ouvrant vers un jardin… Les lieux vont peu à peu être occupés par plusieurs personnages. D’abord une jeune femme, dans d’étranges mouvements qui trouveront leur explication au cours des entrées et des sorties des autres protagonistes. Cette chorégraphie de Sarah Swire, fondée sur la répétition des gestes, met en jeu une quinzaine d’interprètes. A chacun de voir le clip d’abord comme un tout, puis de suivre à loisir l’un ou l’autre des danseurs qui finiront par quitter les lieux.« Perfect Couples », par Belle and Sebastian. Réalisé par Oscar Sansom, chorégraphie de Sarah Swire.DEUX FESTIVALS : Jazz au phare, sur l’île de Ré, et Le Cabaret vert à Charleville-Mézières Au bout du bout de l’île de Ré (Charente-Maritime), dans la commune de Saint-Clément-des-Baleines, il y a un phare, chanté par Claude Nougaro. A proximité, plusieurs cafés. Autant de lieux où se déroule le festival Jazz au phare, dont la sixième édition est organisée du 16 au 19 août 2015. Son directeur artistique s’appelle Jean-Michel Proust. Cet homme de radio (production et animation), journaliste et musicien (saxophone, composition), a concocté un programme de belle allure : Tânia Maria et Eliane Elias le lundi 17 ; les formations des saxophonistes Xavier Richardeau et Michel Pastre, du trompettiste Fabien Mary et du pianiste Pierre Christophe mardi 18 et mercredi 19 ; le chanteur Michel Jonasz en duo avec le pianiste Jean-Yves D’Angelo le mardi 18 ; et enfin la chanteuse Molly Johnson et le pianiste Monty Alexander le 19 août…Jazz au phare, à Saint-Clément-des-Baleines, sur l’île de Ré (Charente-Maritime), jusqu’au 19 août. De 30 euros à 42 euros, nombreux concerts en accès libre. Novateur en matière de développement durable (produits locaux, village associatif) et de recyclage écologique, le festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes) a connu sa première édition en 2005. Sur deux jours, à la mi-septembre, s’étaient succédé Jacques Higelin, Mano Solo ou encore Mass Hysteria. Depuis, l’événement a lieu à la fin du mois août, il se déroule sur quatre jours, et il a reçu nombre de figures du rock, de la pop, du rap ou du reggae. Le tout en centre-ville – ce qui n’est pas si courant pour une manifestation qui a accueilli 90 000 spectateurs en 2014 – sur un site, le square Bayard, en prise avec la nature. Cette année, du jeudi 20 au dimanche 23 août, le festival annonce plus de quarante artistes, parmi lesquels Fuzz, Christine and The Queens, Etienne Daho, Paul Kalkbrenner, The Shoes, Jurassic 5, The Chemical Brothers, Selah Sue, Limp Bizkit, Hubert-Félix Thiéfaine…Festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes), du 20 au 23 août. 34 € par jour, 6 € dimanche.RÉSERVEZ VITE : Rickie Lee Jones aux Bouffes du Nord, à Paris, lundi 19 octobreElle a beau ne pas vouloir être ramenée à cette seule chanson, pour beaucoup l’Américaine Rickie Lee Jones est d’abord l’interprète de Chuck E’s in Love. Son gros succès de l’année 1979 a parfois été remis à son répertoire de concerts ces dernières années, mais sa tournée actuelle (qui, pour l’Europe, ne fait qu’un petit tour en Allemagne et en France) repose toutefois sur une bonne dizaine de chansons de son nouvel album, The Other Side of Desire, sorti en juin. L’occasion de retrouver la voix de Rickie Lee Jones, du plus fragile à l’énergie grondante et ses atmosphères pop, folk, blues et jazz.Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de La Chapelle, Paris 10e. Tél. : 01 46 07 34 50. Lundi 19 octobre, à 20 heures. De 40 euros à 51 euros.La chanson « Jimmy Choos » par Rickie Lee Jones, extraite de son album « The Other Side of Desire ».Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Je vous ai laissés sur la route de Millas (Pyrénées-Orientales) et sa charmante féria. Sans doute croyez-vous que ces bérets grands comme des soucoupes volantes n’existent pas. Eh bien, figurez-vous, le fromager gaulliste du marché d’Oloron (tous les vendredis : phénoménal concert naturel de voix, de timbres et d’accents), son frère, le boucher communiste, et mes cousins sans – op., itou, tous portent le béret. Beau comme une soucoupe volante. Un ovni a été photographié à 17 kilomètres de Millas le 30 mars dernier. À l’instant où je vous écris, lundi 17 août, 0 h 43, un aéronef à hélice, je sais reconnaître, fait des ronds sur Paris. N’insistons pas.Une soucoupe volante venue de Mars repère un petit aérodrome (blague millésimée 1958, je suis en 3e). L’aire d’atterrissage se trouve en France, mais la soucoupe n’en sait rien. Bref arrêt stationnaire dans la plus grande prudence, histoire de contacter quelque Terrien. Le Martien tiré à la courte paille, descend à pas comptés et s’avance vers trois Terriens qui lui semblent placides. Notre Martien se méfie (ça, le « notre », c’est pour faire conteur populaire). Midi, temps radieux. L’aérodrome est désert. Au fait, ce n’est pas un aérodrome, les Martiens peuvent se gourer, c’est la station-service Caltex, à l’entrée de Millas, à la pause, en 1958, entre midi et deux heures (je brode).Notre Martien donc, approche en tapinois. Il communique avec la soucoupe : « Ici Agent X 23, je marche lentement vers trois Terriens qui se tiennent immobiles… J’exécute nos signaux de paix… Ils ne bougent pas… Oh ! Message urgent au central : les Terriens sont exactement comme nous ! Hallucinant ! Exactement. Mais, pour une raison qui m’échappe encore, ils se plantent la bite dans l’oreille droite… »Oui, bon ça va, je ne vous demande pas d’applaudir. Je sais qu’il est navrant de narrer des blagues par écrit. Ou d’ailleurs, tout court. Comme raconter un dessin de Sempé (Reiser, Willem, Pessin)… Je m’en passerais bien, si cela ne renvoyait à on ne sait quoi de trop vrai.Un Soulages sur négatifSous son béret en style de soucoupe, le fromager d’Oloron est unique. Stand d’une nudité totale. Trois pans de mur blancs comme un Soulages sur négatif. Pas une affiche. Pas de pub. Pas la moindre photo de Lescun et ses brebis. Rien : juste sa balance, le meilleur fromage du monde et son béret. Il roule ses r en style de gave des montagnes : « En 1946, De Gaulle avait prrroposé un statut à l’Algérie dont personne n’a voulu. Aujourrrrd’hui, je vois un pays du Maghrrrreb qui peut prrrrendrrre le pouvoirrr en France. » Bigre.Halte à Marciac (Gers), pour entendre Enrico Rava, ami de cœur, et sous chapiteau, Salif Keita. Derniers échanges avec Denis Capdegelle, le responsable de la station de Météo France, sur le site même du festival. Zone d’orages et de grosses pluies. J’aime son savoir, sa parole, ses écrans magiques, les cartes, son discours. La météo, tout le monde en est fou : science populaire, horoscope sur ordinateur, récits du ciel, promesse de l’avenir. Surtout, irremplaçable : la possibilité de l’erreur.La fleuriste de Millas, elle, à l’autre bout de la chaîne des Pyrénées : « Les nouveaux lotissements ? C’est pour les cas sociaux… » Je risque un : « Vous voulez dire qu’il s’agit de logements sociaux ? » Elle emballe le Thelocactus – ma fleur préférée avec le bignonia : « Oui, bon, enfin, c’est pas pour nous. C’est pour les autresss… Comment ça, les autres ? Vous n’êtes pas allés dans la rue aux Gitans ? » Louis Aliot a sa maison par ici, et à Millas, pas de liste FN. « Ecole maternelle de la République », rue Jean-Jaurès, rue Mirabeau, rue Danton, Médiathèque François-Mitterrand, ça en ferait, des noms à changer.Deux ouvriers du bâtiment me rapprochent du centre : « Ah, vous habitez pas loin du carreleur ? Il est trrrès bien, le carreleur, un peu communiste, mais bon… » Je croise le carreleur. Sur quoi diable, porte le « un peu » ? Sur le marxisme, ou sur le léninisme ? Tranquille : « Je ne suis pas communiste, je le deviens. » Toujours à Millas, Yves Charnet, poète, auteur du formidable Quatre boules de jazz, Nougasongs (Ed. Alter Ego) me rappelle. Il aime les phrases de l’année, celle du milliardaire Warren Buffett : « Il y a bien une lutte des classes, d’ailleurs c’est la mienne qui est en train de la gagner ! »Free, salsa et gauchismePuisque je suis de passage à Paris (l’aéronef continue de faire le malin), j’irai revoir Port-au-Prince dimanche 4 janvier, le film de Marthouret, au Reflet Médicis. Sorti sans grand soutien le 29 juillet (voir la note d’Isabelle Regnier dans le journal), bien reçu par une partie de la critique, discuté aussi, il est de ces films dont la personnalité me prend : réel sensible ; horrible complexité simplette des « événements » (les élections en Haïti, le 4 janvier 2014, en plein bicentenaire de l’Indépendance) ; flegme anxieux des Maîtres sur leur terrasse ; abjection possible des damnés de la terre (le mauvais frère) ; la vieille dame, Cassandre aveugle ; un perroquet très chiant (il sait tout, évidemment) ; justesse de la lumière et des décors (Sylvie Fennec) ; tempo sans chantage…Carnet du Monde : avis de décès de Jean-Luc Fraisse (7 août). Jean-Luc Fraisse, le fondateur avec son épouse, Nicole, de l’incroyable Chapelle des Lombards. Free, salsa, gauchisme et musique cubaine. Toute une histoire : les « autres » années 80. Pour eux, j’avais dessiné un T-shirt (passons…). C’est chez Nicole et Jean-Luc que j’ai vu pour la dernière fois Pierre Goldman (assassinat le lendemain, 20 septembre 1979, signé Honneur de la Police). Il jouait des congas avec Azuquita qui jouera pour lui au Père-Lachaise.Sur la route d’Aix-en-Provence, mais c’est une autre histoire, Rachid, le taximan, me dit : « Il faut vivre dans l’instant. Tout ça se juge au dernier soupir, quand on se dit : Ai-je vécu ? » Je sais que je suis dix fois trop long. Mais je ne vais quand même pas sucrer l’histoire de la soucoupe, non ? Et puis, c’est bientôt fini.Francis MarmandeJournaliste au Monde Ariane Chemin //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Craig Venter et Francis Collins : deux génies pour un génome Craig Venter et Francis Collins : deux génies pour un génome Imaginer le monde de demain, par Babak Kazemitous les articles de la thématique On voulait raconter l’univers d’un écrivain, on se retrouve devant un secret-défense. Furieux que Le Monde engage, cet été, une série d’articles dont il n’a pas l’initiative, Michel Houellebecq nous a répondu, le 26 juin : « Je refuse de vous parler et je demande aux gens que je connais d’adopter la même attitude. »En copie de son mail, le Tout-Paris, des philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray en passant par l’écrivain Frédéric Beigbeder. Consigne leur est donnée, si Le Monde persévérait dans son entreprise, de ne pas hésiter à « porter plainte au civil » : « La procédure judiciaire est finalement simple, et plutôt lucrative. » Et d’ajouter qu’il a décidé de se confier au Figaro Magazine (hebdomadaire que, dans son livre avec BHL, Ennemis publics, il n’hésitait pas pourtant à traiter aimablement de « torchon »),« demand[ant] aux gens qu’[il] connaît de faire le même choix ».Ce n’est pas la première fois que Michel Houellebecq tente d’intimider la presse. En 2005, un journaliste passé par l’AFP puis par Le Point (et aujourd’hui à L’Obs), Denis Demonpion, demande à s’entretenir avec l’écrivain. Il veut écrire sa biographie. Tout est fait pour l’en dissuader. Raphaël Sorin, qui édite alors Houellebecq, propose au journaliste d’« insérer les remarques » de son auteur, « après lecture, en appels de notes », comme l’avaient fait, explique-t-il avec Houellebecq au futur biographe, Malraux ou Schopenhauer. Refus du journaliste. « Les entretiens sont pour moi un exercice très décevant, plaide Houellebecq par mail, en vain. J’ai l’impression que ce que je dis n’a aucun intérêt. » Puis Houellebecq écrit au reporter pour lui faire croire qu’il va publier son autobiographie avant la sortie de sa « bio ».Lire le premier épisode de notre série :Six vies de Michel Houellebecq (1/6) : la tour et le territoireSes désirs sont des ordresHouellebecq non autorisé paraît en 2005 chez Maren Sell (une édition augmentée est en cours d’écriture). Denis Demonpion a mis la main sur l’acte d’état civil de l’écrivain, qui s’était rajeuni de deux ans, et a « retrouvé » sa mère, que son fils disait morte (elle s’est éteinte le 7 mai 2010). Evidemment, un homme de l’imaginaire a le droit de mentir : de Nietzsche à Céline, c’est presque une spécialité. Mais Houellebecq devient comme fou. Il bannit de sa vie ceux qui ont raconté leurs souvenirs, tel l’écrivain Dominique Noguez, pourtant l’un de ses alliés les plus dévoués. « Je regrette (…) de ne pas avoir (…) tenté sur l’auteur de la biographie un peu d’intimidation physique », confiera, en 2008, Houellebecq à BHL. Depuis, l’ouvrage est régulièrement cité par les universitaires et dans les actes de colloques consacrés à l’écrivain, auxquels il assiste carnet à la main, au premier rang.« Je me souviens que, lorsque le livre était paru, Michel avait été finalement soulagé, comme si son vrai secret n’avait pas été percé », raconte aujourd’hui l’éditeur Raphaël Sorin. « Il y a à l’évidence plusieurs points sensibles dans sa vie, sourit Maren Sell, l’éditrice de Houellebecq non autorisé, mais j’ai constaté que cet homme crée autour de lui des climats de dépendance, positive ou négative. » Ses désirs sont des ordres. « Si je vous parle, je perds mon job… », explique-t-on chez Flammarion. Teresa Cremisi, son éditrice ad vitam aeternam, comme le puissant agent de l’écrivain, François Samuelson, prennent des airs désolés : « Il peut [vous] quitter à jamais pour une ombre au tableau… » « Pour ne pas mettre en danger la santé de Michel », son ancienne compagne Marie-Pierre Gauthier est contrainte de décommander le deuxième rendez-vous. Le réalisateur de l’épatant Enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux, annule l’entretien prévu d’un texto : « Que ne ferait-on pas pour un ami… » Jusqu’à ces universitaires qui s’exécutent, « navrés ». Une vraie scène de… Soumission.Ariane Chemin Florence Noiville Il disait : « Si je n’écris pas, je ne vois rien, je suis vide. » Décapante, sans concession, sa plume avait fait de lui l’une des plus grandes voix de la littérature espagnole. L’écrivain et critique littéraire Rafael Chirbes est mort samedi 15 août d’un cancer fulgurant du poumon. Il était âgé de 66 ans.Sur le rivage, son septième roman traduit en français — par Denise Laroutis, sa fidèle et excellente traductrice —, était sorti en janvier aux éditions Rivages. Il restera l’un des éblouissements de l’année. Chirbes n’était pas seulement un styliste génial, un écrivain dont la prose pleine de sève vous précipite dans des cascades de mots et d’images, des accès de colère et des élans d’humanité. Il avait aussi le don d’aller jusqu’au bout de ce qu’il voulait dire. Le courage d’écrire noir sur blanc ce que les gens font mais ne disent pas. En exergue à Sur le rivage, il avait d’ailleurs placé cette phrase de Diderot dans Jacques le fataliste : « F… tez comme des ânes débâtés ; mais permettez que je dise le mot f… tre ; je vous passe l’action, passez-moi le mot. »Le peintre de la débâcle européenne actuelleDans presque tous ses livres, Chirbes disait le rêve politique brisé. Son désenchantement était celui de tous ceux qui, après le régime de Franco, avaient vu « la grande illusion démocratique » s’effacer devant ce qu’il appelait « la grande occasion mercantile ». Dans Tableau de chasse (Rivages, 1998), il campe un père franquiste essuyant le dédain de son fils pour s’être enrichi sous la guerre civile. Dans Les Vieux Amis (Rivages, 2006), il montre les désillusions d’ex-communistes aigris ou confits dans la richesse. Tandis que dans Crémation (Rivages, 2009), il épingle la financiarisation des années 1980, la spéculation immobilière, la corruption, les inégalités, la paupérisation… D’Ivan Repila à Pau Miro en passant par Isaac Rosa ou Sara Mesa, tous les jeunes talents de la littérature ibérique en conviennent : Rafael Chirbes était « le » grand écrivain de la crise espagnole. Et bien au-delà. Le peintre de la débâcle européenne actuelle.Né en 1949 près de Valence, Chirbes avait perdu son père, cheminot, à l’âge de 4 ans. Sa mère, modeste garde-barrière, ne pouvant s’occuper de lui, le jeune et précoce Rafael avait été envoyé dans un établissement pour orphelins du chemin de fer. A Avila d’abord, puis à Léon et à Salamanque. Dans ces endroits austères — il décrivait des pensionnats froids dans des paysages granitiques enneigés —, l’écriture n’allait pas tarder à devenir son seul refuge.En janvier, Chirbes était passé à Paris. Nous l’avions rencontré, près de Notre-Dame, et il ne cachait pas son émotion. « J’ai vécu un an en France en 1969, racontait-il dans un français parfait. A 20 ans, j’ai quitté l’Espagne franquiste, irrespirable, pour le Paris d’alors, le Paris des intellectuels qui à l’époque faisait rêver. Je voulais respirer, lire Marx, Lénine, Sartre, aller au cinéma voir Le Cuirassé Potemkine et La Bataille d’Alger. » Il disait aussi comment, pendant la transition démocratique, il s’était senti « mal à l’aise » dans son pays. Après des études d’histoire, il avait refait ses valises, direction la France puis le Maroc. Il était devenu libraire, professeur, secrétaire de rédaction dans la presse du cœur, critique gastronomique, critique littéraire… sans jamais abandonner l’écriture romanesque.Lire aussi :Rafael Chirbes, les pépites et la boue« Je n’aime pas qu’on me cajole »« Si je devais trouver une formule, je dirais qu’il est l’écrivain des ombres », résume joliment son éditrice chez Rivages, Nathalie Zberro. « Par exemple, Franco en lui-même ne l’intéresse pas. C’est l’ombre qu’il a continué à projeter sur son pays qui devient un sujet pour Chirbes. Quelle est la portée intime de l’événement ? Que signifie vivre, aimer ou rire après la dictature ? Quelles sont les implications profondes, humaines, dans la conscience de chacun ? »L’œuvre de Chirbes est totale. Elle parle d’histoire, de faille économique, mais aussi de sexualité, d’amour, des bars qui sont les derniers lieux du lien social, de la décomposition des cadavres, de la mémoire qui s’effrite comme les illusions politiques. « “Chirbes contra Chirbes”, c’est ainsi qu’il définissait sa position de romancier, ajoute Nathalie Zberro. La gauche bien sûr, mais aussi le camp d’en face. Il se faisait un devoir de traiter avec la même acuité tous les sujets qui passaient par le filtre de sa création. Il ne voulait pas devenir le symbole d’un parti et prenait garde d’éviter les cases réductrices, de cultiver les paradoxes. » Chirbes disait d’ailleurs : « Quand je lis un livre, je n’aime pas qu’on me cajole comme un chat. Mais si on me prend à rebrousse-poil, alors, là, ça commence à m’intéresser. »Florence NoivilleJournaliste au Monde 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine), envoyé spécial) En mai et juin 2008, le groupe américain Sparks des frères Ron et Russell Mael avait joué sur scène, à Londres, l’ensemble de ses albums dans l’ordre chronologique. Un par soirée, soit vingt et un concerts pour autant de disques, depuis le premier, sous le nom Halfnelson, produit par Todd Rundgren et sorti en 1971, jusqu’à leur dernier d’alors. Sparks poussait ainsi au plus loin cette vogue qui depuis quelque temps menait de nombreux groupes à interpréter sur scène leurs enregistrements les plus connus dans leur intégralité. Ces derniers temps, Patti Smith joue ainsi Horses, sorti en décembre 1975, et The Rolling Stones ont refait Sticky Fingers, qui date d’avril 1971.A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), c’est plus modestement et en accord avec sa ligne rock indépendant que La Route du rock a commencé sa 25e édition, jeudi 13 août, avec la présentation de Neon Golden de The Notwist. Un concert organisé à La Nouvelle Vague, salle un peu à l’écart du centre-ville.Sorti en janvier 2002, le cinquième album du groupe allemand a été un peu celui de leur révélation à un public plus large, tout en restant assez spécialisé. Ceux qui sont à La Nouvelle Vague en connaissent dans leur majorité le contenu. Et réagissent de manière positive à une interprétation qui tout en collant à l’original densifie, réinterprète parfois les dix compositions de l’album. En bonus la chanson « Different Cars and Trains » s’insère dans la chanson-titre « Neon Golden » pour ce qui restera le moment le plus mémorable de ce retour au passé de The Notwist, dans sa part pop et rock, un rien psychédélique, parsemée de striures électroniques. Avec la prestation toujours habitée, troublante, partant dans des improvisations vocales qui sont autant d’histoires de son quotidien, du tendre au tragique, du chanteur et guitariste Mark Kozelek, venu avec son groupe Sun Kil Moon, le festival prenait ainsi un fier envol.Vidéo de la chanson « Pick Up The Phone », extraite de l’album « Neon Golden » (2002) de The NotwistLe lendemain, vendredi 14 août, direction le fort de Saint-Père, à une vingtaine de minutes en bus au nord de Saint-Malo, lieu principal de La Route du rock jusqu’au 16 août. D’abord pour y vérifier le résultat des nécessaires travaux d’aménagement du site faits depuis le début de l’année. Avec son sous-sol en terre argileuse qui retient l’eau, la grande cour du fort et ses abords devenaient une baignoire boueuse dès qu’il y avait de fortes précipitations. Le creusement du sol, qui a été empierré, et l’installation de fosses de collectage des eaux étaient les principaux chantiers, avec la pose de conduits enterrés permettant de faire passer des câbles techniques.La journée de vendredi ayant connu des pluies régulières depuis le matin jusqu’à la fin de l’après-midi, un évident très gros mieux était constaté. Si le chemin qui mène au fort reste glissant et que quelques flaques subsistent sur le site, l’essentiel de la surface qui accueille les deux scènes et les boutiques est nettement mieux praticable. Des travaux qui ne concernent d’ailleurs pas que les festivaliers, mais qui bénéficieront aux visiteurs à l’année du fort, dont la commune souhaite développer les possibilités (concerts réguliers, foires commerciales…).Les organisateurs ont aussi repensé la géographie du site festivalier. Et notamment le goulot d’étranglement que constituait la petite scène, dite « des remparts », qui avait été installée sur la droite de la grande scène, près de l’entrée/sortie du public. Elle lui fait désormais face, avec un double passage plus large qui permet une fluidité des déplacements. On passe ainsi aisément de Wand, qui ouvrait la soirée de vendredi, au Thurston Moore Band, de Fuzz à Algiers puis à Timber Timbre, etc.Wand, donc, quartette californien pour le premier concert de sa tournée européenne, qui se révéla plutôt brouillon dans une option beaucoup de bruit pour pas grand-chose de très probant. Seul mérite, celui de donner la couleur musicale de la première partie de la soirée. Guitares en avant, rythmique très rock avec ensuite le groupe de Thurston Moore puis Fuzz et Girl Band. Moore, cofondateur de Sonic Youth (1981-2011) peut désormais figurer en sorte de parrain de nombre de groupes donnant dans le trio stylistique garage-punk-grunge. L’expérience en plus, l’attention aussi au geste musicien, dans une approche rock presque classique (« Forevermore », « The Best Day »…). Le finale d’« Aphrodite » sera, lui, c’est dommage, trop long et redondant dans ses effets bruitistes, évocation guère utile du passé le plus furieux des premiers temps de Sonic Youth.La chanson « The Best Day », extraite de l’album du même nom de Thurston Moore, paru en octobre 2014Le groupe Fuzz de Ty Segall, où il joue de la batterie, laisse, lui, perplexe. Le multi-instrumentiste et chanteur californien apparu au milieu des années 2000 enregistre beaucoup, multiplie les projets, explore de nombreux styles. Là, dans un gros son, lourd, avec excès d’effets de déformation de la voix, de la guitare et de la basse, Fuzz accumule des citations des univers musicaux de Jimi Hendrix et des précurseurs britanniques du heavy metal Black Sabbath. Sans rien en faire, ce qui est vite lassant d’inintérêt.Tout le contraire d’Algiers, groupe venu d’Atlanta, qui d’une certaine manière constitue un prologue à la seconde partie de la soirée, plus électro (Ratatat, Rone). Ici, le travail sur les formes musicales, la confrontation des genres aboutit à un propos créatif. Avec des éléments de gospel et de soul qui viennent nourrir des plages sombres, tendues et des éclats punk. En point de mire, le chanteur Franklin James Fisher, corps musicien, et le bassiste Ryan Mahan, qui se frappe la poitrine, déambulent. Scéniquement intense et le moment le plus fort de la nuit.La vidéo de la chanson « Black Eunuch », d’Algiers, extraite de leur album « Algiers », sorti en juinLa Route du rock, à Saint-Malo et Saint-Père. Prochains concerts : Foals, The Soft Moon, Lindstrom, Hinds, Daniel Avery… le 15 août ; Father John Misty, Savages, Ride, The Districts… le 16 août. 39,50 € par jour.Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine), envoyé spécial)Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 15h02 | Alain Constant Documentaire, à 23 h 20, sur ArteRetour sur l’étonnante tournée 1987 de Billy Joel en Union soviétique (samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte). A l’époque, le mur de Berlin n’était pas encore tombé, Gorbatchev était au pouvoir depuis seulement deux ans et le rock anglo-saxon n’avait pas vraiment bonne presse en Union soviétique. Aux Etats-Unis, Billy Joel, pianiste et chanteur super­star aux millions de disques vendus, décide de tenter une aventure inédite : effectuer une tournée en URSS. Aucun rocker yankee (ou prétendu tel) n’avait joué au pays des Soviets.Il y avait bien eu un musicien américain fêté comme un héros à Moscou en pleine guerre froide, mais il s’agissait de Van Cliburn, pianiste classique, vainqueur du concours Tchaïkovski en 1958 !Musique et politiqueLe premier Américain à tenter de faire se déhancher les foules soviétiques en direct sera donc Billy Joel, en 1987. Cet étonnant documentaire relate avec minutie et pas mal d’émotion cette aventure mêlant étroitement musique et politique. « A l’époque, comme beaucoup d’Américains, j’avais peur de l’URSS et de ses habitants. Je croyais qu’ils n’avaient qu’une idée en tête : détruire les Etats-Unis ! », avoue l’intéressé. Quelques jours avant le grand départ, Billy Joel est obligé de justifier un tel projet auprès de l’opinion publique américaine, lors d’une conférence de presse tenue à New York. Œuvrer pour le rapprochement entre Américains et Soviétiques à travers des concerts de rock ? Pourquoi pas. Mais la star accepte à une condition : pouvoir venir en famille, avec son épouse et sa fille. Condition acceptée par les autorités soviétiques. Ne lésinant pas sur les moyens techniques (les mêmes que ceux de sa gigantesque tournée européenne), l’équipe de production ne passe pas inaperçue en URSS : les seize camions semi-remorques, les tonnes de matériel et les 130 membres de la tournée font chavirer les foules.Première étape : Tbilissi, en Géorgie. L’accueil est très chaleureux, la famille Joel se balade sur les marchés, visite un monastère et, lors du premier concert, le public, d’abord intimidé, se laisse peu à peu aller. Seconde étape : Moscou, où trois dates sont prévues en cette fin juillet 1987. Le premier concert est délicat : les premiers rangs sont occupés par des officiels qui restent de marbre alors que le fond de la salle ne boude pas son plaisir. Au bout de trois chansons, les premiers rangs s’éclaircissent, des jeunes prennent leurs places et la folie commence. « Billy aimait foutre la merde, bousculer l’ordre établi. il a pris un micro sans fil, est allé au fond de la salle, chauffant le public. C’était sa manière à lui de dire “lâchez-vous, c’est de la musique !” » Les concerts suivants à Moscou puis ceux de Leningrad vont confirmer ce que les nombreux témoignages recueillis dans ce documentaire laissent entendre : cette tournée dépasse de loin le simple événement culturel. Les concerts tournent au délire, de jeunes soldats se déhanchent et envoient valser leurs casquettes sur scène et Billy Joel, à la fois ému et excité, donne le meilleur de lui-même. Au fil des concerts, il parle de plus en plus au public avec, à ses côtés, le jeune Oleg, un traducteur indépendant que la star a imposé en lieu et place de l’habituel traducteur officiel. « Il a ouvert une brèche. Les concerts donnés par Billy et ses musiciens en URSS ont fait exploser les barrières mentales », assure un témoin.Billy Joel au pays des Soviets, de Jim Brown (Russie, 2013, 75 min). Samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 14h52 | Josyane Savigneau Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10Une passionnante traversée met à « mâle » bien des clichés et des contre-vérités.Dix heures pour en finir avec les clichés sur Simone de Beauvoir (1908-1986) : intellectuelle froide, hautaine, raisonneuse, voix péremptoire… Et pour contredire les propos d’un homme – on se demande pourquoi il n’est pas nommé – qui la « déteste ». C’est une mauvaise romancière, « le garde-chiourme de Sartre », et elle a écrit un livre « dégueulasse », La Cérémonie des adieux. Ou ceux d’un autre homme – on reconnaît la voix de Michel Onfray – pour qui Sartre et Beauvoir ne se sont jamais intéressés à qui que ce soit et n’avaient qu’un but : « laisser leur nom dans l’histoire ».Christine Lecerf et sa réalisatrice Christine Diger avaient donc fort à faire, en cinq chapitres : « Une jeune fille rangée », « Naissance d’une écrivaine », « L’Amérique au jour le jour », « La Force des choses », « Le Deuxième sexe ». Le défi était excitant et le résultat est passionnant. On découvre une Simone de Beauvoir généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout ». Les extraits d’entretiens sont pertinents, tout comme le choix des textes, qui font entendre la phrase de Beauvoir et à eux seuls mettent à mal bien des calomnies dont elle est encore victime. En revanche, l’habillage musical quasi constant est parfois pénible.Construction de la libertéLa première émission, « Une jeune fille rangée », est particulièrement réussie, car à travers les témoignages d’amis (Gérard Bonal, Madeleine Gobeil), de Sylvie Le Bon de Beauvoir (sa fille adoptive) et de Claude Lanzmann (qui a vécu plusieurs années avec elle), on voit comment, après ce qu’elle nommait « le bonheur de berceau » – une enfance heureuse –, Simone de Beauvoir veut construire sa liberté : « Je ne me suis pas révoltée au jour le jour, dit-elle, mais j’ai gardé un très grand dégoût par la suite pour ces institutions bourgeoises. Une espèce de bêtise m’a sauté aux yeux. J’ai voulu m’en dégager. Je voulais inventer ma vie. »« Inventer sa vie », c’était devenir écrivaine, et, dans sa relation avec Sartre, échapper aux stéréotypes du couple marié. Ils étaient plutôt « un binôme », comme l’indique l’écrivaine américaine Siri Hustvedt, dont le témoignage est l’un des plus enthousiastes, avec celui de la féministe Kate Millett. Siri Hustvedt admire « toute cette joie que Simone de Beauvoir prenait aux choses ».« Même si elle détestait l’Amérique, un pays exaspérant », selon Kate Millett, « elle se délectait de l’Amérique, comme l’enfant d’une friandise ». L’Amérique, c’est avant tout son histoire d’amour avec le romancier Nelson Algren (1909-1981). Ils se sont écrit de 1947 à 1963 et, grâce à Sylvie Le Bon de Beauvoir, on a pu lire les lettres de Beauvoir, qu’elle a déchiffrées et traduites. Elle avait aussi traduit les lettres d’Algren, mais ses ayants droit ont interdit la publication. Dans la troisième émission, on a un beau et émouvant portrait d’Algren, par ses amis.Pour parler de cet amour, prendre pour guide Irène Frain, qui a romancé cette histoire dans un Beauvoir in love excessivement sentimental, n’était peut-être pas le choix le plus judicieux. On pourra préférer les points de vue moins enflammés de Pascale Fautrier, Fabrice Rozié ou Jean-Louis Jeannelle, qui tous trois ont travaillé sur Beauvoir.Dans son livre autobiographique La Force des choses, quelques mots, « combien j’ai été flouée », ont fait couler de l’encre. On entend ici enfin la réponse de Beauvoir à tous ceux qui en ont déduit – avec jubilation – qu’elle avait raté sa vie : « Je suis très contente de ma vie. Mais il y a un moment où, quand on se retourne, une vie, même réussie, est d’une certaine manière un échec. » « Il y a une qualité d’absolu qu’on ne peut pas atteindre. »On découvreune femme généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout »Comment parler du Deuxième Sexe après tout ce qui a été dit et écrit depuis 1949 ? Christine Lecerf a trouvé une réponse habile en laissant la parole à Sheila Malovany-Chevallier et Constance Borde, qui ont fait une nouvelle traduction du livre – jadis amputé de 20 % – en anglais. Elles ont pris tant de plaisir à ce travail que c’est un bonheur de les écouter. Toutefois, dans cette dernière émission, on regrettera l’absence de certaines féministes françaises, en premier lieu de Liliane Kandel.Comme on s’étonne de ne pas entendre, en dix heures, Danièle Sallenave, auteure d’un remarquable Castor de guerre, et qui aurait pu répondre à Annie Ernaux qui, comme toujours, insiste sur la différence sociale entre Beauvoir et la jeune lectrice qu’elle était. Pour Sallenave, la leçon de Beauvoir est que, quel que soit le milieu auquel on appartient, il faut s’en arracher pour inventer sa liberté.Heureusement, Elisabeth Badinter rappelle à quel point Beauvoir a « ouvert les portes de la prison ». « Elle est universaliste, elle récuse le mode de complémentarité entre hommes et femmes qui va revenir plus tard. Je me rattache à son modèle, qui est minoritaire aujourd’hui. » En effet, au terme de cette aventure de la liberté qu’est la vie de Beauvoir, on se demande si, vingt-neuf ans après sa mort, les portes de la prison ne sont pas en train de se refermer.« Grande traversée : Simone de Beauvoir, absolument », de Christine Lecerf. Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La rumeur, qui prenait de l’ampleur depuis le début de la semaine, était devenue une certitude au regard du faisceau concordant d’indices et malgré le secret remarquablement bien gardé pour un projet de cette ampleur. Le plus célèbre et à la fois le plus anonyme des street artistes, le Britannique Banksy, originaire de Bristol, a concocté un nouveau coup d’éclat à une trentaine de kilomètres de sa ville d’origine, en bord de mer, à Weston-Super-Mare.L’artiste a dévoilé, jeudi 20 août dans la matinée, le programme et le principe de son parc d’attractions, qui tord le concept des parcs Disney pour offrir une vision moins flatteuse de la société. « La nouvelle attraction touristique la plus décevante de Grande-Bretagne », prévient non sans humour le slogan qui accompagne un montage volontiers grotesque. Comme attendu, l’annonce a été faite via un site dédié à l’ambitieuse opération : dismaland.co.uk, qui donne les grandes lignes de l’organisation et du programme de l’opération, ouverte pour cinq semaines, du 22 août au 27 septembre.Priorité est donnée aux locaux de la petite ville balnéaire tombée en désuétude de Weston-Super-Mare, soudain devenue « the place to be » : les habitants pourront visiter le parc dès vendredi. Le site renvoie pour eux vers la presse locale, qui a pu avoir accès aux informations sous embargo, comme le journal Mercury. Une soirée de lancement sur invitation aura lieu vendredi soir. En bord de plagePour les autres, il faudra attendre vendredi matin l’ouverture de la billetterie en ligne, qui proposera des tickets jusqu’à dix jours à l’avance. Sur place, quelques billets seront vendus chaque jour en complèment. Chacun aura la possibilité de réserver une entrée en journée, de 11 heures à 18 heures, ou en soirée, de 19 heures à 23 heures. Chaque jour, 4 000 visiteurs auront accès au site, large espace en bord de plage connu sous le nom de « Tropicana », qui offrait jusqu’à il y a une quinzaine d’années une piscine en plein air.Au total, 58 artistes participent à ce très attractif parc d’attractions, exposition hors-norme dont le commissaire est Banksy lui-même. Parmi les grands noms, hormis Banksy : l’artiste contemporain Damien Hirst, également originaire de Bristol, ou encore l’artiste américain Mike Ross, dont la sculpture, dépassant depuis quelques jours au-dessus des murs de Dismaland, avait déjà été identifiée. Créée à partir de deux camions de transport de pétrole, Big Rig Jig, sculpture en forme de S (de dollar), que les visiteurs peuvent escalader de l’intérieur, avait, en effet, été un des moments forts du festival d’art alternatif Burning Man, dans le désert du Nevada, en 2007. On notera qu’aucun artiste français ne figure parmi les participants. Les réjouissances se prolongent sur scène, avec cinq dates de concerts annoncés, en plus de soirées mises en musique par des DJ chaque samedi soir. Le duo de rappeurs américains Run the Jewels sera présent le 5 septembre. Le 25 septembre, Massive Attack, fameux groupe bristolien, qui avait lancé le trip hop dans les années 1990, partagera notamment l’affiche avec les Pussy Riot, le groupe de punk russe et féministe que les déboires avec Vladimir Poutine ont érigé en icône de la contestation.Une petite note précise en bas de page que l’état du lieu, l’usage de stroboscopes et l’imagerie des œuvres ne sont pas adaptés aux jeunes enfants. Les seules choses « strictement interdites » sont : « les bombes aérosol, les marqueurs, les couteaux et les avocats de Disneyland ».Une vidéo publiée sur le site du quotidien britannique The Guardian.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Frédéric Potet Métal lourd, le tungstène possède deux caractéristiques principales : sa couleur, qui varie du presque noir au blanc ; sa température de fusion, très élevée. En donnant le nom de cet élément à son nouvel album, Marcello Quintanilha promet donc d’emblée un récit à l’image de la société brésilienne, ­métissée et brûlante, qu’il a quittée il y a une dizaine d’années afin d’exercer son métier en Espagne.Le prétexte est, ici, un fait divers banal : dans la baie de Salvador de Bahia, deux hommes pêchent à la dynamite en toute impunité. Deux autres hommes, unis par une relation mystérieuse, observent la scène depuis un ancien fort militaire : un retraité de l’armée et un petit trafiquant. Un troisième duo, composé d’un superflic et de sa fiancée, se mêle bientôt à ­l’affaire.Porté par des dialogues truculents, ce récit construit comme un thriller à tiroirs tient davantage de la comédie sociale. En émergent des thèmes récurrents dans le Brésil d’aujourd’hui, tels que la banalisation de la violence ou la précarité des classes moyennes. La rupture n’est jamais loin : ce qui est dur casse ­facilement – comme le tungstène. Frédéric PotetTungstène, de Marcello Quintanilha, traduit du portugais (Brésil) par Marie Zeni et Christine Zonzon, Çà et là, 184 p., 20 €(en librairie le 25 août).Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.08.2015 à 06h42 • Mis à jour le19.08.2015 à 11h35 | Martine Delahaye Documentaire à 20 h 40 sur Histoire Dans « Marylin, dernières séances », Patrick Jeudy et Michel Schneider racontent les relations hors normes de l’actrice avec son ultime psychanalyste.Suicidée ou victime d’une overdose, Marilyn Monroe, le 4 août 1962 ? Peu importe. Dans son roman Marilyn, dernières séances (Grasset, prix Interallié 2006), aussi passionnant que documenté, Michel Schneider, psychanalyste et écrivain, montre combien la gosse Norma Jeane Mortenson, transfigurée en « Marilyn » pour l’écran, était depuis bien longtemps engagée dans une lutte désespérée contre la sensation d’inconsistance, d’anéantissement, d’inexistence.L’adaptation de son livre en documentaire, coécrit avec le réalisateur Patrick Jeudy, se concentre sur les trente derniers mois de la vie de l’actrice  : à partir du moment où, en janvier 1960, à bout de souffle, elle fait appel au psychanalyste d’Hollywood Ralph Greenson. Et où s’engage, entre elle et cet intellectuel freudien, une étrange thérapie « par l’amour ».Elle lui avait demandé de l’aider à se lever, à tenir ses engagements, à aimer : de l’aider à ne pas mourir… « J’appartiens à la peur », lui avait-elle confié. Il sera tout à son attention jour et nuit, l’entourant comme une enfant en détresse.« Droguée du freudisme »Mais difficile de narrer l’intimité de la relation entre une patiente et son psychanalyste en images. Pourtant, « si incroyable que ça puisse paraître », précise le réalisateur Patrick Jeudy, on découvre encore régulièrement de nouveaux films ou photos d’elle : « Parfois des petites choses insignifiantes (…). Quant au film, gentiment érotique, où on la voit se tortiller nue, il n’est peut-être pas authentique. »Hormis les premières minutes du film, qui peuvent paraître confuses, Marilyn, dernières séances rend avec tact les éclats du passé de l’actrice, les facettes de l’aspect désaxé de sa personnalité et son côté « droguée du freudisme » – elle eut trois psychanalystes avant Ralph Greenson. Ne manquez pas l’intégralité de la fameuse séquence « Happy Birthday Mister President », qui en dit bien plus long que les quelques mots qu’elle susurre, ou les images du baptême du fils de Clark Gable (alors décédé), où elle apparaît habillée pour un enterrement… « Cela vous donne une petite idée de sa dérive », précise Patrick Jeudy.« Marilyn. Dernières séances », de Patrick Jeudy et Michel Schneider (Fr., 2009, 90 minutes). Mercredi 19 août sur Histoire à 20 h 40.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 17.08.2015 à 06h44 • Mis à jour le18.08.2015 à 11h26 | Sylvain Siclier La saison des festivals se poursuit, avec deux occasions de profiter d’artistes de premier plan dans un cadre aux prises avec la nature, sur l’île de Ré comme dans les Ardennes.UN VIDÉOCLIP : « Perfect Couples » par Belle and SebastianSi son neuvième album studio et dernier album en date, Girls in Peacetime Want to Dance (Matador Records) est sorti en janvier 2015, le groupe Belle and Sebastian vient d’en proposer récemment (fin juillet) un nouvel extrait. Sous la forme d’un superbe vidéoclip, réalisé par Oscar Sansom, la chanson « Perfect Couples » se révèle assez hypnotique. Passée une trentaine de secondes avec des plans sur divers instruments de percussions, nous nous retrouvons face à une pièce avec un tapis rond, deux chaises, un petit bar de salon, une fenêtre ouvrant vers un jardin… Les lieux vont peu à peu être occupés par plusieurs personnages. D’abord une jeune femme, dans d’étranges mouvements qui trouveront leur explication au cours des entrées et des sorties des autres protagonistes. Cette chorégraphie de Sarah Swire, fondée sur la répétition des gestes, met en jeu une quinzaine d’interprètes. A chacun de voir le clip d’abord comme un tout, puis de suivre à loisir l’un ou l’autre des danseurs qui finiront par quitter les lieux.« Perfect Couples », par Belle and Sebastian. Réalisé par Oscar Sansom, chorégraphie de Sarah Swire.DEUX FESTIVALS : Jazz au phare, sur l’île de Ré, et Le Cabaret vert à Charleville-Mézières Au bout du bout de l’île de Ré (Charente-Maritime), dans la commune de Saint-Clément-des-Baleines, il y a un phare, chanté par Claude Nougaro. A proximité, plusieurs cafés. Autant de lieux où se déroule le festival Jazz au phare, dont la sixième édition est organisée du 16 au 19 août 2015. Son directeur artistique s’appelle Jean-Michel Proust. Cet homme de radio (production et animation), journaliste et musicien (saxophone, composition), a concocté un programme de belle allure : Tânia Maria et Eliane Elias le lundi 17 ; les formations des saxophonistes Xavier Richardeau et Michel Pastre, du trompettiste Fabien Mary et du pianiste Pierre Christophe mardi 18 et mercredi 19 ; le chanteur Michel Jonasz en duo avec le pianiste Jean-Yves D’Angelo le mardi 18 ; et enfin la chanteuse Molly Johnson et le pianiste Monty Alexander le 19 août…Jazz au phare, à Saint-Clément-des-Baleines, sur l’île de Ré (Charente-Maritime), jusqu’au 19 août. De 30 euros à 42 euros, nombreux concerts en accès libre. Novateur en matière de développement durable (produits locaux, village associatif) et de recyclage écologique, le festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes) a connu sa première édition en 2005. Sur deux jours, à la mi-septembre, s’étaient succédé Jacques Higelin, Mano Solo ou encore Mass Hysteria. Depuis, l’événement a lieu à la fin du mois août, il se déroule sur quatre jours, et il a reçu nombre de figures du rock, de la pop, du rap ou du reggae. Le tout en centre-ville – ce qui n’est pas si courant pour une manifestation qui a accueilli 90 000 spectateurs en 2014 – sur un site, le square Bayard, en prise avec la nature. Cette année, du jeudi 20 au dimanche 23 août, le festival annonce plus de quarante artistes, parmi lesquels Fuzz, Christine and The Queens, Etienne Daho, Paul Kalkbrenner, The Shoes, Jurassic 5, The Chemical Brothers, Selah Sue, Limp Bizkit, Hubert-Félix Thiéfaine…Festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes), du 20 au 23 août. 34 € par jour, 6 € dimanche.RÉSERVEZ VITE : Rickie Lee Jones aux Bouffes du Nord, à Paris, lundi 19 octobreElle a beau ne pas vouloir être ramenée à cette seule chanson, pour beaucoup l’Américaine Rickie Lee Jones est d’abord l’interprète de Chuck E’s in Love. Son gros succès de l’année 1979 a parfois été remis à son répertoire de concerts ces dernières années, mais sa tournée actuelle (qui, pour l’Europe, ne fait qu’un petit tour en Allemagne et en France) repose toutefois sur une bonne dizaine de chansons de son nouvel album, The Other Side of Desire, sorti en juin. L’occasion de retrouver la voix de Rickie Lee Jones, du plus fragile à l’énergie grondante et ses atmosphères pop, folk, blues et jazz.Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de La Chapelle, Paris 10e. Tél. : 01 46 07 34 50. Lundi 19 octobre, à 20 heures. De 40 euros à 51 euros.La chanson « Jimmy Choos » par Rickie Lee Jones, extraite de son album « The Other Side of Desire ».Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Je vous ai laissés sur la route de Millas (Pyrénées-Orientales) et sa charmante féria. Sans doute croyez-vous que ces bérets grands comme des soucoupes volantes n’existent pas. Eh bien, figurez-vous, le fromager gaulliste du marché d’Oloron (tous les vendredis : phénoménal concert naturel de voix, de timbres et d’accents), son frère, le boucher communiste, et mes cousins sans – op., itou, tous portent le béret. Beau comme une soucoupe volante. Un ovni a été photographié à 17 kilomètres de Millas le 30 mars dernier. À l’instant où je vous écris, lundi 17 août, 0 h 43, un aéronef à hélice, je sais reconnaître, fait des ronds sur Paris. N’insistons pas.Une soucoupe volante venue de Mars repère un petit aérodrome (blague millésimée 1958, je suis en 3e). L’aire d’atterrissage se trouve en France, mais la soucoupe n’en sait rien. Bref arrêt stationnaire dans la plus grande prudence, histoire de contacter quelque Terrien. Le Martien tiré à la courte paille, descend à pas comptés et s’avance vers trois Terriens qui lui semblent placides. Notre Martien se méfie (ça, le « notre », c’est pour faire conteur populaire). Midi, temps radieux. L’aérodrome est désert. Au fait, ce n’est pas un aérodrome, les Martiens peuvent se gourer, c’est la station-service Caltex, à l’entrée de Millas, à la pause, en 1958, entre midi et deux heures (je brode).Notre Martien donc, approche en tapinois. Il communique avec la soucoupe : « Ici Agent X 23, je marche lentement vers trois Terriens qui se tiennent immobiles… J’exécute nos signaux de paix… Ils ne bougent pas… Oh ! Message urgent au central : les Terriens sont exactement comme nous ! Hallucinant ! Exactement. Mais, pour une raison qui m’échappe encore, ils se plantent la bite dans l’oreille droite… »Oui, bon ça va, je ne vous demande pas d’applaudir. Je sais qu’il est navrant de narrer des blagues par écrit. Ou d’ailleurs, tout court. Comme raconter un dessin de Sempé (Reiser, Willem, Pessin)… Je m’en passerais bien, si cela ne renvoyait à on ne sait quoi de trop vrai.Un Soulages sur négatifSous son béret en style de soucoupe, le fromager d’Oloron est unique. Stand d’une nudité totale. Trois pans de mur blancs comme un Soulages sur négatif. Pas une affiche. Pas de pub. Pas la moindre photo de Lescun et ses brebis. Rien : juste sa balance, le meilleur fromage du monde et son béret. Il roule ses r en style de gave des montagnes : « En 1946, De Gaulle avait prrroposé un statut à l’Algérie dont personne n’a voulu. Aujourrrrd’hui, je vois un pays du Maghrrrreb qui peut prrrrendrrre le pouvoirrr en France. » Bigre.Halte à Marciac (Gers), pour entendre Enrico Rava, ami de cœur, et sous chapiteau, Salif Keita. Derniers échanges avec Denis Capdegelle, le responsable de la station de Météo France, sur le site même du festival. Zone d’orages et de grosses pluies. J’aime son savoir, sa parole, ses écrans magiques, les cartes, son discours. La météo, tout le monde en est fou : science populaire, horoscope sur ordinateur, récits du ciel, promesse de l’avenir. Surtout, irremplaçable : la possibilité de l’erreur.La fleuriste de Millas, elle, à l’autre bout de la chaîne des Pyrénées : « Les nouveaux lotissements ? C’est pour les cas sociaux… » Je risque un : « Vous voulez dire qu’il s’agit de logements sociaux ? » Elle emballe le Thelocactus – ma fleur préférée avec le bignonia : « Oui, bon, enfin, c’est pas pour nous. C’est pour les autresss… Comment ça, les autres ? Vous n’êtes pas allés dans la rue aux Gitans ? » Louis Aliot a sa maison par ici, et à Millas, pas de liste FN. « Ecole maternelle de la République », rue Jean-Jaurès, rue Mirabeau, rue Danton, Médiathèque François-Mitterrand, ça en ferait, des noms à changer.Deux ouvriers du bâtiment me rapprochent du centre : « Ah, vous habitez pas loin du carreleur ? Il est trrrès bien, le carreleur, un peu communiste, mais bon… » Je croise le carreleur. Sur quoi diable, porte le « un peu » ? Sur le marxisme, ou sur le léninisme ? Tranquille : « Je ne suis pas communiste, je le deviens. » Toujours à Millas, Yves Charnet, poète, auteur du formidable Quatre boules de jazz, Nougasongs (Ed. Alter Ego) me rappelle. Il aime les phrases de l’année, celle du milliardaire Warren Buffett : « Il y a bien une lutte des classes, d’ailleurs c’est la mienne qui est en train de la gagner ! »Free, salsa et gauchismePuisque je suis de passage à Paris (l’aéronef continue de faire le malin), j’irai revoir Port-au-Prince dimanche 4 janvier, le film de Marthouret, au Reflet Médicis. Sorti sans grand soutien le 29 juillet (voir la note d’Isabelle Regnier dans le journal), bien reçu par une partie de la critique, discuté aussi, il est de ces films dont la personnalité me prend : réel sensible ; horrible complexité simplette des « événements » (les élections en Haïti, le 4 janvier 2014, en plein bicentenaire de l’Indépendance) ; flegme anxieux des Maîtres sur leur terrasse ; abjection possible des damnés de la terre (le mauvais frère) ; la vieille dame, Cassandre aveugle ; un perroquet très chiant (il sait tout, évidemment) ; justesse de la lumière et des décors (Sylvie Fennec) ; tempo sans chantage…Carnet du Monde : avis de décès de Jean-Luc Fraisse (7 août). Jean-Luc Fraisse, le fondateur avec son épouse, Nicole, de l’incroyable Chapelle des Lombards. Free, salsa, gauchisme et musique cubaine. Toute une histoire : les « autres » années 80. Pour eux, j’avais dessiné un T-shirt (passons…). C’est chez Nicole et Jean-Luc que j’ai vu pour la dernière fois Pierre Goldman (assassinat le lendemain, 20 septembre 1979, signé Honneur de la Police). Il jouait des congas avec Azuquita qui jouera pour lui au Père-Lachaise.Sur la route d’Aix-en-Provence, mais c’est une autre histoire, Rachid, le taximan, me dit : « Il faut vivre dans l’instant. Tout ça se juge au dernier soupir, quand on se dit : Ai-je vécu ? » Je sais que je suis dix fois trop long. Mais je ne vais quand même pas sucrer l’histoire de la soucoupe, non ? Et puis, c’est bientôt fini.Francis MarmandeJournaliste au Monde Ariane Chemin //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Imaginer le monde de demain, par Duane Michals La controverse des deux Cambridge : science-friction chez les économistes En Uruguay, la marijuana d’Etattous les articles de la thématique On voulait raconter l’univers d’un écrivain, on se retrouve devant un secret-défense. Furieux que Le Monde engage, cet été, une série d’articles dont il n’a pas l’initiative, Michel Houellebecq nous a répondu, le 26 juin : « Je refuse de vous parler et je demande aux gens que je connais d’adopter la même attitude. »En copie de son mail, le Tout-Paris, des philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray en passant par l’écrivain Frédéric Beigbeder. Consigne leur est donnée, si Le Monde persévérait dans son entreprise, de ne pas hésiter à « porter plainte au civil » : « La procédure judiciaire est finalement simple, et plutôt lucrative. » Et d’ajouter qu’il a décidé de se confier au Figaro Magazine (hebdomadaire que, dans son livre avec BHL, Ennemis publics, il n’hésitait pas pourtant à traiter aimablement de « torchon »),« demand[ant] aux gens qu’[il] connaît de faire le même choix ».Ce n’est pas la première fois que Michel Houellebecq tente d’intimider la presse. En 2005, un journaliste passé par l’AFP puis par Le Point (et aujourd’hui à L’Obs), Denis Demonpion, demande à s’entretenir avec l’écrivain. Il veut écrire sa biographie. Tout est fait pour l’en dissuader. Raphaël Sorin, qui édite alors Houellebecq, propose au journaliste d’« insérer les remarques » de son auteur, « après lecture, en appels de notes », comme l’avaient fait, explique-t-il avec Houellebecq au futur biographe, Malraux ou Schopenhauer. Refus du journaliste. « Les entretiens sont pour moi un exercice très décevant, plaide Houellebecq par mail, en vain. J’ai l’impression que ce que je dis n’a aucun intérêt. » Puis Houellebecq écrit au reporter pour lui faire croire qu’il va publier son autobiographie avant la sortie de sa « bio ».Lire le premier épisode de notre série :Six vies de Michel Houellebecq : la tour et le territoireSes désirs sont des ordresHouellebecq non autorisé paraît en 2005 chez Maren Sell (une édition augmentée est en cours d’écriture). Denis Demonpion a mis la main sur l’acte d’état civil de l’écrivain, qui s’était rajeuni de deux ans, et a « retrouvé » sa mère, que son fils disait morte (elle s’est éteinte le 7 mai 2010). Evidemment, un homme de l’imaginaire a le droit de mentir : de Nietzsche à Céline, c’est presque une spécialité. Mais Houellebecq devient comme fou. Il bannit de sa vie ceux qui ont raconté leurs souvenirs, tel l’écrivain Dominique Noguez, pourtant l’un de ses alliés les plus dévoués. « Je regrette (…) de ne pas avoir (…) tenté sur l’auteur de la biographie un peu d’intimidation physique », confiera, en 2008, Houellebecq à BHL. Depuis, l’ouvrage est régulièrement cité par les universitaires et dans les actes de colloques consacrés à l’écrivain, auxquels il assiste carnet à la main, au premier rang.« Je me souviens que, lorsque le livre était paru, Michel avait été finalement soulagé, comme si son vrai secret n’avait pas été percé », raconte aujourd’hui l’éditeur Raphaël Sorin. « Il y a à l’évidence plusieurs points sensibles dans sa vie, sourit Maren Sell, l’éditrice de Houellebecq non autorisé, mais j’ai constaté que cet homme crée autour de lui des climats de dépendance, positive ou négative. » Ses désirs sont des ordres. « Si je vous parle, je perds mon job… », explique-t-on chez Flammarion. Teresa Cremisi, son éditrice ad vitam aeternam, comme le puissant agent de l’écrivain, François Samuelson, prennent des airs désolés : « Il peut [vous] quitter à jamais pour une ombre au tableau… » « Pour ne pas mettre en danger la santé de Michel », son ancienne compagne Marie-Pierre Gauthier est contrainte de décommander le deuxième rendez-vous. Le réalisateur de l’épatant Enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux, annule l’entretien prévu d’un texto : « Que ne ferait-on pas pour un ami… » Jusqu’à ces universitaires qui s’exécutent, « navrés ». Une vraie scène de… Soumission.Ariane Chemin Alexis Delcambre Sandrine Treiner, 50 ans, présente à France Culture depuis 2010, a été choisie, mardi 25 août, pour succéder à Olivier Poivre d’Arvor, évincé de la direction de la chaîne publique en juillet.Comment se porte France Culture, un mois et demi après l’éviction de votre prédécesseur, Olivier Poivre d’Arvor ?La chaîne s’est tout simplement remise à faire de la radio. L’année a été lourde pour les antennes, avec beaucoup de fatigue et de tensions accumulées. Cela nous a donné le désir de se remettre au cœur de notre pratique. Notre grille d’été a été marquée par de beaux moments de radio : des séries d’été, de grandes traversées... dans une sorte de calme après la tempête.Olivier Poivre d’Arvor est parti dans des conditions houleuses...Je suis arrivée à France Culture il y a cinq ans car il est venu me chercher. Je lui dois mon arrivée et les cinq années où j’ai appris ce qui me permet aujourd’hui d’être directrice. Nous formions une équipe très soudée, avec de bons résultats. Au-delà de la rupture avec Olivier Poivre d’Arvor, la confiance a été donnée à une solution de continuité.Il y avait d’autres choix ?Je l’ignore, et j’ai passé l’été à travailler pour que l’antenne soit bonne.Comment voulez-vous désormais faire évoluer France Culture ?Ce qui est formidable dans notre chaîne, c’est qu’on sait qui on est, pourquoi on existe et pourquoi on fait ce qu’on fait. Cela nous autorise des pas de côté par rapport à nos champs identitaires. C’est ce qui éclaire nos choix pour cette rentrée. Ainsi le duo que forment entre 19 et 20 heures Martin Quenehen et Mathilde Serrell : d’un côté une voix présente depuis longtemps à l’antenne, et de l’autre quelqu’un venant bousculer cette évidence, issue d’un autre univers, plus jeune et décalé, celui de Radio Nova.Vous allez devoir vous passer de Marc Voinchet, qui quitte la matinale pour la direction de France Musique...Il ne pouvait en effet pas faire les deux ! Le succès de notre matinale est avant tout lié à notre approche distanciée de l’actualité. Si on prend du recul, nous avons eu un excellent matinalier avec Nicolas Demorand. Quand il est parti, Ali Baddou l’a remplacé et a renforcé la matinale. Puis ce fut au tour de Marc. Alors je n’ai pas de doute sur le fait que Guillaume Erner contribuera à développer encore ce rendez-vous. Il vient de France Inter mais il incarne pleinement l’esprit de France Culture, il a son brevet en sciences sociales et aime aussi vagabonder !Après avoir atteint un record, à 2,3 %, l’audience cumulée de France Culture a baissé au printemps, à 1,8 %. Inquiétant ?Nous avons été la station la plus touchée par la grève de mars-avril, en restant à l’arrêt 28 jours. Ils est donc normal que la mesure d’audience ait été touchée. En réalité, si on regarde la période de sondage Médiamétrie, après la grève, notre audience était remontée à un niveau comparable à celui de janvier/mars.A vos yeux, qu’a révélé cette grève si suivie à France Culture ?Avant tout un état d’inquiétude. Les médias sont des révélateurs de la société qui les entoure et nous avons été touchés à notre tour par la peur du déclassement. En interne, le conflit a montré la nécessité de revoir des éléments d’organisation, de circulation de l’information, d’association des personnels et des partenaires sociaux aux projets du groupe.Toute la direction s’est depuis attelée à améliorer les choses. Enfin, au delà de la question budgétaire, la grève a pointé la question du sens, qui agite tous les médias. Nous sommes en plein tournant, en train de définir ce que nous ferons dans vingt ans. Cela soulève naturellement des interrogations.Vous allez devenir directrice de chaîne dans une entreprise encore fragile, où un plan de départs volontaires se prépare, sous l’autorité d’un président parfois contesté... Vous avez hésité ?Le fait que la direction soit confiée à une femme qui a toujours été une auditrice de France Culture, qui a la passion de cette chaîne chevillée au corps, ça ne se discute pas. C’est un signal et j’y réponds avec enthousiasme. Je suis très attachée au service public. Nous avons un rôle à jouer dans la société actuelle et c’est ce qui compte. Et j’ai confiance dans l’avenir de cette maison.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart France 2 diffuse deux opéras produits par le Théâtre du Châtelet, à Paris : une catastrophe et un chef d’œuvre (mardi 25 août, à 00 h 30 et 2 h 00, sur France 2).Opéras, mardi 25 août, à 00 h 30 et 2 h 00, sur France 2Le Théâtre du Châtelet, à Paris, est devenu, depuis que Jean-Luc Choplin en a pris les commandes en 2006, un lieu d’expériences lyriques. S’il a installé la comédie musicale anglo-saxonne au centre de sa programmation, donnant les premières françaises d’ouvrages de Stephen Sondheim notamment, le vibrionnant directeur a voulu renouveler le répertoire, non pas en commandant des partitions nouvelles à des compositeurs de l’avant-garde savante, mais à des musiciens venus d’horizons différents. Avec le projet non dissimulé de renouveler et de rajeunir le public de l’opéra.C’est ainsi qu’on aura vu, au Châtelet, Sting et Elvis Costello dans Welcome to the Voice (2008), de Muriel Teodori et Steve Nieve, ainsi que Damon Albarn, auteur d’un opéra pop, Monkey, Journey to the West (2007)… Plus récemment, M. Choplin a demandé au compositeur nord-américain Michael Torke de produire Pop’pea, une version « pop » de l’opéra Le Couronnement de Poppée (1642), de Claudio Monteverdi, production filmée par France 2 en 2013, et que celle-ci diffuse dans le cadre de ses « Nuits d’été ».Horreur absolueInterprété par des chanteurs d’expression non lyrique (Benjamin Biolay, Marc Almond, Carl Barât) pour la plupart d’entre eux, joué par des synthétiseurs, des guitares et une percussion en gros sabots, l’ensemble est une horreur absolue. Ce qu’il reste de la partition de Monteverdi est défiguré par une chappe de rock-pop-rap bien épaisse et fait penser à un délicat plat de légumes croquants englué sous une couche de béchamel et de fromage gratiné. Le seul élément viable est la scénographie finement potache du vidéaste Pierrick Sorin.On recommandera en revanche la captation de l’opéra de John Adams, Nixon in China (1987). Ce « docu-opéra », qui relate la visite historique du président américain Richard Nixon en Chine, en 1972, a relancé la mode des ouvrages inspirés par des faits contemporains. Exigeante, poétique, sarcastique, bien mise en scène par un Chinois, Chen Shi-Zheng (qui avait signé le beau et fameux Pavillon aux pivoines), l’œuvre est assurément un classique contemporain essentiel, qui intéressera les oreilles novices comme les plus savantes. Sans sauce rock et pseudo-populaire.Pop’pea, de Michael Torke, d’après Monteverdi. Nixon in China, de John Adams. Mardi 25 août, à 00 h 30 et 2 h 00, sur France 2.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre C’est finalement la continuité qui prévaut à France Culture, un mois et demi après l’éviction houleuse de son directeur Olivier Poivre d’Arvor. L’actuelle directrice par intérim de l’antenne publique, Sandrine Treiner, a été nommée directrice, mardi 25 août. Ce sera donc elle qui présentera la nouvelle grille de la chaîne, mercredi, lors de la conférence de rentrée de Radio France.Sandrine Treiner, 50 ans, est présente à France Culture depuis 2010, comme conseillère de programmes puis directrice adjointe en charge des programmes. Elle était devenue directrice par intérim en juillet. Mais le président de Radio France, Mathieu Gallet, s’était donné le temps de la réflexion, en estimant que « France Culture intéresse des personnalités de talent ».Lire l'entretien :Mathieu Gallet : « On ne peut pas être dans la maison tout en la critiquant »Dans ses nouvelles fonctions, Sandrine Treiner devra accompagner la nouvelle grille de France Culture, marquée par le changement de voix de la matinale, où Guillaume Erner (ex-France Inter) remplace Marc Voinchet, devenu directeur de France Musique.Après une saison marquée par un record à 2,3 % d’audience cumulée en janvier-mars 2015, France Culture a reculé à 1,8 % au printemps, payant notamment la longue grève de Radio France. La chaîne doit également soutenir un développement numérique encore timide et désormais piloté par Florent Latrive (ex-Libération).Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 24.08.2015 à 17h12 • Mis à jour le24.08.2015 à 20h59 | Florence Evin Joint, lundi 24 août, par téléphone à Damas, Maamoun Abdulkarim, directeur général des antiquités et des musées de Syrie, est très pessimiste sur l’avenir du site archéologique de l’antique Palmyre – classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1980 et placé sur la liste en péril en 2013 – aux mains de l’Etat islamique (EI).Lire aussi :A Palmyre, le temple de Baalshamin détruit à l’explosif par les djihadistesAprès la décapitation en public, mardi 18 août, du très respecté Khaled-Al Asaad, 81 ans, qui a dirigé, de 1963 à 2003, la mise en valeur de la cité millénaire, et après la destruction, dimanche 23 août, du temple Baalshamin, dédié au dieu de la fertilité, « père » protecteur des habitants de cette oasis du désert, l’avenir des vestiges monumentaux de l’opulent carrefour caravanier des premiers siècles de notre ère est bien sombre.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »« Leur sauvagerie est totale »« Pourquoi cela ?, interroge M. Abdulkarim. C’est la vengeance, ils avaient promis [en mai, lors de la prise de la ville] de ne pas toucher le site archéologique. Ils n’ont pas tenu parole », se révolte-t-il. « Leur sauvagerie est totale, comme l’autorisation donnée il y a un mois d’opérer des fouilles clandestines sur les ruines antiques. Le musée a été transformé en prison et en tribunal. On doit se préparer à recevoir d’autres images, pires. On ne doit pas être pessimiste, on doit être uni. »La communauté locale a-t-elle les moyens de réagir ? « Non, 80 % de la population a quitté la ville. On est trop faible. On ne peut rien faire. On attend que la ville soit libérée. » Sont en danger : le grand temple Bel, la colonnade de 1 200 mètres, l’agora, le camp de Dioclétien, le théâtre, les bains, ou encore l’immense nécropole dont les tours à reliefs impressionnent. L’un des plus grands sanctuaires de l’Orient romain, avec Baalbeck au Liban, mémoire de la civilisation sémitique, foyer culturel de l’antiquité, est menacé.Pillage systématiqueEn 2013, à la tribune de l’Unesco, M. Abdulkarim, lançait un cri d’alarme en exhibant la carte d’une cinquantaine de sites archéologiques de premier plan et de treize centres urbains et sites historiques en danger. Alep, le Krak des Chevaliers, le vieux Damas, ou encore Bosra, ont été déclarés en péril. En plein désert, proche de l’Euphrate, les monuments de Doura Europos, antique forteresse de l’armée romaine, dont l’archéologue Pierre Leriche dirige les fouilles, ont été détruits et le site a été intégralement pillé.C’est pareil à Mari, la vaste cité mésopotamienne. L’EI y a organisé un pillage systématique avec les outils qui étaient entreposés dans la maison de fouilles et prélevé 20 % du butin. Une « économie » de l’archéologie que les djihadistes ont mis en place pour alimenter le marché parallèle illicite des antiquités. Une des principales ressources financières de l’EI avec le pétrole.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Un festival mulhousien et un album soul raviront vos oreilles cette semaine, dans l’attente d’un festival parisien à l’automne et de la sortie d’un remarquable album de world music.UN ALBUM : « Woman », de Jill ScottLa chanteuse et actrice Jill Scott est apparue au début des années 2000, dans le sillage de quelques représentants du renouveau soul comme The Roots (de Philadelphie, comme elle), D’Angelo ou Erykah Badu. Elle a enregistré quatre albums en studios, publiés entre 2000 et 2011, auxquels vient de s’ajouter Woman. Seize chansons, dont quatorze de sa plume, sans débordement d’invités (juste BJ The Chicago Kid pour la dernière chanson). Un parler-chanter avec accompagnement rythmique tendu dans Wild Cookie pour entrer dans l’album, une montée plus fournie dans Prepared, avec section de vents, voix en vagues et déjà Run Run Run, dans l’énergie soul à l’ancienne, qui irrigue aussi Closure ou Coming to You. Ailleurs c’est un son plus psyché façon début années 1970 (Lighthouse, Cruisin’, Say Thank You avec sa guitare en effets fuzz), une part gospel (You Don’t Know, Back together)… Et si Jill Scott approche par endroits des ambiances plus contemporaines, elles sont menées sans perdre d’oreille l’ancrage dans les classiques soul. Tout cela vocalement au plus exact, direct et d’une aisance naturelle.« Woman », de Jill Scott, 1 CD Blues Babe Records Atlantic/Warner Music.« Can’t Wait », extrait de l’album « Woman », de Jill Scott. « Back Together », extrait de l’album « Woman », de Jill Scott.UN FESTIVAL : Improvisations et expérimentations au Météo Mulhouse Music Festival du 25 au 29 août Plus de trente ans que cela persiste et signe. A Mulhouse, fin août, un festival (d’abord sous le nom de Jazz à Mulhouse) propose des musiques et des artistes qui ne courent pas les allées de la plupart des manifestations estivales. Du jazz issu de la free music européenne, des expérimentations sonores liées ou pas à l’électroacoustique, une approche artistique qui passe souvent par l’improvisation, des échappées rock quand celui-ci s’élance dans des aventures stylistiquement proches. Le programme, toujours copieux, qui débute à 12 h 30 (sauf le premier jour, à 18 heures) emmène souvent loin dans la nuit. Pour sa présente édition, du 25 au 29 août, sont notamment annoncés James Blood Ulmer, l’imposant Surnatural Orchestra, Beñat Achiary, Eve Risser, Okkyung Lee, Akira Sakata, James Chance, Fred Frith, Evan Parker, Barry Guy, Paul Lytton, Caspar Brötzmann, Michel Doneda… Des habitués, des nouveaux venus.Météo Mulhouse Music Festival, au Théâtre de la Sinne, Chapelle Saint-Jean, La Filature, L’Entrepôt, le Noumatrouff… du 25 au 29 août. De 5 euros à 20 euros, forfait intégral 75 euros, nombreux concerts en accès libre.UN VIDÉOCLIP : « Passa Quatro », par le duo Ballaké Sissoko et Vincent SegalLe joueur de kora, harpe en calebasse à chevalet et à 21 cordes, Ballaké Sissoko et le violoncelliste Vincent Segal ont formé à la fin des années 2000 un duo créatif, rencontre de leurs cultures et pratiques artistiques respectives. Musiques d’Afrique, dont celles du Mali, terre de Ballaké Sissoko, chansons, pop, jazz… Ils avaient enregistré un premier album Chamber Music (NoFormat !), en 2009, des « chemins intimistes où il fait bon se perdre », comme l’indiquait à l’époque notre collègue Patrick Labesse. Les deux complices se retrouvent aujourd’hui pour Musique de nuit (NoFormat !), dont la parution est annoncée pour le 4 septembre. Un album que l’on découvrira alors mais que précède la récente mise en ligne d’un vidéoclip de la composition Passa Quatro. Depuis le fleuve Niger, qui traverse Bamako, où a été enregistré l’album, l’on voit des rives de terre ocre occupées par des planches, objets… passent des hommes et des femmes, des bateaux. Au loin de petits immeubles. Un précieux moment de lenteur.« Musique de nuit », de Ballaké Sissoko et Vincent Segal, No Format !. Sortie le 4 septembre.RÉSERVEZ VITE : Thom Yorke, le 30 octobre et Laurent Garnier le 31, au Pitchfork Music Festival de Paris La venue de Björk devait être l’un des événements du Pitchfork Music Festival, organisé à Paris du 29 au 30 octobre, à La Grande Halle de la Villette. Mais la chanteuse islandaise a annoncé début août qu’elle avait décidé d’annuler ses passages dans divers festivals (dont La Route du rock, à Saint-Malo, le 15 août). « Conflit d’agenda » avait vite précisé son management avant que la chanteuse ne mette en avant, quelques jours plus tard, que l’interprétation de ses nouvelles chansons sur scène s’était révélée trop « intense ». D’où l’annulation. Explication que chacun jugera plus ou moins convaincante – les responsables des différents festivals concernés, eux, ont penché vers le moins. Foals avait remplacé Björk à La Route du rock. Pour le Pitchfork, les organisateurs viennent d’annoncer deux remplaçants aux dates prévues : Thom Yorke, le chanteur et leader de Radiohead, qui viendra en solo le 30 octobre et le producteur et DJ Laurent Garnier, le 31. Si les forfaits trois jours à prix réduit pour le festival parisien sont épuisés, il reste des billets à la journée et des forfaits trois jours à prix normal.Pitchfork Music Festival Paris, Grande Halle de La Villette, du 29 au 31 octobre. 54 euros par jour, forfaits trois jours 120 euros.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 24.08.2015 à 06h49 • Mis à jour le25.08.2015 à 14h01 | Emmanuelle Jardonnet (Weston-super-Mare (Royaume-Uni), envoyée spéciale) Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55dc831c71e47'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\nL'installation de Bill Barminski, \"Security Screening Room\", \u00e0 l'entr\u00e9e de l'exposition.\r\nCr\u00e9dits : VIRGINIE NOEL POUR "LE MONDE"\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"L'installation de Bill Barminski, \"Security Screening Room\", \u00e0 l'entr\u00e9e de l'exposition.","source":"VIRGINIE NOEL POUR \"LE 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Avant d’avoir la moindre idée de l’événement qui se tramait dans le plus grand secret depuis des mois, les regards des curieux du monde entier étaient depuis quelques jours braqués sur cette petite cité balnéaire endormie du Somerset, au sud-ouest de l’Angleterre, à une trentaine de kilomètres de Bristol. Des indices laissaient penser que Banksy l’avait élue comme théâtre d’un nouveau projet. L’hypothèse a électrisé les réseaux sociaux.Jeudi 20 août au matin, le voile était officiellement levé : le plus célèbre et mystérieux des artistes urbains annonçait sur Internet l’ouverture dès le lendemain de Dismaland (mélange de Disneyland et de lugubre), son « Bemusement Park » (jeu de mot entre parc d’attractions et perplexité). Et la modeste Weston-super-Mare devenait, à la grande surprise de ses habitants, the place to be. Une destination convoitée qui se présente pourtant comme « le nouveau parc d’attractions le plus décevant de Grande-Bretagne ! », et « un festival artistique, d’attractions foraines et d’anarchisme de bas niveau », comme le précise le plan des lieux avec cette tournure d’esprit savoureusement provocatrice devenue la marque de fabrique de l’artiste. « Un souvenir d’enfance »Le choix de cette ville pour imaginer son parc désenchanté n’était pas tout à fait un hasard. Sur ce même site, large promontoire en pierre sur la plage, existait une piscine, le Tropicana, fermée il y a une quinzaine d’années. Enfant, quand Weston-super-Mare était encore une destination populaire du week-end pour les habitants de Bristol, le jeune Banksy la fréquentait. « Il vient faire revivre un souvenir d’enfance, qu’il partage avec beaucoup de monde ici », explique son ami Inkie, figure du graffiti à Bristol.Dans un entretien au magazine d’art urbain Juxtapoz, Banksy explique que ce public de locaux, qui ne fréquente pas les musées dans leur majorité, est aussi, pour lui, « le public parfait » pour découvrir les œuvres de la cinquantaine d’artistes qu’il a choisi de présenter. « Banksy n’a pas fait d’école d’art, c’est une personne du peuple, et il continue à s’adresser à tout un chacun dans ses œuvres. L’art est pour lui une plate-forme pour commenter notre société », souligne Rob Dean, qui dirige Where The Wall, une structure consacrée  à la culture du street art à Bristol. L’inauguration, vendredi 21 août, illustrait parfaitement l’immense spectre de son public, avec la session de la journée réservée aux locaux et la session du soir réservée aux invités triés sur le volet, venus du monde entier, galeristes, artistes, collectionneurs. La première a attiré des gens de tous âges, dont certains ont campé sur place pour être sûrs d’avoir l’une des mille entrées en avant-première, comme Terry Hatt, sémillant octogénaire en costume à motifs Union Jack. « C’est fantastique pour nous d’avoir une exposition qui parle de la société contemporaine, plutôt que des peintures anciennes. Ça nous parle d’aujourd’hui, du monde globalisé », explique James, 31 ans, qui a affronté la nuit avec une chapka. « Ce qui me plaît, chez Banksy, c’est que cela incite toujours à réfléchir. Il montre la face sombre des choses, ce que l’on n’a pas envie de voir, c’est courageux », estime Shane, travailleur social de 40 ans.Spectacle de désolationA 11 heures, le public pénètre dans l’enceinte, découvrant un parc d’attractions en fin de course. Les haut-parleurs diffusent une musique hawaïenne fatiguée entrecoupée de fausses annonces, enregistrements vocaux de slogans politico-poétiques de l’artiste américaine Jenny Holzer. L’agence de « prêt d’argent de poche », qui propose des prêts aux enfants, risquant de les endetter à vie, elle, est bien pimpante.Les agents du lieu, qui arborent des oreilles de Mickey, sont visiblement tous en dépression. « Ah, c’est tellement juste !, s’amuse Maya, 18 ans. Je me sentais exactement comme ça quand je travaillais dans un supermarché », explique-t-elle tout en jouant au minigolf dans un environnement pollué, sur les restes d’une station-service. Au centre de ce spectacle de désolation, une sculpture de la Petite Sirène – dont l’image est déformée comme si on en perdait le signal – trône dans les restes de l’ancienne piscine, transformée en douves-égouts d’un château de conte de fées en ruines. Le plan incite à le visiter « afin de voir ce que cela fait d’être une vraie princesse ». A l’intérieur, Cendrillon a le destin de Lady Di : son carrosse s’est renversé, et des paparazzis motards bombardent la scène de leurs flashs. Ce parc, Banksy l’a voulu à l’image de la société : « C’est décousu, incohérent et narcissique, donc peut-être qu’on y est presque. » Mais derrière le chaos apparent, l’exposition est extrêmement bien pensée et organisée. Les œuvres en plein air, les plus interactives, sont parmi les plus potaches. La grande roue tourne à l’envers ; dans le carrousel, un ouvrier transforme des petits chevaux de bois en lasagnes, la pêche aux canards se pratique dans une marée noire… Un soldat de La Guerre des étoiles s’est visiblement trompé de parc d’attractions, et sanglote. C’est pour cet espace ludique et cruel que Banksy a imaginé l’une des œuvres les plus frappantes : un bassin de petits bateaux télécommandés surchargés de migrants, entourés de noyés.Fidèle à l’esprit du street artTout autour, des tentes ou des bus donnent lieu à de petites expositions. Comme celle, très politique et documentée, vouée au design et à la logistique de la surveillance. Ou une yourte transformée en galerie de la poésie de la contestation. Le cinéma en plein air propose une sélection de courts-métrages d’animation poétiques, dont un irrésistible cours de relaxation politiquement incorrect. Molly, septuagénaire, s’attarde dans la tente « Le Sommeil de la raison », cabinet de curiosités aussi oniriques que monstrueuses, où domine la fameuse licorne de Damien Hirst, dans son aquarium de formol. « Je ne suis pas très fan de street art à la base, mais tout cela est très intelligent, cela permet de regarder les choses autrement, et il y a tellement d’artistes différents ! », confie-t-elle. D’ailleurs, est-ce encore du street art ? Non, déclare Banksy à Juxtapoz. Pour son ami Inkie, le concept de l’exposition reste fidèle à l’esprit du street art : « C’est un élargissement du propos : ouvrir l’esprit des gens. Pour moi, c’est encore du street art dans le sens où le concept est anarchiste, punk, anti-establishment. Tout cela est né dans la rue, mais c’est le niveau supérieur. » L’intérieur du bâtiment qui longe tout l’espace se présente comme une suite de galeries, avec de bonnes conditions pour découvrir les œuvres, installations, et peintures, de grande taille. On recroise James, qu’on a failli ne pas reconnaître sans sa chapka. « C’est encore mieux que ce que j’espérais », confie-t-il songeur et concentré.« Have a dismal day… », souhaite avec une voix lasse l’hôtesse aux visiteurs se dirigeant vers la sortie. S’il est lugubre et déprimant, à l’image de notre monde chaotique, le paradis perdu de Banksy n’en est pas moins galvanisant. Le sourire est sur tous les visages. Une célébrité à l’identité secrèteGrands coups et coûts font la réputation du mystérieux graffeur britannique. Les derniers tours de force de Banksy ont été une intervention nocturne dans la ville de Gaza en début d’année pour réaliser plusieurs peintures sur des ruines, notamment un grand chaton blanc. Façon aussi ironique qu’efficace pour attirer l’attention mondiale sur la situation humanitaire dans le territoire. Fin 2013, il avait fait irruption dans les rues de New York pour une résidence sauvage d’un mois, où il imaginait chaque jour une œuvre en dialogue avec la ville. Célèbre pour ses pochoirs en noir et blanc, il crée aussi des installations et des sculptures, et les ventes de ses œuvres atteignent des records dans le street art. Il est également l’auteur du génial mockumentaire (faux documentaire) Faites le mur ! Si son identité est toujours restée secrète, on sait qu’il a grandi à Bristol, qu’il a une quarantaine d’années et qu’il affectionne les déguisements pour ne pas être reconnu.« Dismaland », Marine Parade, à Weston-super-Mare (Somerset). Jusqu’au 27 septembre, de 11 heures à 23 heures. 3 livres sterling (4,15 euros).Emmanuelle Jardonnet (Weston-super-Mare (Royaume-Uni), envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Elle a trouvé le temps long… Après six mois de campagne puis quatre mois de « tuilage » avec l’équipe en place, Delphine Ernotte-Cunci, 49 ans, ancienne patronne d’Orange France, succède à Rémy Pflimlin à la tête de France Télévisions, lundi 24 août. Elle a mis un premier pied dans son bureau samedi, mais la passation de pouvoir a lieu ce lundi, à 10 heures, lors d’une prise de parole devant cent cinquante cadres dirigeants de l’entreprise d’audiovisuel public.Son arrivée à France Télévisions a donné lieu à beaucoup d’articles et de commentaires, mais l’intéressée ne s’est jusqu’ici pas exprimée. Elle est attendue. Le choix du Conseil supérieur de l’audiovisuel de la nommer, le 23 avril, a suscité des contestations (deux plaintes et deux recours au Conseil d’Etat demeurent). Depuis, au cours des quatre derniers mois, elle a consulté en interne et en externe — avec le lot de rumeurs afférent — pour former son équipe, dont elle officialise l’organigramme ce lundi.On y trouve des recrues externes (Stéphane Sitbon-Gomez, ancien directeur de cabinet de l’écologiste Cécile Duflot ; Vincent Meslet, directeur de France 2, venu d’Arte ; Caroline Got, directrice de la stratégie et des programmes, issue du groupe TF1 et de France Télévisions ; ou Michel Field, directeur de France 5, ancien de LCI, Europe 1 et France Télévisions) et des promotions internes (dont Pascal Golomer, le directeur de l’information, remplaçant de Thierry Thuillier, ou Arnaud Lesaunier, le directeur des ressources humaines), ainsi que quelques confirmations de l’équipe précédente (Dana Hastier, directrice de France 3, ou Tiphaine de Raguenel, à France 4).Chaîne publique d’information en continuQuelques jours avant sa prise de fonction, une dernière nomination a créé des remous à la direction des rédactions de l’entreprise : celle de Germain Dagognet, ancien de TF1 et de LCI, souvent décrit comme homme de réseau. Il a été recruté comme numéro deux de l’information, alors que ce n’était pas le choix initial de Pascal Golomer. Le nouveau venu travaillera sous sa responsabilité et s’occupera du chantier de la chaîne publique d’information en continu que Delphine Ernotte veut lancer a depuis précisé son entourage. Un projet assez sensible, à deux ans de la présidentielle, mais central pour la nouvelle présidente, qui veut que cette chaîne soit lancée en septembre 2016 sur les supports numériques, et ensuite éventuellement sur un canal hertzien, ce qui n’est pas acquis.Delphine Ernotte a la chance — peut-être à double tranchant — de trouver un groupe qui se félicite ces derniers mois de ses bonnes audiences dans le domaine de l’information ou de la fiction. Mais plusieurs autres défis sont dans le projet de Delphine Ernotte : continuer la fusion des rédactions de France 2 et France 3 — une réforme déjà engagée, mais qui génère des oppositions en interne ; favoriser le dialogue social avec des « assises » de l’entreprise ; poursuivre le développement numérique ; faire de France Télévisions un fer de lance de la création audiovisuelle française, y compris à l’export. Tout en faisant face à des ressources publiques plutôt en baisse, ce qui suppose de faire encore des économies ou de trouver de nouvelles recettes, par la refonte de la redevance, la vente de droits de production ou la publicité. Delphine Ernotte se dit impatiente de prendre ses fonctions. Elle a de quoi s’occuper.@apiquardpiquard@lemonde.frRetrouvez l’entretien exclusif avec Delphine Ernotte-Cunci dans l’édition du Monde du mardi 25 août.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Ariane Chemin //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique La réponse du « Monde » à Michel Houellebecq L’entreprise, facteur de progrès social ? Garry Kasparov - Deep Blue : échec et bugtous les articles de la thématique On voulait raconter l’univers d’un écrivain, on se retrouve devant un secret-défense. Furieux que Le Monde engage, cet été, une série d’articles dont il n’a pas l’initiative, Michel Houellebecq nous a répondu, le 26 juin : « Je refuse de vous parler et je demande aux gens que je connais d’adopter la même attitude. »En copie de son mail, le Tout-Paris, des philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray en passant par l’écrivain Frédéric Beigbeder. Consigne leur est donnée, si Le Monde persévérait dans son entreprise, de ne pas hésiter à « porter plainte au civil » : « La procédure judiciaire est finalement simple, et plutôt lucrative. » Et d’ajouter qu’il a décidé de se confier au Figaro Magazine (hebdomadaire que, dans son livre avec BHL, Ennemis publics, il n’hésitait pas pourtant à traiter aimablement de « torchon »),« demand[ant] aux gens qu’[il] connaît de faire le même choix ».Ce n’est pas la première fois que Michel Houellebecq tente d’intimider la presse. En 2005, un journaliste passé par l’AFP puis par Le Point (et aujourd’hui à L’Obs), Denis Demonpion, demande à s’entretenir avec l’écrivain. Il veut écrire sa biographie. Tout est fait pour l’en dissuader. Raphaël Sorin, qui édite alors Houellebecq, propose au journaliste d’« insérer les remarques » de son auteur, « après lecture, en appels de notes », comme l’avaient fait, explique-t-il avec Houellebecq au futur biographe, Malraux ou Schopenhauer. Refus du journaliste. « Les entretiens sont pour moi un exercice très décevant, plaide Houellebecq par mail, en vain. J’ai l’impression que ce que je dis n’a aucun intérêt. » Puis Houellebecq écrit au reporter pour lui faire croire qu’il va publier son autobiographie avant la sortie de sa « bio ».Ses désirs sont des ordresHouellebecq non autorisé paraît en 2005 chez Maren Sell (une édition augmentée est en cours d’écriture). Denis Demonpion a mis la main sur l’acte d’état civil de l’écrivain, qui s’était rajeuni de deux ans, et a « retrouvé » sa mère, que son fils disait morte (elle s’est éteinte le 7 mai 2010). Evidemment, un homme de l’imaginaire a le droit de mentir : de Nietzsche à Céline, c’est presque une spécialité. Mais Houellebecq devient comme fou. Il bannit de sa vie ceux qui ont raconté leurs souvenirs, tel l’écrivain Dominique Noguez, pourtant l’un de ses alliés les plus dévoués. « Je regrette (…) de ne pas avoir (…) tenté sur l’auteur de la biographie un peu d’intimidation physique », confiera, en 2008, Houellebecq à BHL. Depuis, l’ouvrage est régulièrement cité par les universitaires et dans les actes de colloques consacrés à l’écrivain, auxquels il assiste carnet à la main, au premier rang.« Je me souviens que, lorsque le livre était paru, Michel avait été finalement soulagé, comme si son vrai secret n’avait pas été percé », raconte aujourd’hui l’éditeur Raphaël Sorin. « Il y a à l’évidence plusieurs points sensibles dans sa vie, sourit Maren Sell, l’éditrice de Houellebecq non autorisé, mais j’ai constaté que cet homme crée autour de lui des climats de dépendance, positive ou négative. » Ses désirs sont des ordres. « Si je vous parle, je perds mon job… », explique-t-on chez Flammarion. Teresa Cremisi, son éditrice ad vitam aeternam, comme le puissant agent de l’écrivain, François Samuelson, prennent des airs désolés : « Il peut [vous] quitter à jamais pour une ombre au tableau… » « Pour ne pas mettre en danger la santé de Michel », son ancienne compagne Marie-Pierre Gauthier est contrainte de décommander le deuxième rendez-vous. Le réalisateur de l’épatant Enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux, annule l’entretien prévu d’un texto : « Que ne ferait-on pas pour un ami… » Jusqu’à ces universitaires qui s’exécutent, « navrés ». Une vraie scène de… Soumission. Ci-dessous, retrouvez les liens vers les six volets de notre série écrite par Ariane Chemin La tour et le territoire 1/6Si l’on s’envolait de quelques étages pour raconter Houellebecq ? Pour gagner les hauteurs du Chinatown parisien, d’où il contrôle le ballet du Tout-Paris.Extrait :Une tour haute comme un gratte-ciel, dans le XIIIe arrondissement de Paris. De ce sémaphore seventies, l’écrivain a fait son refuge. (...) Du haut de sa tour, l’écrivain pourrait dominer Paris. Profiter d’un « panorama exceptionnel», comme disent les agences immobilières, petites annonces et autres notices qu’il aime tant décortiquer. Mais l’appartement regarde davantage vers le périphérique que vers la capitale. « Il m’a expliqué qu’il ne voulait apercevoir aucun monument parisien », raconte le journaliste Sylvain Bourmeau, qui fut longtemps son confident. En Irlande, il s’était installé dans un lotissement sans âme, plein d’étranges sens giratoires, près de l’aéroport de Shannon. De son autre logement, un ancien bed and breakfast (« The White House »), on apercevait à peine la mer. En Espagne, où il a poursuivi ses douze années d’exil, « son bureau était installé au sous-sol » de l’appartement, confie Marie-Pierre Gauthier, sa seconde épouse, dont il est séparé.Dans le monde, hors du monde : Houellebecq raffole des contradictions. Houellebecq est un déménageur qui aime les paysages de la banalité, « le seul à les raconter et en voir le romantisme, comme Tarkovski au cinéma ou Caspar Friedrich dans ses peintures », dit Arielle Dombasle, son amie. A son retour en France, il y a trois ans, il a écumé les Citadines de la capitale. Les appart-hôtels sont des logements pour sédentaires-nomades un peu perdus, les palaces de la post-modernité, au fond, pour artistes qui hésitent entre marge et intégration. Ceux de la place d’Italie et de la rue Esquirol toute proche lui avaient particulièrement plu. « Le bord du périph, c’est pratique : je prends ma bagnole et je file », explique le romancier à ses amis. Lire l’intégralité de l’articleUn gourou à « 20 ans » 2/6Retour sur une période méconnue de la vie de Michel Houellebecq : celle de « 20 ans », le magazine « pour filles extra-averties ».Extrait :« A 20 ans, le magazine pour jeune filles, on raffole des pseudos : l’esprit potache des années 1980, comme sur les radios libres. Isabelle Chazot signe « Isabel Catolic » et Liberati, « Paul Pote ». Mais pas d’alias pour la nouvelle recrue. C’est sous son nom, Houellebecq, ce patronyme venu d’une famille de paysans et de pêcheurs du Nord-Cotentin mais son vrai nom d’écrivain, qu’il se résout, en décembre 1995, à donner au magazine un texte sur la fête, repris plus tard par ses soins dans son recueil Interventions 2 (Flammarion, 2009) : « Le but de la fête est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misérables et promis à la mort. Autrement dit, de nous transformer en animaux. C’est pourquoi le primitif a un sens de la fête très développé. » Ah, quels ravages ont dû faire les « boums » adolescentes et les slows amoureux sur un jeune Houellebecq, observateur douloureux de couples enlacés comme Tisserand, le héros d’Extension…20 ans est devenu branché, comme Les Inrocks, et cela lui convient. « J’ai été depuis le début soutenu par des médias tendance : 20 ans, Technikart, toute une mouvance Canal+, glisse Houellebecq en janvier 1999 dans un entretien à la NRF. Ces gens ne sont nullement stupides. » Le mensuel ne rate aucune occasion d’ouvrir ses colonnes à l’écrivain totem. « Quand on est un gros rat, même un gros rat en décapotable, on ne ramasse rien, répond-il ainsi à Isabelle Chazot qui l’interroge sur les exclus de la drague. Les gens ne cherchent même pas le plaisir sexuel, mais plutôt la gratification narcissique ; la reconnaissance de leur valeur érotique par le désir d’autrui. » » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : un homme d’ordre et de loiLe procès verbal 3/6« L’islam, la religion la plus con… » En 2001, ces mots du romancier font scandale. Un an plus tard, il est au cœur d’un procès. Le spectacle est autant dans le prétoire que dans la salle des témoins.Extrait :« En cette fin d’été, on se presse sous les boiseries et les hautes croisées de la « dix-septième » comme pour une première de théâtre. Houellebecq joue à guichets complets. Les caméras de CNN et d’Al-Jazira restent à la porte, les écrivains Régine Desforges et Gabriel Matzneff s’asseoient sur les bancs encaustiqués. Michel Houellebecq ne se retourne pas sur les supporteurs de Bruno Mégret qui portent sur leurs tee-shirts une Marianne baillonnée. « Ouiche… » « J’aurais un peu tendance à dire »… « Si vous voulez… » Le romancier répond laconiquement aux questions du président du tribunal, le souriant Nicolas Bonnal, un peu intimidé : c’est l’une de ses premières audiences à la 17e, après la figure du commandeur Montfort, qui avait régné dix ans sur ce salon des lettres où la courtoisie et le verbe sont rois. Comme Louis de Funès, comme Fabrice Luchini, Houellebecq transforme de sa seule voix la banalité du quotidien en épopée burlesque.- « Vous êtes écrivain ?– Dans le meilleur des cas, oui… », répond-il en posant le doigt sur ses lèvres. Les questions glissent sur lui telle l’eau sur la vitre : c’est comme si on demandait son avis sur l’islam à un clone de ses romans. « Je ne suis pas un intellectuel à la Sartre », dit-il. « Me demander un avis sur un sujet, quand on me connaît, c’est absurde, parce que je change d’avis assez fréquemment », ajoute-t-il. » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : à Jérusalem, « une crise de folie inouïe »Le corps à l’ouvrage 4/6Coiffure, dents, métamorphoses… On parle beaucoup du visage de l’écrivain. Mais son corps en dit au fond davantage. Et chaque roman se lit aussi comme un bulletin de santé.Extrait : « Muscles et esprit gymnaste sont arrivés d’une autre manière, plus directe, plus personnelle, plus brutale. A l’automne 2014, pour la première fois, Michel Houellebecq offre son corps aux spectateurs. Cours de free fight avec ses ravisseurs dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq, de Guillaume Nicloux, d’abord, puis danse solitaire en cycliste au sommet des montagnes chez Gustave Kervern et Benoît Delépine (Near Death Experience) : une vraie leçon d’anatomie. Il est le seul acteur ou presque et se tient de dos, les bras en croix. Pas de parka floue, pas de jean flottant ou de velours à pinces : il offre au spectateur ses cuisses et son dos moulés dans un cuissard de cycliste et un maillot Lycra. Un corps frêle, mais tonique et musclé, des mollets fuselés, presque les canons apolloniens seuls tolérés par les magazines.D’ordinaire, c’est le visage de Michel Houellebecq qui fait la « une » des journaux. La partie commentée de son corps, à chaque apparition de la star. Réseaux sociaux, romans et journaux intimes de ses contemporains (de Philippe Muray à Stéphane Zagdanski), chacun y va de sa description et de son commentaire. A qui ressemble-t-il ? Paul Léautaud, ce clochard des lettres atrabilaire, ou Antonin Artaud, l’auteur duThéâtre et son double, qui de son propre corps avait fait un spectacle et le prolongement de son œuvre ? Françoise Sagan, comme dit la blogosphère ? Céline, à cause de la coupe et de la ligne de ses pantalons ? La chercheuse Agathe Novak-Lechevalier lui avait fait un jour remarquer que, sur la couverture de Poésie, aux éditions J’ai lu, il cultivait une ressemblance avec Baudelaire. « J’ai aussi une ressemblance avec Hugo période Guernesey, lui a répondu Houellebecq. Sauf qu’il a l’air plus dingue que moi. » » Lire l’intégralité de l’articleLire aussi :Six vies de Michel Houellebecq : un livre, et au lit !Trois jours et deux nuits au monastère 5/6Suivant pas à pas Huysmans, l’auteur de « Soumission » a passé quelques jours à l’abbaye de Ligugé, en décembre 2013. Il n’y a pas trouvé Dieu, mais les moines ne l’ont pas oublié.Extrait :« Quand Michel Houellebecq se présente à la porterie de l’abbaye, ce soir d’hiver 2013, le Père Vincent, qui l’accueille, le prend d’abord pour un SDF. Il s’apprête d’ailleurs à diriger l’écrivain vers le dortoir de quatre lits réservé aux vagabonds, dans la tradition et l’esprit de saint Martin, qui avait déchiré son manteau en deux pour le donner aux pauvres. Les moines racontent la scène en riant. Heureusement le Père Joël arrive en courant, haute taille, grand sourire sous sa calvitie « de Pierre Moscovici » – c’est le détail cocasse que Houellebecq retient de lui dans Soumission. (...)Durant son séjour, Houellebecq s’acquitte consciencieusement de sa vie bénédictine. Il déjeune avec les moines, à la table qui, au milieu de la salle voûtée, est réservée aux hôtes masculins de passage. L’abbaye a gardé de l’époque de Huysmans le goût de la bonne chère. Un vrai trois-étoiles Ligugé : légumes bio du potager, vins fins à chaque repas. Tierces, sextes, nones, vêpres, complies, l’écrivain se rend à plusieurs offices, mais les vitraux ne l’inspirent pas. L’église moderne (que les moines ont préféré à l’ancienne, où se rendait Huysmans, sur la place du village) ressemble, écrit-il dans Soumission, au « centre commercial Super-Passy de la rue de l’Annonciation ». » Lire l’intégralité de l’article 7 janvier, la collision tragique 6/6Alors que Michel Houellebecq commence en fanfare la promotion de Soumission, les frères Kouachi font irruption dans la rédaction de Charlie Hebdo. Au moment même où elle était en train de rire et de se disputer au sujet du romancier…Extrait :En septembre 2014, il avait remporté un succès inattendu avec un petit essai, Houellebecq économiste, où il expliquait que, si Balzac avait été le romancier de la bourgeoisie et du capitalisme triomphants, l’auteur d’Extension du domaine de la lutte était celui de la finance et d’un modèle économique en plein déclin.Il admirait Houellebecq comme une groupie et depuis si longtemps ! « Je le revois encore il y a quelques années, raconte le romancier toulousain Christian Authier, devant la Maison de la radio, qui me récitait des passages entiers et les plus beaux aphorismes des romans de Houellebecq. » C’était presque comme s’il avait écrit cet essai pour forcer une amitié. Son éditrice chez Flammarion, Noëlle Meimaroglou (aujourd’hui directrice littéraire chez Fayard), finit par arracher à Teresa Cremisi un rendez-vous avec l’auteur des Particules, à l’été 2014. Houellebecq économiste était achevé, mais qu’importe ! « Ce fut la rencontre de son année, raconte Dominique Seux. Je ne l’ai pas vu une fois entre septembre et sa mort sans qu’il me parle de Houellebecq. » Maris était l’homme des coups de foudre amicaux, Houellebecq est celui des amitiés séquentielles. Quelques dîners avant Noël avaient suffi pour échafauder quelques projets, un débat ensemble en mars : après le 7 janvier, en tout cas.Michel Houellebecq, sur le plateau du journal télévisé de France 2, le 6 janvier.Sur le nouveau calendrier de 2015, toute la critique littéraire a entouré cette date de rouge. Personne ne sait encore que ce sera un jour noir pour Charlie, pour la liberté de pensée, pour la France et l’esprit des Lumières, mais nul n’ignore que c’est le jour de parution du « nouveau-livre-évènement-de-Michel-Houellebecq », Soumission. Lire l’intégralité de l’article Lire aussi :Etre houellebecquisé ou ne pas l’être Ariane Chemin Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine, envoyé spécial)) En mai et juin 2008, le groupe américain Sparks des frères Ron et Russell Mael avait joué sur scène, à Londres, l’ensemble de ses albums dans l’ordre chronologique. Un par soirée, soit vingt et un concerts pour autant de disques, depuis le premier, sous le nom Halfnelson, produit par Todd Rundgren et sorti en 1971, jusqu’à leur dernier d’alors. Sparks poussait ainsi au plus loin cette vogue qui depuis quelque temps menait de nombreux groupes à interpréter sur scène leurs enregistrements les plus connus dans leur intégralité. Ces derniers temps, Patti Smith joue ainsi Horses, sorti en décembre 1975, et The Rolling Stones ont refait Sticky Fingers, qui date d’avril 1971.A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), c’est plus modestement et en accord avec sa ligne rock indépendant que La Route du rock a commencé sa 25e édition, jeudi 13 août, avec la présentation de Neon Golden de The Notwist. Un concert organisé à La Nouvelle Vague, salle un peu à l’écart du centre-ville.Sorti en janvier 2002, le cinquième album du groupe allemand a été un peu celui de leur révélation à un public plus large, tout en restant assez spécialisé. Ceux qui sont à La Nouvelle Vague en connaissent dans leur majorité le contenu. Et réagissent de manière positive à une interprétation qui tout en collant à l’original densifie, réinterprète parfois les dix compositions de l’album. En bonus la chanson « Different Cars and Trains » s’insère dans la chanson-titre « Neon Golden » pour ce qui restera le moment le plus mémorable de ce retour au passé de The Notwist, dans sa part pop et rock, un rien psychédélique, parsemée de striures électroniques. Avec la prestation toujours habitée, troublante, partant dans des improvisations vocales qui sont autant d’histoires de son quotidien, du tendre au tragique, du chanteur et guitariste Mark Kozelek, venu avec son groupe Sun Kil Moon, le festival prenait ainsi un fier envol.Vidéo de la chanson « Pick Up The Phone », extraite de l’album « Neon Golden » (2002) de The NotwistLe lendemain, vendredi 14 août, direction le fort de Saint-Père, à une vingtaine de minutes en bus au nord de Saint-Malo, lieu principal de La Route du rock jusqu’au 16 août. D’abord pour y vérifier le résultat des nécessaires travaux d’aménagement du site faits depuis le début de l’année. Avec son sous-sol en terre argileuse qui retient l’eau, la grande cour du fort et ses abords devenaient une baignoire boueuse dès qu’il y avait de fortes précipitations. Le creusement du sol, qui a été empierré, et l’installation de fosses de collectage des eaux étaient les principaux chantiers, avec la pose de conduits enterrés permettant de faire passer des câbles techniques.La journée de vendredi ayant connu des pluies régulières depuis le matin jusqu’à la fin de l’après-midi, un évident très gros mieux était constaté. Si le chemin qui mène au fort reste glissant et que quelques flaques subsistent sur le site, l’essentiel de la surface qui accueille les deux scènes et les boutiques est nettement mieux praticable. Des travaux qui ne concernent d’ailleurs pas que les festivaliers, mais qui bénéficieront aux visiteurs à l’année du fort, dont la commune souhaite développer les possibilités (concerts réguliers, foires commerciales…).Les organisateurs ont aussi repensé la géographie du site festivalier. Et notamment le goulot d’étranglement que constituait la petite scène, dite « des remparts », qui avait été installée sur la droite de la grande scène, près de l’entrée/sortie du public. Elle lui fait désormais face, avec un double passage plus large qui permet une fluidité des déplacements. On passe ainsi aisément de Wand, qui ouvrait la soirée de vendredi, au Thurston Moore Band, de Fuzz à Algiers puis à Timber Timbre, etc.Wand, donc, quartette californien pour le premier concert de sa tournée européenne, qui se révéla plutôt brouillon dans une option beaucoup de bruit pour pas grand-chose de très probant. Seul mérite, celui de donner la couleur musicale de la première partie de la soirée. Guitares en avant, rythmique très rock avec ensuite le groupe de Thurston Moore puis Fuzz et Girl Band. Moore, cofondateur de Sonic Youth (1981-2011) peut désormais figurer en sorte de parrain de nombre de groupes donnant dans le trio stylistique garage-punk-grunge. L’expérience en plus, l’attention aussi au geste musicien, dans une approche rock presque classique (« Forevermore », « The Best Day »…). Le finale d’« Aphrodite » sera, lui, c’est dommage, trop long et redondant dans ses effets bruitistes, évocation guère utile du passé le plus furieux des premiers temps de Sonic Youth.La chanson « The Best Day », extraite de l’album du même nom de Thurston Moore, paru en octobre 2014Le groupe Fuzz de Ty Segall, où il joue de la batterie, laisse, lui, perplexe. Le multi-instrumentiste et chanteur californien apparu au milieu des années 2000 enregistre beaucoup, multiplie les projets, explore de nombreux styles. Là, dans un gros son, lourd, avec excès d’effets de déformation de la voix, de la guitare et de la basse, Fuzz accumule des citations des univers musicaux de Jimi Hendrix et des précurseurs britanniques du heavy metal Black Sabbath. Sans rien en faire, ce qui est vite lassant d’inintérêt.Tout le contraire d’Algiers, groupe venu d’Atlanta, qui d’une certaine manière constitue un prologue à la seconde partie de la soirée, plus électro (Ratatat, Rone). Ici, le travail sur les formes musicales, la confrontation des genres aboutit à un propos créatif. Avec des éléments de gospel et de soul qui viennent nourrir des plages sombres, tendues et des éclats punk. En point de mire, le chanteur Franklin James Fisher, corps musicien, et le bassiste Ryan Mahan, qui se frappe la poitrine, déambulent. Scéniquement intense et le moment le plus fort de la nuit.La vidéo de la chanson « Black Eunuch », d’Algiers, extraite de leur album « Algiers », sorti en juinLa Route du rock, à Saint-Malo et Saint-Père. Prochains concerts : Foals, The Soft Moon, Lindstrom, Hinds, Daniel Avery… le 15 août ; Father John Misty, Savages, Ride, The Districts… le 16 août. 39,50 € par jour.Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine, envoyé spécial))Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 15h02 | Alain Constant Documentaire, à 23 h 20, sur ArteRetour sur l’étonnante tournée 1987 de Billy Joel en Union soviétique (samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte). A l’époque, le mur de Berlin n’était pas encore tombé, Gorbatchev était au pouvoir depuis seulement deux ans et le rock anglo-saxon n’avait pas vraiment bonne presse en Union soviétique. Aux Etats-Unis, Billy Joel, pianiste et chanteur super­star aux millions de disques vendus, décide de tenter une aventure inédite : effectuer une tournée en URSS. Aucun rocker yankee (ou prétendu tel) n’avait joué au pays des Soviets.Il y avait bien eu un musicien américain fêté comme un héros à Moscou en pleine guerre froide, mais il s’agissait de Van Cliburn, pianiste classique, vainqueur du concours Tchaïkovski en 1958 !Musique et politiqueLe premier Américain à tenter de faire se déhancher les foules soviétiques en direct sera donc Billy Joel, en 1987. Cet étonnant documentaire relate avec minutie et pas mal d’émotion cette aventure mêlant étroitement musique et politique. « A l’époque, comme beaucoup d’Américains, j’avais peur de l’URSS et de ses habitants. Je croyais qu’ils n’avaient qu’une idée en tête : détruire les Etats-Unis ! », avoue l’intéressé. Quelques jours avant le grand départ, Billy Joel est obligé de justifier un tel projet auprès de l’opinion publique américaine, lors d’une conférence de presse tenue à New York. Œuvrer pour le rapprochement entre Américains et Soviétiques à travers des concerts de rock ? Pourquoi pas. Mais la star accepte à une condition : pouvoir venir en famille, avec son épouse et sa fille. Condition acceptée par les autorités soviétiques. Ne lésinant pas sur les moyens techniques (les mêmes que ceux de sa gigantesque tournée européenne), l’équipe de production ne passe pas inaperçue en URSS : les seize camions semi-remorques, les tonnes de matériel et les 130 membres de la tournée font chavirer les foules.Première étape : Tbilissi, en Géorgie. L’accueil est très chaleureux, la famille Joel se balade sur les marchés, visite un monastère et, lors du premier concert, le public, d’abord intimidé, se laisse peu à peu aller. Seconde étape : Moscou, où trois dates sont prévues en cette fin juillet 1987. Le premier concert est délicat : les premiers rangs sont occupés par des officiels qui restent de marbre alors que le fond de la salle ne boude pas son plaisir. Au bout de trois chansons, les premiers rangs s’éclaircissent, des jeunes prennent leurs places et la folie commence. « Billy aimait foutre la merde, bousculer l’ordre établi. il a pris un micro sans fil, est allé au fond de la salle, chauffant le public. C’était sa manière à lui de dire “lâchez-vous, c’est de la musique !” » Les concerts suivants à Moscou puis ceux de Leningrad vont confirmer ce que les nombreux témoignages recueillis dans ce documentaire laissent entendre : cette tournée dépasse de loin le simple événement culturel. Les concerts tournent au délire, de jeunes soldats se déhanchent et envoient valser leurs casquettes sur scène et Billy Joel, à la fois ému et excité, donne le meilleur de lui-même. Au fil des concerts, il parle de plus en plus au public avec, à ses côtés, le jeune Oleg, un traducteur indépendant que la star a imposé en lieu et place de l’habituel traducteur officiel. « Il a ouvert une brèche. Les concerts donnés par Billy et ses musiciens en URSS ont fait exploser les barrières mentales », assure un témoin.Billy Joel au pays des Soviets, de Jim Brown (Russie, 2013, 75 min). Samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 14h52 | Josyane Savigneau Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10Une passionnante traversée met à « mâle » bien des clichés et des contre-vérités.Dix heures pour en finir avec les clichés sur Simone de Beauvoir (1908-1986) : intellectuelle froide, hautaine, raisonneuse, voix péremptoire… Et pour contredire les propos d’un homme – on se demande pourquoi il n’est pas nommé – qui la « déteste ». C’est une mauvaise romancière, « le garde-chiourme de Sartre », et elle a écrit un livre « dégueulasse », La Cérémonie des adieux. Ou ceux d’un autre homme – on reconnaît la voix de Michel Onfray – pour qui Sartre et Beauvoir ne se sont jamais intéressés à qui que ce soit et n’avaient qu’un but : « laisser leur nom dans l’histoire ».Christine Lecerf et sa réalisatrice Christine Diger avaient donc fort à faire, en cinq chapitres : « Une jeune fille rangée », « Naissance d’une écrivaine », « L’Amérique au jour le jour », « La Force des choses », « Le Deuxième sexe ». Le défi était excitant et le résultat est passionnant. On découvre une Simone de Beauvoir généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout ». Les extraits d’entretiens sont pertinents, tout comme le choix des textes, qui font entendre la phrase de Beauvoir et à eux seuls mettent à mal bien des calomnies dont elle est encore victime. En revanche, l’habillage musical quasi constant est parfois pénible.Construction de la libertéLa première émission, « Une jeune fille rangée », est particulièrement réussie, car à travers les témoignages d’amis (Gérard Bonal, Madeleine Gobeil), de Sylvie Le Bon de Beauvoir (sa fille adoptive) et de Claude Lanzmann (qui a vécu plusieurs années avec elle), on voit comment, après ce qu’elle nommait « le bonheur de berceau » – une enfance heureuse –, Simone de Beauvoir veut construire sa liberté : « Je ne me suis pas révoltée au jour le jour, dit-elle, mais j’ai gardé un très grand dégoût par la suite pour ces institutions bourgeoises. Une espèce de bêtise m’a sauté aux yeux. J’ai voulu m’en dégager. Je voulais inventer ma vie. »« Inventer sa vie », c’était devenir écrivaine, et, dans sa relation avec Sartre, échapper aux stéréotypes du couple marié. Ils étaient plutôt « un binôme », comme l’indique l’écrivaine américaine Siri Hustvedt, dont le témoignage est l’un des plus enthousiastes, avec celui de la féministe Kate Millett. Siri Hustvedt admire « toute cette joie que Simone de Beauvoir prenait aux choses ».« Même si elle détestait l’Amérique, un pays exaspérant », selon Kate Millett, « elle se délectait de l’Amérique, comme l’enfant d’une friandise ». L’Amérique, c’est avant tout son histoire d’amour avec le romancier Nelson Algren (1909-1981). Ils se sont écrit de 1947 à 1963 et, grâce à Sylvie Le Bon de Beauvoir, on a pu lire les lettres de Beauvoir, qu’elle a déchiffrées et traduites. Elle avait aussi traduit les lettres d’Algren, mais ses ayants droit ont interdit la publication. Dans la troisième émission, on a un beau et émouvant portrait d’Algren, par ses amis.Pour parler de cet amour, prendre pour guide Irène Frain, qui a romancé cette histoire dans un Beauvoir in love excessivement sentimental, n’était peut-être pas le choix le plus judicieux. On pourra préférer les points de vue moins enflammés de Pascale Fautrier, Fabrice Rozié ou Jean-Louis Jeannelle, qui tous trois ont travaillé sur Beauvoir.Dans son livre autobiographique La Force des choses, quelques mots, « combien j’ai été flouée », ont fait couler de l’encre. On entend ici enfin la réponse de Beauvoir à tous ceux qui en ont déduit – avec jubilation – qu’elle avait raté sa vie : « Je suis très contente de ma vie. Mais il y a un moment où, quand on se retourne, une vie, même réussie, est d’une certaine manière un échec. » « Il y a une qualité d’absolu qu’on ne peut pas atteindre. »On découvreune femme généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout »Comment parler du Deuxième Sexe après tout ce qui a été dit et écrit depuis 1949 ? Christine Lecerf a trouvé une réponse habile en laissant la parole à Sheila Malovany-Chevallier et Constance Borde, qui ont fait une nouvelle traduction du livre – jadis amputé de 20 % – en anglais. Elles ont pris tant de plaisir à ce travail que c’est un bonheur de les écouter. Toutefois, dans cette dernière émission, on regrettera l’absence de certaines féministes françaises, en premier lieu de Liliane Kandel.Comme on s’étonne de ne pas entendre, en dix heures, Danièle Sallenave, auteure d’un remarquable Castor de guerre, et qui aurait pu répondre à Annie Ernaux qui, comme toujours, insiste sur la différence sociale entre Beauvoir et la jeune lectrice qu’elle était. Pour Sallenave, la leçon de Beauvoir est que, quel que soit le milieu auquel on appartient, il faut s’en arracher pour inventer sa liberté.Heureusement, Elisabeth Badinter rappelle à quel point Beauvoir a « ouvert les portes de la prison ». « Elle est universaliste, elle récuse le mode de complémentarité entre hommes et femmes qui va revenir plus tard. Je me rattache à son modèle, qui est minoritaire aujourd’hui. » En effet, au terme de cette aventure de la liberté qu’est la vie de Beauvoir, on se demande si, vingt-neuf ans après sa mort, les portes de la prison ne sont pas en train de se refermer.« Grande traversée : Simone de Beauvoir, absolument », de Christine Lecerf. Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Documentaire sur Arte à 13 h 35 Michael Wadleigh a filmé ce qui est demeuré le plus mythique des concerts : Woodstock.Trois heures et demie de pur bonheur télévisuel ? On y est presque avec ce film de Michael Wadleigh datant de 1970 et consacré au mythique rassemblement de Woodstock. Durant trois jours, du 17 au 19 août 1969, le plus grand festival de musique jamais organisé réunit, dans un immense champ du comté de Bethel, dans le nord de l’Etat de New York, des centaines de milliers de jeunes.Les organisateurs en attendaient 200 000, ils seront près d’un demi-million, attirés par une programmation musicale haut de gamme, mais aussi par la volonté de vivre une aventure collective sortant de l’ordinaire.Emouvants, drôlesWoodstock devient le lieu rêvé pour planer, faire l’amour, danser, prendre une leçon de yoga collective, se promener à poil ou jouer dans la boue avec les enfants en bas âge, eux aussi très nombreux.A la manière d’un documentaire, avec un écran souvent divisé en deux qui permet de multiplier les points de vue, Wadleigh et son équipe (dont le jeune Martin Scorsese) vont et viennent au milieu de la foule, effectuent des micros-trottoirs (ou plutôt des micros-champs), filment au plus près le bonheur d’une jeunesse américaine chevelue et pas encore rentrée dans le rang. La beauté des corps, les sourires, les rires, les galères, l’entraide, tout y passe. Sur l’immense scène, on lance régulièrement des messages à caractère personnel.Janis Joplin, Santana, The Who...Les stars de la contre-culture, mais pas seulement, sont venues et la plupart sont émues face à une telle marée humaine. Mais plus que les extraits de concerts de Janis Joplin, des Who ou de Santana, plus que les solos de Jimi Hendrix ou les délires du batteur de Country Joe and the Fish, ce sont les témoignages des jeunes qui font la force de ce film unique.Souvent émouvants, drôles, d’une lucidité féroce sur la société capitaliste, ces gamins racontent leurs vies, leurs relations amoureuses, leur bonheur d’être si nombreux. Certains font sagement la queue pour utiliser les téléphones mis à leur disposition et rassurer les parents. D’autres jouent les penseurs face caméra, comme ce blondinet : « Ces gens viennent ici pour avoir l’impression d’être quelque part. Tout le monde est à la recherche d’une réponse là où il n’y en a pas… »Woodstock, Three Days of Peace and Music, de Michael Wadleigh (Etats-Unis, 1970, 225 min). Vendredi 14 août, à 13 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart  « Docu-série » à 22 h 50 sur E ! La série « Appelez-moi Caitlyn », sur E !, narre la transition d’homme à femme voulue par l’ancien champion olympique Bruce Jenner.Le 30 juillet 1976, Bruce Jenner, 26 ans, devenait un héros pour son pays, les Etats-Unis, en gagnant aux Jeux olympiques de Montréal la médaille d’or du décathlon. Dans les années qui suivirent, on le vit à la télévision américaine commenter les sports, prêter son nom et son visage à différentes campagnes de publicité. Puis Jenner disparut plus ou moins de la sphère publique, divorçant, se remariant et jouant les (plus ou moins) bons pères de famille auprès de ses quatre enfants.Mais Jenner a un lourd secret qu’il révèle à ses deux épouses : depuis l’enfance, il s’est toujours senti femme. A nouveau divorcé, il prend des hormones et songe à une transition sexuelle que l’époque n’encourage guère. Cependant, Jenner est toujours hétérosexuel et rencontre Kris Kardashian, qui allait devenir sa troisième épouse.Cette femme d’affaires avisée et ambitieuse sera à l’origine de « L’Incroyable Famille Kardashian », une indiscrète et vulgaire série de télé-réalité tournée au sein même de sa famille, lancée en 2007 par la chaîne E ! et depuis diffusée dans le monde entier. Bruce Jenner y apparaît, mais les vedettes en sont surtout son épouse et ses trois belles-filles, Kim, Khloé et Kourtney Kardashian. La série rend compte des hauts et des bas des relations familiales : la séparation des époux Jenner, leur divorce et le « secret de Bruce » sont inévitablement évoqués. Les paparazzis ont d’ailleurs déjà fait « fuiter » détails graveleux et photos indiscrètes.Coming out médiatiqueJenner n’a plus le choix : il lui faut rendre publique sa transition. Ce sera fait, le 24 avril, sur ABC : pendant deux heures, devant près de 17 millions de téléspectateurs, Dyane Sawyer, journaliste vedette de la chaîne, confesse l’ancien champion olympique, qui annonce officiellement sa décision de devenir femme.L’émission fait partie d’un plan médiatique soigneusement conçu : le 1er juin, Vanity Fair montre Jenner en couverture, transformé miraculeusement en vamp, après une augmentation mammaire complétant un régime d’hormones féminines. Le cliché de la photographe vedette Annie Leibovitz est titré : « Je m’appelle Caitlyn. »En juillet, E ! lance une nouvelle émission, « I am Cait », qui filme la nouvelle vie de Caitlyn Jenner. Présenté comme une « docu-série », le programme menaçait cependant d’être modelé sur le navrant principe de « L’Incroyable Famille Kardashian ». Mais Jenner et ses producteurs ont eu l’intelligence d’échapper au bête voyeurisme : Caitlyn Jenner s’y montre au service de la communauté transgenre nord-américaine, évoque les cas dramatiques de suicide chez de jeunes transexuels, les problèmes de chômage dans la communauté (14 %, plus que le double du taux de chômage de la population générale). Elle s’entoure pour ce faire de parents d’enfants transgenres, de transexuels hétérosexuels et homosexuels fameux (l’actrice Candis Cayne, l’universitaire Jennifer Finney Boylan) ou non.Jenner reste campée sur quelques idées réactionnaires conformes à son affiliation politique auprès du Parti républicain (elle se demande si les aides apportées aux transexuels ne les découragent pas de chercher du travail, ce qui horrifie naturellement celles qui n’ont eu pour survivre que le recours à la prostitution). Mais il semble que Caitlyn, dont la transformation physique est époustouflante, et sa série – suivie par un énorme public – puissent contre toute attente diffuser la cause méconnue des transexuel(le)s.Appelez-moi Caitlyn, chaque vendredi sur E !, à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 06h37 • Mis à jour le14.08.2015 à 07h15 | Bruno Philip (envoyé spécial à Angkor) En cette humide matinée de la fin juin, un groupe de touristes chinois grimpe péniblement les raides escaliers du Bayon, l’un des plus célèbres temples du parc ­archéologique d’Angkor, surtout connu pour ses énigmatiques visages sculptés dominant l’édifice de leurs sourires à peine esquissés. Mais pour ces visiteurs, le but de l’escalade n’a pas pour objet de profiter dans la sérénité des splendeurs de ce monument vieux de huit siècles, construit sous la férule du grand roi khmer Jayavarman VII.Manifestant bruyamment sa joie d’avoir investi le temple, jouissant du délice de pouvoir hurler ensemble, le groupe de touristes se lance à l’assaut, bras tendu prolongé par son arme de poing favorite : une perche avec un téléphone portable accroché au bout, condition nécessaire pour assouvir cette soif passionnée de l’autoportrait – un désir nommé « selfie ».Les temples hindous et bouddhistes d’Ang­kor, quelque 700 monuments éparpillés dans une zone immense du nord du Cambodge et classés au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992, ont vu leur fréquentation exploser en une quinzaine d’années : une soixantaine de milliers de visiteurs en 1999, un peu plus de deux millions en 2014, déjà presque un million pour les cinq premiers mois de cette année… Outre le temple le plus connu, Angkor Vat, cinq ou six autres monuments, dont le Bayon, ­concentrent le maximum de visiteurs, de plus en plus souvent venus de Chine ou de Corée du Sud : 146 696 touristes ont visité le Bayon au mois de mai, dont 44 681 ressortissants de la République populaire.La rançon du succès étant tout à la fois la mort de la poésie des lieux et le début des problèmes – archéologiques, esthétiques, sécuritaires –, les autorités cambodgiennes sont en train de prendre des mesures pour faire face à cette déferlante. Car responsables et spécialistes, tant étrangers que ­khmers, ont beau répéter depuis des années que le tourisme doit être respectueux du ­patrimoine, la spectaculaire augmentation du nombre de visiteurs dans des monuments à caractère religieux qui n’ont pas été bâtis pour résister à pareille affluence représente une réelle menace à leur préservation.« 10 % du PNB dépend du tourisme »« La forme de tourisme souhaitée qui a été mise en avant par beaucoup ne correspond pas à la réalité du tourisme de masse », constate Christophe Pottier, architecte, archéologue et actuel directeur, à Bangkok, de la prestigieuse Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO) pour le compte de laquelle il a passé dix-huit ans au Cambodge. Garantir que le succès touristique du parc d’Angkor puisse éviter la détérioration des temples constitue donc une rude tâche pour l’Autorité pour la protection du site et de l’aménagement de la région d’Angkor (Apsara), l’institution gouvernementale cambodgienne.« Il faut bien comprendre que ce genre de tourisme est un phénomène relativement nouveau pour Angkor », plaide Chau Sun Kerya, porte-parole d’Apsara. Formée en France, elle y a soutenu une thèse de troisième cycle dont l’intitulé résume bien le défi à relever : « Angkor, le poids du mythe et les aléas du développement ». « Il s’agit de concilier les exigences d’un tourisme qui est une source de revenus importants pour le pays, se défend-elle encore, et la préservation des sites archéologiques dans le contexte d’un site vivant où résident une centaine de milliers de Cambodgiens, dont le respect absolu pour le caractère sacré des temples se combine avec le désir de plus de prospérité. »Dans la périphérie des zones protégées en priorité, toute une population aux activités liées au tourisme est en effet venue gonfler celle des 112 villages du parc. De l’aveu même des autorités, il n’est pas toujours facile de faire respecter les règles d’interdiction de construire dans ces « zones tampons ». « Il y a une façon très simple d’éviter tout impact du tourisme sur les temples : supprimer le tourisme ! », plaisante Sok Sangvar, directeur du Plan de management du tourisme pour Apsara. Ce jeune homme formé en France, en Suisse et en Australie ­affiche une impressionnante détermination. Optimiste, il veut croire que « l’augmentation exponentielle du tourisme n’est pas un problème en soi : ce qu’il faut, c’est parvenir à bien gérer l’afflux et le transformer en opportunité pour mon pays, dont 10 % du PNB dépend du tourisme ».Eduquer gardiens et touristesM. Sok, fils du puissant vice-premier ­ministre Sok An, n’a pas été nommé là par hasard : Angkor est depuis le temps des ­colons français un symbole national. Sa ­silhouette figurait même sur le drapeau des Khmers rouges, et il continue d’être l’emblème du Cambodge. Le parc constitue en quelque sorte une priorité d’Etat.« Angkor n’est pas qu’un site touristique, c’est l’esprit même du Cambodge ; préserver le site n’a pas que des buts économiques, c’est aussi préserver notre histoire », assure Sok Sangvar. Et si le directeur du tourisme peut compter sur le pouvoir de son père pour imposer ses vues, il a manifestement décidé de prendre son nouveau job très au sérieux. Pour cela, il utilise des méthodes modernes de gestion : les murs de son ­bureau sont recouverts des plans des principaux temples sur lesquels sont mentionnés les noms de tous gardiens et l’emplacement que chacun d’eux est censé occuper dans le monument. « Puisque les choses ont changé, il faut éduquer les gardiens, être strict dans la gestion, remettre au travail les employés. J’ai même créé un corps d’inspecteur des temples », détaille Sok Sangvar qui se targue d’avoir passé du temps avec tous ses subordonnés afin d’expliquer les raisons de cette nouvelle politique, censée combiner rigueur, discipline et motivation.La photo d’une jeune fille assise dans un temple, jupe retroussée haut sur les cuisses, a été apposée devant l’entrée de certains monuments, une croix rouge barrant l’imageMais ce sont avant tout les touristes qui doivent être éduqués : un « code de conduite » est en train d’être mis en application, affiches à l’appui, devant les temples les plus fréquentés. Entre autres, le « code » demande aux visiteurs d’être correctement vêtus en signe de respect du caractère sacré des lieux. La photo d’une jeune fille assise dans un temple, jupe retroussée haut sur les cuisses, a été apposée devant l’entrée de certains monuments, une croix rouge barrant l’image…Figure également au menu du « code », la mise en application rigoureuse de l’interdiction pour les estivants de pénétrer dans certaines parties fragiles des monuments – ne serait-ce que pour leur propre sécurité au vu de la dangerosité de l’escalade dans cet environnement de murailles et d’escaliers aux pierres disjointes.D’autres mesures ont été prises – ou le ­seront – pour éviter l’usure prématurée de bas-reliefs souvent objet de caresses inopportunes par des millions de mains avides. Au temple Banteay Srei, rendu célèbre par le vol de « dévatas » (déesses) par un certain André Malraux en 1923, la porte du Dieu hindou Indra a été fermée pour éviter que les sacs à dos des visiteurs frottent sur les pierres. Au Ta Prohm, monument connu pour ses énormes banians qui étreignent le temple dans leurs racines, des passerelles de bois ont été installées pour canaliser la circulation. Un sens obligatoire de la visite a désormais été imposé. Sok Sangvar prévoit également l’instauration d’un ticket à puce qui permettrait de savoir combien de visiteurs sont déjà dans le temple et d’interrompre la visite en cas d’engorgement…Stabilité des templesMais une autre menace pèse sur Angkor : le pompage abusif de la nappe phréatique. Les hôtels toujours plus nombreux qui se sont construits dans la ville voisine de Siem Reap pourraient en effet compromettre l’assise même des temples, bâtis sur des dépôts d’alluvions constitués de couches de sables argileux et limoneux. « Quand le niveau de la nappe phréatique descend trop vite, les monuments sont menacés », explique Hang Peou, un hydrologue de l’Apsara. Pour lui, la solution consiste en un remplissage des « baraï » (réservoirs) afin de rééquilibrer les oscillations du niveau de la nappe phréatique.Le pari n’est pas gagné : selon une étude japonaise, au-delà du pompage de 12 000 mètres cubes d’eau par jour pour les hôtels, la situation devient problématique. Or il s’en pomperait désormais 30 000 mètres cubes au quotidien. « Si on ne trouve pas d’autres solutions, il ne sera pas possible de garantir la stabilité des temples », redoute Hang Peou.Le tourisme n’est cependant pas qu’une plaie, observe Dominique Soutif, directeur de l’EFEO à Siem Reap : « Le tourisme a des effets pervers. Cependant, le succès d’Angkor assure aussi le financement de la conservation de ces temples magnifiques », rappelle-t-il. Entre flux touristique et préservation, l’avenir dira si le point d’équilibre a été trouvé…Bruno Philip (envoyé spécial à Angkor)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 06h35 • Mis à jour le14.08.2015 à 20h58 | Frédéric Potet Les cons sont partout, c’est bien connu. Le risque, vu leur quantité, est d’en retrouver quelques-uns autour de soi quand viendra l’heure d’être mis sous terre… Le dessinateur Siné et l’humoriste et réalisateur Benoît Delépine en sont là de leurs réflexions philosophiques, en ce jour de 2009, quand une idée leur vient, d’une commune inspiration : préempter une partie de cimetière où ne seraient enterrés « que des potes » ; un petit coin de paradis où l’on continuerait, post mortem, de déconner entre soi. Doux délire d’une soirée arrosée qui aurait pu en rester là.Située dans la 30e division du cimetière de Montmartre à proximité de la tombe de la Goulue (1866-1929), leur « future » sépulture est aujourd’hui l’une des plus remarquables du nord de Paris. Un bronze représentant un cactus ayant lui-même la forme d’un doigt d’honneur surmonte un caveau pouvant accueillir jusqu’à 60 urnes funéraires. Une épitaphe a été gravée sur le socle : « Mourir ? Plutôt crever ! »Quelques coups de téléphone et un chèque à la Ville de Paris (5 500 euros) ont suffi aux deux « associés », à ce jour bien vivants – Siné a 86 ans, Delépine 56 – pour acquérir cette concession à perpétuité. La crémation sera un passage obligé pour prendre possession des lieux : « Au départ, j’avais les jetons à l’idée de me faire brûler, raconte Siné. Je préférais envisager d’être allongé dans un cercueil mais, comme je suis claustrophobe, c’est finalement pas plus mal. » Benoît Delépine voit, lui, dans ce projet, une solution immobilière à sa situation de contribuable charentais : le voilà enfin propriétaire d’un « pied-à-terre à Paris », comme il le clame à qui veut l’entendre.« Bons anars »La conception de la statue n’a pas été simple, les services municipaux refusant tout projet qui « heurte la sensibilité » des visiteurs. Un premier sculpteur, ami et compatriote du dessinateur belge Philippe Geluck, avait réalisé un doigt d’honneur sortant d’une tombe à la manière d’un zombie, mais Delépine a tiqué, croyant y voir un remake de La Nuit des morts-vivants.Une solution plus « soft » a alors été commandée à un autre copain sculpteur, Patrick Chappet, qui a imaginé ce cactus au profil évocateur : « Cela ne nous satisfait pas encore pleinement. On cherche une autre idée. Mais on tient au doigt d’honneur, en bons anars que nous sommes », assure Siné, alias « Bob » pour ses proches.A ce jour, « quatre ou cinq potes » ont réservé leur emplacement, facturé 500 euros. « Pris au jeu » alors que les complications médicales se succèdent, Siné a même déjà établi une liste de CD qu’il aimerait avoir à ses côtés quand il sera six pieds sous terre. On y trouve principalement de la musique noire américaine : Nina Simone, Ray Charles, Otis Redding, Dizzy Gillespie, Count Basie, Billie Holiday…« La mort étant un sujet tabou, on aime bien taper dessus », SinéCette mise en scène n’est pas du goût de tout le monde. Un ami écrivain lui a reproché de croire en un « après », insulte suprême au regard de la doxa anarchiste. « Et l’humour alors ? se défend Siné. La mort étant un sujet tabou, on aime bien taper dessus. Le but est aussi de faire passer le message que vous nous faites chier, justement, avec vos croyances. Ce qu’on veut, c’est pouvoir se saouler au son d’une fanfare pendant des funérailles, comme on l’a fait à l’enterrement du dessinateur Claude Serre (en 1998) – c’était le jour du beaujolais nouveau, qui plus est ! »Renvoyé de Charlie Hebdo en 2008 par Philippe Val sous prétexte d’antisémitisme (accusation dont il sera relaxé par le TGI de Lyon un an plus tard), Siné n’a pas assisté aux obsèques de ses anciens collègues dessinateurs, tombés sous les balles le 7 janvier. Si son inimitié avec Cabu et Wolinski rendait la chose impossible, le créateur de Siné Hebdo (devenu Siné Mensuel en 2010) aurait aimé être présent, en revanche, à l’enterrement de Charb. Mais la famille de ce dernier lui fit savoir qu’il était persona non grata.Pour ses funérailles à lui, Siné a tout prévu. Rédigé lors d’un séjour à l’hôpital il y a quelques années, un texte intitulé « Mes dernières volontés » va jusqu’à préciser le nom du producteur de beaujolais qui sera offert aux convives. Le vieil anar y parle aussi de… réincarnation, puisqu’il se voit renaître dans la peau d’un bonobo. Try a Little Tenderness, d’Otis Redding dans les oreilles, « Bob le primate » n’aura plus, alors, qu’à attendre l’arrivée des copains : « Le but, assène-t-il, est de rester entre nous pour l’éternité, même si on n’y croit pas. » Vraiment ?Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.08.2015 à 14h23 • Mis à jour le13.08.2015 à 21h12 | Philippe Bernard (Londres, correspondant) Innovation destinée à bouleverser les concerts de musique classique ou simple coup de pub ? Les mélomanes de Manchester sont invités à retirer en ligne des billets pour un concert un peu spécial que donnera le 6 septembre l’orchestre Hallé, fierté de la métropole du nord-ouest de l’Angleterre. Le ­caractère particulier de la soirée n’est pas à rechercher dans le programme, composé de « hits » confirmés comme la ­Cinquième Symphonie de Beethoven ou Water Music de Haendel, mais dans la manière de ne pas faire payer le spectacle. En effet, les spectateurs peuvent réserver gratuitement leurs places, et seront invités à verser à la fin du concert la somme correspondant au plaisir qu’il leur aura procuré. L’orchestre Hallé, la plus vieille formation sym­phonique du Royaume-Uni, facture habituellement ses places entre 10 et 40 livres sterling (14 à 57 euros).Baptisée « Les classiques n’ont pas de prix », l’initiative est destinée à drainer un public nouveau. « L’objectif est d’attirer des gens qui ne sont jamais allés au concert de leur vie et de leur montrer à quel point c’est enthousiasmant, a expliqué à la BBC John Summers, administrateur général de l’orchestre. Nous préférerions qu’ils paient, mais s’ils ne le font pas, cela nous est égal. Nous voulons qu’ils acquittent le prix qu’ils pensent que cela vaut. »Rompre avec la solennitéLa formule « Payez ce que vous voulez » ne constitue pas la seule nouveauté. Elle s’accompagne d’autres aménagements destinés à rompre avec la solennité intimidante attachée aux concerts classiques. La consommation des boissons, même achetées à l’extérieur, sera autorisée dans la salle. En cours de spectacle, le public pourra se rendre aux toilettes et sera incité à tweeter ses humeurs et ses critiques, qui seront diffusées sur un écran géant. Sur la scène du Bridgewater Hall, une salle de 2 400 places, les queues-de-pie et les robes sombres ne seront pas de rigueur ce soir-là pour les musiciens. Le programme lui-même, composé de dix courts extraits d’œuvres allant de Bach et Mozart à Bartok et Adams, a été conçu comme une introduction au ­concert symphonique. Pour attirer le spectateur, une « bande-annonce » reprenant les passages les plus connus de ces morceaux choisis est diffusée en ligne.L’idée du paiement volontaire pour l’écoute d’une œuvre musicale a été ­lancée en 2007 par le groupe rock Radiohead. Cette année-là, leur nouvel album, In Rainbows, était téléchargeable moyennant une contribution volontaire. ­Déclenchant une polémique, la formule avait transformé en happening la sortie de cet opus. Contre toute attente, il est ­apparu que le public s’était en général ­acquitté du prix habituel d’un album. Certains économistes – adeptes des freakonomics (l’« économie saugrenue ») – ont expliqué cette attitude par la volonté des clients de se sentir ou de ­paraître généreux.Mais, à l’heure où le financement de nombreux orchestres est en péril, il est peu probable que le « Payez si vous aimez » devienne la norme. Dans le monde du classique, l’orchestre symphonique de San Diego (Californie) paraît être la seule formation à avoir expérimenté un système analogue. Destiné à « faire goûter » la musique, son concert du 9 avril reposait sur une gratification selon l’humeur du spectateur. « La nouveauté de la formule a attiré une énorme attention sur l’orchestre, commente Martha Gilmer, directrice générale de la formation. Une énergie était palpable ce soir-là et les musiciens l’ont sentie. Nous avons réuni des gens de tous âges qui ont payé entre 5 et 100 dollars. Beaucoup sont restés après la représentation pour partager leur expérience. » Quant au nombre de nouveaux abonnés à la saison suivante, il a battu tous les records. A suivre…Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans Alain Constant Documentaire, à 23 h 20, sur ArteRetour sur l’étonnante tournée 1987 de Billy Joel en Union soviétique (samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte). A l’époque, le mur de Berlin n’était pas encore tombé, Gorbatchev était au pouvoir depuis seulement deux ans et le rock anglo-saxon n’avait pas vraiment bonne presse en Union soviétique. Aux Etats-Unis, Billy Joel, pianiste et chanteur super­star aux millions de disques vendus, décide de tenter une aventure inédite : effectuer une tournée en URSS. Aucun rocker yankee (ou prétendu tel) n’avait joué au pays des Soviets.Il y avait bien eu un musicien américain fêté comme un héros à Moscou en pleine guerre froide, mais il s’agissait de Van Cliburn, pianiste classique, vainqueur du concours Tchaïkovski en 1958 !Musique et politiqueLe premier Américain à tenter de faire se déhancher les foules soviétiques en direct sera donc Billy Joel, en 1987. Cet étonnant documentaire relate avec minutie et pas mal d’émotion cette aventure mêlant étroitement musique et politique. « A l’époque, comme beaucoup d’Américains, j’avais peur de l’URSS et de ses habitants. Je croyais qu’ils n’avaient qu’une idée en tête : détruire les Etats-Unis ! », avoue l’intéressé. Quelques jours avant le grand départ, Billy Joel est obligé de justifier un tel projet auprès de l’opinion publique américaine, lors d’une conférence de presse tenue à New York. Œuvrer pour le rapprochement entre Américains et Soviétiques à travers des concerts de rock ? Pourquoi pas. Mais la star accepte à une condition : pouvoir venir en famille, avec son épouse et sa fille. Condition acceptée par les autorités soviétiques. Ne lésinant pas sur les moyens techniques (les mêmes que ceux de sa gigantesque tournée européenne), l’équipe de production ne passe pas inaperçue en URSS : les seize camions semi-remorques, les tonnes de matériel et les 130 membres de la tournée font chavirer les foules.Première étape : Tbilissi, en Géorgie. L’accueil est très chaleureux, la famille Joel se balade sur les marchés, visite un monastère et, lors du premier concert, le public, d’abord intimidé, se laisse peu à peu aller. Seconde étape : Moscou, où trois dates sont prévues en cette fin juillet 1987. Le premier concert est délicat : les premiers rangs sont occupés par des officiels qui restent de marbre alors que le fond de la salle ne boude pas son plaisir. Au bout de trois chansons, les premiers rangs s’éclaircissent, des jeunes prennent leurs places et la folie commence. « Billy aimait foutre la merde, bousculer l’ordre établi. il a pris un micro sans fil, est allé au fond de la salle, chauffant le public. C’était sa manière à lui de dire “lâchez-vous, c’est de la musique !” » Les concerts suivants à Moscou puis ceux de Leningrad vont confirmer ce que les nombreux témoignages recueillis dans ce documentaire laissent entendre : cette tournée dépasse de loin le simple événement culturel. Les concerts tournent au délire, de jeunes soldats se déhanchent et envoient valser leurs casquettes sur scène et Billy Joel, à la fois ému et excité, donne le meilleur de lui-même. Au fil des concerts, il parle de plus en plus au public avec, à ses côtés, le jeune Oleg, un traducteur indépendant que la star a imposé en lieu et place de l’habituel traducteur officiel. « Il a ouvert une brèche. Les concerts donnés par Billy et ses musiciens en URSS ont fait exploser les barrières mentales », assure un témoin.Billy Joel au pays des Soviets, de Jim Brown (Russie, 2013, 75 min). Samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 14h52 | Josyane Savigneau Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10Une passionnante traversée met à « mâle » bien des clichés et des contre-vérités.Dix heures pour en finir avec les clichés sur Simone de Beauvoir (1908-1986) : intellectuelle froide, hautaine, raisonneuse, voix péremptoire… Et pour contredire les propos d’un homme – on se demande pourquoi il n’est pas nommé – qui la « déteste ». C’est une mauvaise romancière, « le garde-chiourme de Sartre », et elle a écrit un livre « dégueulasse », La Cérémonie des adieux. Ou ceux d’un autre homme – on reconnaît la voix de Michel Onfray – pour qui Sartre et Beauvoir ne se sont jamais intéressés à qui que ce soit et n’avaient qu’un but : « laisser leur nom dans l’histoire ».Christine Lecerf et sa réalisatrice Christine Diger avaient donc fort à faire, en cinq chapitres : « Une jeune fille rangée », « Naissance d’une écrivaine », « L’Amérique au jour le jour », « La Force des choses », « Le Deuxième sexe ». Le défi était excitant et le résultat est passionnant. On découvre une Simone de Beauvoir généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout ». Les extraits d’entretiens sont pertinents, tout comme le choix des textes, qui font entendre la phrase de Beauvoir et à eux seuls mettent à mal bien des calomnies dont elle est encore victime. En revanche, l’habillage musical quasi constant est parfois pénible.Construction de la libertéLa première émission, « Une jeune fille rangée », est particulièrement réussie, car à travers les témoignages d’amis (Gérard Bonal, Madeleine Gobeil), de Sylvie Le Bon de Beauvoir (sa fille adoptive) et de Claude Lanzmann (qui a vécu plusieurs années avec elle), on voit comment, après ce qu’elle nommait « le bonheur de berceau » – une enfance heureuse –, Simone de Beauvoir veut construire sa liberté : « Je ne me suis pas révoltée au jour le jour, dit-elle, mais j’ai gardé un très grand dégoût par la suite pour ces institutions bourgeoises. Une espèce de bêtise m’a sauté aux yeux. J’ai voulu m’en dégager. Je voulais inventer ma vie. »« Inventer sa vie », c’était devenir écrivaine, et, dans sa relation avec Sartre, échapper aux stéréotypes du couple marié. Ils étaient plutôt « un binôme », comme l’indique l’écrivaine américaine Siri Hustvedt, dont le témoignage est l’un des plus enthousiastes, avec celui de la féministe Kate Millett. Siri Hustvedt admire « toute cette joie que Simone de Beauvoir prenait aux choses ».« Même si elle détestait l’Amérique, un pays exaspérant », selon Kate Millett, « elle se délectait de l’Amérique, comme l’enfant d’une friandise ». L’Amérique, c’est avant tout son histoire d’amour avec le romancier Nelson Algren (1909-1981). Ils se sont écrit de 1947 à 1963 et, grâce à Sylvie Le Bon de Beauvoir, on a pu lire les lettres de Beauvoir, qu’elle a déchiffrées et traduites. Elle avait aussi traduit les lettres d’Algren, mais ses ayants droit ont interdit la publication. Dans la troisième émission, on a un beau et émouvant portrait d’Algren, par ses amis.Pour parler de cet amour, prendre pour guide Irène Frain, qui a romancé cette histoire dans un Beauvoir in love excessivement sentimental, n’était peut-être pas le choix le plus judicieux. On pourra préférer les points de vue moins enflammés de Pascale Fautrier, Fabrice Rozié ou Jean-Louis Jeannelle, qui tous trois ont travaillé sur Beauvoir.Dans son livre autobiographique La Force des choses, quelques mots, « combien j’ai été flouée », ont fait couler de l’encre. On entend ici enfin la réponse de Beauvoir à tous ceux qui en ont déduit – avec jubilation – qu’elle avait raté sa vie : « Je suis très contente de ma vie. Mais il y a un moment où, quand on se retourne, une vie, même réussie, est d’une certaine manière un échec. » « Il y a une qualité d’absolu qu’on ne peut pas atteindre. »On découvreune femme généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout »Comment parler du Deuxième Sexe après tout ce qui a été dit et écrit depuis 1949 ? Christine Lecerf a trouvé une réponse habile en laissant la parole à Sheila Malovany-Chevallier et Constance Borde, qui ont fait une nouvelle traduction du livre – jadis amputé de 20 % – en anglais. Elles ont pris tant de plaisir à ce travail que c’est un bonheur de les écouter. Toutefois, dans cette dernière émission, on regrettera l’absence de certaines féministes françaises, en premier lieu de Liliane Kandel.Comme on s’étonne de ne pas entendre, en dix heures, Danièle Sallenave, auteure d’un remarquable Castor de guerre, et qui aurait pu répondre à Annie Ernaux qui, comme toujours, insiste sur la différence sociale entre Beauvoir et la jeune lectrice qu’elle était. Pour Sallenave, la leçon de Beauvoir est que, quel que soit le milieu auquel on appartient, il faut s’en arracher pour inventer sa liberté.Heureusement, Elisabeth Badinter rappelle à quel point Beauvoir a « ouvert les portes de la prison ». « Elle est universaliste, elle récuse le mode de complémentarité entre hommes et femmes qui va revenir plus tard. Je me rattache à son modèle, qui est minoritaire aujourd’hui. » En effet, au terme de cette aventure de la liberté qu’est la vie de Beauvoir, on se demande si, vingt-neuf ans après sa mort, les portes de la prison ne sont pas en train de se refermer.« Grande traversée : Simone de Beauvoir, absolument », de Christine Lecerf. Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Documentaire sur Arte à 13 h 35 Michael Wadleigh a filmé ce qui est demeuré le plus mythique des concerts : Woodstock.Trois heures et demie de pur bonheur télévisuel ? On y est presque avec ce film de Michael Wadleigh datant de 1970 et consacré au mythique rassemblement de Woodstock. Durant trois jours, du 17 au 19 août 1969, le plus grand festival de musique jamais organisé réunit, dans un immense champ du comté de Bethel, dans le nord de l’Etat de New York, des centaines de milliers de jeunes.Les organisateurs en attendaient 200 000, ils seront près d’un demi-million, attirés par une programmation musicale haut de gamme, mais aussi par la volonté de vivre une aventure collective sortant de l’ordinaire.Emouvants, drôlesWoodstock devient le lieu rêvé pour planer, faire l’amour, danser, prendre une leçon de yoga collective, se promener à poil ou jouer dans la boue avec les enfants en bas âge, eux aussi très nombreux.A la manière d’un documentaire, avec un écran souvent divisé en deux qui permet de multiplier les points de vue, Wadleigh et son équipe (dont le jeune Martin Scorsese) vont et viennent au milieu de la foule, effectuent des micros-trottoirs (ou plutôt des micros-champs), filment au plus près le bonheur d’une jeunesse américaine chevelue et pas encore rentrée dans le rang. La beauté des corps, les sourires, les rires, les galères, l’entraide, tout y passe. Sur l’immense scène, on lance régulièrement des messages à caractère personnel.Janis Joplin, Santana, The Who...Les stars de la contre-culture, mais pas seulement, sont venues et la plupart sont émues face à une telle marée humaine. Mais plus que les extraits de concerts de Janis Joplin, des Who ou de Santana, plus que les solos de Jimi Hendrix ou les délires du batteur de Country Joe and the Fish, ce sont les témoignages des jeunes qui font la force de ce film unique.Souvent émouvants, drôles, d’une lucidité féroce sur la société capitaliste, ces gamins racontent leurs vies, leurs relations amoureuses, leur bonheur d’être si nombreux. Certains font sagement la queue pour utiliser les téléphones mis à leur disposition et rassurer les parents. D’autres jouent les penseurs face caméra, comme ce blondinet : « Ces gens viennent ici pour avoir l’impression d’être quelque part. Tout le monde est à la recherche d’une réponse là où il n’y en a pas… »Woodstock, Three Days of Peace and Music, de Michael Wadleigh (Etats-Unis, 1970, 225 min). Vendredi 14 août, à 13 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart  « Docu-série » à 22 h 50 sur E ! La série « Appelez-moi Caitlyn », sur E !, narre la transition d’homme à femme voulue par l’ancien champion olympique Bruce Jenner.Le 30 juillet 1976, Bruce Jenner, 26 ans, devenait un héros pour son pays, les Etats-Unis, en gagnant aux Jeux olympiques de Montréal la médaille d’or du décathlon. Dans les années qui suivirent, on le vit à la télévision américaine commenter les sports, prêter son nom et son visage à différentes campagnes de publicité. Puis Jenner disparut plus ou moins de la sphère publique, divorçant, se remariant et jouant les (plus ou moins) bons pères de famille auprès de ses quatre enfants.Mais Jenner a un lourd secret qu’il révèle à ses deux épouses : depuis l’enfance, il s’est toujours senti femme. A nouveau divorcé, il prend des hormones et songe à une transition sexuelle que l’époque n’encourage guère. Cependant, Jenner est toujours hétérosexuel et rencontre Kris Kardashian, qui allait devenir sa troisième épouse.Cette femme d’affaires avisée et ambitieuse sera à l’origine de « L’Incroyable Famille Kardashian », une indiscrète et vulgaire série de télé-réalité tournée au sein même de sa famille, lancée en 2007 par la chaîne E ! et depuis diffusée dans le monde entier. Bruce Jenner y apparaît, mais les vedettes en sont surtout son épouse et ses trois belles-filles, Kim, Khloé et Kourtney Kardashian. La série rend compte des hauts et des bas des relations familiales : la séparation des époux Jenner, leur divorce et le « secret de Bruce » sont inévitablement évoqués. Les paparazzis ont d’ailleurs déjà fait « fuiter » détails graveleux et photos indiscrètes.Coming out médiatiqueJenner n’a plus le choix : il lui faut rendre publique sa transition. Ce sera fait, le 24 avril, sur ABC : pendant deux heures, devant près de 17 millions de téléspectateurs, Dyane Sawyer, journaliste vedette de la chaîne, confesse l’ancien champion olympique, qui annonce officiellement sa décision de devenir femme.L’émission fait partie d’un plan médiatique soigneusement conçu : le 1er juin, Vanity Fair montre Jenner en couverture, transformé miraculeusement en vamp, après une augmentation mammaire complétant un régime d’hormones féminines. Le cliché de la photographe vedette Annie Leibovitz est titré : « Je m’appelle Caitlyn. »En juillet, E ! lance une nouvelle émission, « I am Cait », qui filme la nouvelle vie de Caitlyn Jenner. Présenté comme une « docu-série », le programme menaçait cependant d’être modelé sur le navrant principe de « L’Incroyable Famille Kardashian ». Mais Jenner et ses producteurs ont eu l’intelligence d’échapper au bête voyeurisme : Caitlyn Jenner s’y montre au service de la communauté transgenre nord-américaine, évoque les cas dramatiques de suicide chez de jeunes transexuels, les problèmes de chômage dans la communauté (14 %, plus que le double du taux de chômage de la population générale). Elle s’entoure pour ce faire de parents d’enfants transgenres, de transexuels hétérosexuels et homosexuels fameux (l’actrice Candis Cayne, l’universitaire Jennifer Finney Boylan) ou non.Jenner reste campée sur quelques idées réactionnaires conformes à son affiliation politique auprès du Parti républicain (elle se demande si les aides apportées aux transexuels ne les découragent pas de chercher du travail, ce qui horrifie naturellement celles qui n’ont eu pour survivre que le recours à la prostitution). Mais il semble que Caitlyn, dont la transformation physique est époustouflante, et sa série – suivie par un énorme public – puissent contre toute attente diffuser la cause méconnue des transexuel(le)s.Appelez-moi Caitlyn, chaque vendredi sur E !, à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 06h37 • Mis à jour le14.08.2015 à 07h15 | Bruno Philip (envoyé spécial à Angkor) En cette humide matinée de la fin juin, un groupe de touristes chinois grimpe péniblement les raides escaliers du Bayon, l’un des plus célèbres temples du parc ­archéologique d’Angkor, surtout connu pour ses énigmatiques visages sculptés dominant l’édifice de leurs sourires à peine esquissés. Mais pour ces visiteurs, le but de l’escalade n’a pas pour objet de profiter dans la sérénité des splendeurs de ce monument vieux de huit siècles, construit sous la férule du grand roi khmer Jayavarman VII.Manifestant bruyamment sa joie d’avoir investi le temple, jouissant du délice de pouvoir hurler ensemble, le groupe de touristes se lance à l’assaut, bras tendu prolongé par son arme de poing favorite : une perche avec un téléphone portable accroché au bout, condition nécessaire pour assouvir cette soif passionnée de l’autoportrait – un désir nommé « selfie ».Les temples hindous et bouddhistes d’Ang­kor, quelque 700 monuments éparpillés dans une zone immense du nord du Cambodge et classés au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992, ont vu leur fréquentation exploser en une quinzaine d’années : une soixantaine de milliers de visiteurs en 1999, un peu plus de deux millions en 2014, déjà presque un million pour les cinq premiers mois de cette année… Outre le temple le plus connu, Angkor Vat, cinq ou six autres monuments, dont le Bayon, ­concentrent le maximum de visiteurs, de plus en plus souvent venus de Chine ou de Corée du Sud : 146 696 touristes ont visité le Bayon au mois de mai, dont 44 681 ressortissants de la République populaire.La rançon du succès étant tout à la fois la mort de la poésie des lieux et le début des problèmes – archéologiques, esthétiques, sécuritaires –, les autorités cambodgiennes sont en train de prendre des mesures pour faire face à cette déferlante. Car responsables et spécialistes, tant étrangers que ­khmers, ont beau répéter depuis des années que le tourisme doit être respectueux du ­patrimoine, la spectaculaire augmentation du nombre de visiteurs dans des monuments à caractère religieux qui n’ont pas été bâtis pour résister à pareille affluence représente une réelle menace à leur préservation.« 10 % du PNB dépend du tourisme »« La forme de tourisme souhaitée qui a été mise en avant par beaucoup ne correspond pas à la réalité du tourisme de masse », constate Christophe Pottier, architecte, archéologue et actuel directeur, à Bangkok, de la prestigieuse Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO) pour le compte de laquelle il a passé dix-huit ans au Cambodge. Garantir que le succès touristique du parc d’Angkor puisse éviter la détérioration des temples constitue donc une rude tâche pour l’Autorité pour la protection du site et de l’aménagement de la région d’Angkor (Apsara), l’institution gouvernementale cambodgienne.« Il faut bien comprendre que ce genre de tourisme est un phénomène relativement nouveau pour Angkor », plaide Chau Sun Kerya, porte-parole d’Apsara. Formée en France, elle y a soutenu une thèse de troisième cycle dont l’intitulé résume bien le défi à relever : « Angkor, le poids du mythe et les aléas du développement ». « Il s’agit de concilier les exigences d’un tourisme qui est une source de revenus importants pour le pays, se défend-elle encore, et la préservation des sites archéologiques dans le contexte d’un site vivant où résident une centaine de milliers de Cambodgiens, dont le respect absolu pour le caractère sacré des temples se combine avec le désir de plus de prospérité. »Dans la périphérie des zones protégées en priorité, toute une population aux activités liées au tourisme est en effet venue gonfler celle des 112 villages du parc. De l’aveu même des autorités, il n’est pas toujours facile de faire respecter les règles d’interdiction de construire dans ces « zones tampons ». « Il y a une façon très simple d’éviter tout impact du tourisme sur les temples : supprimer le tourisme ! », plaisante Sok Sangvar, directeur du Plan de management du tourisme pour Apsara. Ce jeune homme formé en France, en Suisse et en Australie ­affiche une impressionnante détermination. Optimiste, il veut croire que « l’augmentation exponentielle du tourisme n’est pas un problème en soi : ce qu’il faut, c’est parvenir à bien gérer l’afflux et le transformer en opportunité pour mon pays, dont 10 % du PNB dépend du tourisme ».Eduquer gardiens et touristesM. Sok, fils du puissant vice-premier ­ministre Sok An, n’a pas été nommé là par hasard : Angkor est depuis le temps des ­colons français un symbole national. Sa ­silhouette figurait même sur le drapeau des Khmers rouges, et il continue d’être l’emblème du Cambodge. Le parc constitue en quelque sorte une priorité d’Etat.« Angkor n’est pas qu’un site touristique, c’est l’esprit même du Cambodge ; préserver le site n’a pas que des buts économiques, c’est aussi préserver notre histoire », assure Sok Sangvar. Et si le directeur du tourisme peut compter sur le pouvoir de son père pour imposer ses vues, il a manifestement décidé de prendre son nouveau job très au sérieux. Pour cela, il utilise des méthodes modernes de gestion : les murs de son ­bureau sont recouverts des plans des principaux temples sur lesquels sont mentionnés les noms de tous gardiens et l’emplacement que chacun d’eux est censé occuper dans le monument. « Puisque les choses ont changé, il faut éduquer les gardiens, être strict dans la gestion, remettre au travail les employés. J’ai même créé un corps d’inspecteur des temples », détaille Sok Sangvar qui se targue d’avoir passé du temps avec tous ses subordonnés afin d’expliquer les raisons de cette nouvelle politique, censée combiner rigueur, discipline et motivation.La photo d’une jeune fille assise dans un temple, jupe retroussée haut sur les cuisses, a été apposée devant l’entrée de certains monuments, une croix rouge barrant l’imageMais ce sont avant tout les touristes qui doivent être éduqués : un « code de conduite » est en train d’être mis en application, affiches à l’appui, devant les temples les plus fréquentés. Entre autres, le « code » demande aux visiteurs d’être correctement vêtus en signe de respect du caractère sacré des lieux. La photo d’une jeune fille assise dans un temple, jupe retroussée haut sur les cuisses, a été apposée devant l’entrée de certains monuments, une croix rouge barrant l’image…Figure également au menu du « code », la mise en application rigoureuse de l’interdiction pour les estivants de pénétrer dans certaines parties fragiles des monuments – ne serait-ce que pour leur propre sécurité au vu de la dangerosité de l’escalade dans cet environnement de murailles et d’escaliers aux pierres disjointes.D’autres mesures ont été prises – ou le ­seront – pour éviter l’usure prématurée de bas-reliefs souvent objet de caresses inopportunes par des millions de mains avides. Au temple Banteay Srei, rendu célèbre par le vol de « dévatas » (déesses) par un certain André Malraux en 1923, la porte du Dieu hindou Indra a été fermée pour éviter que les sacs à dos des visiteurs frottent sur les pierres. Au Ta Prohm, monument connu pour ses énormes banians qui étreignent le temple dans leurs racines, des passerelles de bois ont été installées pour canaliser la circulation. Un sens obligatoire de la visite a désormais été imposé. Sok Sangvar prévoit également l’instauration d’un ticket à puce qui permettrait de savoir combien de visiteurs sont déjà dans le temple et d’interrompre la visite en cas d’engorgement…Stabilité des templesMais une autre menace pèse sur Angkor : le pompage abusif de la nappe phréatique. Les hôtels toujours plus nombreux qui se sont construits dans la ville voisine de Siem Reap pourraient en effet compromettre l’assise même des temples, bâtis sur des dépôts d’alluvions constitués de couches de sables argileux et limoneux. « Quand le niveau de la nappe phréatique descend trop vite, les monuments sont menacés », explique Hang Peou, un hydrologue de l’Apsara. Pour lui, la solution consiste en un remplissage des « baraï » (réservoirs) afin de rééquilibrer les oscillations du niveau de la nappe phréatique.Le pari n’est pas gagné : selon une étude japonaise, au-delà du pompage de 12 000 mètres cubes d’eau par jour pour les hôtels, la situation devient problématique. Or il s’en pomperait désormais 30 000 mètres cubes au quotidien. « Si on ne trouve pas d’autres solutions, il ne sera pas possible de garantir la stabilité des temples », redoute Hang Peou.Le tourisme n’est cependant pas qu’une plaie, observe Dominique Soutif, directeur de l’EFEO à Siem Reap : « Le tourisme a des effets pervers. Cependant, le succès d’Angkor assure aussi le financement de la conservation de ces temples magnifiques », rappelle-t-il. Entre flux touristique et préservation, l’avenir dira si le point d’équilibre a été trouvé…Bruno Philip (envoyé spécial à Angkor)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.08.2015 à 22h54 • Mis à jour le14.08.2015 à 12h02 La Coiffeuse, une toile cubiste peinte par Picasso en 1911, et estimée à 15 millions de dollars (13,4 millions d’euros), a été remise jeudi 13 août aux autorités françaises, après avoir été volée il y a dix-sept ans et retrouvée dans un anodin colis à destination des Etats-Unis.Le tableau de 33 cm sur 46 cm a traversé l’Atlantique à la période des fêtes en 2014, savamment dissimulé dans un paquet portant l’inscription « Art Craft/30 E/Joyeux Noël ». Mais le leurre, laissant penser qu’il s’agissait d’un cadeau sans grande valeur, n’a pas dupé les services américains des douanes et de l’immigration (Immigration and Customs Enforcement, ICE). Leur division d’enquête sur le trafic international d’œuvres d’art a identifié la toile volée en 1998 et dont la disparition n’avait été découverte qu’en 2001.Le colis a été posté en Belgique le 17 décembre, mais sa disparition, constatée par le personnel du Centre Pompidou à Paris lors d’une demande de prêt, reste inexpliquée. Reconnaissable à ses teintes de gris et de beige, le tableau avait été vu publiquement pour la dernière fois à Munich, lors d’une exposition, dans le cadre d’un prêt, à la Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung. On ignore ce qui lui est arrivé pendant ses dix-sept années de « cavale ». « Détériorée par le vol »La directrice des services américains de l’immigration et des douanes a rendu la toile lors d’une cérémonie organisée à l’ambassade de France à Washington. Propriété du gouvernement français, elle devra ensuite être rapatriée vers le musée d’art moderne parisien.« Détériorée par le vol, les mauvaises conditions de conservation qu’elle a ainsi subies et les aléas rocambolesques de son expédition outre-Atlantique », La Coiffeuse « doit faire l’objet d’une soigneuse campagne de restauration, avant d’être présentée de nouveau au public », a prévenu Serge Lasvignes, le président du musée. Il s’est dit « heureux que cette magnifique œuvre de Pablo Picasso retrouve prochainement le chemin » du Centre Pompidou, qui rassemble quelque 115 000 pièces, la plus vaste collection européenne d’art moderne.La Coiffeuse était entrée au musée en 1967 grâce à un legs de Georges Salles, l’un des grands collectionneurs français du cubisme, après avoir notamment appartenu au célèbre marchand d’art Ambroise Vollard. Huile sur toile, elle date de l’époque cubiste du peintre espagnol, au tout début du XXe siècle, au cours de laquelle il a notamment peint les Demoiselles d’Avignon. Philippe Bernard (Londres, correspondant) Innovation destinée à bouleverser les concerts de musique classique ou simple coup de pub ? Les mélomanes de Manchester sont invités à retirer en ligne des billets pour un concert un peu spécial que donnera le 6 septembre l’orchestre Hallé, fierté de la métropole du nord-ouest de l’Angleterre. Le ­caractère particulier de la soirée n’est pas à rechercher dans le programme, composé de « hits » confirmés comme la ­Cinquième Symphonie de Beethoven ou Water Music de Haendel, mais dans la manière de ne pas faire payer le spectacle. En effet, les spectateurs peuvent réserver gratuitement leurs places, et seront invités à verser à la fin du concert la somme correspondant au plaisir qu’il leur aura procuré. L’orchestre Hallé, la plus vieille formation sym­phonique du Royaume-Uni, facture habituellement ses places entre 10 et 40 livres sterling (14 à 57 euros).Baptisée « Les classiques n’ont pas de prix », l’initiative est destinée à drainer un public nouveau. « L’objectif est d’attirer des gens qui ne sont jamais allés au concert de leur vie et de leur montrer à quel point c’est enthousiasmant, a expliqué à la BBC John Summers, administrateur général de l’orchestre. Nous préférerions qu’ils paient, mais s’ils ne le font pas, cela nous est égal. Nous voulons qu’ils acquittent le prix qu’ils pensent que cela vaut. »Rompre avec la solennitéLa formule « Payez ce que vous voulez » ne constitue pas la seule nouveauté. Elle s’accompagne d’autres aménagements destinés à rompre avec la solennité intimidante attachée aux concerts classiques. La consommation des boissons, même achetées à l’extérieur, sera autorisée dans la salle. En cours de spectacle, le public pourra se rendre aux toilettes et sera incité à tweeter ses humeurs et ses critiques, qui seront diffusées sur un écran géant. Sur la scène du Bridgewater Hall, une salle de 2 400 places, les queues-de-pie et les robes sombres ne seront pas de rigueur ce soir-là pour les musiciens. Le programme lui-même, composé de dix courts extraits d’œuvres allant de Bach et Mozart à Bartok et Adams, a été conçu comme une introduction au ­concert symphonique. Pour attirer le spectateur, une « bande-annonce » reprenant les passages les plus connus de ces morceaux choisis est diffusée en ligne.L’idée du paiement volontaire pour l’écoute d’une œuvre musicale a été ­lancée en 2007 par le groupe rock Radiohead. Cette année-là, leur nouvel album, In Rainbows, était téléchargeable moyennant une contribution volontaire. ­Déclenchant une polémique, la formule avait transformé en happening la sortie de cet opus. Contre toute attente, il est ­apparu que le public s’était en général ­acquitté du prix habituel d’un album. Certains économistes – adeptes des freakonomics (l’« économie saugrenue ») – ont expliqué cette attitude par la volonté des clients de se sentir ou de ­paraître généreux.Mais, à l’heure où le financement de nombreux orchestres est en péril, il est peu probable que le « Payez si vous aimez » devienne la norme. Dans le monde du classique, l’orchestre symphonique de San Diego (Californie) paraît être la seule formation à avoir expérimenté un système analogue. Destiné à « faire goûter » la musique, son concert du 9 avril reposait sur une gratification selon l’humeur du spectateur. « La nouveauté de la formule a attiré une énorme attention sur l’orchestre, commente Martha Gilmer, directrice générale de la formation. Une énergie était palpable ce soir-là et les musiciens l’ont sentie. Nous avons réuni des gens de tous âges qui ont payé entre 5 et 100 dollars. Beaucoup sont restés après la représentation pour partager leur expérience. » Quant au nombre de nouveaux abonnés à la saison suivante, il a battu tous les records. A suivre…Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 13.08.2015 à 06h45 • Mis à jour le13.08.2015 à 07h24 Martine Delahaye Documentaire à 20 h 40 sur Histoire Dans « Marylin, dernières séances », Patrick Jeudy et Michel Schneider racontent les relations hors normes de l’actrice avec son ultime psychanalyste.Suicidée ou victime d’une overdose, Marilyn Monroe, le 4 août 1962 ? Peu importe. Dans son roman Marilyn, dernières séances (Grasset, prix Interallié 2006), aussi passionnant que documenté, Michel Schneider, psychanalyste et écrivain, montre combien la gosse Norma Jeane Mortenson, transfigurée en « Marilyn » pour l’écran, était depuis bien longtemps engagée dans une lutte désespérée contre la sensation d’inconsistance, d’anéantissement, d’inexistence.L’adaptation de son livre en documentaire, coécrit avec le réalisateur Patrick Jeudy, se concentre sur les trente derniers mois de la vie de l’actrice  : à partir du moment où, en janvier 1960, à bout de souffle, elle fait appel au psychanalyste d’Hollywood Ralph Greenson. Et où s’engage, entre elle et cet intellectuel freudien, une étrange thérapie « par l’amour ».Elle lui avait demandé de l’aider à se lever, à tenir ses engagements, à aimer : de l’aider à ne pas mourir… « J’appartiens à la peur », lui avait-elle confié. Il sera tout à son attention jour et nuit, l’entourant comme une enfant en détresse.« Droguée du freudisme »Mais difficile de narrer l’intimité de la relation entre une patiente et son psychanalyste en images. Pourtant, « si incroyable que ça puisse paraître », précise le réalisateur Patrick Jeudy, on découvre encore régulièrement de nouveaux films ou photos d’elle : « Parfois des petites choses insignifiantes (…). Quant au film, gentiment érotique, où on la voit se tortiller nue, il n’est peut-être pas authentique. »Hormis les premières minutes du film, qui peuvent paraître confuses, Marilyn, dernières séances rend avec tact les éclats du passé de l’actrice, les facettes de l’aspect désaxé de sa personnalité et son côté « droguée du freudisme » – elle eut trois psychanalystes avant Ralph Greenson. Ne manquez pas l’intégralité de la fameuse séquence « Happy Birthday Mister President », qui en dit bien plus long que les quelques mots qu’elle susurre, ou les images du baptême du fils de Clark Gable (alors décédé), où elle apparaît habillée pour un enterrement… « Cela vous donne une petite idée de sa dérive », précise Patrick Jeudy.« Marilyn. Dernières séances », de Patrick Jeudy et Michel Schneider (Fr., 2009, 90 minutes). Mercredi 19 août sur Histoire à 20 h 40.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 17.08.2015 à 06h44 • Mis à jour le18.08.2015 à 11h26 | Sylvain Siclier La saison des festivals se poursuit, avec deux occasions de profiter d’artistes de premier plan dans un cadre aux prises avec la nature, sur l’île de Ré comme dans les Ardennes.UN VIDÉOCLIP : « Perfect Couples » par Belle and SebastianSi son neuvième album studio et dernier album en date, Girls in Peacetime Want to Dance (Matador Records) est sorti en janvier 2015, le groupe Belle and Sebastian vient d’en proposer récemment (fin juillet) un nouvel extrait. Sous la forme d’un superbe vidéoclip, réalisé par Oscar Sansom, la chanson « Perfect Couples » se révèle assez hypnotique. Passée une trentaine de secondes avec des plans sur divers instruments de percussions, nous nous retrouvons face à une pièce avec un tapis rond, deux chaises, un petit bar de salon, une fenêtre ouvrant vers un jardin… Les lieux vont peu à peu être occupés par plusieurs personnages. D’abord une jeune femme, dans d’étranges mouvements qui trouveront leur explication au cours des entrées et des sorties des autres protagonistes. Cette chorégraphie de Sarah Swire, fondée sur la répétition des gestes, met en jeu une quinzaine d’interprètes. A chacun de voir le clip d’abord comme un tout, puis de suivre à loisir l’un ou l’autre des danseurs qui finiront par quitter les lieux.« Perfect Couples », par Belle and Sebastian. Réalisé par Oscar Sansom, chorégraphie de Sarah Swire.DEUX FESTIVALS : Jazz au phare, sur l’île de Ré, et Le Cabaret vert à Charleville-Mézières Au bout du bout de l’île de Ré (Charente-Maritime), dans la commune de Saint-Clément-des-Baleines, il y a un phare, chanté par Claude Nougaro. A proximité, plusieurs cafés. Autant de lieux où se déroule le festival Jazz au phare, dont la sixième édition est organisée du 16 au 19 août 2015. Son directeur artistique s’appelle Jean-Michel Proust. Cet homme de radio (production et animation), journaliste et musicien (saxophone, composition), a concocté un programme de belle allure : Tânia Maria et Eliane Elias le lundi 17 ; les formations des saxophonistes Xavier Richardeau et Michel Pastre, du trompettiste Fabien Mary et du pianiste Pierre Christophe mardi 18 et mercredi 19 ; le chanteur Michel Jonasz en duo avec le pianiste Jean-Yves D’Angelo le mardi 18 ; et enfin la chanteuse Molly Johnson et le pianiste Monty Alexander le 19 août…Jazz au phare, à Saint-Clément-des-Baleines, sur l’île de Ré (Charente-Maritime), jusqu’au 19 août. De 30 euros à 42 euros, nombreux concerts en accès libre. Novateur en matière de développement durable (produits locaux, village associatif) et de recyclage écologique, le festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes) a connu sa première édition en 2005. Sur deux jours, à la mi-septembre, s’étaient succédé Jacques Higelin, Mano Solo ou encore Mass Hysteria. Depuis, l’événement a lieu à la fin du mois août, il se déroule sur quatre jours, et il a reçu nombre de figures du rock, de la pop, du rap ou du reggae. Le tout en centre-ville – ce qui n’est pas si courant pour une manifestation qui a accueilli 90 000 spectateurs en 2014 – sur un site, le square Bayard, en prise avec la nature. Cette année, du jeudi 20 au dimanche 23 août, le festival annonce plus de quarante artistes, parmi lesquels Fuzz, Christine and The Queens, Etienne Daho, Paul Kalkbrenner, The Shoes, Jurassic 5, The Chemical Brothers, Selah Sue, Limp Bizkit, Hubert-Félix Thiéfaine…Festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières (Ardennes), du 20 au 23 août. 34 € par jour, 6 € dimanche.RÉSERVEZ VITE : Rickie Lee Jones aux Bouffes du Nord, à Paris, lundi 19 octobreElle a beau ne pas vouloir être ramenée à cette seule chanson, pour beaucoup l’Américaine Rickie Lee Jones est d’abord l’interprète de Chuck E’s in Love. Son gros succès de l’année 1979 a parfois été remis à son répertoire de concerts ces dernières années, mais sa tournée actuelle (qui, pour l’Europe, ne fait qu’un petit tour en Allemagne et en France) repose toutefois sur une bonne dizaine de chansons de son nouvel album, The Other Side of Desire, sorti en juin. L’occasion de retrouver la voix de Rickie Lee Jones, du plus fragile à l’énergie grondante et ses atmosphères pop, folk, blues et jazz.Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de La Chapelle, Paris 10e. Tél. : 01 46 07 34 50. Lundi 19 octobre, à 20 heures. De 40 euros à 51 euros.La chanson « Jimmy Choos » par Rickie Lee Jones, extraite de son album « The Other Side of Desire ».Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Je vous ai laissés sur la route de Millas (Pyrénées-Orientales) et sa charmante féria. Sans doute croyez-vous que ces bérets grands comme des soucoupes volantes n’existent pas. Eh bien, figurez-vous, le fromager gaulliste du marché d’Oloron (tous les vendredis : phénoménal concert naturel de voix, de timbres et d’accents), son frère, le boucher communiste, et mes cousins sans – op., itou, tous portent le béret. Beau comme une soucoupe volante. Un ovni a été photographié à 17 kilomètres de Millas le 30 mars dernier. À l’instant où je vous écris, lundi 17 août, 0 h 43, un aéronef à hélice, je sais reconnaître, fait des ronds sur Paris. N’insistons pas.Une soucoupe volante venue de Mars repère un petit aérodrome (blague millésimée 1958, je suis en 3e). L’aire d’atterrissage se trouve en France, mais la soucoupe n’en sait rien. Bref arrêt stationnaire dans la plus grande prudence, histoire de contacter quelque Terrien. Le Martien tiré à la courte paille, descend à pas comptés et s’avance vers trois Terriens qui lui semblent placides. Notre Martien se méfie (ça, le « notre », c’est pour faire conteur populaire). Midi, temps radieux. L’aérodrome est désert. Au fait, ce n’est pas un aérodrome, les Martiens peuvent se gourer, c’est la station-service Caltex, à l’entrée de Millas, à la pause, en 1958, entre midi et deux heures (je brode).Notre Martien donc, approche en tapinois. Il communique avec la soucoupe : « Ici Agent X 23, je marche lentement vers trois Terriens qui se tiennent immobiles… J’exécute nos signaux de paix… Ils ne bougent pas… Oh ! Message urgent au central : les Terriens sont exactement comme nous ! Hallucinant ! Exactement. Mais, pour une raison qui m’échappe encore, ils se plantent la bite dans l’oreille droite… »Oui, bon ça va, je ne vous demande pas d’applaudir. Je sais qu’il est navrant de narrer des blagues par écrit. Ou d’ailleurs, tout court. Comme raconter un dessin de Sempé (Reiser, Willem, Pessin)… Je m’en passerais bien, si cela ne renvoyait à on ne sait quoi de trop vrai.Un Soulages sur négatifSous son béret en style de soucoupe, le fromager d’Oloron est unique. Stand d’une nudité totale. Trois pans de mur blancs comme un Soulages sur négatif. Pas une affiche. Pas de pub. Pas la moindre photo de Lescun et ses brebis. Rien : juste sa balance, le meilleur fromage du monde et son béret. Il roule ses r en style de gave des montagnes : « En 1946, De Gaulle avait prrroposé un statut à l’Algérie dont personne n’a voulu. Aujourrrrd’hui, je vois un pays du Maghrrrreb qui peut prrrrendrrre le pouvoirrr en France. » Bigre.Halte à Marciac (Gers), pour entendre Enrico Rava, ami de cœur, et sous chapiteau, Salif Keita. Derniers échanges avec Denis Capdegelle, le responsable de la station de Météo France, sur le site même du festival. Zone d’orages et de grosses pluies. J’aime son savoir, sa parole, ses écrans magiques, les cartes, son discours. La météo, tout le monde en est fou : science populaire, horoscope sur ordinateur, récits du ciel, promesse de l’avenir. Surtout, irremplaçable : la possibilité de l’erreur.La fleuriste de Millas, elle, à l’autre bout de la chaîne des Pyrénées : « Les nouveaux lotissements ? C’est pour les cas sociaux… » Je risque un : « Vous voulez dire qu’il s’agit de logements sociaux ? » Elle emballe le Thelocactus – ma fleur préférée avec le bignonia : « Oui, bon, enfin, c’est pas pour nous. C’est pour les autresss… Comment ça, les autres ? Vous n’êtes pas allés dans la rue aux Gitans ? » Louis Aliot a sa maison par ici, et à Millas, pas de liste FN. « Ecole maternelle de la République », rue Jean-Jaurès, rue Mirabeau, rue Danton, Médiathèque François-Mitterrand, ça en ferait, des noms à changer.Deux ouvriers du bâtiment me rapprochent du centre : « Ah, vous habitez pas loin du carreleur ? Il est trrrès bien, le carreleur, un peu communiste, mais bon… » Je croise le carreleur. Sur quoi diable, porte le « un peu » ? Sur le marxisme, ou sur le léninisme ? Tranquille : « Je ne suis pas communiste, je le deviens. » Toujours à Millas, Yves Charnet, poète, auteur du formidable Quatre boules de jazz, Nougasongs (Ed. Alter Ego) me rappelle. Il aime les phrases de l’année, celle du milliardaire Warren Buffett : « Il y a bien une lutte des classes, d’ailleurs c’est la mienne qui est en train de la gagner ! »Free, salsa et gauchismePuisque je suis de passage à Paris (l’aéronef continue de faire le malin), j’irai revoir Port-au-Prince dimanche 4 janvier, le film de Marthouret, au Reflet Médicis. Sorti sans grand soutien le 29 juillet (voir la note d’Isabelle Regnier dans le journal), bien reçu par une partie de la critique, discuté aussi, il est de ces films dont la personnalité me prend : réel sensible ; horrible complexité simplette des « événements » (les élections en Haïti, le 4 janvier 2014, en plein bicentenaire de l’Indépendance) ; flegme anxieux des Maîtres sur leur terrasse ; abjection possible des damnés de la terre (le mauvais frère) ; la vieille dame, Cassandre aveugle ; un perroquet très chiant (il sait tout, évidemment) ; justesse de la lumière et des décors (Sylvie Fennec) ; tempo sans chantage…Carnet du Monde : avis de décès de Jean-Luc Fraisse (7 août). Jean-Luc Fraisse, le fondateur avec son épouse, Nicole, de l’incroyable Chapelle des Lombards. Free, salsa, gauchisme et musique cubaine. Toute une histoire : les « autres » années 80. Pour eux, j’avais dessiné un T-shirt (passons…). C’est chez Nicole et Jean-Luc que j’ai vu pour la dernière fois Pierre Goldman (assassinat le lendemain, 20 septembre 1979, signé Honneur de la Police). Il jouait des congas avec Azuquita qui jouera pour lui au Père-Lachaise.Sur la route d’Aix-en-Provence, mais c’est une autre histoire, Rachid, le taximan, me dit : « Il faut vivre dans l’instant. Tout ça se juge au dernier soupir, quand on se dit : Ai-je vécu ? » Je sais que je suis dix fois trop long. Mais je ne vais quand même pas sucrer l’histoire de la soucoupe, non ? Et puis, c’est bientôt fini.Francis MarmandeJournaliste au Monde Ariane Chemin //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique En Jamaïque, une « loi ganja » pour changer la vie Angry Mel, mini-jeux loufoques et satire politique du Honduras Imaginer le monde de demain, par Tomas van Houtryvetous les articles de la thématique On voulait raconter l’univers d’un écrivain, on se retrouve devant un secret-défense. Furieux que Le Monde engage, cet été, une série d’articles dont il n’a pas l’initiative, Michel Houellebecq nous a répondu, le 26 juin : « Je refuse de vous parler et je demande aux gens que je connais d’adopter la même attitude. »En copie de son mail, le Tout-Paris, des philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray en passant par l’écrivain Frédéric Beigbeder. Consigne leur est donnée, si Le Monde persévérait dans son entreprise, de ne pas hésiter à « porter plainte au civil » : « La procédure judiciaire est finalement simple, et plutôt lucrative. » Et d’ajouter qu’il a décidé de se confier au Figaro Magazine (hebdomadaire que, dans son livre avec BHL, Ennemis publics, il n’hésitait pas pourtant à traiter aimablement de « torchon »),« demand[ant] aux gens qu’[il] connaît de faire le même choix ».Ce n’est pas la première fois que Michel Houellebecq tente d’intimider la presse. En 2005, un journaliste passé par l’AFP puis par Le Point (et aujourd’hui à L’Obs), Denis Demonpion, demande à s’entretenir avec l’écrivain. Il veut écrire sa biographie. Tout est fait pour l’en dissuader. Raphaël Sorin, qui édite alors Houellebecq, propose au journaliste d’« insérer les remarques » de son auteur, « après lecture, en appels de notes », comme l’avaient fait, explique-t-il avec Houellebecq au futur biographe, Malraux ou Schopenhauer. Refus du journaliste. « Les entretiens sont pour moi un exercice très décevant, plaide Houellebecq par mail, en vain. J’ai l’impression que ce que je dis n’a aucun intérêt. » Puis Houellebecq écrit au reporter pour lui faire croire qu’il va publier son autobiographie avant la sortie de sa « bio ».Lire le premier épisode de notre série :Six vies de Michel Houellebecq : la tour et le territoireSes désirs sont des ordresHouellebecq non autorisé paraît en 2005 chez Maren Sell (une édition augmentée est en cours d’écriture). Denis Demonpion a mis la main sur l’acte d’état civil de l’écrivain, qui s’était rajeuni de deux ans, et a « retrouvé » sa mère, que son fils disait morte (elle s’est éteinte le 7 mai 2010). Evidemment, un homme de l’imaginaire a le droit de mentir : de Nietzsche à Céline, c’est presque une spécialité. Mais Houellebecq devient comme fou. Il bannit de sa vie ceux qui ont raconté leurs souvenirs, tel l’écrivain Dominique Noguez, pourtant l’un de ses alliés les plus dévoués. « Je regrette (…) de ne pas avoir (…) tenté sur l’auteur de la biographie un peu d’intimidation physique », confiera, en 2008, Houellebecq à BHL. Depuis, l’ouvrage est régulièrement cité par les universitaires et dans les actes de colloques consacrés à l’écrivain, auxquels il assiste carnet à la main, au premier rang.« Je me souviens que, lorsque le livre était paru, Michel avait été finalement soulagé, comme si son vrai secret n’avait pas été percé », raconte aujourd’hui l’éditeur Raphaël Sorin. « Il y a à l’évidence plusieurs points sensibles dans sa vie, sourit Maren Sell, l’éditrice de Houellebecq non autorisé, mais j’ai constaté que cet homme crée autour de lui des climats de dépendance, positive ou négative. » Ses désirs sont des ordres. « Si je vous parle, je perds mon job… », explique-t-on chez Flammarion. Teresa Cremisi, son éditrice ad vitam aeternam, comme le puissant agent de l’écrivain, François Samuelson, prennent des airs désolés : « Il peut [vous] quitter à jamais pour une ombre au tableau… » « Pour ne pas mettre en danger la santé de Michel », son ancienne compagne Marie-Pierre Gauthier est contrainte de décommander le deuxième rendez-vous. Le réalisateur de l’épatant Enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux, annule l’entretien prévu d’un texto : « Que ne ferait-on pas pour un ami… » Jusqu’à ces universitaires qui s’exécutent, « navrés ». Une vraie scène de… Soumission.Ariane Chemin Florence Noiville Il disait : « Si je n’écris pas, je ne vois rien, je suis vide. » Décapante, sans concession, sa plume avait fait de lui l’une des plus grandes voix de la littérature espagnole. L’écrivain et critique littéraire Rafael Chirbes est mort samedi 15 août d’un cancer fulgurant du poumon. Il était âgé de 66 ans.Sur le rivage, son septième roman traduit en français — par Denise Laroutis, sa fidèle et excellente traductrice —, était sorti en janvier aux éditions Rivages. Il restera l’un des éblouissements de l’année. Chirbes n’était pas seulement un styliste génial, un écrivain dont la prose pleine de sève vous précipite dans des cascades de mots et d’images, des accès de colère et des élans d’humanité. Il avait aussi le don d’aller jusqu’au bout de ce qu’il voulait dire. Le courage d’écrire noir sur blanc ce que les gens font mais ne disent pas. En exergue à Sur le rivage, il avait d’ailleurs placé cette phrase de Diderot dans Jacques le fataliste : « F… tez comme des ânes débâtés ; mais permettez que je dise le mot f… tre ; je vous passe l’action, passez-moi le mot. »Le peintre de la débâcle européenne actuelleDans presque tous ses livres, Chirbes disait le rêve politique brisé. Son désenchantement était celui de tous ceux qui, après le régime de Franco, avaient vu « la grande illusion démocratique » s’effacer devant ce qu’il appelait « la grande occasion mercantile ». Dans Tableau de chasse (Rivages, 1998), il campe un père franquiste essuyant le dédain de son fils pour s’être enrichi sous la guerre civile. Dans Les Vieux Amis (Rivages, 2006), il montre les désillusions d’ex-communistes aigris ou confits dans la richesse. Tandis que dans Crémation (Rivages, 2009), il épingle la financiarisation des années 1980, la spéculation immobilière, la corruption, les inégalités, la paupérisation… D’Ivan Repila à Pau Miro en passant par Isaac Rosa ou Sara Mesa, tous les jeunes talents de la littérature ibérique en conviennent : Rafael Chirbes était « le » grand écrivain de la crise espagnole. Et bien au-delà. Le peintre de la débâcle européenne actuelle.Né en 1949 près de Valence, Chirbes avait perdu son père, cheminot, à l’âge de 4 ans. Sa mère, modeste garde-barrière, ne pouvant s’occuper de lui, le jeune et précoce Rafael avait été envoyé dans un établissement pour orphelins du chemin de fer. A Avila d’abord, puis à Léon et à Salamanque. Dans ces endroits austères — il décrivait des pensionnats froids dans des paysages granitiques enneigés —, l’écriture n’allait pas tarder à devenir son seul refuge.En janvier, Chirbes était passé à Paris. Nous l’avions rencontré, près de Notre-Dame, et il ne cachait pas son émotion. « J’ai vécu un an en France en 1969, racontait-il dans un français parfait. A 20 ans, j’ai quitté l’Espagne franquiste, irrespirable, pour le Paris d’alors, le Paris des intellectuels qui à l’époque faisait rêver. Je voulais respirer, lire Marx, Lénine, Sartre, aller au cinéma voir Le Cuirassé Potemkine et La Bataille d’Alger. » Il disait aussi comment, pendant la transition démocratique, il s’était senti « mal à l’aise » dans son pays. Après des études d’histoire, il avait refait ses valises, direction la France puis le Maroc. Il était devenu libraire, professeur, secrétaire de rédaction dans la presse du cœur, critique gastronomique, critique littéraire… sans jamais abandonner l’écriture romanesque.Lire aussi :Rafael Chirbes, les pépites et la boue« Je n’aime pas qu’on me cajole »« Si je devais trouver une formule, je dirais qu’il est l’écrivain des ombres », résume joliment son éditrice chez Rivages, Nathalie Zberro. « Par exemple, Franco en lui-même ne l’intéresse pas. C’est l’ombre qu’il a continué à projeter sur son pays qui devient un sujet pour Chirbes. Quelle est la portée intime de l’événement ? Que signifie vivre, aimer ou rire après la dictature ? Quelles sont les implications profondes, humaines, dans la conscience de chacun ? »L’œuvre de Chirbes est totale. Elle parle d’histoire, de faille économique, mais aussi de sexualité, d’amour, des bars qui sont les derniers lieux du lien social, de la décomposition des cadavres, de la mémoire qui s’effrite comme les illusions politiques. « “Chirbes contra Chirbes”, c’est ainsi qu’il définissait sa position de romancier, ajoute Nathalie Zberro. La gauche bien sûr, mais aussi le camp d’en face. Il se faisait un devoir de traiter avec la même acuité tous les sujets qui passaient par le filtre de sa création. Il ne voulait pas devenir le symbole d’un parti et prenait garde d’éviter les cases réductrices, de cultiver les paradoxes. » Chirbes disait d’ailleurs : « Quand je lis un livre, je n’aime pas qu’on me cajole comme un chat. Mais si on me prend à rebrousse-poil, alors, là, ça commence à m’intéresser. »Florence NoivilleJournaliste au Monde 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine), envoyé spécial) En mai et juin 2008, le groupe américain Sparks des frères Ron et Russell Mael avait joué sur scène, à Londres, l’ensemble de ses albums dans l’ordre chronologique. Un par soirée, soit vingt et un concerts pour autant de disques, depuis le premier, sous le nom Halfnelson, produit par Todd Rundgren et sorti en 1971, jusqu’à leur dernier d’alors. Sparks poussait ainsi au plus loin cette vogue qui depuis quelque temps menait de nombreux groupes à interpréter sur scène leurs enregistrements les plus connus dans leur intégralité. Ces derniers temps, Patti Smith joue ainsi Horses, sorti en décembre 1975, et The Rolling Stones ont refait Sticky Fingers, qui date d’avril 1971.A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), c’est plus modestement et en accord avec sa ligne rock indépendant que La Route du rock a commencé sa 25e édition, jeudi 13 août, avec la présentation de Neon Golden de The Notwist. Un concert organisé à La Nouvelle Vague, salle un peu à l’écart du centre-ville.Sorti en janvier 2002, le cinquième album du groupe allemand a été un peu celui de leur révélation à un public plus large, tout en restant assez spécialisé. Ceux qui sont à La Nouvelle Vague en connaissent dans leur majorité le contenu. Et réagissent de manière positive à une interprétation qui tout en collant à l’original densifie, réinterprète parfois les dix compositions de l’album. En bonus la chanson « Different Cars and Trains » s’insère dans la chanson-titre « Neon Golden » pour ce qui restera le moment le plus mémorable de ce retour au passé de The Notwist, dans sa part pop et rock, un rien psychédélique, parsemée de striures électroniques. Avec la prestation toujours habitée, troublante, partant dans des improvisations vocales qui sont autant d’histoires de son quotidien, du tendre au tragique, du chanteur et guitariste Mark Kozelek, venu avec son groupe Sun Kil Moon, le festival prenait ainsi un fier envol.Vidéo de la chanson « Pick Up The Phone », extraite de l’album « Neon Golden » (2002) de The NotwistLe lendemain, vendredi 14 août, direction le fort de Saint-Père, à une vingtaine de minutes en bus au nord de Saint-Malo, lieu principal de La Route du rock jusqu’au 16 août. D’abord pour y vérifier le résultat des nécessaires travaux d’aménagement du site faits depuis le début de l’année. Avec son sous-sol en terre argileuse qui retient l’eau, la grande cour du fort et ses abords devenaient une baignoire boueuse dès qu’il y avait de fortes précipitations. Le creusement du sol, qui a été empierré, et l’installation de fosses de collectage des eaux étaient les principaux chantiers, avec la pose de conduits enterrés permettant de faire passer des câbles techniques.La journée de vendredi ayant connu des pluies régulières depuis le matin jusqu’à la fin de l’après-midi, un évident très gros mieux était constaté. Si le chemin qui mène au fort reste glissant et que quelques flaques subsistent sur le site, l’essentiel de la surface qui accueille les deux scènes et les boutiques est nettement mieux praticable. Des travaux qui ne concernent d’ailleurs pas que les festivaliers, mais qui bénéficieront aux visiteurs à l’année du fort, dont la commune souhaite développer les possibilités (concerts réguliers, foires commerciales…).Les organisateurs ont aussi repensé la géographie du site festivalier. Et notamment le goulot d’étranglement que constituait la petite scène, dite « des remparts », qui avait été installée sur la droite de la grande scène, près de l’entrée/sortie du public. Elle lui fait désormais face, avec un double passage plus large qui permet une fluidité des déplacements. On passe ainsi aisément de Wand, qui ouvrait la soirée de vendredi, au Thurston Moore Band, de Fuzz à Algiers puis à Timber Timbre, etc.Wand, donc, quartette californien pour le premier concert de sa tournée européenne, qui se révéla plutôt brouillon dans une option beaucoup de bruit pour pas grand-chose de très probant. Seul mérite, celui de donner la couleur musicale de la première partie de la soirée. Guitares en avant, rythmique très rock avec ensuite le groupe de Thurston Moore puis Fuzz et Girl Band. Moore, cofondateur de Sonic Youth (1981-2011) peut désormais figurer en sorte de parrain de nombre de groupes donnant dans le trio stylistique garage-punk-grunge. L’expérience en plus, l’attention aussi au geste musicien, dans une approche rock presque classique (« Forevermore », « The Best Day »…). Le finale d’« Aphrodite » sera, lui, c’est dommage, trop long et redondant dans ses effets bruitistes, évocation guère utile du passé le plus furieux des premiers temps de Sonic Youth.La chanson « The Best Day », extraite de l’album du même nom de Thurston Moore, paru en octobre 2014Le groupe Fuzz de Ty Segall, où il joue de la batterie, laisse, lui, perplexe. Le multi-instrumentiste et chanteur californien apparu au milieu des années 2000 enregistre beaucoup, multiplie les projets, explore de nombreux styles. Là, dans un gros son, lourd, avec excès d’effets de déformation de la voix, de la guitare et de la basse, Fuzz accumule des citations des univers musicaux de Jimi Hendrix et des précurseurs britanniques du heavy metal Black Sabbath. Sans rien en faire, ce qui est vite lassant d’inintérêt.Tout le contraire d’Algiers, groupe venu d’Atlanta, qui d’une certaine manière constitue un prologue à la seconde partie de la soirée, plus électro (Ratatat, Rone). Ici, le travail sur les formes musicales, la confrontation des genres aboutit à un propos créatif. Avec des éléments de gospel et de soul qui viennent nourrir des plages sombres, tendues et des éclats punk. En point de mire, le chanteur Franklin James Fisher, corps musicien, et le bassiste Ryan Mahan, qui se frappe la poitrine, déambulent. Scéniquement intense et le moment le plus fort de la nuit.La vidéo de la chanson « Black Eunuch », d’Algiers, extraite de leur album « Algiers », sorti en juinLa Route du rock, à Saint-Malo et Saint-Père. Prochains concerts : Foals, The Soft Moon, Lindstrom, Hinds, Daniel Avery… le 15 août ; Father John Misty, Savages, Ride, The Districts… le 16 août. 39,50 € par jour.Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine), envoyé spécial)Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Vendredi 28 août, par le seul recours à une fantaisie country jouée au banjo durant deux minutes, John Butler a transformé l’étendue herbeuse devant la grande scène du festival Rock en Seine en grand espace non pas américain, mais australien. Peu après, le même John Butler va tenir silencieux la bonne dizaine de milliers de festivaliers durant un long moment grâce à sa guitare à douze cordes, avant qu’une ovation ne vienne le récompenser pour sa virtuosité évidente, mais surtout pour la musicalité.Jeu collectifDepuis le début des années 2000 le guitariste et chanteur australien se produit le plus souvent en trio accompagné d’un bassiste et d’un batteur, avec un répertoire dont l’ancrage est à trouver dans la country, le folk-rock, avec un rien de funk et parfois une petite virée reggae. Les gros plans de la captation diffusée sur les écrans des deux côtés de la scène montrent une main droite aux ongles épais et longs. La prise de main gauche dessine des muscles qui doivent avoir la densité de l’acier trempé. Son glissé au bottleneck – un tube de verre ou d’acier inséré dans l’un des doigts pour un effet d’allongement du son – est des plus emballants. Et s’il y a aux pieds du musicien un appareillage de pédales d’effets, c’est bien par le corps, les doigts tous mis en jeu, que surgit la musique.Aux côtés de Butler, on trouve le bassiste, contrebassiste et un peu claviériste Byron Luiters et le batteur Grant Gerathy. Dans la tradition des jam bands (terme qui désigne les formations rock qui, comme dans le jazz, insèrent de plus ou moins longues parties improvisées), le jeu est collectif, le solo pris par l’un ou l’autre au gré de ce que l’environnement, le moment appelle. Loin de laisser filer les choses durant des heures ou de s’appuyer sur des chansons bien construites, le trio fait la différence, dans un domaine qui se laisse souvent aller à la complaisance.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 28.08.2015 à 10h21 | Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Ce mois d’août aura décidément été chargé en déclarations et annonces concernant Michel Houellebecq. Mais la dernière en date est venue alléger une atmosphère plutôt lourde en polémiques : l’écrivain concevra une exposition au Palais de Tokyo à l’été 2016.Ce nouveau projet a été annoncé, mercredi 26 août dans la soirée, par Jean de Loisy, le président du centre d’art contemporain parisien, lors d’une présentation générale de la programmation des prochains mois. Baptisée « Rester vivant », titre qui reprend celui d’un des premiers essais de l’écrivain, publié en 1991, l’exposition se tiendra du 23 juin au 12 septembre 2016 et se déploiera sur 1 500 m².Un roman « cinématique »Ce ne sera pas une exposition « sur » Michel Houellebecq, prévient Jean de Loisy, mais « une exposition inventée par lui, composée de photos, mais aussi d’installations et de films, ainsi que d’invitations à de nombreux artistes, comme Iggy Pop ou Robert Combas. »« Ce sera le monde de Michel Houellebecq, vous passerez de salle en salle et un roman va se constituer dans votre tête, accompagné par des images et des sons. Vous aurez traversé une aventure de Michel Houellebecq », a encore détaillé le président du Palais de Tokyo, qui qualifie ce futur dispositif de « cinématique ».Toujours selon Jean de Loisy, qui connaît l’écrivain « depuis vingt-cinq ans », ce dernier est « un des artistes les plus marquants en photo ». Il ne s’agira d’ailleurs pas de la première exposition de celui qui multiplie les incursions dans tous les domaines artistiques – à la fois romancier, poète et essayiste, mais également réalisateur (La Possibilité d’une île, en 2008), acteur (dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq, de Guillaume Nicloux, et Near Death Experience, de Gustave Kervern et Benoît Delépine, deux films sortis en 2014) ou encore chanteur (Présence humaine, en collaboration avec Bertrand Burgalat, en 2000).Une précédente expositionDe novembre 2014 à janvier 2015, l’artiste avait, en effet, présenté « Before Landing » au Pavillon Carré de Baudouin, espace culturel géré par la mairie du 20e arrondissement de Paris, une exposition qui faisait écho à la vision satirique de la France développée dans La Carte et le Territoire, son roman prix Goncourt 2010.Lire la critique de l’exposition : Houellebecq photographe, sans ménagement pour le territoireElle avait été fermée le 8 janvier, au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo, qui était aussi le jour de la sortie de son dernier roman, Soumission, particulièrement sujet à controverses.Cette annonce est donc venue en quelque sorte refermer une parenthèse estivale qui fut éminemment plus polémique. Alors que deux grandes séries lui ont été consacrées dans la presse, tout au long du mois d’août – un ensemble de cinq entretiens réalisés par Le Figaro Magazine, et les « Six vies de Michel Houellebecq », une longue enquête du Monde –, il aura multiplié les attaques contre ce travail explorant son univers et les moments clés de sa vie, suscitant l’incompréhension.Lire aussi la série « Six vies de Michel Houellebecq » : La tour et le territoire (1/6), Un gourou à « 20 ans » (2/6), Le procès verbal (3/6), Le corps à l’ouvrage (4/6), Trois jours et deux nuits au monastère (5/6) et 7 janvier, la collision tragique (6/6)Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Mardi 25 août – au lendemain d’une série de drames à Palmyre, en Syrie, avec la décapitation de Khaled Al-Asaad, ancien directeur du site archéologique, et la destruction à l’explosif du temple de Baalshamin, par les djihadistes de l’Etat islamique (EI) – François Hollande réitérait la volonté de la France exprimée, six mois plus tôt au Louvre, de « tout faire » pour « protéger les trésors » du patrimoine syrien et irakien. « Comment agir ? [Que] pouvons-nous faire pour la sauvegarde du patrimoine et de la culture ? », avait-il alors demandé à Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée parisien, en le chargeant d’une mission d’expertise.Lire aussi :A Palmyre : « Ils ont tué l’archéologue ! »Aux ambassadeurs, réunis mardi pour leur rendez-vous annuel de fin d’été, M. Hollande répétait l’engagement pris le 18 mars, après les destructions des antiques cités de Nimroud et Hatra en Irak, l’ancienne Mésopotamie. M. Hollande s’était aussi engagé à ce que « les jeunes archéologues puissent poursuivre leur travail en étroite collaboration avec les universités françaises. La France accueillera ainsi des doctorants irakiens qui viendront compléter leur cursus et leurs travaux de recherche ».Lire aussi :A Palmyre, le temple de Baalshamin détruit à l’explosif par les djihadistes Enjeu prioritaireCinq mois plus tard, ce sont les tracasseries administratives liées aux permis de séjour des scientifiques accueillis en France, dans le cadre de travaux de recherche ou de stages, qui freinent cette coopération.Vincent Guichard, directeur général du Centre d’archéologie européenne de Bibracte, dans le Morvan, s’en désole : « Aucune procédure n’est organisée, on dépend de personnes de bonne volonté. » Sans anges gardiens, les dossiers n’aboutissent pas. « L’afflux des collègues scientifiques du Moyen-Orient est d’une telle ampleur que nos moyens ne suffisent pas, et il n’y a pas assez de postes sur les budgets. On fait du bricolage », reconnaît M. Guichard.Le cas d’Houmam Saad, brillant archéologue syrien de 36 ans, auteur d’une thèse intitulée « Représentation humaine dans les tombes de Palmyre », est édifiant. En avril 2014, il est accueilli au Louvre au sein du département des Antiquités orientales, pour un stage de six mois, grâce à une bourse du ministère de la culture. L’archéologue a ensuite poursuivi ses recherches, pendant neuf mois, au laboratoire d’archéologie Aoroc de l’Ecole normale supérieure (ENS). Pour repousser son retour en Syrie, il vient d’obtenir un nouveau contrat à l’université de Paris-IV.Mais le parcours du combattant de M. Saad n’est pas terminé. Malgré un visa scientifique, qui l’autorise à travailler, et son contrat de travail, il doit renouveler tous les deux mois les formalités de permis de séjour. A chaque fois, les services de l’immigration le font revenir pour des documents manquants.Béatrice André-Salvini (département des antiquités orientales du Louvre) : « Il est très important qu’il ne manque pas toute une génération de spécialistes en Syrie »Comme si les injonctions du président français étaient restées lettre morte. Le caractère interministériel de la décision présidentielle semble ignoré. Vincent Guichard le regrette : « Ces scientifiques sont à notre disposition pour lutter contre le trafic illicite international nourri par le pillage sauvage des sites archéologiques, ils connaissent parfaitement les collections d’objets de l’Antiquité. » L’enjeu est prioritaire pour M. Hollande.Pour Béatrice André-Salvini, directrice honoraire du département des antiquités orientales du Louvre, la collaboration entre les équipes françaises, syriennes et irakiennes est un enrichissement pour les scientifiques des trois pays. Cette spécialiste, qui a arpenté la région pendant plus de trente ans, rappelle que les liens noués entre les personnels scientifiques des deux pays avec la France ne datent pas d’hier.« En 2009-2010, un très gros programme de coopération avec la Syrie a été signé au niveau des musées et de la recherche, rappelle-t-elle. Au Louvre, les trois stagiaires accueillis en 2014 ont participé totalement à la vie du musée. Il faut continuer à former les jeunes. Il est très important qu’il ne manque pas toute une génération de spécialistes en Syrie. Et cela permet de jeter les bases d’une collaboration encore plus étroite. Le régime politique n’influe pas sur la culture. Le patrimoine, c’est le patrimoine. »L’archéologue francophone Maamoun Abdulkarim, directeur général des antiquités et des musées syriens, qui a fait sa thèse en France sur « Les Villes mortes de la Syrie du Nord », est aujourd’hui salué par la communauté scientifique internationale pour son courage et son travail de mise à l’abri des collections des musées syriens. « Il reste debout et il continue à défendre corps et âme le patrimoine culturel de son pays », clame Mounir Bouchenaki, directeur du Centre régional arabe pour le Patrimoine mondial de l’Unesco.Lire aussi :Destruction des vestiges de Palmyre : « La sauvagerie de l’EI est totale » Numérisation du patrimoine antique en dangerDans la lettre de mission d’expertise adressée à M. Martinez, M. Hollande précise : « Les conflits qui ravagent aujourd’hui la Syrie ou l’Irak ont des conséquences irrémédiables sur des patrimoines parfois millénaires (…) des biens communs de l’humanité. La France est déjà mobilisée. (…) Mais il faut aller plus loin (…), je souhaite (…) des recommandations concrètes et opérationnelles sur les initiatives et actions que la France devrait, selon vous, engager. »Le rapport de M. Martinez et ses propositions sont attendus en octobre. D’ores et déjà, le patron du Louvre a lancé un projet de numérisation du patrimoine antique en danger de la Syrie et de l’Irak, financé par le ministère de la culture, sous la direction de Francis Johannès, directeur de recherche au CNRS. Deux doctorants, Louise Quillien et Mustapha Djabellaoui, ont été chargés de numériser les œuvres majeures des collections mésopotamiennes du Louvre, dont le Code d’Hammourabi, l’un des tout premiers codes législatifs de l’Histoire. La même opération pourrait être réalisée au Musée national irakien de Bagdad.Ce travail, commencé par les Allemands, constituerait un premier pas vers la numérisation de toutes les archives de fouilles et trésors de l’ancienne Mésopotamie, dispersés dans le monde entier. Reste à protéger les sites eux-mêmes de la destruction, un objectif qui ne mobilise pas la coalition internationale qui lutte contre l’EI.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.08.2015 à 13h14 • Mis à jour le28.08.2015 à 07h25 Préparé dans le plus grand secret, entaché d’une guerre de succession, vilipendé par l’intelligentsia suédoise… Le quatrième tome de la saga Millénium, qui paraît jeudi 27 août dans une trentaine de pays, n’est pas sorti dans la discrétion.En filigrane de cette nouvelle querelle littéraire, l’héritage moral et financier du journaliste et écrivain suédois, Stieg Larsson, mort d’une crise cardiaque en 2004. Il n’aura pas connu le succès phénoménal qu’a rencontré son œuvre – 80 millions d’exemplaires vendus et plusieurs adaptations cinématographiques. Ce quatrième tome a été écrit par un autre auteur, David Lagercrantz, dans un mystère savamment entretenu.Lire la critique :« Ce qui ne me tue pas », le retour réussi de la saga « Millénium »Une sortie sous haute sécuritéLa maison d’édition Norstedts a tout fait pour éviter que des pages du livre ne fuitent avant sa sortie officielle. « On a vu la manière dont Sony Pictures a été piraté en 2014 et on ne voulait pas l’être », a expliqué à l’AFP une porte-parole de l’éditeur, Linda Altrov Berg. David Lagercrantz a donc dû utiliser deux ordinateurs pour concevoir son manuscrit : l’un connecté à Internet, pour effectuer des recherches, et l’autre sans connexion, pour rédiger sans risque de piratage. Il affirme même, dans les colonnes du Point, avoir imaginé avec son éditeur un « langage codé » pour échanger par SMS.Une fois le livre écrit, seules quelques personnes ont eu accès au manuscrit, après avoir signé des accords de confidentialité. Le livre a été envoyé par coursier aux traducteurs et aux maisons d’édition à l’étranger – hors de question de les transmettre par voie numérique. Les traducteurs eux-mêmes ont été contraints de travailler sur des ordinateurs non connectés. Aucune information n’a filtré sur le contenu du livre jusqu’au jour de sa sortie.Des conditions strictes, qui ont « augmenté le coût », a souligné la porte-parole de l’éditeur. Mais la médiatisation de ces conditions de sécurité, savamment orchestrée, répond aussi aux exigences d’une vaste opération de communication, renforçant l’attente entourant cette sortie.La fronde des critiques littéraires Si ces grandes manœuvres seront peut-être couronnées de succès en librairie, elles ont clairement agacé plusieurs critiques littéraires, frustrés de ne disposer d’aucune information sur l’ouvrage avant sa sortie. Seuls quelques rares journalistes ont été autorisés à lire le livre de cinq cents pages avant jeudi, les autres devant se contenter d’un court résumé de l’histoire.Le quotidien de référence danois Politiken a notamment refusé un entretien avec l’auteur, au motif que son journaliste n’avait pas eu l’autorisation de lire le livre avant. « Normalement, nous ne parlons jamais à un auteur avant d’avoir d’abord lu son livre. Nous voyons cela comme faisant partie de notre éthique professionnelle », a expliqué le chef de rubrique culture de Politiken, Jes Stein Pedersen, à la radio suédoise SR.Un point de vue auquel n’est pas insensible l’auteur lui-même. Dans un entretien au quotidien suédois Göteborgs-Posten, David Lagercrantz évoque une situation « absurde » :« Je suis du côté des journalistes, là-dessus. J’ai moi-même un passé de reporter et je suis habitué à être de votre côté de la barrière. Je serais moi-même bien emmerdé pour savoir si j’aurais accepté ces conditions-là. »Guerre de successionCes nouvelles polémiques viennent s’ajouter au conflit qui agite, depuis quelques années, l’entourage de l’auteur des trois premiers volumes, Stieg Larsson. Son ancienne compagne, Eva Gabrielsson – avec qui il a vécu une trentaine d’années jusqu’à sa mort – a été écartée de sa succession, au motif que tous deux n’étaient pas mariés. Le père et le frère de l’écrivain, Erland et Joakim Larsson, sont ses héritiers officiels et ont pu bénéficier des fruits du succès de la trilogie Millénium.Malgré plusieurs tentatives de négociation avec la famille de Stieg Larsson, Eva Gabrielsson a échoué à trouver un terrain d’entente. Dans un entretien au Monde, elle clarifiait sa démarche :« J’insiste, car je ne veux pas d’ambiguïté, je demandais uniquement la gestion des droits moraux de l’œuvre de Stieg afin qu’elle ne devienne pas une industrie. Je n’ai jamais voulu en être propriétaire. »Opposée à la publication du quatrième tome de « Millénium », elle dénonce une simple opération commerciale :« J’imagine que Norstedts, l’éditeur suédois, avait désespérément besoin d’argent, malgré l’énorme profit engendré par “Millénium”. […] On dit que les héros doivent continuer à vivre. Mais c’est des conneries, parce qu’en fait, c’est une histoire d’argent. On a une maison d’édition qui a besoin d’argent et un écrivain qui n’a rien d’autre à écrire que de copier les autres. »La famille de Stieg Larsson a annoncé que sa part des recettes serait entièrement reversée au magazine antifasciste Expo, créé par Stieg Larsson.Eva Gabrielsson a, en outre, déploré que David Lagercrantz ait été retenu pour rédiger ce quatrième tome. Issu des milieux aisés, il n’aurait, selon elle, aucun point commun avec Stieg Larsson, militant d’extrême gauche, antifasciste et d’origine provinciale. « Mon cœur saigne pour elle et tout ce qu’elle a vécu, a répondu David Lagercrantz. Mais ça ne sert à rien de me transformer en cliché au prétexte que je viens des beaux quartiers. »Lire aussi :Eva Gabrielsson : « Je ne voulais pas que “Millénium” devienne une industrie »L’intelligentsia suédoise boycotte « le pillage d’une tombe » En Suède, plusieurs personnalités se sont ralliées au combat d’Eva Gabrielsson et ont appelé au boycott du quatrième tome. L’auteure suédoise Kristina Ohlson a ainsi qualifié cette parution de « dégueulasse » tandis que, dans le quotidien suédois Dagens Nyheter, des amis d’enfance de Stieg Larsson ont évoqué « le pillage d’une tombe ».L’éditeur s’est défendu de ternir la mémoire de Stieg Larsson, David Lagercrantz n’ayant, selon la porte-parole de Norstedts, rien d’un « nègre qui a imité la voix de Stieg. C’est son livre à lui ». Quant à l’accusation de ne s’intéresser qu’à l’appât du gain, Mme Altrov Berg a répondu : « Chaque maison d’édition dans le monde publie des livres pour gagner de l’argent. Ce ne sont pas des entreprises de bienfaisance. » Nostedts affirme ne pas avoir encore réfléchi à la possibilité d’un tome 5. En attendant, 2,7 millions d’exemplaires du tome 4 ont déjà été imprimés. Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 27.08.2015 à 09h22 • Mis à jour le27.08.2015 à 09h31 | Francis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin)) Pas à un paradoxe près, le festival Météo à Mulhouse ouvre ses portes par le blues. « Blues attitude » et corps compris, en la personne de James Blood Ulmer : coiffe africaine, complet, boots écaillées, monture de lunettes dans la même tonalité blonde que sa Gibson millésimée 1962. Voilà quelques années qu’il ne voyage plus avec son trésor, la Byrdland noire 1953 avec laquelle il accompagnait Ornette Coleman dès 1971.De quoi remettre en place tous les clichetons – et sur le blues, et sur le jazz, et sur le free jazz. Ce qui a toujours marqué l’objectif du remarquable festival Météo, à qui il faudrait, Sisyphe de la musique improvisée, inlassablement faire ses preuves. Un exemple ? Les stages de Météo sont confiés à Beñat Achiary, vocaliste des vallées, et Fred Frith, aventurier de la six–cordes. Les connaisseurs apprécieront : pour qui prendrait Météo pour un festival de « djazz », ce serait comme confier naguère le stage de poterie à Basquiat et Rebeyrolle.Rodolphe Burger et la bande de StrasbourgJames Blood Ulmer est né le 2 février 1942 à Saint Matthews, Caroline du Sud. Guitariste et chanteur de blues, ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il fend l’orthodoxie de transgression. Tous le font, en vérité, mais l’industrie du disque et du spectacle se chargent de les recadrer. Lui, il est rare de l’entendre en solo. Exercice que lui a offert pour la première fois Rodolphe Burger, chanteur et guitariste de Kat Onoma, la bande de Strasbourg.L’épouse autrichienne de James Blood Ulmer guide ses pas. Rodolphe Burger l’escorte : ils ont joué ensemble. Là encore, on n’est plus dans les espaces à deux dimensions plan-plan. Diplômé en philosophie, Rodolphe Burger a animé un séminaire très suivi, au collège de philosophie, sur « la question du lyrisme ». Sinon, c’est un type au sourire très doux, un corps de bûcheron au visage d’ange.A la guitare, il a un jeu d’Edelweiss, le sublime planeur millésimé 1962 comme la Gibson de notre bluesman, et l’amour des réverbérations : accompagnant aussi bien Eugène Savitzkaya, qu’Erik Truffaz, Bashung, Alferi, Higelin, Teyssot-Gay ou James Blood Ulmer. A Sainte-Marie-aux-Mines, il crée en 2000 le festival C’est dans la vallée, confrontant musiques électroniques, blues, jazz, rock, tout ce qui échappe. En mars 2010, il donne son Cantique des cantiques & hommage à Mahmoud Darwich, pour Bashung et le poète palestinien ensemble. Bluesman des profondeurs du sudToutes ces digressions pour saisir la philosophie, je pèse mes mots, qui préside à Météo depuis quarante ans, sous la houlette de Paul Kanitzer, puis Adrien Chiquet, et, désormais, Fabien Simon. Météo, un des signes culturels majeurs de Mulhouse avec le musée de l’automobile et celui du train : son ouverture par James Blood Ulmer en solo a valeur de signe.Sans doute, sa carrière classique plaide pour lui – Jazz Messengers, d’Art Blakey, John Patton ou Larry Young, organistes B3, Joe Henderson –, mais on y croise aussi Rashied Ali, le dernier batteur de Coltrane, Paul Bley, l’initiateur majeur, Sam Rivers ou Julius Hemphill.Sans qu’il change rien à son jeu de bluesman des profondeurs du sud (Charleston, dont on a péniblement eu à parler ces derniers temps, est une des grandes villes de la Caroline du Sud), James Blood Ulmer est pourtant de quatre cents coups atypiques. Notamment aux côtés d’Ornette Coleman, dont la pratique, de l’« harmolodie », théorie qui continue de faire rire les demi-niais, lui va comme un gant. La musique traquée à la source de la pensée, à sa vitesse même, et par temps de chance, capable de la rattraper. Voir Free Jazz, d’Ornette Coleman en double quartet, et toute la musique palpitante de ces soixante dernières années. Voix rauque et veloutéeEn une longue suite de douze chansons, style de récitatif à la voix rauque et veloutée, James Blood Ulmer enchaîne My Woman, Harmolodic Kisses (pour Ornette), Devil (pour Robert Johnson), quelques airs cruellement autobiographiques avec le sourire (It’s a Damn Shame, Where did All The Girls Come from), un fragment d’histoire, méli-mêlo de compositions de Muddy Waters, B.B. King et Eric Clapton (Survivors of the Hurricane), plus deux mystères, President of Hell et Are You Glad to be in America. Tout d’une tension et d’un trait impressionnants, la grâce même, surtout dans un petit théâtre à l’italienne (Théâtre de la Sinne), l’écrin adéquat.Ulmer, c’est de cette trempe. La vérité, l’atroce et douce vérité du blues, dans un recueil aux airs de Fleurs du Mal, avec Ornette et Rodolphe Burger en épigraphe. Le blues, c’est la forme sophistiquée la plus simple d’apparence et la plus productive du monde. Comme le sonnet, de Shakespeare à Marcel Thiry. Pas de jazz sans le blues, même s’il y a du blues sans jazz. Qu’il porte à bout de bras Météo, dont la fermentation remonte aux années 1968 et la première édition (en 1986), Jazz à Mulhouse, est la meilleure nouvelle des derniers festivals de l’été. Ici défilent les défricheurs de toute l’Europe du nord, les Britanniques, les bizarres, les extravagants, les hétérodoxes, ceux qui ont la peau dure et la langue hors la poche, les sans étiquettes, les trublions, les turbulents, comme un ciel d’Alsace : cette promesse de la météo.Concerts dans plusieurs salles : Okkyoung Lee Solo (violoncelle) à la Chapelle Saint-Jean à 12 h 30, Olivier Benoit et Guionnet duo + Martin Brandlamyr solo à l’Entrepôt (17 h 30 et 18 h 30), soirée free (Rebetika, Evan Parker, Barry Guy, Caspar Brötsmann) à l’ineffable Noumatrouff, salle rock (27 août) ; Evan Parker electroacoustic Nonet, Fred Frith & Lotte Anker, James Chance & Les Contortions (28 août) ; Fred Frith, Barry Guy, Daniella Cativelli, Samuel Düshler, plus Onom Agemo & The Disco Jumpers à partir de minuit (29 août). www.festival-meteo.frFrancis Marmande (Mulhouse (Haut-Rhin))Journaliste au Monde Macha Séry Double plaisir de la franchise. Il serait tentant de honnir la suite de la saga Millénium. Par prévention contre l’auteur, David Lagercrantz, qui aurait impudemment mis ses pas dans ceux d’un fantôme, le dénommé Stieg Larsson. Quand les ayants droit d’Agatha Christie ont attendu près de quarante pour autoriser une nouvelle aventure d’Hercule Poirot (Meurtres en majuscules, de Sophie Hannah, Le Masque, 2014), ceux du journaliste et écrivain suédois Stieg Larsson, mort d’une crise cardiaque en 2004, ont sauté le pas, à peine onze ans plus tard.En outre, les décisionnaires de ce prolongement romanesque sont les héritiers légaux mais illégitimes, motivés sans doute par le profit, quoiqu’ils aient affirmé qu’ils reverseraient les droits d’auteur à Expo, la revue que Larsson avait cofondée avec sa compagne, Eva Gabrielsson, dont il a partagé la vie pendant trente-deux ans. Spoliée, faute d’être mariée, des fruits du succès que constitua, après sa mort, la publication de la trilogie Millénium (80 millions d’exemplaires vendus dans le monde), qui lança la vogue pour le polar nordique, elle fut surtout privée de toute autorité morale sur l’œuvre d’un homme dont elle avait partagé idéaux et passions.Lire aussi :Eva Gabrielsson : « Je ne voulais pas que “Millénium” devienne une industrie »Lisbeth Salander à l’assaut de la NSAPar solidarité, une partie de l’intelligentsia suédoise appelle, de ce fait, à boycotter ce quatrième tome, qui sort jeudi 27 août simultanément dans trente pays. Sauf que, sauf que… Ce qui ne me tue pas (presque un slogan pour conjurer les critiques et les anathèmes), de David Lagercrantz, est un livre réussi. Tout en se tenant écarté de l’imitation stylistique, il ne trahit pas l’univers romanesque de Stieg Larsson. On retrouve ici la révolte contre l’injustice, la quête de vérité face à un mensonge soigneusement entretenu, le devoir de transparence face à l’opacité des réseaux criminels et des conspirations politiques.Lagercrantz a choisi comme trame principale l’espionnage technico-industriel et la surveillance électromagnétique (téléphone et Internet), conduits à grande échelle par l’organisme fédéral du renseignement américain, la National Security Agency (NSA), dont Lisbeth Salander va pirater l’intranet. Elle va, autrement dit, voler l’or de Fort Knox. Les « grandes oreilles » des Etats-Unis enregistrent chaque jour vingt millions de messages échangés à travers le monde. Or, « celui qui surveille le peuple finit à son tour par être surveillé par le peuple », prévient l’héroïne. Autre motivation : s’approprier les données dont l’agence de contre-espionnage dispose pour pister un réseau criminel.La même révolteIl fallait, pour réussir l’hommage à Stieg Larsson, un sujet fort, ancré dans l’actualité et le débat d’idées. Si différents soient-ils, Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist, tels qu’on les a découverts il y a dix ans, partagent la même révolte et un fort sentiment de responsabilité citoyenne. Doit-on sacrifier une partie de nos libertés individuelles par peur du terrorisme ? Qui est en mesure de garantir que l’exploitation des données ainsi obtenues ne sera pas frauduleuse, voire meurtrière ?Ici, un éminent chercheur suédois, spécialiste de l’intelligence artificielle, petit génie des codes-sources et des réseaux neuronaux, idole des geeks, quitte précipitamment la Silicon Valley et rentre au pays. La raison ? S’occuper de son fils de 8 ans, lourdement handicapé, qu’il a délaissé de nombreuses années. Il omet de se formuler à lui-même qu’il fuit les tracas. Il a en effet découvert que, dans la société pour laquelle il travaille, certains spécialistes ne sont ni plus ni moins des voleurs et des plagiaires, liés à une organisation criminelle.« Assis sur une bombe »Avec la complicité d’hommes politiques, pour attiser les conflits sociaux et les tensions communautaires, les chefs de ce mystérieux réseau emploient sur le terrain d’anciens soldats d’élite. A terme, ils envisagent de porter atteinte aux intérêts économiques nationaux. En clair, l’homme est « assis sur une bombe ». La nuit où il doit rencontrer Mikael Blomkvist afin de lui faire part de ses inquiétudes, il est trop tard. Il vient d’être abattu à son domicile et son ordinateur confisqué.Outre une narration efficace, David Lagercrantz manie bien l’entrelacs de scènes et l’alternance des points de vue. Il brosse également des portraits convaincants. L’un des plus touchants est celui du garçonnet, autiste, reclus dans son mutisme et unique témoin du meurtre de son père.L’auteur de l’autobiographie de ZlatanDavid Lagercrantz, l’auteur de ce thriller, a une carrière de romancier en Suède, mais n’a jamais été traduit à ce titre en France. Il s’est surtout taillé un nom en signant Moi Zlatan Ibrahimovic. Mon histoire racontée à David Lagercrantz (JC Lattès, 2013), autobiographie du joueur vedette du PSG, qui fut en lice pour le… Goncourt suédois et s’exporta partout.Une suite littéraire envoie toujours des signaux contraires. D’un coté, les romanciers qui s’y emploient, admirateurs de l’œuvre de leur aîné(e), trouvent là un moyen de payer leur dette en reprenant le flambeau. De l’autre, c’est aussi reconnaître que l’art est industrie, que Millénium est, de facto, devenue une marque déclinable, à l’écrit comme à l’écran.SoulagementEn ce sens (commercial), il y a précisément un plaisir de la franchise : conjuguer les retrouvailles, donc le connu, à la découverte d’une intrigue imprévisible, ici souvent haletante. Les fans d’un écrivain éprouvent une singulière satisfaction lorsqu’ils reçoivent, après un long silence, des nouvelles de personnages aimés.Comment ne pas continuer d’adorer le tandem d’intransigeants formés par la punkette, hackeuse de génie, et la gloire vieillissante du journalisme d’investigation ? Lagercrantz va même plus loin en remettant en scène — presque en selle — des caractères secondaires, auxquels on s’est aussi attaché : la rédactrice en chef Erica Berger, l’inspecteur Jan Bublanski (qui a pris du grade) et sa proche partenaire Sonja Modig, le policier Hans Faste, le procureur Richard Ekström, Plague de la Hacker Republic...Au passage, le romancier poursuit l’interrogation sur l’évolution de la presse écrite amorcée par son modèle. De nouveau mais autrement — onze ans ont passé —, elle prend la forme d’un combat de David contre Goliath. Comment préserver son intégrité journalistique à l’heure de l’influence toute-puissante des réseaux sociaux, de la progression des sujets people et du déclin quasi inexorable des journaux ? Une seule issue : la qualité de l’information.Quand s’ouvre Ce qui ne me tue pas, la revue Millenium, qui porte haut les couleurs de l’enquête au long cours et du journalisme narratif, a été recapitalisée par un empire médiatique, fait de chaînes de télé et de tabloïds, qui détient en échange 30 % des parts du journal. Il serait temps d’entreprendre des réformes, d’être plus tempérant, de songer à la conversion numérique. Peut-être serait-il aussi temps, laissent entendre les nouveaux patrons, que Mikael Blomkvist, cet empêcheur de tourner en rond, admiré mais finalement has been, prenne du champ.Dans Ce qui ne me tue pas, le journaliste-détective prend un malin plaisir à prouver le contraire, nouvelle enquête et nouveau scoop à la clé. Qu’on ne s’inquiète pas pour eux : Mikael Blomqvist est un dur à cuire et Lisbeth Salander une redoutable pugiliste.Millénium 4. Ce qui ne me tue pas (Det som inte dödar oss), de David Lagercrantz, traduit du suédois par Huge Roel-Rousson, Actes Sud, « Actes noirs », 490 p., 23 €.RepèresStieg Larsson (1954-2004). Militant d’extrême gauche (il rencontre Eva Gabrielsson à 18 ans lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam), il se forme au journalisme dans des publications trotskistes.En 1995, il établit la Fondation Expo dans le but d’étudier et de dénoncer les progrès de l’extrême droite en Suède. Il en dirige la revue, Expo. Son influence peut se mesurer aux nombreuses et sérieuses menaces de mort qu’il reçoit dès lors.L’écriture de thrillers, a-t-il pu dire, est pour lui un moyen de se détendre.Il meurt à 50 ans d’une crise cardiaque, laissant, achevés mais non publiés, trois tomes de la série Millénium, sur dix qu’il aurait envisagé d’écrire. 2005-2007 Parution en Suède des trois tomes de Millénium, qui mettent en scène les investigations du journaliste Mikael Blomkvist et d’une jeune femme hors du commun, Lisbeth Salander.2006-2007 La trilogie paraît en France, chez Actes Sud.2008-2009 Elle paraît en anglais.2009 Millénium est adapté au cinéma en Suède (avec Michael Nyqvist et Noomi Rapace).2011 Sortie de l’adaptation américaine du premier tome de Millénium (réalisé par David Fincher, avec Daniel Craig et Rooney Mara).Début 2015 Selon Time Magazine, les ventes mondiales de la trilogie ont atteint 80 millions d’exemplaires.Août 2015 Parution mondiale de Millénium 4. Ce qui ne me tue pas, de David Lagercrantz (en France chez Actes Sud).Macha SéryJournaliste au Monde Sylvain Siclier Plus de soixante chanteuses, chanteurs et groupes sont annoncés pour la 13e édition de Rock en Seine, qui a lieu du vendredi 28 au dimanche 30 août, sur cinq scènes installées dans la partie basse du Domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). A l’image des visuels de son affiche et de son site Internet, le festival proposera, au-delà des concerts, une thématique sur la jungle avec animations, ateliers, exposition photographique, fruit d’une collaboration avec le Parc zoologique de Paris et le Muséum national d’histoire naturelle.Lire la chronique :A Rock en Seine, le John Butler Trio impose le silenceVague néopsychédélique Et puisque jungle il y a, à tout seigneur tout honneur, voici le collectif britannique Jungle, qui œuvre du côté de la soul et du funk, avec la touche électro de rigueur (dimanche), qui prend tout son intérêt à la scène. Ce qui pourrait être le cas de Shamir, 20 ans, né à Las Vegas, en plus électro et hip-hop, apparu en 2014. La presse anglo-saxonne le voit comme un croisement entre Michael Jackson et Prince (samedi).Au rayon découverte et dans la vague néopsychédélique, qui traverse régulièrement les allées du festival, citons Forever Pavot (samedi), projet tenté par des ambiances cinéma mené par Emile Sorin. Genre que pratiquent aussi le Néerlandais Jacco Gardner (vendredi 28), qui affola les amateurs avec l’album Cabinet of Curiosities en 2013, et les Australiens de Tame Impala, qui ont acquis un quasi-statut de chefs de file de ce renouveau (dimanche).Les Britanniques The Maccabees, groupe formé en 2003 – année de création du festival –, seront la première étape du programme éminemment rock, dans sa forme la plus proche des fondamentaux, de la journée de samedi sur la Grande Scène (Stereophonics, Interpol, The Libertines).Et puis, il y a Etienne Daho, rare dans d’imposants festivals de plein air, mais qui, de l’avis de tous ceux qui l’auront vu aux Eurockéennes de Belfort, à Beauregard, au Paleo ou au Cabaret vert, y a manifestement pris goût. Rock en Seine sera, samedi, le dernier de son périple estival.Rock en Seine, Domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Du 28 (complet) au 30 août. 49 euros par jour. Informations sur Rockenseine.comSylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Série sur Canal+ à 20 h 58 Adaptée de la trilogie de Blake Crouch, la série « Wayward Pines » est un superbe alliage d’horreur et de science-fiction.Ethan Burke, agent fédéral américain, part à la recherche d’une collègue mystérieusement disparue alors qu’elle enquêtait à Wayward Pines, petite ville provinciale charmante et proprette de l’Idaho. Victime d’un accident d’automobile, Ethan se retrouve à l’hôpital de Wayward Pines, sans téléphone portable, ni effets personnels. Alors qu’il tente de les récupérer, il se rend compte qu’il est prisonnier de ce qui se révèle peu à peu être une inquiétante citadelle peuplée d’étranges habitants sous le joug d’une puissance supérieure et passablement fascisante.Ethan découvre bientôt les sept règles de ce trompeur « paradis chez soi » : « Profitez de la vie ; soyez heureux ; travaillez dur ; répondez toujours au téléphone ; ne parlez pas du passé ; ne parlez pas de votre vie d’avant ; n’essayez pas de partir. » Monstres, angoisse et science-fiction sont les adjuvants-chefs de ces dix épisodes, conçus par Chad Hodge d’après la trilogie de l’auteur américain Blake Crouch (dont le premier tome est publié par J’ai Lu, traduit de l’anglais par Patrick Imbert, 286 p., 14,90 euros) et partiellement produits et réalisés par M. Night Shyamalan (réalisateur du Sixième sens, sorti en 1999). Canal+ n’a pas raté son coup de rentrée : « Wayward Pines » est scotchante, à tout point de vue, et remarquablement interprétée, notamment par Matt Dillon (Ethan Burke), qui fait un retour marquant à l’écran.Terrifiants possiblesEvidemment « Wayward Pines » lance d’éloquents clins d’œil à des séries aux thématiques connexes. Avant tout au « Prisonnier » (1967-1968), de George Markstein et Patrick McGoohan : un agent secret est enlevé, après avoir été gazé, et se retrouve dans un village aux apparences idylliques, festives et bariolées, mais dont il ne parvient pas à s’échapper. Les auvents à rayures, la fête foraine, le plan des lieux (bordés de montagnes), l’amphithéâtre scolaire, le poste de surveillance filmée sont, dans « Wayward Pines », d’évidents signes d’hommage à la légendaire série britannique. Et, comme Numéro 6, le héros du « Prisonnier », Ethan revient toujours à son point de départ, quelles que soient les ruses dont témoigne son art consommé de la fugue.Impossible de ne pas penser non plus à « Lost » (2004-2010), de J. J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber, mais il est une autre production télévisée, plus récente, qui aura marqué l’auteur de la trilogie littéraire et ses adaptateurs. Blake Crouch écrit, en postface du premier tome de Wayward Pines : « Le 8 avril 1990, “Twin Peaks”, la série culte de Mark Frost et David Lynch, a débarqué sur les écrans de télévision. (…) J’avais 12 ans, et je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti en regardant cette série décalée, située dans une ville inquiétante, où rien ne semblait à sa place. »L’écrivain nord-américain dit, ensuite, sa frustration générée par la « fin abrupte » de « Twin Peaks » ; celle de « Wayward Pines » ne l’est pas moins. Mais elle offre, en guise de coda lourde de terrifiants possibles, l’éventualité d’une saison supplémentaire. M. Night Shyamalan, interrogé le 23 juillet par Deadline.com, ne promet, ni n’exclut : « Nous pensons à quelque chose et en avons discuté. C’est tout ce que je dirai. »On déconseillera de lire ledit entretien, qui contient cet avertissement nommé « Spoiler Alert » : « Cet article contient des détails sur l’épisode final de “Wayward Pines”. » Pas celui-ci.« Wayward Pines », de Chad Hodge et M. Night Shyamalan. Avec Matt Dillon, Carla Gugino, Melissa Leo (EU, 2015, 10 × 42 min). Jeudi 27 août, à 20 h 58, sur Canal+.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.08.2015 à 17h26 • Mis à jour le28.08.2015 à 13h18 | Jean Birnbaum //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Michel Houellebecq prépare une exposition au Palais de Tokyo pour l’été 2016 Un monde qui change… sous l’œil et les crayons du cartographe Objets connectés : enfer ou paradis ?tous les articles de la thématique A l’occasion de la parution d’Un amour impossible qui rend justice à la figure de sa mère face à la domination incestueuse du père, Christine Angot revient sur la place de ce nouveau roman dans son itinéraire littéraire. L’écrivaine sera l’invitée du Monde Festival dimanche 27 septembre à l’Opéra Bastille lors d’une rencontre avec le rappeur Youssoupha, animée par Jean Birnbaum, sur le thème « Scander le monde ».Lire aussi :Angot, l’envers de l’enferA l’horizon d’« Un amour impos­sible », il y a la question de l’inceste, déjà cruciale dans « L’Inceste » (Stock, 1999) et « Une semaine de vacances » (Flammarion, 2012). Vous ­rôdez autour d’un même événement, mais avec des approches différentes. ­Pourriez-vous les définir ?L’Inceste, ce serait la déclaration. Mais ça ne suffit pas de déclarer. Il faut définir. Qu’est-ce qu’on y connaît aux mots ? Une semaine de vacances, c’est la définition. Tout le livre n’est qu’une définition du mot « inceste », et « domination ». Ensuite, il faut dire ce que les uns et les autres ont fait, le père a fait ça, la mère a fait ça, comment la société s’est disposée autour, avec Un amour impossible, on a l’explication.Expliquer et aussi s’expliquer, au sens du défi. Votre livre rend justice à la ­figure de la mère, et plus généralement à celle de la femme, pour lui ­rendre une voix…Souvent, dans les livres, ce qu’on pourrait appeler le savoir féminin est absent. Qu’on soit homme ou femme, on peut en avoir une connaissance ou une ignorance. Moi, je m’efforce de faire en sorte que ce savoir-là remplisse la page. C’est indéfinissable le savoir féminin. C’est… on le voit dans le regard de certaines femmes, d’autres n’en veulent pas, elles veulent vivre au royaume du savoir mas­culin. Le savoir féminin, ça n’a rien à voir avec le discours féminin, et c’est lié à la gaieté intense qu’on a à être une fille. C’est marrant d’être une fille. Et cette gaieté, on essaye de nous la retirer. Le savoir féminin, c’est être indifférent à cette tentative, le vrai viol c’est ça.
Chez la mère de la narratrice, cela passe également, et peut-être d’abord, par une volonté de reprendre la main, une force de décider… Elle décide beaucoup, dans le livre…Vous avez raison. L’homme lui propose une toute petite place, qu’elle ne veut pas prendre. Elle veut l’amour, mais elle veut le respect aussi. Il ne le lui offre pas. Elle le cherche du côté du travail. Le travail des femmes commence tout juste alors. Quand j’étais à l’école, j’étais la seule de ma classe dont la mère travaillait. Elle prend beaucoup de ses décisions en ­fonction de ça, être respectée. Elle s’appuie sur le travail, sur le droit, faire re­connaître sa fille par exemple, bref sur les soi-disant progrès sociaux de son temps. Là aussi, elle se fait avoir. Quand vous avez besoin d’aller chercher la justice, ça veut dire que c’est déjà mort, évidemment. Elle, elle y croit.
Pure illusion ? En lisant le livre, on a pourtant la conviction que votre écriture est un acte de confiance dans la liberté, dans sa liberté…La liberté, si elle est concédée par la société, c’est un leurre. Tous les repères que cette femme s’était construits tombent et s’avèrent inefficaces. Mais à la fin, sa fille lui dit : « Tu es quelqu’un de bien maman. » Voilà. Ça, ça existe. Et elle se souvient de son jardin, des moments où elle cueillait des cerises et des brassées de ­lilas. Et que ce qui compte, c’est aujour­d’hui et maintenant. Même si, aujour­d’hui et maintenant, elle a 83 ans. Donc ça va pas durer longtemps, aujourd’hui et maintenant. Ça ne fait rien. La liberté est là. Je vais employer un mot niais, elle est dans son cœur. C’est ce que j’ai voulu restituer. Derrière les phrases écrites, il y a des phrases non écrites, qu’on entend quand même, dans son propre cœur justement. Elle n’a pas une pensée plate, c’est une personne.
C’est quelqu’un, même. A la lecture, sa liberté paraît plus forte que celle que vous semblez lui accorder en ce ­moment…Je vous décris mon point de vue. Dans le livre, c’est plus fort. Mais quand même… je crois qu’on peut lui reprocher d’avoir fait confiance aux institutions, aux lois, au droit… Je ne dis pas que ce n’est rien. Mais leur faire confiance, c’est une folie. Qu’on ne me demande pas à moi de leur faire confiance. Ils sont incapables de recueillir le vrai, une parole vraie, le maximum de leur compétence, c’est le témoignage. Autant dire la soumission à la question.
Cette question de la confiance donne son poids d’ambivalence au personnage du père. Malgré la domination et le viol, il en sort moins haïssable que d’« Une semaine de vacances ». Jusqu’au bout, par exemple, la mère lui maintient une forme de fidélité. Elle dit qu’elle a été heureuse avec lui. Comme si, pour le comprendre, vous-même aviez encore besoin de poser sur lui un regard d’empathie…
On n’est pas obligé de passer par l’empathie pour comprendre quelqu’un ou un personnage, on peut utiliser l’antipathie, quand on est rendu fou par la haine, on développe aussi une acuité. La mère a un reliquat d’amour, mais c’est un reliquat, peut-être une relique. Tout dépend si les questions que vous posez, vous les posez à l’auteur ou à la narratrice. L’auteur, elle, elle vous dit : « Moi je n’aime pas le personnage du père », c’est tout. La narratrice n’humilie pas le père, elle le néglige, « tu ne nous intéresses pas ». La honte de la mère repose sur le fait qu’elle n’a pas su ou pu protéger sa fille. Ça, la société ne le pardonne pas aux femmes. La faiblesse d’un homme émeut. Celle d’une femme fait honte. C’est le cliché de la mère complice.
En même temps, pour creuser cette question de l’ambivalence, on passe une partie du livre à se demander pourquoi la mère n’a jamais porté plainte contre ce père violeur…Les délais de prescription en droit, c’est un peu comme les délais de garantie quand vous achetez une machine à laver ou un téléphone. Ils sont calculés de façon à tomber juste après le moment où la personne a rassemblé son énergie pour parler. Il n’aurait pas été condamné. Je vous le dis. Ma mère ne l’a pas fait, mais je suis allée au commissariat, moi. Je sais de quoi je parle. Tout ça est nourri quand même, je vois aussi comment les choses fonctionnent en vrai. Il n’en est pas question dans le livre, mais j’y suis allée, juste avant mes 28 ans, avant la prescription. J’ai été très bien reçue par le commissaire. J’ai dit : « Voilà ce qui m’est arrivé, je voudrais porter plainte. » Il m’a dit : « Je peux tout à fait le convoquer, mais ne vous ­faites pas d’illusions, vu l’ancienneté des faits, ce sera compliqué de faire établir la vérité, il ne sera pas condamné. Ça lui fera une petite frayeur, mais il repartira tranquille parce qu’on n’arrivera pas à prouver. Il faut que vous le sachiez. » J’ai dit : « Très bien, alors, vous voyez, je vais m’en aller, parce que si en plus il faut que je supporte un non-lieu, ce n’est pas possible. » Alors, je vous le dis, il n’y a qu’une seule chose de valable, c’est la littérature. La justice, la police, ce n’est rien. Il n’y a pas de vérité dans ces trucs-là. C’est ce que dit l’auteur de ce livre. Il n’y a pas de vérité hors de la littérature. Dans la police, la justice, l’éducation nationale… il y a des morceaux de vérité. Comme dit Lacan : « Je dis toujours la vérité, pas toute… » Eh bien nous, les écrivains, on la dit, toute.L’actrice américaine Louise Brooks ­disait en substance   : les hommes cruels ne courent pas les rues, si vous en trouvez un, ne le lâchez pas. ­Séduction de la perversion…Ce sont eux de toute façon qui ne vous lâchent pas. Mais oui, c’est énorme, la séduction de la perversion. Les pervers sont des petits malins. Ils donnent une impression de puissance à la proie. Leur bêtise, c’est leur sentiment de supériorité. Ce sont de grands naïfs. Il n’y a pas plus naïf qu’un pervers. Dès qu’ils voient que ça mord, ils croient qu’on les aime ! Que c’est leur succès personnel. Non, c’est le succès de leur mécanisme. Alors, oui, la perversion, c’est la séduction ! Donc, pas de séduction ! Le charme, l’amour, l’érotisme peuvent quand même passer par beaucoup d’autres choses que cette mécanique. Je la connais, j’ai fait un tour assez complet, j’ai bien vu les tours et détours. Celui qui s’adore, celui qui se déteste et qui en fait tout un discours, etc. Ça ne m’intéresse plus. Mais c’est une mécanique tout à fait au point, on peut être pris dedans. Puis, une fois qu’on s’est dit  : « Ah ben oui d’accord, c’est une mécanique, ça ne m’intéresse pas », c’est fini, complètement.Dans son livre sur « La Domination masculine » (Seuil, 1998), Pierre ­Bourdieu a un curieux post-scriptum consacré à l’amour. Après avoir longuement décrit les mécanismes sociaux qui enserrent le destin féminin, il explique soudain que l’amour est une « île enchantée », où les rapports de force sociaux sont ­levés… Tout le contraire de votre « Amour impossible » ?Oui, c’est à l’envers. Bourdieu s’intéresse au social et, une fois qu’il a décrypté le social, il vient à l’amour. Moi je suis écrivain, je ne fais pas ce chemin-là. Je prends le sentiment, je regarde, et qu’est-ce que je trouve à l’intérieur ? Comme partout les oppositions sociales, les conflits, y compris dans cet amour entre mère et fille. Si oasis il y a, elle devrait être là ! Eh bien pas du tout. Même votre rapport avec votre mère peut être abîmé par la dureté sociale, vous êtes mal à l’aise quand elle parle, etc. Toutes les vies sont différentes, mais les sentiments sont les mêmes. C’est pour ça qu’on peut faire des romans, d’ailleurs, et c’est génial. Tout le monde s’y reconnaît. Donc, mon chemin est l’inverse de celui de Bourdieu. Pas seulement dans la pensée, dans ce que je regarde. Quand il compare, dans Les Règles de l’art [Seuil,‎ 1992], le rapport de la sociologie et de la littérature à la vérité, il dit que le rapport à la vérité de la sociologie est plus sérieux. Evidemment, je pense le contraire.On peut considérer le pouvoir comme l’un des grands thèmes du livre. Le pouvoir tel qu’il affleure à même la langue. Le pouvoir qui vous impose son discours pour vous fermer la bouche, mais aussi le pouvoir qui oblige ceux qu’il domine à s’exprimer… Le personnage du père incarne bien ces deux faces du pouvoir en tant qu’il s’empare du langage lui-même…Donner la parole à l’autre, c’est ça. C’est ne pas laisser l’autre parler à son moment, ou ne pas parler. C’est faire en sorte que l’autre ait peur de sa propre parole. Pas de ce qu’il va dire ! Quelqu’un à qui on donne la parole, tout d’un coup n’a plus rien à dire. Donner la parole aux gens, c’est faire en sorte qu’ils aient la tête vide. Ça se voit très bien, tous les jours, dans toutes les émissions de télé où l’on ne cesse de tendre le micro à des gens en leur disant de parler librement. C’est faire en sorte que la personne se sente obnubilée par ce qu’elle pourrait dire et n’y arrive plus… C’est une vraie terreur. On croit que toutes les classes sociales ne partagent pas ça. Que ceux qui sont éduqués ne sont pas concernés. Mais bien sûr que si. Quand on maîtrise mal les instruments du langage, c’est difficile, parce qu’on parle mal. Mais c’est un problème aussi, de parler bien ! On est enfermé par son bien-parler. Son accent de classe. Dans un cas comme dans l’autre, on est piégé par le langage.La question du pouvoir, c’est aussi la question de votre pouvoir, du pouvoir de toute écriture. Comment vous ­débrouillez-vous avec votre pouvoir ?Vous voulez qu’on parle du pouvoir de mon écriture, là, maintenant ? Je ne vois pas comment y répondre. Ce n’est pas une question seulement technique, c’est la question de la vie. Mon écriture, elle n’est pas dans ma poche, hein ! Je ne la possède pas. C’est une impuissance au contraire. Si je fais ça, c’est parce que je n’ai pas pu faire autre chose. Donc, à la base de ça, il y a quand même une forme d’échec monumental. Il y a ne pas savoir. Le pouvoir de l’écriture ne cesse de s’en ­aller, ne cesse de mourir. Je n’en dispose pas. Ce n’est pas un don. Je n’ai aucun don ! En revanche, j’ai un désir, ça oui. Un désir d’écriture. C’est l’écriture qui a un pouvoir sur moi. Par l’attraction qu’elle exerce sur moi. Et j’ai une volonté. Une volonté dingue. Ça prend beaucoup de temps d’identifier quelque chose d’intéressant. Mais une fois que je l’ai identifié, alors, là, vraiment, je ne lâche pas. Christine Ango sera l’invitée du Monde Festival dimanche 27 septembre à l’Opéra Bastille (Amphithéâtre) lors d’une rencontre avec le rappeur Youssoupha, animée par Jean Birnbaum, sur le thème « Scander le monde ».Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Jean Birnbaum 26.08.2015 à 10h30 • Mis à jour le26.08.2015 à 10h31 | Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Noiville Il disait : « Si je n’écris pas, je ne vois rien, je suis vide ». Décapante, sans concession, sa plume avait fait de lui l’une des plus grandes voix de la littérature espagnole. L’écrivain et critique littéraire Rafael Chirbes est mort samedi 15 août d’un cancer du poumon fulgurant. Il était âgé de 66 ans.Sur le rivage, son septième roman traduit en français — par Denise Laroutis, sa fidèle et excellente traductrice — était sorti en janvier aux éditions Rivages. Il restera l’un des éblouissements de l’année. Chirbes n’était pas seulement un styliste génial, un écrivain dont la prose pleine de sève vous précipite dans des cascades de mots et d’images, des accès de colère et des élans d’humanité. Il avait aussi le don d’aller jusqu’au bout de ce qu’il voulait dire. Le courage d’écrire noir sur blanc ce que les gens font mais ne disent pas. En exergue à Sur le rivage, il avait d’ailleurs placé cette phrase de Diderot dans Jacques le fataliste : « F… tez comme des ânes débâtés ; mais permettez que je dise le mot f… tre ; je vous passe l’action, passez-moi le mot ».Le peintre de la débâcle européenne actuelleDans presque tous ses livres, Chirbes disait le rêve politique brisé. Son désenchantement était celui de tous ceux qui, après le régime de Franco, avaient vu « la grande illusion démocratique » s’effacer devant ce qu’il appelait « la grande occasion mercantile ». Dans Tableau de chasse (Rivages, 1998), il campe un père franquiste essuyant le dédain de son fils pour s’être enrichi sous la guerre civile. Dans Les Vieux amis (Rivages, 2006), il montre les désillusions d’ex-communistes aigris ou confits dans la richesse. Tandis que dans Crémation, il épingle la financiarisation des années 1980, la spéculation immobilière, la corruption, les inégalités, la paupérisation… D’Ivan Repila à Pau Miro en passant par Isaac Rosa ou Sara Mesa, tous les jeunes talents de la littérature ibérique en conviennent : Rafael Chirbes était « le » grand écrivain de la crise espagnole. Et bien au-delà. Le peintre de la débâcle européenne actuelle.Né en 1949 près de Valence, Chirbes avait perdu son père, cheminot, à l’âge de 4 ans. Sa mère, modeste garde barrière, ne pouvant s’occuper de lui, le jeune et précoce Rafael avait été envoyé dans un établissement pour orphelins du Chemin de fer. A Avila d’abord, puis à Leon et à Salamanque. Dans ces endroits austères — il décrivait des pensionnats froids dans des paysages granitiques enneigés —, l’écriture n’allait pas tarder à devenir son seul refuge.En janvier, Chirbes était passé à Paris. Nous l’avions rencontré, près de Notre Dame, et il ne cachait pas son émotion. « J’ai vécu un an en France en 1969, racontait-il dans un français parfait. A 20 ans, j’ai quitté l’Espagne franquiste, irrespirable, pour le Paris d’alors, le Paris des intellectuels qui à l’époque faisait rêver. Je voulais respirer, lire Marx, Lénine, Sartre, aller au cinéma voir Le Cuirassé Potemkine et La Bataille d’Alger. » Il disait aussi comment, pendant la transition démocratique, il s’était senti « mal à l’aise » dans son pays. Après des études d’histoire, il avait refait ses valises, direction la France puis le Maroc. Il était devenu libraire, professeur, secrétaire de rédaction dans la presse du cœur, critique gastronomique, critique littéraire… sans jamais abandonner l’écriture romanesque.Lire aussi :Rafael Chirbes, les pépites et la boue« Je n’aime pas qu’on me cajole »« Si je devais trouver une formule, je dirais qu’il est l’écrivain des ombres », résume joliment son éditrice chez Rivages, Nathalie Zberro. « Par exemple Franco en lui-même ne l’intéresse pas. C’est l’ombre qu’il a continué à projeter sur son pays qui devient un sujet pour Chirbes. Quelle est la portée intime de l’événement ? Que signifie vivre, aimer ou rire après la dictature ? Quelles sont les implications profondes, humaines, dans la conscience de chacun ? »L’œuvre de Chirbes est totale. Elle parle d’Histoire, de faille économique, mais aussi de sexualité, d’amour, des bars qui sont les derniers lieux du lien social, de la décomposition des cadavres, de la mémoire qui s’effrite comme les illusions politiques. « “Chirbes contra Chirbes”, c’est ainsi qu’il définissait sa position de romancier, ajoute Nathalie Zberro. La gauche bien sûr, mais aussi le camp d’en face. Il se faisait un devoir de traiter avec la même acuité tous les sujets qui passaient par le filtre de sa création. Il ne voulait pas devenir le symbole d’un parti et prenait garde d’éviter les cases réductrices, de cultiver les paradoxes ». Chirbes disait d’ailleurs : « Quand je lis un livre, je n’aime pas qu’on me cajole comme un chat. Mais si on me prend à rebrousse poil, alors, là, ça commence à m’intéresser. »Florence NoivilleJournaliste au Monde 15.08.2015 à 10h10 • Mis à jour le15.08.2015 à 13h35 | Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine, envoyé spécial)) En mai et juin 2008, le groupe américain Sparks des frères Ron et Russell Mael avait joué sur scène, à Londres, l’ensemble de ses albums dans l’ordre chronologique. Un par soirée, soit vingt et un concerts pour autant de disques, depuis le premier, sous le nom Halfnelson, produit par Todd Rundgren et sorti en 1971, jusqu’à leur dernier d’alors. Sparks poussait ainsi au plus loin cette vogue qui depuis quelque temps menait de nombreux groupes à interpréter sur scène leurs enregistrements les plus connus dans leur intégralité. Ces derniers temps, Patti Smith joue ainsi Horses, sorti en décembre 1975, et The Rolling Stones ont refait Sticky Fingers, qui date d’avril 1971.A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), c’est plus modestement et en accord avec sa ligne rock indépendant que La Route du rock a commencé sa 25e édition, jeudi 13 août, avec la présentation de Neon Golden de The Notwist. Un concert organisé à La Nouvelle Vague, salle un peu à l’écart du centre-ville.Sorti en janvier 2002, le cinquième album du groupe allemand a été un peu celui de leur révélation à un public plus large, tout en restant assez spécialisé. Ceux qui sont à La Nouvelle Vague en connaissent dans leur majorité le contenu. Et réagissent de manière positive à une interprétation qui tout en collant à l’original densifie, réinterprète parfois les dix compositions de l’album. En bonus la chanson « Different Cars and Trains » s’insère dans la chanson-titre « Neon Golden » pour ce qui restera le moment le plus mémorable de ce retour au passé de The Notwist, dans sa part pop et rock, un rien psychédélique, parsemée de striures électroniques. Avec la prestation toujours habitée, troublante, partant dans des improvisations vocales qui sont autant d’histoires de son quotidien, du tendre au tragique, du chanteur et guitariste Mark Kozelek, venu avec son groupe Sun Kil Moon, le festival prenait ainsi un fier envol.Vidéo de la chanson « Pick Up The Phone », extraite de l’album « Neon Golden » (2002) de The NotwistLe lendemain, vendredi 14 août, direction le fort de Saint-Père, à une vingtaine de minutes en bus au nord de Saint-Malo, lieu principal de La Route du rock jusqu’au 16 août. D’abord pour y vérifier le résultat des nécessaires travaux d’aménagement du site faits depuis le début de l’année. Avec son sous-sol en terre argileuse qui retient l’eau, la grande cour du fort et ses abords devenaient une baignoire boueuse dès qu’il y avait de fortes précipitations. Le creusement du sol, qui a été empierré, et l’installation de fosses de collectage des eaux étaient les principaux chantiers, avec la pose de conduits enterrés permettant de faire passer des câbles techniques.La journée de vendredi ayant connu des pluies régulières depuis le matin jusqu’à la fin de l’après-midi, un évident très gros mieux était constaté. Si le chemin qui mène au fort reste glissant et que quelques flaques subsistent sur le site, l’essentiel de la surface qui accueille les deux scènes et les boutiques est nettement mieux praticable. Des travaux qui ne concernent d’ailleurs pas que les festivaliers, mais qui bénéficieront aux visiteurs à l’année du fort, dont la commune souhaite développer les possibilités (concerts réguliers, foires commerciales…).Les organisateurs ont aussi repensé la géographie du site festivalier. Et notamment le goulot d’étranglement que constituait la petite scène, dite « des remparts », qui avait été installée sur la droite de la grande scène, près de l’entrée/sortie du public. Elle lui fait désormais face, avec un double passage plus large qui permet une fluidité des déplacements. On passe ainsi aisément de Wand, qui ouvrait la soirée de vendredi, au Thurston Moore Band, de Fuzz à Algiers puis à Timber Timbre, etc.Wand, donc, quartette californien pour le premier concert de sa tournée européenne, qui se révéla plutôt brouillon dans une option beaucoup de bruit pour pas grand-chose de très probant. Seul mérite, celui de donner la couleur musicale de la première partie de la soirée. Guitares en avant, rythmique très rock avec ensuite le groupe de Thurston Moore puis Fuzz et Girl Band. Moore, cofondateur de Sonic Youth (1981-2011) peut désormais figurer en sorte de parrain de nombre de groupes donnant dans le trio stylistique garage-punk-grunge. L’expérience en plus, l’attention aussi au geste musicien, dans une approche rock presque classique (« Forevermore », « The Best Day »…). Le finale d’« Aphrodite » sera, lui, c’est dommage, trop long et redondant dans ses effets bruitistes, évocation guère utile du passé le plus furieux des premiers temps de Sonic Youth.La chanson « The Best Day », extraite de l’album du même nom de Thurston Moore, paru en octobre 2014Le groupe Fuzz de Ty Segall, où il joue de la batterie, laisse, lui, perplexe. Le multi-instrumentiste et chanteur californien apparu au milieu des années 2000 enregistre beaucoup, multiplie les projets, explore de nombreux styles. Là, dans un gros son, lourd, avec excès d’effets de déformation de la voix, de la guitare et de la basse, Fuzz accumule des citations des univers musicaux de Jimi Hendrix et des précurseurs britanniques du heavy metal Black Sabbath. Sans rien en faire, ce qui est vite lassant d’inintérêt.Tout le contraire d’Algiers, groupe venu d’Atlanta, qui d’une certaine manière constitue un prologue à la seconde partie de la soirée, plus électro (Ratatat, Rone). Ici, le travail sur les formes musicales, la confrontation des genres aboutit à un propos créatif. Avec des éléments de gospel et de soul qui viennent nourrir des plages sombres, tendues et des éclats punk. En point de mire, le chanteur Franklin James Fisher, corps musicien, et le bassiste Ryan Mahan, qui se frappe la poitrine, déambulent. Scéniquement intense et le moment le plus fort de la nuit.La vidéo de la chanson « Black Eunuch », d’Algiers, extraite de leur album « Algiers », sorti en juinLa Route du rock, à Saint-Malo et Saint-Père. Prochains concerts : Foals, The Soft Moon, Lindstrom, Hinds, Daniel Avery… le 15 août ; Father John Misty, Savages, Ride, The Districts… le 16 août. 39,50 € par jour.Sylvain Siclier (Saint-Malo et Saint-Père (Ille-et-Vilaine, envoyé spécial))Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 15h02 | Alain Constant Documentaire, à 23 h 20, sur ArteRetour sur l’étonnante tournée 1987 de Billy Joel en Union soviétique (samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte). A l’époque, le mur de Berlin n’était pas encore tombé, Gorbatchev était au pouvoir depuis seulement deux ans et le rock anglo-saxon n’avait pas vraiment bonne presse en Union soviétique. Aux Etats-Unis, Billy Joel, pianiste et chanteur super­star aux millions de disques vendus, décide de tenter une aventure inédite : effectuer une tournée en URSS. Aucun rocker yankee (ou prétendu tel) n’avait joué au pays des Soviets.Il y avait bien eu un musicien américain fêté comme un héros à Moscou en pleine guerre froide, mais il s’agissait de Van Cliburn, pianiste classique, vainqueur du concours Tchaïkovski en 1958 !Musique et politiqueLe premier Américain à tenter de faire se déhancher les foules soviétiques en direct sera donc Billy Joel, en 1987. Cet étonnant documentaire relate avec minutie et pas mal d’émotion cette aventure mêlant étroitement musique et politique. « A l’époque, comme beaucoup d’Américains, j’avais peur de l’URSS et de ses habitants. Je croyais qu’ils n’avaient qu’une idée en tête : détruire les Etats-Unis ! », avoue l’intéressé. Quelques jours avant le grand départ, Billy Joel est obligé de justifier un tel projet auprès de l’opinion publique américaine, lors d’une conférence de presse tenue à New York. Œuvrer pour le rapprochement entre Américains et Soviétiques à travers des concerts de rock ? Pourquoi pas. Mais la star accepte à une condition : pouvoir venir en famille, avec son épouse et sa fille. Condition acceptée par les autorités soviétiques. Ne lésinant pas sur les moyens techniques (les mêmes que ceux de sa gigantesque tournée européenne), l’équipe de production ne passe pas inaperçue en URSS : les seize camions semi-remorques, les tonnes de matériel et les 130 membres de la tournée font chavirer les foules.Première étape : Tbilissi, en Géorgie. L’accueil est très chaleureux, la famille Joel se balade sur les marchés, visite un monastère et, lors du premier concert, le public, d’abord intimidé, se laisse peu à peu aller. Seconde étape : Moscou, où trois dates sont prévues en cette fin juillet 1987. Le premier concert est délicat : les premiers rangs sont occupés par des officiels qui restent de marbre alors que le fond de la salle ne boude pas son plaisir. Au bout de trois chansons, les premiers rangs s’éclaircissent, des jeunes prennent leurs places et la folie commence. « Billy aimait foutre la merde, bousculer l’ordre établi. il a pris un micro sans fil, est allé au fond de la salle, chauffant le public. C’était sa manière à lui de dire “lâchez-vous, c’est de la musique !” » Les concerts suivants à Moscou puis ceux de Leningrad vont confirmer ce que les nombreux témoignages recueillis dans ce documentaire laissent entendre : cette tournée dépasse de loin le simple événement culturel. Les concerts tournent au délire, de jeunes soldats se déhanchent et envoient valser leurs casquettes sur scène et Billy Joel, à la fois ému et excité, donne le meilleur de lui-même. Au fil des concerts, il parle de plus en plus au public avec, à ses côtés, le jeune Oleg, un traducteur indépendant que la star a imposé en lieu et place de l’habituel traducteur officiel. « Il a ouvert une brèche. Les concerts donnés par Billy et ses musiciens en URSS ont fait exploser les barrières mentales », assure un témoin.Billy Joel au pays des Soviets, de Jim Brown (Russie, 2013, 75 min). Samedi 15 août, à 23 h 20, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 14h52 | Josyane Savigneau Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10Une passionnante traversée met à « mâle » bien des clichés et des contre-vérités.Dix heures pour en finir avec les clichés sur Simone de Beauvoir (1908-1986) : intellectuelle froide, hautaine, raisonneuse, voix péremptoire… Et pour contredire les propos d’un homme – on se demande pourquoi il n’est pas nommé – qui la « déteste ». C’est une mauvaise romancière, « le garde-chiourme de Sartre », et elle a écrit un livre « dégueulasse », La Cérémonie des adieux. Ou ceux d’un autre homme – on reconnaît la voix de Michel Onfray – pour qui Sartre et Beauvoir ne se sont jamais intéressés à qui que ce soit et n’avaient qu’un but : « laisser leur nom dans l’histoire ».Christine Lecerf et sa réalisatrice Christine Diger avaient donc fort à faire, en cinq chapitres : « Une jeune fille rangée », « Naissance d’une écrivaine », « L’Amérique au jour le jour », « La Force des choses », « Le Deuxième sexe ». Le défi était excitant et le résultat est passionnant. On découvre une Simone de Beauvoir généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout ». Les extraits d’entretiens sont pertinents, tout comme le choix des textes, qui font entendre la phrase de Beauvoir et à eux seuls mettent à mal bien des calomnies dont elle est encore victime. En revanche, l’habillage musical quasi constant est parfois pénible.Construction de la libertéLa première émission, « Une jeune fille rangée », est particulièrement réussie, car à travers les témoignages d’amis (Gérard Bonal, Madeleine Gobeil), de Sylvie Le Bon de Beauvoir (sa fille adoptive) et de Claude Lanzmann (qui a vécu plusieurs années avec elle), on voit comment, après ce qu’elle nommait « le bonheur de berceau » – une enfance heureuse –, Simone de Beauvoir veut construire sa liberté : « Je ne me suis pas révoltée au jour le jour, dit-elle, mais j’ai gardé un très grand dégoût par la suite pour ces institutions bourgeoises. Une espèce de bêtise m’a sauté aux yeux. J’ai voulu m’en dégager. Je voulais inventer ma vie. »« Inventer sa vie », c’était devenir écrivaine, et, dans sa relation avec Sartre, échapper aux stéréotypes du couple marié. Ils étaient plutôt « un binôme », comme l’indique l’écrivaine américaine Siri Hustvedt, dont le témoignage est l’un des plus enthousiastes, avec celui de la féministe Kate Millett. Siri Hustvedt admire « toute cette joie que Simone de Beauvoir prenait aux choses ».« Même si elle détestait l’Amérique, un pays exaspérant », selon Kate Millett, « elle se délectait de l’Amérique, comme l’enfant d’une friandise ». L’Amérique, c’est avant tout son histoire d’amour avec le romancier Nelson Algren (1909-1981). Ils se sont écrit de 1947 à 1963 et, grâce à Sylvie Le Bon de Beauvoir, on a pu lire les lettres de Beauvoir, qu’elle a déchiffrées et traduites. Elle avait aussi traduit les lettres d’Algren, mais ses ayants droit ont interdit la publication. Dans la troisième émission, on a un beau et émouvant portrait d’Algren, par ses amis.Pour parler de cet amour, prendre pour guide Irène Frain, qui a romancé cette histoire dans un Beauvoir in love excessivement sentimental, n’était peut-être pas le choix le plus judicieux. On pourra préférer les points de vue moins enflammés de Pascale Fautrier, Fabrice Rozié ou Jean-Louis Jeannelle, qui tous trois ont travaillé sur Beauvoir.Dans son livre autobiographique La Force des choses, quelques mots, « combien j’ai été flouée », ont fait couler de l’encre. On entend ici enfin la réponse de Beauvoir à tous ceux qui en ont déduit – avec jubilation – qu’elle avait raté sa vie : « Je suis très contente de ma vie. Mais il y a un moment où, quand on se retourne, une vie, même réussie, est d’une certaine manière un échec. » « Il y a une qualité d’absolu qu’on ne peut pas atteindre. »On découvreune femme généreuse, amoureuse, aimant la vie dont elle disait vouloir « tout »Comment parler du Deuxième Sexe après tout ce qui a été dit et écrit depuis 1949 ? Christine Lecerf a trouvé une réponse habile en laissant la parole à Sheila Malovany-Chevallier et Constance Borde, qui ont fait une nouvelle traduction du livre – jadis amputé de 20 % – en anglais. Elles ont pris tant de plaisir à ce travail que c’est un bonheur de les écouter. Toutefois, dans cette dernière émission, on regrettera l’absence de certaines féministes françaises, en premier lieu de Liliane Kandel.Comme on s’étonne de ne pas entendre, en dix heures, Danièle Sallenave, auteure d’un remarquable Castor de guerre, et qui aurait pu répondre à Annie Ernaux qui, comme toujours, insiste sur la différence sociale entre Beauvoir et la jeune lectrice qu’elle était. Pour Sallenave, la leçon de Beauvoir est que, quel que soit le milieu auquel on appartient, il faut s’en arracher pour inventer sa liberté.Heureusement, Elisabeth Badinter rappelle à quel point Beauvoir a « ouvert les portes de la prison ». « Elle est universaliste, elle récuse le mode de complémentarité entre hommes et femmes qui va revenir plus tard. Je me rattache à son modèle, qui est minoritaire aujourd’hui. » En effet, au terme de cette aventure de la liberté qu’est la vie de Beauvoir, on se demande si, vingt-neuf ans après sa mort, les portes de la prison ne sont pas en train de se refermer.« Grande traversée : Simone de Beauvoir, absolument », de Christine Lecerf. Sur France Culture, du lundi 17 au vendredi 21 août à 9 h 10.Josyane SavigneauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Documentaire sur Arte à 13 h 35 Michael Wadleigh a filmé ce qui est demeuré le plus mythique des concerts : Woodstock.Trois heures et demie de pur bonheur télévisuel ? On y est presque avec ce film de Michael Wadleigh datant de 1970 et consacré au mythique rassemblement de Woodstock. Durant trois jours, du 17 au 19 août 1969, le plus grand festival de musique jamais organisé réunit, dans un immense champ du comté de Bethel, dans le nord de l’Etat de New York, des centaines de milliers de jeunes.Les organisateurs en attendaient 200 000, ils seront près d’un demi-million, attirés par une programmation musicale haut de gamme, mais aussi par la volonté de vivre une aventure collective sortant de l’ordinaire.Emouvants, drôlesWoodstock devient le lieu rêvé pour planer, faire l’amour, danser, prendre une leçon de yoga collective, se promener à poil ou jouer dans la boue avec les enfants en bas âge, eux aussi très nombreux.A la manière d’un documentaire, avec un écran souvent divisé en deux qui permet de multiplier les points de vue, Wadleigh et son équipe (dont le jeune Martin Scorsese) vont et viennent au milieu de la foule, effectuent des micros-trottoirs (ou plutôt des micros-champs), filment au plus près le bonheur d’une jeunesse américaine chevelue et pas encore rentrée dans le rang. La beauté des corps, les sourires, les rires, les galères, l’entraide, tout y passe. Sur l’immense scène, on lance régulièrement des messages à caractère personnel.Janis Joplin, Santana, The Who...Les stars de la contre-culture, mais pas seulement, sont venues et la plupart sont émues face à une telle marée humaine. Mais plus que les extraits de concerts de Janis Joplin, des Who ou de Santana, plus que les solos de Jimi Hendrix ou les délires du batteur de Country Joe and the Fish, ce sont les témoignages des jeunes qui font la force de ce film unique.Souvent émouvants, drôles, d’une lucidité féroce sur la société capitaliste, ces gamins racontent leurs vies, leurs relations amoureuses, leur bonheur d’être si nombreux. Certains font sagement la queue pour utiliser les téléphones mis à leur disposition et rassurer les parents. D’autres jouent les penseurs face caméra, comme ce blondinet : « Ces gens viennent ici pour avoir l’impression d’être quelque part. Tout le monde est à la recherche d’une réponse là où il n’y en a pas… »Woodstock, Three Days of Peace and Music, de Michael Wadleigh (Etats-Unis, 1970, 225 min). Vendredi 14 août, à 13 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart  « Docu-série » à 22 h 50 sur E ! La série « Appelez-moi Caitlyn », sur E !, narre la transition d’homme à femme voulue par l’ancien champion olympique Bruce Jenner.Le 30 juillet 1976, Bruce Jenner, 26 ans, devenait un héros pour son pays, les Etats-Unis, en gagnant aux Jeux olympiques de Montréal la médaille d’or du décathlon. Dans les années qui suivirent, on le vit à la télévision américaine commenter les sports, prêter son nom et son visage à différentes campagnes de publicité. Puis Jenner disparut plus ou moins de la sphère publique, divorçant, se remariant et jouant les (plus ou moins) bons pères de famille auprès de ses quatre enfants.Mais Jenner a un lourd secret qu’il révèle à ses deux épouses : depuis l’enfance, il s’est toujours senti femme. A nouveau divorcé, il prend des hormones et songe à une transition sexuelle que l’époque n’encourage guère. Cependant, Jenner est toujours hétérosexuel et rencontre Kris Kardashian, qui allait devenir sa troisième épouse.Cette femme d’affaires avisée et ambitieuse sera à l’origine de « L’Incroyable Famille Kardashian », une indiscrète et vulgaire série de télé-réalité tournée au sein même de sa famille, lancée en 2007 par la chaîne E ! et depuis diffusée dans le monde entier. Bruce Jenner y apparaît, mais les vedettes en sont surtout son épouse et ses trois belles-filles, Kim, Khloé et Kourtney Kardashian. La série rend compte des hauts et des bas des relations familiales : la séparation des époux Jenner, leur divorce et le « secret de Bruce » sont inévitablement évoqués. Les paparazzis ont d’ailleurs déjà fait « fuiter » détails graveleux et photos indiscrètes.Coming out médiatiqueJenner n’a plus le choix : il lui faut rendre publique sa transition. Ce sera fait, le 24 avril, sur ABC : pendant deux heures, devant près de 17 millions de téléspectateurs, Dyane Sawyer, journaliste vedette de la chaîne, confesse l’ancien champion olympique, qui annonce officiellement sa décision de devenir femme.L’émission fait partie d’un plan médiatique soigneusement conçu : le 1er juin, Vanity Fair montre Jenner en couverture, transformé miraculeusement en vamp, après une augmentation mammaire complétant un régime d’hormones féminines. Le cliché de la photographe vedette Annie Leibovitz est titré : « Je m’appelle Caitlyn. »En juillet, E ! lance une nouvelle émission, « I am Cait », qui filme la nouvelle vie de Caitlyn Jenner. Présenté comme une « docu-série », le programme menaçait cependant d’être modelé sur le navrant principe de « L’Incroyable Famille Kardashian ». Mais Jenner et ses producteurs ont eu l’intelligence d’échapper au bête voyeurisme : Caitlyn Jenner s’y montre au service de la communauté transgenre nord-américaine, évoque les cas dramatiques de suicide chez de jeunes transexuels, les problèmes de chômage dans la communauté (14 %, plus que le double du taux de chômage de la population générale). Elle s’entoure pour ce faire de parents d’enfants transgenres, de transexuels hétérosexuels et homosexuels fameux (l’actrice Candis Cayne, l’universitaire Jennifer Finney Boylan) ou non.Jenner reste campée sur quelques idées réactionnaires conformes à son affiliation politique auprès du Parti républicain (elle se demande si les aides apportées aux transexuels ne les découragent pas de chercher du travail, ce qui horrifie naturellement celles qui n’ont eu pour survivre que le recours à la prostitution). Mais il semble que Caitlyn, dont la transformation physique est époustouflante, et sa série – suivie par un énorme public – puissent contre toute attente diffuser la cause méconnue des transexuel(le)s.Appelez-moi Caitlyn, chaque vendredi sur E !, à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 06h37 • Mis à jour le14.08.2015 à 07h15 | Bruno Philip (envoyé spécial à Angkor) En cette humide matinée de la fin juin, un groupe de touristes chinois grimpe péniblement les raides escaliers du Bayon, l’un des plus célèbres temples du parc ­archéologique d’Angkor, surtout connu pour ses énigmatiques visages sculptés dominant l’édifice de leurs sourires à peine esquissés. Mais pour ces visiteurs, le but de l’escalade n’a pas pour objet de profiter dans la sérénité des splendeurs de ce monument vieux de huit siècles, construit sous la férule du grand roi khmer Jayavarman VII.Manifestant bruyamment sa joie d’avoir investi le temple, jouissant du délice de pouvoir hurler ensemble, le groupe de touristes se lance à l’assaut, bras tendu prolongé par son arme de poing favorite : une perche avec un téléphone portable accroché au bout, condition nécessaire pour assouvir cette soif passionnée de l’autoportrait – un désir nommé « selfie ».Les temples hindous et bouddhistes d’Ang­kor, quelque 700 monuments éparpillés dans une zone immense du nord du Cambodge et classés au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992, ont vu leur fréquentation exploser en une quinzaine d’années : une soixantaine de milliers de visiteurs en 1999, un peu plus de deux millions en 2014, déjà presque un million pour les cinq premiers mois de cette année… Outre le temple le plus connu, Angkor Vat, cinq ou six autres monuments, dont le Bayon, ­concentrent le maximum de visiteurs, de plus en plus souvent venus de Chine ou de Corée du Sud : 146 696 touristes ont visité le Bayon au mois de mai, dont 44 681 ressortissants de la République populaire.La rançon du succès étant tout à la fois la mort de la poésie des lieux et le début des problèmes – archéologiques, esthétiques, sécuritaires –, les autorités cambodgiennes sont en train de prendre des mesures pour faire face à cette déferlante. Car responsables et spécialistes, tant étrangers que ­khmers, ont beau répéter depuis des années que le tourisme doit être respectueux du ­patrimoine, la spectaculaire augmentation du nombre de visiteurs dans des monuments à caractère religieux qui n’ont pas été bâtis pour résister à pareille affluence représente une réelle menace à leur préservation.« 10 % du PNB dépend du tourisme »« La forme de tourisme souhaitée qui a été mise en avant par beaucoup ne correspond pas à la réalité du tourisme de masse », constate Christophe Pottier, architecte, archéologue et actuel directeur, à Bangkok, de la prestigieuse Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO) pour le compte de laquelle il a passé dix-huit ans au Cambodge. Garantir que le succès touristique du parc d’Angkor puisse éviter la détérioration des temples constitue donc une rude tâche pour l’Autorité pour la protection du site et de l’aménagement de la région d’Angkor (Apsara), l’institution gouvernementale cambodgienne.« Il faut bien comprendre que ce genre de tourisme est un phénomène relativement nouveau pour Angkor », plaide Chau Sun Kerya, porte-parole d’Apsara. Formée en France, elle y a soutenu une thèse de troisième cycle dont l’intitulé résume bien le défi à relever : « Angkor, le poids du mythe et les aléas du développement ». « Il s’agit de concilier les exigences d’un tourisme qui est une source de revenus importants pour le pays, se défend-elle encore, et la préservation des sites archéologiques dans le contexte d’un site vivant où résident une centaine de milliers de Cambodgiens, dont le respect absolu pour le caractère sacré des temples se combine avec le désir de plus de prospérité. »Dans la périphérie des zones protégées en priorité, toute une population aux activités liées au tourisme est en effet venue gonfler celle des 112 villages du parc. De l’aveu même des autorités, il n’est pas toujours facile de faire respecter les règles d’interdiction de construire dans ces « zones tampons ». « Il y a une façon très simple d’éviter tout impact du tourisme sur les temples : supprimer le tourisme ! », plaisante Sok Sangvar, directeur du Plan de management du tourisme pour Apsara. Ce jeune homme formé en France, en Suisse et en Australie ­affiche une impressionnante détermination. Optimiste, il veut croire que « l’augmentation exponentielle du tourisme n’est pas un problème en soi : ce qu’il faut, c’est parvenir à bien gérer l’afflux et le transformer en opportunité pour mon pays, dont 10 % du PNB dépend du tourisme ».Eduquer gardiens et touristesM. Sok, fils du puissant vice-premier ­ministre Sok An, n’a pas été nommé là par hasard : Angkor est depuis le temps des ­colons français un symbole national. Sa ­silhouette figurait même sur le drapeau des Khmers rouges, et il continue d’être l’emblème du Cambodge. Le parc constitue en quelque sorte une priorité d’Etat.« Angkor n’est pas qu’un site touristique, c’est l’esprit même du Cambodge ; préserver le site n’a pas que des buts économiques, c’est aussi préserver notre histoire », assure Sok Sangvar. Et si le directeur du tourisme peut compter sur le pouvoir de son père pour imposer ses vues, il a manifestement décidé de prendre son nouveau job très au sérieux. Pour cela, il utilise des méthodes modernes de gestion : les murs de son ­bureau sont recouverts des plans des principaux temples sur lesquels sont mentionnés les noms de tous gardiens et l’emplacement que chacun d’eux est censé occuper dans le monument. « Puisque les choses ont changé, il faut éduquer les gardiens, être strict dans la gestion, remettre au travail les employés. J’ai même créé un corps d’inspecteur des temples », détaille Sok Sangvar qui se targue d’avoir passé du temps avec tous ses subordonnés afin d’expliquer les raisons de cette nouvelle politique, censée combiner rigueur, discipline et motivation.La photo d’une jeune fille assise dans un temple, jupe retroussée haut sur les cuisses, a été apposée devant l’entrée de certains monuments, une croix rouge barrant l’imageMais ce sont avant tout les touristes qui doivent être éduqués : un « code de conduite » est en train d’être mis en application, affiches à l’appui, devant les temples les plus fréquentés. Entre autres, le « code » demande aux visiteurs d’être correctement vêtus en signe de respect du caractère sacré des lieux. La photo d’une jeune fille assise dans un temple, jupe retroussée haut sur les cuisses, a été apposée devant l’entrée de certains monuments, une croix rouge barrant l’image…Figure également au menu du « code », la mise en application rigoureuse de l’interdiction pour les estivants de pénétrer dans certaines parties fragiles des monuments – ne serait-ce que pour leur propre sécurité au vu de la dangerosité de l’escalade dans cet environnement de murailles et d’escaliers aux pierres disjointes.D’autres mesures ont été prises – ou le ­seront – pour éviter l’usure prématurée de bas-reliefs souvent objet de caresses inopportunes par des millions de mains avides. Au temple Banteay Srei, rendu célèbre par le vol de « dévatas » (déesses) par un certain André Malraux en 1923, la porte du Dieu hindou Indra a été fermée pour éviter que les sacs à dos des visiteurs frottent sur les pierres. Au Ta Prohm, monument connu pour ses énormes banians qui étreignent le temple dans leurs racines, des passerelles de bois ont été installées pour canaliser la circulation. Un sens obligatoire de la visite a désormais été imposé. Sok Sangvar prévoit également l’instauration d’un ticket à puce qui permettrait de savoir combien de visiteurs sont déjà dans le temple et d’interrompre la visite en cas d’engorgement…Stabilité des templesMais une autre menace pèse sur Angkor : le pompage abusif de la nappe phréatique. Les hôtels toujours plus nombreux qui se sont construits dans la ville voisine de Siem Reap pourraient en effet compromettre l’assise même des temples, bâtis sur des dépôts d’alluvions constitués de couches de sables argileux et limoneux. « Quand le niveau de la nappe phréatique descend trop vite, les monuments sont menacés », explique Hang Peou, un hydrologue de l’Apsara. Pour lui, la solution consiste en un remplissage des « baraï » (réservoirs) afin de rééquilibrer les oscillations du niveau de la nappe phréatique.Le pari n’est pas gagné : selon une étude japonaise, au-delà du pompage de 12 000 mètres cubes d’eau par jour pour les hôtels, la situation devient problématique. Or il s’en pomperait désormais 30 000 mètres cubes au quotidien. « Si on ne trouve pas d’autres solutions, il ne sera pas possible de garantir la stabilité des temples », redoute Hang Peou.Le tourisme n’est cependant pas qu’une plaie, observe Dominique Soutif, directeur de l’EFEO à Siem Reap : « Le tourisme a des effets pervers. Cependant, le succès d’Angkor assure aussi le financement de la conservation de ces temples magnifiques », rappelle-t-il. Entre flux touristique et préservation, l’avenir dira si le point d’équilibre a été trouvé…Bruno Philip (envoyé spécial à Angkor)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.08.2015 à 06h35 • Mis à jour le14.08.2015 à 20h58 | Frédéric Potet Les cons sont partout, c’est bien connu. Le risque, vu leur quantité, est d’en retrouver quelques-uns autour de soi quand viendra l’heure d’être mis sous terre… Le dessinateur Siné et l’humoriste et réalisateur Benoît Delépine en sont là de leurs réflexions philosophiques, en ce jour de 2009, quand une idée leur vient, d’une commune inspiration : préempter une partie de cimetière où ne seraient enterrés « que des potes » ; un petit coin de paradis où l’on continuerait, post mortem, de déconner entre soi. Doux délire d’une soirée arrosée qui aurait pu en rester là.Située dans la 30e division du cimetière de Montmartre à proximité de la tombe de la Goulue (1866-1929), leur « future » sépulture est aujourd’hui l’une des plus remarquables du nord de Paris. Un bronze représentant un cactus ayant lui-même la forme d’un doigt d’honneur surmonte un caveau pouvant accueillir jusqu’à 60 urnes funéraires. Une épitaphe a été gravée sur le socle : « Mourir ? Plutôt crever ! »Quelques coups de téléphone et un chèque à la Ville de Paris (5 500 euros) ont suffi aux deux « associés », à ce jour bien vivants – Siné a 86 ans, Delépine 56 – pour acquérir cette concession à perpétuité. La crémation sera un passage obligé pour prendre possession des lieux : « Au départ, j’avais les jetons à l’idée de me faire brûler, raconte Siné. Je préférais envisager d’être allongé dans un cercueil mais, comme je suis claustrophobe, c’est finalement pas plus mal. » Benoît Delépine voit, lui, dans ce projet, une solution immobilière à sa situation de contribuable charentais : le voilà enfin propriétaire d’un « pied-à-terre à Paris », comme il le clame à qui veut l’entendre.« Bons anars »La conception de la statue n’a pas été simple, les services municipaux refusant tout projet qui « heurte la sensibilité » des visiteurs. Un premier sculpteur, ami et compatriote du dessinateur belge Philippe Geluck, avait réalisé un doigt d’honneur sortant d’une tombe à la manière d’un zombie, mais Delépine a tiqué, croyant y voir un remake de La Nuit des morts-vivants.Une solution plus « soft » a alors été commandée à un autre copain sculpteur, Patrick Chappet, qui a imaginé ce cactus au profil évocateur : « Cela ne nous satisfait pas encore pleinement. On cherche une autre idée. Mais on tient au doigt d’honneur, en bons anars que nous sommes », assure Siné, alias « Bob » pour ses proches.A ce jour, « quatre ou cinq potes » ont réservé leur emplacement, facturé 500 euros. « Pris au jeu » alors que les complications médicales se succèdent, Siné a même déjà établi une liste de CD qu’il aimerait avoir à ses côtés quand il sera six pieds sous terre. On y trouve principalement de la musique noire américaine : Nina Simone, Ray Charles, Otis Redding, Dizzy Gillespie, Count Basie, Billie Holiday…« La mort étant un sujet tabou, on aime bien taper dessus », SinéCette mise en scène n’est pas du goût de tout le monde. Un ami écrivain lui a reproché de croire en un « après », insulte suprême au regard de la doxa anarchiste. « Et l’humour alors ? se défend Siné. La mort étant un sujet tabou, on aime bien taper dessus. Le but est aussi de faire passer le message que vous nous faites chier, justement, avec vos croyances. Ce qu’on veut, c’est pouvoir se saouler au son d’une fanfare pendant des funérailles, comme on l’a fait à l’enterrement du dessinateur Claude Serre (en 1998) – c’était le jour du beaujolais nouveau, qui plus est ! »Renvoyé de Charlie Hebdo en 2008 par Philippe Val sous prétexte d’antisémitisme (accusation dont il sera relaxé par le TGI de Lyon un an plus tard), Siné n’a pas assisté aux obsèques de ses anciens collègues dessinateurs, tombés sous les balles le 7 janvier. Si son inimitié avec Cabu et Wolinski rendait la chose impossible, le créateur de Siné Hebdo (devenu Siné Mensuel en 2010) aurait aimé être présent, en revanche, à l’enterrement de Charb. Mais la famille de ce dernier lui fit savoir qu’il était persona non grata.Pour ses funérailles à lui, Siné a tout prévu. Rédigé lors d’un séjour à l’hôpital il y a quelques années, un texte intitulé « Mes dernières volontés » va jusqu’à préciser le nom du producteur de beaujolais qui sera offert aux convives. Le vieil anar y parle aussi de… réincarnation, puisqu’il se voit renaître dans la peau d’un bonobo. Try a Little Tenderness, d’Otis Redding dans les oreilles, « Bob le primate » n’aura plus, alors, qu’à attendre l’arrivée des copains : « Le but, assène-t-il, est de rester entre nous pour l’éternité, même si on n’y croit pas. » Vraiment ?Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.08.2015 à 14h23 • Mis à jour le13.08.2015 à 21h12 | Philippe Bernard (Londres, correspondant) Innovation destinée à bouleverser les concerts de musique classique ou simple coup de pub ? Les mélomanes de Manchester sont invités à retirer en ligne des billets pour un concert un peu spécial que donnera le 6 septembre l’orchestre Hallé, fierté de la métropole du nord-ouest de l’Angleterre. Le ­caractère particulier de la soirée n’est pas à rechercher dans le programme, composé de « hits » confirmés comme la ­Cinquième Symphonie de Beethoven ou Water Music de Haendel, mais dans la manière de ne pas faire payer le spectacle. En effet, les spectateurs peuvent réserver gratuitement leurs places, et seront invités à verser à la fin du concert la somme correspondant au plaisir qu’il leur aura procuré. L’orchestre Hallé, la plus vieille formation sym­phonique du Royaume-Uni, facture habituellement ses places entre 10 et 40 livres sterling (14 à 57 euros).Baptisée « Les classiques n’ont pas de prix », l’initiative est destinée à drainer un public nouveau. « L’objectif est d’attirer des gens qui ne sont jamais allés au concert de leur vie et de leur montrer à quel point c’est enthousiasmant, a expliqué à la BBC John Summers, administrateur général de l’orchestre. Nous préférerions qu’ils paient, mais s’ils ne le font pas, cela nous est égal. Nous voulons qu’ils acquittent le prix qu’ils pensent que cela vaut. »Rompre avec la solennitéLa formule « Payez ce que vous voulez » ne constitue pas la seule nouveauté. Elle s’accompagne d’autres aménagements destinés à rompre avec la solennité intimidante attachée aux concerts classiques. La consommation des boissons, même achetées à l’extérieur, sera autorisée dans la salle. En cours de spectacle, le public pourra se rendre aux toilettes et sera incité à tweeter ses humeurs et ses critiques, qui seront diffusées sur un écran géant. Sur la scène du Bridgewater Hall, une salle de 2 400 places, les queues-de-pie et les robes sombres ne seront pas de rigueur ce soir-là pour les musiciens. Le programme lui-même, composé de dix courts extraits d’œuvres allant de Bach et Mozart à Bartok et Adams, a été conçu comme une introduction au ­concert symphonique. Pour attirer le spectateur, une « bande-annonce » reprenant les passages les plus connus de ces morceaux choisis est diffusée en ligne.L’idée du paiement volontaire pour l’écoute d’une œuvre musicale a été ­lancée en 2007 par le groupe rock Radiohead. Cette année-là, leur nouvel album, In Rainbows, était téléchargeable moyennant une contribution volontaire. ­Déclenchant une polémique, la formule avait transformé en happening la sortie de cet opus. Contre toute attente, il est ­apparu que le public s’était en général ­acquitté du prix habituel d’un album. Certains économistes – adeptes des freakonomics (l’« économie saugrenue ») – ont expliqué cette attitude par la volonté des clients de se sentir ou de ­paraître généreux.Mais, à l’heure où le financement de nombreux orchestres est en péril, il est peu probable que le « Payez si vous aimez » devienne la norme. Dans le monde du classique, l’orchestre symphonique de San Diego (Californie) paraît être la seule formation à avoir expérimenté un système analogue. Destiné à « faire goûter » la musique, son concert du 9 avril reposait sur une gratification selon l’humeur du spectateur. « La nouveauté de la formule a attiré une énorme attention sur l’orchestre, commente Martha Gilmer, directrice générale de la formation. Une énergie était palpable ce soir-là et les musiciens l’ont sentie. Nous avons réuni des gens de tous âges qui ont payé entre 5 et 100 dollars. Beaucoup sont restés après la représentation pour partager leur expérience. » Quant au nombre de nouveaux abonnés à la saison suivante, il a battu tous les records. A suivre…Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande Écoutez, si j’étais (vraiment) moderne, je chanterais à tue-tête, je sais le faire, avec l’accent et la voix de clairon : « Je vais aux fêtes de Bayonne/Chanter et danser/Rire et m’amuser… », etc. Ou je relirais Michel Leiris, qui donne dans son Journal (1946) une description charmante de fêtes qui ne le sont pas moins.Pure question poïélitique. Mon premier grand voyage, c’est Bayonne – Calais d’une traite, mon père était increvable, pour visiter en courant l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958 (l’Atomium, le Spoutnik, l’élégant pavillon français, la télé en couleur chez les Américains avec un orchestre de jazz en veste rouge).Ce soir, 30 juillet, je vous écris de Paris, Belleville. Je viens de passer trois jours au fantastique festival de Vannes (Morbihan) : Vincent Ségal, Roy Hargrove, Dave Holland au sommet.Demain, « je véééé aux fêtes de Bayôôône », comme je ne manque pas d’y aller depuis 1949 – j’avais 4 ans, je faisais « Japonais amateur » sur un char du corso fleuri.D’accord : j’ai quitté Bayonne en 1962. La question, c’est que Bayonne et les fêtes, elles, ne vous quittent jamais. Vous avez comme ça des villes terribles, de puissantes sirènes, pour qui l’on se jouerait la vie.Pourquoi les fêtes ?Pour leur évidence musicale, leurs chansons connes, leurs chants basques sublimes, leurs excès, leur évidence, leur gentillesse hirsute qui vous manque toute l’année.« Mais ce ne sont que bitures express, jeux de con, et vapeurs méphitiques…– Sans doute…– Les violences sexuelles se multiplient…– C’est abominable, et je ne sais l’interpréter.– Mais alors ?– Rien… Laissez-moi… J’y retourne. »Je croise les vieux copains de l’école laïque des quartiers Nord, on déparle, on dégoise, on boit un coup (ou deux).Je ne sais plus rien du génie d’idiotie parfois limite des fêtes. Les fêtes, c’est la nuit et le jour. Je sais que le jour est charmant. La nuit, ça s’aggrave grave. « Le journal », comme on dit ici (Sud-Ouest), raconte, dans un style irrésistible – Olivier Darrioumerle – les jeux stupides, dangereux, sadomaso, les gamins qui plongent dans la Nive et ces improvisations qui laissent ahuri.M’en voudrez-vous ? Je songe à ces garçons, filles et enfants, que l’on nomme les « migrants » de Calais, les « nuées » (maudit Cameron !), alors qu’ils sont exilés ou réfugiés politiques.Je les écoute.Ils tentent le coup. Rampent sous la Manche, s’accrochent au train, se font électrocuter, gauler par la police, ils jouent le tout pour le tout, onze morts depuis juin, prêts à recommencer demain.« Comparer l’incomparable… Vous êtes gonflé.– Allez vous faire fiche : à quoi bon comparer, si c’est juste pour comparer ce qui se compare ? » Je ne compare pas, je songe. Courir, frémir, ramper, sauter, se la jouer, eux, ils le font pour de vrai, non ? J’y songe, c’est tout. Je ne peux interpréter. Ciao !Francis MarmandeJournaliste au Monde 03.08.2015 à 06h35 • Mis à jour le03.08.2015 à 11h01 | Véronique Mortaigne UN COFFRET : Gainsbourg & The RevolutionariesEn janvier 1979, déjà « Gainsbarre », Serge Gainsbourg débarquait à Kingston (Jamaïque) pour y mener une expérience unique : l’habillage de la chanson française en dub, version allongée du reggae. S’en suivra le scandale de Aux armes et cætera, une Marseillaise que des soldats parachutistes ne supporteront pas de voir transformée en promenade nonchalante dans la cruauté de l’histoire de France. Avec Sly Dunbar aux percussions, Robbie Shakespeare à la basse, The I Threes aux chœurs (trois chanteuses dont Rita Marley) ou encore Radcliffe « Dougie » Bryan à la guitare, il forme un groupe, The Revolutionaries, pour habiller Lola Rastaquouère ou La Javanaise. Ensemble, ils portent l’album Aux armes et cætera en scène, et notamment au Palace, à Paris, en décembre 1979. Puis la vie privée de Serge Gainsbourg vire au naufrage quand Jane Birkin le quitte. En 1981, Gainsbourg reprend son expérience caribéenne. Il part avec Bambou, sa nouvelle compagne, à Nassau (Bahamas) afin d’enregistrer Mauvaises nouvelles des étoiles.Voici l’histoire racontée dans un coffret de trois CD conçu par Philippe Lerichomme, garant du patrimoine Gainsbourg, et Bruno Blum, expert en musique jamaïcaine. Gainsbourg & The Revolutionaries comporte huit versions inédites, qui permettent de comprendre le travail de fond réalisé par le compositeur français. Pour les vrais amateurs de dub, Bruno Blum a joué les prolongations avec un second coffret de 3 CD, toujours aussi bien illustré, de remixes des chansons reggae de Gainsbourg. Gainsbourg In Dub mérite une exploration estivale, et que vive le patrimoine ! Gainsbourg & The Revolutionaries, un coffret de 3 CD Mercury/UniversalUN FESTIVAL : Fiest’A SèteLe décor des festivités vaut à lui seul le déplacement : le Théâtre de la mer, taillé dans un ancien fort et dans la roche, où regarder la scène en contrebas équivaut à sonder l’horizon de la mer Méditerranée. On regarde les musiciens, la Lune, les bateaux qui sortent du port, et le voyage peut commencer. Ibeyi et Yaël Naim le premier soir (2 août) puis le vétéran, costaud et cuivré, de la musique moderne éthiopienne, Mahmoud Ahmed. Salif Keita déplace le public vers l’Afrique de l’Ouest. Il a reformé son orchestre historique Les Ambassadeurs, qui animèrent les clubs et les hôtels du Mali à la Côte d’Ivoire et qui furent des épicentres de la diffusion des musiques afro-cubaines. Fiest’A Sète revient d’ailleurs sur Cuba, avec Chucho Valdès, avant un retour au Nigeria avec Tony Allen, et un passage en terre klezmer (David Krakauer). Une musique dans chaque port, pour se sentir l’âme vagabonde.Fiest’A Sète, à Sète, du 2 au 8 août, 30 euros (pass multiples de 78 à 130 euros). Tél. : 04 67 74 48 44. www. fiestasete.comUN CLIP : « Black Lake », de BjörkLa chanteuse islandaise se fait rare cet été. Elle a présenté la version scénique de son album Vulnicura pour la première fois aux Nuits de Fourvière à Lyon en juillet, après une prestation festivalière (avec rappels de ses plus grands tubes) à Manchester, au Royaume-Uni. Elle sera à la Route du Rock de Saint-Malo le 15 août, mais sa rigueur et ses exigences scéniques méritent qu’on prévoie à l’avance. Les vidéos et les effets graphiques tiennent une place de choix dans l’univers de Björk. Vulnicura est l’album de la déroute amoureuse et de la rédemption (autobiographique à la suite de sa rupture avec son compagnon, l’artiste plasticien Matthew Barney). Blake Lake est un long clip qui a été commandé à Björk par le MoMa de New York qui lui consacrait ce printemps une exposition (par ailleurs descendue en flamme par l’hebdomadaire The New Yorker). Réalisé par Andrew Thomas Huang, le clip a été mis en ligne.UNE RADIO : Pedro’s Broadcasting BasementPour échapper aux formats habituels, découvrir sans hésiter à rompre avec ses habitudes, il faut se brancher sur PBB, la webradio montée par un homme seul, mais d’expérience, Laurent Garnier, qui définit son projet comme un « laboratoire ». Bien sûr, le musicien français restitue le résultat de longues heures d’écoute de morceaux inédits qui lui sont envoyés de partout, reflet de la vitalité des musiques électroniques mondiales, et il y mêle des coups de cœur plus anciens. Pedro’s Broadcasting Basement (PBB, Pedro étant son pseudonyme du temps où il mixait à l’Hacienda de Manchester) marche à la surprise, souffle le chaud (du funk, du blues) et le froid (de la techno dure) et c’est plein d’humour. Sans pub ni parlote.http://www.pedrobroadcast.comVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Arte propose deux documentaires sur les iconiques Jimi Hendrix et Jim Morrison (samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte).Jimi Hendrix, guitariste de génie, et Jim Morrison, chanteur charismatique des Doors, restent les deux grandes figures légendaires de la musique pop-rock des années 1970. Leur inventivité et leur extravagance mêlant psychédélisme et poésie ont révolutionné la scène musicale dans un monde et une époque encore remués par les révoltes étudiantes. Tous deux morts à l’âge de 27 ans – le premier à Londres d’une overdose ; le second à Paris d’une crise cardiaque – ont rejoint « le club des 27 » dans lequel on retrouve Brian Jones, Janis Joplin, Kurt Cobain et, depuis 2011, Amy Winehouse, eux aussi décédés dans leur vingt-septième année.Génie sur scèneDans le cadre de son excellent « Summer of Peace », Arte offre une soirée composée de deux documentaires qui permettent de (re)découvrir la courte vie de Jimi Hendrix et l’univers poétique de Jim Morrison à travers un rare film consacré aux Doors. Si les deux musiciens avaient des styles bien différents, ils se rejoignaient dans le génie lorsqu’ils étaient sur scène.Avec Hear my Train a Comin’ (un blues écrit par Hendrix en 1967), Bob Smeaton dresse un portrait intime du guitariste où archives inédites (notamment sa toute dernière apparition scénique, sur l’île de Fehmarn, en Allemagne, le 6 septembre 1970, douze jours avant sa mort) et témoignages se succèdent avec en toile de fond la plupart des concerts de celui que tous les musiciens considèrent comme le plus grand guitariste de l’histoire du rock.De sa première guitare sèche offerte par son père lorsqu’il avait 15 ans à sa réinterprétation hallucinée de l’hymne américain à Woodstock, en 1969, en passant par le fameux concert du Finsbury Astoria à Londres en 1965 où il brûla sa guitare, le réalisateur retrace l’itinéraire de Jimi Hendrix, étoile filante du rock, introverti à la ville et guitariste époustouflant à la scène, jouant aussi bien avec ses dents et sa langue qu’avec sa main gauche…Roi de l’improvisation à la technique instinctive, de l’effet larsen et de la pédale wah-wah, il a tout de suite surpris de nombreux musiciens qui, à l’instar de Little Richard, l’ont vite vu comme un rival à écarter. Dans le film au montage soigné et bien rythmé, ses amis et musiciens toujours vivants (partenaires du Jimi Hendrix Expérience, Billy Cox ou Paul McCartney) témoignent sur son long et difficile périple avant qu’il n’accède à la reconnaissance et la notoriété. C’est passionnant.Tout comme ce petit documentaire consacré aux Doors, diffusé à la suite du portrait d’Hendrix. Restauré et remastérisé, il est depuis peu disponible après une longue bataille juridique qui bloquait sa diffusion. C’est l’unique document consacré au groupe fondé par Jim Morrison en 1965 avec l’organiste Ray Manzarek. Tourné pendant cinq mois en 1968 dans une vingtaine de villes des Etats-Unis et autoproduit par les Doors, ce document expérimental et plutôt déroutant a été filmé par Paul Ferrara, lors de la préparation de leur troisième album studio, Waiting for the Sun. Le réalisateur, qui fut un camarade de classe de Jim Morrison lorsqu’il était étudiant en cinéma à Los Angeles, filme le chanteur au plus près.Des vingt-trois heures de rushes réduites à quarante minutes, on découvre ainsi les coulisses des concerts souvent délirants et le charisme du chanteur au visage d’ange comme lors d’un concert où on le voit transcendé en chantant This is the End.Hear my Train a Comin’, de Bob Smeaton (EU, 2013, 90 min) et Feast of Friends, de Paul Ferrara et les Doors (EU, 1968, 40 min). Samedi 1er août, à 22 h 15 et 23 h 45, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 06h43 • Mis à jour le01.08.2015 à 10h27 | Florence Aubenas //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Tatiana Levha, la cuisine en toute liberté Au Chelsea Hotel, sur les traces de Patti Smith William Gibson, inventeur du cyberespacetous les articles de la thématique Florent Massot s’est installé au lit et il a pris le manuscrit. Baise-moi, ça s’appelle. L’auteur porte un prénom de fille et, forcément, ça excite davantage Massot que si c’était écrit par un taulard dépressif. D’habitude, Massot, jeune éditeur fauché, publie des albums sur les cultures de la rue, pas des romans. Dans celui-là, aucun érotisme. C’est du sexe, du cul, un livre trempé de porno où deux femmes partent en cavale à travers la France des sous-préfectures. Elles tuent, elles baisent, elles se défoncent, à fond et consciencieusement. Elles aiment ça. Le choc est là, le premier en tout cas. On est en 1993, neuf éditeurs ont déjà refusé Baise-moi. Virginie Despentes elle-même a lâché l’affaire. De toute façon, son ordinateur a avalé le texte, il ne reste que la copie passée à Massot, par un ami. Quand il la publie, les librairies non plus n’en veulent pas.Cet été 2015, il est vingt-deux ans plus tard, soit une génération. Les sex-toys s’achètent dans des supermarchés, les actrices X sont invitées à Cannes et le magazine GQ titre sur « Le nouvel âge du sexe », où des chercheurs dissertent du « devenir porn de la société tout entière » grâce aux nouvelles technologies. Un jour, Despentes recevra le prix Nobel (pour les paris, s’adresser à l’écrivain Laurent Chalumeau) et les jeunes filles qui s’offrent aujourd’hui en France le risque de la liberté devraient toutes lui payer un Coca Zéro, du côté des Buttes-Chaumont. « Tu es chaman, tu as fait avancer la société à coups de pompe dans le cul », lui disait Philippe Manœuvre, patron de Rock & Folk, à l’époque où ils ont vécu ensemble et avant qu’elle ne parte avec des femmes. Sur le balcon, ils fumaient et buvaient des nuits entières, se demandant par quelle grâce un bouquin pareil vous tombe dessus, sorti comme un cri, en un mois. Il conviendrait à ce stade d’envoyer les violons, mais l’histoire possède aussi une face amère, ses légendes et ses sales coups.Ça démarre au ralenti, début des années 1990, odeur de bière au petit matin dans des endroits où on ne se souvient pas toujours s’être endormi. Despentes fait partie de la petite troupe cavalant autour des Bérurier Noir et leurs concerts, deux types post-punk, guitare saturée et boîte à rythmes. Baise-moi est exclu des circuits officiels ? « Et alors ? Ça nous paraissait normal d’être des parias, voire glorieux », dit BB Coyotte, graphiste. Le livre se met à cheminer dans le réseau rock alternatif, les fanzines, les squats, les cafés où Florent Massot le diffuse lui-même, à vélo.« Quelque chose d’unique »Dans cette mouvance, les filles traînent dans les mêmes endroits pourris que les hommes. Elles gazent les contrôleurs de la RATP et se font taper aux manifestations. Elles dirigent leurs propres groupes. Elles s’imposent, massivement, grandes gueules, envoyant se coucher la pin-up que l’imagerie classique du rock cantonne à la figuration à l’arrière des motos. Il y a Karine, par exemple, qui deviendra plus tard Eric. Ou Betty, qui pose nue, montrant un sein, parfois deux, sortant le couteau au besoin. Elle préfère ça que travailler. « La libération des femmes nous semblait l’héritage majeur des seventies, mais sclérosé », dit Herr Sang. Lui a fondé New Wave, fanzine de référence et tient une boutique de cinéphilie. « On voulait une révolte au-delà des choses connues, une autre identité féminine, ne pas être jugé selon sa pratique sexuelle. Baise-moi était en plein là-dedans. »Pendant des mois, le livre tourne à 1 000, 2 000 exemplaires dans ce milieu fermé. Autant dire que rien de ce qu’on y lit n’étonne, ni le sexe, ni la poisse, ni la colère, ni le viol d’une des cavaleuses. Une chanson des Bérus s’appelle Hélène et le sang, une copine qui s’est fait violer justement, « comme beaucoup des filles que je connaissais alors », dit Marsu, le manageur. C’est arrivé à Despentes aussi. Elle avait 17 ans. Aux psys, elle balance systématiquement, comme un bras d’honneur : « Ça ne m’a pas marquée plus que ça. »Pour la sortie de Baise-moi, elle s’est surtout concentrée sur la liste de ceux à qui l’envoyer, dix noms, pas plus, mais vitaux, comme s’il n’était écrit que pour eux. Patrick Eudeline arrive en tête, fascination numéro un, héros hors limites, dandy, junky, critique rock, chanteur chantant faux, obsessionnel de la nostalgie. Aujourd’hui attablé chez un cafetier grognon de banlieue, Eudeline, 60 ans, paraît fragile et particulièrement dans la dèche. Sa splendeur intrépide reste intacte. « Beaucoup de filles voulaient me rencontrer, vous vous en doutez. »Eudeline vient des années 1970, quand les copines faisaient du strip-tease à Pigalle dans les baraques foraines en guise de transgression. « On regardait des pornos aussi, mais pour les scènes entre celles de sexe, pas pour le X. » Même lui, Baise-moi le choque, mais il lui trouve « quelque chose d’unique ». Despentes et Eudeline se retrouvent à Belleville. Ils se racontent leurs « trucs les plus farfelus ». Il la suspecte d’abord d’en rajouter, quand elle dit avoir été pute occasionnelle, sur le Minitel rose entre les petits boulots et le baby-sitting. Pute ? Cette fille costaude avec son grand rire punk ? Elle paraît plus étonnée que lui : « Il n’y a pas 50 façons de trouver de l’argent, non ? » Il n’arrive pas à démêler chez elle l’innocence de la fureur. « On est resté trois jours ensemble, mais je ne veux pas être indiscret. »Eudeline aime perdre pied. Il chronique le bouquin. Les quotidiens s’y mettent. Thierry Ardisson le programme sur le câble. Les ventes sautent à 40 000. Il atterrit chez Laurent Chalumeau, à Canal+, première chaîne à diffuser du porno dans les années 1980 et en faire le phénomène branché du samedi soir. « Despentes est incapable d’écrire une phrase où il ne se passe rien, une très grande artiste », siffle Chalumeau. Il se précipite à la programmation. « On l’invite, ça va cartonner », annonce Canal+ à l’éditeur Massot. « Vous avez de quoi en tirer 15 000 de plus ? » On est en décembre 1995, Baise-moi va en faire des centaines de milliers.Comme un bras d’honneurA l’époque, Despentes chronique des vidéos X pour un magazine spécialisé, rideaux tirés à cause des voisins, dans un deux-pièces où elle cohabite avec Ann Scott. Scott a été un peu mannequin, grande famille, en pleine love story avec Sextoy, DJette du Pulp, la boîte lesbienne où elle fait entrer Despentes. Elles écrivent aussi, toutes les deux, persuadées chacune de voir en l’autre le véritable talent (c’est toujours le cas), se nourrissant d’une fascination réciproque devant le même menu chez McDo, parce qu’elles n’ont pas de quoi en prendre deux, la pute et le top model, occasionnels l’une comme l’autre. « Sa phrase, c’était : “Il faut mettre ses tripes sur la table”, dit Scott. Elle m’appelait “Madame” et disait : “Moi, je suis la femme des bois.” »Sans transition, la femme des bois est propulsée de la bulle alternative à l’arène surexposée des médias. Tout le monde la veut, maintenant, sans trop savoir comment manier l’engin, ni le livre ni la fille. Aux journalistes, elle continue de raconter sans manière avoir été pute « avec autant de plaisir que j’avais eu à le faire », dit Despentes aujourd’hui. La plupart s’emparent d’elle, en font « une victime des bas-fonds que la réussite va sauver de la drogue et de la prostitution », se souvient Massot. D’autres, au contraire, floutent l’épisode. « Ça me touchait, je voyais qu’ils voulaient me protéger », reprend Despentes.Elle sort un nouveau livre, et un autre. Quand les éditions Grasset l’approchent, elle croit deviner « des vieux tournant autour de [s]on cul ». Il faut qu’Ann Scott lui explique que c’est une vraie chance à saisir. Massot, lui, a fait faillite, sombrant avec le trésor de Baise-moi. Despentes pense réaliser un film, sans sexe, mais joué par des hardeuses, Coralie Trinh Thi surtout. Trinh Thi possède un peu la même ambivalence, punk option gothique, surnommée « l’Intello » dans le X, mais fière de raconter que La Princesse et la Pute, son premier rôle, a cartonné au hot-parade. Certains collègues rient dans son dos quand elle revendique « oser prendre son pied sur un tournage et oser le dire ». Personne ne veut du film de Despentes. « Pas assez du Despentes. »En revanche, Philippe Godeau accepte de la produire quand elle propose de tourner Baise-moi, caméra à l’épaule et sexe non simulé. Despentes a 30 ans alors, Trinh Thi, 25. Elles seront coréalisatrices, deux actrices X joueront les cavaleuses. Au montage, on leur propose d’ouvrir le film sur la scène du viol. Le viol comme point de départ ? « On ne voulait pas que ça apparaisse comme une justification morale à la dérive des filles », se souvient Trinh Thi. C’est non. Même si Despentes a commencé « à vieillir avec ça, la sensation insupportable qu’en une nuit, tout avait basculé. Et j’ai jamais voulu l’admettre que j’étais vulnérable à ce point-là, juste parce que j’ai une chatte ».Baise-moi tient trois jours dans soixante salles en France avant le carnage, en juillet 2000, démoli par le milieu du cinéma, les associations féministes autant que catholiques, les militants néo-FN ou Le Nouvel Observateur, qui exige : « Sexe, violence, le droit d’interdire ». Et c’est interdit, tout de suite : le Conseil d’Etat fabrique, sur mesure, une barrière pour les « moins de 18 ans » (utilisée quinze fois depuis). Les portes se referment de nouveau, comme si on se rendait soudain compte que la charge explosive de Baise-moi était toujours là. « Dans un livre, quelque chose reste classe, personne n’aurait osé le censurer, dit Despentes. Là, on pouvait nous jeter : “Vous êtes des putes.” » Et Trinh Thi : « Ce n’est pas le porno qui tue, c’est quand on le quitte. On se retrouve dans le monde réel avec des gens qui ne comprennent pas pourquoi on a fait ça. Ils nous veulent soit coupable, soit victime. Aujourd’hui, le porno est partout, les codes ont changé, mais ils restent des codes. »Six ans plus tard, dans King Kong Théorie, Despentes revient sur le viol. « J’imagine toujours pouvoir liquider l’événement (…). Impossible, il est fondateur, de ce que je suis en tant qu’écrivain, en tant que femme qui n’en est plus tout à fait une. C’est à la fois ce qui me défigure et ce qui me constitue. » La photo date des années 1990, on voit Despentes jouer dans un éphémère groupe de hip-hop. Elle en avait envoyé une cassette à Massot aussi. L’éditeur avait refusé celle-là. « Trop soft. » Pendant les répétitions, Juan, le bassiste, hurlait toujours une même vieille blague : « Baise-moi, baise-moi. » C’est ce que crie la petite fille dans une scène culte de L’Exorciste.Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25-26 et 27 septembre et à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festivalFlorence Aubenas Florence Evin Jeu de chaises musicales à la tête des institutions et établissements publics. Les nominations tombent par décrets en cette fin juillet. Au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Bruno David, 60 ans, est nommé président. Une annonce qui clôt la réforme des statuts de l’établissement public engagée il y a plus de deux ans. En effet, le nouveau président du MNHN, « choisi parmi les personnalités scientifiques », assurera la direction de l’établissement, « assisté d’un conseil scientifique qui dirigera le Muséum, assisté de directeurs généraux délégués, l’un en charge des ressources humaines, financières et de l’administration générale, l’autre en charge des collections » comme le stipule le décret paru au Journal officiel du 2 octobre 2014.La nomination de Bruno David comme PDG signe le retour en force des scientifiques du sérail au pilotage exécutif de l’institution pluridisciplinaire regroupant douze sites en France. Et cela, à l’heure où les grandes rénovations engagées ces dernières années arrivent à leur terme avec la réouverture, le 17 octobre, du Musée de l’Homme – après celles, en 2014, du Parc zoologique de Vincennes et, au Jardin des plantes, de la Galerie de minéralogie et de géologie, de la Galerie des enfants, des Grandes Serres et de l’Herbier national, la plus grande collection de la planète.« Emerveiller pour instruire »« Je suis fier d’accéder à la présidence d’une institution aussi prestigieuse que le Muséum dont le rôle est de fasciner, émerveiller pour instruire, indique Bruno David. Nous sommes au bord d’une rupture environnementale majeure comme en témoigne la préparation de la COP 21 cet automne à Paris. Eveiller la curiosité, promouvoir une culture de la nature appuyée sur des connaissances scientifiques, s’inscrire dans une démarche de sciences naturelles avec l’Homme, tel est mon engagement à la tête de cette institution. »Directeur de recherche au CNRS où il est entré en1981, Bruno David a pris, en 1995, la direction du laboratoire de paléontologie du CNRS à Dijon. En trois mandats, il a développé la structure Biogéosciences devenue une véritable interface entre sciences de la Terre et sciences de la vie. Il fut aussi directeur-adjoint scientifique de l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS où il est toujours chargé de mission. Dans la foulée de ce parcours initial de paléontologue, le spécialiste des faunes anciennes du Crétacé a effectué une reconversion vers la biologie marine. Ses recherches portent sur la biodiversité abordée à partir de modèles fossiles et actuels.Cette nomination supprime, de fait, le poste de directeur général, occupé depuis quatre ans par Thomas Grenon. Désormais, Bruno David assurera cette fonction assisté de deux directeurs adjoints. « Ce n’est pas une surprise. Comme à l’Inrap et au CNRS, l’Etat fusionne les rôles de directeur général et de président », indique Gilles Bœuf, l’ancien président du MNHN qui dit n’avoir eu « aucune envie de se charger de l’administration ». « Le MNHN est un organisme de recherche scientifique qui a aussi à gérer un établissement muséographique (lequel a reçu 4 millions de visiteurs payants sur ses différents sites en 2014, et quelque six millions de promeneurs au Jardin des plantes). Chaque objet est d’abord un objet de recherche, un objet d’étude, la grande différence avec un musée d’art. Mais un musée très fréquenté est très difficile à gérer. J’aurais préféré que l’on conserve la dualité. Chacun son métier. Il y avait de la place pour deux. »Une institution à la dérive en 2000L’histoire récente, avec quinze ans de direction générale qui ont sauvé de l’abîme le MNHN, allait dans ce sens. Car, à l’aube de l’an 2000, l’institution, quatre fois centenaire, placée sous la tutelle de deux ministères – celui de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’environnement, du développement durable et de l’écologie – était à la dérive. Au point que la Cour des comptes a sonné l’alarme.En 2002, après trois ans d’administration provisoire, un premier directeur général, Bertrand-Pierre Galey, était nommé pour redresser les finances et mettre de l’ordre dans la gouvernance de l’institution forte de 1 800 agents. Précisons que la complexité structurelle du MNHN est liée à ses multiples missions : recherche fondamentale et appliquée – avec 450 chercheurs –, conservation et enrichissement des collections issues du patrimoine naturel et culturel, enseignement, expertise, valorisation, diffusion des connaissances, action éducatrice et culturelle à l’intention de tous les publics.Thomas Grenon a succédé en 2010 à Bertrand-Pierre Galey, qui y avait effectué deux mandats de quatre ans. Polytechnicien, ingénieur des mines, qui avait à son palmarès la direction générale de grands établissements – de la Réunion des musées nationaux avec les Galeries d’expositions du Grand Palais à la Cité des sciences et de l’industrie – Thomas Grenon a continué de redresser les comptes et assuré la réouverture après travaux, du Parc zoologique de Vincennes et celle à venir, cet automne, du Musée de l’Homme. En 2014, avec les subventions des tutelles (37 %) – en baisse de 10 millions d’euros par rapport à 2013 –, les recettes du MNHN se montaient à 113,1 millions d’euros, contre 116,3 millions d’euros de dépenses (dont 30 % d’investissement).Thomas Grenon, directeur général au terme de son mandat, briguait le poste de président du MNHN. La Commission scientifique chargée de la sélection en a décidé autrement. Sur six candidatures présentées, elle a émis, à la surprise générale, un seul avis. Son choix s’est porté sur Bruno David, un grand scientifique sans passé de gestionnaire mais qui connaît bien la maison pour avoir présidé pendant six ans le Conseil scientifique du MNHN. Il prendra ses fonctions le 1er septembre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.07.2015 à 17h27 • Mis à jour le30.07.2015 à 09h10 | Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Paris, Texas », un drame du remariage arrangé en forme de road-movie (mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte).Voir Paris, Texas trente ans après sa sortie, c’est accepter le poids de trois décennies de clichés. Wim Wenders et Robby Müller, respectivement réalisateur et chef opérateur de la Palme d’or 1984, ont été si inventifs, si bien en prise avec l’inconscient collectif que les images du film sont presque immédiatement devenues des lieux communs : le rapace en gros plan, perché sur un rocher du désert ; le type un peu décavé et son petit garçon dans un pick-up bon pour la casse ; la fille blonde en pull angora dans un peep-show… Tout a servi à des générations de publicitaires, de réalisateurs de vidéos musicales, de cinéastes en panne d’imagination.Perdre la paroleLe début du film, l’alternance de plans larges sur le paysage désertique et serrés sur le visage d’Harry Dean Stanton, qui avance péniblement, s’est si durablement imprimé sur les rétines que l’on a peut-être oublié ce qu’était Paris, Texas. Un drame du remariage arrangé en forme de road-movie.L’homme qu’incarne Harry Dean Stanton s’appelle Travis. Quand il émerge du désert, il a perdu la parole et la mémoire. Son frère Walt (Dean Stockwell) vient le chercher afin de le ramener chez lui, à Los Angeles, où il vit avec Anne (Aurore Clément), son épouse française, et Hunter (Hunter Carson), le fils que Travis a eu avec Jane, une très jeune femme qui a, elle aussi, disparu.Avant que le film ne reprenne la route, il s’arrête longuement à Los Angeles. La musique de Ry Cooder y change. Les longs traits de slide guitar font place à de délicats motifs d’inspiration mexicaine, les grands espaces du western aux lotissements de la sitcom. Wim Wenders a confié le scénario à Sam Shepard, avant de demander une adaptation à L. M. Kit Carson.Poète de la famille, qu’il aime casser et recomposer, Shepard manie le stéréotype au point de flirter avec le mélodrame. De leur côté, Wim Wenders et Robby Müller sont décidés à donner leur interprétation de l’iconographie américaine. C’est à peine s’ils citent quelques cinéastes classiques, se préoccupant plus de photographie et de peinture. Les ambiances verdâtres de certains intérieurs doivent tout à Edward Hopper. Chaque plan offre un nouveau point de vue sur des scènes familières, sans jamais recourir à un excès d’artifices.Paris, Texas, de Wim Wenders. Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, (GB-Fr.-All., 1984, 145 min). Mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart « Les Clés de l’orchestre » analyse l’une des pièces maîtresses du répertoire symphonique du XXe siècle (dimanche 9 août, à 22 h 50, sur France 5).Tandis que France 2 propose, pendant l’été, « La Boîte à musique », une série d’émissions pour le grand public consacrées à la musique classique, France 5 diffuse quatre numéros d’une série pédagogique de plus haut niveau, « Les Clés de l’orchestre », également animée par Jean-François Zygel : celui-ci décryptera Casse-Noisette, de Piotr Ilitch Tchaïkovski (le 30 août), La Mer et le Prélude à l’après-midi d’un faune, de Claude Debussy (le 23 août), la Symphonie n° 9, de Dimitri Chostakovitch (le 16 août), après s’être intéressé, le 9 août, à la grande pièce symphonique Des canyons aux étoiles, d’Olivier Messiaen (1908-1992). Il est à saluer que le cycle commence avec l’œuvre la moins « abordable » de celles traitées cet été.Teintes fauvesSi le pianiste, compositeur et improvisateur se laisse aller à l’anecdote (toujours signifiante) dans « La Boîte à musique », devant trois invités le plus souvent « novices », le voici, dans le cadre des « Clés de l’orchestre », plus proche de l’esprit de ses fameuses « Leçons de musique » à la mairie du 20e, à Paris (reportées sur DVD par Naïve). Cette fois devant l’Orchestre philharmonique de Radio France, qui illustre son propos par des exemples dirigés par Jean Deroyer, Zygel tient au public du Théâtre du Châtelet des propos approfondis, mais accessibles.Des canyons aux étoiles est une vaste composition (environ 90 minutes) écrite par Messiaen en réponse à une commande de la mécène Alice Tully pour la célébration du bicentenaire de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. Messiaen fut tellement impressionné par le Bryce Canyon, dans l’Utah, qu’il visita en 1972, qu’il décida de faire de sa pièce une correspondance musicale des paysages grandioses qu’il y découvrit.Comme Dieu était en toute chose pour Messiaen, il est au centre de ces Canyons aux étoiles ; comme les oiseaux étaient ses maîtres en musique, le chant dûment noté de ceux qu’il entendit là-bas s’y ébat ; comme le compositeur associait les accords à des couleurs, la partition éclabousse l’auditeur de teintes fauves. Tout cela explicité à merveille par Zygel : le novice ne s’y perdra point et le mélomane aguerri découvrira d’autres cheminements au sein de cette œuvre foisonnante.Les Clés de l’orchestre, Des canyons aux étoiles, d’Olivier Messiaen, réalisé par Philippe Béziat (Fr., 2014, 95 min).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.08.2015 à 12h37 • Mis à jour le07.08.2015 à 12h48 Avec Bruce Springsteen et une « standing ovation », l’humoriste américain Jon Stewart a tourné la page, jeudi 6 août, du « Daily Show », l’émission télévisée grâce à laquelle il s’était imposé, durant seize ans, comme le roi de la satire politique et médiatique aux Etats-Unis.Pour cette émission exceptionnelle d’une heure, plusieurs célébrités avaient enregistré des vidéos d’adieu très brèves, plus ou moins drôles, dont Hillary Clinton, le secrétaire d’Etat John Kerry, le sénateur John McCain, ou l’animateur de Fox News Bill O’Reilly, une des cibles préférées de Stewart.Des comédiens lancés par le « Daily Show » y ont aussi fait une apparition, dont John Oliver, Steve Carell ou Stephen Colbert, qui a salué « un grand artiste et un homme bon », auquel, a-t-il dit, « nous devons beaucoup ».La Maison Blanche a également tweeté ce que le président Obama avait dit à Jon Stewart sur son plateau le 21 juillet : « Je publie un nouveau décret. Jon Stewart ne peut pas quitter l’émission. »"I’m issuing a new executive order—that Jon Stewart cannot leave the show" —@POTUS: http://t.co/l1IEX8pKpR #JonVoyage http://t.co/jlqvb2uL5Q— WhiteHouse (@The White House)require(["twitter/widgets"]);Mais l’humoriste l’a fait, refusant de prononcer un quelconque « adieu » ou « au revoir », préférant parler d’une pause dans la conversation, restant flou sur ce qu’il comptait faire ensuite. Le « Daily Show » sera repris en septembre par le comédien sud-africain Trevor Noah.« Carrefour de la politique, du journalisme et du divertissement » Impitoyable, drôle, résolument à gauche avec un humour typiquement new-yorkais, Stewart avait commencé à présenter le « Daily Show » sur Comedy Central en 1999, une parodie de journal télévisé de trente minutes, quatre soirs par semaine, et s’était rapidement fait une place unique dans le paysage audiovisuel américain.« Il s’était taillé, au fil des années, une place unique au carrefour de la politique, du divertissement et du journalisme », explique Stephen Collinson, de la chaîne CNN, qui titre son article d’adieu : « Comment Jon Stewart a changé la politique. »De nombreux éditorialistes, une caste qui l’a longtemps méprisé, lui rendent aujourd’hui hommage, comme Meredith Blake, du Los Angeles Times :« Quand Jon Stewart a fait ses débuts au “Daily Show” en janvier 1999, l’idée qu’un comédien, alors connu pour quelques talk-shows à courte durée de vie ou des rôles secondaires dans des films à oublier, aurait l’oreille d’un président avait tout d’une blague.Mais, alors qu’il quitte le programme de Comedy Central, quatre campagnes présidentielles et près de 2 600 épisodes plus tard, il part plus que comme l’un des humoristes les plus accomplis de sa génération. Bien qu’il répugne à l’admettre, les commentaires et la satire de Jon Stewart ont fait de lui une des voix les plus influentes dans la politique américaine. »S’il s’est autant démarqué, c’est grâce à son style inimitable. « La comédie a fait de Jon Stewart le journaliste ayant le plus la confiance du public, assure Elahe Izadi, du Washington Post. « Bien qu’il ne se soit jamais présenté comme un vrai journaliste, il avait compris que les gens aiment consommer l’information grâce à l’humour. Ce n’est pas une mauvaise chose, le “Daily Show” tranchait avec la manière traditionnelle de rendre compte de l’actualité : nuancée, en donnant la parole aux deux camps. »Il a ainsi profité d’un désaveu du public pour les médias traditionnels. « Depuis que Jon Stewart a commencé au “Daily Show”, il y a seize ans, la confiance du pays dans les médias et le gouvernement a chuté », remarque John Koblin, du New York Times.« Sa marque de fabrique, des fausses informations, a prospéré dans ce vide et a fait de lui l’un des plus vivifiants critiques médiatiques, politiques et culturels. Il a attiré une génération de téléspectateurs prêts à accepter un personnage singulier dont les exagérations avaient, selon eux, plus de vérité que les programmes traditionnels. »« Un guide constant pour certains Américains »Selon Stephen Collinson, de CNN, « il a été un guide constant pour certains Américains à travers les quinze premières années tumultueuses du XXIe siècle ». Sa première émission après le 11 septembre 2001 est restée dans les mémoires quand, incapable de contenir ses larmes, il avait demandé aux téléspectateurs : « Est-ce que ça va ? »L’année précédente, l’élection présidentielle et sa conclusion à suspense, où les voix avaient dû être recomptées avant de voir George W. Bush être désigné vainqueur, l’avaient amené au premier plan. Il moquait alors « Indecision 2000 ».Plus tard, ses critiques répétées sur a guerre en Irak alimentent les doutes de certains Américains.Une audience en déclinMais, après seize ans d’émission, l’audience a décliné. Elle a atteint 1,3 million de téléspectateurs par jour en moyenne, le plus bas score depuis 2005. L’audience parmi les 18-49 ans, à 725 000 par soir, est au plus bas depuis onze ans, selon les données de Nielsen citées par le New York Times. Thomas Kent, éditorialiste à l’agence Associated Press, nuance les éloges tressés par ses confrères :« Oui, le journalisme a une dette envers Jon Stewart. Des millions de personnes l’ont suivi pour du divertissement mais ont, grâce à lui, appris beaucoup sur le monde. […] Mais si la plupart des journalistes peignent souvent le monde en gris, Jon Stewart le voyait habituellement en noir et blanc. » Lui qui pourfendait certains médias, et en premier lieu Fox News et CNN, « il dépendait de reportages nuancés faits par d’autres, qui parcourent le monde pour couvrir l’actualité, parfois à leurs périls, enquêtent, révèlent des affaires ». « Le commentaire, notamment satirique, connaît un grand succès. Mais il aura toujours besoin des fondamentaux : des sources solides pour du journalisme nuancé et rapide », conclut Thomas Kent.Lire aussi :Jon Stewart, visage d’une révolution médiatique Véronique Cauhapé Une adaptation âpre et tendue de « La Mort de Belle », de George Simenon (vendredi 7 août, à 20 h 55, sur France 2).Simon (Bruno Solo) n’aime pas sortir. Professeur de mathématiques, il a préféré, ce soir-là, rester chez lui pour corriger des copies, tandis que sa femme, Christine (Delphine Rollin), est allée passer la soirée chez des amis. Ayant bu plusieurs verres de whisky et s’étant perdu dans la contemplation de son train électrique, Simon n’a entendu aucun bruit suspect alors qu’au premier étage de sa maison, Belle Sherman, une jeune Britannique hébergée par le couple, se faisait étrangler dans sa chambre, aux alentours d’une heure du matin.Dans le monde petit-bourgeois auquel Simon a accédé par son mariage sans jamais s’y être senti accepté, les regards deviennent soupçonneux à l’égard de cet homme aux origines modestes, solitaire et secret. L’isolement dans lequel se retranche alors Simon réveille des névroses qui ne tardent pas à le submerger, jusqu’à lui faire commettre l’irréparable.Adapté de La Mort de Belle, roman écrit par Georges Simenon en 1951, le téléfilm de Denis Malleval, Jusqu’à l’enfer, installe de façon étrangement calme un climat oppressant autour de l’enfermement d’un personnage, dans une petite ville de province d’abord, et sur lui-même ensuite.Violence souterraineTendue par une violence souterraine, cette fiction lorgne du côté de Chabrol, et plus particulièrement celui de la période Landru, La Femme infidèle, Le Boucher. Même pesanteur du soupçon, même inquiétude discrète, mêmes tensions contraires parcourant les personnages.Bruno Solo trouve là l’un de ses plus beaux rôles dramatiques. Le défi était énorme, il l’a cependant relevé sans hésiter, conscient du cadeau qui lui était offert de porter ce personnage d’homme ordinaire et fragile que la fatalité écrase. Car Simenon – et ce n’est pas le moindre mérite du téléfilm que de nous le faire ressentir – est un écrivain du tragique. Un auteur hanté par la nature humaine, qui n’a cessé de créer des êtres aliénés par leur destin, prisonniers de leurs instincts. C’est bien ce type de personnage qu’interprète Bruno Solo, méconnaissable dans cette terreur ahurie qu’exprime son visage : un Simon qui a fait taire ses démons jusqu’au jour où un événement l’arrache au cocon familial.Jusqu’à l’enfer, de Denis Malleval (France, 2009, 90 min). Avec Bruno Solo, Delphine Rollin, Yvon Back, Jacques Spiesser. Vendredi 7 août, à 20 h 55, sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant De leur préparation à leur envol dans l’espace, récit de la mission menée par les astronautes Alexander Gerst et Gregory Wiseman à bord de la Station spatiale internationale (vendredi 7 août, à 23 h 50, sur Arte).Quelle est l’odeur de l’espace ? Pour répondre à cette question inhabituelle, il faut avoir eu le privilège de s’offrir une petite sortie orbitale dans l’infini. L’astronaute allemand Alexander Gerst fait partie de ceux qui, après des années d’intenses préparations physique et technique, s’est retrouvé à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Et qui, solidement harnaché, s’est offert le luxe de flotter quelques heures dans le cosmos. « L’odeur de l’espace ? On dirait un peu celle des noix. Une odeur très forte »,avoue-t-il de retour de mission avec des étoiles dans les yeux.Si vous faites partie de celles et ceux qui ont aimé le film Gravity (sept Oscars en 2014), sur les aventures de deux membres (George Clooney et Sandra Bullock) d’une mission spatiale ballottés dans l’espace, certaines images (en 3D) de ce documentaire allemand inédit vous rappelleront de bons souvenirs. Mais au-delà de la fascination qu’exercent sur le Terrien lambda les images d’astronautes au boulot dans le cosmos, l’intérêt de ce documentaire est aussi de décortiquer les énormes moyens mis en œuvre pour envoyer des hommes dans l’espace durant cent soixante-cinq jours, période durant laquelle ils effectueront de précieuses expériences en apesanteur.Quatre ans d’entraînementBien avant de s’envoyer en l’air dans l’infini et de passer quelques mois à bord de la Station spatiale internationale, Alexander Gerts et l’Américain Gregory Wiseman se sont rendus à Houston (Texas), siège de la NASA, où ils se sont préparés durant près de quatre ans, apprenant entre autres comment survivre dans l’espace. Equipés de casques de simulation ou plongés durant six heures en combinaison spatiale dans la plus grande piscine couverte du monde, les deux astronautes, devenus complices, ont souffert. Mais le jeu en valait la chandelle.Après Houston, direction la banlieue de Moscou et la célèbre Cité des étoiles. Plongés dans une centrifugeuse géante, les deux hommes y ont subi des contraintes physiques extrêmes. Enfin, direction le cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan), où, dans la nuit du 28 mai, le vaisseau Soyouz décolle pour un voyage aussi long qu’extraordinaire.La vie quotidienne en apesanteur n’est pas de tout repos. Il n’y a évidemment ni haut ni bas, aller aux toilettes demande une certaine expérience, se laver les dents ou se glisser dans un sac de couchage (fixé au mur) aussi. En l’absence de gravité, les organismes souffrent. Pour éviter la fonte musculaire, deux heures de sport par jour sont nécessaires.Plus que les images toujours aussi sublimes de la Terre vue d’en haut, c’est le quotidien de ces astronautes rassemblés pendant des mois dans un espace confiné qui donne sa force au film. Les émotions ressenties par ces hommes préparés à tout sont aussi partagées par ceux restés sur la planète bleue. « Vu d’ici, on réalise que les ressources terrestres sont restreintes », souligne un membre de la mission, regardant défiler en contrebas les continents terrestres.Mais les plus grandes émotions sont celles vécues hors de la cabine, pendant les quelques heures passées à flotter dans l’espace et à réparer ce qui doit l’être. « Lorsque le Soleil s’est levé, le côté gauche de ma combinaison m’a donné chaud alors que l’autre était froid ! Voir la Terre à travers seulement deux millimètres de Plexiglas, c’est vraiment génial. Tout le monde devrait avoir le droit de vivre ça. »Gravité zéro, mission dans l’espace, de Jürgen Hansen (Allemagne, 2015, 55 min). Vendredi 7 août, à 23 h 50, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.08.2015 à 06h43 • Mis à jour le07.08.2015 à 07h46 Les héros en pâte à modeler d’Aardman à Paris, des trésors du XXe siècle à Grenoble, la celtitude célébrée à Lorient : voici les choix du « Monde » pour ce week-end estival.DE LA PÂTE À MODELER : Wallace, Gromit, Shaun et les autres au Musée d’art ludique Les retardataires, ou ceux qui sont de passage à Paris cet été, ont jusqu’à la fin août pour plonger dans l’univers des studios Aardman. Le Musée d’art ludique, posé en bord de Seine, dans le 13e arrondissement de Paris, offre en effet aux amateurs des films sortis de ce fabuleux labo d’animation britannique d’en découvrir les coulisses. Wallace, son chien Gromit, Shaun le mouton, les volailles de Chicken Run ainsi que les accessoires farfelus utilisés pour les folles aventures de ces personnages en pâte à modeler sont exposés dans les décors d’origine. Aquarelles, carnets de croquis et story-boards révèlent la genèse des films, dont des extraits sont projetés tout au long de la visite. Sylvie Kerviel« Aardman, l’art qui prend forme ». Musée d’art ludique, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Artludique.com. Jusqu’au 30 août. De 10 à 15,50 euros.DE LA MUSIQUE : Un bain de culture celte à Lorient Créé il y a quarante-cinq ans dans le but de promouvoir la culture bretonne et, au-delà, celle des terres celtes, le Festival interceltique de Lorient, qui se déroule du 7 au 16 août, a choisi cette année de mettre à l’honneur la Cornouailles et l’île de Man. Seront ainsi présents les 3 Daft Monkeys, la fanfare du Camborne Town Band et les Aggie Boys Choir, tous venus du comté d’Angleterre, ainsi que le groupe Aon Teanga, les Caarjyn Cooidjagh ou le trio Barrule, originaires de l’île située en mer d’Irlande. Ils croiseront sur les scènes morbihannaises les fidèles de la manifestation, tels les bagadou de Lorient, de Vannes et de Lann-Bihoué, le Galicien Carlos Nuñez, de retour après six ans d’absence, ou encore Denez Prigent. S. Ke.Festival interceltique de Lorient (Morbihan). Jusqu’au 16 août. De 8 euros (la place) à 150 euros (forfait six jours). Festival-interceltique.bzhUN SPECTACLE : Satchie Noro se plie en quatre pour refermer Paris quartier d’étéParis quartier d’été remballe ses tréteaux. Ce week-end est donc la dernière occasion de profiter des spectacles encore à l’affiche. Parmi ceux-ci, Origami, de Satchie Noro et Silvain Ohl, présenté aux Berges du port du Gros-Caillou, dans le 7e arrondissement. La danseuse et chorégraphe franco-japonaise, qui aime se produire dans les lieux les plus improbables, et le constructeur et acteur français se sont inspirés de la technique de pliage pour leur performance d’art acrobatique. La jeune femme évolue sur un conteneur de tôle ondulée divisé en trois morceaux, pliant et tordant son corps en fonction de la géométrie du support. Renversant, dans tous les sens du terme. S.Ke.« Origami », Les Berges, port du Gros-Caillou, Paris 7e. GratuitUNE EXPOSITION : Des trésors du XXe siècle au Musée de Grenoble Ce sont près de 150 œuvres picturales, sculpturales, graphiques ou photographiques qu’a réunies le Musée de Grenoble pour son exposition estivale centrée sur les acquisitions faites par l’établissement depuis dix ans. Le XXe siècle y est bien représenté : l’exposition s’offre le luxe de s’ouvrir par un dessin de Bonnard, une toile passablement pornographique du fauve Charles Camoin et un papier collé de Picasso, un Verre, de 1914. Suivent des ensembles consacrés à Gaston Chaissac – une peinture et des dessins délicieux –, à Mario Merz – dont une peinture inattendue de 1960 un peu à la Dubuffet – et à Sigmar Polke. L’attention portée par le musée à l’art en Allemagne se vérifie devant Gerhard Richter, Wolfgang Laib ou Thomas Schütte. De même, côté Italie et arte povera, une installation monumentale de Giuseppe Penone répond aux Merz. Philippe Dagen« De Picasso à Warhol, une décennie d’acquisitions », Musée de Grenoble, 5, place Lavalette, Grenoble (38). Du mercredi au lundi, de 10 heures à 18 h 30. 8 euros. Jusqu’au 31 août. 06.08.2015 à 13h21 Qui a dit que les jeunes ne lisaient pas assez ? Cette semaine a lieu le troisième marathon littéraire de la communauté « BookTube », un ensemble de chaînes YouTube anglophones consacrées à la lecture. A la faveur des vacances d’été, les participants doivent lire sept livres en une semaine, du 3 au 9 août. Au cours du « BookTubeAThon », ils devront partager des vidéos de leurs étapes journalières, exposer leurs difficultés, répondre à des défis. A la fin du marathon, les organisateurs éliront les meilleures vidéos.L’âge moyen des participants, en grande majorité des filles, ne dépasse pas 25 ans. Si les romans grand public tiennent une bonne place dans les textes choisis par les lecteurs, cela ne les empêche pas d’inclure des livres plus originaux. Romans graphiques et littérature étrangère figurent ainsi dans la sélection d’Ariel Bissett, l’une des organisatrices. Elle raconte avoir commencé et annoté assidûment son exemplaire traduit en anglais de L’Etranger, d’Albert Camus.Si le principe des « défis lecture » existe depuis longtemps dans les écoles, cette communauté de web-lecteurs est autrement plus large qu’une salle de classe : la Canadienne Ariel Bissett peut s’enorgueillir de 70 000 abonnés sur YouTube. Une participante, qui tient la chaîne abookutupia, dépasse les 190 000 abonnés. Relayé sur Twitter, Facebook et Instagram, le projet BookTubeAThon est un évènement parmi les lecteurs connectés.« Le pendant intello des vidéos de beauté »Mais il n’est pas le seul marathon lecture organisé via les réseaux sociaux. Grâce aux communautés en ligne (Goodreads pour les anglophones, Babelio en France), de multiples défis fédèrent les amateurs. Pour les francophones, il existe le French ReadAThon, dont l’édition d’été s’est déroulée au mois de juillet sur YouTube, mais aussi le Weekend à 1 000, où les participants doivent lire 1 000 pages en un week-end. Les marathons thématiques se développent, comme le Continent ReadAThon, pour s’obliger à découvrir chaque mois des auteurs étrangers.Comment expliquer le succès de vidéos sur la lecture, une activité par essence solitaire et subjective ? La vidéaste québecoise Ina Mihalache, créatrice de la chaîne de vidéos existentielles Solange Te Parle, participe au BookTubeAThon depuis Paris. Pour elle, c’est précisément l’ouverture sur l’intimité qui attire les participants : « Les vidéos de livres sont le pendant intello des vidéos de beauté », ces conseils pour se maquiller et se coiffer qui génèrent des millions de vues sur YouTube. « Ce sont en majorité des femmes qui les produisent, et la scénographie est similaire, dans l’intimité de la chambre. »Paradoxalement, c’est aussi l’espace infini d’Internet qui plaît aux amateurs de livres : « Naviguer sur BookTube est une sensation proche de ce que l’on éprouve en entrant dans une bibliothèque, commente Ina Mihalache. On se retrouve face à une somme de volumes, de connaissances et de voix soudain accessibles ». Pour sa part, la vidéaste a établi un programme de lecture bien éloigné des polars populaires choisis par la plupart de ses consœurs anglo-saxonnes. Au troisième jour du défi, elle avait déjà terminé les Carnets du sous-sol, de Dostoïevski, le Journal d’un morphinomane (anonyme) et En kit, de Laure Naimski. Pour le reste de la semaine, sont programmés, entre autres, Georges Perec et Henri Michaux.Violaine Morin Daniel Psenny Politique, cette deuxième saison de « Real Humans » voit les robots revendiquer une égalité de droits avec les humains (jeudi 6 août, à 23 h 50, sur Arte).Ce nouvel opus de la série suédoise créée par Lars Lundström se déroule toujours dans une petite ville suédoise semblable à n’importe quelle ville européenne, où les humains continuent de cohabiter avec les robots, les premiers exploitant au mieux les seconds.Nouveau prolétariat rechargeable et programmable avec une clé USB, les « hubots » s’intègrent de mieux en mieux dans la société, malgré un virus informatique qui les transforme en machines dangereuses et incontrôlables. Au point que certains robots humanoïdes, en quête d’un code leur permettant de se libérer de leur condition de machine, commencent à revendiquer une égalité de droits avec les humains…Cette demande de vivre-ensemble est au centre de cette saison, la rendant plus complexe dans le récit et plus politique dans son approche. Si la résistance de quelques humains s’organise à travers une société secrète, les « Real Humans », eux, résistent à leur manière. Derrière ce combat, le scénariste a glissé, sous forme de métaphores, tous les thèmes qui secouent les nations européennes : la discrimination, le rapport au travail, la différence de classe, l’égalité hommes-femmes, la place des minorités, la liberté sexuelle…« Critique sociale »Libéré des dogmes de la science-fiction – qu’il ne revendique d’ailleurs pas pour cette série –, Lars Lundström oriente son récit vers le thriller et le fantastique. Petit à petit, le robot échappe à son créateur et, au-delà des péripéties narratives, le scénariste entame une réflexion sur l’être humain.« “Real Humans” est la critique sociale la plus pertinente du monde des séries, loin devant celles des Américains », dit le journaliste Nils Ahl, auteur avec Benjamin Fau d’un Dictionnaire des séries télévisées (éd. Philippe Rey, 2011). Pourtant, lors de son lancement, en 2012, « Real Humans » n’a pas connu une très bonne audience en Suède. En revanche, les télévisions européennes se sont précipitées sur cette série que les Britanniques ont adaptée à leur manière avec un droit de regard artistique pour Lars Lundström. Et Arte, qui a acheté la série en lisant juste le « pitch » (l’histoire écrite en quelques lignes), attend avec impatience la troisième saison. Et nous avec…Real Humans, saison 2, créée par Lars Lundström (Suède, 2014, 10 × 46 min). Avec Lisette Pagler, Marie Robertson, Pia Halvorsen… Jeudi 6 août, à 23 h 50, sur Arte.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Arte rediffuse la minisérie britannique « Secret State » qui dépeint les arcanes d’un scandale politico-financier (jeudi 6 août, à 20 h 50, sur Arte).Nul ne se plaindra qu’Arte rediffuse la minisérie britannique de quatre épisodes de 44 minutes « Secret State » (2012), inspirée du roman A Very British Coup (1982), de Chris Mullin, un ancien homme politique, ministre des gouvernements de Tony Blair : récompensée d’un Emmy Award, elle est d’une grande qualité d’écriture, de jeu et de réalisation.La série traite d’un scandale politico-financier alors que, au moment où se produit l’explosion d’une usine pétrochimique dans le nord de l’Angleterre (qui fait 19 victimes, dont un enfant, et près d’une centaine de blessés), le premier ministre britannique meurt dans l’explosion de l’avion qui le ramène des Etats-Unis. Son adjoint, le vice-premier ministre, Tom Dawkins, se voit confier les rênes du pouvoir au 10 Downing Street, mais aussi, lui qui n’est pas l’un des requins qui infestent les eaux du pouvoir politique, par son parti l’investiture aux élections législatives, qu’il remporte.L’homme, dépeint par les uns comme un humaniste qui sait parler au peuple, et par les autres comme un dangereux marxiste aux utopies d’un autre temps, va se trouver engagé dans un chemin semé de chausse-trapes, de compromissions, de jeux de pouvoir (à l’extérieur et à l’intérieur de son propre parti, que l’on devine être celui des travaillistes, entre les services de renseignement) ainsi que d’enjeux géo-politico-financiers, qui vont jusqu’au crime.Visage tendu et regard mélancoliqueEvidemment, cette série croise dans des eaux plus que familières, et l’on ne peut s’empêcher d’y déceler un petit air de déjà-vu – d’autant que la chaîne britannique Channel Four avait déjà diffusé, en 1988, une première série, A Very British Coup, inspirée du même livre. Et il manque peut-être à « Secret State » la concision d’un long-métrage ou, à l’inverse, le développement des personnages que permettrait une série plus longue.Mais l’un des points forts de ce drame, tourné à Londres sous un ciel de plomb, est la présence, dans le rôle principal du premier ministre Tom Dawkins, de Gabriel Byrne. L’acteur, né en 1950, qui a commencé sa carrière dans une série télévisée en Irlande, son pays natal, est une figure récurrente du cinéma anglo-saxon : il a joué dans de grandes productions comme dans des films d’auteur (les frères Coen, Mike Newell, Wim Wenders, etc.). A la télévision, son incarnation d’un psychanalyste dans la remarquable série « In Treatment » (« En analyse »), adaptation de la série télévisée israélienne « Betipul », de 2008 à 2010, a imposé la finesse de son jeu et sa stature de comédien : Byrne obtiendra justement en 2009 le Golden Globe du meilleur acteur dans une série télévisée dramatique.Il traverse les quatre épisodes de « Secret State » avec un visage tendu et le regard mélancolique et désabusé de celui qui a tout compris, qui sait que sa marge de manœuvre est minime et que sa vérité est soumise à la suspicion cynique du monde politique alentour. Au cours du quatrième et dernier épisode, Tom Dawkins fait cette confidence à la journaliste avec laquelle il tisse des liens privilégiés (elle lui transmet des informations qui lui permettent de comprendre la situation dans laquelle il est plongé dès sa prise de fonctions) : « On est au sommet, et c’est alors qu’on se rend compte qu’on n’est qu’à mi-chemin… »Secret state, créée par Robert Jones. Avec Gabriel Byrne, Charles Dance, Gina McKee (4 X 42 minutes).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 06.08.2015 à 08h40 • Mis à jour le06.08.2015 à 09h21 | Julie Clarini Robert Conquest est mort à l’âge de 98 ans, à Palo Alto (Californie), lundi 3 août. Un livre a particulièrement compté dans la carrière de cet historien né en Angleterre et installé aux Etats-Unis dans les années 1980 : celui qu’il a consacré, en 1968, aux purges staliniennes (1937-1938), La Grande Terreur. Avec une lucidité qui fait dire à son confrère Timothy Garton Ash qu’il fut « Soljenitsyne avant Soljenitsyne », Robert Conquest y reconstitue, de manière détaillée, notamment grâce aux témoignages des survivants, la trame générale de la Grande Terreur, insistant sur son degré de centralisation, sur la paranoïa de Staline et le nombre effroyable de victimes fixé par lui à 20 millions, qu’il s’agisse de mort par exécution, de famine ou dans les camps de travail. Ce livre pionnier, traduit dans une vingtaine de langues, est devenu une référence majeure pour les historiens de l’URSS, lançant de nouveaux débats sur la nature du régime stalinien.Avec cet ouvrage, Conquest s’affirme comme l’un des meilleurs spécialistes de l’empire soviétique. Parmi ses nombreuses publications – une vingtaine –, Moissons sanglantes, en 1986, démontre à nouveau sa perspicacité d’historien. Ce premier livre sur la Grande Famine qui dévasta l’Ukraine (1932-1933) établit, pour la première fois, la responsabilité pleine et entière de Staline dans les millions de morts qu’elle provoqua. « Encore une fois, Robert Conquest a irrévocablement démontré l’ampleur colossale des horreurs staliniennes. Il a correctement identifié leurs origines dans la pensée et les pratiques marxistes et pointé du doigt la cohorte des naïfs européens qui ont relayé les mensonges soviétiques, à l’époque de Staline et dans les décennies qui ont suivi », disait Stephen Kotkin, chercheur à l’Institut Hoover et professeur d’histoire à l’université de Princeton.Proche de Margaret ThatcherEn effet, Robert Conquest ne ménage pas ses critiques à l’encontre des intellectuels occidentaux pour ce qu’il considérait comme de l’aveuglement devant le stalinisme (Bernard Shaw, Jean-Paul Sartre…). Farouche anti-communiste, pro-américain, il soutient, pendant la guerre froide, une politique ferme à l’égard de Moscou et des pays satellites. En 1967, il signe un appel collectif dans The Times pour défendre la politique menée par le gouvernement américain dans la guerre du Vietnam. Observateur engagé, il est également proche de Margaret Thatcher qui le consulte régulièrement sur la ligne à tenir face aux Soviétiques.La chute de l’URSS ouvre pour lui une nouvelle ère, celle, à ses yeux, de son triomphe : l’ouverture des archives soviétiques confirme une partie de ses thèses. Quand il est question, en 1990, d’une nouvelle édition de La Grande Terreur, Conquest suggère un titre : « I Told You So, You Fucking Fools » (« Je vous l’avais bien dit, bande de cons »). Même si quelques-unes de ses hypothèses sont abandonnées et d’autres encore discutées, la grande majorité des historiens saluent aujourd’hui sa sagacité. Que doit-elle à l’expérience ? Pendant ses études à Oxford et en France, à Grenoble – sa famille, prospère, vit entre l’Angleterre et le Sud de la France –, le jeune Conquest est membre du Parti communiste de Grande-Bretagne. Il prend vite ses distances, cependant, et s’engage, pendant la seconde guerre mondiale, en tant qu’officier du renseignement. En poste en Bulgarie – pays dont il maîtrise la langue –, il s’installe de ce côté-là du Rideau de fer pendant plusieurs années, y restant après la fin de la guerre, puis rejoint, dans les années 1950, l’Information Research Department, créé par l’Intelligence Service pour « collecter et synthétiser des informations fiables sur les méfaits du communisme ».Un poète anglaisCe fut toutefois à une autre activité, bien loin de celle d’espion ou d’historien, que Robert Conquest dut sa première reconnaissance publique : la poésie. Dès 1937, il publie des recueils de vers. Dans les années 1950, il est l’une des figures du cercle « The Movement », avec Kingsley Amis et Philip Larkin. Le dernier ouvrage portant sa signature fut du reste, en 2009, une anthologie de ses poèmes, parue sous le titre Penultimata. C’est ainsi que cet intellectuel volontiers provocateur, au cœur des polémiques les plus chaudes de sa discipline, resta toute sa vie un poète anglais.Julie ClariniJournaliste au Monde 05.08.2015 à 16h35 • Mis à jour le06.08.2015 à 07h17 | Frédéric Potet Depuis deux ans, Didier Conrad est le dessinateur d’Astérix. Il partage un point commun avec Uderzo, le ­cocréateur du ­célèbre Gaulois : comme lui, il a publié ses premiers dessins à 14 ans. Embauché comme « grouillot » à la ­Société parisienne d’édition, ­Uderzo avait réussi à placer une ­illustration dans l’hebdomadaire ­Junior, en 1941. Conrad a, lui, été l’un des premiers lauréats de Carte ­blanche, un concours lancé par Spirou auprès de ses lecteurs.C’était en 1974 : deux ­pages mettant en scène un personnage qui tente de devenir un héros de bande dessinée avaient été retenues par le ­magazine belge, toujours en quête de talents. « Nul doute qu’en travaillant plus avant son trait actuel, éliminant les ­faiblesses de débutant, se rodant dans les vieilles ­ficelles de dessinateur, il n’arrive à faire d’ici quelques années une œuvre originale et ­efficace », indiquait un texte d’accompagnement.Humour parodiqueLancée neuf mois plus tôt par le ­rédacteur en chef de Spirou, Thierry Martens, Carte blanchea vu débuter Bernard Hislaire, ­Philippe Bercovici, André Geerts ou le scénariste Yann avec qui ­Conrad réalisera un sommet d’humour parodique, Les Innommables (14 tomes entre 1983 et 2004). « Le choix était simple pour rentrer dans le métier à l’époque : soit tu devenais assistant dans un studio professionnel, mais il fallait pour cela vivre à Bruxelles ou Paris, soit tu commençais à ­publier », se ­souvient le dessinateur.Conrad n’est pas devenu pro tout de suite, malgré « trois ou quatre » autres Cartes blanches dans Spirou. Sous la pression de sa mère qui le rêve ingénieur, il envisage des études scientifiques auxquelles il renonce vite, puis entre aux Beaux-Arts où il ne reste que trois mois pour cause d’ennui profond. A 19 ans, il fait son retour dans ­Spirou avec une série appelée « Jason » (sur un scénario de Mythic) et, à 22 ans, il commence à ­gagner sa vie. « C’est un métier qu’on ­apprend sur le tas. Il faut publier un minimum de 200 à 300 pages pour comprendre comme ça marche vraiment. Mes “études”, je les ai ­faites dans Spirou », raconte-t-il.Tout sauf un boulot “normal”Et la vocation ? Celle-ci ne lui est pas venue à la seule lecture de Franquin et Uderzo – les idoles de sa jeunesse. Un ouvrage « technique » a eu beaucoup d’influence sur lui : Comment on devient créateur de bandes dessinées (Marabout, 1969, réédition Niffle, 2014). L’auteur, Philippe Vandooren, y interrogeait Franquin et Jijé sur les facettes du métier : quel type de plumes utiliser, quel format privilégier, qu’est-ce qu’un « bleu »… « J’avais 11 ans. C’est ce livre qui m’a fait prendre conscience qu’on pouvait vivre de la BD. C’était parfait pour moi qui ne me voyais pas faire un boulot “normal” dans un bureau… »En 1974, sa mère est hospitalisée alors qu’il se lance dans ses deux planches pour Spirou. Son père n’est déjà plus là. « J’avais peur de me retrouver orphelin. Faire cette BD m’a aidé à penser à autre chose », dit-il en se rappelant le chèque reçu pour cette première publication : 500 francs (382 euros actuels). « Je ne comprenais pas comment un métier si formidable pouvait payer si peu », s’en amuse-t-il. En la matière, les choses ont quelque peu changé pour lui.Retrouvez les premières œuvres de Conrad sur le blog « Les petits miquets » : Bandedessinee.blog.lemonde.frFrédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet (Bourges, envoyé spécial) Festival de salles abritant les artistes et le public des giboulées d’avril, le Printemps de Bourges dissémine aussi une poignée de scènes ouvertes sur le chemin encombré de stands et de chalands qui descend de la Maison de la culture jusqu’aux rives de la rivière Auron.Si plusieurs de ces plateaux gratuits et en plein air s’offrent à la sympathique maladresse de groupes amateurs, celui de la scène Pression Live, sponsorisée par un célèbre brasseur, propose une programmation plus relevée d’espoirs de l’avant-garde pop française et internationale.Samedi 25 avril, alors que la soirée Rock’n’Beat bat son plein entre le grand chapiteau du W et la salle du Palais d’Auron, le public berruyer pouvait ainsi y découvrir les incantations électro d’une Suissesse, Joëlle Nicolas, dont le nom de scène – Verveine – contraste étrangement avec la sombre intensité de sa musique.Blonde aux cheveux courts et en robe noire, Verveine se tient derrière ses machines avec l’allure hiératique d’autres pythies électroniques telles Zola Jesus ou Fever Ray. Après quinze ans de piano et des études d’art, cette jeune femme de 25 ans a choisi de sculpter une matière synthétique sans céder aux formats pré-programmés et digérés de l’informatique musicale.Une marge d’improvisationQuand la plupart des animateurs de la fête Rock’n’Beat habitent leurs hymnes dansants de samples d’autres artistes et de voix déjà enregistrées, cette native de Vevey, sur la rive orientale du lac Léman, tisse en direct – et avec une marge d’improvisation –, des enchevêtrements de rythmes oppressants, nappes aériennes et voix qu’elle auto-échantillonne pour créer des chœurs entêtants.Quand trop de DJ jouent aujourd’hui la carte de l’évasion décorative et de la désincarnation, Verveine se livre avec une vraie puissance charnelle – entre séduction pop, spleen gracieux et beats industriels – déjà remarquée aux dernières Transmusicales de Rennes en décembre 2014 et sur un premier album autoproduit, Peaks, publié en septembre 2013. Un nouvel opus devrait bientôt voir le jour cette année, attendu avec appétit.Concerts : le 30 avril, à Chateaulin ; le 13 mai, à Creil ; le 22, à Saint-Brieuc, festival Art-Rock. verveine.bandcamp.comStéphane Davet (Bourges, envoyé spécial)Journaliste au Monde 26.04.2015 à 17h13 • Mis à jour le27.04.2015 à 07h12 | Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale) Le Printemps de Bourges-Crédit mutuel est troublé, parce que son calendrier a été perturbé. Choisir sa date est, pour un festival, un exercice de grande importance, qui peut tout changer en termes de fréquentation. Parce qu’il fallait profiter du chevauchement des vacances scolaires entre la région parisienne et la région Centre, la 39e édition du festival berruyer a commencé un vendredi, le 24 avril, au lieu du mardi habituel, et s’étire jusqu’au mercredi suivant, le 29, juste avant le pont du 1er mai, jour chômé, respect aux travailleurs.Le Printemps s’était habitué à un rythme exponentiel, tranquillité du milieu de semaine, montée en puissance, fête le samedi, famille le dimanche. En 2015, il faudra observer comment le festival concilie les jours travaillés (par la population en général) et l’apothéose. Cette édition a été ouverte vendredi 24 par un coup de poing, Juliette Greco, 88 ans, un concert mémorable, légèrement écourté pour coup de chaleur. Et à côté, Angus & Julia Stone, Selah Sue, soirée rock dans le grand chapiteau W. Le lendemain, samedi soir, tout de suite, déjà, la Rock’n’Beat, soirée électro, des ultra-basses jusqu’à cinq heures du matin, pleine comme un œuf. Un fort dispositif « anti-bouteilles » a réduit avec succès les comas éthyliques des 15-25 ans adeptes de la cuite express sur les trottoirs aux abords des salles. Pour écouter SBTRKT ou Jeff Mills, la moyenne d’âge a légèrement augmenté. On repère des trentenaires.Lire aussi :Juliette Gréco, lâcheuse sublimeQuid du dimanche, un creux avant une invasion de rap français ? Le programme reggae du dimanche 25 assez pépère. Parce que le reggae est installé à Bourges depuis des lustres. Qu’il a son public captif, rasta, sympathisant rasta, amateurs d’herbe, de révolutions douces, et qu’il y a peu de risques à programmer le Jamaïcain Clinton Fearon.Tour de passe-passeSamedi 25, Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français, a rendu visite à Daniel Colling, directeur du festival berrichon. Ce dernier lui a confié, rapporte le Berry Républicain, qu’un hommage serait rendu en 2016, à l’occasion du 40e anniversaire du Printemps, à Jacques Rimbault, maire PCF de la ville de 1977 à 1993, sans qui la fondation du festival n’eut pas été possible. En 1977, un détachement avancé de la nouvelle chanson française avait jeté son dévolu sur Bourges, au centre de l’Hexagone, qui possédait une très belle Maison de la Culture, et une mairie soucieuse des arts populaires.A bien y regarder, l’édition 2015 est empêtrée dans les prémices du « Quarantième », que Daniel Colling, cofondateur du Printemps et en passe de quitter ses fonctions de directeur, veut brillant. Le vrai tournant du Printemps, racheté ainsi que sa filiale technique, Coulisse, en 2013 par C2G, qui programme et gère également les Francofolies de la Rochelle, sera alors pris. En attendant, le « trente-neuvième » a réduit la voilure, sans qu’on s’en aperçoive trop, troublé donc par le calendrier, et leurré par la fusion des listes de concerts, scènes in, scènes off, mariages entre artistes confirmés et les Inouïs, qui s’appelaient auparavant les Découvertes, issues du Réseau Printemps qui cherche les émergents à travers la France.Dans ce tour de passe-passe qui ne laisse aucune case de programme libre, des jeunes talents venus d’ailleurs et inconnus ici – tel la star du rap brésilien Emicida – ont été discrètement inclus. Les salles 22 Est et 22 Ouest, normalement dévolues aux surprises en voie de développement de la scène rock, rap, électro internationale sont pratiquement closes. La tendance au rétrécissement est profonde, économique sans doute. Au Printemps de Bourges comme aux Transmusicales de Rennes, la scène française est privilégiée, parce qu’elle comporte de vrais talents, qu’il faut s’intéresser à ces porte-parole d’une exception culturelle qui s’exporte bien. Mais aussi, parce que le budget l’exige.Et pourtant, c’est un mystère, le Printemps de Bourges, comme les Transmusicales de Rennes, restent attractifs, électriques et passionnants. Ici tout en averses et éclaircies.Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Maxime Vaudano Malgré l'effondrement du marché du disque dans les années 2000, ils continuent de rythmer la vie de l'industrie musicale. En plus des abonnés sur les réseaux sociaux et des vues poour les vidéos, les artistes aiment encore à s'afficher avec leurs disques d'or, de platine ou même de diamant.Ces récompenses, distribuées depuis 1973, conservent une certaine aura, même si elles ont perdu plus de la moitié de leur valeur en quelques années.Pour pallier l'effondrement des ventes physiques, le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) et l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), qui rassemblent majors et indépendants, ont largement réduit leurs exigences. Alors qu'il fallait vendre 100 000 albums pour être disque d'or en 2006, 50 000 exemplaires sont désormais suffisants. #container_14298868107{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14298868107{ height:500px; } #container_14298868107 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14298868107 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14298868107 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .large { width: 230px; }L'évolution des seuils de certification(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14298868107", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = "default" } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:true, text:"", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:null, dataLabels:{ enabled:true }, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", type:"linear", title: { text:"" }, labels: { enabled: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:'""', align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Disque d'or","Disque de platine","Disque de diamant"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: "10" } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"top", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Avant 2006", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 100000 ], [ "", 300000 ], [ "", 1000000 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true }, { "name": "2006-2009", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 75000 ], [ "", 200000 ], [ "", 750000 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true }, { "name": "Depuis 2009", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 50000 ], [ "", 100000 ], [ "", 500000 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: "0", valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "%Y", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { $(".highcharts-tooltip span").addClass("large") }}Ce petit artifice, passé relativement inaperçu, a permis d'enrayer temporairement la chute du nombre de récompenses au début des années 2000. Retombé à 73 en 2006, le nombre total de disques certifiés par le SNEP et l'UPFI est reparti à la hausse les années suivantes : #container_1429628658480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_1429628658480{ height:580px; } #container_1429628658480 .titre{ position:relative; z-index:5 } #container_1429628658480 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1429628658480 .subtitre{ display:block; }Le nombre d'albums certifiés depuis 1994(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 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Le syndicat assure au site spécialisé Booska-P que cette méthode ne change pas grand-chose, et que les chiffres sont corroborés par le classement des ventes hebdomadaires réalisé par l'institut GfK.Autre surprise cachée dans le classement du SNEP : certains labels et fans n'hésitent à proclamer à l'avance des albums disque d'or, ou même de platine… alors que les chiffres viendront plus tard les démentir.C'est par exemple le cas du cinquième album du rappeur Booba, Lunatic, étrangement absent du répertoire du SNEP alors que plusieurs sites spécialisés le créditent d'un disque d'or et de 200 000 ventes.Comment les disques sont-ils certifiés ?Les certifications d'albums sont réalisées par le SNEP à la demande des maisons de disque, avec l'appui de commissaires aux comptes, censés vérifier la véracité des chiffres de ventes annoncées.L'année de certification ne correspond donc ni forcément à l'année pendant laquelle le seuil de ventes a été atteint, ni à l'année de sortie de l'album.Ainsi, Otis Redding a-t-il obtenu en 2013 un disque d'or pour son Very Best of treize ans après sa sortie. Le record en la matière est détenu par Miles Davis, récompensé en 1999… soit près de trente-six ans après la sortie de Kind of Blue !Le SNEP ne prend pas en compte les ventes numériques pour ses certifications, contrairement à ses équivalents américain ou britannique, qui le font depuis 2004. En 2015, il a néanmoins décidé de prendre en compte l'écoute en streaming dans ses certifications. Aux Etats-Unis, c'est déjà le cas depuis 2013.Maxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Christine Rousseau Est-il possible d’exercer la politique sans singer les hommes ? (dimanche 26 avril, sur France 5, à 22 h 25).La parité, un mal nécessaire : tel aurait pu être le titre du documentaire de Stéphanie Kaim (produit par Elephant Doc et Chrysalide). Un film alerte, non dénué d’un humour caustique souligné par les dessins de Jul, mais néanmoins instructif sur le sexisme en politique. Un mal pour le moins bien français, hérité, ainsi que le rappelle l’historienne Michelle Perrot, d’une longue tradition remontant à la loi salique.Rappelons la place occupée par la France dans le monde, en termes de représentation au Parlement : 48e sur 147 pays, derrière le Costa Rica ou, moins surprenant, le Danemark. La France compte 27 % de femmes à l’Assemblée ; 25 % au Sénat, sans parler des 16 % de maires. Et qu’en serait-il si, en juin 2000, n’avait été adoptée la loi sur l’« égal accès des hommes et des femmes » aux fonctions électives ?Lire aussi :Stéphanie Kaim : « Peu d’hommes politiques ont un discours construit et engagé sur la question du sexisme »Quinze ans après la promulgation de ce texte, la génération qui en a bénéficié – représentée ici par Cécile Duflot (EELV), Barbara Pompili (EELV), Chantal Jouanno (UDI) ou Laurence Rossignol (PS) – a-t-elle fait bouger quelque peu les lignes ? Voire infléchit un sexisme qui irrigue tous les partis ? Surtout de quelle manière ces « créatures de la parité », pour reprendre l’expression de Cécile Duflot – consciente comme ses consœurs que ce petit coup de pouce a ses effets pervers par le biais de procès en illégitimité –, cherchent-elles à réinventer leur rôle et exercer la politique sans singer les hommes ?Déni d’autorité, de compétencesC’est à ces questions que tente de répondre Stéphanie Kaïm à travers les témoignages de femmes de différentes générations et tendances politiques, mais aussi les mises en perspective historiques de Mme Perrot et les analyses du sociologue Eric Fassin sur la manière dont ces nouvelles combattantes tentent de se faire une place.Et ce, malgré des partis qui, lorsqu’ils ne rechignent pas à les investir, quitte à payer une amende, choisissent, comme l’explique Marie-Jo Zimmermann (UMP), de le faire dans des circonscriptions difficiles à conquérir, manière d’illustrer leur incompétence. Une antienne récurrente, qui fait dire à Mme Rossignol qu’« être une femme en politique, c’est repasser l’oral du bac toutes les semaines ».Arrivées plus aisément que leurs aînées ou les « filles de » (Roselyne Bachelot, ex-UMP, Marine Le Pen, FN…), ces combattantes ne se montrent pas moins pugnaces face aux attaques, aux petites phrases sexistes et condescendantes de leurs homologues masculins, qui ne cessent de les ramener à leur apparence et leur corps, mais aussi de journalistes, ou au déni d’autorité et de compétences.Surtout, et c’est peut-être l’aspect le plus intéressant de ce documentaire, chacune de ces femmes politiques, comme l’explique Eric Fassin, cherche en tâtonnant mille manières de se mettre en scène ; ce qui entraîne, parfois, des maladresses, une image qui se brouille, telle celle de Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007.Voire quelques audaces comme celle que relate Cécile Duflot qui, lors de son premier conseil des ministres, demanda à François Hollande d’en changer le jour, afin de pouvoir profiter de ses enfants. Dans tous les cas, résume Chantal Jouanno, « il ne faut pas copier un modèle qui n’est pas le nôtre ». Modèle que la loi sur la parité aura permis de bousculer.Sexisme en politique, un mal dominant, de Stéphanie Kaim (Fr, 2015, 55 min).Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé « Zone interdite » a suivi et interroger durant cinq mois les employés de la première maison de France (dimanche 26 avril, sur M6 à 20 h 55).Ils ont tous ce mot à la bouche : l’excellence. Et le souci quotidien de l’atteindre. « De toute façon, on n’a pas droit à l’erreur », disent celles et ceux qu’ont suivis Guillaume Maurice et Manuel Laigre, de novembre 2014 à mars 2015, au palais de l’Elysée. Huit cents hommes et femmes qui, dans l’ombre des ors de la République, font en sorte que tout se passe comme au palais d’un roi.L’horlogère qui, dès l’aube, remet toutes les pendules à l’heure, les gardes républicains qui assurent missions d’honneur et de sécurité, puis le chef de la logistique, le chef cuisinier, la chef fleuriste, la sommelière, le jardinier, les repasseuses, les argentiers… Tous ont été filmés et parfois longuement interrogés afin de nous montrer leur quotidien au palais de l’Elysée.Visite dépoussiéréeL’occasion pour le téléspectateur de vivre des expériences qui semblent parfois relever de la fiction, comme cette préparation au dîner d’Etat qui doit accueillir le roi et la reine de Suède ainsi que deux cent cinquante invités ; ou encore cet entraînement de la garde républicaine, filmé pour la première fois dans les salons d’apparat et les souterrains de la « première maison de France ».Pas question de nous révéler le moindre secret d’Etat. Les caméras nouvelle génération et les drones utilisés ont plutôt pour mission d’offrir une visite dépoussiérée et dynamique de ce palais qui fut, entre autres, la résidence de Mme de Pompadour, la propriété de Bathilde d’Orléans, l’hôtel particulier de Napoléon Ier avant de devenir, en 1874, la résidence officielle des présidents de la République.De l’escapade à Rungis où le chef cuisinier vient choisir les produits et la fleuriste ses roses, à la réunion du premier conseil des ministres de l’année, du Noël des enfants à l’état de siège durant l’attentat, le 7 janvier, contre Charlie Hebdo, en passant par la réparation d’une gouttière, le documentaire nous mène partout, guidé chaque fois, par des employés qui confient leur parcours, la difficulté de leur travail et leur fierté d’avoir à le faire.Secrets et coulisses du palais de l’Elysée, de Guillaume Maurice et Manuel Laigre (France, 2015, 120 min).Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio La tendance se confirme. RTL et France Inter sont les radios les plus écoutées en Ile-de-France avec respectivement 12,6 % et 11,7 % d’audience cumulée. Encore première station francilienne sur ce même critère il y a un an, Europe 1 est reléguée à la quatrième position.Une chute qui n’inquiète pas Fabien Namias, le directeur général de la maison de la rue François-Ier : « Nous nous sommes lancés dans une entreprise de reconstruction de l’audience. Europe 1 devenait trop élitiste et son auditoire était trop concentré en Ile-de-France. Nous avons fait le choix de recréer des liens avec l’ensemble du territoire en multipliant les délocalisations. Nous souffrions d’une image trop parisienne alors que nous sommes une radio nationale généraliste. »Sur une autre mesure, Europe 1 se fait détrôner par une radio qu’on qualifiait jadis de méridionale. RMC totalise 8,1 % de part d’audience contre 7,5 % pour sa rivale. La station du groupe Next Radio TV claironne de façon un peu abusive qu’elle est devant Europe 1. Mais en audience cumulée, elle reste derrière (8 % contre 9,6 %).C’est France Info qui tire son épingle du jeu pendant cette période. Avec 10 % d’audience cumulée, elle grimpe à la troisième place. « C’est la confirmation que notre stratégie enclenchée depuis la rentrée de se recentrer sur le tout-info était la bonne. C’est important pour nous, car la cible de France Info est traditionnellement urbaine », explique Laurent Guimier, directeur de la station publique.Les musicales à la traîneIl est plus inquiet pour l’avenir. « Nous avons commencé très très haut avec les événements de janvier, mais nous avons terminé très très bas avec la grève. Il ne faut pas penser que l’auditeur reste fidèle quand on lui passe une playlist. On dit que l’auditeur revient toujours après une grève, on verra. Une chose est sûre, c’est qu’ils s’en vont pendant. »Du côté des musicales, la plupart des radios marquent le pas en Ile-de-France, à quelques exceptions. France Musique gagne 0,4 % d’audience cumulée et totalise 155 000 auditeurs quotidiens. Virgin Radio bondit de 0,8 % sur le même critère et entre dans le top 10 des radios les plus écoutées.« La dynamique enregistrée sur le plan national se retrouve en Ile-de-France. Pour Virgin Radio, le phénomène est sans doute amplifié grâce à la soirée Electro Choc, qui a créé l’événement dans la région avec en appui une campagne d’affichage », constate Richard Lenormand, directeur général du pôle radios et télévisions de Lagardère Active.D’autres musicales ne sont pas à la fête : Nostalgie perd 1,1 % d’audience cumulée, Skyrock 1 % et Fun Radio 0,9 %. « Cette vague est très atypique pour les radios musicales, car avec les attentats, l’accident de la Germanwings, les élections départementales, il y a eu beaucoup d’actualité », temporise, beau joueur, M. Lenormand.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé Europe 1 consacre, lundi 27 avril de 20 heures à 22 heures, une émission spéciale au chanteur, à l’occasion de la réédition de son album « Osez Joséphine »Cet air fermé parfois que certains prenaient pour de la froideur n’était, selon lui, qu’une forme de distance prise quand les émotions étaient trop fortes. Alain Bashung (1947-2009) avait le souci des autres, le goût des ruptures qui brisent les habitudes et contredisent le passé. Loser dandy et artiste génial, il a fasciné ceux qui ont travaillé avec lui. Le chanteur Christophe, le guitariste Yan Péchin, le photographe Jean-Baptiste Mondino, les paroliers Boris Bergman et Jean Fauque… proches collaborateurs et amis de l’artiste qui, tous, ont accepté de nous faire revivre la carrière de l’auteur-compositeur-interprète dans cette émission spéciale que lui consacre Europe 1, à l’occasion de la réédition de l’album Osez Joséphine, sorti en 1991 chez Barclay.Témoignages croisésUne émission entièrement construite sur les témoignages sans cesse croisés de ces auteurs et musiciens qui parlent de Bashung avec pudeur, préférant aborder le processus de création de ses albums plutôt que de s’étendre sur ses états d’âme. Ces derniers étant seulement évoqués tout au début, par Bashung : « Plus je suis tourmenté, plus je me sens heureux, plus je suis assailli, plus je me renforce, plus je suis au combat, plus je suis courageux. » Fermer la parenthèse. Il n’est ensuite question que de musique, de textes, de sons, d’arrangements… d’anecdotes aussi, qui nous conduisent de Saint-Cloud à Memphis, de Paris à Bruxelles et à Londres. Le tout ponctué d’extraits de titres qui ont marqué la carrière du chanteur.Jean Fauque raconte la première fois qu’il a rencontré Bashung, en 1975, dans un café : « J’étais un peu surpris parce qu’il avait un look assez Dick Rivers. Alors que, moi, j’étais plutôt babacool, cheveux longs et frisés, lui portait une chemise en velours rouge très cow-boy avec des boutons en nacre blanc, un perfecto, un jean très moulant et des santiags. » Cela n’empêchera pas le parolier de ressentir cette sensation étrange de retrouvailles. « Je me suis alors dit : “Ce garçon va être très important dans ma vie”. »Chacun évoque ce que Bashung lui a appris et ce sur quoi il a réussi à le sidérer. Cette façon, notamment, qu’il avait de tirer tout le monde vers le haut, sans intervenir, comme le confie Jean-Baptiste Mondino. Cette capacité qu’il avait de prendre musicalement son public à contre-pied. Son exigence aussi sur la technique. « Au niveau du son, il était foudroyant », rappelle Yan Péchin, qui ajoute : « En France, soit on avait des grands auteurs avec des musiques pas terribles, soit des grands mélodistes avec des textes pas toujours géniaux. Bashung était un des rares, avec Gainsbourg et Ferré, dont on pouvait dire que les textes et la musique étaient très hauts. Sans parler des arrangements. » Preuve durant ces deux heures d’émission.De Gaby à Joséphine, sur Europe 1, lundi 27 avril, de 20 heures à 22 heures.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Retour sur les quarante ans de la carrière jalonnée de succès de Nile Rodgers, un des membres du mythique groupe Chic (samedi 25 avril, sur Arte à 22 h 15).Qui a composé ou produit des tubes planétaires pour Sister Slege, Diana Ross, Sheila, David Bowie, Duran Duran, INXS, Madonna, et plein d’autres ? Qui a collaboré plus récemment avec Daft Punk ou Pharrell Williams ? Nile Rodgers n’est pas simplement le « King of Disco » chassé de son trône un soir de 1979, quand un DJ de Chicago décida de brûler dans un stade des disques aux cris de « le disco ça craint ! », lors de ce qui fut appelé la « Disco Demolition Night » (nuit de la destruction du disco).Cet épisode fut douloureux pour celui qui se considérait comme un musicien. Mais il n’eut pas de répercussions sur sa carrière. Certes Chic, le groupe qu’il avait monté avec Bernard Edwards, ne connut plus d’immenses succès, mais les deux copains poursuivirent leur parcours de producteurs pour les plus grands de la pop et du rock.Un guitariste hors pairNile Rodgers est aussi un guitariste hors pair. Dans le documentaire de Julie Veille et Marjory Déjardin, il ne se sépare presque jamais de son instrument pour dérouler le film de sa vie. Avec sa guitare électrique légère, il raconte comment il a créé ses tubes. On apprend ainsi que son fameux « Freak out ! Le freak, c’est chic » était d’abord une insulte contre le Studio 54, la boîte mythique de New York de la fin des années 1970 dont Nile Rodgers et Bernard Edwards s’étaient vu refuser l’entrée.I’m Coming out chanté par Diana Ross est, lui, né dans les toilettes d’un club de drag-queens. Ses fulgurances étaient proches du génie, raconte un des membres du groupe Duran Duran, qui bénéficia des recettes de Nile Rodgers. Quelques-uns de ceux à qui il a prodigué ses conseils témoignent dans ce film à la gloire de ce personnage attachant, toujours aussi passionné par la musique.Depuis la disparation brutale de Bernard Edwards en 1996, Nile Rodgers avait vu sa carrière peu à peu décliner, tout en continuant d’être présent dans les « charts ». Ses morceaux restent parmi les plus samplés par la jeune génération de musiciens. Sa collaboration avec Daft Punk – il est un des auteurs du tube Get Lucky – a remis le compositeur au goût du jour. Un retour en grâce qui lui permet de revenir avec un nouvel album en juin.Nile Rodgers, les secrets d’un faiseur de tubes, de Julie Veille et Marjory Déjardin (France, 2015, 52 minutes).Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brigitte Salino Giorgio Barberio Corsetti ne retient du maître du vaudeville que la folle mécanique (samedi 25 avril, sur France 3 à 22 h 45).Labiche n’est pas Feydeau. Pourtant, on en viendrait presque à douter de cette évidence en voyant Un chapeau de paille d’Italie, enregistrée en décembre 2012 à la Comédie-Française, et mise en scène par Giorgio Barberio Corsetti. Ce dernier, considérant que le théâtre de Labiche « est impossible à comprendre si on ne le met pas en scène », avait précisé : « C’est une fois qu’on commence à travailler sur la machine que tout devient clair, et que tout s’emballe : c’est alors de l’action pure, à un rythme vertigineux ! »Et c’est effectivement ce que Corsetti a fait : il a déroulé le chef-d’œuvre de Labiche à toute vitesse et avec brio, mais en restant si près de la mécanique qu’on a l’impression de voir une horloge démontée, sans arriver à se rendre compte de l’allure qu’elle aurait et de l’impression qu’elle ferait, si elle était assemblée et sonnait le cours des heures.Les heures comptent, chez Labiche (1815-1889). Ce sont celles d’une société bourgeoise, figée dans ses conventions, tout comme l’auteur, qui n’a jamais caché ses positions conservatrices, et n’a eu de cesse d’élargir son assise et son capital. Mais, en matière dramatique, le miracle naît souvent du paradoxe : l’homme rangé a dérangé le théâtre, en donnant ses lettres de noblesse au vaudeville, et en produisant des portraits cinglants des mentalités de son époque.Du grand art, burlesque et fouDans Un chapeau de paille d’Italie, il y a quelque chose de totalement dévergondé. Ne serait-ce que le canevas : faire reposer une pièce entière sur un chapeau mangé dans le bois de Vincennes par le cheval d’un homme qui se rend à son mariage, et tenir en haleine pendant deux heures et demie avec une course-poursuite destinée à récupérer un chapeau identique à celui qui a été mangé, pour apprendre, finalement, qu’un tel chapeau était, depuis le début, sous les yeux du futur mari empêtré. C’est du grand art, burlesque et fou.Mais il n’y a pas que cela dans Un chapeau de paille d’Italie. Une forme de mélancolie s’en dégage, parce que ce ne sont pas les portes qui claquent, comme chez Feydeau, mais les comportements des personnages, prompts à tous les lapsus de langage, maniérés et si peu réfléchis et autonomes qu’ils semblent flotter dans leur bulle. Chacun se débat avec ses problèmes, sentant que cela ne va pas, qu’il est abruti par sa condition, mais incapable de se le pouvoir dire. C’est ce qui fait de Labiche un vaudevilliste réclamant beaucoup de doigté, et même de poésie.On cherche en vain ces deux qualités dans la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti. Transposée dans les années 1970, la pièce bénéficie d’une modernité distrayante, pantalons pattes d’éléphant et rideau de plastique dans le décor. La musique, elle, vogue du côté « pot-pourri » entraînant d’aujourd’hui.Les comédiens s’en donnent à cœur joie de chanter et de jouer. Ils sont unis, au meilleur sens de la troupe, et certains font preuve de virtuosité, dans des registres différents : Danièle Lebrun en baronne de Champigny, Christian Hecq dans le rôle du père de la mariée (bien fade, elle) et Pierre Niney en Fadinard, le futur marié. Pour son premier et écrasant grand rôle, ce jeune pensionnaire réussit un coup de maître. Mais il est, hélas, comme les autres, tellement pris dans une « action pure » qu’Un chapeau de paille d’Italie semble mangé par la mécanique.Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche et Marc-Michel. Mise en scène : Giorgio Barberio Corsetti. Avec Pierre Niney, Véronique Vella, Christian Hecq, Danièle Lebrun.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Avec son sourire de jeune homme, ses yeux vifs, son absence d’émotions et sa manière de ne pas y toucher, Mathieu Kassovitz a su trouver les bons gestes pour interpréter « Malotru », personnage central du « Bureau des légendes » . Un agent spécial de la Direction générale de la sécurité extérieur, un militaire dont le métier est de mentir. « Le problème est qu’il se prend les pieds dans son propre mensonge et laisse passer ses émotions avant sa mission. Et c’est l’engrenage… », précise l’acteur.Lire aussi :L’espion qui aimait trop sa légendeLourd mais prenant, ce rôle, Mathieu Kassovitz n’a pas hésité à l’accepter. D’abord parce que, dès la lecture du scénario, l’histoire, l’ambiance de la série et la richesse des personnages l’ont séduit. Ensuite, parce qu’il connaissait depuis longtemps Eric Rochant, et qu’il lui faisait une totale confiance. « Il sait écrire, diriger, et connaît bien son sujet », précise le comédien, à qui il est arrivé de refuser des propositions de séries, précisément parce qu’il ne croyait pas au personnage qu’on lui demandait d’interpréter. « Le tournage d’une série équivaut à deux longs-métrages, et il faut donc juste s’assurer qu’elle sera bien écrite. C’est le cas ici. »Pour incarner son personnage, Mathieu Kassovitz s’est inspiré des militaires qu’il avait été amené à fréquenter lors du tournage de son film L’Ordre et la Morale (2011), sur l’assaut de la grotte d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie. « Ce sont des hommes extrêmement rigoureux, assez avares de paroles et très psychologues. Sans en avoir l’air, ils arrivent à obtenir des informations qui leur sont essentielles. De plus, ils ne laissent jamais voir leurs émotions ni leurs sentiments. Ils sont froids et sans pathos. On a du mal à comprendre qui ils sont vraiment », souligne le comédien, qui a tiré de ces rencontres matière à nourrir son personnage.« Très proche de la réalité »Complètement plongée dans l’actualité internationale – avec le conflit en Syrie et l’impuissance des capitales occidentales à gérer la montée de l’islamisme –, la fiction d’Eric Rochant a confronté les équipes à des situations plus que troublantes où il a fallu gérer les émotions du réel.« C’était parfois étrange… La série est vraiment très proche de la réalité, raconte Mathieu Kassovitz. Début janvier, le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, nous nous sommes tous regardés en ne sachant plus très bien si l’on était dans la fiction. Ce massacre nous a bouleversés et, en même temps, sur le plateau de tournage, nous étions en train de montrer ce que vivent les agents des services secrets lorsqu’ils doivent faire face à ce genre de situation. »En revanche, tourner avec plusieurs réalisateurs ne s’est pas révélé très compliqué. En effet, si chacun a pu mettre sa griffe sur les épisodes dont il était chargé, l’unité a su être préservée grâce à Eric Rochant qui supervisait l’ensemble et avait le dernier mot. « Sur une série, il n’y a guère le temps de répéter. Nous sommes comme au théâtre, et les décisions à prendre sont rapides », estime le comédien. Une rapidité dont le réalisateur, là encore, s’est fait le garant.Même s’il avoue ne pas être un inconditionnel des séries, par manque de temps, Mathieu Kassovitz reconnaît avoir beaucoup aimé celles qu’il a eu le loisir de découvrir, comme « Les Soprano » et « Breaking Bad ». « Les Américains investissent beaucoup dans l’écriture et peuvent compter sur des scénaristes de talent. Je pense que cette première saison du “Bureau des légendes” est à la hauteur des productions américaines. Avec un sujet sur l’espionnage qui fait partie intégrante du cinéma français, nous avions l’obligation d’être novateurs », conclut-il, confiant.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny « Le Bureau des légendes », la nouvelle série de Canal+, est une plongée dans l’univers des services secrets (lundi 27 avril à 21 heures sur Canal+). Les légendes sont les écrans visibles des pare-brise où viennent s’écraser les mouches. » C’est par cette belle métaphore que Guillaume Debailly (Mathieu Kassovitz) définit son métier d’agent secret dans « Le Bureau des légendes », la nouvelle série de Canal+ réalisée par Eric Rochant. A la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), où il travaille, tout le monde le connaît sous le nom de Malotru. C’est un pilier du « Bureau des légendes », ce service qui invente et fabrique de fausses identités pour les agents qui doivent opérer à l’étranger sous couverture.Malotru en a usé et abusé. Il ne sait, d’ailleurs, même plus trop qui il est. Dès le premier épisode, on apprend qu’il revient de six années passées en Syrie où, sous le faux nom de Paul Lefebvre, il enseignait en tant que professeur. Une bonne couverture pour tisser des liens utiles dans de nombreux milieux qui intéressent toujours la DGSE. Malotru a aussi noué des relations amoureuses, dont une avec Nadia, une Syrienne qu’il a dû abandonner sans explications, une fois sa mission terminée.C’est du moins ce qu’il a fait croire à ses supérieurs hiérarchiques. De retour à Paris, contrairement aux dispositifs de sécurité, il n’a pas rendu ses faux papiers au bureau des légendes. Et, quelques semaines plus tard, lorsque Nadia réapparaît à Paris avec une délégation syrienne, qui n’est pas seulement venue en France pour faire du business, il va vivre sous sa fausse identité. Et c’est là que tout va déraper…Entre duplicité et mensongeEntre duplicité et mensonge, « Le Bureau des légendes » nous fait entrer dans les coulisses de l’univers complexe de l’espionnage. Mais, à la différence des James Bond, OSS 117 et autres « gorilles », nous ne sommes pas dans l’hystérie spectaculaire ou le franchouillard des films d’espionnage des années 1950. « L’espion est une figure romanesque, et si la série s’intéresse aux hommes et aux femmes qui ont choisi ce métier dangereux, elle s’intéresse tout autant aux accidents », souligne Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction sur Canal+. « “Le Bureau des légendes” met en scène des personnages qui font un travail de bureau presque ordinaire, mais en utilisant des méthodes et des fonctions extraordinaires », poursuit-il.Eric Rochant et son équipe de scénaristes nous font donc plonger de manière parfois abrupte dans le quotidien très réaliste de la DGSE débarrassée de son mythe et de tous les artifices du genre. Les situations sont complexes, les personnages aussi. Nous sommes au cœur de l’actualité du moment, où chacun tente de comprendre et dégoupiller des traquenards qui se passent en Algérie, en Syrie ou sur le sol français. Nous suivons les agents secrets qui, chaque jour, traitent des affaires du monde avec la plus grande discrétion, derrière les hauts murs du boulevard Mortier à Paris, siège de la DGSE. « Le service des clandestins travaille sur le long terme et cherche à savoir à l’avance où il sera intéressant d’envoyer des agents. La série est donc très liée à l’actualité, particulièrement au terrorisme et à l’islamisme international », explique le réalisateur.Eric Rochant, qui connaît bien le monde de l’espionnage pour l’avoir déjà abordé dans deux de ses films (Les Patriotes, en 1994 et Möbius, en 2013), a eu l’idée de cette fiction il y a déjà une dizaine d’années. A cette époque, en compagnie du producteur franco-américain Alex Berger, il travaillait pour Canal+ à un projet de série sur les oligarques russes.Une liberté totaleFinalement, le projet n’a pas vu le jour, mais a permis au réalisateur de rencontrer Todd A. Kessler, créateur de la série « Damages », et l’un des auteurs et producteurs de la série « Les Soprano ». Une rencontre fondamentale pour Eric Rochant, qui a ainsi pu observer les méthodes de travail « à l’américaine » (un « showrunner » pilotant une équipe de scénaristes) et les appliquer pour « Le Bureau des légendes ». « Mon idée était d’exploiter le format série pour parler de ce monde d’une manière qui me tenait à cœur », explique Eric Rochant qui avait déjà approché les séries en réalisant plusieurs épisodes de « Mafiosa ». « Travailler dans cette durée narrative me permettait de retrouver les sensations que j’avais eues en lisant John Le Carré », précise-t-il.Mais, à la différence des autres séries françaises dont les rôles sont bien définis et structurés, Eric Rochant a exigé d’être à la fois coproducteur, coauteur et coréalisateur. Une liberté totale, qui lui a permis d’installer son propre atelier d’écriture composé de trois auteurs chargés de superviser les épisodes, de quatre scénaristes qui les ont alimentés en intrigues et d’un coordinateur d’écriture qui a fait le lien entre l’équipe et lui-même. De jeunes auteurs ont été également invités pour se former à l’écriture. Ce système a permis d’écrire la saison en dix mois, une prouesse pour une série de dix épisodes.Lire aussi :Mathieu Kassovitz : « Le Bureau des légendes » vaut les séries américainesLe tournage a eu lieu dans les studios de la Cité du cinéma, créée par Luc Besson à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), avec quatre réalisateurs (Jean-Marc Moutout, Mathieu Demy, Hélier Cisterne, Laïla Marrakchi) qui se sont succédé. Si chacun d’eux pouvait mettre sa griffe, c’est Eric Rochant qui supervisait tous les épisodes et avait le dernier mot. Et, sans attendre les résultats d’audience de cette première saison, Canal+ a déjà commandé deux autres saisons dont la seconde est en cours d’écriture. Ce qui permettra de ne pas attendre plusieurs mois entre deux saisons comme ce fut le cas avec « Les Revenants », dont personne n’avait prévu le succès. C’est, en outre, un nouveau pas dans l’industrialisation de la série française après « Un village français » sur France 3 qui, avec soixante-douze épisodes, va se clore, en 2016, après sept saisons à succès.Pour porter cet énorme projet, Eric Rochant a fait appel à Mathieu Kassovitz avec qui il voulait tourner depuis longtemps. « On se connaissait, mais nous n’avions jamais eu l’occasion de tourner ensemble », confie Mathieu Kassovitz, qui raconte avoir fait un « clin d’œil », en 1995, à Rochant dans La Haine, où Vincent Cassel tentait d’éteindre, sans succès, la lumière de la tour Eiffel en claquant des doigts comme Hyppolite Girardot dans Un monde sans pitié. Mathieu Kassovitz est entouré d’une belle brochette de comédiens que l’on n’a pas l’habitude de voir évoluer dans les séries : Jean-Pierre Darroussin, Léa Drucker, Sara Giraudeau, Jonathan Zaccaï et Florence Loiret-Caille. Tous ont déjà signé pour jouer dans les trois saisons de la série dont les épisodes vont s’étaler sur plusieurs années.Le Bureau des légendes, d’Eric Rochant (France, 2015, 10 x 52 min). Avec Mathieu Kassovitz, Jean-Pierre Darroussin, Léa Drucker, Sara Giraudeau. A partir du lundi 27 avril, à 21 heures, deux épisodes par soirée.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie Sumalla ((propos recueillis)) Le photographe russe Sergey Ponomarev a fait ses classes pendant huit ans à l’agence Associated Press. Aujourd’hui photojournaliste indépendant, à 34 ans, il est correspondant de guerre pour le New York Times. Depuis, il réalise régulièrement pour le quotidien américain des reportages autour du monde, de Gaza à Maïdan, en passant par Damas. Selon lui, photographier, c'est construire du sens. A Paris, la galerie Iconoclastes expose son travail pour la première fois à partir du 9 avril. Travailler pour un média aussi prestigieux que le New York Times a-t-il une influence sur votre éthique ? Comment envisagez-vous votre responsabilité journalistique ?Sergey Ponomarev : Je n'ai aucune pression quant à cette responsabilité car je m'impose de rigoureux critères de travail, les éditeurs savent et me font confiance.Les règles que je me suis fixées sont d'abord photographiques : je ne mettrai jamais en scène une image, je ne demanderai jamais à une personne de prendre la pause ou de bouger de telle ou telle façon. Mais je suis satisfait si le hasard fait que celui que je photographie regarde dans ma direction. Je pense que la présence d'un photographe interfère irrémédiablement dans la situation, c'est déjà plus qu'assez.Quand j'étais plus jeune, j'ai entendu Steve McCurry [photographe américain de l’agence Magnum] dire qu'il pouvait rester des heures à attendre que la bonne photographie apparaisse dans son objectif. Aujourd'hui, moi aussi j'ai appris la patience, et si la composition n'apparait pas dans le cadre, c'est moi qui pars.Dans les agences de presse, on a vu de brillants photographes se faire évincer pour des modifications mineures sur leur images. Un photographe ne peut pas jouer avec la réalité, mettre en doute sa crédibilité. Il se doit d’être intransigeant avec son travail.Je suis resté très concentré sur les leçons tirées des huit ans que j’ai passés chez Associated Press (AP). Je n'aurais jamais pu apprendre ces principes journalistiques en étant un photographe russe indépendant.Parfois les personnes que je rencontre sont surprises qu'un photojournaliste russe travaille pour un tel média américain, mais je ne pourrais plus travailler pour un journal russe comme je l'ai fait il y a quelques années. Je sais qu’à un moment ou à un autre, les informations seraient détournées.Maïdan, Damas... Comment parvenez-vous à déjouer les messages de propagande, les messages officiels, et garder votre sens journalistique ?Il faut avant toute chose comprendre ce qu'est la propagande. Lorsque j'étudiais à l'université de journalisme, à Moscou, nous avions des cours obligatoires d'enseignement militaire. Ils consistaient à nous entraîner aux règles de la propagande. En cas de guerre nous devions être prêts à penser comme des professionnels.Le principe est plutôt simple : il faut choisir un fait puis le tordre de façon à ce qu'il paraisse toujours réel tout jouant sur les mots. C’est cela la propagande : il y a peu de mensonges dans sa fabrication, juste des déviations. Donc à Maïdan (à Kiev, en Ukraine) ou à Damas (Syrie), il faut déconstruire les messages officiels pour comprendre la réalité. En Ukraine, ceux que l'on a appelés plus tard les "séparatistes" ne se considéraient pas comme tels, ils revendiquaient juste une meilleure vie. Les télévisions les ont aidés à broder une histoire. Plus tard à Lougansk [est de l’Ukraine, théâtre de violents combats], lors des bombardements, l'électricité a été coupée. Pendant un moment, les habitants n'ont plus eu accès à la télévision, aux journaux, etc. Leur discours différait vraiment de celui des habitants de Donestk qui absorbaient la propagande. C'était vraiment frappant !Quelle est, selon vous, la différence majeure entre un photographe amateur et un professionnel ? Le professionnel connaît la substance, l'histoire, il saisit les origines des événements qu'il documente, il comprend en filigrane, le pourquoi des événements qui ont lieu devant ses yeux.Il n'est pas là uniquement pour relever les faits et tout photographier. Il est capable de les analyser, de donner du sens à ce qu'il photographie. Autrement dit, l'image du professionnel n'est pas qu'une simple reproduction de la réalité, elle inclut le message, l'info du journaliste photographe.J'ai compris ceci dès mes premières années de travail en agence de presse. Je voulais tout photographier, puis j'ai compris que j'étais capable d'intégrer à l'image ma sensibilité, ma connaissance. L'expérience sur le terrain aide à dépasser la pure émotion. L'amateur, lui, est juste sous le choc, sa photographie est un réflexe émotionnel.Susan Sontag parle de « la prolifération d’images atroces qui susciteraient parfois chez l’individu un appétit vif, comparable à celui que procure la vision des corps nus » . Qu’en pensez-vous ? Quand on photographie la guerre, y a-t-il le risque de devenir dépendant à la violence ? Nous vivons aujourd'hui dans une ère humanitaire, mais autrefois, la torture était un amusement. La foule se pressait pour assister aux exécutions publiques. Aujourd’hui encore, l’assistance fixe du regard les cadavres, occultant tout ce qui se passe autour. Oui, il y a une certaine addiction à voir la mort, cette partie de la vie qui questionne tant l'être humain. Pourquoi ? Parce que les gens sont à l’abri, mais ils peuvent percevoir l'état de souffrance de l'autre. Bien sûr, la peine, la compassion sont présentes, mais il y a surtout une attraction naturelle à tenter de percevoir ce qui t'arrivera aussi un jour.Personnellement et pour des questions d'objectifs professionnels, j'essaye de me détourner, de prendre de la distance. Je ne ressens aucune addiction à l’horreur, c'est seulement mon travail actuel.C’est la première fois que vous exposez votre travail dans une galerie. Est-ce le lieu le plus approprié pour montrer des photographies de presse ? Cette exposition est vraiment inattendue pour moi. Je n'avais jamais pensé à montrer mes photographies dans une galerie. C'est une proposition. Il a fallu que je revienne sur le contexte politique et social des reportages, pour expliquer à l'équipe le pourquoi de mes photos. L'approche de la galerie est semble-t-il plus liée à l'iconographie de référence, la peinture des siècles derniers.Je dois dire que je ne photographie pas la guerre comme s'il fallait que je décrive une guerre, je veux juste que ces images reflètent la réalité dont j'ai voulu témoigner, même si parfois j'ai envie d'aller plus loin vers la métaphore.Mais la limite s'impose encore une fois. Lorsque j'envoyais mes images à AP, elles pouvaient être éditées, appréciées, vérifiées par un éditeur à Londres, aux Etats unis ou au Japon. C'est-à-dire des personnes de différentes nations avec des cultures différentes. L'idée est de soumettre une photographie compréhensible par le plus grand nombre, c'est tout et c'est déjà beaucoup. Bien sûr, tu utilises tes talents artistiques, ton sens de la composition, ta gestion de la lumière et tu soumets dans les règles.Quel est votre avis sur la récompense donnée à Mads Nissen (photographie de l’année) par le World Press Photo ? Je me sens bien sûr concerné par cette décision. Selon moi, les conditions de vie de la communauté homosexuelle russe et les incompréhensions qu’elles suscitent dans les sociétés civiles européennes est un objet de litige européen, et qui s'adresse avant tout aux européens. Mais le World Press est une référence internationale. Pour le photojournalisme et pour les grands bouleversements du monde, ce choix est une énorme défaite. Gaza, l'Ukraine et la guerre aux portes de l'Europe… et, par-dessus tout, les reportages qui rendent compte de la poussée islamiste à travers tous les continents, sont selon moi les histoires à privilégier.Voir le Palmarès du World Press Photo 2015 Marie Sumalla ((propos recueillis))Journaliste au Monde Clément Martel Les quatre premiers épisodes de la saison 5 de la série de la chaîne américaine HBO « Game of thrones » ont fuité sur les sites de téléchargements illégaux dans la nuit de samedi à dimanche 12 avril, à quelques heures de la diffusion mondiale du premier épisode, a révélé le site internet TorrentFreak.« Les épisodes qui ont fuité, qui semblent être des copies envoyées aux critiques de médias, ont été téléchargés plus de 100 000 fois en juste trois heures », écrit dimanche le site spécialisé dans les informations sur le partage de données. Or le premier épisode de la nouvelle saison de cette saga de « fantasy » médiévale devait être diffusé au même moment dans les 170 pays du monde où elle est retransmise (sur OCS City en France), quel que soit le décalage horaire : à 21 heures sur la côte est des Etats-Unis, soit lundi 2 heures en France.Game of Thrones étant la « reine des séries piratées », la plus partagée par les internautes de façon illégale année après année, la fuite des premiers épisodes était un risque que courait la super-production de HBO. Mais cette fuite, advenue après des mois de campagne publicitaire prévenant que « le futur commence le 12 avril » (avec des tweets privés éphémères envoyés aux fans par exemple), ne doit pas réjouir la chaîne à péage américaine.Début avril, un des producteurs de la série s'était inquiété de potentielles fuites en raison de la diffusion des contenus à un nombre accru de personnes. « Les membres du casting font le tour de la planète, s'envoyant et renvoyant les fichiers. Les effets spéciaux sont faits aux quatre coins du monde. Chaque fichier a un filigrane numérique, et les personnes y ayant accès doivent confirmer leur destruction par écrit », expliquait Greg Spence, chargé de la post-production de la série, au Denver Post.Mais il faut croire que l'attente suscitée par la série a été trop forte, et au moins une personne a cédé, et diffusé illégalement les quatre premiers épisodes de la cinquième saison. De façon pratique, chaque screener (copie envoyée aux journalistes et autres personnes devant assurer le barnum autour de la sortie) avait un filigrane (watermark) incrusté pour pouvoir tracer les fuites éventuelles. Ce qui n'a rien empêché, le watermark étant simplement flouté sur cette copie.Ces fichiers piratés, qui trustent déjà les cimes des sites de torrents, sont de bonne qualité (480 p), mais pas au niveau de la HD fournie par HBO à compter de ce soir. Et si Google a annoncé cette semaine le lancement d'une technologie anti-spoilers, celle-ci n'est pas encore fonctionnelle.Clément MartelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois jours de mise en désordre et d’intensité, voilà ce que promettait le Palais de Tokyo à Paris, où débutait vendredi 10 avril à 18 heures le festival Do Disturb. L’ouvrant grand à « toutes les hybridations possibles » autour de la notion de performance, pour reprendre les mots de la programmatrice de l’événement, Vittoria Marrese. Après l’expérience des « 30 heures » de 2012, qui avaient déjà donné lieu à une effervescence non stop à l’occasion de la mutation des lieux d’un espace de 8 000 m2 à 22 000 m2, cette nouvelle folie festive se veut la première édition d’un festival annuel.Pour donner à voir et à entendre des dispositifs ou pratiques les plus actuels, aux frontières du spectacle vivant et des arts plastiques, le Palais de Tokyo a convié pour cette édition six institutions ayant « les mêmes préoccupations », explique Vittoria Marrese : le MoMA PS1 (New York), la Tate Modern (Londres), le Matadero Madrid, le Centre national des arts plastiques (CNAP, Paris), le FRAC Lorraine (Metz), ainsi que le mythique club berlinois Berghain.Chacun a sélectionné des artistes dont ils ont récemment présenté le travail. Soit au total une soixantaine d’artistes et de propositions jouées, dansées, chantées, cuisinées ou projetées, ponctuelles ou en continu, évolutives ou furtives, fixes ou nomades, à découvrir au hasard de ses déambulations dans le labyrinthique centre d’arts.Face aux champs des possibles, voici quelques moments forts de la soirée inaugurale :Des perturbations imprévuesOrganiser un tel désordre mouvant, c’est aussi gérer de multiples aléas. La toute première perturbation de la soirée a été l’annulation d’une performance très symbolique en hommage à l’artiste cubaine Tania Bruguera, cofondatrice du mouvement Occupy Wall Street, actuellement retenue à Cuba après une intervention artistique ayant déplu aux autorités. Ses étudiants des Beaux-Arts de Paris devaient reproduire une de ses performances au protocole resté secret. On apprend au passage qu’elle devait impliquer des chevaux de la garde nationale, en extérieur. Etait-ce donc Tatlin’s Whisper #5, une performance présentée en 2008 à la Tate Modern, dans laquelle deux policiers à cheval et en uniforme contrôlent un public bien obligé de se plier à l’autorité ? Cette annulation de dernière minute aura d’autant plus ironiquement souligné l’absence de l’artiste.C’est Her Divine Holiness Pope Alice, figure carnavalesque et féminine du pape, qui aura finalement accompli le geste inaugural par une bénédiction des visiteurs selon un des rituels auxquels elle va s’adonner tout au long du week-end : avec une pluie de faux billets de banque sur lesquels a été ajoutée la mention « Burn me ». Au même moment, le déclenchement de la première salve de performances ébranlait le Palais à tous les étages.C’est une perturbation d’un tout autre type qui s’est produite dans le grand espace dit du Saut du loup. L’artiste italien Enrico Gaido y présentait 502, 65 cm2, une installation semi-performative consistant pour lui à emplir le cœur de poutres en chêne de ciment expansible, laissant au bois, matière imprévisible, la véritable action de la performance. Mais plutôt que de fissurer les poutres, l’air comprimé par le ciment en expansion a produit une série de détonations inattendues en milieu de soirée, ne blessant heureusement personne au passage. Le large espace investi par plusieurs artistes a dû être fermé pour raisons de sécurité, et l’installation devait être définitivement évacuée au cours de la nuit.Le yacht de Franco échoué là, et autres œuvres politiquesDans le bruit assourdissant des flippers à instruments de musique, installés non loin, gît le Sindrome de Guernica, de Fernando Sanchez Castillo. Vestige de la dictature et symbole des années noires de la guerre civile, il s’agit des restes de l’Azor, le yacht de Franco, que l’artiste a pu acquérir et qu’il a détruit, une opération dont il a gardé la trace sous forme d’un film projeté sur un écran. La structure métallique du bateau d’apparat a été compressée en des dizaines de cubes qui furent exposés au Matadero Madrid. Ici, un seul a fait le déplacement, avec des éléments distinctifs, comme les mats, reliques non plus fièrement verticales, mais posées au sol, destructurées. Sur un autre écran sont rassemblées des archives vidéo des sorties en mer de Franco, le navire lui offrant un lieu idéal de communication, entre parties de pêche miraculeuses et mondanités.Parmi les œuvres présentées par le Matadero, on notera d’ailleurs une portée volontiers politique, comme c’est le cas pour la vidéo de Marco Godoy Claiming the Echo. Les slogans scandés à la Puerta del Sol, à Madrid, pendant les grandes manifestations contre l’austérité, ont inspiré à l’artiste une chorale, pour laquelle il a recherché dans la foule des hommes et des femmes pratiquant le chant. Dans la courte vidéo diffusée en boucle, on voit ces citoyens anonymes réinterpréter, avec les codes d’une chorale classique, des slogans tels que : « No tenemos miedo » (nous n’avons pas peur).Parmi les œuvres espagnoles, ne pas rater les interventions oratoires des Torreznos, duo de stand-up poétique explorant la parole et son débit de façon très physique et humoristique dans l’espace de la Rotonde, dédié aux interventions les plus scéniques.Du « new cool » aux ménages dansés : émanations de la sociétéLes préoccupations des artistes sélectionnés par le MOMA PS1 se font volontiers plus sociales. Le Suédois Marten Spanberg réitère ici une performance qu’il avait imaginée pour une « Sunday Session » du Moma PS1 : La Substance, Picflare Triangel, nom auquel il a adjoint ici le mot de « Remix ». Cette performance-installation de quatre heures, jouée chaque jour, occupe toute la galerie haute, au niveau 3. Dans cet espace lumineux, un camp festif et onirique accueille les visiteurs au milieu d’un étrange bric-à-brac. Le lieu est habité par une sorte de secte régressive, des fêtards, ou plutôt des abstractions de fêtards, s’animant parfois pour danser au rythme de chansons des années 1990, doublées au karaoke, la plupart du temps se livrant à d’étranges activités parallèles au ralenti. L’artiste a expliqué y aborder « la danse comme un objet plutôt qu’un spectacle ». Le temps semble comme suspendu dans des années perdues emplies d’odeurs sucrées, où le soda jaillit ou s’écoule lentement.La performance d’Anne Imhof, DEAL, seulement jouée samedi et dimanche, promet également une approche sociétale, puisque basée sur l’idée d’échange non monétaire. L’unique valeur de troc entre les performeurs évoluant parmi des lapins en liberté : le « butter milk », ou lait fermenté.Plus minimaliste et discret, l’Australien Adam Linder évolue seul en combinaison de travail dans d’énigmatiques, mais énergiques, choréographies tout en souplesse. Il s’agit de Choreographic service n°1 : Some cleaning. L’artiste, contrairement aux autres invités, n’est pas rémunéré par un cachet, mais est engagé à l’heure, tel un prestataire effectuant des ménages : ses contrats, qu’il affiche dans sa zone d’intervention, doivent être renouvelés après chaque heure écoulée.La salle 37, forte en émotionsLa fameuse salle 37, verte, ovale et penchée, est un étrange écrin propre à capter toute l’attention des visiteurs, et elle concentre des performances intenses.Le Singapourien Lee Wen y reprend pendant trois jours ses performances historiques, un best of néanmoins perturbé par une nouvelle donnée : la maladie de Parkinson, qui s’est déclarée chez lui depuis quelques années. Réinterpréter ses œuvres avec son corps malade, affaibli, parfois tremblant, en modifie la portée, et l’humour vient contrer la résignation.Les performances de l’Espagnole Cristina Lucas sont habituellement présentées sous forme de vidéos, comme sa Liberté raisonnée exposée dans un autre espace du Palais de Tokyo, qui rejouant une Liberté guidant le peuple qui tournerait mal, tableau en mouvement, au ralenti, où l’on voit la Liberté se faire massacrer. Pour Do Disturb, elle a exceptionnellement produit une performance live, Exercices d’empathie, animée par une prof d’aérobic. Ici, chaque exercice, que le public suit à un rythme soutenu, travaille ironiquement une partie du corps en écho à des photographies animées projetées sur les murs.D’images issues de la culture populaire aux photos historiques, on oscille ainsi entre blagues potaches et malaise. Mouvements des victoires (bras en l’air) et des défaites (mains sur la tête), coude plié pour un bras d’honneur reprenant l’iconographie et la devise pro-IVG « Nous accouchons, nous décidons ». Le pas le plus délicat étant le pas chassé inspiré par l’homme de la place Tiananmen, lorsqu’il se déplace face au char qui va l’écraser. Pendant les pauses, on respire avec Dark Vador ou avec le Dalaï Lama...Ce travail sur la gestuelle offre par ailleurs un écho à la performance de Julien Prévieux, qui, avec What Shall We Do Next ?, propose plus haut une sorte d’encyclopédie dansée des nouveaux gestes, tandis que le côté sportif évoque les cours d’arts martiaux de Jean-Philippe Basello, durant lesquels il enseigne des techniques de combat inspirées par de grands tableaux de l’histoire de l’art présentés avant le début de chaque session.Après l’euphorie de l’aérobic, l’extrême mélancolie a pris place dans la salle 37 avec Battement, de Loreto Martinez Troncoso. L’artiste qui n’a pas parlé depuis six ans dans ses performances, prend le temps d’expliquer ce silence, son « vouloir taire », debout face à un micro. Puis son silence reprend, apparemment indéfiniment, poussant chacun à quitter peu à peu la salle. Une performance qui nécessite un sacré cran.Lire aussi : De Tokyo à Pompidou, l’émoi du jeuEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.04.2015 à 17h24 • Mis à jour le10.04.2015 à 19h27 La police de Gaza a saisi, jeudi 9 avril, un graffiti de l'artiste Banksy acheté par un Palestinien pour moins de 160 euros (700 shekels israéliens) à une famille gazaouie, qui s'estime aujourd'hui dupée.Au début d'avril, Bilal Khaled, avait acheté à Rabie Dardouna l'œuvre de Banksy peinte sur la porte en fer de sa maison, une représentation de Niobé, personnage de la mythologie grecque, dévastée par le chagrin. Soupçonné d'avoir dissimulé la vraie valeur de l'œuvre, l'acquéreur avait expliqué, selon le vendeur, qu'il souhaitait « l'exposer dans un musée ». Rabie Dardouna, découvrant quelque temps plus tard que certains collectionneurs avaient parfois payé jusqu'à un million de dollars aux enchères pour des graffiti de Banksy, avait jugé avoir été « dupé ».Placé à la bibliothèque municipale« La police a saisi jeudi l'œuvre sur ordre de la justice », a expliqué Bilal Khaled. Elle « sera gardée à la bibliothèque municipale de Khan Younès jusqu'à que ce que cette affaire soit réglée », a-t-il ajouté. Rabie Dardouna a « déposé plainte contre Bilal Khaled pour fraude et pour réclamer à la justice de récupérer le graffiti ». En février, sept mois après le conflit israélo-palestinien qui avait fait plus de deux mille morts, l'artiste britannique Banksy s'était rendu dans l'enclave palestinienne, muni de ses bombes de peinture pour dessiner trois œuvres sur des bâtiments ravagés.Des graffitis représentant un chaton blanc au nœud rose, Niobé éplorée et un manège à balançoires avaient alors égayé le paysage désolé. Les œuvres de Banksy étaient théoriquement destinées à mettre en lumière la destruction de la ville et n'avaient nullement un but lucratif.Lire aussi : A Gaza, une œuvre de l'artiste Banksy vendue pour… 160 euros 10.04.2015 à 16h29 • Mis à jour le11.04.2015 à 10h46 | Alexandre Piquard « Il est assez scandaleux qu’on puisse faire autant de bénéfice sur une ressource publique. » La sentence prononcée par la députée PS Martine Martinel, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, mercredi 8 avril, résume assez bien les critiques déclenchées par le rachat de Numéro23. Certains reprochent aux actionnaires de cette chaîne de la TNT, parmi lequels Pascal Houzelot (membre du Conseil de surveillance du Monde) de l’avoir revendue pour 90 millions d’euros au groupe NextRadioTV, le 2 avril. Soit deux ans et huit mois après s’être vu attribuer – gratuitement – une fréquence par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).Lire aussi : TNT : Numéro 23 dans l’escarcelle de NextRadioTVLa députée de Haute-Garonne n’a pas été la seule élue à interpeller le président du CSA Olivier Schrameck, lors de son audition par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Outre Christian Kert, de l’UMP, le socialiste Marcel Rogemont s’est interrogé sur une politique d’attribution de fréquences qui « priorise soi-disant les nouveaux entrants » dans le secteur audiovisuel mais permet « des plus-values sur le bien public ». Il a constaté à regret que la vente de Numéro23 respectait parfaitement les règles en vigueur : les deux ans et demi de délai minimum de détention d’une chaîne avant sa cession, mais aussi la taxe de 5 % sur les plus-values liées à des chaînes de la TNT, instaurée en 2013.« Faut-il revoir les règles ? », a demandé M. Rogemont à M. Schrameck. Puis le député à fait à Numéro23 un autre grief : cette chaîne s’est présentée au CSA comme un canal consacré à la « diversité » mais aurait en fait une ligne éditoriale assez large, voire opportuniste : sa grille de programmes intègre plusieurs émissions américaines de divertissement, comme un concours de tatoueurs. Ou une émission sur les phénomènes paranormaux.Indignation« Ces largesses éditoriales interrogent », a lancé M. Rogemont. Comme Rachid Arhab, ex-membre du CSA, il sous-entend que la chaîne ne respecte pas la promesse éditoriale qui lui a permis de remporter l’appel d’offres pour une des six nouvelles chaînes de la TNT lancées fin 2012. A l’époque, la chaîne avait toutefois défendu une conception large de la diversité : diversité des origines, des modèles familiaux, parité, cultures du monde ou handicaps, listait Le Figaro. Et le CSA a depuis jugé que Numéro23 avait en 2013 respecté les obligations relatives à sa ligne éditoriale.L’indignation soulevée par la revente de Numéro23, dont le premier actionnaire est Pascal Houzelot – ancien conseiller d’Etienne Mougeotte à TF1, ancien dirigeant de la chaîne PinkTV – n’est pas nouvelle. Une polémique similaire avait accompagné les ventes de TMC et NT1 par le groupe AB à TF1, ou de D8 et D17 par le groupe Bolloré à Canal+.« Si j’avais voulu faire une opération avec un groupe plus puissant, je l’aurais fait avant. Je continue sur ma logique d’entrepreneur », a réagi dans Les Echos M. Houzelot, « professionnel des médias depuis vingt-cinq ans ». Une manière de dire que contrairement aux autres revendeurs, il respectait l’esprit des pouvoirs publics, soucieux avec la TNT d’ouvrir l’audiovisuel à d’autres acteurs que les grands groupes.M. Houzelot a vendu Numéro 23 (0,7 % de part d’audience en mars 2015) pour 50 millions d’euros en « cash » et 40 millions d’obligations convertibles en capital de NextRadioTV, dont il deviendra membre du conseil d’administration. Propriétaire de BFMTV ou RMC, le groupe d’Alain Weill est considéré comme le plus gros des indépendants de la télévision, ou le plus petit des grands groupes.Vers une taxation plus forte ?Face à la mini-fronde des députés sur Numéro 23, M. Schrameck a rappelé qu’avant de valider par une décision motivée la revente de la chaîne, il ferait une « étude d’impact » économique. Il serait toutefois surprenant que celle-ci empêche la transaction. Sur la « question de fond » des fréquences gratuites générant des plus-values, le président du CSA a estimé que la limitation de la taxation à 5 % sur le produit de la vente est « une question substantielle ». En langage du CSA, cela veut dire que l’on pourrait taxer davantage, ce qui est du ressort des parlementaires et du gouvernement.Qu’en pense Fleur Pellerin, la ministre de la culture ? C’est la question qu’a posée la sénatrice UMP Catherine Morin-Desailly lors des questions au gouvernement du jeudi 9 avril. « Comment prévenir la poursuite de ces actions spéculatives ? », a demandé l’élue, suggérant de doubler le délai minimum de détention d’une chaîne à cinq ans, par exemple « le projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».La ministre de la culture, Fleur Pellerin, a pris plaisir à rappeler qu’à l’époque du vote de la taxe sur les reventes de chaînes de la TNT, la majorité socialiste « aurait aimé avoir le soutien de la droite ». Avant de toutefois tomber d’accord avec l’élue UMP : « Je partage avec vous l’objectif que vous avez indiqué et sur la proposition que vous avez faite de l’extension des durées de détention, je dis : pourquoi pas. » Suite au prochain numéro.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Béatrice Jérôme Manuel Valls a proposé à Pascal Lamy d’être nommé délégué interministériel à l’Exposition universelle de 2025. Le premier ministre voudrait pouvoir l’annoncer, mardi 14 avril, à l’occasion du comité interministériel qui sera consacré au Grand Paris. L’ancien patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’a pas encore donné sa réponse.Le délégué interministériel devrait préparer la candidature de la France afin que celle-ci puisse être déposée en avril 2016 par François Hollande. Le président de la République avait annoncé, le 6 novembre 2014, sa volonté de porter cette candidature.Une mission d’information parlementaire estimait, dans un rapport publié le 29 octobre 2014, qu’une candidature de Paris à la prochaine Exposition universelle réenclencherait une « dynamique » dans le pays.Un choix très politiqueEn choisissant M. Lamy, l’exécutif fait le choix d’un homme rompu aux négociations diplomatiques. Mais il s’agit aussi d’un choix très politique. Proche de François Hollande, l’ancien directeur de cabinet, de 1983 à 1994, de Jacques Delors président de la commission européenne défend une ligne économique proche de celle de Manuel Valls.Patron de l’OMC de 2005 à 2013, M. Lamy devrait pouvoir mettre à profit sa notoriété sur la scène internationale pour tenter de convaincre les 168 pays membres (en comptant la France) du Bureau international des expositions qui doivent se prononcer en 2018.Il devra aussi convaincre la maire de Paris Anne Hidalgo. Alors que celle-ci était au départ favorable à une telle initiative, elle semble aujourd’hui préférer une candidature de la capitale aux Jeux olympiques. Anne Hidalgo, a ainsi proposé, lundi 23 mars, aux élus parisiens « d’engager pleinement et avec responsabilité Paris en faveur d’une candidature aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ».Elle avait alors déclaré : « Quand on regarde le cahier des charges des Expo universelles, on voit que les Expo universelles qui ne coûtent rien en termes d’argent public ça n’existe pas » puis de se livrer à une critique implicite du projet porté par ExpoFrance 2025.« Mettre à profit ses relais dans les ambassades »« M.Lamy adhère totalement à l’audace à la modernité du projet », assure, de son côté, Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine et promoteur du projet de la candidature française. Le député (UDI) des Hauts-de-Seine tire ce constat des deux entrevues qu’il a eux avec M.Lamy , en mars.Pour M.Fromantin, le choix de M.Lamy est « judicieux. Il est un de ceux qui a le mieux compris la mondialisation », assure le député (UDI) des Hauts-de-Seine, président de l’association Expofrance 2025. Co-animateur du projet, Luc Carvounas sénateur vallsiste (Val-de-Marne) voit en M.Lamy « quelqu’un de très bien et qui sera bien perçu ». « Nous allons avoir besoin de la force de frappe de l'Etat pour défendre notre projet et M.Lamy va pouvoir mettre à profit ses relais dans les ambassades », ajoute le maire socialiste d'Alfortville.Le projet porté par M.Fromantin et Carvounas prévoit que l’Exposition se déroule sur une douzaine de sites dans toute la France, à partir de bâtiments existants, et sans argent de l’Etat. « L’absence d’argent de l’Etat est la garantie de préserver la dynamique entreprenariale du projet », affirme M.Fromantin qui se fait fort de réunir 40 millions d’euros auprès des entreprises pour pré-financer l’Exposition.Béatrice JérômeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pauline Sauthier D'un côté une pianiste, de l'autre un compositeur. Tous deux paient leur engagement pro-russe dans le conflit ukrainien. Goran Bregovic est serbe et devait jouer en Pologne en juin, Valentina Lisitsa est ukrainienne et devait se produire ces jours-ci au Canada.C’est un concert que Goran Bregovic a donné en Crimée – annexée par la Russie – au mois de mars, qui a poussé les organisateurs du Life Festival Oswiecim, en Pologne, à annuler sa venue. Le compositeur, qui devait aussi être ambassadeur du festival, avait refusé de condamner l’intervention russe en Crimée. Les organisateurs ont rendu publique, mardi 7 avril, leur décision d’annuler sa prestation dans un communiqué : le festival Life, organisé à Oswiecim, ville de l’ancien camp Auschwitz-Birkenau, porte un message pacifiste qui, selon eux, n’a pas été respecté. Accusée de « répandre la haine »Ce même 7 avril, la pianiste Valentina Lisitsa devait jouer le Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov dans la salle de l’Orchestre Symphonique de Toronto. Mais la veille, elle a annoncé l'annulation de son concert et demandé le soutien de ses fans, lançant un appel sur Facebook : « En décembre [2014], un membre de la direction de l'orchestre a décidé que je ne devrais pas avoir le droit de jouer, probablement à cause de la pression d'un petit lobby agressif qui prétend représenter la communauté ukrainienne. […] J'ai été accusée de “répandre la haine” sur Twitter. Comme « preuve », c'est ironique, ils ont présenté à l'orchestre mes tweets contenant les caricatures de Charlie Hebdo à propos des médias qui mentent. »D'autres tweets comparent les pro-Européens à des nazis ou s'inspirent de clichés sur les Noirs pour critiquer leur multiculturalisme.Pictures speak louder than words. #Odessa #Ukraine http://t.co/x0rMpdGW9m— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);New school year begins in Odessa with teachers forced to wear Ukrainian tribal dress, a truly European custom :) http://t.co/Z5cRGtnU7T— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);Après la mobilisation des partisan de Valentina Lisitsa, celui qui devait la remplacer, le Canadien Stewart Goodyear a aussi décidé d'annuler ses représentations. Il précise, sur Facebook également : « Tout à coup, j'ai été accusé de défendre la censure et harcelé jusqu'à ce que je retire mon engagement. Ce qui avait commencé comme le plus heureux moment de ma vie est devenu un énorme élan d'hystérie collective. »Pauline Sauthier 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles Brigitte Salino Comme il l'avait fait l'année dernière, Nicolas Bedos présentera la 27e Nuit des Molières, qui aura lieu lundi 27 avril, aux Folies Bergère, et sera retransmise en léger différé sur France 2. La remise des prix sera précédée de la diffusion, en direct du Théâtre de Paris, d’Un petit jeu sans conséquence, une comédie de Jean Dell et Gérald Sibleyras, jouée par Isabelle Gélinas et Bruno Solo. Forte du succès de 2014, qui avait attiré 1,1 million de téléspectateurs, la chaîne a décidé de consacrer toute la soirée au théâtre. Et de célébrer ainsi en grand les Molières, qui reviennent de loin : ils ont été interrompus pendant deux ans (en 2012 et en 2013), en raison de dissensions entre les théâtres privés. Jean-Marc Dumontet, le président de l'association, qui est par ailleurs producteur et directeur de plusieurs salles à Paris, ne cache pas sa joie, et met en avant « la grande richesse de la programmation théâtrale » : trois cent dix pièces étaient en lice pour les nominations.Dix-sept Molières seront décernés (voir la liste complète ci-dessous), également répartis entre le théâtre public et le théâtre privé. Pour le premier, Les Particules élémentaires, mises en scène par Julien Gosselin, d'après le roman de Michel Houellebecq, arrivent en tête avec cinq nominations. Thomas Jolly et sa saga des Henry VI, de Shakespeare, les talonnent avec trois nominations. Pour le second, ce sont Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène par Didier Long, et La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène par Jérémie Lippmann, qui caracolent en tête (avec quatre et trois nominations). Marie Gillain et Myriam Boyer, qui jouent dans ces pièces, sont en lice pour le Molière de la meilleure actrice du privé (avec Fanny Cottençon et Miou-Miou).Côté public, les choix sont ouverts entre Audrey Bonnet, Emmanuelle Devos, Emilie Incerti Formentini et Vanessa Van Durme. Même chose pour le meilleur acteur du public (Philippe Caubère, André Dussollier, Michal Lescot et Olivier Martin-Salvan) et du privé (Maxime d'Aboville, François Berléand, Claude Brasseur et Nicolas Briançon). Pour le Molière du seul et de la seule en scène, la compétition fait se côtoyer des auteurs-interprètes de spectacles comiques, Florence Foresti et Jos Houben, et des comédiens jouant un texte : Francis Huster (Le Joueur d'échecs, de Stefan Zweig) et Denis Lavant (Faire danser des alligators sur la flûte de Pan, d'après Louis-Ferdinand Céline). Sinon, parmi tous les nommés, l'éventail est large entre les célébrités, comme Roman Polanski ou Yasmina Reza, et les révélations féminines et masculines, enjeux de tous les espoirs.Brigitte Salino Les nommés 2015Molière du théâtre privé Les Cartes du pouvoir, de Beau Willimon, mise en scène Ladislas Chollat, Théâtre Hébertot. Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène Didier Long, Théâtre de Poche-Montparnasse. Des souris et des hommes, de John Steinbeck, mise en scène Jean-Philippe Evariste, Philippe Ivancic, Théâtre du Palais-Royal. La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène Jérémie Lippmann, Théâtre Tristan Bernard.Molière du théâtre publicLes Coquelicots des tranchées, de Georges-Marie Jolidon, mise en scène Xavier Lemaire, Théâtre 14 – Jean-Marie Serreau. Germinal, de et mise en scène Antoine Defoort et Halory Goerger, L’Amicale de production – Lille. Henry VI, de William Shakespeare, mise en scène Thomas Jolly, La Piccola Familia. Les Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, mise en scène Julien Gosselin, Si vous pouviez lécher mon cœur.Molière du théâtre musicalAli 74 – Le Combat du siècle, de et mise en scène Nicolas Bonneau, Cie La Volige. Cinq de cœur – Le Concert sans retour, de Cinq de cœur, mise en scène Meriem Menant, Théâtre Le Ranelagh. Les Franglaises, de et mise en scène Les Franglaises, Blue Line Productions, Bobino. La Grande Duchesse, d’après Offenbach, mise en scène Philippe Béziat, Cie Les Brigands.Molière de la comédieCher Trésor, de et mise en scène Francis Veber, Théâtre des Nouveautés. Des gens intelligents, de Marc Fayet, mise en scène José Paul, Théâtre de Paris – salle Réjane. On ne se mentira jamais !, d’Eric Assous, mise en scène Jean-Luc Moreau, Théâtre La Bruyère. Un dîner d’adieu, d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte, mise en scène Bernard Murat, Théâtre Edouard VII.Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privéMaxime d’Aboville dans The Servant, mise en scène de Thierry Harcourt François Berléand dans Deux Hommes tout nus, mise en scène de Ladislas Chollat Claude Brasseur dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Nicolas Briançon dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie LippmannMolière du comédien dans un spectacle de théâtre publicPhilippe Caubère dans La Danse du Diable, mise en scène de Philippe Caubère André Dussollier dans Novecento, mise en scène d’André Dussollier et de Pierre-François Limbosch Micha Lescot dans Ivanov, mise en scène de Luc Bondy Olivier Martin-Salvan dans Pantagruel, mise en scène de Benjamin LazarMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privéMyriam Boyer dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Fanny Cottençon dans On ne se mentira jamais !, mise en scène de Jean-Luc Moreau Marie Gillain dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie Lippmann Miou-Miou dans Des gens bien, mise en scène d’Anne BourgeoisMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre publicAudrey Bonnet dans Répétition, mise en scène de Pascal Rambert Emmanuelle Devos dans Platonov, mise en scène de Rodolphe Dana Emilie Incerti Formentini dans Rendez-vous gare de l’Est, mise en scène de Guillaume Vincent Vanessa Van Durme dans Avant que j’oublie, mise en scène de Richard BrunelMolière du comédien dans un second rôleUrbain Cancelier dans Le Système, mise en scène de Didier Long Florian Choquart dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Romain Cottard dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Thierry Frémont dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Arthur Igual dans Le Capital et son singe, mise en scène de Sylvain Creuzevault Eric Laugerias dans Nelson, mise en scène de Jean-Pierre Dravel et d’Olivier MacéMolière de la comédienne dans un second rôleAnne Azoulay dans King Kong théorie, mise en scène de Vanessa Larré Léna Bréban dans La Maison d’à côté, mise en scène de Philippe Adrien Marie-Christine Danède dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Noémie Gantier dans Les Particules élémentaires, mise en scène de Julien Gosselin Dominique Reymond dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Agnès Sourdillon dans Le Malade imaginaire, mise en scène de Michel DidymMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privéNicolas Briançon pour Voyages avec ma tante Ladislas Chollat pour Les Cartes du pouvoir Didier Long pour Le Système et Chère Elena Roman Polanski pour Le Bal des vampiresMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre publicJulien Gosselin pour Les Particules élémentaires Caroline Guiela Nguyen pour Elle brûle Thomas Jolly pour Henry VI Vincent Macaigne pour Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimerMolière de l’auteur francophone vivantÉric Assous pour On ne se mentira jamais ! Michel Houellebecq pour Les Particules élémentaires Tristan Petitgirard pour Rupture à domicile Pascal Rambert pour Répétition Yasmina Reza pour Comment vous racontez la partie Sébastien Thiéry pour Deux Hommes tout nusMolière de la révélation féminineEléonore Arnaud dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Gaëlle Billaut-Danno dans Célimène et le Cardinal, mise en scène de Pascal Faber Roxane Duràn dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Valentine Galey dans L’Ecole des femmes, mise en scène de Philippe Adrien Nathalie Mann dans La Grande Nouvelle, mise en scène de Philippe Adrien Marie Rémond dans Yvonne, princesse de Bourgogne, mise en scène de Jacques VinceyMolière de la révélation masculineFélix Beaupérin dans Si on recommençait, mise en scène de Steve Suissa François Deblock dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Alexis Moncorgé dans Le Bonheur des dames, de Zola, mise en scène de Florence Camoin David Murgia dans Discours à la nation, mise en scène d’Ascanio CelestiniMolière seul et seule en scèneFlorence Foresti dans Madame Foresti, mise en scène de Florence Foresti Jos Houben dans l’Art du rire Francis Huster dans Le Joueur d’échecs, mise en scène de Steve Suissa Denis Lavant dans Faire danser les alligators sur la flûte de Pan, mise en scène d’Ivan MoraneMolière de la création visuelleLe Bal des vampires. Décors : William Dudley, costumes : Sue Blane, lumière : Hugh Vanstone Les Particules élémentaires. Scénographie : Julien Gosselin, costumes : Caroline Tavernier, lumière : Nicolas Joubert La Réunification des deux Corées. Scénographie et lumière : Eric Soyer, costumes : Isabelle Deffin Le Système. Décors : Bernard Fau, Citronelle Dufay, costumes : Jean-Daniel Vuillermoz, lumière : Laurent BéalBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.04.2015 à 17h28 • Mis à jour le09.04.2015 à 17h36 | Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Beatles For Sale », la mue amorcéeCette semaine : autour de l’album Beatles For Sale (décembre 1964).« No Reply » (Lennon-McCartney), par Sir Henry and his ButlersDick James (1920-1986), l’éditeur des chansons des Beatles, a félicité John Lennon (1940-1980) pour cette composition qui racontait une histoire complète – celle d’un garçon dont la petite amie ne veut pas décrocher le téléphone, alors qu’elle est bien là, il le sait bien, il voit sa silhouette se découper à la fenêtre (et tout ça cinquante ans avant l’iPhone 6). Mais l’enthousiasme de Dick James reste minoritaire, à en croire la pénurie de reprises de No Reply. On fera avec cette version danoise due à Sir Henry and His Butlers, formation qui semble avoir été populaire au royaume d’Hamlet presque en même temps que les Beatles le furent dans celui d’Elizabeth. Cette version n’est pas disponible sur YouTube mais est présente sur les sites de streaming Qobuz, Deezer et Spotify. « I’m A Loser » (Lennon-McCartney), par Vince GuaraldiPianiste facile à écouter, Vince Guaraldi (1928-1976) est le compositeur de l’immortel Cast Your Fate To The Wind. Et cette version de la première chanson que Lennon écrivit sous l’influence de Bob Dylan (se mettant en scène comme un poète maudit et amoureux pathétique plutôt que comme un amant et beau-fils irréprochable), devient, sous les doigts de fée du musicien américain, un ravissant moment de musique d’ambiance pour après-midi de pluie. « Baby’s In Black » (Lennon-McCartney), par Ruben BladesPour conclure ce triptyque de déprime post-adolescente qui ouvre la première face de Beatles For Sale, voici Baby’s In Black, lamentation sur le thème du deuxième choix (deux perdants ne font pas un couple gagnant), avec son rythme chaloupé (une quasi-valse). Repris par le musicien et acteur panaméen Ruben Blades, la chanson devient une espèce de course échevelée vers la mélancolie. « Rock’n’Roll Music » (Chuck Berry), par Chuck BerryTout comme les deux premiers albums du groupe, Beatles For Sale compte six reprises. La première est irréprochable, une version frénétique de Rock’n’Roll Music, de Chuck Berry chantée par un John Lennon surexcité. En voici une version cool (parce que Chuck Berry, qui est tout sauf cool à la ville, tient à rester impeccable sur scène, comme le prouvent ses pattes d’éléphant immaculées). Pour réinsuffler un peu de vie à ce morceau (cette version date des années 1970), Chuck Berry a invité Tina Turner, qui s’amuse comme une folle, trouvant en Chuck un partenaire moins lugubre que son Ike d’ex-mari. « I’ll Follow The Sun » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsLe virtuose de la guitare country, Chet Atkins (1924-2001), interprète cette chansonnette mélancolique que Paul McCartney écrivit en sa prime jeunesse, avec un détachement qui aurait convenu à la bande originale d’un interlude au temps de l’ORTF. « Mr. Moonlight » (Roy Lee Johnson), sous le titre « Triste Luna », par Los Apson BoysLa présence d’une version d’un très obscur succès de Piano Red (1911-1985), vedette mineure du rhythm’n’blues américain sur Beatles For Sale suffit à montrer à quel point les Beatles étaient à bout de ressources (musicales, énergétiques…) au moment de l’enregistrement de l’album. Reste qu’une fois une chanson adoubée par les quatre garçons, elle devenait un succès mondial : la preuve, cette reprise par un groupe mexicain, originaire de la ville septentrionale d’Agua Prieta. « Kansas City » (Leiber/Stoller) « Hey-Hey-Hey ! » (Penniman), par Willbert Harrison et Little RichardMélange de deux chansons qu’aimait à hurler Little Richard (de son vrai nom Richard Wayne Penniman), ce medley conclut la première face de Beatles For Sale avec l’énergie du désespoir. McCartney se dépense comme il ne le fera plus jusqu’à Helter Skelter, quatre ans plus tard et parvient presque à battre le fou hurlant de Macon (Georgie) sur son propre terrain, celui de la stridence éraillée. Voici Wilbert Harrison (1929-1994), garçon raisonnable et élégant dans Kansas City − une chanson du duo Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller − puis Little Richard en personne dans Hey-Hey-Hey !, l’un des nombreux titres à faire rimer Birmingham et Alabama. « Eight Days A Week » (Lennon-McCartney), par Alma CoganQuand les Beatles étaient petits, Alma Cogan (1932-1966) était déjà une vedette. Mais la légende prête à cette chanteuse à voix une liaison secrète avec John Lennon. Ce qui revient pour une praticienne du pop song à l’ancienne à une certaine intelligence avec l’ennemi. Cette version d’Eight Days A Week, le seul numéro un tiré de Beatles For Sale, se débarrasse sans hésitation de la pulsation rock pour en faire une ballade luxurieuse. « Words of Love » (Buddy Holly), par Gary BuseyLe groupe de Buddy Holly (1936-1959) s’appelait The Crickets, les criquets, et c’est l’une des innombrables raisons pour lesquelles les Quarrymen décidèrent de prendre un nom d’insecte. Mais l’influence du rocker texan ne s’arrêtait pas à la taxonomie. Les harmonies vocales de Buddy Holly and The Crickets, le jeu de guitare de leur leader ont profondément marqué les Beatles, qui n’enregistrèrent pourtant qu’un titre de Holly, Words of Love. La version ci-dessous est extraite de The Buddy Holly Story, de Steve Rash (1978), l’un des premiers biopics rock, avec, dans le rôle titre, Gary Busey. « Honey Don’t » (Carl Perkins), par Carl Perkins et Ringo StarrCarl Perkins (1932-1998), compatriote d’Elvis Presley (1935-1977), auteur de Blue Suede Shoes, est une autre influence majeure pour les Beatles, qui reprennent deux de ses compositions dans l’album Beatles For Sale. La première est chantée par Ringo Starr (il fallait bien lui trouver une petite place). La version ci-dessous, enregistrée à Londres en 1985, permet au créateur de retrouver son élève. Perkins et Ringo sont entourés, entre autres, de Dave Edmunds et de Lee Rocker, le contrebassiste des Stray Cats. « Every Little Thing » (Lennon-McCartney), par YesLes Beatles n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes : en utilisant une timbale dans l’arrangement de cette chanson pop qui s’arrête à deux doigts de la perfection, ils invitaient à la pompe. Cinq ans après les sessions de Beatles For Sale, un groupe qui se prenait très au sérieux, Yes, enregistre Every Little Thing et en fait une démonstration de virtuosité un peu vaine, au milieu de laquelle surnagent mélodie et lyrics gentiment sexistes (« toutes les petites choses qu’elle fait pour moi »). « I Don’t Want To Spoil The Party » (Lennon-McCartney), par Rosanne CashDe tous les albums des Beatles, For Sale est sans doute celui qui se réfère le plus souvent à la musique country, que ce soit dans les reprises, les compositions originales ou la propension à s’apitoyer sur soi-même. Double preuve avec I Don’t Want To Spoil The Party (je ne veux pas gâcher la fête par ma tristesse, je vais m’en aller, non, ne me retenez pas), son solo de guitare sautillant et cette reprise par l’héritière de la plus grande dynastie country, Rosanne, fille de Johnny Cash (1932-2003) et belle-fille de June Carter (1929-2003). « What You’re Doing » (Lennon-McCartney), par The Fantastic Dee-JaysSans doute la chanson la plus oubliable de l’album (mais pas au point que la mélodie sorte de votre tête après une écoute) est interprétée avec une fidélité furibonde par un trio de Pittsburgh qui, malgré son nom, n’annonce pas l’electro, mais se conforme, au contraire, au canon du rock de garage. « Everybody’s Trying To Be My Baby » (Carl Perkins), par Carl Perkins et George HarrisonExtraite du même concert que Honey Don’t, cette version du classique de Perkins est interprétée par l’auteur et George Harrison (1943-2001), qui s’en sort somme toute mieux que sur Beatles For Sale. Au temps des Beatles, la voix du tout jeune George avait besoin de beaucoup d’écho pour faire croire que tout le monde essayait d’être son bébé.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, son quatrième album bien moins sage.C'est peut-être la plus belle pochette du groupe. Quatre très jeunes gens à l'air las, baignés de lumière à Hyde Park. A l'automne 1964, les Beatles enregistrent leur quatrième album, le premier est sorti dix-huit mois plus tôt. Entre-temps, ils ont conquis les Etats-Unis, se sont produits sur quatre continents (pas d'Afrique pour les Fab Four) et ont tourné un film qui a fait d'eux des stars du box-office.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Beatles For Sale »Il est encore un peu tôt pour les proclamer « plus populaires que Jésus », mais c'est déjà vrai. N'empêche, quand la maison Parlophone convoque le groupe en vue d'un album pour les fêtes de fin d'année, il faut rappliquer. Après avoir rempli tout un 33 tours – A Hard Day's Night – de leurs compositions, les Beatles sont si fatigués qu'ils optent pour des reprises. Il y en aura six.Classiques de l'âge d'or du rock'n'rollMettons sur le compte du surmenage la présence de quelques titres faibles (What You're Doing, Mr. Moonlight) sur cet opus qui végète dans le bas des listes des beatlemaniaques. Pour autant, Beatles For Sale est un disque d'une extrême cohérence, la bande-son d'une sorte de puberté musicale qui voit le groupe de jeunes gens chastes soucieux de plaire à toute la famille se transformer en artistes décidés à bousculer l'ordre des choses.La séquence qui ouvre la première face – No Reply, I'm A Loser, Baby's In Black – est d'humeur morose : un garçon n'arrive pas à joindre sa bien-aimée au téléphone ; un autre se juge perdu pour la cause amoureuse ; un troisième s'attache à une fille marquée par le malheur.Le deuxième de ces titres a été écrit par John Lennon après sa rencontre avec Bob Dylan. Ce n'est pas la seule influence américaine. Plus loin, sur le disque, I Don't Want To Spoil The Party semble avoir été écrite pour l'émission « Grand Ole Opry » de Nashville.Enfin, on compte parmi les reprises deux versions quasi définitives de classiques de l'âge d'or du rock'n'roll : Rock And Roll Music, de Chuck Berry, emmené à un train d'enfer par Lennon et un medley Little Richard (Kansas City / Hey Hey Hey) hurlé par Paul McCartney qui ne retrouvera pas pareille intensité avant Helter Skelter sur l'album blanc.Des instants de défoulement pour quatre garçons qui voudraient bien ne plus être seulement des produits à vendre, et qui s'apprêtent à y parvenir.Thomas SotinelJournaliste au Monde Pauline Sauthier En commentant une peinture de Philip Guston exposée au Metropolitan Museum of Arts (MET), l'artiste conceptuel John Baldessari parle un peu de lui-même. « Des gens vont dire : mes enfants peuvent faire ça [...] Mais je pense que c'est extrêmement intelligent d'agir comme si l'art ne demandait aucun savoir faire. » C'est le principe de la websérie « The Artist Project », lancée fin mars par le MET : faire converser des artistes contemporains et des œuvres tirées de ses collections.On y voit, par exemple, le vidéaste et compositeur Cory Arcangel comparer un clavecin de la fin du XVIIe siècle à son travail sur les nouvelles technologies : « Mon but en tant qu'artiste, c'est de trouver des choses qui ne sont pas encore conservées et de déclarer que ce sont des œuvres d'art, de convaincre les gens que ce sont des œuvres d'art et ensuite, de les introduire discrètement dans un musée. »Pour la première saison de cette série, vingt vidéos d'environ trois minutes donnent la parole, outre à Cory Arcangel et à John Baldessari, à Nick Cave (le plasticien, pas le chanteur), Nina Katchadourian, Xu Bing, etc.Vaste projet numérique« Cette série en ligne rend visible ce que nous observons depuis longtemps au MET, explique Thomas P. Campbell, son directeur, c'est un lieu d'inspiration essentiel pour le travail des artistes, souvent d'une façon qu'on ne soupçonne pas. »Cette initiative s'inscrit dans un projet numérique plus vaste du musée qui propose, depuis 2000, une frise interactive présentant l'ensemble de ses collections. Sur la page Connections, des membres du personnel commentent ainsi les œuvres du musée ; 82e et cinquième renouvelle l'expérience avec des conservateurs. Quant à MetCollects et One Met. Many Worlds, ces projets proposent de découvrir les collections de façon ludique en s'intéressant, par exemple, à des détails ou des thématiques particulières.Les prochaines saisons de « The Artist Project » sont prévues pour le 22 juin, le 14 septembre, le 7 décembre 2015 puis le 29 février 2016.Pauline Sauthier Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Après avoir longtemps hésité, le gouvernement travaillait activement, jeudi 9 avril matin, à la mise en place d’une médiation à Radio France, selon nos informations. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, devait rencontrer le PDG Mathieu Gallet, jeudi dans la journée, pour en discuter des modalités. Car le contenu de cette « médiation », mais aussi les apparences, ont toute leur importance. De leur côté, les élus syndicaux de l’entreprise publique surveillaient le sujet alors qu’une nouvelle assemblée générale à 10 heures à la Maison de la radio a voté la reconduction de la grève jusqu’à vendredi.Cette mise en mouvement du gouvernement intervient au lendemain de l’échec d’un comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, suspendu après que les élus syndicaux ont déclaré que « les fils du dialogue et de la confiance sont rompus ». Interrogée dans la foulée à l’Assemblée nationale, Fleur Pellerin, avait déclaré que « très rapidement, [elle ferait] connaître les décisions qu’[elle prendrait] pour renouer le dialogue social ».Selon nos informations, une réunion s’est tenue mercredi soir au ministère de la culture avec les élus syndicaux de Radio France, pour discuter des conditions de cette médiation. La première mission du médiateur ou de la médiatrice – aucun nom n’a encore été évoqué – serait de résoudre le conflit social qui paralyse l’entreprise et ses antennes depuis le 19 mars. Des négociations marathon pourraient donc reprendre, dans l’espoir d’aboutir en quelques jours.Quel périmètre pour une intervention externe ?Mais sa mission pourrait ne pas se limiter à sortir les discussions de l’ornière. « La médiation devra aussi animer un dialogue social durable sur le projet stratégique de Radio France, pour que ce projet soit précisé en concertation avec les salariés », souhaite un élu. L’horizon pourrait dès lors être la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, actuellement en discussion entre l’entreprise et l’Etat.Dans cette hypothèse, la médiation aurait donc un périmètre large, consistant à éteindre l’incendie social, mais aussi à reformuler les ambitions de Radio France et à confirmer les pistes envisagées pour son retour à l’équilibre budgétaire. Les syndicats avaient officiellement demandé une intervention extérieure, mardi, dans une lettre ouverte à Fleur Pellerin.S’agit-il d’une aide pour la direction, ou d’une mise sous tutelle ? Auditionné, mercredi, à l’Assemblée nationale, Mathieu Gallet avait lui-même évoqué la possibilité d’« une intervention extérieure pour retisser le dialogue social ». Quelques minutes plus tard, le PDG précisait en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement – l’expression utilisée par les syndicats –, mais peut-être à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.Une approche voisine de celle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a appelé mercredi « à la mise en œuvre d’une procédure de résolution des conflits de nature à surmonter la situation de blocage qui se manifeste aujourd’hui ».La prudence reste de miseA quel degré d’interventionnisme politique la ministre situe-t-elle son action ? La direction de Radio France va scruter les détails. Les apparences ont leur importance : une médiation annoncée conjointement par Fleur Pellerin et Mathieu Gallet n’aurait pas le même sens qu’une communication du ministère qui semblerait un rappel à l’ordre de la direction de Radio France.De même, un médiateur qui, par un apport méthodologique, faciliterait les négociations autour des sujets sociaux du projet (plan de départs volontaires, réforme des modes de production…), serait différent d’une personnalité qui s’immiscerait dans le contenu de la négociation.Mais le gouvernement marche sur des œufs. Le ministère ne peut pas rester passif devant une situation de blocage d’une entreprise dont il a la tutelle, mais il ne veut surtout pas apparaître comme intervenant dans sa gestion. Cela l’obligerait à porter davantage, politiquement, le poids des probables suppressions de postes. Et cela offrirait un boulevard à l’opposition pour dénoncer une indépendance de l’audiovisuel public en trompe-l’œil et créer une pression politique forte au moment où le CSA doit désigner le nouveau PDG de France Télévisions, d’ici le 22 mai.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux Le 4 mars, salle Gaveau à Paris, Jean-Bernard Pommier donnait le deuxième des huit concerts qu’il consacre à l’intégrale des 32 sonates de Beethoven. Le pianiste français n’a pas voulu souhaité respecté la chronologie de leur composition (le premier concert du 2 mars comportait par exemple l’une des dernières sonates, la fameuse op.106 « Hammerklavier »). Ce beethovénien de la première heure, auteur d’une intégrale gravée en 1994 pour Erato et de concerts marathons à Londres, Bruxelles, aux Pays-Bas, etc… a choisi un ordre qui répond « aux impératifs formels et techniques », et aussi peut-être à quelque secrète dramaturgie connue de lui seul. « J’ai vu petit à petit le message du temps se transformer dans la musique, explique-t-il. Il s’épaissit, s’élargit, se contracte, au fur et à mesure que les choses de la vie s’amenuisent. »Au programme du concert, Jean-Bernard Pommier a mis quatre sonates, entrecroisant les « best-sellers » à titres sortis de l’anonymat des numéros d’opus – La Tempête (alias Sonate n°17 en ré mineur op.31/2) et Les Adieux (alias n°26 en mi bémol majeur op.81a) – et deux autres restées dans le rang, les Sonates n°2 en la majeur op. 2/2 et n°10 en sol majeur op.14/2.Un son large et francA 70 ans, le pianiste (né le 17 août 1944 à Béziers, comme Yves Nat, dont il fut le dernier élève), est toujours une force de la nature (beethovénien en cela aussi), tête carrée à chevelure moutonnante, petite taille râblée mais large poitrine. Son confrère de 59 ans, le pianiste Michel Dalberto, est dans la salle. Un signe qui ne trompe pas. Jean-Bernard Pommier a rejoint son Steinway, acheté en 1989 à Hambourg à la barbe d’Alfred Brendel, comme il se plaît malicieusement à le souligner. Il a attaqué la Sonate n°2 bille en tête. Un son large et franc, fermement tenu, à l’hédonisme chaleureux. Pommier est un jouisseur qui ne triche pas. Les doigts poussent le son au fond des touches, les caresse à larges pattes de velours, transformant la musique qui est aussi une vivante matière organique.La Tempête,Jean-Bernard Pommier l’a enchaînée quasiment sans crier gare. Les phrasés sont limpides, que le pianiste brouille parfois de résonances harmoniques, histoire de pousser toujours plus loin cette exploration des limites qui est pour lui la marque même de la musique de Beethoven. Une marque qu’il définit ainsi : « Pour Beethoven, la survie est plus intéressante que la vie. C’est un répertoire dans lequel je n’ai jamais ressenti l’effort, même s’il demande des talents athlétiques, dit-il simplement. La Sonate n°10 gardera aussi ce ton d’épicurisme sanguin, non exempt de profondeur. Comme dans Les Adieux, dont la demi-teinte grave du début délivre d’emblée son content de nostalgie, avant la longue plainte de L’Absence puis la ferveur joyeuse du Retour.Enfant prodigeJean-Bernard Pommier fait partie de ces musiciens français qui ont fait leur carrière à l’étranger. Le hasard des rencontres, des concours. L’un, remporté en 1960 à Berlin (le Concours international des Jeunesses musicales), avant le Concours Tchaïkovski à Moscou deux ans plus tard, dont Jean-Bernard Pommier est le plus jeune finaliste. « Rien ne m’a vraiment éloigné de France si ce n’est qu’après Berlin et Moscou, je suis parti aux Etats-Unis pour travailler avec Eugene Istomin, un ami de Pablo Casals, que j’avais connu au Festival de Prades, où je me produisais enfant. » Car Jean-Bernard Pommier a été un enfant prodige, que son père, Robert Pommier, organiste à la Madeleine de Béziers, oubliera dans l’orgue un dimanche matin après l’office. « J’avais 4 ans. On me cherche partout. Mon père entend soudain l’orgue. Il remonte à la tribune et voit que j’avais mes mains sur le clavier. » Dès le lendemain, Robert Pommier décide d’emmener le huitième de ses enfants chez Mina Koslova, une pianiste juive russe réfugiée à Béziers pendant la Seconde guerre mondiale. « Je lui dois tout, affirme le pianiste, qui a aussi travaillé au Conservatoire de Paris avec Pierre Sancan. De 4 à 11 ans, elle m’a fait travailler chez elle trois heures tous les jours. A 7 ans, j’ai donné mon premier concert avec elle, qui m’accompagnait dans le Concerto en la majeur KV 488 de Mozart dans la transcription pour deux pianos. »Collaboration avec Herbert von KarajanJean-Bernard Pommier est intarissable sur les années heureuses de sa jeunesse, sa fructueuse collaboration avec Herbert von Karajan et la Philharmonie de Berlin, son expérience de chef d’orchestre avec le Royal Northern Sinfonia (1996-1999) et l’Orchestra Filarmonica de Turin, qui ne doit pas interférer avec l’interprétation pianistique. « J’ai dirigé toutes les symphonies et ouvertures de Beethoven, mais le respect du piano commande de faire abstraction de l’imaginaire orchestral. » affirme-t-il. Jusqu’au 17 juin, Jean-Bernard Pommier poursuivra ses pérégrinations beethovéniennes. A 70 ans, il se dit plus optimiste qu’il ne l’était à la cinquantaine. C’est que le public actuel lui semble avoir enfin des oreilles reliées au cœur. « Le XIXe siècle a été très critique car il y avait un savoir. Au XXe, on a été très snob car on croyait savoir. Au XXIe, la crise globale des valeurs ouvre un champ de sensibilité beaucoup plus fragile, et peut-être plus proche du trésor artistique. »Intégrale Beethoven par Jean-Bernard Pommier (piano). Les 13 avril, 27 mai, 4, 15 et 17 juin à 20h30. Salle Gaveau, 45-47 rue La Boëtie, Paris-8e. Tél. : 01-49-53-05-07. De 22 € à 55 €. Sallegaveau.comMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant) L’hommage de Lech Walesa n’a pas tardé. Quelques heures après l’annonce de la mort de Günter Grass, le Prix Nobel de la paix et ancien président polonais a salué la mémoire d’« un grand intellectuel qui aimait Gdansk, comme moi ».« Nous avons eu une vision similaire du monde, de l'Europe, de la Pologne. Nous avons vu l'avenir plutôt en rose, en tirant des leçons d'un mauvais passé entre Allemands et Polonais », a-t-il déclaré.« Nous avions beaucoup de choses en commun et peu de choses nous divisaient. Il savait que mon père était mort à cause de la guerre. Il savait que la conception allemande erronée avait coûté très cher au monde entier, et en particulier à la Pologne », a ajouté Lech Walesa, 71 ans, chef historique du syndicat Solidarité.Les premiers hommages en AllemagneComme on pouvait s’y attendre, la première réaction officielle au décès de Günter Grass est venue du Parti social-démocrate allemand (SPD), ce parti dont l’écrivain fut longtemps adhérent et dont il était resté un compagnon de route, parfois encombrant mais toujours fidèle. La longue déclaration faite par Sigmar Gabriel reflète cette relation : « Il a changé notre pays, l’a éclairé au meilleur sens du terme. Ses prises de parole souvent contestables et ses interventions dans différents domaines ont donné plus de couleurs, ont enrichi la culture politique allemande et ont modifié les relations entre la politique et la culture », note le président du SPD qui revient sur la « légendaire amitié [de l’écrivain] avec le chancelier Willy Brandt [1969-1974] » et le rôle actif pris par l’auteur du Tambour dans les campagnes de 1969 et 1972.Encore en février, Günter Grass avait pris part dans sa ville de Lübeck à une rencontre avec de jeunes auteurs. En 2013, il avait fait campagne en faveur de Peer Steinbrück, le candidat du SPD contre Angela Merkel.A la CDU, c'est Peter Tauber, le secrétaire général – et non Angela Merkel, la présidente, qui a réagi. Günter Grass était une « personnalité marquante de la République », note M. Tauber qui ajoute : « Il prenait parti, combattait pour ses positions et, de ce fait, n'était pas incontesté ». Néanmoins « avec sa mort, une voix critique, passionnée et provocante dans les débats de société s'est tue ».« Fier et obstiné »En avril 2012, Günter Grass avait publié dans la Süddeutsche Zeitung un poème « Ce qui doit être dit » dans lequel il accusait Israël de menacer l’Iran et du coup la paix dans le monde. Il critiquait les ventes d’armes allemandes, notamment des sous-marins, à Israël. Critiqué par la plupart des responsables politiques allemands, l’auteur avait fait en partie marche arrière, s’en prenant non plus à Israël mais à son gouvernement.Mais le soutien qu’il a alors reçu d’une partie de l’opinion avait conduit le SPD à modérer à son tour les critiques à son égard. Sigmar Gabriel avait affirmé dans un entretien au Spiegel, le 16 avril, que Günter Grass n'était pas « antisémite ». Il disait lire le poème incriminé comme « un appel à l'aide » de quelqu'un qui redoute une guerre au Proche-Orient et jugeait les critiques contre Günter Grass « exagérées et en partie hystériques ».Ce lundi, le journal conservateur Die Welt, qualifie « notre poète national » de citoyen « fier et obstiné ». Qu’ils l’aient aimé ou non, les Allemands semblent déjà regretter cet « esprit querelleur » (Süddeutsche Zeitung), ce « fauteur de troubles » (la chaîne 3 Sat) qui détonnait dans une Allemagne plus portée au consensus que jamais.Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)journalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.04.2015 à 12h37 • Mis à jour le13.04.2015 à 14h41 | Pierre Deshusses C’était un écrivain de cœur et de gueule, sans conteste le plus célèbre des auteurs allemands de l’après-guerre. Günter Grass est mort lundi 13 avril, dans une clinique de Lübeck, a annoncé la maison d’édition Steidl. Il avait 87 ans. Prix Nobel de littérature en 1999, il était aussi un homme politiquement engagé à gauche, qui avait activement soutenu le chancelier Willy Brandt dans les années 1970 et farouchement critiqué la réunification dans les années 1990, sans compter ses multiples prises de positions en faveur des opprimés de tous les pays.C’est en 1959 que Günter Grass fait son entrée en littérature. Une entrée fracassante sur la scène internationale avec son premier roman, Le Tambour (Die Blechtrommel), imposant par son volume, dérangeant par son propos, époustouflant par son style. Ce roman de plus de six cents pages rompt avec les deux singularités de la littérature allemande d’après-guerre : d’un côté la littérature des ruines (« trümmerliteratur ») représentée par Heinrich Böll, d’un autre la littérature expérimentale, dont le représentant le plus singulier est Arno Schmidt. Dans Le Tambour, Oskar Matzerath a trois ans lorsqu’il décide de ne plus grandir. Il se jette dans les escaliers d’une cave pour se briser les vertèbres et ne jamais ressembler aux adultes. Enfermé dans un asile, et à l’aide de son tambour en fer blanc qui l’accompagne partout, il rameute les souvenirs, depuis la conception de sa propre mère en 1899 jusqu’aux débuts de la République Fédérale d’Allemagne (RFA), en passant par le nazisme. Doué d’une lucidité extraordinaire, capable de pousser des cris stridents qui brisent instantanément toutes les vitres et les vitrines, comme l’ont fait les nazis en 1938 au cours de la « Nuit de cristal », il exprime, dans une parodie pathétique, sa solitude et son désir d’exister.« Le fascisme ordinaire »Dans cette œuvre centrale, qui tient à la fois du roman picaresque et du roman de formation, on reconnaît l’influence de Grimmelshausen (1622-1676) et de Döblin (1878-1957), modèle revendiqué par Grass, mais aussi de Fontane (1819-1898). Mais c’est surtout le premier roman allemand d’envergure à s’attaquer au « fascisme ordinaire » tel que l’avait vécu l’homme de la rue, victime et coupable à la fois. Hans Magnus Enzensberger ne s’y est pas trompé, qui écrivait de Grass : « Cet homme est un empêcheur de tourner en rond, un requin au milieu des sardines, un solitaire et un sauvage dans notre littérature domestiquée, et son livre est un pavé comme le Berlin Alexanderplatz de Döblin, comme le Baal de Brecht, un pavé sur lequel les critiques et les philologues vont avoir à ronger pendant au moins dix ans, jusqu’à ce qu’il soit à point pour la canonisation ou l’oubli. » Le Tambour n’a pas sombré dans l’oubli. Porté à l’écran vingt ans plus tard par Volker Schlöndorff, en 1979, il a même obtenu la Palme d’or à Cannes et l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood. Le Tambour est le premier volet de ce que l’on appelle la « trilogie de Dantzig », complétée en 1961 Par Le Chat et la Souris (Katz und Maus) et en 1963 par Les Années de chien (Hundejahre).C’est en effet à Dantzig, « ville libre » de Prusse orientale (aujourd’hui Gdansk en Pologne), que Günter Grass est né, le 16 octobre 1927, de parents commerçants n’ayant pas perdu leurs attaches paysannes. Sa famille est allemande du côté paternel et kachoube du côté maternel. Les Kachoubes sont des slaves installés dans les plaines de l’Allemagne du Nord, sur la rive gauche de la Vistule, territoire redevenu polonais en 1945. Cette population tient sa place dans de nombreux ouvrages de Grass, telle la grand-mère au début du Tambour cachant sous ses quatre jupes traditionnelles un fugitif qui, dans cet abri improvisé, fait des découvertes qui n’ont pas seulement un parfum ethnique. L’invasion de Dantzig – la ville du fameux « corridor » qui fut à l’origine de l’invasion de la Pologne – est approuvée par sa famille, même si l’un des oncles polonais du jeune Günter est fusillé par l’armée allemande. Après un passage, en 1937, dans la Jungvolk, subdivision de la Jeunesse hitlérienne pour les plus jeunes, il s’engage dans le service armé et est affecté à une batterie anti-aérienne comme auxiliaire de la Luftwaffe. À la fin de la guerre, il est fait prisonnier par les Américains et libéré en 1946.« Un style nouveau »Grass mène alors une vie de bohème et tente de se reconstruire après des drames familiaux (sa mère et sa sœur ont vraisemblablement été violées par des soldats russes). Après avoir travaillé dans une mine de potasse près de Hanovre, il fait des études d’arts plastiques à Düsseldorf et à Berlin-Ouest, notamment auprès du sculpteur Karl Hartung. Il se marie avec une danseuse suisse et gagne chichement sa vie grâce à ses sculptures et ses gravures. C’est à ce moment qu’il s’essaie à l’écriture, compose des poèmes et entreprend la rédaction d’un roman. En 1955, il se rapproche du Groupe 47 (réuni pour la première fois à Munich en 1947), mouvement de réflexion littéraire rassemblé autour de l’écrivain Hans Werner Richter qui appelle à « des moyens de mise en forme nouveaux, un style nouveau, une littérature nouvelle ».C’est parce qu’il a obtenu le Prix du Groupe 47 que Grass peut, avec l’argent de la bourse, partir à Paris où, entre 1956 et 1959, il va justement écrire Le Tambour, dans un minuscule appartement de la Place d’Italie. Il fréquente les milieux intellectuels de Saint-Germain, découvre le Nouveau roman, se lie d’amitié avec Paul Celan, alors lecteur à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, et qui lui fait découvrir Rabelais. De retour en Allemagne dans les années 1960, Günter Grass s’engage politiquement à gauche et participe aux campagnes électorales des sociaux-démocrates allemands. Il fait 94 discours dans toute l’Allemagne en faveur de Willy Brandt qui est élu chancelier en 1969.« Valeur de vie »Après avoir pris ses distances avec l’engagement politique, né surtout de son amitié avec Willy Brandt, Grass, qui n’a jamais été un révolutionnaire et a eu des mots très durs pour les événements de mai 68, revient à la fresque épique et truculente avec Le Turbot (Der Butt - 1977) et se replie sur ce qui a pour lui « valeur de vie ». Faisant du langage le maître des choses, il retrace l’histoire de la nourriture, fait défiler devant nous les recettes fantastiques, et opère une sorte de réconciliation savoureuse des Allemands avec leur lointain passé, qui apparaît de nouveau comme un pays de légendes. S’inspirant d’un conte des frères Grimm, il retrace parallèlement l’évolution millénaire des relations entre l’homme et la femme et annonce la fin du règne masculin qui a conduit à la catastrophe.Mais le turbot, animal mythique qui, dans cette fable, décide de se mettre au service des femmes, est mis en accusation par quelques donzelles qui lui reprochent son rôle ambigu dans la guerre des sexes. Grass constate avec mélancolie la disparition d’un certain type de femme au dévouement absolu – ce qui lui vaut l’ire de certaines féministes, souvent aussi choquées par sa grivoiserie. En 1986, il propose une œuvre apocalyptique : La Ratte (Die Ratte) qui marque le retour d’Oscar, héros du Tambour, devenu quinquagénaire. Une actualité catastrophique (désastre nucléaire, manipulations génétiques) coïncide avec une vision de fin du monde. A l’époque post-humaine, le rat ou plutôt la femelle – la ratte – s’affirme comme la seule espèce viable. De plus en plus enclin au pessimisme, Grass en appelle cependant toujours à la raison : « Si nous abandonnions, si nous laissions la pierre au pied de la montagne en refusant de continuer à être Sisyphe, alors nous serions perdus. »« Grass n’aime pas son pays »En 1995, la publication du roman au titre programmatique : Toute une histoire (Ein weites Feld) remet brutalement la littérature en contact avec la politique et provoque un tollé. Günter Grass affirme que l’Allemagne de l’Ouest, avec la réunification, a purement et simplement annexé l’Allemagne de l’Est. Une grande partie de la presse populaire s’insurge contre le romancier et le journal à scandale, Bild Zeitung, titre : « Grass n’aime pas son pays. » Il est également attaqué avec une sauvagerie et une mauvaise foi inouïes par quelques « papillons » (entendez « petits papes ») de la critique s’arrogeant sans vergogne un don d’infaillibilité.Parce qu’il refuse d’adhérer à la pensée dominante, il est dénigré comme écrivain, accusé d’avoir écrit un « plaidoyer pour la RDA » et perfidement invité à poser la plume pour aller cultiver son jardin. Le coup est rude, mais c’est mal connaître Günter Grass, auteur combatif par excellence, pourfendeur de l’imbécillité ambiante. Il y a du Flaubert dans cet homme. Au cours d’un entretien télévisé avec Pierre Bourdieu en novembre 1999, Grass continue à critiquer les méfaits du libéralisme et affirme que « seul l’État peut garantir la justice sociale et économique entre les citoyens ». Il exprime également son désir de voir renaître « l’universalisme et le dialogue culturel hérité des Lumières ».« Un puits d’énergie et un roc d’indignation »Grass a en effet inlassablement soutenu la cause des opprimés : il a défendu Salman Rushdie, victime d’une fatwa en 1989, les écrivains arabophones contestataires et expatriés, le peuple palestinien. Il a souvent dénoncé la politique du gouvernement israélien qu’il jugeait « agressive » et « belliqueuse ». Grass est « l’écrivain des victimes et des perdants » déclare l’Académie suédoise du prix Nobel, qui l’honore en 1999. A l’âge de 72 ans, Günter Grass reçoit en effet le dernier prix Nobel de littérature du XXe siècle, « pour avoir dépeint le visage oublié de l’histoire dans des fables d’une gaieté noire ». Il est célébré comme « un puits d’énergie et un roc d’indignation ».Cette récompense consacre l’écho d’une œuvre immense et luxuriante. Tous les livres de Grass sont traduits dans une vingtaine de langues et il fut le premier à inviter, à chaque nouvelle parution, l’ensemble de ses traducteurs pour permettre l’échange de langues et de cultures, mais aussi pour donner des directives précises – il faut ici rendre hommage à Jean Amsler, premier traducteur de Grass, à Claude Porcell et Bernard Lortholary qui ont repris le flambeau, et à Jean-Pierre Lefebvre pour L’Agfa Box (2010). En Allemagne en revanche, peu de jeunes auteurs se réclament de Günter Grass, préférant de loin la littérature étrangère, notamment américaine.« La honte revenait sans cesse »En août 2006, Grass fait l’objet d’attaques plus violentes encore que les précédentes. A la veille de la sortie de son livre autobiographique, Pelures d’Oignons (Beim Häuten der Zwiebel), il révèle dans une interview son enrôlement en 1944 dans la Waffen-SS. Il avait 17 ans. Il avait prétendu jusque-là n’avoir servi que dans un service auxiliaire de la Luftwaffe. « Ce que j’avais accepté avec la stupide fierté de ma jeunesse, je voulais, après la guerre, le cacher à mes propres yeux car la honte revenait sans cesse. Mais le fardeau est resté et personne n’a pu l’alléger. »Cette révélation suscite malaise et incompréhension. La querelle qui s’ensuit dépasse les frontières allemandes et est à l’origine d’une controverse entre intellectuels européens, certains d’entre eux considérant que cet aveu lui ôte son statut de caution morale, d’autres au contraire, comme Christa Wolf, pensant que cette sincérité, même tardive, ne fait que renforcer sa légitimité. La droite allemande dénonce son hypocrisie et ses sermons galvaudés sur le passé nazi de la nation et le presse même de rendre son prix Nobel.« La pelure qui brille sous la pelure »Grass a fait ce qu’ont fait des milliers d’autres garçons de son âge dans une époque tourmentée. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est d’avoir attendu si longtemps pour le dire et, lourd de ce secret, d’avoir souvent pris la posture du donneur de leçons, du praeceptor germaniae. Les leçons étaient souvent bonnes, la posture était bancale. Mais il est une part de complexité irréductible à la logique, « aussi charnue que soit la pelure qui brille sous la pelure ».Depuis quelques années, Günter Grass s’était mis en retrait du monde. Il publiait peu (son dernier roman, Les mots de Grimm. Une déclaration d’amour, sorti en 2010, n’est pas encore traduit), il parlait peu, mais sa présence silencieuse veillait. Avec lui s’éteint un phare de la littérature mondiale, qui ne renvoyait pas seulement les éclats d’une mer mouvante, mais sondait aussi les profondeurs et les épaves d’un monde trouble, contradictoire, magique et parfois monstrueux. Grass aura ravivé le chaos d’une littérature fantasque et grotesque, irriguée par les exigences courageuses de l’humanisme.Pierre DeshussesJournaliste au Monde Marie Sumalla ((propos recueillis)) Le photographe russe Sergey Ponomarev a fait ses classes pendant huit ans à l’agence Associated Press. Aujourd’hui photojournaliste indépendant, à 34 ans, il est correspondant de guerre pour le New York Times. Depuis, il réalise régulièrement pour le quotidien américain des reportages autour du monde, de Gaza à Maïdan, en passant par Damas. Selon lui, photographier, c'est construire du sens. A Paris, la galerie Iconoclastes expose son travail pour la première fois à partir du 9 avril. Travailler pour un média aussi prestigieux que le New York Times a-t-il une influence sur votre éthique ? Comment envisagez-vous votre responsabilité journalistique ?Sergey Ponomarev : Je n'ai aucune pression quant à cette responsabilité car je m'impose de rigoureux critères de travail, les éditeurs savent et me font confiance.Les règles que je me suis fixées sont d'abord photographiques : je ne mettrai jamais en scène une image, je ne demanderai jamais à une personne de prendre la pause ou de bouger de telle ou telle façon. Mais je suis satisfait si le hasard fait que celui que je photographie regarde dans ma direction. Je pense que la présence d'un photographe interfère irrémédiablement dans la situation, c'est déjà plus qu'assez.Quand j'étais plus jeune, j'ai entendu Steve McCurry [photographe américain de l’agence Magnum] dire qu'il pouvait rester des heures à attendre que la bonne photographie apparaisse dans son objectif. Aujourd'hui, moi aussi j'ai appris la patience, et si la composition n'apparait pas dans le cadre, c'est moi qui pars.Dans les agences de presse, on a vu de brillants photographes se faire évincer pour des modifications mineures sur leur images. Un photographe ne peut pas jouer avec la réalité, mettre en doute sa crédibilité. Il se doit d’être intransigeant avec son travail.Je suis resté très concentré sur les leçons tirées des huit ans que j’ai passés chez Associated Press (AP). Je n'aurais jamais pu apprendre ces principes journalistiques en étant un photographe russe indépendant.Parfois les personnes que je rencontre sont surprises qu'un photojournaliste russe travaille pour un tel média américain, mais je ne pourrais plus travailler pour un journal russe comme je l'ai fait il y a quelques années. Je sais qu’à un moment ou à un autre, les informations seraient détournées.Maïdan, Damas... Comment parvenez-vous à déjouer les messages de propagande, les messages officiels, et garder votre sens journalistique ?Il faut avant toute chose comprendre ce qu'est la propagande. Lorsque j'étudiais à l'université de journalisme, à Moscou, nous avions des cours obligatoires d'enseignement militaire. Ils consistaient à nous entraîner aux règles de la propagande. En cas de guerre nous devions être prêts à penser comme des professionnels.Le principe est plutôt simple : il faut choisir un fait puis le tordre de façon à ce qu'il paraisse toujours réel tout jouant sur les mots. C’est cela la propagande : il y a peu de mensonges dans sa fabrication, juste des déviations. Donc à Maïdan (à Kiev, en Ukraine) ou à Damas (Syrie), il faut déconstruire les messages officiels pour comprendre la réalité. En Ukraine, ceux que l'on a appelés plus tard les "séparatistes" ne se considéraient pas comme tels, ils revendiquaient juste une meilleure vie. Les télévisions les ont aidés à broder une histoire. Plus tard à Lougansk [est de l’Ukraine, théâtre de violents combats], lors des bombardements, l'électricité a été coupée. Pendant un moment, les habitants n'ont plus eu accès à la télévision, aux journaux, etc. Leur discours différait vraiment de celui des habitants de Donestk qui absorbaient la propagande. C'était vraiment frappant !Quelle est, selon vous, la différence majeure entre un photographe amateur et un professionnel ? Le professionnel connaît la substance, l'histoire, il saisit les origines des événements qu'il documente, il comprend en filigrane, le pourquoi des événements qui ont lieu devant ses yeux.Il n'est pas là uniquement pour relever les faits et tout photographier. Il est capable de les analyser, de donner du sens à ce qu'il photographie. Autrement dit, l'image du professionnel n'est pas qu'une simple reproduction de la réalité, elle inclut le message, l'info du journaliste photographe.J'ai compris ceci dès mes premières années de travail en agence de presse. Je voulais tout photographier, puis j'ai compris que j'étais capable d'intégrer à l'image ma sensibilité, ma connaissance. L'expérience sur le terrain aide à dépasser la pure émotion. L'amateur, lui, est juste sous le choc, sa photographie est un réflexe émotionnel.Susan Sontag parle de « la prolifération d’images atroces qui susciteraient parfois chez l’individu un appétit vif, comparable à celui que procure la vision des corps nus » . Qu’en pensez-vous ? Quand on photographie la guerre, y a-t-il le risque de devenir dépendant à la violence ? Nous vivons aujourd'hui dans une ère humanitaire, mais autrefois, la torture était un amusement. La foule se pressait pour assister aux exécutions publiques. Aujourd’hui encore, l’assistance fixe du regard les cadavres, occultant tout ce qui se passe autour. Oui, il y a une certaine addiction à voir la mort, cette partie de la vie qui questionne tant l'être humain. Pourquoi ? Parce que les gens sont à l’abri, mais ils peuvent percevoir l'état de souffrance de l'autre. Bien sûr, la peine, la compassion sont présentes, mais il y a surtout une attraction naturelle à tenter de percevoir ce qui t'arrivera aussi un jour.Personnellement et pour des questions d'objectifs professionnels, j'essaye de me détourner, de prendre de la distance. Je ne ressens aucune addiction à l’horreur, c'est seulement mon travail actuel.C’est la première fois que vous exposez votre travail dans une galerie. Est-ce le lieu le plus approprié pour montrer des photographies de presse ? Cette exposition est vraiment inattendue pour moi. Je n'avais jamais pensé à montrer mes photographies dans une galerie. C'est une proposition. Il a fallu que je revienne sur le contexte politique et social des reportages, pour expliquer à l'équipe le pourquoi de mes photos. L'approche de la galerie est semble-t-il plus liée à l'iconographie de référence, la peinture des siècles derniers.Je dois dire que je ne photographie pas la guerre comme s'il fallait que je décrive une guerre, je veux juste que ces images reflètent la réalité dont j'ai voulu témoigner, même si parfois j'ai envie d'aller plus loin vers la métaphore.Mais la limite s'impose encore une fois. Lorsque j'envoyais mes images à AP, elles pouvaient être éditées, appréciées, vérifiées par un éditeur à Londres, aux Etats unis ou au Japon. C'est-à-dire des personnes de différentes nations avec des cultures différentes. L'idée est de soumettre une photographie compréhensible par le plus grand nombre, c'est tout et c'est déjà beaucoup. Bien sûr, tu utilises tes talents artistiques, ton sens de la composition, ta gestion de la lumière et tu soumets dans les règles.Quel est votre avis sur la récompense donnée à Mads Nissen (photographie de l’année) par le World Press Photo ? Je me sens bien sûr concerné par cette décision. Selon moi, les conditions de vie de la communauté homosexuelle russe et les incompréhensions qu’elles suscitent dans les sociétés civiles européennes est un objet de litige européen, et qui s'adresse avant tout aux européens. Mais le World Press est une référence internationale. Pour le photojournalisme et pour les grands bouleversements du monde, ce choix est une énorme défaite. Gaza, l'Ukraine et la guerre aux portes de l'Europe… et, par-dessus tout, les reportages qui rendent compte de la poussée islamiste à travers tous les continents, sont selon moi les histoires à privilégier.Voir le Palmarès du World Press Photo 2015 Marie Sumalla ((propos recueillis))Journaliste au Monde Clément Martel Les quatre premiers épisodes de la saison 5 de la série de la chaîne américaine HBO « Game of thrones » ont fuité sur les sites de téléchargements illégaux dans la nuit de samedi à dimanche 12 avril, à quelques heures de la diffusion mondiale du premier épisode, a révélé le site internet TorrentFreak.« Les épisodes qui ont fuité, qui semblent être des copies envoyées aux critiques de médias, ont été téléchargés plus de 100 000 fois en juste trois heures », écrit dimanche le site spécialisé dans les informations sur le partage de données. Or le premier épisode de la nouvelle saison de cette saga de « fantasy » médiévale devait être diffusé au même moment dans les 170 pays du monde où elle est retransmise (sur OCS City en France), quel que soit le décalage horaire : à 21 heures sur la côte est des Etats-Unis, soit lundi 2 heures en France.Game of Thrones étant la « reine des séries piratées », la plus partagée par les internautes de façon illégale année après année, la fuite des premiers épisodes était un risque que courait la super-production de HBO. Mais cette fuite, advenue après des mois de campagne publicitaire prévenant que « le futur commence le 12 avril » (avec des tweets privés éphémères envoyés aux fans par exemple), ne doit pas réjouir la chaîne à péage américaine.Début avril, un des producteurs de la série s'était inquiété de potentielles fuites en raison de la diffusion des contenus à un nombre accru de personnes. « Les membres du casting font le tour de la planète, s'envoyant et renvoyant les fichiers. Les effets spéciaux sont faits aux quatre coins du monde. Chaque fichier a un filigrane numérique, et les personnes y ayant accès doivent confirmer leur destruction par écrit », expliquait Greg Spence, chargé de la post-production de la série, au Denver Post.Mais il faut croire que l'attente suscitée par la série a été trop forte, et au moins une personne a cédé, et diffusé illégalement les quatre premiers épisodes de la cinquième saison. De façon pratique, chaque screener (copie envoyée aux journalistes et autres personnes devant assurer le barnum autour de la sortie) avait un filigrane (watermark) incrusté pour pouvoir tracer les fuites éventuelles. Ce qui n'a rien empêché, le watermark étant simplement flouté sur cette copie.Ces fichiers piratés, qui trustent déjà les cimes des sites de torrents, sont de bonne qualité (480 p), mais pas au niveau de la HD fournie par HBO à compter de ce soir. Et si Google a annoncé cette semaine le lancement d'une technologie anti-spoilers, celle-ci n'est pas encore fonctionnelle.Clément MartelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois jours de mise en désordre et d’intensité, voilà ce que promettait le Palais de Tokyo à Paris, où débutait vendredi 10 avril à 18 heures le festival Do Disturb. L’ouvrant grand à « toutes les hybridations possibles » autour de la notion de performance, pour reprendre les mots de la programmatrice de l’événement, Vittoria Matarrese. Après l’expérience des « 30 heures » de 2012, qui avaient déjà donné lieu à une effervescence non stop à l’occasion de la mutation des lieux d’un espace de 8 000 m2 à 22 000 m2, cette nouvelle folie festive se veut la première édition d’un festival annuel.Pour donner à voir et à entendre des dispositifs ou pratiques les plus actuels, aux frontières du spectacle vivant et des arts plastiques, le Palais de Tokyo a convié pour cette édition six institutions ayant « les mêmes préoccupations », explique Vittoria Matarrese : le MoMA PS1 (New York), la Tate Modern (Londres), le Matadero Madrid, le Centre national des arts plastiques (CNAP, Paris), le FRAC Lorraine (Metz), ainsi que le mythique club berlinois Berghain.Chacun a sélectionné des artistes dont ils ont récemment présenté le travail. Soit au total une soixantaine d’artistes et de propositions jouées, dansées, chantées, cuisinées ou projetées, ponctuelles ou en continu, évolutives ou furtives, fixes ou nomades, à découvrir au hasard de ses déambulations dans le labyrinthique centre d’arts.Face aux champs des possibles, voici quelques moments forts de la soirée inaugurale :Des perturbations imprévuesOrganiser un tel désordre mouvant, c’est aussi gérer de multiples aléas. La toute première perturbation de la soirée a été l’annulation d’une performance très symbolique en hommage à l’artiste cubaine Tania Bruguera, cofondatrice du mouvement Occupy Wall Street, actuellement retenue à Cuba après une intervention artistique ayant déplu aux autorités. Ses étudiants des Beaux-Arts de Paris devaient reproduire une de ses performances au protocole resté secret. On apprend au passage qu’elle devait impliquer des chevaux de la garde nationale, en extérieur. Etait-ce donc Tatlin’s Whisper #5, une performance présentée en 2008 à la Tate Modern, dans laquelle deux policiers à cheval et en uniforme contrôlent un public bien obligé de se plier à l’autorité ? Cette annulation de dernière minute aura d’autant plus ironiquement souligné l’absence de l’artiste.C’est Her Divine Holiness Pope Alice, figure carnavalesque et féminine du pape, qui aura finalement accompli le geste inaugural par une bénédiction des visiteurs selon un des rituels auxquels elle va s’adonner tout au long du week-end : avec une pluie de faux billets de banque sur lesquels a été ajoutée la mention « Burn me ». Au même moment, le déclenchement de la première salve de performances ébranlait le Palais à tous les étages.C’est une perturbation d’un tout autre type qui s’est produite dans le grand espace dit du Saut du loup. L’artiste italien Enrico Gaido y présentait 502, 65 cm2, une installation semi-performative consistant pour lui à emplir le cœur de poutres en chêne de ciment expansible, laissant au bois, matière imprévisible, la véritable action de la performance. Mais plutôt que de fissurer les poutres, l’air comprimé par le ciment en expansion a produit une série de détonations inattendues en milieu de soirée, ne blessant heureusement personne au passage. Le large espace investi par plusieurs artistes a dû être fermé pour raisons de sécurité, et l’installation devait être définitivement évacuée au cours de la nuit.Le yacht de Franco échoué là, et autres œuvres politiquesDans le bruit assourdissant des flippers à instruments de musique, installés non loin, gît le Sindrome de Guernica, de Fernando Sanchez Castillo. Vestige de la dictature et symbole des années noires de la guerre civile, il s’agit des restes de l’Azor, le yacht de Franco, que l’artiste a pu acquérir et qu’il a détruit, une opération dont il a gardé la trace sous forme d’un film projeté sur un écran. La structure métallique du bateau d’apparat a été compressée en des dizaines de cubes qui furent exposés au Matadero Madrid. Ici, un seul a fait le déplacement, avec des éléments distinctifs, comme les mats, reliques non plus fièrement verticales, mais posées au sol, destructurées. Sur un autre écran sont rassemblées des archives vidéo des sorties en mer de Franco, le navire lui offrant un lieu idéal de communication, entre parties de pêche miraculeuses et mondanités.Parmi les œuvres présentées par le Matadero, on notera d’ailleurs une portée volontiers politique, comme c’est le cas pour la vidéo de Marco Godoy Claiming the Echo. Les slogans scandés à la Puerta del Sol, à Madrid, pendant les grandes manifestations contre l’austérité, ont inspiré à l’artiste une chorale, pour laquelle il a recherché dans la foule des hommes et des femmes pratiquant le chant. Dans la courte vidéo diffusée en boucle, on voit ces citoyens anonymes réinterpréter, avec les codes d’une chorale classique, des slogans tels que : « No tenemos miedo » (nous n’avons pas peur).Parmi les œuvres espagnoles, ne pas rater les interventions oratoires des Torreznos, duo de stand-up poétique explorant la parole et son débit de façon très physique et humoristique dans l’espace de la Rotonde, dédié aux interventions les plus scéniques.Du « new cool » aux ménages dansés : émanations de la sociétéLes préoccupations des artistes sélectionnés par le MOMA PS1 se font volontiers plus sociales. Le Suédois Marten Spanberg réitère ici une performance qu’il avait imaginée pour une « Sunday Session » du Moma PS1 : La Substance, Picflare Triangel, nom auquel il a adjoint ici le mot de « Remix ». Cette performance-installation de quatre heures, jouée chaque jour, occupe toute la galerie haute, au niveau 3. Dans cet espace lumineux, un camp festif et onirique accueille les visiteurs au milieu d’un étrange bric-à-brac. Le lieu est habité par une sorte de secte régressive, des fêtards, ou plutôt des abstractions de fêtards, s’animant parfois pour danser au rythme de chansons des années 1990, doublées au karaoke, la plupart du temps se livrant à d’étranges activités parallèles au ralenti. L’artiste a expliqué y aborder « la danse comme un objet plutôt qu’un spectacle ». Le temps semble comme suspendu dans des années perdues emplies d’odeurs sucrées, où le soda jaillit ou s’écoule lentement.La performance d’Anne Imhof, DEAL, seulement jouée samedi et dimanche, promet également une approche sociétale, puisque basée sur l’idée d’échange non monétaire. L’unique valeur de troc entre les performeurs évoluant parmi des lapins en liberté : le « butter milk », ou lait fermenté.Plus minimaliste et discret, l’Australien Adam Linder évolue seul en combinaison de travail dans d’énigmatiques, mais énergiques, choréographies tout en souplesse. Il s’agit de Choreographic service n°1 : Some cleaning. L’artiste, contrairement aux autres invités, n’est pas rémunéré par un cachet, mais est engagé à l’heure, tel un prestataire effectuant des ménages : ses contrats, qu’il affiche dans sa zone d’intervention, doivent être renouvelés après chaque heure écoulée.La salle 37, forte en émotionsLa fameuse salle 37, verte, ovale et penchée, est un étrange écrin propre à capter toute l’attention des visiteurs, et elle concentre des performances intenses.Le Singapourien Lee Wen y reprend pendant trois jours ses performances historiques, un best of néanmoins perturbé par une nouvelle donnée : la maladie de Parkinson, qui s’est déclarée chez lui depuis quelques années. Réinterpréter ses œuvres avec son corps malade, affaibli, parfois tremblant, en modifie la portée, et l’humour vient contrer la résignation.Les performances de l’Espagnole Cristina Lucas sont habituellement présentées sous forme de vidéos, comme sa Liberté raisonnée exposée dans un autre espace du Palais de Tokyo, qui rejouant une Liberté guidant le peuple qui tournerait mal, tableau en mouvement, au ralenti, où l’on voit la Liberté se faire massacrer. Pour Do Disturb, elle a exceptionnellement produit une performance live, Exercices d’empathie, animée par une prof d’aérobic. Ici, chaque exercice, que le public suit à un rythme soutenu, travaille ironiquement une partie du corps en écho à des photographies animées projetées sur les murs.D’images issues de la culture populaire aux photos historiques, on oscille ainsi entre blagues potaches et malaise. Mouvements des victoires (bras en l’air) et des défaites (mains sur la tête), coude plié pour un bras d’honneur reprenant l’iconographie et la devise pro-IVG « Nous accouchons, nous décidons ». Le pas le plus délicat étant le pas chassé inspiré par l’homme de la place Tiananmen, lorsqu’il se déplace face au char qui va l’écraser. Pendant les pauses, on respire avec Dark Vador ou avec le Dalaï Lama...Ce travail sur la gestuelle offre par ailleurs un écho à la performance de Julien Prévieux, qui, avec What Shall We Do Next ?, propose plus haut une sorte d’encyclopédie dansée des nouveaux gestes, tandis que le côté sportif évoque les cours d’arts martiaux de Jean-Philippe Basello, durant lesquels il enseigne des techniques de combat inspirées par de grands tableaux de l’histoire de l’art présentés avant le début de chaque session.Après l’euphorie de l’aérobic, l’extrême mélancolie a pris place dans la salle 37 avec Battement, de Loreto Martinez Troncoso. L’artiste qui n’a pas parlé depuis six ans dans ses performances, prend le temps d’expliquer ce silence, son douloureux « vouloir taire », debout face à un micro. Puis son silence, paradoxalement dérangeant, reprend de plus belle, poussant chacun à quitter peu à peu la salle. Une performance qui nécessite un sacré cran.Lire aussi : De Tokyo à Pompidou, l’émoi du jeuEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.04.2015 à 17h24 • Mis à jour le10.04.2015 à 19h27 La police de Gaza a saisi, jeudi 9 avril, un graffiti de l'artiste Banksy acheté par un Palestinien pour moins de 160 euros (700 shekels israéliens) à une famille gazaouie, qui s'estime aujourd'hui dupée.Au début d'avril, Bilal Khaled, avait acheté à Rabie Dardouna l'œuvre de Banksy peinte sur la porte en fer de sa maison, une représentation de Niobé, personnage de la mythologie grecque, dévastée par le chagrin. Soupçonné d'avoir dissimulé la vraie valeur de l'œuvre, l'acquéreur avait expliqué, selon le vendeur, qu'il souhaitait « l'exposer dans un musée ». Rabie Dardouna, découvrant quelque temps plus tard que certains collectionneurs avaient parfois payé jusqu'à un million de dollars aux enchères pour des graffiti de Banksy, avait jugé avoir été « dupé ».Placé à la bibliothèque municipale« La police a saisi jeudi l'œuvre sur ordre de la justice », a expliqué Bilal Khaled. Elle « sera gardée à la bibliothèque municipale de Khan Younès jusqu'à que ce que cette affaire soit réglée », a-t-il ajouté. Rabie Dardouna a « déposé plainte contre Bilal Khaled pour fraude et pour réclamer à la justice de récupérer le graffiti ». En février, sept mois après le conflit israélo-palestinien qui avait fait plus de deux mille morts, l'artiste britannique Banksy s'était rendu dans l'enclave palestinienne, muni de ses bombes de peinture pour dessiner trois œuvres sur des bâtiments ravagés.Des graffitis représentant un chaton blanc au nœud rose, Niobé éplorée et un manège à balançoires avaient alors égayé le paysage désolé. Les œuvres de Banksy étaient théoriquement destinées à mettre en lumière la destruction de la ville et n'avaient nullement un but lucratif.Lire aussi : A Gaza, une œuvre de l'artiste Banksy vendue pour… 160 euros 10.04.2015 à 16h29 • Mis à jour le11.04.2015 à 10h46 | Alexandre Piquard « Il est assez scandaleux qu’on puisse faire autant de bénéfice sur une ressource publique. » La sentence prononcée par la députée PS Martine Martinel, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, mercredi 8 avril, résume assez bien les critiques déclenchées par le rachat de Numéro23. Certains reprochent aux actionnaires de cette chaîne de la TNT, parmi lequels Pascal Houzelot (membre du Conseil de surveillance du Monde) de l’avoir revendue pour 90 millions d’euros au groupe NextRadioTV, le 2 avril. Soit deux ans et huit mois après s’être vu attribuer – gratuitement – une fréquence par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).Lire aussi : TNT : Numéro 23 dans l’escarcelle de NextRadioTVLa députée de Haute-Garonne n’a pas été la seule élue à interpeller le président du CSA Olivier Schrameck, lors de son audition par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Outre Christian Kert, de l’UMP, le socialiste Marcel Rogemont s’est interrogé sur une politique d’attribution de fréquences qui « priorise soi-disant les nouveaux entrants » dans le secteur audiovisuel mais permet « des plus-values sur le bien public ». Il a constaté à regret que la vente de Numéro23 respectait parfaitement les règles en vigueur : les deux ans et demi de délai minimum de détention d’une chaîne avant sa cession, mais aussi la taxe de 5 % sur les plus-values liées à des chaînes de la TNT, instaurée en 2013.« Faut-il revoir les règles ? », a demandé M. Rogemont à M. Schrameck. Puis le député à fait à Numéro23 un autre grief : cette chaîne s’est présentée au CSA comme un canal consacré à la « diversité » mais aurait en fait une ligne éditoriale assez large, voire opportuniste : sa grille de programmes intègre plusieurs émissions américaines de divertissement, comme un concours de tatoueurs. Ou une émission sur les phénomènes paranormaux.Indignation« Ces largesses éditoriales interrogent », a lancé M. Rogemont. Comme Rachid Arhab, ex-membre du CSA, il sous-entend que la chaîne ne respecte pas la promesse éditoriale qui lui a permis de remporter l’appel d’offres pour une des six nouvelles chaînes de la TNT lancées fin 2012. A l’époque, la chaîne avait toutefois défendu une conception large de la diversité : diversité des origines, des modèles familiaux, parité, cultures du monde ou handicaps, listait Le Figaro. Et le CSA a depuis jugé que Numéro23 avait en 2013 respecté les obligations relatives à sa ligne éditoriale.L’indignation soulevée par la revente de Numéro23, dont le premier actionnaire est Pascal Houzelot – ancien conseiller d’Etienne Mougeotte à TF1, ancien dirigeant de la chaîne PinkTV – n’est pas nouvelle. Une polémique similaire avait accompagné les ventes de TMC et NT1 par le groupe AB à TF1, ou de D8 et D17 par le groupe Bolloré à Canal+.« Si j’avais voulu faire une opération avec un groupe plus puissant, je l’aurais fait avant. Je continue sur ma logique d’entrepreneur », a réagi dans Les Echos M. Houzelot, « professionnel des médias depuis vingt-cinq ans ». Une manière de dire que contrairement aux autres revendeurs, il respectait l’esprit des pouvoirs publics, soucieux avec la TNT d’ouvrir l’audiovisuel à d’autres acteurs que les grands groupes.M. Houzelot a vendu Numéro 23 (0,7 % de part d’audience en mars 2015) pour 50 millions d’euros en « cash » et 40 millions d’obligations convertibles en capital de NextRadioTV, dont il deviendra membre du conseil d’administration. Propriétaire de BFMTV ou RMC, le groupe d’Alain Weill est considéré comme le plus gros des indépendants de la télévision, ou le plus petit des grands groupes.Vers une taxation plus forte ?Face à la mini-fronde des députés sur Numéro 23, M. Schrameck a rappelé qu’avant de valider par une décision motivée la revente de la chaîne, il ferait une « étude d’impact » économique. Il serait toutefois surprenant que celle-ci empêche la transaction. Sur la « question de fond » des fréquences gratuites générant des plus-values, le président du CSA a estimé que la limitation de la taxation à 5 % sur le produit de la vente est « une question substantielle ». En langage du CSA, cela veut dire que l’on pourrait taxer davantage, ce qui est du ressort des parlementaires et du gouvernement.Qu’en pense Fleur Pellerin, la ministre de la culture ? C’est la question qu’a posée la sénatrice UMP Catherine Morin-Desailly lors des questions au gouvernement du jeudi 9 avril. « Comment prévenir la poursuite de ces actions spéculatives ? », a demandé l’élue, suggérant de doubler le délai minimum de détention d’une chaîne à cinq ans, par exemple « le projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».La ministre de la culture, Fleur Pellerin, a pris plaisir à rappeler qu’à l’époque du vote de la taxe sur les reventes de chaînes de la TNT, la majorité socialiste « aurait aimé avoir le soutien de la droite ». Avant de toutefois tomber d’accord avec l’élue UMP : « Je partage avec vous l’objectif que vous avez indiqué et sur la proposition que vous avez faite de l’extension des durées de détention, je dis : pourquoi pas. » Suite au prochain numéro.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Béatrice Jérôme Manuel Valls a proposé à Pascal Lamy d’être nommé délégué interministériel à l’Exposition universelle de 2025. Le premier ministre voudrait pouvoir l’annoncer, mardi 14 avril, à l’occasion du comité interministériel qui sera consacré au Grand Paris. L’ancien patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’a pas encore donné sa réponse.Le délégué interministériel devrait préparer la candidature de la France afin que celle-ci puisse être déposée en avril 2016 par François Hollande. Le président de la République avait annoncé, le 6 novembre 2014, sa volonté de porter cette candidature.Une mission d’information parlementaire estimait, dans un rapport publié le 29 octobre 2014, qu’une candidature de Paris à la prochaine Exposition universelle réenclencherait une « dynamique » dans le pays.Un choix très politiqueEn choisissant M. Lamy, l’exécutif fait le choix d’un homme rompu aux négociations diplomatiques. Mais il s’agit aussi d’un choix très politique. Proche de François Hollande, l’ancien directeur de cabinet, de 1983 à 1994, de Jacques Delors président de la commission européenne défend une ligne économique proche de celle de Manuel Valls.Patron de l’OMC de 2005 à 2013, M. Lamy devrait pouvoir mettre à profit sa notoriété sur la scène internationale pour tenter de convaincre les 168 pays membres (en comptant la France) du Bureau international des expositions qui doivent se prononcer en 2018.Il devra aussi convaincre la maire de Paris Anne Hidalgo. Alors que celle-ci était au départ favorable à une telle initiative, elle semble aujourd’hui préférer une candidature de la capitale aux Jeux olympiques. Anne Hidalgo, a ainsi proposé, lundi 23 mars, aux élus parisiens « d’engager pleinement et avec responsabilité Paris en faveur d’une candidature aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ».Elle avait alors déclaré : « Quand on regarde le cahier des charges des Expo universelles, on voit que les Expo universelles qui ne coûtent rien en termes d’argent public ça n’existe pas » puis de se livrer à une critique implicite du projet porté par ExpoFrance 2025.« Mettre à profit ses relais dans les ambassades »« M.Lamy adhère totalement à l’audace à la modernité du projet », assure, de son côté, Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine et promoteur du projet de la candidature française. Le député (UDI) des Hauts-de-Seine tire ce constat des deux entrevues qu’il a eux avec M.Lamy , en mars.Pour M.Fromantin, le choix de M.Lamy est « judicieux. Il est un de ceux qui a le mieux compris la mondialisation », assure le député (UDI) des Hauts-de-Seine, président de l’association Expofrance 2025. Co-animateur du projet, Luc Carvounas sénateur vallsiste (Val-de-Marne) voit en M.Lamy « quelqu’un de très bien et qui sera bien perçu ». « Nous allons avoir besoin de la force de frappe de l'Etat pour défendre notre projet et M.Lamy va pouvoir mettre à profit ses relais dans les ambassades », ajoute le maire socialiste d'Alfortville.Le projet porté par M.Fromantin et Carvounas prévoit que l’Exposition se déroule sur une douzaine de sites dans toute la France, à partir de bâtiments existants, et sans argent de l’Etat. « L’absence d’argent de l’Etat est la garantie de préserver la dynamique entreprenariale du projet », affirme M.Fromantin qui se fait fort de réunir 40 millions d’euros auprès des entreprises pour pré-financer l’Exposition.Béatrice JérômeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pauline Sauthier D'un côté une pianiste, de l'autre un compositeur. Tous deux paient leur engagement pro-russe dans le conflit ukrainien. Goran Bregovic est serbe et devait jouer en Pologne en juin, Valentina Lisitsa est ukrainienne et devait se produire ces jours-ci au Canada.C’est un concert que Goran Bregovic a donné en Crimée – annexée par la Russie – au mois de mars, qui a poussé les organisateurs du Life Festival Oswiecim, en Pologne, à annuler sa venue. Le compositeur, qui devait aussi être ambassadeur du festival, avait refusé de condamner l’intervention russe en Crimée. Les organisateurs ont rendu publique, mardi 7 avril, leur décision d’annuler sa prestation dans un communiqué : le festival Life, organisé à Oswiecim, ville de l’ancien camp Auschwitz-Birkenau, porte un message pacifiste qui, selon eux, n’a pas été respecté. Accusée de « répandre la haine »Ce même 7 avril, la pianiste Valentina Lisitsa devait jouer le Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov dans la salle de l’Orchestre Symphonique de Toronto. Mais la veille, elle a annoncé l'annulation de son concert et demandé le soutien de ses fans, lançant un appel sur Facebook : « En décembre [2014], un membre de la direction de l'orchestre a décidé que je ne devrais pas avoir le droit de jouer, probablement à cause de la pression d'un petit lobby agressif qui prétend représenter la communauté ukrainienne. […] J'ai été accusée de “répandre la haine” sur Twitter. Comme « preuve », c'est ironique, ils ont présenté à l'orchestre mes tweets contenant les caricatures de Charlie Hebdo à propos des médias qui mentent. »D'autres tweets comparent les pro-Européens à des nazis ou s'inspirent de clichés sur les Noirs pour critiquer leur multiculturalisme.Pictures speak louder than words. #Odessa #Ukraine http://t.co/x0rMpdGW9m— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);New school year begins in Odessa with teachers forced to wear Ukrainian tribal dress, a truly European custom :) http://t.co/Z5cRGtnU7T— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);Après la mobilisation des partisan de Valentina Lisitsa, celui qui devait la remplacer, le Canadien Stewart Goodyear a aussi décidé d'annuler ses représentations. Il précise, sur Facebook également : « Tout à coup, j'ai été accusé de défendre la censure et harcelé jusqu'à ce que je retire mon engagement. Ce qui avait commencé comme le plus heureux moment de ma vie est devenu un énorme élan d'hystérie collective. »Pauline Sauthier 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles Brigitte Salino Comme il l'avait fait l'année dernière, Nicolas Bedos présentera la 27e Nuit des Molières, qui aura lieu lundi 27 avril, aux Folies Bergère, et sera retransmise en léger différé sur France 2. La remise des prix sera précédée de la diffusion, en direct du Théâtre de Paris, d’Un petit jeu sans conséquence, une comédie de Jean Dell et Gérald Sibleyras, jouée par Isabelle Gélinas et Bruno Solo. Forte du succès de 2014, qui avait attiré 1,1 million de téléspectateurs, la chaîne a décidé de consacrer toute la soirée au théâtre. Et de célébrer ainsi en grand les Molières, qui reviennent de loin : ils ont été interrompus pendant deux ans (en 2012 et en 2013), en raison de dissensions entre les théâtres privés. Jean-Marc Dumontet, le président de l'association, qui est par ailleurs producteur et directeur de plusieurs salles à Paris, ne cache pas sa joie, et met en avant « la grande richesse de la programmation théâtrale » : trois cent dix pièces étaient en lice pour les nominations.Dix-sept Molières seront décernés (voir la liste complète ci-dessous), également répartis entre le théâtre public et le théâtre privé. Pour le premier, Les Particules élémentaires, mises en scène par Julien Gosselin, d'après le roman de Michel Houellebecq, arrivent en tête avec cinq nominations. Thomas Jolly et sa saga des Henry VI, de Shakespeare, les talonnent avec trois nominations. Pour le second, ce sont Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène par Didier Long, et La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène par Jérémie Lippmann, qui caracolent en tête (avec quatre et trois nominations). Marie Gillain et Myriam Boyer, qui jouent dans ces pièces, sont en lice pour le Molière de la meilleure actrice du privé (avec Fanny Cottençon et Miou-Miou).Côté public, les choix sont ouverts entre Audrey Bonnet, Emmanuelle Devos, Emilie Incerti Formentini et Vanessa Van Durme. Même chose pour le meilleur acteur du public (Philippe Caubère, André Dussollier, Michal Lescot et Olivier Martin-Salvan) et du privé (Maxime d'Aboville, François Berléand, Claude Brasseur et Nicolas Briançon). Pour le Molière du seul et de la seule en scène, la compétition fait se côtoyer des auteurs-interprètes de spectacles comiques, Florence Foresti et Jos Houben, et des comédiens jouant un texte : Francis Huster (Le Joueur d'échecs, de Stefan Zweig) et Denis Lavant (Faire danser des alligators sur la flûte de Pan, d'après Louis-Ferdinand Céline). Sinon, parmi tous les nommés, l'éventail est large entre les célébrités, comme Roman Polanski ou Yasmina Reza, et les révélations féminines et masculines, enjeux de tous les espoirs.Brigitte Salino Les nommés 2015Molière du théâtre privé Les Cartes du pouvoir, de Beau Willimon, mise en scène Ladislas Chollat, Théâtre Hébertot. Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène Didier Long, Théâtre de Poche-Montparnasse. Des souris et des hommes, de John Steinbeck, mise en scène Jean-Philippe Evariste, Philippe Ivancic, Théâtre du Palais-Royal. La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène Jérémie Lippmann, Théâtre Tristan Bernard.Molière du théâtre publicLes Coquelicots des tranchées, de Georges-Marie Jolidon, mise en scène Xavier Lemaire, Théâtre 14 – Jean-Marie Serreau. Germinal, de et mise en scène Antoine Defoort et Halory Goerger, L’Amicale de production – Lille. Henry VI, de William Shakespeare, mise en scène Thomas Jolly, La Piccola Familia. Les Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, mise en scène Julien Gosselin, Si vous pouviez lécher mon cœur.Molière du théâtre musicalAli 74 – Le Combat du siècle, de et mise en scène Nicolas Bonneau, Cie La Volige. Cinq de cœur – Le Concert sans retour, de Cinq de cœur, mise en scène Meriem Menant, Théâtre Le Ranelagh. Les Franglaises, de et mise en scène Les Franglaises, Blue Line Productions, Bobino. La Grande Duchesse, d’après Offenbach, mise en scène Philippe Béziat, Cie Les Brigands.Molière de la comédieCher Trésor, de et mise en scène Francis Veber, Théâtre des Nouveautés. Des gens intelligents, de Marc Fayet, mise en scène José Paul, Théâtre de Paris – salle Réjane. On ne se mentira jamais !, d’Eric Assous, mise en scène Jean-Luc Moreau, Théâtre La Bruyère. Un dîner d’adieu, d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte, mise en scène Bernard Murat, Théâtre Edouard VII.Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privéMaxime d’Aboville dans The Servant, mise en scène de Thierry Harcourt François Berléand dans Deux Hommes tout nus, mise en scène de Ladislas Chollat Claude Brasseur dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Nicolas Briançon dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie LippmannMolière du comédien dans un spectacle de théâtre publicPhilippe Caubère dans La Danse du Diable, mise en scène de Philippe Caubère André Dussollier dans Novecento, mise en scène d’André Dussollier et de Pierre-François Limbosch Micha Lescot dans Ivanov, mise en scène de Luc Bondy Olivier Martin-Salvan dans Pantagruel, mise en scène de Benjamin LazarMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privéMyriam Boyer dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Fanny Cottençon dans On ne se mentira jamais !, mise en scène de Jean-Luc Moreau Marie Gillain dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie Lippmann Miou-Miou dans Des gens bien, mise en scène d’Anne BourgeoisMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre publicAudrey Bonnet dans Répétition, mise en scène de Pascal Rambert Emmanuelle Devos dans Platonov, mise en scène de Rodolphe Dana Emilie Incerti Formentini dans Rendez-vous gare de l’Est, mise en scène de Guillaume Vincent Vanessa Van Durme dans Avant que j’oublie, mise en scène de Richard BrunelMolière du comédien dans un second rôleUrbain Cancelier dans Le Système, mise en scène de Didier Long Florian Choquart dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Romain Cottard dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Thierry Frémont dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Arthur Igual dans Le Capital et son singe, mise en scène de Sylvain Creuzevault Eric Laugerias dans Nelson, mise en scène de Jean-Pierre Dravel et d’Olivier MacéMolière de la comédienne dans un second rôleAnne Azoulay dans King Kong théorie, mise en scène de Vanessa Larré Léna Bréban dans La Maison d’à côté, mise en scène de Philippe Adrien Marie-Christine Danède dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Noémie Gantier dans Les Particules élémentaires, mise en scène de Julien Gosselin Dominique Reymond dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Agnès Sourdillon dans Le Malade imaginaire, mise en scène de Michel DidymMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privéNicolas Briançon pour Voyages avec ma tante Ladislas Chollat pour Les Cartes du pouvoir Didier Long pour Le Système et Chère Elena Roman Polanski pour Le Bal des vampiresMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre publicJulien Gosselin pour Les Particules élémentaires Caroline Guiela Nguyen pour Elle brûle Thomas Jolly pour Henry VI Vincent Macaigne pour Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimerMolière de l’auteur francophone vivantÉric Assous pour On ne se mentira jamais ! Michel Houellebecq pour Les Particules élémentaires Tristan Petitgirard pour Rupture à domicile Pascal Rambert pour Répétition Yasmina Reza pour Comment vous racontez la partie Sébastien Thiéry pour Deux Hommes tout nusMolière de la révélation féminineEléonore Arnaud dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Gaëlle Billaut-Danno dans Célimène et le Cardinal, mise en scène de Pascal Faber Roxane Duràn dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Valentine Galey dans L’Ecole des femmes, mise en scène de Philippe Adrien Nathalie Mann dans La Grande Nouvelle, mise en scène de Philippe Adrien Marie Rémond dans Yvonne, princesse de Bourgogne, mise en scène de Jacques VinceyMolière de la révélation masculineFélix Beaupérin dans Si on recommençait, mise en scène de Steve Suissa François Deblock dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Alexis Moncorgé dans Le Bonheur des dames, de Zola, mise en scène de Florence Camoin David Murgia dans Discours à la nation, mise en scène d’Ascanio CelestiniMolière seul et seule en scèneFlorence Foresti dans Madame Foresti, mise en scène de Florence Foresti Jos Houben dans l’Art du rire Francis Huster dans Le Joueur d’échecs, mise en scène de Steve Suissa Denis Lavant dans Faire danser les alligators sur la flûte de Pan, mise en scène d’Ivan MoraneMolière de la création visuelleLe Bal des vampires. Décors : William Dudley, costumes : Sue Blane, lumière : Hugh Vanstone Les Particules élémentaires. Scénographie : Julien Gosselin, costumes : Caroline Tavernier, lumière : Nicolas Joubert La Réunification des deux Corées. Scénographie et lumière : Eric Soyer, costumes : Isabelle Deffin Le Système. Décors : Bernard Fau, Citronelle Dufay, costumes : Jean-Daniel Vuillermoz, lumière : Laurent BéalBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h04 • Mis à jour le23.04.2015 à 18h06 | Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi :The Beatles : « Past Masters », la synthèseCette semaine : autour de l’album Past Masters (mars 1988).Commercialisé dix-huit ans après la séparation des Beatles (concrétisée par le départ de Paul McCartney en avril 1970), Past Masters regroupe des chansons publiées entre octobre 1962 et mars 1970 sur des 45-tours et des éditions américaines des albums du groupe.Dans son édition originale, Past Masters était constitué de deux albums distincts, l’un sous une pochette noire, pour la période 1962-juillet 1965, et l’autre sous une pochette blanche, pour la période décembre 1965-1970. En conclusion de notre série sur les reprises, nous avons conservé cette présentation de Past Masters en deux parties.Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Past Masters », première partie« Day Tripper’ » (Lennon-McCartney), par Mae West« We Can Work It Out » (Lennon-McCartney), par Petula ClarkLes Beatles, proposent, sans que cela soit une erreur d’impression, un 45-tours sans indication de face A ou B lors de la commercialisation, le 3 décembre 1965, des chansons Day Tripper et We Can Work It Out. Cela s’était déjà vu sur des disques de rhythm’n’blues ou de rock’n’roll dans les années 1950, pour laisser toutes les chances à un tube potentiel – la face B étant considérée par le public comme moins importante. En nombre de reprises identifiées, c’est We Can Work It Out, qui dans Past Masters, vient au deuxième rang, qui domine. Près d’une centaine, pour plus de quatre-vingts pour Day Tripper. Avec un partage à peu près égal de vedettes qui visitent l’un ou l’autre des thèmes : Jimi Hendrix (1942-1970), Otis Redding (1941-1967), Electric Light Orchestra, Mae West (1893-1980), James Taylor, Cheap Trick, Nancy Sinatra, The Grateful Dead, Oasis, Ricky Martin… pour Day Tripper ; Deep Purple, Dionne Warwick, Humble Pie, Petula Clark, Johnny Mathis, Judy Collins, Roberta Flack, Steel Pulse, Stevie Wonder… pour We Can Work It Out.Notre choix s’est porté sur deux femmes. D’abord Mae West dans Day Tripper. Actrice, chanteuse et sex-symbol du cinéma hollywoodien des années 1930 et 1940, son nom fut donné à un modèle de gilet de sauvetage aux formes généreuses et elle figure parmi les personnalités présentes sur la pochette de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band – en haut, troisième en partant de gauche. Dans l’assez invraisemblable album Way Out West (psyché-punk-rococco-soul-variété pour tenter de résumer l’objet, Tower-Capitol, 1966), elle interprète, d’une voix grave, de manière distanciée, plusieurs tubes du rock’n’roll et de la pop. Ses deux albums suivants, Wild Christmas (1966) et Great Balls of Fire (1972), bien qu’un rien plus sages, sont tout aussi savoureux. Par effet de contraste, beaucoup plus raisonnable, soyeux et élegant est le We Can Work It Out chanté par Petula Clark, compatriote britannique des Beatles, qui l’enregistra pour son album My Love (Pye Records, 1966).  « Paperback Writer » (Lennon-McCartney), sous le titre « Pas d’papier water », par Les BeadochonsGroupe parodique, formé en 1988, Les Bidochons avaient fait un sort au répertoire des Sex Pistols (On s’en bat les couilles, par les Sex Bidochons, en 1989) et des Rolling Stones (Sales Gueules, par les Rolling Bidochons, en 1990) avant de s’attaquer à celui des Beatles dans 4 Beadochons dans le vent, par les Beadochons en 1992. Si musicalement, Les Bidochons se révèlent respectueux, les détournements, en français, des textes d’origine, parodies et moqueries sont la règle pour ce « gang des pastiches » comme le groupe se présente. Paberback Writer (face A du 45-tours des Beatles publié le 30 mai 1966) est ainsi devenu Pas d’papier water (autres exemples : Let It Be donne Les P’Tites Bites ; Lucy In The sky, L’Usine in The Sky ; Get Back, Des claques…). Téléphone et les vedettes du disco y eurent droit par la suite. « Rain » (Lennon-McCartney), par Humble PieDes quelques reprises de Rain, face B de Paberback Writer, deux versions sortent du lot. Celle du groupe anglais Humble Pie et celle du guitariste Randy California (1951-1997). Au tirage au sort, un pile ou face, c’est Humble Pie que le hasard a désigné. Le groupe mené par le guitariste et chanteur Steve Marriott (1947-1991) a compté, dans ses rangs, Peter Frampton future vedette mondiale avec Show Me The Way. Trois thèmes des Beatles sont repris dans le dernier album du groupe avant sa séparation – il se reformera en 1980-1981 –, Street Rats (A&M, 1975) : Rain, We Can Work It Out et Drive My Car. Rain y est propulsé par la voix rauque et puissante de Marriott, des chœurs et les entrelacs guitaristiques avec Clem Clempson. « Lady Madonna » (Lennon-McCartney), par Caetano VelosoDans le livre Many Years From Now (Holt and Company, 1997), par Barry Miles, Paul McCartney revenait sur la genèse de la chanson Lady Madonna, face A du single publié le 15 mars 1968. « J’étais au piano, en train d’essayer un truc bluesy, boogie-woogie (…) Quelque chose m’a évoqué Fats Domino et j’ai commencé à chanter un peu à sa manière. » Le pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans sera d’ailleurs l’un de ceux qui reprendront très vite la chanson dans son album Fats Is Back (Reprise Records, août 1968) qui contient aussi sa version de Lovely Rita. Mais c’est celle plus tranquille, moins boogie, du chanteur et guitariste brésilien Caetano Veloso que nous avons choisie, extraite de l’album Qualquer Coisa (Philips, 1975). Lui aussi s’affirme en fan des Beatles, son album présentant en plus des interprétations d’Eleanor Rigby et For No One. Toutes trois chantées en anglais. « The Inner Light » (Harrison), par Jimmy McGriff et Junior ParkerLa face B de Lady Madonna est une composition de George Harrison (1943-2001) dans laquelle interviennent aux voix, outre son auteur, McCartney, Lennon et un ensemble de musique traditionnelle indien. Pas plus que Within You Without You, Blue Jay Way ou Flying, autres compositions d’Harrison influencées par les cultures musicales de l’Inde, The Inner Light n’a connu beaucoup de reprises. Les rares se contentant d’être des tentatives « indianisantes ». A l’exception de l’organiste Jimmy McGriff (1936-2008) et du chanteur Junior Parker, qui en proposent la version définitive dans leur album blues-soul Good Things Don’t Happen Every Day (Groove Merchant, 1972). Lequel Parker avait déjà interprété trois chansons des Beatles (Taxman, Lady Madonna et Tomorrow Never Knows) dans son album précédent en 1971, Love Ain’t Nothin' But A Business Goin' On. « Hey Jude » (Lennon-McCartney), par Tom JonesLe slow de tous les slows dans le répertoire des Beatles. D’une durée de 7 minutes et quelques secondes, la chanson Hey Jude est publiée le 26 août 1968, en face A du premier single des Beatles commercialisé sous la marque Apple Records, le label récemment fondé par le groupe. Les accords du piano sur tous les temps, McCartney qui commence par « Hey, Jude, don’t make it bad », l’entrée d’un tambourin, les chœurs, l’appui de la basse et la batterie ensuite et, à un peu plus de 3 minutes, l’ampleur orchestrale et le « la-la-la-la-Hey Jude » en boucle. Raz-de-marée mondial en numéro 1 des classements. Un monument qui a généré plus de cent vingt reprises de bonne tenue (et autant de passables). The Bar-Kays, Bing Crosby (1903-1977), Count Basie (1904-1984), The Supremes, The Temptations, Ella Fitzgerald (1917-1996), Shirley Bassey, Wilson Pickett (1941-2006)… et Tom Jones. Le chanteur gallois en propose une version vocalement proche de celle de Pickett, l’un de ses inspirateurs. Sa reprise, interprétée lors d’une émission télévisée « This Is Tom Jones », en octobre 1969, est à trouver sur l’abum qui en est la bande-son, This Is Tom Jones (Decca, 1969). « Revolution » (Lennon-McCartney), par Nina SimoneEn face B d’Hey Jude, on trouve Revolution. Pas le pénible collage sonore présent sur la quatrième face du double blanc sous le titre Revolution 9 – avec une voix qui régulièrement nous dit « number nine » (neuf) –, ni le Revolution 1, façon blues, avec formation de vents, qui ouvre la même quatrième face. Un troisième Revolution, donc. Nerveux, toutes guitares devant, quasi hard rock, avec tempo plus rapide. L’exact contraire d’Hey Jude, d’une certaine manière. Ce sont d’ailleurs plutôt les groupes rock qui vont s’emparer de cette version. Et puis, il y a Nina Simone (1933-2003). La chanteuse et pianiste, pour qui la conscience sociale, la politique, la lutte pour les droits civiques sont des choses d’importance, enregistre la chanson au titre qui ne pouvait que lui parler pour un 45-tours (RCA Victor, 1969) et son album To Love Somebody, dans lequel elle chante aussi Leonard Cohen, The Byrds et Bob Dylan. Elle l’interprète ici, par un versant plutôt blues, lors du Harlem Cultural Festival, organisé durant six week-ends fin juin et mi-août 1969, auquel participèrent aussi B. B. King, Abbey Lincoln (1930-2010), The 5th Dimension, Stevie Wonder, Dizzy Gillespie (1917-1993) ou Mahalia Jackson (1911-1972).Lire aussi les versions de Revolution 1, par Grandaddy et de Revolution 9, par Kurt Hoffman’s Band Of Weeds dans notre sujet sur les reprises de The Beatles, l’« album blanc ».Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « l’album blanc » « Get Back » (Lennon-McCartney), par Al GreenAvant de venir conclure l’album Let It Be (mai 1970, sorti trois semaines après l’annonce par Paul McCartney de son départ du groupe), dans une version différente, proche de celle jouée sur le toit des locaux d’Apple, le 30 janvier 1969, la chanson Get Back apparaît en face A d’un 45-tours commercialisé le 11 avril 1969. Le piano y est tenu, comme dans Let It Be, par l’Américain Billy Preston (1946-2006). Celui qui aura été l’un des « cinquième Beatles » – l’étiquette du single indique « The Beatles with Billy Preston » –, et qui a enregistré deux albums pour Apple Records, rejoindra George Harrison au début de sa carrière solo puis les Rolling Stones dans les années 1970. Preston a interprété régulièrement Get Back en concert. C’est toutefois Al Green qui a notre préférence avec sa courte version gorgée de soul, extraite de l’album Green Is Blues (Hi Records, 1969). On notera qu’elle débute quasiment à l’identique de la chanson Take Me To The River, qu’Al Green écrira avec Mabon Lewis Hodges (1945-2014) et enregistrera en 1974.Lire aussi la version de Get Back, par Rod Stewart dans sujet sur les reprises de l’album Let It Be.Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Let It Be » « Don’t Let Me Down » (Lennon-McCartney), par Ben E. KingHistoire de rester dans un registre soul, voici Ben E. King et sa reprise de Don’t Let Me Down, face B du single Get Back des « Beatles with Billy Preston ». Cette supplique à ne pas être laissé tomber par l’être aimé(e), que Lennon adressait à Yoko Ono, a clairement inspiré le chant de douleur et de rage de Ben E. King. On la trouve dans l’album Rough Edges (Maxwell Records, 1970), dans lequel l’interprète créateur de Spanish Harlem de Jerry Leiber (1933-2011) et Phil Spector reprenait aussi Come Together. « The Ballad of John and Yoko », sous le titre « Balada Para John E Yoko », par TitasEnregistrée mi-avril 1969 par les seuls Paul McCartney et John Lennon (Harrison et Ringo Starr étant l’un en vacances, l’autre en tournage, manifestement guère intéressés par cette évocation de la romance, le mariage et la lune de miel de John et Yoko), The Ballad of John and Yoko figure en face A d’un single publié le 30 mai 1969. Tout moitié de Beatles qu’il soit, il grimpa en tête des ventes au Royaume-Uni. Question reprises, la chanson serait plutôt en bas de tableau avec une petite quinzaine de versions en cherchant bien. Celle du groupe brésilien de Sao Paolo, Titas, est la plus satisfaisante. Elle figure, sous le titre Balada Para John E Yoko, dans le premier album, en 1984, de cette formation vedette toujours en activité aujourd’hui et conduite par ses trois chanteurs leaders, Paulo Miklos, Branco Mello, Sérgio Britto, et le guitariste Tony Bellotto. « Old Brown Shoe » (Harrison), par Leslie WestLa face B de The Ballad of John and Yoko a suscité encore moins d’envies avec même pas une dizaine de reprises. Les deux notables ayant par ailleurs été enregistrées à l’occasion d’hommages à son auteur, George Harrison, après sa mort, le 29 novembre 2001. L’organiste et chanteur de Procol Harum, Gary Brooker, l’interpréta pour le Concert for George, au Royal Albert Hall, à Londres, le 29 novembre 2002. Et Leslie West en propose sa version dans l’album Songs from the Material World : A Tribute to George Harrison (Koch, 2003). Le chanteur et guitariste américain, fondateur de Mountain et membre du trio West Bruce & Laing, ne remit pas en question, pour l’occasion, son approche blues rock et hard rock. « Across The Universe » (Lennon-McCartney), par Cilla BlackAvec ses chants d’oiseaux en ouverture, ses chœurs enfantins dans le lointain, son ambiance acoustique et son bruissement d’ailes à la fin, la chanson Across The Universe a été offerte par les Beatles pour l’album No One’s Gonna Change My World, commercialisé le 12 décembre 1969 au profit de l’organisation de protection des animaux World Wildlife Fund. C’est cette version qui figure sur Past Masters. Celle de l’album Let It Be bénéficiera ensuite d’un apport conséquent de cordes et chœurs par le producteur Phil Spector. Parmi les participants à ce qui fut l’un des premiers disques à but caritatif dans l’histoire de la pop, il y avait aussi The Bee Gees, Lulu, The Hollies (avec une chanson enregistrée en 1968), Cliff Richard et la chanteuse Cilla Black, qui interprète What The World Needs Now Is Love, d’Hal David (1921-2012) et Burt Bacharach. Un joli ravissement vocal que l’on retrouve dans sa reprise d’Across The Universe dans son album Sweet Inspiration (Parlophone, 1970).Lire aussi la version d’Across The Universe, par David Bowie dans le sujet sur les reprises de l’album Let It Be. « Let It Be » (Lennon-McCartney), par Paul MauriatLa version de Let It Be en face A du single publié le 6 mars 1970 est légèrement différente de celle que l’on entend dans l’album du même nom. Mais cela suffit pour que le collectionneur des Beatles se doivent de l’acquérir. C’est celle du single qui est présente sur Past Masters. Dans les deux cas, on y entend force vents et chœurs, une présence plus marquée de la batterie, choix en post-production du producteur Phil Spector. Paul McCartney, qui n’était pas d’accord, en proposa sa version, les orchestrations en moins, mais toujours avec de grandes orgues, dans l’album Let It Be… Naked. Au risque de fâcher Sir Paul, c’est pourtant dans ces excès et sa pompe orchestrale que Let It Be est entré et restera dans les mémoires. D’où notre choix, parmi les innombrables versions richement fournies en grand orchestre, de celle de Paul Mauriat (1925-2006) extraite de son album Gone is Love (Philips, 1970). On ne reprochera au pianiste, arrangeur et chef d’orchestre que le son d’orgue assez tarte au début, heureusement qui ne dure pas. Pour le reste, son Let It Be instrumental a de l’allure.Lire aussi la version de Let It Be, par Aretha Franklin dans le sujet sur les reprises de l’album Let It Be. « You Know My Name (Look Up the Number) » (Lennon-McCartney), sous le titre « Dis moi je t’aime », ‎par Gérard Saint PaulLa face B du single Let It Be peut être perçue comme assez « je m’enfoutiste ». A 95 %, son texte est constitué de la répétition des phrases « You know my name/Look up the number » avec parfois un « ha, that’s right », l’onomatopée « ba ba ba ba » et vers la fin, la mention de quelques numéros « one, two, three… » A un moment, le motif musical tout aussi répétitif se transforme en fantaisie de music hall. Si cette bizarrerie est révélée au monde lors de la sortie du single, le 6 mars 1970, elle a en fait été enregistrée pour l’essentiel lors de plusieurs séances en mai et juin 1967. Le solo de saxophone y est joué par Brian Jones (1942-1969), qui était alors encore le guitariste leader des Rolling Stones. Nous conclurons notre série des reprises avec celle – exacte dans l’esprit, les intonations vocales, etc. – par Gérard Saint Paul (de son vrai nom Gérard Chatelain). Qui répète non pas son nom mais la phrase « Dis moi je t’aime ». Faute de réponse précise, il aura une courte poussée d’énervement avant de reprendre le cours de la chanson. Ce bouquet final est à retrouver dans l’album 10 hits de Lennon & McCartney (Disc AZ, 1970).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi :The Beatles : « Past Masters », la synthèseCette semaine : autour de l’album Past Masters (mars 1988).Commercialisé dix-huit ans après la séparation des Beatles (concrétisée par le départ de Paul McCartney en avril 1970), Past Masters regroupe des chansons publiées entre octobre 1962 et mars 1970 sur des 45-tours et des éditions américaines des albums du groupe.Dans son édition originale, Past Masters était constitué de deux albums distincts, l’un sous une pochette noire, pour la période 1962-juillet 1965 et l’autre sous une pochette blanche, pour la période décembre 1965-1970. En conclusion de notre série sur les reprises, nous avons conservé cette présentation de Past Masters en deux parties.« Love Me Do » (Lennon-McCartney), par Flaco Jiménez et Buck OwensLe 45-tours Love Me Do attira gentiment l’attention sur les Beatles en atteignant la 17e place des meilleures ventes. Si le groupe The Sparrows s’en empara quelques semaines après sa sortie, c’est surtout à partir de 1964, les Beatles étant devenu un phénomène mondial, que Love Me Do trouva d’autres interprètes, dont le chanteur Bobby Vee, en version instrumentale par le claviériste Dick Hyman, en italien par Dick Rivers sous le titre Una ragazza diversa et par le groupe yougoslave Bijele Strijele sous le titre Voli Me. Plus tard, la chanteuse Sandie Shaw l’intégra à son album Reviewing The Situation en 1969… Nous avons toutefois préféré débuter par l’énergique rencontre de l’accordéoniste et chanteur texan Flaco Jiménez avec le chanteur country Buck Owens (1929-2006) dans l’album Sleepytown (BackPorch, 2000). Pour rappel, Buck Owens avait connu le succès avec la chanson Act Naturally, que les Beatles intégrèrent dans leur album Help ! (août 1965) et que Ringo Starr interpréta à nouveau avec Buck Owens en 1989, version sélectionnée dans notre sujet consacré à Help !Lire aussi :Les Beatles : les reprises d’« Help ! » « From Me To You » (Lennon-McCartney), par Virginia LabuatNuméro 1 au Royaume-Uni, et durant sept semaines, quinze jours après sa sortie, le 11 avril 1963, From Me To You a connu rapidement une version quasi à l’identique à celle des Beatles, par Del Shannon (1934-1990). Claude François (1939-1978) la transforme en un allègre Des bises de moi pour toi, les encore loin d’être disco The Bee Gees n’en font pas grand-chose, pas plus que Bobby Vee. On se souvient que les Américains anglophiles The Flamin’Groovies jouaient From Me To You au début des années 1980. Bobby McFerrin en donne une version toute vocale dans son disque Spontaneous Inventions (1986). Reste l’interprétation par Virginia Labuat, autre nom d’artiste de la chanteuse espagnole Virginia Maestro, qui en propose une version courte, avec piano et violoncelle. From Me To You était à son répertoire de concert à partir du milieu des années 2000. « Thank You Girl » (Lennon-McCartney), par AirbagEn face B du 45-tours From Me To You, la chanson Thank You Girl n’a guère été reprise. Les obscurs The Spiders l’auraient enregistrée en 1964. Elle figure dans l’album B-Sides The Beatles (Koch, 2008) du groupe américain The Smithereens, déjà mentionné dans les papiers à propos des reprises des albums Please Please Me (mars 1963) et With The Beatles (novembre 1963). Nous vous proposons l’efficace rendu par Airbag, trio espagnol punk rock (à ne pas confondre avec le groupe norvégien de rock progressif du même nom ni avec le trio argentin de rock tout autant du même nom constitué par la fratrie Sardelli). A trouver à la fin du premier album du groupe Mondo Cretino (Wild Punk Records, 2000).Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Please Please Me »Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « With The Beatles » « She Loves You » (Lennon-McCartney), par Beatle BarkersPour leurs premiers succès, les Beatles, comme nombre d’autres, usent et abusent du mot love, amour. She Loves You (suivi de sa triple affirmation « yeah ! yeah ! yeah ! ») est donc répété de nombreuses fois… Côté succès, c’est record battu, à l’époque, pour la chanson, publiée le 23 août 1963, en tête des ventes de singles au Royaume-Uni et pour dix-huit semaines. La bonne cinquantaine de reprises repérées ne remettant pas en question ce propos basique – devenu dans le français des Avern’s, de Jacky Moulière ou du Belge Jimmy Frey « Elle t’aime, yeah ! yeah ! yeah ! » – donnons plutôt la parole à Beatle Barkers, fantaisie phonographique publiée par Passport Records en 1983. Derrière cet album, il y a Woofers & Tweeters Ensemble, formation « possiblement » néo-zélandaise, dont les membres, restés anonymes, ont eu l’idée de remplacer les voix des Beatles par des aboiements, miaulements, bêlements et autres caquètements. Rigolo le temps d’une chanson. « I’ll Get You » (Lennon-McCartney), sous le titre « Te conseguiré » par Sandro y Los de FuegoPas plus que Thank You Girl, face B de From Me To You, la chanson I’ll Get You en face B de She Loves You n’a suscité de reprises remarquables. The Inmates ou The Smithereens s’y sont intéressés, tout comme le groupe Bangalore Torpedoes dans les années 2000. On remontera à 1965 et à Los de Fuego, qui, de 1960 à 1966, portèrent la bonne parole du rock en Argentine. Avec, à partir de 1963, à leur tête, le chanteur Roberto Sánchez (1945-2010) dit Sandro (par ailleurs auteur-compositeur, cinéaste, producteur…), qui jusque-là tenait le poste d’un des guitaristes. Sandro y Los de Fuego ont enregistré plusieurs adaptations en espagnol de chansons des Beatles, d’Elvis Presley (1935-1977), de Chuck Berry, Ray Charles (1930-2004), Jerry Lee Lewis, Bob Dylan, Tom Jones… Le passage de Sandro à un répertoire plus romantique en 1966 marqua la fin du groupe. « I Want to Hold Your Hand » (Lennon-McCartney), par Lakeside Cette fois, c’est la conquête des Etats-Unis. Le 45-tours I Want to Hold Your Hand grimpe en tête des classements au Royaume-Uni dès sa sortie le 29 novembre 1963 et surtout devient le premier numéro 1 du groupe aux Etats-Unis le 1er février 1964, où il se maintient durant sept semaines. Très vite, Frank Alamo (1941-2012), fin 1963 et Claude François (1939-1978), début 1964 en chantent l’adaptation Laisse-moi tenir ta main. Elle entre au répertoire de Petula Clark et de The Supremes. Le guitariste Grant Green (1935-1979), bien qu’accompagné par des excellences du jazz, le batteur Elvin Jones (1918-2010) et l’organiste Larry Young (1940-1978), en propose une version instrumentale qui n’aurait pas dérangé dans un bar d’hôtel, en 1965. Escaladée par son versant soul, Al Green l’enregistre lors des séances de son album Green In Blues, début 1969. Cette manière inspirera partiellement la version du groupe The Sparks, pas vraiment soul pourtant, et surtout Lakeside. Originaire de l’Ohio, la formation funk et soul, formée au début des années 1970, propose cette version avec violons et entremêlements vocaux de ses chanteurs menés par Mark Adam Wood Jr. dans l’album Your Wish Is My Command (Solar, 1981). « This Boy » (Lennon-McCartney), sous le titre « Cette fille » par Les LionceauxSympathique romance, clin d’œil au doo wop des années 1950, This Boy, en face B d’I Want to Hold Your Hand, a donné lieu à une quinzaine de reprises. Dont l’une par Scott McCarl, ancien Raspberries, une autre par le quartette adolescent canadien du début des années 1990 The Moffats. Et une autre enfin par Sean Lennon, Robert Schwartzman et Rufus Wainwright lors d’un des concerts de soutien qui ont suivi les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Mais c’est celle des Lionceaux qui a notre préférence, par sa transformation dans son adaptation française du garçon (boy) en fille. Cette fille figurait dans le quatrième 45-tours du groupe pour Mercury, publié en septembre 1964, avec Quatre garçons dans le vent en ouverture. « Komm, gib mir deine Hand » (Lennon-McCartney/Jean Nicolas-Hans Hellmer), par Die Pinguine et « Sie liebt dich » (Lennon/McCartney/Jean Nicolas-Lee Montague), par Worlds ApartL’Europe en marche. En signe de l’importance qu’ils accordaient au marché allemand et en témoignage de gratitude au public de leurs débuts hambourgeois, les Beatles enregistrent deux adaptations en allemand de leurs succès du moment : I Want to Hold Your Hand devient Komm, gib mir deine Hand et She Loves You devient Sie liebt dich. Le tout aux studios Pathé Marconi, à Paris (filiale d’EMI), le 29 janvier 1964, alors que le groupe est dans la capitale française pour sa série de concerts à l’Olympia. Le 45-tours sort le 5 mars 1964. C’est le Luxembourgeois germanophone Camillo Felgen (1920-2005), chanteur, parolier et présentateur de télévision qui a écrit les textes en allemand, co-signés dans les crédits de trois pseudonymes, Jean Nicolas, Hans Hellmer et Lee Montague. Nous avons conservé des reprises en allemand. Qui ne se bousculent pas. Voici donc, d’un même élan, le groupe pop Die Pinguine, sensation germanique du début des années 1990 pour Komm, gib mir deine Hand et plus inattendue la recréation de la Beatlemania par Worlds Apart, boy band anglais pour Sie liebt dich.  « Long Tall Sally » (Enotris Johnson, Robert Blackwell, Richard Penniman), par Little RichardLe 19 juin 1964, paraît l’EP (quatre titres, deux par face du 45-tours), Long Tall Sally, recueil de trois reprises titres créés par les héros du Panthéon rock’n’roll des Beatles, complétées par une composition originale. Ouverture avec Long Tall Sally, l’un des premiers succès du chanteur et pianiste Richard Penniman, plus connu sous le nom de Little Richard. La chanson sort en mars 1956 dans le sillage de son Tutti Frutti (novembre 1955). Construite un peu sur le même modèle, avec cri vocal du chanteur, ostinato au piano et court solo de saxophone hurleur. « I Call Your Name » (Lennon-McCartney), par Billy J. Kramer with The DakotasPour faire suite à Long Tall Sally, voici la seule composition de leur EP signée Lennon-McCartney, I Call Your Name. Que nous présentons dans sa version originale. Celle qu’enregistra Billy J. Kramer with The Dakotas, formation dont les membres étaient originaires de Liverpool et Manchester. La chanson leur avait été donnée, par l’intermédiaire de Brian Epstein, manager commun aux Beatles et à Billy J. Kramer au printemps 1963 avec une autre signée Lennon-McCartney, Bad To Me. Le 45-tours de Billy J. Kramer avec les deux thèmes des Beatles (I Call Your Name en face B) est sorti le 26 juillet 1963. « Slow Down » (Larry Williams), par Larry WilliamsEn ouverture de la face B de leur EP Long Tally, les Beatles ont choisi Slow Down. L’original a été composé et enregistré par le pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans, Larry Williams (1935-1980)… qui en fit la face B de Dizzy Miss Lizzy, paru en 1958 sur 78-tours (format pas encore disparu). Cette dernière composition du même Larry Williams, fut reprise par les Beatles dans leur album Help ! (août 1965). Les Beatles appréciaient particulièrement Larry Williams dont ils auront aussi enregistré le Bad Boy. « Matchbox » (Carl Perkins), par Carl PerkinsPour conclure cet EP rock’n’roll les Beatles ont encore exhumé une face B. Celle du 45-tours Your True Love, composition du guitariste et chanteur Carl Perkins (1932-1998) dont Matchbox deviendra en concert l’un des thèmes fétiches. Il l’enregistrera d’ailleurs à plusieurs reprises dans des arrangements moins rockabilly que sa version initiale. « I Feel Fine » (Lennon-McCartney), par The IguanasL’effet de feedback (une résonance qui monte en volume) en ouverture de I Feel Fine serait une première dans l’histoire officielle du rock et des Beatles. En l’occurrence, la corde de la, pincée sur la guitare de John Lennon (1940-1980). Ce 45-tours, avec She’s A Woman en face B, est un nouveau tube pour les Beatles, lors de sa sortie fin novembre 1964 (le 23 aux Etats-Unis et le 27 au Royaume-Uni). Parmi les nombreuses reprises, dont celles du chanteur Akim en 1965, sous le titre Humm ! Qu’elle est belle, du guitariste Chet Atkins (1924-2001), en 1966, du groupe country Sweethearts of The Rodeo, en 1988, ou du chanteur de jazz Curtis Stigers, en 2002, nous avons choisi celle, très en deçà de l’original, des Iguanas. Soit l’un des premiers groupes auquel a participé, au début des années 1960, James Newell Osterberg, Jr., plus connu sous le nom d’Iggy Pop. Il y jouait alors de la batterie. Du quintette malhabile, il ne reste que quelques enregistrements réalisés avec peu de moyens (dont une autre reprise des Beatles, Things We Said Today) qui ont été publiés en 1996 dans Jumpin With The Iguanas par un obscur label, Desirable Discs. « She’s A Woman » (Lennon-McCartney), par Jeff BeckJohnny Hallyday, José Feliciano ou Scritti Politti, furent parmi les rares à s’intéresser à She’s A Woman, mais c’est la version du guitariste Jeff Beck qui domine. Un instrumental, si l’on excepte le recours à un effet vocal à la TalkBox, qui débute façon reggae. On le trouve sur Blow by Blow (Epic, mars 1975), premier album solo de Beck, après sa participation aux Yardbirds au milieu des années 1960, ses deux Jeff Beck Group (le premier avec le chanteur Rod Stewart) et le supergroupe avec le bassiste Tim Bogert et le batteur Carmine Appice. Pour Blow By Blow, Beck travailla avec George Martin, producteur des Beatles qui lui ouvrit par ailleurs les portes de son AIR Studio, à Londres. « Bad Boy » (Larry Williams), par Larry WilliamsLa deuxième composition de Larry Williams reprise par les Beatles présente sur Past Masters – voir plus haut, la note sur Slow Down – a d’abord été publiée sur l’album américain du groupe Beatles VI (juin 1965), avant de trouver une place sur le Britannique A Collection of Beatles Oldies (décembre 1966), compilation de faces de 45-tours, annonciatrice du recueil Past Masters. Bad Boy, avec en face B She Said Yeah, a été publié par la compagnie Specialty Records début 1959. « Yes It Is » (Lennon-McCartney), par Scott McCarlChoix restreint pour cette reprise de Yes It Is, l’une des chansons les plus obscures du répertoire des Beatles, sortie en face B du 45-tours Ticket To Ride (avril 1965). Restreint mais enthousiasmant par l’affirmation rêveuse et les empilements vocaux dans l’arrangement qu’en donne le bassiste et chanteur Scott McCarl, qui fut de 1974 à mi-1975 l’un des membres du pop The Raspberries mené par Eric Carmen. Ce Yes It Is est à trouver sur l’excellent album de McCarl, Play On, édité en CD par Titan Records en 1997. « I’m Down » (Lennon-McCartney, par The MummiesCe sursaut rock et rageur, qui pastiche bon nombre de thèmes rock’n’roll des années 1950, en face B du single Help ! (juillet 1965) a donné lieu à des reprises dans le même esprit. Y compris par le groupe de rock progressif-symphonique Yes lors de quelques concerts de sa tournée 1976 (qui put compter, un soir de concert en Allemagne, comme en atteste un document officieux de 1984, sur la participation du guitariste Jimmy Page, de Led Zeppelin). Rock pur et dur donc pour conclure cette première partie des reprises de Past Masters, avec le groupe garage et punk de San Mateo (Californie), The Mummies, mené par l’organiste et chanteur Trent Ruane, qui connut quelques minutes de réputation de 1988 à 1994. Leur I’m Down sauvage venait terminer un EP 45-tours (You Must Fight To Live) On The Planet Of The Apes (Sympathy For The Record Industry, 1993).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, 33 titres de 45-tours qui retracent toutes les époques.Dans la première moitié des années 1960, le disque tournant à 45 tours/minute, d’un diamètre de 7 pouces (7-inches, un peu plus de 17,5 cm), était le format le plus économique et le plus répandu pour découvrir les chansons des vedettes du rock et de la chanson. Et nombre d’albums 33-tours (30 cm) étaient constitués de titres déjà publiés en 45-tours, tirés des singles (une chanson par face) ou des EP (extended play, deux chansons par face).Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Past Masters », première partieLire aussi :Les Beatles : les reprises de « Past Masters », seconde partieAvec les Beatles, les choses ne sont pas si simples. Si Please Please Me, leur premier album, sorti en mars 1963, a été en partie construit sur ce modèle, le groupe et son producteur George Martin s’en sont vite éloignés pour donner à certains titres une vie autonome. Dont nombre de succès en tête des classements des meilleures ventes : From Me To You, She Loves You, I Want To Hold Your Hand (triplé en 1963), I Feel Fine (1964), Day Tripper (1965), Paperback Writer (1966), Lady Madonna ou le slow Hey Jude (1968)…Une chasse au trésorDurant la période d’activité des Beatles, trente-trois chansons se sont ainsi d’abord promenées sur des faces A et B de singles ou d’EP. Certaines ont figuré sur des albums conçus pour le marché nord-américain à partir d’ extraits des albums britanniques, des singles et des EP (quatorze entre 1963 et 1967 !), et d’autres dans des compilations, dont A Collection of Beatles Oldies, en décembre 1966).Pour l’amateur des Beatles, cela prenait l’allure d’un jeu de piste, d’une chasse au trésor. Qui prit fin en mars 1988, avec les deux disques de la compilation Past Masters. Accompagnant la première publication en CD des albums britanniques des Beatles, elle réunissait ces trente-trois chansons, dont, outre celles déjà citées, deux succès chantés en allemand, la totalité du EP Long Tall Sally, et une version champêtre de Across The Universe. L’ensemble constitue une chronologie synthétique des différentes approches du groupe durant sa carrière – rock, folk, psyché… – avec son lot de fantaisies et de romances.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Fabienne Darge C’est une de nos plus grandes actrices, mais aussi une des plus discrètes. La Comédie-Française a annoncé (sur Twitter, une première), mardi 21 avril, qu’elle engageait Dominique Blanc, qui a aujourd’hui 58 ans, et entrera dans la Maison de Molière en mars 2016. Avant cela, elle créera Les Liaisons dangereuses, de De Laclos, à Strasbourg, sous la direction de Christine Letailleur, en compagnie de Vincent Perez, qui jouera Valmont.Dominique Blanc nouvelle pensionnaire de la troupe @ComedieFr à partir du 19 mars 2016. #bienvenue http://t.co/xOPagtQPgU— ComedieFr (@Comédie-Française)require(["twitter/widgets"]);Née le 25 avril 1956 à Lyon, Dominique Blanc n’a pas toujours eu la vie facile, dans son parcours d’actrice. Son intégrité, son extrême sensibilité, sa profondeur, son physique atypique ont parfois été des handicaps dans sa carrière. Ce qui est révélateur d’un certain état du théâtre et de la société française, qui a, encore et toujours, tendance à normer la représentation des femmes.C’est Patrice Chéreau qui, le premier ou presque, voit la pépite qu’est Dominique Blanc, et l’engage pour son Peer Gynt, en 1981. Avec Chéreau, il y aura un long compagnonnage, qui se poursuit avec Les Paravents, de Genet, et prendra la forme d’une brûlante évidence avec Phèdre, en 2003, et avec La Douleur, de Marguerite Duras, un solo créé pour elle en 2008, et avec lequel elle a tourné dans le monde entier plusieurs années, jusqu’au Japon.La scène et le cinéma d’auteurDominique Blanc a aussi travaillé avec Luc Bondy, sur Terre étrangère, de Schnitzler ; avec Jean-Pierre Vincent, sur Le Mariage de Figaro, de Beaumarchais, et sur Woyzeck, de Büchner ; avec Antoine Vitez sur Le Misanthrope, de Molière, et Anacaona, de Jean Métellus. Elle a été une mémorable Nora dans Maison de poupée, d’Ibsen sous la direction de Deborah Warner, rôle pour lequel elle a obtenu le Molière de la meilleure actrice en 1998 (Molière qu’elle se voit décerner à nouveau en 2010 pour La Douleur), et, en 2013, une non moins formidable Locandiera dans la pièce de Goldoni, sous la direction de Marc Paquien.Elle n’a jamais cessé d’accompagner le cinéma d’auteur français, collectionnant les Césars, pour Milou en mai, de Louis Malle, La reine Margot, de Patrice Chéreau, Stand-by, de Roch Stéphanik ou L’Autre, de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic.Qu’Eric Ruf ait choisi de faire entrer à la Comédie-Française cette actrice rare, aussi excellente dans la comédie que dans la tragédie, montre bien la volonté du nouvel administrateur de redonner tout son lustre artistique à la maison. Dominique Blanc, qui s’était déjà vu proposer le Français sous le mandat de Jacques Lassalle, a cette fois accepté. « D’abord parce qu’Eric Ruf [qui a joué avec elle dans Phèdre] sera mon Hippolyte jusqu’au bout de la vie », dit-elle avec humour. Ensuite parce qu’elle avait envie d’accompagner la belle ambition artistique du nouveau patron du Français, qui lui a proposé dans un premier temps de rejoindre les terres raciniennes, sous la direction de Stéphane Braunschweig, qui mettra en scène Britannicus.Fabienne DargeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.04.2015 à 14h43 • Mis à jour le22.04.2015 à 17h16 | Raphaëlle Leyris A première vue, on se dit qu’il faut une bonne dose de culot pour intituler un roman Les Intéressants. Pour certifier dès la couverture que ses personnages sont captivants – comme si elle était barrée du slogan « satisfait ou remboursé ». Cependant, quand bien même Meg Wolitzer aurait choisi son titre dans cet esprit, on ne l’en blâmerait pas, tant son dixième roman (le deuxième traduit en français) déclenche l’addiction ; tant cette épaisse saga, courant sur près de quarante ans, empreinte d’un humour corrosif et d’une grande finesse psychologique, se lit avec délectation et ne se ferme qu’à regret. Mais le premier degré n’est pas tout à fait le genre de l’écrivaine américaine, il suffit de lire quelques lignes pour s’en convaincre. Son titre contient une nuance de tendre raillerie à l’égard de ses créatures, et du nom qu’ils avaient choisi à l’adolescence pour leur groupe, révélant une conception d’eux-mêmes qui aura des conséquences sur le reste de leurs vies. Ce n’est pas individuellement que Meg Wolitzer les juge fascinants, mais collectivement, par leurs relations faites d’affection, de jalousie, de compassion, d’ambiguïté et de rancœur, par la manière dont leurs liens évoluent au fil des décennies. Les Intéressants est ainsi, entre autres, un grand roman de l’amitié.La leur débute quand ils ont entre 15 et 16 ans, pendant l’été 1974, au camp de vacances de Spirit-in-the-Wood, où sont encouragées les dispositions artistiques. Julie va être au centre du roman... Jean-Jacques Larrochelle C’est un miraculé que l'ONG partenaire de l'Unesco, Europa Nostra, vient de couronner. Lauréat, le mardi 14 avril, du Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne 2015, catégorie « Conservation », les Halles du Boulingrin à Reims (Marne) ont bien failli disparaître à tout jamais. Ouvert au public le 30 octobre 1929, six jours après le jeudi noir de Wall Street, ce symbole de la vie sociale rémoise – et prouesse constructive de l’ingénieur béton Eugène Freyssinet (1879-1962) – a été victime de mille maux.Lire aussi : Au Boulingrin, l’autre cathédrale de la villeSoumis, dès après sa construction, à des problèmes d’infiltration, le marché couvert a subi le souffle destructeur d’une bombe allemande en 1940. Le béton s’est dégradé, puis les structures métalliques. En 1957, Eugène Freyssinet ne peut que constater un vieillissement prématuré des matériaux. Deux ans plus tard, un treillis est installé où s'accumulent les débris. En 1980, une seule alternative : réhabiliter ou démolir ce que l'on nomme désormais la « verrue ».En 1987, le maire de Reims, Jean Falala, veut faire disparaître l’intruse pour installer sur sa parcelle un centre de congrès, un marché permanent, un hôtel et des parkings. Les halles sont, in extremis, sauvées de la destruction en janvier 1990 après avoir été classées aux monuments historiques par le ministre de la culture d'alors, Jack Lang. En 2008, Adeline Hazan, première magistrate de la ville, décide de faire restaurer l’édifice et d’y maintenir l’activité de marché.« Coffrage-décoffrage sur cintre glissant »Les Halles du Boulingrin exploitent l’une des toutes premières applications de la technique dite de « coffrage-décoffrage sur cintre glissant », une prouesse architecturale inventée par Eugène Freyssinet. Bien que l’architecte Emile Maigrot, choisi en 1923, en soit l’auteur, le recours de l’ingénieur, directeur technique de la société Limousin, en charge du chantier, a permis qu’existe l'immense voûte en béton armé de 5 cm d’épaisseur protégée par une chape de 2 cm, d’une portée de 38 mètres. Manière de rassurer ses commanditaires rémois, Freyssinet avait construit à Orly (Val-de-Marne), en 1923 et 1924, deux hangars à dirigeables dotés d'une couverture semblable.« En remettant un prix aux Halles du Boulingrin de Reims, le jury [du Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne] a tenu tout d'abord à rendre hommage au courage de la décision datant de plus de 25 ans, de sauver cet exemple exceptionnel de l'architecture commerciale du XXe siècle et de la construction en béton armé, ont souligné les organisateurs. Les travaux de réparation complexes et laborieux ont restauré l'énergie première de la conception, mais ont également réintégré les fonctions originelles du marché, apportant une nouvelle vie dynamique non seulement à la structure en béton de Maigrot et Freyssinet, mais aussi à tout le quartier environnant. » Les Halles du Boulingrin comptent parmi les 23 projets récompensés de l’édition 2015 du Prix du patrrimoine culturel, sur 263 candidatures internationales représentant un total de 29 pays. Dans la catégorie « Education, formation et sensibilisation », une autre réalisation française a été honorée : la Cité jardin de Stains (Seine-Saint-Denis), édifiée entre 1921 et 1933 par les architectes Eugène Gonnot et Georges Albenque. Ce fleuron du patrimoine historique, social et architectural avait été créé pour répondre aux impératifs hygiénistes de l’époque. Il a été récompensé pour l’effort consenti, à partir de 2004, destiné à « récupérer et relancer la vision originale à travers la collecte de preuves, écrites et orales, l'éducation et la formation, et à travers la restauration de l'architecture et le renouvellement de fierté », a souligné le jury.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 21.04.2015 à 15h57 • Mis à jour le21.04.2015 à 16h04 | Rosita Boisseau Le chorégraphe Christian Rizzo est « débordé ! ». Par le succès, le boulot, le bonheur… Depuis l'énorme succès de son spectacle D'après une histoire vraie, au Festival d'Avignon 2013, Rizzo enchaîne les tournées non-stop avec sa bande de dix interprètes masculins. En janvier, il a pris la direction du Centre chorégraphique national de Montpellier, pas mécontent de pouvoir enfin « y rassembler son histoire ».Lire aussi : A Avignon, place au plaisir et à l'explosion physiqueCette reconnaissance tombe juste pour cet homme de 50 ans qui, depuis le milieu des années 1990, a lentement construit une œuvre hautement singulière. A la tête de L'Association fragile, celui qui revendique que l'« on a tout à gagner à se fragiliser » a croisé dans ses spectacles sa formation aux arts plastiques à la Villa Arson de Nice, son parcours de danseur, mais aussi son penchant pour le stylisme et la musique rock.Dans des espaces blancs, habillés de plantes vertes, de sculptures géométriques et de créatures insolites, Rizzo raffine des rituels articulés autour de la manipulation des objets, des thèmes de la chute, de la mort et de la disparition. « Inventaire avant fermeture, accumuler pour soustraire, créer du vide par peur du néant », ainsi résumait-il en 2006 ses motifs de travail. Les titres de ses spectacles s'étirent comme sa danse de postures : Soit le puits était profond, soit ils tombaient très lentement, car ils eurent le temps de regarder tout autour (2005) ou encore Jusqu'à la dernière minute, on a espéré que certains n'iraient pas… (2006).Dans D'après une histoire vraie, inspiré par une danse traditionnelle turque, deux batteurs, huit danseurs, opèrent un fondu enchaîné dans l'obscurité entre le minimalisme conceptuel et un dynamisme folklorique. Rapprochement des corps, tension pudique et viscérale à la fois, ce rassemblement fait monter la température d'une communauté qui trouve son sens profond dans une danse partagée. « On surévalue la question de la différence alors qu'il faut valoriser ce que l'on a en commun, précise-t-il. Nous formons aujourd'hui, avec les danseurs et les musiciens, un groupe très fraternel. »En chorégraphiant D'après une histoire vraie, Christian Rizzo relevait un challenge « qui lui faisait peur depuis longtemps : mettre en scène un groupe de mecs ». Opération réussie. Il affronte actuellement sa deuxième trouille : « Chorégraphier un pas de deux pour un couple homme-femme. » D'après une histoire vraie, de Christian Rizzo. Du 21 au 23 avril, au Maillon, à Strasbourg. Du 25 au 27 avril, au Centquatre, à Paris.Rosita BoisseauJournaliste au Monde 21.04.2015 à 07h17 • Mis à jour le21.04.2015 à 12h16 | Véronique Cauhapé Bouchera Azzouz filme sa mère et ses voisines, venues en France dans les années 1970, et recueille leurs confidences (mardi 21 avril à 23 h 05 sur France 2). Elles délivrent quelque chose d’instantanément émouvant et familier. Sans doute grâce à cette confiance qui les aide à se révéler, sans timidité, dès les premières phrases. Et pour cause. Celle qui est derrière la caméra n’est autre que Bouchera Azzouz, ex-secrétaire générale du mouvement Ni putes ni soumises. Elle a choisi d’aller rendre visite à sa mère, dans son appartement de la cité de l’Amitié, à Bobigny, afin d’écouter et de faire entendre son histoire. Mais aussi celle de ses voisines algériennes, tunisiennes ou marocaines, arrivées en France dans les années 1970. Des femmes que la réalisatrice connaît bien, et dont on ne parle jamais quand il est question de la banlieue.Pourtant, ces femmes, mémoire vive de l’immigration et figures héroïques du féminisme de la première génération, portent sur leurs épaules le poids d’une vie de combats. Ayant eu à lutter contre la pauvreté, l’interdiction de sortir, de s’habiller et de se maquiller comme Brigitte Bardot qu’elles voyaient au cinéma, l’obligation d’épouser un homme imposé…Magnifique hommageRahma, Habiba, Yamina, Sabrina, Aline… ont mille choses à dire, jamais évoquées. Par exemple, l’absence de moyens de contraception qui les a contraintes à tant de grossesses rapprochées que leur corps finissait par céder à la dépression. Alors, oui, elles l’avouent face caméra : elles ont quasi toutes décidé, au moins une fois, d’avorter clandestinement, pour rompre avec ce rythme infernal et ce destin tracé à leur place. Et, surtout, transmettre cette liberté à leurs filles.Le documentaire de Bouchera Azzouz – tendre et sensible – rend un magnifique hommage à ces femmes, dont les propos pleins de courage et de dignité témoignent du chemin qu’elles ont parcouru, sans jamais baisser les bras ni le regard. Emouvantes et drôles, fortes du devoir accompli, ces mères semblent s’être accordées le droit au repos, au plaisir de vivre comme elles l’entendent. Apaisées mais toujours vigilantes. Pour les enfants qu’elles surveillaient autrefois comme le lait sur le feu, pour les petits-enfants à qui il faut continuer d’inculquer les valeurs sans lesquelles tout va de travers et pour les jeunes de la cité de l’Amitié, avec lesquels Rahma partage régulièrement son couscous. En bas des immeubles, quand le temps est beau.« Nos mères, nos daronnes », de Bouchera Azzouz (France, 2015, 52 minutes). Mardi 21 avril à 23 h 05 sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.04.2015 à 17h24 • Mis à jour le10.04.2015 à 19h27 La police de Gaza a saisi, jeudi 9 avril, un graffiti de l'artiste Banksy acheté par un Palestinien pour moins de 160 euros (700 shekels israéliens) à une famille gazaouie, qui s'estime aujourd'hui dupée.Au début d'avril, Bilal Khaled, avait acheté à Rabie Dardouna l'œuvre de Banksy peinte sur la porte en fer de sa maison, une représentation de Niobé, personnage de la mythologie grecque, dévastée par le chagrin. Soupçonné d'avoir dissimulé la vraie valeur de l'œuvre, l'acquéreur avait expliqué, selon le vendeur, qu'il souhaitait « l'exposer dans un musée ». Rabie Dardouna, découvrant quelque temps plus tard que certains collectionneurs avaient parfois payé jusqu'à un million de dollars aux enchères pour des graffiti de Banksy, avait jugé avoir été « dupé ».Placé à la bibliothèque municipale« La police a saisi jeudi l'œuvre sur ordre de la justice », a expliqué Bilal Khaled. Elle « sera gardée à la bibliothèque municipale de Khan Younès jusqu'à que ce que cette affaire soit réglée », a-t-il ajouté. Rabie Dardouna a « déposé plainte contre Bilal Khaled pour fraude et pour réclamer à la justice de récupérer le graffiti ». En février, sept mois après le conflit israélo-palestinien qui avait fait plus de deux mille morts, l'artiste britannique Banksy s'était rendu dans l'enclave palestinienne, muni de ses bombes de peinture pour dessiner trois œuvres sur des bâtiments ravagés.Des graffitis représentant un chaton blanc au nœud rose, Niobé éplorée et un manège à balançoires avaient alors égayé le paysage désolé. Les œuvres de Banksy étaient théoriquement destinées à mettre en lumière la destruction de la ville et n'avaient nullement un but lucratif.Lire aussi : A Gaza, une œuvre de l'artiste Banksy vendue pour… 160 euros 10.04.2015 à 16h29 • Mis à jour le11.04.2015 à 10h46 | Alexandre Piquard « Il est assez scandaleux qu’on puisse faire autant de bénéfice sur une ressource publique. » La sentence prononcée par la députée PS Martine Martinel, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, mercredi 8 avril, résume assez bien les critiques déclenchées par le rachat de Numéro23. Certains reprochent aux actionnaires de cette chaîne de la TNT, parmi lequels Pascal Houzelot (membre du Conseil de surveillance du Monde) de l’avoir revendue pour 90 millions d’euros au groupe NextRadioTV, le 2 avril. Soit deux ans et huit mois après s’être vu attribuer – gratuitement – une fréquence par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).Lire aussi : TNT : Numéro 23 dans l’escarcelle de NextRadioTVLa députée de Haute-Garonne n’a pas été la seule élue à interpeller le président du CSA Olivier Schrameck, lors de son audition par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Outre Christian Kert, de l’UMP, le socialiste Marcel Rogemont s’est interrogé sur une politique d’attribution de fréquences qui « priorise soi-disant les nouveaux entrants » dans le secteur audiovisuel mais permet « des plus-values sur le bien public ». Il a constaté à regret que la vente de Numéro23 respectait parfaitement les règles en vigueur : les deux ans et demi de délai minimum de détention d’une chaîne avant sa cession, mais aussi la taxe de 5 % sur les plus-values liées à des chaînes de la TNT, instaurée en 2013.« Faut-il revoir les règles ? », a demandé M. Rogemont à M. Schrameck. Puis le député à fait à Numéro23 un autre grief : cette chaîne s’est présentée au CSA comme un canal consacré à la « diversité » mais aurait en fait une ligne éditoriale assez large, voire opportuniste : sa grille de programmes intègre plusieurs émissions américaines de divertissement, comme un concours de tatoueurs. Ou une émission sur les phénomènes paranormaux.Indignation« Ces largesses éditoriales interrogent », a lancé M. Rogemont. Comme Rachid Arhab, ex-membre du CSA, il sous-entend que la chaîne ne respecte pas la promesse éditoriale qui lui a permis de remporter l’appel d’offres pour une des six nouvelles chaînes de la TNT lancées fin 2012. A l’époque, la chaîne avait toutefois défendu une conception large de la diversité : diversité des origines, des modèles familiaux, parité, cultures du monde ou handicaps, listait Le Figaro. Et le CSA a depuis jugé que Numéro23 avait en 2013 respecté les obligations relatives à sa ligne éditoriale.L’indignation soulevée par la revente de Numéro23, dont le premier actionnaire est Pascal Houzelot – ancien conseiller d’Etienne Mougeotte à TF1, ancien dirigeant de la chaîne PinkTV – n’est pas nouvelle. Une polémique similaire avait accompagné les ventes de TMC et NT1 par le groupe AB à TF1, ou de D8 et D17 par le groupe Bolloré à Canal+.« Si j’avais voulu faire une opération avec un groupe plus puissant, je l’aurais fait avant. Je continue sur ma logique d’entrepreneur », a réagi dans Les Echos M. Houzelot, « professionnel des médias depuis vingt-cinq ans ». Une manière de dire que contrairement aux autres revendeurs, il respectait l’esprit des pouvoirs publics, soucieux avec la TNT d’ouvrir l’audiovisuel à d’autres acteurs que les grands groupes.M. Houzelot a vendu Numéro 23 (0,7 % de part d’audience en mars 2015) pour 50 millions d’euros en « cash » et 40 millions d’obligations convertibles en capital de NextRadioTV, dont il deviendra membre du conseil d’administration. Propriétaire de BFMTV ou RMC, le groupe d’Alain Weill est considéré comme le plus gros des indépendants de la télévision, ou le plus petit des grands groupes.Vers une taxation plus forte ?Face à la mini-fronde des députés sur Numéro 23, M. Schrameck a rappelé qu’avant de valider par une décision motivée la revente de la chaîne, il ferait une « étude d’impact » économique. Il serait toutefois surprenant que celle-ci empêche la transaction. Sur la « question de fond » des fréquences gratuites générant des plus-values, le président du CSA a estimé que la limitation de la taxation à 5 % sur le produit de la vente est « une question substantielle ». En langage du CSA, cela veut dire que l’on pourrait taxer davantage, ce qui est du ressort des parlementaires et du gouvernement.Qu’en pense Fleur Pellerin, la ministre de la culture ? C’est la question qu’a posée la sénatrice UMP Catherine Morin-Desailly lors des questions au gouvernement du jeudi 9 avril. « Comment prévenir la poursuite de ces actions spéculatives ? », a demandé l’élue, suggérant de doubler le délai minimum de détention d’une chaîne à cinq ans, par exemple « le projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».La ministre de la culture, Fleur Pellerin, a pris plaisir à rappeler qu’à l’époque du vote de la taxe sur les reventes de chaînes de la TNT, la majorité socialiste « aurait aimé avoir le soutien de la droite ». Avant de toutefois tomber d’accord avec l’élue UMP : « Je partage avec vous l’objectif que vous avez indiqué et sur la proposition que vous avez faite de l’extension des durées de détention, je dis : pourquoi pas. » Suite au prochain numéro.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Béatrice Jérôme Manuel Valls a proposé à Pascal Lamy d’être nommé délégué interministériel à l’Exposition universelle de 2025. Le premier ministre voudrait pouvoir l’annoncer, mardi 14 avril, à l’occasion du comité interministériel qui sera consacré au Grand Paris. L’ancien patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’a pas encore donné sa réponse.Le délégué interministériel devrait préparer la candidature de la France afin que celle-ci puisse être déposée en avril 2016 par François Hollande. Le président de la République avait annoncé, le 6 novembre 2014, sa volonté de porter cette candidature.Une mission d’information parlementaire estimait, dans un rapport publié le 29 octobre 2014, qu’une candidature de Paris à la prochaine Exposition universelle réenclencherait une « dynamique » dans le pays.Un choix très politiqueEn choisissant M. Lamy, l’exécutif fait le choix d’un homme rompu aux négociations diplomatiques. Mais il s’agit aussi d’un choix très politique. Proche de François Hollande, l’ancien directeur de cabinet, de 1983 à 1994, de Jacques Delors président de la commission européenne défend une ligne économique proche de celle de Manuel Valls.Patron de l’OMC de 2005 à 2013, M. Lamy devrait pouvoir mettre à profit sa notoriété sur la scène internationale pour tenter de convaincre les 168 pays membres (en comptant la France) du Bureau international des expositions qui doivent se prononcer en 2018.Il devra aussi convaincre la maire de Paris Anne Hidalgo. Alors que celle-ci était au départ favorable à une telle initiative, elle semble aujourd’hui préférer une candidature de la capitale aux Jeux olympiques. Anne Hidalgo, a ainsi proposé, lundi 23 mars, aux élus parisiens « d’engager pleinement et avec responsabilité Paris en faveur d’une candidature aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ».Elle avait alors déclaré : « Quand on regarde le cahier des charges des Expo universelles, on voit que les Expo universelles qui ne coûtent rien en termes d’argent public ça n’existe pas » puis de se livrer à une critique implicite du projet porté par ExpoFrance 2025.« Mettre à profit ses relais dans les ambassades »« M.Lamy adhère totalement à l’audace à la modernité du projet », assure, de son côté, Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine et promoteur du projet de la candidature française. Le député (UDI) des Hauts-de-Seine tire ce constat des deux entrevues qu’il a eux avec M.Lamy , en mars.Pour M.Fromantin, le choix de M.Lamy est « judicieux. Il est un de ceux qui a le mieux compris la mondialisation », assure le député (UDI) des Hauts-de-Seine, président de l’association Expofrance 2025. Co-animateur du projet, Luc Carvounas sénateur vallsiste (Val-de-Marne) voit en M.Lamy « quelqu’un de très bien et qui sera bien perçu ». « Nous allons avoir besoin de la force de frappe de l'Etat pour défendre notre projet et M.Lamy va pouvoir mettre à profit ses relais dans les ambassades », ajoute le maire socialiste d'Alfortville.Le projet porté par M.Fromantin et Carvounas prévoit que l’Exposition se déroule sur une douzaine de sites dans toute la France, à partir de bâtiments existants, et sans argent de l’Etat. « L’absence d’argent de l’Etat est la garantie de préserver la dynamique entreprenariale du projet », affirme M.Fromantin qui se fait fort de réunir 40 millions d’euros auprès des entreprises pour pré-financer l’Exposition.Béatrice JérômeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pauline Sauthier D'un côté une pianiste, de l'autre un compositeur. Tous deux paient leur engagement pro-russe dans le conflit ukrainien. Goran Bregovic est serbe et devait jouer en Pologne en juin, Valentina Lisitsa est ukrainienne et devait se produire ces jours-ci au Canada.C’est un concert que Goran Bregovic a donné en Crimée – annexée par la Russie – au mois de mars, qui a poussé les organisateurs du Life Festival Oswiecim, en Pologne, à annuler sa venue. Le compositeur, qui devait aussi être ambassadeur du festival, avait refusé de condamner l’intervention russe en Crimée. Les organisateurs ont rendu publique, mardi 7 avril, leur décision d’annuler sa prestation dans un communiqué : le festival Life, organisé à Oswiecim, ville de l’ancien camp Auschwitz-Birkenau, porte un message pacifiste qui, selon eux, n’a pas été respecté. Accusée de « répandre la haine »Ce même 7 avril, la pianiste Valentina Lisitsa devait jouer le Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov dans la salle de l’Orchestre Symphonique de Toronto. Mais la veille, elle a annoncé l'annulation de son concert et demandé le soutien de ses fans, lançant un appel sur Facebook : « En décembre [2014], un membre de la direction de l'orchestre a décidé que je ne devrais pas avoir le droit de jouer, probablement à cause de la pression d'un petit lobby agressif qui prétend représenter la communauté ukrainienne. […] J'ai été accusée de “répandre la haine” sur Twitter. Comme « preuve », c'est ironique, ils ont présenté à l'orchestre mes tweets contenant les caricatures de Charlie Hebdo à propos des médias qui mentent. »D'autres tweets comparent les pro-Européens à des nazis ou s'inspirent de clichés sur les Noirs pour critiquer leur multiculturalisme.Pictures speak louder than words. #Odessa #Ukraine http://t.co/x0rMpdGW9m— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);New school year begins in Odessa with teachers forced to wear Ukrainian tribal dress, a truly European custom :) http://t.co/Z5cRGtnU7T— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);Après la mobilisation des partisan de Valentina Lisitsa, celui qui devait la remplacer, le Canadien Stewart Goodyear a aussi décidé d'annuler ses représentations. Il précise, sur Facebook également : « Tout à coup, j'ai été accusé de défendre la censure et harcelé jusqu'à ce que je retire mon engagement. Ce qui avait commencé comme le plus heureux moment de ma vie est devenu un énorme élan d'hystérie collective. »Pauline Sauthier 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles Brigitte Salino Comme il l'avait fait l'année dernière, Nicolas Bedos présentera la 27e Nuit des Molières, qui aura lieu lundi 27 avril, aux Folies Bergère, et sera retransmise en léger différé sur France 2. La remise des prix sera précédée de la diffusion, en direct du Théâtre de Paris, d’Un petit jeu sans conséquence, une comédie de Jean Dell et Gérald Sibleyras, jouée par Isabelle Gélinas et Bruno Solo. Forte du succès de 2014, qui avait attiré 1,1 million de téléspectateurs, la chaîne a décidé de consacrer toute la soirée au théâtre. Et de célébrer ainsi en grand les Molières, qui reviennent de loin : ils ont été interrompus pendant deux ans (en 2012 et en 2013), en raison de dissensions entre les théâtres privés. Jean-Marc Dumontet, le président de l'association, qui est par ailleurs producteur et directeur de plusieurs salles à Paris, ne cache pas sa joie, et met en avant « la grande richesse de la programmation théâtrale » : trois cent dix pièces étaient en lice pour les nominations.Dix-sept Molières seront décernés (voir la liste complète ci-dessous), également répartis entre le théâtre public et le théâtre privé. Pour le premier, Les Particules élémentaires, mises en scène par Julien Gosselin, d'après le roman de Michel Houellebecq, arrivent en tête avec cinq nominations. Thomas Jolly et sa saga des Henry VI, de Shakespeare, les talonnent avec trois nominations. Pour le second, ce sont Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène par Didier Long, et La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène par Jérémie Lippmann, qui caracolent en tête (avec quatre et trois nominations). Marie Gillain et Myriam Boyer, qui jouent dans ces pièces, sont en lice pour le Molière de la meilleure actrice du privé (avec Fanny Cottençon et Miou-Miou).Côté public, les choix sont ouverts entre Audrey Bonnet, Emmanuelle Devos, Emilie Incerti Formentini et Vanessa Van Durme. Même chose pour le meilleur acteur du public (Philippe Caubère, André Dussollier, Michal Lescot et Olivier Martin-Salvan) et du privé (Maxime d'Aboville, François Berléand, Claude Brasseur et Nicolas Briançon). Pour le Molière du seul et de la seule en scène, la compétition fait se côtoyer des auteurs-interprètes de spectacles comiques, Florence Foresti et Jos Houben, et des comédiens jouant un texte : Francis Huster (Le Joueur d'échecs, de Stefan Zweig) et Denis Lavant (Faire danser des alligators sur la flûte de Pan, d'après Louis-Ferdinand Céline). Sinon, parmi tous les nommés, l'éventail est large entre les célébrités, comme Roman Polanski ou Yasmina Reza, et les révélations féminines et masculines, enjeux de tous les espoirs.Brigitte Salino Les nommés 2015Molière du théâtre privé Les Cartes du pouvoir, de Beau Willimon, mise en scène Ladislas Chollat, Théâtre Hébertot. Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène Didier Long, Théâtre de Poche-Montparnasse. Des souris et des hommes, de John Steinbeck, mise en scène Jean-Philippe Evariste, Philippe Ivancic, Théâtre du Palais-Royal. La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène Jérémie Lippmann, Théâtre Tristan Bernard.Molière du théâtre publicLes Coquelicots des tranchées, de Georges-Marie Jolidon, mise en scène Xavier Lemaire, Théâtre 14 – Jean-Marie Serreau. Germinal, de et mise en scène Antoine Defoort et Halory Goerger, L’Amicale de production – Lille. Henry VI, de William Shakespeare, mise en scène Thomas Jolly, La Piccola Familia. Les Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, mise en scène Julien Gosselin, Si vous pouviez lécher mon cœur.Molière du théâtre musicalAli 74 – Le Combat du siècle, de et mise en scène Nicolas Bonneau, Cie La Volige. Cinq de cœur – Le Concert sans retour, de Cinq de cœur, mise en scène Meriem Menant, Théâtre Le Ranelagh. Les Franglaises, de et mise en scène Les Franglaises, Blue Line Productions, Bobino. La Grande Duchesse, d’après Offenbach, mise en scène Philippe Béziat, Cie Les Brigands.Molière de la comédieCher Trésor, de et mise en scène Francis Veber, Théâtre des Nouveautés. Des gens intelligents, de Marc Fayet, mise en scène José Paul, Théâtre de Paris – salle Réjane. On ne se mentira jamais !, d’Eric Assous, mise en scène Jean-Luc Moreau, Théâtre La Bruyère. Un dîner d’adieu, d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte, mise en scène Bernard Murat, Théâtre Edouard VII.Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privéMaxime d’Aboville dans The Servant, mise en scène de Thierry Harcourt François Berléand dans Deux Hommes tout nus, mise en scène de Ladislas Chollat Claude Brasseur dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Nicolas Briançon dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie LippmannMolière du comédien dans un spectacle de théâtre publicPhilippe Caubère dans La Danse du Diable, mise en scène de Philippe Caubère André Dussollier dans Novecento, mise en scène d’André Dussollier et de Pierre-François Limbosch Micha Lescot dans Ivanov, mise en scène de Luc Bondy Olivier Martin-Salvan dans Pantagruel, mise en scène de Benjamin LazarMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privéMyriam Boyer dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Fanny Cottençon dans On ne se mentira jamais !, mise en scène de Jean-Luc Moreau Marie Gillain dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie Lippmann Miou-Miou dans Des gens bien, mise en scène d’Anne BourgeoisMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre publicAudrey Bonnet dans Répétition, mise en scène de Pascal Rambert Emmanuelle Devos dans Platonov, mise en scène de Rodolphe Dana Emilie Incerti Formentini dans Rendez-vous gare de l’Est, mise en scène de Guillaume Vincent Vanessa Van Durme dans Avant que j’oublie, mise en scène de Richard BrunelMolière du comédien dans un second rôleUrbain Cancelier dans Le Système, mise en scène de Didier Long Florian Choquart dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Romain Cottard dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Thierry Frémont dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Arthur Igual dans Le Capital et son singe, mise en scène de Sylvain Creuzevault Eric Laugerias dans Nelson, mise en scène de Jean-Pierre Dravel et d’Olivier MacéMolière de la comédienne dans un second rôleAnne Azoulay dans King Kong théorie, mise en scène de Vanessa Larré Léna Bréban dans La Maison d’à côté, mise en scène de Philippe Adrien Marie-Christine Danède dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Noémie Gantier dans Les Particules élémentaires, mise en scène de Julien Gosselin Dominique Reymond dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Agnès Sourdillon dans Le Malade imaginaire, mise en scène de Michel DidymMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privéNicolas Briançon pour Voyages avec ma tante Ladislas Chollat pour Les Cartes du pouvoir Didier Long pour Le Système et Chère Elena Roman Polanski pour Le Bal des vampiresMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre publicJulien Gosselin pour Les Particules élémentaires Caroline Guiela Nguyen pour Elle brûle Thomas Jolly pour Henry VI Vincent Macaigne pour Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimerMolière de l’auteur francophone vivantÉric Assous pour On ne se mentira jamais ! Michel Houellebecq pour Les Particules élémentaires Tristan Petitgirard pour Rupture à domicile Pascal Rambert pour Répétition Yasmina Reza pour Comment vous racontez la partie Sébastien Thiéry pour Deux Hommes tout nusMolière de la révélation féminineEléonore Arnaud dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Gaëlle Billaut-Danno dans Célimène et le Cardinal, mise en scène de Pascal Faber Roxane Duràn dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Valentine Galey dans L’Ecole des femmes, mise en scène de Philippe Adrien Nathalie Mann dans La Grande Nouvelle, mise en scène de Philippe Adrien Marie Rémond dans Yvonne, princesse de Bourgogne, mise en scène de Jacques VinceyMolière de la révélation masculineFélix Beaupérin dans Si on recommençait, mise en scène de Steve Suissa François Deblock dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Alexis Moncorgé dans Le Bonheur des dames, de Zola, mise en scène de Florence Camoin David Murgia dans Discours à la nation, mise en scène d’Ascanio CelestiniMolière seul et seule en scèneFlorence Foresti dans Madame Foresti, mise en scène de Florence Foresti Jos Houben dans l’Art du rire Francis Huster dans Le Joueur d’échecs, mise en scène de Steve Suissa Denis Lavant dans Faire danser les alligators sur la flûte de Pan, mise en scène d’Ivan MoraneMolière de la création visuelleLe Bal des vampires. Décors : William Dudley, costumes : Sue Blane, lumière : Hugh Vanstone Les Particules élémentaires. Scénographie : Julien Gosselin, costumes : Caroline Tavernier, lumière : Nicolas Joubert La Réunification des deux Corées. Scénographie et lumière : Eric Soyer, costumes : Isabelle Deffin Le Système. Décors : Bernard Fau, Citronelle Dufay, costumes : Jean-Daniel Vuillermoz, lumière : Laurent BéalBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.04.2015 à 17h28 • Mis à jour le09.04.2015 à 17h36 | Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Beatles For Sale », la mue amorcéeCette semaine : autour de l’album Beatles For Sale (décembre 1964).« No Reply » (Lennon-McCartney), par Sir Henry and his ButlersDick James (1920-1986), l’éditeur des chansons des Beatles, a félicité John Lennon (1940-1980) pour cette composition qui racontait une histoire complète – celle d’un garçon dont la petite amie ne veut pas décrocher le téléphone, alors qu’elle est bien là, il le sait bien, il voit sa silhouette se découper à la fenêtre (et tout ça cinquante ans avant l’iPhone 6). Mais l’enthousiasme de Dick James reste minoritaire, à en croire la pénurie de reprises de No Reply. On fera avec cette version danoise due à Sir Henry and His Butlers, formation qui semble avoir été populaire au royaume d’Hamlet presque en même temps que les Beatles le furent dans celui d’Elizabeth. Cette version n’est pas disponible sur YouTube mais est présente sur les sites de streaming Qobuz, Deezer et Spotify. « I’m A Loser » (Lennon-McCartney), par Vince GuaraldiPianiste facile à écouter, Vince Guaraldi (1928-1976) est le compositeur de l’immortel Cast Your Fate To The Wind. Et cette version de la première chanson que Lennon écrivit sous l’influence de Bob Dylan (se mettant en scène comme un poète maudit et amoureux pathétique plutôt que comme un amant et beau-fils irréprochable), devient, sous les doigts de fée du musicien américain, un ravissant moment de musique d’ambiance pour après-midi de pluie. « Baby’s In Black » (Lennon-McCartney), par Ruben BladesPour conclure ce triptyque de déprime post-adolescente qui ouvre la première face de Beatles For Sale, voici Baby’s In Black, lamentation sur le thème du deuxième choix (deux perdants ne font pas un couple gagnant), avec son rythme chaloupé (une quasi-valse). Repris par le musicien et acteur panaméen Ruben Blades, la chanson devient une espèce de course échevelée vers la mélancolie. « Rock’n’Roll Music » (Chuck Berry), par Chuck BerryTout comme les deux premiers albums du groupe, Beatles For Sale compte six reprises. La première est irréprochable, une version frénétique de Rock’n’Roll Music, de Chuck Berry chantée par un John Lennon surexcité. En voici une version cool (parce que Chuck Berry, qui est tout sauf cool à la ville, tient à rester impeccable sur scène, comme le prouvent ses pattes d’éléphant immaculées). Pour réinsuffler un peu de vie à ce morceau (cette version date des années 1970), Chuck Berry a invité Tina Turner, qui s’amuse comme une folle, trouvant en Chuck un partenaire moins lugubre que son Ike d’ex-mari. « I’ll Follow The Sun » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsLe virtuose de la guitare country, Chet Atkins (1924-2001), interprète cette chansonnette mélancolique que Paul McCartney écrivit en sa prime jeunesse, avec un détachement qui aurait convenu à la bande originale d’un interlude au temps de l’ORTF. « Mr. Moonlight » (Roy Lee Johnson), sous le titre « Triste Luna », par Los Apson BoysLa présence d’une version d’un très obscur succès de Piano Red (1911-1985), vedette mineure du rhythm’n’blues américain sur Beatles For Sale suffit à montrer à quel point les Beatles étaient à bout de ressources (musicales, énergétiques…) au moment de l’enregistrement de l’album. Reste qu’une fois une chanson adoubée par les quatre garçons, elle devenait un succès mondial : la preuve, cette reprise par un groupe mexicain, originaire de la ville septentrionale d’Agua Prieta. « Kansas City » (Leiber/Stoller) « Hey-Hey-Hey ! » (Penniman), par Willbert Harrison et Little RichardMélange de deux chansons qu’aimait à hurler Little Richard (de son vrai nom Richard Wayne Penniman), ce medley conclut la première face de Beatles For Sale avec l’énergie du désespoir. McCartney se dépense comme il ne le fera plus jusqu’à Helter Skelter, quatre ans plus tard et parvient presque à battre le fou hurlant de Macon (Georgie) sur son propre terrain, celui de la stridence éraillée. Voici Wilbert Harrison (1929-1994), garçon raisonnable et élégant dans Kansas City − une chanson du duo Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller − puis Little Richard en personne dans Hey-Hey-Hey !, l’un des nombreux titres à faire rimer Birmingham et Alabama. « Eight Days A Week » (Lennon-McCartney), par Alma CoganQuand les Beatles étaient petits, Alma Cogan (1932-1966) était déjà une vedette. Mais la légende prête à cette chanteuse à voix une liaison secrète avec John Lennon. Ce qui revient pour une praticienne du pop song à l’ancienne à une certaine intelligence avec l’ennemi. Cette version d’Eight Days A Week, le seul numéro un tiré de Beatles For Sale, se débarrasse sans hésitation de la pulsation rock pour en faire une ballade luxurieuse. « Words of Love » (Buddy Holly), par Gary BuseyLe groupe de Buddy Holly (1936-1959) s’appelait The Crickets, les criquets, et c’est l’une des innombrables raisons pour lesquelles les Quarrymen décidèrent de prendre un nom d’insecte. Mais l’influence du rocker texan ne s’arrêtait pas à la taxonomie. Les harmonies vocales de Buddy Holly and The Crickets, le jeu de guitare de leur leader ont profondément marqué les Beatles, qui n’enregistrèrent pourtant qu’un titre de Holly, Words of Love. La version ci-dessous est extraite de The Buddy Holly Story, de Steve Rash (1978), l’un des premiers biopics rock, avec, dans le rôle titre, Gary Busey. « Honey Don’t » (Carl Perkins), par Carl Perkins et Ringo StarrCarl Perkins (1932-1998), compatriote d’Elvis Presley (1935-1977), auteur de Blue Suede Shoes, est une autre influence majeure pour les Beatles, qui reprennent deux de ses compositions dans l’album Beatles For Sale. La première est chantée par Ringo Starr (il fallait bien lui trouver une petite place). La version ci-dessous, enregistrée à Londres en 1985, permet au créateur de retrouver son élève. Perkins et Ringo sont entourés, entre autres, de Dave Edmunds et de Lee Rocker, le contrebassiste des Stray Cats. « Every Little Thing » (Lennon-McCartney), par YesLes Beatles n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes : en utilisant une timbale dans l’arrangement de cette chanson pop qui s’arrête à deux doigts de la perfection, ils invitaient à la pompe. Cinq ans après les sessions de Beatles For Sale, un groupe qui se prenait très au sérieux, Yes, enregistre Every Little Thing et en fait une démonstration de virtuosité un peu vaine, au milieu de laquelle surnagent mélodie et lyrics gentiment sexistes (« toutes les petites choses qu’elle fait pour moi »). « I Don’t Want To Spoil The Party » (Lennon-McCartney), par Rosanne CashDe tous les albums des Beatles, For Sale est sans doute celui qui se réfère le plus souvent à la musique country, que ce soit dans les reprises, les compositions originales ou la propension à s’apitoyer sur soi-même. Double preuve avec I Don’t Want To Spoil The Party (je ne veux pas gâcher la fête par ma tristesse, je vais m’en aller, non, ne me retenez pas), son solo de guitare sautillant et cette reprise par l’héritière de la plus grande dynastie country, Rosanne, fille de Johnny Cash (1932-2003) et belle-fille de June Carter (1929-2003). « What You’re Doing » (Lennon-McCartney), par The Fantastic Dee-JaysSans doute la chanson la plus oubliable de l’album (mais pas au point que la mélodie sorte de votre tête après une écoute) est interprétée avec une fidélité furibonde par un trio de Pittsburgh qui, malgré son nom, n’annonce pas l’electro, mais se conforme, au contraire, au canon du rock de garage. « Everybody’s Trying To Be My Baby » (Carl Perkins), par Carl Perkins et George HarrisonExtraite du même concert que Honey Don’t, cette version du classique de Perkins est interprétée par l’auteur et George Harrison (1943-2001), qui s’en sort somme toute mieux que sur Beatles For Sale. Au temps des Beatles, la voix du tout jeune George avait besoin de beaucoup d’écho pour faire croire que tout le monde essayait d’être son bébé.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, son quatrième album bien moins sage.C'est peut-être la plus belle pochette du groupe. Quatre très jeunes gens à l'air las, baignés de lumière à Hyde Park. A l'automne 1964, les Beatles enregistrent leur quatrième album, le premier est sorti dix-huit mois plus tôt. Entre-temps, ils ont conquis les Etats-Unis, se sont produits sur quatre continents (pas d'Afrique pour les Fab Four) et ont tourné un film qui a fait d'eux des stars du box-office.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Beatles For Sale »Il est encore un peu tôt pour les proclamer « plus populaires que Jésus », mais c'est déjà vrai. N'empêche, quand la maison Parlophone convoque le groupe en vue d'un album pour les fêtes de fin d'année, il faut rappliquer. Après avoir rempli tout un 33 tours – A Hard Day's Night – de leurs compositions, les Beatles sont si fatigués qu'ils optent pour des reprises. Il y en aura six.Classiques de l'âge d'or du rock'n'rollMettons sur le compte du surmenage la présence de quelques titres faibles (What You're Doing, Mr. Moonlight) sur cet opus qui végète dans le bas des listes des beatlemaniaques. Pour autant, Beatles For Sale est un disque d'une extrême cohérence, la bande-son d'une sorte de puberté musicale qui voit le groupe de jeunes gens chastes soucieux de plaire à toute la famille se transformer en artistes décidés à bousculer l'ordre des choses.La séquence qui ouvre la première face – No Reply, I'm A Loser, Baby's In Black – est d'humeur morose : un garçon n'arrive pas à joindre sa bien-aimée au téléphone ; un autre se juge perdu pour la cause amoureuse ; un troisième s'attache à une fille marquée par le malheur.Le deuxième de ces titres a été écrit par John Lennon après sa rencontre avec Bob Dylan. Ce n'est pas la seule influence américaine. Plus loin, sur le disque, I Don't Want To Spoil The Party semble avoir été écrite pour l'émission « Grand Ole Opry » de Nashville.Enfin, on compte parmi les reprises deux versions quasi définitives de classiques de l'âge d'or du rock'n'roll : Rock And Roll Music, de Chuck Berry, emmené à un train d'enfer par Lennon et un medley Little Richard (Kansas City / Hey Hey Hey) hurlé par Paul McCartney qui ne retrouvera pas pareille intensité avant Helter Skelter sur l'album blanc.Des instants de défoulement pour quatre garçons qui voudraient bien ne plus être seulement des produits à vendre, et qui s'apprêtent à y parvenir.Thomas SotinelJournaliste au Monde Pauline Sauthier En commentant une peinture de Philip Guston exposée au Metropolitan Museum of Arts (MET), l'artiste conceptuel John Baldessari parle un peu de lui-même. « Des gens vont dire : mes enfants peuvent faire ça [...] Mais je pense que c'est extrêmement intelligent d'agir comme si l'art ne demandait aucun savoir faire. » C'est le principe de la websérie « The Artist Project », lancée fin mars par le MET : faire converser des artistes contemporains et des œuvres tirées de ses collections.On y voit, par exemple, le vidéaste et compositeur Cory Arcangel comparer un clavecin de la fin du XVIIe siècle à son travail sur les nouvelles technologies : « Mon but en tant qu'artiste, c'est de trouver des choses qui ne sont pas encore conservées et de déclarer que ce sont des œuvres d'art, de convaincre les gens que ce sont des œuvres d'art et ensuite, de les introduire discrètement dans un musée. »Pour la première saison de cette série, vingt vidéos d'environ trois minutes donnent la parole, outre à Cory Arcangel et à John Baldessari, à Nick Cave (le plasticien, pas le chanteur), Nina Katchadourian, Xu Bing, etc.Vaste projet numérique« Cette série en ligne rend visible ce que nous observons depuis longtemps au MET, explique Thomas P. Campbell, son directeur, c'est un lieu d'inspiration essentiel pour le travail des artistes, souvent d'une façon qu'on ne soupçonne pas. »Cette initiative s'inscrit dans un projet numérique plus vaste du musée qui propose, depuis 2000, une frise interactive présentant l'ensemble de ses collections. Sur la page Connections, des membres du personnel commentent ainsi les œuvres du musée ; 82e et cinquième renouvelle l'expérience avec des conservateurs. Quant à MetCollects et One Met. Many Worlds, ces projets proposent de découvrir les collections de façon ludique en s'intéressant, par exemple, à des détails ou des thématiques particulières.Les prochaines saisons de « The Artist Project » sont prévues pour le 22 juin, le 14 septembre, le 7 décembre 2015 puis le 29 février 2016.Pauline Sauthier Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Après avoir longtemps hésité, le gouvernement travaillait activement, jeudi 9 avril matin, à la mise en place d’une médiation à Radio France, selon nos informations. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, devait rencontrer le PDG Mathieu Gallet, jeudi dans la journée, pour en discuter des modalités. Car le contenu de cette « médiation », mais aussi les apparences, ont toute leur importance. De leur côté, les élus syndicaux de l’entreprise publique surveillaient le sujet alors qu’une nouvelle assemblée générale à 10 heures à la Maison de la radio a voté la reconduction de la grève jusqu’à vendredi.Cette mise en mouvement du gouvernement intervient au lendemain de l’échec d’un comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, suspendu après que les élus syndicaux ont déclaré que « les fils du dialogue et de la confiance sont rompus ». Interrogée dans la foulée à l’Assemblée nationale, Fleur Pellerin, avait déclaré que « très rapidement, [elle ferait] connaître les décisions qu’[elle prendrait] pour renouer le dialogue social ».Selon nos informations, une réunion s’est tenue mercredi soir au ministère de la culture avec les élus syndicaux de Radio France, pour discuter des conditions de cette médiation. La première mission du médiateur ou de la médiatrice – aucun nom n’a encore été évoqué – serait de résoudre le conflit social qui paralyse l’entreprise et ses antennes depuis le 19 mars. Des négociations marathon pourraient donc reprendre, dans l’espoir d’aboutir en quelques jours.Quel périmètre pour une intervention externe ?Mais sa mission pourrait ne pas se limiter à sortir les discussions de l’ornière. « La médiation devra aussi animer un dialogue social durable sur le projet stratégique de Radio France, pour que ce projet soit précisé en concertation avec les salariés », souhaite un élu. L’horizon pourrait dès lors être la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, actuellement en discussion entre l’entreprise et l’Etat.Dans cette hypothèse, la médiation aurait donc un périmètre large, consistant à éteindre l’incendie social, mais aussi à reformuler les ambitions de Radio France et à confirmer les pistes envisagées pour son retour à l’équilibre budgétaire. Les syndicats avaient officiellement demandé une intervention extérieure, mardi, dans une lettre ouverte à Fleur Pellerin.S’agit-il d’une aide pour la direction, ou d’une mise sous tutelle ? Auditionné, mercredi, à l’Assemblée nationale, Mathieu Gallet avait lui-même évoqué la possibilité d’« une intervention extérieure pour retisser le dialogue social ». Quelques minutes plus tard, le PDG précisait en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement – l’expression utilisée par les syndicats –, mais peut-être à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.Une approche voisine de celle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a appelé mercredi « à la mise en œuvre d’une procédure de résolution des conflits de nature à surmonter la situation de blocage qui se manifeste aujourd’hui ».La prudence reste de miseA quel degré d’interventionnisme politique la ministre situe-t-elle son action ? La direction de Radio France va scruter les détails. Les apparences ont leur importance : une médiation annoncée conjointement par Fleur Pellerin et Mathieu Gallet n’aurait pas le même sens qu’une communication du ministère qui semblerait un rappel à l’ordre de la direction de Radio France.De même, un médiateur qui, par un apport méthodologique, faciliterait les négociations autour des sujets sociaux du projet (plan de départs volontaires, réforme des modes de production…), serait différent d’une personnalité qui s’immiscerait dans le contenu de la négociation.Mais le gouvernement marche sur des œufs. Le ministère ne peut pas rester passif devant une situation de blocage d’une entreprise dont il a la tutelle, mais il ne veut surtout pas apparaître comme intervenant dans sa gestion. Cela l’obligerait à porter davantage, politiquement, le poids des probables suppressions de postes. Et cela offrirait un boulevard à l’opposition pour dénoncer une indépendance de l’audiovisuel public en trompe-l’œil et créer une pression politique forte au moment où le CSA doit désigner le nouveau PDG de France Télévisions, d’ici le 22 mai.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil. Un hommage inventif.Sous la coupole du planétarium du Palais de la découverte, à Paris, sont projetés étoiles, planètes, nuages stellaires… Pour accompagner le voyage dans les phénomènes célestes, la musique des Beatles. Le mardi 14 novembre 2006, une centaine de journalistes découvrent le contenu de l'album Love. Un peu partout dans le monde, des séances d'écoute ont ainsi été organisées dans divers lieux. Love, en sortie mondiale le 20 novembre suivant, est le « nouvel album » des Beatles. C'est d'abord la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil, célèbre entreprise canadienne de divertissement, présenté dans une salle spécialement conçue à l'hôtel casino The Mirage, à Las Vegas. La première a eu lieu quelques mois auparavant, le 30 juin, et le spectacle est toujours à l'affiche.De l'avis de ceux qui l'ont vu, Love a de l'allure, avec ses multiples acrobaties, costumes et tableaux évocateurs de l'univers Beatles. Les chansons sont parmi les plus célèbres du groupe, de Because à All You Need is Love en passant par I Want to Hold Your Hand, Yesterday, Lucy in the Sky with Diamonds ou Hey Jude… Des succès qui ne sont pas tout à fait ceux entrés dans la mémoire collective. Chaque morceau est le résultat d'un mashup, un collage de compositions, parfois juste un fragment. Ainsi Lady Madonna à la mode Love inclut un riff de guitare de Hey Bulldog et un orgue tiré de I Want You. Dans Get Back surgit une partie orchestrale de A Day in the Life, etc.C'est au producteur historique des Beatles, George Martin, et à son fils, Giles, que l'on doit ces re-créations kaléidoscopiques, réalisées après la numérisation des bandes originales des pistes enregistrées par les Beatles depuis leurs débuts. Pour une partie de la critique et des fans, toucher au sacro-saint corpus original tenait du sacrilège, même avec l'aval de Paul McCartney, Ringo Starr et des familles de John Lennon (1940-1980) et George Harrison (1943-2001). Pour d'autres, dont nous sommes, il y a là un hommage plutôt réussi à la façon dont les Beatles ont utilisé les studios en terrain de jeux musical et d'invention.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale) Lunettes, casquette, grande barbe taillée au carré, bague à tête de mort : Kaaris, rappeur de Sevran et d’ailleurs, s’est produit au Printemps de Bourges, mercredi 29 avril, dans un concert rassemblant la jeune garde du rap « sale » français, très inspiré du rap du sud des Etats-Unis. Le public a scandé ses « punch lines », ces phrases coup de poing dont Booba, le découvreur de Kaaris en 2011, a longtemps été le maître. En coulisses, il laisse tomber pour un instant ses habits de mauvais garçon, affable et concerné, il sourit, dit que le dernier album de Booba, D.U.C., est « nul ». Les muscles, chez lui, c’est « de naissance. Je suis sorti comme ça du ventre de ma mère ». Aucune gonflette. Dans les loges, un de ses frères, tout en biscoteaux, est là pour témoigner de l’hérédité familiale.Lire aussi :Gradur, la ligne dure du rap « sale »Et comme « on ne perce pas avec des talons aiguilles », Kaaris en rajoute sur le hardcore, se fait crucifier pour misogynie et apologie de la violence. Là où on attendait Scarface, de Brian De Palma, en film préféré, Kaaris cite In the Mood for Love, de Wong Kar-wai. « Sa femme le trompe avec le voisin, et c’est beau, c’est très fort, très suave. J’ai un cœur, comme tout le monde. » Avoir du succès, « ça fait chaud au cœur, c’est mieux que l’inverse, mais il faut faire attention, c’est comme la vie, il y a un début et une fin ».Le rap est une succession de créneaux. « Le mien est plus alternatif, moi et mes gars, on ne fait pas la même chose que ceux d’hier » (la soirée Soprano, Black M). La vulgarité et la violence qui lui sont reprochées lui semblent un faux semblant « pour ne pas chercher le pourquoi du comment ». Le genre a ses styles : « J’ai été bercé par le rap de Rakim, Dr. Dre, Mobb Deep, ce n’est pas pour autant que je suis mal élevé et bête. » On y ajoutera les étalages de vulgarité, de porno, de séries violentes proposés sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Le rap, dit Kaaris, n’est à ce titre pas étranger à la France d’aujourd’hui, il l’accompagne.« Il faut tout prendre au second degré »« Je suis totalement français, si ce n’est pas une couleur, mais un mode de vie, une pensée, des souvenirs, des odeurs, des souvenirs, là oui. » Les communautarismes ? Les médias en sont largement responsables, qui montent en mayonnaise les clivages, « caméras branchées en permanence » sur ce qui déraille « et non sur le positif. Et les mômes répètent ce qu’ils entendent à la maison, et ce n’est pas toujours juste malheureusement. Mais c’est parfois difficile d’élever des enfants, surtout dans les familles monoparentales. Et franchement, le clivage entre les riches et les pauvres est de pire en pire. Avec 1 200 euros, quand tu les as, tu finis pas les fins de mois, c’est compliqué. J’ai vécu à Sevran dans un quartier assez pauvre, avec un côté rural aussi. Les gens n’ont pas foi en l’avenir, ils n’ont pas envie d’écouter les conseilleurs ». Un rappeur n’est pas un leader d’opinion aujourd’hui. « A ses débuts, oui, le rap avait des messages. Mais c’est devenu un business, un divertissement, je n’ai jamais eu la prétention d’être porte-parole de quoi que ce soit. Il faut tout prendre au second degré. Nulle part dans le monde, des populations se sont soulevées à cause d’une musique. La vie réelle, aller travailler, aller charbonner, c’est autre chose que d’écouter de la musique dans sa bagnole. » Kaaris est d’origine ivoirienne. « Connaître ses racines, c’est important. Je pars en Côte d’Ivoire pour un concert, je vais dans la famille. Le monde a besoin de jeunesse pour se construire, et l’Afrique est très jeune. » Pas de traces pour autant de rythmique africaine dans ses morceaux, quand beaucoup de ses jeunes confrères utilisent désormais des lignes de basse ultra-dansantes, héritées du coupé-décalé ou du zouglou ivoirien. « Non, moi musicalement, c’est les States. » Comprendre Atlanta, en Géorgie : « J’aime ce rap-là, ce sont des précurseurs. »« Les policiers sont des gens comme nous »Parmi les titres de son dernier album, Le Bruit de mon âme (Deff Jam/Universal), Kaaris cite Zone de transit, qui le fait « voyager, quitter le sol, avec ce sentiment qu’on a avant de partir » : « J'suis défoncé comme un shaman/J'm'accroche à ce jeu comme un clando sous les essieux/Comme un gosse fait des vœux, le regard vers les cieux/Becoli veut du Louis Vi, Aminata veut du Fendi/My life is a movie dirigé par Fellini/Le sang des colonies, j'sors le fer comme le cromi. » Et puis Voyageur, conçu avec Blacko, d’origine réunionnaise : « La Réunion, il a les papiers, c’est plus facile, parce que sinon… » Avoir des papiers, se coltiner les violences policières. « Fuck la police », doigt levé en concert, la jeunesse scande son aversion pour les forces de l’ordre, avec Kaaris. « Et pourtant, il y a plein de jeunes policiers qui écoutent Kaaris. Nous, on a l’impression que les policiers sont des gens comme nous [pas toujours recommandables], mais ils ont la loi pour eux. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent. » Les lignes rouges de la loi sont floues, selon Kaaris. On l’interprète. Le cannabis est interdit, il est partout, y compris dans les concerts. « Le racisme est toujours très vivant. Aux Etats-Unis, le nouveau Ku Klux Klan est en bleu. Les flics tirent sur les Noirs. Je déteste tout cela. » La violence est nulle, dit-il. « Dans le magasin casher de la porte de Vincennes, il y aurait pu aussi avoir ma mère qui achetait ses tomates. »Voir aussi le visuel interactif : Revivre le Printemps de Bourges en 11 vidéosVéronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Paul Benkimoun (Angers) « Vingt ans, c’est long pour un projet ». Mercredi 29 avril, à l’issue de la série de six représentations, à Nantes puis à Angers, de l’opéra jazz La Tectonique des nuages, dont il a composé la musique, Laurent Cugny était heureux mais avec le sentiment de quelque chose qui ne se reproduira peut-être plus. Grâce à l’engagement d’Angers Nantes Opéra et de son directeurJean-Paul Davois, au « soutien constant depuis le début de la Fondation BNP Paribas », lui, le metteur en scène et librettiste François Rancillac, ainsi que le chanteur et auteur des textes chantés Yann-Gaël Poncet, ont enfin pu donner vie sur scène à leur œuvre commune.Adapté de Cloud Tectonics, du dramaturge portoricain José Rivera, ce conte merveilleux n’avait jusqu’ici été donné qu’en version de concert, sans mise en scène ni décor, en 2006 à Jazz à Vienne, puis au Théâtre de la Ville à Paris, à Saint-Etienne et à Nantes. Une dizaine de représentations au total suivies d’un enregistrement audio en 2010.On imagine sans peine le sentiment d’accomplissement éprouvé par les créateurs d’avoir pu cette fois pleinement déployer cette production. Pour autant, rien n’assure que ce spectacle inventif intégrant judicieusement la vidéo et servi par des chanteurs et des musiciens remarquables, sera à nouveau accessible aux spectateurs. D’où le sentiment doux-amer d’être arrivé à bon port mais pour peut-être le dernier voyage.L’espace et le tempsL’argument de l’opéra sollicite l’espace et le temps. Dans un Los Angeles accablé par un déluge incessant, apparaît une femme sortie de nulle part, Celestina del Sol. Son temps n’est pas celui des hommes, leurs années sont des secondes pour elle et leurs vies passeront quand elle n’aura vécu que quelques mois. Le temps se fige avec elle : enceinte depuis deux ans, elle a 54 ans mais en paraît 25. Lorsqu’elle entre dans la vie d’Anibal de la Luna, jeune homme portoricain qui l’abrite chez lui, les horloges s’arrêtent. Si l’amour naît entre eux, il saisit aussi Nelson, le frère d’Anibal. Aussi soucieux d’être un bon Américain que son frère, Nelson s’est engagé dans l’armée des Etats-Unis et reviendra deux ans plus tard, quelques minutes pour Anibal. Celestina donnera naissance à son enfant et repartira de nouveau dans son errance. Aussi insaissible que pourraient l’être « l’architecture du silence, la tectonique des nuages ».La musique, l’interprétation, la dramaturgie, la scénographie, les lumières sont superbes, créant une atmosphère semi-onirique, jouant avec le temps, avec l’espace. L’écriture s’est accomplie à travers de longs échanges d’abord entre Laurent Cugny et François Rancillac, qui suggéra de partir de la pièce de José Rivera, puis avec Yann-Gaël Poncet. Ce dernier proposait des textes à Laurent Cugny afin qu’il écrive les musiques, et parfois rédigeait les paroles sur des thèmes musicaux de Cugny.Disciple de Gil EvansDisciple de l’arrangeur américain Gil Evans, célèbre notamment pour sa collaboration avec Miles Davis, pianiste et musicologue, Laurent Cugny est l’une des voix les plus originales de l’écriture orchestrale en France. Que ce soit avec feu-son big band Lumière, fondé en 1979 et prolongé par l’Orchestre national de jazz, dont il assura la direction de 1994 à 1997, ou en petite formation, il possède le talent d’écrire de prenantes mélodies aux courbes gracieuses sans s’enfermer dans les formes traditionnelles de chansons. Dans La Tectonique des nuages, le chanteur David Linx offre, entre autres, une splendide interpration d’Eva, le souvenir d’un amour passé qui resurgit en Anibal. L’étendue de sa tessiture et les subtilités de sa voix servent parfaitement la musique et les paroles. Présence scénique saisissante, voix et diction parfaitement en place, Laïka Fatien fait plus qu’incarner Celestina, tandis que Yann-Gaël Poncet ne se ménage pas dans le rôle de Nelson.Un objet atypiqueL’envie d’écrire un opéra ne date pas d’hier pour Laurent Cugny : « Le déclic est venu en 1993 où j’ai assisté à une représentation de Carmen Jazz, avec Dee Dee Bridgwater à Jazz à Vienne. Mais, je ne voulais pas simplement swinguer une partition existante ou écrire une suite de chansons. De même, j’excluais de situer l’action dans le monde du jazz ou de prendre pour personnages des musiciens de jazz. Je tenais aussi à une économie générale légère : pas plus de trois personnages et un orchestre de dix musiciens plutôt qu’un big band traditionnel. »En choisissant de créer un objet atypique, Laurent Cugny et ses compagnons d’aventure n’ont pas opté pour le chemin le plus facile : le milieu de l’opéra s’est montré condescendant et le petit monde du jazz a fait la fine bouche. Comme si un opéra jazz était un enfant illégitime dont personne ne s’empressait de reconnaître la paternité. Le résultat mérite pourtant des éloges.De plus, il fallait voir les 120 jeunes présents au Grand Théâtre d’Angers, bien plus nombreux que dans n’importe quel festival ou concert de jazz. La série de représentations à Nantes et à Angers a été accompagnée d’un impressionnant cortège d’actions pédagogiques auxquelles 400 jeunes ont participé en Pays de Loire. La dernière soirée à Angers a fait l’objet d’une captation. Il ne reste plus à espérer que d’autres scènes accueilleront  La Tectonique des nuages. C’est tout le mal que l’on souhaite au public.Paul Benkimoun (Angers)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau L’homosexualité demeure un sujet tabou dans l’univers du ballon rond (jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport).Sur les vingt clubs de football évoluant en Ligue 1, un seul a accepté d’ouvrir ses portes aux équipes d’« Enquêtes de foot ». En l’occurrence, le Stade de Reims, où seuls l’entraîneur Jean-Luc Vasseur et le défenseur Franck Signorino ont bien voulu s’exprimer. Les autres clubs, quand ils ont daigné leur répondre, les ont éconduites au motif qu’ils manquaient de temps, qu’ils ne se sentaient pas concernés, que le sujet n’était pas une priorité ou bien trop sensible.Taboue, la question de l’homosexualité l’est dans le petit monde du football, où les allusions sexistes et homophobes s’envolent des tribunes, en chantant, comme à Marseille, sur l’air de « Celui qui ne saute pas est un pédé ». Lorsqu’elles ne sortent pas de la bouche même de certains dirigeants de club, comme Louis Nicollin qui, en 2013, qualifia, à la suite du match opposant son équipe à celle d’Auxerre, le joueur Benoît Pedretti de « petite tarlouze ».Aujourd’hui, le président de Montpellier se défend de toute homophobie et dénonce le politiquement correct d’un tonitruant « C’est tous des cons, ceux qui pensent que cela choque. » Or, n’en déplaise au dirigeant montpelliérain, de tels propos nourrissent peur, gêne, honte et enferment dans le silence ceux qui voudraient vivre librement leur sexualité.Frilosité des instances dirigeantesPour preuve, rares sont les joueurs ayant fait leur coming out. En France, seul Olivier Rouyer l’a fait, une fois sa carrière terminée. Tout comme l’ancien international allemand Thomas Hitzlsperger. Il est vrai que le suicide, en 1998, de Justin Fashanu, seul joueur à avoir révélé son homosexualité alors qu’il était en activité, continue de hanter les mémoires.Si, au fil de son enquête, Arnaud Bonnin souligne l’impact de ces discours homophobes auprès des jeunes joueurs – notamment ceux du centre de formation de Strasbourg qu’il a interrogés –, il pointe aussi, à raison, la frilosité des instances dirigeantes pour lutter contre l’homophobie.En octobre 2014, la Ligue de football invitait tous les joueurs de Ligue 1 à porter des lacets arc-en-ciel. Importée d’Angleterre, cette opération, destinée à promouvoir une meilleure acceptation des homosexuels, fut placée en France sous le signe de la diversité… Question de pragmatisme, expliquent les organisateurs. Ou d’hypocrisie, c’est selon. Dans tous les cas, la Fédération française de foot n’envisage toujours pas de plan de lutte contre l’homophobie, contrairement à ses homologues des Pays-Bas, d’Allemagne et des Etats-Unis.Signalons qu’outre ce sujet, le magazine « Enquêtes de foot », animé par Astrid Bard, propose un reportage sur « Le Peuple vert » ainsi que, dans la rubrique « Droit de suite », un retour sur la carrière en demi-teinte du goleador (« buteur ») colombien Radamel Falcao.« Homos, le dernier tabou », d’Arnaud Bonnin (Fr., 2015, 26 min). Jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Emmanuelle Devos et Mathieu Almaric, côte à côte, dans « Arrête ou je continue », comédie amère de Sophie Fillières (jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX).C’est un voyage en forêt, comme d’autres, naguère, firent un voyage en Italie alors même que leur couple s’étiolait. A la fois complices mais déjà en voie de détachement, Pomme (Emmanuelle Devos) et Pierre (Mathieu Amalric) commencent par se retrouver à un vernissage dans une galerie de photos. L’une veut rester, l’autre veut immédiatement s’en aller.Rien n’est simple, d’autant que la jalousie affleure sans cesse dans ce couple en voie de décomposition. A présent, les voilà dans la rue. Un bus de nuit qui passe : Pierre se précipite sans prêter la moindre attention à Pomme, qui finalement le rejoint. Instants décisifs où tout commence à basculer sans que le cerveau s’en aperçoive forcément.« Fais gaffe à l’avenir », « J’ai peur »… Le couple se délite peu à peu. Amalric et Devos face à face, côte à côte, mais jamais là l’un pour l’autre. Plus grand-chose à se dire, sinon quelques sarcasmes mal sentis. Il la dénigre. Elle le rabaisse. Du grand art. Un peu plus tard, Pierre et Pomme se préparent à partir en forêt. « Si on part à deux, on va s’entre-tuer. »Les habitudes de couple sont les plus fortes, celles qui survivent le plus longtemps, même quand tout s’est cassé par ailleurs. Marcher sans se dire un mot. L’un derrière l’autre. Jusqu’à cet instant ultime où Pomme osera lui lancer : « Rentre, toi. Moi, je reste. Laisse-moi le sac, ton K-Way, le pull. » Avant de s’enfoncer dans la forêt, comme on entre dans la mer.Deux comédiens formidablesArrête ou je continue, le film de Sophie Fillières, raconte l’histoire d’un couple qui a fini de s’inventer. Les deux protagonistes savent d’autant moins comment se l’avouer qu’ils se sont naguère aimés. N’ayant pas de mots pour le dire, ou plutôt préférant n’en rien dire, Pomme décide de disparaître, d’entrer en forêt afin de retrouver les sensations originelles, de celles qui prouvent indubitablement que l’on existe : le froid, la faim, la fatigue, la solitude.Pierre et Pomme, ce pourrait être le titre d’une nouvelle de Maupassant. Ce pourrait être aussi un conte pour enfants. Pomme est seule. Délibérément seule, puisqu’elle a décidé qu’il en serait ainsi. Et voilà tout à coup qu’elle aperçoit un chamois pris au piège dans une excavation. Instant magique, Emmanuelle Devos et le chamois, les yeux dans les yeux, comme s’il suffisait de se regarder, de s’écouter, dirait-on, pour trouver une issue à l’impasse.Il faut insister sur la performance des deux acteurs – non pas le chamois, encore qu’il soit, lui aussi, excellent –, Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric. L’une toute en nuances, n’hésitant pas à jouer avec son corps pour mieux figurer et l’enfermement qui l’étouffe et le fait qu’elle ne va pas tarder à s’en extraire. Lui, étrange jusqu’à en paraître inquiétant, incandescent jusqu’à approcher ce point de folie que seuls quelques grands acteurs savent atteindre. Une femme et un homme. Deux comédiens formidables pour quelques instants de cinéma qui ne le sont pas moins. Tant pis si ça ne marche plus entre eux. Tant mieux si la vie parvient à reprendre le dessus.« Arrête ou je continue », de Sophie Fillières (Fr., 2014, 90 min). Jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX.Franck NouchiJournaliste au Monde Francis Marmande « Nous ne connaissons pas le repos, qu’il soit sabbatique, dominical, religieux ou républicain » : La Générale (14, avenue Parmentier, Paris 11e), ancienne usine aux volumes inspirants, à deux pas de la place Voltaire et de la statue de Léon-Blum, est une coopérative artistique, politique et sociale. Dans la grande tradition des coopératives ouvrières, La Générale mutualise ses locaux et ses outils de travail. L’ouverture au public y est « gratuite autant qu’aléatoire. » A partir de 19 h 30.Le Tricollectif y prend ses quartiers d’« à bientôt le printemps », jusqu’au 2 mai. Six jours de « Soirées Tricot ». Le Tricollectif est un groupe de dix musiciens autour desquels gravite une trentaine de satellites, si bien formés (haute école, conservatoires et autres) qu’ils n’hésitent pas à se déformer, dans l’esprit Dada, Humair, Lubat, Joëlle Léandre, Akosh S, La Campagnie des Musiques à Ouïr, sans se prendre le chou.« C’est une tuerie ! »A propos de chou, on peut se restaurer pour trois sous. Sortant de scène (rencontre Biardeau, Caserotto, Dimitriadis, le 27 avril), un jeune musicos affamé – le musicien affamé est un corps spécial – dévore un œuf poché sur son lit d’épinards (test effectué : satisfaisant, bio, frais, 6 euros) : « C’est une tuerie ! » Sortant de scène, le batteur Sylvain Darrifourcq croule sous les félicitations d’un spectateur âgé (la trentaine) : « C’est une tuerie ! »Va pour la tuerie. Intrépide, le représentant du Monde, venu par curiosité, fait d’un coup grimper la moyenne d’âge de la salle (25 ans). Puisqu’on parlait de Darrifourcq, c’est toujours une joie de voir s’accomplir un musicien sans complexe et sans frime. Bien cornaqué par Daniel Humair, Darrifourcq – limace noire étroite sur chemise blanche près du corps mince, futal pistache – est le batteur/bruitiste exact, élégant, soudain déchaîné du trio Garibaldi Plop (Roberto Negro, piano, Valentin Ceccaldi, violoncelle).Son presque acoustique, circulation parfaite, mise en place aussi joyeuse que précise, « fatrasie » digne de Bataille dans sa seule contribution à La Révolution surréaliste de Breton – motifs répétitifs, climats, nappes sonores, fragments de swing, cavales pour dessins animés, ébullition collective, retour au calme, citations comme s’il en pleuvait –, la performance crée une écoute, salle comble, très tendue. Pas un bruit, pas une toux, pas un chuchotement. Un peu comme si des jeunesses, rompues à toutes sortes de vacarmes à haute teneur en décibels, découvraient la lune.La « Orléans Touch »Troisième partie de ce premier rendez-vous des « Soirées Tricot » : le film d’Ozu Yasujiro, Où sont les rêves de jeunesse ? (1932), bizarrement daté de 1929 et retitré Où sont nos rêves de jeunesse ? Détail ? Pinaillage ? Oui et non. Plutôt quelque chose de bleu qui ressortit à l’inconscient du collectif (nous). Mise en sons un tantinet trop présente, par les excellents Alexandra Grimal (sax) et Nelson Veras (guitare). Le chef-d’œuvre d’Ozu, comédie indécidable, n’est pas, il faut le dire, du genre commode. Encore moins, les codes japonais du cinéma « muet », cinéma non synchronisé prolongé par Ozu au-delà du raisonnable, pour laisser le temps à ses équipes d’apprendre.Même démarche au fond, que celle du Tricollectif, qui continue, dans une atmosphère qui a le chic d’esquiver Charybde (le branchouille Oberkampf n’est pas loin) et Scylla (le funérarium drapé des musiques improvisées, parfois). Les Ceccaldi (Valentin et Théo), fils de violoniste folk, apportent la « Orléans Touch ». Chaque soirée s’organise en roue libre autour d’une rencontre, d’un invité (Chritophe Monniot, le 28, Akosh S, le 30), de big bands sans limites, de Trio à lunettes et autres Atomic Spoutnik.Signe des temps : dans les années 1968, quatre instrumentistes géniaux – Carlos Alsinna, Jean-Pierre Drouet, Winko Globokar et Michel Portal – volent de leurs propres ailes, dynamitant leurs sciences et leurs expériences dans le New Phonic Art : « Dès qu’on sentait poindre une mélodie, raconte Winko, un tempo, une idée reçue, on s’était donné pour seule consigne de tout exploser. »Cinquante ans plus tard, le Tricollectif n’a pas le choix : il part de son savoir et de son désir, mais aussi des autres, sans se donner de mission, fût-elle nihiliste. Pour le plaisir d’inventer ensemble – musique, modes de rencontre, cuisine et conversations compris. Attention : génération très neuve, gaieté, promesses de l’avenir, à surveiller. Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Il aura été l’homme d’une seule chanson, Louie Louie, composition de Richard Berry (1935-1997) devenue, dans la version du groupe The Kingsmen, en 1963, un classique du rock, hymne quasi annonciateur du punk. Le chanteur et guitariste Jack Ely est mort, lundi 27 avril, à son domicile de Redmond (Oregon), a annoncé son fils. Il était âgé de 71 ans et avait abandonné ses activités de musicien à la fin des années 1960 pour se consacrer à l’élevage de chevaux.Né le 11 avril 1943 à Portland (Oregon) Jack Ely découvre le rock, la guitare et l’envie de chanter, comme beaucoup alors, après avoir vu Elvis Presley (1935-1977) à la télévision lors de son premier passage sur une chaîne nationale, CBS, le 28 janvier 1956, pour le « Dorsey Brothers Stage Show ». Mais c’est trois ans plus tard, en 1959, qu’avec le batteur Lynn Easton, un ami d’enfance, les choses vont devenir un peu plus sérieuses. Ils fondent un groupe qui prend le nom de The Kingsmen et commencent à jouer dans des kermesses, pour des fêtes, divers événements de la vie locale à Portland et dans les environs.Un tempo fluctuantLe groupe s’est pris de passion pour la chanson Louie Louie dans une version par Rockin' Robin Roberts (1940-1967), qui passe en boucle dans un club où il joue parfois. La chanson créée et interprétée par Richard Berry a eu un petit succès dans les classements rhythm’n’blues en 1956, avec un traitement plaisamment dansant. La version de Rockin' Robin Roberts y a ajouté un chant un peu plus nerveux, des « yeah yeah yeah » plus rageurs, un court solo de guitare. The Kingsmen l’enregistrent le 6 avril 1963. Les parents de Lynn Easton ont mis la main à la poche pour financer une heure de studio. Le temps de mettre en place le matériel, de faire une première prise et c’est fini. Ely marmonne et crie, se mélange dans l’ordre du texte, la batterie est en avant, le groupe maladroit, le tempo fluctuant, un son d’orgue pose le riff d’introduction, le solo de guitare à 1 minute 25 est un désastre.La chanson paraît telle quelle sur le label Jerden en mai 1963. Sans faire de vagues sur le marché local. Puis à l’automne 1963, après la publicité négative de « pire disque de la semaine » que lui décerne un DJ de Boston, qui aura donc l’effet inverse, Louie Louie par The Kinsgmen devient un tube et va bénéficier d’une diffusion nationale par le label Wand. Autre effet, celui du relatif succès d’un Louie Louie par Paul Revere (1938-2014) avec The Raiders – qui a enregistré dans le même studio que les Kingsmen, quelques jours plus tard. Enfin, au moment où la chanson commence à grimper dans les ventes, Matthew E. Welsh (1912-1995), gouverneur de l’Indiana, croit déceler dans le phrasé pour le moins approximatif d’Ely une manière de cacher derrière la complainte d’un marin qui se languit de sa belle, des appels à la débauche et demande son interdiction. Le FBI planche sur le sujet… pour déclarer dans un épais dossier et après avoir passé la chanson à toutes les vitesses possibles que tout cela est au mieux incompréhensible et non répréhensible.Aspect foutraqueMais rien ne va plus au sein des Kingsmen. A la mi-août, Easton souhaite devenir le chanteur et leader du groupe. Ely en deviendrait le batteur. Il quitte la formation, qui, de toute manière, dépitée par le peu de succès de son enregistrement, est sur le point de se séparer. La montée dans les classements de Louie Louie incite Ely à proposer de revenir. Refus. Et l’on se retrouvera jusque début 1964 avec deux groupes différents sous le même nom et l’arrivée d’avocats. Jack Ely accepte finalement de laisser à Easton le nom de Kingsmen (ce dernier l’avait déposé) et obtient en échange que les éditions futures de Louie Louie l’identifient comme le chanteur.Il fonde ensuite quelques groupes, dont The Squires et The Courtmen. Et continue de surfer sur la vague Louie Louie avec divers enregistrements comme Love That Louie, Louie Louie ‘66 ou Louie Go Home. Il part ensuite au Vietnam et à son retour est définitivement oublié. Ce qui n’est pas le cas de Louie Louie par The Kingsmen, dont l’aspect foutraque aura, de toutes les versions du début des années 1960, la préférence du monde du rock. Un modèle sur lequel seront notamment construit le début de Plastic People de Frank Zappa, You Really Got Me des Kinks ou Wild Thing des Troggs.Dates11 avril 1943 : naissance à Portland (Oregon)1959 : fonde The Kingsmen avec Lynn EastonAvril 1963 : enregistre Louie Louie, composition de Richard Berry, qui devient un tube aux Etats-Unis à l’automne alors qu’il a quitté le groupe1964-1966 : carrière confidentielle avec plusieurs groupes et variations sur Louis Louie27 avril 2015 : mort à Redmond (Oregon)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino C’était le père de David et Micha, auteur et comédien : Jean Lescot est mort. Né Jean Wajbrot, fils d’un juif polonais émigré à Paris, où il est né, le 30 août 1938, il a commencé à jouer dès l’âge de 20 ans et n’a jamais cessé depuis, pratiquant son art au théâtre, au cinéma, et dans le doublage, où la liste des acteurs et personnages à qui il a prêté sa voix est impressionnante : le lieutenant William Kinderman dans L'Exorciste, Yoda dans La Guerre des étoiles, ou Morty Flickman dans la série « Desperate Housewises ». Il a plusieurs fois doublé Ben Kingsley, Seymour Cassel, Mel Brooks ou Per Oscarsson.Au cinéma, il apparaît dans de nombreux films, dont Les Gauloises bleues, de Michel Cournot (1967), L'Affiche rouge, de Frank Cassenti (1975), Mon oncle d'Amérique, d'Alain Resnais (1979). Au théâtre, Jean Lescot a tenu une belle ligne, jouant sous la direction de Gabriel Monnet, Roger Planchon, Armand Gatti, Gabriel Garran, ou Jean-Claude Grumberg, son ami.Il a été un touchant Sorine, dans La Mouette, mise en scène par Christian Benedetti, qui a connu un grand succès, au Théâtre de l’Athénée, à Paris. C’était en 2012 et ce fut le dernier rôle de Jean Lescot, un comédien qui a su transmettre son amour de l’art de la scène à ses fils, et laisse le souvenir d’une belle personne, très aimée dans le milieu.Lire aussi : A Alfortville, une « Mouette » qui a valeur de manifesteBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.04.2015 à 11h06 • Mis à jour le29.04.2015 à 11h39 | Joël Morio Un documentaire revient sur l’inaction des Anglo-Américains durant la seconde guerre mondiale (mercredi 29 avril, à 20 h 50, sur D8).Le 25 avril 1945, le général Eisenhower, accompagné de journalistes et de cadreurs, découvre le camp de concentration de Buchenwald. Charniers à ciel ouvert, prisonniers squelettiques, monceaux de cadavres… les preuves de l’extermination des juifs d’Europe sont exposées dans toute leur horreur au monde entier. Pourtant, cette macabre découverte n’en est pas une. Dès 1941, plusieurs lanceurs d’alerte, comme on les nommerait aujourd’hui, ont tenté d’avertir les Américains et les Britanniques. Ce nouveau volet de la série documentaire « Histoire interdite » s’arrête sur deux d’entre eux.Cruel immobilismeCapitaine de cavalerie et membre de l’armée secrète polonaise, Witold Pilecki décide en 1940 de se faire interner à Auschwitz afin d’y organiser un mouvement de résistance. Là, durant près de mille jours (il s’évadera en 1943), Pilecki assiste à la mise en place de la « solution finale ». A plusieurs reprises, il réussira à transmettre à la clandestinité polonaise des rapports qui parviendront en haut lieu à Londres. Pour preuve, le 24 août 1941, Churchill déclarait dans un discours : « Depuis les invasions mongoles, au XVIe siècle, il n’y a pas eu de boucherie, méthodique, impitoyable, d’une telle ampleur. Et ce n’est qu’un début, nous sommes en présence d’un crime qui n’a pas de nom. »Les Américains, eux, vont être informés de ces massacres par d’autres voix, notamment celle d’Eduard Schulte. Cet industriel allemand, proche des cercles dirigeants nazis, prévient en 1942 de la volonté d’Hitler d’exterminer tous les juifs d’Europe. L’information remontera jusqu’à la Maison Blanche et sera même relatée dans le New York Times. Mais aucune action ne sera menée pour empêcher ce projet. Des plans seront bien imaginés, mais aucun ne sera appliqué. On pourra regretter que le documentaire ne s’attarde pas plus sur les raisons de ce cruel immobilisme des Alliés.Après la guerre, certains criminels nazis seront pourchassés et jugés. D’autres, en revanche, parviendront à s’échapper. Grâce à la complicité, notamment, d’hommes d’Eglise, tel l’évêque autrichien Alois Hudal, qui permit, entre autres, à Adolf Eichmann de se réfugier en Amérique latine.« Seconde guerre mondiale : les derniers secrets des nazis », de Juliette Desbois, Noémie Mayaudon et Marine Suzzoni (Fr., 2015, 120 min). Mercredi 29 avril, à 20 h 50, sur D8.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier (Bourges, envoyé spécial) Mi-novembre 1992, au programme de la 6e édition du festival Rencontres internationales de jazz de Nevers, à la Maison de la culture, Nina Simone. Son manager d’alors a demandé beaucoup. Donc, limousine et hôtel à multiples étoiles avec spa. Les organisateurs ont répondu n’avoir pas de limousine façon Las Vegas, qui de toute manière ne passerait pas dans la plupart des rues de la vieille ville. Et qu’en matière d’hôtel, la région avait ce qu’il faut d’étoiles, de confort et de tranquillité mais pas de spa dans les parages. Nina Simone est venue. Sur scène, impériale, avec ses absences et ses fulgurances, sa voix féminine et masculine d’une indescriptible présence. Le trio qui l’accompagne fait le boulot. Elle triomphe. Au sortir, elle est émue, remercie. Le transport, l’hébergement, l’accueil… parfait. Elle repart dans la nuit.C’est dans ce souvenir fugace que l’on aborde, mardi 28 avril, « Autour de Nina », transcription à la scène d’un album publié en 2014 par Verve, avec en partie des interprètes différents, pour cette soirée hommage à Nina Simone, au Palais d’Auron, l’une des deux « créations » du Printemps de Bourges, 39e édition. Nina Simone, née Eunice Kathleen Waymon, le 21 février 1933, à Tryon (Caroline du Nord) est morte le 21 avril 2003, à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône). Chanteuse, pianiste, compositrice, radicale dans sa manière d’aborder la musique, jazz, soul, pop, c’est-à-dire pleinement, sans tricher. Radicale dans ses choix de lutte, contre les injustices, combattante pour les droits civiques des Afro-américains. Son seul concert au Printemps de Bourges remonte à 1989, la même année que Stevie Wonder.Un assemblage de voixSix chanteuses : Lianne La Havas, Hindi Zahra, Yael Naim, Camélia Jordana, Camille et Sandra Nkaké. Trois chanteurs : Sly Johnson, Hugh Coltman et Ben l’Oncle Soul. Un assemblage de voix, d’inspirations, de repérages variés par le grand public. Lequel connaît probablement My Baby Just Cares For Me, composition de Walter Donaldson, texte de Gus Kahn, qu’elle enregistra en 1958. Les plus anciens ont eu dans les oreilles son interprétation en 1971 de My Way, avec accompagnement de percussions (maracas, bongos et batterie) et celle avec chœur gospel de My Sweet Lord, de George Harrison, dans son album de 1972 In Concert : Emergency Ward ! Alors oui, My Baby Just Cares For Me est là, au milieu du concert, par Sly Johnson, en jazz bastringue-cha cha, plutôt bien mené.Et Ben l’Oncle Soul avec section de vents bluesy mène tout aussi bien Feeling Good, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse dont le refrain est plus connu que le titre (« It’s a new dawn/It’s a new day/It’s a new life for me »). Et Sandra Nkaké transporte vers le tragique I Put A Spell On You, comme l’avait fait Nina Simone, donnant de la profondeur à la pochade de Screamin’ Jay Hawkins.Vers le méconnuPour le reste, et c’est la grande réussite du spectacle « Autour de Nina », le répertoire va vers le plus secret, le méconnu. Baltimore, de Randy Newman, pour débuter, par Lianne La Havas (Nina Simone n’aimait guère ce que des arrangeurs chez Columbia avaient fait à sa sobre interprétation) ; Sinnerman, un traditionnel du gospel, par Hugh Coltman, immense, l’un des meilleurs moments de la soirée ; Thandewye, qu’elle avait enregistré à Paris, en 1982 et Plain Gold Ring, d’Earl S. Burroughs, par Yael Naim ; I Get Along Without You Very Well (Except Sometimes), un régal d’Hoagy Carmichael, par Camélia Jordana ; Lilac Wine, de James Shelton, par Camille… Et Four Women, son formidable portrait de quatre femmes que Sandra Nkaké mène, là aussi, vers l’un des moments les plus intenses.Sur scène, un ensemble de vents, des cordes, trois choristes, Bojan Z aux claviers, une rythmique. Le disque, en raison de quelques ratés par des vedettes non présentes dans le spectacle, (Gregory Porter, Melody Gardot, Keziah Jones, Youn Sun Nah), n’avait pas laissé une grande impression. Lisse, sans écarts, sans folies. Au contraire de ce concert, dans l’allant, avec du corps, de la vie. Deux réserves toutefois. L’absence de présentation des titres, de leur histoire, le cas échéant. Et un final interminable, sur le mode tout le monde ensemble pour une virée gospel trop manifestement faite pour ravir le public. Le spectacle n’avait pas besoin de cet effet.Sylvain Siclier (Bourges, envoyé spécial)Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Pauline Sauthier Lors d’un spectacle de danse, des ballons de baudruche ont été distribués à des enfants sourds pour qu’ils ressentent les vibrations de la musique. Des compagnies théâtrales permettent à un public aveugle de toucher, pour les imaginer, les décors et costumes. Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer, c’est parfois un orchestre qui vient…L’accès à la culture est, pour les handicapés, un droit, inscrit dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle concerne les établissements culturels qui remplissent une mission de service public, mais n’est pas toujours facile à concrétiser, surtout dans le spectacle vivant.Adaptation pour les handicapés sensorielsJouée depuis le 15 avril à la Comédie-Française, la pièce de théâtre Les Enfants du silence a rappelé l’importance de ces problématiques : sur scène, des comédiens entendants interprètent des personnages sourds qui s’expriment en langue des signes. Des acteurs sourds, estimant qu’il aurait été légitime de leur confier ces rôles, ont protesté contre ce qu’ils considèrent être une discrimination.La pièce est surtitrée, certains jours, pour un public sourd ou malentendant. Des écrans, placés au-dessus de la scène, indiquent des ambiances sonores, les noms des personnages, les dialogues, parfois simplifiés pour la lecture. L’association qui s’est chargée de cette tâche, Accès Culture, est spécialisée dans l’adaptation de spectacles pour les handicapés sensoriels.Cette année, elle a permis à des enfants sourds de profiter au mieux du spectacle de danse Tel Quel !, de Thomas Lebrun. Sur scène, une comédienne interprétait des chansons en « chantsigne » (traduite en langue des signes). Pour recevoir la musique, des casques amplificateurs ou des boucles magnétiques permettaient aux malentendants de percevoir la musique, sans les bruits parasites de la salle.Ne pas changer le texteNe pas changer le texte, le sens, le rythme fait partie des défis de l’acccessibilité. Les comédiens s’exprimant en langue des signes, placés souvent sur les côtés du plateau, doivent être bien éclairés, obligeant à modifier la mise en scène.Audio-descriptrice, Juliette Soulat se voit comme une narratrice, qui accompagne le texte sans l’interpréter. Elle fait le récit, en temps réel, de ce qui se passe sur le plateau pendant un spectacle à un public de non-voyants. Ses paroles leur sont retransmises par l’intermédiaire d’un casque. Elle leur parle des lumières, des déplacements ou des matières. L’audio-description ne se fait pas toujours en direct mais Juliette Soulat insiste pour être présente pendant le spectacle : même si elle s’appuie sur un texte préparé, il arrive qu’un acteur oublie ses répliques et improvise, qu’un événement inattendu fasse rire la salle ou que le metteur en scène propose des changements.« Il y a aussi quelque chose de très intime, ma voix arrive directement dans l’oreille des gens », explique-t-elle. Elle veut également être là avant et après les représentations, pour une visite tactile des décors où elle donne déjà des éléments de description, puis pour discuter de la pièce et du ressenti des spectateurs non-voyants.Jusqu’à 30 heures d’« aide humaine » par anMais il y a aussi tous ceux que leur handicap empêche de se rendre dans les lieux de spectacle, et pour lesquels beaucoup reste encore à faire. « Aujourd’hui, il n’y a quasiment pas de questionnement sur les personnes qui ne peuvent pas sortir de leur lieu de vie », regrette André Fertier, président de l’association Cemaforre, qui promeut l’accès aux loisirs et à la culture pour tous.Il cite néanmoins quelques exceptions, comme l’Ensemble orchestral de Paris qui joue dans des appartements, ou le Centre national chorégraphique de Haute-Normandie dont les spectacles sont présentés dans des maisons de retraite et des hôpitaux. Souvent, explique-t-il, les personnes handicapées ne sont pas au courant qu’elles ont droit jusqu’à 30 heures d’« aide humaine » par an, qu’elles peuvent utiliser pour des sorties culturelles.Pauline Sauthier Samuel Blumenfeld Après avoir ausculté les codes de la pègre dans « Mafiosa », le réalisateur signe « Le Bureau des légendes », où il décrypte le système des fausses identités dans les services secrets. L’acteur Mathieu Kassovitz incarne un agent du renseignement exerçant sous une fausse identité, autrement dit une « légende ». Comment avez-vous entendu parler de ce terme ?A travers plusieurs romans de l’Américain Robert Littell, que j’ai contacté à une époque où je voulais faire une série sur les oligarques car il connaît très bien la Russie. C’est en lisant La Compagnie, un de mes livres de chevet, que j’ai découvert ce terme, alors qu’il ne fait pas partie de la littérature de John le Carré. Puis je me suis rendu compte que le mot « légendes » était utilisé à la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure). Les services secrets français disent « IF » pour « identité fictive »). On est « sous IF » ou « sous IR » (« identité réelle »). Quand on discute avec eux, on se fait un peu balader. On ne sait pas si on se fait embobiner et on en garde ce qui semble avoir un parfum de réalité. La notion de « légende », donc de couverture, est liée depuis toujours à l’espionnage. Ce qui m’a intéressé est de connecter ce côté poétique d’une identité créée de toutes pièces au cadre d’une activité professionnelle très réelle. Le côté prosaïque de ce métier m’intéresse beaucoup car il y a vraiment rencontre entre la fiction et la réalité.Une légende est un agent dormant qui peut aussi passer toute sa carrière sans agir...Il y a des légendes faites pour tenir un mois, et d’autres toute une vie. Quelqu’un partant sous identité fictive pour six ans est contraint de tenir cette identité. On peut utiliser le mot « légende » pour un individu qui se ferait passer pour un concessionnaire automobile lors d’un séjour de trois jours en Arabie saoudite. Mais la « légende » est plutôt réservée à ceux qui partent en mission longue et sont censés ne jamais être découverts. C’est la notion de « clandestins » qui est abordée dans la série : des gens supposés devenir des poissons-pilotes invisibles dans des pays hostiles. Je montre aussi le quotidien de ceux dont le travail consiste à gérer ces clandestins qui sont des divas. J’ausculte le côté pratique de cette gestion. Le personnage incarné par Mathieu Kassovitz se révèle être celui auquel il ne fallait pas donner ce métier. Plus la série avance, plus on s’enfonce dans ce vertige où l’on ne connaît plus le vrai « moi ».  Quelles sont les légendes les plus célèbres de l’histoire de l’espionnage ?Les faux époux Turenge dans l’affaire du Rainbow Warrior. J’ai aussi entendu parler d’une affaire en Angleterre où une femme s’est aperçue que l’homme qu’elle prenait depuis vingt-cinq ans pour son fils ne l’était pas. Le type était un espion, et ils avaient développé des liens mère-fils très forts.Est-il plus compliqué de devenir une légende à l’ère d’Internet ?Je me demande si ça n’est pas plus facile. Auparavant, les faussaires façonnaient de faux papiers. Aujourd’hui, en termes de documents, de « preuves » pour appuyer une légende, cela se passe avant tout de manière dématérialisée. Notre identité est totalement informatisée, même nos diplômes le sont, et il suffit de mettre au point un faux profil Facebook. En revanche, il est très difficile de changer de nom avec le passeport biométrique. Quand on part en mission, c’est sous son vrai nom.Pourquoi avoir situé la série dans le contexte proche-oriental ?C’est là que sont les services secrets français. On parle dans la série d’un grand marché des services de renseignement, où les grandes entités ont des spécialités. Celle des Français, c’est l’Afrique et le Proche-Orient. On est très forts sur la Syrie, sur l’Iran. Les Américains le sont davantage sur la Russie ou la Chine. Le Proche-Orient est la région où l’avenir se construit et vers laquelle se tourne naturellement le cinéma. Je suis resté le plus proche possible du renseignement humain, à l’opposé du renseignement électronique qui prend le pas aujourd’hui. On a bien vu à travers Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow, que le renseignement humain reste fondamental. Cet aspect demeure au centre de ma série.« Le Bureau des légendes », réalisé par Eric rochant, avec Mathieu Kassovitz, Jean-Pierre Darroussin, sur Canal+.Lire aussi (édition abonnés) : L’espion qui aimait trop sa légendeLire le post de blog : « Le Bureau des Légendes », la face cachée des secretsSamuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Christophe Ayad Enquête sur ces armes qui, l’exemple syrien le prouve, demeurent une lourde menace pour la sécurité (mardi 28 avril, à 20 h 50, sur Arte).Ce n’est pas par coïncidence que l’on célèbre, en ce mois d’avril 2015, le centenaire du génocide des Arméniens et celui de la toute première attaque à l’arme chimique. Le 22 avril 1915, deux jours avant le début du premier massacre de masse planifié de l’histoire contemporaine, l’armée allemande utilisait des gaz de combat sur le front d’Ypres, en Belgique.Pas de hasard dans l’apparition concomitante de l’arme chimique et de la logique génocidaire. La combinaison des deux culminera moins de trente ans plus tard avec l’horreur des camps d’extermination et l’utilisation du Zyklon B dans le cadre de la « solution finale » par les nazis contre les juifs d’Europe. Dans les années 1930-1940, le Japon fit un usage massif d’armes chimiques lors de son invasion de la Chine.Malgré la Shoah, les grandes puissances, poussées par le lobby industriel chimique, ont continué à accumuler des arsenaux colossaux. Et à en vendre à des pays comme la Syrie ou l’Irak.Démantèlement et contrôleCe n’est qu’en janvier 1993, après la fin de la guerre froide, que les Etats-Unis et la Russie décidèrent de prohiber les armes chimiques. Plus pour des raisons de coût de production, de stockage et d’élimination que par humanisme. La Convention pour l’interdiction des armes chimiques, de 1993 – et ratifiée par 191 pays, sauf l’Egypte, Israël, le Soudan du Sud et la Corée du Nord – est unique : la seule à prévoir un démantèlement d’un type d’armes et un mécanisme de contrôle permanent. Des dispositions appliqués par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, récipiendaire du prix Nobel de la paix en 2013.Sans l’attaque chimique de la Ghouta (banlieue de Damas), le 21 août 2013, qui fit 1 500 morts, le grand public n’aurait jamais entendu parler de cette organisation, qui supervisa le désarmement chimique du régime syrien. Malgré cette avancée, obtenue sous la pression internationale, Damas continue de bombarder des civils à l’aide de chlore à l’état gazeux, une substance non prohibée par la Convention. L’exemple syrien, la prolifération de groupes terroristes et les dégâts créés par ces substances, même périmées, rappellent que les armes chimiques sont loin d’appartenir au passé, comme le souligne ce documentaire.Le Souffle de la guerre chimique de Fabienne Lips-Dumas (Fr.-Can.-Bel., 2015, 85 min). Mardi 28 avril, à 20 h 50, sur Arte.Christophe AyadRédacteur en chef InternationalSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé La nouvelle série de Dan Franck et Stéphane Osmont, qui vient d’être primée au Festival Séries Mania, nous transporte dans les années 1970, à Chambries, petite commune du Nord (mardi 28 avril, à 20 h 50, sur France 3).La Vie devant elles », la nouvelle série de France 3, réunit du beau monde : les écrivains et scénaristes Dan Franck et Stéphane Osmont, le réalisateur Gabriel Aghion, les compositeurs Stéphane Zidi et Laurent Sauvagnac, la productrice Fabienne Servan-Schreiber et le producteur Jean-Pierre Faye (Cinétévé). Des talents à la hauteur de l’ambition qu’ils portent : raconter trois décennies françaises – de 1970 à 2000 – à partir du destin de trois jeunes filles.La chaîne n’a hélas pas osé s’engager sur un projet d’une telle ampleur. « La Vie devant elles » s’étend donc pour le moment sur un an et demi. On ne peut que le regretter tant les six premiers épisodes tiennent déjà la promesse d’un long récit, à la fois social et romanesque, capable de s’étendre sur trente ans, sans lasser.D’abord, parce que la série nous emmène là où la fiction française ne s’aventure guère : dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Là où les hommes descendent chaque jour, pour un salaire de misère, dans les galeries du « fond » puis se retrouvent au café où femmes et enfants les attendent sans trop penser au lendemain. Nous sommes en 1975. Sous-pull en acrylique, col « pelle à tarte », pantalon « pattes d’eph », papier peint à grosses fleurs orange et marron, 45-tours qui tournent en boucle sur Les Mots bleus, J’ai encore rêvé d’elle, Avec les filles, je ne sais pas…Poésie hugolienneDans ce décor d’une époque en sursis (fin des « trente glorieuses », la fermeture des mines s’annonce), Solana (Alma Jodorowsky), Caroline (Lilly-Fleur Pointeaux) et Alma (Stéphane Caillard), la jeunesse insolente et des rêves plein la tête, s’apprêtent à passer le bac. Elles sont filles de mineurs, copines comme cochon, aiment danser et embrasser les garçons. Elles sont le versant solaire de « La Vie devant elles » ; celles qui, unies par un malheur commun (la disparition tragique de leurs pères au fond de la mine), vont devoir se battre et grandir, sans renier leurs origines et leur milieu social.Créée par Dan Franck et Stéphane Osmont, la série porte la signature de ces deux écrivains qui savent maintenir, dans leurs livres et dans leurs scénarios, la même vivacité d’écriture du début à la fin, et appliquer aux séries les recettes du feuilleton littéraire du XIXe siècle. Les dialogues sont d’une finesse qui ne nuit pas au réalisme, et ont l’éclat nécessaire pour tenir en respect la nostalgie à laquelle pouvaient les exposer l’époque et l’histoire qu’ils racontent.Un écueil qu’évitent aussi le réalisateur, Gabriel Aghion, et les trois formidables jeunes actrices saisies dans leurs moindres gestes, leurs rires et leurs bouderies d’adolescentes. Autour d’elles, le paysage – ville minière, corons et terrils – dégage quelque chose d’une poésie hugolienne. Gabriel Aghion a aimé filmer ces lieux et ces personnages qu’il n’enferme jamais définitivement dans le cadre, l’ouvrant au contraire parfois sur « une maison squattée au bord de la mer, un ciel d’azur, et cette sensation furtive et magnifique que tout est possible », dit-il si joliment.« La Vie devant elles », série créée par Dan Franck et Stéphane Osmont. Avec Stéphane Caillard, Alma Jodorowsky, Lily-Fleur Pointeaux (Fr., 2015, 6 x 55 min). Deux épisodes par soirée. Mardi 28 avril, à 20 h 50, sur France 3.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.04.2015 à 00h34 • Mis à jour le28.04.2015 à 09h11 Les Molières, qui avaient amplement récompensé l'an dernier la jeune génération, ont réparti cette année leurs récompenses entre une myriade de pièces de théâtre et de talents plutôt confirmés, lors d'une cérémonie au théâtre des Folies Bergère, télédiffusée sur France 2.Seule La Vénus à la fourrure, avec deux Molières, de la meilleure pièce et de la meilleure comédienne – Marie Gillain dans le rôle d'une actrice hypersexy –, glane plus d'une récompense. L'an dernier avait vu triompher Alexis Michalik, 32 ans avec trois récompenses et Jean Bellorini, 33 ans, avec deux prix. La cérémonie, menée pour la deuxième année consécutive par l'humoriste Nicolas Bedos, a préféré cette année le saupoudrage, au risque de manquer d'audace.Deux Molières pour « La Vénus à la fourrure »Marie Gillain, 39 ans, remporte sans conteste le trophée de meilleure comédienne du théâtre privé pour son rôle de séductrice dans La Vénus à la fourrure, une pièce portée au cinéma par Roman Polanski en 2013. La Vénus à la fourrure, de l'Américain David Ives, d'après le roman de 1870 de Leopold von Sacher-Masoch, l'auteur du fameux masochisme, remporte aussi le Molière de la meilleure pièce du théâtre privé, dans la mise en scène de Jérémie Lippmann, au Théâtre Tristan-Bernard.Le Molière du théâtre public a créé la surprise en récompensant une saga familiale pendant la guerre de 1914-1918,  Les Coquelicots des tranchées, de Georges-Marie Jolidon. La pièce Les Particules élémentaires, d'après Michel Houellebecq, mise en scène par Julien Gosselin et nommée cinq fois, est repartie bredouille.A 33 ans, Thomas Jolly, le jeune metteur en scène de Henry VI, saga haletante de dix-huit heures nommée deux fois, est distingué par le Molière du metteur en scène, récompense méritée pour quatre ans de travail avec une troupe éblouissante. A 50 ans, Emmanuelle Devos décroche elle son premier Molière  pour son rôle dans Platonov, d'après Tchekhov, mis en scène par Rodolphe Dana et le collectif Les Possédés (théâtre public). Elle y déploie la grâce et la complexité des héroïnes tchékhoviennes, en femme amoureuse avide de brûler sa jeunesse alors qu'elle se sent dépérir dans un trou perdu.Première récompense pour DussolierAndré Dussollier, 69 ans, immense acteur tant au cinéma qu'au théâtre, décroche aussi étonnamment son premier Molière (théâtre public) pour son rôle dans Novecento. Son humour pince-sans-rire a fait merveille lundi soir lors de la cérémonie. Maxime d'Aboville remporte le trophée du meilleur comédien dans un spectacle privé pour The Servant, de Robin Maugham, mis en scène par Thierry Harcourt.Comme toujours, certains choix prêtent le flanc à la critique, tel le Molière de l'auteur francophone vivant décerné à Eric Assous contre… Michel Houellebecq. D'autres réuniront tous les suffrages, comme le Molière du théâtre musical décerné aux quatre filles et huit garçons bourrés d'énergie des Franglaises, impayable transposition en français de grands tubes anglo-saxons.Les Molières, qui avaient connu une éclipse de trois ans après une brouille au sein du théâtre privé, ont repris de plus belle l'an dernier sous la houlette de Jean-Marc Dumontet (Le Point Virgule, Bobino, Le Théâtre Antoine etc.). Toute la famille du théâtre était là lundi soir, de Pierre Arditi à Denis Podalydès et Guillaume Gallienne, en passant par l'humoriste François Morel, au fil de sketches exécutés sous l'œil amusé de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. L'émission avait réuni l'an dernier 1,1 million de téléspectateurs. Florence Evin Nathalie Bazin, conservatrice, responsable de la section Népal-Tibet au Musée national des arts asiatiques – Guimet, à Paris, souligne l’importance du patrimoine historique népalais en partie détruit par le séisme du samedi 25 avril. Les trois centres des capitales des anciens royaumes, Katmandou, Patan et Bhaktapur, classés au Patrimoine mondial de l’Unesco, seraient touchés.Quelle est la valeur artistique du patrimoine népalais dans la vallée de Katmandou en partie détruit par le séisme ?Ce patrimoine artistique est immense. Avant la fin du XVIIIe siècle, le terme de Népal ne désignait que la vallée de Katmandou où s’est développé un art extraordinaire par sa qualité esthétique. Sous la grande dynastie Malla, à la durée de vie très longue (de 1200 à 1768), la vallée était composée de trois anciens royaumes rivaux, notamment sur le plan artistique, chacun avec sa capitale, Katmandou, Patan et Bhaktapur. Le séisme précédent de 1934 était très important. Le patrimoine a régulièrement souffert. Le nombre de tremblements de terre est tragique pour ce pays qui n’est pas très grand.Les places encombrées de pavillons, principaux vestiges architecturaux de ces royaumes, seraient-elles touchées ?Oui, selon Christian Manhart, correspondant de l’Unesco au Népal, les places historiques de ces trois villes, classées au Patrimoine mondial de l’Unesco, comme Durbar Square à Katmandou, seraient touchées. Elles concentrent les palais, les temples et les monastères bouddhiques datant pour l’essentiel des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, bien qu’en partie reconstruits régulièrement, à la suite des tremblements de terre à répétition dans cette région (aux contreforts de l’Himalaya, le toit du monde, dont une dizaine de sommets culminent à plus de huit mille mètres). Ce sont les places royales très richement ornées où résidaient les souverains.Cette concentration de bâtiments finement ouvragés, en briques et en bois, est-elle unique ?Les artistes de Katmandou sont réputés pour leur virtuosité traditionnelle dans les décors de bois. Les encadrements de portes, fenêtres, sont de véritables dentelles. La vallée est riche de mines de cuivre, d’un métal très pur. Aujourd’hui encore, les artisans y sont très habiles, notamment certaines familles de Patan. Les éléments décoratifs, datant des XIIe et XIIIe siècles, sont rares à cause des dégâts que provoquent l’humidité et la mousson. Au Musée Guimet, on possède quelques exemples de ces sculptures en cuivre doré incrusté de pierres semi-précieuses, turquoise et lapis-lazuli.Cette tradition locale millénaire serait-elle héritée des Newars ?Il faut souligner la remarquable habileté des artisans newars. Cette ethnie tibéto-birmane est la plus ancienne connue de la vallée. Sa grande période se situe à partir du VIIe siècle. Les premiers témoignages de l’art du Népal datent du début de l’ère chrétienne. Son apogée court du Xe au XVIIe siècle. Cette petite communauté à la grande réputation fut invitée à travailler au Tibet et en Chine. L’art du Tibet doit beaucoup au Népal.Comment expliquer le syncrétisme artistique et architectural ?Au départ, le Népal est hindouiste. Mais c’est aussi le lieu de naissance de Bouddha (VIe siècle av. J.-C.). La plus ancienne « stupa » bouddhiste daterait, du IIIe siècle, du grand roi indien bouddhiste Ashoka ; mais l’hindouisme, alors vieux de plusieurs millénaires, s’y est épanoui. Les deux religions vont grandir parallèlement, et les mêmes artisans réaliseront indifféremment les œuvres bouddhistes et hindouistes. La « vajra », la foudre, symbole de l’illumination spirituelle, objet rituel majeur dans le bouddhisme tantrique, est d’origine hindou. Sur les façades des temples, elle cohabite avec le panthéon hindou. Le peuple népalais tout entier se rend en masse aux fêtes des deux religions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant France 3, relayée par ses antennes régionales, propose une soirée thématique sur les dessous de l’après-guerre (lundi 27 avril, à 20 h 50).Aquoi sert une chaîne de télévision publique ? Sans doute à offrir ce genre de soirée, aussi inhabituelle dans sa structure que passionnante sur le fond. Pour la première fois, France 3 propose une soirée continue, composée d’un grand documentaire historique de quatre-vingt-dix minutes suivi de cinq documentaires en diffusion simultanée (cinq fois cinquante-deux minutes), spécifiques aux régions.Le thème de cette soirée sortant de l’ordinaire ? L’après-guerre, 70e célébration de la fin du second conflit mondial oblige. Un sujet passionnant, comme l’a prouvé le documentaire de Cédric Gruat diffusé le 7 avril sur Arte et intitulé 1945, le temps du retour.Mais si ce dernier axait son travail sur une thématique bien précise (l’organisation mise en place pour le retour au pays du million et demi de citoyens français encore présents sur le territoire du Reich en 1945), le documentaire d’Emmanuel Blanchard, écrit avec Grégoire Kauffmann, et intitulé Après la guerre, la guerre continue, englobe de nombreuses problématiques propres à ces années plus grises que roses.La faim, les ruines, les difficultés pour se loger, le désir de vengeance, le marché noir, l’épuration, le retour des prisonniers, les drames des enfants nés de pères allemands, la mise en place d’un nouvel ordre républicain, l’antisémitisme toujours présent, les conflits sociaux d’une dureté inouïe, toutes les problématiques d’une société française fragilisée sont évoquées à l’aide d’archives colorisées souvent inédites.Ruines et minesPassionnant de bout en bout, ce documentaire diffusé en début de soirée confirme ce que beaucoup ont oublié : l’après-guerre n’a pas été une période légère. Et la France n’est pas passée sans heurts de la guerre aux « trente glorieuses ». La violence a continué, haine et jalousies ont dressé des Français les uns contre les autres.Deux ans après la fin du conflit, le pays compte encore 5 millions de mal-logés. L’image d’un pays uni dans la victoire ne résiste pas aux réalités socio-économiques d’une France en ruines et minée au sens littéral du terme, avec près de 100 millions de mines posées par les Allemands, qui paralysent l’agriculture et les communications. La France a faim et les bons de rationnements ne seront abandonnés qu’en 1950. Les témoignages, notamment de Pierre Daix (mort en 2014), Daniel Cordier ou Boris Cyrulnik, aident à mieux comprendre cette période trouble.En deuxième partie de soirée, cinq autres documentaires sont au programme. Diffusé sur France 3 Bretagne, Pays de la Loire, Centre, Paris- Ile-de-France, Haute et Basse-Normandie, Reconstruire la République (écrit et réalisé par Hubert Béasse) revient sur l’action du commando gaulliste ayant pris de force les lieux de pouvoir, à Rennes, le 3 août 1944. Sur France 3 Alsace, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, Champagne-Ardenne, Nord-Pas-de-Calais et Picardie, Hubert Schilling et Michel Favart signent L’Alsace-Moselle, c’est la France ! (avec des archives montrant Hitler en visite à Strasbourg).Sur France 3 Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, Thomas Marlier a réalisé Après la guerre, la France a faim. Le récit d’une France rurale qui a peiné à entrer dans une modernité inévitable. Sur France 3 Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Rhône-Alpes et Auvergne, Catherine Bernstein et Jean-Marc Dreyfus reviennent, avec Les Restitutions, sur les destins de juifs lyonnais revenus chez eux et les difficultés rencontrées pour récupérer leurs biens. Enfin, sur France 3 Corse, Amalia Escriva dresse, avec La Libération des femmes ? les portraits de résistantes et de jeunes femmes exceptionnelles. A noter des images inédites datant de 1949 et montrant une Corse inconnue.Après la guerre, la guerre continue,d’Emmanuel Blanchard (France, 2015, 90 minutes). Lundi 27 avril, à 20 h 50. Suivi, à 22 h 25, de documentaires (52 minutes) issus des antennes régionales de France 3.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet (Bourges, envoyé spécial) Festival de salles abritant les artistes et le public des giboulées d’avril, le Printemps de Bourges dissémine aussi une poignée de scènes ouvertes sur le chemin encombré de stands et de chalands qui descend de la Maison de la culture jusqu’aux rives de la rivière Auron.Si plusieurs de ces plateaux gratuits et en plein air s’offrent à la sympathique maladresse de groupes amateurs, celui de la scène Pression Live, sponsorisée par un célèbre brasseur, propose une programmation plus relevée d’espoirs de l’avant-garde pop française et internationale.Samedi 25 avril, alors que la soirée Rock’n’Beat bat son plein entre le grand chapiteau du W et la salle du Palais d’Auron, le public berruyer pouvait ainsi y découvrir les incantations électro d’une Suissesse, Joëlle Nicolas, dont le nom de scène – Verveine – contraste étrangement avec la sombre intensité de sa musique.Blonde aux cheveux courts et en robe noire, Verveine se tient derrière ses machines avec l’allure hiératique d’autres pythies électroniques telles Zola Jesus ou Fever Ray. Après quinze ans de piano et des études d’art, cette jeune femme de 25 ans a choisi de sculpter une matière synthétique sans céder aux formats pré-programmés et digérés de l’informatique musicale.Une marge d’improvisationQuand la plupart des animateurs de la fête Rock’n’Beat habitent leurs hymnes dansants de samples d’autres artistes et de voix déjà enregistrées, cette native de Vevey, sur la rive orientale du lac Léman, tisse en direct – et avec une marge d’improvisation –, des enchevêtrements de rythmes oppressants, nappes aériennes et voix qu’elle auto-échantillonne pour créer des chœurs entêtants.Quand trop de DJ jouent aujourd’hui la carte de l’évasion décorative et de la désincarnation, Verveine se livre avec une vraie puissance charnelle – entre séduction pop, spleen gracieux et beats industriels – déjà remarquée aux dernières Transmusicales de Rennes en décembre 2014 et sur un premier album autoproduit, Peaks, publié en septembre 2013. Un nouvel opus devrait bientôt voir le jour cette année, attendu avec appétit.Concerts : le 30 avril, à Chateaulin ; le 13 mai, à Creil ; le 22, à Saint-Brieuc, festival Art-Rock. verveine.bandcamp.comStéphane Davet (Bourges, envoyé spécial)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Beatles For Sale », la mue amorcéeCette semaine : autour de l’album Beatles For Sale (décembre 1964).« No Reply » (Lennon-McCartney), par Sir Henry and his ButlersDick James (1920-1986), l’éditeur des chansons des Beatles, a félicité John Lennon (1940-1980) pour cette composition qui racontait une histoire complète – celle d’un garçon dont la petite amie ne veut pas décrocher le téléphone, alors qu’elle est bien là, il le sait bien, il voit sa silhouette se découper à la fenêtre (et tout ça cinquante ans avant l’iPhone 6). Mais l’enthousiasme de Dick James reste minoritaire, à en croire la pénurie de reprises de No Reply. On fera avec cette version danoise due à Sir Henry and His Butlers, formation qui semble avoir été populaire au royaume d’Hamlet presque en même temps que les Beatles le furent dans celui d’Elizabeth. Cette version n’est pas disponible sur YouTube mais est présente sur les sites de streaming Qobuz, Deezer et Spotify. « I’m A Loser » (Lennon-McCartney), par Vince GuaraldiPianiste facile à écouter, Vince Guaraldi (1928-1976) est le compositeur de l’immortel Cast Your Fate To The Wind. Et cette version de la première chanson que Lennon écrivit sous l’influence de Bob Dylan (se mettant en scène comme un poète maudit et amoureux pathétique plutôt que comme un amant et beau-fils irréprochable), devient, sous les doigts de fée du musicien américain, un ravissant moment de musique d’ambiance pour après-midi de pluie. « Baby’s In Black » (Lennon-McCartney), par Ruben BladesPour conclure ce triptyque de déprime post-adolescente qui ouvre la première face de Beatles For Sale, voici Baby’s In Black, lamentation sur le thème du deuxième choix (deux perdants ne font pas un couple gagnant), avec son rythme chaloupé (une quasi-valse). Repris par le musicien et acteur panaméen Ruben Blades, la chanson devient une espèce de course échevelée vers la mélancolie. « Rock’n’Roll Music » (Chuck Berry), par Chuck BerryTout comme les deux premiers albums du groupe, Beatles For Sale compte six reprises. La première est irréprochable, une version frénétique de Rock’n’Roll Music, de Chuck Berry chantée par un John Lennon surexcité. En voici une version cool (parce que Chuck Berry, qui est tout sauf cool à la ville, tient à rester impeccable sur scène, comme le prouvent ses pattes d’éléphant immaculées). Pour réinsuffler un peu de vie à ce morceau (cette version date des années 1970), Chuck Berry a invité Tina Turner, qui s’amuse comme une folle, trouvant en Chuck un partenaire moins lugubre que son Ike d’ex-mari. « I’ll Follow The Sun » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsLe virtuose de la guitare country, Chet Atkins (1924-2001), interprète cette chansonnette mélancolique que Paul McCartney écrivit en sa prime jeunesse, avec un détachement qui aurait convenu à la bande originale d’un interlude au temps de l’ORTF. « Mr. Moonlight » (Roy Lee Johnson), sous le titre « Triste Luna », par Los Apson BoysLa présence d’une version d’un très obscur succès de Piano Red (1911-1985), vedette mineure du rhythm’n’blues américain sur Beatles For Sale suffit à montrer à quel point les Beatles étaient à bout de ressources (musicales, énergétiques…) au moment de l’enregistrement de l’album. Reste qu’une fois une chanson adoubée par les quatre garçons, elle devenait un succès mondial : la preuve, cette reprise par un groupe mexicain, originaire de la ville septentrionale d’Agua Prieta. « Kansas City » (Leiber/Stoller) « Hey-Hey-Hey ! » (Penniman), par Willbert Harrison et Little RichardMélange de deux chansons qu’aimait à hurler Little Richard (de son vrai nom Richard Wayne Penniman), ce medley conclut la première face de Beatles For Sale avec l’énergie du désespoir. McCartney se dépense comme il ne le fera plus jusqu’à Helter Skelter, quatre ans plus tard et parvient presque à battre le fou hurlant de Macon (Georgie) sur son propre terrain, celui de la stridence éraillée. Voici Wilbert Harrison (1929-1994), garçon raisonnable et élégant dans Kansas City − une chanson du duo Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller − puis Little Richard en personne dans Hey-Hey-Hey !, l’un des nombreux titres à faire rimer Birmingham et Alabama. « Eight Days A Week » (Lennon-McCartney), par Alma CoganQuand les Beatles étaient petits, Alma Cogan (1932-1966) était déjà une vedette. Mais la légende prête à cette chanteuse à voix une liaison secrète avec John Lennon. Ce qui revient pour une praticienne du pop song à l’ancienne à une certaine intelligence avec l’ennemi. Cette version d’Eight Days A Week, le seul numéro un tiré de Beatles For Sale, se débarrasse sans hésitation de la pulsation rock pour en faire une ballade luxurieuse. « Words of Love » (Buddy Holly), par Gary BuseyLe groupe de Buddy Holly (1936-1959) s’appelait The Crickets, les criquets, et c’est l’une des innombrables raisons pour lesquelles les Quarrymen décidèrent de prendre un nom d’insecte. Mais l’influence du rocker texan ne s’arrêtait pas à la taxonomie. Les harmonies vocales de Buddy Holly and The Crickets, le jeu de guitare de leur leader ont profondément marqué les Beatles, qui n’enregistrèrent pourtant qu’un titre de Holly, Words of Love. La version ci-dessous est extraite de The Buddy Holly Story, de Steve Rash (1978), l’un des premiers biopics rock, avec, dans le rôle titre, Gary Busey. « Honey Don’t » (Carl Perkins), par Carl Perkins et Ringo StarrCarl Perkins (1932-1998), compatriote d’Elvis Presley (1935-1977), auteur de Blue Suede Shoes, est une autre influence majeure pour les Beatles, qui reprennent deux de ses compositions dans l’album Beatles For Sale. La première est chantée par Ringo Starr (il fallait bien lui trouver une petite place). La version ci-dessous, enregistrée à Londres en 1985, permet au créateur de retrouver son élève. Perkins et Ringo sont entourés, entre autres, de Dave Edmunds et de Lee Rocker, le contrebassiste des Stray Cats. « Every Little Thing » (Lennon-McCartney), par YesLes Beatles n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes : en utilisant une timbale dans l’arrangement de cette chanson pop qui s’arrête à deux doigts de la perfection, ils invitaient à la pompe. Cinq ans après les sessions de Beatles For Sale, un groupe qui se prenait très au sérieux, Yes, enregistre Every Little Thing et en fait une démonstration de virtuosité un peu vaine, au milieu de laquelle surnagent mélodie et lyrics gentiment sexistes (« toutes les petites choses qu’elle fait pour moi »). « I Don’t Want To Spoil The Party » (Lennon-McCartney), par Rosanne CashDe tous les albums des Beatles, For Sale est sans doute celui qui se réfère le plus souvent à la musique country, que ce soit dans les reprises, les compositions originales ou la propension à s’apitoyer sur soi-même. Double preuve avec I Don’t Want To Spoil The Party (je ne veux pas gâcher la fête par ma tristesse, je vais m’en aller, non, ne me retenez pas), son solo de guitare sautillant et cette reprise par l’héritière de la plus grande dynastie country, Rosanne, fille de Johnny Cash (1932-2003) et belle-fille de June Carter (1929-2003). « What You’re Doing » (Lennon-McCartney), par The Fantastic Dee-JaysSans doute la chanson la plus oubliable de l’album (mais pas au point que la mélodie sorte de votre tête après une écoute) est interprétée avec une fidélité furibonde par un trio de Pittsburgh qui, malgré son nom, n’annonce pas l’electro, mais se conforme, au contraire, au canon du rock de garage. « Everybody’s Trying To Be My Baby » (Carl Perkins), par Carl Perkins et George HarrisonExtraite du même concert que Honey Don’t, cette version du classique de Perkins est interprétée par l’auteur et George Harrison (1943-2001), qui s’en sort somme toute mieux que sur Beatles For Sale. Au temps des Beatles, la voix du tout jeune George avait besoin de beaucoup d’écho pour faire croire que tout le monde essayait d’être son bébé.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, son quatrième album bien moins sage.C'est peut-être la plus belle pochette du groupe. Quatre très jeunes gens à l'air las, baignés de lumière à Hyde Park. A l'automne 1964, les Beatles enregistrent leur quatrième album, le premier est sorti dix-huit mois plus tôt. Entre-temps, ils ont conquis les Etats-Unis, se sont produits sur quatre continents (pas d'Afrique pour les Fab Four) et ont tourné un film qui a fait d'eux des stars du box-office.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Beatles For Sale »Il est encore un peu tôt pour les proclamer « plus populaires que Jésus », mais c'est déjà vrai. N'empêche, quand la maison Parlophone convoque le groupe en vue d'un album pour les fêtes de fin d'année, il faut rappliquer. Après avoir rempli tout un 33 tours – A Hard Day's Night – de leurs compositions, les Beatles sont si fatigués qu'ils optent pour des reprises. Il y en aura six.Classiques de l'âge d'or du rock'n'rollMettons sur le compte du surmenage la présence de quelques titres faibles (What You're Doing, Mr. Moonlight) sur cet opus qui végète dans le bas des listes des beatlemaniaques. Pour autant, Beatles For Sale est un disque d'une extrême cohérence, la bande-son d'une sorte de puberté musicale qui voit le groupe de jeunes gens chastes soucieux de plaire à toute la famille se transformer en artistes décidés à bousculer l'ordre des choses.La séquence qui ouvre la première face – No Reply, I'm A Loser, Baby's In Black – est d'humeur morose : un garçon n'arrive pas à joindre sa bien-aimée au téléphone ; un autre se juge perdu pour la cause amoureuse ; un troisième s'attache à une fille marquée par le malheur.Le deuxième de ces titres a été écrit par John Lennon après sa rencontre avec Bob Dylan. Ce n'est pas la seule influence américaine. Plus loin, sur le disque, I Don't Want To Spoil The Party semble avoir été écrite pour l'émission « Grand Ole Opry » de Nashville.Enfin, on compte parmi les reprises deux versions quasi définitives de classiques de l'âge d'or du rock'n'roll : Rock And Roll Music, de Chuck Berry, emmené à un train d'enfer par Lennon et un medley Little Richard (Kansas City / Hey Hey Hey) hurlé par Paul McCartney qui ne retrouvera pas pareille intensité avant Helter Skelter sur l'album blanc.Des instants de défoulement pour quatre garçons qui voudraient bien ne plus être seulement des produits à vendre, et qui s'apprêtent à y parvenir.Thomas SotinelJournaliste au Monde Pauline Sauthier En commentant une peinture de Philip Guston exposée au Metropolitan Museum of Arts (MET), l'artiste conceptuel John Baldessari parle un peu de lui-même. « Des gens vont dire : mes enfants peuvent faire ça [...] Mais je pense que c'est extrêmement intelligent d'agir comme si l'art ne demandait aucun savoir faire. » C'est le principe de la websérie « The Artist Project », lancée fin mars par le MET : faire converser des artistes contemporains et des œuvres tirées de ses collections.On y voit, par exemple, le vidéaste et compositeur Cory Arcangel comparer un clavecin de la fin du XVIIe siècle à son travail sur les nouvelles technologies : « Mon but en tant qu'artiste, c'est de trouver des choses qui ne sont pas encore conservées et de déclarer que ce sont des œuvres d'art, de convaincre les gens que ce sont des œuvres d'art et ensuite, de les introduire discrètement dans un musée. »Pour la première saison de cette série, vingt vidéos d'environ trois minutes donnent la parole, outre à Cory Arcangel et à John Baldessari, à Nick Cave (le plasticien, pas le chanteur), Nina Katchadourian, Xu Bing, etc.Vaste projet numérique« Cette série en ligne rend visible ce que nous observons depuis longtemps au MET, explique Thomas P. Campbell, son directeur, c'est un lieu d'inspiration essentiel pour le travail des artistes, souvent d'une façon qu'on ne soupçonne pas. »Cette initiative s'inscrit dans un projet numérique plus vaste du musée qui propose, depuis 2000, une frise interactive présentant l'ensemble de ses collections. Sur la page Connections, des membres du personnel commentent ainsi les œuvres du musée ; 82e et cinquième renouvelle l'expérience avec des conservateurs. Quant à MetCollects et One Met. Many Worlds, ces projets proposent de découvrir les collections de façon ludique en s'intéressant, par exemple, à des détails ou des thématiques particulières.Les prochaines saisons de « The Artist Project » sont prévues pour le 22 juin, le 14 septembre, le 7 décembre 2015 puis le 29 février 2016.Pauline Sauthier Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Après avoir longtemps hésité, le gouvernement travaillait activement, jeudi 9 avril matin, à la mise en place d’une médiation à Radio France, selon nos informations. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, devait rencontrer le PDG Mathieu Gallet, jeudi dans la journée, pour en discuter des modalités. Car le contenu de cette « médiation », mais aussi les apparences, ont toute leur importance. De leur côté, les élus syndicaux de l’entreprise publique surveillaient le sujet alors qu’une nouvelle assemblée générale à 10 heures à la Maison de la radio a voté la reconduction de la grève jusqu’à vendredi.Cette mise en mouvement du gouvernement intervient au lendemain de l’échec d’un comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, suspendu après que les élus syndicaux ont déclaré que « les fils du dialogue et de la confiance sont rompus ». Interrogée dans la foulée à l’Assemblée nationale, Fleur Pellerin, avait déclaré que « très rapidement, [elle ferait] connaître les décisions qu’[elle prendrait] pour renouer le dialogue social ».Selon nos informations, une réunion s’est tenue mercredi soir au ministère de la culture avec les élus syndicaux de Radio France, pour discuter des conditions de cette médiation. La première mission du médiateur ou de la médiatrice – aucun nom n’a encore été évoqué – serait de résoudre le conflit social qui paralyse l’entreprise et ses antennes depuis le 19 mars. Des négociations marathon pourraient donc reprendre, dans l’espoir d’aboutir en quelques jours.Quel périmètre pour une intervention externe ?Mais sa mission pourrait ne pas se limiter à sortir les discussions de l’ornière. « La médiation devra aussi animer un dialogue social durable sur le projet stratégique de Radio France, pour que ce projet soit précisé en concertation avec les salariés », souhaite un élu. L’horizon pourrait dès lors être la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, actuellement en discussion entre l’entreprise et l’Etat.Dans cette hypothèse, la médiation aurait donc un périmètre large, consistant à éteindre l’incendie social, mais aussi à reformuler les ambitions de Radio France et à confirmer les pistes envisagées pour son retour à l’équilibre budgétaire. Les syndicats avaient officiellement demandé une intervention extérieure, mardi, dans une lettre ouverte à Fleur Pellerin.S’agit-il d’une aide pour la direction, ou d’une mise sous tutelle ? Auditionné, mercredi, à l’Assemblée nationale, Mathieu Gallet avait lui-même évoqué la possibilité d’« une intervention extérieure pour retisser le dialogue social ». Quelques minutes plus tard, le PDG précisait en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement – l’expression utilisée par les syndicats –, mais peut-être à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.Une approche voisine de celle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a appelé mercredi « à la mise en œuvre d’une procédure de résolution des conflits de nature à surmonter la situation de blocage qui se manifeste aujourd’hui ».La prudence reste de miseA quel degré d’interventionnisme politique la ministre situe-t-elle son action ? La direction de Radio France va scruter les détails. Les apparences ont leur importance : une médiation annoncée conjointement par Fleur Pellerin et Mathieu Gallet n’aurait pas le même sens qu’une communication du ministère qui semblerait un rappel à l’ordre de la direction de Radio France.De même, un médiateur qui, par un apport méthodologique, faciliterait les négociations autour des sujets sociaux du projet (plan de départs volontaires, réforme des modes de production…), serait différent d’une personnalité qui s’immiscerait dans le contenu de la négociation.Mais le gouvernement marche sur des œufs. Le ministère ne peut pas rester passif devant une situation de blocage d’une entreprise dont il a la tutelle, mais il ne veut surtout pas apparaître comme intervenant dans sa gestion. Cela l’obligerait à porter davantage, politiquement, le poids des probables suppressions de postes. Et cela offrirait un boulevard à l’opposition pour dénoncer une indépendance de l’audiovisuel public en trompe-l’œil et créer une pression politique forte au moment où le CSA doit désigner le nouveau PDG de France Télévisions, d’ici le 22 mai.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 08.04.2015 à 17h31 | Patrick Labesse Chanteur, auteur, compositeur, pianiste, tromboniste et bien plus encore (peintre, conférencier, bon vivant…), Juan Carlos Caceres est mort le dimanche de Pâques, le 5 avril, chez lui, à Périgny-sur-Yerres (Val-de-Marne), où il était alité depuis deux mois, souffrant d’une tumeur au cerveau. Le « maestro », comme l’appelaient affectueusement ses amis, avait 78 ans.Né à Buenos Aires, en septembre 1936, il vivait en France depuis 1968. Où le tango l’a attrapé. Avant cela, après une formation de pianiste classique et des études aux Beaux-Arts, il s’intéresse plutôt au jazz et à la peinture. Etudiant la journée, la nuit, il joue du piano et du trombone au sein des clubs de jazz qu’il ouvre successivement et anime avec une chaleureuse bonne humeur. Dizzy Gillespie, Juliette Gréco passeront par là. Hugo Pratt, aussi, « un ami de toujours, un sacré chanteur de blues ! », nous confiait, en 1995, Caceres, qui venait alors de sortir chez Celluloïd le deuxième album sous son nom, Sudacas. Deux ans après Solo, la première fois où il se risquait à chanter en studio, la voix rugueuse et chaleureuse (« Jusqu'alors, je me contentais de pousser un petit tango ou un boléro dans la cuisine, pour charmer les filles, à la fin d'une fête »).Un tango émancipé des codesA Paris, il enseigne l’histoire de l’art, accompagne Marie Laforêt, joue au sein des diverses formations dont il assure la direction, dont Gotan et Tangofon, y montrant un penchant très net pour un tango émancipé des codes et de ses habitudes. « J'ai mis vingt ans avant de pouvoir concrétiser mes projets musicaux. J'apparaissais en effet comme un iconoclaste. Je voulais faire jouer un bandonéon avec un saxophone et une batterie, revenir à la percussion originelle, laisser beaucoup de place à l'improvisation afin de retrouver un concept de musique vivante, improvisée, comme le jazz. Dans les années 1940, nous expliquait encore le chanteur, il y avait des musiciens qui, tout en utilisant les instruments traditionnels du tango, intégraient des percussions et faisaient une musique bâtarde, telle celle que je compose. »Pour Caceres, « la modernité se trouve toujours aux origines », se souvient le musicien argentin Eduardo Makaroff. Co-créateur du groupe Gotan Project et du projet Plaza Francia (l’associant avec Christophe Müller, ex Gotan Project également, à Catherine Ringer), Makaroff a créé le label discographique Mañana. Juan Carlos Caceres sera l’un des premiers artistes qu’il signera. Enregistré à Buenos Aires et Paris entre septembre 2003 et mai 2004, l’album Murga Argentina sort en 2005. Deux autres suivront, Utopia (2007) et Noches de Carnaval (2011). « Nous avions une amitié suivie et un rêve commun, créer un mouvement des musiciens argentins à Paris avec un manifeste, Los Muchachos de Paris – qu’il a rédigé – et faire tourner un camion dans les rues de Paris en jouant, raconte Makaroff. Cela n’a pas abouti, mais la conséquence de ce rêve a été le label Mañana ».Les racines africaines du tangoPour comprendre le tango, expliquait pendant ses concerts, Caceres, assis au piano, il faut prendre en compte « l'histoire reniée » de l'Argentine, sa part d' « africanité ». Il faut « rendre à l'Afrique sa place légitime dans la culture argentine ». La murga (musique de carnaval, rythmée par les tambours, « interdite pendant la dictature, parce que “subversive” »), le candombe, la milonga et le tango, ont leur part de négritude, martelait le musicien.Le réalisateur Dom Pedro a consacré un film, sorti en 2013, à la réaffirmation des racines africaines du tango, avec Juan Carlos Caceres comme personnage central, Tango Negro, les racines africaines du tango. Le film a été primé en mars au Fespaco (Festival panafricain de cinéma) à Ouagadougou (Burkina Faso). Le jour du décès de Caceres, Dom Pedro présentait son documentaire à l’Université Columbia à New York. « Le film, fait autour de lui et sur ses travaux, est là pour perpétuer sa mémoire et sa vision humaniste. Juan Carlos était pour moi un justicier, déclare au Monde, depuis Montréal, le réalisateur. Au-delà de toute mon admiration et de toute ma reconnaissance, mon ardent souhait est que son engagement serve d'exemple et que sa vision fasse des émules ».Un hommage lui sera rendu le samedi 18 avril à 18 heures au loft de la Bellevilloise, à Paris, avec la projection du film Tango Negro, suivie d’une milonga (bal tango).Juan Carlos Caceres en quelques dates4 septembre 1936 Naissance à Buenos Aires.Mai 1968 Arrivée à Paris.1993 Solo, premier album sous son nom (Celluloïd).2014 Gotan Swing, en quartet avec Didier Schmitt, Frédéric Truet, Guillermo Venturino (Rue Stendhal).5 avril 2015 Mort à Périgny-sur-Yerres (Val-de-Marne).Patrick LabesseJournaliste au Monde 08.04.2015 à 15h27 • Mis à jour le09.04.2015 à 07h33 | Alexandre Piquard et Alexis Delcambre Après vingt et un jours de grève, le dialogue n’a pas repris à Radio France entre la direction et les salariés. Le comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, organisé mercredi 8 avril, a été suspendu peu après son ouverture, et les salariés ont voté ensuite la poursuite de la grève jusqu’à jeudi.Lire aussi :A Radio France, les raisons d’une crise qui s’éterniseComité d’entreprise avortéCette réunion, lors de laquelle le PDG, Mathieu Gallet, devait formellement présenter son projet pour l’entreprise, s’est ouverte par une déclaration conjointe des élus CFDT, CGT, SNFORT, SUD et UNSA. Ils reprochent à Mathieu Gallet et à la direction d’avoir « parié sur le pourrissement du conflit ». « En réponse à cela, il y a la dignité du combat des salariés et les valeurs qu’ils portent. Cette détermination en dit long quant à leur attachement aux valeurs du service public », saluent les élus syndicaux. Concernant le projet présenté par Mathieu Gallet, « il est lourd de périls graves pour l’avenir de Radio France », souligne le communiqué. Déclaration Cce Extra Radio France 8.4.2015Suite à cette déclaration, plusieurs élus ont quitté la salle et le CCE a été suspendu, laissant la situation dans l’impasse. La direction a déploré cette suspension, « convaincue que la présentation du projet stratégique était de nature à éclairer les élus, et à travers eux les personnels, sur les choix stratégiques engageant l’avenir de Radio France ».La ministre intervient, le CSA veut une « résolution des conflits »Interrogée à l’Assemblée nationale sur cette impasse, mercredi après-midi, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé qu’elle « recevrait les parties prenantes très prochainement ».#RadioFrance - @FleurPellerin "Très rapidement, je ferai connaître les décisions que je prendrai pour renouer le dialogue social" #QAG— LCP (@LCPan) April 8, 2015De son côté, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), assez discret depuis le début du conflit, a publié un communiqué : il « appelle à la mise en œuvre d’une procédure de résolution des conflits de nature à surmonter la situation de blocage qui se manifeste aujourd’hui ». Un appel à la mise en place d’une « médiation », réclamée par les syndicats comme préalable à la levée de la grève. Plus tôt, Mathieu Gallet avait envisagé « une intervention extérieure pour retisser le dialogue social », en audition à la commission culturelle de l’Assemblée nationale. Toutefois, il a ensuite précisé en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement (l’expression utilisée par les syndicats) peut-être davantage à un recours à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.La « politique de la chaise vide » critiquéeMercredi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a dénoncé l’attitude des autres syndicats. « La tenue, ce mercredi, d’un comité central d’entreprise extraordinaire était l’occasion d’obtenir du PDG des précisions essentielles sur son projet de plan de départs volontaires, écrit le SNJ. (…) Mais à l’obtention de réponses, les syndicats grévistes ont préféré quitter la salle. La politique de la chaise vide, au risque de foncer dans le mur. »« Depuis le début, le SNJ n’est pas vraiment dans le mouvement de grève qui est mené par l’intersyndicale », relativise un journaliste syndiqué. Gréviste, celui-ci reconnaît que lors de l’assemblée générale de mercredi, il y a eu un débat sur l’opportunité d’assister ou non au CCE. « Plus largement, les gens sont partagés, explique ce journaliste qui s’est abstenu lors du vote, vendredi, de la motion de défiance contre Mathieu Gallet. La défiance envers le président de Radio France affaiblit-elle l’entreprise ou pousse-t-elle le gouvernement à enfin prendre la main en nommant un médiateur ? Avec un navire sans pilote, la situation serait-elle pire qu’aujourd’hui ? C’est une vraie ligne de fracture. Les gens sont un peu perdus. » Communiqué du SNJAlexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard C’est un Mathieu Gallet combatif qui s’est présenté, mercredi 8 avril, devant les députés de la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Hasard du calendrier, cette audition était prévue juste avant la présentation formelle du projet stratégique du président de Radio France devant le comité central d’entreprise (CCE).Invité par le président de cette commission, Patrick Bloche, à « fendre l’armure », M. Gallet a profité de l’occasion pour détailler ce projet, mais aussi s’exprimer plus largement sur la crise que traverse l’entreprise publique depuis trois semaines. Il a enlevé les lunettes qu’il portait pendant que les députés lui ont posé une trentaine de questions. Et quitté la moue perplexe qu’il affichait parfois pendant cette très longue série d’interpellations.Lire aussi :Radio France : un projet stratégique sans surpriseMathieu Gallet arrive à l'Assemblee nationale pic.twitter.com/PGmQQyPgkS— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Dans sa réponse, M. Gallet s’est animé et a réaffirmé ses « convictions » sur la réforme de Radio France, alors que l’audition était diffusée en direct devant l’assemblée générale des grévistes, à la Maison de la radio,#Radiofrance Gallet: "radio France est au bout de son modèle économique passé."— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015A #RadioFrance, les salariés en AG écoutent (quasi) religieusement l'audition de #Gallet à l'Assemblée pic.twitter.com/PqHZ1ibFHT— Rémi Banet (@RemiBanet) 8 Avril 2015Il a également opéré un mea culpa sur sa méthode et son style :#Radiofrance Gallet: "mon erreur a été d'intégrer très tôt les contraintes budgétaires"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015#Radiofrance Gallet: "on a peut être pas assez partagé le projet avec les salariés"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015#Radiofrance Gallet: évoque sa "personnalité": "oui je ne suis pas très expansif. Mais pas malpoli non plus. Le fond, ce n'est pas moi"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Sans oublier de pointer le rôle de l’Etat dans la situation budgétaire délicate de Radio France :#Radiofrance Gallet: "la redevance a augmenté depuis 2012, rien n'est allé à Radio France"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Il s’est posé en protecteur de l’entreprise, mise en cause la semaine dernière dans un sévère rapport de la Cour des comptes :"C'est pas la @Courdescomptes qui va faire la stratégie de @radiofrance " dit @mathieu_gallet #DirectAN— Alexis Delcambre (@alexisdelcambre) 8 Avril 2015#Radiofrance Gallet: "je ne porterai pas de plan de départs contraints à radio fŕance"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Alors que Le Canard enchaîné a de nouveau mis en cause M. Gallet, mercredi 8 avril, cette fois sur les conditions de sa nomination par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en 2014, le PDG a maintenu sa thèse d’une campagne orchestrée contre lui :#Radiofrance Gallet: "le canard canarde... Je veux bien avoir le dos large mais on me salit."— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Sur les affirmations de l’hebdomadaire liée à son passage à l’INA, Mathieu Gallet a affirmé qu’un des contrats (attribué à l'agence EuroRSCG) avait été signé avant son arrivée. « Le Canard devait avoir de bonnes sources pour ne pas vérifier », a-t-il ironisé. « Le Canard ajoute des contrats de conseil qui n’ont rien à voir. On a l’impression que j’ai dépensé un million d’euros de 'hair et makeup'... On a parfois besoin de consultants, de personnes extérieures dans une entreprise ! », a-t-il plaidé, défendant son bilan à l'INA.Alors que les syndicats réclament une « médiation » pour reprendre les négociations avec lui, Mathieu Gallet ne s’est pas montré fermé à cette idée :#Radiofrance Gallet: "peut être qu'on aura besoin d'une intervention extérieure pour retisser le dialogue social"— alexandre piquard (@apiquard) April 8, 2015Toutefois, après l’audition, il a précisé en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement, peut-être davantage à un recours à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.A la fin de l’audition, le plus dur restait toutefois à venir pour M. Gallet, qui devait rencontrer les syndicats à 14 heures lors d’un CCE extraordinaire :"Je ne lâcherai rien" conclut @mathieu_gallet qq minutes après que la @CGT_RadioFrance a publié un communiqué "Ne rien lâcher" #frontal— Alexis Delcambre (@alexisdelcambre) 8 Avril 2015Après sa prise de parole, Mathieu Gallet a été félicité par certains députés : « Sois comme tu es », lui a lancé l’UMP Michel Herbillon, estimant qu’il avait « enfin fendu l’armure ». « Il faut que je me fasse violence », a souri Mathieu Gallet, jouant de son personnage réputé peu expansif. « Il a joué cartes sur table », a estimé l’UMP Franck Riester, estimant que M. Gallet, « s’il se lâche comme cela avec les salariés », a des chances de « reprendre la main ».Las, la députée PS de Paris Annick Lepetit a été elle plus déçue : « Il n’a rien dit... ». « On le sent blessé et il a répondu sur le fait que son ’moi’ était inattaquable. Mais l’important, ce sont ses actions », a regretté le député Michel Françaix, qui siège au conseil d’administration de Radio France. Ce dernier a souligné que l’Etat avait consenti un effort financier en promettant une dotation (de 80 millions d’euros selon lui). Ne resterait donc plus qu’à aider M. Gallet pour le dialogue social, pense le député, selon lequel il semble difficile d’éviter le recours à un intermédiaire extérieur.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Au vingt et unième jour de grève à Radio France, mercredi 8 avril, la situation restait profondément enlisée. Certes, la direction se félicitait d’un nombre de grévistes déclarés moins important – 193 mardi 7 avril, contre 334 jeudi 2 avril, et 482 vendredi 3 avril –, mais ces chiffres sont peu signifiants, compte tenu du système de grève « tournante » mis en place par les syndicats. Le président de l’entreprise publique, Mathieu Gallet, devait présenter au comité central d’entreprise, mercredi 8 avril, la dernière version de son projet stratégique, fruit de ses échanges avec le gouvernement, que Le Monde s’est procuré. Mais la réunion a tourné court rapidement, s’ouvrant sur une déclaration conjointe des élus CFDT, CGT, SNFORT, SUD et Unsa estimant le projet de la direction « lourd de périls graves pour l'avenir de Radio France ».Quatre éléments expliquent cette impossible reprise de dialogue entre salariés et direction. Le premier est lié à l’épuisement des négociations dans un conflit qui a démarré le 19 mars. Samedi 4 avril, les échanges pour intégrer l’arbitrage gouvernemental favorable au maintien des deux orchestres, qui étaient menacés de fusion, ont certes repris, mais sans avancées notables.Autre point de blocage, la radicalisation d’une partie des grévistes. Mardi 7 avril, plusieurs voix ont appelé à rompre complètement les négociations ou encore à multiplier les motions de défiance contre les 198 cadres de direction, qui concentrent une partie du ressentiment. Dans ce contexte ressurgit l’épineuse question de la « médiation », et ce alors que M. Gallet doit faire face à une motion de défiance votée le 3 avril. Enfin, l’absence du Conseil supérieur de l’audiovisuel – qui a choisi à l’unanimité le nouveau président de Radio France il y a un an – est aujourd’hui montrée du doigt.L’épuisement des négociationsC’est un fait : les négociations sociales sont à l’arrêt depuis au moins neuf jours. Le 30 mars, la direction a proposé un protocole d’accord qui a été refusé. Samedi 6 avril, les échanges ont repris, pour intégrer l’arbitrage gouvernemental favorable au maintien des deux orchestres, qui étaient menacés de fusion. Mais il n’y a pas eu d’avancée sur les trois autres revendications des syndicats (abandon des réformes du service propreté et moyens pour l’accueil et la sécurité ; abandon de la réforme des modes de production ; maintien des effectifs et rejet des mutualisations de programmes sur France Bleu).La direction semble ne plus avoir aucune marge de manœuvre. S’engager sur les revendications des grévistes reviendrait à rendre presque impossible le rétablissement de l’équilibre budgétaire, que l’Etat demande pour 2017. Les syndicats eux n’entendent pas céder face à une direction affaiblie et à un Etat hésitant. Le système de grève « tournante » permet de durer, malgré l’irritation grandissante d’une partie des salariés de la maison, notamment les journalistes, et de certains auditeurs.Reste que la ligne syndicale est parfois contradictoire. Ainsi, les syndicats sont partagés entre le refus de négocier davantage avec la direction – illustré par la motion de défiance votée, vendredi, contre Mathieu Gallet – et le fait de continuer à se rendre aux réunions pour en retirer « tout ce qu’on pourra obtenir ». Les points de compromis possibles ne font pas l’objet d’échanges lors des assemblées générales, comme si la seule ligne était de faire céder la direction.La radicalisation d’une partie des troupes Les assemblées générales qui rythment le quotidien de la Maison de la radio donnent des signes de durcissement. Mardi, plusieurs voix ont appelé à rompre complètement les négociations ou encore à multiplier les motions de défiance contre les 198 cadres de direction, qui concentrent une partie du ressentiment. Un courant que les délégués syndicaux ont peiné à contenir. « C’est 1793 ! », s’est exclamé l’un d’eux.La force du mouvement est en même temps sa faiblesse : tous les corps de métiers y participent, mais cela donne parfois l’image d’une mobilisation « attrape-tout », avec des desiderata pouvant évoquer des inventaires à la Prévert, mêlant éléments très concrets et grandes idées, comme cet appel entendu mardi à la mise en place d’une « démocratie participative » dans l’entreprise. « La question est désormais : les organisations syndicales tiennent-elles la base ? » se demande un journaliste.Depuis plusieurs jours, les « AG » accueillent aussi des militants extérieurs : syndicalistes de France Télévisions ou de l’INA, représentants de la Coordination des intermittents et précaires, et même personnel venu de… Carrefour Market. La perspective de la journée d’action interprofessionnelle du jeudi 9 avril, à laquelle les syndicats appellent contre l’« austérité », est manifestement présente à l’agenda de certains, qui espèrent surfer sur la grève à Radio France pour mobiliser plus largement.L’épineuse question de la « médiation »Depuis le vote d’une motion de défiance contre Mathieu Gallet, jugé « discrédité », vendredi 3 avril, les syndicats ont ajouté une nouvelle revendication : la mise en place d’une « médiation ». « Vous êtes, Madame la ministre, notre médiateur naturel, ont-ils écrit, mardi, à Fleur Pellerin. (…) Nous vous demandons d’intervenir en tant que médiatrice, dans une situation où vous avez commencé à vous engager. » Le secrétaire national de la CGT, Philippe Martinez, a réclamé mardi le départ du PDG. « On est arrivé à un point de non-retour », a-t-il estimé. Et mercredi, lors du comité central d’entreprise, les syndicats devaient réitérer leur « refus du projet » et leur « défiance » envers leurs interlocuteurs.Mais pour le gouvernement, la mise en place d’une telle médiation l’amènerait à endosser la responsabilité des négociations, dans un cadre très contraint où les marges de manœuvre sont réduites. Et donc leur éventuel échec. Et serait inévitablement exploitée politiquement, illustrant une forme d’échec de l’indépendance des entreprises de l’audiovisuel public à l’heure où le nouveau président de France Télévisions doit être désigné par le CSA, avant la fin mai.L’absence du CSALe Conseil supérieur de l’audiovisuel a nommé Mathieu Gallet en février 2014, mais il rappelle qu’il n’a pas le pouvoir de tutelle sur Radio France. Il peut toutefois mettre fin au mandat du PDG, « par décision motivée », après une audition. Les grévistes de Radio France ont apporté, mardi, leur motion de défiance au CSA, un geste symbolique.Le partage du pouvoir entre l’Etat et le CSA est une des sources du problème, martèle aujourd’hui la droite : « Ce vernis d’indépendance n’est qu’un affichage qui pousse la tutelle à se défiler face à ses responsabilités », a ainsi lancé le député (UMP) Christian Kert au président du CSA, auditionné mardi 7 avril à l’Assemblée nationale.En réponse, Olivier Schrameck a estimé que cette répartition des pouvoirs suivait « une distinction assez claire » : « Le CSA nomme et veille au respect du cahier des charges et de l’exigence sur les programmes, tandis que l’exécutif exerce la tutelle et le suivi économique. »Depuis le début, le CSA – épinglé par Le Canard enchaîné, mercredi, sur les conditions de la nomination de M. Gallet –, a gardé ses distances avec les difficultés du PDG, auquel il a renouvelé sa confiance le 25 mars. Mardi, M. Schrameck a assuré se tenir « étroitement informé » et rester « très sensible » aux préoccupations des salariés et des auditeurs. Tout en refusant « d’outrepasser son rôle ».Lire aussi :En France et à l’étranger, des orchestres en panne de financementsAlexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brigitte Salino Si la nouvelle est confirmée, c'est une révolution. Chris Dercon, le directeur de la Tate Modern de Londres, pourrait succéder à Frank Castorf à la Volksbühne de Berlin. La rumeur, qui court depuis plusieurs semaines, prend chaque jour plus d'ampleur dans les journaux allemands, où elle suscite une très forte polémique. Tout a commencé mi-mars, quand le Sénat de Berlin a annoncé qu’il ne renouvellerait pas le mandat de Frank Castorf, à son arrivée à terme, en 2016, mais qu’il le prolongerait seulement d’un an, jusqu’en 2017.Cette décision annonce la fin d’une époque : Frank Castorf dirige la Volksbühne depuis vingt-trois ans. De ce théâtre situé à Mitte, dans l’ex-partie est de Berlin où il est né, en 1951, le metteur en scène a fait la scène la plus vivante, la plus novatrice et la plus polémique des années 1990. Avec le temps, cet esprit s’est un peu émoussé, mais la Volksbühne reste une des salles-phares de la capitale allemande.En 2014, ce théâtre construit pour les travailleurs a fêté ses cent ans. A cette occasion, Chris Dercon est venu, avec Tim Renner, le nouveau secrétaire aux affaires culturelles de Berlin. Né en 1964, cet ancien directeur d’Universal Music en Allemagne entend donner un nouveau souffle à la culture. Chris Dercon, lui, dirige la Tate Modern de Londres depuis 2011. Flamand, né en 1958, il a été en particulier directeur artistique du MoMA, et commissaire de nombreuses expositions, avant de rejoindre un des plus grands musées d’art contemporain du monde.« La plus grosse erreur de casting de la décennie »Quand la rumeur de son arrivée à Berlin a commencé à circuler, Le Monde l’a contacté, par courriel (le 19 mars). Chris Dercon a alors répondu : « J’ai une énorme admiration pour la Volksbühne (…). Comme vous le savez, je tiens beaucoup à inviter le théâtre et la danse au musée, donc à la Tate Modern. J’espére qu’un jour la Volksbühne – peut-être une pièce de Pollesch qui raconte les exigences du marché de l’art ? – viendra à Londres. »Serait-ce une pirouette, due à la nécessité de se taire, tant que les tractations n’ont pas abouti ? A Berlin, la question de fait guère de doute. Elle suscite une levée de bouclier dans le milieu du théâtre, et de la culture. Claus Peymann (77 ans), le directeur du Berliner Ensemble, qui lui aussi va quitter son poste, en 2017, a envoyé une lettre au maire social-démocrate de Berlin, Michael Müller, pour dénoncer « la plus grosse erreur de casting de la décennie » que représente Tim Renner, jugé plus apte à organiser des événements qu’à mettre en place une véritable politique culturelle.Frank Castorf va dans le même sens que Claus Peymann. Il reproche à Tim Renner son « manque de professionnalisme » et sa méconnaissance du théâtre, qui joue un rôle de premier plan à Berlin. L’opposition entre les deux « rois » du théâtre et Tim Renner témoigne d’un choc des cultures et des générations, doublé d’une question financière : l’argent manque à Berlin, depuis la réunification. De ce point de vue, Tim Renner a beau jeu : dotée de 17 millions d’euros, la Volksbühne est l’un des théâtres les plus subventionnés de Berlin, mais sa fréquentation est en baisse.Quoi qu’il en soit, un débat est engagé, qui porte sur un point essentiel. Si Chris Dercon, quels que soient ses qualités et son goût pour le théâtre, succédait à Frank Castorf, on entrerait dans une nouvelle ère : ce ne serait plus un metteur en scène ou un intendant (directeur artistique), comme cela se pratique en Allemagne, qui dirigeraient un théâtre, mais un curateur. Dans un contexte où les frontières entre l’art contemporain et les arts de la scène sont de plus en plus floues (des artistes comme Romeo Castellucci en témoignent), la question risque de se poser de plus en plus souvent. Et pas seulement à Berlin. En ce sens, l’affaire Castorf-Dercon fait figure de laboratoire dans l’Europe d’aujourd’hui.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux (Aix-en-Provence, envoyée spéciale) Il joue un Stradivarius de 1727, le sublime « Kreutzer » qui a appartenu au célèbre virtuose autrichien, mais il pourrait jouer n’importe quel morceau de bois et en tirer des miracles : dimanche 5 avril, au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, Maxim « Maximus » Vengerov (40 ans) a prouvé qu’il est de nouveau le « meilleur violoniste du monde ». Soit un musicien au-dessus des limites techniques, capable d’interpréter avec finesse, rigueur, extravagance, amour du risque, et une forme supérieure d’inspiration, des œuvres aussi variées que la très concentrée Sonate en mi mineur op.82, d’Elgar et plus encore la complexe et séduisante Sonate n°1 en fa mineur op.80, de Prokofiev, un compositeur qui valut en 1995 à Vengerov de survoler la discographie concertante.Un musicien sobre donc. Mais aussi capable de tenir l’alcool que distille tout show violonistique, sautant de Danse hongroise (de Brahms, n°2 et n°1) en Danse slave (la n°2 de Dvorak), enfilant les perles staccato virtuoses ou legato sentimentales de Wieniawsky (Légende op.17), Kreisler (Schön Rosmarin, Liebesfreud), Paganini (le vertigineux Caprice n°24 en la mineur, piloté à la vitesse d’un Rafale), sans parler d’Ysaÿe – la magistrale « Ballade » de la Sonate n°3, l’étonnant Caprice d’après l’Etude en forme de valse de Saint-Saëns.Premier concert à cinq ansVengerov a commencé le violon à l’âge où ses petits camarades faisaient leurs premières boules de neige à Novossibirsk (Sibérie), où il est né le 20 août 1974. Il a enfilé, dès son premier concert à 5 ans, avec la même aisance fiévreuse gammes, doubles cordes, prix internationaux et une carrière propulsée d’emblée au plus haut niveau. Avec un archet « de psychopathe », comme diraient les élèves du Conservatoire de Paris venus l’écouter dans le Concerto de Tchaïkovski le 20 mars à la Philharmonie de Paris devant une salle vidée par les grèves de Radio France.A 20 ans, le Russo-Israélien, pourtant talonné par son compatriote Vadim Repin ou l’Américain Gil Shaham, semble indéboulonnable. Et puis, c’est l’irrésistible montée trop près du soleil. Le style se relâche, le violoniste devient brouillon. Les années 2000 seront mauvaises conseillères. Vengerov s’essaye piètrement au violon baroque, puis à la direction d’orchestre. On se souvient d’un concert calamiteux en 2002 à Paris au Théâtre du Châtelet, où Vengerov l’omnipotent tient le violon, l’alto (dans la Symphonie concertante, de Mozart, dont il fait une anthologie des mauvais goûts réunis), et surtout la baguette, matador histrionique cumulant les pitreries d’un chef d’orchestre de caricature.Il casse régulièrement les cordesTout le monde attend désormais le crash. Il arrive en 2007. Le musicien démiurge a-t-il voulu en finir avec ce violon dont il casse régulièrement les cordes en concert, fait éclater les crins de l’archet ? Vengerov s’est mis à la musculation. Il se fait une lésion à l’épaule et perd le contrôle de sa main droite. Fini l’archet. Il sera donc chef d’orchestre comme dans son rêve d’enfant, annonce-t-il, le 30 octobre 2009. Les médecins mettront de longs mois à identifier le problème : il est opéré en 2010. Quatre ans ont donc passé lorsqu’il revient, archet en main, au Palais des beaux-arts de Bruxelles le 2 mai 2011.Le musicien a mûri : la peur de perdre ce qui avait jusqu’alors conduit sa vie. Il a dû réapprendre à jouer, réapprendre à aimer, trouver d’autres voies, d’autres visions. Le résultat est stupéfiant. Ce 5 avril, nous avons entendu un très grand violoniste doublé d’un très grand musicien.Festival de Pâques à Aix-en-Provence (13). Jusqu’au 12 avril. Tél. : 08-20-13-20-13. festivalpaques.comMarie-Aude Roux (Aix-en-Provence, envoyée spéciale)Journaliste au Monde 06.04.2015 à 09h49 • Mis à jour le06.04.2015 à 12h25 Fleur Pellerin : "L'emploi ne peut pas être la... par franceinterInvitée de France inter, qui avait momentanément retrouvé ses programmes habituels lundi matin, la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, a appelé lundi 6 avril à « trouver une issue rapide au conflit » à Radio France. L’entreprise publique entame son dix-neuvième jour de grève, la plus longue de son histoire. Les négociations entre la direction de Radio France et les syndicats se sont soldées par un échec, samedi 4 avril au soir.Alors que les syndicats réclament au gouvernement un médiateur, la ministre de la culture a toutefois rappelé, sur France inter, que « le rôle de l’Etat n’est pas de gérer l’entreprise » mais de « définir des lignes rouges ». Elle a donc renvoyé au « président de Radio France [Mathieu Gallet] la responsabilité de définir un projet d’entreprise ». « Quand on écoute France Inter, on n’écoute pas RTL »La ministre, qui l’avait déjà demandé dans une lettre de cadrage à M. Gallet, samedi, a rappelé qu’il devait « donner les moyens [à Radio France] de retourner à l’équilibre » tout en soulignant que « ce qui importait surtout, c’est la vision du service public qu’il y a derrière » ce projet. « Quand on écoute France Inter, on n’écoute pas RTL », a-t-elle lancé, s’empressant d’ajouter que « malgré tout le respect que j’ai pour RTL ou pour Europe 1, il y a une mission spécifique de décryptage de l’information. »Lire aussi : Crise à Radio France : Mathieu Gallet dos au murEt de rappeler que M. Gallet doit présenter son plan stratégique, mercredi 8 avril, lors d’un comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire. Outre le maintien des orchestres de Radio France, ce plan abandonnerait toute référence à un audit externe qui cristallisait la colère des personnels grévistes. Il devrait toutefois maintenir plusieurs mesures d’économies qui visent à redresser les comptes, en déficit de 21,3 millions d’euros cette année. Parmi elles, un plan de 300 à 380 départs volontaires, en priorité pour les seniors, avec 50 créations de postes dans des métiers qui jusqu’ici n’existaient pas à Radio France, a-t-on précisé de source proche du dossier. Des réductions d’effectifs d’avance rejetées par les syndicats.Se définissant comme « la gardienne des finances publiques », Fleur Pellerin a expliqué que « le statu quo n’était pas tenable ». Elle a toutefois rejeté « une approche uniquement comptable ». Ce « chantier de modernisation sociale » doit aussi viser à rétablir « l’équité entre salariés » et « limiter les salaires les plus élevés », selon elle. Pour la ministre, « on peut essayer de s’organiser avec moins de moyens » même si « l’emploi ne peut pas être la seule variable d’ajustement à Radio France ».Il n’est pas sûr que cela calme les représentants syndicaux qui ce week-end déjà estimaient que la grève pourrait se poursuivre au moins jusqu’en fin de semaine. « Avec le plan de départs, je ne vois pas comment éviter le durcissement », jugeait l’un d’entre eux.  Florence Evin L’organisation Etat islamique (EI) a mis en ligne, samedi 4 avril, une vidéo montrant ses soldats djihadistes à l’œuvre dans la destruction de la cité antique d’Hatra (1er siècle av. J.-C. – 1er siècle ap. J.-C.), en Irak, pays dont les frontières actuelles correspondent à celles de l’ancienne Mésopotamie. Cette vidéo de plus de sept minutes porte le titre : « Gouvernorat de Dijlah » (le Tigre, en arabe, fleuve qui baigne la région). Elle est signée : « Bureau de communication de l’Etat Islamique ; année 1436 [de l’Hégire, soit 2015, selon notre calendrier]. »La vidéo a-t-elle été tournée lors de la destruction annoncée d’Hatra, le samedi 7 mars à l’aube, alors que des habitants du voisinage signalaient une puissante explosion sur le site ? Ou bien après les faits eux-mêmes, comme ce fut le cas lors de la diffusion le 26 février du saccage du musée de Mossoul, qui aurait eu lieu fin janvier ? Rien ne permet de le dire.Cité arabe de l’empire parthe, Hatra était un ancien carrefour caravanier prospère sur les routes de la soie et des épices. Ses grands temples étaient debout, et avaient été restaurés. Premier site irakien inscrit en 1985 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, cette ville était exceptionnelle à plusieurs titres : par son ampleur (324 hectares) ; par la hauteur de ses monuments (plus de quinze mètres pour le sanctuaire à double colonnade et fronton dédié à Shamash, le dieu Soleil) ; par la qualité de ses décors sculptés ; et par son état de conservation.Lire aussi :En Irak, la cité parthe de Hatra détruite par les djihadistesUne vidéo professionnelleTechniquement très professionnelle, avec photo aérienne en ouverture, gros plans sur les saccages, à la masse et à la pioche, des statues et hauts-reliefs de cette ville monumentale en pierre de taille, cette vidéo est ponctuée de longues déclarations par les terroristes posant face à la caméra.Turban noir, barbe fournie, sac à dos et gilet de combat, le premier s’exprime en arabe, kalachnikov en mains, pour rappeler la victoire totale de Mahomet :« Après sa conquête de la Mecque, son premier acte a été de détruire les idoles. Je jure par le Dieu tout puissant qu’on va suivre son exemple. On attaque El Hadr [Hatra] pour appliquer la législation de Dieu. Dieu ne pardonne pas à ceux qui adorent un autre que lui. Nous suivons l’exemple de notre père Abraham et celui du prophète Mahomet. Merci à Dieu de nous avoir donné force et puissance et d’avoir permis aux soldats de l’EI d’éradiquer toutes traces des mécréants et athées, et d’appliquer la charia, la législation de Dieu. »Et se moquant de l’organisation mécréante (l’Unesco) qui a qualifié la destruction de pièces archéologiques de « crime de guerre », un autre soldat ajoute : « Nous sommes là pour les détruire, on va détruire toutes les pièces archéologiques, vos sites, vos idoles, votre patrimoine, où que ce soit, et l’EI va gouverner vos pays, règnera sur vos terres. » Des déclarations entrecoupées de scènes de massacre, qui sont minutieusement mises en scène. Quand les figures sont trop hautes pour être atteintes à la masse, les terroristes font des cartons à la kalachnikov, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pièces.Lire : l'Unesco dénonce la « destruction » par l'EI de la cité antique de HatraLes protagonistes ne seraient pas irakiensLes guerriers fanatiques qui se disent « envoyés par l’EI » et se mettent ainsi en scène ne seraient pas irakiens. Si l’on en juge par leur accent, « ils ne sont pas de la région, précise Fareed Yassen, ambassadeur d’Irak en France. L’un des deux premiers à s’exprimer est visiblement africain et l’autre du sous-continent indien. Le troisième avec sa manière de prononcer les “t” serait plutôt maghrébin. La production cinématographique est de toute première force, de gros fichiers dont on doit pouvoir tracer l’origine. »En louant « Allahou Akbar » (« Akbar », dieu le plus grand), l’EI montre sa volonté de faire disparaître toutes marques de polythéisme et prône un retour au VIIe siècle de Mahomet, au sens littéral. Sans toutefois renoncer aux outils les plus performants du XXIe siècle pour servir sa propagande sur la scène médiatique mondiale, dont il maîtrise parfaitement le fonctionnement.Lire aussi : Les djihadistes saccagent Nimroud et La carte des sites de la Mésopotamie antique en périlFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles, comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs, ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée sous une tente.Quand le fantasme inavouable vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, de son rouge à lèvres à ses draps, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, dans ses mélodrames, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. » La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.04.2015 à 09h25 • Mis à jour le06.04.2015 à 10h35 | Joël Morio Loft Story » alias « Big Brother », c’est lui. « Fear Factor », encore lui. « The Voice », toujours lui. Depuis plus de vingt ans, John De Mol est le pape de la télé-réalité et du divertissement. Ses programmes sont vendus à travers le monde. Quinze ans après avoir cédé Endemol, sa société qui produisit « Big Brother », il vient de réaliser un nouveau coup en vendant Talpa, productrice de « The Voice », au groupe audiovisuel britannique ITV. Cependant, à 59 ans, le Néerlandais à l’allure de play-boy ne semble pas prêt à prendre sa retraite.Qu’est-ce qui vous a amené à vendre Talpa à ITV ?Leur stratégie est identique à la nôtre. Ils ont commencé par être un diffuseur, puis ont compris que, pour créer de la valeur sur le long terme, il faut miser sur les contenus. Ce que je fais depuis trente ans. Endemol est un beau livre que j’ai déjà lu. Il y a deux ans, nous avons eu des contacts avec Shine, avec qui nous avons des liens particuliers. Mais nous n’avons pas trouvé d’accord.Allez-vous vous servir d’ITV pour tester outre-Manche des programmes, comme vous le faites en Hollande ?Non : les Pays-Bas sont parfaits pour cela. La petite taille du marché rend moins dangereuse la mise à l’antenne de nouveaux programmes. Alors qu’au Royaume-Uni les diffuseurs sont très allergiques à la prise de risque. Mais ils seront plus ouverts aux formats proposés par Talpa.Quel va être exactement votre rôle ?Exactement le même, sauf que je n’aurai plus à assumer certaines responsabilités qui me prenaient énormément de temps. Je peux désormais me concentrer sur les tâches que j’aime : créer de nouvelles idées de programme avec mes équipes, tourner des pilotes, conduire une production, visiter les pays où une nouvelle émission de Talpa est lancée afin d’être certain que les choses vont dans la bonne direction. Je pense que les prochaines années seront passionnantes pour moi.Votre programme le plus vendu à ­travers le monde est « The Voice ». Comment expliquez-vous son succès ?« The Voice » est arrivé au bon moment, dix ans après le lancement d’« American Idol » [« Nouvelle Star » en France] ou de « X Factor », qui ont été de grands succès, mais notre approche était totalement différente. Eux utilisaient des personnes qui pensaient avoir du talent pour faire un spectacle. Nous, nous avons fait un télécrochet où les gens sont réellement talentueux. Nous sommes parvenus à surmonter la réticence de la scène musicale envers ce type d’émission en recrutant en son sein quatre coachs respectés. Nous avons aussi donné la possibilité aux candidats de choisir leur mentor. Cette combinaison a plu.En France, le programme en est à sa ­quatrième saison. Comment le faites-vous évoluer ?Par petites touches. Il ne faut pas changer pour changer. On doit faire attention à ce que chaque évolution soit un progrès par rapport à la version précédente. Les producteurs pensent souvent trop tôt que c’est ennuyeux, car ils travaillent tous les jours sur le programme. Des émissions comme « The Voice » ont dix ans de succès devant elles, car les téléspectateurs aiment voir des choses auxquelles ils s’attendent.Le cycle de vie de ce type de programme ne s’est-il pas accéléré ?Non. Certes, cela va plus vite qu’il y a trente ans, mais moins qu’il y a dix ans. Plus les gens disposent de chaînes et de programmes, plus ils aiment les émissions qu’ils connaissent déjà.Ce qui rend plus difficile la création de nouveaux formats ?En effet, mais, pour nous, cela reste simple. Talpa a été créée afin d’imaginer de nouveaux concepts. Le cœur de l’entreprise est notre équipe créative qui compte 27 membres. Ce n’est que lorsque nous sommes absolument certains qu’une idée est bonne que nous commençons à la produire.Comment le savez-vous ?On ne le sait pas toujours. C’est l’expérience, mais c’est aussi parfois un pari. Ce que j’ai appris depuis que je fais de la télévision, c’est qu’il ne faut pas redouter de faire un flop. Quand on commence à avoir peur, on devient craintif et on passe souvent à côté de quelque chose qui aurait pu être un succès.Comment faites-vous avec des ­diffuseurs qui se montrent de plus en plus prudents ?C’est la force de notre modèle que de tester nos programmes aux Pays-Bas. Nous n’allons pas voir TF1 avec une feuille de papier, mais avec un DVD et des audiences. Ils savent ce qu’ils achètent. Ils prennent moins de risque qu’en partant de rien.Un concept qui a fonctionné en ­Hollande peut parfois être un échec ailleurs. Cela a été le cas avec « Utopia », émission de télé-réalité où 15 candidats, presque coupés du monde, doivent ­imaginer des règles pour survivre. Comment l’expliquez-vous ?C’est un des programmes les plus difficiles à faire. D’abord, c’est un feuilleton que vous devez absolument présenter quotidiennement. Ensuite, il n’y a pas de règles, pas de structure. Nous le voyons en Allemagne, où le programme a connu un excellent départ, mais où nous avons rencontré ensuite des difficultés pour monter l’histoire. Pour que ce programme marche, il faut avoir le cran de laisser les candidats faire ce qu’ils veulent. Beaucoup de diffuseurs sont affolés par tout ce qui pourrait arriver. En Turquie, « Utopia » fonctionne plutôt bien. Il va commencer en Chine. Au total, il a déjà été vendu dans sept pays.Et en France ?Nous sommes toujours en discussion.Comment expliquez-vous que cela soit plus difficile qu’il y a vingt ans, lorsque vous avez distribué « Big Brother » à travers le monde ?Ce sont deux programmes totalement différents. « Big Brother » était limité dans le temps, avec des règles, c’est plus facile à produire. Avec « Utopia », on donne à 15 personnes la possibilité de faire tout ce qu’elles veulent.N’y a-t-il pas un début de rejet pour ce type de programmes ?Je ne vois pas sur quels arguments vous vous basez pour dire cela. C’est une question de génération. Ceux qui voient la télé-réalité comme le diable sont âgés. Il y a soixante ans, les gens présentaient Elvis Presley comme le fils du diable. Les jeunes l’aimaient, les vieux le détestaient. Rien n’a changé. Il y aura toujours des différences entre les nouvelles et les anciennes générations. C’est aussi simple que cela.La télé-réalité ne va-t-elle pas trop loin ?Je ne comprends pas ce débat. Il y a des gens qui n’aiment pas McDonald’s et d’autres qui adorent. Vous avez des gens qui sont fans de musique classique et d’autres qui ne l’apprécient pas. C’est juste une question de goût. En plus, la télévision est la chose la plus démocratique qui soit. Vous n’aimez pas, vous zappez.La mort de 10 personnes sur le tournage de « Dropped » en Argentine a suscité beaucoup d’émotion et de controverses en France. Qu’en pensez-vous ?Cela n’a rien à voir avec la télé-réalité. C’est ridicule de vouloir la relier à cet accident et dire qu’elle est dangereuse.Après avoir produit un nombre incal­culable de jeux et de shows, avez-vous ­envie de vous orienter vers la fiction ?Nous le faisons déjà aux Pays-Bas. Nous venons de remporter un immense succès avec un film que nous avons produit. Nous fabriquons aussi des comédies pour la télévision néerlandaise. Nous avons la même philosophie que pour les autres programmes : les tester ici et les distribuer ensuite ailleurs. Mais exporter des fictions est plus difficile. Nous avons déjà vendu « Jardins secrets » en France. Notre série « Divorced » a été achetée dans plusieurs pays et nous sommes en négociations avec M6 pour une adaptation.Avec la multiplication des écrans, la télévision est-elle menacée ?Le futur de la télévision n’est pas aussi mauvais que certains l’annoncent. La technologie permet aujourd’hui de faire beaucoup plus de choses avec une tablette qu’avec un téléviseur, mais elle permet cependant d’interagir avec lui. Nous avons, à Talpa, un département qui travaille sur ces sujets. Nous faisons en sorte que les nouvelles technologies puissent être intégrées dans le processus de création de nos nouvelles émissions.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre Sortir de la crise sociale, rétablir l’équilibre des comptes et formuler une ambition renouvelée pour Radio France : tels sont les messages que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a adressés à Mathieu Gallet, PDG de l’entreprise publique, vendredi 3 avril, dans une lettre que Le Monde s’est procurée. Dans un entretien à l’AFP, Mme Pellerin a par ailleurs estimé que M.Gallet avait « toutes les cartes en main pour sortir du conflit » et qui lui fallait « rétablir le dialogue social » au plus vite au sein de la Maison ronde. L’option d’une médiation n’est pas envisagée à ce stade, fait-on ainsi savoir rue de Valois.Suite à cette lettre, le PDG de Radio France a annoncé la tenue samedi à 14 heures d’« une nouvelle réunion de négociations pour trouver une issue au conflit social et partager au plus vite le projet stratégique avec les collaborateurs de Radio France et leurs représentants ». Samedi matin, les syndicats n’avaient toujours pas dit s’ils se rendraient à cette réunion.Cette prise de parole gouvernementale était très attendue, alors que Radio France s’apprêtait à vivre un troisième week-end consécutif de grève, en réaction aux difficultés financières de l’entreprise – déficitaire de 21 millions d’euros en 2015 – et à la rupture du dialogue social entre le personnel et M. Gallet, par ailleurs mis en cause pour ses dépenses.Lire : Radio France : vote d’une motion de défiance contre Mathieu GalletL’urgence est de faire face à une fonte de la trésorerie, consumée notamment par le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, dont les coûts ont dérivé. Pour cela, la ministre annonce « une dotation en capital liée aux surcoûts du chantier », qui n’est pas chiffrée à ce stade. En clair, l’Etat va apporter une subvention exceptionnelle qui aidera l’entreprise à faire face à ses dépenses les plus urgentes. En complément, « les différentes options possibles pour la finalisation de ce chantier » seront étudiées. Dans un entretien au Parisien samedi 4 avril, M. Gallet se dit satisfait de ces annonces qui sont « des signes de confiance pour l’entreprise » et confirme, parmi les économies envisagées, la suppression des ondes moyennes et longues (soit 14 millions d’euros par an).Le gouvernement assume l’objectif d’un retour à l’équilibre d’exploitation dès 2017 – alors qu’une option plus douce, à horizon 2019, était aussi envisagée. Mis en cause pour ses revirements, l’Etat rappelle son engagement à « stabiliser la ressource publique » affectée à l’entreprise jusqu’en 2017. Mais en contrepartie, il demande des efforts.Une gageureToutefois, Fleur Pellerin se garde bien de se prononcer sur la nature de ces efforts. Elle se contente de pointer que Mathieu Gallet a proposé un plan de départs volontaires – qui concernerait 300 à 380 personnes, soit l’option la plus élevée. « Le niveau d’emploi ne peut constituer la seule variable d’ajustement », nuance la ministre, ne refusant donc pas cette option, mais la complétant par la demande d’un « travail de modernisation sociale ».« C’est dans le dialogue social à l’intérieur de l’entreprise que devront être trouvées les mesures adaptées pour atteindre cet objectif », souligne-t-elle. Une gageure, quand on sait que les grévistes ont voté vendredi 3 avril, lors d’une assemblée générale réunissant entre 400 et 500 personnes, une motion de défiance envers M. Gallet, qu’ils jugent « discrédité ».Un vote qui a divisé le personnel au sein de Radio France. « L’assemblée générale a réagi aux contre-vérités énoncées hier par M. Gallet et à son mépris du dialogue social », a commenté Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD et membre de l’Orchestre national de France (ONF). Jeudi 2 avril, le PDG avait mené une offensive médiatique, d’iTélé aux antennes de France Info et de France Inter, pour se défendre et tendre la main aux grévistes en vue de renouer le dialogue. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a quant à lui déploré ce vote. « Tout ce qui affaiblit le patron de Radio France affaiblit Radio France à l’heure où son PDG devra inévitablement négocier avec l’Etat », estime Valeria Emanuele, déléguée nationale.Dans sa lettre, Fleur Pellerin ne se contente pas de demander au PDG une sortie de crise rapide et un retour à l’équilibre dans deux ans. Elle souhaite aussi, en complément, qu’il porte une « ambition réformatrice ». Pour cela, elle l’enjoint à formuler, en vue du prochain contrat d’objectifs et de moyens – que l’entreprise et l’Etat doivent conclure pour la période 2015-2019 - une vision qui incarne la « singularité » du service public de radio et de musique.Deux orchestres, mais réduitsLa ministre demande une « offre de programmes qui ne soit ni banalisée, ni aseptisée », sans fermer la porte à des « regroupements » de chaînes, pour autant qu’ils soient « ambitieux ». Elle s’oppose à une augmentation des volumes de publicité, mais se dit ouverte à un assouplissement des catégories d’annonceurs autorisés, comme le demande la direction. Au grand dam des radios privées qui ne veulent pas entendre parler d’un assouplissement des règles publicitaires. Mme Pellerin demande aussi des précisions sur l’information, l’éducation aux médias, la transmission des valeurs citoyennes et le numérique.En matière de musique, la ministre de la culture fait comprendre qu’elle ne souhaite ni la fusion des deux orchestres de Radio France, ni le détachement de l’un d’entre eux, comme le demandait M. Gallet. Mais la ministre propose un « redimensionnement des formations musicales » et une « réforme de leurs modalités de travail ». « L’annonce de ne pas fusionner les deux orchestres nous rassure, commente Philippe Ballet, délégué UNSA. En revanche, la ministre valide de fait le plan de départ volontaire. Cela nous heurte. Plus largement, le gouvernement ne répond pas à notre constat de sous financement de l’audiovisuel public. »L’accueil qui sera fait aux propositions de Mme Pellerin reste incertain, dans une Maison ronde chauffée à blanc après deux semaines de conflit. De source syndicale, on comptait 75 % de grévistes dans les locales du réseau France Bleu et à France Culture, et un tiers à la rédaction de France Info et France Inter. Selon la direction, il n’y avait à Radio France que 11 % de grévistes vendredi.Consulter notre visuel interactif : La première année agitée de Mathieu Gallet à la tête de Radio FranceAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Le dialogue semble bien rompu entre Mathieu Gallet, le PDG de Radio France, et les grévistes qui ont reconduit leur mouvement jusqu’au mardi 7 avril. Vendredi matin, une assemblée générale, qui réunissait 400 à 500 salariés, de source syndicale, a voté à la quasi-unanimité une motion de défiance, qui demande le départ du dirigeant. Texte de la motion de défiancePourquoi ce vote, alors que la résolution de la crise se joue désormais dans les cabinets ministériels, de Bercy à la culture en passant par Matignon ? Ceux-ci planchent actuellement sur le fameux « projet stratégique » remis jeudi par M. Gallet et s’apprêtent à rendre des arbitrages sur les missions et les moyens de l’entreprise publique ces prochaines années.« L’assemblée générale a réagi aux contre-vérités énoncées hier par M. Gallet et à son mépris du dialogue social », a commenté Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD et membre de l’Orchestre national de France (ONF). Jeudi, le PDG avait mené une offensive médiatique, d’i-Télé aux antennes de France Info et de France Inter, pour se défendre et tendre la main aux grévistes en vue de renouer le dialogue.« M. Gallet se sert des antennes de Radio France pour sa communication personnelle, alors qu’il n’arrive plus à mettre les partenaires sociaux autour d’une table », a poursuivi M. Quennesson. De fait, les négociations sociales sont en berne depuis le 30 mars, date du dernier échange formel entre la direction et les délégués du personnel.Personnalisation du conflitDepuis le début de la crise, le 19 mars, le fait que le PDG s’exprime plus volontiers dans les médias ou dans les rédactions que face aux délégués syndicaux est un reproche récurrent. « M. Gallet est totalement discrédité, il s’avère incapable de diriger Radio France et d’incarner les valeurs fortes et intangibles de la radio publique », juge sèchement le texte.L’idée d’une médiation a été à nouveau évoquée par les représentants syndicaux dans leurs contacts, cette semaine, avec des politiques. Pour le moment, le prochain rendez-vous avec le PDG est fixé au mercredi 8 avril, lors d’un comité central d’entreprise où le projet sera présenté.Mais cette personnalisation du conflit ne fait pas l’unanimité au sein de la Maison ronde. Ainsi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a déploré ce vote. « Tout ce qui affaiblit le patron de Radio France affaiblit Radio France à l’heure où son PDG devra inévitablement négocier avec l’Etat », estime Valeria Emanuele, déléguée nationale. « Je ne sais pas ce que cela changerait d’avoir la tête de M. Gallet : nous nous retrouverions dans un vide et la vraie question des réformes resterait la même », renchérit un journaliste.Le SNJ appelait aussi à la grève vendredi, mais de façon indépendante du mouvement illimité ouvert par cinq autres syndicats. De source syndicale, on comptait 75 % de grévistes dans les locales du réseau France Bleu et à France Culture, et un tiers à la rédaction de France Info et France Inter. Selon la direction, il n’y avait à Radio France que 11 % de grévistes vendredi.>> Voir notre visuel interactif : La première année agitée de Mathieu Gallet à Radio France« Ce qui pourrait débloquer la situation serait que la tutelle [le ministère de la culture] se fasse enfin entendre », résume un journaliste. Et de suggérer que « ce serait bien que le ministère propose de séparer la question des travaux de celle des réformes », pour tenir compte de l’exaspération provoquée par l’interminable réhabilitation, qui perturbe le quotidien et consume la trésorerie.« Ce chantier est le seul sujet sur lequel il y a consensus à Radio France, résume ce journaliste. Sur le reste – faut-il accepter un plan social, ne garder qu’un orchestre, réformer les modes de production  – il y a des débats parmi les salariés. »Dans la soirée, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a finalement réitéré son soutien au PDG de Radio France, estimant qu’il avait « toutes les cartes en main pour sortir du conflit à Radio France ». « Il faut que [Mathieu Gallet] sorte de ce conflit mais c'est à lui de rétablir le dialogue social », a-t-elle toutefois insisté dans un entretien à l’AFP.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.04.2015 à 11h38 • Mis à jour le03.04.2015 à 12h53 Sotheby's s'apprête à vendre six œuvres de Claude Monet lors d'une vente aux enchères le 5 mai à New York, rapporte le Wall Street Journal (WSJ) jeudi 2 avril. Les toiles proposées couvriront quatre décennies du travail de l'artiste et pourraient rapporter au total de 78 millions à 110 millions de dollars (71,68 millions à 101 millions d'euros), selon Sotheby's.Lire aussi : Le MoMA crée l’émoi en vendant un de ses MonetCes œuvres n'ont pas été montrées publiquement depuis des années. Elles comprennent entre autres deux peintures de nénuphars de la maison du peintre à Giverny, qui ont atteint les estimations les plus élevées depuis la mort du peintre, en 1926. Les Nénuphars, une toile de 1905, est ainsi estimée entre 30 millions et 45 millions de dollars. Une autre peinture sur le même thème, datant de 1913, et qui montre une rare vue d'un treillis de roses qui se reflète dans l'eau est estimée entre 18 millions et 25 millions de dollars.Lors de la vente du 5 mai figureront aussi une peinture du palais des Doges à Venise confisquée par les nazis et qui n'a jamais été vue (estimée entre 15 millions et 20 millions de dollars) ; une toile datant de 1901 représentant le village de Vétheuil, le long de la Seine ; une peinture d'un paysage sous la neige de 1875 ; et une peinture de la côte normande datant de 1897.La maison Sotheby's avait déjà organisé en février une vente à Londres, comprenant cinq toiles du peintre français. Elles avaient été adjugées pour un montant de 84 millions de dollars (77,2 millions d'euros). Les « chasseurs de Monet », selon l'expression d'Elizabeth Gorayeb, directrice du département de l'impressionnisme et de l'art moderne chez Sotheby's, comprennent de nouveaux collectionneurs des pays émergents à la recherche de trophées, explique-t-elle. C'est cependant Christie's qui remporte la vente d'un Monet sur ce sujet la plus élevée, avec 80,5 millions de dollars en 2008. Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles, comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs, ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée sous une tente.Quand le fantasme inavouable vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, de son rouge à lèvres à ses draps, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, dans ses mélodrames, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. » La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.04.2015 à 01h17 • Mis à jour le04.04.2015 à 11h50 | Alexis Delcambre Sortir de la crise sociale, rétablir l’équilibre des comptes et formuler une ambition renouvelée pour Radio France : tels sont les messages que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a adressés à Mathieu Gallet, PDG de l’entreprise publique, vendredi 3 avril, dans une lettre que Le Monde s’est procurée. Dans un entretien à l’AFP, Mme Pellerin a par ailleurs estimé que M.Gallet avait « toutes les cartes en main pour sortir du conflit » et qui lui fallait « rétablir le dialogue social » au plus vite au sein de la Maison ronde. L’option d’une médiation n’est pas envisagée à ce stade, fait-on ainsi savoir rue de Valois.Suite à cette lettre, le PDG de Radio France a annoncé la tenue samedi à 14 heures d’« une nouvelle réunion de négociations pour trouver une issue au conflit social et partager au plus vite le projet stratégique avec les collaborateurs de Radio France et leurs représentants ». Samedi matin, les syndicats n’avaient toujours pas dit s’ils se rendraient à cette réunion.Cette prise de parole gouvernementale était très attendue, alors que Radio France s’apprêtait à vivre un troisième week-end consécutif de grève, en réaction aux difficultés financières de l’entreprise – déficitaire de 21 millions d’euros en 2015 – et à la rupture du dialogue social entre le personnel et M. Gallet, par ailleurs mis en cause pour ses dépenses.Lire : Radio France : vote d’une motion de défiance contre Mathieu GalletL’urgence est de faire face à une fonte de la trésorerie, consumée notamment par le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, dont les coûts ont dérivé. Pour cela, la ministre annonce « une dotation en capital liée aux surcoûts du chantier », qui n’est pas chiffrée à ce stade. En clair, l’Etat va apporter une subvention exceptionnelle qui aidera l’entreprise à faire face à ses dépenses les plus urgentes. En complément, « les différentes options possibles pour la finalisation de ce chantier » seront étudiées. Dans un entretien au Parisien samedi 4 avril, M. Gallet se dit satisfait de ces annonces qui sont « des signes de confiance pour l’entreprise » et confirme, parmi les économies envisagées, la suppression des ondes moyennes et longues (soit 14 millions d’euros par an).Le gouvernement assume l’objectif d’un retour à l’équilibre d’exploitation dès 2017 – alors qu’une option plus douce, à horizon 2019, était aussi envisagée. Mis en cause pour ses revirements, l’Etat rappelle son engagement à « stabiliser la ressource publique » affectée à l’entreprise jusqu’en 2017. Mais en contrepartie, il demande des efforts.Une gageureToutefois, Fleur Pellerin se garde bien de se prononcer sur la nature de ces efforts. Elle se contente de pointer que Mathieu Gallet a proposé un plan de départs volontaires – qui concernerait 300 à 380 personnes, soit l’option la plus élevée. « Le niveau d’emploi ne peut constituer la seule variable d’ajustement », nuance la ministre, ne refusant donc pas cette option, mais la complétant par la demande d’un « travail de modernisation sociale ».« C’est dans le dialogue social à l’intérieur de l’entreprise que devront être trouvées les mesures adaptées pour atteindre cet objectif », souligne-t-elle. Une gageure, quand on sait que les grévistes ont voté vendredi 3 avril, lors d’une assemblée générale réunissant entre 400 et 500 personnes, une motion de défiance envers M. Gallet, qu’ils jugent « discrédité ».Un vote qui a divisé le personnel au sein de Radio France. « L’assemblée générale a réagi aux contre-vérités énoncées hier par M. Gallet et à son mépris du dialogue social », a commenté Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD et membre de l’Orchestre national de France (ONF). Jeudi 2 avril, le PDG avait mené une offensive médiatique, d’iTélé aux antennes de France Info et de France Inter, pour se défendre et tendre la main aux grévistes en vue de renouer le dialogue. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a quant à lui déploré ce vote. « Tout ce qui affaiblit le patron de Radio France affaiblit Radio France à l’heure où son PDG devra inévitablement négocier avec l’Etat », estime Valeria Emanuele, déléguée nationale.Dans sa lettre, Fleur Pellerin ne se contente pas de demander au PDG une sortie de crise rapide et un retour à l’équilibre dans deux ans. Elle souhaite aussi, en complément, qu’il porte une « ambition réformatrice ». Pour cela, elle l’enjoint à formuler, en vue du prochain contrat d’objectifs et de moyens – que l’entreprise et l’Etat doivent conclure pour la période 2015-2019 - une vision qui incarne la « singularité » du service public de radio et de musique.Deux orchestres, mais réduitsLa ministre demande une « offre de programmes qui ne soit ni banalisée, ni aseptisée », sans fermer la porte à des « regroupements » de chaînes, pour autant qu’ils soient « ambitieux ». Elle s’oppose à une augmentation des volumes de publicité, mais se dit ouverte à un assouplissement des catégories d’annonceurs autorisés, comme le demande la direction. Au grand dam des radios privées qui ne veulent pas entendre parler d’un assouplissement des règles publicitaires. Mme Pellerin demande aussi des précisions sur l’information, l’éducation aux médias, la transmission des valeurs citoyennes et le numérique.En matière de musique, la ministre de la culture fait comprendre qu’elle ne souhaite ni la fusion des deux orchestres de Radio France, ni le détachement de l’un d’entre eux, comme le demandait M. Gallet. Mais la ministre propose un « redimensionnement des formations musicales » et une « réforme de leurs modalités de travail ». « L’annonce de ne pas fusionner les deux orchestres nous rassure, commente Philippe Ballet, délégué UNSA. En revanche, la ministre valide de fait le plan de départ volontaire. Cela nous heurte. Plus largement, le gouvernement ne répond pas à notre constat de sous financement de l’audiovisuel public. »L’accueil qui sera fait aux propositions de Mme Pellerin reste incertain, dans une Maison ronde chauffée à blanc après deux semaines de conflit. De source syndicale, on comptait 75 % de grévistes dans les locales du réseau France Bleu et à France Culture, et un tiers à la rédaction de France Info et France Inter. Selon la direction, il n’y avait à Radio France que 11 % de grévistes vendredi.Consulter notre visuel interactif : La première année agitée de Mathieu Gallet à la tête de Radio FranceAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Le dialogue semble bien rompu entre Mathieu Gallet, le PDG de Radio France, et les grévistes qui ont reconduit leur mouvement jusqu’au mardi 7 avril. Vendredi matin, une assemblée générale, qui réunissait 400 à 500 salariés, de source syndicale, a voté à la quasi-unanimité une motion de défiance, qui demande le départ du dirigeant. Texte de la motion de défiancePourquoi ce vote, alors que la résolution de la crise se joue désormais dans les cabinets ministériels, de Bercy à la culture en passant par Matignon ? Ceux-ci planchent actuellement sur le fameux « projet stratégique » remis jeudi par M. Gallet et s’apprêtent à rendre des arbitrages sur les missions et les moyens de l’entreprise publique ces prochaines années.« L’assemblée générale a réagi aux contre-vérités énoncées hier par M. Gallet et à son mépris du dialogue social », a commenté Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD et membre de l’Orchestre national de France (ONF). Jeudi, le PDG avait mené une offensive médiatique, d’i-Télé aux antennes de France Info et de France Inter, pour se défendre et tendre la main aux grévistes en vue de renouer le dialogue.« M. Gallet se sert des antennes de Radio France pour sa communication personnelle, alors qu’il n’arrive plus à mettre les partenaires sociaux autour d’une table », a poursuivi M. Quennesson. De fait, les négociations sociales sont en berne depuis le 30 mars, date du dernier échange formel entre la direction et les délégués du personnel.Personnalisation du conflitDepuis le début de la crise, le 19 mars, le fait que le PDG s’exprime plus volontiers dans les médias ou dans les rédactions que face aux délégués syndicaux est un reproche récurrent. « M. Gallet est totalement discrédité, il s’avère incapable de diriger Radio France et d’incarner les valeurs fortes et intangibles de la radio publique », juge sèchement le texte.L’idée d’une médiation a été à nouveau évoquée par les représentants syndicaux dans leurs contacts, cette semaine, avec des politiques. Pour le moment, le prochain rendez-vous avec le PDG est fixé au mercredi 8 avril, lors d’un comité central d’entreprise où le projet sera présenté.Mais cette personnalisation du conflit ne fait pas l’unanimité au sein de la Maison ronde. Ainsi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a déploré ce vote. « Tout ce qui affaiblit le patron de Radio France affaiblit Radio France à l’heure où son PDG devra inévitablement négocier avec l’Etat », estime Valeria Emanuele, déléguée nationale. « Je ne sais pas ce que cela changerait d’avoir la tête de M. Gallet : nous nous retrouverions dans un vide et la vraie question des réformes resterait la même », renchérit un journaliste.Le SNJ appelait aussi à la grève vendredi, mais de façon indépendante du mouvement illimité ouvert par cinq autres syndicats. De source syndicale, on comptait 75 % de grévistes dans les locales du réseau France Bleu et à France Culture, et un tiers à la rédaction de France Info et France Inter. Selon la direction, il n’y avait à Radio France que 11 % de grévistes vendredi.>> Voir notre visuel interactif : La première année agitée de Mathieu Gallet à Radio France« Ce qui pourrait débloquer la situation serait que la tutelle [le ministère de la culture] se fasse enfin entendre », résume un journaliste. Et de suggérer que « ce serait bien que le ministère propose de séparer la question des travaux de celle des réformes », pour tenir compte de l’exaspération provoquée par l’interminable réhabilitation, qui perturbe le quotidien et consume la trésorerie.« Ce chantier est le seul sujet sur lequel il y a consensus à Radio France, résume ce journaliste. Sur le reste – faut-il accepter un plan social, ne garder qu’un orchestre, réformer les modes de production  – il y a des débats parmi les salariés. »Dans la soirée, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a finalement réitéré son soutien au PDG de Radio France, estimant qu’il avait « toutes les cartes en main pour sortir du conflit à Radio France ». « Il faut que [Mathieu Gallet] sorte de ce conflit mais c'est à lui de rétablir le dialogue social », a-t-elle toutefois insisté dans un entretien à l’AFP.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.04.2015 à 11h38 • Mis à jour le03.04.2015 à 12h53 Sotheby's s'apprête à vendre six œuvres de Claude Monet lors d'une vente aux enchères le 5 mai à New York, rapporte le Wall Street Journal (WSJ) jeudi 2 avril. Les toiles proposées couvriront quatre décennies du travail de l'artiste et pourraient rapporter au total de 78 millions à 110 millions de dollars (71,68 millions à 101 millions d'euros), selon Sotheby's.Lire aussi : Le MoMA crée l’émoi en vendant un de ses MonetCes œuvres n'ont pas été montrées publiquement depuis des années. Elles comprennent entre autres deux peintures de nénuphars de la maison du peintre à Giverny, qui ont atteint les estimations les plus élevées depuis la mort du peintre, en 1926. Les Nénuphars, une toile de 1905, est ainsi estimée entre 30 millions et 45 millions de dollars. Une autre peinture sur le même thème, datant de 1913, et qui montre une rare vue d'un treillis de roses qui se reflète dans l'eau est estimée entre 18 millions et 25 millions de dollars.Lors de la vente du 5 mai figureront aussi une peinture du palais des Doges à Venise confisquée par les nazis et qui n'a jamais été vue (estimée entre 15 millions et 20 millions de dollars) ; une toile datant de 1901 représentant le village de Vétheuil, le long de la Seine ; une peinture d'un paysage sous la neige de 1875 ; et une peinture de la côte normande datant de 1897.La maison Sotheby's avait déjà organisé en février une vente à Londres, comprenant cinq toiles du peintre français. Elles avaient été adjugées pour un montant de 84 millions de dollars (77,2 millions d'euros). Les « chasseurs de Monet », selon l'expression d'Elizabeth Gorayeb, directrice du département de l'impressionnisme et de l'art moderne chez Sotheby's, comprennent de nouveaux collectionneurs des pays émergents à la recherche de trophées, explique-t-elle. C'est cependant Christie's qui remporte la vente d'un Monet sur ce sujet la plus élevée, avec 80,5 millions de dollars en 2008. Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 08h11 | Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Please Please Me », la révélation d’un nouveau sonCette semaine : autour de l’album Please Please Me (mars 1963).« I Saw Her Standing There » (Lennon-McCartney), par Little Richard« She Was Just Seventeen/You Know What I Mean » (« Elle avait dix-sept ans à peine/Tu vois ce que je veux dire »). Cette chanson de Paul McCartney et de John Lennon (1940-1980) ouvrant le premier album des Beatles aurait pu valoir à leurs auteurs des ennuis avec la brigade des mœurs – ce qu’éviteront soigneusement Dalida (1933-1987) et son parolier Pascal Sevran (1945-2008) en 1973 avec Il venait d’avoir 18 ans. Mais les Beatles forment un groupe de rock’n’roll, une musique alors encore jeune (elle n’a pas dix ans d’âge), sinon adolescente, comme l’atteste ce titre joyeux et enlevé. Et clairement inspiré de Chuck Berry, auteur en 1958 du fameux Sweet Little Sixteen, que les Beatles reprirent d’ailleurs lors de leurs émissions à la BBC.I Saw Her Standing There est l’une des dix chansons de cet album (sur quatorze) enregistrées le 11 février 1963 à Abbey Road, les studios de la compagnie phonographique EMI, lors d’une session unique en prise directe d’environ 13 heures. Ces conditions dictées à la fois par l’urgence (pour surfer sur le succès du single Please Please Me) et des mesures d’économie préservent la fraîcheur et l’instantanéité du quatuor, dont le son est ici proche des concerts donnés dans la Cavern, son sanctuaire de Liverpool.La chanson fut publiée en single aux Etats-Unis après le déclenchement de la Beatlemania outre-Atlantique mais jamais en Grande-Bretagne. Enfin, si, en 1988 avec la version de la crispante chanteuse américaine Tiffany, rebaptisée I Saw Him Standing There, un changement de sexe qu’avaient déjà opéré auparavant les artistes de Motown, Diana Ross & The Supremes et Mary Wells (1943-1992). Bourrée de tous les tics de production de la pop synthétique de la décennie 1980, elle entra dans le Top 10 britannique. I Saw Her Standing There a aussi changé deux fois de nationalité en 1963, adaptée en français pour Johnny Hallyday (sous le titre Quand je l’ai vue devant moi) et en espagnol par les Vénézuéliens de Los Impala (La vi parada ahi). La reprise la plus emballante, et de loin, est due à un pionnier du rock’n’roll, Little Richard, l’une des idoles de Paul McCartney. Enregistrée en 1970 aux studios Fame de Muscle Shoals (Alabama), l’une des grandes fabriques de la musique soul, cette merveille est disponible sur l’album The Rill Thing, qui devait marquer le come-back du révérend Richard Wayne Penniman (le vrai nom de Little Richard). Un hommage du maître aux élèves, devenus les rois du monde, qui s’étaient rodés dans les caves avec ses classiques, dont Long Tall Sally. « Misery » (Lennon-McCartney), par Kenny LynchUne romance cultivant l’auto-apitoiement, bien dans la manière de l’époque, mais pourvue d’une jolie mélodie montrant la dette des Beatles envers les Everly Brothers. L’interprétation de Misery par le chanteur noir britannique (une rareté au début des années 1960) Kenny Lynch présente un intérêt historique évident : elle fut la toute première reprise d’une chanson des Beatles, parue en single en mars 1963, une semaine avant la sortie de l’album Please Please Me. La première, donc d’une interminable liste, au cœur de cette série d’articles. Les Beatles espéraient plutôt que la chanteuse Helen Shapiro, alors au sommet, s’intéresserait à Misery, d’ailleurs composée pour la séduire. La version de Kenny Lynch fut un échec commercial mais le chanteur-comédien s’illustrera dix ans plus tard en figurant, au côté des acteurs James Coburn (1928-2002) et Christopher Lee, sur la pochette de l’album de Paul McCartney et Wings Band On The Run. « Anna (Go To Him) » (Alexander), par Arthur AlexanderPremière des six chansons reprises par les Beatles sur Please Please Me, Anna (Go To Him) est une ballade écrite et enregistrée par le chanteur de soul originaire de l’Alabama, Arthur Alexander (1940-1993), publiée en single en septembre 1962, ce qui montre que le groupe britannique était pour le moins à l’affût des nouveautés. John Lennon adulait particulièrement ce pilier des studios Fame et les Beatles interprétèrent trois autres chansons qu’il popularisa, Soldier of Love, A Shot of Rhythm’n’Blues et Where Have You Been. La plus célèbre demeurant le splendide You Better Move On, qui fit le bonheur des Hollies et des Rolling Stones en 1964. « Chains » (Goffin-King), par The CookiesEncore un titre dans l’air du temps, chanté par George Harrison (1943-2001) et représentatif des « girls groups » du début des années 1960. Formés à Brooklyn dès 1954, The Cookies étaient un ensemble vocal dont la première incarnation devait se transformer en Raelettes, les choristes de Ray Charles (1930-2004). Mais c’est la configuration que l’on entend ici qui connut le plus grand succès grâce aux hits que lui écrivit sur mesure le couple constitué par Gerry Goffin (1939-2014) et Carole King, l’un des tandems les plus en vue du Brill Building, l’immeuble new-yorkais qui abritait la fine fleur des auteurs-compositeurs pop de l’époque. Les Cookies intervinrent d’ailleurs sur l’immortel The Loco-Motion, tube de Goffin-King chanté par la babysitter du couple, Little Eva (1943-2003), avant ce Chains, commercialisé en novembre 1962. Les Beatles adoraient les sucreries de Goffin-King puisqu’ils chantèrent aussi Take Good Care of My Baby, Don’t Ever Change et Keep Your Hands Off My Baby. Carole King devait devenir une star au début des années 1970 en écoulant une vingtaine de millions d’exemplaires de son chef-d’œuvre, Tapestry. « Boys » (Dixon-Farrell), par The ShirellesEncore le répertoire des « girls groups » qui atteste que les Beatles étaient obsédés par les filles. Cette fois, celui de The Shirelles, admirable quartette vocal du New Jersey. Pratiquement plagié sur le What’d I Say de Ray Charles, Boys, composition de Luther Dixon (1931-2009) et Wes Farrell (1939-1996), figurait en face B de leur plus grand succès, Will You Love Me Tomorrow, une perle de… Goffin et King, sortie en single en novembre 1960. Le plus remarquable est que les Beatles – contrairement à ce que firent les interprètes féminines d’I Saw Her Standing There – n’ont pas modifié Boys en Girls. Un parti pris, chanté assez catastrophiquement par le batteur Ringo Starr, qui laissait donc planer un doute sur une possible homosexualité du narrateur. « Ask Me Why » (Lennon-McCartney), par The SmithereensParue avant la sortie de l’album, en face B du single Please Please Me, cette chanson sentimentale typique du jeune John Lennon a connu peu de succès chez les repreneurs. Elle a été intégrée toutefois, avec deux autres titres de Please Please Me (There’s A Place et P.S. I Love You) à l’album B-Sides The Beatles des Smithereens, paru en 2008 chez Koch. Ce groupe de power-pop américain sympathique et passéiste vouait un culte aux aînés britanniques des années 1960 en général et aux Beatles en particulier. Leur version n’est pas disponible sur YouTube mais est présente sur les sites de streaming Qobuz, Deezer et Spotify. « Please Please Me » (Lennon-McCartney), par The Bee GeesLa chanson-titre de l’album (qui figure à la fin de la face A), et deuxième single des Beatles (après Love Me Do), lancera la Beatlemania à domicile en faisant une entrée fracassante dans les classements britanniques pour s’emparer de la deuxième place, avant leur premier numéro un, From Me To You. De l’aveu de Lennon, Please Please Me était une tentative de composer une ballade proche du romantisme de Roy Orbison (1936-1988), l’auteur de Only The Lonely. Le résultat final s’en est éloigné, à mesure que le tempo était accéléré. Les voix sont déjà impeccablement en place, à l’école du modèle, les Everly Brothers. Roy Orbison, le Caruso du rock’n’roll, aurait lui-même été un interprète idéal. Mais ce furent les Bee Gees, alors des adolescents benêts et coincés, qui donnèrent cette désolante version en février 1963, lors de leur première apparition télévisée en Australie. Par un miracle dont ils ont conservé le secret, les frères Gibb deviendront dans la décennie suivante les dépoitraillés empereurs du disco, avec permanentes et pantalons moulants. « Love Me Do » (Lennon-McCartney), par Sandie ShawDes paroles et une ligne mélodique réduites à leur plus simple expression, un harmonica guilleret, et le tour est joué. Cette œuvre de jeunesse datant des Quarrymen, la première formation de Lennon, McCartney et Harrison, est connue aussi pour avoir été vexatoire envers le batteur Ringo Starr. Celui-ci fut, en effet, viré de son tabouret, remplacé par un « professionnel », le batteur écossais Andy White, et relégué aux maracas. La chanteuse anglaise Sandie Shaw, qui avait remporté le Grand Prix de l’Eurovision 1967 avec Puppet on a String, fusion étonnante du music-hall britannique avec des cors de chasse bavarois, se l’appropria avec sensualité en 1969, sur l’album Reviewing the Situation. Plus étonnant, David Bowie embarqua Love Me Do en tournée en 1974, par une citation à l’harmonica en introduction de son tube The Jean Genie. « P.S. I Love You » (Lennon-McCartney), par Sonny CurtisLa face B du premier single des Beatles, Love Me Do, toujours avec Andy White à la batterie, le producteur des Beatles, George Martin, ignorant alors qu’un nouveau titulaire du poste avait été recruté après le renvoi de Pete Best. P.S. I Love You est déjà du McCartney pur sucre, tout de joliesse mélodique et dénotant son admiration pour le pionnier binoclard Buddy Holly (1936-1959), dont sa société possède les droits des chansons. Cette belle version instrumentale est d’ailleurs due au guitariste et chanteur Sonny Curtis, devenu, après la mort de Holly en février 1959, le leader de son groupe, The Crickets. Ce Texan est connu pour un classique, le rageur I Fought the Law, popularisé, entre autres, par l’Américain Bobby Fuller (1942-1966) puis par le groupe britannique The Clash. En 1964, Sonny Curtis enregistra un étonnant album, Beatle Hits Flamenco Guitar Style (réédité en 2006 chez EI/Cherry Red) comprenant onze réinterprétations des Beatles et un inédit de circonstance, Ballad For a Beatle. Ce virtuose de l’électrique Fender Stratocaster se reconvertissait brillamment dans la guitare acoustique espagnole à cordes en nylon. « Baby It’s You » (Bacharach-David-Williams), par The ShirellesDeuxième reprise des Shirelles sur Please Please Me, Baby It’s You, un hit aux Etats-Unis en 1961, porte la signature d’un des plus fameux tandems de la pop, le compositeur Burt Bacharach et le parolier Hal David (1921-2012), alors piliers, comme Gerry Goffin et Carole King, du Brill Building new-yorkais. Au moment de la parution de Please Please Me, les deux venaient de mettre en place l’un des partenariats les plus prolifiques des années 1960 avec la chanteuse Dionne Warwick. « Do You Want To Know a Secret » (Lennon-McCartney), par Billy J. Kramer with The DakotasLe deuxième titre chanté sur cet album par George Harrison, pas encore à son aise pour imposer ses propres compositions. Il faudra attendre encore quelques mois, avec With The Beatles en novembre 1963, pour qu’apparaisse la première signée en son nom propre, Don’t Bother Me. Do You Want To Know a Secret a été un tube en Grande-Bretagne grâce à cette version fidèle de Billy J. Kramer, sortie fin avril 1963, qui se hissa à la deuxième place dans les classements, la première étant occupée par… From Me To You. Lui aussi originaire de Liverpool, Billy J. Kramer, accompagné par un groupe de Manchester, partageait le même manager que les Beatles, Brian Epstein (1934-1967) et le même producteur, George Martin. Il connut un bref moment de gloire grâce à la vogue du « Merseybeat » portée par les Beatles. Lennon et McCartney furent prodigues avec lui puisque la face B de Do You Want To Know a Secret comportait une autre de leurs compositions, I’ll Be On My Way, que ses auteurs ne devaient chanter qu’à une seule occasion, lors d’une émission de la BBC. Kramer fut le destinataire de trois autres inédits : Bad To Me (un numéro un au Royaume-Uni), I’ll Keep You Satisfied et From a Window. Le chanteur s’offrit en revanche le luxe de décliner une chanson sentimentale proposée par McCartney. Elle avait pour titre Yesterday. Et est devenue, depuis sa parution dans l’album Help ! (août 1965), l’un des plus importants succès du groupe. « A Taste of Honey » (Scott-Marlow), par Lenny WelchA l’origine, A Taste of Honey (« un goût de miel ») est une pièce de théâtre de Shelagh Delaney (1938-2011), typique du réalisme social britannique, dont la première eut lieu à Londres en 1958. Son succès fut tel qu’avant d’être portée à l’écran en 1961 par Tony Richardson (1928-1991), elle connut une adaptation à Broadway un an plus tôt, flanquée d’un thème musical de Bobby Scott (1937-1990) et Ric Marlow qui fut récompensé d’un Grammy Award. La première version chantée apparut en septembre 1962, interprétée par le chanteur noir américain Lenny Welch. Dès la fin de l’année, les Beatles intégrèrent cette ballade chantée par McCartney à leur répertoire joué lors de leur séjour à Hambourg avant de l’inclure sur leur premier album. La version la plus connue de ce standard, également repris par le pianiste, chef d’orchestre et arrangeur Quincy Jones ou le saxophoniste Paul Desmond (1924-1977), n’est pourtant pas celle des Beatles, mais celle, instrumentale et pimpante, du trompettiste Herp Albert et de son Tijuana Brass en 1965. « There’s a Place » (Lennon-McCartney), par The Flamin' GrooviesAvec I Saw Her Standing There et Please Please Me, c’est le troisième joyau ciselé par Lennon et McCartney sur ce premier album. Moins connue que les deux autres, There’s a Place, conçue dans l’esprit de la fabrique à tubes Tamla-Motown, irradie par le superbe travail à trois voix réalisé avec Harrison. Déjà auteurs d’une reprise de Misery en 1976, les Flamin' Groovies, flamboyant groupe de San Francisco, obsédé par les années 1960, étaient tout désignés pour livrer cette version impeccable de goût et de concision. Elle est disponible sur leur cinquième album, Flamin' Groovies Now, paru en 1978, un titre en clin d’œil à The Rolling Stones, Now !, troisième opus pour le marché américain des supposés rivaux des Beatles. Les chanteurs et guitaristes Cyril Jordan et Chris Wilson refusaient de choisir leur camp et ils avaient bien raison. « Twist & Shout » (Medley-Russell), par The Isley Brothers Twist & Shout était la dernière chanson inscrite au programme de la séance marathon du 11 février 1963. Le producteur George Martin savait qu’ensuite, John Lennon n’aurait plus de cordes vocales. En une prise, le chanteur livre une performance phénoménale, historique même, emmenant le « Shake It Up, Baby ! » (« Secoue-le, chérie ! ») vers un sommet d’excitation et d’extase. Du coup, la version des Beatles est devenue « la » référence, éclipsant l’original composé par Phil Medley (1916-1997) et Bert Russell (1929-1967). A tel point que beaucoup pensent que Twist & Shout (dont David Bowie reprit la montée vocale pour Let’s Dance), est une chanson des Beatles. Twist & Shout avait été déjà enregistrée en 1961, par le groupe The Top Notes, produit par Phil Spector et passé complètement inaperçu. Les Beatles, eux, avaient en tête la version de juin 1962 par les Isley Brothers, tube pour la formation de rhythm’n’blues, qui avait déjà connu un succès en 1959 avec un titre quasi identique, Shout, écrit par les trois frères Isley. A noter que les Beatles interpréteront Shout lors d’un passage à l’émission de télévision « Around The Beatles » diffusée au Royaume-Uni sur le réseau ITV, le 6 mai 1964.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.04.2015 à 15h14 • Mis à jour le03.04.2015 à 17h15 | Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.04.2015 à 11h23 • Mis à jour le02.04.2015 à 12h46 | Véronique Cauhapé Une comédie-thriller dans laquelle deux braves garçons deviennent les hommes les plus recherchés d’Angleterre (jeudi 2 avril à 20 h 50 sur Arte). Rien ne peut laisser prévoir ce qui va advenir. Un paysage de campagne plat comme un jour sans fin. Une route droite et dégagée, une voiture qui passe, puis, soudain, le bruit fracassant de l’accident ; glissade, tonneaux, le véhicule finit sa course, cabossée comme un César, sans que l’on ait rien compris. Pas plus d’ailleurs que Sam, qui marchait sur le bord de la route, et qui, la surprise passée, va finir par s’approcher de la carcasse, ramasser un téléphone portable visiblement éjecté sous le choc, et appeler les secours.Tout est posé, ou presque. L’imprévu qui surgit de l’ordinaire, l’irrationnel qui s’impose comme un fait auquel il n’est pas besoin de prêter attention, un enchaînement d’une rapidité extrême… Dès les premières minutes, « The Wrong Mans » crée un décalage qui n’est que le haut de l’iceberg. En dessous se cachent une histoire et des personnages qui vont partir en vrille, une intrigue qui accumule péripéties et rebondissements, avec chantage, menaces de mort, espionnage et trafic de drogue, une dramaturgie intense mâtinée de pépites télévisuelles et scénaristiques hilarantes.cocktail détonnantCette série porte la patte des auteurs et comédiens anglais qui l’ont imaginée et qui en assurent les rôles principaux, James Corden et Mathew Baynton. Une patte qu’ils doivent, en partie, à la culture de leur pays, où le cinéma sait comme nul autre mêler réalisme et comédie, action et humour, sans que l’un soit jamais négligé au profit de l’autre. Si le duo fonctionne à merveille sur l’écriture, il en est de même à l’écran, où chacun campe son personnage avec un naturel qui émeut autant qu’il amuse. Ces deux-là, il faut bien le reconnaître, sont de braves garçons, débordants d’énergie et de bonne volonté, mais aussi d’une naïveté qui relève de la pathologie.Grand gringalet qui peine à se remettre de sa rupture sentimentale avec une collègue devenue sa supérieure, Sam (Mathew Baynton) se désintéresse de son job de conseiller urbaniste quand vient s’incruster dans sa vie Phil, le bon gros et sympathique préposé au courrier qui vit chez sa mère. Dès lors, quand ce téléphone trouvé par Sam les entraîne dans une aventure aussi rocambolesque que palpitante, ce duo de losers va livrer le meilleur comme le pire d’eux-mêmes. Un pur bonheur.« The Wrong Mans » (saison 1), série créée par James Corden et Mathew Baynton. Avec James Corden et Mathew Baynton, Sarah Solemani, Emilia Fox (Royaume-Uni, 2013, 6 × 29 min). Jeudi 2 avril à 20 h 50 sur Arte.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Laurent Cantet s’empare des années 1950 et filme la révolte d’une bande de jeunes filles (jeudi 2 avril à 22 h 15 sur Ciné+ Emotion). A l’opposé de la matière semi-documentaire que Laurent Cantet a souvent travaillée, on saute ici à pieds joints dans la fiction. Rien n’indique qu’un groupe de filles aux idéaux révolutionnaires ait sévi dans les années 1950 aux Etats-Unis, comme l’a imaginé Joyce Carol Oates dans Confessions d’un gang de filles (Stock) dont Foxfire est adapté.Affranchi de la réalité, Laurent Cantet lui témoigne pourtant toujours le même respect. Ce qu’il veut montrer doit obéir aux lois de la vie en société, et la dynamique du groupe des filles est dépeinte avec une exactitude mathématique, pour mieux amener les paroxysmes, la tragédie.Au centre de ce groupe, on trouve Legs (Raven Adamson), orpheline de mère, abandonnée par son père, animée par une colère inextinguible. Elle attire des particules de désordre : Maddy (Katie Coseni), une intellectuelle frustrée, Rita (Madeleine Bisson), victime des désirs que suscite sa beauté, Goldie (Claire Mazerolle), une authentique brute. Legs se forge toute seule une idéologie révolutionnaire, empruntant quelques bribes de discours à un prêtre défroqué, passé à l’alcoolisme avec un détour par le léninisme, et fonde une société secrète, baptisée Foxfire.Vengeance contre les hommesLe groupe commence par se venger des hommes qui les oppriment, les menacent et les violentent. Ses premiers exploits (graffitis, corrections musclées) sont filmés avec une jubilation qu’on ne connaissait pas à l’auteur. La bête machiste n’est pas sans ressources et prend bientôt le dessus sur les révolutionnaires. Legs se retrouve en maison de correction.Foxfire a été tourné dans l’Ontario, où l’on trouve encore des paysages urbains de l’après-guerre, au­jourd’hui disparus des Etats-Unis. Laurent Cantet a fouillé pour faire émerger ce que l’on ne voit quasiment jamais de ces années lorsque le cinéma américain s’en empare : la pauvreté, l’inégalité, la violence institutionnelle.Bien sûr, les voitures sont grosses et les autoradios crachent la musique de l’époque, rock’n’roll générique, ballades sirupeuses. Mais ces lieux communs ne sont là que parce qu’on ne peut faire autrement. D’ailleurs, sur la bande-son, on entend mieux le très contemporain et très mélancolique groupe canadien Timber Timbre que les classiques d’alors.Violence révolutionnaireLa deuxième partie du film, après la libération de Legs, oppose l’euphorie de la violence révolutionnaire à la difficulté de l’utopie réalisée. La bande de filles, qui ne fait que croître, connaît les affres de toutes les organisations : factions, rivalités entre orthodoxes et novateurs, culte de la personnalité, surenchère dans l’action – jusqu’au drame. A la place des intellectuels exaltés que l’on trouve d’habitude dans ces situations, Joyce Carol Oates et Laurent Cantet ont placé des adolescentes qui ne sont pas seulement mues par la soif d’absolu ou l’envie de pouvoir, mais aussi par le désir. C’est dans cette double nature des personnages que réside la force de Foxfire.Cantet a choisi ses actrices parmi des jeunes filles inexpérimentées avec le même bonheur que pour Entre les murs. Raven Adamson et ses camarades se meuvent dans cet univers flottant entre histoire et utopie avec une aisance à couper le souffle. Ce sont elles qui font oublier les artifices du scénario et font passer les démonstrations politiques un peu systématiques. Elles, finalement, qui raniment la flamme de la révolte.« Foxfire. Confessions d’un gang de filles », de Laurent Cantet. Avec Raven Adamson, Katie Coseni, Madeleine Bisson, Claire Mazerolle (Fr./Can., 2013 150 min). Jeudi 2 avril à 22 h 15 sur Ciné+ Emotion.Thomas SotinelJournaliste au Monde 08.04.2015 à 17h31 | Patrick Labesse Chanteur, auteur, compositeur, pianiste, tromboniste et bien plus encore (peintre, conférencier, bon vivant…), Juan Carlos Caceres est mort le dimanche de Pâques, le 5 avril, chez lui, à Périgny-sur-Yerres (Val-de-Marne), où il était alité depuis deux mois, souffrant d’une tumeur au cerveau. Le « maestro », comme l’appelaient affectueusement ses amis, avait 78 ans.Né à Buenos Aires, en septembre 1936, il vivait en France depuis 1968. Où le tango l’a attrapé. Avant cela, après une formation de pianiste classique et des études aux Beaux-Arts, il s’intéresse plutôt au jazz et à la peinture. Etudiant la journée, la nuit, il joue du piano et du trombone au sein des clubs de jazz qu’il ouvre successivement et anime avec une chaleureuse bonne humeur. Dizzy Gillespie, Juliette Gréco passeront par là. Hugo Pratt, aussi, « un ami de toujours, un sacré chanteur de blues ! », nous confiait, en 1995, Caceres, qui venait alors de sortir chez Celluloïd le deuxième album sous son nom, Sudacas. Deux ans après Solo, la première fois où il se risquait à chanter en studio, la voix rugueuse et chaleureuse (« Jusqu'alors, je me contentais de pousser un petit tango ou un boléro dans la cuisine, pour charmer les filles, à la fin d'une fête »).Un tango émancipé des codesA Paris, il enseigne l’histoire de l’art, accompagne Marie Laforêt, joue au sein des diverses formations dont il assure la direction, dont Gotan et Tangofon, y montrant un penchant très net pour un tango émancipé des codes et de ses habitudes. « J'ai mis vingt ans avant de pouvoir concrétiser mes projets musicaux. J'apparaissais en effet comme un iconoclaste. Je voulais faire jouer un bandonéon avec un saxophone et une batterie, revenir à la percussion originelle, laisser beaucoup de place à l'improvisation afin de retrouver un concept de musique vivante, improvisée, comme le jazz. Dans les années 1940, nous expliquait encore le chanteur, il y avait des musiciens qui, tout en utilisant les instruments traditionnels du tango, intégraient des percussions et faisaient une musique bâtarde, telle celle que je compose. »Pour Caceres, « la modernité se trouve toujours aux origines », se souvient le musicien argentin Eduardo Makaroff. Co-créateur du groupe Gotan Project et du projet Plaza Francia (l’associant avec Christophe Müller, ex Gotan Project également, à Catherine Ringer), Makaroff a créé le label discographique Mañana. Juan Carlos Caceres sera l’un des premiers artistes qu’il signera. Enregistré à Buenos Aires et Paris entre septembre 2003 et mai 2004, l’album Murga Argentina sort en 2005. Deux autres suivront, Utopia (2007) et Noches de Carnaval (2011). « Nous avions une amitié suivie et un rêve commun, créer un mouvement des musiciens argentins à Paris avec un manifeste, Los Muchachos de Paris – qu’il a rédigé – et faire tourner un camion dans les rues de Paris en jouant, raconte Makaroff. Cela n’a pas abouti, mais la conséquence de ce rêve a été le label Mañana ».Les racines africaines du tangoPour comprendre le tango, expliquait pendant ses concerts, Caceres, assis au piano, il faut prendre en compte « l'histoire reniée » de l'Argentine, sa part d' « africanité ». Il faut « rendre à l'Afrique sa place légitime dans la culture argentine ». La murga (musique de carnaval, rythmée par les tambours, « interdite pendant la dictature, parce que “subversive” »), le candombe, la milonga et le tango, ont leur part de négritude, martelait le musicien.Le réalisateur Dom Pedro a consacré un film, sorti en 2013, à la réaffirmation des racines africaines du tango, avec Juan Carlos Caceres comme personnage central, Tango Negro, les racines africaines du tango. Le film a été primé en mars au Fespaco (Festival panafricain de cinéma) à Ouagadougou (Burkina Faso). Le jour du décès de Caceres, Dom Pedro présentait son documentaire à l’Université Columbia à New York. « Le film, fait autour de lui et sur ses travaux, est là pour perpétuer sa mémoire et sa vision humaniste. Juan Carlos était pour moi un justicier, déclare au Monde, depuis Montréal, le réalisateur. Au-delà de toute mon admiration et de toute ma reconnaissance, mon ardent souhait est que son engagement serve d'exemple et que sa vision fasse des émules ».Un hommage lui sera rendu le samedi 18 avril à 18 heures au loft de la Bellevilloise, à Paris, avec la projection du film Tango Negro, suivie d’une milonga (bal tango).Juan Carlos Caceres en quelques dates4 septembre 1936 Naissance à Buenos Aires.Mai 1968 Arrivée à Paris.1993 Solo, premier album sous son nom (Celluloïd).2014 Gotan Swing, en quartet avec Didier Schmitt, Frédéric Truet, Guillermo Venturino (Rue Stendhal).5 avril 2015 Mort à Périgny-sur-Yerres (Val-de-Marne).Patrick LabesseJournaliste au Monde 08.04.2015 à 15h27 • Mis à jour le08.04.2015 à 18h52 | Alexandre Piquard et Alexis Delcambre Après vingt et un jours de grève, le dialogue n’a pas repris à Radio France entre la direction et les salariés. Le comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, organisé mercredi 8 avril, a été suspendu peu après son ouverture, et les salariés ont voté ensuite la poursuite de la grève jusqu’à jeudi.Lire aussi :A Radio France, les raisons d’une crise qui s’éterniseComité d’entreprise avortéCette réunion, lors de laquelle le PDG, Mathieu Gallet, devait formellement présenter son projet pour l’entreprise, s’est ouverte par une déclaration conjointe des élus CFDT, CGT, SNFORT, SUD et UNSA. Ils reprochent à Mathieu Gallet et à la direction d’avoir « parié sur le pourrissement du conflit ». « En réponse à cela, il y a la dignité du combat des salariés et les valeurs qu’ils portent. Cette détermination en dit long quant à leur attachement aux valeurs du service public », saluent les élus syndicaux. Concernant le projet présenté par Mathieu Gallet, « il est lourd de périls graves pour l’avenir de Radio France », souligne le communiqué. Déclaration Cce Extra Radio France 8.4.2015Suite à cette déclaration, plusieurs élus ont quitté la salle et le CCE a été suspendu, laissant la situation dans l’impasse. La direction a déploré cette suspension, « convaincue que la présentation du projet stratégique était de nature à éclairer les élus, et à travers eux les personnels, sur les choix stratégiques engageant l’avenir de Radio France ».La ministre intervient, le CSA veut une « résolution des conflits »Interrogée à l’Assemblée nationale sur cette impasse, mercredi après-midi, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a annoncé qu’elle « recevrait les parties prenantes très prochainement ».#RadioFrance - @FleurPellerin "Très rapidement, je ferai connaître les décisions que je prendrai pour renouer le dialogue social" #QAG— LCP (@LCPan) April 8, 2015De son côté, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), assez discret depuis le début du conflit, a publié un communiqué : il « appelle à la mise en œuvre d’une procédure de résolution des conflits de nature à surmonter la situation de blocage qui se manifeste aujourd’hui ». Un appel à la mise en place d’une « médiation », réclamée par les syndicats comme préalable à la levée de la grève. Plus tôt, Mathieu Gallet avait envisagé « une intervention extérieure pour retisser le dialogue social », en audition à la commission culturelle de l’Assemblée nationale. Toutefois, il a ensuite précisé en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement (l’expression utilisée par les syndicats) peut-être davantage à un recours à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.La « politique de la chaise vide » critiquéeMercredi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a dénoncé l’attitude des autres syndicats. « La tenue, ce mercredi, d’un comité central d’entreprise extraordinaire était l’occasion d’obtenir du PDG des précisions essentielles sur son projet de plan de départs volontaires, écrit le SNJ. (…) Mais à l’obtention de réponses, les syndicats grévistes ont préféré quitter la salle. La politique de la chaise vide, au risque de foncer dans le mur. »« Depuis le début, le SNJ n’est pas vraiment dans le mouvement de grève qui est mené par l’intersyndicale », relativise un journaliste syndiqué. Gréviste, celui-ci reconnaît que lors de l’assemblée générale de mercredi, il y a eu un débat sur l’opportunité d’assister ou non au CCE. « Plus largement, les gens sont partagés, explique ce journaliste qui s’est abstenu lors du vote, vendredi, de la motion de défiance contre Mathieu Gallet. La défiance envers le président de Radio France affaiblit-elle l’entreprise ou pousse-t-elle le gouvernement à enfin prendre la main en nommant un médiateur ? Avec un navire sans pilote, la situation serait-elle pire qu’aujourd’hui ? C’est une vraie ligne de fracture. Les gens sont un peu perdus. » Communiqué du SNJAlexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard C’est un Mathieu Gallet combatif qui s’est présenté, mercredi 8 avril, devant les députés de la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Hasard du calendrier, cette audition était prévue juste avant la présentation formelle du projet stratégique du président de Radio France devant le comité central d’entreprise (CCE).Invité par le président de cette commission, Patrick Bloche, à « fendre l’armure », M. Gallet a profité de l’occasion pour détailler ce projet, mais aussi s’exprimer plus largement sur la crise que traverse l’entreprise publique depuis trois semaines. Il a enlevé les lunettes qu’il portait pendant que les députés lui ont posé une trentaine de questions. Et quitté la moue perplexe qu’il affichait parfois pendant cette très longue série d’interpellations.Lire aussi :Radio France : un projet stratégique sans surpriseMathieu Gallet arrive à l'Assemblee nationale pic.twitter.com/PGmQQyPgkS— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Dans sa réponse, M. Gallet s’est animé et a réaffirmé ses « convictions » sur la réforme de Radio France, alors que l’audition était diffusée en direct devant l’assemblée générale des grévistes, à la Maison de la radio,#Radiofrance Gallet: "radio France est au bout de son modèle économique passé."— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015A #RadioFrance, les salariés en AG écoutent (quasi) religieusement l'audition de #Gallet à l'Assemblée pic.twitter.com/PqHZ1ibFHT— Rémi Banet (@RemiBanet) 8 Avril 2015Il a également opéré un mea culpa sur sa méthode et son style :#Radiofrance Gallet: "mon erreur a été d'intégrer très tôt les contraintes budgétaires"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015#Radiofrance Gallet: "on a peut être pas assez partagé le projet avec les salariés"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015#Radiofrance Gallet: évoque sa "personnalité": "oui je ne suis pas très expansif. Mais pas malpoli non plus. Le fond, ce n'est pas moi"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Sans oublier de pointer le rôle de l’Etat dans la situation budgétaire délicate de Radio France :#Radiofrance Gallet: "la redevance a augmenté depuis 2012, rien n'est allé à Radio France"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Il s’est posé en protecteur de l’entreprise, mise en cause la semaine dernière dans un sévère rapport de la Cour des comptes :"C'est pas la @Courdescomptes qui va faire la stratégie de @radiofrance " dit @mathieu_gallet #DirectAN— Alexis Delcambre (@alexisdelcambre) 8 Avril 2015#Radiofrance Gallet: "je ne porterai pas de plan de départs contraints à radio fŕance"— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Alors que Le Canard enchaîné a de nouveau mis en cause M. Gallet, mercredi 8 avril, cette fois sur les conditions de sa nomination par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en 2014, le PDG a maintenu sa thèse d’une campagne orchestrée contre lui :#Radiofrance Gallet: "le canard canarde... Je veux bien avoir le dos large mais on me salit."— alexandre piquard (@apiquard) 8 Avril 2015Sur les affirmations de l’hebdomadaire liée à son passage à l’INA, Mathieu Gallet a affirmé qu’un des contrats (attribué à l'agence EuroRSCG) avait été signé avant son arrivée. « Le Canard devait avoir de bonnes sources pour ne pas vérifier », a-t-il ironisé. « Le Canard ajoute des contrats de conseil qui n’ont rien à voir. On a l’impression que j’ai dépensé un million d’euros de 'hair et makeup'... On a parfois besoin de consultants, de personnes extérieures dans une entreprise ! », a-t-il plaidé, défendant son bilan à l'INA.Alors que les syndicats réclament une « médiation » pour reprendre les négociations avec lui, Mathieu Gallet ne s’est pas montré fermé à cette idée :#Radiofrance Gallet: "peut être qu'on aura besoin d'une intervention extérieure pour retisser le dialogue social"— alexandre piquard (@apiquard) April 8, 2015Toutefois, après l’audition, il a précisé en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement, peut-être davantage à un recours à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.A la fin de l’audition, le plus dur restait toutefois à venir pour M. Gallet, qui devait rencontrer les syndicats à 14 heures lors d’un CCE extraordinaire :"Je ne lâcherai rien" conclut @mathieu_gallet qq minutes après que la @CGT_RadioFrance a publié un communiqué "Ne rien lâcher" #frontal— Alexis Delcambre (@alexisdelcambre) 8 Avril 2015Après sa prise de parole, Mathieu Gallet a été félicité par certains députés : « Sois comme tu es », lui a lancé l’UMP Michel Herbillon, estimant qu’il avait « enfin fendu l’armure ». « Il faut que je me fasse violence », a souri Mathieu Gallet, jouant de son personnage réputé peu expansif. « Il a joué cartes sur table », a estimé l’UMP Franck Riester, estimant que M. Gallet, « s’il se lâche comme cela avec les salariés », a des chances de « reprendre la main ».Las, la députée PS de Paris Annick Lepetit a été elle plus déçue : « Il n’a rien dit... ». « On le sent blessé et il a répondu sur le fait que son ’moi’ était inattaquable. Mais l’important, ce sont ses actions », a regretté le député Michel Françaix, qui siège au conseil d’administration de Radio France. Ce dernier a souligné que l’Etat avait consenti un effort financier en promettant une dotation (de 80 millions d’euros selon lui). Ne resterait donc plus qu’à aider M. Gallet pour le dialogue social, pense le député, selon lequel il semble difficile d’éviter le recours à un intermédiaire extérieur.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Au vingt et unième jour de grève à Radio France, mercredi 8 avril, la situation restait profondément enlisée. Certes, la direction se félicitait d’un nombre de grévistes déclarés moins important – 193 mardi 7 avril, contre 334 jeudi 2 avril, et 482 vendredi 3 avril –, mais ces chiffres sont peu signifiants, compte tenu du système de grève « tournante » mis en place par les syndicats. Le président de l’entreprise publique, Mathieu Gallet, devait présenter au comité central d’entreprise, mercredi 8 avril, la dernière version de son projet stratégique, fruit de ses échanges avec le gouvernement, que Le Monde s’est procuré. Mais la réunion a tourné court rapidement, s’ouvrant sur une déclaration conjointe des élus CFDT, CGT, SNFORT, SUD et Unsa estimant le projet de la direction « lourd de périls graves pour l'avenir de Radio France ».Quatre éléments expliquent cette impossible reprise de dialogue entre salariés et direction. Le premier est lié à l’épuisement des négcotiations dans un conflit qui a démarré le 19 mars. Samedi 4 avril, les échanges pour intégrer l’arbitrage gouvernemental favorable au maintien des deux orchestres, qui étaient menacés de fusion, ont certes repris, mais sans avancées notables.Autre point de blocage, la radicalisation d’une partie des grévistes. Mardi 7 avril, plusieurs voix ont appelé à rompre complètement les négociations ou encore à multiplier les motions de défiance contre les 198 cadres de direction, qui concentrent une partie du ressentiment. Dans ce contexte ressurgit l’épineuse question de la « médiation », et ce alors que M. Gallet doit faire face à une motion de défiance votée le 3 avril. Enfin, l’absence du Conseil supérieur de l’audiovisuel – qui a choisi à l’unanimité le nouveau président de Radio France il y a un an – est aujourd’hui montrée du doigt.L’épuisement des négociationsC’est un fait : les négociations sociales sont à l’arrêt depuis au moins neuf jours. Le 30 mars, la direction a proposé un protocole d’accord qui a été refusé. Samedi 6 avril, les échanges ont repris, pour intégrer l’arbitrage gouvernemental favorable au maintien des deux orchestres, qui étaient menacés de fusion. Mais il n’y a pas eu d’avancée sur les trois autres revendications des syndicats (abandon des réformes du service propreté et moyens pour l’accueil et la sécurité ; abandon de la réforme des modes de production ; maintien des effectifs et rejet des mutualisations de programmes sur France Bleu).La direction semble ne plus avoir aucune marge de manœuvre. S’engager sur les revendications des grévistes reviendrait à rendre presque impossible le rétablissement de l’équilibre budgétaire, que l’Etat demande pour 2017. Les syndicats eux n’entendent pas céder face à une direction affaiblie et à un Etat hésitant. Le système de grève « tournante » permet de durer, malgré l’irritation grandissante d’une partie des salariés de la maison, notamment les journalistes, et de certains auditeurs.Reste que la ligne syndicale est parfois contradictoire. Ainsi, les syndicats sont partagés entre le refus de négocier davantage avec la direction – illustré par la motion de défiance votée, vendredi, contre Mathieu Gallet – et le fait de continuer à se rendre aux réunions pour en retirer « tout ce qu’on pourra obtenir ». Les points de compromis possibles ne font pas l’objet d’échanges lors des assemblées générales, comme si la seule ligne était de faire céder la direction.La radicalisation d’une partie des troupes Les assemblées générales qui rythment le quotidien de la Maison de la radio donnent des signes de durcissement. Mardi, plusieurs voix ont appelé à rompre complètement les négociations ou encore à multiplier les motions de défiance contre les 198 cadres de direction, qui concentrent une partie du ressentiment. Un courant que les délégués syndicaux ont peiné à contenir. « C’est 1793 ! », s’est exclamé l’un d’eux.La force du mouvement est en même temps sa faiblesse : tous les corps de métiers y participent, mais cela donne parfois l’image d’une mobilisation « attrape-tout », avec des desiderata pouvant évoquer des inventaires à la Prévert, mêlant éléments très concrets et grandes idées, comme cet appel entendu mardi à la mise en place d’une « démocratie participative » dans l’entreprise. « La question est désormais : les organisations syndicales tiennent-elles la base ? » se demande un journaliste.Depuis plusieurs jours, les « AG » accueillent aussi des militants extérieurs : syndicalistes de France Télévisions ou de l’INA, représentants de la Coordination des intermittents et précaires, et même personnel venu de… Carrefour Market. La perspective de la journée d’action interprofessionnelle du jeudi 9 avril, à laquelle les syndicats appellent contre l’« austérité », est manifestement présente à l’agenda de certains, qui espèrent surfer sur la grève à Radio France pour mobiliser plus largement.L’épineuse question de la « médiation »Depuis le vote d’une motion de défiance contre Mathieu Gallet, jugé « discrédité », vendredi 3 avril, les syndicats ont ajouté une nouvelle revendication : la mise en place d’une « médiation ». « Vous êtes, Madame la ministre, notre médiateur naturel, ont-ils écrit, mardi, à Fleur Pellerin. (…) Nous vous demandons d’intervenir en tant que médiatrice, dans une situation où vous avez commencé à vous engager. » Le secrétaire national de la CGT, Philippe Martinez, a réclamé mardi le départ du PDG. « On est arrivé à un point de non-retour », a-t-il estimé. Et mercredi, lors du comité central d’entreprise, les syndicats devaient réitérer leur « refus du projet » et leur « défiance » envers leurs interlocuteurs.Mais pour le gouvernement, la mise en place d’une telle médiation l’amènerait à endosser la responsabilité des négociations, dans un cadre très contraint où les marges de manœuvre sont réduites. Et donc leur éventuel échec. Et serait inévitablement exploitée politiquement, illustrant une forme d’échec de l’indépendance des entreprises de l’audiovisuel public à l’heure où le nouveau président de France Télévisions doit être désigné par le CSA, avant la fin mai.L’absence du CSALe Conseil supérieur de l’audiovisuel a nommé Mathieu Gallet en février 2014, mais il rappelle qu’il n’a pas le pouvoir de tutelle sur Radio France. Il peut toutefois mettre fin au mandat du PDG, « par décision motivée », après une audition. Les grévistes de Radio France ont apporté, mardi, leur motion de défiance au CSA, un geste symbolique.Le partage du pouvoir entre l’Etat et le CSA est une des sources du problème, martèle aujourd’hui la droite : « Ce vernis d’indépendance n’est qu’un affichage qui pousse la tutelle à se défiler face à ses responsabilités », a ainsi lancé le député (UMP) Christian Kert au président du CSA, auditionné mardi 7 avril à l’Assemblée nationale.En réponse, Olivier Schrameck a estimé que cette répartition des pouvoirs suivait « une distinction assez claire » : « Le CSA nomme et veille au respect du cahier des charges et de l’exigence sur les programmes, tandis que l’exécutif exerce la tutelle et le suivi économique. »Depuis le début, le CSA – épinglé par Le Canard enchaîné, mercredi, sur les conditions de la nomination de M. Gallet –, a gardé ses distances avec les difficultés du PDG, auquel il a renouvelé sa confiance le 25 mars. Mardi, M. Schrameck a assuré se tenir « étroitement informé » et rester « très sensible » aux préoccupations des salariés et des auditeurs. Tout en refusant « d’outrepasser son rôle ».Lire aussi :En France et à l’étranger, des orchestres en panne de financementsAlexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.04.2015 à 17h36 • Mis à jour le07.04.2015 à 18h01 | Alexis Delcambre « Mon projet reprend ce que j’ai déjà présenté, il n’y aura rien de vraiment nouveau », annonçait Mathieu Gallet, jeudi 2 avril, sur les ondes de France Inter. La promesse est tenue, si l’on en croit le document qui a été remis aux syndicats mardi 7 avril, à la veille de sa présentation en comité central d’entreprise (CCE), mercredi. Projet stratégique de Radio FranceLe projet comprend cinq points :Radio France, radio de tous à l’ère numériqueRadio France, acteur majeur de la musique et de la culture en FranceAller à la rencontre des publics et diversifier les activitésTransformer et moderniser l’entrepriseLes principes du retour à l’équilibreOn y retrouve la plupart des axes développés par Mathieu Gallet depuis son audition par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui l’a désigné en février 2014.En réponse aux attentes de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, le document s’efforce de mieux définir ce qu’est le « service public de radio ». Il met en avant la singularité de ses sept chaînes, l’accessibilité pour tous renforcée par le numérique, l’information de référence et de proximité, et le soutien à la création – sans toujours dépasser le stade des généralités.Du côté de la musique, le projet intègre l’arbitrage du gouvernement – maintien des quatre formations musicales avec « redimensionnement » – et promet un « projet artistique global et ambitieux » pour 2015. Le texte rappelle l’objectif de faire de la Maison de la radio « un nouveau lieu ouvert à tous et un nouveau lien avec le public ».« Renforcer le dialogue social »Le projet propose également de « renforcer le dialogue social », en s’appuyant sur « l’affirmation du management » et « la construction d’une communauté de cadres », ainsi que la mise en place d’un « référentiel des métiers et des compétences ».En réaction au récent et sévère rapport de la Cour des comptes, le projet affirme l’ambition d’« améliorer la performance et garantir l’exemplarité de la gestion ». Comme déjà annoncé, il prévoit un moratoire sur certaines parties du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio et une étude pour voir comment achever au mieux les parties restantes.Lire : Mathieu Gallet : « Je propose un moratoire sur le chantier de la Maison de la radio »En matière budgétaire, les leviers d’un retour à l’équilibre sont les suivants :8 à 16 millions d’euros issus d’un « élargissement des secteurs autorisés à faire de la publicité » – validé par la ministre – et de nouvelles recettes commerciales issues du numérique ;16 millions d’euros issus de l’abandon des ondes moyennes et longues et de certaines missions (météo marine, messe…)18 à 24 millions d’euros (en 2017) issus d’une réduction d’effectifs « comprise entre 250 et 330 équivalents temps plein, comprenant 300 à 380 départs et 50 créations de postes dans les métiers du développement informatique, de la production scénique et du marketing, notamment » ;enfin, « une dotation complémentaire » de l’Etat pour finir le chantier de réhabilitation et qui a été annoncée par Mme Pellerin, vendredi 3 avril.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.04.2015 à 07h55 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h13 | Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.04.2015 à 07h48 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h04 La légendaire chanteuse canadienne Joni Mitchell, l'une des gloires de la génération Woodstock, a été admise mercredi 1er avril dans un hôpital de Los Angeles à l'âge de 71 ans, a annoncé son entourage sur son compte Twitter. « Nous attendons le bilan officiel sur son état de santé que nous publierons dès que nous l'aurons reçu », a expliqué l'entourage de l'artiste sur le réseau social.« Joni est actuellement en observation dans une unité de soins intensifs. Elle est consciente et a bon moral. Allumez une bougie, chantez, et envoyons-lui tous nos vœux », indique le site de l'artiste. Selon TMZ, site spécialisé dans l'actualité des stars, les services d'urgence de Los Angeles sont intervenus vers 14 h 30 au domicile de la chanteuse, qui était inconsciente. La chanteuse « a repris conscience pendant son transport en ambulance à l'hôpital », a précisé le site de la chanteuse.Joni Mitchell, de son vrai nom Roberta Joan Anderson, a connu le succès grâce, entre autres, à des chansons comme The Circle Game, Big Yellow Taxi et Help Me.Au cours de sa carrière, elle a reçu huit Grammy, le prix le plus important de l'industrie musicale aux Etats-Unis.La chanteuse a affirmé souffrir de la maladie des Morgellons, une affection dont l'existence n'est pas reconnue par le corps médical. Ce dernier l'associe plutôt au syndrome d'Ekbom ou délire de parasitose, une forme de psychose centrée sur la conviction d'être infesté de parasites corporels. En décembre 2014, elle avait expliqué au magazine Billboard que sa maladie l'empêchait de se produire sur scène. 31.03.2015 à 17h39 | Claire Guillot Il y avait du surréalisme dans les photos du Belge Michel Vanden Eeckhoudt : dans ses images d’animaux à l’air étonnamment humain, comme dans ses photos d’humains qui semblaient débarquer d’une autre planète pour atterrir dans la rue à côté de nous. Le photographe est mort, samedi 28 mars, après une longue maladie.Né en 1947, d’une mère assistante sociale et d’un père docteur en sciences naturelles, Michel Vanden Eeckhoudt a collaboré régulièrement au journal Libération, et est devenu membre fondateur de l’agence Vu, dirigée par Christian Caujolle – il y est resté jusqu’à sa mort. Amoureux de l’argentique et du noir et blanc, Michel Vanden Eeckhoudt s’est fait une spécialité de faire surgir l’étrangeté et l’humour – très grinçant – dans tous les sujets traités.L’enfermement des hommes et des bêtesAprès un premier livre, Chroniques immi­grées, en col­la­bo­ra­tion avec Christian Carez (1978), il rencontre l’éditeur Robert Delpire en 1979, qui publiera un livre avec ses photos prises dans des zoos, Zoologies (1982), avec une préface de Claude Roy. Ni misérabiliste ni sentimental, le livre traite de front la question de l’enfermement, et met au même niveau les bêtes et les hommes, qui semblent malgré les clins d’œil pleins d’humour unis dans la même existence lugubre.Les cadrages lui permettent d’inattendus téléscopages, ses tirages très noirs, aux accents expressionnistes, font ressortir un œil, un bras, un pelage là où on ne l’attend pas. Il utilisera le même regard distancé et décalé pour traiter du monde du travail, jetant un œil critique sur l’aliénation des ouvriers face à leur outil de production – des images réunies dans le livre Les Travaux et les Jours, publié chez Actes Sud en 1996, et exposées à la Filature de Mulhouse en 1998.Michel Vanden Eeckhoudt s’est penché sur la Sicile, sur le fonctionnement de la justice en France ou sur la banlieue – il a fait partie de la commande collective Clichy sans clichés en 2006, sans cesser de s’intéresser aux animaux : un de ses livres (il en a publié douze) est même consacré uniquement aux canidés et à leur compagnonnage avec les humains (Chiens, Ed. Marval, 1997). Son travail, réuni dans un ouvrage de la collection Photopoche (numéro 110, 2006, Ed. Actes Sud), a aussi été exposé en majesté aux Rencontres d’Arles en 2013.Pour voir des images de Michel Vanden Eeckhoudt : la page de l’agence Vu qui rend hommage au photographe, ou celle de la galerie Camera Obscura qui le représente.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.03.2015 à 10h43 • Mis à jour le31.03.2015 à 11h43 | Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) Récit du long et implacable processus de reconquête de la « Judée-Samarie » (mardi 31 mars à 23 h 40 sur France 2). Voici un post-scriptum aux élections législatives israéliennes du 17 mars qui aurait mérité d’en être le prologue. Au nom du temple, le documentaire que France 2 diffuse ce soir dans « Infrarouge », constitue un éclairage inquiétant sur le sionisme messianique. Sa nature religieuse, géographique, politique et démographique en fait un véritable projet de civilisation, devant lequel la gauche israélienne a été incapable de formuler un discours alternatif convaincant. Sa montée en puissance depuis la guerre des Six-Jours, en 1967, est l’une des raisons majeures de l’impasse totale dans laquelle se trouve le conflit israélo-palestinien.La vieille ville de JérusalemL’auteur du documentaire est le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin. Grâce à son recul, à ses archives et sa connaissance des acteurs, il montre comment la victoire de 1967 et la conquête symboliquement inestimable de la vieille ville de Jérusalem ont ouvert la voie à l’idée d’une reconquête, d’une revanche millénaire. Dès lors, il n’y aura plus rien à négocier, pour les radicaux, puisque c’est Dieu qui a accordé les droits sur la terre au peuple juif.Les premiers colons se sont lancés à la conquête de la « Judée-Samarie », nom biblique de la Cisjordanie, en profitant d’une sorte de vacance d’autorité. La poignée d’extrémistes isolés est parvenue à créer un courant, s’enracinant dans les territoires occupés, grignotant les champs, les maisons et les villes des Palestiniens, empêchant toute continuité territoriale au fil des décennies. « Le gouvernement s’opposera à toute tentative d’implantation sans son autorisation », dit le premier ministre Yitzhak Rabin lors de son premier mandat (1974-1977). Mais, face à lui, se dresse le Bloc de la foi, le mouvement Gush Emunim, créé par les étudiants du rabbin Zvi Yehouda Kook.DouteuxLa première destination des colons a été Hébron, où se trouve le tombeau des Patriarches. Quelques dizaines d’étudiants religieux s’y installent pour la Pâque juive en 1968. Les autorités israéliennes ne les expulsent pas. Pour éviter les confrontations, elles vont créer des quartiers, des villes nouvelles, illégales, destinés à accueillir ces colons. La mécanique est enclenchée. La marche arrière est difficile. Lorsque la gauche tentera d’emprunter la voie des négociations avec les Palestiniens, elle rencontrera une opposition totale. Au prix d’un traumatisme national lorsque le 4 novembre 1995, après une manifestation, Yigal Amir, un militant religieux et nationaliste, a tué le premier ministre Yitzhak Rabin.Les colons étaient 20 000 en 1977, 70 000 dix ans plus tard. Aujourd’hui, on estime leur nombre en Cisjordanie à 380 000. Leurs voix ont pesé lourd dans la victoire surprise du Likoud aux élections du 17 mars. Dans un moment fort du documentaire, Benyamin Nétanyahou justifie sa décision d’évacuer l’armée d’une partie d’Hébron, début 1997, par un dessein plus large, ce qui montre bien à quel point son engagement de principe en faveur d’un Etat palestinien en 2009 est douteux. « Renoncer à du territoire est difficile ! Il s’agit d’une partie de ma terre, d’un lieu où mes ancêtres, les prophètes et les rois d’Israël ont vécu, et où tant de générations de juifs ont rêvé de retourner. J’allais donc appliquer l’accord conclu par Pérès mais dans l’intention de le faire avec l’idée fondamentale de donner la partie arabe de Hébron en échange de la totalité de la Judée-Samarie. Ou presque. »« Au nom du temple », de Charles Enderlin et Dan Setton (Fr., 2015, 55 min). Mardi 31 mars à 23 h 40 sur France 2.Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)ReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde Clarisse Fabre C’est la fin de la saison 1 du feuilleton grenoblois : Jean-Claude Gallotta va devoir quitter fin 2015 la direction du Centre chorégraphique national (CCN), un poste qu’il occupe depuis 1984. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, lui a fait part de sa décision, mardi 24 mars, lors d’un rendez-vous, rue de Valois. La saison 2 va pouvoir commencer : un appel à candidatures va être lancé pour recruter le (ou la) successeur(e) de Gallotta, qui entrera en fonction le 1er janvier 2016, à la tête de ce lieu historique.Symbole de la décentralisation culturelle, le CCN de Grenoble partage les mêmes locaux que la scène nationale, dite MC2, dirigée par Jean-Paul Angot – à l’origine une Maison de la culture inaugurée par André Malraux en 1968, puis rénovée en 2004. En 1979, Jean-Claude Gallotta avait fondé le groupe Emile Dubois, à Grenoble, avant d’intégrer la Maison de la culture en 1980. Sans doute cette stature de pionnier de la danse contemporaine lui a-t-elle valu un traitement à part.En effet, depuis les nouvelles règles de 2010, la durée du mandat d’un directeur de CCN est fixée théoriquement à dix ans – un mandat de quatre ans, renouvelable « dans la limite de deux périodes de trois ans ». Selon les cas, ou les circonstances, le mandat peut être prolongé de quelques années. Gallotta aura bénéficié d’une durée de trente ans. Mais l’infatigable chorégraphe, qui enregistre avec sa troupe « entre 80 et 100 dates par an », en voulait encore. Du 9 au 15 juin sera présentée à la MC2 sa dernière création, L’Etranger, d’après le roman d’Albert Camus.Un projet de fusion à l’étudeLes premiers soubresauts sont survenus il y a quelques mois : au ministère de la culture, un projet de fusion du CCN au sein de la MC2 de Grenoble était à l’étude. L’enjeu était de créer un pôle chorégraphique pour la danse, et de développer les projets artistiques, soutenus par le budget de production de la MC2 et ses deux studios de danse. Cela tombait bien : Gallotta se sentait « à l’étroit » dans le CCN et rêvait de créer un « outil de deuxième génération », une sorte de « hub » pour la danse contemporaine. Angot et Gallotta se sont attelés à la tâche.Mais leurs deux projets de fusion, successivement présentés au ministère de la culture, ont été refusés. Le second, en particulier, associait le chorégraphe Rachid Ouramdane, en vue d’incarner la relève de la nouvelle génération. L’affaire était observée en haut lieu, au ministère : en effet, le directeur général de la création artistique (DGCA) n’est autre que Michel Orier, lequel a dirigé la MC2 de Grenoble de 2002 à 2012. Et la déléguée danse de la DGCA, Irène Basilis, nommée par M. Orier, a été chargée de la programmation danse à la MC2.Lire aussi :A Grenoble, la mairie rêve d’un « hub » pour la danseGallotta pensait avoir « deux soutiens » à des postes-clés. Mais le ministère a considéré que les deux projets « ne garantissaient pas une meilleure place pour la danse », indique-t-on rue de Valois. Des raisons d’ordre budgétaire et politique - un contexte de baisse des subventions, à la veille d’élections départementales incertaines - sont également entrées en ligne de compte. L’association qui fédère les dix-neuf CCN du territoire s’était, par ailleurs, mobilisée contre la fusion, jugée comme un mauvais signal alors que l’année 2015 marque l’anniversaire des trente ans des CCN.« Un outil mieux partagé, durable et consolidé »Localement, les acteurs de la danse contemporaine, qui suivent le feuilleton depuis des mois, dans un contexte économique tendu, aspiraient tous à une chose : travailler ensemble dans un climat apaisé. Le maintien du CCN semble les satisfaire. « Nous accueillerons à bras ouverts la prochaine équipe du CCN », souligne Christiane Blaise, qui dirige le Centre de développement chorégraphique (CDC) de Grenoble, Le Pacifique, lieu de fabrique et d’accompagnement, pour les compagnies. « Ce que je souhaite, c'est que la nouvelle proposition affirme la volonté d’inventer un outil mieux partagé, durable et consolidé », dit-elle, en pesant ses mots.De son côté, le patron de la MC2 veut tourner la page. « Le ministère m’a dit : il faut intégrer le CCN. J’y ai travaillé, ma proposition a été écartée. J’ai un peu perdu du temps », constate Jean-Paul Angot, par ailleurs président de l’association des scènes nationales. Mais il a d’autres chats à fouetter, ajoute-t-il : « Avec ce qui se passe en ce moment, les baisses de subventions des collections locales, la mise en danger des lieux, l’intégration du CCN de Grenoble n’est pas la question la plus importante. Ce qui compte aujourd’hui, c’est de défendre les artistes ». Gallotta l’infatigable ne s’est pas démonté : le projet de fusion écarté, il a fait savoir au ministère qu’il souhaitait rester à la tête du CCN jusqu’en 2018, pour mener à bien tous ses projets et laisser le temps à son équipe de dix permanents (à l’administration) de se retourner. Le maire de Grenoble, Eric Piolle, élu d’Europe Ecologie-Les Verts, était prêt à le soutenir dans sa démarche, dit-il. « Il m’a même proposé de m’accompagner lors de mon rendez-vous avec la ministre. Mais le cabinet a décliné », raconte Jean-Claude Gallotta.Le chorégraphe a perdu cette deuxième manche, mais il obtient un lot de compensation : le ministère de la culture va l’accompagner financièrement à hauteur de 200 000 euros annuels, pendant trois ans, soit un niveau plus élevé que le montant en vigueur (150 000 euros annuels, pendant trois ans). Il sera, par ailleurs, artiste associé au sein de la MC2 jusqu’en 2018. Il faut tirer une leçon de cette histoire, estime Gallotta : « En France, on réfléchit beaucoup à l’émergence, mais on pense moins aux artistes qui arrivent dans leur maturité. Etre directeur d’un CCN, ça peut vous épuiser. Ou ça vous donne des ailes, et c’était mon cas », explique-t-il. Dans l’entourage de Fleur Pellerin, on répond que « la vie d’un chorégraphe continue après un CCN », en citant l’exemple de Maguy Marin, qui a dirigé plusieurs centres chorégraphiques et continue d’évoluer avec sa propre compagnie.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.03.2015 à 11h54 • Mis à jour le30.03.2015 à 12h08 Jean-Sébastien BachSuites anglaises n° 1, 3 et 5 Piotr Anderszewski (piano) Piotr Anderszewski ne fait jamais rien à moitié. Ces trois Suites de Bach (1685-1750), longuement mûries au concert, ont été livrées au disque dans toute leur plénitude. Une ivresse de jeu mêlée d’un sentiment d’urgence, une opulence sonore qui ne sacrifie jamais la clarté d’articulation. Contrepoint affirmé comme un dogme, structure dynamique précisant le squelette architectural, ornements posés comme les ponctuations d’un discours, l’inspiration du pianiste polonais nous entraîne sur des terres connues de lui seul. La multiplicité des plans sonores, de l’extrême fluidité au tranchant le plus net, le chassé-croisé des dynamiques, de l’imperceptible à la puissance d’une énergie pure, sont étourdissants. Ce Bach épuré et prolixe, lyrique et sévère, solaire et intimiste, témoigne de la fulgurante singularité d’un interprète hors du commun. Marie-Aude Roux1 CD Warner Classics.Marcus MillerAfrodeezia ! Pour son premier album publié par le prestigieux label Blue Note, Marcus Miller (basse électrique, clarinette basse, compositeur) donne toute sa mesure. Ses tournées planétaires sont autant de succès. Dès qu’il attaque un morceau par ce claquement « funky » qui l’a rendu célèbre, le slap, il faut voir la joie immédiate du jeune auditoire. Son groupe, parfaitement lié, plus que ça – Alex Han, très vibrant à l’alto, Louis Cato, le batteur, Lee Hogans, trompette, etc. –, est ici rejoint par des musiciens africains, brésiliens, et des invités de luxe : Ambrose Akinmuserie (trompette) ou Robert Glasper (piano). L’album est enregistré au fil des tournées. Au Brésil, à la fin d’un concert, ils dénichent un studio à minuit et continuent de jouer. Il y a dans Afrodeezia ! une joie, un groove et une perfection très libre. Marcus Miller prend son rôle d’ambassadeur de l’Unesco, « sur la route de l’esclavage », comme il fait toutes choses : avec autant d’allant que de sérieux. Cet album raconte une histoire (réminiscences de la première production de Marcus Miller pour Miles Davis (1926-1991), et exalte les qualités de Marcus Miller, « producteur », l’équivalent du rôle d’architecte ou de réalisateur. Francis Marmande1 CD Blue Note.OrlandoKing Kong Power Trio formé en 2004 par Christelle Boizanté, Aïda Sanchez et Frédéric Marchand, Orlando nous avait séduits par ses spectacles puis un premier disque. Publié en 2012, même s’il ne dégageait pas tout à fait le même intérêt que le trio à la scène, on y entendait un univers original. Avec ce deuxième enregistrement, King Kong Power, issu d’un spectacle créé en 2013, Orlando fait un grand pas en avant. Par la qualité des arrangements, sur une base voix et claviers (Marchand et Sanchez), rejoints ici par une guitare, une rythmique, des effets de cordes, des surgissements sonores. Par la capacité de chaque chanson, dans les textes, le phrasé, à devenir des récits, que cela soit de jolies dérives du quotidien (J’aime J’aimerais ou Dimanche), des fantaisies (Reste vivant), des sujets inquiétants (Perfect) et le nucléaire Je ne t’aime pas à propos de la maltraitance faite aux enfants. A savourer. Sylvain Siclier1 CD Lala Farcette sur Orlandoletrio.com.Laura PerrudinImpressions  Chanteuse et harpiste, Laura Perrudin propose un album très convaincant, produit à la mode en cours des soutiens et souscriptions sur Internet : Impressions. Tous les musiciens du monde ont commencé par la scène, puis, selon désirs ou engagements, finissent par entrer en studio. Monde à l’envers : Impressions est un album impatient. Sans remonter à Alice Coltrane (1937-2007), Laura Perrudin s’inscrit dans une imposante lignée de harpistes. Son instrument, mis au point par le luthier Philippe Volant, est une « harpe chromatique à cordes alignées ». Soit une harpe qui offre un jeu moins obligé que la harpe classique, plus rythmique et harmonique. Toute la culture musicale de Laura Perrudin s’y exprime. Tout son doigté. Sa voix est claire, les mélodies originales, le répertoire – la grande poésie de langue anglaise – construit un univers singulier. Elle, elle entretient une relation baudelairienne aux « correspondances ». Son jeu et sa diction lisibles, le travail de studio, la présence de son partenaire en scène, Edouard Ravelomantsoa (claviers), tout concourt : Laura Perrudin donne à entendre une pensée, un univers, un être. F. M.1 CD L’Autre Distribution. Daniel Psenny La chaîne franco-allemande diffuse chaque année plusieurs films du patrimoine mondial et participe à leur restauration.Sans faire de bruit, les chefs-d’œuvre du cinéma muet ont trouvé leur place et leur public sur Arte. Depuis 1994, la chaîne franco-allemande diffuse en effet, chaque année, plusieurs films muets du patrimoine mondial ainsi que des documentaires et des films d’animation qui ont marqué le cinéma avant l’apparition du parlant.« Le cinéma muet fait partie de nos petits plaisirs ! », sourit Alain Le Diberder, directeur des programmes d’Arte, qui, lundi 30 mars, accueillera le public au Théâtre du Châtelet, à Paris, où sera projetée, dans le cadre d’un ciné-concert exceptionnel, la version restaurée de L’Inhumaine (1924), de Marcel L’Herbier (1888-1979).Le film, qui sera diffusé le 4 mai sur Arte, est accompagné par une création musicale originale du percussionniste Aidje Tafial pour ensemble instrumental, en partie inspirée des partitions que Darius Milhaud avait composées pour deux séquences majeures du film.« On ne s’attend pas à l’audience de“The Voice”, mais nous avons un vrai public de passionnés fidèles », souligne Alain Le Diberder en insistant sur « la mission de service public » de cette programmation. En 2014, pour la commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, Arte a ainsi diffusé, le 11 novembre, le J’accuse d’Abel Gance, d’une durée de près de trois heures, datant de 1919 et entièrement restauré.  Selon les études d’audience, ces films muets ont été suivis, en moyenne, par près de 50 000 téléspectateurs en 2014, et réalisent le double d’audience lors de leurs diffusions en gratuit sur l’offre numérique Arte Cinéma grâce aux réseaux sociaux. Et, dans la foulée de L’Inhumaine, Arte diffusera, chaque lundi du mois de mai, trois films rares et inédits en version restaurée : La Peste à Florence, d’Otto Rippert (1919), Die Stadt der Millionen, d’Adolf Trotz (1925) et La Chronique de Grieshuus, d’Arthur von Gerlach (1924).« Reconstruire une modernité »Cette volonté de transmettre aux jeunes générations le patrimoine du cinéma mondial tient surtout, selon Alain Le Diberder, à la volonté d’une « internationale de passionnés », comme l’ancien producteur, Serge Bromberg, qui, depuis plusieurs années, propose des cinés-spectacles « Retour de flamme » où sont projetés des films rarissimes dénichés un peu partout.« Le défi est de reconstruire une modernité pour des œuvres qui n’ont jamais cessé d’être modernes », explique Serge Bromberg. Ainsi, chaque année, près de dix films sont restaurés avec l’aide des laboratoires Eclair, de la cinémathèque de Bologne (Italie) et de l’université de Californie à Los Angeles. Une initiative financée en grande partie par la chaîne allemande ZDF et Arte-GEIE, qui investissent entre 40 000 euros et 150 000 euros pour la restauration de ces œuvres.« Selon l’état de la copie ou des différentes versions, la restauration n’est pas la même et nécessite des travaux techniques plus ou moins importants, explique Alain Le Diberder. Pour certains, il s’agit d’un simple nettoyage et pour d’autres d’une véritable greffe d’organes tellement le film est en mauvais état ! »« Il existe une renaissance du muet auprès des jeunes qui, avec leurs ordinateurs, se sont habitués à voir toutes sortes d’images sans le son », note le directeur des programmes d’Arte, qui espère récupérer de nombreux films tombés désormais dans le domaine public.Dès le mois d’avril, le site proposera ainsi onze grands classiques muets du patrimoine mondial dont Intolérance, de D. W. Griffith (1916), Le Cuirassé Potemkine, de S. M. Einsenstein (1925), Le Dernier des hommes, de F. W. Murnau (1924) ou Les Nibelungen, de Fritz Lang (1924). Autant de raretés qui seront accompagnées de nombreux bonus.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.03.2015 à 22h36 • Mis à jour le30.03.2015 à 00h31 L'acteur britannique Roger Moore s'est défendu de tout racisme, samedi 28 mars, réagissant à la polémique provoquée par ses propos parus dans l'hebdomadaire Paris Match, sur le prochain interprète de James Bond qui pourrait être l'acteur anglais noir Idris Elba.Lire aussi le post de blog : Bientôt un James Bond noir ?An interview I gave to Paris Match implies I said something racist about Idris Elba. That is simply untrue. #Lost in translation.— Sir Roger Moore (@sirrogermoore)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Une interview que j'ai accordée à Paris Match laisse entendre que j'ai dit quelque chose de raciste sur Idris Elba. C'est simplement faux #Perdu dans la traduction. »)Lors de cet entretien, le comédien anobli de 87 ans s'exprimait sur les différents acteurs qui ont endossé, comme lui, le costume du célèbre agent de Sa Majesté et sur le fait qu'Idris Elba, révélé dans les séries The Wire et Luther,  puisse être le prochain.« Bien que James [Bond] ait été joué par un Ecossais, un Gallois, un Irlandais, je pense qu'il doit être Anglais-Anglais. C'est néanmoins une idée intéressante, mais irréaliste, réagissait-il alors. Il y a des années, j'ai dit que Cuba Gooding Jr [un acteur afro-américain] ferait un excellent Bond, mais c'était une plaisanterie ! »« Qu'est-ce qu'un Anglais ? »Ses propos ont enflammé instantanément les réseaux sociaux et les commentaires allaient bon train samedi :Also, Idris Elba was born in London, England, which sounds pretty English. I'm not even a Bond fan, but shut up Roger Moore.— April Hubbel (@apriljhk)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Bien qu'Idris Elba soit né à Londres, Angleterre, ce qui semble plutôt anglais. Je ne suis même pas un fan de Bond, mais taisez-vous Roger Moore »)Dear Roger Moore , What's an English English man?— Mena (@menamwale)require(["twitter/widgets"]);(Traduction : « Cher Roger Moore. Qu'est-ce qu'un Anglais ? »)Appel à la mesureContacté par l'Agence France-Presse, le responsable des pages « Culture » de Paris Match, Benjamin Locoge, a assuré, « enregistrement de la conversation à l'appui, que les propos de Roger Moore avaient été fidèlement retranscrits ».Selon lui, « Roger Moore sous-entend que ce serait compliqué d'avoir un James Bond noir dans le sens où on ne peut imaginer un général De Gaulle joué par un acteur noir et James Brown par un blanc ». Et ce dernier d'appeler à la mesure les internautes.Roger Moore a incarné James Bond à sept reprises entre 1973 (Vivre et laisser mourir) et 1985 (Dangereusement vôtre). Le nom de l'acteur Idris Elba, 42 ans, est cité depuis plusieurs années pour incarner au cinéma 007. Il est pressenti pour succéder à Daniel Craig, actuel titulaire du rôle. Joël Morio Sur Europe 1 et sur France 5, la journaliste interroge politiques et experts avec une pugnacité qu’elle a appris à rendre, avec le temps, plus chaleureuse.Porte-t-elle ses fameux escarpins de douze centimètres de talon qui font partie de sa signature à la télévision ? Une chose est sûre : c’est un sprint que court chaque matin à 7 h 25 Caroline Roux sur Europe 1. En deux minutes trente, elle livre ses « secrets de la politique ». Trois histoires inédites qu’elle débite « un chrono dans une main, mon texte dans l’autre », raconte cette jeune femme pomponnée dès potron-minet. Il est vrai que les stations de radio sont désormais équipées de caméras.L’exercice peut paraître futile à certains : dévoiler les coulisses du microcosme politique. « C’est frustrant quand je vois quelques commentaires sur les réseaux sociaux », se désole Caroline Roux, revenue en 2012 à Europe 1 après sept ans passés à Canal+. « Les gens mesurent-ils les efforts qu’il faut pour remonter les infos à la source ? J’essaye de tenir la promesse de faire découvrir aux auditeurs des informations qu’ils n’ont pas entendues ailleurs. » Les Républicains, un des noms qui traînent pour le nouveau parti que Nicolas Sarkozy souhaite créer en remplacement de l’UMP, c’est elle qui fut la première à le lâcher. Les désaccords entre Ségolène Royal, Anne Hidalgo et Cécile Duflot sur la nécessité de déclencher la circulation alternée à Paris pour lutter contre la pollution, c’est encore elle qui les a mis en lumière. « Ces informations ne font pas trembler la République, mais je retourne aux bases de ce qu’est notre métier de journaliste, je vais chercher l’info à la source. Je ne suis pas dans l’analyse molle que j’ai faite pendant longtemps, ni dans l’interview », plaide cette diplômée de l’Institut d’études politiques de Grenoble et de l’Ecole de journalisme de Marseille, qui débuta à Europe 1.Travail de haute précisionTôt chaque matin, Nicolas Escoulan, le directeur de la rédaction de la station, lui demande régulièrement : « Qu’est-ce qu’il y a dans ton cabas ? » Une formule un peu ironique pour faire le tri des informations glanées la veille par Caroline Roux. La moindre anecdote exige parfois des heures de vérification. « Il ne faut pas se faire enfumer, mais faites-moi confiance », assure-t-elle avec un grand sourire. « Je sais que celui qui vous donne une information veut souvent nuire à quelqu’un ou parle à la place d’un autre. Chaque histoire doit passer à travers le filtre de l’expérience. Quand une information m’arrive sans l’avoir cherchée, elle est toujours suspecte, c’est ensuite que commence le vrai travail. »Chaque mot est pesé. « Ce travail, c’est de l’orfèvrerie. J’ai beaucoup de respect pour les politiques et la chose publique. Je suis malheureuse quand je me trompe », reconnaît la journaliste. Le résultat est sec, sans fioritures. Une partie de ping-pong sans aucun temps mort qu’elle joue chaque matin avec Thomas Sotto, l’anchorman d’Europe 1, qui la relance, un œil sur la pendule du studio. L’exercice pourrait, à la longue, devenir lassant, mais Caroline Roux a d’autres cordes à son arc.« Pour être crédible on doit être ferme et souriante, tenir sa ligne sans être cassante »Tous les dimanches à 18 heures, elle présente « C Politique » sur France 5 où, depuis 2012, pendant plus d’une heure, perchée sur un tabouret, elle passe sur le gril ses invités. Un peu figée et froide à ses débuts, Caroline Roux a su, depuis la rentrée, se montrer plus chaleureuse, plus souriante grâce à une nouvelle formule de l’émission. « Au début, je pensais qu’il fallait être brutale, je crois désormais que pour être crédible on doit être ferme et souriante, connaître son sujet sans se la raconter, tenir sa ligne sans être cassante, se montrer pugnace sans passer pour une peste. C’est difficile quand on est une intervieweuse, car on ne bénéficie pas de ce crédit d’autorité que l’on accorde volontiers aux hommes », regrette-t-elle. Après l’émission, plus de la moitié des commentaires sur les réseaux sociaux concernent ses tenues, sa coiffure et ses chaussures. « C’est ainsi, quand une femme passe à la télévision, on regarde d’abord la façon dont elle est habillée, maquillée. » Mais ne comptez pas sur elle pour « se travestir en homme pour faire crédible ». Sa féminité, elle l’assume et la revendique. « C’est un acte militant », dit-elle.Exercice sans filet ou presqueAujourd’hui, Caroline Roux peut asseoir sa crédibilité dans un nouveau rôle de chef d’orchestre d’une émission de débat, comme elle le fait dans « C dans l’air » (toujours sur France 5) où, depuis septembre 2014, elle est le joker d’Yves Calvi. Là, Caroline Roux se frotte à d’autres sujets que la politique. Un exercice parfois sans filet, ou presque, surtout lorsque le thème de l’émission est changé trois heures avant la prise d’antenne. « Je suis une besogneuse et je veux maîtriser mes sujets », avoue-t-elle.Et tandis qu’Yves Calvi n’a pas son pareil pour mettre du liant, de l’empathie ou manier l’ironie, Caroline Roux a trouvé, elle, un style différent. Elle reste la journaliste qui attend des réponses précises à ses questions, n’hésitant pas à montrer parfois des signes d’impatience quand celles-ci tardent à venir. Mais elle témoigne aussi une certaine gourmandise à traiter de sujets très éloignés du microcosme politique. « L’émission a une tellement bonne image qu’elle a contribué à corriger celle de la journaliste un peu dure et sèche que je pouvais avoir auprès des gens. »Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florence Evin L’organisation Etat islamique (EI) a mis en ligne, samedi 4 avril, une vidéo montrant ses soldats djihadistes à l’œuvre dans la destruction de la cité antique d’Hatra (1er siècle av. J.-C. – 1er siècle ap. J.-C.), en Irak, pays dont les frontières actuelles correspondent à celles de l’ancienne Mésopotamie. Cette vidéo de plus de sept minutes porte le titre : « Gouvernorat de Dijlah » (le Tigre, en arabe, fleuve qui baigne la région). Elle est signée : « Bureau de communication de l’Etat Islamique ; année 1436 [de l’Hégire, soit 2015, selon notre calendrier]. »La vidéo a-t-elle été tournée lors de la destruction annoncée d’Hatra, le samedi 7 mars à l’aube, alors que des habitants du voisinage signalaient une puissante explosion sur le site ? Ou bien après les faits eux-mêmes, comme ce fut le cas lors de la diffusion le 26 février du saccage du musée de Mossoul, qui aurait eu lieu fin janvier ? Rien ne permet de le dire.Cité arabe de l’empire parthe, Hatra était un ancien carrefour caravanier prospère sur les routes de la soie et des épices. Ses grands temples étaient debout, et avaient été restaurés. Premier site irakien inscrit en 1985 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, cette ville était exceptionnelle à plusieurs titres : par son ampleur (324 hectares) ; par la hauteur de ses monuments (plus de quinze mètres pour le sanctuaire à double colonnade et fronton dédié à Shamash, le dieu Soleil) ; par la qualité de ses décors sculptés ; et par son état de conservation.Lire aussi :En Irak, la cité parthe de Hatra détruite par les djihadistesUne vidéo professionnelleTechniquement très professionnelle, avec photo aérienne en ouverture, gros plans sur les saccages, à la masse et à la pioche, des statues et hauts-reliefs de cette ville monumentale en pierre de taille, cette vidéo est ponctuée de longues déclarations par les terroristes posant face à la caméra.Turban noir, barbe fournie, sac à dos et gilet de combat, le premier s’exprime en arabe, kalachnikov en mains, pour rappeler la victoire totale de Mahomet :« Après sa conquête de la Mecque, son premier acte a été de détruire les idoles. Je jure par le Dieu tout puissant qu’on va suivre son exemple. On attaque El Hadr [Hatra] pour appliquer la législation de Dieu. Dieu ne pardonne pas à ceux qui adorent un autre que lui. Nous suivons l’exemple de notre père Abraham et celui du prophète Mahomet. Merci à Dieu de nous avoir donné force et puissance et d’avoir permis aux soldats de l’EI d’éradiquer toutes traces des mécréants et athées, et d’appliquer la charia, la législation de Dieu. »Et se moquant de l’organisation mécréante (l’Unesco) qui a qualifié la destruction de pièces archéologiques de « crime de guerre », un autre soldat ajoute : « Nous sommes là pour les détruire, on va détruire toutes les pièces archéologiques, vos sites, vos idoles, votre patrimoine, où que ce soit, et l’EI va gouverner vos pays, règnera sur vos terres. » Des déclarations entrecoupées de scènes de massacre, qui sont minutieusement mises en scène. Quand les figures sont trop hautes pour être atteintes à la masse, les terroristes font des cartons à la kalachnikov, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pièces.Lire : l'Unesco dénonce la « destruction » par l'EI de la cité antique de HatraLes protagonistes ne seraient pas irakiensLes guerriers fanatiques qui se disent « envoyés par l’EI » et se mettent ainsi en scène ne seraient pas irakiens. Si l’on en juge par leur accent, « ils ne sont pas de la région, précise Fareed Yassen, ambassadeur d’Irak en France. L’un des deux premiers à s’exprimer est visiblement africain et l’autre du sous-continent indien. Le troisième avec sa manière de prononcer les “t” serait plutôt maghrébin. La production cinématographique est de toute première force, de gros fichiers dont on doit pouvoir tracer l’origine. »En louant « Allahou Akbar » (« Akbar », dieu le plus grand), l’EI montre sa volonté de faire disparaître toutes marques de polythéisme et prône un retour au VIIe siècle de Mahomet, au sens littéral. Sans toutefois renoncer aux outils les plus performants du XXIe siècle pour servir sa propagande sur la scène médiatique mondiale, dont il maîtrise parfaitement le fonctionnement.Lire aussi : Les djihadistes saccagent Nimroud et La carte des sites de la Mésopotamie antique en périlFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles, comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs, ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée sous une tente.Quand le fantasme inavouable vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, de son rouge à lèvres à ses draps, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, dans ses mélodrames, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. » La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.04.2015 à 01h17 • Mis à jour le04.04.2015 à 11h50 | Alexis Delcambre Sortir de la crise sociale, rétablir l’équilibre des comptes et formuler une ambition renouvelée pour Radio France : tels sont les messages que la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a adressés à Mathieu Gallet, PDG de l’entreprise publique, vendredi 3 avril, dans une lettre que Le Monde s’est procurée. Dans un entretien à l’AFP, Mme Pellerin a par ailleurs estimé que M.Gallet avait « toutes les cartes en main pour sortir du conflit » et qui lui fallait « rétablir le dialogue social » au plus vite au sein de la Maison ronde. L’option d’une médiation n’est pas envisagée à ce stade, fait-on ainsi savoir rue de Valois.Suite à cette lettre, le PDG de Radio France a annoncé la tenue samedi à 14 heures d’« une nouvelle réunion de négociations pour trouver une issue au conflit social et partager au plus vite le projet stratégique avec les collaborateurs de Radio France et leurs représentants ». Samedi matin, les syndicats n’avaient toujours pas dit s’ils se rendraient à cette réunion.Cette prise de parole gouvernementale était très attendue, alors que Radio France s’apprêtait à vivre un troisième week-end consécutif de grève, en réaction aux difficultés financières de l’entreprise – déficitaire de 21 millions d’euros en 2015 – et à la rupture du dialogue social entre le personnel et M. Gallet, par ailleurs mis en cause pour ses dépenses.Lire : Radio France : vote d’une motion de défiance contre Mathieu GalletL’urgence est de faire face à une fonte de la trésorerie, consumée notamment par le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, dont les coûts ont dérivé. Pour cela, la ministre annonce « une dotation en capital liée aux surcoûts du chantier », qui n’est pas chiffrée à ce stade. En clair, l’Etat va apporter une subvention exceptionnelle qui aidera l’entreprise à faire face à ses dépenses les plus urgentes. En complément, « les différentes options possibles pour la finalisation de ce chantier » seront étudiées. Dans un entretien au Parisien samedi 4 avril, M. Gallet se dit satisfait de ces annonces qui sont « des signes de confiance pour l’entreprise » et confirme, parmi les économies envisagées, la suppression des ondes moyennes et longues (soit 14 millions d’euros par an).Le gouvernement assume l’objectif d’un retour à l’équilibre d’exploitation dès 2017 – alors qu’une option plus douce, à horizon 2019, était aussi envisagée. Mis en cause pour ses revirements, l’Etat rappelle son engagement à « stabiliser la ressource publique » affectée à l’entreprise jusqu’en 2017. Mais en contrepartie, il demande des efforts.Une gageureToutefois, Fleur Pellerin se garde bien de se prononcer sur la nature de ces efforts. Elle se contente de pointer que Mathieu Gallet a proposé un plan de départs volontaires – qui concernerait 300 à 380 personnes, soit l’option la plus élevée. « Le niveau d’emploi ne peut constituer la seule variable d’ajustement », nuance la ministre, ne refusant donc pas cette option, mais la complétant par la demande d’un « travail de modernisation sociale ».« C’est dans le dialogue social à l’intérieur de l’entreprise que devront être trouvées les mesures adaptées pour atteindre cet objectif », souligne-t-elle. Une gageure, quand on sait que les grévistes ont voté vendredi 3 avril, lors d’une assemblée générale réunissant entre 400 et 500 personnes, une motion de défiance envers M. Gallet, qu’ils jugent « discrédité ».Un vote qui a divisé le personnel au sein de Radio France. « L’assemblée générale a réagi aux contre-vérités énoncées hier par M. Gallet et à son mépris du dialogue social », a commenté Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD et membre de l’Orchestre national de France (ONF). Jeudi 2 avril, le PDG avait mené une offensive médiatique, d’iTélé aux antennes de France Info et de France Inter, pour se défendre et tendre la main aux grévistes en vue de renouer le dialogue. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a quant à lui déploré ce vote. « Tout ce qui affaiblit le patron de Radio France affaiblit Radio France à l’heure où son PDG devra inévitablement négocier avec l’Etat », estime Valeria Emanuele, déléguée nationale.Dans sa lettre, Fleur Pellerin ne se contente pas de demander au PDG une sortie de crise rapide et un retour à l’équilibre dans deux ans. Elle souhaite aussi, en complément, qu’il porte une « ambition réformatrice ». Pour cela, elle l’enjoint à formuler, en vue du prochain contrat d’objectifs et de moyens – que l’entreprise et l’Etat doivent conclure pour la période 2015-2019 - une vision qui incarne la « singularité » du service public de radio et de musique.Deux orchestres, mais réduitsLa ministre demande une « offre de programmes qui ne soit ni banalisée, ni aseptisée », sans fermer la porte à des « regroupements » de chaînes, pour autant qu’ils soient « ambitieux ». Elle s’oppose à une augmentation des volumes de publicité, mais se dit ouverte à un assouplissement des catégories d’annonceurs autorisés, comme le demande la direction. Au grand dam des radios privées qui ne veulent pas entendre parler d’un assouplissement des règles publicitaires. Mme Pellerin demande aussi des précisions sur l’information, l’éducation aux médias, la transmission des valeurs citoyennes et le numérique.En matière de musique, la ministre de la culture fait comprendre qu’elle ne souhaite ni la fusion des deux orchestres de Radio France, ni le détachement de l’un d’entre eux, comme le demandait M. Gallet. Mais la ministre propose un « redimensionnement des formations musicales » et une « réforme de leurs modalités de travail ». « L’annonce de ne pas fusionner les deux orchestres nous rassure, commente Philippe Ballet, délégué UNSA. En revanche, la ministre valide de fait le plan de départ volontaire. Cela nous heurte. Plus largement, le gouvernement ne répond pas à notre constat de sous financement de l’audiovisuel public. »L’accueil qui sera fait aux propositions de Mme Pellerin reste incertain, dans une Maison ronde chauffée à blanc après deux semaines de conflit. De source syndicale, on comptait 75 % de grévistes dans les locales du réseau France Bleu et à France Culture, et un tiers à la rédaction de France Info et France Inter. Selon la direction, il n’y avait à Radio France que 11 % de grévistes vendredi.Consulter notre visuel interactif : La première année agitée de Mathieu Gallet à la tête de Radio FranceAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Le dialogue semble bien rompu entre Mathieu Gallet, le PDG de Radio France, et les grévistes qui ont reconduit leur mouvement jusqu’au mardi 7 avril. Vendredi matin, une assemblée générale, qui réunissait 400 à 500 salariés, de source syndicale, a voté à la quasi-unanimité une motion de défiance, qui demande le départ du dirigeant. Texte de la motion de défiancePourquoi ce vote, alors que la résolution de la crise se joue désormais dans les cabinets ministériels, de Bercy à la culture en passant par Matignon ? Ceux-ci planchent actuellement sur le fameux « projet stratégique » remis jeudi par M. Gallet et s’apprêtent à rendre des arbitrages sur les missions et les moyens de l’entreprise publique ces prochaines années.« L’assemblée générale a réagi aux contre-vérités énoncées hier par M. Gallet et à son mépris du dialogue social », a commenté Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD et membre de l’Orchestre national de France (ONF). Jeudi, le PDG avait mené une offensive médiatique, d’i-Télé aux antennes de France Info et de France Inter, pour se défendre et tendre la main aux grévistes en vue de renouer le dialogue.« M. Gallet se sert des antennes de Radio France pour sa communication personnelle, alors qu’il n’arrive plus à mettre les partenaires sociaux autour d’une table », a poursuivi M. Quennesson. De fait, les négociations sociales sont en berne depuis le 30 mars, date du dernier échange formel entre la direction et les délégués du personnel.Personnalisation du conflitDepuis le début de la crise, le 19 mars, le fait que le PDG s’exprime plus volontiers dans les médias ou dans les rédactions que face aux délégués syndicaux est un reproche récurrent. « M. Gallet est totalement discrédité, il s’avère incapable de diriger Radio France et d’incarner les valeurs fortes et intangibles de la radio publique », juge sèchement le texte.L’idée d’une médiation a été à nouveau évoquée par les représentants syndicaux dans leurs contacts, cette semaine, avec des politiques. Pour le moment, le prochain rendez-vous avec le PDG est fixé au mercredi 8 avril, lors d’un comité central d’entreprise où le projet sera présenté.Mais cette personnalisation du conflit ne fait pas l’unanimité au sein de la Maison ronde. Ainsi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a déploré ce vote. « Tout ce qui affaiblit le patron de Radio France affaiblit Radio France à l’heure où son PDG devra inévitablement négocier avec l’Etat », estime Valeria Emanuele, déléguée nationale. « Je ne sais pas ce que cela changerait d’avoir la tête de M. Gallet : nous nous retrouverions dans un vide et la vraie question des réformes resterait la même », renchérit un journaliste.Le SNJ appelait aussi à la grève vendredi, mais de façon indépendante du mouvement illimité ouvert par cinq autres syndicats. De source syndicale, on comptait 75 % de grévistes dans les locales du réseau France Bleu et à France Culture, et un tiers à la rédaction de France Info et France Inter. Selon la direction, il n’y avait à Radio France que 11 % de grévistes vendredi.>> Voir notre visuel interactif : La première année agitée de Mathieu Gallet à Radio France« Ce qui pourrait débloquer la situation serait que la tutelle [le ministère de la culture] se fasse enfin entendre », résume un journaliste. Et de suggérer que « ce serait bien que le ministère propose de séparer la question des travaux de celle des réformes », pour tenir compte de l’exaspération provoquée par l’interminable réhabilitation, qui perturbe le quotidien et consume la trésorerie.« Ce chantier est le seul sujet sur lequel il y a consensus à Radio France, résume ce journaliste. Sur le reste – faut-il accepter un plan social, ne garder qu’un orchestre, réformer les modes de production  – il y a des débats parmi les salariés. »Dans la soirée, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a finalement réitéré son soutien au PDG de Radio France, estimant qu’il avait « toutes les cartes en main pour sortir du conflit à Radio France ». « Il faut que [Mathieu Gallet] sorte de ce conflit mais c'est à lui de rétablir le dialogue social », a-t-elle toutefois insisté dans un entretien à l’AFP.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.04.2015 à 11h38 • Mis à jour le03.04.2015 à 12h53 Sotheby's s'apprête à vendre six œuvres de Claude Monet lors d'une vente aux enchères le 5 mai à New York, rapporte le Wall Street Journal (WSJ) jeudi 2 avril. Les toiles proposées couvriront quatre décennies du travail de l'artiste et pourraient rapporter au total de 78 millions à 110 millions de dollars (71,68 millions à 101 millions d'euros), selon Sotheby's.Lire aussi : Le MoMA crée l’émoi en vendant un de ses MonetCes œuvres n'ont pas été montrées publiquement depuis des années. Elles comprennent entre autres deux peintures de nénuphars de la maison du peintre à Giverny, qui ont atteint les estimations les plus élevées depuis la mort du peintre, en 1926. Les Nénuphars, une toile de 1905, est ainsi estimée entre 30 millions et 45 millions de dollars. Une autre peinture sur le même thème, datant de 1913, et qui montre une rare vue d'un treillis de roses qui se reflète dans l'eau est estimée entre 18 millions et 25 millions de dollars.Lors de la vente du 5 mai figureront aussi une peinture du palais des Doges à Venise confisquée par les nazis et qui n'a jamais été vue (estimée entre 15 millions et 20 millions de dollars) ; une toile datant de 1901 représentant le village de Vétheuil, le long de la Seine ; une peinture d'un paysage sous la neige de 1875 ; et une peinture de la côte normande datant de 1897.La maison Sotheby's avait déjà organisé en février une vente à Londres, comprenant cinq toiles du peintre français. Elles avaient été adjugées pour un montant de 84 millions de dollars (77,2 millions d'euros). Les « chasseurs de Monet », selon l'expression d'Elizabeth Gorayeb, directrice du département de l'impressionnisme et de l'art moderne chez Sotheby's, comprennent de nouveaux collectionneurs des pays émergents à la recherche de trophées, explique-t-elle. C'est cependant Christie's qui remporte la vente d'un Monet sur ce sujet la plus élevée, avec 80,5 millions de dollars en 2008. Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 08h11 | Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Please Please Me », la révélation d’un nouveau sonCette semaine : autour de l’album Please Please Me (mars 1963).« I Saw Her Standing There » (Lennon-McCartney), par Little Richard« She Was Just Seventeen/You Know What I Mean » (« Elle avait dix-sept ans à peine/Tu vois ce que je veux dire »). Cette chanson de Paul McCartney et de John Lennon (1940-1980) ouvrant le premier album des Beatles aurait pu valoir à leurs auteurs des ennuis avec la brigade des mœurs – ce qu’éviteront soigneusement Dalida (1933-1987) et son parolier Pascal Sevran (1945-2008) en 1973 avec Il venait d’avoir 18 ans. Mais les Beatles forment un groupe de rock’n’roll, une musique alors encore jeune (elle n’a pas dix ans d’âge), sinon adolescente, comme l’atteste ce titre joyeux et enlevé. Et clairement inspiré de Chuck Berry, auteur en 1958 du fameux Sweet Little Sixteen, que les Beatles reprirent d’ailleurs lors de leurs émissions à la BBC.I Saw Her Standing There est l’une des dix chansons de cet album (sur quatorze) enregistrées le 11 février 1963 à Abbey Road, les studios de la compagnie phonographique EMI, lors d’une session unique en prise directe d’environ 13 heures. Ces conditions dictées à la fois par l’urgence (pour surfer sur le succès du single Please Please Me) et des mesures d’économie préservent la fraîcheur et l’instantanéité du quatuor, dont le son est ici proche des concerts donnés dans la Cavern, son sanctuaire de Liverpool.La chanson fut publiée en single aux Etats-Unis après le déclenchement de la Beatlemania outre-Atlantique mais jamais en Grande-Bretagne. Enfin, si, en 1988 avec la version de la crispante chanteuse américaine Tiffany, rebaptisée I Saw Him Standing There, un changement de sexe qu’avaient déjà opéré auparavant les artistes de Motown, Diana Ross & The Supremes et Mary Wells (1943-1992). Bourrée de tous les tics de production de la pop synthétique de la décennie 1980, elle entra dans le Top 10 britannique. I Saw Her Standing There a aussi changé deux fois de nationalité en 1963, adaptée en français pour Johnny Hallyday (sous le titre Quand je l’ai vue devant moi) et en espagnol par les Vénézuéliens de Los Impala (La vi parada ahi). La reprise la plus emballante, et de loin, est due à un pionnier du rock’n’roll, Little Richard, l’une des idoles de Paul McCartney. Enregistrée en 1970 aux studios Fame de Muscle Shoals (Alabama), l’une des grandes fabriques de la musique soul, cette merveille est disponible sur l’album The Rill Thing, qui devait marquer le come-back du révérend Richard Wayne Penniman (le vrai nom de Little Richard). Un hommage du maître aux élèves, devenus les rois du monde, qui s’étaient rodés dans les caves avec ses classiques, dont Long Tall Sally. « Misery » (Lennon-McCartney), par Kenny LynchUne romance cultivant l’auto-apitoiement, bien dans la manière de l’époque, mais pourvue d’une jolie mélodie montrant la dette des Beatles envers les Everly Brothers. L’interprétation de Misery par le chanteur noir britannique (une rareté au début des années 1960) Kenny Lynch présente un intérêt historique évident : elle fut la toute première reprise d’une chanson des Beatles, parue en single en mars 1963, une semaine avant la sortie de l’album Please Please Me. La première, donc d’une interminable liste, au cœur de cette série d’articles. Les Beatles espéraient plutôt que la chanteuse Helen Shapiro, alors au sommet, s’intéresserait à Misery, d’ailleurs composée pour la séduire. La version de Kenny Lynch fut un échec commercial mais le chanteur-comédien s’illustrera dix ans plus tard en figurant, au côté des acteurs James Coburn (1928-2002) et Christopher Lee, sur la pochette de l’album de Paul McCartney et Wings Band On The Run. « Anna (Go To Him) » (Alexander), par Arthur AlexanderPremière des six chansons reprises par les Beatles sur Please Please Me, Anna (Go To Him) est une ballade écrite et enregistrée par le chanteur de soul originaire de l’Alabama, Arthur Alexander (1940-1993), publiée en single en septembre 1962, ce qui montre que le groupe britannique était pour le moins à l’affût des nouveautés. John Lennon adulait particulièrement ce pilier des studios Fame et les Beatles interprétèrent trois autres chansons qu’il popularisa, Soldier of Love, A Shot of Rhythm’n’Blues et Where Have You Been. La plus célèbre demeurant le splendide You Better Move On, qui fit le bonheur des Hollies et des Rolling Stones en 1964. « Chains » (Goffin-King), par The CookiesEncore un titre dans l’air du temps, chanté par George Harrison (1943-2001) et représentatif des « girls groups » du début des années 1960. Formés à Brooklyn dès 1954, The Cookies étaient un ensemble vocal dont la première incarnation devait se transformer en Raelettes, les choristes de Ray Charles (1930-2004). Mais c’est la configuration que l’on entend ici qui connut le plus grand succès grâce aux hits que lui écrivit sur mesure le couple constitué par Gerry Goffin (1939-2014) et Carole King, l’un des tandems les plus en vue du Brill Building, l’immeuble new-yorkais qui abritait la fine fleur des auteurs-compositeurs pop de l’époque. Les Cookies intervinrent d’ailleurs sur l’immortel The Loco-Motion, tube de Goffin-King chanté par la babysitter du couple, Little Eva (1943-2003), avant ce Chains, commercialisé en novembre 1962. Les Beatles adoraient les sucreries de Goffin-King puisqu’ils chantèrent aussi Take Good Care of My Baby, Don’t Ever Change et Keep Your Hands Off My Baby. Carole King devait devenir une star au début des années 1970 en écoulant une vingtaine de millions d’exemplaires de son chef-d’œuvre, Tapestry. « Boys » (Dixon-Farrell), par The ShirellesEncore le répertoire des « girls groups » qui atteste que les Beatles étaient obsédés par les filles. Cette fois, celui de The Shirelles, admirable quartette vocal du New Jersey. Pratiquement plagié sur le What’d I Say de Ray Charles, Boys, composition de Luther Dixon (1931-2009) et Wes Farrell (1939-1996), figurait en face B de leur plus grand succès, Will You Love Me Tomorrow, une perle de… Goffin et King, sortie en single en novembre 1960. Le plus remarquable est que les Beatles – contrairement à ce que firent les interprètes féminines d’I Saw Her Standing There – n’ont pas modifié Boys en Girls. Un parti pris, chanté assez catastrophiquement par le batteur Ringo Starr, qui laissait donc planer un doute sur une possible homosexualité du narrateur. « Ask Me Why » (Lennon-McCartney), par The SmithereensParue avant la sortie de l’album, en face B du single Please Please Me, cette chanson sentimentale typique du jeune John Lennon a connu peu de succès chez les repreneurs. Elle a été intégrée toutefois, avec deux autres titres de Please Please Me (There’s A Place et P.S. I Love You) à l’album B-Sides The Beatles des Smithereens, paru en 2008 chez Koch. Ce groupe de power-pop américain sympathique et passéiste vouait un culte aux aînés britanniques des années 1960 en général et aux Beatles en particulier. Leur version n’est pas disponible sur YouTube mais est présente sur les sites de streaming Qobuz, Deezer et Spotify. « Please Please Me » (Lennon-McCartney), par The Bee GeesLa chanson-titre de l’album (qui figure à la fin de la face A), et deuxième single des Beatles (après Love Me Do), lancera la Beatlemania à domicile en faisant une entrée fracassante dans les classements britanniques pour s’emparer de la deuxième place, avant leur premier numéro un, From Me To You. De l’aveu de Lennon, Please Please Me était une tentative de composer une ballade proche du romantisme de Roy Orbison (1936-1988), l’auteur de Only The Lonely. Le résultat final s’en est éloigné, à mesure que le tempo était accéléré. Les voix sont déjà impeccablement en place, à l’école du modèle, les Everly Brothers. Roy Orbison, le Caruso du rock’n’roll, aurait lui-même été un interprète idéal. Mais ce furent les Bee Gees, alors des adolescents benêts et coincés, qui donnèrent cette désolante version en février 1963, lors de leur première apparition télévisée en Australie. Par un miracle dont ils ont conservé le secret, les frères Gibb deviendront dans la décennie suivante les dépoitraillés empereurs du disco, avec permanentes et pantalons moulants. « Love Me Do » (Lennon-McCartney), par Sandie ShawDes paroles et une ligne mélodique réduites à leur plus simple expression, un harmonica guilleret, et le tour est joué. Cette œuvre de jeunesse datant des Quarrymen, la première formation de Lennon, McCartney et Harrison, est connue aussi pour avoir été vexatoire envers le batteur Ringo Starr. Celui-ci fut, en effet, viré de son tabouret, remplacé par un « professionnel », le batteur écossais Andy White, et relégué aux maracas. La chanteuse anglaise Sandie Shaw, qui avait remporté le Grand Prix de l’Eurovision 1967 avec Puppet on a String, fusion étonnante du music-hall britannique avec des cors de chasse bavarois, se l’appropria avec sensualité en 1969, sur l’album Reviewing the Situation. Plus étonnant, David Bowie embarqua Love Me Do en tournée en 1974, par une citation à l’harmonica en introduction de son tube The Jean Genie. « P.S. I Love You » (Lennon-McCartney), par Sonny CurtisLa face B du premier single des Beatles, Love Me Do, toujours avec Andy White à la batterie, le producteur des Beatles, George Martin, ignorant alors qu’un nouveau titulaire du poste avait été recruté après le renvoi de Pete Best. P.S. I Love You est déjà du McCartney pur sucre, tout de joliesse mélodique et dénotant son admiration pour le pionnier binoclard Buddy Holly (1936-1959), dont sa société possède les droits des chansons. Cette belle version instrumentale est d’ailleurs due au guitariste et chanteur Sonny Curtis, devenu, après la mort de Holly en février 1959, le leader de son groupe, The Crickets. Ce Texan est connu pour un classique, le rageur I Fought the Law, popularisé, entre autres, par l’Américain Bobby Fuller (1942-1966) puis par le groupe britannique The Clash. En 1964, Sonny Curtis enregistra un étonnant album, Beatle Hits Flamenco Guitar Style (réédité en 2006 chez EI/Cherry Red) comprenant onze réinterprétations des Beatles et un inédit de circonstance, Ballad For a Beatle. Ce virtuose de l’électrique Fender Stratocaster se reconvertissait brillamment dans la guitare acoustique espagnole à cordes en nylon. « Baby It’s You » (Bacharach-David-Williams), par The ShirellesDeuxième reprise des Shirelles sur Please Please Me, Baby It’s You, un hit aux Etats-Unis en 1961, porte la signature d’un des plus fameux tandems de la pop, le compositeur Burt Bacharach et le parolier Hal David (1921-2012), alors piliers, comme Gerry Goffin et Carole King, du Brill Building new-yorkais. Au moment de la parution de Please Please Me, les deux venaient de mettre en place l’un des partenariats les plus prolifiques des années 1960 avec la chanteuse Dionne Warwick. « Do You Want To Know a Secret » (Lennon-McCartney), par Billy J. Kramer with The DakotasLe deuxième titre chanté sur cet album par George Harrison, pas encore à son aise pour imposer ses propres compositions. Il faudra attendre encore quelques mois, avec With The Beatles en novembre 1963, pour qu’apparaisse la première signée en son nom propre, Don’t Bother Me. Do You Want To Know a Secret a été un tube en Grande-Bretagne grâce à cette version fidèle de Billy J. Kramer, sortie fin avril 1963, qui se hissa à la deuxième place dans les classements, la première étant occupée par… From Me To You. Lui aussi originaire de Liverpool, Billy J. Kramer, accompagné par un groupe de Manchester, partageait le même manager que les Beatles, Brian Epstein (1934-1967) et le même producteur, George Martin. Il connut un bref moment de gloire grâce à la vogue du « Merseybeat » portée par les Beatles. Lennon et McCartney furent prodigues avec lui puisque la face B de Do You Want To Know a Secret comportait une autre de leurs compositions, I’ll Be On My Way, que ses auteurs ne devaient chanter qu’à une seule occasion, lors d’une émission de la BBC. Kramer fut le destinataire de trois autres inédits : Bad To Me (un numéro un au Royaume-Uni), I’ll Keep You Satisfied et From a Window. Le chanteur s’offrit en revanche le luxe de décliner une chanson sentimentale proposée par McCartney. Elle avait pour titre Yesterday. Et est devenue, depuis sa parution dans l’album Help ! (août 1965), l’un des plus importants succès du groupe. « A Taste of Honey » (Scott-Marlow), par Lenny WelchA l’origine, A Taste of Honey (« un goût de miel ») est une pièce de théâtre de Shelagh Delaney (1938-2011), typique du réalisme social britannique, dont la première eut lieu à Londres en 1958. Son succès fut tel qu’avant d’être portée à l’écran en 1961 par Tony Richardson (1928-1991), elle connut une adaptation à Broadway un an plus tôt, flanquée d’un thème musical de Bobby Scott (1937-1990) et Ric Marlow qui fut récompensé d’un Grammy Award. La première version chantée apparut en septembre 1962, interprétée par le chanteur noir américain Lenny Welch. Dès la fin de l’année, les Beatles intégrèrent cette ballade chantée par McCartney à leur répertoire joué lors de leur séjour à Hambourg avant de l’inclure sur leur premier album. La version la plus connue de ce standard, également repris par le pianiste, chef d’orchestre et arrangeur Quincy Jones ou le saxophoniste Paul Desmond (1924-1977), n’est pourtant pas celle des Beatles, mais celle, instrumentale et pimpante, du trompettiste Herp Albert et de son Tijuana Brass en 1965. « There’s a Place » (Lennon-McCartney), par The Flamin' GrooviesAvec I Saw Her Standing There et Please Please Me, c’est le troisième joyau ciselé par Lennon et McCartney sur ce premier album. Moins connue que les deux autres, There’s a Place, conçue dans l’esprit de la fabrique à tubes Tamla-Motown, irradie par le superbe travail à trois voix réalisé avec Harrison. Déjà auteurs d’une reprise de Misery en 1976, les Flamin' Groovies, flamboyant groupe de San Francisco, obsédé par les années 1960, étaient tout désignés pour livrer cette version impeccable de goût et de concision. Elle est disponible sur leur cinquième album, Flamin' Groovies Now, paru en 1978, un titre en clin d’œil à The Rolling Stones, Now !, troisième opus pour le marché américain des supposés rivaux des Beatles. Les chanteurs et guitaristes Cyril Jordan et Chris Wilson refusaient de choisir leur camp et ils avaient bien raison. « Twist & Shout » (Medley-Russell), par The Isley Brothers Twist & Shout était la dernière chanson inscrite au programme de la séance marathon du 11 février 1963. Le producteur George Martin savait qu’ensuite, John Lennon n’aurait plus de cordes vocales. En une prise, le chanteur livre une performance phénoménale, historique même, emmenant le « Shake It Up, Baby ! » (« Secoue-le, chérie ! ») vers un sommet d’excitation et d’extase. Du coup, la version des Beatles est devenue « la » référence, éclipsant l’original composé par Phil Medley (1916-1997) et Bert Russell (1929-1967). A tel point que beaucoup pensent que Twist & Shout (dont David Bowie reprit la montée vocale pour Let’s Dance), est une chanson des Beatles. Twist & Shout avait été déjà enregistrée en 1961, par le groupe The Top Notes, produit par Phil Spector et passé complètement inaperçu. Les Beatles, eux, avaient en tête la version de juin 1962 par les Isley Brothers, tube pour la formation de rhythm’n’blues, qui avait déjà connu un succès en 1959 avec un titre quasi identique, Shout, écrit par les trois frères Isley. A noter que les Beatles interpréteront Shout lors d’un passage à l’émission de télévision « Around The Beatles » diffusée au Royaume-Uni sur le réseau ITV, le 6 mai 1964.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.04.2015 à 15h14 • Mis à jour le03.04.2015 à 17h15 | Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « With The Beatles », l’audace assuméeCette semaine : autour de l’album With The Beatles (novembre 1963).« It Won’t Be Long » (Lennon-McCartney), par The James Hunter SixA l’occasion du cinquantième anniversaire de la sortie de With The Beatles, le mensuel britannique Mojo avait accompagné son numéro d’août 2013 d’un CD, We’re With The Beatles, reprenant l’intégrale du deuxième album des Fab Four, interprété par quatorze groupes et chanteurs. Si toutes les reprises ne se révèlent pas à la hauteur, le disque s’ouvre très agréablement par une version rocksteady de It Won’t Be Long jouée par The James Hunter Six. Vieux routier d’une soul rétromaniaque, James Hunter s’était d’abord fait connaître dans les années 1980 comme leader de Howlin’Wilf and The Vee-Jays (un passage remarqué aux Transmusicales de Rennes), avant de publier des albums sous son nom ou d’accompagner quelques-unes de ses idoles, telles Aretha Franklin, Van Morrison ou Etta James (1938-2012). « All I’ve Got To Do » (Lennon-McCartney), par Moon MartinDans son premier album, Shots From A Cold Nightmare (1978), le chanteur et guitariste texan Moon Martin reprenait, assez sagement, All I’ve Got To Do, chanson qui inspira peu de « covers ». En pleine période punk, ce blondinet aux lunettes colorées revendiquait haut et fort l’influence mêlée des Beatles et d’un guitar-hero du blues, Freddie King (1934-1976). Si Moon Martin rendait ici hommage au duo d’auteurs-compositeurs Lennon et McCartney, il devra surtout sa popularité aux reprises que d’autres feront de ses propres chansons, tirées en particulier de ce premier album : Bad Case of Loving You (Doctor, Doctor) par Robert Palmer (1949-2003), Cadillac Walk par Mink DeVille (1950-2009) et même Victim of Romance, devenu Je suis victime de l’amour dans la bouche de Johnny Hallyday. « All My Loving » (Lennon-McCartney), par Arctic MonkeysLors d’un concert au Madison Square Garden de New York, le 8 février 2014, les Britanniques d’Arctic Monkeys s’amusent à célébrer les cinquante ans de la première apparition des Beatles à la télévision américaine, lors du « Ed Sullivan Show », en transformant le pétillant All My Moving en un slow épique, dont ce document (amateur) rend compte. Au côté de la voix gouailleuse du chanteur Alex Turner, on remarque, en invité, son compatriote, le chanteur-guitariste Miles Kane, avec lequel il avait créé le duo The Last Shadow Puppets. « Don’t Bother Me » (Harrison), par The SmithereensEn 2007, The Smithereens, formés en 1980, dans le New Jersey, reprenaient l’intégrale de Meet The Beatles !, l’édition américaine de l’album With The Beatles (publiée le 20 janvier 1964 avec quatre chansons en moins par rapport à l’édition britannique et trois différentes en plus : I Want To Hold Your Hand, I Saw Her Standing There, This Boy), transformé pour l’occasion en Meet The Smithereens !. La plupart de leurs versions auraient pu figurer sur notre compilation, tant le groupe cultive depuis toujours – leur excellent premier album, Especially For You (1986) – l’art de mêler science mélodique et puissance électrique. Preuve de l’efficacité de ces militants de la « power pop », leur interprétation de Don’t Bother Me, la première composition de George Harrison (1943-2001) à figurer dans un album des Beatles. « Little Child » (Lennon-McCartney), par The InmatesFormés à Londres, en 1978, The Inmates et leur puissant chanteur, Bill Hurley, ont construit leur réputation en donnant une énergie nouvelle à leurs fantasmes passéistes pour le rock garage, la soul et le rhythm’n’blues. En 1987, à l’initiative du quotidien Libération, le groupe reprend sur scène, pour un concert unique à La Villette, des titres des Beatles à la manière des Rolling Stones. Comme en témoigne ce Little Child, le résultat que l’on retrouve dans The Inmates Meet The Beatles – Live in Paris (1987), ne manquait pas de panache. « Till There Was You » (Willson), par Sue RaneyAu milieu d’un répertoire torride de reprises rock’n’roll et rhythm’n’blues, les Beatles aimaient aérer leurs concerts au Cavern Club de Liverpool, de cette sucrerie (qu’ils interpréteront aussi lors de leur audition pour la compagnie phonographique Decca, le 1er janvier 1962). Tiré d’une comédie musicale, The Music Man, écrite, en 1957, par l’auteur-compositeur, pianiste et chef d’orchestre américain Meredith Willson (1902-1984), également adaptée au cinéma, en 1962, par Morton DaCosta (1914-1989), Till There Was You est chanté dans le spectacle par une jeune bibliothécaire. Produite par le compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Nelson Riddle (1921-1985), la version enregistrée, publiée en 1957, est interprétée par Sue Raney, jeune fille d’alors 17 ans, qui fera ensuite carrière sur le circuit jazz. On pourra trouver l’original moins mièvre que la version chantée par Paul McCartney. « Please Mister Postman » (Dobbins-Garrett-Holland-Bateman-Gorman), par The MarvelettesPremier numéro 1 à la fin de l’année 1961 en classement pop des cent meilleures ventes de la riche histoire tubesque de la compagnie phonographique Tamla Motown, Please Mister Postman a été créé par un groupe de cinq lycéennes de la banlieue de Detroit (Michigan). Appelé à l’origine The Marvels, le quintette cherche une chanson originale pour auditionner à Motown. L’une des chanteuses, Georgia Dobbins, va trouver un ami qui lui enseigne un vieux blues, Please Mister Postman, dont elle réécrit les paroles. Mais la jeune fille doit quitter le groupe sous la pression de son père, qui ne veut pas que sa fille se produise dans les boites de nuit. Remplacée par Wanda Young, elle verra de loin sa chanson, améliorée par une armada d’auteurs-compositeurs et producteurs maison (William Garrett, Brain Holland, Robert Bateman et Freddie Gorman), triompher avant d’avoir les honneurs de With The Beatles, et de retrouver le sommet des charts, en 1975, grâce à une version des Carpenters. « Roll Over Beethoven » (Berry), par Chuck BerryEnorme influence des groupes britanniques du début des années 1960 – le guitariste des Rolling Stones, Keith Richards, dira même lui avoir emprunté chacun de ses riffs –, Chuck Berry était une idole absolue des Fab Four. Si des Quarrymen aux Beatles, les Liverpuldiens ont repris sur scène près d’une quinzaine de titres de l’auteur de Johnny B. Goode, ils n’en ont finalement publié que deux sur leurs albums, Rock’n’Roll Music et Roll Over Beethoven, dont ils rendirent des versions étincelantes. Publiée en 1956 par le label Chess Records, Roll Over Beethoven aurait été inspirée au guitariste en réaction aux démonstrations de piano classique répétées par sa sœur, Lucy. Comme dans cette formidable version lors d’une émission de télévision, durant laquelle l’auteur des Tables de la Loi du rock proclame l’avènement de cette nouvelle musique populaire. De quoi se faire retourner Beethoven dans sa tombe. « Hold Me Tight » (Lennon-McCartney), par The TreasuresAprès un voyage en Angleterre, en 1963, le producteur et auteur-compositeur Phil Spector revint dans ses studios pour enregistrer cette reprise d’Hold Me Tight. Il utilisa pour cela les talents vocaux de Vinnie Porcina et Peter Andreoli, deux de ses collaborateurs en « songwriting », qu’il rebaptisa The Treasures à l’occasion de ce 45-tours publié par son label, Philles Records, en 1963. Etrange mélange de British pop et de doo wop, de solennel et de coquin, cette version mérite d’être redécouverte. En 1970, Phil Spector remixa, à la demande de John Lennon (1940-1980), les bandes de l’album Let It Be. Il produisit aussi All Things Must Pass (1970) de George Harrison, avant de retrouver Lennon, pour ses albums Some Time in New York City (1972) et Rock’n’Roll (1973). Il purge, depuis avril 2009, une peine de dix-neuf ans de prison pour le meurtre de sa compagne, l’actrice Lana Clarkson. « You Really Got a Hold on Me » (Robinson), par Smokey Robinson & The MiraclesSource d’inspiration majeure pour John Lennon, la voix haut perchée et l’écriture émotionnelle de Smokey Robinson ont permis à la compagnie phonographique Tamla Motown de passer pour la première fois la barre du million d’exemplaires vendus, avec le 45-tours Shop Around (1960) puis avec ce langoureux You Really Got a Hold On Me, publié en 1962. Alors meneur des Miracles, William « Smokey » Robinson avait écrit cette chanson dans une chambre d’hôtel new-yorkaise, après l’écoute de Bring It On Home de Sam Cooke (1931-1964). Filmée en 1964, cette performance des Miracles éblouit par la classe des chœurs, des costumes et de la chorégraphie, le sens du spectacle et l’aura émotive de leur leader. « I Wanna Be Your Man » (Lennon-McCartney), par The Rolling StonesCette chanson symbolise aussi bien les différences que la complicité historique des Beatles et des Rolling Stones. La légende dit que le manager de Stones, Andrew Loog Oldham croisa, un jour de septembre 1963, John Lennon et Paul McCartney, qui l’accompagnèrent au studio où enregistraient Mick Jagger, Keith Richards & Co. Après l’échec d’un premier single pour la compagnie Decca (celle-là même qui avait refusé les Beatles) ces derniers cherchaient un hit pour lancer leur carrière. Les deux Beatles leur proposèrent alors cette chanson inachevée, que les gars de Liverpool terminèrent, en 5 minutes, sur un coin de table. Mick disant plus tard à Keith : « ça a l’air facile de faire des chansons. On pourrait essayer ». Plus tard, Lennon expliqua qu’il ne tenait pas I Wanna Be Your Man en grande considération : « On n’allait pas leur filer quelque chose de génial ! ». Chantée plus tard sur un mode bonhomme par Ringo Starr dans With The Beatles, la chanson devint le premier (petit) tube des Stones, dont la version, menée par la guitare slide de Brian Jones, pervertit à loisir la gentillesse teenage de leurs amis et concurrents. « Devil in His Heart » (Drapkin), par The DonaysSi la plupart des reprises enregistrées par les Beatles dans leurs premiers disques furent des succès dans leur version originale, ce ne fut pas le cas de Devil in Her Heart. D’abord publiée sous le titre Devil in His Heart, cette chanson composée par Richard Drapkin fut l’unique 45-tours d’un petit groupe de Detroit, The Donays. Découverte (et chantée) par George Harrison, cette comptine adolescente à la guitare estivale n’avait pas connu de succès notable à sa parution, en 1962. La chanteuse du groupe, Yvonne Vernee, connut plus de réussite avec The Elgins, formation signée par Tamla Motown et encore active au début des années 2010. « Not a Second Time » (Lennon-McCartney), par Robert PalmerAnglais installé aux Bahamas, Robert Palmer (1949-2003) confirmait une carrière en plein développement, avec son sixième album, Clues (1980), dont est tirée cette reprise de Not a Second Time. Ce chanteur, à la voix chaude et légèrement éraillée, tentait à l’époque de mêler son goût des rythmes noirs avec la nouvelle vague des synthétiseurs (l’artiste new wave, Gary Newman, figure sur l’album). Il donne à Not a Second Time une gravité et une virilité plus mature que laissait entendre la juvénile chanson des Beatles. Par ailleurs, grande réussite du disque, la chanson Johnny & Mary deviendra un tube international pour Robert Palmer. « Money (That’s What I Want) » (Bradford-Gordy), par Barrett StrongFournisseur essentiel de With The Beatles, avec pas moins de trois reprises – Please Mister Postman, You Really Got a Hold on Me et Money (That’s What I Want) – l’usine à hits de Tamla Motown fut une influence décisive des Fab Four avant que leurs propres chansons soient, de multiples fois, interprétées par les artistes de la compagnie de Detroit. Son fondateur, Berry Gordy, ancien ouvrier des usines Chrysler était aussi un auteur de chansons. Parmi ses quelques classiques Reet Petite, Lonely Teardrops et ce Money (co-écrit avec Janie Bradford) où cet entrepreneur noir faisait chanter à Barrett Strong, son insatiable appétit de réussite. Un cri du cœur qui, en 1963, correspondait sans doute aux envies et frustrations de jeunes musiciens de Liverpool, forçats de travail ayant hâte de voir enfin la couleur de leur argent.Stéphane DavetJournaliste au Monde Pauline Sauthier Des musiciens comme La Grande Sophie, Sanseverino ou Massilia Sound System ont fait leurs débuts dans des bars. Derrière cet aspect convivial et chaleureux, se cachent souvent des pratiques peu satisfaisantes autant pour les cafetiers que pour les musiciens.« Jusqu'à maintenant, c'était un peu rock’n’roll », témoigne Denis Tallédec, directeur du collectif Culture Bar-Bars, qui évoque des rémunérations « au black » généralisées, assorties, parfois, d'un tour de chapeau pour mettre à contribution le public. Dans les cas, bien sûr, où les cafés rémunèrent les artistes.Depuis le 16 avril, ils pourront plus facilement faire venir musiciens, circassiens, danseurs ou comédiens sans avoir à contourner la loi. Un groupement d'intérêt public (GIP) incluant le ministère de la culture, des collectivités territoriales, des associations de cafetiers et d'artistes, vient d'être officialisé pour apporter une aide au cachet des artistes.Les villes de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et Nantes (Loire-Atlantique) font partie des membres fondateurs avec la région Pays de la Loire, où a été testé le projet. Elles ont été rejointes par les villes de Dole (Jura), Rennes (Ille-et-Vilaine) et la région Alsace. Le dispositif, qui démarrera officiellement le 1er juin, devrait encore s'élargir.« Nous défendons la diversité et la proximité »La nouveauté en matière de politique culturelle, c'est que ce n'est pas un projet artistique qui est encouragé avec des subventions mais un lieu, éligible sur des critères de taille (les débits de boissons de moins de 200 places). « Cela peut concerner des bars ou brasseries qui organisent un concert par an, y compris pour la fête du village, explique Denis Tallédec. Il n'y a pas d'a priori ni de labellisation préalable. Nous défendons la diversité et la proximité. »Il donne l'exemple d'un concert avec quatre musiciens sur scène, dont il évalue le coût à 1 000 euros : 600 euros de cachet pour les artitstes, une somme pour la Sacem, les frais de location de matériel et de communication… Une somme qui ne pourra, la plupart du temps, pas être amortie par les bénéfices sur les consommations de la soirée. Avec l'aide du GIP, la moitié du cachet des musiciens sera prise en charge.Gérer un fonds réparti entre plusieurs collectivités territoriales ne s’annonce pas simple. Mais le projet, pensé conjointement par les organisations de cafetiers et d’artistes, semble avoir été conçu pour ne pas alourdir les démarches administratives et promet un remboursement rapide.Pauline Sauthier Pauline Sauthier Jusqu'à présent, pour s'inscrire dans l’un des dix-sept conservatoires enseignant la musique, la danse et l’art dramatique à Paris, le premier arrivé était le premier servi, obligeant parfois les parents à dormir dans la rue pour être sûrs de décrocher une bonne place dans la file d’attente. Les modalités ont changé plusieurs fois. En 2014, la plateforme téléphonique mise en service avait été immédiatement saturée. Pour la prochaine rentrée, le conseil de Paris a décidé, mardi 14 avril, que les places seront attribuées par tirage au sort.« C'est la moins mauvaise des solutions », justifie Bruno Julliard, premier adjoint à la maire de Paris, chargé de la culture. Il évoque le cas de parents qui payaient des personnes pour attendre à leur place devant les conservatoires dès la veille des inscriptions ou des familles appelant jusqu'à 100 fois pour un seul enfant sur la plateforme téléphonique.Une meilleure diffusion des informationsCette année, pour les inscriptions qui se tiendront du 1er au 16 juin, des tests ont été effectués sur le site Internet dédié à la gestion des admissions et sur la ligne téléphonique d'urgence prévue pour les familles qui auraient des problèmes de connexion. Un huissier veillera au bon fonctionnement du tirage au sort, qui aura lieu le 22 juin, parmi les inscriptions faites en ligne. Le résultat devrait être communiqué aux familles le jour même.La période d'inscription, qui était d'un jour auparavant, a été allongée. Cela afin de contrer un éventuel dysfonctionnement et de permettre une meilleure diffusion des informations. « On espère aussi sensibiliser davantage de personnes, faire venir un public plus divers », explique Bruno Julliard, qui remarque que, jusqu'à présent, les familles aisées étaient mieux informées des procédures à suivre. « 50 % des familles sont dans les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, cela ne reflète pas la réalité de la population parisienne », note l’adjoint à la culture.« 17 places pour plus de 200 demandes »Pour Muriel Mahé, présidente de l’association des parents d’élèves du conservatoire du XVe arrondissement et membre du bureau de la fédération des usagers du spectacle enseigné, c’est le faible nombre de places offertes qui pose problème, plus que les modalités d’inscription : « L’année dernière, il y avait 17 places en première année de cursus musical dans le XVe arrondissement pour plus de 200 demandes ». Ces chiffres correspondent au nombre d’enfants inscrits sur la liste d’attente en une heure. Les moyens de recrutement des années précédentes, avec des listes closes très rapidement, ne permettaient pas d’évaluer le nombre des candidatures.« La répartition des places sur le territoire parisien pose aussi problème, insiste Muriel Mahé. Il y a des conservatoires très grands et d’autres, comme ceux du XVe et du XVIIIe, qui disposent d’un peu plus de 1 000 places avec de gros bassins de population, très jeunes ». Il y a deux ans, les parents de son arrondissement avaient eu le choix entre le tirage au sort et la sélection des premiers inscrits par téléphone. La deuxième option lui paraissait « la moins pire » : « Les gens qui le souhaitaient vraiment pouvaient appeler pendant les 15-30 minutes que duraient les inscriptions et ils pouvaient augmenter ainsi leurs chances d’être pris. »Le conseil de Paris a voté la mesure en s’inspirant des exemples de Nantes, Caen ou Vincennes, où le tirage au sort est déjà la règle.Pauline Sauthier 16.04.2015 à 23h53 • Mis à jour le17.04.2015 à 18h23 Le scandale du piratage de Sony Pictures n’est pas terminé. WikiLeaks a mis en ligne jeudi 16 avril une base de données contenant plus de 30 000 documents et plus de 170 000 courriels de la société volés par des hackers à la fin de 2014 lors d’une cyberattaque de grande envergure. Il est désormais possible d’effectuer très facilement des recherches dans ces dizaines de milliers de documents, par noms ou par mots-clés.Sony Pictures a immédiatement condamné cette publication, affirmant que WikiLeaks aidait les hackers à disséminer des contenus dérobés et privés. Plus de 47 000 employés et tiers de Sony Pictures Entertainment (SPE) – filiale de Sony – sont concernés par ce vol de données personnelles, documents financiers, scripts, courriels, etc. C’« était un acte criminel malveillant, et nous condamnons fermement l’indexation par WikiLeaks d’informations volées sur des employés et d’autres informations privées ».Lire : Piratage de Sony : le vol des films n’était qu’un début« Conflit géopolitique »L’organisation de Julian Assange, connue pour avoir dévoilé de nombreux documents confidentiels du gouvernement américain, estime, elle, que les données publiées jeudi relèvent du domaine public. « Ces archives dévoilent le fonctionnement interne d’une entreprise multinationale influente », a déclaré le fondateur de WikiLeaks, dans un communiqué. « Cela comporte un intérêt journalistique, et c’est au centre d’un conflit géopolitique. »Ces données avaient été diffusées une première fois sur Internet, accessibles notamment par des liens permettant de télécharger plusieurs dizaines de gigaoctets de documents. En les diffusant sous forme de base de données dans laquelle il est possible d’effectuer des recherches, WikiLeaks simplifie considérablement leur accès : « Certaines histoires sont sorties à l’époque, mais il n’était pas possible de faire des recherches dans les archives originales et elles ont été retirées avant que le public et les journalistes puissent gratter la surface », poursuit le communiqué de WikiLeaks. « Maintenant publiées dans [ce] format, les archives Sony offrent un aperçu rare des rouages d’une grande entreprise multinationale secrète. » Le communiqué précise qu’on peut y voir les activités de lobbying du groupe et ses connexions avec le Parti démocrate américain.Influence et lobbying« Le travail connu de Sony est de produire des divertissements. Mais les archives montrent que dans les coulisses c’est une société influente, ayant des liens avec la Maison Blanche (il y a presque 100 adresses e-mail du gouvernement américain dans ces archives), avec une capacité d’influer sur les lois et les politiques, et avec des liens avec le complexe militaro-industriel américain », écrit encore WikiLeaks.Le gouvernement américain a imputé la responsabilité de la cyberattaque de Sony à la Corée du Nord, qui avait protesté fortement contre la diffusion d’un film produit par la société hollywoodienne, The Interview, qui mettait en scène l’assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Pyongyang a démenti toute implication dans ce piratage.Lire : Des experts doutent de la thèse nord-coréenneLe scandale avait contraint à la démission en février de la patronne de Sony Pictures, Amy Pascal, après la publication de courriels à connotation raciste qu’elle avait écrits sur Barack Obama. William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h14 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 14h03 En attendant l’annonce, jeudi 16 avril, de la sélection officielle du 68e Festival de Cannes, la plus importante (par le nombre de films présentés) des sections parallèles, la Quinzaine des réalisateurs a annoncé son film d’ouverture. L’Ombre des femmes est l’œuvre d’un vétéran de la Quinzaine, Philippe Garrel, qui était présent lors de sa première édition (on en est à la 47e) avec Le Lit de la Vierge.Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, a ainsi présenté L’Ombre des femmes : « un film d’amour et sur l’amour, sur les trahisons, les grandes et les petites, celle qui prennent place dans l’histoire et celle qui nous empoisonnent la vie ». Les rôles principaux sont tenus par Stanislas Mehrar et Clotilde Courau.La Quinzaine annoncera le reste de sa sélection, mardi 21 avril, lors d’une conférence de presse pendant que la plus ancienne des sections parallèles cannoises, la Semaine de la critique, mettra en ligne la sienne, la veille, le 20 avril. 16.04.2015 à 13h27 • Mis à jour le17.04.2015 à 17h44 | Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, les accords explosifs du deuxième album.Le plus étonnant, avec le deuxiè­me album des Beatles, est qu'il ait pu être enregistré. Dans la foulée du triomphe de Please Please Me, l'année 1963 n'est qu'un frénétique crescendo de concerts, opérations promotionnelles, performances radio et télévisuelles. Pour nourrir la Beatlemania en nouveaux ­morceaux, le groupe arrive à caser de rares séances londoniennes d'enregistrement de titres souvent composés dans des chambres d'hôtels et des bus, entre deux shows.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « With The Beatles »Les 18 et 30 juillet, 11 et 12 septembre, 3 et 17 octobre, les exilés de Liverpool parviennent ainsi à produire ce qui deviendra With The Beatles et un nouveau 45 tours, I Want To Hold Your Hand / This Boy, non inclus dans l'album. Publié le 22 novembre 1963, jour de l'assassinat du président Kennedy, With The Beatles deviendra un autre acte fondateur des années 1960.Passion pour les musiques noires américainesDès sa sortie, l'­album remplace, à la première place du hit-parade britannique, Please Please Me, resté au sommet vingt-neuf semaines d'affilée. Si la pochette de ce dernier affichait la gaieté conventionnelle d'un groupe débutant, l'élégante photo noir et blanc de Robert Freeman illustrant With The Beatles conceptualise un combo appelé à dominer le monde.Certes, les textes de Lennon et McCartney flattent avec une simplicité, ­frisant parfois l'indigence, le public d'adolescentes qui cons­titue la majorité des fans. Mais ces récits d'amourettes explosent avec une énergie ­tellement nouvelle, qu'ils ­bouleversent leur époque. Exemplaire ainsi, la façon dont déboulent les trois premiers titres – It Won't Be Long, All I've Got To Do, All My Loving –, à la fois enracinés dans des modèles assumés (The Everly Brothers, Buddy Holly, Tamla Motown…) et resplendissants d'éclats inédits.« Leurs accords étaient extra­va­gants, leurs harmonies rendaient tout possible », constatait Bob Dylan à propos de ces chansons. Riches de huit originaux, dont une première composition – convaincante – de George Harrison (Don't Bother Me), With The Beatles est complété, comme Please Please Me, par des reprises tirées d'un ­répertoire de concert. La plupart, dont l'électrisant Money (That's What I Want) final, prouvant à nouveau la passion du groupe pour les musiques noires américaines.Stéphane DavetJournaliste au Monde Pauline Sauthier Sur les réseaux sociaux, il poste des images de portes arrachées, d’une boîte aux lettres de La Poste descellée et emportée, de cabines EDF démontées. Le 9 avril, le street artiste C215 (Christian Guémy) fait un triste état des lieux des peintures qui lui ont été volées dans la rue ces derniers jours. Sur une des portes, il avait peint le portrait de son éboueur à Vitry-sur-Seine : « Il le voyait tous les jours depuis 2009. » Dans leurs commentaires, les internautes ajoutent des photos qu'ils ont prises d’autres endroits laissés vides par le vol des œuvres de C215.Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive mais selon C215, le phénomène s’est accentué : une dizaine de ses peintures ont disparu. « Elles ont peut-être été volées en une nuit et découvertes petit à petit », explique l’artiste.Sur sa page Facebook, les commentateurs se divisent en deux camps : ceux qui compatissent et s'émeuvent de voir la disparition des œuvres. Et ceux pour qui le geste illégal du vol va de pair avec l'illégalité de la peinture sur les murs, et qui considèrent que le street art est par essence éphémère. C215 s'agace : il travaille en accord avec la mairie de Vitry et La Poste. Space Invader aussi touchéC215 n'est pas le seul street artiste à rencontrer le problème. Avec ses mosaïques en forme d’extra-terrestres inspirées d'un jeu vidéo culte, Space Invader est touché lui aussi : « J'utilise des colles très fortes et des carreaux très fragiles. Avant de récupérer une pièce, [les voleurs] en cassent neuf. »Maître Pierre Lautier, avocat spécialisé dans la propriété artistique, juge la situation « compliquée » parce que « le street art est à la rencontre de différents droits ». Il explique : « Dans le cas de C215, le propriétaire des droits c'est le propriétaire de la porte. » En l’occurrence, c’est le bailleur social, La Semise, qui portera plainte contre le vol de ses portes. Mais elles ne seront pas reconnues comme œuvres d’art par la police ou les assurances. La Semise espère qu’à l’avenir, en signant des conventions avec les artistes, leurs œuvres, reconnues comme telles, seront davantages protégées et plus faciles à retrouver.C215, lui, entend bien faire valoir son droit à la propriété intellectuelle et son droit de suite. « Il peut en effet s'opposer à la reproduction et à la représentation de la porte à condition de démontrer qu'il est l'auteur de la peinture », confirme Maître Lautier. L’avocat ajoute cependant être plus souvent confronté à des histoires de contrefaçon ou à la vente de photographies de street art par d’autres artistes qu’à des problèmes de vol.Attention, le #StreetArt provoque des vols de portes ! via @christianguemy #Ivry http://t.co/TjP6WByNGL— sergeclooney (@Serge Clooney)require(["twitter/widgets"]);Basquiat, Keith Haring, Banksy…Ceux-ci ne sont pourtant pas nouveaux. Dans les années 1980, les peintures de Basquiat et Keith Haring étaient déjà dérobées dans le métro de New York. Plus récemment, un collectif, Stealing Banksy, s'est créé pour « récupérer » les œuvres de Banksy avec l'accord des propriétaires des murs…Pour s’opposer aux vols et aux faux, un système d’authentification a été mis en place. « Quand on parle d’œuvres à 100 000 ou 150 000 euros, explique Arnaud Oliveux, expert en  urban art de la maison de vente aux enchères Artcurial, les acheteurs ne sont pas prêts à prendre le risque d’acheter une pièce sans être sûrs de pouvoir la revendre. » Car sans certification, la plupart des galeries et des salles de vente n’acceptent pas. C’est justement pour contrer ces vols qu’un organisme s’est créé pour authentifier les œuvres de Banksy, le pest control - qu’on pourrait traduire par antiparasite.En France aussi, c’est la cote du street art, toujours en hausse, qui fait se multiplier les vols. Parmi les boîtes aux lettres de C215, une d’entre elles est partie à 23 000 euros lors d’une vente aux enchères, les mosaïques de Space Invader atteignent les mêmes gammes de prix. Il s’agit ici de ventes légales, avec des œuvres réalisées pour être vendues en galerie et accompagnées de certificats d'authenticité.« Une démarche égoïste »Mais C215, qui suit l'évolution de ses œuvres à travers le monde sur les réseaux sociaux, a parfois retrouvé sur Instagram certaines de ses peintures volées en vente dans des galeries. Space Invader a, lui aussi, été alerté sur le commerce de certaines de ses mosaïques dans des galeries, des salles des ventes ou des sites de vente en ligne. A chaque fois, pour lui, la situation s'est réglée à l'amiable. « Je trouve ridicule que des “collectionneurs” puissent acheter des morceaux de carreaux inauthentifiables et sans valeur », dit-il, « c'est dur à vivre pour l'artiste ». Il raconte que souvent, ses mosaïques, plutôt que d'être traitées comme du vandalisme, ont été adoptées par les habitants du quartier, qui les ont parfois réparées après des tentatives d’extraction infructueuses. « Ceux qui volent sont dans une démarche égoïste, c'est l'inverse des propos du street art . »Pour C215, c’est justement cette démarche qui est remise en question par les voleurs : « Je travaille pour la communauté. Si je fais des œuvres petites, sur des boîtes aux lettres ou sur des portes, plutôt que sur des murs, c’est dans l’idée de ne pas écraser le spectateur, pour qu’il puisse s’identifier à mes portraits. Ce serait dommage, alors qu’on m’autorise à peindre sur le mobilier urbain, qu’on me le déconseille de peur des vols. » Avec une perche télescopique de son invention, Space Invader accroche ses mosaïques de plus en plus haut, le plus loin des convoitises. Il ne veut pas changer sa façon de travailler mais se « ruine » en colles fortes dans l’espoir de décourager les voleurs.Pauline Sauthier Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.04.2015 à 14h43 • Mis à jour le22.04.2015 à 17h16 | Raphaëlle Leyris A première vue, on se dit qu’il faut une bonne dose de culot pour intituler un roman Les Intéressants. Pour certifier dès la couverture que ses personnages sont captivants – comme si elle était barrée du slogan « satisfait ou remboursé ». Cependant, quand bien même Meg Wolitzer aurait choisi son titre dans cet esprit, on ne l’en blâmerait pas, tant son dixième roman (le deuxième traduit en français) déclenche l’addiction ; tant cette épaisse saga, courant sur près de quarante ans, empreinte d’un humour corrosif et d’une grande finesse psychologique, se lit avec délectation et ne se ferme qu’à regret. Mais le premier degré n’est pas tout à fait le genre de l’écrivaine américaine, il suffit de lire quelques lignes pour s’en convaincre. Son titre contient une nuance de tendre raillerie à l’égard de ses créatures, et du nom qu’ils avaient choisi à l’adolescence pour leur groupe, révélant une conception d’eux-mêmes qui aura des conséquences sur le reste de leurs vies. Ce n’est pas individuellement que Meg Wolitzer les juge fascinants, mais collectivement, par leurs relations faites d’affection, de jalousie, de compassion, d’ambiguïté et de rancœur, par la manière dont leurs liens évoluent au fil des décennies. Les Intéressants est ainsi, entre autres, un grand roman de l’amitié.La leur débute quand ils ont entre 15 et 16 ans, pendant l’été 1974, au camp de vacances de Spirit-in-the-Wood, où sont encouragées les dispositions artistiques. Julie va être au centre du roman... Jean-Jacques Larrochelle C’est un miraculé que l'ONG partenaire de l'Unesco, Europa Nostra, vient de couronner. Lauréat, le mardi 14 avril, du Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne 2015, catégorie « Conservation », les Halles du Boulingrin à Reims (Marne) ont bien failli disparaître à tout jamais. Ouvert au public le 30 octobre 1929, six jours après le jeudi noir de Wall Street, ce symbole de la vie sociale rémoise – et prouesse constructive de l’ingénieur béton Eugène Freyssinet (1879-1962) – a été victime de mille maux.Lire aussi : Au Boulingrin, l’autre cathédrale de la villeSoumis, dès après sa construction, à des problèmes d’infiltration, le marché couvert a subi le souffle destructeur d’une bombe allemande en 1940. Le béton s’est dégradé, puis les structures métalliques. En 1957, Eugène Freyssinet ne peut que constater un vieillissement prématuré des matériaux. Deux ans plus tard, un treillis est installé où s'accumulent les débris. En 1980, une seule alternative : réhabiliter ou démolir ce que l'on nomme désormais la « verrue ».En 1987, le maire de Reims, Jean Falala, veut faire disparaître l’intruse pour installer sur sa parcelle un centre de congrès, un marché permanent, un hôtel et des parkings. Les halles sont, in extremis, sauvées de la destruction en janvier 1990 après avoir été classées aux monuments historiques par le ministre de la culture d'alors, Jack Lang. En 2008, Adeline Hazan, première magistrate de la ville, décide de faire restaurer l’édifice et d’y maintenir l’activité de marché.« Coffrage-décoffrage sur cintre glissant »Les Halles du Boulingrin exploitent l’une des toutes premières applications de la technique dite de « coffrage-décoffrage sur cintre glissant », une prouesse architecturale inventée par Eugène Freyssinet. Bien que l’architecte Emile Maigrot, choisi en 1923, en soit l’auteur, le recours de l’ingénieur, directeur technique de la société Limousin, en charge du chantier, a permis qu’existe l'immense voûte en béton armé de 5 cm d’épaisseur protégée par une chape de 2 cm, d’une portée de 38 mètres. Manière de rassurer ses commanditaires rémois, Freyssinet avait construit à Orly (Val-de-Marne), en 1923 et 1924, deux hangars à dirigeables dotés d'une couverture semblable.« En remettant un prix aux Halles du Boulingrin de Reims, le jury [du Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne] a tenu tout d'abord à rendre hommage au courage de la décision datant de plus de 25 ans, de sauver cet exemple exceptionnel de l'architecture commerciale du XXe siècle et de la construction en béton armé, ont souligné les organisateurs. Les travaux de réparation complexes et laborieux ont restauré l'énergie première de la conception, mais ont également réintégré les fonctions originelles du marché, apportant une nouvelle vie dynamique non seulement à la structure en béton de Maigrot et Freyssinet, mais aussi à tout le quartier environnant. » Les Halles du Boulingrin comptent parmi les 23 projets récompensés de l’édition 2015 du Prix du patrrimoine culturel, sur 263 candidatures internationales représentant un total de 29 pays. Dans la catégorie « Education, formation et sensibilisation », une autre réalisation française a été honorée : la Cité jardin de Stains (Seine-Saint-Denis), édifiée entre 1921 et 1933 par les architectes Eugène Gonnot et Georges Albenque. Ce fleuron du patrimoine historique, social et architectural avait été créé pour répondre aux impératifs hygiénistes de l’époque. Il a été récompensé pour l’effort consenti, à partir de 2004, destiné à « récupérer et relancer la vision originale à travers la collecte de preuves, écrites et orales, l'éducation et la formation, et à travers la restauration de l'architecture et le renouvellement de fierté », a souligné le jury.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 21.04.2015 à 15h57 • Mis à jour le21.04.2015 à 16h04 | Rosita Boisseau Le chorégraphe Christian Rizzo est « débordé ! ». Par le succès, le boulot, le bonheur… Depuis l'énorme succès de son spectacle D'après une histoire vraie, au Festival d'Avignon 2013, Rizzo enchaîne les tournées non-stop avec sa bande de dix interprètes masculins. En janvier, il a pris la direction du Centre chorégraphique national de Montpellier, pas mécontent de pouvoir enfin « y rassembler son histoire ».Lire aussi : A Avignon, place au plaisir et à l'explosion physiqueCette reconnaissance tombe juste pour cet homme de 50 ans qui, depuis le milieu des années 1990, a lentement construit une œuvre hautement singulière. A la tête de L'Association fragile, celui qui revendique que l'« on a tout à gagner à se fragiliser » a croisé dans ses spectacles sa formation aux arts plastiques à la Villa Arson de Nice, son parcours de danseur, mais aussi son penchant pour le stylisme et la musique rock.Dans des espaces blancs, habillés de plantes vertes, de sculptures géométriques et de créatures insolites, Rizzo raffine des rituels articulés autour de la manipulation des objets, des thèmes de la chute, de la mort et de la disparition. « Inventaire avant fermeture, accumuler pour soustraire, créer du vide par peur du néant », ainsi résumait-il en 2006 ses motifs de travail. Les titres de ses spectacles s'étirent comme sa danse de postures : Soit le puits était profond, soit ils tombaient très lentement, car ils eurent le temps de regarder tout autour (2005) ou encore Jusqu'à la dernière minute, on a espéré que certains n'iraient pas… (2006).Dans D'après une histoire vraie, inspiré par une danse traditionnelle turque, deux batteurs, huit danseurs, opèrent un fondu enchaîné dans l'obscurité entre le minimalisme conceptuel et un dynamisme folklorique. Rapprochement des corps, tension pudique et viscérale à la fois, ce rassemblement fait monter la température d'une communauté qui trouve son sens profond dans une danse partagée. « On surévalue la question de la différence alors qu'il faut valoriser ce que l'on a en commun, précise-t-il. Nous formons aujourd'hui, avec les danseurs et les musiciens, un groupe très fraternel. »En chorégraphiant D'après une histoire vraie, Christian Rizzo relevait un challenge « qui lui faisait peur depuis longtemps : mettre en scène un groupe de mecs ». Opération réussie. Il affronte actuellement sa deuxième trouille : « Chorégraphier un pas de deux pour un couple homme-femme. » D'après une histoire vraie, de Christian Rizzo. Du 21 au 23 avril, au Maillon, à Strasbourg. Du 25 au 27 avril, au Centquatre, à Paris.Rosita BoisseauJournaliste au Monde 21.04.2015 à 07h17 • Mis à jour le21.04.2015 à 12h16 | Véronique Cauhapé Bouchera Azzouz filme sa mère et ses voisines, venues en France dans les années 1970, et recueille leurs confidences (mardi 21 avril à 23 h 05 sur France 2). Elles délivrent quelque chose d’instantanément émouvant et familier. Sans doute grâce à cette confiance qui les aide à se révéler, sans timidité, dès les premières phrases. Et pour cause. Celle qui est derrière la caméra n’est autre que Bouchera Azzouz, ex-secrétaire générale du mouvement Ni putes ni soumises. Elle a choisi d’aller rendre visite à sa mère, dans son appartement de la cité de l’Amitié, à Bobigny, afin d’écouter et de faire entendre son histoire. Mais aussi celle de ses voisines algériennes, tunisiennes ou marocaines, arrivées en France dans les années 1970. Des femmes que la réalisatrice connaît bien, et dont on ne parle jamais quand il est question de la banlieue.Pourtant, ces femmes, mémoire vive de l’immigration et figures héroïques du féminisme de la première génération, portent sur leurs épaules le poids d’une vie de combats. Ayant eu à lutter contre la pauvreté, l’interdiction de sortir, de s’habiller et de se maquiller comme Brigitte Bardot qu’elles voyaient au cinéma, l’obligation d’épouser un homme imposé…Magnifique hommageRahma, Habiba, Yamina, Sabrina, Aline… ont mille choses à dire, jamais évoquées. Par exemple, l’absence de moyens de contraception qui les a contraintes à tant de grossesses rapprochées que leur corps finissait par céder à la dépression. Alors, oui, elles l’avouent face caméra : elles ont quasi toutes décidé, au moins une fois, d’avorter clandestinement, pour rompre avec ce rythme infernal et ce destin tracé à leur place. Et, surtout, transmettre cette liberté à leurs filles.Le documentaire de Bouchera Azzouz – tendre et sensible – rend un magnifique hommage à ces femmes, dont les propos pleins de courage et de dignité témoignent du chemin qu’elles ont parcouru, sans jamais baisser les bras ni le regard. Emouvantes et drôles, fortes du devoir accompli, ces mères semblent s’être accordées le droit au repos, au plaisir de vivre comme elles l’entendent. Apaisées mais toujours vigilantes. Pour les enfants qu’elles surveillaient autrefois comme le lait sur le feu, pour les petits-enfants à qui il faut continuer d’inculquer les valeurs sans lesquelles tout va de travers et pour les jeunes de la cité de l’Amitié, avec lesquels Rahma partage régulièrement son couscous. En bas des immeubles, quand le temps est beau.« Nos mères, nos daronnes », de Bouchera Azzouz (France, 2015, 52 minutes). Mardi 21 avril à 23 h 05 sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Un docu-fiction met en scène la crise économique et morale qui touche le Vieux Continent (mardi 21 avril à 22 h 25 sur Arte).A bord d’un avion traversant une zone de turbulences, la petite Jane, 8 ans, se retrouve assise à côté de Charles Granda, honorable archéologue britannique en route pour Berlin, où il doit donner une conférence.Le thème ? L’Union européenne, qui vient de voler en éclats. L’action est censée se situer en 2060 et, au fil des conversations, on apprend que de nombreux événements majeurs ont eu lieu sur le continent européen. Pêle-mêle : l’abandon de l’euro, la démission d’Angela Merkel, la présidence française de Marine Le Pen, l’eurosceptique Nigel Farage en poste au 10 Downing Street, la mort de manifestants à Rome, des tirs de missiles ukrainiens et même la suppression de l’Union européenne, votée par le Conseil européen ! Il ne s’agit pas d’un film catastrophe, mais d’un docu-fiction, genre télévisuel délicat à manier, mais choisi par Annalisa Piras pour expliquer l’état inquiétant dans lequel se trouve l’Europe et proposer des solutions à sa survie.En mêlant la partie fiction, moyennement réussie, à de nombreux témoignages éclairants, des images d’archives inédites et des graphiques expliquant avec efficacité des données chiffrées, le réalisateur parvient à nous livrer, finalement, un film intéressant.« Besoin d’entente »De Barcelone à la station balnéaire britannique de Margate, de Stockholm à la côte croate, en passant par l’Allemagne, simples citoyens, experts, responsables politiques parlent de l’Europe. De la crise immobilière espagnole à l’importance de l’exportation dans l’économie allemande, du désir de paix en Croatie à la colère anti-européenne de retraités britanniques, de la peur anti-immigrés en Suède à la volonté allemande de ne plus jamais avoir à faire la guerre, l’Europe se révèle complexe, inquiète, voire angoissée.« Faut-il craindre une nouvelle crise financière ? Assurément ! », assure un éditeur du Financial Times. « L’Union européenne peut absolument se défaire dans les années qui viennent », estime le chroniqueur Bernard Guetta. « La zone euro est en train de devenir un espace de colères et d’incompréhension mutuelle », ajoute un responsable politique.Chez les simples citoyens, l’avenir ne s’envisage pourtant pas forcément de manière sinistre. En couple avec une Suédoise et vivant à Stockholm, José, l’Espagnol, assure : « Ce dont l’Europe a plus que jamais besoin, c’est d’entente ! » De son côté, un jeune chef d’entreprise allemand n’imagine pas une seconde l’éclatement européen : « Dans les entreprises allemandes, tout le monde se réjouit des débouchés que nous offrent les autres pays européens ! » Une réaction logique lorsqu’on apprend que 57 % des exportations allemandes se font au sein de l’Union européenne. L’austérité économique, la crise bancaire, le danger de conflits armés, le vieillissement de la population, l’immigration, sont autant de dossiers traités avec plus ou moins de bonheur. « L’exclusion sociale se voit partout en Espagne. Mais une facette du rêve européen existe toujours : celui qu’un jour l’Union européenne ne soit plus qu’un marché économique commun », lance un architecte catalan. L’Europe des valeurs ? « Shakespeare disait déja : “Quand la pauvreté frappe à la porte, l’amour sort par la fenêtre !” », dit une humoriste suédoise d’origine iranienne.Le mot de la fin revient à un autre humoriste suédois, lui d’origine kurde : « Quand l’Europe laisse les migrants se noyer en Méditerranée, quelles valeurs montre-t-elle ? L’Europe n’est pas en train de mourir, elle est en train de se suicider… »« L’Europe au bord du crash ? », d’Annalisa Piras (France -Royaume-Uni, 2015, 90 min). Mardi 21 avril à 22 h 25 sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin A travers la mise en ligne, samedi 11 avril, d’une nouvelle vidéo de saccage, l’organisation Etat islamique (EI) entend confirmer la destruction de Nimroud, l’antique capitale assyrienne, située à 34 kilomètres au sud de Mossoul, dans le nord-est de l’Irak, tenu par le groupe islamiste radical. Destruction qui aurait eu lieu le jeudi 5 mars, selon le voisinage alerté par des explosions, et annoncée dans nos colonnes le 8 mars.Lire aussi :Les djihadistes saccagent NimroudBarbes et calots noirs, les djihadistes se filment à l’œuvre, armés de masses, marteaux piqueurs, scies sauteuses, assis à califourchon sur les bas reliefs d’une rare finesse qui courent le long des murailles de briques cernant cette ville fortifiée de 360 hectares. Ils les découpent pour les faire tomber avant de les évacuer au bulldozer. Le tout sous les incantations religieuses à la gloire d’« Allah le plus grand ».Nimroud, c’est l’antique Kalku, le Calah de la Genèse, « la Grande Ville », devenue capitale sous le règne du roi Assournazirpal (883-859 av. J.-C.), lequel donna un banquet à sa gloire pour 70 000 convives en 879, alors qu’il avait fait réaliser de gigantesques travaux d’irrigation. La vidéo montre les pans des treize kilomètres de remparts en brique, restaurés, sur lesquels les soldats de l’EI s’acharnent. La vue panoramique de la plaine permet de distinguer un tell. Cette colline artificielle pourrait être celle des ruines d’une ziggourate, le grand temple à degrés typique de l’ancienne Mésopotamie – dont les frontières correspondent à l’actuel Irak, avec une frange syrienne.Lire aussi :L’extraordinaire banquet d’Assournazirpal II donné à Nimroud« La justice est florissante »Les djihadistes justifient ce saccage en posant face à la caméra, dans une imitation assumée des professionnels de l’information. Samir Abdulac, secrétaire général pour la France du Conseil international des monuments et des sites (Icomos), a traduit, pour Le Monde, leurs propos qui prônent un retour au VIIe siècle de Mahomet, aux sources littérales de l’islam.En tunique blanche et gilet noir, le premier affirme que « la religion est revenue victorieuse, la justice est florissante et le polythéisme vaincu. Nous faisons disparaître tout objet ou statue, voulus comme des rivaux de Dieu. Les médias prétendent regretter et pleurer la destruction des idoles aux mains des unificateurs ; ils présentent les croyants comme des barbares agités indifférents au patrimoine et à la civilisation. Beaucoup de ceux qui disent se référer à l’islam veulent oublier la parole de Dieu tout puissant. Que soit maudit tout ce qui est adoré à l’exception de Dieu ». Un juteux marché de l’art parallèleLe second orateur pousse la provocation en menaçant les pays mécréants : « Chaque fois que nous prenons possession d’une région, nous faisons disparaître les symboles du polythéisme et nous diffusons le monothéisme. Démolissons les tombes et mausolées de ceux qui refusent, jusqu’à leurs habitations. Brisons les croix et détruisons le cœur de l’Amérique, la Maison noire (en référence à la Maison blanche). » Des blocs bourrés de dynamite sont préparés devant la caméra. Un grand angle sur la plaine montre trois explosions successives sur un site ceint de murs, progressivement masqué par un gigantesque nuage de fumée.Après celles du musée de Mossoul et de la cité parthe d’Hatra, c’est la troisième vidéo tournée par l’EI de ses forfaits sur les vestiges mésopotamiens, vieux de plus de trois mille ans. Mais ce que les terroristes se gardent bien de filmer, ce sont les pièces pillées, mises quelque temps à l’abri dans des souterrains, et qui viendront alimenter un juteux marché de l’art parallèle. Un trafic illicite qui constitue une de leurs principales ressources financières, avec le pétrole.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Anne Pelouas (Correspondance à Montréal) C'est pour « assurer la pérennité du Cirque du Soleil, accélérer sa croissance et lui permettre de se diversifier dans des secteurs porteurs » que le fondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, en cède le contrôle à un consortium dirigé par la société d'investissement américaine TPG Capital. Il en a fait l'annonce lundi 20 avril au siège social du célèbre cirque, à Montréal, mettant ainsi fin aux rumeurs de la semaine précédente.Evaluée à 1,5 milliard de dollars canadiens (1,1 milliard d'euros), la transaction – dont les détails n'ont pas été confirmés – donne 60 % des parts à TPG, 20 % au groupe  d'investissement chinois Fosun, qui a récemment acquis le Club Med, et 10 % à la Caisse de dépôt et placement du Québec. M. Laliberté, qui détenait encore 90 % des actions de l'entreprise, conserve une participation minoritaire de 10 %.Lire aussi : Fosun : Le puzzle de « chairman Guo »La présidence du conseil d'administration sera assurée par le Québécois Mitch Garber, président-directeur général de la société de jeux de hasard Caesars Acquisition Company, dont TPG est l'un des actionnaires.« Après avoir passé trente ans à créer la marque du Cirque du Soleil, souligne M. Laliberté, nous avons trouvé avec TPG, Fosun et la Caisse les bons partenaires pour faire accéder le Cirque à l'étape suivante de son évolution en tant que société fondée sur la conviction que les arts et les affaires peuvent collectivement contribuer à rendre le monde meilleur. » A la recherche depuis 2006 d'un partenariat stratégique pour le fleuron économique québécois, M. Laliberté a expliqué qu'un premier accord en 2008 avec Dubai World n'avait pas donné les résultats escomptés, notamment pour cause de crise économique mondiale.La Chine, « planète en soi »L'entrée en scène de Fosun dans le capital du Cirque du Soleil ouvre la voie à une forte expansion des affaires du Cirque en Chine, pays qualifié par M. Laliberté de « planète en soi ». TPG a toutefois pris des « engagements contraignants », souligne-t-il, notamment pour le maintien du siège social à Montréal, où travaillent plus de 1 400 des 4 000 employés du Cirque du Soleil.M. Laliberté, qui se présente comme « créateur et homme d'affaires », a dit souhaiter que l'entente ouvre de nouvelles portes au Cirque du Soleil pour « emmener sa créativité ailleurs que dans le spectacle vivant », sans perdre son âme ni ses valeurs.A l'origine une troupe québécoise d'amuseurs de rue, le Cirque du Soleil promène son grand chapiteau bleu et jaune partout sur la planète, en plus de produire des spectacles permanents à Las Vegas et à Riviera Maya, au Mexique.« Pas une vente de feu »Cette vente n'est « pas une vente de feu », a tenu à préciser M. Laliberté, qui a rappelé que l'entreprise culturelle avait traversé une période difficile en 2012, « après vingt-cinq ans de croissance », pour ensuite reprendre le chemin du développement, avec de grands succès comme le spectacle Michael Jackson : One.Maître du « divertissement artistique de haute qualité », le Cirque du Soleil n'est nullement en perte de vitesse, selon son fondateur. En plus de ses spectacles sous chapiteau, il développe pour 2018 un projet de parc d'attractions à Nuevo Vallarta, au Mexique, un autre à Ibiza, en Espagne, et travaille à la coproduction de comédies musicales à Broadway. Même si sa part de marché est passée au cours des cinq dernières années de 55 % à 45 % des billets de spectacles à Las Vegas, le Cirque du Soleil en vend onze millions par an, calcule M. Laliberté, soit « plus que tous les spectacles de Broadway ».Anne Pelouas (Correspondance à Montréal) Véronique Mortaigne Du train qui siffle ou du blues que l’on twiste, que retiendra-t-on de Richard Anthony, mort dans la nuit du lundi 20 avril à Pégomas (Alpes-Maritimes) à l’âge de 77 ans ? Comme fil rouge du souvenir, il y aura d’abord la voix d’un miel somme toute très oriental. Polyglotte (il parlait six langues), d’une rondeur enveloppante, Ricardo Btesh, dit Richard Anthony, était né le 13 janvier 1938 au Caire. Il avait grossi les rangs des étoiles venues d’Egypte – Dalida, Georges Moustaki, Guy Béart, Claude François… – pour écrire un chapitre faste de la chanson française. Son père, Edgar, était industriel dans le textile, issu d’une famille syrienne d’Alep ; sa mère est à moitié anglaise, fille de Samuel Shashoua Bey, consul honoraire d'Irak à Alexandrie. Après une période d’errance familiale, dû au resserrement du nationalisme en Egypte, passant par l’Argentine et l’Angleterre, le futur chanteur arrive en France en 1951, à l’âge de 13 ans.« Nouvelle vague »Elève du lycée Jeanson-de-Sailly, à Paris, il débute sa vie professionnelle comme représentant de commerce en électroménager et joue du saxophone dans les clubs de jazz, notamment au Vieux Colombier. En 1958, il enregistre deux titres du répertoire rock naissant, You Are My Destiny, de Paul Anka et Peggy Sue, de Buddy Holly. Le succès arrive avec Nouvelle Vague, adaptation française de Three Cool Cats, des Coasters : « Nouvelle vague/Une p'tit M.G. trois compères/Assis dans la bagnole sous un réverbère/Une jambe ou deux par-dessus la portière…/Nouvelle vague/ Nouvelle vague/ Trois mignonnes s'approchent fort bien balancées/Elles chantent une chanson d'Elvis Presley/Voilà nos trois pépères/Soudain tout éveillés par cette/Nouvelle vague. » A cette époque, la décolonisation bat son plein, l'Algérie inaugure le temps des barricades et les nouveaux francs compliquent la pensée du Français moyen. En 1960, la décennie à venir a du mal à définir ses contours. Le monde américain fait irruption, délivré des poids de l'après-guerre, et passé au filtre naïf d'un optimisme tout tropézien (Souvenirs, Souvenirs, de Johnny Hallyday, puis Panne d'essence, de Sylvie Vartan et Frankie Jordan en 1961, Twist à Saint-Tropez, des Chats sauvages…). En 1959, un objet radiophonique insolite était né : l’émission « Salut les copains », imaginée sur Europe n° 1 par Daniel Filipacchi, avec son générique emblématique, Last Night, des Mar-Keys, le groupe du label américain Stax.Richard Anthony est sur les ondes, il est aussi sur toutes les photos de Salut les copains, le magazine, fondé en 1962, posant en romantique ténébreux et sentimental. Il est évidemment place de la Nation, le 22 juin 1963, pour la soirée « entre copains » organisée par Europe n° 1 à l’occasion du premier anniversaire de la revue. Ils seront 150 000 à se rassembler, et ce fut un séisme politique. Le sociologue Edgar Morin écrit alors un long article dans Le Monde, où il fonde la génération des « décagénaires », celle de ces adolescents qui n'ont pas 20 ans, ont déjà leurs idoles absolues – Johnny, Sylvie, Françoise, Petula, Eddy, James, Elvis, et invente le terme de yéyé.Le « temps des idoles »Richard Anthony accompagne dès lors ce « temps des idoles », portées par les 45-tours et les tubes de l’été. Il est avec Johnny Hallyday, dans le rôle du mauvais garçon, le plus gros vendeur de disques en 1962 (La Leçon de twist, Et j'entends siffler le train, adaptation en français d’une chanson folk notamment interprétée en 1961 par The Journeymen puis par le trio Peter, Paul and Mary) et en 1963 (Itsy Bitsy Petit Bikini, dont le clip est réalisé par Claude Lelouch). Il enchaîne les tubes, dont A présent tu peux t'en aller, en 1964, donne trois cents galas par an, achète des villas à Saint-Tropez, à Marbella, à Crans, ouvre un hôtel en Jamaïque, et vend en 1967 plus de cinq millions d’albums de son adaptation du Concerto d’Ajanjuez, de Joaquim Rodrigo.Divorcé de son épouse Michelle, qui dit-on aurait inspiré la chanson des Beatles, il prend le large à Saint-Paul-de-Vence. Il retrouve le succès en 1974 avec la chanson Amoureux de ma femme, et part s’installer à Los Angeles. Revenu en France en 1982, rattrapé par le fisc, il mène une existence retirée, avant de reprendre en 2007 le rythme des galas et des tournées pour « Age tendre et tête de bois ». Ce spectacle nostalgique, qui tire son nom de l'émission de variétés de l'ORTF présentée par Albert Raisner de 1961 à 1966, connaît un incroyable succès. Aux côtés de Frank Alamo (1941-2012 ), Michèle Torr, Jean-Jacques Debout, Gilles Dreu, Los Machucambos ou Demis Roussos (1946-2015), Richard Anthony y tient son rang de grand sentimental, timide et sauvageon.Dates clés13 janvier 1938 Naissance au Caire (Egypte)1962 Et j’entends siffler le train2007 Retour en scène dans la tournée « Age tendre et tête de bois »20 avril 2015 Mort à Pégomas (Alpes-Maritimes)Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Maxime Vaudano Malgré l'effondrement du marché du disque dans les années 2000, ils continuent de rythmer la vie de l'industrie musicale. En plus des abonnés sur les réseaux sociaux et des vues poour les vidéos, les artistes aiment encore à s'afficher avec leurs disques d'or, de platine ou même de diamant.Ces récompenses, distribuées depuis 1973, conservent une certaine aura, même si elles ont perdu plus de la moitié de leur valeur en quelques années.Pour pallier l'effondrement des ventes physiques, le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) et l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), qui rassemblent majors et indépendants, ont largement réduit leurs exigences. Alors qu'il fallait vendre 100 000 albums pour être disque d'or en 2006, 50 000 exemplaires sont désormais suffisants. #container_14298868107{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14298868107{ height:500px; } #container_14298868107 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14298868107 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14298868107 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .large { width: 230px; }L'évolution des seuils de certification(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14298868107", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", events:{ load:function(){ this.credits.element.onmouseenter = function(){ this.style.cursor = "default" } this.credits.element.onclick = function(){} } } }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:true, text:"", position: { align: "right", x: -15, y: -5 }, }, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:null, dataLabels:{ enabled:true }, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", type:"linear", title: { text:"" }, labels: { enabled: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:'""', align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Disque d'or","Disque de platine","Disque de diamant"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: "10" } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"top", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Avant 2006", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 100000 ], [ "", 300000 ], [ "", 1000000 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true }, { "name": "2006-2009", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 75000 ], [ "", 200000 ], [ "", 750000 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true }, { "name": "Depuis 2009", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 50000 ], [ "", 100000 ], [ "", 500000 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: "0", valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "%Y", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { $(".highcharts-tooltip span").addClass("large") }}Ce petit artifice, passé relativement inaperçu, a permis d'enrayer temporairement la chute du nombre de récompenses au début des années 2000. Retombé à 73 en 2006, le nombre total de disques certifiés par le SNEP et l'UPFI est reparti à la hausse les années suivantes : #container_1429628658480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_1429628658480{ height:580px; } #container_1429628658480 .titre{ position:relative; z-index:5 } #container_1429628658480 .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } #container_1429628658480 .subtitre{ display:block; }Le nombre d'albums certifiés depuis 1994(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 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Le syndicat assure au site spécialisé Booska-P que cette méthode ne change pas grand-chose, et que les chiffres sont corroborés par le classement des ventes hebdomadaires réalisé par l'institut GfK.Autre surprise cachée dans le classement du SNEP : certains labels et fans n'hésitent à proclamer à l'avance des albums disque d'or, ou même de platine… alors que les chiffres viendront plus tard les démentir.C'est par exemple le cas du cinquième album du rappeur Booba, Lunatic, étrangement absent du répertoire du SNEP alors que plusieurs sites spécialisés le créditent d'un disque d'or et de 200 000 ventes.Comment les disques sont-ils certifiés ?Les certifications d'albums sont réalisées par le SNEP à la demande des maisons de disque, avec l'appui de commissaires aux comptes, censés vérifier la véracité des chiffres de ventes annoncées.L'année de certification ne correspond donc ni forcément à l'année pendant laquelle le seuil de ventes a été atteint, ni à l'année de sortie de l'album.Ainsi, Otis Redding a-t-il obtenu en 2013 un disque d'or pour son Very Best of treize ans après sa sortie. Le record en la matière est détenu par Miles Davis, récompensé en 1999… soit près de trente-six ans après la sortie de Kind of Blue !Le SNEP ne prend pas en compte les ventes numériques pour ses certifications, contrairement à ses équivalents américain ou britannique, qui le font depuis 2004. En 2015, il a néanmoins décidé de prendre en compte l'écoute en streaming dans ses certifications. Aux Etats-Unis, c'est déjà le cas depuis 2013.Maxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Christine Rousseau Est-il possible d’exercer la politique sans singer les hommes ? (dimanche 26 avril, sur France 5, à 22 h 25).La parité, un mal nécessaire : tel aurait pu être le titre du documentaire de Stéphanie Kaim (produit par Elephant Doc et Chrysalide). Un film alerte, non dénué d’un humour caustique souligné par les dessins de Jul, mais néanmoins instructif sur le sexisme en politique. Un mal pour le moins bien français, hérité, ainsi que le rappelle l’historienne Michelle Perrot, d’une longue tradition remontant à la loi salique.Rappelons la place occupée par la France dans le monde, en termes de représentation au Parlement : 48e sur 147 pays, derrière le Costa Rica ou, moins surprenant, le Danemark. La France compte 27 % de femmes à l’Assemblée ; 25 % au Sénat, sans parler des 16 % de maires. Et qu’en serait-il si, en juin 2000, n’avait été adoptée la loi sur l’« égal accès des hommes et des femmes » aux fonctions électives ?Lire aussi :Stéphanie Kaim : « Peu d’hommes politiques ont un discours construit et engagé sur la question du sexisme »Quinze ans après la promulgation de ce texte, la génération qui en a bénéficié – représentée ici par Cécile Duflot (EELV), Barbara Pompili (EELV), Chantal Jouanno (UDI) ou Laurence Rossignol (PS) – a-t-elle fait bouger quelque peu les lignes ? Voire infléchit un sexisme qui irrigue tous les partis ? Surtout de quelle manière ces « créatures de la parité », pour reprendre l’expression de Cécile Duflot – consciente comme ses consœurs que ce petit coup de pouce a ses effets pervers par le biais de procès en illégitimité –, cherchent-elles à réinventer leur rôle et exercer la politique sans singer les hommes ?Déni d’autorité, de compétencesC’est à ces questions que tente de répondre Stéphanie Kaïm à travers les témoignages de femmes de différentes générations et tendances politiques, mais aussi les mises en perspective historiques de Mme Perrot et les analyses du sociologue Eric Fassin sur la manière dont ces nouvelles combattantes tentent de se faire une place.Et ce, malgré des partis qui, lorsqu’ils ne rechignent pas à les investir, quitte à payer une amende, choisissent, comme l’explique Marie-Jo Zimmermann (UMP), de le faire dans des circonscriptions difficiles à conquérir, manière d’illustrer leur incompétence. Une antienne récurrente, qui fait dire à Mme Rossignol qu’« être une femme en politique, c’est repasser l’oral du bac toutes les semaines ».Arrivées plus aisément que leurs aînées ou les « filles de » (Roselyne Bachelot, ex-UMP, Marine Le Pen, FN…), ces combattantes ne se montrent pas moins pugnaces face aux attaques, aux petites phrases sexistes et condescendantes de leurs homologues masculins, qui ne cessent de les ramener à leur apparence et leur corps, mais aussi de journalistes, ou au déni d’autorité et de compétences.Surtout, et c’est peut-être l’aspect le plus intéressant de ce documentaire, chacune de ces femmes politiques, comme l’explique Eric Fassin, cherche en tâtonnant mille manières de se mettre en scène ; ce qui entraîne, parfois, des maladresses, une image qui se brouille, telle celle de Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007.Voire quelques audaces comme celle que relate Cécile Duflot qui, lors de son premier conseil des ministres, demanda à François Hollande d’en changer le jour, afin de pouvoir profiter de ses enfants. Dans tous les cas, résume Chantal Jouanno, « il ne faut pas copier un modèle qui n’est pas le nôtre ». Modèle que la loi sur la parité aura permis de bousculer.Sexisme en politique, un mal dominant, de Stéphanie Kaim (Fr, 2015, 55 min).Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Cauhapé « Zone interdite » a suivi et interroger durant cinq mois les employés de la première maison de France (dimanche 26 avril, sur M6 à 20 h 55).Ils ont tous ce mot à la bouche : l’excellence. Et le souci quotidien de l’atteindre. « De toute façon, on n’a pas droit à l’erreur », disent celles et ceux qu’ont suivis Guillaume Maurice et Manuel Laigre, de novembre 2014 à mars 2015, au palais de l’Elysée. Huit cents hommes et femmes qui, dans l’ombre des ors de la République, font en sorte que tout se passe comme au palais d’un roi.L’horlogère qui, dès l’aube, remet toutes les pendules à l’heure, les gardes républicains qui assurent missions d’honneur et de sécurité, puis le chef de la logistique, le chef cuisinier, la chef fleuriste, la sommelière, le jardinier, les repasseuses, les argentiers… Tous ont été filmés et parfois longuement interrogés afin de nous montrer leur quotidien au palais de l’Elysée.Visite dépoussiéréeL’occasion pour le téléspectateur de vivre des expériences qui semblent parfois relever de la fiction, comme cette préparation au dîner d’Etat qui doit accueillir le roi et la reine de Suède ainsi que deux cent cinquante invités ; ou encore cet entraînement de la garde républicaine, filmé pour la première fois dans les salons d’apparat et les souterrains de la « première maison de France ».Pas question de nous révéler le moindre secret d’Etat. Les caméras nouvelle génération et les drones utilisés ont plutôt pour mission d’offrir une visite dépoussiérée et dynamique de ce palais qui fut, entre autres, la résidence de Mme de Pompadour, la propriété de Bathilde d’Orléans, l’hôtel particulier de Napoléon Ier avant de devenir, en 1874, la résidence officielle des présidents de la République.De l’escapade à Rungis où le chef cuisinier vient choisir les produits et la fleuriste ses roses, à la réunion du premier conseil des ministres de l’année, du Noël des enfants à l’état de siège durant l’attentat, le 7 janvier, contre Charlie Hebdo, en passant par la réparation d’une gouttière, le documentaire nous mène partout, guidé chaque fois, par des employés qui confient leur parcours, la difficulté de leur travail et leur fierté d’avoir à le faire.Secrets et coulisses du palais de l’Elysée, de Guillaume Maurice et Manuel Laigre (France, 2015, 120 min).Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio La tendance se confirme. RTL et France Inter sont les radios les plus écoutées en Ile-de-France avec respectivement 12,6 % et 11,7 % d’audience cumulée. Encore première station francilienne sur ce même critère il y a un an, Europe 1 est reléguée à la quatrième position.Une chute qui n’inquiète pas Fabien Namias, le directeur général de la maison de la rue François-Ier : « Nous nous sommes lancés dans une entreprise de reconstruction de l’audience. Europe 1 devenait trop élitiste et son auditoire était trop concentré en Ile-de-France. Nous avons fait le choix de recréer des liens avec l’ensemble du territoire en multipliant les délocalisations. Nous souffrions d’une image trop parisienne alors que nous sommes une radio nationale généraliste. »Sur une autre mesure, Europe 1 se fait détrôner par une radio qu’on qualifiait jadis de méridionale. RMC totalise 8,1 % de part d’audience contre 7,5 % pour sa rivale. La station du groupe Next Radio TV claironne de façon un peu abusive qu’elle est devant Europe 1. Mais en audience cumulée, elle reste derrière (8 % contre 9,6 %).C’est France Info qui tire son épingle du jeu pendant cette période. Avec 10 % d’audience cumulée, elle grimpe à la troisième place. « C’est la confirmation que notre stratégie enclenchée depuis la rentrée de se recentrer sur le tout-info était la bonne. C’est important pour nous, car la cible de France Info est traditionnellement urbaine », explique Laurent Guimier, directeur de la station publique.Les musicales à la traîneIl est plus inquiet pour l’avenir. « Nous avons commencé très très haut avec les événements de janvier, mais nous avons terminé très très bas avec la grève. Il ne faut pas penser que l’auditeur reste fidèle quand on lui passe une playlist. On dit que l’auditeur revient toujours après une grève, on verra. Une chose est sûre, c’est qu’ils s’en vont pendant. »Du côté des musicales, la plupart des radios marquent le pas en Ile-de-France, à quelques exceptions. France Musique gagne 0,4 % d’audience cumulée et totalise 155 000 auditeurs quotidiens. Virgin Radio bondit de 0,8 % sur le même critère et entre dans le top 10 des radios les plus écoutées.« La dynamique enregistrée sur le plan national se retrouve en Ile-de-France. Pour Virgin Radio, le phénomène est sans doute amplifié grâce à la soirée Electro Choc, qui a créé l’événement dans la région avec en appui une campagne d’affichage », constate Richard Lenormand, directeur général du pôle radios et télévisions de Lagardère Active.D’autres musicales ne sont pas à la fête : Nostalgie perd 1,1 % d’audience cumulée, Skyrock 1 % et Fun Radio 0,9 %. « Cette vague est très atypique pour les radios musicales, car avec les attentats, l’accident de la Germanwings, les élections départementales, il y a eu beaucoup d’actualité », temporise, beau joueur, M. Lenormand.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Joël Morio Retour sur les quarante ans de la carrière jalonnée de succès de Nile Rodgers, un des membres du mythique groupe Chic (samedi 25 avril, sur Arte à 22 h 15).Qui a composé ou produit des tubes planétaires pour Sister Slege, Diana Ross, Sheila, David Bowie, Duran Duran, INXS, Madonna, et plein d’autres ? Qui a collaboré plus récemment avec Daft Punk ou Pharrell Williams ? Nile Rodgers n’est pas simplement le « King of Disco » chassé de son trône un soir de 1979, quand un DJ de Chicago décida de brûler dans un stade des disques aux cris de « le disco ça craint ! », lors de ce qui fut appelé la « Disco Demolition Night » (nuit de la destruction du disco).Cet épisode fut douloureux pour celui qui se considérait comme un musicien. Mais il n’eut pas de répercussions sur sa carrière. Certes Chic, le groupe qu’il avait monté avec Bernard Edwards, ne connut plus d’immenses succès, mais les deux copains poursuivirent leur parcours de producteurs pour les plus grands de la pop et du rock.Un guitariste hors pairNile Rodgers est aussi un guitariste hors pair. Dans le documentaire de Julie Veille et Marjory Déjardin, il ne se sépare presque jamais de son instrument pour dérouler le film de sa vie. Avec sa guitare électrique légère, il raconte comment il a créé ses tubes. On apprend ainsi que son fameux « Freak out ! Le freak, c’est chic » était d’abord une insulte contre le Studio 54, la boîte mythique de New York de la fin des années 1970 dont Nile Rodgers et Bernard Edwards s’étaient vu refuser l’entrée.I’m Coming out chanté par Diana Ross est, lui, né dans les toilettes d’un club de drag-queens. Ses fulgurances étaient proches du génie, raconte un des membres du groupe Duran Duran, qui bénéficia des recettes de Nile Rodgers. Quelques-uns de ceux à qui il a prodigué ses conseils témoignent dans ce film à la gloire de ce personnage attachant, toujours aussi passionné par la musique.Depuis la disparation brutale de Bernard Edwards en 1996, Nile Rodgers avait vu sa carrière peu à peu décliner, tout en continuant d’être présent dans les « charts ». Ses morceaux restent parmi les plus samplés par la jeune génération de musiciens. Sa collaboration avec Daft Punk – il est un des auteurs du tube Get Lucky – a remis le compositeur au goût du jour. Un retour en grâce qui lui permet de revenir avec un nouvel album en juin.Nile Rodgers, les secrets d’un faiseur de tubes, de Julie Veille et Marjory Déjardin (France, 2015, 52 minutes).Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brigitte Salino Giorgio Barberio Corsetti ne retient du maître du vaudeville que la folle mécanique (samedi 25 avril, sur France 3 à 22 h 45).Labiche n’est pas Feydeau. Pourtant, on en viendrait presque à douter de cette évidence en voyant Un chapeau de paille d’Italie, enregistrée en décembre 2012 à la Comédie-Française, et mise en scène par Giorgio Barberio Corsetti. Ce dernier, considérant que le théâtre de Labiche « est impossible à comprendre si on ne le met pas en scène », avait précisé : « C’est une fois qu’on commence à travailler sur la machine que tout devient clair, et que tout s’emballe : c’est alors de l’action pure, à un rythme vertigineux ! »Et c’est effectivement ce que Corsetti a fait : il a déroulé le chef-d’œuvre de Labiche à toute vitesse et avec brio, mais en restant si près de la mécanique qu’on a l’impression de voir une horloge démontée, sans arriver à se rendre compte de l’allure qu’elle aurait et de l’impression qu’elle ferait, si elle était assemblée et sonnait le cours des heures.Les heures comptent, chez Labiche (1815-1889). Ce sont celles d’une société bourgeoise, figée dans ses conventions, tout comme l’auteur, qui n’a jamais caché ses positions conservatrices, et n’a eu de cesse d’élargir son assise et son capital. Mais, en matière dramatique, le miracle naît souvent du paradoxe : l’homme rangé a dérangé le théâtre, en donnant ses lettres de noblesse au vaudeville, et en produisant des portraits cinglants des mentalités de son époque.Du grand art, burlesque et fouDans Un chapeau de paille d’Italie, il y a quelque chose de totalement dévergondé. Ne serait-ce que le canevas : faire reposer une pièce entière sur un chapeau mangé dans le bois de Vincennes par le cheval d’un homme qui se rend à son mariage, et tenir en haleine pendant deux heures et demie avec une course-poursuite destinée à récupérer un chapeau identique à celui qui a été mangé, pour apprendre, finalement, qu’un tel chapeau était, depuis le début, sous les yeux du futur mari empêtré. C’est du grand art, burlesque et fou.Mais il n’y a pas que cela dans Un chapeau de paille d’Italie. Une forme de mélancolie s’en dégage, parce que ce ne sont pas les portes qui claquent, comme chez Feydeau, mais les comportements des personnages, prompts à tous les lapsus de langage, maniérés et si peu réfléchis et autonomes qu’ils semblent flotter dans leur bulle. Chacun se débat avec ses problèmes, sentant que cela ne va pas, qu’il est abruti par sa condition, mais incapable de se le pouvoir dire. C’est ce qui fait de Labiche un vaudevilliste réclamant beaucoup de doigté, et même de poésie.On cherche en vain ces deux qualités dans la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti. Transposée dans les années 1970, la pièce bénéficie d’une modernité distrayante, pantalons pattes d’éléphant et rideau de plastique dans le décor. La musique, elle, vogue du côté « pot-pourri » entraînant d’aujourd’hui.Les comédiens s’en donnent à cœur joie de chanter et de jouer. Ils sont unis, au meilleur sens de la troupe, et certains font preuve de virtuosité, dans des registres différents : Danièle Lebrun en baronne de Champigny, Christian Hecq dans le rôle du père de la mariée (bien fade, elle) et Pierre Niney en Fadinard, le futur marié. Pour son premier et écrasant grand rôle, ce jeune pensionnaire réussit un coup de maître. Mais il est, hélas, comme les autres, tellement pris dans une « action pure » qu’Un chapeau de paille d’Italie semble mangé par la mécanique.Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche et Marc-Michel. Mise en scène : Giorgio Barberio Corsetti. Avec Pierre Niney, Véronique Vella, Christian Hecq, Danièle Lebrun.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre « Une offre de télévision publique moderne et créative, ouverte sur le monde et accessible à tous grâce à une entreprise publique réconciliée avec elle-même. » Tel est l’objectif que se fixe Delphine Ernotte, nouvelle présidente de France Télévisions, dans le projet qu’elle a présenté au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et que celui-ci a rendu public, vendredi 24 avril. Volontariste, ce projet de 31 pages entend transformer cette structure de 10 000 salariés « en une entreprise moderne, du 21e siècle », en constatant « un dilemme simple : l’adaptation ou l’affaiblissement. »Reconquérir la jeunesseMme Ernotte veut « réinventer l’offre » pour reconquérir la jeunesse et s’adapter aux nouveaux usages numériques, tout en promouvant « la diversité culturelle ». « Le principal axe de travail pour y parvenir consiste à mettre l’accent sur l’innovation et une certaine prise de risque », écrit-elle. La recherche et développement de nouveaux programmes se verrait allouer 5 % des budgets, les délais de production seraient raccourcis, un « pacte » serait négocié avec les producteurs pour « faire de l’audiovisuel français un champion à l’international » et « pousser à la création de programmes exportables ». L’enjeu serait la « création de nouvelles fictions » mais aussi la culture, l’information et le sport.La nouvelle PDG souhaite également refondre l’offre de rattrapage, sous l’influence de la plate-forme Netflix. « Afin de créer une passerelle directe avec les usagers, une nouvelle plateforme numérique, basée sur un algorithme de recommandation, doit rendre la télévision de rattrapage plus accessible », souhaite-t-elle.L’offre jeunesse serait la première concernée, avec la mise en place d’une offre à la demande qu’elle espère également génératrice de nouvelles recettes. Plus largement, Mme Ernotte propose une stratégie numérique inspirée de pratiques en vigueur sur d’autres chaînes : recherche de nouveaux talents, interactivité, mise en ligne anticipée de tous les épisodes d’une série…France 2 chaîne du flux, réforme de France 3Du côté des chaînes, elle compte faire évoluer France 2 vers l’« événementiel », c’est-à-dire la chaîne du « voir ensemble », qu’il s’agisse de l’information, du sport ou des télés crochets. « France 2 a vocation naturelle à devenir la chaîne leader de la télévision française », espère-t-elle.Delphine Ernotte annonce également une profonde réforme de France 3, très attendue par les pouvoirs publics. Celle-ci reposerait sur le rassemblement de France 3 et France 3 Régions, actuellement séparées ; le développement des décrochages régionaux ; une redéfinition du découpage régional pour suivre la nouvelle carte des régions françaises.Quant aux autres chaînes, France 5 et France Ô garderaient le même positionnement, mais France 4 serait exclusivement orientée vers « le public des moins de 15 ans », et non plus les jeunes adultes.Enfin, dans le domaine de l’information, ce projet propose de « faire émerger une chaîne de compréhension pour dépasser l’émotion », c’est-à-dire une chaîne d’information - dont le mode de diffusion reste à définir - qui puisse se positionner en contrepoint de BFM-TV. Pour y parvenir, Mme Ernotte souhaite développer des liens avec les autres entreprises de l’audiovisuel public (l’INA, France Médias Monde ou Radio France), répondant là aussi à une attente des pouvoirs publics. Ce projet pourrait être « mis à l’antenne en septembre 2016 ».Des assises de l’entrepriseMais pour mener à bien ces différentes ambitions, Delphine Ernotte trace un chemin exigeant qui définit une large réforme de l’entreprise. Constatant que « France Télévisions est une entreprise qui doute », elle insiste sur une méthode reposant sur le dialogue. « Le plan stratégique 2020 sera élaboré dans le cadre des assises de l’entreprise, organisées selon un processus décentralisé », annonce-t-elle.Elle en attend « un pacte social adapté aux besoins de l’entreprise et des salariés » qui reposera sur « une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences », « donnant la priorité aux responsables de proximité ». Il s’agit de répondre aux angoisses et à la désorganisation de l’entreprise, décrites dans plusieurs rapports, pour proposer des évolutions des métiers et une vaste politique de formation.Lire aussi :France Télévisions, le grand corps maladeLa masse salariale sous pressionMme Ernotte compte aussi donner plus d’autonomie aux directions de chaînes, même si elle maintiendrait une direction transversale pour les programmes et une autre pour l’information. « Dès mon entrée en fonction, je nommerai une équipe strictement paritaire. Celle-ci, composée de quatorze membres comprendra, outre la Présidence, les cinq directions de chaînes, les deux directions transversales (stratégie et programmes, information) auxquelles s’ajouteront six directions fonctionnelles : commerciale, technique et système d’information, financière, ressources humaines, communication et secrétariat général », annonce-t-elle.Dans l’immédiat, c’est une politique de rigueur qui est prévue. La nouvelle PDG va « remettre à plat immédiatement le budget 2015 » et engager des économies de structure : « direction plus recentrée », « mise sous contrôle des frais de conseil et des frais généraux », « blocage immédiat des embauches », « rationalisation des missions » et rentabilisation de « l’outil de production » interne.« De façon plus générale, la question des charges de personnel doit être affrontée avec détermination et responsabilité, écrit Mme Ernotte. Le taux de collaborateurs non permanents est de 15,4 %. Le taux d’encadrement est très élevé. Afin d’éviter tout départ contraint et de chercher des solutions négociées, il est indispensable d’agir sur trois leviers : le non-remplacement des départs, une politique de mobilité et de formation et la modération salariale. »Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.04.2015 à 22h12 • Mis à jour le24.04.2015 à 09h05 | Sarah Belouezzane, Alexis Delcambre et Anne Eveno « Chez Orange, elle connaît tous les rouages de l’entreprise et des métiers. Aller vers une autre entreprise va être pour elle un vrai défi, un saut dans l’inconnu. » Ce haut cadre d’Orange résume bien l’équation que va devoir résoudre Delphine Ernotte, nommée, jeudi 23 avril, présidente de France Télévisions, après vingt-six années passées chez l’opérateur.A 48 ans, la directrice générale adjointe d’Orange France a arpenté toutes les fonctions possibles au sein de son entreprise : de l’analyse financière à la R&D, de la distribution aux fonctions de direction. Centralienne, cette ingénieure de formation y a appris la vente, la communication, le marketing et le délicat exercice du dialogue social. Elle a aussi contribué à transformer l’entreprise et appris à composer avec la présence de l’Etat.« C’est une vraie patronne qui sait déléguer, écouter et décider », décrit Alice Holzman, directrice générale adjointe en charge de la distribution de Canal+, qui a travaillé sous ses ordres chez Orange. « Mi corse-mi basque, elle a un côté mama qui protège voire couve ses équipes, renchérit Elie Girard d’Atos, qui a travaillé avec elle pendant six ans. C’est une bosseuse, très impliquée. Lors de la grande panne des mobiles de l’été 2012, elle a passé toute la nuit au centre de supervision au beau milieu des techniciens et impressionné tout le monde. » Des tempêtesChez Orange, les tempêtes n’ont pas manqué. Mme Ernotte a dû faire face à l’arrivée d’un nouveau concurrent, Free Mobile, en 2012. Surtout, elle a été confrontée, comme toute la direction du groupe, à la crise des suicides chez l’opérateur, consécutive à la mise en place du plan « Next ». Propulsée au comité exécutif après le départ de Didier Lombard – mis en cause dans cette affaire –, la nouvelle directrice générale admet alors que ces drames ont suscité chez elle « un mélange de profonde culpabilité et de déni » et « une remise en question fondamentale ».Ses défenseurs soulignent qu’elle a ensuite œuvré à l’« apaisement » du climat social. « C’est difficile d’évaluer son implication dans la crise sociale qui a secoué l’entreprise du temps de Lombard, juge une source chez Orange. Ce qui est sûr, c’est qu’elle a appris à écouter, elle a réussi à respecter le contrat social dans un contexte difficile où Orange France était secoué de tous les côtés par la concurrence. »Dans sa nouvelle maison, Delphine Ernotte se sait attendue sur ce terrain. Pendant la campagne, la CGC Médias l’a associée à cette crise des suicides – un message lourd dans le contexte de fragilité sociale que connaît France Télévisions. Dans sa décision motivée, le CSA a souligné que la nouvelle PDG voulait « bâtir, par la négociation et le dialogue, un plan stratégique visant à promouvoir la confiance au sein de France Télévisions ».Lire aussi (édition abonnés) :France Télévisions, le grand corps maladeL’inconnue des contenusPour cela, elle devra forcer sa personnalité que beaucoup décrivent comme « froide » ou « distante ». « Son côté froid, c’est une carapace, corrige un cadre de l’opérateur. En réalité elle a beaucoup d’empathie et je l’ai vue dans plein de conventions faire le show quand il le fallait. »Et d’avancer une explication : « Elle a toujours été dans un milieu d’hommes, elle doit sûrement se protéger aussi. » Dans l’univers d’ingénieurs souvent masculin qu’est Orange, Delphine Ernotte s’est attachée à défendre la place des femmes, infligeant des amendes de 10 euros pour toute remarque sexiste formulée en comité exécutif.Autre défi pour la nouvelle présidente : son inexpérience dans les contenus et l’audiovisuel, même si Orange distribue aussi des contenus et que le CSA relève sa « perception des enjeux de l’audiovisuel ». Ses amis ont beau évoquer sa « passion du théâtre » – son époux est le comédien Marc Ernotte et elle ne manque pas de réseaux dans le monde culturel –, sa capacité à aider France Télévisions à repenser ses offres en profondeur est à ce stade une inconnue.Anne EvenoJournaliste au MondeAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterSarah BelouezzaneJournaliste High Tech-Telecoms au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.04.2015 à 18h04 • Mis à jour le23.04.2015 à 18h06 | Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi :The Beatles : « Past Masters », la synthèseCette semaine : autour de l’album Past Masters (mars 1988).Commercialisé dix-huit ans après la séparation des Beatles (concrétisée par le départ de Paul McCartney en avril 1970), Past Masters regroupe des chansons publiées entre octobre 1962 et mars 1970 sur des 45-tours et des éditions américaines des albums du groupe.Dans son édition originale, Past Masters était constitué de deux albums distincts, l’un sous une pochette noire, pour la période 1962-juillet 1965, et l’autre sous une pochette blanche, pour la période décembre 1965-1970. En conclusion de notre série sur les reprises, nous avons conservé cette présentation de Past Masters en deux parties.Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Past Masters », première partie« Day Tripper’ » (Lennon-McCartney), par Mae West« We Can Work It Out » (Lennon-McCartney), par Petula ClarkLes Beatles, proposent, sans que cela soit une erreur d’impression, un 45-tours sans indication de face A ou B lors de la commercialisation, le 3 décembre 1965, des chansons Day Tripper et We Can Work It Out. Cela s’était déjà vu sur des disques de rhythm’n’blues ou de rock’n’roll dans les années 1950, pour laisser toutes les chances à un tube potentiel – la face B étant considérée par le public comme moins importante. En nombre de reprises identifiées, c’est We Can Work It Out, qui dans Past Masters, vient au deuxième rang, qui domine. Près d’une centaine, pour plus de quatre-vingts pour Day Tripper. Avec un partage à peu près égal de vedettes qui visitent l’un ou l’autre des thèmes : Jimi Hendrix (1942-1970), Otis Redding (1941-1967), Electric Light Orchestra, Mae West (1893-1980), James Taylor, Cheap Trick, Nancy Sinatra, The Grateful Dead, Oasis, Ricky Martin… pour Day Tripper ; Deep Purple, Dionne Warwick, Humble Pie, Petula Clark, Johnny Mathis, Judy Collins, Roberta Flack, Steel Pulse, Stevie Wonder… pour We Can Work It Out.Notre choix s’est porté sur deux femmes. D’abord Mae West dans Day Tripper. Actrice, chanteuse et sex-symbol du cinéma hollywoodien des années 1930 et 1940, son nom fut donné à un modèle de gilet de sauvetage aux formes généreuses et elle figure parmi les personnalités présentes sur la pochette de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band – en haut, troisième en partant de gauche. Dans l’assez invraisemblable album Way Out West (psyché-punk-rococco-soul-variété pour tenter de résumer l’objet, Tower-Capitol, 1966), elle interprète, d’une voix grave, de manière distanciée, plusieurs tubes du rock’n’roll et de la pop. Ses deux albums suivants, Wild Christmas (1966) et Great Balls of Fire (1972), bien qu’un rien plus sages, sont tout aussi savoureux. Par effet de contraste, beaucoup plus raisonnable, soyeux et élegant est le We Can Work It Out chanté par Petula Clark, compatriote britannique des Beatles, qui l’enregistra pour son album My Love (Pye Records, 1966).  « Paperback Writer » (Lennon-McCartney), sous le titre « Pas d’papier water », par Les BeadochonsGroupe parodique, formé en 1988, Les Bidochons avaient fait un sort au répertoire des Sex Pistols (On s’en bat les couilles, par les Sex Bidochons, en 1989) et des Rolling Stones (Sales Gueules, par les Rolling Bidochons, en 1990) avant de s’attaquer à celui des Beatles dans 4 Beadochons dans le vent, par les Beadochons en 1992. Si musicalement, Les Bidochons se révèlent respectueux, les détournements, en français, des textes d’origine, parodies et moqueries sont la règle pour ce « gang des pastiches » comme le groupe se présente. Paberback Writer (face A du 45-tours des Beatles publié le 30 mai 1966) est ainsi devenu Pas d’papier water (autres exemples : Let It Be donne Les P’Tites Bites ; Lucy In The sky, L’Usine in The Sky ; Get Back, Des claques…). Téléphone et les vedettes du disco y eurent droit par la suite. « Rain » (Lennon-McCartney), par Humble PieDes quelques reprises de Rain, face B de Paberback Writer, deux versions sortent du lot. Celle du groupe anglais Humble Pie et celle du guitariste Randy California (1951-1997). Au tirage au sort, un pile ou face, c’est Humble Pie que le hasard a désigné. Le groupe mené par le guitariste et chanteur Steve Marriott (1947-1991) a compté, dans ses rangs, Peter Frampton future vedette mondiale avec Show Me The Way. Trois thèmes des Beatles sont repris dans le dernier album du groupe avant sa séparation – il se reformera en 1980-1981 –, Street Rats (A&M, 1975) : Rain, We Can Work It Out et Drive My Car. Rain y est propulsé par la voix rauque et puissante de Marriott, des chœurs et les entrelacs guitaristiques avec Clem Clempson. « Lady Madonna » (Lennon-McCartney), par Caetano VelosoDans le livre Many Years From Now (Holt and Company, 1997), par Barry Miles, Paul McCartney revenait sur la genèse de la chanson Lady Madonna, face A du single publié le 15 mars 1968. « J’étais au piano, en train d’essayer un truc bluesy, boogie-woogie (…) Quelque chose m’a évoqué Fats Domino et j’ai commencé à chanter un peu à sa manière. » Le pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans sera d’ailleurs l’un de ceux qui reprendront très vite la chanson dans son album Fats Is Back (Reprise Records, août 1968) qui contient aussi sa version de Lovely Rita. Mais c’est celle plus tranquille, moins boogie, du chanteur et guitariste brésilien Caetano Veloso que nous avons choisie, extraite de l’album Qualquer Coisa (Philips, 1975). Lui aussi s’affirme en fan des Beatles, son album présentant en plus des interprétations d’Eleanor Rigby et For No One. Toutes trois chantées en anglais. « The Inner Light » (Harrison), par Jimmy McGriff et Junior ParkerLa face B de Lady Madonna est une composition de George Harrison (1943-2001) dans laquelle interviennent aux voix, outre son auteur, McCartney, Lennon et un ensemble de musique traditionnelle indien. Pas plus que Within You Without You, Blue Jay Way ou Flying, autres compositions d’Harrison influencées par les cultures musicales de l’Inde, The Inner Light n’a connu beaucoup de reprises. Les rares se contentant d’être des tentatives « indianisantes ». A l’exception de l’organiste Jimmy McGriff (1936-2008) et du chanteur Junior Parker, qui en proposent la version définitive dans leur album blues-soul Good Things Don’t Happen Every Day (Groove Merchant, 1972). Lequel Parker avait déjà interprété trois chansons des Beatles (Taxman, Lady Madonna et Tomorrow Never Knows) dans son album précédent en 1971, Love Ain’t Nothin' But A Business Goin' On. « Hey Jude » (Lennon-McCartney), par Tom JonesLe slow de tous les slows dans le répertoire des Beatles. D’une durée de 7 minutes et quelques secondes, la chanson Hey Jude est publiée le 26 août 1968, en face A du premier single des Beatles commercialisé sous la marque Apple Records, le label récemment fondé par le groupe. Les accords du piano sur tous les temps, McCartney qui commence par « Hey, Jude, don’t make it bad », l’entrée d’un tambourin, les chœurs, l’appui de la basse et la batterie ensuite et, à un peu plus de 3 minutes, l’ampleur orchestrale et le « la-la-la-la-Hey Jude » en boucle. Raz-de-marée mondial en numéro 1 des classements. Un monument qui a généré plus de cent vingt reprises de bonne tenue (et autant de passables). The Bar-Kays, Bing Crosby (1903-1977), Count Basie (1904-1984), The Supremes, The Temptations, Ella Fitzgerald (1917-1996), Shirley Bassey, Wilson Pickett (1941-2006)… et Tom Jones. Le chanteur gallois en propose une version vocalement proche de celle de Pickett, l’un de ses inspirateurs. Sa reprise, interprétée lors d’une émission télévisée « This Is Tom Jones », en octobre 1969, est à trouver sur l’abum qui en est la bande-son, This Is Tom Jones (Decca, 1969). « Revolution » (Lennon-McCartney), par Nina SimoneEn face B d’Hey Jude, on trouve Revolution. Pas le pénible collage sonore présent sur la quatrième face du double blanc sous le titre Revolution 9 – avec une voix qui régulièrement nous dit « number nine » (neuf) –, ni le Revolution 1, façon blues, avec formation de vents, qui ouvre la même quatrième face. Un troisième Revolution, donc. Nerveux, toutes guitares devant, quasi hard rock, avec tempo plus rapide. L’exact contraire d’Hey Jude, d’une certaine manière. Ce sont d’ailleurs plutôt les groupes rock qui vont s’emparer de cette version. Et puis, il y a Nina Simone (1933-2003). La chanteuse et pianiste, pour qui la conscience sociale, la politique, la lutte pour les droits civiques sont des choses d’importance, enregistre la chanson au titre qui ne pouvait que lui parler pour un 45-tours (RCA Victor, 1969) et son album To Love Somebody, dans lequel elle chante aussi Leonard Cohen, The Byrds et Bob Dylan. Elle l’interprète ici, par un versant plutôt blues, lors du Harlem Cultural Festival, organisé durant six week-ends fin juin et mi-août 1969, auquel participèrent aussi B. B. King, Abbey Lincoln (1930-2010), The 5th Dimension, Stevie Wonder, Dizzy Gillespie (1917-1993) ou Mahalia Jackson (1911-1972).Lire aussi les versions de Revolution 1, par Grandaddy et de Revolution 9, par Kurt Hoffman’s Band Of Weeds dans notre sujet sur les reprises de The Beatles, l’« album blanc ».Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « l’album blanc » « Get Back » (Lennon-McCartney), par Al GreenAvant de venir conclure l’album Let It Be (mai 1970, sorti trois semaines après l’annonce par Paul McCartney de son départ du groupe), dans une version différente, proche de celle jouée sur le toit des locaux d’Apple, le 30 janvier 1969, la chanson Get Back apparaît en face A d’un 45-tours commercialisé le 11 avril 1969. Le piano y est tenu, comme dans Let It Be, par l’Américain Billy Preston (1946-2006). Celui qui aura été l’un des « cinquième Beatles » – l’étiquette du single indique « The Beatles with Billy Preston » –, et qui a enregistré deux albums pour Apple Records, rejoindra George Harrison au début de sa carrière solo puis les Rolling Stones dans les années 1970. Preston a interprété régulièrement Get Back en concert. C’est toutefois Al Green qui a notre préférence avec sa courte version gorgée de soul, extraite de l’album Green Is Blues (Hi Records, 1969). On notera qu’elle débute quasiment à l’identique de la chanson Take Me To The River, qu’Al Green écrira avec Mabon Lewis Hodges (1945-2014) et enregistrera en 1974.Lire aussi la version de Get Back, par Rod Stewart dans sujet sur les reprises de l’album Let It Be.Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Let It Be » « Don’t Let Me Down » (Lennon-McCartney), par Ben E. KingHistoire de rester dans un registre soul, voici Ben E. King et sa reprise de Don’t Let Me Down, face B du single Get Back des « Beatles with Billy Preston ». Cette supplique à ne pas être laissé tomber par l’être aimé(e), que Lennon adressait à Yoko Ono, a clairement inspiré le chant de douleur et de rage de Ben E. King. On la trouve dans l’album Rough Edges (Maxwell Records, 1970), dans lequel l’interprète créateur de Spanish Harlem de Jerry Leiber (1933-2011) et Phil Spector reprenait aussi Come Together. « The Ballad of John and Yoko », sous le titre « Balada Para John E Yoko », par TitasEnregistrée mi-avril 1969 par les seuls Paul McCartney et John Lennon (Harrison et Ringo Starr étant l’un en vacances, l’autre en tournage, manifestement guère intéressés par cette évocation de la romance, le mariage et la lune de miel de John et Yoko), The Ballad of John and Yoko figure en face A d’un single publié le 30 mai 1969. Tout moitié de Beatles qu’il soit, il grimpa en tête des ventes au Royaume-Uni. Question reprises, la chanson serait plutôt en bas de tableau avec une petite quinzaine de versions en cherchant bien. Celle du groupe brésilien de Sao Paolo, Titas, est la plus satisfaisante. Elle figure, sous le titre Balada Para John E Yoko, dans le premier album, en 1984, de cette formation vedette toujours en activité aujourd’hui et conduite par ses trois chanteurs leaders, Paulo Miklos, Branco Mello, Sérgio Britto, et le guitariste Tony Bellotto. « Old Brown Shoe » (Harrison), par Leslie WestLa face B de The Ballad of John and Yoko a suscité encore moins d’envies avec même pas une dizaine de reprises. Les deux notables ayant par ailleurs été enregistrées à l’occasion d’hommages à son auteur, George Harrison, après sa mort, le 29 novembre 2001. L’organiste et chanteur de Procol Harum, Gary Brooker, l’interpréta pour le Concert for George, au Royal Albert Hall, à Londres, le 29 novembre 2002. Et Leslie West en propose sa version dans l’album Songs from the Material World : A Tribute to George Harrison (Koch, 2003). Le chanteur et guitariste américain, fondateur de Mountain et membre du trio West Bruce & Laing, ne remit pas en question, pour l’occasion, son approche blues rock et hard rock. « Across The Universe » (Lennon-McCartney), par Cilla BlackAvec ses chants d’oiseaux en ouverture, ses chœurs enfantins dans le lointain, son ambiance acoustique et son bruissement d’ailes à la fin, la chanson Across The Universe a été offerte par les Beatles pour l’album No One’s Gonna Change My World, commercialisé le 12 décembre 1969 au profit de l’organisation de protection des animaux World Wildlife Fund. C’est cette version qui figure sur Past Masters. Celle de l’album Let It Be bénéficiera ensuite d’un apport conséquent de cordes et chœurs par le producteur Phil Spector. Parmi les participants à ce qui fut l’un des premiers disques à but caritatif dans l’histoire de la pop, il y avait aussi The Bee Gees, Lulu, The Hollies (avec une chanson enregistrée en 1968), Cliff Richard et la chanteuse Cilla Black, qui interprète What The World Needs Now Is Love, d’Hal David (1921-2012) et Burt Bacharach. Un joli ravissement vocal que l’on retrouve dans sa reprise d’Across The Universe dans son album Sweet Inspiration (Parlophone, 1970).Lire aussi la version d’Across The Universe, par David Bowie dans le sujet sur les reprises de l’album Let It Be. « Let It Be » (Lennon-McCartney), par Paul MauriatLa version de Let It Be en face A du single publié le 6 mars 1970 est légèrement différente de celle que l’on entend dans l’album du même nom. Mais cela suffit pour que le collectionneur des Beatles se doivent de l’acquérir. C’est celle du single qui est présente sur Past Masters. Dans les deux cas, on y entend force vents et chœurs, une présence plus marquée de la batterie, choix en post-production du producteur Phil Spector. Paul McCartney, qui n’était pas d’accord, en proposa sa version, les orchestrations en moins, mais toujours avec de grandes orgues, dans l’album Let It Be… Naked. Au risque de fâcher Sir Paul, c’est pourtant dans ces excès et sa pompe orchestrale que Let It Be est entré et restera dans les mémoires. D’où notre choix, parmi les innombrables versions richement fournies en grand orchestre, de celle de Paul Mauriat (1925-2006) extraite de son album Gone is Love (Philips, 1970). On ne reprochera au pianiste, arrangeur et chef d’orchestre que le son d’orgue assez tarte au début, heureusement qui ne dure pas. Pour le reste, son Let It Be instrumental a de l’allure.Lire aussi la version de Let It Be, par Aretha Franklin dans le sujet sur les reprises de l’album Let It Be. « You Know My Name (Look Up the Number) » (Lennon-McCartney), sous le titre « Dis moi je t’aime », ‎par Gérard Saint PaulLa face B du single Let It Be peut être perçue comme assez « je m’enfoutiste ». A 95 %, son texte est constitué de la répétition des phrases « You know my name/Look up the number » avec parfois un « ha, that’s right », l’onomatopée « ba ba ba ba » et vers la fin, la mention de quelques numéros « one, two, three… » A un moment, le motif musical tout aussi répétitif se transforme en fantaisie de music hall. Si cette bizarrerie est révélée au monde lors de la sortie du single, le 6 mars 1970, elle a en fait été enregistrée pour l’essentiel lors de plusieurs séances en mai et juin 1967. Le solo de saxophone y est joué par Brian Jones (1942-1969), qui était alors encore le guitariste leader des Rolling Stones. Nous conclurons notre série des reprises avec celle – exacte dans l’esprit, les intonations vocales, etc. – par Gérard Saint Paul (de son vrai nom Gérard Chatelain). Qui répète non pas son nom mais la phrase « Dis moi je t’aime ». Faute de réponse précise, il aura une courte poussée d’énervement avant de reprendre le cours de la chanson. Ce bouquet final est à retrouver dans l’album 10 hits de Lennon & McCartney (Disc AZ, 1970).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi :The Beatles : « Past Masters », la synthèseCette semaine : autour de l’album Past Masters (mars 1988).Commercialisé dix-huit ans après la séparation des Beatles (concrétisée par le départ de Paul McCartney en avril 1970), Past Masters regroupe des chansons publiées entre octobre 1962 et mars 1970 sur des 45-tours et des éditions américaines des albums du groupe.Dans son édition originale, Past Masters était constitué de deux albums distincts, l’un sous une pochette noire, pour la période 1962-juillet 1965 et l’autre sous une pochette blanche, pour la période décembre 1965-1970. En conclusion de notre série sur les reprises, nous avons conservé cette présentation de Past Masters en deux parties.« Love Me Do » (Lennon-McCartney), par Flaco Jiménez et Buck OwensLe 45-tours Love Me Do attira gentiment l’attention sur les Beatles en atteignant la 17e place des meilleures ventes. Si le groupe The Sparrows s’en empara quelques semaines après sa sortie, c’est surtout à partir de 1964, les Beatles étant devenu un phénomène mondial, que Love Me Do trouva d’autres interprètes, dont le chanteur Bobby Vee, en version instrumentale par le claviériste Dick Hyman, en italien par Dick Rivers sous le titre Una ragazza diversa et par le groupe yougoslave Bijele Strijele sous le titre Voli Me. Plus tard, la chanteuse Sandie Shaw l’intégra à son album Reviewing The Situation en 1969… Nous avons toutefois préféré débuter par l’énergique rencontre de l’accordéoniste et chanteur texan Flaco Jiménez avec le chanteur country Buck Owens (1929-2006) dans l’album Sleepytown (BackPorch, 2000). Pour rappel, Buck Owens avait connu le succès avec la chanson Act Naturally, que les Beatles intégrèrent dans leur album Help ! (août 1965) et que Ringo Starr interpréta à nouveau avec Buck Owens en 1989, version sélectionnée dans notre sujet consacré à Help !Lire aussi :Les Beatles : les reprises d’« Help ! » « From Me To You » (Lennon-McCartney), par Virginia LabuatNuméro 1 au Royaume-Uni, et durant sept semaines, quinze jours après sa sortie, le 11 avril 1963, From Me To You a connu rapidement une version quasi à l’identique à celle des Beatles, par Del Shannon (1934-1990). Claude François (1939-1978) la transforme en un allègre Des bises de moi pour toi, les encore loin d’être disco The Bee Gees n’en font pas grand-chose, pas plus que Bobby Vee. On se souvient que les Américains anglophiles The Flamin’Groovies jouaient From Me To You au début des années 1980. Bobby McFerrin en donne une version toute vocale dans son disque Spontaneous Inventions (1986). Reste l’interprétation par Virginia Labuat, autre nom d’artiste de la chanteuse espagnole Virginia Maestro, qui en propose une version courte, avec piano et violoncelle. From Me To You était à son répertoire de concert à partir du milieu des années 2000. « Thank You Girl » (Lennon-McCartney), par AirbagEn face B du 45-tours From Me To You, la chanson Thank You Girl n’a guère été reprise. Les obscurs The Spiders l’auraient enregistrée en 1964. Elle figure dans l’album B-Sides The Beatles (Koch, 2008) du groupe américain The Smithereens, déjà mentionné dans les papiers à propos des reprises des albums Please Please Me (mars 1963) et With The Beatles (novembre 1963). Nous vous proposons l’efficace rendu par Airbag, trio espagnol punk rock (à ne pas confondre avec le groupe norvégien de rock progressif du même nom ni avec le trio argentin de rock tout autant du même nom constitué par la fratrie Sardelli). A trouver à la fin du premier album du groupe Mondo Cretino (Wild Punk Records, 2000).Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Please Please Me »Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « With The Beatles » « She Loves You » (Lennon-McCartney), par Beatle BarkersPour leurs premiers succès, les Beatles, comme nombre d’autres, usent et abusent du mot love, amour. She Loves You (suivi de sa triple affirmation « yeah ! yeah ! yeah ! ») est donc répété de nombreuses fois… Côté succès, c’est record battu, à l’époque, pour la chanson, publiée le 23 août 1963, en tête des ventes de singles au Royaume-Uni et pour dix-huit semaines. La bonne cinquantaine de reprises repérées ne remettant pas en question ce propos basique – devenu dans le français des Avern’s, de Jacky Moulière ou du Belge Jimmy Frey « Elle t’aime, yeah ! yeah ! yeah ! » – donnons plutôt la parole à Beatle Barkers, fantaisie phonographique publiée par Passport Records en 1983. Derrière cet album, il y a Woofers & Tweeters Ensemble, formation « possiblement » néo-zélandaise, dont les membres, restés anonymes, ont eu l’idée de remplacer les voix des Beatles par des aboiements, miaulements, bêlements et autres caquètements. Rigolo le temps d’une chanson. « I’ll Get You » (Lennon-McCartney), sous le titre « Te conseguiré » par Sandro y Los de FuegoPas plus que Thank You Girl, face B de From Me To You, la chanson I’ll Get You en face B de She Loves You n’a suscité de reprises remarquables. The Inmates ou The Smithereens s’y sont intéressés, tout comme le groupe Bangalore Torpedoes dans les années 2000. On remontera à 1965 et à Los de Fuego, qui, de 1960 à 1966, portèrent la bonne parole du rock en Argentine. Avec, à partir de 1963, à leur tête, le chanteur Roberto Sánchez (1945-2010) dit Sandro (par ailleurs auteur-compositeur, cinéaste, producteur…), qui jusque-là tenait le poste d’un des guitaristes. Sandro y Los de Fuego ont enregistré plusieurs adaptations en espagnol de chansons des Beatles, d’Elvis Presley (1935-1977), de Chuck Berry, Ray Charles (1930-2004), Jerry Lee Lewis, Bob Dylan, Tom Jones… Le passage de Sandro à un répertoire plus romantique en 1966 marqua la fin du groupe. « I Want to Hold Your Hand » (Lennon-McCartney), par Lakeside Cette fois, c’est la conquête des Etats-Unis. Le 45-tours I Want to Hold Your Hand grimpe en tête des classements au Royaume-Uni dès sa sortie le 29 novembre 1963 et surtout devient le premier numéro 1 du groupe aux Etats-Unis le 1er février 1964, où il se maintient durant sept semaines. Très vite, Frank Alamo (1941-2012), fin 1963 et Claude François (1939-1978), début 1964 en chantent l’adaptation Laisse-moi tenir ta main. Elle entre au répertoire de Petula Clark et de The Supremes. Le guitariste Grant Green (1935-1979), bien qu’accompagné par des excellences du jazz, le batteur Elvin Jones (1918-2010) et l’organiste Larry Young (1940-1978), en propose une version instrumentale qui n’aurait pas dérangé dans un bar d’hôtel, en 1965. Escaladée par son versant soul, Al Green l’enregistre lors des séances de son album Green In Blues, début 1969. Cette manière inspirera partiellement la version du groupe The Sparks, pas vraiment soul pourtant, et surtout Lakeside. Originaire de l’Ohio, la formation funk et soul, formée au début des années 1970, propose cette version avec violons et entremêlements vocaux de ses chanteurs menés par Mark Adam Wood Jr. dans l’album Your Wish Is My Command (Solar, 1981). « This Boy » (Lennon-McCartney), sous le titre « Cette fille » par Les LionceauxSympathique romance, clin d’œil au doo wop des années 1950, This Boy, en face B d’I Want to Hold Your Hand, a donné lieu à une quinzaine de reprises. Dont l’une par Scott McCarl, ancien Raspberries, une autre par le quartette adolescent canadien du début des années 1990 The Moffats. Et une autre enfin par Sean Lennon, Robert Schwartzman et Rufus Wainwright lors d’un des concerts de soutien qui ont suivi les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Mais c’est celle des Lionceaux qui a notre préférence, par sa transformation dans son adaptation française du garçon (boy) en fille. Cette fille figurait dans le quatrième 45-tours du groupe pour Mercury, publié en septembre 1964, avec Quatre garçons dans le vent en ouverture. « Komm, gib mir deine Hand » (Lennon-McCartney/Jean Nicolas-Hans Hellmer), par Die Pinguine et « Sie liebt dich » (Lennon/McCartney/Jean Nicolas-Lee Montague), par Worlds ApartL’Europe en marche. En signe de l’importance qu’ils accordaient au marché allemand et en témoignage de gratitude au public de leurs débuts hambourgeois, les Beatles enregistrent deux adaptations en allemand de leurs succès du moment : I Want to Hold Your Hand devient Komm, gib mir deine Hand et She Loves You devient Sie liebt dich. Le tout aux studios Pathé Marconi, à Paris (filiale d’EMI), le 29 janvier 1964, alors que le groupe est dans la capitale française pour sa série de concerts à l’Olympia. Le 45-tours sort le 5 mars 1964. C’est le Luxembourgeois germanophone Camillo Felgen (1920-2005), chanteur, parolier et présentateur de télévision qui a écrit les textes en allemand, co-signés dans les crédits de trois pseudonymes, Jean Nicolas, Hans Hellmer et Lee Montague. Nous avons conservé des reprises en allemand. Qui ne se bousculent pas. Voici donc, d’un même élan, le groupe pop Die Pinguine, sensation germanique du début des années 1990 pour Komm, gib mir deine Hand et plus inattendue la recréation de la Beatlemania par Worlds Apart, boy band anglais pour Sie liebt dich.  « Long Tall Sally » (Enotris Johnson, Robert Blackwell, Richard Penniman), par Little RichardLe 19 juin 1964, paraît l’EP (quatre titres, deux par face du 45-tours), Long Tall Sally, recueil de trois reprises titres créés par les héros du Panthéon rock’n’roll des Beatles, complétées par une composition originale. Ouverture avec Long Tall Sally, l’un des premiers succès du chanteur et pianiste Richard Penniman, plus connu sous le nom de Little Richard. La chanson sort en mars 1956 dans le sillage de son Tutti Frutti (novembre 1955). Construite un peu sur le même modèle, avec cri vocal du chanteur, ostinato au piano et court solo de saxophone hurleur. « I Call Your Name » (Lennon-McCartney), par Billy J. Kramer with The DakotasPour faire suite à Long Tall Sally, voici la seule composition de leur EP signée Lennon-McCartney, I Call Your Name. Que nous présentons dans sa version originale. Celle qu’enregistra Billy J. Kramer with The Dakotas, formation dont les membres étaient originaires de Liverpool et Manchester. La chanson leur avait été donnée, par l’intermédiaire de Brian Epstein, manager commun aux Beatles et à Billy J. Kramer au printemps 1963 avec une autre signée Lennon-McCartney, Bad To Me. Le 45-tours de Billy J. Kramer avec les deux thèmes des Beatles (I Call Your Name en face B) est sorti le 26 juillet 1963. « Slow Down » (Larry Williams), par Larry WilliamsEn ouverture de la face B de leur EP Long Tally, les Beatles ont choisi Slow Down. L’original a été composé et enregistré par le pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans, Larry Williams (1935-1980)… qui en fit la face B de Dizzy Miss Lizzy, paru en 1958 sur 78-tours (format pas encore disparu). Cette dernière composition du même Larry Williams, fut reprise par les Beatles dans leur album Help ! (août 1965). Les Beatles appréciaient particulièrement Larry Williams dont ils auront aussi enregistré le Bad Boy. « Matchbox » (Carl Perkins), par Carl PerkinsPour conclure cet EP rock’n’roll les Beatles ont encore exhumé une face B. Celle du 45-tours Your True Love, composition du guitariste et chanteur Carl Perkins (1932-1998) dont Matchbox deviendra en concert l’un des thèmes fétiches. Il l’enregistrera d’ailleurs à plusieurs reprises dans des arrangements moins rockabilly que sa version initiale. « I Feel Fine » (Lennon-McCartney), par The IguanasL’effet de feedback (une résonance qui monte en volume) en ouverture de I Feel Fine serait une première dans l’histoire officielle du rock et des Beatles. En l’occurrence, la corde de la, pincée sur la guitare de John Lennon (1940-1980). Ce 45-tours, avec She’s A Woman en face B, est un nouveau tube pour les Beatles, lors de sa sortie fin novembre 1964 (le 23 aux Etats-Unis et le 27 au Royaume-Uni). Parmi les nombreuses reprises, dont celles du chanteur Akim en 1965, sous le titre Humm ! Qu’elle est belle, du guitariste Chet Atkins (1924-2001), en 1966, du groupe country Sweethearts of The Rodeo, en 1988, ou du chanteur de jazz Curtis Stigers, en 2002, nous avons choisi celle, très en deçà de l’original, des Iguanas. Soit l’un des premiers groupes auquel a participé, au début des années 1960, James Newell Osterberg, Jr., plus connu sous le nom d’Iggy Pop. Il y jouait alors de la batterie. Du quintette malhabile, il ne reste que quelques enregistrements réalisés avec peu de moyens (dont une autre reprise des Beatles, Things We Said Today) qui ont été publiés en 1996 dans Jumpin With The Iguanas par un obscur label, Desirable Discs. « She’s A Woman » (Lennon-McCartney), par Jeff BeckJohnny Hallyday, José Feliciano ou Scritti Politti, furent parmi les rares à s’intéresser à She’s A Woman, mais c’est la version du guitariste Jeff Beck qui domine. Un instrumental, si l’on excepte le recours à un effet vocal à la TalkBox, qui débute façon reggae. On le trouve sur Blow by Blow (Epic, mars 1975), premier album solo de Beck, après sa participation aux Yardbirds au milieu des années 1960, ses deux Jeff Beck Group (le premier avec le chanteur Rod Stewart) et le supergroupe avec le bassiste Tim Bogert et le batteur Carmine Appice. Pour Blow By Blow, Beck travailla avec George Martin, producteur des Beatles qui lui ouvrit par ailleurs les portes de son AIR Studio, à Londres. « Bad Boy » (Larry Williams), par Larry WilliamsLa deuxième composition de Larry Williams reprise par les Beatles présente sur Past Masters – voir plus haut, la note sur Slow Down – a d’abord été publiée sur l’album américain du groupe Beatles VI (juin 1965), avant de trouver une place sur le Britannique A Collection of Beatles Oldies (décembre 1966), compilation de faces de 45-tours, annonciatrice du recueil Past Masters. Bad Boy, avec en face B She Said Yeah, a été publié par la compagnie Specialty Records début 1959. « Yes It Is » (Lennon-McCartney), par Scott McCarlChoix restreint pour cette reprise de Yes It Is, l’une des chansons les plus obscures du répertoire des Beatles, sortie en face B du 45-tours Ticket To Ride (avril 1965). Restreint mais enthousiasmant par l’affirmation rêveuse et les empilements vocaux dans l’arrangement qu’en donne le bassiste et chanteur Scott McCarl, qui fut de 1974 à mi-1975 l’un des membres du pop The Raspberries mené par Eric Carmen. Ce Yes It Is est à trouver sur l’excellent album de McCarl, Play On, édité en CD par Titan Records en 1997. « I’m Down » (Lennon-McCartney, par The MummiesCe sursaut rock et rageur, qui pastiche bon nombre de thèmes rock’n’roll des années 1950, en face B du single Help ! (juillet 1965) a donné lieu à des reprises dans le même esprit. Y compris par le groupe de rock progressif-symphonique Yes lors de quelques concerts de sa tournée 1976 (qui put compter, un soir de concert en Allemagne, comme en atteste un document officieux de 1984, sur la participation du guitariste Jimmy Page, de Led Zeppelin). Rock pur et dur donc pour conclure cette première partie des reprises de Past Masters, avec le groupe garage et punk de San Mateo (Californie), The Mummies, mené par l’organiste et chanteur Trent Ruane, qui connut quelques minutes de réputation de 1988 à 1994. Leur I’m Down sauvage venait terminer un EP 45-tours (You Must Fight To Live) On The Planet Of The Apes (Sympathy For The Record Industry, 1993).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe. Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière d’une exceptionnelle longévité en trois périodes distinctes. La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi dès la première période un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro.Actes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Diversité de tonImmédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1990) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire. De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaine et dépossessionL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité – tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts – et l’extrême résistance – elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme, c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente. Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.04.2015 à 11h23 • Mis à jour le02.04.2015 à 12h46 | Véronique Cauhapé Une comédie-thriller dans laquelle deux braves garçons deviennent les hommes les plus recherchés d’Angleterre (jeudi 2 avril à 20 h 50 sur Arte). Rien ne peut laisser prévoir ce qui va advenir. Un paysage de campagne plat comme un jour sans fin. Une route droite et dégagée, une voiture qui passe, puis, soudain, le bruit fracassant de l’accident ; glissade, tonneaux, le véhicule finit sa course, cabossée comme un César, sans que l’on ait rien compris. Pas plus d’ailleurs que Sam, qui marchait sur le bord de la route, et qui, la surprise passée, va finir par s’approcher de la carcasse, ramasser un téléphone portable visiblement éjecté sous le choc, et appeler les secours.Tout est posé, ou presque. L’imprévu qui surgit de l’ordinaire, l’irrationnel qui s’impose comme un fait auquel il n’est pas besoin de prêter attention, un enchaînement d’une rapidité extrême… Dès les premières minutes, « The Wrong Mans » crée un décalage qui n’est que le haut de l’iceberg. En dessous se cachent une histoire et des personnages qui vont partir en vrille, une intrigue qui accumule péripéties et rebondissements, avec chantage, menaces de mort, espionnage et trafic de drogue, une dramaturgie intense mâtinée de pépites télévisuelles et scénaristiques hilarantes.cocktail détonnantCette série porte la patte des auteurs et comédiens anglais qui l’ont imaginée et qui en assurent les rôles principaux, James Corden et Mathew Baynton. Une patte qu’ils doivent, en partie, à la culture de leur pays, où le cinéma sait comme nul autre mêler réalisme et comédie, action et humour, sans que l’un soit jamais négligé au profit de l’autre. Si le duo fonctionne à merveille sur l’écriture, il en est de même à l’écran, où chacun campe son personnage avec un naturel qui émeut autant qu’il amuse. Ces deux-là, il faut bien le reconnaître, sont de braves garçons, débordants d’énergie et de bonne volonté, mais aussi d’une naïveté qui relève de la pathologie.Grand gringalet qui peine à se remettre de sa rupture sentimentale avec une collègue devenue sa supérieure, Sam (Mathew Baynton) se désintéresse de son job de conseiller urbaniste quand vient s’incruster dans sa vie Phil, le bon gros et sympathique préposé au courrier qui vit chez sa mère. Dès lors, quand ce téléphone trouvé par Sam les entraîne dans une aventure aussi rocambolesque que palpitante, ce duo de losers va livrer le meilleur comme le pire d’eux-mêmes. Un pur bonheur.« The Wrong Mans » (saison 1), série créée par James Corden et Mathew Baynton. Avec James Corden et Mathew Baynton, Sarah Solemani, Emilia Fox (Royaume-Uni, 2013, 6 × 29 min). Jeudi 2 avril à 20 h 50 sur Arte.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Laurent Cantet s’empare des années 1950 et filme la révolte d’une bande de jeunes filles (jeudi 2 avril à 22 h 15 sur Ciné+ Emotion). A l’opposé de la matière semi-documentaire que Laurent Cantet a souvent travaillée, on saute ici à pieds joints dans la fiction. Rien n’indique qu’un groupe de filles aux idéaux révolutionnaires ait sévi dans les années 1950 aux Etats-Unis, comme l’a imaginé Joyce Carol Oates dans Confessions d’un gang de filles (Stock) dont Foxfire est adapté.Affranchi de la réalité, Laurent Cantet lui témoigne pourtant toujours le même respect. Ce qu’il veut montrer doit obéir aux lois de la vie en société, et la dynamique du groupe des filles est dépeinte avec une exactitude mathématique, pour mieux amener les paroxysmes, la tragédie.Au centre de ce groupe, on trouve Legs (Raven Adamson), orpheline de mère, abandonnée par son père, animée par une colère inextinguible. Elle attire des particules de désordre : Maddy (Katie Coseni), une intellectuelle frustrée, Rita (Madeleine Bisson), victime des désirs que suscite sa beauté, Goldie (Claire Mazerolle), une authentique brute. Legs se forge toute seule une idéologie révolutionnaire, empruntant quelques bribes de discours à un prêtre défroqué, passé à l’alcoolisme avec un détour par le léninisme, et fonde une société secrète, baptisée Foxfire.Vengeance contre les hommesLe groupe commence par se venger des hommes qui les oppriment, les menacent et les violentent. Ses premiers exploits (graffitis, corrections musclées) sont filmés avec une jubilation qu’on ne connaissait pas à l’auteur. La bête machiste n’est pas sans ressources et prend bientôt le dessus sur les révolutionnaires. Legs se retrouve en maison de correction.Foxfire a été tourné dans l’Ontario, où l’on trouve encore des paysages urbains de l’après-guerre, au­jourd’hui disparus des Etats-Unis. Laurent Cantet a fouillé pour faire émerger ce que l’on ne voit quasiment jamais de ces années lorsque le cinéma américain s’en empare : la pauvreté, l’inégalité, la violence institutionnelle.Bien sûr, les voitures sont grosses et les autoradios crachent la musique de l’époque, rock’n’roll générique, ballades sirupeuses. Mais ces lieux communs ne sont là que parce qu’on ne peut faire autrement. D’ailleurs, sur la bande-son, on entend mieux le très contemporain et très mélancolique groupe canadien Timber Timbre que les classiques d’alors.Violence révolutionnaireLa deuxième partie du film, après la libération de Legs, oppose l’euphorie de la violence révolutionnaire à la difficulté de l’utopie réalisée. La bande de filles, qui ne fait que croître, connaît les affres de toutes les organisations : factions, rivalités entre orthodoxes et novateurs, culte de la personnalité, surenchère dans l’action – jusqu’au drame. A la place des intellectuels exaltés que l’on trouve d’habitude dans ces situations, Joyce Carol Oates et Laurent Cantet ont placé des adolescentes qui ne sont pas seulement mues par la soif d’absolu ou l’envie de pouvoir, mais aussi par le désir. C’est dans cette double nature des personnages que réside la force de Foxfire.Cantet a choisi ses actrices parmi des jeunes filles inexpérimentées avec le même bonheur que pour Entre les murs. Raven Adamson et ses camarades se meuvent dans cet univers flottant entre histoire et utopie avec une aisance à couper le souffle. Ce sont elles qui font oublier les artifices du scénario et font passer les démonstrations politiques un peu systématiques. Elles, finalement, qui raniment la flamme de la révolte.« Foxfire. Confessions d’un gang de filles », de Laurent Cantet. Avec Raven Adamson, Katie Coseni, Madeleine Bisson, Claire Mazerolle (Fr./Can., 2013 150 min). Jeudi 2 avril à 22 h 15 sur Ciné+ Emotion.Thomas SotinelJournaliste au Monde Bruno Lesprit Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, le brillant aperçu des débuts.Importé d'Albion par ferry, ce premier album séduira, en ce printemps 1963, les adolescent(e)s qui fredonnent Tous les garçons et les filles, de Françoise Hardy, ou L'Idole des jeunes, de Johnny. Les Beatles, jeu de mots forgé à partir de « beat » (rythme) et de « beetle » (scarabée), sont de jeunes garçons d'une vingtaine d'années originaires de Liverpool.Ils se sont rodés dans les clubs interlopes d'Hambourg (Allemagne) avant de devenir les ambassadeurs d'un nouveau son, le Merseybeat, du rock'n'roll américain mêlé à la tradition britannique du music-hall. Le résultat déborde de fraîcheur et de spontanéité, comme en témoignent le joyeux titre d'ouverture, I Saw Her Standing There, la chanson-titre Please Please Me, déjà un tube outre-Manche, ou l'explosif final de Twist and Shout, emprunté à l'orchestre de rhythm and blues The Isley Brothers et sur lequel John Lennon se fracasse les cordes vocales.Leurs éclatantes harmonies vocalesAvec son timbre rauque et puissant, le chanteur principal s'affirme comme chef de bande, même si les huit compositions originales (les six autres sont des reprises essentiellement puisées dans le répertoire de « girls groups », comme The Shirelles) ont été écrites avec son partenaire, Paul McCartney. Doté d'une voix plus douce, le bassiste semble davantage orienté vers la tendre ballade – il interprète ainsi le standard A Taste of Honey. Le tandem s'est rencontré à l'été 1957 lors d'une fête paroissiale et a été rejoint par le guitariste soliste George Harrison.Sept mois plus tôt, le batteur Pete Best a été limogé pour être remplacé par Ringo Starr, débauché aux rivaux de Rory Storm & The Hurricanes. Sage décision car ce quatrième larron réalise aux baguettes, fûts et cymbales, un travail admirable, tout en retenue et discrétion. Il cherche à valoriser les parties de guitares de ses acolytes et leurs éclatantes harmonies vocales, qui rappelleront celles des Everly Brothers. La barrière de la langue ne constituera pas un frein au succès des Beatles dans la France gaullienne, les paroles de Love Me Do, par exemple, étant aisément compréhensibles par de non-anglophones. Un coup d'essai brillant et prometteur.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphane Davet Un premier single, Piss Off, mis en ligne mercredi 1er avril, offre enfin l’occasion de savoir à quoi va ressembler le projet FFS, réunissant le groupe écossais Franz Ferdinand et le duo californien Sparks, composé des frères Ron et Russel Mael.Cette collaboration entre le combo de Glasgow, célébré depuis le début des années 2000 pour son dance-rock anguleux, et ces Américains, pionniers, dans les années 1970 et 1980, des rapprochements glam, pop et disco (When I’m With You), a pris son temps pour se finaliser.Il y a déjà une dizaine d’années, les frères Mael avaient eu vent de l’admiration que leur vouait le quartet mené par Alex Kapranos. « Nous trouvions que Take Me Out (le premier tube de Franz Ferdinand) était une chanson très cool et que ce serait peut-être sympa de les rencontrer à l’occasion de leur passage à Los Angeles, se rappelait récemment le chanteur Russel Mael. Nous nous sommes donc rencontré et en avons conclu qu’il serait bien de faire quelque chose ensemble. Nous avons commencé à travailler sur quelques démos, Piss Off était l’une d’entre elles, puis le groupe s’est retrouvé débordé et le projet n’a pas abouti. »Leurs chemins se sont recroisés, en 2013, alors que les groupes étaient tous les deux à l’affiche du festival californien de Coachella. La légende relatant que Kapranos, en quête d’un dentiste dans les rues de San Francisco, entendit un « Alex, c’est toi ? » prononcé derrière lui par Ron et Russel. En coulisses, après le concert des Sparks, les uns et les autres se sont ensuite mis d’accord pour aller cette fois au bout de leur projet.Verve excentriqueFin 2014, la coalition américano-britannique s’est enfermée pour quinze jours d’enregistrements intenses dans les Studios RAK de Londres, célèbres, entre autres, pour avoir produit quelques-uns des grands moments du glam-rock du début des années 1970, période où les Sparks connurent leur premier gros succès (le hit This Town Ain’t Big Enough For Both of Us, en 1974).Sans présager de ce que sera exactement l’album de FFS, intitulé FFS, à paraître le 8 juin chez Domino, on constate que le morceau Piss Off fusionne avec une verve excentrique des goûts communs pour une fantaisie théâtrale, des voix aiguës sautillant entre cabaret, rock et dance-music.Réalisé par John Congleton (St Vincent, David Byrne, Anna Calvi), l’album proposera 12 chansons, une édition double vinyle et un tirage double CD limité devant inclure quatre morceaux bonus. FFS a pailleurs annoncé une tournée estivale qui passera le 26 juin par le Bataclan, à Paris, et le 5 juillet par le Transbordeur, à Lyon.Pour patienter, on pourra se plonger dans La Tournée des Grands-Ducs (Editions du Rouergue, 142 pages, 18 euros), traduction française du recueil des chroniques gastronomiques qu’Alex Kapranos avaient originellement publié dans le quotidien britannique, The Guardian. Un petit régal.Stéphane DavetJournaliste au Monde 01.04.2015 à 07h48 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h04 La légendaire chanteuse canadienne Joni Mitchell, l'une des gloires de la génération Woodstock, a été admise mercredi 1er avril dans un hôpital de Los Angeles à l'âge de 71 ans, a annoncé son entourage sur son compte Twitter. « Nous attendons le bilan officiel sur son état de santé que nous publierons dès que nous l'aurons reçu », a expliqué l'entourage de l'artiste sur le réseau social.« Joni est actuellement en observation dans une unité de soins intensifs. Elle est consciente et a bon moral. Allumez une bougie, chantez, et envoyons-lui tous nos vœux », indique le site de l'artiste. Selon TMZ, site spécialisé dans l'actualité des stars, les services d'urgence de Los Angeles sont intervenus vers 14 h 30 au domicile de la chanteuse, qui était inconsciente. La chanteuse « a repris conscience pendant son transport en ambulance à l'hôpital », a précisé le site de la chanteuse.Joni Mitchell, de son vrai nom Roberta Joan Anderson, a connu le succès grâce, entre autres, à des chansons comme The Circle Game, Big Yellow Taxi et Help Me.Au cours de sa carrière, elle a reçu huit Grammy, le prix le plus important de l'industrie musicale aux Etats-Unis.La chanteuse a affirmé souffrir de la maladie des Morgellons, une affection dont l'existence n'est pas reconnue par le corps médical. Ce dernier l'associe plutôt au syndrome d'Ekbom ou délire de parasitose, une forme de psychose centrée sur la conviction d'être infesté de parasites corporels. En décembre 2014, elle avait expliqué au magazine Billboard que sa maladie l'empêchait de se produire sur scène. 31.03.2015 à 19h59 • Mis à jour le02.04.2015 à 10h24 | Emmanuelle Jardonnet Tour à tour grimée en Edward aux mains d’argent ou en robot du Magicien d’Oz, peinte en rouge, rose bonbon, à rayures ou bleu schtroumpf : depuis 1984, deux fois par an, la statue du baron Dupuytren (1777-1835) qui orne la cour de l’Hôtel-Dieu, à Paris, inspire des fantaisies colorées aux étudiants en médecine célèbrant la fin de leur internat. Cette tradition potache devrait s’arrêter net : le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a condamné, le 13 mars, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour violation du droit moral, comme le rapporte Le Journal des arts.Ce n’est pas l’atteinte à la figure de l’ancien chirurgien en chef de l’hôpital qui pose problème, mais le respect de l’œuvre du sculpteur, Max Barneaud. L’AP-HP, dépositaire de cettestatue dont est propriétaire la Ville de Paris, doit ainsi verser 6 000 euros en réparation de l’atteinte portée au droit moral de l’artiste, plus 3 000 euros au titre des frais de procédure. Il lui est reproché de ne pas avoir pris les « mesures nécessaires pour éviter qu’il soit porté atteinte à l’œuvre », alors qu’elle « savait qu’en vertu d’une tradition, des dégradations [y] étaient apportées par les internes ».Photos de la statue retiréesDes mises en garde avaient pourtant été faites à la suite de courriers de l’héritier de l’artiste à destination de l’institution comme de l’association des internes. Sur le site de l’association des salles de garde, un message avait ainsi été diffusé en janvier 2012 « à la demande du fils de M. Max Barneaud, sculpteur », rappellant aux internes les articles 322-1 et 322_2 du code pénal portant sur les « destructions, dégrations ou détériorations » d’un bien « destiné à l'utilité ou à la décoration publiques et appart[enant] à une personne publique ou chargée d'une mission de service public ».Dans une note, elle précisait par ailleurs : « Il en résulte que les internes qui prendraient l’initiative de repeindre ou décorer la statue (...) seraient susceptibles de sanctions pénales, outre que les ayants-droit de l’artiste seraient en droit d’engager toute action aux fins de faire respecter leur droit moral. » Face aux menaces de poursuites, l’association avait déjà retiré les photos de la statue grimée, dont on peut par ailleurs découvrir quelques exemples ici.La statue a été remise en état à chaque fois, l’AP-HP l’a bâchée et proposé son déplacement. Mais selon le tribunal, l’atteinte au droit moral est caractérisé dès lors qu’une œuvre est « régulièrement modifiée, même si cette modification n’est pas irréversible », rapporte encore le site du Journal des Arts. L’ayant-droit a finalement saisi la justice en 2013.Churchill en tenue de sportIl y a eu plusieurs précédents récemment : côté internes, une fresque représentant une scène de sexe collectif entre super-héros dans la salle de garde de l’hôpital de Clermont-Ferrand avait suscité un tollé fin janvier lorsqu’elle avait été agrémentée de bulles de texte salaces pour dénoncer la loi santé de Marisol Touraine. Elle a depuis été effacée.Lire : Médecine : une tradition carabinéeCôté statues, Le Journal des arts rappelle un jugement identique au TGI de Paris, en mai 2014, concernant la statue de Winston Churchill de Jean Cardot, qui avait été habillée sans autorisation pour une opération de communication par un équipementier sportif. Enfin, en mars 2014, un shooting clandestin du photographe Terry Richardson pour Purple, où Lætitia Casta avait posé de façon érotique sur les sculptures de Maillol du Jardin des Tuileries, avait abouti à une lourde condamnation du magazine de mode pour atteinte aux droits patrimoniaux et moraux des œuvres du sculpteur.Lire : Poser sur les Maillol des Tuileries peut coûter très cher (même si l'on est Laetitia Casta)Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Claire Guillot Il y avait du surréalisme dans les photos du Belge Michel Vanden Eeckhoudt : dans ses images d’animaux à l’air étonnamment humain, comme dans ses photos d’humains qui semblaient débarquer d’une autre planète pour atterrir dans la rue à côté de nous. Le photographe est mort, samedi 28 mars, après une longue maladie.Né en 1947, d’une mère assistante sociale et d’un père docteur en sciences naturelles, Michel Vanden Eeckhoudt a collaboré régulièrement au journal Libération, et est devenu membre fondateur de l’agence Vu, dirigée par Christian Caujolle – il y est resté jusqu’à sa mort. Amoureux de l’argentique et du noir et blanc, Michel Vanden Eeckhoudt s’est fait une spécialité de faire surgir l’étrangeté et l’humour – très grinçant – dans tous les sujets traités.L’enfermement des hommes et des bêtesAprès un premier livre, Chroniques immi­grées, en col­la­bo­ra­tion avec Christian Carez (1978), il rencontre l’éditeur Robert Delpire en 1979, qui publiera un livre avec ses photos prises dans des zoos, Zoologies (1982), avec une préface de Claude Roy. Ni misérabiliste ni sentimental, le livre traite de front la question de l’enfermement, et met au même niveau les bêtes et les hommes, qui semblent malgré les clins d’œil pleins d’humour unis dans la même existence lugubre.Les cadrages lui permettent d’inattendus téléscopages, ses tirages très noirs, aux accents expressionnistes, font ressortir un œil, un bras, un pelage là où on ne l’attend pas. Il utilisera le même regard distancé et décalé pour traiter du monde du travail, jetant un œil critique sur l’aliénation des ouvriers face à leur outil de production – des images réunies dans le livre Les Travaux et les Jours, publié chez Actes Sud en 1996, et exposées à la Filature de Mulhouse en 1998.Michel Vanden Eeckhoudt s’est penché sur la Sicile, sur le fonctionnement de la justice en France ou sur la banlieue – il a fait partie de la commande collective Clichy sans clichés en 2006, sans cesser de s’intéresser aux animaux : un de ses livres (il en a publié douze) est même consacré uniquement aux canidés et à leur compagnonnage avec les humains (Chiens, Ed. Marval, 1997). Son travail, réuni dans un ouvrage de la collection Photopoche (numéro 110, 2006, Ed. Actes Sud), a aussi été exposé en majesté aux Rencontres d’Arles en 2013.Pour voir des images de Michel Vanden Eeckhoudt : la page de l’agence Vu qui rend hommage au photographe, ou celle de la galerie Camera Obscura qui le représente.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.03.2015 à 10h43 • Mis à jour le31.03.2015 à 11h43 | Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) Récit du long et implacable processus de reconquête de la « Judée-Samarie » (mardi 31 mars à 23 h 40 sur France 2). Voici un post-scriptum aux élections législatives israéliennes du 17 mars qui aurait mérité d’en être le prologue. Au nom du temple, le documentaire que France 2 diffuse ce soir dans « Infrarouge », constitue un éclairage inquiétant sur le sionisme messianique. Sa nature religieuse, géographique, politique et démographique en fait un véritable projet de civilisation, devant lequel la gauche israélienne a été incapable de formuler un discours alternatif convaincant. Sa montée en puissance depuis la guerre des Six-Jours, en 1967, est l’une des raisons majeures de l’impasse totale dans laquelle se trouve le conflit israélo-palestinien.La vieille ville de JérusalemL’auteur du documentaire est le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin. Grâce à son recul, à ses archives et sa connaissance des acteurs, il montre comment la victoire de 1967 et la conquête symboliquement inestimable de la vieille ville de Jérusalem ont ouvert la voie à l’idée d’une reconquête, d’une revanche millénaire. Dès lors, il n’y aura plus rien à négocier, pour les radicaux, puisque c’est Dieu qui a accordé les droits sur la terre au peuple juif.Les premiers colons se sont lancés à la conquête de la « Judée-Samarie », nom biblique de la Cisjordanie, en profitant d’une sorte de vacance d’autorité. La poignée d’extrémistes isolés est parvenue à créer un courant, s’enracinant dans les territoires occupés, grignotant les champs, les maisons et les villes des Palestiniens, empêchant toute continuité territoriale au fil des décennies. « Le gouvernement s’opposera à toute tentative d’implantation sans son autorisation », dit le premier ministre Yitzhak Rabin lors de son premier mandat (1974-1977). Mais, face à lui, se dresse le Bloc de la foi, le mouvement Gush Emunim, créé par les étudiants du rabbin Zvi Yehouda Kook.DouteuxLa première destination des colons a été Hébron, où se trouve le tombeau des Patriarches. Quelques dizaines d’étudiants religieux s’y installent pour la Pâque juive en 1968. Les autorités israéliennes ne les expulsent pas. Pour éviter les confrontations, elles vont créer des quartiers, des villes nouvelles, illégales, destinés à accueillir ces colons. La mécanique est enclenchée. La marche arrière est difficile. Lorsque la gauche tentera d’emprunter la voie des négociations avec les Palestiniens, elle rencontrera une opposition totale. Au prix d’un traumatisme national lorsque le 4 novembre 1995, après une manifestation, Yigal Amir, un militant religieux et nationaliste, a tué le premier ministre Yitzhak Rabin.Les colons étaient 20 000 en 1977, 70 000 dix ans plus tard. Aujourd’hui, on estime leur nombre en Cisjordanie à 380 000. Leurs voix ont pesé lourd dans la victoire surprise du Likoud aux élections du 17 mars. Dans un moment fort du documentaire, Benyamin Nétanyahou justifie sa décision d’évacuer l’armée d’une partie d’Hébron, début 1997, par un dessein plus large, ce qui montre bien à quel point son engagement de principe en faveur d’un Etat palestinien en 2009 est douteux. « Renoncer à du territoire est difficile ! Il s’agit d’une partie de ma terre, d’un lieu où mes ancêtres, les prophètes et les rois d’Israël ont vécu, et où tant de générations de juifs ont rêvé de retourner. J’allais donc appliquer l’accord conclu par Pérès mais dans l’intention de le faire avec l’idée fondamentale de donner la partie arabe de Hébron en échange de la totalité de la Judée-Samarie. Ou presque. »« Au nom du temple », de Charles Enderlin et Dan Setton (Fr., 2015, 55 min). Mardi 31 mars à 23 h 40 sur France 2.Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)ReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.04.2015 à 22h12 • Mis à jour le24.04.2015 à 09h05 | Sarah Belouezzane, Alexis Delcambre et Anne Eveno « Chez Orange, elle connaît tous les rouages de l’entreprise et des métiers. Aller vers une autre entreprise va être pour elle un vrai défi, un saut dans l’inconnu. » Ce haut cadre d’Orange résume bien l’équation que va devoir résoudre Delphine Ernotte, nommée, jeudi 23 avril, présidente de France Télévisions, après vingt-six années passées chez l’opérateur.A 48 ans, la directrice générale adjointe d’Orange France a arpenté toutes les fonctions possibles au sein de son entreprise : de l’analyse financière à la R&D, de la distribution aux fonctions de direction. Centralienne, cette ingénieure de formation y a appris la vente, la communication, le marketing et le délicat exercice du dialogue social. Elle a aussi contribué à transformer l’entreprise et appris à composer avec la présence de l’Etat.« C’est une vraie patronne qui sait déléguer, écouter et décider », décrit Alice Holzman, directrice générale adjointe en charge de la distribution de Canal+, qui a travaillé sous ses ordres chez Orange. « Mi corse-mi basque, elle a un côté mama qui protège voire couve ses équipes, renchérit Elie Girard d’Atos, qui a travaillé avec elle pendant six ans. C’est une bosseuse, très impliquée. Lors de la grande panne des mobiles de l’été 2012, elle a passé toute la nuit au centre de supervision au beau milieu des techniciens et impressionné tout le monde. » Des tempêtesChez Orange, les tempêtes n’ont pas manqué. Mme Ernotte a dû faire face à l’arrivée d’un nouveau concurrent, Free Mobile, en 2012. Surtout, elle a été confrontée, comme toute la direction du groupe, à la crise des suicides chez l’opérateur, consécutive à la mise en place du plan « Next ». Propulsée au comité exécutif après le départ de Didier Lombard – mis en cause dans cette affaire –, la nouvelle directrice générale admet alors que ces drames ont suscité chez elle « un mélange de profonde culpabilité et de déni » et « une remise en question fondamentale ».Ses défenseurs soulignent qu’elle a ensuite œuvré à l’« apaisement » du climat social. « C’est difficile d’évaluer son implication dans la crise sociale qui a secoué l’entreprise du temps de Lombard, juge une source chez Orange. Ce qui est sûr, c’est qu’elle a appris à écouter, elle a réussi à respecter le contrat social dans un contexte difficile où Orange France était secoué de tous les côtés par la concurrence. »Dans sa nouvelle maison, Delphine Ernotte se sait attendue sur ce terrain. Pendant la campagne, la CGC Médias l’a associée à cette crise des suicides – un message lourd dans le contexte de fragilité sociale que connaît France Télévisions. Dans sa décision motivée, le CSA a souligné que la nouvelle PDG voulait « bâtir, par la négociation et le dialogue, un plan stratégique visant à promouvoir la confiance au sein de France Télévisions ».Lire aussi (édition abonnés) :France Télévisions, le grand corps maladeL’inconnue des contenusPour cela, elle devra forcer sa personnalité que beaucoup décrivent comme « froide » ou « distante ». « Son côté froid, c’est une carapace, corrige un cadre de l’opérateur. En réalité elle a beaucoup d’empathie et je l’ai vue dans plein de conventions faire le show quand il le fallait. »Et d’avancer une explication : « Elle a toujours été dans un milieu d’hommes, elle doit sûrement se protéger aussi. » Dans l’univers d’ingénieurs souvent masculin qu’est Orange, Delphine Ernotte s’est attachée à défendre la place des femmes, infligeant des amendes de 10 euros pour toute remarque sexiste formulée en comité exécutif.Autre défi pour la nouvelle présidente : son inexpérience dans les contenus et l’audiovisuel, même si Orange distribue aussi des contenus et que le CSA relève sa « perception des enjeux de l’audiovisuel ». Ses amis ont beau évoquer sa « passion du théâtre » – son époux est le comédien Marc Ernotte et elle ne manque pas de réseaux dans le monde culturel –, sa capacité à aider France Télévisions à repenser ses offres en profondeur est à ce stade une inconnue.Anne EvenoJournaliste au MondeAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterSarah BelouezzaneJournaliste High Tech-Telecoms au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.04.2015 à 18h04 • Mis à jour le23.04.2015 à 18h06 | Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi :The Beatles : « Past Masters », la synthèseCette semaine : autour de l’album Past Masters (mars 1988).Commercialisé dix-huit ans après la séparation des Beatles (concrétisée par le départ de Paul McCartney en avril 1970), Past Masters regroupe des chansons publiées entre octobre 1962 et mars 1970 sur des 45-tours et des éditions américaines des albums du groupe.Dans son édition originale, Past Masters était constitué de deux albums distincts, l’un sous une pochette noire, pour la période 1962-juillet 1965, et l’autre sous une pochette blanche, pour la période décembre 1965-1970. En conclusion de notre série sur les reprises, nous avons conservé cette présentation de Past Masters en deux parties.Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Past Masters », première partie« Day Tripper’ » (Lennon-McCartney), par Mae West« We Can Work It Out » (Lennon-McCartney), par Petula ClarkLes Beatles, proposent, sans que cela soit une erreur d’impression, un 45-tours sans indication de face A ou B lors de la commercialisation, le 3 décembre 1965, des chansons Day Tripper et We Can Work It Out. Cela s’était déjà vu sur des disques de rhythm’n’blues ou de rock’n’roll dans les années 1950, pour laisser toutes les chances à un tube potentiel – la face B étant considérée par le public comme moins importante. En nombre de reprises identifiées, c’est We Can Work It Out, qui dans Past Masters, vient au deuxième rang, qui domine. Près d’une centaine, pour plus de quatre-vingts pour Day Tripper. Avec un partage à peu près égal de vedettes qui visitent l’un ou l’autre des thèmes : Jimi Hendrix (1942-1970), Otis Redding (1941-1967), Electric Light Orchestra, Mae West (1893-1980), James Taylor, Cheap Trick, Nancy Sinatra, The Grateful Dead, Oasis, Ricky Martin… pour Day Tripper ; Deep Purple, Dionne Warwick, Humble Pie, Petula Clark, Johnny Mathis, Judy Collins, Roberta Flack, Steel Pulse, Stevie Wonder… pour We Can Work It Out.Notre choix s’est porté sur deux femmes. D’abord Mae West dans Day Tripper. Actrice, chanteuse et sex-symbol du cinéma hollywoodien des années 1930 et 1940, son nom fut donné à un modèle de gilet de sauvetage aux formes généreuses et elle figure parmi les personnalités présentes sur la pochette de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band – en haut, troisième en partant de gauche. Dans l’assez invraisemblable album Way Out West (psyché-punk-rococco-soul-variété pour tenter de résumer l’objet, Tower-Capitol, 1966), elle interprète, d’une voix grave, de manière distanciée, plusieurs tubes du rock’n’roll et de la pop. Ses deux albums suivants, Wild Christmas (1966) et Great Balls of Fire (1972), bien qu’un rien plus sages, sont tout aussi savoureux. Par effet de contraste, beaucoup plus raisonnable, soyeux et élegant est le We Can Work It Out chanté par Petula Clark, compatriote britannique des Beatles, qui l’enregistra pour son album My Love (Pye Records, 1966).  « Paperback Writer » (Lennon-McCartney), sous le titre « Pas d’papier water », par Les BeadochonsGroupe parodique, formé en 1988, Les Bidochons avaient fait un sort au répertoire des Sex Pistols (On s’en bat les couilles, par les Sex Bidochons, en 1989) et des Rolling Stones (Sales Gueules, par les Rolling Bidochons, en 1990) avant de s’attaquer à celui des Beatles dans 4 Beadochons dans le vent, par les Beadochons en 1992. Si musicalement, Les Bidochons se révèlent respectueux, les détournements, en français, des textes d’origine, parodies et moqueries sont la règle pour ce « gang des pastiches » comme le groupe se présente. Paberback Writer (face A du 45-tours des Beatles publié le 30 mai 1966) est ainsi devenu Pas d’papier water (autres exemples : Let It Be donne Les P’Tites Bites ; Lucy In The sky, L’Usine in The Sky ; Get Back, Des claques…). Téléphone et les vedettes du disco y eurent droit par la suite. « Rain » (Lennon-McCartney), par Humble PieDes quelques reprises de Rain, face B de Paberback Writer, deux versions sortent du lot. Celle du groupe anglais Humble Pie et celle du guitariste Randy California (1951-1997). Au tirage au sort, un pile ou face, c’est Humble Pie que le hasard a désigné. Le groupe mené par le guitariste et chanteur Steve Marriott (1947-1991) a compté, dans ses rangs, Peter Frampton future vedette mondiale avec Show Me The Way. Trois thèmes des Beatles sont repris dans le dernier album du groupe avant sa séparation – il se reformera en 1980-1981 –, Street Rats (A&M, 1975) : Rain, We Can Work It Out et Drive My Car. Rain y est propulsé par la voix rauque et puissante de Marriott, des chœurs et les entrelacs guitaristiques avec Clem Clempson. « Lady Madonna » (Lennon-McCartney), par Caetano VelosoDans le livre Many Years From Now (Holt and Company, 1997), par Barry Miles, Paul McCartney revenait sur la genèse de la chanson Lady Madonna, face A du single publié le 15 mars 1968. « J’étais au piano, en train d’essayer un truc bluesy, boogie-woogie (…) Quelque chose m’a évoqué Fats Domino et j’ai commencé à chanter un peu à sa manière. » Le pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans sera d’ailleurs l’un de ceux qui reprendront très vite la chanson dans son album Fats Is Back (Reprise Records, août 1968) qui contient aussi sa version de Lovely Rita. Mais c’est celle plus tranquille, moins boogie, du chanteur et guitariste brésilien Caetano Veloso que nous avons choisie, extraite de l’album Qualquer Coisa (Philips, 1975). Lui aussi s’affirme en fan des Beatles, son album présentant en plus des interprétations d’Eleanor Rigby et For No One. Toutes trois chantées en anglais. « The Inner Light » (Harrison), par Jimmy McGriff et Junior ParkerLa face B de Lady Madonna est une composition de George Harrison (1943-2001) dans laquelle interviennent aux voix, outre son auteur, McCartney, Lennon et un ensemble de musique traditionnelle indien. Pas plus que Within You Without You, Blue Jay Way ou Flying, autres compositions d’Harrison influencées par les cultures musicales de l’Inde, The Inner Light n’a connu beaucoup de reprises. Les rares se contentant d’être des tentatives « indianisantes ». A l’exception de l’organiste Jimmy McGriff (1936-2008) et du chanteur Junior Parker, qui en proposent la version définitive dans leur album blues-soul Good Things Don’t Happen Every Day (Groove Merchant, 1972). Lequel Parker avait déjà interprété trois chansons des Beatles (Taxman, Lady Madonna et Tomorrow Never Knows) dans son album précédent en 1971, Love Ain’t Nothin' But A Business Goin' On. « Hey Jude » (Lennon-McCartney), par Tom JonesLe slow de tous les slows dans le répertoire des Beatles. D’une durée de 7 minutes et quelques secondes, la chanson Hey Jude est publiée le 26 août 1968, en face A du premier single des Beatles commercialisé sous la marque Apple Records, le label récemment fondé par le groupe. Les accords du piano sur tous les temps, McCartney qui commence par « Hey, Jude, don’t make it bad », l’entrée d’un tambourin, les chœurs, l’appui de la basse et la batterie ensuite et, à un peu plus de 3 minutes, l’ampleur orchestrale et le « la-la-la-la-Hey Jude » en boucle. Raz-de-marée mondial en numéro 1 des classements. Un monument qui a généré plus de cent vingt reprises de bonne tenue (et autant de passables). The Bar-Kays, Bing Crosby (1903-1977), Count Basie (1904-1984), The Supremes, The Temptations, Ella Fitzgerald (1917-1996), Shirley Bassey, Wilson Pickett (1941-2006)… et Tom Jones. Le chanteur gallois en propose une version vocalement proche de celle de Pickett, l’un de ses inspirateurs. Sa reprise, interprétée lors d’une émission télévisée « This Is Tom Jones », en octobre 1969, est à trouver sur l’abum qui en est la bande-son, This Is Tom Jones (Decca, 1969). « Revolution » (Lennon-McCartney), par Nina SimoneEn face B d’Hey Jude, on trouve Revolution. Pas le pénible collage sonore présent sur la quatrième face du double blanc sous le titre Revolution 9 – avec une voix qui régulièrement nous dit « number nine » (neuf) –, ni le Revolution 1, façon blues, avec formation de vents, qui ouvre la même quatrième face. Un troisième Revolution, donc. Nerveux, toutes guitares devant, quasi hard rock, avec tempo plus rapide. L’exact contraire d’Hey Jude, d’une certaine manière. Ce sont d’ailleurs plutôt les groupes rock qui vont s’emparer de cette version. Et puis, il y a Nina Simone (1933-2003). La chanteuse et pianiste, pour qui la conscience sociale, la politique, la lutte pour les droits civiques sont des choses d’importance, enregistre la chanson au titre qui ne pouvait que lui parler pour un 45-tours (RCA Victor, 1969) et son album To Love Somebody, dans lequel elle chante aussi Leonard Cohen, The Byrds et Bob Dylan. Elle l’interprète ici, par un versant plutôt blues, lors du Harlem Cultural Festival, organisé durant six week-ends fin juin et mi-août 1969, auquel participèrent aussi B. B. King, Abbey Lincoln (1930-2010), The 5th Dimension, Stevie Wonder, Dizzy Gillespie (1917-1993) ou Mahalia Jackson (1911-1972).Lire aussi les versions de Revolution 1, par Grandaddy et de Revolution 9, par Kurt Hoffman’s Band Of Weeds dans notre sujet sur les reprises de The Beatles, l’« album blanc ».Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « l’album blanc » « Get Back » (Lennon-McCartney), par Al GreenAvant de venir conclure l’album Let It Be (mai 1970, sorti trois semaines après l’annonce par Paul McCartney de son départ du groupe), dans une version différente, proche de celle jouée sur le toit des locaux d’Apple, le 30 janvier 1969, la chanson Get Back apparaît en face A d’un 45-tours commercialisé le 11 avril 1969. Le piano y est tenu, comme dans Let It Be, par l’Américain Billy Preston (1946-2006). Celui qui aura été l’un des « cinquième Beatles » – l’étiquette du single indique « The Beatles with Billy Preston » –, et qui a enregistré deux albums pour Apple Records, rejoindra George Harrison au début de sa carrière solo puis les Rolling Stones dans les années 1970. Preston a interprété régulièrement Get Back en concert. C’est toutefois Al Green qui a notre préférence avec sa courte version gorgée de soul, extraite de l’album Green Is Blues (Hi Records, 1969). On notera qu’elle débute quasiment à l’identique de la chanson Take Me To The River, qu’Al Green écrira avec Mabon Lewis Hodges (1945-2014) et enregistrera en 1974.Lire aussi la version de Get Back, par Rod Stewart dans sujet sur les reprises de l’album Let It Be.Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Let It Be » « Don’t Let Me Down » (Lennon-McCartney), par Ben E. KingHistoire de rester dans un registre soul, voici Ben E. King et sa reprise de Don’t Let Me Down, face B du single Get Back des « Beatles with Billy Preston ». Cette supplique à ne pas être laissé tomber par l’être aimé(e), que Lennon adressait à Yoko Ono, a clairement inspiré le chant de douleur et de rage de Ben E. King. On la trouve dans l’album Rough Edges (Maxwell Records, 1970), dans lequel l’interprète créateur de Spanish Harlem de Jerry Leiber (1933-2011) et Phil Spector reprenait aussi Come Together. « The Ballad of John and Yoko », sous le titre « Balada Para John E Yoko », par TitasEnregistrée mi-avril 1969 par les seuls Paul McCartney et John Lennon (Harrison et Ringo Starr étant l’un en vacances, l’autre en tournage, manifestement guère intéressés par cette évocation de la romance, le mariage et la lune de miel de John et Yoko), The Ballad of John and Yoko figure en face A d’un single publié le 30 mai 1969. Tout moitié de Beatles qu’il soit, il grimpa en tête des ventes au Royaume-Uni. Question reprises, la chanson serait plutôt en bas de tableau avec une petite quinzaine de versions en cherchant bien. Celle du groupe brésilien de Sao Paolo, Titas, est la plus satisfaisante. Elle figure, sous le titre Balada Para John E Yoko, dans le premier album, en 1984, de cette formation vedette toujours en activité aujourd’hui et conduite par ses trois chanteurs leaders, Paulo Miklos, Branco Mello, Sérgio Britto, et le guitariste Tony Bellotto. « Old Brown Shoe » (Harrison), par Leslie WestLa face B de The Ballad of John and Yoko a suscité encore moins d’envies avec même pas une dizaine de reprises. Les deux notables ayant par ailleurs été enregistrées à l’occasion d’hommages à son auteur, George Harrison, après sa mort, le 29 novembre 2001. L’organiste et chanteur de Procol Harum, Gary Brooker, l’interpréta pour le Concert for George, au Royal Albert Hall, à Londres, le 29 novembre 2002. Et Leslie West en propose sa version dans l’album Songs from the Material World : A Tribute to George Harrison (Koch, 2003). Le chanteur et guitariste américain, fondateur de Mountain et membre du trio West Bruce & Laing, ne remit pas en question, pour l’occasion, son approche blues rock et hard rock. « Across The Universe » (Lennon-McCartney), par Cilla BlackAvec ses chants d’oiseaux en ouverture, ses chœurs enfantins dans le lointain, son ambiance acoustique et son bruissement d’ailes à la fin, la chanson Across The Universe a été offerte par les Beatles pour l’album No One’s Gonna Change My World, commercialisé le 12 décembre 1969 au profit de l’organisation de protection des animaux World Wildlife Fund. C’est cette version qui figure sur Past Masters. Celle de l’album Let It Be bénéficiera ensuite d’un apport conséquent de cordes et chœurs par le producteur Phil Spector. Parmi les participants à ce qui fut l’un des premiers disques à but caritatif dans l’histoire de la pop, il y avait aussi The Bee Gees, Lulu, The Hollies (avec une chanson enregistrée en 1968), Cliff Richard et la chanteuse Cilla Black, qui interprète What The World Needs Now Is Love, d’Hal David (1921-2012) et Burt Bacharach. Un joli ravissement vocal que l’on retrouve dans sa reprise d’Across The Universe dans son album Sweet Inspiration (Parlophone, 1970).Lire aussi la version d’Across The Universe, par David Bowie dans le sujet sur les reprises de l’album Let It Be. « Let It Be » (Lennon-McCartney), par Paul MauriatLa version de Let It Be en face A du single publié le 6 mars 1970 est légèrement différente de celle que l’on entend dans l’album du même nom. Mais cela suffit pour que le collectionneur des Beatles se doivent de l’acquérir. C’est celle du single qui est présente sur Past Masters. Dans les deux cas, on y entend force vents et chœurs, une présence plus marquée de la batterie, choix en post-production du producteur Phil Spector. Paul McCartney, qui n’était pas d’accord, en proposa sa version, les orchestrations en moins, mais toujours avec de grandes orgues, dans l’album Let It Be… Naked. Au risque de fâcher Sir Paul, c’est pourtant dans ces excès et sa pompe orchestrale que Let It Be est entré et restera dans les mémoires. D’où notre choix, parmi les innombrables versions richement fournies en grand orchestre, de celle de Paul Mauriat (1925-2006) extraite de son album Gone is Love (Philips, 1970). On ne reprochera au pianiste, arrangeur et chef d’orchestre que le son d’orgue assez tarte au début, heureusement qui ne dure pas. Pour le reste, son Let It Be instrumental a de l’allure.Lire aussi la version de Let It Be, par Aretha Franklin dans le sujet sur les reprises de l’album Let It Be. « You Know My Name (Look Up the Number) » (Lennon-McCartney), sous le titre « Dis moi je t’aime », ‎par Gérard Saint PaulLa face B du single Let It Be peut être perçue comme assez « je m’enfoutiste ». A 95 %, son texte est constitué de la répétition des phrases « You know my name/Look up the number » avec parfois un « ha, that’s right », l’onomatopée « ba ba ba ba » et vers la fin, la mention de quelques numéros « one, two, three… » A un moment, le motif musical tout aussi répétitif se transforme en fantaisie de music hall. Si cette bizarrerie est révélée au monde lors de la sortie du single, le 6 mars 1970, elle a en fait été enregistrée pour l’essentiel lors de plusieurs séances en mai et juin 1967. Le solo de saxophone y est joué par Brian Jones (1942-1969), qui était alors encore le guitariste leader des Rolling Stones. Nous conclurons notre série des reprises avec celle – exacte dans l’esprit, les intonations vocales, etc. – par Gérard Saint Paul (de son vrai nom Gérard Chatelain). Qui répète non pas son nom mais la phrase « Dis moi je t’aime ». Faute de réponse précise, il aura une courte poussée d’énervement avant de reprendre le cours de la chanson. Ce bouquet final est à retrouver dans l’album 10 hits de Lennon & McCartney (Disc AZ, 1970).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi :The Beatles : « Past Masters », la synthèseCette semaine : autour de l’album Past Masters (mars 1988).Commercialisé dix-huit ans après la séparation des Beatles (concrétisée par le départ de Paul McCartney en avril 1970), Past Masters regroupe des chansons publiées entre octobre 1962 et mars 1970 sur des 45-tours et des éditions américaines des albums du groupe.Dans son édition originale, Past Masters était constitué de deux albums distincts, l’un sous une pochette noire, pour la période 1962-juillet 1965 et l’autre sous une pochette blanche, pour la période décembre 1965-1970. En conclusion de notre série sur les reprises, nous avons conservé cette présentation de Past Masters en deux parties.« Love Me Do » (Lennon-McCartney), par Flaco Jiménez et Buck OwensLe 45-tours Love Me Do attira gentiment l’attention sur les Beatles en atteignant la 17e place des meilleures ventes. Si le groupe The Sparrows s’en empara quelques semaines après sa sortie, c’est surtout à partir de 1964, les Beatles étant devenu un phénomène mondial, que Love Me Do trouva d’autres interprètes, dont le chanteur Bobby Vee, en version instrumentale par le claviériste Dick Hyman, en italien par Dick Rivers sous le titre Una ragazza diversa et par le groupe yougoslave Bijele Strijele sous le titre Voli Me. Plus tard, la chanteuse Sandie Shaw l’intégra à son album Reviewing The Situation en 1969… Nous avons toutefois préféré débuter par l’énergique rencontre de l’accordéoniste et chanteur texan Flaco Jiménez avec le chanteur country Buck Owens (1929-2006) dans l’album Sleepytown (BackPorch, 2000). Pour rappel, Buck Owens avait connu le succès avec la chanson Act Naturally, que les Beatles intégrèrent dans leur album Help ! (août 1965) et que Ringo Starr interpréta à nouveau avec Buck Owens en 1989, version sélectionnée dans notre sujet consacré à Help !Lire aussi :Les Beatles : les reprises d’« Help ! » « From Me To You » (Lennon-McCartney), par Virginia LabuatNuméro 1 au Royaume-Uni, et durant sept semaines, quinze jours après sa sortie, le 11 avril 1963, From Me To You a connu rapidement une version quasi à l’identique à celle des Beatles, par Del Shannon (1934-1990). Claude François (1939-1978) la transforme en un allègre Des bises de moi pour toi, les encore loin d’être disco The Bee Gees n’en font pas grand-chose, pas plus que Bobby Vee. On se souvient que les Américains anglophiles The Flamin’Groovies jouaient From Me To You au début des années 1980. Bobby McFerrin en donne une version toute vocale dans son disque Spontaneous Inventions (1986). Reste l’interprétation par Virginia Labuat, autre nom d’artiste de la chanteuse espagnole Virginia Maestro, qui en propose une version courte, avec piano et violoncelle. From Me To You était à son répertoire de concert à partir du milieu des années 2000. « Thank You Girl » (Lennon-McCartney), par AirbagEn face B du 45-tours From Me To You, la chanson Thank You Girl n’a guère été reprise. Les obscurs The Spiders l’auraient enregistrée en 1964. Elle figure dans l’album B-Sides The Beatles (Koch, 2008) du groupe américain The Smithereens, déjà mentionné dans les papiers à propos des reprises des albums Please Please Me (mars 1963) et With The Beatles (novembre 1963). Nous vous proposons l’efficace rendu par Airbag, trio espagnol punk rock (à ne pas confondre avec le groupe norvégien de rock progressif du même nom ni avec le trio argentin de rock tout autant du même nom constitué par la fratrie Sardelli). A trouver à la fin du premier album du groupe Mondo Cretino (Wild Punk Records, 2000).Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Please Please Me »Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « With The Beatles » « She Loves You » (Lennon-McCartney), par Beatle BarkersPour leurs premiers succès, les Beatles, comme nombre d’autres, usent et abusent du mot love, amour. She Loves You (suivi de sa triple affirmation « yeah ! yeah ! yeah ! ») est donc répété de nombreuses fois… Côté succès, c’est record battu, à l’époque, pour la chanson, publiée le 23 août 1963, en tête des ventes de singles au Royaume-Uni et pour dix-huit semaines. La bonne cinquantaine de reprises repérées ne remettant pas en question ce propos basique – devenu dans le français des Avern’s, de Jacky Moulière ou du Belge Jimmy Frey « Elle t’aime, yeah ! yeah ! yeah ! » – donnons plutôt la parole à Beatle Barkers, fantaisie phonographique publiée par Passport Records en 1983. Derrière cet album, il y a Woofers & Tweeters Ensemble, formation « possiblement » néo-zélandaise, dont les membres, restés anonymes, ont eu l’idée de remplacer les voix des Beatles par des aboiements, miaulements, bêlements et autres caquètements. Rigolo le temps d’une chanson. « I’ll Get You » (Lennon-McCartney), sous le titre « Te conseguiré » par Sandro y Los de FuegoPas plus que Thank You Girl, face B de From Me To You, la chanson I’ll Get You en face B de She Loves You n’a suscité de reprises remarquables. The Inmates ou The Smithereens s’y sont intéressés, tout comme le groupe Bangalore Torpedoes dans les années 2000. On remontera à 1965 et à Los de Fuego, qui, de 1960 à 1966, portèrent la bonne parole du rock en Argentine. Avec, à partir de 1963, à leur tête, le chanteur Roberto Sánchez (1945-2010) dit Sandro (par ailleurs auteur-compositeur, cinéaste, producteur…), qui jusque-là tenait le poste d’un des guitaristes. Sandro y Los de Fuego ont enregistré plusieurs adaptations en espagnol de chansons des Beatles, d’Elvis Presley (1935-1977), de Chuck Berry, Ray Charles (1930-2004), Jerry Lee Lewis, Bob Dylan, Tom Jones… Le passage de Sandro à un répertoire plus romantique en 1966 marqua la fin du groupe. « I Want to Hold Your Hand » (Lennon-McCartney), par Lakeside Cette fois, c’est la conquête des Etats-Unis. Le 45-tours I Want to Hold Your Hand grimpe en tête des classements au Royaume-Uni dès sa sortie le 29 novembre 1963 et surtout devient le premier numéro 1 du groupe aux Etats-Unis le 1er février 1964, où il se maintient durant sept semaines. Très vite, Frank Alamo (1941-2012), fin 1963 et Claude François (1939-1978), début 1964 en chantent l’adaptation Laisse-moi tenir ta main. Elle entre au répertoire de Petula Clark et de The Supremes. Le guitariste Grant Green (1935-1979), bien qu’accompagné par des excellences du jazz, le batteur Elvin Jones (1918-2010) et l’organiste Larry Young (1940-1978), en propose une version instrumentale qui n’aurait pas dérangé dans un bar d’hôtel, en 1965. Escaladée par son versant soul, Al Green l’enregistre lors des séances de son album Green In Blues, début 1969. Cette manière inspirera partiellement la version du groupe The Sparks, pas vraiment soul pourtant, et surtout Lakeside. Originaire de l’Ohio, la formation funk et soul, formée au début des années 1970, propose cette version avec violons et entremêlements vocaux de ses chanteurs menés par Mark Adam Wood Jr. dans l’album Your Wish Is My Command (Solar, 1981). « This Boy » (Lennon-McCartney), sous le titre « Cette fille » par Les LionceauxSympathique romance, clin d’œil au doo wop des années 1950, This Boy, en face B d’I Want to Hold Your Hand, a donné lieu à une quinzaine de reprises. Dont l’une par Scott McCarl, ancien Raspberries, une autre par le quartette adolescent canadien du début des années 1990 The Moffats. Et une autre enfin par Sean Lennon, Robert Schwartzman et Rufus Wainwright lors d’un des concerts de soutien qui ont suivi les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Mais c’est celle des Lionceaux qui a notre préférence, par sa transformation dans son adaptation française du garçon (boy) en fille. Cette fille figurait dans le quatrième 45-tours du groupe pour Mercury, publié en septembre 1964, avec Quatre garçons dans le vent en ouverture. « Komm, gib mir deine Hand » (Lennon-McCartney/Jean Nicolas-Hans Hellmer), par Die Pinguine et « Sie liebt dich » (Lennon/McCartney/Jean Nicolas-Lee Montague), par Worlds ApartL’Europe en marche. En signe de l’importance qu’ils accordaient au marché allemand et en témoignage de gratitude au public de leurs débuts hambourgeois, les Beatles enregistrent deux adaptations en allemand de leurs succès du moment : I Want to Hold Your Hand devient Komm, gib mir deine Hand et She Loves You devient Sie liebt dich. Le tout aux studios Pathé Marconi, à Paris (filiale d’EMI), le 29 janvier 1964, alors que le groupe est dans la capitale française pour sa série de concerts à l’Olympia. Le 45-tours sort le 5 mars 1964. C’est le Luxembourgeois germanophone Camillo Felgen (1920-2005), chanteur, parolier et présentateur de télévision qui a écrit les textes en allemand, co-signés dans les crédits de trois pseudonymes, Jean Nicolas, Hans Hellmer et Lee Montague. Nous avons conservé des reprises en allemand. Qui ne se bousculent pas. Voici donc, d’un même élan, le groupe pop Die Pinguine, sensation germanique du début des années 1990 pour Komm, gib mir deine Hand et plus inattendue la recréation de la Beatlemania par Worlds Apart, boy band anglais pour Sie liebt dich.  « Long Tall Sally » (Enotris Johnson, Robert Blackwell, Richard Penniman), par Little RichardLe 19 juin 1964, paraît l’EP (quatre titres, deux par face du 45-tours), Long Tall Sally, recueil de trois reprises titres créés par les héros du Panthéon rock’n’roll des Beatles, complétées par une composition originale. Ouverture avec Long Tall Sally, l’un des premiers succès du chanteur et pianiste Richard Penniman, plus connu sous le nom de Little Richard. La chanson sort en mars 1956 dans le sillage de son Tutti Frutti (novembre 1955). Construite un peu sur le même modèle, avec cri vocal du chanteur, ostinato au piano et court solo de saxophone hurleur. « I Call Your Name » (Lennon-McCartney), par Billy J. Kramer with The DakotasPour faire suite à Long Tall Sally, voici la seule composition de leur EP signée Lennon-McCartney, I Call Your Name. Que nous présentons dans sa version originale. Celle qu’enregistra Billy J. Kramer with The Dakotas, formation dont les membres étaient originaires de Liverpool et Manchester. La chanson leur avait été donnée, par l’intermédiaire de Brian Epstein, manager commun aux Beatles et à Billy J. Kramer au printemps 1963 avec une autre signée Lennon-McCartney, Bad To Me. Le 45-tours de Billy J. Kramer avec les deux thèmes des Beatles (I Call Your Name en face B) est sorti le 26 juillet 1963. « Slow Down » (Larry Williams), par Larry WilliamsEn ouverture de la face B de leur EP Long Tally, les Beatles ont choisi Slow Down. L’original a été composé et enregistré par le pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans, Larry Williams (1935-1980)… qui en fit la face B de Dizzy Miss Lizzy, paru en 1958 sur 78-tours (format pas encore disparu). Cette dernière composition du même Larry Williams, fut reprise par les Beatles dans leur album Help ! (août 1965). Les Beatles appréciaient particulièrement Larry Williams dont ils auront aussi enregistré le Bad Boy. « Matchbox » (Carl Perkins), par Carl PerkinsPour conclure cet EP rock’n’roll les Beatles ont encore exhumé une face B. Celle du 45-tours Your True Love, composition du guitariste et chanteur Carl Perkins (1932-1998) dont Matchbox deviendra en concert l’un des thèmes fétiches. Il l’enregistrera d’ailleurs à plusieurs reprises dans des arrangements moins rockabilly que sa version initiale. « I Feel Fine » (Lennon-McCartney), par The IguanasL’effet de feedback (une résonance qui monte en volume) en ouverture de I Feel Fine serait une première dans l’histoire officielle du rock et des Beatles. En l’occurrence, la corde de la, pincée sur la guitare de John Lennon (1940-1980). Ce 45-tours, avec She’s A Woman en face B, est un nouveau tube pour les Beatles, lors de sa sortie fin novembre 1964 (le 23 aux Etats-Unis et le 27 au Royaume-Uni). Parmi les nombreuses reprises, dont celles du chanteur Akim en 1965, sous le titre Humm ! Qu’elle est belle, du guitariste Chet Atkins (1924-2001), en 1966, du groupe country Sweethearts of The Rodeo, en 1988, ou du chanteur de jazz Curtis Stigers, en 2002, nous avons choisi celle, très en deçà de l’original, des Iguanas. Soit l’un des premiers groupes auquel a participé, au début des années 1960, James Newell Osterberg, Jr., plus connu sous le nom d’Iggy Pop. Il y jouait alors de la batterie. Du quintette malhabile, il ne reste que quelques enregistrements réalisés avec peu de moyens (dont une autre reprise des Beatles, Things We Said Today) qui ont été publiés en 1996 dans Jumpin With The Iguanas par un obscur label, Desirable Discs. « She’s A Woman » (Lennon-McCartney), par Jeff BeckJohnny Hallyday, José Feliciano ou Scritti Politti, furent parmi les rares à s’intéresser à She’s A Woman, mais c’est la version du guitariste Jeff Beck qui domine. Un instrumental, si l’on excepte le recours à un effet vocal à la TalkBox, qui débute façon reggae. On le trouve sur Blow by Blow (Epic, mars 1975), premier album solo de Beck, après sa participation aux Yardbirds au milieu des années 1960, ses deux Jeff Beck Group (le premier avec le chanteur Rod Stewart) et le supergroupe avec le bassiste Tim Bogert et le batteur Carmine Appice. Pour Blow By Blow, Beck travailla avec George Martin, producteur des Beatles qui lui ouvrit par ailleurs les portes de son AIR Studio, à Londres. « Bad Boy » (Larry Williams), par Larry WilliamsLa deuxième composition de Larry Williams reprise par les Beatles présente sur Past Masters – voir plus haut, la note sur Slow Down – a d’abord été publiée sur l’album américain du groupe Beatles VI (juin 1965), avant de trouver une place sur le Britannique A Collection of Beatles Oldies (décembre 1966), compilation de faces de 45-tours, annonciatrice du recueil Past Masters. Bad Boy, avec en face B She Said Yeah, a été publié par la compagnie Specialty Records début 1959. « Yes It Is » (Lennon-McCartney), par Scott McCarlChoix restreint pour cette reprise de Yes It Is, l’une des chansons les plus obscures du répertoire des Beatles, sortie en face B du 45-tours Ticket To Ride (avril 1965). Restreint mais enthousiasmant par l’affirmation rêveuse et les empilements vocaux dans l’arrangement qu’en donne le bassiste et chanteur Scott McCarl, qui fut de 1974 à mi-1975 l’un des membres du pop The Raspberries mené par Eric Carmen. Ce Yes It Is est à trouver sur l’excellent album de McCarl, Play On, édité en CD par Titan Records en 1997. « I’m Down » (Lennon-McCartney, par The MummiesCe sursaut rock et rageur, qui pastiche bon nombre de thèmes rock’n’roll des années 1950, en face B du single Help ! (juillet 1965) a donné lieu à des reprises dans le même esprit. Y compris par le groupe de rock progressif-symphonique Yes lors de quelques concerts de sa tournée 1976 (qui put compter, un soir de concert en Allemagne, comme en atteste un document officieux de 1984, sur la participation du guitariste Jimmy Page, de Led Zeppelin). Rock pur et dur donc pour conclure cette première partie des reprises de Past Masters, avec le groupe garage et punk de San Mateo (Californie), The Mummies, mené par l’organiste et chanteur Trent Ruane, qui connut quelques minutes de réputation de 1988 à 1994. Leur I’m Down sauvage venait terminer un EP 45-tours (You Must Fight To Live) On The Planet Of The Apes (Sympathy For The Record Industry, 1993).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, 33 titres de 45-tours qui retracent toutes les époques.Dans la première moitié des années 1960, le disque tournant à 45 tours/minute, d’un diamètre de 7 pouces (7-inches, un peu plus de 17,5 cm), était le format le plus économique et le plus répandu pour découvrir les chansons des vedettes du rock et de la chanson. Et nombre d’albums 33-tours (30 cm) étaient constitués de titres déjà publiés en 45-tours, tirés des singles (une chanson par face) ou des EP (extended play, deux chansons par face).Lire aussi :Les Beatles : les reprises de « Past Masters », première partieLire aussi :Les Beatles : les reprises de « Past Masters », seconde partieAvec les Beatles, les choses ne sont pas si simples. Si Please Please Me, leur premier album, sorti en mars 1963, a été en partie construit sur ce modèle, le groupe et son producteur George Martin s’en sont vite éloignés pour donner à certains titres une vie autonome. Dont nombre de succès en tête des classements des meilleures ventes : From Me To You, She Loves You, I Want To Hold Your Hand (triplé en 1963), I Feel Fine (1964), Day Tripper (1965), Paperback Writer (1966), Lady Madonna ou le slow Hey Jude (1968)…Une chasse au trésorDurant la période d’activité des Beatles, trente-trois chansons se sont ainsi d’abord promenées sur des faces A et B de singles ou d’EP. Certaines ont figuré sur des albums conçus pour le marché nord-américain à partir d’ extraits des albums britanniques, des singles et des EP (quatorze entre 1963 et 1967 !), et d’autres dans des compilations, dont A Collection of Beatles Oldies, en décembre 1966).Pour l’amateur des Beatles, cela prenait l’allure d’un jeu de piste, d’une chasse au trésor. Qui prit fin en mars 1988, avec les deux disques de la compilation Past Masters. Accompagnant la première publication en CD des albums britanniques des Beatles, elle réunissait ces trente-trois chansons, dont, outre celles déjà citées, deux succès chantés en allemand, la totalité du EP Long Tall Sally, et une version champêtre de Across The Universe. L’ensemble constitue une chronologie synthétique des différentes approches du groupe durant sa carrière – rock, folk, psyché… – avec son lot de fantaisies et de romances.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Fabienne Darge C’est une de nos plus grandes actrices, mais aussi une des plus discrètes. La Comédie-Française a annoncé (sur Twitter, une première), mardi 21 avril, qu’elle engageait Dominique Blanc, qui a aujourd’hui 58 ans, et entrera dans la Maison de Molière en mars 2016. Avant cela, elle créera Les Liaisons dangereuses, de De Laclos, à Strasbourg, sous la direction de Christine Letailleur, en compagnie de Vincent Perez, qui jouera Valmont.Dominique Blanc nouvelle pensionnaire de la troupe @ComedieFr à partir du 19 mars 2016. #bienvenue http://t.co/xOPagtQPgU— ComedieFr (@Comédie-Française)require(["twitter/widgets"]);Née le 25 avril 1956 à Lyon, Dominique Blanc n’a pas toujours eu la vie facile, dans son parcours d’actrice. Son intégrité, son extrême sensibilité, sa profondeur, son physique atypique ont parfois été des handicaps dans sa carrière. Ce qui est révélateur d’un certain état du théâtre et de la société française, qui a, encore et toujours, tendance à normer la représentation des femmes.C’est Patrice Chéreau qui, le premier ou presque, voit la pépite qu’est Dominique Blanc, et l’engage pour son Peer Gynt, en 1981. Avec Chéreau, il y aura un long compagnonnage, qui se poursuit avec Les Paravents, de Genet, et prendra la forme d’une brûlante évidence avec Phèdre, en 2003, et avec La Douleur, de Marguerite Duras, un solo créé pour elle en 2008, et avec lequel elle a tourné dans le monde entier plusieurs années, jusqu’au Japon.La scène et le cinéma d’auteurDominique Blanc a aussi travaillé avec Luc Bondy, sur Terre étrangère, de Schnitzler ; avec Jean-Pierre Vincent, sur Le Mariage de Figaro, de Beaumarchais, et sur Woyzeck, de Büchner ; avec Antoine Vitez sur Le Misanthrope, de Molière, et Anacaona, de Jean Métellus. Elle a été une mémorable Nora dans Maison de poupée, d’Ibsen sous la direction de Deborah Warner, rôle pour lequel elle a obtenu le Molière de la meilleure actrice en 1998 (Molière qu’elle se voit décerner à nouveau en 2010 pour La Douleur), et, en 2013, une non moins formidable Locandiera dans la pièce de Goldoni, sous la direction de Marc Paquien.Elle n’a jamais cessé d’accompagner le cinéma d’auteur français, collectionnant les Césars, pour Milou en mai, de Louis Malle, La reine Margot, de Patrice Chéreau, Stand-by, de Roch Stéphanik ou L’Autre, de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic.Qu’Eric Ruf ait choisi de faire entrer à la Comédie-Française cette actrice rare, aussi excellente dans la comédie que dans la tragédie, montre bien la volonté du nouvel administrateur de redonner tout son lustre artistique à la maison. Dominique Blanc, qui s’était déjà vu proposer le Français sous le mandat de Jacques Lassalle, a cette fois accepté. « D’abord parce qu’Eric Ruf [qui a joué avec elle dans Phèdre] sera mon Hippolyte jusqu’au bout de la vie », dit-elle avec humour. Ensuite parce qu’elle avait envie d’accompagner la belle ambition artistique du nouveau patron du Français, qui lui a proposé dans un premier temps de rejoindre les terres raciniennes, sous la direction de Stéphane Braunschweig, qui mettra en scène Britannicus.Fabienne DargeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet C’est à l’occasion d’un inventaire, à l’automne, que la découverte a été faite : le grenier de la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Lons-le-Saunier, dans le Jura, abritait un tableau de Jean-Auguste-Dominique Ingres, ont révélé mercredi 22 avril les quotidiens locaux Les Echos du Jura et Le Progrès.Emmanuel Buselin, conservateur des monuments historiques et conseiller à la valorisation du patrimoine à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Franche-Comté, avait été intrigué par l’immense toile roulée, de 4,30 mètres de large par 3,40 mètres de haut, recouverte de poussière. Le tableau représente une vierge à l’enfant, avec à ses pieds, un roi français brandissant sa couronne ; son sceptre porte la mention « don du roi » et est daté de 1826. En 1820, le roi Charles X avait commandé à Ingres, à l’époque en exil en Italie, une toile pour célébrer la consécration de la France à la Vierge Marie par le roi Louis XIII. Ce tableau, exposé en 1824 au Salon des arts de Paris, a imposé le peintre comme chef de file de l’école classique, rappelle France 3 Franche-Comté.Version verticale et version horizontaleIl s’agit ici d’une deuxième version du célèbre tableau, intitulé Le Vœu de Louis XIII. L’existence de cette version était connue, puisque mentionnée dans la comptabilité du roi, mais n’avait jamais été retrouvée. Répétant le tableau exposé dans la cathédrale de Montauban, Ingres en avait changé l’orientation, passant d’un format vertical à un format horizontal, et avait travaillé plus vite à son élaboration, avec une technique différente du premier.Selon la presse locale, ce tableau avait été donné l’année de sa réalisation à la ville de Lons, où il ornait l’église Saint-Désiré. En 1936, les archives de la ville mentionnent de gros travaux de rafraîchissement du lieu de culte, qui ont certainement nécessité d’entreposer ses ornements ailleurs. La toile a ensuite été oubliée dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu. Son châssis originel a également été retrouvé dans une réserve de l’hôpital.La restauration du tableau va être prise en charge par la DRAC et la ville, qui en est le dépositaire officiel. Lons-le-Saunier espère en faire la pièce-maîtresse du musée municipal, qui abrite notamment des tableaux de Courbet. Il a été transféré au centre de conservation et d’étude archéologique, où se trouvent les collections d’archéologie et de beaux-arts des musées de la ville. La découverte était jusqu’ici restée confidentielle pour protéger l’œuvre, qui n’a pu être déplacée immédiatement de l’Hôtel-Dieu. Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris A première vue, on se dit qu’il faut une bonne dose de culot pour intituler un roman Les Intéressants. Pour certifier dès la couverture que ses personnages sont captivants – comme si elle était barrée du slogan « satisfait ou remboursé ». Cependant, quand bien même Meg Wolitzer aurait choisi son titre dans cet esprit, on ne l’en blâmerait pas, tant son dixième roman (le troisième traduit en français) déclenche l’addiction ; tant cette épaisse saga, courant sur près de quarante ans, empreinte d’un humour corrosif et d’une grande finesse psychologique, se lit avec délectation et ne se ferme qu’à regret. Mais le premier degré n’est pas tout à fait le genre de l’écrivaine américaine, il suffit de lire quelques lignes pour s’en convaincre. Son titre contient une nuance de tendre raillerie à l’égard de ses créatures, et du nom qu’ils avaient choisi à l’adolescence pour leur groupe, révélant une conception d’eux-mêmes qui aura des conséquences sur le reste de leurs vies. Ce n’est pas individuellement que Meg Wolitzer les juge fascinants, mais collectivement, par leurs relations faites d’affection, de jalousie, de compassion, d’ambiguïté et de rancœur, par la manière dont leurs liens évoluent au fil des décennies. Les Intéressants est ainsi, entre autres, un grand roman de l’amitié.La leur débute quand ils ont entre 15 et 16 ans, pendant l’été 1974, au camp de vacances de Spirit-in-the-Wood, où sont encouragées les dispositions artistiques. Julie va être au centre du roman... Jean-Jacques Larrochelle C’est un miraculé que l'ONG partenaire de l'Unesco, Europa Nostra, vient de couronner. Lauréat, le mardi 14 avril, du Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne 2015, catégorie « Conservation », les Halles du Boulingrin à Reims (Marne) ont bien failli disparaître à tout jamais. Ouvert au public le 30 octobre 1929, six jours après le jeudi noir de Wall Street, ce symbole de la vie sociale rémoise – et prouesse constructive de l’ingénieur béton Eugène Freyssinet (1879-1962) – a été victime de mille maux.Lire aussi : Au Boulingrin, l’autre cathédrale de la villeSoumis, dès après sa construction, à des problèmes d’infiltration, le marché couvert a subi le souffle destructeur d’une bombe allemande en 1940. Le béton s’est dégradé, puis les structures métalliques. En 1957, Eugène Freyssinet ne peut que constater un vieillissement prématuré des matériaux. Deux ans plus tard, un treillis est installé où s'accumulent les débris. En 1980, une seule alternative : réhabiliter ou démolir ce que l'on nomme désormais la « verrue ».En 1987, le maire de Reims, Jean Falala, veut faire disparaître l’intruse pour installer sur sa parcelle un centre de congrès, un marché permanent, un hôtel et des parkings. Les halles sont, in extremis, sauvées de la destruction en janvier 1990 après avoir été classées aux monuments historiques par le ministre de la culture d'alors, Jack Lang. En 2008, Adeline Hazan, première magistrate de la ville, décide de faire restaurer l’édifice et d’y maintenir l’activité de marché.« Coffrage-décoffrage sur cintre glissant »Les Halles du Boulingrin exploitent l’une des toutes premières applications de la technique dite de « coffrage-décoffrage sur cintre glissant », une prouesse architecturale inventée par Eugène Freyssinet. Bien que l’architecte Emile Maigrot, choisi en 1923, en soit l’auteur, le recours de l’ingénieur, directeur technique de la société Limousin, en charge du chantier, a permis qu’existe l'immense voûte en béton armé de 5 cm d’épaisseur protégée par une chape de 2 cm, d’une portée de 38 mètres. Manière de rassurer ses commanditaires rémois, Freyssinet avait construit à Orly (Val-de-Marne), en 1923 et 1924, deux hangars à dirigeables dotés d'une couverture semblable.« En remettant un prix aux Halles du Boulingrin de Reims, le jury [du Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne] a tenu tout d'abord à rendre hommage au courage de la décision datant de plus de 25 ans, de sauver cet exemple exceptionnel de l'architecture commerciale du XXe siècle et de la construction en béton armé, ont souligné les organisateurs. Les travaux de réparation complexes et laborieux ont restauré l'énergie première de la conception, mais ont également réintégré les fonctions originelles du marché, apportant une nouvelle vie dynamique non seulement à la structure en béton de Maigrot et Freyssinet, mais aussi à tout le quartier environnant. » Les Halles du Boulingrin comptent parmi les 23 projets récompensés de l’édition 2015 du Prix du patrrimoine culturel, sur 263 candidatures internationales représentant un total de 29 pays. Dans la catégorie « Education, formation et sensibilisation », une autre réalisation française a été honorée : la Cité jardin de Stains (Seine-Saint-Denis), édifiée entre 1921 et 1933 par les architectes Eugène Gonnot et Georges Albenque. Ce fleuron du patrimoine historique, social et architectural avait été créé pour répondre aux impératifs hygiénistes de l’époque. Il a été récompensé pour l’effort consenti, à partir de 2004, destiné à « récupérer et relancer la vision originale à travers la collecte de preuves, écrites et orales, l'éducation et la formation, et à travers la restauration de l'architecture et le renouvellement de fierté », a souligné le jury.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 10.04.2015 à 16h31 • Mis à jour le10.04.2015 à 16h37 "La vue d'Avignon" de Vernet entre dans les collections du musée grâce au mécénat d'@AXA http://t.co/odLA5S97jJ— MuseeLouvre (@Musée du Louvre)require(["twitter/widgets"]);Vue d’Avignon, depuis la rive droite du Rhône près de Villeneuve, un tableau de 1757 de Claude-Joseph Vernet, a fait son entrée dans les collections du Louvre ce jeudi 9 avril. Cette aquisition de l’Etat, annoncée officiellement par le ministère de la culture, a été rendue possible grâce au mécénat du Groupe Axa.Chef-d’œuvre de la peinture du XVIIIe siècle, reconnu d’intérêt patrimonial majeur par la Commission consultative des trésors nationaux, le tableau « marque un jalon essentiel dans l’histoire du paysage en France », précise le ministère. Il était conservé depuis plus de 200 ans en Grande-Bretagne.Une série sur les « Ports de France »Cette œuvre représentant la Cité des papes, ville natale du peintre, a été peinte alors que l’artiste sillonnait le pays afin d’exécuter, pour le roi Louis XV, sa série des « Ports de France », dont les quinze tableaux sont exposés à Paris (deux au Louvre, les autres au Musée de la marine).Pour cette grande commande royale, il avait été demandé à l’artiste de représenter sur chaque tableau, au premier plan, les activités spécifiques à la région. Il a choisi la même approche pour cette œuvre, qui « allie l’exactitude topographique et la précision dans la description des activités humaines à un extraordinaire sens poétique et à une virtuosité toute moderne dans le rendu des effets atmosphériques et lumineux », détaille le ministère, qui y souligne « le contraste entre le pittoresque et le sublime, entre l’éternité tranquille de monuments séculaires et les activités des hommes des Lumières ».Courbet, Picabia, Freulich...Grand spécialiste de marines, Claude-Joseph Vernet est par ailleurs le père de Carle Vernet, le grand-père de Horace Vernet et l’arrière-grand-père d’Emile Vernet-Lecomte, tous peintres.Le dispositif fiscal (prévu par l’article 238 bis-0 A du code général des impôts) permet régulièrement l’entrée dans les collections nationales d’œuvres exceptionnelles. Parmi les biens culturels acquis récemment grâce au mécénat d’entreprise, on peut citer Le Chêne de Flagey (1864), de Gustave Courbet, entré au Musée Gustave Courbet d’Ornans, un ensemble de mobilier Emile Gallé, confié au Musée des beaux-arts de Reims, des archives de Francis Picabia pour le Musée national d’art moderne, ou encore un tableau d’Otto Freundlich, Composition (1911), entré au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.Lire aussi : « Le Chêne de Flagey » retrouve ses racinesLe paysage de Vernet va, dans un premier temps, passer par l’atelier de restauration du Louvre pour une intervention de routine, avant de rejoindre les salles dédiées à la peinture française du XVIIIe siècle, qui rouvriront à l’occasion, après des travaux de peinture, à la fin mai ou début juin. Béatrice Jérôme Manuel Valls a proposé à Pascal Lamy d’être nommé délégué interministériel à l’Exposition universelle de 2025. Le premier ministre voudrait pouvoir l’annoncer, mardi 14 avril, à l’occasion du comité interministériel qui sera consacré au Grand Paris. L’ancien patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’a pas encore donné sa réponse.Le délégué interministériel devrait préparer la candidature de la France afin que celle-ci puisse être déposée en avril 2016 par François Hollande. Le président de la République avait annoncé, le 6 novembre 2014, sa volonté de porter cette candidature.Une mission d’information parlementaire estimait, dans un rapport publié le 29 octobre 2014, qu’une candidature de Paris à la prochaine Exposition universelle réenclencherait une « dynamique » dans le pays.Un choix très politiqueEn choisissant M. Lamy, l’exécutif fait le choix d’un homme rompu aux négociations diplomatiques. Mais il s’agit aussi d’un choix très politique. Proche de François Hollande, l’ancien directeur de cabinet, de 1983 à 1994, de Jacques Delors président de la commission européenne défend une ligne économique proche de celle de Manuel Valls.Patron de l’OMC de 2005 à 2013, M. Lamy devrait pouvoir mettre à profit sa notoriété sur la scène internationale pour tenter de convaincre les 168 pays membres (en comptant la France) du Bureau international des expositions qui doivent se prononcer en 2018.Il devra aussi convaincre la maire de Paris Anne Hidalgo. Alors que celle-ci était au départ favorable à une telle initiative, elle semble aujourd’hui préférer une candidature de la capitale aux Jeux olympiques. Anne Hidalgo, a ainsi proposé, lundi 23 mars, aux élus parisiens « d’engager pleinement et avec responsabilité Paris en faveur d’une candidature aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ».Elle avait alors déclaré : « Quand on regarde le cahier des charges des Expo universelles, on voit que les Expo universelles qui ne coûtent rien en termes d’argent public ça n’existe pas » puis de se livrer à une critique implicite du projet porté par ExpoFrance 2025.Béatrice JérômeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Pauline Sauthier D'un côté une pianiste, de l'autre un compositeur. Tous deux paient leur engagement pro-russe dans le conflit ukrainien. Goran Bregovic est serbe et devait jouer en Pologne en juin, Valentina Lisitsa est ukrainienne et devait se produire ces jours-ci au Canada.C’est un concert que Goran Bregovic a donné en Crimée – annexée par la Russie – au mois de mars, qui a poussé les organisateurs du Life Festival Oswiecim, en Pologne, à annuler sa venue. Le compositeur, qui devait aussi être ambassadeur du festival, avait refusé de condamner l’intervention russe en Crimée. Les organisateurs ont rendu publique, mardi 7 avril, leur décision d’annuler sa prestation dans un communiqué : le festival Life, organisé à Oswiecim, ville de l’ancien camp Auschwitz-Birkenau, porte un message pacifiste qui, selon eux, n’a pas été respecté. Accusée de « répandre la haine »Ce même 7 avril, la pianiste Valentina Lisitsa devait jouer le Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov dans la salle de l’Orchestre Symphonique de Toronto. Mais la veille, elle a annoncé l'annulation de son concert et demandé le soutien de ses fans, lançant un appel sur Facebook : « En décembre [2014], un membre de la direction de l'orchestre a décidé que je ne devrais pas avoir le droit de jouer, probablement à cause de la pression d'un petit lobby agressif qui prétend représenter la communauté ukrainienne. […] J'ai été accusée de “répandre la haine” sur Twitter. Comme « preuve », c'est ironique, ils ont présenté à l'orchestre mes tweets contenant les caricatures de Charlie Hebdo à propos des médias qui mentent. »D'autres tweets comparent les pro-Européens à des nazis ou s'inspirent de clichés sur les Noirs pour critiquer leur multiculturalisme.Pictures speak louder than words. #Odessa #Ukraine http://t.co/x0rMpdGW9m— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);New school year begins in Odessa with teachers forced to wear Ukrainian tribal dress, a truly European custom :) http://t.co/Z5cRGtnU7T— ValLisitsa (@NedoUkraïnka )require(["twitter/widgets"]);Après la mobilisation des partisan de Valentina Lisitsa, celui qui devait la remplacer, le Canadien Stewart Goodyear a aussi décidé d'annuler ses représentations. Il précise, sur Facebook également : « Tout à coup, j'ai été accusé de défendre la censure et harcelé jusqu'à ce que je retire mon engagement. Ce qui avait commencé comme le plus heureux moment de ma vie est devenu un énorme élan d'hystérie collective. »Pauline Sauthier 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles Brigitte Salino Comme il l'avait fait l'année dernière, Nicolas Bedos présentera la 27e Nuit des Molières, qui aura lieu lundi 27 avril, aux Folies Bergère, et sera retransmise en léger différé sur France 2. La remise des prix sera précédée de la diffusion, en direct du Théâtre de Paris, d’Un petit jeu sans conséquence, une comédie de Jean Dell et Gérald Sibleyras, jouée par Isabelle Gélinas et Bruno Solo. Forte du succès de 2014, qui avait attiré 1,1 million de téléspectateurs, la chaîne a décidé de consacrer toute la soirée au théâtre. Et de célébrer ainsi en grand les Molières, qui reviennent de loin : ils ont été interrompus pendant deux ans (en 2012 et en 2013), en raison de dissensions entre les théâtres privés. Jean-Marc Dumontet, le président de l'association, qui est par ailleurs producteur et directeur de plusieurs salles à Paris, ne cache pas sa joie, et met en avant « la grande richesse de la programmation théâtrale » : trois cent dix pièces étaient en lice pour les nominations.Dix-sept Molières seront décernés (voir la liste complète ci-dessous), également répartis entre le théâtre public et le théâtre privé. Pour le premier, Les Particules élémentaires, mises en scène par Julien Gosselin, d'après le roman de Michel Houellebecq, arrivent en tête avec cinq nominations. Thomas Jolly et sa saga des Henry VI, de Shakespeare, les talonnent avec trois nominations. Pour le second, ce sont Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène par Didier Long, et La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène par Jérémie Lippmann, qui caracolent en tête (avec quatre et trois nominations). Marie Gillain et Myriam Boyer, qui jouent dans ces pièces, sont en lice pour le Molière de la meilleure actrice du privé (avec Fanny Cottençon et Miou-Miou).Côté public, les choix sont ouverts entre Audrey Bonnet, Emmanuelle Devos, Emilie Incerti Formentini et Vanessa Van Durme. Même chose pour le meilleur acteur du public (Philippe Caubère, André Dussollier, Michal Lescot et Olivier Martin-Salvan) et du privé (Maxime d'Aboville, François Berléand, Claude Brasseur et Nicolas Briançon). Pour le Molière du seul et de la seule en scène, la compétition fait se côtoyer des auteurs-interprètes de spectacles comiques, Florence Foresti et Jos Houben, et des comédiens jouant un texte : Francis Huster (Le Joueur d'échecs, de Stefan Zweig) et Denis Lavant (Faire danser des alligators sur la flûte de Pan, d'après Louis-Ferdinand Céline). Sinon, parmi tous les nommés, l'éventail est large entre les célébrités, comme Roman Polanski ou Yasmina Reza, et les révélations féminines et masculines, enjeux de tous les espoirs.Brigitte Salino Les nommés 2015Molière du théâtre privé Les Cartes du pouvoir, de Beau Willimon, mise en scène Ladislas Chollat, Théâtre Hébertot. Chère Elena, de Ludmilla Razoumovskaïa, mise en scène Didier Long, Théâtre de Poche-Montparnasse. Des souris et des hommes, de John Steinbeck, mise en scène Jean-Philippe Evariste, Philippe Ivancic, Théâtre du Palais-Royal. La Vénus à la fourrure, de David Ives, mise en scène Jérémie Lippmann, Théâtre Tristan Bernard.Molière du théâtre publicLes Coquelicots des tranchées, de Georges-Marie Jolidon, mise en scène Xavier Lemaire, Théâtre 14 – Jean-Marie Serreau. Germinal, de et mise en scène Antoine Defoort et Halory Goerger, L’Amicale de production – Lille. Henry VI, de William Shakespeare, mise en scène Thomas Jolly, La Piccola Familia. Les Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, mise en scène Julien Gosselin, Si vous pouviez lécher mon cœur.Molière du théâtre musicalAli 74 – Le Combat du siècle, de et mise en scène Nicolas Bonneau, Cie La Volige. Cinq de cœur – Le Concert sans retour, de Cinq de cœur, mise en scène Meriem Menant, Théâtre Le Ranelagh. Les Franglaises, de et mise en scène Les Franglaises, Blue Line Productions, Bobino. La Grande Duchesse, d’après Offenbach, mise en scène Philippe Béziat, Cie Les Brigands.Molière de la comédieCher Trésor, de et mise en scène Francis Veber, Théâtre des Nouveautés. Des gens intelligents, de Marc Fayet, mise en scène José Paul, Théâtre de Paris – salle Réjane. On ne se mentira jamais !, d’Eric Assous, mise en scène Jean-Luc Moreau, Théâtre La Bruyère. Un dîner d’adieu, d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte, mise en scène Bernard Murat, Théâtre Edouard VII.Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privéMaxime d’Aboville dans The Servant, mise en scène de Thierry Harcourt François Berléand dans Deux Hommes tout nus, mise en scène de Ladislas Chollat Claude Brasseur dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Nicolas Briançon dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie LippmannMolière du comédien dans un spectacle de théâtre publicPhilippe Caubère dans La Danse du Diable, mise en scène de Philippe Caubère André Dussollier dans Novecento, mise en scène d’André Dussollier et de Pierre-François Limbosch Micha Lescot dans Ivanov, mise en scène de Luc Bondy Olivier Martin-Salvan dans Pantagruel, mise en scène de Benjamin LazarMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privéMyriam Boyer dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Fanny Cottençon dans On ne se mentira jamais !, mise en scène de Jean-Luc Moreau Marie Gillain dans La Vénus à la fourrure, mise en scène de Jérémie Lippmann Miou-Miou dans Des gens bien, mise en scène d’Anne BourgeoisMolière de la comédienne dans un spectacle de théâtre publicAudrey Bonnet dans Répétition, mise en scène de Pascal Rambert Emmanuelle Devos dans Platonov, mise en scène de Rodolphe Dana Emilie Incerti Formentini dans Rendez-vous gare de l’Est, mise en scène de Guillaume Vincent Vanessa Van Durme dans Avant que j’oublie, mise en scène de Richard BrunelMolière du comédien dans un second rôleUrbain Cancelier dans Le Système, mise en scène de Didier Long Florian Choquart dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Romain Cottard dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Thierry Frémont dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Arthur Igual dans Le Capital et son singe, mise en scène de Sylvain Creuzevault Eric Laugerias dans Nelson, mise en scène de Jean-Pierre Dravel et d’Olivier MacéMolière de la comédienne dans un second rôleAnne Azoulay dans King Kong théorie, mise en scène de Vanessa Larré Léna Bréban dans La Maison d’à côté, mise en scène de Philippe Adrien Marie-Christine Danède dans La Colère du Tigre, mise en scène de Christophe Lidon Noémie Gantier dans Les Particules élémentaires, mise en scène de Julien Gosselin Dominique Reymond dans Comment vous racontez la partie, mise en scène de Yasmina Reza Agnès Sourdillon dans Le Malade imaginaire, mise en scène de Michel DidymMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privéNicolas Briançon pour Voyages avec ma tante Ladislas Chollat pour Les Cartes du pouvoir Didier Long pour Le Système et Chère Elena Roman Polanski pour Le Bal des vampiresMolière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre publicJulien Gosselin pour Les Particules élémentaires Caroline Guiela Nguyen pour Elle brûle Thomas Jolly pour Henry VI Vincent Macaigne pour Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimerMolière de l’auteur francophone vivantÉric Assous pour On ne se mentira jamais ! Michel Houellebecq pour Les Particules élémentaires Tristan Petitgirard pour Rupture à domicile Pascal Rambert pour Répétition Yasmina Reza pour Comment vous racontez la partie Sébastien Thiéry pour Deux Hommes tout nusMolière de la révélation féminineEléonore Arnaud dans La Discrète Amoureuse, mise en scène de Justine Heynemann Gaëlle Billaut-Danno dans Célimène et le Cardinal, mise en scène de Pascal Faber Roxane Duràn dans Les Cartes du pouvoir, mise en scène de Ladislas Chollat Valentine Galey dans L’Ecole des femmes, mise en scène de Philippe Adrien Nathalie Mann dans La Grande Nouvelle, mise en scène de Philippe Adrien Marie Rémond dans Yvonne, princesse de Bourgogne, mise en scène de Jacques VinceyMolière de la révélation masculineFélix Beaupérin dans Si on recommençait, mise en scène de Steve Suissa François Deblock dans Chère Elena, mise en scène de Didier Long Alexis Moncorgé dans Le Bonheur des dames, de Zola, mise en scène de Florence Camoin David Murgia dans Discours à la nation, mise en scène d’Ascanio CelestiniMolière seul et seule en scèneFlorence Foresti dans Madame Foresti, mise en scène de Florence Foresti Jos Houben dans l’Art du rire Francis Huster dans Le Joueur d’échecs, mise en scène de Steve Suissa Denis Lavant dans Faire danser les alligators sur la flûte de Pan, mise en scène d’Ivan MoraneMolière de la création visuelleLe Bal des vampires. Décors : William Dudley, costumes : Sue Blane, lumière : Hugh Vanstone Les Particules élémentaires. Scénographie : Julien Gosselin, costumes : Caroline Tavernier, lumière : Nicolas Joubert La Réunification des deux Corées. Scénographie et lumière : Eric Soyer, costumes : Isabelle Deffin Le Système. Décors : Bernard Fau, Citronelle Dufay, costumes : Jean-Daniel Vuillermoz, lumière : Laurent BéalBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.04.2015 à 17h28 • Mis à jour le09.04.2015 à 17h36 | Thomas Sotinel Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Beatles For Sale », la mue amorcéeCette semaine : autour de l’album Beatles For Sale (décembre 1964).« No Reply » (Lennon-McCartney), par Sir Henry and his ButlersDick James (1920-1986), l’éditeur des chansons des Beatles, a félicité John Lennon (1940-1980) pour cette composition qui racontait une histoire complète – celle d’un garçon dont la petite amie ne veut pas décrocher le téléphone, alors qu’elle est bien là, il le sait bien, il voit sa silhouette se découper à la fenêtre (et tout ça cinquante ans avant l’iPhone 6). Mais l’enthousiasme de Dick James reste minoritaire, à en croire la pénurie de reprises de No Reply. On fera avec cette version danoise due à Sir Henry and His Butlers, formation qui semble avoir été populaire au royaume d’Hamlet presque en même temps que les Beatles le furent dans celui d’Elizabeth. Cette version n’est pas disponible sur YouTube mais est présente sur les sites de streaming Qobuz, Deezer et Spotify. « I’m A Loser » (Lennon-McCartney), par Vince GuaraldiPianiste facile à écouter, Vince Guaraldi (1928-1976) est le compositeur de l’immortel Cast Your Fate To The Wind. Et cette version de la première chanson que Lennon écrivit sous l’influence de Bob Dylan (se mettant en scène comme un poète maudit et amoureux pathétique plutôt que comme un amant et beau-fils irréprochable), devient, sous les doigts de fée du musicien américain, un ravissant moment de musique d’ambiance pour après-midi de pluie. « Baby’s In Black » (Lennon-McCartney), par Ruben BladesPour conclure ce triptyque de déprime post-adolescente qui ouvre la première face de Beatles For Sale, voici Baby’s In Black, lamentation sur le thème du deuxième choix (deux perdants ne font pas un couple gagnant), avec son rythme chaloupé (une quasi-valse). Repris par le musicien et acteur panaméen Ruben Blades, la chanson devient une espèce de course échevelée vers la mélancolie. « Rock’n’Roll Music » (Chuck Berry), par Chuck BerryTout comme les deux premiers albums du groupe, Beatles For Sale compte six reprises. La première est irréprochable, une version frénétique de Rock’n’Roll Music, de Chuck Berry chantée par un John Lennon surexcité. En voici une version cool (parce que Chuck Berry, qui est tout sauf cool à la ville, tient à rester impeccable sur scène, comme le prouvent ses pattes d’éléphant immaculées). Pour réinsuffler un peu de vie à ce morceau (cette version date des années 1970), Chuck Berry a invité Tina Turner, qui s’amuse comme une folle, trouvant en Chuck un partenaire moins lugubre que son Ike d’ex-mari. « I’ll Follow The Sun » (Lennon-McCartney), par Chet AtkinsLe virtuose de la guitare country, Chet Atkins (1924-2001), interprète cette chansonnette mélancolique que Paul McCartney écrivit en sa prime jeunesse, avec un détachement qui aurait convenu à la bande originale d’un interlude au temps de l’ORTF. « Mr. Moonlight » (Roy Lee Johnson), sous le titre « Triste Luna », par Los Apson BoysLa présence d’une version d’un très obscur succès de Piano Red (1911-1985), vedette mineure du rhythm’n’blues américain sur Beatles For Sale suffit à montrer à quel point les Beatles étaient à bout de ressources (musicales, énergétiques…) au moment de l’enregistrement de l’album. Reste qu’une fois une chanson adoubée par les quatre garçons, elle devenait un succès mondial : la preuve, cette reprise par un groupe mexicain, originaire de la ville septentrionale d’Agua Prieta. « Kansas City » (Leiber/Stoller) « Hey-Hey-Hey ! » (Penniman), par Willbert Harrison et Little RichardMélange de deux chansons qu’aimait à hurler Little Richard (de son vrai nom Richard Wayne Penniman), ce medley conclut la première face de Beatles For Sale avec l’énergie du désespoir. McCartney se dépense comme il ne le fera plus jusqu’à Helter Skelter, quatre ans plus tard et parvient presque à battre le fou hurlant de Macon (Georgie) sur son propre terrain, celui de la stridence éraillée. Voici Wilbert Harrison (1929-1994), garçon raisonnable et élégant dans Kansas City − une chanson du duo Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller − puis Little Richard en personne dans Hey-Hey-Hey !, l’un des nombreux titres à faire rimer Birmingham et Alabama. « Eight Days A Week » (Lennon-McCartney), par Alma CoganQuand les Beatles étaient petits, Alma Cogan (1932-1966) était déjà une vedette. Mais la légende prête à cette chanteuse à voix une liaison secrète avec John Lennon. Ce qui revient pour une praticienne du pop song à l’ancienne à une certaine intelligence avec l’ennemi. Cette version d’Eight Days A Week, le seul numéro un tiré de Beatles For Sale, se débarrasse sans hésitation de la pulsation rock pour en faire une ballade luxurieuse. « Words of Love » (Buddy Holly), par Gary BuseyLe groupe de Buddy Holly (1936-1959) s’appelait The Crickets, les criquets, et c’est l’une des innombrables raisons pour lesquelles les Quarrymen décidèrent de prendre un nom d’insecte. Mais l’influence du rocker texan ne s’arrêtait pas à la taxonomie. Les harmonies vocales de Buddy Holly and The Crickets, le jeu de guitare de leur leader ont profondément marqué les Beatles, qui n’enregistrèrent pourtant qu’un titre de Holly, Words of Love. La version ci-dessous est extraite de The Buddy Holly Story, de Steve Rash (1978), l’un des premiers biopics rock, avec, dans le rôle titre, Gary Busey. « Honey Don’t » (Carl Perkins), par Carl Perkins et Ringo StarrCarl Perkins (1932-1998), compatriote d’Elvis Presley (1935-1977), auteur de Blue Suede Shoes, est une autre influence majeure pour les Beatles, qui reprennent deux de ses compositions dans l’album Beatles For Sale. La première est chantée par Ringo Starr (il fallait bien lui trouver une petite place). La version ci-dessous, enregistrée à Londres en 1985, permet au créateur de retrouver son élève. Perkins et Ringo sont entourés, entre autres, de Dave Edmunds et de Lee Rocker, le contrebassiste des Stray Cats. « Every Little Thing » (Lennon-McCartney), par YesLes Beatles n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes : en utilisant une timbale dans l’arrangement de cette chanson pop qui s’arrête à deux doigts de la perfection, ils invitaient à la pompe. Cinq ans après les sessions de Beatles For Sale, un groupe qui se prenait très au sérieux, Yes, enregistre Every Little Thing et en fait une démonstration de virtuosité un peu vaine, au milieu de laquelle surnagent mélodie et lyrics gentiment sexistes (« toutes les petites choses qu’elle fait pour moi »). « I Don’t Want To Spoil The Party » (Lennon-McCartney), par Rosanne CashDe tous les albums des Beatles, For Sale est sans doute celui qui se réfère le plus souvent à la musique country, que ce soit dans les reprises, les compositions originales ou la propension à s’apitoyer sur soi-même. Double preuve avec I Don’t Want To Spoil The Party (je ne veux pas gâcher la fête par ma tristesse, je vais m’en aller, non, ne me retenez pas), son solo de guitare sautillant et cette reprise par l’héritière de la plus grande dynastie country, Rosanne, fille de Johnny Cash (1932-2003) et belle-fille de June Carter (1929-2003). « What You’re Doing » (Lennon-McCartney), par The Fantastic Dee-JaysSans doute la chanson la plus oubliable de l’album (mais pas au point que la mélodie sorte de votre tête après une écoute) est interprétée avec une fidélité furibonde par un trio de Pittsburgh qui, malgré son nom, n’annonce pas l’electro, mais se conforme, au contraire, au canon du rock de garage. « Everybody’s Trying To Be My Baby » (Carl Perkins), par Carl Perkins et George HarrisonExtraite du même concert que Honey Don’t, cette version du classique de Perkins est interprétée par l’auteur et George Harrison (1943-2001), qui s’en sort somme toute mieux que sur Beatles For Sale. Au temps des Beatles, la voix du tout jeune George avait besoin de beaucoup d’écho pour faire croire que tout le monde essayait d’être son bébé.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, son quatrième album bien moins sage.C'est peut-être la plus belle pochette du groupe. Quatre très jeunes gens à l'air las, baignés de lumière à Hyde Park. A l'automne 1964, les Beatles enregistrent leur quatrième album, le premier est sorti dix-huit mois plus tôt. Entre-temps, ils ont conquis les Etats-Unis, se sont produits sur quatre continents (pas d'Afrique pour les Fab Four) et ont tourné un film qui a fait d'eux des stars du box-office.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Beatles For Sale »Il est encore un peu tôt pour les proclamer « plus populaires que Jésus », mais c'est déjà vrai. N'empêche, quand la maison Parlophone convoque le groupe en vue d'un album pour les fêtes de fin d'année, il faut rappliquer. Après avoir rempli tout un 33 tours – A Hard Day's Night – de leurs compositions, les Beatles sont si fatigués qu'ils optent pour des reprises. Il y en aura six.Classiques de l'âge d'or du rock'n'rollMettons sur le compte du surmenage la présence de quelques titres faibles (What You're Doing, Mr. Moonlight) sur cet opus qui végète dans le bas des listes des beatlemaniaques. Pour autant, Beatles For Sale est un disque d'une extrême cohérence, la bande-son d'une sorte de puberté musicale qui voit le groupe de jeunes gens chastes soucieux de plaire à toute la famille se transformer en artistes décidés à bousculer l'ordre des choses.La séquence qui ouvre la première face – No Reply, I'm A Loser, Baby's In Black – est d'humeur morose : un garçon n'arrive pas à joindre sa bien-aimée au téléphone ; un autre se juge perdu pour la cause amoureuse ; un troisième s'attache à une fille marquée par le malheur.Le deuxième de ces titres a été écrit par John Lennon après sa rencontre avec Bob Dylan. Ce n'est pas la seule influence américaine. Plus loin, sur le disque, I Don't Want To Spoil The Party semble avoir été écrite pour l'émission « Grand Ole Opry » de Nashville.Enfin, on compte parmi les reprises deux versions quasi définitives de classiques de l'âge d'or du rock'n'roll : Rock And Roll Music, de Chuck Berry, emmené à un train d'enfer par Lennon et un medley Little Richard (Kansas City / Hey Hey Hey) hurlé par Paul McCartney qui ne retrouvera pas pareille intensité avant Helter Skelter sur l'album blanc.Des instants de défoulement pour quatre garçons qui voudraient bien ne plus être seulement des produits à vendre, et qui s'apprêtent à y parvenir.Thomas SotinelJournaliste au Monde Pauline Sauthier En commentant une peinture de Philip Guston exposée au Metropolitan Museum of Arts (MET), l'artiste conceptuel John Baldessari parle un peu de lui-même. « Des gens vont dire : mes enfants peuvent faire ça [...] Mais je pense que c'est extrêmement intelligent d'agir comme si l'art ne demandait aucun savoir faire. » C'est le principe de la websérie « The Artist Project », lancée fin mars par le MET : faire converser des artistes contemporains et des œuvres tirées de ses collections.On y voit, par exemple, le vidéaste et compositeur Cory Arcangel comparer un clavecin de la fin du XVIIe siècle à son travail sur les nouvelles technologies : « Mon but en tant qu'artiste, c'est de trouver des choses qui ne sont pas encore conservées et de déclarer que ce sont des œuvres d'art, de convaincre les gens que ce sont des œuvres d'art et ensuite, de les introduire discrètement dans un musée. »Pour la première saison de cette série, vingt vidéos d'environ trois minutes donnent la parole, outre à Cory Arcangel et à John Baldessari, à Nick Cave (le plasticien, pas le chanteur), Nina Katchadourian, Xu Bing, etc.Vaste projet numérique« Cette série en ligne rend visible ce que nous observons depuis longtemps au MET, explique Thomas P. Campbell, son directeur, c'est un lieu d'inspiration essentiel pour le travail des artistes, souvent d'une façon qu'on ne soupçonne pas. »Cette initiative s'inscrit dans un projet numérique plus vaste du musée qui propose, depuis 2000, une frise interactive présentant l'ensemble de ses collections. Sur la page Connections, des membres du personnel commentent ainsi les œuvres du musée ; 82e et cinquième renouvelle l'expérience avec des conservateurs. Quant à MetCollects et One Met. Many Worlds, ces projets proposent de découvrir les collections de façon ludique en s'intéressant, par exemple, à des détails ou des thématiques particulières.Les prochaines saisons de « The Artist Project » sont prévues pour le 22 juin, le 14 septembre, le 7 décembre 2015 puis le 29 février 2016.Pauline Sauthier Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Après avoir longtemps hésité, le gouvernement travaillait activement, jeudi 9 avril matin, à la mise en place d’une médiation à Radio France, selon nos informations. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, devait rencontrer le PDG Mathieu Gallet, jeudi dans la journée, pour en discuter des modalités. Car le contenu de cette « médiation », mais aussi les apparences, ont toute leur importance. De leur côté, les élus syndicaux de l’entreprise publique surveillaient le sujet alors qu’une nouvelle assemblée générale à 10 heures à la Maison de la radio a voté la reconduction de la grève jusqu’à vendredi.Cette mise en mouvement du gouvernement intervient au lendemain de l’échec d’un comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, suspendu après que les élus syndicaux ont déclaré que « les fils du dialogue et de la confiance sont rompus ». Interrogée dans la foulée à l’Assemblée nationale, Fleur Pellerin, avait déclaré que « très rapidement, [elle ferait] connaître les décisions qu’[elle prendrait] pour renouer le dialogue social ».Selon nos informations, une réunion s’est tenue mercredi soir au ministère de la culture avec les élus syndicaux de Radio France, pour discuter des conditions de cette médiation. La première mission du médiateur ou de la médiatrice – aucun nom n’a encore été évoqué – serait de résoudre le conflit social qui paralyse l’entreprise et ses antennes depuis le 19 mars. Des négociations marathon pourraient donc reprendre, dans l’espoir d’aboutir en quelques jours.Quel périmètre pour une intervention externe ?Mais sa mission pourrait ne pas se limiter à sortir les discussions de l’ornière. « La médiation devra aussi animer un dialogue social durable sur le projet stratégique de Radio France, pour que ce projet soit précisé en concertation avec les salariés », souhaite un élu. L’horizon pourrait dès lors être la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, actuellement en discussion entre l’entreprise et l’Etat.Dans cette hypothèse, la médiation aurait donc un périmètre large, consistant à éteindre l’incendie social, mais aussi à reformuler les ambitions de Radio France et à confirmer les pistes envisagées pour son retour à l’équilibre budgétaire. Les syndicats avaient officiellement demandé une intervention extérieure, mardi, dans une lettre ouverte à Fleur Pellerin.S’agit-il d’une aide pour la direction, ou d’une mise sous tutelle ? Auditionné, mercredi, à l’Assemblée nationale, Mathieu Gallet avait lui-même évoqué la possibilité d’« une intervention extérieure pour retisser le dialogue social ». Quelques minutes plus tard, le PDG précisait en aparté qu’il ne pensait pas forcément à une « médiation » du gouvernement – l’expression utilisée par les syndicats –, mais peut-être à un intervenant extérieur spécialisé dans la conduite du dialogue social.Une approche voisine de celle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a appelé mercredi « à la mise en œuvre d’une procédure de résolution des conflits de nature à surmonter la situation de blocage qui se manifeste aujourd’hui ».La prudence reste de miseA quel degré d’interventionnisme politique la ministre situe-t-elle son action ? La direction de Radio France va scruter les détails. Les apparences ont leur importance : une médiation annoncée conjointement par Fleur Pellerin et Mathieu Gallet n’aurait pas le même sens qu’une communication du ministère qui semblerait un rappel à l’ordre de la direction de Radio France.De même, un médiateur qui, par un apport méthodologique, faciliterait les négociations autour des sujets sociaux du projet (plan de départs volontaires, réforme des modes de production…), serait différent d’une personnalité qui s’immiscerait dans le contenu de la négociation.Mais le gouvernement marche sur des œufs. Le ministère ne peut pas rester passif devant une situation de blocage d’une entreprise dont il a la tutelle, mais il ne veut surtout pas apparaître comme intervenant dans sa gestion. Cela l’obligerait à porter davantage, politiquement, le poids des probables suppressions de postes. Et cela offrirait un boulevard à l’opposition pour dénoncer une indépendance de l’audiovisuel public en trompe-l’œil et créer une pression politique forte au moment où le CSA doit désigner le nouveau PDG de France Télévisions, d’ici le 22 mai.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 08.04.2015 à 17h31 | Patrick Labesse Chanteur, auteur, compositeur, pianiste, tromboniste et bien plus encore (peintre, conférencier, bon vivant…), Juan Carlos Caceres est mort le dimanche de Pâques, le 5 avril, chez lui, à Périgny-sur-Yerres (Val-de-Marne), où il était alité depuis deux mois, souffrant d’une tumeur au cerveau. Le « maestro », comme l’appelaient affectueusement ses amis, avait 78 ans.Né à Buenos Aires, en septembre 1936, il vivait en France depuis 1968. Où le tango l’a attrapé. Avant cela, après une formation de pianiste classique et des études aux Beaux-Arts, il s’intéresse plutôt au jazz et à la peinture. Etudiant la journée, la nuit, il joue du piano et du trombone au sein des clubs de jazz qu’il ouvre successivement et anime avec une chaleureuse bonne humeur. Dizzy Gillespie, Juliette Gréco passeront par là. Hugo Pratt, aussi, « un ami de toujours, un sacré chanteur de blues ! », nous confiait, en 1995, Caceres, qui venait alors de sortir chez Celluloïd le deuxième album sous son nom, Sudacas. Deux ans après Solo, la première fois où il se risquait à chanter en studio, la voix rugueuse et chaleureuse (« Jusqu'alors, je me contentais de pousser un petit tango ou un boléro dans la cuisine, pour charmer les filles, à la fin d'une fête »).Un tango émancipé des codesA Paris, il enseigne l’histoire de l’art, accompagne Marie Laforêt, joue au sein des diverses formations dont il assure la direction, dont Gotan et Tangofon, y montrant un penchant très net pour un tango émancipé des codes et de ses habitudes. « J'ai mis vingt ans avant de pouvoir concrétiser mes projets musicaux. J'apparaissais en effet comme un iconoclaste. Je voulais faire jouer un bandonéon avec un saxophone et une batterie, revenir à la percussion originelle, laisser beaucoup de place à l'improvisation afin de retrouver un concept de musique vivante, improvisée, comme le jazz. Dans les années 1940, nous expliquait encore le chanteur, il y avait des musiciens qui, tout en utilisant les instruments traditionnels du tango, intégraient des percussions et faisaient une musique bâtarde, telle celle que je compose. »Pour Caceres, « la modernité se trouve toujours aux origines », se souvient le musicien argentin Eduardo Makaroff. Co-créateur du groupe Gotan Project et du projet Plaza Francia (l’associant avec Christophe Müller, ex Gotan Project également, à Catherine Ringer), Makaroff a créé le label discographique Mañana. Juan Carlos Caceres sera l’un des premiers artistes qu’il signera. Enregistré à Buenos Aires et Paris entre septembre 2003 et mai 2004, l’album Murga Argentina sort en 2005. Deux autres suivront, Utopia (2007) et Noches de Carnaval (2011). « Nous avions une amitié suivie et un rêve commun, créer un mouvement des musiciens argentins à Paris avec un manifeste, Los Muchachos de Paris – qu’il a rédigé – et faire tourner un camion dans les rues de Paris en jouant, raconte Makaroff. Cela n’a pas abouti, mais la conséquence de ce rêve a été le label Mañana ».Les racines africaines du tangoPour comprendre le tango, expliquait pendant ses concerts, Caceres, assis au piano, il faut prendre en compte « l'histoire reniée » de l'Argentine, sa part d' « africanité ». Il faut « rendre à l'Afrique sa place légitime dans la culture argentine ». La murga (musique de carnaval, rythmée par les tambours, « interdite pendant la dictature, parce que “subversive” »), le candombe, la milonga et le tango, ont leur part de négritude, martelait le musicien.Le réalisateur Dom Pedro a consacré un film, sorti en 2013, à la réaffirmation des racines africaines du tango, avec Juan Carlos Caceres comme personnage central, Tango Negro, les racines africaines du tango. Le film a été primé en mars au Fespaco (Festival panafricain de cinéma) à Ouagadougou (Burkina Faso). Le jour du décès de Caceres, Dom Pedro présentait son documentaire à l’Université Columbia à New York. « Le film, fait autour de lui et sur ses travaux, est là pour perpétuer sa mémoire et sa vision humaniste. Juan Carlos était pour moi un justicier, déclare au Monde, depuis Montréal, le réalisateur. Au-delà de toute mon admiration et de toute ma reconnaissance, mon ardent souhait est que son engagement serve d'exemple et que sa vision fasse des émules ».Un hommage lui sera rendu le samedi 18 avril à 18 heures au loft de la Bellevilloise, à Paris, avec la projection du film Tango Negro, suivie d’une milonga (bal tango).Juan Carlos Caceres en quelques dates4 septembre 1936 Naissance à Buenos Aires.Mai 1968 Arrivée à Paris.1993 Solo, premier album sous son nom (Celluloïd).2014 Gotan Swing, en quartet avec Didier Schmitt, Frédéric Truet, Guillermo Venturino (Rue Stendhal).5 avril 2015 Mort à Périgny-sur-Yerres (Val-de-Marne).Patrick LabesseJournaliste au Monde 21.04.2015 à 07h17 • Mis à jour le21.04.2015 à 12h16 | Véronique Cauhapé Bouchera Azzouz filme sa mère et ses voisines, venues en France dans les années 1970, et recueille leurs confidences (mardi 21 avril à 23 h 05 sur France 2). Elles délivrent quelque chose d’instantanément émouvant et familier. Sans doute grâce à cette confiance qui les aide à se révéler, sans timidité, dès les premières phrases. Et pour cause. Celle qui est derrière la caméra n’est autre que Bouchera Azzouz, ex-secrétaire générale du mouvement Ni putes ni soumises. Elle a choisi d’aller rendre visite à sa mère, dans son appartement de la cité de l’Amitié, à Bobigny, afin d’écouter et de faire entendre son histoire. Mais aussi celle de ses voisines algériennes, tunisiennes ou marocaines, arrivées en France dans les années 1970. Des femmes que la réalisatrice connaît bien, et dont on ne parle jamais quand il est question de la banlieue.Pourtant, ces femmes, mémoire vive de l’immigration et figures héroïques du féminisme de la première génération, portent sur leurs épaules le poids d’une vie de combats. Ayant eu à lutter contre la pauvreté, l’interdiction de sortir, de s’habiller et de se maquiller comme Brigitte Bardot qu’elles voyaient au cinéma, l’obligation d’épouser un homme imposé…Magnifique hommageRahma, Habiba, Yamina, Sabrina, Aline… ont mille choses à dire, jamais évoquées. Par exemple, l’absence de moyens de contraception qui les a contraintes à tant de grossesses rapprochées que leur corps finissait par céder à la dépression. Alors, oui, elles l’avouent face caméra : elles ont quasi toutes décidé, au moins une fois, d’avorter clandestinement, pour rompre avec ce rythme infernal et ce destin tracé à leur place. Et, surtout, transmettre cette liberté à leurs filles.Le documentaire de Bouchera Azzouz – tendre et sensible – rend un magnifique hommage à ces femmes, dont les propos pleins de courage et de dignité témoignent du chemin qu’elles ont parcouru, sans jamais baisser les bras ni le regard. Emouvantes et drôles, fortes du devoir accompli, ces mères semblent s’être accordées le droit au repos, au plaisir de vivre comme elles l’entendent. Apaisées mais toujours vigilantes. Pour les enfants qu’elles surveillaient autrefois comme le lait sur le feu, pour les petits-enfants à qui il faut continuer d’inculquer les valeurs sans lesquelles tout va de travers et pour les jeunes de la cité de l’Amitié, avec lesquels Rahma partage régulièrement son couscous. En bas des immeubles, quand le temps est beau.« Nos mères, nos daronnes », de Bouchera Azzouz (France, 2015, 52 minutes). Mardi 21 avril à 23 h 05 sur France 2.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Constant Un docu-fiction met en scène la crise économique et morale qui touche le Vieux Continent (mardi 21 avril à 22 h 25 sur Arte).A bord d’un avion traversant une zone de turbulences, la petite Jane, 8 ans, se retrouve assise à côté de Charles Granda, honorable archéologue britannique en route pour Berlin, où il doit donner une conférence.Le thème ? L’Union européenne, qui vient de voler en éclats. L’action est censée se situer en 2060 et, au fil des conversations, on apprend que de nombreux événements majeurs ont eu lieu sur le continent européen. Pêle-mêle : l’abandon de l’euro, la démission d’Angela Merkel, la présidence française de Marine Le Pen, l’eurosceptique Nigel Farage en poste au 10 Downing Street, la mort de manifestants à Rome, des tirs de missiles ukrainiens et même la suppression de l’Union européenne, votée par le Conseil européen ! Il ne s’agit pas d’un film catastrophe, mais d’un docu-fiction, genre télévisuel délicat à manier, mais choisi par Annalisa Piras pour expliquer l’état inquiétant dans lequel se trouve l’Europe et proposer des solutions à sa survie.En mêlant la partie fiction, moyennement réussie, à de nombreux témoignages éclairants, des images d’archives inédites et des graphiques expliquant avec efficacité des données chiffrées, le réalisateur parvient à nous livrer, finalement, un film intéressant.« Besoin d’entente »De Barcelone à la station balnéaire britannique de Margate, de Stockholm à la côte croate, en passant par l’Allemagne, simples citoyens, experts, responsables politiques parlent de l’Europe. De la crise immobilière espagnole à l’importance de l’exportation dans l’économie allemande, du désir de paix en Croatie à la colère anti-européenne de retraités britanniques, de la peur anti-immigrés en Suède à la volonté allemande de ne plus jamais avoir à faire la guerre, l’Europe se révèle complexe, inquiète, voire angoissée.« Faut-il craindre une nouvelle crise financière ? Assurément ! », assure un éditeur du Financial Times. « L’Union européenne peut absolument se défaire dans les années qui viennent », estime le chroniqueur Bernard Guetta. « La zone euro est en train de devenir un espace de colères et d’incompréhension mutuelle », ajoute un responsable politique.Chez les simples citoyens, l’avenir ne s’envisage pourtant pas forcément de manière sinistre. En couple avec une Suédoise et vivant à Stockholm, José, l’Espagnol, assure : « Ce dont l’Europe a plus que jamais besoin, c’est d’entente ! » De son côté, un jeune chef d’entreprise allemand n’imagine pas une seconde l’éclatement européen : « Dans les entreprises allemandes, tout le monde se réjouit des débouchés que nous offrent les autres pays européens ! » Une réaction logique lorsqu’on apprend que 57 % des exportations allemandes se font au sein de l’Union européenne. L’austérité économique, la crise bancaire, le danger de conflits armés, le vieillissement de la population, l’immigration, sont autant de dossiers traités avec plus ou moins de bonheur. « L’exclusion sociale se voit partout en Espagne. Mais une facette du rêve européen existe toujours : celui qu’un jour l’Union européenne ne soit plus qu’un marché économique commun », lance un architecte catalan. L’Europe des valeurs ? « Shakespeare disait déja : “Quand la pauvreté frappe à la porte, l’amour sort par la fenêtre !” », dit une humoriste suédoise d’origine iranienne.Le mot de la fin revient à un autre humoriste suédois, lui d’origine kurde : « Quand l’Europe laisse les migrants se noyer en Méditerranée, quelles valeurs montre-t-elle ? L’Europe n’est pas en train de mourir, elle est en train de se suicider… »« L’Europe au bord du crash ? », d’Annalisa Piras (France -Royaume-Uni, 2015, 90 min). Mardi 21 avril à 22 h 25 sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin A travers la mise en ligne, samedi 11 avril, d’une nouvelle vidéo de saccage, l’organisation Etat islamique (EI) entend confirmer la destruction de Nimroud, l’antique capitale assyrienne, située à 34 kilomètres au sud de Mossoul, dans le nord-est de l’Irak, tenu par le groupe islamiste radical. Destruction qui aurait eu lieu le jeudi 5 mars, selon le voisinage alerté par des explosions, et annoncée dans nos colonnes le 8 mars.Lire aussi :Les djihadistes saccagent NimroudBarbes et calots noirs, les djihadistes se filment à l’œuvre, armés de masses, marteaux piqueurs, scies sauteuses, assis à califourchon sur les bas reliefs d’une rare finesse qui courent le long des murailles de briques cernant cette ville fortifiée de 360 hectares. Ils les découpent pour les faire tomber avant de les évacuer au bulldozer. Le tout sous les incantations religieuses à la gloire d’« Allah le plus grand ».Nimroud, c’est l’antique Kalku, le Calah de la Genèse, « la Grande Ville », devenue capitale sous le règne du roi Assournazirpal (883-859 av. J.-C.), lequel donna un banquet à sa gloire pour 70 000 convives en 879, alors qu’il avait fait réaliser de gigantesques travaux d’irrigation. La vidéo montre les pans des treize kilomètres de remparts en brique, restaurés, sur lesquels les soldats de l’EI s’acharnent. La vue panoramique de la plaine permet de distinguer un tell. Cette colline artificielle pourrait être celle des ruines d’une ziggourate, le grand temple à degrés typique de l’ancienne Mésopotamie – dont les frontières correspondent à l’actuel Irak, avec une frange syrienne.Lire aussi :L’extraordinaire banquet d’Assournazirpal II donné à Nimroud« La justice est florissante »Les djihadistes justifient ce saccage en posant face à la caméra, dans une imitation assumée des professionnels de l’information. Samir Abdulac, secrétaire général pour la France du Conseil international des monuments et des sites (Icomos), a traduit, pour Le Monde, leurs propos qui prônent un retour au VIIe siècle de Mahomet, aux sources littérales de l’islam.En tunique blanche et gilet noir, le premier affirme que « la religion est revenue victorieuse, la justice est florissante et le polythéisme vaincu. Nous faisons disparaître tout objet ou statue, voulus comme des rivaux de Dieu. Les médias prétendent regretter et pleurer la destruction des idoles aux mains des unificateurs ; ils présentent les croyants comme des barbares agités indifférents au patrimoine et à la civilisation. Beaucoup de ceux qui disent se référer à l’islam veulent oublier la parole de Dieu tout puissant. Que soit maudit tout ce qui est adoré à l’exception de Dieu ». Un juteux marché de l’art parallèleLe second orateur pousse la provocation en menaçant les pays mécréants : « Chaque fois que nous prenons possession d’une région, nous faisons disparaître les symboles du polythéisme et nous diffusons le monothéisme. Démolissons les tombes et mausolées de ceux qui refusent, jusqu’à leurs habitations. Brisons les croix et détruisons le cœur de l’Amérique, la Maison noire (en référence à la Maison blanche). » Des blocs bourrés de dynamite sont préparés devant la caméra. Un grand angle sur la plaine montre trois explosions successives sur un site ceint de murs, progressivement masqué par un gigantesque nuage de fumée.Après celles du musée de Mossoul et de la cité parthe d’Hatra, c’est la troisième vidéo tournée par l’EI de ses forfaits sur les vestiges mésopotamiens, vieux de plus de trois mille ans. Mais ce que les terroristes se gardent bien de filmer, ce sont les pièces pillées, mises quelque temps à l’abri dans des souterrains, et qui viendront alimenter un juteux marché de l’art parallèle. Un trafic illicite qui constitue une de leurs principales ressources financières, avec le pétrole.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Anne Pelouas (Correspondance à Montréal) C'est pour « assurer la pérennité du Cirque du Soleil, accélérer sa croissance et lui permettre de se diversifier dans des secteurs porteurs » que le fondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, en cède le contrôle à un consortium dirigé par la société d'investissement américaine TPG Capital. Il en a fait l'annonce lundi 20 avril au siège social du célèbre cirque, à Montréal, mettant ainsi fin aux rumeurs de la semaine précédente.Evaluée à 1,5 milliard de dollars canadiens (1,1 milliard d'euros), la transaction – dont les détails n'ont pas été confirmés – donne 60 % des parts à TPG, 20 % au groupe  d'investissement chinois Fosun, qui a récemment acquis le Club Med, et 10 % à la Caisse de dépôt et placement du Québec. M. Laliberté, qui détenait encore 90 % des actions de l'entreprise, conserve une participation minoritaire de 10 %.Lire aussi : Fosun : Le puzzle de « chairman Guo »La présidence du conseil d'administration sera assurée par le Québécois Mitch Garber, président-directeur général de la société de jeux de hasard Caesars Acquisition Company, dont TPG est l'un des actionnaires, en remplacement de Daniel Lamarre.« Après avoir passé trente ans à créer la marque du Cirque du Soleil, souligne M. Laliberté, nous avons trouvé avec TPG, Fosun et la Caisse les bons partenaires pour faire accéder le Cirque à l'étape suivante de son évolution en tant que société fondée sur la conviction que les arts et les affaires peuvent collectivement contribuer à rendre le monde meilleur. » A la recherche depuis 2006 d'un partenariat stratégique pour le fleuron économique québécois, M. Laliberté a expliqué qu'un premier accord en 2008 avec Dubai World n'avait pas donné les résultats escomptés, notamment pour cause de crise économique mondiale.La Chine, « planète en soi »L'entrée en scène de Fosun dans le capital du Cirque du Soleil ouvre la voie à une forte expansion des affaires du Cirque en Chine, pays qualifié par M. Laliberté de « planète en soi ». TPG a toutefois pris des « engagements contraignants », souligne-t-il, notamment pour le maintien du siège social à Montréal, où travaillent plus de 1 400 des 4 000 employés du Cirque du Soleil.M. Laliberté, qui se présente comme « créateur et homme d'affaires », a dit souhaiter que l'entente ouvre de nouvelles portes au Cirque du Soleil pour « emmener sa créativité ailleurs que dans le spectacle vivant », sans perdre son âme ni ses valeurs.A l'origine une troupe québécoise d'amuseurs de rue, le Cirque du Soleil promène son grand chapiteau bleu et jaune partout sur la planète, en plus de produire des spectacles permanents à Las Vegas et à Riviera Maya, au Mexique.« Pas une vente de feu »Cette vente n'est « pas une vente de feu », a tenu à préciser M. Laliberté, qui a rappelé que l'entreprise culturelle avait traversé une période difficile en 2012, « après vingt-cinq ans de croissance », pour ensuite reprendre le chemin du développement, avec de grands succès comme le spectacle Michael Jackson : One.Maître du « divertissement artistique de haute qualité », le Cirque du Soleil n'est nullement en perte de vitesse, selon son fondateur. En plus de ses spectacles sous chapiteau, il développe pour 2018 un projet de parc d'attractions à Nuevo Vallarta, au Mexique, un autre à Ibiza, en Espagne, et travaille à la coproduction de comédies musicales à Broadway. Même si sa part de marché est passée au cours des cinq dernières années de 55 % à 45 % des billets de spectacles à Las Vegas, le Cirque du Soleil en vend onze millions par an, calcule M. Laliberté, soit « plus que tous les spectacles de Broadway ».Anne Pelouas (Correspondance à Montréal) Véronique Mortaigne Du train qui siffle ou du blues que l’on twiste, que retiendra-t-on de Richard Anthony, mort dans la nuit du lundi 20 avril à Pégomas (Alpes-Maritimes) à l’âge de 77 ans ? Comme fil rouge du souvenir, il y aura d’abord la voix d’un miel somme toute très oriental. Polyglotte (il parlait six langues), d’une rondeur enveloppante, Ricardo Btesh, dit Richard Anthony, était né le 13 janvier 1938 au Caire. Il avait grossi les rangs des étoiles venues d’Egypte – Dalida, Georges Moustaki, Guy Béart, Claude François… – pour écrire un chapitre faste de la chanson française. Son père, Edgar, était industriel dans le textile, issu d’une famille syrienne d’Alep ; sa mère est à moitié anglaise, fille de Samuel Shashoua Bey, consul honoraire d'Irak à Alexandrie. Après une période d’errance familiale, dû au resserrement du nationalisme en Egypte, passant par l’Argentine et l’Angleterre, le futur chanteur arrive en France en 1951, à l’âge de 13 ans.« Nouvelle vague »Elève du lycée Jeanson-de-Sailly, à Paris, il débute sa vie professionnelle comme représentant de commerce en électroménager et joue du saxophone dans les clubs de jazz, notamment au Vieux Colombier. En 1958, il enregistre deux titres du répertoire rock naissant, You Are My Destiny, de Paul Anka et Peggy Sue, de Buddy Holly. Le succès arrive avec Nouvelle Vague, adaptation française de Three Cool Cats, des Coasters : « Nouvelle vague/Une p'tit M.G. trois compères/Assis dans la bagnole sous un réverbère/Une jambe ou deux par-dessus la portière…/Nouvelle vague/ Nouvelle vague/ Trois mignonnes s'approchent fort bien balancées/Elles chantent une chanson d'Elvis Presley/Voilà nos trois pépères/Soudain tout éveillés par cette/Nouvelle vague. » A cette époque, la décolonisation bat son plein, l'Algérie inaugure le temps des barricades et les nouveaux francs compliquent la pensée du Français moyen. En 1960, la décennie à venir a du mal à définir ses contours. Le monde américain fait irruption, délivré des poids de l'après-guerre, et passé au filtre naïf d'un optimisme tout tropézien (Souvenirs, Souvenirs, de Johnny Hallyday, puis Panne d'essence, de Sylvie Vartan et Frankie Jordan en 1961, Twist à Saint-Tropez, des Chats sauvages…). En 1959, un objet radiophonique insolite était né : l’émission « Salut les copains », imaginée sur Europe n° 1 par Daniel Filipacchi, avec son générique emblématique, Last Night, des Mar-Keys, le groupe du label américain Stax.Richard Anthony est sur les ondes, il est aussi sur toutes les photos de Salut les copains, le magazine, fondé en 1962, posant en romantique ténébreux et sentimental. Il est évidemment place de la Nation, le 22 juin 1963, pour la soirée « entre copains » organisée par Europe n° 1 à l’occasion du premier anniversaire de la revue. Ils seront 150 000 à se rassembler, et ce fut un séisme politique. Le sociologue Edgar Morin écrit alors un long article dans Le Monde, où il fonde la génération des « décagénaires », celle de ces adolescents qui n'ont pas 20 ans, ont déjà leurs idoles absolues – Johnny, Sylvie, Françoise, Petula, Eddy, James, Elvis, et invente le terme de yéyé.Le « temps des idoles »Richard Anthony accompagne dès lors ce « temps des idoles », portées par les 45-tours et les tubes de l’été. Il est avec Johnny Hallyday, dans le rôle du mauvais garçon, le plus gros vendeur de disques en 1962 (La Leçon de twist, Et j'entends siffler le train, adaptation en français d’une chanson folk notamment interprétée en 1961 par The Journeymen puis par le trio Peter, Paul and Mary) et en 1963 (Itsy Bitsy Petit Bikini, dont le clip est réalisé par Claude Lelouch). Il enchaîne les tubes, dont A présent tu peux t'en aller, en 1964, donne trois cents galas par an, achète des villas à Saint-Tropez, à Marbella, à Crans, ouvre un hôtel en Jamaïque, et vend en 1967 plus de cinq millions d’albums de son adaptation du Concerto d’Ajanjuez, de Joaquim Rodrigo.Divorcé de son épouse Michelle, qui dit-on aurait inspiré la chanson des Beatles, il prend le large à Saint-Paul-de-Vence. Il retrouve le succès en 1974 avec la chanson Amoureux de ma femme, et part s’installer à Los Angeles. Revenu en France en 1982, rattrapé par le fisc, il mène une existence retirée, avant de reprendre en 2007 le rythme des galas et des tournées pour « Age tendre et tête de bois ». Ce spectacle nostalgique, qui tire son nom de l'émission de variétés de l'ORTF présentée par Albert Raisner de 1961 à 1966, connaît un incroyable succès. Aux côtés de Frank Alamo (1941-2012 ), Michèle Torr, Jean-Jacques Debout, Gilles Dreu, Los Machucambos ou Demis Roussos (1946-2015), Richard Anthony y tient son rang de grand sentimental, timide et sauvageon.Dates clés13 janvier 1938 Naissance au Caire (Egypte)1962 Et j’entends siffler le train2007 Retour en scène dans la tournée « Age tendre et tête de bois »20 avril 2015 Mort à Pégomas (Alpes-Maritimes)Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.04.2015 à 11h38 • Mis à jour le20.04.2015 à 11h43 Emilio de CavalieriRappresentatione di anima e di corpo Marie-Claude Chappuis, Johannes Weisser, Gyula Orendt, Mark Milhofer, Marcos Fink, Staatsopernchor Berlin, Concerto Vocale, Akademie für Alte Musik Berlin, René Jacobs (direction) Passionnant pari que celui tenu par maître Jacobs, véritable metteur en dramaturgie de cette Rappresentatione d’Emilio de Cavalieri (1550-1602), forme hybride qui emprunte à l’oratorio son sujet édifiant (les différends entre les aspirations religieuses et morales de l’âme et les tentations du corps licencieux et jouisseur), à l’opéra sa foisonnante écriture ornementale (et le fait d’avoir été mis en scène à sa création romaine en février 1600). Rythmes contrastés, imagination sans entraves, goût savoureux du détail, Jacobs tisse cette large fresque musicale dotée de quatorze allégories du fil palpitant de la vie. Solistes, chœurs et orchestre rivalisent de virtuosité et d’expressivité. Jusqu’à la « Vie mondaine », qui, malgré le veto ornemental du compositeur, revêt ici les atours vocaux d’une séduisante coquette. Marie-Aude Roux2 CD Harmonia Mundi.Ornette ColemanBeauty Is a Rare Thing – The Complete Atlantic Recordings Après ses deux premiers albums publiés en 1958 et 1959 par la compagnie phonographique Contemporary, le saxophoniste et compositeur Ornette Coleman a rejoint Atlantic Records, label alors en plein essor sous la direction des frères Nesuhi et Ahmet Ertegün. Entre mai 1959 et mars 1961, Coleman enregistre six albums pour Atlantic. S’y affirment les grandes lignes de ses approches : le quartette sans piano avec le trompettiste Don Cherry, les bases de relations artistiques fortes avec le contrebassiste Charlie Haden, le fameux Free Jazz : A Collective Improvisation, qui rétrospectivement prendra le statut de manifeste pour toute une génération. Et toutes ces compositions aux intervalles mélodiques étranges, poésies musicales qui trouvent leurs racines dans le blues. Regroupé dans un coffret en 1993, cet ensemble, avec des inédits, est réédité. Le présent coffret, moins volumineux avec le livret d’origine, n’ajoute et ne retire rien à sa précédente édition. Ornette Coleman à son plus évident. Sylvain Siclier1 coffret de 6 CD Atlantic Records-Rhino/Warner Music.Alain ChamfortAlain Chamfort Le style Chamfort, de l’élégance sur une mélodie éthérée et des rythmes à danser balancés, enveloppe des propos qui n’ont pas trop d’importance, en apparence. Le chevalier de la new wave à la française a l’art du miroir, et les reflets en sont parfois insaisissables. C’est avec ce filtre un tantinet égotiste que le chanteur à la voix de souffle analyse la jeunesse d’une compagne (Joy) ou la blondeur du diable (Le diable est une blonde). Après le projet conceptuel Une vie Saint Laurent consacré au couturier français en 2010, cet Alain Chamfort simplifie la donne : des refrains, des synthétiseurs, des paresses assumées. Neuf des onze titres qui marquent le retour discographique d’Alain Chamfort ont été écrits par le parolier Jacques Duvall. Celui-là même qui avait succédé dans l’univers du chanteur-pianiste à Serge Gainsbourg, qui lui avait écrit en 1979 le tube Manureva, inspiré de la disparition en mer du navigateur Alain Colas. Duvall a fait preuve de meilleures dispositions dans la transmission des évidences philosophiques (« Si on meurt c’est parce qu’on est vivant ») ou amoureuses (« L’amour n’est pas un sport/Individuel/Mais un jeu/Sensible et sensuel »). En prime, un duo un tantinet glamour avec Charlotte Rampling (Où es-tu ?). Véronique Mortaigne1 CD P.I.A.S./Le Lab.Divers artistes : sélection par Kevin LyonsLots of Lovin’-Colette Le magasin Colette poursuit ses explorations musicales, cette fois encore avec le designer Kevin Lyons, qui invente depuis Brooklyn des habillages et des décors joueurs pour les marques (Colette, donc, mais aussi Nike, Converse, Google TV, Stacks ou Natural Born). L’incongruité de cette compilation est de proposer des titres de hip-hop parmi les plus célèbres, mais qui sont de formidables chansons d’amour. A tout seigneur tout honneur, on commencera donc avec Bonita Applebum de A Tribe Called Quest (1990) et son gimmick entêtant. Le Jingling Baby, de LL Cool J, avec ses allures de rap festif des origines, façon Sugar Hill Gang, le Smooth Operator très jazzy de Big Daddy Kane, ou encore le One Love presque déchiré de Nas, rappellent que l’histoire du rap n’est pas faite que de gangsta, de fric ou de combats. Dans les années 1980 et 1990, le rappeur avait aussi un cœur, évidemment, peut-être à vif, à cru, malgré tout languissant. V. Mo.1 CD Colette.DenezAn Enchanting Garden – Ul liorzh vurzhudus Voix passionnante ayant le plaisir de la langue enracinée en terres de Bretagne, Denez (Prigent) semblait s’être volatilisé. Son dernier enregistrement (Sarac’h) remonte à douze ans. An Enchanting Garden, titre de ce cinquième album, entièrement acoustique, justifie cette disparition : l’homme était tout simplement occupé à cultiver son jardin. Un jardin fleuri de couleurs musicales nuancées (violon, accordéon, doudouk arménien, bombarde, percussions du monde…), mais pas vraiment enchanté. C’est même un peu le bazar. On y croise la désillusion, de mauvaises langues, un corbeau au chant triste, on y foule un bout de terre où il ne pousse plus « que du chardon noir, du lierre, des orties et des roses-cendres ». Triste à pleurer, la poésie de Denez Prigent, à l’instar de la gwerz, le chant profond de Bretagne, qu’il affectionne ? Pas uniquement. Elle peut aussi franchement faire sourire et guincher, sur les rythmes d’une danse plinn ou danse fisel. Patrick Labesse1 CD Coop Breizh. Florence Evin Quatre-vingt millions d’euros vont être investis par la mairie de Paris, d’ici 2020, dans la restauration et l’entretien du patrimoine cultuel de la capitale. Anne Hidalgo, la maire, s’y est engagée, vendredi 10 avril, comme elle l’avait promis, en 2014, lors de sa campagne électorale municipale. L’Etat rajoutera onze millions d’euros. Somme dérisoire au regard du délabrement des édifices concernés et qui devra être largement soutenue par le mécénat, comme l’appelle, d’ailleurs fermement de ses vœux, Mme Hidalgo.En effet, depuis la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat du 9 décembre 1905, Paris est propriétaire de quatre-vingt-seize édifices cultuels : quatre-vingt-cinq églises, neuf temples, et deux synagogues, précisément. L’enveloppe promise par la mairie et l’Etat représente « un investissement bien inférieur aux besoins », s’alarme Maxime Cumunel, de l’Observatoire du patrimoine religieux (OPR), qui, lui, estime à « 500 millions d’euros la somme nécessaire aux travaux urgents de restauration des vingt chantiers prioritaires à Paris, retenus par la mairie. Rien qu’à Saint-Augustin, il y a cinquante millions d’euros de travaux », précise-t-il. A titre indicatif, vingt millions d’euros ont été dépensés sur la tour nord de Saint-Sulpice. « La deuxième tour et le reste du bâtiment sont à restaurer, pour cinquante à soixante millions d’euros », juge M. Cumunel. Il suffit de lever les yeux à Paris pour remarquer que les clochers, dômes et façades des grandes églises de la capitale sont défigurés par les filets de protection évitant la chute de pierres, les « parapluies » coiffant les toitures, parade disgracieuse aux infiltrations, ou encore par les étais soutenant les nefs. Et cela ne suffit pas toujours. Dimanche 29 mars, « à Saint-Louis en l’île, un morceau de la croix en bronze du clocher est tombé à la sortie de la messe, évitant de peu le curé », indique Maxime Cumunel. Les pompiers sont intervenus en urgence pour sécuriser la croix qui menaçait.Sites d’attraction touristiqueCes édifices, pour la plupart bâtis par des architectes de renom – Jacques-Ange Gabriel, architecte de Louis XV pour la Madeleine, Victor Baltard, l’architecte des Halles pour Saint-Augustin – marquent le paysage urbain. Points d’orgue des grandes perspectives de la capitale, les églises ne sont plus seulement des lieux de culte mais des sites d’attraction touristique aussi. La basilique du Sacré-Cœur a reçu, en 2013, dix millions de visiteurs, surpassant la fréquentation du Musée du Louvre.Les trois-quarts des églises sont protégées, classées ou inscrites au titre des monuments historiques, ou bénéficient du label XXe siècle, pour leur architecture et les œuvres d’art qu’elles recèlent. La vingtaine d’édifices prioritaires sont les plus importants en taille ou en âge de la capitale : La Madeleine, Saint-Augustin et Saint-Philippe du Roule, dans le VIIIe arrondissement, Notre-Dame de Lorette et la Trinité dans le IXe, Saint-Merry et Saint-Gervais, dans le IVe, Saint-Eustache dans le Ier, pour ne citer qu’eux.« Quinze à vingt millions d’euros par édifice »Que disent les architectes des monuments historiques, responsables des chantiers de restauration, de cette enveloppe budgétaire ? « C’est toujours bon à prendre, même si c’est bien en deçà des besoins », estime Jean-François Lagneau, en charge des travaux de Saint-Merry, Saint-Louis en l’île et Saint-Eustache, notamment. Ce qui se voit prime, le reste, les décors intérieurs, les pans de murs enchâssés dans des maisons… comme c’est le cas à Saint-Merry, est négligé, faute d’argent.Son confrère, Etienne Poncelet (architecte en chef des monuments historiques (ACMH), lui aussi), qui opère sur les trois églises phares du VIIIe, est sur la même longueur d’ondes : « Réjouissons-nous, c’est la première chose ». Tout en reconnaissant qu’il faudrait « quinze à vingt millions d’euros par édifice pour les sortir de l’ornière » : ce qui ferait pour les vingt églises prioritaires 400 millions d’euros. L’architecte espère que ces « effets d’annonce de la mairie » permettront d’activer le mécénat. « Ce sont les monuments de tous, si l’appropriation fonctionne, on aura gagné, dit-il. Le clergé s’est mobilisé, les associations aussi, le tempo est donné par la ville. Les études et projets réalisés attendent dans les cartons le feu vert, les travaux peuvent démarrer tout de suite », affirme-t-il. Encore faut-il que l’argent soit débloqué rapidement et ne fonde pas dans la lourdeur administrative, comme le craint Jean-François Lagneau qui insiste sur l’état d’urgence.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Depuis dix ans, Olivier Bellamy dévoile les souvenirs musicaux d’invités de tous horizons sur Radio Classique.Linda de Suza sur Radio Classique. Non, la station n’a pas changé d’orientation ! Simplement, la chanteuse populaire est dans « Passion Classique », l’émission dans laquelle Olivier Bellamy reçoit des personnalités venues de tous horizons. L’interprète de L’Etrangère est presque surprise de sa présence : « La musique classique, ce n’était pas pour nous, les gens du peuple », se souvient-elle quand le journaliste lui demande ce qu’elle écoutait jeune. « Je ne sais pas lire une note de musique, je fais tout d’intuition »,avoue-t-elle.L’ambiance est plus concentrée lorsque Olivier Bellamy reçoit le cinéaste Wim Wenders (l’émission sera diffusée le 22 avril), qui raconte comment la musique – classique ou pas – lui est indispensable. Sans rire, il explique qu’il est en quelque sorte l’inventeur du baladeur musical, car, dès la fin des années 1960, il ne se séparait jamais d’un magnétophone à bande pour écouter sa discothèque.Des « petites madeleines »Cela fait dix ans que le journaliste invite tous azimuts pour discuter de musique. « Certains sont très sectaires, moi je ne lui suis pas. Tout le monde a ses détestations, qui sont respectables ou pas, ce n’est pas mon problème. Faire venir des personnalités extérieures au monde de la musique classique amène des auditeurs qui les apprécient, et qui découvrent ainsi l’émission et un univers dont ils se pensaient exclus », explique-t-il. « La seule interrogation est si cela peut tenir la route », ajoute-t-il. Le choix peut être parfois incertain, mais qu’importe. « Si je ne m’autorisais pas la possibilité de me tromper, je passerais à côté de choses », concède l’animateur.Comme cette fois où Elie Semoun lui confia sa passion pour Wagner, antisémite notoire qu’il découvrit, après la mort de sa mère, chez des voisins qui écoutaient les œuvres du compositeur allemand. « Certains ont des rapports profonds et anciens avec la musique. On ne trouve pas ça tout le temps, mais tout le monde a quelque chose à dire sur la musique, ne serait-ce que parce qu’il a entendu un Ave Maria lors d’un mariage ou d’un enterrement. »L’idée de l’émission est simple, « vieille comme la radio » : confier la programmation musicale à un invité en lui demandant de choisir quatre ou cinq morceaux, dont des « petites madeleines » qui lui rappellent un moment particulier. Les refus sont rares, même pour ceux qui, comme Daniel Pennac, disent pouvoir se passer de musique. L’émission qu’il réalisa en 2009 avec l’écrivain reste très présente dans sa mémoire. De même que celle faite avec Dany Laferrière. L’académicien lui confia ne « rien connaître à la musique ». Il choisit trois airs populaires haïtiens et fit confiance à Olivier Bellamy pour la programmation.« Souvenir, émotion »La musique est un prétexte dans « Passion classique », comme le précise le journaliste : « C’est une émission sur le souvenir, l’émotion. » La chanson et le jazz ont leur place, même si c’est la radio qui diffuse majoritairement de la musique classique. « Il n’y a pas de raisons d’être coupé du monde, ça rassure beaucoup d’invités de savoir qu’ils peuvent mettre un Barbara ou un Claude François. C’est un chemin de vie à travers le filtre de la musique, une évolution humaine et artistique d’un individu », explique encore ce spécialiste de musique qui a publié, en 2014, un Dictionnaire amoureux du piano (Plon).Olivier Bellamy est un confesseur. Il laisse ses invités s’exprimer, les écoute en les regardant droit dans les yeux, hochant parfois la tête. Il attend une ou deux secondes après chaque réponse, pour être certain que son interlocuteur n’a rien à ajouter, comme un psy. « J’essaie que l’autre soit le mieux possible afin qu’il livre quelque chose d’essentiel, pas simplement des anecdotes. » Quelques mots griffonnés sur une feuille qui traîne devant lui. « Je ne prépare que la première question, car j’ai l’angoisse de savoir comment cela va débuter, mais évidement j’ai des pistes par rapport au programme que m’a communiqué l’invité. Je choisis toujours la chose qui me vient sur le moment. La question que je me pose, l’auditeur doit se la poser également. Il faut suivre le fil et faire en sorte que cela ne soit pas artificiel. »Sur le fond, rien n’est improvisé. « Je n’aime pas faire les choses à moitié. Je lis les livres de mes invités, je vais voir leur film, je m’intéresse à leur vie, même si tout ne sert pas pendant l’émission », assure Olivier Bellamy, très marqué par son oncle professeur, qui lui disait que lorsqu’on se présente devant des élèves, on doit en savoir dix fois plus que ce qui est nécessaire pour le cours.Ce ton de la confidence plaît. « Passion Classique » est écoutée par plus de 230 000 fidèles chaque soir. « On joue la contre-programmation. Les gens disent que lorsqu’ils sont dans les embouteillages, c’est déstressant, on n’est pas dans l’hystérie et la rapidité », se félicite Olivier Bellamy.« Passion Classique », du lundi au vendredi, de 18 heures à 19 heures, sur Radio Classique.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Le documentaire « Das Reich, une division SS en France » du réalisateur est diffusé, mardi 21 avril, sur Arte.Un livre, un film. C’est sur ce diptyque que s’est construite une grande partie de l’œuvre de Michaël Prazan, en tout cas la plus forte. Das Reich, une division SS en France, son nouveau documentaire, qu’Arte diffuse, mardi 21 avril, après France 3 en mars, aurait pu faire exception. Sauf que les éditions du Seuil ont eu l’heureuse idée de rééditer en poche Einsatzgruppen, les commandos de la mort nazis (Points « Histoire », 640 p., 12 €), dans la lignée duquel se situe Das Reich. C’est enquêtant en Europe de l’Est sur les exactions commises par ces commandos de la mort que la route de Michaël Prazan a croisé celle de cette division, dont le nom est attaché en France au massacre d’Oradour-sur-Glane (642 morts le 10 juin 1944). « En Biélorussie, explique l’écrivain et réalisateur, durant les trois ans d’occupation allemande, une telle tragédie se produisait tous les deux jours. Et ce qui frappe, c’est le mode opératoire, toujours identique à l’Est comme à l’Ouest, entraînant une forme de banalisation du mal. »Faire fi de toute idéologieRemonter à la généalogie d’un crime, en démonter ses mécanismes, comprendre ce qui pousse un homme, au nom d’un idéal, à tuer, voire massacrer, ses semblables : tels sont les principes qui guident l’écrivain et réalisateur. Et c’est sans doute parce que M. Prazan s’y est frotté de près, en a étudié les discours et les dérives, qu’il se défie de toute idéologie. Lorsqu’on lui parle d’œuvre engagée, il se cabre un peu, avant de préciser : « Si l’engagement est d’essayer de convaincre avec pédagogie, de défendre ces causes que sont la mémoire, l’Histoire, la vérité, pour comprendre la complexité du monde actuel, alors, oui, je suis engagé. »Un engagement conditionné, reconnaît-il volontiers, par l’histoire de son père. Enfant caché pendant la guerre avec sa sœur, il sera l’unique rescapé d’une famille de douze enfants déportée à Auschwitz. Mais, sur cela, son père restera silencieux longtemps. Pour autant, évoquant son enfance dans le quartier juif du Carreau du Temple, à Paris, Michaël Prazan lâche, soudain, de sa voix douce : « Je suis né dans la Shoah. D’aussi loin que mes souvenirs me portent, la Shoah et Auschwitz sont présents. » Et indissociablement liés. Jusqu’à ce qu’il découvre, à 10 ans, à travers le téléfilm Holocauste, d’autres meurtres de masse. « Ces images d’hommes et de femmes exécutés devant des fosses m’ont marqué, au point qu’à la fin de l’adolescence je me suis plongé dans les livres de Raul Hilberg », auteur, notamment, de La Destruction des juifs d’Europe (Gallimard, 2006).Passionné par l’histoire autant que par la littérature, Michaël Prazan va entamer des études de lettres… en historien, concevant, dit-il, les textes littéraires comme des « traces » à travers lesquelles peut s’appréhender une société. C’est ainsi qu’il soutiendra sa thèse de doctorat sur L’Ecriture génocidaire, l’antisémitisme en style et en discours (Calmann-Lévy, 2005). Au-delà du sens du récit et des personnages qui lui servent pour l’écriture de ses documentaires – comme l’illustre parfaitement Das Reich, construit comme un road-movie sanglant –, la littérature qu’il enseignera pendant dix ans va aiguiser son sens de la pédagogie et son désir de transmettre au plus grand nombre.Contraint à la colorisationSur ce point, le documentaire de Brian Lapping, Yougoslavie, suicide d’une nation européenne, va jouer comme une révélation. « Après avoir vu ce film, je me suis dit, voilà, c’est ce que je veux faire. » D’un long séjour au Japon – où il était parti enseigner au sein de l’Alliance française de Nagoya –, il a rapporté la matière d’un film et d’un livre sur les années terroristes du mouvement étudiant au début des années 1970.Grâce à Patrick Rotman, éditeur au Seuil, et son frère, Michel Rotman, qui le produira chez Kuiv, M. Prazan va pouvoir mener les deux de front. Et mettre en place un diptyque qu’il reconduira ensuite, en enquêtant sur Pierre Goldman, sur les massacres à Nankin en 1937, sur la Confrérie des Frères musulmans et, bien sûr, les Einsatzgruppen. S’il demeure toujours – à ses yeux – son film le plus important, il confesse qu’il n’en a retiré aucune satisfaction. Celle-ci lui ayant été ôtée par le caractère très éprouvant du sujet.Lire aussi :La division Das Reich : « Une forme macabre de la réalité »Un sujet malgré tout qu’il prolonge avec Das Reich. Un filmconstruit uniquement d’archives qui ont nécessité un an de recherche et qu’il a été contraint de coloriser en grande partie, alors qu’il s’était jusqu’alors opposé à ce procédé. « Aujourd’hui, si vous désirez passer en prime time, vous y êtes obligé. Cependant, comme je voulais que cela reste réaliste, j’ai imposé une colorimétrie Agfa film 1943, afin d’uniformiser avec certaines archives en couleurs. » Un souci d’authenticité et de rigueur que l’on retrouve dans son propos, toujours précis, minutieux. Comme sa méthode, qui l’amène à s’entourer des meilleurs historiens, tel Christian Ingrao. « Lorsqu’on touche à des sujets aussi délicats, aucune erreur n’est permise. Il ne faut jamais prêter le flanc à quoi que ce soit. »Et Michaël Prazan le sait d’autant mieux qu’il y a un an tout juste, en 2014, il signait Les Faussaires de l’histoire, sur le négationnisme. Un film rendu nécessaire après l’affaire Dieudonné. Un film vécu comme une urgence, « une mission » pour ce « généalogiste du présent » qui est en train de terminer un livre sur son père. Avant de s’atteler, pour Arte, à une histoire de l’esclavage.Les Dates14 mai 1970 Naissance à Paris.2002 Japon, les années rouges.2005 L’Assassinat de Pierre Goldman.2009 Einsatzgruppen, les commandos de la mort.2015 Das Reich, une division SS en France.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 17.04.2015 à 17h42 | Stéphane Davet Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « With The Beatles », l’audace assuméeCette semaine : autour de l’album With The Beatles (novembre 1963).« It Won’t Be Long » (Lennon-McCartney), par The James Hunter SixA l’occasion du cinquantième anniversaire de la sortie de With The Beatles, le mensuel britannique Mojo avait accompagné son numéro d’août 2013 d’un CD, We’re With The Beatles, reprenant l’intégrale du deuxième album des Fab Four, interprété par quatorze groupes et chanteurs. Si toutes les reprises ne se révèlent pas à la hauteur, le disque s’ouvre très agréablement par une version rocksteady de It Won’t Be Long jouée par The James Hunter Six. Vieux routier d’une soul rétromaniaque, James Hunter s’était d’abord fait connaître dans les années 1980 comme leader de Howlin’Wilf and The Vee-Jays (un passage remarqué aux Transmusicales de Rennes), avant de publier des albums sous son nom ou d’accompagner quelques-unes de ses idoles, telles Aretha Franklin, Van Morrison ou Etta James (1938-2012). « All I’ve Got To Do » (Lennon-McCartney), par Moon MartinDans son premier album, Shots From A Cold Nightmare (1978), le chanteur et guitariste texan Moon Martin reprenait, assez sagement, All I’ve Got To Do, chanson qui inspira peu de « covers ». En pleine période punk, ce blondinet aux lunettes colorées revendiquait haut et fort l’influence mêlée des Beatles et d’un guitar-hero du blues, Freddie King (1934-1976). Si Moon Martin rendait ici hommage au duo d’auteurs-compositeurs Lennon et McCartney, il devra surtout sa popularité aux reprises que d’autres feront de ses propres chansons, tirées en particulier de ce premier album : Bad Case of Loving You (Doctor, Doctor) par Robert Palmer (1949-2003), Cadillac Walk par Mink DeVille (1950-2009) et même Victim of Romance, devenu Je suis victime de l’amour dans la bouche de Johnny Hallyday. « All My Loving » (Lennon-McCartney), par Arctic MonkeysLors d’un concert au Madison Square Garden de New York, le 8 février 2014, les Britanniques d’Arctic Monkeys s’amusent à célébrer les cinquante ans de la première apparition des Beatles à la télévision américaine, lors du « Ed Sullivan Show », en transformant le pétillant All My Moving en un slow épique, dont ce document (amateur) rend compte. Au côté de la voix gouailleuse du chanteur Alex Turner, on remarque, en invité, son compatriote, le chanteur-guitariste Miles Kane, avec lequel il avait créé le duo The Last Shadow Puppets. « Don’t Bother Me » (Harrison), par The SmithereensEn 2007, The Smithereens, formés en 1980, dans le New Jersey, reprenaient l’intégrale de Meet The Beatles !, l’édition américaine de l’album With The Beatles (publiée le 20 janvier 1964 avec quatre chansons en moins par rapport à l’édition britannique et trois différentes en plus : I Want To Hold Your Hand, I Saw Her Standing There, This Boy), transformé pour l’occasion en Meet The Smithereens !. La plupart de leurs versions auraient pu figurer sur notre compilation, tant le groupe cultive depuis toujours – leur excellent premier album, Especially For You (1986) – l’art de mêler science mélodique et puissance électrique. Preuve de l’efficacité de ces militants de la « power pop », leur interprétation de Don’t Bother Me, la première composition de George Harrison (1943-2001) à figurer dans un album des Beatles. « Little Child » (Lennon-McCartney), par The InmatesFormés à Londres, en 1978, The Inmates et leur puissant chanteur, Bill Hurley, ont construit leur réputation en donnant une énergie nouvelle à leurs fantasmes passéistes pour le rock garage, la soul et le rhythm’n’blues. En 1987, à l’initiative du quotidien Libération, le groupe reprend sur scène, pour un concert unique à La Villette, des titres des Beatles à la manière des Rolling Stones. Comme en témoigne ce Little Child, le résultat que l’on retrouve dans The Inmates Meet The Beatles – Live in Paris (1987), ne manquait pas de panache. « Till There Was You » (Willson), par Sue RaneyAu milieu d’un répertoire torride de reprises rock’n’roll et rhythm’n’blues, les Beatles aimaient aérer leurs concerts au Cavern Club de Liverpool, de cette sucrerie (qu’ils interpréteront aussi lors de leur audition pour la compagnie phonographique Decca, le 1er janvier 1962). Tiré d’une comédie musicale, The Music Man, écrite, en 1957, par l’auteur-compositeur, pianiste et chef d’orchestre américain Meredith Willson (1902-1984), également adaptée au cinéma, en 1962, par Morton DaCosta (1914-1989), Till There Was You est chanté dans le spectacle par une jeune bibliothécaire. Produite par le compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Nelson Riddle (1921-1985), la version enregistrée, publiée en 1957, est interprétée par Sue Raney, jeune fille d’alors 17 ans, qui fera ensuite carrière sur le circuit jazz. On pourra trouver l’original moins mièvre que la version chantée par Paul McCartney. « Please Mister Postman » (Dobbins-Garrett-Holland-Bateman-Gorman), par The MarvelettesPremier numéro 1 à la fin de l’année 1961 en classement pop des cent meilleures ventes de la riche histoire tubesque de la compagnie phonographique Tamla Motown, Please Mister Postman a été créé par un groupe de cinq lycéennes de la banlieue de Detroit (Michigan). Appelé à l’origine The Marvels, le quintette cherche une chanson originale pour auditionner à Motown. L’une des chanteuses, Georgia Dobbins, va trouver un ami qui lui enseigne un vieux blues, Please Mister Postman, dont elle réécrit les paroles. Mais la jeune fille doit quitter le groupe sous la pression de son père, qui ne veut pas que sa fille se produise dans les boites de nuit. Remplacée par Wanda Young, elle verra de loin sa chanson, améliorée par une armada d’auteurs-compositeurs et producteurs maison (William Garrett, Brain Holland, Robert Bateman et Freddie Gorman), triompher avant d’avoir les honneurs de With The Beatles, et de retrouver le sommet des charts, en 1975, grâce à une version des Carpenters. « Roll Over Beethoven » (Berry), par Chuck BerryEnorme influence des groupes britanniques du début des années 1960 – le guitariste des Rolling Stones, Keith Richards, dira même lui avoir emprunté chacun de ses riffs –, Chuck Berry était une idole absolue des Fab Four. Si des Quarrymen aux Beatles, les Liverpuldiens ont repris sur scène près d’une quinzaine de titres de l’auteur de Johnny B. Goode, ils n’en ont finalement publié que deux sur leurs albums, Rock’n’Roll Music et Roll Over Beethoven, dont ils rendirent des versions étincelantes. Publiée en 1956 par le label Chess Records, Roll Over Beethoven aurait été inspirée au guitariste en réaction aux démonstrations de piano classique répétées par sa sœur, Lucy. Comme dans cette formidable version lors d’une émission de télévision, durant laquelle l’auteur des Tables de la Loi du rock proclame l’avènement de cette nouvelle musique populaire. De quoi se faire retourner Beethoven dans sa tombe. « Hold Me Tight » (Lennon-McCartney), par The TreasuresAprès un voyage en Angleterre, en 1963, le producteur et auteur-compositeur Phil Spector revint dans ses studios pour enregistrer cette reprise d’Hold Me Tight. Il utilisa pour cela les talents vocaux de Vinnie Porcina et Peter Andreoli, deux de ses collaborateurs en « songwriting », qu’il rebaptisa The Treasures à l’occasion de ce 45-tours publié par son label, Philles Records, en 1963. Etrange mélange de British pop et de doo wop, de solennel et de coquin, cette version mérite d’être redécouverte. En 1970, Phil Spector remixa, à la demande de John Lennon (1940-1980), les bandes de l’album Let It Be. Il produisit aussi All Things Must Pass (1970) de George Harrison, avant de retrouver Lennon, pour ses albums Some Time in New York City (1972) et Rock’n’Roll (1973). Il purge, depuis avril 2009, une peine de dix-neuf ans de prison pour le meurtre de sa compagne, l’actrice Lana Clarkson. « You Really Got a Hold on Me » (Robinson), par Smokey Robinson & The MiraclesSource d’inspiration majeure pour John Lennon, la voix haut perchée et l’écriture émotionnelle de Smokey Robinson ont permis à la compagnie phonographique Tamla Motown de passer pour la première fois la barre du million d’exemplaires vendus, avec le 45-tours Shop Around (1960) puis avec ce langoureux You Really Got a Hold On Me, publié en 1962. Alors meneur des Miracles, William « Smokey » Robinson avait écrit cette chanson dans une chambre d’hôtel new-yorkaise, après l’écoute de Bring It On Home de Sam Cooke (1931-1964). Filmée en 1964, cette performance des Miracles éblouit par la classe des chœurs, des costumes et de la chorégraphie, le sens du spectacle et l’aura émotive de leur leader. « I Wanna Be Your Man » (Lennon-McCartney), par The Rolling StonesCette chanson symbolise aussi bien les différences que la complicité historique des Beatles et des Rolling Stones. La légende dit que le manager de Stones, Andrew Loog Oldham croisa, un jour de septembre 1963, John Lennon et Paul McCartney, qui l’accompagnèrent au studio où enregistraient Mick Jagger, Keith Richards & Co. Après l’échec d’un premier single pour la compagnie Decca (celle-là même qui avait refusé les Beatles) ces derniers cherchaient un hit pour lancer leur carrière. Les deux Beatles leur proposèrent alors cette chanson inachevée, que les gars de Liverpool terminèrent, en 5 minutes, sur un coin de table. Mick disant plus tard à Keith : « ça a l’air facile de faire des chansons. On pourrait essayer ». Plus tard, Lennon expliqua qu’il ne tenait pas I Wanna Be Your Man en grande considération : « On n’allait pas leur filer quelque chose de génial ! ». Chantée plus tard sur un mode bonhomme par Ringo Starr dans With The Beatles, la chanson devint le premier (petit) tube des Stones, dont la version, menée par la guitare slide de Brian Jones, pervertit à loisir la gentillesse teenage de leurs amis et concurrents. « Devil in His Heart » (Drapkin), par The DonaysSi la plupart des reprises enregistrées par les Beatles dans leurs premiers disques furent des succès dans leur version originale, ce ne fut pas le cas de Devil in Her Heart. D’abord publiée sous le titre Devil in His Heart, cette chanson composée par Richard Drapkin fut l’unique 45-tours d’un petit groupe de Detroit, The Donays. Découverte (et chantée) par George Harrison, cette comptine adolescente à la guitare estivale n’avait pas connu de succès notable à sa parution, en 1962. La chanteuse du groupe, Yvonne Vernee, connut plus de réussite avec The Elgins, formation signée par Tamla Motown et encore active au début des années 2010. « Not a Second Time » (Lennon-McCartney), par Robert PalmerAnglais installé aux Bahamas, Robert Palmer (1949-2003) confirmait une carrière en plein développement, avec son sixième album, Clues (1980), dont est tirée cette reprise de Not a Second Time. Ce chanteur, à la voix chaude et légèrement éraillée, tentait à l’époque de mêler son goût des rythmes noirs avec la nouvelle vague des synthétiseurs (l’artiste new wave, Gary Newman, figure sur l’album). Il donne à Not a Second Time une gravité et une virilité plus mature que laissait entendre la juvénile chanson des Beatles. Par ailleurs, grande réussite du disque, la chanson Johnny & Mary deviendra un tube international pour Robert Palmer. « Money (That’s What I Want) » (Bradford-Gordy), par Barrett StrongFournisseur essentiel de With The Beatles, avec pas moins de trois reprises – Please Mister Postman, You Really Got a Hold on Me et Money (That’s What I Want) – l’usine à hits de Tamla Motown fut une influence décisive des Fab Four avant que leurs propres chansons soient, de multiples fois, interprétées par les artistes de la compagnie de Detroit. Son fondateur, Berry Gordy, ancien ouvrier des usines Chrysler était aussi un auteur de chansons. Parmi ses quelques classiques Reet Petite, Lonely Teardrops et ce Money (co-écrit avec Janie Bradford) où cet entrepreneur noir faisait chanter à Barrett Strong, son insatiable appétit de réussite. Un cri du cœur qui, en 1963, correspondait sans doute aux envies et frustrations de jeunes musiciens de Liverpool, forçats de travail ayant hâte de voir enfin la couleur de leur argent.Stéphane DavetJournaliste au Monde Pauline Sauthier Des musiciens comme La Grande Sophie, Sanseverino ou Massilia Sound System ont fait leurs débuts dans des bars. Derrière cet aspect convivial et chaleureux, se cachent souvent des pratiques peu satisfaisantes autant pour les cafetiers que pour les musiciens.« Jusqu'à maintenant, c'était un peu rock’n’roll », témoigne Denis Tallédec, directeur du collectif Culture Bar-Bars, qui évoque des rémunérations « au black » généralisées, assorties, parfois, d'un tour de chapeau pour mettre à contribution le public. Dans les cas, bien sûr, où les cafés rémunèrent les artistes.Depuis le 16 avril, ils pourront plus facilement faire venir musiciens, circassiens, danseurs ou comédiens sans avoir à contourner la loi. Un groupement d'intérêt public (GIP) incluant le ministère de la culture, des collectivités territoriales, des associations de cafetiers et d'artistes, vient d'être officialisé pour apporter une aide au cachet des artistes.Les villes de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et Nantes (Loire-Atlantique) font partie des membres fondateurs avec la région Pays de la Loire, où a été testé le projet. Elles ont été rejointes par les villes de Dole (Jura), Rennes (Ille-et-Vilaine) et la région Alsace. Le dispositif, qui démarrera officiellement le 1er juin, devrait encore s'élargir.« Nous défendons la diversité et la proximité »La nouveauté en matière de politique culturelle, c'est que ce n'est pas un projet artistique qui est encouragé avec des subventions mais un lieu, éligible sur des critères de taille (les débits de boissons de moins de 200 places). « Cela peut concerner des bars ou brasseries qui organisent un concert par an, y compris pour la fête du village, explique Denis Tallédec. Il n'y a pas d'a priori ni de labellisation préalable. Nous défendons la diversité et la proximité. »Il donne l'exemple d'un concert avec quatre musiciens sur scène, dont il évalue le coût à 1 000 euros : 600 euros de cachet pour les artitstes, une somme pour la Sacem, les frais de location de matériel et de communication… Une somme qui ne pourra, la plupart du temps, pas être amortie par les bénéfices sur les consommations de la soirée. Avec l'aide du GIP, la moitié du cachet des musiciens sera prise en charge.Gérer un fonds réparti entre plusieurs collectivités territoriales ne s’annonce pas simple. Mais le projet, pensé conjointement par les organisations de cafetiers et d’artistes, semble avoir été conçu pour ne pas alourdir les démarches administratives et promet un remboursement rapide.Pauline Sauthier Pauline Sauthier Jusqu'à présent, pour s'inscrire dans l’un des dix-sept conservatoires enseignant la musique, la danse et l’art dramatique à Paris, le premier arrivé était le premier servi, obligeant parfois les parents à dormir dans la rue pour être sûrs de décrocher une bonne place dans la file d’attente. Les modalités ont changé plusieurs fois. En 2014, la plateforme téléphonique mise en service avait été immédiatement saturée. Pour la prochaine rentrée, le conseil de Paris a décidé, mardi 14 avril, que les places seront attribuées par tirage au sort.« C'est la moins mauvaise des solutions », justifie Bruno Julliard, premier adjoint à la maire de Paris, chargé de la culture. Il évoque le cas de parents qui payaient des personnes pour attendre à leur place devant les conservatoires dès la veille des inscriptions ou des familles appelant jusqu'à 100 fois pour un seul enfant sur la plateforme téléphonique.Une meilleure diffusion des informationsCette année, pour les inscriptions qui se tiendront du 1er au 16 juin, des tests ont été effectués sur le site Internet dédié à la gestion des admissions et sur la ligne téléphonique d'urgence prévue pour les familles qui auraient des problèmes de connexion. Un huissier veillera au bon fonctionnement du tirage au sort, qui aura lieu le 22 juin, parmi les inscriptions faites en ligne. Le résultat devrait être communiqué aux familles le jour même.La période d'inscription, qui était d'un jour auparavant, a été allongée. Cela afin de contrer un éventuel dysfonctionnement et de permettre une meilleure diffusion des informations. « On espère aussi sensibiliser davantage de personnes, faire venir un public plus divers », explique Bruno Julliard, qui remarque que, jusqu'à présent, les familles aisées étaient mieux informées des procédures à suivre. « 50 % des familles sont dans les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, cela ne reflète pas la réalité de la population parisienne », note l’adjoint à la culture.« 17 places pour plus de 200 demandes »Pour Muriel Mahé, présidente de l’association des parents d’élèves du conservatoire du XVe arrondissement et membre du bureau de la fédération des usagers du spectacle enseigné, c’est le faible nombre de places offertes qui pose problème, plus que les modalités d’inscription : « L’année dernière, il y avait 17 places en première année de cursus musical dans le XVe arrondissement pour plus de 200 demandes ». Ces chiffres correspondent au nombre d’enfants inscrits sur la liste d’attente en une heure. Les moyens de recrutement des années précédentes, avec des listes closes très rapidement, ne permettaient pas d’évaluer le nombre des candidatures.« La répartition des places sur le territoire parisien pose aussi problème, insiste Muriel Mahé. Il y a des conservatoires très grands et d’autres, comme ceux du XVe et du XVIIIe, qui disposent d’un peu plus de 1 000 places avec de gros bassins de population, très jeunes ». Il y a deux ans, les parents de son arrondissement avaient eu le choix entre le tirage au sort et la sélection des premiers inscrits par téléphone. La deuxième option lui paraissait « la moins pire » : « Les gens qui le souhaitaient vraiment pouvaient appeler pendant les 15-30 minutes que duraient les inscriptions et ils pouvaient augmenter ainsi leurs chances d’être pris. »Le conseil de Paris a voté la mesure en s’inspirant des exemples de Nantes, Caen ou Vincennes, où le tirage au sort est déjà la règle.Pauline Sauthier Sylvain Siclier (Villaines-la-Juhel (Mayenne), envoyé spécial) En avril 2012, le mensuel musical Rock & Folk interrogeait disquaires et journalistes spécialisés pour un dossier titré « Le Retour du vinyle. Faut-il brûler vos CD ? ». La production de disques sur support vinyle connaissait alors un sursaut quantitatif, après avoir quasi disparu face à la suprématie du CD audio, né au début des années 1980. Trois ans plus tard, chez Moulages plastiques de l’Ouest (MPO), la courbe de la production de disques vinyles autorise un constat : effectivement, le vinyle ça repart !Lire aussi :Les vinyles « collector » retrouvent des couleursVladimir Négré, responsable du marketing, présente un tableau : « En septembre 2010, nous avions eu un pic de production à 300 000 pièces. En mars 2015, il a été de 960 000 pièces sorties des seize presses », dans les locaux de l’usine de production à Villaines-la-Juhel, en Mayenne.En 2014, 6 millions de disques vinyles (format 17 cm, 25 cm et 30 cm, en 45-tours et 33-tours) ont été pressés par MPO. Les clients – en France, en Europe, aux Etats-Unis, en Asie – vont des petites compagnies phonographiques pour quelques centaines d’exemplaires jusqu’aux majors du disque et des tirages qui peuvent atteindre 20 000 exemplaires. Ce qui représente, pour la société, leader français en supports audiovisuels (disques vinyles, CD audio, DVD, jeux vidéo, Blu-ray), « 8 % du chiffre d’affaires en 2014 », ce dernier totalisant 60 millions d’euros cette année-là.Deux chaînes de disques vinylesAutre signe du renouveau de la galette noire, l’entreprise familiale, fondée en 1957 par Pierre et Monique de Poix à Averton, à quelques kilomètres, avec une première presse de 45-tours, a finalisé en 2014 ses deux chaînes (de huit presses chacune) de disques vinyles. Elles sont venues rejoindre les lignes de production des CD, DVD, Blu-ray et les unités d’impression offset et sérigraphie.Passage devant les ateliers CD et DVD : un presque-silence, le personnel en combinaison protectrice, une seconde de temps de fabrication par support dans des machines vitrées, le blanc domine. Aux abords des locaux des presses vert bouteille, une odeur de chaud, le bruit des machines, cliquetis de rouages, soupirs des tuyauteries. Pas loin, des sacs remplis de pastilles de polychlorure de vinyle noir, rouge, jaune, bleu, transparent. Comme pour apporter une touche concrète au débat sur le son de la musique sur vinyle qu’on dit plus chaud, plus vivant que le support CD audio.On reprend le parcours du début, à la réception des laques fournies par les producteurs de musique. Jean-Michel Houdou, responsable de la galvanoplastie, présente délicatement les arrivées récentes. Sur un disque d’aluminium recouvert d’acétate de vinyle noir, matière fragile et tendre, a été gravé, après l’enregistrement et le mixage, le sillon qui contient la musique. C’est de cette pièce, une par face du disque, que l’on part pour créer les matrices de pressage. Au poste du développement, cette laque passe dans des bains chimiques. Puis elle est recouverte d’une couche d’argent avant l’électrolyse dans un bain de sulfate de nickel pour solidifier. Le liquide verdâtre est traversé par un courant de 15 à 16 volts durant une heure. Vient le séchage. Le disque est devenu brillant argenté, sous la lumière, des reflets attirent l’œil, effet magique de la chimie.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5532973336e0e'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\nPastilles de polychlorure de vinyle, mati\u00e8re premi\u00e8re \u00e0 la fabrication des disques. G\u00e9n\u00e9ralement noires, elles peuvent prendre plusieurs teintes.\r\nCr\u00e9dits : NICOLAS KRIEF POUR "LE MONDE"\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Pastilles de polychlorure de vinyle, mati\u00e8re premi\u00e8re \u00e0 la fabrication des disques. 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Avant la mise sur la ligne de production, quelques exemplaires sont pressés, le test pressing, pour vérification. D’une part sur place, dans un espace dédié, avec microscope, platine et système de son, et d’une autre par le producteur du disque, qui donnera quelques jours plus tard son accord pour le pressage. Le ballet des disques peut alors commencer.Les presses de MPO datent des années 1970. Des Toolex Alpha, un constructeur suédois qui a cessé son activité. Dans l’ancienne usine d’Averton, MPO en avait soixante-cinq au début des années 1980. Avec le remplacement du disque vinyle par le CD, une partie du stock a été vendue. « Nous en avons laissé quelques-unes en fonctionnement, pour un micromarché de niche. D’autres ont été remisées », explique M. Négré. Depuis la reprise, des éléments électroniques ont été ajoutés aux structures des machines. MPO annonce aujourd’hui une capacité de production quotidienne de 40 000 exemplaires. De quoi voir venir si le marché actuel devait doubler dans les années à venir.Michel Plessard, la cinquantaine, responsable pressage, a connu les temps glorieux du vinyle. « Si on m’avait dit que l’on reprendrait à ce rythme, j’aurais rigolé. » On suit le processus de pressage en même temps que ses explications. Un moule reçoit une dose de polychlorure de vinyle pour former un galet, plus ou moins important selon le grammage au mètre carré choisi pour le pressage (de 140 à 180 g/m2 pour un disque de 30 cm).« Conserver la qualité »Sur la presse, deux plateaux verticaux retiennent les matrices, face A, face B. Les étiquettes centrales des disques vont être insérées entre la galette et les matrices. Les deux plateaux se rejoignent. Température 130° C, pression 140 bars. Image fugitive, celle d’une scène du film Phantom of the Paradise (1974), de Brian De Palma, lorsque le visage du héros malheureux, un musicien, est coincé dans une presse.Les plateaux se relèvent et laissent voir le disque. Vient la mise sous pochette. Des ventouses ouvrent l’emballage, un plateau tracteur insère le disque. Temps total du cycle, de 22 à 23 secondes, dont une dizaine pour le pressage. Sur la presse 5, on aperçoit le nouvel album du groupe techno The Prodigy, traité en vinyle rouge. Sur la 7, c’est une réédition de Kind of Blue (1959), du trompettiste Miles Davis, l’un des disques de jazz les plus célèbres. Vinyle noir, étiquette conforme à celle de la sortie originelle. Sur la presse 11, les matrices d’un tirage à 5 000 exemplaires sont changées. « Elles sont remplacées en général au bout de 900 à 1 000 exemplaires, pour conserver la qualité », indique M. Plessard.Durant le tirage, des exemplaires sont prélevés au hasard, vérifiés à l’œil, au microscope le cas échéant, écoutés. Au poste de départ vers les magasins, dans de hauts paniers métalliques, les disques empilés dans leurs pochettes intérieures sont encore un peu chaudes. A côté, des CD empilés sur un axe de plastique font moins rêver.Sylvain Siclier (Villaines-la-Juhel (Mayenne), envoyé spécial)Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 16.04.2015 à 23h53 • Mis à jour le17.04.2015 à 20h00 Le scandale du piratage de Sony Pictures n’est pas terminé. WikiLeaks a mis en ligne jeudi 16 avril une base de données contenant plus de 30 000 documents et plus de 170 000 courriels de la société volés par des hackers à la fin de 2014 lors d’une cyberattaque de grande envergure. Il est désormais possible d’effectuer très facilement des recherches dans ces dizaines de milliers de documents, par noms ou par mots-clés.Sony Pictures a immédiatement condamné cette publication, affirmant que WikiLeaks aidait les hackers à disséminer des contenus dérobés et privés. Plus de 47 000 employés et tiers de Sony Pictures Entertainment (SPE) – filiale de Sony – sont concernés par ce vol de données personnelles, documents financiers, scripts, courriels, etc. C’« était un acte criminel malveillant, et nous condamnons fermement l’indexation par WikiLeaks d’informations volées sur des employés et d’autres informations privées ».Lire : Piratage de Sony : le vol des films n’était qu’un début« Conflit géopolitique »L’organisation de Julian Assange, connue pour avoir dévoilé de nombreux documents confidentiels du gouvernement américain, estime, elle, que les données publiées jeudi relèvent du domaine public. « Ces archives dévoilent le fonctionnement interne d’une entreprise multinationale influente », a déclaré le fondateur de WikiLeaks, dans un communiqué. « Cela comporte un intérêt journalistique, et c’est au centre d’un conflit géopolitique. »Ces données avaient été diffusées une première fois sur Internet, accessibles notamment par des liens permettant de télécharger plusieurs dizaines de gigaoctets de documents. En les diffusant sous forme de base de données dans laquelle il est possible d’effectuer des recherches, WikiLeaks simplifie considérablement leur accès : « Certaines histoires sont sorties à l’époque, mais il n’était pas possible de faire des recherches dans les archives originales et elles ont été retirées avant que le public et les journalistes puissent gratter la surface », poursuit le communiqué de WikiLeaks. « Maintenant publiées dans [ce] format, les archives Sony offrent un aperçu rare des rouages d’une grande entreprise multinationale secrète. » Le communiqué précise qu’on peut y voir les activités de lobbying du groupe et ses connexions avec le Parti démocrate américain.Influence et lobbying« Le travail connu de Sony est de produire des divertissements. Mais les archives montrent que dans les coulisses c’est une société influente, ayant des liens avec la Maison Blanche – il y a près de cent adresses électroniques du gouvernement américain dans les archives −, avec la capacité d'avoir une influence sur les lois et les politiques, et avec des liens avec le complexe militaro-industriel américain », écrit encore WikiLeaks.Le gouvernement américain a imputé la responsabilité de la cyberattaque de Sony à la Corée du Nord, qui avait protesté fortement contre la diffusion d’un film produit par la société hollywoodienne, The Interview, qui mettait en scène l’assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Pyongyang a démenti toute implication dans ce piratage.Lire : Des experts doutent de la thèse nord-coréenneLe scandale avait contraint à la démission en février de la patronne de Sony Pictures, Amy Pascal, après la publication de courriels à connotation raciste qu’elle avait écrits sur Barack Obama. William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h14 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 14h03 En attendant l’annonce, jeudi 16 avril, de la sélection officielle du 68e Festival de Cannes, la plus importante (par le nombre de films présentés) des sections parallèles, la Quinzaine des réalisateurs a annoncé son film d’ouverture. L’Ombre des femmes est l’œuvre d’un vétéran de la Quinzaine, Philippe Garrel, qui était présent lors de sa première édition (on en est à la 47e) avec Le Lit de la Vierge.Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, a ainsi présenté L’Ombre des femmes : « un film d’amour et sur l’amour, sur les trahisons, les grandes et les petites, celle qui prennent place dans l’histoire et celle qui nous empoisonnent la vie ». Les rôles principaux sont tenus par Stanislas Mehrar et Clotilde Courau.La Quinzaine annoncera le reste de sa sélection, mardi 21 avril, lors d’une conférence de presse pendant que la plus ancienne des sections parallèles cannoises, la Semaine de la critique, mettra en ligne la sienne, la veille, le 20 avril. 14.04.2015 à 17h14 • Mis à jour le15.04.2015 à 09h39 Le chanteur américain Percy Sledge, interprète du célèbre titre When a Man Loves a Woman, est mort mardi 14 avril à Bâton Rouge, en Louisiane. Il avait 73 ans. Son agent, Steve Green, a annoncé la nouvelle à la chaîne ABC News, précisant qu'il « se battait contre un cancer du foie depuis plus d'un an ». Le chanteur avait enregistré en 1966 le tube qui avait pris la tête des hit-parades durant plusieurs semaines. Il est encore considéré comme un des plus grands titres de la soul.Selon le magazine Rolling Stone, Sledge venait alors de perdre à la fois son travail dans le bâtiment et sa petite amie partie à Los Angeles, lorsqu'il a imaginé le titre When a Man Loves a Woman. Il avait improvisé la mélodie et les paroles avant d'en donner le crédit à ses copains du petit groupe auquel il appartenait, et qui l'avaient aidé aux arrangements.La carrière du chanteur s'était poursuivie avec d'autres titres également à succès comme Warm and Tender Love ou It Tears Me Up. Percy Sledge avait reçu un prix pour l'ensemble de sa carrière de la Rythm and Blues Foundation et était entré dans le Rock and Roll Hall of Fame en 2005. Alain Beuve-Méry C’est une première : les revenus de la musique enregistrée proviennent désormais à parts égales des ventes numériques (46 %) et des ventes de disques (46 %). Telle est la principale information du rapport 2014 sur le marché mondial de la musique, réalisé par l’IFPI, la Fédération internationale de l’industrie phonographique qui rassemble les majors du disque, et publié mardi 14 avril. Les 8 % restants proviennent des droits voisins (radiodiffusion et sonorisation des lieux publics) et des droits de synchronisation (publicité, films, etc.).L’industrie de la musique, qui est la première à avoir été brutalement confrontée à la révolution numérique, est entrée dans une nouvelle phase de transformation. Les revenus liés au numérique ont progressé de 6,9 % en 2014, pour atteindre un chiffre d’affaires mondial de 6,85 milliards de dollars (6,48 milliards d’euros). Ils ont été multipliés par cinq depuis 2010.De cette révolution en marche naît aujourd’hui « un sentiment d’optimisme », constate Frances Moore, patronne de l’IFPI. Pendant plus d’une décennie, l’industrie musicale a connu des baisses fortes et régulières de son chiffre d’affaires qui ont été accompagnées de réductions massives d’effectifs, de restructurations entraînant des fusions et absorptions entre majors, voire entre labels indépendants, et d’artistes laissés sur le carreau.En 2014, les revenus globaux de la musique se sont élevés à 14,965 milliards de dollars (14,2 milliards d’euros), en légère baisse de 0,4 % sur 2013 (après un recul de 4 % en 2013). La croissance du streaming l’an dernier n’a pas encore compensé la baisse conjuguée des ventes physiques (– 8,1 %) et des téléchargements (– 8 %), mais un cap a été franchi, de l’avis des responsables des majors du disque.Tendances hétérogènes« Le secteur de la musique est en train de gérer simultanément la transition du physique au numérique, celle du PC au mobile et celle du téléchargement au streaming. Dans ce contexte, ce secteur se porte remarquablement bien et, avec un modèle d’abonnement payant, nous construisons une industrie qui va perdurer », affirme Edgar Berger, président de Sony Music Entertainment Monde.Ce que note l’IFPI, c’est l’hétérogénéité des tendances à l’œuvre, suivant les territoires, même si le streaming (l’écoute de musique sans téléchargement) gagne du terrain sur tous les continents. Partie des pays scandinaves, cette révolution des usages où l’utilisateur n’est plus propriétaire d’un format, mais détient l’accès permanent à un flux – comme l’eau et le gaz –, a désormais une véritable implantation aux Etats-Unis, premier marché mondial de la musique, et a enfin émergé au Japon (2e marché).Ainsi, les services de streaming par abonnement ont largement tiré la croissance régulière des revenus du numérique : + 39 % en 2014, soit 1,55 milliard de dollars. Le streaming représente aujourd’hui 32 % du chiffre d’affaires issu du numérique, se décomposant en 23 % pour le streaming par abonnement (+ 5 %) et 9 % pour le streaming financé par la publicité (+ 38 %). Ce qui s’explique notamment par le développement de services gratuits aux Etats-Unis par Spotify, leader mondial du streaming. Lancement de nouveaux servicesDe fait, le nombre d’abonnés à des services de streaming payant n’a cessé de croître : ils ont fait un bond de 8 millions en 2010 à 28 millions en 2013, avant de grimper à 41 millions dans le monde, en 2014, selon l’IFPI. Les abonnements à des services de streaming représentent la majorité des revenus issus du numérique dans dix pays, dont les quatre pays scandinaves, mais aussi aux Pays-Bas, en Corée du Sud, à Taïwan et Hongkong.Plusieurs raisons expliquent la croissance rapide de ce nouveau mode d’écoute musicale : des innovations technologiques avec une plus grande facilité d’accès hors connexion, mais aussi la forte croissance du parc de smartphones.Dans les mois qui viennent, le lancement de nouveaux services par des acteurs majeurs du marché devrait encore renforcer le poids du streaming. Avant l’été 2015 est en effet attendu Apple Beats, le service de streaming d’Apple qui sera directement accessible par les millions de propriétaires d’i-Phone. C’est donc à près de 800 millions de comptes et de cartes de crédit qu’il s’adressera. YouTube, pour sa part, poursuit le développement à l’international de son service de streaming Music Key qui donne un accès illimité à Google Play Music, pour 10 dollars par mois.Si la transition numérique du marché de la musique voit enfin le jour au niveau mondial, c’est qu’aux Etats-Unis – où le marché est en hausse de 2,1 % – les revenus du numérique ont atteint 3,4 milliards de dollars, soit 71 % des revenus de la musique enregistrée. Le téléchargement représente encore 55 % du marché, en recul de 7 %, alors que le streaming gagne des parts de marché.Critiques de certains artistesMais tous les pays sont loin d’avoir accompli leur mue. Les ventes physiques demeurent très dominantes au Japon (78 %) et en Allemagne, troisième marché mondial (+ 1,9 %), où elles représentent 70 % du chiffre d’affaires. De même pour la France, les ventes physiques sont à 57 %. Par ailleurs, même si les ventes de vinyles explosent (+ 55 %), le disque de nos grands-parents reste, avec 2 % du marché mondial, un marché de niche.Lire aussi :Le streaming donne un coup de fouet au marché de la musiqueSi le streaming progresse, il n’en est pas moins la cible de critiques de la part d’artistes comme l’américaine Taylor Swift, qui a le plus vendu en 2014, devant le groupe One Direction, selon le classement mondial de l’IFPI. Mais, comme le note Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), « il faut distinguer les services d’abonnement streaming audio, comme Spotify, Deezer et Qobuz, qui ont versé 1,6 milliard de dollars aux maisons de disque en 2014, des plates-formes de vidéo, dont principalement YouTube, qui revendiquent plus d’un milliard d’utilisateurs et ne reversent que 641 millions de dollars ». Faire payer les plates-formes de streaming vidéo, telle est la prochaine croisade des maisons de disque. Le défi est d’autant plus grand que, selon une étude Ipsos réalisée pour l’IFPI, « un tiers des utilisateurs qui écoutent la musique sur YouTube ne regardent pas les vidéos » et qu’il s’agit pour l’essentiel des jeunes générations.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.04.2015 à 19h25 • Mis à jour le13.04.2015 à 22h51 | Béatrice Jérôme Manuel Valls a choisi de confier à Pascal Lamy la  mission  d’organiser la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025. Selon nos informations, le premier ministre devrait officialiser ce choix à l’issue du comité interministériel sur le Grand Paris, mardi 14 avril. François Hollande avait fait part le 6 novembre 2014 de son intention de porter la candidature de la France, qui doit être déposée en avril 2016.En choisissant M. Lamy, l’exécutif fait appel à un homme rompu aux marathons diplomatiques. Le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce de 2005 à 2013 devra mettre à profit ses réseaux économiques et sa notoriété sur la scène internationale pour tenter de convaincre les cent soixante-huit pays membres — dont la France – du bureau international des expositions (BIE), qui doivent se prononcer en 2018.Un choix qui fait l’unanimitéCe « casting » est aussi politique. Régulièrement cité parmi les ministrables depuis 2012, ce socialiste d’obédience libérale, qui dirigea de 1985 à 1994 le cabinet de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, avait salué la nomination de Manuel Valls à Matignon comme le gage d’une « inflexion » économique « importante ». Emmanuel Macron, ministre de l’économie, en phase aussi avec les idées de M. Lamy, a plaidé parmi les premiers pour sa nomination.M. Lamy fait l’unanimité auprès des acteurs du dossier. « C’est un choix judicieux », se félicite Jean-Christophe Fromantin, le maire de Neuilly-sur-Seine, promoteur du projet de la candidature française. « Il est un de ceux qui ont le mieux compris la mondialisation », ajoute le député (UDI) des Hauts-de-Seine, président de l’association Expofrance 2025. Coanimateur du projet, Luc Carvounas, sénateur vallsiste du Val-de-Marne, voit en lui « quelqu’un de très bien et qui sera bien perçu ». Sa nomination éventuelle devrait plaire à Anne Hidalgo pour une autre raison : M. Lamy pourra « reprendre » le scénario du maire de Neuilly, a déclaré la maire de la capitale, lundi 13 avril en marge du Conseil de Paris, comprendre : lui donner une nouvelle orientation. Car telle que prévue par MM. Fromantin et Carvounas, l’Exposition se déroulerait dans toute la France — et non pas seulement dans la capitale, comme le veut la tradition. « Une Exposition “multisite”, ça n’existe pas », assure pourtant Mme Hidalgo, qui a pu s’entretenir avec les autorités du BIE.« M. Lamy adhère totalement à l’audace, à la modernité du projet », assure toutefois M. Fromantin, qui assure l’avoir « constaté » en mars, lors de leurs deux entrevues.Béatrice JérômeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le directeur du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur... Marie-Aude Roux Le 4 mars, salle Gaveau à Paris, Jean-Bernard Pommier donnait le deuxième des huit concerts qu’il consacre à l’intégrale des 32 sonates de Beethoven. Le pianiste français n’a pas voulu souhaité respecté la chronologie de leur composition (le premier concert du 2 mars comportait par exemple l’une des dernières sonates, la fameuse op.106 « Hammerklavier »). Ce beethovénien de la première heure, auteur d’une intégrale gravée en 1994 pour Erato et de concerts marathons à Londres, Bruxelles, aux Pays-Bas, etc… a choisi un ordre qui répond « aux impératifs formels et techniques », et aussi peut-être à quelque secrète dramaturgie connue de lui seul. « J’ai vu petit à petit le message du temps se transformer dans la musique, explique-t-il. Il s’épaissit, s’élargit, se contracte, au fur et à mesure que les choses de la vie s’amenuisent. »Au programme du concert, Jean-Bernard Pommier a mis quatre sonates, entrecroisant les « best-sellers » à titres sortis de l’anonymat des numéros d’opus – La Tempête (alias Sonate n°17 en ré mineur op.31/2) et Les Adieux (alias n°26 en mi bémol majeur op.81a) – et deux autres restées dans le rang, les Sonates n°2 en la majeur op. 2/2 et n°10 en sol majeur op.14/2.Un son large et francA 70 ans, le pianiste (né le 17 août 1944 à Béziers, comme Yves Nat, dont il fut le dernier élève), est toujours une force de la nature (beethovénien en cela aussi), tête carrée à chevelure moutonnante, petite taille râblée mais large poitrine. Son confrère de 59 ans, le pianiste Michel Dalberto, est dans la salle. Un signe qui ne trompe pas. Jean-Bernard Pommier a rejoint son Steinway, acheté en 1989 à Hambourg à la barbe d’Alfred Brendel, comme il se plaît malicieusement à le souligner. Il a attaqué la Sonate n°2 bille en tête. Un son large et franc, fermement tenu, à l’hédonisme chaleureux. Pommier est un jouisseur qui ne triche pas. Les doigts poussent le son au fond des touches, les caresse à larges pattes de velours, transformant la musique qui est aussi une vivante matière organique.La Tempête,Jean-Bernard Pommier l’a enchaînée quasiment sans crier gare. Les phrasés sont limpides, que le pianiste brouille parfois de résonances harmoniques, histoire de pousser toujours plus loin cette exploration des limites qui est pour lui la marque même de la musique de Beethoven. Une marque qu’il définit ainsi : « Pour Beethoven, la survie est plus intéressante que la vie. C’est un répertoire dans lequel je n’ai jamais ressenti l’effort, même s’il demande des talents athlétiques, dit-il simplement. La Sonate n°10 gardera aussi ce ton d’épicurisme sanguin, non exempt de profondeur. Comme dans Les Adieux, dont la demi-teinte grave du début délivre d’emblée son content de nostalgie, avant la longue plainte de L’Absence puis la ferveur joyeuse du Retour.Enfant prodigeJean-Bernard Pommier fait partie de ces musiciens français qui ont fait leur carrière à l’étranger. Le hasard des rencontres, des concours. L’un, remporté en 1960 à Berlin (le Concours international des Jeunesses musicales), avant le Concours Tchaïkovski à Moscou deux ans plus tard, dont Jean-Bernard Pommier est le plus jeune finaliste. « Rien ne m’a vraiment éloigné de France si ce n’est qu’après Berlin et Moscou, je suis parti aux Etats-Unis pour travailler avec Eugene Istomin, un ami de Pablo Casals, que j’avais connu au Festival de Prades, où je me produisais enfant. » Car Jean-Bernard Pommier a été un enfant prodige, que son père, Robert Pommier, organiste à la Madeleine de Béziers, oubliera dans l’orgue un dimanche matin après l’office. « J’avais 4 ans. On me cherche partout. Mon père entend soudain l’orgue. Il remonte à la tribune et voit que j’avais mes mains sur le clavier. » Dès le lendemain, Robert Pommier décide d’emmener le huitième de ses enfants chez Mina Koslova, une pianiste juive russe réfugiée à Béziers pendant la Seconde guerre mondiale. « Je lui dois tout, affirme le pianiste, qui a aussi travaillé au Conservatoire de Paris avec Pierre Sancan. De 4 à 11 ans, elle m’a fait travailler chez elle trois heures tous les jours. A 7 ans, j’ai donné mon premier concert avec elle, qui m’accompagnait dans le Concerto en la majeur KV 488 de Mozart dans la transcription pour deux pianos. »Collaboration avec Herbert von KarajanJean-Bernard Pommier est intarissable sur les années heureuses de sa jeunesse, sa fructueuse collaboration avec Herbert von Karajan et la Philharmonie de Berlin, son expérience de chef d’orchestre avec le Royal Northern Sinfonia (1996-1999) et l’Orchestra Filarmonica de Turin, qui ne doit pas interférer avec l’interprétation pianistique. « J’ai dirigé toutes les symphonies et ouvertures de Beethoven, mais le respect du piano commande de faire abstraction de l’imaginaire orchestral. » affirme-t-il. Jusqu’au 17 juin, Jean-Bernard Pommier poursuivra ses pérégrinations beethovéniennes. A 70 ans, il se dit plus optimiste qu’il ne l’était à la cinquantaine. C’est que le public actuel lui semble avoir enfin des oreilles reliées au cœur. « Le XIXe siècle a été très critique car il y avait un savoir. Au XXe, on a été très snob car on croyait savoir. Au XXIe, la crise globale des valeurs ouvre un champ de sensibilité beaucoup plus fragile, et peut-être plus proche du trésor artistique. »Intégrale Beethoven par Jean-Bernard Pommier (piano). Les 13 avril, 27 mai, 4, 15 et 17 juin à 20h30. Salle Gaveau, 45-47 rue La Boëtie, Paris-8e. Tél. : 01-49-53-05-07. De 22 € à 55 €. Sallegaveau.comMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant) L’hommage de Lech Walesa n’a pas tardé. Quelques heures après l’annonce de la mort de Günter Grass, le Prix Nobel de la paix et ancien président polonais a salué la mémoire d’« un grand intellectuel qui aimait Gdansk, comme moi ».« Nous avons eu une vision similaire du monde, de l'Europe, de la Pologne. Nous avons vu l'avenir plutôt en rose, en tirant des leçons d'un mauvais passé entre Allemands et Polonais », a-t-il déclaré.« Nous avions beaucoup de choses en commun et peu de choses nous divisaient. Il savait que mon père était mort à cause de la guerre. Il savait que la conception allemande erronée avait coûté très cher au monde entier, et en particulier à la Pologne », a ajouté Lech Walesa, 71 ans, chef historique du syndicat Solidarité.Les premiers hommages en AllemagneComme on pouvait s’y attendre, la première réaction officielle au décès de Günter Grass est venue du Parti social-démocrate allemand (SPD), ce parti dont l’écrivain fut longtemps adhérent et dont il était resté un compagnon de route, parfois encombrant mais toujours fidèle. La longue déclaration faite par Sigmar Gabriel reflète cette relation : « Il a changé notre pays, l’a éclairé au meilleur sens du terme. Ses prises de parole souvent contestables et ses interventions dans différents domaines ont donné plus de couleurs, ont enrichi la culture politique allemande et ont modifié les relations entre la politique et la culture », note le président du SPD qui revient sur la « légendaire amitié [de l’écrivain] avec le chancelier Willy Brandt [1969-1974] » et le rôle actif pris par l’auteur du Tambour dans les campagnes de 1969 et 1972.Encore en février, Günter Grass avait pris part dans sa ville de Lübeck à une rencontre avec de jeunes auteurs. En 2013, il avait fait campagne en faveur de Peer Steinbrück, le candidat du SPD contre Angela Merkel.A la CDU, c'est Peter Tauber, le secrétaire général – et non Angela Merkel, la présidente, qui a réagi. Günter Grass était une « personnalité marquante de la République », note M. Tauber qui ajoute : « Il prenait parti, combattait pour ses positions et, de ce fait, n'était pas incontesté ». Néanmoins « avec sa mort, une voix critique, passionnée et provocante dans les débats de société s'est tue ».« Fier et obstiné »En avril 2012, Günter Grass avait publié dans la Süddeutsche Zeitung un poème « Ce qui doit être dit » dans lequel il accusait Israël de menacer l’Iran et du coup la paix dans le monde. Il critiquait les ventes d’armes allemandes, notamment des sous-marins, à Israël. Critiqué par la plupart des responsables politiques allemands, l’auteur avait fait en partie marche arrière, s’en prenant non plus à Israël mais à son gouvernement.Mais le soutien qu’il a alors reçu d’une partie de l’opinion avait conduit le SPD à modérer à son tour les critiques à son égard. Sigmar Gabriel avait affirmé dans un entretien au Spiegel, le 16 avril, que Günter Grass n'était pas « antisémite ». Il disait lire le poème incriminé comme « un appel à l'aide » de quelqu'un qui redoute une guerre au Proche-Orient et jugeait les critiques contre Günter Grass « exagérées et en partie hystériques ».Ce lundi, le journal conservateur Die Welt, qualifie « notre poète national » de citoyen « fier et obstiné ». Qu’ils l’aient aimé ou non, les Allemands semblent déjà regretter cet « esprit querelleur » (Süddeutsche Zeitung), ce « fauteur de troubles » (la chaîne 3 Sat) qui détonnait dans une Allemagne plus portée au consensus que jamais.Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)journalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.04.2015 à 12h37 • Mis à jour le13.04.2015 à 14h41 | Pierre Deshusses C’était un écrivain de cœur et de gueule, sans conteste le plus célèbre des auteurs allemands de l’après-guerre. Günter Grass est mort lundi 13 avril, dans une clinique de Lübeck, a annoncé la maison d’édition Steidl. Il avait 87 ans. Prix Nobel de littérature en 1999, il était aussi un homme politiquement engagé à gauche, qui avait activement soutenu le chancelier Willy Brandt dans les années 1970 et farouchement critiqué la réunification dans les années 1990, sans compter ses multiples prises de positions en faveur des opprimés de tous les pays.C’est en 1959 que Günter Grass fait son entrée en littérature. Une entrée fracassante sur la scène internationale avec son premier roman, Le Tambour (Die Blechtrommel), imposant par son volume, dérangeant par son propos, époustouflant par son style. Ce roman de plus de six cents pages rompt avec les deux singularités de la littérature allemande d’après-guerre : d’un côté la littérature des ruines (« trümmerliteratur ») représentée par Heinrich Böll, d’un autre la littérature expérimentale, dont le représentant le plus singulier est Arno Schmidt. Dans Le Tambour, Oskar Matzerath a trois ans lorsqu’il décide de ne plus grandir. Il se jette dans les escaliers d’une cave pour se briser les vertèbres et ne jamais ressembler aux adultes. Enfermé dans un asile, et à l’aide de son tambour en fer blanc qui l’accompagne partout, il rameute les souvenirs, depuis la conception de sa propre mère en 1899 jusqu’aux débuts de la République Fédérale d’Allemagne (RFA), en passant par le nazisme. Doué d’une lucidité extraordinaire, capable de pousser des cris stridents qui brisent instantanément toutes les vitres et les vitrines, comme l’ont fait les nazis en 1938 au cours de la « Nuit de cristal », il exprime, dans une parodie pathétique, sa solitude et son désir d’exister.« Le fascisme ordinaire »Dans cette œuvre centrale, qui tient à la fois du roman picaresque et du roman de formation, on reconnaît l’influence de Grimmelshausen (1622-1676) et de Döblin (1878-1957), modèle revendiqué par Grass, mais aussi de Fontane (1819-1898). Mais c’est surtout le premier roman allemand d’envergure à s’attaquer au « fascisme ordinaire » tel que l’avait vécu l’homme de la rue, victime et coupable à la fois. Hans Magnus Enzensberger ne s’y est pas trompé, qui écrivait de Grass : « Cet homme est un empêcheur de tourner en rond, un requin au milieu des sardines, un solitaire et un sauvage dans notre littérature domestiquée, et son livre est un pavé comme le Berlin Alexanderplatz de Döblin, comme le Baal de Brecht, un pavé sur lequel les critiques et les philologues vont avoir à ronger pendant au moins dix ans, jusqu’à ce qu’il soit à point pour la canonisation ou l’oubli. » Le Tambour n’a pas sombré dans l’oubli. Porté à l’écran vingt ans plus tard par Volker Schlöndorff, en 1979, il a même obtenu la Palme d’or à Cannes et l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood. Le Tambour est le premier volet de ce que l’on appelle la « trilogie de Dantzig », complétée en 1961 Par Le Chat et la Souris (Katz und Maus) et en 1963 par Les Années de chien (Hundejahre).C’est en effet à Dantzig, « ville libre » de Prusse orientale (aujourd’hui Gdansk en Pologne), que Günter Grass est né, le 16 octobre 1927, de parents commerçants n’ayant pas perdu leurs attaches paysannes. Sa famille est allemande du côté paternel et kachoube du côté maternel. Les Kachoubes sont des slaves installés dans les plaines de l’Allemagne du Nord, sur la rive gauche de la Vistule, territoire redevenu polonais en 1945. Cette population tient sa place dans de nombreux ouvrages de Grass, telle la grand-mère au début du Tambour cachant sous ses quatre jupes traditionnelles un fugitif qui, dans cet abri improvisé, fait des découvertes qui n’ont pas seulement un parfum ethnique. L’invasion de Dantzig – la ville du fameux « corridor » qui fut à l’origine de l’invasion de la Pologne – est approuvée par sa famille, même si l’un des oncles polonais du jeune Günter est fusillé par l’armée allemande. Après un passage, en 1937, dans la Jungvolk, subdivision de la Jeunesse hitlérienne pour les plus jeunes, il s’engage dans le service armé et est affecté à une batterie anti-aérienne comme auxiliaire de la Luftwaffe. À la fin de la guerre, il est fait prisonnier par les Américains et libéré en 1946.« Un style nouveau »Grass mène alors une vie de bohème et tente de se reconstruire après des drames familiaux (sa mère et sa sœur ont vraisemblablement été violées par des soldats russes). Après avoir travaillé dans une mine de potasse près de Hanovre, il fait des études d’arts plastiques à Düsseldorf et à Berlin-Ouest, notamment auprès du sculpteur Karl Hartung. Il se marie avec une danseuse suisse et gagne chichement sa vie grâce à ses sculptures et ses gravures. C’est à ce moment qu’il s’essaie à l’écriture, compose des poèmes et entreprend la rédaction d’un roman. En 1955, il se rapproche du Groupe 47 (réuni pour la première fois à Munich en 1947), mouvement de réflexion littéraire rassemblé autour de l’écrivain Hans Werner Richter qui appelle à « des moyens de mise en forme nouveaux, un style nouveau, une littérature nouvelle ».C’est parce qu’il a obtenu le Prix du Groupe 47 que Grass peut, avec l’argent de la bourse, partir à Paris où, entre 1956 et 1959, il va justement écrire Le Tambour, dans un minuscule appartement de la Place d’Italie. Il fréquente les milieux intellectuels de Saint-Germain, découvre le Nouveau roman, se lie d’amitié avec Paul Celan, alors lecteur à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, et qui lui fait découvrir Rabelais. De retour en Allemagne dans les années 1960, Günter Grass s’engage politiquement à gauche et participe aux campagnes électorales des sociaux-démocrates allemands. Il fait 94 discours dans toute l’Allemagne en faveur de Willy Brandt qui est élu chancelier en 1969.« Valeur de vie »Après avoir pris ses distances avec l’engagement politique, né surtout de son amitié avec Willy Brandt, Grass, qui n’a jamais été un révolutionnaire et a eu des mots très durs pour les événements de mai 68, revient à la fresque épique et truculente avec Le Turbot (Der Butt - 1977) et se replie sur ce qui a pour lui « valeur de vie ». Faisant du langage le maître des choses, il retrace l’histoire de la nourriture, fait défiler devant nous les recettes fantastiques, et opère une sorte de réconciliation savoureuse des Allemands avec leur lointain passé, qui apparaît de nouveau comme un pays de légendes. S’inspirant d’un conte des frères Grimm, il retrace parallèlement l’évolution millénaire des relations entre l’homme et la femme et annonce la fin du règne masculin qui a conduit à la catastrophe.Mais le turbot, animal mythique qui, dans cette fable, décide de se mettre au service des femmes, est mis en accusation par quelques donzelles qui lui reprochent son rôle ambigu dans la guerre des sexes. Grass constate avec mélancolie la disparition d’un certain type de femme au dévouement absolu – ce qui lui vaut l’ire de certaines féministes, souvent aussi choquées par sa grivoiserie. En 1986, il propose une œuvre apocalyptique : La Ratte (Die Ratte) qui marque le retour d’Oscar, héros du Tambour, devenu quinquagénaire. Une actualité catastrophique (désastre nucléaire, manipulations génétiques) coïncide avec une vision de fin du monde. A l’époque post-humaine, le rat ou plutôt la femelle – la ratte – s’affirme comme la seule espèce viable. De plus en plus enclin au pessimisme, Grass en appelle cependant toujours à la raison : « Si nous abandonnions, si nous laissions la pierre au pied de la montagne en refusant de continuer à être Sisyphe, alors nous serions perdus. »« Grass n’aime pas son pays »En 1995, la publication du roman au titre programmatique : Toute une histoire (Ein weites Feld) remet brutalement la littérature en contact avec la politique et provoque un tollé. Günter Grass affirme que l’Allemagne de l’Ouest, avec la réunification, a purement et simplement annexé l’Allemagne de l’Est. Une grande partie de la presse populaire s’insurge contre le romancier et le journal à scandale, Bild Zeitung, titre : « Grass n’aime pas son pays. » Il est également attaqué avec une sauvagerie et une mauvaise foi inouïes par quelques « papillons » (entendez « petits papes ») de la critique s’arrogeant sans vergogne un don d’infaillibilité.Parce qu’il refuse d’adhérer à la pensée dominante, il est dénigré comme écrivain, accusé d’avoir écrit un « plaidoyer pour la RDA » et perfidement invité à poser la plume pour aller cultiver son jardin. Le coup est rude, mais c’est mal connaître Günter Grass, auteur combatif par excellence, pourfendeur de l’imbécillité ambiante. Il y a du Flaubert dans cet homme. Au cours d’un entretien télévisé avec Pierre Bourdieu en novembre 1999, Grass continue à critiquer les méfaits du libéralisme et affirme que « seul l’État peut garantir la justice sociale et économique entre les citoyens ». Il exprime également son désir de voir renaître « l’universalisme et le dialogue culturel hérité des Lumières ».« Un puits d’énergie et un roc d’indignation »Grass a en effet inlassablement soutenu la cause des opprimés : il a défendu Salman Rushdie, victime d’une fatwa en 1989, les écrivains arabophones contestataires et expatriés, le peuple palestinien. Il a souvent dénoncé la politique du gouvernement israélien qu’il jugeait « agressive » et « belliqueuse ». Grass est « l’écrivain des victimes et des perdants » déclare l’Académie suédoise du prix Nobel, qui l’honore en 1999. A l’âge de 72 ans, Günter Grass reçoit en effet le dernier prix Nobel de littérature du XXe siècle, « pour avoir dépeint le visage oublié de l’histoire dans des fables d’une gaieté noire ». Il est célébré comme « un puits d’énergie et un roc d’indignation ».Cette récompense consacre l’écho d’une œuvre immense et luxuriante. Tous les livres de Grass sont traduits dans une vingtaine de langues et il fut le premier à inviter, à chaque nouvelle parution, l’ensemble de ses traducteurs pour permettre l’échange de langues et de cultures, mais aussi pour donner des directives précises – il faut ici rendre hommage à Jean Amsler, premier traducteur de Grass, à Claude Porcell et Bernard Lortholary qui ont repris le flambeau, et à Jean-Pierre Lefebvre pour L’Agfa Box (2010). En Allemagne en revanche, peu de jeunes auteurs se réclament de Günter Grass, préférant de loin la littérature étrangère, notamment américaine.« La honte revenait sans cesse »En août 2006, Grass fait l’objet d’attaques plus violentes encore que les précédentes. A la veille de la sortie de son livre autobiographique, Pelures d’Oignons (Beim Häuten der Zwiebel), il révèle dans une interview son enrôlement en 1944 dans la Waffen-SS. Il avait 17 ans. Il avait prétendu jusque-là n’avoir servi que dans un service auxiliaire de la Luftwaffe. « Ce que j’avais accepté avec la stupide fierté de ma jeunesse, je voulais, après la guerre, le cacher à mes propres yeux car la honte revenait sans cesse. Mais le fardeau est resté et personne n’a pu l’alléger. »Cette révélation suscite malaise et incompréhension. La querelle qui s’ensuit dépasse les frontières allemandes et est à l’origine d’une controverse entre intellectuels européens, certains d’entre eux considérant que cet aveu lui ôte son statut de caution morale, d’autres au contraire, comme Christa Wolf, pensant que cette sincérité, même tardive, ne fait que renforcer sa légitimité. La droite allemande dénonce son hypocrisie et ses sermons galvaudés sur le passé nazi de la nation et le presse même de rendre son prix Nobel.« La pelure qui brille sous la pelure »Grass a fait ce qu’ont fait des milliers d’autres garçons de son âge dans une époque tourmentée. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est d’avoir attendu si longtemps pour le dire et, lourd de ce secret, d’avoir souvent pris la posture du donneur de leçons, du praeceptor germaniae. Les leçons étaient souvent bonnes, la posture était bancale. Mais il est une part de complexité irréductible à la logique, « aussi charnue que soit la pelure qui brille sous la pelure ».Depuis quelques années, Günter Grass s’était mis en retrait du monde. Il publiait peu (son dernier roman, Les mots de Grimm. Une déclaration d’amour, sorti en 2010, n’est pas encore traduit), il parlait peu, mais sa présence silencieuse veillait. Avec lui s’éteint un phare de la littérature mondiale, qui ne renvoyait pas seulement les éclats d’une mer mouvante, mais sondait aussi les profondeurs et les épaves d’un monde trouble, contradictoire, magique et parfois monstrueux. Grass aura ravivé le chaos d’une littérature fantasque et grotesque, irriguée par les exigences courageuses de l’humanisme.Pierre DeshussesJournaliste au Monde Marie Sumalla ((propos recueillis)) Le photographe russe Sergey Ponomarev a fait ses classes pendant huit ans à l’agence Associated Press. Aujourd’hui photojournaliste indépendant, à 34 ans, il est correspondant de guerre pour le New York Times. Depuis, il réalise régulièrement pour le quotidien américain des reportages autour du monde, de Gaza à Maïdan, en passant par Damas. Selon lui, photographier, c'est construire du sens. A Paris, la galerie Iconoclastes expose son travail pour la première fois à partir du 9 avril. Travailler pour un média aussi prestigieux que le New York Times a-t-il une influence sur votre éthique ? Comment envisagez-vous votre responsabilité journalistique ?Sergey Ponomarev : Je n'ai aucune pression quant à cette responsabilité car je m'impose de rigoureux critères de travail, les éditeurs savent et me font confiance.Les règles que je me suis fixées sont d'abord photographiques : je ne mettrai jamais en scène une image, je ne demanderai jamais à une personne de prendre la pause ou de bouger de telle ou telle façon. Mais je suis satisfait si le hasard fait que celui que je photographie regarde dans ma direction. Je pense que la présence d'un photographe interfère irrémédiablement dans la situation, c'est déjà plus qu'assez.Quand j'étais plus jeune, j'ai entendu Steve McCurry [photographe américain de l’agence Magnum] dire qu'il pouvait rester des heures à attendre que la bonne photographie apparaisse dans son objectif. Aujourd'hui, moi aussi j'ai appris la patience, et si la composition n'apparait pas dans le cadre, c'est moi qui pars.Dans les agences de presse, on a vu de brillants photographes se faire évincer pour des modifications mineures sur leur images. Un photographe ne peut pas jouer avec la réalité, mettre en doute sa crédibilité. Il se doit d’être intransigeant avec son travail.Je suis resté très concentré sur les leçons tirées des huit ans que j’ai passés chez Associated Press (AP). Je n'aurais jamais pu apprendre ces principes journalistiques en étant un photographe russe indépendant.Parfois les personnes que je rencontre sont surprises qu'un photojournaliste russe travaille pour un tel média américain, mais je ne pourrais plus travailler pour un journal russe comme je l'ai fait il y a quelques années. Je sais qu’à un moment ou à un autre, les informations seraient détournées.Maïdan, Damas... Comment parvenez-vous à déjouer les messages de propagande, les messages officiels, et garder votre sens journalistique ?Il faut avant toute chose comprendre ce qu'est la propagande. Lorsque j'étudiais à l'université de journalisme, à Moscou, nous avions des cours obligatoires d'enseignement militaire. Ils consistaient à nous entraîner aux règles de la propagande. En cas de guerre nous devions être prêts à penser comme des professionnels.Le principe est plutôt simple : il faut choisir un fait puis le tordre de façon à ce qu'il paraisse toujours réel tout jouant sur les mots. C’est cela la propagande : il y a peu de mensonges dans sa fabrication, juste des déviations. Donc à Maïdan (à Kiev, en Ukraine) ou à Damas (Syrie), il faut déconstruire les messages officiels pour comprendre la réalité. En Ukraine, ceux que l'on a appelés plus tard les "séparatistes" ne se considéraient pas comme tels, ils revendiquaient juste une meilleure vie. Les télévisions les ont aidés à broder une histoire. Plus tard à Lougansk [est de l’Ukraine, théâtre de violents combats], lors des bombardements, l'électricité a été coupée. Pendant un moment, les habitants n'ont plus eu accès à la télévision, aux journaux, etc. Leur discours différait vraiment de celui des habitants de Donestk qui absorbaient la propagande. C'était vraiment frappant !Quelle est, selon vous, la différence majeure entre un photographe amateur et un professionnel ? Le professionnel connaît la substance, l'histoire, il saisit les origines des événements qu'il documente, il comprend en filigrane, le pourquoi des événements qui ont lieu devant ses yeux.Il n'est pas là uniquement pour relever les faits et tout photographier. Il est capable de les analyser, de donner du sens à ce qu'il photographie. Autrement dit, l'image du professionnel n'est pas qu'une simple reproduction de la réalité, elle inclut le message, l'info du journaliste photographe.J'ai compris ceci dès mes premières années de travail en agence de presse. Je voulais tout photographier, puis j'ai compris que j'étais capable d'intégrer à l'image ma sensibilité, ma connaissance. L'expérience sur le terrain aide à dépasser la pure émotion. L'amateur, lui, est juste sous le choc, sa photographie est un réflexe émotionnel.Susan Sontag parle de « la prolifération d’images atroces qui susciteraient parfois chez l’individu un appétit vif, comparable à celui que procure la vision des corps nus » . Qu’en pensez-vous ? Quand on photographie la guerre, y a-t-il le risque de devenir dépendant à la violence ? Nous vivons aujourd'hui dans une ère humanitaire, mais autrefois, la torture était un amusement. La foule se pressait pour assister aux exécutions publiques. Aujourd’hui encore, l’assistance fixe du regard les cadavres, occultant tout ce qui se passe autour. Oui, il y a une certaine addiction à voir la mort, cette partie de la vie qui questionne tant l'être humain. Pourquoi ? Parce que les gens sont à l’abri, mais ils peuvent percevoir l'état de souffrance de l'autre. Bien sûr, la peine, la compassion sont présentes, mais il y a surtout une attraction naturelle à tenter de percevoir ce qui t'arrivera aussi un jour.Personnellement et pour des questions d'objectifs professionnels, j'essaye de me détourner, de prendre de la distance. Je ne ressens aucune addiction à l’horreur, c'est seulement mon travail actuel.C’est la première fois que vous exposez votre travail dans une galerie. Est-ce le lieu le plus approprié pour montrer des photographies de presse ? Cette exposition est vraiment inattendue pour moi. Je n'avais jamais pensé à montrer mes photographies dans une galerie. C'est une proposition. Il a fallu que je revienne sur le contexte politique et social des reportages, pour expliquer à l'équipe le pourquoi de mes photos. L'approche de la galerie est semble-t-il plus liée à l'iconographie de référence, la peinture des siècles derniers.Je dois dire que je ne photographie pas la guerre comme s'il fallait que je décrive une guerre, je veux juste que ces images reflètent la réalité dont j'ai voulu témoigner, même si parfois j'ai envie d'aller plus loin vers la métaphore.Mais la limite s'impose encore une fois. Lorsque j'envoyais mes images à AP, elles pouvaient être éditées, appréciées, vérifiées par un éditeur à Londres, aux Etats unis ou au Japon. C'est-à-dire des personnes de différentes nations avec des cultures différentes. L'idée est de soumettre une photographie compréhensible par le plus grand nombre, c'est tout et c'est déjà beaucoup. Bien sûr, tu utilises tes talents artistiques, ton sens de la composition, ta gestion de la lumière et tu soumets dans les règles.Quel est votre avis sur la récompense donnée à Mads Nissen (photographie de l’année) par le World Press Photo ? Je me sens bien sûr concerné par cette décision. Selon moi, les conditions de vie de la communauté homosexuelle russe et les incompréhensions qu’elles suscitent dans les sociétés civiles européennes est un objet de litige européen, et qui s'adresse avant tout aux européens. Mais le World Press est une référence internationale. Pour le photojournalisme et pour les grands bouleversements du monde, ce choix est une énorme défaite. Gaza, l'Ukraine et la guerre aux portes de l'Europe… et, par-dessus tout, les reportages qui rendent compte de la poussée islamiste à travers tous les continents, sont selon moi les histoires à privilégier.Voir le Palmarès du World Press Photo 2015 Marie Sumalla ((propos recueillis))Journaliste au Monde Clément Martel Les quatre premiers épisodes de la saison 5 de la série de la chaîne américaine HBO « Game of thrones » ont fuité sur les sites de téléchargements illégaux dans la nuit de samedi à dimanche 12 avril, à quelques heures de la diffusion mondiale du premier épisode, a révélé le site internet TorrentFreak.« Les épisodes qui ont fuité, qui semblent être des copies envoyées aux critiques de médias, ont été téléchargés plus de 100 000 fois en juste trois heures », écrit dimanche le site spécialisé dans les informations sur le partage de données. Or le premier épisode de la nouvelle saison de cette saga de « fantasy » médiévale devait être diffusé au même moment dans les 170 pays du monde où elle est retransmise (sur OCS City en France), quel que soit le décalage horaire : à 21 heures sur la côte est des Etats-Unis, soit lundi 2 heures en France.Game of Thrones étant la « reine des séries piratées », la plus partagée par les internautes de façon illégale année après année, la fuite des premiers épisodes était un risque que courait la super-production de HBO. Mais cette fuite, advenue après des mois de campagne publicitaire prévenant que « le futur commence le 12 avril » (avec des tweets privés éphémères envoyés aux fans par exemple), ne doit pas réjouir la chaîne à péage américaine.Début avril, un des producteurs de la série s'était inquiété de potentielles fuites en raison de la diffusion des contenus à un nombre accru de personnes. « Les membres du casting font le tour de la planète, s'envoyant et renvoyant les fichiers. Les effets spéciaux sont faits aux quatre coins du monde. Chaque fichier a un filigrane numérique, et les personnes y ayant accès doivent confirmer leur destruction par écrit », expliquait Greg Spence, chargé de la post-production de la série, au Denver Post.Mais il faut croire que l'attente suscitée par la série a été trop forte, et au moins une personne a cédé, et diffusé illégalement les quatre premiers épisodes de la cinquième saison. De façon pratique, chaque screener (copie envoyée aux journalistes et autres personnes devant assurer le barnum autour de la sortie) avait un filigrane (watermark) incrusté pour pouvoir tracer les fuites éventuelles. Ce qui n'a rien empêché, le watermark étant simplement flouté sur cette copie.Ces fichiers piratés, qui trustent déjà les cimes des sites de torrents, sont de bonne qualité (480 p), mais pas au niveau de la HD fournie par HBO à compter de ce soir. Et si Google a annoncé cette semaine le lancement d'une technologie anti-spoilers, celle-ci n'est pas encore fonctionnelle.Clément MartelJournaliste au Monde 14.04.2015 à 14h37 • Mis à jour le14.04.2015 à 15h34 | Alain Beuve-Méry C’est une première : les revenus de la musique enregistrée proviennent désormais à parts égales des ventes numériques (46 %) et des ventes de disques (46 %). Telle est la principale information du rapport 2014 sur le marché mondial de la musique, réalisé par l’IFPI, la Fédération internationale de l’industrie phonographique qui rassemble les majors du disque, et publié mardi 14 avril. Les 8 % restants proviennent des droits voisins (radiodiffusion et sonorisation des lieux publics) et des droits de synchronisation (publicité, films, etc.).L’industrie de la musique, qui est la première à avoir été brutalement confrontée à la révolution numérique, est entrée dans une nouvelle phase de transformation. Les revenus liés au numérique ont progressé de 6,9 % en 2014, pour atteindre un chiffre d’affaires mondial de 6,85 milliards de dollars (6,48 milliards d’euros). Ils ont été multipliés par cinq depuis 2010.De cette révolution en marche naît aujourd’hui « un sentiment d’optimisme », constate Frances Moore, patronne de l’IFPI. Pendant plus d’une décennie, l’industrie musicale a connu des baisses fortes et régulières de son chiffre d’affaires qui ont été accompagnées de réductions massives d’effectifs, de restructurations entraînant des fusions et absorptions entre majors, voire entre labels indépendants, et d’artistes laissés sur le carreau.En 2014, les revenus globaux de la musique se sont élevés à 14,965 milliards de dollars (14,2 milliards d’euros), en légère baisse de 0,4 % sur 2013 (après un recul de 4 % en 2013). La croissance du streaming l’an dernier n’a pas encore compensé la baisse conjuguée des ventes physiques (– 8,1 %) et des téléchargements (– 8 %), mais un cap a été franchi, de l’avis des responsables des majors du disque.Tendances hétérogènes« Le secteur de la musique est en train de gérer simultanément la transition du physique au numérique, celle du PC au mobile et celle du téléchargement au streaming. Dans ce contexte, ce secteur se porte remarquablement bien et, avec un modèle d’abonnement payant, nous construisons une industrie qui va perdurer », affirme Edgar Berger, président de Sony Music Entertainment Monde.Ce que note l’IFPI, c’est l’hétérogénéité des tendances à l’œuvre, suivant les territoires, même si le streaming (l’écoute de musique sans téléchargement) gagne du terrain sur tous les continents. Partie des pays scandinaves, cette révolution des usages où l’utilisateur n’est plus propriétaire d’un format, mais détient l’accès permanent à un flux – comme l’eau et le gaz –, a désormais une véritable implantation aux Etats-Unis, premier marché mondial de la musique, et a enfin émergé au Japon (2e marché).Ainsi, les services de streaming par abonnement ont largement tiré la croissance régulière des revenus du numérique : + 39 % en 2014, soit 1,55 milliard de dollars. Le streaming représente aujourd’hui 32 % du chiffre d’affaires issu du numérique, se décomposant en 23 % pour le streaming par abonnement (+ 5 %) et 9 % pour le streaming financé par la publicité (+ 38 %). Ce qui s’explique notamment par le développement de services gratuits aux Etats-Unis par Spotify, leader mondial du streaming. Lancement de nouveaux servicesDe fait, le nombre d’abonnés à des services de streaming payant n’a cessé de croître : ils ont fait un bond de 8 millions en 2010 à 28 millions en 2013, avant de grimper à 41 millions dans le monde, en 2014, selon l’IFPI. Les abonnements à des services de streaming représentent la majorité des revenus issus du numérique dans dix pays, dont les quatre pays scandinaves, mais aussi aux Pays-Bas, en Corée du Sud, à Taïwan et Hongkong.Plusieurs raisons expliquent la croissance rapide de ce nouveau mode d’écoute musicale : des innovations technologiques avec une plus grande facilité d’accès hors connexion, mais aussi la forte croissance du parc de smartphones.Dans les mois qui viennent, le lancement de nouveaux services par des acteurs majeurs du marché devrait encore renforcer le poids du streaming. Avant l’été 2015 est en effet attendu Apple Beats, le service de streaming d’Apple qui sera directement accessible par les millions de propriétaires d’i-Phone. C’est donc à près de 800 millions de comptes et de cartes de crédit qu’il s’adressera. YouTube, pour sa part, poursuit le développement à l’international de son service de streaming Music Key qui donne un accès illimité à Google Play Music, pour 10 dollars par mois.Si la transition numérique du marché de la musique voit enfin le jour au niveau mondial, c’est qu’aux Etats-Unis – où le marché est en hausse de 2,1 % – les revenus du numérique ont atteint 3,4 milliards de dollars, soit 71 % des revenus de la musique enregistrée. Le téléchargement représente encore 55 % du marché, en recul de 7 %, alors que le streaming gagne des parts de marché.Critiques de certains artistesMais tous les pays sont loin d’avoir accompli leur mue. Les ventes physiques demeurent très dominantes au Japon (78 %) et en Allemagne, troisième marché mondial (+ 1,9 %), où elles représentent 70 % du chiffre d’affaires. De même pour la France, les ventes physiques sont à 57 %. Par ailleurs, même si les ventes de vinyles explosent (+ 55 %), le disque de nos grands-parents reste, avec 2 % du marché mondial, un marché de niche.Lire aussi :Le streaming donne un coup de fouet au marché de la musiqueSi le streaming progresse, il n’en est pas moins la cible de critiques de la part d’artistes comme l’américaine Taylor Swift, qui a le plus vendu en 2014, devant le groupe One Direction, selon le classement mondial de l’IFPI. Mais, comme le note Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), « il faut distinguer les services d’abonnement streaming audio, comme Spotify, Deezer et Qobuz, qui ont versé 1,6 milliard de dollars aux maisons de disque en 2014, des plates-formes de vidéo, dont principalement YouTube, qui revendiquent plus d’un milliard d’utilisateurs et ne reversent que 641 millions de dollars ». Faire payer les plates-formes de streaming vidéo, telle est la prochaine croisade des maisons de disque. Le défi est d’autant plus grand que, selon une étude Ipsos réalisée pour l’IFPI, « un tiers des utilisateurs qui écoutent la musique sur YouTube ne regardent pas les vidéos » et qu’il s’agit pour l’essentiel des jeunes générations.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.04.2015 à 19h25 • Mis à jour le13.04.2015 à 22h51 | Béatrice Jérôme Manuel Valls a choisi de confier à Pascal Lamy la  mission  d’organiser la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025. Selon nos informations, le premier ministre devrait officialiser ce choix à l’issue du comité interministériel sur le Grand Paris, mardi 14 avril. François Hollande avait fait part le 6 novembre 2014 de son intention de porter la candidature de la France, qui doit être déposée en avril 2016.En choisissant M. Lamy, l’exécutif fait appel à un homme rompu aux marathons diplomatiques. Le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce de 2005 à 2013 devra mettre à profit ses réseaux économiques et sa notoriété sur la scène internationale pour tenter de convaincre les cent soixante-huit pays membres — dont la France – du bureau international des expositions (BIE), qui doivent se prononcer en 2018.Un choix qui fait l’unanimitéCe « casting » est aussi politique. Régulièrement cité parmi les ministrables depuis 2012, ce socialiste d’obédience libérale, qui dirigea de 1985 à 1994 le cabinet de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, avait salué la nomination de Manuel Valls à Matignon comme le gage d’une « inflexion » économique « importante ». Emmanuel Macron, ministre de l’économie, en phase aussi avec les idées de M. Lamy, a plaidé parmi les premiers pour sa nomination.M. Lamy fait l’unanimité auprès des acteurs du dossier. « C’est un choix judicieux », se félicite Jean-Christophe Fromantin, le maire de Neuilly-sur-Seine, promoteur du projet de la candidature française. « Il est un de ceux qui ont le mieux compris la mondialisation », ajoute le député (UDI) des Hauts-de-Seine, président de l’association Expofrance 2025. Coanimateur du projet, Luc Carvounas, sénateur vallsiste du Val-de-Marne, voit en lui « quelqu’un de très bien et qui sera bien perçu ». Sa nomination éventuelle devrait plaire à Anne Hidalgo pour une autre raison : M. Lamy pourra « reprendre » le scénario du maire de Neuilly, a déclaré la maire de la capitale, lundi 13 avril en marge du Conseil de Paris, comprendre : lui donner une nouvelle orientation. Car telle que prévue par MM. Fromantin et Carvounas, l’Exposition se déroulerait dans toute la France — et non pas seulement dans la capitale, comme le veut la tradition. « Une Exposition “multisite”, ça n’existe pas », assure pourtant Mme Hidalgo, qui a pu s’entretenir avec les autorités du BIE.« M. Lamy adhère totalement à l’audace, à la modernité du projet », assure toutefois M. Fromantin, qui assure l’avoir « constaté » en mars, lors de leurs deux entrevues.Béatrice JérômeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le directeur du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le directeur du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Marie-Aude Roux Le 4 mars, salle Gaveau à Paris, Jean-Bernard Pommier donnait le deuxième des huit concerts qu’il consacre à l’intégrale des 32 sonates de Beethoven. Le pianiste français n’a pas voulu souhaité respecté la chronologie de leur composition (le premier concert du 2 mars comportait par exemple l’une des dernières sonates, la fameuse op.106 « Hammerklavier »). Ce beethovénien de la première heure, auteur d’une intégrale gravée en 1994 pour Erato et de concerts marathons à Londres, Bruxelles, aux Pays-Bas, etc… a choisi un ordre qui répond « aux impératifs formels et techniques », et aussi peut-être à quelque secrète dramaturgie connue de lui seul. « J’ai vu petit à petit le message du temps se transformer dans la musique, explique-t-il. Il s’épaissit, s’élargit, se contracte, au fur et à mesure que les choses de la vie s’amenuisent. »Au programme du concert, Jean-Bernard Pommier a mis quatre sonates, entrecroisant les « best-sellers » à titres sortis de l’anonymat des numéros d’opus – La Tempête (alias Sonate n°17 en ré mineur op.31/2) et Les Adieux (alias n°26 en mi bémol majeur op.81a) – et deux autres restées dans le rang, les Sonates n°2 en la majeur op. 2/2 et n°10 en sol majeur op.14/2.Un son large et francA 70 ans, le pianiste (né le 17 août 1944 à Béziers, comme Yves Nat, dont il fut le dernier élève), est toujours une force de la nature (beethovénien en cela aussi), tête carrée à chevelure moutonnante, petite taille râblée mais large poitrine. Son confrère de 59 ans, le pianiste Michel Dalberto, est dans la salle. Un signe qui ne trompe pas. Jean-Bernard Pommier a rejoint son Steinway, acheté en 1989 à Hambourg à la barbe d’Alfred Brendel, comme il se plaît malicieusement à le souligner. Il a attaqué la Sonate n°2 bille en tête. Un son large et franc, fermement tenu, à l’hédonisme chaleureux. Pommier est un jouisseur qui ne triche pas. Les doigts poussent le son au fond des touches, les caresse à larges pattes de velours, transformant la musique qui est aussi une vivante matière organique.La Tempête,Jean-Bernard Pommier l’a enchaînée quasiment sans crier gare. Les phrasés sont limpides, que le pianiste brouille parfois de résonances harmoniques, histoire de pousser toujours plus loin cette exploration des limites qui est pour lui la marque même de la musique de Beethoven. Une marque qu’il définit ainsi : « Pour Beethoven, la survie est plus intéressante que la vie. C’est un répertoire dans lequel je n’ai jamais ressenti l’effort, même s’il demande des talents athlétiques, dit-il simplement. La Sonate n°10 gardera aussi ce ton d’épicurisme sanguin, non exempt de profondeur. Comme dans Les Adieux, dont la demi-teinte grave du début délivre d’emblée son content de nostalgie, avant la longue plainte de L’Absence puis la ferveur joyeuse du Retour.Enfant prodigeJean-Bernard Pommier fait partie de ces musiciens français qui ont fait leur carrière à l’étranger. Le hasard des rencontres, des concours. L’un, remporté en 1960 à Berlin (le Concours international des Jeunesses musicales), avant le Concours Tchaïkovski à Moscou deux ans plus tard, dont Jean-Bernard Pommier est le plus jeune finaliste. « Rien ne m’a vraiment éloigné de France si ce n’est qu’après Berlin et Moscou, je suis parti aux Etats-Unis pour travailler avec Eugene Istomin, un ami de Pablo Casals, que j’avais connu au Festival de Prades, où je me produisais enfant. » Car Jean-Bernard Pommier a été un enfant prodige, que son père, Robert Pommier, organiste à la Madeleine de Béziers, oubliera dans l’orgue un dimanche matin après l’office. « J’avais 4 ans. On me cherche partout. Mon père entend soudain l’orgue. Il remonte à la tribune et voit que j’avais mes mains sur le clavier. » Dès le lendemain, Robert Pommier décide d’emmener le huitième de ses enfants chez Mina Koslova, une pianiste juive russe réfugiée à Béziers pendant la Seconde guerre mondiale. « Je lui dois tout, affirme le pianiste, qui a aussi travaillé au Conservatoire de Paris avec Pierre Sancan. De 4 à 11 ans, elle m’a fait travailler chez elle trois heures tous les jours. A 7 ans, j’ai donné mon premier concert avec elle, qui m’accompagnait dans le Concerto en la majeur KV 488 de Mozart dans la transcription pour deux pianos. »Collaboration avec Herbert von KarajanJean-Bernard Pommier est intarissable sur les années heureuses de sa jeunesse, sa fructueuse collaboration avec Herbert von Karajan et la Philharmonie de Berlin, son expérience de chef d’orchestre avec le Royal Northern Sinfonia (1996-1999) et l’Orchestra Filarmonica de Turin, qui ne doit pas interférer avec l’interprétation pianistique. « J’ai dirigé toutes les symphonies et ouvertures de Beethoven, mais le respect du piano commande de faire abstraction de l’imaginaire orchestral. » affirme-t-il. Jusqu’au 17 juin, Jean-Bernard Pommier poursuivra ses pérégrinations beethovéniennes. A 70 ans, il se dit plus optimiste qu’il ne l’était à la cinquantaine. C’est que le public actuel lui semble avoir enfin des oreilles reliées au cœur. « Le XIXe siècle a été très critique car il y avait un savoir. Au XXe, on a été très snob car on croyait savoir. Au XXIe, la crise globale des valeurs ouvre un champ de sensibilité beaucoup plus fragile, et peut-être plus proche du trésor artistique. »Intégrale Beethoven par Jean-Bernard Pommier (piano). Les 13 avril, 27 mai, 4, 15 et 17 juin à 20h30. Salle Gaveau, 45-47 rue La Boëtie, Paris-8e. Tél. : 01-49-53-05-07. De 22 € à 55 €. Sallegaveau.comMarie-Aude RouxJournaliste au Monde Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant) L’hommage de Lech Walesa n’a pas tardé. Quelques heures après l’annonce de la mort de Günter Grass, le Prix Nobel de la paix et ancien président polonais a salué la mémoire d’« un grand intellectuel qui aimait Gdansk, comme moi ».« Nous avons eu une vision similaire du monde, de l'Europe, de la Pologne. Nous avons vu l'avenir plutôt en rose, en tirant des leçons d'un mauvais passé entre Allemands et Polonais », a-t-il déclaré.« Nous avions beaucoup de choses en commun et peu de choses nous divisaient. Il savait que mon père était mort à cause de la guerre. Il savait que la conception allemande erronée avait coûté très cher au monde entier, et en particulier à la Pologne », a ajouté Lech Walesa, 71 ans, chef historique du syndicat Solidarité.Les premiers hommages en AllemagneComme on pouvait s’y attendre, la première réaction officielle au décès de Günter Grass est venue du Parti social-démocrate allemand (SPD), ce parti dont l’écrivain fut longtemps adhérent et dont il était resté un compagnon de route, parfois encombrant mais toujours fidèle. La longue déclaration faite par Sigmar Gabriel reflète cette relation : « Il a changé notre pays, l’a éclairé au meilleur sens du terme. Ses prises de parole souvent contestables et ses interventions dans différents domaines ont donné plus de couleurs, ont enrichi la culture politique allemande et ont modifié les relations entre la politique et la culture », note le président du SPD qui revient sur la « légendaire amitié [de l’écrivain] avec le chancelier Willy Brandt [1969-1974] » et le rôle actif pris par l’auteur du Tambour dans les campagnes de 1969 et 1972.Encore en février, Günter Grass avait pris part dans sa ville de Lübeck à une rencontre avec de jeunes auteurs. En 2013, il avait fait campagne en faveur de Peer Steinbrück, le candidat du SPD contre Angela Merkel.A la CDU, c'est Peter Tauber, le secrétaire général – et non Angela Merkel, la présidente, qui a réagi. Günter Grass était une « personnalité marquante de la République », note M. Tauber qui ajoute : « Il prenait parti, combattait pour ses positions et, de ce fait, n'était pas incontesté ». Néanmoins « avec sa mort, une voix critique, passionnée et provocante dans les débats de société s'est tue ».« Fier et obstiné »En avril 2012, Günter Grass avait publié dans la Süddeutsche Zeitung un poème « Ce qui doit être dit » dans lequel il accusait Israël de menacer l’Iran et du coup la paix dans le monde. Il critiquait les ventes d’armes allemandes, notamment des sous-marins, à Israël. Critiqué par la plupart des responsables politiques allemands, l’auteur avait fait en partie marche arrière, s’en prenant non plus à Israël mais à son gouvernement.Mais le soutien qu’il a alors reçu d’une partie de l’opinion avait conduit le SPD à modérer à son tour les critiques à son égard. Sigmar Gabriel avait affirmé dans un entretien au Spiegel, le 16 avril, que Günter Grass n'était pas « antisémite ». Il disait lire le poème incriminé comme « un appel à l'aide » de quelqu'un qui redoute une guerre au Proche-Orient et jugeait les critiques contre Günter Grass « exagérées et en partie hystériques ».Ce lundi, le journal conservateur Die Welt, qualifie « notre poète national » de citoyen « fier et obstiné ». Qu’ils l’aient aimé ou non, les Allemands semblent déjà regretter cet « esprit querelleur » (Süddeutsche Zeitung), ce « fauteur de troubles » (la chaîne 3 Sat) qui détonnait dans une Allemagne plus portée au consensus que jamais.Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)journalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.04.2015 à 12h37 • Mis à jour le13.04.2015 à 14h41 | Pierre Deshusses C’était un écrivain de cœur et de gueule, sans conteste le plus célèbre des auteurs allemands de l’après-guerre. Günter Grass est mort lundi 13 avril, dans une clinique de Lübeck, a annoncé la maison d’édition Steidl. Il avait 87 ans. Prix Nobel de littérature en 1999, il était aussi un homme politiquement engagé à gauche, qui avait activement soutenu le chancelier Willy Brandt dans les années 1970 et farouchement critiqué la réunification dans les années 1990, sans compter ses multiples prises de positions en faveur des opprimés de tous les pays.C’est en 1959 que Günter Grass fait son entrée en littérature. Une entrée fracassante sur la scène internationale avec son premier roman, Le Tambour (Die Blechtrommel), imposant par son volume, dérangeant par son propos, époustouflant par son style. Ce roman de plus de six cents pages rompt avec les deux singularités de la littérature allemande d’après-guerre : d’un côté la littérature des ruines (« trümmerliteratur ») représentée par Heinrich Böll, d’un autre la littérature expérimentale, dont le représentant le plus singulier est Arno Schmidt. Dans Le Tambour, Oskar Matzerath a trois ans lorsqu’il décide de ne plus grandir. Il se jette dans les escaliers d’une cave pour se briser les vertèbres et ne jamais ressembler aux adultes. Enfermé dans un asile, et à l’aide de son tambour en fer blanc qui l’accompagne partout, il rameute les souvenirs, depuis la conception de sa propre mère en 1899 jusqu’aux débuts de la République Fédérale d’Allemagne (RFA), en passant par le nazisme. Doué d’une lucidité extraordinaire, capable de pousser des cris stridents qui brisent instantanément toutes les vitres et les vitrines, comme l’ont fait les nazis en 1938 au cours de la « Nuit de cristal », il exprime, dans une parodie pathétique, sa solitude et son désir d’exister.« Le fascisme ordinaire »Dans cette œuvre centrale, qui tient à la fois du roman picaresque et du roman de formation, on reconnaît l’influence de Grimmelshausen (1622-1676) et de Döblin (1878-1957), modèle revendiqué par Grass, mais aussi de Fontane (1819-1898). Mais c’est surtout le premier roman allemand d’envergure à s’attaquer au « fascisme ordinaire » tel que l’avait vécu l’homme de la rue, victime et coupable à la fois. Hans Magnus Enzensberger ne s’y est pas trompé, qui écrivait de Grass : « Cet homme est un empêcheur de tourner en rond, un requin au milieu des sardines, un solitaire et un sauvage dans notre littérature domestiquée, et son livre est un pavé comme le Berlin Alexanderplatz de Döblin, comme le Baal de Brecht, un pavé sur lequel les critiques et les philologues vont avoir à ronger pendant au moins dix ans, jusqu’à ce qu’il soit à point pour la canonisation ou l’oubli. » Le Tambour n’a pas sombré dans l’oubli. Porté à l’écran vingt ans plus tard par Volker Schlöndorff, en 1979, il a même obtenu la Palme d’or à Cannes et l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood. Le Tambour est le premier volet de ce que l’on appelle la « trilogie de Dantzig », complétée en 1961 Par Le Chat et la Souris (Katz und Maus) et en 1963 par Les Années de chien (Hundejahre).C’est en effet à Dantzig, « ville libre » de Prusse orientale (aujourd’hui Gdansk en Pologne), que Günter Grass est né, le 16 octobre 1927, de parents commerçants n’ayant pas perdu leurs attaches paysannes. Sa famille est allemande du côté paternel et kachoube du côté maternel. Les Kachoubes sont des slaves installés dans les plaines de l’Allemagne du Nord, sur la rive gauche de la Vistule, territoire redevenu polonais en 1945. Cette population tient sa place dans de nombreux ouvrages de Grass, telle la grand-mère au début du Tambour cachant sous ses quatre jupes traditionnelles un fugitif qui, dans cet abri improvisé, fait des découvertes qui n’ont pas seulement un parfum ethnique. L’invasion de Dantzig – la ville du fameux « corridor » qui fut à l’origine de l’invasion de la Pologne – est approuvée par sa famille, même si l’un des oncles polonais du jeune Günter est fusillé par l’armée allemande. Après un passage, en 1937, dans la Jungvolk, subdivision de la Jeunesse hitlérienne pour les plus jeunes, il s’engage dans le service armé et est affecté à une batterie anti-aérienne comme auxiliaire de la Luftwaffe. À la fin de la guerre, il est fait prisonnier par les Américains et libéré en 1946.« Un style nouveau »Grass mène alors une vie de bohème et tente de se reconstruire après des drames familiaux (sa mère et sa sœur ont vraisemblablement été violées par des soldats russes). Après avoir travaillé dans une mine de potasse près de Hanovre, il fait des études d’arts plastiques à Düsseldorf et à Berlin-Ouest, notamment auprès du sculpteur Karl Hartung. Il se marie avec une danseuse suisse et gagne chichement sa vie grâce à ses sculptures et ses gravures. C’est à ce moment qu’il s’essaie à l’écriture, compose des poèmes et entreprend la rédaction d’un roman. En 1955, il se rapproche du Groupe 47 (réuni pour la première fois à Munich en 1947), mouvement de réflexion littéraire rassemblé autour de l’écrivain Hans Werner Richter qui appelle à « des moyens de mise en forme nouveaux, un style nouveau, une littérature nouvelle ».C’est parce qu’il a obtenu le Prix du Groupe 47 que Grass peut, avec l’argent de la bourse, partir à Paris où, entre 1956 et 1959, il va justement écrire Le Tambour, dans un minuscule appartement de la Place d’Italie. Il fréquente les milieux intellectuels de Saint-Germain, découvre le Nouveau roman, se lie d’amitié avec Paul Celan, alors lecteur à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, et qui lui fait découvrir Rabelais. De retour en Allemagne dans les années 1960, Günter Grass s’engage politiquement à gauche et participe aux campagnes électorales des sociaux-démocrates allemands. Il fait 94 discours dans toute l’Allemagne en faveur de Willy Brandt qui est élu chancelier en 1969.« Valeur de vie »Après avoir pris ses distances avec l’engagement politique, né surtout de son amitié avec Willy Brandt, Grass, qui n’a jamais été un révolutionnaire et a eu des mots très durs pour les événements de mai 68, revient à la fresque épique et truculente avec Le Turbot (Der Butt - 1977) et se replie sur ce qui a pour lui « valeur de vie ». Faisant du langage le maître des choses, il retrace l’histoire de la nourriture, fait défiler devant nous les recettes fantastiques, et opère une sorte de réconciliation savoureuse des Allemands avec leur lointain passé, qui apparaît de nouveau comme un pays de légendes. S’inspirant d’un conte des frères Grimm, il retrace parallèlement l’évolution millénaire des relations entre l’homme et la femme et annonce la fin du règne masculin qui a conduit à la catastrophe.Mais le turbot, animal mythique qui, dans cette fable, décide de se mettre au service des femmes, est mis en accusation par quelques donzelles qui lui reprochent son rôle ambigu dans la guerre des sexes. Grass constate avec mélancolie la disparition d’un certain type de femme au dévouement absolu – ce qui lui vaut l’ire de certaines féministes, souvent aussi choquées par sa grivoiserie. En 1986, il propose une œuvre apocalyptique : La Ratte (Die Ratte) qui marque le retour d’Oscar, héros du Tambour, devenu quinquagénaire. Une actualité catastrophique (désastre nucléaire, manipulations génétiques) coïncide avec une vision de fin du monde. A l’époque post-humaine, le rat ou plutôt la femelle – la ratte – s’affirme comme la seule espèce viable. De plus en plus enclin au pessimisme, Grass en appelle cependant toujours à la raison : « Si nous abandonnions, si nous laissions la pierre au pied de la montagne en refusant de continuer à être Sisyphe, alors nous serions perdus. »« Grass n’aime pas son pays »En 1995, la publication du roman au titre programmatique : Toute une histoire (Ein weites Feld) remet brutalement la littérature en contact avec la politique et provoque un tollé. Günter Grass affirme que l’Allemagne de l’Ouest, avec la réunification, a purement et simplement annexé l’Allemagne de l’Est. Une grande partie de la presse populaire s’insurge contre le romancier et le journal à scandale, Bild Zeitung, titre : « Grass n’aime pas son pays. » Il est également attaqué avec une sauvagerie et une mauvaise foi inouïes par quelques « papillons » (entendez « petits papes ») de la critique s’arrogeant sans vergogne un don d’infaillibilité.Parce qu’il refuse d’adhérer à la pensée dominante, il est dénigré comme écrivain, accusé d’avoir écrit un « plaidoyer pour la RDA » et perfidement invité à poser la plume pour aller cultiver son jardin. Le coup est rude, mais c’est mal connaître Günter Grass, auteur combatif par excellence, pourfendeur de l’imbécillité ambiante. Il y a du Flaubert dans cet homme. Au cours d’un entretien télévisé avec Pierre Bourdieu en novembre 1999, Grass continue à critiquer les méfaits du libéralisme et affirme que « seul l’État peut garantir la justice sociale et économique entre les citoyens ». Il exprime également son désir de voir renaître « l’universalisme et le dialogue culturel hérité des Lumières ».« Un puits d’énergie et un roc d’indignation »Grass a en effet inlassablement soutenu la cause des opprimés : il a défendu Salman Rushdie, victime d’une fatwa en 1989, les écrivains arabophones contestataires et expatriés, le peuple palestinien. Il a souvent dénoncé la politique du gouvernement israélien qu’il jugeait « agressive » et « belliqueuse ». Grass est « l’écrivain des victimes et des perdants » déclare l’Académie suédoise du prix Nobel, qui l’honore en 1999. A l’âge de 72 ans, Günter Grass reçoit en effet le dernier prix Nobel de littérature du XXe siècle, « pour avoir dépeint le visage oublié de l’histoire dans des fables d’une gaieté noire ». Il est célébré comme « un puits d’énergie et un roc d’indignation ».Cette récompense consacre l’écho d’une œuvre immense et luxuriante. Tous les livres de Grass sont traduits dans une vingtaine de langues et il fut le premier à inviter, à chaque nouvelle parution, l’ensemble de ses traducteurs pour permettre l’échange de langues et de cultures, mais aussi pour donner des directives précises – il faut ici rendre hommage à Jean Amsler, premier traducteur de Grass, à Claude Porcell et Bernard Lortholary qui ont repris le flambeau, et à Jean-Pierre Lefebvre pour L’Agfa Box (2010). En Allemagne en revanche, peu de jeunes auteurs se réclament de Günter Grass, préférant de loin la littérature étrangère, notamment américaine.« La honte revenait sans cesse »En août 2006, Grass fait l’objet d’attaques plus violentes encore que les précédentes. A la veille de la sortie de son livre autobiographique, Pelures d’Oignons (Beim Häuten der Zwiebel), il révèle dans une interview son enrôlement en 1944 dans la Waffen-SS. Il avait 17 ans. Il avait prétendu jusque-là n’avoir servi que dans un service auxiliaire de la Luftwaffe. « Ce que j’avais accepté avec la stupide fierté de ma jeunesse, je voulais, après la guerre, le cacher à mes propres yeux car la honte revenait sans cesse. Mais le fardeau est resté et personne n’a pu l’alléger. »Cette révélation suscite malaise et incompréhension. La querelle qui s’ensuit dépasse les frontières allemandes et est à l’origine d’une controverse entre intellectuels européens, certains d’entre eux considérant que cet aveu lui ôte son statut de caution morale, d’autres au contraire, comme Christa Wolf, pensant que cette sincérité, même tardive, ne fait que renforcer sa légitimité. La droite allemande dénonce son hypocrisie et ses sermons galvaudés sur le passé nazi de la nation et le presse même de rendre son prix Nobel.« La pelure qui brille sous la pelure »Grass a fait ce qu’ont fait des milliers d’autres garçons de son âge dans une époque tourmentée. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est d’avoir attendu si longtemps pour le dire et, lourd de ce secret, d’avoir souvent pris la posture du donneur de leçons, du praeceptor germaniae. Les leçons étaient souvent bonnes, la posture était bancale. Mais il est une part de complexité irréductible à la logique, « aussi charnue que soit la pelure qui brille sous la pelure ».Depuis quelques années, Günter Grass s’était mis en retrait du monde. Il publiait peu (son dernier roman, Les mots de Grimm. Une déclaration d’amour, sorti en 2010, n’est pas encore traduit), il parlait peu, mais sa présence silencieuse veillait. Avec lui s’éteint un phare de la littérature mondiale, qui ne renvoyait pas seulement les éclats d’une mer mouvante, mais sondait aussi les profondeurs et les épaves d’un monde trouble, contradictoire, magique et parfois monstrueux. Grass aura ravivé le chaos d’une littérature fantasque et grotesque, irriguée par les exigences courageuses de l’humanisme.Pierre DeshussesJournaliste au Monde Marie Sumalla ((propos recueillis)) Le photographe russe Sergey Ponomarev a fait ses classes pendant huit ans à l’agence Associated Press. Aujourd’hui photojournaliste indépendant, à 34 ans, il est correspondant de guerre pour le New York Times. Depuis, il réalise régulièrement pour le quotidien américain des reportages autour du monde, de Gaza à Maïdan, en passant par Damas. Selon lui, photographier, c'est construire du sens. A Paris, la galerie Iconoclastes expose son travail pour la première fois à partir du 9 avril. Travailler pour un média aussi prestigieux que le New York Times a-t-il une influence sur votre éthique ? Comment envisagez-vous votre responsabilité journalistique ?Sergey Ponomarev : Je n'ai aucune pression quant à cette responsabilité car je m'impose de rigoureux critères de travail, les éditeurs savent et me font confiance.Les règles que je me suis fixées sont d'abord photographiques : je ne mettrai jamais en scène une image, je ne demanderai jamais à une personne de prendre la pause ou de bouger de telle ou telle façon. Mais je suis satisfait si le hasard fait que celui que je photographie regarde dans ma direction. Je pense que la présence d'un photographe interfère irrémédiablement dans la situation, c'est déjà plus qu'assez.Quand j'étais plus jeune, j'ai entendu Steve McCurry [photographe américain de l’agence Magnum] dire qu'il pouvait rester des heures à attendre que la bonne photographie apparaisse dans son objectif. Aujourd'hui, moi aussi j'ai appris la patience, et si la composition n'apparait pas dans le cadre, c'est moi qui pars.Dans les agences de presse, on a vu de brillants photographes se faire évincer pour des modifications mineures sur leur images. Un photographe ne peut pas jouer avec la réalité, mettre en doute sa crédibilité. Il se doit d’être intransigeant avec son travail.Je suis resté très concentré sur les leçons tirées des huit ans que j’ai passés chez Associated Press (AP). Je n'aurais jamais pu apprendre ces principes journalistiques en étant un photographe russe indépendant.Parfois les personnes que je rencontre sont surprises qu'un photojournaliste russe travaille pour un tel média américain, mais je ne pourrais plus travailler pour un journal russe comme je l'ai fait il y a quelques années. Je sais qu’à un moment ou à un autre, les informations seraient détournées.Maïdan, Damas... Comment parvenez-vous à déjouer les messages de propagande, les messages officiels, et garder votre sens journalistique ?Il faut avant toute chose comprendre ce qu'est la propagande. Lorsque j'étudiais à l'université de journalisme, à Moscou, nous avions des cours obligatoires d'enseignement militaire. Ils consistaient à nous entraîner aux règles de la propagande. En cas de guerre nous devions être prêts à penser comme des professionnels.Le principe est plutôt simple : il faut choisir un fait puis le tordre de façon à ce qu'il paraisse toujours réel tout jouant sur les mots. C’est cela la propagande : il y a peu de mensonges dans sa fabrication, juste des déviations. Donc à Maïdan (à Kiev, en Ukraine) ou à Damas (Syrie), il faut déconstruire les messages officiels pour comprendre la réalité. En Ukraine, ceux que l'on a appelés plus tard les "séparatistes" ne se considéraient pas comme tels, ils revendiquaient juste une meilleure vie. Les télévisions les ont aidés à broder une histoire. Plus tard à Lougansk [est de l’Ukraine, théâtre de violents combats], lors des bombardements, l'électricité a été coupée. Pendant un moment, les habitants n'ont plus eu accès à la télévision, aux journaux, etc. Leur discours différait vraiment de celui des habitants de Donestk qui absorbaient la propagande. C'était vraiment frappant !Quelle est, selon vous, la différence majeure entre un photographe amateur et un professionnel ? Le professionnel connaît la substance, l'histoire, il saisit les origines des événements qu'il documente, il comprend en filigrane, le pourquoi des événements qui ont lieu devant ses yeux.Il n'est pas là uniquement pour relever les faits et tout photographier. Il est capable de les analyser, de donner du sens à ce qu'il photographie. Autrement dit, l'image du professionnel n'est pas qu'une simple reproduction de la réalité, elle inclut le message, l'info du journaliste photographe.J'ai compris ceci dès mes premières années de travail en agence de presse. Je voulais tout photographier, puis j'ai compris que j'étais capable d'intégrer à l'image ma sensibilité, ma connaissance. L'expérience sur le terrain aide à dépasser la pure émotion. L'amateur, lui, est juste sous le choc, sa photographie est un réflexe émotionnel.Susan Sontag parle de « la prolifération d’images atroces qui susciteraient parfois chez l’individu un appétit vif, comparable à celui que procure la vision des corps nus » . Qu’en pensez-vous ? Quand on photographie la guerre, y a-t-il le risque de devenir dépendant à la violence ? Nous vivons aujourd'hui dans une ère humanitaire, mais autrefois, la torture était un amusement. La foule se pressait pour assister aux exécutions publiques. Aujourd’hui encore, l’assistance fixe du regard les cadavres, occultant tout ce qui se passe autour. Oui, il y a une certaine addiction à voir la mort, cette partie de la vie qui questionne tant l'être humain. Pourquoi ? Parce que les gens sont à l’abri, mais ils peuvent percevoir l'état de souffrance de l'autre. Bien sûr, la peine, la compassion sont présentes, mais il y a surtout une attraction naturelle à tenter de percevoir ce qui t'arrivera aussi un jour.Personnellement et pour des questions d'objectifs professionnels, j'essaye de me détourner, de prendre de la distance. Je ne ressens aucune addiction à l’horreur, c'est seulement mon travail actuel.C’est la première fois que vous exposez votre travail dans une galerie. Est-ce le lieu le plus approprié pour montrer des photographies de presse ? Cette exposition est vraiment inattendue pour moi. Je n'avais jamais pensé à montrer mes photographies dans une galerie. C'est une proposition. Il a fallu que je revienne sur le contexte politique et social des reportages, pour expliquer à l'équipe le pourquoi de mes photos. L'approche de la galerie est semble-t-il plus liée à l'iconographie de référence, la peinture des siècles derniers.Je dois dire que je ne photographie pas la guerre comme s'il fallait que je décrive une guerre, je veux juste que ces images reflètent la réalité dont j'ai voulu témoigner, même si parfois j'ai envie d'aller plus loin vers la métaphore.Mais la limite s'impose encore une fois. Lorsque j'envoyais mes images à AP, elles pouvaient être éditées, appréciées, vérifiées par un éditeur à Londres, aux Etats unis ou au Japon. C'est-à-dire des personnes de différentes nations avec des cultures différentes. L'idée est de soumettre une photographie compréhensible par le plus grand nombre, c'est tout et c'est déjà beaucoup. Bien sûr, tu utilises tes talents artistiques, ton sens de la composition, ta gestion de la lumière et tu soumets dans les règles.Quel est votre avis sur la récompense donnée à Mads Nissen (photographie de l’année) par le World Press Photo ? Je me sens bien sûr concerné par cette décision. Selon moi, les conditions de vie de la communauté homosexuelle russe et les incompréhensions qu’elles suscitent dans les sociétés civiles européennes est un objet de litige européen, et qui s'adresse avant tout aux européens. Mais le World Press est une référence internationale. Pour le photojournalisme et pour les grands bouleversements du monde, ce choix est une énorme défaite. Gaza, l'Ukraine et la guerre aux portes de l'Europe… et, par-dessus tout, les reportages qui rendent compte de la poussée islamiste à travers tous les continents, sont selon moi les histoires à privilégier.Voir le Palmarès du World Press Photo 2015 Marie Sumalla ((propos recueillis))Journaliste au Monde Clément Martel Les quatre premiers épisodes de la saison 5 de la série de la chaîne américaine HBO « Game of thrones » ont fuité sur les sites de téléchargements illégaux dans la nuit de samedi à dimanche 12 avril, à quelques heures de la diffusion mondiale du premier épisode, a révélé le site internet TorrentFreak.« Les épisodes qui ont fuité, qui semblent être des copies envoyées aux critiques de médias, ont été téléchargés plus de 100 000 fois en juste trois heures », écrit dimanche le site spécialisé dans les informations sur le partage de données. Or le premier épisode de la nouvelle saison de cette saga de « fantasy » médiévale devait être diffusé au même moment dans les 170 pays du monde où elle est retransmise (sur OCS City en France), quel que soit le décalage horaire : à 21 heures sur la côte est des Etats-Unis, soit lundi 2 heures en France.Game of Thrones étant la « reine des séries piratées », la plus partagée par les internautes de façon illégale année après année, la fuite des premiers épisodes était un risque que courait la super-production de HBO. Mais cette fuite, advenue après des mois de campagne publicitaire prévenant que « le futur commence le 12 avril » (avec des tweets privés éphémères envoyés aux fans par exemple), ne doit pas réjouir la chaîne à péage américaine.Début avril, un des producteurs de la série s'était inquiété de potentielles fuites en raison de la diffusion des contenus à un nombre accru de personnes. « Les membres du casting font le tour de la planète, s'envoyant et renvoyant les fichiers. Les effets spéciaux sont faits aux quatre coins du monde. Chaque fichier a un filigrane numérique, et les personnes y ayant accès doivent confirmer leur destruction par écrit », expliquait Greg Spence, chargé de la post-production de la série, au Denver Post.Mais il faut croire que l'attente suscitée par la série a été trop forte, et au moins une personne a cédé, et diffusé illégalement les quatre premiers épisodes de la cinquième saison. De façon pratique, chaque screener (copie envoyée aux journalistes et autres personnes devant assurer le barnum autour de la sortie) avait un filigrane (watermark) incrusté pour pouvoir tracer les fuites éventuelles. Ce qui n'a rien empêché, le watermark étant simplement flouté sur cette copie.Ces fichiers piratés, qui trustent déjà les cimes des sites de torrents, sont de bonne qualité (480 p), mais pas au niveau de la HD fournie par HBO à compter de ce soir. Et si Google a annoncé cette semaine le lancement d'une technologie anti-spoilers, celle-ci n'est pas encore fonctionnelle.Clément MartelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois jours de mise en désordre et d’intensité, voilà ce que promettait le Palais de Tokyo à Paris, où débutait vendredi 10 avril à 18 heures le festival Do Disturb. L’ouvrant grand à « toutes les hybridations possibles » autour de la notion de performance, pour reprendre les mots de la programmatrice de l’événement, Vittoria Matarrese. Après l’expérience des « 30 heures » de 2012, qui avaient déjà donné lieu à une effervescence non stop à l’occasion de la mutation des lieux d’un espace de 8 000 m2 à 22 000 m2, cette nouvelle folie festive se veut la première édition d’un festival annuel.Pour donner à voir et à entendre des dispositifs ou pratiques les plus actuels, aux frontières du spectacle vivant et des arts plastiques, le Palais de Tokyo a convié pour cette édition six institutions ayant « les mêmes préoccupations », explique Vittoria Matarrese : le MoMA PS1 (New York), la Tate Modern (Londres), le Matadero Madrid, le Centre national des arts plastiques (CNAP, Paris), le FRAC Lorraine (Metz), ainsi que le mythique club berlinois Berghain.Chacun a sélectionné des artistes dont ils ont récemment présenté le travail. Soit au total une soixantaine d’artistes et de propositions jouées, dansées, chantées, cuisinées ou projetées, ponctuelles ou en continu, évolutives ou furtives, fixes ou nomades, à découvrir au hasard de ses déambulations dans le labyrinthique centre d’arts.Face aux champs des possibles, voici quelques moments forts de la soirée inaugurale :Des perturbations imprévuesOrganiser un tel désordre mouvant, c’est aussi gérer de multiples aléas. La toute première perturbation de la soirée a été l’annulation d’une performance très symbolique en hommage à l’artiste cubaine Tania Bruguera, cofondatrice du mouvement Occupy Wall Street, actuellement retenue à Cuba après une intervention artistique ayant déplu aux autorités. Ses étudiants des Beaux-Arts de Paris devaient reproduire une de ses performances au protocole resté secret. On apprend au passage qu’elle devait impliquer des chevaux de la garde nationale, en extérieur. Etait-ce donc Tatlin’s Whisper #5, une performance présentée en 2008 à la Tate Modern, dans laquelle deux policiers à cheval et en uniforme contrôlent un public bien obligé de se plier à l’autorité ? Cette annulation de dernière minute aura d’autant plus ironiquement souligné l’absence de l’artiste.C’est Her Divine Holiness Pope Alice, figure carnavalesque et féminine du pape, qui aura finalement accompli le geste inaugural par une bénédiction des visiteurs selon un des rituels auxquels elle va s’adonner tout au long du week-end : avec une pluie de faux billets de banque sur lesquels a été ajoutée la mention « Burn me ». Au même moment, le déclenchement de la première salve de performances ébranlait le Palais à tous les étages.C’est une perturbation d’un tout autre type qui s’est produite dans le grand espace dit du Saut du loup. L’artiste italien Enrico Gaido y présentait 502, 65 cm2, une installation semi-performative consistant pour lui à emplir le cœur de poutres en chêne de ciment expansible, laissant au bois, matière imprévisible, la véritable action de la performance. Mais plutôt que de fissurer les poutres, l’air comprimé par le ciment en expansion a produit une série de détonations inattendues en milieu de soirée, ne blessant heureusement personne au passage. Le large espace investi par plusieurs artistes a dû être fermé pour raisons de sécurité, et l’installation devait être définitivement évacuée au cours de la nuit.Le yacht de Franco échoué là, et autres œuvres politiquesDans le bruit assourdissant des flippers à instruments de musique, installés non loin, gît le Sindrome de Guernica, de Fernando Sanchez Castillo. Vestige de la dictature et symbole des années noires de la guerre civile, il s’agit des restes de l’Azor, le yacht de Franco, que l’artiste a pu acquérir et qu’il a détruit, une opération dont il a gardé la trace sous forme d’un film projeté sur un écran. La structure métallique du bateau d’apparat a été compressée en des dizaines de cubes qui furent exposés au Matadero Madrid. Ici, un seul a fait le déplacement, avec des éléments distinctifs, comme les mats, reliques non plus fièrement verticales, mais posées au sol, destructurées. Sur un autre écran sont rassemblées des archives vidéo des sorties en mer de Franco, le navire lui offrant un lieu idéal de communication, entre parties de pêche miraculeuses et mondanités.Parmi les œuvres présentées par le Matadero, on notera d’ailleurs une portée volontiers politique, comme c’est le cas pour la vidéo de Marco Godoy Claiming the Echo. Les slogans scandés à la Puerta del Sol, à Madrid, pendant les grandes manifestations contre l’austérité, ont inspiré à l’artiste une chorale, pour laquelle il a recherché dans la foule des hommes et des femmes pratiquant le chant. Dans la courte vidéo diffusée en boucle, on voit ces citoyens anonymes réinterpréter, avec les codes d’une chorale classique, des slogans tels que : « No tenemos miedo » (nous n’avons pas peur).Parmi les œuvres espagnoles, ne pas rater les interventions oratoires des Torreznos, duo de stand-up poétique explorant la parole et son débit de façon très physique et humoristique dans l’espace de la Rotonde, dédié aux interventions les plus scéniques.Du « new cool » aux ménages dansés : émanations de la sociétéLes préoccupations des artistes sélectionnés par le MOMA PS1 se font volontiers plus sociales. Le Suédois Marten Spanberg réitère ici une performance qu’il avait imaginée pour une « Sunday Session » du Moma PS1 : La Substance, Picflare Triangel, nom auquel il a adjoint ici le mot de « Remix ». Cette performance-installation de quatre heures, jouée chaque jour, occupe toute la galerie haute, au niveau 3. Dans cet espace lumineux, un camp festif et onirique accueille les visiteurs au milieu d’un étrange bric-à-brac. Le lieu est habité par une sorte de secte régressive, des fêtards, ou plutôt des abstractions de fêtards, s’animant parfois pour danser au rythme de chansons des années 1990, doublées au karaoke, la plupart du temps se livrant à d’étranges activités parallèles au ralenti. L’artiste a expliqué y aborder « la danse comme un objet plutôt qu’un spectacle ». Le temps semble comme suspendu dans des années perdues emplies d’odeurs sucrées, où le soda jaillit ou s’écoule lentement.La performance d’Anne Imhof, DEAL, seulement jouée samedi et dimanche, promet également une approche sociétale, puisque basée sur l’idée d’échange non monétaire. L’unique valeur de troc entre les performeurs évoluant parmi des lapins en liberté : le « butter milk », ou lait fermenté.Plus minimaliste et discret, l’Australien Adam Linder évolue seul en combinaison de travail dans d’énigmatiques, mais énergiques, choréographies tout en souplesse. Il s’agit de Choreographic service n°1 : Some cleaning. L’artiste, contrairement aux autres invités, n’est pas rémunéré par un cachet, mais est engagé à l’heure, tel un prestataire effectuant des ménages : ses contrats, qu’il affiche dans sa zone d’intervention, doivent être renouvelés après chaque heure écoulée.La salle 37, forte en émotionsLa fameuse salle 37, verte, ovale et penchée, est un étrange écrin propre à capter toute l’attention des visiteurs, et elle concentre des performances intenses.Le Singapourien Lee Wen y reprend pendant trois jours ses performances historiques, un best of néanmoins perturbé par une nouvelle donnée : la maladie de Parkinson, qui s’est déclarée chez lui depuis quelques années. Réinterpréter ses œuvres avec son corps malade, affaibli, parfois tremblant, en modifie la portée, et l’humour vient contrer la résignation.Les performances de l’Espagnole Cristina Lucas sont habituellement présentées sous forme de vidéos, comme sa Liberté raisonnée exposée dans un autre espace du Palais de Tokyo, qui rejouant une Liberté guidant le peuple qui tournerait mal, tableau en mouvement, au ralenti, où l’on voit la Liberté se faire massacrer. Pour Do Disturb, elle a exceptionnellement produit une performance live, Exercices d’empathie, animée par une prof d’aérobic. Ici, chaque exercice, que le public suit à un rythme soutenu, travaille ironiquement une partie du corps en écho à des photographies animées projetées sur les murs.D’images issues de la culture populaire aux photos historiques, on oscille ainsi entre blagues potaches et malaise. Mouvements des victoires (bras en l’air) et des défaites (mains sur la tête), coude plié pour un bras d’honneur reprenant l’iconographie et la devise pro-IVG « Nous accouchons, nous décidons ». Le pas le plus délicat étant le pas chassé inspiré par l’homme de la place Tiananmen, lorsqu’il se déplace face au char qui va l’écraser. Pendant les pauses, on respire avec Dark Vador ou avec le Dalaï Lama...Ce travail sur la gestuelle offre par ailleurs un écho à la performance de Julien Prévieux, qui, avec What Shall We Do Next ?, propose plus haut une sorte d’encyclopédie dansée des nouveaux gestes, tandis que le côté sportif évoque les cours d’arts martiaux de Jean-Philippe Basello, durant lesquels il enseigne des techniques de combat inspirées par de grands tableaux de l’histoire de l’art présentés avant le début de chaque session.Après l’euphorie de l’aérobic, l’extrême mélancolie a pris place dans la salle 37 avec Battement, de Loreto Martinez Troncoso. L’artiste qui n’a pas parlé depuis six ans dans ses performances, prend le temps d’expliquer ce silence, son douloureux « vouloir taire », debout face à un micro. Puis son silence, paradoxalement dérangeant, reprend de plus belle, poussant chacun à quitter peu à peu la salle. Une performance qui nécessite un sacré cran.Lire aussi : De Tokyo à Pompidou, l’émoi du jeuEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.04.2015 à 17h24 • Mis à jour le10.04.2015 à 19h27 La police de Gaza a saisi, jeudi 9 avril, un graffiti de l'artiste Banksy acheté par un Palestinien pour moins de 160 euros (700 shekels israéliens) à une famille gazaouie, qui s'estime aujourd'hui dupée.Au début d'avril, Bilal Khaled, avait acheté à Rabie Dardouna l'œuvre de Banksy peinte sur la porte en fer de sa maison, une représentation de Niobé, personnage de la mythologie grecque, dévastée par le chagrin. Soupçonné d'avoir dissimulé la vraie valeur de l'œuvre, l'acquéreur avait expliqué, selon le vendeur, qu'il souhaitait « l'exposer dans un musée ». Rabie Dardouna, découvrant quelque temps plus tard que certains collectionneurs avaient parfois payé jusqu'à un million de dollars aux enchères pour des graffiti de Banksy, avait jugé avoir été « dupé ».Placé à la bibliothèque municipale« La police a saisi jeudi l'œuvre sur ordre de la justice », a expliqué Bilal Khaled. Elle « sera gardée à la bibliothèque municipale de Khan Younès jusqu'à que ce que cette affaire soit réglée », a-t-il ajouté. Rabie Dardouna a « déposé plainte contre Bilal Khaled pour fraude et pour réclamer à la justice de récupérer le graffiti ». En février, sept mois après le conflit israélo-palestinien qui avait fait plus de deux mille morts, l'artiste britannique Banksy s'était rendu dans l'enclave palestinienne, muni de ses bombes de peinture pour dessiner trois œuvres sur des bâtiments ravagés.Des graffitis représentant un chaton blanc au nœud rose, Niobé éplorée et un manège à balançoires avaient alors égayé le paysage désolé. Les œuvres de Banksy étaient théoriquement destinées à mettre en lumière la destruction de la ville et n'avaient nullement un but lucratif.Lire aussi : A Gaza, une œuvre de l'artiste Banksy vendue pour… 160 euros 17.04.2015 à 17h42 | Stéphane Davet Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « With The Beatles », l’audace assuméeCette semaine : autour de l’album With The Beatles (novembre 1963).« It Won’t Be Long » (Lennon-McCartney), par The James Hunter SixA l’occasion du cinquantième anniversaire de la sortie de With The Beatles, le mensuel britannique Mojo avait accompagné son numéro d’août 2013 d’un CD, We’re With The Beatles, reprenant l’intégrale du deuxième album des Fab Four, interprété par quatorze groupes et chanteurs. Si toutes les reprises ne se révèlent pas à la hauteur, le disque s’ouvre très agréablement par une version rocksteady de It Won’t Be Long jouée par The James Hunter Six. Vieux routier d’une soul rétromaniaque, James Hunter s’était d’abord fait connaître dans les années 1980 comme leader de Howlin’Wilf and The Vee-Jays (un passage remarqué aux Transmusicales de Rennes), avant de publier des albums sous son nom ou d’accompagner quelques-unes de ses idoles, telles Aretha Franklin, Van Morrison ou Etta James (1938-2012). « All I’ve Got To Do » (Lennon-McCartney), par Moon MartinDans son premier album, Shots From A Cold Nightmare (1978), le chanteur et guitariste texan Moon Martin reprenait, assez sagement, All I’ve Got To Do, chanson qui inspira peu de « covers ». En pleine période punk, ce blondinet aux lunettes colorées revendiquait haut et fort l’influence mêlée des Beatles et d’un guitar-hero du blues, Freddie King (1934-1976). Si Moon Martin rendait ici hommage au duo d’auteurs-compositeurs Lennon et McCartney, il devra surtout sa popularité aux reprises que d’autres feront de ses propres chansons, tirées en particulier de ce premier album : Bad Case of Loving You (Doctor, Doctor) par Robert Palmer (1949-2003), Cadillac Walk par Mink DeVille (1950-2009) et même Victim of Romance, devenu Je suis victime de l’amour dans la bouche de Johnny Hallyday. « All My Loving » (Lennon-McCartney), par Arctic MonkeysLors d’un concert au Madison Square Garden de New York, le 8 février 2014, les Britanniques d’Arctic Monkeys s’amusent à célébrer les cinquante ans de la première apparition des Beatles à la télévision américaine, lors du « Ed Sullivan Show », en transformant le pétillant All My Moving en un slow épique, dont ce document (amateur) rend compte. Au côté de la voix gouailleuse du chanteur Alex Turner, on remarque, en invité, son compatriote, le chanteur-guitariste Miles Kane, avec lequel il avait créé le duo The Last Shadow Puppets. « Don’t Bother Me » (Harrison), par The SmithereensEn 2007, The Smithereens, formés en 1980, dans le New Jersey, reprenaient l’intégrale de Meet The Beatles !, l’édition américaine de l’album With The Beatles (publiée le 20 janvier 1964 avec quatre chansons en moins par rapport à l’édition britannique et trois différentes en plus : I Want To Hold Your Hand, I Saw Her Standing There, This Boy), transformé pour l’occasion en Meet The Smithereens !. La plupart de leurs versions auraient pu figurer sur notre compilation, tant le groupe cultive depuis toujours – leur excellent premier album, Especially For You (1986) – l’art de mêler science mélodique et puissance électrique. Preuve de l’efficacité de ces militants de la « power pop », leur interprétation de Don’t Bother Me, la première composition de George Harrison (1943-2001) à figurer dans un album des Beatles. « Little Child » (Lennon-McCartney), par The InmatesFormés à Londres, en 1978, The Inmates et leur puissant chanteur, Bill Hurley, ont construit leur réputation en donnant une énergie nouvelle à leurs fantasmes passéistes pour le rock garage, la soul et le rhythm’n’blues. En 1987, à l’initiative du quotidien Libération, le groupe reprend sur scène, pour un concert unique à La Villette, des titres des Beatles à la manière des Rolling Stones. Comme en témoigne ce Little Child, le résultat que l’on retrouve dans The Inmates Meet The Beatles – Live in Paris (1987), ne manquait pas de panache. « Till There Was You » (Willson), par Sue RaneyAu milieu d’un répertoire torride de reprises rock’n’roll et rhythm’n’blues, les Beatles aimaient aérer leurs concerts au Cavern Club de Liverpool, de cette sucrerie (qu’ils interpréteront aussi lors de leur audition pour la compagnie phonographique Decca, le 1er janvier 1962). Tiré d’une comédie musicale, The Music Man, écrite, en 1957, par l’auteur-compositeur, pianiste et chef d’orchestre américain Meredith Willson (1902-1984), également adaptée au cinéma, en 1962, par Morton DaCosta (1914-1989), Till There Was You est chanté dans le spectacle par une jeune bibliothécaire. Produite par le compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Nelson Riddle (1921-1985), la version enregistrée, publiée en 1957, est interprétée par Sue Raney, jeune fille d’alors 17 ans, qui fera ensuite carrière sur le circuit jazz. On pourra trouver l’original moins mièvre que la version chantée par Paul McCartney. « Please Mister Postman » (Dobbins-Garrett-Holland-Bateman-Gorman), par The MarvelettesPremier numéro 1 à la fin de l’année 1961 en classement pop des cent meilleures ventes de la riche histoire tubesque de la compagnie phonographique Tamla Motown, Please Mister Postman a été créé par un groupe de cinq lycéennes de la banlieue de Detroit (Michigan). Appelé à l’origine The Marvels, le quintette cherche une chanson originale pour auditionner à Motown. L’une des chanteuses, Georgia Dobbins, va trouver un ami qui lui enseigne un vieux blues, Please Mister Postman, dont elle réécrit les paroles. Mais la jeune fille doit quitter le groupe sous la pression de son père, qui ne veut pas que sa fille se produise dans les boites de nuit. Remplacée par Wanda Young, elle verra de loin sa chanson, améliorée par une armada d’auteurs-compositeurs et producteurs maison (William Garrett, Brain Holland, Robert Bateman et Freddie Gorman), triompher avant d’avoir les honneurs de With The Beatles, et de retrouver le sommet des charts, en 1975, grâce à une version des Carpenters. « Roll Over Beethoven » (Berry), par Chuck BerryEnorme influence des groupes britanniques du début des années 1960 – le guitariste des Rolling Stones, Keith Richards, dira même lui avoir emprunté chacun de ses riffs –, Chuck Berry était une idole absolue des Fab Four. Si des Quarrymen aux Beatles, les Liverpuldiens ont repris sur scène près d’une quinzaine de titres de l’auteur de Johnny B. Goode, ils n’en ont finalement publié que deux sur leurs albums, Rock’n’Roll Music et Roll Over Beethoven, dont ils rendirent des versions étincelantes. Publiée en 1956 par le label Chess Records, Roll Over Beethoven aurait été inspirée au guitariste en réaction aux démonstrations de piano classique répétées par sa sœur, Lucy. Comme dans cette formidable version lors d’une émission de télévision, durant laquelle l’auteur des Tables de la Loi du rock proclame l’avènement de cette nouvelle musique populaire. De quoi se faire retourner Beethoven dans sa tombe. « Hold Me Tight » (Lennon-McCartney), par The TreasuresAprès un voyage en Angleterre, en 1963, le producteur et auteur-compositeur Phil Spector revint dans ses studios pour enregistrer cette reprise d’Hold Me Tight. Il utilisa pour cela les talents vocaux de Vinnie Porcina et Peter Andreoli, deux de ses collaborateurs en « songwriting », qu’il rebaptisa The Treasures à l’occasion de ce 45-tours publié par son label, Philles Records, en 1963. Etrange mélange de British pop et de doo wop, de solennel et de coquin, cette version mérite d’être redécouverte. En 1970, Phil Spector remixa, à la demande de John Lennon (1940-1980), les bandes de l’album Let It Be. Il produisit aussi All Things Must Pass (1970) de George Harrison, avant de retrouver Lennon, pour ses albums Some Time in New York City (1972) et Rock’n’Roll (1973). Il purge, depuis avril 2009, une peine de dix-neuf ans de prison pour le meurtre de sa compagne, l’actrice Lana Clarkson. « You Really Got a Hold on Me » (Robinson), par Smokey Robinson & The MiraclesSource d’inspiration majeure pour John Lennon, la voix haut perchée et l’écriture émotionnelle de Smokey Robinson ont permis à la compagnie phonographique Tamla Motown de passer pour la première fois la barre du million d’exemplaires vendus, avec le 45-tours Shop Around (1960) puis avec ce langoureux You Really Got a Hold On Me, publié en 1962. Alors meneur des Miracles, William « Smokey » Robinson avait écrit cette chanson dans une chambre d’hôtel new-yorkaise, après l’écoute de Bring It On Home de Sam Cooke (1931-1964). Filmée en 1964, cette performance des Miracles éblouit par la classe des chœurs, des costumes et de la chorégraphie, le sens du spectacle et l’aura émotive de leur leader. « I Wanna Be Your Man » (Lennon-McCartney), par The Rolling StonesCette chanson symbolise aussi bien les différences que la complicité historique des Beatles et des Rolling Stones. La légende dit que le manager de Stones, Andrew Loog Oldham croisa, un jour de septembre 1963, John Lennon et Paul McCartney, qui l’accompagnèrent au studio où enregistraient Mick Jagger, Keith Richards & Co. Après l’échec d’un premier single pour la compagnie Decca (celle-là même qui avait refusé les Beatles) ces derniers cherchaient un hit pour lancer leur carrière. Les deux Beatles leur proposèrent alors cette chanson inachevée, que les gars de Liverpool terminèrent, en 5 minutes, sur un coin de table. Mick disant plus tard à Keith : « ça a l’air facile de faire des chansons. On pourrait essayer ». Plus tard, Lennon expliqua qu’il ne tenait pas I Wanna Be Your Man en grande considération : « On n’allait pas leur filer quelque chose de génial ! ». Chantée plus tard sur un mode bonhomme par Ringo Starr dans With The Beatles, la chanson devint le premier (petit) tube des Stones, dont la version, menée par la guitare slide de Brian Jones, pervertit à loisir la gentillesse teenage de leurs amis et concurrents. « Devil in His Heart » (Drapkin), par The DonaysSi la plupart des reprises enregistrées par les Beatles dans leurs premiers disques furent des succès dans leur version originale, ce ne fut pas le cas de Devil in Her Heart. D’abord publiée sous le titre Devil in His Heart, cette chanson composée par Richard Drapkin fut l’unique 45-tours d’un petit groupe de Detroit, The Donays. Découverte (et chantée) par George Harrison, cette comptine adolescente à la guitare estivale n’avait pas connu de succès notable à sa parution, en 1962. La chanteuse du groupe, Yvonne Vernee, connut plus de réussite avec The Elgins, formation signée par Tamla Motown et encore active au début des années 2010. « Not a Second Time » (Lennon-McCartney), par Robert PalmerAnglais installé aux Bahamas, Robert Palmer (1949-2003) confirmait une carrière en plein développement, avec son sixième album, Clues (1980), dont est tirée cette reprise de Not a Second Time. Ce chanteur, à la voix chaude et légèrement éraillée, tentait à l’époque de mêler son goût des rythmes noirs avec la nouvelle vague des synthétiseurs (l’artiste new wave, Gary Newman, figure sur l’album). Il donne à Not a Second Time une gravité et une virilité plus mature que laissait entendre la juvénile chanson des Beatles. Par ailleurs, grande réussite du disque, la chanson Johnny & Mary deviendra un tube international pour Robert Palmer. « Money (That’s What I Want) » (Bradford-Gordy), par Barrett StrongFournisseur essentiel de With The Beatles, avec pas moins de trois reprises – Please Mister Postman, You Really Got a Hold on Me et Money (That’s What I Want) – l’usine à hits de Tamla Motown fut une influence décisive des Fab Four avant que leurs propres chansons soient, de multiples fois, interprétées par les artistes de la compagnie de Detroit. Son fondateur, Berry Gordy, ancien ouvrier des usines Chrysler était aussi un auteur de chansons. Parmi ses quelques classiques Reet Petite, Lonely Teardrops et ce Money (co-écrit avec Janie Bradford) où cet entrepreneur noir faisait chanter à Barrett Strong, son insatiable appétit de réussite. Un cri du cœur qui, en 1963, correspondait sans doute aux envies et frustrations de jeunes musiciens de Liverpool, forçats de travail ayant hâte de voir enfin la couleur de leur argent.Stéphane DavetJournaliste au Monde Pauline Sauthier Des musiciens comme La Grande Sophie, Sanseverino ou Massilia Sound System ont fait leurs débuts dans des bars. Derrière cet aspect convivial et chaleureux, se cachent souvent des pratiques peu satisfaisantes autant pour les cafetiers que pour les musiciens.« Jusqu'à maintenant, c'était un peu rock’n’roll », témoigne Denis Tallédec, directeur du collectif Culture Bar-Bars, qui évoque des rémunérations « au black » généralisées, assorties, parfois, d'un tour de chapeau pour mettre à contribution le public. Dans les cas, bien sûr, où les cafés rémunèrent les artistes.Depuis le 16 avril, ils pourront plus facilement faire venir musiciens, circassiens, danseurs ou comédiens sans avoir à contourner la loi. Un groupement d'intérêt public (GIP) incluant le ministère de la culture, des collectivités territoriales, des associations de cafetiers et d'artistes, vient d'être officialisé pour apporter une aide au cachet des artistes.Les villes de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et Nantes (Loire-Atlantique) font partie des membres fondateurs avec la région Pays de la Loire, où a été testé le projet. Elles ont été rejointes par les villes de Dole (Jura), Rennes (Ille-et-Vilaine) et la région Alsace. Le dispositif, qui démarrera officiellement le 1er juin, devrait encore s'élargir.« Nous défendons la diversité et la proximité »La nouveauté en matière de politique culturelle, c'est que ce n'est pas un projet artistique qui est encouragé avec des subventions mais un lieu, éligible sur des critères de taille (les débits de boissons de moins de 200 places). « Cela peut concerner des bars ou brasseries qui organisent un concert par an, y compris pour la fête du village, explique Denis Tallédec. Il n'y a pas d'a priori ni de labellisation préalable. Nous défendons la diversité et la proximité. »Il donne l'exemple d'un concert avec quatre musiciens sur scène, dont il évalue le coût à 1 000 euros : 600 euros de cachet pour les artitstes, une somme pour la Sacem, les frais de location de matériel et de communication… Une somme qui ne pourra, la plupart du temps, pas être amortie par les bénéfices sur les consommations de la soirée. Avec l'aide du GIP, la moitié du cachet des musiciens sera prise en charge.Gérer un fonds réparti entre plusieurs collectivités territoriales ne s’annonce pas simple. Mais le projet, pensé conjointement par les organisations de cafetiers et d’artistes, semble avoir été conçu pour ne pas alourdir les démarches administratives et promet un remboursement rapide.Pauline Sauthier Pauline Sauthier Jusqu'à présent, pour s'inscrire dans l’un des dix-sept conservatoires enseignant la musique, la danse et l’art dramatique à Paris, le premier arrivé était le premier servi, obligeant parfois les parents à dormir dans la rue pour être sûrs de décrocher une bonne place dans la file d’attente. Les modalités ont changé plusieurs fois. En 2014, la plateforme téléphonique mise en service avait été immédiatement saturée. Pour la prochaine rentrée, le conseil de Paris a décidé, mardi 14 avril, que les places seront attribuées par tirage au sort.« C'est la moins mauvaise des solutions », justifie Bruno Julliard, premier adjoint à la maire de Paris, chargé de la culture. Il évoque le cas de parents qui payaient des personnes pour attendre à leur place devant les conservatoires dès la veille des inscriptions ou des familles appelant jusqu'à 100 fois pour un seul enfant sur la plateforme téléphonique.Une meilleure diffusion des informationsCette année, pour les inscriptions qui se tiendront du 1er au 16 juin, des tests ont été effectués sur le site Internet dédié à la gestion des admissions et sur la ligne téléphonique d'urgence prévue pour les familles qui auraient des problèmes de connexion. Un huissier veillera au bon fonctionnement du tirage au sort, qui aura lieu le 22 juin, parmi les inscriptions faites en ligne. Le résultat devrait être communiqué aux familles le jour même.La période d'inscription, qui était d'un jour auparavant, a été allongée. Cela afin de contrer un éventuel dysfonctionnement et de permettre une meilleure diffusion des informations. « On espère aussi sensibiliser davantage de personnes, faire venir un public plus divers », explique Bruno Julliard, qui remarque que, jusqu'à présent, les familles aisées étaient mieux informées des procédures à suivre. « 50 % des familles sont dans les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, cela ne reflète pas la réalité de la population parisienne », note l’adjoint à la culture.« 17 places pour plus de 200 demandes »Pour Muriel Mahé, présidente de l’association des parents d’élèves du conservatoire du XVe arrondissement et membre du bureau de la fédération des usagers du spectacle enseigné, c’est le faible nombre de places offertes qui pose problème, plus que les modalités d’inscription : « L’année dernière, il y avait 17 places en première année de cursus musical dans le XVe arrondissement pour plus de 200 demandes ». Ces chiffres correspondent au nombre d’enfants inscrits sur la liste d’attente en une heure. Les moyens de recrutement des années précédentes, avec des listes closes très rapidement, ne permettaient pas d’évaluer le nombre des candidatures.« La répartition des places sur le territoire parisien pose aussi problème, insiste Muriel Mahé. Il y a des conservatoires très grands et d’autres, comme ceux du XVe et du XVIIIe, qui disposent d’un peu plus de 1 000 places avec de gros bassins de population, très jeunes ». Il y a deux ans, les parents de son arrondissement avaient eu le choix entre le tirage au sort et la sélection des premiers inscrits par téléphone. La deuxième option lui paraissait « la moins pire » : « Les gens qui le souhaitaient vraiment pouvaient appeler pendant les 15-30 minutes que duraient les inscriptions et ils pouvaient augmenter ainsi leurs chances d’être pris. »Le conseil de Paris a voté la mesure en s’inspirant des exemples de Nantes, Caen ou Vincennes, où le tirage au sort est déjà la règle.Pauline Sauthier Sylvain Siclier (Villaines-la-Juhel (Mayenne), envoyé spécial) En avril 2012, le mensuel musical Rock & Folk interrogeait disquaires et journalistes spécialisés pour un dossier titré « Le Retour du vinyle. Faut-il brûler vos CD ? ». La production de disques sur support vinyle connaissait alors un sursaut quantitatif, après avoir quasi disparu face à la suprématie du CD audio, né au début des années 1980. Trois ans plus tard, chez Moulages plastiques de l’Ouest (MPO), la courbe de la production de disques vinyles autorise un constat : effectivement, le vinyle ça repart !Lire aussi :Les vinyles « collector » retrouvent des couleursVladimir Négré, responsable du marketing, présente un tableau : « En septembre 2010, nous avions eu un pic de production à 300 000 pièces. En mars 2015, il a été de 960 000 pièces sorties des seize presses », dans les locaux de l’usine de production à Villaines-la-Juhel, en Mayenne.En 2014, 6 millions de disques vinyles (format 17 cm, 25 cm et 30 cm, en 45-tours et 33-tours) ont été pressés par MPO. Les clients – en France, en Europe, aux Etats-Unis, en Asie – vont des petites compagnies phonographiques pour quelques centaines d’exemplaires jusqu’aux majors du disque et des tirages qui peuvent atteindre 20 000 exemplaires. Ce qui représente, pour la société, leader français en supports audiovisuels (disques vinyles, CD audio, DVD, jeux vidéo, Blu-ray), « 8 % du chiffre d’affaires en 2014 », ce dernier totalisant 60 millions d’euros cette année-là.Deux chaînes de disques vinylesAutre signe du renouveau de la galette noire, l’entreprise familiale, fondée en 1957 par Pierre et Monique de Poix à Averton, à quelques kilomètres, avec une première presse de 45-tours, a finalisé en 2014 ses deux chaînes (de huit presses chacune) de disques vinyles. Elles sont venues rejoindre les lignes de production des CD, DVD, Blu-ray et les unités d’impression offset et sérigraphie.Passage devant les ateliers CD et DVD : un presque-silence, le personnel en combinaison protectrice, une seconde de temps de fabrication par support dans des machines vitrées, le blanc domine. Aux abords des locaux des presses vert bouteille, une odeur de chaud, le bruit des machines, cliquetis de rouages, soupirs des tuyauteries. Pas loin, des sacs remplis de pastilles de polychlorure de vinyle noir, rouge, jaune, bleu, transparent. Comme pour apporter une touche concrète au débat sur le son de la musique sur vinyle qu’on dit plus chaud, plus vivant que le support CD audio.On reprend le parcours du début, à la réception des laques fournies par les producteurs de musique. Jean-Michel Houdou, responsable de la galvanoplastie, présente délicatement les arrivées récentes. Sur un disque d’aluminium recouvert d’acétate de vinyle noir, matière fragile et tendre, a été gravé, après l’enregistrement et le mixage, le sillon qui contient la musique. C’est de cette pièce, une par face du disque, que l’on part pour créer les matrices de pressage. Au poste du développement, cette laque passe dans des bains chimiques. Puis elle est recouverte d’une couche d’argent avant l’électrolyse dans un bain de sulfate de nickel pour solidifier. Le liquide verdâtre est traversé par un courant de 15 à 16 volts durant une heure. Vient le séchage. Le disque est devenu brillant argenté, sous la lumière, des reflets attirent l’œil, effet magique de la chimie.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5532973336e0e'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 10\r\n \r\n \r\nPastilles de polychlorure de vinyle, mati\u00e8re premi\u00e8re \u00e0 la fabrication des disques. G\u00e9n\u00e9ralement noires, elles peuvent prendre plusieurs teintes.\r\nCr\u00e9dits : NICOLAS KRIEF POUR "LE MONDE"\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Pastilles de polychlorure de vinyle, mati\u00e8re premi\u00e8re \u00e0 la fabrication des disques. 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Avant la mise sur la ligne de production, quelques exemplaires sont pressés, le test pressing, pour vérification. D’une part sur place, dans un espace dédié, avec microscope, platine et système de son, et d’une autre par le producteur du disque, qui donnera quelques jours plus tard son accord pour le pressage. Le ballet des disques peut alors commencer.Les presses de MPO datent des années 1970. Des Toolex Alpha, un constructeur suédois qui a cessé son activité. Dans l’ancienne usine d’Averton, MPO en avait soixante-cinq au début des années 1980. Avec le remplacement du disque vinyle par le CD, une partie du stock a été vendue. « Nous en avons laissé quelques-unes en fonctionnement, pour un micromarché de niche. D’autres ont été remisées », explique M. Négré. Depuis la reprise, des éléments électroniques ont été ajoutés aux structures des machines. MPO annonce aujourd’hui une capacité de production quotidienne de 40 000 exemplaires. De quoi voir venir si le marché actuel devait doubler dans les années à venir.Michel Plessard, la cinquantaine, responsable pressage, a connu les temps glorieux du vinyle. « Si on m’avait dit que l’on reprendrait à ce rythme, j’aurais rigolé. » On suit le processus de pressage en même temps que ses explications. Un moule reçoit une dose de polychlorure de vinyle pour former un galet, plus ou moins important selon le grammage au mètre carré choisi pour le pressage (de 140 à 180 g/m2 pour un disque de 30 cm).« Conserver la qualité »Sur la presse, deux plateaux verticaux retiennent les matrices, face A, face B. Les étiquettes centrales des disques vont être insérées entre la galette et les matrices. Les deux plateaux se rejoignent. Température 130° C, pression 140 bars. Image fugitive, celle d’une scène du film Phantom of the Paradise (1974), de Brian De Palma, lorsque le visage du héros malheureux, un musicien, est coincé dans une presse.Les plateaux se relèvent et laissent voir le disque. Vient la mise sous pochette. Des ventouses ouvrent l’emballage, un plateau tracteur insère le disque. Temps total du cycle, de 22 à 23 secondes, dont une dizaine pour le pressage. Sur la presse 5, on aperçoit le nouvel album du groupe techno The Prodigy, traité en vinyle rouge. Sur la 7, c’est une réédition de Kind of Blue (1959), du trompettiste Miles Davis, l’un des disques de jazz les plus célèbres. Vinyle noir, étiquette conforme à celle de la sortie originelle. Sur la presse 11, les matrices d’un tirage à 5 000 exemplaires sont changées. « Elles sont remplacées en général au bout de 900 à 1 000 exemplaires, pour conserver la qualité », indique M. Plessard.Durant le tirage, des exemplaires sont prélevés au hasard, vérifiés à l’œil, au microscope le cas échéant, écoutés. Au poste de départ vers les magasins, dans de hauts paniers métalliques, les disques empilés dans leurs pochettes intérieures sont encore un peu chaudes. A côté, des CD empilés sur un axe de plastique font moins rêver.Sylvain Siclier (Villaines-la-Juhel (Mayenne), envoyé spécial)Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 16.04.2015 à 23h53 • Mis à jour le17.04.2015 à 20h00 Le scandale du piratage de Sony Pictures n’est pas terminé. WikiLeaks a mis en ligne jeudi 16 avril une base de données contenant plus de 30 000 documents et plus de 170 000 courriels de la société volés par des hackers à la fin de 2014 lors d’une cyberattaque de grande envergure. Il est désormais possible d’effectuer très facilement des recherches dans ces dizaines de milliers de documents, par noms ou par mots-clés.Sony Pictures a immédiatement condamné cette publication, affirmant que WikiLeaks aidait les hackers à disséminer des contenus dérobés et privés. Plus de 47 000 employés et tiers de Sony Pictures Entertainment (SPE) – filiale de Sony – sont concernés par ce vol de données personnelles, documents financiers, scripts, courriels, etc. C’« était un acte criminel malveillant, et nous condamnons fermement l’indexation par WikiLeaks d’informations volées sur des employés et d’autres informations privées ».Lire : Piratage de Sony : le vol des films n’était qu’un début« Conflit géopolitique »L’organisation de Julian Assange, connue pour avoir dévoilé de nombreux documents confidentiels du gouvernement américain, estime, elle, que les données publiées jeudi relèvent du domaine public. « Ces archives dévoilent le fonctionnement interne d’une entreprise multinationale influente », a déclaré le fondateur de WikiLeaks, dans un communiqué. « Cela comporte un intérêt journalistique, et c’est au centre d’un conflit géopolitique. »Ces données avaient été diffusées une première fois sur Internet, accessibles notamment par des liens permettant de télécharger plusieurs dizaines de gigaoctets de documents. En les diffusant sous forme de base de données dans laquelle il est possible d’effectuer des recherches, WikiLeaks simplifie considérablement leur accès : « Certaines histoires sont sorties à l’époque, mais il n’était pas possible de faire des recherches dans les archives originales et elles ont été retirées avant que le public et les journalistes puissent gratter la surface », poursuit le communiqué de WikiLeaks. « Maintenant publiées dans [ce] format, les archives Sony offrent un aperçu rare des rouages d’une grande entreprise multinationale secrète. » Le communiqué précise qu’on peut y voir les activités de lobbying du groupe et ses connexions avec le Parti démocrate américain.Influence et lobbying« Le travail connu de Sony est de produire des divertissements. Mais les archives montrent que dans les coulisses c’est une société influente, ayant des liens avec la Maison Blanche – il y a près de cent adresses électroniques du gouvernement américain dans les archives −, avec la capacité d'avoir une influence sur les lois et les politiques, et avec des liens avec le complexe militaro-industriel américain », écrit encore WikiLeaks.Le gouvernement américain a imputé la responsabilité de la cyberattaque de Sony à la Corée du Nord, qui avait protesté fortement contre la diffusion d’un film produit par la société hollywoodienne, The Interview, qui mettait en scène l’assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Pyongyang a démenti toute implication dans ce piratage.Lire : Des experts doutent de la thèse nord-coréenneLe scandale avait contraint à la démission en février de la patronne de Sony Pictures, Amy Pascal, après la publication de courriels à connotation raciste qu’elle avait écrits sur Barack Obama. William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h14 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 14h03 En attendant l’annonce, jeudi 16 avril, de la sélection officielle du 68e Festival de Cannes, la plus importante (par le nombre de films présentés) des sections parallèles, la Quinzaine des réalisateurs a annoncé son film d’ouverture. L’Ombre des femmes est l’œuvre d’un vétéran de la Quinzaine, Philippe Garrel, qui était présent lors de sa première édition (on en est à la 47e) avec Le Lit de la Vierge.Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, a ainsi présenté L’Ombre des femmes : « un film d’amour et sur l’amour, sur les trahisons, les grandes et les petites, celle qui prennent place dans l’histoire et celle qui nous empoisonnent la vie ». Les rôles principaux sont tenus par Stanislas Mehrar et Clotilde Courau.La Quinzaine annoncera le reste de sa sélection, mardi 21 avril, lors d’une conférence de presse pendant que la plus ancienne des sections parallèles cannoises, la Semaine de la critique, mettra en ligne la sienne, la veille, le 20 avril. Francis Marmande « Nous ne connaissons pas le repos, qu’il soit sabbatique, dominical, religieux ou républicain » : La Générale (14, avenue Parmentier, Paris 11e), ancienne usine aux volumes inspirants, à deux pas de la place Voltaire et de la statue de Léon-Blum, est une coopérative artistique, politique et sociale. Dans la grande tradition des coopératives ouvrières, La Générale mutualise ses locaux et ses outils de travail. L’ouverture au public y est « gratuite autant qu’aléatoire. » A partir de 19 h 30.Le Tricollectif y prend ses quartiers d’« à bientôt le printemps », jusqu’au 2 mai. Six jours de « Soirées Tricot ». Le Tricollectif est un groupe de dix musiciens autour desquels gravite une trentaine de satellites, si bien formés (haute école, conservatoires et autres) qu’ils n’hésitent pas à se déformer, dans l’esprit Dada, Humair, Lubat, Joëlle Léandre, Akosh S, La Campagnie des Musiques à Ouïr, sans se prendre le chou.« C’est une tuerie ! »A propos de chou, on peut se restaurer pour trois sous. Sortant de scène (rencontre Biradeau, Caserotto, Dimitriadis, le 27 avril), un jeune musicos affamé – le musicien affamé est un corps spécial – dévore un œuf poché sur son lit d’épinards (test effectué : satisfaisant, bio, frais, 6 euros) : « C’est une tuerie ! » Sortant de scène, le batteur Sylvain Darrifourcq croule sous les félicitations d’un spectateur âgé (la trentaine) : « C’est une tuerie ! »Va pour la tuerie. Intrépide, le représentant du Monde, venu par curiosité, fait d’un coup grimper la moyenne d’âge de la salle (25 ans). Puisqu’on parlait de Darrifourcq, c’est toujours une joie de voir s’accomplir un musicien sans complexe et sans frime. Bien cornaqué par Daniel Humair, Darrifourcq – limace noire étroite sur chemise blanche près du corps mince, futal pistache – est le batteur/bruitiste exact, élégant, soudain déchaîné du trio Garibaldi Plop (Roberto Negro, piano, Valentin Ceccaldi, violoncelle).Son presque acoustique, circulation parfaite, mise en place aussi joyeuse que précise, « fatrasie » digne de Bataille dans sa seule contribution à La Révolution surréaliste de Breton – motifs répétitifs, climats, nappes sonores, fragments de swing, cavales pour dessins animés, ébullition collective, retour au calme, citations comme s’il en pleuvait –, la performance crée une écoute, salle comble, très tendue. Pas un bruit, pas une toux, pas un chuchotement. Un peu comme si des jeunesses, rompues à toutes sortes de vacarmes à haute teneur en décibels, découvraient la lune.La « Orléans Touch »Troisième partie de ce premier rendez-vous des « Soirées Tricot » : le film d’Ozu Yasujiro, Où sont les rêves de jeunesse ? (1932), bizarrement daté de 1929 et retitré Où sont nos rêves de jeunesse ? Détail ? Pinaillage ? Oui et non. Plutôt quelque chose de bleu qui ressortit à l’inconscient du collectif (nous). Mise en sons un tantinet trop présente, par les excellents Alexandra Grimal (sax) et Nelson Veras (guitare). Le chef-d’œuvre d’Ozu, comédie indécidable, n’est pas, il faut le dire, du genre commode. Encore moins, les codes japonais du cinéma « muet », cinéma non synchronisé prolongé par Ozu au-delà du raisonnable, pour laisser le temps à ses équipes d’apprendre.Même démarche au fond, que celle du Tricollectif, qui continue, dans une atmosphère qui a le chic d’esquiver Charybde (le branchouille Oberkampf n’est pas loin) et Scylla (le funérarium drapé des musiques improvisées, parfois). Les Ceccaldi (Valentin et Théo), fils de violoniste folk, apportent la « Orléans Touch ». Chaque soirée s’organise en roue libre autour d’une rencontre, d’un invité (Chritophe Monniot, le 28, Akosh S, le 30), de big bands sans limites, de Trio à lunettes et autres Atomic Spoutnik.Signe des temps : dans les années 1968, quatre instrumentistes géniaux – Carlos Alsinna, Jean-Pierre Drouet, Winko Globokar et Michel Portal – volent de leurs propres ailes, dynamitant leurs sciences et leurs expériences dans le New Phonic Art : « Dès qu’on sentait poindre une mélodie, raconte Winko, un tempo, une idée reçue, on s’était donné pour seule consigne de tout exploser. »Cinquante ans plus tard, le Tricollectif n’a pas le choix : il part de son savoir et de son désir, mais aussi des autres, sans se donner de mission, fût-elle nihiliste. Pour le plaisir d’inventer ensemble – musique, modes de rencontre, cuisine et conversations compris. Attention : génération très neuve, gaieté, promesses de l’avenir, à surveiller. Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Il aura été l’homme d’une seule chanson, Louie Louie, composition de Richard Berry (1935-1997) devenue, dans la version du groupe The Kingsmen, en 1963, un classique du rock, hymne quasi annonciateur du punk. Le chanteur et guitariste Jack Ely est mort, lundi 27 avril, à son domicile de Redmond (Oregon), a annoncé son fils. Il était âgé de 71 ans et avait abandonné ses activités de musicien à la fin des années 1960 pour se consacrer à l’élevage de chevaux.Né le 11 avril 1943 à Portland (Oregon) Jack Ely découvre le rock, la guitare et l’envie de chanter, comme beaucoup alors, après avoir vu Elvis Presley (1935-1977) à la télévision lors de son premier passage sur une chaîne nationale, CBS, le 28 janvier 1956, pour le « Dorsey Brothers Stage Show ». Mais c’est trois ans plus tard, en 1959, qu’avec le batteur Lynn Easton, un ami d’enfance, les choses vont devenir un peu plus sérieuses. Ils fondent un groupe qui prend le nom de The Kingsmen et commencent à jouer dans des kermesses, pour des fêtes, divers événements de la vie locale à Portland et dans les environs.Un tempo fluctuantLe groupe s’est pris de passion pour la chanson Louie Louie dans une version par Rockin' Robin Roberts (1940-1967), qui passe en boucle dans un club où il joue parfois. La chanson créée et interprétée par Richard Berry a eu un petit succès dans les classements rhythm’n’blues en 1956, avec un traitement plaisamment dansant. La version de Rockin' Robin Roberts y a ajouté un chant un peu plus nerveux, des « yeah yeah yeah » plus rageurs, un court solo de guitare. The Kingsmen l’enregistrent le 6 avril 1963. Les parents de Lynn Easton ont mis la main à la poche pour financer une heure de studio. Le temps de mettre en place le matériel, de faire une première prise et c’est fini. Ely marmonne et crie, se mélange dans l’ordre du texte, la batterie est en avant, le groupe maladroit, le tempo fluctuant, un son d’orgue pose le riff d’introduction, le solo de guitare à 1 minute 25 est un désastre.La chanson paraît telle quelle sur le label Jerden en mai 1963. Sans faire de vagues sur le marché local. Puis à l’automne 1963, après la publicité négative de « pire disque de la semaine » que lui décerne un DJ de Boston, qui aura donc l’effet inverse, Louie Louie par The Kinsgmen devient un tube et va bénéficier d’une diffusion nationale par le label Wand. Autre effet, celui du relatif succès d’un Louie Louie par Paul Revere (1938-2014) avec The Raiders – qui a enregistré dans le même studio que les Kingsmen, quelques jours plus tard. Enfin, au moment où la chanson commence à grimper dans les ventes, Matthew E. Welsh (1912-1995), gouverneur de l’Indiana, croit déceler dans le phrasé pour le moins approximatif d’Ely une manière de cacher derrière la complainte d’un marin qui se languit de sa belle, des appels à la débauche et demande son interdiction. Le FBI planche sur le sujet… pour déclarer dans un épais dossier et après avoir passé la chanson à toutes les vitesses possibles que tout cela est au mieux incompréhensible et non répréhensible.Aspect foutraqueMais rien ne va plus au sein des Kingsmen. A la mi-août, Easton souhaite devenir le chanteur et leader du groupe. Ely en deviendrait le batteur. Il quitte la formation, qui, de toute manière, dépitée par le peu de succès de son enregistrement, est sur le point de se séparer. La montée dans les classements de Louie Louie incite Ely à proposer de revenir. Refus. Et l’on se retrouvera jusque début 1964 avec deux groupes différents sous le même nom et l’arrivée d’avocats. Jack Ely accepte finalement de laisser à Easton le nom de Kingsmen (ce dernier l’avait déposé) et obtient en échange que les éditions futures de Louie Louie l’identifient comme le chanteur.Il fonde ensuite quelques groupes, dont The Squires et The Courtmen. Et continue de surfer sur la vague Louie Louie avec divers enregistrements comme Love That Louie, Louie Louie ‘66 ou Louie Go Home. Il part ensuite au Vietnam et à son retour est définitivement oublié. Ce qui n’est pas le cas de Louie Louie par The Kingsmen, dont l’aspect foutraque aura, de toutes les versions du début des années 1960, la préférence du monde du rock. Un modèle sur lequel seront notamment construit le début de Plastic People de Frank Zappa, You Really Got Me des Kinks ou Wild Thing des Troggs.Dates11 avril 1943 : naissance à Portland (Oregon)1959 : fonde The Kingsmen avec Lynn EastonAvril 1963 : enregistre Louie Louie, composition de Richard Berry, qui devient un tube aux Etats-Unis à l’automne alors qu’il a quitté le groupe1964-1966 : carrière confidentielle avec plusieurs groupes et variations sur Louis Louie27 avril 2015 : mort à Redmond (Oregon)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino C’était le père de David et Micha, auteur et comédien : Jean Lescot est mort. Né Jean Wajbrot, fils d’un juif polonais émigré à Paris, où il est né, le 30 août 1938, il a commencé à jouer dès l’âge de 20 ans et n’a jamais cessé depuis, pratiquant son art au théâtre, au cinéma, et dans le doublage, où la liste des acteurs et personnages à qui il a prêté sa voix est impressionnante : le lieutenant William Kinderman dans L'Exorciste, Yoda dans La Guerre des étoiles, ou Morty Flickman dans la série « Desperate Housewises ». Il a plusieurs fois doublé Ben Kingsley, Seymour Cassel, Mel Brooks ou Per Oscarsson.Au cinéma, il apparaît dans de nombreux films, dont Les Gauloises bleues, de Michel Cournot (1967), L'Affiche rouge, de Frank Cassenti (1975), Mon oncle d'Amérique, d'Alain Resnais (1979). Au théâtre, Jean Lescot a tenu une belle ligne, jouant sous la direction de Gabriel Monnet, Roger Planchon, Armand Gatti, Gabriel Garran, ou Jean-Claude Grumberg, son ami.Il a été un touchant Sorine, dans La Mouette, mise en scène par Christian Benedetti, qui a connu un grand succès, au Théâtre de l’Athénée, à Paris. C’était en 2012 et ce fut le dernier rôle de Jean Lescot, un comédien qui a su transmettre son amour de l’art de la scène à ses fils, et laisse le souvenir d’une belle personne, très aimée dans le milieu.Lire aussi : A Alfortville, une « Mouette » qui a valeur de manifesteBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Joël Morio Un documentaire revient sur l’inaction des Anglo-Américains durant la seconde guerre mondiale (mercredi 29 avril, à 20 h 50, sur D8).Le 25 avril 1945, le général Eisenhower, accompagné de journalistes et de cadreurs, découvre le camp de concentration de Buchenwald. Charniers à ciel ouvert, prisonniers squelettiques, monceaux de cadavres… les preuves de l’extermination des juifs d’Europe sont exposées dans toute leur horreur au monde entier. Pourtant, cette macabre découverte n’en est pas une. Dès 1941, plusieurs lanceurs d’alerte, comme on les nommerait aujourd’hui, ont tenté d’avertir les Américains et les Britanniques. Ce nouveau volet de la série documentaire « Histoire interdite » s’arrête sur deux d’entre eux.Cruel immobilismeCapitaine de cavalerie et membre de l’armée secrète polonaise, Witold Pilecki décide en 1940 de se faire interner à Auschwitz afin d’y organiser un mouvement de résistance. Là, durant près de mille jours (il s’évadera en 1943), Pilecki assiste à la mise en place de la « solution finale ». A plusieurs reprises, il réussira à transmettre à la clandestinité polonaise des rapports qui parviendront en haut lieu à Londres. Pour preuve, le 24 août 1941, Churchill déclarait dans un discours : « Depuis les invasions mongoles, au XVIe siècle, il n’y a pas eu de boucherie, méthodique, impitoyable, d’une telle ampleur. Et ce n’est qu’un début, nous sommes en présence d’un crime qui n’a pas de nom. »Les Américains, eux, vont être informés de ces massacres par d’autres voix, notamment celle d’Eduard Schulte. Cet industriel allemand, proche des cercles dirigeants nazis, prévient en 1942 de la volonté d’Hitler d’exterminer tous les juifs d’Europe. L’information remontera jusqu’à la Maison Blanche et sera même relatée dans le New York Times. Mais aucune action ne sera menée pour empêcher ce projet. Des plans seront bien imaginés, mais aucun ne sera appliqué. On pourra regretter que le documentaire ne s’attarde pas plus sur les raisons de ce cruel immobilisme des Alliés.Après la guerre, certains criminels nazis seront pourchassés et jugés. D’autres, en revanche, parviendront à s’échapper. Grâce à la complicité, notamment, d’hommes d’Eglise, tel l’évêque autrichien Alois Hudal, qui permit, entre autres, à Adolf Eichmann de se réfugier en Amérique latine.« Seconde guerre mondiale : les derniers secrets des nazis », de Juliette Desbois, Noémie Mayaudon et Marine Suzzoni (Fr., 2015, 120 min). Mercredi 29 avril, à 20 h 50, sur D8.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier (Bourges, envoyé spécial) Mi-novembre 1992, au programme de la 6e édition du festival Rencontres internationales de jazz de Nevers, à la Maison de la culture, Nina Simone. Son manager d’alors a demandé beaucoup. Donc, limousine et hôtel à multiples étoiles avec spa. Les organisateurs ont répondu n’avoir pas de limousine façon Las Vegas, qui de toute manière ne passerait pas dans la plupart des rues de la vieille ville. Et qu’en matière d’hôtel, la région avait ce qu’il faut d’étoiles, de confort et de tranquillité mais pas de spa dans les parages. Nina Simone est venue. Sur scène, impériale, avec ses absences et ses fulgurances, sa voix féminine et masculine d’une indescriptible présence. Le trio qui l’accompagne fait le boulot. Elle triomphe. Au sortir, elle est émue, remercie. Le transport, l’hébergement, l’accueil… parfait. Elle repart dans la nuit.C’est dans ce souvenir fugace que l’on aborde, mardi 28 avril, « Autour de Nina », transcription à la scène d’un album publié en 2014 par Verve, avec en partie des interprètes différents, pour cette soirée hommage à Nina Simone, au Palais d’Auron, l’une des deux « créations » du Printemps de Bourges, 39e édition. Nina Simone, née Eunice Kathleen Waymon, le 21 février 1933, à Tryon (Caroline du Nord) est morte le 21 avril 2003, à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône). Chanteuse, pianiste, compositrice, radicale dans sa manière d’aborder la musique, jazz, soul, pop, c’est-à-dire pleinement, sans tricher. Radicale dans ses choix de lutte, contre les injustices, combattante pour les droits civiques des Afro-américains. Son seul concert au Printemps de Bourges remonte à 1989, la même année que Stevie Wonder.Un assemblage de voixSix chanteuses : Lianne La Havas, Hindi Zahra, Yael Naim, Camélia Jordana, Camille et Sandra Nkaké. Trois chanteurs : Sly Johnson, Hugh Coltman et Ben l’Oncle Soul. Un assemblage de voix, d’inspirations, de repérages variés par le grand public. Lequel connaît probablement My Baby Just Cares For Me, composition de Walter Donaldson, texte de Gus Kahn, qu’elle enregistra en 1958. Les plus anciens ont eu dans les oreilles son interprétation en 1971 de My Way, avec accompagnement de percussions (maracas, bongos et batterie) et celle avec chœur gospel de My Sweet Lord, de George Harrison, dans son album de 1972 In Concert : Emergency Ward ! Alors oui, My Baby Just Cares For Me est là, au milieu du concert, par Sly Johnson, en jazz bastringue-cha cha, plutôt bien mené.Et Ben l’Oncle Soul avec section de vents bluesy mène tout aussi bien Feeling Good, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse dont le refrain est plus connu que le titre (« It’s a new dawn/It’s a new day/It’s a new life for me »). Et Sandra Nkaké transporte vers le tragique I Put A Spell On You, comme l’avait fait Nina Simone, donnant de la profondeur à la pochade de Screamin’ Jay Hawkins.Vers le méconnuPour le reste, et c’est la grande réussite du spectacle « Autour de Nina », le répertoire va vers le plus secret, le méconnu. Baltimore, de Randy Newman, pour débuter, par Lianne La Havas (Nina Simone n’aimait guère ce que des arrangeurs chez Columbia avaient fait à sa sobre interprétation) ; Sinnerman, un traditionnel du gospel, par Hugh Coltman, immense, l’un des meilleurs moments de la soirée ; Thandewye, qu’elle avait enregistré à Paris, en 1982 et Plain Gold Ring, d’Earl S. Burroughs, par Yael Naim ; I Get Along Without You Very Well (Except Sometimes), un régal d’Hoagy Carmichael, par Camélia Jordana ; Lilac Wine, de James Shelton, par Camille… Et Four Women, son formidable portrait de quatre femmes que Sandra Nkaké mène, là aussi, vers l’un des moments les plus intenses.Sur scène, un ensemble de vents, des cordes, trois choristes, Bojan Z aux claviers, une rythmique. Le disque, en raison de quelques ratés par des vedettes non présentes dans le spectacle, (Gregory Porter, Melody Gardot, Keziah Jones, Youn Sun Nah), n’avait pas laissé une grande impression. Lisse, sans écarts, sans folies. Au contraire de ce concert, dans l’allant, avec du corps, de la vie. Deux réserves toutefois. L’absence de présentation des titres, de leur histoire, le cas échéant. Et un final interminable, sur le mode tout le monde ensemble pour une virée gospel trop manifestement faite pour ravir le public. Le spectacle n’avait pas besoin de cet effet.Sylvain Siclier (Bourges, envoyé spécial)Journaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Jean Birnbaum Le prochain épisode de La Guerre des étoiles n’est pas encore sorti, mais sa seule annonce a ­déclenché une ferveur planétaire. Cette passion rappelle que l’univers du Jedi structure désormais une religion dont se réclament des centaines de milliers de fidèles à travers les continents. ­Certains pourront voir dans cet enthousiasme le symptôme d’une époque ­désenchantée, où le fétichisme hollywoodien constituerait l’esprit d’un monde sans esprit, pour paraphraser Marx. Mais on peut voir les choses tout autrement, comme le fait Mark Alizart dans un livre audacieux intitulé Pop théologie (PUF, « Perspectives ­critiques », 336 p., 19 €).Pour ce jeune intellectuel, qui a déjà parcouru les espaces de la philosophie, de l’art contemporain et de la haute couture, le succès de Star Wars illustre au contraire un authentique réen­chantement de notre monde. Comme d’autres productions populaires (depuis Harry Potter jusqu’aux chansons de Céline Dion), la saga de George Lucas signe le retour de la foi, et plus exactement le réveil d’un « principe protestant » qui nous guide plus que jamais, même à notre insu. Comme Luke Skywalker, nous sommes appelés à vaincre le mal en réglant son compte à notre incrédulité : seuls ceux qui croient ont une morale, et seuls ceux qui ont une morale ont « la force » de se libérer, de réussir.Telle est la thèse de cet essai aussi stimulant que contestable : prolongeant la fameuse thèse de Max Weber sur les ­affinités électives entre esprit protestant et modernité capitaliste, il affirme que notre postmodernité, loin d’être hédoniste, décadente et nihiliste, renoue avec un puritanisme 2.0 qui impose ses valeurs ascétiques à chaque internaute et à chaque fan (atique). Lâcher prise et sans cesse repartir de zéro, choisir une religion, une apparence, un sexe… bref, se choisir, voilà le credo de Star Wars, mais aussi de tant d’artistes contemporains ou de jeux vidéo, celui d’une « pop religion » méthodiste que Mark Alizart reconstitue en mixant Luther, Philip K. Dick et Derrida. Imaginez Darth ­Vader en Cromwell de l’Etoile noire, et Calvin en jeans !Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale) Sans doute parce que durer est un art à part entière, 48 % des 1 615 festivals de musiques actuelles français ont moins de dix ans, selon la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) qui a dévoilé au Printemps de Bourges, mardi 28 avril, le contenu d’une étude réalisée avec le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) et le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma). « La carte des festivals de France en 2014 » permet de mieux comprendre un phénomène qui s’est amplifié, et cache de grandes disparités.Régionales tout d’abord, l’Ile-de-France arrivant sans surprise en haut du classement quantitatif, suivie de Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Un étalonnage par genre est toujours mal aisé, au vu des nombreux chevauchements – rock, jazz, chanson, musiques du monde – qui sont au cœur des festivals mais l’étude s’y est essayée. En tête de liste, 464 festivals de « musiques amplifiées ou électroniques » talonnent les 469 manifestations consacrées au « jazz, blues et musiques improvisées ». Dans la catégorie des « musiques traditionnelles et du monde », la Bretagne arrive en force, mais derrière Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). 50 % des festivals sont concentrés sur cinq régions ; 52 % se tiennent en été, et 26 % en juillet – pour inaugurer les vacances, il existe 84 festivals le premier week-end du mois.Une fréquentation en hausse de 20 %On a enregistré en 2014 une moyenne de 70 festivals par région, un chiffre qui montera mécaniquement, en raison de la réduction, prévue en 2016, de 22 à 13 régions administratives. En 2013, 29 festivals avaient disparu, et 86 s’étaient créés. En 2014, 51 ont fermé leurs portes, et 44 les ont ouvertes.En 2013, les festivals ont représenté 22 % des recettes de billetterie-concert. Les très grosses manifestations font grimper ce pourcentage et cachent une activité moindre en cours d’année. Avec les Eurockéennes de Belfort, la part festival de la diffusion de spectacles de musiques actuelles représente 63 % en Franche-Comté (62 % en Bretagne, grâce aux Vieilles Charrues et au FIL (Festival interceltique de Lorient), 59 % en Corse).En 2014 comme en 2013, les droits d’auteur collectés dans les festivals se sont élevés à 13,9 millions d’euros, soit 19 % des droits perçus au titre du spectacle vivant. La fréquentation, en hausse d’environ 20 %, pourrait laisser entrevoir un avenir tranquille. Mais c’est compter sans la réduction des dotations d’Etat aux collectivités locales qui diminue les ressources des structures festivalières, assises sur un tissu associatif local fort. La refonte des régions inquiète également. Les Eurockéennes, par exemple, festival créé pour désenclaver le territoire de Belfort, devra désormais regarder vers le sud et la nouvelle capitale régionale, Dijon.Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Pauline Sauthier Lors d’un spectacle de danse, des ballons de baudruche ont été distribués à des enfants sourds pour qu’ils ressentent les vibrations de la musique. Des compagnies théâtrales permettent à un public aveugle de toucher, pour les imaginer, les décors et costumes. Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer, c’est parfois un orchestre qui vient…L’accès à la culture est, pour les handicapés, un droit, inscrit dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle concerne les établissements culturels qui remplissent une mission de service public, mais n’est pas toujours facile à concrétiser, surtout dans le spectacle vivant.Adaptation pour les handicapés sensorielsJouée depuis le 15 avril à la Comédie-Française, la pièce de théâtre Les Enfants du silence a rappelé l’importance de ces problématiques : sur scène, des comédiens entendants interprètent des personnages sourds qui s’expriment en langue des signes. Des acteurs sourds, estimant qu’il aurait été légitime de leur confier ces rôles, ont protesté contre ce qu’ils considèrent être une discrimination.La pièce est surtitrée, certains jours, pour un public sourd ou malentendant. Des écrans, placés au-dessus de la scène, indiquent des ambiances sonores, les noms des personnages, les dialogues, parfois simplifiés pour la lecture. L’association qui s’est chargée de cette tâche, Accès Culture, est spécialisée dans l’adaptation de spectacles pour les handicapés sensoriels.Cette année, elle a permis à des enfants sourds de profiter au mieux du spectacle de danse Tel Quel !, de Thomas Lebrun. Sur scène, une comédienne interprétait des chansons en « chantsigne » (traduite en langue des signes). Pour recevoir la musique, des casques amplificateurs ou des boucles magnétiques permettaient aux malentendants de percevoir la musique, sans les bruits parasites de la salle.Ne pas changer le texteNe pas changer le texte, le sens, le rythme fait partie des défis de l’acccessibilité. Les comédiens s’exprimant en langue des signes, placés souvent sur les côtés du plateau, doivent être bien éclairés, obligeant à modifier la mise en scène.Audio-descriptrice, Juliette Soulat se voit comme une narratrice, qui accompagne le texte sans l’interpréter. Elle fait le récit, en temps réel, de ce qui se passe sur le plateau pendant un spectacle à un public de non-voyants. Ses paroles leur sont retransmises par l’intermédiaire d’un casque. Elle leur parle des lumières, des déplacements ou des matières. L’audio-description ne se fait pas toujours en direct mais Juliette Soulat insiste pour être présente pendant le spectacle : même si elle s’appuie sur un texte préparé, il arrive qu’un acteur oublie ses répliques et improvise, qu’un événement inattendu fasse rire la salle ou que le metteur en scène propose des changements.« Il y a aussi quelque chose de très intime, ma voix arrive directement dans l’oreille des gens », explique-t-elle. Elle veut également être là avant et après les représentations, pour une visite tactile des décors où elle donne déjà des éléments de description, puis pour discuter de la pièce et du ressenti des spectateurs non-voyants.Jusqu’à 30 heures d’« aide humaine » par anMais il y a aussi tous ceux que leur handicap empêche de se rendre dans les lieux de spectacle, et pour lesquels beaucoup reste encore à faire. « Aujourd’hui, il n’y a quasiment pas de questionnement sur les personnes qui ne peuvent pas sortir de leur lieu de vie », regrette André Fertier, président de l’association Cemaforre, qui promeut l’accès aux loisirs et à la culture pour tous.Il cite néanmoins quelques exceptions, comme l’Ensemble orchestral de Paris qui joue dans des appartements, ou le Centre national chorégraphique de Haute-Normandie dont les spectacles sont présentés dans des maisons de retraite et des hôpitaux. Souvent, explique-t-il, les personnes handicapées ne sont pas au courant qu’elles ont droit jusqu’à 30 heures d’« aide humaine » par an, qu’elles peuvent utiliser pour des sorties culturelles.Pauline Sauthier Samuel Blumenfeld Après avoir ausculté les codes de la pègre dans « Mafiosa », le réalisateur signe « Le Bureau des légendes », où il décrypte le système des fausses identités dans les services secrets. L’acteur Mathieu Kassovitz incarne un agent du renseignement exerçant sous une fausse identité, autrement dit une « légende ». Comment avez-vous entendu parler de ce terme ?A travers plusieurs romans de l’Américain Robert Littell, que j’ai contacté à une époque où je voulais faire une série sur les oligarques car il connaît très bien la Russie. C’est en lisant La Compagnie, un de mes livres de chevet, que j’ai découvert ce terme, alors qu’il ne fait pas partie de la littérature de John le Carré. Puis je me suis rendu compte que le mot « légendes » était utilisé à la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure). Les services secrets français disent « IF » pour « identité fictive »). On est « sous IF » ou « sous IR » (« identité réelle »). Quand on discute avec eux, on se fait un peu balader. On ne sait pas si on se fait embobiner et on en garde ce qui semble avoir un parfum de réalité. La notion de « légende », donc de couverture, est liée depuis toujours à l’espionnage. Ce qui m’a intéressé est de connecter ce côté poétique d’une identité créée de toutes pièces au cadre d’une activité professionnelle très réelle. Le côté prosaïque de ce métier m’intéresse beaucoup car il y a vraiment rencontre entre la fiction et la réalité.Une légende est un agent dormant qui peut aussi passer toute sa carrière sans agir...Il y a des légendes faites pour tenir un mois, et d’autres toute une vie. Quelqu’un partant sous identité fictive pour six ans est contraint de tenir cette identité. On peut utiliser le mot « légende » pour un individu qui se ferait passer pour un concessionnaire automobile lors d’un séjour de trois jours en Arabie saoudite. Mais la « légende » est plutôt réservée à ceux qui partent en mission longue et sont censés ne jamais être découverts. C’est la notion de « clandestins » qui est abordée dans la série : des gens supposés devenir des poissons-pilotes invisibles dans des pays hostiles. Je montre aussi le quotidien de ceux dont le travail consiste à gérer ces clandestins qui sont des divas. J’ausculte le côté pratique de cette gestion. Le personnage incarné par Mathieu Kassovitz se révèle être celui auquel il ne fallait pas donner ce métier. Plus la série avance, plus on s’enfonce dans ce vertige où l’on ne connaît plus le vrai « moi ».  Quelles sont les légendes les plus célèbres de l’histoire de l’espionnage ?Les faux époux Turenge dans l’affaire du Rainbow Warrior. J’ai aussi entendu parler d’une affaire en Angleterre où une femme s’est aperçue que l’homme qu’elle prenait depuis vingt-cinq ans pour son fils ne l’était pas. Le type était un espion, et ils avaient développé des liens mère-fils très forts.Est-il plus compliqué de devenir une légende à l’ère d’Internet ?Je me demande si ça n’est pas plus facile. Auparavant, les faussaires façonnaient de faux papiers. Aujourd’hui, en termes de documents, de « preuves » pour appuyer une légende, cela se passe avant tout de manière dématérialisée. Notre identité est totalement informatisée, même nos diplômes le sont, et il suffit de mettre au point un faux profil Facebook. En revanche, il est très difficile de changer de nom avec le passeport biométrique. Quand on part en mission, c’est sous son vrai nom.Pourquoi avoir situé la série dans le contexte proche-oriental ?C’est là que sont les services secrets français. On parle dans la série d’un grand marché des services de renseignement, où les grandes entités ont des spécialités. Celle des Français, c’est l’Afrique et le Proche-Orient. On est très forts sur la Syrie, sur l’Iran. Les Américains le sont davantage sur la Russie ou la Chine. Le Proche-Orient est la région où l’avenir se construit et vers laquelle se tourne naturellement le cinéma. Je suis resté le plus proche possible du renseignement humain, à l’opposé du renseignement électronique qui prend le pas aujourd’hui. On a bien vu à travers Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow, que le renseignement humain reste fondamental. Cet aspect demeure au centre de ma série.« Le Bureau des légendes », réalisé par Eric rochant, avec Mathieu Kassovitz, Jean-Pierre Darroussin, sur Canal+.Lire aussi (édition abonnés) : L’espion qui aimait trop sa légendeLire le post de blog : « Le Bureau des Légendes », la face cachée des secretsSamuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Christophe Ayad Enquête sur ces armes qui, l’exemple syrien le prouve, demeurent une lourde menace pour la sécurité (mardi 28 avril, à 20 h 50, sur Arte).Ce n’est pas par coïncidence que l’on célèbre, en ce mois d’avril 2015, le centenaire du génocide des Arméniens et celui de la toute première attaque à l’arme chimique. Le 22 avril 1915, deux jours avant le début du premier massacre de masse planifié de l’histoire contemporaine, l’armée allemande utilisait des gaz de combat sur le front d’Ypres, en Belgique.Pas de hasard dans l’apparition concomitante de l’arme chimique et de la logique génocidaire. La combinaison des deux culminera moins de trente ans plus tard avec l’horreur des camps d’extermination et l’utilisation du Zyklon B dans le cadre de la « solution finale » par les nazis contre les juifs d’Europe. Dans les années 1930-1940, le Japon fit un usage massif d’armes chimiques lors de son invasion de la Chine.Malgré la Shoah, les grandes puissances, poussées par le lobby industriel chimique, ont continué à accumuler des arsenaux colossaux. Et à en vendre à des pays comme la Syrie ou l’Irak.Démantèlement et contrôleCe n’est qu’en janvier 1993, après la fin de la guerre froide, que les Etats-Unis et la Russie décidèrent de prohiber les armes chimiques. Plus pour des raisons de coût de production, de stockage et d’élimination que par humanisme. La Convention pour l’interdiction des armes chimiques, de 1993 – et ratifiée par 191 pays, sauf l’Egypte, Israël, le Soudan du Sud et la Corée du Nord – est unique : la seule à prévoir un démantèlement d’un type d’armes et un mécanisme de contrôle permanent. Des dispositions appliqués par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, récipiendaire du prix Nobel de la paix en 2013.Sans l’attaque chimique de la Ghouta (banlieue de Damas), le 21 août 2013, qui fit 1 500 morts, le grand public n’aurait jamais entendu parler de cette organisation, qui supervisa le désarmement chimique du régime syrien. Malgré cette avancée, obtenue sous la pression internationale, Damas continue de bombarder des civils à l’aide de chlore à l’état gazeux, une substance non prohibée par la Convention. L’exemple syrien, la prolifération de groupes terroristes et les dégâts créés par ces substances, même périmées, rappellent que les armes chimiques sont loin d’appartenir au passé, comme le souligne ce documentaire.Le Souffle de la guerre chimique de Fabienne Lips-Dumas (Fr.-Can.-Bel., 2015, 85 min). Mardi 28 avril, à 20 h 50, sur Arte.Christophe AyadRédacteur en chef InternationalSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un film inspiré par le Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhangke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhangke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia Madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 13h55 • Mis à jour le16.04.2015 à 14h14 Le siège du quotidien L'Humanité, œuvre de béton de l'architecte brésilien Oscar Niemeyer, va devenir une sous-préfecture. Achevé en 1989 à Saint-Denis, le bâtiment tout en courbes, dans le style du maître brésilien du béton, avait été racheté par l'Etat au journal communiste impécunieux en 2010 pour 12 millions d'euros.La sous-préfecture de Saint-Denis qui va s'y installer est, pour l'instant, située dans un immeuble à loyer modéré de Saint-Denis, dans des locaux trop exigus, et une partie des administrés est reçue à Bobigny, le chef-lieu. La réhabilitation du bâtiment de cinq étages, pour un coût de 20 millions d'euros, doit s'achever en 2018.Oscar Niemeyer, mort en 2012, est célèbre pour avoir façonné la capitale brésilienne, Brasilia. En France, il a aussi construit le siège du Parti communiste, place du Colonel-Fabien, à Paris, et la maison de la culture du Havre. Stéphane Davet Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, les accords explosifs du deuxième album.Le plus étonnant, avec le deuxiè­me album des Beatles, est qu'il ait pu être enregistré. Dans la foulée du triomphe de Please Please Me, l'année 1963 n'est qu'un frénétique crescendo de concerts, opérations promotionnelles, performances radio et télévisuelles. Pour nourrir la Beatlemania en nouveaux ­morceaux, le groupe arrive à caser de rares séances londoniennes d'enregistrement de titres souvent composés dans des chambres d'hôtels et des bus, entre deux shows.Les 18 et 30 juillet, 11 et 12 septembre, 3 et 17 octobre, les exilés de Liverpool parviennent ainsi à produire ce qui deviendra With The Beatles et un nouveau 45 tours, I Want To Hold Your Hand / This Boy, non inclus dans l'album. Publié le 22 novembre 1963, jour de l'assassinat du président Kennedy, With The Beatles deviendra un autre acte fondateur des années 1960.Passion pour les musiques noires américainesDès sa sortie, l'­album remplace, à la première place du hit-parade britannique, Please Please Me, resté au sommet vingt-neuf semaines d'affilée. Si la pochette de ce dernier affichait la gaieté conventionnelle d'un groupe débutant, l'élégante photo noir et blanc de Robert Freeman illustrant With The Beatles conceptualise un combo appelé à dominer le monde.Certes, les textes de Lennon et McCartney flattent avec une simplicité, ­frisant parfois l'indigence, le public d'adolescentes qui cons­titue la majorité des fans. Mais ces récits d'amourettes explosent avec une énergie ­tellement nouvelle, qu'ils ­bouleversent leur époque. Exemplaire ainsi, la façon dont déboulent les trois premiers titres – It Won't Be Long, All I've Got To Do, All My Loving –, à la fois enracinés dans des modèles assumés (The Everly Brothers, Buddy Holly, Tamla Motown…) et resplendissants d'éclats inédits.« Leurs accords étaient extra­va­gants, leurs harmonies rendaient tout possible », constatait Bob Dylan à propos de ces chansons. Riches de huit originaux, dont une première composition – convaincante – de George Harrison (Don't Bother Me), With The Beatles est complété, comme Please Please Me, par des reprises tirées d'un ­répertoire de concert. La plupart, dont l'électrisant Money (That's What I Want) final, prouvant à nouveau la passion du groupe pour les musiques noires américaines.Stéphane DavetJournaliste au Monde Pauline Sauthier Sur les réseaux sociaux, il poste des images de portes arrachées, d’une boîte aux lettres de La Poste descellée et emportée, de cabines EDF démontées. Le 9 avril, le street artiste C215 (Christian Guémy) fait un triste état des lieux des peintures qui lui ont été volées dans la rue ces derniers jours. Sur une des portes, il avait peint le portrait de son éboueur à Vitry-sur-Seine : « Il le voyait tous les jours depuis 2009. » Dans leurs commentaires, les internautes ajoutent des photos qu'ils ont prises d’autres endroits laissés vides par le vol des œuvres de C215.Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive mais selon C215, le phénomène s’est accentué : une dizaine de ses peintures ont disparu. « Elles ont peut-être été volées en une nuit et découvertes petit à petit », explique l’artiste.Sur sa page Facebook, les commentateurs se divisent en deux camps : ceux qui compatissent et s'émeuvent de voir la disparition des œuvres. Et ceux pour qui le geste illégal du vol va de pair avec l'illégalité de la peinture sur les murs, et qui considèrent que le street art est par essence éphémère. C215 s'agace : il travaille en accord avec la mairie de Vitry et La Poste. Space Invader aussi touchéC215 n'est pas le seul street artiste à rencontrer le problème. Avec ses mosaïques en forme d’extra-terrestres inspirées d'un jeu vidéo culte, Space Invader est touché lui aussi : « J'utilise des colles très fortes et des carreaux très fragiles. Avant de récupérer une pièce, [les voleurs] en cassent neuf. »Maître Pierre Lautier, avocat spécialisé dans la propriété artistique, juge la situation « compliquée » parce que « le street art est à la rencontre de différents droits ». Il explique : « Dans le cas de C215, le propriétaire des droits c'est le propriétaire de la porte. » En l’occurrence, c’est le bailleur social, La Semise, qui portera plainte contre le vol de ses portes. Mais elles ne seront pas reconnues comme œuvres d’art par la police ou les assurances. La Semise espère qu’à l’avenir, en signant des conventions avec les artistes, leurs œuvres, reconnues comme telles, seront davantages protégées et plus faciles à retrouver.C215, lui, entend bien faire valoir son droit à la propriété intellectuelle et son droit de suite. « Il peut en effet s'opposer à la reproduction et à la représentation de la porte à condition de démontrer qu'il est l'auteur de la peinture », confirme Maître Lautier. L’avocat ajoute cependant être plus souvent confronté à des histoires de contrefaçon ou à la vente de photographies de street art par d’autres artistes qu’à des problèmes de vol.Attention, le #StreetArt provoque des vols de portes ! via @christianguemy #Ivry http://t.co/TjP6WByNGL— sergeclooney (@Serge Clooney)require(["twitter/widgets"]);Basquiat, Keith Haring, Banksy…Ceux-ci ne sont pourtant pas nouveaux. Dans les années 1980, les peintures de Basquiat et Keith Haring étaient déjà dérobées dans le métro de New York. Plus récemment, un collectif, Stealing Banksy, s'est créé pour « récupérer » les œuvres de Banksy avec l'accord des propriétaires des murs…Pour s’opposer aux vols et aux faux, un système d’authentification a été mis en place. « Quand on parle d’œuvres à 100 000 ou 150 000 euros, explique Arnaud Oliveux, expert en  urban art de la maison de vente aux enchères Artcurial, les acheteurs ne sont pas prêts à prendre le risque d’acheter une pièce sans être sûrs de pouvoir la revendre. » Car sans certification, la plupart des galeries et des salles de vente n’acceptent pas. C’est justement pour contrer ces vols qu’un organisme s’est créé pour authentifier les œuvres de Banksy, le pest control - qu’on pourrait traduire par antiparasite.En France aussi, c’est la cote du street art, toujours en hausse, qui fait se multiplier les vols. Parmi les boîtes aux lettres de C215, une d’entre elles est partie à 23 000 euros lors d’une vente aux enchères, les mosaïques de Space Invader atteignent les mêmes gammes de prix. Il s’agit ici de ventes légales, avec des œuvres réalisées pour être vendues en galerie et accompagnées de certificats d'authenticité.« Une démarche égoïste »Mais C215, qui suit l'évolution de ses œuvres à travers le monde sur les réseaux sociaux, a parfois retrouvé sur Instagram certaines de ses peintures volées en vente dans des galeries. Space Invader a, lui aussi, été alerté sur le commerce de certaines de ses mosaïques dans des galeries, des salles des ventes ou des sites de vente en ligne. A chaque fois, pour lui, la situation s'est réglée à l'amiable. « Je trouve ridicule que des “collectionneurs” puissent acheter des morceaux de carreaux inauthentifiables et sans valeur », dit-il, « c'est dur à vivre pour l'artiste ». Il raconte que souvent, ses mosaïques, plutôt que d'être traitées comme du vandalisme, ont été adoptées par les habitants du quartier, qui les ont parfois réparées après des tentatives d’extraction infructueuses. « Ceux qui volent sont dans une démarche égoïste, c'est l'inverse des propos du street art . »Pour C215, c’est justement cette démarche qui est remise en question par les voleurs : « Je travaille pour la communauté. Si je fais des œuvres petites, sur des boîtes aux lettres ou sur des portes, plutôt que sur des murs, c’est dans l’idée de ne pas écraser le spectateur, pour qu’il puisse s’identifier à mes portraits. Ce serait dommage, alors qu’on m’autorise à peindre sur le mobilier urbain, qu’on me le déconseille de peur des vols. » Avec une perche télescopique de son invention, Space Invader accroche ses mosaïques de plus en plus haut, le plus loin des convoitises. Il ne veut pas changer sa façon de travailler mais se « ruine » en colles fortes dans l’espoir de décourager les voleurs.Pauline Sauthier Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia Madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le15.04.2015 à 18h45 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. 14.04.2015 à 14h37 • Mis à jour le15.04.2015 à 09h04 | Alain Beuve-Méry C’est une première : les revenus de la musique enregistrée proviennent désormais à parts égales des ventes numériques (46 %) et des ventes de disques (46 %). Telle est la principale information du rapport 2014 sur le marché mondial de la musique, réalisé par l’IFPI, la Fédération internationale de l’industrie phonographique qui rassemble les majors du disque, et publié mardi 14 avril. Les 8 % restants proviennent des droits voisins (radiodiffusion et sonorisation des lieux publics) et des droits de synchronisation (publicité, films, etc.).L’industrie de la musique, qui est la première à avoir été brutalement confrontée à la révolution numérique, est entrée dans une nouvelle phase de transformation. Les revenus liés au numérique ont progressé de 6,9 % en 2014, pour atteindre un chiffre d’affaires mondial de 6,85 milliards de dollars (6,48 milliards d’euros). Ils ont été multipliés par cinq depuis 2010.De cette révolution en marche naît aujourd’hui « un sentiment d’optimisme », constate Frances Moore, patronne de l’IFPI. Pendant plus d’une décennie, l’industrie musicale a connu des baisses fortes et régulières de son chiffre d’affaires qui ont été accompagnées de réductions massives d’effectifs, de restructurations entraînant des fusions et absorptions entre majors, voire entre labels indépendants, et d’artistes laissés sur le carreau.En 2014, les revenus globaux de la musique se sont élevés à 14,965 milliards de dollars (14,2 milliards d’euros), en légère baisse de 0,4 % sur 2013 (après un recul de 4 % en 2013). La croissance du streaming l’an dernier n’a pas encore compensé la baisse conjuguée des ventes physiques (– 8,1 %) et des téléchargements (– 8 %), mais un cap a été franchi, de l’avis des responsables des majors du disque.Tendances hétérogènes« Le secteur de la musique est en train de gérer simultanément la transition du physique au numérique, celle du PC au mobile et celle du téléchargement au streaming. Dans ce contexte, ce secteur se porte remarquablement bien et, avec un modèle d’abonnement payant, nous construisons une industrie qui va perdurer », affirme Edgar Berger, président de Sony Music Entertainment Monde.Ce que note l’IFPI, c’est l’hétérogénéité des tendances à l’œuvre, suivant les territoires, même si le streaming (l’écoute de musique sans téléchargement) gagne du terrain sur tous les continents. Partie des pays scandinaves, cette révolution des usages où l’utilisateur n’est plus propriétaire d’un format, mais détient l’accès permanent à un flux – comme l’eau et le gaz –, a désormais une véritable implantation aux Etats-Unis, premier marché mondial de la musique, et a enfin émergé au Japon (2e marché).Ainsi, les services de streaming par abonnement ont largement tiré la croissance régulière des revenus du numérique : + 39 % en 2014, soit 1,55 milliard de dollars. Le streaming représente aujourd’hui 32 % du chiffre d’affaires issu du numérique, se décomposant en 23 % pour le streaming par abonnement (+ 5 %) et 9 % pour le streaming financé par la publicité (+ 38 %). Ce qui s’explique notamment par le développement de services gratuits aux Etats-Unis par Spotify, leader mondial du streaming. Lancement de nouveaux servicesDe fait, le nombre d’abonnés à des services de streaming payant n’a cessé de croître : ils ont fait un bond de 8 millions en 2010 à 28 millions en 2013, avant de grimper à 41 millions dans le monde, en 2014, selon l’IFPI. Les abonnements à des services de streaming représentent la majorité des revenus issus du numérique dans dix pays, dont les quatre pays scandinaves, mais aussi aux Pays-Bas, en Corée du Sud, à Taïwan et Hongkong.Plusieurs raisons expliquent la croissance rapide de ce nouveau mode d’écoute musicale : des innovations technologiques avec une plus grande facilité d’accès hors connexion, mais aussi la forte croissance du parc de smartphones.Dans les mois qui viennent, le lancement de nouveaux services par des acteurs majeurs du marché devrait encore renforcer le poids du streaming. Avant l’été 2015 est en effet attendu Apple Beats, le service de streaming d’Apple qui sera directement accessible par les millions de propriétaires d’i-Phone. C’est donc à près de 800 millions de comptes et de cartes de crédit qu’il s’adressera. YouTube, pour sa part, poursuit le développement à l’international de son service de streaming Music Key qui donne un accès illimité à Google Play Music, pour 10 dollars par mois.Si la transition numérique du marché de la musique voit enfin le jour au niveau mondial, c’est qu’aux Etats-Unis – où le marché est en hausse de 2,1 % – les revenus du numérique ont atteint 3,4 milliards de dollars, soit 71 % des revenus de la musique enregistrée. Le téléchargement représente encore 55 % du marché, en recul de 7 %, alors que le streaming gagne des parts de marché.Critiques de certains artistesMais tous les pays sont loin d’avoir accompli leur mue. Les ventes physiques demeurent très dominantes au Japon (78 %) et en Allemagne, troisième marché mondial (+ 1,9 %), où elles représentent 70 % du chiffre d’affaires. De même pour la France, les ventes physiques sont à 57 %. Par ailleurs, même si les ventes de vinyles explosent (+ 55 %), le disque de nos grands-parents reste, avec 2 % du marché mondial, un marché de niche.Lire aussi :Le streaming donne un coup de fouet au marché de la musiqueSi le streaming progresse, il n’en est pas moins la cible de critiques de la part d’artistes comme l’américaine Taylor Swift, qui a le plus vendu en 2014, devant le groupe One Direction, selon le classement mondial de l’IFPI. Mais, comme le note Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), « il faut distinguer les services d’abonnement streaming audio, comme Spotify, Deezer et Qobuz, qui ont versé 1,6 milliard de dollars aux maisons de disque en 2014, des plates-formes de vidéo, dont principalement YouTube, qui revendiquent plus d’un milliard d’utilisateurs et ne reversent que 641 millions de dollars ». Faire payer les plates-formes de streaming vidéo, telle est la prochaine croisade des maisons de disque. Le défi est d’autant plus grand que, selon une étude Ipsos réalisée pour l’IFPI, « un tiers des utilisateurs qui écoutent la musique sur YouTube ne regardent pas les vidéos » et qu’il s’agit pour l’essentiel des jeunes générations.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre et Alexandre Piquard Le dialogue semble bien rompu entre Mathieu Gallet, le PDG de Radio France, et les grévistes qui ont reconduit leur mouvement jusqu’au mardi 7 avril. Vendredi matin, une assemblée générale, qui réunissait 400 à 500 salariés, de source syndicale, a voté à la quasi-unanimité une motion de défiance, qui demande le départ du dirigeant. Texte de la motion de défiancePourquoi ce vote, alors que la résolution de la crise se joue désormais dans les cabinets ministériels, de Bercy à la culture en passant par Matignon ? Ceux-ci planchent actuellement sur le fameux « projet stratégique » remis jeudi par M. Gallet et s’apprêtent à rendre des arbitrages sur les missions et les moyens de l’entreprise publique ces prochaines années.« L’assemblée générale a réagi aux contre-vérités énoncées hier par M. Gallet et à son mépris du dialogue social », a commenté Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD et membre de l’Orchestre national de France (ONF). Jeudi, le PDG avait mené une offensive médiatique, d’i-Télé aux antennes de France Info et de France Inter, pour se défendre et tendre la main aux grévistes en vue de renouer le dialogue.« M. Gallet se sert des antennes de Radio France pour sa communication personnelle, alors qu’il n’arrive plus à mettre les partenaires sociaux autour d’une table », a poursuivi M. Quennesson. De fait, les négociations sociales sont en berne depuis le 30 mars, date du dernier échange formel entre la direction et les délégués du personnel.Depuis le début de la crise, le 19 mars, le fait que le PDG s’exprime plus volontiers dans les médias ou dans les rédactions que face aux délégués syndicaux est un reproche récurrent. « M. Gallet est totalement discrédité, il s’avère incapable de diriger Radio France et d’incarner les valeurs fortes et intangibles de la radio publique », juge sèchement le texte.L’idée d’une médiation a été à nouveau évoquée par les représentants syndicaux dans leurs contacts, cette semaine, avec des politiques. Pour le moment, le prochain rendez-vous avec le PDG est fixé au mercredi 8 avril, lors d’un comité central d’entreprise où le projet sera présenté.Mais cette personnalisation du conflit ne fait pas l’unanimité au sein de la Maison ronde. Ainsi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a déploré ce vote. « Tout ce qui affaiblit le patron de Radio France affaiblit Radio France à l’heure où son PDG devra inévitablement négocier avec l’Etat », estime Valeria Emanuele, déléguée nationale. « Je ne sais pas ce que cela changerait d’avoir la tête de M. Gallet : nous nous retrouverions dans un vide et la vraie question des réformes resterait la même », renchérit un journaliste.Le SNJ appelait aussi à la grève vendredi, mais de façon indépendante du mouvement illimité ouvert par cinq autres syndicats. De source syndicale, on comptait 75 % de grévistes dans les locales du réseau France Bleu et à France Culture, et un tiers à la rédaction de France Info et France Inter. Selon la direction, il n’y avait à Radio France que 11 % de grévistes vendredi.« Ce qui pourrait débloquer la situation serait que la tutelle se fasse enfin entendre », résume un journaliste. Et de suggérer que « ce serait bien que le ministère propose de séparer la question des travaux de celle des réformes », pour tenir compte de l’exaspération provoquée par l’interminable réhabilitation, qui perturbe le quotidien et consume la trésorerie.« Ce chantier est le seul sujet sur lequel il y a consensus à Radio France, résume ce journaliste. Sur le reste – faut-il accepter un plan social, ne garder qu’un orchestre, réformer les modes de production  – il y a des débats parmi les salariés. »Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.04.2015 à 11h38 • Mis à jour le03.04.2015 à 12h53 Sotheby's s'apprête à vendre six œuvres de Claude Monet lors d'une vente aux enchères le 5 mai à New York, rapporte le Wall Street Journal (WSJ) jeudi 2 avril. Les toiles proposées couvriront quatre décennies du travail de l'artiste et pourraient rapporter au total de 78 millions à 110 millions de dollars (71,68 millions à 101 millions d'euros), selon Sotheby's.Lire aussi : Le MoMA crée l’émoi en vendant un de ses MonetCes œuvres n'ont pas été montrées publiquement depuis des années. Elles comprennent entre autres deux peintures de nénuphars de la maison du peintre à Giverny, qui ont atteint les estimations les plus élevées depuis la mort du peintre, en 1926. Les Nénuphars, une toile de 1905, est ainsi estimée entre 30 millions et 45 millions de dollars. Une autre peinture sur le même thème, datant de 1913, et qui montre une rare vue d'un treillis de roses qui se reflète dans l'eau est estimée entre 18 millions et 25 millions de dollars.Lors de la vente du 5 mai figureront aussi une peinture du palais des Doges à Venise confisquée par les nazis et qui n'a jamais été vue (estimée entre 15 millions et 20 millions de dollars) ; une toile datant de 1901 représentant le village de Vétheuil, le long de la Seine ; une peinture d'un paysage sous la neige de 1875 ; et une peinture de la côte normande datant de 1897.La maison Sotheby's avait déjà organisé en février une vente à Londres, comprenant cinq toiles du peintre français. Elles avaient été adjugées pour un montant de 84 millions de dollars (77,2 millions d'euros). Les « chasseurs de Monet », selon l'expression d'Elizabeth Gorayeb, directrice du département de l'impressionnisme et de l'art moderne chez Sotheby's, comprennent de nouveaux collectionneurs des pays émergents à la recherche de trophées, explique-t-elle. C'est cependant Christie's qui remporte la vente d'un Monet sur ce sujet la plus élevée, avec 80,5 millions de dollars en 2008. Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Un dieu et un diable »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 08h11 | Bruno Lesprit Cas probablement unique dans la pop et le rock, toutes les compositions des Beatles ont été reprises à un moment ou un autre, leurs succès comme leurs titres les moins connus. Versions fidèles aux originaux ou détournements, contemporaines de leurs créations par les « Fab Four » ou revues des décennies plus tard, que cela soit par les plus grandes vedettes comme par les plus obscures formations. En accompagnement de la diffusion des albums du groupe en kiosques avec la collection The Beatles et leur présentation hebdomadaire dans M, le magazine du Monde, nous vous proposons de découvrir quelques-unes de ces reprises.Lire aussi : The Beatles : « Please Please Me », la révélation d’un nouveau sonCette semaine : autour de l’album Please Please Me (mars 1963).« I Saw Her Standing There » (Lennon-McCartney), par Little Richard« She Was Just Seventeen/You Know What I Mean » (« Elle avait dix-sept ans à peine/Tu vois ce que je veux dire »). Cette chanson de Paul McCartney et de John Lennon (1940-1980) ouvrant le premier album des Beatles aurait pu valoir à leurs auteurs des ennuis avec la brigade des mœurs – ce qu’éviteront soigneusement Dalida (1933-1987) et son parolier Pascal Sevran (1945-2008) en 1973 avec Il venait d’avoir 18 ans. Mais les Beatles forment un groupe de rock’n’roll, une musique alors encore jeune (elle n’a pas dix ans d’âge), sinon adolescente, comme l’atteste ce titre joyeux et enlevé. Et clairement inspiré de Chuck Berry, auteur en 1958 du fameux Sweet Little Sixteen, que les Beatles reprirent d’ailleurs lors de leurs émissions à la BBC.I Saw Her Standing There est l’une des dix chansons de cet album (sur quatorze) enregistrées le 11 février 1963 à Abbey Road, les studios de la compagnie phonographique EMI, lors d’une session unique en prise directe d’environ 13 heures. Ces conditions dictées à la fois par l’urgence (pour surfer sur le succès du single Please Please Me) et des mesures d’économie préservent la fraîcheur et l’instantanéité du quatuor, dont le son est ici proche des concerts donnés dans la Cavern, son sanctuaire de Liverpool.La chanson fut publiée en single aux Etats-Unis après le déclenchement de la Beatlemania outre-Atlantique mais jamais en Grande-Bretagne. Enfin, si, en 1988 avec la version de la crispante chanteuse américaine Tiffany, rebaptisée I Saw Him Standing There, un changement de sexe qu’avaient déjà opéré auparavant les artistes de Motown, Diana Ross & The Supremes et Mary Wells (1943-1992). Bourrée de tous les tics de production de la pop synthétique de la décennie 1980, elle entra dans le Top 10 britannique. I Saw Her Standing There a aussi changé deux fois de nationalité en 1963, adaptée en français pour Johnny Hallyday (sous le titre Quand je l’ai vue devant moi) et en espagnol par les Vénézuéliens de Los Impala (La vi parada ahi). La reprise la plus emballante, et de loin, est due à un pionnier du rock’n’roll, Little Richard, l’une des idoles de Paul McCartney. Enregistrée en 1970 aux studios Fame de Muscle Shoals (Alabama), l’une des grandes fabriques de la musique soul, cette merveille est disponible sur l’album The Rill Thing, qui devait marquer le come-back du révérend Richard Wayne Penniman (le vrai nom de Little Richard). Un hommage du maître aux élèves, devenus les rois du monde, qui s’étaient rodés dans les caves avec ses classiques, dont Long Tall Sally. « Misery » (Lennon-McCartney), par Kenny LynchUne romance cultivant l’auto-apitoiement, bien dans la manière de l’époque, mais pourvue d’une jolie mélodie montrant la dette des Beatles envers les Everly Brothers. L’interprétation de Misery par le chanteur noir britannique (une rareté au début des années 1960) Kenny Lynch présente un intérêt historique évident : elle fut la toute première reprise d’une chanson des Beatles, parue en single en mars 1963, une semaine avant la sortie de l’album Please Please Me. La première, donc d’une interminable liste, au cœur de cette série d’articles. Les Beatles espéraient plutôt que la chanteuse Helen Shapiro, alors au sommet, s’intéresserait à Misery, d’ailleurs composée pour la séduire. La version de Kenny Lynch fut un échec commercial mais le chanteur-comédien s’illustrera dix ans plus tard en figurant, au côté des acteurs James Coburn (1928-2002) et Christopher Lee, sur la pochette de l’album de Paul McCartney et Wings Band On The Run. « Anna (Go To Him) » (Alexander), par Arthur AlexanderPremière des six chansons reprises par les Beatles sur Please Please Me, Anna (Go To Him) est une ballade écrite et enregistrée par le chanteur de soul originaire de l’Alabama, Arthur Alexander (1940-1993), publiée en single en septembre 1962, ce qui montre que le groupe britannique était pour le moins à l’affût des nouveautés. John Lennon adulait particulièrement ce pilier des studios Fame et les Beatles interprétèrent trois autres chansons qu’il popularisa, Soldier of Love, A Shot of Rhythm’n’Blues et Where Have You Been. La plus célèbre demeurant le splendide You Better Move On, qui fit le bonheur des Hollies et des Rolling Stones en 1964. « Chains » (Goffin-King), par The CookiesEncore un titre dans l’air du temps, chanté par George Harrison (1943-2001) et représentatif des « girls groups » du début des années 1960. Formés à Brooklyn dès 1954, The Cookies étaient un ensemble vocal dont la première incarnation devait se transformer en Raelettes, les choristes de Ray Charles (1930-2004). Mais c’est la configuration que l’on entend ici qui connut le plus grand succès grâce aux hits que lui écrivit sur mesure le couple constitué par Gerry Goffin (1939-2014) et Carole King, l’un des tandems les plus en vue du Brill Building, l’immeuble new-yorkais qui abritait la fine fleur des auteurs-compositeurs pop de l’époque. Les Cookies intervinrent d’ailleurs sur l’immortel The Loco-Motion, tube de Goffin-King chanté par la babysitter du couple, Little Eva (1943-2003), avant ce Chains, commercialisé en novembre 1962. Les Beatles adoraient les sucreries de Goffin-King puisqu’ils chantèrent aussi Take Good Care of My Baby, Don’t Ever Change et Keep Your Hands Off My Baby. Carole King devait devenir une star au début des années 1970 en écoulant une vingtaine de millions d’exemplaires de son chef-d’œuvre, Tapestry. « Boys » (Dixon-Farrell), par The ShirellesEncore le répertoire des « girls groups » qui atteste que les Beatles étaient obsédés par les filles. Cette fois, celui de The Shirelles, admirable quartette vocal du New Jersey. Pratiquement plagié sur le What’d I Say de Ray Charles, Boys, composition de Luther Dixon (1931-2009) et Wes Farrell (1939-1996), figurait en face B de leur plus grand succès, Will You Love Me Tomorrow, une perle de… Goffin et King, sortie en single en novembre 1960. Le plus remarquable est que les Beatles – contrairement à ce que firent les interprètes féminines d’I Saw Her Standing There – n’ont pas modifié Boys en Girls. Un parti pris, chanté assez catastrophiquement par le batteur Ringo Starr, qui laissait donc planer un doute sur une possible homosexualité du narrateur. « Ask Me Why » (Lennon-McCartney), par The SmithereensParue avant la sortie de l’album, en face B du single Please Please Me, cette chanson sentimentale typique du jeune John Lennon a connu peu de succès chez les repreneurs. Elle a été intégrée toutefois, avec deux autres titres de Please Please Me (There’s A Place et P.S. I Love You) à l’album B-Sides The Beatles des Smithereens, paru en 2008 chez Koch. Ce groupe de power-pop américain sympathique et passéiste vouait un culte aux aînés britanniques des années 1960 en général et aux Beatles en particulier. Leur version n’est pas disponible sur YouTube mais est présente sur les sites de streaming Qobuz, Deezer et Spotify. « Please Please Me » (Lennon-McCartney), par The Bee GeesLa chanson-titre de l’album (qui figure à la fin de la face A), et deuxième single des Beatles (après Love Me Do), lancera la Beatlemania à domicile en faisant une entrée fracassante dans les classements britanniques pour s’emparer de la deuxième place, avant leur premier numéro un, From Me To You. De l’aveu de Lennon, Please Please Me était une tentative de composer une ballade proche du romantisme de Roy Orbison (1936-1988), l’auteur de Only The Lonely. Le résultat final s’en est éloigné, à mesure que le tempo était accéléré. Les voix sont déjà impeccablement en place, à l’école du modèle, les Everly Brothers. Roy Orbison, le Caruso du rock’n’roll, aurait lui-même été un interprète idéal. Mais ce furent les Bee Gees, alors des adolescents benêts et coincés, qui donnèrent cette désolante version en février 1963, lors de leur première apparition télévisée en Australie. Par un miracle dont ils ont conservé le secret, les frères Gibb deviendront dans la décennie suivante les dépoitraillés empereurs du disco, avec permanentes et pantalons moulants. « Love Me Do » (Lennon-McCartney), par Sandie ShawDes paroles et une ligne mélodique réduites à leur plus simple expression, un harmonica guilleret, et le tour est joué. Cette œuvre de jeunesse datant des Quarrymen, la première formation de Lennon, McCartney et Harrison, est connue aussi pour avoir été vexatoire envers le batteur Ringo Starr. Celui-ci fut, en effet, viré de son tabouret, remplacé par un « professionnel », le batteur écossais Andy White, et relégué aux maracas. La chanteuse anglaise Sandie Shaw, qui avait remporté le Grand Prix de l’Eurovision 1967 avec Puppet on a String, fusion étonnante du music-hall britannique avec des cors de chasse bavarois, se l’appropria avec sensualité en 1969, sur l’album Reviewing the Situation. Plus étonnant, David Bowie embarqua Love Me Do en tournée en 1974, par une citation à l’harmonica en introduction de son tube The Jean Genie. « P.S. I Love You » (Lennon-McCartney), par Sonny CurtisLa face B du premier single des Beatles, Love Me Do, toujours avec Andy White à la batterie, le producteur des Beatles, George Martin, ignorant alors qu’un nouveau titulaire du poste avait été recruté après le renvoi de Pete Best. P.S. I Love You est déjà du McCartney pur sucre, tout de joliesse mélodique et dénotant son admiration pour le pionnier binoclard Buddy Holly (1936-1959), dont sa société possède les droits des chansons. Cette belle version instrumentale est d’ailleurs due au guitariste et chanteur Sonny Curtis, devenu, après la mort de Holly en février 1959, le leader de son groupe, The Crickets. Ce Texan est connu pour un classique, le rageur I Fought the Law, popularisé, entre autres, par l’Américain Bobby Fuller (1942-1966) puis par le groupe britannique The Clash. En 1964, Sonny Curtis enregistra un étonnant album, Beatle Hits Flamenco Guitar Style (réédité en 2006 chez EI/Cherry Red) comprenant onze réinterprétations des Beatles et un inédit de circonstance, Ballad For a Beatle. Ce virtuose de l’électrique Fender Stratocaster se reconvertissait brillamment dans la guitare acoustique espagnole à cordes en nylon. « Baby It’s You » (Bacharach-David-Williams), par The ShirellesDeuxième reprise des Shirelles sur Please Please Me, Baby It’s You, un hit aux Etats-Unis en 1961, porte la signature d’un des plus fameux tandems de la pop, le compositeur Burt Bacharach et le parolier Hal David (1921-2012), alors piliers, comme Gerry Goffin et Carole King, du Brill Building new-yorkais. Au moment de la parution de Please Please Me, les deux venaient de mettre en place l’un des partenariats les plus prolifiques des années 1960 avec la chanteuse Dionne Warwick. « Do You Want To Know a Secret » (Lennon-McCartney), par Billy J. Kramer with The DakotasLe deuxième titre chanté sur cet album par George Harrison, pas encore à son aise pour imposer ses propres compositions. Il faudra attendre encore quelques mois, avec With The Beatles en novembre 1963, pour qu’apparaisse la première signée en son nom propre, Don’t Bother Me. Do You Want To Know a Secret a été un tube en Grande-Bretagne grâce à cette version fidèle de Billy J. Kramer, sortie fin avril 1963, qui se hissa à la deuxième place dans les classements, la première étant occupée par… From Me To You. Lui aussi originaire de Liverpool, Billy J. Kramer, accompagné par un groupe de Manchester, partageait le même manager que les Beatles, Brian Epstein (1934-1967) et le même producteur, George Martin. Il connut un bref moment de gloire grâce à la vogue du « Merseybeat » portée par les Beatles. Lennon et McCartney furent prodigues avec lui puisque la face B de Do You Want To Know a Secret comportait une autre de leurs compositions, I’ll Be On My Way, que ses auteurs ne devaient chanter qu’à une seule occasion, lors d’une émission de la BBC. Kramer fut le destinataire de trois autres inédits : Bad To Me (un numéro un au Royaume-Uni), I’ll Keep You Satisfied et From a Window. Le chanteur s’offrit en revanche le luxe de décliner une chanson sentimentale proposée par McCartney. Elle avait pour titre Yesterday. Et est devenue, depuis sa parution dans l’album Help ! (août 1965), l’un des plus importants succès du groupe. « A Taste of Honey » (Scott-Marlow), par Lenny WelchA l’origine, A Taste of Honey (« un goût de miel ») est une pièce de théâtre de Shelagh Delaney (1938-2011), typique du réalisme social britannique, dont la première eut lieu à Londres en 1958. Son succès fut tel qu’avant d’être portée à l’écran en 1961 par Tony Richardson (1928-1991), elle connut une adaptation à Broadway un an plus tôt, flanquée d’un thème musical de Bobby Scott (1937-1990) et Ric Marlow qui fut récompensé d’un Grammy Award. La première version chantée apparut en septembre 1962, interprétée par le chanteur noir américain Lenny Welch. Dès la fin de l’année, les Beatles intégrèrent cette ballade chantée par McCartney à leur répertoire joué lors de leur séjour à Hambourg avant de l’inclure sur leur premier album. La version la plus connue de ce standard, également repris par le pianiste, chef d’orchestre et arrangeur Quincy Jones ou le saxophoniste Paul Desmond (1924-1977), n’est pourtant pas celle des Beatles, mais celle, instrumentale et pimpante, du trompettiste Herp Albert et de son Tijuana Brass en 1965. « There’s a Place » (Lennon-McCartney), par The Flamin' GrooviesAvec I Saw Her Standing There et Please Please Me, c’est le troisième joyau ciselé par Lennon et McCartney sur ce premier album. Moins connue que les deux autres, There’s a Place, conçue dans l’esprit de la fabrique à tubes Tamla-Motown, irradie par le superbe travail à trois voix réalisé avec Harrison. Déjà auteurs d’une reprise de Misery en 1976, les Flamin' Groovies, flamboyant groupe de San Francisco, obsédé par les années 1960, étaient tout désignés pour livrer cette version impeccable de goût et de concision. Elle est disponible sur leur cinquième album, Flamin' Groovies Now, paru en 1978, un titre en clin d’œil à The Rolling Stones, Now !, troisième opus pour le marché américain des supposés rivaux des Beatles. Les chanteurs et guitaristes Cyril Jordan et Chris Wilson refusaient de choisir leur camp et ils avaient bien raison. « Twist & Shout » (Medley-Russell), par The Isley Brothers Twist & Shout était la dernière chanson inscrite au programme de la séance marathon du 11 février 1963. Le producteur George Martin savait qu’ensuite, John Lennon n’aurait plus de cordes vocales. En une prise, le chanteur livre une performance phénoménale, historique même, emmenant le « Shake It Up, Baby ! » (« Secoue-le, chérie ! ») vers un sommet d’excitation et d’extase. Du coup, la version des Beatles est devenue « la » référence, éclipsant l’original composé par Phil Medley (1916-1997) et Bert Russell (1929-1967). A tel point que beaucoup pensent que Twist & Shout (dont David Bowie reprit la montée vocale pour Let’s Dance), est une chanson des Beatles. Twist & Shout avait été déjà enregistrée en 1961, par le groupe The Top Notes, produit par Phil Spector et passé complètement inaperçu. Les Beatles, eux, avaient en tête la version de juin 1962 par les Isley Brothers, tube pour la formation de rhythm’n’blues, qui avait déjà connu un succès en 1959 avec un titre quasi identique, Shout, écrit par les trois frères Isley. A noter que les Beatles interpréteront Shout lors d’un passage à l’émission de télévision « Around The Beatles » diffusée au Royaume-Uni sur le réseau ITV, le 6 mai 1964.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.04.2015 à 15h14 • Mis à jour le03.04.2015 à 17h15 | Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.04.2015 à 11h23 • Mis à jour le02.04.2015 à 12h46 | Véronique Cauhapé Une comédie-thriller dans laquelle deux braves garçons deviennent les hommes les plus recherchés d’Angleterre (jeudi 2 avril à 20 h 50 sur Arte). Rien ne peut laisser prévoir ce qui va advenir. Un paysage de campagne plat comme un jour sans fin. Une route droite et dégagée, une voiture qui passe, puis, soudain, le bruit fracassant de l’accident ; glissade, tonneaux, le véhicule finit sa course, cabossée comme un César, sans que l’on ait rien compris. Pas plus d’ailleurs que Sam, qui marchait sur le bord de la route, et qui, la surprise passée, va finir par s’approcher de la carcasse, ramasser un téléphone portable visiblement éjecté sous le choc, et appeler les secours.Tout est posé, ou presque. L’imprévu qui surgit de l’ordinaire, l’irrationnel qui s’impose comme un fait auquel il n’est pas besoin de prêter attention, un enchaînement d’une rapidité extrême… Dès les premières minutes, « The Wrong Mans » crée un décalage qui n’est que le haut de l’iceberg. En dessous se cachent une histoire et des personnages qui vont partir en vrille, une intrigue qui accumule péripéties et rebondissements, avec chantage, menaces de mort, espionnage et trafic de drogue, une dramaturgie intense mâtinée de pépites télévisuelles et scénaristiques hilarantes.cocktail détonnantCette série porte la patte des auteurs et comédiens anglais qui l’ont imaginée et qui en assurent les rôles principaux, James Corden et Mathew Baynton. Une patte qu’ils doivent, en partie, à la culture de leur pays, où le cinéma sait comme nul autre mêler réalisme et comédie, action et humour, sans que l’un soit jamais négligé au profit de l’autre. Si le duo fonctionne à merveille sur l’écriture, il en est de même à l’écran, où chacun campe son personnage avec un naturel qui émeut autant qu’il amuse. Ces deux-là, il faut bien le reconnaître, sont de braves garçons, débordants d’énergie et de bonne volonté, mais aussi d’une naïveté qui relève de la pathologie.Grand gringalet qui peine à se remettre de sa rupture sentimentale avec une collègue devenue sa supérieure, Sam (Mathew Baynton) se désintéresse de son job de conseiller urbaniste quand vient s’incruster dans sa vie Phil, le bon gros et sympathique préposé au courrier qui vit chez sa mère. Dès lors, quand ce téléphone trouvé par Sam les entraîne dans une aventure aussi rocambolesque que palpitante, ce duo de losers va livrer le meilleur comme le pire d’eux-mêmes. Un pur bonheur.« The Wrong Mans » (saison 1), série créée par James Corden et Mathew Baynton. Avec James Corden et Mathew Baynton, Sarah Solemani, Emilia Fox (Royaume-Uni, 2013, 6 × 29 min). Jeudi 2 avril à 20 h 50 sur Arte.Véronique CauhapéJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Laurent Cantet s’empare des années 1950 et filme la révolte d’une bande de jeunes filles (jeudi 2 avril à 22 h 15 sur Ciné+ Emotion). A l’opposé de la matière semi-documentaire que Laurent Cantet a souvent travaillée, on saute ici à pieds joints dans la fiction. Rien n’indique qu’un groupe de filles aux idéaux révolutionnaires ait sévi dans les années 1950 aux Etats-Unis, comme l’a imaginé Joyce Carol Oates dans Confessions d’un gang de filles (Stock) dont Foxfire est adapté.Affranchi de la réalité, Laurent Cantet lui témoigne pourtant toujours le même respect. Ce qu’il veut montrer doit obéir aux lois de la vie en société, et la dynamique du groupe des filles est dépeinte avec une exactitude mathématique, pour mieux amener les paroxysmes, la tragédie.Au centre de ce groupe, on trouve Legs (Raven Adamson), orpheline de mère, abandonnée par son père, animée par une colère inextinguible. Elle attire des particules de désordre : Maddy (Katie Coseni), une intellectuelle frustrée, Rita (Madeleine Bisson), victime des désirs que suscite sa beauté, Goldie (Claire Mazerolle), une authentique brute. Legs se forge toute seule une idéologie révolutionnaire, empruntant quelques bribes de discours à un prêtre défroqué, passé à l’alcoolisme avec un détour par le léninisme, et fonde une société secrète, baptisée Foxfire.Vengeance contre les hommesLe groupe commence par se venger des hommes qui les oppriment, les menacent et les violentent. Ses premiers exploits (graffitis, corrections musclées) sont filmés avec une jubilation qu’on ne connaissait pas à l’auteur. La bête machiste n’est pas sans ressources et prend bientôt le dessus sur les révolutionnaires. Legs se retrouve en maison de correction.Foxfire a été tourné dans l’Ontario, où l’on trouve encore des paysages urbains de l’après-guerre, au­jourd’hui disparus des Etats-Unis. Laurent Cantet a fouillé pour faire émerger ce que l’on ne voit quasiment jamais de ces années lorsque le cinéma américain s’en empare : la pauvreté, l’inégalité, la violence institutionnelle.Bien sûr, les voitures sont grosses et les autoradios crachent la musique de l’époque, rock’n’roll générique, ballades sirupeuses. Mais ces lieux communs ne sont là que parce qu’on ne peut faire autrement. D’ailleurs, sur la bande-son, on entend mieux le très contemporain et très mélancolique groupe canadien Timber Timbre que les classiques d’alors.Violence révolutionnaireLa deuxième partie du film, après la libération de Legs, oppose l’euphorie de la violence révolutionnaire à la difficulté de l’utopie réalisée. La bande de filles, qui ne fait que croître, connaît les affres de toutes les organisations : factions, rivalités entre orthodoxes et novateurs, culte de la personnalité, surenchère dans l’action – jusqu’au drame. A la place des intellectuels exaltés que l’on trouve d’habitude dans ces situations, Joyce Carol Oates et Laurent Cantet ont placé des adolescentes qui ne sont pas seulement mues par la soif d’absolu ou l’envie de pouvoir, mais aussi par le désir. C’est dans cette double nature des personnages que réside la force de Foxfire.Cantet a choisi ses actrices parmi des jeunes filles inexpérimentées avec le même bonheur que pour Entre les murs. Raven Adamson et ses camarades se meuvent dans cet univers flottant entre histoire et utopie avec une aisance à couper le souffle. Ce sont elles qui font oublier les artifices du scénario et font passer les démonstrations politiques un peu systématiques. Elles, finalement, qui raniment la flamme de la révolte.« Foxfire. Confessions d’un gang de filles », de Laurent Cantet. Avec Raven Adamson, Katie Coseni, Madeleine Bisson, Claire Mazerolle (Fr./Can., 2013 150 min). Jeudi 2 avril à 22 h 15 sur Ciné+ Emotion.Thomas SotinelJournaliste au Monde Bruno Lesprit Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, le brillant aperçu des débuts.Importé d'Albion par ferry, ce premier album séduira, en ce printemps 1963, les adolescent(e)s qui fredonnent Tous les garçons et les filles, de Françoise Hardy, ou L'Idole des jeunes, de Johnny. Les Beatles, jeu de mots forgé à partir de « beat » (rythme) et de « beetle » (scarabée), sont de jeunes garçons d'une vingtaine d'années originaires de Liverpool.Lire aussi : Les Beatles : les reprises de « Please Please Me »Ils se sont rodés dans les clubs interlopes d'Hambourg (Allemagne) avant de devenir les ambassadeurs d'un nouveau son, le Merseybeat, du rock'n'roll américain mêlé à la tradition britannique du music-hall. Le résultat déborde de fraîcheur et de spontanéité, comme en témoignent le joyeux titre d'ouverture, I Saw Her Standing There, la chanson-titre Please Please Me, déjà un tube outre-Manche, ou l'explosif final de Twist and Shout, emprunté à l'orchestre de rhythm and blues The Isley Brothers et sur lequel John Lennon se fracasse les cordes vocales.Leurs éclatantes harmonies vocalesAvec son timbre rauque et puissant, le chanteur principal s'affirme comme chef de bande, même si les huit compositions originales (les six autres sont des reprises essentiellement puisées dans le répertoire de « girls groups », comme The Shirelles) ont été écrites avec son partenaire, Paul McCartney. Doté d'une voix plus douce, le bassiste semble davantage orienté vers la tendre ballade – il interprète ainsi le standard A Taste of Honey. Le tandem s'est rencontré à l'été 1957 lors d'une fête paroissiale et a été rejoint par le guitariste soliste George Harrison.Sept mois plus tôt, le batteur Pete Best a été limogé pour être remplacé par Ringo Starr, débauché aux rivaux de Rory Storm & The Hurricanes. Sage décision car ce quatrième larron réalise aux baguettes, fûts et cymbales, un travail admirable, tout en retenue et discrétion. Il cherche à valoriser les parties de guitares de ses acolytes et leurs éclatantes harmonies vocales, qui rappelleront celles des Everly Brothers. La barrière de la langue ne constituera pas un frein au succès des Beatles dans la France gaullienne, les paroles de Love Me Do, par exemple, étant aisément compréhensibles par de non-anglophones. Un coup d'essai brillant et prometteur.Bruno LespritJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre « Mon projet reprend ce que j’ai déjà présenté, il n’y aura rien de vraiment nouveau », annonçait Mathieu Gallet, jeudi 2 avril, sur les ondes de France Inter. La promesse est tenue, si l’on en croit le document qui a été remis aux syndicats mardi 7 avril, à la veille de sa présentation en comité central d’entreprise (CCE), mercredi. Projet stratégique de Radio FranceLe projet comprend cinq points :Radio France, radio de tous à l’ère numériqueRadio France, acteur majeur de la musique et de la culture en FranceAller à la rencontre des publics et diversifier les activitésTransformer et moderniser l’entrepriseLes principes du retour à l’équilibreOn y retrouve la plupart des axes développés par Mathieu Gallet depuis son audition par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui l’a désigné en février 2014.En réponse aux attentes de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, le document s’efforce de mieux définir ce qu’est le « service public de radio ». Il met en avant la singularité de ses sept chaînes, l’accessibilité pour tous renforcée par le numérique, l’information de référence et de proximité, et le soutien à la création – sans toujours dépasser le stade des généralités.Du côté de la musique, le projet intègre l’arbitrage du gouvernement – maintien des quatre formations musicales avec « redimensionnement » – et promet un « projet artistique global et ambitieux » pour 2015. Le texte rappelle l’objectif de faire de la Maison de la radio « un nouveau lieu ouvert à tous et un nouveau lien avec le public ».« Renforcer le dialogue social »Le projet propose également de « renforcer le dialogue social », en s’appuyant sur « l’affirmation du management » et « la construction d’une communauté de cadres », ainsi que la mise en place d’un « référentiel des métiers et des compétences ».En réaction au récent et sévère rapport de la Cour des comptes, le projet affirme l’ambition d’« améliorer la performance et garantir l’exemplarité de la gestion ». Comme déjà annoncé, il prévoit un moratoire sur certaines parties du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio et une étude pour voir comment achever au mieux les parties restantes.Lire : Mathieu Gallet : « Je propose un moratoire sur le chantier de la Maison de la radio »En matière budgétaire, les leviers d’un retour à l’équilibre sont les suivants :8 à 16 millions d’euros issus d’un « élargissement des secteurs autorisés à faire de la publicité » – validé par la ministre – et de nouvelles recettes commerciales issues du numérique ;16 millions d’euros issus de l’abandon des ondes moyennes et longues et de certaines missions (météo marine, messe…)18 à 24 millions d’euros (en 2017) issus d’une réduction d’effectifs « comprise entre 250 et 330 équivalents temps plein, comprenant 300 à 380 départs et 50 créations de postes dans les métiers du développement informatique, de la production scénique et du marketing, notamment » ;enfin, « une dotation complémentaire » de l’Etat pour finir le chantier de réhabilitation et qui a été annoncée par Mme Pellerin, vendredi 3 avril.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 07.04.2015 à 07h55 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h13 | Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brigitte Salino Si la nouvelle est confirmée, c’est une révolution. Chris Dercon, le directeur de la Tate Modern de Londres, pourrait succéder à Frank Castorf à la Volksbühne de Berlin. La rumeur, qui court depuis plusieurs semaines, prend chaque jour plus d’ampleur dans les journaux allemands, où elle suscite une très forte polémique. Tout a commencé à la mi-mars, quand le Sénat de Berlin a annoncé qu’il ne renouvellerait pas le mandat de Frank Castorf à son arrivée à terme, en 2016, mais qu’il le prolongerait seulement d’un an, jusqu’en 2017.Cette décision annonce la fin d’une époque : Frank Castorf dirige la Volksbühne depuis vingt-trois ans. De ce théâtre situé à Mitte, dans l’ex-partie est de Berlin où il est né, en 1951, le metteur en scène a fait la scène la plus vivante, la plus novatrice et la plus polémique des années 1990. Avec le temps, cet esprit s’est un peu émoussé, mais la Volksbühne reste une des salles-phares de la capitale allemande.En 2014, ce théâtre construit pour les travailleurs a fêté ses cent ans. A cette occasion, Chris Dercon est venu, avec Tim Renner, le nouveau secrétaire aux affaires culturelles de Berlin. Né en 1964, cet ancien directeur d’Universal Music en Allemagne entend donner un nouveau souffle à la culture. Chris Dercon, lui, dirige la Tate Modern de Londres depuis 2011. Flamand, né en 1958, il a été en particulier directeur artistique du MoMA, et commissaire de nombreuses expositions, avant de rejoindre un des plus grands musées d’art contemporain du monde.« La plus grosse erreur de casting de la décennie »Quand la rumeur de son arrivée à Berlin a commencé à circuler, Le Monde l’a contacté, par courriel (le 19 mars). Chris Dercon a alors répondu : « J’ai une énorme admiration pour la Volksbühne (…). Comme vous le savez, je tiens beaucoup à inviter le théâtre et la danse au musée, donc à la Tate Modern. J’espère qu’un jour la Volksbühne – peut-être une pièce de Pollesch qui raconte les exigences du marché de l’art ? – viendra à Londres. »Serait-ce une pirouette, due à la nécessité de se taire, tant que les tractations n’ont pas abouti ? A Berlin, la question de fait guère de doute. Elle suscite une levée de boucliers dans le milieu du théâtre et de la culture. Claus Peymann (77 ans), le directeur du Berliner Ensemble, qui lui aussi va quitter son poste en 2017, a envoyé une lettre au maire social-démocrate de Berlin, Michael Müller, pour dénoncer « la plus grosse erreur de casting de la décennie » que représente Tim Renner, jugé plus apte à organiser des événements qu’à mettre en place une véritable politique culturelle.Frank Castorf va dans le même sens que Claus Peymann. Il reproche à Tim Renner son « manque de professionnalisme » et sa méconnaissance du théâtre, qui joue un rôle de premier plan à Berlin. L’opposition entre les deux « rois » du théâtre et Tim Renner témoigne d’un choc des cultures et des générations, doublé d’une question financière : l’argent manque à Berlin, depuis la réunification. De ce point de vue, Tim Renner a beau jeu : dotée de 17 millions d’euros, la Volksbühne est l’un des théâtres les plus subventionnés de Berlin, mais sa fréquentation est en baisse.Quoi qu’il en soit, un débat est engagé, qui porte sur un point essentiel. Si Chris Dercon, quels que soient ses qualités et son goût pour le théâtre, succédait à Frank Castorf, on entrerait dans une nouvelle ère : ce ne serait plus un metteur en scène ou un intendant (directeur artistique), comme cela se pratique en Allemagne, qui dirigerait un théâtre, mais un curateur. Dans un contexte où les frontières entre l’art contemporain et les arts de la scène sont de plus en plus floues (des artistes comme Romeo Castellucci en témoignent), la question risque de se poser de plus en plus souvent. Et pas seulement à Berlin. En ce sens, l’affaire Castorf-Dercon fait figure de laboratoire dans l’Europe d’aujourd’hui.Brigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux (Aix-en-Provence, envoyée spéciale) Il joue un Stradivarius de 1727, le sublime « Kreutzer » qui a appartenu au célèbre virtuose autrichien, mais il pourrait jouer n’importe quel morceau de bois et en tirer des miracles : dimanche 5 avril, au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, Maxim « Maximus » Vengerov (40 ans) a prouvé qu’il est de nouveau le « meilleur violoniste du monde ». Soit un musicien au-dessus des limites techniques, capable d’interpréter avec finesse, rigueur, extravagance, amour du risque, et une forme supérieure d’inspiration, des œuvres aussi variées que la très concentrée Sonate en mi mineur op.82, d’Elgar et plus encore la complexe et séduisante Sonate n°1 en fa mineur op.80, de Prokofiev, un compositeur qui valut en 1995 à Vengerov de survoler la discographie concertante.Un musicien sobre donc. Mais aussi capable de tenir l’alcool que distille tout show violonistique, sautant de Danse hongroise (de Brahms, n°2 et n°1) en Danse slave (la n°2 de Dvorak), enfilant les perles staccato virtuoses ou legato sentimentales de Wieniawsky (Légende op.17), Kreisler (Schön Rosmarin, Liebesfreud), Paganini (le vertigineux Caprice n°24 en la mineur, piloté à la vitesse d’un Rafale), sans parler d’Ysaÿe – la magistrale « Ballade » de la Sonate n°3, l’étonnant Caprice d’après l’Etude en forme de valse de Saint-Saëns.Premier concert à cinq ansVengerov a commencé le violon à l’âge où ses petits camarades faisaient leurs premières boules de neige à Novossibirsk (Sibérie), où il est né le 20 août 1974. Il a enfilé, dès son premier concert à 5 ans, avec la même aisance fiévreuse gammes, doubles cordes, prix internationaux et une carrière propulsée d’emblée au plus haut niveau. Avec un archet « de psychopathe », comme diraient les élèves du Conservatoire de Paris venus l’écouter dans le Concerto de Tchaïkovski le 20 mars à la Philharmonie de Paris devant une salle vidée par les grèves de Radio France.A 20 ans, le Russo-Israélien, pourtant talonné par son compatriote Vadim Repin ou l’Américain Gil Shaham, semble indéboulonnable. Et puis, c’est l’irrésistible montée trop près du soleil. Le style se relâche, le violoniste devient brouillon. Les années 2000 seront mauvaises conseillères. Vengerov s’essaye piètrement au violon baroque, puis à la direction d’orchestre. On se souvient d’un concert calamiteux en 2002 à Paris au Théâtre du Châtelet, où Vengerov l’omnipotent tient le violon, l’alto (dans la Symphonie concertante, de Mozart, dont il fait une anthologie des mauvais goûts réunis), et surtout la baguette, matador histrionique cumulant les pitreries d’un chef d’orchestre de caricature.Il casse régulièrement les cordesTout le monde attend désormais le crash. Il arrive en 2007. Le musicien démiurge a-t-il voulu en finir avec ce violon dont il casse régulièrement les cordes en concert, fait éclater les crins de l’archet ? Vengerov s’est mis à la musculation. Il se fait une lésion à l’épaule et perd le contrôle de sa main droite. Fini l’archet. Il sera donc chef d’orchestre comme dans son rêve d’enfant, annonce-t-il, le 30 octobre 2009. Les médecins mettront de longs mois à identifier le problème : il est opéré en 2010. Quatre ans ont donc passé lorsqu’il revient, archet en main, au Palais des beaux-arts de Bruxelles le 2 mai 2011.Le musicien a mûri : la peur de perdre ce qui avait jusqu’alors conduit sa vie. Il a dû réapprendre à jouer, réapprendre à aimer, trouver d’autres voies, d’autres visions. Le résultat est stupéfiant. Ce 5 avril, nous avons entendu un très grand violoniste doublé d’un très grand musicien.Festival de Pâques à Aix-en-Provence (13). Jusqu’au 12 avril. Tél. : 08-20-13-20-13. festivalpaques.comMarie-Aude Roux (Aix-en-Provence, envoyée spéciale)Journaliste au Monde 06.04.2015 à 09h49 • Mis à jour le06.04.2015 à 12h25 Fleur Pellerin : "L'emploi ne peut pas être la... par franceinterInvitée de France inter, qui avait momentanément retrouvé ses programmes habituels lundi matin, la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, a appelé lundi 6 avril à « trouver une issue rapide au conflit » à Radio France. L’entreprise publique entame son dix-neuvième jour de grève, la plus longue de son histoire. Les négociations entre la direction de Radio France et les syndicats se sont soldées par un échec, samedi 4 avril au soir.Alors que les syndicats réclament au gouvernement un médiateur, la ministre de la culture a toutefois rappelé, sur France inter, que « le rôle de l’Etat n’est pas de gérer l’entreprise » mais de « définir des lignes rouges ». Elle a donc renvoyé au « président de Radio France [Mathieu Gallet] la responsabilité de définir un projet d’entreprise ». « Quand on écoute France Inter, on n’écoute pas RTL »La ministre, qui l’avait déjà demandé dans une lettre de cadrage à M. Gallet, samedi, a rappelé qu’il devait « donner les moyens [à Radio France] de retourner à l’équilibre » tout en soulignant que « ce qui importait surtout, c’est la vision du service public qu’il y a derrière » ce projet. « Quand on écoute France Inter, on n’écoute pas RTL », a-t-elle lancé, s’empressant d’ajouter que « malgré tout le respect que j’ai pour RTL ou pour Europe 1, il y a une mission spécifique de décryptage de l’information. »Lire aussi : Crise à Radio France : Mathieu Gallet dos au murEt de rappeler que M. Gallet doit présenter son plan stratégique, mercredi 8 avril, lors d’un comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire. Outre le maintien des orchestres de Radio France, ce plan abandonnerait toute référence à un audit externe qui cristallisait la colère des personnels grévistes. Il devrait toutefois maintenir plusieurs mesures d’économies qui visent à redresser les comptes, en déficit de 21,3 millions d’euros cette année. Parmi elles, un plan de 300 à 380 départs volontaires, en priorité pour les seniors, avec 50 créations de postes dans des métiers qui jusqu’ici n’existaient pas à Radio France, a-t-on précisé de source proche du dossier. Des réductions d’effectifs d’avance rejetées par les syndicats.Se définissant comme « la gardienne des finances publiques », Fleur Pellerin a expliqué que « le statu quo n’était pas tenable ». Elle a toutefois rejeté « une approche uniquement comptable ». Ce « chantier de modernisation sociale » doit aussi viser à rétablir « l’équité entre salariés » et « limiter les salaires les plus élevés », selon elle. Pour la ministre, « on peut essayer de s’organiser avec moins de moyens » même si « l’emploi ne peut pas être la seule variable d’ajustement à Radio France ».Il n’est pas sûr que cela calme les représentants syndicaux qui ce week-end déjà estimaient que la grève pourrait se poursuivre au moins jusqu’en fin de semaine. « Avec le plan de départs, je ne vois pas comment éviter le durcissement », jugeait l’un d’entre eux.  Florence Evin L’organisation Etat islamique (EI) a mis en ligne, samedi 4 avril, une vidéo montrant ses soldats djihadistes à l’œuvre dans la destruction de la cité antique d’Hatra (1er siècle av. J.-C. – 1er siècle ap. J.-C.), en Irak, pays dont les frontières actuelles correspondent à celles de l’ancienne Mésopotamie. Cette vidéo de plus de sept minutes porte le titre : « Gouvernorat de Dijlah » (le Tigre, en arabe, fleuve qui baigne la région). Elle est signée : « Bureau de communication de l’Etat Islamique ; année 1436 [de l’Hégire, soit 2015, selon notre calendrier]. »La vidéo a-t-elle été tournée lors de la destruction annoncée d’Hatra, le samedi 7 mars à l’aube, alors que des habitants du voisinage signalaient une puissante explosion sur le site ? Ou bien après les faits eux-mêmes, comme ce fut le cas lors de la diffusion le 26 février du saccage du musée de Mossoul, qui aurait eu lieu fin janvier ? Rien ne permet de le dire.Cité arabe de l’empire parthe, Hatra était un ancien carrefour caravanier prospère sur les routes de la soie et des épices. Ses grands temples étaient debout, et avaient été restaurés. Premier site irakien inscrit en 1985 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, cette ville était exceptionnelle à plusieurs titres : par son ampleur (324 hectares) ; par la hauteur de ses monuments (plus de quinze mètres pour le sanctuaire à double colonnade et fronton dédié à Shamash, le dieu Soleil) ; par la qualité de ses décors sculptés ; et par son état de conservation.Lire aussi :En Irak, la cité parthe de Hatra détruite par les djihadistesUne vidéo professionnelleTechniquement très professionnelle, avec photo aérienne en ouverture, gros plans sur les saccages, à la masse et à la pioche, des statues et hauts-reliefs de cette ville monumentale en pierre de taille, cette vidéo est ponctuée de longues déclarations par les terroristes posant face à la caméra.Turban noir, barbe fournie, sac à dos et gilet de combat, le premier s’exprime en arabe, kalachnikov en mains, pour rappeler la victoire totale de Mahomet :« Après sa conquête de la Mecque, son premier acte a été de détruire les idoles. Je jure par le Dieu tout puissant qu’on va suivre son exemple. On attaque El Hadr [Hatra] pour appliquer la législation de Dieu. Dieu ne pardonne pas à ceux qui adorent un autre que lui. Nous suivons l’exemple de notre père Abraham et celui du prophète Mahomet. Merci à Dieu de nous avoir donné force et puissance et d’avoir permis aux soldats de l’EI d’éradiquer toutes traces des mécréants et athées, et d’appliquer la charia, la législation de Dieu. »Et se moquant de l’organisation mécréante (l’Unesco) qui a qualifié la destruction de pièces archéologiques de « crime de guerre », un autre soldat ajoute : « Nous sommes là pour les détruire, on va détruire toutes les pièces archéologiques, vos sites, vos idoles, votre patrimoine, où que ce soit, et l’EI va gouverner vos pays, règnera sur vos terres. » Des déclarations entrecoupées de scènes de massacre, qui sont minutieusement mises en scène. Quand les figures sont trop hautes pour être atteintes à la masse, les terroristes font des cartons à la kalachnikov, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pièces.Lire : l'Unesco dénonce la « destruction » par l'EI de la cité antique de HatraLes protagonistes ne seraient pas irakiensLes guerriers fanatiques qui se disent « envoyés par l’EI » et se mettent ainsi en scène ne seraient pas irakiens. Si l’on en juge par leur accent, « ils ne sont pas de la région, précise Fareed Yassen, ambassadeur d’Irak en France. L’un des deux premiers à s’exprimer est visiblement africain et l’autre du sous-continent indien. Le troisième avec sa manière de prononcer les “t” serait plutôt maghrébin. La production cinématographique est de toute première force, de gros fichiers dont on doit pouvoir tracer l’origine. »En louant « Allahou Akbar » (« Akbar », dieu le plus grand), l’EI montre sa volonté de faire disparaître toutes marques de polythéisme et prône un retour au VIIe siècle de Mahomet, au sens littéral. Sans toutefois renoncer aux outils les plus performants du XXIe siècle pour servir sa propagande sur la scène médiatique mondiale, dont il maîtrise parfaitement le fonctionnement.Lire aussi : Les djihadistes saccagent Nimroud et La carte des sites de la Mésopotamie antique en périlFlorence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.04.2015 à 09h25 • Mis à jour le06.04.2015 à 10h35 | Joël Morio Loft Story » alias « Big Brother », c’est lui. « Fear Factor », encore lui. « The Voice », toujours lui. Depuis plus de vingt ans, John De Mol est le pape de la télé-réalité et du divertissement. Ses programmes sont vendus à travers le monde. Quinze ans après avoir cédé Endemol, sa société qui produisit « Big Brother », il vient de réaliser un nouveau coup en vendant Talpa, productrice de « The Voice », au groupe audiovisuel britannique ITV. Cependant, à 59 ans, le Néerlandais à l’allure de play-boy ne semble pas prêt à prendre sa retraite.Qu’est-ce qui vous a amené à vendre Talpa à ITV ?Leur stratégie est identique à la nôtre. Ils ont commencé par être un diffuseur, puis ont compris que, pour créer de la valeur sur le long terme, il faut miser sur les contenus. Ce que je fais depuis trente ans. Endemol est un beau livre que j’ai déjà lu. Il y a deux ans, nous avons eu des contacts avec Shine, avec qui nous avons des liens particuliers. Mais nous n’avons pas trouvé d’accord.Allez-vous vous servir d’ITV pour tester outre-Manche des programmes, comme vous le faites en Hollande ?Non : les Pays-Bas sont parfaits pour cela. La petite taille du marché rend moins dangereuse la mise à l’antenne de nouveaux programmes. Alors qu’au Royaume-Uni les diffuseurs sont très allergiques à la prise de risque. Mais ils seront plus ouverts aux formats proposés par Talpa.Quel va être exactement votre rôle ?Exactement le même, sauf que je n’aurai plus à assumer certaines responsabilités qui me prenaient énormément de temps. Je peux désormais me concentrer sur les tâches que j’aime : créer de nouvelles idées de programme avec mes équipes, tourner des pilotes, conduire une production, visiter les pays où une nouvelle émission de Talpa est lancée afin d’être certain que les choses vont dans la bonne direction. Je pense que les prochaines années seront passionnantes pour moi.Votre programme le plus vendu à ­travers le monde est « The Voice ». Comment expliquez-vous son succès ?« The Voice » est arrivé au bon moment, dix ans après le lancement d’« American Idol » [« Nouvelle Star » en France] ou de « X Factor », qui ont été de grands succès, mais notre approche était totalement différente. Eux utilisaient des personnes qui pensaient avoir du talent pour faire un spectacle. Nous, nous avons fait un télécrochet où les gens sont réellement talentueux. Nous sommes parvenus à surmonter la réticence de la scène musicale envers ce type d’émission en recrutant en son sein quatre coachs respectés. Nous avons aussi donné la possibilité aux candidats de choisir leur mentor. Cette combinaison a plu.En France, le programme en est à sa ­quatrième saison. Comment le faites-vous évoluer ?Par petites touches. Il ne faut pas changer pour changer. On doit faire attention à ce que chaque évolution soit un progrès par rapport à la version précédente. Les producteurs pensent souvent trop tôt que c’est ennuyeux, car ils travaillent tous les jours sur le programme. Des émissions comme « The Voice » ont dix ans de succès devant elles, car les téléspectateurs aiment voir des choses auxquelles ils s’attendent.Le cycle de vie de ce type de programme ne s’est-il pas accéléré ?Non. Certes, cela va plus vite qu’il y a trente ans, mais moins qu’il y a dix ans. Plus les gens disposent de chaînes et de programmes, plus ils aiment les émissions qu’ils connaissent déjà.Ce qui rend plus difficile la création de nouveaux formats ?En effet, mais, pour nous, cela reste simple. Talpa a été créée afin d’imaginer de nouveaux concepts. Le cœur de l’entreprise est notre équipe créative qui compte 27 membres. Ce n’est que lorsque nous sommes absolument certains qu’une idée est bonne que nous commençons à la produire.Comment le savez-vous ?On ne le sait pas toujours. C’est l’expérience, mais c’est aussi parfois un pari. Ce que j’ai appris depuis que je fais de la télévision, c’est qu’il ne faut pas redouter de faire un flop. Quand on commence à avoir peur, on devient craintif et on passe souvent à côté de quelque chose qui aurait pu être un succès.Comment faites-vous avec des ­diffuseurs qui se montrent de plus en plus prudents ?C’est la force de notre modèle que de tester nos programmes aux Pays-Bas. Nous n’allons pas voir TF1 avec une feuille de papier, mais avec un DVD et des audiences. Ils savent ce qu’ils achètent. Ils prennent moins de risque qu’en partant de rien.Un concept qui a fonctionné en ­Hollande peut parfois être un échec ailleurs. Cela a été le cas avec « Utopia », émission de télé-réalité où 15 candidats, presque coupés du monde, doivent ­imaginer des règles pour survivre. Comment l’expliquez-vous ?C’est un des programmes les plus difficiles à faire. D’abord, c’est un feuilleton que vous devez absolument présenter quotidiennement. Ensuite, il n’y a pas de règles, pas de structure. Nous le voyons en Allemagne, où le programme a connu un excellent départ, mais où nous avons rencontré ensuite des difficultés pour monter l’histoire. Pour que ce programme marche, il faut avoir le cran de laisser les candidats faire ce qu’ils veulent. Beaucoup de diffuseurs sont affolés par tout ce qui pourrait arriver. En Turquie, « Utopia » fonctionne plutôt bien. Il va commencer en Chine. Au total, il a déjà été vendu dans sept pays.Et en France ?Nous sommes toujours en discussion.Comment expliquez-vous que cela soit plus difficile qu’il y a vingt ans, lorsque vous avez distribué « Big Brother » à travers le monde ?Ce sont deux programmes totalement différents. « Big Brother » était limité dans le temps, avec des règles, c’est plus facile à produire. Avec « Utopia », on donne à 15 personnes la possibilité de faire tout ce qu’elles veulent.N’y a-t-il pas un début de rejet pour ce type de programmes ?Je ne vois pas sur quels arguments vous vous basez pour dire cela. C’est une question de génération. Ceux qui voient la télé-réalité comme le diable sont âgés. Il y a soixante ans, les gens présentaient Elvis Presley comme le fils du diable. Les jeunes l’aimaient, les vieux le détestaient. Rien n’a changé. Il y aura toujours des différences entre les nouvelles et les anciennes générations. C’est aussi simple que cela.La télé-réalité ne va-t-elle pas trop loin ?Je ne comprends pas ce débat. Il y a des gens qui n’aiment pas McDonald’s et d’autres qui adorent. Vous avez des gens qui sont fans de musique classique et d’autres qui ne l’apprécient pas. C’est juste une question de goût. En plus, la télévision est la chose la plus démocratique qui soit. Vous n’aimez pas, vous zappez.La mort de 10 personnes sur le tournage de « Dropped » en Argentine a suscité beaucoup d’émotion et de controverses en France. Qu’en pensez-vous ?Cela n’a rien à voir avec la télé-réalité. C’est ridicule de vouloir la relier à cet accident et dire qu’elle est dangereuse.Après avoir produit un nombre incal­culable de jeux et de shows, avez-vous ­envie de vous orienter vers la fiction ?Nous le faisons déjà aux Pays-Bas. Nous venons de remporter un immense succès avec un film que nous avons produit. Nous fabriquons aussi des comédies pour la télévision néerlandaise. Nous avons la même philosophie que pour les autres programmes : les tester ici et les distribuer ensuite ailleurs. Mais exporter des fictions est plus difficile. Nous avons déjà vendu « Jardins secrets » en France. Notre série « Divorced » a été achetée dans plusieurs pays et nous sommes en négociations avec M6 pour une adaptation.Avec la multiplication des écrans, la télévision est-elle menacée ?Le futur de la télévision n’est pas aussi mauvais que certains l’annoncent. La technologie permet aujourd’hui de faire beaucoup plus de choses avec une tablette qu’avec un téléviseur, mais elle permet cependant d’interagir avec lui. Nous avons, à Talpa, un département qui travaille sur ces sujets. Nous faisons en sorte que les nouvelles technologies puissent être intégrées dans le processus de création de nos nouvelles émissions.Joël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Julie Clarini Après le spleen et la neurasthénie, voici le burn-out, nouvelle « pathologie de civilisation », comme la désigne Pascal Chabot dans un bel essai tout en excursions philosophiques et littéraires. C'est encore les grands textes de la tradition qui offrent les meilleures pistes pour comprendre cette maladie de l'âme et du corps. Comme l'acedia, traduite par « ennui » ou « paresse », qui menaçait les moines au Moyen Age, cette fatigue dévastatrice est une crise des « croyants », de ceux qui sont fidèles, à Dieu, au système, à l'entreprise. Elle signifie la soudaine perte de sens. « Les personnes affectées furent consciencieuses, ardentes, dures à la tâche, écrit le philosophe. C'est d'ailleurs en partie leur problème. »Spécialiste de l'oeuvre de Gilbert Simondon (1924-1989), penseur de la technique, l'auteur pointe une époque prométhéenne, placée sous le signe de la combustion. Si le feu intérieur, qui valait force et assurance, était autrefois le privilège des élus, aujourd'hui, « les ascètes, les saints, les sages, les philosophes, ceux qui faisaient profession de s'exposer au risque de surchauffe, de folie et de délire, ont perdu le monopole de l'excès ». Embrasement, le burn-out est une révolte contre la froide logique de la technique. A nous de restaurer l'équilibre de la tiédeur ?Global burn-out, de Pascal Chabot, PUF, « Perspectives critiques », 146 pages, 15 euros.(Le Monde des livres, 11 janvier 2013.)Julie ClariniJournaliste au Monde © Hélie Gallimard | © Francisco SorresTexte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Dans la tête de… Avec Toine Heijmans, Noémi Lefebvre et Andrés Neuman. Noémi Lefebvre © Hélie GallimardLe texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Dans la tête de… »Noémi LefebvreDonc les choses, vous me demandez de dire des choses, que je parle de choses, que je vous explique certaines choses. Je me demande pourquoi. Je ne me demande pas pourquoi ces choses vous intéressent, pourquoi vous vous intéressez aux choses, j’imagine que c’est culturel, mais je me demande pourquoi moi. Je suppose que c’est parce que je suis quelqu’un. Il faut être quelqu’un pour parler, parce que si vous n’êtes personne, personne ne va vous écouter et donc personne ne va vous entendre, évidemment. Alors je me demande ce qui différencie quelqu’un de personne et je me dis que c’est une question d’autorité. Il faut, pour parler de choses culturelles ou d’autre chose, une autorisation. Une autorité a autorisé une personne, moi par exemple, à parler de choses culturelles ou d’autre chose. C’est assez étrange de parler librement, quand on y réfléchit, dans la culture, des choses. Étrangement, dans la culture, une autorisation permet de dire des choses, de dire quelque chose d’absolument libre et inédit mais autorisé, qui fasse autorité, ce qui est assez étrange et peut-être inquiétant. Quand je me demande qui autorise, c’est infantile, évidemment. Je veux dire que c’est pour s’amuser, c’est l’amusement philosophique de l’enfance, vous voyez, la philosophie amusante à laquelle on ne peut pas renoncer parce que c’est humain. C’est politique et donc humain, parce que l’animal humain est tout de même politique, dès l’enfance il est politique, avec la liberté et les fers dès le début, la liberté et les fers de l’enfance humaine. L’enfant dans l’adulte, quand il n’a pas été tué par l’adulte, réfléchit à cette question de l’autorité qui autorise et se demande qui autorise. Il ne se demande pas qui autorise à la manière d’un sociologue, l’enfant s’en fout, de la sociologie, mais il réfléchit à la question politique de la liberté et des fers et se demande qui est l’autorité, c’est-à-dire où est le siège. Donc je me demandais qui est l’autorité, c’est-à-dire où elle siège, et j’ai trouvé. L’autorité était assise dans ma tête, elle attendait dans ma tête, elle siégeait sur une chaise. Elle attendait tout en faisant quelque chose. Je pense que c’était un ouvrage. Pas une œuvre au sens de la grande œuvre, vous voyez, mais un simple ouvrage qui devait être une sorte de tissage ou de broderie, de fille, si vous voulez. L’ouvrage de fille si vous voulez pour s’occuper en attendant le retour mais de moins en moins, car au bout d’un certain temps un ouvrage n’est plus pour attendre ni un retour ni rien. L’ouvrage qui occupe avec des pensées qu’on appelle aussi des rêveries, enfin des fantaisies, des idées dans l’idéal, des imaginations, rien de bien défini, de fille, ce bordel que j’appelle un ouvrage, au bout d’un moment, il devient quelque chose. On aurait dit que c’était complètement idiot, cet ouvrage de fille. Que ça ne servait à rien. Du ni fait ni à faire. Je ne m’en occupais pas, de cette occupation, au début, dans ma tête, parce que je ne pouvais pas. Pour m’en occuper il aurait fallu que s’impose une idée générale sur les choses culturelles qui ont une valeur. Bien sûr que j’ai une idée sur les choses culturelles mais vous ne pouvez pas imposer une idée sur les choses à une autorité, parce qu’elle n’écoute pas. L’autorité dans la tête ne s’intéressait pas à la valeur des choses, elle a dit. La valeur n’est pas dans les choses, elle a dit. La seule chose possible est de ne jamais renoncer à créer sans valeur, un bordel que j’appelle un ouvrage. C’est la philosophie de l’enfance politique, un amusement libre, où l’auteur n’est pas celui qui sait, mais celui qui s’autorise à créer sans savoir ni culture, dans la tête animale de l’homme au sens d’humain. Alors les choses, la culture, vous voyez ça n’a aucun rapport. Nous remercions Céline Leroy pour son aide précieuse Le mot cléJoy SormanMonstreUn auteur qui serait pumapard, croisement entre le puma et le léopard. Un roman qui serait zébrâne, bête née du zèbre et de l’âne. Un livre qui, à la surface de sa captation documentaire, déposerait des bulles fictionnelles, univers aussi clos que transparents, aux membranes élastiques et souples, bulles nées d’un contact chimique, qui prolifèrent, éclatent puis se reforment, qui abritent des formes étranges et inédites. La littérature comme un rêve d’hybridation, comme un organisme issu d’une multitude de rencontres entre individus, espèces, genres, natures et matières. L’auteur comme un métis, une chimère, et finalement un monstre. Je voudrais être ce monstre qui mute à chaque livre, se métamorphose au gré de ses sujets, de ses motifs, je voudrais être le lieu et l’objet de ces contaminations et de ces anomalies, je voudrais me mêler au boucher, à la vache et à l’ours, au béton, aux infrabasses et aux hommes. Ce n’est pas seulement être dans la peau de, c’est imaginer et parfois furtivement expérimenter la dépossession de soi, non pas comme oubli ou abandon, mais comme augmentation et déformation. Le monstre comme une reformulation de l’existant. Écrire pour être au moins + 1, soi + un présage – bon ou mauvais –, à la fois dans un écart et une fusion, écrire un livre qui serait l’expérience d’un accouplement entre l’auteur et toutes les autres réalités que font surgir ses phrases, entre un corps et son obsession textuelle. C’est un fantasme, une tentative et un projet. © Mathieu Bourgois Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'identité TroubléeAvec Nickolas Butler, David Samuels, Adelle Waldman. Adelle Waldman DR Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« L’Identité troublée »Adelle WaldmanIl y a des années, j’ai quitté la fac, bouclé ma valise et, fidèle à la tradition américaine, je suis partie vers l’Ouest en quête de mon identité. Je faisais mes études sur la côte Est, dans une université renommée, et j’étais affreusement malheureuse. Je me sentais seule parmi mes amis qui, selon moi, se montraient plus soucieux d’être populaires et d’avoir du succès que de développer leur curiosité et de faire preuve de générosité. Par ailleurs, j’étais très attirée par un garçon qui s’intéressait à mon amie la plus jolie et – à mon avis – la plus superficielle. Je me demandais si quelque chose clochait chez moi – je n’étais pas assez belle, par exemple. Ou bien j’étais trop sérieuse et introvertie, trop posée, pour acquérir la sérénité, le sentiment d’appartenance que je recherchais si ardemment. J’ai interrompu ma première année et emménagé en Arizona, dans l’Ouest américain. Je m’attendais à y mener une existence plus simple, plus authentique, moins centrée sur la réussite et le statut social. J’ai trouvé un emploi de serveuse dans un bar sportif, mais je n’ai pas tardé à éprouver une solitude d’un genre différent. Le paysage désertique d’Arizona, si beau soit-il, est dénudé, incroyablement vaste. Je me suis sentie minuscule, très loin de ma famille et de tous les gens que je connaissais. Je lisais beaucoup. Très jeune, je dévorais déjà des romans, pour le plaisir, mais aussi pour l’éclairage qu’ils m’apportaient — sur ma psyché et celle des autres, sur notre choix de vie, notre conception du bonheur. Je lisais presque exclusivement de la littérature contemporaine. Je supposais que les ouvrages écrits avant 1960 et la révolution sexuelle ne présentaient aucun intérêt pour une jeune femme moderne telle que moi. Je découvris beaucoup de textes drôles, inventifs sur la politique moderne et la culture pop, mais peu d’entre eux résonnaient en moi sur un plan personnel. Je soupçonnais souvent l’auteur de n’en savoir guère plus que moi sur la vie, ou la psychologie. Dans trop de livres, l’objectif poursuivi par les personnages apparaissait comme une évidence, les bons et les méchants y étaient désignés sans ambiguïté, évalués à leur juste mesure ; ces fictions inspirent au lecteur le sentiment présomptueux de posséder une intelligence hors du commun. Mais… comment sortir de ce gâchis ? Si la vie privée était aussi simple que dans les livres, pourquoi être perturbée à ce point ? Je me suis donc tournée vers les classiques, n’espérant pas grand-chose de romans si anciens, sans doute très datés. Un jour, j’ai eu Middlemarch entre les mains. C’est ce livre qui a tout changé. Peu m’importait que les gens dépeints par George Eliot aient vécu à une autre époque, dans un pays différent. Sa description de leur vie intérieure était à la fois astucieuse et exhaustive, étayée par une culture déclinée à plusieurs niveaux qui dépassait tout ce que j’avais exploré dans la fiction ou lors de conversations. Qu’y a-t-il de désuet dans l’extrait suivant ? « Il était doué de ce caractère malheureux qui fuit la pitié et craint plus que tout d’être reconnu : une sensibilité fière et étriquée qui n’a pas assez de grandeur pour se transformer en sympathie, et tremble comme une feuille dans les frimas de l’égocentrisme, ou au mieux, d’un narcissisme pointilleux. » En d’autres termes, mes tentatives pour comprendre les gens étaient dérisoires en comparaison du talent de George Eliot. « Il joue de la contrebasse, déteste le capitalisme, a les cheveux longs et un regard intense », dis-je à une amie en expliquant pourquoi j’appréciais un garçon particulier. J’étais incapable de faire mieux. Je ne disposais pas des outils nécessaires pour aller au-delà des qualités superficielles et des signifiants sociaux, et imaginer le flux de la vie intérieure d’autres personnes. J’étais tout aussi impressionnée par la capacité d’Eliot à analyser les émotions, à exposer l’aveuglement qui sous-tend le plus souvent notre pensée et notre ressenti. Ainsi cette observation, au sujet d’une femme malheureuse en ménage qui commence à fantasmer sur un autre homme. Rosamond pense qu’elle aurait été moins misérable si elle avait épousé celui-ci, mais selon Eliot elle se fourvoie totalement. « L’insatisfaction qu’inspirait ce mariage à Rosamond était due aux conditions imposées par cette union, à l’effacement de soi et à la tolérance exigés, et non au tempérament de son époux : mais la notion simple d’une vie meilleure inaccessible avait [pour la jeune femme] un charme sentimental qui égayait son ennui. » Un constat sévère, sans doute. Mais je suis sûre que dans cette salle, nous avons, pour la plupart, commis la même erreur de jugement que Rosamond. Ce que je veux dire, en réalité, c’est que pour moi une littérature digne de ce nom transcende à la fois le lieu et le temps, le siècle et le pays d’origine. De nombreux jeunes romanciers américains dépeignent des personnages en quête d’une identité qu’ils ont du mal à définir. C’est le thème qu’on nous a demandé de débattre ici. Je répondrai que l’incertitude en matière d’identité n’est ni une idée neuve ni un privilège américain. Songez à Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, déchiré entre son amour et son ambition. Ou à Léon dans Madame Bovary. Comme le remarque Flaubert dans son roman : « L’aplomb dépend des milieux où il se pose : on ne parle pas à l’entresol comme au quatrième étage (…). » Cette incertitude – qui sommes-nous et qui souhaitons-nous être – est l’un des dilemmes de l’humain auxquels la littérature – la vraie littérature – a toujours été confrontée. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne RabinovitchLe mot cléKenzaburo OéImaginaireLe mot sur lequel s’appuient mes romans (et ma vie d’écrivain) est IMAGINAIRE. La définition de ce terme, c’est chez Gaston Bachelard que je l’ai trouvée, alors que je n’avais encore qu’une vingtaine d’années, dans son ouvrage intitulé L’Air et les songes, Essai sur l’imagination du mouvement (1943). Plus tard, j’ai pu lire le texte original en français mais c’est d’abord dans une traduction en japonais que je l’ai découvert. Je viens de faire une recherche dans la bibliothèque que je constitue depuis plus d’un demi-siècle mais n’ai pu trouver ni l’édition japonaise ni l’édition française. Il me reste cependant mon journal intime de l’époque dans lequel j’ai noté une citation en japonais. La voici : « On veut toujours que l’imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images. S’il n’y a pas changement d’images, union inattendue des images, il n’y a pas imagination, il n’y a pas d’action imaginante. Si une image présente ne fait pas penser à une image absente, si une image occasionnelle ne détermine pas une prodigalité d’images aberrantes, une explosion d’images, il n’y a pas imagination. [...] Le vocable fondamental qui correspond à l’imagination, ce n’est pas image, c’est imaginaire. » Dans ma jeunesse, ce que j’avais intégré à travers la lecture de la littérature japonaise existante, je me suis d’abord passionnément consacré à le déformer. Les critiques ont alors souvent accusé mon écriture de ne pas être conforme aux standards de la langue japonaise. Concernant la politique et la société de mon pays, c’est avec pour principe de base de transformer leurs éléments conservateurs que j’ai écrit des essais et, bien qu’à une échelle limitée, participé activement, à certains mouvements. Tokyo, janvier 2015 25.05.2015 à 11h23 • Mis à jour le27.05.2015 à 08h44 | Rosita Boisseau Trois décennies de danse en images et en 54 minutes et 20 secondes pile poil, c’est possible sur le site 30ansdedanse.fr. Lancé le 19 février, finalisé le 21 mai, ce vaste projet numérique, lancé par l’Association des centres chorégraphiques nationaux (ACCN), pour fêter les 30 ans de ces lieux phares apparus au début des années 1980, met en scène près de deux cents extraits de spectacles de tous les styles, assortis de commentaires historiques. Conçu comme un panorama, ce gros pan de l’histoire de la danse se déplie en douceur au gré d’un feuilleté fluide de chapitres multicolores.Un clic, et hop, une rétrospective de l’année surgit, suivie, selon l’envie, par des vidéos plus longues de quelques spectacles. « C’est une boîte de chocolats dansants, glisse Julie Charrier, productrice, qui a proposé l’idée à la délégation à la danse, au ministère de la culture. Nous avons voulu cette plate-forme joyeuse et simple d’accès. Le pari était d’ouvrir le site au plus grand nombre et de donner envie. »La sélection des pièces, opérée en complicité avec l’historienne Céline Roux, s’est faite à partir du catalogue Numeridanse.tv (première vidéothèque de danse gratuite en ligne, pilotée par la Maison de la danse de Lyon), en se focalisant d’abord sur les spectacles des chorégraphes-directeurs des centres chorégraphiques nationaux, puis en s’ouvrant plus largement sur ceux d’artistes marqueurs comme Philippe Decouflé.La richesse de la créationGlisser à toute allure de So Schnell, de Dominique Bagouet, à Saint-Georges à Aulnay, de Régine Chopinot, en passant par Caprice, de François Raffinot, trois pièces créées en 1992, décline avec une évidence claquante la richesse de la création et celle de la palette chorégraphique en France. Tomber sur des perles comme L’étreinte (1988), de Joëlle Bouvier et Régis Obadia, ou encore Trahisons Men et Trahisons Women (1985, 1986), de Mark Tompkins, est un régal.Coup de fouet pour la mémoire, mine d’or d’informations, cette plate-forme se distingue par son éclectisme. « Il s’agit d’une rétrospective subjective qui est aussi un aboutissement du chantier de numérisation des Archives de la danse commencé en 2008, poursuit Julie Charrier. Cette plate-forme a aussi pour but de valoriser le patrimoine chorégraphique. Nous voulons aussi que le site devienne un outil pérenne pour l’éducation artistique et culturelle. » Sur des musiques originales, ce défilé magnifique et efficace, belle entreprise de mémoire, a bénéficié d’une coproduction rassemblant l’ACCN, ARTE CONCERT, CNC, 24 images, en collaboration avec Numeridanse.tv. Il restera accessible jusqu’en février 2016.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde 25.05.2015 à 07h44 • Mis à jour le25.05.2015 à 10h21 Il a joué avec certains des plus grands noms du jazz, dont Ray Charles et Dizzy Gillespie. Le trompettiste américain Marcus Belgrave est mort dimanche 24 mai à l'âge de 78 ans à Ann Arbor (Michigan). Il a succombé à une défaillance cardiaque, selon le journal Detroit Free Press. Marcus Belgrave a eu une grande influence sur la scène de jazz de Detroit, sa ville d’origine, et a continué à jouer presque jusqu'à sa mort – animant même de son lit d'hôpital de brèves jam sessions avec d'autres musiciens, a rapporté le journal.Devenu trompettiste professionnel dès l'âge de 12 ans, il a joué avec Ray Charles à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Marcus Belgrave a également collaboré avec Max Roach et Charles Mingus. Le Detroit Free Press a sélectionné sur son site une dizaine de vidéos de ces performances.« Il a été un mentor pour des générations entières de musiciens, et, sans lui, la musique n'aurait pas été révélée à beaucoup d'entre nous », a réagi le bassiste Rodney Whitaker. Sylvain Siclier et Marie-Aude Roux UN FILM MUSICAL EN DVD et BLU-RAY : All Is By My Side, évocation plutôt crédible des premiers temps de Jimi HendrixMontré dans quelques festivals à partir de septembre 2013, inédit en salle en France, le film All Is By My Side, de John Ridley, paraît demain en DVD. Une évocation des premiers temps du guitariste américain Jimi Hendrix, en particulier son séjour, alors qu’il est encore inconnu, à Londres, à partir de l’automne 1966 jusqu’à sa consécration dans son pays natal le 18 juin 1967 au festival de Monterey. Pour incarner Hendrix, André Benjamin, dit André 3000, membre du groupe OutKast. Il porte le film, globalement crédible dans sa reconstitution de l’époque et des faits, y compris les reprises pour la bande-son, la production n’ayant pas les droits sur les compositions d’Hendrix.All Is By My Side, de John Ridley, avec André Benjamin, 1 DVD et 1 Blu-Ray Universal Pictures Video UN CONCERT : Brahms, Beethoven et Richard Strauss par l’Orchestre de Philadelphie aux Champs-Elysées Paris accueille, au Théâtre des Champs-Elysées, l’un des « Big Five », le vénérable Orchestre de Philadelphie (Pennsylvanie) né au début du XXe siècle sous l’impulsion des Quakers. Il sera mené par son jeune et fringant directeur musical, le Canadien Yannick Nézet-Séguin (40 ans, en poste depuis 2012), qui n’a pas peu contribué à sortir de l’ornière une phalange menacée de banqueroute en 2011. La Troisième Symphonie de Brahms, le Troisième Concerto pour piano de Beethoven sous les doigts du brillant Emanuel Ax, non moins que la suite pour orchestre tirée du Chevalier à la rose, de Richard Strauss, devraient faire chavirer les mélomanes les plus endurcis.Théâtre des Champs-Elysées, Paris-8e. Le 30 mai, à 20 heures. Tél. : 01-49-52-50-50. De 5 € à 95 €. UNE EXPOSITION : David Bowie encore pour quelques jours à la Philharmonie Succès pour l’exposition « David Bowie Is », à la Philharmonie de Paris. Et donc ouverture des portes étendue durant ses derniers jours, jusqu’au 31 mai. En l’occurrence, ce sera de 10 heures à minuit (accès fermé une heure avant). Une plongée dans l’univers Bowie par ses costumes, œuvres graphiques, pochettes de disques, photographies, manuscrits etc., avec parcours sonore par l’intermédiaire de films, de concerts et de clips vidéos.Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. De 6 € à 12 € (entrée libre pour les moins de 6 ans). UN FESTIVAL : Effervescence jazz à Saint-Germain-des-Prés Entre Saint-Germain-des-Prés et le jazz, c’est une vieille histoire. Mythifiée dans le souvenir de son âge d’or du milieu des années 1940 aux années 1970, avec ses clubs en sous-sol, la fumée de cigarette, les musiciens serrés sur de minuscules scènes. Nombre de lieux ayant disparu, d’autres ayant été transformés, le festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, fondé en 2001, fait surtout revivre jusqu’au 1er juin cette effervescence à l’Odéon, la Maison des océans (superbe), dans des églises, à la Maison des cultures du monde, au Réfectoire des Cordeliers… Avec cette année Rhoda Scott, Kyle Eastwood, Airelle Besson, Lars Danielsson, Aldo Romano, Jean-Pierre Como, Lisa Simone…Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, jusqu’au 1er juin. Tarifs et horaires variables selon les lieux.La chanteuse Lisa Simone interprète « All Is Well », extraite de l’album du même nom (Laborie Jazz, 2014). RÉSERVER VITE : Paul McCartney au Stade Vélodrome, à Marseille le 5 juin et au Stade de France, à Saint-Denis, le 11 juin Lors de sa précédente tournée internationale en 2011-2012, Paul McCartney n’avait été programmé qu’au Bercy Arena de Paris pour une date. Cette fois, le bassiste, chanteur, pianiste et auteur-compositeur voit nettement plus grand avec un arrêt au nouveau Stade Vélodrome de Marseille le 5 juin, puis au Stade de France, à Saint-Denis, le 11. Des concerts toujours généreux en durée et en chansons (une quarantaine) entrées dans la mémoire collective, parcours dans sa carrière avec The Beatles, avec son groupe Wings ou en solo.Stade Vélodrome, à Marseille, le 5 juin, à 20 heures, de 57,60 € à 90,60 €. Stade de France, à Saint-Denis, le 11 juin, à 20 heures, de 67,50 € à 133,50 €.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 25.05.2015 à 06h19 • Mis à jour le25.05.2015 à 10h52 | Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 12.05.2015 à 15h35 • Mis à jour le12.05.2015 à 17h18 | Lisa Vignoli Quand les VIP veulent faire une pause dans la fureur cannoise, ils se retrouvent au « patio » de Canal+. Chaque année, la chaîne cryptée aménage à grands frais cet espace indispensable à son image de marque. De l’extérieur, c’est un sobre bloc gris clair, à la droite du Palais des festivals. Pas de tapis rouge qui détourne la trajectoire du badaud cannois vers les marches. A peine une moquette recouvrant le bitume du même gris sur quelques mètres et, peut-être, ce « Canal + » en lettres blanches sur la façade et ces vigiles à l’entrée pour attirer le regard. Mais les initiés, eux, savent. Méconnu du grand public, le « patio » de Canal + est un must dans le petit milieu. Pendant toute la durée du festival, producteurs, réalisateurs, talents, auteurs, et professionnels du cinéma convergent ici.« Il n’y a pas de passe mais on laisse entrer les gens que l’on connaît », indique la directrice des relations publiques de Canal + et capitaine de ce navire discret, Véronique Revel-Rongier. C’est elle qui se charge de tout. Des rendez-vous officiels, comme ce déjeuner, la veille du festival, où se réunit l’équipe d’ouverture, aux rituels les plus institutionnalisés. Chaque année, par exemple, après la remise de la Palme et pendant la projection du film de clôture, remettants et lauréats se retrouvent ici. Au patio, Jean Dujardin est venu fêter en 2011 son Prix d’interprétation pour The Artist, l’équipe de La Vie d’Adèle sa Palme en 2013 et Xavier Dolan son Prix du jury, l’an dernier. Pour Canal +, puissant prescripteur du cinéma français et partenaire du Festival depuis vingt-cinq ans, disposer d’un tel lieu de rencontres est certes « un investissement important », mais aussi un atout indispensable pour recevoir ses invités comme à la maison. Lieu de détente, le patio de Cannes se veut aussi un lieu de rencontres professionnelles sur un mode décontracté. « Pour Studio Canal [la filiale d’acquisition, de coproduction et de distribution de films du groupe], cela reste un espace plus informel et confidentiel que leur stand au Marché du film », à quelques mètres de là, explique la chaîne.Cet espace de 1 200 mètres carrés à l’atmosphère conviviale donne l’impression d’avoir toujours été là, avec son jonc de mer au sol, ses photos en noir et blanc aux murs et ses différentes terrasses. Mais avant de prendre place ici, les blocs qui le composent sont conservés le reste de l’année en région parisienne, transportés jusqu’à Cannes par treize semi-remorques et débarqués, avant d’être décorés, par une immense grue qui les place les uns à côté des autres, le tout en près d’un mois. « C’est comme une construction d’enfants », s’amuse Véronique Revel-Rongier. Quand tout est en place, les grands enfants viennent y célébrer les cinémas du monde entier. Et cela donne parfois lieu à des scènes inattendues : Sharon Stone baba d’admiration devant Agnès Varda, et lui disant : « Je suis prête à ce que tu me filmes pour n’importe quoi. » Patti Smith venue faire un concert surprise pour Vanessa Paradis, sa fan numéro un... Une ambiance bon enfant ponctuée de rares moments d’inimitié. Comme ce petit air glacé dans l’assistance quand les producteurs des biopics concurrents consacrés à Yves Saint Laurent se sont croisés. « Les gens qui mettent un soin particulier à s’éviter à Paris ont du mal à le faire ici », s’amuse un témoin de la scène.Lisa Vignoli 11.05.2015 à 17h38 • Mis à jour le12.05.2015 à 09h28 | Emmanuelle Lequeux En manquant de mourir, il est entré dans l’histoire de l’art : en 1971, alors que les protestations contre la guerre du Vietnam sont au plus fort, Chris Burden s’offre au feu du 22 long rifle d’un complice, et se retrouve, une balle dans le bras, auteur de l’un des happenings les plus célèbres des années 1970 : Shoot. « A cet instant, j’étais une sculpture », analysera-t-il. Mais c’est finalement un mélanome malin qui aura raison de la légende.Pionnier déraisonnable, contempteur de toutes les mécaniques de pouvoir, le plasticien Chris Burden est décédé, dimanche 10 mai, à son domicile de Topanga Canyon, dans les montagnes de Santa Monica (Californie). Il avait 69 ans, et était devenu, au fil de sa carrière, l’un des plus grands sculpteurs américains. En hommage, le Lacma (Los Angeles County Museum of Art) a laissé allumée toute la nuit l’armée de lampadaires désuets, souvenirs d’un LA d’antan, que Burden a plantés telles les colonnes d’un temple païen sur son esplanade en 2008, et qui est devenue aujourd’hui l’une des icônes de la « Cité des anges ». Il tire sur un 747« “Limites”, c’est un terme tout relatif, aimait-il à dire. Comme la beauté, les limites sont souvent dans l’œil du regardeur. » Toute sa vie, il les a défiées, comme il a défié les systèmes de contrainte et d’oppression. Né à Boston en 1946, celui qui a passé une partie de son enfance en France file vers la Californie, pour y étudier l’ingénierie, l’architecture et finalement l’art, notamment sous la houlette du fameux plasticien minimaliste Robert Irwin. A l’université d’Irvine, il réalise sa première performance, s’enfermant pendant cinq jours dans un étroit casier d’étudiant, en guise de rendu de thèse (Five Day Locker Pièce). Il ne quittera plus sa région d’adoption, pour devenir l’une des figures essentielles de sa scène artistique, admiré de toute la génération des Mike Kelley et McCarthy.Après le scandale de Shoot, Burden passe, en 1972, vingt-deux jours allongé dans un lit, muet, en plein milieu d’une exposition. En 1973, en simili-terroriste, il tire sur un 747 qui décolle tout juste de l’aéroport de LA. Et se crucifie en 1974 à une coccinelle Volkswagen. Il parvient à déjouer la puissante société de l’entertainment, alors en plein développement, en se payant des espaces publicitaires télévisés pour y projeter ses propres vidéos. Et va encore plus loin en prenant en otage, couteau à la main, une speakerine qui l’interviewait gentiment, et avait eu la naïveté d’accepter un direct.Une mare de verre briséTout au long de la décennie 1970, il flirtera ainsi avec un danger plus ou moins contrôlé, réalisant une cinquantaine d’actions du même acabit : crawlant dans une mare de verre brisé, s’allongeant au milieu de La Cienega Boulevard, près d’Hollywood, ou plongeant sa tête dans l’eau d’un évier jusqu’à l’étouffement, comme on torture les prisonniers. Autant de folies dont il ne reste que de modestes traces, photos noir et blanc ou films super-8 tournés à la va-vite, mais qui lui ont, malgré tout, valu d’être le premier artiste remarqué par le galeriste Larry Gagosian, bien avant qu’il ne devienne le plus puissant marchand au monde. Fidèle, celui-ci offre d’ailleurs à Burden, en ce printemps, une exposition dans son espace du Bourget, près de Paris. Triste coïncidence. Rapidement célébré dans les musées du monde entier, Burden le casse-cou revient à partir des années 1980 à sa formation d’origine, l’architecture et l’ingénierie, pour concevoir de vastes sculptures et installations. Souvent en mouvement, elles défient la gravité, à l’instar de ce bateau fantôme de deux tonnes que l’artiste a carrément fait accrocher à la façade du New Museum de New York, pour sa rétrospective de 2013. Dynamiques, elles se font véhicules pour l’imagination : comme ces invraisemblables ponts d’acier qu’il s’évertue à construire en gamin, ou encore cet hommage au grand aviateur brésilien Santos-Dumont, son œuvre ultime, qui devrait être dévoilée au Lacma, le 18 mai.Mais si une seule œuvre devait résumer la colossale puissance du mythe, ce serait Beam Drop, soit un champ de poutres d’acier phénoménales, lâchées d’une grue dans une flaque de béton pour s’y planter à la verticale. Réalisé pour une place d’Anvers mais aussi dans le parc de sculptures d’Inhotim, au Brésil, ce mikado digne de Vulcain résume combien Chris Burden considérait l’art comme le seul « espace de liberté dans la société où l’on puisse faire n’importe quoi ».Emmanuelle LequeuxJournaliste au Monde 11.05.2015 à 11h30 • Mis à jour le11.05.2015 à 12h44 | Isabelle Regnier Entre polar et mélo social, « Grigris », une fable humaniste signée du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun (lundi 11 avril à 20 h 45, sur Ciné+ Club).Chaud, urbain, actuel, Grigris démarre à pleins tubes dans une boîte de nuit aux couleurs chatoyantes, où un garçon aux longues jambes désarticulées se livre, seul sur la piste, à un numéro de danse acrobatique. En cercle autour de lui, une assemblée acclame ce Travolta à la peau noire, l’encourage, lui glisse des billets dans le cou comme à une danseuse de lap dance.« Grigris », surnom de ce danseur, n’est pas un animal de foire. Ses jambes malades, que l’on ne verra jamais nues, lui imposent un déhanché brutal quand il marche dans la rue. Mais sur le dance floor, elles sont sa force, alliées magiques qui le projettent parmi les dieux. Empêché par tout ce qui l’entoure, il nourrit une force surhumaine qui se décuple au contact de Mimi, prostituée mélancolique dont il est tombé gaga à l’instant où elle a poussé la porte du labo de photo où il travaille.Devoir moralDans cette alliance entre deux marginaux, on reconnaît le goût pour la fable du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun. Et son humanisme farouche, son obsession pour les orphelins et les filiations brisées. On retrouve ce rapport au cadre qui vient sculpter les chaudes couleurs de la nuit africaine, les riches matières des marchands de tissus de N’Djamena, et offre aux corps radieux de ses personnages d’énormes perspectives…Quand le beau-père de Grigris, atteint d’un cancer, se retrouve à l’hôpital et qu’on lui réclame 700 000 francs CFA (1 000 euros) pour ses soins, Grigris se met en quête de cette somme colossale. Rien dans la tradition ne l’y oblige. Mais le photographe-danseur agit par devoir moral, par amour pour ce beau-père qui a fait de lui un homme. Pas par conformisme.Grigris n’est pas seulement empêché par ses jambes, il l’est par la technologie numérique qui rend caduque sa vocation de photographe, ou encore par les fantasmes de respectabilité du trafiquant d’essence pour qui il veut travailler, qui lui interdit de fréquenter une prostituée.Dans cette histoire de débrouille, la mafia se pose comme la seule planche de salut pour une jeunesse privée d’horizon. Mais Grigris et Mimi préfèrent risquer leur vie plutôt que la brader. A la violence aveugle des puissants, ces électrons libres opposent la force des faibles coalisés.Grigris, de Mahamat-Saleh Haroun. Avec Souleymane Démé, Anaïs Monory (100 min).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Un hommage transgénérationnel émouvant, à l’occasion de l’anniversaire du chanteur (lundi 11 avril à 20 h 50, sur France 3). Renaud, on t’a dans la peau ! » C’est par cette déclaration d’amour que plusieurs artistes ont choisi de fêter les 63 ans du chanteur à travers l’émouvant documentaire de Didier Varrod et Nicolas Maupied diffusé le 11 mai, jour de l’anniversaire de Renaud. Un hommage qui nous laisse parfois au bord des larmes et pour lequel les deux auteurs ont eu l’idée originale de convier leurs invités dans un studio où le décor ressemble à l’univers du chanteur : des arbres, une guitare, un piano et un banc public sur lequel chacun vient s’asseoir pour évoquer un souvenir, expliquer l’apport de l’artiste dans la chanson française ou dire simplement pourquoi il l’aime.Un beau cadeau offert par des artistes de tous horizons, comme Patrick Bruel, Nicola Sirkis (Indochine), Raphael, Alex Beaupain, Benoît Dorémus, Vincent Delerm, Disiz, Oxmo Puccino, Grand Corps Malade, Olivia Ruiz, Nolwenn Leroy, Louane, Elodie Frégé, ainsi que Johanna Copans, auteure d’une thèse sur les paysages dans les chansons de Renaud, ou Mazarine Pingeot, écrivaine et fille de François Mitterrand. Leurs paroles sont accompagnées d’interviews et de chansons filmées au cours de ses concerts ainsi que d’archives (parfois personnelles) sur la longue carrière de l’artiste. Le tout illustré par les (beaux) dessins de son ami Marc Large.Poète des rues et du zincAu fil du documentaire, il se confirme que Renaud est un artiste transgénérationnel. Que ce soient les parents ou les enfants, il a séduit les premiers et reste une référence pour les seconds. « C’est à la fois un Rimbaud et un tendre voyou, un poète et un bandit », résume Elodie Frégé (33 ans). « C’est mon premier chanteur à moi », explique Alex Beaupain (40 ans), biberonné par ses parents aux chansons de Brassens, Brel ou Ferré. « J’ai grandi avec Renaud »,poursuit Fabien Marsaud, dit Grand Corps Malade (37 ans), des étoiles dans les yeux. « Renaud, c’est un poteau ! », s’exclament la plupart en soulignant que le chanteur est pour eux comme un copain de la vie quotidienne. « Il est transparent, très intime, et parle de nous », dit Vincent Delerm avant de reprendre Mistral gagnant au piano.Indomptable, politique, révolté, énervé, sans Dieu ni maître, Renaud reste le poète des rues et du zinc des comptoirs. Il est surtout le reflet d’une époque où la dialectique d’une chanson pouvait casser les briques d’une société étouffante et bien-pensante. C’est dans la France giscardienne des années 1970 qu’il brandit Hexagone, violente attaque contre la France des beaufs, reprise avec d’autres paroles sur Internet, après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Il y eut aussi Où est-ce que j’ai mis mon flingue ?, Miss Maggie, Société, tu m’auras pas ! « Il serait impossible d’écrire ce genre de chansons aujourd’hui », remarque Patrick Bruel.Mais Renaud l’anar a aussi flirté avec le pouvoir. Séduit par François Mitterrand, homme de culture qui n’avait rien d’un révolté, le chanteur s’engagea à ses côtés pour son second septennat avec le slogan « Tonton laisse pas béton », et ce malgré toutes les trahisons que l’artiste dénonçait dans ses chansons. « C’est un mec qui me touche », se justifiait-il, en parlant de l’ancien président de la République. « Ils avaient un lien particulier », confirme Mazarine Pingeot.Aujourd’hui, tout le monde souhaite son retour et espère que Docteur Renaud va enfin sortir de sa retraite, en laissant Mister Renard dans sa tanière.Renaud, on t’a dans la peau !, de Didier Varrod et Nicolas Maupied (Fr., 2015, 96 min).Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 11.05.2015 à 06h33 • Mis à jour le11.05.2015 à 07h27 | Sylvain Siclier UN ALBUMLes retrouvailles phonographiques de BlurL’annonce, le 19 février, de la parution d’un album de Blur – « le premier en tant que groupe à quatre en seize ans ! », avait-il été précisé sur sa page Facebook – avait suscité autant d’enthousiasme que d’incertitude pour les amateurs du groupe britannique. The Magic Whip allait-il renouer avec le faste des années 1990, explorer de nouvelles pistes ? Deux mois et demi plus tard, ce disque « événementiel » se révèle plutôt de bonne tenue avec ses envolées pop, du rock bien cadré, des fantaisies, du recueillement spectral. Des retrouvailles phonographiques de Damon Albarn et Graham Coxon qui, à défaut de feu d’artifice permanent, font plaisir à entendre.The Magic Whip, de Blur, 1 CD Parlophone/Warner Music.Vidéo officielle de « Lonesome Street », chanson extraite de l’album « The Magic Whip », de Blur.Vidéo officielle de « Go Out », chanson extraite de l’album « The Magic Whip », de Blur. UN FESTIVALA Coutances, abondance de jazz ne nuit pas Modeste manifestation associative à ses débuts, en 1982, Jazz sous les pommiers, à Coutances (Manche), est devenu, au cours des ans, l’un des plus importants rendez-vous du printemps en matière de jazz. Avec un équilibre entre des propositions pointues et des concerts grand public et dans une abondance qui ne cède pas sur la qualité, y compris avec les multiples animations dans les rues et places (fanfares, chorales, scène amateur…). Pour sa présente édition, qui a débuté le 8 mai et se terminera le 16, Jazz sous les pommiers recevra notamment Airelle Besson (trompette) et Benjamin Moussay (piano) pour une évocation de Miles Davis, l’Amazing Keystone Big Band dans son inventive adaptation de Pierre et le loup, le pianiste Jacky Terrasson, les contrebassistes Kyle Eastwood et Henri Texier, l’Electric Epic, au nom en exactitude avec sa musique, les chanteuses Sandra Nkaké et Meshell Ndegeocello, le saxophoniste Pharoah Sanders….Jazz sous les pommiers, à Coutances (Manche). Théâtre, Salle Marcel-Hélie, Magic Mirrors, Cave des Unelles et divers lieux de la ville. De 8 € à 25 € selon les concerts. Jusqu’au 16 mai. Tél. : 02-33-76-78-50. Jazzsouslespommiers.com UN CONCERTAriana Grande à la conquête de l’EuropePassée par la comédie musicale à son adolescence, puis par les séries télévisées pour adolescents (« Victorious », « Sam & Cat »), Ariana Grande a fait ses débuts au disque en 2013. Soprano, dotée d’une tessiture de quatre octaves et un demi-ton, qui la place auprès de quelques puissances vocales comme Mariah Carey ou Whitney Houston, la jeune femme est en train de faire la conquête de l’Europe après celle des Etats-Unis, sa terre natale. Sa musique, un mélange de r’n’b actuel et de variété pop, et un spectacle à découvrir au Zénith de Paris, pour son premier passage en France, à l’occasion de sa première tournée européenne – elle avait participé à quelques émissions de télévision en 2014.Zénith de Paris, 211 avenue Jean-Jaurès, Paris-19e. Mo Porte-de-Pantin. Tél. : 01-42-08-60-00. Le 14 mai, à 14h30. De 43,30 € à 51 €. Le-zenith.comVidéo officielle de « Baby I », chansons extraite de l’album « Yours Truly », d’Ariana Grande. UNE TOURNÉETransports d’énergie et d’émotion avec le chanteur Danyèl WaroDanyèl Waro est probablement aujourd’hui le chantre le plus célèbre de la créolité réunionnaise, chanteur, poète et compositeur de maloya, ce blues ternaire issu du chant des anciens esclaves travaillant sur les plantations de canne. Le maloya est la fierté des Réunionnais, l’étendard brandi de leur identité créole. Danyèl Waro, voix d’énergie et de transport émotionnel, qui aura fêté le 10 mai ses 60 ans, vient passer quelques jours en Métropole. Un parcours qui le mènera durant cette semaine à Val-de-Reuil, Paris, Cherbourg et Gennevilliers.Festival Les Soirées du Caméléon au Théâtre des Chalands, Val-de-Reuil (Haute-Normandie), le 14 mai, à 20h30, de 6 € à 9 €. Cabaret sauvage, Paris 19e, le 15 mai, à 19 heures, 21 €. Le Trident, scène nationale de Cherbourg-Octeville (Manche), le 16 mai, à 20h30, de 7,50 € à 21 €. Le Tamanoir, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le 17 mai, à 19 heures, de 7 € à 13 €. RÉSERVEZ VITELe concert de The Who le 30 juin au Zénith de Paris En raison de l’engagement tardif de The Who en tête d’affiche du festival géant de Glastonbury (200 000 spectateurs), les deux concerts du groupe britannique, prévus les 28 et 29 juin au Zénith de Paris, sont reportés à une unique date, au même endroit, le 30 juin. Après remboursement ou échange pour les titulaires de billets de l’un ou l’autre des concerts initiaux, pour qui voudrait fêter les cinquante ans d’existence du groupe et presque autant d’hymnes rock, les places restantes le 30 juin, pourront être achetées à partir du vendredi 15 mai, à 10 heures (billetterie en magasins et sur Internet).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Ulysse n’a pas encore quitté les rivages d’Ithaque que les prétendants rêvent déjà de bander l’arc. En annonçant, le 10 janvier 2013, qu’il quittait la tête du prestigieux Orchestre philharmonique de Berlin à la fin de son mandat en 2018, le chef d’orchestre Sir Simon Rattle (60 ans) a allumé une guerre de succession. Depuis deux ans, les supputations sont allées bon train. Elles cesseront ce lundi 11 mai qui verra la désignation par la prestigieuse phalange berlinoise, créée en 1862, de son septième directeur musical, après Hans von Bülow (1887-1892), Arthur Nikisch (1895-1922), Wilhelm Furtwängler (1922-1934 et 1952-1954), Herbert von Karajan (1956-1989), qui en était le directeur à vie, Claudio Abbado (1990-2002) et Simon Rattle.Ce lundi, convoqués dans la matinée en un lieu tenu secret à Berlin, les 128 membres du Berliner Philharmoniker choisiront leur candidat à l’issue de délibérations à huis clos, téléphones portables prohibés, jusqu’à ce qu’une « majorité claire » se dessine, a expliqué la porte-parole de l’orchestre, Elisabeth Hilsdorf. Les « Berliner » sont les seuls au monde à exercer pareille souveraineté… démocratique. Habituellement, les nominations des directeurs musicaux, si elles s’accompagnent d’une consultation de l’avis des musiciens (après tout, ce sont eux qui sont en contact direct avec le chef d’orchestre), sont le fait des tutelles administratives de l’orchestre voire des responsables politiques.Un poste parmi les plus convoitésFigurer ne serait-ce que dans la liste des chefs d’orchestre pressentis est en soi une consécration. Car même si « tout chef d’orchestre vivant » est un candidat potentiel, comme l’affirment les deux délégués de l’orchestre, Peter Riegelbauer et Ulrich Knoerzer, seule une poignée, parmi la trentaine régulièrement invitée, peut prétendre à ce poste parmi les plus convoités de la planète musicale. Les perdants le sont d’ailleurs de plus ou moins bonne grâce. On se souvient du départ précipité de Berlin de Sergiù Celibidache, à qui Karajan damna le pion en 1955, alors que le Roumain pensait être le successeur naturel de Wilhelm Furtwängler avec qui il partageait la direction de l’orchestre depuis 1947. Ou de la déception de Lorin Maazel, sûr de son fait au point d’avoir prématurément convoqué la presse, lorsqu’il apprit que Claudio Abbado lui avait été préféré.Il n’y a guère que Daniel Barenboïm, rival malheureux de Simon Rattle en 2002, qui ait su perdre avec élégance. Daniel Barenboïm (72 ans), dont le nom a resurgi une nouvelle fois. Mais l’intéressé a fait savoir qu’il ne l’était pas. Chef à vie de la Staatskapelle de Berlin dont il a fait le deuxième orchestre de la ville, l’Israélo-argentin poursuit avec détermination une carrière de pianiste ainsi que son engagement à la tête de son West-Eastern Divan Orchestra, qui réunit Arabes et Israéliens.Épaules solidesIl faut des épaules particulièrement solides pour prendre la tête des Berliner Philharmoniker, un contingent d’élite jaloux de ses prérogatives : la direction d’orchestre n’est en fait qu’une partie de la fonction, aussi sociale et managériale que musicale. Polarisée autour d’une dizaine de noms partagés entre fringants post-trentenaires et « vieux » lions septuagénaires, la liste des chefs qui circule depuis deux ans s’est progressivement amenuisée au fur et à mesure que certains confirmaient d’autres engagements, rendant caduque leur éventuelle venue à Berlin.C’est le cas du médiatique et bouillonnant vénézuélien Gustavo Dudamel (34 ans), longtemps donné comme favori de la nouvelle génération des chefs étoilés, qui vient de prolonger son contrat à la tête de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles jusqu’en 2022. Mais aussi celui du talentueux Canadien, Yannick Nézet-Séguin (40 ans), lequel vient d’annoncer le renouvellement de sa collaboration avec l’Orchestre de Philadelphie jusqu’en 2022. Idem pour le chef letton Mariss Jansons (72 ans), considéré comme l’une des meilleures baguettes au monde et grand ami des « Berliner », qui vient de rempiler avec l’Orchestre de la Radio bavaroise jusqu’en 2021.Reste par contre en lice son compatriote et fils spirituel, Andris Nelsons (38 ans), qui figure en bonne position, quoiqu’il ne faille pas exclure qu’il décide in fine de poursuivre son mandat au poste de directeur musical de l’Orchestre de Boston, qu’il occupe jusqu’à la fin de la saison 2019-2020.Favori des pronosticsUn nom revient aussi avec insistance. Celui de l’Italien Riccardo Chailly (62 ans), baguette unanimement saluée, dont le travail en Allemagne à la tête de l’un des plus anciens orchestres du pays, le Gewandhaus de Leipzig, inspire enthousiasme et respect. Mais outre qu’il a été récemment adoubé comme directeur musical à La Scala de Milan, ses récents problèmes de santé risquent de constituer un handicap. Idem pour un autre Italien, le prestigieux Riccardo Muti (73 ans), véritable star de la baguette, mais dont le mandat à la tête de l’Orchestre symphonique de Chicago a été prolongé jusqu’en 2020. Plus aléatoire encore, le nom du Russe Kirill Petrenko (43 ans). Quoique triomphateur du dernier « Ring » de Bayreuth, l’actuel directeur musical de la Bayerische Staatsoper de Munich manque encore d’envergure internationale et de charisme médiatique. De même pour son homologue russe, Vladimir Jurowski (43 ans), ancien directeur musical du festival de Glyndebourne et chef principal de l’Orchestre philharmonique de Londres depuis 2007.Mais le candidat favori des pronostics est sans conteste l’Allemand Christian Thielemann (56 ans), directeur musical de la Staatskapelle de Dresde jusqu’en 2019 et conseiller musical du Festival de Bayreuth depuis 2008, déjà sur les rangs pour la succession d’Abbado. Si ce choix était retenu, il n’est pas exclu qu’après les années d’ouverture de l’orchestre, voulue par Sir Simon (renouvellement du répertoire, développement des médiations technologiques, modélisation d’une action pédagogique exemplaire), cela ne sonne comme un retour aux fondamentaux identitaires germaniques de l’orchestre (certains n’ont-ils pas reproché à Rattle d’avoir dénaturé le son allemand en lui donnant trop de légèreté et de clarté ?).Seize ans à la tête de la phalange berlinoiseCe d’autant que Thielemann, qui fut l’assistant de Karajan et son protégé, s’est imposé comme un interprète privilégié du répertoire germanique – Wagner, Richard Strauss, Bruckner. L’orchestre devrait aussi composer avec le caractère ombrageux du talentueux et fougueux chef allemand. Outre les différends artistiques et gestionnaires qui émaillent son parcours, de la Deutsche Oper de Berlin (1997-2004) à la Philharmonie de Munich (2004-2011), et jusqu’à Dresde – nommé en tandem avec lui, le Belge Serge Dorny n’a jamais pris son poste et a dû rester à l’Opéra national de Lyon –, on lui impute aussi des prises de positions politiques conservatrices (il est un fervent admirateur de Frédéric II de Prusse).Il y a une quinzaine d’années, la presse avait dénoncé certains commentaires aux relents antisémites qu’il aurait eus à l’encontre de Daniel Barenboim, dont il fut l’assistant à Bayreuth avant de devenir son rival à Berlin. Reste que ces allégations, vigoureusement démenties par l’intéressé, l’ont été également par Barenboïm dans un article paru en octobre 2000 dans le Süddeutsche Zeitung.En 2018, après seize ans passés à la tête de la prestigieuse phalange berlinoise, Sir Simon Rattle prendra la direction du London Symphony Orchestra avec à la clé l’assurance d’une nouvelle salle de concerts enfin digne de la métropole londonienne.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Jérémie Lamothe Quatre mois après les attentats de Paris et les manifestations qui ont rassemblé près de quatre millions de personnes dans les rues, les livres sur l’après-Charlie continuent de fleurir dans les librairies. Le dernier essai d’Emmanuel Todd, Qui est Charlie ?, en est la dernière preuve : le démographe y dénonce « l’imposture » de cette France du 11 janvier qui s’est déplacée en masse pour défendre la liberté d’expression.Lire aussi :Manuel Valls : « Non, la France du 11 janvier n'est pas une imposture »Emmanuel Todd est le premier auteur à critiquer aussi ouvertement l’esprit post-Charlie, parmi les nombreux ouvrages sur les événements, et ses conséquences politiques, religieuses ou identitaires. Du dernier ouvrage de Caroline Fourest chez Grasset, à celui de Laurent Joffrin chez Stock, en passant par celui d’Abdennour Bidar chez Albin Michel… En tout, ce sont une quinzaine de livres liés directement ou indirectement au 11 janvier qui se trouvent dans les librairies.De nombreuses ventesMais le public est-il demandeur ? Oui, selon Jérome Dayre, fondateur des éditions Inculte : « En librairie, les lecteurs ont énormément réagi, dès le lendemain de l’attaque de Charlie Hebdo. Les libraires ont joué leur rôle en ressortant des livres sur la tolérance par exemple. Ça a très bien marché. Il y a eu une vraie attente du public, les gens étaient vraiment désemparés. »Dans la grande librairie Mollat à Bordeaux, Pierre Coutelle, responsable du pôle littérature et sciences humaines, compare cet engouement « à l’après-11 septembre. Les gens ont demandé des ouvrages d’exploration sur l’islam, la géopolitique… Après les attentats, il n’y a pas eu de réaction de fuite de la part des lecteurs. Au contraire, il y a eu une vraie demande de compréhension ».Une réaction spontanée qui a surpris Olivier Nora, PDG des éditions Grasset : « Ce qui s’est produit a été contre-intuitif. Je pensais que la machine serait arrêtée par l’attentat. Lorsqu’il y a des actualités aussi fortes, les gens se précipitent vers la presse, Internet mais là il s’est produit l’inverse. C’est un mélange de réveil militant, républicain et citoyen. »Toutes les maisons d’édition interrogées le reconnaissent volontiers, les livres liés aux événements de janvier se portent très bien. C’est le cas de celui d’Edgar Morin et de Patrick Singaïny, Avant, pendant, après le 11 janvier, publié aux éditions de l’Aube. Pour le directeur des collections d’essai, Jean Viard : « Cet essai a été vendu pour l’instant à 4 500 exemplaires, on peut espérer en vendre 10 000. » Un bon chiffre : « Aujourd’hui, quand un essai se vend à 1 500-3 000 exemplaires, on commence à avoir de l’effet, avec des idées qui se diffusent ».Des bons résultats perçus également chez Grasset d’après Olivier Nora : « Le livre de Caroline Fourest, sorti le 29 avril, a déjà été vendu à près de 11 000 exemplaires. Il va rentrer dans les best-sellers à partir de la semaine prochaine. Je suis surpris que ça aille aussi vite. »Un temps de réaction différentDes scores qui s’expliquent peut-être aussi par la rapidité avec laquelle certaines maisons d’édition ont décidé de participer au mouvement. Le Livre de poche a par exemple sorti dès le 5 février Nous sommes Charlie, un recueil de soixante textes en réaction à la tuerie qui a touché le journal satirique : « Ce livre a été décidé dès le lendemain des attentats de Charlie Hebdo, le jeudi. On a souhaité une réaction à chaud, un mouvement spontané », précise l’attachée de presse, Anne Bouissy.Albin Michel a également souhaité très vite réagir en sortant dès le 18 février Plaidoyer pour la fraternité, d’Abdennour Bidar. Une rapidité assumée par Jean Mouttapa, directeur du département Spiritualités : « Chez Albin Michel, on le fait très rarement, ça perturbe le réseau commercial. Mais là, ça valait le coup, on a réfléchi et on s’est dit qu’en cinq semaines, il devait être en librairie. »Une réactivité qui n’est pas partagée par tous. Aux éditions de La Découverte, on a fait le choix de ne pas surréagir au traumatisme des événements. Seul le livre d’Edwy Plenel, Pour les musulmans, sorti en septembre 2014, a été réédité avec une nouvelle préface évoquant les attentats. D’après François Gèze, éditeur à La Découverte : « Nous n’avons pas souhaité sortir un livre directement. Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur le sujet. Nous sommes plutôt à la recherche de livres qui aident, qui éclairent, sans être dépendants de l’actualité. »« La machine à débattre s’est remise en mouvement »De fait, le « filon » du 11 janvier a poussé de nombreux auteurs à démarcher les maisons d’édition. Avec plus ou mois de réussite, précise Olivier Nora : « Beaucoup d’auteurs nous ont sollicités pour écrire un livre sur ces événements mais tous n’ont pas une expertise telle que cela mérite un livre. » Pour ce dernier, cette effervescence est une très bonne nouvelle : « La machine à débattre s’est remise en mouvement, notamment entre les deux gauches, sur les concepts de laïcité par exemple. Il est vrai que l’événement permet une énorme traînée, et personne ne pense que ça va s’arrêter. » Prochainement, dans les rayons de la librairie Mollat, à Bordeaux, Pierre Coutelle prévoit en effet « une quarantaine de livres » sur ce sujet en 2015.Un renouvellement du débat indispensable et vital pour Jean Viard, des éditions de l’Aube : « On est entré dans un cycle de violence qui va durer dix à vingt ans, la société doit se charpenter. On n’a jamais eu une aussi forte volonté de débat. Le 11 janvier n’est pas une date, mais une ouverture de période, le champ intellectuel va être passionnant. »« Les gens cherchaient plus des livres de réflexion que d’évasion »« Jusqu’en février, on était dans les livres de réaction, puis ça a commencé à s’estomper. Mais depuis la sortie du livre de Todd, ça repart », précise Jérémie Chevallier, vendeur à la librairie Gibert Joseph à Barbès (XVIIIe arrondissement de Paris), pour qui « les lecteurs demandent maintenant des livres de réflexion, qui vont davantage sur le fond ».Le Traité de la tolérance de Voltaire a par exemple été réimprimé et vendu à plus de 90 000 exemplaires par les éditions Folio-Gallimard depuis les attentats de janvier. Selon Jean Mouttapa, directeur du département Spiritualités chez Albin Michel, l’une des premières préoccupations des Français a aussi été de s’informer sur l’islam : « Nous avions beaucoup de livres sur l’islam que nous avons ressortis et nos ventes ont explosé. Nous avons beaucoup revendu Islam sans soumission, d’Abdennour Bidar, la traduction du Coran, par Jacques Berque ou encore l’autobiographie d’Abd al Malik, Qu’Allah bénisse la France. »La volonté de comprendre ces événements a une incidence sur le reste du marché du livre, remarque également Olivier Nora : « Dès janvier, il y a eu une prime à la non-fiction. Les gens cherchaient plus des livres de réflexion que d’évasion. La littérature “haut de gamme” et le roman n’ont pas connu un très bon premier trimestre. »Jérémie LamotheJournaliste au Monde Charlotte Cieslinski Toutes deux actrices et réalisatrices, elles ont en commun d’avoir parlé de leur vie dans leurs films. Et d’être sélectionnées à Cannes. MaïwennPoussée par sa mère. Elle est née aux Lilas (93) il y a 39 ans, et a grandi à Belleville. Sa mère, actrice ratée qui la rêve en enfant-star, se débrouille pour qu’elle joue Isabelle Adjani enfant dans L’Eté meurtrier (1983).Précoce. A 12 ans, elle arrête l’école. A 15 ans, elle donne la réplique à Johnny Hallyday dans La Gamine. A 16 ans, elle épouse Luc Besson, qui en fera la Diva bleue de son Cinquième Elément.Ecorchée. Avant Polisse, Prix du jury à Cannes en 2011, elle a réalisé deux premiers films pour « crever les abcès de son passé », sur les thèmes de l’enfance maltraitée (Pardonnez-moi, 2006) et la condition de comédienne (Le Bal des actrices, 2009).Fan de Lelouch. « Je suis regardée comme une bête curieuse par le cinéma populaire autant que par les intellos », déclare celle qui a adoré travailler avec Claude Lelouch. Son quatrième film, Mon roi, en compétition à Cannes, raconte une passion amoureuse.Valérie DonzelliPoussée par elle-même. Elle a 42 ans, et est née dans les Vosges. Un grand-père sculpteur, un père cadre qui trimbale la famille entre Lille et Créteil. Lassée par ses études d’architecture, elle s’inscrit aux cours du conservatoire, qu’elle finance en vendant des macarons chez Ladurée.Battante. C’est son ancien compagnon, Jérémie Elkaïm, qui l’a encouragée dans la voie du cinéma. Dans La Guerre est déclarée (2011), ils racontent leur combat contre le cancer de leur fils.Sensible. Elle « aime partir de [son] nombril et faire un gros zoom arrière ». Inspirés de son vécu, ses films déclinent les thèmes de l’amour, de la maternité ou de la maladie. « Maïwenn, elle, fait du cinéma couillu de fille ! », dit Valérie Donzelli.Fan de Truffaut. Elle a repris un script abandonné par François Truffaut pour réaliser Marguerite et Julien, sélectionné à Cannes, qui raconte la relation incestueuse entre un frère et une soeur. Mon Roi, de Maïwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, en salles le 21 octobre 2015. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, en salles le 30 septembre 2015.Charlotte Cieslinski Marine Le Gohébel Ce documentaire revient sur la bataille du « mariage pour tous » dans l’Etat du Maryland en 2012 (mercredi 13 mai à 22 h 40, sur France Ô).Etat du Maryland, 6 novembre 2012, jour de vote. Les radios et les télévisions tournent en boucle. Ce soir, Barack Obama pourrait être reconduit pour un second mandat à la Maison Blanche. Ce soir aussi, le mariage homosexuel, soumis à un référendum, pourrait être adopté dans cet Etat du nord-est des Etats-Unis. C’est la question 6. Depuis des mois, militants et opposants se livrent une bataille acharnée. Dans la balance, le vote de la communauté afro-américaine, qui peut faire basculer le résultat. Réputée conservatrice et religieuse, elle y est majoritairement hostile. Mais comment vivent les membres homosexuels de cette communauté ? Comment peuvent-ils convaincre leurs proches ? En évoquant la question des droits civiques ?Yoruba Richen s’est installé au cœur de la communauté afro-américaine pour mettre au jour ses contradictions. Il suit les militants dans leurs journées de porte-à-porte où ils tentent de débattre, convaincre, séduire. Puis il va à la rencontre des membres du clergé, ceux qui évoquent la Bible et bataillent pour le « non » et ceux qui sont favorables au mariage gay.Joie et soulagementMultipliant les images de journaux télévisés, les coupures de presse et les témoignages, le documentaire finit par perdre le fil de sa démonstration. Voire partir dans toutes les directions, notamment avec un retour en 1993 dans l’Ohio, puis en 2008 en Californie avec l’adoption de la proposition 8. Si ces deux précédents éclairent le contexte et les enjeux, ils affaiblissent aussi le propos. Quelques scènes compensent ces faiblesses, comme la retransmission d’une interview télévisée hallucinante où une journaliste demande à un chanteur de gospel noir américain s’il a été délivré de son attirance pour les hommes ; ou la joie et le soulagement des militants après la victoire du « oui ».En 2012, le Maryland était le huitième Etat à légaliser le mariage gay. Ils sont 37 aujourd’hui à l’avoir adopté. A l’heure où la Cour suprême des Etats-Unis se penche sur cette question, ce film offre un éclairage intéressant sur un débat qui a profondément divisé les Américains. Il montre aussi que le président Obama a longtemps entretenu le doute sur sa position, avant d’affirmer, en mai 2012, y être favorable.Gay, noir et Américain : le nouveau combat, de Yoruba Richen (EU, 2013, 52 min).Marine Le GohébelJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle L’architecte, dépeint à travers ses écrits ou ses interviews. Sans commentaire ni polémique (mercredi 13 mai à 23 h 30, sur Arte).A l’occasion de la rétrospective qui lui est consacrée au Centre Pompidou à Paris jusqu’au 3 août, la chaîne Arte diffuse un documentaire sur l’architecte et urbaniste Le Corbusier (1887-1965), signé par Juliette Cazanave et imaginé par Pierre Assouline pour la collection documentaire « Le siècle de… ».Trois livres sur le passé fasciste et vichyste de l’architecte viennent de paraître. Ceux qui attendent de nouvelles révélations sur ses positions idéologiques resteront sur leur faim. Les autres apprécieront combien ce documentaire éclaire sur la transformation du paysage de nos villes durant la seconde moitié du XXe siècle. Selon le principe de cette collection de portraits, il n’y a aucun commentaire. Les seuls propos sont extraits des écrits de l’architecte ou d’entretiens radio et télé. Une distance revendiquée par les auteurs.Charles-Edouard Jeanneret est né en Suisse en 1887. A partir de l’âge de 20 ans, il voyage dans le cadre de ses études d’art. En Toscane, il découvre notamment la Chartreuse de Galluzzo, fondée au XIVe siècle : un ensemble de cellules qui toutes ont vue sur la plaine et ouvrent, de l’autre côté, sur une rue circulaire couverte par une arcade : le cloître. Il y relève « l’organisation harmonieuse de l’individuel et du collectif ». Ce sera, dit-il « le modèle originel de la maison ouvrière type ».« Poème méditerranéen »A Paris, il se forme chez Auguste Perret (« Moi, je fais du béton armé ! », clamait ce dernier). Après la Grande Guerre, Le Corbusier élabore « une maison locative à l’usage des sinistrés ou chacun pourra cloisonner son espace comme bon lui semble ». « C’est en béton que je la ferai ! », assène-t-il à son tour. A Paris, il rencontre aussi le monde des arts. Dans une publication commune avec le peintre Ozenfant, L’Esprit nouveau, abandonnant son patronyme, il signe Le Corbusier en 1923, son premier article, « Trois rappels à MM. les architectes (volume, surface, plan) », qui dit-il, « fera du pétard ».Nourri de son rêve d’approcher la perfection des grands édifices antiques par le machinisme, la standardisation, il élabore à cette époque le programme des maisons Frugès à Pessac (Gironde), « un poème méditerranéen, une éclosion athénienne ». Le Corbusier exècre ce qu’il nomme « les villes archaïques ». « L’architecture, cette garce qui s’est laissée tomber comme une femme publique, a besoin de rudes hommes pour se relever », lance-t-il.Si les idées de l’architecte séduisent, les projets de l’urbaniste inquiète. En 1925, il commence à élaborer le Plan Voisin, un immense quadrilatère hérissé de tours cruciformes qui fait table rase de la quasi-totalité des actuels 3e et 4e arrondissements de Paris. Il y voit « un corps organisé, serein, fort et en ordre ». Il est convaincu d’avoir inventé la « Ville radieuse ». En 1933, à Athènes, lors du quatrième Congrès international d’architecture moderne, il rallie à cette cause 100 congressistes de 18 pays.En 1940, il se rend à Vichy, frappe aux portes. « Mon rôle est ici, affirme-t-il. Le pays a besoin d’un coup de pied au cul. La défaite des armes m’apparaît comme la miraculeuse victoire française. Si nous avions vaincu, la pourriture triomphait. » Las ! Vichy le fait « vichier » ! Il n’en démord pas : « Je suis vingt ans en avance. » Vingt ans plus tard, plus ou moins bien interprété par ses suiveurs, la « Ville radieuse » accouchera des grands ensembles. L’enfer corbuséen était pourtant pavé de bonnes intentions.Le Siècle de Le Corbusier, de Juliette Cazanave (Fr/Bel, 2015, 55 min).Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 13.05.2015 à 06h29 • Mis à jour le13.05.2015 à 17h57 | Clarisse Fabre Tapis rouge pour les partenaires officiels du Festival de Cannes. La soixante-huitième édition cannoise s’ouvre mercredi 13 mai, avec un nouveau président, Pierre Lescure, lequel succède à Gilles Jacob, et deux nouveaux partenaires : MasterCard, l’entreprise de système de paiement, et Kering, nouveau nom du groupe de François-Henri Pinault, l’un des leaders mondiaux du luxe et des accessoires.Lors de la conférence de presse du Festival de Cannes, le 16 avril, à Paris, cela n’a échappé à personne : Pierre Lescure a davantage parlé d’argent que de cinéma. Son propos s’est focalisé sur les partenaires officiels que sont Renault, Air France, Canal+, L’Oréal, Chopard, Europcar, etc. Il s’est réjoui que certains contrats aient été prolongés ou reconduits, pointant la dimension citoyenne de tel ou tel partenaire. De mémoire de festivalier, on n’avait jamais vu cela. Pierre Lescure, cofondateur de Canal+ en 1984, qui en deviendra le patron en 1994, sait qu’il est attendu au tournant.« Certains journalistes ont ironisé à propos de mon intervention. Ils ont dit : la chaîne payante parle des sponsors. » Il assume : il faut mettre l’accent sur les partenaires qui proposent un contenu citoyen. « A l’heure où les comptes publics sont serrés, il est important que le Festival ne fasse pas que de l’étalage “carpet” », explique-t-il, en faisant allusion au rituel glamour de la montée des marches.Pierre Lescure se félicite ainsi que le contrat signé avec Kering soit d’un genre nouveau. Outre la dimension financière, celui-ci a vocation à soutenir la place des femmes dans l’industrie du cinéma, avec le lancement du programme Women in Motion, à partir du 14 mai, à l’Hôtel Le Majestic. Le sujet est sensible sur la Croisette, le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, étant régulièrement interpellé sur l’absence ou le peu de femmes réalisatrices retenues dans la compétition officielle. Cette année, seuls deux films de la compétition, sur un total de dix-neuf, sont réalisés par des femmes – Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, et Mon roi, de Maïwenn.Poil à gratter« Il ne nous appartient pas de commenter l’état des lieux, mais d’essayer de comprendre en posant des questions simples. Il faut aussi analyser l’impact de la situation : l’industrie du cinéma se prive de talents », indique la directrice de la communication de Kering, Louise Beveridge. « Kering est un détonateur pour que d’autres partenaires ne fassent pas que de l’affichage », salue Pierre Lescure.Reste à savoir si cette initiative servira de poil à gratter, ou plutôt d’éteignoir à la polémique sur le genre des cinéastes. Thierry Frémaux aura l’occasion de s’exprimer, à la tribune de Women in Motion, durant le Festival. Pour le reste, les conférences vont donner la parole à des femmes réalisatrices, productrices, comédiennes, distributrices. Histoire de montrer que les talents sont là : cherchez la femme, derrière la Palme… L’actrice et réalisatrice Isabella Rossellini, qui préside cette année le jury d’Un certain regard, inaugurera le premier « talk », jeudi 14 mai, avec la productrice Claudie Ossard. Parmi les autres invitées, la productrice Sylvie Pialat, la comédienne Isabelle Huppert… ou encore la star mexicaine Salma Hayek-Pinault, comédienne, réalisatrice et productrice, qui est aussi l’épouse du PDG de Kering. C’est elle, par ailleurs, qui aurait sensibilisé son mari, François-Henri Pinault, à la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle est à ce titre membre du bureau de la fondation Kering. Très médiatisée – elle a fait la couverture du magazine Elle du 24 avril –, Salma Hayek est enfin l’héroïne de TheTale of Tales, dernier film de Matteo Garrone, en compétition officielle à Cannes. Devant tant de feux croisés, on se doit de lever le doute : Kering n’a pas mis d’argent dans cette coproduction franco-italienne (Le Pacte-Archimède). « Il n’y a pas de lien entre la carrière de Salma Hayek-Pinault, son rôle d’actrice et Kering », précise-t-on chez Kering.Le groupe de François-Henri Pinault se veut « l’ami discret du cinéma ». Kering, en son nom propre, mais aussi à travers ses marques ou sa fondation, est engagé depuis plus de dix ans dans le cinéma, explique Louise Beveridge, citant le soutien à l’école de la Cité Cinéma et Télévision de Luc Besson, au Tribeca Film Institute de New York, au Britdoc de Londres, ou encore au Festival Lumière de Lyon, piloté par Thierry Frémaux.Le cinéma, les femmes, et maintenant l’environnement : Kering est le coproducteur du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le Ciel, lequel sera projeté en clôture du Festival, hors compétition, dimanche 24 mai. Pour Kering, le choix d’investir dans ce film s’inscrit dans l’actualité sur le climat, avec la tenue à Paris, fin 2015, de la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP 21). Il n’empêche : selon nos informations, c’est la première fois, dans l’histoire du Festival, qu’un film coproduit par un partenaire officiel se retrouve… dans la programmation cannoise.« Quand Luc Jacquet m’a parlé du film pour la première fois, Kering n’était pas encore partenaire, assureThierry Frémaux. Par ailleurs, le film a été refusé par toutes les chaînes publiques. Heureusement que Kering était là. C’est peut-être cela le vrai sujet. » Toujours est-il que Kering réalise une belle opération de communication : « La sélection du film en clôture de Cannes ne faisait pas partie d’un “deal” entre le Festival et Kering. C’est une divine surprise. Et une belle rampe de lancement avant la sortie du film en France, en octobre », souligne la directrice de la communication de Kering. Kering n’est pas le seul sponsor à donner une coloration politiquement correcte au Festival. Le joaillier Chopard est partenaire officiel depuis près de vingt ans, et fabrique à ce titre la Palme d’or. Chopard a « grandi » avec le Festival : le partenariat lui a permis de lancer sa ligne de « très haute joaillerie », dénommée Red Carpet. Aujourd’hui, le joaillier communique plus volontiers sur le caractère « équitable » de la Palme : car l’or utilisé pour le trophée provient de mines colombiennes ayant obtenu le label Fair Mine (mines « équitables »).« Recadrer L’Oréal »Le public cannois pourra bientôt découvrir un documentaire sur le sujet, financé en partie par… Chopard, et inscrit à Cannes Classics : La Légende de la Palme d’or, réalisé par Alexis Veller. Directrice de la communication de Chopard, Raffaella Rossiello précise qu’il s’agit d’une participation minoritaire (40 %) du joaillier : « Ce n’est pas un film Chopard », dit-elle. Disons qu’il est en empathie : le réalisateur ne s’en cache pas, il est le compagnon de la coprésidente et directrice artistique de Chopard, Caroline Scheufele.Alexis Veller dit simplement : « Allez voir le film. C’est un travail documenté, je dois prononcer une seule fois le mot Chopard. Le film montre les conditions de travail dans les mines. Et j’ai interviewé des lauréats de la Palme d’or qui ont tous des histoires fortes à raconter. » Thierry Frémaux renchérit : « Au départ, ce film devait faire l’objet d’une projection privée, mais on l’a trouvé tellement formidable qu’on a voulu le montrer, pour que les festivaliers en profitent. »Il y a en un, tout de même, qui fronce les sourcils : c’est Gilles Jacob. Il a officié près de quarante ans au Festival, d’abord comme délégué général (1978-2001), puis comme président (2001-2014), et il semble fâché de ne pas apparaître dans le documentaire sur l’histoire de la Palme d’or. « Personne n’est venu m’interviewer. C’est la preuve qu’il n’y a pas de collusion entre l’artistique et le merchandising », ironise-t-il.Les marques et les groupes, Gilles Jacob connaît : c’est lui qui a créé le Club des grands partenaires, en 1984, à l’époque où Pierre Viot présidait le Festival. « Pierre Viot m’a donné carte blanche tout en balisant le terrain : vous pouvez y aller, m’a-t-il dit, mais modérément. On a fait alors entrer Air France, Renault, L’Oréal, Canal+, etc. Les partenariats ont pu représenter plus du tiers du budget du Festival », raconte Gilles Jacob.Il a fallu, dit-il, recadrer L’Oréal, maquilleur officiel depuis 1997, lorsqu’il a testé à Cannes son fameux slogan « parce que je le vaux bien ».« On leur a dit : “Il faut se calmer.” Cela devenait trop arrogant. » Créé au début des années 1970, le slogan avait une dimension émancipatrice, féministe, puis il a fait le tour du monde, indique L’Oréal sur son site. Pour l’heure, les réalisatrices qui briguent « la compét’» ne s’en sont pas emparées…Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Aureliano Tonet « Il faut faire le tournage contre le scénario, et le montage contre le tournage » : c’est ainsi que François Truffaut définissait sa méthode de travail. La remarque vaut pour toute la profession : rares sont les milieux aussi réactifs que le cinéma. Le Festival de Cannes en témoigne, à sa manière. Lui aussi se construit « contre ». Il lui faut d’abord tenir tête à la concurrence, toujours prompte, de Berlin à Venise, à voler des vedettes à la Croisette.Mais c’est surtout contre lui-même que se bat, et se bâtit, le Festival cannois. Les sections parallèles n’hésitent plus à « chiper » des films à la barbe de la Sélection officielle. Laquelle, de son côté, tire un certain plaisir à se dédire – au point que chaque édition semble répondre à la précédente. En 2014, Mommy fut couvé par la critique mais boudé par le jury, qui lui refusa la Palme d’or ? Qu’à cela ne tienne : en 2015, son réalisateur, Xavier Dolan, fait partie dudit jury.Depuis ce poste d’observation, le Québécois devrait apprécier le film d’ouverture, La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot : l’histoire d’un blondinet hypersensible, abandonné par une mère aimante mais dépassée… « Mommy, le retour », me direz-vous ? Plutôt son parfait inverse. Au lyrisme stylisé de Dolan, Bercot oppose une mise en scène sobre, presque éteinte. Centrale dans Mommy, la figure maternelle s’estompe dans La Tête haute, au profit d’une juge et d’un éducateur – nous ne sommes pas en Amérique du Nord, mais en France, où l’Etat joue plus facilement les parents de substitution.Du reste, en s’ouvrant par un film social à la française, plutôt que par une constellation d’étoiles hollywoodiennes, le Festival marque une rupture avec les traditions maison. Pierre Lescure progresse pareillement à rebours : là où son prédécesseur, Gilles Jacob, se montrait évasif au sujet des partenariats noués avec de grandes marques, le nouveau président les assume, les affiche, les aligne. Quitte à ce qu’ils empiètent sur la programmation : organisé par le groupe Kering, le cycle Women in Motion entend « célébrer les talents féminins », à travers des tables rondes et la remise d’un prix. Le dispositif fait d’autant plus jaser qu’il met en lumière le retard criant du Festival en matière de parité…C’est un péril bien connu des empêcheurs de tourner en rond : à force de multiplier les contre-pieds, leur talon d’Achille n’en devient, paradoxalement, que plus saillant. Le programme officiel du 68e Festival de CannesSélection officielleEn compétitionDheepan (titre provisoire), de Jacques Audiard (France)La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France)Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France)Chronic, de Michel Franco (Mexique)Il racconto dei racconti (Tale of Tales), de Matteo Garrone (Italie – France – Royaume-Uni)Carol, de Todd Haynes (Royaume-Uni – Etats-Unis)Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Taïwan)Shan he gu ren (Mountains May Depart), de Jia Zhang-Ke (Chine – France)Umimachi Diary (Notre petite sœur), de Kore-eda Hirokazu (Japon)Macbeth, de Justin Kurzel (Royaume-Uni – France – Etats-Unis)The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce – Royaume-Uni – Irlande – Pays-Bas – France)Mon roi, de Maïwenn (France)Mia madre, de Nanni Moretti (Italie – France)Saul fia (Le Fils de Saul), de László Nemes (Hongrie)Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France)Youth, de Paolo Sorrentino (Italie – France – Suisse – Royaume-Uni)Louder than Bombs (Plus fort que les bombes), de Joachim Trier (Norvège – France – Danemark – Etats-Unis)The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis)Sicario, de Denis Villeneuve (Etats-Unis).Hors compétitionLa Tête haute (film d’ouverture), d’Emmanuelle Bercot (France)Irrational Man (L’Homme irrationnel), de Woody Allen (Etats-Unis)Inside Out (Vice versa), de Pete Docter (Etats-Unis)Mad Max : Fury Road, de George Miller (Australie – Etats-Unis)Le Petit Prince, de Mark Osborne (France)Séances de minuit O Piseu (Office), de Hong Won-chan (Corée du Sud)Amy, d’Asif Kapadia (Royaume-Uni)Love, de Gaspar Noé (France)Séances spécialesAsphalte, de Samuel Benchetrit (France)Oka, de Souleymane Cisse (Mali)Une histoire de fou, de Robert Guédiguian (France)Hayored Lema’ala (L’Esprit de l’escalier), d’Elad Keidan (Israël)Sipur al Ahava ve Choshech (Une histoire d’amour et de ténèbres), de Natalie Portman (Etats-Unis)Amnesia, de Barbet Schroeder (Suisse – France)Panama, de Pavle Vuckovic (Serbie)Un certain regardAn (film d’ouverture), de Naomi Kawase (Japon)Masaan, de Neeraj Ghaywan (Inde)Hrutar (Béliers), de Grímur Hakonarson (Islande)Kishibe no Tabi (Vers l’autre rive), de Kurosawa Kiyoshi (Japon)Je suis un soldat, de Laurent Larivière (France – Belgique).Zvizdan (Soleil de plomb), de Dalibor Matanic (Croatie – Serbie – Slovénie)Taklub, de Brillante Mendoza (Philippines)The Other Side, de Roberto Minervini (France – Italie)Un etaj mai jos (L’Etage du dessous), de Radu Muntean (Roumanie – France – Suède – Allemagne)Mu-roe-han (The Shameless), d’Oh Seung-uk (Corée du Sud)Las Elegidas (The Chosen Ones), de David Pablos (Mexique)Nahid, d’Ida Panahandeh (Iran)Comoara (Le Trésor), de Corneliu Porumboiu (France – Roumanie)Alias Maria, de José Luis Rugeles Gracia (Colombie – Argentine)Madonna, de Shin Su-won (Corée du Sud)Chauthi Koot (La Quatrième Voie), de Gurvinder Singh (Inde)Rak ti khon kaen, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)Maryland, d’Alice Winocour (France – Belgique)Lamb, de Yared Zeleke (Ethiopie) La Quinzaine des réalisateursL’Ombre des femmes (film d’ouverture), de Philippe Garrel (France)A Perfect Day, de Fernando Leon de Aranoa (Espagne)Allende, mi Abuelo Allende, de Marcia Tambutti Allende (Chili – Mexique)As Mil e Uma Noites (Les Mille et Une Nuits), de Miguel Gomes (Portugal – France – Allemagne)- Volume 1, O inquieto- Volume 2, O desolado- Volume 3, O encantadoLes Cowboys, de Thomas Bidegain (France)Dope (film de clôture), de Rick Famuyiwa (Etats-Unis)Efterskalv, de Magnus von Horn (France – Pologne – Suède)El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra (Colombie – Venezuela – Argentine)Fatima, de Philippe Faucon (France)Green Room, de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)Much Loved, de Nabil Ayouch (Maroc - France)Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (France)Peace to Us in our Dreams, de Sharunas Bartas (Lituanie - France)Songs my Brothers Taught Me, de Chloé Zhao (Etats-Unis)Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Luxembourg – France – Belgique)Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France) La Semaine de la critiqueDégradé, d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine – France – Qatar)Les Anarchistes (film d’ouverture), d’Elie Wajeman (France)Krisha, de Trey Edward Shults (Etats-Unis)Mediterranea, de Jonas Carpignano (Italie – France – Etats-Unis – Allemagne – Qatar)Ni le ciel ni la terre (The Wakhan Front), de Clément Cogitore (France – Belgique)Paulina (La Patota), de Santiago Mitre (Argentine – Brésil – France)Sleeping Giant, d’Andrew Cividino (Canada)La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), de César Augusto Acevedo (Colombie – France – Pays-Bas – Chili – Brésil) ACIDCosmodrama, de Philippe Fernandez (France – Belgique)Crache cœur, de Julia Kowalski (France – Pologne)De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch (France)Gaz de France, de Benoît Forgeard (France)Je suis le peuple, d’Anna Roussillon (France)Pauline s’arrache, d’Emilie Brisavoine (France)The Grief of Others, de Patrick Wang (Etats-Unis)La Vanité, de Lionel Baier (Suisse – France)Volta a Terra , de Joao Pedro Placido (Portugal – France – Suisse) Cannes ClassicsCopies restauréesRocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960, Italie – France)Les Yeux brûlés, de Laurent Roth (1986, France)Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958, France)La Noire de… (Black Girl), d’Ousmane Sembène (1966, France – Sénégal)Insiang, de Lino Brocka (1976, Philippines)Le Sud, de Fernando Solanas (1988, Argentine – France)Le Conte du chrysanthème tardif, de Kenji Mizoguchi (1939, Japon)Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku (1973, Japon)Les Sans-Espoir, de Miklós Jancsó (1965, Hongrie)Les Ordres (Orderers), de Michel Brault (1974, Canada)Panique, de Julien Duvivier (1946, France)Xia Nu (A Touch of Zen), de King Hu (1973, Taïwan)Dobro Pozhalovat, ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing), d’Elem Klimov (1964, URSS)L’Histoire officielle, de Luis Puenzo (1984, Argentine)Marius, d’Alexander Korda (1931, France)Documentaires sur le cinémaHitchcock/Truffaut, de Kent Jones (Etats-Unis)Depardieu grandeur nature, de Richard Melloul (France)Steve McQueen : the Man & Le Mans, de Gabriel Clarke et John McKenna (Etats-Unis – Royaume-Uni)By Sidney Lumet, de Nancy Buirski (Etats-Unis)Harold and Lilian : a Hollywood Love Story, de Daniel Raim (Etats-Unis)La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend), d’Alexis Veller (France)Centenaire Orson WellesCitizen Kane, d’Orson Welles (1941, Etats-Unis)The Third Man (Le Troisième Homme), de Carol Reed (1949, Royaume-Uni)The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghaï), d’Orson Welles (1948, Etats-Unis)Orson Welles. Autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (France)This Is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (France)Autres hommagesMore, de Barbet Schroeder (1969, RDA – France – Luxembourg)Visita ou Memorias e Confissoes, de Manoel de Oliveira (1982, Portugal)Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid), de Stig Björkman (Suède)Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Evrard « Quand j’ai appris le lancement de la série « Game of Thrones » sur HBO en 2011, j’ai sauté de joie », raconte Michael Fairbrother au site d’information Quartz. C’est sûrement avec le même plaisir que le président de l’Association américaine des producteurs d’hydromel (AMMA) a découvert le rapport sur la production d’hydromel pour 2014 : 128 % d’augmentation par rapport à 2013 pour la « boisson des dieux », un mélange fermenté de miel et d’eau consommé abondamment dans la série. Sur la même période, les ventes ont bondi de 42 %. A titre de comparaison, la hausse pour les vins n’est que de 6,3 %.Ces chiffres exceptionnels coïncident en effet avec l’arrivée de la célèbre série « Game of Thrones » sur les écrans. Mais ce n’est pas la seule explication possible du retour en force de la boisson. Toujours auprès de Quartz, Michael Fairbrother met en avant la diversité et l’originalité des parfums : l’hydromel n’est plus tout à fait celui du Moyen-Age. Aujourd’hui, on l’agrémente de mûres, de piments ou de pommes pour lui donner meilleur goût. « Allier l’ingéniosité de la bière artisanale à une histoire extrêmement rétro, le tout sous l’influence d’une série à succès : la recette parfaite pour plaire aux hipsters américains », constate The Independant.La recette pourrait-elle être dupliquée en France ? L’enthousiasme ne semble pas le même dans l’Hexagone. Contacté par Le Figaro, le producteur Alain Laperrousaz affirme que la demande d’hydromel n’a pas augmenté récemment. Pas d’effet « Game of Thrones », même si des bars parisiens proposent bien la boisson, naturelle ou en cocktail. Aurélie Panhelleux est barmaid au CopperBay, dans le 10e arrondissement de Paris. Sur la carte hivernale, le cocktail De la Bretagne, à base de whisky de seigle, de pommeau de Bretagne, de bénédictine, de concentré de badiane et d’hydromel a rencontré un grand succès. « Les clients étaient plutôt dans une démarche de découverte de nouvelles saveurs que dans celle d’imiter les héros de “Game of Thrones”. Ce n’est pas comme pour le Old Fashioned, que beaucoup de clients commandent parce qu’ils ont vu Don Drapper en boire dans “Mad Men”. » Vins dorniens et vins de la TreillePas très étonnant, finalement : dans la série « Game of Thrones », les allusions directes à l’hydromel sont rares. Idem dans les livres de G.R.R. Martin, à l’origine de la saga. La boisson apparaît brièvement dans une citation tirée du trente-deuxième chapitre du quatrième tome : « Il était allé apporter de notre hydromel au marché, le jour même ou les hors-la-loi se sont abattus sur la ville. » Au fil des tomes, les mentions sont noyées sous des litres de vins, dont Dorne et La Treille – des régions du royaume imaginaire de Westeros – sont de grands producteurs. Sur le forum Lagardedenuit.com, premier site français consacré aux livres et à la série, les fans comme Ayvm sont catégoriques : « L’hydromel a une place mineure dans la saga, surtout comparé au vin. De plus, si cette boisson est plusieurs fois évoquée dans les livres, je ne sais pas si elle l’est une seule fois dans la série. »Le renouveau de l’hydromel aux Etats-Unis pourrait s’expliquer par un phénomène mondial plus profond et plus ancien : « Le Moyen-Age et le médiéval fantastique exercent une attraction grandissante. Depuis quinze ans, on a la vague Harry Potter, Tolkien, Narnia, Ridley Scott et maintenant “Game of Thrones”, qui apporte une consolidation culture pop à cet engouement », explique Christopher Germier, responsable de la communication et médiateur culturel au Centre de l’imaginaire arthurien en Brocéliande. « Donc les gens ont redécouvert l’hydromel, au même titre que l’hypocras et une passion pour les chevaliers. Le seul lien avec la série, c’est peut-être qu’on se boit un verre d’hydromel en matant son épisode de la semaine, pour se mettre dans l’ambiance. »Thomas Evrard 12.05.2015 à 15h52 • Mis à jour le13.05.2015 à 09h51 La Sélection officielleEn compétitionDheepan (titre provisoire), de Jacques Audiard (France)La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France)Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France)Chronic, de Michel Franco (Mexique)Il racconto dei racconti (Tale of Tales), de Matteo Garrone (Italie – France – Royaume-Uni)Carol, de Todd Haynes (Royaume-Uni – Etats-Unis)Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Taïwan)Shan he gu ren (Mountains May Depart), de Jia Zhang-Ke (Chine – France)Umimachi Diary (Notre petite sœur), de Kore-eda Hirokazu (Japon)Macbeth, de Justin Kurzel (Royaume-Uni – France – Etats-Unis)The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce – Royaume-Uni – Irlande – Pays-Bas – France)Mon roi, de Maïwenn (France)Mia madre, de Nanni Moretti (Italie – France)Saul fia (Le Fils de Saul), de László Nemes (Hongrie)Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France)Youth, de Paolo Sorrentino (Italie – France – Suisse – Royaume-Uni)Louder than Bombs (Plus fort que les bombes), de Joachim Trier (Norvège – France – Danemark – Etats-Unis)The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis)Sicario, de Denis Villeneuve (Etats-Unis).Hors compétitionLa Tête haute (film d’ouverture), d’Emmanuelle Bercot (France)Irrational Man (L’Homme irrationnel), de Woody Allen (Etats-Unis)Inside Out (Vice versa), de Pete Docter (Etats-Unis)Mad Max : Fury Road, de George Miller (Australie – Etats-Unis)Le Petit Prince, de Mark Osborne (France)Séances de minuitO Piseu (Office), de Hong Won-chan (Corée du Sud)Amy, d’Asif Kapadia (Royaume-Uni)Love, de Gaspar Noé (France)Séances spécialesAsphalte, de Samuel Benchetrit (France)Oka, de Souleymane Cisse (Mali)Une histoire de fou, de Robert Guédiguian (France)Hayored Lema’ala (L’Esprit de l’escalier), d’Elad Keidan (Israël)Sipur al Ahava ve Choshech (Une histoire d’amour et de ténèbres), de Natalie Portman (Etats-Unis)Amnesia, de Barbet Schroeder (Suisse – France)Panama, de Pavle Vuckovic (Serbie)Un certain regardAn (film d’ouverture), de Naomi Kawase (Japon)Masaan, de Neeraj Ghaywan (Inde)Hrutar (Béliers), de Grímur Hakonarson (Islande)Kishibe no Tabi (Vers l’autre rive), de Kurosawa Kiyoshi (Japon)Je suis un soldat, de Laurent Larivière (France – Belgique).Zvizdan (Soleil de plomb), de Dalibor Matanic (Croatie – Serbie – Slovénie)Taklub, de Brillante Mendoza (Philippines)The Other Side, de Roberto Minervini (France – Italie)Un etaj mai jos (L’Etage du dessous), de Radu Muntean (Roumanie – France – Suède – Allemagne)Mu-roe-han (The Shameless), d’Oh Seung-uk (Corée du Sud)Las Elegidas (The Chosen Ones), de David Pablos (Mexique)Nahid, d’Ida Panahandeh (Iran)Comoara (Le Trésor), de Corneliu Porumboiu (France – Roumanie)Alias Maria, de José Luis Rugeles Gracia (Colombie – Argentine)Madonna, de Shin Su-won (Corée du Sud)Chauthi Koot (La Quatrième Voie), de Gurvinder Singh (Inde)Rak ti khon kaen, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)Maryland, d’Alice Winocour (France – Belgique)Lamb, de Yared Zeleke (Ethiopie)www.festival-cannes.fr La Quinzaine des réalisateursL’Ombre des femmes (film d’ouverture), de Philippe Garrel (France)A Perfect Day, de Fernando Leon de Aranoa (Espagne)Allende, mi Abuelo Allende, de Marcia Tambutti Allende (Chili – Mexique)As Mil e Uma Noites (Les Mille et Une Nuits), de Miguel Gomes (Portugal – France – Allemagne)- Volume 1, O inquieto- Volume 2, O desolado- Volume 3, O encantadoLes Cowboys, de Thomas Bidegain (France)Dope (film de clôture), de Rick Famuyiwa (Etats-Unis)Efterskalv, de Magnus von Horn (France – Pologne – Suède)El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra (Colombie – Venezuela – Argentine)Fatima, de Philippe Faucon (France)Green Room, de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)Much Loved, de Nabil Ayouch (Maroc - France)Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (France)Peace to Us in our Dreams, de Sharunas Bartas (Lituanie - France)Songs my Brothers Taught Me, de Chloé Zhao (Etats-Unis)Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Luxembourg – France – Belgique)Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France)www.quinzaine-realisateurs.com La Semaine de la critiqueDégradé, d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine – France – Qatar)Les Anarchistes (film d’ouverture), d’Elie Wajeman (France)Krisha, de Trey Edward Shults (Etats-Unis)Mediterranea, de Jonas Carpignano (Italie – France – Etats-Unis – Allemagne – Qatar)Ni le ciel ni la terre (The Wakhan Front), de Clément Cogitore (France – Belgique)Paulina (La Patota), de Santiago Mitre (Argentine – Brésil – France)Sleeping Giant, d’Andrew Cividino (Canada)La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), de César Augusto Acevedo (Colombie – France – Pays-Bas – Chili – Brésil)www.semainedelacritique.com ACIDCosmodrama, de Philippe Fernandez (France – Belgique)Crache cœur, de Julia Kowalski (France – Pologne)De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch (France)Gaz de France, de Benoît Forgeard (France)Je suis le peuple, d’Anna Roussillon (France)Pauline s’arrache, d’Emilie Brisavoine (France)The Grief of Others, de Patrick Wang (Etats-Unis)La Vanité, de Lionel Baier (Suisse – France)Volta a Terra , de Joao Pedro Placido (Portugal – France – Suisse)www.lacid.org Cannes ClassicsCopies restauréesRocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960, Italie – France)Les Yeux brûlés, de Laurent Roth (1986, France)Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958, France)La Noire de… (Black Girl), d’Ousmane Sembène (1966, France – Sénégal)Insiang, de Lino Brocka (1976, Philippines)Le Sud, de Fernando Solanas (1988, Argentine – France)Le Conte du chrysanthème tardif, de Kenji Mizoguchi (1939, Japon)Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku (1973, Japon)Les Sans-Espoir, de Miklós Jancsó (1965, Hongrie)Les Ordres (Orderers), de Michel Brault (1974, Canada)Panique, de Julien Duvivier (1946, France)Xia Nu (A Touch of Zen), de King Hu (1973, Taïwan)Dobro Pozhalovat, ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing), d’Elem Klimov (1964, URSS)L’Histoire officielle, de Luis Puenzo (1984, Argentine)Marius, d’Alexander Korda (1931, France)Documentaires sur le cinémaHitchcock/Truffaut, de Kent Jones (Etats-Unis)Depardieu grandeur nature, de Richard Melloul (France)Steve McQueen : the Man & Le Mans, de Gabriel Clarke et John McKenna (Etats-Unis – Royaume-Uni)By Sidney Lumet, de Nancy Buirski (Etats-Unis)Harold and Lilian : a Hollywood Love Story, de Daniel Raim (Etats-Unis)La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend), d’Alexis Veller (France)Centenaire Orson WellesCitizen Kane, d’Orson Welles (1941, Etats-Unis)The Third Man (Le Troisième Homme), de Carol Reed (1949, Royaume-Uni)The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghaï), d’Orson Welles (1948, Etats-Unis)Orson Welles. Autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (France)This Is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (France)Autres hommagesMore, de Barbet Schroeder (1969, RDA – France – Luxembourg)Visita ou Memorias e Confissoes, de Manoel de Oliveira (1982, Portugal)Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid), de Stig Björkman (Suède)www.festival-cannes.fr/fr/festival/CannesClassics.html Lisa Vignoli Quand les VIP veulent faire une pause dans la fureur cannoise, ils se retrouvent au « patio » de Canal+. Chaque année, la chaîne cryptée aménage à grands frais cet espace indispensable à son image de marque. De l’extérieur, c’est un sobre bloc gris clair, à la droite du Palais des festivals. Pas de tapis rouge qui détourne la trajectoire du badaud cannois vers les marches. A peine une moquette recouvrant le bitume du même gris sur quelques mètres et, peut-être, ce « Canal + » en lettres blanches sur la façade et ces vigiles à l’entrée pour attirer le regard. Mais les initiés, eux, savent. Méconnu du grand public, le « patio » de Canal + est un must dans le petit milieu. Pendant toute la durée du festival, producteurs, réalisateurs, talents, auteurs, et professionnels du cinéma convergent ici.« Il n’y a pas de passe mais on laisse entrer les gens que l’on connaît », indique la directrice des relations publiques de Canal + et capitaine de ce navire discret, Véronique Revel-Rongier. C’est elle qui se charge de tout. Des rendez-vous officiels, comme ce déjeuner, la veille du festival, où se réunit l’équipe d’ouverture, aux rituels les plus institutionnalisés. Chaque année, par exemple, après la remise de la Palme et pendant la projection du film de clôture, remettants et lauréats se retrouvent ici. Au patio, Jean Dujardin est venu fêter en 2011 son Prix d’interprétation pour The Artist, l’équipe de La Vie d’Adèle sa Palme en 2013 et Xavier Dolan son Prix du jury, l’an dernier. Pour Canal +, puissant prescripteur du cinéma français et partenaire du Festival depuis vingt-cinq ans, disposer d’un tel lieu de rencontres est certes « un investissement important », mais aussi un atout indispensable pour recevoir ses invités comme à la maison. Lieu de détente, le patio de Cannes se veut aussi un lieu de rencontres professionnelles sur un mode décontracté. « Pour Studio Canal [la filiale d’acquisition, de coproduction et de distribution de films du groupe], cela reste un espace plus informel et confidentiel que leur stand au Marché du film », à quelques mètres de là, explique la chaîne.Cet espace de 1 200 mètres carrés à l’atmosphère conviviale donne l’impression d’avoir toujours été là, avec son jonc de mer au sol, ses photos en noir et blanc aux murs et ses différentes terrasses. Mais avant de prendre place ici, les blocs qui le composent sont conservés le reste de l’année en région parisienne, transportés jusqu’à Cannes par treize semi-remorques et débarqués, avant d’être décorés, par une immense grue qui les place les uns à côté des autres, le tout en près d’un mois. « C’est comme une construction d’enfants », s’amuse Véronique Revel-Rongier. Quand tout est en place, les grands enfants viennent y célébrer les cinémas du monde entier. Et cela donne parfois lieu à des scènes inattendues : Sharon Stone baba d’admiration devant Agnès Varda, et lui disant : « Je suis prête à ce que tu me filmes pour n’importe quoi. » Patti Smith venue faire un concert surprise pour Vanessa Paradis, sa fan numéro un... Une ambiance bon enfant ponctuée de rares moments d’inimitié. Comme ce petit air glacé dans l’assistance quand les producteurs des biopics concurrents consacrés à Yves Saint Laurent se sont croisés. « Les gens qui mettent un soin particulier à s’éviter à Paris ont du mal à le faire ici », s’amuse un témoin de la scène.Lisa Vignoli Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et lady Macbeth comme une perte de sens, un effondrement non seulement des valeurs mais aussi de la réalité. Comme le déclament les sorcières à la première scène du premier acte : « Le beau est affreux, l’affreux est beau. »Relais vers l’enferMichael Fassbender et Marion Cotillard ont la lourde charge de faire vivre le texte de Shakespeare, démembré, recomposé, mais intact en ses parties. Au long du film (bien plus bref qu’il ne le serait si l’intégralité de la pièce avait été conservée), ils courent une espèce de relais vers l’enfer. Un bref prologue les a montrés mettant en terre leur enfant et cette remontée à l’origine de leur disposition au malheur – le leur et celui des autres – apparaît un peu superflue. Car Marion Cotillard trouve aisément le sens de l’insatiable appétit de Lady Macbeth avant que l’horreur l’envahisse face à l’offensive de la mort qu’elle a provoquée. Michael Fassbender, athlète fragile, hésite et regrette avant d’embrasser le mal tout en abandonnant la raison.Il y a quelque chose d’un peu systématique dans cette approche, sensation encore renforcée par la décision implacable de Kurzel et son chef opérateur Adam Arkapaw de sous-éclairer chaque plan (à une exception près), par l’élision du seul moment comique de la pièce et par l’interprétation toujours infernale des morceaux de bravoure : si la forêt de Birnam avance jusqu’à Dunsinane, ce n’est pas parce que les assaillants du château de Macbeth en ont coupé les rameaux pour se dissimuler, mais parce qu’elle a brûlé et que ses cendres sont portées par le vent. Si bien qu’avant même d’accomplir son destin (désolé pour le spoiler), l’usurpateur brûle déjà en enfer. Heureusement, Shakespeare est inépuisable et chaque lecture, sur scène ou à l’écran, ajoute – à condition qu’elle soit intelligente et brave, ce qui est le cas ici – à la richesse du matériau.Film britannique et français de Justin Kurzel avec Michael Fassbender, Marion Cotillard (1 h 53). Sortie le 4 novembre. Sur le Web : www.studiocanal.fr/cid34570/macbeth.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet « You’re entering a world of pain » : vous pénétrez dans un monde de souffrance. A l’approche de la cérémonie de clôture, la réplique de The Big Lebowski, des frères Coen, exprime assez finement le degré d’affliction des festivaliers. Prostration des corps, dissolution des mœurs, accablement généralisé : il est temps que tout ceci cesse.D’ici là, une dernière épreuve attend les suppliciés : le jeu des pronostics. Jeu aussi stérile qu’une partie de bowling, mais auquel la population s’adonne avec un sérieux digne de « Sa Duditude », pour rester dans le jargon des Coen. En attendant leur oracle, rendu dimanche soir, les supputations vont bon train.D’aucuns misent gros sur Sicario, du Canadien Denis Villeneuve. Xavier Dolan, qui fait partie des neuf jurés, mènerait une vibrante campagne en faveur de son compatriote, qui a eu la bonne idée de recourir au chef opérateur historique des Coen, Roger Deakins, et à l’un de leurs acteurs fétiches, Josh Brolin. Si l’on suit cette logique hasardeuse, Louder than Bombs, avec Gabriel Byrne, et surtout Mia Madre, où étincelle John Turturro, autre acteur coenien, pourraient également figurer au palmarès. Le film de Nanni Moretti a d’autant mieux rassemblé les suffrages qu’il résume avec une infinie délicatesse l’axe fort du cru 2015 : comment composer avec la mort. Mort des proches, des langues, du cinéma : la réflexivité de l’Italien fait écho au prochain film des présidents du jury, Hail Caesar !, qui se passe dans le Hollywood des années 1950.La même époque est chroniquée avec acuité par Todd Haynes, dans Carol, autre favori aux côtés de Youth et The Lobster : l’humour pince-sans-rire de Paolo Sorrentino et Yorgos Lanthimos résonne avec le penchant des Coen pour les contes absurdes, lardés de dialogues piquants. L’empressement avec lequel les distributeurs américains se sont arrachés Le Fils de Saul, l’allégorie controversée de Laszlo Nemes sur les camps de la mort, indique, là aussi, une fortune favorable.S’ils venaient à couronner un cinéaste asiatique, qui, de Hou Hsiao-hsien à Jia Zhang-ke, ont autant ravi que désarçonné, les Coen créeraient en revanche la surprise. Ce faisant, il tordraient opportunément le cou à leur réputation d’insularité, eux qui n’ont jamais tourné ailleurs qu’en Amérique du Nord.La délégation française, qui a beaucoup déçu, n’espère rien, d’autant que s’éloigne l’éventualité d’un prix d’interprétation pour Gérard Depardieu, après les amabilités qu’il a échangées, par voie de presse, avec la jurée Sophie Marceau.Ne jurons de rien, cependant : dimanche, ces hypothèses pourraient bien s’effondrer comme un jeu de quilles – c’est même, de toutes, la plus probable des pistes.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande (Arles) Le guitariste Misja Fitzgerald Michel, 40 ans, se présente en solo. Physique de cinéma, peu de concessions, crâne presque rasé, comme tous ces garçons qui, non sans égard pour leurs aînés, ratiboisent une chevelure abondante. Nous sommes dans la chapelle du Méjean, à Arles (Bouches-du-Rhône). Misja Fitzgerald Michel a publié un album remarquable (Encounter, No Format) autour des compositions de Nick Drake.Ici, il aligne une improvisation pure, quatre compositions personnelles dont une dédiée à Ornette Coleman, un Don’t Explain formidablement bien réinventé, une chanson de Nick Drake à pleurer, et Nardis, superbement enlevé pour la route. Nardis, un vain peuple pense que c’est une composition de Miles Davis. Que nenni. Les curieux savent que Miles s’est contenté (passons) de signer l’œuvre. Pratique courante dans une musique qui est le fruit d’une collaboration aussi inconsciente que collective.Les plus avisés croient que Nardis est de Bill Evans. Nous ne sommes que deux ou trois à savoir que c’est de Chuck Wayne. Misja Fitzgerald Michel le confirme par l’analyse musicale : « C’est plus normal, c’est un morceau de guitariste, il est écrit en mi mineur. » Je viens de l’apprendre.La plus forte interprétation de sa partie, c’est Lonely Woman. Lonely Woman est une composition d’Ornette Coleman. Une des plus belles, douloureuses, chansons du XXe siècle. Misja Fitzgerald Michel expose le thème sans une fioriture. Puis il se lance dans une orchestration foisonnante, tragique, celle qu’il jouerait en creux avec Ornette Coleman et le très regretté Don Cherry dans Lonely Woman. Après quoi, il passe la main à « une légende », Barre Phillips en trio (avec Urms Leimgruber, sax, Jacques Demierre, piano), pour la tournée de son 80e anniversaire.Ornette Coleman est né en 1930 à Fort Worth (Texas). Lonely Woman, ce n’est pas une tocade pseudo romantique. En passant, enfant, devant une vitrine de photographe dans sa ville (enfance de sous-lumpen prolétariat noir, mère assez aimante pour l’appeler « Ornette »), il voit une image de femme dont le regard le hante encore. Lonely Woman, c’est elle.Seul titulaire afro-américain du plus que prestigieux du prix Præmium Imperiale, Ornette Coleman vient de la rude école du rhythm and blues. En 1960, il défraie la chronique avec un album bouillonnant, Free Jazz. Couverture de Jackson Pollock. Ornette ne laisse rien au hasard. Si on republiait aujourd’hui l’opinion des autorités du jazz de l’époque (et de quelques musiciens bienaimés), ce serait Hiroshima. Le trio de Barre Phillips, « la légende » a de quoi faire tomber des nues les jeunes générations. Pas pour la part « ludique », comme ânonnent les ânes, non, pour la part de théâtralité, Barre et son beau visage de bonze au geste doux. Harmoniques venues du ciel et âme en liberté. Un égaré dans le public du Méjean, ose un coup de flash. Barre Phillips, tel Debureau (Jean-Louis Barrault) dans Les Enfants du Paradis, le suit des yeux, de l’archet, s’amuse, calme toute velléité de selfie.Barre a joué avec le Who’s Who du jazz, tous styles confondus, longtemps avec la danseuse Carolyn Carlson, pratiqué le théâtre musical (en est-il d’autre ?). En trio avec Leimgruber et Demierre, c’est un festival d’intelligence, de musicalité, d’interventions saugrenues, de déchaînements cocasses. Prodigieuse machine à penser, à rêver, à aimer. Bien au-delà d’Ornette et de toute règle. À noter : Misja, comme le Barre Phillips Trio, sont descendus à deux reprises aux bord des grands gouffres du silence. Ont créé dans le public un silence qui n’arrive qu’une ou deux fois par saison. Un silence qui donnait tout son sens à la musique. Mystère du Méjean.Festival Jazz in Arles, jusqu’au 23 mai.Francis Marmande (Arles)Journaliste au Monde Daniel Psenny Le parcours chaotique d’un géant du cinéma considéré par ses pairs comme le meilleur réalisateur de tous les temps (dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma).Derrière sa barbe bien peignée, ses yeux malicieux et sa masse imposante, Orson Welles ne cache pas son amertume et une certaine forme de cynisme. « Le cinéma, c’est 2 % de création et 98 % de prostitution », confie-t-il à la caméra après avoir expliqué dans une longue interview accordée à la BBC comment les majors d’Hollywood l’ont spolié et banni des studios durant onze ans. Le documentaire inédit This is Orson Welles, que les productrices Clara et Julia Kuperberg proposent à l’occasion du centenaire de sa naissance, retrace le parcours chaotique de l’auteur de Citizen Kane.Voir aussi le visuel interactif : « This is Orson Welles », un portrait inédit du cinéasteUn « magicien » de l’imageC’est aussi un portrait intime de cet artiste aux multiples facettes (réalisateur, producteur, prestidigitateur, écrivain, acteur, homme de radio…) qui, à travers les témoignages de ses proches (dont sa fille Chris) et de rares archives, se révèle comme un homme blessé, n’ayant jamais pu aller jusqu’au bout de ses rêves et de son génie. Que ce soit à la radio en 1938 avec La Guerre des mondes, œuvre radiophonique dans laquelle, du haut de ses 23 ans, il sema la panique aux Etats-Unis en faisant croire à une invasion des Martiens (une émission qui lui ouvrit les portes d’Hollywood), à Citizen Kane, qu’il réalisa à l’âge de 25 ans (considéré comme le meilleur film de tous les temps par ses admirateurs Milos Forman, Steven Spielberg ou Martin Scorsese), Welles a révolutionné l’art sous toutes ses formes. « CitizenKane est un grand chef-d’œuvre, qui me bouleverse chaque fois que je le vois », explique Martin Scorsese, pour qui le réalisateur est un « magicien » de l’image, qui a bouleversé « la grammaire filmique ».Plusieurs chefs-d’œuvreIl n’a pu l’exprimer que dans quelques films, en raison de l’incompréhension et de l’intransigeance des studios hollywoodiens, dont les dirigeants n’ont jamais compris sa démarche cinématographique. La filmographie du réalisateur recense, d’ailleurs, de nombreux films restés à l’état de projets ou inachevés. On y trouve toutefois plusieurs chefs-d’œuvre, comme La Dame de Shanghaï (1947), magnifié par la présence de Rita Hayworth (sa deuxième femme, dont il divorcera quelques mois plus tard), La Soif du mal (1958), avec Charlton Heston et Janet Leigh, dont la fin fut sérieusement amputée sans qu’Orson Welles en soit averti, ou Le Criminel (1948), avec Orson Welles et Edward G. Robinson qui fut un des premiers films américains à montrer les camps de la mort nazis. Sans oublier, bien sûr, ses adaptations des pièces de Shakespeare (Macbeth, Othello, Falstaff), que l’artiste considérait comme le plus grand poète de tous les temps, et dont on peut d’ailleurs voir l’influence dans Citizen Kane à travers son personnage hanté par la solitude et la mort.Dans ce documentaire riche en témoignages, on notera ceux des réalisateurs Peter Bogdanovich et Henry Jaglom qui dressent un portrait intime de l’artiste dont le téléspectateur ne peut que tomber sous le charme. « Tout ce qu’il touchait se transformait en art », résume sa fille Chris.This is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (Fr., 2015, 52 min). Rediffusions : le 27 mai à 8 heures ; le 28 mai à 0 h 10 ; le 1er juin à 8 h 50 ; le 8 juin à 10 h 45 ; le 11 juin à 19 h 45. Disponible sur le service de replay TCM Cinéma à la demande jusqu’au 22 juin. Dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Sélection officielle – en compétitionOn ne les avait pas revus ensemble au cinéma depuis Loulou. Pialat, 1980. Tournage épouvantable. Ils ne vieilliraient pas ensemble. Et puis un jour, il y a deux ans, idée de Guillaume Nicloux, le réalisateur de La Religieuse et de L’Enlèvement de Michel Houellebecq. Coup de fil à la productrice, Sylvie Pialat, qui fut l’épouse de Maurice. Reconstitution de couple mythique dissous. Huppert-Depardieu. Avec, en prime, les sites sublimes de la Vallée de la Mort. Chaleurs et frissons garantis.Allez parler ensuite d’un film pareil ! Isabelle et Gérard, tels qu’en eux-mêmes par 50 °C à l’ombre. Six mois auparavant, leur fils Michael est mort. Avant de se suicider, il leur a laissé à chacun une lettre. « Je te demande d’être présent dans la Vallée de la Mort le 12 novembre 2014. Tous les deux, oui, tu as bien lu, toi et papa. » « Toi et maman », dans l’autre lettre. « Il y a un planning des endroits où vous devez aller, le jour précis et les horaires où vous devez m’attendre car je vais revenir, pour peu de temps, mais je serai là. Et je vous verrai… » Alors ils sont venus. Tous les deux. Séparément, vu qu’ils sont séparés depuis longtemps. Isabelle et Gérard, comme si cette histoire était la leur. Deux comédiens, dans la vie comme dans le film. Une chambre chacun dans un motel niché au cœur de Death Valley.On l’a compris, Valley of Love se joue constamment des effets croisés de la vérité et de la fiction. Des interactions entre la personne – Huppert, Depardieu – et le personnage – Isabelle, Gérard – qu’elle incarne. Conversation dans le désert entre deux ex. Deuil. Croyance que tout est possible. Qu’il faut, à cet instant, que tout soit possible. Impossibilité de retrouvailles qui ont pourtant bel et bien lieu. Culpabilité vis-à-vis d’un enfant dont on ne s’est guère occupé, elle surtout, et qui affirme aujourd’hui, de là où il est, ne plus leur en vouloir. On ne sait pas grand-chose de ses propres enfants, dit Gérard. On n’est jamais averti de leurs grandes décisions. Bouddha dans l’eauDeux plans formidables. En ouverture du film, Huppert de dos, traînant sa valise à roulette. C’est fou comme on reconnaît immédiatement sa silhouette, démarche volontaire, cette manière inimitable de dire non à la vie et à la terre avec ses talons. A cet instant, mais nous ne le savons pas, une seule idée l’obsède : la lettre de son fils. Un peu plus tard, après nous avoir asséné deux ou trois fois « Putain, la chaleur ! », Gérard se baigne dans la piscine du motel. Bouddha dans l’eau. Boudu la tête hors de l’eau. Enorme et fascinant Depardieu.Fort d’un tel casting et d’un tel dispositif, Valley of Love ne pouvait pas ne pas toucher. Ne pas emporter le premier venu des festivaliers. Et pourtant, il lui manque un petit quelque chose, ce supplément d’âme et de cinéma qui fait les grands films. Comme si le scénario, trop écrit, trop lisse et ténu, grevé par sa symbolique, finissait par prendre le pas sur l’émotion.Au début, c’est Isabelle qui croit le plus au message laissé par son fils. Et puis, progressivement, Gérard finit par céder à son tour au vertige de cette apparition impossible. C’est l’instant où l’on devrait être bouleversé, croire à ce quelque chose d’essentiel qui se recrée entre cet homme et cette femme. A cette histoire, interrompue depuis des années, qui par la magie d’une lettre, retrouve son fil.Comme dans La Rose et le Réséda, il y aura ceux qui y croiront et ceux qui n’y croiront pas. Ceux qui prendront au pied de la lettre cette quête éperdue de signes annonciateurs, et ceux qui, au contraire, n’en auront que faire, préférant se concentrer sur les retrouvailles, trente-cinq ans après, de deux acteurs extraordinaires. Dissemblables physiquement, ah ! ça, pour le moins, mais aussi talentueux l’un et l’autre. Alors quand ce bon géant de Gérard caresse la joue d’Isabelle avec ses gros doigts, c’est tout l’imaginaire du cinéma français qui envahit l’écran sous le soleil de la Californie. Et alors là, oui, nous sommes émus !Film français de Guillaume Nicloux avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu (1 h 32). Sortie le 17 juin. Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/valley-of-loveFranck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionOn sait déjà, grâce à William Shakespeare, que le bilan humain du dernier film en compétition, le Macbeth, de Justin Kurzel, présenté samedi 23 mai, sera lourd. La vision de Chronic, de Michel Franco, son prédécesseur, permet donc de conférer d’ores et déjà à cette édition du Festival de Cannes le label « mort et deuil ».Le jeune (35 ans) réalisateur mexicain de Daniel y Anna et Despues de Lucia a tourné Chronic en Californie et en a confié le premier rôle à Tim Roth. En 2011, l’acteur britannique présidait le jury qui a attribué le prix Un certain regard à Despues de Lucia. En retour, il a reçu la charge d’incarner David, un infirmier spécialisé dans l’assistance en fin de vie. On le découvre à la toilette d’une jeune femme d’une maigreur effroyable. Sarah est atteinte du sida, elle est seule – comme le démontre la visite de pure forme de sa famille – et n’a que David au monde.Michel Franco ne saurait se contenter de ce portrait de samaritain. Il lui faut aussi susciter le malaise, de toute évidence l’émotion que préfère le cinéaste. David suit donc une très jeune fille dont il consulte avidement la page Facebook. Il s’insinue dans la vie d’un autre patient, frappé par un AVC et usurpe son identité, non pour le profit, mais pour changer un instant de peau.Filmer la dégradationC’est qu’elle est difficile à supporter, cette peau de quinquagénaire qui a traversé le deuil et la réprobation – comme on l’apprendra sans surprise au fil de rencontres explicatives. Les épaules voûtées, le regard attentif et le reste du visage résolument privé d’expression, Tim Roth tente de préserver une part d’incertitude, mais ce n’est pas le genre de Michel Franco, qui rappelle en permanence notre condition de mortels et la fragilité de notre enveloppe charnelle. Arrivé au troisième patient, une femme atteinte d’un cancer qui résiste à la chimiothérapie, il est difficile de résister à la tentation de l’indifférence.Elle servira à résister à la pénibilité des images, et surtout, à leur arbitraire. Les séquences de toilette intime de malades privés de leur autonomie ne sont pas forcément la démonstration de la toute-puissance du metteur en scène – voir Amour, de Michael Haneke. Ici, elles semblent n’exister que pour permettre à Michel Franco de filmer la dégradation, comme une démonstration d’une étrange force de caractère. Ce soupçon est confirmé par un épilogue d’une telle brutalité manipulatrice qu’il mériterait d’être dévoilé.Film mexicain de Michel Franco avec Tim Roth, Robin Bartlett, Sarah Sutherland (1 h 33). Sur le Web : www.wildbunchdistribution.com/fichefilm.php?id=209Thomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet Troublant ménage à trois que celui qui unit Cannes, la musique et le cinéma. Depuis 1967, la ville accueille le Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), qui a de plus en plus de mal à trouver sa place – jusqu’ici organisé en février, le prochain Midem se tiendra en juin. Car c’est en mai, durant le Festival du film, que ces liaisons tripartites atteignent leur pleine mesure.Nul autre ne les a mieux incarnées cette année, sur la Croisette, que Snoop Dogg. Le rappeur a glapi à l’envi, de plateau télé en salle de presse, pour promouvoir Bush, son nouvel album – au point de faire figure de favori pour la Palme Dog, qui récompense le meilleur cabot du Festival.De fait, le buisson de Snoop cache une forêt de musiciens spécialement venus pendant la quinzaine. Il y a ceux qui sont là pour se faire la main, et un peu d’argent – de 100 à 30 000 euros, selon la notoriété de l’artiste –, en participant aux myriades de soirées organisées en marge des projections. Le cru 2015 aura ainsi vu Barbara Carlotti, Moodoïd, François & the Atlas Mountains, Tahiti Boy, The Avener, Jeremih ou Mark Ronson fredonner leurs airs ou passer quelques disques, de plage Trucmuche en villa Machin.D’autres accompagnent un film sélectionné, auquel ils ont collaboré. C’était le cas de Gesaffelstein, Raphaël, Camille, Katerine, Yuksek, Pharrell Williams ou Thomas Bangalter, des Daft Punk, qui a posé quelques arpèges sur la B.O. de Love. Pour certains, la présence à Cannes est purement amicale, mais inspirante : trente minutes après la projection de Marguerite et Julien, de son amie Valérie Donzelli, Benjamin Biolay remontait à son hôtel coucher par écrit, et en chanson, son émoi.Et puis il y a les habitués, qui viennent tous les ans siroter le cocktail de films, de rencontres et de lumière qu’offre le Festival – manifestation pop s’il en est. Arnaud Fleurent-Didier est de cette engeance-là. Absent depuis la sortie d’un quatrième album acclamé, La Reproduction, en 2010, il a mis en ligne une nouvelle chanson, Un homme et deux femmes, juste avant la cérémonie d’ouverture. Le clip prend la forme d’un générique de film ; quelques jours plus tard, des passions de Desplechin à celles des Garrel père et fils, les amours triangulaires se glissaient parmi les leitmotivs du Festival.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionAvant l’annonce de sa sélection à Cannes, on avait évoqué les Lettres persanes de Montesquieu à propos de Dheepan. En découvrant le film de Jacques Audiard, on distingue bien une certaine parenté : des gens venus de loin découvrent la France. Mais l’ironie et l’humour des philosophes d’Ispahan a cédé la place à la peur et à la colère de Dheepan, Yalini et Ilayaal, Tamouls qui ont fui le Sri Lanka et ont échoué dans une cité quelque part – nulle part – au sud de Paris.La peur et la colère sont les carburants habituels des films d’Audiard. Elles sont peu propices à l’ironie et à l’humour (encore que celui-ci ne soit pas tout à fait absent de Dheepan) et engendrent naturellement le désir de revanche (dans la vie) et des thrillers (au cinéma) – Sur mes lèvres, Un prophète sont de cette espèce-là, tout comme Dheepan.Mécanique dramatique puissanteCette fois, il ne s’agit pas de mettre en scène des acteurs connus (Emmanuelle Devos, Romain Duris, Niels Arestrup) ou en passe de l’être (Tahar Rahim), mais de mettre en avant un trio d’inconnus, et de faire enfiler au thriller la tenue d’un autre genre : la chronique d’un phénomène social. Dheepan n’est pas le premier film à évoquer le sort des migrants chassés de leur terre vers des contrées qui ont oublié jusqu’au sens du mot « hospitalité », et l’on retrouvera chez Audiard des figures vues mille fois ailleurs – la confrontation avec une administration incompréhensible, la découverte de mœurs étranges (c’est là que Montesquieu passe, au loin). A ceci près que chacune de ces étapes est ici le rouage d’une mécanique dramatique puissante, qui force l’intérêt. Dheepan (Antonythasan Jesuthasan) a combattu dans les rangs des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le mouvement séparatiste écrasé par le pouvoir sri-lankais en 2009. Pour gagner la France, il a convaincu Yalini (Kalieaswari Srinivasan), une jeune femme rencontrée dans un camp de réfugiés, de se faire passer pour sa femme. A son tour, Yalini a trouvé une petite fille, Illayaal (Claudine Vinasithamby) afin de constituer une famille convaincante aux yeux des autorités du HCR et de l’immigration française. Ces séquences d’exposition sont menées avec une clarté et une économie narrative qui placent tout de suite Dheepan dans un autre espace que celui de l’observation et de la dénonciation.Rythme syncopéAvec sa fausse famille, l’ancien combattant trouve une place de gardien dans une cité, dont une barre est contrôlée par des trafiquants de drogue. Face à la violence endémique, Yalini veut répondre par la fuite, mais Dheepan retrouve un peu de ce qui a fait jadis sa raison de vivre. Face à l’agression, il reprend peu à peu sa posture de combattant. Cette partie centrale du récit est illuminée par les trois comédiens tamouls. Les variations des relations entre les deux adultes et l’enfant suivent un rythme syncopé, souvent inattendu, toujours cohérent, parfois drôle, comme cet échange délicat entre Dheepan et Yalini autour de la notion d’humour, parfois dérangeant lorsque la petite fille est saisie d’un accès de violence après qu’elle a intégré l’école du quartier.Yalini a trouvé un emploi de garde-malade auprès d’un homme aphasique qui s’avérera être le père de Brahim (Vincent Rottiers), le jeune patron du trafic de stupéfiants dans la cité. Avec Vincent Rottiers, Jacques Audiard exerce une fois de plus sa faculté à tracer en quelques plans le portrait complexe d’un personnage tout simple. On se doute bien aussi qu’il n’est pas là pour rien. Son retour dans la cité, après un séjour en prison, entraîne la multiplication d’incidents de plus en plus violents, qui affolent femme et enfant, mais excitent Dheepan.La confrontation finale est d’une violence qu’on en est venu à attendre de Jacques Audiard. Filmée de manière lacunaire, elle prend un caractère onirique, au point qu’on pourrait presque se demander si elle n’est pas sortie des souvenirs et des regrets de l’ancien Tigre.C’est aussi, comme le film tout entier, une confrontation entre deux des formes de violence qui déchirent la planète, entre une guerre du Sud qui a opposé un Etat à l’une de ses communautés, et l’autodestruction européenne d’une autre communauté dont l’Etat – français en l’occurrence – a oublié jusqu’à l’existence.Film français de Jacques Audiard avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers (1 h 50). Sortie le 26 août. Sur le Web : www.ugcdistribution.fr/film/dheepan_252Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sélection officielle – en compétitionHuit ans qu’on n’avait plus de nouvelles de Hou Hsiao-hsien, qu’on se demandait ce qu’il devenait, qu’on le regrettait sans se le formuler nécessairement, entraînés par le grand flux du cinéma. Faut-il rappeler qui il est ? Très vite alors : figure de proue au côté d’Edward Yang de la nouvelle vague taïwanaise dans les années 1980, modèle pour la nouvelle génération de cinéastes de Chine continentale, grand maître du cinéma en un mot, transformant à l’instar de William Faulkner le « timbre-poste » de son île natale – territoire violemment et douloureusement séparé de la mère patrie chinoise – en épopée sentimentale et politique de portée universelle. Des Garçons de Fengkuei à Millenium Mambo, en passant par Un temps pour vivre, un temps pour mourir et Les Fleurs de Shanghaï, autant de chefs-d’œuvre marquant l’histoire du cinéma contemporain.Dispensateur de beautésIl aura suffi, mercredi 20 mai à Cannes, de voir les premiers plans d’un sublime prologue en noir et blanc de The Assassin, pour se rendre compte à quel point ce cinéaste nous manquait, pour se souvenir qu’il est un créateur de formes et un dispensateur de beautés comme en compte très peu dans l’histoire du cinéma. Hou conclut donc sa longue absence par une incursion inédite dans le genre du film de sabre. On augure que tout cinéaste asiatique qui se respecte doit en passer par là. Disons d’emblée que sa contribution à ce geste est la plus étonnante, la plus subversive, la plus énigmatique et somptueuse qu’on ait jamais vue.L’histoire se déroule au IXe siècle, sous la dynastie Tang, fondatrice d’un âge d’or de l’histoire et de la puissance chinoises, mais qui commence à vaciller sous les coups de boutoir des puissants gouverneurs des provinces. Le film commence ici, évoquant la mission d’une experte en arts martiaux, Nie Yinniang (interprétée par l’impériale Shu Qi), chargée par l’empire d’assassiner le gouverneur de la province de Weibo. Ce dernier, qu’elle aime encore, est toutefois son cousin, et fut un temps son promis, avant d’être contraint par son père d’épouser une autre femme, à laquelle il préfère depuis lors sa concubine.Lire aussi :Shu Qi, une égérie qui cache bien son jeuUn sadisme inhérent au métier de critique nous encouragerait à aller plus loin dans le dévoilement de l’intrigue, si le film lui-même, cultivant opportunément le mystère et le laconisme, ne nous en empêchait. L’essentiel de sa valeur morale n’en est pas moins globalement formulable : la belle guerrière considère sa vocation d’assassin de la même manière que Hou Hsiao-hsien envisage la mise en scène d’un film de sabre. Avec la liberté qu’il convient de prendre à l’égard de ce qu’exigent de nous l’autorité et la tradition, avec l’irrévérence qui s’oppose à tout ce qui enrégimente, commande, oppresse.Economie de la retenueCe qui ressort de cette insubordination sur le plan plastique est une merveille, de celles dont la vision ne s’efface pas. Un film de sabre plus ciselé que sabreur, au format carré d’eau forte, des compositions de plan étourdissantes, des mouvements de caméra qui cherchent et trouvent la grâce, des décors et des costumes conçus comme introductions au rêve, des corps et des visages passionnément mis en valeur, des couleurs poussées à la quintessence de leur pigment, des scènes de combat furtives comme un pinceau qui zébrerait l’écran, gelées par le ralenti et l’isolement de certains sons, relâchées avec la vitesse d’un ressort, puis tranchées avant même que de pouvoir durer.Il ne faudrait pas s’y tromper, toutefois. La nature de cette beauté ne tient pas à la surenchère des effets, mais au contraire à leur soustraction. Toute une économie de la retenue et de l’incomplétude y œuvre : langueur des poses, promptitude d’un geste, voiles ou arbres brouillant la vision, piqué de l’image, hors champ des sons et des voix, dissimulation des personnages dans les replis d’une tenture, dans la profondeur de la nuit ou dans l’écrasante majesté d’un paysage… Ce rapport esthétique si particulier à la réalité sensible, qui fut toujours celui de Hou, nous rappelle aussi bien, et il faudrait être naïf pour s’en étonner, à une réalité politique. Entre violence et amour, raison d’Etat et sentiment, altérité et parenté, quelque chose des rapports de Taïwan à la Chine résonne ainsi très puissamment dans ce film.Film taïwanais de Hou Hsiao-hsien avec Shu Qi, Chang chen, Zhou Yun (1 h 44). Sortie le 6 janvier. Sur le Web : www.advitamdistribution.com/the-assassinJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Lequeux En manquant mourir, il est entré dans l’histoire de l’art : en 1971, alors que les protestations contre la guerre du Vietnam sont au plus fort, Chris Burden s’offre au feu du 22 long rifle d’un complice, et se retrouve, une balle dans le bras, auteur de l’un des happenings les plus célèbres des années 1970 : Shoot. « A cet instant, j’étais une sculpture », analysera-t-il. Mais c’est finalement un mélanome malin qui aura raison de la légende.Pionnier déraisonnable, contempteur de toutes les mécaniques de pouvoir, le plasticien Chris Burden est décédé, dimanche 10 mai, à son domicile de Topanga Canyon, dans les montagnes de Santa Monica (Californie). Il avait 69 ans, et était devenu, au fil de sa carrière, l’un des plus grands sculpteurs américains. En hommage, le Lacma (Los Angeles County Museum of Art) a laissé allumée toute la nuit l’armée de lampadaires désuets, souvenirs d’un LA d’antan, que Burden a plantés telles les colonnes d’un temple païen sur son esplanade en 2008, et qui est devenue aujourd’hui l’une des icônes de la « Cité des anges ». Il tire sur un 747« “Limites”, c’est un terme tout relatif, aimait-il à dire. Comme la beauté, les limites sont souvent dans l’œil du regardeur ». Toute sa vie, il les a défiées, comme il a défié les systèmes de contrainte et d’oppression. Né à Boston en 1946, celui qui a passé une partie de son enfance en France, file vers la Californie pour y étudier l’ingénierie, l’architecture, et finalement l’art, notamment sous la houlette du fameux plasticien minimaliste Robert Irwin. A l’université d’Irvine, il réalise sa première performance, s’enfermant pendant cinq jours dans un étroit casier d’étudiant, en guise de rendu de thèse (Five Day Locker Pièce). Il ne quittera plus sa région d’adoption, pour devenir l’une des figures essentielles de sa scène artistique, admiré de toute la génération des Mike Kelley et McCarthy.Après le scandale de Shoot, Burden passe, en 1972, vingt-deux jours allongé dans un lit, muet, en plein milieu d’une exposition. En 1973, en simili-terroriste, il tire sur un 747 qui décolle tout juste de l’aéroport de LA. Et se crucifie en 1974 à une coccinelle Volkswagen. Il parvient à déjouer la puissante société de l’entertainment, alors en plein développement, en se payant des espaces publicitaires télévisés pour y projeter ses propres vidéos. Et va encore plus loin en prenant en otage, couteau à la main, une speakerine qui l’interviewait gentiment, et avait eu la naïveté d’accepter un direct.Une mare de verre briséTout au long de la décennie 1970, il flirtera ainsi avec un danger plus ou moins contrôlé, réalisant une cinquantaine d’actions du même acabit : crawlant dans une mare de verre brisé, s’allongeant au milieu de La Cienega Boulevard, près d’Hollywood, ou plongeant sa tête dans l’eau d’un évier jusqu’à l’étouffement, comme on torture les prisonniers. Autant de folies dont il ne reste que de modestes traces, photos noir et blanc ou films super 8 tournés à la va-vite, mais qui lui ont, malgré tout, valu d’être le premier artiste remarqué par le galeriste Larry Gagosian, bien avant qu’il ne devienne le plus puissant marchand au monde. Fidèle, celui-ci offre d’ailleurs à Burden, en ce printemps, une exposition dans son espace du Bourget, près de Paris. Triste coïncidence. Rapidement célébré dans les musées du monde entier, Burden le casse-cou revient à partir des années 1980 à sa formation d’origine, l’architecture et l’ingénierie, pour concevoir de vastes sculptures et installations. Souvent en mouvement, telles des mécanos géants, elles défient la gravité, à l’instar de ce bateau fantôme de deux tonnes que l’artiste a carrément fait accrocher à la façade du New Museum de New York, pour sa rétrospective de 2013. Dynamiques, elles se font véhicules pour l’imagination : comme ces invraisemblables ponts d’acier qu’il s’évertue à construire en gamin, ou encore cet hommage au grand aviateur brésilien Santos-Dumont, son œuvre ultime, qui devrait être dévoilée au Lacma, le 18 mai.Mais si une seule œuvre devait résumer la colossale puissance du mythe, ce serait Beam Drop, soit un champ de poutres d’acier phénoménales, lâchées d’une grue dans une flaque de béton pour s’y planter à la verticale. Réalisé pour une place d’Anvers mais aussi dans le parc de sculptures d’Inhotim, au Brésil, ce mikado digne de Vulcain résume combien Chris Burden considérait l’art comme le seul « espace de liberté dans la société où l’on puisse faire n’importe quoi ».Emmanuelle LequeuxJournaliste au Monde 11.05.2015 à 11h30 • Mis à jour le11.05.2015 à 12h44 | Isabelle Regnier Entre polar et mélo social, « Grigris », une fable humaniste signée du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun (lundi 11 avril à 20 h 45, sur Ciné+ Club).Chaud, urbain, actuel, Grigris démarre à pleins tubes dans une boîte de nuit aux couleurs chatoyantes, où un garçon aux longues jambes désarticulées se livre, seul sur la piste, à un numéro de danse acrobatique. En cercle autour de lui, une assemblée acclame ce Travolta à la peau noire, l’encourage, lui glisse des billets dans le cou comme à une danseuse de lap dance.« Grigris », surnom de ce danseur, n’est pas un animal de foire. Ses jambes malades, que l’on ne verra jamais nues, lui imposent un déhanché brutal quand il marche dans la rue. Mais sur le dance floor, elles sont sa force, alliées magiques qui le projettent parmi les dieux. Empêché par tout ce qui l’entoure, il nourrit une force surhumaine qui se décuple au contact de Mimi, prostituée mélancolique dont il est tombé gaga à l’instant où elle a poussé la porte du labo de photo où il travaille.Devoir moralDans cette alliance entre deux marginaux, on reconnaît le goût pour la fable du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun. Et son humanisme farouche, son obsession pour les orphelins et les filiations brisées. On retrouve ce rapport au cadre qui vient sculpter les chaudes couleurs de la nuit africaine, les riches matières des marchands de tissus de N’Djamena, et offre aux corps radieux de ses personnages d’énormes perspectives…Quand le beau-père de Grigris, atteint d’un cancer, se retrouve à l’hôpital et qu’on lui réclame 700 000 francs CFA (1 000 euros) pour ses soins, Grigris se met en quête de cette somme colossale. Rien dans la tradition ne l’y oblige. Mais le photographe-danseur agit par devoir moral, par amour pour ce beau-père qui a fait de lui un homme. Pas par conformisme.Grigris n’est pas seulement empêché par ses jambes, il l’est par la technologie numérique qui rend caduque sa vocation de photographe, ou encore par les fantasmes de respectabilité du trafiquant d’essence pour qui il veut travailler, qui lui interdit de fréquenter une prostituée.Dans cette histoire de débrouille, la mafia se pose comme la seule planche de salut pour une jeunesse privée d’horizon. Mais Grigris et Mimi préfèrent risquer leur vie plutôt que la brader. A la violence aveugle des puissants, ces électrons libres opposent la force des faibles coalisés.Grigris, de Mahamat-Saleh Haroun. Avec Souleymane Démé, Anaïs Monory (100 min).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Un hommage transgénérationnel émouvant, à l’occasion de l’anniversaire du chanteur (lundi 11 avril à 20 h 50, sur France 3). Renaud, on t’a dans la peau ! » C’est par cette déclaration d’amour que plusieurs artistes ont choisi de fêter les 63 ans du chanteur à travers l’émouvant documentaire de Didier Varrod et Nicolas Maupied diffusé le 11 mai, jour de l’anniversaire de Renaud. Un hommage qui nous laisse parfois au bord des larmes et pour lequel les deux auteurs ont eu l’idée originale de convier leurs invités dans un studio où le décor ressemble à l’univers du chanteur : des arbres, une guitare, un piano et un banc public sur lequel chacun vient s’asseoir pour évoquer un souvenir, expliquer l’apport de l’artiste dans la chanson française ou dire simplement pourquoi il l’aime.Un beau cadeau offert par des artistes de tous horizons, comme Patrick Bruel, Nicola Sirkis (Indochine), Raphael, Alex Beaupain, Benoît Dorémus, Vincent Delerm, Disiz, Oxmo Puccino, Grand Corps Malade, Olivia Ruiz, Nolwenn Leroy, Louane, Elodie Frégé, ainsi que Johanna Copans, auteure d’une thèse sur les paysages dans les chansons de Renaud, ou Mazarine Pingeot, écrivaine et fille de François Mitterrand. Leurs paroles sont accompagnées d’interviews et de chansons filmées au cours de ses concerts ainsi que d’archives (parfois personnelles) sur la longue carrière de l’artiste. Le tout illustré par les (beaux) dessins de son ami Marc Large.Poète des rues et du zincAu fil du documentaire, il se confirme que Renaud est un artiste transgénérationnel. Que ce soient les parents ou les enfants, il a séduit les premiers et reste une référence pour les seconds. « C’est à la fois un Rimbaud et un tendre voyou, un poète et un bandit », résume Elodie Frégé (33 ans). « C’est mon premier chanteur à moi », explique Alex Beaupain (40 ans), biberonné par ses parents aux chansons de Brassens, Brel ou Ferré. « J’ai grandi avec Renaud »,poursuit Fabien Marsaud, dit Grand Corps Malade (37 ans), des étoiles dans les yeux. « Renaud, c’est un poteau ! », s’exclament la plupart en soulignant que le chanteur est pour eux comme un copain de la vie quotidienne. « Il est transparent, très intime, et parle de nous », dit Vincent Delerm avant de reprendre Mistral gagnant au piano.Indomptable, politique, révolté, énervé, sans Dieu ni maître, Renaud reste le poète des rues et du zinc des comptoirs. Il est surtout le reflet d’une époque où la dialectique d’une chanson pouvait casser les briques d’une société étouffante et bien-pensante. C’est dans la France giscardienne des années 1970 qu’il brandit Hexagone, violente attaque contre la France des beaufs, reprise avec d’autres paroles sur Internet, après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Il y eut aussi Où est-ce que j’ai mis mon flingue ?, Miss Maggie, Société, tu m’auras pas ! « Il serait impossible d’écrire ce genre de chansons aujourd’hui », remarque Patrick Bruel.Mais Renaud l’anar a aussi flirté avec le pouvoir. Séduit par François Mitterrand, homme de culture qui n’avait rien d’un révolté, le chanteur s’engagea à ses côtés pour son second septennat avec le slogan « Tonton laisse pas béton », et ce malgré toutes les trahisons que l’artiste dénonçait dans ses chansons. « C’est un mec qui me touche », se justifiait-il, en parlant de l’ancien président de la République. « Ils avaient un lien particulier », confirme Mazarine Pingeot.Aujourd’hui, tout le monde souhaite son retour et espère que Docteur Renaud va enfin sortir de sa retraite, en laissant Mister Renard dans sa tanière.Renaud, on t’a dans la peau !, de Didier Varrod et Nicolas Maupied (Fr., 2015, 96 min).Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 11.05.2015 à 06h33 • Mis à jour le11.05.2015 à 07h27 | Sylvain Siclier UN ALBUMLes retrouvailles phonographiques de BlurL’annonce, le 19 février, de la parution d’un album de Blur – « le premier en tant que groupe à quatre en seize ans ! », avait-il été précisé sur sa page Facebook – avait suscité autant d’enthousiasme que d’incertitude pour les amateurs du groupe britannique. The Magic Whip allait-il renouer avec le faste des années 1990, explorer de nouvelles pistes ? Deux mois et demi plus tard, ce disque « événementiel » se révèle plutôt de bonne tenue avec ses envolées pop, du rock bien cadré, des fantaisies, du recueillement spectral. Des retrouvailles phonographiques de Damon Albarn et Graham Coxon qui, à défaut de feu d’artifice permanent, font plaisir à entendre.The Magic Whip, de Blur, 1 CD Parlophone/Warner Music.Vidéo officielle de « Lonesome Street », chanson extraite de l’album « The Magic Whip », de Blur.Vidéo officielle de « Go Out », chanson extraite de l’album « The Magic Whip », de Blur. UN FESTIVALA Coutances, abondance de jazz ne nuit pas Modeste manifestation associative à ses débuts, en 1982, Jazz sous les pommiers, à Coutances (Manche), est devenu, au cours des ans, l’un des plus importants rendez-vous du printemps en matière de jazz. Avec un équilibre entre des propositions pointues et des concerts grand public et dans une abondance qui ne cède pas sur la qualité, y compris avec les multiples animations dans les rues et places (fanfares, chorales, scène amateur…). Pour sa présente édition, qui a débuté le 8 mai et se terminera le 16, Jazz sous les pommiers recevra notamment Airelle Besson (trompette) et Benjamin Moussay (piano) pour une évocation de Miles Davis, l’Amazing Keystone Big Band dans son inventive adaptation de Pierre et le loup, le pianiste Jacky Terrasson, les contrebassistes Kyle Eastwood et Henri Texier, l’Electric Epic, au nom en exactitude avec sa musique, les chanteuses Sandra Nkaké et Meshell Ndegeocello, le saxophoniste Pharoah Sanders….Jazz sous les pommiers, à Coutances (Manche). Théâtre, Salle Marcel-Hélie, Magic Mirrors, Cave des Unelles et divers lieux de la ville. De 8 € à 25 € selon les concerts. Jusqu’au 16 mai. Tél. : 02-33-76-78-50. Jazzsouslespommiers.com UN CONCERTAriana Grande à la conquête de l’EuropePassée par la comédie musicale à son adolescence, puis par les séries télévisées pour adolescents (« Victorious », « Sam & Cat »), Ariana Grande a fait ses débuts au disque en 2013. Soprano, dotée d’une tessiture de quatre octaves et un demi-ton, qui la place auprès de quelques puissances vocales comme Mariah Carey ou Whitney Houston, la jeune femme est en train de faire la conquête de l’Europe après celle des Etats-Unis, sa terre natale. Sa musique, un mélange de r’n’b actuel et de variété pop, et un spectacle à découvrir au Zénith de Paris, pour son premier passage en France, à l’occasion de sa première tournée européenne – elle avait participé à quelques émissions de télévision en 2014.Zénith de Paris, 211 avenue Jean-Jaurès, Paris-19e. Mo Porte-de-Pantin. Tél. : 01-42-08-60-00. Le 14 mai, à 14h30. De 43,30 € à 51 €. Le-zenith.comVidéo officielle de « Baby I », chansons extraite de l’album « Yours Truly », d’Ariana Grande. UNE TOURNÉETransports d’énergie et d’émotion avec le chanteur Danyèl WaroDanyèl Waro est probablement aujourd’hui le chantre le plus célèbre de la créolité réunionnaise, chanteur, poète et compositeur de maloya, ce blues ternaire issu du chant des anciens esclaves travaillant sur les plantations de canne. Le maloya est la fierté des Réunionnais, l’étendard brandi de leur identité créole. Danyèl Waro, voix d’énergie et de transport émotionnel, qui aura fêté le 10 mai ses 60 ans, vient passer quelques jours en Métropole. Un parcours qui le mènera durant cette semaine à Val-de-Reuil, Paris, Cherbourg et Gennevilliers.Festival Les Soirées du Caméléon au Théâtre des Chalands, Val-de-Reuil (Haute-Normandie), le 14 mai, à 20h30, de 6 € à 9 €. Cabaret sauvage, Paris 19e, le 15 mai, à 19 heures, 21 €. Le Trident, scène nationale de Cherbourg-Octeville (Manche), le 16 mai, à 20h30, de 7,50 € à 21 €. Le Tamanoir, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le 17 mai, à 19 heures, de 7 € à 13 €. RÉSERVEZ VITELe concert de The Who le 30 juin au Zénith de Paris En raison de l’engagement tardif de The Who en tête d’affiche du festival géant de Glastonbury (200 000 spectateurs), les deux concerts du groupe britannique, prévus les 28 et 29 juin au Zénith de Paris, sont reportés à une unique date, au même endroit, le 30 juin. Après remboursement ou échange pour les titulaires de billets de l’un ou l’autre des concerts initiaux, pour qui voudrait fêter les cinquante ans d’existence du groupe et presque autant d’hymnes rock, les places restantes le 30 juin, pourront être achetées à partir du vendredi 15 mai, à 10 heures (billetterie en magasins et sur Internet).Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Ulysse n’a pas encore quitté les rivages d’Ithaque que les prétendants rêvent déjà de bander l’arc. En annonçant, le 10 janvier 2013, qu’il quittait la tête du prestigieux Orchestre philharmonique de Berlin à la fin de son mandat en 2018, le chef d’orchestre Sir Simon Rattle (60 ans) a allumé une guerre de succession. Depuis deux ans, les supputations sont allées bon train. Elles cesseront ce lundi 11 mai qui verra la désignation par la prestigieuse phalange berlinoise, créée en 1862, de son septième directeur musical, après Hans von Bülow (1887-1892), Arthur Nikisch (1895-1922), Wilhelm Furtwängler (1922-1934 et 1952-1954), Herbert von Karajan (1956-1989), qui en était le directeur à vie, Claudio Abbado (1990-2002) et Simon Rattle.Ce lundi, convoqués dans la matinée en un lieu tenu secret à Berlin, les 128 membres du Berliner Philharmoniker choisiront leur candidat à l’issue de délibérations à huis clos, téléphones portables prohibés, jusqu’à ce qu’une « majorité claire » se dessine, a expliqué la porte-parole de l’orchestre, Elisabeth Hilsdorf. Les « Berliner » sont les seuls au monde à exercer pareille souveraineté… démocratique. Habituellement, les nominations des directeurs musicaux, si elles s’accompagnent d’une consultation de l’avis des musiciens (après tout, ce sont eux qui sont en contact direct avec le chef d’orchestre), sont le fait des tutelles administratives de l’orchestre voire des responsables politiques.Un poste parmi les plus convoitésFigurer ne serait-ce que dans la liste des chefs d’orchestre pressentis est en soi une consécration. Car même si « tout chef d’orchestre vivant » est un candidat potentiel, comme l’affirment les deux délégués de l’orchestre, Peter Riegelbauer et Ulrich Knoerzer, seule une poignée, parmi la trentaine régulièrement invitée, peut prétendre à ce poste parmi les plus convoités de la planète musicale. Les perdants le sont d’ailleurs de plus ou moins bonne grâce. On se souvient du départ précipité de Berlin de Sergiù Celibidache, à qui Karajan damna le pion en 1955, alors que le Roumain pensait être le successeur naturel de Wilhelm Furtwängler avec qui il partageait la direction de l’orchestre depuis 1947. Ou de la déception de Lorin Maazel, sûr de son fait au point d’avoir prématurément convoqué la presse, lorsqu’il apprit que Claudio Abbado lui avait été préféré.Il n’y a guère que Daniel Barenboïm, rival malheureux de Simon Rattle en 2002, qui ait su perdre avec élégance. Daniel Barenboïm (72 ans), dont le nom a resurgi une nouvelle fois. Mais l’intéressé a fait savoir qu’il ne l’était pas. Chef à vie de la Staatskapelle de Berlin dont il a fait le deuxième orchestre de la ville, l’Israélo-argentin poursuit avec détermination une carrière de pianiste ainsi que son engagement à la tête de son West-Eastern Divan Orchestra, qui réunit Arabes et Israéliens.Épaules solidesIl faut des épaules particulièrement solides pour prendre la tête des Berliner Philharmoniker, un contingent d’élite jaloux de ses prérogatives : la direction d’orchestre n’est en fait qu’une partie de la fonction, aussi sociale et managériale que musicale. Polarisée autour d’une dizaine de noms partagés entre fringants post-trentenaires et « vieux » lions septuagénaires, la liste des chefs qui circule depuis deux ans s’est progressivement amenuisée au fur et à mesure que certains confirmaient d’autres engagements, rendant caduque leur éventuelle venue à Berlin.C’est le cas du médiatique et bouillonnant vénézuélien Gustavo Dudamel (34 ans), longtemps donné comme favori de la nouvelle génération des chefs étoilés, qui vient de prolonger son contrat à la tête de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles jusqu’en 2022. Mais aussi celui du talentueux Canadien, Yannick Nézet-Séguin (40 ans), lequel vient d’annoncer le renouvellement de sa collaboration avec l’Orchestre de Philadelphie jusqu’en 2022. Idem pour le chef letton Mariss Jansons (72 ans), considéré comme l’une des meilleures baguettes au monde et grand ami des « Berliner », qui vient de rempiler avec l’Orchestre de la Radio bavaroise jusqu’en 2021.Reste par contre en lice son compatriote et fils spirituel, Andris Nelsons (38 ans), qui figure en bonne position, quoiqu’il ne faille pas exclure qu’il décide in fine de poursuivre son mandat au poste de directeur musical de l’Orchestre de Boston, qu’il occupe jusqu’à la fin de la saison 2019-2020.Favori des pronosticsUn nom revient aussi avec insistance. Celui de l’Italien Riccardo Chailly (62 ans), baguette unanimement saluée, dont le travail en Allemagne à la tête de l’un des plus anciens orchestres du pays, le Gewandhaus de Leipzig, inspire enthousiasme et respect. Mais outre qu’il a été récemment adoubé comme directeur musical à La Scala de Milan, ses récents problèmes de santé risquent de constituer un handicap. Idem pour un autre Italien, le prestigieux Riccardo Muti (73 ans), véritable star de la baguette, mais dont le mandat à la tête de l’Orchestre symphonique de Chicago a été prolongé jusqu’en 2020. Plus aléatoire encore, le nom du Russe Kirill Petrenko (43 ans). Quoique triomphateur du dernier « Ring » de Bayreuth, l’actuel directeur musical de la Bayerische Staatsoper de Munich manque encore d’envergure internationale et de charisme médiatique. De même pour son homologue russe, Vladimir Jurowski (43 ans), ancien directeur musical du festival de Glyndebourne et chef principal de l’Orchestre philharmonique de Londres depuis 2007.Mais le candidat favori des pronostics est sans conteste l’Allemand Christian Thielemann (56 ans), directeur musical de la Staatskapelle de Dresde jusqu’en 2019 et conseiller musical du Festival de Bayreuth depuis 2008, déjà sur les rangs pour la succession d’Abbado. Si ce choix était retenu, il n’est pas exclu qu’après les années d’ouverture de l’orchestre, voulue par Sir Simon (renouvellement du répertoire, développement des médiations technologiques, modélisation d’une action pédagogique exemplaire), cela ne sonne comme un retour aux fondamentaux identitaires germaniques de l’orchestre (certains n’ont-ils pas reproché à Rattle d’avoir dénaturé le son allemand en lui donnant trop de légèreté et de clarté ?).Seize ans à la tête de la phalange berlinoiseCe d’autant que Thielemann, qui fut l’assistant de Karajan et son protégé, s’est imposé comme un interprète privilégié du répertoire germanique – Wagner, Richard Strauss, Bruckner. L’orchestre devrait aussi composer avec le caractère ombrageux du talentueux et fougueux chef allemand. Outre les différends artistiques et gestionnaires qui émaillent son parcours, de la Deutsche Oper de Berlin (1997-2004) à la Philharmonie de Munich (2004-2011), et jusqu’à Dresde – nommé en tandem avec lui, le Belge Serge Dorny n’a jamais pris son poste et a dû rester à l’Opéra national de Lyon –, on lui impute aussi des prises de positions politiques conservatrices (il est un fervent admirateur de Frédéric II de Prusse).Il y a une quinzaine d’années, la presse avait dénoncé certains commentaires aux relents antisémites qu’il aurait eus à l’encontre de Daniel Barenboim, dont il fut l’assistant à Bayreuth avant de devenir son rival à Berlin. Reste que ces allégations, vigoureusement démenties par l’intéressé, l’ont été également par Barenboïm dans un article paru en octobre 2000 dans le Süddeutsche Zeitung.En 2018, après seize ans passés à la tête de la prestigieuse phalange berlinoise, Sir Simon Rattle prendra la direction du London Symphony Orchestra avec à la clé l’assurance d’une nouvelle salle de concerts enfin digne de la métropole londonienne.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Le jury du prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine ou prix Mies van der Rohe, porté par la Fondation du même nom, a rendu son verdict. Vendredi 8 mai au soir, à Barcelone, après avoir reçu les cinq derniers candidats en lice, il a choisi le projet de la Filharmonia Szczecinska (salle philharmonique de la ville polonaise de Szczecin) réalisé par l’agence d’architecture italo-espagnole Barozzi Veiga. La silhouette de la salle de concert, revêtue de verre, entièrement blanche et translucide, évoque de prime abord une cathédrale de glace.Le bâtiment, achevé en 2014 après trois années de travaux, offre 13 000 m2 de surface utile. Il abrite une salle symphonique de 1 000 places, une salle réservée à la musique de chambre pouvant accueillir 200 spectateurs, un espace transformable réservé aux expositions et aux conférences, ainsi qu’un large foyer. Son coût : 30 millions d’euros. Posé dans un carrefour du site historique du Konzerthaus, un ancien quartier bombardé pendant la seconde guerre mondiale, puis reconstruit, la Filharmonia Szczecinska est constituée d’un assemblage composite de façades verticales coiffés de pignons sur rue acérés. Appuyée contre le siège du commandement de la police de Wojewodzka, fait de brique et de pierre, elle ouvre généreusement sur des espaces verts.Les architectes Barozzi et Veiga ont voulu faire « un élément lumineux ». La façade de verre, éclairée de l’intérieur selon une grille rigoureuse, offre une large gamme de scénarios chromatiques qui jouent avec l’architecture, notamment le soir. Le jour, tel qu’en rendent compte les photographies, le contraste est tout aussi saisissant entre la blancheur affirmée du nouvel édifice et le manque d’éclat de son environnement immédiat. Un bloc d’apparence disparatePour autant, dans un tel contexte, la singulière architecture de la nouvelle venue ne cherche pas à imposer sa grandeur – ni sa candeur. La verticalité de l’édifice et sa géométrie jouent dans le même ordre de proportions que celles des bâtiments alentours. Les architectes parlent d’austérité à propos de leur projet. A y regarder de plus près, et bien que ses auteurs n’en parlent pas, la Filharmonia Szczecinska semble composer un bloc d’apparence disparate qui évoque un pâté de maisons anciennes et hétéroclites, construites selon le bon vouloir de chacun. Comme il en a probablement existé à Szczecin bien avant les bombardements. Barozzi et Veiga n’ont pas seulement soigné les attraits extérieurs d’édifice. La salle principale de concert, elle aussi, annonce sa couleur. L’austérité de l’extérieur et la simplicité des espaces de circulation intérieurs contrastent avec la forte expression sculpturale de la salle de concert. De type « boîte à chaussure », elle est intégralement dorée à la feuille. Les reliefs ornementaux des parois et du plafond, dotés de fonctions acoustiques, sont composés selon le principe de la suite de Fibonacci : leur fragmentation augmente au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la scène.Avant d’obtenir le prix Mies van der Rohe, remis tous les deux ans et doté de 60 000 euros, la Filharmonia Szczecinska avait reçu, le 17 avril en présence de Bronislaw Komorowski, le président de la Pologne, le prix Life architecture du meilleur bâtiment polonais construit entre 2013 et 2014. Une distinction portée par Architektura Murator, la principale revue d’architecture du pays.Lire aussi :Vignobles, salles et musées au menu du prix Mies van der RoheJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 08.05.2015 à 17h32 • Mis à jour le09.05.2015 à 23h12 | Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster » est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 08.05.2015 à 10h17 • Mis à jour le08.05.2015 à 11h22 | Anne Eveno « Nous avons des nouvelles. Veuillez vous joindre à nous le 20 mai ». L’invitation, énigmatique, provient de Spotify, le numéro un mondial du streaming musical sur internet. Pour de nombreux spécialistes cette conférence new-yorkaise du groupe suédois aura pour objet de présenter la toute nouvelle diversification de Spotify, à savoir une entrée sur le marché du streaming vidéo.Une hypothèse qui prend d’autant plus de crédit que le Wall Street Journal a révélé, jeudi 7 mai, que Spotify aurait entamé des négociations avec plusieurs grands groupes et fournisseurs de contenu, qui pourraient proposer des séries et shows exclusivement réservés à Spotify.Le quotidien cite parmi les entreprises ayant pris langue avec Spotify, Time Inc., Tastemade, Maker Studios et Fullscreen. Spotify aurait aussi pris contact avec des acteurs, qui travaillent déjà avec YouTube, à la fois pour acheter leurs productions mais également pour co-créer des séries vidéo originales.Selon les sources citées par le quotidien américain, le service envisagé par Spotify serait à la fois disponible pour les abonnés et les non abonnés, et comprendrait de la publicité. Un modèle dual proche de celui développé par Spotify dans le streaming musical.Le groupe, dirigé par Daniel Ek, offre pour 10 euros par mois, la possibilité d’écouter en illimité un catalogue de 20 millions de morceaux sur smartphone et ordinateur. En mode gratuit, l’écoute est entrecoupée de spots publicitaires. Sur les 60 millions d’usagers, un quart sont des abonnés.Marché plus rentable que la musiqueBien que leader sur ce marché, devant des acteurs comme le français Deezer ou les américains Beats (propriété d’Apple) et Pandora, Spotify ne parvient pas à gagner d’argent. En 2013, la start-up, qui reverse 70 % de ses revenus aux ayants droit de ses musiques, a encore perdu 57,8 millions d’euros, après un déficit de 87,6 millions l’année précédente.Or, dans ce contexte, la start-up dont la valorisation atteint 8,4 milliards de dollars, voit l’univers concurrentiel se durcir : relance par le rappeur Jay-Z de Tidal, une plate-forme de streaming 100 % payante et arrivée annoncée d’Apple.La firme de Cupertino travaille actuellement à fusionner les services de Beats et de l’écosystème iTunes et pourrait présenter son offre le 8 juin.Lire aussi :Jay-Z enrôle des stars pour convaincre leurs fans de payerAvec cette entrée sur le marché de la vidéo sur internet, il s’agit pour Spotify de trouver de nouvelles sources de revenus. Même s’il compte de nombreux acteurs aussi variés et aux modèles aussi différents que YouTube, Facebook, Netflix et Hulu par exemple, ce secteur de la vidéo en ligne apparaît également plus rentable.Ainsi Netflix, par exemple, peut se targuer d’avoir enchaîné, depuis 2010, les exercices bénéficiaires. En 2014, le groupe de streaming a gagné 266 millions de dollars.Lire aussi :YouTube va lancer une offre sur abonnementLes atouts de Spotify pour se lancer sur ce marché hyperconcurrentiel tiennent à sa connaissance de ses usagers actuels. Il possède déjà beaucoup de données sur les goûts et habitudes de ses utilisateurs.Cela pourrait lui permettre de produire et fournir des contenus plus adaptés aux centres d’intérêts de chacun, avance le Wall Street Journal.Anne EvenoJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Le futur projet de loi sur le numérique inclura la proposition d’un « droit de panorama » en France, a confirmé la secrétaire d’Etat au numérique, Axelle Lemaire, lors de son audition, le 18 mars, par la commission numérique de l’Assemblée nationale. Cette exception au droit d’auteur, déjà adoptée dans de nombreux pays, permet de reproduire, en particulier par des photographies ou des vidéos, des œuvres visibles dans l’espace public sans avoir à demander d’autorisation ou s’acquitter de droits.A une époque où les réseaux sociaux, Instagram en premier lieu, et les blogs partagent massivement des photos d’œuvres en extérieur comme en intérieur, chacun a tendance à oublier qu’en France, les œuvres d’art restent couvertes par le droit d’auteur du vivant de l’artiste, puis 70 années après sa mort. Si les usages font fi de cette règle, c’est que ce flot de reproductions est tout simplement impossible à contrôler. Mais aussi parce que les artistes le tolèrent, voire l’encouragent, tant qu’il ne leur porte pas préjudice. C’est notamment le cas lorsque les images sont utilisées à des fins commerciales – elles peuvent alors donner lieu à des demandes de compensation financière.Variantes du dispositifLes modalités de la liberté de panorama varient suivant les pays qui l’ont adoptée. Ainsi elle s’étend jusqu’à l’intérieur des bâtiments publics en Grande-Bretagne, en Inde ou en Australie, où elle est la plus large. Elle ne concerne que les bâtiments aux Etats-Unis et en Russie, ou inclut les sculptures en Allemagne, en Espagne ou au Canada. Alors que le projet de loi numérique est attendu pour la rentrée devant le Parlement, on ne connaît pas encore les modalités de la version de cette exception proposée pour la France, incluse dans un projet de loi vaste, centré sur l’économie et l’innovation, la modernisation de l’action publique et la protection des données personnelles.Deux voix se sont récemment opposées sur le sujet publiquement : Wikimedia France (l’association qui chapeaute, entre autres, le projet Wikipedia sur le territoire français) et l’ADAGP, la société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts graphiques et plastiques (l’équivalent de la Sacem pour la musique). Les deux structures sont fondamentalement en désaccord concernant les conditions auxquelles devrait être astreinte toute reproduction d’une œuvre dans l’espace public dans le cadre de la liberté de panorama. Wikipedia revendique la nécessité d’images en haute définition pouvant être commercialisées et modifiées, ce qui est jugé inacceptable par l’ADAGP.Une directive européenneLa liberté de panorama est une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne sur le droit d’auteur de 2001. Des amendements en sa faveur ont déjà été rejetés à deux reprises en France : lors de la transposition de cette directive par la loi DADVSI, en 2006, puis à l’occasion de l’examen à l'Assemblée nationale d’un projet de loi sur la copie privée, en 2011.Lors du second rejet de l’Assemblée nationale, les députés avaient pointé l’absence d’études d’impact d’une telle disposition. Aujourd’hui, l’ADAGP met en avant les conséquences financières non négligeables qu’entraînerait cette disposition pour les artistes : « Selon la manière dont cette liberté de panorama est envisagée, nous estimons que ce sont entre 15 et 19 % des droits que nous collectons qui disparaîtraient chaque année, soit 5 à 6 millions d’euros en moyenne », affirme Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP.A la mi-avril, l’ADAGP adressait un mailing à tous ses adhérents directs, soit 11 000 auteurs (sur les 120 000 qu’elle représente par des accords internationaux), pour les alerter et les mobiliser face à l’impact potentiel de la disposition pour « les œuvres d’architecture, les sculptures, les fresques, les graffs… ». « Si cette exception devait effectivement voir le jour, tout un chacun pourrait les utiliser, dans un but commercial ou non, et éditer affiches et cartes postales, tourner des films, voire s’en servir dans une publicité, sans votre accord et sans payer de droits d’auteur », détaillait ainsi dans le courrier sa directrice générale, Marie-Anne Ferry-Hall, dénonçant une telle exception comme « injuste, illégitime et dévastatrice ».Du côté de Wikimedia, qui avait publié en octobre 2011 dans Le Monde une tribune intitulée « Rendre aux Français leur paysage architectural » pour militer en faveur de la liberté de panorama, on met, au contraire, en avant une « mission », qui est de « créer de la connaissance libre, que chacun puisse utiliser. » Christophe Henner, président de Wikimedia France, pointe ainsi les difficultés rencontrées par Wikipedia pour illustrer ses articles : « Nous sommes hébergés aux Etats-Unis, mais nos utilisateurs contributeurs étant soumis au droit de leur pays, nous ne pouvons pas garder les photos de bâtiments partagées en France. En revanche, si un Allemand met sa photo du même bâtiment français en ligne depuis l’Allemagne, c’est légal. Les œuvres françaises sont donc documentées par les étrangers. » Conséquence directe de cette situation, qu’il déplore : « Le patrimoine parisien est bien représenté, mais pas celui du reste du pays. »« Un débat malhonnête »Le président de Wikimedia assume pleinement l’exploitation commerciale des photographies qu’autorise Wikimedia Commons, la base de données multimédia dans laquelle pioche Wikipedia pour illustrer ses articles. « C’est une valeur que nous portons : on ne doit pas empêcher la diffusion de la connaissance. Or, il y a plein de bonnes idées de commercialisation. Dans certains endroits où la présence d’Internet est extrêmement faible et où l’accès au savoir peut passer par la commercialisation de contenus de Wikipedia imprimés par des associations, nous ne voulons pas empêcher un usage commercial. On peut aussi imaginer une appli mobile touristique qui piocherait dans nos photos pour mettre en valeur le patrimoine français », détaille-t-il. Thierry Maillard, le directeur juridique de l’ADAGP, estime pour sa part que « le débat est malhonnête dès lors que l’on va permettre à n’importe qui de gagner de l’argent avec ces photos. »Christophe Henner, qui estime le système actuel dépassé, s’étonne que le modèle ait évolué partout ailleurs : « La France va-t-elle devenir le seul pays où ce ne sera pas possible dans un monde globalisé et numérique ? ». A l’inverse, le représentant de l’ADAGP assure que « c’est un système qui fonctionne, et les marques trouvent ça normal de payer pour utiliser des œuvres. » Il réfute les accusations d’archaïsme : « On trouve des contrats adaptés à chaque situation, avec des accords très flexibles quand cela s’impose, tout en restant raisonnables pour les ayant-droits. On ne veut pas interdire des usages, on refuse simplement qu’il y ait un enrichissement sur le dos des artistes. » Le cas des graffeursGoogle est pointé du doigt : « Il y a un déficit de protection des arts graphiques sur Internet, notamment au bénéfice de Google, qui ne paie aucun droit avec Google Images, un service certes gratuit, mais déployé au sein d’une marque commerciale, qui génère plus de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Si l’exception de panorama devait être consacrée, ce serait évidemment très confortable pour eux, puisqu’ils pourraient diffuser massivement – et sans avoir à se soucier du sort des auteurs – des images en HD », ironise Thierry Maillard.Wikimedia opère, de son côté, une distinction entre architecture, art contemporain et street art. « Nous sommes pour que l’on n’inclue pas dans cette exception les œuvres présentées de façon temporaire et les graffs. Nous comprenons l’argumentaire : les artistes dépendent de leur droit d’auteur pour vivre. Ce n’est pas le cas des architectes, qui vivent de la vente de leurs bâtiments, et pour qui les droits d’auteur sont un complément de revenu », précise Christophe Henner. Il relève, malgré tout, qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, « deux pays où la scène du street art est très forte », la liberté inclut le graffiti.« Il y a pas mal d’adhérents à l’ADAGP parmi les artistes de street art, c’est qu’ils estiment que c’est utile, quand bien même il y a dans le street art une philosophie de l’art pour tous et du partage sur Internet, relève Pierre Lautier, avocat spécialiste en droit de la propriété intellectuelle. Dans le cas de pubs ou de shootings de mode devant des graffitis, par exemple, ils peuvent exiger des droits. »« Un gadget face à une philosophie »Pour Pierre Lautier, le droit d’auteur est assez souple pour ne pas avoir nécessité l’ajout d’une exception comme la liberté de panorama. « J’ai l’impression qu’on sacrifie le droit moral à une mode actuelle, pour ne pas passer pour un pays de ringards. Les usages évoluent, mais la loi doit pouvoir être adaptée dans le respect du statut artistique. »« Le débat est compliqué, confirme Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste du droit d’auteur. Si l’on instaure le droit de panorama du jour au lendemain alors que tout n’a pas été mis à plat, ce sera un échec. » Selon lui, « il s’agit d’un gadget, par ailleurs très démago, face à une philosophie. On ne doit pas autoriser à foutre par terre un principe de droit d’auteur qui a près de 250 ans », s’agace l’avocat.Pour l’avocat, si in fine l’exception au droit d’auteur était adoptée de la façon la moins offensive possible, « cela aboutirait à une tolérance pour les usages non commerciaux… ce qui existe déjà. » Une éventualité qui ne satisferait pas Christophe Hennel : « Une liberté de panorama réservée aux usages non commerciaux la rendrait de fait caduque pour Wikimedia. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Au cœur des émotionsZeruya Shalev © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Les familles : liaisons et déliaisons »Zeruya ShalevSur les liens familiauxDans presque toutes les familles, là où je vis, il manque quelqu’un. Parfois, c’est un grand-père exterminé pendant la Shoah ; parfois une mère, une tante, un frère assassiné au cours d’un attentat, parfois un père, un gendre ou – le pire du pire – un fils tombé à la guerre. Il arrive donc que cette réalité engendre des situations absurdes. Par exemple, dans notre famille, l’absent, en l’occurrence, c’est le premier mari de ma mère, mort pendant la guerre d’Indépendance et qui l’a laissée veuve à vingt-trois ans. Bien que je sois née plus de dix ans après ce drame, je l’ai trouvée encore éplorée et j’ai partagé son deuil pendant toute mon enfance. Elle me parlait volontiers de cet homme, de leur amour, de sa tragédie aussi. Je l’écoutais, douloureuse, mais je savais aussi, en mon for intérieur, que sans cette perte, notre famille n’aurait jamais existé. Que je n’aurais, moi, jamais vu le jour. Ma mère aurait-elle préféré la fille issue de ce premier lit ? Voilà comment, dans mon pays, les familles se font et se défont, se construisent sur les ruines de familles antérieures, se nourrissent de souvenirs et d’angoisses, de culpabilité et d’espoir. Cela induit des liens plus intenses et plus étroits que dans les familles européennes que je rencontre. Pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire, car nous n’arrivons pas à laisser partir nos enfants vers la vie qui les attend, de même que nos propres parents n’ont pas réussi à nous laisser partir vers la vie qui nous attendait. La menace existentielle, oscillant entre conscient et inconscient, réactive à chaque fois le mécanisme qui nous cloue les uns aux autres, de génération en génération. Dans mon dernier livre, Ce qui reste de nos vies, je me suis efforcée de mettre à nu ce mécanisme. J’ai même osé essayer de transformer cette malédiction en bénédiction. Le roman s’articule autour d’une vieille femme à l’agonie et de ses deux enfants qui se trouvent à un tournant de leur vie. Ils tentent de s’offrir mutuellement un ultime cadeau d’adieu, de réparer ce qui n’avait pu l’être auparavant. Les thèmes comme la jalousie fraternelle, la rivalité pour l’amour des parents, le désir d’enfant, sont très anciens et apparaissent de manière récurrente dans l’œuvre en langue hébraïque écrite il y a plus de deux mille ans. Les récits bibliques sur lesquels j’ai grandi regorgent d’histoires de famille et de liens familiaux – preuve sans cesse renouvelée que les sentiments premiers, l’amour premier que nous éprouvons envers nos parents et notre fratrie, nous accompagnent, nous et l’humanité entière, d’une génération à l’autre, tout au long de l’Histoire. Les sciences et la technologie ont beau s’être extraordinairement développées, tout comme le monde qui nous entoure, il n’en reste pas moins que le monde affectif, lui, n’a quasiment pas bougé et que, en dépit, ou peut-être justement à cause, de cet immobilisme, il captive toujours les lecteurs autant que les auteurs, et continuera de captiver lecteurs et auteurs bien après que nous et nos enfants, nous aurons disparu. Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz Le mot cléManu JosephCinématographiqueNote à moi adolescent… Jeune homme solitaire passablement délaissé par le monde et transparent aux yeux des splendides créatures que tu vénères, ne devrais-tu pas écrire des poèmes mélancoliques ou recourir à la prose vaine d’un intense repli sur soi ? Mais non, c’est le cinéma qui t’attire, les films t’apportent tant… et tu sembles avoir été infecté par l’altruisme méconnu du cinéma commercial, la tâche qui lui échoit : divertir. Est-ce parce que tu crois savoir divertir ? Est-ce là ta grande idée ? Ou est-ce par humilité que tu tiens à divertir ? N’est-il pas vrai que tu éprouves le besoin de passer un contrat avec ton public : « J’ai quelque chose à dire et j’ai peur que ça ne t’intéresse pas, mais je sollicite le droit de le dire en te donnant quelque chose en retour. » N’est-ce pas ça, l’humilité du cinéma ? Ou bien est-ce simplement que tu appartiens à une nation théâtrale dans laquelle toutes les émotions sont exposées aux yeux de tous, dans laquelle les conversations et la gestuelle de la vie quotidienne imitent le cinéma ? On ne peut saisir l’éminente république sans une forme narrative d’inspiration dramatique. Ou est-ce seulement que tu es intimidé par l’infinie liberté que procure la fiction ? Recherches-tu des barrières susceptibles de te brider parce que, sinon, tu deviendras fou ? Si tu peux tout écrire, que dois-tu écrire et que dois-tu omettre ? Alors que, si ta fiction est un film, les limites sont toutes tracées. Tu ne peux écrire que ce que tu peux montrer, ce que tu peux transmettre sous la forme d’une image. Certes, tu intègres des notions abstraites mais, grosso modo, tu écris ce que l’œil est capable de voir. Et puis, tu aimes l’opprimé. Tu es du côté de l’opprimé. Dans les histoires que tu as envie de raconter, les opprimés s’évertuent à triompher. Une histoire a besoin de mouvement, or le parcours de l’opprimé est le mouvement même. Et comme c’est le cinéma qui a le mieux réussi dans ce domaine, c’est de lui que tu t’es inspiré en priorité. Traduit de l’anglais (Inde) par Bernard Turle © Philippe MATSAS Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'Autriche des écrivainsArno Geiger © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Ce qui importe, peut-être… »Arno GeigerCe qui importe, peut-être, à mon sens : que le cheminement de mes pensées, bien loin d’aller en se simplifiant, comme pouvait l’écrire Peter Altenberg, se complexifie tout au contraire, et que j’atteigne cependant de plus en plus à une économie de moyens parfaitement adaptée à mon sujet, à un équilibre, à une harmonie de la langue, de la forme et du contenu – ce qui n’est pas une mince affaire pour un être aussi incorrigiblement espiègle que moi, et qui n’aime rien tant que d’emberlificoter les choses. Et : que les matières traitées tendent à une banalité grandissante, car enfin rien n’est vraiment banal, je m’en avise peu à peu. L’éventail de mes perspectives s’en élargira d’autant. Et : que je fasse preuve de ténacité, et sache attendre patiemment, à ma table de travail, qu’un certain consensus s’instaure entre les intentions qui sont miennes et le texte en train de s’écrire, même si l’union qui règne entre moi-même et mon entourage doit s’en ressentir bien souvent, par contrecoup. Que mes écrits ne soient pas guidés par l’amertume ni la rage, mais avant tout par l’imagination, par une révolte contre bon nombre de choses, et aussi bien contre ce que je ressens comme mes propres insuffisances. Que je m’efforce de comprendre et ne comprenne cependant pas. Que je croie de moins en moins en ces hommes qui croient en eux-mêmes, et privilégie dès lors des personnages qui sont pris dans des engrenages qui les dépassent. Alors1 ! Traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay 1 Ce dernier mot en français dans le texte. Le mot cléJosef WinklerPénicillineLe père raconta que son frère, l’oncle Franz, âgé désormais de quatre-vingts ans passés, qui était dans la SS pendant la Deuxième Guerre mondiale et reste fier aujourd’hui d’avoir été dans la SS, avait eu à l’âge de cinq mois une pneumonie avec forte fièvre et que le médecin de famille, ne pouvant plus rien pour l’enfant, avait présenté aux parents un unique et ultime recours, fracasser à la hache la surface glacée du ruisseau du village, plonger un drap dans l’eau glaciale et envelopper l’enfant dans le linge humide. « Ou bien il survit, ou bien il mourrait de toute façon ! », aurait dit le docteur. Désespérée, ma grand-mère, la mémé Enz, suivit le conseil du docteur, plongea un drap grossier dans le ruisseau qui charriait la glace et enveloppa l’enfant de cinq mois dans le tissu essoré et tout fumant de froid. Au bout de quelques heures, elle retira du linge humide l’enfant nu et constata bientôt que la fièvre avait baissé, l’enfant survécut effectivement à cette grave pneumonie dont l’issue était fatale en général – à l’époque, il n’y avait pas encore la pénicilline – et plusieurs décennies après, lorsque cet enfant sauvé des eaux glacées fut devenu un quadragénaire fier d’avoir été dans la SS pendant la Deuxième Guerre mondiale et quand, lui qui désormais est plus qu’octogénaire et vient à Kamering pour la Toussaint et le Jour des Morts dans sa voiture anglaise blanche vieille de plusieurs décennies mais paraissant neuve, parfaitement astiquée qu’elle est, quand il se tient devant la tombe de ses parents morts depuis maintenant trois décennies, dans une odeur de chrysanthèmes jaunes et blanches, près des innombrables bougies de toutes les couleurs dont les flammes vacillent dans le cimetière et répandent un parfum d’encens, et qu’ensuite, après cette visite aux tombes, il rentre déjeuner dans ce qui fut jadis sa maison familiale pour y retrouver mon père et l’oncle Hermann, chaque année au Jour des Morts la Deuxième Guerre mondiale est de nouveau invoquée par ces trois hommes qui participèrent à la guerre, les expériences de guerre sont décrites, l’existence des camps de concentration remise en question, tandis que leurs costumes, dans lesquels ils se sont tenus le Jour des Morts devant les tombes de leurs parents, sentent encore l’odeur des fleurs de la Toussaint et la cire des bougies : « Le Hitler, il leur aurait réglé leur compte ! », « Moi j’ai rien fait ! », répétait l’oncle Franz plusieurs fois en ma présence. « Moi je travaillais à Nuremberg dans un bureau de la SS. J’ai fait de mal à personne ! ». (traduit de l’allemand par Bernard Banoun Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il s’agit d’un mariage entre distributeurs indépendants. Le belge PIAS va reprendre les activités musicales du célèbre label français de musique classique Harmonia Mundi, afin de constituer le premier label indépendant européen dans l’édition et la diffusion de musique classique, pop, jazz…PIAS, acronyme de « Play it again Sam », la réplique mythique du film Casablanca a été fondé en 1983 par Kenny Gates et Michel Lambot. Le label est déjà l’un des plus gros indépendants européens – présent notamment au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne et aux États-Unis – et est en passe de devenir une mini-major.En 2012, PIAS, dont le chiffre d’affaires est évalué à 80 millions d’euros et qui emploie environ 200 personnes, avait racheté Coop à Universal Music Group. Coop, aujourd’hui en plein essor, appartenait auparavant à EMI. Universal avait été obligé de s’en détacher, quelques mois seulement après l’avoir acheté, afin de répondre aux injonctions de la Commission européenne sur les seuils de concentration.Accord sur la partie musicaleL’accord conclu entre PIAS et Harmonia Mundi, conseillé par la banque belge de Degroof, devrait être finalisé au plus tard au 1er octobre 2015. Il ne concerne que la partie musicale des activités d’Harmonia Mundi. Il prévoit la prise de contrôle par le label d’origine belge, des marques de musique créées par la société arlésienne (Le Chant du monde, Discograph, Jazz Village…).Fondée à Paris en 1958 par Bernard Coutaz, installé d’abord à, Saint-Michel de Provence (Alpes-de-Haute-Provence), puis à partir de 1986 à Arles (Bouches-du-Rhône), Harmonia Mundi a gagné un rayonnement international grâce à son répertoire classique et romantique. Mais l’entreprise a été fragilisée par la révolution numérique. Depuis le décès de M. Coutaz en 2010, l’entreprise est dirigée par son épouse Eva qui va rester conseillère artistique au sein du nouveau groupe.Le montant de la transaction n’a pas été divulgué. Harmonia Mundi en 2010 disposait encore 350 collaborateurs et dégageait 60 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais le label et distributeur indépendant s’est résolument lancé dans la conservation d’un marché physique de la musique, en poursuivant une politique d’ouverture de boutiques, au moment même où la dématérialisation du secteur s’accélérait.Depuis Harmonia Mundi connaît de vraies difficultés financières et la reprise par PIAS, « un groupe indépendant qui partage les valeurs et la vision de Bernard Coutaz », comme le notent sa veuve et son fils, devrait permettre de préserver l’essentiel de l’héritage. Outre les activités musicales, PIAS reprend les filiales étrangères et le personnel de ces filiales.Des restructurations devront forcément voir le jour entre les deux distributeurs pour permettre l’harmonisation entre leurs réseaux. Mais pour la filière musicale, il est déjà heureux que Harmonia Mundi soit repris par un label indépendant, alors que le paysage se tend dangereusement en France et en Europe.Dans l’Hexagone, le label Atmosphériques, fondé par Marc Thonon est toujours en grande difficulté. Seuls résistent un quarteron d’indépendants emmenés par Because, Wagram, Tôt ou tard et Naïve, avec dans leur sillage des entreprises beaucoup plus petites.Pour les dirigeants de PIAS, « leur connaissance du marché digital, la gestion des différents droits, pays par pays et leur réseau international devraient permettre au nouvel ensemble de gagner rapidement en exposition et en revenus »De son côté, le fils du fondateur Benoît Coutaz va poursuivre l’activité dans le domaine des livres, sous la raison sociale Harmonia Mundi Livre SA. Celle-ci sera toujours basée à Arles. Cette branche livre est notamment le distributeur et le diffuseur des éditions Allia, Bleu autour, Champ Vallon, l’Eclat, Finitude, La Fosse aux Ours, Galaade, les Moutons électriques, Philippe Picquier, Monsieur Toussaint Louverture. Des maisons de littérature et de sciences humaines qui reflètent la diversité de l’édition française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter © Philippe MATSAS | © Jessica Marx Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / « Générations, révolutions »Dana Spiotta © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Générations, révolutions »Dana SpiottaUne des questions posées pour cette table ronde est la suivante : « Comment peut-on évoquer les lendemains de la révolution quand le rêve a cédé la place à la désillusion ? » Le sujet de l’« après », ou disons du « retour à la réalité », est très intéressant à mes yeux. Pour moi, ce n’est pas seulement une question politique ou sociale ; cela touche au plus profond de l’humain. Nous sommes faits pour être idéalistes et désenchantés. Je ne pense pas que cette idée soit désespérante : elle est au contraire essentielle et fascinante. Résister à l’inévitable désillusion, voilà ce qui m’émeut le plus. Dans mon livre, par exemple, je me suis attachée à dépeindre un être comme Nik, l’artiste, qui semble incarner l’échec selon les critères traditionnels mais qui refuse de renoncer à faire ce qu’il aime. Il crée un univers où son art prend tout son sens. Il refuse l’identité que veut lui coller la société. Il résiste. J’ai aussi essayé de faire vivre quelqu’un comme Nash, un autre de mes personnages. Nash est un révolutionnaire pacifiste qui a « perdu », mais qui poursuit sa quête du parfait acte de résistance. Il cherche quelque chose de libérateur en soit, peu importe le résultat. Les êtres qui proposent une nouvelle définition du succès au cœur d’un monde indifférent me passionnent. Je ne les considère pas comme des échecs ; je vois en eux des innocents désabusés. Les tentatives de rébellion protègent l’âme, même si l’on pressent qu’elles sont vaines. Et quand on sait justement que l’on va échouer, cela devient peut-être encore plus fondamental. Nous agissons sachant que la révolution accouchera d’une souris, nous tombons amoureux sachant que l’amour prend souvent plus qu’il ne donne, nous créons sachant que la plupart des œuvres ne trouvent pas leur public, de même que nous vivons conscients de notre mort inéluctable. Malgré tout, nous continuons, nous aimons, nous créons, nous combattons sans jamais déposer les armes. Voilà ce sur quoi j’aime écrire, le quotidien d’une vie face à ces vérités implacables. Et je crois qu’il est essentiel de ne pas schématiser les personnages, de résister au cliché et d’en faire des êtres vrais, pétris de défauts. Mes personnages ont tendance à commettre de graves erreurs au nom d’un rêve ; ensuite, ils n’ont d’autre choix que de persévérer, jour après jour, de préparer le petit déjeuner, de faire des enfants, de regarder la télévision – de vivre en d’autres termes. Cette vie « d’après » est très riche pour un écrivain. C’est là que les personnages sensibles se confrontent à l’ironie de l’existence. Ce moment peut être drôle ou triste, et même si l’on n’y découvre pas forcément de vérités fondamentales, on peut en tirer une certaine consolation. En tant qu’écrivain, les réponses ne m’intéressent pas. Je préfère m’interroger sur ce que signifie être vivant aujourd’hui. Je me concentre sur les forces qui nous façonnent (argent, histoire, nationalité, sexe, environnement de vie, langue, accès aux technologies), et j’envisage l’humain dans ces contextes particuliers. De quoi est capable la fiction ? Je m’efforce de décrire la complexité d’une époque et d’un lieu ; je cherche à saisir le moment où les gens agissent et à retracer les conséquences de leurs actes. D’habitude, je commence par la langue du personnage. Je m’attache à sonder les idées reçues, les habitudes de langage et les schémas de réflexions qui nous oppriment et nous musellent. J’explore en particulier la manière dont les technologies (anciennes ou nouvelles) influent sur notre façon de penser, d’agir et de sentir. Montrer la vie dans sa complexité est crucial. Pour moi, cette quête est subversive ; c’est un acte de rébellion. Le roman peut contrecarrer la fugacité de l’instant : les jugements à l’emporte-pièce et la marchandisation à tout-va. Il peut aussi nous prémunir contre la tendance qui veut tout réduire à une chose unique. Le roman est polyvalent, multiple et contradictoire. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson Le mot cléAurélien BélangerStructuralismeJe vois les mauvais jours le roman comme un petit skate-board, le plus inutile et le plus énergivore des moyens de transport, la plus petite des portions de l’espace qui puisse nous être attribuée et dont il n’y a à peu près rien à faire, sinon tenir debout, et venir de temps en temps taper contre le sol. Les bons jours je le vois comme le hamac d’un anthropologue perdu en Amazonie et suffisamment éloigné de ses notes pour improviser une cosmologie complète. L’anthropologue traditionnel a besoin du balancement souple des sociétés primitives, le romancier préférera placer ses intrigues au milieu des fractures, des multiples plans et des lignes de fuite incertaines des sociétés industrielles – idéalement, le paysage urbain lui-même lui servira d’intrigue. Anthropologues et romanciers font de l’ontologie : ils déterminent les forces en présence et définissent l’ameublement du monde. Rien d’héroïque, c’est là la tâche de fond de l’esprit humain. L’essentiel est de la séparer du bruit qui vient s’y ajouter – l’ontologie est extrêmement adhésive. La technique de l’anthropologue consiste à partir le plus loin possible pour étudier, si elles existent, des ontologies encore un peu natives, pas encore hybridées. La technique du romancier consiste à soigner son écriture, pour jouer sur sa plasticité mentale et sa faculté à redécouper librement le réel. L’anthropologue structuraliste Philippe Descola est ainsi revenu du pays des Achuar avec un catalogue complet d’ontologies qui correspondent chacune à une manière justement instinctive de découper le réel pour le rendre lisible. Elles regardent notre manière d’articuler l’intériorité de notre esprit avec le monde sensible. Au dualisme nature-culture, que les romanciers n’ont jamais réussi à prendre au sérieux, il oppose quatre grands types d’ontologies définissant tout le spectre des découpages possibles – spectre que les romanciers pourraient avoir toujours parcouru, faisant ainsi de l’anthropologie structurelle sans le savoir, et échappant, parfois, quand ils écrivent, aux déterminations sociales dominantes. Pour le naturaliste, les êtres ont des intériorités distinctes, tous ne sont pas conscients, mais ils sont sous-tendus par la même physique, ils sont profondément les mêmes. C’est le charme béhavoriste des vieux polars ou du nouveau roman. Pour l’animiste, les intériorités sont les mêmes, les choses et les hommes, si leurs apparences physiques diffèrent, ont des intentions égales. Le discours indirect libre, généralisé, entendu presque comme un naturalisme ironique, est d’essence animique. En régime totémique, les intériorités et les physicalités sont les mêmes, l’humain et le non-humain s’entremêlent, les choses basculent dans un fantastique inexplicable, celui de La Métamorphose de Kafka, où la transformation de Gregor est trop évidente pour être allégorique. À l’inverse, en régime analogique, tout est singulier : c’est le règne, par défaut, de la métaphore, seul outil cognitif valide. Emmanuelle Jardonnet CHOICES, lancé l’an dernier à Paris, est la mouture parisienne de ces week-ends concoctés sur mesure pour les collectionneurs internationaux. Ces dernières années, ils ont émergé dans de nombreuses grandes villes (Londres, Copenhague, Varsovie, Chicago…) sur le modèle du Galleries Weekend de Berlin, créé il y a dix ans. La deuxième édition de l’événement se tiendra du vendredi 29 au dimanche 31 mai, avec un programme encore un peu plus dense que l’an dernier.Lire aussi :Profil du collectionneur français : un homme âgé… et pas si fortunéCe sont cette fois quarante galeries – soit cinq de plus qu’en 2014 – qui participent à un parcours un peu atypique, puisqu’il s’articule autour d’une exposition collective aux Beaux-Arts. « A l’étranger, les galeries s’appuient souvent sur des institutions », afin que les collectionneurs profitent du voyage pour voir de grandes expositions en avant-première, souligne Marion Papillon, à l’origine du projet. « A Paris, si l’on ajoutait encore des expositions à la visite des galeries, ce serait trop », estime la galeriste, pour qui la formule est d’ailleurs déjà à son maximum : « Quarante galeries est un bon format, nous avons atteint notre objectif. Au-delà, il faudrait sûrement en changer, car on ne peut pas demander aux gens de visiter 70 galeries en trois jours. » « Réinviter au parcours » des galeriesCHOICES inclut néanmoins quelques visites privées pour les quarante collectionneurs VIP invités pour le week-end (un par galerie) : à la Fondation d’entreprise Ricard, partenaire officiel de l’opération, et au Jeu de Paume, qui se situe idéalement devant l’hôtel Meurice – autre partenaire officiel, qui logera les convives. Enfin, une soirée de clôture sera organisée dimanche soir au Musée Bourdelle, qui vient de rouvrir après huit mois de travaux.L’objectif reste bien sûr de « réinviter au parcours » des galeries. « Ce type d’événement est devenu fréquent parce que les foires ont pris beaucoup de poids, au dépend de ce “parcours” dans les galeries. Or, faire des expositions et montrer les artistes dans nos espaces est le cœur du métier de galeriste, c’est important de remettre ça en avant », insiste Marion Papillon, pour qui CHOICES doit donner « un prétexte supplémentaire pour venir à Paris ». A l’origine, une telle association n’allait pas de soi, et plusieurs tentatives en ce sens n’avaient pas abouti avant CHOICES. Pour convaincre les galeristes, Marion Papillon leur a d’emblée proposé un projet très « ficelé » en termes d’organisation comme de partenaires. De grandes galeries, qui n’ont pas forcément besoin de ce type d’événement, se sont également laissées tenter, comme les Vallois, Art : Concept, Almine Rech ou encore l’antenne parisienne de la galerie berlinoise Max Hetzler. Cette année, un grand nom de plus s’est adjoint au projet : la galerie Thaddaeus Ropac, avec ses deux espaces, celui du Marais et celui de Pantin.« Moments de rencontre »Après Nicolas Bourriaud, l’actuel directeur de l’Ecole des Beaux-Arts, aux manettes l’an dernier, c’est un ancien directeur, Alfred Pacquement, qui est cette année chargé du commissariat de l’exposition collective, pour laquelle chaque galerie a proposé plusieurs œuvres afin de laisser au commissaire le soin de construire cette exposition de quarante œuvres (une par galerie).L’an dernier, 3 000 visiteurs ont visité l’exposition collective en un week-end. « Nous avons été presque surpris », concède Marion Papillon. Cette fois, l’événement n’est pas organisé dans le Palais des Beaux-Arts, mais sous la grande verrière du Palais des études des Beaux-Arts. Une hauteur et une luminosité qui ne sont pas sans incidence sur l’accrochage : il y aura ainsi davantage de sculptures et de vidéos – pour lesquelles ont été aménagées des boîtes-cabines noires.Hormis les quarante collectionneurs « happy few » et tous les collectionneurs conviés plus largement à participer au parcours, CHOICES est accessible au grand public. L’entrée est libre, dans l’exposition comme dans les galeries. « Nous avons conscience que franchir les portes des galeries peut être intimidant, mais ce week-end encourage une disponibilité des galeristes, et des moments de rencontre », indique Marion Papillon.Julien Prévieux, Alain Fleischer, Isabelle Le Minh…Si l’exposition collective est certainement la meilleure porte d’entrée dans l’événement, l’artiste présenté n’est pas forcément celui qui est exposé dans la galerie. C’est seulement le cas d’une dizaine de galeries. Parmi eux, Christophe Gaillard, avec le travail autour du concept de photographie de la Française Isabelle Le Minh ; la galerie Bernard Jordan, avec les intrigantes sculptures aussi architecturales que sexuelles de l’Autrichien Elmar Trenkwalder ; Jousse Entreprise, qui présente le travail de Julien Prévieux, Prix Marcel-Duchamp 2014, questionnant avec humour les logiques sociales de notre société ; ou encore la galerie Françoise Paviot, qui expose les œuvres d’Alain Fleischer, dont la vidéo Hitchcock recadré montre le film Fenêtre sur cour lui-même filmé à travers le viseur d’une petite caméra numérique, au plus près des détails.« Le travail de tous les artistes n’est pas forcément adapté à un espace où quarante galeries présentent des œuvres », explique Marion Papillon, qui n’exclue pas à l’avenir des règles du jeu plus contraignantes. Les liens exposition-galerie se font ici de multiples manières : plutôt que de faire une monographie, certaines galeries voient dans le dispositif la possibilité de présenter le travail de deux artistes, certains font appel à un commissaire pour proposer une exposition en lien avec l’œuvre présentée (comme Art : Concept ou Almine Rech), d’autres choisissent enfin simplement une œuvre représentative de la ligne de la galerie. La galerie Anne Barrault a opté pour une autre formule encore : l’artiste présentée aux Beaux-Arts, Sarah Tritz, a eu carte blanche pour l’exposition en galerie, où elle a choisi de mettre en regard le travail de deux artistes face à face : Anne Bourse et Emilie Perotto, « comme un portrait en creux » de sa propre pratique.Les 29, 30 et 31 mai, ouverture des galeries participantes de 12 heures à 19 heures. Ouverture publique de l’exposition collective le 30 et le 31 aux mêmes horaires. Palais des Études, Beaux-Arts de Paris, accès 14, rue Bonaparte, Paris 6e. Liste des galeries participantes : www.choices.frEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.05.2015 à 16h13 • Mis à jour le28.05.2015 à 16h37 | William Audureau et Maxime Vaudano En décidant d’ouvrir le système public de subventions aux jeux vidéo catégorisés comme « violents », le gouvernement français n’a pas manqué d’étonner et de susciter la polémique. Vu de l’extérieur, le décret de la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire semble alimenter le cliché d’une industrie très largement portée vers les productions violentes – un procès qui lui est régulièrement intenté, alors même que rien n’empêche l’Etat de subventionner les films violents. Le Monde s’est penché sur la question, en comparant les systèmes de classification de ces deux médias.Beaucoup plus de jeux violents que de films ?Un premier coup d’œil sur les statistiques suggère que le jeu vidéo peut heurter bien plus souvent la sensibilité des joueurs que les films avec leurs spectateurs. Près de la moitié des jeux qui sortent chaque année sont au moins déconseillés aux enfants de moins de 12 ans par le système européen PEGI (Pan European Game Information), qui fait référence dans le domaine. A l’inverse, plus de 90 % des films qui sortent dans les salles de cinéma françaises bénéficient du visa « tous publics » du Centre national du Cinéma (CNC). #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313524292 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313524292 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des films en France (CNC)Source : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Avant 2010, les chiffres absolus sont des extrapolations à partir des pourcentages fournis par le PEGI. Elles peuvent donc varier de quelques unités par rapport au chiffre réel, non communiqué par PEGI.Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 1309 ], [ "", 1460 ], [ "", 1114 ], [ "", 828 ], [ "", 613 ], [ "", 471 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 350 ], [ "", 393 ], [ "", 549 ], [ "", 362 ], [ "", 388 ], [ "", 371 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 444 ], [ "", 503 ], [ "", 551 ], [ "", 515 ], [ "", 418 ], [ "", 326 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 253 ], [ "", 247.5 ], [ "", 249 ], [ "", 284 ], [ "", 224 ], [ "", 225 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 126 ], [ "", 140 ], [ "", 155 ], [ "", 218 ], [ "", 170 ], [ "", 149 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Faut-il pour autant y lire la marque d’un tropisme particulier de la production vidéoludique pour les « sujets d’adultes », comme la violence, le sexe ou la drogue ?Le paradoxe des adaptationsPour affiner la comparaison, Le Monde a dressé une liste de 193 jeux vidéo sortis depuis 2008 et ayant été directement adaptés d’un film (comme Reine des neiges ou Iron Man 2) ou inspirés d’une saga cinématographique (comme Madagascar Kartz ou 007 Legends), avec l’appui d’Alexis Blanchet, docteur en études cinématographique et spécialiste de la question">spécialiste de la question.Non exhaustive, cette liste représente toutefois une bonne partie du corpus existant. La classification du film est délivrée par le CNC, et celle du jeu par PEGI. Quand plusieurs versions d’un même jeu – sur différentes consoles, par exemple – ou plusieurs épisodes d’un même film – une trilogie – existaient, nous avons tenu compte du classement le plus sévère. Objectif ? A univers commun, tenter d’évaluer les différences de traitement des œuvres selon leur support. La datavisualisation présente la classification respective du jeu (de PEGI 3, pour le « tous publics », au PEGI 18, pour les jeux déconseillés aux moins de 18 ans) et du film (du « tous publics » au « - 18 ») :Lire aussi :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéoDeux classifications radicalement différentes…La raison est simple : les deux instances de régulation qui font référence en France fonctionnent de manière radicalement différente…Dans leur structure…C’est le Centre national du cinéma (CNC) qui accorde leurs visas d’exploitation aux films diffusés dans les cinémas français. Il s’agit d’un établissement public, dont la commission de classification est composée de personnalités d’horizons divers (professionnels, associatifs, fonctionnaires, étudiants…) nommés par le ministère de la culture. C’est un modèle de régulation publique.Les jeux vidéo sont au contraire “autorégulés” par l’industrie. La classification européenne PEGI est la propriété privée du lobby européen du “logiciel interactif”, l’IFSE. La classification des jeux est toutefois confiée à deux organismes publics : l’Institut néerlandais de classification des médias audiovisuels (NICAM) et le Video Standards Council (VSC) britannique, qui accordent une place aux représentants de l’industrie, aux autorités de régulation nationales (comme le CSA), à des experts indépendants et aux consommateurs, qui peuvent adresser des plaintes.… dans leurs méthodes…Le CNC ne s’appuie pas sur une grille précise, et admet la « subjectivité » de ses classifications de films. La seule contrainte légale pour l’institution est d’interdire aux moins de 18 ans les œuvres comportant « des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence », et d’empêcher purement et simplement la sortie en salles des films pornographiques ou d’incitation à la violence, classés X (une censure très rare, appliquée deux fois ces vingt dernières années).A l’inverse, le système PEGI s’appuie sur une grille très précise de critères, matérialisée par un questionnaire de 50 éléments renseigné par l’éditeur du jeu lui-même, avant d’être vérifié par les administrateurs. Les jeux peuvent être assortis d’un avertissement pour toute une série de motifs : violence, grossièreté, sexe, peur, incitation aux jeux de hasard, à l’utilisation de la drogue, à la discrimination, et même présence d’un mode de jeu en ligne… #container_14314203791{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14314203791{ height:500px; } #container_14314203791 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14314203791 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14314203791 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14314203791 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }La violence, premier motif de classification des jeux en 2013Lecture : 59 % des jeux sont accompagnés d'une classification "violence".Source : Rapport annuel du PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14314203791", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Violence","Jeu en ligne","Autres","Grossièreté","Peur","Sexe","Paris","Drogues"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": 2013, "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 59.4 ], [ "", 29.7 ], [ "", 23.41 ], [ "", 22.05 ], [ "", 10.31 ], [ "", 3.57 ], [ "", 1.49 ], [ "", 0.71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 1 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " %", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ainsi, un jeu où un personnage « gagne un avantage en utilisant le tabac ou l’alcool » ou prononce une seule fois le juron « fuck » ou l’injure « cocksucker » se voit automatiquement étiqueté « moins de 16 ans ».A l’inverse, Le Discours d’un Roi de Tom Hooper (2010) est étiquetté « tous publics » malgré les bordées d’injures prononcées par Colin Firth. Contrairement au système PEGI, le CNC a la possibilité de tenir compte du contexte narratif, et a dû considérer les insultes du comédien comme partie intégrante de la thérapie anti-bégaiement de son personnage, ce qui échappe au PEGI dans son système actuel.… et dans leurs effetsTout sévère qu’il soit, le système PEGI ne semble pas vraiment embêter les éditeurs de jeux vidéo. En remplissant le questionnaire de classification, rares sont ceux qui cherchent à tromper la vigilance du PEGI en minorant la violence de leurs jeux, alors que les administrateurs du système admettent ouvertement ne pas pouvoir jouer à l’ensemble du jeu.La raison de cette abnégation est simple : PEGI est un simple label, qui n’a aucune implication légale dans la plupart des pays qui l’ont adopté. Ainsi, aucune loi n’empêche aujourd’hui une boutique française de vendre un jeu PEGI 18 à un mineur. Au contraire, une classification 16 ou 18 constitue même souvent un argument commercial à destination des joueurs.En France, la très récente loi sur la simplification du droit (« http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0467.asp »>article 22) a pour la première fois officiellement reconnu le système PEGI. « http://www.bbc.co.uk/newsround/19047948 »>Le Royaume-Uni a décidé de rendre la classification PEGI contraignante depuis 2012.Si un décret prévu pour le 1er octobre 2015 devrait rendre obligatoire l’étiquetage des jeux en vente dans la distribution physique, alors que la certification PEGI est aujourd’hui facultative, il s’agit d’une manœuvre « symbolique », explique-t-on au syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), dont la principale ambition est d’officialiser la pratique du PEGI. Il n’est pas question de rendre la classification juridiquement contraignante, comme l’a fait le Royaume-Uni en 2012. « La priorité, c’est l’information et la sensibilisation des parents et des joueurs, pas la répression. » Au contraire, les responsables des cinémas qui ne font pas respecter les interdictions - 12, - 16 + ou - 18 sont passibles d’une amende de 1 500 à 3 000 euros.William AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il sera le deuxième Noir à siéger à l’Académie française, 32 ans après Léopold Sédar Senghor (1906-2001), élu en 1983. A sa manière, Dany Laferrière, écrivain et journaliste, est aussi un des illustres chantres de la francophonie. Elu au premier tour de scrutin, en décembre 2013, pour succéder à l’écrivain d’origine argentine Hector Bianciotti, dont il est chargé de faire l’éloge, il est reçu, jeudi 28 mai, par l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf.A travers tous ces auteurs, tous nés sur des continents différents, c’est bien la langue française, pierre angulaire de l’Académie française qui est mise à l’honneur. « A un Franco-argentin d’origine italienne va succéder un Québécois de Haïti, qui sera reçu par un Libanais. Voilà ce que c’est, l’Académie française », a tenu a rappeler l’académicien Jean d’Ormesson, lors de la cérémonie de remise de l’épée qui s’est tenue, mardi 26 mai, à l’Hôtel de ville de Paris.Ecrivains voyageursDepuis trois décennies, l’Académie française s’est ouverte aux vents de la francophonie et aux écrivains voyageurs, venus du monde entier. Né à Port-au-Prince, il y a 62 ans, Dany Laferrière est le fils de l’ancien maire de la capitale haïtienne, contraint à l’exil lorsque le dictateur Jean-Claude Duvalier prend le pouvoir. Comme beaucoup d’Haïtiens, il trouve alors refuge au Québec s’installant à Montréal où longtemps, il a vécu « comme un clochard », travaillant au noir dans des tanneries, avant de connaître un succès fulgurant avec son premier livre, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, publié en 1985. Jeudi, Dany Laferrière sera, en effet, le premier écrivain québécois à être reçu sous la coupole. Il occupera le fauteuil n° 2. Parmi ses illustres prédécesseurs, figurent notamment Montesquieu, l’auteur de De l’Esprit des lois et des Lettres persanes, mais aussi Alexandre Dumas, le romancier le plus prolifique du XIXe siècle, entré depuis au Panthéon et dont une grand-mère était une esclave mulâtre de Saint-Domingue. Pourtant, pour l’auteur de Je suis un écrivain japonais (Grasset, 2008), cela serait une grave erreur de réduire un écrivain à son origine. Dany Laferrière ne s’est jamais enfermé dans l’étiquette de « l’écrivain noir ».Un remarquable antidote à l’ennuiAuteur d’une vingtaine d’ouvrages, Dany Laferrière est surtout un remarquable antidote à l’ennui. Plusieurs de ses livres sont consacrés à sa terre natale. Dans L’Odeur du café (1991), il rend un hommage vibrant à sa grand-mère, une femme cultivée qui lui a inculqué l’amour de la littérature et de la poésie. Présent sur place, le 12 janvier 2010, lors du terrible tremblement de terre qui a frappé Haïti, il raconte dans Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011) le silence qui suit la catastrophe humaine.De lui, son éditeur chez Grasset, Charles Dantzig, dit que ce qui le caractérise, c’est « sa grande élégance de forme ». Son humour, sa distance et sa poésie sont effet au cœur de sa manière d’écrire. Il a reçu le prix Médicis 2009 pour L’Enigme du retour (Grasset), qui raconte son retour en Haïti après la mort de son père. Ecrit en alternance en prose et en vers libres – d’où une très grande musicalité –, c’est un roman à la fois sur la famille, l’exil, l’identité et le temps qui passe.Les discours de Dany Laferrière et Amin Maalouf seront consultables sur le site de l’Académie française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot « Il n'y a rien de plus extraordinaire que la réalité », avait l’habitude de dire Mary Ellen Mark. Cette figure charismatique de la photographie de reportage d’après-guerre, qui a toujours tourné sa caméra vers les exclus et les marginaux, est morte, lundi 25 mai à New York, à l’âge de 75 ans.Née près de Philadelphie, elle s’est d'abord tournée vers des études de peinture et d’histoire de l’art, avant de trouver sa voie en suivant des cours de photographie. « Dès ce moment où j’ai su ce qu’était la photo, je suis devenue obsédée », écrivait-elle dans son livre sorti à l’occasion de ses vingt-cinq ans de photographie.Pour son premier reportage marquant, au début des années 1960, elle suit la vie de drogués à Londres, et trouve son style : du noir et blanc, un mélange de spectaculaire et de compassion, une proximité forte avec ses sujets. Admirative d’Eugene Smith ou de Dorothea Lange, elle cherche les regards forts, le moment suspendu, l’instant dramatique. Cette série marque le début d’une longue collaboration avec les grands magazines américains – Life, Vogue, Vanity Fair… Au cours de ces années, la photographe connue pour son caractère vif et son charisme rejoint l’agence Magnum, de 1977 à 1981, avant de finir par créer sa propre agence.Pour Mary Ellen Mark, impossible de ne pas être amie avec ses modèles. A chaque fois, elle prend du temps pour vivre avec eux, et revient souvent sur les lieux pour avoir des nouvelles ou les photographier à nouveau. En 1979, elle passe plusieurs mois dans un hôpital psychiatrique, pour photographier le quartier sécurisé destiné aux femmes : elle en tire une série forte aux cadrages mouvementés, réunie dans un livre, Ward 81 (1979).Brutalité de la vie quotidienneEn Inde, elle mettra plusieurs années à gagner la confiance des prostituées de la rue chaude de Bombay, Falkland Road : au début, les femmes l’insultent, lui jettent des ordures à la figure, lui crachent dessus. Elle s’installe alors dans le café où les prostituées font leur pause, et en vient à partager leur vie. Pour une fois, les images de Mary Ellen Mark sont en couleurs, dans des tons criards qui disent sans fard la brutalité de la vie quotidienne. « Mary Ellen Mark a l’air de suggérer à ses modèles qu’il n'y a pas de honte, que la honte n’est que la gêne ou la délectation des mauvaises consciences, qu’il n’y a que la réalité, et que toute réalité est digne d’être dite », écrivait le critique Hervé Guibert sur ce travail dans Le Monde en 1981.Son travail le plus marquant naît d’une commande en 1983 pour le magazine Life : à Seattle, ville réputée la plus agréable des Etats-Unis, elle photographie les enfants des rues, oubliés par les services sociaux et délaissés par leurs parents, livrés à la drogue et à la prostitution. Elle en tire un livre, Streetwise, ainsi qu'un documentaire du même nom tourné avec son mari, Martin Bell, qui sera nommé aux Academy Awards en 1984. Elle y suit une enfant de 13 ans, Tiny Blackwell, qu’elle retrouvera vingt ans plus tard pour un nouveau travail photographique.Esthétique de l’emphatieTout au long de sa carrière, sa passion va d’abord aux marginaux de la société : aveugles, fugueurs, prostituées, sans-abri, malades mentaux, drogués, paumés, gens du cirque, gitans, mères adolescentes… En 1987, pour le magazine Life, elle a longuement suivi une famille américaine à l’existence précaire : les parents et les enfants Damm passaient de motels en ranchs abandonnés dans le désert près de Los Angeles. Elle est retournée les voir en 1994, pour constater que leur situation s’était aggravée, les parents sombrant toujours plus dans la drogue malgré les dons générés par la première publication. Elle a aussi consacré un long sujet à Mère Teresa et à son action en Inde.Contrairement à Diane Arbus, qui s’appliquait à faire ressortir l’étrangeté de ses sujets, rassemblant marginaux et gens normaux dans la même fragilité, Mary Ellen Mark, en héritière de l’humanisme des années 1950, cherchait toujours ce qui rapproche les gens : « Je veux atteindre et toucher quelque chose que je sens être au plus profond des hommes », écrivait-elle dans un de ses livres. Une esthétique de l’empathie qui a été largement imitée, jusqu’à la caricature, dans le photojournalisme des années 1980 et 1990.Même si ce travail est moins connu, la photographe a aussi beaucoup travaillé sur les plateaux de cinéma : elle a suivi le tournage d’Apocalypse Now (1979), de Francis Ford Coppola, celui de nombreux films de Baz Lhurmann (Moulin Rouge, 2001). On lui doit une très belle photo brumeuse de Fellini, le porte-voix en bouche, sur le tournage du Satyricon, en 1969. Dans les années 1990, elle est aussi devenue portraitiste de célébrités, photographiant de nombreux acteurs pour Rolling Stone ou le New York Times Magazine.Dates20 mars 1940 Naissance à Elkins Park près de Philadelphie.1981 Livre « Falkland Road », sur le quartier chaud à Bombay.1983 Livre et film « Streetwise », sur une enfant des rues de Seattle.25 mai 2015 Mort à New York.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste © Mathieu Bourgois Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'obsessionAvec Lionel Shriver, Pierre Patrolin et Alan Pauls. Pascal, Ma et Andréi © JF PAGA | © Claude Gassian | © Philippe MATSAS sTexte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Le post-communisme : laboratoire de folie libérale à l'état pur ? Avec Pascal Bruckner, Ma Jian et Andréi Kourkov. Alan Pauls DRLe texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« L’obsession »Alan PaulsJe lis qu’obsession vient d’obsido, un ancien verbe latin qui signifie « prendre une forteresse », et une fois de plus je me réjouis de la discrétion avec laquelle l’étymologie secoue régulièrement l’amnésie du langage. L’idée de siège (et de forteresse assiégée) restitue à l’obsession une valeur militaire qu’elle avait perdue. Lorsque la mauvaise presse qui poursuit les émotions drastiques (et probablement aussi la crainte de devenir le sujet de celles-ci) tentait de nous persuader du caractère renfermé de l’obsessionnel, l’étymologie vient nous rappeler deux choses capitales : que les obsessionnels (qu’ils s’appellent Gustave Flaubert, Adèle Hugo, Brian Sweeney Fitzgerald – alias Fitzcarraldo – ou Travis Bickle) sont des personnes fondamentalement actives, qu’on peut définir moins par une introspection narcissique et une hyperactivité mentale stérile que par un rapport préhensile au monde. Des forteresses, il y en a des milliers : celle de Flaubert était le mot juste, miracle de pertinence stylistique pour lequel il était capable de sacrifier (autrement dit : prendre du plaisir) des semaines entières ; celle d’Adèle H., l’extraordinaire fille de Victor Hugo, était le lieutenant Pinson, l’amour impossible pour lequel elle abandonne sa maison et sa famille, traverse toute seule les mers hostiles du dix-neuvième siècle, repère les détachements militaires et finit folle dans un asile ; celle du mélomane Fitzcarraldo (et sans doute celle de Werner Herzog, qui l’a immortalisé dans un film débridé) était de monter un théâtre lyrique en pleine forêt amazonienne, ce pourquoi il trimballa un transatlantique de trois cent vingt tonnes grâce à un cruel système d’esclaves et de poulies ; celle de Travis Bickle, le chauffeur de taxi de Martin Scorsese, était deux femmes : la distinguée et inaccessible Betsy, assistante de campagne d’un candidat politique, et Iris, l’adolescente prostituée qu’il arrache, à feu et à sang, d’un bordel de New York. L’important en matière d’obsession est que cette place forte, perchée comme elle l’est, ne soit jamais disponible et qu’elle ne se rende pas facilement. Voilà pourquoi elle doit être repérée, assiégée et, dans le meilleur des cas – c’est l’ultime phase de l’obsession, son coup de grâce –, prise. Ainsi, donc, le modèle de l’obsessionnel est aussi bien psychopathologique que stratégico-belliqueux : toute démarche obsessionnelle suppose la nécessité, le plan, la frénésie de la traque, l’infraction et l’annexion finale. Peut-être l’obsession n’est-elle qu’un dialecte de la conquête. Les « psychopathologistes » rétorqueront que l’obsessionnel ne déploie pas le siège, qu’il le subit. C’est la version passive, « victimiste », du syndrome, qui dépeint son héros comme une créature traquée par des idées et des désirs incontrôlables, tellement insistants que pour les conjurer il s’enroule dans une toile d’araignée de rituels laborieux et sophistiqués : cérémonies pour traverser la rue, mystérieuses séances d’hygiène, priorités, protocoles insensés. Les Anglais, si prompts à percevoir du style là où les médecins voient des maux, nomment ces créatures fragiles et idiosyncrasiques des excentriques. Flaubert, Adèle H., Travis Bickle, Fitzcarraldo (plus modestement, moi-même, qui ne me couche jamais sans avoir un verre de quelque chose sur ma table de nuit) sont des excentriques. Chacun possède ses protocoles, mais tous poursuivent comme des somnambules une idée fixe, une mission, une énigme, sans lesquels tout – non seulement la santé de l’obsessionnel, mais aussi le monde – court le risque de s’effondrer. Le problème – le facteur dinguerie – est que cette chose qu’ils poursuivent se trouve en général en dehors de tout horizon possible. Comme certains jeunes rebelles, les obsessionnels sont réalistes et réclament l’impossible. Mais comme personne ne le leur donne, ils n’ont d’autre choix que l’action. Alors, convaincus que la foi fait bouger les montagnes, ils sortent et assiègent la forteresse, mais ils se font presque toujours brûler dans leur tentative, misérables et splendides, comme les grands artistes de l’échec qu’ils sont. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Serge MestreLe mot cléLionel ShriverBelliqueuxBelliqueux : adjectif qualifiant tout à la fois l’œuvre et l’attitude de certains romanciers, au premier rang desquels la revêche Lionel Shriver. Auteur présentant une forte propension à faire cavalier seul. S’obstine à inventer des personnages désagréables, voire détestables, taxés par les lecteurs « d’antipathiques ». Prend un malin plaisir à choisir des thèmes qu’aucun individu sain d’esprit n’a la moindre envie de lire pour se distraire, notamment la démographie (pitié), l’échec (on cherche des modèles !), l’économie (soporifique) ou encore le système de santé américain (on croit rêver !). Individu de sexe féminin, l’auteure, à l’âge de quinze ans, opte pour le prénom Lionel, et affirme pourtant avoir « zéro intérêt » pour le projet Fifty Shades of Gender Identity actuellement accessible pour autoclassification sur Facebook. Par tendance autodestructrice, cette même romancière refuse d’intervenir sur les réseaux sociaux « bouffeurs de temps » et n’a entendu parler de Facebook que par certains journaux ringards. Peut se montrer très critique à l’égard des festivals littéraires, qu’elle qualifie de « masturbation intellectuelle », mais continue pourtant d’y assister, ne serait-ce que pour le plaisir de les trouver « gonflants ». Les auteurs belliqueux ont tendance à mal réagir lorsqu’on les sollicite afin qu’ils définissent un « mot-clé » résumant la globalité de leur œuuuuvre, et, consternés, trouvent l’exercice prétentieux et artificiel. L’auteur belliqueux se montre parfois dangereux et doit être abordé avec prudence. Synonymes : querelleur, récalcitrant, agressif, difficile, ingrat, pugnace, désagréable, grincheux, misanthrope, « pas méchant pour deux sous en vrai », « aboie mais ne mord pas ». Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Richard Catherine Pacary Tous les matchs de Roland-Garros ne se jouent pas sur terre battue. Jeudi matin, une partie très disputée avait lieu dans un hémicycle de l’Hôtel de Ville, entre les tenants des deux projets d’extension du site sportif de l’Ouest parisien : la Fédération française de tennis (FFT) et les associations de protection de l’Environnement. Ces dernières ont remporté un set. Le Conseil de Paris a adopté le vœu présenté par Europe Ecologie Les Verts, soutenu par une partie de l’UMP et les centristes, par 82 voies contre 76, qui demande que de nouvelles études indépendantes soient réalisées sur le dossier FFT en préalable à toute autorisation de travaux.Il s’agit là du énième rebondissement d’un affrontement débuté il y a plus de quatre ans, en 2011, lorsque la nécessité d’un agrandissement a été officiellement actée. Arrivé à saturation, Roland-Garros ne peut espérer conserver son rang dans le tournoi du Grand Chelem qu’à cette condition et redoute d’être délaissé au profit de sites plus exotiques, mieux équipés et mieux payés. Depuis, deux projets s’opposent.Anne Hidalgo : « Le projet de la FFT est le meilleur »Le premier, présenté par la Fédération et soutenu par la Maire de Paris, Anne Hidalgo, utilise les jardins des serres d’Auteuil pour y bâtir un court de 5 000 places, à demi enterré et entouré de nouvelles serres, en lieu et place des actuelles serres techniques. Les grandes serres classées de Formigé ne seraient pas touchées et la destruction du court numéro un permettrait une meilleure gestion du flux des spectateurs. Coût du projet : quelque 400 millions d’euros, entièrement financés par la FFT.Utiliser les jardins des serres d’Auteuil, détruire les serres techniques… autant d’éléments jugés inacceptables par les associations de défense de l’environnement et des monuments historiques. Leur projet alternatif propose de couvrir en partie l’autoroute A13 qui longe le site pour y installer des courts d’entraînement. Le court numéro un ne serait pas détruit mais agrandi. Avantage : les jardins des serres seraient préservés. Inconvénient : un surcoût de 80 millions d’euros, selon le rapport commandé en février par la ministre de l’écologie au cabinet Egis et remis le 18 mai à la Mairie de Paris. « Quatre-vingts millions ?, réagit Yves Contassot, conseiller de Paris EELV, la veille du vote. Moins de 10 millions, et je le démontrerai. » L’impartialité du cabinet Egis mise en douteAutre élément fort de l’argumentaire d’EELV, la mise en doute de l’impartialité du cabinet Egis, payé par la FFT, mais également lié à l’architecte du court des Serres, Marc Mimram, dans une autre réalisation, celle de la gare TGV de Montpellier, comme le montre le site d’Egis. Les auteurs de l’étude Egis et leurs conclusions reconnaîtraient par ailleurs, selon Yves Contassot, que « le projet associatif répond aux fonctionnalités demandées par la FFT », et que « les deux projets n’ont aucune incidence sur l’éventuel déroulement des Jeux olympiques sur le site » en 2024. Deux points souvent avancés par la Ville.Quant à l’architecte Marc Mimram, il est, jusqu’ici, plutôt connu pour ses réalisations de ponts, parmi lesquels l’ex-passerelle Solferino rebaptisée Léopold-Sédar-Senghor. Inaugurée le 14 décembre 1999, elle avait dû être fermée au public moins de huit jours après car jugée trop glissante. Elle n’a rouvert que le 20 novembre 2000, après l’ajout de quatre amortisseurs et de bandes antidérapantes, pour un surcoût de 6 millions de francs. Un pont dont Marc Mimram est néanmoins très fier.Autant d’éléments pour appuyer le vœu du groupe Ecologique, approuvé jeudi 28 mars, que « la ministre en charge des sites [refuse] toute autorisation de travaux » tant qu’une étude complémentaire « indépendante » n’aura pas été réalisée. Pour rappel, rien ne peut se faire sans l’accord des deux ministères, de la culture et de l’écologie. « Roland-Garros, c’est parti ! »La Ville n’avait pourtant pas lésiné pour convaincre. Elle a d’abord orchestré une vaste campagne publicitaire. Partout, dans les médias, sur les murs, le long de l’enceinte du site, le « nouveau Roland-Garros » s’affiche comme un futur certain. La Mairie de Paris avait, par ailleurs, organisé prestement, jeudi 21 mai, une visite guidée des jardins des serres d’Auteuil pour la presse. Jusqu’à la veille du vote, où Anne Hidalgo martelait : « Il y a eu un énième rapport, un énième avis sur la question de la couverture du périphérique, qui montre que c’est extrêmement cher. Si les opposants ont de l’argent à dépenser, qu’ils le disent, qu’ils le mettent sur la table. En ce qui concerne la Ville, ce n’est plus un sujet sur lequel on va continuer à creuser. Roland-Garros, c’est parti ! » Lire aussi :Extension de Roland-Garros : la Ville de Paris veut en finirUn comportement, analysé par beaucoup comme une tentative de passage en force, qui n’a finalement pas joué en faveur du projet de la Fédération. La Ville interpelle désormais directement le gouvernement et son premier ministre, Manuel Valls – qu’elle sait plus favorable au projet de la FFT que Ségolène Royal.« La Ville peut passer outre »« Ce n’est qu’un vœu, sans portée juridique, atténuait Gilles Jourdan, responsable du projet de la Fédération, à l’annonce du vote du Conseil. C’est la Ville qui est interpellée. Elle peut passer outre et signer le permis de construire. » Derrière la voix posée, on sent toutefois l’homme d’action exaspéré par ces retards, qu’il impute aux « histoires de suprématie politique », entre la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, la Maire de Paris Anne Hidalgo, le Premier ministre Manuel Valls, et le président de la République François Hollande, même si ce dernier ne s’exprime pas officiellement sur le sujet. « Il y a un moment où les gens doivent prendre leur décision ». C’est maintenant au gouvernement de trancher, estime Gilles Jourdan. Mais, dans tous les cas, « le projet alternatif, on ne le fera pas ».Catherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Parfois à la demande de grands musées, des dessinateurs revisitent la vie du Caravage, de Picasso, Vélasquez ou Rembrandt. Le Caravage, Rembrandt, Picasso, Vélasquez, Goya, Toulouse-Lautrec, Van Eyck, Antonello de Messine, Dalí... N'en jetez plus. On n'ira pas jusqu'à parler de l'émergence d'un nouveau « genre » au sein de la bande dessinée, mais pas loin, tant se multiplient actuellement les albums consacrés à des géants de l'histoire de la peinture. Si le succès des grandes expositions parisiennes n'est pas étranger à cette tendance, celle-ci s'explique aussi par le caractère de plus en plus décomplexé d'un médium — la BD — longtemps classé au rang de sous-discipline artistique.N'en déplaise à certains, le 9e art a quelque chose à dire à propos du 3e (la peinture), son grand et intimidant aîné. Parlez-en à Milo Manara, maître de la BD érotique des années 1980 et 1990 (Les Aventures de Giuseppe Bergman, Le Déclic,...), de retour à l'affiche avec le premier tome d'une biographie du Caravage, l'idole de sa carrière. « De nombreux écrivains et cinéastes ont raconté sa vie, mais jamais quelqu'un qui est lui-même du métier, confie le dessinateur âgé de 69 ans. Il m'a semblé intéressant de poser un regard professionnel sur lui. Chacun a son Caravage, sa propre vision du personnage. J'ai la prétention, et sans doute l'illusion, de le connaître mieux que d'autres. J'ai voulu brosser son existence comme l'aurait fait un de ses élèves. »“J'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins” Milo ManaraPour cela, Manara a choisi une palette de couleurs volontairement limitée, proche de celle dont usait le génie du XVIIe siècle. Dans plusieurs cases, il s'est aussi essayé au clair-obscur, la marque de fabrique du caravagisme, afin d'accentuer le caractère impétueux de son héros. Manara, enfin, ne s'est pas « dégonflé » quand il s'est agi de reproduire certains tableaux du peintre : il l'a fait à la main, avec l'exigence d'un moine copiste. Seules les couleurs originales ont été « clonées » à l'ordinateur. « La reproduction manuelle est la meilleure façon de pénétrer le génie d'un artiste, explique l'auteur italien. En le faisant, j'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins. » Cette question de la reproduction des œuvres existantes est bien au cœur de ces biographies en images qui fleurissent en librairie. Un copier-coller exécuté numériquement faciliterait pourtant bien les choses, mais pas question. « Ce serait un crime. Vous détruiriez la conviction qu'a le lecteur de se promener dans un univers dessiné », estime Typex, auteur d'une superbe évocation de la vie de Rembrandt de 260 pages. Dans cette commande du Rijksmuseum d'Amsterdam, le dessinateur néerlandais s'est contenté de copies éthérées des chefs-d'oeuvre de son illustre compatriote : « De telle sorte qu'on voit bien qu'elles sont de ma main, appuie-t-il. Je n'ai aucunement cherché à entrer en compétition avec lui, cela aurait été impossible. » Afin de faire coller le fond à la forme, Typex a aussi adopté, pour son récit, « un style relâché dans le crayonné, comme le faisait Rembrandt ».“Réinterpréter la vie d'un artiste”La même liberté a été laissée aux dessinateurs réunis au sein de la collection « Les Grands Peintres » créée par Glénat. Trois premiers titres, consacrés à Goya, Toulouse-Lautrec et Van Eyck, viennent de sortir. Trois autres sont attendus cet été : Bruegel, La Tour, Vinci. Les prochains évoqueront David, Bosch, Courbet, Van Gogh, Monet, Gauguin, Schiele, Géricault, Renoir, Klimt, Michel-Ange, Fragonard, Manet, Caillebotte, Mondrian... Très clairement associée au renouveau de l'intérêt pour l'art pictural, cette collection ne prétend pas à l'exhaustivité biographique, les albums ne dépassant pas les 46 planches. L'idée est plutôt de donner un coup de projecteur sur un moment de la vie d'un peintre afin que le lecteur ait une idée du contexte historique dans lequel il travaillait. Une dose de fiction est du coup autorisée, pour ne pas dire vivement recommandée. Le Toulouse-Lautrec d'Olivier Bleys (scénario) et Yomgui Dumont (dessin) se trouve ainsi mêlé à une étrange affaire d'enlèvement de jeunes femmes de bonne famille fréquentant les lupanars de Montmartre. Le Goya du même Bleys (scénario) et Benjamin Bozonnet (dessin) se fait piquer au vif par la fille de son modèle, la Leocadia. Le Van Eyck de Dimitri Joannidès (scénario) et Dominique Hé (dessin) joue les émissaires pour une mission diplomatique à Constantinople. Calquer à l'identique des toiles connues de tous paraît encore moins nécessaire, partant de là. « Nous privilégions la réinterprétation graphique des œuvres afin qu'il n'y ait pas de décalage avec le style des dessinateurs. Cela revient peut-être à trahir le maître, mais c'est aussi le principe de cette collection qui consiste à réinterpréter la vie d'un artiste », indique Maximilien Chailleux, éditeur chez Glénat.Reste que les choses peuvent s'avérer plus complexes. Dans « Pablo », remarquée et remarquable série publiée entre 2012 et 2014 chez Dargaud, Clément Oubrerie (dessin) et Julie Birmant (scénario) se sont ainsi vu interdire la possibilité de redessiner les chefs-d'œuvre de Picasso par ses ayants droit, sous peine de procès. Ils n'ont pu le faire que pour le quatrième et dernier tome, avec Les Demoiselles d'Avignon. Le Louvre a lancé sa propre collection BDFoin de frilosité en revanche au Louvre qui, il y a dix ans, a lancé sa propre collection BD en offrant une carte blanche à des auteurs triés sur le volet. Nicolas de Crécy, David Prudhomme, Etienne Davodeau ou encore Jiro Taniguchi ont, entre autres, déambulé dans les couloirs du musée afin d'en rapporter des histoires dont la seule contrainte est de se dérouler sur place. En contrepartie, l'établissement public laisse toute latitude à ses invités en matière de reproduction des œuvres accrochées. Les prochains à s'y essayer seront des auteurs aussi différents que l'Américain Joe Sacco, l'Italien Tanino Liberatore ou le Japonais Taiyo Matsumoto — et peut-être même son compatriote et mégastar du manga Naoki Urasawa (si les négociations aboutissent). Un autre dieu vivant de la BD nipponne, Katsuhiro Otomo, pourrait, lui, investir prochainement le Musée d'Orsay, qui a également créé sa propre collection BD, en 2014.« Le fait que des institutions comme le Louvre ou Orsay s'adressent à eux est perçu de manière inconsciente comme la fameuse reconnaissance que la bande dessinée n'a jamais eue en tant qu'éternel parent pauvre de la peinture, souligne Fabrice Douar, l'éditeur en charge des deux collections. Une profonde humilité habite ces auteurs de BD quand ils viennent ici avec leur carnet à dessin. Ils sont très respectueux des grands maîtres et de la peinture classique. »Respectueux mais pénétrés, aussi, par le sentiment que le métier d'auteur de bande dessinée n'est pas si éloigné finalement de celui de peintre, tel qu'il fut exercé autrefois. Milo Manara a une « grande théorie » sur ce sujet : « La peinture a été pendant des siècles la seule source d'images : elle servait à faire des portraits, des reportages, de l'endoctrinement religieux ou encore de la célébration politique comme au temps de Napoléon. L'art figuratif n'a plus rien à voir aujourd'hui : il est devenu conceptuel, hors de prix et très éloigné de la vie de tous les jours. Si le cinéma a hérité de la fonction sociale de la peinture, la bande dessinée en a récupéré aussi une petite part. Celle-ci vit dans le réel, en prise totale avec la société. » Un jour, qui sait, des artistes raconteront à leur tour la vie des grands auteurs de bande dessinée...Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Il y a de la malice dans le choix par Teresa Cremisi du titre La Triomphante. A première vue, on croirait y ­déceler une manière faraude de présenter son premier roman, à l’inspiration autobiographique affichée, pour celle qui fut le bras droit d’Antoine Gallimard puis la patronne de Flammarion, et qui s’apprête à quitter la direction du groupe Madrigal (Le Monde du 6 mai). Mais, dans le texte, La Triomphante est le nom d’une corvette du XIXe siècle qui, la retraite venue, fascine la narratrice à « l’imagination portuaire », comme elle l’a ­annoncé dès la première phrase.Ce roman n’a rien de triomphant. C’est un livre à l’élégance mate, portrait d’une femme s’adaptant aux changements comme une « plante grimpante aux fantaisies de son jardinier ». Un roman sur les hasards et les circonstances qui façonnent toute vie, et la capacité qu’ont certains de s’y acclimater.Sans doute le fait de naître un peu avant le milieu du XXe siècle à Alexandrie, « un port qui a connu la gloire et l’oubli, une charnière du monde », rend-il particulièrement sensible à l’impermanence des choses. Les ­parents de la narratrice, heureux parmi les heureux de cette ville cosmopolite, n’étaient, eux, pas prêts à connaître l’exil et la chute qui suivirent la nationalisation du canal de Suez, en 1956. Ils n’ont jamais pu se faire à leur nouvelle vie en Italie, et la mère, qui semblait si intrépide, a sombré dans la dépression.La tentation de brillerLeur fille, en revanche, amoureuse des récits de batailles ­navales, stratège formée par la lecture de l’Iliade, s’est astreinte à saisir les us deslieux où elle ­arrivait ainsi que l’enseigne le comte Mosca dans La Chartreuse de Parme : comme si c’étaient les « règles du jeu de whist ». Et en gardant constamment en tête cet autre précepte du personnage de Stendhal : « S’il te vient une raison brillante, une réplique victorieuse qui change le cours de la conversation, ne cède point à la tentation de briller, garde le silence ; les gens fins verront ton esprit dans tes yeux. Il sera temps d’avoir de l’esprit quand tu seras évêque. »A défaut de devenir évêque, elle gravira les échelons d’un groupe de presse italien puis poursuivra en France sa brillante carrière, menée avec une conviction mitigée.Il semble évident que Teresa Cremisi a pris un grand plaisir à rendre indémêlables l’autobiographique et le fictif dans son roman. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans sa manière de restituer une sensibilité d’exilée affleurant toujours, même cadenassée par la volonté de se présenter en « pragmatique ». Il est dans les éclats de sensualité qui traversent une écriture classique, faussement sage. Il est dans la finesse d’observation et dans l’humour qui surgit l’air de rien – une lueur dans l’œil – au détour d’une phrase, d’un chapitre. Il est dans l’envie que fait naître ce premier roman de lire les prochains.La Triomphante, de Teresa Cremisi, Les Equateurs, 205 p., 17 €.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Ces documentaires rendent hommage à l’artisan de la paix, qui veut développer la tolérance humaine par ses mélodies (jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2). Il n’y a guère que l’amour et la musique qui puissent changer les choses. Cette conviction, c’est celle du musicien catalan Jordi Savall qui n’en finit plus de traduire sa réflexion sur le monde qui l’entoure, avec ses tensions, ses violences, ses conflits dont le pouvoir l’emporte sur la raison, par des programmes d’une intelligence irénique.Dans un récent retour sur un siècle de discordes européennes, Guerre et Paix ; 1614-1714, dont il a fait avec ses trois ensembles, Hesperion XXI, La Capella reial de Catalunya et Le Concert des Nations, un splendide livre-CD (Alia Vox, AVSA9908), le maestro épinglait cette supériorité dont les Européens ne parviennent pas à se déprendre, vantant une tolérance de l’autre qui masque mal une posture condescendante.Pour Savall, il n’est que le juste dialogue entre égaux qui puisse sauver l’humanité. Aussi, au fil des années, après avoir exhumé en marge des « classiques » du répertoire des violistes (Purcell, Marais, Sainte-Colombe) tant de musiques négligées ou « abandonnées » à la tradition populaire, a-t-il savamment noué le lien entre culture savante apprise – comme lui-même et son épouse, Montserrat Figueras, le firent à Barcelone, puis à Bâle – et culture transmise au hasard des vicissitudes des migrations, des exils et des confrontations de fortune.Comme il le fit toujours avec les instruments, élisant la viole d’un facteur vénitien du XVIe siècle qu’il choisit pour ses programmes celtiques ou une basse de viole à sept cordes pour François Couperin, Jordi Savall va à la rencontre des musiciens qui portent ces mémoires, les incarnent et les célèbrent. Pour que le dialogue naisse de l’écoute.Ce tempérament, cette liberté qui autorisent seuls que les couleurs et les manières de chacun transcendent les frontières de l’espace et du temps, c’est ce qui faisait la signature de Montserrat Figueras.La musique contre la fureur du mondePar sa fidélité aux sources, son expressivité et sa créativité exceptionnelle, son timbre et sa diction, la soprano catalane a fixé l’esthétique vocale capable de dialoguer avec l’instrument de Jordi. Et imposé son empreinte sur tout ce que le couple a entrepris en artisans, en artistes, en philosophes aussi. Quand Montserrat, avec une discipline impeccable et une fraîcheur intacte, revisite les cycles de la vie comme les âges de la musique, du Moyen Age à l’ère baroque, Jordi s’attache les musiciens capables de s’engager dans leur aventure.Tous deux privilégient l’écoute, l’humilité et l’empathie pour tout ce que l’homme a pu créer en musique, rempart contre la fureur du monde. Toujours plus absorbé dans sa mission depuis la disparition en novembre 2011 de celle qui fut sa compagne, sa muse et son égérie, Savall poursuit leur lutte pour la paix. « La tragédie de l’être humain est qu’il ne sait pas apprendre de son histoire », déplore-t-il. Mais il ne désarme pas.De l’abbaye de Fontfroide (Aude), leur adresse estivale où ils ont créé ces programmes stupéfiants d’audace et d’intelligence, à Alia Vox, leur maison de disques, il prêche pour la musique comme la seule histoire vivante possible de l’humanité, l’émotion au cœur.Les deux portraits proposés par Benjamin Bleton – l’un, vivant et intime, livré en 2012, peu après la mort de Montserrat, l’autre en 2013, quand Jordi est devenu le croisé d’un pacifisme à l’œuvre – sont une invitation idéale à entendre leur message, si profondément humain. Jordi Savall, musicien de la paix, puis Hommage à Montserrat Figueras, documentaires de Benjamin Bleton. Jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Les extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de l’ouverture du Festival sur le site de la Quinzaine qui ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette ? Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas encore. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert ce film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes sont stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il s’agit d’un mariage entre distributeurs indépendants. Le belge PIAS va reprendre les activités musicales du célèbre label français de musique classique Harmonia Mundi, afin de constituer le premier label indépendant européen dans l’édition et la diffusion de musique classique, pop, jazz…PIAS, acronyme de « Play it again Sam », la réplique mythique du film Casablanca a été fondé en 1983 par Kenny Gates et Michel Lambot. Le label est déjà l’un des plus gros indépendants européens – présent notamment au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne et aux États-Unis – et est en passe de devenir une mini-major.En 2012, PIAS, dont le chiffre d’affaires est évalué à 80 millions d’euros et qui emploie environ 200 personnes, avait racheté Coop à Universal Music Group. Coop, aujourd’hui en plein essor, appartenait auparavant à EMI. Universal avait été obligé de s’en détacher, quelques mois seulement après l’avoir acheté, afin de répondre aux injonctions de la Commission européenne sur les seuils de concentration.Accord sur la partie musicaleL’accord conclu entre PIAS et Harmonia Mundi, conseillé par la banque belge de Degroof, devrait être finalisé au plus tard au 1er octobre 2015. Il ne concerne que la partie musicale des activités d’Harmonia Mundi. Il prévoit la prise de contrôle par le label d’origine belge, des marques de musique créées par la société arlésienne (Le Chant du monde, Discograph, Jazz Village…).Fondée à Paris en 1958 par Bernard Coutaz, installé d’abord à, Saint-Michel de Provence (Alpes-de-Haute-Provence), puis à partir de 1986 à Arles (Bouches-du-Rhône), Harmonia Mundi a gagné un rayonnement international grâce à son répertoire classique et romantique. Mais l’entreprise a été fragilisée par la révolution numérique. Depuis le décès de M. Coutaz en 2010, l’entreprise est dirigée par son épouse Eva qui va rester conseillère artistique au sein du nouveau groupe.Le montant de la transaction n’a pas été divulgué. Harmonia Mundi en 2010 disposait encore 350 collaborateurs et dégageait 60 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais le label et distributeur indépendant s’est résolument lancé dans la conservation d’un marché physique de la musique, en poursuivant une politique d’ouverture de boutiques, au moment même où la dématérialisation du secteur s’accélérait.Depuis Harmonia Mundi connaît de vraies difficultés financières et la reprise par PIAS, « un groupe indépendant qui partage les valeurs et la vision de Bernard Coutaz », comme le notent sa veuve et son fils, devrait permettre de préserver l’essentiel de l’héritage. Outre les activités musicales, PIAS reprend les filiales étrangères et le personnel de ces filiales.Des restructurations devront forcément voir le jour entre les deux distributeurs pour permettre l’harmonisation entre leurs réseaux. Mais pour la filière musicale, il est déjà heureux que Harmonia Mundi soit repris par un label indépendant, alors que le paysage se tend dangereusement en France et en Europe.Dans l’Hexagone, le label Atmosphériques, fondé par Marc Thonon est toujours en grande difficulté. Seuls résistent un quarteron d’indépendants emmenés par Because, Wagram, Tôt ou tard et Naïve, avec dans leur sillage des entreprises beaucoup plus petites.Pour les dirigeants de PIAS, « leur connaissance du marché digital, la gestion des différents droits, pays par pays et leur réseau international devraient permettre au nouvel ensemble de gagner rapidement en exposition et en revenus »De son côté, le fils du fondateur Benoît Coutaz va poursuivre l’activité dans le domaine des livres, sous la raison sociale Harmonia Mundi Livre SA. Celle-ci sera toujours basée à Arles. Cette branche livre est notamment le distributeur et le diffuseur des éditions Allia, Bleu autour, Champ Vallon, l’Eclat, Finitude, La Fosse aux Ours, Galaade, les Moutons électriques, Philippe Picquier, Monsieur Toussaint Louverture. Des maisons de littérature et de sciences humaines qui reflètent la diversité de l’édition française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter © Philippe MATSAS | © Jessica Marx Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / « Générations, révolutions »Dana Spiotta © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Générations, révolutions »Dana SpiottaUne des questions posées pour cette table ronde est la suivante : « Comment peut-on évoquer les lendemains de la révolution quand le rêve a cédé la place à la désillusion ? » Le sujet de l’« après », ou disons du « retour à la réalité », est très intéressant à mes yeux. Pour moi, ce n’est pas seulement une question politique ou sociale ; cela touche au plus profond de l’humain. Nous sommes faits pour être idéalistes et désenchantés. Je ne pense pas que cette idée soit désespérante : elle est au contraire essentielle et fascinante. Résister à l’inévitable désillusion, voilà ce qui m’émeut le plus. Dans mon livre, par exemple, je me suis attachée à dépeindre un être comme Nik, l’artiste, qui semble incarner l’échec selon les critères traditionnels mais qui refuse de renoncer à faire ce qu’il aime. Il crée un univers où son art prend tout son sens. Il refuse l’identité que veut lui coller la société. Il résiste. J’ai aussi essayé de faire vivre quelqu’un comme Nash, un autre de mes personnages. Nash est un révolutionnaire pacifiste qui a « perdu », mais qui poursuit sa quête du parfait acte de résistance. Il cherche quelque chose de libérateur en soit, peu importe le résultat. Les êtres qui proposent une nouvelle définition du succès au cœur d’un monde indifférent me passionnent. Je ne les considère pas comme des échecs ; je vois en eux des innocents désabusés. Les tentatives de rébellion protègent l’âme, même si l’on pressent qu’elles sont vaines. Et quand on sait justement que l’on va échouer, cela devient peut-être encore plus fondamental. Nous agissons sachant que la révolution accouchera d’une souris, nous tombons amoureux sachant que l’amour prend souvent plus qu’il ne donne, nous créons sachant que la plupart des œuvres ne trouvent pas leur public, de même que nous vivons conscients de notre mort inéluctable. Malgré tout, nous continuons, nous aimons, nous créons, nous combattons sans jamais déposer les armes. Voilà ce sur quoi j’aime écrire, le quotidien d’une vie face à ces vérités implacables. Et je crois qu’il est essentiel de ne pas schématiser les personnages, de résister au cliché et d’en faire des êtres vrais, pétris de défauts. Mes personnages ont tendance à commettre de graves erreurs au nom d’un rêve ; ensuite, ils n’ont d’autre choix que de persévérer, jour après jour, de préparer le petit déjeuner, de faire des enfants, de regarder la télévision – de vivre en d’autres termes. Cette vie « d’après » est très riche pour un écrivain. C’est là que les personnages sensibles se confrontent à l’ironie de l’existence. Ce moment peut être drôle ou triste, et même si l’on n’y découvre pas forcément de vérités fondamentales, on peut en tirer une certaine consolation. En tant qu’écrivain, les réponses ne m’intéressent pas. Je préfère m’interroger sur ce que signifie être vivant aujourd’hui. Je me concentre sur les forces qui nous façonnent (argent, histoire, nationalité, sexe, environnement de vie, langue, accès aux technologies), et j’envisage l’humain dans ces contextes particuliers. De quoi est capable la fiction ? Je m’efforce de décrire la complexité d’une époque et d’un lieu ; je cherche à saisir le moment où les gens agissent et à retracer les conséquences de leurs actes. D’habitude, je commence par la langue du personnage. Je m’attache à sonder les idées reçues, les habitudes de langage et les schémas de réflexions qui nous oppriment et nous musellent. J’explore en particulier la manière dont les technologies (anciennes ou nouvelles) influent sur notre façon de penser, d’agir et de sentir. Montrer la vie dans sa complexité est crucial. Pour moi, cette quête est subversive ; c’est un acte de rébellion. Le roman peut contrecarrer la fugacité de l’instant : les jugements à l’emporte-pièce et la marchandisation à tout-va. Il peut aussi nous prémunir contre la tendance qui veut tout réduire à une chose unique. Le roman est polyvalent, multiple et contradictoire. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson Le mot cléAurélien BélangerStructuralismeJe vois les mauvais jours le roman comme un petit skate-board, le plus inutile et le plus énergivore des moyens de transport, la plus petite des portions de l’espace qui puisse nous être attribuée et dont il n’y a à peu près rien à faire, sinon tenir debout, et venir de temps en temps taper contre le sol. Les bons jours je le vois comme le hamac d’un anthropologue perdu en Amazonie et suffisamment éloigné de ses notes pour improviser une cosmologie complète. L’anthropologue traditionnel a besoin du balancement souple des sociétés primitives, le romancier préférera placer ses intrigues au milieu des fractures, des multiples plans et des lignes de fuite incertaines des sociétés industrielles – idéalement, le paysage urbain lui-même lui servira d’intrigue. Anthropologues et romanciers font de l’ontologie : ils déterminent les forces en présence et définissent l’ameublement du monde. Rien d’héroïque, c’est là la tâche de fond de l’esprit humain. L’essentiel est de la séparer du bruit qui vient s’y ajouter – l’ontologie est extrêmement adhésive. La technique de l’anthropologue consiste à partir le plus loin possible pour étudier, si elles existent, des ontologies encore un peu natives, pas encore hybridées. La technique du romancier consiste à soigner son écriture, pour jouer sur sa plasticité mentale et sa faculté à redécouper librement le réel. L’anthropologue structuraliste Philippe Descola est ainsi revenu du pays des Achuar avec un catalogue complet d’ontologies qui correspondent chacune à une manière justement instinctive de découper le réel pour le rendre lisible. Elles regardent notre manière d’articuler l’intériorité de notre esprit avec le monde sensible. Au dualisme nature-culture, que les romanciers n’ont jamais réussi à prendre au sérieux, il oppose quatre grands types d’ontologies définissant tout le spectre des découpages possibles – spectre que les romanciers pourraient avoir toujours parcouru, faisant ainsi de l’anthropologie structurelle sans le savoir, et échappant, parfois, quand ils écrivent, aux déterminations sociales dominantes. Pour le naturaliste, les êtres ont des intériorités distinctes, tous ne sont pas conscients, mais ils sont sous-tendus par la même physique, ils sont profondément les mêmes. C’est le charme béhavoriste des vieux polars ou du nouveau roman. Pour l’animiste, les intériorités sont les mêmes, les choses et les hommes, si leurs apparences physiques diffèrent, ont des intentions égales. Le discours indirect libre, généralisé, entendu presque comme un naturalisme ironique, est d’essence animique. En régime totémique, les intériorités et les physicalités sont les mêmes, l’humain et le non-humain s’entremêlent, les choses basculent dans un fantastique inexplicable, celui de La Métamorphose de Kafka, où la transformation de Gregor est trop évidente pour être allégorique. À l’inverse, en régime analogique, tout est singulier : c’est le règne, par défaut, de la métaphore, seul outil cognitif valide. Emmanuelle Jardonnet CHOICES, lancé l’an dernier à Paris, est la mouture parisienne de ces week-ends concoctés sur mesure pour les collectionneurs internationaux. Ces dernières années, ils ont émergé dans de nombreuses grandes villes (Londres, Copenhague, Varsovie, Chicago…) sur le modèle du Galleries Weekend de Berlin, créé il y a dix ans. La deuxième édition de l’événement se tiendra du vendredi 29 au dimanche 31 mai, avec un programme encore un peu plus dense que l’an dernier.Lire aussi :Profil du collectionneur français : un homme âgé… et pas si fortunéCe sont cette fois quarante galeries – soit cinq de plus qu’en 2014 – qui participent à un parcours un peu atypique, puisqu’il s’articule autour d’une exposition collective aux Beaux-Arts. « A l’étranger, les galeries s’appuient souvent sur des institutions », afin que les collectionneurs profitent du voyage pour voir de grandes expositions en avant-première, souligne Marion Papillon, à l’origine du projet. « A Paris, si l’on ajoutait encore des expositions à la visite des galeries, ce serait trop », estime la galeriste, pour qui la formule est d’ailleurs déjà à son maximum : « Quarante galeries est un bon format, nous avons atteint notre objectif. Au-delà, il faudrait sûrement en changer, car on ne peut pas demander aux gens de visiter 70 galeries en trois jours. » « Réinviter au parcours » des galeriesCHOICES inclut néanmoins quelques visites privées pour les quarante collectionneurs VIP invités pour le week-end (un par galerie) : à la Fondation d’entreprise Ricard, partenaire officiel de l’opération, et au Jeu de Paume, qui se situe idéalement devant l’hôtel Meurice – autre partenaire officiel, qui logera les convives. Enfin, une soirée de clôture sera organisée dimanche soir au Musée Bourdelle, qui vient de rouvrir après huit mois de travaux.L’objectif reste bien sûr de « réinviter au parcours » des galeries. « Ce type d’événement est devenu fréquent parce que les foires ont pris beaucoup de poids, au dépend de ce “parcours” dans les galeries. Or, faire des expositions et montrer les artistes dans nos espaces est le cœur du métier de galeriste, c’est important de remettre ça en avant », insiste Marion Papillon, pour qui CHOICES doit donner « un prétexte supplémentaire pour venir à Paris ». A l’origine, une telle association n’allait pas de soi, et plusieurs tentatives en ce sens n’avaient pas abouti avant CHOICES. Pour convaincre les galeristes, Marion Papillon leur a d’emblée proposé un projet très « ficelé » en termes d’organisation comme de partenaires. De grandes galeries, qui n’ont pas forcément besoin de ce type d’événement, se sont également laissées tenter, comme les Vallois, Art : Concept, Almine Rech ou encore l’antenne parisienne de la galerie berlinoise Max Hetzler. Cette année, un grand nom de plus s’est adjoint au projet : la galerie Thaddaeus Ropac, avec ses deux espaces, celui du Marais et celui de Pantin.« Moments de rencontre »Après Nicolas Bourriaud, l’actuel directeur de l’Ecole des Beaux-Arts, aux manettes l’an dernier, c’est un ancien directeur, Alfred Pacquement, qui est cette année chargé du commissariat de l’exposition collective, pour laquelle chaque galerie a proposé plusieurs œuvres afin de laisser au commissaire le soin de construire cette exposition de quarante œuvres (une par galerie).L’an dernier, 3 000 visiteurs ont visité l’exposition collective en un week-end. « Nous avons été presque surpris », concède Marion Papillon. Cette fois, l’événement n’est pas organisé dans le Palais des Beaux-Arts, mais sous la grande verrière du Palais des études des Beaux-Arts. Une hauteur et une luminosité qui ne sont pas sans incidence sur l’accrochage : il y aura ainsi davantage de sculptures et de vidéos – pour lesquelles ont été aménagées des boîtes-cabines noires.Hormis les quarante collectionneurs « happy few » et tous les collectionneurs conviés plus largement à participer au parcours, CHOICES est accessible au grand public. L’entrée est libre, dans l’exposition comme dans les galeries. « Nous avons conscience que franchir les portes des galeries peut être intimidant, mais ce week-end encourage une disponibilité des galeristes, et des moments de rencontre », indique Marion Papillon.Julien Prévieux, Alain Fleischer, Isabelle Le Minh…Si l’exposition collective est certainement la meilleure porte d’entrée dans l’événement, l’artiste présenté n’est pas forcément celui qui est exposé dans la galerie. C’est seulement le cas d’une dizaine de galeries. Parmi eux, Christophe Gaillard, avec le travail autour du concept de photographie de la Française Isabelle Le Minh ; la galerie Bernard Jordan, avec les intrigantes sculptures aussi architecturales que sexuelles de l’Autrichien Elmar Trenkwalder ; Jousse Entreprise, qui présente le travail de Julien Prévieux, Prix Marcel-Duchamp 2014, questionnant avec humour les logiques sociales de notre société ; ou encore la galerie Françoise Paviot, qui expose les œuvres d’Alain Fleischer, dont la vidéo Hitchcock recadré montre le film Fenêtre sur cour lui-même filmé à travers le viseur d’une petite caméra numérique, au plus près des détails.« Le travail de tous les artistes n’est pas forcément adapté à un espace où quarante galeries présentent des œuvres », explique Marion Papillon, qui n’exclue pas à l’avenir des règles du jeu plus contraignantes. Les liens exposition-galerie se font ici de multiples manières : plutôt que de faire une monographie, certaines galeries voient dans le dispositif la possibilité de présenter le travail de deux artistes, certains font appel à un commissaire pour proposer une exposition en lien avec l’œuvre présentée (comme Art : Concept ou Almine Rech), d’autres choisissent enfin simplement une œuvre représentative de la ligne de la galerie. La galerie Anne Barrault a opté pour une autre formule encore : l’artiste présentée aux Beaux-Arts, Sarah Tritz, a eu carte blanche pour l’exposition en galerie, où elle a choisi de mettre en regard le travail de deux artistes face à face : Anne Bourse et Emilie Perotto, « comme un portrait en creux » de sa propre pratique.Les 29, 30 et 31 mai, ouverture des galeries participantes de 12 heures à 19 heures. Ouverture publique de l’exposition collective le 30 et le 31 aux mêmes horaires. Palais des Études, Beaux-Arts de Paris, accès 14, rue Bonaparte, Paris 6e. Liste des galeries participantes : www.choices.frEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.05.2015 à 16h13 • Mis à jour le28.05.2015 à 16h37 | William Audureau et Maxime Vaudano En décidant d’ouvrir le système public de subventions aux jeux vidéo catégorisés comme « violents », le gouvernement français n’a pas manqué d’étonner et de susciter la polémique. Vu de l’extérieur, le décret de la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire semble alimenter le cliché d’une industrie très largement portée vers les productions violentes – un procès qui lui est régulièrement intenté, alors même que rien n’empêche l’Etat de subventionner les films violents. Le Monde s’est penché sur la question, en comparant les systèmes de classification de ces deux médias.Beaucoup plus de jeux violents que de films ?Un premier coup d’œil sur les statistiques suggère que le jeu vidéo peut heurter bien plus souvent la sensibilité des joueurs que les films avec leurs spectateurs. Près de la moitié des jeux qui sortent chaque année sont au moins déconseillés aux enfants de moins de 12 ans par le système européen PEGI (Pan European Game Information), qui fait référence dans le domaine. A l’inverse, plus de 90 % des films qui sortent dans les salles de cinéma françaises bénéficient du visa « tous publics » du Centre national du Cinéma (CNC). #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313524292 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313524292 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des films en France (CNC)Source : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Avant 2010, les chiffres absolus sont des extrapolations à partir des pourcentages fournis par le PEGI. Elles peuvent donc varier de quelques unités par rapport au chiffre réel, non communiqué par PEGI.Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 1309 ], [ "", 1460 ], [ "", 1114 ], [ "", 828 ], [ "", 613 ], [ "", 471 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 350 ], [ "", 393 ], [ "", 549 ], [ "", 362 ], [ "", 388 ], [ "", 371 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 444 ], [ "", 503 ], [ "", 551 ], [ "", 515 ], [ "", 418 ], [ "", 326 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 253 ], [ "", 247.5 ], [ "", 249 ], [ "", 284 ], [ "", 224 ], [ "", 225 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 126 ], [ "", 140 ], [ "", 155 ], [ "", 218 ], [ "", 170 ], [ "", 149 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Faut-il pour autant y lire la marque d’un tropisme particulier de la production vidéoludique pour les « sujets d’adultes », comme la violence, le sexe ou la drogue ?Le paradoxe des adaptationsPour affiner la comparaison, Le Monde a dressé une liste de 193 jeux vidéo sortis depuis 2008 et ayant été directement adaptés d’un film (comme Reine des neiges ou Iron Man 2) ou inspirés d’une saga cinématographique (comme Madagascar Kartz ou 007 Legends), avec l’appui d’Alexis Blanchet, docteur en études cinématographique et spécialiste de la question">spécialiste de la question.Non exhaustive, cette liste représente toutefois une bonne partie du corpus existant. La classification du film est délivrée par le CNC, et celle du jeu par PEGI. Quand plusieurs versions d’un même jeu – sur différentes consoles, par exemple – ou plusieurs épisodes d’un même film – une trilogie – existaient, nous avons tenu compte du classement le plus sévère. Objectif ? A univers commun, tenter d’évaluer les différences de traitement des œuvres selon leur support. La datavisualisation présente la classification respective du jeu (de PEGI 3, pour le « tous publics », au PEGI 18, pour les jeux déconseillés aux moins de 18 ans) et du film (du « tous publics » au « - 18 ») :Lire aussi :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéoDeux classifications radicalement différentes…La raison est simple : les deux instances de régulation qui font référence en France fonctionnent de manière radicalement différente…Dans leur structure…C’est le Centre national du cinéma (CNC) qui accorde leurs visas d’exploitation aux films diffusés dans les cinémas français. Il s’agit d’un établissement public, dont la commission de classification est composée de personnalités d’horizons divers (professionnels, associatifs, fonctionnaires, étudiants…) nommés par le ministère de la culture. C’est un modèle de régulation publique.Les jeux vidéo sont au contraire “autorégulés” par l’industrie. La classification européenne PEGI est la propriété privée du lobby européen du “logiciel interactif”, l’IFSE. La classification des jeux est toutefois confiée à deux organismes publics : l’Institut néerlandais de classification des médias audiovisuels (NICAM) et le Video Standards Council (VSC) britannique, qui accordent une place aux représentants de l’industrie, aux autorités de régulation nationales (comme le CSA), à des experts indépendants et aux consommateurs, qui peuvent adresser des plaintes.… dans leurs méthodes…Le CNC ne s’appuie pas sur une grille précise, et admet la « subjectivité » de ses classifications de films. La seule contrainte légale pour l’institution est d’interdire aux moins de 18 ans les œuvres comportant « des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence », et d’empêcher purement et simplement la sortie en salles des films pornographiques ou d’incitation à la violence, classés X (une censure très rare, appliquée deux fois ces vingt dernières années).A l’inverse, le système PEGI s’appuie sur une grille très précise de critères, matérialisée par un questionnaire de 50 éléments renseigné par l’éditeur du jeu lui-même, avant d’être vérifié par les administrateurs. Les jeux peuvent être assortis d’un avertissement pour toute une série de motifs : violence, grossièreté, sexe, peur, incitation aux jeux de hasard, à l’utilisation de la drogue, à la discrimination, et même présence d’un mode de jeu en ligne… #container_14314203791{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14314203791{ height:500px; } #container_14314203791 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14314203791 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14314203791 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14314203791 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }La violence, premier motif de classification des jeux en 2013Lecture : 59 % des jeux sont accompagnés d'une classification "violence".Source : Rapport annuel du PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14314203791", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Violence","Jeu en ligne","Autres","Grossièreté","Peur","Sexe","Paris","Drogues"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": 2013, "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 59.4 ], [ "", 29.7 ], [ "", 23.41 ], [ "", 22.05 ], [ "", 10.31 ], [ "", 3.57 ], [ "", 1.49 ], [ "", 0.71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 1 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " %", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ainsi, un jeu où un personnage « gagne un avantage en utilisant le tabac ou l’alcool » ou prononce une seule fois le juron « fuck » ou l’injure « cocksucker » se voit automatiquement étiqueté « moins de 16 ans ».A l’inverse, Le Discours d’un Roi de Tom Hooper (2010) est étiquetté « tous publics » malgré les bordées d’injures prononcées par Colin Firth. Contrairement au système PEGI, le CNC a la possibilité de tenir compte du contexte narratif, et a dû considérer les insultes du comédien comme partie intégrante de la thérapie anti-bégaiement de son personnage, ce qui échappe au PEGI dans son système actuel.… et dans leurs effetsTout sévère qu’il soit, le système PEGI ne semble pas vraiment embêter les éditeurs de jeux vidéo. En remplissant le questionnaire de classification, rares sont ceux qui cherchent à tromper la vigilance du PEGI en minorant la violence de leurs jeux, alors que les administrateurs du système admettent ouvertement ne pas pouvoir jouer à l’ensemble du jeu.La raison de cette abnégation est simple : PEGI est un simple label, qui n’a aucune implication légale dans la plupart des pays qui l’ont adopté. Ainsi, aucune loi n’empêche aujourd’hui une boutique française de vendre un jeu PEGI 18 à un mineur. Au contraire, une classification 16 ou 18 constitue même souvent un argument commercial à destination des joueurs.En France, la très récente loi sur la simplification du droit (« http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0467.asp »>article 22) a pour la première fois officiellement reconnu le système PEGI. « http://www.bbc.co.uk/newsround/19047948 »>Le Royaume-Uni a décidé de rendre la classification PEGI contraignante depuis 2012.Si un décret prévu pour le 1er octobre 2015 devrait rendre obligatoire l’étiquetage des jeux en vente dans la distribution physique, alors que la certification PEGI est aujourd’hui facultative, il s’agit d’une manœuvre « symbolique », explique-t-on au syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), dont la principale ambition est d’officialiser la pratique du PEGI. Il n’est pas question de rendre la classification juridiquement contraignante, comme l’a fait le Royaume-Uni en 2012. « La priorité, c’est l’information et la sensibilisation des parents et des joueurs, pas la répression. » Au contraire, les responsables des cinémas qui ne font pas respecter les interdictions - 12, - 16 + ou - 18 sont passibles d’une amende de 1 500 à 3 000 euros.William AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il sera le deuxième Noir à siéger à l’Académie française, 32 ans après Léopold Sédar Senghor (1906-2001), élu en 1983. A sa manière, Dany Laferrière, écrivain et journaliste, est aussi un des illustres chantres de la francophonie. Elu au premier tour de scrutin, en décembre 2013, pour succéder à l’écrivain d’origine argentine Hector Bianciotti, dont il est chargé de faire l’éloge, il est reçu, jeudi 28 mai, par l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf.A travers tous ces auteurs, tous nés sur des continents différents, c’est bien la langue française, pierre angulaire de l’Académie française qui est mise à l’honneur. « A un Franco-argentin d’origine italienne va succéder un Québécois de Haïti, qui sera reçu par un Libanais. Voilà ce que c’est, l’Académie française », a tenu a rappeler l’académicien Jean d’Ormesson, lors de la cérémonie de remise de l’épée qui s’est tenue, mardi 26 mai, à l’Hôtel de ville de Paris.Ecrivains voyageursDepuis trois décennies, l’Académie française s’est ouverte aux vents de la francophonie et aux écrivains voyageurs, venus du monde entier. Né à Port-au-Prince, il y a 62 ans, Dany Laferrière est le fils de l’ancien maire de la capitale haïtienne, contraint à l’exil lorsque le dictateur Jean-Claude Duvalier prend le pouvoir. Comme beaucoup d’Haïtiens, il trouve alors refuge au Québec s’installant à Montréal où longtemps, il a vécu « comme un clochard », travaillant au noir dans des tanneries, avant de connaître un succès fulgurant avec son premier livre, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, publié en 1985. Jeudi, Dany Laferrière sera, en effet, le premier écrivain québécois à être reçu sous la coupole. Il occupera le fauteuil n° 2. Parmi ses illustres prédécesseurs, figurent notamment Montesquieu, l’auteur de De l’Esprit des lois et des Lettres persanes, mais aussi Alexandre Dumas, le romancier le plus prolifique du XIXe siècle, entré depuis au Panthéon et dont une grand-mère était une esclave mulâtre de Saint-Domingue. Pourtant, pour l’auteur de Je suis un écrivain japonais (Grasset, 2008), cela serait une grave erreur de réduire un écrivain à son origine. Dany Laferrière ne s’est jamais enfermé dans l’étiquette de « l’écrivain noir ».Un remarquable antidote à l’ennuiAuteur d’une vingtaine d’ouvrages, Dany Laferrière est surtout un remarquable antidote à l’ennui. Plusieurs de ses livres sont consacrés à sa terre natale. Dans L’Odeur du café (1991), il rend un hommage vibrant à sa grand-mère, une femme cultivée qui lui a inculqué l’amour de la littérature et de la poésie. Présent sur place, le 12 janvier 2010, lors du terrible tremblement de terre qui a frappé Haïti, il raconte dans Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011) le silence qui suit la catastrophe humaine.De lui, son éditeur chez Grasset, Charles Dantzig, dit que ce qui le caractérise, c’est « sa grande élégance de forme ». Son humour, sa distance et sa poésie sont effet au cœur de sa manière d’écrire. Il a reçu le prix Médicis 2009 pour L’Enigme du retour (Grasset), qui raconte son retour en Haïti après la mort de son père. Ecrit en alternance en prose et en vers libres – d’où une très grande musicalité –, c’est un roman à la fois sur la famille, l’exil, l’identité et le temps qui passe.Les discours de Dany Laferrière et Amin Maalouf seront consultables sur le site de l’Académie française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot « Il n'y a rien de plus extraordinaire que la réalité », avait l’habitude de dire Mary Ellen Mark. Cette figure charismatique de la photographie de reportage d’après-guerre, qui a toujours tourné sa caméra vers les exclus et les marginaux, est morte, lundi 25 mai à New York, à l’âge de 75 ans.Née près de Philadelphie, elle s’est d'abord tournée vers des études de peinture et d’histoire de l’art, avant de trouver sa voie en suivant des cours de photographie. « Dès ce moment où j’ai su ce qu’était la photo, je suis devenue obsédée », écrivait-elle dans son livre sorti à l’occasion de ses vingt-cinq ans de photographie.Pour son premier reportage marquant, au début des années 1960, elle suit la vie de drogués à Londres, et trouve son style : du noir et blanc, un mélange de spectaculaire et de compassion, une proximité forte avec ses sujets. Admirative d’Eugene Smith ou de Dorothea Lange, elle cherche les regards forts, le moment suspendu, l’instant dramatique. Cette série marque le début d’une longue collaboration avec les grands magazines américains – Life, Vogue, Vanity Fair… Au cours de ces années, la photographe connue pour son caractère vif et son charisme rejoint l’agence Magnum, de 1977 à 1981, avant de finir par créer sa propre agence.Pour Mary Ellen Mark, impossible de ne pas être amie avec ses modèles. A chaque fois, elle prend du temps pour vivre avec eux, et revient souvent sur les lieux pour avoir des nouvelles ou les photographier à nouveau. En 1979, elle passe plusieurs mois dans un hôpital psychiatrique, pour photographier le quartier sécurisé destiné aux femmes : elle en tire une série forte aux cadrages mouvementés, réunie dans un livre, Ward 81 (1979).Brutalité de la vie quotidienneEn Inde, elle mettra plusieurs années à gagner la confiance des prostituées de la rue chaude de Bombay, Falkland Road : au début, les femmes l’insultent, lui jettent des ordures à la figure, lui crachent dessus. Elle s’installe alors dans le café où les prostituées font leur pause, et en vient à partager leur vie. Pour une fois, les images de Mary Ellen Mark sont en couleurs, dans des tons criards qui disent sans fard la brutalité de la vie quotidienne. « Mary Ellen Mark a l’air de suggérer à ses modèles qu’il n'y a pas de honte, que la honte n’est que la gêne ou la délectation des mauvaises consciences, qu’il n’y a que la réalité, et que toute réalité est digne d’être dite », écrivait le critique Hervé Guibert sur ce travail dans Le Monde en 1981.Son travail le plus marquant naît d’une commande en 1983 pour le magazine Life : à Seattle, ville réputée la plus agréable des Etats-Unis, elle photographie les enfants des rues, oubliés par les services sociaux et délaissés par leurs parents, livrés à la drogue et à la prostitution. Elle en tire un livre, Streetwise, ainsi qu'un documentaire du même nom tourné avec son mari, Martin Bell, qui sera nommé aux Academy Awards en 1984. Elle y suit une enfant de 13 ans, Tiny Blackwell, qu’elle retrouvera vingt ans plus tard pour un nouveau travail photographique.Esthétique de l’emphatieTout au long de sa carrière, sa passion va d’abord aux marginaux de la société : aveugles, fugueurs, prostituées, sans-abri, malades mentaux, drogués, paumés, gens du cirque, gitans, mères adolescentes… En 1987, pour le magazine Life, elle a longuement suivi une famille américaine à l’existence précaire : les parents et les enfants Damm passaient de motels en ranchs abandonnés dans le désert près de Los Angeles. Elle est retournée les voir en 1994, pour constater que leur situation s’était aggravée, les parents sombrant toujours plus dans la drogue malgré les dons générés par la première publication. Elle a aussi consacré un long sujet à Mère Teresa et à son action en Inde.Contrairement à Diane Arbus, qui s’appliquait à faire ressortir l’étrangeté de ses sujets, rassemblant marginaux et gens normaux dans la même fragilité, Mary Ellen Mark, en héritière de l’humanisme des années 1950, cherchait toujours ce qui rapproche les gens : « Je veux atteindre et toucher quelque chose que je sens être au plus profond des hommes », écrivait-elle dans un de ses livres. Une esthétique de l’empathie qui a été largement imitée, jusqu’à la caricature, dans le photojournalisme des années 1980 et 1990.Même si ce travail est moins connu, la photographe a aussi beaucoup travaillé sur les plateaux de cinéma : elle a suivi le tournage d’Apocalypse Now (1979), de Francis Ford Coppola, celui de nombreux films de Baz Lhurmann (Moulin Rouge, 2001). On lui doit une très belle photo brumeuse de Fellini, le porte-voix en bouche, sur le tournage du Satyricon, en 1969. Dans les années 1990, elle est aussi devenue portraitiste de célébrités, photographiant de nombreux acteurs pour Rolling Stone ou le New York Times Magazine.Dates20 mars 1940 Naissance à Elkins Park près de Philadelphie.1981 Livre « Falkland Road », sur le quartier chaud à Bombay.1983 Livre et film « Streetwise », sur une enfant des rues de Seattle.25 mai 2015 Mort à New York.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste © Mathieu Bourgois Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'obsessionAvec Lionel Shriver, Pierre Patrolin et Alan Pauls. Pascal, Ma et Andréi © JF PAGA | © Claude Gassian | © Philippe MATSAS sTexte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Le post-communisme : laboratoire de folie libérale à l'état pur ? Avec Pascal Bruckner, Ma Jian et Andréi Kourkov. Alan Pauls DRLe texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« L’obsession »Alan PaulsJe lis qu’obsession vient d’obsido, un ancien verbe latin qui signifie « prendre une forteresse », et une fois de plus je me réjouis de la discrétion avec laquelle l’étymologie secoue régulièrement l’amnésie du langage. L’idée de siège (et de forteresse assiégée) restitue à l’obsession une valeur militaire qu’elle avait perdue. Lorsque la mauvaise presse qui poursuit les émotions drastiques (et probablement aussi la crainte de devenir le sujet de celles-ci) tentait de nous persuader du caractère renfermé de l’obsessionnel, l’étymologie vient nous rappeler deux choses capitales : que les obsessionnels (qu’ils s’appellent Gustave Flaubert, Adèle Hugo, Brian Sweeney Fitzgerald – alias Fitzcarraldo – ou Travis Bickle) sont des personnes fondamentalement actives, qu’on peut définir moins par une introspection narcissique et une hyperactivité mentale stérile que par un rapport préhensile au monde. Des forteresses, il y en a des milliers : celle de Flaubert était le mot juste, miracle de pertinence stylistique pour lequel il était capable de sacrifier (autrement dit : prendre du plaisir) des semaines entières ; celle d’Adèle H., l’extraordinaire fille de Victor Hugo, était le lieutenant Pinson, l’amour impossible pour lequel elle abandonne sa maison et sa famille, traverse toute seule les mers hostiles du dix-neuvième siècle, repère les détachements militaires et finit folle dans un asile ; celle du mélomane Fitzcarraldo (et sans doute celle de Werner Herzog, qui l’a immortalisé dans un film débridé) était de monter un théâtre lyrique en pleine forêt amazonienne, ce pourquoi il trimballa un transatlantique de trois cent vingt tonnes grâce à un cruel système d’esclaves et de poulies ; celle de Travis Bickle, le chauffeur de taxi de Martin Scorsese, était deux femmes : la distinguée et inaccessible Betsy, assistante de campagne d’un candidat politique, et Iris, l’adolescente prostituée qu’il arrache, à feu et à sang, d’un bordel de New York. L’important en matière d’obsession est que cette place forte, perchée comme elle l’est, ne soit jamais disponible et qu’elle ne se rende pas facilement. Voilà pourquoi elle doit être repérée, assiégée et, dans le meilleur des cas – c’est l’ultime phase de l’obsession, son coup de grâce –, prise. Ainsi, donc, le modèle de l’obsessionnel est aussi bien psychopathologique que stratégico-belliqueux : toute démarche obsessionnelle suppose la nécessité, le plan, la frénésie de la traque, l’infraction et l’annexion finale. Peut-être l’obsession n’est-elle qu’un dialecte de la conquête. Les « psychopathologistes » rétorqueront que l’obsessionnel ne déploie pas le siège, qu’il le subit. C’est la version passive, « victimiste », du syndrome, qui dépeint son héros comme une créature traquée par des idées et des désirs incontrôlables, tellement insistants que pour les conjurer il s’enroule dans une toile d’araignée de rituels laborieux et sophistiqués : cérémonies pour traverser la rue, mystérieuses séances d’hygiène, priorités, protocoles insensés. Les Anglais, si prompts à percevoir du style là où les médecins voient des maux, nomment ces créatures fragiles et idiosyncrasiques des excentriques. Flaubert, Adèle H., Travis Bickle, Fitzcarraldo (plus modestement, moi-même, qui ne me couche jamais sans avoir un verre de quelque chose sur ma table de nuit) sont des excentriques. Chacun possède ses protocoles, mais tous poursuivent comme des somnambules une idée fixe, une mission, une énigme, sans lesquels tout – non seulement la santé de l’obsessionnel, mais aussi le monde – court le risque de s’effondrer. Le problème – le facteur dinguerie – est que cette chose qu’ils poursuivent se trouve en général en dehors de tout horizon possible. Comme certains jeunes rebelles, les obsessionnels sont réalistes et réclament l’impossible. Mais comme personne ne le leur donne, ils n’ont d’autre choix que l’action. Alors, convaincus que la foi fait bouger les montagnes, ils sortent et assiègent la forteresse, mais ils se font presque toujours brûler dans leur tentative, misérables et splendides, comme les grands artistes de l’échec qu’ils sont. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Serge MestreLe mot cléLionel ShriverBelliqueuxBelliqueux : adjectif qualifiant tout à la fois l’œuvre et l’attitude de certains romanciers, au premier rang desquels la revêche Lionel Shriver. Auteur présentant une forte propension à faire cavalier seul. S’obstine à inventer des personnages désagréables, voire détestables, taxés par les lecteurs « d’antipathiques ». Prend un malin plaisir à choisir des thèmes qu’aucun individu sain d’esprit n’a la moindre envie de lire pour se distraire, notamment la démographie (pitié), l’échec (on cherche des modèles !), l’économie (soporifique) ou encore le système de santé américain (on croit rêver !). Individu de sexe féminin, l’auteure, à l’âge de quinze ans, opte pour le prénom Lionel, et affirme pourtant avoir « zéro intérêt » pour le projet Fifty Shades of Gender Identity actuellement accessible pour autoclassification sur Facebook. Par tendance autodestructrice, cette même romancière refuse d’intervenir sur les réseaux sociaux « bouffeurs de temps » et n’a entendu parler de Facebook que par certains journaux ringards. Peut se montrer très critique à l’égard des festivals littéraires, qu’elle qualifie de « masturbation intellectuelle », mais continue pourtant d’y assister, ne serait-ce que pour le plaisir de les trouver « gonflants ». Les auteurs belliqueux ont tendance à mal réagir lorsqu’on les sollicite afin qu’ils définissent un « mot-clé » résumant la globalité de leur œuuuuvre, et, consternés, trouvent l’exercice prétentieux et artificiel. L’auteur belliqueux se montre parfois dangereux et doit être abordé avec prudence. Synonymes : querelleur, récalcitrant, agressif, difficile, ingrat, pugnace, désagréable, grincheux, misanthrope, « pas méchant pour deux sous en vrai », « aboie mais ne mord pas ». Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Richard Catherine Pacary Tous les matchs de Roland-Garros ne se jouent pas sur terre battue. Jeudi matin, une partie très disputée avait lieu dans un hémicycle de l’Hôtel de Ville, entre les tenants des deux projets d’extension du site sportif de l’Ouest parisien : la Fédération française de tennis (FFT) et les associations de protection de l’Environnement. Ces dernières ont remporté un set. Le Conseil de Paris a adopté le vœu présenté par Europe Ecologie Les Verts, soutenu par une partie de l’UMP et les centristes, par 82 voies contre 76, qui demande que de nouvelles études indépendantes soient réalisées sur le dossier FFT en préalable à toute autorisation de travaux.Il s’agit là du énième rebondissement d’un affrontement débuté il y a plus de quatre ans, en 2011, lorsque la nécessité d’un agrandissement a été officiellement actée. Arrivé à saturation, Roland-Garros ne peut espérer conserver son rang dans le tournoi du Grand Chelem qu’à cette condition et redoute d’être délaissé au profit de sites plus exotiques, mieux équipés et mieux payés. Depuis, deux projets s’opposent.Anne Hidalgo : « Le projet de la FFT est le meilleur »Le premier, présenté par la Fédération et soutenu par la Maire de Paris, Anne Hidalgo, utilise les jardins des serres d’Auteuil pour y bâtir un court de 5 000 places, à demi enterré et entouré de nouvelles serres, en lieu et place des actuelles serres techniques. Les grandes serres classées de Formigé ne seraient pas touchées et la destruction du court numéro un permettrait une meilleure gestion du flux des spectateurs. Coût du projet : quelque 400 millions d’euros, entièrement financés par la FFT.Utiliser les jardins des serres d’Auteuil, détruire les serres techniques… autant d’éléments jugés inacceptables par les associations de défense de l’environnement et des monuments historiques. Leur projet alternatif propose de couvrir en partie l’autoroute A13 qui longe le site pour y installer des courts d’entraînement. Le court numéro un ne serait pas détruit mais agrandi. Avantage : les jardins des serres seraient préservés. Inconvénient : un surcoût de 80 millions d’euros, selon le rapport commandé en février par la ministre de l’écologie au cabinet Egis et remis le 18 mai à la Mairie de Paris. « Quatre-vingts millions ?, réagit Yves Contassot, conseiller de Paris EELV, la veille du vote. Moins de 10 millions, et je le démontrerai. » L’impartialité du cabinet Egis mise en douteAutre élément fort de l’argumentaire d’EELV, la mise en doute de l’impartialité du cabinet Egis, payé par la FFT, mais également lié à l’architecte du court des Serres, Marc Mimram, dans une autre réalisation, celle de la gare TGV de Montpellier, comme le montre le site d’Egis. Les auteurs de l’étude Egis et leurs conclusions reconnaîtraient par ailleurs, selon Yves Contassot, que « le projet associatif répond aux fonctionnalités demandées par la FFT », et que « les deux projets n’ont aucune incidence sur l’éventuel déroulement des Jeux olympiques sur le site » en 2024. Deux points souvent avancés par la Ville.Quant à l’architecte Marc Mimram, il est, jusqu’ici, plutôt connu pour ses réalisations de ponts, parmi lesquels l’ex-passerelle Solferino rebaptisée Léopold-Sédar-Senghor. Inaugurée le 14 décembre 1999, elle avait dû être fermée au public moins de huit jours après car jugée trop glissante. Elle n’a rouvert que le 20 novembre 2000, après l’ajout de quatre amortisseurs et de bandes antidérapantes, pour un surcoût de 6 millions de francs. Un pont dont Marc Mimram est néanmoins très fier.Autant d’éléments pour appuyer le vœu du groupe Ecologique, approuvé jeudi 28 mars, que « la ministre en charge des sites [refuse] toute autorisation de travaux » tant qu’une étude complémentaire « indépendante » n’aura pas été réalisée. Pour rappel, rien ne peut se faire sans l’accord des deux ministères, de la culture et de l’écologie. « Roland-Garros, c’est parti ! »La Ville n’avait pourtant pas lésiné pour convaincre. Elle a d’abord orchestré une vaste campagne publicitaire. Partout, dans les médias, sur les murs, le long de l’enceinte du site, le « nouveau Roland-Garros » s’affiche comme un futur certain. La Mairie de Paris avait, par ailleurs, organisé prestement, jeudi 21 mai, une visite guidée des jardins des serres d’Auteuil pour la presse. Jusqu’à la veille du vote, où Anne Hidalgo martelait : « Il y a eu un énième rapport, un énième avis sur la question de la couverture du périphérique, qui montre que c’est extrêmement cher. Si les opposants ont de l’argent à dépenser, qu’ils le disent, qu’ils le mettent sur la table. En ce qui concerne la Ville, ce n’est plus un sujet sur lequel on va continuer à creuser. Roland-Garros, c’est parti ! » Lire aussi :Extension de Roland-Garros : la Ville de Paris veut en finirUn comportement, analysé par beaucoup comme une tentative de passage en force, qui n’a finalement pas joué en faveur du projet de la Fédération. La Ville interpelle désormais directement le gouvernement et son premier ministre, Manuel Valls – qu’elle sait plus favorable au projet de la FFT que Ségolène Royal.« La Ville peut passer outre »« Ce n’est qu’un vœu, sans portée juridique, atténuait Gilles Jourdan, responsable du projet de la Fédération, à l’annonce du vote du Conseil. C’est la Ville qui est interpellée. Elle peut passer outre et signer le permis de construire. » Derrière la voix posée, on sent toutefois l’homme d’action exaspéré par ces retards, qu’il impute aux « histoires de suprématie politique », entre la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, la Maire de Paris Anne Hidalgo, le Premier ministre Manuel Valls, et le président de la République François Hollande, même si ce dernier ne s’exprime pas officiellement sur le sujet. « Il y a un moment où les gens doivent prendre leur décision ». C’est maintenant au gouvernement de trancher, estime Gilles Jourdan. Mais, dans tous les cas, « le projet alternatif, on ne le fera pas ».Catherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Parfois à la demande de grands musées, des dessinateurs revisitent la vie du Caravage, de Picasso, Vélasquez ou Rembrandt. Le Caravage, Rembrandt, Picasso, Vélasquez, Goya, Toulouse-Lautrec, Van Eyck, Antonello de Messine, Dalí... N'en jetez plus. On n'ira pas jusqu'à parler de l'émergence d'un nouveau « genre » au sein de la bande dessinée, mais pas loin, tant se multiplient actuellement les albums consacrés à des géants de l'histoire de la peinture. Si le succès des grandes expositions parisiennes n'est pas étranger à cette tendance, celle-ci s'explique aussi par le caractère de plus en plus décomplexé d'un médium — la BD — longtemps classé au rang de sous-discipline artistique.N'en déplaise à certains, le 9e art a quelque chose à dire à propos du 3e (la peinture), son grand et intimidant aîné. Parlez-en à Milo Manara, maître de la BD érotique des années 1980 et 1990 (Les Aventures de Giuseppe Bergman, Le Déclic,...), de retour à l'affiche avec le premier tome d'une biographie du Caravage, l'idole de sa carrière. « De nombreux écrivains et cinéastes ont raconté sa vie, mais jamais quelqu'un qui est lui-même du métier, confie le dessinateur âgé de 69 ans. Il m'a semblé intéressant de poser un regard professionnel sur lui. Chacun a son Caravage, sa propre vision du personnage. J'ai la prétention, et sans doute l'illusion, de le connaître mieux que d'autres. J'ai voulu brosser son existence comme l'aurait fait un de ses élèves. »“J'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins” Milo ManaraPour cela, Manara a choisi une palette de couleurs volontairement limitée, proche de celle dont usait le génie du XVIIe siècle. Dans plusieurs cases, il s'est aussi essayé au clair-obscur, la marque de fabrique du caravagisme, afin d'accentuer le caractère impétueux de son héros. Manara, enfin, ne s'est pas « dégonflé » quand il s'est agi de reproduire certains tableaux du peintre : il l'a fait à la main, avec l'exigence d'un moine copiste. Seules les couleurs originales ont été « clonées » à l'ordinateur. « La reproduction manuelle est la meilleure façon de pénétrer le génie d'un artiste, explique l'auteur italien. En le faisant, j'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins. » Cette question de la reproduction des œuvres existantes est bien au cœur de ces biographies en images qui fleurissent en librairie. Un copier-coller exécuté numériquement faciliterait pourtant bien les choses, mais pas question. « Ce serait un crime. Vous détruiriez la conviction qu'a le lecteur de se promener dans un univers dessiné », estime Typex, auteur d'une superbe évocation de la vie de Rembrandt de 260 pages. Dans cette commande du Rijksmuseum d'Amsterdam, le dessinateur néerlandais s'est contenté de copies éthérées des chefs-d'oeuvre de son illustre compatriote : « De telle sorte qu'on voit bien qu'elles sont de ma main, appuie-t-il. Je n'ai aucunement cherché à entrer en compétition avec lui, cela aurait été impossible. » Afin de faire coller le fond à la forme, Typex a aussi adopté, pour son récit, « un style relâché dans le crayonné, comme le faisait Rembrandt ».“Réinterpréter la vie d'un artiste”La même liberté a été laissée aux dessinateurs réunis au sein de la collection « Les Grands Peintres » créée par Glénat. Trois premiers titres, consacrés à Goya, Toulouse-Lautrec et Van Eyck, viennent de sortir. Trois autres sont attendus cet été : Bruegel, La Tour, Vinci. Les prochains évoqueront David, Bosch, Courbet, Van Gogh, Monet, Gauguin, Schiele, Géricault, Renoir, Klimt, Michel-Ange, Fragonard, Manet, Caillebotte, Mondrian... Très clairement associée au renouveau de l'intérêt pour l'art pictural, cette collection ne prétend pas à l'exhaustivité biographique, les albums ne dépassant pas les 46 planches. L'idée est plutôt de donner un coup de projecteur sur un moment de la vie d'un peintre afin que le lecteur ait une idée du contexte historique dans lequel il travaillait. Une dose de fiction est du coup autorisée, pour ne pas dire vivement recommandée. Le Toulouse-Lautrec d'Olivier Bleys (scénario) et Yomgui Dumont (dessin) se trouve ainsi mêlé à une étrange affaire d'enlèvement de jeunes femmes de bonne famille fréquentant les lupanars de Montmartre. Le Goya du même Bleys (scénario) et Benjamin Bozonnet (dessin) se fait piquer au vif par la fille de son modèle, la Leocadia. Le Van Eyck de Dimitri Joannidès (scénario) et Dominique Hé (dessin) joue les émissaires pour une mission diplomatique à Constantinople. Calquer à l'identique des toiles connues de tous paraît encore moins nécessaire, partant de là. « Nous privilégions la réinterprétation graphique des œuvres afin qu'il n'y ait pas de décalage avec le style des dessinateurs. Cela revient peut-être à trahir le maître, mais c'est aussi le principe de cette collection qui consiste à réinterpréter la vie d'un artiste », indique Maximilien Chailleux, éditeur chez Glénat.Reste que les choses peuvent s'avérer plus complexes. Dans « Pablo », remarquée et remarquable série publiée entre 2012 et 2014 chez Dargaud, Clément Oubrerie (dessin) et Julie Birmant (scénario) se sont ainsi vu interdire la possibilité de redessiner les chefs-d'œuvre de Picasso par ses ayants droit, sous peine de procès. Ils n'ont pu le faire que pour le quatrième et dernier tome, avec Les Demoiselles d'Avignon. Le Louvre a lancé sa propre collection BDFoin de frilosité en revanche au Louvre qui, il y a dix ans, a lancé sa propre collection BD en offrant une carte blanche à des auteurs triés sur le volet. Nicolas de Crécy, David Prudhomme, Etienne Davodeau ou encore Jiro Taniguchi ont, entre autres, déambulé dans les couloirs du musée afin d'en rapporter des histoires dont la seule contrainte est de se dérouler sur place. En contrepartie, l'établissement public laisse toute latitude à ses invités en matière de reproduction des œuvres accrochées. Les prochains à s'y essayer seront des auteurs aussi différents que l'Américain Joe Sacco, l'Italien Tanino Liberatore ou le Japonais Taiyo Matsumoto — et peut-être même son compatriote et mégastar du manga Naoki Urasawa (si les négociations aboutissent). Un autre dieu vivant de la BD nipponne, Katsuhiro Otomo, pourrait, lui, investir prochainement le Musée d'Orsay, qui a également créé sa propre collection BD, en 2014.« Le fait que des institutions comme le Louvre ou Orsay s'adressent à eux est perçu de manière inconsciente comme la fameuse reconnaissance que la bande dessinée n'a jamais eue en tant qu'éternel parent pauvre de la peinture, souligne Fabrice Douar, l'éditeur en charge des deux collections. Une profonde humilité habite ces auteurs de BD quand ils viennent ici avec leur carnet à dessin. Ils sont très respectueux des grands maîtres et de la peinture classique. »Respectueux mais pénétrés, aussi, par le sentiment que le métier d'auteur de bande dessinée n'est pas si éloigné finalement de celui de peintre, tel qu'il fut exercé autrefois. Milo Manara a une « grande théorie » sur ce sujet : « La peinture a été pendant des siècles la seule source d'images : elle servait à faire des portraits, des reportages, de l'endoctrinement religieux ou encore de la célébration politique comme au temps de Napoléon. L'art figuratif n'a plus rien à voir aujourd'hui : il est devenu conceptuel, hors de prix et très éloigné de la vie de tous les jours. Si le cinéma a hérité de la fonction sociale de la peinture, la bande dessinée en a récupéré aussi une petite part. Celle-ci vit dans le réel, en prise totale avec la société. » Un jour, qui sait, des artistes raconteront à leur tour la vie des grands auteurs de bande dessinée...Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Il y a de la malice dans le choix par Teresa Cremisi du titre La Triomphante. A première vue, on croirait y ­déceler une manière faraude de présenter son premier roman, à l’inspiration autobiographique affichée, pour celle qui fut le bras droit d’Antoine Gallimard puis la patronne de Flammarion, et qui s’apprête à quitter la direction du groupe Madrigal (Le Monde du 6 mai). Mais, dans le texte, La Triomphante est le nom d’une corvette du XIXe siècle qui, la retraite venue, fascine la narratrice à « l’imagination portuaire », comme elle l’a ­annoncé dès la première phrase.Ce roman n’a rien de triomphant. C’est un livre à l’élégance mate, portrait d’une femme s’adaptant aux changements comme une « plante grimpante aux fantaisies de son jardinier ». Un roman sur les hasards et les circonstances qui façonnent toute vie, et la capacité qu’ont certains de s’y acclimater.Sans doute le fait de naître un peu avant le milieu du XXe siècle à Alexandrie, « un port qui a connu la gloire et l’oubli, une charnière du monde », rend-il particulièrement sensible à l’impermanence des choses. Les ­parents de la narratrice, heureux parmi les heureux de cette ville cosmopolite, n’étaient, eux, pas prêts à connaître l’exil et la chute qui suivirent la nationalisation du canal de Suez, en 1956. Ils n’ont jamais pu se faire à leur nouvelle vie en Italie, et la mère, qui semblait si intrépide, a sombré dans la dépression.La tentation de brillerLeur fille, en revanche, amoureuse des récits de batailles ­navales, stratège formée par la lecture de l’Iliade, s’est astreinte à saisir les us deslieux où elle ­arrivait ainsi que l’enseigne le comte Mosca dans La Chartreuse de Parme : comme si c’étaient les « règles du jeu de whist ». Et en gardant constamment en tête cet autre précepte du personnage de Stendhal : « S’il te vient une raison brillante, une réplique victorieuse qui change le cours de la conversation, ne cède point à la tentation de briller, garde le silence ; les gens fins verront ton esprit dans tes yeux. Il sera temps d’avoir de l’esprit quand tu seras évêque. »A défaut de devenir évêque, elle gravira les échelons d’un groupe de presse italien puis poursuivra en France sa brillante carrière, menée avec une conviction mitigée.Il semble évident que Teresa Cremisi a pris un grand plaisir à rendre indémêlables l’autobiographique et le fictif dans son roman. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans sa manière de restituer une sensibilité d’exilée affleurant toujours, même cadenassée par la volonté de se présenter en « pragmatique ». Il est dans les éclats de sensualité qui traversent une écriture classique, faussement sage. Il est dans la finesse d’observation et dans l’humour qui surgit l’air de rien – une lueur dans l’œil – au détour d’une phrase, d’un chapitre. Il est dans l’envie que fait naître ce premier roman de lire les prochains.La Triomphante, de Teresa Cremisi, Les Equateurs, 205 p., 17 €.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Ces documentaires rendent hommage à l’artisan de la paix, qui veut développer la tolérance humaine par ses mélodies (jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2). Il n’y a guère que l’amour et la musique qui puissent changer les choses. Cette conviction, c’est celle du musicien catalan Jordi Savall qui n’en finit plus de traduire sa réflexion sur le monde qui l’entoure, avec ses tensions, ses violences, ses conflits dont le pouvoir l’emporte sur la raison, par des programmes d’une intelligence irénique.Dans un récent retour sur un siècle de discordes européennes, Guerre et Paix ; 1614-1714, dont il a fait avec ses trois ensembles, Hesperion XXI, La Capella reial de Catalunya et Le Concert des Nations, un splendide livre-CD (Alia Vox, AVSA9908), le maestro épinglait cette supériorité dont les Européens ne parviennent pas à se déprendre, vantant une tolérance de l’autre qui masque mal une posture condescendante.Pour Savall, il n’est que le juste dialogue entre égaux qui puisse sauver l’humanité. Aussi, au fil des années, après avoir exhumé en marge des « classiques » du répertoire des violistes (Purcell, Marais, Sainte-Colombe) tant de musiques négligées ou « abandonnées » à la tradition populaire, a-t-il savamment noué le lien entre culture savante apprise – comme lui-même et son épouse, Montserrat Figueras, le firent à Barcelone, puis à Bâle – et culture transmise au hasard des vicissitudes des migrations, des exils et des confrontations de fortune.Comme il le fit toujours avec les instruments, élisant la viole d’un facteur vénitien du XVIe siècle qu’il choisit pour ses programmes celtiques ou une basse de viole à sept cordes pour François Couperin, Jordi Savall va à la rencontre des musiciens qui portent ces mémoires, les incarnent et les célèbrent. Pour que le dialogue naisse de l’écoute.Ce tempérament, cette liberté qui autorisent seuls que les couleurs et les manières de chacun transcendent les frontières de l’espace et du temps, c’est ce qui faisait la signature de Montserrat Figueras.La musique contre la fureur du mondePar sa fidélité aux sources, son expressivité et sa créativité exceptionnelle, son timbre et sa diction, la soprano catalane a fixé l’esthétique vocale capable de dialoguer avec l’instrument de Jordi. Et imposé son empreinte sur tout ce que le couple a entrepris en artisans, en artistes, en philosophes aussi. Quand Montserrat, avec une discipline impeccable et une fraîcheur intacte, revisite les cycles de la vie comme les âges de la musique, du Moyen Age à l’ère baroque, Jordi s’attache les musiciens capables de s’engager dans leur aventure.Tous deux privilégient l’écoute, l’humilité et l’empathie pour tout ce que l’homme a pu créer en musique, rempart contre la fureur du monde. Toujours plus absorbé dans sa mission depuis la disparition en novembre 2011 de celle qui fut sa compagne, sa muse et son égérie, Savall poursuit leur lutte pour la paix. « La tragédie de l’être humain est qu’il ne sait pas apprendre de son histoire », déplore-t-il. Mais il ne désarme pas.De l’abbaye de Fontfroide (Aude), leur adresse estivale où ils ont créé ces programmes stupéfiants d’audace et d’intelligence, à Alia Vox, leur maison de disques, il prêche pour la musique comme la seule histoire vivante possible de l’humanité, l’émotion au cœur.Les deux portraits proposés par Benjamin Bleton – l’un, vivant et intime, livré en 2012, peu après la mort de Montserrat, l’autre en 2013, quand Jordi est devenu le croisé d’un pacifisme à l’œuvre – sont une invitation idéale à entendre leur message, si profondément humain. Jordi Savall, musicien de la paix, puis Hommage à Montserrat Figueras, documentaires de Benjamin Bleton. Jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde 27.05.2015 à 18h35 • Mis à jour le27.05.2015 à 20h24 | Julie Clarini Après le spleen et la neurasthénie, voici le burn-out, nouvelle « pathologie de civilisation », comme la désigne Pascal Chabot dans un bel essai tout en excursions philosophiques et littéraires. C'est encore les grands textes de la tradition qui offrent les meilleures pistes pour comprendre cette maladie de l'âme et du corps. Comme l'acedia, traduite par « ennui » ou « paresse », qui menaçait les moines au Moyen Age, cette fatigue dévastatrice est une crise des « croyants », de ceux qui sont fidèles, à Dieu, au système, à l'entreprise. Elle signifie la soudaine perte de sens. « Les personnes affectées furent consciencieuses, ardentes, dures à la tâche, écrit le philosophe. C'est d'ailleurs en partie leur problème. »Spécialiste de l'oeuvre de Gilbert Simondon (1924-1989), penseur de la technique, l'auteur pointe une époque prométhéenne, placée sous le signe de la combustion. Si le feu intérieur, qui valait force et assurance, était autrefois le privilège des élus, aujourd'hui, « les ascètes, les saints, les sages, les philosophes, ceux qui faisaient profession de s'exposer au risque de surchauffe, de folie et de délire, ont perdu le monopole de l'excès ». Embrasement, le burn-out est une révolte contre la froide logique de la technique. A nous de restaurer l'équilibre de la tiédeur ?Global burn-out, de Pascal Chabot, PUF, « Perspectives critiques », 146 pages, 15 euros.(Le Monde des livres, 11 janvier 2013.)Julie ClariniJournaliste au Monde William Audureau et Maxime Vaudano En décidant d’ouvrir le système public de subventions aux jeux vidéo catégorisés comme « violents », le gouvernement français n’a pas manqué d’étonner et de susciter la polémique. Vu de l’extérieur, le décret de la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire semble alimenter le cliché d’une industrie très largement portée vers les productions violentes – un procès qui lui est régulièrement intenté, alors même que rien n’empêche l’Etat de subventionner les films violents. Le Monde s’est penché sur la question, en comparant les systèmes de classification de ces deux médias.Beaucoup plus de jeux violents que de films ?Un premier coup d’œil sur les statistiques suggère que le jeu vidéo peut heurter bien plus souvent la sensibilité des joueurs que les films avec leurs spectateurs. Près de la moitié des jeux qui sortent chaque année sont au moins déconseillés aux enfants de moins de 12 ans par le système européen PEGI (Pan European Game Information), qui fait référence dans le domaine. A l’inverse, plus de 90 % des films qui sortent dans les salles de cinéma françaises bénéficient du visa « tous publics » du Centre national du Cinéma (CNC). #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313524292 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313524292 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des films en France (CNC)Source : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; 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margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Avant 2010, les chiffres absolus sont des extrapolations à partir des pourcentages fournis par le PEGI. Elles peuvent donc varier de quelques unités par rapport au chiffre réel, non communiqué par PEGI.Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 1309 ], [ "", 1460 ], [ "", 1114 ], [ "", 828 ], [ "", 613 ], [ "", 471 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 350 ], [ "", 393 ], [ "", 549 ], [ "", 362 ], [ "", 388 ], [ "", 371 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 444 ], [ "", 503 ], [ "", 551 ], [ "", 515 ], [ "", 418 ], [ "", 326 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 253 ], [ "", 247.5 ], [ "", 249 ], [ "", 284 ], [ "", 224 ], [ "", 225 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 126 ], [ "", 140 ], [ "", 155 ], [ "", 218 ], [ "", 170 ], [ "", 149 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Faut-il pour autant y lire la marque d’un tropisme particulier de la production vidéoludique pour les « sujets d’adultes », comme la violence, le sexe ou la drogue ?Le paradoxe des adaptationsPour affiner la comparaison, Le Monde a dressé une liste de 193 jeux vidéo sortis depuis 2008 et ayant été directement adaptés d’un film (comme Reine des neiges ou Iron Man 2) ou inspirés d’une saga cinématographique (comme Madagascar Kartz ou 007 Legends), avec l’appui d’Alexis Blanchet, docteur en études cinématographique et spécialiste de la question">spécialiste de la question.Non exhaustive, cette liste représente toutefois une bonne partie du corpus existant. La classification du film est délivrée par le CNC, et celle du jeu par PEGI. Quand plusieurs versions d’un même jeu – sur différentes consoles, par exemple – ou plusieurs épisodes d’un même film – une trilogie – existaient, nous avons tenu compte du classement le plus sévère. Objectif ? A univers commun, tenter d’évaluer les différences de traitement des œuvres selon leur support. La datavisualisation présente la classification respective du jeu (de PEGI 3, pour le « tous publics », au PEGI 18, pour les jeux déconseillés aux moins de 18 ans) et du film (du « tous publics » au « - 18 ») :Lire aussi :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéoDeux classifications radicalement différentes…La raison est simple : les deux instances de régulation qui font référence en France fonctionnent de manière radicalement différente…Dans leur structure…C’est le Centre national du cinéma (CNC) qui accorde leurs visas d’exploitation aux films diffusés dans les cinémas français. Il s’agit d’un établissement public, dont la commission de classification est composée de personnalités d’horizons divers (professionnels, associatifs, fonctionnaires, étudiants…) nommés par le ministère de la culture. C’est un modèle de régulation publique.Les jeux vidéo sont au contraire “autorégulés” par l’industrie. La classification européenne PEGI est la propriété privée du lobby européen du “logiciel interactif”, l’IFSE. La classification des jeux est toutefois confiée à deux organismes publics : l’Institut néerlandais de classification des médias audiovisuels (NICAM) et le Video Standards Council (VSC) britannique, qui accordent une place aux représentants de l’industrie, aux autorités de régulation nationales (comme le CSA), à des experts indépendants et aux consommateurs, qui peuvent adresser des plaintes.… dans leurs méthodes…Le CNC ne s’appuie pas sur une grille précise, et admet la « subjectivité » de ses classifications de films. La seule contrainte légale pour l’institution est d’interdire aux moins de 18 ans les œuvres comportant « des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence », et d’empêcher purement et simplement la sortie en salles des films pornographiques ou d’incitation à la violence, classés X (une censure très rare, appliquée deux fois ces vingt dernières années).A l’inverse, le système PEGI s’appuie sur une grille très précise de critères, matérialisée par un questionnaire de 50 éléments renseigné par l’éditeur du jeu lui-même, avant d’être vérifié par les administrateurs. Les jeux peuvent être assortis d’un avertissement pour toute une série de motifs : violence, grossièreté, sexe, peur, incitation aux jeux de hasard, à l’utilisation de la drogue, à la discrimination, et même présence d’un mode de jeu en ligne… #container_14314203791{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14314203791{ height:500px; } #container_14314203791 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14314203791 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14314203791 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14314203791 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }La violence, premier motif de classification des jeux en 2013Lecture : 59 % des jeux sont accompagnés d'une classification "violence".Source : Rapport annuel du PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14314203791", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Violence","Jeu en ligne","Autres","Grossièreté","Peur","Sexe","Paris","Drogues"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": 2013, "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 59.4 ], [ "", 29.7 ], [ "", 23.41 ], [ "", 22.05 ], [ "", 10.31 ], [ "", 3.57 ], [ "", 1.49 ], [ "", 0.71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 1 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " %", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ainsi, un jeu où un personnage « gagne un avantage en utilisant le tabac ou l’alcool » ou prononce une seule fois le juron « fuck » ou l’injure « cocksucker » se voit automatiquement étiqueté « moins de 16 ans ».A l’inverse, Le Discours d’un Roi de Tom Hooper (2010) est étiquetté « tous publics » malgré les bordées d’injures prononcées par Colin Firth. Contrairement au système PEGI, le CNC a la possibilité de tenir compte du contexte narratif, et a dû considérer les insultes du comédien comme partie intégrante de la thérapie anti-bégaiement de son personnage, ce qui échappe au PEGI dans son système actuel.… et dans leurs effetsTout sévère qu’il soit, le système PEGI ne semble pas vraiment embêter les éditeurs de jeux vidéo. En remplissant le questionnaire de classification, rares sont ceux qui cherchent à tromper la vigilance du PEGI en minorant la violence de leurs jeux, alors que les administrateurs du système admettent ouvertement ne pas pouvoir jouer à l’ensemble du jeu.La raison de cette abnégation est simple : PEGI est un simple label, qui n’a aucune implication légale dans la plupart des pays qui l’ont adopté. Ainsi, aucune loi n’empêche aujourd’hui une boutique française de vendre un jeu PEGI 18 à un mineur. Au contraire, une classification 16 ou 18 constitue même souvent un argument commercial à destination des joueurs.En France, la très récente loi sur la simplification du droit (« http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0467.asp »>article 22) a pour la première fois officiellement reconnu le système PEGI. « http://www.bbc.co.uk/newsround/19047948 »>Le Royaume-Uni a décidé de rendre la classification PEGI contraignante depuis 2012.Si un décret prévu pour le 1er octobre 2015 devrait rendre obligatoire l’étiquetage des jeux en vente dans la distribution physique, alors que la certification PEGI est aujourd’hui facultative, il s’agit d’une manœuvre « symbolique », explique-t-on au syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), dont la principale ambition est d’officialiser la pratique du PEGI. Il n’est pas question de rendre la classification juridiquement contraignante, comme l’a fait le Royaume-Uni en 2012. « La priorité, c’est l’information et la sensibilisation des parents et des joueurs, pas la répression. » Au contraire, les responsables des cinémas qui ne font pas respecter les interdictions - 12, - 16 + ou - 18 sont passibles d’une amende de 1 500 à 3 000 euros.William AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il sera le deuxième Noir à siéger à l’Académie française, 32 ans après Léopold Sédar Senghor (1906-2001), élu en 1983. A sa manière, Dany Laferrière, écrivain et journaliste, est aussi un des illustres chantres de la francophonie. Elu au premier tour de scrutin, en décembre 2013, pour succéder à l’écrivain d’origine argentine Hector Bianciotti, dont il est chargé de faire l’éloge, il est reçu, jeudi 28 mai, par l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf.A travers tous ces auteurs, tous nés sur des continents différents, c’est bien la langue française, pierre angulaire de l’Académie française qui est mise à l’honneur. « A un Franco-argentin d’origine italienne va succéder un Québécois de Haïti, qui sera reçu par un Libanais. Voilà ce que c’est, l’Académie française », a tenu a rappeler l’académicien Jean d’Ormesson, lors de la cérémonie de remise de l’épée qui s’est tenue, mardi 26 mai, à l’Hôtel de ville de Paris.Ecrivains voyageursDepuis trois décennies, l’Académie française s’est ouverte aux vents de la francophonie et aux écrivains voyageurs, venus du monde entier. Né à Port-au-Prince, il y a 62 ans, Dany Laferrière est le fils de l’ancien maire de la capitale haïtienne, contraint à l’exil lorsque le dictateur Jean-Claude Duvalier prend le pouvoir. Comme beaucoup d’Haïtiens, il trouve alors refuge au Québec s’installant à Montréal où longtemps, il a vécu « comme un clochard », travaillant au noir dans des tanneries, avant de connaître un succès fulgurant avec son premier livre, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, publié en 1985. Jeudi, Dany Laferrière sera, en effet, le premier écrivain québécois à être reçu sous la coupole. Il occupera le fauteuil n° 2. Parmi ses illustres prédécesseurs, figurent notamment Montesquieu, l’auteur de De l’Esprit des lois et des Lettres persanes, mais aussi Alexandre Dumas, le romancier le plus prolifique du XIXe siècle, entré depuis au Panthéon et dont une grand-mère était une esclave mulâtre de Saint-Domingue. Pourtant, pour l’auteur de Je suis un écrivain japonais (Grasset, 2008), cela serait une grave erreur de réduire un écrivain à son origine. Dany Laferrière ne s’est jamais enfermé dans l’étiquette de « l’écrivain noir ».Un remarquable antidote à l’ennuiAuteur d’une vingtaine d’ouvrages, Dany Laferrière est surtout un remarquable antidote à l’ennui. Plusieurs de ses livres sont consacrés à sa terre natale. Dans L’Odeur du café (1991), il rend un hommage vibrant à sa grand-mère, une femme cultivée qui lui a inculqué l’amour de la littérature et de la poésie. Présent sur place, le 12 janvier 2010, lors du terrible tremblement de terre qui a frappé Haïti, il raconte dans Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011) le silence qui suit la catastrophe humaine.De lui, son éditeur chez Grasset, Charles Dantzig, dit que ce qui le caractérise, c’est « sa grande élégance de forme ». Son humour, sa distance et sa poésie sont effet au cœur de sa manière d’écrire. Il a reçu le prix Médicis 2009 pour L’Enigme du retour (Grasset), qui raconte son retour en Haïti après la mort de son père. Ecrit en alternance en prose et en vers libres – d’où une très grande musicalité –, c’est un roman à la fois sur la famille, l’exil, l’identité et le temps qui passe.Les discours de Dany Laferrière et Amin Maalouf seront consultables sur le site de l’Académie française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot « Il n'y a rien de plus extraordinaire que la réalité », avait l’habitude de dire Mary Ellen Mark. Cette figure charismatique de la photographie de reportage d’après-guerre, qui a toujours tourné sa caméra vers les exclus et les marginaux, est morte, lundi 25 mai à New York, à l’âge de 75 ans.Née près de Philadelphie, elle s’est d'abord tournée vers des études de peinture et d’histoire de l’art, avant de trouver sa voie en suivant des cours de photographie. « Dès ce moment où j’ai su ce qu’était la photo, je suis devenue obsédée », écrivait-elle dans son livre sorti à l’occasion de ses vingt-cinq ans de photographie.Pour son premier reportage marquant, au début des années 1960, elle suit la vie de drogués à Londres, et trouve son style : du noir et blanc, un mélange de spectaculaire et de compassion, une proximité forte avec ses sujets. Admirative d’Eugene Smith ou de Dorothea Lange, elle cherche les regards forts, le moment suspendu, l’instant dramatique. Cette série marque le début d’une longue collaboration avec les grands magazines américains – Life, Vogue, Vanity Fair… Au cours de ces années, la photographe connue pour son caractère vif et son charisme rejoint l’agence Magnum, de 1977 à 1981, avant de finir par créer sa propre agence.Pour Mary Ellen Mark, impossible de ne pas être amie avec ses modèles. A chaque fois, elle prend du temps pour vivre avec eux, et revient souvent sur les lieux pour avoir des nouvelles ou les photographier à nouveau. En 1979, elle passe plusieurs mois dans un hôpital psychiatrique, pour photographier le quartier sécurisé destiné aux femmes : elle en tire une série forte aux cadrages mouvementés, réunie dans un livre, Ward 81 (1979).Brutalité de la vie quotidienneEn Inde, elle mettra plusieurs années à gagner la confiance des prostituées de la rue chaude de Bombay, Falkland Road : au début, les femmes l’insultent, lui jettent des ordures à la figure, lui crachent dessus. Elle s’installe alors dans le café où les prostituées font leur pause, et en vient à partager leur vie. Pour une fois, les images de Mary Ellen Mark sont en couleurs, dans des tons criards qui disent sans fard la brutalité de la vie quotidienne. « Mary Ellen Mark a l’air de suggérer à ses modèles qu’il n'y a pas de honte, que la honte n’est que la gêne ou la délectation des mauvaises consciences, qu’il n’y a que la réalité, et que toute réalité est digne d’être dite », écrivait le critique Hervé Guibert sur ce travail dans Le Monde en 1981.Son travail le plus marquant naît d’une commande en 1983 pour le magazine Life : à Seattle, ville réputée la plus agréable des Etats-Unis, elle photographie les enfants des rues, oubliés par les services sociaux et délaissés par leurs parents, livrés à la drogue et à la prostitution. Elle en tire un livre, Streetwise, ainsi qu'un documentaire du même nom tourné avec son mari, Martin Bell, qui sera nommé aux Academy Awards en 1984. Elle y suit une enfant de 13 ans, Tiny Blackwell, qu’elle retrouvera vingt ans plus tard pour un nouveau travail photographique.Esthétique de l’emphatieTout au long de sa carrière, sa passion va d’abord aux marginaux de la société : aveugles, fugueurs, prostituées, sans-abri, malades mentaux, drogués, paumés, gens du cirque, gitans, mères adolescentes… En 1987, pour le magazine Life, elle a longuement suivi une famille américaine à l’existence précaire : les parents et les enfants Damm passaient de motels en ranchs abandonnés dans le désert près de Los Angeles. Elle est retournée les voir en 1994, pour constater que leur situation s’était aggravée, les parents sombrant toujours plus dans la drogue malgré les dons générés par la première publication. Elle a aussi consacré un long sujet à Mère Teresa et à son action en Inde.Contrairement à Diane Arbus, qui s’appliquait à faire ressortir l’étrangeté de ses sujets, rassemblant marginaux et gens normaux dans la même fragilité, Mary Ellen Mark, en héritière de l’humanisme des années 1950, cherchait toujours ce qui rapproche les gens : « Je veux atteindre et toucher quelque chose que je sens être au plus profond des hommes », écrivait-elle dans un de ses livres. Une esthétique de l’empathie qui a été largement imitée, jusqu’à la caricature, dans le photojournalisme des années 1980 et 1990.Même si ce travail est moins connu, la photographe a aussi beaucoup travaillé sur les plateaux de cinéma : elle a suivi le tournage d’Apocalypse Now (1979), de Francis Ford Coppola, celui de nombreux films de Baz Lhurmann (Moulin Rouge, 2001). On lui doit une très belle photo brumeuse de Fellini, le porte-voix en bouche, sur le tournage du Satyricon, en 1969. Dans les années 1990, elle est aussi devenue portraitiste de célébrités, photographiant de nombreux acteurs pour Rolling Stone ou le New York Times Magazine.Dates20 mars 1940 Naissance à Elkins Park près de Philadelphie.1981 Livre « Falkland Road », sur le quartier chaud à Bombay.1983 Livre et film « Streetwise », sur une enfant des rues de Seattle.25 mai 2015 Mort à New York.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste © Mathieu Bourgois Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'obsessionAvec Lionel Shriver, Pierre Patrolin et Alan Pauls. Pascal, Ma et Andréi © JF PAGA | © Claude Gassian | © Philippe MATSAS sTexte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Le post-communisme : laboratoire de folie libérale à l'état pur ? Avec Pascal Bruckner, Ma Jian et Andréi Kourkov. Alan Pauls DRLe texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« L’obsession »Alan PaulsJe lis qu’obsession vient d’obsido, un ancien verbe latin qui signifie « prendre une forteresse », et une fois de plus je me réjouis de la discrétion avec laquelle l’étymologie secoue régulièrement l’amnésie du langage. L’idée de siège (et de forteresse assiégée) restitue à l’obsession une valeur militaire qu’elle avait perdue. Lorsque la mauvaise presse qui poursuit les émotions drastiques (et probablement aussi la crainte de devenir le sujet de celles-ci) tentait de nous persuader du caractère renfermé de l’obsessionnel, l’étymologie vient nous rappeler deux choses capitales : que les obsessionnels (qu’ils s’appellent Gustave Flaubert, Adèle Hugo, Brian Sweeney Fitzgerald – alias Fitzcarraldo – ou Travis Bickle) sont des personnes fondamentalement actives, qu’on peut définir moins par une introspection narcissique et une hyperactivité mentale stérile que par un rapport préhensile au monde. Des forteresses, il y en a des milliers : celle de Flaubert était le mot juste, miracle de pertinence stylistique pour lequel il était capable de sacrifier (autrement dit : prendre du plaisir) des semaines entières ; celle d’Adèle H., l’extraordinaire fille de Victor Hugo, était le lieutenant Pinson, l’amour impossible pour lequel elle abandonne sa maison et sa famille, traverse toute seule les mers hostiles du dix-neuvième siècle, repère les détachements militaires et finit folle dans un asile ; celle du mélomane Fitzcarraldo (et sans doute celle de Werner Herzog, qui l’a immortalisé dans un film débridé) était de monter un théâtre lyrique en pleine forêt amazonienne, ce pourquoi il trimballa un transatlantique de trois cent vingt tonnes grâce à un cruel système d’esclaves et de poulies ; celle de Travis Bickle, le chauffeur de taxi de Martin Scorsese, était deux femmes : la distinguée et inaccessible Betsy, assistante de campagne d’un candidat politique, et Iris, l’adolescente prostituée qu’il arrache, à feu et à sang, d’un bordel de New York. L’important en matière d’obsession est que cette place forte, perchée comme elle l’est, ne soit jamais disponible et qu’elle ne se rende pas facilement. Voilà pourquoi elle doit être repérée, assiégée et, dans le meilleur des cas – c’est l’ultime phase de l’obsession, son coup de grâce –, prise. Ainsi, donc, le modèle de l’obsessionnel est aussi bien psychopathologique que stratégico-belliqueux : toute démarche obsessionnelle suppose la nécessité, le plan, la frénésie de la traque, l’infraction et l’annexion finale. Peut-être l’obsession n’est-elle qu’un dialecte de la conquête. Les « psychopathologistes » rétorqueront que l’obsessionnel ne déploie pas le siège, qu’il le subit. C’est la version passive, « victimiste », du syndrome, qui dépeint son héros comme une créature traquée par des idées et des désirs incontrôlables, tellement insistants que pour les conjurer il s’enroule dans une toile d’araignée de rituels laborieux et sophistiqués : cérémonies pour traverser la rue, mystérieuses séances d’hygiène, priorités, protocoles insensés. Les Anglais, si prompts à percevoir du style là où les médecins voient des maux, nomment ces créatures fragiles et idiosyncrasiques des excentriques. Flaubert, Adèle H., Travis Bickle, Fitzcarraldo (plus modestement, moi-même, qui ne me couche jamais sans avoir un verre de quelque chose sur ma table de nuit) sont des excentriques. Chacun possède ses protocoles, mais tous poursuivent comme des somnambules une idée fixe, une mission, une énigme, sans lesquels tout – non seulement la santé de l’obsessionnel, mais aussi le monde – court le risque de s’effondrer. Le problème – le facteur dinguerie – est que cette chose qu’ils poursuivent se trouve en général en dehors de tout horizon possible. Comme certains jeunes rebelles, les obsessionnels sont réalistes et réclament l’impossible. Mais comme personne ne le leur donne, ils n’ont d’autre choix que l’action. Alors, convaincus que la foi fait bouger les montagnes, ils sortent et assiègent la forteresse, mais ils se font presque toujours brûler dans leur tentative, misérables et splendides, comme les grands artistes de l’échec qu’ils sont. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Serge MestreLe mot cléLionel ShriverBelliqueuxBelliqueux : adjectif qualifiant tout à la fois l’œuvre et l’attitude de certains romanciers, au premier rang desquels la revêche Lionel Shriver. Auteur présentant une forte propension à faire cavalier seul. S’obstine à inventer des personnages désagréables, voire détestables, taxés par les lecteurs « d’antipathiques ». Prend un malin plaisir à choisir des thèmes qu’aucun individu sain d’esprit n’a la moindre envie de lire pour se distraire, notamment la démographie (pitié), l’échec (on cherche des modèles !), l’économie (soporifique) ou encore le système de santé américain (on croit rêver !). Individu de sexe féminin, l’auteure, à l’âge de quinze ans, opte pour le prénom Lionel, et affirme pourtant avoir « zéro intérêt » pour le projet Fifty Shades of Gender Identity actuellement accessible pour autoclassification sur Facebook. Par tendance autodestructrice, cette même romancière refuse d’intervenir sur les réseaux sociaux « bouffeurs de temps » et n’a entendu parler de Facebook que par certains journaux ringards. Peut se montrer très critique à l’égard des festivals littéraires, qu’elle qualifie de « masturbation intellectuelle », mais continue pourtant d’y assister, ne serait-ce que pour le plaisir de les trouver « gonflants ». Les auteurs belliqueux ont tendance à mal réagir lorsqu’on les sollicite afin qu’ils définissent un « mot-clé » résumant la globalité de leur œuuuuvre, et, consternés, trouvent l’exercice prétentieux et artificiel. L’auteur belliqueux se montre parfois dangereux et doit être abordé avec prudence. Synonymes : querelleur, récalcitrant, agressif, difficile, ingrat, pugnace, désagréable, grincheux, misanthrope, « pas méchant pour deux sous en vrai », « aboie mais ne mord pas ». Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Richard Catherine Pacary Tous les matchs de Roland-Garros ne se jouent pas sur terre battue. Jeudi matin, une partie très disputée avait lieu au Conseil de Paris. Et cette rencontre interminable oppose une fois encore les tenants des deux projets d’extension du site sportif de l’Ouest parisien. Un agrandissement indispensable si l’on veut que Roland-Garros, arrivé à saturation, conserve son rang dans le tournoi du Grand Chelem et ne soit pas délaissé au profit de sites plus exotiques, mieux équipés et mieux payés. Une nécessité actée en 2011. Mais depuis, deux projets s’opposent.Le premier, présenté par la Fédération française de tennis (FFT) et soutenu par la maire de Paris, Anne Hidalgo, utilise les jardins des serres d’Auteuil pour y bâtir un court de 5 000 places, à demi enterré et entouré de nouvelles serres, en lieu et place des actuelles serres techniques. Les grandes serres classées de Formigé ne seraient pas touchées et la destruction du court numéro un permettrait une meilleure gestion du flux des spectateurs. Coût du projet : quelque 400 millions d’euros, entièrement financés par la FFT.Le Conseil de Paris a adopté à une courte majorité jeudi deux vœux des écologistes demandant au gouvernement, contre l’avis de la mairie, de temporiser sur ce projet d’extension Roland-Garros. Un vote qui n’a pas vraiment satisfait la maire de Paris. « Le projet de la FFT est le meilleur, car il apporte des solutions aux problèmes d’espace et de gestion des flux qui mettent en danger la pérennité même du tournoi de Roland-Garros », a tranché jeudi Anne Hidalgo, qui a hâte de terminer le point. Il est important d’affirmer aujourd’hui, après un très long processus de travail et de concertation, que le nouveau stade Roland Garros, “c’est parti !” Une impartialité mise en douteUtiliser les jardins des serres d’Auteuil, détruire les serres techniques… autant d’éléments jugés inacceptables par les associations de défense de l’environnement et des monuments historiques. Leur projet alternatif propose de couvrir en partie l’autoroute A13 qui longe le site pour y installer des courts d’entraînement. Le court numéro un ne serait pas détruit mais agrandi. Avantage : les jardins des serres seraient préservés. Inconvénient : un surcoût de 80 millions d’euros, selon le rapport commandé en février par la ministre de l’écologie au cabinet Egis et remis le 18 mai à la Mairie de Paris. « Quatre-vingts millions ?, réagit Yves Contassot, conseiller de Paris EELV. Moins de 10 millions, dit-il au Monde. Et je le démontrerai demain. »Le groupe écologique a en effet déposé un vœu, débattu ce 28 mai au Conseil de Paris. Il demande que « la ministre en charge des sites [refuse] toute autorisation de travaux » tant qu’une étude complémentaire « indépendante » n’aura pas été réalisée – rien ne peut se faire sans l’accord des ministères de la culture et de l’écologie. Il met en doute en effet l’impartialité du cabinet Egis, payé par la FFT, mais également lié à l’architecte du court des Serres, Marc Mimram, dans une autre réalisation, celle de la gare TGV de Montpellier, comme le montre le site d’Egis. L’architecte Marc Mimram est, par ailleurs, jusqu’ici plutôt connu pour ses réalisations de ponts, parmi lesquels l’ex-passerelle Solferino rebaptisée Léopold-Sédar-Senghor, inaugurée le 14 décembre 1999 puis fermée au public moins de huit jours après car jugée trop glissante. Elle n’a rouvert que le 20 novembre 2000, après l’ajout de quatre amortisseurs et de bandes antidérapantes, pour un surcoût de 6 millions de francs. Un pont dont Marc Mimram est néanmoins très fier.« Roland-Garros, c’est parti ! »En face, la Mairie de Paris met la pression : « Il y a eu un énième rapport, un énième avis sur la question de la couverture du périphérique, qui montre que c’est extrêmement cher. Si les opposants ont de l’argent à dépenser, qu’ils le disent, qu’ils le mettent sur la table. En ce qui concerne la Ville, ce n’est plus un sujet sur lequel on va continuer à creuser. Roland-Garros, c’est parti ! », explique Anne Hidalgo. La Ville interpelle désormais directement le gouvernement et son premier ministre, Manuel Valls – qu’elle sait plus favorable au projet de la FFT que Ségolène Royal. La Mairie de Paris avait, par ailleurs, organisé prestement, jeudi 21 mai, une visite guidée des jardins des serres d’Auteuil pour la presse. Parallèlement, dans la presse, sur les murs, le long de l’enceinte du site, le « nouveau Roland-Garros » s’affiche aux yeux de tous comme un futur certain.Lire aussi :Extension de Roland-Garros : la Ville de Paris veut en finir« L’adversaire » ne s’en émeut pas outre mesure. « Tout cela va se faire tranquillement », assure Yves Contassot, persuadé de rallier, jeudi, les votes UMP et centristes. Il ne manque pas d’arguments. Les auteurs de l’étude Egis et leurs conclusions reconnaîtraient ainsi que « le projet associatif répondait aux fonctionnalités demandées par la FFT », et que « les deux projets n’avaient aucune incidence sur l’éventuel déroulement des Jeux olympiques sur le site » en 2024. Deux points souvent avancés par la Ville.La FFT ne cache pas son impatience. « Il y a un moment où les gens doivent prendre leur décision », tranche Gilles Jourdan, responsable du projet de la Fédération. Au gouvernement de jouer.Catherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Parfois à la demande de grands musées, des dessinateurs revisitent la vie du Caravage, de Picasso, Vélasquez ou Rembrandt. Le Caravage, Rembrandt, Picasso, Vélasquez, Goya, Toulouse-Lautrec, Van Eyck, Antonello de Messine, Dalí... N'en jetez plus. On n'ira pas jusqu'à parler de l'émergence d'un nouveau « genre » au sein de la bande dessinée, mais pas loin, tant se multiplient actuellement les albums consacrés à des géants de l'histoire de la peinture. Si le succès des grandes expositions parisiennes n'est pas étranger à cette tendance, celle-ci s'explique aussi par le caractère de plus en plus décomplexé d'un médium — la BD — longtemps classé au rang de sous-discipline artistique.N'en déplaise à certains, le 9e art a quelque chose à dire à propos du 3e (la peinture), son grand et intimidant aîné. Parlez-en à Milo Manara, maître de la BD érotique des années 1980 et 1990 (Les Aventures de Giuseppe Bergman, Le Déclic,...), de retour à l'affiche avec le premier tome d'une biographie du Caravage, l'idole de sa carrière. « De nombreux écrivains et cinéastes ont raconté sa vie, mais jamais quelqu'un qui est lui-même du métier, confie le dessinateur âgé de 69 ans. Il m'a semblé intéressant de poser un regard professionnel sur lui. Chacun a son Caravage, sa propre vision du personnage. J'ai la prétention, et sans doute l'illusion, de le connaître mieux que d'autres. J'ai voulu brosser son existence comme l'aurait fait un de ses élèves. »“J'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins” Milo ManaraPour cela, Manara a choisi une palette de couleurs volontairement limitée, proche de celle dont usait le génie du XVIIe siècle. Dans plusieurs cases, il s'est aussi essayé au clair-obscur, la marque de fabrique du caravagisme, afin d'accentuer le caractère impétueux de son héros. Manara, enfin, ne s'est pas « dégonflé » quand il s'est agi de reproduire certains tableaux du peintre : il l'a fait à la main, avec l'exigence d'un moine copiste. Seules les couleurs originales ont été « clonées » à l'ordinateur. « La reproduction manuelle est la meilleure façon de pénétrer le génie d'un artiste, explique l'auteur italien. En le faisant, j'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins. » Cette question de la reproduction des œuvres existantes est bien au cœur de ces biographies en images qui fleurissent en librairie. Un copier-coller exécuté numériquement faciliterait pourtant bien les choses, mais pas question. « Ce serait un crime. Vous détruiriez la conviction qu'a le lecteur de se promener dans un univers dessiné », estime Typex, auteur d'une superbe évocation de la vie de Rembrandt de 260 pages. Dans cette commande du Rijksmuseum d'Amsterdam, le dessinateur néerlandais s'est contenté de copies éthérées des chefs-d'oeuvre de son illustre compatriote : « De telle sorte qu'on voit bien qu'elles sont de ma main, appuie-t-il. Je n'ai aucunement cherché à entrer en compétition avec lui, cela aurait été impossible. » Afin de faire coller le fond à la forme, Typex a aussi adopté, pour son récit, « un style relâché dans le crayonné, comme le faisait Rembrandt ».“Réinterpréter la vie d'un artiste”La même liberté a été laissée aux dessinateurs réunis au sein de la collection « Les Grands Peintres » créée par Glénat. Trois premiers titres, consacrés à Goya, Toulouse-Lautrec et Van Eyck, viennent de sortir. Trois autres sont attendus cet été : Bruegel, La Tour, Vinci. Les prochains évoqueront David, Bosch, Courbet, Van Gogh, Monet, Gauguin, Schiele, Géricault, Renoir, Klimt, Michel-Ange, Fragonard, Manet, Caillebotte, Mondrian... Très clairement associée au renouveau de l'intérêt pour l'art pictural, cette collection ne prétend pas à l'exhaustivité biographique, les albums ne dépassant pas les 46 planches. L'idée est plutôt de donner un coup de projecteur sur un moment de la vie d'un peintre afin que le lecteur ait une idée du contexte historique dans lequel il travaillait. Une dose de fiction est du coup autorisée, pour ne pas dire vivement recommandée. Le Toulouse-Lautrec d'Olivier Bleys (scénario) et Yomgui Dumont (dessin) se trouve ainsi mêlé à une étrange affaire d'enlèvement de jeunes femmes de bonne famille fréquentant les lupanars de Montmartre. Le Goya du même Bleys (scénario) et Benjamin Bozonnet (dessin) se fait piquer au vif par la fille de son modèle, la Leocadia. Le Van Eyck de Dimitri Joannidès (scénario) et Dominique Hé (dessin) joue les émissaires pour une mission diplomatique à Constantinople. Calquer à l'identique des toiles connues de tous paraît encore moins nécessaire, partant de là. « Nous privilégions la réinterprétation graphique des œuvres afin qu'il n'y ait pas de décalage avec le style des dessinateurs. Cela revient peut-être à trahir le maître, mais c'est aussi le principe de cette collection qui consiste à réinterpréter la vie d'un artiste », indique Maximilien Chailleux, éditeur chez Glénat.Reste que les choses peuvent s'avérer plus complexes. Dans « Pablo », remarquée et remarquable série publiée entre 2012 et 2014 chez Dargaud, Clément Oubrerie (dessin) et Julie Birmant (scénario) se sont ainsi vu interdire la possibilité de redessiner les chefs-d'œuvre de Picasso par ses ayants droit, sous peine de procès. Ils n'ont pu le faire que pour le quatrième et dernier tome, avec Les Demoiselles d'Avignon. Le Louvre a lancé sa propre collection BDFoin de frilosité en revanche au Louvre qui, il y a dix ans, a lancé sa propre collection BD en offrant une carte blanche à des auteurs triés sur le volet. Nicolas de Crécy, David Prudhomme, Etienne Davodeau ou encore Jiro Taniguchi ont, entre autres, déambulé dans les couloirs du musée afin d'en rapporter des histoires dont la seule contrainte est de se dérouler sur place. En contrepartie, l'établissement public laisse toute latitude à ses invités en matière de reproduction des œuvres accrochées. Les prochains à s'y essayer seront des auteurs aussi différents que l'Américain Joe Sacco, l'Italien Tanino Liberatore ou le Japonais Taiyo Matsumoto — et peut-être même son compatriote et mégastar du manga Naoki Urasawa (si les négociations aboutissent). Un autre dieu vivant de la BD nipponne, Katsuhiro Otomo, pourrait, lui, investir prochainement le Musée d'Orsay, qui a également créé sa propre collection BD, en 2014.« Le fait que des institutions comme le Louvre ou Orsay s'adressent à eux est perçu de manière inconsciente comme la fameuse reconnaissance que la bande dessinée n'a jamais eue en tant qu'éternel parent pauvre de la peinture, souligne Fabrice Douar, l'éditeur en charge des deux collections. Une profonde humilité habite ces auteurs de BD quand ils viennent ici avec leur carnet à dessin. Ils sont très respectueux des grands maîtres et de la peinture classique. »Respectueux mais pénétrés, aussi, par le sentiment que le métier d'auteur de bande dessinée n'est pas si éloigné finalement de celui de peintre, tel qu'il fut exercé autrefois. Milo Manara a une « grande théorie » sur ce sujet : « La peinture a été pendant des siècles la seule source d'images : elle servait à faire des portraits, des reportages, de l'endoctrinement religieux ou encore de la célébration politique comme au temps de Napoléon. L'art figuratif n'a plus rien à voir aujourd'hui : il est devenu conceptuel, hors de prix et très éloigné de la vie de tous les jours. Si le cinéma a hérité de la fonction sociale de la peinture, la bande dessinée en a récupéré aussi une petite part. Celle-ci vit dans le réel, en prise totale avec la société. » Un jour, qui sait, des artistes raconteront à leur tour la vie des grands auteurs de bande dessinée...Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Il y a de la malice dans le choix par Teresa Cremisi du titre La Triomphante. A première vue, on croirait y ­déceler une manière faraude de présenter son premier roman, à l’inspiration autobiographique affichée, pour celle qui fut le bras droit d’Antoine Gallimard puis la patronne de Flammarion, et qui s’apprête à quitter la direction du groupe Madrigal (Le Monde du 6 mai). Mais, dans le texte, La Triomphante est le nom d’une corvette du XIXe siècle qui, la retraite venue, fascine la narratrice à « l’imagination portuaire », comme elle l’a ­annoncé dès la première phrase.Ce roman n’a rien de triomphant. C’est un livre à l’élégance mate, portrait d’une femme s’adaptant aux changements comme une « plante grimpante aux fantaisies de son jardinier ». Un roman sur les hasards et les circonstances qui façonnent toute vie, et la capacité qu’ont certains de s’y acclimater.Sans doute le fait de naître un peu avant le milieu du XXe siècle à Alexandrie, « un port qui a connu la gloire et l’oubli, une charnière du monde », rend-il particulièrement sensible à l’impermanence des choses. Les ­parents de la narratrice, heureux parmi les heureux de cette ville cosmopolite, n’étaient, eux, pas prêts à connaître l’exil et la chute qui suivirent la nationalisation du canal de Suez, en 1956. Ils n’ont jamais pu se faire à leur nouvelle vie en Italie, et la mère, qui semblait si intrépide, a sombré dans la dépression.La tentation de brillerLeur fille, en revanche, amoureuse des récits de batailles ­navales, stratège formée par la lecture de l’Iliade, s’est astreinte à saisir les us deslieux où elle ­arrivait ainsi que l’enseigne le comte Mosca dans La Chartreuse de Parme : comme si c’étaient les « règles du jeu de whist ». Et en gardant constamment en tête cet autre précepte du personnage de Stendhal : « S’il te vient une raison brillante, une réplique victorieuse qui change le cours de la conversation, ne cède point à la tentation de briller, garde le silence ; les gens fins verront ton esprit dans tes yeux. Il sera temps d’avoir de l’esprit quand tu seras évêque. »A défaut de devenir évêque, elle gravira les échelons d’un groupe de presse italien puis poursuivra en France sa brillante carrière, menée avec une conviction mitigée.Il semble évident que Teresa Cremisi a pris un grand plaisir à rendre indémêlables l’autobiographique et le fictif dans son roman. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans sa manière de restituer une sensibilité d’exilée affleurant toujours, même cadenassée par la volonté de se présenter en « pragmatique ». Il est dans les éclats de sensualité qui traversent une écriture classique, faussement sage. Il est dans la finesse d’observation et dans l’humour qui surgit l’air de rien – une lueur dans l’œil – au détour d’une phrase, d’un chapitre. Il est dans l’envie que fait naître ce premier roman de lire les prochains.La Triomphante, de Teresa Cremisi, Les Equateurs, 205 p., 17 €.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Ces documentaires rendent hommage à l’artisan de la paix, qui veut développer la tolérance humaine par ses mélodies (jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2). Il n’y a guère que l’amour et la musique qui puissent changer les choses. Cette conviction, c’est celle du musicien catalan Jordi Savall qui n’en finit plus de traduire sa réflexion sur le monde qui l’entoure, avec ses tensions, ses violences, ses conflits dont le pouvoir l’emporte sur la raison, par des programmes d’une intelligence irénique.Dans un récent retour sur un siècle de discordes européennes, Guerre et Paix ; 1614-1714, dont il a fait avec ses trois ensembles, Hesperion XXI, La Capella reial de Catalunya et Le Concert des Nations, un splendide livre-CD (Alia Vox, AVSA9908), le maestro épinglait cette supériorité dont les Européens ne parviennent pas à se déprendre, vantant une tolérance de l’autre qui masque mal une posture condescendante.Pour Savall, il n’est que le juste dialogue entre égaux qui puisse sauver l’humanité. Aussi, au fil des années, après avoir exhumé en marge des « classiques » du répertoire des violistes (Purcell, Marais, Sainte-Colombe) tant de musiques négligées ou « abandonnées » à la tradition populaire, a-t-il savamment noué le lien entre culture savante apprise – comme lui-même et son épouse, Montserrat Figueras, le firent à Barcelone, puis à Bâle – et culture transmise au hasard des vicissitudes des migrations, des exils et des confrontations de fortune.Comme il le fit toujours avec les instruments, élisant la viole d’un facteur vénitien du XVIe siècle qu’il choisit pour ses programmes celtiques ou une basse de viole à sept cordes pour François Couperin, Jordi Savall va à la rencontre des musiciens qui portent ces mémoires, les incarnent et les célèbrent. Pour que le dialogue naisse de l’écoute.Ce tempérament, cette liberté qui autorisent seuls que les couleurs et les manières de chacun transcendent les frontières de l’espace et du temps, c’est ce qui faisait la signature de Montserrat Figueras.La musique contre la fureur du mondePar sa fidélité aux sources, son expressivité et sa créativité exceptionnelle, son timbre et sa diction, la soprano catalane a fixé l’esthétique vocale capable de dialoguer avec l’instrument de Jordi. Et imposé son empreinte sur tout ce que le couple a entrepris en artisans, en artistes, en philosophes aussi. Quand Montserrat, avec une discipline impeccable et une fraîcheur intacte, revisite les cycles de la vie comme les âges de la musique, du Moyen Age à l’ère baroque, Jordi s’attache les musiciens capables de s’engager dans leur aventure.Tous deux privilégient l’écoute, l’humilité et l’empathie pour tout ce que l’homme a pu créer en musique, rempart contre la fureur du monde. Toujours plus absorbé dans sa mission depuis la disparition en novembre 2011 de celle qui fut sa compagne, sa muse et son égérie, Savall poursuit leur lutte pour la paix. « La tragédie de l’être humain est qu’il ne sait pas apprendre de son histoire », déplore-t-il. Mais il ne désarme pas.De l’abbaye de Fontfroide (Aude), leur adresse estivale où ils ont créé ces programmes stupéfiants d’audace et d’intelligence, à Alia Vox, leur maison de disques, il prêche pour la musique comme la seule histoire vivante possible de l’humanité, l’émotion au cœur.Les deux portraits proposés par Benjamin Bleton – l’un, vivant et intime, livré en 2012, peu après la mort de Montserrat, l’autre en 2013, quand Jordi est devenu le croisé d’un pacifisme à l’œuvre – sont une invitation idéale à entendre leur message, si profondément humain. Jordi Savall, musicien de la paix, puis Hommage à Montserrat Figueras, documentaires de Benjamin Bleton. Jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde 27.05.2015 à 18h35 • Mis à jour le27.05.2015 à 20h24 | Julie Clarini Après le spleen et la neurasthénie, voici le burn-out, nouvelle « pathologie de civilisation », comme la désigne Pascal Chabot dans un bel essai tout en excursions philosophiques et littéraires. C'est encore les grands textes de la tradition qui offrent les meilleures pistes pour comprendre cette maladie de l'âme et du corps. Comme l'acedia, traduite par « ennui » ou « paresse », qui menaçait les moines au Moyen Age, cette fatigue dévastatrice est une crise des « croyants », de ceux qui sont fidèles, à Dieu, au système, à l'entreprise. Elle signifie la soudaine perte de sens. « Les personnes affectées furent consciencieuses, ardentes, dures à la tâche, écrit le philosophe. C'est d'ailleurs en partie leur problème. »Spécialiste de l'oeuvre de Gilbert Simondon (1924-1989), penseur de la technique, l'auteur pointe une époque prométhéenne, placée sous le signe de la combustion. Si le feu intérieur, qui valait force et assurance, était autrefois le privilège des élus, aujourd'hui, « les ascètes, les saints, les sages, les philosophes, ceux qui faisaient profession de s'exposer au risque de surchauffe, de folie et de délire, ont perdu le monopole de l'excès ». Embrasement, le burn-out est une révolte contre la froide logique de la technique. A nous de restaurer l'équilibre de la tiédeur ?Global burn-out, de Pascal Chabot, PUF, « Perspectives critiques », 146 pages, 15 euros.(Le Monde des livres, 11 janvier 2013.)Julie ClariniJournaliste au Monde © Hélie Gallimard | © Francisco SorresTexte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Dans la tête de… Avec Toine Heijmans, Noémi Lefebvre et Andrés Neuman. Noémi Lefebvre © Hélie GallimardLe texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Dans la tête de… »Noémi LefebvreDonc les choses, vous me demandez de dire des choses, que je parle de choses, que je vous explique certaines choses. Je me demande pourquoi. Je ne me demande pas pourquoi ces choses vous intéressent, pourquoi vous vous intéressez aux choses, j’imagine que c’est culturel, mais je me demande pourquoi moi. Je suppose que c’est parce que je suis quelqu’un. Il faut être quelqu’un pour parler, parce que si vous n’êtes personne, personne ne va vous écouter et donc personne ne va vous entendre, évidemment. Alors je me demande ce qui différencie quelqu’un de personne et je me dis que c’est une question d’autorité. Il faut, pour parler de choses culturelles ou d’autre chose, une autorisation. Une autorité a autorisé une personne, moi par exemple, à parler de choses culturelles ou d’autre chose. C’est assez étrange de parler librement, quand on y réfléchit, dans la culture, des choses. Étrangement, dans la culture, une autorisation permet de dire des choses, de dire quelque chose d’absolument libre et inédit mais autorisé, qui fasse autorité, ce qui est assez étrange et peut-être inquiétant. Quand je me demande qui autorise, c’est infantile, évidemment. Je veux dire que c’est pour s’amuser, c’est l’amusement philosophique de l’enfance, vous voyez, la philosophie amusante à laquelle on ne peut pas renoncer parce que c’est humain. C’est politique et donc humain, parce que l’animal humain est tout de même politique, dès l’enfance il est politique, avec la liberté et les fers dès le début, la liberté et les fers de l’enfance humaine. L’enfant dans l’adulte, quand il n’a pas été tué par l’adulte, réfléchit à cette question de l’autorité qui autorise et se demande qui autorise. Il ne se demande pas qui autorise à la manière d’un sociologue, l’enfant s’en fout, de la sociologie, mais il réfléchit à la question politique de la liberté et des fers et se demande qui est l’autorité, c’est-à-dire où est le siège. Donc je me demandais qui est l’autorité, c’est-à-dire où elle siège, et j’ai trouvé. L’autorité était assise dans ma tête, elle attendait dans ma tête, elle siégeait sur une chaise. Elle attendait tout en faisant quelque chose. Je pense que c’était un ouvrage. Pas une œuvre au sens de la grande œuvre, vous voyez, mais un simple ouvrage qui devait être une sorte de tissage ou de broderie, de fille, si vous voulez. L’ouvrage de fille si vous voulez pour s’occuper en attendant le retour mais de moins en moins, car au bout d’un certain temps un ouvrage n’est plus pour attendre ni un retour ni rien. L’ouvrage qui occupe avec des pensées qu’on appelle aussi des rêveries, enfin des fantaisies, des idées dans l’idéal, des imaginations, rien de bien défini, de fille, ce bordel que j’appelle un ouvrage, au bout d’un moment, il devient quelque chose. On aurait dit que c’était complètement idiot, cet ouvrage de fille. Que ça ne servait à rien. Du ni fait ni à faire. Je ne m’en occupais pas, de cette occupation, au début, dans ma tête, parce que je ne pouvais pas. Pour m’en occuper il aurait fallu que s’impose une idée générale sur les choses culturelles qui ont une valeur. Bien sûr que j’ai une idée sur les choses culturelles mais vous ne pouvez pas imposer une idée sur les choses à une autorité, parce qu’elle n’écoute pas. L’autorité dans la tête ne s’intéressait pas à la valeur des choses, elle a dit. La valeur n’est pas dans les choses, elle a dit. La seule chose possible est de ne jamais renoncer à créer sans valeur, un bordel que j’appelle un ouvrage. C’est la philosophie de l’enfance politique, un amusement libre, où l’auteur n’est pas celui qui sait, mais celui qui s’autorise à créer sans savoir ni culture, dans la tête animale de l’homme au sens d’humain. Alors les choses, la culture, vous voyez ça n’a aucun rapport. Nous remercions Céline Leroy pour son aide précieuse Le mot cléJoy SormanMonstreUn auteur qui serait pumapard, croisement entre le puma et le léopard. Un roman qui serait zébrâne, bête née du zèbre et de l’âne. Un livre qui, à la surface de sa captation documentaire, déposerait des bulles fictionnelles, univers aussi clos que transparents, aux membranes élastiques et souples, bulles nées d’un contact chimique, qui prolifèrent, éclatent puis se reforment, qui abritent des formes étranges et inédites. La littérature comme un rêve d’hybridation, comme un organisme issu d’une multitude de rencontres entre individus, espèces, genres, natures et matières. L’auteur comme un métis, une chimère, et finalement un monstre. Je voudrais être ce monstre qui mute à chaque livre, se métamorphose au gré de ses sujets, de ses motifs, je voudrais être le lieu et l’objet de ces contaminations et de ces anomalies, je voudrais me mêler au boucher, à la vache et à l’ours, au béton, aux infrabasses et aux hommes. Ce n’est pas seulement être dans la peau de, c’est imaginer et parfois furtivement expérimenter la dépossession de soi, non pas comme oubli ou abandon, mais comme augmentation et déformation. Le monstre comme une reformulation de l’existant. Écrire pour être au moins + 1, soi + un présage – bon ou mauvais –, à la fois dans un écart et une fusion, écrire un livre qui serait l’expérience d’un accouplement entre l’auteur et toutes les autres réalités que font surgir ses phrases, entre un corps et son obsession textuelle. C’est un fantasme, une tentative et un projet. © Mathieu Bourgois Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'identité TroubléeAvec Nickolas Butler, David Samuels, Adelle Waldman. Adelle Waldman DR Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« L’Identité troublée »Adelle WaldmanIl y a des années, j’ai quitté la fac, bouclé ma valise et, fidèle à la tradition américaine, je suis partie vers l’Ouest en quête de mon identité. Je faisais mes études sur la côte Est, dans une université renommée, et j’étais affreusement malheureuse. Je me sentais seule parmi mes amis qui, selon moi, se montraient plus soucieux d’être populaires et d’avoir du succès que de développer leur curiosité et de faire preuve de générosité. Par ailleurs, j’étais très attirée par un garçon qui s’intéressait à mon amie la plus jolie et – à mon avis – la plus superficielle. Je me demandais si quelque chose clochait chez moi – je n’étais pas assez belle, par exemple. Ou bien j’étais trop sérieuse et introvertie, trop posée, pour acquérir la sérénité, le sentiment d’appartenance que je recherchais si ardemment. J’ai interrompu ma première année et emménagé en Arizona, dans l’Ouest américain. Je m’attendais à y mener une existence plus simple, plus authentique, moins centrée sur la réussite et le statut social. J’ai trouvé un emploi de serveuse dans un bar sportif, mais je n’ai pas tardé à éprouver une solitude d’un genre différent. Le paysage désertique d’Arizona, si beau soit-il, est dénudé, incroyablement vaste. Je me suis sentie minuscule, très loin de ma famille et de tous les gens que je connaissais. Je lisais beaucoup. Très jeune, je dévorais déjà des romans, pour le plaisir, mais aussi pour l’éclairage qu’ils m’apportaient — sur ma psyché et celle des autres, sur notre choix de vie, notre conception du bonheur. Je lisais presque exclusivement de la littérature contemporaine. Je supposais que les ouvrages écrits avant 1960 et la révolution sexuelle ne présentaient aucun intérêt pour une jeune femme moderne telle que moi. Je découvris beaucoup de textes drôles, inventifs sur la politique moderne et la culture pop, mais peu d’entre eux résonnaient en moi sur un plan personnel. Je soupçonnais souvent l’auteur de n’en savoir guère plus que moi sur la vie, ou la psychologie. Dans trop de livres, l’objectif poursuivi par les personnages apparaissait comme une évidence, les bons et les méchants y étaient désignés sans ambiguïté, évalués à leur juste mesure ; ces fictions inspirent au lecteur le sentiment présomptueux de posséder une intelligence hors du commun. Mais… comment sortir de ce gâchis ? Si la vie privée était aussi simple que dans les livres, pourquoi être perturbée à ce point ? Je me suis donc tournée vers les classiques, n’espérant pas grand-chose de romans si anciens, sans doute très datés. Un jour, j’ai eu Middlemarch entre les mains. C’est ce livre qui a tout changé. Peu m’importait que les gens dépeints par George Eliot aient vécu à une autre époque, dans un pays différent. Sa description de leur vie intérieure était à la fois astucieuse et exhaustive, étayée par une culture déclinée à plusieurs niveaux qui dépassait tout ce que j’avais exploré dans la fiction ou lors de conversations. Qu’y a-t-il de désuet dans l’extrait suivant ? « Il était doué de ce caractère malheureux qui fuit la pitié et craint plus que tout d’être reconnu : une sensibilité fière et étriquée qui n’a pas assez de grandeur pour se transformer en sympathie, et tremble comme une feuille dans les frimas de l’égocentrisme, ou au mieux, d’un narcissisme pointilleux. » En d’autres termes, mes tentatives pour comprendre les gens étaient dérisoires en comparaison du talent de George Eliot. « Il joue de la contrebasse, déteste le capitalisme, a les cheveux longs et un regard intense », dis-je à une amie en expliquant pourquoi j’appréciais un garçon particulier. J’étais incapable de faire mieux. Je ne disposais pas des outils nécessaires pour aller au-delà des qualités superficielles et des signifiants sociaux, et imaginer le flux de la vie intérieure d’autres personnes. J’étais tout aussi impressionnée par la capacité d’Eliot à analyser les émotions, à exposer l’aveuglement qui sous-tend le plus souvent notre pensée et notre ressenti. Ainsi cette observation, au sujet d’une femme malheureuse en ménage qui commence à fantasmer sur un autre homme. Rosamond pense qu’elle aurait été moins misérable si elle avait épousé celui-ci, mais selon Eliot elle se fourvoie totalement. « L’insatisfaction qu’inspirait ce mariage à Rosamond était due aux conditions imposées par cette union, à l’effacement de soi et à la tolérance exigés, et non au tempérament de son époux : mais la notion simple d’une vie meilleure inaccessible avait [pour la jeune femme] un charme sentimental qui égayait son ennui. » Un constat sévère, sans doute. Mais je suis sûre que dans cette salle, nous avons, pour la plupart, commis la même erreur de jugement que Rosamond. Ce que je veux dire, en réalité, c’est que pour moi une littérature digne de ce nom transcende à la fois le lieu et le temps, le siècle et le pays d’origine. De nombreux jeunes romanciers américains dépeignent des personnages en quête d’une identité qu’ils ont du mal à définir. C’est le thème qu’on nous a demandé de débattre ici. Je répondrai que l’incertitude en matière d’identité n’est ni une idée neuve ni un privilège américain. Songez à Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, déchiré entre son amour et son ambition. Ou à Léon dans Madame Bovary. Comme le remarque Flaubert dans son roman : « L’aplomb dépend des milieux où il se pose : on ne parle pas à l’entresol comme au quatrième étage (…). » Cette incertitude – qui sommes-nous et qui souhaitons-nous être – est l’un des dilemmes de l’humain auxquels la littérature – la vraie littérature – a toujours été confrontée. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne RabinovitchLe mot cléKenzaburo OéImaginaireLe mot sur lequel s’appuient mes romans (et ma vie d’écrivain) est IMAGINAIRE. La définition de ce terme, c’est chez Gaston Bachelard que je l’ai trouvée, alors que je n’avais encore qu’une vingtaine d’années, dans son ouvrage intitulé L’Air et les songes, Essai sur l’imagination du mouvement (1943). Plus tard, j’ai pu lire le texte original en français mais c’est d’abord dans une traduction en japonais que je l’ai découvert. Je viens de faire une recherche dans la bibliothèque que je constitue depuis plus d’un demi-siècle mais n’ai pu trouver ni l’édition japonaise ni l’édition française. Il me reste cependant mon journal intime de l’époque dans lequel j’ai noté une citation en japonais. La voici : « On veut toujours que l’imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images. S’il n’y a pas changement d’images, union inattendue des images, il n’y a pas imagination, il n’y a pas d’action imaginante. Si une image présente ne fait pas penser à une image absente, si une image occasionnelle ne détermine pas une prodigalité d’images aberrantes, une explosion d’images, il n’y a pas imagination. [...] Le vocable fondamental qui correspond à l’imagination, ce n’est pas image, c’est imaginaire. » Dans ma jeunesse, ce que j’avais intégré à travers la lecture de la littérature japonaise existante, je me suis d’abord passionnément consacré à le déformer. Les critiques ont alors souvent accusé mon écriture de ne pas être conforme aux standards de la langue japonaise. Concernant la politique et la société de mon pays, c’est avec pour principe de base de transformer leurs éléments conservateurs que j’ai écrit des essais et, bien qu’à une échelle limitée, participé activement, à certains mouvements. Tokyo, janvier 2015 08.05.2015 à 17h32 • Mis à jour le08.05.2015 à 19h02 | Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster », du Grec Yorgos Lanthimos, est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre. Ce chef-d’oeuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du développement de l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Anne Eveno « Nous avons des nouvelles. Veuillez vous joindre à nous le 20 mai ». L’invitation, énigmatique, provient de Spotify, le numéro un mondial du streaming musical sur internet. Pour de nombreux spécialistes cette conférence new-yorkaise du groupe suédois aura pour objet de présenter la toute nouvelle diversification de Spotify, à savoir une entrée sur le marché du streaming vidéo.Une hypothèse qui prend d’autant plus de crédit que le Wall Street Journal a révélé, jeudi 7 mai, que Spotify aurait entamé des négociations avec plusieurs grands groupes et fournisseurs de contenu, qui pourraient proposer des séries et shows exclusivement réservés à Spotify.Le quotidien cite parmi les entreprises ayant pris langue avec Spotify, Time Inc., Tastemade, Maker Studios et Fullscreen. Spotify aurait aussi pris contact avec des acteurs, qui travaillent déjà avec YouTube, à la fois pour acheter leurs productions mais également pour co-créer des séries vidéo originales.Selon les sources citées par le quotidien américain, le service envisagé par Spotify serait à la fois disponible pour les abonnés et les non abonnés, et comprendrait de la publicité. Un modèle dual proche de celui développé par Spotify dans le streaming musical.Le groupe, dirigé par Daniel Ek, offre pour 10 euros par mois, la possibilité d’écouter en illimité un catalogue de 20 millions de morceaux sur smartphone et ordinateur. En mode gratuit, l’écoute est entrecoupée de spots publicitaires. Sur les 60 millions d’usagers, un quart sont des abonnés.Marché plus rentable que la musiqueBien que leader sur ce marché, devant des acteurs comme le français Deezer ou les américains Beats (propriété d’Apple) et Pandora, Spotify ne parvient pas à gagner d’argent. En 2013, la start-up, qui reverse 70 % de ses revenus aux ayants droit de ses musiques, a encore perdu 57,8 millions d’euros, après un déficit de 87,6 millions l’année précédente.Or, dans ce contexte, la start-up dont la valorisation atteint 8,4 milliards de dollars, voit l’univers concurrentiel se durcir : relance par le rappeur Jay-Z de Tidal, une plate-forme de streaming 100 % payante et arrivée annoncée d’Apple.La firme de Cupertino travaille actuellement à fusionner les services de Beats et de l’écosystème iTunes et pourrait présenter son offre le 8 juin.Lire aussi :Jay-Z enrôle des stars pour convaincre leurs fans de payerAvec cette entrée sur le marché de la vidéo sur internet, il s’agit pour Spotify de trouver de nouvelles sources de revenus. Même s’il compte de nombreux acteurs aussi variés et aux modèles aussi différents que YouTube, Facebook, Netflix et Hulu par exemple, ce secteur de la vidéo en ligne apparaît également plus rentable.Ainsi Netflix, par exemple, peut se targuer d’avoir enchaîné, depuis 2010, les exercices bénéficiaires. En 2014, le groupe de streaming a gagné 266 millions de dollars.Lire aussi :YouTube va lancer une offre sur abonnementLes atouts de Spotify pour se lancer sur ce marché hyperconcurrentiel tiennent à sa connaissance de ses usagers actuels. Il possède déjà beaucoup de données sur les goûts et habitudes de ses utilisateurs.Cela pourrait lui permettre de produire et fournir des contenus plus adaptés aux centres d’intérêts de chacun, avance le Wall Street Journal.Anne EvenoJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Le futur projet de loi sur le numérique inclura la proposition d’un « droit de panorama » en France, a confirmé la secrétaire d’Etat au numérique, Axelle Lemaire, lors de son audition, le 18 mars, par la commission numérique de l’Assemblée nationale. Cette exception au droit d’auteur, déjà adoptée dans de nombreux pays, permet de reproduire, en particulier par des photographies ou des vidéos, des œuvres visibles dans l’espace public sans avoir à demander d’autorisation ou s’acquitter de droits.A une époque où les réseaux sociaux, Instagram en premier lieu, et les blogs partagent massivement des photos d’œuvres en extérieur comme en intérieur, chacun a tendance à oublier qu’en France, les œuvres d’art restent couvertes par le droit d’auteur du vivant de l’artiste, puis 70 années après sa mort. Si les usages font fi de cette règle, c’est que ce flot de reproductions est tout simplement impossible à contrôler. Mais aussi parce que les artistes le tolèrent, voire l’encouragent, tant qu’il ne leur porte pas préjudice. C’est notamment le cas lorsque les images sont utilisées à des fins commerciales – elles peuvent alors donner lieu à des demandes de compensation financière.Variantes du dispositifLes modalités de la liberté de panorama varient suivant les pays qui l’ont adoptée. Ainsi elle s’étend jusqu’à l’intérieur des bâtiments publics en Grande-Bretagne, en Inde ou en Australie, où elle est la plus large. Elle ne concerne que les bâtiments aux Etats-Unis et en Russie, ou inclut les sculptures en Allemagne, en Espagne ou au Canada. Alors que le projet de loi numérique est attendu pour la rentrée devant le Parlement, on ne connaît pas encore les modalités de la version de cette exception proposée pour la France, incluse dans un projet de loi vaste, centré sur l’économie et l’innovation, la modernisation de l’action publique et la protection des données personnelles.Deux voix se sont récemment opposées sur le sujet publiquement : Wikimedia France (l’association qui chapeaute, entre autres, le projet Wikipedia sur le territoire français) et l’ADAGP, la société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts graphiques et plastiques (l’équivalent de la Sacem pour la musique). Les deux structures sont fondamentalement en désaccord concernant les conditions auxquelles devrait être astreinte toute reproduction d’une œuvre dans l’espace public dans le cadre de la liberté de panorama. Wikipedia revendique la nécessité d’images en haute définition pouvant être commercialisées et modifiées, ce qui est jugé inacceptable par l’ADAGP.Une directive européenneLa liberté de panorama est une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne sur le droit d’auteur de 2001. Des amendements en sa faveur ont déjà été rejetés à deux reprises en France : lors de la transposition de cette directive par la loi DADVSI, en 2006, puis à l’occasion de l’examen à l'Assemblée nationale d’un projet de loi sur la copie privée, en 2011.Lors du second rejet de l’Assemblée nationale, les députés avaient pointé l’absence d’études d’impact d’une telle disposition. Aujourd’hui, l’ADAGP met en avant les conséquences financières non négligeables qu’entraînerait cette disposition pour les artistes : « Selon la manière dont cette liberté de panorama est envisagée, nous estimons que ce sont entre 15 et 19 % des droits que nous collectons qui disparaîtraient chaque année, soit 5 à 6 millions d’euros en moyenne », affirme Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP.A la mi-avril, l’ADAGP adressait un mailing à tous ses adhérents directs, soit 11 000 auteurs (sur les 120 000 qu’elle représente par des accords internationaux), pour les alerter et les mobiliser face à l’impact potentiel de la disposition pour « les œuvres d’architecture, les sculptures, les fresques, les graffs… ». « Si cette exception devait effectivement voir le jour, tout un chacun pourrait les utiliser, dans un but commercial ou non, et éditer affiches et cartes postales, tourner des films, voire s’en servir dans une publicité, sans votre accord et sans payer de droits d’auteur », détaillait ainsi dans le courrier sa directrice générale, Marie-Anne Ferry-Hall, dénonçant une telle exception comme « injuste, illégitime et dévastatrice ».Du côté de Wikimedia, qui avait publié en octobre 2011 dans Le Monde une tribune intitulée « Rendre aux Français leur paysage architectural » pour militer en faveur de la liberté de panorama, on met, au contraire, en avant une « mission », qui est de « créer de la connaissance libre, que chacun puisse utiliser. » Christophe Henner, président de Wikimedia France, pointe ainsi les difficultés rencontrées par Wikipedia pour illustrer ses articles : « Nous sommes hébergés aux Etats-Unis, mais nos utilisateurs contributeurs étant soumis au droit de leur pays, nous ne pouvons pas garder les photos de bâtiments partagées en France. En revanche, si un Allemand met sa photo du même bâtiment français en ligne depuis l’Allemagne, c’est légal. Les œuvres françaises sont donc documentées par les étrangers. » Conséquence directe de cette situation, qu’il déplore : « Le patrimoine parisien est bien représenté, mais pas celui du reste du pays. »« Un débat malhonnête »Le président de Wikimedia assume pleinement l’exploitation commerciale des photographies qu’autorise Wikimedia Commons, la base de données multimédia dans laquelle pioche Wikipedia pour illustrer ses articles. « C’est une valeur que nous portons : on ne doit pas empêcher la diffusion de la connaissance. Or, il y a plein de bonnes idées de commercialisation. Dans certains endroits où la présence d’Internet est extrêmement faible et où l’accès au savoir peut passer par la commercialisation de contenus de Wikipedia imprimés par des associations, nous ne voulons pas empêcher un usage commercial. On peut aussi imaginer une appli mobile touristique qui piocherait dans nos photos pour mettre en valeur le patrimoine français », détaille-t-il. Thierry Maillard, le directeur juridique de l’ADAGP, estime pour sa part que « le débat est malhonnête dès lors que l’on va permettre à n’importe qui de gagner de l’argent avec ces photos. »Christophe Henner, qui estime le système actuel dépassé, s’étonne que le modèle ait évolué partout ailleurs : « La France va-t-elle devenir le seul pays où ce ne sera pas possible dans un monde globalisé et numérique ? ». A l’inverse, le représentant de l’ADAGP assure que « c’est un système qui fonctionne, et les marques trouvent ça normal de payer pour utiliser des œuvres. » Il réfute les accusations d’archaïsme : « On trouve des contrats adaptés à chaque situation, avec des accords très flexibles quand cela s’impose, tout en restant raisonnables pour les ayant-droits. On ne veut pas interdire des usages, on refuse simplement qu’il y ait un enrichissement sur le dos des artistes. » Le cas des graffeursGoogle est pointé du doigt : « Il y a un déficit de protection des arts graphiques sur Internet, notamment au bénéfice de Google, qui ne paie aucun droit avec Google Images, un service certes gratuit, mais déployé au sein d’une marque commerciale, qui génère plus de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Si l’exception de panorama devait être consacrée, ce serait évidemment très confortable pour eux, puisqu’ils pourraient diffuser massivement – et sans avoir à se soucier du sort des auteurs – des images en HD », ironise Thierry Maillard.Wikimedia opère, de son côté, une distinction entre architecture, art contemporain et street art. « Nous sommes pour que l’on n’inclue pas dans cette exception les œuvres présentées de façon temporaire et les graffs. Nous comprenons l’argumentaire : les artistes dépendent de leur droit d’auteur pour vivre. Ce n’est pas le cas des architectes, qui vivent de la vente de leurs bâtiments, et pour qui les droits d’auteur sont un complément de revenu », précise Christophe Henner. Il relève, malgré tout, qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, « deux pays où la scène du street art est très forte », la liberté inclut le graffiti.« Il y a pas mal d’adhérents à l’ADAGP parmi les artistes de street art, c’est qu’ils estiment que c’est utile, quand bien même il y a dans le street art une philosophie de l’art pour tous et du partage sur Internet, relève Pierre Lautier, avocat spécialiste en droit de la propriété intellectuelle. Dans le cas de pubs ou de shootings de mode devant des graffitis, par exemple, ils peuvent exiger des droits. »« Un gadget face à une philosophie »Pour Pierre Lautier, le droit d’auteur est assez souple pour ne pas avoir nécessité l’ajout d’une exception comme la liberté de panorama. « J’ai l’impression qu’on sacrifie le droit moral à une mode actuelle, pour ne pas passer pour un pays de ringards. Les usages évoluent, mais la loi doit pouvoir être adaptée dans le respect du statut artistique. »« Le débat est compliqué, confirme Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste du droit d’auteur. Si l’on instaure le droit de panorama du jour au lendemain alors que tout n’a pas été mis à plat, ce sera un échec. » Selon lui, « il s’agit d’un gadget, par ailleurs très démago, face à une philosophie. On ne doit pas autoriser à foutre par terre un principe de droit d’auteur qui a près de 250 ans », s’agace l’avocat.Pour l’avocat, si in fine l’exception au droit d’auteur était adoptée de la façon la moins offensive possible, « cela aboutirait à une tolérance pour les usages non commerciaux… ce qui existe déjà. » Une éventualité qui ne satisferait pas Christophe Hennel : « Une liberté de panorama réservée aux usages non commerciaux la rendrait de fait caduque pour Wikimedia. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen, présidents du Festival de Cannes 2015, n’a pas fait grand bruit. C’est au fil des ans et des fans que cette ode à la non-performance s’est imposé comme un phénomène mondial. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 07.05.2015 à 15h33 • Mis à jour le07.05.2015 à 20h22 Hip-hopLa culture urbaine s’exprime à La Villette Jusqu’au 17 mai, les amateurs de hip-hop et de toute la culture urbaine qui l’accompagne ont rendez-vous à La Villette à Paris où quelque deux cents artistes se succèdent pour des shows et performances. Parmi les groupes les plus attendus de cette deuxième édition du Villette Street Festival, la compagnie Swaggers dirigée par Marion Motin et les Enfants prodiges.Grande Halle de La Villette, à Paris.Lire aussi :Graff, glisse et hip-hop à Villette StreetOpéraTous à l’opéra ! : une plongée dans l’univers lyrique Une centaine d’opéras, dont vingt-huit en France, ouvriront leurs portes gratuitement samedi 9 et dimanche 10 mai pour la neuvième édition de Tous à l’opéra !, manifestation qui mobilise de nombreux pays européens. L’initiative, qui vise à désacraliser ce genre musical, a cette année pour parrain Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra de Paris. Répétitions, visites des ateliers de costumes, concerts : une plongée dans l’univers lyrique et la découverte de ses coulisses, le temps d’un week-end.Tous à l’opéra !Lire aussi : Philippe Jordan, au son du pèreCinémaLes combats de ZanetaEn suivant le parcours d’une jeune mère confrontée au racisme et à la misère (Klaudia Dudova, remarquable dans le rôle), le cinéaste tchèque Petr Vaclav décrit de manière forte et sensible la mécanique de la marginalisation de la population rom. Son film est diffusé dix-neuf ans après Marian, qui évoquait déjà la condition des Roms, sujet qui passionne le cinéaste.Film tchèque de Petr Vaclav avec Klaudia Dudova, David Istok, Milan Cifra (1 h 43).Lire aussi :« Zaneta » : une Rosetta romPhotographieDes chasseurs face à leurs proies Pierre Abensur photographie des chasseurs à travers le monde, mais plutôt que de capturer ses modèles sur le vif, il a préféré les faire poser en pleine nature, en costume de ville et à côté de leur trophée. Le résultat, à la fois étrange et burlesque, interroge cette tradition universelle qui consiste à vouloir conserver et exhiber le cadavre de l'animal qu'on a tué. Une exposition qui sied au Musée de la chasse, qui mêle de façon intelligente l’art contemporain et les traditions cynégétiques.Musée de la chasse et de la nature, à Paris.Lire aussi : Les chasseurs font le showLire aussi :Claude d’Anthenaise : pilote de chasseThéâtre« Le Chagrin », quand le banal touche l’universel La metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen, qui croit aux vertus de l’écriture collective, convoque l’enfance avec sa compagnie Les Hommes approximatifs. Cette enfance inscrite en chaque être humain comme une Atlantide engloutie, toujours prête à refaire surface… Dans l’étonnant décor imaginé par Alice Duchange, inspiré par l’art brut, un frère et une sœur se retrouvent après la mort du père et les souvenirs remontent.Lire aussi :Caroline Guiela Nguyen, lestée d’enfanceThéâtre de la Colline, à Paris.ArtsVélasquez et ses disciples : une leçon d’histoire de l’art Bien que les toiles les plus volumineuses n’aient pas quitté le Musée du Prado, l’exposition consacrée à Diego Vélasquez (1599-1660) au Grand Palais réunit des merveilles, parmi lesquelles la Vénus au miroir, venue de la National Gallery de Londres. Ces œuvres sont environnées de tableaux d’autres artistes de la même époque comme Francisco Pachedo, qui fut le maître de Vélasquez à Séville ou Juan Bautista Martinez del Mazo, qui fut un de ses disciples, et auquel on attribue des toiles qui seraient peut-être de la main de son maître… Une exposition précieuse à découvrir jusqu’au 13 juillet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Vélasquez peint d’abord des énigmesCinéma« Les Terrasses » : une plongée dans AlgerDepuis plusieurs films, Merzak Allouache, réalisateur de Chouchou, dépeint une société algérienne gangrenée par la violence et la montée de l’intégrisme. Issu d’un tournage express dans des quartiers historiques d'Alger, son nouveau film, Les Terrasses, articule cinq histoires, évoquant autant de facettes de la société algérienne d’aujourd’hui, qui se déroulent uniquement sur des terrasses.Film franco-algérien de Merzak Allouache avec Nassima Belmihoub, Adila Bendimerad (1 h 31).Lire aussi :« Les Terrasses » : cinq points de vue sur AlgerArtsMarkus Lüpertz : peindre l’âme allemande Depuis plus d’un quart de siècle, ses vastes tableaux intensément colorés, peuplés de figures humaines incomplètes ou envahies par des formes denses et tranchantes, ses corps et têtes de bronze sont devenus célèbres. L’artiste allemand n’a cessé d’inclure dès ses débuts dans son œuvre des « motifs allemands » – casque de la Wehrmarcht, roues de canon – qu’il croise avec des références à la mythologie grecque. Exposé au Musée d’art moderne de la Ville de Paris pour une grande rétrospective, il déclare continuer à peindre « contre la peur ».MAMVP, à Paris.Lire aussi :Markus Lüpertz, « typisch Deutsch »ArchitectureLe Corbusier, inventeur de formes Le Centre Pompidou consacre une vaste exposition à Charles-Edouard Jeanneret, né en 1887 en Suisse, installé à Paris en 1917, devenu Le Corbusier en 1922, naturalisé français en 1930 et mort en 1965. Un maître de l’architecture dont la mémoire se voit, parallèlement à l’exposition, sérieusement égratignée par trois livres évoquant la part obscure du personnage, sa fréquentation de cercles fascistes dans la France des années 1930, son installation à Vichy de 1941 à 1942, sa fascination pour les régimes totalitaires, son antisémitisme. Nulle trace de ce passé trouble dans l’exposition, dont l’objet est de montrer comment le corps humain a guidé la pensée et les créations de l’architecte.Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Du béton et des plumesArtsL’univers peuplé de spectres de Jörg Immendorff Cela faisait plus de vingt ans que Jörg Immendorff (1945-2007) n’avait été exposé en France. La dernière fois que l’on avait pu y voir l’œuvre singulière de l’artiste allemand, c’était au centre d’art de Meymac (Corrèze). C’est dire si l’exposition que lui consacre, jusqu’au 14 juin, la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes) mérite que l’on si arrête. On y découvrira une œuvre riche en symboles et allusions, pastichant l’histoire de l’art comme celle de l’Allemagne.Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence.Lire aussi :Les satires à tiroirs de Jörg Immendorff à la Fondation Maeght Frédéric Edelmann Décidément, rien ne se passe vraiment comme on veut avec Le Corbusier, de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret-Gris (1887-1965). Voici qu’à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, et parallèlement à l’exposition du Centre Pompidou (« La mesure de l’homme », jusqu’au 3 août), trois volumes sortent qui entendent retracer l’histoire de sa vie. Il en existe cent autres, mille autres, plus au moins ambitieux, comme celui où, en près de 1 000 pages, Nicholas Fox Weber trace un portrait plutôt souriant d’un Corbu qui ne l’était pas souvent, si l’on en croit ses photographies (C’était Le Corbusier, Fayard, 2009). Les trois nouveaux, celui de Marc Perelman, Le Corbusier. Une froide vision du monde (Michalon, 256 p., 19 €), celui de Xavier de Jarcy, Le Corbusier. Un fascisme français (Albin Michel, 288 p., 19 €), celui enfin de François Chaslin, Un Corbusier, à des degrés divers, règlent son compte à l’architecte, portant un œil torve et triste sur la carrière de cet homme qui n’en avait qu’un, d’œil.Tant et si bien que la planète corbuséenne, sévèrement régie par cette fondation qu’il avait lui-même créée pour s’assurer la postérité qu’il se sentait mériter, s’apprête à exploser, agitée par un flot de courroux dont rendent compte des échanges de courriers furibards. Laissons de côté le Perelman, plutôt mesuré dans sa manière de regarder l’architecte et cette fameuse pensée fasciste qui semble devoir lui coller désormais à la peau. De même pour l’ouvrage de Jarcy, qui fait un lien direct entre cette pensée fasciste... Roger-Pol Droit Depuis un temps fou, l’Europe ressasse cette ritournelle : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. » Platon a inventé le refrain, l’attribuant à Socrate. Montaigne a composé de nouveaux arrangements, Schopenhauer en a donné une version symphonique. Rien ne certifie toutefois que ce tube antique, bien qu’il exerce une fascination durable, ait pu fonder son succès sur une efficacité quelconque. La partie que la philosophie joue avec la mort demeure interminable et son issue incertaine. Simon Critchley, professeur à la New School for Social Research de New York, le sait bien. Ce philosophe – auteur d’une œuvre abondante et diverse, figure importante de la presse et de l’édition dans le monde anglo-saxon – a pour Thanatos une fascination non feinte. Avec Les philosophes meurent aussi – traduit en français chez François Bourin, en 2010 –, il décrivait par le menu les trépas singuliers de nombreux penseurs. Ce livre insolite, érudit et amusant, a connu un succès international. A présent, Critchley propose un déconcertant journal de sa propre fin.Précisons, à l’attention des personnes sensibles, qu’il... 07.05.2015 à 10h14 • Mis à jour le07.05.2015 à 11h43 | Florence Bouchy Lorsque, après vous avoir accordé un long et passionnant entretien, Alain Fleischer vous glisse, au moment de prendre congé, et avec le ­sourire de l’évidence, qu’il « n’écrit pas ses livres », quelques perles de sueur froide glissent sur vos tempes, les battements de votre cœur se font soudain bruyants. « Ce n’est pas un secret, ajoute-t-il. En fait, je les écris, mais je ne les inscris pas. Je m’assois dans un fauteuil, je ferme les yeux, je n’ai ni plan ni notes, je ne sais pas à quoi va ressembler le livre. Mais quand une première phrase me vient, je la dicte à ma compagne. C’est mon seul dispositif d’écriture. Je dicte ainsi huit heures par jour, pendant plusieurs semaines ». Phobie technologique ? En partie, mais circonscrite aux moments de création littéraire, car Alain Fleischer envoie des courriels, par exemple, comme tout un chacun. « Je déteste voir apparaître mes textes sur un écran, j’ai l’impression de les regarder à la télévision. Et puis, explique-t-il, j’ai fait beaucoup de piano, et j’ai écrit avec beaucoup de plaisir à la machine à écrire. Alors, le clavier qu’on effleure… »Dans ce dédain pour les demi-mesures, que semblerait confirmer l’activité prolifique de celui qui, non content d’être un cinéaste reconnu et un photographe exposé en France et à l’étranger, est l’auteur d’une petite cinquantaine de livres, essais ou romans, on verrait facilement la marque d’un tempérament excessif, si Alain Fleischer ne se confiait avec la plus complète placidité. Son constant souci de clarté, la limpidité et... Jean-Jacques Larrochelle « Le béton est un peu mou, j’espère que ça va tenir… ». La garde des sceaux et ministre de la justice, Christiane Taubira, truelle en main, était en grande forme, mercredi 6 mai, après avoir coulé le protocole d’accord, enfermé dans un tube métallique, qu’elle venait de signer avec la maire de Paris, Anne Hidalgo. Ainsi venait d’être posée la première pierre – en réalité la première poutre –, du futur Tribunal de grande instance de Paris (TGI), porte de Clichy dans le 17e arrondissement. Le projet est de taille : 160 mètres de haut, 100 000 m2 de planchers dont 62 000 de surfaces utiles, 38 étages, 90 salles d’audience, et une capacité d’accueil de 2 500 salariés et 8 500 visiteurs. Douze grues travaillent en permanence sur le site. Réalisé par l’architecte italien et parisien d’adoption, Renzo Piano (l’auteur avec le britannique Richard Rogers du Centre Georges-Pompidou), le futur TGI, qui doit être livré en juin 2017, sera le plus grand immeuble construit à Paris depuis la Tour Montparnasse (210 mètres), achevée en 1974.« 27 années de loyer »Le TGI est un sujet qui fâche ou qui enchante. Cristiane Taubira, en dépit des convenances habituelles du protocole, n’a pas caché son déplaisir. Elle s’en est particulièrement prise au partenariat public privé (PPP), le mode de financement du projet envers lequel elle a exprimé ses « réticences » et « ses réserves de principe » devant un aréopage de personnalités réunies dans une salle de la base-vie du chantiers : magistrats, élus locaux et représentants d’Arelia, le maître d’ouvrage contrôlé par BTP Bouygues. Outre le financement, la conception et la construction du TGI, l’entreprise de bâtiment et de travaux publics doit assurer l’entretien et la maintenance du bâtiment pendant 27 ans. Coût total de l’opération : 2,4 milliards d’euros, soit, hors coût de construction estimé à 575 millions d’euros, l’équivalent de quelque 70 millions d’euros par an tout au long de la période. « J’aurais préféré une maîtrise d’ouvrage totale de l’Etat, de la puissance publique », a déclaré Christiane Taubira. Ces 27 années de loyer me tourmentent, même si je n’irai pas jusqu’au bout… » Puis dans un sourire, « et ne serais peut-être ni même au départ. »Interruption de chantierPeu après la signature de l’accord, en février 2012, une fronde des avocats avait tenté d’annuler le partenariat entre l’Etablissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) et Arelia. La procédure avait provoqué l’interruption du chantier de juillet 2013 à mars 2014. Et donc un surcoût.Christine Taubira a toutefois précisé que le TGI était « une belle œuvre », et qu’il était « bien de se réjouir d’une belle architecture ». Seule réserve d’ordre formel, et dernière flèche adressée par la ministre : « Le TGI affiche sa verticalité alors que moi, je défends l’idée d’une justice transversale. » Grande hauteur et écologieLe registre d’Anne Hidalgo était tout autre. Et si elle saluait la « belle écriture » de ce « magnifique bâtiment », elle n’en avait pas moins un message à faire passer. Après avoir évoqué l’importance du « travail de concertation » sur le projet et expliqué qu’il constituait « une couture avec le Grand Paris », la maire s’est félicitée de poser « la première pierre du premier bâtiment de grande hauteur depuis les tours du Front de Seine ». Le TGI, a-t-elle précisé, est aussi « le premier à répondre au plan climat de la ville. La grande hauteur n’est pas l’ennemi de l’écologie ».L’ombre de la tour Triangle a alors plané. Défendu par Anne Hidalgo, le projet d’un édifice de 180 mètres de haut, prévu sur le site du Parc des expositions, porte de Versailles dans le 14e arrondissement, est soumis pour l’heure à un blocage politique depuis la tenue d’un vote au Conseil de Paris en novembre 2014. Une succession de procédures, touchant, d’un côté, le tribunal administratif et, de l’autre, le Conseil constitutionnel, devrait repousser l’échéance d’une future délibération au début de l’automne. La ville va donc devoir consacrer son été à tenter de convaincre les plus hésitants parmi les élus réticents.Lire aussi :Le promoteur de la tour Triangle dit avoir « bon espoir »Depuis la petite estrade installée dans la base-vie du chantier de la TGI, Anne Hidalgo a déjà commencé à s’adresser à eux. « Que cette audace ne s’arrête pas là, a exhorté la maire. On pourra le faire ailleurs. Sentez-vous libres ! »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard et Alexis Delcambre « Comme annoncé par le président Mathieu Gallet le 16 avril dernier, une réflexion a effectivement été engagée sur l’évolution des instances de direction de Radio France dont les conclusions seront présentées dans quelques semaines », a confirmé la direction de l’entreprise publique dans un message interne, mercredi 6 mai.Tout en déplorant « des informations parues dans la presse ce matin au sujet de changements présumés au sein du Comité exécutif de l’entreprise ».Comme l’a annoncé Le Figaro, Sibyle Veil, actuellement directrice du pilotage de la transformation de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, est pressentie pour rejoindre Radio France. Toutefois, sa venue n’est pas confirmée officiellement. Se posent notamment, selon nos informations, des questions sur le périmètre de ses missions.Elle a été présentée comme une future « directrice générale » et une remplaçante de Catherine Sueur, l’actuelle directrice générale déléguée, réputée en froid avec M. Gallet. Mais son poste pourrait avoir une envergure un peu moindre. Mme Sueur était numéro deux de l’entreprise sous le président précédent, Jean-Luc Hees.Sibyle Veil est énarque, issue de la même promotion qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, Gaspard Gantzer, le conseiller communication de François Hollande, ou Boris Vallaud, le secrétaire général adjoint de l’Elysée, aussi mari de Najat Vallaud-Belkacem. Elle a été conseillère santé, travail et logement à l’Elysée sous Nicolas Sarkozy. Elle est mariée à Sébastien Veil, lui aussi ancien membre du cabinet du président de la République et petit-fils de la ministre Simone Veil. Elle ne connaît pas le secteur audiovisuel.Le ministère de la culture de Fleur Pellerin a été informé par Radio France de la possible venue de Mme Veil, mais nie avoir donné une forme d’aval.D’autres changements possiblesUn autre changement devrait intervenir prochainement : le départ de Jean-Pierre Rousseau, l’actuel directeur de la musique, recruté par Mathieu Gallet. Cette hypothèse avait été évoquée dès fin mars, lors du conflit social qui a débouché sur une grève inédite à Radio France. Jean-Paul Quennesson, délégué Sud de Radio France et corniste à l’Orchestre national, avait qualifié sa direction de « fiasco total ».Pendant le conflit, l’assemblée générale des grévistes avait aussi visé l’actuel directeur des ressources humaines, Christian Mettot, un des principaux interlocuteurs des syndicats.Après la crise qui a secoué son autorité, Mathieu Gallet a donc engagé une réflexion sur la gouvernance de Radio France. Avant la sortie de grève, la ministre, Fleur Pellerin, s’était davantage impliquée personnellement, « convoquant » le dirigeant nommé par le CSA et nommant plus tard un médiateur pour renouer le dialogue entre les syndicats et la direction. Après la crise, certains anticipaient que la réflexion évoquée par Mathieu Gallet puisse être l’occasion pour le gouvernement de peser sur la réorganisation de l’entreprise. Il semble plutôt que le président de Radio France étudie sa future direction de son côté, dans la lignée du comité exécutif élargi mis en place à son arrivée.Pendant ce temps, le médiateur Dominique-Jean Chertier poursuit actuellement la « seconde phase » de sa mission, menant des réunions avec les parties prenantes en vue de la négociation du contrat d’objectifs et de moyens, feuille de route de l’entreprise pour les cinq années à venir. Parmi les chantiers sensibles figurent notamment la réforme des modes de production et la négociation d’un plan de départs volontaires de 300 personnes environ.Toutefois, la mise en place de ces discussions reste délicate. De source syndicale, un calendrier a été proposé par le médiateur. S’il propose des ateliers sur France Bleu, la musique ou les modes de production, aucun espace de discussion n’est pour le moment prévu sur le plan stratégique de l’entreprise.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexandre Piquard et Alexis Delcambre « Comme annoncé par le président Mathieu Gallet le 16 avril dernier, une réflexion a effectivement été engagée sur l’évolution des instances de direction de Radio France dont les conclusions seront présentées dans quelques semaines », a confirmé la direction de l’entreprise publique dans un message interne, mercredi 6 mai.Tout en déplorant « des informations parues dans la presse ce matin au sujet de changements présumés au sein du Comité exécutif de l’entreprise ».Comme l’a annoncé Le Figaro, Sibyle Veil, actuellement directrice du pilotage de la transformation de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, est pressentie pour rejoindre Radio France. Toutefois, sa venue n’est pas confirmée officiellement. Se posent notamment, selon nos informations, des questions sur le périmètre de ses missions.Elle a été présentée comme une future « directrice générale » et une remplaçante de Catherine Sueur, l’actuelle directrice générale déléguée, réputée en froid avec M. Gallet. Mais son poste pourrait avoir une envergure un peu moindre. Mme Sueur était numéro deux de l’entreprise sous le président précédent, Jean-Luc Hees.Sibyle Veil est énarque, issue de la même promotion qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, Gaspard Gantzer, le conseiller communication de François Hollande, ou Boris Vallaud, le secrétaire général adjoint de l’Elysée, aussi mari de Najat Vallaud-Belkacem. Elle a été conseillère santé, travail et logement à l’Elysée sous Nicolas Sarkozy. Elle est mariée à Sébastien Veil, lui aussi ancien membre du cabinet du président de la République et petit-fils de la ministre Simone Veil. Elle ne connaît pas le secteur audiovisuel.Le ministère de la culture de Fleur Pellerin a été informé par Radio France de la possible venue de Mme Veil, mais nie avoir donné une forme d’aval.D’autres changements possiblesUn autre changement devrait intervenir prochainement : le départ de Jean-Pierre Rousseau, l’actuel directeur de la musique, recruté par Mathieu Gallet. Cette hypothèse avait été évoquée dès fin mars, lors du conflit social qui a débouché sur une grève inédite à Radio France. Jean-Paul Quennesson, délégué Sud de Radio France et corniste à l’Orchestre national, avait qualifié sa direction de « fiasco total ».Pendant le conflit, l’assemblée générale des grévistes avait aussi visé l’actuel directeur des ressources humaines, Christian Mettot, un des principaux interlocuteurs des syndicats.Après la crise qui a secoué son autorité, Mathieu Gallet a donc engagé une réflexion sur la gouvernance de Radio France. Avant la sortie de grève, la ministre, Fleur Pellerin, s’était davantage impliquée personnellement, « convoquant » le dirigeant nommé par le CSA et nommant plus tard un médiateur pour renouer le dialogue entre les syndicats et la direction. Après la crise, certains anticipaient que la réflexion évoquée par Mathieu Gallet puisse être l’occasion pour le gouvernement de peser sur la réorganisation de l’entreprise. Il semble plutôt que le président de Radio France étudie sa future direction de son côté, dans la lignée du comité exécutif élargi mis en place à son arrivée.Pendant ce temps, le médiateur Dominique-Jean Chertier poursuit actuellement la « seconde phase » de sa mission, menant des réunions avec les parties prenantes en vue de la négociation du contrat d’objectifs et de moyens, feuille de route de l’entreprise pour les cinq années à venir. Parmi les chantiers sensibles figurent notamment la réforme des modes de production et la négociation d’un plan de départs volontaires de 300 personnes environ.Toutefois, la mise en place de ces discussions reste délicate. De source syndicale, un calendrier a été proposé par le médiateur. S’il propose des ateliers sur France Bleu, la musique ou les modes de production, aucun espace de discussion n’est pour le moment prévu sur le plan stratégique de l’entreprise.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde 05.05.2015 à 13h26 • Mis à jour le05.05.2015 à 14h53 L'écrivain algérien Kamel Daoud, visé par une fatwa en Algérie, a reçu le prix Goncourt du premier roman pour Meursault, contre-enquête paru chez Actes Sud, a annoncé le jury du prix littéraire mardi 5 mai à Paris.Lire aussi :Un salafiste algérien émet une « fatwa » contre Kamel DaoudDaoud tend dans ce premier roman virtuose un miroir à « l'Arabe » tué par un certain « Meursault » dans le célèbre roman d'Albert Camus L'Etranger (1942), avec en contrepoint l'histoire et les soubresauts, souvent violents, de l'Algérie contemporaine.Trois autres auteurs étaient également sélectionnés : Miguel Bonnefoy pour Le voyage d'Octavio (Payot-Rivages), Kiko Herrero pour Sauve qui peut Madrid (P.O.L.) et Jean-Noël Orengo pour La Fleur du Capital (Grasset).Kamel Daoud, journaliste au Quotidien d'Oran, était sorti bredouille l’an dernier de la course au prix Goncourt malgré son statut de favori. La prestigieuse récompense était finalement revenue à Lydie Salvayre, sacrée pour Pas pleurer, roman sur la guerre d'Espagne.Lire aussi :Kamel Daoud : « Je veux continuer comme avant » Pauline Sauthier Au Royaume-Uni, si un auteur issu d'une minorité ethnique veut se faire publier, mieux vaut qu'il relaye des stéréotypes. C’est en tout cas ce qu’affirme une étude parue en avril, au moment de la London Book Fair. Menée par les agents littéraires de Spread the Word auprès de 203 auteurs britanniques, elle montre que les éditeurs acceptent plus volontiers les manuscrits d'auteurs asiatiques ou noirs s'ils traitent de « racisme, de colonialisme ou de l'époque post-coloniale ». Agents et relecteurs conseillent de « montrer davantage de saris, de traiter la culture des gangs ou d'autres images qui se conforment aux idées préconçues d'un public blanc ».Des auteurs interrogés pour l'étude reconnaissent avoir dû accepter ce type de suggestions pour que leur livre soit publié. Certains ont vu des campagnes de promotion de leurs ouvrages entièrement orientées sur leurs origines ethniques.« Je me rappelle qu'on m'a dit de faire attention à ce qu'il y ait au moins un Blanc dans une relation amoureuse, témoigne un écrivain cité anonymement dans le rapport, parce qu'autrement, les lecteurs blancs auraient du mal à suivre une intrigue dans un cadre “étranger” ou avec des personnages uniquement noirs ».L'auteure à succès Aminatta Forna a confié à la rapporteuse de l'étude : « Il y a une norme qui veut que le lecteur présumé soit un Anglais moyen, de culture uniforme et blanc […] alors même que les données prouvent que c'est une vision passéiste. »« Très peu ouverte à la diversité »Une très large majorité d'agents et d'éditeurs interrogés ont reconnu que l'industrie n'était que « très peu ouverte à la diversité », voire pas du tout.« Maintenant, les publicitaires le reconnaissent : nous mangeons, buvons, meublons nos maisons, utilisons nos téléphones et nettoyons nos vêtements [...] mais où sont les éditeurs qui admettent que nous lisons également ? ». Ce témoignage, rapporté par l’étude, est celui de Samenua Sesher, ancienne directrice de Decibel, un programme public de valorisation des artistes.Au sein de cette structure, elle avait décidé, en collaboration avec le quotidien The Times, de vérifier l’hypothèse selon laquelle les lecteurs blancs avaient des attentes stéréotypées envers les auteurs non-blancs. Un groupe d’auteurs de différentes origines a accepté d’écrire anonymement plusieurs parties d’une histoire orchestrée par la romancière Kate Mosse. On a mis au défi les lecteurs du Times de relier les auteurs à des segments. « Nous avons dansé dans le bureau quand une fan de David Baddiel [un auteur blanc], qui jurait pouvoir le reconnaître dans n’importe quel contexte, a fièrement soutenu qu’elle avait retrouvé sa contribution. C’était en fait le texte d’Alex Wheatle [un auteur noir]. »Le rapport émet l’hypothèse que ce serait en partie dû à l'absence de diversité au sein des maisons d'édition. Il recommande des audits internes permettant à celles-ci de corriger leurs préjugés culturels et de changer leurs méthodes de recrutement pour s’ouvrir davantage aux minorités.Les études sur des critères raciaux sont culturellement moins acceptées en France. Mais des témoignages d’auteurs tendent à corroborer la situation britannique. En 2013, l’auteure Léonora Miano expliquait au Magazine Littéraire : « [...] le lecteur français est habitué à ce que la production des auteurs noirs se cantonne à des espaces lointains, africains ou antillais. Quand vous choisissez Paris pour théâtre de votre histoire, vous êtes aussitôt moins légitime, ou alors il faudra parler d’allocations familiales, de chômage, etc. »Pauline Sauthier Marc Bettinelli (avec Jules Grandin) Il apparaît sur scène en tirant gaiement sur un joint – « bien évidemment faux et intégré à la mise en scène ». Ses pieds s’emmêlent dans le câble du micro, il s’en prend à « celui qui a bien pu ranger cette scène » et, ratant l’entrée de son premier couplet, s’amuse de « vouloir juste faire galérer le DJ ». Plus d’une heure et demie après l’horaire annoncé de son concert, Kacem Wapalek assène enfin son premier texte : « J’entends souvent des gens me dire des phrases du genre “le vrai rap, c’est ci” ou “le rap, c’est ça”. Tant qu’on y est, pourquoi pas “l’Arabe ceci” ou “l’Arabe cela” ? (...) Dans tous les cas, leurs préjugés m’ont l’air obsolètes. » En concert mercredi 22 avril au New Morning à Paris, le rappeur virevoltant a dévoilé, lundi 27 avril, son premier album, Je vous salis ma rue.Une semaine avant sa sortie, l’opus talonnait Francis Cabrel et Thomas Dutronc sur le podium Fnac des albums les plus précommandés. Classée dans la catégorie rap, la pochette d’album sur laquelle se découpe sa frêle silhouette a même devancé un temps les gros bras des (semblait-il) indétrônables Booba et Kaaris.Verve gouailleuse et chapeau rondUne belle éclosion à moitié surprenante tant l’œuf a eu le temps d’être couvé. Verve gouailleuse, chapeau rond vissé au crâne, le rappeur assure : « Depuis cinq ans, je vis une tournée non-stop. Je me suis constitué un public, mais sans album, j’étais un peintre sans tableau. » Kacem Wapalek refuse de donner son âge, on l’imagine à mi-chemin de la trentaine. Lyonnais, il découvre le rap « sur le tard », à 25 ans, au détour d’une répétition d’étudiants dans la fac où il poursuit son cursus en droit, après une prépa commerce.A Lyon, il est depuis quelques années l’un des énergumènes les plus remarqués du collectif l’Animalerie, moteur de la (re)naissance d’une scène hip hop locale plutôt discrète. Il récolte en parallèle des centaines de milliers de vues sur YouTube au fil de vidéos de « freestyle » enregistrées au coin d’un canapé. Il y apparaît affublé d’une perruque ébouriffée ou de grosses lunettes ridicules avant de dérouler des « flows » hyper-techniques, balançant tour à tour : « Si tous les rappeurs avaient passé le baccalauréat/ Je ne pense pas que beaucoup l’auraient eu » ou « Trop d’bronzés finissent à l’ombre/ Et des gens plus brillants que le soleil/ Finissent complètement dans la Lune ».« Plus dans la formule que dans le formol »Sur scène, il s’imagine « Brassens en baggy ». On lui suggère plutôt Perec ou Queneau. Tous des écrivains, aucun rappeur, et pour cause. Il s’est fait une spécialité des jeux de mots, jonglant entre subtiles sonorités et sens dissimulés, passant avec aisance de l’allitération à l’antanaclase, du chiasme à la paronomase. Ses textes se lisent autant qu’ils s’écoutent : « Joue pas les boss, ni les Tony Montana, cesse de mitonner et laisse Tony se perdre entre braquages et orgies. » Qui saurait repérer les quatre pays enfouis dans cette strophe de la chanson Tour du monde, qui aligne les noms d’Etats, huit minutes durant ? « Je pratique beaucoup l’écriture sous contrainte, de thème ou de format, c’est paradoxalement une manière de libérer le stylo », justifie l’autoproclamé « Wapalek 1er », compétition hip hop oblige.Dans la salle du New Morning à Paris, plus de trentenaires que d’adolescents. L’écoute de l’album Je vous salis ma rue, aux sonorités puisées dans le reggae ou le raï, accompagnées de guitares ou de cuivres, confortera d’ailleurs les nostalgiques du Saïan Supa Crew des années 2000 plus qu’il ne satisfera les fans des Booba et Kaaris de 2015. « Je suis plus dans la formule que dans le formol ! », revendique l’intéressé. Kacem Wapalek est à l’image de son nom : un fond de vérité astucieux dans un ensemble délirant. Je vous salis ma rue, 1 CD Believe Digital. fr-fr.facebook.com/kacem.wapalekMarc Bettinelli (avec Jules Grandin)Journaliste au Monde Cécilia Suzzoni (Fondatrice et présidente d’honneur de l’Association le latin dans les littératures européennes) Evoquant, il y a maintenant plus de quinze ans, « la disparition programmée du latin » comme référence culturelle majeure de notre enseignement général, nous la disions à la fois injuste et absurde, soulignant qu’elle allait à rebours d’un véritable aggiornamento indispensable des études littéraires.Loin de l’oublier ou de le minorer, nous rappelions que le grec devait aussi trouver sa place légitime dans une rénovation de l’enseignement de ces langues anciennes, qu’il a tout à gagner de la bonne santé du latin, que rien ne serait plus absurde qu’une concurrence contre nature entre ces deux langues.C’est dire si la réforme du collège en cours, qui prétend intégrer en une sorte de bricolage, confus et rudimentaire, l’enseignement des langues anciennes dans les Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), au prétexte de familiariser les collégiens avec les « expressions latines ou grecques » pendant le cours de français, n’est qu’une triste caricature de cette discipline nouvelle, ambitieuse, à fonder.Amas de faux-semblantsTelle qu’elle se présente, elle semble plutôt entériner, sous un amas de faux-semblants à même de jeter la confusion dans les esprits des parents et des élèves, la disparition du latin et du grec, en amont comme en aval. Qui peut croire que des orientations sérieuses se feront en classe de seconde sur la base des EPI, alors même qu’aujourd’hui la dimension optionnelle de ces disciplines entraîne au lycée une forte diminution des effectifs ? D’autant que rien n’est évidemment annoncé de la création d’une filière littéraire dotée de son véritable socle épistémologique…Ce projet de réforme a de quoi alarmer l’ensemble des enseignants des disciplines fondamentales, convaincus de la présence indispensable du latin à tous les moments de la formation et de toutes les disciplines de la mémoire et du langage. Les démonstrations et propositions que nous avons formulées ces dernières années gardent leur entière pertinence. Mais la situation actuelle renforce l’urgence de leur prise en compte.Nous continuons à penser que le système optionnel est l’impedimentum majeur qui pèse sur les langues anciennes : il en a progressivement fragilisé, amoindri la portée scientifique, placé son enseignement en concurrence déloyale avec les autres disciplines (maintenant deux langues vivantes !), contraint les enseignants à se dépêtrer héroïquement dans de misérables pièges (rendre attractives les langues anciennes), dans le même temps où les autres disciplines fondamentales campent sur leur territoire, trouvent en elles le gage permanent de la validité historique et scientifique de leur démarche.En finir avec le replâtrageC’est à un véritable débat qui n’a jamais eu lieu que nous en appelons, pour que cesse tout bricolage ou replâtrage, pour que le paysage des études littéraires en France, qui ne cesse de se déliter, retrouve une cohérence doctrinale. Aucune réforme des humanités ne pourra faire l’économie de la connaissance historique de leur objet, laquelle inclut évidemment le latin et le grec. Il faut aussi que les autorités intellectuelles dans leur ensemble cessent de feindre d’ignorer qu’il y a belle lurette que le latin et le grec ont cessé d’être instrumentalisés à des fins conservatrices et réactionnaires.Qu’on cesse donc de mettre des guillemets à l’expression « notre culture », comme si elle était à prendre avec des pincettes ! Revendiquons-la au contraire comme nôtre, non seulement parce qu’elle l’est, de fait, mais aussi parce que, loin de tout repli identitaire, notre matrice gréco-latine offre ce précieux privilège, à disposition de tous, de se décliner en une pluralité d’altérités : l’islam, nous le savons, et la chose doit apparaître de plus en plus clairement, est partie prenante de l’héritage gréco-romain.On semble même avoir oublié que la traduction a trouvé, en Occident, son lieu de naissance à Rome, faisant du latin la première langue moderne de l’Europe ; qu’à ce titre le latin reste évidemment le véhicule obligé d’une réappropriation par l’Europe de ses langues de culture.Déficit culturelPense-t-on que de jeunes esprits, dans un système éducatif, moderne, ambitieux, puissent ne pas se sentir concernés par « l’évidence de ces catégories oubliées » ? Sans doute un coup de force, qui irait dans le sens de cette disparition programmée, peut-il réussir, moins par mauvaise volonté ou conviction que par étourderie, paresse, irresponsabilité.Les gouvernements qui se succèdent encouragent l’appétit des langues vivantes et des études commerciales, mais on ne se débarrasse pas facilement du « grand nom de Rome » et de « la gloire d’Athènes ». Et le déficit culturel de l’Europe ne cesse aussi d’être dénoncé par les esprits les moins suspects de se retrancher dans une défense obsidionale du passé.C’est de toute façon dans une refonte désormais inévitable des disciplines et de la formation des maîtres que nous devons continuer à œuvrer. Il faut cesser de s’enliser dans le piège de réformes dont on voit bien qu’elles ne font qu’aggraver suspicion et malentendus.Il appartient à des autorités politiques responsables, ambitieuses pour l’avenir culturel de leur pays, de mettre un terme à « cette ennuyeuse question du latin qui nous abrutit depuis quelque temps », disait déjà avec humour une nouvelle de Maupassant. Non pas en signant la mort du latin mais en redéfinissant sa place, raisonnable et légitime, dans le cadre de cet aggiornamento que nous appelons de nos vœux.Ce texte est soutenu par Yves Bonnefoy, poète ; Xavier Darcos, membre de l’Académie française ; Régis Debray, philosophe ; Michel Deguy, poète ; Marc Fumaroli, membre de l’Académie française ; Thomas Pavel, professeur de littérature française ; Heinz Wismann, philosophe ; Michel Zink, professeur au Collège de France. Liste intégrale des signataires sur www.sitealle.comCécilia Suzzoni (Fondatrice et présidente d’honneur de l’Association le latin dans les littératures européennes) Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde Mustapha Kessous Une enquête édifiante sur les secrets de cette industrie dont on nous vante les mérites depuis les années 1960 (lundi 4 mai, à 22 h 55, sur Canal+).A en croire ce documentaire, les mensonges sur le nucléaire français sont aussi toxiques que la radioactivité. Depuis les années 1960, les différents gouvernements nous assurent que les centrales nucléaires sont extrêmement sûres, au point qu’ils n’ont jamais eu à déplorer le moindre accident. Et ce n’est pas tout : l’énergie électrique – produite par les 58 réacteurs du pays – est propre et peu onéreuse. Un mythe, selon les auteurs de Nucléaire, la politique du mensonge ?,qui se font un malin plaisir de déconstruire – pour ne pas dire dégommer – la trop belle « fable » des bienfaits de l’atome.Cette nouvelle enquête de « Spécial investigation » commence dans un village du Loir-et-Cher, Saint-Laurent-Nouan, où se trouve la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux qui, depuis son inauguration en 1963, a connu deux accidents passés sous silence par EDF. Le premier date de 1969, le second – plus grave – remonte à 1980. En cause : un défaut de maintenance qui a entraîné la surchauffe et la fusion de l’un des deux cœurs de réacteur, libérant ainsi du plutonium – matière hautement radioactive et dangereuse – que les responsables du site ont décidé, pour s’en débarrasser, de rejeter dans… la Loire. Une pratique illégale à cette époque et qui l’est toujours de nos jours.SurréalisteIl est regrettable que les dirigeants actuels d’EDF n’aient pas souhaité s’exprimer. Seul Marcel Boiteux, ancien président du groupe (de 1979 à 1987), et artisan du nucléaire, a accepté de parler. Ce qu’il dit semble à peine croyable, et son entretien avec le journaliste, surréaliste. Interrogé à propos de ce qui a conduit les responsables à déverser le plutonium dans la Loire, M. Boiteux répond sans ciller : « C’est quand même pas grand-chose. » « C’est du plutonium, c’est interdit », s’étonne le journaliste. « Oui, bien sûr, ce n’est pas bien, mais ce n’est pas grave », se défend l’ancien patron. « C’est illégal », insiste le reporter. « C’est illégal de tuer son voisin quand vous êtes en voiture, et que vous rencontrez la voiture d’en face et que vous tenez mal votre volant. En cas d’accident, il se passe des choses illégales, quand on est conscient », explique en souriant le président d’honneur d’EDF. Un tel accident, pourtant, devrait systématiquement obliger à l’évacuation des habitants alentour.Quid ensuite des sites de stockage des déchets radioactifs ? Et peut-on affirmer que le nucléaire est une énergie propre ? Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva, a récemment assuré que le nucléaire produit, en termes de déchets, l’équivalent d’« une piscine olympique ».Vrai ou faux ? Selon les calculs et les différentes révélations du documentaire, le volume de ces déchets correspondrait plutôt à près de 200 piscines olympiques. On est loin du compte.De même, on est bien loin de la vérité lorsqu’on nous assène que le nucléaire ne coûte pas cher. En effet, la note des travaux de remise en état des centrales nucléaires engagés depuis 2012 s’élèverait à 110 milliards d’euros, soit deux fois plus que le chiffre avancé par EDF.Documents inédits à l’appui, cette enquête démonte habilement – et avec pédagogie – le discours tenu aujourd’hui sur le nucléaire français. Un discours qui se veut rassurant, notamment par l’usage de certains mots plutôt que d’autres. Les communicants préfèrent par exemple parler de « relâchement » et jamais de « fuite ». L’euphémisme en dit long.« Nucléaire, la politique du mensonge ? », de Jean-Baptiste Renaud (Fr., 2015, 55 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brice Pedroletti (Pékin, correspondant) Des milliers de jeunes fans qui agitent des tubes fluorescents : Unconditionally, le tube de la star américaine Katy Perry, a reçu un accueil enthousiaste au Taipei Arena le 28 avril. Et pour cause : l’ancienne chanteuse de gospel, vêtue pour cette chanson d’une robe verte scintillante, deux tournesols agrafés sur les seins, s’est spontanément emparée d’un drapeau de la République de Chine (Taïwan), qu’elle a porté en cape tout au long de sa performance. Une photo publiée par @jeremy_yang_ le 28 Avril 2015 à 12h11 PDTUne double connotation explosive dans le monde chinois. Les fleurs de tournesol de la robe mais aussi du décor faisaient partie de la panoplie de Katy Perry pour le parcours asiatique de sa tournée mondiale, qui l’avait menée à Tokyo, Canton et Shanghaï. Mais elles constituaient une référence (involontaire ?) au « mouvement des tournesols », qui a paralysé pendant trois semaines, il y a un an, le Parlement taïwanais : distribuées aux manifestants, les fleurs géantes devinrent l’emblème d’une jeunesse gardienne de la souveraineté de l’île face à la Chine voisine et aux tractations opaques du Kouomintang (le KMT, au pouvoir à Taïwan) avec son ancien ennemi communiste. La République de Chine (RDC) est prisonnière d’un statu quo délicat, « ni indépendance ni réunification », la Chine populaire s’appliquant à saboter tous ses attributs de souveraineté : Pékin a ainsi poussé le Népal à refuser l’aide de Taïwan pour le séisme du 25 avril.Pas son premier coup d’éclatLe drapeau officiel de la RDC est lui un enjeu de la coexistence fragile entre Taipei et Pékin : initialement associé au KMT, il n’en est pas moins devenu le symbole de ralliement de la génération militante des tournesols. Son interdiction en 2008 dans les environs immédiats de la délégation chinoise, lors de la visite historique à Taipei, de l’envoyé officieux de Chine populaire, par un gouvernement taïwanais soucieux de ménager Pékin, forgea la conscience contestataire des organisateurs des manifestations de l’an dernier. A Taipei, mardi soir, la prestation de Katy Perry a « ému aux larmes » certains de ses fans, a rapporté le Ziyou Shibao (« Liberty Times »), porte-drapeau du camp indépendantiste.La brunette aux yeux bleus n’en est pas à son premier coup d’éclat en Asie : dans L’Interview qui tue !, la comédie satirique de Sony, la révélation de la passion cachée de Kim Jong-un pour Firework, autre tube de Katy Perry, par le journaliste qui l’interroge, finira par faire « craquer » le dictateur nord-coréen, entraînant sa chute et… la démocratisation du pays ermite.Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde Mustapha Kessous Une enquête édifiante sur les secrets de cette industrie dont on nous vante les mérites depuis les années 1960 (lundi 4 mai, à 22 h 55, sur Canal+).A en croire ce documentaire, les mensonges sur le nucléaire français sont aussi toxiques que la radioactivité. Depuis les années 1960, les différents gouvernements nous assurent que les centrales nucléaires sont extrêmement sûres, au point qu’ils n’ont jamais eu à déplorer le moindre accident. Et ce n’est pas tout : l’énergie électrique – produite par les 58 réacteurs du pays – est propre et peu onéreuse. Un mythe, selon les auteurs de Nucléaire, la politique du mensonge ?,qui se font un malin plaisir de déconstruire – pour ne pas dire dégommer – la trop belle « fable » des bienfaits de l’atome.Cette nouvelle enquête de « Spécial investigation » commence dans un village du Loir-et-Cher, Saint-Laurent-Nouan, où se trouve la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux qui, depuis son inauguration en 1963, a connu deux accidents passés sous silence par EDF. Le premier date de 1969, le second – plus grave – remonte à 1980. En cause : un défaut de maintenance qui a entraîné la surchauffe et la fusion de l’un des deux cœurs de réacteur, libérant ainsi du plutonium – matière hautement radioactive et dangereuse – que les responsables du site ont décidé, pour s’en débarrasser, de rejeter dans… la Loire. Une pratique illégale à cette époque et qui l’est toujours de nos jours.SurréalisteIl est regrettable que les dirigeants actuels d’EDF n’aient pas souhaité s’exprimer. Seul Marcel Boiteux, ancien président du groupe (de 1979 à 1987), et artisan du nucléaire, a accepté de parler. Ce qu’il dit semble à peine croyable, et son entretien avec le journaliste, surréaliste. Interrogé à propos de ce qui a conduit les responsables à déverser le plutonium dans la Loire, M. Boiteux répond sans ciller : « C’est quand même pas grand-chose. » « C’est du plutonium, c’est interdit », s’étonne le journaliste. « Oui, bien sûr, ce n’est pas bien, mais ce n’est pas grave », se défend l’ancien patron. « C’est illégal », insiste le reporter. « C’est illégal de tuer son voisin quand vous êtes en voiture, et que vous rencontrez la voiture d’en face et que vous tenez mal votre volant. En cas d’accident, il se passe des choses illégales, quand on est conscient », explique en souriant le président d’honneur d’EDF. Un tel accident, pourtant, devrait systématiquement obliger à l’évacuation des habitants alentour.Quid ensuite des sites de stockage des déchets radioactifs ? Et peut-on affirmer que le nucléaire est une énergie propre ? Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva, a récemment assuré que le nucléaire produit, en termes de déchets, l’équivalent d’« une piscine olympique ».Vrai ou faux ? Selon les calculs et les différentes révélations du documentaire, le volume de ces déchets correspondrait plutôt à près de 200 piscines olympiques. On est loin du compte.De même, on est bien loin de la vérité lorsqu’on nous assène que le nucléaire ne coûte pas cher. En effet, la note des travaux de remise en état des centrales nucléaires engagés depuis 2012 s’élèverait à 110 milliards d’euros, soit deux fois plus que le chiffre avancé par EDF.Documents inédits à l’appui, cette enquête démonte habilement – et avec pédagogie – le discours tenu aujourd’hui sur le nucléaire français. Un discours qui se veut rassurant, notamment par l’usage de certains mots plutôt que d’autres. Les communicants préfèrent par exemple parler de « relâchement » et jamais de « fuite ». L’euphémisme en dit long.« Nucléaire, la politique du mensonge ? », de Jean-Baptiste Renaud (Fr., 2015, 55 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brice Pedroletti (Pékin, correspondant) Des milliers de jeunes fans qui agitent des tubes fluorescents : Unconditionally, le tube de la star américaine Katy Perry, a reçu un accueil enthousiaste au Taipei Arena le 28 avril. Et pour cause : l’ancienne chanteuse de gospel, vêtue pour cette chanson d’une robe verte scintillante, deux tournesols agrafés sur les seins, s’est spontanément emparée d’un drapeau de la République de Chine (Taïwan), qu’elle a porté en cape tout au long de sa performance. Une photo publiée par @jeremy_yang_ le 28 Avril 2015 à 12h11 PDTUne double connotation explosive dans le monde chinois. Les fleurs de tournesol de la robe mais aussi du décor faisaient partie de la panoplie de Katy Perry pour le parcours asiatique de sa tournée mondiale, qui l’avait menée à Tokyo, Canton et Shanghaï. Mais elles constituaient une référence (involontaire ?) au « mouvement des tournesols », qui a paralysé pendant trois semaines, il y a un an, le Parlement taïwanais : distribuées aux manifestants, les fleurs géantes devinrent l’emblème d’une jeunesse gardienne de la souveraineté de l’île face à la Chine voisine et aux tractations opaques du Kouomintang (le KMT, au pouvoir à Taïwan) avec son ancien ennemi communiste. La République de Chine (RDC) est prisonnière d’un statu quo délicat, « ni indépendance ni réunification », la Chine populaire s’appliquant à saboter tous ses attributs de souveraineté : Pékin a ainsi poussé le Népal à refuser l’aide de Taïwan pour le séisme du 25 avril.Pas son premier coup d’éclatLe drapeau officiel de la RDC est lui un enjeu de la coexistence fragile entre Taipei et Pékin : initialement associé au KMT, il n’en est pas moins devenu le symbole de ralliement de la génération militante des tournesols. Son interdiction en 2008 dans les environs immédiats de la délégation chinoise, lors de la visite historique à Taipei, de l’envoyé officieux de Chine populaire, par un gouvernement taïwanais soucieux de ménager Pékin, forgea la conscience contestataire des organisateurs des manifestations de l’an dernier. A Taipei, mardi soir, la prestation de Katy Perry a « ému aux larmes » certains de ses fans, a rapporté le Ziyou Shibao (« Liberty Times »), porte-drapeau du camp indépendantiste.La brunette aux yeux bleus n’en est pas à son premier coup d’éclat en Asie : dans L’Interview qui tue !, la comédie satirique de Sony, la révélation de la passion cachée de Kim Jong-un pour Firework, autre tube de Katy Perry, par le journaliste qui l’interroge, finira par faire « craquer » le dictateur nord-coréen, entraînant sa chute et… la démocratisation du pays ermite.Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.05.2015 à 16h27 • Mis à jour le04.05.2015 à 13h41 | Véronique Mortaigne Rémy est mort, et de nombreuses tribus pleurent. Au point qu’elles ne font plus qu’une, et ce sera le signe d’une vie réussie. Depuis plus de quarante ans, Rémy Kolpa Kopoul, dit RKK, était un grand « connexionneur ». Hébergé par son ami Christophe Miossec, ce gentleman journaliste, homme de radio et DJ, est décédé dimanche 3 mai, à Brest. La veille, il avait mixé lors d’une soirée donnée au Vauban, au bénéfice des enfants de Ramiro Mussoto, percussionniste argentin disparu en 2009.Né le 23 février 1949 à Boulogne-Billancourt, fils d’Evgueny Kolpa Kopoul et de Marie Bouzat, Rémy Kolpa Kopoul était âgé de 66 ans. Il avait fêté son anniversaire entouré d’artistes qui l’admiraient et lui devaient d’avoir été découverts au Jamel Comedy Club, un lundi. Car son ami humoriste lui avait confié les clés de sa salle de spectacle des Grands Boulevards pour les soirées « C’est lundi, c’est Rémy ».Etrangeté de la vie : grâce à l’appui de la MC 93 de Bobigny et de son directeur, Patrick Sommier, il venait de monter, enfin, une comédie musicale qu’il avait imaginée il y a trente ans, relatant l’histoire d’amour du Brésil et de la France au début du XXe siècle. K Rio K a été montrée avec succès en avril au Nouveau Théâtre de Montreuil, avec son amie et protégée Mariana de Moraes, la petite-fille de Vinicius en guest star, et c’était une sorte d’accomplissement.Lire aussi :« Choro », tango, « maxixe »... Le Brésil à l’âge d’orIl en parlait, réjoui, le 26 avril au Printemps de Bourges, où, comme chaque année, il mixait des sons dansants, exotiques, érudits, sous le chapiteau du Magic Mirror. Le jeune rappeur brésilien Emicida s’extasiait devant les bretelles en forme de mètre de couture qui tenaient de larges pantalons posés sur un ventre de belle taille. Le père de RKK était fourreur, il avait transmis son amour de la musique et de la fête klezmer à son fils. Rémy Kolpa sirotait son champagne, parlait de son ami Criolo, autre jeune rappeur de Sao Paulo, avec cette voix anti-radiophonique au possible, tremblée, basse, rocailleuse et par conséquent devenue remarquable.Des « Brasilophiles » à la « world music »Première tribu, donc : les « Brasilophiles ». Sa rencontre avec la musique se concrétise par un concert d’Eddy Louiss, où sa mère l’emmène à l’âge de 16 ans. Celle qui le mène vers le Brésil date du temps où le jeune homme, agitateur à la MJC de la porte de Saint-Cloud et Maoïste, tendance « spontex », s’occupe des exilés de la dictature militaire. Parmi eux, le chanteur Caetano Veloso, parti à Londres et qui donne en 1971 un concert à la Mutualité. L’amitié n’ayant pas de limites, le voici lié à Gilberto Gil, puis Joao Bosco, Joao Gilberto ou Chico Buarque, puis tous les autres dont il organisera plus tard les tournées.RKK découvre l’Afrique en devenant reporter musical pour Libération, qu’il accompagne depuis sa fondation en 1973, et jusqu’en 1987. Du rock alternatif à la rumba zaïroise, du highlife ghanéen au free jazz, RKK constitue sa deuxième tribu, celle des pionniers de la world music. Libé dévoile les énergies et les impacts politiques de Celia Cruz, de Kassav’, de Touré Kunda, de Salif Keita ou de Manu Dibango. Ces appétits d’ogre et de journalisme de terrain le mènent vers Jean-François Bizot, patron d’Actuel et de Radio Nova, où il anime bientôt avec le patron, agitateur en chemises fleuries, « Les Voyages improbables ».Il avait depuis inventé de nombreux formats musicaux sur Nova, où il produisait chaque dimanche midi depuis six ans l’émission « Contrôle discal », soit le débarquement de « L’inspecteur La Galette » dans la discothèque d’un artiste. Il avait récemment inversé la règle, et des auditeurs venaient fouiller dans les quelque cinq mille disques triés sur le volet qui accompagnaient la vie de Rémy.« J’ai crapahuté dans la musique sans œillères, et je me suis dit sur le tard que je pouvais “platiner” avec tout ça », expliquait RKK pour évoquer ses débuts de DJ, à l’orée des années 1990, à la Chapelle des Lombards, rue de Lappe. Depuis, RKK était de tous les festivals – des Suds à Arles, des Escales de Saint-Nazaire, du Printemps de Bourges, de Fiest’ à Sète. Attaqué par la faiblesse de ses battements de cœur à plusieurs reprises, RKK ne s’était pas laissé vaincre. Ce Français voyageur et profondément « Parisien des quartiers populaires », comme il se définissait, n’avait pas renoncé aux bulles du champagne (une tribu en soi).« Rémy Kolpa Kopoul, notre éternel RKK, s'en est allé. RIP. Il a lutté et aimé. Il laisse tout ce qu'il nous a fait découvrir depuis quarante ans », a résumé Pierre Lescure dans un tweet. Pour ses 66 ans, « les filles », jolies créatures qui l’accompagnaient avec ferveur dans ses pérégrinations nocturnes, lui avaient confectionné un gâteau en forme de « RKK », avec ce qu’il aimait : du fromage. Bel hommage.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau Grâce et tranchant. Une combinaison que la danseuse russe Maïa Plissetskaïa, mythe du ballet et figure du Bolchoï de Moscou, tempérament rebelle par-dessus le marché, affûtait avec un design unique. Taux maximal de pénétration dans l’air, clarté du geste et mordant de l’interprétation, la Plissetskaïa méritait son titre de prima ballerina assoluta.Née le 20 novembre 1925, à Moscou, elle est morte d’une crise cardiaque à Munich, où elle résidait avec son mari, le compositeur Rodion Chtchedrine, a annoncé samedi 2 mai le directeur du théâtre du Bolchoï, Vladimir Ourine. Elle avait 89 ans. Maïa Plissetskaïa a tout dansé, du Lac des Cygnes à Carmen, au point, disait-elle lors d’un entretien pour Le Monde en février 2006, de « n’avoir aucun ballet préféré », même si elle mentionnait immédiatement Maurice Béjart parmi ses chorégraphes-fétiches. De fait, elle s’était taillée un énorme succès dans sa version de La Mort du Cygne (1907) de Mikhaïl Fokine, sur la musique de Saint-Saëns, et aimait à dire qu’elle improvisait chaque soir, même lorsqu’elle le bissait !Esprit critique qui n’a jamais mâché ses mots, insatisfaite des productions qu’on lui propose dans les années 1970 au Bolchoï, elle chorégraphie elle-même ses propres pièces sur des musiques écrites spécialement par Rodion Chtchedrine, comme Anna Karénine (1972), La Mouette (1980) et enfin La Dame au petit chien (1985). Impact très relatif, même si le soutien aux costumes de Pierre Cardin, pour lequel elle participera... Raphaëlle Rérolle Dans le pêle-mêle des romans à succès qui tapissent les gares, les siens occupent une place à part. Ruth Rendell, morte à Londres le samedi 2 mai, était beaucoup plus qu'un auteur de best-sellers parmi d'autres : une formidable conteuse, une maîtresse du suspense et une observatrice aiguë de ses concitoyens. Mis bout à bout, ses livres (une bonne cinquantaine de romans et des recueils de nouvelles) offrent un tableau saisissant de l'Angleterre du XXe siècle, mais aussi de la capitale anglaise, qu'elle connaissait par cœur.Née en 1930, élevée au rang de baronne de l'empire par Tony Blair, en 1997, membre de la chambre des Lords, cette écrivaine a régné pendant plusieurs décennies sur la littérature policière anglaise, et pas seulement en raison des chiffres astronomiques de ses ventes. Avec P.D. James, disparue le 27 novembre 2014, Ruth Rendell a largement contribué à renouveler le genre, en introduisant une part importante de psychologie et de contexte social dans ses récits réglés comme des mécaniques de haute précision.Imagination spectaculaireDe sensibilité travailliste, elle a exploré des milieux très divers par le truchement de son personnage récurrent, l'inspecteur Reginald Wexford, apparu dès son premier livre (Un amour importun, 1964). Pour elle, les romans pouvaient contribuer à changer le monde, en attirant l'attention sur les maux de la société, le racisme ou la drogue par exemple. Elle a aussi fait preuve d'une imagination spectaculaire, qui lui permettait de renouveler presque à l'infini le contenu de ses intrigues. L'imagination est d'ailleurs ce qui l'avait dirigée vers le roman, elle qui avait commencé sa carrière comme journaliste.Un jour qu'elle devait couvrir la réunion du club de tennis local pour le Chigwell Times, obscur journal de l'Essex, elle rédigea un vibrant compte rendu. Malheureusement pour elle, et heureusement pour ses futurs lecteurs, elle n'avait pas mis les pieds au club. Elle ne pouvait donc pas deviner que son président mourrait ce jour-là, en pleine séance, ce qui ne figurait évidemment pas dans son article. Renvoyée, la jeune femme (elle avait 18 ans), s'en fut proposer à un éditeur londonien un roman psychologique, refusé, puis un polar qu'elle avait dans un tiroir : accepté.La part psychologiqueGrande lectrice de Freud, Ruth Rendell n'en a pas pour autant renoncé à la psychologie. A telle enseigne qu'une partie non négligeable de sa production – sans doute littérairement la plus intéressante – entre dans la catégorie du roman psychologique à suspense plutôt que du polar à proprement parler. C'est le cas de l'envoûtant Véra va mourir (1986), ou de L'Eté de Trapellune (1988), hanté par les désirs de liberté des années 1970. C'est encore le cas, du Journal d'Asta (1993), inspiré de l'enfance danoise d'une de ses grands-mères, ou des Noces de feu, en 1994, des livres parus en Angleterre sous le pseudonyme de Barbara Vine, puis en français chez Calmann-Lévy.L'ombre du mensonge, des secrets de famille, des identités tortueuses, du dérangement mental et de la peur qu'il engendre font également partie de livres plus récents, parus en France aux éditions des Deux Terres, notamment La Maison du lys tigré, en 2012. Comme Pascal Thomas, qui vient de porter ce film à l'écran sous le titre Valentin Valentin (janvier 2015), de nombreux réalisateurs ont adapté des romans de Ruth Rendell. Pedro Almodovar, Claude Miller, Claude Chabrol par deux fois (La Cérémonie et La Demoiselle d'honneur) et plus récemment, François Ozon (Une nouvelle amie, 2014) ont trouvé leur inspiration dans l'univers délicieusement inquiétant de cette extraordinaire architecte du mystère.Raphaëlle RérolleJournaliste au Monde Sylvain Siclier Ancien membre du groupe vocal The Drifters, premier interprète et co-compositeur avec Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller de la chanson Stand By Me, devenue, depuis sa parution début 1961, un classique de la soul music, le chanteur Ben E. King, de son vrai nom Benjamin Earl Nelson, est mort jeudi 30 avril, à l’âge de 76 ans, dans le New Jersey, de causes naturelles, a précisé, vendredi 1er mai, son porte-parole.Débuts à l’égliseComme beaucoup d’interprètes de soul music, Benjamin Earl Nelson, né le 23 septembre 1938, à Henderson (Caroline du Nord), fit ses débuts à l’église, dans une formation de gospel. A l’âge de 14 ans, ses parents s’étant installé à New York, dans le quartier de Harlem, il rejoint The Four B’s, un groupe de doo-wop, ce genre issu du rhythm’n’blues, caractérisé par l’emploi de phrases vocales en harmonies (généralement avec deux voix de ténor, dont l’un plus particulièrement chargé des notes hautes, un baryton et une basse), le plus souvent sur un répertoire de romances. Un apprentissage qui le mène à devenir professionnel au sein de The Five Crows.C’est ce groupe qui attira, à l’été 1958, l’attention de George McKinley Treadwell (1918-1967), manager de la formation The Drifters, fondée en 1953 par le chanteur Clyde McPhatter (1932-1972). Ce dernier avait quitté à la fin de l’automne 1954 sa formation après les succès des chansons Money Honey et Honey Honey, et vendu à Treadwell la « marque » The Drifters, dont le personnel changeait régulièrement. En 1958, il ne reste d’ailleurs plus un membre de la formation d’origine – dont certains monteront par la suite un Original Drifters concurrent. Suite à un différend avec le groupe, Treadwell propose aux Five Crows, réduit à quatre voix, de devenir les nouveaux Drifters.Avec The Drifters, puis en soloBen E. King, qui n’a pas encore pris ce nom d’artiste, devient la voix principale des Drifters. Le groupe enregistrera avec lui et pour la compagnie Atlantic quelques-uns de ses plus grands succès : There Goes My Baby, Dance With Me, This Magic Moments et Save The Last Dance for Me. Ces deux dernières deviennent numéro 1 des ventes en 1959, ce que les Drifters n’avaient pas connu depuis un moment, co-écrites par Doc Pomus (1925-1991) et Mort Shuman (1936-1991). Au printemps 1960, après un désaccord financier entre Treadwell et le manager de Ben E. King, qui entend faire fructifier pour son poulain le succès retrouvé des Drifters, Ben E. King quitte le groupe.Pour Atlantic, il est désormais temps de mettre en avant Ben E. King. C’est sous ce nom, avec Leiber et Stoller à la production et une chanson écrite par Leiber et Phil Spector, que Ben E. King enregistre son premier titre en artiste solo. La chanson, Spanish Harlem, paraît début décembre 1960. Si elle ne grimpe pas totalement au sommet des ventes à ce moment-là, elle va prendre le statut de classique avec les années.Le slow ultimeLa suite fait passer Ben E. King au stade supérieur. C’est Stand By Me, qu’il avait commencé à travailler du temps des Drifters et qui va trouver avec l’aide et les arrangements de Leiber et Stoller toute sa saveur. Un ostinato à la basse, un triangle en contretemps, un frottement sur une percussion, puis la voix de Ben E. King, presque plaintive (« When the night has come / And the land is dark »), les cordes de l’orchestre, les chœurs ensuite. Cette ballade magistrale, poignante et intense dans sa montée orchestrale, devient le slow ultime à sa sortie début 1961.Dans les années qui suivent, Ben E. King enregistrera encore plusieurs chansons de belle facture et des succès comme Ecstasy et Don’t Play That Song (You Lied) en 1962, I Who Have Nothing, en 1963, What is Soul ?, qui l’éloigne du répertoire des romances pour une approche plus énergique en 1966, ou Tears, Tears, Tears, en 1967. Mais rien qui n’atteigne la reconnaissance mondiale et l’impact émotionnel de Stand By Me.La vogue disco des années 1970 donnera encore un succès à Ben E. King, avec la chanson Supernatural Thing, numéro 5 aux Etats-Unis. Ensuite, après avoir quasiment cessé d’enregistrer dans les années 1980, il reprendra une activité plus fournie lors de concerts, par le biais de la nostalgie pour la soul music des années 1960. Son répertoire sans surprise mêlant les chansons des Drifters et ses succès.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne La Bague à Jules, Voyage de noces, Maman, papa : Patachou était chanteuse, une interprète rigoureuse, à la voix sensuelle et vibrante. Mais elle était bien plus : partageuse, traqueuse de talents, aventureuse, femme de cabaret, étoile d’une France identifiée à sa vie nocturne autant qu’à son sens poétique. Henriette Ragon, dite Patachou, a quitté le monde des vivants, le 30 avril.Née le 10 juin 1918 à Paris, dans le quartier de Ménilmontant, fille d’un artisan céramiste, elle était âgée de 96 ans. Elle fut dactylo aux éditions musicales Raoul Breton (celles de Charles Trenet) avant guerre, puis ouvrière, pâtissière, marchande de légumes, avant d’ouvrir avec son mari antiquaire, Jean Billon, un restaurant dans une ancienne pâtisserie de la rue du Mont-Cenis à Montmartre, Le Patachou. Sa spécialité alors, c’est de couper les cravates des clients, avant de les accrocher au plafond. Les noctambules adorent, anonymes ou célèbres, tel Maurice Chevalier, un voisin qui aime sa gouaille et la pousse à chanter. Le Patachou devient cabaret, il rebaptise la patronne Lady Patachou, et on y reprend des chansons gaillardes et refrains à la mode, des ritournelles, Rue Lepic ou Un gamin de Paris.Passée par le Central de la chanson, Patachou, toujours Lady, se produit en vedette américaine d’Henry Salvador à l’ABC en 1951. Elle y triomphe en interprétant en comédienne Mon Homme, succès de Mistinguett en 1920. Puis, elle est en vedette à Bobino, où le patron du cabaret Les Trois Baudets, Jacques Canetti, par ailleurs directeur artistique chez Philips, la repère et la programme chez lui dans un nouveau spectacle, Allegro. Elle publie son premier album, Montmartre, chez Columbia. Elle anime toujours Le Patachou, y programme des inconnus, comme le duo comique Les Pinsons formé par Raymond Devos et Pierre Verbecke.Une muse et interprète de caractèreEn 1952, en fin de nuit, elle auditionne un drôle de loustic, Georges Brassens. Il lui chante Le Gorille ou Putain de toi, des chansons qu’elle ne voudra jamais interpréter, contrairement à La Chasse aux papillons ou La Mauvaise Réputation qu’elle chante au Patachou avant de laisser l’inconnu monter sur scène, accompagné par le contrebassiste du lieu, Pierre Nicolas. Georges Brassens ne reniera jamais la dette qu’il eut à l’égard de celle qui le tira du découragement et de la lassitude qui l’avaient alors happé. Elle présente Brassens à Ray Ventura, puis à Jacques Canetti qui le fait embaucher chez Polydor et l’engage pour une tournée estivale avec Patachou et Les Frères Jacques. Mais c’est aussi par elle que seront découverts Guy Béart – elle fut une excellente interprète en 1957 de Bal chez Temporel –, Jacques Brel, Jean-Claude Darnal, Maurice Fanon, Hugues Aufray, Frida Boccara, Nicole Croisille, Charles Aznavour.Patachou était une muse, un agent actif de la chanson française. Elle fut aussi une interprète de caractère, qui inscrivait à ses tours de chant des classiques du répertoire : outre Brassens, Aristide Bruant (Rue Saint-Vincent, Nini peau d’chien), Léo Ferré (Le Piano du pauvre, en 1954), Francis Lemarque (Bal, petit bal), Charles Aznavour (Sur ma vie)... Des compositeurs et paroliers écrivent pour elle, comme Jamblan et Alec Siniavine qui lui offrent La Bague à Jules. On la voit chanter La Complainte de la butte dans le film French Cancan, de Jean Renoir (1955), dans lequel elle tient le rôle d’Yvette Guilbert.Une carrière aux Etats-UnisEn 1953, elle part en tournée dans le monde entier. « Gamine française avec un nom fascinant », selon la presse américaine, elle chante au Waldorf-Astoria et au Carnegie Hall à New York, puis partout aux Etats-Unis où elle fera une longue carrière – elle apparaîtra plus de vingt fois dans le « Ed Sullivan Show ». Elle poursuit sa carrière, triomphe à Bobino, à l’Olympia. Elle créé en 1960 une comédie musicale, Impasse de la fidélité, au Théâtre des ambassadeurs. Puis fête ses dix ans de carrière à l’ABC avec un pastiche de My Fair Lady.A la fin des années 1960, elle vend Le Patachou et prend la direction artistique du restaurant cabaret du premier étage de la Tour Eiffel en 1970. Deux ans plus tard, elle donne soixante récitals au Théâtre des Variétés, avec Gérard Calvi et son orchestre. En janvier 1973, elle se produit au Théâtre Fontaine. Patachou se consacre ensuite à sa carrière d’actrice – elle a aussi fait une belle carrière à la télévision, au théâtre et au cinéma où elle apparaît notamment dans Napoléon (Sacha Guitry, 1955), Faubourg Saint-Martin (Jean-Claude Guiguet, 1986), Cible émouvante (Pierre Salvadori, 1993) et Pola X (Leos Carax, 1999). Dates10 juin 1918 : naissance à Paris1956 : sortie de l’album Patachou chante Brassens1972 : soixante récitals au Théâtre des Variétés à Paris30 avril 2015 : mort à ParisVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.04.2015 à 17h47 • Mis à jour le30.04.2015 à 18h16 | Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil. Un hommage inventif.Sous la coupole du planétarium du Palais de la découverte, à Paris, sont projetés étoiles, planètes, nuages stellaires… Pour accompagner le voyage dans les phénomènes célestes, la musique des Beatles. Le mardi 14 novembre 2006, une centaine de journalistes découvrent le contenu de l'album Love. Un peu partout dans le monde, des séances d'écoute ont ainsi été organisées dans divers lieux. Love, en sortie mondiale le 20 novembre suivant, est le « nouvel album » des Beatles. C'est d'abord la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil, célèbre entreprise canadienne de divertissement, présenté dans une salle spécialement conçue à l'hôtel casino The Mirage, à Las Vegas. La première a eu lieu quelques mois auparavant, le 30 juin, et le spectacle est toujours à l'affiche.De l'avis de ceux qui l'ont vu, Love a de l'allure, avec ses multiples acrobaties, costumes et tableaux évocateurs de l'univers Beatles. Les chansons sont parmi les plus célèbres du groupe, de Because à All You Need is Love en passant par I Want to Hold Your Hand, Yesterday, Lucy in the Sky with Diamonds ou Hey Jude… Des succès qui ne sont pas tout à fait ceux entrés dans la mémoire collective. Chaque morceau est le résultat d'un mashup, un collage de compositions, parfois juste un fragment. Ainsi Lady Madonna à la mode Love inclut un riff de guitare de Hey Bulldog et un orgue tiré de I Want You. Dans Get Back surgit une partie orchestrale de A Day in the Life, etc.C'est au producteur historique des Beatles, George Martin, et à son fils, Giles, que l'on doit ces re-créations kaléidoscopiques, réalisées après la numérisation des bandes originales des pistes enregistrées par les Beatles depuis leurs débuts. Pour une partie de la critique et des fans, toucher au sacro-saint corpus original tenait du sacrilège, même avec l'aval de Paul McCartney, Ringo Starr et des familles de John Lennon (1940-1980) et George Harrison (1943-2001). Pour d'autres, dont nous sommes, il y a là un hommage plutôt réussi à la façon dont les Beatles ont utilisé les studios en terrain de jeux musical et d'invention.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale) Lunettes, casquette, grande barbe taillée au carré, bague à tête de mort : Kaaris, rappeur de Sevran et d’ailleurs, s’est produit au Printemps de Bourges, mercredi 29 avril, dans un concert rassemblant la jeune garde du rap « sale » français, très inspiré du rap du sud des Etats-Unis. Le public a scandé ses « punch lines », ces phrases coup de poing dont Booba, le découvreur de Kaaris en 2011, a longtemps été le maître. En coulisses, il laisse tomber pour un instant ses habits de mauvais garçon, affable et concerné, il sourit, dit que le dernier album de Booba, D.U.C., est « nul ». Les muscles, chez lui, c’est « de naissance. Je suis sorti comme ça du ventre de ma mère ». Aucune gonflette. Dans les loges, un de ses frères, tout en biscoteaux, est là pour témoigner de l’hérédité familiale.Lire aussi :Gradur, la ligne dure du rap « sale »Et comme « on ne perce pas avec des talons aiguilles », Kaaris en rajoute sur le hardcore, se fait crucifier pour misogynie et apologie de la violence. Là où on attendait Scarface, de Brian De Palma, en film préféré, Kaaris cite In the Mood for Love, de Wong Kar-wai. « Sa femme le trompe avec le voisin, et c’est beau, c’est très fort, très suave. J’ai un cœur, comme tout le monde. » Avoir du succès, « ça fait chaud au cœur, c’est mieux que l’inverse, mais il faut faire attention, c’est comme la vie, il y a un début et une fin ».Le rap est une succession de créneaux. « Le mien est plus alternatif, moi et mes gars, on ne fait pas la même chose que ceux d’hier » (la soirée Soprano, Black M). La vulgarité et la violence qui lui sont reprochées lui semblent un faux semblant « pour ne pas chercher le pourquoi du comment ». Le genre a ses styles : « J’ai été bercé par le rap de Rakim, Dr. Dre, Mobb Deep, ce n’est pas pour autant que je suis mal élevé et bête. » On y ajoutera les étalages de vulgarité, de porno, de séries violentes proposés sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Le rap, dit Kaaris, n’est à ce titre pas étranger à la France d’aujourd’hui, il l’accompagne.« Il faut tout prendre au second degré »« Je suis totalement français, si ce n’est pas une couleur, mais un mode de vie, une pensée, des souvenirs, des odeurs, des souvenirs, là oui. » Les communautarismes ? Les médias en sont largement responsables, qui montent en mayonnaise les clivages, « caméras branchées en permanence » sur ce qui déraille « et non sur le positif. Et les mômes répètent ce qu’ils entendent à la maison, et ce n’est pas toujours juste malheureusement. Mais c’est parfois difficile d’élever des enfants, surtout dans les familles monoparentales. Et franchement, le clivage entre les riches et les pauvres est de pire en pire. Avec 1 200 euros, quand tu les as, tu finis pas les fins de mois, c’est compliqué. J’ai vécu à Sevran dans un quartier assez pauvre, avec un côté rural aussi. Les gens n’ont pas foi en l’avenir, ils n’ont pas envie d’écouter les conseilleurs ». Un rappeur n’est pas un leader d’opinion aujourd’hui. « A ses débuts, oui, le rap avait des messages. Mais c’est devenu un business, un divertissement, je n’ai jamais eu la prétention d’être porte-parole de quoi que ce soit. Il faut tout prendre au second degré. Nulle part dans le monde, des populations se sont soulevées à cause d’une musique. La vie réelle, aller travailler, aller charbonner, c’est autre chose que d’écouter de la musique dans sa bagnole. » Kaaris est d’origine ivoirienne. « Connaître ses racines, c’est important. Je pars en Côte d’Ivoire pour un concert, je vais dans la famille. Le monde a besoin de jeunesse pour se construire, et l’Afrique est très jeune. » Pas de traces pour autant de rythmique africaine dans ses morceaux, quand beaucoup de ses jeunes confrères utilisent désormais des lignes de basse ultra-dansantes, héritées du coupé-décalé ou du zouglou ivoirien. « Non, moi musicalement, c’est les States. » Comprendre Atlanta, en Géorgie : « J’aime ce rap-là, ce sont des précurseurs. »« Les policiers sont des gens comme nous »Parmi les titres de son dernier album, Le Bruit de mon âme (Deff Jam/Universal), Kaaris cite Zone de transit, qui le fait « voyager, quitter le sol, avec ce sentiment qu’on a avant de partir » : « J'suis défoncé comme un shaman/J'm'accroche à ce jeu comme un clando sous les essieux/Comme un gosse fait des vœux, le regard vers les cieux/Becoli veut du Louis Vi, Aminata veut du Fendi/My life is a movie dirigé par Fellini/Le sang des colonies, j'sors le fer comme le cromi. » Et puis Voyageur, conçu avec Blacko, d’origine réunionnaise : « La Réunion, il a les papiers, c’est plus facile, parce que sinon… » Avoir des papiers, se coltiner les violences policières. « Fuck la police », doigt levé en concert, la jeunesse scande son aversion pour les forces de l’ordre, avec Kaaris. « Et pourtant, il y a plein de jeunes policiers qui écoutent Kaaris. Nous, on a l’impression que les policiers sont des gens comme nous [pas toujours recommandables], mais ils ont la loi pour eux. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent. » Les lignes rouges de la loi sont floues, selon Kaaris. On l’interprète. Le cannabis est interdit, il est partout, y compris dans les concerts. « Le racisme est toujours très vivant. Aux Etats-Unis, le nouveau Ku Klux Klan est en bleu. Les flics tirent sur les Noirs. Je déteste tout cela. » La violence est nulle, dit-il. « Dans le magasin casher de la porte de Vincennes, il y aurait pu aussi avoir ma mère qui achetait ses tomates. »Voir aussi le visuel interactif : Revivre le Printemps de Bourges en 11 vidéosVéronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Paul Benkimoun (Angers) « Vingt ans, c’est long pour un projet ». Mercredi 29 avril, à l’issue de la série de six représentations, à Nantes puis à Angers, de l’opéra jazz La Tectonique des nuages, dont il a composé la musique, Laurent Cugny était heureux mais avec le sentiment de quelque chose qui ne se reproduira peut-être plus. Grâce à l’engagement d’Angers Nantes Opéra et de son directeurJean-Paul Davois, au « soutien constant depuis le début de la Fondation BNP Paribas », lui, le metteur en scène et librettiste François Rancillac, ainsi que le chanteur et auteur des textes chantés Yann-Gaël Poncet, ont enfin pu donner vie sur scène à leur œuvre commune.Adapté de Cloud Tectonics, du dramaturge portoricain José Rivera, ce conte merveilleux n’avait jusqu’ici été donné qu’en version de concert, sans mise en scène ni décor, en 2006 à Jazz à Vienne, puis au Théâtre de la Ville à Paris, à Saint-Etienne et à Nantes. Une dizaine de représentations au total suivies d’un enregistrement audio en 2010.On imagine sans peine le sentiment d’accomplissement éprouvé par les créateurs d’avoir pu cette fois pleinement déployer cette production. Pour autant, rien n’assure que ce spectacle inventif intégrant judicieusement la vidéo et servi par des chanteurs et des musiciens remarquables, sera à nouveau accessible aux spectateurs. D’où le sentiment doux-amer d’être arrivé à bon port mais pour peut-être le dernier voyage.L’espace et le tempsL’argument de l’opéra sollicite l’espace et le temps. Dans un Los Angeles accablé par un déluge incessant, apparaît une femme sortie de nulle part, Celestina del Sol. Son temps n’est pas celui des hommes, leurs années sont des secondes pour elle et leurs vies passeront quand elle n’aura vécu que quelques mois. Le temps se fige avec elle : enceinte depuis deux ans, elle a 54 ans mais en paraît 25. Lorsqu’elle entre dans la vie d’Anibal de la Luna, jeune homme portoricain qui l’abrite chez lui, les horloges s’arrêtent. Si l’amour naît entre eux, il saisit aussi Nelson, le frère d’Anibal. Aussi soucieux d’être un bon Américain que son frère, Nelson s’est engagé dans l’armée des Etats-Unis et reviendra deux ans plus tard, quelques minutes pour Anibal. Celestina donnera naissance à son enfant et repartira de nouveau dans son errance. Aussi insaissible que pourraient l’être « l’architecture du silence, la tectonique des nuages ».La musique, l’interprétation, la dramaturgie, la scénographie, les lumières sont superbes, créant une atmosphère semi-onirique, jouant avec le temps, avec l’espace. L’écriture s’est accomplie à travers de longs échanges d’abord entre Laurent Cugny et François Rancillac, qui suggéra de partir de la pièce de José Rivera, puis avec Yann-Gaël Poncet. Ce dernier proposait des textes à Laurent Cugny afin qu’il écrive les musiques, et parfois rédigeait les paroles sur des thèmes musicaux de Cugny.Disciple de Gil EvansDisciple de l’arrangeur américain Gil Evans, célèbre notamment pour sa collaboration avec Miles Davis, pianiste et musicologue, Laurent Cugny est l’une des voix les plus originales de l’écriture orchestrale en France. Que ce soit avec feu-son big band Lumière, fondé en 1979 et prolongé par l’Orchestre national de jazz, dont il assura la direction de 1994 à 1997, ou en petite formation, il possède le talent d’écrire de prenantes mélodies aux courbes gracieuses sans s’enfermer dans les formes traditionnelles de chansons. Dans La Tectonique des nuages, le chanteur David Linx offre, entre autres, une splendide interpration d’Eva, le souvenir d’un amour passé qui resurgit en Anibal. L’étendue de sa tessiture et les subtilités de sa voix servent parfaitement la musique et les paroles. Présence scénique saisissante, voix et diction parfaitement en place, Laïka Fatien fait plus qu’incarner Celestina, tandis que Yann-Gaël Poncet ne se ménage pas dans le rôle de Nelson.Un objet atypiqueL’envie d’écrire un opéra ne date pas d’hier pour Laurent Cugny : « Le déclic est venu en 1993 où j’ai assisté à une représentation de Carmen Jazz, avec Dee Dee Bridgwater à Jazz à Vienne. Mais, je ne voulais pas simplement swinguer une partition existante ou écrire une suite de chansons. De même, j’excluais de situer l’action dans le monde du jazz ou de prendre pour personnages des musiciens de jazz. Je tenais aussi à une économie générale légère : pas plus de trois personnages et un orchestre de dix musiciens plutôt qu’un big band traditionnel. »En choisissant de créer un objet atypique, Laurent Cugny et ses compagnons d’aventure n’ont pas opté pour le chemin le plus facile : le milieu de l’opéra s’est montré condescendant et le petit monde du jazz a fait la fine bouche. Comme si un opéra jazz était un enfant illégitime dont personne ne s’empressait de reconnaître la paternité. Le résultat mérite pourtant des éloges.De plus, il fallait voir les 120 jeunes présents au Grand Théâtre d’Angers, bien plus nombreux que dans n’importe quel festival ou concert de jazz. La série de représentations à Nantes et à Angers a été accompagnée d’un impressionnant cortège d’actions pédagogiques auxquelles 400 jeunes ont participé en Pays de Loire. La dernière soirée à Angers a fait l’objet d’une captation. Il ne reste plus à espérer que d’autres scènes accueilleront  La Tectonique des nuages. C’est tout le mal que l’on souhaite au public.Paul Benkimoun (Angers)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau L’homosexualité demeure un sujet tabou dans l’univers du ballon rond (jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport).Sur les vingt clubs de football évoluant en Ligue 1, un seul a accepté d’ouvrir ses portes aux équipes d’« Enquêtes de foot ». En l’occurrence, le Stade de Reims, où seuls l’entraîneur Jean-Luc Vasseur et le défenseur Franck Signorino ont bien voulu s’exprimer. Les autres clubs, quand ils ont daigné leur répondre, les ont éconduites au motif qu’ils manquaient de temps, qu’ils ne se sentaient pas concernés, que le sujet n’était pas une priorité ou bien trop sensible.Taboue, la question de l’homosexualité l’est dans le petit monde du football, où les allusions sexistes et homophobes s’envolent des tribunes, en chantant, comme à Marseille, sur l’air de « Celui qui ne saute pas est un pédé ». Lorsqu’elles ne sortent pas de la bouche même de certains dirigeants de club, comme Louis Nicollin qui, en 2013, qualifia, à la suite du match opposant son équipe à celle d’Auxerre, le joueur Benoît Pedretti de « petite tarlouze ».Aujourd’hui, le président de Montpellier se défend de toute homophobie et dénonce le politiquement correct d’un tonitruant « C’est tous des cons, ceux qui pensent que cela choque. » Or, n’en déplaise au dirigeant montpelliérain, de tels propos nourrissent peur, gêne, honte et enferment dans le silence ceux qui voudraient vivre librement leur sexualité.Frilosité des instances dirigeantesPour preuve, rares sont les joueurs ayant fait leur coming out. En France, seul Olivier Rouyer l’a fait, une fois sa carrière terminée. Tout comme l’ancien international allemand Thomas Hitzlsperger. Il est vrai que le suicide, en 1998, de Justin Fashanu, seul joueur à avoir révélé son homosexualité alors qu’il était en activité, continue de hanter les mémoires.Si, au fil de son enquête, Arnaud Bonnin souligne l’impact de ces discours homophobes auprès des jeunes joueurs – notamment ceux du centre de formation de Strasbourg qu’il a interrogés –, il pointe aussi, à raison, la frilosité des instances dirigeantes pour lutter contre l’homophobie.En octobre 2014, la Ligue de football invitait tous les joueurs de Ligue 1 à porter des lacets arc-en-ciel. Importée d’Angleterre, cette opération, destinée à promouvoir une meilleure acceptation des homosexuels, fut placée en France sous le signe de la diversité… Question de pragmatisme, expliquent les organisateurs. Ou d’hypocrisie, c’est selon. Dans tous les cas, la Fédération française de foot n’envisage toujours pas de plan de lutte contre l’homophobie, contrairement à ses homologues des Pays-Bas, d’Allemagne et des Etats-Unis.Signalons qu’outre ce sujet, le magazine « Enquêtes de foot », animé par Astrid Bard, propose un reportage sur « Le Peuple vert » ainsi que, dans la rubrique « Droit de suite », un retour sur la carrière en demi-teinte du goleador (« buteur ») colombien Radamel Falcao.« Homos, le dernier tabou », d’Arnaud Bonnin (Fr., 2015, 26 min). Jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Emmanuelle Devos et Mathieu Almaric, côte à côte, dans « Arrête ou je continue », comédie amère de Sophie Fillières (jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX).C’est un voyage en forêt, comme d’autres, naguère, firent un voyage en Italie alors même que leur couple s’étiolait. A la fois complices mais déjà en voie de détachement, Pomme (Emmanuelle Devos) et Pierre (Mathieu Amalric) commencent par se retrouver à un vernissage dans une galerie de photos. L’une veut rester, l’autre veut immédiatement s’en aller.Rien n’est simple, d’autant que la jalousie affleure sans cesse dans ce couple en voie de décomposition. A présent, les voilà dans la rue. Un bus de nuit qui passe : Pierre se précipite sans prêter la moindre attention à Pomme, qui finalement le rejoint. Instants décisifs où tout commence à basculer sans que le cerveau s’en aperçoive forcément.« Fais gaffe à l’avenir », « J’ai peur »… Le couple se délite peu à peu. Amalric et Devos face à face, côte à côte, mais jamais là l’un pour l’autre. Plus grand-chose à se dire, sinon quelques sarcasmes mal sentis. Il la dénigre. Elle le rabaisse. Du grand art. Un peu plus tard, Pierre et Pomme se préparent à partir en forêt. « Si on part à deux, on va s’entre-tuer. »Les habitudes de couple sont les plus fortes, celles qui survivent le plus longtemps, même quand tout s’est cassé par ailleurs. Marcher sans se dire un mot. L’un derrière l’autre. Jusqu’à cet instant ultime où Pomme osera lui lancer : « Rentre, toi. Moi, je reste. Laisse-moi le sac, ton K-Way, le pull. » Avant de s’enfoncer dans la forêt, comme on entre dans la mer.Deux comédiens formidablesArrête ou je continue, le film de Sophie Fillières, raconte l’histoire d’un couple qui a fini de s’inventer. Les deux protagonistes savent d’autant moins comment se l’avouer qu’ils se sont naguère aimés. N’ayant pas de mots pour le dire, ou plutôt préférant n’en rien dire, Pomme décide de disparaître, d’entrer en forêt afin de retrouver les sensations originelles, de celles qui prouvent indubitablement que l’on existe : le froid, la faim, la fatigue, la solitude.Pierre et Pomme, ce pourrait être le titre d’une nouvelle de Maupassant. Ce pourrait être aussi un conte pour enfants. Pomme est seule. Délibérément seule, puisqu’elle a décidé qu’il en serait ainsi. Et voilà tout à coup qu’elle aperçoit un chamois pris au piège dans une excavation. Instant magique, Emmanuelle Devos et le chamois, les yeux dans les yeux, comme s’il suffisait de se regarder, de s’écouter, dirait-on, pour trouver une issue à l’impasse.Il faut insister sur la performance des deux acteurs – non pas le chamois, encore qu’il soit, lui aussi, excellent –, Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric. L’une toute en nuances, n’hésitant pas à jouer avec son corps pour mieux figurer et l’enfermement qui l’étouffe et le fait qu’elle ne va pas tarder à s’en extraire. Lui, étrange jusqu’à en paraître inquiétant, incandescent jusqu’à approcher ce point de folie que seuls quelques grands acteurs savent atteindre. Une femme et un homme. Deux comédiens formidables pour quelques instants de cinéma qui ne le sont pas moins. Tant pis si ça ne marche plus entre eux. Tant mieux si la vie parvient à reprendre le dessus.« Arrête ou je continue », de Sophie Fillières (Fr., 2014, 90 min). Jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX.Franck NouchiJournaliste au Monde 08.05.2015 à 17h32 • Mis à jour le08.05.2015 à 19h02 | Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster », du Grec Yorgos Lanthimos, est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre. Ce chef-d’oeuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du développement de l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Anne Eveno « Nous avons des nouvelles. Veuillez vous joindre à nous le 20 mai ». L’invitation, énigmatique, provient de Spotify, le numéro un mondial du streaming musical sur internet. Pour de nombreux spécialistes cette conférence new-yorkaise du groupe suédois aura pour objet de présenter la toute nouvelle diversification de Spotify, à savoir une entrée sur le marché du streaming vidéo.Une hypothèse qui prend d’autant plus de crédit que le Wall Street Journal a révélé, jeudi 7 mai, que Spotify aurait entamé des négociations avec plusieurs grands groupes et fournisseurs de contenu, qui pourraient proposer des séries et shows exclusivement réservés à Spotify.Le quotidien cite parmi les entreprises ayant pris langue avec Spotify, Time Inc., Tastemade, Maker Studios et Fullscreen. Spotify aurait aussi pris contact avec des acteurs, qui travaillent déjà avec YouTube, à la fois pour acheter leurs productions mais également pour co-créer des séries vidéo originales.Selon les sources citées par le quotidien américain, le service envisagé par Spotify serait à la fois disponible pour les abonnés et les non abonnés, et comprendrait de la publicité. Un modèle dual proche de celui développé par Spotify dans le streaming musical.Le groupe, dirigé par Daniel Ek, offre pour 10 euros par mois, la possibilité d’écouter en illimité un catalogue de 20 millions de morceaux sur smartphone et ordinateur. En mode gratuit, l’écoute est entrecoupée de spots publicitaires. Sur les 60 millions d’usagers, un quart sont des abonnés.Marché plus rentable que la musiqueBien que leader sur ce marché, devant des acteurs comme le français Deezer ou les américains Beats (propriété d’Apple) et Pandora, Spotify ne parvient pas à gagner d’argent. En 2013, la start-up, qui reverse 70 % de ses revenus aux ayants droit de ses musiques, a encore perdu 57,8 millions d’euros, après un déficit de 87,6 millions l’année précédente.Or, dans ce contexte, la start-up dont la valorisation atteint 8,4 milliards de dollars, voit l’univers concurrentiel se durcir : relance par le rappeur Jay-Z de Tidal, une plate-forme de streaming 100 % payante et arrivée annoncée d’Apple.La firme de Cupertino travaille actuellement à fusionner les services de Beats et de l’écosystème iTunes et pourrait présenter son offre le 8 juin.Lire aussi :Jay-Z enrôle des stars pour convaincre leurs fans de payerAvec cette entrée sur le marché de la vidéo sur internet, il s’agit pour Spotify de trouver de nouvelles sources de revenus. Même s’il compte de nombreux acteurs aussi variés et aux modèles aussi différents que YouTube, Facebook, Netflix et Hulu par exemple, ce secteur de la vidéo en ligne apparaît également plus rentable.Ainsi Netflix, par exemple, peut se targuer d’avoir enchaîné, depuis 2010, les exercices bénéficiaires. En 2014, le groupe de streaming a gagné 266 millions de dollars.Lire aussi :YouTube va lancer une offre sur abonnementLes atouts de Spotify pour se lancer sur ce marché hyperconcurrentiel tiennent à sa connaissance de ses usagers actuels. Il possède déjà beaucoup de données sur les goûts et habitudes de ses utilisateurs.Cela pourrait lui permettre de produire et fournir des contenus plus adaptés aux centres d’intérêts de chacun, avance le Wall Street Journal.Anne EvenoJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Le futur projet de loi sur le numérique inclura la proposition d’un « droit de panorama » en France, a confirmé la secrétaire d’Etat au numérique, Axelle Lemaire, lors de son audition, le 18 mars, par la commission numérique de l’Assemblée nationale. Cette exception au droit d’auteur, déjà adoptée dans de nombreux pays, permet de reproduire, en particulier par des photographies ou des vidéos, des œuvres visibles dans l’espace public sans avoir à demander d’autorisation ou s’acquitter de droits.A une époque où les réseaux sociaux, Instagram en premier lieu, et les blogs partagent massivement des photos d’œuvres en extérieur comme en intérieur, chacun a tendance à oublier qu’en France, les œuvres d’art restent couvertes par le droit d’auteur du vivant de l’artiste, puis 70 années après sa mort. Si les usages font fi de cette règle, c’est que ce flot de reproductions est tout simplement impossible à contrôler. Mais aussi parce que les artistes le tolèrent, voire l’encouragent, tant qu’il ne leur porte pas préjudice. C’est notamment le cas lorsque les images sont utilisées à des fins commerciales – elles peuvent alors donner lieu à des demandes de compensation financière.Variantes du dispositifLes modalités de la liberté de panorama varient suivant les pays qui l’ont adoptée. Ainsi elle s’étend jusqu’à l’intérieur des bâtiments publics en Grande-Bretagne, en Inde ou en Australie, où elle est la plus large. Elle ne concerne que les bâtiments aux Etats-Unis et en Russie, ou inclut les sculptures en Allemagne, en Espagne ou au Canada. Alors que le projet de loi numérique est attendu pour la rentrée devant le Parlement, on ne connaît pas encore les modalités de la version de cette exception proposée pour la France, incluse dans un projet de loi vaste, centré sur l’économie et l’innovation, la modernisation de l’action publique et la protection des données personnelles.Deux voix se sont récemment opposées sur le sujet publiquement : Wikimedia France (l’association qui chapeaute, entre autres, le projet Wikipedia sur le territoire français) et l’ADAGP, la société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts graphiques et plastiques (l’équivalent de la Sacem pour la musique). Les deux structures sont fondamentalement en désaccord concernant les conditions auxquelles devrait être astreinte toute reproduction d’une œuvre dans l’espace public dans le cadre de la liberté de panorama. Wikipedia revendique la nécessité d’images en haute définition pouvant être commercialisées et modifiées, ce qui est jugé inacceptable par l’ADAGP.Une directive européenneLa liberté de panorama est une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne sur le droit d’auteur de 2001. Des amendements en sa faveur ont déjà été rejetés à deux reprises en France : lors de la transposition de cette directive par la loi DADVSI, en 2006, puis à l’occasion de l’examen à l'Assemblée nationale d’un projet de loi sur la copie privée, en 2011.Lors du second rejet de l’Assemblée nationale, les députés avaient pointé l’absence d’études d’impact d’une telle disposition. Aujourd’hui, l’ADAGP met en avant les conséquences financières non négligeables qu’entraînerait cette disposition pour les artistes : « Selon la manière dont cette liberté de panorama est envisagée, nous estimons que ce sont entre 15 et 19 % des droits que nous collectons qui disparaîtraient chaque année, soit 5 à 6 millions d’euros en moyenne », affirme Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP.A la mi-avril, l’ADAGP adressait un mailing à tous ses adhérents directs, soit 11 000 auteurs (sur les 120 000 qu’elle représente par des accords internationaux), pour les alerter et les mobiliser face à l’impact potentiel de la disposition pour « les œuvres d’architecture, les sculptures, les fresques, les graffs… ». « Si cette exception devait effectivement voir le jour, tout un chacun pourrait les utiliser, dans un but commercial ou non, et éditer affiches et cartes postales, tourner des films, voire s’en servir dans une publicité, sans votre accord et sans payer de droits d’auteur », détaillait ainsi dans le courrier sa directrice générale, Marie-Anne Ferry-Hall, dénonçant une telle exception comme « injuste, illégitime et dévastatrice ».Du côté de Wikimedia, qui avait publié en octobre 2011 dans Le Monde une tribune intitulée « Rendre aux Français leur paysage architectural » pour militer en faveur de la liberté de panorama, on met, au contraire, en avant une « mission », qui est de « créer de la connaissance libre, que chacun puisse utiliser. » Christophe Henner, président de Wikimedia France, pointe ainsi les difficultés rencontrées par Wikipedia pour illustrer ses articles : « Nous sommes hébergés aux Etats-Unis, mais nos utilisateurs contributeurs étant soumis au droit de leur pays, nous ne pouvons pas garder les photos de bâtiments partagées en France. En revanche, si un Allemand met sa photo du même bâtiment français en ligne depuis l’Allemagne, c’est légal. Les œuvres françaises sont donc documentées par les étrangers. » Conséquence directe de cette situation, qu’il déplore : « Le patrimoine parisien est bien représenté, mais pas celui du reste du pays. »« Un débat malhonnête »Le président de Wikimedia assume pleinement l’exploitation commerciale des photographies qu’autorise Wikimedia Commons, la base de données multimédia dans laquelle pioche Wikipedia pour illustrer ses articles. « C’est une valeur que nous portons : on ne doit pas empêcher la diffusion de la connaissance. Or, il y a plein de bonnes idées de commercialisation. Dans certains endroits où la présence d’Internet est extrêmement faible et où l’accès au savoir peut passer par la commercialisation de contenus de Wikipedia imprimés par des associations, nous ne voulons pas empêcher un usage commercial. On peut aussi imaginer une appli mobile touristique qui piocherait dans nos photos pour mettre en valeur le patrimoine français », détaille-t-il. Thierry Maillard, le directeur juridique de l’ADAGP, estime pour sa part que « le débat est malhonnête dès lors que l’on va permettre à n’importe qui de gagner de l’argent avec ces photos. »Christophe Henner, qui estime le système actuel dépassé, s’étonne que le modèle ait évolué partout ailleurs : « La France va-t-elle devenir le seul pays où ce ne sera pas possible dans un monde globalisé et numérique ? ». A l’inverse, le représentant de l’ADAGP assure que « c’est un système qui fonctionne, et les marques trouvent ça normal de payer pour utiliser des œuvres. » Il réfute les accusations d’archaïsme : « On trouve des contrats adaptés à chaque situation, avec des accords très flexibles quand cela s’impose, tout en restant raisonnables pour les ayant-droits. On ne veut pas interdire des usages, on refuse simplement qu’il y ait un enrichissement sur le dos des artistes. » Le cas des graffeursGoogle est pointé du doigt : « Il y a un déficit de protection des arts graphiques sur Internet, notamment au bénéfice de Google, qui ne paie aucun droit avec Google Images, un service certes gratuit, mais déployé au sein d’une marque commerciale, qui génère plus de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Si l’exception de panorama devait être consacrée, ce serait évidemment très confortable pour eux, puisqu’ils pourraient diffuser massivement – et sans avoir à se soucier du sort des auteurs – des images en HD », ironise Thierry Maillard.Wikimedia opère, de son côté, une distinction entre architecture, art contemporain et street art. « Nous sommes pour que l’on n’inclue pas dans cette exception les œuvres présentées de façon temporaire et les graffs. Nous comprenons l’argumentaire : les artistes dépendent de leur droit d’auteur pour vivre. Ce n’est pas le cas des architectes, qui vivent de la vente de leurs bâtiments, et pour qui les droits d’auteur sont un complément de revenu », précise Christophe Henner. Il relève, malgré tout, qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, « deux pays où la scène du street art est très forte », la liberté inclut le graffiti.« Il y a pas mal d’adhérents à l’ADAGP parmi les artistes de street art, c’est qu’ils estiment que c’est utile, quand bien même il y a dans le street art une philosophie de l’art pour tous et du partage sur Internet, relève Pierre Lautier, avocat spécialiste en droit de la propriété intellectuelle. Dans le cas de pubs ou de shootings de mode devant des graffitis, par exemple, ils peuvent exiger des droits. »« Un gadget face à une philosophie »Pour Pierre Lautier, le droit d’auteur est assez souple pour ne pas avoir nécessité l’ajout d’une exception comme la liberté de panorama. « J’ai l’impression qu’on sacrifie le droit moral à une mode actuelle, pour ne pas passer pour un pays de ringards. Les usages évoluent, mais la loi doit pouvoir être adaptée dans le respect du statut artistique. »« Le débat est compliqué, confirme Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste du droit d’auteur. Si l’on instaure le droit de panorama du jour au lendemain alors que tout n’a pas été mis à plat, ce sera un échec. » Selon lui, « il s’agit d’un gadget, par ailleurs très démago, face à une philosophie. On ne doit pas autoriser à foutre par terre un principe de droit d’auteur qui a près de 250 ans », s’agace l’avocat.Pour l’avocat, si in fine l’exception au droit d’auteur était adoptée de la façon la moins offensive possible, « cela aboutirait à une tolérance pour les usages non commerciaux… ce qui existe déjà. » Une éventualité qui ne satisferait pas Christophe Hennel : « Une liberté de panorama réservée aux usages non commerciaux la rendrait de fait caduque pour Wikimedia. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen, présidents du Festival de Cannes 2015, n’a pas fait grand bruit. C’est au fil des ans et des fans que cette ode à la non-performance s’est imposé comme un phénomène mondial. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 07.05.2015 à 15h33 • Mis à jour le07.05.2015 à 20h22 Hip-hopLa culture urbaine s’exprime à La Villette Jusqu’au 17 mai, les amateurs de hip-hop et de toute la culture urbaine qui l’accompagne ont rendez-vous à La Villette à Paris où quelque deux cents artistes se succèdent pour des shows et performances. Parmi les groupes les plus attendus de cette deuxième édition du Villette Street Festival, la compagnie Swaggers dirigée par Marion Motin et les Enfants prodiges.Grande Halle de La Villette, à Paris.Lire aussi :Graff, glisse et hip-hop à Villette StreetOpéraTous à l’opéra ! : une plongée dans l’univers lyrique Une centaine d’opéras, dont vingt-huit en France, ouvriront leurs portes gratuitement samedi 9 et dimanche 10 mai pour la neuvième édition de Tous à l’opéra !, manifestation qui mobilise de nombreux pays européens. L’initiative, qui vise à désacraliser ce genre musical, a cette année pour parrain Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra de Paris. Répétitions, visites des ateliers de costumes, concerts : une plongée dans l’univers lyrique et la découverte de ses coulisses, le temps d’un week-end.Tous à l’opéra !Lire aussi : Philippe Jordan, au son du pèreCinémaLes combats de ZanetaEn suivant le parcours d’une jeune mère confrontée au racisme et à la misère (Klaudia Dudova, remarquable dans le rôle), le cinéaste tchèque Petr Vaclav décrit de manière forte et sensible la mécanique de la marginalisation de la population rom. Son film est diffusé dix-neuf ans après Marian, qui évoquait déjà la condition des Roms, sujet qui passionne le cinéaste.Film tchèque de Petr Vaclav avec Klaudia Dudova, David Istok, Milan Cifra (1 h 43).Lire aussi :« Zaneta » : une Rosetta romPhotographieDes chasseurs face à leurs proies Pierre Abensur photographie des chasseurs à travers le monde, mais plutôt que de capturer ses modèles sur le vif, il a préféré les faire poser en pleine nature, en costume de ville et à côté de leur trophée. Le résultat, à la fois étrange et burlesque, interroge cette tradition universelle qui consiste à vouloir conserver et exhiber le cadavre de l'animal qu'on a tué. Une exposition qui sied au Musée de la chasse, qui mêle de façon intelligente l’art contemporain et les traditions cynégétiques.Musée de la chasse et de la nature, à Paris.Lire aussi : Les chasseurs font le showLire aussi :Claude d’Anthenaise : pilote de chasseThéâtre« Le Chagrin », quand le banal touche l’universel La metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen, qui croit aux vertus de l’écriture collective, convoque l’enfance avec sa compagnie Les Hommes approximatifs. Cette enfance inscrite en chaque être humain comme une Atlantide engloutie, toujours prête à refaire surface… Dans l’étonnant décor imaginé par Alice Duchange, inspiré par l’art brut, un frère et une sœur se retrouvent après la mort du père et les souvenirs remontent.Lire aussi :Caroline Guiela Nguyen, lestée d’enfanceThéâtre de la Colline, à Paris.ArtsVélasquez et ses disciples : une leçon d’histoire de l’art Bien que les toiles les plus volumineuses n’aient pas quitté le Musée du Prado, l’exposition consacrée à Diego Vélasquez (1599-1660) au Grand Palais réunit des merveilles, parmi lesquelles la Vénus au miroir, venue de la National Gallery de Londres. Ces œuvres sont environnées de tableaux d’autres artistes de la même époque comme Francisco Pachedo, qui fut le maître de Vélasquez à Séville ou Juan Bautista Martinez del Mazo, qui fut un de ses disciples, et auquel on attribue des toiles qui seraient peut-être de la main de son maître… Une exposition précieuse à découvrir jusqu’au 13 juillet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Vélasquez peint d’abord des énigmesCinéma« Les Terrasses » : une plongée dans AlgerDepuis plusieurs films, Merzak Allouache, réalisateur de Chouchou, dépeint une société algérienne gangrenée par la violence et la montée de l’intégrisme. Issu d’un tournage express dans des quartiers historiques d'Alger, son nouveau film, Les Terrasses, articule cinq histoires, évoquant autant de facettes de la société algérienne d’aujourd’hui, qui se déroulent uniquement sur des terrasses.Film franco-algérien de Merzak Allouache avec Nassima Belmihoub, Adila Bendimerad (1 h 31).Lire aussi :« Les Terrasses » : cinq points de vue sur AlgerArtsMarkus Lüpertz : peindre l’âme allemande Depuis plus d’un quart de siècle, ses vastes tableaux intensément colorés, peuplés de figures humaines incomplètes ou envahies par des formes denses et tranchantes, ses corps et têtes de bronze sont devenus célèbres. L’artiste allemand n’a cessé d’inclure dès ses débuts dans son œuvre des « motifs allemands » – casque de la Wehrmarcht, roues de canon – qu’il croise avec des références à la mythologie grecque. Exposé au Musée d’art moderne de la Ville de Paris pour une grande rétrospective, il déclare continuer à peindre « contre la peur ».MAMVP, à Paris.Lire aussi :Markus Lüpertz, « typisch Deutsch »ArchitectureLe Corbusier, inventeur de formes Le Centre Pompidou consacre une vaste exposition à Charles-Edouard Jeanneret, né en 1887 en Suisse, installé à Paris en 1917, devenu Le Corbusier en 1922, naturalisé français en 1930 et mort en 1965. Un maître de l’architecture dont la mémoire se voit, parallèlement à l’exposition, sérieusement égratignée par trois livres évoquant la part obscure du personnage, sa fréquentation de cercles fascistes dans la France des années 1930, son installation à Vichy de 1941 à 1942, sa fascination pour les régimes totalitaires, son antisémitisme. Nulle trace de ce passé trouble dans l’exposition, dont l’objet est de montrer comment le corps humain a guidé la pensée et les créations de l’architecte.Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Du béton et des plumesArtsL’univers peuplé de spectres de Jörg Immendorff Cela faisait plus de vingt ans que Jörg Immendorff (1945-2007) n’avait été exposé en France. La dernière fois que l’on avait pu y voir l’œuvre singulière de l’artiste allemand, c’était au centre d’art de Meymac (Corrèze). C’est dire si l’exposition que lui consacre, jusqu’au 14 juin, la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes) mérite que l’on si arrête. On y découvrira une œuvre riche en symboles et allusions, pastichant l’histoire de l’art comme celle de l’Allemagne.Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence.Lire aussi :Les satires à tiroirs de Jörg Immendorff à la Fondation Maeght Frédéric Edelmann Décidément, rien ne se passe vraiment comme on veut avec Le Corbusier, de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret-Gris (1887-1965). Voici qu’à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, et parallèlement à l’exposition du Centre Pompidou (« La mesure de l’homme », jusqu’au 3 août), trois volumes sortent qui entendent retracer l’histoire de sa vie. Il en existe cent autres, mille autres, plus au moins ambitieux, comme celui où, en près de 1 000 pages, Nicholas Fox Weber trace un portrait plutôt souriant d’un Corbu qui ne l’était pas souvent, si l’on en croit ses photographies (C’était Le Corbusier, Fayard, 2009). Les trois nouveaux, celui de Marc Perelman, Le Corbusier. Une froide vision du monde (Michalon, 256 p., 19 €), celui de Xavier de Jarcy, Le Corbusier. Un fascisme français (Albin Michel, 288 p., 19 €), celui enfin de François Chaslin, Un Corbusier, à des degrés divers, règlent son compte à l’architecte, portant un œil torve et triste sur la carrière de cet homme qui n’en avait qu’un, d’œil.Tant et si bien que la planète corbuséenne, sévèrement régie par cette fondation qu’il avait lui-même créée pour s’assurer la postérité qu’il se sentait mériter, s’apprête à exploser, agitée par un flot de courroux dont rendent compte des échanges de courriers furibards. Laissons de côté le Perelman, plutôt mesuré dans sa manière de regarder l’architecte et cette fameuse pensée fasciste qui semble devoir lui coller désormais à la peau. De même pour l’ouvrage de Jarcy, qui fait un lien direct entre cette pensée fasciste... Roger-Pol Droit Depuis un temps fou, l’Europe ressasse cette ritournelle : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. » Platon a inventé le refrain, l’attribuant à Socrate. Montaigne a composé de nouveaux arrangements, Schopenhauer en a donné une version symphonique. Rien ne certifie toutefois que ce tube antique, bien qu’il exerce une fascination durable, ait pu fonder son succès sur une efficacité quelconque. La partie que la philosophie joue avec la mort demeure interminable et son issue incertaine. Simon Critchley, professeur à la New School for Social Research de New York, le sait bien. Ce philosophe – auteur d’une œuvre abondante et diverse, figure importante de la presse et de l’édition dans le monde anglo-saxon – a pour Thanatos une fascination non feinte. Avec Les philosophes meurent aussi – traduit en français chez François Bourin, en 2010 –, il décrivait par le menu les trépas singuliers de nombreux penseurs. Ce livre insolite, érudit et amusant, a connu un succès international. A présent, Critchley propose un déconcertant journal de sa propre fin.Précisons, à l’attention des personnes sensibles, qu’il... 07.05.2015 à 10h14 • Mis à jour le07.05.2015 à 11h43 | Florence Bouchy Lorsque, après vous avoir accordé un long et passionnant entretien, Alain Fleischer vous glisse, au moment de prendre congé, et avec le ­sourire de l’évidence, qu’il « n’écrit pas ses livres », quelques perles de sueur froide glissent sur vos tempes, les battements de votre cœur se font soudain bruyants. « Ce n’est pas un secret, ajoute-t-il. En fait, je les écris, mais je ne les inscris pas. Je m’assois dans un fauteuil, je ferme les yeux, je n’ai ni plan ni notes, je ne sais pas à quoi va ressembler le livre. Mais quand une première phrase me vient, je la dicte à ma compagne. C’est mon seul dispositif d’écriture. Je dicte ainsi huit heures par jour, pendant plusieurs semaines ». Phobie technologique ? En partie, mais circonscrite aux moments de création littéraire, car Alain Fleischer envoie des courriels, par exemple, comme tout un chacun. « Je déteste voir apparaître mes textes sur un écran, j’ai l’impression de les regarder à la télévision. Et puis, explique-t-il, j’ai fait beaucoup de piano, et j’ai écrit avec beaucoup de plaisir à la machine à écrire. Alors, le clavier qu’on effleure… »Dans ce dédain pour les demi-mesures, que semblerait confirmer l’activité prolifique de celui qui, non content d’être un cinéaste reconnu et un photographe exposé en France et à l’étranger, est l’auteur d’une petite cinquantaine de livres, essais ou romans, on verrait facilement la marque d’un tempérament excessif, si Alain Fleischer ne se confiait avec la plus complète placidité. Son constant souci de clarté, la limpidité et... Jean-Jacques Larrochelle « Le béton est un peu mou, j’espère que ça va tenir… ». La garde des sceaux et ministre de la justice, Christiane Taubira, truelle en main, était en grande forme, mercredi 6 mai, après avoir coulé le protocole d’accord, enfermé dans un tube métallique, qu’elle venait de signer avec la maire de Paris, Anne Hidalgo. Ainsi venait d’être posée la première pierre – en réalité la première poutre –, du futur Tribunal de grande instance de Paris (TGI), porte de Clichy dans le 17e arrondissement. Le projet est de taille : 160 mètres de haut, 100 000 m2 de planchers dont 62 000 de surfaces utiles, 38 étages, 90 salles d’audience, et une capacité d’accueil de 2 500 salariés et 8 500 visiteurs. Douze grues travaillent en permanence sur le site. Réalisé par l’architecte italien et parisien d’adoption, Renzo Piano (l’auteur avec le britannique Richard Rogers du Centre Georges-Pompidou), le futur TGI, qui doit être livré en juin 2017, sera le plus grand immeuble construit à Paris depuis la Tour Montparnasse (210 mètres), achevée en 1974.« 27 années de loyer »Le TGI est un sujet qui fâche ou qui enchante. Cristiane Taubira, en dépit des convenances habituelles du protocole, n’a pas caché son déplaisir. Elle s’en est particulièrement prise au partenariat public privé (PPP), le mode de financement du projet envers lequel elle a exprimé ses « réticences » et « ses réserves de principe » devant un aréopage de personnalités réunies dans une salle de la base-vie du chantiers : magistrats, élus locaux et représentants d’Arelia, le maître d’ouvrage contrôlé par BTP Bouygues. Outre le financement, la conception et la construction du TGI, l’entreprise de bâtiment et de travaux publics doit assurer l’entretien et la maintenance du bâtiment pendant 27 ans. Coût total de l’opération : 2,4 milliards d’euros, soit, hors coût de construction estimé à 575 millions d’euros, l’équivalent de quelque 70 millions d’euros par an tout au long de la période. « J’aurais préféré une maîtrise d’ouvrage totale de l’Etat, de la puissance publique », a déclaré Christiane Taubira. Ces 27 années de loyer me tourmentent, même si je n’irai pas jusqu’au bout… » Puis dans un sourire, « et ne serais peut-être ni même au départ. »Interruption de chantierPeu après la signature de l’accord, en février 2012, une fronde des avocats avait tenté d’annuler le partenariat entre l’Etablissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) et Arelia. La procédure avait provoqué l’interruption du chantier de juillet 2013 à mars 2014. Et donc un surcoût.Christine Taubira a toutefois précisé que le TGI était « une belle œuvre », et qu’il était « bien de se réjouir d’une belle architecture ». Seule réserve d’ordre formel, et dernière flèche adressée par la ministre : « Le TGI affiche sa verticalité alors que moi, je défends l’idée d’une justice transversale. » Grande hauteur et écologieLe registre d’Anne Hidalgo était tout autre. Et si elle saluait la « belle écriture » de ce « magnifique bâtiment », elle n’en avait pas moins un message à faire passer. Après avoir évoqué l’importance du « travail de concertation » sur le projet et expliqué qu’il constituait « une couture avec le Grand Paris », la maire s’est félicitée de poser « la première pierre du premier bâtiment de grande hauteur depuis les tours du Front de Seine ». Le TGI, a-t-elle précisé, est aussi « le premier à répondre au plan climat de la ville. La grande hauteur n’est pas l’ennemi de l’écologie ».L’ombre de la tour Triangle a alors plané. Défendu par Anne Hidalgo, le projet d’un édifice de 180 mètres de haut, prévu sur le site du Parc des expositions, porte de Versailles dans le 14e arrondissement, est soumis pour l’heure à un blocage politique depuis la tenue d’un vote au Conseil de Paris en novembre 2014. Une succession de procédures, touchant, d’un côté, le tribunal administratif et, de l’autre, le Conseil constitutionnel, devrait repousser l’échéance d’une future délibération au début de l’automne. La ville va donc devoir consacrer son été à tenter de convaincre les plus hésitants parmi les élus réticents.Lire aussi :Le promoteur de la tour Triangle dit avoir « bon espoir »Depuis la petite estrade installée dans la base-vie du chantier de la TGI, Anne Hidalgo a déjà commencé à s’adresser à eux. « Que cette audace ne s’arrête pas là, a exhorté la maire. On pourra le faire ailleurs. Sentez-vous libres ! »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard et Alexis Delcambre « Comme annoncé par le président Mathieu Gallet le 16 avril dernier, une réflexion a effectivement été engagée sur l’évolution des instances de direction de Radio France dont les conclusions seront présentées dans quelques semaines », a confirmé la direction de l’entreprise publique dans un message interne, mercredi 6 mai.Tout en déplorant « des informations parues dans la presse ce matin au sujet de changements présumés au sein du Comité exécutif de l’entreprise ».Comme l’a annoncé Le Figaro, Sibyle Veil, actuellement directrice du pilotage de la transformation de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, est pressentie pour rejoindre Radio France. Toutefois, sa venue n’est pas confirmée officiellement. Se posent notamment, selon nos informations, des questions sur le périmètre de ses missions.Elle a été présentée comme une future « directrice générale » et une remplaçante de Catherine Sueur, l’actuelle directrice générale déléguée, réputée en froid avec M. Gallet. Mais son poste pourrait avoir une envergure un peu moindre. Mme Sueur était numéro deux de l’entreprise sous le président précédent, Jean-Luc Hees.Sibyle Veil est énarque, issue de la même promotion qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, Gaspard Gantzer, le conseiller communication de François Hollande, ou Boris Vallaud, le secrétaire général adjoint de l’Elysée, aussi mari de Najat Vallaud-Belkacem. Elle a été conseillère santé, travail et logement à l’Elysée sous Nicolas Sarkozy. Elle est mariée à Sébastien Veil, lui aussi ancien membre du cabinet du président de la République et petit-fils de la ministre Simone Veil. Elle ne connaît pas le secteur audiovisuel.Le ministère de la culture de Fleur Pellerin a été informé par Radio France de la possible venue de Mme Veil, mais nie avoir donné une forme d’aval.D’autres changements possiblesUn autre changement devrait intervenir prochainement : le départ de Jean-Pierre Rousseau, l’actuel directeur de la musique, recruté par Mathieu Gallet. Cette hypothèse avait été évoquée dès fin mars, lors du conflit social qui a débouché sur une grève inédite à Radio France. Jean-Paul Quennesson, délégué Sud de Radio France et corniste à l’Orchestre national, avait qualifié sa direction de « fiasco total ».Pendant le conflit, l’assemblée générale des grévistes avait aussi visé l’actuel directeur des ressources humaines, Christian Mettot, un des principaux interlocuteurs des syndicats.Après la crise qui a secoué son autorité, Mathieu Gallet a donc engagé une réflexion sur la gouvernance de Radio France. Avant la sortie de grève, la ministre, Fleur Pellerin, s’était davantage impliquée personnellement, « convoquant » le dirigeant nommé par le CSA et nommant plus tard un médiateur pour renouer le dialogue entre les syndicats et la direction. Après la crise, certains anticipaient que la réflexion évoquée par Mathieu Gallet puisse être l’occasion pour le gouvernement de peser sur la réorganisation de l’entreprise. Il semble plutôt que le président de Radio France étudie sa future direction de son côté, dans la lignée du comité exécutif élargi mis en place à son arrivée.Pendant ce temps, le médiateur Dominique-Jean Chertier poursuit actuellement la « seconde phase » de sa mission, menant des réunions avec les parties prenantes en vue de la négociation du contrat d’objectifs et de moyens, feuille de route de l’entreprise pour les cinq années à venir. Parmi les chantiers sensibles figurent notamment la réforme des modes de production et la négociation d’un plan de départs volontaires de 300 personnes environ.Toutefois, la mise en place de ces discussions reste délicate. De source syndicale, un calendrier a été proposé par le médiateur. S’il propose des ateliers sur France Bleu, la musique ou les modes de production, aucun espace de discussion n’est pour le moment prévu sur le plan stratégique de l’entreprise.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.05.2015 à 15h30 • Mis à jour le01.05.2015 à 17h41 | Véronique Mortaigne La Bague à Jules, Voyage de noces, Maman, papa : Patachou était chanteuse, une interprète rigoureuse, à la voix sensuelle et vibrante. Mais elle était bien plus : partageuse, traqueuse de talents, aventureuse, femme de cabaret, étoile d’une France identifiée à sa vie nocturne autant qu’à son sens poétique. Henriette Ragon, dite Patachou, a quitté le monde des vivants, le 30 avril.Née le 10 juin 1918 à Paris, dans le quartier de Ménilmontant, fille d’un artisan céramiste, elle était âgée de 96 ans. Elle fut dactylo aux éditions musicales Raoul Breton (celles de Charles Trenet) avant guerre, puis ouvrière, pâtissière, marchande de légumes, avant d’ouvrir avec son mari antiquaire, Jean Billon, un restaurant dans une ancienne pâtisserie de la rue du Mont-Cenis à Montmartre, Le Patachou. Sa spécialité alors, c’est de couper les cravates des clients, avant de les accrocher au plafond. Les noctambules adorent, anonymes ou célèbres, tel Maurice Chevalier, un voisin qui aime sa gouaille et la pousse à chanter. Le Patachou devient cabaret, il rebaptise la patronne Lady Patachou, et on y reprend des chansons gaillardes et refrains à la mode, des ritournelles, Rue Lepic ou Un gamin de Paris.Passée par le Central de la chanson, Patachou, toujours Lady, se produit en vedette américaine d’Henry Salvador à l’ABC en 1951. Elle y triomphe en interprétant en comédienne Mon Homme, succès de Mistinguett en 1920. Puis, elle est en vedette à Bobino, où le patron du cabaret Les Trois Baudets, Jacques Canetti, par ailleurs directeur artistique chez Philips, la repère et la programme chez lui dans un nouveau spectacle, Allegro. Elle publie son premier album, Montmartre, chez Columbia. Elle anime toujours Le Patachou, y programme des inconnus, comme le duo comique Les Pinsons formé par Raymond Devos et Pierre Verbecke.Une muse et interprète de caractèreEn 1952, en fin de nuit, elle auditionne un drôle de loustic, Georges Brassens. Il lui chante Le Gorille ou Putain de toi, des chansons qu’elle ne voudra jamais interpréter, contrairement à La Chasse aux papillons ou La Mauvaise Réputation qu’elle chante au Patachou avant de laisser l’inconnu monter sur scène, accompagné par le contrebassiste du lieu, Pierre Nicolas. Georges Brassens ne reniera jamais la dette qu’il eut à l’égard de celle qui le tira du découragement et de la lassitude qui l’avaient alors happé. Elle présente Brassens à Ray Ventura, puis à Jacques Canetti qui le fait embaucher chez Polydor et l’engage pour une tournée estivale avec Patachou et Les Frères Jacques. Mais c’est aussi par elle que seront découverts Guy Béart – elle fut une excellente interprète en 1957 de Bal chez Temporel –, Jacques Brel, Jean-Claude Darnal, Maurice Fanon, Hugues Aufray, Frida Boccara, Nicole Croisille, Charles Aznavour.Patachou était une muse, un agent actif de la chanson française. Elle fut aussi une interprète de caractère, qui inscrivait à ses tours de chant des classiques du répertoire : outre Brassens, Aristide Bruant (Rue Saint-Vincent, Nini peau d’chien), Léo Ferré (Le Piano du pauvre, en 1954), Francis Lemarque (Bal, petit bal), Charles Aznavour (Sur ma vie)... Des compositeurs et paroliers écrivent pour elle, comme Jamblan et Alec Siniavine qui lui offrent La Bague à Jules. On la voit chanter La Complainte de la butte dans le film French Cancan, de Jean Renoir (1955), dans lequel elle tient le rôle d’Yvette Guilbert.Une carrière aux Etats-UnisEn 1953, elle part en tournée dans le monde entier. « Gamine française avec un nom fascinant », selon la presse américaine, elle chante au Waldorf-Astoria et au Carnegie Hall à New York, puis partout aux Etats-Unis où elle fera une longue carrière – elle apparaîtra plus de vingt fois dans le « Ed Sullivan Show ». Elle poursuit sa carrière, triomphe à Bobino, à l’Olympia. Elle créé en 1960 une comédie musicale, Impasse de la fidélité, au Théâtre des ambassadeurs. Puis fête ses dix ans de carrière à l’ABC avec un pastiche de My Fair Lady.A la fin des années 1960, elle vend Le Patachou et prend la direction artistique du restaurant cabaret du premier étage de la Tour Eiffel en 1970. Deux ans plus tard, elle donne soixante récitals au Théâtre des Variétés, avec Gérard Calvi et son orchestre. En janvier 1973, elle se produit au Théâtre Fontaine. Patachou se consacre ensuite à sa carrière d’actrice – elle a aussi fait une belle carrière à la télévision, au théâtre et au cinéma où elle apparaît notamment dans Napoléon (Sacha Guitry, 1955), Faubourg Saint-Martin (Jean-Claude Guiguet, 1986), Cible émouvante (Pierre Salvadori, 1993) et Pola X (Leos Carax, 1999). Dates10 juin 1918 : naissance à Paris1956 : sortie de l’album Patachou chante Brassens1972 : soixante récitals au Théâtre des Variétés à Paris30 avril 2015 : mort à ParisVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.04.2015 à 17h47 • Mis à jour le30.04.2015 à 18h16 | Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil. Un hommage inventif.Sous la coupole du planétarium du Palais de la découverte, à Paris, sont projetés étoiles, planètes, nuages stellaires… Pour accompagner le voyage dans les phénomènes célestes, la musique des Beatles. Le mardi 14 novembre 2006, une centaine de journalistes découvrent le contenu de l'album Love. Un peu partout dans le monde, des séances d'écoute ont ainsi été organisées dans divers lieux. Love, en sortie mondiale le 20 novembre suivant, est le « nouvel album » des Beatles. C'est d'abord la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil, célèbre entreprise canadienne de divertissement, présenté dans une salle spécialement conçue à l'hôtel casino The Mirage, à Las Vegas. La première a eu lieu quelques mois auparavant, le 30 juin, et le spectacle est toujours à l'affiche.De l'avis de ceux qui l'ont vu, Love a de l'allure, avec ses multiples acrobaties, costumes et tableaux évocateurs de l'univers Beatles. Les chansons sont parmi les plus célèbres du groupe, de Because à All You Need is Love en passant par I Want to Hold Your Hand, Yesterday, Lucy in the Sky with Diamonds ou Hey Jude… Des succès qui ne sont pas tout à fait ceux entrés dans la mémoire collective. Chaque morceau est le résultat d'un mashup, un collage de compositions, parfois juste un fragment. Ainsi Lady Madonna à la mode Love inclut un riff de guitare de Hey Bulldog et un orgue tiré de I Want You. Dans Get Back surgit une partie orchestrale de A Day in the Life, etc.C'est au producteur historique des Beatles, George Martin, et à son fils, Giles, que l'on doit ces re-créations kaléidoscopiques, réalisées après la numérisation des bandes originales des pistes enregistrées par les Beatles depuis leurs débuts. Pour une partie de la critique et des fans, toucher au sacro-saint corpus original tenait du sacrilège, même avec l'aval de Paul McCartney, Ringo Starr et des familles de John Lennon (1940-1980) et George Harrison (1943-2001). Pour d'autres, dont nous sommes, il y a là un hommage plutôt réussi à la façon dont les Beatles ont utilisé les studios en terrain de jeux musical et d'invention.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale) Lunettes, casquette, grande barbe taillée au carré, bague à tête de mort : Kaaris, rappeur de Sevran et d’ailleurs, s’est produit au Printemps de Bourges, mercredi 29 avril, dans un concert rassemblant la jeune garde du rap « sale » français, très inspiré du rap du sud des Etats-Unis. Le public a scandé ses « punch lines », ces phrases coup de poing dont Booba, le découvreur de Kaaris en 2011, a longtemps été le maître. En coulisses, il laisse tomber pour un instant ses habits de mauvais garçon, affable et concerné, il sourit, dit que le dernier album de Booba, D.U.C., est « nul ». Les muscles, chez lui, c’est « de naissance. Je suis sorti comme ça du ventre de ma mère ». Aucune gonflette. Dans les loges, un de ses frères, tout en biscoteaux, est là pour témoigner de l’hérédité familiale.Lire aussi :Gradur, la ligne dure du rap « sale »Et comme « on ne perce pas avec des talons aiguilles », Kaaris en rajoute sur le hardcore, se fait crucifier pour misogynie et apologie de la violence. Là où on attendait Scarface, de Brian De Palma, en film préféré, Kaaris cite In the Mood for Love, de Wong Kar-wai. « Sa femme le trompe avec le voisin, et c’est beau, c’est très fort, très suave. J’ai un cœur, comme tout le monde. » Avoir du succès, « ça fait chaud au cœur, c’est mieux que l’inverse, mais il faut faire attention, c’est comme la vie, il y a un début et une fin ».Le rap est une succession de créneaux. « Le mien est plus alternatif, moi et mes gars, on ne fait pas la même chose que ceux d’hier » (la soirée Soprano, Black M). La vulgarité et la violence qui lui sont reprochées lui semblent un faux semblant « pour ne pas chercher le pourquoi du comment ». Le genre a ses styles : « J’ai été bercé par le rap de Rakim, Dr. Dre, Mobb Deep, ce n’est pas pour autant que je suis mal élevé et bête. » On y ajoutera les étalages de vulgarité, de porno, de séries violentes proposés sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Le rap, dit Kaaris, n’est à ce titre pas étranger à la France d’aujourd’hui, il l’accompagne.« Il faut tout prendre au second degré »« Je suis totalement français, si ce n’est pas une couleur, mais un mode de vie, une pensée, des souvenirs, des odeurs, des souvenirs, là oui. » Les communautarismes ? Les médias en sont largement responsables, qui montent en mayonnaise les clivages, « caméras branchées en permanence » sur ce qui déraille « et non sur le positif. Et les mômes répètent ce qu’ils entendent à la maison, et ce n’est pas toujours juste malheureusement. Mais c’est parfois difficile d’élever des enfants, surtout dans les familles monoparentales. Et franchement, le clivage entre les riches et les pauvres est de pire en pire. Avec 1 200 euros, quand tu les as, tu finis pas les fins de mois, c’est compliqué. J’ai vécu à Sevran dans un quartier assez pauvre, avec un côté rural aussi. Les gens n’ont pas foi en l’avenir, ils n’ont pas envie d’écouter les conseilleurs ». Un rappeur n’est pas un leader d’opinion aujourd’hui. « A ses débuts, oui, le rap avait des messages. Mais c’est devenu un business, un divertissement, je n’ai jamais eu la prétention d’être porte-parole de quoi que ce soit. Il faut tout prendre au second degré. Nulle part dans le monde, des populations se sont soulevées à cause d’une musique. La vie réelle, aller travailler, aller charbonner, c’est autre chose que d’écouter de la musique dans sa bagnole. » Kaaris est d’origine ivoirienne. « Connaître ses racines, c’est important. Je pars en Côte d’Ivoire pour un concert, je vais dans la famille. Le monde a besoin de jeunesse pour se construire, et l’Afrique est très jeune. » Pas de traces pour autant de rythmique africaine dans ses morceaux, quand beaucoup de ses jeunes confrères utilisent désormais des lignes de basse ultra-dansantes, héritées du coupé-décalé ou du zouglou ivoirien. « Non, moi musicalement, c’est les States. » Comprendre Atlanta, en Géorgie : « J’aime ce rap-là, ce sont des précurseurs. »« Les policiers sont des gens comme nous »Parmi les titres de son dernier album, Le Bruit de mon âme (Deff Jam/Universal), Kaaris cite Zone de transit, qui le fait « voyager, quitter le sol, avec ce sentiment qu’on a avant de partir » : « J'suis défoncé comme un shaman/J'm'accroche à ce jeu comme un clando sous les essieux/Comme un gosse fait des vœux, le regard vers les cieux/Becoli veut du Louis Vi, Aminata veut du Fendi/My life is a movie dirigé par Fellini/Le sang des colonies, j'sors le fer comme le cromi. » Et puis Voyageur, conçu avec Blacko, d’origine réunionnaise : « La Réunion, il a les papiers, c’est plus facile, parce que sinon… » Avoir des papiers, se coltiner les violences policières. « Fuck la police », doigt levé en concert, la jeunesse scande son aversion pour les forces de l’ordre, avec Kaaris. « Et pourtant, il y a plein de jeunes policiers qui écoutent Kaaris. Nous, on a l’impression que les policiers sont des gens comme nous [pas toujours recommandables], mais ils ont la loi pour eux. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent. » Les lignes rouges de la loi sont floues, selon Kaaris. On l’interprète. Le cannabis est interdit, il est partout, y compris dans les concerts. « Le racisme est toujours très vivant. Aux Etats-Unis, le nouveau Ku Klux Klan est en bleu. Les flics tirent sur les Noirs. Je déteste tout cela. » La violence est nulle, dit-il. « Dans le magasin casher de la porte de Vincennes, il y aurait pu aussi avoir ma mère qui achetait ses tomates. »Voir aussi le visuel interactif : Revivre le Printemps de Bourges en 11 vidéosVéronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Paul Benkimoun (Angers) « Vingt ans, c’est long pour un projet ». Mercredi 29 avril, à l’issue de la série de six représentations, à Nantes puis à Angers, de l’opéra jazz La Tectonique des nuages, dont il a composé la musique, Laurent Cugny était heureux mais avec le sentiment de quelque chose qui ne se reproduira peut-être plus. Grâce à l’engagement d’Angers Nantes Opéra et de son directeurJean-Paul Davois, au « soutien constant depuis le début de la Fondation BNP Paribas », lui, le metteur en scène et librettiste François Rancillac, ainsi que le chanteur et auteur des textes chantés Yann-Gaël Poncet, ont enfin pu donner vie sur scène à leur œuvre commune.Adapté de Cloud Tectonics, du dramaturge portoricain José Rivera, ce conte merveilleux n’avait jusqu’ici été donné qu’en version de concert, sans mise en scène ni décor, en 2006 à Jazz à Vienne, puis au Théâtre de la Ville à Paris, à Saint-Etienne et à Nantes. Une dizaine de représentations au total suivies d’un enregistrement audio en 2010.On imagine sans peine le sentiment d’accomplissement éprouvé par les créateurs d’avoir pu cette fois pleinement déployer cette production. Pour autant, rien n’assure que ce spectacle inventif intégrant judicieusement la vidéo et servi par des chanteurs et des musiciens remarquables, sera à nouveau accessible aux spectateurs. D’où le sentiment doux-amer d’être arrivé à bon port mais pour peut-être le dernier voyage.L’espace et le tempsL’argument de l’opéra sollicite l’espace et le temps. Dans un Los Angeles accablé par un déluge incessant, apparaît une femme sortie de nulle part, Celestina del Sol. Son temps n’est pas celui des hommes, leurs années sont des secondes pour elle et leurs vies passeront quand elle n’aura vécu que quelques mois. Le temps se fige avec elle : enceinte depuis deux ans, elle a 54 ans mais en paraît 25. Lorsqu’elle entre dans la vie d’Anibal de la Luna, jeune homme portoricain qui l’abrite chez lui, les horloges s’arrêtent. Si l’amour naît entre eux, il saisit aussi Nelson, le frère d’Anibal. Aussi soucieux d’être un bon Américain que son frère, Nelson s’est engagé dans l’armée des Etats-Unis et reviendra deux ans plus tard, quelques minutes pour Anibal. Celestina donnera naissance à son enfant et repartira de nouveau dans son errance. Aussi insaissible que pourraient l’être « l’architecture du silence, la tectonique des nuages ».La musique, l’interprétation, la dramaturgie, la scénographie, les lumières sont superbes, créant une atmosphère semi-onirique, jouant avec le temps, avec l’espace. L’écriture s’est accomplie à travers de longs échanges d’abord entre Laurent Cugny et François Rancillac, qui suggéra de partir de la pièce de José Rivera, puis avec Yann-Gaël Poncet. Ce dernier proposait des textes à Laurent Cugny afin qu’il écrive les musiques, et parfois rédigeait les paroles sur des thèmes musicaux de Cugny.Disciple de Gil EvansDisciple de l’arrangeur américain Gil Evans, célèbre notamment pour sa collaboration avec Miles Davis, pianiste et musicologue, Laurent Cugny est l’une des voix les plus originales de l’écriture orchestrale en France. Que ce soit avec feu-son big band Lumière, fondé en 1979 et prolongé par l’Orchestre national de jazz, dont il assura la direction de 1994 à 1997, ou en petite formation, il possède le talent d’écrire de prenantes mélodies aux courbes gracieuses sans s’enfermer dans les formes traditionnelles de chansons. Dans La Tectonique des nuages, le chanteur David Linx offre, entre autres, une splendide interpration d’Eva, le souvenir d’un amour passé qui resurgit en Anibal. L’étendue de sa tessiture et les subtilités de sa voix servent parfaitement la musique et les paroles. Présence scénique saisissante, voix et diction parfaitement en place, Laïka Fatien fait plus qu’incarner Celestina, tandis que Yann-Gaël Poncet ne se ménage pas dans le rôle de Nelson.Un objet atypiqueL’envie d’écrire un opéra ne date pas d’hier pour Laurent Cugny : « Le déclic est venu en 1993 où j’ai assisté à une représentation de Carmen Jazz, avec Dee Dee Bridgwater à Jazz à Vienne. Mais, je ne voulais pas simplement swinguer une partition existante ou écrire une suite de chansons. De même, j’excluais de situer l’action dans le monde du jazz ou de prendre pour personnages des musiciens de jazz. Je tenais aussi à une économie générale légère : pas plus de trois personnages et un orchestre de dix musiciens plutôt qu’un big band traditionnel. »En choisissant de créer un objet atypique, Laurent Cugny et ses compagnons d’aventure n’ont pas opté pour le chemin le plus facile : le milieu de l’opéra s’est montré condescendant et le petit monde du jazz a fait la fine bouche. Comme si un opéra jazz était un enfant illégitime dont personne ne s’empressait de reconnaître la paternité. Le résultat mérite pourtant des éloges.De plus, il fallait voir les 120 jeunes présents au Grand Théâtre d’Angers, bien plus nombreux que dans n’importe quel festival ou concert de jazz. La série de représentations à Nantes et à Angers a été accompagnée d’un impressionnant cortège d’actions pédagogiques auxquelles 400 jeunes ont participé en Pays de Loire. La dernière soirée à Angers a fait l’objet d’une captation. Il ne reste plus à espérer que d’autres scènes accueilleront  La Tectonique des nuages. C’est tout le mal que l’on souhaite au public.Paul Benkimoun (Angers)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau L’homosexualité demeure un sujet tabou dans l’univers du ballon rond (jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport).Sur les vingt clubs de football évoluant en Ligue 1, un seul a accepté d’ouvrir ses portes aux équipes d’« Enquêtes de foot ». En l’occurrence, le Stade de Reims, où seuls l’entraîneur Jean-Luc Vasseur et le défenseur Franck Signorino ont bien voulu s’exprimer. Les autres clubs, quand ils ont daigné leur répondre, les ont éconduites au motif qu’ils manquaient de temps, qu’ils ne se sentaient pas concernés, que le sujet n’était pas une priorité ou bien trop sensible.Taboue, la question de l’homosexualité l’est dans le petit monde du football, où les allusions sexistes et homophobes s’envolent des tribunes, en chantant, comme à Marseille, sur l’air de « Celui qui ne saute pas est un pédé ». Lorsqu’elles ne sortent pas de la bouche même de certains dirigeants de club, comme Louis Nicollin qui, en 2013, qualifia, à la suite du match opposant son équipe à celle d’Auxerre, le joueur Benoît Pedretti de « petite tarlouze ».Aujourd’hui, le président de Montpellier se défend de toute homophobie et dénonce le politiquement correct d’un tonitruant « C’est tous des cons, ceux qui pensent que cela choque. » Or, n’en déplaise au dirigeant montpelliérain, de tels propos nourrissent peur, gêne, honte et enferment dans le silence ceux qui voudraient vivre librement leur sexualité.Frilosité des instances dirigeantesPour preuve, rares sont les joueurs ayant fait leur coming out. En France, seul Olivier Rouyer l’a fait, une fois sa carrière terminée. Tout comme l’ancien international allemand Thomas Hitzlsperger. Il est vrai que le suicide, en 1998, de Justin Fashanu, seul joueur à avoir révélé son homosexualité alors qu’il était en activité, continue de hanter les mémoires.Si, au fil de son enquête, Arnaud Bonnin souligne l’impact de ces discours homophobes auprès des jeunes joueurs – notamment ceux du centre de formation de Strasbourg qu’il a interrogés –, il pointe aussi, à raison, la frilosité des instances dirigeantes pour lutter contre l’homophobie.En octobre 2014, la Ligue de football invitait tous les joueurs de Ligue 1 à porter des lacets arc-en-ciel. Importée d’Angleterre, cette opération, destinée à promouvoir une meilleure acceptation des homosexuels, fut placée en France sous le signe de la diversité… Question de pragmatisme, expliquent les organisateurs. Ou d’hypocrisie, c’est selon. Dans tous les cas, la Fédération française de foot n’envisage toujours pas de plan de lutte contre l’homophobie, contrairement à ses homologues des Pays-Bas, d’Allemagne et des Etats-Unis.Signalons qu’outre ce sujet, le magazine « Enquêtes de foot », animé par Astrid Bard, propose un reportage sur « Le Peuple vert » ainsi que, dans la rubrique « Droit de suite », un retour sur la carrière en demi-teinte du goleador (« buteur ») colombien Radamel Falcao.« Homos, le dernier tabou », d’Arnaud Bonnin (Fr., 2015, 26 min). Jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Emmanuelle Devos et Mathieu Almaric, côte à côte, dans « Arrête ou je continue », comédie amère de Sophie Fillières (jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX).C’est un voyage en forêt, comme d’autres, naguère, firent un voyage en Italie alors même que leur couple s’étiolait. A la fois complices mais déjà en voie de détachement, Pomme (Emmanuelle Devos) et Pierre (Mathieu Amalric) commencent par se retrouver à un vernissage dans une galerie de photos. L’une veut rester, l’autre veut immédiatement s’en aller.Rien n’est simple, d’autant que la jalousie affleure sans cesse dans ce couple en voie de décomposition. A présent, les voilà dans la rue. Un bus de nuit qui passe : Pierre se précipite sans prêter la moindre attention à Pomme, qui finalement le rejoint. Instants décisifs où tout commence à basculer sans que le cerveau s’en aperçoive forcément.« Fais gaffe à l’avenir », « J’ai peur »… Le couple se délite peu à peu. Amalric et Devos face à face, côte à côte, mais jamais là l’un pour l’autre. Plus grand-chose à se dire, sinon quelques sarcasmes mal sentis. Il la dénigre. Elle le rabaisse. Du grand art. Un peu plus tard, Pierre et Pomme se préparent à partir en forêt. « Si on part à deux, on va s’entre-tuer. »Les habitudes de couple sont les plus fortes, celles qui survivent le plus longtemps, même quand tout s’est cassé par ailleurs. Marcher sans se dire un mot. L’un derrière l’autre. Jusqu’à cet instant ultime où Pomme osera lui lancer : « Rentre, toi. Moi, je reste. Laisse-moi le sac, ton K-Way, le pull. » Avant de s’enfoncer dans la forêt, comme on entre dans la mer.Deux comédiens formidablesArrête ou je continue, le film de Sophie Fillières, raconte l’histoire d’un couple qui a fini de s’inventer. Les deux protagonistes savent d’autant moins comment se l’avouer qu’ils se sont naguère aimés. N’ayant pas de mots pour le dire, ou plutôt préférant n’en rien dire, Pomme décide de disparaître, d’entrer en forêt afin de retrouver les sensations originelles, de celles qui prouvent indubitablement que l’on existe : le froid, la faim, la fatigue, la solitude.Pierre et Pomme, ce pourrait être le titre d’une nouvelle de Maupassant. Ce pourrait être aussi un conte pour enfants. Pomme est seule. Délibérément seule, puisqu’elle a décidé qu’il en serait ainsi. Et voilà tout à coup qu’elle aperçoit un chamois pris au piège dans une excavation. Instant magique, Emmanuelle Devos et le chamois, les yeux dans les yeux, comme s’il suffisait de se regarder, de s’écouter, dirait-on, pour trouver une issue à l’impasse.Il faut insister sur la performance des deux acteurs – non pas le chamois, encore qu’il soit, lui aussi, excellent –, Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric. L’une toute en nuances, n’hésitant pas à jouer avec son corps pour mieux figurer et l’enfermement qui l’étouffe et le fait qu’elle ne va pas tarder à s’en extraire. Lui, étrange jusqu’à en paraître inquiétant, incandescent jusqu’à approcher ce point de folie que seuls quelques grands acteurs savent atteindre. Une femme et un homme. Deux comédiens formidables pour quelques instants de cinéma qui ne le sont pas moins. Tant pis si ça ne marche plus entre eux. Tant mieux si la vie parvient à reprendre le dessus.« Arrête ou je continue », de Sophie Fillières (Fr., 2014, 90 min). Jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX.Franck NouchiJournaliste au Monde Francis Marmande « Nous ne connaissons pas le repos, qu’il soit sabbatique, dominical, religieux ou républicain » : La Générale (14, avenue Parmentier, Paris 11e), ancienne usine aux volumes inspirants, à deux pas de la place Voltaire et de la statue de Léon-Blum, est une coopérative artistique, politique et sociale. Dans la grande tradition des coopératives ouvrières, La Générale mutualise ses locaux et ses outils de travail. L’ouverture au public y est « gratuite autant qu’aléatoire. » A partir de 19 h 30.Le Tricollectif y prend ses quartiers d’« à bientôt le printemps », jusqu’au 2 mai. Six jours de « Soirées Tricot ». Le Tricollectif est un groupe de dix musiciens autour desquels gravite une trentaine de satellites, si bien formés (haute école, conservatoires et autres) qu’ils n’hésitent pas à se déformer, dans l’esprit Dada, Humair, Lubat, Joëlle Léandre, Akosh S, La Campagnie des Musiques à Ouïr, sans se prendre le chou.« C’est une tuerie ! »A propos de chou, on peut se restaurer pour trois sous. Sortant de scène (rencontre Biardeau, Caserotto, Dimitriadis, le 27 avril), un jeune musicos affamé – le musicien affamé est un corps spécial – dévore un œuf poché sur son lit d’épinards (test effectué : satisfaisant, bio, frais, 6 euros) : « C’est une tuerie ! » Sortant de scène, le batteur Sylvain Darrifourcq croule sous les félicitations d’un spectateur âgé (la trentaine) : « C’est une tuerie ! »Va pour la tuerie. Intrépide, le représentant du Monde, venu par curiosité, fait d’un coup grimper la moyenne d’âge de la salle (25 ans). Puisqu’on parlait de Darrifourcq, c’est toujours une joie de voir s’accomplir un musicien sans complexe et sans frime. Bien cornaqué par Daniel Humair, Darrifourcq – limace noire étroite sur chemise blanche près du corps mince, futal pistache – est le batteur/bruitiste exact, élégant, soudain déchaîné du trio Garibaldi Plop (Roberto Negro, piano, Valentin Ceccaldi, violoncelle).Son presque acoustique, circulation parfaite, mise en place aussi joyeuse que précise, « fatrasie » digne de Bataille dans sa seule contribution à La Révolution surréaliste de Breton – motifs répétitifs, climats, nappes sonores, fragments de swing, cavales pour dessins animés, ébullition collective, retour au calme, citations comme s’il en pleuvait –, la performance crée une écoute, salle comble, très tendue. Pas un bruit, pas une toux, pas un chuchotement. Un peu comme si des jeunesses, rompues à toutes sortes de vacarmes à haute teneur en décibels, découvraient la lune.La « Orléans Touch »Troisième partie de ce premier rendez-vous des « Soirées Tricot » : le film d’Ozu Yasujiro, Où sont les rêves de jeunesse ? (1932), bizarrement daté de 1929 et retitré Où sont nos rêves de jeunesse ? Détail ? Pinaillage ? Oui et non. Plutôt quelque chose de bleu qui ressortit à l’inconscient du collectif (nous). Mise en sons un tantinet trop présente, par les excellents Alexandra Grimal (sax) et Nelson Veras (guitare). Le chef-d’œuvre d’Ozu, comédie indécidable, n’est pas, il faut le dire, du genre commode. Encore moins, les codes japonais du cinéma « muet », cinéma non synchronisé prolongé par Ozu au-delà du raisonnable, pour laisser le temps à ses équipes d’apprendre.Même démarche au fond, que celle du Tricollectif, qui continue, dans une atmosphère qui a le chic d’esquiver Charybde (le branchouille Oberkampf n’est pas loin) et Scylla (le funérarium drapé des musiques improvisées, parfois). Les Ceccaldi (Valentin et Théo), fils de violoniste folk, apportent la « Orléans Touch ». Chaque soirée s’organise en roue libre autour d’une rencontre, d’un invité (Chritophe Monniot, le 28, Akosh S, le 30), de big bands sans limites, de Trio à lunettes et autres Atomic Spoutnik.Signe des temps : dans les années 1968, quatre instrumentistes géniaux – Carlos Alsinna, Jean-Pierre Drouet, Winko Globokar et Michel Portal – volent de leurs propres ailes, dynamitant leurs sciences et leurs expériences dans le New Phonic Art : « Dès qu’on sentait poindre une mélodie, raconte Winko, un tempo, une idée reçue, on s’était donné pour seule consigne de tout exploser. »Cinquante ans plus tard, le Tricollectif n’a pas le choix : il part de son savoir et de son désir, mais aussi des autres, sans se donner de mission, fût-elle nihiliste. Pour le plaisir d’inventer ensemble – musique, modes de rencontre, cuisine et conversations compris. Attention : génération très neuve, gaieté, promesses de l’avenir, à surveiller. Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Il aura été l’homme d’une seule chanson, Louie Louie, composition de Richard Berry (1935-1997) devenue, dans la version du groupe The Kingsmen, en 1963, un classique du rock, hymne quasi annonciateur du punk. Le chanteur et guitariste Jack Ely est mort, lundi 27 avril, à son domicile de Redmond (Oregon), a annoncé son fils. Il était âgé de 71 ans et avait abandonné ses activités de musicien à la fin des années 1960 pour se consacrer à l’élevage de chevaux.Né le 11 avril 1943 à Portland (Oregon) Jack Ely découvre le rock, la guitare et l’envie de chanter, comme beaucoup alors, après avoir vu Elvis Presley (1935-1977) à la télévision lors de son premier passage sur une chaîne nationale, CBS, le 28 janvier 1956, pour le « Dorsey Brothers Stage Show ». Mais c’est trois ans plus tard, en 1959, qu’avec le batteur Lynn Easton, un ami d’enfance, les choses vont devenir un peu plus sérieuses. Ils fondent un groupe qui prend le nom de The Kingsmen et commencent à jouer dans des kermesses, pour des fêtes, divers événements de la vie locale à Portland et dans les environs.Un tempo fluctuantLe groupe s’est pris de passion pour la chanson Louie Louie dans une version par Rockin' Robin Roberts (1940-1967), qui passe en boucle dans un club où il joue parfois. La chanson créée et interprétée par Richard Berry a eu un petit succès dans les classements rhythm’n’blues en 1956, avec un traitement plaisamment dansant. La version de Rockin' Robin Roberts y a ajouté un chant un peu plus nerveux, des « yeah yeah yeah » plus rageurs, un court solo de guitare. The Kingsmen l’enregistrent le 6 avril 1963. Les parents de Lynn Easton ont mis la main à la poche pour financer une heure de studio. Le temps de mettre en place le matériel, de faire une première prise et c’est fini. Ely marmonne et crie, se mélange dans l’ordre du texte, la batterie est en avant, le groupe maladroit, le tempo fluctuant, un son d’orgue pose le riff d’introduction, le solo de guitare à 1 minute 25 est un désastre.La chanson paraît telle quelle sur le label Jerden en mai 1963. Sans faire de vagues sur le marché local. Puis à l’automne 1963, après la publicité négative de « pire disque de la semaine » que lui décerne un DJ de Boston, qui aura donc l’effet inverse, Louie Louie par The Kinsgmen devient un tube et va bénéficier d’une diffusion nationale par le label Wand. Autre effet, celui du relatif succès d’un Louie Louie par Paul Revere (1938-2014) avec The Raiders – qui a enregistré dans le même studio que les Kingsmen, quelques jours plus tard. Enfin, au moment où la chanson commence à grimper dans les ventes, Matthew E. Welsh (1912-1995), gouverneur de l’Indiana, croit déceler dans le phrasé pour le moins approximatif d’Ely une manière de cacher derrière la complainte d’un marin qui se languit de sa belle, des appels à la débauche et demande son interdiction. Le FBI planche sur le sujet… pour déclarer dans un épais dossier et après avoir passé la chanson à toutes les vitesses possibles que tout cela est au mieux incompréhensible et non répréhensible.Aspect foutraqueMais rien ne va plus au sein des Kingsmen. A la mi-août, Easton souhaite devenir le chanteur et leader du groupe. Ely en deviendrait le batteur. Il quitte la formation, qui, de toute manière, dépitée par le peu de succès de son enregistrement, est sur le point de se séparer. La montée dans les classements de Louie Louie incite Ely à proposer de revenir. Refus. Et l’on se retrouvera jusque début 1964 avec deux groupes différents sous le même nom et l’arrivée d’avocats. Jack Ely accepte finalement de laisser à Easton le nom de Kingsmen (ce dernier l’avait déposé) et obtient en échange que les éditions futures de Louie Louie l’identifient comme le chanteur.Il fonde ensuite quelques groupes, dont The Squires et The Courtmen. Et continue de surfer sur la vague Louie Louie avec divers enregistrements comme Love That Louie, Louie Louie ‘66 ou Louie Go Home. Il part ensuite au Vietnam et à son retour est définitivement oublié. Ce qui n’est pas le cas de Louie Louie par The Kingsmen, dont l’aspect foutraque aura, de toutes les versions du début des années 1960, la préférence du monde du rock. Un modèle sur lequel seront notamment construit le début de Plastic People de Frank Zappa, You Really Got Me des Kinks ou Wild Thing des Troggs.Dates11 avril 1943 : naissance à Portland (Oregon)1959 : fonde The Kingsmen avec Lynn EastonAvril 1963 : enregistre Louie Louie, composition de Richard Berry, qui devient un tube aux Etats-Unis à l’automne alors qu’il a quitté le groupe1964-1966 : carrière confidentielle avec plusieurs groupes et variations sur Louis Louie27 avril 2015 : mort à Redmond (Oregon)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino C’était le père de David et Micha, auteur et comédien : Jean Lescot est mort. Né Jean Wajbrot, fils d’un juif polonais émigré à Paris, où il est né, le 30 août 1938, il a commencé à jouer dès l’âge de 20 ans et n’a jamais cessé depuis, pratiquant son art au théâtre, au cinéma, et dans le doublage, où la liste des acteurs et personnages à qui il a prêté sa voix est impressionnante : le lieutenant William Kinderman dans L'Exorciste, Yoda dans La Guerre des étoiles, ou Morty Flickman dans la série « Desperate Housewises ». Il a plusieurs fois doublé Ben Kingsley, Seymour Cassel, Mel Brooks ou Per Oscarsson.Au cinéma, il apparaît dans de nombreux films, dont Les Gauloises bleues, de Michel Cournot (1967), L'Affiche rouge, de Frank Cassenti (1975), Mon oncle d'Amérique, d'Alain Resnais (1979). Au théâtre, Jean Lescot a tenu une belle ligne, jouant sous la direction de Gabriel Monnet, Roger Planchon, Armand Gatti, Gabriel Garran, ou Jean-Claude Grumberg, son ami.Il a été un touchant Sorine, dans La Mouette, mise en scène par Christian Benedetti, qui a connu un grand succès, au Théâtre de l’Athénée, à Paris. C’était en 2012 et ce fut le dernier rôle de Jean Lescot, un comédien qui a su transmettre son amour de l’art de la scène à ses fils, et laisse le souvenir d’une belle personne, très aimée dans le milieu.Lire aussi : A Alfortville, une « Mouette » qui a valeur de manifesteBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.05.2015 à 11h32 • Mis à jour le05.05.2015 à 11h45 | Pauline Sauthier Au Royaume-Uni, si un auteur issu d'une minorité ethnique veut se faire publier, mieux vaut qu'il relaye des stéréotypes. C’est en tout cas ce qu’affirme une étude parue en avril, au moment de la London Book Fair. Menée par les agents littéraires de Spread the Word auprès de 203 auteurs britanniques, elle montre que les éditeurs acceptent plus volontiers les manuscrits d'auteurs asiatiques ou noirs s'ils traitent de « racisme, de colonialisme ou de l'époque post-coloniale ». Agents et relecteurs conseillent de « montrer davantage de saris, de traiter la culture des gangs ou d'autres images qui se conforment aux idées préconçues d'un public blanc ».Des auteurs interrogés pour l'étude reconnaissent avoir dû accepter ce type de suggestions pour que leur livre soit publié. Certains ont vu des campagnes de promotion de leurs ouvrages entièrement orientées sur leurs origines ethniques.« Je me rappelle qu'on m'a dit de faire attention à ce qu'il y ait au moins un Blanc dans une relation amoureuse, témoigne un écrivain cité anonymement dans le rapport, parce qu'autrement, les lecteurs blancs auraient du mal à suivre une intrigue dans un cadre “étranger” ou avec des personnages uniquement noirs ».L'auteure à succès Aminatta Forna a confié à la rapporteuse de l'étude : « Il y a une norme qui veut que le lecteur présumé soit un Anglais moyen, de culture uniforme et blanc […] alors même que les données prouvent que c'est une vision passéiste. »« Très peu ouverte à la diversité »Une très large majorité d'agents et d'éditeurs interrogés ont reconnu que l'industrie n'était que « très peu ouverte à la diversité », voire pas du tout.« Maintenant, les publicitaires le reconnaissent : nous mangeons, buvons, meublons nos maisons, utilisons nos téléphones et nettoyons nos vêtements [...] mais où sont les éditeurs qui admettent que nous lisons également ? ». Ce témoignage, rapporté par l’étude, est celui de Samenua Sesher, ancienne directrice de Decibel, un programme public de valorisation des artistes.Au sein de cette structure, elle avait décidé, en collaboration avec le quotidien The Times, de vérifier l’hypothèse selon laquelle les lecteurs blancs avaient des attentes stéréotypées envers les auteurs non-blancs. Un groupe d’auteurs de différentes origines a accepté d’écrire anonymement plusieurs parties d’une histoire orchestrée par la romancière Kate Mosse. On a mis au défi les lecteurs du Times de relier les auteurs à des segments. « Nous avons dansé dans le bureau quand une fan de David Baddiel [un auteur blanc], qui jurait pouvoir le reconnaître dans n’importe quel contexte, a fièrement soutenu qu’elle avait retrouvé sa contribution. C’était en fait le texte d’Alex Wheatle [un auteur noir]. »Le rapport émet l’hypothèse que ce serait en partie dû à l'absence de diversité au sein des maisons d'édition. Il recommande des audits internes permettant à celles-ci de corriger leurs préjugés culturels et de changer leurs méthodes de recrutement pour s’ouvrir davantage aux minorités.Les études sur des critères raciaux sont culturellement moins acceptées en France. Mais des témoignages d’auteurs tendent à corroborer la situation britannique. En 2013, l’auteure Léonora Miano expliquait au Magazine Littéraire : « [...] le lecteur français est habitué à ce que la production des auteurs noirs se cantonne à des espaces lointains, africains ou antillais. Quand vous choisissez Paris pour théâtre de votre histoire, vous êtes aussitôt moins légitime, ou alors il faudra parler d’allocations familiales, de chômage, etc. »Pauline Sauthier Marc Bettinelli (avec Jules Grandin) Il apparaît sur scène en tirant gaiement sur un joint – « bien évidemment faux et intégré à la mise en scène ». Ses pieds s’emmêlent dans le câble du micro, il s’en prend à « celui qui a bien pu ranger cette scène » et, ratant l’entrée de son premier couplet, s’amuse de « vouloir juste faire galérer le DJ ». Plus d’une heure et demie après l’horaire annoncé de son concert, Kacem Wapalek assène enfin son premier texte : « J’entends souvent des gens me dire des phrases du genre “le vrai rap, c’est ci” ou “le rap, c’est ça”. Tant qu’on y est, pourquoi pas “l’Arabe ceci” ou “l’Arabe cela” ? (...) Dans tous les cas, leurs préjugés m’ont l’air obsolètes. » En concert mercredi 22 avril au New Morning à Paris, le rappeur virevoltant a dévoilé, lundi 27 avril, son premier album, Je vous salis ma rue.Une semaine avant sa sortie, l’opus talonnait Francis Cabrel et Thomas Dutronc sur le podium Fnac des albums les plus précommandés. Classée dans la catégorie rap, la pochette d’album sur laquelle se découpe sa frêle silhouette a même devancé un temps les gros bras des (semblait-il) indétrônables Booba et Kaaris.Verve gouailleuse et chapeau rondUne belle éclosion à moitié surprenante tant l’œuf a eu le temps d’être couvé. Verve gouailleuse, chapeau rond vissé au crâne, le rappeur assure : « Depuis cinq ans, je vis une tournée non-stop. Je me suis constitué un public, mais sans album, j’étais un peintre sans tableau. » Kacem Wapalek refuse de donner son âge, on l’imagine à mi-chemin de la trentaine. Lyonnais, il découvre le rap « sur le tard », à 25 ans, au détour d’une répétition d’étudiants dans la fac où il poursuit son cursus en droit, après une prépa commerce.A Lyon, il est depuis quelques années l’un des énergumènes les plus remarqués du collectif l’Animalerie, moteur de la (re)naissance d’une scène hip hop locale plutôt discrète. Il récolte en parallèle des centaines de milliers de vues sur YouTube au fil de vidéos de « freestyle » enregistrées au coin d’un canapé. Il y apparaît affublé d’une perruque ébouriffée ou de grosses lunettes ridicules avant de dérouler des « flows » hyper-techniques, balançant tour à tour : « Si tous les rappeurs avaient passé le baccalauréat/ Je ne pense pas que beaucoup l’auraient eu » ou « Trop d’bronzés finissent à l’ombre/ Et des gens plus brillants que le soleil/ Finissent complètement dans la Lune ».« Plus dans la formule que dans le formol »Sur scène, il s’imagine « Brassens en baggy ». On lui suggère plutôt Perec ou Queneau. Tous des écrivains, aucun rappeur, et pour cause. Il s’est fait une spécialité des jeux de mots, jonglant entre subtiles sonorités et sens dissimulés, passant avec aisance de l’allitération à l’antanaclase, du chiasme à la paronomase. Ses textes se lisent autant qu’ils s’écoutent : « Joue pas les boss, ni les Tony Montana, cesse de mitonner et laisse Tony se perdre entre braquages et orgies. » Qui saurait repérer les quatre pays enfouis dans cette strophe de la chanson Tour du monde, qui aligne les noms d’Etats, huit minutes durant ? « Je pratique beaucoup l’écriture sous contrainte, de thème ou de format, c’est paradoxalement une manière de libérer le stylo », justifie l’autoproclamé « Wapalek 1er », compétition hip hop oblige.Dans la salle du New Morning à Paris, plus de trentenaires que d’adolescents. L’écoute de l’album Je vous salis ma rue, aux sonorités puisées dans le reggae ou le raï, accompagnées de guitares ou de cuivres, confortera d’ailleurs les nostalgiques du Saïan Supa Crew des années 2000 plus qu’il ne satisfera les fans des Booba et Kaaris de 2015. « Je suis plus dans la formule que dans le formol ! », revendique l’intéressé. Kacem Wapalek est à l’image de son nom : un fond de vérité astucieux dans un ensemble délirant. Je vous salis ma rue, 1 CD Believe Digital. fr-fr.facebook.com/kacem.wapalekMarc Bettinelli (avec Jules Grandin)Journaliste au Monde Cécilia Suzzoni (Fondatrice et présidente d’honneur de l’Association le latin dans les littératures européennes) Evoquant, il y a maintenant plus de quinze ans, « la disparition programmée du latin » comme référence culturelle majeure de notre enseignement général, nous la disions à la fois injuste et absurde, soulignant qu’elle allait à rebours d’un véritable aggiornamento indispensable des études littéraires.Loin de l’oublier ou de le minorer, nous rappelions que le grec devait aussi trouver sa place légitime dans une rénovation de l’enseignement de ces langues anciennes, qu’il a tout à gagner de la bonne santé du latin, que rien ne serait plus absurde qu’une concurrence contre nature entre ces deux langues.C’est dire si la réforme du collège en cours, qui prétend intégrer en une sorte de bricolage, confus et rudimentaire, l’enseignement des langues anciennes dans les Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), au prétexte de familiariser les collégiens avec les « expressions latines ou grecques » pendant le cours de français, n’est qu’une triste caricature de cette discipline nouvelle, ambitieuse, à fonder.Amas de faux-semblantsTelle qu’elle se présente, elle semble plutôt entériner, sous un amas de faux-semblants à même de jeter la confusion dans les esprits des parents et des élèves, la disparition du latin et du grec, en amont comme en aval. Qui peut croire que des orientations sérieuses se feront en classe de seconde sur la base des EPI, alors même qu’aujourd’hui la dimension optionnelle de ces disciplines entraîne au lycée une forte diminution des effectifs ? D’autant que rien n’est évidemment annoncé de la création d’une filière littéraire dotée de son véritable socle épistémologique…Ce projet de réforme a de quoi alarmer l’ensemble des enseignants des disciplines fondamentales, convaincus de la présence indispensable du latin à tous les moments de la formation et de toutes les disciplines de la mémoire et du langage. Les démonstrations et propositions que nous avons formulées ces dernières années gardent leur entière pertinence. Mais la situation actuelle renforce l’urgence de leur prise en compte.Nous continuons à penser que le système optionnel est l’impedimentum majeur qui pèse sur les langues anciennes : il en a progressivement fragilisé, amoindri la portée scientifique, placé son enseignement en concurrence déloyale avec les autres disciplines (maintenant deux langues vivantes !), contraint les enseignants à se dépêtrer héroïquement dans de misérables pièges (rendre attractives les langues anciennes), dans le même temps où les autres disciplines fondamentales campent sur leur territoire, trouvent en elles le gage permanent de la validité historique et scientifique de leur démarche.En finir avec le replâtrageC’est à un véritable débat qui n’a jamais eu lieu que nous en appelons, pour que cesse tout bricolage ou replâtrage, pour que le paysage des études littéraires en France, qui ne cesse de se déliter, retrouve une cohérence doctrinale. Aucune réforme des humanités ne pourra faire l’économie de la connaissance historique de leur objet, laquelle inclut évidemment le latin et le grec. Il faut aussi que les autorités intellectuelles dans leur ensemble cessent de feindre d’ignorer qu’il y a belle lurette que le latin et le grec ont cessé d’être instrumentalisés à des fins conservatrices et réactionnaires.Qu’on cesse donc de mettre des guillemets à l’expression « notre culture », comme si elle était à prendre avec des pincettes ! Revendiquons-la au contraire comme nôtre, non seulement parce qu’elle l’est, de fait, mais aussi parce que, loin de tout repli identitaire, notre matrice gréco-latine offre ce précieux privilège, à disposition de tous, de se décliner en une pluralité d’altérités : l’islam, nous le savons, et la chose doit apparaître de plus en plus clairement, est partie prenante de l’héritage gréco-romain.On semble même avoir oublié que la traduction a trouvé, en Occident, son lieu de naissance à Rome, faisant du latin la première langue moderne de l’Europe ; qu’à ce titre le latin reste évidemment le véhicule obligé d’une réappropriation par l’Europe de ses langues de culture.Déficit culturelPense-t-on que de jeunes esprits, dans un système éducatif, moderne, ambitieux, puissent ne pas se sentir concernés par « l’évidence de ces catégories oubliées » ? Sans doute un coup de force, qui irait dans le sens de cette disparition programmée, peut-il réussir, moins par mauvaise volonté ou conviction que par étourderie, paresse, irresponsabilité.Les gouvernements qui se succèdent encouragent l’appétit des langues vivantes et des études commerciales, mais on ne se débarrasse pas facilement du « grand nom de Rome » et de « la gloire d’Athènes ». Et le déficit culturel de l’Europe ne cesse aussi d’être dénoncé par les esprits les moins suspects de se retrancher dans une défense obsidionale du passé.C’est de toute façon dans une refonte désormais inévitable des disciplines et de la formation des maîtres que nous devons continuer à œuvrer. Il faut cesser de s’enliser dans le piège de réformes dont on voit bien qu’elles ne font qu’aggraver suspicion et malentendus.Il appartient à des autorités politiques responsables, ambitieuses pour l’avenir culturel de leur pays, de mettre un terme à « cette ennuyeuse question du latin qui nous abrutit depuis quelque temps », disait déjà avec humour une nouvelle de Maupassant. Non pas en signant la mort du latin mais en redéfinissant sa place, raisonnable et légitime, dans le cadre de cet aggiornamento que nous appelons de nos vœux.Ce texte est soutenu par Yves Bonnefoy, poète ; Xavier Darcos, membre de l’Académie française ; Régis Debray, philosophe ; Michel Deguy, poète ; Marc Fumaroli, membre de l’Académie française ; Thomas Pavel, professeur de littérature française ; Heinz Wismann, philosophe ; Michel Zink, professeur au Collège de France. Liste intégrale des signataires sur www.sitealle.comCécilia Suzzoni (Fondatrice et présidente d’honneur de l’Association le latin dans les littératures européennes) Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde Mustapha Kessous Une enquête édifiante sur les secrets de cette industrie dont on nous vante les mérites depuis les années 1960 (lundi 4 mai, à 22 h 55, sur Canal+).A en croire ce documentaire, les mensonges sur le nucléaire français sont aussi toxiques que la radioactivité. Depuis les années 1960, les différents gouvernements nous assurent que les centrales nucléaires sont extrêmement sûres, au point qu’ils n’ont jamais eu à déplorer le moindre accident. Et ce n’est pas tout : l’énergie électrique – produite par les 58 réacteurs du pays – est propre et peu onéreuse. Un mythe, selon les auteurs de Nucléaire, la politique du mensonge ?,qui se font un malin plaisir de déconstruire – pour ne pas dire dégommer – la trop belle « fable » des bienfaits de l’atome.Cette nouvelle enquête de « Spécial investigation » commence dans un village du Loir-et-Cher, Saint-Laurent-Nouan, où se trouve la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux qui, depuis son inauguration en 1963, a connu deux accidents passés sous silence par EDF. Le premier date de 1969, le second – plus grave – remonte à 1980. En cause : un défaut de maintenance qui a entraîné la surchauffe et la fusion de l’un des deux cœurs de réacteur, libérant ainsi du plutonium – matière hautement radioactive et dangereuse – que les responsables du site ont décidé, pour s’en débarrasser, de rejeter dans… la Loire. Une pratique illégale à cette époque et qui l’est toujours de nos jours.SurréalisteIl est regrettable que les dirigeants actuels d’EDF n’aient pas souhaité s’exprimer. Seul Marcel Boiteux, ancien président du groupe (de 1979 à 1987), et artisan du nucléaire, a accepté de parler. Ce qu’il dit semble à peine croyable, et son entretien avec le journaliste, surréaliste. Interrogé à propos de ce qui a conduit les responsables à déverser le plutonium dans la Loire, M. Boiteux répond sans ciller : « C’est quand même pas grand-chose. » « C’est du plutonium, c’est interdit », s’étonne le journaliste. « Oui, bien sûr, ce n’est pas bien, mais ce n’est pas grave », se défend l’ancien patron. « C’est illégal », insiste le reporter. « C’est illégal de tuer son voisin quand vous êtes en voiture, et que vous rencontrez la voiture d’en face et que vous tenez mal votre volant. En cas d’accident, il se passe des choses illégales, quand on est conscient », explique en souriant le président d’honneur d’EDF. Un tel accident, pourtant, devrait systématiquement obliger à l’évacuation des habitants alentour.Quid ensuite des sites de stockage des déchets radioactifs ? Et peut-on affirmer que le nucléaire est une énergie propre ? Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva, a récemment assuré que le nucléaire produit, en termes de déchets, l’équivalent d’« une piscine olympique ».Vrai ou faux ? Selon les calculs et les différentes révélations du documentaire, le volume de ces déchets correspondrait plutôt à près de 200 piscines olympiques. On est loin du compte.De même, on est bien loin de la vérité lorsqu’on nous assène que le nucléaire ne coûte pas cher. En effet, la note des travaux de remise en état des centrales nucléaires engagés depuis 2012 s’élèverait à 110 milliards d’euros, soit deux fois plus que le chiffre avancé par EDF.Documents inédits à l’appui, cette enquête démonte habilement – et avec pédagogie – le discours tenu aujourd’hui sur le nucléaire français. Un discours qui se veut rassurant, notamment par l’usage de certains mots plutôt que d’autres. Les communicants préfèrent par exemple parler de « relâchement » et jamais de « fuite ». L’euphémisme en dit long.« Nucléaire, la politique du mensonge ? », de Jean-Baptiste Renaud (Fr., 2015, 55 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brice Pedroletti (Pékin, correspondant) Des milliers de jeunes fans qui agitent des tubes fluorescents : Unconditionally, le tube de la star américaine Katy Perry, a reçu un accueil enthousiaste au Taipei Arena le 28 avril. Et pour cause : l’ancienne chanteuse de gospel, vêtue pour cette chanson d’une robe verte scintillante, deux tournesols agrafés sur les seins, s’est spontanément emparée d’un drapeau de la République de Chine (Taïwan), qu’elle a porté en cape tout au long de sa performance. Une photo publiée par @jeremy_yang_ le 28 Avril 2015 à 12h11 PDTUne double connotation explosive dans le monde chinois. Les fleurs de tournesol de la robe mais aussi du décor faisaient partie de la panoplie de Katy Perry pour le parcours asiatique de sa tournée mondiale, qui l’avait menée à Tokyo, Canton et Shanghaï. Mais elles constituaient une référence (involontaire ?) au « mouvement des tournesols », qui a paralysé pendant trois semaines, il y a un an, le Parlement taïwanais : distribuées aux manifestants, les fleurs géantes devinrent l’emblème d’une jeunesse gardienne de la souveraineté de l’île face à la Chine voisine et aux tractations opaques du Kouomintang (le KMT, au pouvoir à Taïwan) avec son ancien ennemi communiste. La République de Chine (RDC) est prisonnière d’un statu quo délicat, « ni indépendance ni réunification », la Chine populaire s’appliquant à saboter tous ses attributs de souveraineté : Pékin a ainsi poussé le Népal à refuser l’aide de Taïwan pour le séisme du 25 avril.Pas son premier coup d’éclatLe drapeau officiel de la RDC est lui un enjeu de la coexistence fragile entre Taipei et Pékin : initialement associé au KMT, il n’en est pas moins devenu le symbole de ralliement de la génération militante des tournesols. Son interdiction en 2008 dans les environs immédiats de la délégation chinoise, lors de la visite historique à Taipei, de l’envoyé officieux de Chine populaire, par un gouvernement taïwanais soucieux de ménager Pékin, forgea la conscience contestataire des organisateurs des manifestations de l’an dernier. A Taipei, mardi soir, la prestation de Katy Perry a « ému aux larmes » certains de ses fans, a rapporté le Ziyou Shibao (« Liberty Times »), porte-drapeau du camp indépendantiste.La brunette aux yeux bleus n’en est pas à son premier coup d’éclat en Asie : dans L’Interview qui tue !, la comédie satirique de Sony, la révélation de la passion cachée de Kim Jong-un pour Firework, autre tube de Katy Perry, par le journaliste qui l’interroge, finira par faire « craquer » le dictateur nord-coréen, entraînant sa chute et… la démocratisation du pays ermite.Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 03.05.2015 à 16h27 • Mis à jour le04.05.2015 à 13h41 | Véronique Mortaigne Rémy est mort, et de nombreuses tribus pleurent. Au point qu’elles ne font plus qu’une, et ce sera le signe d’une vie réussie. Depuis plus de quarante ans, Rémy Kolpa Kopoul, dit RKK, était un grand « connexionneur ». Hébergé par son ami Christophe Miossec, ce gentleman journaliste, homme de radio et DJ, est décédé dimanche 3 mai, à Brest. La veille, il avait mixé lors d’une soirée donnée au Vauban, au bénéfice des enfants de Ramiro Mussoto, percussionniste argentin disparu en 2009.Né le 23 février 1949 à Boulogne-Billancourt, fils d’Evgueny Kolpa Kopoul et de Marie Bouzat, Rémy Kolpa Kopoul était âgé de 66 ans. Il avait fêté son anniversaire entouré d’artistes qui l’admiraient et lui devaient d’avoir été découverts au Jamel Comedy Club, un lundi. Car son ami humoriste lui avait confié les clés de sa salle de spectacle des Grands Boulevards pour les soirées « C’est lundi, c’est Rémy ».Etrangeté de la vie : grâce à l’appui de la MC 93 de Bobigny et de son directeur, Patrick Sommier, il venait de monter, enfin, une comédie musicale qu’il avait imaginée il y a trente ans, relatant l’histoire d’amour du Brésil et de la France au début du XXe siècle. K Rio K a été montrée avec succès en avril au Nouveau Théâtre de Montreuil, avec son amie et protégée Mariana de Moraes, la petite-fille de Vinicius en guest star, et c’était une sorte d’accomplissement.Lire aussi :« Choro », tango, « maxixe »... Le Brésil à l’âge d’orIl en parlait, réjoui, le 26 avril au Printemps de Bourges, où, comme chaque année, il mixait des sons dansants, exotiques, érudits, sous le chapiteau du Magic Mirror. Le jeune rappeur brésilien Emicida s’extasiait devant les bretelles en forme de mètre de couture qui tenaient de larges pantalons posés sur un ventre de belle taille. Le père de RKK était fourreur, il avait transmis son amour de la musique et de la fête klezmer à son fils. Rémy Kolpa sirotait son champagne, parlait de son ami Criolo, autre jeune rappeur de Sao Paulo, avec cette voix anti-radiophonique au possible, tremblée, basse, rocailleuse et par conséquent devenue remarquable.Des « Brasilophiles » à la « world music »Première tribu, donc : les « Brasilophiles ». Sa rencontre avec la musique se concrétise par un concert d’Eddy Louiss, où sa mère l’emmène à l’âge de 16 ans. Celle qui le mène vers le Brésil date du temps où le jeune homme, agitateur à la MJC de la porte de Saint-Cloud et Maoïste, tendance « spontex », s’occupe des exilés de la dictature militaire. Parmi eux, le chanteur Caetano Veloso, parti à Londres et qui donne en 1971 un concert à la Mutualité. L’amitié n’ayant pas de limites, le voici lié à Gilberto Gil, puis Joao Bosco, Joao Gilberto ou Chico Buarque, puis tous les autres dont il organisera plus tard les tournées.RKK découvre l’Afrique en devenant reporter musical pour Libération, qu’il accompagne depuis sa fondation en 1973, et jusqu’en 1987. Du rock alternatif à la rumba zaïroise, du highlife ghanéen au free jazz, RKK constitue sa deuxième tribu, celle des pionniers de la world music. Libé dévoile les énergies et les impacts politiques de Celia Cruz, de Kassav’, de Touré Kunda, de Salif Keita ou de Manu Dibango. Ces appétits d’ogre et de journalisme de terrain le mènent vers Jean-François Bizot, patron d’Actuel et de Radio Nova, où il anime bientôt avec le patron, agitateur en chemises fleuries, « Les Voyages improbables ».Il avait depuis inventé de nombreux formats musicaux sur Nova, où il produisait chaque dimanche midi depuis six ans l’émission « Contrôle discal », soit le débarquement de « L’inspecteur La Galette » dans la discothèque d’un artiste. Il avait récemment inversé la règle, et des auditeurs venaient fouiller dans les quelque cinq mille disques triés sur le volet qui accompagnaient la vie de Rémy.« J’ai crapahuté dans la musique sans œillères, et je me suis dit sur le tard que je pouvais “platiner” avec tout ça », expliquait RKK pour évoquer ses débuts de DJ, à l’orée des années 1990, à la Chapelle des Lombards, rue de Lappe. Depuis, RKK était de tous les festivals – des Suds à Arles, des Escales de Saint-Nazaire, du Printemps de Bourges, de Fiest’ à Sète. Attaqué par la faiblesse de ses battements de cœur à plusieurs reprises, RKK ne s’était pas laissé vaincre. Ce Français voyageur et profondément « Parisien des quartiers populaires », comme il se définissait, n’avait pas renoncé aux bulles du champagne (une tribu en soi).« Rémy Kolpa Kopoul, notre éternel RKK, s'en est allé. RIP. Il a lutté et aimé. Il laisse tout ce qu'il nous a fait découvrir depuis quarante ans », a résumé Pierre Lescure dans un tweet. Pour ses 66 ans, « les filles », jolies créatures qui l’accompagnaient avec ferveur dans ses pérégrinations nocturnes, lui avaient confectionné un gâteau en forme de « RKK », avec ce qu’il aimait : du fromage. Bel hommage.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Rosita Boisseau Grâce et tranchant. Une combinaison que la danseuse russe Maïa Plissetskaïa, mythe du ballet et figure du Bolchoï de Moscou, tempérament rebelle par-dessus le marché, affûtait avec un design unique. Taux maximal de pénétration dans l’air, clarté du geste et mordant de l’interprétation, la Plissetskaïa méritait son titre de prima ballerina assoluta.Née le 20 novembre 1925, à Moscou, elle est morte d’une crise cardiaque à Munich, où elle résidait avec son mari, le compositeur Rodion Chtchedrine, a annoncé samedi 2 mai le directeur du théâtre du Bolchoï, Vladimir Ourine. Elle avait 89 ans. Maïa Plissetskaïa a tout dansé, du Lac des Cygnes à Carmen, au point, disait-elle lors d’un entretien pour Le Monde en février 2006, de « n’avoir aucun ballet préféré », même si elle mentionnait immédiatement Maurice Béjart parmi ses chorégraphes-fétiches. De fait, elle s’était taillée un énorme succès dans sa version de La Mort du Cygne (1907) de Mikhaïl Fokine, sur la musique de Saint-Saëns, et aimait à dire qu’elle improvisait chaque soir, même lorsqu’elle le bissait !Esprit critique qui n’a jamais mâché ses mots, insatisfaite des productions qu’on lui propose dans les années 1970 au Bolchoï, elle chorégraphie elle-même ses propres pièces sur des musiques écrites spécialement par Rodion Chtchedrine, comme Anna Karénine (1972), La Mouette (1980) et enfin La Dame au petit chien (1985). Impact très relatif, même si le soutien aux costumes de Pierre Cardin, pour lequel elle participera... Raphaëlle Rérolle Dans le pêle-mêle des romans à succès qui tapissent les gares, les siens occupent une place à part. Ruth Rendell, morte à Londres le samedi 2 mai, était beaucoup plus qu'un auteur de best-sellers parmi d'autres : une formidable conteuse, une maîtresse du suspense et une observatrice aiguë de ses concitoyens. Mis bout à bout, ses livres (une bonne cinquantaine de romans et des recueils de nouvelles) offrent un tableau saisissant de l'Angleterre du XXe siècle, mais aussi de la capitale anglaise, qu'elle connaissait par cœur.Née en 1930, élevée au rang de baronne de l'empire par Tony Blair, en 1997, membre de la chambre des Lords, cette écrivaine a régné pendant plusieurs décennies sur la littérature policière anglaise, et pas seulement en raison des chiffres astronomiques de ses ventes. Avec P.D. James, disparue le 27 novembre 2014, Ruth Rendell a largement contribué à renouveler le genre, en introduisant une part importante de psychologie et de contexte social dans ses récits réglés comme des mécaniques de haute précision.Imagination spectaculaireDe sensibilité travailliste, elle a exploré des milieux très divers par le truchement de son personnage récurrent, l'inspecteur Reginald Wexford, apparu dès son premier livre (Un amour importun, 1964). Pour elle, les romans pouvaient contribuer à changer le monde, en attirant l'attention sur les maux de la société, le racisme ou la drogue par exemple. Elle a aussi fait preuve d'une imagination spectaculaire, qui lui permettait de renouveler presque à l'infini le contenu de ses intrigues. L'imagination est d'ailleurs ce qui l'avait dirigée vers le roman, elle qui avait commencé sa carrière comme journaliste.Un jour qu'elle devait couvrir la réunion du club de tennis local pour le Chigwell Times, obscur journal de l'Essex, elle rédigea un vibrant compte rendu. Malheureusement pour elle, et heureusement pour ses futurs lecteurs, elle n'avait pas mis les pieds au club. Elle ne pouvait donc pas deviner que son président mourrait ce jour-là, en pleine séance, ce qui ne figurait évidemment pas dans son article. Renvoyée, la jeune femme (elle avait 18 ans), s'en fut proposer à un éditeur londonien un roman psychologique, refusé, puis un polar qu'elle avait dans un tiroir : accepté.La part psychologiqueGrande lectrice de Freud, Ruth Rendell n'en a pas pour autant renoncé à la psychologie. A telle enseigne qu'une partie non négligeable de sa production – sans doute littérairement la plus intéressante – entre dans la catégorie du roman psychologique à suspense plutôt que du polar à proprement parler. C'est le cas de l'envoûtant Véra va mourir (1986), ou de L'Eté de Trapellune (1988), hanté par les désirs de liberté des années 1970. C'est encore le cas, du Journal d'Asta (1993), inspiré de l'enfance danoise d'une de ses grands-mères, ou des Noces de feu, en 1994, des livres parus en Angleterre sous le pseudonyme de Barbara Vine, puis en français chez Calmann-Lévy.L'ombre du mensonge, des secrets de famille, des identités tortueuses, du dérangement mental et de la peur qu'il engendre font également partie de livres plus récents, parus en France aux éditions des Deux Terres, notamment La Maison du lys tigré, en 2012. Comme Pascal Thomas, qui vient de porter ce film à l'écran sous le titre Valentin Valentin (janvier 2015), de nombreux réalisateurs ont adapté des romans de Ruth Rendell. Pedro Almodovar, Claude Miller, Claude Chabrol par deux fois (La Cérémonie et La Demoiselle d'honneur) et plus récemment, François Ozon (Une nouvelle amie, 2014) ont trouvé leur inspiration dans l'univers délicieusement inquiétant de cette extraordinaire architecte du mystère.Raphaëlle RérolleJournaliste au Monde Sylvain Siclier Ancien membre du groupe vocal The Drifters, premier interprète et co-compositeur avec Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller de la chanson Stand By Me, devenue, depuis sa parution début 1961, un classique de la soul music, le chanteur Ben E. King, de son vrai nom Benjamin Earl Nelson, est mort jeudi 30 avril, à l’âge de 76 ans, dans le New Jersey, de causes naturelles, a précisé, vendredi 1er mai, son porte-parole.Débuts à l’égliseComme beaucoup d’interprètes de soul music, Benjamin Earl Nelson, né le 23 septembre 1938, à Henderson (Caroline du Nord), fit ses débuts à l’église, dans une formation de gospel. A l’âge de 14 ans, ses parents s’étant installé à New York, dans le quartier de Harlem, il rejoint The Four B’s, un groupe de doo-wop, ce genre issu du rhythm’n’blues, caractérisé par l’emploi de phrases vocales en harmonies (généralement avec deux voix de ténor, dont l’un plus particulièrement chargé des notes hautes, un baryton et une basse), le plus souvent sur un répertoire de romances. Un apprentissage qui le mène à devenir professionnel au sein de The Five Crows.C’est ce groupe qui attira, à l’été 1958, l’attention de George McKinley Treadwell (1918-1967), manager de la formation The Drifters, fondée en 1953 par le chanteur Clyde McPhatter (1932-1972). Ce dernier avait quitté à la fin de l’automne 1954 sa formation après les succès des chansons Money Honey et Honey Honey, et vendu à Treadwell la « marque » The Drifters, dont le personnel changeait régulièrement. En 1958, il ne reste d’ailleurs plus un membre de la formation d’origine – dont certains monteront par la suite un Original Drifters concurrent. Suite à un différend avec le groupe, Treadwell propose aux Five Crows, réduit à quatre voix, de devenir les nouveaux Drifters.Avec The Drifters, puis en soloBen E. King, qui n’a pas encore pris ce nom d’artiste, devient la voix principale des Drifters. Le groupe enregistrera avec lui et pour la compagnie Atlantic quelques-uns de ses plus grands succès : There Goes My Baby, Dance With Me, This Magic Moments et Save The Last Dance for Me. Ces deux dernières deviennent numéro 1 des ventes en 1959, ce que les Drifters n’avaient pas connu depuis un moment, co-écrites par Doc Pomus (1925-1991) et Mort Shuman (1936-1991). Au printemps 1960, après un désaccord financier entre Treadwell et le manager de Ben E. King, qui entend faire fructifier pour son poulain le succès retrouvé des Drifters, Ben E. King quitte le groupe.Pour Atlantic, il est désormais temps de mettre en avant Ben E. King. C’est sous ce nom, avec Leiber et Stoller à la production et une chanson écrite par Leiber et Phil Spector, que Ben E. King enregistre son premier titre en artiste solo. La chanson, Spanish Harlem, paraît début décembre 1960. Si elle ne grimpe pas totalement au sommet des ventes à ce moment-là, elle va prendre le statut de classique avec les années.Le slow ultimeLa suite fait passer Ben E. King au stade supérieur. C’est Stand By Me, qu’il avait commencé à travailler du temps des Drifters et qui va trouver avec l’aide et les arrangements de Leiber et Stoller toute sa saveur. Un ostinato à la basse, un triangle en contretemps, un frottement sur une percussion, puis la voix de Ben E. King, presque plaintive (« When the night has come / And the land is dark »), les cordes de l’orchestre, les chœurs ensuite. Cette ballade magistrale, poignante et intense dans sa montée orchestrale, devient le slow ultime à sa sortie début 1961.Dans les années qui suivent, Ben E. King enregistrera encore plusieurs chansons de belle facture et des succès comme Ecstasy et Don’t Play That Song (You Lied) en 1962, I Who Have Nothing, en 1963, What is Soul ?, qui l’éloigne du répertoire des romances pour une approche plus énergique en 1966, ou Tears, Tears, Tears, en 1967. Mais rien qui n’atteigne la reconnaissance mondiale et l’impact émotionnel de Stand By Me.La vogue disco des années 1970 donnera encore un succès à Ben E. King, avec la chanson Supernatural Thing, numéro 5 aux Etats-Unis. Ensuite, après avoir quasiment cessé d’enregistrer dans les années 1980, il reprendra une activité plus fournie lors de concerts, par le biais de la nostalgie pour la soul music des années 1960. Son répertoire sans surprise mêlant les chansons des Drifters et ses succès.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne La Bague à Jules, Voyage de noces, Maman, papa : Patachou était chanteuse, une interprète rigoureuse, à la voix sensuelle et vibrante. Mais elle était bien plus : partageuse, traqueuse de talents, aventureuse, femme de cabaret, étoile d’une France identifiée à sa vie nocturne autant qu’à son sens poétique. Henriette Ragon, dite Patachou, a quitté le monde des vivants, le 30 avril.Née le 10 juin 1918 à Paris, dans le quartier de Ménilmontant, fille d’un artisan céramiste, elle était âgée de 96 ans. Elle fut dactylo aux éditions musicales Raoul Breton (celles de Charles Trenet) avant guerre, puis ouvrière, pâtissière, marchande de légumes, avant d’ouvrir avec son mari antiquaire, Jean Billon, un restaurant dans une ancienne pâtisserie de la rue du Mont-Cenis à Montmartre, Le Patachou. Sa spécialité alors, c’est de couper les cravates des clients, avant de les accrocher au plafond. Les noctambules adorent, anonymes ou célèbres, tel Maurice Chevalier, un voisin qui aime sa gouaille et la pousse à chanter. Le Patachou devient cabaret, il rebaptise la patronne Lady Patachou, et on y reprend des chansons gaillardes et refrains à la mode, des ritournelles, Rue Lepic ou Un gamin de Paris.Passée par le Central de la chanson, Patachou, toujours Lady, se produit en vedette américaine d’Henry Salvador à l’ABC en 1951. Elle y triomphe en interprétant en comédienne Mon Homme, succès de Mistinguett en 1920. Puis, elle est en vedette à Bobino, où le patron du cabaret Les Trois Baudets, Jacques Canetti, par ailleurs directeur artistique chez Philips, la repère et la programme chez lui dans un nouveau spectacle, Allegro. Elle publie son premier album, Montmartre, chez Columbia. Elle anime toujours Le Patachou, y programme des inconnus, comme le duo comique Les Pinsons formé par Raymond Devos et Pierre Verbecke.Une muse et interprète de caractèreEn 1952, en fin de nuit, elle auditionne un drôle de loustic, Georges Brassens. Il lui chante Le Gorille ou Putain de toi, des chansons qu’elle ne voudra jamais interpréter, contrairement à La Chasse aux papillons ou La Mauvaise Réputation qu’elle chante au Patachou avant de laisser l’inconnu monter sur scène, accompagné par le contrebassiste du lieu, Pierre Nicolas. Georges Brassens ne reniera jamais la dette qu’il eut à l’égard de celle qui le tira du découragement et de la lassitude qui l’avaient alors happé. Elle présente Brassens à Ray Ventura, puis à Jacques Canetti qui le fait embaucher chez Polydor et l’engage pour une tournée estivale avec Patachou et Les Frères Jacques. Mais c’est aussi par elle que seront découverts Guy Béart – elle fut une excellente interprète en 1957 de Bal chez Temporel –, Jacques Brel, Jean-Claude Darnal, Maurice Fanon, Hugues Aufray, Frida Boccara, Nicole Croisille, Charles Aznavour.Patachou était une muse, un agent actif de la chanson française. Elle fut aussi une interprète de caractère, qui inscrivait à ses tours de chant des classiques du répertoire : outre Brassens, Aristide Bruant (Rue Saint-Vincent, Nini peau d’chien), Léo Ferré (Le Piano du pauvre, en 1954), Francis Lemarque (Bal, petit bal), Charles Aznavour (Sur ma vie)... Des compositeurs et paroliers écrivent pour elle, comme Jamblan et Alec Siniavine qui lui offrent La Bague à Jules. On la voit chanter La Complainte de la butte dans le film French Cancan, de Jean Renoir (1955), dans lequel elle tient le rôle d’Yvette Guilbert.Une carrière aux Etats-UnisEn 1953, elle part en tournée dans le monde entier. « Gamine française avec un nom fascinant », selon la presse américaine, elle chante au Waldorf-Astoria et au Carnegie Hall à New York, puis partout aux Etats-Unis où elle fera une longue carrière – elle apparaîtra plus de vingt fois dans le « Ed Sullivan Show ». Elle poursuit sa carrière, triomphe à Bobino, à l’Olympia. Elle créé en 1960 une comédie musicale, Impasse de la fidélité, au Théâtre des ambassadeurs. Puis fête ses dix ans de carrière à l’ABC avec un pastiche de My Fair Lady.A la fin des années 1960, elle vend Le Patachou et prend la direction artistique du restaurant cabaret du premier étage de la Tour Eiffel en 1970. Deux ans plus tard, elle donne soixante récitals au Théâtre des Variétés, avec Gérard Calvi et son orchestre. En janvier 1973, elle se produit au Théâtre Fontaine. Patachou se consacre ensuite à sa carrière d’actrice – elle a aussi fait une belle carrière à la télévision, au théâtre et au cinéma où elle apparaît notamment dans Napoléon (Sacha Guitry, 1955), Faubourg Saint-Martin (Jean-Claude Guiguet, 1986), Cible émouvante (Pierre Salvadori, 1993) et Pola X (Leos Carax, 1999). Dates10 juin 1918 : naissance à Paris1956 : sortie de l’album Patachou chante Brassens1972 : soixante récitals au Théâtre des Variétés à Paris30 avril 2015 : mort à ParisVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.05.2015 à 12h00 • Mis à jour le16.05.2015 à 12h08 | Harry Bellet Les résultats des ventes aux enchères d’art impressionniste, moderne et contemporain de New York battent si régulièrement des records que ça en deviendrait presque lassant, si celles qui se sont achevées jeudi 14 mai ne révélaient quelques nouveautés dans ce marché très particulier. Sauf erreur dans l’addition, le produit vendu en une semaine dépasse les 2 milliards de dollars, 2 457 000 000 si on ajoute la vente d’art impressionniste de Sotheby’s qui se tenait la semaine précédente. Christie’s avait pour sa part préféré décaler la sienne pour ne pas coïncider avec le vernissage de la biennale de Venise qui avait lieu au même moment. Soit 4% de la totalité des échanges d’œuvres d’art de l’année précédente dans le monde, estimée à 58 milliards de dollars.Le tout a été couronné par un nouveau record mondial pour un tableau vendu aux enchères (d’autres auraient fait mieux en vente privées, mais les montants sont là invérifiables), les 179,4 millions de dollars obtenus chez Christie’s pour Les Femmes d’Alger de Picasso. A ce prix là, il s’agit d’un trophée : on observe l’arrivée de nouveaux venus sur le marché, richissimes mais pas nécessairement au fait des subtilités de l’histoire de l’art - toutefois, Picasso, ils en ont entendu parler. Pour peu que le catalogue de la vente leur explique que celui-ci fut peint en hommage à Matisse (ce qui reste à prouver) mort peu de temps auparavant, dont ils connaissent aussi vaguement le nom, et à Delacroix (une rapide consultation sur internet leur confirmera qu’il fut un peu fameux), et les voila rassurés. Un brin flattés aussi d’apprendre la présence dans la salle de « beautiful people », comme l’acteur Leonardo di Caprio, qui achetait peu mais se montrait beaucoup. Pour le reste, la publicité mondiale donnée par la presse à cette vente suffira à ce que leurs amis reconnaissent la chose lorsqu’elle sera accrochée dans leur salon. Ou dans leur musée, puisqu’il est désormais de bon ton de s’en faire construire un à son nom.Tétons floutés à la télévisionNe soyons pas trop caustiques : la toile est belle, et encore dérangeante, au point que la chaîne de télévision Fox News s’est sentie de son devoir moral de flouter les tétons des algériennes. Trophée, mais à double titre, puisque il n’a pas été simple pour Christie’s d’en obtenir le mandat de vente : il leur a fallu pour cela assurer à son précédent propriétaire que, quel que soit le résultat des enchères, il toucherait un montant convenu d’avance. C’est le principe de la garantie, qui dans la vacation considérée, a atteint des sommets : 49 œuvres, soit plus de la moitié des lots de la vente, étaient ainsi garantis. Si Christie’s les cédait moins cher que prévu, la maison en était de sa poche. Le temps où les commissaires priseurs agissaient en intermédiaires neutres entre un vendeur et un acheteur est désormais bien loin.Placement à court et long termeC’est d’ailleurs ce qui gêne le plus les observateurs. Un marchand cité par le New York Times n’hésite pas à parler d’opacité, un comble pour une vente publique. Un autre confie au Monde ses doutes sur la réalité de certaines ventes, un tableau supposément cédé à un tiers pouvant en fait être acheté par la maison elle-même, qui trouve son intérêt à soutenir les prix, spécialement quand son propriétaire est lui-même un des plus importants collectionneurs du monde et valorise ainsi son stock.Dernier enseignement, l’art est définivement devenu un placement qui, s’il est parfois risqué, peut aussi s’avérer très rentable. Sur le long terme, par exemple ce mobile de Calder, acheté 650 000 dollars en 2001, revendu 5,8 millions de dollars cette semaine. Sur le court terme, ça marche aussi très bien : le Portrait d’Henrietta Moraes peint par Bacon en 1963 avait été acheté 33,4 millions à Londres en 2012, rappelle l’excellent Judd Tully, un des meilleurs spécialistes de ce marché. Il a été revendu 47,7 millions de dollars. Plus de 14 millions de dollars de plus-value en trois ans, on comprend mieux l’amour de l’art.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi Il ne fleure pas bon critiquer les émirats arabes unis. Membre de Gulf Labor, collectif fondé en 2010 pour dénoncer les piteuses conditions de travail des ouvriers sur les chantiers du Louvre et du Guggenheim sur l’île de Saadiyat à Abou Dhabi, l’artiste libanais Walid Raad vient d’en faire l’amère expérience. A son arrivée le 11 mai à l’aéroport de Dubaï, il a été retenu à l’immigration puis renvoyé 24 heures plus tard par le premier vol vers les Etats-Unis.Dans un texte publié sur le site de Gulf Labor, il raconte avoir été expulsé pour des « raisons de sécurité ». Deux autres membres de l’association s’étaient déjà vus refuser l’entrée aux émirats : le sociologue Andrew Ross, refoulé en mars, et l’artiste indien Ashok Sukumaran, début mai. Walid Raad avait pourtant exposé en 2011 à la Biennale de Sharjah. Il s’était même rendu aux émirats l’an dernier sans le moindre souci. Mais entretemps, la dénonciation des abus sur les chantiers d’Abou Dhabi est allée crescendo. En février, l’ONG Human Rights Watch a publié un rapport indiquant que certains employeurs « continuent de retenir les salaires et avantages de migrants, de ne pas rembourser leurs frais de recrutement, de confisquer leurs passeports et de leur fournir des logements de mauvaise qualité ».Banderoles et enquêteLes membres de Gulf Labor ont rebondi sur le sujet le 1er mai en occupant l’atrium du musée Guggenheim de New York avec une bannière circulaire portant cette inscription : « Répondez maintenant aux demandes des travailleurs ! ». Une semaine plus tard, le 8 mai, les mêmes activistes ont brandi leurs banderoles devant le musée Peggy Guggenheim à Venise. Un autre étendard moins frontal est accroché dans l’exposition « All the world’s Futures » du commissaire d’exposition Okwui Enwezor, dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Venise. Le 29 juillet, à l’invitation du curateur américano-nigérian, Gulf Labor y annoncera les résultats de sa dernière enquête sur les conditions de travail sur l’île de Saadiyat.Walid Raad se rendait précisément dans les émirats pour finaliser les recherches. « Nous interrogeons les ouvriers de Saadiyat, mais aussi d’autres lieux dans le Golfe persique au sujet de leurs rêves, de leurs demandes, de leurs conditions de vie et de travail, explique-t-il. Nous parlons aux employés et aux recruteurs. Une de nos équipes a fait une enquête en Inde cette année pour comprendre pourquoi et comment les ouvriers se rendent dans le Golfe. Nous nous adressons aussi aux employeurs de la région qui construisent de meilleurs logements pour les ouvriers et qui les payent mieux. Nous parlons avec les architectes qui ont bâti ces logements, aux économistes qui ont des points de vues intéressants sur les effets que de meilleurs salaires auraient sur les économies du Golf et du reste de l’Asie. » Comment la direction du Guggenheim, dont la bouture émirienne prétend avoir une lecture « inclusive et expansive de l’histoire de l’art », a-t-elle réagi à son expulsion ? « Comme d’habitude, on m’a dit : ’nous sommes préoccupés par cela, et nous faisons ce que nous pouvons, mais nous avons tellement peu d’influence’ ». Ou alors ’nous allons passer des coups de fils et revenir vers vous’, confie l’artiste. Ils ont agi de la même façon avec les revendications de Gulf Labor : ils ont renvoyé la balle, caché leur tête dans le sable, et espéré que ça passe sans trop de dégâts en terme de communication. »Le site de Gulflabor : gulflabor.orgRoxana AzimiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionCette édition du Festival de Cannes est joliment arborée. Au bout de trois jours de sélection officielle, on a traversé les bois enchantés de Matteo Garrone (Le Conte des contes), les forêts polonaises qui entouraient les camps d’extermination (Le Fils de Saul), les rangs de cerisiers en fleur d’Hirokazu Kore-eda (Notre petite sœur) et de Naomi Kawase (An). Gus Van Sant se met lui ouvertement au vert avec The Sea of Trees (« la mer d’arbres »), qui sortira en France sous le titre La Forêt des songes.Aokigahara, 35 kilomètres carrés d’une végétation dense sur sol de roche volcanique au pied du mont Fuji, est en fait surtout connu sous son surnom de « forêt des suicides ». Chaque année, une centaine d’êtres humains, surtout des Japonais, mais pas seulement, s’y donnent la mort, par pendaison, par surdose.Gus Van Sant a déjà mis en scène ce moment du renoncement à l’existence, dans le très elliptique et dérangeant Last Days, inspiré du suicide de Kurt Cobain, présenté à Cannes en 2003. Avec Gerry (2002), il a aussi filmé l’agonie de deux hommes égarés dans un désert. Pourtant, hélas, ce ne sont pas à ces films que fait penser La Forêt des songes, mais plutôt à A la recherche de Forrester, ce mélodrame sentimental qui offrait à un professeur misanthrope (Sean Connery) l’occasion de réintégrer le genre humain.Série de retours en arrièreArthur (Matthew McConaughey) est lui aussi professeur et tout aussi décidé à rompre avec ses semblables. Seulement, à la retraite, il a préféré le suicide. On le voit, bel Américain solitaire, prendre l’avion pour Tokyo et la correspondance pour la forêt d’Aokigahara (on apprendra plus tard qu’il en a connu l’existence grâce à Internet). Une série de retours en arrière explique la mine sombre d’Arthur. Ils ont pour autre personnage Joan (Naomi Watts), sa compagne. Elle est agente immobilière et fait bouillir la marmite pendant que l’homme de la maison végète, professeur de physique dans un établissement universitaire dont on devine qu’il n’appartient pas à l’Ivy League.Au moment où le professeur s’apprête à absorber de nombreux cachets depuis un point de vue imprenable sur la « mer des arbres », un autre candidat au suicide fait irruption, les poignets ensanglantés. Il est japonais, dit s’appeler Takumi Nakamura et fait si triste figure qu’Arthur décide de venir à son secours plutôt que de continuer à absorber ses pilules.Le Japonais, heureusement anglophone (il est interprété par Ken Watanabe, qui, en plus de ses mérites artistiques, est un vétéran des coproductions américano-japonaises) proclame qu’il ne veut plus mourir, mais retrouver les siens, et Arthur accepte de le guider jusqu’au parking où les candidats au suicide laissent leur voiture. Cette marche se transforme bientôt en odyssée ponctuée de découvertes macabres, d’incidents météorologiques spectaculaires et de chutes vertigineuses. Mais toujours les deux se relèvent. Nakamura tente d’assouplir le tour d’esprit scientifique d’Arthur, de lui faire comprendre que les cris qu’on entend ne sont pas ceux d’animaux, que les morts ne sont pas forcément des disparus et que s’ils n’arrivent pas à sortir de la forêt, c’est que celle-ci en a décidé ainsi.Partition dégoulinanteIl se trouve qu’avec délicatesse et douceur Hirokazu Kore-eda et Naomi Kawase viennent de rafraîchir la mémoire du public cannois à ces sujets (l’intrication de la vie et de la mort, de l’humain et de la nature), et leur finesse dessert certainement Gus Van Sant. Malgré le talent de Ken Watanabe, qui parvient – en dépit des pièges du scénario et des dialogues – à préserver jusqu’au bout la part de mystère de son personnage, on se croirait revenu aux temps où les studios hollywoodiens bridaient les yeux de comédiens occidentaux pour leur faire proférer des vérités sorties d’un fortune cookie. Cette appropriation maladroite et sûrement approximative d’une philosophie et d’une culture imprime sa marque à tout le film, quels que soient ses éclairs d’inspiration.On les trouve d’ailleurs plutôt dans la peinture du couple que formaient Arthur et Joan. Commencée sur un mode plus que conventionnel – l’épouse acerbe et le mari réduit à l’impuissance, la faute primale qu’on ne finit jamais d’expier –, cette chronique conjugale finit par s’incarner un peu grâce à Matthew McConaughey et Naomi Watts. Seulement, le sujet du film n’est pas là, mais dans l’épiphanie qu’éprouve Arthur, dont les conséquences ultimes frisent le ridicule, encore appuyée par une partition dégoulinante de Mason Bates.Cette déception, qui arrive après celles – moindres – qu’avaient suscitées les deux précédents films de Gus Van Sant (Restless et Promised Land), provoque un peu d’inquiétude au sujet de l’auteur d’Elephant. Elle pose aussi la question de la représentation américaine dans la compétition cannoise. Les studios (et pas seulement les majors), sauf exception, refusent d’intégrer le Festival dans une équation dont le seul résultat intéressant pour eux se calcule en nombre d’Oscars. Si bien que les grands auteurs, de Scorsese à Fincher, ne peuvent lancer leurs films qu’à partir de septembre. Face à ce tarissement, les sélectionneurs doivent recourir à des expédients comme le choix d’une œuvre mineure signée d’un grand nom, ce qu’est, de toute évidence, La Forêt des songes.Film américain et japonais de Gus Van Sant  avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts (1 h 50). Sortie le 9 septembre. Sur le Web : www.snd-films.comThomas SotinelJournaliste au Monde 16.05.2015 à 04h40 • Mis à jour le16.05.2015 à 07h29 Le directeur des programmes du géant américain de la vidéo à la demande (VOD) Netflix, Ted Sarandos, a jugé vendredi 15 mai à Cannes, que la réglementation européenne ne protège pas le cinéma et au contraire l’affaiblit. Ted Sarandos, qui est en charge des contenus de la plateforme internet, a pointé du doigt les règles françaises comme le délai de 36 mois imposé pour que Netflix puisse proposer un film après sa sortie.« Cela ne protège pas le cinéma », en fait ça le rend plus faible, a affirmé Ted Sarandos lors d’une conférence organisée dans le cadre du Festival de Cannes. « La chronologie des médias, en France, favorise le piratage. Devoir attendre trois ans pour que les gens puissent voir un film comme il le souhaite encourage cette pratique », a-t-il ajouté.Lire notre note de blog : Netflix s’inquiète du piratage en EuropeLa chronologie des médias est la règle qui impose un délai de 36 mois aux services de vidéo à la demande par abonnement avant d’intégrer un long-métrage à leur catalogue. Présent dans la salle, le producteur américain Harvey Weinstein a pris la défense de Netflix, alors que la plateforme est accusée de ne pas participer au financement de la création, comme le réclament les diffuseurs européens. Netflix a installé son siège européen à Amsterdam depuis le 1er janvier.« Offrir le choix aux consommateurs »Harvey Weinstein, qui a produit des succès au box-office comme « Pulp fiction », « Le Discours d’un roi » ou « The Artist », a qualifié Netflix de « visionnaire » pour sa capacité à créer de nouveaux marchés mondiaux pour des produits tels que les documentaires ou les films en langue étrangère.Le cinéaste américain Joel Cohen, co-président du jury cette année à Cannes, avec son frère Ethan, a évoqué mercredi lors d’une conférence de presse l’émergence de sociétés comme Netflix en ironisant sur ceux qui « regardent ’Lawrence d’Arabie’ sur un iPhone ».« Rien de ce que nous faisons n’est censé aller à l’encontre des salles de cinéma », a assuré Ted Sarandos. « Je veux offrir le choix aux consommateurs », a-t-il insisté. Netflix s’est lancé dans la production originale de contenus avec des séries comme « House of Cards » et « Marco Polo » ou des films comme « Tigre et Dragon ».Lire aussi : J’ai testé Netflix : la révolution a un goût d’inachevé 15.05.2015 à 18h09 • Mis à jour le15.05.2015 à 19h57 Fabien Marsaud, nom de scène Grand Corps Malade, pense être victime d'une « censure » après l'annulation d'un concert prévu à Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis par la mairie. « En annulant ce concert on m'empêche de m'exprimer », affirme le rappeur, accessoirement originaire de la ville, et qualifie la décision du maire, Thierry Meignen (UMP), de « politique ».La municipalité du Blanc-Mesnil annule mon concert car elle ne veut pas que mon invité Rachid Taxi monte sur scène avec moi.#honteux— Grand Corps Malade (@grandcorpsmalad)require(["twitter/widgets"]);Le concert, programmé depuis quatre mois, a été annulé le 12 mai « par courrier recommandé », la mairie invoquant « un problème d'assurance », a-t-il précisé, confirmant une information du Parisien.« C'est une excuse bidon ! La municipalité ment de façon décomplexée car, en fait, elle s'opposait à la venue sur scène de Rachid Taxi et avait peur de potentiels propos politiques de ce citoyen concerné. »« Ce n'est pas de liberté d'expression qu'il s'agit ici »Rachid Taxi, nom de scène, est un chauffeur de taxi qui vit au Blanc-Mesnil, ami de Grand Corps Malade, qui l'a plusieurs fois invité pour des concerts. Mais pour le maire, cité par l'Agence France-Presse, il s'agit surtout d'un « militant d'extrême gauche » qui passe son temps à le « calomnier sur Internet ».« Le simple fait de faire monter cette personne sur scène est une provocation, un coup tordu. Grand Corps Malade le sait (…) Ce n'est pas de liberté d'expression qu'il s'agit ici. Je dis “non”, car la ville paye pour avoir Grand Corps Malade, dans le contrat il vient seul, il est assuré, et ça n'est pas respecté. »Lire le portrait : « Rachid taxi », de la Marche des Beurs à 2012, la même rage pour l'égalité La ministre de la culture, Fleur Pellerin, s'est impliquée dans le litige en s'élevant contre une « annulation honteuse au Blanc-Mesnil. Une décision politique contre la liberté de création. Inacceptable ».Annulation honteuse au Blanc Mesnil. Une décision politique contre la liberté de création. Inacceptable. Tout mon soutien @grandcorpsmalad— Fleur Pellerin (@fleurpellerin)require(["twitter/widgets"]);Stéphane Troussel, président socialiste du département, a tenté de trouver un compromis en proposant d'organiser un concert « dans les prochaines semaines » dans un collège du Blanc-Mesnil. Ce que Fabien Marsaud a accepté, puisque cette fois-ci, « Rachid Taxi sera là ». « Récupération politicienne », a balayé vendredi soir M. Meignen dans un communiqué, reprochant au socialiste de « faire de la politique dans un collège » et de « prendre les collégiens en otage ». Sylvie Kerviel Des panneaux rappelant des paravents qui coulissent au son du shamisen, instrument traditionnel japonais, tandis qu’un renard à neuf queues aux faux airs de dragon joue à cache-cache entre les cloisons : Dogugaeshi offre au spectateur une heure de total dépaysement. Tout surprend dans ce spectacle à effet hypnotique de l’Américain Basil Twist, présenté jusqu’au 28 mai au Théâtre Mouffetard à Paris pendant la Biennale internationale des arts de la marionnette (BIAM).C’est au Japon, sur l’île d’Awaji, que l’artiste, formé à l’Institut international de l’Ecole supérieure nationale des arts de la marionnette de Charleville-Mézières (Ardennes), a découvert la technique qui a donné son nom au spectacle et qui consiste à faire coulisser, horizontalement et verticalement sur des rails, des panneaux décorés, à des niveaux de profondeur différents, créant un effet de mise en abyme. Les mouvements de ce décor, sur lequel sont, par intermittence, projetées des vidéos, évoluent au rythme des musiques qu’interprète, assise à un coin de la scène, dans une semi pénombre, Yumoko Tanaka. Performance vidéoDogugaeshi relève davantage de la performance vidéo que de l’art de la marionnette. Le renard à neuf queues est d’ailleurs le seul personnage animé du spectacle et n’apparaît que furtivement – au risque de décevoir une partie du public, pour lequel un spectacle de marionnettes appelle moins d’abstraction. Ceux là pourront trouver leur bonheur parmi les quelque trente spectacles, présentés par vingt-huit compagnies venues du monde entier pour cette 8e édition de la BIAM, qui se déploie dans Paris et neuf communes franciliennes jusqu’au 30 mai.Du personnage en bois, laine et tissu actionné à la main, aux apparitions vidéos en passant par les silhouettes en papier découpé des théâtres d’ombres : l’univers de la marionnette ne se réduit plus, et depuis longtemps, à celui de Guignol, et les thèmes abordés flirtent souvent avec la gravité. A l’instar de A House of Asia, de la compagnie espagnole Agrupacion Senor Serrano, évoquant la traque de Ben Laden à l’aide de soldats en plastique et d’images vidéos ; ou de Ecris moi un mouton, présenté par la compagnie Arnica, qui aborde la question de la guerre d’Algérie à partir de témoignages repris sur scène par des personnages de chiffon selon la technique dite des « marionnettes sur table ».Un mystérieux CinéMarionnettoGrapheLes petits ne sont cependant pas oubliés. Le spectacle Oblique, proposé aux enfants dès l’âge de 8 ans, joue sur les mots avec beaucoup d’humour et un sens de l’absurde hérité des Shadoks, en mettant en scène des personnages métalliques faits de bric et de broc. Egalement destiné aux plus jeunes, Clic, de la compagnie Des Fourmis dans la lanterne, invite à découvrir l’esprit de Charlie Chaplin ou de Buster Keaton grâce à un mystérieux CinéMarionnettoGraphe. Des ateliers et stages sont aussi proposés à ceux qui voudraient prolonger la rêverie en fabriquant et faisant vivre eux-mêmes leurs propres créations.Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marine Le Gohébel Un documentaire divertissant et instructif sur la première inégalité qui oppose hommes et femmes : leur taille (vendredi 15 avril à 22 h 30, sur Arte).Une succession de photos de couples. Des hommes et des femmes se tiennent par la taille et posent devant l’objectif. En toile de fond, Paris et la tour Eiffel, des villes de France ou du monde. Et la voix off nous interroge : « Avez-vous remarqué un détail ? » Les femmes sont plus petites que les hommes. Partout dans le monde, les hommes dépassent les femmes, jusqu’à 15 cm en Europe du Nord. Comment s’explique ce que les scientifiques nomment le dimorphisme sexuel de taille ?Le documentaire de Véronique Kleiner interroge ce qui semble évident, ce qu’on n’a jamais pensé remettre en cause. Et pour comprendre ce mystère, elle convoque tour à tour des pédiatres, des historiens, des biologistes et des zoologistes, des anthropologues, des sociologues et des ethnologues. Un à un, ceux-ci démontent les clichés. Le premier ? Nous ne sommes pas de plus en plus grands. Notre taille change en fonction des époques. Un autre ? La taille est un indicateur du niveau social et des conditions de vie. Les jeunes aristocrates anglais du XIXe siècle dépassaient leurs concitoyens des couches populaires d’une tête. Un dernier ? Chez les animaux, les mâles ne sont pas systématiquement plus imposants que les femelles.A rebrousse-poilLa femelle baleine est le plus grand mammifère sur terre. La taille des tortues – mâle ou femelle – dépend de leur environnement. Si l’homme est un animal comme les autres, sa taille dépend-elle de son environnement ?Le documentaire poursuit l’investigation. Les extraits de films muets (Les Trois Ages, de Cline et Keaton, et Charlot nudiste, de Chaplin) apportent un rythme. La voix caustique de Sophia Aram donne un ton primesautier. Elle interpelle, mais n’assène pas. Le documentaire nous prend à rebrousse-poil. A l’image de son titre, qui ne met plus les femmes dans une position passive, mais en fait le sujet. Véronique Kleiner s’amuse en précisant la taille de chacun de ses interlocuteurs. Qui, entre le pédiatre de 1 m 70 et l’anthropologue de 1 m 57, aura raison ?Alliant humour et rigueur, ce documentaire apporte des réponses passionnantes à des questions étonnantes.Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ?, de Véronique Kleiner, (France, 2013, 52 min).Marine Le GohébelJournaliste au Monde 15.05.2015 à 11h01 • Mis à jour le15.05.2015 à 13h17 | Hélène Delye Une évocation à la fois crue et poétique des troubles bipolaires (vendredi 15 mail à 23 h 20 sur Arte).Il y a ce mouvement de balançoire, qu’elle filme à plusieurs reprises dans son documentaire. La caméra subjective fait qu’on y ressent ce haut-le-cœur grisant et un peu étourdissant, qui saisit chaque fois qu’on se balance très haut. Et puis il y a cette séquence, amorce magnifique du film issue des archives personnelles de sa réalisatrice, Caterina Profili.On la voit enfant sur une plage de Toscane, jouant dans les vagues, filmée en Super-8. « J’ai 7 ans, je ne suis ni particulièrement jolie ni spécialement intelligente… Mais, en moi, s’agite la mer », commente la réalisatrice, avec sa voix d’adulte au bel accent italien. Quelle image vertigineuse et bien choisie pour évoquer les excès et les accès qui caractérisent les troubles bipolaires, les vagues d’exaltation auxquelles succèdent les tréfonds de la dépression.Lorsqu’elle est en phase maniaque, Caterina Profili se sent toute-puissante, se laisse entraîner par ses fulgurances. Elle échafaude des projets impossibles, achète des billets d’avion, et fait des chèques en bois. Elle s’agite, c’est sûr, se débat, peut-être, jusqu’à s’effondrer. Tout à coup, elle plonge dans la torpeur de la dépression, se cloître chez elle, n’est plus capable de rien sauf de tenter de se donner la mort. « Une vie bipolaire est un parcours de fractures. »« Créatifs, spirituels »Dans Etoile bipolaire, la réalisatrice trace, avec aplomb et finesse, le portrait de sa maladie en racontant son propre cheminement, mais aussi en tendant son micro à trois de ses amis, tous bipolaires. Comme l’un deux, Louis, était en dépression pendant le tournage, on ne l’entend pas beaucoup… Mais on saisit tout, grâce à la parole posée et ouverte de sa mère, mais aussi grâce aux va-et-vient de Caterina Profili, qui s’enregistre quand elle se rend chez lui.Avec persévérance, elle frappe à la porte du jeune homme, qu’elle voit comme « le fils qu’elle n’a pas voulu », l’encourage à ouvrir, à sortir de sa torpeur. Ces séquences, par leur ton, leur rythme, leur absence de discours, comptent aussi parmi les plus belles de ce film affectueux et, cependant, sans complaisance.« Nous sommes brillants, altruistes, ironiques, créatifs, spirituels, voire mystiques, solidaires », entonne, avec fierté, la réalisatrice, à propos des bipolaires, qui peuvent être, aussi, sacrément fatigants, lorsqu’ils sont dépassés par leur propre exaltation, qu’ils délirent, exigent et ressassent sans fin. « Tout nous blesse, et nous restons incontestablement fous », dit encore Caterina Profili, dédiant son film au psychiatre Louis Bertagna (1920-2006), spécialiste de la dépression et des troubles bipolaires.Grâce à la parole simple et parfois même rieuse de ses deux amies Laurence et Frédérique, la réalisatrice évoque sans détour le sentiment de culpabilité d’être malade (d’une maladie à la mode, en plus), mais aussi la question du suicide, qui couve chez chacune d’entre elles… Sans oublier les troubles alimentaires, l’envie récurrente de jouer avec ses propres limites, de ne prendre qu’à moitié – voire pas du tout – ses médicaments, avant d’atterrir à l’hôpital psychiatrique.De ce film à la fois juste et cru, on retiendra aussi la musique saccadée et lancinante du grand chef d’orchestre Arturo Toscanini (1867-1957), dont la voix et les directions tonitruantes se sont réincarnées dans la tête de Caterina Profili depuis l’été 1978. Cohabiter avec les rugissements de Toscanini dans la tête, c’est original, mais c’est forcément déroutant.Etoile bipolaire, de Caterina Profili (Fr., 2014, 65 min).Hélène DelyeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Comme la Fête de la musique, les Journées du patrimoine, la Nuit blanche ou la MuseumWeek, la Nuit des musées fait partie de ces événements culturels créés en France qui séduisent désormais au-delà des frontières hexagonales. Pour sa 11e édition qui a lieu samedi 16 mai, l’événement prolongera la journée de quelque 1 300 musées en France et près de 3 400 à travers l’Europe jusqu’à minuit − parfois plus tôt, parfois plus tard, selon les lieux. Partout, l’accès sera gratuit toute la soirée.Pour les institutions participantes, il s’agit au minimum d’une ouverture exceptionnelle en nocturne, mais la plupart proposent de redécouvrir leurs collections ou expositions temporaires avec des dispositifs inédits et créatifs. Le programme complet est consultable en ligne. Visites spécifiques, performances, ateliers, concerts, lectures, animations scientifiques ou projections, voici une sélection de propositions prometteuses:Picasso dansé en son musée, « Bal moderne » inspiré par l’immigration Le chorégraphe Loïc Touzé a été invité par le Musée national Picasso et l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson à investir les espaces de la collection en s’inspirant de l’œuvre du peintre. « Faire une danse à côté de la couleur qui elle, fait un guerrier, un taureau, une femme. Etre réel, réel comme une toile peinte par des gestes. Faire des gestes épais et simples, voir une danse qui ne se montre pas » : voici résumé par le danseur le programme de son intervention. De 20 heures à 21 h 15.Cette année, le Musée de l’histoire de l’immigration met également la danse contemporaine en avant, avec un « Bal moderne », dans le Palais de la Porte Dorée. Selon le concept créé en 1993 au Théâtre national de Chaillot, danseurs débutants ou confirmés seront conviés à apprendre des danses imaginées par des chorégraphes à partir de répertoires chorégraphiques et musicaux des cultures de l’immigration.Peinture et cinéma au Musée d’Orsay et au MAM, musiques décalées Les grands mouvements artistiques du XIXe siècle (réalisme, impressionnisme, symbolisme ou Art nouveau), et notamment l’esthétique de Renoir, Monet, Moreau ou Gérôme, ont inspiré les premiers réalisateurs. Le Musée d’Orsay recrée ces liens entre peinture et cinéma avec un écran géant déployé dans la nef, où les visiteurs pourront voir des films des pionniers du cinéma, de Méliès à Chaplin. Les images seront accompagnées en live par les élégantes compositions pop du groupe Dorian Pimpernel. Entre les projections, et sur ce même thème, des conférenciers présenteront des œuvres du musée.Autre hommage faisant le lien entre art et cinéma : le Musée d’art moderne de la Ville de Paris proposera à 21 heures une projection en plein air de Belle de jour (1967), de Luis Bunuel, en lien avec l’exposition « La Passion selon Carol Rama », consacrée à cette artiste italienne inclassable et méconnue.Quant au LAM, à Villeneuve-d’Ascq, il proposera également, parmi ses multiples propositions, une association inattendue entre ses collections et la musique, avec des visites déambulatoires accompagnées par le collectif de chant Ensemble 101. « Chasse au Snark », performances et vidéos au Musée de la chasse et de la nature Ce samedi, au Musée de la chasse et de la nature, on chassera le Snark, un animal fantastique auquel Lewis Caroll a consacré un récit poétique et absurde. Dès 20 heures, le texte donnera lieu à quatre performances dans différents espaces du musée, sous forme de quatre chapitres revisités par des artistes aux univers très différents (Skall, Duan Zhao, Qin Han et Eric Madeleine). En parallèle, les vidéos lauréates du concours du musée destiné aux étudiants et jeunes diplômés des filières cinéma et arts plastiques seront projetées – la compétition, qui en est à sa 7e édition, porte cette année sur le thème « Qui sont les animaux ? ».Troubles et dégustations au MAC/VAL Le MAC/VAL proposera pas moins d’une douzaine de performances, dégustations artistiques ou visites très spéciales. Dans le cadre de l’exposition « Cherchez le garçon« , qui marque les 10 ans du musée d’art contemporain du Val-de-Marne, le performeur Pierre Joseph « activera » deux de ses personnages-archétypes : « GI »(Vietnam) et « Marine » (Afghanistan), tandis que Florian Sicard se transformera dans un mouvement continuel, sans jamais se figer dans un personnage identifié. A 19 heures, les visiteurs sont conviés à une performance anthropophagique : déguster un moulage en chocolat grandeur nature du corps de l’artiste Laurent Moriceau. Le duo Dector & Dupuy proposera par ailleurs une visite-dérive absurde et poétique d’une heure dans Vitry-sur-Seine.Art et jeunes enfants au Palais de Tokyo, au Petit Palais ou à LilleDès 18 heures, le Palais de Tokyo proposera des visites ludiques au cœur des expositions d’art contemporain de la saison « Bord des Mondes » pour les adultes et les enfants de 5 à 10 ans. Même public, mais autre ambiance au Petit Palais, qui organise un jeu de piste costumé dans l’exposition « Les Bas-fonds du Baroque. La Rome du vice et de la misère » à partir de 18 h 30.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-555720da08a47'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 13\r\n \r\n \r\n\u00ab Gants \u00e0 d\u00e9couper pour cuisinier \u00bb - \u00ab Ce kit de d\u00e9coupage est id\u00e9al pour les personnes qui disposent d\u2019un espace de travail restreint ou qui aiment la sensation de ne faire qu\u2019un avec leurs outils. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Gants \u00e0 d\u00e9couper pour cuisinier \u00bb","legende":"\u00ab Ce kit de d\u00e9coupage est id\u00e9al pour les personnes qui disposent d\u2019un espace de travail restreint ou qui aiment la sensation de ne faire qu\u2019un avec leurs outils. \u00bb","source":"\u00a9 KENJI KAWAKAMI","index":0,"position":1,"total_count":13,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/02\/20\/les-objets-improbables-et-delirants-de-kenji-kawakami-au-palais-de-tokyo_4580304_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 13\r\n \r\n \r\n\u00ab Refroidisseur automatique d\u2019aliments \u00bb - \u00ab Pour les personnes qui disposent d\u2019une courte pause-d\u00e9jeuner, manger des nouilles asiatiques dans leur soupe bouillante pose bien souvent le choix corn\u00e9lien de se br\u00fbler le palais ou d\u2019arriver en retard au travail. Ces baguettes \u00e9quip\u00e9es d\u2019un ventilateur raccourciront consid\u00e9rablement le temps n\u00e9cessaire avant que vos nouilles soient consommables en toute s\u00e9curit\u00e9. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Refroidisseur automatique d\u2019aliments \u00bb","legende":"\u00ab Pour les personnes qui disposent d\u2019une courte pause-d\u00e9jeuner, manger des nouilles asiatiques dans leur soupe bouillante pose bien souvent le choix corn\u00e9lien de se br\u00fbler le palais ou d\u2019arriver en retard au travail. 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Beaucoup moins pratique, par contre, pour mettre dans un plat d\u2019\u00e9pinards. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Beurre en tube \u00bb","legende":"\u00ab Apr\u00e8s le rouge \u00e0 l\u00e8vres et le d\u00e9odorant, le beurre fait son apparition dans le monde du stick. Tr\u00e8s pratique pour tartiner vos toasts, il vous \u00e9vitera de salir un couteau ou de casser vos biscottes. 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Maintenant, r\u00e9duisez le temps de s\u00e9chage et ne restez plus oisif : pendant que l\u2019une de vos mains s\u00e8che, actionnez la pompe avec l\u2019autre et le temps passera plus vite. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab S\u00e8che-vernis express \u00bb","legende":"\u00ab Ne rien pouvoir faire en attendant que vos ongles s\u00e8chent est un calvaire. Maintenant, r\u00e9duisez le temps de s\u00e9chage et ne restez plus oisif : pendant que l\u2019une de vos mains s\u00e8che, actionnez la pompe avec l\u2019autre et le temps passera plus vite. \u00bb","source":"\u00a9 KENJI KAWAKAMI","index":3,"position":4,"total_count":13,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/02\/20\/les-objets-improbables-et-delirants-de-kenji-kawakami-au-palais-de-tokyo_4580304_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 13\r\n \r\n \r\n\u00ab Doigt-brosse \u00e0 dents \u00bb - \u00ab Vous aimez vous brosser les dents avec pr\u00e9cision, mais il faut bien reconna\u00eetre que ce n\u2019est pas toujours facile avec une brosse au bout d\u2019un manche d\u2019une vingtaine de centim\u00e8tres. Retrouvez toute la pr\u00e9cision de vos mouvements en supprimant ce manche interm\u00e9diaire gr\u00e2ce \u00e0 la brosse \u00e0 dents digitale. Vous allez enfin conna\u00eetre votre bouche \u201csur le bout des doigts\u201d. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Doigt-brosse \u00e0 dents \u00bb","legende":"\u00ab Vous aimez vous brosser les dents avec pr\u00e9cision, mais il faut bien reconna\u00eetre que ce n\u2019est pas toujours facile avec une brosse au bout d\u2019un manche d\u2019une vingtaine de centim\u00e8tres. Retrouvez toute la pr\u00e9cision de vos mouvements en supprimant ce manche interm\u00e9diaire gr\u00e2ce \u00e0 la brosse \u00e0 dents digitale. 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Ces chaussettes, en revanche, s\u2019enfilent en un clin d\u2019\u0153il pour donner l\u2019impression d\u2019un pied parfaitement soign\u00e9. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Chaussettes avec ongles vernis \u00bb","legende":"\u00ab Se vernir les ongles est une t\u00e2che de pr\u00e9cision et qui demande un certain entretien. 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A pr\u00e9sent, vous pourrez d\u2019une seule pression r\u00e9aliser une photographie panoramique instantan\u00e9e sur 360\u00b0. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Appareil panoramique \u00bb","legende":"\u00ab Vous aimez garder intact le souvenir de vos vacances, mais une photo classique ne vous permet pas de vous replonger compl\u00e8tement dans l\u2019ambiance de vos voyages. 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Encore faut-il r\u00e9ussir \u00e0 s\u2019endormir avec le casque dont le tic-tac peut vite devenir irritant. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Casque-r\u00e9veil \u00bb","legende":"\u00ab Pour les gros dormeurs, il est difficile de trouver une alarme efficace. Celle-ci vous r\u00e9veillera dans une telle panique que vous \u00eates s\u00fbr de ne pas vous rendormir cinq minutes plus tard. 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Ces autocollants en \u201ctrompe-l\u2019\u0153il\u201d vous sauveront la mise et changeront radicalement votre vie professionnelle ou scolaire. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Autocollants de l\u2019auditeur attentif \u00bb","legende":"\u00ab Rester \u00e9veill\u00e9 pendant certains meetings ou pendant de longues conf\u00e9rences peut \u00eatre une v\u00e9ritable \u00e9preuve. 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Ici, des classes de collégiens et de lycéens présenteront une œuvre de leur choix, par des interventions jouées ou chorégraphiées à découvrir au fil de la visite.Dans le cadre de la nouvelle exposition, « Traces... Fragments d’une Tunisie contemporaine », des projections en plein air sont également prévues au fort Saint-Jean à partir de 21 heures. Ce programme de courts-métrages permettra de découvrir le tout premier cinéaste tunisien, Albert Samama Chikli (1872-1934). Projections introduites et suivies d’une rencontre avec le réalisateur Mahmoud Ben Mahmoud, qui présentera son documentaire sur ce pionnier, dont la fille Haydée, sa scénariste et actrice, fut la toute première actrice arabe. En parallèle, le MuCEM propose de découvrir le Centre de conservation et de ressources (CCR), situé à la Belle de Mai, en nocturne, entre découvertes insolites et DJ sets. L'#objetdelasemaine est cette plaque de projection [dite plaque de lanterne magique] venant de Bizerte, Tunisie, le Vieux-Port Mazo et datant de la Fin du XIXe siècle Au moment où le #MuCEM ouvre une exposition sur la question de la trace dans l’œuvre de plusieurs photographes tunisiens de différentes générations, ce cliché exprime l’intérêt ancien de photographes européens pour les villes de la Méditerranée. L’histoire de la photographie fait appel à des notions souvent contradictoires ou ambigües faisant se croiser pure curiosité, souci documentaire, désir de contrôler une situation ou prise de possession de territoires. Ce sont ces notions qu’interroge l’exposition Traces... Fragments d'une Tunisie contemporaine. #TracesMuCEM Une photo publiée par MuCEM (@mucem_officiel) le 14 Mai 2015 à 7h46 PDTCette année, le Musée du Quai Branly propose une flânerie nocturne imprégnée d’Orient. Ici aussi, inspirations traditionnelles et contemporaines se mêlent, entre animations contées, vidéos, performances dansées et DJ sets proposés pas les collectifs ARASTAZY et MAWIMBI.Des visites doublement éclairéesLa visite à la bougie, ou plus prosaïquement à la lampe de poche, est une option qui séduit chaque année. On notera que les châteaux en sont particulièrement friands : celui de Nemours propose ainsi une visite commentée aux chandelles; celui d’Auvers-sur-Oise, dédié à l’impressionisme, propose plutôt de découvrir ses jardins à la française à la lueur des bougies. Les grands appartements du château de Fontainebleau se visiteront dans la pénombre, tandis que le jardin sera illuminé. Dans une veine plus technique, le Musées des Arts et Métiers proposera une soirée dédiée à la lumière, organisée en partenariat avec le CNRS.Visite sensorielle au Louvre Lens
« Au-delà du regard », proposée par le Louvre-Lens, est une visite sensorielle mêlant public voyant et public mal ou non-voyant. Il s’agit d’être éclairés par les autres sens que le regard pour aborder différemment les œuvres de la Galerie du temps : par le toucher, l’ouïe et l’odorat. L’expérience se terminera par une dégustation. A 17 h 30 et 20 heures. Les visites se feront par ailleurs en musique tout au long de la soirée, avec des récitals duo voix et harpe.Visite à distance du MAC Lyon, grâce à un robotLe Musée d’art contemporain de Lyon propose de rendre accessible son exposition « Open Sea », consacrée à la scène artistique contemporaine de l’Asie du Sud-Est, grâce au robot BEAM, de la société AWAbot. Un médiateur fera ainsi visiter à distance l'exposition, qui présente les œuvres de plus de trente artistes, aux enfants hospitalisés de l’IHOP de Lyon. L’opportunité est ouverte à tout un chacun disposant d'une connexion Internet et d’une webcam sur réservation.Une Nuit des musées qui se décline différemment selon les pays… ou les villesComme chaque année, en Grande-Bretagne, Museums at Night ne dure pas une nuit, mais quatre, du 13 au 16 mai, dans des centaines de musées et galeries. Les musées d’Estonie se sont accordés sur une thématique commune, « La musique dans la nuit » ; certaines grandes villes ont également choisi cette option, comme Saint-Pétersbourg, où une centaine de musées et galeries déclineront la notion de « Métamorphose ».En France, les musées de certaines villes se sont aussi rassemblés autour d’une thématique commune, comme Rochefort, qui décline une « Nuit américaine » dans douze de ses musées. Cet hommage au Nouveau monde est un clin d’œil à l’Hermione, la frégate qui avait permis à Lafayette de rejoindre l’Amérique en lutte pour son indépendance en 1780, et qui a été reconstruite à l’identique dans la ville. Comme chaque année depuis 2006, onze musées de Mulhouse ouvriront leurs collections à une grande chasse aux trésors, « La Nuit des mystères ». Le thème retenu cette année : les années 1950.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet Troublant ménage à trois que celui qui unit Cannes, la musique et le cinéma. Depuis 1967, la ville accueille le Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), qui n’a jamais tout à fait réussi à trouver sa place – jusqu’ici organisé en février, le prochain Midem se tiendra en juin. Car c’est en mai, durant le Festival du film, que ces liaisons tripartites atteignent leur pleine mesure.Nul autre ne les a mieux incarnées cette année, sur la Croisette, que Snoop Dogg. Le rappeur a glapi à l’envi, de plateau télé en salle de presse, pour promouvoir Bush, son nouvel album – au point de faire figure de favori pour la Palme Dog, qui récompense le meilleur cabot du Festival.De fait, le buisson de Snoop cache une forêt de musiciens spécialement venus pendant la quinzaine. Il y a ceux qui sont là pour se faire la main, et un peu d’argent – de 100 à 30 000 euros, selon la notoriété de l’artiste –, en participant aux myriades de soirées organisées en marge des projections. Le cru 2015 aura ainsi vu Barbara Carlotti, Moodoïd, François & the Atlas Mountains, Tahiti Boy, Jeremih ou Mark Ronson fredonner leurs airs ou passer quelques disques, de plage Trucmuche en villa Machin.D’autres accompagnent un film sélectionné, auquel ils ont collaboré. C’était le cas de Gesaffelstein, Raphaël, Katerine, Yuksek ou Thomas Bangalter, des Daft Punk, qui a posé quelques arpèges sur la B.O. de Love. Pour certains, la présence à Cannes est purement amicale, mais inspirante : trente minutes après la projection de Marguerite et Julien, de son amie Valérie Donzelli, Benjamin Biolay remontait à son hôtel coucher par écrit, et en chanson, son émoi.Et puis il y a les habitués, qui viennent tous les ans siroter le cocktail de films, de rencontres et de lumière qu’offre le Festival – manifestation pop s’il en est. Arnaud Fleurent-Didier est de cette engeance-là. Absent depuis la sortie d’un quatrième album acclamé, La Reproduction, en 2010, il a mis en ligne une nouvelle chanson, Un homme et deux femmes, juste avant la cérémonie d’ouverture. Le clip prend la forme d’un générique de film ; quelques jours plus tard, des passions de Desplechin à celles des Garrel père et fils, les amours triangulaires se glissaient parmi les leitmotivs du Festival.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionAvant l’annonce de sa sélection à Cannes, on avait évoqué les Lettres persanes de Montesquieu à propos de Dheepan. En découvrant le film de Jacques Audiard, on distingue bien une certaine parenté : des gens venus de loin découvrent la France. Mais l’ironie et l’humour des philosophes d’Ispahan a cédé la place à la peur et à la colère de Dheepan, Yalini et Ilayaal, Tamouls qui ont fui le Sri Lanka et ont échoué dans une cité quelque part – nulle part – au sud de Paris.La peur et la colère sont les carburants habituels des films d’Audiard. Elles sont peu propices à l’ironie et à l’humour (encore que celui-ci ne soit pas tout à fait absent de Dheepan) et engendrent naturellement le désir de revanche (dans la vie) et des thrillers (au cinéma) – Sur mes lèvres, Un prophète sont de cette espèce-là, tout comme Dheepan.Mécanique dramatique puissanteCette fois, il ne s’agit pas de mettre en scène des acteurs connus (Emmanuelle Devos, Romain Duris, Niels Arestrup) ou en passe de l’être (Tahar Rahim), mais de mettre en avant un trio d’inconnus, et de faire enfiler au thriller la tenue d’un autre genre : la chronique d’un phénomène social. Dheepan n’est pas le premier film à évoquer le sort des migrants chassés de leur terre vers des contrées qui ont oublié jusqu’au sens du mot « hospitalité », et l’on retrouvera chez Audiard des figures vues mille fois ailleurs – la confrontation avec une administration incompréhensible, la découverte de mœurs étranges (c’est là que Montesquieu passe, au loin). A ceci près que chacune de ces étapes est ici le rouage d’une mécanique dramatique puissante, qui force l’intérêt. Dheepan (Antonythasan Jesuthasan) a combattu dans les rangs des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le mouvement séparatiste écrasé par le pouvoir sri-lankais en 2009. Pour gagner la France, il a convaincu Yalini (Kalieaswari Srinivasan), une jeune femme rencontrée dans un camp de réfugiés, de se faire passer pour sa femme. A son tour, Yalini a trouvé une petite fille, Illayaal (Claudine Vinasithamby) afin de constituer une famille convaincante aux yeux des autorités du HCR et de l’immigration française. Ces séquences d’exposition sont menées avec une clarté et une économie narrative qui placent tout de suite Dheepan dans un autre espace que celui de l’observation et de la dénonciation.Rythme syncopéAvec sa fausse famille, l’ancien combattant trouve une place de gardien dans une cité, dont une barre est contrôlée par des trafiquants de drogue. Face à la violence endémique, Yalini veut répondre par la fuite, mais Dheepan retrouve un peu de ce qui a fait jadis sa raison de vivre. Face à l’agression, il reprend peu à peu sa posture de combattant. Cette partie centrale du récit est illuminée par les trois comédiens tamouls. Les variations des relations entre les deux adultes et l’enfant suivent un rythme syncopé, souvent inattendu, toujours cohérent, parfois drôle, comme cet échange délicat entre Dheepan et Yalini autour de la notion d’humour, parfois dérangeant lorsque la petite fille est saisie d’un accès de violence après qu’elle a intégré l’école du quartier.Yalini a trouvé un emploi de garde-malade auprès d’un homme aphasique qui s’avérera être le père de Brahim (Vincent Rottiers), le jeune patron du trafic de stupéfiants dans la cité. Avec Vincent Rottiers, Jacques Audiard exerce une fois de plus sa faculté à tracer en quelques plans le portrait complexe d’un personnage tout simple. On se doute bien aussi qu’il n’est pas là pour rien. Son retour dans la cité, après un séjour en prison, entraîne la multiplication d’incidents de plus en plus violents, qui affolent femme et enfant, mais excitent Dheepan.La confrontation finale est d’une violence qu’on en est venu à attendre de Jacques Audiard. Filmée de manière lacunaire, elle prend un caractère onirique, au point qu’on pourrait presque se demander si elle n’est pas sortie des souvenirs et des regrets de l’ancien Tigre.C’est aussi, comme le film tout entier, une confrontation entre deux des formes de violence qui déchirent la planète, entre une guerre du Sud qui a opposé un Etat à l’une de ses communautés, et l’autodestruction européenne d’une autre communauté dont l’Etat – français en l’occurrence – a oublié jusqu’à l’existence.Film français de Jacques Audiard avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers (1 h 50). Sortie le 26 août. Sur le Web : www.ugcdistribution.fr/film/dheepan_252Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sélection officielle – en compétitionHuit ans qu’on n’avait plus de nouvelles de Hou Hsiao-hsien, qu’on se demandait ce qu’il devenait, qu’on le regrettait sans se le formuler nécessairement, entraînés par le grand flux du cinéma. Faut-il rappeler qui il est ? Très vite alors : figure de proue au côté d’Edward Yang de la nouvelle vague taïwanaise dans les années 1980, modèle pour la nouvelle génération de cinéastes de Chine continentale, grand maître du cinéma en un mot, transformant à l’instar de William Faulkner le « timbre-poste » de son île natale – territoire violemment et douloureusement séparé de la mère patrie chinoise – en épopée sentimentale et politique de portée universelle. Des Garçons de Fengkuei à Millenium Mambo, en passant par Un temps pour vivre, un temps pour mourir et Les Fleurs de Shanghaï, autant de chefs-d’œuvre marquant l’histoire du cinéma contemporain.Dispensateur de beautésIl aura suffi, mercredi 20 mai à Cannes, de voir les premiers plans d’un sublime prologue en noir et blanc de The Assassin, pour se rendre compte à quel point ce cinéaste nous manquait, pour se souvenir qu’il est un créateur de formes et un dispensateur de beautés comme en compte très peu dans l’histoire du cinéma. Hou conclut donc sa longue absence par une incursion inédite dans le genre du film de sabre. On augure que tout cinéaste asiatique qui se respecte doit en passer par là. Disons d’emblée que sa contribution à ce geste est la plus étonnante, la plus subversive, la plus énigmatique et somptueuse qu’on ait jamais vue.L’histoire se déroule au IXe siècle, sous la dynastie Tang, fondatrice d’un âge d’or de l’histoire et de la puissance chinoises, mais qui commence à vaciller sous les coups de boutoir des puissants gouverneurs des provinces. Le film commence ici, évoquant la mission d’une experte en arts martiaux, Nie Yinniang (interprétée par l’impériale Shu Qi), chargée par l’empire d’assassiner le gouverneur de la province de Weibo. Ce dernier, qu’elle aime encore, est toutefois son cousin, et fut un temps son promis, avant d’être contraint par son père d’épouser une autre femme, à laquelle il préfère depuis lors sa concubine.Lire aussi :Shu Qi, une égérie qui cache bien son jeuUn sadisme inhérent au métier de critique nous encouragerait à aller plus loin dans le dévoilement de l’intrigue, si le film lui-même, cultivant opportunément le mystère et le laconisme, ne nous en empêchait. L’essentiel de sa valeur morale n’en est pas moins globalement formulable : la belle guerrière considère sa vocation d’assassin de la même manière que Hou Hsiao-hsien envisage la mise en scène d’un film de sabre. Avec la liberté qu’il convient de prendre à l’égard de ce qu’exigent de nous l’autorité et la tradition, avec l’irrévérence qui s’oppose à tout ce qui enrégimente, commande, oppresse.Economie de la retenueCe qui ressort de cette insubordination sur le plan plastique est une merveille, de celles dont la vision ne s’efface pas. Un film de sabre plus ciselé que sabreur, au format carré d’eau forte, des compositions de plan étourdissantes, des mouvements de caméra qui cherchent et trouvent la grâce, des décors et des costumes conçus comme introductions au rêve, des corps et des visages passionnément mis en valeur, des couleurs poussées à la quintessence de leur pigment, des scènes de combat furtives comme un pinceau qui zébrerait l’écran, gelées par le ralenti et l’isolement de certains sons, relâchées avec la vitesse d’un ressort, puis tranchées avant même que de pouvoir durer.Il ne faudrait pas s’y tromper, toutefois. La nature de cette beauté ne tient pas à la surenchère des effets, mais au contraire à leur soustraction. Toute une économie de la retenue et de l’incomplétude y œuvre : langueur des poses, promptitude d’un geste, voiles ou arbres brouillant la vision, piqué de l’image, hors champ des sons et des voix, dissimulation des personnages dans les replis d’une tenture, dans la profondeur de la nuit ou dans l’écrasante majesté d’un paysage… Ce rapport esthétique si particulier à la réalité sensible, qui fut toujours celui de Hou, nous rappelle aussi bien, et il faudrait être naïf pour s’en étonner, à une réalité politique. Entre violence et amour, raison d’Etat et sentiment, altérité et parenté, quelque chose des rapports de Taïwan à la Chine résonne ainsi très puissamment dans ce film.Film taïwanais de Hou Hsiao-hsien avec Shu Qi, Chang chen, Zhou Yun (1 h 44). Sortie le 6 janvier. Sur le Web : www.advitamdistribution.com/the-assassinJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Semaine de la critique – film de clôtureLe festivalier qui enchaînait jeudi matin la projection de Dheepan, de Jacques Audiard, avec celle La Vie en grand, de Mathieu Vadepied, qui clôturait la Semaine de la critique, gagnait son paradis. A l’extrême noirceur du premier succédait le film le plus espiègle et charmant qu’il nous ait été donné de voir à Cannes durant cette quinzaine. Ou comment, à partir de lieux similaires – des cités-dortoirs de la région parisienne –, deux réalisateurs en arrivent à proposer des visions pour le moins différentes de la capacité d’intégration de la société française.Bonnes féesPremier film du chef opérateur de Sur mes lèvres et d’Intouchables, La Vie en grand est produit par le trio Bruno Nahon, Olivier Nakache et Eric Tolédano. Autant dire que quelques bonnes fées se sont penchées sur son berceau. Grâce soit également rendue à la directrice de casting, Elsa Pharaon, qui a su dénicher les deux « héros » du film : Balamine Guirassy (Adama) et Ali Bidanessy (Mamadou). Agés de 14 et 11 ans, ils sont merveilleux de justesse et étonnants de maturité.Nous sommes donc quelque part en banlieue parisienne, plus exactement dans le petit deux-pièces où vivent chichement Adama et sa maman. Elle, à cause de la loi interdisant la polygamie, vit séparée d’avec son mari. Lui fréquente tant bien que mal, plutôt mal en vérité, le collège du quartier. Les enseignants, en particulier M. Mauger, le prof de gym qui est également le professeur principal (Guillaume Gouix), ont bien repéré cet élève intelligent.Airs de comédieLas, l’école ne le passionne guère. Alors, en désespoir de cause, la CPE (Joséphine de Meaux) et M. Mauger proposent un contrat écrit et signé à Adama : un coup de collier considérable ou c’est le renvoi. Adama n’est pas contre l’idée de s’y mettre. En même temps, voilà que Mamadou, son meilleur ami, lui propose un petit deal de shit, comme ça, en passant, histoire de se faire un peu d’argent. Le petit deal deviendra grand : Adama et Mamadou fournissent bientôt l’école privée voisine, et l’argent coule à flots.A partir de tels ingrédients, Mathieu Vadepied aurait pu concocter un sempiternel drame social sur la banlieue. Il n’en a rien fait, préférant donner à son film des airs de comédie et une tonalité résolument positive. Parents, enfants, enseignants, chacun est à sa place et à la bonne distance. Nulle nécessité ici de fuir la France pour espérer s’en sortir.A la différence d’Audiard, ­Vadepied préfère souligner le rôle de l’école républicaine pour tenter de concevoir un avenir pas trop sombre à ces enfants issus de l’immigration. Loin des polémiques rances et stériles qui défigurent l’image de la France, Adama et Mamadou donnent de l’espoir.Film français de Mathieu Vadepied avec Balamine Guirassy, Ali Bidanessy, Guillaume Gouix (1 h 33). Sortie le 16 septembre. Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/La-vie-en-grand.html et www.facebook.com/gaumontdistributionFranck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – hors compétition – séance de minuitLove, film en relief de Gaspar Noé, partage avec Le Serment de Tobrouk, de Bernard-Henri Lévy (présenté à Cannes en 2012), la distinction d’avoir été projeté en séance officielle avant d’être montré à la presse. Si l’on en croit Twitter, la projection de minuit fut l’occasion d’une émeute et d’une standing ovation. Jeudi 21 mai, à 11 heures du matin, la séance de presse donna lieu à une bousculade et se conclut par des huées.On peut en tirer les conclusions que l’on veut sur le fossé entre le public et la critique, ou encore sur l’influence de l’heure sur l’humeur du spectateur. Love, histoire d’amour composée pour moitié de séquences de sexe non simulé, est sans doute plus attrayant la nuit qu’au matin. On y suit les tribulations sexuelles de Murphy (Karl Glusman), étudiant en cinéma établi à Paris où il a suivi une petite amie. Depuis son arrivée, il a rencontré Electra (Aomi Muyock) avec laquelle il vit une histoire passionnée. On aimerait en tout cas le croire en dépit de la mine perpétuellement renfrognée du jeune exilé, que démentent seules ses performances à l’écran.Expérience inédite de l’orgasme masculinCette belle histoire est bientôt infléchie, puis ruinée par la rencontre avec jolie voisine blonde (Electra est brune) qui, après avoir été invitée à se joindre aux ébats du couple, reçoit un hommage individuel si enthousiaste que le préservatif de Murphy se rompt et que la partenaire d’un jour devient la mère de l’enfant du protagoniste. D’où rupture avec Electra et désespoir existentiel du mâle, pris au piège dans un couple et une famille qu’il n’a pas voulus.Selon la disposition de chacun et chacune, on prendra plus ou moins d’intérêt au spectacle de corps jeunes faisant l’amour, dans des configurations variées, généralement orthodoxes. Au moins, les mâles hétérosexuels du public auront une expérience inédite, grâce au relief, de l’orgasme masculin. Ce ne sont pas ces séquences qui rapprochent Love du cinéma X, mais bien la faiblesse insigne du scénario et de l’interprétation (en dehors, encore une fois, des performances physiques). On retiendra quand même cette réplique, qui explique peut-être ce qu’est Love : « Une bite n’a pas de cerveau. »Film français de Gaspar Noé avec Karl Glusman, Aomi Muyock (2 h 14). Sortie le 15 juillet. Sur le Web : www.wildbunchdistribution.com/fichefilm.php?id=210 et www.facebook.com/love.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde 22.05.2015 à 06h39 • Mis à jour le22.05.2015 à 09h21 | Joël Morio Samedi 23 mai, près de 200 millions de téléspectateurs seront devant leur poste à partir de 21 heures pour apprécier les prestations des 27 finalistes du concours de l’Eurovision. La France compte sur Lisa Angell pour défendre ses couleurs. Cette quasi-inconnue n’aura aucun mal à faire aussi bien que ses prédécesseurs, les Twin Twin, qui avaient terminé bons derniers.Depuis 2001, où Natasha St-Pier avait raté de peu le podium, et à l’exception de la huitième position de Patricia Kaas, la France est abonnée aux profondeurs du classement. L’objectif fixé par Nathalie André, la patronne des divertissements de France 2, à Lisa Angell est modeste : ne pas finir dans les dix derniers.Mais certains rêvent d’une victoire française, la première depuis Marie Myriam en… 1977. Depuis quelques jours, N’oubliez pas, le titre écrit par Robert Goldman – le petit frère de Jean-Jacques –, pour Lisa Angell remonte dans le classement des bookmakers. Avant même que le verdict ne soit connu, vers minuit samedi, une chose est sûre : l’Eurovision a déjà réussi son retour sur la deuxième chaîne.Diffusée sur France 3 depuis une quinzaine d’années, la direction du groupe public a décidé de rapatrier le concours sur France 2. Un pari risqué : l’Eurovision n’avait réuni en 2014 que 2,5 millions de téléspectateurs lors de l’édition remportée par le travesti barbu Conchita Wurst.Parions que l’émission devrait faire mieux cette année, aidée, il est vrai, par une concurrence moins forte des autres chaînes. Mais aussi par une campagne de communication savamment orchestrée depuis plusieurs semaines par France 2. Fait rarissime, la chaîne a largement diffusé une des répétitions de Lisa Angell pour alimenter le buzz, au risque de gâcher l’effet de surprise d’une mise en scène spectaculaire et efficace.morio@lemonde.fr@joelmorioJoël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 22.05.2015 à 06h28 • Mis à jour le22.05.2015 à 07h37 | Claire Guillot et Sylvie Kerviel Admirer les couleurs du peintre Bonnard, faire son mini-Festival de Cannes, chanter avec Les Caramels fous… Notre sélection de sorties du week-end.Un air de Croisette au Gaumont Opéra Trois jours pour découvrir à Paris treize des films présentés à Cannes : c’est ce que propose l’opération « Cannes à Paris », dont la quatrième édition a lieu du vendredi 22 au dimanche 24 mai, à l’occasion du week-end de clôture du Festival. Organisée au Gaumont Opéra par Gaumont-Pathé en partenariat avec Le Monde, l’initiative permettra aux passionnés de cinéma de satisfaire leur curiosité, sans attendre la sortie en salles des films montrés sur la Croisette. Parmi cette sélection dans la Sélection, huit des dix-neuf longs-métrages en compétition pour la Palme d’or.Gaumont Opéra, à Paris, du 22 au 24 mai.Le retour des Caramels fousIls reviennent pour quelques jours au Théâtre Déjazet, à Paris, avec leur spectacle Il était une fois complètement à l’Ouest, qui y avait été présenté en février 2015. Sur la trame scénaristique d’un western, avec les personnages du genre (cow-boy solitaire, shérif, patronne de saloon…), Les Caramels fous, troupe de chanteurs, danseurs et acteurs, mène à vive allure un spectacle fort drôle, avec des moments de tendresse, débordant de chansons, d’adaptations de tubes pop et de variétés, d’airs d’opéra… Et, au-delà, un propos, celui du refus des discriminations en raison de l’orientation et de l’identité sexuelles.Théâtre Déjazet, à Paris, vendredi 22 mai, dimanche 24 mai, puis du 28 au 31 mai.Pierre Bonnard, le virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition « Pierre Bonnard, peindre l’Arcadie » est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947) et ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris, jusqu’au 19 juillet.« Dogugaeshi », un théâtre d’objets venu du Japon Des panneaux rappelant des paravents qui coulissent au son du shamisen, un instrument traditionnel japonais, tandis qu’un renard à neuf queues joue à cache-cache entre les cloisons : Dogugaeshi, de l’Américain Basil Twist, offre au spectateur une heure de total dépaysement. Ce spectacle est présenté jusqu’au 28 mai au Théâtre Mouffetard, à Paris, pendant la Biennale internationale de la marionnette. Pour les enfants, d’autres spectacles, moins abstraits, mettent en scène des personnages de chiffon ou de papier découpé, tandis que des ateliers sont proposés à ceux qui voudraient créer eux-mêmes leurs figurines.Biennale internationale des arts de la marionnette, en Ile-de-France jusqu’au 30 mai.Le raffinement des Thraces au Louvre C’est à une exploration de la Thrace antique que nous invite le Musée du Louvre, qui propose, jusqu’au 20 juillet, une exposition intitulée « L’Epopée des rois thraces. Découvertes archéologiques en Bulgarie ». Le pays, dont les frontières correspondent à la Thrace du premier millénaire avant notre ère, fut une voie royale du commerce des biens et des idées entre l’Orient et l’Occident. A son apogée, du Ve au IIIe siècle av. J.-C., le royaume thrace, unifié par les Odryses, riche en métaux précieux – or, cuivre, argent –, en céréales et en bétail, est un carrefour marchand entre les grandes steppes du Nord, la Grèce, la Perse et le Proche-Orient. L’exposition réunit de nombreux objets témoignant du raffinement de ce peuple.Musée du Louvre, à Paris, jusqu’au 20 juillet.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Ni tout à fait un festival, ni tout à fait une biennale, Lille 3000 s’est imposé en dix ans d’existence comme un grand rendez-vous artistique et festif ayant la particularité d’être à la fois très ancré au niveau local, impliquant et imprégnant toute l’agglomération lilloise, et très ouvert sur le monde. Sa quatrième édition se tiendra du 26 septembre au 17 janvier.L’événement, qui se déploie sur trois ou quatre mois tous les deux ou trois ans, s’est installé dans le paysage nordiste pour faire perdurer l’esprit de 2004, année où la ville fut Capitale européenne de la culture. A l’automne-hiver 2006-2007, l’édition inaugurale, « Bombaysers de Lille », avait fait vibrer la culture indienne dans la ville. Au printemps-été 2009, les radars artistiques s’étaient déplacés vers l’est de l’Europe avec « Europe XXL ». Enfin, l’édition « Fantastic », qui avait doublé sa fréquentation, passant de 1 à 2 millions de visiteurs, fin 2012-début 2013, avait offert une thématique portée sur les surprises et les décalages.La maire de Lille, Martine Aubry, était à Paris avec son équipe, mardi 19 mai, pour présenter à la presse nationale la mouture 2015 de l’événement : « Renaissance ». « Ce n’est pas un retour vers l’histoire et l’époque de la Renaissance, quand Lille était flamande, mais une volonté de retrouver l’esprit de la Renaissance, lorsque l’Europe est sortie du Moyen-Age en plaçant l’homme au cœur de la société, avec une ouverture au monde, en favorisant le progrès et en magnifiant la nature », a détaillé l’élue.Il s’agit donc de présenter la « vitalité » du monde d’aujourd’hui avec un thème qui se fait ainsi autant philosophique que politique. « C’est l’occasion de montrer qu’à travers notre monde en crise et en perte de repères, le renouveau est en marche », précise ainsi l’élue. « On a choisi cette thématique il y a presque quatre ans, en pensant au sortir de la crise. Il y a des raisons d’espérer, et de retrouver des valeurs et un volontarisme transformateur de la société », détaille-t-elle encore.Comment convoquer cet « esprit » de la Renaissance ? « En invitant des villes qui ont connu une crise et s’en sont sortis », a imaginé Lille. Cinq grandes villes de tous horizons, où la culture et l’urbanisme ont été au cœur de la renaissance, ont ainsi été conviées à la fête, chacune apportant son lot d’exemples et de nouveaux savoir-faire.Rio« Le Brésil est un pays très inégalitaire, entre très riches et très pauvres, où tout ne va pas bien, mais où il existe des leviers positifs », explique Martine Aubry. A Rio, ce sont les nombreux projets lancés ces dernières années dans les favelas et basés sur le « vivre-ensemble » qui ont retenu l’attention des organisateurs. La capitale culturelle brésilienne a également été sélectionnée pour son célèbre carnaval, le plus grand du monde, qui implique tous les quartiers et les habitants de la ville. Cette fête sym bole de régénération nourrira en particulier la parade de lancement de « Renaissance », le 26 septembre. Pour l’occasion, neuf containers de décors feront le voyage grâce à des prêts des écoles de samba cariocas, et quelque 2 000 musiciens défileront aux côtés de cinq grands chars. Des ateliers de musique, de danse ou de costumes ont été lancés plusieurs mois en amont dans toute la ville. En plus des bals et des ateliers samba, une grande exposition intitulée « Cariocas ! » à la Maison-Folie de Wazemmes viendra étayer cette programmation brésilienne.DetroitAprès un immense incendie au début du XIXe siècle, Detroit était déjà littéralement re-née de ses cendres. Puis, après avoir incarné le rêve américain motorisé, elle a connu la crise et la faillite. Malgré une situation économique toujours difficile, la ville connaît un renouveau, selon Martine Aubry, passé « par la population, qui a repris les friches industrielles pour lancer des activités artistiques comme des potagers collaboratifs ». C’est cette approche d’une ville réinventée, customisée et partagée, avec une agriculture de proximité, qui a guidé la réflexion. Ainsi le futur quartier Saint-Sauveur, pensé pour favoriser le lien social et attendu à l’horizon 2017-2018, accueillera une grande « ferme urbaine ». En amont, les Lillois ont été conviés à faire pousser des graines de légumes chez eux, afin de venir les replanter dans cet immense espace partagé, mais aussi dans d’autres « fermes » un peu partout dans la ville. Dans l’exposition dédiée à Detroit, au centre d’art de la Gare Saint-Sauveur, se trouvera par ailleurs « la plus petite discothèque du monde », avec de la musique 100 % made in Detroit.EindhovenComme Detroit, Eindhoven (Pays Bas) a connu une énorme rupture économique lorsque l’entreprise Philips a déménagé à Amsterdam au tournant des années 2000, avec une perte locale de 400 000 emplois. Or, la ville a redémarré autrement, par l’innovation, et en particulier par le biais du design. Se sont ouverts de nombreux lieux de coworking, où les espaces de travail sont partagés, et des « makers » en tous genres sont apparus pour réparer ou inventer des objets, tandis que la ville a donné une large place à la nature. « C’est encore un mouvement de société, une envie d’agir ensemble », analyse Martine Aubry. Cette créativité se retrouvera notamment dans une exposition à la Maison-Folie de Moulins et au Flow (Centre eurorégional des cultures urbaines).SéoulUn « miracle économique, non dépourvu de tensions », a transformé la Coréenne Séoul en mégalopole, rappelle la maire de Lille, évoquant « des mécanisme hallucinants ont fait passer la Corée du Sud du Moyen-Age à la modernité ». Lille a retenu cette ville pour cette mutation étonnante, opérée en quelques décennies, et « basée sur un immense effort collectif ». La ville sera représentée par une grande exposition au TriPostal, « Séoul, vite, vite ! », qui présentera le travail de 25 artistes invités. La programmation prévoit également de nombreuses œuvres gonflables dans la ville et des concerts.Phnom Penh« Après le trauma du régime des Khmers rouges, cette ville renaît aujourd’hui par la jeune création et à travers l’architecture et l’urbanisme », détaille la maire de Lille. Une grande exposition sera dédiée à sa créativité à l’Hospice Comtesse, entre vidéos, performances et photographie.Outre des lieux d’exposition spécifiques pour chacune de ces villes, leur sera dédié à chacune un week-end entier de festivités.Toute la collectivité lilloise sera impliquée dans l’événement pluridisciplinaire – les écoles de la ville travaillent ainsi sur le thème de « renaissance ». A l’échelle de l’agglomération, 25 grandes expositions participent à cette thématique à leur manière, et quelque 500 événements sont annoncés. Les propositions s’étendent même à l’échelle de l’Eurométropole, précise Martine Aubry, puisque Mons, en Belgique, lui fera écho. Enfin, une plateforme Web est mise à la disposition de chacun pour soumettre des idées et participer au maillage des initiatives.Martine Aubry résume : « Le but est que chaque citoyen s’interroge sur la société et sa propre façon de vivre ; il s’agit aussi de redonner le moral à une ville à travers la culture. » Les noms de certaines expositions prévues dans de grandes institutions sont très évocateurs de cet état d’esprit, comme « La Joie de vivre », qui sera présentée au Palais des beaux-arts de Lille, ou « Tu dois changer ta vie », au Tri Postal, conçue comme une expérience pour découvrir « de nouvelles formes, de nouveaux sons, des propositions de modes de vies et de manières d’être ».A noter également, l’opération « Cafés Renaissance », qui vise à redonner de la vie aux vieux cafés de l’agglomération. Du mercredi au dimanche y seront organisés des rencontres, repas ou expositions autour de trois thèmes : le turf, le cyclisme et les villes de Rio et Détroit. Enfin, dans l’esprit DIY (Do it yourself, fais-le toi-même), à noter l’installation de l’Usine de films amateurs de Michel Gondry à Roubaix.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.05.2015 à 01h49 • Mis à jour le26.05.2015 à 10h43 Deux héritières de B.B. King accusent des proches de leur père de l’avoir empoisonné, rapporte l’agence Associated Press, lundi 25 mai, citant leur avocat. « Mon père a été assassiné », affirment Karen Williams et Patty King dans deux déclarations identiques, dix jours après la mort de la légende du blues. La police criminelle de Las Vegas a ouvert une enquête pour meurtre.Lire :Mort de la légende du blues B. B. KingLes filles du musicien accusent LaVerne Toney, manager de B. B. King, et Myron Johnson, son assistant, d’avoir administré « des substances étrangères » à leur père. « Elles formulent les mêmes allégations depuis le début. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau ? », a répliqué LaVerne Toney qui a travaillé pour le bluesman pendant trente-neuf ans et apparaît dans son testament. Une autopsie a été pratiquée dimanche sur le corps de B. B. King. Les résultats seront connus dans six à huit semaines.Habituées aux disputes autour de la succession de leur père, Karen Williams et Patty King disent, par le biais de leur avocat, s’exprimer au nom des onze enfants encore en vie de B. B. King.Querelles sur la successionÇa n’est par ailleurs pas la première fois qu’une querelle éclate entre la famille et LaVerne Toney. Patty King et deux de ses frères et sœurs l’ont déjà accusé d’abus de faiblesse et de voler leur père. Un juge avait cependant estimé à l’époque, sur les recommandations de trois médecins, que le guitariste et chanteur recevait les soins appropriés.Agé de 89 ans, B. B. King est mort le 14 mai à Las Vegas. Il avait été hospitalisé en avril à la suite d’un malaise et était soigné depuis le début du mois de mai à son domicile, en raison de complications de son diabète. Myron Johnson était à son chevet au moment de sa mort, aucun membre de sa famille n’était présent.Selon le scénario de Patty King, qui assure n’avoir pas eu le droit de rendre visite à son père dans les deux semaines qui ont précédé sa mort, LaVerne Toney et Myron Johnson auraient profité de l’absence de sa famille pour abréger l’agonie de B. B. King. Une allégation « ridicule », selon l’avocat de la légende du blues, Brent Bryson, pour qui son client « est mort paisiblement dans son sommeil ».Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-556432b5c2c25'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\nLa famille et les proches du c\u00e9l\u00e8bre chanteur de blues, mort le 14\u00a0mai, se sont r\u00e9unis le 23\u00a0mai \u00e0 Las Vegas, \u00e0 l\u2019occasion d\u2019une c\u00e9r\u00e9monie en son honneur.\r\nCr\u00e9dits : John Locher \/ AP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"La famille et les proches du c\u00e9l\u00e8bre chanteur de blues, mort le 14\u00a0mai, se sont r\u00e9unis le 23\u00a0mai \u00e0 Las Vegas, \u00e0 l\u2019occasion d\u2019une c\u00e9r\u00e9monie en son honneur.","source":"John Locher \/ AP","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/culture\/portfolio\/2015\/05\/24\/en-images-hommage-a-b-b-king_4639482_3246.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\nSilvia Williams, une des petites-filles du musicien. 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Huit de ses onze enfants toujours vivants ont pris la parole au cours de la c\u00e9r\u00e9monie.\r\nCr\u00e9dits : John Locher \/ AP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Shirley King, une des filles de B.\u00a0B.\u00a0King. Huit de ses onze enfants toujours vivants ont pris la parole au cours de la c\u00e9r\u00e9monie.","source":"John Locher \/ AP","index":3,"position":4,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/culture\/portfolio\/2015\/05\/24\/en-images-hommage-a-b-b-king_4639482_3246_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 12\r\n \r\n \r\nShirley King, une des filles de B. B. King.\r\nCr\u00e9dits : John Locher \/ AP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"Shirley King, une des filles de B. B. 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A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde 25.05.2015 à 07h44 • Mis à jour le25.05.2015 à 10h21 Il a joué avec certains des plus grands noms du jazz, dont Ray Charles et Dizzy Gillespie. Le trompettiste américain Marcus Belgrave est mort dimanche 24 mai à l'âge de 78 ans à Ann Arbor (Michigan). Il a succombé à une défaillance cardiaque, selon le journal Detroit Free Press. Marcus Belgrave a eu une grande influence sur la scène de jazz de Detroit, sa ville d’origine, et a continué à jouer presque jusqu'à sa mort – animant même de son lit d'hôpital de brèves jam sessions avec d'autres musiciens, a rapporté le journal.Devenu trompettiste professionnel dès l'âge de 12 ans, il a joué avec Ray Charles à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Marcus Belgrave a également collaboré avec Max Roach et Charles Mingus. Le Detroit Free Press a sélectionné sur son site une dizaine de vidéos de ces performances.« Il a été un mentor pour des générations entières de musiciens, et, sans lui, la musique n'aurait pas été révélée à beaucoup d'entre nous », a réagi le bassiste Rodney Whitaker. Sylvain Siclier et Marie-Aude Roux UN FILM MUSICAL EN DVD et BLU-RAY : All Is By My Side, évocation plutôt crédible des premiers temps de Jimi HendrixMontré dans quelques festivals à partir de septembre 2013, inédit en salle en France, le film All Is By My Side, de John Ridley, paraît demain en DVD. Une évocation des premiers temps du guitariste américain Jimi Hendrix, en particulier son séjour, alors qu’il est encore inconnu, à Londres, à partir de l’automne 1966 jusqu’à sa consécration dans son pays natal le 18 juin 1967 au festival de Monterey. Pour incarner Hendrix, André Benjamin, dit André 3000, membre du groupe OutKast. Il porte le film, globalement crédible dans sa reconstitution de l’époque et des faits, y compris les reprises pour la bande-son, la production n’ayant pas les droits sur les compositions d’Hendrix.All Is By My Side, de John Ridley, avec André Benjamin, 1 DVD et 1 Blu-Ray Universal Pictures Video UN CONCERT : Brahms, Beethoven et Richard Strauss par l’Orchestre de Philadelphie aux Champs-Elysées Paris accueille, au Théâtre des Champs-Elysées, l’un des « Big Five », le vénérable Orchestre de Philadelphie (Pennsylvanie) né au début du XXe siècle sous l’impulsion des Quakers. Il sera mené par son jeune et fringant directeur musical, le Canadien Yannick Nézet-Séguin (40 ans, en poste depuis 2012), qui n’a pas peu contribué à sortir de l’ornière une phalange menacée de banqueroute en 2011. La Troisième Symphonie de Brahms, le Troisième Concerto pour piano de Beethoven sous les doigts du brillant Emanuel Ax, non moins que la suite pour orchestre tirée du Chevalier à la rose, de Richard Strauss, devraient faire chavirer les mélomanes les plus endurcis.Théâtre des Champs-Elysées, Paris-8e. Le 30 mai, à 20 heures. Tél. : 01-49-52-50-50. De 5 € à 95 €. UNE EXPOSITION : David Bowie encore pour quelques jours à la Philharmonie Succès pour l’exposition « David Bowie Is », à la Philharmonie de Paris. Et donc ouverture des portes étendue durant ses derniers jours, jusqu’au 31 mai. En l’occurrence, ce sera de 10 heures à minuit (accès fermé une heure avant). Une plongée dans l’univers Bowie par ses costumes, œuvres graphiques, pochettes de disques, photographies, manuscrits etc., avec parcours sonore par l’intermédiaire de films, de concerts et de clips vidéos.Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. De 6 € à 12 € (entrée libre pour les moins de 6 ans). UN FESTIVAL : Effervescence jazz à Saint-Germain-des-Prés Entre Saint-Germain-des-Prés et le jazz, c’est une vieille histoire. Mythifiée dans le souvenir de son âge d’or du milieu des années 1940 aux années 1970, avec ses clubs en sous-sol, la fumée de cigarette, les musiciens serrés sur de minuscules scènes. Nombre de lieux ayant disparu, d’autres ayant été transformés, le festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, fondé en 2001, fait surtout revivre jusqu’au 1er juin cette effervescence à l’Odéon, la Maison des océans (superbe), dans des églises, à la Maison des cultures du monde, au Réfectoire des Cordeliers… Avec cette année Rhoda Scott, Kyle Eastwood, Airelle Besson, Lars Danielsson, Aldo Romano, Jean-Pierre Como, Lisa Simone…Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, jusqu’au 1er juin. Tarifs et horaires variables selon les lieux.La chanteuse Lisa Simone interprète « All Is Well », extraite de l’album du même nom (Laborie Jazz, 2014). RÉSERVER VITE : Paul McCartney au Stade Vélodrome, à Marseille le 5 juin et au Stade de France, à Saint-Denis, le 11 juin Lors de sa précédente tournée internationale en 2011-2012, Paul McCartney n’avait été programmé qu’au Bercy Arena de Paris pour une date. Cette fois, le bassiste, chanteur, pianiste et auteur-compositeur voit nettement plus grand avec un arrêt au nouveau Stade Vélodrome de Marseille le 5 juin, puis au Stade de France, à Saint-Denis, le 11. Des concerts toujours généreux en durée et en chansons (une quarantaine) entrées dans la mémoire collective, parcours dans sa carrière avec The Beatles, avec son groupe Wings ou en solo.Stade Vélodrome, à Marseille, le 5 juin, à 20 heures, de 57,60 € à 90,60 €. Stade de France, à Saint-Denis, le 11 juin, à 20 heures, de 67,50 € à 133,50 €.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 25.05.2015 à 06h19 • Mis à jour le25.05.2015 à 10h52 | Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55648a062eb16'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Ancien membre du groupe vocal The Drifters, premier interprète et co-compositeur avec Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller de la chanson Stand By Me, devenue, depuis sa parution début 1961, un classique de la soul music, le chanteur Ben E. King, de son vrai nom Benjamin Earl Nelson, est mort jeudi 30 avril, à l’âge de 76 ans, dans le New Jersey, de causes naturelles, a précisé, vendredi 1er mai, son porte-parole.Débuts à l’égliseComme beaucoup d’interprètes de soul music, Benjamin Earl Nelson, né le 23 septembre 1938, à Henderson (Caroline du Nord), fit ses débuts à l’église, dans une formation de gospel. A l’âge de 14 ans, ses parents s’étant installé à New York, dans le quartier de Harlem, il rejoint The Four B’s, un groupe de doo-wop, ce genre issu du rhythm’n’blues, caractérisé par l’emploi de phrases vocales en harmonies (généralement avec deux voix de ténor, dont l’un plus particulièrement chargé des notes hautes, un baryton et une basse), le plus souvent sur un répertoire de romances. Un apprentissage qui le mène à devenir professionnel au sein de The Five Crows.C’est ce groupe qui attira, à l’été 1958, l’attention de George McKinley Treadwell (1918-1967), manager de la formation The Drifters, fondée en 1953 par le chanteur Clyde McPhatter (1932-1972). Ce dernier avait quitté à la fin de l’automne 1954 sa formation après les succès des chansons Money Honey et Honey Honey, et vendu à Treadwell la « marque » The Drifters, dont le personnel changeait régulièrement. En 1958, il ne reste d’ailleurs plus un membre de la formation d’origine – dont certains monteront par la suite un Original Drifters concurrent. Suite à un différend avec le groupe, Treadwell propose aux Five Crows, réduit à quatre voix, de devenir les nouveaux Drifters.Avec The Drifters, puis en soloBen E. King, qui n’a pas encore pris ce nom d’artiste, devient la voix principale des Drifters. Le groupe enregistrera avec lui et pour la compagnie Atlantic quelques-uns de ses plus grands succès : There Goes My Baby, Dance With Me, This Magic Moments et Save The Last Dance for Me. Ces deux dernières deviennent numéro 1 des ventes en 1959, ce que les Drifters n’avaient pas connu depuis un moment, co-écrites par Doc Pomus (1925-1991) et Mort Shuman (1936-1991). Au printemps 1960, après un désaccord financier entre Treadwell et le manager de Ben E. King, qui entend faire fructifier pour son poulain le succès retrouvé des Drifters, Ben E. King quitte le groupe.Pour Atlantic, il est désormais temps de mettre en avant Ben E. King. C’est sous ce nom, avec Leiber et Stoller à la production et une chanson écrite par Leiber et Phil Spector, que Ben E. King enregistre son premier titre en artiste solo. La chanson, Spanish Harlem, paraît début décembre 1960. Si elle ne grimpe pas totalement au sommet des ventes à ce moment-là, elle va prendre le statut de classique avec les années.Le slow ultimeLa suite fait passer Ben E. King au stade supérieur. C’est Stand By Me, qu’il avait commencé à travailler du temps des Drifters et qui va trouver avec l’aide et les arrangements de Leiber et Stoller toute sa saveur. Un ostinato à la basse, un triangle en contretemps, un frottement sur une percussion, puis la voix de Ben E. King, presque plaintive (« When the night has come / And the land is dark »), les cordes de l’orchestre, les chœurs ensuite. Cette ballade magistrale, poignante et intense dans sa montée orchestrale, devient le slow ultime à sa sortie début 1961.Dans les années qui suivent, Ben E. King enregistrera encore plusieurs chansons de belle facture et des succès comme Ecstasy et Don’t Play That Song (You Lied) en 1962, I Who Have Nothing, en 1963, What is Soul ?, qui l’éloigne du répertoire des romances pour une approche plus énergique en 1966, ou Tears, Tears, Tears, en 1967. Mais rien qui n’atteigne la reconnaissance mondiale et l’impact émotionnel de Stand By Me.La vogue disco des années 1970 donnera encore un succès à Ben E. King, avec la chanson Supernatural Thing, numéro 5 aux Etats-Unis. Ensuite, après avoir quasiment cessé d’enregistrer dans les années 1980, il reprendra une activité plus fournie lors de concerts, par le biais de la nostalgie pour la soul music des années 1960. Son répertoire sans surprise mêlant les chansons des Drifters et ses succès.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne La Bague à Jules, Voyage de noces, Maman, papa : Patachou était chanteuse, une interprète rigoureuse, à la voix sensuelle et vibrante. Mais elle était bien plus : partageuse, traqueuse de talents, aventureuse, femme de cabaret, étoile d’une France identifiée à sa vie nocturne autant qu’à son sens poétique. Henriette Ragon, dite Patachou, a quitté le monde des vivants, le 30 avril.Née le 10 juin 1918 à Paris, dans le quartier de Ménilmontant, fille d’un artisan céramiste, elle était âgée de 96 ans. Elle fut dactylo aux éditions musicales Raoul Breton (celles de Charles Trenet) avant guerre, puis ouvrière, pâtissière, marchande de légumes, avant d’ouvrir avec son mari antiquaire, Jean Billon, un restaurant dans une ancienne pâtisserie de la rue du Mont-Cenis à Montmartre, Le Patachou. Sa spécialité alors, c’est de couper les cravates des clients, avant de les accrocher au plafond. Les noctambules adorent, anonymes ou célèbres, tel Maurice Chevalier, un voisin qui aime sa gouaille et la pousse à chanter. Le Patachou devient cabaret, il rebaptise la patronne Lady Patachou, et on y reprend des chansons gaillardes et refrains à la mode, des ritournelles, Rue Lepic ou Un gamin de Paris.Passée par le Central de la chanson, Patachou, toujours Lady, se produit en vedette américaine d’Henry Salvador à l’ABC en 1951. Elle y triomphe en interprétant en comédienne Mon Homme, succès de Mistinguett en 1920. Puis, elle est en vedette à Bobino, où le patron du cabaret Les Trois Baudets, Jacques Canetti, par ailleurs directeur artistique chez Philips, la repère et la programme chez lui dans un nouveau spectacle, Allegro. Elle publie son premier album, Montmartre, chez Columbia. Elle anime toujours Le Patachou, y programme des inconnus, comme le duo comique Les Pinsons formé par Raymond Devos et Pierre Verbecke.Une muse et interprète de caractèreEn 1952, en fin de nuit, elle auditionne un drôle de loustic, Georges Brassens. Il lui chante Le Gorille ou Putain de toi, des chansons qu’elle ne voudra jamais interpréter, contrairement à La Chasse aux papillons ou La Mauvaise Réputation qu’elle chante au Patachou avant de laisser l’inconnu monter sur scène, accompagné par le contrebassiste du lieu, Pierre Nicolas. Georges Brassens ne reniera jamais la dette qu’il eut à l’égard de celle qui le tira du découragement et de la lassitude qui l’avaient alors happé. Elle présente Brassens à Ray Ventura, puis à Jacques Canetti qui le fait embaucher chez Polydor et l’engage pour une tournée estivale avec Patachou et Les Frères Jacques. Mais c’est aussi par elle que seront découverts Guy Béart – elle fut une excellente interprète en 1957 de Bal chez Temporel –, Jacques Brel, Jean-Claude Darnal, Maurice Fanon, Hugues Aufray, Frida Boccara, Nicole Croisille, Charles Aznavour.Patachou était une muse, un agent actif de la chanson française. Elle fut aussi une interprète de caractère, qui inscrivait à ses tours de chant des classiques du répertoire : outre Brassens, Aristide Bruant (Rue Saint-Vincent, Nini peau d’chien), Léo Ferré (Le Piano du pauvre, en 1954), Francis Lemarque (Bal, petit bal), Charles Aznavour (Sur ma vie)... Des compositeurs et paroliers écrivent pour elle, comme Jamblan et Alec Siniavine qui lui offrent La Bague à Jules. On la voit chanter La Complainte de la butte dans le film French Cancan, de Jean Renoir (1955), dans lequel elle tient le rôle d’Yvette Guilbert.Une carrière aux Etats-UnisEn 1953, elle part en tournée dans le monde entier. « Gamine française avec un nom fascinant », selon la presse américaine, elle chante au Waldorf-Astoria et au Carnegie Hall à New York, puis partout aux Etats-Unis où elle fera une longue carrière – elle apparaîtra plus de vingt fois dans le « Ed Sullivan Show ». Elle poursuit sa carrière, triomphe à Bobino, à l’Olympia. Elle créé en 1960 une comédie musicale, Impasse de la fidélité, au Théâtre des ambassadeurs. Puis fête ses dix ans de carrière à l’ABC avec un pastiche de My Fair Lady.A la fin des années 1960, elle vend Le Patachou et prend la direction artistique du restaurant cabaret du premier étage de la Tour Eiffel en 1970. Deux ans plus tard, elle donne soixante récitals au Théâtre des Variétés, avec Gérard Calvi et son orchestre. En janvier 1973, elle se produit au Théâtre Fontaine. Patachou se consacre ensuite à sa carrière d’actrice – elle a aussi fait une belle carrière à la télévision, au théâtre et au cinéma où elle apparaît notamment dans Napoléon (Sacha Guitry, 1955), Faubourg Saint-Martin (Jean-Claude Guiguet, 1986), Cible émouvante (Pierre Salvadori, 1993) et Pola X (Leos Carax, 1999). Dates10 juin 1918 : naissance à Paris1956 : sortie de l’album Patachou chante Brassens1972 : soixante récitals au Théâtre des Variétés à Paris30 avril 2015 : mort à ParisVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.04.2015 à 17h47 • Mis à jour le30.04.2015 à 18h16 | Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil. Un hommage inventif.Sous la coupole du planétarium du Palais de la découverte, à Paris, sont projetés étoiles, planètes, nuages stellaires… Pour accompagner le voyage dans les phénomènes célestes, la musique des Beatles. Le mardi 14 novembre 2006, une centaine de journalistes découvrent le contenu de l'album Love. Un peu partout dans le monde, des séances d'écoute ont ainsi été organisées dans divers lieux. Love, en sortie mondiale le 20 novembre suivant, est le « nouvel album » des Beatles. C'est d'abord la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil, célèbre entreprise canadienne de divertissement, présenté dans une salle spécialement conçue à l'hôtel casino The Mirage, à Las Vegas. La première a eu lieu quelques mois auparavant, le 30 juin, et le spectacle est toujours à l'affiche.De l'avis de ceux qui l'ont vu, Love a de l'allure, avec ses multiples acrobaties, costumes et tableaux évocateurs de l'univers Beatles. Les chansons sont parmi les plus célèbres du groupe, de Because à All You Need is Love en passant par I Want to Hold Your Hand, Yesterday, Lucy in the Sky with Diamonds ou Hey Jude… Des succès qui ne sont pas tout à fait ceux entrés dans la mémoire collective. Chaque morceau est le résultat d'un mashup, un collage de compositions, parfois juste un fragment. Ainsi Lady Madonna à la mode Love inclut un riff de guitare de Hey Bulldog et un orgue tiré de I Want You. Dans Get Back surgit une partie orchestrale de A Day in the Life, etc.C'est au producteur historique des Beatles, George Martin, et à son fils, Giles, que l'on doit ces re-créations kaléidoscopiques, réalisées après la numérisation des bandes originales des pistes enregistrées par les Beatles depuis leurs débuts. Pour une partie de la critique et des fans, toucher au sacro-saint corpus original tenait du sacrilège, même avec l'aval de Paul McCartney, Ringo Starr et des familles de John Lennon (1940-1980) et George Harrison (1943-2001). Pour d'autres, dont nous sommes, il y a là un hommage plutôt réussi à la façon dont les Beatles ont utilisé les studios en terrain de jeux musical et d'invention.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale) Lunettes, casquette, grande barbe taillée au carré, bague à tête de mort : Kaaris, rappeur de Sevran et d’ailleurs, s’est produit au Printemps de Bourges, mercredi 29 avril, dans un concert rassemblant la jeune garde du rap « sale » français, très inspiré du rap du sud des Etats-Unis. Le public a scandé ses « punch lines », ces phrases coup de poing dont Booba, le découvreur de Kaaris en 2011, a longtemps été le maître. En coulisses, il laisse tomber pour un instant ses habits de mauvais garçon, affable et concerné, il sourit, dit que le dernier album de Booba, D.U.C., est « nul ». Les muscles, chez lui, c’est « de naissance. Je suis sorti comme ça du ventre de ma mère ». Aucune gonflette. Dans les loges, un de ses frères, tout en biscoteaux, est là pour témoigner de l’hérédité familiale.Lire aussi :Gradur, la ligne dure du rap « sale »Et comme « on ne perce pas avec des talons aiguilles », Kaaris en rajoute sur le hardcore, se fait crucifier pour misogynie et apologie de la violence. Là où on attendait Scarface, de Brian De Palma, en film préféré, Kaaris cite In the Mood for Love, de Wong Kar-wai. « Sa femme le trompe avec le voisin, et c’est beau, c’est très fort, très suave. J’ai un cœur, comme tout le monde. » Avoir du succès, « ça fait chaud au cœur, c’est mieux que l’inverse, mais il faut faire attention, c’est comme la vie, il y a un début et une fin ».Le rap est une succession de créneaux. « Le mien est plus alternatif, moi et mes gars, on ne fait pas la même chose que ceux d’hier » (la soirée Soprano, Black M). La vulgarité et la violence qui lui sont reprochées lui semblent un faux semblant « pour ne pas chercher le pourquoi du comment ». Le genre a ses styles : « J’ai été bercé par le rap de Rakim, Dr. Dre, Mobb Deep, ce n’est pas pour autant que je suis mal élevé et bête. » On y ajoutera les étalages de vulgarité, de porno, de séries violentes proposés sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Le rap, dit Kaaris, n’est à ce titre pas étranger à la France d’aujourd’hui, il l’accompagne.« Il faut tout prendre au second degré »« Je suis totalement français, si ce n’est pas une couleur, mais un mode de vie, une pensée, des souvenirs, des odeurs, des souvenirs, là oui. » Les communautarismes ? Les médias en sont largement responsables, qui montent en mayonnaise les clivages, « caméras branchées en permanence » sur ce qui déraille « et non sur le positif. Et les mômes répètent ce qu’ils entendent à la maison, et ce n’est pas toujours juste malheureusement. Mais c’est parfois difficile d’élever des enfants, surtout dans les familles monoparentales. Et franchement, le clivage entre les riches et les pauvres est de pire en pire. Avec 1 200 euros, quand tu les as, tu finis pas les fins de mois, c’est compliqué. J’ai vécu à Sevran dans un quartier assez pauvre, avec un côté rural aussi. Les gens n’ont pas foi en l’avenir, ils n’ont pas envie d’écouter les conseilleurs ». Un rappeur n’est pas un leader d’opinion aujourd’hui. « A ses débuts, oui, le rap avait des messages. Mais c’est devenu un business, un divertissement, je n’ai jamais eu la prétention d’être porte-parole de quoi que ce soit. Il faut tout prendre au second degré. Nulle part dans le monde, des populations se sont soulevées à cause d’une musique. La vie réelle, aller travailler, aller charbonner, c’est autre chose que d’écouter de la musique dans sa bagnole. » Kaaris est d’origine ivoirienne. « Connaître ses racines, c’est important. Je pars en Côte d’Ivoire pour un concert, je vais dans la famille. Le monde a besoin de jeunesse pour se construire, et l’Afrique est très jeune. » Pas de traces pour autant de rythmique africaine dans ses morceaux, quand beaucoup de ses jeunes confrères utilisent désormais des lignes de basse ultra-dansantes, héritées du coupé-décalé ou du zouglou ivoirien. « Non, moi musicalement, c’est les States. » Comprendre Atlanta, en Géorgie : « J’aime ce rap-là, ce sont des précurseurs. »« Les policiers sont des gens comme nous »Parmi les titres de son dernier album, Le Bruit de mon âme (Deff Jam/Universal), Kaaris cite Zone de transit, qui le fait « voyager, quitter le sol, avec ce sentiment qu’on a avant de partir » : « J'suis défoncé comme un shaman/J'm'accroche à ce jeu comme un clando sous les essieux/Comme un gosse fait des vœux, le regard vers les cieux/Becoli veut du Louis Vi, Aminata veut du Fendi/My life is a movie dirigé par Fellini/Le sang des colonies, j'sors le fer comme le cromi. » Et puis Voyageur, conçu avec Blacko, d’origine réunionnaise : « La Réunion, il a les papiers, c’est plus facile, parce que sinon… » Avoir des papiers, se coltiner les violences policières. « Fuck la police », doigt levé en concert, la jeunesse scande son aversion pour les forces de l’ordre, avec Kaaris. « Et pourtant, il y a plein de jeunes policiers qui écoutent Kaaris. Nous, on a l’impression que les policiers sont des gens comme nous [pas toujours recommandables], mais ils ont la loi pour eux. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent. » Les lignes rouges de la loi sont floues, selon Kaaris. On l’interprète. Le cannabis est interdit, il est partout, y compris dans les concerts. « Le racisme est toujours très vivant. Aux Etats-Unis, le nouveau Ku Klux Klan est en bleu. Les flics tirent sur les Noirs. Je déteste tout cela. » La violence est nulle, dit-il. « Dans le magasin casher de la porte de Vincennes, il y aurait pu aussi avoir ma mère qui achetait ses tomates. »Voir aussi le visuel interactif : Revivre le Printemps de Bourges en 11 vidéosVéronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Paul Benkimoun (Angers) « Vingt ans, c’est long pour un projet ». Mercredi 29 avril, à l’issue de la série de six représentations, à Nantes puis à Angers, de l’opéra jazz La Tectonique des nuages, dont il a composé la musique, Laurent Cugny était heureux mais avec le sentiment de quelque chose qui ne se reproduira peut-être plus. Grâce à l’engagement d’Angers Nantes Opéra et de son directeurJean-Paul Davois, au « soutien constant depuis le début de la Fondation BNP Paribas », lui, le metteur en scène et librettiste François Rancillac, ainsi que le chanteur et auteur des textes chantés Yann-Gaël Poncet, ont enfin pu donner vie sur scène à leur œuvre commune.Adapté de Cloud Tectonics, du dramaturge portoricain José Rivera, ce conte merveilleux n’avait jusqu’ici été donné qu’en version de concert, sans mise en scène ni décor, en 2006 à Jazz à Vienne, puis au Théâtre de la Ville à Paris, à Saint-Etienne et à Nantes. Une dizaine de représentations au total suivies d’un enregistrement audio en 2010.On imagine sans peine le sentiment d’accomplissement éprouvé par les créateurs d’avoir pu cette fois pleinement déployer cette production. Pour autant, rien n’assure que ce spectacle inventif intégrant judicieusement la vidéo et servi par des chanteurs et des musiciens remarquables, sera à nouveau accessible aux spectateurs. D’où le sentiment doux-amer d’être arrivé à bon port mais pour peut-être le dernier voyage.L’espace et le tempsL’argument de l’opéra sollicite l’espace et le temps. Dans un Los Angeles accablé par un déluge incessant, apparaît une femme sortie de nulle part, Celestina del Sol. Son temps n’est pas celui des hommes, leurs années sont des secondes pour elle et leurs vies passeront quand elle n’aura vécu que quelques mois. Le temps se fige avec elle : enceinte depuis deux ans, elle a 54 ans mais en paraît 25. Lorsqu’elle entre dans la vie d’Anibal de la Luna, jeune homme portoricain qui l’abrite chez lui, les horloges s’arrêtent. Si l’amour naît entre eux, il saisit aussi Nelson, le frère d’Anibal. Aussi soucieux d’être un bon Américain que son frère, Nelson s’est engagé dans l’armée des Etats-Unis et reviendra deux ans plus tard, quelques minutes pour Anibal. Celestina donnera naissance à son enfant et repartira de nouveau dans son errance. Aussi insaissible que pourraient l’être « l’architecture du silence, la tectonique des nuages ».La musique, l’interprétation, la dramaturgie, la scénographie, les lumières sont superbes, créant une atmosphère semi-onirique, jouant avec le temps, avec l’espace. L’écriture s’est accomplie à travers de longs échanges d’abord entre Laurent Cugny et François Rancillac, qui suggéra de partir de la pièce de José Rivera, puis avec Yann-Gaël Poncet. Ce dernier proposait des textes à Laurent Cugny afin qu’il écrive les musiques, et parfois rédigeait les paroles sur des thèmes musicaux de Cugny.Disciple de Gil EvansDisciple de l’arrangeur américain Gil Evans, célèbre notamment pour sa collaboration avec Miles Davis, pianiste et musicologue, Laurent Cugny est l’une des voix les plus originales de l’écriture orchestrale en France. Que ce soit avec feu-son big band Lumière, fondé en 1979 et prolongé par l’Orchestre national de jazz, dont il assura la direction de 1994 à 1997, ou en petite formation, il possède le talent d’écrire de prenantes mélodies aux courbes gracieuses sans s’enfermer dans les formes traditionnelles de chansons. Dans La Tectonique des nuages, le chanteur David Linx offre, entre autres, une splendide interpration d’Eva, le souvenir d’un amour passé qui resurgit en Anibal. L’étendue de sa tessiture et les subtilités de sa voix servent parfaitement la musique et les paroles. Présence scénique saisissante, voix et diction parfaitement en place, Laïka Fatien fait plus qu’incarner Celestina, tandis que Yann-Gaël Poncet ne se ménage pas dans le rôle de Nelson.Un objet atypiqueL’envie d’écrire un opéra ne date pas d’hier pour Laurent Cugny : « Le déclic est venu en 1993 où j’ai assisté à une représentation de Carmen Jazz, avec Dee Dee Bridgwater à Jazz à Vienne. Mais, je ne voulais pas simplement swinguer une partition existante ou écrire une suite de chansons. De même, j’excluais de situer l’action dans le monde du jazz ou de prendre pour personnages des musiciens de jazz. Je tenais aussi à une économie générale légère : pas plus de trois personnages et un orchestre de dix musiciens plutôt qu’un big band traditionnel. »En choisissant de créer un objet atypique, Laurent Cugny et ses compagnons d’aventure n’ont pas opté pour le chemin le plus facile : le milieu de l’opéra s’est montré condescendant et le petit monde du jazz a fait la fine bouche. Comme si un opéra jazz était un enfant illégitime dont personne ne s’empressait de reconnaître la paternité. Le résultat mérite pourtant des éloges.De plus, il fallait voir les 120 jeunes présents au Grand Théâtre d’Angers, bien plus nombreux que dans n’importe quel festival ou concert de jazz. La série de représentations à Nantes et à Angers a été accompagnée d’un impressionnant cortège d’actions pédagogiques auxquelles 400 jeunes ont participé en Pays de Loire. La dernière soirée à Angers a fait l’objet d’une captation. Il ne reste plus à espérer que d’autres scènes accueilleront  La Tectonique des nuages. C’est tout le mal que l’on souhaite au public.Paul Benkimoun (Angers)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau L’homosexualité demeure un sujet tabou dans l’univers du ballon rond (jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport).Sur les vingt clubs de football évoluant en Ligue 1, un seul a accepté d’ouvrir ses portes aux équipes d’« Enquêtes de foot ». En l’occurrence, le Stade de Reims, où seuls l’entraîneur Jean-Luc Vasseur et le défenseur Franck Signorino ont bien voulu s’exprimer. Les autres clubs, quand ils ont daigné leur répondre, les ont éconduites au motif qu’ils manquaient de temps, qu’ils ne se sentaient pas concernés, que le sujet n’était pas une priorité ou bien trop sensible.Taboue, la question de l’homosexualité l’est dans le petit monde du football, où les allusions sexistes et homophobes s’envolent des tribunes, en chantant, comme à Marseille, sur l’air de « Celui qui ne saute pas est un pédé ». Lorsqu’elles ne sortent pas de la bouche même de certains dirigeants de club, comme Louis Nicollin qui, en 2013, qualifia, à la suite du match opposant son équipe à celle d’Auxerre, le joueur Benoît Pedretti de « petite tarlouze ».Aujourd’hui, le président de Montpellier se défend de toute homophobie et dénonce le politiquement correct d’un tonitruant « C’est tous des cons, ceux qui pensent que cela choque. » Or, n’en déplaise au dirigeant montpelliérain, de tels propos nourrissent peur, gêne, honte et enferment dans le silence ceux qui voudraient vivre librement leur sexualité.Frilosité des instances dirigeantesPour preuve, rares sont les joueurs ayant fait leur coming out. En France, seul Olivier Rouyer l’a fait, une fois sa carrière terminée. Tout comme l’ancien international allemand Thomas Hitzlsperger. Il est vrai que le suicide, en 1998, de Justin Fashanu, seul joueur à avoir révélé son homosexualité alors qu’il était en activité, continue de hanter les mémoires.Si, au fil de son enquête, Arnaud Bonnin souligne l’impact de ces discours homophobes auprès des jeunes joueurs – notamment ceux du centre de formation de Strasbourg qu’il a interrogés –, il pointe aussi, à raison, la frilosité des instances dirigeantes pour lutter contre l’homophobie.En octobre 2014, la Ligue de football invitait tous les joueurs de Ligue 1 à porter des lacets arc-en-ciel. Importée d’Angleterre, cette opération, destinée à promouvoir une meilleure acceptation des homosexuels, fut placée en France sous le signe de la diversité… Question de pragmatisme, expliquent les organisateurs. Ou d’hypocrisie, c’est selon. Dans tous les cas, la Fédération française de foot n’envisage toujours pas de plan de lutte contre l’homophobie, contrairement à ses homologues des Pays-Bas, d’Allemagne et des Etats-Unis.Signalons qu’outre ce sujet, le magazine « Enquêtes de foot », animé par Astrid Bard, propose un reportage sur « Le Peuple vert » ainsi que, dans la rubrique « Droit de suite », un retour sur la carrière en demi-teinte du goleador (« buteur ») colombien Radamel Falcao.« Homos, le dernier tabou », d’Arnaud Bonnin (Fr., 2015, 26 min). Jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Emmanuelle Devos et Mathieu Almaric, côte à côte, dans « Arrête ou je continue », comédie amère de Sophie Fillières (jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX).C’est un voyage en forêt, comme d’autres, naguère, firent un voyage en Italie alors même que leur couple s’étiolait. A la fois complices mais déjà en voie de détachement, Pomme (Emmanuelle Devos) et Pierre (Mathieu Amalric) commencent par se retrouver à un vernissage dans une galerie de photos. L’une veut rester, l’autre veut immédiatement s’en aller.Rien n’est simple, d’autant que la jalousie affleure sans cesse dans ce couple en voie de décomposition. A présent, les voilà dans la rue. Un bus de nuit qui passe : Pierre se précipite sans prêter la moindre attention à Pomme, qui finalement le rejoint. Instants décisifs où tout commence à basculer sans que le cerveau s’en aperçoive forcément.« Fais gaffe à l’avenir », « J’ai peur »… Le couple se délite peu à peu. Amalric et Devos face à face, côte à côte, mais jamais là l’un pour l’autre. Plus grand-chose à se dire, sinon quelques sarcasmes mal sentis. Il la dénigre. Elle le rabaisse. Du grand art. Un peu plus tard, Pierre et Pomme se préparent à partir en forêt. « Si on part à deux, on va s’entre-tuer. »Les habitudes de couple sont les plus fortes, celles qui survivent le plus longtemps, même quand tout s’est cassé par ailleurs. Marcher sans se dire un mot. L’un derrière l’autre. Jusqu’à cet instant ultime où Pomme osera lui lancer : « Rentre, toi. Moi, je reste. Laisse-moi le sac, ton K-Way, le pull. » Avant de s’enfoncer dans la forêt, comme on entre dans la mer.Deux comédiens formidablesArrête ou je continue, le film de Sophie Fillières, raconte l’histoire d’un couple qui a fini de s’inventer. Les deux protagonistes savent d’autant moins comment se l’avouer qu’ils se sont naguère aimés. N’ayant pas de mots pour le dire, ou plutôt préférant n’en rien dire, Pomme décide de disparaître, d’entrer en forêt afin de retrouver les sensations originelles, de celles qui prouvent indubitablement que l’on existe : le froid, la faim, la fatigue, la solitude.Pierre et Pomme, ce pourrait être le titre d’une nouvelle de Maupassant. Ce pourrait être aussi un conte pour enfants. Pomme est seule. Délibérément seule, puisqu’elle a décidé qu’il en serait ainsi. Et voilà tout à coup qu’elle aperçoit un chamois pris au piège dans une excavation. Instant magique, Emmanuelle Devos et le chamois, les yeux dans les yeux, comme s’il suffisait de se regarder, de s’écouter, dirait-on, pour trouver une issue à l’impasse.Il faut insister sur la performance des deux acteurs – non pas le chamois, encore qu’il soit, lui aussi, excellent –, Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric. L’une toute en nuances, n’hésitant pas à jouer avec son corps pour mieux figurer et l’enfermement qui l’étouffe et le fait qu’elle ne va pas tarder à s’en extraire. Lui, étrange jusqu’à en paraître inquiétant, incandescent jusqu’à approcher ce point de folie que seuls quelques grands acteurs savent atteindre. Une femme et un homme. Deux comédiens formidables pour quelques instants de cinéma qui ne le sont pas moins. Tant pis si ça ne marche plus entre eux. Tant mieux si la vie parvient à reprendre le dessus.« Arrête ou je continue », de Sophie Fillières (Fr., 2014, 90 min). Jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX.Franck NouchiJournaliste au Monde Francis Marmande « Nous ne connaissons pas le repos, qu’il soit sabbatique, dominical, religieux ou républicain » : La Générale (14, avenue Parmentier, Paris 11e), ancienne usine aux volumes inspirants, à deux pas de la place Voltaire et de la statue de Léon-Blum, est une coopérative artistique, politique et sociale. Dans la grande tradition des coopératives ouvrières, La Générale mutualise ses locaux et ses outils de travail. L’ouverture au public y est « gratuite autant qu’aléatoire. » A partir de 19 h 30.Le Tricollectif y prend ses quartiers d’« à bientôt le printemps », jusqu’au 2 mai. Six jours de « Soirées Tricot ». Le Tricollectif est un groupe de dix musiciens autour desquels gravite une trentaine de satellites, si bien formés (haute école, conservatoires et autres) qu’ils n’hésitent pas à se déformer, dans l’esprit Dada, Humair, Lubat, Joëlle Léandre, Akosh S, La Campagnie des Musiques à Ouïr, sans se prendre le chou.« C’est une tuerie ! »A propos de chou, on peut se restaurer pour trois sous. Sortant de scène (rencontre Biardeau, Caserotto, Dimitriadis, le 27 avril), un jeune musicos affamé – le musicien affamé est un corps spécial – dévore un œuf poché sur son lit d’épinards (test effectué : satisfaisant, bio, frais, 6 euros) : « C’est une tuerie ! » Sortant de scène, le batteur Sylvain Darrifourcq croule sous les félicitations d’un spectateur âgé (la trentaine) : « C’est une tuerie ! »Va pour la tuerie. Intrépide, le représentant du Monde, venu par curiosité, fait d’un coup grimper la moyenne d’âge de la salle (25 ans). Puisqu’on parlait de Darrifourcq, c’est toujours une joie de voir s’accomplir un musicien sans complexe et sans frime. Bien cornaqué par Daniel Humair, Darrifourcq – limace noire étroite sur chemise blanche près du corps mince, futal pistache – est le batteur/bruitiste exact, élégant, soudain déchaîné du trio Garibaldi Plop (Roberto Negro, piano, Valentin Ceccaldi, violoncelle).Son presque acoustique, circulation parfaite, mise en place aussi joyeuse que précise, « fatrasie » digne de Bataille dans sa seule contribution à La Révolution surréaliste de Breton – motifs répétitifs, climats, nappes sonores, fragments de swing, cavales pour dessins animés, ébullition collective, retour au calme, citations comme s’il en pleuvait –, la performance crée une écoute, salle comble, très tendue. Pas un bruit, pas une toux, pas un chuchotement. Un peu comme si des jeunesses, rompues à toutes sortes de vacarmes à haute teneur en décibels, découvraient la lune.La « Orléans Touch »Troisième partie de ce premier rendez-vous des « Soirées Tricot » : le film d’Ozu Yasujiro, Où sont les rêves de jeunesse ? (1932), bizarrement daté de 1929 et retitré Où sont nos rêves de jeunesse ? Détail ? Pinaillage ? Oui et non. Plutôt quelque chose de bleu qui ressortit à l’inconscient du collectif (nous). Mise en sons un tantinet trop présente, par les excellents Alexandra Grimal (sax) et Nelson Veras (guitare). Le chef-d’œuvre d’Ozu, comédie indécidable, n’est pas, il faut le dire, du genre commode. Encore moins, les codes japonais du cinéma « muet », cinéma non synchronisé prolongé par Ozu au-delà du raisonnable, pour laisser le temps à ses équipes d’apprendre.Même démarche au fond, que celle du Tricollectif, qui continue, dans une atmosphère qui a le chic d’esquiver Charybde (le branchouille Oberkampf n’est pas loin) et Scylla (le funérarium drapé des musiques improvisées, parfois). Les Ceccaldi (Valentin et Théo), fils de violoniste folk, apportent la « Orléans Touch ». Chaque soirée s’organise en roue libre autour d’une rencontre, d’un invité (Chritophe Monniot, le 28, Akosh S, le 30), de big bands sans limites, de Trio à lunettes et autres Atomic Spoutnik.Signe des temps : dans les années 1968, quatre instrumentistes géniaux – Carlos Alsinna, Jean-Pierre Drouet, Winko Globokar et Michel Portal – volent de leurs propres ailes, dynamitant leurs sciences et leurs expériences dans le New Phonic Art : « Dès qu’on sentait poindre une mélodie, raconte Winko, un tempo, une idée reçue, on s’était donné pour seule consigne de tout exploser. »Cinquante ans plus tard, le Tricollectif n’a pas le choix : il part de son savoir et de son désir, mais aussi des autres, sans se donner de mission, fût-elle nihiliste. Pour le plaisir d’inventer ensemble – musique, modes de rencontre, cuisine et conversations compris. Attention : génération très neuve, gaieté, promesses de l’avenir, à surveiller. Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Il aura été l’homme d’une seule chanson, Louie Louie, composition de Richard Berry (1935-1997) devenue, dans la version du groupe The Kingsmen, en 1963, un classique du rock, hymne quasi annonciateur du punk. Le chanteur et guitariste Jack Ely est mort, lundi 27 avril, à son domicile de Redmond (Oregon), a annoncé son fils. Il était âgé de 71 ans et avait abandonné ses activités de musicien à la fin des années 1960 pour se consacrer à l’élevage de chevaux.Né le 11 avril 1943 à Portland (Oregon) Jack Ely découvre le rock, la guitare et l’envie de chanter, comme beaucoup alors, après avoir vu Elvis Presley (1935-1977) à la télévision lors de son premier passage sur une chaîne nationale, CBS, le 28 janvier 1956, pour le « Dorsey Brothers Stage Show ». Mais c’est trois ans plus tard, en 1959, qu’avec le batteur Lynn Easton, un ami d’enfance, les choses vont devenir un peu plus sérieuses. Ils fondent un groupe qui prend le nom de The Kingsmen et commencent à jouer dans des kermesses, pour des fêtes, divers événements de la vie locale à Portland et dans les environs.Un tempo fluctuantLe groupe s’est pris de passion pour la chanson Louie Louie dans une version par Rockin' Robin Roberts (1940-1967), qui passe en boucle dans un club où il joue parfois. La chanson créée et interprétée par Richard Berry a eu un petit succès dans les classements rhythm’n’blues en 1956, avec un traitement plaisamment dansant. La version de Rockin' Robin Roberts y a ajouté un chant un peu plus nerveux, des « yeah yeah yeah » plus rageurs, un court solo de guitare. The Kingsmen l’enregistrent le 6 avril 1963. Les parents de Lynn Easton ont mis la main à la poche pour financer une heure de studio. Le temps de mettre en place le matériel, de faire une première prise et c’est fini. Ely marmonne et crie, se mélange dans l’ordre du texte, la batterie est en avant, le groupe maladroit, le tempo fluctuant, un son d’orgue pose le riff d’introduction, le solo de guitare à 1 minute 25 est un désastre.La chanson paraît telle quelle sur le label Jerden en mai 1963. Sans faire de vagues sur le marché local. Puis à l’automne 1963, après la publicité négative de « pire disque de la semaine » que lui décerne un DJ de Boston, qui aura donc l’effet inverse, Louie Louie par The Kinsgmen devient un tube et va bénéficier d’une diffusion nationale par le label Wand. Autre effet, celui du relatif succès d’un Louie Louie par Paul Revere (1938-2014) avec The Raiders – qui a enregistré dans le même studio que les Kingsmen, quelques jours plus tard. Enfin, au moment où la chanson commence à grimper dans les ventes, Matthew E. Welsh (1912-1995), gouverneur de l’Indiana, croit déceler dans le phrasé pour le moins approximatif d’Ely une manière de cacher derrière la complainte d’un marin qui se languit de sa belle, des appels à la débauche et demande son interdiction. Le FBI planche sur le sujet… pour déclarer dans un épais dossier et après avoir passé la chanson à toutes les vitesses possibles que tout cela est au mieux incompréhensible et non répréhensible.Aspect foutraqueMais rien ne va plus au sein des Kingsmen. A la mi-août, Easton souhaite devenir le chanteur et leader du groupe. Ely en deviendrait le batteur. Il quitte la formation, qui, de toute manière, dépitée par le peu de succès de son enregistrement, est sur le point de se séparer. La montée dans les classements de Louie Louie incite Ely à proposer de revenir. Refus. Et l’on se retrouvera jusque début 1964 avec deux groupes différents sous le même nom et l’arrivée d’avocats. Jack Ely accepte finalement de laisser à Easton le nom de Kingsmen (ce dernier l’avait déposé) et obtient en échange que les éditions futures de Louie Louie l’identifient comme le chanteur.Il fonde ensuite quelques groupes, dont The Squires et The Courtmen. Et continue de surfer sur la vague Louie Louie avec divers enregistrements comme Love That Louie, Louie Louie ‘66 ou Louie Go Home. Il part ensuite au Vietnam et à son retour est définitivement oublié. Ce qui n’est pas le cas de Louie Louie par The Kingsmen, dont l’aspect foutraque aura, de toutes les versions du début des années 1960, la préférence du monde du rock. Un modèle sur lequel seront notamment construit le début de Plastic People de Frank Zappa, You Really Got Me des Kinks ou Wild Thing des Troggs.Dates11 avril 1943 : naissance à Portland (Oregon)1959 : fonde The Kingsmen avec Lynn EastonAvril 1963 : enregistre Louie Louie, composition de Richard Berry, qui devient un tube aux Etats-Unis à l’automne alors qu’il a quitté le groupe1964-1966 : carrière confidentielle avec plusieurs groupes et variations sur Louis Louie27 avril 2015 : mort à Redmond (Oregon)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Brigitte Salino C’était le père de David et Micha, auteur et comédien : Jean Lescot est mort. Né Jean Wajbrot, fils d’un juif polonais émigré à Paris, où il est né, le 30 août 1938, il a commencé à jouer dès l’âge de 20 ans et n’a jamais cessé depuis, pratiquant son art au théâtre, au cinéma, et dans le doublage, où la liste des acteurs et personnages à qui il a prêté sa voix est impressionnante : le lieutenant William Kinderman dans L'Exorciste, Yoda dans La Guerre des étoiles, ou Morty Flickman dans la série « Desperate Housewises ». Il a plusieurs fois doublé Ben Kingsley, Seymour Cassel, Mel Brooks ou Per Oscarsson.Au cinéma, il apparaît dans de nombreux films, dont Les Gauloises bleues, de Michel Cournot (1967), L'Affiche rouge, de Frank Cassenti (1975), Mon oncle d'Amérique, d'Alain Resnais (1979). Au théâtre, Jean Lescot a tenu une belle ligne, jouant sous la direction de Gabriel Monnet, Roger Planchon, Armand Gatti, Gabriel Garran, ou Jean-Claude Grumberg, son ami.Il a été un touchant Sorine, dans La Mouette, mise en scène par Christian Benedetti, qui a connu un grand succès, au Théâtre de l’Athénée, à Paris. C’était en 2012 et ce fut le dernier rôle de Jean Lescot, un comédien qui a su transmettre son amour de l’art de la scène à ses fils, et laisse le souvenir d’une belle personne, très aimée dans le milieu.Lire aussi : A Alfortville, une « Mouette » qui a valeur de manifesteBrigitte SalinoJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.05.2015 à 16h52 • Mis à jour le24.05.2015 à 09h28 | Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et lady Macbeth comme une perte de sens, un effondrement non seulement des valeurs mais aussi de la réalité. Comme le déclament les sorcières à la première scène du premier acte : « Le beau est affreux, l’affreux est beau. »Relais vers l’enferMichael Fassbender et Marion Cotillard ont la lourde charge de faire vivre le texte de Shakespeare, démembré, recomposé, mais intact en ses parties. Au long du film (bien plus bref qu’il ne le serait si l’intégralité de la pièce avait été conservée), ils courent une espèce de relais vers l’enfer. Un bref prologue les a montrés mettant en terre leur enfant et cette remontée à l’origine de leur disposition au malheur – le leur et celui des autres – apparaît un peu superflue. Car Marion Cotillard trouve aisément le sens de l’insatiable appétit de Lady Macbeth avant que l’horreur l’envahisse face à l’offensive de la mort qu’elle a provoquée. Michael Fassbender, athlète fragile, hésite et regrette avant d’embrasser le mal tout en abandonnant la raison.Il y a quelque chose d’un peu systématique dans cette approche, sensation encore renforcée par la décision implacable de Kurzel et son chef opérateur Adam Arkapaw de sous-éclairer chaque plan (à une exception près), par l’élision du seul moment comique de la pièce et par l’interprétation toujours infernale des morceaux de bravoure : si la forêt de Birnam avance jusqu’à Dunsinane, ce n’est pas parce que les assaillants du château de Macbeth en ont coupé les rameaux pour se dissimuler, mais parce qu’elle a brûlé et que ses cendres sont portées par le vent. Si bien qu’avant même d’accomplir son destin (désolé pour le spoiler), l’usurpateur brûle déjà en enfer. Heureusement, Shakespeare est inépuisable et chaque lecture, sur scène ou à l’écran, ajoute – à condition qu’elle soit intelligente et brave, ce qui est le cas ici – à la richesse du matériau.Film britannique et français de Justin Kurzel avec Michael Fassbender, Marion Cotillard (1 h 53). Sortie le 4 novembre. Sur le Web : www.studiocanal.fr/cid34570/macbeth.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet « You’re entering a world of pain » : vous pénétrez dans un monde de souffrance. A l’approche de la cérémonie de clôture, la réplique de The Big Lebowski, des frères Coen, exprime assez finement le degré d’affliction des festivaliers. Prostration des corps, dissolution des mœurs, accablement généralisé : il est temps que tout ceci cesse.D’ici là, une dernière épreuve attend les suppliciés : le jeu des pronostics. Jeu aussi stérile qu’une partie de bowling, mais auquel la population s’adonne avec un sérieux digne de « Sa Duditude », pour rester dans le jargon des Coen. En attendant leur oracle, rendu dimanche soir, les supputations vont bon train.D’aucuns misent gros sur Sicario, du Canadien Denis Villeneuve. Xavier Dolan, qui fait partie des neuf jurés, mènerait une vibrante campagne en faveur de son compatriote, qui a eu la bonne idée de recourir au chef opérateur historique des Coen, Roger Deakins, et à l’un de leurs acteurs fétiches, Josh Brolin. Si l’on suit cette logique hasardeuse, Louder than Bombs, avec Gabriel Byrne, et surtout Mia madre, où étincelle John Turturro, autre acteur coenien, pourraient également figurer au palmarès. Le film de Nanni Moretti a d’autant mieux rassemblé les suffrages qu’il résume avec une infinie délicatesse l’axe fort du cru 2015 : comment composer avec la mort. Mort des proches, des langues, du cinéma : la réflexivité de l’Italien fait écho au prochain film des présidents du jury, Hail Caesar !, qui se passe dans le Hollywood des années 1950.La même époque est chroniquée avec acuité par Todd Haynes, dans Carol, autre favori aux côtés de Youth et The Lobster : l’humour pince-sans-rire de Paolo Sorrentino et Yorgos Lanthimos résonne avec le penchant des Coen pour les contes absurdes, lardés de dialogues piquants. L’empressement avec lequel les distributeurs américains se sont arrachés Le Fils de Saul, l’allégorie controversée de Laszlo Nemes sur les camps de la mort, indique, là aussi, une fortune favorable.S’ils venaient à couronner un cinéaste asiatique, qui, de Hou Hsiao-hsien à Jia Zhang-ke, ont autant ravi que désarçonné, les Coen créeraient en revanche la surprise. Ce faisant, il tordraient opportunément le cou à leur réputation d’insularité, eux qui n’ont jamais tourné ailleurs qu’en Amérique du Nord.La délégation française, qui a beaucoup déçu, n’espère rien, d’autant que s’éloigne l’éventualité d’un prix d’interprétation pour Gérard Depardieu, après les amabilités qu’il a échangées, par voie de presse, avec la jurée Sophie Marceau.Ne jurons de rien, cependant : dimanche, ces hypothèses pourraient bien s’effondrer comme un jeu de quilles – c’est même, de toutes, la plus probable des pistes.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande (Arles) Le guitariste Misja Fitzgerald Michel, 40 ans, se présente en solo. Physique de cinéma, peu de concessions, crâne presque rasé, comme tous ces garçons qui, non sans égard pour leurs aînés, ratiboisent une chevelure abondante. Nous sommes dans la chapelle du Méjean, à Arles (Bouches-du-Rhône). Misja Fitzgerald Michel a publié un album remarquable (Encounter, No Format) autour des compositions de Nick Drake.Ici, il aligne une improvisation pure, quatre compositions personnelles dont une dédiée à Ornette Coleman, un Don’t Explain formidablement bien réinventé, une chanson de Nick Drake à pleurer, et Nardis, superbement enlevé pour la route. Nardis, un vain peuple pense que c’est une composition de Miles Davis. Que nenni. Les curieux savent que Miles s’est contenté (passons) de signer l’œuvre. Pratique courante dans une musique qui est le fruit d’une collaboration aussi inconsciente que collective.Les plus avisés croient que Nardis est de Bill Evans. Nous ne sommes que deux ou trois à savoir que c’est de Chuck Wayne. Misja Fitzgerald Michel le confirme par l’analyse musicale : « C’est plus normal, c’est un morceau de guitariste, il est écrit en mi mineur. » Je viens de l’apprendre.La plus forte interprétation de sa partie, c’est Lonely Woman. Lonely Woman est une composition d’Ornette Coleman. Une des plus belles, douloureuses, chansons du XXe siècle. Misja Fitzgerald Michel expose le thème sans une fioriture. Puis il se lance dans une orchestration foisonnante, tragique, celle qu’il jouerait en creux avec Ornette Coleman et le très regretté Don Cherry dans Lonely Woman. Après quoi, il passe la main à « une légende », Barre Phillips en trio (avec Urms Leimgruber, sax, Jacques Demierre, piano), pour la tournée de son 80e anniversaire.Ornette Coleman est né en 1930 à Fort Worth (Texas). Lonely Woman, ce n’est pas une tocade pseudo romantique. En passant, enfant, devant une vitrine de photographe dans sa ville (enfance de sous-lumpen prolétariat noir, mère assez aimante pour l’appeler « Ornette »), il voit une image de femme dont le regard le hante encore. Lonely Woman, c’est elle.Seul titulaire afro-américain du plus que prestigieux du prix Præmium Imperiale, Ornette Coleman vient de la rude école du rhythm and blues. En 1960, il défraie la chronique avec un album bouillonnant, Free Jazz. Couverture de Jackson Pollock. Ornette ne laisse rien au hasard. Si on republiait aujourd’hui l’opinion des autorités du jazz de l’époque (et de quelques musiciens bienaimés), ce serait Hiroshima. Le trio de Barre Phillips, « la légende » a de quoi faire tomber des nues les jeunes générations. Pas pour la part « ludique », comme ânonnent les ânes, non, pour la part de théâtralité, Barre et son beau visage de bonze au geste doux. Harmoniques venues du ciel et âme en liberté. Un égaré dans le public du Méjean, ose un coup de flash. Barre Phillips, tel Debureau (Jean-Louis Barrault) dans Les Enfants du Paradis, le suit des yeux, de l’archet, s’amuse, calme toute velléité de selfie.Barre a joué avec le Who’s Who du jazz, tous styles confondus, longtemps avec la danseuse Carolyn Carlson, pratiqué le théâtre musical (en est-il d’autre ?). En trio avec Leimgruber et Demierre, c’est un festival d’intelligence, de musicalité, d’interventions saugrenues, de déchaînements cocasses. Prodigieuse machine à penser, à rêver, à aimer. Bien au-delà d’Ornette et de toute règle. À noter : Misja, comme le Barre Phillips Trio, sont descendus à deux reprises aux bord des grands gouffres du silence. Ont créé dans le public un silence qui n’arrive qu’une ou deux fois par saison. Un silence qui donnait tout son sens à la musique. Mystère du Méjean.Festival Jazz in Arles, jusqu’au 23 mai.Francis Marmande (Arles)Journaliste au Monde Daniel Psenny Le parcours chaotique d’un géant du cinéma considéré par ses pairs comme le meilleur réalisateur de tous les temps (dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma).Derrière sa barbe bien peignée, ses yeux malicieux et sa masse imposante, Orson Welles ne cache pas son amertume et une certaine forme de cynisme. « Le cinéma, c’est 2 % de création et 98 % de prostitution », confie-t-il à la caméra après avoir expliqué dans une longue interview accordée à la BBC comment les majors d’Hollywood l’ont spolié et banni des studios durant onze ans. Le documentaire inédit This is Orson Welles, que les productrices Clara et Julia Kuperberg proposent à l’occasion du centenaire de sa naissance, retrace le parcours chaotique de l’auteur de Citizen Kane.Voir aussi le visuel interactif : « This is Orson Welles », un portrait inédit du cinéasteUn « magicien » de l’imageC’est aussi un portrait intime de cet artiste aux multiples facettes (réalisateur, producteur, prestidigitateur, écrivain, acteur, homme de radio…) qui, à travers les témoignages de ses proches (dont sa fille Chris) et de rares archives, se révèle comme un homme blessé, n’ayant jamais pu aller jusqu’au bout de ses rêves et de son génie. Que ce soit à la radio en 1938 avec La Guerre des mondes, œuvre radiophonique dans laquelle, du haut de ses 23 ans, il sema la panique aux Etats-Unis en faisant croire à une invasion des Martiens (une émission qui lui ouvrit les portes d’Hollywood), à Citizen Kane, qu’il réalisa à l’âge de 25 ans (considéré comme le meilleur film de tous les temps par ses admirateurs Milos Forman, Steven Spielberg ou Martin Scorsese), Welles a révolutionné l’art sous toutes ses formes. « CitizenKane est un grand chef-d’œuvre, qui me bouleverse chaque fois que je le vois », explique Martin Scorsese, pour qui le réalisateur est un « magicien » de l’image, qui a bouleversé « la grammaire filmique ».Plusieurs chefs-d’œuvreIl n’a pu l’exprimer que dans quelques films, en raison de l’incompréhension et de l’intransigeance des studios hollywoodiens, dont les dirigeants n’ont jamais compris sa démarche cinématographique. La filmographie du réalisateur recense, d’ailleurs, de nombreux films restés à l’état de projets ou inachevés. On y trouve toutefois plusieurs chefs-d’œuvre, comme La Dame de Shanghaï (1947), magnifié par la présence de Rita Hayworth (sa deuxième femme, dont il divorcera quelques mois plus tard), La Soif du mal (1958), avec Charlton Heston et Janet Leigh, dont la fin fut sérieusement amputée sans qu’Orson Welles en soit averti, ou Le Criminel (1948), avec Orson Welles et Edward G. Robinson qui fut un des premiers films américains à montrer les camps de la mort nazis. Sans oublier, bien sûr, ses adaptations des pièces de Shakespeare (Macbeth, Othello, Falstaff), que l’artiste considérait comme le plus grand poète de tous les temps, et dont on peut d’ailleurs voir l’influence dans Citizen Kane à travers son personnage hanté par la solitude et la mort.Dans ce documentaire riche en témoignages, on notera ceux des réalisateurs Peter Bogdanovich et Henry Jaglom qui dressent un portrait intime de l’artiste dont le téléspectateur ne peut que tomber sous le charme. « Tout ce qu’il touchait se transformait en art », résume sa fille Chris.This is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (Fr., 2015, 52 min). Rediffusions : le 27 mai à 8 heures ; le 28 mai à 0 h 10 ; le 1er juin à 8 h 50 ; le 8 juin à 10 h 45 ; le 11 juin à 19 h 45. Disponible sur le service de replay TCM Cinéma à la demande jusqu’au 22 juin. Dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Sélection officielle – en compétitionOn ne les avait pas revus ensemble au cinéma depuis Loulou. Pialat, 1980. Tournage épouvantable. Ils ne vieilliraient pas ensemble. Et puis un jour, il y a deux ans, idée de Guillaume Nicloux, le réalisateur de La Religieuse et de L’Enlèvement de Michel Houellebecq. Coup de fil à la productrice, Sylvie Pialat, qui fut l’épouse de Maurice. Reconstitution de couple mythique dissous. Huppert-Depardieu. Avec, en prime, les sites sublimes de la Vallée de la Mort. Chaleurs et frissons garantis.Allez parler ensuite d’un film pareil ! Isabelle et Gérard, tels qu’en eux-mêmes par 50 °C à l’ombre. Six mois auparavant, leur fils Michael est mort. Avant de se suicider, il leur a laissé à chacun une lettre. « Je te demande d’être présent dans la Vallée de la Mort le 12 novembre 2014. Tous les deux, oui, tu as bien lu, toi et papa. » « Toi et maman », dans l’autre lettre. « Il y a un planning des endroits où vous devez aller, le jour précis et les horaires où vous devez m’attendre car je vais revenir, pour peu de temps, mais je serai là. Et je vous verrai… » Alors ils sont venus. Tous les deux. Séparément, vu qu’ils sont séparés depuis longtemps. Isabelle et Gérard, comme si cette histoire était la leur. Deux comédiens, dans la vie comme dans le film. Une chambre chacun dans un motel niché au cœur de Death Valley.On l’a compris, Valley of Love se joue constamment des effets croisés de la vérité et de la fiction. Des interactions entre la personne – Huppert, Depardieu – et le personnage – Isabelle, Gérard – qu’elle incarne. Conversation dans le désert entre deux ex. Deuil. Croyance que tout est possible. Qu’il faut, à cet instant, que tout soit possible. Impossibilité de retrouvailles qui ont pourtant bel et bien lieu. Culpabilité vis-à-vis d’un enfant dont on ne s’est guère occupé, elle surtout, et qui affirme aujourd’hui, de là où il est, ne plus leur en vouloir. On ne sait pas grand-chose de ses propres enfants, dit Gérard. On n’est jamais averti de leurs grandes décisions. Bouddha dans l’eauDeux plans formidables. En ouverture du film, Huppert de dos, traînant sa valise à roulette. C’est fou comme on reconnaît immédiatement sa silhouette, démarche volontaire, cette manière inimitable de dire non à la vie et à la terre avec ses talons. A cet instant, mais nous ne le savons pas, une seule idée l’obsède : la lettre de son fils. Un peu plus tard, après nous avoir asséné deux ou trois fois « Putain, la chaleur ! », Gérard se baigne dans la piscine du motel. Bouddha dans l’eau. Boudu la tête hors de l’eau. Enorme et fascinant Depardieu.Fort d’un tel casting et d’un tel dispositif, Valley of Love ne pouvait pas ne pas toucher. Ne pas emporter le premier venu des festivaliers. Et pourtant, il lui manque un petit quelque chose, ce supplément d’âme et de cinéma qui fait les grands films. Comme si le scénario, trop écrit, trop lisse et ténu, grevé par sa symbolique, finissait par prendre le pas sur l’émotion.Au début, c’est Isabelle qui croit le plus au message laissé par son fils. Et puis, progressivement, Gérard finit par céder à son tour au vertige de cette apparition impossible. C’est l’instant où l’on devrait être bouleversé, croire à ce quelque chose d’essentiel qui se recrée entre cet homme et cette femme. A cette histoire, interrompue depuis des années, qui par la magie d’une lettre, retrouve son fil.Comme dans La Rose et le Réséda, il y aura ceux qui y croiront et ceux qui n’y croiront pas. Ceux qui prendront au pied de la lettre cette quête éperdue de signes annonciateurs, et ceux qui, au contraire, n’en auront que faire, préférant se concentrer sur les retrouvailles, trente-cinq ans après, de deux acteurs extraordinaires. Dissemblables physiquement, ah ! ça, pour le moins, mais aussi talentueux l’un et l’autre. Alors quand ce bon géant de Gérard caresse la joue d’Isabelle avec ses gros doigts, c’est tout l’imaginaire du cinéma français qui envahit l’écran sous le soleil de la Californie. Et alors là, oui, nous sommes émus !Film français de Guillaume Nicloux avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu (1 h 32). Sortie le 17 juin. Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/valley-of-loveFranck NouchiJournaliste au Monde Marie-Aude Roux Ulysse n’a pas encore quitté les rivages d’Ithaque que les prétendants rêvent déjà de bander l’arc. En annonçant, le 10 janvier 2013, qu’il quittait la tête du prestigieux Orchestre philharmonique de Berlin à la fin de son mandat en 2018, le chef d’orchestre Sir Simon Rattle (60 ans) a allumé une guerre de succession. Depuis deux ans, les supputations sont allées bon train. Elles cesseront ce lundi 11 mai qui verra la désignation par la prestigieuse phalange berlinoise, créée en 1862, de son septième directeur musical, après Hans von Bülow (1887-1892), Arthur Nikisch (1895-1922), Wilhelm Furtwängler (1922-1934 et 1952-1954), Herbert von Karajan (1956-1989), qui en était le directeur à vie, Claudio Abbado (1990-2002) et Simon Rattle.Ce lundi, convoqués dans la matinée en un lieu tenu secret à Berlin, les 128 membres du Berliner Philharmoniker choisiront leur candidat à l’issue de délibérations à huis clos, téléphones portables prohibés, jusqu’à ce qu’une « majorité claire » se dessine, a expliqué la porte-parole de l’orchestre, Elisabeth Hilsdorf. Les « Berliner » sont les seuls au monde à exercer pareille souveraineté… démocratique. Habituellement, les nominations des directeurs musicaux, si elles s’accompagnent d’une consultation de l’avis des musiciens (après tout, ce sont eux qui sont en contact direct avec le chef d’orchestre), sont le fait des tutelles administratives de l’orchestre voire des responsables politiques.Un poste parmi les plus convoitésFigurer ne serait-ce que dans la liste des chefs d’orchestre pressentis est en soi une consécration. Car même si « tout chef d’orchestre vivant » est un candidat potentiel, comme l’affirment les deux délégués de l’orchestre, Peter Riegelbauer et Ulrich Knoerzer, seule une poignée, parmi la trentaine régulièrement invitée, peut prétendre à ce poste parmi les plus convoités de la planète musicale. Les perdants le sont d’ailleurs de plus ou moins bonne grâce. On se souvient du départ précipité de Berlin de Sergiù Celibidache, à qui Karajan damna le pion en 1955, alors que le Roumain pensait être le successeur naturel de Wilhelm Furtwängler avec qui il partageait la direction de l’orchestre depuis 1947. Ou de la déception de Lorin Maazel, sûr de son fait au point d’avoir prématurément convoqué la presse, lorsqu’il apprit que Claudio Abbado lui avait été préféré.Il n’y a guère que Daniel Barenboïm, rival malheureux de Simon Rattle en 2002, qui ait su perdre avec élégance. Daniel Barenboïm (72 ans), dont le nom a resurgi une nouvelle fois. Mais l’intéressé a fait savoir qu’il ne l’était pas. Chef à vie de la Staatskapelle de Berlin dont il a fait le deuxième orchestre de la ville, l’Israélo-argentin poursuit avec détermination une carrière de pianiste ainsi que son engagement à la tête de son West-Eastern Divan Orchestra, qui réunit Arabes et Israéliens.Épaules solidesIl faut des épaules particulièrement solides pour prendre la tête des Berliner Philharmoniker, un contingent d’élite jaloux de ses prérogatives : la direction d’orchestre n’est en fait qu’une partie de la fonction, aussi sociale et managériale que musicale. Polarisée autour d’une dizaine de noms partagés entre fringants post-trentenaires et « vieux » lions septuagénaires, la liste des chefs qui circule depuis deux ans s’est progressivement amenuisée au fur et à mesure que certains confirmaient d’autres engagements, rendant caduque leur éventuelle venue à Berlin.C’est le cas du médiatique et bouillonnant vénézuélien Gustavo Dudamel (34 ans), longtemps donné comme favori de la nouvelle génération des chefs étoilés, qui vient de prolonger son contrat à la tête de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles jusqu’en 2022. Mais aussi celui du talentueux Canadien, Yannick Nézet-Séguin (40 ans), lequel vient d’annoncer le renouvellement de sa collaboration avec l’Orchestre de Philadelphie jusqu’en 2022. Idem pour le chef letton Mariss Jansons (72 ans), considéré comme l’une des meilleures baguettes au monde et grand ami des « Berliner », qui vient de rempiler avec l’Orchestre de la Radio bavaroise jusqu’en 2021.Reste par contre en lice son compatriote et fils spirituel, Andris Nelsons (38 ans), qui figure en bonne position, quoiqu’il ne faille pas exclure qu’il décide in fine de poursuivre son mandat au poste de directeur musical de l’Orchestre de Boston, qu’il occupe jusqu’à la fin de la saison 2019-2020.Favori des pronosticsUn nom revient aussi avec insistance. Celui de l’Italien Riccardo Chailly (62 ans), baguette unanimement saluée, dont le travail en Allemagne à la tête de l’un des plus anciens orchestres du pays, le Gewandhaus de Leipzig, inspire enthousiasme et respect. Mais outre qu’il a été récemment adoubé comme directeur musical à La Scala de Milan, ses récents problèmes de santé risquent de constituer un handicap. Idem pour un autre Italien, le prestigieux Riccardo Muti (73 ans), véritable star de la baguette, mais dont le mandat à la tête de l’Orchestre symphonique de Chicago a été prolongé jusqu’en 2020. Plus aléatoire encore, le nom du Russe Kirill Petrenko (43 ans). Quoique triomphateur du dernier « Ring » de Bayreuth, l’actuel directeur musical de la Bayerische Staatsoper de Munich manque encore d’envergure internationale et de charisme médiatique. De même pour son homologue russe, Vladimir Jurowski (43 ans), ancien directeur musical du festival de Glyndebourne et chef principal de l’Orchestre philharmonique de Londres depuis 2007.Mais le candidat favori des pronostics est sans conteste l’Allemand Christian Thielemann (56 ans), directeur musical de la Staatskapelle de Dresde jusqu’en 2019 et conseiller musical du Festival de Bayreuth depuis 2008, déjà sur les rangs pour la succession d’Abbado. Si ce choix était retenu, il n’est pas exclu qu’après les années d’ouverture de l’orchestre, voulue par Sir Simon (renouvellement du répertoire, développement des médiations technologiques, modélisation d’une action pédagogique exemplaire), cela ne sonne comme un retour aux fondamentaux identitaires germaniques de l’orchestre (certains n’ont-ils pas reproché à Rattle d’avoir dénaturé le son allemand en lui donnant trop de légèreté et de clarté ?)Seize ans à la tête de la phalange berlinoiseCe d’autant que Thielemann, qui fut l’assistant de Karajan et son protégé, s’est imposé comme un interprète privilégié du répertoire germanique – Wagner, Richard Strauss, Bruckner. L’orchestre devrait aussi composer avec le caractère ombrageux du talentueux et fougueux chef allemand. Outre les différends artistiques et gestionnaires qui émaillent son parcours, de la Deutsche Oper de Berlin (1997-2004) à la Philharmonie de Munich (2004-2011), et jusqu’à Dresde – nommé en tandem avec lui, le Belge Serge Dorny n’a jamais pris son poste et a dû rester à l’Opéra national de Lyon –, on lui impute aussi des prises de positions politiques conservatrices (il est un fervent admirateur de Frédéric II de Prusse).Il y a une quinzaine d’années, la presse avait dénoncé certains commentaires aux relents antisémites qu’il aurait eus à l’encontre de Daniel Barenboim, dont il fut l’assistant à Bayreuth avant de devenir son rival à Berlin. Reste que ces allégations, vigoureusement démenties par l’intéressé, l’ont été également par Barenboïm dans un article paru en octobre 2000 dans le Süddeutsche Zeitung.En 2018, après seize ans passés à la tête de la prestigieuse phalange berlinoise, Sir Simon Rattle prendra la direction du London Symphony Orchestra avec à la clé l’assurance d’une nouvelle salle de concerts enfin digne de la métropole londonienne.Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle Le jury du Prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine ou Prix Mies van der Rohe, porté par la fondation du même nom, a rendu son verdict. Vendredi 8 mai au soir, à Barcelone, après avoir reçu les cinq derniers candidats en lice, il a choisi le projet de la Filharmonia Szczecinska (salle philharmonique de la ville polonaise de Szczecin) réalisé par l’agence d’architecture italo-espagnole Barozzi Veiga. Revêtue de verre, entièrement blanche et translucide, la silhouette de la salle de concert évoque de prime abord une cathédrale de glace.Le bâtiment, achevé en 2014 après trois années de travaux, offre 13 000 m2 de surface utile. Il abrite une salle symphonique de 1 000 places, une salle réservée à la musique de chambre pouvant accueillir 200 spectateurs, un espace transformable réservé aux expositions et aux conférences, ainsi qu’un large foyer. Son coût : 30 millions d’euros. Posé dans un carrefour du site historique du « Konzerthaus », un ancien quartier bombardé pendant la seconde guerre mondiale, puis reconstruit, la Filharmonia Szczecinska est constituée d’un assemblage composite de façades verticales coiffés de pignons sur rue acérés. Appuyée contre le siège du commandement de la police de Wojewodzka, fait de brique et de pierre, elle ouvre généreusement sur des espaces verts.Barozzi et Veiga ont voulu faire « un élément lumineux ». La façade de verre, éclairée de l’intérieur selon une grille rigoureuse, offre une large gamme de scénarios chromatiques qui jouent avec l’architecture, notamment le soir. Le jour, tel qu’en rendent compte les photographies, le contraste et tout aussi saisissant entre la blancheur affirmée du nouvel édifice et le manque d’éclat de son environnement immédiat. Un bloc d’apparence disparatePour autant, dans un tel contexte, la singulière architecture de la nouvelle venue ne cherche pas à imposer sa grandeur – ni sa candeur. La verticalité de l’édifice et sa géométrie jouent dans le même ordre de proportions que celles des bâtiments alentours. Les architectes parlent d’austérité à propos de leur projet. A y regarder de plus près, et bien que ses auteurs n’en parlent pas, la Filharmonia Szczecinska semble composer un bloc d’apparence disparate qui évoque un pâté de maison anciennes et hétéroclites, construites selon le bon vouloir de chacun. Comme il en a probablement existé à Szczecin bien avant les bombardements. Barozzi et Veiga n’ont pas seulement soigné les attraits extérieurs de leur projet. La salle principale de concert, elle aussi, annonce sa couleur. L’austérité de l’extérieur et la simplicité des espaces de circulation intérieurs contrastent avec la forte expression sculpturale de la salle de concert. De type « boîte à chaussure », elle est intégralement dorée à la feuille. Les reliefs ornementaux des parois et du plafond, dotés de fonctions acoustiques, sont composés selon le principe de la suite de Fibonacci : leur fragmentation augmente au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la scène.Avant d’obtenir le Prix Mies van der Rohe, remis tous les deux ans et doté de 60 000 euros, la Filharmonia Szczecinska avait obtenu, le 17 avril en présence du président de la Pologne, Bronislaw Komorowski, le Prix « Life architecture » pour le meilleur bâtiment polonais construit entre 2013 et 2014. Une distinction portée par la principale revue d’architecture du pays, Architektura Murator. Lire aussi :Vignobles, salles et musées au menu du Prix Mies van der RoheJean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste 08.05.2015 à 17h32 • Mis à jour le09.05.2015 à 23h12 | Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster » est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Anne Eveno « Nous avons des nouvelles. Veuillez vous joindre à nous le 20 mai ». L’invitation, énigmatique, provient de Spotify, le numéro un mondial du streaming musical sur internet. Pour de nombreux spécialistes cette conférence new-yorkaise du groupe suédois aura pour objet de présenter la toute nouvelle diversification de Spotify, à savoir une entrée sur le marché du streaming vidéo.Une hypothèse qui prend d’autant plus de crédit que le Wall Street Journal a révélé, jeudi 7 mai, que Spotify aurait entamé des négociations avec plusieurs grands groupes et fournisseurs de contenu, qui pourraient proposer des séries et shows exclusivement réservés à Spotify.Le quotidien cite parmi les entreprises ayant pris langue avec Spotify, Time Inc., Tastemade, Maker Studios et Fullscreen. Spotify aurait aussi pris contact avec des acteurs, qui travaillent déjà avec YouTube, à la fois pour acheter leurs productions mais également pour co-créer des séries vidéo originales.Selon les sources citées par le quotidien américain, le service envisagé par Spotify serait à la fois disponible pour les abonnés et les non abonnés, et comprendrait de la publicité. Un modèle dual proche de celui développé par Spotify dans le streaming musical.Le groupe, dirigé par Daniel Ek, offre pour 10 euros par mois, la possibilité d’écouter en illimité un catalogue de 20 millions de morceaux sur smartphone et ordinateur. En mode gratuit, l’écoute est entrecoupée de spots publicitaires. Sur les 60 millions d’usagers, un quart sont des abonnés.Marché plus rentable que la musiqueBien que leader sur ce marché, devant des acteurs comme le français Deezer ou les américains Beats (propriété d’Apple) et Pandora, Spotify ne parvient pas à gagner d’argent. En 2013, la start-up, qui reverse 70 % de ses revenus aux ayants droit de ses musiques, a encore perdu 57,8 millions d’euros, après un déficit de 87,6 millions l’année précédente.Or, dans ce contexte, la start-up dont la valorisation atteint 8,4 milliards de dollars, voit l’univers concurrentiel se durcir : relance par le rappeur Jay-Z de Tidal, une plate-forme de streaming 100 % payante et arrivée annoncée d’Apple.La firme de Cupertino travaille actuellement à fusionner les services de Beats et de l’écosystème iTunes et pourrait présenter son offre le 8 juin.Lire aussi :Jay-Z enrôle des stars pour convaincre leurs fans de payerAvec cette entrée sur le marché de la vidéo sur internet, il s’agit pour Spotify de trouver de nouvelles sources de revenus. Même s’il compte de nombreux acteurs aussi variés et aux modèles aussi différents que YouTube, Facebook, Netflix et Hulu par exemple, ce secteur de la vidéo en ligne apparaît également plus rentable.Ainsi Netflix, par exemple, peut se targuer d’avoir enchaîné, depuis 2010, les exercices bénéficiaires. En 2014, le groupe de streaming a gagné 266 millions de dollars.Lire aussi :YouTube va lancer une offre sur abonnementLes atouts de Spotify pour se lancer sur ce marché hyperconcurrentiel tiennent à sa connaissance de ses usagers actuels. Il possède déjà beaucoup de données sur les goûts et habitudes de ses utilisateurs.Cela pourrait lui permettre de produire et fournir des contenus plus adaptés aux centres d’intérêts de chacun, avance le Wall Street Journal.Anne EvenoJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Le futur projet de loi sur le numérique inclura la proposition d’un « droit de panorama » en France, a confirmé la secrétaire d’Etat au numérique, Axelle Lemaire, lors de son audition, le 18 mars, par la commission numérique de l’Assemblée nationale. Cette exception au droit d’auteur, déjà adoptée dans de nombreux pays, permet de reproduire, en particulier par des photographies ou des vidéos, des œuvres visibles dans l’espace public sans avoir à demander d’autorisation ou s’acquitter de droits.A une époque où les réseaux sociaux, Instagram en premier lieu, et les blogs partagent massivement des photos d’œuvres en extérieur comme en intérieur, chacun a tendance à oublier qu’en France, les œuvres d’art restent couvertes par le droit d’auteur du vivant de l’artiste, puis 70 années après sa mort. Si les usages font fi de cette règle, c’est que ce flot de reproductions est tout simplement impossible à contrôler. Mais aussi parce que les artistes le tolèrent, voire l’encouragent, tant qu’il ne leur porte pas préjudice. C’est notamment le cas lorsque les images sont utilisées à des fins commerciales – elles peuvent alors donner lieu à des demandes de compensation financière.Variantes du dispositifLes modalités de la liberté de panorama varient suivant les pays qui l’ont adoptée. Ainsi elle s’étend jusqu’à l’intérieur des bâtiments publics en Grande-Bretagne, en Inde ou en Australie, où elle est la plus large. Elle ne concerne que les bâtiments aux Etats-Unis et en Russie, ou inclut les sculptures en Allemagne, en Espagne ou au Canada. Alors que le projet de loi numérique est attendu pour la rentrée devant le Parlement, on ne connaît pas encore les modalités de la version de cette exception proposée pour la France, incluse dans un projet de loi vaste, centré sur l’économie et l’innovation, la modernisation de l’action publique et la protection des données personnelles.Deux voix se sont récemment opposées sur le sujet publiquement : Wikimedia France (l’association qui chapeaute, entre autres, le projet Wikipedia sur le territoire français) et l’ADAGP, la société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts graphiques et plastiques (l’équivalent de la Sacem pour la musique). Les deux structures sont fondamentalement en désaccord concernant les conditions auxquelles devrait être astreinte toute reproduction d’une œuvre dans l’espace public dans le cadre de la liberté de panorama. Wikipedia revendique la nécessité d’images en haute définition pouvant être commercialisées et modifiées, ce qui est jugé inacceptable par l’ADAGP.Une directive européenneLa liberté de panorama est une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne sur le droit d’auteur de 2001. Des amendements en sa faveur ont déjà été rejetés à deux reprises en France : lors de la transposition de cette directive par la loi DADVSI, en 2006, puis à l’occasion de l’examen à l'Assemblée nationale d’un projet de loi sur la copie privée, en 2011.Lors du second rejet de l’Assemblée nationale, les députés avaient pointé l’absence d’études d’impact d’une telle disposition. Aujourd’hui, l’ADAGP met en avant les conséquences financières non négligeables qu’entraînerait cette disposition pour les artistes : « Selon la manière dont cette liberté de panorama est envisagée, nous estimons que ce sont entre 15 et 19 % des droits que nous collectons qui disparaîtraient chaque année, soit 5 à 6 millions d’euros en moyenne », affirme Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP.A la mi-avril, l’ADAGP adressait un mailing à tous ses adhérents directs, soit 11 000 auteurs (sur les 120 000 qu’elle représente par des accords internationaux), pour les alerter et les mobiliser face à l’impact potentiel de la disposition pour « les œuvres d’architecture, les sculptures, les fresques, les graffs… ». « Si cette exception devait effectivement voir le jour, tout un chacun pourrait les utiliser, dans un but commercial ou non, et éditer affiches et cartes postales, tourner des films, voire s’en servir dans une publicité, sans votre accord et sans payer de droits d’auteur », détaillait ainsi dans le courrier sa directrice générale, Marie-Anne Ferry-Hall, dénonçant une telle exception comme « injuste, illégitime et dévastatrice ».Du côté de Wikimedia, qui avait publié en octobre 2011 dans Le Monde une tribune intitulée « Rendre aux Français leur paysage architectural » pour militer en faveur de la liberté de panorama, on met, au contraire, en avant une « mission », qui est de « créer de la connaissance libre, que chacun puisse utiliser. » Christophe Henner, président de Wikimedia France, pointe ainsi les difficultés rencontrées par Wikipedia pour illustrer ses articles : « Nous sommes hébergés aux Etats-Unis, mais nos utilisateurs contributeurs étant soumis au droit de leur pays, nous ne pouvons pas garder les photos de bâtiments partagées en France. En revanche, si un Allemand met sa photo du même bâtiment français en ligne depuis l’Allemagne, c’est légal. Les œuvres françaises sont donc documentées par les étrangers. » Conséquence directe de cette situation, qu’il déplore : « Le patrimoine parisien est bien représenté, mais pas celui du reste du pays. »« Un débat malhonnête »Le président de Wikimedia assume pleinement l’exploitation commerciale des photographies qu’autorise Wikimedia Commons, la base de données multimédia dans laquelle pioche Wikipedia pour illustrer ses articles. « C’est une valeur que nous portons : on ne doit pas empêcher la diffusion de la connaissance. Or, il y a plein de bonnes idées de commercialisation. Dans certains endroits où la présence d’Internet est extrêmement faible et où l’accès au savoir peut passer par la commercialisation de contenus de Wikipedia imprimés par des associations, nous ne voulons pas empêcher un usage commercial. On peut aussi imaginer une appli mobile touristique qui piocherait dans nos photos pour mettre en valeur le patrimoine français », détaille-t-il. Thierry Maillard, le directeur juridique de l’ADAGP, estime pour sa part que « le débat est malhonnête dès lors que l’on va permettre à n’importe qui de gagner de l’argent avec ces photos. »Christophe Henner, qui estime le système actuel dépassé, s’étonne que le modèle ait évolué partout ailleurs : « La France va-t-elle devenir le seul pays où ce ne sera pas possible dans un monde globalisé et numérique ? ». A l’inverse, le représentant de l’ADAGP assure que « c’est un système qui fonctionne, et les marques trouvent ça normal de payer pour utiliser des œuvres. » Il réfute les accusations d’archaïsme : « On trouve des contrats adaptés à chaque situation, avec des accords très flexibles quand cela s’impose, tout en restant raisonnables pour les ayant-droits. On ne veut pas interdire des usages, on refuse simplement qu’il y ait un enrichissement sur le dos des artistes. » Le cas des graffeursGoogle est pointé du doigt : « Il y a un déficit de protection des arts graphiques sur Internet, notamment au bénéfice de Google, qui ne paie aucun droit avec Google Images, un service certes gratuit, mais déployé au sein d’une marque commerciale, qui génère plus de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Si l’exception de panorama devait être consacrée, ce serait évidemment très confortable pour eux, puisqu’ils pourraient diffuser massivement – et sans avoir à se soucier du sort des auteurs – des images en HD », ironise Thierry Maillard.Wikimedia opère, de son côté, une distinction entre architecture, art contemporain et street art. « Nous sommes pour que l’on n’inclue pas dans cette exception les œuvres présentées de façon temporaire et les graffs. Nous comprenons l’argumentaire : les artistes dépendent de leur droit d’auteur pour vivre. Ce n’est pas le cas des architectes, qui vivent de la vente de leurs bâtiments, et pour qui les droits d’auteur sont un complément de revenu », précise Christophe Henner. Il relève, malgré tout, qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, « deux pays où la scène du street art est très forte », la liberté inclut le graffiti.« Il y a pas mal d’adhérents à l’ADAGP parmi les artistes de street art, c’est qu’ils estiment que c’est utile, quand bien même il y a dans le street art une philosophie de l’art pour tous et du partage sur Internet, relève Pierre Lautier, avocat spécialiste en droit de la propriété intellectuelle. Dans le cas de pubs ou de shootings de mode devant des graffitis, par exemple, ils peuvent exiger des droits. »« Un gadget face à une philosophie »Pour Pierre Lautier, le droit d’auteur est assez souple pour ne pas avoir nécessité l’ajout d’une exception comme la liberté de panorama. « J’ai l’impression qu’on sacrifie le droit moral à une mode actuelle, pour ne pas passer pour un pays de ringards. Les usages évoluent, mais la loi doit pouvoir être adaptée dans le respect du statut artistique. »« Le débat est compliqué, confirme Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste du droit d’auteur. Si l’on instaure le droit de panorama du jour au lendemain alors que tout n’a pas été mis à plat, ce sera un échec. » Selon lui, « il s’agit d’un gadget, par ailleurs très démago, face à une philosophie. On ne doit pas autoriser à foutre par terre un principe de droit d’auteur qui a près de 250 ans », s’agace l’avocat.Pour l’avocat, si in fine l’exception au droit d’auteur était adoptée de la façon la moins offensive possible, « cela aboutirait à une tolérance pour les usages non commerciaux… ce qui existe déjà. » Une éventualité qui ne satisferait pas Christophe Hennel : « Une liberté de panorama réservée aux usages non commerciaux la rendrait de fait caduque pour Wikimedia. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen, présidents du Festival de Cannes 2015, n’a pas fait grand bruit. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 07.05.2015 à 15h33 • Mis à jour le07.05.2015 à 20h22 Hip-hopLa culture urbaine s’exprime à La Villette Jusqu’au 17 mai, les amateurs de hip-hop et de toute la culture urbaine qui l’accompagne ont rendez-vous à La Villette à Paris où quelque deux cents artistes se succèdent pour des shows et performances. Parmi les groupes les plus attendus de cette deuxième édition du Villette Street Festival, la compagnie Swaggers dirigée par Marion Motin et les Enfants prodiges.Grande Halle de La Villette, à Paris.Lire aussi :Graff, glisse et hip-hop à Villette StreetOpéraTous à l’opéra ! : une plongée dans l’univers lyrique Une centaine d’opéras, dont vingt-huit en France, ouvriront leurs portes gratuitement samedi 9 et dimanche 10 mai pour la neuvième édition de Tous à l’opéra !, manifestation qui mobilise de nombreux pays européens. L’initiative, qui vise à désacraliser ce genre musical, a cette année pour parrain Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra de Paris. Répétitions, visites des ateliers de costumes, concerts : une plongée dans l’univers lyrique et la découverte de ses coulisses, le temps d’un week-end.Tous à l’opéra !Lire aussi : Philippe Jordan, au son du pèreCinémaLes combats de ZanetaEn suivant le parcours d’une jeune mère confrontée au racisme et à la misère (Klaudia Dudova, remarquable dans le rôle), le cinéaste tchèque Petr Vaclav décrit de manière forte et sensible la mécanique de la marginalisation de la population rom. Son film est diffusé dix-neuf ans après Marian, qui évoquait déjà la condition des Roms, sujet qui passionne le cinéaste.Film tchèque de Petr Vaclav avec Klaudia Dudova, David Istok, Milan Cifra (1 h 43).Lire aussi :« Zaneta » : une Rosetta romPhotographieDes chasseurs face à leurs proies Pierre Abensur photographie des chasseurs à travers le monde, mais plutôt que de capturer ses modèles sur le vif, il a préféré les faire poser en pleine nature, en costume de ville et à côté de leur trophée. Le résultat, à la fois étrange et burlesque, interroge cette tradition universelle qui consiste à vouloir conserver et exhiber le cadavre de l'animal qu'on a tué. Une exposition qui sied au Musée de la chasse, qui mêle de façon intelligente l’art contemporain et les traditions cynégétiques.Musée de la chasse et de la nature, à Paris.Lire aussi : Les chasseurs font le showLire aussi :Claude d’Anthenaise : pilote de chasseThéâtre« Le Chagrin », quand le banal touche l’universel La metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen, qui croit aux vertus de l’écriture collective, convoque l’enfance avec sa compagnie Les Hommes approximatifs. Cette enfance inscrite en chaque être humain comme une Atlantide engloutie, toujours prête à refaire surface… Dans l’étonnant décor imaginé par Alice Duchange, inspiré par l’art brut, un frère et une sœur se retrouvent après la mort du père et les souvenirs remontent.Lire aussi :Caroline Guiela Nguyen, lestée d’enfanceThéâtre de la Colline, à Paris.ArtsVélasquez et ses disciples : une leçon d’histoire de l’art Bien que les toiles les plus volumineuses n’aient pas quitté le Musée du Prado, l’exposition consacrée à Diego Vélasquez (1599-1660) au Grand Palais réunit des merveilles, parmi lesquelles la Vénus au miroir, venue de la National Gallery de Londres. Ces œuvres sont environnées de tableaux d’autres artistes de la même époque comme Francisco Pachedo, qui fut le maître de Vélasquez à Séville ou Juan Bautista Martinez del Mazo, qui fut un de ses disciples, et auquel on attribue des toiles qui seraient peut-être de la main de son maître… Une exposition précieuse à découvrir jusqu’au 13 juillet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Vélasquez peint d’abord des énigmesCinéma« Les Terrasses » : une plongée dans AlgerDepuis plusieurs films, Merzak Allouache, réalisateur de Chouchou, dépeint une société algérienne gangrenée par la violence et la montée de l’intégrisme. Issu d’un tournage express dans des quartiers historiques d'Alger, son nouveau film, Les Terrasses, articule cinq histoires, évoquant autant de facettes de la société algérienne d’aujourd’hui, qui se déroulent uniquement sur des terrasses.Film franco-algérien de Merzak Allouache avec Nassima Belmihoub, Adila Bendimerad (1 h 31).Lire aussi :« Les Terrasses » : cinq points de vue sur AlgerArtsMarkus Lüpertz : peindre l’âme allemande Depuis plus d’un quart de siècle, ses vastes tableaux intensément colorés, peuplés de figures humaines incomplètes ou envahies par des formes denses et tranchantes, ses corps et têtes de bronze sont devenus célèbres. L’artiste allemand n’a cessé d’inclure dès ses débuts dans son œuvre des « motifs allemands » – casque de la Wehrmarcht, roues de canon – qu’il croise avec des références à la mythologie grecque. Exposé au Musée d’art moderne de la Ville de Paris pour une grande rétrospective, il déclare continuer à peindre « contre la peur ».MAMVP, à Paris.Lire aussi :Markus Lüpertz, « typisch Deutsch »ArchitectureLe Corbusier, inventeur de formes Le Centre Pompidou consacre une vaste exposition à Charles-Edouard Jeanneret, né en 1887 en Suisse, installé à Paris en 1917, devenu Le Corbusier en 1922, naturalisé français en 1930 et mort en 1965. Un maître de l’architecture dont la mémoire se voit, parallèlement à l’exposition, sérieusement égratignée par trois livres évoquant la part obscure du personnage, sa fréquentation de cercles fascistes dans la France des années 1930, son installation à Vichy de 1941 à 1942, sa fascination pour les régimes totalitaires, son antisémitisme. Nulle trace de ce passé trouble dans l’exposition, dont l’objet est de montrer comment le corps humain a guidé la pensée et les créations de l’architecte.Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Du béton et des plumesArtsL’univers peuplé de spectres de Jörg Immendorff Cela faisait plus de vingt ans que Jörg Immendorff (1945-2007) n’avait été exposé en France. La dernière fois que l’on avait pu y voir l’œuvre singulière de l’artiste allemand, c’était au centre d’art de Meymac (Corrèze). C’est dire si l’exposition que lui consacre, jusqu’au 14 juin, la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes) mérite que l’on si arrête. On y découvrira une œuvre riche en symboles et allusions, pastichant l’histoire de l’art comme celle de l’Allemagne.Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence.Lire aussi :Les satires à tiroirs de Jörg Immendorff à la Fondation Maeght Frédéric Edelmann Décidément, rien ne se passe vraiment comme on veut avec Le Corbusier, de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret-Gris (1887-1965). Voici qu’à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, et parallèlement à l’exposition du Centre Pompidou (« La mesure de l’homme », jusqu’au 3 août), trois volumes sortent qui entendent retracer l’histoire de sa vie. Il en existe cent autres, mille autres, plus au moins ambitieux, comme celui où, en près de 1 000 pages, Nicholas Fox Weber trace un portrait plutôt souriant d’un Corbu qui ne l’était pas souvent, si l’on en croit ses photographies (C’était Le Corbusier, Fayard, 2009). Les trois nouveaux, celui de Marc Perelman, Le Corbusier. Une froide vision du monde (Michalon, 256 p., 19 €), celui de Xavier de Jarcy, Le Corbusier. Un fascisme français (Albin Michel, 288 p., 19 €), celui enfin de François Chaslin, Un Corbusier, à des degrés divers, règlent son compte à l’architecte, portant un œil torve et triste sur la carrière de cet homme qui n’en avait qu’un, d’œil.Tant et si bien que la planète corbuséenne, sévèrement régie par cette fondation qu’il avait lui-même créée pour s’assurer la postérité qu’il se sentait mériter, s’apprête à exploser, agitée par un flot de courroux dont rendent compte des échanges de courriers furibards. Laissons de côté le Perelman, plutôt mesuré dans sa manière de regarder l’architecte et cette fameuse pensée fasciste qui semble devoir lui coller désormais à la peau. De même pour l’ouvrage de Jarcy, qui fait un lien direct entre cette pensée fasciste... Roger-Pol Droit Depuis un temps fou, l’Europe ressasse cette ritournelle : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. » Platon a inventé le refrain, l’attribuant à Socrate. Montaigne a composé de nouveaux arrangements, Schopenhauer en a donné une version symphonique. Rien ne certifie toutefois que ce tube antique, bien qu’il exerce une fascination durable, ait pu fonder son succès sur une efficacité quelconque. La partie que la philosophie joue avec la mort demeure interminable et son issue incertaine. Simon Critchley, professeur à la New School for Social Research de New York, le sait bien. Ce philosophe – auteur d’une œuvre abondante et diverse, figure importante de la presse et de l’édition dans le monde anglo-saxon – a pour Thanatos une fascination non feinte. Avec Les philosophes meurent aussi – traduit en français chez François Bourin, en 2010 –, il décrivait par le menu les trépas singuliers de nombreux penseurs. Ce livre insolite, érudit et amusant, a connu un succès international. A présent, Critchley propose un déconcertant journal de sa propre fin.Précisons, à l’attention des personnes sensibles, qu’il... 07.05.2015 à 10h14 • Mis à jour le07.05.2015 à 11h43 | Florence Bouchy Lorsque, après vous avoir accordé un long et passionnant entretien, Alain Fleischer vous glisse, au moment de prendre congé, et avec le ­sourire de l’évidence, qu’il « n’écrit pas ses livres », quelques perles de sueur froide glissent sur vos tempes, les battements de votre cœur se font soudain bruyants. « Ce n’est pas un secret, ajoute-t-il. En fait, je les écris, mais je ne les inscris pas. Je m’assois dans un fauteuil, je ferme les yeux, je n’ai ni plan ni notes, je ne sais pas à quoi va ressembler le livre. Mais quand une première phrase me vient, je la dicte à ma compagne. C’est mon seul dispositif d’écriture. Je dicte ainsi huit heures par jour, pendant plusieurs semaines ». Phobie technologique ? En partie, mais circonscrite aux moments de création littéraire, car Alain Fleischer envoie des courriels, par exemple, comme tout un chacun. « Je déteste voir apparaître mes textes sur un écran, j’ai l’impression de les regarder à la télévision. Et puis, explique-t-il, j’ai fait beaucoup de piano, et j’ai écrit avec beaucoup de plaisir à la machine à écrire. Alors, le clavier qu’on effleure… »Dans ce dédain pour les demi-mesures, que semblerait confirmer l’activité prolifique de celui qui, non content d’être un cinéaste reconnu et un photographe exposé en France et à l’étranger, est l’auteur d’une petite cinquantaine de livres, essais ou romans, on verrait facilement la marque d’un tempérament excessif, si Alain Fleischer ne se confiait avec la plus complète placidité. Son constant souci de clarté, la limpidité et... Emmanuelle Jardonnet Ni tout à fait un festival, ni tout à fait une biennale, Lille 3000 s’est imposé en dix ans d’existence comme un grand rendez-vous artistique et festif ayant la particularité d’être à la fois très ancré au niveau local, impliquant et imprégnant toute l’agglomération lilloise, et très ouvert sur le monde. Sa quatrième édition se tiendra du 26 septembre au 17 janvier.L’événement, qui se déploie sur trois ou quatre mois tous les deux ou trois ans, s’est installé dans le paysage nordiste pour faire perdurer l’esprit de 2004, année où la ville fut Capitale européenne de la culture. A l’automne-hiver 2006-2007, l’édition inaugurale, « Bombaysers de Lille », avait fait vibrer la culture indienne dans la ville. Au printemps-été 2009, les radars artistiques s’étaient déplacés vers l’est de l’Europe avec « Europe XXL ». Enfin, l’édition « Fantastic », qui avait doublé sa fréquentation, passant de 1 à 2 millions de visiteurs, fin 2012-début 2013, avait offert une thématique portée sur les surprises et les décalages.La maire de Lille, Martine Aubry, était à Paris avec son équipe, mardi 19 mai, pour présenter à la presse nationale la mouture 2015 de l’événement : « Renaissance ». « Ce n’est pas un retour vers l’histoire et l’époque de la Renaissance, quand Lille était flamande, mais une volonté de retrouver l’esprit de la Renaissance, lorsque l’Europe est sortie du Moyen-Age en plaçant l’homme au cœur de la société, avec une ouverture au monde, en favorisant le progrès et en magnifiant la nature », a détaillé l’élue.Il s’agit donc de présenter la « vitalité » du monde d’aujourd’hui avec un thème qui se fait ainsi autant philosophique que politique. « C’est l’occasion de montrer qu’à travers notre monde en crise et en perte de repères, le renouveau est en marche », précise ainsi l’élue. « On a choisi cette thématique il y a presque quatre ans, en pensant au sortir de la crise. Il y a des raisons d’espérer, et de retrouver des valeurs et un volontarisme transformateur de la société », détaille-t-elle encore.Comment convoquer cet « esprit » de la Renaissance ? « En invitant des villes qui ont connu une crise et s’en sont sortis », a imaginé Lille. Cinq grandes villes de tous horizons, où la culture et l’urbanisme ont été au cœur de la renaissance, ont ainsi été conviées à la fête, chacune apportant son lot d’exemples et de nouveaux savoir-faire.Rio« Le Brésil est un pays très inégalitaire, entre très riches et très pauvres, où tout ne va pas bien, mais où il existe des leviers positifs », explique Martine Aubry. A Rio, ce sont les nombreux projets lancés ces dernières années dans les favelas et basés sur le « vivre-ensemble » qui ont retenu l’attention des organisateurs. La capitale culturelle brésilienne a également été sélectionnée pour son célèbre carnaval, le plus grand du monde, qui implique tous les quartiers et les habitants de la ville. Cette fête sym bole de régénération nourrira en particulier la parade de lancement de « Renaissance », le 26 septembre. Pour l’occasion, neuf containers de décors feront le voyage grâce à des prêts des écoles de samba cariocas, et quelque 2 000 musiciens défileront aux côtés de cinq grands chars. Des ateliers de musique, de danse ou de costumes ont été lancés plusieurs mois en amont dans toute la ville. En plus des bals et des ateliers samba, une grande exposition intitulée « Cariocas ! » à la Maison-Folie de Wazemmes viendra étayer cette programmation brésilienne.DetroitAprès un immense incendie au début du XIXe siècle, Detroit était déjà littéralement re-née de ses cendres. Puis, après avoir incarné le rêve américain motorisé, elle a connu la crise et la faillite. Malgré une situation économique toujours difficile, la ville connaît un renouveau, selon Martine Aubry, passé « par la population, qui a repris les friches industrielles pour lancer des activités artistiques comme des potagers collaboratifs ». C’est cette approche d’une ville réinventée, customisée et partagée, avec une agriculture de proximité, qui a guidé la réflexion. Ainsi le futur quartier Saint-Sauveur, pensé pour favoriser le lien social et attendu à l’horizon 2017-2018, accueillera une grande « ferme urbaine ». En amont, les Lillois ont été conviés à faire pousser des graines de légumes chez eux, afin de venir les replanter dans cet immense espace partagé, mais aussi dans d’autres « fermes » un peu partout dans la ville. Dans l’exposition dédiée à Detroit, au centre d’art de la Gare Saint-Sauveur, se trouvera par ailleurs « la plus petite discothèque du monde », avec de la musique 100 % made in Detroit.EindhovenComme Detroit, Eindhoven (Pays Bas) a connu une énorme rupture économique lorsque l’entreprise Philips a déménagé à Amsterdam au tournant des années 2000, avec une perte locale de 400 000 emplois. Or, la ville a redémarré autrement, par l’innovation, et en particulier par le biais du design. Se sont ouverts de nombreux lieux de coworking, où les espaces de travail sont partagés, et des « makers » en tous genres sont apparus pour réparer ou inventer des objets, tandis que la ville a donné une large place à la nature. « C’est encore un mouvement de société, une envie d’agir ensemble », analyse Martine Aubry. Cette créativité se retrouvera notamment dans une exposition à la Maison-Folie de Moulins et au Flow (Centre eurorégional des cultures urbaines).SéoulUn « miracle économique, non dépourvu de tensions », a transformé la Coréenne Séoul en mégalopole, rappelle la maire de Lille, évoquant « des mécanisme hallucinants ont fait passer la Corée du Sud du Moyen-Age à la modernité ». Lille a retenu cette ville pour cette mutation étonnante, opérée en quelques décennies, et « basée sur un immense effort collectif ». La ville sera représentée par une grande exposition au TriPostal, « Séoul, vite, vite ! », qui présentera le travail de 25 artistes invités. La programmation prévoit également de nombreuses œuvres gonflables dans la ville et des concerts.Phnom Penh« Après le trauma du régime des Khmers rouges, cette ville renaît aujourd’hui par la jeune création et à travers l’architecture et l’urbanisme », détaille la maire de Lille. Une grande exposition sera dédiée à sa créativité à l’Hospice Comtesse, entre vidéos, performances et photographie.Outre des lieux d’exposition spécifiques pour chacune de ces villes, leur sera dédié à chacune un week-end entier de festivités.Toute la collectivité lilloise sera impliquée dans l’événement pluridisciplinaire – les écoles de la ville travaillent ainsi sur le thème de « renaissance ». A l’échelle de l’agglomération, 25 grandes expositions participent à cette thématique à leur manière, et quelque 500 événements sont annoncés. Les propositions s’étendent même à l’échelle de l’Eurométropole, précise Martine Aubry, puisque Mons, en Belgique, lui fera écho. Enfin, une plateforme Web est mise à la disposition de chacun pour soumettre des idées et participer au maillage des initiatives.Martine Aubry résume : « Le but est que chaque citoyen s’interroge sur la société et sa propre façon de vivre ; il s’agit aussi de redonner le moral à une ville à travers la culture. » Les noms de certaines expositions prévues dans de grandes institutions sont très évocateurs de cet état d’esprit, comme « La Joie de vivre », qui sera présentée au Palais des beaux-arts de Lille, ou « Tu dois changer ta vie », au Tri Postal, conçue comme une expérience pour découvrir « de nouvelles formes, de nouveaux sons, des propositions de modes de vies et de manières d’être ».A noter également, l’opération « Cafés Renaissance », qui vise à redonner de la vie aux vieux cafés de l’agglomération. Du mercredi au dimanche y seront organisés des rencontres, repas ou expositions autour de trois thèmes : le turf, le cyclisme et les villes de Rio et Détroit. Enfin, dans l’esprit DIY (Do it yourself, fais-le toi-même), à noter l’installation de l’Usine de films amateurs de Michel Gondry à Roubaix.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 21.05.2015 à 10h14 • Mis à jour le21.05.2015 à 12h29 Par Taiye Selasi, écrivaineLes premières larmes que j’ai versées à la lecture d’un roman – La Toile de Charlotte, d’Elwyn Brooks White (L’Ecole des loisirs, 1984), en l’occurrence – se sont gravées dans ma mémoire ; l’araignée Charlotte, amie indéfectible du cochon Wilbur, venait de mourir. Comme n’importe quel parent, ma mère s’est efforcée de me réconforter en me rappelant : « Ce n’est pas vrai. » Je n’ai pas été convaincue. A 6 ans, j’avais parfaitement conscience que, dans la réalité, les animaux ne parlaient pas, faute d’en avoir la capacité. En revanche, leurs émotions – sentiment de solitude, loyauté, amours – germaient du tréfonds de l’expérience humaine, fécondaient le terreau de la création littéraire et s’épanouissaient telles des fleurs de chagrin dans la vie du lecteur. Si Charlotte n’était pas réelle, l’amitié l’était, ainsi que la mort et le deuil. Par le truchement de mon identification avec un personnage de fiction, j’avais été confrontée à de véritables émotions.Pleurer sur une araignéeComment les écrivains réussissent-ils à nous immerger dans des situations qui n’ont rien de commun avec notre vie ? Je répondrai que, en tant que lectrice, je ne suis encore jamais tombée sur des situations romanesques sans rapport avec ma vie. Les détails biographiques peuvent être différents : Charlotte est une araignée, moi un être humain ; les narrateurs de Teju Cole sont des hommes, je suis une femme ; nombre de personnages de Toni Morrison sont des mères, contrairement à moi. Je ne suis ni une Blanche, ni un homme,... 21.05.2015 à 10h13 • Mis à jour le21.05.2015 à 12h17 | Macha Séry Après plusieurs années de prison, James ­Hogue est désormais un homme libre. Ni dangereux criminel ni cambrioleur de haut vol, cet Américain natif du Kansas n’a jamais eu de geste violent, ni même oublié de payer une facture. Ses larcins ont été, somme toute, bénins durant vingt ans : cheval à bascule, cadres de vélo, bidons d’essence, livres de médecine, ours en peluche, bouteilles de champagne, poêles en cuivre – qu’il offrait parfois même généreusement. Pas de quoi s’enrichir. Au reste, l’homme se plaisait à ­observer un mode de vie frugal.Non, ce qui est spectaculaire chez lui et qui a, sans doute, fasciné le journaliste David ­Samuels, éditeur au magazine Harper’s, au point de lui consacrer ce Mentir à perdre haleine, est son art consommé de la ­supercherie, ainsi que son habileté à faire de sa vie un roman. L’individu a, en effet, berné beaucoup de gens. Il s’est inventé des diplômes universitaires, des performances sportives et des parcours professionnels conformes à ce que ses interlocuteurs ­paraissaient attendre de lui.Son intelligence supérieure,... 21.05.2015 à 06h46 • Mis à jour le21.05.2015 à 07h34 Lire aussi :Wonderful job, épisode 1 Raphaëlle Rérolle (Cannes) En apparence, ce n’est qu’un morceau de plastique dur. Un petit bidule aux coins légèrement arrondis, format carte de crédit. Vous en avez déjà vu cent, votre carte de piscine lui ressemble comme une sœur, celle du pressing aussi et votre passe Navigo, si vous êtes parisien – c’est l’objet le plus banal du monde. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, à Cannes encore moins qu’ailleurs. Car ce que vous preniez d’abord pour un vulgaire badge est en fait beaucoup plus que cela : un véritable sésame, et un signe extérieur de standing. La forme concrète d’une stratification sociale omniprésente et très visible, sur la Croisette. Avec lui, vous n’êtes pas forcément grand chose dans le dédale du Festival, sans lui, vous n’êtes rien.Par dédale, il ne faut pas entendre un territoire géographique étendu ou compliqué : le festival le plus glamour du monde tient dans un espace qui ne doit pas excéder 1 km2. On y trouve un palais, quelques palaces, un tronçon de Croisette grand comme le bras et des plages privées transformées en restaurants branchés. Mais symboliquement, c’est une autre affaire : dans ce tout petit royaume où le signe est roi, les codes sont nombreux, et complexes. Selon la couleur de leur badge ou sa catégorie, les festivaliers peuvent avoir accès, ou pas, à toutes sortes de privilèges, petits et grands.Une certaine violence de classeCela va du droit d’aller à tel ou tel endroit, à celui de voir tel ou tel film, en passant par celui de fréquenter tel ou tel restaurant. Inutile d’espérer entrer au bar du Majestic si vous ne possédez pas d’accréditation. Les compagnies aériennes ont érigé en loi ce système de segmentation qui institutionnalise une certaine violence de classe dans un espace réduit. Mais dans l’avion, ceux qui en ont les moyens peuvent payer pour avoir le droit de ne pas faire la queue avec le vulgum. A Cannes, c’est un peu plus compliqué.Le Festival étant un rendez-vous professionnel, les badges sont remis en fonction de critères professionnels. Il y en a pour le Marché du film, d'autres pour les professionnels du cinéma, d'autres pour la presse. Les journalistes en reçoivent de différentes couleurs, selon les supports, leur fonction, leur réputation et l’assurance qu’ils écriront bien sur le Festival. Plus de précisions sur le mode d’attribution ? Impossible, c’est un secret.Dans le premier groupe, un badge blanc, pour les stars du métier, puis un rose à pastille jaune, et enfin, un rose tout court. L’aristocratie. Ceux-là passent dans des files séparées, signalées par les couleurs en question. Ils ne feront pas la queue, et jouiront des meilleures places, une fois dans la salle. A quoi bon trois nuances, direz-vous ? Vous faites bien de demander , ce n’est écrit nulle part dans le livret pratique remis aux festivaliers. Sachez donc que les « blancs » pourront faire des choses incroyables, comme traverser le Palais des festivals par l’intérieur pour se rendre d’une projection à l’autre (au lieu de faire le tour par l’extérieur), ou encore se rendre à des soirées privées sans invitation.Le deuxième groupe comprend les badges bleus, les plus nombreux. Celui-là n’évite pas de piétiner au soleil en attendant l’ouverture des salles, et vous envoie parfois sèchement vous asseoir sur les côtés, mais vous évitez le poulailler. Quant au troisième, les jaunes, n’en parlons pas : ils ne donnent pas plus de droits qu’un pass Navigo.Tous avec un code barreN’importe ! Quelle que soit sa couleur, le badge est un accessoire vestimentaire à part entière : il se porte avec tout, partout, tout le temps. Suspendus à leur cordon (couleur indifférente), vous pouvez les croiser dans un restaurant tard le soir ou au Monoprix en plein après-midi, à croire que leurs propriétaires dorment avec. Bien sûr, c’est pratique, puisqu’il faudra l’exhiber tous les dix mètres avant d’entrer dans une salle de projection. Mais à l’extérieur aussi, c’est commode. Cela permet de se distinguer de la masse des badauds qui attendent le passage des stars, les uns sur des tabourets, les autres perchés sur des escabeaux, ou simplement appuyés aux barrières métalliques.Ceux-là aussi ont leurs signes. Certains brandissent des petites pancartes écrites à la main, en lettres capitales, et leurs mots ressemblent à des suppliques : « Une invitation svp », « One ticket please ». Cette fois, il n’est plus question de badges, mais des entrées aux projections officielles, avec tapis rouge et montée des marches. Ils viennent souvent de loin, comme Céline, une jeune cinéphile, originaire de Marseille, qui espère voir un film en avant-première. « Ce que j’aimerais, dit-elle, c’est sentir l’atmosphère qui règne dedans. » Et qui sait, monter les marches au milieu des starlettes qui prennent la pose, juste avant le passage des vraies vedettes.Ce soir-là, on donne The Sea of Trees (La Forêt des songes), le dernier film de Gus Van Sant, avec Matthew McConaughey et Naomi Watts. Une foule s’est massée derrière les barrières, des deux côtés des très longues allées où vont bientôt passer les invités, puis les acteurs. On aperçoit des panneaux en carton, avec le prénom du héros du film inscrit au feutre noir : « Matt », « Matthew ». A l’extrêmité de chaque file, un écriteau bleu distingue des emplacements différents du Grand Théâtre Lumière, où aura lieu la projection. Les « balcons » ne se mêleront pas aux « corbeille », ni les « corbeille » aux « orchestre », les places les plus avantageuses. C’est la loi de Cannes : on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Sauf pour une chose, tout de même : avant d'entrer dans les salles, les fameux badges seront tous scannés, puisque tous comportent un code barre, quelle que soit leur couleur. Comme des paquets de biscuits dans un supermarché.Raphaëlle Rérolle (Cannes)Journaliste au Monde Frédéric Potet Tout le monde, depuis le 7 janvier, connaît l’histoire du « gars qui n’est pas mort parce qu’il est arrivé en retard à une réunion ». Vouée à la postérité, sa panne d’oreiller a été racontée en long et en large dans les médias : c’est en effet pour avoir fêté son anniversaire la veille de manière un peu trop arrosée que Luz a échappé à la tuerie de Charlie Hebdo. En sautant dans son pantalon ce matin-là, le dessinateur s’était même trouvé une excuse bidon : « Une intoxication alimentaire en mangeant indien » – et non chinois ainsi qu’il avait l’habitude de l’avancer en conférence de rédaction. L’histoire en marche – celle du terrorisme et du fondamentalisme religieux – l’aura finalement privé de ce running gag éprouvé.« J’ai envie de passer à autre chose  »L’anecdote est racontée dans les dernières pages de Catharsis, l’album de bande dessinée que Luz a publié jeudi 21 mai, quatre mois et demi après les attentats de Paris. Ecrit à des fins notamment thérapeutiques, l’ouvrage s’apparenterait à un « carnet de santé en images » ou à un « traité de psychanalyse illustré » s’il n’était pas traversé d’humour et de tendresse d’un bout à l’autre. Dépourvu de tout pathos, il commence par ces mots : « Un jour, le dessin m’a quitté. Le même jour qu’une poignée d’amis chers. A la seule différence qu’il est revenu, lui. »Le dessin est revenu, mais c’est Luz qui s’en va. Le dessinateur de 43 ans a annoncé ces jours-ci qu’il quittera Charlie Hebdo en septembre. Lassé du traitement de l’actualité, et ne supportant... Thomas Evrard Samedi 16 mai. Grande Halle du Parc de la Villette, à Paris. Plusieurs colonnes sont reliées par de drôles de surfaces : huit mètres sur trois de cellophane que le vent secoue dans un incessant claquement. Le skate park, les danseurs de hula hoop et les autres activités bruyantes du Villette Street Festival ne suffisent pas à couvrir le cello. Quand le visiteur s’approche de ces étranges parois plastifiées, une odeur de bombe de peinture assaille ses narines. Une fragrance qui ne ment pas : ici, on graffe. Mieux : on cellograffe.Le principe du cellograff est simple : graffer sur des parois créées de toutes pièces grâce un rouleau de 300 mètres de cellophane. Ce concept d’une grande simplicité a été développé par deux artistes de la région parisienne, Astro et Kanos, en 2009. Ils en ont même fait une marque déposée. « Ils n’ont pas inventé le cellophane, sourit Katre, un de leurs amis, lui aussi graffeur, mais ils ont inventé la technique ».La pratique du cellograff implique de bien connaître les inconvénients du support : sa fluidité le rend très sensible au vent et son étanchéité favorise les coulures. « Un graffeur pro ne mettra pas longtemps à s’adapter, rassure Kanos. Et il y a de gros avantages : la transparence permet de nouveaux jeux graphiques. On peut peindre partout, dans des endroits où il n’y a jamais de graff comme le pied de la Tour Eiffel, et surtout on agit sans aller contre le fonctionnement de la ville ».Les enfants sages du graff« Super, continuez ! » La majorité des visiteurs et curieux qui s’attardent devant les cellograffs du Villette Street Festival saluent une démarche pacifique. « On graffe sans embêter et sans être embêté, se réjouit Kanos. C’est peut-être consensuel mais ça permet aux jeunes d’apprendre à graffer sans avoir à payer d’amende ni finir derrière les barreaux ».Le concept s’exporte bien. Astro et Kanos sont invités par des festivals de street art partout dans le monde. « A l’automne 2013, je les ai accompagnés à Sarasota, en Floride, au Chalk Festival, raconte Katre. C’est une manif dédiée aux graffs au sol. Avec le cellograff, pour la première fois, il y avait là-bas un graff vertical ». Aujourd’hui, les deux artistes réfléchissent à de nouvelles manières d’exploiter le cellograff, comme à Fontenay-sous-bois où ils ont expérimenté une structure jouant sur l’espace et des effets 3D. « Le reproche que je pourrais faire au cellograff, c’est qu’on oublie la création pour se concentrer à 100 % sur le format et le support, concède Claude Kunetz, directeur de la galerie WallWorks, dans le 10e arrondissement de Paris. Mais Astro et Kanos en sont conscients, et eux-mêmes espèrent qu’on parlera bientôt plus du graff et moins du cellophane ». Les deux graffeurs sont confiants : « On verra ce que ça donnera avec le temps. Chacun utilise son écriture personnelle, quel que soit le support. C’est pareil avec le cellograff ».« Le “cellograff” est au graff ce qu’est le live pour un CD »Au contraire du street art traditionnel, les cellograffs disparaissent aussitôt terminés. « Ça fait longtemps que la frustration a disparu, explique Kanos, serein. Ça fait partie du concept : le cellograff, c’est un concert, une performance à chaque fois unique. » Les créations des artistes perdurent tout de même sur le web à travers photos et vidéos.A leur manière, Astro et Kanos participent à un phénomène de muséification du street art. Les graffs sont passés des rues aux galeries, remettant en cause la nature même de cet art. « C’est un débat insoluble. On en parle tout le temps entre artistes et personne n’est jamais d’accord, avoue Kanos. Je pense que l’art de la rue ne sera jamais l’art des galeries, et vice versa, mais qu’on peut établir des passerelles entre eux. Ce qu’on a fait avec l’installation à Fontenay-sous-Bois, c’était plus de l’art finalement. Le street art à proprement parler ne peut pas être hors des rues : c’est sa nature même ».Fin du Villette Street Festival le 20 mai dans la Grande Halle avec une vente aux enchères au profit d’Emmaüs, où seront vendues les œuvres de 83 artistes, qui ont chacun fait don d’une toile de 100 x 100 cm.Lire aussi :Graff, glisse et hip-hop à Villette StreetThomas Evrard 20.05.2015 à 16h55 • Mis à jour le20.05.2015 à 21h01 | Harry Bellet Il y a parfois des moments de joie (intellectuelle, ça va de soi) dans un tribunal. Comme par exemple, quand on entend deux grands avocats s’empailler – courtoisement – sur la notion de droit d’auteur. Pour Maître Bernard Edelman, Peggy Guggenheim, en constituant sa collection à Venise, a réalisé une « œuvre de l’esprit », qui à ce titre doit être protégée. Or, selon Maître Pierre-Louis Dauzier, « une collection n’est pas nécessairement une œuvre ». Et accumuler des tableaux ne fait pas de leur propriétaire un auteur.Ce mardi 19 mai, la cour d’appel de Paris entendait en effet la plainte de certains des descendants de celle qui fut une des plus surprenantes collectionneuses du XXe siècle, Peggy Guggenheim (1898-1979). Ils estiment que les œuvres qu'elle avait réunies dans le Palazzo Venier dei Leoni, à Venise forment un tout, et que la Fondation Solomon R. Guggenheim, qui gère les lieux depuis la mort de Peggy (elle lui a fait don du palais en 1970 et de la collection en 1976) en a dénaturé l'esprit. Entre un tiers et la moitié des 326 œuvres est exposé selon les saisons. Le jardin a été modifié et une cafétéria ouverte. Le palais de Peggy, reflet de son goût et de celui d'une époque, est devenu selon eux la banale et mouvante extension d'un musée américain, alors qu'ils y voient une œuvre en soi.« Violation de sépulture »Dans un précédent procès, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés, le 2 juillet 2014, de leur demande, au nom de « l'autorité de la chose jugée ». La cause avait en effet été déjà plaidée en 1994, donnant raison à la fondation américaine. Un accord amiable était ensuite intervenu entre la fondation et les plaignants. Ceux-ci pensent qu'il n'a pas été respecté. En 2013, ils ont découvert que les œuvres collectionnées par leur grand-mère avaient été déplacées au profit d'autres, données par Hannelore et Rudolph Schulhof, dont le nom figure désormais sur une plaque à côté de celui de Peggy. En outre, le jardin où Peggy repose est occupé par des sculptures, pour l'essentiel provenant de la collection Patsy et Raymond Nasher. Le mur d'entrée du jardin porte une plaque à leur nom et des fêtes y sont organisées. D'où une accusation de « violation de sépulture ».Devant la cour d'appel, Maître Oivier Morice, pour les plaignants, et Maître Christophe Perchet, pour le Guggenheim, ont eu à débattre de l’autorité de la chose jugée. Pour le second, elle est établie, pour le premier, qui invoque un arrêt de la Cour de cassation, elle n’a lieu « qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement et été tranché dans son dispositif ». Par ailleurs, « elle ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ».La question de l’accrochageSi les juges suivent ce raisonnement, ils auront à se pencher sur ce qui fait l'intérêt de ce procès : une collection peut-elle être considérée comme une œuvre de l'esprit ? Un tribunal avait reconnu en 1997 ce caractère à celle de la Cinémathèque conçue par Henri Langlois. Ce n'est pas le cas de celle de Peggy Guggenheim, a plaidé Maître Pierre-Louis Dauzier, pour lequel « il est incontestable que le collectionneur fait un choix, il choisit d'acquérir. Peggy Guggenheim a été une égérie du monde de l'art, elle achetait beaucoup pour soutenir les artistes. » Pour autant son accrochage était « très didactique, sans originalité, pas autre chose qu'une compilation ». Peggy n'a « pas donné un sens esthétique dans lequel devrait être présentée la collection », dont elle a elle-même changé plusieurs fois la disposition de son vivant.De son côté, Maître Bernard Edelman a produit ce qu'il estime être la preuve du contraire, un plan de la disposition des collections établi à la disparition de Peggy Guggenheim, qui montre une répartition élaborée des tableaux. Il en demande, au nom des plaignants, la remise en état.Décision le 23 septembre.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Francis Marmande Thou (Charente-Maritime)Eric Le Lann (trompette), Enrico Pieranunzi (piano), Rick Margitza (ténor sax), tous leaders de poids, appuyés sur une rythmique aussi solide que jeune (Sylvain Romano, contrebasse, Donald Kontomanou, drums), vous avez là le quintet type pour festival de premier plan. Classe, exigence, beauté, esprit de Chet Baker par ses partenaires même, jazz attitude, tout.Quintet type pour gros festival ? Ne comptez pas, sauf miracle, l’y voir. Il fallait être dans une salle des fêtes de village, au Thou (Charente-Maritime), le 14 mai.Les festivals, invention française de la fin du XXe siècle, ne survivent qu’au prix fort : ceux qui ne disparaissent pas, les rares qui n’ont pas encore commencé de souffrir – droitisation des politiques culturelles, restrictions budgétaires, malaise de la civilisation – ne peuvent s’en sortir qu’à grand renfort de « coups » imbéciles, de soumission aux tourneurs, de glamour benêt, de niaiserie, et de croissance sacrée. Zéro piston, c’est un clairon ; trois pistons, une trompette ; à partir de quatre pistons, une « pompe à phynances ».Indifférence à la frimeComme Pieranunzi, Le Lann se caractérise par l’intégrité, l’indifférence à la frime, une stricte attention à la musique, des rencontres de luxe. Rick Margitza s’est fait connaître par son recrutement chez Miles Davis (1989). Il est d’une science si discrète, si foisonnante, qu’un émule de Robert Ménard a osé écrire : « musicien propre et moderne. » Olé !Le Lann et Pieranunzi viennent de clôturer dans les règles de l’art l’Europa Jazz du Mans qui échappe, il en est cinq autres, à tout ce qui vient d’être dit sur les festivals. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit ni de spectacle, ni de nombre, mais de politique de la musique. Et de grâce tranquille à l’accueil.Le 14 mai, sur la route, le quintet fait escale au Thou (Charente-Maritime), ses hameaux, sa salle des fêtes, ses vents vivifiants, le paradis des musiciens. Le JazzClub du Thou est le plus excitant des temps modernes en Europe. Que le Thou, commune de 1917 hectares et 1789 habitants, soit le plus microscopique des hauts lieux du jazz n’a rien, à moins d’aimer la morale, les bêtes de cirque et les exploits, de particulièrement frappant. La stupeur vient de ce que la musique qui s’y joue, six fois par an, atteint des sommets qu’elle ne connaît nulle part ailleurs. Pas dans les gros festivals de grande distribution, en tout cas.Lyrisme sans pathosOn tente de suivre Le Lann à la trace, pour continuer d’entendre ce que dit le jazz. Ce qu’il prononce avec exactitude : dialectique parfaite de Miles et Chet, lyrisme sans pathos, sculpture de l’improvisation plus proche de Giacometti que du bavardage. Surtout, appréhension de chaque thème dans son juste esprit : Yesterdays aussi bien que Cry Me a River, ou Ayam (sa composition) et Night Bird (celle d’Enrico Pieranunzi). Prestation qui s’établit, trouve ses marques, monte en précision comme en puissance, et triomphe dans deux rappels sincères. Public parfait. Nombre d’apprentis et de jeunes dans les rangs. Pure leçon de « jazz », vous savez, ce truc qui n’existe plus.Au Thou, Le Lann a son rond de serviette. Le Thou détient trois atouts : le refus de grandir, la conscience pure de la musique et un style incomparable – perfection des détails, engagement joyeux, superbe table, fidélité.Ce qui permet, depuis dix ans, de présenter des concerts au plus haut niveau. Six soirées club par an, un casting de luxe qui ne fonctionne que sur le bouche à oreille, la fraternité et le désir d’un lieu où bien s’exprimer et être reçu comme un prince, font un tout : Monty Alexander, Benny Golson, Martial Solal, Michel Portal, Rhoda Scott, Daniel Huck, Rhoda Scott, René Urtreger, Riccardo Del Fra, Jacky Terrasson…Ficelé à la diableComment fonctionne cette énigme ? Comme une équation à onze inconnues. Un leader capable de lever des troupes, mais qui se contente de lever des enthousiasmes : Christian Doublet, instituteur charismatique, spécialiste des voyages scolaires et des initiatives les plus dingues, reconverti en entrepreneur de fête. Avec, à ses côtés, Brigitte Doublet, aux pianos. Leur fierté ? La cave. La maison du 17e siècle (enfin, une pierre date de 1647, mais le reste n’est pas beaucoup plus récent), retapée, augmentée, splendide. Une grange où Benny Golson (vous vous rendez compte ? oui, on se rend parfaitement compte…) a joué Blues March et Whisper Not, ses hymnes des Jazz Messengers. Témoins, Michel et Christine Boudjéna, membres fondateurs, plus un prêtre fou de Fats Waller en terre laïque, monsieur l’abbé Fourgeret.Tout ça, ficelé à la diable, sauf pour l’accueil et les détails : un quinze (voir rugby) de copains, leurs femmes s’amusent en cuisine (oui, bon, ça va !), vous arrivez à 16h30, goûter (rillettes bordeaux). Vous courez lentement vers la « balance » avec Gilbert Maurel, ex-illustrateur chez Gallimard. C’est lui, l’auteur des fresques du hangar consacrées à la vie de Moitessier. Vous revenez avec l’orchestre : petit en-cas (festin, vins fins, ça se boit sans faim). Concert au sommet, mis en son par un formidable saxophoniste, Carl Schlosser, sagement replié sur ces terres, les vents, La Rochelle, Rochefort, la plage, les marais poitevins. Après quoi, formidable banquet.Victuailles et coupe-soifVous en connaissez beaucoup, des clubs, des festivals, où les bénévoles paient leur entrée ? Le public s’installe une bonne heure avant le concert, avec victuailles et coupe–soif. On est en terre huguenote, résistante (le maire Abel Bouyer, assassiné en 1942), de gauche (vous savez ? ce truc qui n’existe plus), ivre de savoir-vivre.Ah oui ! Les concerts sous la grange, avant la salle des fêtes, c’est comme les fantaisies avant, c’était plus piquant. Les gens viennent de loin. Un soir, un vérificateur, toc toc, débarque pour vérifier. Tiens ! Vous faites de la musique, ici ? Et la déclaration ? Et les normes ? Et la sécurité ? Et les interdits, hein, qu’est-ce que vous en faites, des interdits ? Hop, le JazzClub s’est transporté salle des fêtes, conformément à la vocation de l’immense champ de foire. Ça marche mieux encore. La vie, quand ça marche, ça fait toujours plaisir. Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Tous les lundis, La Matinale vous offre sa sélection musicale.L’ALBUM : « Sylva », un régal Cette alliance entre deux formations parmi les plus enthousiasmantes, inventives et hautement musiciennes aura une place dans nos futurs classements de fin d’année des meilleurs disques. Snarky Puppy, collectif américain électrisant et le Metropole Orkest, grande formation néerlandaise de cordes et vents sont en osmose dans Sylva, fusion de jazz, de rock et d’écriture « classique ». Orchestrations somptueuses, ambiances impressionnistes et élans de pleine expressivité, tout est ici un régal, parties solistes comme mouvements d’ensemble.« Sylva », de Snarky Puppy & Metropole Orkest, 1 CD et 1 DVD Impulse !/Universal Music.La composition « Gretel », de Michael League, extraite de l’album « Sylva » par Snarky Puppy & Metropole Orkest.LES FESTIVALS : Rock en ville et rock dans l’herbe L’un, Europavox, est organisé dans l’une des salles réputées du circuit pop-rock-chanson, la Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme. L’autre, Papillons de nuit, a lieu en pleine nature, sur des pentes herbeuses proches du village de Saint-Laurent-de-Cuves (Manche). Deux manifestations, entre les 21 et 25 mai, qui auront pour vedettes en commun les chanteuses Izia et Selah Sue, Carl Barât (de The Libertines) avec The Jackals, et le groupe Placebo. Puis à chacun son identité. A Europavox, The Dø, Jeanne Added, Gojira, Fauve… et près d’une cinquantaine de plus ou moins nouveaux venus. Le tout dans une ligne éditoriale consacrée à la scène musicale européenne. Papillons de nuit, lui, opte pour une approche artistique plus grand public avec, outre les précités, Yannick Noah, IAM, Black M, Christine and the Queens, Benjamin Clementine… A noter chez les Papillons dimanche 24 mai l’unique participation de la chanteuse Lauryn Hill (ex-Fugees) à un festival printanier en France.Europavox, à Clermont-Ferrand, du 21 au 25 mai. De 12 euros à 30 euros. Papillons de nuit, à Saint-Laurent-de-Cuves (Manche), du 22 au 24 mai. 38 euros par jour.LA VIDÉO : Avicii et Audra Mae se sentent bienAvec Feeling Good, chantée par Audra Mae, le producteur et DJ suédois Avicii, vedette de l’électro dansante, propose une belle version, toute en langueur, de cette chanson écrite et composée par Anthony Newley et Leslie Bricusse en 1964. Parmi les interprètes les plus célèbres de ce standard : Nina Simone, Julie London, Sammy Davis Jr. et dans les années 1960 et plus près de nous le crooner canadien Michael Bublé. Une vidéo qui mêle des images façon message publicitaire (la chanson est utilisée dans la campagne du constructeur automobile Volvo) et un résumé visuel de déclarations récentes d’Avicii, souhaitant prendre du recul par rapport à sa vie de star des nuits électros.LE CONCERT : Voyage avec Titi Robin et Mehdi Nassouli Inspiré par les cultures méditerranéennes, orientales et gitanes en particulier, Titi Robin, né à Angers, dans le Maine-et-Loire, est un formidable musicien voyageur. Le guitariste, également joueur de bouzouq et de oud, a rencontré le chanteur et joueur de guembri – le luth de la musique des Gnaouas, ces descendants d’esclaves noirs déportés au Maghreb – Mehdi Nassouli en 2009, à Agadir (Maroc). Une histoire artistique et d’amitié dont est issu le disque Taziri (World Village/Harmonia Mundi).A retrouver sur scène pour la soirée parisienne de sortie de l’album à L’Alhambra, à Paris, le 20 mai (28 euros).RÉSERVEZ VITE : Francis Cabrel en tournée à partir du 30 septembre Plusieurs des concerts de l’importante tournée de Francis Cabrel, prévue, pour l’heure, du 30 septembre 2015 à Courbevoie (Hauts-de-Seine) au 1er avril 2016 à Caen (Calvados), sont déjà complets. Un signe de la popularité du chanteur, guitariste et auteur-compositeur auprès d’un public varié et de tous âges. Pour vérifier qu’il viendra forcément près de chez vous, deux sites : le sien Franciscabrel.com et celui du producteur Gilbert Coullier. De 39 à 68,50 euros selon les salles.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 16.05.2015 à 12h00 • Mis à jour le18.05.2015 à 17h21 | Harry Bellet Les résultats des ventes aux enchères d’art impressionniste, moderne et contemporain de New York battent si régulièrement des records que ça en deviendrait presque lassant, si celles qui se sont achevées jeudi 14 mai ne révélaient quelques nouveautés dans ce marché très particulier. Sauf erreur dans l’addition, le produit vendu en une semaine dépasse les 2 milliards de dollars, 2 457 000 000 si on ajoute la vente d’art impressionniste de Sotheby’s qui se tenait la semaine précédente. Christie’s avait pour sa part préféré décaler la sienne pour ne pas coïncider avec le vernissage de la biennale de Venise qui avait lieu au même moment. Soit 4% de la totalité des échanges d’œuvres d’art de l’année précédente dans le monde, estimée à 58 milliards de dollars.Le tout a été couronné par un nouveau record mondial pour un tableau vendu aux enchères (d’autres auraient fait mieux en vente privées, mais les montants sont là invérifiables), les 179,4 millions de dollars obtenus chez Christie’s pour Les Femmes d’Alger de Picasso. A ce prix là, il s’agit d’un trophée : on observe l’arrivée de nouveaux venus sur le marché, richissimes mais pas nécessairement au fait des subtilités de l’histoire de l’art - toutefois, Picasso, ils en ont entendu parler. Pour peu que le catalogue de la vente leur explique que celui-ci fut peint en hommage à Matisse (ce qui reste à prouver) mort peu de temps auparavant, dont ils connaissent aussi vaguement le nom, et à Delacroix (une rapide consultation sur internet leur confirmera qu’il fut un peu fameux), et les voila rassurés. Un brin flattés aussi d’apprendre la présence dans la salle de « beautiful people », comme l’acteur Leonardo di Caprio, qui achetait peu mais se montrait beaucoup. Pour le reste, la publicité mondiale donnée par la presse à cette vente suffira à ce que leurs amis reconnaissent la chose lorsqu’elle sera accrochée dans leur salon. Ou dans leur musée, puisqu’il est désormais de bon ton de s’en faire construire un à son nom.Tétons floutés à la télévisionNe soyons pas trop caustiques : la toile est belle, et encore dérangeante, au point que la chaîne de télévision Fox News s’est sentie de son devoir moral de flouter les tétons des algériennes. Trophée, mais à double titre, puisque il n’a pas été simple pour Christie’s d’en obtenir le mandat de vente : il leur a fallu pour cela assurer à son précédent propriétaire que, quel que soit le résultat des enchères, il toucherait un montant convenu d’avance. C’est le principe de la garantie, qui dans la vacation considérée, a atteint des sommets : 49 œuvres, soit plus de la moitié des lots de la vente, étaient ainsi garanties. Si Christie’s les cédait moins cher que prévu, la maison en était de sa poche. Le temps où les commissaires priseurs agissaient en intermédiaires neutres entre un vendeur et un acheteur est désormais bien loin.Placement à court et long termeC’est d’ailleurs ce qui gêne le plus les observateurs. Un marchand cité par le New York Times n’hésite pas à parler d’opacité, un comble pour une vente publique. Un autre confie au Monde ses doutes sur la réalité de certaines ventes, un tableau supposément cédé à un tiers pouvant en fait être acheté par la maison elle-même, qui trouve son intérêt à soutenir les prix, spécialement quand son propriétaire est lui-même un des plus importants collectionneurs du monde et valorise ainsi son stock.Dernier enseignement, l’art est définivement devenu un placement qui, s’il est parfois risqué, peut aussi s’avérer très rentable. Sur le long terme, par exemple ce mobile de Calder, acheté 650 000 dollars en 2001, revendu 5,8 millions de dollars cette semaine. Sur le court terme, ça marche aussi très bien : le Portrait d’Henrietta Moraes peint par Bacon en 1963 avait été acheté 33,4 millions à Londres en 2012, rappelle l’excellent Judd Tully, un des meilleurs spécialistes de ce marché. Il a été revendu 47,7 millions de dollars. Plus de 14 millions de dollars de plus-value en trois ans, on comprend mieux l’amour de l’art.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi Il ne fleure pas bon critiquer les émirats arabes unis. Membre de Gulf Labor, collectif fondé en 2010 pour dénoncer les piteuses conditions de travail des ouvriers sur les chantiers du Louvre et du Guggenheim sur l’île de Saadiyat à Abou Dhabi, l’artiste libanais Walid Raad vient d’en faire l’amère expérience. A son arrivée le 11 mai à l’aéroport de Dubaï, il a été retenu à l’immigration puis renvoyé 24 heures plus tard par le premier vol vers les Etats-Unis.Dans un texte publié sur le site de Gulf Labor, il raconte avoir été expulsé pour des « raisons de sécurité ». Deux autres membres de l’association s’étaient déjà vus refuser l’entrée aux émirats : le sociologue Andrew Ross, refoulé en mars, et l’artiste indien Ashok Sukumaran, début mai. Walid Raad avait pourtant exposé en 2011 à la Biennale de Sharjah. Il s’était même rendu aux émirats l’an dernier sans le moindre souci. Mais entretemps, la dénonciation des abus sur les chantiers d’Abou Dhabi est allée crescendo. En février, l’ONG Human Rights Watch a publié un rapport indiquant que certains employeurs « continuent de retenir les salaires et avantages de migrants, de ne pas rembourser leurs frais de recrutement, de confisquer leurs passeports et de leur fournir des logements de mauvaise qualité ».Banderoles et enquêteLes membres de Gulf Labor ont rebondi sur le sujet le 1er mai en occupant l’atrium du musée Guggenheim de New York avec une bannière circulaire portant cette inscription : « Répondez maintenant aux demandes des travailleurs ! ». Une semaine plus tard, le 8 mai, les mêmes activistes ont brandi leurs banderoles devant le musée Peggy Guggenheim à Venise. Un autre étendard moins frontal est accroché dans l’exposition « All the world’s Futures » du commissaire d’exposition Okwui Enwezor, dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Venise. Le 29 juillet, à l’invitation du curateur américano-nigérian, Gulf Labor y annoncera les résultats de sa dernière enquête sur les conditions de travail sur l’île de Saadiyat.Walid Raad se rendait précisément dans les émirats pour finaliser les recherches. « Nous interrogeons les ouvriers de Saadiyat, mais aussi d’autres lieux dans le Golfe persique au sujet de leurs rêves, de leurs demandes, de leurs conditions de vie et de travail, explique-t-il. Nous parlons aux employés et aux recruteurs. Une de nos équipes a fait une enquête en Inde cette année pour comprendre pourquoi et comment les ouvriers se rendent dans le Golfe. Nous nous adressons aussi aux employeurs de la région qui construisent de meilleurs logements pour les ouvriers et qui les payent mieux. Nous parlons avec les architectes qui ont bâti ces logements, aux économistes qui ont des points de vues intéressants sur les effets que de meilleurs salaires auraient sur les économies du Golf et du reste de l’Asie. » Comment la direction du Guggenheim, dont la bouture émirienne prétend avoir une lecture « inclusive et expansive de l’histoire de l’art », a-t-elle réagi à son expulsion ? « Comme d’habitude, on m’a dit : ’nous sommes préoccupés par cela, et nous faisons ce que nous pouvons, mais nous avons tellement peu d’influence’ ». Ou alors ’nous allons passer des coups de fils et revenir vers vous’, confie l’artiste. Ils ont agi de la même façon avec les revendications de Gulf Labor : ils ont renvoyé la balle, caché leur tête dans le sable, et espéré que ça passe sans trop de dégâts en terme de communication. »Le site de Gulflabor : gulflabor.orgRoxana AzimiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionCette édition du Festival de Cannes est joliment arborée. Au bout de trois jours de sélection officielle, on a traversé les bois enchantés de Matteo Garrone (Le Conte des contes), les forêts polonaises qui entouraient les camps d’extermination (Le Fils de Saul), les rangs de cerisiers en fleur d’Hirokazu Kore-eda (Notre petite sœur) et de Naomi Kawase (An). Gus Van Sant se met lui ouvertement au vert avec The Sea of Trees (« la mer d’arbres »), qui sortira en France sous le titre La Forêt des songes.Aokigahara, 35 kilomètres carrés d’une végétation dense sur sol de roche volcanique au pied du mont Fuji, est en fait surtout connu sous son surnom de « forêt des suicides ». Chaque année, une centaine d’êtres humains, surtout des Japonais, mais pas seulement, s’y donnent la mort, par pendaison, par surdose.Gus Van Sant a déjà mis en scène ce moment du renoncement à l’existence, dans le très elliptique et dérangeant Last Days, inspiré du suicide de Kurt Cobain, présenté à Cannes en 2003. Avec Gerry (2002), il a aussi filmé l’agonie de deux hommes égarés dans un désert. Pourtant, hélas, ce ne sont pas à ces films que fait penser La Forêt des songes, mais plutôt à A la recherche de Forrester, ce mélodrame sentimental qui offrait à un professeur misanthrope (Sean Connery) l’occasion de réintégrer le genre humain.Série de retours en arrièreArthur (Matthew McConaughey) est lui aussi professeur et tout aussi décidé à rompre avec ses semblables. Seulement, à la retraite, il a préféré le suicide. On le voit, bel Américain solitaire, prendre l’avion pour Tokyo et la correspondance pour la forêt d’Aokigahara (on apprendra plus tard qu’il en a connu l’existence grâce à Internet). Une série de retours en arrière explique la mine sombre d’Arthur. Ils ont pour autre personnage Joan (Naomi Watts), sa compagne. Elle est agente immobilière et fait bouillir la marmite pendant que l’homme de la maison végète, professeur de physique dans un établissement universitaire dont on devine qu’il n’appartient pas à l’Ivy League.Au moment où le professeur s’apprête à absorber de nombreux cachets depuis un point de vue imprenable sur la « mer des arbres », un autre candidat au suicide fait irruption, les poignets ensanglantés. Il est japonais, dit s’appeler Takumi Nakamura et fait si triste figure qu’Arthur décide de venir à son secours plutôt que de continuer à absorber ses pilules.Le Japonais, heureusement anglophone (il est interprété par Ken Watanabe, qui, en plus de ses mérites artistiques, est un vétéran des coproductions américano-japonaises) proclame qu’il ne veut plus mourir, mais retrouver les siens, et Arthur accepte de le guider jusqu’au parking où les candidats au suicide laissent leur voiture. Cette marche se transforme bientôt en odyssée ponctuée de découvertes macabres, d’incidents météorologiques spectaculaires et de chutes vertigineuses. Mais toujours les deux se relèvent. Nakamura tente d’assouplir le tour d’esprit scientifique d’Arthur, de lui faire comprendre que les cris qu’on entend ne sont pas ceux d’animaux, que les morts ne sont pas forcément des disparus et que s’ils n’arrivent pas à sortir de la forêt, c’est que celle-ci en a décidé ainsi.Partition dégoulinanteIl se trouve qu’avec délicatesse et douceur Hirokazu Kore-eda et Naomi Kawase viennent de rafraîchir la mémoire du public cannois à ces sujets (l’intrication de la vie et de la mort, de l’humain et de la nature), et leur finesse dessert certainement Gus Van Sant. Malgré le talent de Ken Watanabe, qui parvient – en dépit des pièges du scénario et des dialogues – à préserver jusqu’au bout la part de mystère de son personnage, on se croirait revenu aux temps où les studios hollywoodiens bridaient les yeux de comédiens occidentaux pour leur faire proférer des vérités sorties d’un fortune cookie. Cette appropriation maladroite et sûrement approximative d’une philosophie et d’une culture imprime sa marque à tout le film, quels que soient ses éclairs d’inspiration.On les trouve d’ailleurs plutôt dans la peinture du couple que formaient Arthur et Joan. Commencée sur un mode plus que conventionnel – l’épouse acerbe et le mari réduit à l’impuissance, la faute primale qu’on ne finit jamais d’expier –, cette chronique conjugale finit par s’incarner un peu grâce à Matthew McConaughey et Naomi Watts. Seulement, le sujet du film n’est pas là, mais dans l’épiphanie qu’éprouve Arthur, dont les conséquences ultimes frisent le ridicule, encore appuyée par une partition dégoulinante de Mason Bates.Cette déception, qui arrive après celles – moindres – qu’avaient suscitées les deux précédents films de Gus Van Sant (Restless et Promised Land), provoque un peu d’inquiétude au sujet de l’auteur d’Elephant. Elle pose aussi la question de la représentation américaine dans la compétition cannoise. Les studios (et pas seulement les majors), sauf exception, refusent d’intégrer le Festival dans une équation dont le seul résultat intéressant pour eux se calcule en nombre d’Oscars. Si bien que les grands auteurs, de Scorsese à Fincher, ne peuvent lancer leurs films qu’à partir de septembre. Face à ce tarissement, les sélectionneurs doivent recourir à des expédients comme le choix d’une œuvre mineure signée d’un grand nom, ce qu’est, de toute évidence, La Forêt des songes.Film américain et japonais de Gus Van Sant  avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts (1 h 50). Sortie le 9 septembre. Sur le Web : www.snd-films.comThomas SotinelJournaliste au Monde 16.05.2015 à 04h40 • Mis à jour le16.05.2015 à 07h29 Le directeur des programmes du géant américain de la vidéo à la demande (VOD) Netflix, Ted Sarandos, a jugé vendredi 15 mai à Cannes, que la réglementation européenne ne protège pas le cinéma et au contraire l’affaiblit. Ted Sarandos, qui est en charge des contenus de la plateforme internet, a pointé du doigt les règles françaises comme le délai de 36 mois imposé pour que Netflix puisse proposer un film après sa sortie.« Cela ne protège pas le cinéma », en fait ça le rend plus faible, a affirmé Ted Sarandos lors d’une conférence organisée dans le cadre du Festival de Cannes. « La chronologie des médias, en France, favorise le piratage. Devoir attendre trois ans pour que les gens puissent voir un film comme il le souhaite encourage cette pratique », a-t-il ajouté.Lire notre note de blog : Netflix s’inquiète du piratage en EuropeLa chronologie des médias est la règle qui impose un délai de 36 mois aux services de vidéo à la demande par abonnement avant d’intégrer un long-métrage à leur catalogue. Présent dans la salle, le producteur américain Harvey Weinstein a pris la défense de Netflix, alors que la plateforme est accusée de ne pas participer au financement de la création, comme le réclament les diffuseurs européens. Netflix a installé son siège européen à Amsterdam depuis le 1er janvier.« Offrir le choix aux consommateurs »Harvey Weinstein, qui a produit des succès au box-office comme « Pulp fiction », « Le Discours d’un roi » ou « The Artist », a qualifié Netflix de « visionnaire » pour sa capacité à créer de nouveaux marchés mondiaux pour des produits tels que les documentaires ou les films en langue étrangère.Le cinéaste américain Joel Cohen, co-président du jury cette année à Cannes, avec son frère Ethan, a évoqué mercredi lors d’une conférence de presse l’émergence de sociétés comme Netflix en ironisant sur ceux qui « regardent ’Lawrence d’Arabie’ sur un iPhone ».« Rien de ce que nous faisons n’est censé aller à l’encontre des salles de cinéma », a assuré Ted Sarandos. « Je veux offrir le choix aux consommateurs », a-t-il insisté. Netflix s’est lancé dans la production originale de contenus avec des séries comme « House of Cards » et « Marco Polo » ou des films comme « Tigre et Dragon ».Lire aussi : J’ai testé Netflix : la révolution a un goût d’inachevé Marine Le Gohébel Dimanche 8 mars, dans un bistrot parisien. Midi approche. Radio Nova enregistre sa première émission gastronomique. Aux micros, Mathilde Serrell et Matthieu Jauniau-Dallier passent les plats entre les convives. A table, Mathieu Kassovitz. L’acteur déclame son amour pour le fast-food avant qu’une cuillère de brioche aux légumes et au foie gras ne vienne lui clouer le bec. « C’est horrible de faire cette émission à la radio. Les gens ne peuvent même pas voir ce qu’on mange », regrette-­t­-il. Derrière leur poste, les auditeurs n’ont ni odeur ni image, juste leur imagination. Celle qui leur permet de sentir la préparation d’un plat et de voir le rouge d’une viande saignante. Pour les émissions gastronomiques, le pouvoir de suggestion de la radio doit se décupler.« Je mange donc je suis », l’émission de Nova, est la dernière venue sur les ondes. Un dimanche sur deux, entre 10 heures et midi, les animateurs jonglent avec les mots et s’amusent avec les pastilles sonores pour mieux suggérer. Matthieu Jauniau-Dallier a un secret pour mettre en bouche les plats à ses auditeurs : « les métaphores ». Celui qui est aussi chroniqueur pour le guide Fooding allie originalité et précision. Un exemple, à Lyon, lors de la deuxième de l’émission : un chef lui apporte de l’agneau servi avec une sauce relevée : « Pour expliquer l’émotion que j’ai ressentie, j’ai imaginé l’agneau en pleine mer, entouré de requins. On retrouvait la fragilité de l’agneau dans l’assiette. Les mots étaient forts. Ça parlait aux gens. » L’émission s’amuse aussi à mettre les micros au plus près des bouches, qu’elles parlent, mastiquent, ou s’extasient sur un plat. La cuisine délie les langues, « c’est un prétexte pour aborder une personnalité sous un angle différent », reconnaît l’animateur.C’est aussi l’ADN de l’émission « On ne parle pas la bouche pleine » animée par Alain Kruger. Le rendez-vous dominical de France Culture établit des passerelles entre la table et des personnalités, des époques ou des régions et les passe au tamis de la gastronomie. Dernièrement à sa table, Jacques Demy, Apollinaire et Obélix. « Pour l’émission consacrée au réalisateur des “Parapluies de Cherbourg”, j’ai regardé avec Rosalie Varda toutes les scènes de repas de ses films. Nous avons remarqué qu’il ne servait à ses acteurs que des pâtisseries. Ça en dit beaucoup sur le réalisateur », précise-­t-­il.Saveurs auditivesAlain Kruger crée des saveurs auditives en mixant extraits de films avec une écriture poétique. Il raconte des histoires vues du ventre et aborde son sujet pour son amour de la bonne chère. Son but : « creuser l’appétit intellectuel des auditeurs ».Une heure plus tôt, à 11 heures, quelques étages plus bas dans les studios de la Maison Ronde, François-­Régis Gaudry est déjà passé à table pour « On va déguster » sur France Inter. Le chroniqueur applique la même recette depuis 2010 : « Culture et confiture ». « J’aime autant aborder l’histoire des plats que leur recette, explique-­t-­il. La cuisine aborde des problématiques sociologiques et environnementales. Elle dit beaucoup sur notre société, mais j’aime aussi l’idée que l’auditeur sorte un papier et un stylo pour prendre en note la recette. C’est un équilibre », reconnaît-il.Raconter la société par les fourneaux, c’est le thème de l’émission de « L’histoire à la carte » sur France Info tous les dimanches à 17 h 55. Bernard Thomasson et Thierry Marx racontent l’histoire des plats. La brigade est bien rodée. Le chef décrit avec minutie les plats, leur odeur et leur texture. Le journaliste cherche les éléments sonores pour stimuler l’imaginaire : « Je repère les archives de JT qui accréditent la thèse que le plat fait partie de la société. »Le samedi, sur la même station, Laurent Mariotte distille ses conseils sur un autre créneau : « réconcilier les auditeurs avec les produits de saison ». Un souhait partagé par Olivier Poels sur Europe 1. Ils jouent la carte de la pédagogie. « Je veux décomplexer les gens, leur dire que la cuisine est accessible. Ce n’est pas une histoire de concours comme à la télévision », affirme Olivier Poels. Un credo, deux recettes. Laurent Mariotte balade son micro au plus près de ceux qui font la cuisine d’aujourd’hui : « Je veux que l’auditeur entende mes réactions lorsque je goûte un fruit, qu’il entende le bruit de la terre qu’on retourne ou les mets dans la poêle. » Olivier Poels mise sur la spontanéité. « Je n’écris pas mes chroniques. Je veux qu’on puisse m’interrompre, être le plus proche possible des questionnements des auditeurs », avoue le chroniqueur d’Europe 1.En 1980, le chef étoilé Alain Chapel publiait La Cuisine c’est beaucoup plus que des recettes (Robert Laffont). En 2015, les émissions de radio suivent ce précepte et décryptent notre société à travers notre rapport à la nourriture. Elles jouent avec les sons et s’amusent avec les mots pour stimuler l’imaginaire des auditeurs.Marine Le GohébelJournaliste au Monde Joël Morio, Olivier Truc (Stockholm, correspondance) et Philippe Bernard (Londres, correspondant) Voici une vieille dame qui s’apprête à fêter son soixantième anniversaire devant près de 200 millions de personnes. Samedi 23 mai se tiendra la finale de l’Eurovision diffusée sur France 2. Dès mardi 19 mai, la première demi-finale, qui devra départager 16 candidats, sera retransmise sur France Ô et la seconde jeudi 21 mai sur le site de France Télévisions. Au total, 40 pays participent à ce concours de chant unique dans le monde, dont la renommée porte bien au-delà de la vielle Europe. L’Australie, qui se passionne pour ce télé-crochet depuis trois décennies, enverra même exceptionnellement son candidat pour cette soixantième édition.Lire aussi :L’Australie, cet invité du bout du mondeSur le Vieux Continent, l’Eurovision enflamme certains pays. C’est le cas de la Suède qui, avec 5 victoires au compteur, est plus que jamais « Abbaland », quatre décennies après la victoire du groupe Abba en 1974. Depuis plus d’une quinzaine d’années, la Suède a fait du monde musical une industrie exportatrice qui rapporte, avec une stratégie gouvernementale cherchant à profiler le pays, comme elle le fait aujourd’hui avec la gastronomie. La Suède est le troisième exportateur mondial de musique pop après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, et le plus gros exportateur per capita. Les Suédois font rarement les choses au hasard ou à la légère. Il en va ainsi des roulements à bille comme de la musique, et particulièrement du concours de l’Eurovision, qui constitue un impressionnant phénomène de société et provoque un engouement du public inégalé. La presse populaire vend à foison en faisant ses « unes » sur les petits scandales qui entourent les artistes et le concours suédois.Un immemse succès populaireSVT, la télévision de service public suédois, produit et diffuse depuis 1959 Melodifestivalen, la part suédoise du concours de l’Eurovision. Depuis quatorze ans, elle organise des sélections qui sont autant d’occasions de répéter la soirée finale et de mobiliser le public.En 2014, quatre sélections ont été retransmises en direct durant l’hiver, à la meilleure heure d’écoute des samedis soir, depuis différentes villes du royaume. Durant ces quatre présélections, où sept artistes étaient en compétition à chaque fois, le public décide des vainqueurs. Ces soirées rassemblent chacune plus de trois millions de téléspectateurs dans un pays de 9,7 millions d’habitants. Lors de la finale à Stockholm, où 12 artistes se retrouvent, le pouvoir de décision se partage à égalité entre le public suédois et les jurys d’une dizaine de pays. Au Royaume-Uni, en dépit de piètres performances britanniques ces dernières années, le concours de l’Eurovision reste un show immensément populaire. Il a participé à l’Eurovision 57 fois depuis 1957 et l’a remporté à cinq reprises, se plaçant au deuxième rang ex æquo avec la France, le Luxembourg et la Suède, derrière l’Irlande. Mais Londres n’a pas remporté le prix depuis 1997 et Love, Shine a Light de Katrina and the Waves.« Votre pays a besoin de vous »En 2014, lors de l’édition viennoise, neuf millions de téléspectateurs ont regardé le concours sur BBC1, réunissant 42 % de part d’audience. Pourtant, les conditions de sélection de l’artiste et de la chanson représentant le pays sont loin de faire l’unanimité. Jusqu’en 2011, le public opérait ce choix au cours d’une très ancienne émission qui s’était intitulée « Une chanson pour l’Europe », avant d’être rebaptisée – symptôme d’un euroscepticisme montant ? – « Votre pays a besoin de vous ». Depuis 2011, un jury de producteurs sélectionne l’heureux(se) élu(e) de façon très peu transparente. Le résultat de la sélection ne fait d’ailleurs l’objet que d’une publicité minimale : il est simplement posté sur Red Button, la chaîne interactive de la BBC.A lire la presse britannique, ses chances de gagner cette année sont minimes. Electro Velvet, le duo au style 1920 retenu pour représenter le pays, est composé d’un « imposteur qui se prend pour Mick Jagger et d’une femme qui ne dépasserait pas les premières éliminatoires de “La Chance aux chansons”, grince Stuart Heritage, chroniqueur télé au Guardian. Ils ont probablement été choisis pour achever de nous mettre à dos toute l’Europe. » Interviewés dans The Independant, Bianca Nicholas et Alex Larke, les duettistes en question, se révèlent particulièrement pénétrants : « Nous n’avons jamais été à Vienne et nous ferons de notre mieux pour que le Royaume-Uni soit fier de nous. » La politique britannique parvient même à s’inviter dans cette compétition de haut niveau : depuis plusieurs années, le Parti national écossais (SNP), qui milite pour l’indépendance, revendique – en vain jusqu’à présent – que l’Ecosse puisse concourir en tant que nation au concours de l’Eurovision. En France, malgré les résultats catastrophiques enregistrés par les derniers candidats (le groupe Twin Twin a terminé dernier lors de la dernière édition), le concours compte toujours de nombreux fans. En 2014, il avait réuni 2,5 millions de téléspectateurs avec seulement 13,6 % de part d’audience. Il est vrai qu’il était en concurrence frontale avec la finale de « The Voice ». En 2009, avec Patricia Kaas comme candidate, le concours avait été suivi par 5,7 millions de téléspectateurs.Cette année, les chiffres d’audience seront scrutés avec un intérêt particulier : l’Eurovision sera de nouveau diffusé sur France 2 après quinze ans passés sur la Trois. Un retour qui « excite » Nathalie André, directrice des divertissements de la Deux. Elle a elle-même sélectionné Lisa Angell, qui portera les couleurs de la France avec N’oubliez pas, une chanson qui raconte l’histoire d’une contrée dévastée par une guerre. Les paroles peuvent aussi bien faire écho aux attentats de Charlie Hebdo, à la Grande Guerre de 14-18, à un pays ravagé par une catastrophe naturelle. « Le titre n’est pas dans l’air du temps, mais il correspond parfaitement à l’idée que l’on se fait de l’Eurovision », s’enthousiasme Nathalie André. Sera-ce suffisant pour que la France décroche une victoire ? Pour le moment, Lisa Angell est loin de faire partie des favorites, mais l’objectif de la directrice des divertissements de France 2 est de « ne pas finir dans les dix derniers ». Verdict, samedi 23 mai, aux alentours de minuit, après le fameux décompte des points.Joël Morio, Olivier Truc (Stockholm, correspondance), Philippe Bernard (Londres, correspondant)Olivier Truc (Stockholm, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJoël MorioJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterPhilippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Frédéric Potet Tout le monde, depuis le 7 janvier, connaît l’histoire du « gars qui n’est pas mort parce qu’il est arrivé en retard à une réunion ». Vouée à la postérité, sa panne d’oreiller a été racontée en long et en large dans les médias : c’est en effet pour avoir fêté son anniversaire la veille de manière un peu trop arrosée que Luz a échappé à la tuerie de Charlie Hebdo. En sautant dans son pantalon ce matin-là, le dessinateur s’était même trouvé une excuse bidon : « Une intoxication alimentaire en mangeant indien » – et non chinois ainsi qu’il avait l’habitude de l’avancer en conférence de rédaction. L’histoire en marche – celle du terrorisme et du fondamentalisme religieux – l’aura finalement privé de ce running gag éprouvé.« J’ai envie de passer à autre chose  »L’anecdote est racontée dans les dernières pages de Catharsis, l’album de bande dessinée que Luz a publié jeudi 21 mai, quatre mois et demi après les attentats de Paris. Ecrit à des fins notamment thérapeutiques, l’ouvrage s’apparenterait à un « carnet de santé en images » ou à un « traité de psychanalyse illustré » s’il n’était pas traversé d’humour et de tendresse d’un bout à l’autre. Dépourvu de tout pathos, il commence par ces mots : « Un jour, le dessin m’a quitté. Le même jour qu’une poignée d’amis chers. A la seule différence qu’il est revenu, lui. »Le dessin est revenu, mais c’est Luz qui s’en va. Le dessinateur de 43 ans a annoncé ces jours-ci qu’il quittera Charlie Hebdo en septembre. Lassé du traitement de l’actualité, et ne supportant... Thomas Evrard Samedi 16 mai. Grande Halle du Parc de la Villette, à Paris. Plusieurs colonnes sont reliées par de drôles de surfaces : huit mètres sur trois de cellophane que le vent secoue dans un incessant claquement. Le skate park, les danseurs de hula hoop et les autres activités bruyantes du Villette Street Festival ne suffisent pas à couvrir le cello. Quand le visiteur s’approche de ces étranges parois plastifiées, une odeur de bombe de peinture assaille ses narines. Une fragrance qui ne ment pas : ici, on graffe. Mieux : on cellograffe.Le principe du cellograff est simple : graffer sur des parois créées de toutes pièces grâce un rouleau de 300 mètres de cellophane. Ce concept d’une grande simplicité a été développé par deux artistes de la région parisienne, Astro et Kanos, en 2009. Ils en ont même fait une marque déposée. « Ils n’ont pas inventé le cellophane, sourit Katre, un de leurs amis, lui aussi graffeur, mais ils ont inventé la technique ».La pratique du cellograff implique de bien connaître les inconvénients du support : sa fluidité le rend très sensible au vent et son étanchéité favorise les coulures. « Un graffeur pro ne mettra pas longtemps à s’adapter, rassure Kanos. Et il y a de gros avantages : la transparence permet de nouveaux jeux graphiques. On peut peindre partout, dans des endroits où il n’y a jamais de graff comme le pied de la Tour Eiffel, et surtout on agit sans aller contre le fonctionnement de la ville ».Les enfants sages du graff« Super, continuez ! » La majorité des visiteurs et curieux qui s’attardent devant les cellograffs du Villette Street Festival saluent une démarche pacifique. « On graffe sans embêter et sans être embêté, se réjouit Kanos. C’est peut-être consensuel mais ça permet aux jeunes d’apprendre à graffer sans avoir à payer d’amende ni finir derrière les barreaux ».Le concept s’exporte bien. Astro et Kanos sont invités par des festivals de street art partout dans le monde. « A l’automne 2013, je les ai accompagnés à Sarasota, en Floride, au Chalk Festival, raconte Katre. C’est une manif dédiée aux graffs au sol. Avec le cellograff, pour la première fois, il y avait là-bas un graff vertical ». Aujourd’hui, les deux artistes réfléchissent à de nouvelles manières d’exploiter le cellograff, comme à Fontenay-sous-bois où ils ont expérimenté une structure jouant sur l’espace et des effets 3D. « Le reproche que je pourrais faire au cellograff, c’est qu’on oublie la création pour se concentrer à 100 % sur le format et le support, concède Claude Kunetz, directeur de la galerie WallWorks, dans le 10e arrondissement de Paris. Mais Astro et Kanos en sont conscients, et eux-mêmes espèrent qu’on parlera bientôt plus du graff et moins du cellophane ». Les deux graffeurs sont confiants : « On verra ce que ça donnera avec le temps. Chacun utilise son écriture personnelle, quel que soit le support. C’est pareil avec le cellograff ».« Le “cellograff” est au graff ce qu’est le live pour un CD »Au contraire du street art traditionnel, les cellograffs disparaissent aussitôt terminés. « Ça fait longtemps que la frustration a disparu, explique Kanos, serein. Ça fait partie du concept : le cellograff, c’est un concert, une performance à chaque fois unique. » Les créations des artistes perdurent tout de même sur le web à travers photos et vidéos.A leur manière, Astro et Kanos participent à un phénomène de muséification du street art. Les graffs sont passés des rues aux galeries, remettant en cause la nature même de cet art. « C’est un débat insoluble. On en parle tout le temps entre artistes et personne n’est jamais d’accord, avoue Kanos. Je pense que l’art de la rue ne sera jamais l’art des galeries, et vice versa, mais qu’on peut établir des passerelles entre eux. Ce qu’on a fait avec l’installation à Fontenay-sous-Bois, c’était plus de l’art finalement. Le street art à proprement parler ne peut pas être hors des rues : c’est sa nature même ».Fin du Villette Street Festival le 20 mai dans la Grande Halle avec une vente aux enchères au profit d’Emmaüs, où seront vendues les œuvres de 83 artistes, qui ont chacun fait don d’une toile de 100 x 100 cm.Lire aussi :Graff, glisse et hip-hop à Villette StreetThomas Evrard 20.05.2015 à 16h55 • Mis à jour le20.05.2015 à 17h32 | Harry Bellet Il y a parfois des moments de joie (intellectuelle, ça va de soi) dans un tribunal. Comme par exemple, quand on entend deux grands avocats s’empailler – courtoisement – sur la notion de droit d’auteur. Pour Maître Bernard Edelman, Peggy Guggenheim, en constituant sa collection à Venise, a réalisé une « œuvre de l’esprit », qui à ce titre doit être protégée. Or, selon Maître Pierre-Louis Dauzier, « une collection n’est pas nécessairement une œuvre ». Et accumuler des tableaux ne fait pas de leur propriétaire un auteur.Ce mardi 19 mai, la cour d’appel de Paris entendait en effet la plainte de certains des descendants de celle qui fut une des plus surprenantes collectionneuses du XXe siècle, Peggy Guggenheim (1898-1979). Ils estiment que les œuvres qu'elle avait réunies dans le Palazzo Venier dei Leoni, à Venise forment un tout, et que la Fondation Solomon R. Guggenheim, qui gère les lieux depuis la mort de Peggy (elle lui a fait don du palais en 1970 et de la collection en 1976) en a dénaturé l'esprit. Entre un tiers et la moitié des 326 œuvres est exposé selon les saisons. Le jardin a été modifié et une cafétéria ouverte. Le palais de Peggy, reflet de son goût et de celui d'une époque, est devenu selon eux la banale et mouvante extension d'un musée américain, alors qu'ils y voient une œuvre en soi.« Violation de sépulture »Dans un précédent procès, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés, le 2 juillet 2014, de leur demande, au nom de « l'autorité de la chose jugée ». La cause avait en effet été déjà plaidée en 1994, donnant raison à la fondation américaine. Un accord amiable était ensuite intervenu entre la fondation et les plaignants. Ceux-ci pensent qu'il n'a pas été respecté. En 2013, ils ont découvert que les œuvres collectionnées par leur grand-mère avaient été déplacées au profit d'autres, données par Hannelore et Rudolph Schulhof, dont le nom figure désormais sur une plaque à côté de celui de Peggy. En outre, le jardin où Peggy repose est occupé par des sculptures, pour l'essentiel provenant de la collection Patsy et Raymond Nasher. Le mur d'entrée du jardin porte une plaque à leur nom et des fêtes y sont organisées. D'où une accusation de « violation de sépulture ».Devant la cour d'appel, Maître Oivier Morice, pour les plaignants, et Maître Christophe Perchet, pour le Guggenheim, ont eu à débattre de l’autorité de la chose jugée. Pour le second, elle est établie, pour le premier, qui invoque un arrêt de la Cour de cassation, elle n’a lieu « qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement et été tranché dans son dispositif ». Par ailleurs, « elle ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ».La question de l’accrochageSi les juges suivent ce raisonnement, ils auront à se pencher sur ce qui fait l'intérêt de ce procès : une collection peut-elle être considérée comme une œuvre de l'esprit ? Un tribunal avait reconnu en 1997 ce caractère à celle de la Cinémathèque conçue par Henri Langlois. Ce n'est pas le cas de celle de Peggy Guggenheim, a plaidé Maître Pierre-Louis Dauzier, pour lequel « il est incontestable que le collectionneur fait un choix, il choisit d'acquérir. Peggy Guggenheim a été une égérie du monde de l'art, elle achetait beaucoup pour soutenir les artistes. » Pour autant son accrochage était « très didactique, sans originalité, pas autre chose qu'une compilation ». Peggy n'a « pas donné un sens esthétique dans lequel devrait être présentée la collection », dont elle a elle-même changé plusieurs fois la disposition de son vivant.De son côté, Maître Bernard Edelman a produit ce qu'il estime être la preuve du contraire, un plan de la disposition des collections établi à la disparition de Peggy Guggenheim, qui montre une répartition élaborée des tableaux. Il en demande, au nom des plaignants, la remise en état.Décision le 23 septembre.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexis Delcambre Éphémère directeur de cabinet d’Aurélie Filippetti puis de Fleur Pellerin, Martin Ajdari a été nommé, mercredi 20 mai, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la culture. L’ancien secrétaire général de France Télévisions, candidat malheureux à la présidence de Radio France en 2014, occupera ce poste stratégique à compter du 3 juin. Il y remplace Laurence Franceschini, nommée de son côté au Conseil d’Etat, et qui occupait ce poste depuis 2007.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elisa Perrigueur « Mémériser », « chneuquer », « siester », « lose » pour le Petit Larousse. « Climatosceptique », « Zad », « écoconduite », « grainothèque » pour le Petit Robert. Comme chaque année, les éditions 2016 des deux dictionnaires français, à paraître fin mai, accueilleront des nouveaux mots et expressions de tous registres.Environ 150 articles et expressions sur les thèmes de la gastronomie, de la médecine ou encore des nouvelles technologies font ainsi leur entrée dans les pages du Petit Larousse. Les éditeurs ne livrent pas eux-mêmes de liste détaillée de ces nouveaux mots. Mais Camille Martinez, linguiste et auteur du Petit dico des changements orthographiques récents, compare à titre privé les éditions successives du Larousse depuis 1998. Page par page, l'expert repère chaque année les nouveaux termes (en dissociant les articles des « mots cachés », que l'on trouve dans une définition sans qu'ils disposent d'une entrée propre), qu'il répertorie sur le site du Club d'orthographe de Grenoble. Contactée par Le Monde, la direction de Larousse juge ces études fiables. #container_14320376581{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14320376581{ height:500px; } #container_14320376581 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14320376581 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14320376581 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14320376581 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Le nombre de mots nouveaux reste stable sauf événement exceptionnel2005 : 100e édition du petit Larousse grand format / 2012 : année de refonte du dictionnaireLe classement ne prend pas en compte les mots cachés, qui ne possèdent pas leur entrée propre mais qui se trouvent à l'intérieur d'un autre article.Source : Camille Martinez(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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Cela se traduit par une nouvelle maquette, de nombreux ajouts et le réexamen de tout le texte », précise Camille Martinez. C'est lors des refontes qu'un grand nombre de mots entrent mais sortent aussi du dictionnaire, afin d'équilibrer l'ouvrage. Lors de la dernière révision, en 2012, quelque 1 882 articles ont été ajoutés et 447 supprimés, d'après le linguiste. « Keepsake », « inemploi », « avant-soirée », « boudinage » ont ainsi disparu des pages du petit pavé. Lire aussi : « Bolos », « boloss » ou « bolosse »… une querelle orthographiqueEviter les effets de « mode »Reflets de leur époque, les termes récents se réfèrent souvent à la gastronomie, à l'environnement, à l'informatique, aux sciences ou encore aux évolutions des mœurs et aux tendances de société.Chez Larousse, une équipe de lexicographes s'appuie sur un réseau externe d'une quarantaine de particuliers pour valider l'entrée de mots. Selon Carine Girac-Marinier, directrice du département dictionnaires et encyclopédies, ces particuliers sont « des conseillers, experts et professionnels d'un domaine particulier de la connaissance (philo, sciences, musique, informatique…). Ils sont consultés pour savoir quels mots nouveaux arrivent dans leurs domaines. » Les lexicographes évaluent de leur côté la pertinence des termes rapportés grâce à une « veille terminologique » : lecture des journaux, écoute des radios ou des conversations... Au terme de plusieurs mois de travaux, les nouveaux mots sont soumis au vote d'un comité d'une dizaine de personnes et à l'avis d'un linguiste reconnu. Le quota est de 150 mots maximum par an, d'après Carine Girac-Marinier qui explique : « Il faut que le terme soit d'un usage répandu dans le grand public, nous cherchons principalement à éviter les effets de mode éphémères. Il nous arrive d'attendre un peu plus longtemps pour vérifier qu'un mot va effectivement “prendre”, ce qui explique l'entrée parfois tardive de certains mots après leur apparition réelle dans la langue. »En 2000, le mot « appelette » (terme informatique pour désigner une petite application interactive) avait par exemple été ajouté aux pages du Larousse. Peu utilisé, il a finalement été remplacé par « appliquette », un terme que le dictionnaire estime être plus employé.Elisa PerrigueurJournaliste au Monde Alexis Delcambre Après avoir démissionné de la présidence de l’INA, le 28 avril, Agnès Saal, administratrice civile, a retrouvé son ministère d’origine, la culture. Rattachée au secrétariat général de ce ministère, elle y a, selon nos informations, un titre de chargée de mission sur les questions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Mathilde Damgé Le dictionnaire Larousse enregistre 150 nouveaux mots cette année. Depuis dix ans, ce sont 3 026 mots qui ont été intégrés dans les pages de l'ouvrage de référence. Vérifiez si vous êtes à jour du vocabulaire en vogue.Mathilde DamgéDe l'éco, du décryptage et une pincée de dataSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Le Pavillon de l’Arsenal (Centre d’urbanisme et d’architecture du Grand Paris), dans le 4e arrondissement de Paris, accueille bénévolement, pour la deuxième année consécutive, une vente aux enchères, jeudi 21 mai à 19 heures, au profit de la Fondation Architectes de l’urgence. Le 29 avril, la Fondation a dépêché au Népal une équipe chargée d’évaluer les dégâts dans les zones habitées les plus sévèrement touchées par le séisme du 25 avril, et d’expertiser plusieurs bâtiments de Katmandou, la capitale, et de ses environs.« A six semaines de la saison des pluies, l'urgence est d'alimenter et de reconstruire des habitats et des infrastructures durables et parasismiques dans la zone de l'épicentre », explique l’association sur son site. Parmi ses priorités, elle doit lancer sans délai un projet de reconstruction des quelque deux mille maisons et quinze écoles détruites, ainsi que de leurs greniers à céréales. Ce type de projet, que les Architectes de l’urgence ont déjà mené en Haïti, au Pakistan et dans d'autres pays, doit permettre à la population de retrouver son habitat habituel, mais enrichi des normes parasismiques. Plus de 1 500 professionnelsCréée en 2001, la Fondation Architectes de l’urgence, organisme reconnu par le ministère des affaires étrangères, la Commission européenne et les Nations unies, vient en aide aux populations éprouvées par les catastrophes naturelles ou humaines partout dans le monde. Depuis près de quinze ans, plus de quinze cents professionnels apportent leur savoir-faire pour assister, reloger, former et accompagner des populations en détresse dans la reconstruction de leur cadre de vie.La vente, au cours de laquelle seront dispersés croquis, dessins, aquarelles, photomontages d’architecte et photographies d’architecture, a mobilisé un grand nombre d’architectes qui ont accepté de céder gracieusement en faveur de la Fondation des œuvres signées de leurs mains. Parmi eux : Patrick Berger, Frédéric Borel, Paul Chemetov, Massimiliano Fuksas, Steven Holl, Junya Ishigami, Daniel Libeskind, Marc Mimram, Jean Nouvel, Claude Parent, Christian de Portzamparc, Ruddy Ricciotti, Dominique Perrault, Renzo Piano, Francis Soler, Robet Venturi ou encore Riken Yamamoto.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Service culture Trois films à découvrir en salles à partir du mercredi 20 mai.« La Loi du marché » : Vincent Lindon en pleine précarité socialeA voir Thierry, 51 ans (Vincent Lindon, très impliqué dans son rôle), père d’un garçon handicapé mental et compagnon d’une femme au revenu modeste, est viré de son entreprise pour cause de licenciement économique. Au bout de vingt mois de chômage, il prend la décision d’accepter un poste de vigile dans une grande surface. Le réalisateur Stéphane Brizé a recours à une forme qui se révèle à la fois originale et pertinente (petit budget, tournage léger, chef opérateur venu du documentaire filmant en format scope, acteurs non professionnels, tous employés dans leur propre fonction) pour un sujet a priori revêche.Film français de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Matthieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33).« Trois souvenirs de ma jeunesse » : Arnaud Desplechin dans les méandres de la mémoire et de l’amourA voir Double fictionnel du cinéaste Arnaud Desplechin, Paul Dedalus (Mathieu Amalric) est de retour dans son nouveau film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes. On le retrouve ici à trois âges de sa vie, pour évoquer autant de périodes fondatrices : l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Deux jeunes acteurs débutants, Lou Roy-Lecollinet et Quentin Dolmaire, illuminent ce film où se croisent, comme souvent chez Desplechin, l’histoire et la grande Histoire.Film français d’Arnaud Desplechin, avec Mathieu Almaric, Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet (2 heures).« Irvin Yalom, la thérapie du bonheur » : dans la tête d’un psychothérapeute américainPourquoi pas Psychothérapeute américain mondialement célèbre et auteur de best-sellers, le docteur Irvin Yalom fait, à plus de 80 ans, l’objet de ce documentaire. Entre portrait, entretien et récit de vie, Sabine Gisiger adopte une forme légère et agréable, pensée pour mettre la parole en valeur. Elle y réussit un peu trop bien : le travail de l’image semble rarement à la hauteur de la pensée qui s’y expose.Documentaire américain, français et suisse de Sabine Gisiger (1 h 17).Service cultureJournaliste au Monde Franck Nouchi En compétition officielle à Cannes, « La Loi du marché », de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, se penche sur le parcours d'un homme qui perd son travail. Pouvez-vous résumer « La Loi du marché » en deux mots ?C’est l’histoire de quelqu’un qui est au chômage pendant un certain temps. Ensuite, il trouve un job d’agent de sécurité qui va le mettre face à un problème moral. Il s’appelle Thierry, c’est un homme bien, un homme droit. Avec sa femme, ils forment un joli couple.Pour monter votre film, vous avez eu recours à un système de production très particulier…Il y a quinze ans, pour faire ce genre de film social, on trouvait sans trop de problèmes les 2 millions, 2 millions et demi d’euros nécessaires. Aujourd’hui, tout a changé. Notamment la technologie, ces nouvelles caméras qui font qu’on n’a plus besoin d’équiper les plateaux avec les sources de lumière qu’on utilisait auparavant. Quant au financement, comme je n’avais aucune envie d’attendre un an et demi, j’ai appelé Vincent [Lindon] et je lui ai dit que je voulais faire le film avec un tout petit budget. Tout le monde, acteurs et techniciens, payé au tarif syndical, et nous trois, le producteur, Vincent et moi, en participation. Immédiatement, il m’a dit : « J’adore ! »Une manière de contourner la loi du marché ?Une manière de la respecter, au contraire. Avec un tel budget – 1,4 million d’euros – on aurait très bien pu payer tout le monde à 50% du tarif. Mais, déontologiquement, c’était impossible. Parmi les acteurs, tous non professionnels, beaucoup sont au smic. Quand on leur disait : « C’est 400 euros », ils pensaient que c’était pour tout le tournage. 400 euros par jour, ça leur semblait inimaginable. La plupart, d’ailleurs, auraient joué gratos. L’argent n’est pas sale en soi. Tout dépend de ce qu’on en fait."Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit"Est-ce la situation en France, de chômage de masse, qui vous a insufflé l’énergie nécessaire pour réaliser ce film ?Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit. Comment on jette hors des entreprises des personnes d’à peine 50 ans, tout ça pour aller construire la même usine dans un pays pas si lointain, fabriquer le même produit et le revendre au même prix. Résultat : les profits sont de plus en plus colossaux. Quand je vois La Saga des Conti, le magnifique documentaire de Jérôme Palteau, qui raconte la lutte syndicale lorsque Continental a décidé de fermer l’usine de Clairoix, je suis bouleversé par la rage de ces types. C’est leur vie qu’on arrache. Alors, oui, ils se battent. Parfois physiquement.Auriez-vous pu tourner ce film avec un autre acteur que Vincent Lindon ?Ce sont les deux autres films que nous avons tournés ensemble, Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps, et les centaines de verres et de repas qu’on a partagés qui nous ont amenés à La Loi du marché. Des désirs communs qui se croisent, qui s’alimentent. L’envie de mettre Vincent face à une telle situation morale. Que faire en pareille situation ? Accepter qu’une caissière soit virée juste parce qu’elle a récupéré des bons de réduction ? C’est un peu se demander ce qu’on ferait en cas de guerre. Y aller ou pas ? Pareil dans cet hypermarché. On élimine les gens, coûte que coûte, à la moindre petite faute. « La Loi du marché » accorde une place importante aux silences. Au temps qui s’écoule, très lentement…Je suis très marqué par le cinéma de Michael Haneke. Cette manière d’accepter de passer par quelques secondes de lassitude pour accéder à l’émotion. Parmi les cinéastes qui comptent pour moi, il y a Ken Loach. J’aime sa manière de faire résonner l’intime et le social. A la fois populaires et hyperintelligents, ses films nous questionnent et nous émeuvent. Il respecte ses spectateurs.Lire aussi (édition abonnés) : « La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographiqueLa Loi du marché, film français de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Mathieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33). Sortie le 19 mai.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet « Cannes à Paris », quatrième édition. L’événement, lancé en 2012, est devenu le rendez-vous de ceux qui désirent faire une immersion de trois jours, ou une simple incursion, dans la sélection cannoise depuis Paris, à l’occasion du week-end de clôture du Festival. Du vendredi 22 au dimanche 24 mai, le partenariat entre Le Monde et Gaumont-Pathé! permettra ainsi de découvrir, au cinéma le Gaumont-Opéra (2, boulevard des Capucines, Paris 9e), treize films dévoilés à Cannes, sans attendre leur sortie en salles.Parmi cette sélection dans la sélection, huit des dix-neuf longs métrages en compétition pour la Palme d’or. La moitié d’entre eux ont la particularité d’avoir été tournés en anglais par un cinéaste dont ce n’est pas la langue d’origine.Lire aussi :Festival de Cannes : anglais, première langueSoit Tale of Tales (Le Conte des contes), de l’Italien Matteo Garrone, adaptation fastueuse et très libre par le réalisateur de Gomorra de contes de Giambattista Basile, auteur napolitain du XVIIe siècle, sur les perversions du pouvoir, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly ; The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, autre fable, qui questionne métaphoriquement la place de l’amour dans notre société, avec Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux ; Louder Than Bombs (Plus fort que les bombes), du Norvégien Joachim Trier, portrait d’une famille new-yorkaise endeuillée, avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg ; et enfin Youth, de l’Italien Paolo Sorrentino (Oscar du meilleur film étranger 2014 pour La Grande Bellezza), ode à la vieillesse, l’histoire de deux amis de près de 80 ans en vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz et Jane Fonda.Lire aussi :« Le Conte des contes » : images sages pour imaginaire sanglantLire aussi :« The Lobster » : un « Homard » mijoté à l’absurdeLire aussi :« Louder Than Bombs » : de l’explosion d’une famille, Joachim Trier ne tire que des éclats de cinémaLes quatre autres films sont The Sea of Trees (La Forêt des songes), de l’Américain Gus Van Sant, rencontre et odyssée à travers la « forêt des suicides », au pied du Mont Fuji, d’un Américain et d’un Japonais, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts ; Marguerite et Julien, de la Française Valérie Donzelli, qui reprend un script abandonné par François Truffaut sur la relation incestueuse entre un frère et une sœur, avec Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm ; Mountains May Depart, du réalisateur chinois Jia Zhang-ke, qui, après A Touch of Sin, montre les espoirs, les amours et les désillusions de trois amis d’enfance sur un quart de siècle, entre une Chine en mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, avec Zhao Tao ; et enfin Macbeth, de l’Australien Justin Kurzel, adaptation de la tragédie de William Shakespeare, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard.Lire aussi :« La Forêt des songes » : à la recherche de Gus Van SantEgalement présentés, deux films de la sélection Un Certain regard : An, de la Japonaise Naomi Kawase, qui a fait l’ouverture de cette section parallèle officielle, rassemble trois laissés-pour-compte autour d’une histoire de gâteau. Et Maryland, de la Française Alice Winocour, où un soldat victime de troubles de stress post-traumatique à son retour d’Afghanistan voit sa paranoïa confortée dans son nouvel emploi dans la sécurité, avec Matthias Schoenaerts et Diane Kruger.Lire aussi :« An » : le sens de la vie se niche dans une pâtisserieLe film du cinéaste français Robert Guédiguian, Une histoire de fou, est une des sept œuvres présentées cette année à Cannes lors des Séances spéciales, hors compétition. Il s’articule autour d’un trio fils, mère et blessé d’une bombe posée par le premier, sur fond de lutte pour la reconnaissance du génocide arménien dans les années 1980.Egalement présenté hors compétition, Le Petit Prince, film d’animation français réalisé par l’Américain Mark Osborne, qui avait déjà présenté à Cannes son Kung-fu Panda, imbrique le conte et l’imagerie de Saint-Exupéry dans une histoire contemporaine d’amitié entre une petite fille et un vieil aviateur.Enfin, Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958), avec Jeanne Moreau, fait partie de Cannes Classics, qui présente au cours du festival une quinzaine de copies restaurées.Les places sont vendues au tarif habituel du cinéma Gaumont-Opéra (carte Le Pass, chèque cinéma, carte 5 places...), et il est fortement conseillé de les réserver.Vendredi 22 mai19 heures - Le Conte des contes, de Matteo Garrone21 h 30 - The Lobster, de Yorgos LanthimosSamedi 23 mai13 heures - Une histoire de fou, de Robert Guédiguian15 h 45 - Louder Than Bombs, de Joachim Trier18 heures - An, de Naomi Kawase20 h 20 - La Forêt des songes, de Gus Van Sant22 h 30 - Marguerite et Julien, de Valérie DonzelliDimanche 24 mai13 heures - Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke15 h 30 - Le Petit Prince, de Mark Osborne15 h 30 - Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle17 h 45 - Macbeth, de Justin Kurzel20 heures - Youth, de Paolo Sorrentino22 h 15 - Maryland, d’Alice WinocourEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde 25.05.2015 à 07h44 • Mis à jour le25.05.2015 à 10h21 Il a joué avec certains des plus grands noms du jazz, dont Ray Charles et Dizzy Gillespie. Le trompettiste américain Marcus Belgrave est mort dimanche 24 mai à l'âge de 78 ans à Ann Arbor (Michigan). Il a succombé à une défaillance cardiaque, selon le journal Detroit Free Press. Marcus Belgrave a eu une grande influence sur la scène de jazz de Detroit, sa ville d’origine, et a continué à jouer presque jusqu'à sa mort – animant même de son lit d'hôpital de brèves jam sessions avec d'autres musiciens, a rapporté le journal.Devenu trompettiste professionnel dès l'âge de 12 ans, il a joué avec Ray Charles à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Marcus Belgrave a également collaboré avec Max Roach et Charles Mingus. Le Detroit Free Press a sélectionné sur son site une dizaine de vidéos de ces performances.« Il a été un mentor pour des générations entières de musiciens, et, sans lui, la musique n'aurait pas été révélée à beaucoup d'entre nous », a réagi le bassiste Rodney Whitaker. Sylvain Siclier et Marie-Aude Roux UN FILM MUSICAL EN DVD et BLU-RAY : All Is By My Side, évocation plutôt crédible des premiers temps de Jimi HendrixMontré dans quelques festivals à partir de septembre 2013, inédit en salle en France, le film All Is By My Side, de John Ridley, paraît demain en DVD. Une évocation des premiers temps du guitariste américain Jimi Hendrix, en particulier son séjour, alors qu’il est encore inconnu, à Londres, à partir de l’automne 1966 jusqu’à sa consécration dans son pays natal le 18 juin 1967 au festival de Monterey. Pour incarner Hendrix, André Benjamin, dit André 3000, membre du groupe OutKast. Il porte le film, globalement crédible dans sa reconstitution de l’époque et des faits, y compris les reprises pour la bande-son, la production n’ayant pas les droits sur les compositions d’Hendrix.All Is By My Side, de John Ridley, avec André Benjamin, 1 DVD et 1 Blu-Ray Universal Pictures Video UN CONCERT : Brahms, Beethoven et Richard Strauss par l’Orchestre de Philadelphie aux Champs-Elysées Paris accueille, au Théâtre des Champs-Elysées, l’un des « Big Five », le vénérable Orchestre de Philadelphie (Pennsylvanie) né au début du XXe siècle sous l’impulsion des Quakers. Il sera mené par son jeune et fringant directeur musical, le Canadien Yannick Nézet-Séguin (40 ans, en poste depuis 2012), qui n’a pas peu contribué à sortir de l’ornière une phalange menacée de banqueroute en 2011. La Troisième Symphonie de Brahms, le Troisième Concerto pour piano de Beethoven sous les doigts du brillant Emanuel Ax, non moins que la suite pour orchestre tirée du Chevalier à la rose, de Richard Strauss, devraient faire chavirer les mélomanes les plus endurcis.Théâtre des Champs-Elysées, Paris-8e. Le 30 mai, à 20 heures. Tél. : 01-49-52-50-50. De 5 € à 95 €. UNE EXPOSITION : David Bowie encore pour quelques jours à la Philharmonie Succès pour l’exposition « David Bowie Is », à la Philharmonie de Paris. Et donc ouverture des portes étendue durant ses derniers jours, jusqu’au 31 mai. En l’occurrence, ce sera de 10 heures à minuit (accès fermé une heure avant). Une plongée dans l’univers Bowie par ses costumes, œuvres graphiques, pochettes de disques, photographies, manuscrits etc., avec parcours sonore par l’intermédiaire de films, de concerts et de clips vidéos.Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. De 6 € à 12 € (entrée libre pour les moins de 6 ans). UN FESTIVAL : Effervescence jazz à Saint-Germain-des-Prés Entre Saint-Germain-des-Prés et le jazz, c’est une vieille histoire. Mythifiée dans le souvenir de son âge d’or du milieu des années 1940 aux années 1970, avec ses clubs en sous-sol, la fumée de cigarette, les musiciens serrés sur de minuscules scènes. Nombre de lieux ayant disparu, d’autres ayant été transformés, le festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, fondé en 2001, fait surtout revivre jusqu’au 1er juin cette effervescence à l’Odéon, la Maison des océans (superbe), dans des églises, à la Maison des cultures du monde, au Réfectoire des Cordeliers… Avec cette année Rhoda Scott, Kyle Eastwood, Airelle Besson, Lars Danielsson, Aldo Romano, Jean-Pierre Como, Lisa Simone…Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, jusqu’au 1er juin. Tarifs et horaires variables selon les lieux.La chanteuse Lisa Simone interprète « All Is Well », extraite de l’album du même nom (Laborie Jazz, 2014). RÉSERVER VITE : Paul McCartney au Stade Vélodrome, à Marseille le 5 juin et au Stade de France, à Saint-Denis, le 11 juin Lors de sa précédente tournée internationale en 2011-2012, Paul McCartney n’avait été programmé qu’au Bercy Arena de Paris pour une date. Cette fois, le bassiste, chanteur, pianiste et auteur-compositeur voit nettement plus grand avec un arrêt au nouveau Stade Vélodrome de Marseille le 5 juin, puis au Stade de France, à Saint-Denis, le 11. Des concerts toujours généreux en durée et en chansons (une quarantaine) entrées dans la mémoire collective, parcours dans sa carrière avec The Beatles, avec son groupe Wings ou en solo.Stade Vélodrome, à Marseille, le 5 juin, à 20 heures, de 57,60 € à 90,60 €. Stade de France, à Saint-Denis, le 11 juin, à 20 heures, de 67,50 € à 133,50 €.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteMarie-Aude RouxJournaliste au Monde 25.05.2015 à 06h19 • Mis à jour le25.05.2015 à 10h52 | Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.05.2015 à 16h52 • Mis à jour le25.05.2015 à 09h37 | Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et... 15.05.2015 à 17h27 | Sylvie Kerviel Des panneaux rappelant des paravents qui coulissent au son du shamisen, instrument traditionnel japonais, tandis qu’ un renard à neuf queux aux faux airs de dragon joue à cache-cache entre les cloisons : Dogugaeshi offre au spectateur une heure de total dépaysement. Tout surprend dans ce spectacle à effet hypnotique de l’Américain Basil Twist, présenté jusqu’au 28 mai au théâtre Mouffetard à Paris pendant la Biennale internationale des arts de la marionnette (BIAM).C’est au Japon, sur l’île d’Awaji, que l’artiste, formé à l’Institut international de l’Ecole supérieure nationale des arts de la marionnette de Charleville-Mézières (Ardennes), a découvert la technique qui a donné son nom au spectacle et qui consiste à faire coulisser horizontalement et verticalement sur des rails des panneaux décorés, à des niveaux de profondeur différents, créant un effet de mise en abyme. Les mouvements de ce décor, sur lequel sont par intermittence projetées des vidéos, évoluent au rythme des musiques qu’interprète, assise à un coin de la scène, dans une semi pénombre, Yumoko Tanaka. Performance vidéoDogugaeshi relève davantage de la performance vidéo que de l’art de la marionnette. Le renard à neuf queues est d’ailleurs le seul personnage animé du spectacle et n’apparaît que furtivement - au risque de décevoir une partie du public, pour lequel un spectacle de marionnettes appelle moins d’abstraction. Ceux là pourront trouver leur bonheur parmi les quelque trente spectacles, présentés par vingt-huit compagnies venues du monde entier pour cette 8 ème édition de la BIAM, qui se déploie dans Paris et neuf communes franciliennes jusqu’au 30 mai.Du personnage en bois, laine et tissu actionné à la main, aux apparitions vidéos en passant par les silhouettes en papier découpé des théâtres d’ombres : l’univers de la marionnette ne se réduit plus, et depuis longtemps, à celui de Guignol, et les thèmes abordés flirtent souvent avec la gravité. A l’instar de A House of Asia, de la compagnie espagnole Agrupacion Senor Serrano, évoquant la traque de Ben Laden à l’aide de soldats en plastique et d’images vidéos ; ou de Ecris moi un mouton, présenté par la compagnie Arnica, qui aborde la question de la guerre d’Algérie à partir de témoignages repris sur scène par des personnages de chiffon selon la technique dite des « marionnettes sur table ».Un mystérieux CinéMarionnettoGrapheLes petits ne sont cependant pas oubliés. Le spectacle Oblique, proposé aux enfants dès l’âge de 8 ans, joue sur les mots avec beaucoup d’humour et un sens de l’absurde hérité des Shadocks, en mettant en scène des personnages métalliques faits de bric et de broc. Egalement destiné aux plus jeunes, Clic, de la compagnie Des Fourmis dans la lanterne, invite à découvrir l’esprit de Charlie Chaplin ou de Buster Keaton grâce à un mystérieux CinéMarionnettoGraphe. Des ateliers et stages sont aussi proposés à ceux qui voudraient prolonger la rêverie en fabriquant et faisant vivre eux-mêmes leurs propres créations.Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marine Le Gohébel Un documentaire divertissant et instructif sur la première inégalité qui oppose hommes et femmes : leur taille (vendredi 15 avril à 22 h 30, sur Arte).Une succession de photos de couples. Des hommes et des femmes se tiennent par la taille et posent devant l’objectif. En toile de fond, Paris et la tour Eiffel, des villes de France ou du monde. Et la voix off nous interroge : « Avez-vous remarqué un détail ? » Les femmes sont plus petites que les hommes. Partout dans le monde, les hommes dépassent les femmes, jusqu’à 15 cm en Europe du Nord. Comment s’explique ce que les scientifiques nomment le dimorphisme sexuel de taille ?Le documentaire de Véronique Kleiner interroge ce qui semble évident, ce qu’on n’a jamais pensé remettre en cause. Et pour comprendre ce mystère, elle convoque tour à tour des pédiatres, des historiens, des biologistes et des zoologistes, des anthropologues, des sociologues et des ethnologues. Un à un, ceux-ci démontent les clichés. Le premier ? Nous ne sommes pas de plus en plus grands. Notre taille change en fonction des époques. Un autre ? La taille est un indicateur du niveau social et des conditions de vie. Les jeunes aristocrates anglais du XIXe siècle dépassaient leurs concitoyens des couches populaires d’une tête. Un dernier ? Chez les animaux, les mâles ne sont pas systématiquement plus imposants que les femelles.A rebrousse-poilLa femelle baleine est le plus grand mammifère sur terre. La taille des tortues – mâle ou femelle – dépend de leur environnement. Si l’homme est un animal comme les autres, sa taille dépend-elle de son environnement ?Le documentaire poursuit l’investigation. Les extraits de films muets (Les Trois Ages, de Cline et Keaton, et Charlot nudiste, de Chaplin) apportent un rythme. La voix caustique de Sophia Aram donne un ton primesautier. Elle interpelle, mais n’assène pas. Le documentaire nous prend à rebrousse-poil. A l’image de son titre, qui ne met plus les femmes dans une position passive, mais en fait le sujet. Véronique Kleiner s’amuse en précisant la taille de chacun de ses interlocuteurs. Qui, entre le pédiatre de 1 m 70 et l’anthropologue de 1 m 57, aura raison ?Alliant humour et rigueur, ce documentaire apporte des réponses passionnantes à des questions étonnantes.Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ?, de Véronique Kleiner, (France, 2013, 52 min).Marine Le GohébelJournaliste au Monde 15.05.2015 à 11h01 • Mis à jour le15.05.2015 à 13h17 | Hélène Delye Une évocation à la fois crue et poétique des troubles bipolaires (vendredi 15 mail à 23 h 20 sur Arte).Il y a ce mouvement de balançoire, qu’elle filme à plusieurs reprises dans son documentaire. La caméra subjective fait qu’on y ressent ce haut-le-cœur grisant et un peu étourdissant, qui saisit chaque fois qu’on se balance très haut. Et puis il y a cette séquence, amorce magnifique du film issue des archives personnelles de sa réalisatrice, Caterina Profili.On la voit enfant sur une plage de Toscane, jouant dans les vagues, filmée en Super-8. « J’ai 7 ans, je ne suis ni particulièrement jolie ni spécialement intelligente… Mais, en moi, s’agite la mer », commente la réalisatrice, avec sa voix d’adulte au bel accent italien. Quelle image vertigineuse et bien choisie pour évoquer les excès et les accès qui caractérisent les troubles bipolaires, les vagues d’exaltation auxquelles succèdent les tréfonds de la dépression.Lorsqu’elle est en phase maniaque, Caterina Profili se sent toute-puissante, se laisse entraîner par ses fulgurances. Elle échafaude des projets impossibles, achète des billets d’avion, et fait des chèques en bois. Elle s’agite, c’est sûr, se débat, peut-être, jusqu’à s’effondrer. Tout à coup, elle plonge dans la torpeur de la dépression, se cloître chez elle, n’est plus capable de rien sauf de tenter de se donner la mort. « Une vie bipolaire est un parcours de fractures. »« Créatifs, spirituels »Dans Etoile bipolaire, la réalisatrice trace, avec aplomb et finesse, le portrait de sa maladie en racontant son propre cheminement, mais aussi en tendant son micro à trois de ses amis, tous bipolaires. Comme l’un deux, Louis, était en dépression pendant le tournage, on ne l’entend pas beaucoup… Mais on saisit tout, grâce à la parole posée et ouverte de sa mère, mais aussi grâce aux va-et-vient de Caterina Profili, qui s’enregistre quand elle se rend chez lui.Avec persévérance, elle frappe à la porte du jeune homme, qu’elle voit comme « le fils qu’elle n’a pas voulu », l’encourage à ouvrir, à sortir de sa torpeur. Ces séquences, par leur ton, leur rythme, leur absence de discours, comptent aussi parmi les plus belles de ce film affectueux et, cependant, sans complaisance.« Nous sommes brillants, altruistes, ironiques, créatifs, spirituels, voire mystiques, solidaires », entonne, avec fierté, la réalisatrice, à propos des bipolaires, qui peuvent être, aussi, sacrément fatigants, lorsqu’ils sont dépassés par leur propre exaltation, qu’ils délirent, exigent et ressassent sans fin. « Tout nous blesse, et nous restons incontestablement fous », dit encore Caterina Profili, dédiant son film au psychiatre Louis Bertagna (1920-2006), spécialiste de la dépression et des troubles bipolaires.Grâce à la parole simple et parfois même rieuse de ses deux amies Laurence et Frédérique, la réalisatrice évoque sans détour le sentiment de culpabilité d’être malade (d’une maladie à la mode, en plus), mais aussi la question du suicide, qui couve chez chacune d’entre elles… Sans oublier les troubles alimentaires, l’envie récurrente de jouer avec ses propres limites, de ne prendre qu’à moitié – voire pas du tout – ses médicaments, avant d’atterrir à l’hôpital psychiatrique.De ce film à la fois juste et cru, on retiendra aussi la musique saccadée et lancinante du grand chef d’orchestre Arturo Toscanini (1867-1957), dont la voix et les directions tonitruantes se sont réincarnées dans la tête de Caterina Profili depuis l’été 1978. Cohabiter avec les rugissements de Toscanini dans la tête, c’est original, mais c’est forcément déroutant.Etoile bipolaire, de Caterina Profili (Fr., 2014, 65 min).Hélène DelyeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Comme la Fête de la musique, les Journées du patrimoine, la Nuit blanche ou la MuseumWeek, la Nuit des musées fait partie de ces événements culturels créés en France qui séduisent désormais au-delà des frontières hexagonales. Pour sa 11e édition qui a lieu samedi 16 mai, l’événement prolongera la journée de quelque 1 300 musées en France et près de 3 400 à travers l’Europe jusqu’à minuit − parfois plus tôt, parfois plus tard, selon les lieux. Partout, l’accès sera gratuit toute la soirée.Pour les institutions participantes, il s’agit au minimum d’une ouverture exceptionnelle en nocturne, mais la plupart proposent de redécouvrir leurs collections ou expositions temporaires avec des dispositifs inédits et créatifs. Le programme complet est consultable en ligne. Visites spécifiques, performances, ateliers, concerts, lectures, animations scientifiques ou projections, voici une sélection de propositions prometteuses:Picasso dansé en son musée, « Bal moderne » inspiré par l’immigration Le chorégraphe Loïc Touzé a été invité par le Musée national Picasso et l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson à investir les espaces de la collection en s’inspirant de l’œuvre du peintre. « Faire une danse à côté de la couleur qui elle, fait un guerrier, un taureau, une femme. Etre réel, réel comme une toile peinte par des gestes. Faire des gestes épais et simples, voir une danse qui ne se montre pas » : voici résumé par le danseur le programme de son intervention. De 20 heures à 21 h 15.Cette année, le Musée de l’histoire de l’immigration met également la danse contemporaine en avant, avec un « Bal moderne », dans le Palais de la Porte Dorée. Selon le concept créé en 1993 au Théâtre national de Chaillot, danseurs débutants ou confirmés seront conviés à apprendre des danses imaginées par des chorégraphes à partir de répertoires chorégraphiques et musicaux des cultures de l’immigration.Peinture et cinéma au Musée d’Orsay et au MAM, musiques décalées Les grands mouvements artistiques du XIXe siècle (réalisme, impressionnisme, symbolisme ou Art nouveau), et notamment l’esthétique de Renoir, Monet, Moreau ou Gérôme, ont inspiré les premiers réalisateurs. Le Musée d’Orsay recrée ces liens entre peinture et cinéma avec un écran géant déployé dans la nef, où les visiteurs pourront voir des films des pionniers du cinéma, de Méliès à Chaplin. Les images seront accompagnées en live par les élégantes compositions pop du groupe Dorian Pimpernel. Entre les projections, et sur ce même thème, des conférenciers présenteront des œuvres du musée.Autre hommage faisant le lien entre art et cinéma : le Musée d’art moderne de la Ville de Paris proposera à 21 heures une projection en plein air de Belle de jour (1967), de Luis Bunuel, en lien avec l’exposition « La Passion selon Carol Rama », consacrée à cette artiste italienne inclassable et méconnue.Quant au LAM, à Villeneuve-d’Ascq, il proposera également, parmi ses multiples propositions, une association inattendue entre ses collections et la musique, avec des visites déambulatoires accompagnées par le collectif de chant Ensemble 101. « Chasse au Snark », performances et vidéos au Musée de la chasse et de la nature Ce samedi, au Musée de la chasse et de la nature, on chassera le Snark, un animal fantastique auquel Lewis Caroll a consacré un récit poétique et absurde. Dès 20 heures, le texte donnera lieu à quatre performances dans différents espaces du musée, sous forme de quatre chapitres revisités par des artistes aux univers très différents (Skall, Duan Zhao, Qin Han et Eric Madeleine). En parallèle, les vidéos lauréates du concours du musée destiné aux étudiants et jeunes diplômés des filières cinéma et arts plastiques seront projetées – la compétition, qui en est à sa 7e édition, porte cette année sur le thème « Qui sont les animaux ? ».Troubles et dégustations au MAC/VAL Le MAC/VAL proposera pas moins d’une douzaine de performances, dégustations artistiques ou visites très spéciales. Dans le cadre de l’exposition « Cherchez le garçon« , qui marque les 10 ans du musée d’art contemporain du Val-de-Marne, le performeur Pierre Joseph « activera » deux de ses personnages-archétypes : « GI »(Vietnam) et « Marine » (Afghanistan), tandis que Florian Sicard se transformera dans un mouvement continuel, sans jamais se figer dans un personnage identifié. A 19 heures, les visiteurs sont conviés à une performance anthropophagique : déguster un moulage en chocolat grandeur nature du corps de l’artiste Laurent Moriceau. Le duo Dector & Dupuy proposera par ailleurs une visite-dérive absurde et poétique d’une heure dans Vitry-sur-Seine.Art et jeunes enfants au Palais de Tokyo, au Petit Palais ou à LilleDès 18 heures, le Palais de Tokyo proposera des visites ludiques au cœur des expositions d’art contemporain de la saison « Bord des Mondes » pour les adultes et les enfants de 5 à 10 ans. Même public, mais autre ambiance au Petit Palais, qui organise un jeu de piste costumé dans l’exposition « Les Bas-fonds du Baroque. La Rome du vice et de la misère » à partir de 18 h 30.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55560f3c080c2'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 13\r\n \r\n \r\n\u00ab Gants \u00e0 d\u00e9couper pour cuisinier \u00bb - \u00ab Ce kit de d\u00e9coupage est id\u00e9al pour les personnes qui disposent d\u2019un espace de travail restreint ou qui aiment la sensation de ne faire qu\u2019un avec leurs outils. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Gants \u00e0 d\u00e9couper pour cuisinier \u00bb","legende":"\u00ab Ce kit de d\u00e9coupage est id\u00e9al pour les personnes qui disposent d\u2019un espace de travail restreint ou qui aiment la sensation de ne faire qu\u2019un avec leurs outils. \u00bb","source":"\u00a9 KENJI KAWAKAMI","index":0,"position":1,"total_count":13,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/02\/20\/les-objets-improbables-et-delirants-de-kenji-kawakami-au-palais-de-tokyo_4580304_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 13\r\n \r\n \r\n\u00ab Refroidisseur automatique d\u2019aliments \u00bb - \u00ab Pour les personnes qui disposent d\u2019une courte pause-d\u00e9jeuner, manger des nouilles asiatiques dans leur soupe bouillante pose bien souvent le choix corn\u00e9lien de se br\u00fbler le palais ou d\u2019arriver en retard au travail. Ces baguettes \u00e9quip\u00e9es d\u2019un ventilateur raccourciront consid\u00e9rablement le temps n\u00e9cessaire avant que vos nouilles soient consommables en toute s\u00e9curit\u00e9. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Refroidisseur automatique d\u2019aliments \u00bb","legende":"\u00ab Pour les personnes qui disposent d\u2019une courte pause-d\u00e9jeuner, manger des nouilles asiatiques dans leur soupe bouillante pose bien souvent le choix corn\u00e9lien de se br\u00fbler le palais ou d\u2019arriver en retard au travail. 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Beaucoup moins pratique, par contre, pour mettre dans un plat d\u2019\u00e9pinards. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Beurre en tube \u00bb","legende":"\u00ab Apr\u00e8s le rouge \u00e0 l\u00e8vres et le d\u00e9odorant, le beurre fait son apparition dans le monde du stick. Tr\u00e8s pratique pour tartiner vos toasts, il vous \u00e9vitera de salir un couteau ou de casser vos biscottes. 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Maintenant, r\u00e9duisez le temps de s\u00e9chage et ne restez plus oisif : pendant que l\u2019une de vos mains s\u00e8che, actionnez la pompe avec l\u2019autre et le temps passera plus vite. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab S\u00e8che-vernis express \u00bb","legende":"\u00ab Ne rien pouvoir faire en attendant que vos ongles s\u00e8chent est un calvaire. 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Vous allez enfin conna\u00eetre votre bouche \u201csur le bout des doigts\u201d. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Doigt-brosse \u00e0 dents \u00bb","legende":"\u00ab Vous aimez vous brosser les dents avec pr\u00e9cision, mais il faut bien reconna\u00eetre que ce n\u2019est pas toujours facile avec une brosse au bout d\u2019un manche d\u2019une vingtaine de centim\u00e8tres. Retrouvez toute la pr\u00e9cision de vos mouvements en supprimant ce manche interm\u00e9diaire gr\u00e2ce \u00e0 la brosse \u00e0 dents digitale. 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Ces chaussettes, en revanche, s\u2019enfilent en un clin d\u2019\u0153il pour donner l\u2019impression d\u2019un pied parfaitement soign\u00e9. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Chaussettes avec ongles vernis \u00bb","legende":"\u00ab Se vernir les ongles est une t\u00e2che de pr\u00e9cision et qui demande un certain entretien. 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A pr\u00e9sent, vous pourrez d\u2019une seule pression r\u00e9aliser une photographie panoramique instantan\u00e9e sur 360\u00b0. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Appareil panoramique \u00bb","legende":"\u00ab Vous aimez garder intact le souvenir de vos vacances, mais une photo classique ne vous permet pas de vous replonger compl\u00e8tement dans l\u2019ambiance de vos voyages. 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Encore faut-il r\u00e9ussir \u00e0 s\u2019endormir avec le casque dont le tic-tac peut vite devenir irritant. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Casque-r\u00e9veil \u00bb","legende":"\u00ab Pour les gros dormeurs, il est difficile de trouver une alarme efficace. Celle-ci vous r\u00e9veillera dans une telle panique que vous \u00eates s\u00fbr de ne pas vous rendormir cinq minutes plus tard. 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Ces autocollants en \u201ctrompe-l\u2019\u0153il\u201d vous sauveront la mise et changeront radicalement votre vie professionnelle ou scolaire. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Autocollants de l\u2019auditeur attentif \u00bb","legende":"\u00ab Rester \u00e9veill\u00e9 pendant certains meetings ou pendant de longues conf\u00e9rences peut \u00eatre une v\u00e9ritable \u00e9preuve. 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Ici, des classes de collégiens et de lycéens présenteront une œuvre de leur choix, par des interventions jouées ou chorégraphiées à découvrir au fil de la visite.Dans le cadre de la nouvelle exposition, « Traces... Fragments d’une Tunisie contemporaine », des projections en plein air sont également prévues au fort Saint-Jean à partir de 21 heures. Ce programme de courts-métrages permettra de découvrir le tout premier cinéaste tunisien, Albert Samama Chikli (1872-1934). Projections introduites et suivies d’une rencontre avec le réalisateur Mahmoud Ben Mahmoud, qui présentera son documentaire sur ce pionnier, dont la fille Haydée, sa scénariste et actrice, fut la toute première actrice arabe. En parallèle, le MuCEM propose de découvrir le Centre de conservation et de ressources (CCR), situé à la Belle de Mai, en nocturne, entre découvertes insolites et DJ sets. L'#objetdelasemaine est cette plaque de projection [dite plaque de lanterne magique] venant de Bizerte, Tunisie, le Vieux-Port Mazo et datant de la Fin du XIXe siècle Au moment où le #MuCEM ouvre une exposition sur la question de la trace dans l’œuvre de plusieurs photographes tunisiens de différentes générations, ce cliché exprime l’intérêt ancien de photographes européens pour les villes de la Méditerranée. L’histoire de la photographie fait appel à des notions souvent contradictoires ou ambigües faisant se croiser pure curiosité, souci documentaire, désir de contrôler une situation ou prise de possession de territoires. Ce sont ces notions qu’interroge l’exposition Traces... Fragments d'une Tunisie contemporaine. #TracesMuCEM Une photo publiée par MuCEM (@mucem_officiel) le 14 Mai 2015 à 7h46 PDTCette année, le Musée du Quai Branly propose une flânerie nocturne imprégnée d’Orient. Ici aussi, inspirations traditionnelles et contemporaines se mêlent, entre animations contées, vidéos, performances dansées et DJ sets proposés pas les collectifs ARASTAZY et MAWIMBI.Des visites doublement éclairéesLa visite à la bougie, ou plus prosaïquement à la lampe de poche, est une option qui séduit chaque année. On notera que les châteaux en sont particulièrement friands : celui de Nemours propose ainsi une visite commentée aux chandelles; celui d’Auvers-sur-Oise, dédié à l’impressionisme, propose plutôt de découvrir ses jardins à la française à la lueur des bougies. Les grands appartements du château de Fontainebleau se visiteront dans la pénombre, tandis que le jardin sera illuminé. Dans une veine plus technique, le Musées des Arts et Métiers proposera une soirée dédiée à la lumière, organisée en partenariat avec le CNRS.Visite sensorielle au Louvre Lens
« Au-delà du regard », proposée par le Louvre-Lens, est une visite sensorielle mêlant public voyant et public mal ou non-voyant. Il s’agit d’être éclairés par les autres sens que le regard pour aborder différemment les œuvres de la Galerie du temps : par le toucher, l’ouïe et l’odorat. L’expérience se terminera par une dégustation. A 17 h 30 et 20 heures. Les visites se feront par ailleurs en musique tout au long de la soirée, avec des récitals duo voix et harpe.Visite à distance du MAC Lyon, grâce à un robotLe Musée d’art contemporain de Lyon propose de rendre accessible son exposition « Open Sea », consacrée à la scène artistique contemporaine de l’Asie du Sud-Est, grâce au robot BEAM, de la société AWAbot. Un médiateur fera ainsi visiter à distance l'exposition, qui présente les œuvres de plus de trente artistes, aux enfants hospitalisés de l’IHOP de Lyon. L’opportunité est ouverte à tout un chacun disposant d'une connexion Internet et d’une webcam sur réservation.Une Nuit des musées qui se décline différemment selon les pays… ou les villesComme chaque année, en Grande-Bretagne, Museums at Night ne dure pas une nuit, mais quatre, du 13 au 16 mai, dans des centaines de musées et galeries. Les musées d’Estonie se sont accordés sur une thématique commune, « La musique dans la nuit » ; certaines grandes villes ont également choisi cette option, comme Saint-Pétersbourg, où une centaine de musées et galeries déclineront la notion de « Métamorphose ».En France, les musées de certaines villes se sont aussi rassemblés autour d’une thématique commune, comme Rochefort, qui décline une « Nuit américaine » dans douze de ses musées. Cet hommage au Nouveau monde est un clin d’œil à l’Hermione, la frégate qui avait permis à Lafayette de rejoindre l’Amérique en lutte pour son indépendance en 1780, et qui a été reconstruite à l’identique dans la ville. Comme chaque année depuis 2006, onze musées de Mulhouse ouvriront leurs collections à une grande chasse aux trésors, « La Nuit des mystères ». Le thème retenu cette année : les années 1950.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Sa double initiale B. B., pour Blues Boy, lui avait été donnée à la fin des années 1940, lorsqu’il animait un court programme hebdomadaire dans une radio de Memphis (Tennessee). Et son nom de naissance, King, le roi, peut être vu comme ayant été un signe favorable à son destin. B. B. King était probablement le musicien de blues le plus célèbre dans le monde, un « ambassadeur » du genre, selon les termes du journaliste Sébastien Danchin dans la biographie qu’il a consacrée au guitariste et chanteur (B. B. King, Fayard, 2003). B. B. King est mort jeudi 14 mai, à Las Vegas (Nevada), a annoncé son avocat, vendredi 15 mai, dans un communiqué diffusé par l’agence Associated Press. Agé de 89 ans, B. B King avait été hospitalisé en avril à la suite d’un malaise et était soigné depuis début mai à son domicile, en raison de complications de son diabète.Avec quinze Grammy Awards depuis 1971 et un doctorat honorifique de la Yale University (New Haven, Connecticut) en 1977, il était considéré comme un artiste de première importance culturelle et avait été récompensé comme tel par des présidents des Etats-Unis (Bill Clinton lui remet les prestigieux Kennedy Center Honors en 1995, George W. Bush accroche à son cou, en 2006, l’ordre le plus élevé pour un civil, la Presidential Medal of Freedom)… Ce ne sont que quelques-uns des honneurs décernés à celui dont le quotidien, alors qu’il était encore enfant, consistait à ramasser le coton et à travailler dans les champs.Riley Ben King est né le 16 septembre 1925 à Itta Bena, une plantation à quelques kilomètres à l’est de la ville d’Indianola (Mississippi). Sa mère est alors âgée de 18 ans, son père guère plus. Elle partira à Kilmichael, à une petite centaine de kilomètres, avec son fils quatre ans plus tard. Elevé par sa grand-mère et par sa mère, B. B. King n’a que 9 ans lorsque cette dernière meurt. Son environnement musical est constitué de chants de travail et du gospel qu’il entend à la maison et à l’église. En 1943, devenu ouvrier agricole, il est appelé sous les drapeaux. Les propriétaires de plantations ayant passé un arrangement avec l’armée pour récupérer rapidement leurs employés, son service militaire, durant lequel il découvre le jazz, est écourté. Avec une guitare, dont il a appris les rudiments, il commence à chanter et à jouer dans la rue, lors de ses jours (et nuits) de congé.En mai 1946, B. B. King part pour Memphis, décidé à vivre dorénavant de la musique. Il aurait pu choisir de partir au sud, à New Orleans, berceau musical du jazz, ou au nord, à Chicago, capitale du blues urbain. Mais il n’y connaît personne, alors qu’à Memphis réside un cousin, Bukka White (1909-1977), guitariste et chanteur. Après neuf mois, en dépit des contacts et de l’aide de Bukka White, faute d’avoir percé, il repart travailler sur une plantation. Puis retourne Memphis à la fin 1948. Cette fois, il trouve un engagement quotidien dans un club et un passage hebdomadaire dans une station de radio, WDIA, pour laquelle Il interprète deux ou trois morceaux et des refrains pour des publicités, et annonce ses concerts à venir.C’est peu de temps après que B. B. King va baptiser ses guitares du nom de « Lucille ». Un soir dans un club de l’Arkansas, une bagarre entre un homme et sa femme, prénommée Lucille, provoque un incendie. B. B. King sort en courant, pour s’apercevoir qu’il a oublié sa guitare, son seul instrument alors et son gagne-pain. Il retourne dans le club en feu, récupère l’instrument. Trop heureux de ce sauvetage, il décide alors de donner ce prénom à ses guitares. Lesquelles – des premières Fender et Gretsch de ses débuts, au modèle ES-355 de Gibson qu’il adopta définitivement à la fin des années 1950 – eurent droit à une composition en 1968 dans l’album du même nom, où est racontée l’anecdote.Jusqu’à la fin 1951, B. B. King verra grandir sa réputation entre des concerts dans différents lieux de la ville, ses passages à la radio et de premiers enregistrements, pour Bullett puis RPM, l’un des labels d’une importante compagnie phonographique californienne à l’époque, Modern Records, dirigée par les frères Bihari (Lester, Julius, Saul et Joseph). Le succès arrive à la fin de l’année 1951, avec la parution d’une reprise par B. B. King de Three O’Clock Blues de Lowell Fulson (1921-1999). L’interprétation de B. B. King va rester dans le haut des classements des meilleures ventes de disques de rhythm’n’blues durant dix-sept semaines, dont cinq en numéro 1. B. B. King en fera l’un de ses thèmes fétiches, le jouant régulièrement en concert et le réenregistrant à plusieurs occasions.Rapidement, la fratrie Bihari, et plus particulièrement Julius, qui va superviser dans les années qui suivent la plupart des enregistrements de B. B. King, font repartir le guitariste et chanteur en studio. Après quelques titres qui ne restent pas mémorables, son deuxième gros succès, à l’automne 1952 (dix-huit semaines dans le haut des classements), You Know I Love You, est une ballade, dans laquelle c’est la voix du chanteur qui domine avec un accompagnement où le piano prend le pas sur la guitare. Les producteurs de King s’efforcent de développer cette option de crooner, mais son public reste attaché à sa part blues.C’est généralement avec la chanson Blind Love, enregistrée en juin 1953, que les spécialistes du blues identifient l’affirmation du style de B. B. King à la guitare que Sébastien Danchin résume ainsi : « le véritable prolongement de sa voix ». A cela s’ajoute une section de vents, qui donne de l’ampleur à l’orchestre, souvent restreint dans le blues à une rythmique pour accompagner le soliste. Cette présence des vents sera caractéristique de la plupart des formations de B. B. King.Les succès se suivent alors : Please Love Me (1953), You Upset Me Baby (1954), Everyday I Have The Blues (1955, qui va devenir un autre de ses thèmes de prédilection, souvent joué en ouverture de ses concerts, comme Let The Good Time Roll), Bad Luck (1956), Sweet Little Angel (1956), Sweet Sixteen (1960)… De quoi faire de B. B. King, au milieu des années 1950, le plus important vendeur de blues – un statut qu’il conservera peu ou prou. Il se produit en concert au moins six jours sur sept. Au cours des années, il pourra renégocier à la hausse son contrat avec les frères Bihari – qui font passer King de RPM Records à Kent, un autre de leurs labels, en 1958. Il a droit à des arrangeurs, ses enregistrements sont de plus en plus soignés. En tournée, à sa quinzaine de musiciens réguliers s’ajoutent chauffeur, valet de chambre, costumier…En 1962, après plus de dix ans avec Modern Records, B. B. King signe avec ABC Records, filiale disque du réseau national de télévision et de radio. La compagnie est l’un des poids lourds du secteur. Les directeurs artistiques d’ABC Records vont essayer de rééditer avec King la méthode qui leur a réussi avec le pianiste et chanteur Ray Charles : être reconnu par un plus large public – comprendre le public blanc –, avec des grands orchestres de cordes, un répertoire plus policé que celui du rhythm’n’blues. Mais pas plus que lors de tentatives similaires chez Modern, qui avait moins de moyens, cette tentative de rendre B. B. King plus proche de la grande variété ne trouve de retentissement phonographique. D’autant que ses concerts restent dans les grandes lignes du blues électrique pour lequel il est apprécié. A partir du milieu des années 1960, B. B. King retrouve sa marque de fabrique. Et, dans les années qui suivront, il restera dans ses grandes lignes stylistiques, allant de temps à autre piocher dans le rock ou la soul quelques éléments d’ornementation.Dans le même temps, il est présenté par nombre de musiciens blancs du rock, marqués par le blues afro-américain, comme étant un musicien d’importance et d’envergure. Jimmy Page, Eric Clapton, John Mayall ou Michael Bloomfield (1943-1981), parmi d’autres, vantent ses mérites. Lors de la partie américaine de leur tournée internationale en novembre 1969, les Rolling Stones invitent Terry Reid, B. B. King et Ike & Tina Turner à jouer en ouverture de leurs concerts. Dans son autobiographie Blues All Around Me (Avon Books, 1996), B. B. King estime que c’est de cette participation que date sa reconnaissance par le grand public blanc. Dès lors, s’il a visité les moindres recoins des Etats-Unis depuis une vingtaine d’années, B. B. King va parcourir de plus en plus régulièrement l’Europe – ses premiers concerts en France et en Grande-Bretagne avaient eu lieu début 1968 –, l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Océanie et, dans une moindre mesure, le continent africain.En décembre 1969 sortira ce qui reste son dernier grand succès, et probablement la chanson à laquelle B. B. King est le plus identifié, The Thrill Is Gone, composition de Rick Darnell et Roy Hawkins qui date de 1951. Elle sort en 45-tours et figure dans l’album Completly Well (ABC-Records). La discographie de B. B. King va prendre une allure désormais sans grande surprise. S’y mêlent des enregistrements de concert, dont certains lors de prestations dans des prisons, et en studio des albums de blues avec son orchestre régulier puis de plus en plus régulièrement à partir des années 1990 des disques avec des invités prestigieux du rock ou de la soul ou des vedettes pop. On le retrouvera toutefois dans une approche presque rustique dans l’album One Kind Favor (Geffen Records), en 2008, pour lequel il recevra son dernier Grammy Award.Au printemps 1979, comme Elton John à peu près au même moment, B. B. King part en tournée d’une vingtaine de dates, dans l’alors encore Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Pour le roi du blues comme pour la vedette de la chanson pop, ce sont des premières. C’est lors de cette tournée, comme le rappelle Sébastien Danchin, que B. B. King va prendre l’habitude de lancer dans les rangs du public des médiators portant son nom gravé. Il avait également ouvert en 1991 le B.B. King’s Blues Club, sur Beale street, la rue du blues de Memphis. Une marque qui va se développer, avec plusieurs autres établissements, à Los Angeles, Nashville… et le dernier en date à Las Vegas, en 2009.A partir de 2006, il part en tournée d’adieu. B. B. King, ménage peu à peu ses interventions lors de ses concerts, laissant différents musiciens de son orchestre prendre des parties solistes plus fournies. Mais même affaibli, son jeu de guitare restait incisif et expressif. Et toujours, dans ses costumes brillants, il se montrait attentif à présenter un spectacle avec ses rituels, la main sur l’épaule de ses musiciens lors de son entrée en scène, le lancer de médiator, et un grand sourire radieux pour servir avant tout la musique, sa musique, le blues.16 septembre 1925 : Naissance à Itta Bena (Mississippi)1948-1949 : Premiers concerts réguliers à Memphis (Tennessee) et dans les environs. Anime une émission de radioAutomne 1952 : premier succès « Three O’Clock Blues »1953-1960 : enregistre la plupart de ses succès dont « Everyday I Have The Blues »1968-1969 : suscite l’intérêt du public blancDécembre 1969 : parution de sa chanson la plus célèbre « The Thrill Is Gone »2006 Début de sa tournée d’adieu14 mai 2015 Mort à Las Vegas (Nevada)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvie Kerviel et Claire Guillot De la poésie des marionnettes Du personnage en laine et tissus actionné à la main, façon Guignol, à la création vidéo en passant par la figure de carnaval plus ou moins effrayante, les marionnettes ont rendez-vous avec le public, jusqu’au 30 mai, dans toute l’Ile-de-France. L’occasion de découvrir un art extrêmement varié et créatif. Au programme de la huitième édition de la Biennale internationale des arts de la marionnette, quelque cent vingt spectacles, présentés par vingt-huit compagnies venues du monde entier. Les enfants comme les plus grands y trouveront matière à rire, frémir ou rêver.Biennale internationale des arts de la marionnette 2015 « Murmures des murs » : le retour des Chaplin-Thierrée Revoilà la tribu des Chaplin-Thierrée, joyeuse descendance du maître Charlie. Victoria Chaplin, sa fille, et Aurélia Thierrée, sa petite-fille, présentent au Théâtre du Rond-Point, à Paris, Murmures des murs, un spectacle où l’on retrouve l’univers commun à toute la famille : un monde toujours un peu précaire, instable, dont Victoria traduit les glissements et les métamorphoses à travers les étranges créatures qu’elle met en scène, habitées par Aurélia.Au Théâtre du Rond-Point, à Paris. L’art sauvage d’une vieille dame indigne, Carol Rama « L’Isola degli occhi », 1967, de Carol Rama. Collection privée.L’œuvre de l’Italienne Carol Rama a été ignorée, ou censurée, toute sa vie : trop animale, trop libre, trop sexuelle pour les mâles dominant l’art du XXe siècle. Le siècle suivant lui offre une revanche, avec un Lion d’or à Venise en 2003 et une rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. On y verra que son parcours n’obéit qu’à un seul ordre : celui du corps. Elle cultive l’impureté dans ses toiles et ses dessins, et rassemble des objets qui sont comme des fétiches.Au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. L’aura d’Oum Kalsoum à MontpellierDisparue il y a quarante ans, le 3 février 1975, la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum continue d’inspirer – on a vu Shakira danser sur un de ses titres dans un clip. La star orientale est au cœur de la dixième édition d’Arabesques, festival montpelliérain consacré aux arts du monde arabe. Spectacles, concerts (dont la venue de l’Orchestre de l’Opéra du Caire), exposition, table ronde sont au programme.Festival Arabesques, à Montpellier. La nuit des musées pour voir les œuvres sous un nouveau jour Se faire une toile en after ? C’est possible le 16 mai, dans les 1 300 musées qui participent à l’opération « Nuit des musées ». L’entrée est gratuite et peut être tardive – au moins jusqu’à minuit. Certains lieux osent aussi des animations originales : au Musée Picasso à Paris, le chorégraphe Loïc Touzé réinterprète les toiles du maître italien avec son corps. Le LAM de Villeneuve-d’Ascq est plongé dans le noir, et les visiteurs découvrent les œuvres à la lampe de poche. Au Musée d’histoire naturelle de Toulon, on part à la chasse aux papillons de nuit dans le jardin du Las.Dans toute la France. Les artistes « bambocheurs » de la Rome baroque C’est une Rome crapuleuse que décrit l’exposition « Les Bas-Fonds du baroque », au Petit Palais, à Paris. Y sont réunies les œuvres de jeunes artistes qui étaient tout sauf de gentils garçons : joueurs, buveurs, provocateurs… Bienvenue dans la Rome du XVIIe siècle et plus précisément dans ses bas-fonds, où se retrouvent pour « bambocher » de jeunes artistes venus du monde entier apprendre leur métier dans la Ville éternelle… et s’encanailler. C’est ce côté obscur que montre l’exposition, dans une mise en scène évocatrice de Pier Luigi Pizzi.Au Petit Palais, à Paris.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Laurent Carpentier « Non, je ne suis pas drôle. Plutôt le genre intense, intense, intense… » Il esquisse un rire qui aussitôt se meurt. « Ça doit être barbant, parfois. »A 67 ans, Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague, est de retour à Cannes avec L’Ombre des femmes, qui fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Un film en 35 mm, noir et blanc, voix off. Magnifique, comme fixé dans le temps. Lui-même, cheveux, sourcils et chemise-cravate en broussaille, avait donné rendez-vous à Paris, avant le Festival, loin du grand barnum, dans un café du Quartier latin qui fait sa réputation de désuétude intransigeante. Pour un peu, on s’attendait à le retrouver en noir et blanc.Lire aussi :Philippe Garrel affiche la couleur d’une Quinzaine à l'ombre des auteursIl a fixé les règles : vous écrivez une interview deux fois plus longue que ce que vous souhaitez imprimer et j’en coupe la moitié. Le coup du « final cut » ? Ou un dispositif inconscient qui pose une question qui traverse L’Ombre des femmes, et plus largement son cinéma : se soumettre ou trahir ? Ça l’étonne qu’on négocie. On lui a expliqué : ce sera un portrait. On lui fera relire les citations, après on écrira.L’homme qui, depuis son premier court-métrage, à 16 ans, avec des morceaux de pellicules récupérés sur un tournage de Claude Berri, continue contre vents et marées de tourner et de monter en 35 mm, n’a ni ordinateur ni téléphone portable (« La moitié de notre temps est consacré à faire marcher des machines, moi je veux garder du temps pour réfléchir »). Il faut apporter le texte imprimé, le récupérer scotché sur sa boîte aux lettres le lendemain. « A l’ancienne. »Tout chez lui est définitivement ancré dans un temps et une filiation. Dans une fidélité à la famille, au clan, à ceux qui l’ont vu éclore : « Il y a mon père, il y a Godard, et puis Marcel Domerc, un prof de français génial, tourné vers la vie, que j’ai eu en 3e et qui a pris sa retraite juste après. J’ai toujours suivi leurs manières de penser. » Et il ne lui apparaît même pas à lui, le rebelle, le soixante-huitard qui prenait du LSD pour filmer, dont le cinéma flirte avec l’indicible, qu’il puisse en être autrement.Film féministe« On était vraiment une fratrie très forte. J’ai toujours conçu le cinéma comme une entreprise familiale. Les marionnettistes travaillent en famille, toujours. J’ai dû calquer ce que j’ai vu quand j’étais très petit. » Car avant d’être comédien, son père, Maurice Garrel, est marionnettiste, comme Antoine Vitez et Alain Recoing avec qui il travaille. Sa mère fabrique les poupées. Le couple explose très vite en vol. Pendant dix ans, elle va élever seule les trois garçons, s’en allant travailler « comme secrétaire, dans les bureaux, chez Philips ».Quand il a 14 ans, elle se remarie, Philippe Garrel claque la porte. « J’étais l’aîné, c’est moi qui m’occupais de mes frères à la fin, qui restais seul avec eux parce qu’elle rentrait tard du boulot. Quand un autre homme est arrivé, j’ai perdu mon pouvoir », dit-il simplement. Il respire. « Ma mère est morte cinq jours avant le début du tournage de L’Ombre des femmes. Là, j’ai vu la force d’Œdipe. C’est tellement pour plaire à sa maman qu’on fait de l’art. On travaille énormément pour elle. Pour mon père, c’était plus par fierté. »Il y a beaucoup de non-dits dans le cinéma de Philippe Garrel. « Le film précédent, La Jalousie, était pour mon père, L’Ombre des femmes est pour ma mère. » De cette généalogie d’amours contrariées, de tentatives de suicide, de dépression, de ces électrochocs qui l’ont marqué après une rupture, à Rome, en 1969, il ne dit presque rien. Il filme. « Je lutte pour dévoiler des choses qui nous seraient communes et dont on a honte. Mais parce que le cinéma n’est pas la psychanalyse, il ne peut pas tout absorber. En analyse, les choses, même scabreuses, ont une signification, elles peuvent être exprimées. Au cinéma, la complexité, c’est comment parler à la fois de ce dont on a honte sans fabriquer des enclumes. »L’Ombre des femmes est pour lui un « film féministe ». Le héros, comme toujours chez lui, est un homme prisonnier d’une blessure narcissique qui semble le fermer à ses sentiments. La femme, les femmes, sont dévouées à ce grand homme dans une soumission dévote qui les aliène et dont elles ne semblent pouvoir se libérer qu’en s’enfuyant.Qu’on ne discerne pas bien où ce film peut être féministe le laisse perplexe. Il écoute. Le final cut, c’est lui, mais la critique l’intéresse. « Le réalisateur conduit à vue. Et puis en disant une chose, il en dit une autre. C’est la trace de l’inconscient. C’est en ça que c’est à la fois un art d’équipe et un art solitaire, c’est dialectique. »Il reprend un café. Un déca plutôt. Il ne voudrait pas ne pas dormir. Il est tard déjà. Il s’explique : « Je suis un être quitté. J’ai été quitté par mon père, par ma première femme, par ma deuxième femme, la troisième, non, c’est moi qui l’ai quittée… » Il sourit : « Aujourd’hui, je suis stabilisé, je suis avec la même femme depuis… Ouh la la… au moins vingt ans. J’ai résolu cela en écrivant. Les trois derniers films, je les ai écrits avec la femme avec qui je vis. C’est une manière très intéressante d’avoir accès à l’autre. »On se prend de sympathie pour cet enfant perdu de 1968 qui continue de vivre dans le rêve de sa révolution intérieure, questionnant sa face obscure sans sembler vouloir la résoudre entièrement. Conscient peut-être qu’elle est le moteur de son art, il continue de tourner (25 films au compteur) entouré des siens : son père, son fils, Louis, mais aussi ses femmes – Nico, l’égérie rock du Velvet Underground, Brigitte Sy, la réalisatrice des Mains libres (2010), Caroline Deruas, la scénariste –, ses filles Esther et Lena, les enfants de ses ex… Dans son premier film, son frère Thierry tenait un des deux rôles, et l’autre, François le brocanteur, dont il pleure la mort récente, tenait la guitare.Marivaudages existentielsCette année encore, Louis Garrel est présent à Cannes : pas seulement comme acteur (dans Mon roi de Maïwenn, en sélection officielle), mais comme réalisateur. Il présente son premier long, Les Deux Amis, à La Semaine de la critique, avec son ami Vincent Macaigne et sa femme, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani… Louis aussi aime tourner avec ses proches des marivaudages existentiels, perclus de cicatrices intérieures, où il est question de cinéma et de Mai 68.A la projection privée pré-presse, devant un film pas encore étalonné, une demi-douzaine de personnes sont présentes : parmi elles, Philippe Garrel. On aurait aimé l’observer devant cette scène des Deux Amis qui reprend une scène des Amants réguliers (2004) : le fils y jouait le père sur les barricades ; aujourd’hui, le fils joue le fils jouant le père… Vous vous y perdez ? Peut-être eux aussi.« Maintenant que mon père est mort, c’est moi le patriarche, dit simplement Philippe Garrel. Il y a un an et demi,j’ai commencé une analyse avec Moustapha Safouan, un lacanien historique. Mais pendant trente-cinq ans, j’ai lu des livres de Freud. La psychanalyse, on ne peut pas marcher sans, c’est inhérent à la pensée moderne. Il y a des gens qui disent – mon frère est comme ça – que quand ils ont compris ce qu’étaient les camps de concentration, cela a fondé la totalité de leur manière de penser, de philosopher, leur morale… Eh bien moi, le jour ou j’ai commencé à comprendre l’intuition et le savoir de Sigmund Freud, j’ai trouvé qu’il y avait là de quoi faire la frontière qui est à l’origine de toutes choses, et fonder la nature de l’existence. »Au bout de six mois d’analyse, cependant, Philippe Garrel a écrit à Moustapha Safouan : « Je crois que je peux m’en tirer seul. » « Ouh la la, lui a répondu ce dernier, si on croit qu’on peut s’en tirer tout seul, il faut sauter sur l’occasion. » Il rit : « Depuis, j’ai arrêté de lire Freud. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 14.05.2015 à 11h31 • Mis à jour le14.05.2015 à 11h36 | Thomas Sotinel Les cinéastes ressuscitent le western et ravivent le plaisir des grandes chevauchées (jeudi 14 mai à 20 h 50, sur France 3). En surface, il y a la résurrection inattendue d’un divertissement populaire, le western, dont la vitalité retrouvée s’est manifestée par le succès immense de True Grit aux Etats-Unis. Laissant l’ironie à l’entrée du saloon, Ethan et Joel Coen font resurgir le plaisir des chevauchées à travers la plaine, des embuscades au détour d’un canyon, des colts qui jaillissent hors de leur holster.Tom Chaney, l’assassin de Frank Ross, a quitté Fort Smith, ville frontière entre l’Arkansas et les territoires indiens, sans que personne le prenne en chasse.Venue recueillir les restes de son père, Mattie (Hailee Steinfeld), adolescente que sa gaucherie n’empêche pas de manifester un aplomb infernal, recrute un agent fédéral, le marshall Rooster Cogburn (Jeff Bridges), afin de capturer Chaney (Josh Brolin). Sans qu’on le lui ait demandé, un Texas Ranger, LaBoeuf (Matt Damon), se joint à eux, mandaté par la famille d’un sénateur texan que Chaney a assassiné. Le trio pénètre en territoire indien sur les traces du meurtrier, qui a rejoint une bande de hors-la-loi.Comme des scientifiques qui prélèveraient quelques cellules sur un fossile pour lui redonner vie, les frères Coen ont repris cette histoire et le titre à un western (sorti en France sous le titre Cent dollars pour un shérif) qui valut à John Wayne son seul Oscar.Poursuite épiqueRéalisé en 1968 par Henry Hathaway, ci-devant grand commis des majors devenu un septuagénaire ballotté dans le sillage du nouvel Hollywood, True Grit était adapté d’un roman de Charles Portis paru la même année.Plutôt que de bâtir leur film sur le modèle de – ou contre – Hathaway, Joel et Ethan Coen sont revenus au texte original. Le récit épique de cette poursuite est donné par une femme mûre, Mattie Ross, qui se souvient des derniers jours de son enfance. Cette perception juvénile, presque enfantine, explique sans doute la sensation de nouveauté que procure la vision de True Grit.L’expression galvaudée « jouer avec les codes » sert souvent à excuser le manque de respect, voire de connaissance, de cinéastes qui s’aventurent dans un genre cinématographique. Les Coen, eux, jouent des codes comme un virtuose joue du violon. Ils ne s’aventurent pas sur les terres du western, ils sont chez eux et, s’ils propulsent au premier plan des figures familières, c’est pour leur donner une nouvelle jeunesse : le vieux shérif que son alcoolisme n’empêche pas d’être héroïque, le Texas Ranger vêtu en cow-boy comme s’il devait remplacer Roy Rogers.True Grit, d’Ethan et Joel Coen. Avec Jeff Bridges, Hailee Steinfeld, Matt Damon (Etats-Unis, 2011, 110 min).Thomas SotinelJournaliste au Monde Mustapha Kessous Première saison pour cette minisérie britannique qui met en scène un spécialiste des libérations d’otages (jeudi 14 mai à 20 h 50 sur Arte). C’est un joueur d’échecs qui, dès qu’il a un moment, enchaîne les parties sur son ordinateur portable. Dominic King (Trevor Eve) aime la stratégie, préférant la diplomatie aux gros calibres. Et, dans un monde sans repères, mieux vaut être un fin tacticien pour espérer gagner à tous les coups sans perdre la face.Dominic King, la soixantaine, est négociateur pour le compte d’une entreprise privée : celui qu’on appelle quand l’employé d’une grande compagnie se fait enlever dans un pays où la violence n’a pas de limite. Celui qui se rend sur place et négocie directement avec les ravisseurs sans faire appel à la police.Les kidnappings sont devenus un business très juteux. Dès lors, mener une négociation, c’est comme passer un « marché » ; et, pour que tout se passe au mieux, une règle est à respecter : on ne triche pas avec les malfrats. « Ni promesse ni mensonge », telle est la devise de Dominic, qui, s’il choisit de la respecter scrupuleusement, gagnera la confiance des geôliers et récupérera le captif en un seul morceau.Mais les événements peuvent aussi mal tourner. Comme cette dernière mission en Bolivie durant laquelle Dominic King n’a pas réussi à ramener l’otage vivant. Un véritable fiasco et une première dans la longue carrière de ce négociateur émérite. Hanté par cet échec, ce dernier va cependant pouvoir se racheter grâce à une nouvelle affaire, qui l’expédie au Cap, en Afrique du Sud, où Naomi Shaffer (Emma Fielding), une botaniste travaillant pour un grand groupe pharmaceutique, a été enlevée.Rien de stupéfiantSes ravisseurs, deux hommes issus des ghettos, exigent 2 millions de dollars pour la relâcher. Dominic entreprend alors une négociation à la baisse que les kidnappeurs vont finir par accepter ; mais, le jour de l’échange, un groupe armé et cagoulé débarque, tue l’un des ravisseurs et enlève… Naomi Shaffer. Que vaut cette botaniste ? Pourquoi la kidnapper une seconde fois ? Derrière cet enlèvement se cache une plus grosse opération, dans laquelle sont impliqués d’anciens militaires déterminés à faire fortune.« Profession négociateur », ­minisérie britannique créée par Michael Crompton et Patrick Harbinson, ne propose rien de stupéfiant. Cette première saison de trois épisodes – la saison 2 sera diffusée jeudi 21 mai sur Arte – n’évite pas certains clichés, à tel point qu’il est parfois aisé de deviner à l’avance quelques répliques. Et il y a fort à parier que les habitués des complots et autres coups tordus arriveront à facilement démêler l’intrigue bien avant la fin. Autre défaut de cette intrigue somme toute assez classique : l’histoire familiale de Dominic, dans laquelle on se noie inutilement… alors que l’on aurait aimé suivre plus longuement le héros lors de ses négociations avec les ravisseurs.Malgré toutes ces faiblesses, « Profession négociateur », qui privilégie les dialogues à l’action, se laisse apprécier précisément grâce à ce parti pris. Il est en effet agréable de se laisser embarquer dans une série où l’on ne se ­contente pas de tirer dans tous les sens pour accrocher le téléspectateur.Profession négociateur, série créée par Michael Crompton et Patrick Harbinson. Avec Trevor Eve, Helen Baxendale, Emma Fielding (GB, 2010, 3 × 47 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Les cinéastes ressuscitent le western et ravivent le plaisir des grandes chevauchées (jeudi 14 mai à 20 h 50, sur France 3). En surface, il y a la résurrection inattendue d’un divertissement populaire, le western, dont la vitalité retrouvée s’est manifestée par le succès immense de True Grit aux Etats-Unis. Laissant l’ironie à l’entrée du saloon, Ethan et Joel Coen font resurgir le plaisir des chevauchées à travers la plaine, des embuscades au détour d’un canyon, des colts qui jaillissent hors de leur holster.Tom Chaney, l’assassin de Frank Ross, a quitté Fort Smith, ville frontière entre l’Arkansas et les territoires indiens, sans que personne le prenne en chasse.Venue recueillir les restes de son père, Mattie (Hailee Steinfeld), adolescente que sa gaucherie n’empêche pas de manifester un aplomb infernal, recrute un agent fédéral, le marshall Rooster Cogburn (Jeff Bridges), afin de capturer Chaney (Josh Brolin). Sans qu’on le lui ait demandé, un Texas Ranger, LaBoeuf (Matt Damon), se joint à eux, mandaté par la famille d’un sénateur texan que Chaney a assassiné. Le trio pénètre en territoire indien sur les traces du meurtrier, qui a rejoint une bande de hors-la-loi.Comme des scientifiques qui prélèveraient quelques cellules sur un fossile pour lui redonner vie, les frères Coen ont repris cette histoire et le titre à un western (sorti en France sous le titre Cent dollars pour un shérif) qui valut à John Wayne son seul Oscar.Poursuite épiqueRéalisé en 1968 par Henry Hathaway, ci-devant grand commis des majors devenu un septuagénaire ballotté dans le sillage du nouvel Hollywood, True Grit était adapté d’un roman de Charles Portis paru la même année.Plutôt que de bâtir leur film sur le modèle de – ou contre – Hathaway, Joel et Ethan Coen sont revenus au texte original. Le récit épique de cette poursuite est donné par une femme mûre, Mattie Ross, qui se souvient des derniers jours de son enfance. Cette perception juvénile, presque enfantine, explique sans doute la sensation de nouveauté que procure la vision de True Grit.L’expression galvaudée « jouer avec les codes » sert souvent à excuser le manque de respect, voire de connaissance, de cinéastes qui s’aventurent dans un genre cinématographique. Les Coen, eux, jouent des codes comme un virtuose joue du violon. Ils ne s’aventurent pas sur les terres du western, ils sont chez eux et, s’ils propulsent au premier plan des figures familières, c’est pour leur donner une nouvelle jeunesse : le vieux shérif que son alcoolisme n’empêche pas d’être héroïque, le Texas Ranger vêtu en cow-boy comme s’il devait remplacer Roy Rogers.True Grit, d’Ethan et Joel Coen. Avec Jeff Bridges, Hailee Steinfeld, Matt Damon (Etats-Unis, 2011, 110 min).Thomas SotinelJournaliste au Monde Mustapha Kessous Première saison pour cette minisérie britannique qui met en scène un spécialiste des libérations d’otages (jeudi 14 mai à 20 h 50 sur Arte). C’est un joueur d’échecs qui, dès qu’il a un moment, enchaîne les parties sur son ordinateur portable. Dominic King (Trevor Eve) aime la stratégie, préférant la diplomatie aux gros calibres. Et, dans un monde sans repères, mieux vaut être un fin tacticien pour espérer gagner à tous les coups sans perdre la face.Dominic King, la soixantaine, est négociateur pour le compte d’une entreprise privée : celui qu’on appelle quand l’employé d’une grande compagnie se fait enlever dans un pays où la violence n’a pas de limite. Celui qui se rend sur place et négocie directement avec les ravisseurs sans faire appel à la police.Les kidnappings sont devenus un business très juteux. Dès lors, mener une négociation, c’est comme passer un « marché » ; et, pour que tout se passe au mieux, une règle est à respecter : on ne triche pas avec les malfrats. « Ni promesse ni mensonge », telle est la devise de Dominic, qui, s’il choisit de la respecter scrupuleusement, gagnera la confiance des geôliers et récupérera le captif en un seul morceau.Mais les événements peuvent aussi mal tourner. Comme cette dernière mission en Bolivie durant laquelle Dominic King n’a pas réussi à ramener l’otage vivant. Un véritable fiasco et une première dans la longue carrière de ce négociateur émérite. Hanté par cet échec, ce dernier va cependant pouvoir se racheter grâce à une nouvelle affaire, qui l’expédie au Cap, en Afrique du Sud, où Naomi Shaffer (Emma Fielding), une botaniste travaillant pour un grand groupe pharmaceutique, a été enlevée.Rien de stupéfiantSes ravisseurs, deux hommes issus des ghettos, exigent 2 millions de dollars pour la relâcher. Dominic entreprend alors une négociation à la baisse que les kidnappeurs vont finir par accepter ; mais, le jour de l’échange, un groupe armé et cagoulé débarque, tue l’un des ravisseurs et enlève… Naomi Shaffer. Que vaut cette botaniste ? Pourquoi la kidnapper une seconde fois ? Derrière cet enlèvement se cache une plus grosse opération, dans laquelle sont impliqués d’anciens militaires déterminés à faire fortune.« Profession négociateur », ­minisérie britannique créée par Michael Crompton et Patrick Harbinson, ne propose rien de stupéfiant. Cette première saison de trois épisodes – la saison 2 sera diffusée jeudi 21 mai sur Arte – n’évite pas certains clichés, à tel point qu’il est parfois aisé de deviner à l’avance quelques répliques. Et il y a fort à parier que les habitués des complots et autres coups tordus arriveront à facilement démêler l’intrigue bien avant la fin. Autre défaut de cette intrigue somme toute assez classique : l’histoire familiale de Dominic, dans laquelle on se noie inutilement… alors que l’on aurait aimé suivre plus longuement le héros lors de ses négociations avec les ravisseurs.Malgré toutes ces faiblesses, « Profession négociateur », qui privilégie les dialogues à l’action, se laisse apprécier précisément grâce à ce parti pris. Il est en effet agréable de se laisser embarquer dans une série où l’on ne se ­contente pas de tirer dans tous les sens pour accrocher le téléspectateur.Profession négociateur, série créée par Michael Crompton et Patrick Harbinson. Avec Trevor Eve, Helen Baxendale, Emma Fielding (GB, 2010, 3 × 47 min).Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 14.05.2015 à 09h39 • Mis à jour le14.05.2015 à 16h53 | Laurent Carpentier « Les gens pensent que je suis une garce à sang froid. » Lorsqu’elle a surgi dans son pantalon de cuir, talons dangereux, entourée d’une armada de « press officers », Charlize Theron a d’abord regardé ses pieds. Une sorte de timidité inexpliquée pour cette star oscarisée. Et puis ses yeux se sont relevés quand elle a compris qu’on ne cherchait pas juste la marque de son fond de teint, elle, l’égérie Dior, abonnée aux pages people des magazines. « Les gens pensent ça de moi au départ. Peut-être parce que je fais presque un mètre quatre-vingt, que j’ai mon franc-parler et que je ne supporte pas facilement les imbéciles. »Trop tard. On a lu l’inquiétude derrière les gestes enjoués. « Tout le monde se sent en danger, proteste-t-elle. Il n’y a pas une personne sur Terre qui ne se sent pas en insécurité. Si elle vous dit le contraire, elle ment. » Il n’y a guère que sur les plateaux de cinéma qu’elle trouve le repos : « Je suis nerveuse et tout ça, mais j’y suis en sécurité. Tout ce grand cirque me rend heureuse. »L’Oscar, cette fausse blonde platine, passée par la danse et le mannequinat avant de rentrer dans le peloton des rôles féminins made in Hollywood, l’a eu en 2004, grâce à un tour de force : grossie, enlaidie, elle incarnait dans Monster, de Patty Jenkins, une serial killeuse plus vraie que la vraie. Aujourd’hui, elle est de retour en Mad Maxette, alias « Furiosa », dans le nouvel opus de George Miller. Un bras en moins, la fureur magnifiée. « Bien sûr, il y a forcément un fil entre vous et le personnage que vous interprétez. Un acteur ne peut pas porter un masque. S’il le faisait, vous ne ressentiriez rien. Al Pacino disait qu’en tant qu’acteur on peut faire n’importe quoi sans risques. Les gens ne peuvent pas nous juger, parce que nous jouons un rôle. C’est une liberté extraordinaire. Mais cette plongée, nous la faisons vraiment. Etre actrice me donne le courage d’aller explorer des choses sombres en moi, des choses merdiques. C’est moins dur quand je suis avec mon analyste. »Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteurPlongeuse solitaireDans toutes les interviews qu’elle a données jusqu’ici, son histoire tient en un petit paragraphe : 39 ans, née en Afrique du Sud, fille unique. Des parents qui tiennent une ferme doublée d’une petite entreprise. Le père boit. Un jour, elle a 15 ans, son père rentre, violent, menace la mère, qui le tue d’un coup de fusil. La justice a tranché : légitime défense. L’histoire s’arrête là.Mais, pour une fois, elle ne refuse pas d’en parler : « La plupart de mes lectures tournent autour des crimes, les crimes réels, les crimes de fiction. Tout ce qui est relié à l’anatomie de notre cerveau me fascine, les connexions nerveuses, les circuits neuronaux, comment il stocke les informations. En ce moment, je lis un livre sur le trauma par Peter Levine [Réveiller le tigre, guérir du traumatisme, Socrate Editions Promarex, 2008]. »Elle ne rit pas, elle ne fuit pas, elle n’est plus timide. « Quand j’étais plus jeune, je me battais avec mon côté obscur. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout hantée par cette histoire. Je dors très bien. »Malgré les paparazzis juchés sur des hors-bord de fortune qui nous observent depuis la mer, on la sent totalement présente, prise dans sa vérité. « Peter Levine parle beaucoup de cela : le traumatisme n’est pas dans la façon dont vous avez vécu l’événement, mais dans la façon dont vous le regardez ensuite. Thérapies, lectures, rencontres : j’ai beaucoup travaillé là-dessus. C’est un long voyage, qui sans doute ne s’arrête jamais. Mais le cerveau est une chose puissante. Vous pouvez choisir : rester ainsi à vivre avec ce sentiment qu’on vous dérobe votre vie sous vos pieds, ou bien décider de penser différemment. Cela ne veut pas dire que je suis dans le déni. Je sais exactement ce qu’est ma vie, et sur quoi elle est construite. »Mais quand elle remonte, plongeuse solitaire, des profondeurs de ces femmes abymes qu’elle aime interpréter, ce qu’elle en raconte d’abord, c’est la force de l’espoir : « Je me retrouve pour ça dans la conduite de Furiosa… Et même Aileen, dans Monster, malgré sa misère et sa douleur, est restée pétrie de cette espérance jusque dans le couloir de la mort. L’espoir, c’est ce qui vous fait vous lever le matin. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Sélection officielle – hors compétitionL’avis du « Monde » : pourquoi pasIl était une fois un gentil médecin du nom de George Miller, œuvrant à Sidney, en Australie. Comme chez tout carabin, un implacable sadique sommeillait naturellement en lui (les commentaires sont ouverts aux seuls lecteurs qui ont fait un séjour durable à l’hôpital). Or donc, le docteur Miller était suffisamment à l’écoute de son inconscient pour subodorer cette amère vérité. Il laissa donc vagabonder son imagination. Et se représenta – sous la double influence des accidentés de la route qui débarquaient aux urgences de Sidney et du désert qui sert de paysage principal à son île géante – une humanité polytraumatisée dans un monde en fin de vie, promis au chaos et à la destruction. De ce cauchemar, pour faire court, sortit un film, bricolé en 1979 par le distingué praticien en rupture de table d’opération, qui le baptisa Mad Max.Son cadre est un monde futur régressif, dans lequel les hommes réduits à la loi du clan se battent à mort pour le pétrole, tandis que les Etats s’écroulent. Un homme, Max Rockatansky, flic de la route impavide, voit sa famille décimée par un barbare gang de motards, et décide de les traquer pour assouvir une juste vengeance. D’une violence et d’une noirceur inédites pour l’époque, Mad Max deviendra un des canons du genre post-apocalyptique, ainsi qu’un modèle historique de rentabilité puisque, produit pour la modique somme de 350 000 dollars, le film rapportera 100 millions de la même monnaie. Par ailleurs, le jeune inconnu qui jouait Max sera appelé, sous le nom de Mel Gibson, à un joli brin de carrière qui le mènera, per aspera ad astra, à conduire, outre sa Ford Falcon dite Interceptor, le récit de la vie de Jésus. Un film de pure adrénalineQuant à George Miller, définitivement acquis aux joies mauvaises du cinéma, il se lancera à Hollywood dans une carrière aux genres et à la fortune très divers, donnant au passage deux suites (elles aussi inégales) à son opus originel : Mad Max 2, le défi (1982) et Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre (1985). Et voici que trente ans après la dernière apparition en date de son héros préféré, le réalisateur concrétise un vieux rêve, en proposant, après moult tentatives et autant d’avanies, le quatrième opus de Mad Max. Projeté à Cannes en même temps que dans le monde entier, ce film était impatiemment attendu par les fans d’une franchise devenue mythique et plus généralement par les amoureux du film d’action. Disons-le clairement : ils ne seront pas déçus. Mad Max: Fury Road est fidèle à son titre, un film de pure adrénaline, enragé, furieux, extravagant, frénétique, hyper-spectaculaire.Dotée d’un nouvel interprète principal, conçue comme une remise à niveau de la trilogie davantage que comme une suite proprement dite, son intrigue tient sur un ticket de métro, encore que le film fasse peu de cas de ce moyen de transport. Dans un monde en proie au tarissement des ressources naturelles et revenu à des mœurs tribales, un despote archaïque du nom d’Immortan Joe, le visage ossifié par un masque en forme de crocs, règne sur une foule terrorisée à laquelle il dispense de loin en loin les faveurs d’une eau dont il détient le monopole. Asseyant son pouvoir sur une armée de zombies vikings rêvant de se faire exploser pour gagner plus vite le Valhalla, il se voit trahi par l’une des affidées, l’impératrice Furiosa (Charlize Theron), une manchote, qui ne l’est pas de la main qui lui reste, et qui s’enfuit en convoi exceptionnel, emmenant avec elle le gynécée des jeunes épouses du tyran (un paquet de jolies filles qu’on prend illico pour des mannequins, ce qui se vérifie).Lire aussi :Charlize Theron, une Mad Maxette polytraumatisée Un mépris souverain des dialoguesIl s’ensuit une course-poursuite de deux heures dans le désert, où Immortan, ivre de rage, et ses djihadistes wagnériens juchés sur des véhicules plus baroques les uns que les autres, traquent le convoi de Furiosa, qui s’est en route associée par nécessité plus que par sympathie à l’ombrageux Max (Tom Hardy), esclave en fuite échappé au règne du même Immortan. Réalisé en décor naturel sans recours excessif aux trucages, le film ne s’embarrasse pas de psychologie, entretient un mépris souverain des dialogues, conchie toute espèce de dialectique dramaturgique, demande aux acteurs tout au plus de tenir physiquement le coup et d’afficher un air farouche pour ce faire.Notons au passage, et dans les limites imparties par la remarque qui précède, que la nette embardée féministe du récit fait de l’ombre à un héros déjà très ombrageux. En tout état de cause, l’outrance est telle que le comique affleure à plusieurs reprises, jusque dans le tête-à-queue d’un scénario qui ose programmer, après une heure et demie de course-poursuite effrénée jusqu’à un pays de Cocagne qui n’existe plus, que l’action va se poursuivre simplement en rebroussant chemin. Du neuf avec du vieuxCe à quoi le réalisateur apporte en revanche tous ses soins, c’est ladite action. Filmée avec brio, sans un instant de répit, elle est haletante, férocement et joyeusement destructrice. Il faut tout de même un certain talent pour intéresser deux heures durant le spectateur au sort de personnages aussi pauvrement dotés, passant l’essentiel de leur temps dans, sur ou sous un véhicule apparenté à un camion. Moins violent que Marguerite Duras, qui avait carrément supprimé l’engin (Le Camion, 1977), George Miller s’en tire donc sans déshonneur, même si le désintérêt qu’il a de ses personnages finit logiquement par nuire à l’action qui les porte, aussi virtuose soit-elle.Sans doute le véritable défi du réalisateur était-il ailleurs, consistant à faire en même temps du vieux avec du neuf et du neuf avec du vieux. Périlleux mouvement de retour à une franchise dont la charte esthétique elle-même mêle indissociablement bond en avant et retour en arrière, archaïsme et anticipation, vétusté des machines et sophistication des cascades. Or il y aurait quelque chose d’un peu moins naturel à réaliser un tour aussi funambulesque pour 100 millions de dollars (88,20 millions d’euros) en Namibie avec célébrités et mannequins qu’en le bricolant à côté de chez soi façon série B avec des inconnus. Voilà bien le paradoxe du film, dont la fable apocalyptique semble plus crédible qu’il y a trente ans, mais moins pertinente, la dépense somptuaire qui ambitionne de la figurer.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures). Sortie en salles jeudi 14 mai. Sur le Web : www.madmaxmovie.com et www.warnerbros.fr/communities/mad-maxJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.05.2015 à 18h28 • Mis à jour le14.05.2015 à 03h34 Le tapis rouge est prêt à être foulé par d’illustres pieds, les films en compétition n’attendent plus qu’à être départagés : la 68e édition du Festival de Cannes s’ouvre mercredi 13 mai sur la Croisette. Le nom du vainqueur de la Palme d’or sera connu lors de la cérémonie de clôture, le 24 mai.Les frères Coen présidents du jury C’est une première sur la Croisette : le Festival de Cannes est présidé cette année par deux personnes, en l’occurrence les frères Joel et Ethan Coen. Les Américains, qui ont eux-mêmes remporté la Palme d’or en 1991 pour Barton Fink, ont réalisé seize films en trente ans de carrière, dont les cultes Fargo (1996) ou The Big Lebowski (1998). Les deux frères assurent ne pas avoir de méthode pour départager les films en compétition. « Nous n’avons jamais été jurés. On ne sait pas ce que ça implique », expliquent-ils dans une interview au Monde.Lire l'interview :Joel et Ethan Coen : « La compétition favorise la discussion »Trois hommes et quatre femmes composent le jury Le reste du jury du festival se compose de l’actrice espagnole Rossy de Palma, la Française Sophie Marceau, l’Américaine Sienna Miller, du réalisateur et acteur canadien Xavier Dolan, du réalisateur mexicain Guillermo del Toro, de l’acteur américain Jake Gyllenhaal et de la chanteuse malienne Rokia Traoré.Dix-neuf films en compétition officiellePas moins de cinq films français (de Jacques Audiard, Stéphane Brizé, Valérie Donzelli, Maïwenn et Guillaume Nicloux) sont en course pour la Palme d’or. Des cinéastes confirmés, comme Nanni Moretti, Gus Van Sant ou Jia Zhang-ke, font également partie de la sélection officielle, aux côtés de nouveaux venus, tels que le Grec Yorgos Lanthimos et le Hongrois Laszlo Nemes.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière Tang Le Festival s’ouvrira avec La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Sara Forestier. Le film sort en parallèle en salles ce mercredi en France. Toujours hors compétition, la superproduction Mad Max est attendue jeudi, avant le dernier Woody Allen, Irrational Man.Lire :Le programme du 68e Festival de CannesLe premier Festival du président Lescure Pierre Lescure succède cette année à Gilles Jacob à la présidence du Festival de Cannes. Le cofondateur de Canal+ assume un changement de style : 2015 fait la part belle aux sponsors et accueille deux nouveaux partenaires, MasterCard et Kering, nouveau nom du groupe de François-Henri Pinault. « A l’heure où les comptes publics sont serrés, il est important que le Festival ne fasse pas que de l’étalage “carpet” », expliquait-il au Monde, en faisant allusion au rituel glamour de la montée des marches.Lire aussi :Cannes 2015 : tapis rouge pour les sponsors 13.05.2015 à 16h32 • Mis à jour le13.05.2015 à 19h00 | Jérémie Lamothe Quatre mois après les attentats de Paris et les manifestations qui ont rassemblé près de quatre millions de personnes dans les rues, les livres sur l’après-Charlie continuent de fleurir dans les librairies. Le dernier essai d’Emmanuel Todd, Qui est Charlie ?, en est la dernière preuve : le démographe y dénonce « l’imposture » de cette France du 11 janvier qui s’est déplacée en masse pour défendre la liberté d’expression.Lire aussi :Manuel Valls : « Non, la France du 11 janvier n'est pas une imposture »Emmanuel Todd est le premier auteur à critiquer aussi ouvertement l’esprit post-Charlie, parmi les nombreux ouvrages sur les événements, et ses conséquences politiques, religieuses ou identitaires. Du dernier ouvrage de Caroline Fourest chez Grasset, à celui de Laurent Joffrin chez Stock, en passant par celui d’Abdennour Bidar chez Albin Michel… En tout, ce sont une quinzaine de livres liés directement ou indirectement au 11 janvier qui se trouvent dans les librairies.De nombreuses ventesMais le public est-il demandeur ? Oui, selon Jérome Dayre, fondateur des éditions Inculte : « En librairie, les lecteurs ont énormément réagi, dès le lendemain de l’attaque de Charlie Hebdo. Les libraires ont joué leur rôle en ressortant des livres sur la tolérance par exemple. Ça a très bien marché. Il y a eu une vraie attente du public, les gens étaient vraiment désemparés. »Dans la grande librairie Mollat à Bordeaux, Pierre Coutelle, responsable du pôle littérature et sciences humaines, compare cet engouement « à l’après-11 septembre. Les gens ont demandé des ouvrages d’exploration sur l’islam, la géopolitique… Après les attentats, il n’y a pas eu de réaction de fuite de la part des lecteurs. Au contraire, il y a eu une vraie demande de compréhension ».Une réaction spontanée qui a surpris Olivier Nora, PDG des éditions Grasset : « Ce qui s’est produit a été contre-intuitif. Je pensais que la machine serait arrêtée par l’attentat. Lorsqu’il y a des actualités aussi fortes, les gens se précipitent vers la presse, Internet mais là il s’est produit l’inverse. C’est un mélange de réveil militant, républicain et citoyen. »Toutes les maisons d’édition interrogées le reconnaissent volontiers, les livres liés aux événements de janvier se portent très bien. C’est le cas de celui d’Edgar Morin et de Patrick Singaïny, Avant, pendant, après le 11 janvier, publié aux éditions de l’Aube. Pour le directeur des collections d’essai, Jean Viard : « Cet essai a été vendu pour l’instant à 4 500 exemplaires, on peut espérer en vendre 10 000. » Un bon chiffre : « Aujourd’hui, quand un essai se vend à 1 500-3 000 exemplaires, on commence à avoir de l’effet, avec des idées qui se diffusent ».Des bons résultats perçus également chez Grasset d’après Olivier Nora : « Le livre de Caroline Fourest, sorti le 29 avril, a déjà été vendu à près de 11 000 exemplaires. Il va rentrer dans les best-sellers à partir de la semaine prochaine. Je suis surpris que ça aille aussi vite. »Un temps de réaction différentDes scores qui s’expliquent peut-être aussi par la rapidité avec laquelle certaines maisons d’édition ont décidé de participer au mouvement. Le Livre de poche a par exemple sorti dès le 5 février Nous sommes Charlie, un recueil de soixante textes en réaction à la tuerie qui a touché le journal satirique : « Ce livre a été décidé dès le lendemain des attentats de Charlie Hebdo, le jeudi. On a souhaité une réaction à chaud, un mouvement spontané », précise l’attachée de presse, Anne Bouissy.Albin Michel a également souhaité très vite réagir en sortant dès le 18 février Plaidoyer pour la fraternité, d’Abdennour Bidar. Une rapidité assumée par Jean Mouttapa, directeur du département Spiritualités : « Chez Albin Michel, on le fait très rarement, ça perturbe le réseau commercial. Mais là, ça valait le coup, on a réfléchi et on s’est dit qu’en cinq semaines, il devait être en librairie. »Une réactivité qui n’est pas partagée par tous. Aux éditions de La Découverte, on a fait le choix de ne pas surréagir au traumatisme des événements. Seul le livre d’Edwy Plenel, Pour les musulmans, sorti en septembre 2014, a été réédité avec une nouvelle préface évoquant les attentats. D’après François Gèze, éditeur à La Découverte : « Nous n’avons pas souhaité sortir un livre directement. Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur le sujet. Nous sommes plutôt à la recherche de livres qui aident, qui éclairent, sans être dépendants de l’actualité. »« La machine à débattre s’est remise en mouvement »De fait, le « filon » du 11 janvier a poussé de nombreux auteurs à démarcher les maisons d’édition. Avec plus ou mois de réussite, précise Olivier Nora : « Beaucoup d’auteurs nous ont sollicités pour écrire un livre sur ces événements mais tous n’ont pas une expertise telle que cela mérite un livre. » Pour ce dernier, cette effervescence est une très bonne nouvelle : « La machine à débattre s’est remise en mouvement, notamment entre les deux gauches, sur les concepts de laïcité par exemple. Il est vrai que l’événement permet une énorme traînée, et personne ne pense que ça va s’arrêter. » Prochainement, dans les rayons de la librairie Mollat, à Bordeaux, Pierre Coutelle prévoit en effet « une quarantaine de livres » sur ce sujet en 2015.Un renouvellement du débat indispensable et vital pour Jean Viard, des éditions de l’Aube : « On est entré dans un cycle de violence qui va durer dix à vingt ans, la société doit se charpenter. On n’a jamais eu une aussi forte volonté de débat. Le 11 janvier n’est pas une date, mais une ouverture de période, le champ intellectuel va être passionnant. »« Les gens cherchaient plus des livres de réflexion que d’évasion »« Jusqu’en février, on était dans les livres de réaction, puis ça a commencé à s’estomper. Mais depuis la sortie du livre de Todd, ça repart », précise Jérémie Chevallier, vendeur à la librairie Gibert Joseph à Barbès (XVIIIe arrondissement de Paris), pour qui « les lecteurs demandent maintenant des livres de réflexion, qui vont davantage sur le fond ».Le Traité de la tolérance de Voltaire a par exemple été réimprimé et vendu à plus de 90 000 exemplaires par les éditions Folio-Gallimard depuis les attentats de janvier. Selon Jean Mouttapa, directeur du département Spiritualités chez Albin Michel, l’une des premières préoccupations des Français a aussi été de s’informer sur l’islam : « Nous avions beaucoup de livres sur l’islam que nous avons ressortis et nos ventes ont explosé. Nous avons beaucoup revendu Islam sans soumission, d’Abdennour Bidar, la traduction du Coran, par Jacques Berque ou encore l’autobiographie d’Abd al Malik, Qu’Allah bénisse la France. »La volonté de comprendre ces événements a une incidence sur le reste du marché du livre, remarque également Olivier Nora : « Dès janvier, il y a eu une prime à la non-fiction. Les gens cherchaient plus des livres de réflexion que d’évasion. La littérature “haut de gamme” et le roman n’ont pas connu un très bon premier trimestre. »Jérémie LamotheJournaliste au Monde Charlotte Cieslinski Toutes deux actrices et réalisatrices, elles ont en commun d’avoir parlé de leur vie dans leurs films. Et d’être sélectionnées à Cannes. MaïwennPoussée par sa mère. Elle est née aux Lilas (93) il y a 39 ans, et a grandi à Belleville. Sa mère, actrice ratée qui la rêve en enfant-star, se débrouille pour qu’elle joue Isabelle Adjani enfant dans L’Eté meurtrier (1983).Précoce. A 12 ans, elle arrête l’école. A 15 ans, elle donne la réplique à Johnny Hallyday dans La Gamine. A 16 ans, elle épouse Luc Besson, qui en fera la Diva bleue de son Cinquième Elément.Ecorchée. Avant Polisse, Prix du jury à Cannes en 2011, elle a réalisé deux premiers films pour « crever les abcès de son passé », sur les thèmes de l’enfance maltraitée (Pardonnez-moi, 2006) et la condition de comédienne (Le Bal des actrices, 2009).Fan de Lelouch. « Je suis regardée comme une bête curieuse par le cinéma populaire autant que par les intellos », déclare celle qui a adoré travailler avec Claude Lelouch. Son quatrième film, Mon roi, en compétition à Cannes, raconte une passion amoureuse.Valérie DonzelliPoussée par elle-même. Elle a 42 ans, et est née dans les Vosges. Un grand-père sculpteur, un père cadre qui trimbale la famille entre Lille et Créteil. Lassée par ses études d’architecture, elle s’inscrit aux cours du conservatoire, qu’elle finance en vendant des macarons chez Ladurée.Battante. C’est son ancien compagnon, Jérémie Elkaïm, qui l’a encouragée dans la voie du cinéma. Dans La Guerre est déclarée (2011), ils racontent leur combat contre le cancer de leur fils.Sensible. Elle « aime partir de [son] nombril et faire un gros zoom arrière ». Inspirés de son vécu, ses films déclinent les thèmes de l’amour, de la maternité ou de la maladie. « Maïwenn, elle, fait du cinéma couillu de fille ! », dit Valérie Donzelli.Fan de Truffaut. Elle a repris un script abandonné par François Truffaut pour réaliser Marguerite et Julien, sélectionné à Cannes, qui raconte la relation incestueuse entre un frère et une soeur. Mon Roi, de Maïwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, en salles le 21 octobre 2015. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, en salles le 30 septembre 2015.Charlotte Cieslinski Marine Le Gohébel Ce documentaire revient sur la bataille du « mariage pour tous » dans l’Etat du Maryland en 2012 (mercredi 13 mai à 22 h 40, sur France Ô).Etat du Maryland, 6 novembre 2012, jour de vote. Les radios et les télévisions tournent en boucle. Ce soir, Barack Obama pourrait être reconduit pour un second mandat à la Maison Blanche. Ce soir aussi, le mariage homosexuel, soumis à un référendum, pourrait être adopté dans cet Etat du nord-est des Etats-Unis. C’est la question 6. Depuis des mois, militants et opposants se livrent une bataille acharnée. Dans la balance, le vote de la communauté afro-américaine, qui peut faire basculer le résultat. Réputée conservatrice et religieuse, elle y est majoritairement hostile. Mais comment vivent les membres homosexuels de cette communauté ? Comment peuvent-ils convaincre leurs proches ? En évoquant la question des droits civiques ?Yoruba Richen s’est installé au cœur de la communauté afro-américaine pour mettre au jour ses contradictions. Il suit les militants dans leurs journées de porte-à-porte où ils tentent de débattre, convaincre, séduire. Puis il va à la rencontre des membres du clergé, ceux qui évoquent la Bible et bataillent pour le « non » et ceux qui sont favorables au mariage gay.Joie et soulagementMultipliant les images de journaux télévisés, les coupures de presse et les témoignages, le documentaire finit par perdre le fil de sa démonstration. Voire partir dans toutes les directions, notamment avec un retour en 1993 dans l’Ohio, puis en 2008 en Californie avec l’adoption de la proposition 8. Si ces deux précédents éclairent le contexte et les enjeux, ils affaiblissent aussi le propos. Quelques scènes compensent ces faiblesses, comme la retransmission d’une interview télévisée hallucinante où une journaliste demande à un chanteur de gospel noir américain s’il a été délivré de son attirance pour les hommes ; ou la joie et le soulagement des militants après la victoire du « oui ».En 2012, le Maryland était le huitième Etat à légaliser le mariage gay. Ils sont 37 aujourd’hui à l’avoir adopté. A l’heure où la Cour suprême des Etats-Unis se penche sur cette question, ce film offre un éclairage intéressant sur un débat qui a profondément divisé les Américains. Il montre aussi que le président Obama a longtemps entretenu le doute sur sa position, avant d’affirmer, en mai 2012, y être favorable.Gay, noir et Américain : le nouveau combat, de Yoruba Richen (EU, 2013, 52 min).Marine Le GohébelJournaliste au Monde Jean-Jacques Larrochelle L’architecte, dépeint à travers ses écrits ou ses interviews. Sans commentaire ni polémique (mercredi 13 mai à 23 h 30, sur Arte).A l’occasion de la rétrospective qui lui est consacrée au Centre Pompidou à Paris jusqu’au 3 août, la chaîne Arte diffuse un documentaire sur l’architecte et urbaniste Le Corbusier (1887-1965), signé par Juliette Cazanave et imaginé par Pierre Assouline pour la collection documentaire « Le siècle de… ».Trois livres sur le passé fasciste et vichyste de l’architecte viennent de paraître. Ceux qui attendent de nouvelles révélations sur ses positions idéologiques resteront sur leur faim. Les autres apprécieront combien ce documentaire éclaire sur la transformation du paysage de nos villes durant la seconde moitié du XXe siècle. Selon le principe de cette collection de portraits, il n’y a aucun commentaire. Les seuls propos sont extraits des écrits de l’architecte ou d’entretiens radio et télé. Une distance revendiquée par les auteurs.Charles-Edouard Jeanneret est né en Suisse en 1887. A partir de l’âge de 20 ans, il voyage dans le cadre de ses études d’art. En Toscane, il découvre notamment la Chartreuse de Galluzzo, fondée au XIVe siècle : un ensemble de cellules qui toutes ont vue sur la plaine et ouvrent, de l’autre côté, sur une rue circulaire couverte par une arcade : le cloître. Il y relève « l’organisation harmonieuse de l’individuel et du collectif ». Ce sera, dit-il « le modèle originel de la maison ouvrière type ».« Poème méditerranéen »A Paris, il se forme chez Auguste Perret (« Moi, je fais du béton armé ! », clamait ce dernier). Après la Grande Guerre, Le Corbusier élabore « une maison locative à l’usage des sinistrés ou chacun pourra cloisonner son espace comme bon lui semble ». « C’est en béton que je la ferai ! », assène-t-il à son tour. A Paris, il rencontre aussi le monde des arts. Dans une publication commune avec le peintre Ozenfant, L’Esprit nouveau, abandonnant son patronyme, il signe Le Corbusier en 1923, son premier article, « Trois rappels à MM. les architectes (volume, surface, plan) », qui dit-il, « fera du pétard ».Nourri de son rêve d’approcher la perfection des grands édifices antiques par le machinisme, la standardisation, il élabore à cette époque le programme des maisons Frugès à Pessac (Gironde), « un poème méditerranéen, une éclosion athénienne ». Le Corbusier exècre ce qu’il nomme « les villes archaïques ». « L’architecture, cette garce qui s’est laissée tomber comme une femme publique, a besoin de rudes hommes pour se relever », lance-t-il.Si les idées de l’architecte séduisent, les projets de l’urbaniste inquiète. En 1925, il commence à élaborer le Plan Voisin, un immense quadrilatère hérissé de tours cruciformes qui fait table rase de la quasi-totalité des actuels 3e et 4e arrondissements de Paris. Il y voit « un corps organisé, serein, fort et en ordre ». Il est convaincu d’avoir inventé la « Ville radieuse ». En 1933, à Athènes, lors du quatrième Congrès international d’architecture moderne, il rallie à cette cause 100 congressistes de 18 pays.En 1940, il se rend à Vichy, frappe aux portes. « Mon rôle est ici, affirme-t-il. Le pays a besoin d’un coup de pied au cul. La défaite des armes m’apparaît comme la miraculeuse victoire française. Si nous avions vaincu, la pourriture triomphait. » Las ! Vichy le fait « vichier » ! Il n’en démord pas : « Je suis vingt ans en avance. » Vingt ans plus tard, plus ou moins bien interprété par ses suiveurs, la « Ville radieuse » accouchera des grands ensembles. L’enfer corbuséen était pourtant pavé de bonnes intentions.Le Siècle de Le Corbusier, de Juliette Cazanave (Fr/Bel, 2015, 55 min).Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En compétition officielle à Cannes, « La Loi du marché », de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, se penche sur le parcours d'un homme qui perd son travail. Pouvez-vous résumer « La Loi du marché » en deux mots ?C’est l’histoire de quelqu’un qui est au chômage pendant un certain temps. Ensuite, il trouve un job d’agent de sécurité qui va le mettre face à un problème moral. Il s’appelle Thierry, c’est un homme bien, un homme droit. Avec sa femme, ils forment un joli couple.Pour monter votre film, vous avez eu recours à un système de production très particulier…Il y a quinze ans, pour faire ce genre de film social, on trouvait sans trop de problèmes les 2 millions, 2 millions et demi d’euros nécessaires. Aujourd’hui, tout a changé. Notamment la technologie, ces nouvelles caméras qui font qu’on n’a plus besoin d’équiper les plateaux avec les sources de lumière qu’on utilisait auparavant. Quant au financement, comme je n’avais aucune envie d’attendre un an et demi, j’ai appelé Vincent [Lindon] et je lui ai dit que je voulais faire le film avec un tout petit budget. Tout le monde, acteurs et techniciens, payé au tarif syndical, et nous trois, le producteur, Vincent et moi, en participation. Immédiatement, il m’a dit : « J’adore ! »Une manière de contourner la loi du marché ?Une manière de la respecter, au contraire. Avec un tel budget – 1,4 million d’euros – on aurait très bien pu payer tout le monde à 50% du tarif. Mais, déontologiquement, c’était impossible. Parmi les acteurs, tous non professionnels, beaucoup sont au smic. Quand on leur disait : « C’est 400 euros », ils pensaient que c’était pour tout le tournage. 400 euros par jour, ça leur semblait inimaginable. La plupart, d’ailleurs, auraient joué gratos. L’argent n’est pas sale en soi. Tout dépend de ce qu’on en fait."Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit"Est-ce la situation en France, de chômage de masse, qui vous a insufflé l’énergie nécessaire pour réaliser ce film ?Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit. Comment on jette hors des entreprises des personnes d’à peine 50 ans, tout ça pour aller construire la même usine dans un pays pas si lointain, fabriquer le même produit et le revendre au même prix. Résultat : les profits sont de plus en plus colossaux. Quand je vois La Saga des Conti, le magnifique documentaire de Jérôme Palteau, qui raconte la lutte syndicale lorsque Continental a décidé de fermer l’usine de Clairoix, je suis bouleversé par la rage de ces types. C’est leur vie qu’on arrache. Alors, oui, ils se battent. Parfois physiquement.Auriez-vous pu tourner ce film avec un autre acteur que Vincent Lindon ?Ce sont les deux autres films que nous avons tournés ensemble, Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps, et les centaines de verres et de repas qu’on a partagés qui nous ont amenés à La Loi du marché. Des désirs communs qui se croisent, qui s’alimentent. L’envie de mettre Vincent face à une telle situation morale. Que faire en pareille situation ? Accepter qu’une caissière soit virée juste parce qu’elle a récupéré des bons de réduction ? C’est un peu se demander ce qu’on ferait en cas de guerre. Y aller ou pas ? Pareil dans cet hypermarché. On élimine les gens, coûte que coûte, à la moindre petite faute. « La Loi du marché » accorde une place importante aux silences. Au temps qui s’écoule, très lentement…Je suis très marqué par le cinéma de Michael Haneke. Cette manière d’accepter de passer par quelques secondes de lassitude pour accéder à l’émotion. Parmi les cinéastes qui comptent pour moi, il y a Ken Loach. J’aime sa manière de faire résonner l’intime et le social. A la fois populaires et hyperintelligents, ses films nous questionnent et nous émeuvent. Il respecte ses spectateurs.Lire aussi (édition abonnés) : « La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographiqueLa Loi du marché, film français de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Mathieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33). Sortie le 19 mai.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet « Cannes à Paris », quatrième édition. L’événement, lancé en 2012, est devenu le rendez-vous de ceux qui désirent faire une immersion de trois jours, ou une simple incursion, dans la sélection cannoise depuis Paris, à l’occasion du week-end de clôture du Festival. Du vendredi 22 au dimanche 24 mai, le partenariat entre Le Monde et Gaumont-Pathé! permettra ainsi de découvrir, au cinéma le Gaumont-Opéra (2, boulevard des Capucines, Paris 9e), treize films dévoilés à Cannes, sans attendre leur sortie en salles.Parmi cette sélection dans la sélection, huit des dix-neuf longs métrages en compétition pour la Palme d’or. La moitié d’entre eux ont la particularité d’avoir été tournés en anglais par un cinéaste dont ce n’est pas la langue d’origine.Lire aussi :Festival de Cannes : anglais, première langueSoit Tale of Tales (Le Conte des contes), de l’Italien Matteo Garrone, adaptation fastueuse et très libre par le réalisateur de Gomorra de contes de Giambattista Basile, auteur napolitain du XVIIe siècle, sur les perversions du pouvoir, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly ; The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, autre fable, qui questionne métaphoriquement la place de l’amour dans notre société, avec Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux ; Louder Than Bombs (Plus fort que les bombes), du Norvégien Joachim Trier, portrait d’une famille new-yorkaise endeuillée, avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg ; et enfin Youth, de l’Italien Paolo Sorrentino (Oscar du meilleur film étranger 2014 pour La Grande Bellezza), ode à la vieillesse, l’histoire de deux amis de près de 80 ans en vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz et Jane Fonda.Lire aussi :« Le Conte des contes » : images sages pour imaginaire sanglantLire aussi :« The Lobster » : un « Homard » mijoté à l’absurdeLire aussi :« Louder Than Bombs » : de l’explosion d’une famille, Joachim Trier ne tire que des éclats de cinémaLes quatre autres films sont The Sea of Trees (La Forêt des songes), de l’Américain Gus Van Sant, rencontre et odyssée à travers la « forêt des suicides », au pied du Mont Fuji, d’un Américain et d’un Japonais, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts ; Marguerite et Julien, de la Française Valérie Donzelli, qui reprend un script abandonné par François Truffaut sur la relation incestueuse entre un frère et une sœur, avec Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm ; Mountains May Depart, du réalisateur chinois Jia Zhang-ke, qui, après A Touch of Sin, montre les espoirs, les amours et les désillusions de trois amis d’enfance sur un quart de siècle, entre une Chine en mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, avec Zhao Tao ; et enfin Macbeth, de l’Australien Justin Kurzel, adaptation de la tragédie de William Shakespeare, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard.Lire aussi :« La Forêt des songes » : à la recherche de Gus Van SantEgalement présentés, deux films de la sélection Un Certain regard : An, de la Japonaise Naomi Kawase, qui a fait l’ouverture de cette section parallèle officielle, rassemble trois laissés-pour-compte autour d’une histoire de gâteau. Et Maryland, de la Française Alice Winocour, où un soldat victime de troubles de stress post-traumatique à son retour d’Afghanistan voit sa paranoïa confortée dans son nouvel emploi dans la sécurité, avec Matthias Schoenaerts et Diane Kruger.Lire aussi :« An » : le sens de la vie se niche dans une pâtisserieLe film du cinéaste français Robert Guédiguian, Une histoire de fou, est une des sept œuvres présentées cette année à Cannes lors des Séances spéciales, hors compétition. Il s’articule autour d’un trio fils, mère et blessé d’une bombe posée par le premier, sur fond de lutte pour la reconnaissance du génocide arménien dans les années 1980.Egalement présenté hors compétition, Le Petit Prince, film d’animation français réalisé par l’Américain Mark Osborne, qui avait déjà présenté à Cannes son Kung-fu Panda, imbrique le conte et l’imagerie de Saint-Exupéry dans une histoire contemporaine d’amitié entre une petite fille et un vieil aviateur.Enfin, Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958), avec Jeanne Moreau, fait partie de Cannes Classics, qui présente au cours du festival une quinzaine de copies restaurées.Les places sont vendues au tarif habituel du cinéma Gaumont-Opéra (carte Le Pass, chèque cinéma, carte 5 places...), et il est fortement conseillé de les acheter à l’avance.Vendredi 22 mai19 heures - Le Conte des contes, de Matteo Garrone21 h 30 - The Lobster, de Yorgos LanthimosSamedi 23 mai13 heures - Une histoire de fou, de Robert Guédiguian15 h 45 - Louder Than Bombs, de Joachim Trier18 heures - An, de Naomi Kawase20 h 20 - La Forêt des songes, de Gus Van Sant22 h 30 - Marguerite et Julien, de Valérie DonzelliDimanche 24 mai13 heures - Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke15 h 30 - Le Petit Prince, de Mark Osborne15 h 30 - Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle17 h 45 - Macbeth, de Justin Kurzel20 heures - Youth, de Paolo Sorrentino22 h 15 - Maryland, d’Alice WinocourEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.05.2015 à 00h50 • Mis à jour le19.05.2015 à 10h00 Le groupe Canal+, premier financeur privé du cinéma français, a annoncé lundi 18 mai dans la soirée avoir conclu avec l’intégralité des organisations professionnelles du cinéma un accord qui régira pour cinq ans ses relations avec le septième art.Lire (en édition abonnés) : Financement du cinéma : Canal+, la dernière digueDans un communiqué publié depuis le Festival de Cannes, Canal+ « se réjouit de l’accord cinéma conclu avec l’intégralité des organisations professionnelles du cinéma (l’ARP, BLIC, BLOC, UPF). Cet accord, d’une durée de cinq ans, conforte le partenariat historique et vertueux entre Canal+ et le cinéma français ».12,5 % de son chiffre d’affairesL’accord – dont un premier volet avec « plus de 70 % de la profession » avait déjà été annoncé le 12 mai – est conclu après des mois de difficiles négociations. Le texte prolonge le précédent accord du 18 décembre 2009 par lequel Canal+ s’engageait à consacrer 12,5 % de son chiffre d’affaires à l’achat de films européens et français.Canal+ a notamment obtenu une plus grande souplesse pour la diffusion en ligne des films au moment où il muscle son offre de contenus en différé et de vidéos à la demande avec sa plate-forme Canalplay.Lire (en édition abonnés) : Le cinéma, meilleur allié de la chaîne cryptée 18.05.2015 à 11h32 • Mis à jour le18.05.2015 à 12h22 | Francis Marmande Thou (Charente-Maritime)Eric Le Lann (trompette), Enrico Pieranunzi (piano), Rick Margitza (ténor sax), tous leaders de poids, appuyés sur une rythmique aussi solide que jeune (Sylvain Romano, contrebasse, Donald Kontomanou, drums), vous avez là le quintet type pour festival de premier plan. Classe, exigence, beauté, esprit de Chet Baker par ses partenaires même, jazz attitude, tout.Quintet type pour gros festival ? Ne comptez pas, sauf miracle, l’y voir. Il fallait être dans une salle des fêtes de village, au Thou (Charente-Maritime), le 14 mai.Les festivals, invention française de la fin du XXe siècle, ne survivent qu’au prix fort : ceux qui ne disparaissent pas, les rares qui n’ont pas encore commencé de souffrir – droitisation des politiques culturelles, restrictions budgétaires, malaise de la civilisation – ne peuvent s’en sortir qu’à grand renfort de « coups » imbéciles, de soumission aux tourneurs, de glamour benêt, de niaiserie, et de croissance sacrée. Zéro piston, c’est un clairon ; trois pistons, une trompette ; à partir de quatre pistons, une « pompe à phynances ».Indifférence à la frimeComme Pieranunzi, Le Lann se caractérise par l’intégrité, l’indifférence à la frime, une stricte attention à la musique, des rencontres de luxe. Rick Margitza s’est fait connaître par son recrutement chez Miles Davis (1989). Il est d’une science si discrète, si foisonnante, qu’un émule de Robert Ménard a osé écrire : « musicien propre et moderne. » Olé !Le Lann et Pieranunzi viennent de clôturer dans les règles de l’art l’Europa Jazz du Mans qui échappe, il en est cinq autres, à tout ce qui vient d’être dit sur les festivals. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit ni de spectacle, ni de nombre, mais de politique de la musique. Et de grâce tranquille à l’accueil.Le 14 mai, sur la route, le quintet fait escale au Thou (Charente-Maritime), ses hameaux, sa salle des fêtes, ses vents vivifiants, le paradis des musiciens. Le JazzClub du Thou est le plus excitant des temps modernes en Europe. Que le Thou, commune de 1917 hectares et 1789 habitants, soit le plus microscopique des hauts lieux du jazz n’a rien, à moins d’aimer la morale, les bêtes de cirque et les exploits, de particulièrement frappant. La stupeur vient de ce que la musique qui s’y joue, six fois par an, atteint des sommets qu’elle ne connaît nulle part ailleurs. Pas dans les gros festivals de grande distribution, en tout cas.Lyrisme sans pathosOn tente de suivre Le Lann à la trace, pour continuer d’entendre ce que dit le jazz. Ce qu’il prononce avec exactitude : dialectique parfaite de Miles et Chet, lyrisme sans pathos, sculpture de l’improvisation plus proche de Giacometti que du bavardage. Surtout, appréhension de chaque thème dans son juste esprit : Yesterdays aussi bien que Cry Me a River, ou Ayam (sa composition) et Night Bird (celle d’Enrico Pieranunzi). Prestation qui s’établit, trouve ses marques, monte en précision comme en puissance, et triomphe dans deux rappels sincères. Public parfait. Nombre d’apprentis et de jeunes dans les rangs. Pure leçon de « jazz », vous savez, ce truc qui n’existe plus.Au Thou, Le Lann a son rond de serviette. Le Thou détient trois atouts : le refus de grandir, la conscience pure de la musique et un style incomparable – perfection des détails, engagement joyeux, superbe table, fidélité.Ce qui permet, depuis dix ans, de présenter des concerts au plus haut niveau. Six soirées club par an, un casting de luxe qui ne fonctionne que sur le bouche à oreille, la fraternité et le désir d’un lieu où bien s’exprimer et être reçu comme un prince, font un tout : Monty Alexander, Benny Golson, Martial Solal, Michel Portal, Rhoda Scott, Daniel Huck, Rhoda Scott, René Urtreger, Riccardo Del Fra, Jacky Terrasson…Ficelé à la diableComment fonctionne cette énigme ? Comme une équation à onze inconnues. Un leader capable de lever des troupes, mais qui se contente de lever des enthousiasmes : Christian Doublet, instituteur charismatique, spécialiste des voyages scolaires et des initiatives les plus dingues, reconverti en entrepreneur de fête. Avec, à ses côtés, Brigitte Doublet, aux pianos. Leur fierté ? La cave. La maison du 17e siècle (enfin, une pierre date de 1647, mais le reste n’est pas beaucoup plus récent), retapée, augmentée, splendide. Une grange où Benny Golson (vous vous rendez compte ? oui, on se rend parfaitement compte…) a joué Blues March et Whisper Not, ses hymnes des Jazz Messengers. Témoins, Michel et Christine Boudjéna, membres fondateurs, plus un prêtre fou de Fats Waller en terre laïque, monsieur l’abbé Fourgeret.Tout ça, ficelé à la diable, sauf pour l’accueil et les détails : un quinze (voir rugby) de copains, leurs femmes s’amusent en cuisine (oui, bon, ça va !), vous arrivez à 16h30, goûter (rillettes bordeaux). Vous courez lentement vers la « balance » avec Gilbert Maurel, ex-illustrateur chez Gallimard. C’est lui, l’auteur des fresques du hangar consacrées à la vie de Moitessier. Vous revenez avec l’orchestre : petit en-cas (festin, vins fins, ça se boit sans faim). Concert au sommet, mis en son par un formidable saxophoniste, Carl Schlosser, sagement replié sur ces terres, les vents, La Rochelle, Rochefort, la plage, les marais poitevins. Après quoi, formidable banquet.Victuailles et coupe-soifVous en connaissez beaucoup, des clubs, des festivals, où les bénévoles paient leur entrée ? Le public s’installe une bonne heure avant le concert, avec victuailles et coupe–soif. On est en terre huguenote, résistante (le maire Abel Bouyer, assassiné en 1942), de gauche (vous savez ? ce truc qui n’existe plus), ivre de savoir-vivre.Ah oui ! Les concerts sous la grange, avant la salle des fêtes, c’est comme les fantaisies avant, c’était plus piquant. Les gens viennent de loin. Un soir, un vérificateur, toc toc, débarque pour vérifier. Tiens ! Vous faites de la musique, ici ? Et la déclaration ? Et les normes ? Et la sécurité ? Et les interdits, hein, qu’est-ce que vous en faites, des interdits ? Hop, le JazzClub s’est transporté salle des fêtes, conformément à la vocation de l’immense champ de foire. Ça marche mieux encore. La vie, quand ça marche, ça fait toujours plaisir. Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Tous les lundis, La Matinale vous offre sa sélection musicale.L’ALBUM : « Sylva », un régal Cette alliance entre deux formations parmi les plus enthousiasmantes, inventives et hautement musiciennes aura une place dans nos futurs classements de fin d’année des meilleurs disques. Snarky Puppy, collectif américain électrisant et le Metropole Orkest, grande formation néerlandaise de cordes et vents sont en osmose dans Sylva, fusion de jazz, de rock et d’écriture « classique ». Orchestrations somptueuses, ambiances impressionnistes et élans de pleine expressivité, tout est ici un régal, parties solistes comme mouvements d’ensemble.« Sylva », de Snarky Puppy & Metropole Orkest, 1 CD et 1 DVD Impulse !/Universal Music.La composition « Gretel », de Michael League, extraite de l’album « Sylva » par Snarky Puppy & Metropole Orkest.LES FESTIVALS : Rock en ville et rock dans l’herbe L’un, Europavox, est organisé dans l’une des salles réputées du circuit pop-rock-chanson, la Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme. L’autre, Papillons de nuit, a lieu en pleine nature, sur des pentes herbeuses proches du village de Saint-Laurent-de-Cuves (Manche). Deux manifestations, entre les 21 et 25 mai, qui auront pour vedettes en commun les chanteuses Izia et Selah Sue, Carl Barât (de The Libertines) avec The Jackals, et le groupe Placebo. Puis à chacun son identité. A Europavox, The Dø, Jeanne Added, Gojira, Fauve… et près d’une cinquantaine de plus ou moins nouveaux venus. Le tout dans une ligne éditoriale consacrée à la scène musicale européenne. Papillons de nuit, lui, opte pour une approche artistique plus grand public avec, outre les précités, Yannick Noah, IAM, Black M, Christine and the Queens, Benjamin Clementine… A noter chez les Papillons dimanche 24 mai l’unique participation de la chanteuse Lauryn Hill (ex-Fugees) à un festival printanier en France.Europavox, à Clermont-Ferrand, du 21 au 25 mai. De 12 euros à 30 euros. Papillons de nuit, à Saint-Laurent-de-Cuves (Manche), du 22 au 24 mai. 38 euros par jour.LA VIDÉO : Avicii et Audra Mae se sentent bienAvec Feeling Good, chantée par Audra Mae, le producteur et DJ suédois Avicii, vedette de l’électro dansante, propose une belle version, toute en langueur, de cette chanson écrite et composée par Anthony Newley et Leslie Bricusse en 1964. Parmi les interprètes les plus célèbres de ce standard : Nina Simone, Julie London, Sammy Davis Jr. et dans les années 1960 et plus près de nous le crooner canadien Michael Bublé. Une vidéo qui mêle des images façon message publicitaire (la chanson est utilisée dans la campagne du constructeur automobile Volvo) et un résumé visuel de déclarations récentes d’Avicii, souhaitant prendre du recul par rapport à sa vie de star des nuits électros.LE CONCERT : Voyage avec Titi Robin et Mehdi Nassouli Inspiré par les cultures méditerranéennes, orientales et gitanes en particulier, Titi Robin, né à Angers, dans le Maine-et-Loire, est un formidable musicien voyageur. Le guitariste, également joueur de bouzouq et de oud, a rencontré le chanteur et joueur de guembri – le luth de la musique des Gnaouas, ces descendants d’esclaves noirs déportés au Maghreb – Mehdi Nassouli en 2009, à Agadir (Maroc). Une histoire artistique et d’amitié dont est issu le disque Taziri (World Village/Harmonia Mundi).A retrouver sur scène pour la soirée parisienne de sortie de l’album à L’Alhambra, à Paris, le 20 mai (28 euros).RÉSERVEZ VITE : Francis Cabrel en tournée à partir du 30 septembre Plusieurs des concerts de l’importante tournée de Francis Cabrel, prévue, pour l’heure, du 30 septembre 2015 à Courbevoie (Hauts-de-Seine) au 1er avril 2016 à Caen (Calvados), sont déjà complets. Un signe de la popularité du chanteur, guitariste et auteur-compositeur auprès d’un public varié et de tous âges. Pour vérifier qu’il viendra forcément près de chez vous, deux sites : le sien Franciscabrel.com et celui du producteur Gilbert Coullier. De 39 à 68,50 euros selon les salles.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 16.05.2015 à 12h00 • Mis à jour le18.05.2015 à 17h21 | Harry Bellet Les résultats des ventes aux enchères d’art impressionniste, moderne et contemporain de New York battent si régulièrement des records que ça en deviendrait presque lassant, si celles qui se sont achevées jeudi 14 mai ne révélaient quelques nouveautés dans ce marché très particulier. Sauf erreur dans l’addition, le produit vendu en une semaine dépasse les 2 milliards de dollars, 2 457 000 000 si on ajoute la vente d’art impressionniste de Sotheby’s qui se tenait la semaine précédente. Christie’s avait pour sa part préféré décaler la sienne pour ne pas coïncider avec le vernissage de la biennale de Venise qui avait lieu au même moment. Soit 4% de la totalité des échanges d’œuvres d’art de l’année précédente dans le monde, estimée à 58 milliards de dollars.Le tout a été couronné par un nouveau record mondial pour un tableau vendu aux enchères (d’autres auraient fait mieux en vente privées, mais les montants sont là invérifiables), les 179,4 millions de dollars obtenus chez Christie’s pour Les Femmes d’Alger de Picasso. A ce prix là, il s’agit d’un trophée : on observe l’arrivée de nouveaux venus sur le marché, richissimes mais pas nécessairement au fait des subtilités de l’histoire de l’art - toutefois, Picasso, ils en ont entendu parler. Pour peu que le catalogue de la vente leur explique que celui-ci fut peint en hommage à Matisse (ce qui reste à prouver) mort peu de temps auparavant, dont ils connaissent aussi vaguement le nom, et à Delacroix (une rapide consultation sur internet leur confirmera qu’il fut un peu fameux), et les voila rassurés. Un brin flattés aussi d’apprendre la présence dans la salle de « beautiful people », comme l’acteur Leonardo di Caprio, qui achetait peu mais se montrait beaucoup. Pour le reste, la publicité mondiale donnée par la presse à cette vente suffira à ce que leurs amis reconnaissent la chose lorsqu’elle sera accrochée dans leur salon. Ou dans leur musée, puisqu’il est désormais de bon ton de s’en faire construire un à son nom.Tétons floutés à la télévisionNe soyons pas trop caustiques : la toile est belle, et encore dérangeante, au point que la chaîne de télévision Fox News s’est sentie de son devoir moral de flouter les tétons des algériennes. Trophée, mais à double titre, puisque il n’a pas été simple pour Christie’s d’en obtenir le mandat de vente : il leur a fallu pour cela assurer à son précédent propriétaire que, quel que soit le résultat des enchères, il toucherait un montant convenu d’avance. C’est le principe de la garantie, qui dans la vacation considérée, a atteint des sommets : 49 œuvres, soit plus de la moitié des lots de la vente, étaient ainsi garanties. Si Christie’s les cédait moins cher que prévu, la maison en était de sa poche. Le temps où les commissaires priseurs agissaient en intermédiaires neutres entre un vendeur et un acheteur est désormais bien loin.Placement à court et long termeC’est d’ailleurs ce qui gêne le plus les observateurs. Un marchand cité par le New York Times n’hésite pas à parler d’opacité, un comble pour une vente publique. Un autre confie au Monde ses doutes sur la réalité de certaines ventes, un tableau supposément cédé à un tiers pouvant en fait être acheté par la maison elle-même, qui trouve son intérêt à soutenir les prix, spécialement quand son propriétaire est lui-même un des plus importants collectionneurs du monde et valorise ainsi son stock.Dernier enseignement, l’art est définivement devenu un placement qui, s’il est parfois risqué, peut aussi s’avérer très rentable. Sur le long terme, par exemple ce mobile de Calder, acheté 650 000 dollars en 2001, revendu 5,8 millions de dollars cette semaine. Sur le court terme, ça marche aussi très bien : le Portrait d’Henrietta Moraes peint par Bacon en 1963 avait été acheté 33,4 millions à Londres en 2012, rappelle l’excellent Judd Tully, un des meilleurs spécialistes de ce marché. Il a été revendu 47,7 millions de dollars. Plus de 14 millions de dollars de plus-value en trois ans, on comprend mieux l’amour de l’art.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alain Beuve-Méry Il s’agit d’un mariage entre indépendants. Le belge PIAS va reprendre les activités musicales du célèbre label français de musique classique Harmonia Mundi, afin de constituer le premier label indépendant européen dans l’édition et la diffusion de musique classique, pop, jazz…PIAS, acronyme de « Play it again Sam », la réplique mythique du film Casablanca a été fondé en 1984 par Kenny Gates et Michel Lambot. Le label est déjà l’un des plus gros indépendants européens – présent notamment au Royaume-Uni, en France et en Belgique – et est en passe de devenir une mini major.En 2012, PIAS, dont le chiffre d’affaires est évalué à 80 millions d’euros et qui emploie environ 20 personnes, avait racheté Coop à Universal Music Group. Coop, aujourd’hui en plein essor, appartenait auparavant à EMI. Universal avait été obligé de s’en détacher, quelques mois seulement après l’avoir acheté, afin de répondre aux injonctions de la Commission européenne sur les seuils de concentration.Accord sur la partie musicaleL’accord conclu entre PIAS et Harmonia Mundi devrait être finalisé au plus tard au 1er octobre 2015. Il ne concerne que la partie musicale des activités d’Harmonia Mundi. Il prévoit la prise de contrôle par le label d’origine belge, des marques de musique créées par la société arlésienne (Le Chant du monde, Discograph, Jazz Village…).Fondée à Arles en 1958 par Bernard Coutaz, Harmonia Mundi a gagné un rayonnement international grâce à son répertoire classique et romantique. Mais l’entreprise a été fragilisée par la révolution numérique. Depuis le décès de M. Couttaz en 2010, l’entreprise est dirigée par son épouse Eva qui va rester conseillère artistique au sein du nouveau groupe.Le fils du fondateur Benoît Coutaz va poursuivre l’activité dans le domaine des livres, sous la raison sociale Harmonia Mundi Livre SA. Celle-ci sera toujours basée à Arles. Cette branche livre est notamment le distributeur et le diffuseur des éditions Allia, Bleu autour, Champ Vallon, l’Eclat, Finitude, La Fosse aux Ours, Galaade, les Moutons électriques, Philippe Picquier, Monsieur Toussaint Louverture. Des maisons de littérature et de sciences humaines qui reflètent la diversité de l’édition française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter © Philippe MATSAS | © Jessica Marx Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / « Générations, révolutions »Dana Spiotta © Jessica Marx Le texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« Générations, révolutions »Dana SpiottaUne des questions posées pour cette table ronde est la suivante : « Comment peut-on évoquer les lendemains de la révolution quand le rêve a cédé la place à la désillusion ? » Le sujet de l’« après », ou disons du « retour à la réalité », est très intéressant à mes yeux. Pour moi, ce n’est pas seulement une question politique ou sociale ; cela touche au plus profond de l’humain. Nous sommes faits pour être idéalistes et désenchantés. Je ne pense pas que cette idée soit désespérante : elle est au contraire essentielle et fascinante. Résister à l’inévitable désillusion, voilà ce qui m’émeut le plus. Dans mon livre, par exemple, je me suis attachée à dépeindre un être comme Nik, l’artiste, qui semble incarner l’échec selon les critères traditionnels mais qui refuse de renoncer à faire ce qu’il aime. Il crée un univers où son art prend tout son sens. Il refuse l’identité que veut lui coller la société. Il résiste. J’ai aussi essayé de faire vivre quelqu’un comme Nash, un autre de mes personnages. Nash est un révolutionnaire pacifiste qui a « perdu », mais qui poursuit sa quête du parfait acte de résistance. Il cherche quelque chose de libérateur en soit, peu importe le résultat. Les êtres qui proposent une nouvelle définition du succès au cœur d’un monde indifférent me passionnent. Je ne les considère pas comme des échecs ; je vois en eux des innocents désabusés. Les tentatives de rébellion protègent l’âme, même si l’on pressent qu’elles sont vaines. Et quand on sait justement que l’on va échouer, cela devient peut-être encore plus fondamental. Nous agissons sachant que la révolution accouchera d’une souris, nous tombons amoureux sachant que l’amour prend souvent plus qu’il ne donne, nous créons sachant que la plupart des œuvres ne trouvent pas leur public, de même que nous vivons conscients de notre mort inéluctable. Malgré tout, nous continuons, nous aimons, nous créons, nous combattons sans jamais déposer les armes. Voilà ce sur quoi j’aime écrire, le quotidien d’une vie face à ces vérités implacables. Et je crois qu’il est essentiel de ne pas schématiser les personnages, de résister au cliché et d’en faire des êtres vrais, pétris de défauts. Mes personnages ont tendance à commettre de graves erreurs au nom d’un rêve ; ensuite, ils n’ont d’autre choix que de persévérer, jour après jour, de préparer le petit déjeuner, de faire des enfants, de regarder la télévision – de vivre en d’autres termes. Cette vie « d’après » est très riche pour un écrivain. C’est là que les personnages sensibles se confrontent à l’ironie de l’existence. Ce moment peut être drôle ou triste, et même si l’on n’y découvre pas forcément de vérités fondamentales, on peut en tirer une certaine consolation. En tant qu’écrivain, les réponses ne m’intéressent pas. Je préfère m’interroger sur ce que signifie être vivant aujourd’hui. Je me concentre sur les forces qui nous façonnent (argent, histoire, nationalité, sexe, environnement de vie, langue, accès aux technologies), et j’envisage l’humain dans ces contextes particuliers. De quoi est capable la fiction ? Je m’efforce de décrire la complexité d’une époque et d’un lieu ; je cherche à saisir le moment où les gens agissent et à retracer les conséquences de leurs actes. D’habitude, je commence par la langue du personnage. Je m’attache à sonder les idées reçues, les habitudes de langage et les schémas de réflexions qui nous oppriment et nous musellent. J’explore en particulier la manière dont les technologies (anciennes ou nouvelles) influent sur notre façon de penser, d’agir et de sentir. Montrer la vie dans sa complexité est crucial. Pour moi, cette quête est subversive ; c’est un acte de rébellion. Le roman peut contrecarrer la fugacité de l’instant : les jugements à l’emporte-pièce et la marchandisation à tout-va. Il peut aussi nous prémunir contre la tendance qui veut tout réduire à une chose unique. Le roman est polyvalent, multiple et contradictoire. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson Le mot cléAurélien BélangerStructuralismeJe vois les mauvais jours le roman comme un petit skate-board, le plus inutile et le plus énergivore des moyens de transport, la plus petite des portions de l’espace qui puisse nous être attribuée et dont il n’y a à peu près rien à faire, sinon tenir debout, et venir de temps en temps taper contre le sol. Les bons jours je le vois comme le hamac d’un anthropologue perdu en Amazonie et suffisamment éloigné de ses notes pour improviser une cosmologie complète. L’anthropologue traditionnel a besoin du balancement souple des sociétés primitives, le romancier préférera placer ses intrigues au milieu des fractures, des multiples plans et des lignes de fuite incertaines des sociétés industrielles – idéalement, le paysage urbain lui-même lui servira d’intrigue. Anthropologues et romanciers font de l’ontologie : ils déterminent les forces en présence et définissent l’ameublement du monde. Rien d’héroïque, c’est là la tâche de fond de l’esprit humain. L’essentiel est de la séparer du bruit qui vient s’y ajouter – l’ontologie est extrêmement adhésive. La technique de l’anthropologue consiste à partir le plus loin possible pour étudier, si elles existent, des ontologies encore un peu natives, pas encore hybridées. La technique du romancier consiste à soigner son écriture, pour jouer sur sa plasticité mentale et sa faculté à redécouper librement le réel. L’anthropologue structuraliste Philippe Descola est ainsi revenu du pays des Achuar avec un catalogue complet d’ontologies qui correspondent chacune à une manière justement instinctive de découper le réel pour le rendre lisible. Elles regardent notre manière d’articuler l’intériorité de notre esprit avec le monde sensible. Au dualisme nature-culture, que les romanciers n’ont jamais réussi à prendre au sérieux, il oppose quatre grands types d’ontologies définissant tout le spectre des découpages possibles – spectre que les romanciers pourraient avoir toujours parcouru, faisant ainsi de l’anthropologie structurelle sans le savoir, et échappant, parfois, quand ils écrivent, aux déterminations sociales dominantes. Pour le naturaliste, les êtres ont des intériorités distinctes, tous ne sont pas conscients, mais ils sont sous-tendus par la même physique, ils sont profondément les mêmes. C’est le charme béhavoriste des vieux polars ou du nouveau roman. Pour l’animiste, les intériorités sont les mêmes, les choses et les hommes, si leurs apparences physiques diffèrent, ont des intentions égales. Le discours indirect libre, généralisé, entendu presque comme un naturalisme ironique, est d’essence animique. En régime totémique, les intériorités et les physicalités sont les mêmes, l’humain et le non-humain s’entremêlent, les choses basculent dans un fantastique inexplicable, celui de La Métamorphose de Kafka, où la transformation de Gregor est trop évidente pour être allégorique. À l’inverse, en régime analogique, tout est singulier : c’est le règne, par défaut, de la métaphore, seul outil cognitif valide. Emmanuelle Jardonnet CHOICES, lancé l’an dernier à Paris, est la mouture parisienne de ces week-ends concoctés sur mesure pour les collectionneurs internationaux. Ces dernières années, ils ont émergé dans de nombreuses grandes villes (Londres, Copenhague, Varsovie, Chicago…) sur le modèle du Galleries Weekend de Berlin, créé il y a dix ans. La deuxième édition de l’événement se tiendra du vendredi 29 au dimanche 31 mai, avec un programme encore un peu plus dense que l’an dernier.Lire aussi :Profil du collectionneur français : un homme âgé… et pas si fortunéCe sont cette fois quarante galeries – soit cinq de plus qu’en 2014 – qui participent à un parcours un peu atypique, puisqu’il s’articule autour d’une exposition collective aux Beaux-Arts. « A l’étranger, les galeries s’appuient souvent sur des institutions », afin que les collectionneurs profitent du voyage pour voir de grandes expositions en avant-première, souligne Marion Papillon, à l’origine du projet. « A Paris, si l’on ajoutait encore des expositions à la visite des galeries, ce serait trop », estime la galeriste, pour qui la formule est d’ailleurs déjà à son maximum : « Quarante galeries est un bon format, nous avons atteint notre objectif. Au-delà, il faudrait sûrement en changer, car on ne peut pas demander aux gens de visiter 70 galeries en trois jours. » « Réinviter au parcours » des galeriesCHOICES inclut néanmoins quelques visites privées pour les quarante collectionneurs VIP invités pour le week-end (un par galerie) : à la Fondation d’entreprise Ricard, partenaire officiel de l’opération, et au Jeu de Paume, qui se situe idéalement devant l’hôtel Meurice – autre partenaire officiel, qui logera les convives. Enfin, une soirée de clôture sera organisée dimanche soir au Musée Bourdelle, qui vient de rouvrir après huit mois de travaux.L’objectif reste bien sûr de « réinviter au parcours » des galeries. « Ce type d’événement est devenu fréquent parce que les foires ont pris beaucoup de poids, au dépend de ce “parcours” dans les galeries. Or, faire des expositions et montrer les artistes dans nos espaces est le cœur du métier de galeriste, c’est important de remettre ça en avant », insiste Marion Papillon, pour qui CHOICES doit donner « un prétexte supplémentaire pour venir à Paris ». A l’origine, une telle association n’allait pas de soi, et plusieurs tentatives en ce sens n’avaient pas abouti avant CHOICES. Pour convaincre les galeristes, Marion Papillon leur a d’emblée proposé un projet très « ficelé » en termes d’organisation comme de partenaires. De grandes galeries, qui n’ont pas forcément besoin de ce type d’événement, se sont également laissées tenter, comme les Vallois, Art : Concept, Almine Rech ou encore l’antenne parisienne de la galerie berlinoise Max Hetzler. Cette année, un grand nom de plus s’est adjoint au projet : la galerie Thaddaeus Ropac, avec ses deux espaces, celui du Marais et celui de Pantin.« Moments de rencontre »Après Nicolas Bourriaud, l’actuel directeur de l’Ecole des Beaux-Arts, aux manettes l’an dernier, c’est un ancien directeur, Alfred Pacquement, qui est cette année chargé du commissariat de l’exposition collective, pour laquelle chaque galerie a proposé plusieurs œuvres afin de laisser au commissaire le soin de construire cette exposition de quarante œuvres (une par galerie).L’an dernier, 3 000 visiteurs ont visité l’exposition collective en un week-end. « Nous avons été presque surpris », concède Marion Papillon. Cette fois, l’événement n’est pas organisé dans le Palais des Beaux-Arts, mais sous la grande verrière du Palais des études des Beaux-Arts. Une hauteur et une luminosité qui ne sont pas sans incidence sur l’accrochage : il y aura ainsi davantage de sculptures et de vidéos – pour lesquelles ont été aménagées des boîtes-cabines noires.Hormis les quarante collectionneurs « happy few » et tous les collectionneurs conviés plus largement à participer au parcours, CHOICES est accessible au grand public. L’entrée est libre, dans l’exposition comme dans les galeries. « Nous avons conscience que franchir les portes des galeries peut être intimidant, mais ce week-end encourage une disponibilité des galeristes, et des moments de rencontre », indique Marion Papillon.Julien Prévieux, Alain Fleischer, Isabelle Le Minh…Si l’exposition collective est certainement la meilleure porte d’entrée dans l’événement, l’artiste présenté n’est pas forcément celui qui est exposé dans la galerie. C’est seulement le cas d’une dizaine de galeries. Parmi eux, Christophe Gaillard, avec le travail autour du concept de photographie de la Française Isabelle Le Minh ; la galerie Bernard Jordan, avec les intrigantes sculptures aussi architecturales que sexuelles de l’Autrichien Elmar Trenkwalder ; Jousse Entreprise, qui présente le travail de Julien Prévieux, Prix Marcel-Duchamp 2014, questionnant avec humour les logiques sociales de notre société ; ou encore la galerie Françoise Paviot, qui expose les œuvres d’Alain Fleischer, dont la vidéo Hitchcock recadré montre le film Fenêtre sur cour lui-même filmé à travers le viseur d’une petite caméra numérique, au plus près des détails.« Le travail de tous les artistes n’est pas forcément adapté à un espace où quarante galeries présentent des œuvres », explique Marion Papillon, qui n’exclue pas à l’avenir des règles du jeu plus contraignantes. Les liens exposition-galerie se font ici de multiples manières : plutôt que de faire une monographie, certaines galeries voient dans le dispositif la possibilité de présenter le travail de deux artistes, certains font appel à un commissaire pour proposer une exposition en lien avec l’œuvre présentée (comme Art : Concept ou Almine Rech), d’autres choisissent enfin simplement une œuvre représentative de la ligne de la galerie. La galerie Anne Barrault a opté pour une autre formule encore : l’artiste présentée aux Beaux-Arts, Sarah Tritz, a eu carte blanche pour l’exposition en galerie, où elle a choisi de mettre en regard le travail de deux artistes face à face : Anne Bourse et Emilie Perotto, « comme un portrait en creux » de sa propre pratique.Les 29, 30 et 31 mai, ouverture des galeries participantes de 12 heures à 19 heures. Ouverture publique de l’exposition collective le 30 et le 31 aux mêmes horaires. Palais des Études, Beaux-Arts de Paris, accès 14, rue Bonaparte, Paris 6e. Liste des galeries participantes : www.choices.frEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.05.2015 à 16h13 • Mis à jour le28.05.2015 à 16h37 | William Audureau et Maxime Vaudano En décidant d’ouvrir le système public de subventions aux jeux vidéo catégorisés comme « violents », le gouvernement français n’a pas manqué d’étonner et de susciter la polémique. Vu de l’extérieur, le décret de la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire semble alimenter le cliché d’une industrie très largement portée vers les productions violentes – un procès qui lui est régulièrement intenté, alors même que rien n’empêche l’Etat de subventionner les films violents. Le Monde s’est penché sur la question, en comparant les systèmes de classification de ces deux médias.Beaucoup plus de jeux violents que de films ?Un premier coup d’œil sur les statistiques suggère que le jeu vidéo peut heurter bien plus souvent la sensibilité des joueurs que les films avec leurs spectateurs. Près de la moitié des jeux qui sortent chaque année sont au moins déconseillés aux enfants de moins de 12 ans par le système européen PEGI (Pan European Game Information), qui fait référence dans le domaine. A l’inverse, plus de 90 % des films qui sortent dans les salles de cinéma françaises bénéficient du visa « tous publics » du Centre national du Cinéma (CNC). #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313524292 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313524292 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des films en France (CNC)Source : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; 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margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Avant 2010, les chiffres absolus sont des extrapolations à partir des pourcentages fournis par le PEGI. Elles peuvent donc varier de quelques unités par rapport au chiffre réel, non communiqué par PEGI.Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 1309 ], [ "", 1460 ], [ "", 1114 ], [ "", 828 ], [ "", 613 ], [ "", 471 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 350 ], [ "", 393 ], [ "", 549 ], [ "", 362 ], [ "", 388 ], [ "", 371 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 444 ], [ "", 503 ], [ "", 551 ], [ "", 515 ], [ "", 418 ], [ "", 326 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 253 ], [ "", 247.5 ], [ "", 249 ], [ "", 284 ], [ "", 224 ], [ "", 225 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 126 ], [ "", 140 ], [ "", 155 ], [ "", 218 ], [ "", 170 ], [ "", 149 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; 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La classification du film est délivrée par le CNC, et celle du jeu par PEGI. Quand plusieurs versions d’un même jeu – sur différentes consoles, par exemple – ou plusieurs épisodes d’un même film – une trilogie – existaient, nous avons tenu compte du classement le plus sévère. Objectif ? A univers commun, tenter d’évaluer les différences de traitement des œuvres selon leur support. La datavisualisation présente la classification respective du jeu (de PEGI 3, pour le « tous publics », au PEGI 18, pour les jeux déconseillés aux moins de 18 ans) et du film (du « tous publics » au « - 18 ») :Lire aussi :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéoDeux classifications radicalement différentes…La raison est simple : les deux instances de régulation qui font référence en France fonctionnent de manière radicalement différente…Dans leur structure…C’est le Centre national du cinéma (CNC) qui accorde leurs visas d’exploitation aux films diffusés dans les cinémas français. Il s’agit d’un établissement public, dont la commission de classification est composée de personnalités d’horizons divers (professionnels, associatifs, fonctionnaires, étudiants…) nommés par le ministère de la culture. C’est un modèle de régulation publique.Les jeux vidéo sont au contraire “autorégulés” par l’industrie. La classification européenne PEGI est la propriété privée du lobby européen du “logiciel interactif”, l’IFSE. La classification des jeux est toutefois confiée à deux organismes publics : l’Institut néerlandais de classification des médias audiovisuels (NICAM) et le Video Standards Council (VSC) britannique, qui accordent une place aux représentants de l’industrie, aux autorités de régulation nationales (comme le CSA), à des experts indépendants et aux consommateurs, qui peuvent adresser des plaintes.… dans leurs méthodes…Le CNC ne s’appuie pas sur une grille précise, et admet la « subjectivité » de ses classifications de films. La seule contrainte légale pour l’institution est d’interdire aux moins de 18 ans les œuvres comportant « des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence », et d’empêcher purement et simplement la sortie en salles des films pornographiques ou d’incitation à la violence, classés X (une censure très rare, appliquée deux fois ces vingt dernières années).A l’inverse, le système PEGI s’appuie sur une grille très précise de critères, matérialisée par un questionnaire de 50 éléments renseigné par l’éditeur du jeu lui-même, avant d’être vérifié par les administrateurs. Les jeux peuvent être assortis d’un avertissement pour toute une série de motifs : violence, grossièreté, sexe, peur, incitation aux jeux de hasard, à l’utilisation de la drogue, à la discrimination, et même présence d’un mode de jeu en ligne… #container_14314203791{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14314203791{ height:500px; } #container_14314203791 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14314203791 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14314203791 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14314203791 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }La violence, premier motif de classification des jeux en 2013Lecture : 59 % des jeux sont accompagnés d'une classification "violence".Source : Rapport annuel du PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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Contrairement au système PEGI, le CNC a la possibilité de tenir compte du contexte narratif, et a dû considérer les insultes du comédien comme partie intégrante de la thérapie anti-bégaiement de son personnage, ce qui échappe au PEGI dans son système actuel.… et dans leurs effetsTout sévère qu’il soit, le système PEGI ne semble pas vraiment embêter les éditeurs de jeux vidéo. En remplissant le questionnaire de classification, rares sont ceux qui cherchent à tromper la vigilance du PEGI en minorant la violence de leurs jeux, alors que les administrateurs du système admettent ouvertement ne pas pouvoir jouer à l’ensemble du jeu.La raison de cette abnégation est simple : PEGI est un simple label, qui n’a aucune implication légale dans la plupart des pays qui l’ont adopté. Ainsi, aucune loi n’empêche aujourd’hui une boutique française de vendre un jeu PEGI 18 à un mineur. Au contraire, une classification 16 ou 18 constitue même souvent un argument commercial à destination des joueurs.En France, la très récente loi sur la simplification du droit (« http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0467.asp »>article 22) a pour la première fois officiellement reconnu le système PEGI. « http://www.bbc.co.uk/newsround/19047948 »>Le Royaume-Uni a décidé de rendre la classification PEGI contraignante depuis 2012.Si un décret prévu pour le 1er octobre 2015 devrait rendre obligatoire l’étiquetage des jeux en vente dans la distribution physique, alors que la certification PEGI est aujourd’hui facultative, il s’agit d’une manœuvre « symbolique », explique-t-on au syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), dont la principale ambition est d’officialiser la pratique du PEGI. Il n’est pas question de rendre la classification juridiquement contraignante, comme l’a fait le Royaume-Uni en 2012. « La priorité, c’est l’information et la sensibilisation des parents et des joueurs, pas la répression. » Au contraire, les responsables des cinémas qui ne font pas respecter les interdictions - 12, - 16 + ou - 18 sont passibles d’une amende de 1 500 à 3 000 euros.William AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Il sera le deuxième Noir à siéger à l’Académie française, 32 ans après Léopold Sédar Senghor (1906-2001), élu en 1983. A sa manière, Dany Laferrière, écrivain et journaliste, est aussi un des illustres chantres de la francophonie. Elu au premier tour de scrutin, en décembre 2013, pour succéder à l’écrivain d’origine argentine Hector Bianciotti, dont il est chargé de faire l’éloge, il est reçu, jeudi 28 mai, par l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf.A travers tous ces auteurs, tous nés sur des continents différents, c’est bien la langue française, pierre angulaire de l’Académie française qui est mise à l’honneur. « A un Franco-argentin d’origine italienne va succéder un Québécois de Haïti, qui sera reçu par un Libanais. Voilà ce que c’est, l’Académie française », a tenu a rappeler l’académicien Jean d’Ormesson, lors de la cérémonie de remise de l’épée qui s’est tenue, mardi 26 mai, à l’Hôtel de ville de Paris.Ecrivains voyageursDepuis trois décennies, l’Académie française s’est ouverte aux vents de la francophonie et aux écrivains voyageurs, venus du monde entier. Né à Port-au-Prince, il y a 62 ans, Dany Laferrière est le fils de l’ancien maire de la capitale haïtienne, contraint à l’exil lorsque le dictateur Jean-Claude Duvalier prend le pouvoir. Comme beaucoup d’Haïtiens, il trouve alors refuge au Québec s’installant à Montréal où longtemps, il a vécu « comme un clochard », travaillant au noir dans des tanneries, avant de connaître un succès fulgurant avec son premier livre, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, publié en 1985. Jeudi, Dany Laferrière sera, en effet, le premier écrivain québécois à être reçu sous la coupole. Il occupera le fauteuil n° 2. Parmi ses illustres prédécesseurs, figurent notamment Montesquieu, l’auteur de De l’Esprit des lois et des Lettres persanes, mais aussi Alexandre Dumas, le romancier le plus prolifique du XIXe siècle, entré depuis au Panthéon et dont une grand-mère était une esclave mulâtre de Saint-Domingue. Pourtant, pour l’auteur de Je suis un écrivain japonais (Grasset, 2008), cela serait une grave erreur de réduire un écrivain à son origine. Dany Laferrière ne s’est jamais enfermé dans l’étiquette de « l’écrivain noir ».Un remarquable antidote à l’ennuiAuteur d’une vingtaine d’ouvrages, Dany Laferrière est surtout un remarquable antidote à l’ennui. Plusieurs de ses livres sont consacrés à sa terre natale. Dans L’Odeur du café (1991), il rend un hommage vibrant à sa grand-mère, une femme cultivée qui lui a inculqué l’amour de la littérature et de la poésie. Présent sur place, le 12 janvier 2010, lors du terrible tremblement de terre qui a frappé Haïti, il raconte dans Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011) le silence qui suit la catastrophe humaine.De lui, son éditeur chez Grasset, Charles Dantzig, dit que ce qui le caractérise, c’est « sa grande élégance de forme ». Son humour, sa distance et sa poésie sont effet au cœur de sa manière d’écrire. Il a reçu le prix Médicis 2009 pour L’Enigme du retour (Grasset), qui raconte son retour en Haïti après la mort de son père. Ecrit en alternance en prose et en vers libres – d’où une très grande musicalité –, c’est un roman à la fois sur la famille, l’exil, l’identité et le temps qui passe.Les discours de Dany Laferrière et Amin Maalouf seront consultables sur le site de l’Académie française.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot « Il n'y a rien de plus extraordinaire que la réalité », avait l’habitude de dire Mary Ellen Mark. Cette figure charismatique de la photographie de reportage d’après-guerre, qui a toujours tourné sa caméra vers les exclus et les marginaux, est morte, lundi 25 mai à New York, à l’âge de 75 ans.Née près de Philadelphie, elle s’est d'abord tournée vers des études de peinture et d’histoire de l’art, avant de trouver sa voie en suivant des cours de photographie. « Dès ce moment où j’ai su ce qu’était la photo, je suis devenue obsédée », écrivait-elle dans son livre sorti à l’occasion de ses vingt-cinq ans de photographie.Pour son premier reportage marquant, au début des années 1960, elle suit la vie de drogués à Londres, et trouve son style : du noir et blanc, un mélange de spectaculaire et de compassion, une proximité forte avec ses sujets. Admirative d’Eugene Smith ou de Dorothea Lange, elle cherche les regards forts, le moment suspendu, l’instant dramatique. Cette série marque le début d’une longue collaboration avec les grands magazines américains – Life, Vogue, Vanity Fair… Au cours de ces années, la photographe connue pour son caractère vif et son charisme rejoint l’agence Magnum, de 1977 à 1981, avant de finir par créer sa propre agence.Pour Mary Ellen Mark, impossible de ne pas être amie avec ses modèles. A chaque fois, elle prend du temps pour vivre avec eux, et revient souvent sur les lieux pour avoir des nouvelles ou les photographier à nouveau. En 1979, elle passe plusieurs mois dans un hôpital psychiatrique, pour photographier le quartier sécurisé destiné aux femmes : elle en tire une série forte aux cadrages mouvementés, réunie dans un livre, Ward 81 (1979).Brutalité de la vie quotidienneEn Inde, elle mettra plusieurs années à gagner la confiance des prostituées de la rue chaude de Bombay, Falkland Road : au début, les femmes l’insultent, lui jettent des ordures à la figure, lui crachent dessus. Elle s’installe alors dans le café où les prostituées font leur pause, et en vient à partager leur vie. Pour une fois, les images de Mary Ellen Mark sont en couleurs, dans des tons criards qui disent sans fard la brutalité de la vie quotidienne. « Mary Ellen Mark a l’air de suggérer à ses modèles qu’il n'y a pas de honte, que la honte n’est que la gêne ou la délectation des mauvaises consciences, qu’il n’y a que la réalité, et que toute réalité est digne d’être dite », écrivait le critique Hervé Guibert sur ce travail dans Le Monde en 1981.Son travail le plus marquant naît d’une commande en 1983 pour le magazine Life : à Seattle, ville réputée la plus agréable des Etats-Unis, elle photographie les enfants des rues, oubliés par les services sociaux et délaissés par leurs parents, livrés à la drogue et à la prostitution. Elle en tire un livre, Streetwise, ainsi qu'un documentaire du même nom tourné avec son mari, Martin Bell, qui sera nommé aux Academy Awards en 1984. Elle y suit une enfant de 13 ans, Tiny Blackwell, qu’elle retrouvera vingt ans plus tard pour un nouveau travail photographique.Esthétique de l’emphatieTout au long de sa carrière, sa passion va d’abord aux marginaux de la société : aveugles, fugueurs, prostituées, sans-abri, malades mentaux, drogués, paumés, gens du cirque, gitans, mères adolescentes… En 1987, pour le magazine Life, elle a longuement suivi une famille américaine à l’existence précaire : les parents et les enfants Damm passaient de motels en ranchs abandonnés dans le désert près de Los Angeles. Elle est retournée les voir en 1994, pour constater que leur situation s’était aggravée, les parents sombrant toujours plus dans la drogue malgré les dons générés par la première publication. Elle a aussi consacré un long sujet à Mère Teresa et à son action en Inde.Contrairement à Diane Arbus, qui s’appliquait à faire ressortir l’étrangeté de ses sujets, rassemblant marginaux et gens normaux dans la même fragilité, Mary Ellen Mark, en héritière de l’humanisme des années 1950, cherchait toujours ce qui rapproche les gens : « Je veux atteindre et toucher quelque chose que je sens être au plus profond des hommes », écrivait-elle dans un de ses livres. Une esthétique de l’empathie qui a été largement imitée, jusqu’à la caricature, dans le photojournalisme des années 1980 et 1990.Même si ce travail est moins connu, la photographe a aussi beaucoup travaillé sur les plateaux de cinéma : elle a suivi le tournage d’Apocalypse Now (1979), de Francis Ford Coppola, celui de nombreux films de Baz Lhurmann (Moulin Rouge, 2001). On lui doit une très belle photo brumeuse de Fellini, le porte-voix en bouche, sur le tournage du Satyricon, en 1969. Dans les années 1990, elle est aussi devenue portraitiste de célébrités, photographiant de nombreux acteurs pour Rolling Stone ou le New York Times Magazine.Dates20 mars 1940 Naissance à Elkins Park près de Philadelphie.1981 Livre « Falkland Road », sur le quartier chaud à Bombay.1983 Livre et film « Streetwise », sur une enfant des rues de Seattle.25 mai 2015 Mort à New York.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste © Mathieu Bourgois Texte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / L'obsessionAvec Lionel Shriver, Pierre Patrolin et Alan Pauls. Pascal, Ma et Andréi © JF PAGA | © Claude Gassian | © Philippe MATSAS sTexte de contextualisation - Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam.-->AIR 2015 / Le post-communisme : laboratoire de folie libérale à l'état pur ? Avec Pascal Bruckner, Ma Jian et Andréi Kourkov. Alan Pauls DRLe texte de David Samuel sur "L'identité troublée" sera publié à l'automne dans les recueil des Assises Internationales du Roman aux éditions Bourgois.-->« L’obsession »Alan PaulsJe lis qu’obsession vient d’obsido, un ancien verbe latin qui signifie « prendre une forteresse », et une fois de plus je me réjouis de la discrétion avec laquelle l’étymologie secoue régulièrement l’amnésie du langage. L’idée de siège (et de forteresse assiégée) restitue à l’obsession une valeur militaire qu’elle avait perdue. Lorsque la mauvaise presse qui poursuit les émotions drastiques (et probablement aussi la crainte de devenir le sujet de celles-ci) tentait de nous persuader du caractère renfermé de l’obsessionnel, l’étymologie vient nous rappeler deux choses capitales : que les obsessionnels (qu’ils s’appellent Gustave Flaubert, Adèle Hugo, Brian Sweeney Fitzgerald – alias Fitzcarraldo – ou Travis Bickle) sont des personnes fondamentalement actives, qu’on peut définir moins par une introspection narcissique et une hyperactivité mentale stérile que par un rapport préhensile au monde. Des forteresses, il y en a des milliers : celle de Flaubert était le mot juste, miracle de pertinence stylistique pour lequel il était capable de sacrifier (autrement dit : prendre du plaisir) des semaines entières ; celle d’Adèle H., l’extraordinaire fille de Victor Hugo, était le lieutenant Pinson, l’amour impossible pour lequel elle abandonne sa maison et sa famille, traverse toute seule les mers hostiles du dix-neuvième siècle, repère les détachements militaires et finit folle dans un asile ; celle du mélomane Fitzcarraldo (et sans doute celle de Werner Herzog, qui l’a immortalisé dans un film débridé) était de monter un théâtre lyrique en pleine forêt amazonienne, ce pourquoi il trimballa un transatlantique de trois cent vingt tonnes grâce à un cruel système d’esclaves et de poulies ; celle de Travis Bickle, le chauffeur de taxi de Martin Scorsese, était deux femmes : la distinguée et inaccessible Betsy, assistante de campagne d’un candidat politique, et Iris, l’adolescente prostituée qu’il arrache, à feu et à sang, d’un bordel de New York. L’important en matière d’obsession est que cette place forte, perchée comme elle l’est, ne soit jamais disponible et qu’elle ne se rende pas facilement. Voilà pourquoi elle doit être repérée, assiégée et, dans le meilleur des cas – c’est l’ultime phase de l’obsession, son coup de grâce –, prise. Ainsi, donc, le modèle de l’obsessionnel est aussi bien psychopathologique que stratégico-belliqueux : toute démarche obsessionnelle suppose la nécessité, le plan, la frénésie de la traque, l’infraction et l’annexion finale. Peut-être l’obsession n’est-elle qu’un dialecte de la conquête. Les « psychopathologistes » rétorqueront que l’obsessionnel ne déploie pas le siège, qu’il le subit. C’est la version passive, « victimiste », du syndrome, qui dépeint son héros comme une créature traquée par des idées et des désirs incontrôlables, tellement insistants que pour les conjurer il s’enroule dans une toile d’araignée de rituels laborieux et sophistiqués : cérémonies pour traverser la rue, mystérieuses séances d’hygiène, priorités, protocoles insensés. Les Anglais, si prompts à percevoir du style là où les médecins voient des maux, nomment ces créatures fragiles et idiosyncrasiques des excentriques. Flaubert, Adèle H., Travis Bickle, Fitzcarraldo (plus modestement, moi-même, qui ne me couche jamais sans avoir un verre de quelque chose sur ma table de nuit) sont des excentriques. Chacun possède ses protocoles, mais tous poursuivent comme des somnambules une idée fixe, une mission, une énigme, sans lesquels tout – non seulement la santé de l’obsessionnel, mais aussi le monde – court le risque de s’effondrer. Le problème – le facteur dinguerie – est que cette chose qu’ils poursuivent se trouve en général en dehors de tout horizon possible. Comme certains jeunes rebelles, les obsessionnels sont réalistes et réclament l’impossible. Mais comme personne ne le leur donne, ils n’ont d’autre choix que l’action. Alors, convaincus que la foi fait bouger les montagnes, ils sortent et assiègent la forteresse, mais ils se font presque toujours brûler dans leur tentative, misérables et splendides, comme les grands artistes de l’échec qu’ils sont. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Serge MestreLe mot cléLionel ShriverBelliqueuxBelliqueux : adjectif qualifiant tout à la fois l’œuvre et l’attitude de certains romanciers, au premier rang desquels la revêche Lionel Shriver. Auteur présentant une forte propension à faire cavalier seul. S’obstine à inventer des personnages désagréables, voire détestables, taxés par les lecteurs « d’antipathiques ». Prend un malin plaisir à choisir des thèmes qu’aucun individu sain d’esprit n’a la moindre envie de lire pour se distraire, notamment la démographie (pitié), l’échec (on cherche des modèles !), l’économie (soporifique) ou encore le système de santé américain (on croit rêver !). Individu de sexe féminin, l’auteure, à l’âge de quinze ans, opte pour le prénom Lionel, et affirme pourtant avoir « zéro intérêt » pour le projet Fifty Shades of Gender Identity actuellement accessible pour autoclassification sur Facebook. Par tendance autodestructrice, cette même romancière refuse d’intervenir sur les réseaux sociaux « bouffeurs de temps » et n’a entendu parler de Facebook que par certains journaux ringards. Peut se montrer très critique à l’égard des festivals littéraires, qu’elle qualifie de « masturbation intellectuelle », mais continue pourtant d’y assister, ne serait-ce que pour le plaisir de les trouver « gonflants ». Les auteurs belliqueux ont tendance à mal réagir lorsqu’on les sollicite afin qu’ils définissent un « mot-clé » résumant la globalité de leur œuuuuvre, et, consternés, trouvent l’exercice prétentieux et artificiel. L’auteur belliqueux se montre parfois dangereux et doit être abordé avec prudence. Synonymes : querelleur, récalcitrant, agressif, difficile, ingrat, pugnace, désagréable, grincheux, misanthrope, « pas méchant pour deux sous en vrai », « aboie mais ne mord pas ». Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Richard Catherine Pacary Tous les matchs de Roland-Garros ne se jouent pas sur terre battue. Jeudi matin, une partie très disputée avait lieu dans un hémicycle de l’Hôtel de Ville, entre les tenants des deux projets d’extension du site sportif de l’Ouest parisien : la Fédération française de tennis (FFT) et les associations de protection de l’Environnement. Ces dernières ont remporté un set. Le Conseil de Paris a adopté le vœu présenté par Europe Ecologie Les Verts, soutenu par une partie de l’UMP et les centristes, par 82 voies contre 76, qui demande que de nouvelles études indépendantes soient réalisées sur le dossier FFT en préalable à toute autorisation de travaux.Il s’agit là du énième rebondissement d’un affrontement débuté il y a plus de quatre ans, en 2011, lorsque la nécessité d’un agrandissement a été officiellement actée. Arrivé à saturation, Roland-Garros ne peut espérer conserver son rang dans le tournoi du Grand Chelem qu’à cette condition et redoute d’être délaissé au profit de sites plus exotiques, mieux équipés et mieux payés. Depuis, deux projets s’opposent.Anne Hidalgo : « Le projet de la FFT est le meilleur »Le premier, présenté par la Fédération et soutenu par la Maire de Paris, Anne Hidalgo, utilise les jardins des serres d’Auteuil pour y bâtir un court de 5 000 places, à demi enterré et entouré de nouvelles serres, en lieu et place des actuelles serres techniques. Les grandes serres classées de Formigé ne seraient pas touchées et la destruction du court numéro un permettrait une meilleure gestion du flux des spectateurs. Coût du projet : quelque 400 millions d’euros, entièrement financés par la FFT.Utiliser les jardins des serres d’Auteuil, détruire les serres techniques… autant d’éléments jugés inacceptables par les associations de défense de l’environnement et des monuments historiques. Leur projet alternatif propose de couvrir en partie l’autoroute A13 qui longe le site pour y installer des courts d’entraînement. Le court numéro un ne serait pas détruit mais agrandi. Avantage : les jardins des serres seraient préservés. Inconvénient : un surcoût de 80 millions d’euros, selon le rapport commandé en février par la ministre de l’écologie au cabinet Egis et remis le 18 mai à la Mairie de Paris. « Quatre-vingts millions ?, réagit Yves Contassot, conseiller de Paris EELV, la veille du vote. Moins de 10 millions, et je le démontrerai. » L’impartialité du cabinet Egis mise en douteAutre élément fort de l’argumentaire d’EELV, la mise en doute de l’impartialité du cabinet Egis, payé par la FFT, mais également lié à l’architecte du court des Serres, Marc Mimram, dans une autre réalisation, celle de la gare TGV de Montpellier, comme le montre le site d’Egis. Les auteurs de l’étude Egis et leurs conclusions reconnaîtraient par ailleurs, selon Yves Contassot, que « le projet associatif répond aux fonctionnalités demandées par la FFT », et que « les deux projets n’ont aucune incidence sur l’éventuel déroulement des Jeux olympiques sur le site » en 2024. Deux points souvent avancés par la Ville.Quant à l’architecte Marc Mimram, il est, jusqu’ici, plutôt connu pour ses réalisations de ponts, parmi lesquels l’ex-passerelle Solferino rebaptisée Léopold-Sédar-Senghor. Inaugurée le 14 décembre 1999, elle avait dû être fermée au public moins de huit jours après car jugée trop glissante. Elle n’a rouvert que le 20 novembre 2000, après l’ajout de quatre amortisseurs et de bandes antidérapantes, pour un surcoût de 6 millions de francs. Un pont dont Marc Mimram est néanmoins très fier.Autant d’éléments pour appuyer le vœu du groupe Ecologique, approuvé jeudi 28 mars, que « la ministre en charge des sites [refuse] toute autorisation de travaux » tant qu’une étude complémentaire « indépendante » n’aura pas été réalisée. Pour rappel, rien ne peut se faire sans l’accord des deux ministères, de la culture et de l’écologie. « Roland-Garros, c’est parti ! »La Ville n’avait pourtant pas lésiné pour convaincre. Elle a d’abord orchestré une vaste campagne publicitaire. Partout, dans les médias, sur les murs, le long de l’enceinte du site, le « nouveau Roland-Garros » s’affiche comme un futur certain. La Mairie de Paris avait, par ailleurs, organisé prestement, jeudi 21 mai, une visite guidée des jardins des serres d’Auteuil pour la presse. Jusqu’à la veille du vote, où Anne Hidalgo martelait : « Il y a eu un énième rapport, un énième avis sur la question de la couverture du périphérique, qui montre que c’est extrêmement cher. Si les opposants ont de l’argent à dépenser, qu’ils le disent, qu’ils le mettent sur la table. En ce qui concerne la Ville, ce n’est plus un sujet sur lequel on va continuer à creuser. Roland-Garros, c’est parti ! » Lire aussi :Extension de Roland-Garros : la Ville de Paris veut en finirUn comportement, analysé par beaucoup comme une tentative de passage en force, qui n’a finalement pas joué en faveur du projet de la Fédération. La Ville interpelle désormais directement le gouvernement et son premier ministre, Manuel Valls – qu’elle sait plus favorable au projet de la FFT que Ségolène Royal.« La Ville peut passer outre »« Ce n’est qu’un vœu, sans portée juridique, atténuait Gilles Jourdan, responsable du projet de la Fédération, à l’annonce du vote du Conseil. C’est la Ville qui est interpellée. Elle peut passer outre et signer le permis de construire. » Derrière la voix posée, on sent toutefois l’homme d’action exaspéré par ces retards, qu’il impute aux « histoires de suprématie politique », entre la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, la Maire de Paris Anne Hidalgo, le Premier ministre Manuel Valls, et le président de la République François Hollande, même si ce dernier ne s’exprime pas officiellement sur le sujet. « Il y a un moment où les gens doivent prendre leur décision ». C’est maintenant au gouvernement de trancher, estime Gilles Jourdan. Mais, dans tous les cas, « le projet alternatif, on ne le fera pas ».Catherine PacaryJournaliste au Monde Frédéric Potet Parfois à la demande de grands musées, des dessinateurs revisitent la vie du Caravage, de Picasso, Vélasquez ou Rembrandt. Le Caravage, Rembrandt, Picasso, Vélasquez, Goya, Toulouse-Lautrec, Van Eyck, Antonello de Messine, Dalí... N'en jetez plus. On n'ira pas jusqu'à parler de l'émergence d'un nouveau « genre » au sein de la bande dessinée, mais pas loin, tant se multiplient actuellement les albums consacrés à des géants de l'histoire de la peinture. Si le succès des grandes expositions parisiennes n'est pas étranger à cette tendance, celle-ci s'explique aussi par le caractère de plus en plus décomplexé d'un médium — la BD — longtemps classé au rang de sous-discipline artistique.N'en déplaise à certains, le 9e art a quelque chose à dire à propos du 3e (la peinture), son grand et intimidant aîné. Parlez-en à Milo Manara, maître de la BD érotique des années 1980 et 1990 (Les Aventures de Giuseppe Bergman, Le Déclic,...), de retour à l'affiche avec le premier tome d'une biographie du Caravage, l'idole de sa carrière. « De nombreux écrivains et cinéastes ont raconté sa vie, mais jamais quelqu'un qui est lui-même du métier, confie le dessinateur âgé de 69 ans. Il m'a semblé intéressant de poser un regard professionnel sur lui. Chacun a son Caravage, sa propre vision du personnage. J'ai la prétention, et sans doute l'illusion, de le connaître mieux que d'autres. J'ai voulu brosser son existence comme l'aurait fait un de ses élèves. »“J'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins” Milo ManaraPour cela, Manara a choisi une palette de couleurs volontairement limitée, proche de celle dont usait le génie du XVIIe siècle. Dans plusieurs cases, il s'est aussi essayé au clair-obscur, la marque de fabrique du caravagisme, afin d'accentuer le caractère impétueux de son héros. Manara, enfin, ne s'est pas « dégonflé » quand il s'est agi de reproduire certains tableaux du peintre : il l'a fait à la main, avec l'exigence d'un moine copiste. Seules les couleurs originales ont été « clonées » à l'ordinateur. « La reproduction manuelle est la meilleure façon de pénétrer le génie d'un artiste, explique l'auteur italien. En le faisant, j'ai découvert que le Caravage peignait les femmes avec une modernité extraordinaire alors qu'il est surtout connu pour la sensualité de ses nus masculins. » Cette question de la reproduction des œuvres existantes est bien au cœur de ces biographies en images qui fleurissent en librairie. Un copier-coller exécuté numériquement faciliterait pourtant bien les choses, mais pas question. « Ce serait un crime. Vous détruiriez la conviction qu'a le lecteur de se promener dans un univers dessiné », estime Typex, auteur d'une superbe évocation de la vie de Rembrandt de 260 pages. Dans cette commande du Rijksmuseum d'Amsterdam, le dessinateur néerlandais s'est contenté de copies éthérées des chefs-d'oeuvre de son illustre compatriote : « De telle sorte qu'on voit bien qu'elles sont de ma main, appuie-t-il. Je n'ai aucunement cherché à entrer en compétition avec lui, cela aurait été impossible. » Afin de faire coller le fond à la forme, Typex a aussi adopté, pour son récit, « un style relâché dans le crayonné, comme le faisait Rembrandt ».“Réinterpréter la vie d'un artiste”La même liberté a été laissée aux dessinateurs réunis au sein de la collection « Les Grands Peintres » créée par Glénat. Trois premiers titres, consacrés à Goya, Toulouse-Lautrec et Van Eyck, viennent de sortir. Trois autres sont attendus cet été : Bruegel, La Tour, Vinci. Les prochains évoqueront David, Bosch, Courbet, Van Gogh, Monet, Gauguin, Schiele, Géricault, Renoir, Klimt, Michel-Ange, Fragonard, Manet, Caillebotte, Mondrian... Très clairement associée au renouveau de l'intérêt pour l'art pictural, cette collection ne prétend pas à l'exhaustivité biographique, les albums ne dépassant pas les 46 planches. L'idée est plutôt de donner un coup de projecteur sur un moment de la vie d'un peintre afin que le lecteur ait une idée du contexte historique dans lequel il travaillait. Une dose de fiction est du coup autorisée, pour ne pas dire vivement recommandée. Le Toulouse-Lautrec d'Olivier Bleys (scénario) et Yomgui Dumont (dessin) se trouve ainsi mêlé à une étrange affaire d'enlèvement de jeunes femmes de bonne famille fréquentant les lupanars de Montmartre. Le Goya du même Bleys (scénario) et Benjamin Bozonnet (dessin) se fait piquer au vif par la fille de son modèle, la Leocadia. Le Van Eyck de Dimitri Joannidès (scénario) et Dominique Hé (dessin) joue les émissaires pour une mission diplomatique à Constantinople. Calquer à l'identique des toiles connues de tous paraît encore moins nécessaire, partant de là. « Nous privilégions la réinterprétation graphique des œuvres afin qu'il n'y ait pas de décalage avec le style des dessinateurs. Cela revient peut-être à trahir le maître, mais c'est aussi le principe de cette collection qui consiste à réinterpréter la vie d'un artiste », indique Maximilien Chailleux, éditeur chez Glénat.Reste que les choses peuvent s'avérer plus complexes. Dans « Pablo », remarquée et remarquable série publiée entre 2012 et 2014 chez Dargaud, Clément Oubrerie (dessin) et Julie Birmant (scénario) se sont ainsi vu interdire la possibilité de redessiner les chefs-d'œuvre de Picasso par ses ayants droit, sous peine de procès. Ils n'ont pu le faire que pour le quatrième et dernier tome, avec Les Demoiselles d'Avignon. Le Louvre a lancé sa propre collection BDFoin de frilosité en revanche au Louvre qui, il y a dix ans, a lancé sa propre collection BD en offrant une carte blanche à des auteurs triés sur le volet. Nicolas de Crécy, David Prudhomme, Etienne Davodeau ou encore Jiro Taniguchi ont, entre autres, déambulé dans les couloirs du musée afin d'en rapporter des histoires dont la seule contrainte est de se dérouler sur place. En contrepartie, l'établissement public laisse toute latitude à ses invités en matière de reproduction des œuvres accrochées. Les prochains à s'y essayer seront des auteurs aussi différents que l'Américain Joe Sacco, l'Italien Tanino Liberatore ou le Japonais Taiyo Matsumoto — et peut-être même son compatriote et mégastar du manga Naoki Urasawa (si les négociations aboutissent). Un autre dieu vivant de la BD nipponne, Katsuhiro Otomo, pourrait, lui, investir prochainement le Musée d'Orsay, qui a également créé sa propre collection BD, en 2014.« Le fait que des institutions comme le Louvre ou Orsay s'adressent à eux est perçu de manière inconsciente comme la fameuse reconnaissance que la bande dessinée n'a jamais eue en tant qu'éternel parent pauvre de la peinture, souligne Fabrice Douar, l'éditeur en charge des deux collections. Une profonde humilité habite ces auteurs de BD quand ils viennent ici avec leur carnet à dessin. Ils sont très respectueux des grands maîtres et de la peinture classique. »Respectueux mais pénétrés, aussi, par le sentiment que le métier d'auteur de bande dessinée n'est pas si éloigné finalement de celui de peintre, tel qu'il fut exercé autrefois. Milo Manara a une « grande théorie » sur ce sujet : « La peinture a été pendant des siècles la seule source d'images : elle servait à faire des portraits, des reportages, de l'endoctrinement religieux ou encore de la célébration politique comme au temps de Napoléon. L'art figuratif n'a plus rien à voir aujourd'hui : il est devenu conceptuel, hors de prix et très éloigné de la vie de tous les jours. Si le cinéma a hérité de la fonction sociale de la peinture, la bande dessinée en a récupéré aussi une petite part. Celle-ci vit dans le réel, en prise totale avec la société. » Un jour, qui sait, des artistes raconteront à leur tour la vie des grands auteurs de bande dessinée...Frédéric PotetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Raphaëlle Leyris Il y a de la malice dans le choix par Teresa Cremisi du titre La Triomphante. A première vue, on croirait y ­déceler une manière faraude de présenter son premier roman, à l’inspiration autobiographique affichée, pour celle qui fut le bras droit d’Antoine Gallimard puis la patronne de Flammarion, et qui s’apprête à quitter la direction du groupe Madrigal (Le Monde du 6 mai). Mais, dans le texte, La Triomphante est le nom d’une corvette du XIXe siècle qui, la retraite venue, fascine la narratrice à « l’imagination portuaire », comme elle l’a ­annoncé dès la première phrase.Ce roman n’a rien de triomphant. C’est un livre à l’élégance mate, portrait d’une femme s’adaptant aux changements comme une « plante grimpante aux fantaisies de son jardinier ». Un roman sur les hasards et les circonstances qui façonnent toute vie, et la capacité qu’ont certains de s’y acclimater.Sans doute le fait de naître un peu avant le milieu du XXe siècle à Alexandrie, « un port qui a connu la gloire et l’oubli, une charnière du monde », rend-il particulièrement sensible à l’impermanence des choses. Les ­parents de la narratrice, heureux parmi les heureux de cette ville cosmopolite, n’étaient, eux, pas prêts à connaître l’exil et la chute qui suivirent la nationalisation du canal de Suez, en 1956. Ils n’ont jamais pu se faire à leur nouvelle vie en Italie, et la mère, qui semblait si intrépide, a sombré dans la dépression.La tentation de brillerLeur fille, en revanche, amoureuse des récits de batailles ­navales, stratège formée par la lecture de l’Iliade, s’est astreinte à saisir les us deslieux où elle ­arrivait ainsi que l’enseigne le comte Mosca dans La Chartreuse de Parme : comme si c’étaient les « règles du jeu de whist ». Et en gardant constamment en tête cet autre précepte du personnage de Stendhal : « S’il te vient une raison brillante, une réplique victorieuse qui change le cours de la conversation, ne cède point à la tentation de briller, garde le silence ; les gens fins verront ton esprit dans tes yeux. Il sera temps d’avoir de l’esprit quand tu seras évêque. »A défaut de devenir évêque, elle gravira les échelons d’un groupe de presse italien puis poursuivra en France sa brillante carrière, menée avec une conviction mitigée.Il semble évident que Teresa Cremisi a pris un grand plaisir à rendre indémêlables l’autobiographique et le fictif dans son roman. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans sa manière de restituer une sensibilité d’exilée affleurant toujours, même cadenassée par la volonté de se présenter en « pragmatique ». Il est dans les éclats de sensualité qui traversent une écriture classique, faussement sage. Il est dans la finesse d’observation et dans l’humour qui surgit l’air de rien – une lueur dans l’œil – au détour d’une phrase, d’un chapitre. Il est dans l’envie que fait naître ce premier roman de lire les prochains.La Triomphante, de Teresa Cremisi, Les Equateurs, 205 p., 17 €.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe-Jean Catinchi Ces documentaires rendent hommage à l’artisan de la paix, qui veut développer la tolérance humaine par ses mélodies (jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2). Il n’y a guère que l’amour et la musique qui puissent changer les choses. Cette conviction, c’est celle du musicien catalan Jordi Savall qui n’en finit plus de traduire sa réflexion sur le monde qui l’entoure, avec ses tensions, ses violences, ses conflits dont le pouvoir l’emporte sur la raison, par des programmes d’une intelligence irénique.Dans un récent retour sur un siècle de discordes européennes, Guerre et Paix ; 1614-1714, dont il a fait avec ses trois ensembles, Hesperion XXI, La Capella reial de Catalunya et Le Concert des Nations, un splendide livre-CD (Alia Vox, AVSA9908), le maestro épinglait cette supériorité dont les Européens ne parviennent pas à se déprendre, vantant une tolérance de l’autre qui masque mal une posture condescendante.Pour Savall, il n’est que le juste dialogue entre égaux qui puisse sauver l’humanité. Aussi, au fil des années, après avoir exhumé en marge des « classiques » du répertoire des violistes (Purcell, Marais, Sainte-Colombe) tant de musiques négligées ou « abandonnées » à la tradition populaire, a-t-il savamment noué le lien entre culture savante apprise – comme lui-même et son épouse, Montserrat Figueras, le firent à Barcelone, puis à Bâle – et culture transmise au hasard des vicissitudes des migrations, des exils et des confrontations de fortune.Comme il le fit toujours avec les instruments, élisant la viole d’un facteur vénitien du XVIe siècle qu’il choisit pour ses programmes celtiques ou une basse de viole à sept cordes pour François Couperin, Jordi Savall va à la rencontre des musiciens qui portent ces mémoires, les incarnent et les célèbrent. Pour que le dialogue naisse de l’écoute.Ce tempérament, cette liberté qui autorisent seuls que les couleurs et les manières de chacun transcendent les frontières de l’espace et du temps, c’est ce qui faisait la signature de Montserrat Figueras.La musique contre la fureur du mondePar sa fidélité aux sources, son expressivité et sa créativité exceptionnelle, son timbre et sa diction, la soprano catalane a fixé l’esthétique vocale capable de dialoguer avec l’instrument de Jordi. Et imposé son empreinte sur tout ce que le couple a entrepris en artisans, en artistes, en philosophes aussi. Quand Montserrat, avec une discipline impeccable et une fraîcheur intacte, revisite les cycles de la vie comme les âges de la musique, du Moyen Age à l’ère baroque, Jordi s’attache les musiciens capables de s’engager dans leur aventure.Tous deux privilégient l’écoute, l’humilité et l’empathie pour tout ce que l’homme a pu créer en musique, rempart contre la fureur du monde. Toujours plus absorbé dans sa mission depuis la disparition en novembre 2011 de celle qui fut sa compagne, sa muse et son égérie, Savall poursuit leur lutte pour la paix. « La tragédie de l’être humain est qu’il ne sait pas apprendre de son histoire », déplore-t-il. Mais il ne désarme pas.De l’abbaye de Fontfroide (Aude), leur adresse estivale où ils ont créé ces programmes stupéfiants d’audace et d’intelligence, à Alia Vox, leur maison de disques, il prêche pour la musique comme la seule histoire vivante possible de l’humanité, l’émotion au cœur.Les deux portraits proposés par Benjamin Bleton – l’un, vivant et intime, livré en 2012, peu après la mort de Montserrat, l’autre en 2013, quand Jordi est devenu le croisé d’un pacifisme à l’œuvre – sont une invitation idéale à entendre leur message, si profondément humain. Jordi Savall, musicien de la paix, puis Hommage à Montserrat Figueras, documentaires de Benjamin Bleton. Jeudi 28 mai, à 0 h 50 et 1 h 45, sur France 2.Philippe-Jean CatinchiJournaliste au Monde 27.05.2015 à 18h35 • Mis à jour le27.05.2015 à 20h24 | Julie Clarini Après le spleen et la neurasthénie, voici le burn-out, nouvelle « pathologie de civilisation », comme la désigne Pascal Chabot dans un bel essai tout en excursions philosophiques et littéraires. C'est encore les grands textes de la tradition qui offrent les meilleures pistes pour comprendre cette maladie de l'âme et du corps. Comme l'acedia, traduite par « ennui » ou « paresse », qui menaçait les moines au Moyen Age, cette fatigue dévastatrice est une crise des « croyants », de ceux qui sont fidèles, à Dieu, au système, à l'entreprise. Elle signifie la soudaine perte de sens. « Les personnes affectées furent consciencieuses, ardentes, dures à la tâche, écrit le philosophe. C'est d'ailleurs en partie leur problème. »Spécialiste de l'oeuvre de Gilbert Simondon (1924-1989), penseur de la technique, l'auteur pointe une époque prométhéenne, placée sous le signe de la combustion. Si le feu intérieur, qui valait force et assurance, était autrefois le privilège des élus, aujourd'hui, « les ascètes, les saints, les sages, les philosophes, ceux qui faisaient profession de s'exposer au risque de surchauffe, de folie et de délire, ont perdu le monopole de l'excès ». Embrasement, le burn-out est une révolte contre la froide logique de la technique. A nous de restaurer l'équilibre de la tiédeur ?Global burn-out, de Pascal Chabot, PUF, « Perspectives critiques », 146 pages, 15 euros.(Le Monde des livres, 11 janvier 2013.)Julie ClariniJournaliste au Monde Harry Bellet Les résultats des ventes aux enchères d’art impressionniste, moderne et contemporain de New York battent si régulièrement des records que ça en deviendrait presque lassant, si celles qui se sont achevées jeudi 14 mai ne révélaient quelques nouveautés dans ce marché très particulier. Sauf erreur dans l’addition, le produit vendu en une semaine dépasse les 2 milliards de dollars, 2 457 000 000 si on ajoute la vente d’art impressionniste de Sotheby’s qui se tenait la semaine précédente. Christie’s avait pour sa part préféré décaler la sienne pour ne pas coïncider avec le vernissage de la biennale de Venise qui avait lieu au même moment. Soit 4% de la totalité des échanges d’œuvres d’art de l’année précédente dans le monde, estimée à 58 milliards de dollars.Le tout a été couronné par un nouveau record mondial pour un tableau vendu aux enchères (d’autres auraient fait mieux en vente privées, mais les montants sont là invérifiables), les 179,4 millions de dollars obtenus chez Christie’s pour Les Femmes d’Alger de Picasso. A ce prix là, il s’agit d’un trophée : on observe l’arrivée de nouveaux venus sur le marché, richissimes mais pas nécessairement au fait des subtilités de l’histoire de l’art - toutefois, Picasso, ils en ont entendu parler. Pour peu que le catalogue de la vente leur explique que celui-ci fut peint en hommage à Matisse (ce qui reste à prouver) mort peu de temps auparavant, dont ils connaissent aussi vaguement le nom, et à Delacroix (une rapide consultation sur internet leur confirmera qu’il fut un peu fameux), et les voila rassurés. Un brin flattés aussi d’apprendre la présence dans la salle de « beautiful people », comme l’acteur Leonardo di Caprio, qui achetait peu mais se montrait beaucoup. Pour le reste, la publicité mondiale donnée par la presse à cette vente suffira à ce que leurs amis reconnaissent la chose lorsqu’elle sera accrochée dans leur salon. Ou dans leur musée, puisqu’il est désormais de bon ton de s’en faire construire un à son nom.Tétons floutés à la télévisionNe soyons pas trop caustiques : la toile est belle, et encore dérangeante, au point que la chaîne de télévision Fox News s’est sentie de son devoir moral de flouter les tétons des algériennes. Trophée, mais à double titre, puisque il n’a pas été simple pour Christie’s d’en obtenir le mandat de vente : il leur a fallu pour cela assurer à son précédent propriétaire que, quel que soit le résultat des enchères, il toucherait un montant convenu d’avance. C’est le principe de la garantie, qui dans la vacation considérée, a atteint des sommets : 49 œuvres, soit plus de la moitié des lots de la vente, étaient ainsi garantis. Si Christie’s les cédait moins cher que prévu, la maison en était de sa poche. Le temps où les commissaires priseurs agissaient en intermédiaires neutres entre un vendeur et un acheteur est désormais bien loin.Placement à court et long termeC’est d’ailleurs ce qui gêne le plus les observateurs. Un marchand cité par le New York Times n’hésite pas à parler d’opacité, un comble pour une vente publique. Un autre confie au Monde ses doutes sur la réalité de certaines ventes, un tableau supposément cédé à un tiers pouvant en fait être acheté par la maison elle-même, qui trouve son intérêt à soutenir les prix, spécialement quand son propriétaire est lui-même un des plus importants collectionneurs du monde et valorise ainsi son stock.Dernier enseignement, l’art est définivement devenu un placement qui, s’il est parfois risqué, peut aussi s’avérer très rentable. Sur le long terme, par exemple ce mobile de Calder, acheté 650 000 dollars en 2001, revendu 5,8 millions de dollars cette semaine. Sur le court terme, ça marche aussi très bien : le Portrait d’Henrietta Moraes peint par Bacon en 1963 avait été acheté 33,4 millions à Londres en 2012, rappelle l’excellent Judd Tully, un des meilleurs spécialistes de ce marché. Il a été revendu 47,7 millions de dollars. Plus de 14 millions de dollars de plus-value en trois ans, on comprend mieux l’amour de l’art.Harry BelletJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi Il ne fleure pas bon critiquer les émirats arabes unis. Membre de Gulf Labor, collectif fondé en 2010 pour dénoncer les piteuses conditions de travail des ouvriers sur les chantiers du Louvre et du Guggenheim sur l’île de Saadiyat à Abou Dhabi, l’artiste libanais Walid Raad vient d’en faire l’amère expérience. A son arrivée le 11 mai à l’aéroport de Dubaï, il a été retenu à l’immigration puis renvoyé 24 heures plus tard par le premier vol vers les Etats-Unis.Dans un texte publié sur le site de Gulf Labor, il raconte avoir été expulsé pour des « raisons de sécurité ». Deux autres membres de l’association s’étaient déjà vus refuser l’entrée aux émirats : le sociologue Andrew Ross, refoulé en mars, et l’artiste indien Ashok Sukumaran, début mai. Walid Raad avait pourtant exposé en 2011 à la Biennale de Sharjah. Il s’était même rendu aux émirats l’an dernier sans le moindre souci. Mais entretemps, la dénonciation des abus sur les chantiers d’Abou Dhabi est allée crescendo. En février, l’ONG Human Rights Watch a publié un rapport indiquant que certains employeurs « continuent de retenir les salaires et avantages de migrants, de ne pas rembourser leurs frais de recrutement, de confisquer leurs passeports et de leur fournir des logements de mauvaise qualité ».Banderoles et enquêteLes membres de Gulf Labor ont rebondi sur le sujet le 1er mai en occupant l’atrium du musée Guggenheim de New York avec une bannière circulaire portant cette inscription : « Répondez maintenant aux demandes des travailleurs ! ». Une semaine plus tard, le 8 mai, les mêmes activistes ont brandi leurs banderoles devant le musée Peggy Guggenheim à Venise. Un autre étendard moins frontal est accroché dans l’exposition « All the world’s Futures » du commissaire d’exposition Okwui Enwezor, dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Venise. Le 29 juillet, à l’invitation du curateur américano-nigérian, Gulf Labor y annoncera les résultats de sa dernière enquête sur les conditions de travail sur l’île de Saadiyat.Walid Raad se rendait précisément dans les émirats pour finaliser les recherches. « Nous interrogeons les ouvriers de Saadiyat, mais aussi d’autres lieux dans le Golfe persique au sujet de leurs rêves, de leurs demandes, de leurs conditions de vie et de travail, explique-t-il. Nous parlons aux employés et aux recruteurs. Une de nos équipes a fait une enquête en Inde cette année pour comprendre pourquoi et comment les ouvriers se rendent dans le Golfe. Nous nous adressons aussi aux employeurs de la région qui construisent de meilleurs logements pour les ouvriers et qui les payent mieux. Nous parlons avec les architectes qui ont bâti ces logements, aux économistes qui ont des points de vues intéressants sur les effets que de meilleurs salaires auraient sur les économies du Golf et du reste de l’Asie. » Comment la direction du Guggenheim, dont la bouture émirienne prétend avoir une lecture « inclusive et expansive de l’histoire de l’art », a-t-elle réagi à son expulsion ? « Comme d’habitude, on m’a dit : ’nous sommes préoccupés par cela, et nous faisons ce que nous pouvons, mais nous avons tellement peu d’influence’ ». Ou alors ’nous allons passer des coups de fils et revenir vers vous’, confie l’artiste. Ils ont agi de la même façon avec les revendications de Gulf Labor : ils ont renvoyé la balle, caché leur tête dans le sable, et espéré que ça passe sans trop de dégâts en terme de communication. »Le site de Gulflabor : gulflabor.orgRoxana AzimiJournaliste au Monde 16.05.2015 à 04h40 • Mis à jour le16.05.2015 à 07h29 Le directeur des programmes du géant américain de la vidéo à la demande (VOD) Netflix, Ted Sarandos, a jugé vendredi 15 mai à Cannes, que la réglementation européenne ne protège pas le cinéma et au contraire l’affaiblit. Ted Sarandos, qui est en charge des contenus de la plateforme internet, a pointé du doigt les règles françaises comme le délai de 36 mois imposé pour que Netflix puisse proposer un film après sa sortie.« Cela ne protège pas le cinéma », en fait ça le rend plus faible, a affirmé Ted Sarandos lors d’une conférence organisée dans le cadre du Festival de Cannes. « La chronologie des médias, en France, favorise le piratage. Devoir attendre trois ans pour que les gens puissent voir un film comme il le souhaite encourage cette pratique », a-t-il ajouté.Lire notre note de blog : Netflix s’inquiète du piratage en EuropeLa chronologie des médias est la règle qui impose un délai de 36 mois aux services de vidéo à la demande par abonnement avant d’intégrer un long-métrage à leur catalogue. Présent dans la salle, le producteur américain Harvey Weinstein a pris la défense de Netflix, alors que la plateforme est accusée de ne pas participer au financement de la création, comme le réclament les diffuseurs européens. Netflix a installé son siège européen à Amsterdam depuis le 1er janvier.« Offrir le choix aux consommateurs »Harvey Weinstein, qui a produit des succès au box-office comme « Pulp fiction », « Le Discours d’un roi » ou « The Artist », a qualifié Netflix de « visionnaire » pour sa capacité à créer de nouveaux marchés mondiaux pour des produits tels que les documentaires ou les films en langue étrangère.Le cinéaste américain Joel Cohen, co-président du jury cette année à Cannes, avec son frère Ethan, a évoqué mercredi lors d’une conférence de presse l’émergence de sociétés comme Netflix en ironisant sur ceux qui « regardent ’Lawrence d’Arabie’ sur un iPhone ».« Rien de ce que nous faisons n’est censé aller à l’encontre des salles de cinéma », a assuré Ted Sarandos. « Je veux offrir le choix aux consommateurs », a-t-il insisté. Netflix s’est lancé dans la production originale de contenus avec des séries comme « House of Cards » et « Marco Polo » ou des films comme « Tigre et Dragon ».Lire aussi : J’ai testé Netflix : la révolution a un goût d’inachevé 15.05.2015 à 18h09 • Mis à jour le15.05.2015 à 19h57 Fabien Marsaud, nom de scène Grand Corps Malade, pense être victime d'une « censure » après l'annulation d'un concert prévu à Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis par la mairie. « En annulant ce concert on m'empêche de m'exprimer », affirme le rappeur, accessoirement originaire de la ville, et qualifie la décision du maire, Thierry Meignen (UMP), de « politique ».La municipalité du Blanc-Mesnil annule mon concert car elle ne veut pas que mon invité Rachid Taxi monte sur scène avec moi.#honteux— Grand Corps Malade (@grandcorpsmalad)require(["twitter/widgets"]);Le concert, programmé depuis quatre mois, a été annulé le 12 mai « par courrier recommandé », la mairie invoquant « un problème d'assurance », a-t-il précisé, confirmant une information du Parisien.« C'est une excuse bidon ! La municipalité ment de façon décomplexée car, en fait, elle s'opposait à la venue sur scène de Rachid Taxi et avait peur de potentiels propos politiques de ce citoyen concerné. »« Ce n'est pas de liberté d'expression qu'il s'agit ici »Rachid Taxi, nom de scène, est un chauffeur de taxi qui vit au Blanc-Mesnil, ami de Grand Corps Malade, qui l'a plusieurs fois invité pour des concerts. Mais pour le maire, cité par l'Agence France-Presse, il s'agit surtout d'un « militant d'extrême gauche » qui passe son temps à le « calomnier sur Internet ».« Le simple fait de faire monter cette personne sur scène est une provocation, un coup tordu. Grand Corps Malade le sait (…) Ce n'est pas de liberté d'expression qu'il s'agit ici. Je dis “non”, car la ville paye pour avoir Grand Corps Malade, dans le contrat il vient seul, il est assuré, et ça n'est pas respecté. »Lire le portrait : « Rachid taxi », de la Marche des Beurs à 2012, la même rage pour l'égalité La ministre de la culture, Fleur Pellerin, s'est impliquée dans le litige en s'élevant contre une « annulation honteuse au Blanc-Mesnil. Une décision politique contre la liberté de création. Inacceptable ».Annulation honteuse au Blanc Mesnil. Une décision politique contre la liberté de création. Inacceptable. Tout mon soutien @grandcorpsmalad— Fleur Pellerin (@fleurpellerin)require(["twitter/widgets"]);Stéphane Troussel, président socialiste du département, a tenté de trouver un compromis en proposant d'organiser un concert « dans les prochaines semaines » dans un collège du Blanc-Mesnil. Ce que Fabien Marsaud a accepté, puisque cette fois-ci, « Rachid Taxi sera là ». « Récupération politicienne », a balayé vendredi soir M. Meignen dans un communiqué, reprochant au socialiste de « faire de la politique dans un collège » et de « prendre les collégiens en otage ». Sylvie Kerviel Des panneaux rappelant des paravents qui coulissent au son du shamisen, instrument traditionnel japonais, tandis qu’un renard à neuf queues aux faux airs de dragon joue à cache-cache entre les cloisons : Dogugaeshi offre au spectateur une heure de total dépaysement. Tout surprend dans ce spectacle à effet hypnotique de l’Américain Basil Twist, présenté jusqu’au 28 mai au Théâtre Mouffetard à Paris pendant la Biennale internationale des arts de la marionnette (BIAM).C’est au Japon, sur l’île d’Awaji, que l’artiste, formé à l’Institut international de l’Ecole supérieure nationale des arts de la marionnette de Charleville-Mézières (Ardennes), a découvert la technique qui a donné son nom au spectacle et qui consiste à faire coulisser, horizontalement et verticalement sur des rails, des panneaux décorés, à des niveaux de profondeur différents, créant un effet de mise en abyme. Les mouvements de ce décor, sur lequel sont, par intermittence, projetées des vidéos, évoluent au rythme des musiques qu’interprète, assise à un coin de la scène, dans une semi pénombre, Yumoko Tanaka. Performance vidéoDogugaeshi relève davantage de la performance vidéo que de l’art de la marionnette. Le renard à neuf queues est d’ailleurs le seul personnage animé du spectacle et n’apparaît que furtivement – au risque de décevoir une partie du public, pour lequel un spectacle de marionnettes appelle moins d’abstraction. Ceux là pourront trouver leur bonheur parmi les quelque trente spectacles, présentés par vingt-huit compagnies venues du monde entier pour cette 8e édition de la BIAM, qui se déploie dans Paris et neuf communes franciliennes jusqu’au 30 mai.Du personnage en bois, laine et tissu actionné à la main, aux apparitions vidéos en passant par les silhouettes en papier découpé des théâtres d’ombres : l’univers de la marionnette ne se réduit plus, et depuis longtemps, à celui de Guignol, et les thèmes abordés flirtent souvent avec la gravité. A l’instar de A House of Asia, de la compagnie espagnole Agrupacion Senor Serrano, évoquant la traque de Ben Laden à l’aide de soldats en plastique et d’images vidéos ; ou de Ecris moi un mouton, présenté par la compagnie Arnica, qui aborde la question de la guerre d’Algérie à partir de témoignages repris sur scène par des personnages de chiffon selon la technique dite des « marionnettes sur table ».Un mystérieux CinéMarionnettoGrapheLes petits ne sont cependant pas oubliés. Le spectacle Oblique, proposé aux enfants dès l’âge de 8 ans, joue sur les mots avec beaucoup d’humour et un sens de l’absurde hérité des Shadoks, en mettant en scène des personnages métalliques faits de bric et de broc. Egalement destiné aux plus jeunes, Clic, de la compagnie Des Fourmis dans la lanterne, invite à découvrir l’esprit de Charlie Chaplin ou de Buster Keaton grâce à un mystérieux CinéMarionnettoGraphe. Des ateliers et stages sont aussi proposés à ceux qui voudraient prolonger la rêverie en fabriquant et faisant vivre eux-mêmes leurs propres créations.Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marine Le Gohébel Un documentaire divertissant et instructif sur la première inégalité qui oppose hommes et femmes : leur taille (vendredi 15 avril à 22 h 30, sur Arte).Une succession de photos de couples. Des hommes et des femmes se tiennent par la taille et posent devant l’objectif. En toile de fond, Paris et la tour Eiffel, des villes de France ou du monde. Et la voix off nous interroge : « Avez-vous remarqué un détail ? » Les femmes sont plus petites que les hommes. Partout dans le monde, les hommes dépassent les femmes, jusqu’à 15 cm en Europe du Nord. Comment s’explique ce que les scientifiques nomment le dimorphisme sexuel de taille ?Le documentaire de Véronique Kleiner interroge ce qui semble évident, ce qu’on n’a jamais pensé remettre en cause. Et pour comprendre ce mystère, elle convoque tour à tour des pédiatres, des historiens, des biologistes et des zoologistes, des anthropologues, des sociologues et des ethnologues. Un à un, ceux-ci démontent les clichés. Le premier ? Nous ne sommes pas de plus en plus grands. Notre taille change en fonction des époques. Un autre ? La taille est un indicateur du niveau social et des conditions de vie. Les jeunes aristocrates anglais du XIXe siècle dépassaient leurs concitoyens des couches populaires d’une tête. Un dernier ? Chez les animaux, les mâles ne sont pas systématiquement plus imposants que les femelles.A rebrousse-poilLa femelle baleine est le plus grand mammifère sur terre. La taille des tortues – mâle ou femelle – dépend de leur environnement. Si l’homme est un animal comme les autres, sa taille dépend-elle de son environnement ?Le documentaire poursuit l’investigation. Les extraits de films muets (Les Trois Ages, de Cline et Keaton, et Charlot nudiste, de Chaplin) apportent un rythme. La voix caustique de Sophia Aram donne un ton primesautier. Elle interpelle, mais n’assène pas. Le documentaire nous prend à rebrousse-poil. A l’image de son titre, qui ne met plus les femmes dans une position passive, mais en fait le sujet. Véronique Kleiner s’amuse en précisant la taille de chacun de ses interlocuteurs. Qui, entre le pédiatre de 1 m 70 et l’anthropologue de 1 m 57, aura raison ?Alliant humour et rigueur, ce documentaire apporte des réponses passionnantes à des questions étonnantes.Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ?, de Véronique Kleiner, (France, 2013, 52 min).Marine Le GohébelJournaliste au Monde 15.05.2015 à 11h01 • Mis à jour le15.05.2015 à 13h17 | Hélène Delye Une évocation à la fois crue et poétique des troubles bipolaires (vendredi 15 mail à 23 h 20 sur Arte).Il y a ce mouvement de balançoire, qu’elle filme à plusieurs reprises dans son documentaire. La caméra subjective fait qu’on y ressent ce haut-le-cœur grisant et un peu étourdissant, qui saisit chaque fois qu’on se balance très haut. Et puis il y a cette séquence, amorce magnifique du film issue des archives personnelles de sa réalisatrice, Caterina Profili.On la voit enfant sur une plage de Toscane, jouant dans les vagues, filmée en Super-8. « J’ai 7 ans, je ne suis ni particulièrement jolie ni spécialement intelligente… Mais, en moi, s’agite la mer », commente la réalisatrice, avec sa voix d’adulte au bel accent italien. Quelle image vertigineuse et bien choisie pour évoquer les excès et les accès qui caractérisent les troubles bipolaires, les vagues d’exaltation auxquelles succèdent les tréfonds de la dépression.Lorsqu’elle est en phase maniaque, Caterina Profili se sent toute-puissante, se laisse entraîner par ses fulgurances. Elle échafaude des projets impossibles, achète des billets d’avion, et fait des chèques en bois. Elle s’agite, c’est sûr, se débat, peut-être, jusqu’à s’effondrer. Tout à coup, elle plonge dans la torpeur de la dépression, se cloître chez elle, n’est plus capable de rien sauf de tenter de se donner la mort. « Une vie bipolaire est un parcours de fractures. »« Créatifs, spirituels »Dans Etoile bipolaire, la réalisatrice trace, avec aplomb et finesse, le portrait de sa maladie en racontant son propre cheminement, mais aussi en tendant son micro à trois de ses amis, tous bipolaires. Comme l’un deux, Louis, était en dépression pendant le tournage, on ne l’entend pas beaucoup… Mais on saisit tout, grâce à la parole posée et ouverte de sa mère, mais aussi grâce aux va-et-vient de Caterina Profili, qui s’enregistre quand elle se rend chez lui.Avec persévérance, elle frappe à la porte du jeune homme, qu’elle voit comme « le fils qu’elle n’a pas voulu », l’encourage à ouvrir, à sortir de sa torpeur. Ces séquences, par leur ton, leur rythme, leur absence de discours, comptent aussi parmi les plus belles de ce film affectueux et, cependant, sans complaisance.« Nous sommes brillants, altruistes, ironiques, créatifs, spirituels, voire mystiques, solidaires », entonne, avec fierté, la réalisatrice, à propos des bipolaires, qui peuvent être, aussi, sacrément fatigants, lorsqu’ils sont dépassés par leur propre exaltation, qu’ils délirent, exigent et ressassent sans fin. « Tout nous blesse, et nous restons incontestablement fous », dit encore Caterina Profili, dédiant son film au psychiatre Louis Bertagna (1920-2006), spécialiste de la dépression et des troubles bipolaires.Grâce à la parole simple et parfois même rieuse de ses deux amies Laurence et Frédérique, la réalisatrice évoque sans détour le sentiment de culpabilité d’être malade (d’une maladie à la mode, en plus), mais aussi la question du suicide, qui couve chez chacune d’entre elles… Sans oublier les troubles alimentaires, l’envie récurrente de jouer avec ses propres limites, de ne prendre qu’à moitié – voire pas du tout – ses médicaments, avant d’atterrir à l’hôpital psychiatrique.De ce film à la fois juste et cru, on retiendra aussi la musique saccadée et lancinante du grand chef d’orchestre Arturo Toscanini (1867-1957), dont la voix et les directions tonitruantes se sont réincarnées dans la tête de Caterina Profili depuis l’été 1978. Cohabiter avec les rugissements de Toscanini dans la tête, c’est original, mais c’est forcément déroutant.Etoile bipolaire, de Caterina Profili (Fr., 2014, 65 min).Hélène DelyeJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Comme la Fête de la musique, les Journées du patrimoine, la Nuit blanche ou la MuseumWeek, la Nuit des musées fait partie de ces événements culturels créés en France qui séduisent désormais au-delà des frontières hexagonales. Pour sa 11e édition qui a lieu samedi 16 mai, l’événement prolongera la journée de quelque 1 300 musées en France et près de 3 400 à travers l’Europe jusqu’à minuit − parfois plus tôt, parfois plus tard, selon les lieux. Partout, l’accès sera gratuit toute la soirée.Pour les institutions participantes, il s’agit au minimum d’une ouverture exceptionnelle en nocturne, mais la plupart proposent de redécouvrir leurs collections ou expositions temporaires avec des dispositifs inédits et créatifs. Le programme complet est consultable en ligne. Visites spécifiques, performances, ateliers, concerts, lectures, animations scientifiques ou projections, voici une sélection de propositions prometteuses:Picasso dansé en son musée, « Bal moderne » inspiré par l’immigration Le chorégraphe Loïc Touzé a été invité par le Musée national Picasso et l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson à investir les espaces de la collection en s’inspirant de l’œuvre du peintre. « Faire une danse à côté de la couleur qui elle, fait un guerrier, un taureau, une femme. Etre réel, réel comme une toile peinte par des gestes. Faire des gestes épais et simples, voir une danse qui ne se montre pas » : voici résumé par le danseur le programme de son intervention. De 20 heures à 21 h 15.Cette année, le Musée de l’histoire de l’immigration met également la danse contemporaine en avant, avec un « Bal moderne », dans le Palais de la Porte Dorée. Selon le concept créé en 1993 au Théâtre national de Chaillot, danseurs débutants ou confirmés seront conviés à apprendre des danses imaginées par des chorégraphes à partir de répertoires chorégraphiques et musicaux des cultures de l’immigration.Peinture et cinéma au Musée d’Orsay et au MAM, musiques décalées Les grands mouvements artistiques du XIXe siècle (réalisme, impressionnisme, symbolisme ou Art nouveau), et notamment l’esthétique de Renoir, Monet, Moreau ou Gérôme, ont inspiré les premiers réalisateurs. Le Musée d’Orsay recrée ces liens entre peinture et cinéma avec un écran géant déployé dans la nef, où les visiteurs pourront voir des films des pionniers du cinéma, de Méliès à Chaplin. Les images seront accompagnées en live par les élégantes compositions pop du groupe Dorian Pimpernel. Entre les projections, et sur ce même thème, des conférenciers présenteront des œuvres du musée.Autre hommage faisant le lien entre art et cinéma : le Musée d’art moderne de la Ville de Paris proposera à 21 heures une projection en plein air de Belle de jour (1967), de Luis Bunuel, en lien avec l’exposition « La Passion selon Carol Rama », consacrée à cette artiste italienne inclassable et méconnue.Quant au LAM, à Villeneuve-d’Ascq, il proposera également, parmi ses multiples propositions, une association inattendue entre ses collections et la musique, avec des visites déambulatoires accompagnées par le collectif de chant Ensemble 101. « Chasse au Snark », performances et vidéos au Musée de la chasse et de la nature Ce samedi, au Musée de la chasse et de la nature, on chassera le Snark, un animal fantastique auquel Lewis Caroll a consacré un récit poétique et absurde. Dès 20 heures, le texte donnera lieu à quatre performances dans différents espaces du musée, sous forme de quatre chapitres revisités par des artistes aux univers très différents (Skall, Duan Zhao, Qin Han et Eric Madeleine). En parallèle, les vidéos lauréates du concours du musée destiné aux étudiants et jeunes diplômés des filières cinéma et arts plastiques seront projetées – la compétition, qui en est à sa 7e édition, porte cette année sur le thème « Qui sont les animaux ? ».Troubles et dégustations au MAC/VAL Le MAC/VAL proposera pas moins d’une douzaine de performances, dégustations artistiques ou visites très spéciales. Dans le cadre de l’exposition « Cherchez le garçon« , qui marque les 10 ans du musée d’art contemporain du Val-de-Marne, le performeur Pierre Joseph « activera » deux de ses personnages-archétypes : « GI »(Vietnam) et « Marine » (Afghanistan), tandis que Florian Sicard se transformera dans un mouvement continuel, sans jamais se figer dans un personnage identifié. A 19 heures, les visiteurs sont conviés à une performance anthropophagique : déguster un moulage en chocolat grandeur nature du corps de l’artiste Laurent Moriceau. Le duo Dector & Dupuy proposera par ailleurs une visite-dérive absurde et poétique d’une heure dans Vitry-sur-Seine.Art et jeunes enfants au Palais de Tokyo, au Petit Palais ou à LilleDès 18 heures, le Palais de Tokyo proposera des visites ludiques au cœur des expositions d’art contemporain de la saison « Bord des Mondes » pour les adultes et les enfants de 5 à 10 ans. Même public, mais autre ambiance au Petit Palais, qui organise un jeu de piste costumé dans l’exposition « Les Bas-fonds du Baroque. La Rome du vice et de la misère » à partir de 18 h 30.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-555720da08a47'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 13\r\n \r\n \r\n\u00ab Gants \u00e0 d\u00e9couper pour cuisinier \u00bb - \u00ab Ce kit de d\u00e9coupage est id\u00e9al pour les personnes qui disposent d\u2019un espace de travail restreint ou qui aiment la sensation de ne faire qu\u2019un avec leurs outils. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Gants \u00e0 d\u00e9couper pour cuisinier \u00bb","legende":"\u00ab Ce kit de d\u00e9coupage est id\u00e9al pour les personnes qui disposent d\u2019un espace de travail restreint ou qui aiment la sensation de ne faire qu\u2019un avec leurs outils. \u00bb","source":"\u00a9 KENJI KAWAKAMI","index":0,"position":1,"total_count":13,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/02\/20\/les-objets-improbables-et-delirants-de-kenji-kawakami-au-palais-de-tokyo_4580304_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 13\r\n \r\n \r\n\u00ab Refroidisseur automatique d\u2019aliments \u00bb - \u00ab Pour les personnes qui disposent d\u2019une courte pause-d\u00e9jeuner, manger des nouilles asiatiques dans leur soupe bouillante pose bien souvent le choix corn\u00e9lien de se br\u00fbler le palais ou d\u2019arriver en retard au travail. Ces baguettes \u00e9quip\u00e9es d\u2019un ventilateur raccourciront consid\u00e9rablement le temps n\u00e9cessaire avant que vos nouilles soient consommables en toute s\u00e9curit\u00e9. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Refroidisseur automatique d\u2019aliments \u00bb","legende":"\u00ab Pour les personnes qui disposent d\u2019une courte pause-d\u00e9jeuner, manger des nouilles asiatiques dans leur soupe bouillante pose bien souvent le choix corn\u00e9lien de se br\u00fbler le palais ou d\u2019arriver en retard au travail. 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Beaucoup moins pratique, par contre, pour mettre dans un plat d\u2019\u00e9pinards. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Beurre en tube \u00bb","legende":"\u00ab Apr\u00e8s le rouge \u00e0 l\u00e8vres et le d\u00e9odorant, le beurre fait son apparition dans le monde du stick. Tr\u00e8s pratique pour tartiner vos toasts, il vous \u00e9vitera de salir un couteau ou de casser vos biscottes. 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Maintenant, r\u00e9duisez le temps de s\u00e9chage et ne restez plus oisif : pendant que l\u2019une de vos mains s\u00e8che, actionnez la pompe avec l\u2019autre et le temps passera plus vite. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab S\u00e8che-vernis express \u00bb","legende":"\u00ab Ne rien pouvoir faire en attendant que vos ongles s\u00e8chent est un calvaire. 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Vous allez enfin conna\u00eetre votre bouche \u201csur le bout des doigts\u201d. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Doigt-brosse \u00e0 dents \u00bb","legende":"\u00ab Vous aimez vous brosser les dents avec pr\u00e9cision, mais il faut bien reconna\u00eetre que ce n\u2019est pas toujours facile avec une brosse au bout d\u2019un manche d\u2019une vingtaine de centim\u00e8tres. Retrouvez toute la pr\u00e9cision de vos mouvements en supprimant ce manche interm\u00e9diaire gr\u00e2ce \u00e0 la brosse \u00e0 dents digitale. 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Ces chaussettes, en revanche, s\u2019enfilent en un clin d\u2019\u0153il pour donner l\u2019impression d\u2019un pied parfaitement soign\u00e9. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Chaussettes avec ongles vernis \u00bb","legende":"\u00ab Se vernir les ongles est une t\u00e2che de pr\u00e9cision et qui demande un certain entretien. 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A pr\u00e9sent, vous pourrez d\u2019une seule pression r\u00e9aliser une photographie panoramique instantan\u00e9e sur 360\u00b0. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Appareil panoramique \u00bb","legende":"\u00ab Vous aimez garder intact le souvenir de vos vacances, mais une photo classique ne vous permet pas de vous replonger compl\u00e8tement dans l\u2019ambiance de vos voyages. 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Encore faut-il r\u00e9ussir \u00e0 s\u2019endormir avec le casque dont le tic-tac peut vite devenir irritant. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Casque-r\u00e9veil \u00bb","legende":"\u00ab Pour les gros dormeurs, il est difficile de trouver une alarme efficace. Celle-ci vous r\u00e9veillera dans une telle panique que vous \u00eates s\u00fbr de ne pas vous rendormir cinq minutes plus tard. 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Ces autocollants en \u201ctrompe-l\u2019\u0153il\u201d vous sauveront la mise et changeront radicalement votre vie professionnelle ou scolaire. \u00bb\r\nCr\u00e9dits : © KENJI KAWAKAMI\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Autocollants de l\u2019auditeur attentif \u00bb","legende":"\u00ab Rester \u00e9veill\u00e9 pendant certains meetings ou pendant de longues conf\u00e9rences peut \u00eatre une v\u00e9ritable \u00e9preuve. 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Ici, des classes de collégiens et de lycéens présenteront une œuvre de leur choix, par des interventions jouées ou chorégraphiées à découvrir au fil de la visite.Dans le cadre de la nouvelle exposition, « Traces... Fragments d’une Tunisie contemporaine », des projections en plein air sont également prévues au fort Saint-Jean à partir de 21 heures. Ce programme de courts-métrages permettra de découvrir le tout premier cinéaste tunisien, Albert Samama Chikli (1872-1934). Projections introduites et suivies d’une rencontre avec le réalisateur Mahmoud Ben Mahmoud, qui présentera son documentaire sur ce pionnier, dont la fille Haydée, sa scénariste et actrice, fut la toute première actrice arabe. En parallèle, le MuCEM propose de découvrir le Centre de conservation et de ressources (CCR), situé à la Belle de Mai, en nocturne, entre découvertes insolites et DJ sets. L'#objetdelasemaine est cette plaque de projection [dite plaque de lanterne magique] venant de Bizerte, Tunisie, le Vieux-Port Mazo et datant de la Fin du XIXe siècle Au moment où le #MuCEM ouvre une exposition sur la question de la trace dans l’œuvre de plusieurs photographes tunisiens de différentes générations, ce cliché exprime l’intérêt ancien de photographes européens pour les villes de la Méditerranée. L’histoire de la photographie fait appel à des notions souvent contradictoires ou ambigües faisant se croiser pure curiosité, souci documentaire, désir de contrôler une situation ou prise de possession de territoires. Ce sont ces notions qu’interroge l’exposition Traces... Fragments d'une Tunisie contemporaine. #TracesMuCEM Une photo publiée par MuCEM (@mucem_officiel) le 14 Mai 2015 à 7h46 PDTCette année, le Musée du Quai Branly propose une flânerie nocturne imprégnée d’Orient. Ici aussi, inspirations traditionnelles et contemporaines se mêlent, entre animations contées, vidéos, performances dansées et DJ sets proposés pas les collectifs ARASTAZY et MAWIMBI.Des visites doublement éclairéesLa visite à la bougie, ou plus prosaïquement à la lampe de poche, est une option qui séduit chaque année. On notera que les châteaux en sont particulièrement friands : celui de Nemours propose ainsi une visite commentée aux chandelles; celui d’Auvers-sur-Oise, dédié à l’impressionisme, propose plutôt de découvrir ses jardins à la française à la lueur des bougies. Les grands appartements du château de Fontainebleau se visiteront dans la pénombre, tandis que le jardin sera illuminé. Dans une veine plus technique, le Musées des Arts et Métiers proposera une soirée dédiée à la lumière, organisée en partenariat avec le CNRS.Visite sensorielle au Louvre Lens
« Au-delà du regard », proposée par le Louvre-Lens, est une visite sensorielle mêlant public voyant et public mal ou non-voyant. Il s’agit d’être éclairés par les autres sens que le regard pour aborder différemment les œuvres de la Galerie du temps : par le toucher, l’ouïe et l’odorat. L’expérience se terminera par une dégustation. A 17 h 30 et 20 heures. Les visites se feront par ailleurs en musique tout au long de la soirée, avec des récitals duo voix et harpe.Visite à distance du MAC Lyon, grâce à un robotLe Musée d’art contemporain de Lyon propose de rendre accessible son exposition « Open Sea », consacrée à la scène artistique contemporaine de l’Asie du Sud-Est, grâce au robot BEAM, de la société AWAbot. Un médiateur fera ainsi visiter à distance l'exposition, qui présente les œuvres de plus de trente artistes, aux enfants hospitalisés de l’IHOP de Lyon. L’opportunité est ouverte à tout un chacun disposant d'une connexion Internet et d’une webcam sur réservation.Une Nuit des musées qui se décline différemment selon les pays… ou les villesComme chaque année, en Grande-Bretagne, Museums at Night ne dure pas une nuit, mais quatre, du 13 au 16 mai, dans des centaines de musées et galeries. Les musées d’Estonie se sont accordés sur une thématique commune, « La musique dans la nuit » ; certaines grandes villes ont également choisi cette option, comme Saint-Pétersbourg, où une centaine de musées et galeries déclineront la notion de « Métamorphose ».En France, les musées de certaines villes se sont aussi rassemblés autour d’une thématique commune, comme Rochefort, qui décline une « Nuit américaine » dans douze de ses musées. Cet hommage au Nouveau monde est un clin d’œil à l’Hermione, la frégate qui avait permis à Lafayette de rejoindre l’Amérique en lutte pour son indépendance en 1780, et qui a été reconstruite à l’identique dans la ville. Comme chaque année depuis 2006, onze musées de Mulhouse ouvriront leurs collections à une grande chasse aux trésors, « La Nuit des mystères ». Le thème retenu cette année : les années 1950.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Sa double initiale B. B., pour Blues Boy, lui avait été donnée à la fin des années 1940, lorsqu’il animait un court programme hebdomadaire dans une radio de Memphis (Tennessee). Et son nom de naissance, King, le roi, peut être vu comme ayant été un signe favorable à son destin. B. B. King était probablement le musicien de blues le plus célèbre dans le monde, un « ambassadeur » du genre, selon les termes du journaliste Sébastien Danchin dans la biographie qu’il a consacrée au guitariste et chanteur (B. B. King, Fayard, 2003). B. B. King est mort jeudi 14 mai, à Las Vegas (Nevada), a annoncé son avocat, vendredi 15 mai, dans un communiqué diffusé par l’agence Associated Press. Agé de 89 ans, B. B King avait été hospitalisé en avril à la suite d’un malaise et était soigné depuis début mai à son domicile, en raison de complications de son diabète.Avec quinze Grammy Awards depuis 1971 et un doctorat honorifique de la Yale University (New Haven, Connecticut) en 1977, il était considéré comme un artiste de première importance culturelle et avait été récompensé comme tel par des présidents des Etats-Unis (Bill Clinton lui remet les prestigieux Kennedy Center Honors en 1995, George W. Bush accroche à son cou, en 2006, l’ordre le plus élevé pour un civil, la Presidential Medal of Freedom)… Ce ne sont que quelques-uns des honneurs décernés à celui dont le quotidien, alors qu’il était encore enfant, consistait à ramasser le coton et à travailler dans les champs.Riley Ben King est né le 16 septembre 1925 à Itta Bena, une plantation à quelques kilomètres à l’est de la ville d’Indianola (Mississippi). Sa mère est alors âgée de 18 ans, son père guère plus. Elle partira à Kilmichael, à une petite centaine de kilomètres, avec son fils quatre ans plus tard. Elevé par sa grand-mère et par sa mère, B. B. King n’a que 9 ans lorsque cette dernière meurt. Son environnement musical est constitué de chants de travail et du gospel qu’il entend à la maison et à l’église. En 1943, devenu ouvrier agricole, il est appelé sous les drapeaux. Les propriétaires de plantations ayant passé un arrangement avec l’armée pour récupérer rapidement leurs employés, son service militaire, durant lequel il découvre le jazz, est écourté. Avec une guitare, dont il a appris les rudiments, il commence à chanter et à jouer dans la rue, lors de ses jours (et nuits) de congé.En mai 1946, B. B. King part pour Memphis, décidé à vivre dorénavant de la musique. Il aurait pu choisir de partir au sud, à New Orleans, berceau musical du jazz, ou au nord, à Chicago, capitale du blues urbain. Mais il n’y connaît personne, alors qu’à Memphis réside un cousin, Bukka White (1909-1977), guitariste et chanteur. Après neuf mois, en dépit des contacts et de l’aide de Bukka White, faute d’avoir percé, il repart travailler sur une plantation. Puis retourne Memphis à la fin 1948. Cette fois, il trouve un engagement quotidien dans un club et un passage hebdomadaire dans une station de radio, WDIA, pour laquelle Il interprète deux ou trois morceaux et des refrains pour des publicités, et annonce ses concerts à venir.C’est peu de temps après que B. B. King va baptiser ses guitares du nom de « Lucille ». Un soir dans un club de l’Arkansas, une bagarre entre un homme et sa femme, prénommée Lucille, provoque un incendie. B. B. King sort en courant, pour s’apercevoir qu’il a oublié sa guitare, son seul instrument alors et son gagne-pain. Il retourne dans le club en feu, récupère l’instrument. Trop heureux de ce sauvetage, il décide alors de donner ce prénom à ses guitares. Lesquelles – des premières Fender et Gretsch de ses débuts, au modèle ES-355 de Gibson qu’il adopta définitivement à la fin des années 1950 – eurent droit à une composition en 1968 dans l’album du même nom, où est racontée l’anecdote.Jusqu’à la fin 1951, B. B. King verra grandir sa réputation entre des concerts dans différents lieux de la ville, ses passages à la radio et de premiers enregistrements, pour Bullett puis RPM, l’un des labels d’une importante compagnie phonographique californienne à l’époque, Modern Records, dirigée par les frères Bihari (Lester, Julius, Saul et Joseph). Le succès arrive à la fin de l’année 1951, avec la parution d’une reprise par B. B. King de Three O’Clock Blues de Lowell Fulson (1921-1999). L’interprétation de B. B. King va rester dans le haut des classements des meilleures ventes de disques de rhythm’n’blues durant dix-sept semaines, dont cinq en numéro 1. B. B. King en fera l’un de ses thèmes fétiches, le jouant régulièrement en concert et le réenregistrant à plusieurs occasions.Rapidement, la fratrie Bihari, et plus particulièrement Julius, qui va superviser dans les années qui suivent la plupart des enregistrements de B. B. King, font repartir le guitariste et chanteur en studio. Après quelques titres qui ne restent pas mémorables, son deuxième gros succès, à l’automne 1952 (dix-huit semaines dans le haut des classements), You Know I Love You, est une ballade, dans laquelle c’est la voix du chanteur qui domine avec un accompagnement où le piano prend le pas sur la guitare. Les producteurs de King s’efforcent de développer cette option de crooner, mais son public reste attaché à sa part blues.C’est généralement avec la chanson Blind Love, enregistrée en juin 1953, que les spécialistes du blues identifient l’affirmation du style de B. B. King à la guitare que Sébastien Danchin résume ainsi : « le véritable prolongement de sa voix ». A cela s’ajoute une section de vents, qui donne de l’ampleur à l’orchestre, souvent restreint dans le blues à une rythmique pour accompagner le soliste. Cette présence des vents sera caractéristique de la plupart des formations de B. B. King.Les succès se suivent alors : Please Love Me (1953), You Upset Me Baby (1954), Everyday I Have The Blues (1955, qui va devenir un autre de ses thèmes de prédilection, souvent joué en ouverture de ses concerts, comme Let The Good Time Roll), Bad Luck (1956), Sweet Little Angel (1956), Sweet Sixteen (1960)… De quoi faire de B. B. King, au milieu des années 1950, le plus important vendeur de blues – un statut qu’il conservera peu ou prou. Il se produit en concert au moins six jours sur sept. Au cours des années, il pourra renégocier à la hausse son contrat avec les frères Bihari – qui font passer King de RPM Records à Kent, un autre de leurs labels, en 1958. Il a droit à des arrangeurs, ses enregistrements sont de plus en plus soignés. En tournée, à sa quinzaine de musiciens réguliers s’ajoutent chauffeur, valet de chambre, costumier…En 1962, après plus de dix ans avec Modern Records, B. B. King signe avec ABC Records, filiale disque du réseau national de télévision et de radio. La compagnie est l’un des poids lourds du secteur. Les directeurs artistiques d’ABC Records vont essayer de rééditer avec King la méthode qui leur a réussi avec le pianiste et chanteur Ray Charles : être reconnu par un plus large public – comprendre le public blanc –, avec des grands orchestres de cordes, un répertoire plus policé que celui du rhythm’n’blues. Mais pas plus que lors de tentatives similaires chez Modern, qui avait moins de moyens, cette tentative de rendre B. B. King plus proche de la grande variété ne trouve de retentissement phonographique. D’autant que ses concerts restent dans les grandes lignes du blues électrique pour lequel il est apprécié. A partir du milieu des années 1960, B. B. King retrouve sa marque de fabrique. Et, dans les années qui suivront, il restera dans ses grandes lignes stylistiques, allant de temps à autre piocher dans le rock ou la soul quelques éléments d’ornementation.Dans le même temps, il est présenté par nombre de musiciens blancs du rock, marqués par le blues afro-américain, comme étant un musicien d’importance et d’envergure. Jimmy Page, Eric Clapton, John Mayall ou Michael Bloomfield (1943-1981), parmi d’autres, vantent ses mérites. Lors de la partie américaine de leur tournée internationale en novembre 1969, les Rolling Stones invitent Terry Reid, B. B. King et Ike & Tina Turner à jouer en ouverture de leurs concerts. Dans son autobiographie Blues All Around Me (Avon Books, 1996), B. B. King estime que c’est de cette participation que date sa reconnaissance par le grand public blanc. Dès lors, s’il a visité les moindres recoins des Etats-Unis depuis une vingtaine d’années, B. B. King va parcourir de plus en plus régulièrement l’Europe – ses premiers concerts en France et en Grande-Bretagne avaient eu lieu début 1968 –, l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Océanie et, dans une moindre mesure, le continent africain.En décembre 1969 sortira ce qui reste son dernier grand succès, et probablement la chanson à laquelle B. B. King est le plus identifié, The Thrill Is Gone, composition de Rick Darnell et Roy Hawkins qui date de 1951. Elle sort en 45-tours et figure dans l’album Completly Well (ABC-Records). La discographie de B. B. King va prendre une allure désormais sans grande surprise. S’y mêlent des enregistrements de concert, dont certains lors de prestations dans des prisons, et en studio des albums de blues avec son orchestre régulier puis de plus en plus régulièrement à partir des années 1990 des disques avec des invités prestigieux du rock ou de la soul ou des vedettes pop. On le retrouvera toutefois dans une approche presque rustique dans l’album One Kind Favor (Geffen Records), en 2008, pour lequel il recevra son dernier Grammy Award.Au printemps 1979, comme Elton John à peu près au même moment, B. B. King part en tournée d’une vingtaine de dates, dans l’alors encore Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Pour le roi du blues comme pour la vedette de la chanson pop, ce sont des premières. C’est lors de cette tournée, comme le rappelle Sébastien Danchin, que B. B. King va prendre l’habitude de lancer dans les rangs du public des médiators portant son nom gravé. Il avait également ouvert en 1991 le B.B. King’s Blues Club, sur Beale street, la rue du blues de Memphis. Une marque qui va se développer, avec plusieurs autres établissements, à Los Angeles, Nashville… et le dernier en date à Las Vegas, en 2009.A partir de 2006, il part en tournée d’adieu. B. B. King, ménage peu à peu ses interventions lors de ses concerts, laissant différents musiciens de son orchestre prendre des parties solistes plus fournies. Mais même affaibli, son jeu de guitare restait incisif et expressif. Et toujours, dans ses costumes brillants, il se montrait attentif à présenter un spectacle avec ses rituels, la main sur l’épaule de ses musiciens lors de son entrée en scène, le lancer de médiator, et un grand sourire radieux pour servir avant tout la musique, sa musique, le blues.16 septembre 1925 : Naissance à Itta Bena (Mississippi)1948-1949 : Premiers concerts réguliers à Memphis (Tennessee) et dans les environs. Anime une émission de radioAutomne 1952 : premier succès « Three O’Clock Blues »1953-1960 : enregistre la plupart de ses succès dont « Everyday I Have The Blues »1968-1969 : suscite l’intérêt du public blancDécembre 1969 : parution de sa chanson la plus célèbre « The Thrill Is Gone »2006 Début de sa tournée d’adieu14 mai 2015 Mort à Las Vegas (Nevada)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvie Kerviel et Claire Guillot De la poésie des marionnettes Du personnage en laine et tissus actionné à la main, façon Guignol, à la création vidéo en passant par la figure de carnaval plus ou moins effrayante, les marionnettes ont rendez-vous avec le public, jusqu’au 30 mai, dans toute l’Ile-de-France. L’occasion de découvrir un art extrêmement varié et créatif. Au programme de la huitième édition de la Biennale internationale des arts de la marionnette, quelque cent vingt spectacles, présentés par vingt-huit compagnies venues du monde entier. Les enfants comme les plus grands y trouveront matière à rire, frémir ou rêver.Biennale internationale des arts de la marionnette 2015 « Murmures des murs » : le retour des Chaplin-Thierrée Revoilà la tribu des Chaplin-Thierrée, joyeuse descendance du maître Charlie. Victoria Chaplin, sa fille, et Aurélia Thierrée, sa petite-fille, présentent au Théâtre du Rond-Point, à Paris, Murmures des murs, un spectacle où l’on retrouve l’univers commun à toute la famille : un monde toujours un peu précaire, instable, dont Victoria traduit les glissements et les métamorphoses à travers les étranges créatures qu’elle met en scène, habitées par Aurélia.Au Théâtre du Rond-Point, à Paris. L’art sauvage d’une vieille dame indigne, Carol Rama « L’Isola degli occhi », 1967, de Carol Rama. Collection privée.L’œuvre de l’Italienne Carol Rama a été ignorée, ou censurée, toute sa vie : trop animale, trop libre, trop sexuelle pour les mâles dominant l’art du XXe siècle. Le siècle suivant lui offre une revanche, avec un Lion d’or à Venise en 2003 et une rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. On y verra que son parcours n’obéit qu’à un seul ordre : celui du corps. Elle cultive l’impureté dans ses toiles et ses dessins, et rassemble des objets qui sont comme des fétiches.Au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. L’aura d’Oum Kalsoum à MontpellierDisparue il y a quarante ans, le 3 février 1975, la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum continue d’inspirer – on a vu Shakira danser sur un de ses titres dans un clip. La star orientale est au cœur de la dixième édition d’Arabesques, festival montpelliérain consacré aux arts du monde arabe. Spectacles, concerts (dont la venue de l’Orchestre de l’Opéra du Caire), exposition, table ronde sont au programme.Festival Arabesques, à Montpellier. La nuit des musées pour voir les œuvres sous un nouveau jour Se faire une toile en after ? C’est possible le 16 mai, dans les 1 300 musées qui participent à l’opération « Nuit des musées ». L’entrée est gratuite et peut être tardive – au moins jusqu’à minuit. Certains lieux osent aussi des animations originales : au Musée Picasso à Paris, le chorégraphe Loïc Touzé réinterprète les toiles du maître italien avec son corps. Le LAM de Villeneuve-d’Ascq est plongé dans le noir, et les visiteurs découvrent les œuvres à la lampe de poche. Au Musée d’histoire naturelle de Toulon, on part à la chasse aux papillons de nuit dans le jardin du Las.Dans toute la France. Les artistes « bambocheurs » de la Rome baroque C’est une Rome crapuleuse que décrit l’exposition « Les Bas-Fonds du baroque », au Petit Palais, à Paris. Y sont réunies les œuvres de jeunes artistes qui étaient tout sauf de gentils garçons : joueurs, buveurs, provocateurs… Bienvenue dans la Rome du XVIIe siècle et plus précisément dans ses bas-fonds, où se retrouvent pour « bambocher » de jeunes artistes venus du monde entier apprendre leur métier dans la Ville éternelle… et s’encanailler. C’est ce côté obscur que montre l’exposition, dans une mise en scène évocatrice de Pier Luigi Pizzi.Au Petit Palais, à Paris.Claire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Laurent Carpentier « Non, je ne suis pas drôle. Plutôt le genre intense, intense, intense… » Il esquisse un rire qui aussitôt se meurt. « Ça doit être barbant, parfois. »A 67 ans, Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague, est de retour à Cannes avec L’Ombre des femmes, qui fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Un film en 35 mm, noir et blanc, voix off. Magnifique, comme fixé dans le temps. Lui-même, cheveux, sourcils et chemise-cravate en broussaille, avait donné rendez-vous à Paris, avant le Festival, loin du grand barnum, dans un café du Quartier latin qui fait sa réputation de désuétude intransigeante. Pour un peu, on s’attendait à le retrouver en noir et blanc.Lire aussi :Philippe Garrel affiche la couleur d’une Quinzaine à l'ombre des auteursIl a fixé les règles : vous écrivez une interview deux fois plus longue que ce que vous souhaitez imprimer et j’en coupe la moitié. Le coup du « final cut » ? Ou un dispositif inconscient qui pose une question qui traverse L’Ombre des femmes, et plus largement son cinéma : se soumettre ou trahir ? Ça l’étonne qu’on négocie. On lui a expliqué : ce sera un portrait. On lui fera relire les citations, après on écrira.L’homme qui, depuis son premier court-métrage, à 16 ans, avec des morceaux de pellicules récupérés sur un tournage de Claude Berri, continue contre vents et marées de tourner et de monter en 35 mm, n’a ni ordinateur ni téléphone portable (« La moitié de notre temps est consacré à faire marcher des machines, moi je veux garder du temps pour réfléchir »). Il faut apporter le texte imprimé, le récupérer scotché sur sa boîte aux lettres le lendemain. « A l’ancienne. »Tout chez lui est définitivement ancré dans un temps et une filiation. Dans une fidélité à la famille, au clan, à ceux qui l’ont vu éclore : « Il y a mon père, il y a Godard, et puis Marcel Domerc, un prof de français génial, tourné vers la vie, que j’ai eu en 3e et qui a pris sa retraite juste après. J’ai toujours suivi leurs manières de penser. » Et il ne lui apparaît même pas à lui, le rebelle, le soixante-huitard qui prenait du LSD pour filmer, dont le cinéma flirte avec l’indicible, qu’il puisse en être autrement.Film féministe« On était vraiment une fratrie très forte. J’ai toujours conçu le cinéma comme une entreprise familiale. Les marionnettistes travaillent en famille, toujours. J’ai dû calquer ce que j’ai vu quand j’étais très petit. » Car avant d’être comédien, son père, Maurice Garrel, est marionnettiste, comme Antoine Vitez et Alain Recoing avec qui il travaille. Sa mère fabrique les poupées. Le couple explose très vite en vol. Pendant dix ans, elle va élever seule les trois garçons, s’en allant travailler « comme secrétaire, dans les bureaux, chez Philips ».Quand il a 14 ans, elle se remarie, Philippe Garrel claque la porte. « J’étais l’aîné, c’est moi qui m’occupais de mes frères à la fin, qui restais seul avec eux parce qu’elle rentrait tard du boulot. Quand un autre homme est arrivé, j’ai perdu mon pouvoir », dit-il simplement. Il respire. « Ma mère est morte cinq jours avant le début du tournage de L’Ombre des femmes. Là, j’ai vu la force d’Œdipe. C’est tellement pour plaire à sa maman qu’on fait de l’art. On travaille énormément pour elle. Pour mon père, c’était plus par fierté. »Il y a beaucoup de non-dits dans le cinéma de Philippe Garrel. « Le film précédent, La Jalousie, était pour mon père, L’Ombre des femmes est pour ma mère. » De cette généalogie d’amours contrariées, de tentatives de suicide, de dépression, de ces électrochocs qui l’ont marqué après une rupture, à Rome, en 1969, il ne dit presque rien. Il filme. « Je lutte pour dévoiler des choses qui nous seraient communes et dont on a honte. Mais parce que le cinéma n’est pas la psychanalyse, il ne peut pas tout absorber. En analyse, les choses, même scabreuses, ont une signification, elles peuvent être exprimées. Au cinéma, la complexité, c’est comment parler à la fois de ce dont on a honte sans fabriquer des enclumes. »L’Ombre des femmes est pour lui un « film féministe ». Le héros, comme toujours chez lui, est un homme prisonnier d’une blessure narcissique qui semble le fermer à ses sentiments. La femme, les femmes, sont dévouées à ce grand homme dans une soumission dévote qui les aliène et dont elles ne semblent pouvoir se libérer qu’en s’enfuyant.Qu’on ne discerne pas bien où ce film peut être féministe le laisse perplexe. Il écoute. Le final cut, c’est lui, mais la critique l’intéresse. « Le réalisateur conduit à vue. Et puis en disant une chose, il en dit une autre. C’est la trace de l’inconscient. C’est en ça que c’est à la fois un art d’équipe et un art solitaire, c’est dialectique. »Il reprend un café. Un déca plutôt. Il ne voudrait pas ne pas dormir. Il est tard déjà. Il s’explique : « Je suis un être quitté. J’ai été quitté par mon père, par ma première femme, par ma deuxième femme, la troisième, non, c’est moi qui l’ai quittée… » Il sourit : « Aujourd’hui, je suis stabilisé, je suis avec la même femme depuis… Ouh la la… au moins vingt ans. J’ai résolu cela en écrivant. Les trois derniers films, je les ai écrits avec la femme avec qui je vis. C’est une manière très intéressante d’avoir accès à l’autre. »On se prend de sympathie pour cet enfant perdu de 1968 qui continue de vivre dans le rêve de sa révolution intérieure, questionnant sa face obscure sans sembler vouloir la résoudre entièrement. Conscient peut-être qu’elle est le moteur de son art, il continue de tourner (25 films au compteur) entouré des siens : son père, son fils, Louis, mais aussi ses femmes – Nico, l’égérie rock du Velvet Underground, Brigitte Sy, la réalisatrice des Mains libres (2010), Caroline Deruas, la scénariste –, ses filles Esther et Lena, les enfants de ses ex… Dans son premier film, son frère Thierry tenait un des deux rôles, et l’autre, François le brocanteur, dont il pleure la mort récente, tenait la guitare.Marivaudages existentielsCette année encore, Louis Garrel est présent à Cannes : pas seulement comme acteur (dans Mon roi de Maïwenn, en sélection officielle), mais comme réalisateur. Il présente son premier long, Les Deux Amis, à La Semaine de la critique, avec son ami Vincent Macaigne et sa femme, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani… Louis aussi aime tourner avec ses proches des marivaudages existentiels, perclus de cicatrices intérieures, où il est question de cinéma et de Mai 68.A la projection privée pré-presse, devant un film pas encore étalonné, une demi-douzaine de personnes sont présentes : parmi elles, Philippe Garrel. On aurait aimé l’observer devant cette scène des Deux Amis qui reprend une scène des Amants réguliers (2004) : le fils y jouait le père sur les barricades ; aujourd’hui, le fils joue le fils jouant le père… Vous vous y perdez ? Peut-être eux aussi.« Maintenant que mon père est mort, c’est moi le patriarche, dit simplement Philippe Garrel. Il y a un an et demi,j’ai commencé une analyse avec Moustapha Safouan, un lacanien historique. Mais pendant trente-cinq ans, j’ai lu des livres de Freud. La psychanalyse, on ne peut pas marcher sans, c’est inhérent à la pensée moderne. Il y a des gens qui disent – mon frère est comme ça – que quand ils ont compris ce qu’étaient les camps de concentration, cela a fondé la totalité de leur manière de penser, de philosopher, leur morale… Eh bien moi, le jour ou j’ai commencé à comprendre l’intuition et le savoir de Sigmund Freud, j’ai trouvé qu’il y avait là de quoi faire la frontière qui est à l’origine de toutes choses, et fonder la nature de l’existence. »Au bout de six mois d’analyse, cependant, Philippe Garrel a écrit à Moustapha Safouan : « Je crois que je peux m’en tirer seul. » « Ouh la la, lui a répondu ce dernier, si on croit qu’on peut s’en tirer tout seul, il faut sauter sur l’occasion. » Il rit : « Depuis, j’ai arrêté de lire Freud. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Rémy est mort, et de nombreuses tribus pleurent. Au point qu’elles ne font plus qu’une, et ce sera le signe d’une vie réussie. Car, depuis plus de quarante ans, Rémy Kolpa Kopoul, dit RKK, était un grand « connexionneur ». Hébergé par son ami Christophe Miossec, ce gentleman journaliste, homme de radio et DJ, était à Brest, parti mixer pour une soirée donnée au Vauban le samedi 2 mai au bénéfice des enfants de son ami Ramiro Mussoto, percussionniste argentin décédé d’un cancer en 2009. Rémy s’est endormi à son heure préférée, l’aube, et ne s’est plus réveillé.Né le 23 février 1949 à Boulogne-Billancourt, fils d’Evgueny Kolpa Kopoul et de Marie Bouzat, Rémy Kolpa Kopoul était âgé de 66 ans. Il avait fêté son anniversaire entouré d’artistes qui l’admiraient et lui devaient d’avoir été découverts au Jamel Comedy Club, un lundi. Car son ami humoriste lui avait confié les clés de sa salle de spectacle des Grands Boulevards pour les soirées « C’est lundi, c’est Rémy ».Etrangeté de la vie : grâce à l’appui de la MC 93 de Bobigny et de son directeur, Patrick Sommier, il venait de monter, enfin, une comédie musicale qu’il avait imaginée il y a trente ans, relatant l’histoire d’amour du Brésil et de la France au début du XXe siècle. K Rio K a été montrée avec succès en avril au Nouveau Théâtre de Montreuil, avec son amie et protégée Mariana de Morais, la petite fille de Vinicius en guest star, et c’était une sorte d’accomplissement.Il en parlait, réjoui, le 26 avril au Printemps de Bourges, où, comme chaque année, il mixait des sons dansants, exotiques, érudits, sous le chapiteau du Magic Mirror. Le jeune rappeur brésilien Emicida s’extasiait devant les bretelles en forme de mètre de couture qui tenaient de larges pantalons posés sur un ventre de belle taille. Le père de RKK était fourreur, il avait transmis son amour de la musique et de la fête klezmer à son fils. Rémy Kolpa sirotait son champagne, parlait de son ami Criolo, autre jeune rappeur de Sao Paulo, avec cette voix anti-radiophonique au possible, tremblée, basse, rocailleuse et donc devenue remarquable.Des « Brasilophiles » à la « world music »Première tribu, donc : les « Brasilophiles ». Sa rencontre avec la musique se concrétise par un concert d’Eddy Louiss, où sa mère l’emmène à l’âge de 16 ans. Celle qui le mène vers le Brésil, date du temps où le jeune homme, agitateur à la MJC de la porte de Saint-Cloud et Maoïste, tendance « spontex », s’occupe des exilés de la dictature militaire. Parmi eux, le chanteur Caetano Veloso, parti à Londres et qui donne en 1971 un concert à la Mutualité. L’amitié n’ayant pas de limites, le voici lié à Gilberto Gil, puis Joao Bosco, Joao Gilberto ou Chico Buarque, puis tous les autres dont il organisera plus tard les tournées.RKK découvre l’Afrique en devenant reporter musical pour Libération, qu’il accompagne depuis sa fondation en 1973, et jusqu’en 1987. Du rock alternatif à la rumba zaïroise, du highlife ghanéen au free jazz, RKK constitue sa deuxième tribu, celle des pionniers de la world music. Libé dévoile les énergies et les impacts politiques de Celia Cruz, de Kassav’, de Touré Kunda, de Salif Keita ou de Manu Dibango. Ces appétits d’ogre et de journalisme de terrain le mènent vers Jean-François Bizot, patron d’Actuel et de Radio Nova, où il anime bientôt avec le patron, agitateur en chemises fleuries, « Les Voyages improbables ».Il avait depuis inventé de nombreux formats musicaux sur Nova, où il produisait chaque dimanche midi depuis six ans l’émission « Contrôle discal », où le débarquement de « L’inspecteur La Galette » dans la discothèque d’un artiste. Il avait récemment inversé la règle, et des auditeurs venaient fouiller dans les quelques cinq mille disques triés sur le volet qui accompagnaient la vie de Rémy.« J’ai crapahuté dans la musique sans œillères, et je me suis dit sur le tard que je pouvais “platiner” avec tout ça », expliquait RKK pour évoquer ses débuts de DJ, au début des années 1990, à la Chapelle des Lombards, rue de Lappe. Depuis, RKK était de tous les festivals – des Suds à Arles, des Escales de Saint-Nazaire, du Printemps de Bourges, de Fiest’ à Sète. Attaqué par la faiblesse de ses battements de cœur à plusieurs reprises, RKK ne s’était pas laissé vaincre. Ce Français voyageur et profondément « parisien des quartiers populaires », comme il se définissait, n’avait pas renoncé aux bulles du champagne (une tribu en soi).« Rémy Kolpa Kopoul, notre éternel RKK, s'en est allé. RIP. Il a lutté et aimé. Il laisse tout ce qu'il nous a fait découvrir depuis quarante ans », a résumé Pierre Lescure dans un tweet. Pour ses 66 ans, « les filles », jolies créatures qui l’accompagnaient avec ferveur dans ses pérégrinations nocturnes, lui avait confectionné un gâteau en forme de « RKK », avec ce qu’il aimait : du fromage. Bel hommage.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.05.2015 à 16h18 • Mis à jour le03.05.2015 à 18h49 | Sylvain Siclier Ancien membre du groupe vocal The Drifters, premier interprète et co-compositeur avec Jerry Leiber (1933-2011) et Mike Stoller de la chanson Stand By Me, devenue, depuis sa parution début 1961, un classique de la soul music, le chanteur Ben E. King, de son vrai nom Benjamin Earl Nelson, est mort jeudi 30 avril, à l’âge de 76 ans, dans le New Jersey, de causes naturelles, a précisé, vendredi 1er mai, son porte-parole.Débuts à l’égliseComme beaucoup d’interprètes de soul music, Benjamin Earl Nelson, né le 23 septembre 1938, à Henderson (Caroline du Nord), fit ses débuts à l’église, dans une formation de gospel. A l’âge de 14 ans, ses parents s’étant installé à New York, dans le quartier de Harlem, il rejoint The Four B’s, un groupe de doo-wop, ce genre issu du rhythm’n’blues, caractérisé par l’emploi de phrases vocales en harmonies (généralement avec deux voix de ténor, dont l’un plus particulièrement chargé des notes hautes, un baryton et une basse), le plus souvent sur un répertoire de romances. Un apprentissage qui le mène à devenir professionnel au sein de The Five Crows.C’est ce groupe qui attira, à l’été 1958, l’attention de George McKinley Treadwell (1918-1967), manager de la formation The Drifters, fondée en 1953 par le chanteur Clyde McPhatter (1932-1972). Ce dernier avait quitté à la fin de l’automne 1954 sa formation après les succès des chansons Money Honey et Honey Honey, et vendu à Treadwell la « marque » The Drifters, dont le personnel changeait régulièrement. En 1958, il ne reste d’ailleurs plus un membre de la formation d’origine – dont certains monteront par la suite un Original Drifters concurrent. Suite à un différend avec le groupe, Treadwell propose aux Five Crows, réduit à quatre voix, de devenir les nouveaux Drifters.Avec The Drifters, puis en soloBen E. King, qui n’a pas encore pris ce nom d’artiste, devient la voix principale des Drifters. Le groupe enregistrera avec lui et pour la compagnie Atlantic quelques-uns de ses plus grands succès : There Goes My Baby, Dance With Me, This Magic Moments et Save The Last Dance for Me. Ces deux dernières deviennent numéro 1 des ventes en 1959, ce que les Drifters n’avaient pas connu depuis un moment, co-écrites par Doc Pomus (1925-1991) et Mort Shuman (1936-1991). Au printemps 1960, après un désaccord financier entre Treadwell et le manager de Ben E. King, qui entend faire fructifier pour son poulain le succès retrouvé des Drifters, Ben E. King quitte le groupe.Pour Atlantic, il est désormais temps de mettre en avant Ben E. King. C’est sous ce nom, avec Leiber et Stoller à la production et une chanson écrite par Leiber et Phil Spector, que Ben E. King enregistre son premier titre en artiste solo. La chanson, Spanish Harlem, paraît début décembre 1960. Si elle ne grimpe pas totalement au sommet des ventes à ce moment-là, elle va prendre le statut de classique avec les années.Le slow ultimeLa suite fait passer Ben E. King au stade supérieur. C’est Stand By Me, qu’il avait commencé à travailler du temps des Drifters et qui va trouver avec l’aide et les arrangements de Leiber et Stoller toute sa saveur. Un ostinato à la basse, un triangle en contretemps, un frottement sur une percussion, puis la voix de Ben E. King, presque plaintive (« When the night has come / And the land is dark »), les cordes de l’orchestre, les chœurs ensuite. Cette ballade magistrale, poignante et intense dans sa montée orchestrale, devient le slow ultime à sa sortie début 1961.Dans les années qui suivent, Ben E. King enregistrera encore plusieurs chansons de belle facture et des succès comme Ecstasy et Don’t Play That Song (You Lied) en 1962, I Who Have Nothing, en 1963, What is Soul ?, qui l’éloigne du répertoire des romances pour une approche plus énergique en 1966, ou Tears, Tears, Tears, en 1967. Mais rien qui n’atteigne la reconnaissance mondiale et l’impact émotionnel de Stand By Me.La vogue disco des années 1970 donnera encore un succès à Ben E. King, avec la chanson Supernatural Thing, numéro 5 aux Etats-Unis. Ensuite, après avoir quasiment cessé d’enregistrer dans les années 1980, il reprendra une activité plus fournie lors de concerts, par le biais de la nostalgie pour la soul music des années 1960. Son répertoire sans surprise mêlant les chansons des Drifters et ses succès.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne La Bague à Jules, Voyage de noces, Maman, papa : Patachou était chanteuse, une interprète rigoureuse, à la voix sensuelle et vibrante. Mais elle était bien plus : partageuse, traqueuse de talents, aventureuse, femme de cabaret, étoile d’une France identifiée à sa vie nocturne autant qu’à son sens poétique. Henriette Ragon, dite Patachou, a quitté le monde des vivants, le 30 avril.Née le 10 juin 1918 à Paris, dans le quartier de Ménilmontant, fille d’un artisan céramiste, elle était âgée de 96 ans. Elle fut dactylo aux éditions musicales Raoul Breton (celles de Charles Trenet) avant guerre, puis ouvrière, pâtissière, marchande de légumes, avant d’ouvrir avec son mari antiquaire, Jean Billon, un restaurant dans une ancienne pâtisserie de la rue du Mont-Cenis à Montmartre, Le Patachou. Sa spécialité alors, c’est de couper les cravates des clients, avant de les accrocher au plafond. Les noctambules adorent, anonymes ou célèbres, tel Maurice Chevalier, un voisin qui aime sa gouaille et la pousse à chanter. Le Patachou devient cabaret, il rebaptise la patronne Lady Patachou, et on y reprend des chansons gaillardes et refrains à la mode, des ritournelles, Rue Lepic ou Un gamin de Paris.Passée par le Central de la chanson, Patachou, toujours Lady, se produit en vedette américaine d’Henry Salvador à l’ABC en 1951. Elle y triomphe en interprétant en comédienne Mon Homme, succès de Mistinguett en 1920. Puis, elle est en vedette à Bobino, où le patron du cabaret Les Trois Baudets, Jacques Canetti, par ailleurs directeur artistique chez Philips, la repère et la programme chez lui dans un nouveau spectacle, Allegro. Elle publie son premier album, Montmartre, chez Columbia. Elle anime toujours Le Patachou, y programme des inconnus, comme le duo comique Les Pinsons formé par Raymond Devos et Pierre Verbecke.Une muse et interprète de caractèreEn 1952, en fin de nuit, elle auditionne un drôle de loustic, Georges Brassens. Il lui chante Le Gorille ou Putain de toi, des chansons qu’elle ne voudra jamais interpréter, contrairement à La Chasse aux papillons ou La Mauvaise Réputation qu’elle chante au Patachou avant de laisser l’inconnu monter sur scène, accompagné par le contrebassiste du lieu, Pierre Nicolas. Georges Brassens ne reniera jamais la dette qu’il eut à l’égard de celle qui le tira du découragement et de la lassitude qui l’avaient alors happé. Elle présente Brassens à Ray Ventura, puis à Jacques Canetti qui le fait embaucher chez Polydor et l’engage pour une tournée estivale avec Patachou et Les Frères Jacques. Mais c’est aussi par elle que seront découverts Guy Béart – elle fut une excellente interprète en 1957 de Bal chez Temporel –, Jacques Brel, Jean-Claude Darnal, Maurice Fanon, Hugues Aufray, Frida Boccara, Nicole Croisille, Charles Aznavour.Patachou était une muse, un agent actif de la chanson française. Elle fut aussi une interprète de caractère, qui inscrivait à ses tours de chant des classiques du répertoire : outre Brassens, Aristide Bruant (Rue Saint-Vincent, Nini peau d’chien), Léo Ferré (Le Piano du pauvre, en 1954), Francis Lemarque (Bal, petit bal), Charles Aznavour (Sur ma vie)... Des compositeurs et paroliers écrivent pour elle, comme Jamblan et Alec Siniavine qui lui offrent La Bague à Jules. On la voit chanter La Complainte de la butte dans le film French Cancan, de Jean Renoir (1955), dans lequel elle tient le rôle d’Yvette Guilbert.Une carrière aux Etats-UnisEn 1953, elle part en tournée dans le monde entier. « Gamine française avec un nom fascinant », selon la presse américaine, elle chante au Waldorf-Astoria et au Carnegie Hall à New York, puis partout aux Etats-Unis où elle fera une longue carrière – elle apparaîtra plus de vingt fois dans le « Ed Sullivan Show ». Elle poursuit sa carrière, triomphe à Bobino, à l’Olympia. Elle créé en 1960 une comédie musicale, Impasse de la fidélité, au Théâtre des ambassadeurs. Puis fête ses dix ans de carrière à l’ABC avec un pastiche de My Fair Lady.A la fin des années 1960, elle vend Le Patachou et prend la direction artistique du restaurant cabaret du premier étage de la Tour Eiffel en 1970. Deux ans plus tard, elle donne soixante récitals au Théâtre des Variétés, avec Gérard Calvi et son orchestre. En janvier 1973, elle se produit au Théâtre Fontaine. Patachou se consacre ensuite à sa carrière d’actrice – elle a aussi fait une belle carrière à la télévision, au théâtre et au cinéma où elle apparaît notamment dans Napoléon (Sacha Guitry, 1955), Faubourg Saint-Martin (Jean-Claude Guiguet, 1986), Cible émouvante (Pierre Salvadori, 1993) et Pola X (Leos Carax, 1999). Dates10 juin 1918 : naissance à Paris1956 : sortie de l’album Patachou chante Brassens1972 : soixante récitals au Théâtre des Variétés à Paris30 avril 2015 : mort à ParisVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.04.2015 à 17h47 • Mis à jour le30.04.2015 à 18h16 | Sylvain Siclier Le Monde propose une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. Cette semaine, la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil. Un hommage inventif.Sous la coupole du planétarium du Palais de la découverte, à Paris, sont projetés étoiles, planètes, nuages stellaires… Pour accompagner le voyage dans les phénomènes célestes, la musique des Beatles. Le mardi 14 novembre 2006, une centaine de journalistes découvrent le contenu de l'album Love. Un peu partout dans le monde, des séances d'écoute ont ainsi été organisées dans divers lieux. Love, en sortie mondiale le 20 novembre suivant, est le « nouvel album » des Beatles. C'est d'abord la bande-son d'un spectacle du Cirque du Soleil, célèbre entreprise canadienne de divertissement, présenté dans une salle spécialement conçue à l'hôtel casino The Mirage, à Las Vegas. La première a eu lieu quelques mois auparavant, le 30 juin, et le spectacle est toujours à l'affiche.De l'avis de ceux qui l'ont vu, Love a de l'allure, avec ses multiples acrobaties, costumes et tableaux évocateurs de l'univers Beatles. Les chansons sont parmi les plus célèbres du groupe, de Because à All You Need is Love en passant par I Want to Hold Your Hand, Yesterday, Lucy in the Sky with Diamonds ou Hey Jude… Des succès qui ne sont pas tout à fait ceux entrés dans la mémoire collective. Chaque morceau est le résultat d'un mashup, un collage de compositions, parfois juste un fragment. Ainsi Lady Madonna à la mode Love inclut un riff de guitare de Hey Bulldog et un orgue tiré de I Want You. Dans Get Back surgit une partie orchestrale de A Day in the Life, etc.C'est au producteur historique des Beatles, George Martin, et à son fils, Giles, que l'on doit ces re-créations kaléidoscopiques, réalisées après la numérisation des bandes originales des pistes enregistrées par les Beatles depuis leurs débuts. Pour une partie de la critique et des fans, toucher au sacro-saint corpus original tenait du sacrilège, même avec l'aval de Paul McCartney, Ringo Starr et des familles de John Lennon (1940-1980) et George Harrison (1943-2001). Pour d'autres, dont nous sommes, il y a là un hommage plutôt réussi à la façon dont les Beatles ont utilisé les studios en terrain de jeux musical et d'invention.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale) Lunettes, casquette, grande barbe taillée au carré, bague à tête de mort : Kaaris, rappeur de Sevran et d’ailleurs, s’est produit au Printemps de Bourges, mercredi 29 avril, dans un concert rassemblant la jeune garde du rap « sale » français, très inspiré du rap du sud des Etats-Unis. Le public a scandé ses « punch lines », ces phrases coup de poing dont Booba, le découvreur de Kaaris en 2011, a longtemps été le maître. En coulisses, il laisse tomber pour un instant ses habits de mauvais garçon, affable et concerné, il sourit, dit que le dernier album de Booba, D.U.C., est « nul ». Les muscles, chez lui, c’est « de naissance. Je suis sorti comme ça du ventre de ma mère ». Aucune gonflette. Dans les loges, un de ses frères, tout en biscoteaux, est là pour témoigner de l’hérédité familiale.Lire aussi :Gradur, la ligne dure du rap « sale »Et comme « on ne perce pas avec des talons aiguilles », Kaaris en rajoute sur le hardcore, se fait crucifier pour misogynie et apologie de la violence. Là où on attendait Scarface, de Brian De Palma, en film préféré, Kaaris cite In the Mood for Love, de Wong Kar-wai. « Sa femme le trompe avec le voisin, et c’est beau, c’est très fort, très suave. J’ai un cœur, comme tout le monde. » Avoir du succès, « ça fait chaud au cœur, c’est mieux que l’inverse, mais il faut faire attention, c’est comme la vie, il y a un début et une fin ».Le rap est une succession de créneaux. « Le mien est plus alternatif, moi et mes gars, on ne fait pas la même chose que ceux d’hier » (la soirée Soprano, Black M). La vulgarité et la violence qui lui sont reprochées lui semblent un faux semblant « pour ne pas chercher le pourquoi du comment ». Le genre a ses styles : « J’ai été bercé par le rap de Rakim, Dr. Dre, Mobb Deep, ce n’est pas pour autant que je suis mal élevé et bête. » On y ajoutera les étalages de vulgarité, de porno, de séries violentes proposés sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Le rap, dit Kaaris, n’est à ce titre pas étranger à la France d’aujourd’hui, il l’accompagne.« Il faut tout prendre au second degré »« Je suis totalement français, si ce n’est pas une couleur, mais un mode de vie, une pensée, des souvenirs, des odeurs, des souvenirs, là oui. » Les communautarismes ? Les médias en sont largement responsables, qui montent en mayonnaise les clivages, « caméras branchées en permanence » sur ce qui déraille « et non sur le positif. Et les mômes répètent ce qu’ils entendent à la maison, et ce n’est pas toujours juste malheureusement. Mais c’est parfois difficile d’élever des enfants, surtout dans les familles monoparentales. Et franchement, le clivage entre les riches et les pauvres est de pire en pire. Avec 1 200 euros, quand tu les as, tu finis pas les fins de mois, c’est compliqué. J’ai vécu à Sevran dans un quartier assez pauvre, avec un côté rural aussi. Les gens n’ont pas foi en l’avenir, ils n’ont pas envie d’écouter les conseilleurs ». Un rappeur n’est pas un leader d’opinion aujourd’hui. « A ses débuts, oui, le rap avait des messages. Mais c’est devenu un business, un divertissement, je n’ai jamais eu la prétention d’être porte-parole de quoi que ce soit. Il faut tout prendre au second degré. Nulle part dans le monde, des populations se sont soulevées à cause d’une musique. La vie réelle, aller travailler, aller charbonner, c’est autre chose que d’écouter de la musique dans sa bagnole. » Kaaris est d’origine ivoirienne. « Connaître ses racines, c’est important. Je pars en Côte d’Ivoire pour un concert, je vais dans la famille. Le monde a besoin de jeunesse pour se construire, et l’Afrique est très jeune. » Pas de traces pour autant de rythmique africaine dans ses morceaux, quand beaucoup de ses jeunes confrères utilisent désormais des lignes de basse ultra-dansantes, héritées du coupé-décalé ou du zouglou ivoirien. « Non, moi musicalement, c’est les States. » Comprendre Atlanta, en Géorgie : « J’aime ce rap-là, ce sont des précurseurs. »« Les policiers sont des gens comme nous »Parmi les titres de son dernier album, Le Bruit de mon âme (Deff Jam/Universal), Kaaris cite Zone de transit, qui le fait « voyager, quitter le sol, avec ce sentiment qu’on a avant de partir » : « J'suis défoncé comme un shaman/J'm'accroche à ce jeu comme un clando sous les essieux/Comme un gosse fait des vœux, le regard vers les cieux/Becoli veut du Louis Vi, Aminata veut du Fendi/My life is a movie dirigé par Fellini/Le sang des colonies, j'sors le fer comme le cromi. » Et puis Voyageur, conçu avec Blacko, d’origine réunionnaise : « La Réunion, il a les papiers, c’est plus facile, parce que sinon… » Avoir des papiers, se coltiner les violences policières. « Fuck la police », doigt levé en concert, la jeunesse scande son aversion pour les forces de l’ordre, avec Kaaris. « Et pourtant, il y a plein de jeunes policiers qui écoutent Kaaris. Nous, on a l’impression que les policiers sont des gens comme nous [pas toujours recommandables], mais ils ont la loi pour eux. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent. » Les lignes rouges de la loi sont floues, selon Kaaris. On l’interprète. Le cannabis est interdit, il est partout, y compris dans les concerts. « Le racisme est toujours très vivant. Aux Etats-Unis, le nouveau Ku Klux Klan est en bleu. Les flics tirent sur les Noirs. Je déteste tout cela. » La violence est nulle, dit-il. « Dans le magasin casher de la porte de Vincennes, il y aurait pu aussi avoir ma mère qui achetait ses tomates. »Voir aussi le visuel interactif : Revivre le Printemps de Bourges en 11 vidéosVéronique Mortaigne (Bourges, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Paul Benkimoun (Angers) « Vingt ans, c’est long pour un projet ». Mercredi 29 avril, à l’issue de la série de six représentations, à Nantes puis à Angers, de l’opéra jazz La Tectonique des nuages, dont il a composé la musique, Laurent Cugny était heureux mais avec le sentiment de quelque chose qui ne se reproduira peut-être plus. Grâce à l’engagement d’Angers Nantes Opéra et de son directeurJean-Paul Davois, au « soutien constant depuis le début de la Fondation BNP Paribas », lui, le metteur en scène et librettiste François Rancillac, ainsi que le chanteur et auteur des textes chantés Yann-Gaël Poncet, ont enfin pu donner vie sur scène à leur œuvre commune.Adapté de Cloud Tectonics, du dramaturge portoricain José Rivera, ce conte merveilleux n’avait jusqu’ici été donné qu’en version de concert, sans mise en scène ni décor, en 2006 à Jazz à Vienne, puis au Théâtre de la Ville à Paris, à Saint-Etienne et à Nantes. Une dizaine de représentations au total suivies d’un enregistrement audio en 2010.On imagine sans peine le sentiment d’accomplissement éprouvé par les créateurs d’avoir pu cette fois pleinement déployer cette production. Pour autant, rien n’assure que ce spectacle inventif intégrant judicieusement la vidéo et servi par des chanteurs et des musiciens remarquables, sera à nouveau accessible aux spectateurs. D’où le sentiment doux-amer d’être arrivé à bon port mais pour peut-être le dernier voyage.L’espace et le tempsL’argument de l’opéra sollicite l’espace et le temps. Dans un Los Angeles accablé par un déluge incessant, apparaît une femme sortie de nulle part, Celestina del Sol. Son temps n’est pas celui des hommes, leurs années sont des secondes pour elle et leurs vies passeront quand elle n’aura vécu que quelques mois. Le temps se fige avec elle : enceinte depuis deux ans, elle a 54 ans mais en paraît 25. Lorsqu’elle entre dans la vie d’Anibal de la Luna, jeune homme portoricain qui l’abrite chez lui, les horloges s’arrêtent. Si l’amour naît entre eux, il saisit aussi Nelson, le frère d’Anibal. Aussi soucieux d’être un bon Américain que son frère, Nelson s’est engagé dans l’armée des Etats-Unis et reviendra deux ans plus tard, quelques minutes pour Anibal. Celestina donnera naissance à son enfant et repartira de nouveau dans son errance. Aussi insaissible que pourraient l’être « l’architecture du silence, la tectonique des nuages ».La musique, l’interprétation, la dramaturgie, la scénographie, les lumières sont superbes, créant une atmosphère semi-onirique, jouant avec le temps, avec l’espace. L’écriture s’est accomplie à travers de longs échanges d’abord entre Laurent Cugny et François Rancillac, qui suggéra de partir de la pièce de José Rivera, puis avec Yann-Gaël Poncet. Ce dernier proposait des textes à Laurent Cugny afin qu’il écrive les musiques, et parfois rédigeait les paroles sur des thèmes musicaux de Cugny.Disciple de Gil EvansDisciple de l’arrangeur américain Gil Evans, célèbre notamment pour sa collaboration avec Miles Davis, pianiste et musicologue, Laurent Cugny est l’une des voix les plus originales de l’écriture orchestrale en France. Que ce soit avec feu-son big band Lumière, fondé en 1979 et prolongé par l’Orchestre national de jazz, dont il assura la direction de 1994 à 1997, ou en petite formation, il possède le talent d’écrire de prenantes mélodies aux courbes gracieuses sans s’enfermer dans les formes traditionnelles de chansons. Dans La Tectonique des nuages, le chanteur David Linx offre, entre autres, une splendide interpration d’Eva, le souvenir d’un amour passé qui resurgit en Anibal. L’étendue de sa tessiture et les subtilités de sa voix servent parfaitement la musique et les paroles. Présence scénique saisissante, voix et diction parfaitement en place, Laïka Fatien fait plus qu’incarner Celestina, tandis que Yann-Gaël Poncet ne se ménage pas dans le rôle de Nelson.Un objet atypiqueL’envie d’écrire un opéra ne date pas d’hier pour Laurent Cugny : « Le déclic est venu en 1993 où j’ai assisté à une représentation de Carmen Jazz, avec Dee Dee Bridgwater à Jazz à Vienne. Mais, je ne voulais pas simplement swinguer une partition existante ou écrire une suite de chansons. De même, j’excluais de situer l’action dans le monde du jazz ou de prendre pour personnages des musiciens de jazz. Je tenais aussi à une économie générale légère : pas plus de trois personnages et un orchestre de dix musiciens plutôt qu’un big band traditionnel. »En choisissant de créer un objet atypique, Laurent Cugny et ses compagnons d’aventure n’ont pas opté pour le chemin le plus facile : le milieu de l’opéra s’est montré condescendant et le petit monde du jazz a fait la fine bouche. Comme si un opéra jazz était un enfant illégitime dont personne ne s’empressait de reconnaître la paternité. Le résultat mérite pourtant des éloges.De plus, il fallait voir les 120 jeunes présents au Grand Théâtre d’Angers, bien plus nombreux que dans n’importe quel festival ou concert de jazz. La série de représentations à Nantes et à Angers a été accompagnée d’un impressionnant cortège d’actions pédagogiques auxquelles 400 jeunes ont participé en Pays de Loire. La dernière soirée à Angers a fait l’objet d’une captation. Il ne reste plus à espérer que d’autres scènes accueilleront  La Tectonique des nuages. C’est tout le mal que l’on souhaite au public.Paul Benkimoun (Angers)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau L’homosexualité demeure un sujet tabou dans l’univers du ballon rond (jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport).Sur les vingt clubs de football évoluant en Ligue 1, un seul a accepté d’ouvrir ses portes aux équipes d’« Enquêtes de foot ». En l’occurrence, le Stade de Reims, où seuls l’entraîneur Jean-Luc Vasseur et le défenseur Franck Signorino ont bien voulu s’exprimer. Les autres clubs, quand ils ont daigné leur répondre, les ont éconduites au motif qu’ils manquaient de temps, qu’ils ne se sentaient pas concernés, que le sujet n’était pas une priorité ou bien trop sensible.Taboue, la question de l’homosexualité l’est dans le petit monde du football, où les allusions sexistes et homophobes s’envolent des tribunes, en chantant, comme à Marseille, sur l’air de « Celui qui ne saute pas est un pédé ». Lorsqu’elles ne sortent pas de la bouche même de certains dirigeants de club, comme Louis Nicollin qui, en 2013, qualifia, à la suite du match opposant son équipe à celle d’Auxerre, le joueur Benoît Pedretti de « petite tarlouze ».Aujourd’hui, le président de Montpellier se défend de toute homophobie et dénonce le politiquement correct d’un tonitruant « C’est tous des cons, ceux qui pensent que cela choque. » Or, n’en déplaise au dirigeant montpelliérain, de tels propos nourrissent peur, gêne, honte et enferment dans le silence ceux qui voudraient vivre librement leur sexualité.Frilosité des instances dirigeantesPour preuve, rares sont les joueurs ayant fait leur coming out. En France, seul Olivier Rouyer l’a fait, une fois sa carrière terminée. Tout comme l’ancien international allemand Thomas Hitzlsperger. Il est vrai que le suicide, en 1998, de Justin Fashanu, seul joueur à avoir révélé son homosexualité alors qu’il était en activité, continue de hanter les mémoires.Si, au fil de son enquête, Arnaud Bonnin souligne l’impact de ces discours homophobes auprès des jeunes joueurs – notamment ceux du centre de formation de Strasbourg qu’il a interrogés –, il pointe aussi, à raison, la frilosité des instances dirigeantes pour lutter contre l’homophobie.En octobre 2014, la Ligue de football invitait tous les joueurs de Ligue 1 à porter des lacets arc-en-ciel. Importée d’Angleterre, cette opération, destinée à promouvoir une meilleure acceptation des homosexuels, fut placée en France sous le signe de la diversité… Question de pragmatisme, expliquent les organisateurs. Ou d’hypocrisie, c’est selon. Dans tous les cas, la Fédération française de foot n’envisage toujours pas de plan de lutte contre l’homophobie, contrairement à ses homologues des Pays-Bas, d’Allemagne et des Etats-Unis.Signalons qu’outre ce sujet, le magazine « Enquêtes de foot », animé par Astrid Bard, propose un reportage sur « Le Peuple vert » ainsi que, dans la rubrique « Droit de suite », un retour sur la carrière en demi-teinte du goleador (« buteur ») colombien Radamel Falcao.« Homos, le dernier tabou », d’Arnaud Bonnin (Fr., 2015, 26 min). Jeudi 30 avril, à 20 h 45, sur Canal+ Sport.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Emmanuelle Devos et Mathieu Almaric, côte à côte, dans « Arrête ou je continue », comédie amère de Sophie Fillières (jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX).C’est un voyage en forêt, comme d’autres, naguère, firent un voyage en Italie alors même que leur couple s’étiolait. A la fois complices mais déjà en voie de détachement, Pomme (Emmanuelle Devos) et Pierre (Mathieu Amalric) commencent par se retrouver à un vernissage dans une galerie de photos. L’une veut rester, l’autre veut immédiatement s’en aller.Rien n’est simple, d’autant que la jalousie affleure sans cesse dans ce couple en voie de décomposition. A présent, les voilà dans la rue. Un bus de nuit qui passe : Pierre se précipite sans prêter la moindre attention à Pomme, qui finalement le rejoint. Instants décisifs où tout commence à basculer sans que le cerveau s’en aperçoive forcément.« Fais gaffe à l’avenir », « J’ai peur »… Le couple se délite peu à peu. Amalric et Devos face à face, côte à côte, mais jamais là l’un pour l’autre. Plus grand-chose à se dire, sinon quelques sarcasmes mal sentis. Il la dénigre. Elle le rabaisse. Du grand art. Un peu plus tard, Pierre et Pomme se préparent à partir en forêt. « Si on part à deux, on va s’entre-tuer. »Les habitudes de couple sont les plus fortes, celles qui survivent le plus longtemps, même quand tout s’est cassé par ailleurs. Marcher sans se dire un mot. L’un derrière l’autre. Jusqu’à cet instant ultime où Pomme osera lui lancer : « Rentre, toi. Moi, je reste. Laisse-moi le sac, ton K-Way, le pull. » Avant de s’enfoncer dans la forêt, comme on entre dans la mer.Deux comédiens formidablesArrête ou je continue, le film de Sophie Fillières, raconte l’histoire d’un couple qui a fini de s’inventer. Les deux protagonistes savent d’autant moins comment se l’avouer qu’ils se sont naguère aimés. N’ayant pas de mots pour le dire, ou plutôt préférant n’en rien dire, Pomme décide de disparaître, d’entrer en forêt afin de retrouver les sensations originelles, de celles qui prouvent indubitablement que l’on existe : le froid, la faim, la fatigue, la solitude.Pierre et Pomme, ce pourrait être le titre d’une nouvelle de Maupassant. Ce pourrait être aussi un conte pour enfants. Pomme est seule. Délibérément seule, puisqu’elle a décidé qu’il en serait ainsi. Et voilà tout à coup qu’elle aperçoit un chamois pris au piège dans une excavation. Instant magique, Emmanuelle Devos et le chamois, les yeux dans les yeux, comme s’il suffisait de se regarder, de s’écouter, dirait-on, pour trouver une issue à l’impasse.Il faut insister sur la performance des deux acteurs – non pas le chamois, encore qu’il soit, lui aussi, excellent –, Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric. L’une toute en nuances, n’hésitant pas à jouer avec son corps pour mieux figurer et l’enfermement qui l’étouffe et le fait qu’elle ne va pas tarder à s’en extraire. Lui, étrange jusqu’à en paraître inquiétant, incandescent jusqu’à approcher ce point de folie que seuls quelques grands acteurs savent atteindre. Une femme et un homme. Deux comédiens formidables pour quelques instants de cinéma qui ne le sont pas moins. Tant pis si ça ne marche plus entre eux. Tant mieux si la vie parvient à reprendre le dessus.« Arrête ou je continue », de Sophie Fillières (Fr., 2014, 90 min). Jeudi 30 avril, à 22 heures, sur OCS MAX.Franck NouchiJournaliste au Monde Francis Marmande « Nous ne connaissons pas le repos, qu’il soit sabbatique, dominical, religieux ou républicain » : La Générale (14, avenue Parmentier, Paris 11e), ancienne usine aux volumes inspirants, à deux pas de la place Voltaire et de la statue de Léon-Blum, est une coopérative artistique, politique et sociale. Dans la grande tradition des coopératives ouvrières, La Générale mutualise ses locaux et ses outils de travail. L’ouverture au public y est « gratuite autant qu’aléatoire. » A partir de 19 h 30.Le Tricollectif y prend ses quartiers d’« à bientôt le printemps », jusqu’au 2 mai. Six jours de « Soirées Tricot ». Le Tricollectif est un groupe de dix musiciens autour desquels gravite une trentaine de satellites, si bien formés (haute école, conservatoires et autres) qu’ils n’hésitent pas à se déformer, dans l’esprit Dada, Humair, Lubat, Joëlle Léandre, Akosh S, La Campagnie des Musiques à Ouïr, sans se prendre le chou.« C’est une tuerie ! »A propos de chou, on peut se restaurer pour trois sous. Sortant de scène (rencontre Biardeau, Caserotto, Dimitriadis, le 27 avril), un jeune musicos affamé – le musicien affamé est un corps spécial – dévore un œuf poché sur son lit d’épinards (test effectué : satisfaisant, bio, frais, 6 euros) : « C’est une tuerie ! » Sortant de scène, le batteur Sylvain Darrifourcq croule sous les félicitations d’un spectateur âgé (la trentaine) : « C’est une tuerie ! »Va pour la tuerie. Intrépide, le représentant du Monde, venu par curiosité, fait d’un coup grimper la moyenne d’âge de la salle (25 ans). Puisqu’on parlait de Darrifourcq, c’est toujours une joie de voir s’accomplir un musicien sans complexe et sans frime. Bien cornaqué par Daniel Humair, Darrifourcq – limace noire étroite sur chemise blanche près du corps mince, futal pistache – est le batteur/bruitiste exact, élégant, soudain déchaîné du trio Garibaldi Plop (Roberto Negro, piano, Valentin Ceccaldi, violoncelle).Son presque acoustique, circulation parfaite, mise en place aussi joyeuse que précise, « fatrasie » digne de Bataille dans sa seule contribution à La Révolution surréaliste de Breton – motifs répétitifs, climats, nappes sonores, fragments de swing, cavales pour dessins animés, ébullition collective, retour au calme, citations comme s’il en pleuvait –, la performance crée une écoute, salle comble, très tendue. Pas un bruit, pas une toux, pas un chuchotement. Un peu comme si des jeunesses, rompues à toutes sortes de vacarmes à haute teneur en décibels, découvraient la lune.La « Orléans Touch »Troisième partie de ce premier rendez-vous des « Soirées Tricot » : le film d’Ozu Yasujiro, Où sont les rêves de jeunesse ? (1932), bizarrement daté de 1929 et retitré Où sont nos rêves de jeunesse ? Détail ? Pinaillage ? Oui et non. Plutôt quelque chose de bleu qui ressortit à l’inconscient du collectif (nous). Mise en sons un tantinet trop présente, par les excellents Alexandra Grimal (sax) et Nelson Veras (guitare). Le chef-d’œuvre d’Ozu, comédie indécidable, n’est pas, il faut le dire, du genre commode. Encore moins, les codes japonais du cinéma « muet », cinéma non synchronisé prolongé par Ozu au-delà du raisonnable, pour laisser le temps à ses équipes d’apprendre.Même démarche au fond, que celle du Tricollectif, qui continue, dans une atmosphère qui a le chic d’esquiver Charybde (le branchouille Oberkampf n’est pas loin) et Scylla (le funérarium drapé des musiques improvisées, parfois). Les Ceccaldi (Valentin et Théo), fils de violoniste folk, apportent la « Orléans Touch ». Chaque soirée s’organise en roue libre autour d’une rencontre, d’un invité (Chritophe Monniot, le 28, Akosh S, le 30), de big bands sans limites, de Trio à lunettes et autres Atomic Spoutnik.Signe des temps : dans les années 1968, quatre instrumentistes géniaux – Carlos Alsinna, Jean-Pierre Drouet, Winko Globokar et Michel Portal – volent de leurs propres ailes, dynamitant leurs sciences et leurs expériences dans le New Phonic Art : « Dès qu’on sentait poindre une mélodie, raconte Winko, un tempo, une idée reçue, on s’était donné pour seule consigne de tout exploser. »Cinquante ans plus tard, le Tricollectif n’a pas le choix : il part de son savoir et de son désir, mais aussi des autres, sans se donner de mission, fût-elle nihiliste. Pour le plaisir d’inventer ensemble – musique, modes de rencontre, cuisine et conversations compris. Attention : génération très neuve, gaieté, promesses de l’avenir, à surveiller. Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier Il aura été l’homme d’une seule chanson, Louie Louie, composition de Richard Berry (1935-1997) devenue, dans la version du groupe The Kingsmen, en 1963, un classique du rock, hymne quasi annonciateur du punk. Le chanteur et guitariste Jack Ely est mort, lundi 27 avril, à son domicile de Redmond (Oregon), a annoncé son fils. Il était âgé de 71 ans et avait abandonné ses activités de musicien à la fin des années 1960 pour se consacrer à l’élevage de chevaux.Né le 11 avril 1943 à Portland (Oregon) Jack Ely découvre le rock, la guitare et l’envie de chanter, comme beaucoup alors, après avoir vu Elvis Presley (1935-1977) à la télévision lors de son premier passage sur une chaîne nationale, CBS, le 28 janvier 1956, pour le « Dorsey Brothers Stage Show ». Mais c’est trois ans plus tard, en 1959, qu’avec le batteur Lynn Easton, un ami d’enfance, les choses vont devenir un peu plus sérieuses. Ils fondent un groupe qui prend le nom de The Kingsmen et commencent à jouer dans des kermesses, pour des fêtes, divers événements de la vie locale à Portland et dans les environs.Un tempo fluctuantLe groupe s’est pris de passion pour la chanson Louie Louie dans une version par Rockin' Robin Roberts (1940-1967), qui passe en boucle dans un club où il joue parfois. La chanson créée et interprétée par Richard Berry a eu un petit succès dans les classements rhythm’n’blues en 1956, avec un traitement plaisamment dansant. La version de Rockin' Robin Roberts y a ajouté un chant un peu plus nerveux, des « yeah yeah yeah » plus rageurs, un court solo de guitare. The Kingsmen l’enregistrent le 6 avril 1963. Les parents de Lynn Easton ont mis la main à la poche pour financer une heure de studio. Le temps de mettre en place le matériel, de faire une première prise et c’est fini. Ely marmonne et crie, se mélange dans l’ordre du texte, la batterie est en avant, le groupe maladroit, le tempo fluctuant, un son d’orgue pose le riff d’introduction, le solo de guitare à 1 minute 25 est un désastre.La chanson paraît telle quelle sur le label Jerden en mai 1963. Sans faire de vagues sur le marché local. Puis à l’automne 1963, après la publicité négative de « pire disque de la semaine » que lui décerne un DJ de Boston, qui aura donc l’effet inverse, Louie Louie par The Kinsgmen devient un tube et va bénéficier d’une diffusion nationale par le label Wand. Autre effet, celui du relatif succès d’un Louie Louie par Paul Revere (1938-2014) avec The Raiders – qui a enregistré dans le même studio que les Kingsmen, quelques jours plus tard. Enfin, au moment où la chanson commence à grimper dans les ventes, Matthew E. Welsh (1912-1995), gouverneur de l’Indiana, croit déceler dans le phrasé pour le moins approximatif d’Ely une manière de cacher derrière la complainte d’un marin qui se languit de sa belle, des appels à la débauche et demande son interdiction. Le FBI planche sur le sujet… pour déclarer dans un épais dossier et après avoir passé la chanson à toutes les vitesses possibles que tout cela est au mieux incompréhensible et non répréhensible.Aspect foutraqueMais rien ne va plus au sein des Kingsmen. A la mi-août, Easton souhaite devenir le chanteur et leader du groupe. Ely en deviendrait le batteur. Il quitte la formation, qui, de toute manière, dépitée par le peu de succès de son enregistrement, est sur le point de se séparer. La montée dans les classements de Louie Louie incite Ely à proposer de revenir. Refus. Et l’on se retrouvera jusque début 1964 avec deux groupes différents sous le même nom et l’arrivée d’avocats. Jack Ely accepte finalement de laisser à Easton le nom de Kingsmen (ce dernier l’avait déposé) et obtient en échange que les éditions futures de Louie Louie l’identifient comme le chanteur.Il fonde ensuite quelques groupes, dont The Squires et The Courtmen. Et continue de surfer sur la vague Louie Louie avec divers enregistrements comme Love That Louie, Louie Louie ‘66 ou Louie Go Home. Il part ensuite au Vietnam et à son retour est définitivement oublié. Ce qui n’est pas le cas de Louie Louie par The Kingsmen, dont l’aspect foutraque aura, de toutes les versions du début des années 1960, la préférence du monde du rock. Un modèle sur lequel seront notamment construit le début de Plastic People de Frank Zappa, You Really Got Me des Kinks ou Wild Thing des Troggs.Dates11 avril 1943 : naissance à Portland (Oregon)1959 : fonde The Kingsmen avec Lynn EastonAvril 1963 : enregistre Louie Louie, composition de Richard Berry, qui devient un tube aux Etats-Unis à l’automne alors qu’il a quitté le groupe1964-1966 : carrière confidentielle avec plusieurs groupes et variations sur Louis Louie27 avril 2015 : mort à Redmond (Oregon)Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 07.05.2015 à 15h33 • Mis à jour le07.05.2015 à 17h57 Hip-hopLa culture urbaine s’exprime à La Villette Jusqu’au 17 mai, les amateurs de hip-hop et de toute la culture urbaine qui l’accompagne ont rendez-vous à La Villette à Paris où quelque deux cents artistes se succèdent pour des shows et performances. Parmi les groupes les plus attendus de cette deuxième édition du Villette Street Festival, la compagnie Swaggers dirigée par Marion Motin et les Enfants prodiges.Grande Halle de La Villette, à Paris.Lire aussi :Graff, glisse et hip-hop à Villette StreetOpéraTous à l’opéra ! : une plongée dans l’univers lyrique Une centaine d’opéras, dont vingt-huit en France, ouvriront leurs portes gratuitement samedi 9 et dimanche 10 mai pour la neuvième édition de Tous à l’opéra !, manifestation qui mobilise de nombreux pays européens. L’initiative, qui vise à désacraliser ce genre musical, a cette année pour parrain Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra de Paris. Répétitions, visites des ateliers de costumes, concerts : une plongée dans l’univers lyrique et la découverte de ses coulisses, le temps d’un week-end.Tous à l’opéra !Lire aussi : Philippe Jordan, au son du pèreCinémaLes combats de ZanetaEn suivant le parcours d’une jeune mère confrontée au racisme et à la misère (Klaudia Dudova, remarquable dans le rôle), le cinéaste tchèque Petr Vaclav décrit de manière forte et sensible la mécanique de la marginalisation de la population rom. Son film est diffusé dix-neuf ans après Marian, qui évoquait déjà la condition des Roms, sujet qui passionne le cinéaste.Film tchèque de Petr Vaclav avec Klaudia Dudova, David Istok, Milan Cifra (1 h 43).Lire aussi :« Zaneta » : une Rosetta romPhotographieDes chasseurs face à leurs proies Pierre Abensur photographie des chasseurs à travers le monde, mais plutôt que de capturer ses modèles sur le vif, il a préféré les faire poser en pleine nature, en costume de ville et à côté de leur trophée. Le résultat, à la fois étrange et burlesque, interroge cette tradition universelle qui consiste à vouloir conserver et exhiber le cadavre de l'animal qu'on a tué. Une exposition qui sied au Musée de la chasse, qui mêle de façon intelligente l’art contemporain et les traditions cynégétiques.Musée de la chasse et de la nature, à Paris.Lire aussi : Les chasseurs font le showLire aussi :Claude d’Anthenaise : pilote de chasseThéâtre« Le Chagrin », quand le banal touche l’universel La metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen, qui croit aux vertus de l’écriture collective, convoque l’enfance avec sa compagnie Les Hommes approximatifs. Cette enfance inscrite en chaque être humain comme une Atlantide engloutie, toujours prête à refaire surface… Dans l’étonnant décor imaginé par Alice Duchange, inspiré par l’art brut, un frère et une sœur se retrouvent après la mort du père et les souvenirs remontent.Lire aussi :Caroline Guiela Nguyen, lestée d’enfanceThéâtre de la Colline, à Paris.ArtsVélasquez et ses disciples : une leçon d’histoire de l’art Bien que les toiles les plus volumineuses n’aient pas quitté le Musée du Prado, l’exposition consacrée à Diego Vélasquez (1599-1660) au Grand Palais réunit des merveilles, parmi lesquelles la Vénus au miroir, venue de la National Gallery de Londres. Ces œuvres sont environnées de tableaux d’autres artistes de la même époque comme Francisco Pachedo, qui fut le maître de Vélasquez à Séville ou Juan Bautista Martinez del Mazo, qui fut un de ses disciples, et auquel on attribue des toiles qui seraient peut-être de la main de son maître… Une exposition précieuse à découvrir jusqu’au 13 juillet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Vélasquez peint d’abord des énigmesCinéma« Les Terrasses » : une plongée dans AlgerDepuis plusieurs films, Merzak Allouache, réalisateur de Chouchou, dépeint une société algérienne gangrenée par la violence et la montée de l’intégrisme. Issu d’un tournage express dans des quartiers historiques d'Alger, son nouveau film, Les Terrasses, articule cinq histoires, évoquant autant de facettes de la société algérienne d’aujourd’hui, qui se déroulent uniquement sur des terrasses.Film franco-algérien de Merzak Allouache avec Nassima Belmihoub, Adila Bendimerad (1 h 31).Lire aussi :« Les Terrasses » : cinq points de vue sur AlgerArtsMarkus Lüpertz : peindre l’âme allemande Depuis plus d’un quart de siècle, ses vastes tableaux intensément colorés, peuplés de figures humaines incomplètes ou envahies par des formes denses et tranchantes, ses corps et têtes de bronze sont devenus célèbres. L’artiste allemand n’a cessé d’inclure dès ses débuts dans son œuvre des « motifs allemands » – casque de la Wehrmarcht, roues de canon – qu’il croise avec des références à la mythologie grecque. Exposé au Musée d’art moderne de la Ville de Paris pour une grande rétrospective, il déclare continuer à peindre « contre la peur ».MAMVP, à Paris.Lire aussi :Markus Lüpertz, « typisch Deutsch »ArchitectureLe Corbusier, inventeur de formes Le Centre Pompidou consacre une vaste exposition à Charles-Edouard Jeanneret, né en 1887 en Suisse, installé à Paris en 1917, devenu Le Corbusier en 1922, naturalisé français en 1930 et mort en 1965. Un maître de l’architecture dont la mémoire se voit, parallèlement à l’exposition, sérieusement égratignée par trois livres évoquant la part obscure du personnage, sa fréquentation de cercles fascistes dans la France des années 1930, son installation à Vichy de 1941 à 1942, sa fascination pour les régimes totalitaires, son antisémitisme. Nulle trace de ce passé trouble dans l’exposition, dont l’objet est de montrer comment le corps humain a guidé la pensée et les créations de l’architecte.Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Du béton et des plumesArtsL’univers peuplé de spectres de Jörg Immendorff Cela faisait plus de vingt ans que Jörg Immendorff (1945-2007) n’avait été exposé en France. La dernière fois que l’on avait pu y voir l’œuvre singulière de l’artiste allemand, c’était au centre d’art de Meymac (Corrèze). C’est dire si l’exposition que lui consacre, jusqu’au 14 juin, la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes) mérite que l’on si arrête. On y découvrira une œuvre riche en symboles et allusions, pastichant l’histoire de l’art comme celle de l’Allemagne.Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence.Lire aussi :Les satires à tiroirs de Jörg Immendorff à la Fondation Maeght Frédéric Edelmann Décidément, rien ne se passe vraiment comme on veut avec Le Corbusier, de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret-Gris (1887-1965). Voici qu’à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, et parallèlement à l’exposition du Centre Pompidou (« La mesure de l’homme », jusqu’au 3 août), trois volumes sortent qui entendent retracer l’histoire de sa vie. Il en existe cent autres, mille autres, plus au moins ambitieux, comme celui où, en près de 1 000 pages, Nicholas Fox Weber trace un portrait plutôt souriant d’un Corbu qui ne l’était pas souvent, si l’on en croit ses photographies (C’était Le Corbusier, Fayard, 2009). Les trois nouveaux, celui de Marc Perelman, Le Corbusier. Une froide vision du monde (Michalon, 256 p., 19 €), celui de Xavier de Jarcy, Le Corbusier. Un fascisme français (Albin Michel, 288 p., 19 €), celui enfin de François Chaslin, Un Corbusier, à des degrés divers, règlent son compte à l’architecte, portant un œil torve et triste sur la carrière de cet homme qui n’en avait qu’un, d’œil.Tant et si bien que la planète corbuséenne, sévèrement régie par cette fondation qu’il avait lui-même créée pour s’assurer la postérité qu’il se sentait mériter, s’apprête à exploser, agitée par un flot de courroux dont rendent compte des échanges de courriers furibards. Laissons de côté le Perelman, plutôt mesuré dans sa manière de regarder l’architecte et cette fameuse pensée fasciste qui semble devoir lui coller désormais à la peau. De même pour l’ouvrage de Jarcy, qui fait un lien direct entre cette pensée fasciste... Roger-Pol Droit Depuis un temps fou, l’Europe ressasse cette ritournelle : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. » Platon a inventé le refrain, l’attribuant à Socrate. Montaigne a composé de nouveaux arrangements, Schopenhauer en a donné une version symphonique. Rien ne certifie toutefois que ce tube antique, bien qu’il exerce une fascination durable, ait pu fonder son succès sur une efficacité quelconque. La partie que la philosophie joue avec la mort demeure interminable et son issue incertaine. Simon Critchley, professeur à la New School for Social Research de New York, le sait bien. Ce philosophe – auteur d’une œuvre abondante et diverse, figure importante de la presse et de l’édition dans le monde anglo-saxon – a pour Thanatos une fascination non feinte. Avec Les philosophes meurent aussi – traduit en français chez François Bourin, en 2010 –, il décrivait par le menu les trépas singuliers de nombreux penseurs. Ce livre insolite, érudit et amusant, a connu un succès international. A présent, Critchley propose un déconcertant journal de sa propre fin.Précisons, à l’attention des personnes sensibles, qu’il... 07.05.2015 à 10h14 • Mis à jour le07.05.2015 à 11h43 | Florence Bouchy Lorsque, après vous avoir accordé un long et passionnant entretien, Alain Fleischer vous glisse, au moment de prendre congé, et avec le ­sourire de l’évidence, qu’il « n’écrit pas ses livres », quelques perles de sueur froide glissent sur vos tempes, les battements de votre cœur se font soudain bruyants. « Ce n’est pas un secret, ajoute-t-il. En fait, je les écris, mais je ne les inscris pas. Je m’assois dans un fauteuil, je ferme les yeux, je n’ai ni plan ni notes, je ne sais pas à quoi va ressembler le livre. Mais quand une première phrase me vient, je la dicte à ma compagne. C’est mon seul dispositif d’écriture. Je dicte ainsi huit heures par jour, pendant plusieurs semaines ». Phobie technologique ? En partie, mais circonscrite aux moments de création littéraire, car Alain Fleischer envoie des courriels, par exemple, comme tout un chacun. « Je déteste voir apparaître mes textes sur un écran, j’ai l’impression de les regarder à la télévision. Et puis, explique-t-il, j’ai fait beaucoup de piano, et j’ai écrit avec beaucoup de plaisir à la machine à écrire. Alors, le clavier qu’on effleure… »Dans ce dédain pour les demi-mesures, que semblerait confirmer l’activité prolifique de celui qui, non content d’être un cinéaste reconnu et un photographe exposé en France et à l’étranger, est l’auteur d’une petite cinquantaine de livres, essais ou romans, on verrait facilement la marque d’un tempérament excessif, si Alain Fleischer ne se confiait avec la plus complète placidité. Son constant souci de clarté, la limpidité et... Jean-Jacques Larrochelle « Le béton est un peu mou, j’espère que ça va tenir… ». La garde des sceaux et ministre de la justice, Christiane Taubira, truelle en main, était en grande forme, mercredi 6 mai, après avoir coulé le protocole d’accord, enfermé dans un tube métallique, qu’elle venait de signer avec la maire de Paris, Anne Hidalgo. Ainsi venait d’être posée la première pierre – en réalité la première poutre –, du futur Tribunal de grande instance de Paris (TGI), porte de Clichy dans le 17e arrondissement. Le projet est de taille : 160 mètres de haut, 100 000 m2 de planchers dont 62 000 de surfaces utiles, 38 étages, 90 salles d’audience, et une capacité d’accueil de 2 500 salariés et 8 500 visiteurs. Douze grues travaillent en permanence sur le site. Réalisé par l’architecte italien et parisien d’adoption, Renzo Piano (l’auteur avec le britannique Richard Rogers du Centre Georges-Pompidou), le futur TGI, qui doit être livré en juin 2017, sera le plus grand immeuble construit à Paris depuis la Tour Montparnasse (210 mètres), achevée en 1974.« 27 années de loyer »Le TGI est un sujet qui fâche ou qui enchante. Cristiane Taubira, en dépit des convenances habituelles du protocole, n’a pas caché son déplaisir. Elle s’en est particulièrement prise au partenariat public privé (PPP), le mode de financement du projet envers lequel elle a exprimé ses « réticences » et « ses réserves de principe » devant un aréopage de personnalités réunies dans une salle de la base-vie du chantiers : magistrats, élus locaux et représentants d’Arelia, le maître d’ouvrage contrôlé par BTP Bouygues. Outre le financement, la conception et la construction du TGI, l’entreprise de bâtiment et de travaux publics doit assurer l’entretien et la maintenance du bâtiment pendant 27 ans. Coût total de l’opération : 2,4 milliards d’euros, soit, hors coût de construction estimé à 575 millions d’euros, l’équivalent de quelque 70 millions d’euros par an tout au long de la période. « J’aurais préféré une maîtrise d’ouvrage totale de l’Etat, de la puissance publique », a déclaré Christiane Taubira. Ces 27 années de loyer me tourmentent, même si je n’irai pas jusqu’au bout… » Puis dans un sourire, « et ne serais peut-être ni même au départ. »Interruption de chantierPeu après la signature de l’accord, en février 2012, une fronde des avocats avait tenté d’annuler le partenariat entre l’Etablissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) et Arelia. La procédure avait provoqué l’interruption du chantier de juillet 2013 à mars 2014. Et donc un surcoût.Christine Taubira a toutefois précisé que le TGI était « une belle œuvre », et qu’il était « bien de se réjouir d’une belle architecture ». Seule réserve d’ordre formel, et dernière flèche adressée par la ministre : « Le TGI affiche sa verticalité alors que moi, je défends l’idée d’une justice transversale. » Grande hauteur et écologieLe registre d’Anne Hidalgo était tout autre. Et si elle saluait la « belle écriture » de ce « magnifique bâtiment », elle n’en avait pas moins un message à faire passer. Après avoir évoqué l’importance du « travail de concertation » sur le projet et expliqué qu’il constituait « une couture avec le Grand Paris », la maire s’est félicitée de poser « la première pierre du premier bâtiment de grande hauteur depuis les tours du Front de Seine ». Le TGI, a-t-elle précisé, est aussi « le premier à répondre au plan climat de la ville. La grande hauteur n’est pas l’ennemi de l’écologie ».L’ombre de la tour Triangle a alors plané. Défendu par Anne Hidalgo, le projet d’un édifice de 180 mètres de haut, prévu sur le site du Parc des expositions, porte de Versailles dans le 14e arrondissement, est soumis pour l’heure à un blocage politique depuis la tenue d’un vote au Conseil de Paris en novembre 2014. Une succession de procédures, touchant, d’un côté, le tribunal administratif et, de l’autre, le Conseil constitutionnel, devrait repousser l’échéance d’une future délibération au début de l’automne. La ville va donc devoir consacrer son été à tenter de convaincre les plus hésitants parmi les élus réticents.Lire aussi :Le promoteur de la tour Triangle dit avoir « bon espoir »Depuis la petite estrade installée dans la base-vie du chantier de la TGI, Anne Hidalgo a déjà commencé à s’adresser à eux. « Que cette audace ne s’arrête pas là, a exhorté la maire. On pourra le faire ailleurs. Sentez-vous libres ! »Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard et Alexis Delcambre « Comme annoncé par le président Mathieu Gallet le 16 avril dernier, une réflexion a effectivement été engagée sur l’évolution des instances de direction de Radio France dont les conclusions seront présentées dans quelques semaines », a confirmé la direction de l’entreprise publique dans un message interne, mercredi 6 mai.Tout en déplorant « des informations parues dans la presse ce matin au sujet de changements présumés au sein du Comité exécutif de l’entreprise ».Comme l’a annoncé Le Figaro, Sibyle Veil, actuellement directrice du pilotage de la transformation de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, est pressentie pour rejoindre Radio France. Toutefois, sa venue n’est pas confirmée officiellement. Se posent notamment, selon nos informations, des questions sur le périmètre de ses missions.Elle a été présentée comme une future « directrice générale » et une remplaçante de Catherine Sueur, l’actuelle directrice générale déléguée, réputée en froid avec M. Gallet. Mais son poste pourrait avoir une envergure un peu moindre. Mme Sueur était numéro deux de l’entreprise sous le président précédent, Jean-Luc Hees.Sibyle Veil est énarque, issue de la même promotion qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, Gaspard Gantzer, le conseiller communication de François Hollande, ou Boris Vallaud, le secrétaire général adjoint de l’Elysée, aussi mari de Najat Vallaud-Belkacem. Elle a été conseillère santé, travail et logement à l’Elysée sous Nicolas Sarkozy. Elle est mariée à Sébastien Veil, lui aussi ancien membre du cabinet du président de la République et petit-fils de la ministre Simone Veil. Elle ne connaît pas le secteur audiovisuel.Le ministère de la culture de Fleur Pellerin a été informé par Radio France de la possible venue de Mme Veil, mais nie avoir donné une forme d’aval.D’autres changements possiblesUn autre changement devrait intervenir prochainement : le départ de Jean-Pierre Rousseau, l’actuel directeur de la musique, recruté par Mathieu Gallet. Cette hypothèse avait été évoquée dès fin mars, lors du conflit social qui a débouché sur une grève inédite à Radio France. Jean-Paul Quennesson, délégué Sud de Radio France et corniste à l’Orchestre national, avait qualifié sa direction de « fiasco total ».Pendant le conflit, l’assemblée générale des grévistes avait aussi visé l’actuel directeur des ressources humaines, Christian Mettot, un des principaux interlocuteurs des syndicats.Après la crise qui a secoué son autorité, Mathieu Gallet a donc engagé une réflexion sur la gouvernance de Radio France. Avant la sortie de grève, la ministre, Fleur Pellerin, s’était davantage impliquée personnellement, « convoquant » le dirigeant nommé par le CSA et nommant plus tard un médiateur pour renouer le dialogue entre les syndicats et la direction. Après la crise, certains anticipaient que la réflexion évoquée par Mathieu Gallet puisse être l’occasion pour le gouvernement de peser sur la réorganisation de l’entreprise. Il semble plutôt que le président de Radio France étudie sa future direction de son côté, dans la lignée du comité exécutif élargi mis en place à son arrivée.Pendant ce temps, le médiateur Dominique-Jean Chertier poursuit actuellement la « seconde phase » de sa mission, menant des réunions avec les parties prenantes en vue de la négociation du contrat d’objectifs et de moyens, feuille de route de l’entreprise pour les cinq années à venir. Parmi les chantiers sensibles figurent notamment la réforme des modes de production et la négociation d’un plan de départs volontaires de 300 personnes environ.Toutefois, la mise en place de ces discussions reste délicate. De source syndicale, un calendrier a été proposé par le médiateur. S’il propose des ateliers sur France Bleu, la musique ou les modes de production, aucun espace de discussion n’est pour le moment prévu sur le plan stratégique de l’entreprise.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde 10.07.2015 à 10h43 • Mis à jour le10.07.2015 à 11h05 | Sylvain Siclier Le 2 octobre 1955, les téléspectateurs du réseau national de télévision CBS aux Etats-Unis découvrent la première émission d’« Alfred Hitchcock Presents ». La série, qui durera jusqu’en 1965, créée par le célèbre réalisateur britannique mort en 1980, propose chaque semaine une histoire criminelle teintée d’humour noir. Outre ses apparitions en prologue à chaque épisode, Hitchcock en réalise une vingtaine. Plusieurs cinéastes, débutants ou aguerris, y participeront. Pour autant, pour le monde du cinéma, travailler à l’occasion pour la télévision restera longtemps vu comme peu valorisant.La donne changea avec « Amazing Stories », produit de 1985 à 1987 par Steven Spielberg (qui fit ses débuts dans la série « Columbo » et dont le premier film, Duel, était une commande de la télévision). Il en réalise quelques épisodes, en confie d’autres à Joe Dante, Peter Hyams, Clint Eastwood, Martin Scorsese, Robert Zemeckis… Son nom est mis en avant. Autre signe, « Twin Peaks », en 1990, créé par Mark Frost et David Lynch, qui en réalise une partie. Les louanges des critiques accompagneront cette série plutôt expérimentale.Le mouvement s’est accéléré ces dernières années, principalement aux Etats-Unis où les séries ont des moyens, accrus en lien avec l’enjeu commercial de leur diffusion dans le monde. A la conception, la production, la réalisation, les grands noms se bousculent dorénavant. Toujours Spielberg (« Band of Brothers », 2001, « Falling Skies », depuis 2012, « Extant », depuis 2014), Martin Scorsese (« Boardwalk Empire » de 2010 à 2014), Gus Van Sant qui participa à l’élaboration et au pilote de l’inquiétant « Boss » (2011-2012) de Farhad Safinia, David Fincher et James Foley pour « House of Cards » depuis 2013, Steven Soderbergh avec « The Knick » depuis 2014, comme Guillermo del Toro pour « The Strain », les Wachowski depuis quelques semaines avec « Sense8 » en même temps que M. Night Shyamalan pour « Wayward Pines »… Idem pour le recours à des actrices et acteurs réputés : Halle Berry, Vera Farmiga, Dustin Hoffman, Steve Buscemi, Kevin Spacey, Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Colin Farrell…Leonard Cohen au générique de « True Detective »En parallèle, les publications des bandes originales des séries prennent aussi du galon. Le temps n’est plus où la compilation de quelques génériques de séries télévisées était à débusquer dans le segment des musiques de films réalisées par les stars du genre, Ennio Morricone, John Williams, Bernard Herrmann, George Delerue, Vladimir Cosma, Lalo Schifrin, Hans Zimmer… Et dans les rayons des disquaires, les recueils des musiques des séries les plus prisées sont bien en vue. Ceux des cinq saisons à ce jour de « Game of Thrones » connaîssent un indéniable succès, en accord avec celui mondial de la série. Cinq volumes, un par saison, sont dans les bacs et en téléchargement, même si, au vu des achats au titre sur les sites officiels, c’est surtout la musique épique du générique de début, signée Ramin Djawadi, qui domine.La musique du générique de « Game of Thrones », composée par Ramin Djawadi :La plus récente des publications, celle de « True Detective », a été annoncée pour mi-août en suivant les mêmes lois du marketing que pour les albums des stars de la pop et du rock. Vidéo-clip d’une bande-annonce du disque et révélations au compte-gouttes sur son contenu. Elle devrait présenter quatorze compositions utilisées dans les saisons 1 et 2 (en cours de diffusion), dont seules ont été officialisées au 8 juillet, trois chansons par Lera Lynn et une par Bonny “Prince” Billy. Probablement aussi la chanson du générique de début de la saison 1, Far From Any Road par The Handsome Family, et celui de la saison 2, Nevermind par Leonard Cohen. Aux manettes de l’habillage musical de cette série policière à l’ambiance sombre, le guitariste et producteur T. Bone Burnett, déjà responsable de celle de la première saison de la série « Nashville » (depuis 2012).La bande-annonce de la saison 2 de « True Detective » avec un extrait de la chanson Only Thing Worth Fighting For par Lera Lynn :« Nashville », comme « Treme », « Empire » ou « Glee », a pour élément central scénaristique la musique, son univers, l’un de ses genres. La série « Glee » (2009-2015) a ainsi généré six albums constitués de reprises de tubes pop et rock par les actrices-chanteuses/acteurs-chanteurs de ce feuilleton qui évoque les espoirs et déboires de jeunes interprètes dans un lycée. Dans « Treme » (2009-2013), qui évoque l’après-ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans et dans ses environs, le jazz, le zydeco, le funk et toute la diversité de la culture musicale de la région sont mises en jeu (Dr. John, Rebirth Brass Band, Donald Harrison, Allen Toussaint, Henry Butler…). Deux albums ont été publiés en 2011 et 2012.Avec « Empire » (première saison débutée en janvier 2015), c’est l’industrie du hip-hop qui est décrite et, dans « Nashville », celle de la country (tendance pop plutôt que traditionnelle). Le rappeur, producteur et DJ Timbaland est l’un des principaux conseillers musicaux d’« Empire » (400 000 albums vendus de la bande-son de la saison 1), qui fait entendre, outre de nombreux thèmes par les interprètes de la série, des chansons de Mary J. Blige, John Legend, Madonna, Rita Ora… Dans « Nashville » (2 millions d’albums, principalement aux Etats-Unis, pour les six volumes, deux par saisons, ainsi qu’un disque de Noël), ce sont aussi les interprètes du feuilleton qui interviennent, dont Connie Britton, Hayden Panettiere, Chip Esten ou Sam Palladio, en plus de l’utilisation de dizaines de chansons country surtout connues des amateurs du genre.Plus lointaine – elle a été diffusée entre 2007 et 2009 –, et moins connue, « Flight of the Conchords » suit les (més)aventures d’un duo néo-zélandais, réel, celui du titre, néo-zélandais, venu chercher le succès à New York. Dans chaque épisode, un vidéo-clip permet d’entendre une chanson (folk, pop, hip-hop…) par le duo qui sert d’élément scénaristique à l’histoire.La chanson Wrong Song, de Sonya Isaacs, Jimmy Yeary et Marv Green, interprétée par Connie Britton et Hayden Panettiere dans l’épisode 7 de la saison 1 de « Nashville » :Compilation à partir de la chanson-génériqueDans d’autres cas, le succès de la chanson-générique permet de bâtir une compilation. L’un des exemples les plus célèbres est celui de I’ll Be There for You, par le groupe The Rembrandts. Ecrite pour la sitcom « Friends », feuilleton générationnel qui suit, de 1994 à 2004, l’évolution d’une bande de copains qui entrent dans l’âge adulte, la chanson est un immense succès. Elle emporte le premier des trois albums consacrés à la série, par ailleurs complétés de titres de Lou Reed, The Pretenders, R.E.M. ou Joni Mitchell. Dommage que les producteurs n’aient pas retenu l’idée de rassembler les chansons absurdes qu’entonne régulièrement l’un des personnages, Phoebe, dont seul le Smelly Cat a eu droit de figurer sur le double CD de la série publié en 2005.La série « Weeds » (2005-2012), avec en vedette une mère de famille qui fait le commerce puis le trafic de marijuana pour se sortir de ses ennuis financiers, est aussi à noter. Son générique Little Boxes est une chanson écrite en 1962 et interprétée par la chanteuse folk et activiste Malvina Reynolds. Si elle est utilisée dans sa version originale lors de la première des huit saisons, les génériques des saisons 2 et 3 ont permis d’entendre quelques-unes des nombreuses reprises de ce classique folk par des gens aussi variés qu’Elvis Costello, Regina Spektor, Randy Newman, Angélique Kidjo, Donovan, Linkin Park… Pour le reste, le feuilleton accumule des chansons de divers genres, styles et époques.Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par Elvis Costello pour le générique de l’épisode 1 de la saison 2 de « Weeds » :Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par le groupe Death Cab for Cutie pour le générique de l’épisode 2 de la saison 2 de « Weeds » :Pour les éditeurs, le nombre croissant de séries proposées chaque année par les grands réseaux nationaux et les chaînes câblées – dont certaines sont annulées parfois avant la fin de la première saison – et le recours de beaucoup d’entre elles à des accompagnements musicaux qui puisent dans les catalogues, pourrait constituer un (provisoire ?) Eldorado. D’autant plus aisément avec des feuilletons dont l’action se situe entre les années 1950 jusqu’à aujourd’hui.Ainsi « Mad Men » (2007-2015), sur le milieu de la publicité à New York dans les années 1960, déborde de chansons jazz, de musiques d’ambiances façon bar d’hôtel (du compositeur David Carbonara) ou de références pop. Le récent « Aquarius », en cours de diffusion, a pour territoire Los Angeles en 1967 et pour sujet une enquête sur les activités de Charles Manson. Chaque épisode porte le nom d’une chanson de Manson, qui se rêvait star du rock, ou d’un groupe de la période (Procol Harum, Beatles…) et est diffusée durant l’épisode.« One Tree Hill » (Les Frères Scott, 2003-2012), « True Blood » (2008-2014) ou « Revolution » (2012-2014), notamment, avaient déjà eu recours à cette utilisation de titres de chansons ou d’albums pour leurs épisodes. Dans « The Americans », sur un couple d’espions russes infiltrés aux Etats-Unis dans les années 1980 de l’ère Reagan, la bande-son propose un très intelligent mélange de thèmes post-punk, new wave, rock indépendant et de pop de l’époque. La série britannique « Skins » (2007-2013) menant vers les courants électro, punk, pop et rock plus actuels des années 2000.Reste à citer l’une des grandes références du renouveau des séries, « The Sopranos » et ses six saisons diffusées entre 1999 et 2002 puis 2004, 2006 et 2007, qui suit le quotidien d’un parrain mafieux interprété par James Gandolfini. En matière de musique, la série créée par David Chase avait placé la barre très haut avec une chanson ou un instrumental lors du générique de fin en adéquation avec le propos général de chaque épisode ou en prolongement d’une scène finale. Et celà dans une diversité d’approche allant de l’air d’opéra au classique soul ou rock, d’une ritournelle pop à un tube disco, avec clin d’œil aux crooners Frank Sinatra et Dean Martin. Dommage que seuls deux albums n’aient été officiellement publiés – le reste a été reconstitué sur des forums ou des blogs de fans de la série.La chanson White Rabbit écrite par la chanteuse Grace Slick pour Jefferson Airplane, ici utilisée avec le générique final de l’épisode 7 de la saison 1 de « The Sopranos » :Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Futurs » au centre de la Vieille-Charité, à Marseille Malevitch, O’Keeffe, Ernst, Raysse, Matisse, Mondrian, Klein, Miro, Rancillac, Errò… Le centre de la Vieille-Charité, à Marseille, réunit une centaine d’artistes et d’œuvres dont les esthétiques traversent les grands mouvements du XXe siècle, qui ont en commun d’avoir été inspirés par les possibilités du champ scientifique. Ces visions du futur, enthousiastes ou désenchantées, inquiétantes ou humoristiques, l’exposition les rassemble autour de trois grands axes incarnés par des titres fondateurs de la littérature et du cinéma d’anticipation : celui de l’urbanisation, avec Metropolis, le monde technologique et robotisé de La Guerre des mondes, avec l’influence de la science-fiction, et enfin l’échappée vers le cosmos de L’Odyssée de l’espace, là aussi propre à nourrir l’imaginaire.« Futurs », au Centre de la Vieille-Charité, à Marseille (Bouches-du-Rhône), jusqu’au 27 septembre. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures.« My Buenos Aires » à la Maison Rouge, à Paris Après Winnipeg (Canada) et Johannesbourg (Afrique du Sud), La Maison rouge, à Paris, poursuit son cycle d’expositions consacrées aux scènes artistiques de villes avec Buenos Aires. Exploration de l’identité vive et complexe de la capitale argentine, les œuvres d’une soixantaine d’artistes en révèlent ses dynamiques comme ses secrets et ses fantômes, entre humour et noirceur. Pour cette mégapole à l’âme mi-latina mi-européenne, et à l’imaginaire nourri des écrits de Borgès et Cortazar, le portrait se fait ici volontiers mental.« My Buenos Aires », jusqu’au 20 septembre à la Maison Rouge, 10, bd de la Bastille, Paris 12e. Du mercredi au dimanche de 11 heures à 19 heures.« Elévations » au Palais idéal du facteur Cheval Pour la première fois cet été, le Palais idéal du facteur Cheval (Drôme) accueille une exposition en lien avec sa bâtisse inouïe, synthèse des cultures du monde. Deux collectionneurs d’art brut, Bruno Decharme et Antoine de Galbert (le fondateur de la Maison Rouge, à Paris), ont choisi de rendre un hommage indirect à Joseph Ferdinand Cheval. Ils présentent une centaine d’œuvres d’art brut, populaire ou contemporain, issues de leurs collections et offrant une résonance avec l’esprit du lieu. Entre architectures imaginaires et constructions mentales ou spirituelles, toutes « s’élèvent » vers le ciel.« Elévations », jusqu’au 30 août au château d’Hauterives (Drôme), à 200 m du Palais idéal. Tous les jours de 11 heures à 18 h 30.« Warhol Underground » au Centre Pompidou-Metz De l’œuvre d’Andy Warhol (1928-1987), les peintures et sérigraphies sont la face la plus connue et montrée. Cet été, le Centre Pompidou-Metz met l’accent sur le reste de sa production, en lien avec la scène new-yorkaise underground de la fin des années 1950 aux années 1980. Cinéma, musique, performance, danse : le pape du pop art n’a en effet eu de cesse de tisser des liens et de dialoguer avec ces modes de création, tentant de réinventer leurs codes. Photos, affiches, pochettes de disques, numéros de la revue Interview et coupures de presse viennent témoigner de ces expérimentations et collaborations, et du rôle de la Factory, son atelier mué en résidence d’artiste, tout à la fois studio, scène et plateau.« Warhol Underground », jusqu’au 23 novembre. 1, parvis des Droits-de-l’Homme, à Metz (Moselle), du mercredi au lundi, de 10 heures à 18 heures.« Giacometti » à Landerneau La petite ville de Landerneau, dans le Finistère, accueille cet été une exceptionnelle exposition Alberto Giacometti (1901-1966) à l’occasion d’une coproduction entre le Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture et la Fondation Giacometti, qui possède la plus grande collection au monde d’œuvres de l’artiste suisse. Dans une reconstitution de son atelier de Montparnasse, elle présente plus de 150 de ses créations – sculptures, peintures, dessins et lithographies, de sa période surréaliste jusqu’à ses dernières productions, mêlant œuvres emblématiques et séries méconnues.Exposition « Giacometti » aux Capucins, à Landerneau (Finistère) jusqu’au 25 octobre, tous les jours de 10 heures à 19 heures.Le « Solo Group Show » de Taturo Atzu, dans le cadre du Voyage à Nantes Artiste insaisissable à l’humour détonnant, Taturo Atzu n’intervient habituellement qu’en extérieur, in situ, là où il peut jouer avec la présence de l’art dans l’espace public et s’amuser à nous faire porter un regard différent sur ce qui nous entoure. Pour répondre à l’invitation du Voyage à Nantes, qui lui a proposé une exposition monographique, ce Japonais à l’identité changeante (il s’appelait encore Tatzu Nishi au printemps) a choisi de faire entrer l’espace public dans celui de la galerie en imaginant un jardin public, où tout est forcément surprenant, absurde, voire surréaliste.« Solo Group Show » dans le cadre du Voyage à Nantes, jusqu’au 30 août. HAB Galerie, quai des Antilles, Nantes (Loire-Atlantique). Tous les jours de 10 heures à 19 heures.« En chemin » avec Garouste à la Fondation Maeght La Fondation Maeght consacre son exposition d’été à Gérard Garouste, qui pratique depuis les années 1980, et à rebours de son temps, une peinture résolument figurative. Intitulée « En chemin », elle invite à un parcours où les relations entre les œuvres suivent le fil de la pensée « intranquille » de l’artiste, pour reprendre le titre de son autobiographie. S’y mêlent autoportraits énigmatiques, complexes personnages hybrides souvent inspirés de récits littéraires, et portraits de famille et d’amis. Cet hommage permet de découvrir un ensemble de près de 80 peintures, sculptures et dessins, dont des œuvres inédites, spécialement réalisées pour l’exposition.« En chemin », jusqu’au 29 novembre à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes).Les « Formes biographiques » à Nîmes L’historien de l’art Jean-François Chevrier ausculte les « formes biographiques » dans une exposition en deux temps. Son premier volet a été présenté en 2013-2014 au Musée national espagnol d’art moderne Reina Sofía, à Madrid ; le second, qui fait l’objet de l’exposition estivale du Carré d’art de Nîmes, est centré sur la période actuelle (de la fin des années 1950 à nos jours), avec des œuvres de Sigmar Polke à Marcel Broodthaers, en passant par Carl Andre, Robert Filliou, Etienne-Martin ou Chantal Akerman. En une soixantaine de peintures, photographies, sculptures, dessins, films ou installations, elle interroge le modèle de construction de la biographie ou d’éléments biographiques dans l’activité artistique, à partir d’éléments documentaires aussi bien que fictifs.« Formes biographiques », au Carré d’art, musée d’art contemporain, place de la Maison-Carrée, Nîmes (Gard). Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, jusqu’au 20 septembre.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Luc Leroux (Marseille, correspondant) Une femme au visage d’une grande fraîcheur avec deux lèvres roses tourne vers le haut son regard d’une étonnante expressivité. Elle joue d’un instrument à cordes qui ressemble à une harpe. Ce morceau de fresque peinte sur un fond rouge vermillon au Ier siècle avant J.-C. est l’une des magnifiques découvertes d’un programme de fouilles archéologiques menées depuis deux ans à Arles (Bouches-du-Rhône), dans le quartier de Trinquetaille, sur la rive droite du fleuve. Les fragments du visage de cette musicienne ont été dégagés il y a trois semaines seulement, après avoir passé plus de deux mille ans parmi les remblais d’une somptueuse villa romaine. Elle n’est qu’une pièce de ce que ses découvreurs présentent comme « un véritable trésor archéologique ».Après avoir collecté en 2014 des pans entiers du décor mural d’une chambre à coucher (cubiculum) composée d’une antichambre et d’une alcôve, les archéologues du Musée départemental Arles Antique ont récupéré depuis le 1er avril les éléments d’un rarissime décor peint sur trois murs de la salle d’apparat d’une riche maison (domus) romaine. Ces fresques murales du IIe style pompéien – daté en Gaule entre 70 et 20 avant J.-C. – n’ont d’équivalent qu’avec moins d’une demi-douzaine de sites en Italie. « Comparables à la villa de Boscoreale et à la villa des Mystères à Pompéi », estime ainsi Julien Boislève, toichographologue, spécialiste des peintures romaines à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).En France, le IIe style pompéien n’apparaissait jusqu’à présent qu’à travers des fragments trouvés sur une vingtaine de sites, mais pas dans des ensembles peints aussi complets. Le décor de cette salle de réception est composé, entre des colonnes fictives imitant le marbre, de personnages peints sur fond rouge vermillon – onze, estiment les archéologues – à l’échelle ½ ou ¾. Les remblais et la terre ont concouru à l’excellente conservation des fresques – sur les murs ou en fragments – et à la fraîcheur des couleurs.Témoignage du luxeLa qualité de la figuration, notamment des quelques visages déjà reconstitués, la finesse des modelés des corps et des vêtements ne peuvent être l’œuvre, selon Julien Boislève, que de fresquistes de grand talent, vraisemblablement venus d’Italie, voire d’Espagne. L’usage de pigments comme le bleu égyptien des plafonds et le rouge vermillon témoigne du luxe de maisons appartenant à de riches commerçants ou à l’élite politique de la colonie de droit romain. Ce quartier aujourd’hui populaire d’Arles était à l’époque un « Beverly Hills d’Arelate », selon l’expression d’Alain Genot, archéologue. Habité par les notables, il avait été abandonné en 260 à la suite d’un incendie.Le hasard a contribué à cette découverte unique qui, d’ici quelques années, à l’instar du fabuleux buste en marbre de César, comptera parmi les œuvres majeures du Musée Arles Antique. Coincé entre le « drive » d’un supermarché et la maison de quartier, le site de la Verrerie est un lieu de fouilles archéologiques déjà ancien. Des opérations y avaient été conduites en 1983 et de splendides mosaïques romaines – des fonds de bassin – datant des Ier et IIe siècles après J.-C. avaient alors été récupérées et figurent parmi les pièces maîtresses du musée. En 2012, la municipalité mettait en place un chantier d’insertion pour procéder au remblaiement du site. Des sondages montraient l’existence, sous les maisons des Ier et IIe siècles, de traces d’une occupation beaucoup plus ancienne.L’autorisation de fouilles accordée par le ministère de la culture repose sur l’existence d’une véritable chaîne de traitement des vestiges. Dans l’atelier de conservation du musée, les premiers fragments de fresques – certains encore porteurs de traces de terre –, et notamment la femme à la harpe, reposent dans le sable noir de casiers en bois ou dans des caisses référencées. Fragments collectés parmi les remblais ou détachés des parois, les vestiges sont immédiatement traités par les ateliers du musée, protégés, stockés, nettoyés. Ils seront étudiés dans les mois qui viennent. Les couleurs n’ont pas vu la lumière depuis plus de deux mille ans et sont d’une extrême sensibilité aux UV.A l’issue d’une nouvelle et dernière campagne de fouilles en 2016, qui consistera à dégager une troisième pièce de la villa, les archéologues disposeront d’un total de 1 200 caisses, d’une taille de 60 cm par 30, pleines de fragments. Il faudra se livrer à de gigantesques puzzles pour reconstituer les peintures murales. En vue du remontage des fresques, les archéologues veillent à noter avec précision les endroits où sont collectés les fragments.Patient travail d’assemblageLes retours sur des portes, plafond et sols, avec un mortier biseauté, sont l’équivalent des bords du puzzle. Pour les morceaux sans motif, une analyse de la direction de l’enduit de lissage permet de les positionner dans le même sens, ce qui facilite le remontage. Mais il n’existe pas de technique autre que l’examen à l’œil nu des pièces une à une. « Il y aura des lacunes, des manques dans ces fresques qui renaîtront », indique Marie-Pierre Rothé, responsable scientifique de l’opération. Mais l’ensemble s’annonce unique. Ses découvreurs ignorent ce qui sortira de ce patient travail d’assemblage, même si quelques indices semblent trahir la présence du dieu Pan et laissent penser à l’entourage de Bacchus.Avec un rythme estimé à un jour par caisse de fragments puis à un travail de restauration, le grand public ne devrait pas découvrir les fresques de la villa de la Verrerie avant huit à dix années. Mais, espère Alain Charron, responsable des collections du Musée Arles Antique, une exposition temporaire pourrait, un peu avant cette échéance, lever un coin du voile sur ce nouveau trésor arlésien.Luc Leroux (Marseille, correspondant)Journaliste au Monde Damien Leloup Un remède de cheval pour un malade en phase terminale, c’est, en substance, ce que propose un long et fouillé rapport du Sénat (PDF), rendu public jeudi 9 juillet et consacré à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits (Hadopi), le gendarme du téléchargement illégal. Elaboré par les sénateurs Loïc Hervé (UDI) et Corinne Bouchoux (EELV) – deux élus qui n’avaient pas participé aux débats sur les projets de loi Hadopi 1 et 2 – le document dresse un état des lieux très sévère sur la situation de la haute autorité.Absence de soutien politique à gauche comme à droite, critiques incessantes des ayants droit, méfiance ou méconnaissance du grand public, querelles intestines et problèmes de gouvernance, budgets insuffisants et absence de management… La liste des problèmes rencontrés par la Hadopi et énumérés dans le rapport est longue, très longue. La plupart étaient déjà connus, mais, les sénateurs le reconnaissent eux-mêmes, ils ont été « un peu surpris par l’ambiance qu’[ils ont] découverte à la Hadopi » et disent avoir « eu le plus grand mal (…) à se faire communiquer des résultats et observations dénués de toute passion ».Divorce avec les ayants droit comme avec le grand publicNée dans la douleur, après des débats parlementaires houleux, la Hadopi n’a jamais su trouver sa vitesse de croisière, minée par les difficultés politiques externes ou internes. Dès 2012, trois ans après sa création, la Haute Autorité est en difficulté. Elle tente alors « de regagner chez les internautes la confiance perdue des ayants droit (…). Des analyses particulièrement sévères s’agissant de cette stratégie de rattrapage affectif ont été à de multiples reprises livrées à votre mission d’information lors des auditions organisées à l’appui de ses travaux », note le rapport.Cette stratégie s’est soldée par un double échec : « Paradoxalement, tout en provoquant l’ire des ayants droit, les récents travaux de recherche de la Hadopi n’ont pas abouti à la réconciliation rêvée avec les internautes. » La main tendue par le secrétaire général de la Hadopi, Eric Walter, aux opposants traditionnels à la Haute Autorité, par le biais de prises de position perçues comme favorables à l’instauration d’une licence globale – le paiement d’une somme forfaitaire contre la légalisation des téléchargements non marchands – a achevé de brouiller les pistes, en interne comme en externe.Face à ce constat très sombre, le rapport ne plaide pourtant pas pour une suppression de la Hadopi – un « signal négatif » qui pourrait « laisser croire que l’Etat se désintéresse du droit d’auteur ». Il rejette également l’idée avancée par la commission Lescure d’une fusion pure et simple de la Hadopi avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Au contraire, il plaide pour un recentrage et un renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité, qui devra aussi changer de nom.Système d’amendes administrativesPrincipale mesure évoquée, la simplification de la procédure de sanction des internautes. Le mécanisme de « réponse graduée » actuellement en vigueur consiste à envoyer des avertissements, avant une éventuelle transmission du dossier à la justice, pour « défaut de sécurisation » de l’accès à Internet. Les transmissions au parquet sont rares – 313 depuis la création de la Hadopi – et les condamnations encore plus. Le rapport propose donc de remplacer cette dernière étape par « une amende administrative décidée et notifiée par une commission des sanctions indépendante ».Cette modification du fonctionnement de la « réponse graduée » soulèverait d’importantes questions juridiques et économiques. D’abord, pour être conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission de la Hadopi chargée de l’envoi des courriers de « recommandation » – les deux premières étapes de la « riposte graduée » – ne peut être chargée de la sanction, pour des raisons d’impartialité : il faudrait donc créer une commission ad hoc. Surtout, la Hadopi devrait, si ce projet est adopté, procéder elle-même à la collecte des adresses IP des téléchargeurs – une mission aujourd’hui remplie par des sociétés privées pour le compte des ayants droit.Cette collecte a un coût annuel estimé à 800 000 euros par le rapport. Aujourd’hui payée par les ayants droit, cette somme serait à la charge de la Haute Autorité – et donc des contribuables, comme le note le site spécialisé NextInpact. Au total, pour qu’elle remplisse correctement ses missions, le rapport estime que le budget annuel de la Haute Autorité devrait être compris entre 9,5 et 10 millions d’euros – la subvention actuelle, de 5,5 millions d’euros après des coupes successives, a atteint « les limites de la contrainte budgétaire que peut supporter l’institution », note le rapport.Une « liste noire » de sitesParmi les autres propositions phares du rapport, deux autres mesures se détachent. Tout d’abord, les sénateurs souhaiteraient confier à la Haute Autorité « la constatation des atteintes aux droits d’auteur par des sites massivement contrefaisants et la publicité de ces informations sous forme de “liste noire”, ainsi qu’un suivi des injonctions judiciaires de blocage des sites ». En clair, la Hadopi serait chargée de maintenir un catalogue des sites dédiés au téléchargement illégal – principalement des annuaires de liens, qu’il s’agisse de fichiers BitTorrent ou de liens de téléchargement direct. Une liste qui pourrait vraisemblablement servir de base pour que les ayants droit puissent demander le blocage de ces sites par les fournisseurs d’accès à Internet, comme ces derniers l’ont déjà fait récemment pour The Pirate Bay et d’autres.Suivant une logique similaire, les rapporteurs voudraient confier à la Hadopi la responsabilité d’une « injonction de retrait prolongé des contenus contrefaisants », une injonction qui imposerait aux hébergeurs de supprimer, de leur propre initiative, toute nouvelle copie d’un fichier ayant déjà fait l’objet d’un signalement. Cette disposition existe dans le droit des principaux pays anglo-saxons : baptisée « notice and stay down », elle n’est actuellement pas prévue par la loi française, qui considère que la responsabilité de signaler tout contenu contrefait incombe aux ayants droit.Calendrier législatif incertainLes propositions contenues dans le rapport seront-elles mises en application ? Ou subiront-elles le même sort que celles du rapport Lescure, finalement peu suivi d’effets ? Mercredi 8 juillet, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a présenté en conseil des ministres son projet de loi sur la création, qui ne comprend aucun volet pénal – et ne se penche donc pas sur la question du téléchargement illégal. Certaines organisations de défense des droits des internautes, comme la Quadrature du Net, disent craindre « une tactique d’embuscade parlementaire introduisant par voie d’amendements ces mesures dangereuses dans le texte ». L’association, qui a été auditionnée par les rapporteurs, craint que les différentes mesures proposées n’aboutissent à la création de fait d’une « police privée du droit d’auteur », en grande partie confiée aux géants américains du Web.Pourtant, les sénateurs eux-mêmes semblent peu confiants dans la possibilité d’une mise en œuvre rapide de tout ou partie de leurs recommandations, qui comprennent également une refonte de la gouvernance de la Hadopi. « Si le cabinet de Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a fait part à votre mission d’information de son peu d’enthousiasme à voir rouvrir l’épineux dossier Hadopi au Parlement, il n’empêche que cette réforme ne doit guère tarder, dans un contexte où le gouvernement a fait de la protection des auteurs et de la promotion de la culture un objectif majeur », écrivent-ils.Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Menselssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande Nuit de noces (oui, bon, ça va, blague vieillotte, lycée de Bayonne, 1959, je suis en seconde) : « “Vois-tu ?” plastronne le marié en se déloquant ? Eh bien ÇA, c’est un pénis. » Visage baissé, ivre de timidité et de mousseux tiède, le feu aux joues, la jeune épousée lève les paupières : « Ah ! En somme, c’est comme une bite en plus petit. »« Poïélitique » est un mot imbitable que tout le monde comprend. Un tiers de poésie au sens large, un tiers de politique et un doigt de poilade. Pile comme mon cocktail favori, le Manhattan : vermouth blanc, bourbon, et un doigt d’angustura.Au fait, bite ? Deux t (comme dans « bitte d’amarrage »), ou un seul (comme dans « siffloter ») ? Une chronique poïélitique, c’est une chronique où, mine de rien, l’on apprend beaucoup.Gniards hurleurs et guerre civileJacques Schwarz-Bart, saxophoniste émérite (Guadeloupe – New York West Side) vient de jouer, le 4 juillet, à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques). Place Sainte-Croix, sur les hauteurs du village, joli triangle de platanes en pente, pubis des Pyrénées, une ancienne église désaffectée a longtemps servi de garage (huiles Hafa). Le syndicat « Droit au blasphème et à émettre des flatulences dans les mosquées » a fait valoir, non sans argument, qu’à ce train, les églises deviendraient bientôt des mosquées.Au garage a bientôt succédé une disco (eighties). Devant les « nuisances sonores », les fameux « riverains », ces ligues des temps modernes, aussi nuisibles que les « parents d’élèves », ont obtenu sa fermeture. À l’entrée de la ville, s’est discrètement ouvert Le Libertin, visible jusqu’à Saragosse, on ne va pas vous faire un dessin. Petite ville fleurie des Pyrénées, Oloron-Sainte-Marie a tout soudain changé.La poïélitique, c’est l’art de voyager, les trains bondés de gniards hurleurs que les nouvelles mères oublient en tapotant des textos à leurs Jules, les aéroports toujours à deux doigts de la guerre civile et du rapatriement sanitaire, les routes tracées pour suicides amateurs. N’en prenant jamais, j’enquête sur les vacances des autres. À suivre, camarades ! Je vous laisse sur cette antanaclase.Francis MarmandeJournaliste au Monde 13.07.2015 à 06h37 | Sylvain Siclier Cette semaine, La Matinale du Monde vous propose des festivals éclectiques, d’hier et d’aujourd’hui, après une petite pause jazzy.UN ALBUM : une compilation sur les liens entre blues et jazz Après sa série thématique « Original Sound Deluxe », la compagnie phonographique Cristal Records, installée à La Rochelle (Charente-Maritime), propose une nouvelle collection intitulée « Cristal Records Presents » : des enregistrements historiques choisis par Claude Carrière, producteur d’émissions radiophoniques, journaliste et critique, pour un premier CD, et un deuxième disque avec des enregistrements tirés du catalogue Cristal. Cette première parution entend mettre en avant les relations entre le blues et le jazz sous le titre Jazzin' the Blues. On y retrouve, sur le premier CD, quatorze compositions, par Duke Ellington, Louis Armstrong, Ray Charles, Count Basie, Charlie Parker, Nat King Cole, Thelonious Monk… soit un choix large de styles (jazz classique des débuts, swing, be-bop, hard bop…) et de personnalités. Et pour le second CD, des approches tout aussi variées avec treize compositions par le Paris Jazz Big Band, Sébastien Texier, Sophia Domancich, François Théberge, Ronald Baker… Un dialogue entre anciens et nouveaux bien conçu.« Jazzin' the Blues », par divers artistes, double CD Cristal Records/Harmonia Mundi.DEUX FESTIVALS : Les Suds, à Arles du 13 au 19 juillet et FNAC Live à Paris, du 15 au 18 juillet Chronologiquement le premier, le festival Les Suds à Arles (Bouches-du-Rhône), qui porte en sous-titre « la musique du monde », débutera sa vingtième édition lundi 13 juillet 2015 avec du folk par Gaelle Vanden Berghe et Gregory Moreau puis le chanteur André Minvielle. Les concerts, spectacles, conférences, rencontres et projections sont organisés dans divers lieux de la ville, dont le Théâtre antique, la cour de l’Archevêché, les Ateliers des forges, le Musée départemental, des places et jardins. Le programme est copieux avec notamment le Taraf de Haïdouks (Roumanie), Batida (Angola/Portugal), l’Orquesta Buena Vista social Club (Cuba), Imhotep (France, Dhafer Youssef (Tunisie), Titi Robin et Mehdi Nassouli (France/Maroc), Rocio Marquez (Espagne), Maria Farantouri (Grèce)… La journée du 14 juillet 2015 sera marquée par la Nuit des fleuves, 16 concerts et 9 scènes pour un parcours à travers la ville et le long des quais du Rhône.Les Suds, à Arles, du 13 au 19 juillet, différents lieux. De 9,80 euros à 52,50 euros selon les concerts et spectacles, accès libre à plusieurs manifestations. Le second FNAC Live, sous l’enseigne du distributeur de produits culturels, est organisé sur le parvis de l’Hôtel de Ville, à Paris, du mercredi 15 juillet au samedi 18 juillet, avec une programmation rock, pop, électro et chanson. Là aussi des grands noms sont attendus, dont certains nouveaux venus qui ont fait événement ces derniers temps. Première soirée le 15 avec les duos féminins Ibeyi et Brigitte, ainsi que le producteur électro Rone ; le 16 ce sera un « spécial 10 ans » de la compagnie phonographique Because Music, avec les groupes Minuit (qui jouera à 20 heures), Django Django et les chanteuses Selah Sue et Christine & The Queens. Ce même jour Benjamin Biolay sera en formule acoustique dans les salons de l’Hôtel de Ville, où une partie des concerts est organisée. Suivront jusqu’au 18 juillet, Fuzeta, Baxter Dury, Jeanne Added, Dominique A, Songhoy Blues, Pierre Lapointe, Mika…FNAC Live, parvis de l’Hôtel de Ville, à Paris, du 15 au 18 juillet. Accès libre.DEUX VIDÉOCLIPS : il y a trente ans, le 13 juillet 1985, les concerts caritatifs Live AidOrganisé à l’initiative des chanteurs irlandais Bob Geldof et écossais Midge Ure, le concert caritatif Live Aid, pour recueillir des fonds destinés à la lutte contre la famine en Ethiopie, eut lieu le samedi 13 juillet 1985, conjointement au Wembley Stadium de Londres et au John F. Kennedy Stadium à Philadelphie, mais aussi avec une poignée de groupes jouant en Australie, en Allemagne, en Yougoslavie, au Japon… Une réunion de groupes et d’artistes solo du rock et de la pop venus pour interpréter chacun quelques chansons, retransmise en direct dans le monde entier par la BBC, ABC et MTV. On estime à 2 milliards les téléspectateurs qui ont regardé à un moment ou à un autre le programme. Au Wembley, la scène accueillit The Style Council, Elvis Costello, Sade, Roxy Music, U2, David Bowie, Queen, The Who, Elton John, Paul McCartney. Au JFK Stadium, défilèrent Joan Baez, The Four Tops, Run DMC, Black Sabbath, The Beach Boys, The Pretenders, Carlos Santana, Madonna, Neil Young, Bob Dylan (avec Ron Wood et Keith Richards), le duo cabotin formé par Mick Jagger et Tina Turner, Led Zeppelin reformé pour l’occasion… Phil Collins étant pour sa part présent aux deux concerts grâce à un voyage en Concorde et au décalage horaire.Nous avons choisi deux extraits de cette journée/soirée. D’abord, au JFK Stadium, le groupe vocal The Four Tops, dans sa formation originelle depuis 1953 avec Levi Stubbs (voix lead, mort en 2008), Abdul Fakir, Renaldo Benson (mort en 2005) et Lawrence Payton (mort en 1997) pour un meddley de ses plus grands succès, dans cet extrait It’s The Same Old Song (coupé au début sur ce document), Reach Out (Il’Be There) et I Can’t Help Myself (Sugar Pie Honey Bunch). A noter, la présentation finale par le promoteur de concerts Bill Graham (mort en 1991). Puis The Who, à Wembley, formé à cette époque du chanteur Roger Daltrey, du guitariste Pete Townshend, du bassiste John Entwistle (mort en 2002), du batteur Kenney Jones et du claviériste John « Rabbit » Bundrick, qui interprète l’un de ses titres les plus célèbres et spectaculaires Won’t Get Fooled Again.The Four Tops au Live Aid, 13 juillet 1985.The Who au Live Aid, 13 juillet 1985.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 10h43 • Mis à jour le10.07.2015 à 11h05 | Sylvain Siclier Le 2 octobre 1955, les téléspectateurs du réseau national de télévision CBS aux Etats-Unis découvrent la première émission d’« Alfred Hitchcock Presents ». La série, qui durera jusqu’en 1965, créée par le célèbre réalisateur britannique mort en 1980, propose chaque semaine une histoire criminelle teintée d’humour noir. Outre ses apparitions en prologue à chaque épisode, Hitchcock en réalise une vingtaine. Plusieurs cinéastes, débutants ou aguerris, y participeront. Pour autant, pour le monde du cinéma, travailler à l’occasion pour la télévision restera longtemps vu comme peu valorisant.La donne changea avec « Amazing Stories », produit de 1985 à 1987 par Steven Spielberg (qui fit ses débuts dans la série « Columbo » et dont le premier film, Duel, était une commande de la télévision). Il en réalise quelques épisodes, en confie d’autres à Joe Dante, Peter Hyams, Clint Eastwood, Martin Scorsese, Robert Zemeckis… Son nom est mis en avant. Autre signe, « Twin Peaks », en 1990, créé par Mark Frost et David Lynch, qui en réalise une partie. Les louanges des critiques accompagneront cette série plutôt expérimentale.Le mouvement s’est accéléré ces dernières années, principalement aux Etats-Unis où les séries ont des moyens, accrus en lien avec l’enjeu commercial de leur diffusion dans le monde. A la conception, la production, la réalisation, les grands noms se bousculent dorénavant. Toujours Spielberg (« Band of Brothers », 2001, « Falling Skies », depuis 2012, « Extant », depuis 2014), Martin Scorsese (« Boardwalk Empire » de 2010 à 2014), Gus Van Sant qui participa à l’élaboration et au pilote de l’inquiétant « Boss » (2011-2012) de Farhad Safinia, David Fincher et James Foley pour « House of Cards » depuis 2013, Steven Soderbergh avec « The Knick » depuis 2014, comme Guillermo del Toro pour « The Strain », les Wachowski depuis quelques semaines avec « Sense8 » en même temps que M. Night Shyamalan pour « Wayward Pines »… Idem pour le recours à des actrices et acteurs réputés : Halle Berry, Vera Farmiga, Dustin Hoffman, Steve Buscemi, Kevin Spacey, Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Colin Farrell…Leonard Cohen au générique de « True Detective »En parallèle, les publications des bandes originales des séries prennent aussi du galon. Le temps n’est plus où la compilation de quelques génériques de séries télévisées était à débusquer dans le segment des musiques de films réalisées par les stars du genre, Ennio Morricone, John Williams, Bernard Herrmann, George Delerue, Vladimir Cosma, Lalo Schifrin, Hans Zimmer… Et dans les rayons des disquaires, les recueils des musiques des séries les plus prisées sont bien en vue. Ceux des cinq saisons à ce jour de « Game of Thrones » connaîssent un indéniable succès, en accord avec celui mondial de la série. Cinq volumes, un par saison, sont dans les bacs et en téléchargement, même si, au vu des achats au titre sur les sites officiels, c’est surtout la musique épique du générique de début, signée Ramin Djawadi, qui domine.La musique du générique de « Game of Thrones », composée par Ramin Djawadi :La plus récente des publications, celle de « True Detective », a été annoncée pour mi-août en suivant les mêmes lois du marketing que pour les albums des stars de la pop et du rock. Vidéo-clip d’une bande-annonce du disque et révélations au compte-gouttes sur son contenu. Elle devrait présenter quatorze compositions utilisées dans les saisons 1 et 2 (en cours de diffusion), dont seules ont été officialisées au 8 juillet, trois chansons par Lera Lynn et une par Bonny “Prince” Billy. Probablement aussi la chanson du générique de début de la saison 1, Far From Any Road par The Handsome Family, et celui de la saison 2, Nevermind par Leonard Cohen. Aux manettes de l’habillage musical de cette série policière à l’ambiance sombre, le guitariste et producteur T. Bone Burnett, déjà responsable de celle de la première saison de la série « Nashville » (depuis 2012).La bande-annonce de la saison 2 de « True Detective » avec un extrait de la chanson Only Thing Worth Fighting For par Lera Lynn :« Nashville », comme « Treme », « Empire » ou « Glee », a pour élément central scénaristique la musique, son univers, l’un de ses genres. La série « Glee » (2009-2015) a ainsi généré six albums constitués de reprises de tubes pop et rock par les actrices-chanteuses/acteurs-chanteurs de ce feuilleton qui évoque les espoirs et déboires de jeunes interprètes dans un lycée. Dans « Treme » (2009-2013), qui évoque l’après-ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans et dans ses environs, le jazz, le zydeco, le funk et toute la diversité de la culture musicale de la région sont mises en jeu (Dr. John, Rebirth Brass Band, Donald Harrison, Allen Toussaint, Henry Butler…). Deux albums ont été publiés en 2011 et 2012.Avec « Empire » (première saison débutée en janvier 2015), c’est l’industrie du hip-hop qui est décrite et, dans « Nashville », celle de la country (tendance pop plutôt que traditionnelle). Le rappeur, producteur et DJ Timbaland est l’un des principaux conseillers musicaux d’« Empire » (400 000 albums vendus de la bande-son de la saison 1), qui fait entendre, outre de nombreux thèmes par les interprètes de la série, des chansons de Mary J. Blige, John Legend, Madonna, Rita Ora… Dans « Nashville » (2 millions d’albums, principalement aux Etats-Unis, pour les six volumes, deux par saisons, ainsi qu’un disque de Noël), ce sont aussi les interprètes du feuilleton qui interviennent, dont Connie Britton, Hayden Panettiere, Chip Esten ou Sam Palladio, en plus de l’utilisation de dizaines de chansons country surtout connues des amateurs du genre.Plus lointaine – elle a été diffusée entre 2007 et 2009 –, et moins connue, « Flight of the Conchords » suit les (més)aventures d’un duo néo-zélandais, réel, celui du titre, néo-zélandais, venu chercher le succès à New York. Dans chaque épisode, un vidéo-clip permet d’entendre une chanson (folk, pop, hip-hop…) par le duo qui sert d’élément scénaristique à l’histoire.La chanson Wrong Song, de Sonya Isaacs, Jimmy Yeary et Marv Green, interprétée par Connie Britton et Hayden Panettiere dans l’épisode 7 de la saison 1 de « Nashville » :Compilation à partir de la chanson-génériqueDans d’autres cas, le succès de la chanson-générique permet de bâtir une compilation. L’un des exemples les plus célèbres est celui de I’ll Be There for You, par le groupe The Rembrandts. Ecrite pour la sitcom « Friends », feuilleton générationnel qui suit, de 1994 à 2004, l’évolution d’une bande de copains qui entrent dans l’âge adulte, la chanson est un immense succès. Elle emporte le premier des trois albums consacrés à la série, par ailleurs complétés de titres de Lou Reed, The Pretenders, R.E.M. ou Joni Mitchell. Dommage que les producteurs n’aient pas retenu l’idée de rassembler les chansons absurdes qu’entonne régulièrement l’un des personnages, Phoebe, dont seul le Smelly Cat a eu droit de figurer sur le double CD de la série publié en 2005.La série « Weeds » (2005-2012), avec en vedette une mère de famille qui fait le commerce puis le trafic de marijuana pour se sortir de ses ennuis financiers, est aussi à noter. Son générique Little Boxes est une chanson écrite en 1962 et interprétée par la chanteuse folk et activiste Malvina Reynolds. Si elle est utilisée dans sa version originale lors de la première des huit saisons, les génériques des saisons 2 et 3 ont permis d’entendre quelques-unes des nombreuses reprises de ce classique folk par des gens aussi variés qu’Elvis Costello, Regina Spektor, Randy Newman, Angélique Kidjo, Donovan, Linkin Park… Pour le reste, le feuilleton accumule des chansons de divers genres, styles et époques.Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par Elvis Costello pour le générique de l’épisode 1 de la saison 2 de « Weeds » :Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par le groupe Death Cab for Cutie pour le générique de l’épisode 2 de la saison 2 de « Weeds » :Pour les éditeurs, le nombre croissant de séries proposées chaque année par les grands réseaux nationaux et les chaînes câblées – dont certaines sont annulées parfois avant la fin de la première saison – et le recours de beaucoup d’entre elles à des accompagnements musicaux qui puisent dans les catalogues, pourrait constituer un (provisoire ?) Eldorado. D’autant plus aisément avec des feuilletons dont l’action se situe entre les années 1950 jusqu’à aujourd’hui.Ainsi « Mad Men » (2007-2015), sur le milieu de la publicité à New York dans les années 1960, déborde de chansons jazz, de musiques d’ambiances façon bar d’hôtel (du compositeur David Carbonara) ou de références pop. Le récent « Aquarius », en cours de diffusion, a pour territoire Los Angeles en 1967 et pour sujet une enquête sur les activités de Charles Manson. Chaque épisode porte le nom d’une chanson de Manson, qui se rêvait star du rock, ou d’un groupe de la période (Procol Harum, Beatles…) et est diffusée durant l’épisode.« One Tree Hill » (Les Frères Scott, 2003-2012), « True Blood » (2008-2014) ou « Revolution » (2012-2014), notamment, avaient déjà eu recours à cette utilisation de titres de chansons ou d’albums pour leurs épisodes. Dans « The Americans », sur un couple d’espions russes infiltrés aux Etats-Unis dans les années 1980 de l’ère Reagan, la bande-son propose un très intelligent mélange de thèmes post-punk, new wave, rock indépendant et de pop de l’époque. La série britannique « Skins » (2007-2013) menant vers les courants électro, punk, pop et rock plus actuels des années 2000.Reste à citer l’une des grandes références du renouveau des séries, « The Sopranos » et ses six saisons diffusées entre 1999 et 2002 puis 2004, 2006 et 2007, qui suit le quotidien d’un parrain mafieux interprété par James Gandolfini. En matière de musique, la série créée par David Chase avait placé la barre très haut avec une chanson ou un instrumental lors du générique de fin en adéquation avec le propos général de chaque épisode ou en prolongement d’une scène finale. Et celà dans une diversité d’approche allant de l’air d’opéra au classique soul ou rock, d’une ritournelle pop à un tube disco, avec clin d’œil aux crooners Frank Sinatra et Dean Martin. Dommage que seuls deux albums n’aient été officiellement publiés – le reste a été reconstitué sur des forums ou des blogs de fans de la série.La chanson White Rabbit écrite par la chanteuse Grace Slick pour Jefferson Airplane, ici utilisée avec le générique final de l’épisode 7 de la saison 1 de « The Sopranos » :Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Futurs » au centre de la Vieille-Charité, à Marseille Malevitch, O’Keeffe, Ernst, Raysse, Matisse, Mondrian, Klein, Miro, Rancillac, Errò… Le centre de la Vieille-Charité, à Marseille, réunit une centaine d’artistes et d’œuvres dont les esthétiques traversent les grands mouvements du XXe siècle, qui ont en commun d’avoir été inspirés par les possibilités du champ scientifique. Ces visions du futur, enthousiastes ou désenchantées, inquiétantes ou humoristiques, l’exposition les rassemble autour de trois grands axes incarnés par des titres fondateurs de la littérature et du cinéma d’anticipation : celui de l’urbanisation, avec Metropolis, le monde technologique et robotisé de La Guerre des mondes, avec l’influence de la science-fiction, et enfin l’échappée vers le cosmos de L’Odyssée de l’espace, là aussi propre à nourrir l’imaginaire.« Futurs », au Centre de la Vieille-Charité, à Marseille (Bouches-du-Rhône), jusqu’au 27 septembre. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures.« My Buenos Aires » à la Maison Rouge, à Paris Après Winnipeg (Canada) et Johannesbourg (Afrique du Sud), La Maison rouge, à Paris, poursuit son cycle d’expositions consacrées aux scènes artistiques de villes avec Buenos Aires. Exploration de l’identité vive et complexe de la capitale argentine, les œuvres d’une soixantaine d’artistes en révèlent ses dynamiques comme ses secrets et ses fantômes, entre humour et noirceur. Pour cette mégapole à l’âme mi-latina mi-européenne, et à l’imaginaire nourri des écrits de Borgès et Cortazar, le portrait se fait ici volontiers mental.« My Buenos Aires », jusqu’au 20 septembre à la Maison Rouge, 10, bd de la Bastille, Paris 12e. Du mercredi au dimanche de 11 heures à 19 heures.« Elévations » au Palais idéal du facteur Cheval Pour la première fois cet été, le Palais idéal du facteur Cheval (Drôme) accueille une exposition en lien avec sa bâtisse inouïe, synthèse des cultures du monde. Deux collectionneurs d’art brut, Bruno Decharme et Antoine de Galbert (le fondateur de la Maison Rouge, à Paris), ont choisi de rendre un hommage indirect à Joseph Ferdinand Cheval. Ils présentent une centaine d’œuvres d’art brut, populaire ou contemporain, issues de leurs collections et offrant une résonance avec l’esprit du lieu. Entre architectures imaginaires et constructions mentales ou spirituelles, toutes « s’élèvent » vers le ciel.« Elévations », jusqu’au 30 août au château d’Hauterives (Drôme), à 200 m du Palais idéal. Tous les jours de 11 heures à 18 h 30.« Warhol Underground » au Centre Pompidou-Metz De l’œuvre d’Andy Warhol (1928-1987), les peintures et sérigraphies sont la face la plus connue et montrée. Cet été, le Centre Pompidou-Metz met l’accent sur le reste de sa production, en lien avec la scène new-yorkaise underground de la fin des années 1950 aux années 1980. Cinéma, musique, performance, danse : le pape du pop art n’a en effet eu de cesse de tisser des liens et de dialoguer avec ces modes de création, tentant de réinventer leurs codes. Photos, affiches, pochettes de disques, numéros de la revue Interview et coupures de presse viennent témoigner de ces expérimentations et collaborations, et du rôle de la Factory, son atelier mué en résidence d’artiste, tout à la fois studio, scène et plateau.« Warhol Underground », jusqu’au 23 novembre. 1, parvis des Droits-de-l’Homme, à Metz (Moselle), du mercredi au lundi, de 10 heures à 18 heures.« Giacometti » à Landerneau La petite ville de Landerneau, dans le Finistère, accueille cet été une exceptionnelle exposition Alberto Giacometti (1901-1966) à l’occasion d’une coproduction entre le Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture et la Fondation Giacometti, qui possède la plus grande collection au monde d’œuvres de l’artiste suisse. Dans une reconstitution de son atelier de Montparnasse, elle présente plus de 150 de ses créations – sculptures, peintures, dessins et lithographies, de sa période surréaliste jusqu’à ses dernières productions, mêlant œuvres emblématiques et séries méconnues.Exposition « Giacometti » aux Capucins, à Landerneau (Finistère) jusqu’au 25 octobre, tous les jours de 10 heures à 19 heures.Le « Solo Group Show » de Taturo Atzu, dans le cadre du Voyage à Nantes Artiste insaisissable à l’humour détonnant, Taturo Atzu n’intervient habituellement qu’en extérieur, in situ, là où il peut jouer avec la présence de l’art dans l’espace public et s’amuser à nous faire porter un regard différent sur ce qui nous entoure. Pour répondre à l’invitation du Voyage à Nantes, qui lui a proposé une exposition monographique, ce Japonais à l’identité changeante (il s’appelait encore Tatzu Nishi au printemps) a choisi de faire entrer l’espace public dans celui de la galerie en imaginant un jardin public, où tout est forcément surprenant, absurde, voire surréaliste.« Solo Group Show » dans le cadre du Voyage à Nantes, jusqu’au 30 août. HAB Galerie, quai des Antilles, Nantes (Loire-Atlantique). Tous les jours de 10 heures à 19 heures.« En chemin » avec Garouste à la Fondation Maeght La Fondation Maeght consacre son exposition d’été à Gérard Garouste, qui pratique depuis les années 1980, et à rebours de son temps, une peinture résolument figurative. Intitulée « En chemin », elle invite à un parcours où les relations entre les œuvres suivent le fil de la pensée « intranquille » de l’artiste, pour reprendre le titre de son autobiographie. S’y mêlent autoportraits énigmatiques, complexes personnages hybrides souvent inspirés de récits littéraires, et portraits de famille et d’amis. Cet hommage permet de découvrir un ensemble de près de 80 peintures, sculptures et dessins, dont des œuvres inédites, spécialement réalisées pour l’exposition.« En chemin », jusqu’au 29 novembre à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes).Les « Formes biographiques » à Nîmes L’historien de l’art Jean-François Chevrier ausculte les « formes biographiques » dans une exposition en deux temps. Son premier volet a été présenté en 2013-2014 au Musée national espagnol d’art moderne Reina Sofía, à Madrid ; le second, qui fait l’objet de l’exposition estivale du Carré d’art de Nîmes, est centré sur la période actuelle (de la fin des années 1950 à nos jours), avec des œuvres de Sigmar Polke à Marcel Broodthaers, en passant par Carl Andre, Robert Filliou, Etienne-Martin ou Chantal Akerman. En une soixantaine de peintures, photographies, sculptures, dessins, films ou installations, elle interroge le modèle de construction de la biographie ou d’éléments biographiques dans l’activité artistique, à partir d’éléments documentaires aussi bien que fictifs.« Formes biographiques », au Carré d’art, musée d’art contemporain, place de la Maison-Carrée, Nîmes (Gard). Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, jusqu’au 20 septembre.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Luc Leroux (Marseille, correspondant) Une femme au visage d’une grande fraîcheur avec deux lèvres roses tourne vers le haut son regard d’une étonnante expressivité. Elle joue d’un instrument à cordes qui ressemble à une harpe. Ce morceau de fresque peinte sur un fond rouge vermillon au Ier siècle avant J.-C. est l’une des magnifiques découvertes d’un programme de fouilles archéologiques menées depuis deux ans à Arles (Bouches-du-Rhône), dans le quartier de Trinquetaille, sur la rive droite du fleuve. Les fragments du visage de cette musicienne ont été dégagés il y a trois semaines seulement, après avoir passé plus de deux mille ans parmi les remblais d’une somptueuse villa romaine. Elle n’est qu’une pièce de ce que ses découvreurs présentent comme « un véritable trésor archéologique ».Après avoir collecté en 2014 des pans entiers du décor mural d’une chambre à coucher (cubiculum) composée d’une antichambre et d’une alcôve, les archéologues du Musée départemental Arles Antique ont récupéré depuis le 1er avril les éléments d’un rarissime décor peint sur trois murs de la salle d’apparat d’une riche maison (domus) romaine. Ces fresques murales du IIe style pompéien – daté en Gaule entre 70 et 20 avant J.-C. – n’ont d’équivalent qu’avec moins d’une demi-douzaine de sites en Italie. « Comparables à la villa de Boscoreale et à la villa des Mystères à Pompéi », estime ainsi Julien Boislève, toichographologue, spécialiste des peintures romaines à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).En France, le IIe style pompéien n’apparaissait jusqu’à présent qu’à travers des fragments trouvés sur une vingtaine de sites, mais pas dans des ensembles peints aussi complets. Le décor de cette salle de réception est composé, entre des colonnes fictives imitant le marbre, de personnages peints sur fond rouge vermillon – onze, estiment les archéologues – à l’échelle ½ ou ¾. Les remblais et la terre ont concouru à l’excellente conservation des fresques – sur les murs ou en fragments – et à la fraîcheur des couleurs.Témoignage du luxeLa qualité de la figuration, notamment des quelques visages déjà reconstitués, la finesse des modelés des corps et des vêtements ne peuvent être l’œuvre, selon Julien Boislève, que de fresquistes de grand talent, vraisemblablement venus d’Italie, voire d’Espagne. L’usage de pigments comme le bleu égyptien des plafonds et le rouge vermillon témoigne du luxe de maisons appartenant à de riches commerçants ou à l’élite politique de la colonie de droit romain. Ce quartier aujourd’hui populaire d’Arles était à l’époque un « Beverly Hills d’Arelate », selon l’expression d’Alain Genot, archéologue. Habité par les notables, il avait été abandonné en 260 à la suite d’un incendie.Le hasard a contribué à cette découverte unique qui, d’ici quelques années, à l’instar du fabuleux buste en marbre de César, comptera parmi les œuvres majeures du Musée Arles Antique. Coincé entre le « drive » d’un supermarché et la maison de quartier, le site de la Verrerie est un lieu de fouilles archéologiques déjà ancien. Des opérations y avaient été conduites en 1983 et de splendides mosaïques romaines – des fonds de bassin – datant des Ier et IIe siècles après J.-C. avaient alors été récupérées et figurent parmi les pièces maîtresses du musée. En 2012, la municipalité mettait en place un chantier d’insertion pour procéder au remblaiement du site. Des sondages montraient l’existence, sous les maisons des Ier et IIe siècles, de traces d’une occupation beaucoup plus ancienne.L’autorisation de fouilles accordée par le ministère de la culture repose sur l’existence d’une véritable chaîne de traitement des vestiges. Dans l’atelier de conservation du musée, les premiers fragments de fresques – certains encore porteurs de traces de terre –, et notamment la femme à la harpe, reposent dans le sable noir de casiers en bois ou dans des caisses référencées. Fragments collectés parmi les remblais ou détachés des parois, les vestiges sont immédiatement traités par les ateliers du musée, protégés, stockés, nettoyés. Ils seront étudiés dans les mois qui viennent. Les couleurs n’ont pas vu la lumière depuis plus de deux mille ans et sont d’une extrême sensibilité aux UV.A l’issue d’une nouvelle et dernière campagne de fouilles en 2016, qui consistera à dégager une troisième pièce de la villa, les archéologues disposeront d’un total de 1 200 caisses, d’une taille de 60 cm par 30, pleines de fragments. Il faudra se livrer à de gigantesques puzzles pour reconstituer les peintures murales. En vue du remontage des fresques, les archéologues veillent à noter avec précision les endroits où sont collectés les fragments.Patient travail d’assemblageLes retours sur des portes, plafond et sols, avec un mortier biseauté, sont l’équivalent des bords du puzzle. Pour les morceaux sans motif, une analyse de la direction de l’enduit de lissage permet de les positionner dans le même sens, ce qui facilite le remontage. Mais il n’existe pas de technique autre que l’examen à l’œil nu des pièces une à une. « Il y aura des lacunes, des manques dans ces fresques qui renaîtront », indique Marie-Pierre Rothé, responsable scientifique de l’opération. Mais l’ensemble s’annonce unique. Ses découvreurs ignorent ce qui sortira de ce patient travail d’assemblage, même si quelques indices semblent trahir la présence du dieu Pan et laissent penser à l’entourage de Bacchus.Avec un rythme estimé à un jour par caisse de fragments puis à un travail de restauration, le grand public ne devrait pas découvrir les fresques de la villa de la Verrerie avant huit à dix années. Mais, espère Alain Charron, responsable des collections du Musée Arles Antique, une exposition temporaire pourrait, un peu avant cette échéance, lever un coin du voile sur ce nouveau trésor arlésien.Luc Leroux (Marseille, correspondant)Journaliste au Monde 10.07.2015 à 10h43 • Mis à jour le10.07.2015 à 11h05 | Sylvain Siclier Le 2 octobre 1955, les téléspectateurs du réseau national de télévision CBS aux Etats-Unis découvrent la première émission d’« Alfred Hitchcock Presents ». La série, qui durera jusqu’en 1965, créée par le célèbre réalisateur britannique mort en 1980, propose chaque semaine une histoire criminelle teintée d’humour noir. Outre ses apparitions en prologue à chaque épisode, Hitchcock en réalise une vingtaine. Plusieurs cinéastes, débutants ou aguerris, y participeront. Pour autant, pour le monde du cinéma, travailler à l’occasion pour la télévision restera longtemps vu comme peu valorisant.La donne changea avec « Amazing Stories », produit de 1985 à 1987 par Steven Spielberg (qui fit ses débuts dans la série « Columbo » et dont le premier film, Duel, était une commande de la télévision). Il en réalise quelques épisodes, en confie d’autres à Joe Dante, Peter Hyams, Clint Eastwood, Martin Scorsese, Robert Zemeckis… Son nom est mis en avant. Autre signe, « Twin Peaks », en 1990, créé par Mark Frost et David Lynch, qui en réalise une partie. Les louanges des critiques accompagneront cette série plutôt expérimentale.Le mouvement s’est accéléré ces dernières années, principalement aux Etats-Unis où les séries ont des moyens, accrus en lien avec l’enjeu commercial de leur diffusion dans le monde. A la conception, la production, la réalisation, les grands noms se bousculent dorénavant. Toujours Spielberg (« Band of Brothers », 2001, « Falling Skies », depuis 2012, « Extant », depuis 2014), Martin Scorsese (« Boardwalk Empire » de 2010 à 2014), Gus Van Sant qui participa à l’élaboration et au pilote de l’inquiétant « Boss » (2011-2012) de Farhad Safinia, David Fincher et James Foley pour « House of Cards » depuis 2013, Steven Soderbergh avec « The Knick » depuis 2014, comme Guillermo del Toro pour « The Strain », les Wachowski depuis quelques semaines avec « Sense8 » en même temps que M. Night Shyamalan pour « Wayward Pines »… Idem pour le recours à des actrices et acteurs réputés : Halle Berry, Vera Farmiga, Dustin Hoffman, Steve Buscemi, Kevin Spacey, Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Colin Farrell…Leonard Cohen au générique de « True Detective »En parallèle, les publications des bandes originales des séries prennent aussi du galon. Le temps n’est plus où la compilation de quelques génériques de séries télévisées était à débusquer dans le segment des musiques de films réalisées par les stars du genre, Ennio Morricone, John Williams, Bernard Herrmann, George Delerue, Vladimir Cosma, Lalo Schifrin, Hans Zimmer… Et dans les rayons des disquaires, les recueils des musiques des séries les plus prisées sont bien en vue. Ceux des cinq saisons à ce jour de « Game of Thrones » connaîssent un indéniable succès, en accord avec celui mondial de la série. Cinq volumes, un par saison, sont dans les bacs et en téléchargement, même si, au vu des achats au titre sur les sites officiels, c’est surtout la musique épique du générique de début, signée Ramin Djawadi, qui domine.La musique du générique de « Game of Thrones », composée par Ramin Djawadi :La plus récente des publications, celle de « True Detective », a été annoncée pour mi-août en suivant les mêmes lois du marketing que pour les albums des stars de la pop et du rock. Vidéo-clip d’une bande-annonce du disque et révélations au compte-gouttes sur son contenu. Elle devrait présenter quatorze compositions utilisées dans les saisons 1 et 2 (en cours de diffusion), dont seules ont été officialisées au 8 juillet, trois chansons par Lera Lynn et une par Bonny “Prince” Billy. Probablement aussi la chanson du générique de début de la saison 1, Far From Any Road par The Handsome Family, et celui de la saison 2, Nevermind par Leonard Cohen. Aux manettes de l’habillage musical de cette série policière à l’ambiance sombre, le guitariste et producteur T. Bone Burnett, déjà responsable de celle de la première saison de la série « Nashville » (depuis 2012).La bande-annonce de la saison 2 de « True Detective » avec un extrait de la chanson Only Thing Worth Fighting For par Lera Lynn :« Nashville », comme « Treme », « Empire » ou « Glee », a pour élément central scénaristique la musique, son univers, l’un de ses genres. La série « Glee » (2009-2015) a ainsi généré six albums constitués de reprises de tubes pop et rock par les actrices-chanteuses/acteurs-chanteurs de ce feuilleton qui évoque les espoirs et déboires de jeunes interprètes dans un lycée. Dans « Treme » (2009-2013), qui évoque l’après-ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans et dans ses environs, le jazz, le zydeco, le funk et toute la diversité de la culture musicale de la région sont mises en jeu (Dr. John, Rebirth Brass Band, Donald Harrison, Allen Toussaint, Henry Butler…). Deux albums ont été publiés en 2011 et 2012.Avec « Empire » (première saison débutée en janvier 2015), c’est l’industrie du hip-hop qui est décrite et, dans « Nashville », celle de la country (tendance pop plutôt que traditionnelle). Le rappeur, producteur et DJ Timbaland est l’un des principaux conseillers musicaux d’« Empire » (400 000 albums vendus de la bande-son de la saison 1), qui fait entendre, outre de nombreux thèmes par les interprètes de la série, des chansons de Mary J. Blige, John Legend, Madonna, Rita Ora… Dans « Nashville » (2 millions d’albums, principalement aux Etats-Unis, pour les six volumes, deux par saisons, ainsi qu’un disque de Noël), ce sont aussi les interprètes du feuilleton qui interviennent, dont Connie Britton, Hayden Panettiere, Chip Esten ou Sam Palladio, en plus de l’utilisation de dizaines de chansons country surtout connues des amateurs du genre.Plus lointaine – elle a été diffusée entre 2007 et 2009 –, et moins connue, « Flight of the Conchords » suit les (més)aventures d’un duo néo-zélandais, réel, celui du titre, néo-zélandais, venu chercher le succès à New York. Dans chaque épisode, un vidéo-clip permet d’entendre une chanson (folk, pop, hip-hop…) par le duo qui sert d’élément scénaristique à l’histoire.La chanson Wrong Song, de Sonya Isaacs, Jimmy Yeary et Marv Green, interprétée par Connie Britton et Hayden Panettiere dans l’épisode 7 de la saison 1 de « Nashville » :Compilation à partir de la chanson-génériqueDans d’autres cas, le succès de la chanson-générique permet de bâtir une compilation. L’un des exemples les plus célèbres est celui de I’ll Be There for You, par le groupe The Rembrandts. Ecrite pour la sitcom « Friends », feuilleton générationnel qui suit, de 1994 à 2004, l’évolution d’une bande de copains qui entrent dans l’âge adulte, la chanson est un immense succès. Elle emporte le premier des trois albums consacrés à la série, par ailleurs complétés de titres de Lou Reed, The Pretenders, R.E.M. ou Joni Mitchell. Dommage que les producteurs n’aient pas retenu l’idée de rassembler les chansons absurdes qu’entonne régulièrement l’un des personnages, Phoebe, dont seul le Smelly Cat a eu droit de figurer sur le double CD de la série publié en 2005.La série « Weeds » (2005-2012), avec en vedette une mère de famille qui fait le commerce puis le trafic de marijuana pour se sortir de ses ennuis financiers, est aussi à noter. Son générique Little Boxes est une chanson écrite en 1962 et interprétée par la chanteuse folk et activiste Malvina Reynolds. Si elle est utilisée dans sa version originale lors de la première des huit saisons, les génériques des saisons 2 et 3 ont permis d’entendre quelques-unes des nombreuses reprises de ce classique folk par des gens aussi variés qu’Elvis Costello, Regina Spektor, Randy Newman, Angélique Kidjo, Donovan, Linkin Park… Pour le reste, le feuilleton accumule des chansons de divers genres, styles et époques.Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par Elvis Costello pour le générique de l’épisode 1 de la saison 2 de « Weeds » :Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par le groupe Death Cab for Cutie pour le générique de l’épisode 2 de la saison 2 de « Weeds » :Pour les éditeurs, le nombre croissant de séries proposées chaque année par les grands réseaux nationaux et les chaînes câblées – dont certaines sont annulées parfois avant la fin de la première saison – et le recours de beaucoup d’entre elles à des accompagnements musicaux qui puisent dans les catalogues, pourrait constituer un (provisoire ?) Eldorado. D’autant plus aisément avec des feuilletons dont l’action se situe entre les années 1950 jusqu’à aujourd’hui.Ainsi « Mad Men » (2007-2015), sur le milieu de la publicité à New York dans les années 1960, déborde de chansons jazz, de musiques d’ambiances façon bar d’hôtel (du compositeur David Carbonara) ou de références pop. Le récent « Aquarius », en cours de diffusion, a pour territoire Los Angeles en 1967 et pour sujet une enquête sur les activités de Charles Manson. Chaque épisode porte le nom d’une chanson de Manson, qui se rêvait star du rock, ou d’un groupe de la période (Procol Harum, Beatles…) et est diffusée durant l’épisode.« One Tree Hill » (Les Frères Scott, 2003-2012), « True Blood » (2008-2014) ou « Revolution » (2012-2014), notamment, avaient déjà eu recours à cette utilisation de titres de chansons ou d’albums pour leurs épisodes. Dans « The Americans », sur un couple d’espions russes infiltrés aux Etats-Unis dans les années 1980 de l’ère Reagan, la bande-son propose un très intelligent mélange de thèmes post-punk, new wave, rock indépendant et de pop de l’époque. La série britannique « Skins » (2007-2013) menant vers les courants électro, punk, pop et rock plus actuels des années 2000.Reste à citer l’une des grandes références du renouveau des séries, « The Sopranos » et ses six saisons diffusées entre 1999 et 2002 puis 2004, 2006 et 2007, qui suit le quotidien d’un parrain mafieux interprété par James Gandolfini. En matière de musique, la série créée par David Chase avait placé la barre très haut avec une chanson ou un instrumental lors du générique de fin en adéquation avec le propos général de chaque épisode ou en prolongement d’une scène finale. Et celà dans une diversité d’approche allant de l’air d’opéra au classique soul ou rock, d’une ritournelle pop à un tube disco, avec clin d’œil aux crooners Frank Sinatra et Dean Martin. Dommage que seuls deux albums n’aient été officiellement publiés – le reste a été reconstitué sur des forums ou des blogs de fans de la série.La chanson White Rabbit écrite par la chanteuse Grace Slick pour Jefferson Airplane, ici utilisée avec le générique final de l’épisode 7 de la saison 1 de « The Sopranos » :Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Futurs » au centre de la Vieille-Charité, à Marseille Malevitch, O’Keeffe, Ernst, Raysse, Matisse, Mondrian, Klein, Miro, Rancillac, Errò… Le centre de la Vieille-Charité, à Marseille, réunit une centaine d’artistes et d’œuvres dont les esthétiques traversent les grands mouvements du XXe siècle, qui ont en commun d’avoir été inspirés par les possibilités du champ scientifique. Ces visions du futur, enthousiastes ou désenchantées, inquiétantes ou humoristiques, l’exposition les rassemble autour de trois grands axes incarnés par des titres fondateurs de la littérature et du cinéma d’anticipation : celui de l’urbanisation, avec Metropolis, le monde technologique et robotisé de La Guerre des mondes, avec l’influence de la science-fiction, et enfin l’échappée vers le cosmos de L’Odyssée de l’espace, là aussi propre à nourrir l’imaginaire.« Futurs », au Centre de la Vieille-Charité, à Marseille (Bouches-du-Rhône), jusqu’au 27 septembre. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures.« My Buenos Aires » à la Maison Rouge, à Paris Après Winnipeg (Canada) et Johannesbourg (Afrique du Sud), La Maison rouge, à Paris, poursuit son cycle d’expositions consacrées aux scènes artistiques de villes avec Buenos Aires. Exploration de l’identité vive et complexe de la capitale argentine, les œuvres d’une soixantaine d’artistes en révèlent ses dynamiques comme ses secrets et ses fantômes, entre humour et noirceur. Pour cette mégapole à l’âme mi-latina mi-européenne, et à l’imaginaire nourri des écrits de Borgès et Cortazar, le portrait se fait ici volontiers mental.« My Buenos Aires », jusqu’au 20 septembre à la Maison Rouge, 10, bd de la Bastille, Paris 12e. Du mercredi au dimanche de 11 heures à 19 heures.« Elévations » au Palais idéal du facteur Cheval Pour la première fois cet été, le Palais idéal du facteur Cheval (Drôme) accueille une exposition en lien avec sa bâtisse inouïe, synthèse des cultures du monde. Deux collectionneurs d’art brut, Bruno Decharme et Antoine de Galbert (le fondateur de la Maison Rouge, à Paris), ont choisi de rendre un hommage indirect à Joseph Ferdinand Cheval. Ils présentent une centaine d’œuvres d’art brut, populaire ou contemporain, issues de leurs collections et offrant une résonance avec l’esprit du lieu. Entre architectures imaginaires et constructions mentales ou spirituelles, toutes « s’élèvent » vers le ciel.« Elévations », jusqu’au 30 août au château d’Hauterives (Drôme), à 200 m du Palais idéal. Tous les jours de 11 heures à 18 h 30.« Warhol Underground » au Centre Pompidou-Metz De l’œuvre d’Andy Warhol (1928-1987), les peintures et sérigraphies sont la face la plus connue et montrée. Cet été, le Centre Pompidou-Metz met l’accent sur le reste de sa production, en lien avec la scène new-yorkaise underground de la fin des années 1950 aux années 1980. Cinéma, musique, performance, danse : le pape du pop art n’a en effet eu de cesse de tisser des liens et de dialoguer avec ces modes de création, tentant de réinventer leurs codes. Photos, affiches, pochettes de disques, numéros de la revue Interview et coupures de presse viennent témoigner de ces expérimentations et collaborations, et du rôle de la Factory, son atelier mué en résidence d’artiste, tout à la fois studio, scène et plateau.« Warhol Underground », jusqu’au 23 novembre. 1, parvis des Droits-de-l’Homme, à Metz (Moselle), du mercredi au lundi, de 10 heures à 18 heures.« Giacometti » à Landerneau La petite ville de Landerneau, dans le Finistère, accueille cet été une exceptionnelle exposition Alberto Giacometti (1901-1966) à l’occasion d’une coproduction entre le Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture et la Fondation Giacometti, qui possède la plus grande collection au monde d’œuvres de l’artiste suisse. Dans une reconstitution de son atelier de Montparnasse, elle présente plus de 150 de ses créations – sculptures, peintures, dessins et lithographies, de sa période surréaliste jusqu’à ses dernières productions, mêlant œuvres emblématiques et séries méconnues.Exposition « Giacometti » aux Capucins, à Landerneau (Finistère) jusqu’au 25 octobre, tous les jours de 10 heures à 19 heures.Le « Solo Group Show » de Taturo Atzu, dans le cadre du Voyage à Nantes Artiste insaisissable à l’humour détonnant, Taturo Atzu n’intervient habituellement qu’en extérieur, in situ, là où il peut jouer avec la présence de l’art dans l’espace public et s’amuser à nous faire porter un regard différent sur ce qui nous entoure. Pour répondre à l’invitation du Voyage à Nantes, qui lui a proposé une exposition monographique, ce Japonais à l’identité changeante (il s’appelait encore Tatzu Nishi au printemps) a choisi de faire entrer l’espace public dans celui de la galerie en imaginant un jardin public, où tout est forcément surprenant, absurde, voire surréaliste.« Solo Group Show » dans le cadre du Voyage à Nantes, jusqu’au 30 août. HAB Galerie, quai des Antilles, Nantes (Loire-Atlantique). Tous les jours de 10 heures à 19 heures.« En chemin » avec Garouste à la Fondation Maeght La Fondation Maeght consacre son exposition d’été à Gérard Garouste, qui pratique depuis les années 1980, et à rebours de son temps, une peinture résolument figurative. Intitulée « En chemin », elle invite à un parcours où les relations entre les œuvres suivent le fil de la pensée « intranquille » de l’artiste, pour reprendre le titre de son autobiographie. S’y mêlent autoportraits énigmatiques, complexes personnages hybrides souvent inspirés de récits littéraires, et portraits de famille et d’amis. Cet hommage permet de découvrir un ensemble de près de 80 peintures, sculptures et dessins, dont des œuvres inédites, spécialement réalisées pour l’exposition.« En chemin », jusqu’au 29 novembre à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes).Les « Formes biographiques » à Nîmes L’historien de l’art Jean-François Chevrier ausculte les « formes biographiques » dans une exposition en deux temps. Son premier volet a été présenté en 2013-2014 au Musée national espagnol d’art moderne Reina Sofía, à Madrid ; le second, qui fait l’objet de l’exposition estivale du Carré d’art de Nîmes, est centré sur la période actuelle (de la fin des années 1950 à nos jours), avec des œuvres de Sigmar Polke à Marcel Broodthaers, en passant par Carl Andre, Robert Filliou, Etienne-Martin ou Chantal Akerman. En une soixantaine de peintures, photographies, sculptures, dessins, films ou installations, elle interroge le modèle de construction de la biographie ou d’éléments biographiques dans l’activité artistique, à partir d’éléments documentaires aussi bien que fictifs.« Formes biographiques », au Carré d’art, musée d’art contemporain, place de la Maison-Carrée, Nîmes (Gard). Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, jusqu’au 20 septembre.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Luc Leroux (Marseille, correspondant) Une femme au visage d’une grande fraîcheur avec deux lèvres roses tourne vers le haut son regard d’une étonnante expressivité. Elle joue d’un instrument à cordes qui ressemble à une harpe. Ce morceau de fresque peinte sur un fond rouge vermillon au Ier siècle avant J.-C. est l’une des magnifiques découvertes d’un programme de fouilles archéologiques menées depuis deux ans à Arles (Bouches-du-Rhône), dans le quartier de Trinquetaille, sur la rive droite du fleuve. Les fragments du visage de cette musicienne ont été dégagés il y a trois semaines seulement, après avoir passé plus de deux mille ans parmi les remblais d’une somptueuse villa romaine. Elle n’est qu’une pièce de ce que ses découvreurs présentent comme « un véritable trésor archéologique ».Après avoir collecté en 2014 des pans entiers du décor mural d’une chambre à coucher (cubiculum) composée d’une antichambre et d’une alcôve, les archéologues du Musée départemental Arles Antique ont récupéré depuis le 1er avril les éléments d’un rarissime décor peint sur trois murs de la salle d’apparat d’une riche maison (domus) romaine. Ces fresques murales du IIe style pompéien – daté en Gaule entre 70 et 20 avant J.-C. – n’ont d’équivalent qu’avec moins d’une demi-douzaine de sites en Italie. « Comparables à la villa de Boscoreale et à la villa des Mystères à Pompéi », estime ainsi Julien Boislève, toichographologue, spécialiste des peintures romaines à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).En France, le IIe style pompéien n’apparaissait jusqu’à présent qu’à travers des fragments trouvés sur une vingtaine de sites, mais pas dans des ensembles peints aussi complets. Le décor de cette salle de réception est composé, entre des colonnes fictives imitant le marbre, de personnages peints sur fond rouge vermillon – onze, estiment les archéologues – à l’échelle ½ ou ¾. Les remblais et la terre ont concouru à l’excellente conservation des fresques – sur les murs ou en fragments – et à la fraîcheur des couleurs.Témoignage du luxeLa qualité de la figuration, notamment des quelques visages déjà reconstitués, la finesse des modelés des corps et des vêtements ne peuvent être l’œuvre, selon Julien Boislève, que de fresquistes de grand talent, vraisemblablement venus d’Italie, voire d’Espagne. L’usage de pigments comme le bleu égyptien des plafonds et le rouge vermillon témoigne du luxe de maisons appartenant à de riches commerçants ou à l’élite politique de la colonie de droit romain. Ce quartier aujourd’hui populaire d’Arles était à l’époque un « Beverly Hills d’Arelate », selon l’expression d’Alain Genot, archéologue. Habité par les notables, il avait été abandonné en 260 à la suite d’un incendie.Le hasard a contribué à cette découverte unique qui, d’ici quelques années, à l’instar du fabuleux buste en marbre de César, comptera parmi les œuvres majeures du Musée Arles Antique. Coincé entre le « drive » d’un supermarché et la maison de quartier, le site de la Verrerie est un lieu de fouilles archéologiques déjà ancien. Des opérations y avaient été conduites en 1983 et de splendides mosaïques romaines – des fonds de bassin – datant des Ier et IIe siècles après J.-C. avaient alors été récupérées et figurent parmi les pièces maîtresses du musée. En 2012, la municipalité mettait en place un chantier d’insertion pour procéder au remblaiement du site. Des sondages montraient l’existence, sous les maisons des Ier et IIe siècles, de traces d’une occupation beaucoup plus ancienne.L’autorisation de fouilles accordée par le ministère de la culture repose sur l’existence d’une véritable chaîne de traitement des vestiges. Dans l’atelier de conservation du musée, les premiers fragments de fresques – certains encore porteurs de traces de terre –, et notamment la femme à la harpe, reposent dans le sable noir de casiers en bois ou dans des caisses référencées. Fragments collectés parmi les remblais ou détachés des parois, les vestiges sont immédiatement traités par les ateliers du musée, protégés, stockés, nettoyés. Ils seront étudiés dans les mois qui viennent. Les couleurs n’ont pas vu la lumière depuis plus de deux mille ans et sont d’une extrême sensibilité aux UV.A l’issue d’une nouvelle et dernière campagne de fouilles en 2016, qui consistera à dégager une troisième pièce de la villa, les archéologues disposeront d’un total de 1 200 caisses, d’une taille de 60 cm par 30, pleines de fragments. Il faudra se livrer à de gigantesques puzzles pour reconstituer les peintures murales. En vue du remontage des fresques, les archéologues veillent à noter avec précision les endroits où sont collectés les fragments.Patient travail d’assemblageLes retours sur des portes, plafond et sols, avec un mortier biseauté, sont l’équivalent des bords du puzzle. Pour les morceaux sans motif, une analyse de la direction de l’enduit de lissage permet de les positionner dans le même sens, ce qui facilite le remontage. Mais il n’existe pas de technique autre que l’examen à l’œil nu des pièces une à une. « Il y aura des lacunes, des manques dans ces fresques qui renaîtront », indique Marie-Pierre Rothé, responsable scientifique de l’opération. Mais l’ensemble s’annonce unique. Ses découvreurs ignorent ce qui sortira de ce patient travail d’assemblage, même si quelques indices semblent trahir la présence du dieu Pan et laissent penser à l’entourage de Bacchus.Avec un rythme estimé à un jour par caisse de fragments puis à un travail de restauration, le grand public ne devrait pas découvrir les fresques de la villa de la Verrerie avant huit à dix années. Mais, espère Alain Charron, responsable des collections du Musée Arles Antique, une exposition temporaire pourrait, un peu avant cette échéance, lever un coin du voile sur ce nouveau trésor arlésien.Luc Leroux (Marseille, correspondant)Journaliste au Monde Damien Leloup Un remède de cheval pour un malade en phase terminale, c’est, en substance, ce que propose un long et fouillé rapport du Sénat (PDF), rendu public jeudi 9 juillet et consacré à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits (Hadopi), le gendarme du téléchargement illégal. Elaboré par les sénateurs Loïc Hervé (UDI) et Corinne Bouchoux (EELV) – deux élus qui n’avaient pas participé aux débats sur les projets de loi Hadopi 1 et 2 – le document dresse un état des lieux très sévère sur la situation de la haute autorité.Absence de soutien politique à gauche comme à droite, critiques incessantes des ayants droit, méfiance ou méconnaissance du grand public, querelles intestines et problèmes de gouvernance, budgets insuffisants et absence de management… La liste des problèmes rencontrés par la Hadopi et énumérés dans le rapport est longue, très longue. La plupart étaient déjà connus, mais, les sénateurs le reconnaissent eux-mêmes, ils ont été « un peu surpris par l’ambiance qu’[ils ont] découverte à la Hadopi » et disent avoir « eu le plus grand mal (…) à se faire communiquer des résultats et observations dénués de toute passion ».Divorce avec les ayants droit comme avec le grand publicNée dans la douleur, après des débats parlementaires houleux, la Hadopi n’a jamais su trouver sa vitesse de croisière, minée par les difficultés politiques externes ou internes. Dès 2012, trois ans après sa création, la Haute Autorité est en difficulté. Elle tente alors « de regagner chez les internautes la confiance perdue des ayants droit (…). Des analyses particulièrement sévères s’agissant de cette stratégie de rattrapage affectif ont été à de multiples reprises livrées à votre mission d’information lors des auditions organisées à l’appui de ses travaux », note le rapport.Cette stratégie s’est soldée par un double échec : « Paradoxalement, tout en provoquant l’ire des ayants droit, les récents travaux de recherche de la Hadopi n’ont pas abouti à la réconciliation rêvée avec les internautes. » La main tendue par le secrétaire général de la Hadopi, Eric Walter, aux opposants traditionnels à la Haute Autorité, par le biais de prises de position perçues comme favorables à l’instauration d’une licence globale – le paiement d’une somme forfaitaire contre la légalisation des téléchargements non marchands – a achevé de brouiller les pistes, en interne comme en externe.Face à ce constat très sombre, le rapport ne plaide pourtant pas pour une suppression de la Hadopi – un « signal négatif » qui pourrait « laisser croire que l’Etat se désintéresse du droit d’auteur ». Il rejette également l’idée avancée par la commission Lescure d’une fusion pure et simple de la Hadopi avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Au contraire, il plaide pour un recentrage et un renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité, qui devra aussi changer de nom.Système d’amendes administrativesPrincipale mesure évoquée, la simplification de la procédure de sanction des internautes. Le mécanisme de « réponse graduée » actuellement en vigueur consiste à envoyer des avertissements, avant une éventuelle transmission du dossier à la justice, pour « défaut de sécurisation » de l’accès à Internet. Les transmissions au parquet sont rares – 313 depuis la création de la Hadopi – et les condamnations encore plus. Le rapport propose donc de remplacer cette dernière étape par « une amende administrative décidée et notifiée par une commission des sanctions indépendante ».Cette modification du fonctionnement de la « réponse graduée » soulèverait d’importantes questions juridiques et économiques. D’abord, pour être conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission de la Hadopi chargée de l’envoi des courriers de « recommandation » – les deux premières étapes de la « riposte graduée » – ne peut être chargée de la sanction, pour des raisons d’impartialité : il faudrait donc créer une commission ad hoc. Surtout, la Hadopi devrait, si ce projet est adopté, procéder elle-même à la collecte des adresses IP des téléchargeurs – une mission aujourd’hui remplie par des sociétés privées pour le compte des ayants droit.Cette collecte a un coût annuel estimé à 800 000 euros par le rapport. Aujourd’hui payée par les ayants droit, cette somme serait à la charge de la Haute Autorité – et donc des contribuables, comme le note le site spécialisé NextInpact. Au total, pour qu’elle remplisse correctement ses missions, le rapport estime que le budget annuel de la Haute Autorité devrait être compris entre 9,5 et 10 millions d’euros – la subvention actuelle, de 5,5 millions d’euros après des coupes successives, a atteint « les limites de la contrainte budgétaire que peut supporter l’institution », note le rapport.Une « liste noire » de sitesParmi les autres propositions phares du rapport, deux autres mesures se détachent. Tout d’abord, les sénateurs souhaiteraient confier à la Haute Autorité « la constatation des atteintes aux droits d’auteur par des sites massivement contrefaisants et la publicité de ces informations sous forme de “liste noire”, ainsi qu’un suivi des injonctions judiciaires de blocage des sites ». En clair, la Hadopi serait chargée de maintenir un catalogue des sites dédiés au téléchargement illégal – principalement des annuaires de liens, qu’il s’agisse de fichiers BitTorrent ou de liens de téléchargement direct. Une liste qui pourrait vraisemblablement servir de base pour que les ayants droit puissent demander le blocage de ces sites par les fournisseurs d’accès à Internet, comme ces derniers l’ont déjà fait récemment pour The Pirate Bay et d’autres.Suivant une logique similaire, les rapporteurs voudraient confier à la Hadopi la responsabilité d’une « injonction de retrait prolongé des contenus contrefaisants », une injonction qui imposerait aux hébergeurs de supprimer, de leur propre initiative, toute nouvelle copie d’un fichier ayant déjà fait l’objet d’un signalement. Cette disposition existe dans le droit des principaux pays anglo-saxons : baptisée « notice and stay down », elle n’est actuellement pas prévue par la loi française, qui considère que la responsabilité de signaler tout contenu contrefait incombe aux ayants droit.Calendrier législatif incertainLes propositions contenues dans le rapport seront-elles mises en application ? Ou subiront-elles le même sort que celles du rapport Lescure, finalement peu suivi d’effets ? Mercredi 8 juillet, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a présenté en conseil des ministres son projet de loi sur la création, qui ne comprend aucun volet pénal – et ne se penche donc pas sur la question du téléchargement illégal. Certaines organisations de défense des droits des internautes, comme la Quadrature du Net, disent craindre « une tactique d’embuscade parlementaire introduisant par voie d’amendements ces mesures dangereuses dans le texte ». L’association, qui a été auditionnée par les rapporteurs, craint que les différentes mesures proposées n’aboutissent à la création de fait d’une « police privée du droit d’auteur », en grande partie confiée aux géants américains du Web.Pourtant, les sénateurs eux-mêmes semblent peu confiants dans la possibilité d’une mise en œuvre rapide de tout ou partie de leurs recommandations, qui comprennent également une refonte de la gouvernance de la Hadopi. « Si le cabinet de Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a fait part à votre mission d’information de son peu d’enthousiasme à voir rouvrir l’épineux dossier Hadopi au Parlement, il n’empêche que cette réforme ne doit guère tarder, dans un contexte où le gouvernement a fait de la protection des auteurs et de la promotion de la culture un objectif majeur », écrivent-ils.Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Menselssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.07.2015 à 14h25 • Mis à jour le30.07.2015 à 17h02 | Florence Evin Jeu de chaises musicales à la tête des institutions et établissements publics. Les nominations tombent par décrets en cette fin juillet. Au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Bruno David, 60 ans, est nommé président. Une annonce qui clôt la réforme des statuts de l’établissement public engagée il y a plus de deux ans. En effet, le nouveau président du MNHN, « choisi parmi les personnalités scientifiques », assurera la direction de l’établissement, « assisté d’un conseil scientifique qui dirigera le Muséum, assisté de directeurs généraux délégués, l’un en charge des ressources humaines, financières et de l’administration générale, l’autre en charge des collections » comme le stipule le décret paru au Journal officiel du 2 octobre 2014.La nomination de Bruno David comme PDG signe le retour en force des scientifiques du sérail au pilotage exécutif de l’institution pluridisciplinaire regroupant douze sites en France. Et cela, à l’heure où les grandes rénovations engagées ces dernières années arrivent à leur terme avec la réouverture, le 17 octobre, du Musée de l’Homme – après celles, en 2014, du Parc zoologique de Vincennes et, au Jardin des plantes, de la Galerie de minéralogie et de géologie, de la Galerie des enfants, des Grandes Serres et de l’Herbier national, la plus grande collection de la planète.« Emerveiller pour instruire »« Je suis fier d’accéder à la présidence d’une institution aussi prestigieuse que le Muséum dont le rôle est de fasciner, émerveiller pour instruire, indique Bruno David. Nous sommes au bord d’une rupture environnementale majeure comme en témoigne la préparation de la COP 21 cet automne à Paris. Eveiller la curiosité, promouvoir une culture de la nature appuyée sur des connaissances scientifiques, s’inscrire dans une démarche de sciences naturelles avec l’Homme, tel est mon engagement à la tête de cette institution. »Directeur de recherche au CNRS où il est entré en1981, Bruno David a pris, en 1995, la direction du laboratoire de paléontologie du CNRS à Dijon. En trois mandats, il a développé la structure Biogéosciences devenue une véritable interface entre sciences de la Terre et sciences de la vie. Il fut aussi directeur-adjoint scientifique de l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS où il est toujours chargé de mission. Dans la foulée de ce parcours initial de paléontologue, le spécialiste des faunes anciennes du Crétacé a effectué une reconversion vers la biologie marine. Ses recherches portent sur la biodiversité abordée à partir de modèles fossiles et actuels.Cette nomination supprime, de fait, le poste de directeur général, occupé depuis quatre ans par Thomas Grenon. Désormais, Bruno David assurera cette fonction assisté de deux directeurs adjoints. « Ce n’est pas une surprise. Comme à l’Inrap et au CNRS, l’Etat fusionne les rôles de directeur général et de président », indique Gilles Bœuf, l’ancien président du MNHN qui dit n’avoir eu « aucune envie de se charger de l’administration ». « Le MNHN est un organisme de recherche scientifique qui a aussi à gérer un établissement muséographique (lequel a reçu 4 millions de visiteurs payants sur ses différents sites en 2014, et quelque six millions de promeneurs au Jardin des plantes). Chaque objet est d’abord un objet de recherche, un objet d’étude, la grande différence avec un musée d’art. Mais un musée très fréquenté est très difficile à gérer. J’aurais préféré que l’on conserve la dualité. Chacun son métier. Il y avait de la place pour deux. »Une institution à la dérive en 2000L’histoire récente, avec quinze ans de direction générale qui ont sauvé de l’abîme le MNHN, allait dans ce sens. Car, à l’aube de l’an 2000, l’institution, quatre fois centenaire, placée sous la tutelle de deux ministères – celui de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’environnement, du développement durable et de l’écologie – était à la dérive. Au point que la Cour des comptes a sonné l’alarme.En 2002, après trois ans d’administration provisoire, un premier directeur général, Bertrand-Pierre Galey, était nommé pour redresser les finances et mettre de l’ordre dans la gouvernance de l’institution forte de 1 800 agents. Précisons que la complexité structurelle du MNHN est liée à ses multiples missions : recherche fondamentale et appliquée – avec 450 chercheurs –, conservation et enrichissement des collections issues du patrimoine naturel et culturel, enseignement, expertise, valorisation, diffusion des connaissances, action éducatrice et culturelle à l’intention de tous les publics.Thomas Grenon a succédé en 2010 à Bertrand-Pierre Galey, qui y avait effectué deux mandats de quatre ans. Polytechnicien, ingénieur des mines, qui avait à son palmarès la direction générale de grands établissements – de la Réunion des musées nationaux avec les Galeries d’expositions du Grand Palais à la Cité des sciences et de l’industrie – Thomas Grenon a continué de redresser les comptes et assuré la réouverture après travaux, du Parc zoologique de Vincennes et celle à venir, cet automne, du Musée de l’Homme. En 2014, avec les subventions des tutelles (37 %) – en baisse de 10 millions d’euros par rapport à 2013 –, les recettes du MNHN se montaient à 113,1 millions d’euros, contre 116,3 millions d’euros de dépenses (dont 30 % d’investissement).Thomas Grenon, directeur général au terme de son mandat, briguait le poste de président du MNHN. La Commission scientifique chargée de la sélection en a décidé autrement. Sur six candidatures présentées, elle a émis, à la surprise générale, un seul avis. Son choix s’est porté sur Bruno David, un grand scientifique sans passé de gestionnaire mais qui connaît bien la maison pour avoir présidé pendant six ans le Conseil scientifique du MNHN. Il prendra ses fonctions le 1er septembre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.07.2015 à 17h27 • Mis à jour le30.07.2015 à 09h10 | Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Paris, Texas », un drame du remariage arrangé en forme de road-movie (mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte).Voir Paris, Texas trente ans après sa sortie, c’est accepter le poids de trois décennies de clichés. Wim Wenders et Robby Müller, respectivement réalisateur et chef opérateur de la Palme d’or 1984, ont été si inventifs, si bien en prise avec l’inconscient collectif que les images du film sont presque immédiatement devenues des lieux communs : le rapace en gros plan, perché sur un rocher du désert ; le type un peu décavé et son petit garçon dans un pick-up bon pour la casse ; la fille blonde en pull angora dans un peep-show… Tout a servi à des générations de publicitaires, de réalisateurs de vidéos musicales, de cinéastes en panne d’imagination.Perdre la paroleLe début du film, l’alternance de plans larges sur le paysage désertique et serrés sur le visage d’Harry Dean Stanton, qui avance péniblement, s’est si durablement imprimé sur les rétines que l’on a peut-être oublié ce qu’était Paris, Texas. Un drame du remariage arrangé en forme de road-movie.L’homme qu’incarne Harry Dean Stanton s’appelle Travis. Quand il émerge du désert, il a perdu la parole et la mémoire. Son frère Walt (Dean Stockwell) vient le chercher afin de le ramener chez lui, à Los Angeles, où il vit avec Anne (Aurore Clément), son épouse française, et Hunter (Hunter Carson), le fils que Travis a eu avec Jane, une très jeune femme qui a, elle aussi, disparu.Avant que le film ne reprenne la route, il s’arrête longuement à Los Angeles. La musique de Ry Cooder y change. Les longs traits de slide guitar font place à de délicats motifs d’inspiration mexicaine, les grands espaces du western aux lotissements de la sitcom. Wim Wenders a confié le scénario à Sam Shepard, avant de demander une adaptation à L. M. Kit Carson.Poète de la famille, qu’il aime casser et recomposer, Shepard manie le stéréotype au point de flirter avec le mélodrame. De leur côté, Wim Wenders et Robby Müller sont décidés à donner leur interprétation de l’iconographie américaine. C’est à peine s’ils citent quelques cinéastes classiques, se préoccupant plus de photographie et de peinture. Les ambiances verdâtres de certains intérieurs doivent tout à Edward Hopper. Chaque plan offre un nouveau point de vue sur des scènes familières, sans jamais recourir à un excès d’artifices.Paris, Texas, de Wim Wenders. Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, (GB-Fr.-All., 1984, 145 min). Mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde 28.07.2015 à 15h22 • Mis à jour le29.07.2015 à 17h40 Le film de superhéros Ant-Man (L’Homme-fourmi) a conservé sa première place du box-office en Amérique du Nord au cours du week-end passé. Mêmes si ses recettes se sont un peu essoufflées après deux semaines d’exploitation (106,1 millions de dollars, soit 96,1 millions d’euros, quand même au total !) – et même si en France le film est devancé par Minions –, Ant-Man est une nouvelle illustration de la force de frappe des studios Marvel et, par-delà, de la bonne santé de Walt Disney Studios Entertainment et du groupe Walt Disney en général.C’est d’ailleurs bien pour redonner un nouveau souffle à ses productions que la firme de Mickey avait racheté en 2009, pour 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros), l’éditeur de comic books Marvel Entertainement et sa filiale de production cinématographique, Marvel Studios. Pour la première fois depuis plus de dix ans, le chiffre d’affaires de Disney était en baisse et, si elle voulait continuer à grandir, l’entreprise devait trouver de nouveaux relais de croissance.Pour Walt Disney Studios Entertainment (production et distribution de films), cela passait par la conquête d’un public plus large, à travers la mise en scène de nouveaux personnages, aussi iconiques et intemporels que Mickey, Donald et compagnie. C’est qu’a apporté Marvel : Marvel Entertainement disposait d’un catalogue de figures entrées dans la culture populaire, comme Spider-Man ou les X-men ; Marvel Studios disposait, depuis le milieu des années 2000, des droits d’adaptation de certaines de ces figures, comme Iron-Man et Hulk – les premiers films consacrés à ces deux personnages avaient été des succès en 2008.Lire aussi :« Ant-Man » ne convaincra ni les geeks ni les entomologistesConsécrationEn rejoignant Disney, les studios Marvel ont disposé des moyens de poursuivre cette politique de réacquisition des droits de leurs personnages et de création de multiples films de superhéros, aux intrigues interconnectées. Pour la branche cinéma de Disney, Marvel Studios s’est rapidement révélé être un inépuisable créateur de contenus capables de s’installer au sommet du box-office mondial : Iron Man, Thor et Captain America, sortis sur les écrans en 2010 et 2011, ont rapporté respectivement 624 millions de dollars, 449 millions et 371 millions, doublant voire triplant leur budget initial.« Les films Marvel puisent largement leur inspiration dans le patrimoine écrit de la BD, ce qui a immédiatement séduit les fans de comic books. Mais leurs scénarios sont également travaillés pour parler à une cible plus large et familiale, notamment en intégrant une bonne dose d’humour et de second degré », explique Phillippe Guedj, spécialiste de l’univers Marvel et auteur de « Marvel Univers », un documentaire qui sera diffusé sur Ciné + Frisson, à l’automne.Le couple Disney-Marvel a connu la consécration en 2012, avec Avengers, production pharaonique de 220 millions de dollars, qui réunit les superhéros de la franchise le temps d’un long-métrage. Avengers est devenu le troisième film le plus lucratif de tous les temps (1,5 milliard de dollars de revenus).DominationÀ l’issue de cette première phase, au cours de laquelle le groupe aura engrangé plus de 2 milliards de dollars de revenus, Disney a enclenché la « phase 2 » de cet univers cinématographique Marvel, avec six nouveaux films, sortis entre 2013 et 2015. Le parti pris aura été « de concevoir chacun des films comme un épisode d’une grande saga, dont les scénarios sont interdépendants les uns les autres », explique Phillippe Guedj, une connexion devant « stimuler le public et attirer sa curiosité vers d’autres films Marvel ».Sur ce terrain, Marvel a démontré son efficacité, établissant sa domination sur le box-office mondial. Cette « phase 2 «, savant mélange de suites à succès (le troisième épisode d’Iron Man, les seconds volets de Thor, Captain America et Avengers) et de nouveautés (Guardians of the Galaxy, Ant-Man) a permis à Disney de dégager 4,7 milliards de dollars de recettes entre 2013 et 2015.Le succès de Marvel a été d’autant plus important pour Disney que les propres studios du groupe ont accusé des revers. Le film d’animation Milo sur Mars (2011), doté d’un budget de 150 millions de dollars a été un échec. John Carter (2012), sur lequel Disney avait misé pas moins de 350 millions de dollars, n’a dégagé que 284 millions de recettes.Marvel et ses superhéros sont également une source tout aussi rémunératrice pour la vente de produits dérivés (jouets, accessoires, vente de droits de diffusion de dessins animés). Le chiffre d’affaires de cette branche chez Disney, qui fluctuait entre 2 et 2,5 milliards de dollars depuis le début des années 2000, n’a cessé de croître depuis 2009, pour atteindre 3,9 milliards de dollars en 2014. Depuis 2012, ce succès est aussi imputable à LucasFilm (racheté pour 4 milliards de dollars), qui a permis de s’emparer de la très populaire licence Star Wars.ConcurrenceEn 2014, Marvel a annoncé la « phase 3 » de son univers cinématographique, prévue entre 2016 et 2019. Pas moins de dix films sont programmés. La domination des studios risque néanmoins d’être mise à mal par l’offensive de deux concurrents : DC comics, notamment détenteur de Batman et Superman, et dont le catalogue de superhéros appartient à la Warner Bros ; et la 20th Century Fox, qui détient la licence de certains héros Marvel, comme les X-men ou les 4 Fantastiques.Les studios Warner ont annoncé dix films entre 2016-2020, dont le très attendu Batman v Superman : Dawn of Justice (prévu le 23 mars 2016 en France). Le concept d’univers partagé de Marvel, aux intrigues liées, où les héros se croisent, devrait être repris par son principal rival. La 20th Century Fox a elle aussi annoncé plusieurs films mettant en scène des superhéros sur la même période. DiversificationCe planning conduit à se demander si la surreprésentation des héros costumés au cinéma ne va pas finir par provoquer un phénomène de saturation. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Même si « le second degré, qui caractérise les films Marvel, lasse certains spectateurs », comme le relève Philippe Guedj, qui prévient : « le tandem Warner-DC a tout intérêt à se différencier en adoptant un ton plus sérieux, plus iconique, qui aura pour trame de fond des problématiques contemporaines. » Au regard de Man of Steel (2013), qui contait les origines de Superman, et de la bande-annonce de Batman vs Superman, il semble que Warner se dirige vers des longs-métrages plus sombres et a priori plus segmentants.Le couple Disney-Marvel mise, lui, sur la diversité pour se différencier. Au menu de sa « phase 3 » on retrouvera une superhéroïne, Captain Marvel et un héros africain, Black Panther. « Depuis nos débuts, nous sommes une entreprise avant-gardiste qui a su diversifier ses contenus », confiait, il y a quelques semaines, Kevin Feige, le PDG. Un principe qui a établi le succès de la firme dans les comics : surnommée « La maison des idées », Marvel s’est imposée depuis les années 1960 comme l’un des acteurs majeurs de la BD américaine à travers sa capacité à se réinventer et à proposer des histoires ancrées dans la modernité.Adrien Candau Alain Beuve-Méry Cela s’appelle tout simplement Grey et cela coûte 17 euros pour 556 pages. Le quatrième volet des aventures érotiques du milliardaire Christian Grey et de l’étudiante Anastasia Steele, rédigé par l’auteure britannique E.L. James, paraît, mardi 28 juillet, aux éditions Jean-Claude Lattès.Avec un tirage prévu de 400 000 exemplaires pour la France – 500 000 exemplaires en incluant la Belgique, la Suisse et le Canada – il s’agit, pour l’heure, de la sortie la plus massive de l’année. Avant les gros tirages de la rentrée littéraire et surtout la parution du 36e album d’Astérix, Le papyrus de César, prévue pour le 22 octobre.Le succès devrait forcément être au rendez-vous. La France n’a, en effet, pas échappé au raz-de-marée éditorial de cette romance sirupeuse, parue à partir de 2012. Les trois premiers volumes, Cinquante nuances de Grey, Cinquante plus sombres, Cinquante plus claires se sont écoulés au total, toutes éditions confondues, à 7,2 millions d’exemplaires.C’est grâce au flair et à l’absence de préjugés d’Isabelle Laffont, patronne des éditions Lattès, que le groupe Hachette a réalisé cette excellente opération commerciale. Le chiffre d’affaires de Lattès en 2013 a même correspondu au chiffre d’affaires cumulé des quatre autres maisons littéraires d’Hachette Livre (Grasset, Fayard, Stock et Calmann-Lévy).Paru le 18 juin aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le 4e volume, qui raconte l’histoire de l’étudiante et du milliardaire du point de vue de Christian, a été numéro un des ventes pendant quatre semaines avant d’être détrôné par Go Set a Watchman (« Va et poste une sentinelle ») de Harper Lee, l’auteur du best-seller Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.Trois livres, 125 millions d’exemplaires vendusGrey s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires, en langue anglaise. Le tirage a quant à lui dépassé les deux millions. Le livre est aussi sorti le 3 juillet en Espagne et le 16 juillet en Italie, où la trilogie avait rencontré un grand succès.La trilogie d’origine s’est vendu à plus de 125 millions d’exemplaires dans le monde. L’adaptation au cinéma du premier tome a rapporté 570 millions d’euros. Un deuxième film devrait sortir sur grand écran, en février 2017.Initialement prévue pour le 10 septembre, la sortie de Grey, cinquante nuances de Grey par Christian, a été avancée au 28 juillet. Pour réaliser cette prouesse – le livre est paru en langue anglaise le 18 juin –, il a fallu mobiliser une équipe de trois traducteurs : la québécoise Denyse Beaulieu, ainsi que Dominique Defert et Carole Delporte.En septembre 2014, la rentrée littéraire avait été bousculée par le lancement surprise de Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiller, publié aux éditions des Arènes. Le titre de l’ex-compagne du chef de l’Etat avait capté une grande partie du lectorat qui, traditionnellement, achète les titres parus fin août début septembre.C’est pour échapper à ce dilemme et parce que Lattès publie à la rentrée le nouveau roman de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, sur laquelle la maison nourrit de grands espoirs qu’elle a avancé la publication de Grey.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.07.2015 à 06h43 • Mis à jour le27.07.2015 à 16h14 | Francis Marmande Ce qui reste d’un festival, c’est une image mentale. Ce « roadie » chauve et corpulent, par exemple, à Bruxelles, qui vient régler le son de Caetano et Gilberto Gil, poètes du siècle. Ils lancent doucement Back in Bahia. L’anonyme roadie entre en scène, se fait tout petit, bricole. Réincarnation ? Illusion ? Non : c’est Rémy Kolpa Kopoul, RKK, mort le 15 mai à Brest. En chair et en os ! Alopécie comprise. RKK, le génie de la musique brésilienne, des années 1968, et la voix rauque de Radio Nova. Il nous aura joué un tour de plus…Dans la furie poïélitique des années 1960-1970, une affiche dénichée à San Francisco faisait fureur. Sur fond bistre, se détachait une mouche monstrueuse, dite Scathophaga stercoraria (en français moderne, « mouche à merde »). Légende rouge vif, typo Western : « Cent milliards de mouches bouffent de la merde : elles ne peuvent pas se tromper ! »La « loi » du grand nombreCette logique prévaut partout. « Loi » du grand nombre, « loi » du marché, « loi » de l’offre et de la demande : voir prostitution, drogue, etc. Quelle conception de la loi, messeigneurs ! Fin juillet, les festivals complètement aliénés, publient ce qu’ils appellent leur bilan. Bulletin de victoire ? Une rengaine : augmentation de la fréquentation, public en hausse, croissance en flèche.Le plus souvent, tétanisés par ses « élus » (ah ! Les élus) et ses partenaires (ah ! Les partenaires), tout organisateur digne d’organiser, se flatte d’une croissance digne de produits toxiques en Bourse.Ces organisateurs d’organisation (ils ont « des comptes à rendre ») ne se rendent donc plus compte qu’on passe comme qui rigole d’un auditoire à un public, d’un public à une espèce de marche blanche de consommateurs, et d’icelle, à un cheptel d’incultes tyranniques ?À Segré, en Maine-et-Loire (Le Monde du 18 et 19 juillet), le pianiste John Taylor, a été terrassé en scène par une crise cardiaque. Soirée évidemment interrompue. Eh bien, il s’est trouvé des spectateurs pour exiger d’être remboursés. Motif ? « Spectacle écourté ». Rémy, reviens ! Et toi aussi, P.-A. Picon, mon ami, my buddy, mathématicien capable d’invoquer dans la même phrase, la théorie des quanta et un paragraphe de Kant. Tu es mort ? C’est vrai ? Lundi dernier ? Parfois, les étés poïélitiques ont des bas.Travaillons à être minoritaires, mais n’en faisons pas trop.Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier UN ALBUM : « Back To Basics », par Bill Wyman, ancien bassiste des Rolling Stones Alors que s’est terminée la tournée d’été de ses anciens camarades des Rolling Stones, dont il a été le bassiste de fin 1962 à 1993, Bill Wyman propose un nouvel album dont l’intitulé, Back To Basics, dit bien le propos : retour aux fondamentaux. Du blues et des éléments de jazz, qui ont été les musiques de son apprentissage et de sa pratique, une bonne dose de rhythm’n’blues, des traces de country. Rien de révolutionnaire ici, de la bonne musique, jouée par de solides musiciens, dont le guitariste Terry Taylor, avec lequel Wyman mène le groupe Rhythm Kings depuis la fin des années 1990, ou le claviériste Guy Fletcher. Vocalement, Wyman, plutôt dans les graves, fait entendre un débit un peu traînant, parlé-chanté, qui rappelle celui du chanteur country JJ Cale. Musicalement, on reste dans une approche classique des influences précitées avec des compositions originales dans l’esprit et le plaisir de retrouver le jeu d’assise et de swing de Wyman à la basse.Back To Basics, de Bill Wyman, 1 CD Proper Records/KB Music Services.UNE SÉRIE DE CONCERTS : Robert Plant & The Sensational Space Shifters à Fourvière, Landerneau et ColmarIl a beau avoir déclaré que le groupe Led Zeppelin (actif de 1968-1980) n’avait été « qu’une étape » dans « sa vie », et l’avoir démontré au cours d’une carrière solo depuis plus de trente ans, Robert Plant restera pour l’histoire du rock d’abord le chanteur de l’un des plus célèbres groupes des années 1970. Ce que les affiches de ses tournées n’oublient pas de mentionner (« the voice of Led Zeppelin ») tandis qu’une partie de son répertoire de concerts puise dans quelques fameuses compositions du groupe. Pour le reste, Robert Plant, actuellement avec un groupe du nom de The Sensational Space Shifters, explore les racines du blues, les musiques du monde, en particulier celle du Maghreb et du Moyen-Orient, avec une part de psychédélisme, revenu à la mode ces derniers temps. L’excellent groupe et son excellent chanteur passent par la France à l’occasion d’une tournée européenne débutée le 10 juillet. D’abord aux Théâtres romains de Fourvière, à Lyon, lundi 27 juillet (festival Les Nuits de Fourvière, 46 €), puis à l’esplanade de La Petite-Palud pour le festival Fête du bruit dans Landerneau, le samedi 8 août (43,80 €), puis au Théâtre en plein air de Colmar, dans le cadre de la Foire aux vins d’Alsace, mercredi 12 août (44,80 €).« Rainbow », par Robert Plant and The Sensational Space Shifters, filmés lors de concerts en Italie, République tchèque et Angleterre. UN FESTIVAL : CosmoJazz à Chamonix Si vous vous trouvez à Chamonix et ses alentours jusqu’au 2 août vous devriez voir, à un moment ou un autre, un piano dans le ciel emporté par un hélicoptère. Sa destination, l’un des sites en montagne où le festival CosmoJazz, mené par le pianiste et compositeur André Manoukian, aime organiser, en journée, une partie de ses concerts. Près d’une chapelle au barrage d’Emosson, dans un cirque naturel de pierre au Brévent, au plateau du Prarion, au refuge de Lognan, près des Grands-Montets, aux abords de la mer de Glace… Et plus classiquement en centre-ville ou dans la soirée à l’Hôtel Alpina ou un groupe maison (Malcolm Braff, claviers, Hervé Gourdikian, saxophones, Christophe Wallemme, contrebasse et Stéphane Huchard, batterie) anime des jams et rencontres avec les musiciens. Au programme entre jazz et musiques du monde Emile Parisien et Vincent Peirani, Yom, Songhoy Blues, Youngblood Brass Band, Moriarty, le Trio Joubran, Dan Tepfer, Yaron Herman…CosmoJazz à Chamonix-Mont-Blanc et vallée du Trient, jusqu’au 2 août. Concerts gratuits, remontées mécaniques payantes.RÉSERVEZ-VITE : New Order, le 4 novembre au Casino de ParisDix ans après son précédent album en studio, Waiting For The Siren’s Call, le groupe dorénavant « historique » de la new wave à tendance électro New Order (il a été fondé en 1980) présentera Music Complete le 25 septembre, à paraître chez Mute Records. Il devrait contenir onze chansons et quelques collaborations avec notamment Iggy Pop ou Brandon Flowers du groupe The Killers. Une sortie que le groupe va accompagner d’une courte tournée européenne en novembre. Elle débutera par un concert le 4 novembre au Casino de Paris. La capacité d’accueil de la salle étant au maximum de 1 800 spectateurs ce concert devrait assez vite afficher complet, ce qui est déjà le cas pour les soirées prévues à Bruxelles, Londres et Liverpool.New Order au Casino de Paris, 16, rue de Clichy, Paris 9e. Tél. : 08-92-69-89-26. De 55 € (debout) à 61,50 € (assis).Trois courtes vidéos d’annonce du nouvel album de New Order « Music Complete ».  Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Jeu de chaises musicales à la tête des institutions et établissements publics. Les nominations tombent par décrets en cette fin juillet. Au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Bruno David, 60 ans, est nommé président. Une annonce qui clôt la réforme des statuts de l’établissement public engagée il y a plus de deux ans. En effet, le nouveau président du MNHN, « choisi parmi les personnalités scientifiques », assurera la direction de l’établissement, « assisté d’un conseil scientifique qui dirigera le Muséum, assisté de directeurs généraux délégués, l’un en charge des ressources humaines, financières et de l’administration générale, l’autre en charge des collections » comme le stipule le décret paru au Journal officiel du 2 octobre 2014.La nomination de Bruno David comme PDG signe le retour en force des scientifiques du sérail au pilotage exécutif de l’institution pluridisciplinaire regroupant douze sites en France. Et cela, à l’heure où les grandes rénovations engagées ces dernières années arrivent à leur terme avec la réouverture, le 17 octobre, du Musée de l’Homme – après celles, en 2014, du Parc zoologique de Vincennes et, au Jardin des plantes, de la Galerie de minéralogie et de géologie, de la Galerie des enfants, des Grandes Serres et de l’Herbier national, la plus grande collection de la planète.« Emerveiller pour instruire »« Je suis fier d’accéder à la présidence d’une institution aussi prestigieuse que le Muséum dont le rôle est de fasciner, émerveiller pour instruire, indique Bruno David. Nous sommes au bord d’une rupture environnementale majeure comme en témoigne la préparation de la COP 21 cet automne à Paris. Eveiller la curiosité, promouvoir une culture de la nature appuyée sur des connaissances scientifiques, s’inscrire dans une démarche de sciences naturelles avec l’Homme, tel est mon engagement à la tête de cette institution. »Directeur de recherche au CNRS où il est entré en1981, Bruno David a pris, en 1995, la direction du laboratoire de paléontologie du CNRS à Dijon. En trois mandats, il a développé la structure Biogéosciences devenue une véritable interface entre sciences de la Terre et sciences de la vie. Il fut aussi directeur-adjoint scientifique de l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS où il est toujours chargé de mission. Dans la foulée de ce parcours initial de paléontologue, le spécialiste des faunes anciennes du Crétacé a effectué une reconversion vers la biologie marine. Ses recherches portent sur la biodiversité abordée à partir de modèles fossiles et actuels.Cette nomination supprime, de fait, le poste de directeur général, occupé depuis quatre ans par Thomas Grenon. Désormais, Bruno David assurera cette fonction assisté de deux directeurs adjoints. « Ce n’est pas une surprise. Comme à l’Inrap et au CNRS, l’Etat fusionne les rôles de directeur général et de président », indique Gilles Bœuf, l’ancien président du MNHN qui dit n’avoir eu « aucune envie de se charger de l’administration ». « Le MNHN est un organisme de recherche scientifique qui a aussi à gérer un établissement muséographique (lequel a reçu 4 millions de visiteurs payants sur ses différents sites en 2014, et quelque six millions de promeneurs au Jardin des plantes). Chaque objet est d’abord un objet de recherche, un objet d’étude, la grande différence avec un musée d’art. Mais un musée très fréquenté est très difficile à gérer. J’aurais préféré que l’on conserve la dualité. Chacun son métier. Il y avait de la place pour deux. »Une institution à la dérive en 2000L’histoire récente, avec quinze ans de direction générale qui ont sauvé de l’abîme le MNHN, allait dans ce sens. Car, à l’aube de l’an 2000, l’institution, quatre fois centenaire, placée sous la tutelle de deux ministères – celui de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’environnement, du développement durable et de l’écologie – était à la dérive. Au point que la Cour des comptes a sonné l’alarme.En 2002, après trois ans d’administration provisoire, un premier directeur général, Bertrand-Pierre Galey, était nommé pour redresser les finances et mettre de l’ordre dans la gouvernance de l’institution forte de 1 800 agents. Précisons que la complexité structurelle du MNHN est liée à ses multiples missions : recherche fondamentale et appliquée – avec 450 chercheurs –, conservation et enrichissement des collections issues du patrimoine naturel et culturel, enseignement, expertise, valorisation, diffusion des connaissances, action éducatrice et culturelle à l’intention de tous les publics.Thomas Grenon a succédé en 2010 à Bertrand-Pierre Galey, qui y avait effectué deux mandats de quatre ans. Polytechnicien, ingénieur des mines, qui avait à son palmarès la direction générale de grands établissements – de la Réunion des musées nationaux avec les Galeries d’expositions du Grand Palais à la Cité des sciences et de l’industrie – Thomas Grenon a continué de redresser les comptes et assuré la réouverture après travaux, du Parc zoologique de Vincennes et celle à venir, cet automne, du Musée de l’Homme. En 2014, avec les subventions des tutelles (37 %) – en baisse de 10 millions d’euros par rapport à 2013 –, les recettes du MNHN se montaient à 113,1 millions d’euros, contre 116,3 millions d’euros de dépenses (dont 30 % d’investissement).Thomas Grenon, directeur général au terme de son mandat, briguait le poste de président du MNHN. La Commission scientifique chargée de la sélection en a décidé autrement. Sur six candidatures présentées, elle a émis, à la surprise générale, un seul avis. Son choix s’est porté sur Bruno David, un grand scientifique sans passé de gestionnaire mais qui connaît bien la maison pour avoir présidé pendant six ans le Conseil scientifique du MNHN. Il prendra ses fonctions le 1er septembre.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 29.07.2015 à 17h27 • Mis à jour le30.07.2015 à 09h10 | Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Paris, Texas », un drame du remariage arrangé en forme de road-movie (mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte).Voir Paris, Texas trente ans après sa sortie, c’est accepter le poids de trois décennies de clichés. Wim Wenders et Robby Müller, respectivement réalisateur et chef opérateur de la Palme d’or 1984, ont été si inventifs, si bien en prise avec l’inconscient collectif que les images du film sont presque immédiatement devenues des lieux communs : le rapace en gros plan, perché sur un rocher du désert ; le type un peu décavé et son petit garçon dans un pick-up bon pour la casse ; la fille blonde en pull angora dans un peep-show… Tout a servi à des générations de publicitaires, de réalisateurs de vidéos musicales, de cinéastes en panne d’imagination.Perdre la paroleLe début du film, l’alternance de plans larges sur le paysage désertique et serrés sur le visage d’Harry Dean Stanton, qui avance péniblement, s’est si durablement imprimé sur les rétines que l’on a peut-être oublié ce qu’était Paris, Texas. Un drame du remariage arrangé en forme de road-movie.L’homme qu’incarne Harry Dean Stanton s’appelle Travis. Quand il émerge du désert, il a perdu la parole et la mémoire. Son frère Walt (Dean Stockwell) vient le chercher afin de le ramener chez lui, à Los Angeles, où il vit avec Anne (Aurore Clément), son épouse française, et Hunter (Hunter Carson), le fils que Travis a eu avec Jane, une très jeune femme qui a, elle aussi, disparu.Avant que le film ne reprenne la route, il s’arrête longuement à Los Angeles. La musique de Ry Cooder y change. Les longs traits de slide guitar font place à de délicats motifs d’inspiration mexicaine, les grands espaces du western aux lotissements de la sitcom. Wim Wenders a confié le scénario à Sam Shepard, avant de demander une adaptation à L. M. Kit Carson.Poète de la famille, qu’il aime casser et recomposer, Shepard manie le stéréotype au point de flirter avec le mélodrame. De leur côté, Wim Wenders et Robby Müller sont décidés à donner leur interprétation de l’iconographie américaine. C’est à peine s’ils citent quelques cinéastes classiques, se préoccupant plus de photographie et de peinture. Les ambiances verdâtres de certains intérieurs doivent tout à Edward Hopper. Chaque plan offre un nouveau point de vue sur des scènes familières, sans jamais recourir à un excès d’artifices.Paris, Texas, de Wim Wenders. Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, (GB-Fr.-All., 1984, 145 min). Mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde 28.07.2015 à 15h22 • Mis à jour le29.07.2015 à 17h40 Le film de superhéros Ant-Man (L’Homme-fourmi) a conservé sa première place du box-office en Amérique du Nord au cours du week-end passé. Mêmes si ses recettes se sont un peu essoufflées après deux semaines d’exploitation (106,1 millions de dollars, soit 96,1 millions d’euros, quand même au total !) – et même si en France le film est devancé par Minions –, Ant-Man est une nouvelle illustration de la force de frappe des studios Marvel et, par-delà, de la bonne santé de Walt Disney Studios Entertainment et du groupe Walt Disney en général.C’est d’ailleurs bien pour redonner un nouveau souffle à ses productions que la firme de Mickey avait racheté en 2009, pour 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros), l’éditeur de comic books Marvel Entertainement et sa filiale de production cinématographique, Marvel Studios. Pour la première fois depuis plus de dix ans, le chiffre d’affaires de Disney était en baisse et, si elle voulait continuer à grandir, l’entreprise devait trouver de nouveaux relais de croissance.Pour Walt Disney Studios Entertainment (production et distribution de films), cela passait par la conquête d’un public plus large, à travers la mise en scène de nouveaux personnages, aussi iconiques et intemporels que Mickey, Donald et compagnie. C’est qu’a apporté Marvel : Marvel Entertainement disposait d’un catalogue de figures entrées dans la culture populaire, comme Spider-Man ou les X-men ; Marvel Studios disposait, depuis le milieu des années 2000, des droits d’adaptation de certaines de ces figures, comme Iron-Man et Hulk – les premiers films consacrés à ces deux personnages avaient été des succès en 2008.Lire aussi :« Ant-Man » ne convaincra ni les geeks ni les entomologistesConsécrationEn rejoignant Disney, les studios Marvel ont disposé des moyens de poursuivre cette politique de réacquisition des droits de leurs personnages et de création de multiples films de superhéros, aux intrigues interconnectées. Pour la branche cinéma de Disney, Marvel Studios s’est rapidement révélé être un inépuisable créateur de contenus capables de s’installer au sommet du box-office mondial : Iron Man, Thor et Captain America, sortis sur les écrans en 2010 et 2011, ont rapporté respectivement 624 millions de dollars, 449 millions et 371 millions, doublant voire triplant leur budget initial.« Les films Marvel puisent largement leur inspiration dans le patrimoine écrit de la BD, ce qui a immédiatement séduit les fans de comic books. Mais leurs scénarios sont également travaillés pour parler à une cible plus large et familiale, notamment en intégrant une bonne dose d’humour et de second degré », explique Phillippe Guedj, spécialiste de l’univers Marvel et auteur de « Marvel Univers », un documentaire qui sera diffusé sur Ciné + Frisson, à l’automne.Le couple Disney-Marvel a connu la consécration en 2012, avec Avengers, production pharaonique de 220 millions de dollars, qui réunit les superhéros de la franchise le temps d’un long-métrage. Avengers est devenu le troisième film le plus lucratif de tous les temps (1,5 milliard de dollars de revenus).DominationÀ l’issue de cette première phase, au cours de laquelle le groupe aura engrangé plus de 2 milliards de dollars de revenus, Disney a enclenché la « phase 2 » de cet univers cinématographique Marvel, avec six nouveaux films, sortis entre 2013 et 2015. Le parti pris aura été « de concevoir chacun des films comme un épisode d’une grande saga, dont les scénarios sont interdépendants les uns les autres », explique Phillippe Guedj, une connexion devant « stimuler le public et attirer sa curiosité vers d’autres films Marvel ».Sur ce terrain, Marvel a démontré son efficacité, établissant sa domination sur le box-office mondial. Cette « phase 2 «, savant mélange de suites à succès (le troisième épisode d’Iron Man, les seconds volets de Thor, Captain America et Avengers) et de nouveautés (Guardians of the Galaxy, Ant-Man) a permis à Disney de dégager 4,7 milliards de dollars de recettes entre 2013 et 2015.Le succès de Marvel a été d’autant plus important pour Disney que les propres studios du groupe ont accusé des revers. Le film d’animation Milo sur Mars (2011), doté d’un budget de 150 millions de dollars a été un échec. John Carter (2012), sur lequel Disney avait misé pas moins de 350 millions de dollars, n’a dégagé que 284 millions de recettes.Marvel et ses superhéros sont également une source tout aussi rémunératrice pour la vente de produits dérivés (jouets, accessoires, vente de droits de diffusion de dessins animés). Le chiffre d’affaires de cette branche chez Disney, qui fluctuait entre 2 et 2,5 milliards de dollars depuis le début des années 2000, n’a cessé de croître depuis 2009, pour atteindre 3,9 milliards de dollars en 2014. Depuis 2012, ce succès est aussi imputable à LucasFilm (racheté pour 4 milliards de dollars), qui a permis de s’emparer de la très populaire licence Star Wars.ConcurrenceEn 2014, Marvel a annoncé la « phase 3 » de son univers cinématographique, prévue entre 2016 et 2019. Pas moins de dix films sont programmés. La domination des studios risque néanmoins d’être mise à mal par l’offensive de deux concurrents : DC comics, notamment détenteur de Batman et Superman, et dont le catalogue de superhéros appartient à la Warner Bros ; et la 20th Century Fox, qui détient la licence de certains héros Marvel, comme les X-men ou les 4 Fantastiques.Les studios Warner ont annoncé dix films entre 2016-2020, dont le très attendu Batman v Superman : Dawn of Justice (prévu le 23 mars 2016 en France). Le concept d’univers partagé de Marvel, aux intrigues liées, où les héros se croisent, devrait être repris par son principal rival. La 20th Century Fox a elle aussi annoncé plusieurs films mettant en scène des superhéros sur la même période. DiversificationCe planning conduit à se demander si la surreprésentation des héros costumés au cinéma ne va pas finir par provoquer un phénomène de saturation. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Même si « le second degré, qui caractérise les films Marvel, lasse certains spectateurs », comme le relève Philippe Guedj, qui prévient : « le tandem Warner-DC a tout intérêt à se différencier en adoptant un ton plus sérieux, plus iconique, qui aura pour trame de fond des problématiques contemporaines. » Au regard de Man of Steel (2013), qui contait les origines de Superman, et de la bande-annonce de Batman vs Superman, il semble que Warner se dirige vers des longs-métrages plus sombres et a priori plus segmentants.Le couple Disney-Marvel mise, lui, sur la diversité pour se différencier. Au menu de sa « phase 3 » on retrouvera une superhéroïne, Captain Marvel et un héros africain, Black Panther. « Depuis nos débuts, nous sommes une entreprise avant-gardiste qui a su diversifier ses contenus », confiait, il y a quelques semaines, Kevin Feige, le PDG. Un principe qui a établi le succès de la firme dans les comics : surnommée « La maison des idées », Marvel s’est imposée depuis les années 1960 comme l’un des acteurs majeurs de la BD américaine à travers sa capacité à se réinventer et à proposer des histoires ancrées dans la modernité.Adrien Candau Alain Beuve-Méry Cela s’appelle tout simplement Grey et cela coûte 17 euros pour 556 pages. Le quatrième volet des aventures érotiques du milliardaire Christian Grey et de l’étudiante Anastasia Steele, rédigé par l’auteure britannique E.L. James, paraît, mardi 28 juillet, aux éditions Jean-Claude Lattès.Avec un tirage prévu de 400 000 exemplaires pour la France – 500 000 exemplaires en incluant la Belgique, la Suisse et le Canada – il s’agit, pour l’heure, de la sortie la plus massive de l’année. Avant les gros tirages de la rentrée littéraire et surtout la parution du 36e album d’Astérix, Le papyrus de César, prévue pour le 22 octobre.Le succès devrait forcément être au rendez-vous. La France n’a, en effet, pas échappé au raz-de-marée éditorial de cette romance sirupeuse, parue à partir de 2012. Les trois premiers volumes, Cinquante nuances de Grey, Cinquante plus sombres, Cinquante plus claires se sont écoulés au total, toutes éditions confondues, à 7,2 millions d’exemplaires.C’est grâce au flair et à l’absence de préjugés d’Isabelle Laffont, patronne des éditions Lattès, que le groupe Hachette a réalisé cette excellente opération commerciale. Le chiffre d’affaires de Lattès en 2013 a même correspondu au chiffre d’affaires cumulé des quatre autres maisons littéraires d’Hachette Livre (Grasset, Fayard, Stock et Calmann-Lévy).Paru le 18 juin aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le 4e volume, qui raconte l’histoire de l’étudiante et du milliardaire du point de vue de Christian, a été numéro un des ventes pendant quatre semaines avant d’être détrôné par Go Set a Watchman (« Va et poste une sentinelle ») de Harper Lee, l’auteur du best-seller Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.Trois livres, 125 millions d’exemplaires vendusGrey s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires, en langue anglaise. Le tirage a quant à lui dépassé les deux millions. Le livre est aussi sorti le 3 juillet en Espagne et le 16 juillet en Italie, où la trilogie avait rencontré un grand succès.La trilogie d’origine s’est vendu à plus de 125 millions d’exemplaires dans le monde. L’adaptation au cinéma du premier tome a rapporté 570 millions d’euros. Un deuxième film devrait sortir sur grand écran, en février 2017.Initialement prévue pour le 10 septembre, la sortie de Grey, cinquante nuances de Grey par Christian, a été avancée au 28 juillet. Pour réaliser cette prouesse – le livre est paru en langue anglaise le 18 juin –, il a fallu mobiliser une équipe de trois traducteurs : la québécoise Denyse Beaulieu, ainsi que Dominique Defert et Carole Delporte.En septembre 2014, la rentrée littéraire avait été bousculée par le lancement surprise de Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiller, publié aux éditions des Arènes. Le titre de l’ex-compagne du chef de l’Etat avait capté une grande partie du lectorat qui, traditionnellement, achète les titres parus fin août début septembre.C’est pour échapper à ce dilemme et parce que Lattès publie à la rentrée le nouveau roman de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, sur laquelle la maison nourrit de grands espoirs qu’elle a avancé la publication de Grey.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande annonce de “French Cancan”Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.07.2015 à 06h43 • Mis à jour le27.07.2015 à 16h14 | Francis Marmande Ce qui reste d’un festival, c’est une image mentale. Ce « roadie » chauve et corpulent, par exemple, à Bruxelles, qui vient régler le son de Caetano et Gilberto Gil, poètes du siècle. Ils lancent doucement Back in Bahia. L’anonyme roadie entre en scène, se fait tout petit, bricole. Réincarnation ? Illusion ? Non : c’est Rémy Kolpa Kopoul, RKK, mort le 15 mai à Brest. En chair et en os ! Alopécie comprise. RKK, le génie de la musique brésilienne, des années 1968, et la voix rauque de Radio Nova. Il nous aura joué un tour de plus…Dans la furie poïélitique des années 1960-1970, une affiche dénichée à San Francisco faisait fureur. Sur fond bistre, se détachait une mouche monstrueuse, dite Scathophaga stercoraria (en français moderne, « mouche à merde »). Légende rouge vif, typo Western : « Cent milliards de mouches bouffent de la merde : elles ne peuvent pas se tromper ! »La « loi » du grand nombreCette logique prévaut partout. « Loi » du grand nombre, « loi » du marché, « loi » de l’offre et de la demande : voir prostitution, drogue, etc. Quelle conception de la loi, messeigneurs ! Fin juillet, les festivals complètement aliénés, publient ce qu’ils appellent leur bilan. Bulletin de victoire ? Une rengaine : augmentation de la fréquentation, public en hausse, croissance en flèche.Le plus souvent, tétanisés par ses « élus » (ah ! Les élus) et ses partenaires (ah ! Les partenaires), tout organisateur digne d’organiser, se flatte d’une croissance digne de produits toxiques en Bourse.Ces organisateurs d’organisation (ils ont « des comptes à rendre ») ne se rendent donc plus compte qu’on passe comme qui rigole d’un auditoire à un public, d’un public à une espèce de marche blanche de consommateurs, et d’icelle, à un cheptel d’incultes tyranniques ?À Segré, en Maine-et-Loire (Le Monde du 18 et 19 juillet), le pianiste John Taylor, a été terrassé en scène par une crise cardiaque. Soirée évidemment interrompue. Eh bien, il s’est trouvé des spectateurs pour exiger d’être remboursés. Motif ? « Spectacle écourté ». Rémy, reviens ! Et toi aussi, P.-A. Picon, mon ami, my buddy, mathématicien capable d’invoquer dans la même phrase, la théorie des quanta et un paragraphe de Kant. Tu es mort ? C’est vrai ? Lundi dernier ? Parfois, les étés poïélitiques ont des bas.Travaillons à être minoritaires, mais n’en faisons pas trop.Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier UN ALBUM : « Back To Basics », par Bill Wyman, ancien bassiste des Rolling Stones Alors que s’est terminée la tournée d’été de ses anciens camarades des Rolling Stones, dont il a été le bassiste de fin 1962 à 1993, Bill Wyman propose un nouvel album dont l’intitulé, Back To Basics, dit bien le propos : retour aux fondamentaux. Du blues et des éléments de jazz, qui ont été les musiques de son apprentissage et de sa pratique, une bonne dose de rhythm’n’blues, des traces de country. Rien de révolutionnaire ici, de la bonne musique, jouée par de solides musiciens, dont le guitariste Terry Taylor, avec lequel Wyman mène le groupe Rhythm Kings depuis la fin des années 1990, ou le claviériste Guy Fletcher. Vocalement, Wyman, plutôt dans les graves, fait entendre un débit un peu traînant, parlé-chanté, qui rappelle celui du chanteur country JJ Cale. Musicalement, on reste dans une approche classique des influences précitées avec des compositions originales dans l’esprit et le plaisir de retrouver le jeu d’assise et de swing de Wyman à la basse.Back To Basics, de Bill Wyman, 1 CD Proper Records/KB Music Services.UNE SÉRIE DE CONCERTS : Robert Plant & The Sensational Space Shifters à Fourvière, Landerneau et ColmarIl a beau avoir déclaré que le groupe Led Zeppelin (actif de 1968-1980) n’avait été « qu’une étape » dans « sa vie », et l’avoir démontré au cours d’une carrière solo depuis plus de trente ans, Robert Plant restera pour l’histoire du rock d’abord le chanteur de l’un des plus célèbres groupes des années 1970. Ce que les affiches de ses tournées n’oublient pas de mentionner (« the voice of Led Zeppelin ») tandis qu’une partie de son répertoire de concerts puise dans quelques fameuses compositions du groupe. Pour le reste, Robert Plant, actuellement avec un groupe du nom de The Sensational Space Shifters, explore les racines du blues, les musiques du monde, en particulier celle du Maghreb et du Moyen-Orient, avec une part de psychédélisme, revenu à la mode ces derniers temps. L’excellent groupe et son excellent chanteur passent par la France à l’occasion d’une tournée européenne débutée le 10 juillet. D’abord aux Théâtres romains de Fourvière, à Lyon, lundi 27 juillet (festival Les Nuits de Fourvière, 46 €), puis à l’esplanade de La Petite-Palud pour le festival Fête du bruit dans Landerneau, le samedi 8 août (43,80 €), puis au Théâtre en plein air de Colmar, dans le cadre de la Foire aux vins d’Alsace, mercredi 12 août (44,80 €).« Rainbow », par Robert Plant and The Sensational Space Shifters, filmés lors de concerts en Italie, République tchèque et Angleterre. UN FESTIVAL : CosmoJazz à Chamonix Si vous vous trouvez à Chamonix et ses alentours jusqu’au 2 août vous devriez voir, à un moment ou un autre, un piano dans le ciel emporté par un hélicoptère. Sa destination, l’un des sites en montagne où le festival CosmoJazz, mené par le pianiste et compositeur André Manoukian, aime organiser, en journée, une partie de ses concerts. Près d’une chapelle au barrage d’Emosson, dans un cirque naturel de pierre au Brévent, au plateau du Prarion, au refuge de Lognan, près des Grands-Montets, aux abords de la mer de Glace… Et plus classiquement en centre-ville ou dans la soirée à l’Hôtel Alpina ou un groupe maison (Malcolm Braff, claviers, Hervé Gourdikian, saxophones, Christophe Wallemme, contrebasse et Stéphane Huchard, batterie) anime des jams et rencontres avec les musiciens. Au programme entre jazz et musiques du monde Emile Parisien et Vincent Peirani, Yom, Songhoy Blues, Youngblood Brass Band, Moriarty, le Trio Joubran, Dan Tepfer, Yaron Herman…CosmoJazz à Chamonix-Mont-Blanc et vallée du Trient, jusqu’au 2 août. Concerts gratuits, remontées mécaniques payantes.RÉSERVEZ-VITE : New Order, le 4 novembre au Casino de ParisDix ans après son précédent album en studio, Waiting For The Siren’s Call, le groupe dorénavant « historique » de la new wave à tendance électro New Order (il a été fondé en 1980) présentera Music Complete le 25 septembre, à paraître chez Mute Records. Il devrait contenir onze chansons et quelques collaborations avec notamment Iggy Pop ou Brandon Flowers du groupe The Killers. Une sortie que le groupe va accompagner d’une courte tournée européenne en novembre. Elle débutera par un concert le 4 novembre au Casino de Paris. La capacité d’accueil de la salle étant au maximum de 1 800 spectateurs ce concert devrait assez vite afficher complet, ce qui est déjà le cas pour les soirées prévues à Bruxelles, Londres et Liverpool.New Order au Casino de Paris, 16, rue de Clichy, Paris 9e. Tél. : 08-92-69-89-26. De 55 € (debout) à 61,50 € (assis).Trois courtes vidéos d’annonce du nouvel album de New Order « Music Complete ».  Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Rosita Boisseau Rire dès la première seconde d’un spectacle de danse contemporaine n’arrive pas tous les jours. Se bidonner ensuite dans un état d’euphorie douce ne ressemble à rien de connu. On en profite à fond, on aimerait que cela dure éternellement. Et cela dure presque une heure, ce qui est déjà une prouesse. Le nom de l’aphrodisiaque : A Coming Community. Celui des super-chimistes : Pieter Ampe, Guilherme Garrido, Nino Lucas et Hermann Heisig. Bref, une drôle de communauté flamande, portugaise, allemande, dont l’anglo-français approximatif est d’emblée un moteur de rigolade.Lire aussi :Yoann Bourgeois, l’art du point de suspensionA l’affiche de Paris Quartier d’été, cette escadrille de lascars en goguette frappe un mélange de danse, clown, western, rock, dilué dans beaucoup de sueur et avec quelques touffes pour pimenter le tout. Régressif, d’accord (mais franc), ras le slip, parfois (mais potache), épatant, toujours. Avec de l’invention, du délire et une envie de faire péter les joints du spectacle propre sur lui sans pour autant se prendre au sérieux.A l’opposé, la bande partage la soirée avec le jongleur, trampoliniste et metteur en scène Yoann Bourgeois. Sa pièce Leaving Room, pour deux acrobates et une harpiste, joue en mode zen sur le fil d’une collection de numéros. Burlesque déconnant à droite, suspension sous hypnose à gauche, une balançoire qui secoue mais laisse ravi.Retour d’abord sur A Coming Community. Le spectacle, furieusement allumé, ne fait pas dans les affaires courantes de la danse contemporaine. D’abord, les quatre potes ne ressemblent pas à des danseurs. Jeans serrés et déchirés, baskets aux semelles décollées, barbe de bûcheron serrée dans un élastique, leur plumage, qui est le même à la scène et à la ville, sent bon la vie à l’arrache. Très référencés en revanche – ils sont passés par le gratin des écoles d’art et de danse européennes –, ils possèdent tous les codes pour mieux les pirater et s’en moquer gentiment. Et ça déborde, ça part en vrille, ça crache, ça vocalise, ça s’arrache le micro, ça se désape évidemment au gré d’une imagination qui ne craint rien, surtout pas le pire (c’est bien meilleur).Agités du bulbe et du prépuceOn connaissait déjà Pieter Ampe et Guilherme Garrido. Leur duo Still Standing you (2010), orgie verbale et physique hilarante, les avait consacrés agités du bulbe et du prépuce (mais pas que). Leur façon d’avoir l’air de fabriquer le spectacle en laissant les événements naître les uns des autres pour mieux se déchaîner se retrouve dans cette excroissance communautaire. Le goût comique de l’exploit débile mais magnifique prend ici un ton forcené. Se glisser et s’enfermer dans un énorme ballon que l’on gonfle et dégonfle à volonté est une sacrée entreprise. Mais voilà que surgissent sur le plateau des créatures invraisemblables : ballon unijambiste ou garni d’une tête d’homme, les surprises ne manquent pas de souffle. Les challenges idiots au sens noble ne sont jamais tout à fait vains dans A Coming Community.Avec Yoann Bourgeois, la bande des quatre possède un thème commun : l’effondrement. Très rock chez les uns, il prend chez l’acrobate un ton philosophique et existentiel, qui est la marque de cet artiste. Dans Leaving Room, celui qui travaille longtemps sur des pièces courtes avant de construire un spectacle combine différents numéros au gré d’un maillage dramaturgique souple. On retrouve une bascule en métal déjà vue dans Minuit (2014), une table et des chaises qui explosent, la volée de marches et le trampoline de L’Art de la fugue (2011). Ces séquences sont reliées par un fil de douceur nommé Yoann Bourgeois. Elles trouvent un élan global dans la façon dont elles s’inscrivent dans l’immense nef vide du Carreau du Temple, à Paris. Chaque objet, chaque scène, se répond dans un jeu d’échos architecturaux au sein desquels Yoann Bourgeois et sa complice Marie Fonte se glissent comme par magie.Paris Quartier d’été. A coming community, jusqu’au 26 juillet, 20 heures.Leaving Room,de Yoann Bourgeois, jusqu’au 25 juillet, 22 heures. Carreau du Temple, Paris 3e. Tél. : 01- 44- 94- 98- 02. De 12 € à 32 €. Et aussi Cavale de Yoann Bourgeois, 26 et 27 juillet, 21 heures, parvis du Sacré-Cœur, Paris 18e. Gratuit.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Marie-Aude Roux (Le Thoronet (Var), envoyée spéciale) C’est dans le réfectoire d’un hôtel du Thoronet, transformé en salle de musique, que le chanteur, luthiste et chef d’orchestre Dominique Vellard répète ce 23 juillet le concert de musique espagnole qu’il donnera le lendemain au sein de l’ensemble Vox Suavis en compagnie de la soprano Ana Arnaz et du joueur de vièle et de cornemuse Baptiste Romain. « Nous ne nous sommes pas vus depuis deux mois et nous avons beaucoup de détails à régler », s’excuse-t-il, avant de poursuivre : « Je chante déjà ce soir au concert des musiciens de l’Académie et je dois ménager ma voix. » Dominique Vellard est un homme simple, de culture savante. Depuis la création de son Ensemble Gilles Binchois en 1979, il est l’une des figures de proue de l’interprétation des répertoires anciens des musiques du Moyen Age et de la Renaissance. A 61 ans, cet homme rayonnant et doux, d’apparence fragile, qu’une poliomyélite contractée à l’âge de deux ans oblige à marcher avec une énorme canne, dégage un fort charisme, émanation sans doute de cet amour de la musique qui lui a, comme il dit, « sauvé la vie ».21 heures : la chaleur s’est à peine assoupie lorsque le public se masse sur les bancs de bois de l’imposante abbatiale du Thoronet, l’une des trois sœurs cisterciennes de Provence, avec les abbayes Silvacane et Sénanque. Les jeunes de l’Académie de musique ancienne, fondée en août 2007, participent depuis deux ans au festival d’été, ce qui leur permet de jouer d’emblée dans la cour des grands. « Je pratique un enseignement très rigoureux, confesse Dominique Vellard, qui enseigne notamment à la Schola Cantorum de Bâle depuis 1982, mais là, nous avons véritablement travaillé comme des fous pendant une semaine ! » Fondateur des Rencontres de musique médiévale du Thoronet en 1991, il tient à ce que les deux concerts donnés par ses jeunes recrues soient d’un niveau professionnel.Un festin de musiques de courMission accomplie : durant plus de deux heures, solistes, choristes et musiciens ont offert un festin de musiques de cour des rois d’Aragon et de Castille, du XIIIe au XVe siècle. Des extraits des Cantigas de Santa Maria, ces poésies en galicien relatant les miracles de la Vierge composées par le roi troubadour Alphonse X qui régna de 1252 à 1284, des pièces du codex musical du monastère royal de Las Huelgas, près de Burgos, copié au début du XIVe siècle, ou bien encore des Cancioneros de la cour des rois catholiques, le « Siglo de oro » (siècle d’or) de la musique espagnole qui va du milieu du XVe siècle aux confins de la Renaissance. Ainsi le magnifique Maravillosos e piadosos, chant de piété mariale emmené par la voix ductile de Dominique Vellard, le dansant Los hombres con gran placer alternant chant soliste et choral, ou bien les superbes polyphonies de la Nativité des Tres Marias auxquelles répondent le tragique Nuevas te traigo Baptista pour voix d’hommes a cappella ou Las tristes lagrimas mias pour trois vièles…Dominique Vellard a attrapé le virus de la musique ancienne alors qu’il n’était qu’un enfant à la maîtrise Notre-Dame de Versailles sous la houlette de son maître de chœur, Pierre Béguigné. Celui-ci était issu de l’Ecole Niedermeyer, institution créée au milieu du XIXe siècle (et soutenue par Napoléon III) afin de lutter contre le dévoiement d’une musique sacrée passée sous la domination de l’opéra (Niedermeyer fustigera ces « artistes déjeunant de l’Eglise et soupant du Théâtre »). Saint-Saëns, Gabriel Fauré, André Messager, pour ne citer que les plus connus, y ont étudié avant, pour certains, d’y enseigner. Mais rien de dogmatique dans la démarche de Dominique Vellard, qui prône ce qu’il appelle « le beau chant » – historiquement informé comme il se doit –, mais renâcle devant toute forme de convention purement rhétorique. « D’un côté, ma formation m’a donné le goût d’une esthétique de la rondeur du son, précise-t-il. De l’autre, j’ai été très influencé par Nikolaus Harnoncourt et Philippe Herreweghe, deux musiciens qui n’ont jamais cherché à provoquer la musique pour se mettre en avant, mais ont au contraire travaillé dans le respect de la vérité historique tout en gardant à la musique son naturel vivant et lyrique. C’est ce que j’essaie d’enseigner. »Un « feeling » particulierCe que ce pédagogue passionné avoue cependant ne pas pouvoir transmettre, c’est ce « feeling » particulier qui fait que cette musique, plus que d’autres peut-être qui nous sont familières, ne peut exister sans une part d’intuition, une balance entre inflexions rythmiques et mélodiques qui, dit-il, habite de manière quasi instinctive le cerveau des très bons musiciens. Autrement dit une forme d’exaltation vocale qui porte la mélodie de manière aussi physique que spirituelle. « Une fois que la musique est en place, on est traversé par une force que l’on doit libérer. Il n’y a plus de contrôle : la chose se fait. Mais il faut pour cela, comme dans toute musique, une solide technique. » Dominique Vellard sait de quoi il parle, lui qui, passé d’un joli soprano à une voix de basse, a dû redevenir momentanément soprano pour trouver sa vraie voix, celle de ténor qu’il a, à force de travail, dotée d’une souplesse féline et d’une projection sans effort. Une voix claire et chaleureuse, ciselant avec art le phrasé sans jamais rompre la ligne musicale, magnifiée par la miraculeuse acoustique de l’abbaye du Thoronet : sept à dix secondes de réverbération sans que l’on perde quoi que ce soit des subtiles nervures de la prosodie.Mais le Graal musical de Dominique Vellard est le « grand chant », ce chant non mesuré que l’avènement de la pulsation régulière nous a rendus pratiquement impossible à restituer. « Les musiciens ont du mal à penser une force agogique qui vient des notes elles-mêmes, explique-t-il. Ce chant est en quelque sorte maître du temps et de l’espace qu’il délimite par la seule proclamation du texte. Le XIVe siècle et l’invention de l’horloge ont compartimenté le temps dans un tactus régulier. Ce faisant, on a affaibli cette analogie du temps et de la musique. » C’est pour tenter de les rendre l’un à l’autre que Dominique Vellard s’est ouvert aux cultures qui en ont gardé le lien – les « âlâps » indiens, les récitations védiques ou coraniques –, pour retrouver ce qu’il appelle « le chant profond de l’humanité ».Rencontres internationales de musique ancienne du Thoronet (83). Jusqu’au 30 juillet. Tél. : 04-94-60-10-94. De 16 € à 22 €. Musique-médiévale.frMarie-Aude Roux (Le Thoronet (Var), envoyée spéciale)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne (Cabourg, envoyée spéciale) Une fois passé les turbulences des grands festivals de rock, de variétés et de jazz, très concentrés sur la première quinzaine de juillet, les petits tentent de se frayer un chemin. C’est le cas de Cabourg, mon amour, consacré aux jeunes talents, qui se tient jusqu’au 26 juillet près de l’estuaire de la Dives, pas si loin d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados) où s’est imposé en quelques années le Festival Beauregard, 90 000 spectateurs le premier week-end de juillet, et une programmation nourrie des tournées internationales.Cabourg, c’est un autre cidre. La station balnéaire est célèbre pour ses accointances avec Marcel Proust, son grand hôtel et sa longue plage. Cabourg, mon amour en profite, s’installant sur la grève sans peur des ondées et des humeurs iodées d’une Manche puissante. Le jeune festival s’est même approprié la composante agricole de la Normandie et l’intensité de ses gris et de ses bleus, pour construire un décor de palettes en bois et de ballots de paille. Au loin, on voit les torchères du Havre, et, plus près, les derniers courageux, baigneurs du soir. Vendredi 24 juillet, Bambounou, DJ français prometteur, ambiance la plage, après une prestation sans faute du groupe messin Grand Blanc sur la scène de sur l’esplanade. Et on respire !A Cabourg, on peut pêcher une clientèle concernée, en s’aventurant sur les terres de Trouville et autres noyaux parisiens de la Côte fleurie. Sur la rive gauche de la Touque, Deauville développe une autre culture, longtemps représentée par le festival Swing’In Deauville, financé par le groupe Barrière, et abandonné cette année pour cause de bénéfices en baisse. Des artistes en développement« Nous ne voulons pas grandir », dit Julien Catala, patron de la société de management artistique Super !, qui vient d’entrer dans l’affaire cabourgeaise, créée en 2013 par un jeune passionné de plages normandes, Romain Renou, fondateur de la société Premier Amour – que du romantisme ! Cabourg, mon amour a débuté au casino de la ville (300 places) pour présenter des artistes en développement. Il a logiquement attiré à lui des partenaires parisiens friands de jeunes pousses, Super !, mais aussi la Blogothèque, site Internet qui filme depuis 2006 les prestations d’artistes dans des lieux peu communs.Le festival a donc grandi mécaniquement, avec désormais deux scènes, passant à une capacité maximale de 2 300 personnes. « C’est un festival de découverte, qui suit le mouvement des marées », dit Julien Catala, dont la structure Super ! a inventé d’autres festivals, comme Fireworks à Paris ou Heartbeats à Halluin (Nord), à la frontière franco-belge. Super ! est aussi le promoteur français du festival Pitchfork, à la Grande Halle de la Villette, en octobre, déclinaison live du site américain découvreur. Dans son book d’artistes, on trouve The XX, SBTRKT ou Animal Collective, il gère la salle parisienne le Trabendo.La troisième édition de Cabourg, mon amour présente trente-deux groupes ou artistes, aux trois quarts français, dont le plus connu serait Isaac Delusion, et dont la tendance électro-pop est frontalement affirmée. C’est le résultat d’un mouvement de fond auquel participent labels et sites Internet, dit Julien Catala, Parmi les maillons de la chaîne, que l’on retrouve sur la plage de Cabourg, le label Entreprise, qui produit Grand Blanc ou Moodoïd, et puis La Souterraine, un blog qui a créé son label en ligne, ou encore Délicieuse Musique et Pains Surprises.La major Sony ne s’y est pas trompée, qui a décidé d’héberger en ses murs des labels indépendants, comme Un Plan Simple, dirigé par Laurent Manganas. « Ils éditent des artistes plus mainstream, comme FM Laeti, mais voulaient créer une sorte de laboratoire, explique Mélissa Phulpin, fondatrice de Tom Boy Lab, en partenariat avec Un Plan Simple. C’est une cellule d’accompagnement pour les premières sorties d’album, souvent des EP (format court), où il faut imaginer des clips, des photos, une stratégie ». Tom Boy Lab héberge Blondino, Louve et Pain Noir, groupe de Clermont-Ferrand, programmé à Cabourg dimanche 26 juillet, qui développe un style folk et bien écrit.Cabourg mon amour, jusqu’au 26 juillet. Un jour 25 €, gratuit dimanche. cabourgmonamour.frVéronique Mortaigne (Cabourg, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Dagen (Martigny (Suisse), envoyé spécial) Bien que Martigny ne soit ni une ville d’eau ni un séjour touristique, ils sont tout un groupe à avoir décidé d’y passer l’été. Ils viennent de Paris, et la plupart sont extrêmement célèbres : Henri Matisse, Pablo Picasso, Georges Braque, Juan Gris, Albert Marquet, André Derain, Fernand Léger.Au risque de paraître désinvolte, cette façon de présenter l’exposition Matisse en son temps de la Fondation Pierre Gianadda est cependant conforme à la première impression qu’elle produit, celle d’un prestigieux et bizarre pique-nique où les rencontres incongrues sont possibles et où chaque convive a apporté de quoi réjouir l’assemblée – des toiles évidemment, un peu moins d’une centaine, parmi lesquelles une forte proportion de chefs-d’œuvre. Ces camarades sont généreux.La générosité est en vérité celle du Musée national d’art moderne, dont c’est ici la quatrième collaboration avec la Fondation. Les collections parisiennes sont d’une telle richesse que le MNAM peut simultanément présenter depuis mai un nouvel accrochage du début du XXe siècle aux années 1960 et prêter de quoi, sinon en faire un deuxième, du moins présenter le fauvisme, un peu du cubisme, un peu de l’entre-deux-guerres parisienne et l’évolution de Matisse et Picasso de façon presque complète.Congrès de célébritésEn visitant la nouvelle présentation de Beaubourg, on ne s’en était pas aperçu, tant il y a à voir, mais ni L’Algérienne, ni le Portrait de Greta Prozor, ni Le Rêve, ni Porte-fenêtre à Collioure, quatre Matisse majeurs, n’y figurent :... 28.07.2015 à 10h43 • Mis à jour le28.07.2015 à 13h58 | Alain Beuve-Méry Cela s’appelle tout simplement Grey et cela coûte 17 euros pour 556 pages. Le quatrième volet des aventures érotiques du milliardaire Christian Grey et de l’étudiante Anastasia Steele, rédigé par l’auteure britannique E.L. James, paraît, mardi 28 juillet, aux éditions Jean-Claude Lattès.Avec un tirage prévu de 400 000 exemplaires pour la France – 500 000 exemplaires en incluant la Belgique, la Suisse et le Canada – il s’agit, pour l’heure, de la sortie la plus massive de l’année. Avant les gros tirages de la rentrée littéraire et surtout la parution du 36e album d’Astérix, Le papyrus de César, prévue pour le 22 octobre.Le succès devrait forcément être au rendez-vous. La France n’a, en effet, pas échappé au raz-de-marée éditorial de cette romance sirupeuse, parue à partir de 2012. Les trois premiers volumes, Cinquante nuances de Grey, Cinquante plus sombres, Cinquante plus claires se sont écoulés au total, toutes éditions confondues, à 7,2 millions d’exemplaires.C’est grâce au flair et à l’absence de préjugés d’Isabelle Laffont, patronne des éditions Lattès, que le groupe Hachette a réalisé cette excellente opération commerciale. Le chiffre d’affaires de Lattès en 2013 a même correspondu au chiffre d’affaires cumulé des quatre autres maisons littéraires d’Hachette Livre (Grasset, Fayard, Stock et Calmann-Lévy).Paru le 18 juin aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le 4e volume, qui raconte l’histoire de l’étudiante et du milliardaire du point de vue de Christian, a été numéro un des ventes pendant quatre semaines avant d’être détrôné par Go Set a Watchman (« Va et poste une sentinelle ») de Harper Lee, l’auteur du best-seller Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.Trois livres, 125 millions d’exemplaires vendusGrey s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires, en langue anglaise. Le tirage a quant à lui dépassé les deux millions. Le livre est aussi sorti le 3 juillet en Espagne et le 16 juillet en Italie, où la trilogie avait rencontré un grand succès.La trilogie d’origine s’est vendu à plus de 125 millions d’exemplaires dans le monde. L’adaptation au cinéma du premier tome a rapporté 570 millions d’euros. Un deuxième film devrait sortir sur grand écran, en février 2017.Initialement prévue pour le 10 septembre, la sortie de Grey, cinquante nuances de Grey par Christian, a été avancée au 28 juillet. Pour réaliser cette prouesse – le livre est paru en langue anglaise le 18 juin –, il a fallu mobiliser une équipe de trois traducteurs : la québécoise Denyse Beaulieu, ainsi que Dominique Defert et Carole Delporte.En septembre 2014, la rentrée littéraire avait été bousculée par le lancement surprise de Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiller, publié aux éditions des Arènes. Le titre de l’ex-compagne du chef de l’Etat avait capté une grande partie du lectorat qui, traditionnellement, achète les titres parus fin août début septembre.C’est pour échapper à ce dilemme et parce que Lattès publie à la rentrée le nouveau roman de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, sur laquelle la maison nourrit de grands espoirs qu’elle a avancé la publication de Grey.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande annonce de “French Cancan”Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.07.2015 à 06h43 • Mis à jour le27.07.2015 à 16h14 | Francis Marmande Ce qui reste d’un festival, c’est une image mentale. Ce « roadie » chauve et corpulent, par exemple, à Bruxelles, qui vient régler le son de Caetano et Gilberto Gil, poètes du siècle. Ils lancent doucement Back in Bahia. L’anonyme roadie entre en scène, se fait tout petit, bricole. Réincarnation ? Illusion ? Non : c’est Rémy Kolpa Kopoul, RKK, mort le 15 mai à Brest. En chair et en os ! Alopécie comprise. RKK, le génie de la musique brésilienne, des années 1968, et la voix rauque de Radio Nova. Il nous aura joué un tour de plus…Dans la furie poïélitique des années 1960-1970, une affiche dénichée à San Francisco faisait fureur. Sur fond bistre, se détachait une mouche monstrueuse, dite Scathophaga stercoraria (en français moderne, « mouche à merde »). Légende rouge vif, typo Western : « Cent milliards de mouches bouffent de la merde : elles ne peuvent pas se tromper ! »La « loi » du grand nombreCette logique prévaut partout. « Loi » du grand nombre, « loi » du marché, « loi » de l’offre et de la demande : voir prostitution, drogue, etc. Quelle conception de la loi, messeigneurs ! Fin juillet, les festivals complètement aliénés, publient ce qu’ils appellent leur bilan. Bulletin de victoire ? Une rengaine : augmentation de la fréquentation, public en hausse, croissance en flèche.Le plus souvent, tétanisés par ses « élus » (ah ! Les élus) et ses partenaires (ah ! Les partenaires), tout organisateur digne d’organiser, se flatte d’une croissance digne de produits toxiques en Bourse.Ces organisateurs d’organisation (ils ont « des comptes à rendre ») ne se rendent donc plus compte qu’on passe comme qui rigole d’un auditoire à un public, d’un public à une espèce de marche blanche de consommateurs, et d’icelle, à un cheptel d’incultes tyranniques ?À Segré, en Maine-et-Loire (Le Monde du 18 et 19 juillet), le pianiste John Taylor, a été terrassé en scène par une crise cardiaque. Soirée évidemment interrompue. Eh bien, il s’est trouvé des spectateurs pour exiger d’être remboursés. Motif ? « Spectacle écourté ». Rémy, reviens ! Et toi aussi, P.-A. Picon, mon ami, my buddy, mathématicien capable d’invoquer dans la même phrase, la théorie des quanta et un paragraphe de Kant. Tu es mort ? C’est vrai ? Lundi dernier ? Parfois, les étés poïélitiques ont des bas.Travaillons à être minoritaires, mais n’en faisons pas trop.Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier UN ALBUM : « Back To Basics », par Bill Wyman, ancien bassiste des Rolling Stones Alors que s’est terminée la tournée d’été de ses anciens camarades des Rolling Stones, dont il a été le bassiste de fin 1962 à 1993, Bill Wyman propose un nouvel album dont l’intitulé, Back To Basics, dit bien le propos : retour aux fondamentaux. Du blues et des éléments de jazz, qui ont été les musiques de son apprentissage et de sa pratique, une bonne dose de rhythm’n’blues, des traces de country. Rien de révolutionnaire ici, de la bonne musique, jouée par de solides musiciens, dont le guitariste Terry Taylor, avec lequel Wyman mène le groupe Rhythm Kings depuis la fin des années 1990, ou le claviériste Guy Fletcher. Vocalement, Wyman, plutôt dans les graves, fait entendre un débit un peu traînant, parlé-chanté, qui rappelle celui du chanteur country JJ Cale. Musicalement, on reste dans une approche classique des influences précitées avec des compositions originales dans l’esprit et le plaisir de retrouver le jeu d’assise et de swing de Wyman à la basse.Back To Basics, de Bill Wyman, 1 CD Proper Records/KB Music Services.UNE SÉRIE DE CONCERTS : Robert Plant & The Sensational Space Shifters à Fourvière, Landerneau et ColmarIl a beau avoir déclaré que le groupe Led Zeppelin (actif de 1968-1980) n’avait été « qu’une étape » dans « sa vie », et l’avoir démontré au cours d’une carrière solo depuis plus de trente ans, Robert Plant restera pour l’histoire du rock d’abord le chanteur de l’un des plus célèbres groupes des années 1970. Ce que les affiches de ses tournées n’oublient pas de mentionner (« the voice of Led Zeppelin ») tandis qu’une partie de son répertoire de concerts puise dans quelques fameuses compositions du groupe. Pour le reste, Robert Plant, actuellement avec un groupe du nom de The Sensational Space Shifters, explore les racines du blues, les musiques du monde, en particulier celle du Maghreb et du Moyen-Orient, avec une part de psychédélisme, revenu à la mode ces derniers temps. L’excellent groupe et son excellent chanteur passent par la France à l’occasion d’une tournée européenne débutée le 10 juillet. D’abord aux Théâtres romains de Fourvière, à Lyon, lundi 27 juillet (festival Les Nuits de Fourvière, 46 €), puis à l’esplanade de La Petite-Palud pour le festival Fête du bruit dans Landerneau, le samedi 8 août (43,80 €), puis au Théâtre en plein air de Colmar, dans le cadre de la Foire aux vins d’Alsace, mercredi 12 août (44,80 €).« Rainbow », par Robert Plant and The Sensational Space Shifters, filmés lors de concerts en Italie, République tchèque et Angleterre. UN FESTIVAL : CosmoJazz à Chamonix Si vous vous trouvez à Chamonix et ses alentours jusqu’au 2 août vous devriez voir, à un moment ou un autre, un piano dans le ciel emporté par un hélicoptère. Sa destination, l’un des sites en montagne où le festival CosmoJazz, mené par le pianiste et compositeur André Manoukian, aime organiser, en journée, une partie de ses concerts. Près d’une chapelle au barrage d’Emosson, dans un cirque naturel de pierre au Brévent, au plateau du Prarion, au refuge de Lognan, près des Grands-Montets, aux abords de la mer de Glace… Et plus classiquement en centre-ville ou dans la soirée à l’Hôtel Alpina ou un groupe maison (Malcolm Braff, claviers, Hervé Gourdikian, saxophones, Christophe Wallemme, contrebasse et Stéphane Huchard, batterie) anime des jams et rencontres avec les musiciens. Au programme entre jazz et musiques du monde Emile Parisien et Vincent Peirani, Yom, Songhoy Blues, Youngblood Brass Band, Moriarty, le Trio Joubran, Dan Tepfer, Yaron Herman…CosmoJazz à Chamonix-Mont-Blanc et vallée du Trient, jusqu’au 2 août. Concerts gratuits, remontées mécaniques payantes.RÉSERVEZ-VITE : New Order, le 4 novembre au Casino de ParisDix ans après son précédent album en studio, Waiting For The Siren’s Call, le groupe dorénavant « historique » de la new wave à tendance électro New Order (il a été fondé en 1980) présentera Music Complete le 25 septembre, à paraître chez Mute Records. Il devrait contenir onze chansons et quelques collaborations avec notamment Iggy Pop ou Brandon Flowers du groupe The Killers. Une sortie que le groupe va accompagner d’une courte tournée européenne en novembre. Elle débutera par un concert le 4 novembre au Casino de Paris. La capacité d’accueil de la salle étant au maximum de 1 800 spectateurs ce concert devrait assez vite afficher complet, ce qui est déjà le cas pour les soirées prévues à Bruxelles, Londres et Liverpool.New Order au Casino de Paris, 16, rue de Clichy, Paris 9e. Tél. : 08-92-69-89-26. De 55 € (debout) à 61,50 € (assis).Trois courtes vidéos d’annonce du nouvel album de New Order « Music Complete ».  Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Rosita Boisseau Rire dès la première seconde d’un spectacle de danse contemporaine n’arrive pas tous les jours. Se bidonner ensuite dans un état d’euphorie douce ne ressemble à rien de connu. On en profite à fond, on aimerait que cela dure éternellement. Et cela dure presque une heure, ce qui est déjà une prouesse. Le nom de l’aphrodisiaque : A Coming Community. Celui des super-chimistes : Pieter Ampe, Guilherme Garrido, Nino Lucas et Hermann Heisig. Bref, une drôle de communauté flamande, portugaise, allemande, dont l’anglo-français approximatif est d’emblée un moteur de rigolade.Lire aussi :Yoann Bourgeois, l’art du point de suspensionA l’affiche de Paris Quartier d’été, cette escadrille de lascars en goguette frappe un mélange de danse, clown, western, rock, dilué dans beaucoup de sueur et avec quelques touffes pour pimenter le tout. Régressif, d’accord (mais franc), ras le slip, parfois (mais potache), épatant, toujours. Avec de l’invention, du délire et une envie de faire péter les joints du spectacle propre sur lui sans pour autant se prendre au sérieux.A l’opposé, la bande partage la soirée avec le jongleur, trampoliniste et metteur en scène Yoann Bourgeois. Sa pièce Leaving Room, pour deux acrobates et une harpiste, joue en mode zen sur le fil d’une collection de numéros. Burlesque déconnant à droite, suspension sous hypnose à gauche, une balançoire qui secoue mais laisse ravi.Retour d’abord sur A Coming Community. Le spectacle, furieusement allumé, ne fait pas dans les affaires courantes de la danse contemporaine. D’abord, les quatre potes ne ressemblent pas à des danseurs. Jeans serrés et déchirés, baskets aux semelles décollées, barbe de bûcheron serrée dans un élastique, leur plumage, qui est le même à la scène et à la ville, sent bon la vie à l’arrache. Très référencés en revanche – ils sont passés par le gratin des écoles d’art et de danse européennes –, ils possèdent tous les codes pour mieux les pirater et s’en moquer gentiment. Et ça déborde, ça part en vrille, ça crache, ça vocalise, ça s’arrache le micro, ça se désape évidemment au gré d’une imagination qui ne craint rien, surtout pas le pire (c’est bien meilleur).Agités du bulbe et du prépuceOn connaissait déjà Pieter Ampe et Guilherme Garrido. Leur duo Still Standing you (2010), orgie verbale et physique hilarante, les avait consacrés agités du bulbe et du prépuce (mais pas que). Leur façon d’avoir l’air de fabriquer le spectacle en laissant les événements naître les uns des autres pour mieux se déchaîner se retrouve dans cette excroissance communautaire. Le goût comique de l’exploit débile mais magnifique prend ici un ton forcené. Se glisser et s’enfermer dans un énorme ballon que l’on gonfle et dégonfle à volonté est une sacrée entreprise. Mais voilà que surgissent sur le plateau des créatures invraisemblables : ballon unijambiste ou garni d’une tête d’homme, les surprises ne manquent pas de souffle. Les challenges idiots au sens noble ne sont jamais tout à fait vains dans A Coming Community.Avec Yoann Bourgeois, la bande des quatre possède un thème commun : l’effondrement. Très rock chez les uns, il prend chez l’acrobate un ton philosophique et existentiel, qui est la marque de cet artiste. Dans Leaving Room, celui qui travaille longtemps sur des pièces courtes avant de construire un spectacle combine différents numéros au gré d’un maillage dramaturgique souple. On retrouve une bascule en métal déjà vue dans Minuit (2014), une table et des chaises qui explosent, la volée de marches et le trampoline de L’Art de la fugue (2011). Ces séquences sont reliées par un fil de douceur nommé Yoann Bourgeois. Elles trouvent un élan global dans la façon dont elles s’inscrivent dans l’immense nef vide du Carreau du Temple, à Paris. Chaque objet, chaque scène, se répond dans un jeu d’échos architecturaux au sein desquels Yoann Bourgeois et sa complice Marie Fonte se glissent comme par magie.Paris Quartier d’été. A coming community, jusqu’au 26 juillet, 20 heures.Leaving Room,de Yoann Bourgeois, jusqu’au 25 juillet, 22 heures. Carreau du Temple, Paris 3e. Tél. : 01- 44- 94- 98- 02. De 12 € à 32 €. Et aussi Cavale de Yoann Bourgeois, 26 et 27 juillet, 21 heures, parvis du Sacré-Cœur, Paris 18e. Gratuit.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Marie-Aude Roux (Le Thoronet (Var), envoyée spéciale) C’est dans le réfectoire d’un hôtel du Thoronet, transformé en salle de musique, que le chanteur, luthiste et chef d’orchestre Dominique Vellard répète ce 23 juillet le concert de musique espagnole qu’il donnera le lendemain au sein de l’ensemble Vox Suavis en compagnie de la soprano Ana Arnaz et du joueur de vièle et de cornemuse Baptiste Romain. « Nous ne nous sommes pas vus depuis deux mois et nous avons beaucoup de détails à régler », s’excuse-t-il, avant de poursuivre : « Je chante déjà ce soir au concert des musiciens de l’Académie et je dois ménager ma voix. » Dominique Vellard est un homme simple, de culture savante. Depuis la création de son Ensemble Gilles Binchois en 1979, il est l’une des figures de proue de l’interprétation des répertoires anciens des musiques du Moyen Age et de la Renaissance. A 61 ans, cet homme rayonnant et doux, d’apparence fragile, qu’une poliomyélite contractée à l’âge de deux ans oblige à marcher avec une énorme canne, dégage un fort charisme, émanation sans doute de cet amour de la musique qui lui a, comme il dit, « sauvé la vie ».21 heures : la chaleur s’est à peine assoupie lorsque le public se masse sur les bancs de bois de l’imposante abbatiale du Thoronet, l’une des trois sœurs cisterciennes de Provence, avec les abbayes Silvacane et Sénanque. Les jeunes de l’Académie de musique ancienne, fondée en août 2007, participent depuis deux ans au festival d’été, ce qui leur permet de jouer d’emblée dans la cour des grands. « Je pratique un enseignement très rigoureux, confesse Dominique Vellard, qui enseigne notamment à la Schola Cantorum de Bâle depuis 1982, mais là, nous avons véritablement travaillé comme des fous pendant une semaine ! » Fondateur des Rencontres de musique médiévale du Thoronet en 1991, il tient à ce que les deux concerts donnés par ses jeunes recrues soient d’un niveau professionnel.Un festin de musiques de courMission accomplie : durant plus de deux heures, solistes, choristes et musiciens ont offert un festin de musiques de cour des rois d’Aragon et de Castille, du XIIIe au XVe siècle. Des extraits des Cantigas de Santa Maria, ces poésies en galicien relatant les miracles de la Vierge composées par le roi troubadour Alphonse X qui régna de 1252 à 1284, des pièces du codex musical du monastère royal de Las Huelgas, près de Burgos, copié au début du XIVe siècle, ou bien encore des Cancioneros de la cour des rois catholiques, le « Siglo de oro » (siècle d’or) de la musique espagnole qui va du milieu du XVe siècle aux confins de la Renaissance. Ainsi le magnifique Maravillosos e piadosos, chant de piété mariale emmené par la voix ductile de Dominique Vellard, le dansant Los hombres con gran placer alternant chant soliste et choral, ou bien les superbes polyphonies de la Nativité des Tres Marias auxquelles répondent le tragique Nuevas te traigo Baptista pour voix d’hommes a cappella ou Las tristes lagrimas mias pour trois vièles…Dominique Vellard a attrapé le virus de la musique ancienne alors qu’il n’était qu’un enfant à la maîtrise Notre-Dame de Versailles sous la houlette de son maître de chœur, Pierre Béguigné. Celui-ci était issu de l’Ecole Niedermeyer, institution créée au milieu du XIXe siècle (et soutenue par Napoléon III) afin de lutter contre le dévoiement d’une musique sacrée passée sous la domination de l’opéra (Niedermeyer fustigera ces « artistes déjeunant de l’Eglise et soupant du Théâtre »). Saint-Saëns, Gabriel Fauré, André Messager, pour ne citer que les plus connus, y ont étudié avant, pour certains, d’y enseigner. Mais rien de dogmatique dans la démarche de Dominique Vellard, qui prône ce qu’il appelle « le beau chant » – historiquement informé comme il se doit –, mais renâcle devant toute forme de convention purement rhétorique. « D’un côté, ma formation m’a donné le goût d’une esthétique de la rondeur du son, précise-t-il. De l’autre, j’ai été très influencé par Nikolaus Harnoncourt et Philippe Herreweghe, deux musiciens qui n’ont jamais cherché à provoquer la musique pour se mettre en avant, mais ont au contraire travaillé dans le respect de la vérité historique tout en gardant à la musique son naturel vivant et lyrique. C’est ce que j’essaie d’enseigner. »Un « feeling » particulierCe que ce pédagogue passionné avoue cependant ne pas pouvoir transmettre, c’est ce « feeling » particulier qui fait que cette musique, plus que d’autres peut-être qui nous sont familières, ne peut exister sans une part d’intuition, une balance entre inflexions rythmiques et mélodiques qui, dit-il, habite de manière quasi instinctive le cerveau des très bons musiciens. Autrement dit une forme d’exaltation vocale qui porte la mélodie de manière aussi physique que spirituelle. « Une fois que la musique est en place, on est traversé par une force que l’on doit libérer. Il n’y a plus de contrôle : la chose se fait. Mais il faut pour cela, comme dans toute musique, une solide technique. » Dominique Vellard sait de quoi il parle, lui qui, passé d’un joli soprano à une voix de basse, a dû redevenir momentanément soprano pour trouver sa vraie voix, celle de ténor qu’il a, à force de travail, dotée d’une souplesse féline et d’une projection sans effort. Une voix claire et chaleureuse, ciselant avec art le phrasé sans jamais rompre la ligne musicale, magnifiée par la miraculeuse acoustique de l’abbaye du Thoronet : sept à dix secondes de réverbération sans que l’on perde quoi que ce soit des subtiles nervures de la prosodie.Mais le Graal musical de Dominique Vellard est le « grand chant », ce chant non mesuré que l’avènement de la pulsation régulière nous a rendus pratiquement impossible à restituer. « Les musiciens ont du mal à penser une force agogique qui vient des notes elles-mêmes, explique-t-il. Ce chant est en quelque sorte maître du temps et de l’espace qu’il délimite par la seule proclamation du texte. Le XIVe siècle et l’invention de l’horloge ont compartimenté le temps dans un tactus régulier. Ce faisant, on a affaibli cette analogie du temps et de la musique. » C’est pour tenter de les rendre l’un à l’autre que Dominique Vellard s’est ouvert aux cultures qui en ont gardé le lien – les « âlâps » indiens, les récitations védiques ou coraniques –, pour retrouver ce qu’il appelle « le chant profond de l’humanité ».Rencontres internationales de musique ancienne du Thoronet (83). Jusqu’au 30 juillet. Tél. : 04-94-60-10-94. De 16 € à 22 €. Musique-médiévale.frMarie-Aude Roux (Le Thoronet (Var), envoyée spéciale)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne (Cabourg, envoyée spéciale) Une fois passé les turbulences des grands festivals de rock, de variétés et de jazz, très concentrés sur la première quinzaine de juillet, les petits tentent de se frayer un chemin. C’est le cas de Cabourg, mon amour, consacré aux jeunes talents, qui se tient jusqu’au 26 juillet près de l’estuaire de la Dives, pas si loin d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados) où s’est imposé en quelques années le Festival Beauregard, 90 000 spectateurs le premier week-end de juillet, et une programmation nourrie des tournées internationales.Cabourg, c’est un autre cidre. La station balnéaire est célèbre pour ses accointances avec Marcel Proust, son grand hôtel et sa longue plage. Cabourg, mon amour en profite, s’installant sur la grève sans peur des ondées et des humeurs iodées d’une Manche puissante. Le jeune festival s’est même approprié la composante agricole de la Normandie et l’intensité de ses gris et de ses bleus, pour construire un décor de palettes en bois et de ballots de paille. Au loin, on voit les torchères du Havre, et, plus près, les derniers courageux, baigneurs du soir. Vendredi 24 juillet, Bambounou, DJ français prometteur, ambiance la plage, après une prestation sans faute du groupe messin Grand Blanc sur la scène de sur l’esplanade. Et on respire !A Cabourg, on peut pêcher une clientèle concernée, en s’aventurant sur les terres de Trouville et autres noyaux parisiens de la Côte fleurie. Sur la rive gauche de la Touque, Deauville développe une autre culture, longtemps représentée par le festival Swing’In Deauville, financé par le groupe Barrière, et abandonné cette année pour cause de bénéfices en baisse. Des artistes en développement« Nous ne voulons pas grandir », dit Julien Catala, patron de la société de management artistique Super !, qui vient d’entrer dans l’affaire cabourgeaise, créée en 2013 par un jeune passionné de plages normandes, Romain Renou, fondateur de la société Premier Amour – que du romantisme ! Cabourg, mon amour a débuté au casino de la ville (300 places) pour présenter des artistes en développement. Il a logiquement attiré à lui des partenaires parisiens friands de jeunes pousses, Super !, mais aussi la Blogothèque, site Internet qui filme depuis 2006 les prestations d’artistes dans des lieux peu communs.Le festival a donc grandi mécaniquement, avec désormais deux scènes, passant à une capacité maximale de 2 300 personnes. « C’est un festival de découverte, qui suit le mouvement des marées », dit Julien Catala, dont la structure Super ! a inventé d’autres festivals, comme Fireworks à Paris ou Heartbeats à Halluin (Nord), à la frontière franco-belge. Super ! est aussi le promoteur français du festival Pitchfork, à la Grande Halle de la Villette, en octobre, déclinaison live du site américain découvreur. Dans son book d’artistes, on trouve The XX, SBTRKT ou Animal Collective, il gère la salle parisienne le Trabendo.La troisième édition de Cabourg, mon amour présente trente-deux groupes ou artistes, aux trois quarts français, dont le plus connu serait Isaac Delusion, et dont la tendance électro-pop est frontalement affirmée. C’est le résultat d’un mouvement de fond auquel participent labels et sites Internet, dit Julien Catala, Parmi les maillons de la chaîne, que l’on retrouve sur la plage de Cabourg, le label Entreprise, qui produit Grand Blanc ou Moodoïd, et puis La Souterraine, un blog qui a créé son label en ligne, ou encore Délicieuse Musique et Pains Surprises.La major Sony ne s’y est pas trompée, qui a décidé d’héberger en ses murs des labels indépendants, comme Un Plan Simple, dirigé par Laurent Manganas. « Ils éditent des artistes plus mainstream, comme FM Laeti, mais voulaient créer une sorte de laboratoire, explique Mélissa Phulpin, fondatrice de Tom Boy Lab, en partenariat avec Un Plan Simple. C’est une cellule d’accompagnement pour les premières sorties d’album, souvent des EP (format court), où il faut imaginer des clips, des photos, une stratégie ». Tom Boy Lab héberge Blondino, Louve et Pain Noir, groupe de Clermont-Ferrand, programmé à Cabourg dimanche 26 juillet, qui développe un style folk et bien écrit.Cabourg mon amour, jusqu’au 26 juillet. Un jour 25 €, gratuit dimanche. cabourgmonamour.frVéronique Mortaigne (Cabourg, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Dagen (Martigny (Suisse), envoyé spécial) Bien que Martigny ne soit ni une ville d’eau ni un séjour touristique, ils sont tout un groupe à avoir décidé d’y passer l’été. Ils viennent de Paris, et la plupart sont extrêmement célèbres : Henri Matisse, Pablo Picasso, Georges Braque, Juan Gris, Albert Marquet, André Derain, Fernand Léger.Au risque de paraître désinvolte, cette façon de présenter l’exposition Matisse en son temps de la Fondation Pierre Gianadda est cependant conforme à la première impression qu’elle produit, celle d’un prestigieux et bizarre pique-nique où les rencontres incongrues sont possibles et où chaque convive a apporté de quoi réjouir l’assemblée – des toiles évidemment, un peu moins d’une centaine, parmi lesquelles une forte proportion de chefs-d’œuvre. Ces camarades sont généreux.La générosité est en vérité celle du Musée national d’art moderne, dont c’est ici la quatrième collaboration avec la Fondation. Les collections parisiennes sont d’une telle richesse que le MNAM peut simultanément présenter depuis mai un nouvel accrochage du début du XXe siècle aux années 1960 et prêter de quoi, sinon en faire un deuxième, du moins présenter le fauvisme, un peu du cubisme, un peu de l’entre-deux-guerres parisienne et l’évolution de Matisse et Picasso de façon presque complète.Congrès de célébritésEn visitant la nouvelle présentation de Beaubourg, on ne s’en était pas aperçu, tant il y a à voir, mais ni L’Algérienne, ni le Portrait de Greta Prozor, ni Le Rêve, ni Porte-fenêtre à Collioure, quatre Matisse majeurs, n’y figurent :... Fabienne Darge Sa discrétion, alliée à la grâce et à la distinction, l’avaient un peu laissée dans l’ombre de son mari, Peter Brook : la comédienne Natasha Parry est morte, le 22 juillet, à l’âge de 84 ans, d’une hémorragie cérébrale. Née à Londres le 2 décembre 1930, fille du réalisateur Gordon Parry, elle avait débuté au théâtre à l’âge de 12 ans, en jouant aux côtés de Michael Redgrave ou de John Gielgud.Quand ils se rencontrent, dans le Londres de l’après-guerre, Peter Brook et elle sont tous deux des jeunes gens en vue. Lui est considéré comme l’enfant terrible du théâtre britannique, elle comme une des plus belles comédiennes du moment. Mais le ressort secret de leur rencontre, c’est sans doute leurs communes origines russes, et cette culture – Tchekhov, notamment – qui restera toujours entre eux comme un lien intime. Ils appelleront leur fille, qui deviendra elle aussi metteure en scène, et qui dirige aujourd’hui le Centre dramatique national de Nice, Irina, comme la plus jeune des Trois Sœurs… Les Brook ont aussi eu un fils, Simon, qui réalise des documentaires, notamment sur son père.Une Lioubov tout en sensibilitéIls se marient en 1951, et ils ne se quitteront plus. Natasha Parry joue dès lors dans plusieurs mises en scène de Peter Brook, à Londres d’abord – notamment dans Le Roi Lear, en 1953, où, dans l’adaptation pour la télévision américaine, elle donne la réplique à Orson Welles –, puis à Paris, sur la scène des Bouffes du nord, où le couple s’installe en 1974. Elle est une Lioubov tout en sensibilité dans La Cerisaie, aux côtés de Michel Piccoli, puis retrouve Tchekhov, Piccoli et son mari pour Ta main dans la mienne, en 2003, délicate évocation de la vie de l’écrivain avec sa femme, la comédienne Olga Knipper, renvoyant sans aucun doute de nombreux échos au couple Brook-Parry.Elle fut aussi Gertrude dans La Tragédie d’Hamlet, et Winnie dans Oh les beaux jours, de Beckett, et partagea l’affiche avec Marcello Mastroianni dans Tchin Tchin, de François Billetdoux. Mais Natasha Parry n’a pas joué qu’avec son mari. Elle a triomphé en Angleterre dans le rôle de Blanche, dans Un Tramway nommé désir, et dans La Nuit de l’iguane, de Tennessee Williams, sous la direction d’Andréas Voutsinas.Au cinéma, elle est surtout connue, en France, pour son rôle aux côtés de Gérard Philipe dans Monsieur Ripois, de René Clément (1954). Mais elle a été aussi Lady Capulet dans le Romeo et Juliette de Franco Zeffirelli. Ces dernières années, elle avait mis sa beauté brune inaltérable au service des Sonnets de Shakespeare, dans Love is my Sin, que Peter Brook avait taillé sur mesure pour elle et son vieux compagnon de route Bruce Myers. Chez Natasha Parry, il ne semblait pas y avoir de péché autre que l’amour.Fabienne DargeJournaliste au Monde Pierre Breteau Quel est le meilleur album des Beatles ? Et de Nirvana ? Du « disque de la maturité » à la « malédiction du deuxième album », les clichés sont nombreux, au point qu’il est difficile, parfois, d’argumenter sur le classement qualitatif de tel ou tel album dans la discographie d’un artiste ou d’un groupe auquel on tient.Pour tenter de clore le débat, nous avons cherché à établir s’il existait une « tendance » dans la discographie de tous les groupes de rock, à partir des critiques et des notations effectuées par un vaste panel : celui des internautes du site anglo-saxon allmusic.com sur les 2 316 albums du classement des 100 plus grands artistes établi par le magazine Rolling Stone (voir méthodologie au-dessus de la datavisualisation).Ces chiffres dégagent une tendance : le meilleur album, c’est le deuxième. Il est le mieux noté par les internautes, avec 73 % de ses notes supérieures ou égales à 9 sur 10. Juste derrière, c’est... le troisième album avec 67 % de notes égales ou supérieures à 9 ; et en troisième position, le 1er disque avec 63 % de 9 ou 10/10. Ensuite, les notes tendent plutôt à décliner.Cette tendance se vérifie particulièrement pour les albums comme Nevermind de Nirvana, sorti en 1991, ou Everybody Knows This is Nowhere de Neil Young (1969), chacun noté 10/10 et sorti après un premier disque noté 8/10 (la liste complète des albums est consultable en ligne).Néanmoins, il reste certains groupes ou artistes qui mettent plus de temps à sortir un chef-d’œuvre ; les Beach Boys doivent attendre leur 11e album – Pet Sounds, sorti en 1966 – pour obtenir leur premier 10/10, mais tous leurs disques précédents jouissent de bons retours. Pour les Beatles – premiers du classement Rolling Stone –, la situation est plus difficile à décrire tant ils sont constants, ils n’ont que des 9 ou des 10/10 à une exception près, un très honorable 8/10 pour Yellow Submarine. MéthodologiePour établir ces chiffres, nous avions besoin d’un échantillon représentatif d’artistes et de groupes à étudier ; nous avons choisi le « top 100 » des plus grands artistes sorti en 2010 par le magazine Rolling Stone. Il a le mérite d’être éclectique et il s’étend assez bien des années 1950 aux années 2010.Partant de cette liste, nous avons « aspiré » les disques sortis au nom de ces artistes sur le site allmusic.com, ainsi que les notes attribuées par les internautes à chacun d’entre eux. Cela représente 2 316 albums, les plus populaires comme The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars de David Bowie (1972) ou Nevermind de Nirvana (1991) ont reçu parfois plus de 3 500 notes de la part d’internautes ; plus de 5 000 pour The Dark Side of the Moon de Pink Floyd (1973).En partant de ces notes, nous avons pu établir le tableau de densité de cet article (« heatmap » en anglais). Si les 100 artistes retenus ont tous sorti un 1er disque – logique –, ils ne sont que 68 à en avoir sorti un 12e ; ainsi, parmi les artistes retenus, les Beatles n’ont sorti « que » 12 albums studio, là où Bob Dylan en est à 36 en 2015, et Frank Zappa s’était arrêté à… 68. Voilà pourquoi notre tableau s’arrête aux 30 premiers disques.Dans la mesure où tous ces artistes ont été retenus par le classement de Rolling Stone, ils ont logiquement échappé à l’écueil du deuxième album raté, sans quoi ils ne seraient sans doute pas comptés parmi les « 100 plus grands artistes de tous les temps ».Pierre BreteauJournaliste aux DécodeursSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 24.07.2015 à 06h39 • Mis à jour le24.07.2015 à 16h17  MUSIQUE : « Love and Revenge », grand mix vintage du monde arabeLes grands succès de la variété arabe d’hier revisités par les sonorités d’aujourd’hui, entre rap, pop et oud électrique, et combinés à des extraits de films de l’âge d’or des studios Misr du Caire. Voici ce que proposent le musicien Rayess Bek et la vidéaste La Mirza, deux artistes vivant entre la France et le Liban, dans une performance présentée deux fois dans le cadre de Paris quartier d’été. Les images et musiques du passé sont issues des années 1930 à 1960 : comédies musicales, farces, films d’action ou mélodrames. C’est une improbable valse viennoise revue à la sauce égyptienne, scène centrale du film Gharam wa Intiqam – soit Amour et Revanche (1944) –, qui vient donner son nom à ce grand mix, hommage live aux icônes populaires du monde arabe. Emmanuelle JardonnetLe 25 juillet à 20 h 30 à la Dynamo de Banlieues bleues, à Pantin (gratuit mais réserver), puis le 6 août à 21 heures à l’Institut du monde arabe, Paris. 14 euros, 10 euros tarif réduit, 5 euros enfant. www.quartierdete.com PHOTOGRAPHIE : des paradis fiscaux aux Rencontres d’Arles Les îles Caïmans sont l’un des plus grands paradis fiscaux, mais aussi une destination touristique, avec des croisières à bas prix. Les touristes peuvent faire un « tour à bord d’un bateau pirate » avec toutes les boissons incluses, et des immigrants jamaïcains qui jouent le rôle des pirates.Comment photographier un phénomène qui est par définition invisible et virtuel ? Les photographes Paolo Woods et Gabriele Galimberti ont travaillé pendant trois ans pour donner un visage à ce sujet apparemment aride et compliqué, mais qui concerne les plus grosses entreprises de la planète, de Ikea à Starbucks. Ils ont commencé par créer leur propre entreprise offshore, baptisée « The Heavens » et vous invitent à Arles dans les locaux de leur compagnie, avec une salle de réunion, une machine à café et des œuvres d’art sur les murs. Un travail à la fois bien pensé, visuellement éclairant et plein d’humour. Claire Guillot« The Heavens », aux Rencontres d’Arles. De 10 heures à 19 h 30. Jusqu’au 20 septembre. 9 euros. ARTS : du temps où les Russes étaient vraiment révolutionnaires Jean-Louis Prat, ancien directeur de la Fondation Maeght, a le sens de l’amitié. Les Russes, eux, peuvent être fidèles : depuis plusieurs décennies, le premier travaille avec les seconds à faire mieux connaître les années de jeunesse de Chagall, ou les œuvres de ce qui fut une des avant-gardes les plus époustouflantes du XXe siècle. Cubo-futurisme, suprématisme, constructivisme. Des mots en « isme », mais surtout des tableaux, des sculptures, des dessins qui n’ont pas d’équivalent dans l’art moderne. Une exposition en 150 œuvres, mais aussi une rare documentation, avec des revues et catalogues d’époque, pour revivre la révolution d’Octobre et ce qui s’ensuivit. Harry Bellet« De Chagall à Malevitch. La révolution des avant-gardes », Grimaldi Forum, 10, avenue Princesse-Grace, Monaco. Tous les jours de 10 heures à 20 heures, le jeudi jusqu’à 22 heures, jusqu’au 6 septembre. Entrée 10 euros. Catalogue, éditions Hazan, 410 pages, 35 euros. www.grimaldiforum.com MUSIQUE : le Festival de La Roque-d’Anthéron Comme chaque année, ceux qui aiment le piano prendront le train de La Roque-d’Anthéron. La Mecque du clavier, dont c’est la 35e édition, mêle cette année jazz, tango et musique brésilienne. Mais c’est la musique classique qui en reste l’incontournable pierre de touche. Avant fin juillet, on pourra entendre l’époustouflant Jean-Frédéric Neuburger en « mode musique de chambre » (27 juillet), deux pianistes français rares, dans Chopin – Jean-Marc Luisada (28 juillet) et Marie-Josèphe Jude (29 juillet) –, mais aussi l’impressionnant Alexei Volodin (30 juillet), l’un des derniers grands pianistes russes arrivés sur la scène internationale. Marie-Aude RouxFestival international de piano de La Roque-d’Anthéron (Boûches-du-Rhône), du 24 juillet au 21 août. Tél. : 04 42 50 51 15. De 16 euros à 55 euros. www.festival-piano.com DANSE : Angelin Preljocaj enfonce Avignon dans le noir de la guerre Pour défier la démesure de la Cour d’honneur, le chorégraphe Angelin Preljocaj a commandé un texte à l’écrivain Laurent Mauvignier, et endosse le double rôle de chorégraphe et de metteur en scène, dans le décor souple et rude du plasticien Adel Abdessemed. Le réalisme cru de Retour à Berratham s’exprime dans une narration complexe qui navigue entre description des actions et situations dialoguées en direct, événements passés et illustrations au présent. L’histoire est une chronique des morts zigzaguant dans le temps. Tenu par les trois acteurs récitants qui endossent à tour de rôle tous les personnages, le récit est relayé par les danseurs qui jouent quelques scènes. Et tout finit par faire corps. Rosita Boisseau« Retour à Berratham », d’Angelin Preljocaj. Texte de Laurent Mauvignier (Editions de Minuit). Festival d’Avignon, Cour d’honneur, jusqu’au 25 juillet, 22 heures. De 16 euros à 40 euros. THEATRE : « Le Bourgeois gentilhomme » de retour aux Bouffes du Nord La pièce, mise en scène par Denis Podalydès, avait fait l’ouverture des Nuits de Fourvière à Lyon, en juin 2012, avant d’être présentée peu après aux Bouffes du Nord à Paris. Elle y revient jusqu’au 26 juillet, après avoir tourné avec succès. Ce Bourgeois est d’une finesse, d’une légèreté et d’une profondeur comme on n’en a pas vu depuis longtemps. En revenant au contexte de création de la pièce, Denis Podalydès fait éclater toute sa modernité et son actualité, sa force comique intacte et irrésistible. On boit du petit-lait tout au long de la représentation tant elle est drôle et délectable. Le décor, signé Eric Ruf, est somptueux, les comédiens, habillés par Christian Lacroix, remarquables, à commencer par le principal, Pascal Rénéric, dans le rôle de Monsieur Jourdain. Danseurs, chanteurs et musiciens complètent avec talent la distribution de cette comédie ballet de Molière, sur une musique de Lully. Fabienne Darge« Le Bourgeois gentilhomme », Théâtre des Bouffes du Nord, Paris, jusqu’au 26 juillet, à 20 heures. Durée : 3 heures. De 18 euros à 35 euros. Alexandre Piquard et Alexis Delcambre Les conditions de la présence d’un actionnaire russe au capital de Numéro 23 continuent de susciter des questionnements au CSA, qui doit donner par ailleurs son agrément à la vente de cette chaîne au groupe NextRadioTV. Alors que le rapporteur public avait initialement estimé que l’actionnariat de la chaîne était conforme à la loi, les membres du collège ont demandé, mercredi 22 juillet, un supplément d’instruction, selon un communiqué publié jeudi par le gendarme de l’audiovisuel. Le rapporteur remettra ses nouvelles conclusions le 16 septembre.Lire aussi :Le rapport du CSA ne préconise pas d’enlever son autorisation à Numéro 23Selon nos informations, le débat s’est concentré mercredi autour d’une clause du pacte d’actionnaires, dite « clause de liquidité », qui définit les conditions auxquelles l’actionnaire minoritaire UTH Russia peut revendre ses parts. Cet actionnaire est arrivé au capital fin 2013. Il est contrôlé à 50 % par USM, la holding du milliardaire Alicher Ousmanov, troisième homme le plus riche de Russie, selon Forbes.Pour Numéro 23 et son actionnaire principal, Pascal Houzelot (par ailleurs membre du conseil de surveillance du Monde), cette clause est tout à fait habituelle et classique dans sa formulation. Mais le CSA souhaite vérifier davantage ce point. L’objectif est de s’assurer que cette clause n’a pas été rédigée en vertu d’un engagement de revente ultérieure. Et donc que l’actionnaire russe n’est pas entré au capital avec la garantie d’une cession et donc d’une plus-value, dans une démarche purement spéculative.Voilà donc une nouvelle complication dans ce dossier, ouvert en avril, quand le groupe NextRadioTV d’Alain Weill a annoncé être entré en négociations exclusives pour racheter Diversité TV France, la société éditrice de Numéro 23, pour 88,3 millions d’euros.Non-respect des obligationsLe CSA doit donner son agrément à cette transaction et notamment réaliser une étude d’impact qui doit mesurer les conséquences économiques de la revente sur l’équilibre du secteur et sur le pluralisme.Autre élément nouveau et ennuyeux pour MM. Houzelot et Weill : le Sénat a adopté, mercredi, un amendement à la proposition de loi sur la bande 700 MHz qui vise directement Numéro 23. Cet amendement stipule que l’agrément du CSA doit être « délivré en tenant compte du respect par l’éditeur, lors des deux années précédant l’année de la demande d’agrément, de ses obligations conventionnelles relatives à la programmation du service ».Selon la sénatrice Catherine Morin-Desailly, à l’origine de cet amendement, il s’agit de corriger un vide juridique qui ne permet pas au CSA de refuser son agrément à la vente d’une chaîne n’ayant pas respecté ses obligations. Or le CSA a relevé des manquements aux obligations de Numéro 23 sur son activité en 2013 et 2014, notamment pour ne pas avoir diffusé la quantité prévue de films européens et français.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Menselssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet Alexis Delcambre C’est désormais une certitude : une procédure disciplinaire va être engagée contre Agnès Saal, ex-présidente de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), dont les notes de taxi avaient précipité la chute, fin avril.« Je vais faire une demande au président de procédure disciplinaire à l’encontre d’Agnès Saal », a déclaré la ministre de la culture, Fleur Pellerin, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes médias, mercredi 8 juillet.Cette démarche fait suite à une enquête administrative interne qui avait été ouverte après les révélations concernant les frais de Mme Saal, en parallèle des deux enquêtes préliminaires ouvertes aux parquets de Créteil et Paris concernant ses mandats à l’INA et au Centre Pompidou. Cela signifie que cette enquête administrative a recueilli des éléments probants.La décision de Mme Pellerin ne préjuge pas d’une éventuelle sanction. La procédure est dite « contradictoire » et Agnès Saal fera donc entendre sa défense. Mais en théorie, si sanction il y a, cela pourrait aller jusqu’à son exclusion de la fonction publique.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Eric Albert (Londres, correspondance) NME joue son va-tout : le mythique magazine britannique de musique, que se sont arraché des générations de jeunes branchés, va devenir gratuit. A partir de septembre, New Musical Express sera distribué dans les gares, les universités et des « partenaires de vente » dont la liste n’est pas précisée.Pour l’hebdomadaire, il s’agit d’une dernière tentative de retrouver sa gloire d’antan. Il sera distribué gratuitement à 300 000 exemplaires, ce qui était son niveau dans les années 1970. Actuellement, seulement 15 000 copies sont vendues chaque semaine, à 3,50 euros pièce.En multipliant par vingt sa diffusion, NME espère récupérer de la publicité et trouver un nouveau modèle économique. Il va aussi élargir son champ d’activité, pour couvrir l’ensemble de l’actualité culturelle et ne plus se limiter à la musique. « Des 63 ans de notre existence, c’est notre évolution la plus osée », explique Mike Williams, le rédacteur en chef.DéfricheurCréé en 1952 par Maurice Kinn, avec de l’argent de sa belle-mère, NME a toujours occupé une place à part dans le très actif paysage musical britannique. A son pic, dans les années 1970 et 1980, le magazine était l’incontournable bible de l’Underground. Il avait commencé dès les années 1950, avec la découverte du rock’n’roll alors qu’Elvis choquait encore.Toujours défricheur, il a longtemps évité de mettre en avant les stars du moment, préférant donner leur chance de jeunes groupes intéressants. Le déclin a commencé dès le début des années 1990, avec l’arrivée d’une série de mensuels comme Q, qui consacraient des articles à des groupes plus connus, qui attiraient finalement plus de lecteurs.Mais l’arrivée d’internet a accéléré le mouvement, en touchant doublement le magazine. D’une part, l’industrie de la musique s’est effondrée, avec le téléchargement illégal et depuis peu du « streaming ». D’autre part, le recensement des concerts est désormais réalisé en ligne. NME est progressivement devenu un magazine de niche, ultra-spécialisé.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Marc Minkowski a appris qu’il venait d’être nommé à la tête de l’Opéra national de Bordeaux, jeudi 2 juillet, alors qu’il était à Roissy, embarquement pour Stockholm, où il prépare Les Noces de Figaro, de Mozart dans le fameux théâtre du Château de Drottningholm. Le chef d’orchestre français succédera à Thierry Fouquet, en poste depuis 1996, atteint par l’âge de la retraite, qui partira en juin 2016 après vingt ans de direction générale.La place était on ne peut plus convoitée : une quarantaine de prétendants se seraient mis sur les rangs dès avant l’annonce officielle d’appel à candidature fin 2014, remise des dossiers fin mai 2015. Mais ils n’étaient plus que trois à passer leur « grand oral » début juin devant un jury composé de tutelles (mairie, Etat, région) et de personnalités. Marc Minkowski a emporté l’adhésion, devant Frédéric Chambert, actuel directeur de Théâtre du Capitole à Toulouse, et Laurence Marchand, directrice de production au Théâtre du Châtelet à Paris. « Cela m’a demandé autant de travail que si j’avais dû préparer et passer un concours ! », remarque le musicien, heureux de se sentir enfin vraiment accueilli dans son propre pays.Un ensemble baroque et un festivalA 52 ans, le chef d’orchestre français, familier des plus grandes scènes lyriques (il est dans la fosse du Palais Garnier pour l’Alceste, de Gluck, jusqu’au 15 juillet) et festivals (il dirige régulièrement à Salzbourg depuis 1997), peut se targuer d’avoir déjà derrière lui une belle carrière. Bien fini le temps où le fils du professeur Alexandre Minkowski jouait du basson dans la fosse de l’Opéra-Comique dans le fameux Atys, de Lully, sous la direction de William Christie. Depuis, le musicien a fondé, il y a plus de trente ans (1982), son propre ensemble baroque, Les Musiciens du Louvre, poursuivant avec eux une trajectoire internationale qui l’amène à accepter en mars 2008 le poste de directeur musical de l’orchestre Sinfonia Varsovia, à Varsovie, puis, en mars 2012, la codirection artistique de la Semaine Mozart (Mozartwoche), le festival d’hiver de Salzbourg.Depuis 2011, Marc Minkowski a créé sur l’île de Ré, où il possède une résidence secondaire, un festival de printemps : Ré majeure. « Ces six derniers mois, je me suis rendu à Bordeaux pour voir la plupart des spectacles, parfois en voisin, raconte-t-il. J’avais besoin de m’imprégner de l’esprit des lieux, de théâtre d’opéra qui est l’un des plus beaux de France, du nouvel auditorium, dans lequel j’entends également développer plus de projets lyriques… » Marc Minkowski n’ignore pas qu’on lui reprochera sans doute son peu d’expérience en matière de gestion d’institution lyrique. A cela, il oppose son « apprentissage » auprès des grands professionnels avec lesquels il a travaillé comme musicien – Gerard Mortier, Jean-Pierre Brossmann, Stéphane Lissner. « Je les ai bien observés. C’est un métier dont je mesure parfaitement les exigences et je me sens capable d’y répondre. »Contraintes budgétairesLa période budgétaire est contrainte. A Grenoble, lui et ses Musiciens du Louvre en ont fait durement les frais après les élections municipales de 2014 et l’installation d’une mairie verte, perdant d’un coup la totalité de leurs subventions. A Bordeaux, le musicien compte bien augmenter substantiellement la part du mécénat, dont le montant n’excède pas aujourd’hui les 400 000 euros. Il est vrai que la région bordelaise est l’une des plus riches de France et que notre épicurien se verrait bien déployer la triple bannière gastronomie, œnologie, opéramanie. « Il est temps que je fasse profiter mon pays de mon énergie, de mes compétences, de mon réseau international, et des facilités qu’a un artiste de lever des fonds auprès des mécènes », affirme-t-il. Cela devrait permettre de compléter les 30 millions d’euros du budget annuel de l’Opéra de Bordeaux et de mener à bien tous les projets dont il fourmille – création ou développement d’un atelier lyrique, d’une troupe, d’un orchestre de jeunes…Le détail du projet artistique de Marc Minkowski ne sera connu que dans quelques mois, mais l’intéressé a déjà évoqué quelques pistes : « J’aimerais faire briller le répertoire français qui me tient particulièrement à cœur, mêler au grand répertoire des œuvres plus légères. Je dirigerai mon premier Ring wagnérien à Cologne la saison prochaine, alors pourquoi pas un Ring à Bordeaux à moyen terme ? » Soucieux de transmission et de pédagogie, le musicien français mettra l’accent sur la démocratisation de l’opéra en invitant des « artistes venant de la pop ». Il précise qu’il y a « un stade magnifique qui vient d’ouvrir : on pourrait y faire, pourquoi pas, un événement de temps en temps… »« Tout simplement envie de servir ma patrie »Bordeaux est sans doute une belle revanche pour Marc Minkowski le retoqué de l’Opéra-Comique, candidat malheureux par deux fois face à Jérôme Deschamps (2007) puis Olivier Mantei (2014). « C’est une structure plus légère qui correspondait mieux a priori à mon fonctionnement, reconnaît-il, mais le challenge que représente Bordeaux, avec ses deux salles, l’Orchestre national que dirige Paul Daniel (dont le parcours n’est pas sans similitudes avec le mien), l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, dont je prolonge la résidence, tout cela m’excite aujourd’hui bien davantage. » Marc Minkowski pourra compter sur une équipe de 330 personnes, dont il a pu, dit-il, apprécier le professionnalisme et les solides compétences au cours des derniers mois. De plus, la nouvelle carte territoriale fera de la cité bordelaise une super capitale régionale dès 2016 (avec l’ajout à l’Aquitaine du Limousin et du Poitou-Charentes). « Dès ma première saison, le temps pour venir de Paris à Bordeaux en TGV sera le même que pour Lyon : deux heures », remarque-t-il.Le chef d’orchestre s’est engagé à réduire sa carrière internationale. Il envisage par exemple de prendre le statut de chef fondateur des Musiciens du Louvre, laissant entendre qu’il pourrait en abandonner la direction musicale à un ou plusieurs autres chefs. « Les Musiciens du Louvre participeront à l’activité musicale bordelaise et je compte les inviter progressivement à l’auditorium, mais ils vont rester basés en région Rhône-Alpes », prévient-il. Renoncera-t-il à Salzbourg ? Le musicien s’est engagé à se rendre « totalement disponible pour ses nouvelles fonctions » afin de respecter les engagements qui lui ont permis de décrocher le poste : « Faire de l’Opéra national de Bordeaux le port d’attache des valeurs montantes parmi les chanteurs de demain… » Marc Minkowski n’a pas postulé à Bordeaux pour accrocher un trophée de plus à son tableau de chasse. Pour lui, il s’agit d’un tournant, qui embrasse les préoccupations du musicien, mais aussi les espérances de l’humaniste : « J’ai tout simplement envie de servir ma patrie, affirme-t-il. Je suis moi-même issu de l’immigration, polonais d’un côté, américain de l’autre. Je souffre comme tout le monde des événements qui endeuillent mon pays. A Bordeaux, j’entends bien faire résonner et défendre les valeurs de liberté, égalité, fraternité. » Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne et Sylvain Siclier Un album, un concert, un festival…, La Matinale vous présente sa sélection musicale.UN ALBUM : une intégrale chronologique de Moune de Rivel La grande dame de la chanson créole Moune de Rivel (1918-2014) gagne un coffret au livret impeccable, L’Intégrale chronologique 1949-1962, publié par Frémeaux & associés, où il est noté qu’elle fut l’heureuse descendante d’une famille d’exception, qui compta en ses rangs des esclaves affranchis, des anticolonialistes, des musiciens et un magistrat, son père, Jean-Louis de Virel, qui combattit en Afrique pour l’égalité des droits et épousa en seconde noce la fille du roi du Gabon, par ailleurs grande prêtresse des rites Niembé. Moune, quant à elle, fait ses débuts de chanteuse dans un cabaret russe de Montparnasse, puis au cabaret « exotique » La Boule blanche de la rue Vavin. Elle y croise Kiki, Man Ray et Foujita. Son nom est attaché à celui de La Canne à sucre, toujours à Montparnasse, un cabaret ouvert en 1945 et fermé en 1996. Compositrice, interprète singulière, Moune de Rivel est aussi passée par Harlem. Elle a enregistré avec l’orchestre d’Al Lirvat des biguines, des berceuses, des chansons du folklore haïtien, des calypsos… A la fin des années 1950, elle est accompagnée par l’orchestre de Pierre Louiss, où officie, au vibraphone, Eddy Louiss, mort le 30 juin. Le voyage nous mène de la biguine « wabap » aux chants pour l’Indépendance de la Haute-Volta.« L’Intégrale chronologique 1949-1962 », de Moune de Rivel, 1 coffret de 3 CD Frémeaux & associés. UN CONCERT : le tour des festivals européens de Nicki Minaj passe par Nîmes Nicki Minaj, la star du hip-hop américain fait un petit tour des festivals européens, en commençant par Londres, dans le cadre du festival Wireless, au parc de Finsbury, où elle retrouve ses aînés d’Arrested Development (entre autres, l’affiche est gargantuesque). Le mardi 7, la rappeuse au flow incomparable et au féminisme provocateur et controversé est en France pour une date unique. Elle rejoint son confrère Big Sean au Festival de Nîmes, dans les Arènes, avant un départ pour le festival Openair Frauenfeld en Suisse, à l’affiche rap imparable (de Kendrick Lamar à Ludacris). Le 11 juillet, à Liège, pour le festival Les Ardentes au Parc Astrid, Nicki et son guerrier derrière côtoieront Iggy Pop et The Charlatans.Nicki Minaj au Festival de Nîmes aux Arènes, place des Arènes, mardi 7 juillet, à 20 heures. De 56,50 € à 67,50 €.UN VIDÉO-CLIP : « Which Way », de Richard Hawley en annonce de son prochain album le 11 septembreCe sera son huitième album studio – le premier a été publié en avril 2001 –, dont la parution est annoncée pour le 11 septembre. Le guitariste, chanteur et auteur-compositeur britannique Richard Hawley en a dévoilé un extrait sous la forme d’un clip-vidéo minimaliste pour la chanson Which Way, l’une des onze prévues sur l’album, intitulé Hollow Meadows (Parlophone Records/Warner Music). On y retrouve la voix grave, expressive, de Richard Hawley, son sens de la dramaturgie musicale, des élans électrisants à la guitare. Parmi les thèmes principaux de l’album, la fragilité, les relations humaines… Hollow Meadows a été enregistré au printemps au Yellow Arch Studios, à Sheffield, ville natale de Richard Hawley, au nord de l’Angleterre, dont il évoque régulièrement les lieux, les paysages urbains et alentours.« Which Way », par Richard Hawley, extrait de l’album « Hollow Meadows », à paraître le 11 septembre. UN FESTIVAL : les stars du jazz (et de quelques autres musiques) au New Morning, à Paris Son nom, Festival All Stars, annonce son propos, des vedettes et encore des vedettes. Celles du jazz et de quelques autres musiques. Et dans des conditions d’écoute et de visibilité d’une soirée en club, en l’occurrence au New Morning, l’une des salles parisiennes les plus célèbres dans le monde. Avec, notamment, le claviériste et chanteur brésilien Ed Motta (le 6 juillet), Forq, le groupe de Michael League de Snarky Puppy (le 7) ; le guitariste Mike Stern et le violoniste Didier Lockwood (le 8), les trompettistes Ambrose Akinmusire (le 10) et Roy Hargrove (du 13 au 15), le groupe Brooklyn Funk Essentials (le 17), le pianiste Robert Glasper (le 20), le saxophoniste Branford Marsalis (le 21, deux concerts), les bassistes Dave Holland (le 22), Kyle Eastwood (le 25) et Stanley Clarke (le 26), le trompettiste et chanteur Hugh Masekela (le 24), le groupe Septeto Santiaguero (le 29), le chanteur Bilal (le 30)…Festival All Stars au New Morning, jusqu’au 1er août, 7-9, rue des Petites-Ecuries, Paris 10e. Tél. : 01-45-23-51-41. De 18 € à 29 € selon les concerts.RÉSERVEZ VITE : le 10 juillet pour l’exposition consacrée aux Rolling Stones à Londres… à partir d’avril 2016Après Jimi Hendrix, Pink Floyd, Miles David, David Bowie et quelques autres, c’est au tour des Rolling Stones d’avoir droit à une exposition rétrospective. Intitulée « Exhibitionism », elle est annoncée pour une ouverture le 6 avril et jusqu’au 4 septembre 2016 à la galerie Saatchi, vaste bâtiment consacré à l’art contemporain à Londres. Les Stones annoncent plus de 500 pièces (photographies, instruments, films, costumes, documents divers…) à voir sur 1 750 m2. Avec des tarifs d’entrée de 12 livres (16,90 euros) pour les 6 à 17 ans (entrée libre au-dessous de 6 ans) et à 21 livres (29,50 euros) pour les adultes. L’achat en avance des billets sera ouvert le 10 juillet, à partir de 9 heures (10 heures pour la France) sur le site dédié. L’exposition devrait ensuite partir un peu partout dans le monde.Pour annoncer l’événement, les Stones ont mis en ligne un amusant vidéo-clip d’une quarantaine de secondes qui met en vedette le batteur Charlie Watts, venu dire qu’enfin, il est une star, que l’on pourra voir ses plus beaux costumes, ses batteries, etc. Avec les encouragements des guitaristes Keith Richards puis Ron Wood et une conclusion en forme d’auto-dérision du chanteur Mick Jagger qui grommelle « Right. When’s my bit then ? » que l’on pourrait traduire par « Bon d’accord mais et moi alors ? ».« Exhibitionism » à la Galerie Saatchi, Duke of York’s Headquarter, King’s Road, Londres SW3.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brigitte Salino (Avignon, envoyée spéciale) Olivier Py rêvait de mettre en scène Le Roi Lear. Il l’a fait, et c’est un désastre, à en juger par la première du spectacle, qui a ouvert la 69e édition du Festival, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, samedi 4 juillet. Cécile Helle, la maire (PS) d’Avignon, et Fleur Pellerin, la ministre de la culture et de la communication, étaient assises à côté d’Olivier Py, qui a rejoint les acteurs sur le plateau, aux saluts. Il souriait au public, dont une partie huait, et l’autre applaudissait. Ce ne fut pas pour autant une bataille d’Hernani : pendant toute la représentation, on aurait entendu voler un moustique, si les comédiens n’avaient pas autant crié. Car ils crient, on aurait envie d’écrire qu’ils braillent, pas seulement pour se faire entendre – la sonorisation de la cour soutient leurs voix –, mais parce qu’Olivier Py les y incite.Lire aussi :A Avignon, la culture se heurte à plus d’un murC’est assommant, deux heures cinquante à ce régime. Mais ce serait un moindre mal si la mise en scène tenait la route. Paresseuse, boursouflée, elle part dans tous les sens, et rend incompréhensible le point de vue d’Olivier Py sur Le Roi Lear, que pourrait résumer une phrase écrite en grand, et en néons blancs, sur le mur de la cour : « Ton silence est une machine de guerre. » Cette phrase, c’est Lear qui la dit quand il se réfère à Cordélia, sa fille préférée. Car Cordélia ne parle pas, dans cette version de la pièce de Shakespeare, signée par Olivier Py. En tout cas sur le plateau. Dans le texte publié par Actes Sud-Papiers, elle s’exprime. Dans la cour, c’est une jeune danseuse classique, en tutu et chaussons. Quand, après ses sœurs, Goneril et Régane, vient son tour de témoigner de l’amour pour son père, Cordélia se met un Scotch noir sur la bouche.Une symbolique lourdePour Olivier Py, ce silence est pire que tout : il fonde une rupture définitive, pas seulement entre un père et sa fille, mais dans un monde dont Lear témoigne. Un monde déchiré par « un doublesilence », comme l’écrit le metteur en scène dans la bible du spectacle : « Celui qui a présidé, en philosophie, à un doute sur la force du langage, et celui qui a été imposé par la catastrophe d’Auschwitz. » On aura saisi, à ces mots, qu’Olivier Py entend placer la tragédie de Shakespeare sous le signe du XXe siècle, plus précisément entre 1914 et 1989. Pourquoi pas ? Le théâtre est assez généreux pour accueillir toutes les interprétations possibles d’une pièce. A condition de les rendre lisibles dans leur représentation, ce qui n’est pas le cas ici.Un autre néon en témoigne à son insu : « Rien. » Il est posé sur le plateau, où Pierre-André Weitz, le décorateur attitré d’Olivier Py, a disposé une palissade couverte de gribouillis (puisqu’il n’y a plus de langage possible) et quelques autres éléments, sur un plancher de bois qui peu à peu va se fissurer, laissant apparaître une terre noire comme la lande du désastre qu’entraîne la décision de Lear de partager son royaume entre ses filles. En renonçant au pouvoir, le roi met fin à un ordre qui s’appuyait sur sa toute-puissance et se retrouve privé de figures tutélaires, dans tous les domaines : foi, politique, vie intime et sociale.On retrouve là la dimension cosmique et chrétienne d’Olivier Py, dont le Lear est un Dieu en colère, nu, à l’occasion : le metteur en scène ne peut s’empêcher d’afficher le corps des hommes, voire de le magnifier, comme il le fait pour Edgar, le fils très christique de Gloucester, dont le sexe tressaute longuement, dans certaines scènes. Les femmes, elles, sont réduites soit à des images de joli cygne malheureux (Cordélia), soit à celles de furies obsédées par leurs orifices (Régane et Goneril), lesquels renvoient au trou dans la terre, au centre du plateau, dans lequel disparaissent les corps des morts. C’est gênant, voyez-vous, même pour les moins féministes des spectatrices, de donner une telle image des femmes.Ce trou s’inscrit dans une symbolique qui traverse tout le spectacle. Une symbolique lourde, dont Edmond, le fils bâtard de Gloucester, est représentatif : il arrive à moto, avec un casque rehaussé de deux cornes. A cela s’ajoute un côté Grand-Guignol de la mise en scène, qui use d’éclairs et de sons puissants, et n’hésite pas à faire apparaître des terroristes en treillis, cagoulés et armés de kalachnikovs, dont le son fait vrombir les gradins. « Le pouvoir n’est rien d’autre que la loi duplus fort », dit Lear. Certes, mais le vacarme ne suffit pas à rendre compte de la violence du monde du XXe siècle dont la mise en scène d’Oliver Py voudrait témoigner. Seuls quelques moments échappent à cette furie. Quand, par exemple, Gloucester, devenu aveugle, et son fils Edgar marchent en équilibre sur deux chaises, près de Douvres.Un pénible contentement de soiUne autre image, qui arrive à la fin, pourrait mettre du baume au cœur : Cordélia, toujours vêtue de son tutu, s’assied sur le bord du lit de son père mourant, et lui caresse la tête. Mais il est trop tard pour que la rédemption ait lieu. Il y a eu trop de trop, et de n’importe quoi, dans ce Lear qui s’appuie sur une traduction qu’il serait cruel de comparer à celle d’Yves Bonnefoy, tant elle abuse de grossièretés et de raccourcis lapidaires. Les notes en bas de page, écrites par Olivier Py, sont très intéressantes. Elles témoignent d’un travail sur la pièce de Shakespeare, dont on voit qu’il a passionné l’auteur-metteur en scène. Mais elles vivent leur vie, à côté du texte qui va à toute vitesse. Olivier Py a cherché à retrouver en français la concision de l’anglais, et il a voulu que Le RoiLear aille « au galop », comme il l’écrit, pour que l’on soit « poursuivi par la tempête, par la mort, par l’inquiétude et par la guerre ».Restent les acteurs, Philippe Girard en tête, dans le rôle-titre. Livrés à eux-mêmes, ils trouvent comme ils peuvent leur place dans le chaos de la représentation. Des ratages, cela arrive à Avignon comme ailleurs. Les désastres sont plus rares, et celui-ci affiche un pénible contentement de soi. On l’oubliera, mais il est triste de penser n’y aura plus de théâtre dans la Cour d’honneur, sinon une soirée (le 9) avec Isabelle Huppert lisant Sade, seule : ce Roi Lear, pour lequel Olivier Py, directeur du Festival, s’est programmé, est l’unique pièce de cette édition dans les murs du Palais des papes.Le Roi Lear, de Shakespeare, texte français et mise en scène d’Olivier Py. Cour d’honneur du Palais des papes, à 22 heures. Durée : 2 h 50. Jusqu’au 13 juillet (relâche le 9). Tél. : 04-90-14-14-14. De 10 € à 38 €.Brigitte Salino (Avignon, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.07.2015 à 19h18 • Mis à jour le05.07.2015 à 17h23 L'organisation onusienne s'est prononcée en faveur d'une entrée des coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que des « climats » du vignoble français de Bourgnogne. Les coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que les « climats » du vignoble français de Bourgnogne sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Humanité, a annoncé samedi 4 juillet l’Unesco sur Twitter.Réuni jusqu’à mercredi à Bonn, en Allemagne, le comité du patrimoine mondial de l'organisation onusienne s’est prononcé en faveur d’une entrée de ces spécificités de la Champagne et de la Bourgogne viticoles.Les coteaux, maisons et caves de Champagne correspondent aux « lieux où fut développée la méthode d’élaboration des vins effervescents, grâce à la seconde fermentation en bouteille, depuis ses débuts au XVIIe siècle jusqu'à son industrialisation précoce au XIXe siècle », explique l’Unesco.Cela concerne précisément « les vignobles historiques d’Hautvilliers, Aÿ et Mareuil-sur-Aÿ, la colline Saint-Nicaise à Reims et l’avenue de Champagne et le Fort Chabrol à Epernay », ces trois ensembles reflétant « la totalité du processus de production de champagne ».Beaune et Dijon récompensésLes « climats » du vignoble de Bourgogne sont, eux, « des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon », précise l’organisation. Ces parcelles donnent chacune un caractère unique au vin.Ce « paysage culturel », selon la catégorie qui lui a été attribuée dans le patrimoine de l’Unesco, « est composé de deux éléments : le premier couvre des parcelles viticoles, les unités de production associées, des villages et la ville de Beaune ». « La seconde composante est le centre historique de Dijon, qui matérialise l’impulsion politique donnée à la formation du système des climats », précise l’Unesco. Stéphanie Binet Quand les Eurockéennes ont invité le rappeur Jay-Z en 2010, des habitués à l’esprit chagrin se sont empressés de dire que le festival du Territoire de Belfort devrait se rebaptiser les « EuRAPéennes ». Fâchés que les Eurocks, qui pourtant accueillent du hip-hop depuis l’origine, décident cette année-là de casser la tirelire pour la star du genre.Ne leur en déplaise, en 2015 encore, les deux programmateurs de l’événement rock, Christian Alex et Kem Lalot, ont misé sur le rap pour lancer leur nouvelle édition qui, à l’ouverture des portes, vendredi 3 juillet, affichait complet. Les Eurockéennes connaîtront ainsi la plus grosse fréquentation de leur histoire avec 105 000 personnes présentes sur le site du Malsaucy pendant trois jours. « Heureusement, aujourd’hui, nous n’avons plus ce genre de réflexion, se rassure Christian Alex. En cinq ans, les choses ont évolué. La nouvelle génération qui fréquente aujourd’hui notre festival est ouverte d’esprit, et n’a de toute façon que faire des frontières musicales. Avec l’Internet, les plus jeunes écoutent de la musique avant tout. »Même si les programmateurs avaient voulu mettre le paquet pour obtenir la venue, par exemple, d’un Kendrick Lamar en tournée européenne, ils ne peuvent pas grand-chose face à certains rivaux. « On avait presque signé avec Lamar pour le dimanche 5 juillet, racontent les programmateurs. Mais au dernier moment, il s’est désisté pour une offre à un million de dollars ailleurs. » La concurrence est d’ailleurs proche. Dans quatre jours, à 200 km de Belfort, le festival suisse Openair de Frauenfeld accueillera tous les grands noms du rap américain, dont Nicki Minaj pour des tarifs d’entrée s’élevant jusqu’à 325 euros. Les Eurockéennes, elles, ont joué la carte de la créativité plus que la notoriété.Pour la première journée, la sélection rap est pointue entre la nouvelle génération du hip-hop français, l’Américain Pusha T lancé par les Neptunes et signé chez Kanye West, et un duo improbable du New Jersey, Ho99o9 (prononcer Horror), qui mélange punk et rap avec une énergie peu commune.Rap et egotripDès 19 h 15, la scène de la Plage est noire de monde pour accueillir un plateau qui veut enchaîner sans répit trois artistes français, Sianna, rappeuse de Beauvais, le Parisien Georgio et les Montpellierains Set & Match, dans un format « sec ». Chaque groupe a trente minutes pour prouver son efficacité. Honneur aux dames, c’est la toute jeune Sianna, 20 ans, qui débute. Jean noir serré couvert d’un maillot de sport, cette ancienne athlète, championne d’heptathlon et du 100 mètres haies, tient beaucoup mieux la distance que sur son EP. Elle qui se voit une carrière à la Diam’s n’a pas fini de « causer du tort aux rappeurs ».« Ce qui était drôle pour moi, raconte-t-elle en coulisses, c’est que quand j’arrivais dans des concerts, il y avait toujours des mecs qui étaient sur le point de partir parce qu’il y avait une fille sur scène. Et finalement en m’écoutant, ils restaient. Je leur lance cette pique pour leur dire : “Nous aussi, nous sommes capables de faire ce vous vous faites”. »Née à Bamako et adoptée à six mois par un couple de Français, Sianna a grandi à Beauvais, dans l’Oise. Elle a pris goût à la scène après avoir intégré un groupe de chant à l’âge de 14 ans. La passion pour la scène est restée, mais pas le chant. Il a été remplacé par le rap et l’egotrip (l’art de se vanter), qu’elle garde à sa juste mesure. Pas comme le trio Set & Match, qui enchaîne après un toujours très efficace Georgio. A Montpellier, les trois rappeurs de Set & Match cultivent l’hédonisme, eux, et le montrent sans complexe sur scène. Seul regret de ce plateau porteur d’espoir pour la nouvelle génération du rap français, c’est de ne pas avoir poussé l’idée des programmateurs : voir les trois artistes collaborer sur deux ou trois titres, comme les artistes hip-hop américains savent le faire, notamment au festival Coachella en Californie. Déjà en 2008, Christian Alex avait travaillé sur un projet avec le regretté DJ Mehdi, mort en 2011, qui voulait programmer dans un spectacle commun les trois artistes Diam’s, Joey Starr et Oxmo Puccino aux Eurockéennes de Belfort. Projet avorté après dépression de la rappeuse.La grosse surprise de la première soirée des Eurockéennes, c’est finalement Ho99o9, duo formé par Eaddy et The OGM, tout juste la trentaine, qui contrairement à leurs collègues américains n’ont que faire des dollars : « Pour certains dans la communauté hip-hop, nous sommes un groupe de gauchistes, s’amuse Eaddy, qui porte une coiffure afro à moitié décolorée en rose. Nous, nous voulons juste voyager dans le monde et rencontrer le maximum de punks, de rappeurs, de musiciens qui veulent créer cette énergie, produire la meilleure musique électrifiée possible. » Finalement, on en revient toujours au rock.Stéphanie BinetJournaliste au Monde Daniel Psenny La bonne santé du genre cache mal le manque d’investissements dans la création en France.Les séries européennes se portent très bien. On a pu le constater lors de la quatrième édition du festival Série Séries, qui s’est tenu à Fontainebleau (Seine-et-Marne), du 1er au 3 juillet. Cette année, les premiers épisodes de vingt-trois séries européennes inédites ont été présentés aux professionnels et au public, venu en nombre.Plusieurs projections ont été suivies d’une étude de cas avec l’équipe de la série. Parmi elles, « Humans », série d’anticipation britannique adaptée de son homologue suédoise « Real Humans » ; ou « Northern Mishaps », comédie dramatique où deux amis rêvent de rejoindre le pôle Nord en courant… La France était représentée par « Une chance de trop », série adaptée de No Second Chance, d’Harlan Coben, avec Alexandra Lamy et Pascal Elbé, que TF1 devrait diffuser en 2016.« Une culture universelle »« Les séries sont toujours plus étonnantes, inventives et intelligentes », souligne Jean-François Boyer, président du comité éditorial de Série Séries aux côtés du réalisateur Philippe Triboit et de la scénariste Nicole Jamet. « Leurs intrigues et leurs héros sont connus à travers le monde entier et, désormais, elles participent à la construction d’une culture universelle », poursuit-il.A l’occasion du festival, Eurodata TV a dévoilé une étude sur les séries européennes réalisées ces six derniers mois, montrant leur succès grandissant. En moyenne, elles représentent 24 % des programmes proposés à la télévision. C’est la Turquie qui en diffuse le plus, suivie par la Macédoine. « Tatort », série allemande créée en 1970, reste la plus (re)diffusée en Europe, avec plus de 13 millions de téléspectateurs en moyenne, suivies par des productions britanniques « Sherlock » (12,7 millions) et « Call the Midwife » (11,4 millions). L’étude souligne que, en 2014, le nombre de séries diffusées a augmenté de 6,8 %, dont plus d’un tiers sont des productions locales.Cette année, les séries consacrées à l’espionnage connaissent un vif succès, à l’instar du « Bureau des légendes », d’Eric Rochant, dont la première saison a été diffusée en avril sur Canal+, de « Raison d’Etat », en Italie, ou de « London Spy », en Grande-Bretagne. Celles qui mettent en scène les horreurs de la guerre sont aussi très prisées, telles les mini-séries « L’Angelo di Sarajevo », produite par la RAI, ou « Los Nuestros », diffusée en Espagne sur Telecinco.Problème de financementEn France, l’étude distingue « Virage Nord », de Virginie Sauveur, diffusée avec succès sur Arte en février. Enfin, la « catch up TV » (télévision de rattrapage) et le « preview » (notamment le visionnage de l’intégralité d’une saison en une seule fois) sont de plus en plus appréciés par les téléspectateurs. Ainsi, en Grande-Bretagne, « Sherlock » a battu un record, avec 4,2 millions de demandes en 2014.Au-delà de ces bons chiffres, où en est la création française ? L’Association pour la promotion de l’audiovisuel a publié une étude montrant que la fiction est le genre le plus consommé sur les chaînes nationales gratuites. Les séries représentent 85,4 % du volume de fiction produite, et leur part en volume horaire est importante : 48,8 % pour Arte, 72,8 % pour France 2, 79,8 % pour France 3, 91 % pour Canal+, 96,2 % pour TF1 et 100 % pour M6.Le service public : premier investisseurMais ces bons résultats cachent un problème de financement de la création française que les nombreuses chaînes de la TNT ne comblent pas en raison de leur faible capacité financière. Leurs investissements ne représentent en effet que 4 % de la création originale. C’est donc le service public qui reste le premier investisseur dans la production de fiction (53,2 %), suivi par TF1 (25,3 %), Canal+ (8,6 %), M6 (6,7 %) et Arte (5,1 %).Malgré une très nette amélioration du système de production, les méthodes d’écriture de séries françaises sont loin de celles des Américains, qui mobilisent sur plusieurs saisons scénaristes, réalisateurs et comédiens. Une industrialisation qui leur a permis de s’imposer un peu partout dans le monde.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Mustapha Kessous Comment élargir l’audience des films documentaires ? Les chaînes de télévision misent aujourd’hui sur la diffusion en ligne. Une nouvelle manière de les pérenniser.Des mois de négociations avec la chaîne. Des années de recherche et d’investigation pour les journalistes. Des dizaines d’heures de tournage et de montage. Un budget qui dépasse régulièrement les 150 000 euros. Puis, un soir, ce documentaire de 52 minutes qui a demandé tant de travail et d’argent connaît enfin la consécration : il est diffusé sur une chaîne de télévision. La vie normale d’un film, en somme. Mais après ? Il y a bien la « télévision de rattrapage » (le replay) proposée par les chaînes et les différentes box qui permettent aux téléspectateurs de voir – gratuitement – pendant sept jours un documentaire qu’ils ont manqué. « Quelquefois, selon les accords, certains films sont visibles 30 à 60 jours », explique Marie-Laure Lesage, directrice du développement à Arte.Mais, au-delà de cette période, que devient le documentaire ? Survit-il ? Très, très rarement… « A quoi sert un film s’il s’éteint après sa première diffusion ? A rien », lance Fabrice Puchault, le directeur de l’unité documentaire de France 2. Il exagère à peine : un film, si brillant soit-il, a une espérance de vie de quelques jours seulement, avant de finir au vaste cimetière des docus oubliés.Vers « une offre légale et structurée »Heureusement, des « anges » sur Internet – diaboliques pour les diffuseurs et les producteurs – permettent de ressusciter les documentaires les plus médiatiques ou les plus saisissants. On retrouve ainsi les documentaires piratés sur les sites d’hébergement, de partage et de visionnage de vidéos en ligne comme Dailymotion ou YouTube, ainsi que sur des sites de téléchargement illégaux. « Depuis le début de l’année, huit films diffusés sur “Infrarouge”[la case documentaire de France 2] ont dépassé 1,4 million de vues sur YouTube, s’étonne encore Fabrice Puchault. On s’est dit qu’il y avait là quelque chose à faire, en organisant une offre légale, souple, qui respecte le droit. » Il a profité du Sunny Side, le marché international du documentaire qui a eu lieu du 22 au 25 juin à La Rochelle (Charente-Maritime), pour (re)présenter devant les professionnels et les journalistes la chaîne YouTube Infrarouge, lancée le 19 juin.Près de 20 films, aux styles d’écriture très différents, sont disponibles gratuitement sur cette chaîne comme Immigration et délinquance : l’enquête qui dérange, de Gilles Cayatte et John Paul Lepers, ou A quoi rêvent les jeunes filles ?, d’Ovidie… « C’est un moyen de faire vivre et revivre les documentaires. Ils doivent être disponibles partout, tout le temps, et exister dans le champ social. La chaîne YouTube est une manière de rendre justice à ces films »,explique Fabrice Puchault.« Difficile de le trouver sur internet »Et le public du Web a, semble-t-il, compris ce message. Une semaine après son lancement, la chaîne a attiré plus de 750 abonnés et quelque 75 000 vidéos ont été vues. La semaine suivante, elle totalisait plus de 2 600 abonnés et déjà près de 350 000 vidéos vues (avec un record pour le film d’Ovidie, qui comptait plus de 304 000 visionnages !). « Cela montre l’intérêt d’un public complémentaire à celui de l’antenne. Surtout, nous pensons que cela valide l’idée selon laquelle la valeur patrimoniale du documentaire peut trouver à s’exprimer dans une offre légale et structurée », ajoute le directeur de l’unité documentaire de France 2.Toutes les semaines, des nouveautés viendront régénérer la playlist, en accord avec les producteurs et les auteurs, sans obligation. Et chacune des parties (YouTube, diffuseur et producteur) se partagera un tiers des recettes publicitaires. Soit peu de chose, pour le moment : la publicité diffusée juste avant le film rapporte, en moyenne, 1 euro toutes les 1 000 vues ! L’idée n’est pas de gagner de l’argent, mais bien d’offrir une visibilité plus importante aux films, leur donner une seconde vie, voire – pourquoi pas – l’éternité.La pérennité du documentaire est en train de devenir un enjeu pour les diffuseurs et les producteurs. Lors du Sunny Side de La Rochelle, la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) a présenté une étude sur les documentaires en ligne, et le constat est rude : « La filière documentaire n’est pas en phase avec l’évolution de son public. Les professionnels du secteur se focalisent encore trop sur la diffusion antenne et ont tendance à négliger la diffusion en ligne dont le public s’est déjà emparé et dont il est clair qu’elle va se développer », peut-on lire.Pour la création de plateformes plus identifiéesL’un des problèmes majeurs du documentaire en ligne est qu’« il est difficile de le trouver sur Internet », note Hervé Rony, directeur général de la SCAM. « On ne connaît pas le nom du réalisateur, on ne se souvient pas du titre du film, mais on se rappelle vaguement le sujet. C’est très compliqué, ce n’est pas comme au cinéma, souligneMarie-Laure Lesage, d’Arte. Est-ce que le public qui vient sur YouTube cherche des formats longs ? Est-il prêt à regarder un 90 minutes ? Ça me paraît difficile : la durée d’écoute sur Internet est de moins de 15 minutes (un peu moins du double en télévision sur un documentaire). »Comment lui donner tort ? M. Rony appelle à la « création de véritables plates-formes de vidéos à la demande [video on demand ou VoD] », plus identifiables et moins morcelées. « Il faudrait qu’elles soient mieux référencées sur les moteurs de recherche, et aussi mieux éditorialiser les sites », ajoute-t-il.France Télévisions ou Arte ont leurs propres plates-formes, qui proposent des documentaires en replay et en VoD, mais elles restent marginales, lorsque l’on sait que le volume de documentaires proposés sur les chaînes nationales gratuites totalise 23 101 heures en 2014, selon Médiamétrie. « Ces cinq dernières années, le nombre de titres documentaires disponibles de façon permanente sur des plates-formes de vidéo à la demande n’a augmenté que de 0,5 % », lit-on dans l’étude de la SCAM. Et ne parlons même pas des ventes DVD…Un marché d’à peine un million d’eurosEn mars, Alain Weill, président de NextRadioTV – qui détient BFM-TV et RMC Découverte –, a racheté Vodeo. tv, la plate-forme de vidéo à la demande consacrée aux documentaires (plus de 4 000 programmes dans son catalogue). Malgré son ambition de devenir leader de la VoD documentaire en France, ce marché-là ne pèse pas lourd : à peine 1 million d’euros, en 2014, selon le baromètre NPA-GfK, alors que les ventes de la VoD payante étaient estimées à près de… 249 millions d’euros.Diego Buñuel, le nouveau patron des documentaires de Canal+, voudrait également mettre en place une véritable plate-forme de la VoD et de la SVod (pour subscription video on demand). Il souhaite une « refonte » de Mycanal et de Canal+ à la demande afin d’« avoir une plus grande visibilité ». « Il n’y a pas d’onglet documentaire sur Canal play, regrette-t-il. Nous avons de grandes productions que l’on pourrait mettre plus en valeur. »Les Américains ont compris l’importance de l’enjeu de regrouper sur un site les documentaires, alors même que « les Etats-Unis avaient totalement délaissé ce secteur », se souvient Yves Jeanneau, commissaire général du Sunny Side. Ainsi, Netflix propose sur sa plate-forme des documentaires de grande qualité dont What Happened, Miss Simone ?, film qu’elle a produit, réalisé par Liz Garbus et consacré à la chanteuse Nina Simone.Contraintes importantesHBO n’est pas en reste. Le fondateur de la Discovery Channel, John Hendricks, a lancé, en mars, le site Curiositystream.com qui a pour ambition de « fournir la première et la meilleure vidéo à la demande en streaming qui agrège le meilleur contenu factuel du monde ». Rien que ça ! « Il nous faut en France un Netflix pour les documentaires haut de gamme », avance Yves Jeanneau. Et aussi « travailler sur une meilleure visibilité et une meilleure lisibilité des offres, reconnaît Caroline Behar, directrice de l’unité documentaires de France 5. La pérennité des documentaires est une priorité. Nous avons cette envie. Il faut également trouver un modèle économique. Il y a des expériences, mais, pour l’instant, nous sommes dans une problématique de droits. » Notamment avec les producteurs.Une manière de contrer le piratageLes contraintes sont importantes.Il faut trouver des accords avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA) pour que les documentaires qui contiennent des images d’archives puissent se retrouver sur le Web… « Les accords avec les producteurs se font au cas par cas pour le moment », explique Olivier Daube, chargé des nouveaux contenus à France Ô. Les différents syndicats de producteurs assurent ne pas être hostiles à voir leurs documentaires diffusés en ligne. « C’est une évidence », note Luc Hermann, cofondateur (avec Paul Moreira) de la société de production Premières Lignes (« Cash investigation »). D’autant qu’une offre légale permettrait de lutter et ralentir le piratage. Pour autant, pas question pour eux de rogner sur des droits et de perdre de l’argent. Le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) exige même que les plates-formes numériques « participent au préfinancement de la création qu’elles diffusent ».Autre inquiétude : certains producteurs craignent des tensions avec les sites de partage de vidéos. « Si un film, et notamment d’investigation, est accessible en permanence, il y aura de plus fortes possibilités d’attaques juridiques qui pourraient inciter les hébergeurs à le censurer, note Luc Hermann. Vont-ils résister auxtrop grandes pressions,comme le font les chaînes ? » Peut-être est-ce là le prix de la vie éternelle…Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nacim Chikh « Sword Art Online Extra Edition », un manga qui accumule tous les clichés de la fiction en général et du genre en particulier (vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45) L’an 2025 au Japon. Les casques de réalité virtuelle, les Nerve Gear, se sont développés au point de proposer une expérience sensorielle complète. A la sortie du premier jeu de rôle utilisant cette technologie, les quelque 10 000 joueurs qui se connectent ont une désagréable surprise : le créateur du jeu, Akihiko Kayaba, leur apprend qu’ils ne peuvent plus se déconnecter et que leurs corps sont dans un état proche du coma. Pour en sortir, ils doivent aller au bout du jeu, mais toute mort virtuelle sera synonyme de mort réelle. Voilà pour le scénario. Le manga qui en découle est une insulte au genre et à la fiction en général.L’œuvre inédite de Reki Kawahara, Sword Art Online Extra Edition,a été diffusée au Japon, le 31 décembre 2013, pour lancer la seconde saison de la série animée, adaptée du feuilleton de bande dessinée du même nom. Elle retrace les meilleurs moments de la première saison dans une série de flash-back abrupts et souvent incompréhensibles.Mouvements mal retranscritsEn cent minutes, tous les clichés des mangas japonais sont illustrés : un héros timide mais courageux et déterminé, des combats alliant gigantisme et lenteur extrême, une scène de piscine prétexte avec des filles à la taille de guêpe et à la poitrine débordante.La narration passant de scène en scène sans la moindre transition, il est difficile de suivre les personnages d’un monde à l’autre, ces derniers changeant d’apparence entre chaque univers. L’animation, qui mêle coups de crayon typiquement manga et références à l’univers de Tron, donne cependant un résultat plutôt réussi, malgré des mouvements mal retranscrits.Une fois le méchant et tout-puissant Akihiko vaincu, le héros Kirito doit sauver sa petite amie des griffes d’un de ses adjoints, Nobuyuki Sugo, qui l’a enfermée dans une autre réalité virtuelle. Il est aidé par Lyfa, une joueuse qui tombe amoureuse de lui sans savoir qu’il s’agit en réalité de son frère. L’histoire se termine sur une bataille contre un calamar géant qui lorgne sur un œuf sacré enfoui dans un temple sous­-marin. Une intervention divine à coups de trident et toute l’équipe repart à dos de baleine, pour faire plaisir à l’enfant-programme que le héros a eu dans une réalité virtuelle… Si vous n’avez pas tout compris, c’est normal, nous non plus.Sword Art Online Extra Edition, de Ito Tomohiko (Jap., 2013, 105 min). Vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45Nacim Chikh Alain Constant Isabelle Boni-CLaverie montre comment le passé colonial français conditionne toujours le regard des Blancs sur les Noirs (vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10). C’est une fillette élevée bourgeoisement dans un grand appartement parisien de la très chic plaine Monceau. Elle fréquente une école catholique, passe de belles vacances en compagnie d’autres enfants issus de milieux favorisés. Sur une photo des années 1970, on voit la gamine, ravissante, à bord d’un bateau, en compagnie d’un petit garçon blond qui deviendra roi des Pays-Bas.Cette gamine est devenue réalisatrice et scénariste. Parcours finalement classique d’un rejeton de la bonne bourgeoisie ? Pas tout à fait. Car Isabelle Boni-Claverie, petite-fille d’Alphonse Boni, originaire de Côte d’Ivoire devenu magistrat de la République française dans les années 1930, fille d’une femme politique ivoirienne, est métisse. Et dans la France du XXIe siècle, avoir la peau noire n’est, visiblement, toujours pas anodin.Un passé colonial qui ne passe pasMêlant approche intimiste et témoignages d’historiens, de sociologues et de citoyens français noirs de peau, Isabelle Boni-Claverie livre un documentaire émouvant et instructif. Il y est question du regard des autres, d’incompréhensions et surtout de l’hypocrisie qui règne dans une société française où le passé colonial conditionne encore le regard des Blancs sur leurs compatriotes noirs.En France, les statistiques ethniques sont toujours proscrites, mais des spécialistes estiment à environ 5 % de la population le pourcentage de Noirs. Parmi eux, combien de députés, de médecins, d’avocats, de réalisateurs ? Interrogée sur la raison de ce documentaire, Isabelle Boni-Claverie répond : « Je me demande depuis très longtemps en quoi je “pose problème” dans la société française. Pour les gens d’origine africaine ou caribéenne, il y a ce présupposé que nous sommes étrangers, qu’il existe toujours un ailleurs qui ne nous permettrait pas d’être pleinement français. La question “d’où venez-vous ?” est récurrente. Cela interroge forcément les liens que nous entretenons avec notre pays. »« Les stéréotypes perdurent »La réalisatrice s’entretient aussi avec les membres de sa famille. Ses cousins blancs lui décrivent comment sa famille maternelle, originaire du Tarn, a vécu le mariage de sa grand-mère avec un Ivoirien. Né en 1909, son grand-père, Alphonse, avait été envoyé en France à 15 ans pour y suivre des études. C’est à la bibliothèque de la faculté de droit de Toulouse que le jeune étudiant tomba amoureux de Rose-Marie, originaire de Gaillac. Leur mariage, à Gaillac, à la fin des années 1930, fit sensation. Depuis, les idées reçues n’ont pas disparu. Comme l’explique l’historien Pap Ndiaye : « Si les stéréotypes perdurent, c’est parce que, d’une certaine manière, ils ont une utilité sociale. Ils servent à faire perdurer des formes d’inégalité qui conviennent à une partie de la société française. » Un rappel salutaireAncienne élève de la Fémis, l’école nationale supérieure de l’image et du son, Isabelle Boni-Claverie revient dans ces locaux. A l’époque, elle était la seule étudiante noire. Aujourd’hui, la situation n’a guère évolué. Le patron de la Fémis ne peut que constater un triste état de fait : « Je suis favorable aux statistiques ethniques, car tant que l’on n’aura pas les chiffres, on continuera à baratiner. »En attendant, l’hypocrisie règne. Malgré les discours généreux, l’ascension sociale des Noirs français n’est toujours pas une évidence. Ce documentaire rappelle cette réalité à travers un exemple atypique : celui d’une citoyenne française noire, issue d’un milieu socialement privilégié.Trop noire pour être française ?, d’Isabelle Boni-Claverie (France, 2015, 55 min). Vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Service culture Le Monde vous propose son choix de spectacles pour l’édition 2015 du Festival d’Avignon, qui se déroule du 5 au 24 juillet.Théâtre : « Le Roi Lear » et « Richard III », de Shakespeare Deux rois de Shakespeare règnent sur la Cité des papes : Lear, qu’Olivier Py, le directeur du festival, met en scène dans la Cour d’honneur du Palais des papes, avec son acteur fétiche Philippe Girard dans le rôle-titre (du 4 au 13), et Richard III, mis en scène (en allemand) par Thomas Ostermeier, le directeur de la Schaubühne, avec un acteur star dans le rôle-titre, Lars Eidinger (du 6 au 18, à l’Opéra). Deux conceptions différentes du théâtre, deux visions de Shakespeare : un beau duel en perspective.Théâtre : « Le Vivier des noms », de Valère Novarina Chaque pièce de Valère Novarina est la promesse d’un voyage dans la forêt des mots, que l’auteur arpente en suivant d’inénarrables chemins de traverse. Dernière en date, Le Vivier des noms (du 5 au 12, au cloître des Carmes) réunit une foultitude de personnages qui, en deux heures et cinquante-deux scènes, transforment le plateau en une sorte de rébus : L’Historienne qui ordonne que l’histoire commence, Les Antipersonnes, l’Acteur fuyant, le chien Uzedent, les Enfants pariétaux… On piaffe de les entendre.Théâtre : « António e Cléopatra », de Tiago Rodrigues Tiago Rodrigues est le tout jeune et tout nouveau directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne, l’équivalent portugais de la Comédie-Française. A l’automne 2014, il a présenté à Paris By Heart, un magnifique spectacle sur la mémoire. A Avignon, où il vient pour la première fois, il propose António e Cleopatra (Antoine et Cléopâtre, au Théâtre Benoît XII, du 12 au 18), une pièce qu’il a écrite en s’inspirant de Plutarque, Shakespeare et Joseph L. Mankiewicz. Une version intimiste, avec deux comédiens, à découvrir.Danse : « Barbarians », de Hofesh Shechter Vedette explosive de la danse, le chorégraphe israélien Hofesh Shechter présente à La FabricA (les 12, 13, 14 et 15 juillet) Barbarians, spectacle en trois parties, créées les unes à la suite des autres depuis novembre 2014, qui mixte les styles et les points de vue. The Barbarians in Love, pour six interprètes, s’appuie sur des partitions baroques ; tHe bAD met en jeu cinq danseurs sur une partition percussive et revendique une part obscure, une inspiration tribale, une gestuelle sous influence urbaine ; enfin Two Completly Different Angles of the Same Fucking Thing renoue avec la forme du duo que privilégiait le chorégraphe à ses débuts.Théâtre : « Des arbres à abattre », par Krystian LupaLe maître du théâtre polonais n’était, curieusement, jamais venu à Avignon. A 72 ans, le voici enfin dans le saint des saints avec Des arbres à abattre, un texte de Thomas Bernhard, son auteur de prédilection, auquel il revient pour la sixième fois (à La FabricA, du 4 au 8 juillet). Un jeu de massacre comme les aime l’auteur autrichien, servi par des acteurs au top. Magistral. Théâtre : « Les Idiots », d’après Lars von Trier, par Kirill SerebrennikovA 46 ans, Kirill Serebrennikov est devenu le chef de file de l’avant-garde russe, et d’un théâtre transgressif qui s’oppose aux conservatismes de Vladimir Poutine. A Avignon, il présente, du 6 au 11 juillet dans la cour du lycée Saint-Joseph, Les Idiots, un spectacle inspiré du film de Lars von Trier. Des « idiots » très liés à la situation de la Russie d’aujourd’hui. A découvrir. Service cultureJournaliste au Monde 02.07.2015 à 14h33 • Mis à jour le06.07.2015 à 08h13 | Florence Evin Le Musée du Louvre affiche désormais un billet unique à 15 euros. Celui-ci remplace les tarifs précédents : 12 euros pour l’accès aux collections permanentes, 13 euros pour les expositions temporaires seules, 16 euros pour l’ensemble.Cette nouvelle tarification fait la part belle aux jeunes de moins de 26 ans de l’Union européenne, en leur appliquant la totale gratuité sur l’ensemble du musée, y compris l’accès aux expositions temporaires – auparavant, cet accès était tarifé à 12 euros, la gratuité ne s’appliquant que sur les collections permanentes. Hors Union européenne, cette gratuité totale s’applique jusqu’à l’âge de 18 ans. Au total, cela concerne un million de jeunes sur les 9,8 millions de visiteurs enregistrés en 2014 par le premier musée du monde pour son affluence.Simplification tarifaireL’établissement public justifie cette augmentation dans un but de simplification tarifaire. Une manière aussi d’inciter les visiteurs, et notamment les 70 % de visiteurs étrangers – parmi lesquels Américains, Chinois, Italiens, Anglais et Brésiliens sont les plus représentés –, à être plus curieux et à s’aventurer dans les salles moins fréquentées. 38 000 œuvres des collections permanentes sont visibles dans les 403 pièces du musée, à condition de parcourir les quatorze kilomètres de couloirs et les 72 735 m2 de surface d’exposition.En ce début juillet , avec de 25 000 à 30 000 entrées chaque jour, l’affluence des visiteurs est telle que le musée réfléchit à instituer des plages horaires réservées et à mieux faire savoir que les mercredis et vendredis, le musée est ouvert jusqu’à 22 heures. Ne pas décourager les touristes est un objectif vital pour le Louvre. La billetterie représente 60 % des ressources propres du musée national et finance à hauteur de 20 % sa politique d’acquisitions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin La cité mythique reprend vie grâce aux technologies numériques (jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures). Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la redécouverte, en 1866, des ruines de l’ancienne capitale de l’Empire khmer. L’énigme de la cité, abandonnée au XVe siècle à l’emprise de la jungle, commence tout juste à être levée.Les pyramides de grès, sanctuaires édifiés par les rois, dédiées aux dieux hindous et à Bouddha, prisonnières de racines tentaculaires, avaient jusque-là conservé leurs secrets. Un équipement révolutionnaire au laser a permis de révéler par vue aérienne le plan quadrillé de l’ancienne ville, jusqu’à l’empreinte même des bâtiments disparus. Sur 200 kilomètres carrés, la capitale apparaît sur un écran à une échelle de quelques centimètres : stupéfiant.Dans la forêt, il ne reste rien des maisons et des palais de bois, dévorés par les termites. Seuls les temples en grès ont survécu. Les fouilles menées par l’archéologue Jacques Gaucher, au cœur de la capitale Angkor Thom, la « grande ville », lui ont permis d’identifier le Thlok, l’arbre sacré, symbole du mythe fondateur de la ville, enfoui à 4 mètres, vestige du premier palais. Le centre politique, religieux, magique, autour duquel elle s’est développée du VIIIe siècle au XIIe siècle, avant de péricliter.TrésorLes technologies numériques ont recomposé la silhouette des grands sujets sculptés, mutilés au burin et à la tronçonneuse. L’archéologue Eric Bourdonneau et le conservateur en chef du Musée Guimet, Pierre Baptiste, se rendent dans les ruines de Koh Ker, capitale provinciale au Xe siècle, jamais fouillée mais très pillée dans les années 1990. Là, se trouve la plus haute pyramide khmère.Les deux spécialistes ont entrepris de redonner vie à un shiva dansant de 4 mètres de hauteur. Ils s’appuient sur les relevés de Louis Delaporte, dessinateur embarqué sur le Mékong en 1866, avec la mission d’exploration conduite par Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier, précieux témoignages pour la recomposition des vestiges. Delaporte fera faire des moulages des bas-reliefs à l’échelle 1. Au fil de ses missions, il en rapportera quelque 500 mètres cubes, un temps exposés au Musée indochinois du Trocadéro, puis oubliés dans les caves d’une abbaye. Pierre Baptiste raconte sa détermination à sauver ce trésor qui a fait l’objet d’une belle exposition en 2014 au Musée Guimet.Angkor redécouvert, de Frédéric Wilner (France, 2013, 90 min). Jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Stéphanie Binet Quand les Eurockéennes ont programmé le rappeur Jay-Z en 2010, des habitués à l’esprit chagrin se sont empressés de dire que le festival du Territoire de Belfort devrait se rebaptiser les « EuRAPéennes ». Fâchés que les Eurocks, qui pourtant programment du hip-hop depuis l’origine, décident cette année-là de casser la tirelire pour la star du genre.Ne leur en déplaise, en 2015 encore, les deux programmateurs de l’événement rock, Christian Alex et Kem Lalot, ont misé sur le rap pour lancer leur nouvelle édition qui, à l’ouverture des portes, vendredi 3 juillet, affichait complet. Les Eurockéennes connaîtront ainsi la plus grosse fréquentation de leur histoire avec 105 000 personnes présentes sur le site du Malsaucy pendant trois jours. « Heureusement, aujourd’hui, nous n’avons plus ce genre de réflexion, se rassure Christian Alex. En cinq ans, les choses ont évolué. La nouvelle génération qui fréquente aujourd’hui notre festival est ouverte d’esprit, et n’a de toute façon que faire des frontières musicales. Avec l’Internet, les plus jeunes écoutent de la musique avant tout. »Même si les programmateurs avaient voulu mettre le paquet pour obtenir la venue, par exemple, d’un Kendrick Lamar en tournée européenne, ils ne peuvent pas grand-chose face à certains rivaux. « On avait presque signé avec Lamar pour le dimanche 5 juillet, racontent les programmateurs. Mais au dernier moment, il s’est désisté pour une offre à un million de dollars ailleurs. » La concurrence est d’ailleurs proche. Dans quatre jours, à 200 km de Belfort, le festival suisse Openair de Frauenfeld accueillera tous les grands noms du rap américain, dont Nicki Minaj pour des tarifs d’entrée s’élevant jusqu’à 325 euros. Les Eurockéennes, elles, ont joué la carte de la créativité plus que la notoriété.Pour la première journée, la sélection rap est pointue entre la nouvelle génération du hip-hop français, l’Américain Pusha T lancé par les Neptunes et signé chez Kanye West, et un duo improbable du New Jersey, Ho99o9 (prononcer Horror), qui mélange punk et rap avec une énergie peu commune.Rap et egotripDès 19 h 15, la scène de la Plage est noire de monde pour accueillir un plateau qui veut enchaîner sans répit trois artistes français, Sianna, rappeuse de Beauvais, le Parisien Georgio et les Montpellierains Set & Match, dans un format « sec ». Chaque groupe a trente minutes pour prouver son efficacité. Honneur aux dames, c’est la toute jeune Sianna, 20 ans, qui débute. Jean noir serré couvert d’un maillot de sport, cette ancienne athlète, championne d’heptathlon et du 100 mètres haies, tient beaucoup mieux la distance que sur son EP. Elle qui se voit une carrière à la Diam’s n’a pas fini de « causer du tort aux rappeurs ».« Ce qui était drôle pour moi, raconte-t-elle en coulisses, c’est que quand j’arrivais dans des concerts, il y avait toujours des mecs qui étaient sur le point de partir parce qu’il y avait une fille sur scène. Et finalement en m’écoutant, ils restaient. Je leur lance cette pique pour leur dire : “Nous aussi, nous sommes capables de faire ce vous vous faites”. »Née à Bamako et adoptée à six mois par un couple de Français, Sianna a grandi à Beauvais, dans l’Oise. Elle a pris goût à la scène après avoir intégré un groupe de chant à l’âge de 14 ans. La passion pour la scène est restée, mais pas le chant. Il a été remplacé par le rap et l’egotrip (l’art de se vanter), qu’elle garde à sa juste mesure. Pas comme le trio Set & Match, qui enchaîne après un toujours très efficace Georgio. A Montpellier, les trois rappeurs de Set & Match cultivent l’hédonisme, eux, et le montrent sans complexe sur scène. Seul regret de ce plateau porteur d’espoir pour la nouvelle génération du rap français, c’est de ne pas avoir poussé l’idée des programmateurs : voir les trois artistes collaborer sur deux ou trois titres, comme les artistes hip-hop américains savent le faire, notamment au festival Coachella en Californie. Déjà en 2008, Christian Alex avait travaillé sur un projet avec le regretté DJ Mehdi, mort en 2011, qui voulait programmer dans un spectacle commun les trois artistes Diam’s, Joey Starr et Oxmo Puccino aux Eurockéennes de Belfort. Projet avorté après dépression de la rappeuse.La grosse surprise de la première soirée des Eurockéennes, c’est finalement Ho99o9, duo formé par Eaddy et The OGM, tout juste la trentaine, qui contrairement à leurs collègues américains n’ont que faire des dollars : « Pour certains dans la communauté hip-hop, nous sommes un groupe de gauchistes, s’amuse Eaddy, qui porte une coiffure afro à moitié décolorée en rose. Nous, nous voulons juste voyager dans le monde et rencontrer le maximum de punks, de rappeurs, de musiciens qui veulent créer cette énergie, produire la meilleure musique électrifiée possible. » Finalement, on en revient toujours au rock.Stéphanie BinetJournaliste au Monde Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nacim Chikh « Sword Art Online Extra Edition », un manga qui accumule tous les clichés de la fiction en général et du genre en particulier (vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45) L’an 2025 au Japon. Les casques de réalité virtuelle, les Nerve Gear, se sont développés au point de proposer une expérience sensorielle complète. A la sortie du premier jeu de rôle utilisant cette technologie, les quelque 10 000 joueurs qui se connectent ont une désagréable surprise : le créateur du jeu, Akihiko Kayaba, leur apprend qu’ils ne peuvent plus se déconnecter et que leurs corps sont dans un état proche du coma. Pour en sortir, ils doivent aller au bout du jeu, mais toute mort virtuelle sera synonyme de mort réelle. Voilà pour le scénario. Le manga qui en découle est une insulte au genre et à la fiction en général.L’œuvre inédite de Reki Kawahara, Sword Art Online Extra Edition,a été diffusée au Japon, le 31 décembre 2013, pour lancer la seconde saison de la série animée, adaptée du feuilleton de bande dessinée du même nom. Elle retrace les meilleurs moments de la première saison dans une série de flash-back abrupts et souvent incompréhensibles.Mouvements mal retranscritsEn cent minutes, tous les clichés des mangas japonais sont illustrés : un héros timide mais courageux et déterminé, des combats alliant gigantisme et lenteur extrême, une scène de piscine prétexte avec des filles à la taille de guêpe et à la poitrine débordante.La narration passant de scène en scène sans la moindre transition, il est difficile de suivre les personnages d’un monde à l’autre, ces derniers changeant d’apparence entre chaque univers. L’animation, qui mêle coups de crayon typiquement manga et références à l’univers de Tron, donne cependant un résultat plutôt réussi, malgré des mouvements mal retranscrits.Une fois le méchant et tout-puissant Akihiko vaincu, le héros Kirito doit sauver sa petite amie des griffes d’un de ses adjoints, Nobuyuki Sugo, qui l’a enfermée dans une autre réalité virtuelle. Il est aidé par Lyfa, une joueuse qui tombe amoureuse de lui sans savoir qu’il s’agit en réalité de son frère. L’histoire se termine sur une bataille contre un calamar géant qui lorgne sur un œuf sacré enfoui dans un temple sous­-marin. Une intervention divine à coups de trident et toute l’équipe repart à dos de baleine, pour faire plaisir à l’enfant-programme que le héros a eu dans une réalité virtuelle… Si vous n’avez pas tout compris, c’est normal, nous non plus.Sword Art Online Extra Edition, de Ito Tomohiko (Jap., 2013, 105 min). Vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45Nacim Chikh Alain Constant Isabelle Boni-CLaverie montre comment le passé colonial français conditionne toujours le regard des Blancs sur les Noirs (vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10). C’est une fillette élevée bourgeoisement dans un grand appartement parisien de la très chic plaine Monceau. Elle fréquente une école catholique, passe de belles vacances en compagnie d’autres enfants issus de milieux favorisés. Sur une photo des années 1970, on voit la gamine, ravissante, à bord d’un bateau, en compagnie d’un petit garçon blond qui deviendra roi des Pays-Bas.Cette gamine est devenue réalisatrice et scénariste. Parcours finalement classique d’un rejeton de la bonne bourgeoisie ? Pas tout à fait. Car Isabelle Boni-Claverie, petite-fille d’Alphonse Boni, originaire de Côte d’Ivoire devenu magistrat de la République française dans les années 1930, fille d’une femme politique ivoirienne, est métisse. Et dans la France du XXIe siècle, avoir la peau noire n’est, visiblement, toujours pas anodin.Un passé colonial qui ne passe pasMêlant approche intimiste et témoignages d’historiens, de sociologues et de citoyens français noirs de peau, Isabelle Boni-Claverie livre un documentaire émouvant et instructif. Il y est question du regard des autres, d’incompréhensions et surtout de l’hypocrisie qui règne dans une société française où le passé colonial conditionne encore le regard des Blancs sur leurs compatriotes noirs.En France, les statistiques ethniques sont toujours proscrites, mais des spécialistes estiment à environ 5 % de la population le pourcentage de Noirs. Parmi eux, combien de députés, de médecins, d’avocats, de réalisateurs ? Interrogée sur la raison de ce documentaire, Isabelle Boni-Claverie répond : « Je me demande depuis très longtemps en quoi je “pose problème” dans la société française. Pour les gens d’origine africaine ou caribéenne, il y a ce présupposé que nous sommes étrangers, qu’il existe toujours un ailleurs qui ne nous permettrait pas d’être pleinement français. La question “d’où venez-vous ?” est récurrente. Cela interroge forcément les liens que nous entretenons avec notre pays. »« Les stéréotypes perdurent »La réalisatrice s’entretient aussi avec les membres de sa famille. Ses cousins blancs lui décrivent comment sa famille maternelle, originaire du Tarn, a vécu le mariage de sa grand-mère avec un Ivoirien. Né en 1909, son grand-père, Alphonse, avait été envoyé en France à 15 ans pour y suivre des études. C’est à la bibliothèque de la faculté de droit de Toulouse que le jeune étudiant tomba amoureux de Rose-Marie, originaire de Gaillac. Leur mariage, à Gaillac, à la fin des années 1930, fit sensation. Depuis, les idées reçues n’ont pas disparu. Comme l’explique l’historien Pap Ndiaye : « Si les stéréotypes perdurent, c’est parce que, d’une certaine manière, ils ont une utilité sociale. Ils servent à faire perdurer des formes d’inégalité qui conviennent à une partie de la société française. » Un rappel salutaireAncienne élève de la Fémis, l’école nationale supérieure de l’image et du son, Isabelle Boni-Claverie revient dans ces locaux. A l’époque, elle était la seule étudiante noire. Aujourd’hui, la situation n’a guère évolué. Le patron de la Fémis ne peut que constater un triste état de fait : « Je suis favorable aux statistiques ethniques, car tant que l’on n’aura pas les chiffres, on continuera à baratiner. »En attendant, l’hypocrisie règne. Malgré les discours généreux, l’ascension sociale des Noirs français n’est toujours pas une évidence. Ce documentaire rappelle cette réalité à travers un exemple atypique : celui d’une citoyenne française noire, issue d’un milieu socialement privilégié.Trop noire pour être française ?, d’Isabelle Boni-Claverie (France, 2015, 55 min). Vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Service culture Le Monde vous propose son choix de spectacles pour l’édition 2015 du festival d’Avignon, qui se déroule du 5 au 24 juillet.Théâtre : « Le Roi Lear » et « Richard III » de Shakespeare Deux rois de Shakespeare règnent sur la Cité des papes : Lear, qu’Olivier Py, le directeur du festival, met en scène dans la Cour d’honneur du Palais des papes, avec son acteur fétiche Philippe Girard dans le rôle-titre (du 4 au 13), et Richard III, mis en scène (en allemand) par Thomas Ostermeier, le directeur de la Schaubühne, avec un acteur star dans le rôle-titre, Lars Eidinger (du 6 au 18, à l’Opéra). Deux conceptions différentes du théâtre, deux visions de Shakespeare : un beau duel en perspective.Théâtre : « Le Vivier des noms », de Valère Novarina Chaque pièce de Valère Novarina est la promesse d’un voyage dans la forêt des mots, que l’auteur arpente en suivant d’inénarrables chemins de traverse. Dernière en date, Le Vivier des noms (du 5 au 12, au cloître des Carmes) réunit une foultitude de personnages qui, en deux heures et cinquante-deux scènes, transforment le plateau en une sorte de rébus : L’Historienne qui ordonne que l’histoire commence, Les Antipersonnes, l’Acteur fuyant, le chien Uzedent, les Enfants pariétaux… On piaffe de les entendre.Théâtre : « António et Cléopatra », de Tiago Rodrigues Tiago Rodrigues est le tout jeune et tout nouveau directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne, l’équivalent portugais de la Comédie-Française. A l’automne 2014, il a présenté à Paris By Heart, un magnifique spectacle sur la mémoire. A Avignon, où il vient pour la première fois, il propose António et Cleopatra (Antoine et Cléopâtre, au Théâtre Benoît XII, du 12 au 18), une pièce qu’il a écrite en s’inspirant de Plutarque, Shakespeare et Joseph L. Mankiewicz. Une version intimiste, avec deux comédiens, à découvrir.Danse : « Barbarians », de Hofesh Shechter Vedette explosive de la danse, le chorégraphe israélien Hofesh Shechter présente à La FabricA (les 12, 13, 14 et 15 juillet) Barbarians, spectacle en trois parties, créées les unes à la suite des autres depuis novembre 2014, qui mixte les styles et les points de vue. The Barbarians in Love, pour six interprètes, s’appuie sur des partitions baroques ; tHe bAD met en jeu cinq danseurs sur une partition percussive et revendique une part obscure, une inspiration tribale, une gestuelle sous influence urbaine ; enfin Two Completly Different Angles of the Same Fucking Thing renoue avec la forme du duo que privilégiait le chorégraphe à ses débuts.Théâtre : Des arbres à abattre, par Krystian LupaLe maître du théâtre polonais n’était, curieusement, jamais venu à Avignon. A 72 ans, le voici enfin dans le saint des saints avec Des arbres à abattre, un texte de Thomas Bernhard, son auteur de prédilection, auquel il revient pour la sixième fois (à La FabricA, du 4 au 8 juillet). Un jeu de massacre comme les aime l’auteur autrichien, servi par des acteurs au top. Magistral. Théâtre : Les Idiots, d’après Lars von Trier, par Kirill SerebrennikovA 46 ans, Kirill Serebrennikov est devenu le chef de file de l’avant-garde russe, et d’un théâtre transgressif qui s’oppose aux conservatismes de Vladimir Poutine. A Avignon, il présente, du 6 au 11 juillet dans la cour du lycée Saint-Joseph, Les Idiots, un spectacle inspiré du film de Lars von Trier. Des « idiots » très liés à la situation de la Russie d’aujourd’hui. A découvrir. Service cultureJournaliste au Monde 02.07.2015 à 14h33 • Mis à jour le03.07.2015 à 05h37 | Florence Evin Le Musée du Louvre affiche désormais un billet unique à 15 euros. Celui-ci remplace les tarifs précédents : 12 euros pour l’accès aux collections permanentes, 13 euros pour les expositions temporaires seules, 16 euros pour l’ensemble.Cette nouvelle tarification fait la part belle aux jeunes de moins de 26 ans de l’Union européenne, en leur appliquant la totale gratuité sur l’ensemble du musée, y compris l’accès aux expositions temporaires – auparavant, cet accès était tarifé à 12 euros, la gratuité ne s’appliquant que sur les collections permanentes. Hors Union européenne, cette gratuité totale s’applique jusqu’à l’âge de 18 ans. Au total, cela concerne un million de jeunes sur les 9,8 millions de visiteurs enregistrés en 2014 par le premier musée du monde pour son affluence.Simplification tarifaireL’établissement public justifie cette augmentation dans un but de simplification tarifaire. Une manière aussi d’inciter les visiteurs, et notamment les 70 % de visiteurs étrangers – parmi lesquels Américains, Chinois, Italiens, Anglais et Brésiliens sont les plus représentés –, à être plus curieux et à s’aventurer dans les salles moins fréquentées. 38 000 œuvres des collections permanentes sont visibles dans les 403 pièces du musée, à condition de parcourir les quatorze kilomètres de couloirs et les 72 735 m2 de surface d’exposition.En ce début juillet , avec de 25 000 à 30 000 entrées chaque jour, l’affluence des visiteurs est telle que le musée réfléchit à instituer des plages horaires réservées et à mieux faire savoir que les mercredis et vendredis, le musée est ouvert jusqu’à 22 heures. Ne pas décourager les touristes est un objectif vital pour le Louvre. La billetterie représente 60 % des ressources propres du musée national et finance à hauteur de 20 % sa politique d’acquisitions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin La cité mythique reprend vie grâce aux technologies numériques (jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures). Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la redécouverte, en 1866, des ruines de l’ancienne capitale de l’Empire khmer. L’énigme de la cité, abandonnée au XVe siècle à l’emprise de la jungle, commence tout juste à être levée.Les pyramides de grès, sanctuaires édifiés par les rois, dédiées aux dieux hindous et à Bouddha, prisonnières de racines tentaculaires, avaient jusque-là conservé leurs secrets. Un équipement révolutionnaire au laser a permis de révéler par vue aérienne le plan quadrillé de l’ancienne ville, jusqu’à l’empreinte même des bâtiments disparus. Sur 200 kilomètres carrés, la capitale apparaît sur un écran à une échelle de quelques centimètres : stupéfiant.Dans la forêt, il ne reste rien des maisons et des palais de bois, dévorés par les termites. Seuls les temples en grès ont survécu. Les fouilles menées par l’archéologue Jacques Gaucher, au cœur de la capitale Angkor Thom, la « grande ville », lui ont permis d’identifier le Thlok, l’arbre sacré, symbole du mythe fondateur de la ville, enfoui à 4 mètres, vestige du premier palais. Le centre politique, religieux, magique, autour duquel elle s’est développée du VIIIe siècle au XIIe siècle, avant de péricliter.TrésorLes technologies numériques ont recomposé la silhouette des grands sujets sculptés, mutilés au burin et à la tronçonneuse. L’archéologue Eric Bourdonneau et le conservateur en chef du Musée Guimet, Pierre Baptiste, se rendent dans les ruines de Koh Ker, capitale provinciale au Xe siècle, jamais fouillée mais très pillée dans les années 1990. Là, se trouve la plus haute pyramide khmère.Les deux spécialistes ont entrepris de redonner vie à un shiva dansant de 4 mètres de hauteur. Ils s’appuient sur les relevés de Louis Delaporte, dessinateur embarqué sur le Mékong en 1866, avec la mission d’exploration conduite par Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier, précieux témoignages pour la recomposition des vestiges. Delaporte fera faire des moulages des bas-reliefs à l’échelle 1. Au fil de ses missions, il en rapportera quelque 500 mètres cubes, un temps exposés au Musée indochinois du Trocadéro, puis oubliés dans les caves d’une abbaye. Pierre Baptiste raconte sa détermination à sauver ce trésor qui a fait l’objet d’une belle exposition en 2014 au Musée Guimet.Angkor redécouvert, de Frédéric Wilner (France, 2013, 90 min). Jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Rémi Dupré Une plongée dans les coulisses de l’explosive équipe d’Allemagne, vainqueure de la Coupe du monde 2014 (jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50). Cette équipe méritait tellement ce titre. » Le 13 juillet 2014, au stade Maracana de Rio de Janeiro, le sélectionneur allemand Joachim Löw rendait un hommage appuyé à ses joueurs, vainqueurs de la Coupe du monde. Grâce à un but inscrit par Mario Götze, la Nationalmannschaft venait de terrasser (1-0) en finale l’Argentine du prodige Lionel Messi, au terme d’âpres prolongations.Présente dans le dernier carré de chaque compétition internationale depuis le Mondial 2006, organisé sur ses terres, l’Allemagne accrochait une quatrième étoile à son maillot, après ses sacres planétaires de 1954, 1974 et 1990. Articulée autour de cadres chevronnés comme son capitaine Philipp Lahm ou son attaquant Miroslav Klose, 36 ans et recordman de buts (16) inscrits en Coupe du monde, elle remportait son premier titre depuis… l’Euro 1996.Une attaque de feuRéalisé par Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt, Die Mannschaft se veut une plongée au jour le jour dans les coulisses de cette explosive sélection, dont l’attaque de feu a fait trembler les filets à dix-huit reprises durant le tournoi brésilien. Les téléspectateurs français seront tentés de comparer ce film au mythique Les Yeux dans les Bleus, le chef-d’œuvre de Stéphane Meunier et de Canal+, qui montre les dessous de l’épopée des Tricolores, sacrés champions du monde en 1998. Et ils seront déçus.Dans Die Mannschaft, les causeries d’avant-match de Joachim Löw sont nettement moins musclées et lyriques que celles d’Aimé Jacquet, l’ex-patron des Bleus à fleur de peau. Construit de toutes pièces sur les deniers de la Fédération allemande (DFB), le complexe hôtelier de Campo Bahia ressemble davantage à une station balnéaire, au cadre paradisiaque, qu’à un camp de base où les « guerriers » suent sang et eau, comme l’était Clairefontaine, le quartier général des Tricolores.Les réalisateurs mettent particulièrement l’accent sur l’harmonie qui règne au sein de l’effectif de Joachim Löw. Complicité entre les joueurs et le staff technique, gages gentillets, visite d’une école de l’Etat de Bahia, parties de billard et de fléchettes : cette épopée brésilienne s’apparente à une marche triomphale sans anicroche. Une seule séquence traduit un climat de nervosité : l’échange viril entre le défenseur Per Mertesacker et les médias allemands après la fastidieuse victoire (2-1 après prolongations) de la sélection face à l’Algérie, en huitièmes de finale.Portugais étrillés, Brésiliens pulvérisés« Notre devise, c’était une page blanche à remplir », avance le manageur Oliver Bierhoff, l’un des nombreux cadres de la Mannschaft interviewés « à froid » et a posteriori. Si elle fait preuve d’humilité, cette équipe d’Allemagne n’en est pas moins un rouleau compresseur, capable d’étriller (4-0) des adversaires du calibre du Portugal, lors du premier tour. Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, elle pulvérise (7-1) la Seleçao, en demi-finales de « son » Mondial, et provoque un séisme au pays du « futebol ».Derrière les exploits du onze allemand se cachent les adjoints de Joachim Löw, techniciens méthodiques et discrets. Les réalisateurs s’évertuent à présenter ces hommes de l’ombre, comme Urs Siegenhalter, « espion » de la Mannschaft, chargé de superviser ses adversaires.«Osmose », « déferlante d’émotions ». C’est ainsi que Joachim Löw dépeint les heures qui ont suivi le sacre de ses hommes, accueillis tels des héros par 1 million de Berlinois. Une foule qui avait déjà oublié l’élimination de sa sélection, huit ans auparavant, en demi-finales de « son » Mondial.Die Mannschaft, de Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt (Allemagne, 2014, 90 min). Jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50Rémi DupréJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.07.2015 à 13h26 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h01 | Agathe Charnet « Un théâtre sans projet artistique, c’est un théâtre qui meurt. » Telle est la sonnette d’alarme tirée par Pascale Henrot, ancienne directrice du Théâtre de la Cité internationale de Paris (TCI). Depuis septembre 2014, date de son départ à la tête de l’Organisation nationale de direction artistique, les salariés du Théâtre de la Cité sont dans l’expectative la plus totale quant à leur devenir. « En près d’un an, aucune procédure normale d’appel à candidatures n’a été lancée, c’est une stratégie du pourissement », s’indigne Pascale Henrot. Plus inquiétant encore, le conseil d’administration de la Cité internationale a mis sur la table un projet de restructuration du théâtre qui amputerait le TCI de plus de la moitié de sa subvention annuelle – qui s’élève pour l’heure à 880 000 euros.Impossible donc de savoir si les trois salles du théâtre pourront de nouveau ouvrir leurs portes et afficher, comme en 2014, un taux de fréquention de 79 % – dont 30 % de jeunes spectateurs. L’avenir de ce théâtre atypique, implanté au cœur de la « Cité U » dont il est sous la tutelle, est donc entre les mains de la fondation de la Cité internationale. Face à la pétition lancée par l’équipe du TCI, ainsi qu’aux nombreux soutiens apportés notamment par Jack Lang, Denis Podalydès ou Christophe Rauck, la direction de la Cité reste muette. La déléguée générale Carine Camby tout comme le président Marchel Pochard se refusent à tout commentaire.Un pôle de création unique au sud de ParisLe Théâtre de la Cité est pourtant un lieu mythique de la scène contemporaine française. Rénové à grands frais (près de 8 millions d’euros) en 2004, il abrite treize studios de musique et cinq ateliers d’artistes. Pensé par les pères fondateurs comme faisant partie intégrante du projet humaniste de la « Cité U », il est inauguré en 1936. Sous l’impulsion d’André Malraux, André-Louis Périnetti en prend la direction en 1968 et y accueillera des figures d’avant-garde comme Victor Garcia ou le Grand Magic Circus.A partir de 1991, la nouvelle maîtresse des lieux, Nicole Gautier, pense aussi le Théâtre de la Cité comme un point de propulsion pour de jeunes artistes. Pascale Henrot ajoute en 2008 sa pierre à l’édifice en axant sa programmation sur la transdisciplinarité : arts du cirque, nouvelles écritures et arts plastiques attirent le public dans un sud francilien pauvre en salles de tailles intermédiaires.« Un déficit permanent »Mais la direction reproche au théâtre de s’être trop éloigné de la vie universitaire. Selon des sources proches du dossier, la Cité internationale souhaiterait aussi investir dans des domaines jugés plus rentables et valorisants que la sphère artistique, comme la construction de nouvelles Maisons (Chine, Ile-de-France et Corée). Les membres du conseil d’administration n’envisagent plus de doter aussi largement un théâtre que certains désignent même comme un « déficit permanent » – même si le budget du TCI ne représente que 2,3 % des dépenses globales de la « Cité U ».Suite au départ de Pascale Henrot, la fondation a fait part de son désir de voir se restructurer économiquement le théâtre. A cet effet, Philippe Bachman – directeur de la Comète de Châlons-en-Champagne – a été désigné début 2015 pour mener une mission de préfiguration de trois mois. Il s’agissait de définir un nouveau projet artistique pour le TCI et surtout de proposer un budget moins gourmand en dotations. Mais le rapport rendu par Philippe Bachman – qui propose d’ouvrir davantage les activités du théâtre à l’international et à la vie étudiante – n’a, semble t-il, pas suffi à combler les attentes de la fondation. Pas plus que la baisse de 150 000 euros de budget concédée à la Cité. A l’heure actuelle, les vingt-huit employés du théâtre sont condamnés à attendre la rentrée 2015 pour connaître la décision finale du conseil d’administration.La fin d’une époque ?Si la baisse des subventions annoncée par la fondation est confirmée, ni le ministère de la culture ni la Ville de Paris n’ont indiqué vouloir augmenter leurs subventions respectives de 1,3 million et 230 000 euros. Ce qui entraînerait le licenciement d’au moins dix personnes et rendrait impossible la poursuite des activités artistiques.Tandis que l’équipe du TCI continue tant bien que mal de travailler, Jeanne Candel, artiste en résidence aux côtés de son collectif « La Vie Brève », a été reconduite pour un an au sein du TCI. « Je suis carrément en colère et attristée de la situation, assène Jeanne Candel. La résidence au Théâtre de la Cité a été un tremplin incroyable. Durant près de trois ans, nous avons eu une maison, un abri, un toit. A l’heure actuelle, c’est un luxe inestimable. » Un « luxe » que la fondation estime apparemment désormais de l’ordre du superflu.Agathe CharnetJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum François Ozon dresse le portrait d’une « belle de jour » et avec elle l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance (mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45). Depuis Regarde la mer (1997), l’attirance de François Ozon pour la perversité des êtres ne se dément pas. Si lisse et glamour que puisse paraître son cinéma, Ozon n’aime rien tant que suggérer « la merde dans le bas de soie », pour reprendre la suave expression que Napoléon aurait jetée à la face de son chambellan Talleyrand, soupçonné de trahison.Une quinzaine de films plus tard, Jeune et jolie enfonce ce clou comme jamais, et devrait rester comme l’un des meilleurs films du réalisateur. L’histoire, enlevée en quatre chapitres saisonniers, a pour centre névralgique une adolescente qui correspond trait pour trait à l’intitulé du film. Isabelle (interprétée par Marine Vacth) est une jeune fille à la beauté racée, envoûtante. Au moral, c’est une autre facture. Dépucelée sans illusions (« C’est fait ») dans le premier chapitre qui la joue film de plage en accéléré, Isabelle passe les saisons suivantes à se prostituer sans plus d’états d’âme auprès de messieurs matures en mal de sensations fortes. Jusqu’à ce que l’un d’eux lui claque entre les cuisses.Mystère et scandaleLe prix du film tient à la manière dont François Ozon préserve le mystère, et le scandale, de son personnage, en prenant garde d’évacuer les unes après les autres toutes les pistes, sociales ou psychologiques, qui pourraient expliquer un tel comportement.Isabelle est une petite-bourgeoise parisienne dont rien ne permet d’arraisonner l’esprit de lucre. Rien, hormis la soif transgressive de l’adolescence elle-même. Ou, mieux encore, l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance, défigurée par le trafic émotionnel du consumériste.Ici, le film se révèle juste et fort. Le sentimentalisme des chansons (cru 1960-1970) de Françoise Hardy y résonne donc comme une ironie cruelle, de même que l’impuissance des parents de la jeune fille suggère qu’Isabelle est une créature appartenant à une espèce nouvelle, vouée à la destruction houellebecquienne du monde.Jeune et jolie est l’histoire d’un monstre inexorable, qui est à la fois la jeune fille qui nous séduit par sa plastique pseudo-virginale et le néant qui la gouverne du dedans.Jeune et jolie, de François Ozon. Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot (France, 2013, 95 min). Mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Quarante après les faits, le fils du magistrat est retourné voir les différents acteurs d’une affaire dans laquelle la République ne sort pas grandie (mercredi 1er juillet sur France 3). Il y a quarante ans, dans la nuit du 2 au 3 juillet 1975, le juge François Renaud était abattu de plusieurs balles en bas de son domicile, à Lyon, par trois hommes cagoulés qui réussirent à prendre la fuite. L’annonce de sa mort fut un choc. C’était la première fois, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qu’un juge était assassiné en France. Nommé premier juge d’instruction du palais de justice de Lyon en 1972, après avoir fait ses classes en Afrique, François Renaud était surnommé « le shérif » en raison de ses méthodes peu orthodoxes et plutôt musclées pour mener les instructions. Dandy et homme à femmes, il était aussi un des fondateurs du syndicat de la magistrature créé dans le sillage de Mai 68.Lyon : « Chicago-sur-Rhône »Au début des années 1970, le juge Renaud était une figure emblématique de la magistrature française pour sa lutte sans merci contre la pègre lyonnaise qui, à cette époque, avait quasiment pignon sur rue dans la capitale des Gaules rebaptisée « Chicago-sur-Rhône ».Dans ses dossiers, la grande criminalité faisait bon ménage avec la politique. Le juge Renaud y croisait des notables qui ne cachaient pas leur appartenance au Service d’action civique (SAC), la milice barbouzarde de l’UDR, le parti gaulliste, réactivé avec les événements de mai 1968.En enquêtant sur le « gang des Lyonnais », un groupe de braqueurs chevronnés, le juge Renaud découvrit qu’une partie du fabuleux butin de 12 millions de francs (1,8 million d’euros) dérobé lors du braquage de l’hôtel des Postes de Strasbourg, en 1971, avait fini dans les caisses de l’UDR. Il n’avait pas de preuves, mais il les cherchait. Ce qui ne plaisait pas à tout le monde… Plusieurs années après, Edmond Vidal, le chef du « gang des Lyonnais » mis en prison par le juge Renaud, confirma publiquement à la télévision qu’une partie de l’argent avait bien été versée à un parti politique.Une enquête bâcléeLa veille de son assassinat, le juge Renaud avait confié à son fils Francis, alors âgé de 20 ans, qu’il était sur une grosse affaire et qu’il risquait, peut-être, sa vie. Il n’en a pas su plus. Après la mort de son père, Francis Renaud n’a pu que constater, impuissant, que l’enquête était bâclée : lâchage par les politiques, dysfonctionnement dans la police, dénigrement de son père et mort de l’assassin présumé abattu par la police. De plus, le dossier sur la mort du juge passa de main en main pour mieux s’enliser. Il sera suivi par six juges d’instruction dont le dernier, Georges Fenech (élu depuis député UMP du Rhône en 2002), signera une ordonnance de non-lieu en 1992. La prescription de l’affaire sera prononcée en 2004 sans que l’identité des commanditaires ait pu être établie.Quarante ans après, Francis Renaud, auteur de Justice pour le juge Renaud (Editions du Rocher, 2011), a repris l’enquête avec le journaliste Patrice du Tertre et livre ce documentaire en forme de journal de bord dont on connaît la fin. De retour à Lyon, il y rencontre de nombreux protagonistes qui se sont occupés de l’affaire. Magistrats, policiers, journalistes ainsi que la greffière du juge à l’époque, tous pointent les incohérences de l’instruction et le malaise lorsque l’on tente de rouvrir ce dossier. Structurée par de nombreuses archives accablantes pour les politiques de l’époque, cette enquête sur l’assassinat du juge Renaud montre que cette affaire reste une tache noire dans l’histoire de la République.Le juge Renaud, un homme à abattre, de Patrice du Tertre et Francis Renaud (Fr., 2013, 55 min). Mercredi 1er juillet sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexis Delcambre C’est désormais une certitude : une procédure disciplinaire va être engagée contre Agnès Saal, ex-présidente de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), dont les notes de taxi avaient précipité la chute, fin avril.« Je vais faire une demande au président de procédure disciplinaire à l’encontre d’Agnès Saal », a déclaré la ministre de la culture, Fleur Pellerin, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes médias, mercredi 8 juillet.Cette démarche fait suite à une enquête administrative interne qui avait été ouverte après les révélations concernant les frais de Mme Saal, en parallèle des deux enquêtes préliminaires ouvertes aux parquets de Créteil et Paris concernant ses mandats à l’INA et au Centre Pompidou. Cela signifie que cette enquête administrative a recueilli des éléments probants.La décision de Mme Pellerin ne préjuge pas d’une éventuelle sanction. La procédure est dite « contradictoire » et Agnès Saal fera donc entendre sa défense. Mais en théorie, si sanction il y a, cela pourrait aller jusqu’à son exclusion de la fonction publique.Alexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Eric Albert (Londres, correspondance) NME joue son va-tout : le mythique magazine britannique de musique, que se sont arraché des générations de jeunes branchés, va devenir gratuit. A partir de septembre, New Musical Express sera distribué dans les gares, les universités et des « partenaires de vente » dont la liste n’est pas précisée.Pour l’hebdomadaire, il s’agit d’une dernière tentative de retrouver sa gloire d’antan. Il sera distribué gratuitement à 300 000 exemplaires, ce qui était son niveau dans les années 1970. Actuellement, seulement 15 000 copies sont vendues chaque semaine, à 3,50 euros pièce.En multipliant par vingt sa diffusion, NME espère récupérer de la publicité et trouver un nouveau modèle économique. Il va aussi élargir son champ d’activité, pour couvrir l’ensemble de l’actualité culturelle et ne plus se limiter à la musique. « Des 63 ans de notre existence, c’est notre évolution la plus osée », explique Mike Williams, le rédacteur en chef.DéfricheurCréé en 1952 par Maurice Kinn, avec de l’argent de sa belle-mère, NME a toujours occupé une place à part dans le très actif paysage musical britannique. A son pic, dans les années 1970 et 1980, le magazine était l’incontournable bible de l’Underground. Il avait commencé dès les années 1950, avec la découverte du rock’n’roll alors qu’Elvis choquait encore.Toujours défricheur, il a longtemps évité de mettre en avant les stars du moment, préférant donner leur chance de jeunes groupes intéressants. Le déclin a commencé dès le début des années 1990, avec l’arrivée d’une série de mensuels comme Q, qui consacraient des articles à des groupes plus connus, qui attiraient finalement plus de lecteurs.Mais l’arrivée d’internet a accéléré le mouvement, en touchant doublement le magazine. D’une part, l’industrie de la musique s’est effondrée, avec le téléchargement illégal et depuis peu du « streaming ». D’autre part, le recensement des concerts est désormais réalisé en ligne. NME est progressivement devenu un magazine de niche, ultra-spécialisé.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Marc Minkowski a appris qu’il venait d’être nommé à la tête de l’Opéra national de Bordeaux, jeudi 2 juillet, alors qu’il était à Roissy, embarquement pour Stockholm, où il prépare Les Noces de Figaro, de Mozart dans le fameux théâtre du Château de Drottningholm. Le chef d’orchestre français succédera à Thierry Fouquet, en poste depuis 1996, atteint par l’âge de la retraite, qui partira en juin 2016 après vingt ans de direction générale.La place était on ne peut plus convoitée : une quarantaine de prétendants se seraient mis sur les rangs dès avant l’annonce officielle d’appel à candidature fin 2014, remise des dossiers fin mai 2015. Mais ils n’étaient plus que trois à passer leur « grand oral » début juin devant un jury composé de tutelles (mairie, Etat, région) et de personnalités. Marc Minkowski a emporté l’adhésion, devant Frédéric Chambert, actuel directeur de Théâtre du Capitole à Toulouse, et Laurence Marchand, directrice de production au Théâtre du Châtelet à Paris. « Cela m’a demandé autant de travail que si j’avais dû préparer et passer un concours ! », remarque le musicien, heureux de se sentir enfin vraiment accueilli dans son propre pays.Un ensemble baroque et un festivalA 52 ans, le chef d’orchestre français, familier des plus grandes scènes lyriques (il est dans la fosse du Palais Garnier pour l’Alceste, de Gluck, jusqu’au 15 juillet) et festivals (il dirige régulièrement à Salzbourg depuis 1997), peut se targuer d’avoir déjà derrière lui une belle carrière. Bien fini le temps où le fils du professeur Alexandre Minkowski jouait du basson dans la fosse de l’Opéra-Comique dans le fameux Atys, de Lully, sous la direction de William Christie. Depuis, le musicien a fondé, il y a plus de trente ans (1982), son propre ensemble baroque, Les Musiciens du Louvre, poursuivant avec eux une trajectoire internationale qui l’amène à accepter en mars 2008 le poste de directeur musical de l’orchestre Sinfonia Varsovia, à Varsovie, puis, en mars 2012, la codirection artistique de la Semaine Mozart (Mozartwoche), le festival d’hiver de Salzbourg.Depuis 2011, Marc Minkowski a créé sur l’île de Ré, où il possède une résidence secondaire, un festival de printemps : Ré majeure. « Ces six derniers mois, je me suis rendu à Bordeaux pour voir la plupart des spectacles, parfois en voisin, raconte-t-il. J’avais besoin de m’imprégner de l’esprit des lieux, de théâtre d’opéra qui est l’un des plus beaux de France, du nouvel auditorium, dans lequel j’entends également développer plus de projets lyriques… » Marc Minkowski n’ignore pas qu’on lui reprochera sans doute son peu d’expérience en matière de gestion d’institution lyrique. A cela, il oppose son « apprentissage » auprès des grands professionnels avec lesquels il a travaillé comme musicien – Gerard Mortier, Jean-Pierre Brossmann, Stéphane Lissner. « Je les ai bien observés. C’est un métier dont je mesure parfaitement les exigences et je me sens capable d’y répondre. »Contraintes budgétairesLa période budgétaire est contrainte. A Grenoble, lui et ses Musiciens du Louvre en ont fait durement les frais après les élections municipales de 2014 et l’installation d’une mairie verte, perdant d’un coup la totalité de leurs subventions. A Bordeaux, le musicien compte bien augmenter substantiellement la part du mécénat, dont le montant n’excède pas aujourd’hui les 400 000 euros. Il est vrai que la région bordelaise est l’une des plus riches de France et que notre épicurien se verrait bien déployer la triple bannière gastronomie, œnologie, opéramanie. « Il est temps que je fasse profiter mon pays de mon énergie, de mes compétences, de mon réseau international, et des facilités qu’a un artiste de lever des fonds auprès des mécènes », affirme-t-il. Cela devrait permettre de compléter les 30 millions d’euros du budget annuel de l’Opéra de Bordeaux et de mener à bien tous les projets dont il fourmille – création ou développement d’un atelier lyrique, d’une troupe, d’un orchestre de jeunes…Le détail du projet artistique de Marc Minkowski ne sera connu que dans quelques mois, mais l’intéressé a déjà évoqué quelques pistes : « J’aimerais faire briller le répertoire français qui me tient particulièrement à cœur, mêler au grand répertoire des œuvres plus légères. Je dirigerai mon premier Ring wagnérien à Cologne la saison prochaine, alors pourquoi pas un Ring à Bordeaux à moyen terme ? » Soucieux de transmission et de pédagogie, le musicien français mettra l’accent sur la démocratisation de l’opéra en invitant des « artistes venant de la pop ». Il précise qu’il y a « un stade magnifique qui vient d’ouvrir : on pourrait y faire, pourquoi pas, un événement de temps en temps… »« Tout simplement envie de servir ma patrie »Bordeaux est sans doute une belle revanche pour Marc Minkowski le retoqué de l’Opéra-Comique, candidat malheureux par deux fois face à Jérôme Deschamps (2007) puis Olivier Mantei (2014). « C’est une structure plus légère qui correspondait mieux a priori à mon fonctionnement, reconnaît-il, mais le challenge que représente Bordeaux, avec ses deux salles, l’Orchestre national que dirige Paul Daniel (dont le parcours n’est pas sans similitudes avec le mien), l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, dont je prolonge la résidence, tout cela m’excite aujourd’hui bien davantage. » Marc Minkowski pourra compter sur une équipe de 330 personnes, dont il a pu, dit-il, apprécier le professionnalisme et les solides compétences au cours des derniers mois. De plus, la nouvelle carte territoriale fera de la cité bordelaise une super capitale régionale dès 2016 (avec l’ajout à l’Aquitaine du Limousin et du Poitou-Charentes). « Dès ma première saison, le temps pour venir de Paris à Bordeaux en TGV sera le même que pour Lyon : deux heures », remarque-t-il.Le chef d’orchestre s’est engagé à réduire sa carrière internationale. Il envisage par exemple de prendre le statut de chef fondateur des Musiciens du Louvre, laissant entendre qu’il pourrait en abandonner la direction musicale à un ou plusieurs autres chefs. « Les Musiciens du Louvre participeront à l’activité musicale bordelaise et je compte les inviter progressivement à l’auditorium, mais ils vont rester basés en région Rhône-Alpes », prévient-il. Renoncera-t-il à Salzbourg ? Le musicien s’est engagé à se rendre « totalement disponible pour ses nouvelles fonctions » afin de respecter les engagements qui lui ont permis de décrocher le poste : « Faire de l’Opéra national de Bordeaux le port d’attache des valeurs montantes parmi les chanteurs de demain… » Marc Minkowski n’a pas postulé à Bordeaux pour accrocher un trophée de plus à son tableau de chasse. Pour lui, il s’agit d’un tournant, qui embrasse les préoccupations du musicien, mais aussi les espérances de l’humaniste : « J’ai tout simplement envie de servir ma patrie, affirme-t-il. Je suis moi-même issu de l’immigration, polonais d’un côté, américain de l’autre. Je souffre comme tout le monde des événements qui endeuillent mon pays. A Bordeaux, j’entends bien faire résonner et défendre les valeurs de liberté, égalité, fraternité. » Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot Tout nouveau, tout beau : le festival des Rencontres d’Arles célèbre sa 46e édition avec un nouveau directeur, Sam Stourdzé, et avec apparemment toutes les chances de son côté. Alors que le festival a toujours souffert de locaux inappropriés pour ses expositions – lieux charmants mais trop chauds, trop humides ou en mauvais état – la métamorphose des ateliers SNCF, où sont exposées la majorité des expositions, est frappante cette année.Ces lieux immenses ont été rachetés par la Fondation Luma qui y construit un immense complexe culturel. Elle y bâtit une tour massive dessinée par l’architecte Frank Gehry et rénove les bâtiments à toute vitesse, ce qui a permis de doter le festival de salles d’exposition de qualité. L’atelier des forges, en particulier, avec ses poutres métalliques élégantes, son éclairage et sa température contrôlés, donnerait presque au festival un air de musée. Le bâtiment accueille sur ses cimaises colorées une exposition riche qui envisage la photographie à travers les pochettes de disques réalisées par des photographes. Cette année, avec l’arrivée d’un bar kitsch et de food trucks, les ateliers SNCF qui ont accueilli la fête d’ouverture se sont réaffirmés comme le cœur et le symbole du festival.Instabilité permanenteParadoxalement, ces changements bienvenus annoncent tout sauf un enracinement. Après 45 éditions, la plus grosse manifestation dédiée à la photo de France n’a aucun espace propre qui puisse être garanti d’une année sur l’autre. Il dépense plus d’un million d’euros, chaque année, pour équiper les lieux et les églises où sont accrochées les photos, pour construire des cimaises qu’il faut retirer, stocker et réinstaller à chaque fois.La question se pose d’autant plus qu’à l’été 2016, la Fondation Luma, qui aura fini ses travaux, va récupérer l’intégralité des ateliers SNCF pour exposer la collection de la famille Hoffmann. Si un festival n’est pas un musée à la programmation prévue des années à l’avance, cette instabilité permanente des lieux empêche de prévoir des expositions ambitieuses ou aux conditions de monstration difficile. Et pèse lourd sur l’organisation et les finances d’un événement qui, en 2014, a attiré près de 84 000 visiteurs.Les Rencontres d’Arles se tiendront du 6 juillet au 20 septembre. Les expositions seront accessibles de 10 heures à 19 h 30.guillot@lemonde.fr@clguillotClaire GuillotJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 06.07.2015 à 07h01 • Mis à jour le06.07.2015 à 07h52 | Véronique Mortaigne et Sylvain Siclier Un album, un concert, un festival…, La Matinale vous présente sa sélection musicale.UN ALBUM : une intégrale chronologique de Moune de Rivel La grande dame de la chanson créole Moune de Rivel (1918-2014) gagne un coffret au livret impeccable, L’Intégrale chronologique 1949-1962, publié par Frémeaux & associés, où il est noté qu’elle fut l’heureuse descendante d’une famille d’exception, qui compta en ses rangs des esclaves affranchis, des anticolonialistes, des musiciens et un magistrat, son père, Jean-Louis de Virel, qui combattit en Afrique pour l’égalité des droits et épousa en seconde noce la fille du roi du Gabon, par ailleurs grande prêtresse des rites Niembé. Moune, quant à elle, fait ses débuts de chanteuse dans un cabaret russe de Montparnasse, puis au cabaret « exotique » La Boule blanche de la rue Vavin. Elle y croise Kiki, Man Ray et Foujita. Son nom est attaché à celui de La Canne à sucre, toujours à Montparnasse, un cabaret ouvert en 1945 et fermé en 1996. Compositrice, interprète singulière, Moune de Rivel est aussi passée par Harlem. Elle a enregistré avec l’orchestre d’Al Lirvat des biguines, des berceuses, des chansons du folklore haïtien, des calypsos… A la fin des années 1950, elle est accompagnée par l’orchestre de Pierre Louiss, où officie, au vibraphone, Eddy Louiss, mort le 30 juin. Le voyage nous mène de la biguine « wabap » aux chants pour l’Indépendance de la Haute-Volta.« L’Intégrale chronologique 1949-1962 », de Moune de Rivel, 1 coffret de 3 CD Frémeaux & associés. UN CONCERT : le tour des festivals européens de Nicki Minaj passe par Nîmes Nicki Minaj, la star du hip-hop américain fait un petit tour des festivals européens, en commençant par Londres, dans le cadre du festival Wireless, au parc de Finsbury, où elle retrouve ses aînés d’Arrested Development (entre autres, l’affiche est gargantuesque). Le mardi 7, la rappeuse au flow incomparable et au féminisme provocateur et controversé est en France pour une date unique. Elle rejoint son confrère Big Sean au Festival de Nîmes, dans les Arènes, avant un départ pour le festival Openair Frauenfeld en Suisse, à l’affiche rap imparable (de Kendrick Lamar à Ludacris). Le 11 juillet, à Liège, pour le festival Les Ardentes au Parc Astrid, Nicki et son guerrier derrière côtoieront Iggy Pop et The Charlatans.Nicki Minaj au Festival de Nîmes aux Arènes, place des Arènes, mardi 7 juillet, à 20 heures. De 56,50 € à 67,50 €.UN VIDÉO-CLIP : « Which Way », de Richard Hawley en annonce de son prochain album le 11 septembreCe sera son huitième album studio – le premier a été publié en avril 2001 –, dont la parution est annoncée pour le 11 septembre. Le guitariste, chanteur et auteur-compositeur britannique Richard Hawley en a dévoilé un extrait sous la forme d’un clip-vidéo minimaliste pour la chanson Which Way, l’une des onze prévues sur l’album, intitulé Hollow Meadows (Parlophone Records/Warner Music). On y retrouve la voix grave, expressive, de Richard Hawley, son sens de la dramaturgie musicale, des élans électrisants à la guitare. Parmi les thèmes principaux de l’album, la fragilité, les relations humaines… Hollow Meadows a été enregistré au printemps au Yellow Arch Studios, à Sheffield, ville natale de Richard Hawley, au nord de l’Angleterre, dont il évoque régulièrement les lieux, les paysages urbains et alentours.« Which Way », par Richard Hawley, extrait de l’album « Hollow Meadows », à paraître le 11 septembre. UN FESTIVAL : les stars du jazz (et de quelques autres musiques) au New Morning, à Paris Son nom, Festival All Stars, annonce son propos, des vedettes et encore des vedettes. Celles du jazz et de quelques autres musiques. Et dans des conditions d’écoute et de visibilité d’une soirée en club, en l’occurrence au New Morning, l’une des salles parisiennes les plus célèbres dans le monde. Avec, notamment, le claviériste et chanteur brésilien Ed Motta (le 6 juillet), Forq, le groupe de Michael League de Snarky Puppy (le 7) ; le guitariste Mike Stern et le violoniste Didier Lockwood (le 8), les trompettistes Ambrose Akinmusire (le 10) et Roy Hargrove (du 13 au 15), le groupe Brooklyn Funk Essentials (le 17), le pianiste Robert Glasper (le 20), le saxophoniste Branford Marsalis (le 21, deux concerts), les bassistes Dave Holland (le 22), Kyle Eastwood (le 25) et Stanley Clarke (le 26), le trompettiste et chanteur Hugh Masekela (le 24), le groupe Septeto Santiaguero (le 29), le chanteur Bilal (le 30)…Festival All Stars au New Morning, jusqu’au 1er août, 7-9, rue des Petites-Ecuries, Paris 10e. Tél. : 01-45-23-51-41. De 18 € à 29 € selon les concerts.RÉSERVEZ VITE : le 10 juillet pour l’exposition consacrée aux Rolling Stones à Londres… à partir d’avril 2016Après Jimi Hendrix, Pink Floyd, Miles David, David Bowie et quelques autres, c’est au tour des Rolling Stones d’avoir droit à une exposition rétrospective. Intitulée « Exhibitionism », elle est annoncée pour une ouverture le 6 avril et jusqu’au 4 septembre 2016 à la galerie Saatchi, vaste bâtiment consacré à l’art contemporain à Londres. Les Stones annoncent plus de 500 pièces (photographies, instruments, films, costumes, documents divers…) à voir sur 1 750 m2. Avec des tarifs d’entrée de 12 livres (16,90 euros) pour les 6 à 17 ans (entrée libre au-dessous de 6 ans) et à 21 livres (29,50 euros) pour les adultes. L’achat en avance des billets sera ouvert le 10 juillet, à partir de 9 heures (10 heures pour la France) sur le site dédié. L’exposition devrait ensuite partir un peu partout dans le monde.Pour annoncer l’événement, les Stones ont mis en ligne un amusant vidéo-clip d’une quarantaine de secondes qui met en vedette le batteur Charlie Watts, venu dire qu’enfin, il est une star, que l’on pourra voir ses plus beaux costumes, ses batteries, etc. Avec les encouragements des guitaristes Keith Richards puis Ron Wood et une conclusion en forme d’auto-dérision du chanteur Mick Jagger qui grommelle « Right. When’s my bit then ? » que l’on pourrait traduire par « Bon d’accord mais et moi alors ? ».« Exhibitionism » à la Galerie Saatchi, Duke of York’s Headquarter, King’s Road, Londres SW3.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brigitte Salino (Avignon, envoyée spéciale) Olivier Py rêvait de mettre en scène Le Roi Lear. Il l’a fait, et c’est un désastre, à en juger par la première du spectacle, qui a ouvert la 69e édition du Festival, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, samedi 4 juillet. Cécile Helle, la maire (PS) d’Avignon, et Fleur Pellerin, la ministre de la culture et de la communication, étaient assises à côté d’Olivier Py, qui a rejoint les acteurs sur le plateau, aux saluts. Il souriait au public, dont une partie huait, et l’autre applaudissait. Ce ne fut pas pour autant une bataille d’Hernani : pendant toute la représentation, on aurait entendu voler un moustique, si les comédiens n’avaient pas autant crié. Car ils crient, on aurait envie d’écrire qu’ils braillent, pas seulement pour se faire entendre – la sonorisation de la cour soutient leurs voix –, mais parce qu’Olivier Py les y incite.Lire aussi :A Avignon, la culture se heurte à plus d’un murC’est assommant, deux heures cinquante à ce régime. Mais ce serait un moindre mal si la mise en scène tenait la route. Paresseuse, boursouflée, elle part dans tous les sens, et rend incompréhensible le point de vue d’Olivier Py sur Le Roi Lear, que pourrait résumer une phrase écrite en grand, et en néons blancs, sur le mur de la cour : « Ton silence est une machine de guerre. » Cette phrase, c’est Lear qui la dit quand il se réfère à Cordélia, sa fille préférée. Car Cordélia ne parle pas, dans cette version de la pièce de Shakespeare, signée par Olivier Py. En tout cas sur le plateau. Dans le texte publié par Actes Sud-Papiers, elle s’exprime. Dans la cour, c’est une jeune danseuse classique, en tutu et chaussons. Quand, après ses sœurs, Goneril et Régane, vient son tour de témoigner de l’amour pour son père, Cordélia se met un Scotch noir sur la bouche.Une symbolique lourdePour Olivier Py, ce silence est pire que tout : il fonde une rupture définitive, pas seulement entre un père et sa fille, mais dans un monde dont Lear témoigne. Un monde déchiré par « un doublesilence », comme l’écrit le metteur en scène dans la bible du spectacle : « Celui qui a présidé, en philosophie, à un doute sur la force du langage, et celui qui a été imposé par la catastrophe d’Auschwitz. » On aura saisi, à ces mots, qu’Olivier Py entend placer la tragédie de Shakespeare sous le signe du XXe siècle, plus précisément entre 1914 et 1989. Pourquoi pas ? Le théâtre est assez généreux pour accueillir toutes les interprétations possibles d’une pièce. A condition de les rendre lisibles dans leur représentation, ce qui n’est pas le cas ici.Un autre néon en témoigne à son insu : « Rien. » Il est posé sur le plateau, où Pierre-André Weitz, le décorateur attitré d’Olivier Py, a disposé une palissade couverte de gribouillis (puisqu’il n’y a plus de langage possible) et quelques autres éléments, sur un plancher de bois qui peu à peu va se fissurer, laissant apparaître une terre noire comme la lande du désastre qu’entraîne la décision de Lear de partager son royaume entre ses filles. En renonçant au pouvoir, le roi met fin à un ordre qui s’appuyait sur sa toute-puissance et se retrouve privé de figures tutélaires, dans tous les domaines : foi, politique, vie intime et sociale.On retrouve là la dimension cosmique et chrétienne d’Olivier Py, dont le Lear est un Dieu en colère, nu, à l’occasion : le metteur en scène ne peut s’empêcher d’afficher le corps des hommes, voire de le magnifier, comme il le fait pour Edgar, le fils très christique de Gloucester, dont le sexe tressaute longuement, dans certaines scènes. Les femmes, elles, sont réduites soit à des images de joli cygne malheureux (Cordélia), soit à celles de furies obsédées par leurs orifices (Régane et Goneril), lesquels renvoient au trou dans la terre, au centre du plateau, dans lequel disparaissent les corps des morts. C’est gênant, voyez-vous, même pour les moins féministes des spectatrices, de donner une telle image des femmes.Ce trou s’inscrit dans une symbolique qui traverse tout le spectacle. Une symbolique lourde, dont Edmond, le fils bâtard de Gloucester, est représentatif : il arrive à moto, avec un casque rehaussé de deux cornes. A cela s’ajoute un côté Grand-Guignol de la mise en scène, qui use d’éclairs et de sons puissants, et n’hésite pas à faire apparaître des terroristes en treillis, cagoulés et armés de kalachnikovs, dont le son fait vrombir les gradins. « Le pouvoir n’est rien d’autre que la loi duplus fort », dit Lear. Certes, mais le vacarme ne suffit pas à rendre compte de la violence du monde du XXe siècle dont la mise en scène d’Oliver Py voudrait témoigner. Seuls quelques moments échappent à cette furie. Quand, par exemple, Gloucester, devenu aveugle, et son fils Edgar marchent en équilibre sur deux chaises, près de Douvres.Un pénible contentement de soiUne autre image, qui arrive à la fin, pourrait mettre du baume au cœur : Cordélia, toujours vêtue de son tutu, s’assied sur le bord du lit de son père mourant, et lui caresse la tête. Mais il est trop tard pour que la rédemption ait lieu. Il y a eu trop de trop, et de n’importe quoi, dans ce Lear qui s’appuie sur une traduction qu’il serait cruel de comparer à celle d’Yves Bonnefoy, tant elle abuse de grossièretés et de raccourcis lapidaires. Les notes en bas de page, écrites par Olivier Py, sont très intéressantes. Elles témoignent d’un travail sur la pièce de Shakespeare, dont on voit qu’il a passionné l’auteur-metteur en scène. Mais elles vivent leur vie, à côté du texte qui va à toute vitesse. Olivier Py a cherché à retrouver en français la concision de l’anglais, et il a voulu que Le RoiLear aille « au galop », comme il l’écrit, pour que l’on soit « poursuivi par la tempête, par la mort, par l’inquiétude et par la guerre ».Restent les acteurs, Philippe Girard en tête, dans le rôle-titre. Livrés à eux-mêmes, ils trouvent comme ils peuvent leur place dans le chaos de la représentation. Des ratages, cela arrive à Avignon comme ailleurs. Les désastres sont plus rares, et celui-ci affiche un pénible contentement de soi. On l’oubliera, mais il est triste de penser n’y aura plus de théâtre dans la Cour d’honneur, sinon une soirée (le 9) avec Isabelle Huppert lisant Sade, seule : ce Roi Lear, pour lequel Olivier Py, directeur du Festival, s’est programmé, est l’unique pièce de cette édition dans les murs du Palais des papes.Le Roi Lear, de Shakespeare, texte français et mise en scène d’Olivier Py. Cour d’honneur du Palais des papes, à 22 heures. Durée : 2 h 50. Jusqu’au 13 juillet (relâche le 9). Tél. : 04-90-14-14-14. De 10 € à 38 €.Brigitte Salino (Avignon, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.07.2015 à 19h18 • Mis à jour le05.07.2015 à 17h23 L'organisation onusienne s'est prononcée en faveur d'une entrée des coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que des « climats » du vignoble français de Bourgnogne. Les coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que les « climats » du vignoble français de Bourgnogne sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Humanité, a annoncé samedi 4 juillet l’Unesco sur Twitter.Réuni jusqu’à mercredi à Bonn, en Allemagne, le comité du patrimoine mondial de l'organisation onusienne s’est prononcé en faveur d’une entrée de ces spécificités de la Champagne et de la Bourgogne viticoles.Les coteaux, maisons et caves de Champagne correspondent aux « lieux où fut développée la méthode d’élaboration des vins effervescents, grâce à la seconde fermentation en bouteille, depuis ses débuts au XVIIe siècle jusqu'à son industrialisation précoce au XIXe siècle », explique l’Unesco.Cela concerne précisément « les vignobles historiques d’Hautvilliers, Aÿ et Mareuil-sur-Aÿ, la colline Saint-Nicaise à Reims et l’avenue de Champagne et le Fort Chabrol à Epernay », ces trois ensembles reflétant « la totalité du processus de production de champagne ».Beaune et Dijon récompensésLes « climats » du vignoble de Bourgogne sont, eux, « des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon », précise l’organisation. Ces parcelles donnent chacune un caractère unique au vin.Ce « paysage culturel », selon la catégorie qui lui a été attribuée dans le patrimoine de l’Unesco, « est composé de deux éléments : le premier couvre des parcelles viticoles, les unités de production associées, des villages et la ville de Beaune ». « La seconde composante est le centre historique de Dijon, qui matérialise l’impulsion politique donnée à la formation du système des climats », précise l’Unesco. Agathe Charnet « Un théâtre sans projet artistique, c’est un théâtre qui meurt ». Telle est la sonnette d’alarme tirée par Pascale Henrot, ancienne directrice du Théâtre de la Cité internationale de Paris (TCI). Depuis septembre 2014, date de son départ à la tête de l’Organisation nationale de direction artistique, les salariés du Théâtre de la Cité sont dans l’expectative la plus totale quant à leur devenir. « En près d’un an, aucune procédure normale d’appel à candidatures n’a été lancée, c’est une stratégie du pourissement », s’indigne Pascale Henrot. Plus inquiétant encore, le conseil d’administration de la Cité internationale a mis sur la table un projet de restructuration du théâtre qui amputerait le TCI de plus de la moitié de sa subvention annuelle – qui s’élève pour l’heure à 880 000 euros.Impossible donc de savoir si les trois salles du théâtre pourront de nouveau ouvrir leurs portes et afficher, comme en 2014, un taux de fréquention de 79 % – dont 30 % de jeunes spectateurs. L’avenir de ce théâtre atypique, implanté au cœur de la « Cité U » dont il est sous la tutelle, est donc entre les mains de la fondation de la Cité internationale. Face à la pétition lancée par l’équipe du TCI, ainsi qu’aux nombreux soutiens apportés notamment par Jack Lang, Denis Podalydès ou Christophe Rauck, la direction de la Cité reste muette. La déléguée générale Carine Camby tout comme le président Marchel Pochard se refusent à tout commentaire.Un pôle de création unique au sud de ParisLe Théâtre de la Cité est pourtant un lieu mythique de la scène contemporaine française. Rénové à grands frais (près de 8 millions d’euros) en 2004, il abrite treize studios de musique et cinq ateliers d’artistes. Pensé par les pères fondateurs comme faisant partie intégrante du projet humaniste de la « Cité U », il est inauguré en 1936. Sous l’impulsion d’André Malraux, André-Louis Périnetti en prend la direction en 1968 et y accueillera des figures d’avant-garde comme Rodrigo Garcia ou le Grand Magic Circus.A partir de 1991, la nouvelle maîtresse des lieux, Nicole Gautier, pense aussi le Théâtre de la Cité comme un point de propulsion pour de jeunes artistes. Pascale Henrot ajoute en 2008 sa pierre à l’édifice en axant sa programmation sur la transdisciplinarité : arts du cirque, nouvelles écritures et arts plastiques attirent le public dans un sud francilien pauvre en salles de tailles intermédiaires.« Un déficit permanent »Mais la direction reproche au théâtre de s’être trop éloigné de la vie universitaire. Selon des sources proches du dossier, la Cité internationale souhaiterait aussi investir dans des domaines jugés plus rentables et valorisants que la sphère artistique, comme la construction de nouvelles Maisons (Chine, Ile-de-France et Corée). Les membres du conseil d’administration n’envisagent plus de doter aussi largement un théâtre que certains désignent même comme un « déficit permanent » – même si le budget du TCI ne représente que 2,3 % des dépenses globales de la « Cité U ».Suite au départ de Pascale Henrot, la fondation a fait part de son désir de voir se restructurer économiquement le théâtre. A cet effet, Philippe Bachman – directeur de la Comète de Châlons-en-Champagne – a été désigné début 2015 pour mener une mission de préfiguration de trois mois. Il s’agissait de définir un nouveau projet artistique pour le TCI et surtout de proposer un budget moins gourmand en dotations. Mais le rapport rendu par Philippe Bachman – qui propose d’ouvrir davantage les activités du théâtre à l’international et à la vie étudiante – n’a, semble t-il, pas suffi à combler les attentes de la fondation. Pas plus que la baisse de 150 000 euros de budget concédée à la Cité. A l’heure actuelle, les vingt-huit employés du théâtre sont condamnés à attendre la rentrée 2015 pour connaître la décision finale du conseil d’administration.La fin d’une époque ?Si la baisse des subventions annoncée par la fondation est confirmée, ni le ministère de la culture ni la Ville de Paris n’ont indiqué vouloir augmenter leurs subventions respectives de 1,3 million et 230 000 euros. Ce qui entraînerait le licenciement d’au moins dix personnes et rendrait impossible la poursuite des activités artistiques.Tandis que l’équipe du TCI continue tant bien que mal de travailler, Jeanne Candel, artiste en résidence aux côtés de son collectif « La Vie Brève », a été reconduite pour un an au sein du TCI. « Je suis carrément en colère et attristée de la situation, assène Jeanne Candel, la résidence au Théâtre de la Cité a été un tremplin incroyable. Durant près de trois ans, nous avons eu une maison, un abri, un toit. A l’heure actuelle, c’est un luxe inestimable ». Un « luxe » que la fondation estime apparemment désormais de l’ordre du superflu.Agathe CharnetJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum François Ozon dresse le portrait d’une « belle de jour » et avec elle l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance (mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45). Depuis Regarde la mer (1997), l’attirance de François Ozon pour la perversité des êtres ne se dément pas. Si lisse et glamour que puisse paraître son cinéma, Ozon n’aime rien tant que suggérer « la merde dans le bas de soie », pour reprendre la suave expression que Napoléon aurait jetée à la face de son chambellan Talleyrand, soupçonné de trahison.Une quinzaine de films plus tard, Jeune et jolie enfonce ce clou comme jamais, et devrait rester comme l’un des meilleurs films du réalisateur. L’histoire, enlevée en quatre chapitres saisonniers, a pour centre névralgique une adolescente qui correspond trait pour trait à l’intitulé du film. Isabelle (interprétée par Marine Vacth) est une jeune fille à la beauté racée, envoûtante. Au moral, c’est une autre facture. Dépucelée sans illusions (« C’est fait ») dans le premier chapitre qui la joue film de plage en accéléré, Isabelle passe les saisons suivantes à se prostituer sans plus d’états d’âme auprès de messieurs matures en mal de sensations fortes. Jusqu’à ce que l’un d’eux lui claque entre les cuisses.Mystère et scandaleLe prix du film tient à la manière dont François Ozon préserve le mystère, et le scandale, de son personnage, en prenant garde d’évacuer les unes après les autres toutes les pistes, sociales ou psychologiques, qui pourraient expliquer un tel comportement.Isabelle est une petite-bourgeoise parisienne dont rien ne permet d’arraisonner l’esprit de lucre. Rien, hormis la soif transgressive de l’adolescence elle-même. Ou, mieux encore, l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance, défigurée par le trafic émotionnel du consumériste.Ici, le film se révèle juste et fort. Le sentimentalisme des chansons (cru 1960-1970) de Françoise Hardy y résonne donc comme une ironie cruelle, de même que l’impuissance des parents de la jeune fille suggère qu’Isabelle est une créature appartenant à une espèce nouvelle, vouée à la destruction houellebecquienne du monde.Jeune et jolie est l’histoire d’un monstre inexorable, qui est à la fois la jeune fille qui nous séduit par sa plastique pseudo-virginale et le néant qui la gouverne du dedans.Jeune et jolie, de François Ozon. Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot (France, 2013, 95 min). Mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Quarante après les faits, le fils du magistrat est retourné voir les différents acteurs d’une affaire dans laquelle la République ne sort pas grandie (mercredi 1er juillet sur France 3). Il y a quarante ans, dans la nuit du 2 au 3 juillet 1975, le juge François Renaud était abattu de plusieurs balles en bas de son domicile, à Lyon, par trois hommes cagoulés qui réussirent à prendre la fuite. L’annonce de sa mort fut un choc. C’était la première fois, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qu’un juge était assassiné en France. Nommé premier juge d’instruction du palais de justice de Lyon en 1972, après avoir fait ses classes en Afrique, François Renaud était surnommé « le shérif » en raison de ses méthodes peu orthodoxes et plutôt musclées pour mener les instructions. Dandy et homme à femmes, il était aussi un des fondateurs du syndicat de la magistrature créé dans le sillage de Mai 68.Lyon : « Chicago-sur-Rhône »Au début des années 1970, le juge Renaud était une figure emblématique de la magistrature française pour sa lutte sans merci contre la pègre lyonnaise qui, à cette époque, avait quasiment pignon sur rue dans la capitale des Gaules rebaptisée « Chicago-sur-Rhône ».Dans ses dossiers, la grande criminalité faisait bon ménage avec la politique. Le juge Renaud y croisait des notables qui ne cachaient pas leur appartenance au Service d’action civique (SAC), la milice barbouzarde de l’UDR, le parti gaulliste, réactivé avec les événements de mai 1968.En enquêtant sur le « gang des Lyonnais », un groupe de braqueurs chevronnés, le juge Renaud découvrit qu’une partie du fabuleux butin de 12 millions de francs (1,8 million d’euros) dérobé lors du braquage de l’hôtel des Postes de Strasbourg, en 1971, avait fini dans les caisses de l’UDR. Il n’avait pas de preuves, mais il les cherchait. Ce qui ne plaisait pas à tout le monde… Plusieurs années après, Edmond Vidal, le chef du « gang des Lyonnais » mis en prison par le juge Renaud, confirma publiquement à la télévision qu’une partie de l’argent avait bien été versée à un parti politique.Une enquête bâcléeLa veille de son assassinat, le juge Renaud avait confié à son fils Francis, alors âgé de 20 ans, qu’il était sur une grosse affaire et qu’il risquait, peut-être, sa vie. Il n’en a pas su plus. Après la mort de son père, Francis Renaud n’a pu que constater, impuissant, que l’enquête était bâclée : lâchage par les politiques, dysfonctionnement dans la police, dénigrement de son père et mort de l’assassin présumé abattu par la police. De plus, le dossier sur la mort du juge passa de main en main pour mieux s’enliser. Il sera suivi par six juges d’instruction dont le dernier, Georges Fenech (élu depuis député UMP du Rhône en 2002), signera une ordonnance de non-lieu en 1992. La prescription de l’affaire sera prononcée en 2004 sans que l’identité des commanditaires ait pu être établie.Quarante ans après, Francis Renaud, auteur de Justice pour le juge Renaud (Editions du Rocher, 2011), a repris l’enquête avec le journaliste Patrice du Tertre et livre ce documentaire en forme de journal de bord dont on connaît la fin. De retour à Lyon, il y rencontre de nombreux protagonistes qui se sont occupés de l’affaire. Magistrats, policiers, journalistes ainsi que la greffière du juge à l’époque, tous pointent les incohérences de l’instruction et le malaise lorsque l’on tente de rouvrir ce dossier. Structurée par de nombreuses archives accablantes pour les politiques de l’époque, cette enquête sur l’assassinat du juge Renaud montre que cette affaire reste une tache noire dans l’histoire de la République.Le juge Renaud, un homme à abattre, de Patrice du Tertre et Francis Renaud (Fr., 2013, 55 min). Mercredi 1er juillet sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande L’un de ses albums s’appelait Sang mêlé (1987). La beauté du métis. Quand Eddy s’installait à l’orgue – le roi de l’instrument, l’orgue Hammond B3 –, quoi qu’il jouât, « So What » ou « Colchiques dans les prés », c’était un ouragan sans l’ombre de méchanceté, un éléphant amoureux de Nijinski, Berlioz en fanfare plus la biguine, c’était la joie du jeu, la colère du bonheur et tous les blues réinventés. Fils de Pierre Louiss (Pierre Louise, guitariste et trompettiste martiniquais, 1908-1986), né à Paris le 2 mai 1941, Eddy Louiss (de son nom d’état-civil Edouard Louise), musicien essentiel, voix de l’orgue chez Claude Nougaro (entre 1964 et 1977), vocaliste acrobate pour le légendaire groupe des Double-Six de Mimi Perrin, orchestré par Quincy Jones, personnalité non conforme, est mort mardi 30 juin, au CHU de Poitiers, des suites d’une opération de la cataracte.Selon son fils, Pierre Louiss, électronicien très actif pour la réédition des œuvres et coffrets d’Eddy Louiss, « Eddy est parti paisible, entouré des siens ». Amputé du pied gauche, à la suite de complications artérielles et de diabète, le musicien ne faisait plus que de rares apparitions en scène. Mais quelles apparitions ! Comme d’autres (on a la liste : Jacques Thollot, batteur, René Thomas, guitariste, Marius Cultier, pianiste…), Eddy Louiss aurait pu, aurait dû, faire une immense carrière internationale. La carrière internationale, surtout immense, les intéressait tellement moins que la musique. Eddy aurait pu jouer les standards, les saucissons (« When The Saints »), ou son propre « Blues for Klook » à fendre l’âme, il eût fait swinguer une enclume, un porte-containers, le Sacré-Cœur et même Ibrahim Maalouf.Héros des brasseries parisiennesCela dit, il a joué partout, à l’Apollo de Harlem, au Japon, à Dakar, de Vladivostok à Valparaiso, et sur la comète Rosetta où l’on dit que c’est lui en personne qui accompagnait le petit Philaé. Ensemble, ils dansent le jitterbug sur Rosetta justement, et « Tou Piti », l’extraordinaire biguine de son père à lui, Eddy Louiss. Pierre Louiss était le fils d’une fonctionnaire des douanes née à Trinité (1908, Martinique) qui fait le bœuf la nuit. Bachelier, fonctionnaire du Trésor à Paris, musicien la nuit. Bientôt lancé dans la profession, Pierre Louiss effectue la tournée des casinos d’Europe avec ses Tropical Singers, devient héros des brasseries parisiennes qui sont devenues ce qu’elles sont devenues (L’Amiral, le Madrid, le Floréal, le Perroquet vert…), directeur de l’orchestre du Lido, « employant » son fils Eddy qui travaille le piano classique depuis trois ans, dès l’âge de 8 ans. Tout piti déjà.Eddy avait quelques titres à tirer des plans sur la comète : au début des années 1960, on pourrait le prendre pour un dilettante – beau gosse, fine moustache, il s’installe au piano dans les boîtes de jazz, à Paris –, ou pour un apprenti qui se forge au métier. Tel est le cas de nombreux musiciens, qui, dirait Bernard Lubat, alter ego d’Eddy, avec les nuances que vous suggère le deuil, « se sont arrachés de ce jazz de boutiquiers, ce jazz de peigne-cul, leur jazz de nains de jardin… » La plus grande vertu d’Eddy, c’est sa disponibilité. Il est prêt à tout : non pas prêt à tout pour jouer, mais prêt à tout jouer. Disponibilité, virtuosité (mais celle-là, on la laisse aux médiocres, c’est leur refuge), et sa « versatilité ». Vertu latine pour les grands musiciens de jazz. Côté touche-à-tout pour les benêts.De l’avant-garde à en revendreToujours est-il que des années de club (J.-F. Jenny-Clark, Aldo Romano, Jimmy Gourley, Roger Guérin…) ; des années avec Stan Getz, Thomas et Lubat ; une saison au paradis avec Johnny Griffin (« Little Giant ») ; trois albums de toute beauté avec Daniel Humair et Ponty (HLP) ; des trios de feu avec Kenny Clarke (batteur historique) et René Thomas (légende de la guitare liégeoise) ; un big band, Multicolor Feeling, une fanfare au swing joyeux, des partenaires francs du collier (Daniel Huck) ; une conversation mémorable avec Petrucciani au Petit-Journal Montparnasse (double CD Dreyfus) ; une autre avec Stéphane Grappelli (Satin Doll, 1972) ; un Porgy and Bess avec Ivan Jullien ; de l’avant-garde à en revendre avec Portal, Mangelsdorff ou John Surman ; un long compagnonnage de Jean-Luc Ponty (violon) qui le conduit brièvement auprès de Tony Williams (Lifetime) ; son groupe avec le guitariste Jean-Marie Ecay, ou le batteur insensé Paco Séry…Espérons simplement qu’Eddy Louiss ne reste pas juste pour son soutien multicolore, d’un swing de mammouth, auprès d’Henri Salvador, Aznavour, Barbara, Gainsbourg, Jane Birkin et autres idoles des plus ou moins jeunes. Non que ce soit indigne, bien au contraire. Mais son génie éblouissait ailleurs – bien qu’il jouât partout de même sorte. Comme les humbles, il n’avait qu’une écriture. En 2010, l’Olympia célébrait ses cinquante ans de parcours. Le 3 juin 2011, il jouait à Roland Garros – enfin, dans les salons de musique… – à l’initiative du Sunset. En 1977, un portrait filmé, Blues Blanc, Rouge (Brisson & Cavalier), avait affiché à mi-voix, une féroce règle de cette vie que l’on croyait fantasque.Son goût des machines, des synthés, des hologrammes, des expériences à la Tournesol, sa fureur de musique se dissimulait toujours sous un sourire d’ange malicieux. Orson Welles (version Falstaff) au sourire d’enfant, Eddy Louiss ne cachait pas bien son jeu. Il n’était que son jeu. Métis à la main gauche bondissant sur les basses, artificier du clavier, metteur en scène d’élèves enchantés, il lançait depuis son orgue Hammond B3 qu’il savait faire ronronner en vieux chat du blues, des fusées à la Ray Charles, ou alors retombait sur un rythme de préliminaires lascifs, prêt à surgir comme un tigre bleu du Poitou. C’est tellement curieux un être sans ennemi.Francis MarmandeJournaliste au Monde Agathe Charnet A Lectoure (Gers), Nancy Hushion, présidente de l’association Arrêt sur images, a refusé de signer le document. Une simple feuille de papier, datée du 11 juin, sans en tête ni signature, remise par le maire. Cette « proposition de négociation d’un accord » lui imposait purement et simplement de renoncer à la gestion du Centre d’art et de photographie de la ville de Lectoure ainsi qu’à l’organisation de sa manifestation-phare, le festival L’Eté photographique. Deux institutions que l’association pilote depuis 25 ans.Conjointement financé par la DRAC, la région, le département et la ville à une hauteur de 276 000 euros par an, le centre d’art de Lectoure est un des acteurs principaux du rayonnement culturel in et hors les remparts moyenâgeux de la ville. Il organise l’été un festival de photographie reconnu, qui draine chaque année près de 4 000 spectateurs, soit l’équivalent de la population.Or la mairie voudrait maintenant transformer le centre d’art en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), réduisant les soixante-dix membres de l’association à des « amis du centre d’art » ayant la possibilité de siéger au conseil de direction « sans disposer de la majorité ». La suite d’un « bras de fer » qui, selon des membres de l’association, oppose depuis des mois Arrêt sur images à certains de ses partenaires publics. A un mois du lancement de L’Eté photographique (du 18 juillet au 23 août), l’association n’a d’ailleurs toujours pas de directeur. « On est épuisés, confie Nancy Hushion. Nous sommes pour la plupart bénévoles et même si nous sommes prêts à travailler dur, cette situation est très fatigante moralement ». L’administratrice du centre d’art a d’ailleurs remis sa démission, ne supportant pas « de rester dans l’incertitude ». Centre d’art cherche directeurTout a commencé en mars 2014, à la suite du départ à la retraite du fondateur, François Saint Pierre. La commissaire d’exposition Karine Vonna Zürcher est désignée pour prendre la suite. Mais rapidement, des tensions naissent entre les membres d’Arrêt sur images et la nouvelle gestionnaire – en octobre 2014, le conseil d’administration de l’association ne donne pas suite à sa période d’essai. Cette décision irrite la DRAC Midi-Pyrénées, dont la dotation financière annuelle représente 40 % du budget du centre d’art. Laurent Roturier, directeur de la DRAC, fait alors appel à un « accompagnateur » chargé d’épauler pour une période de six mois les cinq salariés et les bénévoles d’Arrêt sur images. Selon Nancy Hushion, celui-ci ne venait à Lectoure que « quelques jours par mois ». En mai 2015, une procédure d’alerte financière est lancée auprès du commissaire aux comptes. En cause, une mauvaise gestion de l’association – ce que réfute formellement son secrétaire, Frédéric Delpech : « C’est absolument faux. La DRAC elle-même reconnaît la bonne santé financière du centre. »Une reprise en main étatique ?« Le centre d’art est indispensable à Lectoure mais il doit être géré de manière non contestable », explique, de son côté, le maire de Lectoure, Gérard Duclos, élu socialiste depuis vingt-quatre ans, pour qui « la solution proposée est loin d’être un diktat ». Il souhaiterait voir muter le centre d’art en Epic ou en « vigie dotée d’une personnalité morale et d’une autonomie financière ».Un point de vue partagé par le directeur régional de la DRAC, Laurent Roturier : « Je m’interroge légitimement sur la capacité de l’association à porter un centre d’art », dit-il. Il souligne que le Centre d’art et de photographie de Lectoure, qui fait partie des six centres d’art implantés en Midi-Pyrénées, représente « un projet très important pour l’Etat », tout en éludant la question de la structure la mieux adaptée pour le gérer. Le « support juridique du centre est une autre question », concède-t-il. Le Gers, terre de festivals associatifsLe président du Conseil départemental du Gers, Philippe Martin (PS), conteste pourtant cette possible perte d’autonomie du centre d’art. « Dans le Gers, la culture est consubstantielle à la citoyenneté. L’éducation populaire fait partie de son ADN ». Et de citer Jazz in Marciac, Tempo Latino à Vic-Fezensac ou Ciné 32 à Auch, qui tous sont administrés par des associations loi 1901. « Les membres de l’association sont des passionnés de photographie, explique-t-il, ils n’ont peut-être pas toujours été au fait de la façon dont il faut se comporter avec des partenaires financiers. Mais je ne veux pas que les événements culturels soient pris en otage par les élus. Le département ne subventionne que les associations. »Afin de calmer la polémique, l’association a demandé la mise en place d’une médiation auprès de l’association française de développement des centres d’art (DCA) et de la Fédération des professionnels de l’art contemporain (Cipac). Erick Gudimard, président du réseau photographique Diagonal, réseau de production et de diffusion de photographie, apporte également son soutien à Lectoure : « Il y a des réformes à faire en terme de fonctionnement, et en 25 ans, c’est normal. Mais la finance et la trésorerie ont toujours été saines à Lectoure », souligne t-il. Un espoir pour les membres d’Arrêt sur images qui viennent d’apprendre le renouvellement du soutien financier de la DRAC jusqu’à la fin de l’année 2015, permettant ainsi le maintien du festival cet été et la levée de la procédure d’alerte financière. « Je sais que nous allons trouver une solution, veut croire Nancy Hushion, je reste positive ».Agathe CharnetJournaliste au Monde 30.06.2015 à 10h58 • Mis à jour le30.06.2015 à 11h16 | Christine Rousseau Après le milieu médical, puis politique, Shonda Rhimes décline son savoir-faire sur le terrain judiciaire (mardi 30 juin, sur M6, à 20 h 50). Omniprésente sur la chaîne américaine ABC, Shonda Rhimes est en passe de le devenir également sur les médias français. Après la diffusion, il y a peu, sur TF1, de « Grey’s Anatomy » et le lancement de la quatrième saison de « Scandal », sur Canal+ (tous les jeudis à 21 heures), voici qu’arrive, sur M6, « Murder », la nouvelle série de cette talentueuse auteure-productrice dont une des qualités – au-delà d’avoir su faire bouger les lignes en termes de représentation de la diversité à la télévision américaine – est son art consommé du recyclage. Ou, si l’on est moins sévère, de la déclinaison de recettes narratives à succès.Ainsi de « How to Get Away with Murder », qui regroupe tous les ingrédients d’une série estampillée Shonda Rhimes : une partition chorale dominée par un personnage phare gravitant dans un même lieu plus ou moins clos et marqueur d’une profession. Ici, un groupe d’étudiants de Philadelphie prêts à en découdre pour intégrer le cabinet de leur professeure de droit pénal, la redoutable et redoutée et non moins charismatique Annalise Keating (Viola Davis). L’épaulant dans les différentes affaires dont elle a la charge, ces derniers vont être pris dans une sombre affaire de meurtre qui touche le campus, comprend-on à coups de flash-back épileptiques.SurrégimeSi l’on avait pu se plaindre quelque peu du pilote de « Scandal », au rythme survitaminé et aux répliques à la mitraillette, que dire, alors, de celui de « Murder », qui part en surrégime. Ne laissant rien s’installer : ni les personnages dont on désespère de s’attacher lors des trois premiers épisodes qu’il nous a été de voir ; ni l’intrigue principale engloutie sous un déferlement de rebondissements, parfois peu crédibles.Au point qu’on en oublierait presque qu’il en existe une, lors du deuxième épisode, hormis les fameux flash-back redondants.Si l’héroïne principale bénéficie d’un peu plus d’égards de la part des scénaristes, ces derniers manquent pour le moins de finesse en révélant – un peu trop vite – ses blessures secrètes, faisant perdre en crédibilité le jeu de Viola Davis pourtant excellent.A l’instar de « Scandal », qui avait mis quelques épisodes à s’installer, gageons que « Murder » trouve sa vitesse de croisière pour s’éloigner des rives de la superficialité et de l’artifice, et faire enfin rimer efficacité et addiction.Murder, série créée par Peter Nowalk et produite par Shonda Rhimes. Avec Viola Davis, Alfred Enoch, Billy Brown (EU, 2014, 15 x 42 min). Mardi 30 juin sur M6 à 20 h 50.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Le temps d’une « colo », les jeunes se confient sur leurs préoccupations et leurs rêves (mardi 30 juin, sur France 2, à 23 h 30). En cette période de crise, à quoi rêvent les adolescents ? Quels regards portent-ils sur la société ? Ces questions ont été maintes fois posées dans de nombreux documentaires avec plus ou moins de bonheur, mais elles restent toujours d’actualité.Elles sont une nouvelle fois au cœur de cette série documentaire « 21 jours… » ; menée depuis quelque temps par la journaliste Alexandra Alévêque qui, après s’être infiltrée dans un couvent, au camping ou sur le tournage d’un film X, s’est fait, cette fois-ci, embaucher comme animatrice de colonie de vacances pour essayer de mieux comprendre ce que les ados avaient dans la tête.Candeur, confiance et espièglerieMi-animatrice, mi-journaliste, elle a accompagné deux groupes originaires de Marseille partis faire du surf à Anglet (Pyrénées-Atlantiques). Le premier était constitué d’élèves « méritants » entre 10 et 15 ans et le second de jeunes plus turbulents, issus des quartiers. Chaque groupe était encadré par de jeunes animateurs qui font ce métier par passion. Parmi eux, Chloé, 25 ans, avec qui la journaliste a partagé sa chambre, et qui anime des colos depuis qu’elle a 18 ans pour 250 euros par semaine. Et Quentin, 33 ans, directeur de la colo et professeur de sport dans un collège, qui l’a coachée pour lui apprendre son nouveau métier d’animatrice.Suivie en permanence par un cameraman et munie elle-même d’une petite caméra à qui elle se confie parfois, Alexandra Alévêque a vécu pendant vingt et un jours dans la peau d’une animatrice de colonie de vacances qui fait respecter les horaires et la discipline, organise les chambrées, prépare les veillées, participe aux animations, mange à la cantine et sert, si besoin, de confidente à ces jeunes garçons et filles.Eveil des sensEt ils sont nombreux à venir se confier à la journaliste qui est en totale empathie avec eux. Grande sœur et complice en raison de son statut de journaliste que les adolescents n’ignorent pas, Alexandra Alévêque réussit à leur faire dire beaucoup de choses. Amour, sexualité, politique, famille, école, religion, rêves, fringues : ils se lâchent tous avec candeur, confiance et parfois espièglerie.C’est l’éveil des sens qui reste le plus souvent (surtout chez les garçons) au centre de leurs préoccupations. Quel est le plus beau mec (ou la plus belle nana) de la colo ? Qui sort avec qui ? Comment se fringuer pour aller à la boum ? Ils parlent aussi de télé-réalité et de chansons. On reste surpris en entendant cette jeune fille de 10 ans confier à la journaliste qu’elle voudrait devenir chanteuse, mais n’ose pas le révéler à son entourage. Il faut dire que sa référence est Georges Brassens, alors que ses copines la bassinent à longueur de journée avec Rihanna et Maître Gims !« On est le futur »On sourit en voyant les airs éberlués des jeunes filles qui ne savent pas ce que sont les « cassettes VHS » dont parle Alexandra Alévêque. Et puis, d’une manière plus grave, on écoute avec attention lorsque certaines jeunes filles déplorent leur manque de liberté par rapport aux garçons. On s’amuse beaucoup avec Nassim, qui aime bien se mettre en avant, mais s’interroge sur sa double culture franco-algérienne.Les retours à la maison sont toujours déchirants après une semaine loin du carcan familial. Les pleurs se mélangent aux rires. Et lorsque la journaliste leur demande s’ils comprennent pourquoi elle s’intéresse à eux, ils répondent : « Parce qu’on est le futur ! » Rafraîchissant et revigorant !21 jours… d’Alexandra Alévêque et Richard Puech (Fr,, 2015, 60 min). Mardi 30 juin sur France 2 à 23 h 30Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Camille Bordenet Assises bien droites sur le bord de leurs chaises, mentons posés sur les violons et archers en suspens, Hana Halouane, Amel Akacha et Marie-Lisa Senani, 13 ans, ne lâchent pas des yeux leur chef d’orchestre. Dans le public, parents et grands-parents retiennent leur souffle, accrochés au signal de départ que donnera la baguette. Alors, les archers frôlent les cordes et les premières notes du Rondeau pour la gloire s’élèvent. Difficile d’imaginer que les 800 jeunes musiciens des orchestres Démos (acronyme pour Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale) qui font vibrer les murs flambants neufs de la Grande salle de la Philharmonie de Paris, ce samedi 27 juin, n’avaient jamais touché d’instrument il y a quelques années.Pas plus qu’ils n’avaient, pour la plupart, entendu parler d’Hector Berlioz, Camille Saint-Saëns ou Gustav Holst, ces grands maîtres du répertoire qu’ils interprètent ce soir au milieu de musiciens professionnels et d’élèves de conservatoire plus âgés. Les « gosses » de Démos ont de 7 à 14 ans. Ils viennent de Clichy-sous-Bois, la Courneuve (Seine-Saint-Denis), la Villeneuve (à Grenoble) ou Chevreux (à Soissons) – pour ne citer que quelques exemples –, des quartiers relevant de la « politique de la ville » ou des territoires ruraux éloignés ne disposant pas toujours des ressources économiques, sociales ou culturelles pour découvrir la musique classique. C’est à eux que le dispositif propose, depuis 2010, un apprentissage gratuit de la musique par la pratique orchestrale, sur plusieurs années.Ce projet de démocratisation culturelle à dimension nationale s’inspire d’initiatives similaires à travers le monde comme Gouri, au Brésil, ou El Sistema, au Venezuela, précurseur en la matière (créé en 1975, il concerne aujourd’hui quelque 250 000 enfants issus des barrios). D’abord expérimenté trois ans en Ile-de-France, le dispositif – coordonné à l’échelle nationale par la Cité de la musique (désormais appelée Philharmonie) et mis en œuvre en partenariat avec les collectivités territoriales – s’est élargi, au cours d’une seconde phase, à l’Isère et à l’Aisne.Grandir avec DémosHana, Amel et Marie-Lisa font aujourd’hui partie de l’orchestre dit « avancé », celui des plus anciens élèves. Les trois amies n’avaient que 8 ans quand elles se sont présentées au centre socio-culturel de leur quartier, Les Grésillons, à Asnières (Hauts-de-Seine), pour candidater à Démos. Leurs parents avaient entendu parler du projet dans le journal : « une opportunité unique ! », se souvient la maman d’Hana, les yeux brillants. Sa fille allait être la première de la famille, « depuis des générations », à faire de la musique. Et quel émerveillement quand Hana a découvert le violon qui allait lui être prêté durant tout son parcours !Pendant cinq ans, dans un groupe de quinze enfants et au sein de leur quartier, Hana, Amel et Marie-Lisa ont ainsi suivi quatre heures de cours collectif par semaine, hors temps scolaire, encadrées par deux musiciens professionnels et une « référente sociale ». Tous les groupes Démos – 56 en tout, formant huit orchestres – sont organisés de cette façon. Une pratique collective immédiateCe qui a plu aux jeunes filles, c’est la mise en situation immédiate, le fait de pouvoir goûter aux plus grandes pièces dès les premiers ateliers, « sans même savoir déchiffrer les notes ». Cette démarche est au cœur de Démos, explique Gilles Delebarre, responsable éducatif et pédagogique du projet à la Philharmonie de Paris :« On veut permettre aux enfants de s’approprier un patrimoine qui leur appartient, mais auquel ils n’auraient pas forcément eu accès et qui est encore souvent considéré comme l’apanage d’une élite »Un objectif rendu possible par une pédagogie innovante, centrée sur la pratique collective immédiate, à contre-courant du modèle de cours individuel qui prévaut encore dans de nombreux établissements spécialisés. « Se retrouver face à quinze gamins quand tu es habitué aux cours individuels peut être déstabilisant au début, mais c’est très enrichissant, se souvient Florent Renard-Payen, musicien-enseignant de Démos et professeur de violoncelle en conservatoire. Nous avons dû repenser nos méthodes, alterner les moments d’apprentissage technique de l’instrument et de solfège avec des séquences plus ludiques de chant, de percussions corporelles ou de sound-painting [langage de signes interdisciplinaire] ».Musiciens et travailleurs sociauxAutre clé de voûte du projet, inspirée du dispositif brésilien Gouri : le partage des compétences entre musiciens et travailleurs du champs social (éducateurs, assistantes sociales, animateurs socio-culturels…). Cette idée est née d’un constat, explique Gilles Delebarre :« Si les catégories de populations ayant accès à la musique sont restées quasiment les mêmes en quarante ans de politiques de démocratisation culturelle, c’est peut-être parce que ces dernières ont été portées seulement par les professionnels de la culture. Avec Démos, nous voulions associer le champ social pour espérer produire plus d’inclusion »Tandis que les musiciens se concentrent sur la pratique artistique, les travailleurs sociaux font le lien avec l’environnement des enfants, servent de relais dans les quartiers, auprès des familles, et veillent au respect des principes de citoyenneté : le comportement, le soin apporté aux instruments, l’assiduité.« Au fil des ans, on a vu les enfants s’épanouir, prendre de l’assurance, gagner en maturité. Ils se sont appropriés Démos », s’émerveille Debora Waldman, l’une des cinq chefs d’orchestre du projet. « Pour beaucoup, Démos a même eu un impact positif sur leurs difficultés scolaires ou sur leur attitude dans leur quartier. Ils ont gagné en concentration mais aussi en capacité d’attention aux autres », abonde Andrea Taurus, « référente-sociale ». L’orchestre comme apprentissage du vivre ensemble et des responsabilités. Un lieu où l’harmonie dépend de l’écoute qu’on a des autres. Mais surtout, un groupe dans lequel on a une place, auquel on se sent appartenir.Hana, Amel et Marie-Lisa n’ont pas vu les cinq ans passer. Elles ont pris plusieurs centimètres, leurs violons aussi, passés du demi à l’entier. « Le premier jour, on ne savait même pas tenir l’archer ; aujourd’hui, on joue Gustav Holst », plastronnent les adolescentes, qui assurent ne pas à avoir le moindre trac à l’idée de jouer devant plus de 2 000 personnes. Leurs mères, elles, ne peuvent pas en dire autant : pour accompagner leurs filles, elles ont accepté de monter sur scène et de chanter dans le chœur avec d’autres familles ; de quoi être impressionnées. Une passerelle vers les conservatoiresD’autant que l’émotion, ce soir, est forte : c’est le dernier concert Démos des trois filles. Mais pas leur dernière représentation ! Car celles qui n’aspirent désormais plus qu’à devenir « des professionnelles » franchiront, à la rentrée, la porte du conservatoire d’Asnières. Comme les jeunes filles, la moitié des enfants ayant participé au projet ont exprimé le souhait de poursuivre la musique dans une école ou un conservatoire − à l’issue de la première phase, 50 % des enfants ont effectivement continué. Une réussite dont se félicite Gilles Delebarre :« On s’attendait à 20 %, ça a été 50 %. Cela veut dire que 400 enfants qui ne se seraient a priori jamais dirigés vers un conservatoire vont passer le pas. Cela va créer des choses tout à fait nouvelles à l’intérieur des écoles »Mais l’envie de continuer ne suffira pas, à elle seule, à assurer l’inscription : « il n’est pas sûr que tous les parents pourront assumer les frais, quelquefois élevés », regrette Andrea Taurus. Travailleurs sociaux et acteurs de la culture travaillent donc de concert pour dégager des aides. Démos, de son côté, fait don de leur instrument aux enfants qui continuent. « S’il avait fallu acheter un violon en plus de l’inscription, ça n’aurait pas été possible pour nous », reconnait la mère d’Hana.Certains enfants ont lâché le wagon en cours de route, souvent dès la première année — le taux d’abandon se situe autour de 30 %. Dans leur groupe, Amel, Hana et Marie-Lisa en ont vu partir cinq. « Aller vers le conservatoire n’est pas le seul critère de réussite de Démos, souligne toutefois Gilles Delebarre. Le simple fait que les enfants aient participé à un projet de cette nature à un moment donné est déjà positif en terme de construction de la personnalité et d’intégration, et produira des effets à long-terme ».Un dispositif « arrivé d’en haut »Pour son troisième opus, qui démarrera en septembre, le dispositif espère accueillir progressivement jusqu’à 3 000 enfants et ambitionne de s’étendre à plusieurs autres régions. « Nous souhaitons que Démos soit identifié dans de nombreux territoires, pour insuffler une dynamique », explique Gilles Delebarre. Pour y parvenir, la coordination avec l’ensemble des acteurs culturels de terrain est essentielle. Or, du côté des établissements artistiques spécialisés, l’arrivée de Démos dans le paysage culturel local a été diversement accueillie.En Isère, par exemple, le démarrage n’a pas été facile : « Le dispositif nous est arrivé d’en haut, sans prévenir et sans concertation avec les professionnels de la culture locaux, qui plus est avec un budget qui dépasse de très loin ce qu’on a dans les écoles de musique [le budget annuel de Démos est de deux millions d’euros], déplore Georges Pin, directeur du conservatoire intercommunal d’Echirolles et de Pont de Claix et vice-président du Collectif des responsables d’établissements d’enseignement artistique de l’Isère (CREEAI). Quant à la pédagogie collective innovante mise en avant par Démos, beaucoup d’entre nous la pratiquons déjà depuis longtemps, mais nos initiatives locales sont moins visibles ».Après quelques mises au point, la plupart des acteurs culturels locaux ont toutefois pris le parti de faire une place au projet parisien, prêtant volontiers instruments et salles de répétition. « A l’arrivée, c’est un projet positif pour les enfants, c’est le plus important », assure Georges Pin, qui accueillera une vingtaine d’entre eux dans les murs de son école à la rentrée. De son côté, Gilles Delebarre regrette que Démos puisse être parfois vu comme « concurrent de l’enseignement spécialisé » alors que « le projet, au contraire, contribue à la même réflexion sur l’enseignement musical que celle qu’ont engagée les conservatoires. Le fait d’avoir un dispositif aussi visible ne peut que rejaillir de manière positive sur les établissements et mettre en lumière toutes les innovations en cours ».Dynamique territoriale, intégration sociale, éducation artistique, accès à la culture, pédagogie de l’enseignement musical : « les multiples enjeux qui traversent Démos doivent continuer à être questionnés », reconnaît Gilles Delebarre. Depuis son lancement, ce « laboratoire » unique en son genre n’a d’ailleurs cessé d’être évalué. Pour Hana, Amel et Marie-Lisa une chose est sûre : « cette expérience nous accompagnera toute notre vie ». Elles auraient souhaité que l’aventure se poursuive « indéfiniment », mais il faut savoir laisser la place à d’autres enfants.Démos, un projet soutenu par de nombreux partenairesLe projet Démos a été lancé en janvier 2010 sous la houlette du Conseil de la création artistique – une instance créée par Nicolas Sarkozy en 2009, pilotée par Marin Karmitz et dissoute deux ans plus tard. Sa première phase (janvier 2010-juin 2012), coordonnée par l’Association de prévention du site de la Villette (APSV), s’est adressée à 450 enfants en Ile-de-France. La seconde (septembre 2012-juin 2015), portée par la Cité de la musique, a concerné 800 enfants d’Ile-de-France, d’Isère et de l’Aisne.Le projet est financé à 45 % par l’Etat, 45 % par les collectivités territoriales (conseils généraux et villes) et 10 % par le mécénat. Il bénéficie ainsi du soutien du ministère de la culture, du ministère de la ville (ACSE), des caisses d’allocations familiales et des mécènes. Le projet, mené en partenariat avec l’Orchestre de Paris et l’Orchestre Symphonique Divertimento, est parrainé par Lilian Thuram et sa fondation « Education contre le racisme ».Camille BordenetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jean-Jacques Larrochelle Rejeté une première fois au mois de novembre 2014 pour quelques voix d’écart, le projet de tour Triangle, a été finalement approuvé, mardi 30 juin, par le Conseil de Paris. Au total, 87 conseillers de Paris ont voté en faveur de ce projet d’édifice de 180 mètres de haut, qui doit être implanté au cœur du Parc des expositions de la porte de Versailles dans le 15e arrondissement, et seulement 74 contre.Le projet a finalement réussi à rallier à sa cause d’anciens opposants issus des rangs de la droite. Un revirement qui révèle l’imbroglio politique autour d’un dossier défendu bec et ongles par la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui s’est félicitée sur son compte Twitter de l’issue du vote.Fière et heureuse que Triangle puisse voir le jour à Paris. pic.twitter.com/BcjYV13BUk— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 30 Juin 2015La #TourTriangle est symbole fort de l'attractivité de #Paris et de la Métropole. pic.twitter.com/bDweaDTu40— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 30 Juin 2015Officiellement présentée le 28 septembre 2008, la tour Triangle, conçue par l’agence d’architecture suisse Herzog et de Meuron, est devenue le projet architectural phare de la mandature de l’élue socialiste. Financée et exploitée par la société immobilière Unibail-Rodamco, elle est issue d’un processus plus général portant sur l’évolution du paysage urbain parisien sur sa couronne, une sorte d’antichambre du Grand Paris. Anne Hidalgo a rappelé, toujours sur Twitter, que la Tour Triangle créera 5 000 emplois pendant son chantier et 5 000 autres une fois construite.Lire aussi :Le promoteur de la tour Triangle dit avoir « bon espoir »Longtemps favorable à la tour Triangle, la droite parisienne avait accepté bon an mal an de se ranger derrière l’UMP Nathalie Kosciusko-Morizet, opposante farouche au projet, qui en avait fait son principal cheval de campagne pour l’élection municipale de mars 2014. À l’issue de l’élection, le PS et ses alliés du PCF, favorables à l’édifice, ont perdu la majorité absolue au Conseil de Paris. Face à eux, un singulier attelage composé d’élus d’EELV, de l’UMP, de l’UDI, du Modem et du Parti de gauche, désormais majoritaire sur ce dossier.Réamégements consentisLors de la délibération de novembre 2014, Anne Hidalgo avait opté pour un vote à bulletin secret, espérant que puissent s’exprimer des sensibilités hors de toute consigne partisane. Le vote, finalement hostile au projet, ayant été entaché d’irrégularités, la maire de Paris avait introduit un recours auprès du tribunal administratif. Dans le même temps, Nathalie Kosciusko-Morizet contestait le mode de scrutin en déposant une question prioritaire de constitutionnalité qui sera finalement rejetée.La délibération du 30 juin portait sur une nouvelle mouture du projet. La tour Triangle a réduit sa surface de bureaux à 70 000 m2 et comprend notamment un hôtel 4 étoiles et un espace de coworking. Ces réaménagements consentis par Unibail-Rodamco ont facilité les revirements politiques.Dans une tribune, publiée le 24 juin sur le site Figaro Vox, sept élus UDI justifient leur prochain vote en raison des « opportunités qu’offrira cet édifice en matière de dynamisme économique ». Jérôme Dubus, conseiller de Paris Les Républicains [ex-UMP] du 17e arrondissement, enfonçait le clou, reconnaissant peu après dans le Journal du dimanche que « la tour Triangle est devenue le symbole de la future attractivité parisienne. »La droite, revenue à la « raison », ne devrait donc pas être trop affectée par ce vote favorable. A l’exception peut-être de Nathalie Kosciusko-Morizet dont l’obstination à s’opposer à un projet qui serait désormais plus consensuel risque de lui être longtemps reproché.Jean-Jacques LarrochelleJournaliste au "Monde"SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvain Siclier Le bassiste, compositeur et chanteur britannique Chris Squire, membre fondateur du groupe de rock progressif Yes, est mort dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 juin, à Phoenix (Arizona). Agé de 67 ans, il était traité pour une forme rare de leucémie, ce qu’il avait annoncé à la mi-mai. La nouvelle de la mort de Chris Squire a été confirmée sur le site officiel du groupe. Chris Squire est le deuxième des membres de la formation originelle de Yes à mourir, après le guitariste Peter Banks, en 2013.De nombreux musiciens, dont le claviériste Rick Wakeman, qui fit partie de Yes, en particulier dans les années 1970, et le guitariste Steve Hackett (Genesis) ont témoigné du talent de musicien de Chris Squire. Signe que sa réputation auprès des musiciens dépassait les genres, les bassistes Geezer Butler (Black Sabbath) et Flea (Red Hot Chili Peppers) ou le guitariste Tom Morello (Rage Against The Machine) ont aussi souligné les qualités de Chris Squire. Tous trois connus dans un domaine rock nettement plus direct, assez éloigné du rock progressif auquel le nom de Yes est attaché, avec ses emprunts à la musique classique, ses constructions sophistiquées, ses compositions en forme de suites, etc.Né à Londres, le 4 mars 1948, Chris Squire apprend la musique au sein d’un chœur qu’il rejoint vers l’âge de 6 ans. Il y perfectionnera sa pratique vocale et son intérêt pour les harmonies que l’on retrouvera dans une partie de la musique de Yes. Comme beaucoup, il découvre le rock et la pop lors de l’avènement des Beatles. Il dira plus tard avoir beaucoup écouté Paul McCartney, qui lui a donné envie de se mettre à la basse, mais aussi, comme beaucoup de Britanniques, la soul music de Tamla Motow. Ce que l’on retrouvera aussi dans son apport à Yes.Premier album de Yes en 1969Après avoir participé à plusieurs groupes vers 1966-1967, en plein essor du psychédélisme, il rejoint, début 1968, le guitariste Peter Banks puis le chanteur Jon Anderson. Les trois seront à l’origine de Yes. Pour compléter le groupe, le claviériste Tony Kaye, avec un sérieux bagage classique mais aussi la pratique du rock et le batteur Bill Bruford, qui vient plutôt du jazz, et rejoindra le King Crimson de Robert Fripp à l’été 1972. Le premier album du groupe, intitulé Yes, paraît en août 1969 sur le label Atlantic. Sans grand succès commercial, pas plus que le suivant Time and A Word (juillet 1970), avec sur certains thèmes une grande formation orchestrale.C’est avec le remplacement de Banks par le guitariste Steve Howe, qui apporte virtuosité et connaissance en matière de folk, de country et de jazz, que le groupe va connaître le vrai démarrage de sa carrière. D’abord avec The Yes Album (février 1971) puis Fragile (novembre 1971), dans lequel Rick Wakeman a remplacé Tony Kaye. Dans les deux cas, Squire co-signe des compositions qui vont devenir des classiques du groupe (dont la dernière tournée avec Squire remonte à l’automne 2014) : Yours Is No Disgrace, Starship Trooper, I’ve Seen All Good People, Perpetual Change, Heart of The Sunrise et le solo The Fish (Schindleria Praematurus), qui sera la base d’un des tours de force du bassiste lors des concerts.« I’ve Seen All Good People », par Yes, filmé au Rainbow Theatre, à Londres, les 15 et 16 décembre 1972, extrait du film « YesSongs », de Peter Neal, publié en DVD en 1997 :Du rock progressif à la popAvec ces deux albums puis la parution, en septembre 1972, de Close To The Edge, Yes est devenu l’un des groupes les plus célèbres de la scène du rock progressif. Les compositions, de plus en plus complexes, dans des durées qui s’allongent, sont jouées notes pour notes lors des concerts. Bruford en a assez et quitte le groupe après une tournée mondiale. Il est remplacé par Alan White, qui formera avec Squire la plus complice et stable des paires rythmiques du groupe. Le double album Tales From Topographic Oceans pousse au plus loin, en 1973, le recours aux longues compositions. Wakeman part à son tour (retour dans les années 1980, 1990 et 2000) et est remplacé par Patrick Moraz, qui enregistre Relayer, qui reste, avec des éléments de funk, une approche violente, le disque le plus intéressant et surprenant du groupe.Peu à peu, à partir de la fin des années 1970, Yes s’éloigne en partie de sa couleur prog-rock, pour aller vers une démarche plus pop (le tube Owner of A Lonely Heart, 1983). Mais c’est surtout avec ses classiques des années 1970 que le groupe continue de remplir les salles depuis une vingtaine d’années. Chris Squire, présent dans toutes les incarnations de Yes, avait publié, en novembre 1974, un ambitieux disque sous son nom, Fish Out of Water, somme des ses diverses approches musicales.« Hold Out Your Hand, You By My Side », de Chris Squire, extrait de l’album « Fish Out Of Water ». Film promotionnel avec Patrick Moraz (orgue, synthétiseurs), Jimmy Hastings (flûte), Bill Bruford (batterie) et une formation de cordes et de vents : Chris Squire en quelques dates4 mars 1948 Naissance à Londres.Début 1968 Fonde le groupe Yes avec Peter Banks, Jon Anderson, Tony Kaye et Bill Bruford.1972 Succès mondial de l’album « Close To the Edge » de Yes, tournée internationale.Novembre 1974 Album solo « Fish Out of Water ».27 juin Mort à Phoenix (Arizona), à l’âge de 67 ans.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Roxana Azimi L’artiste danois prend possession des sous-sols du Palais de Tokyo à Paris avec l’installation « Servitudes », composée de neuf films autour des thèmes de la beauté et du handicap. Pourquoi avez-vous choisi de vous ancrer dans les sous-sols du Palais de Tokyo, un espace particulièrement compliqué ?J'ai choisi le sous-sol parce que c'est un défi. C'est un peu comme une grotte, avec des hauteurs de plafond différentes selon les endroits. J'ai commencé à me renseigner sur l'histoire du bâtiment, et j'ai découvert que, pendant la guerre, des biens spoliés aux juifs y avaient été entreposés. J'ai appris qu'il y avait eu une salle de cinéma, mal construite. J'aimais cette idée d'imperfection, d'un espace conçu avec difficulté.Vous avez choisi le One World Trade Center, l'un des gratte-ciel controversés construits sur les ruines des tours jumelles, pour servir de cadre à vos films. Pourquoi ?Ce One World Trade Center est comme une prothèse, qui a mis quatorze ans à voir le jour. Beaucoup de New-Yorkais n'ont pas encore voulu y aller. Pour moi, l'architecture est très importante, c'est ce qui relie les gens entre eux. C'est ce qui nous dit comment nous mouvoir et nous comporter. Je suis intéressé par les conventions qu'induisent les espaces. Vous voyez un certain type de lieu, et vous vous dites : « Voilà comment il faut s'y comporter. » De la même façon, vous voyez un certain type de personnage et vous avez une idée de ce qui va lui arriver. Tout semble confus au départ et tout se dénoue à la fin. Je joue avec ces codes en proposant autre chose de plus ambigu et ouvert. Vos deux personnages, une enfant handicapée et une belle jeune fille, sont-ils des stéréotypes ou des archétypes ?La jeune fille est un archétype, une projection du désir. Mais on ne peut pas dire non plus qu'il ne s'agisse que d'une projection, que ce n'est qu'une image.La question du handicap, vous l'aviez déjà évoquée dans This Nameless Spectacle (2011), présenté au MAC/VAL, à Vitry-sur-Seine...La question des minorités est toujours présentée au cinéma sous un angle négatif. Le regard est empreint de pitié. On ne le dit jamais, mais tout dans la société est bâti pour les valides, ce qui fait sentir aux gens handicapés que quelque chose cloche chez eux, qu'il y a une erreur. En construisant un parcours sous forme de rampe et en fermant les escaliers, vouliez-vous mettre les visiteurs dans une situation d'inconfort, presque de handicap ?C'est un peu ça. J'ai visité des grottes préhistoriques dans le Kentucky et j'ai été sidéré de voir que tout le parcours était bâti pour des personnes sans handicap. Pour les invalides, aller au Palais de Tokyo n'est jamais simple, bien qu'il y ait une porte spéciale et un ascenseur. J'ai voulu que, lorsqu'ils se rendent à l'exposition, les gens empruntent une rampe entourée d'échafaudages qui fait beaucoup de bruit quand on marche dessus. J'ai fait en sorte que les valides ne soient pas privilégiés. Tout le monde doit prendre le même chemin. Et il n'y a pas un seul banc pour s'asseoir.Depuis la Biennale de Venise de 2013, où vous représentiez le Danemark avec une suite de cinq vidéos, vos installations sont de plus en plus complexes. Souhaitez-vous rendre le visiteur encore plus concentré et actif ?Avant, mes films étaient comme des scènes tirées d'un plus long-métrage. On ne savait pas d'où sortaient les séquences, ni quelles étaient leur finalité. Ici, vous devez être un spectateur actif, marcher d'une vidéo à une autre avec ce sentiment étrange : plus on descend dans les sous-sols du Palais de Tokyo, plus les films montrent les étages supérieurs du One World Trade Center. Une institution d'art permet ce que le cinéma n'autorise pas : déambuler, s'arrêter, faire du bruit, avoir le vertige.Roxana AzimiJournaliste au Monde 04.07.2015 à 19h18 • Mis à jour le05.07.2015 à 17h23 L'organisation onusienne s'est prononcée en faveur d'une entrée des coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que des « climats » du vignoble français de Bourgnogne. Les coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que les « climats » du vignoble français de Bourgnogne sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Humanité, a annoncé samedi 4 juillet l’Unesco sur Twitter.Réuni jusqu’à mercredi à Bonn, en Allemagne, le comité du patrimoine mondial de l'organisation onusienne s’est prononcé en faveur d’une entrée de ces spécificités de la Champagne et de la Bourgogne viticoles.Les coteaux, maisons et caves de Champagne correspondent aux « lieux où fut développée la méthode d’élaboration des vins effervescents, grâce à la seconde fermentation en bouteille, depuis ses débuts au XVIIe siècle jusqu'à son industrialisation précoce au XIXe siècle », explique l’Unesco.Cela concerne précisément « les vignobles historiques d’Hautvilliers, Aÿ et Mareuil-sur-Aÿ, la colline Saint-Nicaise à Reims et l’avenue de Champagne et le Fort Chabrol à Epernay », ces trois ensembles reflétant « la totalité du processus de production de champagne ».Beaune et Dijon récompensésLes « climats » du vignoble de Bourgogne sont, eux, « des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon », précise l’organisation. Ces parcelles donnent chacune un caractère unique au vin.Ce « paysage culturel », selon la catégorie qui lui a été attribuée dans le patrimoine de l’Unesco, « est composé de deux éléments : le premier couvre des parcelles viticoles, les unités de production associées, des villages et la ville de Beaune ». « La seconde composante est le centre historique de Dijon, qui matérialise l’impulsion politique donnée à la formation du système des climats », précise l’Unesco. Stéphanie Binet Quand les Eurockéennes ont invité le rappeur Jay-Z en 2010, des habitués à l’esprit chagrin se sont empressés de dire que le festival du Territoire de Belfort devrait se rebaptiser les « EuRAPéennes ». Fâchés que les Eurocks, qui pourtant accueillent du hip-hop depuis l’origine, décident cette année-là de casser la tirelire pour la star du genre.Ne leur en déplaise, en 2015 encore, les deux programmateurs de l’événement rock, Christian Alex et Kem Lalot, ont misé sur le rap pour lancer leur nouvelle édition qui, à l’ouverture des portes, vendredi 3 juillet, affichait complet. Les Eurockéennes connaîtront ainsi la plus grosse fréquentation de leur histoire avec 105 000 personnes présentes sur le site du Malsaucy pendant trois jours. « Heureusement, aujourd’hui, nous n’avons plus ce genre de réflexion, se rassure Christian Alex. En cinq ans, les choses ont évolué. La nouvelle génération qui fréquente aujourd’hui notre festival est ouverte d’esprit, et n’a de toute façon que faire des frontières musicales. Avec l’Internet, les plus jeunes écoutent de la musique avant tout. »Même si les programmateurs avaient voulu mettre le paquet pour obtenir la venue, par exemple, d’un Kendrick Lamar en tournée européenne, ils ne peuvent pas grand-chose face à certains rivaux. « On avait presque signé avec Lamar pour le dimanche 5 juillet, racontent les programmateurs. Mais au dernier moment, il s’est désisté pour une offre à un million de dollars ailleurs. » La concurrence est d’ailleurs proche. Dans quatre jours, à 200 km de Belfort, le festival suisse Openair de Frauenfeld accueillera tous les grands noms du rap américain, dont Nicki Minaj pour des tarifs d’entrée s’élevant jusqu’à 325 euros. Les Eurockéennes, elles, ont joué la carte de la créativité plus que la notoriété.Pour la première journée, la sélection rap est pointue entre la nouvelle génération du hip-hop français, l’Américain Pusha T lancé par les Neptunes et signé chez Kanye West, et un duo improbable du New Jersey, Ho99o9 (prononcer Horror), qui mélange punk et rap avec une énergie peu commune.Rap et egotripDès 19 h 15, la scène de la Plage est noire de monde pour accueillir un plateau qui veut enchaîner sans répit trois artistes français, Sianna, rappeuse de Beauvais, le Parisien Georgio et les Montpellierains Set & Match, dans un format « sec ». Chaque groupe a trente minutes pour prouver son efficacité. Honneur aux dames, c’est la toute jeune Sianna, 20 ans, qui débute. Jean noir serré couvert d’un maillot de sport, cette ancienne athlète, championne d’heptathlon et du 100 mètres haies, tient beaucoup mieux la distance que sur son EP. Elle qui se voit une carrière à la Diam’s n’a pas fini de « causer du tort aux rappeurs ».« Ce qui était drôle pour moi, raconte-t-elle en coulisses, c’est que quand j’arrivais dans des concerts, il y avait toujours des mecs qui étaient sur le point de partir parce qu’il y avait une fille sur scène. Et finalement en m’écoutant, ils restaient. Je leur lance cette pique pour leur dire : “Nous aussi, nous sommes capables de faire ce vous vous faites”. »Née à Bamako et adoptée à six mois par un couple de Français, Sianna a grandi à Beauvais, dans l’Oise. Elle a pris goût à la scène après avoir intégré un groupe de chant à l’âge de 14 ans. La passion pour la scène est restée, mais pas le chant. Il a été remplacé par le rap et l’egotrip (l’art de se vanter), qu’elle garde à sa juste mesure. Pas comme le trio Set & Match, qui enchaîne après un toujours très efficace Georgio. A Montpellier, les trois rappeurs de Set & Match cultivent l’hédonisme, eux, et le montrent sans complexe sur scène. Seul regret de ce plateau porteur d’espoir pour la nouvelle génération du rap français, c’est de ne pas avoir poussé l’idée des programmateurs : voir les trois artistes collaborer sur deux ou trois titres, comme les artistes hip-hop américains savent le faire, notamment au festival Coachella en Californie. Déjà en 2008, Christian Alex avait travaillé sur un projet avec le regretté DJ Mehdi, mort en 2011, qui voulait programmer dans un spectacle commun les trois artistes Diam’s, Joey Starr et Oxmo Puccino aux Eurockéennes de Belfort. Projet avorté après dépression de la rappeuse.La grosse surprise de la première soirée des Eurockéennes, c’est finalement Ho99o9, duo formé par Eaddy et The OGM, tout juste la trentaine, qui contrairement à leurs collègues américains n’ont que faire des dollars : « Pour certains dans la communauté hip-hop, nous sommes un groupe de gauchistes, s’amuse Eaddy, qui porte une coiffure afro à moitié décolorée en rose. Nous, nous voulons juste voyager dans le monde et rencontrer le maximum de punks, de rappeurs, de musiciens qui veulent créer cette énergie, produire la meilleure musique électrifiée possible. » Finalement, on en revient toujours au rock.Stéphanie BinetJournaliste au Monde Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nacim Chikh « Sword Art Online Extra Edition », un manga qui accumule tous les clichés de la fiction en général et du genre en particulier (vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45) L’an 2025 au Japon. Les casques de réalité virtuelle, les Nerve Gear, se sont développés au point de proposer une expérience sensorielle complète. A la sortie du premier jeu de rôle utilisant cette technologie, les quelque 10 000 joueurs qui se connectent ont une désagréable surprise : le créateur du jeu, Akihiko Kayaba, leur apprend qu’ils ne peuvent plus se déconnecter et que leurs corps sont dans un état proche du coma. Pour en sortir, ils doivent aller au bout du jeu, mais toute mort virtuelle sera synonyme de mort réelle. Voilà pour le scénario. Le manga qui en découle est une insulte au genre et à la fiction en général.L’œuvre inédite de Reki Kawahara, Sword Art Online Extra Edition,a été diffusée au Japon, le 31 décembre 2013, pour lancer la seconde saison de la série animée, adaptée du feuilleton de bande dessinée du même nom. Elle retrace les meilleurs moments de la première saison dans une série de flash-back abrupts et souvent incompréhensibles.Mouvements mal retranscritsEn cent minutes, tous les clichés des mangas japonais sont illustrés : un héros timide mais courageux et déterminé, des combats alliant gigantisme et lenteur extrême, une scène de piscine prétexte avec des filles à la taille de guêpe et à la poitrine débordante.La narration passant de scène en scène sans la moindre transition, il est difficile de suivre les personnages d’un monde à l’autre, ces derniers changeant d’apparence entre chaque univers. L’animation, qui mêle coups de crayon typiquement manga et références à l’univers de Tron, donne cependant un résultat plutôt réussi, malgré des mouvements mal retranscrits.Une fois le méchant et tout-puissant Akihiko vaincu, le héros Kirito doit sauver sa petite amie des griffes d’un de ses adjoints, Nobuyuki Sugo, qui l’a enfermée dans une autre réalité virtuelle. Il est aidé par Lyfa, une joueuse qui tombe amoureuse de lui sans savoir qu’il s’agit en réalité de son frère. L’histoire se termine sur une bataille contre un calamar géant qui lorgne sur un œuf sacré enfoui dans un temple sous­-marin. Une intervention divine à coups de trident et toute l’équipe repart à dos de baleine, pour faire plaisir à l’enfant-programme que le héros a eu dans une réalité virtuelle… Si vous n’avez pas tout compris, c’est normal, nous non plus.Sword Art Online Extra Edition, de Ito Tomohiko (Jap., 2013, 105 min). Vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45Nacim Chikh Alain Constant Isabelle Boni-CLaverie montre comment le passé colonial français conditionne toujours le regard des Blancs sur les Noirs (vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10). C’est une fillette élevée bourgeoisement dans un grand appartement parisien de la très chic plaine Monceau. Elle fréquente une école catholique, passe de belles vacances en compagnie d’autres enfants issus de milieux favorisés. Sur une photo des années 1970, on voit la gamine, ravissante, à bord d’un bateau, en compagnie d’un petit garçon blond qui deviendra roi des Pays-Bas.Cette gamine est devenue réalisatrice et scénariste. Parcours finalement classique d’un rejeton de la bonne bourgeoisie ? Pas tout à fait. Car Isabelle Boni-Claverie, petite-fille d’Alphonse Boni, originaire de Côte d’Ivoire devenu magistrat de la République française dans les années 1930, fille d’une femme politique ivoirienne, est métisse. Et dans la France du XXIe siècle, avoir la peau noire n’est, visiblement, toujours pas anodin.Un passé colonial qui ne passe pasMêlant approche intimiste et témoignages d’historiens, de sociologues et de citoyens français noirs de peau, Isabelle Boni-Claverie livre un documentaire émouvant et instructif. Il y est question du regard des autres, d’incompréhensions et surtout de l’hypocrisie qui règne dans une société française où le passé colonial conditionne encore le regard des Blancs sur leurs compatriotes noirs.En France, les statistiques ethniques sont toujours proscrites, mais des spécialistes estiment à environ 5 % de la population le pourcentage de Noirs. Parmi eux, combien de députés, de médecins, d’avocats, de réalisateurs ? Interrogée sur la raison de ce documentaire, Isabelle Boni-Claverie répond : « Je me demande depuis très longtemps en quoi je “pose problème” dans la société française. Pour les gens d’origine africaine ou caribéenne, il y a ce présupposé que nous sommes étrangers, qu’il existe toujours un ailleurs qui ne nous permettrait pas d’être pleinement français. La question “d’où venez-vous ?” est récurrente. Cela interroge forcément les liens que nous entretenons avec notre pays. »« Les stéréotypes perdurent »La réalisatrice s’entretient aussi avec les membres de sa famille. Ses cousins blancs lui décrivent comment sa famille maternelle, originaire du Tarn, a vécu le mariage de sa grand-mère avec un Ivoirien. Né en 1909, son grand-père, Alphonse, avait été envoyé en France à 15 ans pour y suivre des études. C’est à la bibliothèque de la faculté de droit de Toulouse que le jeune étudiant tomba amoureux de Rose-Marie, originaire de Gaillac. Leur mariage, à Gaillac, à la fin des années 1930, fit sensation. Depuis, les idées reçues n’ont pas disparu. Comme l’explique l’historien Pap Ndiaye : « Si les stéréotypes perdurent, c’est parce que, d’une certaine manière, ils ont une utilité sociale. Ils servent à faire perdurer des formes d’inégalité qui conviennent à une partie de la société française. » Un rappel salutaireAncienne élève de la Fémis, l’école nationale supérieure de l’image et du son, Isabelle Boni-Claverie revient dans ces locaux. A l’époque, elle était la seule étudiante noire. Aujourd’hui, la situation n’a guère évolué. Le patron de la Fémis ne peut que constater un triste état de fait : « Je suis favorable aux statistiques ethniques, car tant que l’on n’aura pas les chiffres, on continuera à baratiner. »En attendant, l’hypocrisie règne. Malgré les discours généreux, l’ascension sociale des Noirs français n’est toujours pas une évidence. Ce documentaire rappelle cette réalité à travers un exemple atypique : celui d’une citoyenne française noire, issue d’un milieu socialement privilégié.Trop noire pour être française ?, d’Isabelle Boni-Claverie (France, 2015, 55 min). Vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Service culture Le Monde vous propose son choix de spectacles pour l’édition 2015 du festival d’Avignon, qui se déroule du 5 au 24 juillet.Théâtre : « Le Roi Lear » et « Richard III », de Shakespeare Deux rois de Shakespeare règnent sur la Cité des papes : Lear, qu’Olivier Py, le directeur du festival, met en scène dans la Cour d’honneur du Palais des papes, avec son acteur fétiche Philippe Girard dans le rôle-titre (du 4 au 13), et Richard III, mis en scène (en allemand) par Thomas Ostermeier, le directeur de la Schaubühne, avec un acteur star dans le rôle-titre, Lars Eidinger (du 6 au 18, à l’Opéra). Deux conceptions différentes du théâtre, deux visions de Shakespeare : un beau duel en perspective.Théâtre : « Le Vivier des noms », de Valère Novarina Chaque pièce de Valère Novarina est la promesse d’un voyage dans la forêt des mots, que l’auteur arpente en suivant d’inénarrables chemins de traverse. Dernière en date, Le Vivier des noms (du 5 au 12, au cloître des Carmes) réunit une foultitude de personnages qui, en deux heures et cinquante-deux scènes, transforment le plateau en une sorte de rébus : L’Historienne qui ordonne que l’histoire commence, Les Antipersonnes, l’Acteur fuyant, le chien Uzedent, les Enfants pariétaux… On piaffe de les entendre.Théâtre : « António e Cléopatra », de Tiago Rodrigues Tiago Rodrigues est le tout jeune et tout nouveau directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne, l’équivalent portugais de la Comédie-Française. A l’automne 2014, il a présenté à Paris By Heart, un magnifique spectacle sur la mémoire. A Avignon, où il vient pour la première fois, il propose António e Cleopatra (Antoine et Cléopâtre, au Théâtre Benoît XII, du 12 au 18), une pièce qu’il a écrite en s’inspirant de Plutarque, Shakespeare et Joseph L. Mankiewicz. Une version intimiste, avec deux comédiens, à découvrir.Danse : « Barbarians », de Hofesh Shechter Vedette explosive de la danse, le chorégraphe israélien Hofesh Shechter présente à La FabricA (les 12, 13, 14 et 15 juillet) Barbarians, spectacle en trois parties, créées les unes à la suite des autres depuis novembre 2014, qui mixte les styles et les points de vue. The Barbarians in Love, pour six interprètes, s’appuie sur des partitions baroques ; tHe bAD met en jeu cinq danseurs sur une partition percussive et revendique une part obscure, une inspiration tribale, une gestuelle sous influence urbaine ; enfin Two Completly Different Angles of the Same Fucking Thing renoue avec la forme du duo que privilégiait le chorégraphe à ses débuts.Théâtre : « Des arbres à abattre », par Krystian LupaLe maître du théâtre polonais n’était, curieusement, jamais venu à Avignon. A 72 ans, le voici enfin dans le saint des saints avec Des arbres à abattre, un texte de Thomas Bernhard, son auteur de prédilection, auquel il revient pour la sixième fois (à La FabricA, du 4 au 8 juillet). Un jeu de massacre comme les aime l’auteur autrichien, servi par des acteurs au top. Magistral. Théâtre : « Les Idiots », d’après Lars von Trier, par Kirill SerebrennikovA 46 ans, Kirill Serebrennikov est devenu le chef de file de l’avant-garde russe, et d’un théâtre transgressif qui s’oppose aux conservatismes de Vladimir Poutine. A Avignon, il présente, du 6 au 11 juillet dans la cour du lycée Saint-Joseph, Les Idiots, un spectacle inspiré du film de Lars von Trier. Des « idiots » très liés à la situation de la Russie d’aujourd’hui. A découvrir. Service cultureJournaliste au Monde 02.07.2015 à 14h33 • Mis à jour le03.07.2015 à 05h37 | Florence Evin Le Musée du Louvre affiche désormais un billet unique à 15 euros. Celui-ci remplace les tarifs précédents : 12 euros pour l’accès aux collections permanentes, 13 euros pour les expositions temporaires seules, 16 euros pour l’ensemble.Cette nouvelle tarification fait la part belle aux jeunes de moins de 26 ans de l’Union européenne, en leur appliquant la totale gratuité sur l’ensemble du musée, y compris l’accès aux expositions temporaires – auparavant, cet accès était tarifé à 12 euros, la gratuité ne s’appliquant que sur les collections permanentes. Hors Union européenne, cette gratuité totale s’applique jusqu’à l’âge de 18 ans. Au total, cela concerne un million de jeunes sur les 9,8 millions de visiteurs enregistrés en 2014 par le premier musée du monde pour son affluence.Simplification tarifaireL’établissement public justifie cette augmentation dans un but de simplification tarifaire. Une manière aussi d’inciter les visiteurs, et notamment les 70 % de visiteurs étrangers – parmi lesquels Américains, Chinois, Italiens, Anglais et Brésiliens sont les plus représentés –, à être plus curieux et à s’aventurer dans les salles moins fréquentées. 38 000 œuvres des collections permanentes sont visibles dans les 403 pièces du musée, à condition de parcourir les quatorze kilomètres de couloirs et les 72 735 m2 de surface d’exposition.En ce début juillet , avec de 25 000 à 30 000 entrées chaque jour, l’affluence des visiteurs est telle que le musée réfléchit à instituer des plages horaires réservées et à mieux faire savoir que les mercredis et vendredis, le musée est ouvert jusqu’à 22 heures. Ne pas décourager les touristes est un objectif vital pour le Louvre. La billetterie représente 60 % des ressources propres du musée national et finance à hauteur de 20 % sa politique d’acquisitions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin La cité mythique reprend vie grâce aux technologies numériques (jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures). Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la redécouverte, en 1866, des ruines de l’ancienne capitale de l’Empire khmer. L’énigme de la cité, abandonnée au XVe siècle à l’emprise de la jungle, commence tout juste à être levée.Les pyramides de grès, sanctuaires édifiés par les rois, dédiées aux dieux hindous et à Bouddha, prisonnières de racines tentaculaires, avaient jusque-là conservé leurs secrets. Un équipement révolutionnaire au laser a permis de révéler par vue aérienne le plan quadrillé de l’ancienne ville, jusqu’à l’empreinte même des bâtiments disparus. Sur 200 kilomètres carrés, la capitale apparaît sur un écran à une échelle de quelques centimètres : stupéfiant.Dans la forêt, il ne reste rien des maisons et des palais de bois, dévorés par les termites. Seuls les temples en grès ont survécu. Les fouilles menées par l’archéologue Jacques Gaucher, au cœur de la capitale Angkor Thom, la « grande ville », lui ont permis d’identifier le Thlok, l’arbre sacré, symbole du mythe fondateur de la ville, enfoui à 4 mètres, vestige du premier palais. Le centre politique, religieux, magique, autour duquel elle s’est développée du VIIIe siècle au XIIe siècle, avant de péricliter.TrésorLes technologies numériques ont recomposé la silhouette des grands sujets sculptés, mutilés au burin et à la tronçonneuse. L’archéologue Eric Bourdonneau et le conservateur en chef du Musée Guimet, Pierre Baptiste, se rendent dans les ruines de Koh Ker, capitale provinciale au Xe siècle, jamais fouillée mais très pillée dans les années 1990. Là, se trouve la plus haute pyramide khmère.Les deux spécialistes ont entrepris de redonner vie à un shiva dansant de 4 mètres de hauteur. Ils s’appuient sur les relevés de Louis Delaporte, dessinateur embarqué sur le Mékong en 1866, avec la mission d’exploration conduite par Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier, précieux témoignages pour la recomposition des vestiges. Delaporte fera faire des moulages des bas-reliefs à l’échelle 1. Au fil de ses missions, il en rapportera quelque 500 mètres cubes, un temps exposés au Musée indochinois du Trocadéro, puis oubliés dans les caves d’une abbaye. Pierre Baptiste raconte sa détermination à sauver ce trésor qui a fait l’objet d’une belle exposition en 2014 au Musée Guimet.Angkor redécouvert, de Frédéric Wilner (France, 2013, 90 min). Jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Rémi Dupré Une plongée dans les coulisses de l’explosive équipe d’Allemagne, vainqueure de la Coupe du monde 2014 (jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50). Cette équipe méritait tellement ce titre. » Le 13 juillet 2014, au stade Maracana de Rio de Janeiro, le sélectionneur allemand Joachim Löw rendait un hommage appuyé à ses joueurs, vainqueurs de la Coupe du monde. Grâce à un but inscrit par Mario Götze, la Nationalmannschaft venait de terrasser (1-0) en finale l’Argentine du prodige Lionel Messi, au terme d’âpres prolongations.Présente dans le dernier carré de chaque compétition internationale depuis le Mondial 2006, organisé sur ses terres, l’Allemagne accrochait une quatrième étoile à son maillot, après ses sacres planétaires de 1954, 1974 et 1990. Articulée autour de cadres chevronnés comme son capitaine Philipp Lahm ou son attaquant Miroslav Klose, 36 ans et recordman de buts (16) inscrits en Coupe du monde, elle remportait son premier titre depuis… l’Euro 1996.Une attaque de feuRéalisé par Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt, Die Mannschaft se veut une plongée au jour le jour dans les coulisses de cette explosive sélection, dont l’attaque de feu a fait trembler les filets à dix-huit reprises durant le tournoi brésilien. Les téléspectateurs français seront tentés de comparer ce film au mythique Les Yeux dans les Bleus, le chef-d’œuvre de Stéphane Meunier et de Canal+, qui montre les dessous de l’épopée des Tricolores, sacrés champions du monde en 1998. Et ils seront déçus.Dans Die Mannschaft, les causeries d’avant-match de Joachim Löw sont nettement moins musclées et lyriques que celles d’Aimé Jacquet, l’ex-patron des Bleus à fleur de peau. Construit de toutes pièces sur les deniers de la Fédération allemande (DFB), le complexe hôtelier de Campo Bahia ressemble davantage à une station balnéaire, au cadre paradisiaque, qu’à un camp de base où les « guerriers » suent sang et eau, comme l’était Clairefontaine, le quartier général des Tricolores.Les réalisateurs mettent particulièrement l’accent sur l’harmonie qui règne au sein de l’effectif de Joachim Löw. Complicité entre les joueurs et le staff technique, gages gentillets, visite d’une école de l’Etat de Bahia, parties de billard et de fléchettes : cette épopée brésilienne s’apparente à une marche triomphale sans anicroche. Une seule séquence traduit un climat de nervosité : l’échange viril entre le défenseur Per Mertesacker et les médias allemands après la fastidieuse victoire (2-1 après prolongations) de la sélection face à l’Algérie, en huitièmes de finale.Portugais étrillés, Brésiliens pulvérisés« Notre devise, c’était une page blanche à remplir », avance le manageur Oliver Bierhoff, l’un des nombreux cadres de la Mannschaft interviewés « à froid » et a posteriori. Si elle fait preuve d’humilité, cette équipe d’Allemagne n’en est pas moins un rouleau compresseur, capable d’étriller (4-0) des adversaires du calibre du Portugal, lors du premier tour. Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, elle pulvérise (7-1) la Seleçao, en demi-finales de « son » Mondial, et provoque un séisme au pays du « futebol ».Derrière les exploits du onze allemand se cachent les adjoints de Joachim Löw, techniciens méthodiques et discrets. Les réalisateurs s’évertuent à présenter ces hommes de l’ombre, comme Urs Siegenhalter, « espion » de la Mannschaft, chargé de superviser ses adversaires.«Osmose », « déferlante d’émotions ». C’est ainsi que Joachim Löw dépeint les heures qui ont suivi le sacre de ses hommes, accueillis tels des héros par 1 million de Berlinois. Une foule qui avait déjà oublié l’élimination de sa sélection, huit ans auparavant, en demi-finales de « son » Mondial.Die Mannschaft, de Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt (Allemagne, 2014, 90 min). Jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50Rémi DupréJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.07.2015 à 13h26 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h01 | Agathe Charnet « Un théâtre sans projet artistique, c’est un théâtre qui meurt. » Telle est la sonnette d’alarme tirée par Pascale Henrot, ancienne directrice du Théâtre de la Cité internationale de Paris (TCI). Depuis septembre 2014, date de son départ à la tête de l’Organisation nationale de direction artistique, les salariés du Théâtre de la Cité sont dans l’expectative la plus totale quant à leur devenir. « En près d’un an, aucune procédure normale d’appel à candidatures n’a été lancée, c’est une stratégie du pourissement », s’indigne Pascale Henrot. Plus inquiétant encore, le conseil d’administration de la Cité internationale a mis sur la table un projet de restructuration du théâtre qui amputerait le TCI de plus de la moitié de sa subvention annuelle – qui s’élève pour l’heure à 880 000 euros.Impossible donc de savoir si les trois salles du théâtre pourront de nouveau ouvrir leurs portes et afficher, comme en 2014, un taux de fréquention de 79 % – dont 30 % de jeunes spectateurs. L’avenir de ce théâtre atypique, implanté au cœur de la « Cité U » dont il est sous la tutelle, est donc entre les mains de la fondation de la Cité internationale. Face à la pétition lancée par l’équipe du TCI, ainsi qu’aux nombreux soutiens apportés notamment par Jack Lang, Denis Podalydès ou Christophe Rauck, la direction de la Cité reste muette. La déléguée générale Carine Camby tout comme le président Marchel Pochard se refusent à tout commentaire.Un pôle de création unique au sud de ParisLe Théâtre de la Cité est pourtant un lieu mythique de la scène contemporaine française. Rénové à grands frais (près de 8 millions d’euros) en 2004, il abrite treize studios de musique et cinq ateliers d’artistes. Pensé par les pères fondateurs comme faisant partie intégrante du projet humaniste de la « Cité U », il est inauguré en 1936. Sous l’impulsion d’André Malraux, André-Louis Périnetti en prend la direction en 1968 et y accueillera des figures d’avant-garde comme Victor Garcia ou le Grand Magic Circus.A partir de 1991, la nouvelle maîtresse des lieux, Nicole Gautier, pense aussi le Théâtre de la Cité comme un point de propulsion pour de jeunes artistes. Pascale Henrot ajoute en 2008 sa pierre à l’édifice en axant sa programmation sur la transdisciplinarité : arts du cirque, nouvelles écritures et arts plastiques attirent le public dans un sud francilien pauvre en salles de tailles intermédiaires.« Un déficit permanent »Mais la direction reproche au théâtre de s’être trop éloigné de la vie universitaire. Selon des sources proches du dossier, la Cité internationale souhaiterait aussi investir dans des domaines jugés plus rentables et valorisants que la sphère artistique, comme la construction de nouvelles Maisons (Chine, Ile-de-France et Corée). Les membres du conseil d’administration n’envisagent plus de doter aussi largement un théâtre que certains désignent même comme un « déficit permanent » – même si le budget du TCI ne représente que 2,3 % des dépenses globales de la « Cité U ».Suite au départ de Pascale Henrot, la fondation a fait part de son désir de voir se restructurer économiquement le théâtre. A cet effet, Philippe Bachman – directeur de la Comète de Châlons-en-Champagne – a été désigné début 2015 pour mener une mission de préfiguration de trois mois. Il s’agissait de définir un nouveau projet artistique pour le TCI et surtout de proposer un budget moins gourmand en dotations. Mais le rapport rendu par Philippe Bachman – qui propose d’ouvrir davantage les activités du théâtre à l’international et à la vie étudiante – n’a, semble t-il, pas suffi à combler les attentes de la fondation. Pas plus que la baisse de 150 000 euros de budget concédée à la Cité. A l’heure actuelle, les vingt-huit employés du théâtre sont condamnés à attendre la rentrée 2015 pour connaître la décision finale du conseil d’administration.La fin d’une époque ?Si la baisse des subventions annoncée par la fondation est confirmée, ni le ministère de la culture ni la Ville de Paris n’ont indiqué vouloir augmenter leurs subventions respectives de 1,3 million et 230 000 euros. Ce qui entraînerait le licenciement d’au moins dix personnes et rendrait impossible la poursuite des activités artistiques.Tandis que l’équipe du TCI continue tant bien que mal de travailler, Jeanne Candel, artiste en résidence aux côtés de son collectif « La Vie Brève », a été reconduite pour un an au sein du TCI. « Je suis carrément en colère et attristée de la situation, assène Jeanne Candel. La résidence au Théâtre de la Cité a été un tremplin incroyable. Durant près de trois ans, nous avons eu une maison, un abri, un toit. A l’heure actuelle, c’est un luxe inestimable. » Un « luxe » que la fondation estime apparemment désormais de l’ordre du superflu.Agathe CharnetJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum François Ozon dresse le portrait d’une « belle de jour » et avec elle l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance (mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45). Depuis Regarde la mer (1997), l’attirance de François Ozon pour la perversité des êtres ne se dément pas. Si lisse et glamour que puisse paraître son cinéma, Ozon n’aime rien tant que suggérer « la merde dans le bas de soie », pour reprendre la suave expression que Napoléon aurait jetée à la face de son chambellan Talleyrand, soupçonné de trahison.Une quinzaine de films plus tard, Jeune et jolie enfonce ce clou comme jamais, et devrait rester comme l’un des meilleurs films du réalisateur. L’histoire, enlevée en quatre chapitres saisonniers, a pour centre névralgique une adolescente qui correspond trait pour trait à l’intitulé du film. Isabelle (interprétée par Marine Vacth) est une jeune fille à la beauté racée, envoûtante. Au moral, c’est une autre facture. Dépucelée sans illusions (« C’est fait ») dans le premier chapitre qui la joue film de plage en accéléré, Isabelle passe les saisons suivantes à se prostituer sans plus d’états d’âme auprès de messieurs matures en mal de sensations fortes. Jusqu’à ce que l’un d’eux lui claque entre les cuisses.Mystère et scandaleLe prix du film tient à la manière dont François Ozon préserve le mystère, et le scandale, de son personnage, en prenant garde d’évacuer les unes après les autres toutes les pistes, sociales ou psychologiques, qui pourraient expliquer un tel comportement.Isabelle est une petite-bourgeoise parisienne dont rien ne permet d’arraisonner l’esprit de lucre. Rien, hormis la soif transgressive de l’adolescence elle-même. Ou, mieux encore, l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance, défigurée par le trafic émotionnel du consumériste.Ici, le film se révèle juste et fort. Le sentimentalisme des chansons (cru 1960-1970) de Françoise Hardy y résonne donc comme une ironie cruelle, de même que l’impuissance des parents de la jeune fille suggère qu’Isabelle est une créature appartenant à une espèce nouvelle, vouée à la destruction houellebecquienne du monde.Jeune et jolie est l’histoire d’un monstre inexorable, qui est à la fois la jeune fille qui nous séduit par sa plastique pseudo-virginale et le néant qui la gouverne du dedans.Jeune et jolie, de François Ozon. Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot (France, 2013, 95 min). Mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin Le Musée du Louvre affiche désormais un billet unique à 15 euros. Celui-ci remplace les tarifs précédents : 12 euros pour l’accès aux collections permanentes, 13 euros pour les expositions temporaires seules, 16 euros pour l’ensemble.Cette nouvelle tarification fait la part belle aux jeunes de moins de 26 ans de l’Union européenne, en leur appliquant la totale gratuité sur l’ensemble du musée, y compris l’accès aux expositions temporaires – auparavant, cet accès était tarifié à 12 euros, la gratuité ne s’appliquant que sur les collections permanentes. Hors Union européenne, cette gratuité totale s’applique jusqu’à l’âge de 18 ans. Au total, cela concerne un million de jeunes sur les 9,8 millions de visiteurs, enregistrés en 2014, du premier musée du monde pour son affluence.Simplification tarifaireL’établissement public justifie cette augmentation dans un but de simplification tarifaire. Une manière aussi d’inciter les visiteurs, et notamment les 70 % de visiteurs étrangers – parmi lesquels Américains, Chinois, Italiens, Anglais et Brésiliens sont les plus représentés –, à être plus curieux et à s’aventurer dans les salles moins fréquentées. 38 000 œuvres des collections permanentes sont visibles dans les 403 pièces du musée, à condition de parcourir les quatorze kilomètres de couloirs et les 72 735 m2 de surface d’exposition.En ce début juillet , avec 25 000 à 30 000 entrées chaque jour, l’affluence des visiteurs est telle que le musée réfléchit à instituer des plages d’horaires réservés et à mieux faire savoir que les mercredi et vendredi, le musée est ouvert jusqu’à 22 heures. Ne pas décourager les touristes est un objectif vital pour le Louvre. La billetterie représente 60 % des ressources propres du musée national et finance à hauteur de 20 % sa politique d’acquisitions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin La cité mythique reprend vie grâce aux technologies numériques (jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures). Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la redécouverte, en 1866, des ruines de l’ancienne capitale de l’Empire khmer. L’énigme de la cité, abandonnée au XVe siècle à l’emprise de la jungle, commence tout juste à être levée.Les pyramides de grès, sanctuaires édifiés par les rois, dédiées aux dieux hindous et à Bouddha, prisonnières de racines tentaculaires, avaient jusque-là conservé leurs secrets. Un équipement révolutionnaire au laser a permis de révéler par vue aérienne le plan quadrillé de l’ancienne ville, jusqu’à l’empreinte même des bâtiments disparus. Sur 200 kilomètres carrés, la capitale apparaît sur un écran à une échelle de quelques centimètres : stupéfiant.Dans la forêt, il ne reste rien des maisons et des palais de bois, dévorés par les termites. Seuls les temples en grès ont survécu. Les fouilles menées par l’archéologue Jacques Gaucher, au cœur de la capitale Angkor Thom, la « grande ville », lui ont permis d’identifier le Thlok, l’arbre sacré, symbole du mythe fondateur de la ville, enfoui à 4 mètres, vestige du premier palais. Le centre politique, religieux, magique, autour duquel elle s’est développée du VIIIe siècle au XIIe siècle, avant de péricliter.TrésorLes technologies numériques ont recomposé la silhouette des grands sujets sculptés, mutilés au burin et à la tronçonneuse. L’archéologue Eric Bourdonneau et le conservateur en chef du Musée Guimet, Pierre Baptiste, se rendent dans les ruines de Koh Ker, capitale provinciale au Xe siècle, jamais fouillée mais très pillée dans les années 1990. Là, se trouve la plus haute pyramide khmère.Les deux spécialistes ont entrepris de redonner vie à un shiva dansant de 4 mètres de hauteur. Ils s’appuient sur les relevés de Louis Delaporte, dessinateur embarqué sur le Mékong en 1866, avec la mission d’exploration conduite par Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier, précieux témoignages pour la recomposition des vestiges. Delaporte fera faire des moulages des bas-reliefs à l’échelle 1. Au fil de ses missions, il en rapportera quelque 500 mètres cubes, un temps exposés au Musée indochinois du Trocadéro, puis oubliés dans les caves d’une abbaye. Pierre Baptiste raconte sa détermination à sauver ce trésor qui a fait l’objet d’une belle exposition en 2014 au Musée Guimet.Angkor redécouvert, de Frédéric Wilner (France, 2013, 90 min). Jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Rémi Dupré Une plongée dans les coulisses de l’explosive équipe d’Allemagne, vainqueure de la Coupe du monde 2014 (jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50). Cette équipe méritait tellement ce titre. » Le 13 juillet 2014, au stade Maracana de Rio de Janeiro, le sélectionneur allemand Joachim Löw rendait un hommage appuyé à ses joueurs, vainqueurs de la Coupe du monde. Grâce à un but inscrit par Mario Götze, la Nationalmannschaft venait de terrasser (1-0) en finale l’Argentine du prodige Lionel Messi, au terme d’âpres prolongations.Présente dans le dernier carré de chaque compétition internationale depuis le Mondial 2006, organisé sur ses terres, l’Allemagne accrochait une quatrième étoile à son maillot, après ses sacres planétaires de 1954, 1974 et 1990. Articulée autour de cadres chevronnés comme son capitaine Philipp Lahm ou son attaquant Miroslav Klose, 36 ans et recordman de buts (16) inscrits en Coupe du monde, elle remportait son premier titre depuis… l’Euro 1996.Une attaque de feuRéalisé par Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt, Die Mannschaft se veut une plongée au jour le jour dans les coulisses de cette explosive sélection, dont l’attaque de feu a fait trembler les filets à dix-huit reprises durant le tournoi brésilien. Les téléspectateurs français seront tentés de comparer ce film au mythique Les Yeux dans les Bleus, le chef-d’œuvre de Stéphane Meunier et de Canal+, qui montre les dessous de l’épopée des Tricolores, sacrés champions du monde en 1998. Et ils seront déçus.Dans Die Mannschaft, les causeries d’avant-match de Joachim Löw sont nettement moins musclées et lyriques que celles d’Aimé Jacquet, l’ex-patron des Bleus à fleur de peau. Construit de toutes pièces sur les deniers de la Fédération allemande (DFB), le complexe hôtelier de Campo Bahia ressemble davantage à une station balnéaire, au cadre paradisiaque, qu’à un camp de base où les « guerriers » suent sang et eau, comme l’était Clairefontaine, le quartier général des Tricolores.Les réalisateurs mettent particulièrement l’accent sur l’harmonie qui règne au sein de l’effectif de Joachim Löw. Complicité entre les joueurs et le staff technique, gages gentillets, visite d’une école de l’Etat de Bahia, parties de billard et de fléchettes : cette épopée brésilienne s’apparente à une marche triomphale sans anicroche. Une seule séquence traduit un climat de nervosité : l’échange viril entre le défenseur Per Mertesacker et les médias allemands après la fastidieuse victoire (2-1 après prolongations) de la sélection face à l’Algérie, en huitièmes de finale.Portugais étrillés, Brésiliens pulvérisés« Notre devise, c’était une page blanche à remplir », avance le manageur Oliver Bierhoff, l’un des nombreux cadres de la Mannschaft interviewés « à froid » et a posteriori. Si elle fait preuve d’humilité, cette équipe d’Allemagne n’en est pas moins un rouleau compresseur, capable d’étriller (4-0) des adversaires du calibre du Portugal, lors du premier tour. Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, elle pulvérise (7-1) la Seleçao, en demi-finales de « son » Mondial, et provoque un séisme au pays du « futebol ».Derrière les exploits du onze allemand se cachent les adjoints de Joachim Löw, techniciens méthodiques et discrets. Les réalisateurs s’évertuent à présenter ces hommes de l’ombre, comme Urs Siegenhalter, « espion » de la Mannschaft, chargé de superviser ses adversaires.«Osmose », « déferlante d’émotions ». C’est ainsi que Joachim Löw dépeint les heures qui ont suivi le sacre de ses hommes, accueillis tels des héros par 1 million de Berlinois. Une foule qui avait déjà oublié l’élimination de sa sélection, huit ans auparavant, en demi-finales de « son » Mondial.Die Mannschaft, de Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt (Allemagne, 2014, 90 min). Jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50Rémi DupréJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.07.2015 à 13h26 • Mis à jour le02.07.2015 à 11h19 | Agathe Charnet « Un théâtre sans projet artistique, c’est un théâtre qui meurt ». Telle est la sonnette d’alarme tirée par Pascale Henrot, ancienne directrice du Théâtre de la Cité internationale de Paris (TCI). Depuis septembre 2014, date de son départ à la tête de l’Organisation nationale de direction artistique, les salariés du Théâtre de la Cité sont dans l’expectative la plus totale quant à leur devenir. « En près d’un an, aucune procédure normale d’appel à candidatures n’a été lancée, c’est une stratégie du pourissement », s’indigne Pascale Henrot. Plus inquiétant encore, le conseil d’administration de la Cité internationale a mis sur la table un projet de restructuration du théâtre qui amputerait le TCI de plus de la moitié de sa subvention annuelle – qui s’élève pour l’heure à 880 000 euros.Impossible donc de savoir si les trois salles du théâtre pourront de nouveau ouvrir leurs portes et afficher, comme en 2014, un taux de fréquention de 79 % – dont 30 % de jeunes spectateurs. L’avenir de ce théâtre atypique, implanté au cœur de la « Cité U » dont il est sous la tutelle, est donc entre les mains de la fondation de la Cité internationale. Face à la pétition lancée par l’équipe du TCI, ainsi qu’aux nombreux soutiens apportés notamment par Jack Lang, Denis Podalydès ou Christophe Rauck, la direction de la Cité reste muette. La déléguée générale Carine Camby tout comme le président Marchel Pochard se refusent à tout commentaire.Un pôle de création unique au sud de ParisLe Théâtre de la Cité est pourtant un lieu mythique de la scène contemporaine française. Rénové à grands frais (près de 8 millions d’euros) en 2004, il abrite treize studios de musique et cinq ateliers d’artistes. Pensé par les pères fondateurs comme faisant partie intégrante du projet humaniste de la « Cité U », il est inauguré en 1936. Sous l’impulsion d’André Malraux, André-Louis Périnetti en prend la direction en 1968 et y accueillera des figures d’avant-garde comme Victor Garcia ou le Grand Magic Circus.A partir de 1991, la nouvelle maîtresse des lieux, Nicole Gautier, pense aussi le Théâtre de la Cité comme un point de propulsion pour de jeunes artistes. Pascale Henrot ajoute en 2008 sa pierre à l’édifice en axant sa programmation sur la transdisciplinarité : arts du cirque, nouvelles écritures et arts plastiques attirent le public dans un sud francilien pauvre en salles de tailles intermédiaires.« Un déficit permanent »Mais la direction reproche au théâtre de s’être trop éloigné de la vie universitaire. Selon des sources proches du dossier, la Cité internationale souhaiterait aussi investir dans des domaines jugés plus rentables et valorisants que la sphère artistique, comme la construction de nouvelles Maisons (Chine, Ile-de-France et Corée). Les membres du conseil d’administration n’envisagent plus de doter aussi largement un théâtre que certains désignent même comme un « déficit permanent » – même si le budget du TCI ne représente que 2,3 % des dépenses globales de la « Cité U ».Suite au départ de Pascale Henrot, la fondation a fait part de son désir de voir se restructurer économiquement le théâtre. A cet effet, Philippe Bachman – directeur de la Comète de Châlons-en-Champagne – a été désigné début 2015 pour mener une mission de préfiguration de trois mois. Il s’agissait de définir un nouveau projet artistique pour le TCI et surtout de proposer un budget moins gourmand en dotations. Mais le rapport rendu par Philippe Bachman – qui propose d’ouvrir davantage les activités du théâtre à l’international et à la vie étudiante – n’a, semble t-il, pas suffi à combler les attentes de la fondation. Pas plus que la baisse de 150 000 euros de budget concédée à la Cité. A l’heure actuelle, les vingt-huit employés du théâtre sont condamnés à attendre la rentrée 2015 pour connaître la décision finale du conseil d’administration.La fin d’une époque ?Si la baisse des subventions annoncée par la fondation est confirmée, ni le ministère de la culture ni la Ville de Paris n’ont indiqué vouloir augmenter leurs subventions respectives de 1,3 million et 230 000 euros. Ce qui entraînerait le licenciement d’au moins dix personnes et rendrait impossible la poursuite des activités artistiques.Tandis que l’équipe du TCI continue tant bien que mal de travailler, Jeanne Candel, artiste en résidence aux côtés de son collectif « La Vie Brève », a été reconduite pour un an au sein du TCI. « Je suis carrément en colère et attristée de la situation, assène Jeanne Candel, la résidence au Théâtre de la Cité a été un tremplin incroyable. Durant près de trois ans, nous avons eu une maison, un abri, un toit. A l’heure actuelle, c’est un luxe inestimable ». Un « luxe » que la fondation estime apparemment désormais de l’ordre du superflu.Agathe CharnetJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum François Ozon dresse le portrait d’une « belle de jour » et avec elle l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance (mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45). Depuis Regarde la mer (1997), l’attirance de François Ozon pour la perversité des êtres ne se dément pas. Si lisse et glamour que puisse paraître son cinéma, Ozon n’aime rien tant que suggérer « la merde dans le bas de soie », pour reprendre la suave expression que Napoléon aurait jetée à la face de son chambellan Talleyrand, soupçonné de trahison.Une quinzaine de films plus tard, Jeune et jolie enfonce ce clou comme jamais, et devrait rester comme l’un des meilleurs films du réalisateur. L’histoire, enlevée en quatre chapitres saisonniers, a pour centre névralgique une adolescente qui correspond trait pour trait à l’intitulé du film. Isabelle (interprétée par Marine Vacth) est une jeune fille à la beauté racée, envoûtante. Au moral, c’est une autre facture. Dépucelée sans illusions (« C’est fait ») dans le premier chapitre qui la joue film de plage en accéléré, Isabelle passe les saisons suivantes à se prostituer sans plus d’états d’âme auprès de messieurs matures en mal de sensations fortes. Jusqu’à ce que l’un d’eux lui claque entre les cuisses.Mystère et scandaleLe prix du film tient à la manière dont François Ozon préserve le mystère, et le scandale, de son personnage, en prenant garde d’évacuer les unes après les autres toutes les pistes, sociales ou psychologiques, qui pourraient expliquer un tel comportement.Isabelle est une petite-bourgeoise parisienne dont rien ne permet d’arraisonner l’esprit de lucre. Rien, hormis la soif transgressive de l’adolescence elle-même. Ou, mieux encore, l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance, défigurée par le trafic émotionnel du consumériste.Ici, le film se révèle juste et fort. Le sentimentalisme des chansons (cru 1960-1970) de Françoise Hardy y résonne donc comme une ironie cruelle, de même que l’impuissance des parents de la jeune fille suggère qu’Isabelle est une créature appartenant à une espèce nouvelle, vouée à la destruction houellebecquienne du monde.Jeune et jolie est l’histoire d’un monstre inexorable, qui est à la fois la jeune fille qui nous séduit par sa plastique pseudo-virginale et le néant qui la gouverne du dedans.Jeune et jolie, de François Ozon. Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot (France, 2013, 95 min). Mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Quarante après les faits, le fils du magistrat est retourné voir les différents acteurs d’une affaire dans laquelle la République ne sort pas grandie (mercredi 1er juillet sur France 3). Il y a quarante ans, dans la nuit du 2 au 3 juillet 1975, le juge François Renaud était abattu de plusieurs balles en bas de son domicile, à Lyon, par trois hommes cagoulés qui réussirent à prendre la fuite. L’annonce de sa mort fut un choc. C’était la première fois, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qu’un juge était assassiné en France. Nommé premier juge d’instruction du palais de justice de Lyon en 1972, après avoir fait ses classes en Afrique, François Renaud était surnommé « le shérif » en raison de ses méthodes peu orthodoxes et plutôt musclées pour mener les instructions. Dandy et homme à femmes, il était aussi un des fondateurs du syndicat de la magistrature créé dans le sillage de Mai 68.Lyon : « Chicago-sur-Rhône »Au début des années 1970, le juge Renaud était une figure emblématique de la magistrature française pour sa lutte sans merci contre la pègre lyonnaise qui, à cette époque, avait quasiment pignon sur rue dans la capitale des Gaules rebaptisée « Chicago-sur-Rhône ».Dans ses dossiers, la grande criminalité faisait bon ménage avec la politique. Le juge Renaud y croisait des notables qui ne cachaient pas leur appartenance au Service d’action civique (SAC), la milice barbouzarde de l’UDR, le parti gaulliste, réactivé avec les événements de mai 1968.En enquêtant sur le « gang des Lyonnais », un groupe de braqueurs chevronnés, le juge Renaud découvrit qu’une partie du fabuleux butin de 12 millions de francs (1,8 million d’euros) dérobé lors du braquage de l’hôtel des Postes de Strasbourg, en 1971, avait fini dans les caisses de l’UDR. Il n’avait pas de preuves, mais il les cherchait. Ce qui ne plaisait pas à tout le monde… Plusieurs années après, Edmond Vidal, le chef du « gang des Lyonnais » mis en prison par le juge Renaud, confirma publiquement à la télévision qu’une partie de l’argent avait bien été versée à un parti politique.Une enquête bâcléeLa veille de son assassinat, le juge Renaud avait confié à son fils Francis, alors âgé de 20 ans, qu’il était sur une grosse affaire et qu’il risquait, peut-être, sa vie. Il n’en a pas su plus. Après la mort de son père, Francis Renaud n’a pu que constater, impuissant, que l’enquête était bâclée : lâchage par les politiques, dysfonctionnement dans la police, dénigrement de son père et mort de l’assassin présumé abattu par la police. De plus, le dossier sur la mort du juge passa de main en main pour mieux s’enliser. Il sera suivi par six juges d’instruction dont le dernier, Georges Fenech (élu depuis député UMP du Rhône en 2002), signera une ordonnance de non-lieu en 1992. La prescription de l’affaire sera prononcée en 2004 sans que l’identité des commanditaires ait pu être établie.Quarante ans après, Francis Renaud, auteur de Justice pour le juge Renaud (Editions du Rocher, 2011), a repris l’enquête avec le journaliste Patrice du Tertre et livre ce documentaire en forme de journal de bord dont on connaît la fin. De retour à Lyon, il y rencontre de nombreux protagonistes qui se sont occupés de l’affaire. Magistrats, policiers, journalistes ainsi que la greffière du juge à l’époque, tous pointent les incohérences de l’instruction et le malaise lorsque l’on tente de rouvrir ce dossier. Structurée par de nombreuses archives accablantes pour les politiques de l’époque, cette enquête sur l’assassinat du juge Renaud montre que cette affaire reste une tache noire dans l’histoire de la République.Le juge Renaud, un homme à abattre, de Patrice du Tertre et Francis Renaud (Fr., 2013, 55 min). Mercredi 1er juillet sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Francis Marmande L’un de ses albums s’appelait Sang mêlé (1987). La beauté du métis. Quand Eddy s’installait à l’orgue – le roi de l’instrument, l’orgue Hammond B3 –, quoi qu’il jouât, « So What » ou « Colchiques dans les prés », c’était un ouragan sans l’ombre de méchanceté, un éléphant amoureux de Nijinski, Berlioz en fanfare plus la biguine, c’était la joie du jeu, la colère du bonheur et tous les blues réinventés. Fils de Pierre Louiss (Pierre Louise, guitariste et trompettiste martiniquais, 1908-1986), né à Paris le 2 mai 1941, Eddy Louiss (de son nom d’état-civil Edouard Louise), musicien essentiel, voix de l’orgue chez Claude Nougaro (entre 1964 et 1977), vocaliste acrobate pour le légendaire groupe des Double-Six de Mimi Perrin, orchestré par Quincy Jones, personnalité non conforme, est mort mardi 30 juin, au CHU de Poitiers, des suites d’une opération de la cataracte.Selon son fils, Pierre Louiss, électronicien très actif pour la réédition des œuvres et coffrets d’Eddy Louiss, « Eddy est parti paisible, entouré des siens ». Amputé du pied gauche, à la suite de complications artérielles et de diabète, le musicien ne faisait plus que de rares apparitions en scène. Mais quelles apparitions ! Comme d’autres (on a la liste : Jacques Thollot, batteur, René Thomas, guitariste, Marius Cultier, pianiste…), Eddy Louiss aurait pu, aurait dû, faire une immense carrière internationale. La carrière internationale, surtout immense, les intéressait tellement moins que la musique. Eddy aurait pu jouer les standards, les saucissons (« When The Saints »), ou son propre « Blues for Klook » à fendre l’âme, il eût fait swinguer une enclume, un porte-containers, le Sacré-Cœur et même Ibrahim Maalouf.Héros des brasseries parisiennesCela dit, il a joué partout, à l’Apollo de Harlem, au Japon, à Dakar, de Vladivostok à Valparaiso, et sur la comète Rosetta où l’on dit que c’est lui en personne qui accompagnait le petit Philaé. Ensemble, ils dansent le jitterbug sur Rosetta justement, et « Tou Piti », l’extraordinaire biguine de son père à lui, Eddy Louiss. Pierre Louiss était le fils d’une fonctionnaire des douanes née à Trinité (1908, Martinique) qui fait le bœuf la nuit. Bachelier, fonctionnaire du Trésor à Paris, musicien la nuit. Bientôt lancé dans la profession, Pierre Louiss effectue la tournée des casinos d’Europe avec ses Tropical Singers, devient héros des brasseries parisiennes qui sont devenues ce qu’elles sont devenues (L’Amiral, le Madrid, le Floréal, le Perroquet vert…), directeur de l’orchestre du Lido, « employant » son fils Eddy qui travaille le piano classique depuis trois ans, dès l’âge de 8 ans. Tout piti déjà.Eddy avait quelques titres à tirer des plans sur la comète : au début des années 1960, on pourrait le prendre pour un dilettante – beau gosse, fine moustache, il s’installe au piano dans les boîtes de jazz, à Paris –, ou pour un apprenti qui se forge au métier. Tel est le cas de nombreux musiciens, qui, dirait Bernard Lubat, alter ego d’Eddy, avec les nuances que vous suggère le deuil, « se sont arrachés de ce jazz de boutiquiers, ce jazz de peigne-cul, leur jazz de nains de jardin… » La plus grande vertu d’Eddy, c’est sa disponibilité. Il est prêt à tout : non pas prêt à tout pour jouer, mais prêt à tout jouer. Disponibilité, virtuosité (mais celle-là, on la laisse aux médiocres, c’est leur refuge), et sa « versatilité ». Vertu latine pour les grands musiciens de jazz. Côté touche-à-tout pour les benêts.De l’avant-garde à en revendreToujours est-il que des années de club (J.-F. Jenny-Clark, Aldo Romano, Jimmy Gourley, Roger Guérin…) ; des années avec Stan Getz, Thomas et Lubat ; une saison au paradis avec Johnny Griffin (« Little Giant ») ; trois albums de toute beauté avec Daniel Humair et Ponty (HLP) ; des trios de feu avec Kenny Clarke (batteur historique) et René Thomas (légende de la guitare liégeoise) ; un big band, Multicolor Feeling, une fanfare au swing joyeux, des partenaires francs du collier (Daniel Huck) ; une conversation mémorable avec Petrucciani au Petit-Journal Montparnasse (double CD Dreyfus) ; une autre avec Stéphane Grappelli (Satin Doll, 1972) ; un Porgy and Bess avec Ivan Jullien ; de l’avant-garde à en revendre avec Portal, Mangelsdorff ou John Surman ; un long compagnonnage de Jean-Luc Ponty (violon) qui le conduit brièvement auprès de Tony Williams (Lifetime) ; son groupe avec le guitariste Jean-Marie Ecay, ou le batteur insensé Paco Séry…Espérons simplement qu’Eddy Louiss ne reste pas juste pour son soutien multicolore, d’un swing de mammouth, auprès d’Henri Salvador, Aznavour, Barbara, Gainsbourg, Jane Birkin et autres idoles des plus ou moins jeunes. Non que ce soit indigne, bien au contraire. Mais son génie éblouissait ailleurs – bien qu’il jouât partout de même sorte. Comme les humbles, il n’avait qu’une écriture. En 2010, l’Olympia célébrait ses cinquante ans de parcours. Le 3 juin 2011, il jouait à Roland Garros – enfin, dans les salons de musique… – à l’initiative du Sunset. En 1977, un portrait filmé, Blues Blanc, Rouge (Brisson & Cavalier), avait affiché à mi-voix, une féroce règle de cette vie que l’on croyait fantasque.Son goût des machines, des synthés, des hologrammes, des expériences à la Tournesol, sa fureur de musique se dissimulait toujours sous un sourire d’ange malicieux. Orson Welles (version Falstaff) au sourire d’enfant, Eddy Louiss ne cachait pas bien son jeu. Il n’était que son jeu. Métis à la main gauche bondissant sur les basses, artificier du clavier, metteur en scène d’élèves enchantés, il lançait depuis son orgue Hammond B3 qu’il savait faire ronronner en vieux chat du blues, des fusées à la Ray Charles, ou alors retombait sur un rythme de préliminaires lascifs, prêt à surgir comme un tigre bleu du Poitou. C’est tellement curieux un être sans ennemi.Francis MarmandeJournaliste au Monde Agathe Charnet A Lectoure (Gers), Nancy Hushion, présidente de l’association Arrêt sur images, a refusé de signer le document. Une simple feuille de papier, datée du 11 juin, sans en tête ni signature, remise par le maire. Cette « proposition de négociation d’un accord » lui imposait purement et simplement de renoncer à la gestion du Centre d’art et de photographie de la ville de Lectoure ainsi qu’à l’organisation de sa manifestation-phare, le festival L’Eté photographique. Deux institutions que l’association pilote depuis 25 ans.Conjointement financé par la DRAC, la région, le département et la ville à une hauteur de 276 000 euros par an, le centre d’art de Lectoure est un des acteurs principaux du rayonnement culturel in et hors les remparts moyenâgeux de la ville. Il organise l’été un festival de photographie reconnu, qui draine chaque année près de 4 000 spectateurs, soit l’équivalent de la population.Or la mairie voudrait maintenant transformer le centre d’art en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), réduisant les soixante-dix membres de l’association à des « amis du centre d’art » ayant la possibilité de siéger au conseil de direction « sans disposer de la majorité ». La suite d’un « bras de fer » qui, selon des membres de l’association, oppose depuis des mois Arrêt sur images à certains de ses partenaires publics. A un mois du lancement de L’Eté photographique (du 18 juillet au 23 août), l’association n’a d’ailleurs toujours pas de directeur. « On est épuisés, confie Nancy Hushion. Nous sommes pour la plupart bénévoles et même si nous sommes prêts à travailler dur, cette situation est très fatigante moralement ». L’administratrice du centre d’art a d’ailleurs remis sa démission, ne supportant pas « de rester dans l’incertitude ». Centre d’art cherche directeurTout a commencé en mars 2014, à la suite du départ à la retraite du fondateur, François Saint Pierre. La commissaire d’exposition Karine Vonna Zürcher est désignée pour prendre la suite. Mais rapidement, des tensions naissent entre les membres d’Arrêt sur images et la nouvelle gestionnaire – en octobre 2014, le conseil d’administration de l’association ne donne pas suite à sa période d’essai. Cette décision irrite la DRAC Midi-Pyrénées, dont la dotation financière annuelle représente 40 % du budget du centre d’art. Laurent Roturier, directeur de la DRAC, fait alors appel à un « accompagnateur » chargé d’épauler pour une période de six mois les cinq salariés et les bénévoles d’Arrêt sur images. Selon Nancy Hushion, celui-ci ne venait à Lectoure que « quelques jours par mois ». En mai 2015, une procédure d’alerte financière est lancée auprès du commissaire aux comptes. En cause, une mauvaise gestion de l’association – ce que réfute formellement son secrétaire, Frédéric Delpech : « C’est absolument faux. La DRAC elle-même reconnaît la bonne santé financière du centre. »Une reprise en main étatique ?« Le centre d’art est indispensable à Lectoure mais il doit être géré de manière non contestable », explique, de son côté, le maire de Lectoure, Gérard Duclos, élu socialiste depuis vingt-quatre ans, pour qui « la solution proposée est loin d’être un diktat ». Il souhaiterait voir muter le centre d’art en Epic ou en « vigie dotée d’une personnalité morale et d’une autonomie financière ».Un point de vue partagé par le directeur régional de la DRAC, Laurent Roturier : « Je m’interroge légitimement sur la capacité de l’association à porter un centre d’art », dit-il. Il souligne que le Centre d’art et de photographie de Lectoure, qui fait partie des six centres d’art implantés en Midi-Pyrénées, représente « un projet très important pour l’Etat », tout en éludant la question de la structure la mieux adaptée pour le gérer. Le « support juridique du centre est une autre question », concède-t-il. Le Gers, terre de festivals associatifsLe président du Conseil départemental du Gers, Philippe Martin (PS), conteste pourtant cette possible perte d’autonomie du centre d’art. « Dans le Gers, la culture est consubstantielle à la citoyenneté. L’éducation populaire fait partie de son ADN ». Et de citer Jazz in Marciac, Tempo Latino à Vic-Fezensac ou Ciné 32 à Auch, qui tous sont administrés par des associations loi 1901. « Les membres de l’association sont des passionnés de photographie, explique-t-il, ils n’ont peut-être pas toujours été au fait de la façon dont il faut se comporter avec des partenaires financiers. Mais je ne veux pas que les événements culturels soient pris en otage par les élus. Le département ne subventionne que les associations. »Afin de calmer la polémique, l’association a demandé la mise en place d’une médiation auprès de l’association française de développement des centres d’art (DCA) et de la Fédération des professionnels de l’art contemporain (Cipac). Erick Gudimard, président du réseau photographique Diagonal, réseau de production et de diffusion de photographie, apporte également son soutien à Lectoure : « Il y a des réformes à faire en terme de fonctionnement, et en 25 ans, c’est normal. Mais la finance et la trésorerie ont toujours été saines à Lectoure », souligne t-il. Un espoir pour les membres d’Arrêt sur images qui viennent d’apprendre le renouvellement du soutien financier de la DRAC jusqu’à la fin de l’année 2015, permettant ainsi le maintien du festival cet été et la levée de la procédure d’alerte financière. « Je sais que nous allons trouver une solution, veut croire Nancy Hushion, je reste positive ».Agathe CharnetJournaliste au Monde 30.06.2015 à 10h58 • Mis à jour le30.06.2015 à 11h16 | Christine Rousseau Après le milieu médical, puis politique, Shonda Rhimes décline son savoir-faire sur le terrain judiciaire (mardi 30 juin, sur M6, à 20 h 50). Omniprésente sur la chaîne américaine ABC, Shonda Rhimes est en passe de le devenir également sur les médias français. Après la diffusion, il y a peu, sur TF1, de « Grey’s Anatomy » et le lancement de la quatrième saison de « Scandal », sur Canal+ (tous les jeudis à 21 heures), voici qu’arrive, sur M6, « Murder », la nouvelle série de cette talentueuse auteure-productrice dont une des qualités – au-delà d’avoir su faire bouger les lignes en termes de représentation de la diversité à la télévision américaine – est son art consommé du recyclage. Ou, si l’on est moins sévère, de la déclinaison de recettes narratives à succès.Ainsi de « How to Get Away with Murder », qui regroupe tous les ingrédients d’une série estampillée Shonda Rhimes : une partition chorale dominée par un personnage phare gravitant dans un même lieu plus ou moins clos et marqueur d’une profession. Ici, un groupe d’étudiants de Philadelphie prêts à en découdre pour intégrer le cabinet de leur professeure de droit pénal, la redoutable et redoutée et non moins charismatique Annalise Keating (Viola Davis). L’épaulant dans les différentes affaires dont elle a la charge, ces derniers vont être pris dans une sombre affaire de meurtre qui touche le campus, comprend-on à coups de flash-back épileptiques.SurrégimeSi l’on avait pu se plaindre quelque peu du pilote de « Scandal », au rythme survitaminé et aux répliques à la mitraillette, que dire, alors, de celui de « Murder », qui part en surrégime. Ne laissant rien s’installer : ni les personnages dont on désespère de s’attacher lors des trois premiers épisodes qu’il nous a été de voir ; ni l’intrigue principale engloutie sous un déferlement de rebondissements, parfois peu crédibles.Au point qu’on en oublierait presque qu’il en existe une, lors du deuxième épisode, hormis les fameux flash-back redondants.Si l’héroïne principale bénéficie d’un peu plus d’égards de la part des scénaristes, ces derniers manquent pour le moins de finesse en révélant – un peu trop vite – ses blessures secrètes, faisant perdre en crédibilité le jeu de Viola Davis pourtant excellent.A l’instar de « Scandal », qui avait mis quelques épisodes à s’installer, gageons que « Murder » trouve sa vitesse de croisière pour s’éloigner des rives de la superficialité et de l’artifice, et faire enfin rimer efficacité et addiction.Murder, série créée par Peter Nowalk et produite par Shonda Rhimes. Avec Viola Davis, Alfred Enoch, Billy Brown (EU, 2014, 15 x 42 min). Mardi 30 juin sur M6 à 20 h 50.Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Daniel Psenny Le temps d’une « colo », les jeunes se confient sur leurs préoccupations et leurs rêves (mardi 30 juin, sur France 2, à 23 h 30). En cette période de crise, à quoi rêvent les adolescents ? Quels regards portent-ils sur la société ? Ces questions ont été maintes fois posées dans de nombreux documentaires avec plus ou moins de bonheur, mais elles restent toujours d’actualité.Elles sont une nouvelle fois au cœur de cette série documentaire « 21 jours… » ; menée depuis quelque temps par la journaliste Alexandra Alévêque qui, après s’être infiltrée dans un couvent, au camping ou sur le tournage d’un film X, s’est fait, cette fois-ci, embaucher comme animatrice de colonie de vacances pour essayer de mieux comprendre ce que les ados avaient dans la tête.Candeur, confiance et espièglerieMi-animatrice, mi-journaliste, elle a accompagné deux groupes originaires de Marseille partis faire du surf à Anglet (Pyrénées-Atlantiques). Le premier était constitué d’élèves « méritants » entre 10 et 15 ans et le second de jeunes plus turbulents, issus des quartiers. Chaque groupe était encadré par de jeunes animateurs qui font ce métier par passion. Parmi eux, Chloé, 25 ans, avec qui la journaliste a partagé sa chambre, et qui anime des colos depuis qu’elle a 18 ans pour 250 euros par semaine. Et Quentin, 33 ans, directeur de la colo et professeur de sport dans un collège, qui l’a coachée pour lui apprendre son nouveau métier d’animatrice.Suivie en permanence par un cameraman et munie elle-même d’une petite caméra à qui elle se confie parfois, Alexandra Alévêque a vécu pendant vingt et un jours dans la peau d’une animatrice de colonie de vacances qui fait respecter les horaires et la discipline, organise les chambrées, prépare les veillées, participe aux animations, mange à la cantine et sert, si besoin, de confidente à ces jeunes garçons et filles.Eveil des sensEt ils sont nombreux à venir se confier à la journaliste qui est en totale empathie avec eux. Grande sœur et complice en raison de son statut de journaliste que les adolescents n’ignorent pas, Alexandra Alévêque réussit à leur faire dire beaucoup de choses. Amour, sexualité, politique, famille, école, religion, rêves, fringues : ils se lâchent tous avec candeur, confiance et parfois espièglerie.C’est l’éveil des sens qui reste le plus souvent (surtout chez les garçons) au centre de leurs préoccupations. Quel est le plus beau mec (ou la plus belle nana) de la colo ? Qui sort avec qui ? Comment se fringuer pour aller à la boum ? Ils parlent aussi de télé-réalité et de chansons. On reste surpris en entendant cette jeune fille de 10 ans confier à la journaliste qu’elle voudrait devenir chanteuse, mais n’ose pas le révéler à son entourage. Il faut dire que sa référence est Georges Brassens, alors que ses copines la bassinent à longueur de journée avec Rihanna et Maître Gims !« On est le futur »On sourit en voyant les airs éberlués des jeunes filles qui ne savent pas ce que sont les « cassettes VHS » dont parle Alexandra Alévêque. Et puis, d’une manière plus grave, on écoute avec attention lorsque certaines jeunes filles déplorent leur manque de liberté par rapport aux garçons. On s’amuse beaucoup avec Nassim, qui aime bien se mettre en avant, mais s’interroge sur sa double culture franco-algérienne.Les retours à la maison sont toujours déchirants après une semaine loin du carcan familial. Les pleurs se mélangent aux rires. Et lorsque la journaliste leur demande s’ils comprennent pourquoi elle s’intéresse à eux, ils répondent : « Parce qu’on est le futur ! » Rafraîchissant et revigorant !21 jours… d’Alexandra Alévêque et Richard Puech (Fr,, 2015, 60 min). Mardi 30 juin sur France 2 à 23 h 30Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Camille Bordenet Assises bien droites sur le bord de leurs chaises, mentons posés sur les violons et archers en suspens, Hana Halouane, Amel Akacha et Marie-Lisa Senani, 13 ans, ne lâchent pas des yeux leur chef d’orchestre. Dans le public, parents et grands-parents retiennent leur souffle, accrochés au signal de départ que donnera la baguette. Alors, les archers frôlent les cordes et les premières notes du Rondeau pour la gloire s’élèvent. Difficile d’imaginer que les 800 jeunes musiciens des orchestres Démos (acronyme pour Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale) qui font vibrer les murs flambants neufs de la Grande salle de la Philharmonie de Paris, ce samedi 27 juin, n’avaient jamais touché d’instrument il y a quelques années.Pas plus qu’ils n’avaient, pour la plupart, entendu parler d’Hector Berlioz, Camille Saint-Saëns ou Gustav Holst, ces grands maîtres du répertoire qu’ils interprètent ce soir au milieu de musiciens professionnels et d’élèves de conservatoire plus âgés. Les « gosses » de Démos ont de 7 à 14 ans. Ils viennent de Clichy-sous-Bois, la Courneuve (Seine-Saint-Denis), la Villeneuve (à Grenoble) ou Chevreux (à Soissons) – pour ne citer que quelques exemples –, des quartiers relevant de la « politique de la ville » ou des territoires ruraux éloignés ne disposant pas toujours des ressources économiques, sociales ou culturelles pour découvrir la musique classique. C’est à eux que le dispositif propose, depuis 2010, un apprentissage gratuit de la musique par la pratique orchestrale, sur plusieurs années.Ce projet de démocratisation culturelle à dimension nationale s’inspire d’initiatives similaires à travers le monde comme Gouri, au Brésil, ou El Sistema, au Venezuela, précurseur en la matière (créé en 1975, il concerne aujourd’hui quelque 250 000 enfants issus des barrios). D’abord expérimenté trois ans en Ile-de-France, le dispositif – coordonné à l’échelle nationale par la Cité de la musique (désormais appelée Philharmonie) et mis en œuvre en partenariat avec les collectivités territoriales – s’est élargi, au cours d’une seconde phase, à l’Isère et à l’Aisne.Grandir avec DémosHana, Amel et Marie-Lisa font aujourd’hui partie de l’orchestre dit « avancé », celui des plus anciens élèves. Les trois amies n’avaient que 8 ans quand elles se sont présentées au centre socio-culturel de leur quartier, Les Grésillons, à Asnières (Hauts-de-Seine), pour candidater à Démos. Leurs parents avaient entendu parler du projet dans le journal : « une opportunité unique ! », se souvient la maman d’Hana, les yeux brillants. Sa fille allait être la première de la famille, « depuis des générations », à faire de la musique. Et quel émerveillement quand Hana a découvert le violon qui allait lui être prêté durant tout son parcours !Pendant cinq ans, dans un groupe de quinze enfants et au sein de leur quartier, Hana, Amel et Marie-Lisa ont ainsi suivi quatre heures de cours collectif par semaine, hors temps scolaire, encadrées par deux musiciens professionnels et une « référente sociale ». Tous les groupes Démos – 56 en tout, formant huit orchestres – sont organisés de cette façon. Une pratique collective immédiateCe qui a plu aux jeunes filles, c’est la mise en situation immédiate, le fait de pouvoir goûter aux plus grandes pièces dès les premiers ateliers, « sans même savoir déchiffrer les notes ». Cette démarche est au cœur de Démos, explique Gilles Delebarre, responsable éducatif et pédagogique du projet à la Philharmonie de Paris :« On veut permettre aux enfants de s’approprier un patrimoine qui leur appartient, mais auquel ils n’auraient pas forcément eu accès et qui est encore souvent considéré comme l’apanage d’une élite »Un objectif rendu possible par une pédagogie innovante, centrée sur la pratique collective immédiate, à contre-courant du modèle de cours individuel qui prévaut encore dans de nombreux établissements spécialisés. « Se retrouver face à quinze gamins quand tu es habitué aux cours individuels peut être déstabilisant au début, mais c’est très enrichissant, se souvient Florent Renard-Payen, musicien-enseignant de Démos et professeur de violoncelle en conservatoire. Nous avons dû repenser nos méthodes, alterner les moments d’apprentissage technique de l’instrument et de solfège avec des séquences plus ludiques de chant, de percussions corporelles ou de sound-painting [langage de signes interdisciplinaire] ».Musiciens et travailleurs sociauxAutre clé de voûte du projet, inspirée du dispositif brésilien Gouri : le partage des compétences entre musiciens et travailleurs du champs social (éducateurs, assistantes sociales, animateurs socio-culturels…). Cette idée est née d’un constat, explique Gilles Delebarre :« Si les catégories de populations ayant accès à la musique sont restées quasiment les mêmes en quarante ans de politiques de démocratisation culturelle, c’est peut-être parce que ces dernières ont été portées seulement par les professionnels de la culture. Avec Démos, nous voulions associer le champ social pour espérer produire plus d’inclusion »Tandis que les musiciens se concentrent sur la pratique artistique, les travailleurs sociaux font le lien avec l’environnement des enfants, servent de relais dans les quartiers, auprès des familles, et veillent au respect des principes de citoyenneté : le comportement, le soin apporté aux instruments, l’assiduité.« Au fil des ans, on a vu les enfants s’épanouir, prendre de l’assurance, gagner en maturité. Ils se sont appropriés Démos », s’émerveille Debora Waldman, l’une des cinq chefs d’orchestre du projet. « Pour beaucoup, Démos a même eu un impact positif sur leurs difficultés scolaires ou sur leur attitude dans leur quartier. Ils ont gagné en concentration mais aussi en capacité d’attention aux autres », abonde Andrea Taurus, « référente-sociale ». L’orchestre comme apprentissage du vivre ensemble et des responsabilités. Un lieu où l’harmonie dépend de l’écoute qu’on a des autres. Mais surtout, un groupe dans lequel on a une place, auquel on se sent appartenir.Hana, Amel et Marie-Lisa n’ont pas vu les cinq ans passer. Elles ont pris plusieurs centimètres, leurs violons aussi, passés du demi à l’entier. « Le premier jour, on ne savait même pas tenir l’archer ; aujourd’hui, on joue Gustav Holst », plastronnent les adolescentes, qui assurent ne pas à avoir le moindre trac à l’idée de jouer devant plus de 2 000 personnes. Leurs mères, elles, ne peuvent pas en dire autant : pour accompagner leurs filles, elles ont accepté de monter sur scène et de chanter dans le chœur avec d’autres familles ; de quoi être impressionnées. Une passerelle vers les conservatoiresD’autant que l’émotion, ce soir, est forte : c’est le dernier concert Démos des trois filles. Mais pas leur dernière représentation ! Car celles qui n’aspirent désormais plus qu’à devenir « des professionnelles » franchiront, à la rentrée, la porte du conservatoire d’Asnières. Comme les jeunes filles, la moitié des enfants ayant participé au projet ont exprimé le souhait de poursuivre la musique dans une école ou un conservatoire − à l’issue de la première phase, 50 % des enfants ont effectivement continué. Une réussite dont se félicite Gilles Delebarre :« On s’attendait à 20 %, ça a été 50 %. Cela veut dire que 400 enfants qui ne se seraient a priori jamais dirigés vers un conservatoire vont passer le pas. Cela va créer des choses tout à fait nouvelles à l’intérieur des écoles »Mais l’envie de continuer ne suffira pas, à elle seule, à assurer l’inscription : « il n’est pas sûr que tous les parents pourront assumer les frais, quelquefois élevés », regrette Andrea Taurus. Travailleurs sociaux et acteurs de la culture travaillent donc de concert pour dégager des aides. Démos, de son côté, fait don de leur instrument aux enfants qui continuent. « S’il avait fallu acheter un violon en plus de l’inscription, ça n’aurait pas été possible pour nous », reconnait la mère d’Hana.Certains enfants ont lâché le wagon en cours de route, souvent dès la première année — le taux d’abandon se situe autour de 30 %. Dans leur groupe, Amel, Hana et Marie-Lisa en ont vu partir cinq. « Aller vers le conservatoire n’est pas le seul critère de réussite de Démos, souligne toutefois Gilles Delebarre. Le simple fait que les enfants aient participé à un projet de cette nature à un moment donné est déjà positif en terme de construction de la personnalité et d’intégration, et produira des effets à long-terme ».Un dispositif « arrivé d’en haut »Pour son troisième opus, qui démarrera en septembre, le dispositif espère accueillir progressivement jusqu’à 3 000 enfants et ambitionne de s’étendre à plusieurs autres régions. « Nous souhaitons que Démos soit identifié dans de nombreux territoires, pour insuffler une dynamique », explique Gilles Delebarre. Pour y parvenir, la coordination avec l’ensemble des acteurs culturels de terrain est essentielle. Or, du côté des établissements artistiques spécialisés, l’arrivée de Démos dans le paysage culturel local a été diversement accueillie.En Isère, par exemple, le démarrage n’a pas été facile : « Le dispositif nous est arrivé d’en haut, sans prévenir et sans concertation avec les professionnels de la culture locaux, qui plus est avec un budget qui dépasse de très loin ce qu’on a dans les écoles de musique [le budget annuel de Démos est de deux millions d’euros], déplore Georges Pin, directeur du conservatoire intercommunal d’Echirolles et de Pont de Claix et vice-président du Collectif des responsables d’établissements d’enseignement artistique de l’Isère (CREEAI). Quant à la pédagogie collective innovante mise en avant par Démos, beaucoup d’entre nous la pratiquons déjà depuis longtemps, mais nos initiatives locales sont moins visibles ».Après quelques mises au point, la plupart des acteurs culturels locaux ont toutefois pris le parti de faire une place au projet parisien, prêtant volontiers instruments et salles de répétition. « A l’arrivée, c’est un projet positif pour les enfants, c’est le plus important », assure Georges Pin, qui accueillera une vingtaine d’entre eux dans les murs de son école à la rentrée. De son côté, Gilles Delebarre regrette que Démos puisse être parfois vu comme « concurrent de l’enseignement spécialisé » alors que « le projet, au contraire, contribue à la même réflexion sur l’enseignement musical que celle qu’ont engagée les conservatoires. Le fait d’avoir un dispositif aussi visible ne peut que rejaillir de manière positive sur les établissements et mettre en lumière toutes les innovations en cours ».Dynamique territoriale, intégration sociale, éducation artistique, accès à la culture, pédagogie de l’enseignement musical : « les multiples enjeux qui traversent Démos doivent continuer à être questionnés », reconnaît Gilles Delebarre. Depuis son lancement, ce « laboratoire » unique en son genre n’a d’ailleurs cessé d’être évalué. Pour Hana, Amel et Marie-Lisa une chose est sûre : « cette expérience nous accompagnera toute notre vie ». Elles auraient souhaité que l’aventure se poursuive « indéfiniment », mais il faut savoir laisser la place à d’autres enfants.Démos, un projet soutenu par de nombreux partenairesLe projet Démos a été lancé en janvier 2010 sous la houlette du Conseil de la création artistique – une instance créée par Nicolas Sarkozy en 2009, pilotée par Marin Karmitz et dissoute deux ans plus tard. Sa première phase (janvier 2010-juin 2012), coordonnée par l’Association de prévention du site de la Villette (APSV), s’est adressée à 450 enfants en Ile-de-France. La seconde (septembre 2012-juin 2015), portée par la Cité de la musique, a concerné 800 enfants d’Ile-de-France, d’Isère et de l’Aisne.Le projet est financé à 45 % par l’Etat, 45 % par les collectivités territoriales (conseils généraux et villes) et 10 % par le mécénat. Il bénéficie ainsi du soutien du ministère de la culture, du ministère de la ville (ACSE), des caisses d’allocations familiales et des mécènes. Le projet, mené en partenariat avec l’Orchestre de Paris et l’Orchestre Symphonique Divertimento, est parrainé par Lilian Thuram et sa fondation « Education contre le racisme ».Camille BordenetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.07.2015 à 10h43 • Mis à jour le10.07.2015 à 11h05 | Sylvain Siclier Le 2 octobre 1955, les téléspectateurs du réseau national de télévision CBS aux Etats-Unis découvrent la première émission d’« Alfred Hitchcock Presents ». La série, qui durera jusqu’en 1965, créée par le célèbre réalisateur britannique mort en 1980, propose chaque semaine une histoire criminelle teintée d’humour noir. Outre ses apparitions en prologue à chaque épisode, Hitchcock en réalise une vingtaine. Plusieurs cinéastes, débutants ou aguerris, y participeront. Pour autant, pour le monde du cinéma, travailler à l’occasion pour la télévision restera longtemps vu comme peu valorisant.La donne changea avec « Amazing Stories », produit de 1985 à 1987 par Steven Spielberg (qui fit ses débuts dans la série « Columbo » et dont le premier film, Duel, était une commande de la télévision). Il en réalise quelques épisodes, en confie d’autres à Joe Dante, Peter Hyams, Clint Eastwood, Martin Scorsese, Robert Zemeckis… Son nom est mis en avant. Autre signe, « Twin Peaks », en 1990, créé par Mark Frost et David Lynch, qui en réalise une partie. Les louanges des critiques accompagneront cette série plutôt expérimentale.Le mouvement s’est accéléré ces dernières années, principalement aux Etats-Unis où les séries ont des moyens, accrus en lien avec l’enjeu commercial de leur diffusion dans le monde. A la conception, la production, la réalisation, les grands noms se bousculent dorénavant. Toujours Spielberg (« Band of Brothers », 2001, « Falling Skies », depuis 2012, « Extant », depuis 2014), Martin Scorsese (« Boardwalk Empire » de 2010 à 2014), Gus Van Sant qui participa à l’élaboration et au pilote de l’inquiétant « Boss » (2011-2012) de Farhad Safinia, David Fincher et James Foley pour « House of Cards » depuis 2013, Steven Soderbergh avec « The Knick » depuis 2014, comme Guillermo del Toro pour « The Strain », les Wachowski depuis quelques semaines avec « Sense8 » en même temps que M. Night Shyamalan pour « Wayward Pines »… Idem pour le recours à des actrices et acteurs réputés : Halle Berry, Vera Farmiga, Dustin Hoffman, Steve Buscemi, Kevin Spacey, Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Colin Farrell…Leonard Cohen au générique de « True Detective »En parallèle, les publications des bandes originales des séries prennent aussi du galon. Le temps n’est plus où la compilation de quelques génériques de séries télévisées était à débusquer dans le segment des musiques de films réalisées par les stars du genre, Ennio Morricone, John Williams, Bernard Herrmann, George Delerue, Vladimir Cosma, Lalo Schifrin, Hans Zimmer… Et dans les rayons des disquaires, les recueils des musiques des séries les plus prisées sont bien en vue. Ceux des cinq saisons à ce jour de « Game of Thrones » connaîssent un indéniable succès, en accord avec celui mondial de la série. Cinq volumes, un par saison, sont dans les bacs et en téléchargement, même si, au vu des achats au titre sur les sites officiels, c’est surtout la musique épique du générique de début, signée Ramin Djawadi, qui domine.La musique du générique de « Game of Thrones », composée par Ramin Djawadi :La plus récente des publications, celle de « True Detective », a été annoncée pour mi-août en suivant les mêmes lois du marketing que pour les albums des stars de la pop et du rock. Vidéo-clip d’une bande-annonce du disque et révélations au compte-gouttes sur son contenu. Elle devrait présenter quatorze compositions utilisées dans les saisons 1 et 2 (en cours de diffusion), dont seules ont été officialisées au 8 juillet, trois chansons par Lera Lynn et une par Bonny “Prince” Billy. Probablement aussi la chanson du générique de début de la saison 1, Far From Any Road par The Handsome Family, et celui de la saison 2, Nevermind par Leonard Cohen. Aux manettes de l’habillage musical de cette série policière à l’ambiance sombre, le guitariste et producteur T. Bone Burnett, déjà responsable de celle de la première saison de la série « Nashville » (depuis 2012).La bande-annonce de la saison 2 de « True Detective » avec un extrait de la chanson Only Thing Worth Fighting For par Lera Lynn :« Nashville », comme « Treme », « Empire » ou « Glee », a pour élément central scénaristique la musique, son univers, l’un de ses genres. La série « Glee » (2009-2015) a ainsi généré six albums constitués de reprises de tubes pop et rock par les actrices-chanteuses/acteurs-chanteurs de ce feuilleton qui évoque les espoirs et déboires de jeunes interprètes dans un lycée. Dans « Treme » (2009-2013), qui évoque l’après-ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans et dans ses environs, le jazz, le zydeco, le funk et toute la diversité de la culture musicale de la région sont mises en jeu (Dr. John, Rebirth Brass Band, Donald Harrison, Allen Toussaint, Henry Butler…). Deux albums ont été publiés en 2011 et 2012.Avec « Empire » (première saison débutée en janvier 2015), c’est l’industrie du hip-hop qui est décrite et, dans « Nashville », celle de la country (tendance pop plutôt que traditionnelle). Le rappeur, producteur et DJ Timbaland est l’un des principaux conseillers musicaux d’« Empire » (400 000 albums vendus de la bande-son de la saison 1), qui fait entendre, outre de nombreux thèmes par les interprètes de la série, des chansons de Mary J. Blige, John Legend, Madonna, Rita Ora… Dans « Nashville » (2 millions d’albums, principalement aux Etats-Unis, pour les six volumes, deux par saisons, ainsi qu’un disque de Noël), ce sont aussi les interprètes du feuilleton qui interviennent, dont Connie Britton, Hayden Panettiere, Chip Esten ou Sam Palladio, en plus de l’utilisation de dizaines de chansons country surtout connues des amateurs du genre.Plus lointaine – elle a été diffusée entre 2007 et 2009 –, et moins connue, « Flight of the Conchords » suit les (més)aventures d’un duo néo-zélandais, réel, celui du titre, néo-zélandais, venu chercher le succès à New York. Dans chaque épisode, un vidéo-clip permet d’entendre une chanson (folk, pop, hip-hop…) par le duo qui sert d’élément scénaristique à l’histoire.La chanson Wrong Song, de Sonya Isaacs, Jimmy Yeary et Marv Green, interprétée par Connie Britton et Hayden Panettiere dans l’épisode 7 de la saison 1 de « Nashville » :Compilation à partir de la chanson-génériqueDans d’autres cas, le succès de la chanson-générique permet de bâtir une compilation. L’un des exemples les plus célèbres est celui de I’ll Be There for You, par le groupe The Rembrandts. Ecrite pour la sitcom « Friends », feuilleton générationnel qui suit, de 1994 à 2004, l’évolution d’une bande de copains qui entrent dans l’âge adulte, la chanson est un immense succès. Elle emporte le premier des trois albums consacrés à la série, par ailleurs complétés de titres de Lou Reed, The Pretenders, R.E.M. ou Joni Mitchell. Dommage que les producteurs n’aient pas retenu l’idée de rassembler les chansons absurdes qu’entonne régulièrement l’un des personnages, Phoebe, dont seul le Smelly Cat a eu droit de figurer sur le double CD de la série publié en 2005.La série « Weeds » (2005-2012), avec en vedette une mère de famille qui fait le commerce puis le trafic de marijuana pour se sortir de ses ennuis financiers, est aussi à noter. Son générique Little Boxes est une chanson écrite en 1962 et interprétée par la chanteuse folk et activiste Malvina Reynolds. Si elle est utilisée dans sa version originale lors de la première des huit saisons, les génériques des saisons 2 et 3 ont permis d’entendre quelques-unes des nombreuses reprises de ce classique folk par des gens aussi variés qu’Elvis Costello, Regina Spektor, Randy Newman, Angélique Kidjo, Donovan, Linkin Park… Pour le reste, le feuilleton accumule des chansons de divers genres, styles et époques.Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par Elvis Costello pour le générique de l’épisode 1 de la saison 2 de « Weeds » :Little Boxes, de Malvina Reynolds, interprétée par le groupe Death Cab for Cutie pour le générique de l’épisode 2 de la saison 2 de « Weeds » :Pour les éditeurs, le nombre croissant de séries proposées chaque année par les grands réseaux nationaux et les chaînes câblées – dont certaines sont annulées parfois avant la fin de la première saison – et le recours de beaucoup d’entre elles à des accompagnements musicaux qui puisent dans les catalogues, pourrait constituer un (provisoire ?) Eldorado. D’autant plus aisément avec des feuilletons dont l’action se situe entre les années 1950 jusqu’à aujourd’hui.Ainsi « Mad Men » (2007-2015), sur le milieu de la publicité à New York dans les années 1960, déborde de chansons jazz, de musiques d’ambiances façon bar d’hôtel (du compositeur David Carbonara) ou de références pop. Le récent « Aquarius », en cours de diffusion, a pour territoire Los Angeles en 1967 et pour sujet une enquête sur les activités de Charles Manson. Chaque épisode porte le nom d’une chanson de Manson, qui se rêvait star du rock, ou d’un groupe de la période (Procol Harum, Beatles…) et est diffusée durant l’épisode.« One Tree Hill » (Les Frères Scott, 2003-2012), « True Blood » (2008-2014) ou « Revolution » (2012-2014), notamment, avaient déjà eu recours à cette utilisation de titres de chansons ou d’albums pour leurs épisodes. Dans « The Americans », sur un couple d’espions russes infiltrés aux Etats-Unis dans les années 1980 de l’ère Reagan, la bande-son propose un très intelligent mélange de thèmes post-punk, new wave, rock indépendant et de pop de l’époque. La série britannique « Skins » (2007-2013) menant vers les courants électro, punk, pop et rock plus actuels des années 2000.Reste à citer l’une des grandes références du renouveau des séries, « The Sopranos » et ses six saisons diffusées entre 1999 et 2002 puis 2004, 2006 et 2007, qui suit le quotidien d’un parrain mafieux interprété par James Gandolfini. En matière de musique, la série créée par David Chase avait placé la barre très haut avec une chanson ou un instrumental lors du générique de fin en adéquation avec le propos général de chaque épisode ou en prolongement d’une scène finale. Et celà dans une diversité d’approche allant de l’air d’opéra au classique soul ou rock, d’une ritournelle pop à un tube disco, avec clin d’œil aux crooners Frank Sinatra et Dean Martin. Dommage que seuls deux albums n’aient été officiellement publiés – le reste a été reconstitué sur des forums ou des blogs de fans de la série.La chanson White Rabbit écrite par la chanteuse Grace Slick pour Jefferson Airplane, ici utilisée avec le générique final de l’épisode 7 de la saison 1 de « The Sopranos » :Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Futurs » au centre de la Vieille-Charité, à Marseille Malevitch, O’Keeffe, Ernst, Raysse, Matisse, Mondrian, Klein, Miro, Rancillac, Errò… Le centre de la Vieille-Charité, à Marseille, réunit une centaine d’artistes et d’œuvres dont les esthétiques traversent les grands mouvements du XXe siècle, qui ont en commun d’avoir été inspirés par les possibilités du champ scientifique. Ces visions du futur, enthousiastes ou désenchantées, inquiétantes ou humoristiques, l’exposition les rassemble autour de trois grands axes incarnés par des titres fondateurs de la littérature et du cinéma d’anticipation : celui de l’urbanisation, avec Metropolis, le monde technologique et robotisé de La Guerre des mondes, avec l’influence de la science-fiction, et enfin l’échappée vers le cosmos de L’Odyssée de l’espace, là aussi propre à nourrir l’imaginaire.« Futurs », au Centre de la Vieille-Charité, à Marseille (Bouches-du-Rhône), jusqu’au 27 septembre. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures.« My Buenos Aires » à la Maison Rouge, à Paris Après Winnipeg (Canada) et Johannesbourg (Afrique du Sud), La Maison rouge, à Paris, poursuit son cycle d’expositions consacrées aux scènes artistiques de villes avec Buenos Aires. Exploration de l’identité vive et complexe de la capitale argentine, les œuvres d’une soixantaine d’artistes en révèlent ses dynamiques comme ses secrets et ses fantômes, entre humour et noirceur. Pour cette mégapole à l’âme mi-latina mi-européenne, et à l’imaginaire nourri des écrits de Borgès et Cortazar, le portrait se fait ici volontiers mental.« My Buenos Aires », jusqu’au 20 septembre à la Maison Rouge, 10, bd de la Bastille, Paris 12e. Du mercredi au dimanche de 11 heures à 19 heures.« Elévations » au Palais idéal du facteur Cheval Pour la première fois cet été, le Palais idéal du facteur Cheval (Drôme) accueille une exposition en lien avec sa bâtisse inouïe, synthèse des cultures du monde. Deux collectionneurs d’art brut, Bruno Decharme et Antoine de Galbert (le fondateur de la Maison Rouge, à Paris), ont choisi de rendre un hommage indirect à Joseph Ferdinand Cheval. Ils présentent une centaine d’œuvres d’art brut, populaire ou contemporain, issues de leurs collections et offrant une résonance avec l’esprit du lieu. Entre architectures imaginaires et constructions mentales ou spirituelles, toutes « s’élèvent » vers le ciel.« Elévations », jusqu’au 30 août au château d’Hauterives (Drôme), à 200 m du Palais idéal. Tous les jours de 11 heures à 18 h 30.« Warhol Underground » au Centre Pompidou-Metz De l’œuvre d’Andy Warhol (1928-1987), les peintures et sérigraphies sont la face la plus connue et montrée. Cet été, le Centre Pompidou-Metz met l’accent sur le reste de sa production, en lien avec la scène new-yorkaise underground de la fin des années 1950 aux années 1980. Cinéma, musique, performance, danse : le pape du pop art n’a en effet eu de cesse de tisser des liens et de dialoguer avec ces modes de création, tentant de réinventer leurs codes. Photos, affiches, pochettes de disques, numéros de la revue Interview et coupures de presse viennent témoigner de ces expérimentations et collaborations, et du rôle de la Factory, son atelier mué en résidence d’artiste, tout à la fois studio, scène et plateau.« Warhol Underground », jusqu’au 23 novembre. 1, parvis des Droits-de-l’Homme, à Metz (Moselle), du mercredi au lundi, de 10 heures à 18 heures.« Giacometti » à Landerneau La petite ville de Landerneau, dans le Finistère, accueille cet été une exceptionnelle exposition Alberto Giacometti (1901-1966) à l’occasion d’une coproduction entre le Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture et la Fondation Giacometti, qui possède la plus grande collection au monde d’œuvres de l’artiste suisse. Dans une reconstitution de son atelier de Montparnasse, elle présente plus de 150 de ses créations – sculptures, peintures, dessins et lithographies, de sa période surréaliste jusqu’à ses dernières productions, mêlant œuvres emblématiques et séries méconnues.Exposition « Giacometti » aux Capucins, à Landerneau (Finistère) jusqu’au 25 octobre, tous les jours de 10 heures à 19 heures.Le « Solo Group Show » de Taturo Atzu, dans le cadre du Voyage à Nantes Artiste insaisissable à l’humour détonnant, Taturo Atzu n’intervient habituellement qu’en extérieur, in situ, là où il peut jouer avec la présence de l’art dans l’espace public et s’amuser à nous faire porter un regard différent sur ce qui nous entoure. Pour répondre à l’invitation du Voyage à Nantes, qui lui a proposé une exposition monographique, ce Japonais à l’identité changeante (il s’appelait encore Tatzu Nishi au printemps) a choisi de faire entrer l’espace public dans celui de la galerie en imaginant un jardin public, où tout est forcément surprenant, absurde, voire surréaliste.« Solo Group Show » dans le cadre du Voyage à Nantes, jusqu’au 30 août. HAB Galerie, quai des Antilles, Nantes (Loire-Atlantique). Tous les jours de 10 heures à 19 heures.« En chemin » avec Garouste à la Fondation Maeght La Fondation Maeght consacre son exposition d’été à Gérard Garouste, qui pratique depuis les années 1980, et à rebours de son temps, une peinture résolument figurative. Intitulée « En chemin », elle invite à un parcours où les relations entre les œuvres suivent le fil de la pensée « intranquille » de l’artiste, pour reprendre le titre de son autobiographie. S’y mêlent autoportraits énigmatiques, complexes personnages hybrides souvent inspirés de récits littéraires, et portraits de famille et d’amis. Cet hommage permet de découvrir un ensemble de près de 80 peintures, sculptures et dessins, dont des œuvres inédites, spécialement réalisées pour l’exposition.« En chemin », jusqu’au 29 novembre à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes).Les « Formes biographiques » à Nîmes L’historien de l’art Jean-François Chevrier ausculte les « formes biographiques » dans une exposition en deux temps. Son premier volet a été présenté en 2013-2014 au Musée national espagnol d’art moderne Reina Sofía, à Madrid ; le second, qui fait l’objet de l’exposition estivale du Carré d’art de Nîmes, est centré sur la période actuelle (de la fin des années 1950 à nos jours), avec des œuvres de Sigmar Polke à Marcel Broodthaers, en passant par Carl Andre, Robert Filliou, Etienne-Martin ou Chantal Akerman. En une soixantaine de peintures, photographies, sculptures, dessins, films ou installations, elle interroge le modèle de construction de la biographie ou d’éléments biographiques dans l’activité artistique, à partir d’éléments documentaires aussi bien que fictifs.« Formes biographiques », au Carré d’art, musée d’art contemporain, place de la Maison-Carrée, Nîmes (Gard). Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, jusqu’au 20 septembre.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Luc Leroux (Marseille, correspondant) Une femme au visage d’une grande fraîcheur avec deux lèvres roses tourne vers le haut son regard d’une étonnante expressivité. Elle joue d’un instrument à cordes qui ressemble à une harpe. Ce morceau de fresque peinte sur un fond rouge vermillon au Ier siècle avant J.-C. est l’une des magnifiques découvertes d’un programme de fouilles archéologiques menées depuis deux ans à Arles (Bouches-du-Rhône), dans le quartier de Trinquetaille, sur la rive droite du fleuve. Les fragments du visage de cette musicienne ont été dégagés il y a trois semaines seulement, après avoir passé plus de deux mille ans parmi les remblais d’une somptueuse villa romaine. Elle n’est qu’une pièce de ce que ses découvreurs présentent comme « un véritable trésor archéologique ».Après avoir collecté en 2014 des pans entiers du décor mural d’une chambre à coucher (cubiculum) composée d’une antichambre et d’une alcôve, les archéologues du Musée départemental Arles Antique ont récupéré depuis le 1er avril les éléments d’un rarissime décor peint sur trois murs de la salle d’apparat d’une riche maison (domus) romaine. Ces fresques murales du IIe style pompéien – daté en Gaule entre 70 et 20 avant J.-C. – n’ont d’équivalent qu’avec moins d’une demi-douzaine de sites en Italie. « Comparables à la villa de Boscoreale et à la villa des Mystères à Pompéi », estime ainsi Julien Boislève, toichographologue, spécialiste des peintures romaines à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).En France, le IIe style pompéien n’apparaissait jusqu’à présent qu’à travers des fragments trouvés sur une vingtaine de sites, mais pas dans des ensembles peints aussi complets. Le décor de cette salle de réception est composé, entre des colonnes fictives imitant le marbre, de personnages peints sur fond rouge vermillon – onze, estiment les archéologues – à l’échelle ½ ou ¾. Les remblais et la terre ont concouru à l’excellente conservation des fresques – sur les murs ou en fragments – et à la fraîcheur des couleurs.Témoignage du luxeLa qualité de la figuration, notamment des quelques visages déjà reconstitués, la finesse des modelés des corps et des vêtements ne peuvent être l’œuvre, selon Julien Boislève, que de fresquistes de grand talent, vraisemblablement venus d’Italie, voire d’Espagne. L’usage de pigments comme le bleu égyptien des plafonds et le rouge vermillon témoigne du luxe de maisons appartenant à de riches commerçants ou à l’élite politique de la colonie de droit romain. Ce quartier aujourd’hui populaire d’Arles était à l’époque un « Beverly Hills d’Arelate », selon l’expression d’Alain Genot, archéologue. Habité par les notables, il avait été abandonné en 260 à la suite d’un incendie.Le hasard a contribué à cette découverte unique qui, d’ici quelques années, à l’instar du fabuleux buste en marbre de César, comptera parmi les œuvres majeures du Musée Arles Antique. Coincé entre le « drive » d’un supermarché et la maison de quartier, le site de la Verrerie est un lieu de fouilles archéologiques déjà ancien. Des opérations y avaient été conduites en 1983 et de splendides mosaïques romaines – des fonds de bassin – datant des Ier et IIe siècles après J.-C. avaient alors été récupérées et figurent parmi les pièces maîtresses du musée. En 2012, la municipalité mettait en place un chantier d’insertion pour procéder au remblaiement du site. Des sondages montraient l’existence, sous les maisons des Ier et IIe siècles, de traces d’une occupation beaucoup plus ancienne.L’autorisation de fouilles accordée par le ministère de la culture repose sur l’existence d’une véritable chaîne de traitement des vestiges. Dans l’atelier de conservation du musée, les premiers fragments de fresques – certains encore porteurs de traces de terre –, et notamment la femme à la harpe, reposent dans le sable noir de casiers en bois ou dans des caisses référencées. Fragments collectés parmi les remblais ou détachés des parois, les vestiges sont immédiatement traités par les ateliers du musée, protégés, stockés, nettoyés. Ils seront étudiés dans les mois qui viennent. Les couleurs n’ont pas vu la lumière depuis plus de deux mille ans et sont d’une extrême sensibilité aux UV.A l’issue d’une nouvelle et dernière campagne de fouilles en 2016, qui consistera à dégager une troisième pièce de la villa, les archéologues disposeront d’un total de 1 200 caisses, d’une taille de 60 cm par 30, pleines de fragments. Il faudra se livrer à de gigantesques puzzles pour reconstituer les peintures murales. En vue du remontage des fresques, les archéologues veillent à noter avec précision les endroits où sont collectés les fragments.Patient travail d’assemblageLes retours sur des portes, plafond et sols, avec un mortier biseauté, sont l’équivalent des bords du puzzle. Pour les morceaux sans motif, une analyse de la direction de l’enduit de lissage permet de les positionner dans le même sens, ce qui facilite le remontage. Mais il n’existe pas de technique autre que l’examen à l’œil nu des pièces une à une. « Il y aura des lacunes, des manques dans ces fresques qui renaîtront », indique Marie-Pierre Rothé, responsable scientifique de l’opération. Mais l’ensemble s’annonce unique. Ses découvreurs ignorent ce qui sortira de ce patient travail d’assemblage, même si quelques indices semblent trahir la présence du dieu Pan et laissent penser à l’entourage de Bacchus.Avec un rythme estimé à un jour par caisse de fragments puis à un travail de restauration, le grand public ne devrait pas découvrir les fresques de la villa de la Verrerie avant huit à dix années. Mais, espère Alain Charron, responsable des collections du Musée Arles Antique, une exposition temporaire pourrait, un peu avant cette échéance, lever un coin du voile sur ce nouveau trésor arlésien.Luc Leroux (Marseille, correspondant)Journaliste au Monde Damien Leloup Un remède de cheval pour un malade en phase terminale, c’est, en substance, ce que propose un long et fouillé rapport du Sénat (PDF), rendu public jeudi 9 juillet et consacré à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits (Hadopi), le gendarme du téléchargement illégal. Elaboré par les sénateurs Loïc Hervé (UDI) et Corinne Bouchoux (EELV) – deux élus qui n’avaient pas participé aux débats sur les projets de loi Hadopi 1 et 2 – le document dresse un état des lieux très sévère sur la situation de la haute autorité.Absence de soutien politique à gauche comme à droite, critiques incessantes des ayants droit, méfiance ou méconnaissance du grand public, querelles intestines et problèmes de gouvernance, budgets insuffisants et absence de management… La liste des problèmes rencontrés par la Hadopi et énumérés dans le rapport est longue, très longue. La plupart étaient déjà connus, mais, les sénateurs le reconnaissent eux-mêmes, ils ont été « un peu surpris par l’ambiance qu’[ils ont] découverte à la Hadopi » et disent avoir « eu le plus grand mal (…) à se faire communiquer des résultats et observations dénués de toute passion ».Divorce avec les ayants droit comme avec le grand publicNée dans la douleur, après des débats parlementaires houleux, la Hadopi n’a jamais su trouver sa vitesse de croisière, minée par les difficultés politiques externes ou internes. Dès 2012, trois ans après sa création, la Haute Autorité est en difficulté. Elle tente alors « de regagner chez les internautes la confiance perdue des ayants droit (…). Des analyses particulièrement sévères s’agissant de cette stratégie de rattrapage affectif ont été à de multiples reprises livrées à votre mission d’information lors des auditions organisées à l’appui de ses travaux », note le rapport.Cette stratégie s’est soldée par un double échec : « Paradoxalement, tout en provoquant l’ire des ayants droit, les récents travaux de recherche de la Hadopi n’ont pas abouti à la réconciliation rêvée avec les internautes. » La main tendue par le secrétaire général de la Hadopi, Eric Walter, aux opposants traditionnels à la Haute Autorité, par le biais de prises de position perçues comme favorables à l’instauration d’une licence globale – le paiement d’une somme forfaitaire contre la légalisation des téléchargements non marchands – a achevé de brouiller les pistes, en interne comme en externe.Face à ce constat très sombre, le rapport ne plaide pourtant pas pour une suppression de la Hadopi – un « signal négatif » qui pourrait « laisser croire que l’Etat se désintéresse du droit d’auteur ». Il rejette également l’idée avancée par la commission Lescure d’une fusion pure et simple de la Hadopi avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Au contraire, il plaide pour un recentrage et un renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité, qui devra aussi changer de nom.Système d’amendes administrativesPrincipale mesure évoquée, la simplification de la procédure de sanction des internautes. Le mécanisme de « réponse graduée » actuellement en vigueur consiste à envoyer des avertissements, avant une éventuelle transmission du dossier à la justice, pour « défaut de sécurisation » de l’accès à Internet. Les transmissions au parquet sont rares – 313 depuis la création de la Hadopi – et les condamnations encore plus. Le rapport propose donc de remplacer cette dernière étape par « une amende administrative décidée et notifiée par une commission des sanctions indépendante ».Cette modification du fonctionnement de la « réponse graduée » soulèverait d’importantes questions juridiques et économiques. D’abord, pour être conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission de la Hadopi chargée de l’envoi des courriers de « recommandation » – les deux premières étapes de la « riposte graduée » – ne peut être chargée de la sanction, pour des raisons d’impartialité : il faudrait donc créer une commission ad hoc. Surtout, la Hadopi devrait, si ce projet est adopté, procéder elle-même à la collecte des adresses IP des téléchargeurs – une mission aujourd’hui remplie par des sociétés privées pour le compte des ayants droit.Cette collecte a un coût annuel estimé à 800 000 euros par le rapport. Aujourd’hui payée par les ayants droit, cette somme serait à la charge de la Haute Autorité – et donc des contribuables, comme le note le site spécialisé NextInpact. Au total, pour qu’elle remplisse correctement ses missions, le rapport estime que le budget annuel de la Haute Autorité devrait être compris entre 9,5 et 10 millions d’euros – la subvention actuelle, de 5,5 millions d’euros après des coupes successives, a atteint « les limites de la contrainte budgétaire que peut supporter l’institution », note le rapport.Une « liste noire » de sitesParmi les autres propositions phares du rapport, deux autres mesures se détachent. Tout d’abord, les sénateurs souhaiteraient confier à la Haute Autorité « la constatation des atteintes aux droits d’auteur par des sites massivement contrefaisants et la publicité de ces informations sous forme de “liste noire”, ainsi qu’un suivi des injonctions judiciaires de blocage des sites ». En clair, la Hadopi serait chargée de maintenir un catalogue des sites dédiés au téléchargement illégal – principalement des annuaires de liens, qu’il s’agisse de fichiers BitTorrent ou de liens de téléchargement direct. Une liste qui pourrait vraisemblablement servir de base pour que les ayants droit puissent demander le blocage de ces sites par les fournisseurs d’accès à Internet, comme ces derniers l’ont déjà fait récemment pour The Pirate Bay et d’autres.Suivant une logique similaire, les rapporteurs voudraient confier à la Hadopi la responsabilité d’une « injonction de retrait prolongé des contenus contrefaisants », une injonction qui imposerait aux hébergeurs de supprimer, de leur propre initiative, toute nouvelle copie d’un fichier ayant déjà fait l’objet d’un signalement. Cette disposition existe dans le droit des principaux pays anglo-saxons : baptisée « notice and stay down », elle n’est actuellement pas prévue par la loi française, qui considère que la responsabilité de signaler tout contenu contrefait incombe aux ayants droit.Calendrier législatif incertainLes propositions contenues dans le rapport seront-elles mises en application ? Ou subiront-elles le même sort que celles du rapport Lescure, finalement peu suivi d’effets ? Mercredi 8 juillet, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, a présenté en conseil des ministres son projet de loi sur la création, qui ne comprend aucun volet pénal – et ne se penche donc pas sur la question du téléchargement illégal. Certaines organisations de défense des droits des internautes, comme la Quadrature du Net, disent craindre « une tactique d’embuscade parlementaire introduisant par voie d’amendements ces mesures dangereuses dans le texte ». L’association, qui a été auditionnée par les rapporteurs, craint que les différentes mesures proposées n’aboutissent à la création de fait d’une « police privée du droit d’auteur », en grande partie confiée aux géants américains du Web.Pourtant, les sénateurs eux-mêmes semblent peu confiants dans la possibilité d’une mise en œuvre rapide de tout ou partie de leurs recommandations, qui comprennent également une refonte de la gouvernance de la Hadopi. « Si le cabinet de Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a fait part à votre mission d’information de son peu d’enthousiasme à voir rouvrir l’épineux dossier Hadopi au Parlement, il n’empêche que cette réforme ne doit guère tarder, dans un contexte où le gouvernement a fait de la protection des auteurs et de la promotion de la culture un objectif majeur », écrivent-ils.Damien LeloupJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Menselssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Stéphanie Gibaud, en première ligne pour protéger les lanceurs d’alerte Migrants : et si ouvrir les frontières générait de la richesse ? Les communautés de lecteurs sur Internet, nouveau salut des écrivainstous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer Jean Birnbaum (animé par) //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Conversation avec Astro Teller, responsable de Google X Peter Thiel, fondateur de PayPal, rêve d'un monde sans politique Les monnaies complémentaires, un rempart contre le capitalisme financier ?tous les articles de la thématiqueLe Monde organise un dialogue entre l’écrivain Christine Angot et le rappeur Youssoupha le dimanche 27 septembre à l’Opéra Bastille (Amphithéâtre) de 17 à 18 heures. Une rencontre animée par Jean Birnbaum. Quand elle lit un de ses textes en public, la romancière Christine Angot scande chaque phrase de la main, à la manière des rappeurs. Lorsqu'il évoque son travail sur les mots, le rappeur Youssoupha en parle avec les gestes des poètes, et d'abord celui d'une écriture qui éclaire la vie.D'où l'idée de faire dialoguer ces deux paroles qui se croisent si rarement, et qui ont tant en commun : une puissance rythmique, une énergie incantatoire, un style d'engagement.Lire : Christine Angot portraitiste, emportée par « La Petite Foule »Lire la tribune de Youssoupha : Ces artistes fantômes que sont les rappeurs françaisOn comparera donc le mode d'intervention de l'écrivain et du rappeur, leur rapport à la littérature, à la politique. On parlera surtout de l'écriture et de la manière dont la langue peut être réinventée, demain, afin de nommer le réel, de mettre des mots sur le monde qui vient.INTERVENANTSChristine Angot Elle est écrivaine. Figure incandescente de la scène littérature française, elle est l'auteure d'une vingtaine de romans. Son nouveau livre, Un amour impossible, paraîtra le 19 août chez Flammarion.Lire : Implacable. "Une semaine de vacances", de Christine AngotYoussouphaIl est rappeur. Revendiquant des textes à la fois engagés et responsables, et un « rap d'amour » plutôt qu'un rap de rue, il est l'auteur de plusieurs albums, dont le dernier s'intitule NGRTD. En 2012, il a gagné son procès contre Eric Zemmour qui avait porté plainte pour injure et diffamation après la diffusion sur Internet, en mars 2009, d'une chanson du deuxième album du rappeur intitulé Sur les chemins du retour. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.Jean Birnbaum (animé par) 15.07.2015 à 06h51 • Mis à jour le15.07.2015 à 08h21 | Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le15.07.2015 à 09h32 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 14.07.2015 à 19h50 • Mis à jour le15.07.2015 à 10h38 | Emmanuelle Jardonnet Bien que décidé en plein été, le limogeage surprise de Nicolas Bourriaud à la tête de l’Ecole des Beaux-Arts (Ensba) de Paris n’est pas passé inaperçu. Le sort du spécialiste d’art contemporain, qui a cofondé le Palais de Tokyo en 2000 et dirigeait l’Ensba depuis 2011, a été largement commenté et décrié au-delà du petit cercle du monde de l’art. Si le gros de la crise est passé, du côté des étudiants de l’école, l’heure est désormais à l’attente et aux attentes.C’est un entrefilet du Canard Enchaîné qui met le feu aux poudres, le 1er juillet, en annonçant la fin prochaine de l’ère Bourriaud aux Beaux-Arts, et le nom de son probable successeur : Eric de Chassey, actuel directeur de la Villa Médicis à Rome, dont l’épouse est réputée proche de Julie Gayet, la compagne de François Hollande. Le lendemain, Nicolas Bourriaud est convoqué par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Un communiqué officialise son départ, et lance un appel à candidatures, ouvert jusqu’au 21 juillet.Lire aussi :Valse des postes : de quoi veut-on rendre Julie Gayet coupable ?« Gouvernance plus collaborative »Des étudiants des Beaux-Arts lancent alors une pétition en ligne pour exprimer leur « consternation » et inviter la ministre à « [revoir sa] méthode de nomination » du directeur. « La réaction à l’école a été assez unamime, même si les professeurs ou les membres de l’administration se font plutôt discrets : chacun s’insurge de conditions de nomination arbitraires », résume Charlotte Novaresio, déléguée des étudiants élue cette année. « Pour le bien de l’école, nous souhaitons empêcher que des personnes soient parachutées sans concertation avec les acteurs de l’école, qui sont les premiers concernés. » Le 6 juillet, Nicolas Bourriaud transforme la traditionnelle garden party de fin d’année à l’Ensba en conférence de presse pour défendre son bilan, tandis que Fleur Pellerin justifie son évincement, sans mâcher ses mots. Le même jour, la délégation étudiante des Beaux-Arts demande par une lettre ouverte à être reçue par la ministre, et le maintien de Nicolas Bourriaud au poste de directeur. « Dans votre communiqué de presse, vous demandez de “mettre en place une gouvernance plus collaborative, à l’écoute des enseignants, de l’ensemble du personnel et des étudiants, qui font la qualité remarquable de l’école”. Où et quand avons-nous été consultés ? Vous le faites au mois de juillet au moment de la fermeture d’été de l’école », critique-t-elle.Le lendemain, une poignée d’étudiants se rassemble devant le ministère, alors qu’un rendez-vous officiel est annoncé pour le 8 juillet. « Toute cette ambiance est mauvaise pour l’identité de l’école », confie Claudia Tennant, une étudiante sud-africaine de 2e année. « En tant qu’élèves, nous nous sentons totalement impuissants face à cette décision, or nous sommes ceux qui seront le plus touchés par ce changement d’équipe, qui va ébranler l’école, les enseignants… C’est catastrophique, cette rentrée qui s’annonce où tout aura changé, alors même que l’école est pleine de projets, évolue. »Elle témoigne d’un « malaise » général, que confirment à demi-mot ses camarades présents. « Venir au ministère, ce n’est pas prendre position pour ou contre Nicolas Bourriaud ou tel candidat, mais c’est pour résister à toutes ces tractations (…), et que ces nominations soient faites en fonction de notre timing, pas celui de politiques qui se demandent où replacer untel ou untel », insiste-t-elle.« Réécriture des décrets qui régissent l’école »Alors que de nombreuses voix du monde des arts s’élèvent en défense de Nicolas Bourriaud ou pour critiquer l’opacité du processus de nomination, le ministère sort un nouveau communiqué : les candidats auront jusqu’au 24 août pour rédiger un projet pour l’école. Ils seront ensuite auditionnés par un jury, composé de deux représentants du ministère et de quatre « personnalités qualifiées ». Il remettra un avis à la ministre, qui soumettra un candidat au président de la République pour une nomination par décret avant la rentrée.Pour calmer le jeu, et alors que la durée du mandat du directeur de l’école n’était pas fixée (elle est de trois ans dans les autres écoles des beaux-arts en France), la ministre annonce aussi qu’« un décret fixera dans les prochaines semaines une durée de mandat fixe et des conditions précises de renouvellement pour les dirigeants d’une cinquantaine d’établissements publics sous tutelle du ministère de la culture et de la communication, dont l’Ensba ».Mais ces annonces ne satisfont pas les étudiants. Dans une déclaration rédigée en assemblée générale et remise le 8 juillet aux collaborateurs de la ministre, ils renoncent à demander le maintien du directeur sortant, mais « exige[nt] que tout nouveau processus de nomination à ce poste soit suspendu jusqu’à réécriture des décrets qui régissent l’école et définissent notamment cette procédure. Nous exigeons en outre que tous les acteurs de l’école soient partie prenante de cette réécriture. »La déléguée des étudiants Charlotte Novaresio dénonce l’« archaïsme » des décrets actuels, qui datent de 1984. « Idéalement, nous souhaiterions une direction collégiale de l’école, mêlant personnel administratif, enseignants et élèves. Ça peut paraître révolutionnaire ou utopique, mais l’école fonctionnait comme ça au XIXe siècle ». A tout le moins, elle juge indispensable « que l’on puisse connaître le projet des candidats pour l’école ».L’élue alerte d’ailleurs sur les risques pour la rentrée : « A partir du moment où une personne est imposée sans concertation avec l’école, peu importe ses capacités, le dialogue est faussé, avec un risque de rejet. C’est certain qu’il y aura une réaction si un directeur arrive de façon arbitraire. Le ministère en est bien conscient. »Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier L’avis du « Monde » - Pourquoi pasQuelque part entre Spider-Man et Iron Man, il y a Ant-Man. Un homme revêtu d’une armure atomique qui a la capacité de le faire rétrécir à la taille d’une fourmi tout en lui conférant la puissance d’un char d’assaut. Arme de guerre nouvelle génération, quasiment invulnérable parce qu’à la limite de l’invisibilité, Ant-Man possède entre autres la capacité de communiquer avec toute la famille des formicidés et d’en diriger les tribus comme autant de bataillons armés.Issu de la galaxie Marvel, ce personnage a inspiré sa dernière production en date à Disney, qui en a confié le scénario à un tandem formé par Paul Rudd, acteur discret et sensible issu de la galaxie Apatow, à qui revient par ailleurs de jouer Ant-Man, et Adam McKay, l’auteur attitré des films de Will Ferrell. Le résultat n’est pas à la hauteur de ce que cette alliance pouvait laisser espérer, et le réalisateur, Peyton Reed, est en partie responsable. Malgré une certaine mièvrerie typiquement disneyenne, malgré une scène d’introduction rebutante en forme de publicité géante pour une chaîne de glaciers américains, ce scénario qui voit un hacker de haut vol, aussi fort pour briser les firewalls que pour ouvrir les coffres-forts, changer de dimension à volonté, aurait pu être du pain béni.Mais il eût fallu un autre metteur en scène, qui s’intéresse à ce qui est de l’ordre du faire. Peyton Reed, lui, utilise les dialogues pour transmettre les informations nécessaires à la compréhension de l’intrigue, et les valide dans un second temps par des images montées en rafale sans soucis de vraisemblance – la scène de cambriolage qui voit le monte-en-l’air mettre la main sur le costume d’Ant-Man, trésor caché dans un coffre-fort sécurisé comme Fort Knox dans une maison fortifiée, est, par exemple, aussi incohérente qu’illisible.Qu’Ant-Man passe son temps à changer de taille ne passionne pas plus le réalisateur. Après une première scène qui montre le personnage découvrant sa capacité à devenir fourmi alors qu’il est dans sa baignoire et que le débit d’eau s’abat sur lui avec la puissance d’un tsunami, la question des proportions est définitivement éludée. Focalisé sur la multiplication des plans, dont la durée excède rarement les trois secondes, le réalisateur mélange grossièrement cinéma d’action et comédie pataude, misant sur la complicité d’un public familier de l’univers des super-héros pour faire avaler la sauce. Si la présence de Michael Douglas, décidément en grande forme depuis que Steven Soderbergh l’a réinventé en vieille folle dans Ma vie avec Liberace, procure un certain plaisir, Paul Rudd a, pour sa part, perdu tout son charme dans l’opération.Film américain de Peyton Reed. Avec Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lilly (1 h 57). Sur le web: http://marvel.com/antman#/antviewIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 14.07.2015 à 06h19 Francis Marmande Nuit de noces (oui, bon, ça va, blague vieillotte, lycée de Bayonne, 1959, je suis en seconde) : « “Vois-tu ?” plastronne le marié en se déloquant ? Eh bien ÇA, c’est un pénis. » Visage baissé, ivre de timidité et de mousseux tiède, le feu aux joues, la jeune épousée lève les paupières : « Ah ! En somme, c’est comme une bite en plus petit. »« Poïélitique » est un mot imbitable que tout le monde comprend. Un tiers de poésie au sens large, un tiers de politique et un doigt de poilade. Pile comme mon cocktail favori, le Manhattan : vermouth blanc, bourbon, et un doigt d’angustura.Au fait, bite ? Deux t (comme dans « bitte d’amarrage »), ou un seul (comme dans « siffloter ») ? Une chronique poïélitique, c’est une chronique où, mine de rien, l’on apprend beaucoup.Gniards hurleurs et guerre civileJacques Schwarz-Bart, saxophoniste émérite (Guadeloupe – New York West Side) vient de jouer, le 4 juillet, à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques). Place Sainte-Croix, sur les hauteurs du village, joli triangle de platanes en pente, pubis des Pyrénées, une ancienne église désaffectée a longtemps servi de garage (huiles Hafa). Le syndicat « Droit au blasphème et à émettre des flatulences dans les mosquées » a fait valoir, non sans argument, qu’à ce train, les églises deviendraient bientôt des mosquées.Au garage a bientôt succédé une disco (eighties). Devant les « nuisances sonores », les fameux « riverains », ces ligues des temps modernes, aussi nuisibles que les « parents d’élèves », ont obtenu sa fermeture. À l’entrée de la ville, s’est discrètement ouvert Le Libertin, visible jusqu’à Saragosse, on ne va pas vous faire un dessin. Petite ville fleurie des Pyrénées, Oloron-Sainte-Marie a tout soudain changé.La poïélitique, c’est l’art de voyager, les trains bondés de gniards hurleurs que les nouvelles mères oublient en tapotant des textos à leurs Jules, les aéroports toujours à deux doigts de la guerre civile et du rapatriement sanitaire, les routes tracées pour suicides amateurs. N’en prenant jamais, j’enquête sur les vacances des autres. À suivre, camarades ! Je vous laisse sur cette antanaclase.Francis MarmandeJournaliste au Monde Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par la nouvelle superpuissance du cinéma contemporain, Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoSur les bords du lac Majeur, la programmation est délibérément schizophrène. Au festival de Locarno, on verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou Le Voyage au bout de l’enfer, de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système de production. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs longs-métrages de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements en septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, on y trouve l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, leur collègue turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera 21 longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plateforme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseEn attendant que cet arbitrage soit rendu, on sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’attesa, premier film de l’Italien Paolo Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, dont certains sont toujours à sa tête, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel « Paris, Texas », un drame du remariage arrangé en forme de road-movie (mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte).Voir Paris, Texas trente ans après sa sortie, c’est accepter le poids de trois décennies de clichés. Wim Wenders et Robby Müller, respectivement réalisateur et chef opérateur de la Palme d’or 1984, ont été si inventifs, si bien en prise avec l’inconscient collectif que les images du film sont presque immédiatement devenues des lieux communs : le rapace en gros plan, perché sur un rocher du désert ; le type un peu décavé et son petit garçon dans un pick-up bon pour la casse ; la fille blonde en pull angora dans un peep-show… Tout a servi à des générations de publicitaires, de réalisateurs de vidéos musicales, de cinéastes en panne d’imagination.Perdre la paroleLe début du film, l’alternance de plans larges sur le paysage désertique et serrés sur le visage d’Harry Dean Stanton, qui avance péniblement, s’est si durablement imprimé sur les rétines que l’on a peut-être oublié ce qu’était Paris, Texas. Un drame du remariage arrangé en forme de road-movie.L’homme qu’incarne Harry Dean Stanton s’appelle Travis. Quand il émerge du désert, il a perdu la parole et la mémoire. Son frère Walt (Dean Stockwell) vient le chercher afin de le ramener chez lui, à Los Angeles, où il vit avec Anne (Aurore Clément), son épouse française, et Hunter (Hunter Carson), le fils que Travis a eu avec Jane, une très jeune femme qui a, elle aussi, disparu.Avant que le film ne reprenne la route, il s’arrête longuement à Los Angeles. La musique de Ry Cooder y change. Les longs traits de slide guitar font place à de délicats motifs d’inspiration mexicaine, les grands espaces du western aux lotissements de la sitcom. Wim Wenders a confié le scénario à Sam Shepard, avant de demander une adaptation à L. M. Kit Carson.Poète de la famille, qu’il aime casser et recomposer, Shepard manie le stéréotype au point de flirter avec le mélodrame. De leur côté, Wim Wenders et Robby Müller sont décidés à donner leur interprétation de l’iconographie américaine. C’est à peine s’ils citent quelques cinéastes classiques, se préoccupant plus de photographie et de peinture. Les ambiances verdâtres de certains intérieurs doivent tout à Edward Hopper. Chaque plan offre un nouveau point de vue sur des scènes familières, sans jamais recourir à un excès d’artifices.Paris, Texas, de Wim Wenders. Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, (GB-Fr.-All., 1984, 145 min). Mercredi 29 juillet, à 20 h 50, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde 28.07.2015 à 15h22 • Mis à jour le29.07.2015 à 17h40 Le film de superhéros Ant-Man (L’Homme-fourmi) a conservé sa première place du box-office en Amérique du Nord au cours du week-end passé. Mêmes si ses recettes se sont un peu essoufflées après deux semaines d’exploitation (106,1 millions de dollars, soit 96,1 millions d’euros, quand même au total !) – et même si en France le film est devancé par Minions –, Ant-Man est une nouvelle illustration de la force de frappe des studios Marvel et, par-delà, de la bonne santé de Walt Disney Studios Entertainment et du groupe Walt Disney en général.C’est d’ailleurs bien pour redonner un nouveau souffle à ses productions que la firme de Mickey avait racheté en 2009, pour 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros), l’éditeur de comic books Marvel Entertainement et sa filiale de production cinématographique, Marvel Studios. Pour la première fois depuis plus de dix ans, le chiffre d’affaires de Disney était en baisse et, si elle voulait continuer à grandir, l’entreprise devait trouver de nouveaux relais de croissance.Pour Walt Disney Studios Entertainment (production et distribution de films), cela passait par la conquête d’un public plus large, à travers la mise en scène de nouveaux personnages, aussi iconiques et intemporels que Mickey, Donald et compagnie. C’est qu’a apporté Marvel : Marvel Entertainement disposait d’un catalogue de figures entrées dans la culture populaire, comme Spider-Man ou les X-men ; Marvel Studios disposait, depuis le milieu des années 2000, des droits d’adaptation de certaines de ces figures, comme Iron-Man et Hulk – les premiers films consacrés à ces deux personnages avaient été des succès en 2008.Lire aussi :« Ant-Man » ne convaincra ni les geeks ni les entomologistesConsécrationEn rejoignant Disney, les studios Marvel ont disposé des moyens de poursuivre cette politique de réacquisition des droits de leurs personnages et de création de multiples films de superhéros, aux intrigues interconnectées. Pour la branche cinéma de Disney, Marvel Studios s’est rapidement révélé être un inépuisable créateur de contenus capables de s’installer au sommet du box-office mondial : Iron Man, Thor et Captain America, sortis sur les écrans en 2010 et 2011, ont rapporté respectivement 624 millions de dollars, 449 millions et 371 millions, doublant voire triplant leur budget initial.« Les films Marvel puisent largement leur inspiration dans le patrimoine écrit de la BD, ce qui a immédiatement séduit les fans de comic books. Mais leurs scénarios sont également travaillés pour parler à une cible plus large et familiale, notamment en intégrant une bonne dose d’humour et de second degré », explique Phillippe Guedj, spécialiste de l’univers Marvel et auteur de « Marvel Univers », un documentaire qui sera diffusé sur Ciné + Frisson, à l’automne.Le couple Disney-Marvel a connu la consécration en 2012, avec Avengers, production pharaonique de 220 millions de dollars, qui réunit les superhéros de la franchise le temps d’un long-métrage. Avengers est devenu le troisième film le plus lucratif de tous les temps (1,5 milliard de dollars de revenus).DominationÀ l’issue de cette première phase, au cours de laquelle le groupe aura engrangé plus de 2 milliards de dollars de revenus, Disney a enclenché la « phase 2 » de cet univers cinématographique Marvel, avec six nouveaux films, sortis entre 2013 et 2015. Le parti pris aura été « de concevoir chacun des films comme un épisode d’une grande saga, dont les scénarios sont interdépendants les uns les autres », explique Phillippe Guedj, une connexion devant « stimuler le public et attirer sa curiosité vers d’autres films Marvel ».Sur ce terrain, Marvel a démontré son efficacité, établissant sa domination sur le box-office mondial. Cette « phase 2 «, savant mélange de suites à succès (le troisième épisode d’Iron Man, les seconds volets de Thor, Captain America et Avengers) et de nouveautés (Guardians of the Galaxy, Ant-Man) a permis à Disney de dégager 4,7 milliards de dollars de recettes entre 2013 et 2015.Le succès de Marvel a été d’autant plus important pour Disney que les propres studios du groupe ont accusé des revers. Le film d’animation Milo sur Mars (2011), doté d’un budget de 150 millions de dollars a été un échec. John Carter (2012), sur lequel Disney avait misé pas moins de 350 millions de dollars, n’a dégagé que 284 millions de recettes.Marvel et ses superhéros sont également une source tout aussi rémunératrice pour la vente de produits dérivés (jouets, accessoires, vente de droits de diffusion de dessins animés). Le chiffre d’affaires de cette branche chez Disney, qui fluctuait entre 2 et 2,5 milliards de dollars depuis le début des années 2000, n’a cessé de croître depuis 2009, pour atteindre 3,9 milliards de dollars en 2014. Depuis 2012, ce succès est aussi imputable à LucasFilm (racheté pour 4 milliards de dollars), qui a permis de s’emparer de la très populaire licence Star Wars.ConcurrenceEn 2014, Marvel a annoncé la « phase 3 » de son univers cinématographique, prévue entre 2016 et 2019. Pas moins de dix films sont programmés. La domination des studios risque néanmoins d’être mise à mal par l’offensive de deux concurrents : DC comics, notamment détenteur de Batman et Superman, et dont le catalogue de superhéros appartient à la Warner Bros ; et la 20th Century Fox, qui détient la licence de certains héros Marvel, comme les X-men ou les 4 Fantastiques.Les studios Warner ont annoncé dix films entre 2016-2020, dont le très attendu Batman v Superman : Dawn of Justice (prévu le 23 mars 2016 en France). Le concept d’univers partagé de Marvel, aux intrigues liées, où les héros se croisent, devrait être repris par son principal rival. La 20th Century Fox a elle aussi annoncé plusieurs films mettant en scène des superhéros sur la même période. DiversificationCe planning conduit à se demander si la surreprésentation des héros costumés au cinéma ne va pas finir par provoquer un phénomène de saturation. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Même si « le second degré, qui caractérise les films Marvel, lasse certains spectateurs », comme le relève Philippe Guedj, qui prévient : « le tandem Warner-DC a tout intérêt à se différencier en adoptant un ton plus sérieux, plus iconique, qui aura pour trame de fond des problématiques contemporaines. » Au regard de Man of Steel (2013), qui contait les origines de Superman, et de la bande-annonce de Batman vs Superman, il semble que Warner se dirige vers des longs-métrages plus sombres et a priori plus segmentants.Le couple Disney-Marvel mise, lui, sur la diversité pour se différencier. Au menu de sa « phase 3 » on retrouvera une superhéroïne, Captain Marvel et un héros africain, Black Panther. « Depuis nos débuts, nous sommes une entreprise avant-gardiste qui a su diversifier ses contenus », confiait, il y a quelques semaines, Kevin Feige, le PDG. Un principe qui a établi le succès de la firme dans les comics : surnommée « La maison des idées », Marvel s’est imposée depuis les années 1960 comme l’un des acteurs majeurs de la BD américaine à travers sa capacité à se réinventer et à proposer des histoires ancrées dans la modernité.Adrien Candau Alain Beuve-Méry Cela s’appelle tout simplement Grey et cela coûte 17 euros pour 556 pages. Le quatrième volet des aventures érotiques du milliardaire Christian Grey et de l’étudiante Anastasia Steele, rédigé par l’auteure britannique E.L. James, paraît, mardi 28 juillet, aux éditions Jean-Claude Lattès.Avec un tirage prévu de 400 000 exemplaires pour la France – 500 000 exemplaires en incluant la Belgique, la Suisse et le Canada – il s’agit, pour l’heure, de la sortie la plus massive de l’année. Avant les gros tirages de la rentrée littéraire et surtout la parution du 36e album d’Astérix, Le papyrus de César, prévue pour le 22 octobre.Le succès devrait forcément être au rendez-vous. La France n’a, en effet, pas échappé au raz-de-marée éditorial de cette romance sirupeuse, parue à partir de 2012. Les trois premiers volumes, Cinquante nuances de Grey, Cinquante plus sombres, Cinquante plus claires se sont écoulés au total, toutes éditions confondues, à 7,2 millions d’exemplaires.C’est grâce au flair et à l’absence de préjugés d’Isabelle Laffont, patronne des éditions Lattès, que le groupe Hachette a réalisé cette excellente opération commerciale. Le chiffre d’affaires de Lattès en 2013 a même correspondu au chiffre d’affaires cumulé des quatre autres maisons littéraires d’Hachette Livre (Grasset, Fayard, Stock et Calmann-Lévy).Paru le 18 juin aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le 4e volume, qui raconte l’histoire de l’étudiante et du milliardaire du point de vue de Christian, a été numéro un des ventes pendant quatre semaines avant d’être détrôné par Go Set a Watchman (« Va et poste une sentinelle ») de Harper Lee, l’auteur du best-seller Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.Trois livres, 125 millions d’exemplaires vendusGrey s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires, en langue anglaise. Le tirage a quant à lui dépassé les deux millions. Le livre est aussi sorti le 3 juillet en Espagne et le 16 juillet en Italie, où la trilogie avait rencontré un grand succès.La trilogie d’origine s’est vendu à plus de 125 millions d’exemplaires dans le monde. L’adaptation au cinéma du premier tome a rapporté 570 millions d’euros. Un deuxième film devrait sortir sur grand écran, en février 2017.Initialement prévue pour le 10 septembre, la sortie de Grey, cinquante nuances de Grey par Christian, a été avancée au 28 juillet. Pour réaliser cette prouesse – le livre est paru en langue anglaise le 18 juin –, il a fallu mobiliser une équipe de trois traducteurs : la québécoise Denyse Beaulieu, ainsi que Dominique Defert et Carole Delporte.En septembre 2014, la rentrée littéraire avait été bousculée par le lancement surprise de Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiller, publié aux éditions des Arènes. Le titre de l’ex-compagne du chef de l’Etat avait capté une grande partie du lectorat qui, traditionnellement, achète les titres parus fin août début septembre.C’est pour échapper à ce dilemme et parce que Lattès publie à la rentrée le nouveau roman de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, sur laquelle la maison nourrit de grands espoirs qu’elle a avancé la publication de Grey.Alain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande annonce de “French Cancan”Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.07.2015 à 06h43 • Mis à jour le27.07.2015 à 16h14 | Francis Marmande Ce qui reste d’un festival, c’est une image mentale. Ce « roadie » chauve et corpulent, par exemple, à Bruxelles, qui vient régler le son de Caetano et Gilberto Gil, poètes du siècle. Ils lancent doucement Back in Bahia. L’anonyme roadie entre en scène, se fait tout petit, bricole. Réincarnation ? Illusion ? Non : c’est Rémy Kolpa Kopoul, RKK, mort le 15 mai à Brest. En chair et en os ! Alopécie comprise. RKK, le génie de la musique brésilienne, des années 1968, et la voix rauque de Radio Nova. Il nous aura joué un tour de plus…Dans la furie poïélitique des années 1960-1970, une affiche dénichée à San Francisco faisait fureur. Sur fond bistre, se détachait une mouche monstrueuse, dite Scathophaga stercoraria (en français moderne, « mouche à merde »). Légende rouge vif, typo Western : « Cent milliards de mouches bouffent de la merde : elles ne peuvent pas se tromper ! »La « loi » du grand nombreCette logique prévaut partout. « Loi » du grand nombre, « loi » du marché, « loi » de l’offre et de la demande : voir prostitution, drogue, etc. Quelle conception de la loi, messeigneurs ! Fin juillet, les festivals complètement aliénés, publient ce qu’ils appellent leur bilan. Bulletin de victoire ? Une rengaine : augmentation de la fréquentation, public en hausse, croissance en flèche.Le plus souvent, tétanisés par ses « élus » (ah ! Les élus) et ses partenaires (ah ! Les partenaires), tout organisateur digne d’organiser, se flatte d’une croissance digne de produits toxiques en Bourse.Ces organisateurs d’organisation (ils ont « des comptes à rendre ») ne se rendent donc plus compte qu’on passe comme qui rigole d’un auditoire à un public, d’un public à une espèce de marche blanche de consommateurs, et d’icelle, à un cheptel d’incultes tyranniques ?À Segré, en Maine-et-Loire (Le Monde du 18 et 19 juillet), le pianiste John Taylor, a été terrassé en scène par une crise cardiaque. Soirée évidemment interrompue. Eh bien, il s’est trouvé des spectateurs pour exiger d’être remboursés. Motif ? « Spectacle écourté ». Rémy, reviens ! Et toi aussi, P.-A. Picon, mon ami, my buddy, mathématicien capable d’invoquer dans la même phrase, la théorie des quanta et un paragraphe de Kant. Tu es mort ? C’est vrai ? Lundi dernier ? Parfois, les étés poïélitiques ont des bas.Travaillons à être minoritaires, mais n’en faisons pas trop.Francis MarmandeJournaliste au Monde Sylvain Siclier UN ALBUM : « Back To Basics », par Bill Wyman, ancien bassiste des Rolling Stones Alors que s’est terminée la tournée d’été de ses anciens camarades des Rolling Stones, dont il a été le bassiste de fin 1962 à 1993, Bill Wyman propose un nouvel album dont l’intitulé, Back To Basics, dit bien le propos : retour aux fondamentaux. Du blues et des éléments de jazz, qui ont été les musiques de son apprentissage et de sa pratique, une bonne dose de rhythm’n’blues, des traces de country. Rien de révolutionnaire ici, de la bonne musique, jouée par de solides musiciens, dont le guitariste Terry Taylor, avec lequel Wyman mène le groupe Rhythm Kings depuis la fin des années 1990, ou le claviériste Guy Fletcher. Vocalement, Wyman, plutôt dans les graves, fait entendre un débit un peu traînant, parlé-chanté, qui rappelle celui du chanteur country JJ Cale. Musicalement, on reste dans une approche classique des influences précitées avec des compositions originales dans l’esprit et le plaisir de retrouver le jeu d’assise et de swing de Wyman à la basse.Back To Basics, de Bill Wyman, 1 CD Proper Records/KB Music Services.UNE SÉRIE DE CONCERTS : Robert Plant & The Sensational Space Shifters à Fourvière, Landerneau et ColmarIl a beau avoir déclaré que le groupe Led Zeppelin (actif de 1968-1980) n’avait été « qu’une étape » dans « sa vie », et l’avoir démontré au cours d’une carrière solo depuis plus de trente ans, Robert Plant restera pour l’histoire du rock d’abord le chanteur de l’un des plus célèbres groupes des années 1970. Ce que les affiches de ses tournées n’oublient pas de mentionner (« the voice of Led Zeppelin ») tandis qu’une partie de son répertoire de concerts puise dans quelques fameuses compositions du groupe. Pour le reste, Robert Plant, actuellement avec un groupe du nom de The Sensational Space Shifters, explore les racines du blues, les musiques du monde, en particulier celle du Maghreb et du Moyen-Orient, avec une part de psychédélisme, revenu à la mode ces derniers temps. L’excellent groupe et son excellent chanteur passent par la France à l’occasion d’une tournée européenne débutée le 10 juillet. D’abord aux Théâtres romains de Fourvière, à Lyon, lundi 27 juillet (festival Les Nuits de Fourvière, 46 €), puis à l’esplanade de La Petite-Palud pour le festival Fête du bruit dans Landerneau, le samedi 8 août (43,80 €), puis au Théâtre en plein air de Colmar, dans le cadre de la Foire aux vins d’Alsace, mercredi 12 août (44,80 €).« Rainbow », par Robert Plant and The Sensational Space Shifters, filmés lors de concerts en Italie, République tchèque et Angleterre. UN FESTIVAL : CosmoJazz à Chamonix Si vous vous trouvez à Chamonix et ses alentours jusqu’au 2 août vous devriez voir, à un moment ou un autre, un piano dans le ciel emporté par un hélicoptère. Sa destination, l’un des sites en montagne où le festival CosmoJazz, mené par le pianiste et compositeur André Manoukian, aime organiser, en journée, une partie de ses concerts. Près d’une chapelle au barrage d’Emosson, dans un cirque naturel de pierre au Brévent, au plateau du Prarion, au refuge de Lognan, près des Grands-Montets, aux abords de la mer de Glace… Et plus classiquement en centre-ville ou dans la soirée à l’Hôtel Alpina ou un groupe maison (Malcolm Braff, claviers, Hervé Gourdikian, saxophones, Christophe Wallemme, contrebasse et Stéphane Huchard, batterie) anime des jams et rencontres avec les musiciens. Au programme entre jazz et musiques du monde Emile Parisien et Vincent Peirani, Yom, Songhoy Blues, Youngblood Brass Band, Moriarty, le Trio Joubran, Dan Tepfer, Yaron Herman…CosmoJazz à Chamonix-Mont-Blanc et vallée du Trient, jusqu’au 2 août. Concerts gratuits, remontées mécaniques payantes.RÉSERVEZ-VITE : New Order, le 4 novembre au Casino de ParisDix ans après son précédent album en studio, Waiting For The Siren’s Call, le groupe dorénavant « historique » de la new wave à tendance électro New Order (il a été fondé en 1980) présentera Music Complete le 25 septembre, à paraître chez Mute Records. Il devrait contenir onze chansons et quelques collaborations avec notamment Iggy Pop ou Brandon Flowers du groupe The Killers. Une sortie que le groupe va accompagner d’une courte tournée européenne en novembre. Elle débutera par un concert le 4 novembre au Casino de Paris. La capacité d’accueil de la salle étant au maximum de 1 800 spectateurs ce concert devrait assez vite afficher complet, ce qui est déjà le cas pour les soirées prévues à Bruxelles, Londres et Liverpool.New Order au Casino de Paris, 16, rue de Clichy, Paris 9e. Tél. : 08-92-69-89-26. De 55 € (debout) à 61,50 € (assis).Trois courtes vidéos d’annonce du nouvel album de New Order « Music Complete ».  Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Rosita Boisseau Rire dès la première seconde d’un spectacle de danse contemporaine n’arrive pas tous les jours. Se bidonner ensuite dans un état d’euphorie douce ne ressemble à rien de connu. On en profite à fond, on aimerait que cela dure éternellement. Et cela dure presque une heure, ce qui est déjà une prouesse. Le nom de l’aphrodisiaque : A Coming Community. Celui des super-chimistes : Pieter Ampe, Guilherme Garrido, Nino Lucas et Hermann Heisig. Bref, une drôle de communauté flamande, portugaise, allemande, dont l’anglo-français approximatif est d’emblée un moteur de rigolade.Lire aussi :Yoann Bourgeois, l’art du point de suspensionA l’affiche de Paris Quartier d’été, cette escadrille de lascars en goguette frappe un mélange de danse, clown, western, rock, dilué dans beaucoup de sueur et avec quelques touffes pour pimenter le tout. Régressif, d’accord (mais franc), ras le slip, parfois (mais potache), épatant, toujours. Avec de l’invention, du délire et une envie de faire péter les joints du spectacle propre sur lui sans pour autant se prendre au sérieux.A l’opposé, la bande partage la soirée avec le jongleur, trampoliniste et metteur en scène Yoann Bourgeois. Sa pièce Leaving Room, pour deux acrobates et une harpiste, joue en mode zen sur le fil d’une collection de numéros. Burlesque déconnant à droite, suspension sous hypnose à gauche, une balançoire qui secoue mais laisse ravi.Retour d’abord sur A Coming Community. Le spectacle, furieusement allumé, ne fait pas dans les affaires courantes de la danse contemporaine. D’abord, les quatre potes ne ressemblent pas à des danseurs. Jeans serrés et déchirés, baskets aux semelles décollées, barbe de bûcheron serrée dans un élastique, leur plumage, qui est le même à la scène et à la ville, sent bon la vie à l’arrache. Très référencés en revanche – ils sont passés par le gratin des écoles d’art et de danse européennes –, ils possèdent tous les codes pour mieux les pirater et s’en moquer gentiment. Et ça déborde, ça part en vrille, ça crache, ça vocalise, ça s’arrache le micro, ça se désape évidemment au gré d’une imagination qui ne craint rien, surtout pas le pire (c’est bien meilleur).Agités du bulbe et du prépuceOn connaissait déjà Pieter Ampe et Guilherme Garrido. Leur duo Still Standing you (2010), orgie verbale et physique hilarante, les avait consacrés agités du bulbe et du prépuce (mais pas que). Leur façon d’avoir l’air de fabriquer le spectacle en laissant les événements naître les uns des autres pour mieux se déchaîner se retrouve dans cette excroissance communautaire. Le goût comique de l’exploit débile mais magnifique prend ici un ton forcené. Se glisser et s’enfermer dans un énorme ballon que l’on gonfle et dégonfle à volonté est une sacrée entreprise. Mais voilà que surgissent sur le plateau des créatures invraisemblables : ballon unijambiste ou garni d’une tête d’homme, les surprises ne manquent pas de souffle. Les challenges idiots au sens noble ne sont jamais tout à fait vains dans A Coming Community.Avec Yoann Bourgeois, la bande des quatre possède un thème commun : l’effondrement. Très rock chez les uns, il prend chez l’acrobate un ton philosophique et existentiel, qui est la marque de cet artiste. Dans Leaving Room, celui qui travaille longtemps sur des pièces courtes avant de construire un spectacle combine différents numéros au gré d’un maillage dramaturgique souple. On retrouve une bascule en métal déjà vue dans Minuit (2014), une table et des chaises qui explosent, la volée de marches et le trampoline de L’Art de la fugue (2011). Ces séquences sont reliées par un fil de douceur nommé Yoann Bourgeois. Elles trouvent un élan global dans la façon dont elles s’inscrivent dans l’immense nef vide du Carreau du Temple, à Paris. Chaque objet, chaque scène, se répond dans un jeu d’échos architecturaux au sein desquels Yoann Bourgeois et sa complice Marie Fonte se glissent comme par magie.Paris Quartier d’été. A coming community, jusqu’au 26 juillet, 20 heures.Leaving Room,de Yoann Bourgeois, jusqu’au 25 juillet, 22 heures. Carreau du Temple, Paris 3e. Tél. : 01- 44- 94- 98- 02. De 12 € à 32 €. Et aussi Cavale de Yoann Bourgeois, 26 et 27 juillet, 21 heures, parvis du Sacré-Cœur, Paris 18e. Gratuit.Rosita BoisseauJournaliste au Monde Marie-Aude Roux (Le Thoronet (Var), envoyée spéciale) C’est dans le réfectoire d’un hôtel du Thoronet, transformé en salle de musique, que le chanteur, luthiste et chef d’orchestre Dominique Vellard répète ce 23 juillet le concert de musique espagnole qu’il donnera le lendemain au sein de l’ensemble Vox Suavis en compagnie de la soprano Ana Arnaz et du joueur de vièle et de cornemuse Baptiste Romain. « Nous ne nous sommes pas vus depuis deux mois et nous avons beaucoup de détails à régler », s’excuse-t-il, avant de poursuivre : « Je chante déjà ce soir au concert des musiciens de l’Académie et je dois ménager ma voix. » Dominique Vellard est un homme simple, de culture savante. Depuis la création de son Ensemble Gilles Binchois en 1979, il est l’une des figures de proue de l’interprétation des répertoires anciens des musiques du Moyen Age et de la Renaissance. A 61 ans, cet homme rayonnant et doux, d’apparence fragile, qu’une poliomyélite contractée à l’âge de deux ans oblige à marcher avec une énorme canne, dégage un fort charisme, émanation sans doute de cet amour de la musique qui lui a, comme il dit, « sauvé la vie ».21 heures : la chaleur s’est à peine assoupie lorsque le public se masse sur les bancs de bois de l’imposante abbatiale du Thoronet, l’une des trois sœurs cisterciennes de Provence, avec les abbayes Silvacane et Sénanque. Les jeunes de l’Académie de musique ancienne, fondée en août 2007, participent depuis deux ans au festival d’été, ce qui leur permet de jouer d’emblée dans la cour des grands. « Je pratique un enseignement très rigoureux, confesse Dominique Vellard, qui enseigne notamment à la Schola Cantorum de Bâle depuis 1982, mais là, nous avons véritablement travaillé comme des fous pendant une semaine ! » Fondateur des Rencontres de musique médiévale du Thoronet en 1991, il tient à ce que les deux concerts donnés par ses jeunes recrues soient d’un niveau professionnel.Un festin de musiques de courMission accomplie : durant plus de deux heures, solistes, choristes et musiciens ont offert un festin de musiques de cour des rois d’Aragon et de Castille, du XIIIe au XVe siècle. Des extraits des Cantigas de Santa Maria, ces poésies en galicien relatant les miracles de la Vierge composées par le roi troubadour Alphonse X qui régna de 1252 à 1284, des pièces du codex musical du monastère royal de Las Huelgas, près de Burgos, copié au début du XIVe siècle, ou bien encore des Cancioneros de la cour des rois catholiques, le « Siglo de oro » (siècle d’or) de la musique espagnole qui va du milieu du XVe siècle aux confins de la Renaissance. Ainsi le magnifique Maravillosos e piadosos, chant de piété mariale emmené par la voix ductile de Dominique Vellard, le dansant Los hombres con gran placer alternant chant soliste et choral, ou bien les superbes polyphonies de la Nativité des Tres Marias auxquelles répondent le tragique Nuevas te traigo Baptista pour voix d’hommes a cappella ou Las tristes lagrimas mias pour trois vièles…Dominique Vellard a attrapé le virus de la musique ancienne alors qu’il n’était qu’un enfant à la maîtrise Notre-Dame de Versailles sous la houlette de son maître de chœur, Pierre Béguigné. Celui-ci était issu de l’Ecole Niedermeyer, institution créée au milieu du XIXe siècle (et soutenue par Napoléon III) afin de lutter contre le dévoiement d’une musique sacrée passée sous la domination de l’opéra (Niedermeyer fustigera ces « artistes déjeunant de l’Eglise et soupant du Théâtre »). Saint-Saëns, Gabriel Fauré, André Messager, pour ne citer que les plus connus, y ont étudié avant, pour certains, d’y enseigner. Mais rien de dogmatique dans la démarche de Dominique Vellard, qui prône ce qu’il appelle « le beau chant » – historiquement informé comme il se doit –, mais renâcle devant toute forme de convention purement rhétorique. « D’un côté, ma formation m’a donné le goût d’une esthétique de la rondeur du son, précise-t-il. De l’autre, j’ai été très influencé par Nikolaus Harnoncourt et Philippe Herreweghe, deux musiciens qui n’ont jamais cherché à provoquer la musique pour se mettre en avant, mais ont au contraire travaillé dans le respect de la vérité historique tout en gardant à la musique son naturel vivant et lyrique. C’est ce que j’essaie d’enseigner. »Un « feeling » particulierCe que ce pédagogue passionné avoue cependant ne pas pouvoir transmettre, c’est ce « feeling » particulier qui fait que cette musique, plus que d’autres peut-être qui nous sont familières, ne peut exister sans une part d’intuition, une balance entre inflexions rythmiques et mélodiques qui, dit-il, habite de manière quasi instinctive le cerveau des très bons musiciens. Autrement dit une forme d’exaltation vocale qui porte la mélodie de manière aussi physique que spirituelle. « Une fois que la musique est en place, on est traversé par une force que l’on doit libérer. Il n’y a plus de contrôle : la chose se fait. Mais il faut pour cela, comme dans toute musique, une solide technique. » Dominique Vellard sait de quoi il parle, lui qui, passé d’un joli soprano à une voix de basse, a dû redevenir momentanément soprano pour trouver sa vraie voix, celle de ténor qu’il a, à force de travail, dotée d’une souplesse féline et d’une projection sans effort. Une voix claire et chaleureuse, ciselant avec art le phrasé sans jamais rompre la ligne musicale, magnifiée par la miraculeuse acoustique de l’abbaye du Thoronet : sept à dix secondes de réverbération sans que l’on perde quoi que ce soit des subtiles nervures de la prosodie.Mais le Graal musical de Dominique Vellard est le « grand chant », ce chant non mesuré que l’avènement de la pulsation régulière nous a rendus pratiquement impossible à restituer. « Les musiciens ont du mal à penser une force agogique qui vient des notes elles-mêmes, explique-t-il. Ce chant est en quelque sorte maître du temps et de l’espace qu’il délimite par la seule proclamation du texte. Le XIVe siècle et l’invention de l’horloge ont compartimenté le temps dans un tactus régulier. Ce faisant, on a affaibli cette analogie du temps et de la musique. » C’est pour tenter de les rendre l’un à l’autre que Dominique Vellard s’est ouvert aux cultures qui en ont gardé le lien – les « âlâps » indiens, les récitations védiques ou coraniques –, pour retrouver ce qu’il appelle « le chant profond de l’humanité ».Rencontres internationales de musique ancienne du Thoronet (83). Jusqu’au 30 juillet. Tél. : 04-94-60-10-94. De 16 € à 22 €. Musique-médiévale.frMarie-Aude Roux (Le Thoronet (Var), envoyée spéciale)Journaliste au Monde Véronique Mortaigne (Cabourg, envoyée spéciale) Une fois passé les turbulences des grands festivals de rock, de variétés et de jazz, très concentrés sur la première quinzaine de juillet, les petits tentent de se frayer un chemin. C’est le cas de Cabourg, mon amour, consacré aux jeunes talents, qui se tient jusqu’au 26 juillet près de l’estuaire de la Dives, pas si loin d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados) où s’est imposé en quelques années le Festival Beauregard, 90 000 spectateurs le premier week-end de juillet, et une programmation nourrie des tournées internationales.Cabourg, c’est un autre cidre. La station balnéaire est célèbre pour ses accointances avec Marcel Proust, son grand hôtel et sa longue plage. Cabourg, mon amour en profite, s’installant sur la grève sans peur des ondées et des humeurs iodées d’une Manche puissante. Le jeune festival s’est même approprié la composante agricole de la Normandie et l’intensité de ses gris et de ses bleus, pour construire un décor de palettes en bois et de ballots de paille. Au loin, on voit les torchères du Havre, et, plus près, les derniers courageux, baigneurs du soir. Vendredi 24 juillet, Bambounou, DJ français prometteur, ambiance la plage, après une prestation sans faute du groupe messin Grand Blanc sur la scène de sur l’esplanade. Et on respire !A Cabourg, on peut pêcher une clientèle concernée, en s’aventurant sur les terres de Trouville et autres noyaux parisiens de la Côte fleurie. Sur la rive gauche de la Touque, Deauville développe une autre culture, longtemps représentée par le festival Swing’In Deauville, financé par le groupe Barrière, et abandonné cette année pour cause de bénéfices en baisse. Des artistes en développement« Nous ne voulons pas grandir », dit Julien Catala, patron de la société de management artistique Super !, qui vient d’entrer dans l’affaire cabourgeaise, créée en 2013 par un jeune passionné de plages normandes, Romain Renou, fondateur de la société Premier Amour – que du romantisme ! Cabourg, mon amour a débuté au casino de la ville (300 places) pour présenter des artistes en développement. Il a logiquement attiré à lui des partenaires parisiens friands de jeunes pousses, Super !, mais aussi la Blogothèque, site Internet qui filme depuis 2006 les prestations d’artistes dans des lieux peu communs.Le festival a donc grandi mécaniquement, avec désormais deux scènes, passant à une capacité maximale de 2 300 personnes. « C’est un festival de découverte, qui suit le mouvement des marées », dit Julien Catala, dont la structure Super ! a inventé d’autres festivals, comme Fireworks à Paris ou Heartbeats à Halluin (Nord), à la frontière franco-belge. Super ! est aussi le promoteur français du festival Pitchfork, à la Grande Halle de la Villette, en octobre, déclinaison live du site américain découvreur. Dans son book d’artistes, on trouve The XX, SBTRKT ou Animal Collective, il gère la salle parisienne le Trabendo.La troisième édition de Cabourg, mon amour présente trente-deux groupes ou artistes, aux trois quarts français, dont le plus connu serait Isaac Delusion, et dont la tendance électro-pop est frontalement affirmée. C’est le résultat d’un mouvement de fond auquel participent labels et sites Internet, dit Julien Catala, Parmi les maillons de la chaîne, que l’on retrouve sur la plage de Cabourg, le label Entreprise, qui produit Grand Blanc ou Moodoïd, et puis La Souterraine, un blog qui a créé son label en ligne, ou encore Délicieuse Musique et Pains Surprises.La major Sony ne s’y est pas trompée, qui a décidé d’héberger en ses murs des labels indépendants, comme Un Plan Simple, dirigé par Laurent Manganas. « Ils éditent des artistes plus mainstream, comme FM Laeti, mais voulaient créer une sorte de laboratoire, explique Mélissa Phulpin, fondatrice de Tom Boy Lab, en partenariat avec Un Plan Simple. C’est une cellule d’accompagnement pour les premières sorties d’album, souvent des EP (format court), où il faut imaginer des clips, des photos, une stratégie ». Tom Boy Lab héberge Blondino, Louve et Pain Noir, groupe de Clermont-Ferrand, programmé à Cabourg dimanche 26 juillet, qui développe un style folk et bien écrit.Cabourg mon amour, jusqu’au 26 juillet. Un jour 25 €, gratuit dimanche. cabourgmonamour.frVéronique Mortaigne (Cabourg, envoyée spéciale)Journaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Dagen (Martigny (Suisse), envoyé spécial) Bien que Martigny ne soit ni une ville d’eau ni un séjour touristique, ils sont tout un groupe à avoir décidé d’y passer l’été. Ils viennent de Paris, et la plupart sont extrêmement célèbres : Henri Matisse, Pablo Picasso, Georges Braque, Juan Gris, Albert Marquet, André Derain, Fernand Léger.Au risque de paraître désinvolte, cette façon de présenter l’exposition Matisse en son temps de la Fondation Pierre Gianadda est cependant conforme à la première impression qu’elle produit, celle d’un prestigieux et bizarre pique-nique où les rencontres incongrues sont possibles et où chaque convive a apporté de quoi réjouir l’assemblée – des toiles évidemment, un peu moins d’une centaine, parmi lesquelles une forte proportion de chefs-d’œuvre. Ces camarades sont généreux.La générosité est en vérité celle du Musée national d’art moderne, dont c’est ici la quatrième collaboration avec la Fondation. Les collections parisiennes sont d’une telle richesse que le MNAM peut simultanément présenter depuis mai un nouvel accrochage du début du XXe siècle aux années 1960 et prêter de quoi, sinon en faire un deuxième, du moins présenter le fauvisme, un peu du cubisme, un peu de l’entre-deux-guerres parisienne et l’évolution de Matisse et Picasso de façon presque complète.Congrès de célébritésEn visitant la nouvelle présentation de Beaubourg, on ne s’en était pas aperçu, tant il y a à voir, mais ni L’Algérienne, ni le Portrait de Greta Prozor, ni Le Rêve, ni Porte-fenêtre à Collioure, quatre Matisse majeurs, n’y figurent :... Fabienne Darge Sa discrétion, alliée à la grâce et à la distinction, l’avaient un peu laissée dans l’ombre de son mari, Peter Brook : la comédienne Natasha Parry est morte, le 22 juillet, à l’âge de 84 ans, d’une hémorragie cérébrale. Née à Londres le 2 décembre 1930, fille du réalisateur Gordon Parry, elle avait débuté au théâtre à l’âge de 12 ans, en jouant aux côtés de Michael Redgrave ou de John Gielgud.Quand ils se rencontrent, dans le Londres de l’après-guerre, Peter Brook et elle sont tous deux des jeunes gens en vue. Lui est considéré comme l’enfant terrible du théâtre britannique, elle comme une des plus belles comédiennes du moment. Mais le ressort secret de leur rencontre, c’est sans doute leurs communes origines russes, et cette culture – Tchekhov, notamment – qui restera toujours entre eux comme un lien intime. Ils appelleront leur fille, qui deviendra elle aussi metteure en scène, et qui dirige aujourd’hui le Centre dramatique national de Nice, Irina, comme la plus jeune des Trois Sœurs… Les Brook ont aussi eu un fils, Simon, qui réalise des documentaires, notamment sur son père.Une Lioubov tout en sensibilitéIls se marient en 1951, et ils ne se quitteront plus. Natasha Parry joue dès lors dans plusieurs mises en scène de Peter Brook, à Londres d’abord – notamment dans Le Roi Lear, en 1953, où, dans l’adaptation pour la télévision américaine, elle donne la réplique à Orson Welles –, puis à Paris, sur la scène des Bouffes du nord, où le couple s’installe en 1974. Elle est une Lioubov tout en sensibilité dans La Cerisaie, aux côtés de Michel Piccoli, puis retrouve Tchekhov, Piccoli et son mari pour Ta main dans la mienne, en 2003, délicate évocation de la vie de l’écrivain avec sa femme, la comédienne Olga Knipper, renvoyant sans aucun doute de nombreux échos au couple Brook-Parry.Elle fut aussi Gertrude dans La Tragédie d’Hamlet, et Winnie dans Oh les beaux jours, de Beckett, et partagea l’affiche avec Marcello Mastroianni dans Tchin Tchin, de François Billetdoux. Mais Natasha Parry n’a pas joué qu’avec son mari. Elle a triomphé en Angleterre dans le rôle de Blanche, dans Un Tramway nommé désir, et dans La Nuit de l’iguane, de Tennessee Williams, sous la direction d’Andréas Voutsinas.Au cinéma, elle est surtout connue, en France, pour son rôle aux côtés de Gérard Philipe dans Monsieur Ripois, de René Clément (1954). Mais elle a été aussi Lady Capulet dans le Romeo et Juliette de Franco Zeffirelli. Ces dernières années, elle avait mis sa beauté brune inaltérable au service des Sonnets de Shakespeare, dans Love is my Sin, que Peter Brook avait taillé sur mesure pour elle et son vieux compagnon de route Bruce Myers. Chez Natasha Parry, il ne semblait pas y avoir de péché autre que l’amour.Fabienne DargeJournaliste au Monde Pierre Breteau Quel est le meilleur album des Beatles ? Et de Nirvana ? Du « disque de la maturité » à la « malédiction du deuxième album », les clichés sont nombreux, au point qu’il est difficile, parfois, d’argumenter sur le classement qualitatif de tel ou tel album dans la discographie d’un artiste ou d’un groupe auquel on tient.Pour tenter de clore le débat, nous avons cherché à établir s’il existait une « tendance » dans la discographie de tous les groupes de rock, à partir des critiques et des notations effectuées par un vaste panel : celui des internautes du site anglo-saxon allmusic.com sur les 2 316 albums du classement des 100 plus grands artistes établi par le magazine Rolling Stone (voir méthodologie au-dessus de la datavisualisation).Ces chiffres dégagent une tendance : le meilleur album, c’est le deuxième. Il est le mieux noté par les internautes, avec 73 % de ses notes supérieures ou égales à 9 sur 10. Juste derrière, c’est... le troisième album avec 67 % de notes égales ou supérieures à 9 ; et en troisième position, le 1er disque avec 63 % de 9 ou 10/10. Ensuite, les notes tendent plutôt à décliner.Cette tendance se vérifie particulièrement pour les albums comme Nevermind de Nirvana, sorti en 1991, ou Everybody Knows This is Nowhere de Neil Young (1969), chacun noté 10/10 et sorti après un premier disque noté 8/10 (la liste complète des albums est consultable en ligne).Néanmoins, il reste certains groupes ou artistes qui mettent plus de temps à sortir un chef-d’œuvre ; les Beach Boys doivent attendre leur 11e album – Pet Sounds, sorti en 1966 – pour obtenir leur premier 10/10, mais tous leurs disques précédents jouissent de bons retours. Pour les Beatles – premiers du classement Rolling Stone –, la situation est plus difficile à décrire tant ils sont constants, ils n’ont que des 9 ou des 10/10 à une exception près, un très honorable 8/10 pour Yellow Submarine. MéthodologiePour établir ces chiffres, nous avions besoin d’un échantillon représentatif d’artistes et de groupes à étudier ; nous avons choisi le « top 100 » des plus grands artistes sorti en 2010 par le magazine Rolling Stone. Il a le mérite d’être éclectique et il s’étend assez bien des années 1950 aux années 2010.Partant de cette liste, nous avons « aspiré » les disques sortis au nom de ces artistes sur le site allmusic.com, ainsi que les notes attribuées par les internautes à chacun d’entre eux. Cela représente 2 316 albums, les plus populaires comme The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars de David Bowie (1972) ou Nevermind de Nirvana (1991) ont reçu parfois plus de 3 500 notes de la part d’internautes ; plus de 5 000 pour The Dark Side of the Moon de Pink Floyd (1973).En partant de ces notes, nous avons pu établir le tableau de densité de cet article (« heatmap » en anglais). Si les 100 artistes retenus ont tous sorti un 1er disque – logique –, ils ne sont que 68 à en avoir sorti un 12e ; ainsi, parmi les artistes retenus, les Beatles n’ont sorti « que » 12 albums studio, là où Bob Dylan en est à 36 en 2015, et Frank Zappa s’était arrêté à… 68. Voilà pourquoi notre tableau s’arrête aux 30 premiers disques.Dans la mesure où tous ces artistes ont été retenus par le classement de Rolling Stone, ils ont logiquement échappé à l’écueil du deuxième album raté, sans quoi ils ne seraient sans doute pas comptés parmi les « 100 plus grands artistes de tous les temps ».Pierre BreteauJournaliste aux DécodeursSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Nacim Chikh « Sword Art Online Extra Edition », un manga qui accumule tous les clichés de la fiction en général et du genre en particulier (vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45) L’an 2025 au Japon. Les casques de réalité virtuelle, les Nerve Gear, se sont développés au point de proposer une expérience sensorielle complète. A la sortie du premier jeu de rôle utilisant cette technologie, les quelque 10 000 joueurs qui se connectent ont une désagréable surprise : le créateur du jeu, Akihiko Kayaba, leur apprend qu’ils ne peuvent plus se déconnecter et que leurs corps sont dans un état proche du coma. Pour en sortir, ils doivent aller au bout du jeu, mais toute mort virtuelle sera synonyme de mort réelle. Voilà pour le scénario. Le manga qui en découle est une insulte au genre et à la fiction en général.L’œuvre inédite de Reki Kawahara, Sword Art Online Extra Edition,a été diffusée au Japon, le 31 décembre 2013, pour lancer la seconde saison de la série animée, adaptée du feuilleton de bande dessinée du même nom. Elle retrace les meilleurs moments de la première saison dans une série de flash-back abrupts et souvent incompréhensibles.Mouvements mal retranscritsEn cent minutes, tous les clichés des mangas japonais sont illustrés : un héros timide mais courageux et déterminé, des combats alliant gigantisme et lenteur extrême, une scène de piscine prétexte avec des filles à la taille de guêpe et à la poitrine débordante.La narration passant de scène en scène sans la moindre transition, il est difficile de suivre les personnages d’un monde à l’autre, ces derniers changeant d’apparence entre chaque univers. L’animation, qui mêle coups de crayon typiquement manga et références à l’univers de Tron, donne cependant un résultat plutôt réussi, malgré des mouvements mal retranscrits.Une fois le méchant et tout-puissant Akihiko vaincu, le héros Kirito doit sauver sa petite amie des griffes d’un de ses adjoints, Nobuyuki Sugo, qui l’a enfermée dans une autre réalité virtuelle. Il est aidé par Lyfa, une joueuse qui tombe amoureuse de lui sans savoir qu’il s’agit en réalité de son frère. L’histoire se termine sur une bataille contre un calamar géant qui lorgne sur un œuf sacré enfoui dans un temple sous­-marin. Une intervention divine à coups de trident et toute l’équipe repart à dos de baleine, pour faire plaisir à l’enfant-programme que le héros a eu dans une réalité virtuelle… Si vous n’avez pas tout compris, c’est normal, nous non plus.Sword Art Online Extra Edition, de Ito Tomohiko (Jap., 2013, 105 min). Vendredi 3 juillet sur France 4 à 23 h 45Nacim Chikh Alain Constant Isabelle Boni-CLaverie montre comment le passé colonial français conditionne toujours le regard des Blancs sur les Noirs (vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10). C’est une fillette élevée bourgeoisement dans un grand appartement parisien de la très chic plaine Monceau. Elle fréquente une école catholique, passe de belles vacances en compagnie d’autres enfants issus de milieux favorisés. Sur une photo des années 1970, on voit la gamine, ravissante, à bord d’un bateau, en compagnie d’un petit garçon blond qui deviendra roi des Pays-Bas.Cette gamine est devenue réalisatrice et scénariste. Parcours finalement classique d’un rejeton de la bonne bourgeoisie ? Pas tout à fait. Car Isabelle Boni-Claverie, petite-fille d’Alphonse Boni, originaire de Côte d’Ivoire devenu magistrat de la République française dans les années 1930, fille d’une femme politique ivoirienne, est métisse. Et dans la France du XXIe siècle, avoir la peau noire n’est, visiblement, toujours pas anodin.Un passé colonial qui ne passe pasMêlant approche intimiste et témoignages d’historiens, de sociologues et de citoyens français noirs de peau, Isabelle Boni-Claverie livre un documentaire émouvant et instructif. Il y est question du regard des autres, d’incompréhensions et surtout de l’hypocrisie qui règne dans une société française où le passé colonial conditionne encore le regard des Blancs sur leurs compatriotes noirs.En France, les statistiques ethniques sont toujours proscrites, mais des spécialistes estiment à environ 5 % de la population le pourcentage de Noirs. Parmi eux, combien de députés, de médecins, d’avocats, de réalisateurs ? Interrogée sur la raison de ce documentaire, Isabelle Boni-Claverie répond : « Je me demande depuis très longtemps en quoi je “pose problème” dans la société française. Pour les gens d’origine africaine ou caribéenne, il y a ce présupposé que nous sommes étrangers, qu’il existe toujours un ailleurs qui ne nous permettrait pas d’être pleinement français. La question “d’où venez-vous ?” est récurrente. Cela interroge forcément les liens que nous entretenons avec notre pays. »« Les stéréotypes perdurent »La réalisatrice s’entretient aussi avec les membres de sa famille. Ses cousins blancs lui décrivent comment sa famille maternelle, originaire du Tarn, a vécu le mariage de sa grand-mère avec un Ivoirien. Né en 1909, son grand-père, Alphonse, avait été envoyé en France à 15 ans pour y suivre des études. C’est à la bibliothèque de la faculté de droit de Toulouse que le jeune étudiant tomba amoureux de Rose-Marie, originaire de Gaillac. Leur mariage, à Gaillac, à la fin des années 1930, fit sensation. Depuis, les idées reçues n’ont pas disparu. Comme l’explique l’historien Pap Ndiaye : « Si les stéréotypes perdurent, c’est parce que, d’une certaine manière, ils ont une utilité sociale. Ils servent à faire perdurer des formes d’inégalité qui conviennent à une partie de la société française. » Un rappel salutaireAncienne élève de la Fémis, l’école nationale supérieure de l’image et du son, Isabelle Boni-Claverie revient dans ces locaux. A l’époque, elle était la seule étudiante noire. Aujourd’hui, la situation n’a guère évolué. Le patron de la Fémis ne peut que constater un triste état de fait : « Je suis favorable aux statistiques ethniques, car tant que l’on n’aura pas les chiffres, on continuera à baratiner. »En attendant, l’hypocrisie règne. Malgré les discours généreux, l’ascension sociale des Noirs français n’est toujours pas une évidence. Ce documentaire rappelle cette réalité à travers un exemple atypique : celui d’une citoyenne française noire, issue d’un milieu socialement privilégié.Trop noire pour être française ?, d’Isabelle Boni-Claverie (France, 2015, 55 min). Vendredi 3 juillet sur Arte à 23 h 10.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Service culture Le Monde vous propose son choix de spectacles pour l’édition 2015 du festival d’Avignon, qui se déroule du 5 au 24 juillet.Théâtre : « Le Roi Lear » et « Richard III » de Shakespeare Deux rois de Shakespeare règnent sur la Cité des papes : Lear, qu’Olivier Py, le directeur du festival, met en scène dans la Cour d’honneur du Palais des papes, avec son acteur fétiche Philippe Girard dans le rôle-titre (du 4 au 13), et Richard III, mis en scène (en allemand) par Thomas Ostermeier, le directeur de la Schaubühne, avec un acteur star dans le rôle-titre, Lars Eidinger (du 6 au 18, à l’Opéra). Deux conceptions différentes du théâtre, deux visions de Shakespeare : un beau duel en perspective.Théâtre : « Le Vivier des noms », de Valère Novarina Chaque pièce de Valère Novarina est la promesse d’un voyage dans la forêt des mots, que l’auteur arpente en suivant d’inénarrables chemins de traverse. Dernière en date, Le Vivier des noms (du 5 au 12, au cloître des Carmes) réunit une foultitude de personnages qui, en deux heures et cinquante-deux scènes, transforment le plateau en une sorte de rébus : L’Historienne qui ordonne que l’histoire commence, Les Antipersonnes, l’Acteur fuyant, le chien Uzedent, les Enfants pariétaux… On piaffe de les entendre.Théâtre : « António et Cléopatra », de Tiago Rodrigues Tiago Rodrigues est le tout jeune et tout nouveau directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne, l’équivalent portugais de la Comédie-Française. A l’automne 2014, il a présenté à Paris By Heart, un magnifique spectacle sur la mémoire. A Avignon, où il vient pour la première fois, il propose António et Cleopatra (Antoine et Cléopâtre, au Théâtre Benoît XII, du 12 au 18), une pièce qu’il a écrite en s’inspirant de Plutarque, Shakespeare et Joseph L. Mankiewicz. Une version intimiste, avec deux comédiens, à découvrir.Danse : « Barbarians », de Hofesh Shechter Vedette explosive de la danse, le chorégraphe israélien Hofesh Shechter présente à La FabricA (les 12, 13, 14 et 15 juillet) Barbarians, spectacle en trois parties, créées les unes à la suite des autres depuis novembre 2014, qui mixte les styles et les points de vue. The Barbarians in Love, pour six interprètes, s’appuie sur des partitions baroques ; tHe bAD met en jeu cinq danseurs sur une partition percussive et revendique une part obscure, une inspiration tribale, une gestuelle sous influence urbaine ; enfin Two Completly Different Angles of the Same Fucking Thing renoue avec la forme du duo que privilégiait le chorégraphe à ses débuts.Théâtre : Des arbres à abattre, par Krystian LupaLe maître du théâtre polonais n’était, curieusement, jamais venu à Avignon. A 72 ans, le voici enfin dans le saint des saints avec Des arbres à abattre, un texte de Thomas Bernhard, son auteur de prédilection, auquel il revient pour la sixième fois (à La FabricA, du 4 au 8 juillet). Un jeu de massacre comme les aime l’auteur autrichien, servi par des acteurs au top. Magistral. Théâtre : Les Idiots, d’après Lars von Trier, par Kirill SerebrennikovA 46 ans, Kirill Serebrennikov est devenu le chef de file de l’avant-garde russe, et d’un théâtre transgressif qui s’oppose aux conservatismes de Vladimir Poutine. A Avignon, il présente, du 6 au 11 juillet dans la cour du lycée Saint-Joseph, Les Idiots, un spectacle inspiré du film de Lars von Trier. Des « idiots » très liés à la situation de la Russie d’aujourd’hui. A découvrir. Service cultureJournaliste au Monde 02.07.2015 à 14h33 • Mis à jour le03.07.2015 à 05h37 | Florence Evin Le Musée du Louvre affiche désormais un billet unique à 15 euros. Celui-ci remplace les tarifs précédents : 12 euros pour l’accès aux collections permanentes, 13 euros pour les expositions temporaires seules, 16 euros pour l’ensemble.Cette nouvelle tarification fait la part belle aux jeunes de moins de 26 ans de l’Union européenne, en leur appliquant la totale gratuité sur l’ensemble du musée, y compris l’accès aux expositions temporaires – auparavant, cet accès était tarifé à 12 euros, la gratuité ne s’appliquant que sur les collections permanentes. Hors Union européenne, cette gratuité totale s’applique jusqu’à l’âge de 18 ans. Au total, cela concerne un million de jeunes sur les 9,8 millions de visiteurs enregistrés en 2014 par le premier musée du monde pour son affluence.Simplification tarifaireL’établissement public justifie cette augmentation dans un but de simplification tarifaire. Une manière aussi d’inciter les visiteurs, et notamment les 70 % de visiteurs étrangers – parmi lesquels Américains, Chinois, Italiens, Anglais et Brésiliens sont les plus représentés –, à être plus curieux et à s’aventurer dans les salles moins fréquentées. 38 000 œuvres des collections permanentes sont visibles dans les 403 pièces du musée, à condition de parcourir les quatorze kilomètres de couloirs et les 72 735 m2 de surface d’exposition.En ce début juillet , avec de 25 000 à 30 000 entrées chaque jour, l’affluence des visiteurs est telle que le musée réfléchit à instituer des plages horaires réservées et à mieux faire savoir que les mercredis et vendredis, le musée est ouvert jusqu’à 22 heures. Ne pas décourager les touristes est un objectif vital pour le Louvre. La billetterie représente 60 % des ressources propres du musée national et finance à hauteur de 20 % sa politique d’acquisitions.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Florence Evin La cité mythique reprend vie grâce aux technologies numériques (jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures). Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la redécouverte, en 1866, des ruines de l’ancienne capitale de l’Empire khmer. L’énigme de la cité, abandonnée au XVe siècle à l’emprise de la jungle, commence tout juste à être levée.Les pyramides de grès, sanctuaires édifiés par les rois, dédiées aux dieux hindous et à Bouddha, prisonnières de racines tentaculaires, avaient jusque-là conservé leurs secrets. Un équipement révolutionnaire au laser a permis de révéler par vue aérienne le plan quadrillé de l’ancienne ville, jusqu’à l’empreinte même des bâtiments disparus. Sur 200 kilomètres carrés, la capitale apparaît sur un écran à une échelle de quelques centimètres : stupéfiant.Dans la forêt, il ne reste rien des maisons et des palais de bois, dévorés par les termites. Seuls les temples en grès ont survécu. Les fouilles menées par l’archéologue Jacques Gaucher, au cœur de la capitale Angkor Thom, la « grande ville », lui ont permis d’identifier le Thlok, l’arbre sacré, symbole du mythe fondateur de la ville, enfoui à 4 mètres, vestige du premier palais. Le centre politique, religieux, magique, autour duquel elle s’est développée du VIIIe siècle au XIIe siècle, avant de péricliter.TrésorLes technologies numériques ont recomposé la silhouette des grands sujets sculptés, mutilés au burin et à la tronçonneuse. L’archéologue Eric Bourdonneau et le conservateur en chef du Musée Guimet, Pierre Baptiste, se rendent dans les ruines de Koh Ker, capitale provinciale au Xe siècle, jamais fouillée mais très pillée dans les années 1990. Là, se trouve la plus haute pyramide khmère.Les deux spécialistes ont entrepris de redonner vie à un shiva dansant de 4 mètres de hauteur. Ils s’appuient sur les relevés de Louis Delaporte, dessinateur embarqué sur le Mékong en 1866, avec la mission d’exploration conduite par Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier, précieux témoignages pour la recomposition des vestiges. Delaporte fera faire des moulages des bas-reliefs à l’échelle 1. Au fil de ses missions, il en rapportera quelque 500 mètres cubes, un temps exposés au Musée indochinois du Trocadéro, puis oubliés dans les caves d’une abbaye. Pierre Baptiste raconte sa détermination à sauver ce trésor qui a fait l’objet d’une belle exposition en 2014 au Musée Guimet.Angkor redécouvert, de Frédéric Wilner (France, 2013, 90 min). Jeudi 2 juillet, sur Arte à 23 heures.Florence EvinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Rémi Dupré Une plongée dans les coulisses de l’explosive équipe d’Allemagne, vainqueure de la Coupe du monde 2014 (jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50). Cette équipe méritait tellement ce titre. » Le 13 juillet 2014, au stade Maracana de Rio de Janeiro, le sélectionneur allemand Joachim Löw rendait un hommage appuyé à ses joueurs, vainqueurs de la Coupe du monde. Grâce à un but inscrit par Mario Götze, la Nationalmannschaft venait de terrasser (1-0) en finale l’Argentine du prodige Lionel Messi, au terme d’âpres prolongations.Présente dans le dernier carré de chaque compétition internationale depuis le Mondial 2006, organisé sur ses terres, l’Allemagne accrochait une quatrième étoile à son maillot, après ses sacres planétaires de 1954, 1974 et 1990. Articulée autour de cadres chevronnés comme son capitaine Philipp Lahm ou son attaquant Miroslav Klose, 36 ans et recordman de buts (16) inscrits en Coupe du monde, elle remportait son premier titre depuis… l’Euro 1996.Une attaque de feuRéalisé par Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt, Die Mannschaft se veut une plongée au jour le jour dans les coulisses de cette explosive sélection, dont l’attaque de feu a fait trembler les filets à dix-huit reprises durant le tournoi brésilien. Les téléspectateurs français seront tentés de comparer ce film au mythique Les Yeux dans les Bleus, le chef-d’œuvre de Stéphane Meunier et de Canal+, qui montre les dessous de l’épopée des Tricolores, sacrés champions du monde en 1998. Et ils seront déçus.Dans Die Mannschaft, les causeries d’avant-match de Joachim Löw sont nettement moins musclées et lyriques que celles d’Aimé Jacquet, l’ex-patron des Bleus à fleur de peau. Construit de toutes pièces sur les deniers de la Fédération allemande (DFB), le complexe hôtelier de Campo Bahia ressemble davantage à une station balnéaire, au cadre paradisiaque, qu’à un camp de base où les « guerriers » suent sang et eau, comme l’était Clairefontaine, le quartier général des Tricolores.Les réalisateurs mettent particulièrement l’accent sur l’harmonie qui règne au sein de l’effectif de Joachim Löw. Complicité entre les joueurs et le staff technique, gages gentillets, visite d’une école de l’Etat de Bahia, parties de billard et de fléchettes : cette épopée brésilienne s’apparente à une marche triomphale sans anicroche. Une seule séquence traduit un climat de nervosité : l’échange viril entre le défenseur Per Mertesacker et les médias allemands après la fastidieuse victoire (2-1 après prolongations) de la sélection face à l’Algérie, en huitièmes de finale.Portugais étrillés, Brésiliens pulvérisés« Notre devise, c’était une page blanche à remplir », avance le manageur Oliver Bierhoff, l’un des nombreux cadres de la Mannschaft interviewés « à froid » et a posteriori. Si elle fait preuve d’humilité, cette équipe d’Allemagne n’en est pas moins un rouleau compresseur, capable d’étriller (4-0) des adversaires du calibre du Portugal, lors du premier tour. Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, elle pulvérise (7-1) la Seleçao, en demi-finales de « son » Mondial, et provoque un séisme au pays du « futebol ».Derrière les exploits du onze allemand se cachent les adjoints de Joachim Löw, techniciens méthodiques et discrets. Les réalisateurs s’évertuent à présenter ces hommes de l’ombre, comme Urs Siegenhalter, « espion » de la Mannschaft, chargé de superviser ses adversaires.«Osmose », « déferlante d’émotions ». C’est ainsi que Joachim Löw dépeint les heures qui ont suivi le sacre de ses hommes, accueillis tels des héros par 1 million de Berlinois. Une foule qui avait déjà oublié l’élimination de sa sélection, huit ans auparavant, en demi-finales de « son » Mondial.Die Mannschaft, de Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt (Allemagne, 2014, 90 min). Jeudi 2 juillet sur Canal+ Sport à 20 h 50Rémi DupréJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 01.07.2015 à 13h26 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h01 | Agathe Charnet « Un théâtre sans projet artistique, c’est un théâtre qui meurt. » Telle est la sonnette d’alarme tirée par Pascale Henrot, ancienne directrice du Théâtre de la Cité internationale de Paris (TCI). Depuis septembre 2014, date de son départ à la tête de l’Organisation nationale de direction artistique, les salariés du Théâtre de la Cité sont dans l’expectative la plus totale quant à leur devenir. « En près d’un an, aucune procédure normale d’appel à candidatures n’a été lancée, c’est une stratégie du pourissement », s’indigne Pascale Henrot. Plus inquiétant encore, le conseil d’administration de la Cité internationale a mis sur la table un projet de restructuration du théâtre qui amputerait le TCI de plus de la moitié de sa subvention annuelle – qui s’élève pour l’heure à 880 000 euros.Impossible donc de savoir si les trois salles du théâtre pourront de nouveau ouvrir leurs portes et afficher, comme en 2014, un taux de fréquention de 79 % – dont 30 % de jeunes spectateurs. L’avenir de ce théâtre atypique, implanté au cœur de la « Cité U » dont il est sous la tutelle, est donc entre les mains de la fondation de la Cité internationale. Face à la pétition lancée par l’équipe du TCI, ainsi qu’aux nombreux soutiens apportés notamment par Jack Lang, Denis Podalydès ou Christophe Rauck, la direction de la Cité reste muette. La déléguée générale Carine Camby tout comme le président Marchel Pochard se refusent à tout commentaire.Un pôle de création unique au sud de ParisLe Théâtre de la Cité est pourtant un lieu mythique de la scène contemporaine française. Rénové à grands frais (près de 8 millions d’euros) en 2004, il abrite treize studios de musique et cinq ateliers d’artistes. Pensé par les pères fondateurs comme faisant partie intégrante du projet humaniste de la « Cité U », il est inauguré en 1936. Sous l’impulsion d’André Malraux, André-Louis Périnetti en prend la direction en 1968 et y accueillera des figures d’avant-garde comme Victor Garcia ou le Grand Magic Circus.A partir de 1991, la nouvelle maîtresse des lieux, Nicole Gautier, pense aussi le Théâtre de la Cité comme un point de propulsion pour de jeunes artistes. Pascale Henrot ajoute en 2008 sa pierre à l’édifice en axant sa programmation sur la transdisciplinarité : arts du cirque, nouvelles écritures et arts plastiques attirent le public dans un sud francilien pauvre en salles de tailles intermédiaires.« Un déficit permanent »Mais la direction reproche au théâtre de s’être trop éloigné de la vie universitaire. Selon des sources proches du dossier, la Cité internationale souhaiterait aussi investir dans des domaines jugés plus rentables et valorisants que la sphère artistique, comme la construction de nouvelles Maisons (Chine, Ile-de-France et Corée). Les membres du conseil d’administration n’envisagent plus de doter aussi largement un théâtre que certains désignent même comme un « déficit permanent » – même si le budget du TCI ne représente que 2,3 % des dépenses globales de la « Cité U ».Suite au départ de Pascale Henrot, la fondation a fait part de son désir de voir se restructurer économiquement le théâtre. A cet effet, Philippe Bachman – directeur de la Comète de Châlons-en-Champagne – a été désigné début 2015 pour mener une mission de préfiguration de trois mois. Il s’agissait de définir un nouveau projet artistique pour le TCI et surtout de proposer un budget moins gourmand en dotations. Mais le rapport rendu par Philippe Bachman – qui propose d’ouvrir davantage les activités du théâtre à l’international et à la vie étudiante – n’a, semble t-il, pas suffi à combler les attentes de la fondation. Pas plus que la baisse de 150 000 euros de budget concédée à la Cité. A l’heure actuelle, les vingt-huit employés du théâtre sont condamnés à attendre la rentrée 2015 pour connaître la décision finale du conseil d’administration.La fin d’une époque ?Si la baisse des subventions annoncée par la fondation est confirmée, ni le ministère de la culture ni la Ville de Paris n’ont indiqué vouloir augmenter leurs subventions respectives de 1,3 million et 230 000 euros. Ce qui entraînerait le licenciement d’au moins dix personnes et rendrait impossible la poursuite des activités artistiques.Tandis que l’équipe du TCI continue tant bien que mal de travailler, Jeanne Candel, artiste en résidence aux côtés de son collectif « La Vie Brève », a été reconduite pour un an au sein du TCI. « Je suis carrément en colère et attristée de la situation, assène Jeanne Candel. La résidence au Théâtre de la Cité a été un tremplin incroyable. Durant près de trois ans, nous avons eu une maison, un abri, un toit. A l’heure actuelle, c’est un luxe inestimable. » Un « luxe » que la fondation estime apparemment désormais de l’ordre du superflu.Agathe CharnetJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum François Ozon dresse le portrait d’une « belle de jour » et avec elle l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance (mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45). Depuis Regarde la mer (1997), l’attirance de François Ozon pour la perversité des êtres ne se dément pas. Si lisse et glamour que puisse paraître son cinéma, Ozon n’aime rien tant que suggérer « la merde dans le bas de soie », pour reprendre la suave expression que Napoléon aurait jetée à la face de son chambellan Talleyrand, soupçonné de trahison.Une quinzaine de films plus tard, Jeune et jolie enfonce ce clou comme jamais, et devrait rester comme l’un des meilleurs films du réalisateur. L’histoire, enlevée en quatre chapitres saisonniers, a pour centre névralgique une adolescente qui correspond trait pour trait à l’intitulé du film. Isabelle (interprétée par Marine Vacth) est une jeune fille à la beauté racée, envoûtante. Au moral, c’est une autre facture. Dépucelée sans illusions (« C’est fait ») dans le premier chapitre qui la joue film de plage en accéléré, Isabelle passe les saisons suivantes à se prostituer sans plus d’états d’âme auprès de messieurs matures en mal de sensations fortes. Jusqu’à ce que l’un d’eux lui claque entre les cuisses.Mystère et scandaleLe prix du film tient à la manière dont François Ozon préserve le mystère, et le scandale, de son personnage, en prenant garde d’évacuer les unes après les autres toutes les pistes, sociales ou psychologiques, qui pourraient expliquer un tel comportement.Isabelle est une petite-bourgeoise parisienne dont rien ne permet d’arraisonner l’esprit de lucre. Rien, hormis la soif transgressive de l’adolescence elle-même. Ou, mieux encore, l’esprit d’une époque ravagée par l’appât du profit et de la jouissance, défigurée par le trafic émotionnel du consumériste.Ici, le film se révèle juste et fort. Le sentimentalisme des chansons (cru 1960-1970) de Françoise Hardy y résonne donc comme une ironie cruelle, de même que l’impuissance des parents de la jeune fille suggère qu’Isabelle est une créature appartenant à une espèce nouvelle, vouée à la destruction houellebecquienne du monde.Jeune et jolie est l’histoire d’un monstre inexorable, qui est à la fois la jeune fille qui nous séduit par sa plastique pseudo-virginale et le néant qui la gouverne du dedans.Jeune et jolie, de François Ozon. Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot (France, 2013, 95 min). Mercredi 1er juillet sur Ciné+ Premier à 20 h 45Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Quarante après les faits, le fils du magistrat est retourné voir les différents acteurs d’une affaire dans laquelle la République ne sort pas grandie (mercredi 1er juillet sur France 3). Il y a quarante ans, dans la nuit du 2 au 3 juillet 1975, le juge François Renaud était abattu de plusieurs balles en bas de son domicile, à Lyon, par trois hommes cagoulés qui réussirent à prendre la fuite. L’annonce de sa mort fut un choc. C’était la première fois, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qu’un juge était assassiné en France. Nommé premier juge d’instruction du palais de justice de Lyon en 1972, après avoir fait ses classes en Afrique, François Renaud était surnommé « le shérif » en raison de ses méthodes peu orthodoxes et plutôt musclées pour mener les instructions. Dandy et homme à femmes, il était aussi un des fondateurs du syndicat de la magistrature créé dans le sillage de Mai 68.Lyon : « Chicago-sur-Rhône »Au début des années 1970, le juge Renaud était une figure emblématique de la magistrature française pour sa lutte sans merci contre la pègre lyonnaise qui, à cette époque, avait quasiment pignon sur rue dans la capitale des Gaules rebaptisée « Chicago-sur-Rhône ».Dans ses dossiers, la grande criminalité faisait bon ménage avec la politique. Le juge Renaud y croisait des notables qui ne cachaient pas leur appartenance au Service d’action civique (SAC), la milice barbouzarde de l’UDR, le parti gaulliste, réactivé avec les événements de mai 1968.En enquêtant sur le « gang des Lyonnais », un groupe de braqueurs chevronnés, le juge Renaud découvrit qu’une partie du fabuleux butin de 12 millions de francs (1,8 million d’euros) dérobé lors du braquage de l’hôtel des Postes de Strasbourg, en 1971, avait fini dans les caisses de l’UDR. Il n’avait pas de preuves, mais il les cherchait. Ce qui ne plaisait pas à tout le monde… Plusieurs années après, Edmond Vidal, le chef du « gang des Lyonnais » mis en prison par le juge Renaud, confirma publiquement à la télévision qu’une partie de l’argent avait bien été versée à un parti politique.Une enquête bâcléeLa veille de son assassinat, le juge Renaud avait confié à son fils Francis, alors âgé de 20 ans, qu’il était sur une grosse affaire et qu’il risquait, peut-être, sa vie. Il n’en a pas su plus. Après la mort de son père, Francis Renaud n’a pu que constater, impuissant, que l’enquête était bâclée : lâchage par les politiques, dysfonctionnement dans la police, dénigrement de son père et mort de l’assassin présumé abattu par la police. De plus, le dossier sur la mort du juge passa de main en main pour mieux s’enliser. Il sera suivi par six juges d’instruction dont le dernier, Georges Fenech (élu depuis député UMP du Rhône en 2002), signera une ordonnance de non-lieu en 1992. La prescription de l’affaire sera prononcée en 2004 sans que l’identité des commanditaires ait pu être établie.Quarante ans après, Francis Renaud, auteur de Justice pour le juge Renaud (Editions du Rocher, 2011), a repris l’enquête avec le journaliste Patrice du Tertre et livre ce documentaire en forme de journal de bord dont on connaît la fin. De retour à Lyon, il y rencontre de nombreux protagonistes qui se sont occupés de l’affaire. Magistrats, policiers, journalistes ainsi que la greffière du juge à l’époque, tous pointent les incohérences de l’instruction et le malaise lorsque l’on tente de rouvrir ce dossier. Structurée par de nombreuses archives accablantes pour les politiques de l’époque, cette enquête sur l’assassinat du juge Renaud montre que cette affaire reste une tache noire dans l’histoire de la République.Le juge Renaud, un homme à abattre, de Patrice du Tertre et Francis Renaud (Fr., 2013, 55 min). Mercredi 1er juillet sur France 3.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Pendant huit semaines, Frédéric Tcheng a posé sa caméra chez Dior. Son documentaire “Dior et moi” jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines…  Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades…  Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’images Dior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Eric Albert (Londres, correspondance) NME joue son va-tout : le mythique magazine britannique de musique, que se sont arraché des générations de jeunes branchés, va devenir gratuit. A partir de septembre, New Musical Express sera distribué dans les gares, les universités et des « partenaires de vente » dont la liste n’est pas précisée.Pour l’hebdomadaire, il s’agit d’une dernière tentative de retrouver sa gloire d’antan. Il sera distribué gratuitement à 300 000 exemplaires, ce qui était son niveau dans les années 1970. Actuellement, seulement 15 000 copies sont vendues chaque semaine, à 3,50 euros pièce.En multipliant par vingt sa diffusion, NME espère récupérer de la publicité et trouver un nouveau modèle économique. Il va aussi élargir son champ d’activité, pour couvrir l’ensemble de l’actualité culturelle et ne plus se limiter à la musique. « Des 63 ans de notre existence, c’est notre évolution la plus osée », explique Mike Williams, le rédacteur en chef.DéfricheurCréé en 1952 par Maurice Kinn, avec de l’argent de sa belle-mère, NME a toujours occupé une place à part dans le très actif paysage musical britannique. A son pic, dans les années 1970 et 1980, le magazine était l’incontournable bible de l’Underground. Il avait commencé dès les années 1950, avec la découverte du rock’n’roll alors qu’Elvis choquait encore.Toujours défricheur, il a longtemps évité de mettre en avant les stars du moment, préférant donner leur chance de jeunes groupes intéressants. Le déclin a commencé dès le début des années 1990, avec l’arrivée d’une série de mensuels comme Q, qui consacraient des articles à des groupes plus connus, qui attiraient finalement plus de lecteurs.Mais l’arrivée d’internet a accéléré le mouvement, en touchant doublement le magazine. D’une part, l’industrie de la musique s’est effondrée, avec le téléchargement illégal et depuis peu du « streaming ». D’autre part, le recensement des concerts est désormais réalisé en ligne. NME est progressivement devenu un magazine de niche, ultra-spécialisé.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Marie-Aude Roux Marc Minkowski a appris qu’il venait d’être nommé à la tête de l’Opéra national de Bordeaux, jeudi 2 juillet, alors qu’il était à Roissy, embarquement pour Stockholm, où il prépare Les Noces de Figaro, de Mozart dans le fameux théâtre du Château de Drottningholm. Le chef d’orchestre français succédera à Thierry Fouquet, en poste depuis 1996, atteint par l’âge de la retraite, qui partira en juin 2016 après vingt ans de direction générale.La place était on ne peut plus convoitée : une quarantaine de prétendants se seraient mis sur les rangs dès avant l’annonce officielle d’appel à candidature fin 2014, remise des dossiers fin mai 2015. Mais ils n’étaient plus que trois à passer leur « grand oral » début juin devant un jury composé de tutelles (mairie, Etat, région) et de personnalités. Marc Minkowski a emporté l’adhésion, devant Frédéric Chambert, actuel directeur de Théâtre du Capitole à Toulouse, et Laurence Marchand, directrice de production au Théâtre du Châtelet à Paris. « Cela m’a demandé autant de travail que si j’avais dû préparer et passer un concours ! », remarque le musicien, heureux de se sentir enfin vraiment accueilli dans son propre pays.Un ensemble baroque et un festivalA 52 ans, le chef d’orchestre français, familier des plus grandes scènes lyriques (il est dans la fosse du Palais Garnier pour l’Alceste, de Gluck, jusqu’au 15 juillet) et festivals (il dirige régulièrement à Salzbourg depuis 1997), peut se targuer d’avoir déjà derrière lui une belle carrière. Bien fini le temps où le fils du professeur Alexandre Minkowski jouait du basson dans la fosse de l’Opéra-Comique dans le fameux Atys, de Lully, sous la direction de William Christie. Depuis, le musicien a fondé, il y a plus de trente ans (1982), son propre ensemble baroque, Les Musiciens du Louvre, poursuivant avec eux une trajectoire internationale qui l’amène à accepter en mars 2008 le poste de directeur musical de l’orchestre Sinfonia Varsovia, à Varsovie, puis, en mars 2012, la codirection artistique de la Semaine Mozart (Mozartwoche), le festival d’hiver de Salzbourg.Depuis 2011, Marc Minkowski a créé sur l’île de Ré, où il possède une résidence secondaire, un festival de printemps : Ré majeure. « Ces six derniers mois, je me suis rendu à Bordeaux pour voir la plupart des spectacles, parfois en voisin, raconte-t-il. J’avais besoin de m’imprégner de l’esprit des lieux, de théâtre d’opéra qui est l’un des plus beaux de France, du nouvel auditorium, dans lequel j’entends également développer plus de projets lyriques… » Marc Minkowski n’ignore pas qu’on lui reprochera sans doute son peu d’expérience en matière de gestion d’institution lyrique. A cela, il oppose son « apprentissage » auprès des grands professionnels avec lesquels il a travaillé comme musicien – Gerard Mortier, Jean-Pierre Brossmann, Stéphane Lissner. « Je les ai bien observés. C’est un métier dont je mesure parfaitement les exigences et je me sens capable d’y répondre. »Contraintes budgétairesLa période budgétaire est contrainte. A Grenoble, lui et ses Musiciens du Louvre en ont fait durement les frais après les élections municipales de 2014 et l’installation d’une mairie verte, perdant d’un coup la totalité de leurs subventions. A Bordeaux, le musicien compte bien augmenter substantiellement la part du mécénat, dont le montant n’excède pas aujourd’hui les 400 000 euros. Il est vrai que la région bordelaise est l’une des plus riches de France et que notre épicurien se verrait bien déployer la triple bannière gastronomie, œnologie, opéramanie. « Il est temps que je fasse profiter mon pays de mon énergie, de mes compétences, de mon réseau international, et des facilités qu’a un artiste de lever des fonds auprès des mécènes », affirme-t-il. Cela devrait permettre de compléter les 30 millions d’euros du budget annuel de l’Opéra de Bordeaux et de mener à bien tous les projets dont il fourmille – création ou développement d’un atelier lyrique, d’une troupe, d’un orchestre de jeunes…Le détail du projet artistique de Marc Minkowski ne sera connu que dans quelques mois, mais l’intéressé a déjà évoqué quelques pistes : « J’aimerais faire briller le répertoire français qui me tient particulièrement à cœur, mêler au grand répertoire des œuvres plus légères. Je dirigerai mon premier Ring wagnérien à Cologne la saison prochaine, alors pourquoi pas un Ring à Bordeaux à moyen terme ? » Soucieux de transmission et de pédagogie, le musicien français mettra l’accent sur la démocratisation de l’opéra en invitant des « artistes venant de la pop ». Il précise qu’il y a « un stade magnifique qui vient d’ouvrir : on pourrait y faire, pourquoi pas, un événement de temps en temps… »« Tout simplement envie de servir ma patrie »Bordeaux est sans doute une belle revanche pour Marc Minkowski le retoqué de l’Opéra-Comique, candidat malheureux par deux fois face à Jérôme Deschamps (2007) puis Olivier Mantei (2014). « C’est une structure plus légère qui correspondait mieux a priori à mon fonctionnement, reconnaît-il, mais le challenge que représente Bordeaux, avec ses deux salles, l’Orchestre national que dirige Paul Daniel (dont le parcours n’est pas sans similitudes avec le mien), l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, dont je prolonge la résidence, tout cela m’excite aujourd’hui bien davantage. » Marc Minkowski pourra compter sur une équipe de 330 personnes, dont il a pu, dit-il, apprécier le professionnalisme et les solides compétences au cours des derniers mois. De plus, la nouvelle carte territoriale fera de la cité bordelaise une super capitale régionale dès 2016 (avec l’ajout à l’Aquitaine du Limousin et du Poitou-Charentes). « Dès ma première saison, le temps pour venir de Paris à Bordeaux en TGV sera le même que pour Lyon : deux heures », remarque-t-il.Le chef d’orchestre s’est engagé à réduire sa carrière internationale. Il envisage par exemple de prendre le statut de chef fondateur des Musiciens du Louvre, laissant entendre qu’il pourrait en abandonner la direction musicale à un ou plusieurs autres chefs. « Les Musiciens du Louvre participeront à l’activité musicale bordelaise et je compte les inviter progressivement à l’auditorium, mais ils vont rester basés en région Rhône-Alpes », prévient-il. Renoncera-t-il à Salzbourg ? Le musicien s’est engagé à se rendre « totalement disponible pour ses nouvelles fonctions » afin de respecter les engagements qui lui ont permis de décrocher le poste : « Faire de l’Opéra national de Bordeaux le port d’attache des valeurs montantes parmi les chanteurs de demain… » Marc Minkowski n’a pas postulé à Bordeaux pour accrocher un trophée de plus à son tableau de chasse. Pour lui, il s’agit d’un tournant, qui embrasse les préoccupations du musicien, mais aussi les espérances de l’humaniste : « J’ai tout simplement envie de servir ma patrie, affirme-t-il. Je suis moi-même issu de l’immigration, polonais d’un côté, américain de l’autre. Je souffre comme tout le monde des événements qui endeuillent mon pays. A Bordeaux, j’entends bien faire résonner et défendre les valeurs de liberté, égalité, fraternité. » Marie-Aude RouxJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Claire Guillot Tout nouveau, tout beau : le festival des Rencontres d’Arles célèbre sa 46e édition avec un nouveau directeur, Sam Stourdzé, et avec apparemment toutes les chances de son côté. Alors que le festival a toujours souffert de locaux inappropriés pour ses expositions – lieux charmants mais trop chauds, trop humides ou en mauvais état – la métamorphose des ateliers SNCF, où sont exposées la majorité des expositions, est frappante cette année.Ces lieux immenses ont été rachetés par la Fondation Luma qui y construit un immense complexe culturel. Elle y bâtit une tour massive dessinée par l’architecte Frank Gehry et rénove les bâtiments à toute vitesse, ce qui a permis de doter le festival de salles d’exposition de qualité. L’atelier des forges, en particulier, avec ses poutres métalliques élégantes, son éclairage et sa... 06.07.2015 à 07h01 • Mis à jour le06.07.2015 à 07h52 | Véronique Mortaigne et Sylvain Siclier Un album, un concert, un festival…, La Matinale vous présente sa sélection musicale.UN ALBUM : une intégrale chronologique de Moune de Rivel La grande dame de la chanson créole Moune de Rivel (1918-2014) gagne un coffret au livret impeccable, L’Intégrale chronologique 1949-1962, publié par Frémeaux & associés, où il est noté qu’elle fut l’heureuse descendante d’une famille d’exception, qui compta en ses rangs des esclaves affranchis, des anticolonialistes, des musiciens et un magistrat, son père, Jean-Louis de Virel, qui combattit en Afrique pour l’égalité des droits et épousa en seconde noce la fille du roi du Gabon, par ailleurs grande prêtresse des rites Niembé. Moune, quant à elle, fait ses débuts de chanteuse dans un cabaret russe de Montparnasse, puis au cabaret « exotique » La Boule blanche de la rue Vavin. Elle y croise Kiki, Man Ray et Foujita. Son nom est attaché à celui de La Canne à sucre, toujours à Montparnasse, un cabaret ouvert en 1945 et fermé en 1996. Compositrice, interprète singulière, Moune de Rivel est aussi passée par Harlem. Elle a enregistré avec l’orchestre d’Al Lirvat des biguines, des berceuses, des chansons du folklore haïtien, des calypsos… A la fin des années 1950, elle est accompagnée par l’orchestre de Pierre Louiss, où officie, au vibraphone, Eddy Louiss, mort le 30 juin. Le voyage nous mène de la biguine « wabap » aux chants pour l’Indépendance de la Haute-Volta.« L’Intégrale chronologique 1949-1962 », de Moune de Rivel, 1 coffret de 3 CD Frémeaux & associés. UN CONCERT : le tour des festivals européens de Nicki Minaj passe par Nîmes Nicki Minaj, la star du hip-hop américain fait un petit tour des festivals européens, en commençant par Londres, dans le cadre du festival Wireless, au parc de Finsbury, où elle retrouve ses aînés d’Arrested Development (entre autres, l’affiche est gargantuesque). Le mardi 7, la rappeuse au flow incomparable et au féminisme provocateur et controversé est en France pour une date unique. Elle rejoint son confrère Big Sean au Festival de Nîmes, dans les Arènes, avant un départ pour le festival Openair Frauenfeld en Suisse, à l’affiche rap imparable (de Kendrick Lamar à Ludacris). Le 11 juillet, à Liège, pour le festival Les Ardentes au Parc Astrid, Nicki et son guerrier derrière côtoieront Iggy Pop et The Charlatans.Nicki Minaj au Festival de Nîmes aux Arènes, place des Arènes, mardi 7 juillet, à 20 heures. De 56,50 € à 67,50 €.UN VIDÉO-CLIP : « Which Way », de Richard Hawley en annonce de son prochain album le 11 septembreCe sera son huitième album studio – le premier a été publié en avril 2001 –, dont la parution est annoncée pour le 11 septembre. Le guitariste, chanteur et auteur-compositeur britannique Richard Hawley en a dévoilé un extrait sous la forme d’un clip-vidéo minimaliste pour la chanson Which Way, l’une des onze prévues sur l’album, intitulé Hollow Meadows (Parlophone Records/Warner Music). On y retrouve la voix grave, expressive, de Richard Hawley, son sens de la dramaturgie musicale, des élans électrisants à la guitare. Parmi les thèmes principaux de l’album, la fragilité, les relations humaines… Hollow Meadows a été enregistré au printemps au Yellow Arch Studios, à Sheffield, ville natale de Richard Hawley, au nord de l’Angleterre, dont il évoque régulièrement les lieux, les paysages urbains et alentours.« Which Way », par Richard Hawley, extrait de l’album « Hollow Meadows », à paraître le 11 septembre. UN FESTIVAL : les stars du jazz (et de quelques autres musiques) au New Morning, à Paris Son nom, Festival All Stars, annonce son propos, des vedettes et encore des vedettes. Celles du jazz et de quelques autres musiques. Et dans des conditions d’écoute et de visibilité d’une soirée en club, en l’occurrence au New Morning, l’une des salles parisiennes les plus célèbres dans le monde. Avec, notamment, le claviériste et chanteur brésilien Ed Motta (le 6 juillet), Forq, le groupe de Michael League de Snarky Puppy (le 7) ; le guitariste Mike Stern et le violoniste Didier Lockwood (le 8), les trompettistes Ambrose Akinmusire (le 10) et Roy Hargrove (du 13 au 15), le groupe Brooklyn Funk Essentials (le 17), le pianiste Robert Glasper (le 20), le saxophoniste Branford Marsalis (le 21, deux concerts), les bassistes Dave Holland (le 22), Kyle Eastwood (le 25) et Stanley Clarke (le 26), le trompettiste et chanteur Hugh Masekela (le 24), le groupe Septeto Santiaguero (le 29), le chanteur Bilal (le 30)…Festival All Stars au New Morning, jusqu’au 1er août, 7-9, rue des Petites-Ecuries, Paris 10e. Tél. : 01-45-23-51-41. De 18 € à 29 € selon les concerts.RÉSERVEZ VITE : le 10 juillet pour l’exposition consacrée aux Rolling Stones à Londres… à partir d’avril 2016Après Jimi Hendrix, Pink Floyd, Miles David, David Bowie et quelques autres, c’est au tour des Rolling Stones d’avoir droit à une exposition rétrospective. Intitulée « Exhibitionism », elle est annoncée pour une ouverture le 6 avril et jusqu’au 4 septembre 2016 à la galerie Saatchi, vaste bâtiment consacré à l’art contemporain à Londres. Les Stones annoncent plus de 500 pièces (photographies, instruments, films, costumes, documents divers…) à voir sur 1 750 m2. Avec des tarifs d’entrée de 12 livres (16,90 euros) pour les 6 à 17 ans (entrée libre au-dessous de 6 ans) et à 21 livres (29,50 euros) pour les adultes. L’achat en avance des billets sera ouvert le 10 juillet, à partir de 9 heures (10 heures pour la France) sur le site dédié. L’exposition devrait ensuite partir un peu partout dans le monde.Pour annoncer l’événement, les Stones ont mis en ligne un amusant vidéo-clip d’une quarantaine de secondes qui met en vedette le batteur Charlie Watts, venu dire qu’enfin, il est une star, que l’on pourra voir ses plus beaux costumes, ses batteries, etc. Avec les encouragements des guitaristes Keith Richards puis Ron Wood et une conclusion en forme d’auto-dérision du chanteur Mick Jagger qui grommelle « Right. When’s my bit then ? » que l’on pourrait traduire par « Bon d’accord mais et moi alors ? ».« Exhibitionism » à la Galerie Saatchi, Duke of York’s Headquarter, King’s Road, Londres SW3.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journalisteVéronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Brigitte Salino (Avignon, envoyée spéciale) Olivier Py rêvait de mettre en scène Le Roi Lear. Il l’a fait, et c’est un désastre, à en juger par la première du spectacle, qui a ouvert la 69e édition du Festival, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, samedi 4 juillet. Cécile Helle, la maire (PS) d’Avignon, et Fleur Pellerin, la ministre de la culture et de la communication, étaient assises à côté d’Olivier Py, qui a rejoint les acteurs sur le plateau, aux saluts. Il souriait au public, dont une partie huait, et l’autre applaudissait. Ce ne fut pas pour autant une bataille d’Hernani : pendant toute la représentation, on aurait entendu voler un moustique, si les comédiens n’avaient pas autant crié. Car ils crient, on aurait envie d’écrire qu’ils braillent, pas seulement pour se faire entendre – la sonorisation de la cour soutient leurs voix –, mais parce qu’Olivier Py les y incite.Lire aussi :A Avignon, la culture se heurte à plus d’un murC’est assommant, deux heures cinquante à ce régime. Mais ce serait un moindre mal si la mise en scène tenait la route. Paresseuse, boursouflée, elle part dans tous les sens, et rend incompréhensible le point de vue d’Olivier Py sur Le Roi Lear, que pourrait résumer une phrase écrite en grand, et en néons blancs, sur le mur de la cour : « Ton silence est une machine de guerre. » Cette phrase, c’est Lear qui la dit quand il se réfère à Cordélia, sa fille préférée. Car Cordélia ne parle pas, dans cette version de la pièce de Shakespeare, signée par Olivier Py. En tout cas sur le plateau. Dans le texte publié par Actes Sud-Papiers, elle s’exprime. Dans la cour, c’est une jeune danseuse classique, en tutu et chaussons. Quand, après ses sœurs, Goneril et Régane, vient son tour de témoigner de l’amour pour son père, Cordélia se met un Scotch noir sur la bouche.Une symbolique lourdePour Olivier Py, ce silence est pire que tout : il fonde une rupture définitive, pas seulement entre un père et sa fille, mais dans un monde dont Lear témoigne. Un monde déchiré par « un doublesilence », comme l’écrit le metteur en scène dans la bible du spectacle : « Celui qui a présidé, en philosophie, à un doute sur la force du langage, et celui qui a été imposé par la catastrophe d’Auschwitz. » On aura saisi, à ces mots, qu’Olivier Py entend placer la tragédie de Shakespeare sous le signe du XXe siècle, plus précisément entre 1914 et 1989. Pourquoi pas ? Le théâtre est assez généreux pour accueillir toutes les interprétations possibles d’une pièce. A condition de les rendre lisibles dans leur représentation, ce qui n’est pas le cas ici.Un autre néon en témoigne à son insu : « Rien. » Il est posé sur le plateau, où Pierre-André Weitz, le décorateur attitré d’Olivier Py, a disposé une palissade couverte de gribouillis (puisqu’il n’y a plus de langage possible) et quelques autres éléments, sur un plancher de bois qui peu à peu va se fissurer, laissant apparaître une terre noire comme la lande du désastre qu’entraîne la décision de Lear de partager son royaume entre ses filles. En renonçant au pouvoir, le roi met fin à un ordre qui s’appuyait sur sa toute-puissance et se retrouve privé de figures tutélaires, dans tous les domaines : foi, politique, vie intime et sociale.On retrouve là la dimension cosmique et chrétienne d’Olivier Py, dont le Lear est un Dieu en colère, nu, à l’occasion : le metteur en scène ne peut s’empêcher d’afficher le corps des hommes, voire de le magnifier, comme il le fait pour Edgar, le fils très christique de Gloucester, dont le sexe tressaute longuement, dans certaines scènes. Les femmes, elles, sont réduites soit à des images de joli cygne malheureux (Cordélia), soit à celles de furies obsédées par leurs orifices (Régane et Goneril), lesquels renvoient au trou dans la terre, au centre du plateau, dans lequel disparaissent les corps des morts. C’est gênant, voyez-vous, même pour les moins féministes des spectatrices, de donner une telle image des femmes.Ce trou s’inscrit dans une symbolique qui traverse tout le spectacle. Une symbolique lourde, dont Edmond, le fils bâtard de Gloucester, est représentatif : il arrive à moto, avec un casque rehaussé de deux cornes. A cela s’ajoute un côté Grand-Guignol de la mise en scène, qui use d’éclairs et de sons puissants, et n’hésite pas à faire apparaître des terroristes en treillis, cagoulés et armés de kalachnikovs, dont le son fait vrombir les gradins. « Le pouvoir n’est rien d’autre que la loi duplus fort », dit Lear. Certes, mais le vacarme ne suffit pas à rendre compte de la violence du monde du XXe siècle dont la mise en scène d’Oliver Py voudrait témoigner. Seuls quelques moments échappent à cette furie. Quand, par exemple, Gloucester, devenu aveugle, et son fils Edgar marchent en équilibre sur deux chaises, près de Douvres.Un pénible contentement de soiUne autre image, qui arrive à la fin, pourrait mettre du baume au cœur : Cordélia, toujours vêtue de son tutu, s’assied sur le bord du lit de son père mourant, et lui caresse la tête. Mais il est trop tard pour que la rédemption ait lieu. Il y a eu trop de trop, et de n’importe quoi, dans ce Lear qui s’appuie sur une traduction qu’il serait cruel de comparer à celle d’Yves Bonnefoy, tant elle abuse de grossièretés et de raccourcis lapidaires. Les notes en bas de page, écrites par Olivier Py, sont très intéressantes. Elles témoignent d’un travail sur la pièce de Shakespeare, dont on voit qu’il a passionné l’auteur-metteur en scène. Mais elles vivent leur vie, à côté du texte qui va à toute vitesse. Olivier Py a cherché à retrouver en français la concision de l’anglais, et il a voulu que Le RoiLear aille « au galop », comme il l’écrit, pour que l’on soit « poursuivi par la tempête, par la mort, par l’inquiétude et par la guerre ».Restent les acteurs, Philippe Girard en tête, dans le rôle-titre. Livrés à eux-mêmes, ils trouvent comme ils peuvent leur place dans le chaos de la représentation. Des ratages, cela arrive à Avignon comme ailleurs. Les désastres sont plus rares, et celui-ci affiche un pénible contentement de soi. On l’oubliera, mais il est triste de penser n’y aura plus de théâtre dans la Cour d’honneur, sinon une soirée (le 9) avec Isabelle Huppert lisant Sade, seule : ce Roi Lear, pour lequel Olivier Py, directeur du Festival, s’est programmé, est l’unique pièce de cette édition dans les murs du Palais des papes.Le Roi Lear, de Shakespeare, texte français et mise en scène d’Olivier Py. Cour d’honneur du Palais des papes, à 22 heures. Durée : 2 h 50. Jusqu’au 13 juillet (relâche le 9). Tél. : 04-90-14-14-14. De 10 € à 38 €.Brigitte Salino (Avignon, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 04.07.2015 à 19h18 • Mis à jour le05.07.2015 à 17h23 L'organisation onusienne s'est prononcée en faveur d'une entrée des coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que des « climats » du vignoble français de Bourgnogne. Les coteaux, maisons et caves de Champagne, ainsi que les « climats » du vignoble français de Bourgnogne sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Humanité, a annoncé samedi 4 juillet l’Unesco sur Twitter.Réuni jusqu’à mercredi à Bonn, en Allemagne, le comité du patrimoine mondial de l'organisation onusienne s’est prononcé en faveur d’une entrée de ces spécificités de la Champagne et de la Bourgogne viticoles.Les coteaux, maisons et caves de Champagne correspondent aux « lieux où fut développée la méthode d’élaboration des vins effervescents, grâce à la seconde fermentation en bouteille, depuis ses débuts au XVIIe siècle jusqu'à son industrialisation précoce au XIXe siècle », explique l’Unesco.Cela concerne précisément « les vignobles historiques d’Hautvilliers, Aÿ et Mareuil-sur-Aÿ, la colline Saint-Nicaise à Reims et l’avenue de Champagne et le Fort Chabrol à Epernay », ces trois ensembles reflétant « la totalité du processus de production de champagne ».Beaune et Dijon récompensésLes « climats » du vignoble de Bourgogne sont, eux, « des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon », précise l’organisation. Ces parcelles donnent chacune un caractère unique au vin.Ce « paysage culturel », selon la catégorie qui lui a été attribuée dans le patrimoine de l’Unesco, « est composé de deux éléments : le premier couvre des parcelles viticoles, les unités de production associées, des villages et la ville de Beaune ». « La seconde composante est le centre historique de Dijon, qui matérialise l’impulsion politique donnée à la formation du système des climats », précise l’Unesco. Stéphanie Binet Quand les Eurockéennes ont invité le rappeur Jay-Z en 2010, des habitués à l’esprit chagrin se sont empressés de dire que le festival du Territoire de Belfort devrait se rebaptiser les « EuRAPéennes ». Fâchés que les Eurocks, qui pourtant accueillent du hip-hop depuis l’origine, décident cette année-là de casser la tirelire pour la star du genre.Ne leur en déplaise, en 2015 encore, les deux programmateurs de l’événement rock, Christian Alex et Kem Lalot, ont misé sur le rap pour lancer leur nouvelle édition qui, à l’ouverture des portes, vendredi 3 juillet, affichait complet. Les Eurockéennes connaîtront ainsi la plus grosse fréquentation de leur histoire avec 105 000 personnes présentes sur le site du Malsaucy pendant trois jours. « Heureusement, aujourd’hui, nous n’avons plus ce genre de réflexion, se rassure Christian Alex. En cinq ans, les choses ont évolué. La nouvelle génération qui fréquente aujourd’hui notre festival est ouverte d’esprit, et n’a de toute façon que faire des frontières musicales. Avec l’Internet, les plus jeunes écoutent de la musique avant tout. »Même si les programmateurs avaient voulu mettre le paquet pour obtenir la venue, par exemple, d’un Kendrick Lamar en tournée européenne, ils ne peuvent pas grand-chose face à certains rivaux. « On avait presque signé avec Lamar pour le dimanche 5 juillet, racontent les programmateurs. Mais au dernier moment, il s’est désisté pour une offre à un million de dollars ailleurs. » La concurrence est d’ailleurs proche. Dans quatre jours, à 200 km de Belfort, le festival suisse Openair de Frauenfeld accueillera tous les grands noms du rap américain, dont Nicki Minaj pour des tarifs d’entrée s’élevant jusqu’à 325 euros. Les Eurockéennes, elles, ont joué la carte de la créativité plus que la notoriété.Pour la première journée, la sélection rap est pointue entre la nouvelle génération du hip-hop français, l’Américain Pusha T lancé par les Neptunes et signé chez Kanye West, et un duo improbable du New Jersey, Ho99o9 (prononcer Horror), qui mélange punk et rap avec une énergie peu commune.Rap et egotripDès 19 h 15, la scène de la Plage est noire de monde pour accueillir un plateau qui veut enchaîner sans répit trois artistes français, Sianna, rappeuse de Beauvais, le Parisien Georgio et les Montpellierains Set & Match, dans un format « sec ». Chaque groupe a trente minutes pour prouver son efficacité. Honneur aux dames, c’est la toute jeune Sianna, 20 ans, qui débute. Jean noir serré couvert d’un maillot de sport, cette ancienne athlète, championne d’heptathlon et du 100 mètres haies, tient beaucoup mieux la distance que sur son EP. Elle qui se voit une carrière à la Diam’s n’a pas fini de « causer du tort aux rappeurs ».« Ce qui était drôle pour moi, raconte-t-elle en coulisses, c’est que quand j’arrivais dans des concerts, il y avait toujours des mecs qui étaient sur le point de partir parce qu’il y avait une fille sur scène. Et finalement en m’écoutant, ils restaient. Je leur lance cette pique pour leur dire : “Nous aussi, nous sommes capables de faire ce vous vous faites”. »Née à Bamako et adoptée à six mois par un couple de Français, Sianna a grandi à Beauvais, dans l’Oise. Elle a pris goût à la scène après avoir intégré un groupe de chant à l’âge de 14 ans. La passion pour la scène est restée, mais pas le chant. Il a été remplacé par le rap et l’egotrip (l’art de se vanter), qu’elle garde à sa juste mesure. Pas comme le trio Set & Match, qui enchaîne après un toujours très efficace Georgio. A Montpellier, les trois rappeurs de Set & Match cultivent l’hédonisme, eux, et le montrent sans complexe sur scène. Seul regret de ce plateau porteur d’espoir pour la nouvelle génération du rap français, c’est de ne pas avoir poussé l’idée des programmateurs : voir les trois artistes collaborer sur deux ou trois titres, comme les artistes hip-hop américains savent le faire, notamment au festival Coachella en Californie. Déjà en 2008, Christian Alex avait travaillé sur un projet avec le regretté DJ Mehdi, mort en 2011, qui voulait programmer dans un spectacle commun les trois artistes Diam’s, Joey Starr et Oxmo Puccino aux Eurockéennes de Belfort. Projet avorté après dépression de la rappeuse.La grosse surprise de la première soirée des Eurockéennes, c’est finalement Ho99o9, duo formé par Eaddy et The OGM, tout juste la trentaine, qui contrairement à leurs collègues américains n’ont que faire des dollars : « Pour certains dans la communauté hip-hop, nous sommes un groupe de gauchistes, s’amuse Eaddy, qui porte une coiffure afro à moitié décolorée en rose. Nous, nous voulons juste voyager dans le monde et rencontrer le maximum de punks, de rappeurs, de musiciens qui veulent créer cette énergie, produire la meilleure musique électrifiée possible. » Finalement, on en revient toujours au rock.Stéphanie BinetJournaliste au Monde Daniel Psenny La bonne santé du genre cache mal le manque d’investissements dans la création en France.Les séries européennes se portent très bien. On a pu le constater lors de la quatrième édition du festival Série Séries, qui s’est tenu à Fontainebleau (Seine-et-Marne), du 1er au 3 juillet. Cette année, les premiers épisodes de vingt-trois séries européennes inédites ont été présentés aux professionnels et au public, venu en nombre.Plusieurs projections ont été suivies d’une étude de cas avec l’équipe de la série. Parmi elles, « Humans », série d’anticipation britannique adaptée de son homologue suédoise « Real Humans » ; ou « Northern Mishaps », comédie dramatique où deux amis rêvent de rejoindre le pôle Nord en courant… La France était représentée par « Une chance de trop », série adaptée de No Second Chance, d’Harlan Coben, avec Alexandra Lamy et Pascal Elbé, que TF1 devrait diffuser en 2016.« Une culture universelle »« Les séries sont toujours plus étonnantes, inventives et intelligentes », souligne Jean-François Boyer, président du comité éditorial de Série Séries aux côtés du réalisateur Philippe Triboit et de la scénariste Nicole Jamet. « Leurs intrigues et leurs héros sont connus à travers le monde entier et, désormais, elles participent à la construction d’une culture universelle », poursuit-il.A l’occasion du festival, Eurodata TV a dévoilé une étude sur les séries européennes réalisées ces six derniers mois, montrant leur succès grandissant. En moyenne, elles représentent 24 % des programmes proposés à la télévision. C’est la Turquie qui en diffuse le plus, suivie par la Macédoine. « Tatort », série allemande créée en 1970, reste la plus (re)diffusée en Europe, avec plus de 13 millions de téléspectateurs en moyenne, suivies par des productions britanniques « Sherlock » (12,7 millions) et « Call the Midwife » (11,4 millions). L’étude souligne que, en 2014, le nombre de séries diffusées a augmenté de 6,8 %, dont plus d’un tiers sont des productions locales.Cette année, les séries consacrées à l’espionnage connaissent un vif succès, à l’instar du « Bureau des légendes », d’Eric Rochant, dont la première saison a été diffusée en avril sur Canal+, de « Raison d’Etat », en Italie, ou de « London Spy », en Grande-Bretagne. Celles qui mettent en scène les horreurs de la guerre sont aussi très prisées, telles les mini-séries « L’Angelo di Sarajevo », produite par la RAI, ou « Los Nuestros », diffusée en Espagne sur Telecinco.Problème de financementEn France, l’étude distingue « Virage Nord », de Virginie Sauveur, diffusée avec succès sur Arte en février. Enfin, la « catch up TV » (télévision de rattrapage) et le « preview » (notamment le visionnage de l’intégralité d’une saison en une seule fois) sont de plus en plus appréciés par les téléspectateurs. Ainsi, en Grande-Bretagne, « Sherlock » a battu un record, avec 4,2 millions de demandes en 2014.Au-delà de ces bons chiffres, où en est la création française ? L’Association pour la promotion de l’audiovisuel a publié une étude montrant que la fiction est le genre le plus consommé sur les chaînes nationales gratuites. Les séries représentent 85,4 % du volume de fiction produite, et leur part en volume horaire est importante : 48,8 % pour Arte, 72,8 % pour France 2, 79,8 % pour France 3, 91 % pour Canal+, 96,2 % pour TF1 et 100 % pour M6.Le service public : premier investisseurMais ces bons résultats cachent un problème de financement de la création française que les nombreuses chaînes de la TNT ne comblent pas en raison de leur faible capacité financière. Leurs investissements ne représentent en effet que 4 % de la création originale. C’est donc le service public qui reste le premier investisseur dans la production de fiction (53,2 %), suivi par TF1 (25,3 %), Canal+ (8,6 %), M6 (6,7 %) et Arte (5,1 %).Malgré une très nette amélioration du système de production, les méthodes d’écriture de séries françaises sont loin de celles des Américains, qui mobilisent sur plusieurs saisons scénaristes, réalisateurs et comédiens. Une industrialisation qui leur a permis de s’imposer un peu partout dans le monde.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Mustapha Kessous Comment élargir l’audience des films documentaires ? Les chaînes de télévision misent aujourd’hui sur la diffusion en ligne. Une nouvelle manière de les pérenniser.Des mois de négociations avec la chaîne. Des années de recherche et d’investigation pour les journalistes. Des dizaines d’heures de tournage et de montage. Un budget qui dépasse régulièrement les 150 000 euros. Puis, un soir, ce documentaire de 52 minutes qui a demandé tant de travail et d’argent connaît enfin la consécration : il est diffusé sur une chaîne de télévision. La vie normale d’un film, en somme. Mais après ? Il y a bien la « télévision de rattrapage » (le replay) proposée par les chaînes et les différentes box qui permettent aux téléspectateurs de voir – gratuitement – pendant sept jours un documentaire qu’ils ont manqué. « Quelquefois, selon les accords, certains films sont visibles 30 à 60 jours », explique Marie-Laure Lesage, directrice du développement à Arte.Mais, au-delà de cette période, que devient le documentaire ? Survit-il ? Très, très rarement… « A quoi sert un film s’il s’éteint après sa première diffusion ? A rien », lance Fabrice Puchault, le directeur de l’unité documentaire de France 2. Il exagère à peine : un film, si brillant soit-il, a une espérance de vie de quelques jours seulement, avant de finir au vaste cimetière des docus oubliés.Vers « une offre légale et structurée »Heureusement, des « anges » sur Internet – diaboliques pour les diffuseurs et les producteurs – permettent de ressusciter les documentaires les plus médiatiques ou les plus saisissants. On retrouve ainsi les documentaires piratés sur les sites d’hébergement, de partage et de visionnage de vidéos en ligne comme Dailymotion ou YouTube, ainsi que sur des sites de téléchargement illégaux. « Depuis le début de l’année, huit films diffusés sur “Infrarouge”[la case documentaire de France 2] ont dépassé 1,4 million de vues sur YouTube, s’étonne encore Fabrice Puchault. On s’est dit qu’il y avait là quelque chose à faire, en organisant une offre légale, souple, qui respecte le droit. » Il a profité du Sunny Side, le marché international du documentaire qui a eu lieu du 22 au 25 juin à La Rochelle (Charente-Maritime), pour (re)présenter devant les professionnels et les journalistes la chaîne YouTube Infrarouge, lancée le 19 juin.Près de 20 films, aux styles d’écriture très différents, sont disponibles gratuitement sur cette chaîne comme Immigration et délinquance : l’enquête qui dérange, de Gilles Cayatte et John Paul Lepers, ou A quoi rêvent les jeunes filles ?, d’Ovidie… « C’est un moyen de faire vivre et revivre les documentaires. Ils doivent être disponibles partout, tout le temps, et exister dans le champ social. La chaîne YouTube est une manière de rendre justice à ces films »,explique Fabrice Puchault.« Difficile de le trouver sur internet »Et le public du Web a, semble-t-il, compris ce message. Une semaine après son lancement, la chaîne a attiré plus de 750 abonnés et quelque 75 000 vidéos ont été vues. La semaine suivante, elle totalisait plus de 2 600 abonnés et déjà près de 350 000 vidéos vues (avec un record pour le film d’Ovidie, qui comptait plus de 304 000 visionnages !). « Cela montre l’intérêt d’un public complémentaire à celui de l’antenne. Surtout, nous pensons que cela valide l’idée selon laquelle la valeur patrimoniale du documentaire peut trouver à s’exprimer dans une offre légale et structurée », ajoute le directeur de l’unité documentaire de France 2.Toutes les semaines, des nouveautés viendront régénérer la playlist, en accord avec les producteurs et les auteurs, sans obligation. Et chacune des parties (YouTube, diffuseur et producteur) se partagera un tiers des recettes publicitaires. Soit peu de chose, pour le moment : la publicité diffusée juste avant le film rapporte, en moyenne, 1 euro toutes les 1 000 vues ! L’idée n’est pas de gagner de l’argent, mais bien d’offrir une visibilité plus importante aux films, leur donner une seconde vie, voire – pourquoi pas – l’éternité.La pérennité du documentaire est en train de devenir un enjeu pour les diffuseurs et les producteurs. Lors du Sunny Side de La Rochelle, la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) a présenté une étude sur les documentaires en ligne, et le constat est rude : « La filière documentaire n’est pas en phase avec l’évolution de son public. Les professionnels du secteur se focalisent encore trop sur la diffusion antenne et ont tendance à négliger la diffusion en ligne dont le public s’est déjà emparé et dont il est clair qu’elle va se développer », peut-on lire.Pour la création de plateformes plus identifiéesL’un des problèmes majeurs du documentaire en ligne est qu’« il est difficile de le trouver sur Internet », note Hervé Rony, directeur général de la SCAM. « On ne connaît pas le nom du réalisateur, on ne se souvient pas du titre du film, mais on se rappelle vaguement le sujet. C’est très compliqué, ce n’est pas comme au cinéma, souligneMarie-Laure Lesage, d’Arte. Est-ce que le public qui vient sur YouTube cherche des formats longs ? Est-il prêt à regarder un 90 minutes ? Ça me paraît difficile : la durée d’écoute sur Internet est de moins de 15 minutes (un peu moins du double en télévision sur un documentaire). »Comment lui donner tort ? M. Rony appelle à la « création de véritables plates-formes de vidéos à la demande [video on demand ou VoD] », plus identifiables et moins morcelées. « Il faudrait qu’elles soient mieux référencées sur les moteurs de recherche, et aussi mieux éditorialiser les sites », ajoute-t-il.France Télévisions ou Arte ont leurs propres plates-formes, qui proposent des documentaires en replay et en VoD, mais elles restent marginales, lorsque l’on sait que le volume de documentaires proposés sur les chaînes nationales gratuites totalise 23 101 heures en 2014, selon Médiamétrie. « Ces cinq dernières années, le nombre de titres documentaires disponibles de façon permanente sur des plates-formes de vidéo à la demande n’a augmenté que de 0,5 % », lit-on dans l’étude de la SCAM. Et ne parlons même pas des ventes DVD…Un marché d’à peine un million d’eurosEn mars, Alain Weill, président de NextRadioTV – qui détient BFM-TV et RMC Découverte –, a racheté Vodeo. tv, la plate-forme de vidéo à la demande consacrée aux documentaires (plus de 4 000 programmes dans son catalogue). Malgré son ambition de devenir leader de la VoD documentaire en France, ce marché-là ne pèse pas lourd : à peine 1 million d’euros, en 2014, selon le baromètre NPA-GfK, alors que les ventes de la VoD payante étaient estimées à près de… 249 millions d’euros.Diego Buñuel, le nouveau patron des documentaires de Canal+, voudrait également mettre en place une véritable plate-forme de la VoD et de la SVod (pour subscription video on demand). Il souhaite une « refonte » de Mycanal et de Canal+ à la demande afin d’« avoir une plus grande visibilité ». « Il n’y a pas d’onglet documentaire sur Canal play, regrette-t-il. Nous avons de grandes productions que l’on pourrait mettre plus en valeur. »Les Américains ont compris l’importance de l’enjeu de regrouper sur un site les documentaires, alors même que « les Etats-Unis avaient totalement délaissé ce secteur », se souvient Yves Jeanneau, commissaire général du Sunny Side. Ainsi, Netflix propose sur sa plate-forme des documentaires de grande qualité dont What Happened, Miss Simone ?, film qu’elle a produit, réalisé par Liz Garbus et consacré à la chanteuse Nina Simone.Contraintes importantesHBO n’est pas en reste. Le fondateur de la Discovery Channel, John Hendricks, a lancé, en mars, le site Curiositystream.com qui a pour ambition de « fournir la première et la meilleure vidéo à la demande en streaming qui agrège le meilleur contenu factuel du monde ». Rien que ça ! « Il nous faut en France un Netflix pour les documentaires haut de gamme », avance Yves Jeanneau. Et aussi « travailler sur une meilleure visibilité et une meilleure lisibilité des offres, reconnaît Caroline Behar, directrice de l’unité documentaires de France 5. La pérennité des documentaires est une priorité. Nous avons cette envie. Il faut également trouver un modèle économique. Il y a des expériences, mais, pour l’instant, nous sommes dans une problématique de droits. » Notamment avec les producteurs.Une manière de contrer le piratageLes contraintes sont importantes.Il faut trouver des accords avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA) pour que les documentaires qui contiennent des images d’archives puissent se retrouver sur le Web… « Les accords avec les producteurs se font au cas par cas pour le moment », explique Olivier Daube, chargé des nouveaux contenus à France Ô. Les différents syndicats de producteurs assurent ne pas être hostiles à voir leurs documentaires diffusés en ligne. « C’est une évidence », note Luc Hermann, cofondateur (avec Paul Moreira) de la société de production Premières Lignes (« Cash investigation »). D’autant qu’une offre légale permettrait de lutter et ralentir le piratage. Pour autant, pas question pour eux de rogner sur des droits et de perdre de l’argent. Le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) exige même que les plates-formes numériques « participent au préfinancement de la création qu’elles diffusent ».Autre inquiétude : certains producteurs craignent des tensions avec les sites de partage de vidéos. « Si un film, et notamment d’investigation, est accessible en permanence, il y aura de plus fortes possibilités d’attaques juridiques qui pourraient inciter les hébergeurs à le censurer, note Luc Hermann. Vont-ils résister auxtrop grandes pressions,comme le font les chaînes ? » Peut-être est-ce là le prix de la vie éternelle…Mustapha KessousReporterSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter